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I
TORONTO Public Library
Référence Department.
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MAY -i -l 1922
POLYBIBLION
REVUE
BIBLIOGRAPHIQUE UiNIVERSELLE
Janvier 1878. T. XXII, 1
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SAINT-QUENTIN
I M P H 1 M K H I K .It L E S M 0 T R E A l'
POLYBIBLION
REVUE
BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
PARTIE LITTÉRAIRE
DEUiiLiÈMii: se:rie:. — tome SKPra^MK
(vingt-deuxième de la collection)
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PARIS
AUX BUREAUX DU POLYBIBLION
35, RUE DE GRENELLE, 35
1878
9^73
-A^teA'=^4-
MAY "'^ W)
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
ROMANS, CONTES ET NOUVELLES
Œuvres de I'aui, Fkval, soigneusement revues et corrigées; Les Etapes cl une cotiversion.
Paris, Palmé, l8'/7. In-12 de 270p. Prix : 3 fr. Les Contes de B retagne .Puris.VAlmé, 1877.
In-12de 284 p. Prix : 3 fr. (édition illustrée, ia-8 de 300 p. Prix : 'J fr.) La Fée des grèves.
Paris, Palmé, 1877.1n-12 de 3G2p. Prix : 3fr. L'Homme de fer. Paris, Palmé, tS77. In-12
de 353 p.Pri.K : 3 fr, Chdteaupuuvre. Paris. Palmé, 1877. In-12 de 314 p. Prix : 3 IV.
Frère TrarKiuille. Paris, Palmé, 1877. In- 12 de 412 p. Prix: 3 fr. Le dernier cheva-
lier. Pana, Palmé, 1877. In-12 de 33G ç. Prix : 3 fr. La Belle-Étoile. Paris, Lecoffre.
1877. In-t8 j. de 325 p. Prix : 2 tr. La Reine des épées. Paris, Dentu, 1877.
In-18 j. de 305 p. Prix : 3 fr. — La première tache de sang, par A. Labutte.
Paris, Dillet, 1877. In-18 de 280 p. Prix : 2 fr. — Les Causes sacrées, le Roi. par
Raocl de Nwery. Paris, Téqui, 1877. 2 vol. in-18 de 300-310 p. Prix : 4 fr. —
L'Affiquet de la marr/uise. par .\. de Barthélémy. Paris, J. Féchoz, 1877. In-12 de
230 p. Prix : 2 Ir. i>0. — Marcie, par Charles du Boisha.mON. Paris, Téqui, 1877.
In-12 de 274 p. Prix : 2 fr. — Le Secret du château de Rocnoir, par J. Gondry do Jar-
dinet. Paris, aux bureaux de VEcoriomiste. 1877. In-12 de 28i p. Prix : 2 fr. —
Pour la p(t/ri>,par Etienne MarceiT. Taris, LetlneHéux, I877.1n-12 de 286 p, Prix :
2 fr. — La Foi jurve. par Raoul de Nave^y. Paris, C\\. Blériot. 1877. In-12 de 295 p.
Prix : 2 fr. — Lei Héritiers de Judas, par Raoul Dr NaVERY. Paris, Gb. Blériot^ 1877.
In-12 de 430 p. Prix : 3 fr. 50. — L'Honneur du nom, par Gharles Buet. Paris.
Th. Olmer, 1877. In-12 de 390 p. Prix ; 3 fr. — Corbin et d'Aubecourt. par Louis
Veuillot. Paris, Palmé, 1877. In-12 de 230 p. Prix : 3 fr. — Les Ronces du chemin
par Claire or Chandeneix. Paris, Cb. Blériot, 1877. In-18j. de 233 p. Prix : 2 fr.
— Sabine de Rivas, par M"* Maiue Maréchal. Paris, Ch. Blériot, 1877. In-i8 j.,
de 27G p. Prix : 2 fr. — Jacques Bernard, par M"' Guerrier de Haupt. Poitiers,
Oudin, 1877. In-12 de 325 p. Prix : 2 fr. — Première et dernière dette, par M™" Ga-
rrielle d'Arvor. Paris, Tolra, 1877. In-12 de 250 p. Prix : 1 fr. 50. — Le Supplice
d'une mère, par J. Gondry du Jardinet. Paris, Palmé, 1877. In-12de270p. Prix :
2 fr. — Nouvelles et récils villar/eois, par Jean Lander, avec une préface de M. Ernest
Hello. Paris, Palmé, 1877. In-12 de 300 p. Prix : 2 fr. —Marguerites en fleur, avec
une préface de M. Krnest Hello. Paris, Palmé, 1877. In- 12 de 280 p. Pri^. : 2 fr. —
Les Soirées du rhdteau de Kerilis. par J. DE Launav-Overney. Paris, Bray et Iletaux,
1877. In-12 de 400 p. Prix : 3 fr. 50. — Les Neiges d'antnn ; Légendes et Cbroniques,
par M" Julie Lavergne. Paris, Palmé, 1877. In-12 de 398 p. Prix : 3 fr. — Les
Amours de l'hilippe, par Octave Feuillet, de l'Académie française. Paris, Calmaun
Lévy, 1877. In-18 j. de 340 p. Prix : 3 fr. 50. — Samuel Brohl et C», par Victor
Cherruliez. Paris, Ilacbette, 1877. In-18 j. de 330 p. Prix : 3 fr. 50. — Z)ameZ
de Kerfoni, par Ernest Daudet. Paris, E. Pion, 1877. 2 vol. in-12 de 308 et 379 p.
Prix : 6 fr. — Le.\abab, par Alphonse" Da-ddet. Paris, Cbarpentier, 1877. 13* édition.
In-12 de 508 p. Prix : 3 fr. 50. — Oblomoff, par Ivan Gontcharoff; Scènes de la
vie russe, traduction de Piotre Artamoff, édition revue, corrigée et .augmentée d'une
notice sur l'auteur, par Charles Deulin. Paris, Didier, 1877. In-12 de 298 p. Prix :
3 fr. — Œuvres de M- Henri Gréville : Dosia. Paris, E. Pion, 1876. In- 12 de
320 p. Prix : 3 fr. L'Expiation de Savoli. Paris. E. Pion, 1870. în-18 de 273 p.
Prix : 3 fr. La Princesse Ogheroff. Paris. E. Pion, 1876. In-12 de 372 p. Prix : 3 fr. 50.
A travers champs. Paris, E. Pion, 1870. In-12 de 300 p. Prix : 3 fr. Les Kou-
miassine. Paris, E. Pion, 1877. 2 vol. in-r2 de 318 et 340 p. Prix : 7 fr. Sonia.
Paris, E. Pion, 1877. In-12 de 310 p. Pris : 3 fr. La Maison deMaurèze. Paris, E. Pion,
1877. In-12 de 306 p. Prix : 3 fr. 50. Suzanne Normis {le Roman d'un père). Pans,
E. Plun, 1877. In-12 de 320 p. Prix : 3 fr. 50. — Flora Bellus>js, parG.-A. Laurence;
traduit de l'anglais par Ch. Bernard-Derosne. Paris, Hachette, 1877. 2 vol. iu-18j.
de 275 et 259 p. Prix : 2 fr. 50. — Sans issue, par Elisabeth Stuart Phelps.
Paris, Grassart, 1877. ln-12 de 290 p. Prix : 3 fr. (roman traduit de l'anglais).— -
Le Baiser de la comtesse Savina. par A. CacciaNIGa ; traduit de l'italien par Léon
Dieu. Paris, Hachette, 1877. In-18 j. de 252p. Prix : 1 fr. 25. — Sous le grand
hélre, iisir A. Snieders. Paris, Palmé, 1877. In-18 j. de 210 p. Prix : 2 fr. —
Jean Dagounj. par Gii. Canivet. Paris, E. Pion, 1877. In-12 de 279 p. Prix : 3 fr. —
La Veuve, par Louis Enault. Paris, IlachettP. 1877.1n-18 j, de 340 p. Prix ; 3 fr. jO.
— 6 —
— Un Amour de grande dame, par Alfred de Besanceniît. Paris, Librairie générale.
1877. Ia-12 de 238 p. Prix : 1 fr. — Le Mari de la vieille, par Gaiiriel PeévOT. Paris,
Librairie générale, 1877. In-12 de 250 p. Prix : 1 fr. — Une femme à bord, par
René de Maricourt. Paris, Librairie générale, 1877. In-12 de 202 p. Prix : 1 fr. —
La grande falaise, nouvelle édition, par Albert Sorel. Paris, même librairie, 1877.
In-12 de 320 p. Prix : 1 fr. — Près du gouffre, par Saint-Patrice, Paris, Dentu,
1877. In-18 j. de 206 p. Prix : 3 fr. — La Bâtarde, par Xavier de Montépin.
Paris, Dentn, 1877. 2 vol in-18 j. de 314 et 320 p. Prix : fi fr. — Le Numéro 11 de
la rue Mariât, par René de Pont-JeST. Paris, Dentu, 1877. In-12 de 360 p. Prix : 3 fr.
— Kousouma, roman javanais, par Marie Bogor. Paris, Sandoz, 1877. In-12 de 266 p.
— Dona Maria; Chronique du temps de Philippe II, par L. Cambier. Paris, Dentu,
1877. In-18 j. de 306 p. Prix : 3 fr. — Les Diables de Loudun, par Jean de Poi-
tiers. Paris, A. Ghio, 1877. In-18 de 271 p. Prix : 2 fr. — Elisée ; Voyage d'un homme
à la recherche de lui-même, par Eugène Pelletan. Paris, Germer Baillière, 1877.
In-12 de 345 p. Prix : 3 fr. .50. — Le Dégrossi, roinan rural, par Victor Le Febvre,
laboureur. Paris, Sandoz, 1877. In-12 de 350 p. Prix : 3 fr. 50. — Maître Guillaume,
par Charles Desl^s. Paris, Ch. Blériot, 1877. In-12 de 280 p. Prix : 2 fr. — Potière*
et mendiants, roman de questions sociales, par G. de la Landelle. Paris, Didier,
1877. In-12 de 452 p. Prix : 3 fr. 50. — Deux croisières, histoire d'une légende
navale, par le même. Paris, E. Dentu, 1877. In-18 j. de 332 p. Prix : 3 fr. —
Hector Servadac, par Jules Verne. Paris. Hetzel, 1877. 2 vol. in-18 j. de 314 et
320 p. Prix : 7 fr. — L'Ame de Beethoven, par Pierre Coeur. Paris, E. Pion, 1876.
In-12de222p. Prix : 3 fr. — Une rirale de Marguerite, -par le baron de FaucONNET.
Pau, Léon Ribaut, 1877. In-12 de 292 p. Prix : 3 fr. — Un mélange diabolique,
par le même. Paris, Schulz, 1877. In- 12 de 257 p. Prix : 3 fr. — Contes tristes, par
Louis Haumont. Paris, Dentu, 1877. In-18 j. de 273 p. Prix : 3 fr. — Trois contes,
par Gustave Flaubert. Paris, Charpentier, 1877. 1 vol. in-12 de 300 p. Prix : 3 fr. 50.
(( M. Paul Féval s'est converti, avons-nous lu dans quelques jour-
naux parisiens, adieu son esprit, sa bonne humeur, sa verve et sa
gaieté! Il va devenir ennuyeux comme la pluie. » Eh bien, les Cas-
sandres de mauvais augure en seront pour leurs pronostics malveil-
lants et ridicules, lesquels, soit dit en passant, contiennent une injure
toute gratuite à l'adresse de la littérature catholique. M. Paul Féval
s'est converti, mais, pour nous servir d'un mot très-pittoresque attri-
bué à une femme du monde, il s'est converti de tout, excepté de son
talent. Il avait l'invention, la vigueur, le mouvement, le feu sacré ou
le feu profane, le diable au corps, l'originalité, la passion, la science
dramatique et un excellent style. Tout cela lui est resté avec cette
heureuse modification que ses qualités exubérantes dégénéraient faci-
lement en défauts, tandis qu'aujourd'hui sa bonne humeur s'est nuan-
cée d'émotion, sa verve s'est augmentée d'un sincère sentiment d'in-
dignation contre les hypocrisies et les turpitudes sociales, son
imagination a gagné en profondeur et en élévation, sa forme, sans
cesser d'être pittoresque et primesautière, s'est débarrassée des sco-
ries de mauvais goût et des broussailles encombrantes. Bref, c'est
toujours Paul Féval, mais un Paul Féval retrempé, renouvelé. Il fai-
sait rire ou pleurer, il fait encore pleurer ou rire, mais il fait penser
aussi. La sève en lui coule plus riche, plus féconde, plus généreuse.
On l'attendait à son premier roman, — seconde manière. Ce roman a
paru, et c'est un chef-d'œuvre. Les Étapes d'une conversion, tel est le
titre, un titre franc qui n'y va pas par quatre chemins. On devine que
cette « conversion » est celle de l'auteur. Ce mot pourtant me semble
un peu fort. Même au temps de ses plus bruyantes incartades^ Paul
Féval n'a jamais cessé d'être chrétien; il est vrai qu'il l'était plato-
niquement. A l'heure actuelle, il est non moins fervent et non moins
pratiquant que son saint patron après la vision de Damas. Paul Féval,
qui écrit un peu son autobiographie, nous introduit, sans crier gare,
dans la maison paternelle. Ils sont là huit : le père, la mère, la domes-
tique et les cinq enfants. C'est lourd pour un seul, car le chef, un
magistrat de province, n'a que de faibles émoluments. La considéra-
tion dont il jouit ne donne pas de pain à la famille. Et ce père fait des
prodiges de fatigue, des débauches de travail pour procurer ce pain à
ses enfants. Un jour vient cependant où le cerveau surmené refuse
d'obéir à la volonté. Le dévoué sublime tombe comme foudroyé ; il se
couche pour ne plus se relever, lui qui ne se couchait jamais. Le
médecin et le prêtre accourent : ils viennent aider un juste à mourir.
Ce chapitre : la Mort du. père, est saisissant. Paul Féval n'a rien écrit
de plus beau, et cela sans phrases, sans eifets cherchés, tout simple-
ment, tout véridiquement, avec l'esprit de son cœur. Tout y est : la
prière qui est un espoir, le viatique qui est une fin, l'épouse dont le
cœur se déchire, les petits enfants qui ne comprennent pas et qui sen-
tent passer dans leurs fibres l'effroi de l'inconnu, du mystérieux et du
terrible. Les personnages secondaires sont admirablement esquissés :
la vieille bonne est vraiment touchante dans ses bougonnements où
perce raffection la plus intense ; la pauvre femme du mourant nous
apparaît comme une Niobé chrétienne ; le docteur Ollivier n'a de
matérialiste quel'écorce ; il n'est pas jusqu'à ce « jésuite » de Charles,
le fils aîné, devant lequel il ne faille s'incliner comme devant un
modèle d'abnégation et de dévouement. Mais la figure principale des
Étapes d'une conversion, celle qui domine tout le volume, c'est la
figure de Jean. Qui ça, Jean ? Jean est celui dont Dieu s'est servi pour
« convertir » Paul Féval. Dans les épisodes de la mort du père, Jean
n'est autre chose que Paul Féval lui-même ; mais, dans l'ensemble de
l'œuvre, Jean est un homme dont le monde catholique n'a pas oublié
et n'oubliera pas de longtemps le souvenir. « Il y avait dans cet
homme, a dit M. Barbey d'Aurevilly, du Thomas d'Aquin et du Sha-
kespeare, du Diderot et de l'O'Connel.» C'était un semeur d'idées, un
accoucheur d'âmes, quelque chose comme un Diogène catholique et
romantique. 11 avait passé par tous les systèmes ; il avait scalpé Saint-
Simon^ Fourier, Cabet, Proudhon, et, voyant, qu'ils n'étaient que
sépulcres blanchis, il les avait « plantés là, » épouvanté, et en était
revenu tout d'une traite à la foi de son enfance, gai'dant de ses
pérégrinations libre-penseuses un certain amour du paradoxe qu il se
faisait un devoir do mettre quotidiennement au service de la vérité. A
ces indices, qui n'a reconnu Raymond Brucker? Paul Féval, dans ses
— 8 —
Étapes, nous le montre avec ses impétuosités d'homme de génie
mâtiné d'un brin de folie, avec ses mépris du qu^en dira-t-on, avec ses
brusqueries tendres d'ancien gamin de Paris, avec ses trivialités ado-
rables, avec sa bonhomie malicieuse, son ironie mordante, son élo-
quence indéfinissable, — dans sa vie privée enfin, mélange d'austé-
rité, de sauvagerie et de mysticisme. C'est peint sur le vif. Et, comme
cadre au portrait, s'accumulent tout autour des esquisses ravissantes
sur la littérature contemporaine.
— Les Étapes sont le premier ouvrage publié par Paul Féval depuis
sa conversion. Cet ouvrage n'est pas termimé : ce n'est qu'un épi-
sode. M. de Pontmartin a reproché à l'auteur d'avoir, dans les der-
nières pages du livre, un peu trop prodigué les élans mystiques, les
aspirations religieuses : « Est-ce bien, dit-il, servir l'idée qu'on aime
de lui donner une place telle qu'elle absorbe tout ? » Cette critique
nous paraît exagérée. Nous venons de lire les Etapes d'un bout à
l'autre, et l'idée chrétienne est loin d'y « tout absorber. » Elle ne
devient réellement « absorbante » que dans la scène de la mort du
père, et c'est de circonstance. Néanmoins, il y a ici un écueilà éviter.
Un roman n'est pas un livre do messe, et, en cherchant le mieux, on
pourrait risquer de gâter le bien, En outre, dans une œuvre d'imagi-
nation, parler comme sainte Thérèse ou saint Bonaventnre, ce serait
s'exposer à rebuter certains lecteurs. Nous faisons ces réflexions,
afin que les œuvres nouvelles de Paul Féval se popularisent le plus
possible et balancent ainsi, dans l'esprit des masses, l'influence des
romans ignobles et délétères. M. Paul Féval Ta, du reste, si bien
compris que, dans l'édition expurgée de ses publications, il n'a
éloigné que des détail? répréhensibles, sans les surcharger de pé-
riodes sermonneuses. Il a voulu que, désormais, ses romans, tout en
ofî'rant le même intérêt, pussent devenir lectures de famille. Et il a
réussi. Ont paru déjà, dans la nouvelle édition, 1rs Contes de Bretagne,
la Belle-Étoile^ la Fée des grèves, l'Homme de fer, Frère Tranquille, le
Dernier ehevalieret Chdleaupauv)r, — sept volumes que tout le monde
peut lire sans remords.
— Breton bretonnant, Paul Féval aime le pays des dolmens et des
chênes tordus, et se plaît à y placer l'action de ses drames. Dans les
Contes de Bretagne, il nous raconte les légendes de la vieille Armorique;
il évoque le prêtre des îles, Joël Bras, qui conjurait la tempête à
l'aide de la neuvième corde de sa harpe, et chevauchait sur un bois de
lance pour aller rendre visite aux esprits de l'air; il nous dit comment
la fille du druide d'Ouessant se convertit au christianisme et civilisa
le Finistère; il reconstruit, détail par détail, la sanglante histoire
d'Ermengarde de Malestroit, la Femme blanche des lacs armoricains;
il énumère les malices des laveuses de nuit, démons-femelles qui
blanchissent au clair de lune le suaire des morts ; il réédite les chan-
sons du peuple, tout en ridiculisant ses travers, stigmatisant ses vices
et rendant hommage à ses vertus. — Dans la Belle-Étoile, c'est la
Bretagne du moyen âge que ressuscite M. Paul Féval. Il paraît, à
ce propos, que notre siècle n'a inventé personne, pas plus les coquins
que les jocrisses. Le jocrisse breton du temps de saint Louis avait nom
Goïon de Ploéméné, écujer de noblesse, jureur, vantard, gourmand,
peureux, et... d'une bêtise incomparable. Les coquins, c'étaient les
frères Mahaut, qui assassinaient les voyageurs dans leur auberge ; c'é-
tait leur mère, la vieille Gote, qui s'adonnait à la magie noire et avait
à son service le diable Yoramus ; c'étaient encore les faux ermites, les
pastoureaux, les malandrins et les truands de toute catégorie. Mais il
y avait aussi de bien braves gens, témoin le jeune étudiant en droit
Yvon Hélory, qui sera un jour le grand saint Yves :
Sanctus Yviis erat Brito,
Advocatus et non latro,
Res miranda populo,
— Le surnaturel domine dans la Belle-Étoile. Cela se conçoit : nous
sommes au beau milieu de la forêt de Brocéliande, la grande, la noble
Brocéliande, sous les futaies de laquelle les légendes courent en foule,
drapées comme de blancs fantômes et abritant sous leurs voiles en-
chantésle roi Arthur et Angélique, Médor et Fleur d'Epine, les Douze
Pairs, le traître Ganelon, les Sept-Géants, la fée Viviane préposée à
cette fontaine de Barenton dont la margelle devient, la veille de Noël,
une émeraude énorme, le Grand-Huant, le Grand-Yeneur. condamné à
toujours courir, sans jamais le forcer, un cerf diabolique, enfin le pro-
phète séculaire Merlin, lequel dort sous l'herbe jusqu'à ce qu'il soit
réveillé par la parole divine de l'Enfant vêtu de blanc et couronné
d'aubépine. C'est merveilleux : on croirait lire les Mille et une Nuits
du moyen âge féodal et catholique. Est-ce tout? Non. Yoici la fée des
grèves, l'être bizarre dont le nom revient sans cesse dans les épopées
bretonnes, le lutin caché dans les grands brouillards, le feu follet
des nuits d'automne, l'esprit qui danse dans la poudre éblouis-
sante des rayons du soleil, la Mélusine, qui glisse sur les sables
de la mer aux heures nocturnes, la fée des grèves enfin avec
son manteau d'azur et sa couronne d'étoiles ! Cette fois, nous sommes
dans la Bretagne du quinzième siècle_, et la fée des grèves n'est
autre que la belle Renée. Elle profite, la noble demoiselle, d'une su-
perstition populaire, pour sauver son fiancé Aubry de Kergariouetson
vieux père Hue de Maurever, lesquels ont tous les deux encouru la
colère du duc de Bretagne. Il est vrai qu'elle est vigoureusement se-
condée dans sa tâche par une foule de braves gens, les Lepriol, les
Mathurin, les Joson, les Gothon, les Catiche^ les Scholastique et
— 10 —
Jeannin le pasteur, et frère Bruno, religieux converti de l'abbaje du
Mont-Saint-Michel. Intarissable conteur d'histoires qu'il recommence
toujours et ne finit jamais, bon vivant, bon enfant, fort comme Hercule,
frère Bruno soutient, sur le mont Tombelaine, un siège en règle contre
les bandes du chevalier Meloir, le traître du drame. Les quartiers de
roche sont lancés sur les assaillants avec une vigueur homérique ;
l'assiégé se multiplie, se dédouble, réconforte les amis dont il a pris
la défense, rit aux éclats, chante un refrainj^riposte au reîtres qui ont
fait de sa cagoule une cible, et trouve encore le temps de sortir une
anecdote du grenier d'abondance de sa mémoire. Ce frère Bruno est
une création des plus originales et des plus réjouissantes.
— Nousle retrouvons dans rZ/owwerfe/'é';', qui forme le complément de
\Si Fée des grèves ;mais, si frère Bruno esttoujours Bruno-la-Bavette.iln'a
plus son esprit d'autrefois et se laisse bel et bien berner dans sa cellule
par un visiteur supérieurement intéressé à faire parler à tort à travers le
pauvre moine. La scène est d'un comique achevé et elle a ceci de piquant
que l'interlocuteur de frère Bruno, maître Gillot de Tours, est tout
uniment le roi Louis XI en personne. Nous retrouvons aussi la fée des
grèves, mais cette fée a pris de l'âge, a perdu un peu de sa poésie et
est devenue une veuve excessivement raisonnable. La vraie fée des
grèves maintenant, c'est Jeannine, la fille du pâtre Jeannin, éprise du
fils de Reine do Maure vert et d'Aubrj de Kergariou. A coté de l'idjlle,
l'historique et le fantastique : l'historique, c'est Louis XI cherchant à
s'emparer du duché de Bretagne ; le fantastique, c'est Otto de Berin-
ghem, un autre Barbe-Bleue, un second Gilles de Retz, terreur de la
contrée, habitant la nuit la ville mystérieuse d'Hélion, bâtie en plein
Océan, et venant le jour éblouir ou terrifier les Bretons par son faste,
sa prodigalité, sa beauté satanique, ce qui, à une heure donnée, ne
l'empêche pas de subir le sort de son modèle Gilles de Retz. Dans la
Fée des grèves et l'Homme de fer, Paul Féval est monté sur l'hippogriffe
de l'imagination et s'est donné libre carrière. Mais tout est si bien
amené, si bien agencé, qu'on arrive à la fin des deux volumes sans
fatigue aucune, intéressé, saisi, totalement sous le charme.
— Chdteaupauvre est encore une histoire bretonne, de la Bretagne
contemporaine. Cela commence par un éclat de rire et cela se termine
par des larmes. Un Parisien, Edmond Durand, achète à maître Le Her-
vageur, notaire royal, une gentilhommière rurale, dernier débris de
l'immense fortune des Bryan et desCoatmeur. Le Parisien va prendre
possession de son domaine et se met en relations avec ses tenanciers.
Quel n'est pas son étonnement de voir que la race des Bryan et des
Coatmeur n'est pas éteinte ! Il reste de ces deux antiques et puissantes
familles le jeune Guy et la petite Rosane, sans parler du fermier per-
pétuel Yaume Bodin et de la vieille Metô, autrefois dame de compagnie
de la marquise douairière de Coatmeur, maintenant vieux meuble de
Châteaupauvre. Au fond,Metô est la vraie maîtresse de la gentilhom-
mière et Monsieur le Parisien ne peut s'y installer qu'avec sa permis-
sion. Type étrange que cette Metô, visionnaire, fière comme une reine,
ratatinée comme un palimpseste, un peu sorcière, bonne chrétienne,
plus que centenaire^ bref une apparition de l'autre monde, Rosane se
fait sœur de charité, Guy passe en Angleterre appelé par un de ses
oncles et se fait protestant. Deux destinées aux antipodes Tune de
l'autre ! Pourtant, cette fois, les extrêmes se rencontrent : la guerre de
Crimée éclate. Guy et Rosane se retrouvent dans une ambulance ; ils
sont victimes de la guerre, mais Gujde Brjan meurt catholique. L'ac-
tion est intéressante sans doute : néanmoins l'intérêt du roman n'est
pas là ; il est dans la peinture des mœurs bretonnes au dix-neuvième
siècle, peinture vraie comme une photographie et attrayante comme une
fiction. Les paysans mis en scène par Paul Féval ne sont point inven-
tés : rien qu'à la façon dont ils disent: Va7'gien {Vavgeni), on voit qu'ils
ont posé devant le peintre. Ge ne sont pas des gredins comme les
paysans de Balzac ; ce ne sont pas non plus des héros et des saints.
Rien de plus curieux que le mauvais accueil fait à « Monsieur l'ache-
toux » de Châteaupauvre par les gars et les donzelles de Saint-Juhel !
Mais quand on apprend que « Monsieur l'achetoux » possède une malle
pleine d'écus, la froideur se change en enthousiasme et les rebuffades
en triomphes. Tout le monde veut voir la fameuse malle, on la con-
temple, on la soupèse, on la porte comme un cercueil. Et les à-parté
et les réflexions et les exclamations que l'événement provoque ! Il faut
entendre ! Jamais on n'avait tiré meilleur parti de la note comique.
Ce n'est pas tout: Paul Féval, da,ns C Imteaupauvrc , a ressuscitéle vieux
parler gallo, qui n'est pas le breton (le Vrezo)i>icc), mais une sorte de
patois très-pittoresque composé de français, d'anglais, de latin et d'une
foule d'expressions venues l'on ne sait d'où. Sous ce rapport, C/ia^mu-
pauvre est une curiosité philologique.
— Nous aimons beaucoup moins Frère Tranquille et le Dernier che"
valier. Le premier de ces romans est un roman de cape et d'épée
dont l'action se pusse sous la régence d'Anne de Beaujeu et le règne
de Charles VIIL II y a trop de duels, de guet-apens, de substitutions
d'enfant, de complots, de péripéties et de combinaisons. On s'em-
brouille à lire les aventures mirifiques de Jean le Blond et de Jean le
Brun ; on se perd dans le chassé-croisé de leurs bonnes actions et de
leurs fredaines. Çà et là, cependant, des tableaux ravissants, des éclair-
cies lumineuses qui nous font comprendre que Jean le Blond n'est autre
que le fils d'Isabelle de Nemours et de Jacques d'Armagnac, dépossédé
de ses titres et de sa fortune par le sire de Graville. Du milieu de ces
batailleurs et de ces ferrailleurs, émerge la figure indéfinissable de
— a -
Frère Tranquille qu'on croit l'ennemi des d'Armagnac et qui leur est
dévoué jusqu'à la mort: vieille carcasse de savant qui, plus profondé-
ment que Nicolas Flamel, Raymond Lulle et Albert le Grand, a pé-
nétré dans les secrets de l'œuvre hermétique ! On dirait que la re-
cherclie de la pierre pbilosophale a desséché le cœur du bonhomme.
Détrompez-vous! Frère Tranquille, malgré salaideur et ses allures gro-
tesques, a un cœur des plus aimants. Sur son front pâli par les veilles
et par la souffrance, rayonne l'auréole des sublimités chrétiennes.
Mais, sans diminuer en rien cette originale physionomie, le roman
gagnerait encore à être émondé. Frère Tranquille est trop touffu, et
le dernier Chevalier ne l'est peut-être pas assez. Ce livre-ci est moins
un roman qu'un panorama historique. Paul Féval nous montre suc-
cessivement lespetites intrigues deM. de Choiseul, leseiforts héroïques
du Dauphin pour conserver la conquête des Indes, l'indomptable per-
sévérance de Dupleix, l'embuscade allemande de Klostercamp et la
mort glorieuse du « dernier chevalier», le chevalier d'Assas. C'est
intéressant et instructif ; mais il n'y a pas d'action romanesque, à
moins qu'on ne la place dans les chastes amours (indiqués à peine) du
(( dernier chevalier » et de Jeanneton de Vandes, la nièce de Dupleix,
la belle des belles. Il faut se résigner, d'autant que Paul Féval nous
promène très-pittoresquement dans les coins et recoins du dix-huitième
siècle ! Voici le maréchal de Richelieu dont M. de Voltaire disait :
« C'est de la quintessence de Français, » et que Beaumarchais appe-
lait : «une fleur de décrépitude. » Le vieux galantin mourut la veille
de laRévolution qui l'aurait gêné dans ses habitudes. Voilà M. de
Choiseul, déjà nommé, insatiable vampire, suçant le meilleur sang de
la France, se servant de nos écus pour solder les appointements de sa
famille, faire de petits cadeaux aux philosophes, payer les frais de
la guerre contre les jésuites et entretenir le bain d'or où pataugeait
la Pompadour. Ici, des savants de ruelles donnant à Dieu de méchants
coups d'épingle; là des rimeurs de boudoir faisant des vers honteux
ou de lamentables tragédies; plus loin, Paris s'amusant de la désas-
treuse défaite de Rosbach; ailleurs, Dupleix, Labourdonnaye, Mont-
calm, ces « anachronismes, » gênant tout le monde ou mourant de
misère. Sur les trônes, pas un homme ; Louis XV n'était plus qu'un
roi de cire, les rois d'Angleterre équivalaient à des employés bien
rétribués, les rois d'Espagne ressemblaient à d'ambulantes momies.
Marie-Thérèse était le seul, le vrai roi de l'époque, et ce roi portait
des jupes. Quel siècle ! il fut si sensuel, si voluptueux, que l'héroïsme
et la vertu y faisait tache. Remercions M. Paul Féval d'avoir
énergiquement flétri certains parasites qui, dans ces derniers temps,
n'ont eu que trop de panégyristes.
— Avant de quitter, pour cette fois, l'auteur des Etapes d'une con-
version, il nous reste à saluer, en passant, la Reine des rpces. Ce roman
(propriété de l'éditeur) ne fait point partie de l'édition expurgée. Mais,
quand viendra le jour du conseil de révision, Paul Féval n'aura qu'à
remédier à quelques légères difformités et à estomper quelques touches
trop criardes pour rendre la Reine des èpêes digne de la Fçe des
grèves. L'histoire de la Reine des épécs ressemble un peu à celle de la
« Fille du Régiment. » Chérie Steibel, unique enfant d'un étudiant de
la noble Université de Tubingue tué en duel par le major Hausen, a
été adoptée par les camarades de son père. On la dorlotte, on la sur-
veille, on la nourrit, on la fait élever. Les étudiants qui s'en vont trans-
mettent à ceux qui arrivent le gracieux héritage, si bien que Chérie
Steibel, d'abord fille de l'Université, en devient ensuite la reine. Ce
roman oflre un tableau coloré, animé, quoique fort idéalisé, des mœurs
allemandes et des universités d'outre-Rhin à l'époque de la Restau-
ration. Il contient de curieux détails sur la vie des étudiants, sur leurs
associations, leurs statuts, leurs privilèges qui datent du moyen âge,
leurs jeux, leurs fêtes particulières, leurs chants variés depuis le lieb
du Papillon, de Lapsand, jusqu'au classique Gaudeamus juvenes dum
siimus. Mais nous devons à la vérité de déclarer que le type de la
vierge-étudiante, si original soit-il, est passablement invraisemblable.
— Le roman historique est un genre très-délicat. Il s'agit de résoudre
ce double problème : intéresser vivement sans mentir à l'histoire. Bien
des romanciers se brisent contre l'écueil. principalement des roman-
ciers catholiques. L'histoire, certes, est par eux scrupuleusement res-
pectée, mais l'intérêt languit alors dans leurs oeuvres. Nous avons là
sous les yeux les Causes sacrées de M'"^ Raoul de Navery ; la Première
tache de sang, de M. Labutte ; VA/fiquet de la marquise, de M. A, de
Barthélémy; .l/a/r«>, de M. du Boishamon ; le Secret, du château de
Rocnoir. de M. Gondry du Jardinet; Pour la patrie, de M""^ Etienne
Marcel : tous romans historiques, excellents comme enseignement,
pleins de bonnes intentions, mais qui laissent un peu à désirer comme
œuvres d'art et de littérature. Un mot toutefois sur chacun d'eux par
acquit de conscience. Procédons chronologiquement. — Le sujet de la
Première tache de sang est tiré des annales du Portugal. Il s'agit de la
condamnation à mort et de l'exécution de l'infant don Fernand, accusé
d'avoir voulu assassiner son frère le roi Jean, fils et successeur du
vieux don Pedro IL Ce Fernand ne vaut pas cher et il a pour compa-
gnons des bandits et des coupe-jarrets de la pire espèce ; mais ce n'en
est pas moins une tête royale qui tombe, et cette exécution épouvante
Jean de Bragance. A côté du drame une idylle chaste dont la vertueuse
Maria Stella de Mendoça est l'héroïne. Voilà le livre. —Du Portugal
transportons-nous en Angleterre avec M""= Raoul de Navery pour cice-
— li —
rone. La « cause sacrée » qu'elle met en scène est la cause même de
Charles I", abandonné par le Parlement, trahi par ses soldats et exé-
cuté par Cromwel. Près du Roi, les sympathiques épées de douze
Irlandais fidèles, fils du vieux chef de tribu Fin-Barr, vaillants comme
les douze pairs de Charlemagne et poétiques comme les héros d'Ossian.
Il y a aussi Jennj O'Connor, la fille des grandes races, la dernière
descendante des rois de la verte Erjn, qui fait dans le roman bonne
figure. N'importe! l'action est trop décousue, trop éparpillée. Nous
ne pouvons louer que les caractères : ils se soutiennent parfaitement.
La mort du vaincu de Nottingham est bien présentée, grâce, il faut
l'avouer, à VHisloirc d'Angleterre racontée à mes petits-enfants, par
M. Guizot. Le portrait de Cromvv^el mérite aussi nos éloges : c'est bien
lace presbytérien fataliste et sanguinaire qui écrivait un jour à sa
femme : « Il fait sombre dans mon âme et je sens que je suis damné. »
Mais la figure la mieux réussie du roman est celle de cette sympathique
Henriette-Marie de France, énergique, passionnée, persévérante, dé-
vouée, qui fut si grande dans le malheur et qui mérita d'avoir Bossuet
pour panégyriste. — C'est le propre des révolutions d'enfanter les
crimes inexpiables et de susciter les vertus surhumaines. Toyez la
Révolution française : quel inépuisable sujet de contrastes ! Ici, dans
VAffiquet de la marquise, Henri de Vareilhes, Madame de Kergoson et"
sa fille, le fermier Nicolas, le droguiste Tourneux et l'excellent Sau-
bert, ancien agent de police de M. Lenoir, la crème des honnêtes
gens, sont constamment aux prises avec tout ce qu'il y a de plus crapu-
leux dans la capitale, notamment avec un faux monnayeur, terroriste
et ami de Fouquier-Tinville, qui a jeté son dévolu sur Jeanne de Ker-
goson. — Là, dans Mariée, deux femmes vertueuses sont vilipendées,
calomniées, persécutées par un tartufe du nom de Léonnais qui, sous
ses dehors hypocrites, cache l'âme d'un Robespierre «t ne vise à rien
moins qu'à épouser M"" de Bini et à s'emparer du château de la
Bouyère. Ailleurs, dans Je Secret du château de Rocnoir, c'est un misé-
rable intendant qui trahit ses maîtres, ameute contre eux toute la
canaille jacobine, s'empare de leurs biens et jouit du fruit de ses
rapines jusqu'au jour où les victimes, miraculeusement sauvées, re-
viennent lui faire rendre ses comptes. A coup sûr, VAffiquet de la mar-
quise^ Marcie et la Secret du château de Rocnoir inspirent pour la Révo-
lution une horreur salutaire et, sous ce rapport, on ne saurait trop les
propager; mais les sujets qu'ils traitent sont ressassés, rabâchés,
rebattus, répétés sur tous les tons et dans toutes les gammes. Combien
de choses neuves il y aurait pourtant à dire sur cette formidable
époque ! Que si l'invention vous fait défaut, sachez au moins donner
à vos pastiches tout l'intérêt que la situation comporte. —Il y a des
drames historiques qui ne souffrent pas la médiocrité, par ce qu'ils ont
— lo —
pour eux la grandeur, la passion, l'idée, le mouvement, l'enthousiasme.
Par exemple est-il rien de plus vivant et de plus mouvementé que la
dernière insurrection polonaise? Un Kamienski ou un Mickiewitz en
eussent tiré des chefs-d'œuvre. L'auteur de Pour la patrie n'A sa y voir
que l'indécision rêveuse de Thaddée Osiersko, l'agitation inconsidérée
de Witold Turno, la trahison de quelques gitanes, l'amour indéfini
d'une vierge veuve qui se consacre au culte d'une tombe. Ce n'est point
assez. Disons pourtant, à la décharge de M"^" Etienne Marcel qu'elle
a décrit avec un relief saisissant les moeurs polonaises et qu'il s'en
faudrait de peu pour que son Alexandra Netuboff, dont les passions
ont parfois des éclats d'aurore boréale, ne devînt une véritable créa-
tion.
— Il ne se peut rien lire de plus émouvant, de plus empoignant, de
plus exquis, que la Foi jurée de M™* Raoul de Navery. Il s'agit d'un
Régulus chrétien. Nicalas Compian, de Marseille, capitaine du vais-
seau le Centaure, est attaqué par des corsaires, capturé avec ses
hommes et vendu comme esclave sur le marché de Tripoli. Son maître,
rara avi^, est un musulman éclairé, tolérant, bienfaisant, point du tout
fanatique. Compian s'attache à Osmanli, lui sauve la vie et celle de sa
fille. Dès lors, il est considéré comme l'enfant de la maison ; la servi-
tude lui est douce; l'existence n'a pour l'esclave que des charmes.
Mais le pain de Tétranger a toujours des amertumes. Compian se res-
souvient qu'il a laissé dans sa patrie une femme bien-aimée, des en-
fants chéris. La nostalgie (ripx ulterioris amore, comme dit Virgile)
le reprend. Il prie Osmanli de le laisser retourner à Marseille, non
pour se soustraire à ses nouveaux devoirs, mais pour rétablir sa for-
tune et gagner de quoi payer sa rançon. Compian demande six mois
seulement. Si, au bout de ces six mois, le sort ne lui a pas été favo-
rable, il reviendra, parole d'honnête homme et, ce qui vaut mieux,
parole de chrétien. Osmanli consent au départ. Compian s'embarque
pour Marseille. Il revoit sa femme, il revoit ses enfants et se remet
ardemment au travail. Les six mois expirent : hélas ! le pauvre capi-
taine n'a pas de chance; rien ne lui a réussi, il est plus pauvre que
jamais. Le voilà donc reprenant la mer sur un vaisseau marchand. Le
soir du dernier jour des six mois accordés par Osmanli, Compian
reparaît devant son maître. Étonnement de celui-ci ; il ne peut croire
à tant d'héroïsme, à tant de courage. Ses sympathies ne tardent
guère, du reste, à se changer en admiration et en reconnaissance. Com-
pian guérit d'une maladie mortelle la femme d'Osmanli, la belle et
bonne Ayesha. Le musulman n'y tient plus ; il donne à Compian non-
seulement la liberté, mais un superbe vaisseau, parfaitement équipé,
qui dédommage amplement l'ancien navigateur de toutes ses pertes.
Pendant son esclavage, Compian a fait connaître la loi chrétienne à
Fatmé, la tille d'Osmanli. Un beau jour, il voit arriver à Marseille la
houri d'Orient qui demande à recevoir le baptême et entre comme
novice chez les Filles du Saint-Sauveur. Fatmé n'a pas voulu d'autre
époux que le Sultan des Fleurs : c'est ainsi que Jésus-Christ est dé-
signé dans une légende arabe, en mémoire des roses rouges teintes
du sang de l'Agneau sur la montagne du Calvaire et qu'il a offertes (tou-
jours d'après la légende) à Marie-Madeleine, le matin même de sa
résurrection. De cette poétique donnée M"* Raoul de Navery a tiré
le meilleur parti possible. — Ce qu'elle a fait pareillement de la
légende des trente deniers de judas. On sait que Judas, après son
crime, jeta dans le temple le prix de sa trahison. Avec les trente de-
niers, les princes des prêtres achetèrent à un potier un champ qui
servit de cimetière et qui fut appelé u Haceldama. » Le potier légua
les trente deniers à sa famille ; puis, ces deniers maudits se dis-
persèrent et devinrent la propriété de plusieurs maisons juives. La
tradition veut que les deniers de Judas aient porté malheur à leurs
possesseurs; tous seraient morts de mort violente ou auraient
commis quelque action criminelle assez grave pour attirer sur leurs
têtes un châtiment terrible. L'un des héritiers de Judas, au dix-
neuvième siècle, est un Israélite nommé Ephraïm qui a l'idée fixe
de faire rebâtir le temple de Jérusalem. Qu'arrive-t-il à Ephraïm?
Nous le saurons probablement dans un autre volume, car l'histoire des
Héritiers de Judas n'est pas terminée. A côté de la légende, M""' Raoul
de Navery a placé tout un drame très-réaliste et très- moderne où se
voient les choses les plus noires du monde : fourberies, captations de
fortune, emprisonnements, meurtres, trames infernales pratiquées par
un certain Jude Malœuvre qui triompherait, le coquin! sans son fils
Cœlio, un ange cul-de-jatte, le brave chien Morse et le bon nègre
Pampy. Par-ci par-là, quelques longueurs ; mais, en somme, roman
d'un intérêt très-soutenu, bien écrit et d'une richesse d'imagination
étonnante.
— Cette richesse d'imagination sans laquelle le conteur ne peut
distiller que l'ennui, nous la retrouvons dans la dernière production
de M. Charles Buet, VHonneur du no)/!. La noble et puissante famille
des Vigord de Hauteluce {vigor alque lux ab alto) n'a plus que deux
représentants mâles. L'un, perdu de débauches et de dettes, aigri
contre Dieu, contre les hommes, contre la société, se cache sous le
pseudonyme d'Anthelme Rochey dans les ruines du château de Miolans;
il a fait de ses ruines redoutées son antre et son repaire. Anthelme
Rochey, ou plutôt l'aîné des Hauteluce, est affilié aux illuminés
d'Allemagne, aux carbonaris d'Italie, aux communeros d'Espagne, aux
withe-boys d'Irlande, aux néo-templiers, aux francs-maçons de tous
les pays et de tous les rites. L'autre, le cadet des Hauteluce, resté
digne de sa race, s'est fait prêtre et habite avec sa mère. Le mauvais
frère, le mauvais fils cherche à enrôler dans ses complots révolu-
tionnaires le jeune chevalier de Blanchelaine. C'est un jeune homme
à l'esprit faible, au cœur généreux. Il va se laisser entraîner hors de
la voie droite, quand l'intervention de l'abbé de Hauteluce l'arrête à
temps sur la pente fatale. Furieux de voir sa proie lui échapper,
Anthelme Rochey commet sur Blanchelaine une tentative d'assassinat.
L'honneur des Hauteluce est compromis. Comment cet honneur
sera-t-il sauvé? C'est ce que nous verrons, quand aura paru la
seconde partie du roman, laquelle aura pour titre : Hauteluce et Blan-
chelaine. M. Charles Buet aime à placer l'action de ses récits dans les
régions alpestres : cela lui fournit la matière des plus superbes pay-
sages. U Honneur du nom a pour cadre les cimes des Alpes, les ruines
sombres de Miolans,le donjon démantelé de Chàtillon, à l'ombre duquel
Lamartine écrivit le Lac, les monts dorés de Chantagne, la riante
vallée de l'Isère et les buttes de Maltaverne. Les personnages qui
participent à l'action àain^V Honneur du nom n'ont rien de banal, ni de
vulgaire. Flore de Blanchelaine, avec son perroquet, sa levrette et ses
deux matous, représente le passé immobile ; le docteur Munaton, le
chevalier Emmanuel et la naïve Mélanie Guizard sont, avec leurs
qualités et leurs défauts, des types tout à fait modernes. L'abbé de
Hauteluce est une belle figure de prêtre fermement tracée où la
fierté d'une grande race s'allie aux vertus d'un apôtre. Le maître
d'école Périphrase, le baron Cjriaque, le sire de la Galue, le major
Long, la vieille Domitille forment un groupe très-comique de désœu-
vrés, de cancaniers, d'importants, de faiseurs d'embarras, comme
il en pullulle dans les petites villes de province. Quant à l'aîné des
Hauteluce, savant matérialiste, poëte panthéiste, philosophe libre-
penseur, conspirateur ténébreux, sectaire utopiste, il est fâcheux
qu'il ne se soutienne pas dans tous les détails sans quoi, esthéti-
quement parlant, il forcerait l'admiration. On admire bien le Satan de
Milton.
— Le roman absolument chrétien est-il possible? Bien des esprits,
par amour du paradoxe, ont soutenu que non, Louis Veuillot, inter-
rogé un jour à cette occasion, répondit qu'il était parfaitement pos-
sible de produire un chef-d'œuvre d'imagination qui, tout en off'rant
un intérêt réel, serait irréprochable au point de vue de la morale et
de la religion: « Le roman, dit-il, n'est nullement antipathique aux
règles strictes de la morale et du bon sens, et l'on peut intéresser
et émouvoir même un lecteur français, sans aborder l'étrange, sans
outrer les sentiments, en un mot sans sortir de la vie commune ni
de ses devoirs, et rien qu'en faisant tout marcher par les seuls
battements du cœur le plus ingénu, » Pour prouver sa théorie,
Janvieu 1878. T- >^XII, -'.
- 18 —
Louis Veuillot se mit à l'œuvre et, dans une semaine, composa ce
délicieux livre qui a nom Corbin et d'Aubecourt. Cela est d'une simpli-
cité élémentaire. La fière marquise d'Aubecourt veut faire épouser à
sa nièce Stéphanie Corbin le frivole, le fat, le volage marquis de
Sauveterre. Stéphanie n'entend pas de cette oreille ; elle préfère à
tous les marquis du monde le bon, l'honnête, le savant Germain
Darcet. Et elle manœuvre si bien (avec son ingénuité, sa naïveté, sa
droiture) que l'intraitable tante est la première à mettre la main de sa
nièce dans la main timide du modeste égjptologue qui a écrit la
Vérité sur les Pharaons. Mais le roman de M. Louis Veuillot est trop
connu pour nous attarder à en faire ici l'analyse. Disons seulement
que la nouvelle édition est enrichie d'une très-intéressante préface
consacrée à la mémoire du vicomte Théodore de Bussière, l'auteur
des Fleurs dominicaines, de la Guerre des paysans, de l'Histoire de sainte
Rose de Lima, de l'Empire mexicain et de plusieurs autres ouvrages
d'érudition, de polémique et de littérature.
— Le titre n'est pas tout dans un roman, certes non. Mais cependant
un titre est quelque chose, et ne réussit pas qui veut à en trouver
un bon. En voici un, les Ronces du chemin, qui, le sujet étant donné,
a tout ce qu'il faut pour plaire aux âmes désillusionnées. Et ces âmes,
par ces temps hybrides, sont nombreuses. Qui de nous, en effet, peu
ou prou, n'a laissé de sa toison aux ronces de la vie moderne, si fié-
vreuse, si agitée, si orageuse, si précaire, si nerveuse? L'héroïne de
M"'= Claire de Chandeneux s'appelle Thérésine Saint-Brisson, mais
elle s'appelle aussi Légion. Fille d'un artiste, elle a été adoptée par
la baronne d'Aubray. Vous la croyez désormais à l'abri du malheur.
Détrompez-vous, sa protectrice meurt, son père perd la voix, sa belle-
mère veut battre monnaie avec elle par des moyens déshonnêtes; la
haine, les perfides conseils, la misère, rien de douloureux n'est
épargné à la pauvre Thérésine. Heureusement son éducation chrétienne
l'aide à triompher de toutes les épreuves. Le thème ici n"a rien de
neuf; mais M"^ Claire de Chandeneux a su le rajeunir par les détails,
les caractères, les traits de mœurs. La mort chrétienne de Paola, la
mère de Thérésine, est une belle page, et c'est un type très-réussi que
celui d'Evariste Normand, le vieux maître de chapelle, dont la per-
ruque d'un noir de corbeau contraste étrangement avec sa barbe
blanche et longue comme celle d'un patriarche. M"* Claire de Chan-
deneux réussit moins bien les tableaux de famille, les scènes de
ménage, la description des mœurs bourgeoises. Est-ce parce qu'elle
ne s'est appliquée jusqu'ici qu'à peindre les « ménages militaires? »
— Semblable reproche, par exemple, ne saurait s'adresser à M"* Ma-
rie Maréchal. Elle excelle à faire ressortir les ridicules d'une certaine
bourgeoisie provinciale. Nous ne disons pas qu'il n'y ait dans ses
— 19 —
satires un peu de malice et d'exagération; mais enfin, comme disent
les peintres, ça y est. Je défie l'iiomme ]e plus hypocondriaque de ne
pas rire devant le couple Laperche, si prétentieux, si grotesque, si
ignare, si prudhommesque avec cela posant pour la dignité, la
gravité, l'intelligence. M. et M™^ Laperche ont d'ailleurs bien fait de
naître, car, s'ils n'avaient pas existé, Is^y'iQ àe Sabine de /^iyas racontée
par M"* Marie Maréchal n'aurait eu rien de bien captivant. C'est
l'éternelle histoire de l'orpheline recueillie dans une opulente maison
et qui, après diverses péripéties plus ou moins ordinaires, finit par
épouser un fils de famille ! Il serait temps que les romanciers et prin-
cipalement les romancières sortissent de ces ornières et de ces rabâ-
chages sans toutefois tomber dans les défauts contraires des Zaccone,
des Gaboriau, des Ponson du Terrail. Et c'est précisément ce que
fait M""* Guerrier de Haupt, dans Jacques Bernard. Voleurs d'enfants,
voleurs de grandes routes, assassins, captateurs d'héritages, il y a
un peu trop de tout cela dans son dernier ouvrage, qui ne sera pas,
comme un de ses devanciers, couronné par l'Académie française.
Hâtons-nous d'ajouter que le dénoùment de Jacques Bernard est très-
originalement amené, que les coupables sont punis, que Blanche
Muller, l'enfant volé, redevient ce qu'elle est par droit de naissance,
M"° Blanche d'Ortigny, et que, malgré ses invraisemblances, l'œuvre
de M™* Guerrier de Haupt peut être lue par tout le monde. Il en est
de même, du reste, de tous les romans que nous venons d'analyser.
Dans le nombre, certains ont une valeur littéraire insignifiante ;
mais, tous sont religieusement et moralement irréprochables; tous,
sauf la Reine des épées, qui n'appartient pas à l'édition expurgée des
romans de Paul Féval et qui est une œuvre de jeunesse; tous, sinon
par leur intérêt, du moins par leur bon esprit, méritent de prendre
place dans les bibliothèques paroissiales.
— Les romans dont l'analyse va suivre, tels que les. 4 »ïOi<r5c?eP/i////J2je,
le Nabab, Samuel Brolil, eic , appartiennent à une tout autre catégorie.
lien est [bsluî Sous le grand hêtre, d'Auguste Snieders, Mailix Guillaume,
de Charles Deslys, et Pauvres et mendiants, de la Landelle),il en est de
dangereux et de malsains ; il en est d'autres qui, sans être mauvais, ne con-
viennent, comme lecture, qu'aux âmes expérimentées, instruites des
choses de la vie, aptes au discernement, capables de réflexion et de con-
trôle. Mais, avant d'aborder la seconde partie de cette étude, mention-
nons encore, pour mémoire, quelques productions qui rentrent, fond et
forme, dans la catégorie des œuvres moralement irrépréhensibles, ce
sont : Première et dernière dette, par M""" Gabrielle d'Arvor ; le Supplice
d'une mère, par G. Gondry du Jardinet ; Non vclles et récits villageois, Mar-
guerites en fleur, par Jean Lander; les Soirées du château de Kérilis,pa.r
J. de Launay-Overney, et leaNeiges d'antan, par M'"" Julie Lavergne.
Premicrc el dernière délie nous montre : d'un côté, un espiègle, Roger
Dublanc, que son bon cœur ef. de bons exemples ramènent au devoir ;
d'un autre côté, un garçon sournois, méchant, têtu, Jules Dervieux,
qui finit par la honte et le suicide. Le Supplice d'une mère est un pas-
tiche chrétien d'une comédie plus que mondaine d'Emile de Girardin,
le Supplice d'une femme; la première entrevue de la mère repentante
et de la fille innocente est fort bien racontée ; il y a aussi des descrip -
tions qui ne sont pas sans charme; par contre, que de détails inutiles!
On ne voit pas non plus la raison pourquoi l'auteur, sous le voile
transparent de rédacteur en chef du Pèlerin, se met si souvent en
scène. Est ce pour faire savoir urhi el orbi qu'il est allé àNaples étudier
le miracle de saint Janvier. Très-respectable voyage, assurément!
mais qui n'avait ici que faire. Revenons à nos moutons. Eloges très-
sincères à Jean Lander ! Xouvelles el récils villaycois, Margueriles en
fleur dégagent, comme le dit M. Ernest Hello dans la préface qu'il a
écrite pour un de ces volumes, la poésie latente qui se trouve au fond
des actes les plus humbles. C'est salubre, c'est fortifiant : les idées
sont vraies, le style aussi. Rien de fade, rien de faux, rien de mièvre.
Les vertus et les vices vivent et agissent dans un milieu réel. Comme
Brydaine, Jean Lander aime à parler aux paysans, àparler d'eux et à
décrire les choses qui leur tiennent à cœur. Ses « moissons » et ses
« vendanges » sont des paysages ensoleillés que domine la croix
rustique. Marinetle. le Mariage de ma lanle Nicole et les Amours de
Fanchon nellc déhordeni de grâce naïve, de christianisme vrai, d'obser-
vation réelle, d'idéal fécond. Il y a moins d'art, moins de profondeur
et moins d'élévation dans les Soirées du chdleau de Kérilis, de
M. de Launay-Overney.Mais les comédies, les proverbes et les contes,
écrits à la bonne franquette, qui forment le fond de ces soirées ont bien
leur mérite : tel le Coffret d'ébène, un coffret rempli de perles, soit
dit sans calembour. A parler juste, cependant, les Neiges d'antan, de
M"" Julie Lavergne, ont beaucoup plus d'intérêt et de variété que les
Soirées du chdleau de Kérilis. Voici l'hiver, chers lecteurs, aimables
lectrices, le noir hiver à barbe de neige, embusqué à tous les carre-
fours, cinglant de son fouet de glace les passants qui grelottent !
Qu'il est doux, par ces jours brumeux, de se réfugier en rêve dans les
temps qui ne sont plus. Le poëte l'a dit :
iju'il est doux, qu'il est doux d'écouter des histoires
Des histoires du temps passé.
Quand les branches d'arbre sont noires,
•Juand la neige est épaisse et charge un sol glacé ;
Ouand, seul, dans un ciel ptile, un peuplier s'élance :
Quand sous le manteau blanc, qui vient de le cacher,
I, 'immobile corbeau sur l'arbre se balance.
Comme la girouette au bout d'un long clocher.
— 21 -
Eh bien ! allumez un bon feu, prenez les Ne lyrs d'autan, et lisez,
page à page, Vllnpilal de Bruges, le Clocher d'Harfleiir, Une nuit pen-
dant la Fronde, le Mendiant de la Reine, le Clair de la lune, le Masque
d'or, je vous donne ma parole d'honneur que vous ne languirez pas
une seconde. La féerie, la fantaisie, l'histoire, sous la baguette
d'ivoire de l'imagination de M""^ Julie Lavergne, se marient ici très-
agréablement. Echos des chants de Mozart et de Lullj; reflets des
peintures d'Hemlinget de Lesueur; hommages rendus à Jeanne d'Arc
dans la personne de Catherine d'Estouteville; tableaux des malheurs
de Louise d'Orléans, reine d'Espagne et de Marie-Antoinette, reine
de France; aventures de Fleur-de-Lin, la gentille fileuse; rêves
innocents du savant Hormisdas, l'amoureux dont l'esprit plane au-delà
des étoiles et jouit de cette mystérieuse harmonie des sphères dont
un écho parvint à l'oreille de Pythagore, vous trouverez tout cela
dans ces Neiges d'anlan, dont le titre seul est emprunté à Villon, mais
dont les histoires, « compagnons de voyage au pays de l'idéal, » ne
laissent dans l'esprit que des impressions riantes et salutaires,
— Quittons la légende : le réalisme nous réclame. Piron, en son
temps, s'est beaucoup moqué des Quarante de l'Académie française.
Ils les appelait les « Invalides du bel esprit; » il disait d'eux : « Ils
sont là quarante qui ont de l'esprit comme quatre; » la mort même
ne désarma pas le satirique, et il voulut, dit-on, que l'on gravât sur sa
tombe ce distique :
Ci gît Piron qui ne fut rien,
Pas même académicien.
Je soupçonne um brin de dépit dans l'hostilité de Piron. Car, enfin,
si l'Académie française ne donne ni le génie ni le talent, elle n'en a
pas moins réuni sur ses fauteuils trois fois séculaires les gloires les
plus incontestées de notre littérature. Aujourd'hui, par exemple, le
titre d'académicien, quoi qu'en ait pensé Piron, est très-certaine-
ment quelque chose : c'est, en tous cas, le véhicule du succès. Voyez
M, Octave Feuillet. Les Amours de Philippe ne valent certes ni VIliade,
ni la Divine Comédie, ni la Chanson de Roland, ni Manon Lescaut, ni
Eugénie Grandet, ni VEnsorcelée,n\\e Marquis de Yillemer, et pourtant
les voilà (ils ne sont que d'hier) à leur septième édition. Je ne crois
pas que les Amours de Philippe, oeuvre d'un débutant, obtinssent un
tel engouement. Car, enfin, il n'y a rien d'absolument extraordinaire
dans le dernier livre d'Octave Feuillet. L'aftabulation est celle-ci :
Philippe de Boisvilliers et sa cousine Jeanne de la Roche-Ermel sont
destinés l'un à l'autre par leurs parents; mais cela ne fait pas l'affaire
de Philippe à qui la vie de province ne plaît guère et qui trouve
la petite Jeanne gauche, désagréable, anguleuse, sans goût, sans grâce,
ayant de? cheveux en broussailles, des ongles eu demi-deuil, des
— 22 —
iamLes Irop longues, des bottines trop larges et de rencre aux doigts.
Philippe va à Paris. Sous prétexte de faire son droit^ il fait son travers^
s'amourache d'une actrice en vogue, qui le quitte sans le moindre
remords, écrit une tragédie : Frédégonde^ qui est sifflée scandaleuse-
ment, s'engage en 1870 dans un régiment de zouaves, sauve un
commandant de mobiles, le marquis de Talyas, s'éprend de la femme
de celui-ci, revoit sa cousine Jeanne, laquelle n'est plus, tant s'en
faut, la déplaisante et mal fagotée pensionnaire d'autrefois, se dégoiite
de sa honteuse liaison avec la marquise de Talj^as, sauve de la mort
Jeanne de la Roche-Ermel, noyée par la marquise, rompt enfin défini-
tivement avec la syrène parisienne et épouse sa chère fiancée. C'est
par là qu'il aurait dû commencer : il est vrai qu'alors adieu le roman !
Prenons-le tel qu'il est, et constatons un progrès moral dans la ma-
nière de M. Octave Feuillet. Bien des pages sont encore sujettes à
caution, mais nous sommes loin des théories de Monsieur de Camors
et de Julia de Trécœur. L'action dans les Amours de Philippe est peu;
l'exécution est presque tout; le fond est insignifiant, les broderies sont
ravissantes. Les personnages ont grand air et, même dans leurs folies,
gardent la distinction aristocratique. Le portrait de la marquise de
Talyas est une eau-forte burinée à la moderne. Il y a, dans cette
femme sans religion et sans principes, du chat et du tigre. Une fois
possédée par les furies de la passion effrénée, elle ne recule devant
rien, et cette courtisane titrée, cette Circé blasonnée fait involontaire-
ment songer à la Marguerite de la Tour de Nesle. On a beaucoup
reproché à M. Octave Feuillet cette seconde édition des « amours »
de Philippe. Ses fugues avec l'actrice Mary Gérald se comprennent
sans s'excuser. Mais sa liaison adultère avec la femme de l'homme
dont il a sauvé la vie off"re quelque chose d'odieux et de répugnant.
Ajoutons que la situation qui sert de cadre à ces relations coupables
est des plus scabreuses, et les restrictions de style qui l'atténuent ne
sont propres qu'à éveiller les pensées boiteuses et qu'à faire travailler
les imaginations sans lest. Certes les tableaux ne sont point obscènes,
mais la gaze dont, à dessein, l'auteur enveloppe certaines scènes,
offre une amorce de plus. Sachons gré pourtant à M. Octave Feuillet
d'avoir su éviter le goujatisme de la littérature démagogique et le
fleuve de fange du réalisme bestial. Jeanne de la Roche-Ermel,
quoiqu'un peu cousine à la mode de Bretagne de la Geneviève des
Inutiles, de M. Edouard Cadol, est une charmante et poétique figure.
Son Philippe lui-même, comme le Jean de Thommeray de Jules San-
deau,a d'énergiques et fiers retours sur lui-même. Le père de Philippe
et le père de Jeanne sont des gentilshommes de vieille roche, dignes,
bienfaisants, bienveillants, aimés de tous, de vénérables autorités
sociales (pour parler comme M. Le Play, l'éminent économiste). Le
— 23 —
comte de Boisvilliers dit à son fils : « Il est bon, en ce temps-ci plus
que jamais, que des gens comme nous demeurent dans leur pays natal,
ville ou campagne, et s'y fassent respecter. A part les services pra-
tiques qu'ils peuvent rendre autour d'eux, il y a, dans leur présence
seule, dans la supériorité de leurs connaissances, dans la dignité de
de leur vie, dans les grands souvenirs que leur nom réveille, il y a
un enseignement, il y a un exemple, il y a une autorité. Ils sont
comme ces vieux clochers qu'on aperçoit çà et là dans les campagnes,
qui font rêver le passant dans le chemin, le paysan sur sa charrue, et
qui rappellent les foules, malgré elles, à de hauts sentiments, à de
respectueuses pensées. » Et ailleurs : « Il y a du bien et du mal à dire
de la vie de province. Nous n'en dirons que le bien. Le bien, c'est
avant tout la maison de famille qui n'existe guère à Paris; c'est le
vieux nid héréditaire que les générations successives réparent_, mais
ne changent pas, où le parent principal, à défaut du père, se fait un
devoir pieux de résider et où les envolés reviennent se retremper de
temps à autre dans les sensations salubres de leur enfance. Quand on
rentre fatigué de la vie et désenchanté des passions, dans ces chers
asiles, avec quel sentiment de paix et de bien-être on y respire les
odeurs d'autrefois, avec quelle douce mélancolie on écoute les bruits
familiers de la maison, ces voix mystérieuses, ces murmures, ces
plaintes, qu'ont entendus nos ancêtres et que nos fils entendront
après nous 1 II vous semble, au milieu de ces traditions continuées, que
votre propre existence se prolonge dans le passé et dans l'avenir avec
une sorte d'éternité. » Aussi bien pensé que bien dit. Restons sur ces
bonnes paroles.
— Samuel Brohl, fils d'un misérable gargotier allemand, est un
intrigant très-habile qui vise à épouser une riche héritière. L'existence
de ce Brohl offre une chaîne ininterrompue de vilenies, d'escroqueries,
de ruses et de stratagèmes. Alors qu'il était encore laveur de casse-
roles dans la taverne de son père, il est acheté par la cynique prin-
cesse Guloff, une de ces femmes russes comme les fait l'horrible
nihilisme. Un bracelet de grand prix sert à payer le jeune Samuel
qui, dégrossi, instruit, éduqué tant bien que mal, devient (pour ne
pas dire autre chose) le secrétaire de ladite Guloff, Cependant ce joug
lui pèse : il s'échappe, recueille en passant l'héritage de son père
défunt et va se fixer à Bucharest. Là, il devient l'ami intime d'un
proscrit polonais, grand patriote et savant des plus distingués, le
comte Abel Larinski. Le comte ayant péri dans une insurrection polo-
naise, Samuel Brohl lui vole son nom, ses titres, ses papiers, ses
inventions, notamment la découverte d'un fusil à jet explosible. A
dater de ce jour, Samuel Brohl n'existe plus : il s'est incarné dans
la peau de Larinski, et l'incarnation est si bien réussie que le gredin
_ 24 —
fait illusion à tout le monde. II gagne l'affection de M"" Antoinette
Moriaz qui déclare ne vouloir d'autre époux que le comte Abel La-
rinski. Il dissipe même les préventions du vieux Moriaz, le père
d'Antoinette, un chimiste de premier ordre; il se met dans les petits
papiers de la gouvernante Moisseney; il est à tu et à toi avec le
bon abbé Miollens. Deux personnes cependant ont des méfiances :
la tante d'Antoinette, madame de Lorcy, et Camille Largis qui, lui
aussi, aimait l'héritière et avait demandé sa main. Méfiances fon-
dées et justifiées ! car l'arrivée à Paris de la Guloff fait évanouir
comme un château de cartes le château en Espagne édifié dans l'ima-
gination perverse du faux Larinski. Ce nouveau roman de M. Victor
Cherbuliez fait honneur au talent et à l'imagination du conteur gene-
vois. Cette fois, du reste, l'auteur a évité toute raillerie malséante
contre le catholicisme. Il ne s'est pas attardé dans des scènes trop
risquées. Il n'a pas aff'ecté de prêcher ni de professer. Son œuvre est
pure de toute thèse. Les caractères qui se meuvent dans l'action ont
du relief. Le vieux Moriaz, entiché de ses cornues et de ses alambics;
la gouvernante Moissenay, qui se perd en bêtise et en points d'admira-
tion ; le naïf abbé MioUens, qui vit comme Louis XVIII dans la perpé-
tuelle fréquentation du poëte Horace; M'"*^ de Lorcy, un Desgenais
femelle qui en sait peut-être un peu trop long pour son sexe; le
timide, mais honnête et intelligent Camille sont des types inoubliables.
Nous ne parlons pas de la princesse Guloff, qui ne croit à rien, qui
étudie la physiologie, qui jacasse comme une pie borgne, qui glapit
des crudités à faire rougir un dragon; elle est tellement effrontée
qu'elle en devient invraisemblable. Le style de Samuel Brohl a mille
facettes agréables. Nous lui reprocherons seulement d'être trop cher-
ché, trop léché, avec une tendance au pédantisme. Lorsque le gram-
mairien Saumaize sortait du salon des Précieuses, il éprouvait, dit-on,
le besoin de parler patois avec sa cuisinière. C'est un peu cela.
On a surnommé M. Victor Cherbuliez le « romancier des érudits et
des gourmets. » Il est clair qu'il court après la petite bête. Voici
quelques-uns de ses aphorismes : « Le riche qui travaille, c'est la
pauvreté volontaire. ^) « L'arithmétique est la plus belle des sciences
et la mère de la sûreté, rr « Les partis-pris sont les cachots de la
volonté; elle n'en peut plus sortir. » « Dans les affaires de ce monde,
il faut avoir pour soi sa conscience et son concierge. » En somme,
quoiqu'il ne vaille pas le Comte Kostia, Samuel Brohl est une des meil-
leures productions de M, Victor Cherbuliez. Décidémemt cet auteur a
plus de succès comme romancier que comme écrivain politique.
Rappelons que son dernier ouvrage, écrit pour démontrer la solidité
de la République espagnole parut (ô ironie du sort !) le jour même de
l'avènement d'Alphonse XII. C'est évidemment ne pas avoir de chance !
— Le Nabab! Qu'est-ce que le nabab? est-ce un prince indien qui
arrive des bords du Gange avec une cargaison de diamants et de
pierres précieuses? Non : celui-ci est le fils d'un pauvre cloutier du
Bourg-Saint- Andéol. Il a été porte-balles à Marseille dans sa jeunesse;
puis, un jour, il s'est embarqué pour Tunis et a gagné une fortune
colossale au service du bej. Des millions à Tunis, à quoi cela peut-il
servir? Bernard Jansoulet se le demande. Le voilà sur la route de
Paris. Apeine installée, place Vendôme, Dieu sait combien de chacals
s'abattent sur la riche proie qui leur arrive. Comprenant que l'argent
n'est rien sans la notoriété, sans la considération, le nabab est mordu
de la tarentule politique ; il veut être député. C'est ici que commen-
cent SOS épreuves, ses revers, ses infortunes. Exploité par tous les
vautours qui picorent son or de leur bec vorace, Jansoulet ne ren-
contre partout que haines, trahisons, déceptions et déboires. Élu
député de la Corse, son élection est cassée par la Chambre, à la suite
d'ignobles calomnies dont le rapporteur de cette élection se fait l'écho.
Le bejse saisit des comptoirs tunisiens du nabab, les œuvres fondées
par celui-ci dégringolent, les huissiers se présentent à chaque heure
du jour aux portes de son hôtel, ses amis l'abandonnent. Finalement,
le pauvre Jansoulet meurt dans le foyer d'un petit théâtre qu'il avait
subventionné de ses malheureux écus. Telle est la destinée du nabab.
Autour de cette originale personnalité, M. Alphonse Daudet a groupé
avec un art admirable, mais avec une exactitude de fantaisie et une
invraisemblance parfois choquante^ tous les types, toutes les physio-
nomies, toutes les notoriétés de bon et de mauvais aloi qui composaient
le centre social parisien des dernières ann ées du second Empire. Voici
le duc de Mora, le vrai héros du livre ; Monpavon, Bois-Landry,
gentilshommes ruinés, corrompus, sceptiques, mais toujours irrépro-
chables sur le point d'honneur; le petit Paganetti directeur de nous
ne savons quelle Caisse territoriale ;\ehdiron Hémerlingue, le financier-
pieuvre; Cardaillac, l'imprésario cynique ; Schwalbach, le brocanteur ;
Jenkins, le médecin-inventeur des perles arsenicales; le Merquier,
l'avocat tartufe ; Moessard, le scribe des journaux à scandales. Toutes
ces sangsues parisiennes (sauf le duc de Mora) évoluent autour du
nabab pour pomper ses trésors. Il n'y a pa?, dans cette œuvre, d'ac-
tion proprement dite. C'est une série de tableaux qui sont, comme
description, d'un incontestable attrait : visite à l'hôpital des enfants
en nourrice, visite à l'Exposition, fêtes à Saint-Romain de Bellaigue
en l'honneur du bey de Tunis ; tournées électorales en Corse ; bal chez
le docteur Jenkins; mort du duc de Mora, ses funérailles; séance de
l'invalidation de Jansoulet à la Chambre des députés ; pique -nique des
domestiques du grand monde dans les combles de l'hôtel de la place
Vendôme : première représentation de lin^nlte. tout autant de scènes
— 26 —
animées, vivantes, intéressantes. Lara^rt du dnc de Mora est une page
de toute beauté : elle renferme des détails d'un sinistre, et pourquoi ne
pas le dire ? d'un comique qui fait froid dans le dos . La consultation
suprême vient d'avoir lieurcfEli bien, Messieurs, que dit la faculté? de-
mande le malade. >■> Et naturellement, on lui ment, on veut le tromper,
car il est condamné à jamais, ce viveur infatigable. Mais quand Mon-
pavon, son ami — quelque chose comme le Montrond de Tallejrand —
entre dans la chambre, il l'appelle : « — Oh! tu sais, lui dit-il, pas de
(( grimaces, de toi à moi, la vérité... Qu'est-ce qu'on a conclu? Je suis
(( bien bas, n'est-ce pas? » Devant cette interrogation à brûle-pour-
point, Monpavon espace sa réponse d'un silence significatif; puis,
brutalement, cyniquement, de peur de s'attendrir aux paroles, il lance
ce mot digne d'un Assommoir d'un certain grand monde : c F... ! mon
pauvre Auguste ! » Le duc reçut cela en plein visage sans sourciller :
« Ah ! » dit-il simplement. Il effila sa moustache d'un mouvement ma-
chinal ; mais ses traits demeurèrent immobiles. Et immédiatement,
son parti fut pris, il se prépara à mourir convenablement, décemment,
en homme comme il faut. Tout cela est peint de main d'ouvrier, et
c'est un morceau de maître. Un morceau de maître aussi, c'est la
séance de l'invalidation. Le nabab est accusé de mille infamies qu'il
n'a pas commises, car les méfaits que ses adversaires lui attribuent
sont imputables à son frère aîné. D'un mot, il pourrait écraser la
calomnie. Mais en se retournant du côté des tribunes, il aperçoit sa
vieille mère, sa brave «marna, » comme il l'appelle dans son patois
méridional. Elle ignore le déshonneur de la famille. Si Jansoulet
parle, cette femme toute de vertu et de probité peut en mourir. Alors,
ce nabab, ce « monstre » à qui tout le monde jette la pierre, pour
ne pas briser le cœur de sa mère, sacrifie tout son avenir d'homme
politique.il se tait sachant que le silence c'est l'invalidation, et se
contente de terminer son discours par cette éloquente péroraison
contre les inconvénients de la richesse : « Oui, Messieurs, dit Jan-
soulet, j'ai connu la misère, je me suis pris corps à corps avec elle,
et c'est une atroce lutte, je vous prie. Mais lutter contre la richesse,
défendre son bonheur, son honneur, son repos mal abrités derrière
des piles d'écus qui s'écroulent, c'est quelque chose de plus hideux,
de plus écœurant encore. Jamais, aux plus sombres jours de ma dé-
tresse, je n'ai eu les peines, les angoisses, les insomnies dont la
fortune m'accable, cette horrible fortune que je hais et quim'étouflTe.»
Paroles vraies, d'une vérité cruelle ! Il est très-sympathique au fond,
ce nabab. Il a pu gagner de l'or à la manière orientale ; mais c'est un
homme primitif, bon, pleurant comme un enfant en recevant des nou-
velles de sa mère. Supplicié de son opulence même, il est livré sans
défense avec la bonté de son cœur expansif à toutes les sangsues pari-
siennes Le livre renferme aussi d'autres tjpes véritablement purs : le
père Joyeuse, l'honnête comptable, avec ses quatre filles dont l'aînée,
celle qu'on appelle « Bonne Maman, » remplace si bien la vraie maman
défunte ; André Maranne, le photographe-poëte ; la douce fée Crem-
nitz, une ancienne danseuse, qui se dépouille pour sa fantasque
pupille, Félicia Ru^-s; Paul de Gérj, le secrétaire de Jansoulet, si
dévoué, si raisonnable; la mère du nabab enfin, cette vieille paysanne
du Bas-Vivarais, qui aime tant son Bernard, qui ne s'est pas laissée
éblouir par ses millions, qui a conservé son bonnet de tulle et son
fichu d'indienne et qui n'a pas voulu habiter le château de Saint-
Romain de Bellaigue, trouvant cela trop beau pour elle et se conten-
tant d'habiter la ferme avec les domestiques. Que voilà de loyales,
franches et aimables natures ! Et comme leur vue vous repose de toute
cette meute de parasites, d'aigrefins, de filous acharnés contre Jan-
soulet, qui ne sait plus à quel saint se vouer sur le radeau flottant de
cette Méduse inassouvie et toujours famélique ! Évidemment. M. Al-
phonse Daudet, marchant sur les traces de M. Emile Zola, a voulu,
lui aussi, essayer du roman politique et peindre les mœurs de la société
française sous le second Empire. Cela n'est pas défendu ; mais, à la
condition de ne point forcer la note et de rester dans l'appréciation
exacte. Certes, il y avait alors, en trop grand nombre, des agioteurs,
des spéculateurs, des charlatans, des empiriques de la haute bohème,
des « manieurs d'argent, » pour parler comme M. Oscar de Vallée; il
y avait des docteurs Jenkins et des barons Hémerlingue; il y avait
des valets dépravés qui calomniaient leurs maîtres en sifflant leur
Champagne. Et aujourd'hui donc? Mais il n'y avait pas que cela.
L'époque ne fut pas précisément vide de personnalités inattaquables,
éclatantes et sympathiques. Alors, sans doute, les mœurs électorales
laissaient beaucoup à désirer. Mais qu'étaient-elles, comparées aux
mœurs électorales que viennent de nous montrer les dernières satur-
nales du suffrage universel? Un reproche plus grave que nous avons à
adresser à M. Alphonse Daudet, c'est d'avoir présenté sous un jour
odieux certains hommes et certaines choses du catholicisme. En fai-
sant de le Merquier, député de Lyon (de Lyon qui en est à Bonnet-
Duverdier), un clérical hypocrite comme le Tartuffe de Molière, véné-
neux et mieilleux comme le Rodin d'Eugène Sue; en méconnaissant
les grands services rendus par la Société de Saint-Vincent de Paul ;
en présentant sous les traits de petits monstres gourmés et ridicules
les élèves des pensionnats ecclésiastiques; en donnant un caractère
religieux à un établissement aussi barbare que celui de l'Œuvre de
Bethléem qui, s'il existait, relèverait de la police correctionnelle,
M. Alphonse Daudet a jeté au Minotaure de la libre-pensée les
croyances de son enfance, lui, fils de Nîmes, appartenant à une fa-
— 28 -
mille de croyants ot de catholiques. Ah ! que nous préférons le Daudet
sceptique, mais respectueux du Petit chose, des Lettres de mon moulin
et de l'incomparable Tartarin de Tarascon. Pourtant n'exagérons rien.
M. Alphonse Daudet n'a pas de fiel: ce n'est pas un sectaire, systéma-
tiquement hostile à la foi de ses ancêtres. La preuve, c'est qu'il a fait
de la bonne Cremnitz une petite vieille très-gaie et très-pieuse; c'est
qu'il a buriné la mère du nabab dans tout le zèle et toute la naïve sin-
cérité de son catholicisme primitif et rustique. Mais M. Alphonse
Daudet a sacrifié aux dieux du jour; il a voulu plaire aux lecteurs du
Temps où son Nabab a paru en feuilleton. Un mot encore. Le Nabab
est un livre à clef. Ouvrons-en quelques portes. Le duc de Mora,
inutile de le dire, est M. de Morny, que l'auteur ne rabaisse pas trop ;
Monpavon représente deux types en un seul, dont M. de Montguyon
avec ses façons de zézayer et de porter beau; le nabab, c'est Fran-
çois Bravay, qui fut député du Gard et non de la Corse. Félicia Ruys,
la belle statuaire, serait un composé de la duchesse Colonna (en
sculpture Marcello) et de M""^ Sarah Bernhardt ; enfin, pour ne pas
allonger ces révélations, M. la Perrière est tout simplement le comte
de Laferrière, ancien chambellan de Napoléon III, parfait gentilhomme
de nom et de manières, dont tout le monde n'eut qu'à se louer
pendant qu'il était en fonctions, et que M. Alphonse Daudet, lui,
un décoré de l'Empire, a eu le tort de caricaturiser au point d'en
faire un vieillard gâteux et stupide. Le romancier n'est pas his-
torien, sans doute; mais la fantaisie doit tout de même avoir des
bornes.
— On a dit : « Les deux Corneille. » On dira, probablement un jour,
toute comparaison écartée : « Les deux Daudet. » En effet, nous avons
Alphonse et Ernest. Incontestablement, Alphonse a plus de talent
qu'Ernest; mais Ernest a plus de savoir, plus d'acquis, plus d'érudition
qu'Alphonse. Ernest n'est pas seulement romancier ; il est aussi histo-
rien et écrivain politique. Comme romancier, Ernest manque d'origi-
nalité ; il s'efforce, à l'instar d'Alphonse, de peindre les mœurs mon-
daines; mais il y réussit moins bien. Il faut cependant lui rendre cette
justice qu'il ne recherche pas les applaudissements de la presse révolu-
tionnaire et ne fait rien pour les mériter. Ce qui ne veut pas dire que
ses romans doivent être donnés en étrennes aux élèves du Sacré-
Cœur. Oh! Dieu, non ! les mœurs mondaines qu'il décrit ne sont rien
moins qu'édifiantes. Son Daniel de Kerfons, qui raconte lui-même
sa confession, la confession d'un enfant du siècle, n'a ni tué, ni volé,
ni forfait à l'honneur. Mais quelles misères dans sa vie, quelles défail-
lances, pour ne pas dire quelles hontes! D'une très-ancienne famille
normande, ses ancêtres ont assisté aux croisades : un d'eux fut le
compagnon de Bertrand du Guesclin ; un autre est mort à Austerlitz ;
lui, passe sa vie ennuyée à courir de la blonde à la brune, épouse une
brune qui est le contraire d'une femme de foyer, devient veuf et re-
tourne à la blonde qui valait beaucoup mieux — quoiqu'ancienne dan-
seuse. Le seul épisode louable de l'existence de Daniel de Kerfons,
c'est son engagement comme volontaire en 1870. Seulement, nous
trouvons que les romanciers commencent à abuser un peu de la guerre
contre les Prussiens : Jean de Thommeray, Philippe de Boisvilliers,
Daniel de Kerfons. Quand nous serons à dix, nous ferons une croix.
— Donc, rien d'original dans les aventures de Daniel de Kerfons, Le
roman de M. Ernest Daudet n'a de la valeur que par les portraits
des a grandes dames ))dont il raconte les défauts mignons : la duchesse
de Châteaufort, la baronne Amalti, la marquise de Chanzay, lady
Hackwoods, la vicomtesse d'Athol^ Suzanne de Quesnay, une virago
indéchiffrable qui nage, monte à cheval, parle cinq langues, dessine, fait
des vers et joue de la harpe. Inutile de dire que toutes ces « grandes
dames » ont un pied dans le demi-monde. Signalons aussi le portrait
du duc de Gramont-Caderousse, qui fît tant parler de lui, il y a quel-
ques années. Il est peint sous le nom de Jacques de Chanzay. On dirait
un seigneur du temps des Valois, maigre, élancé, distingué, capable
de toutes les folies et de tousleshéroïsmes,une volonté de fer dans un
corps anémique, des yeux de fauve, inquiétants comme un problème
insoluble, renfermant des passions ardentes et peu scrupuleuses sous
les formes aristocratiques et froides d'une irréprochable mondanité.
L'esquisse est tellement ressemblante qu'il n'y a pas moyen de s'y
méprendre.
— La Russie continue d'être à la mode. C'est grâce à cet engoue-
ment qu'Obloino/]] une œuvre beaucoup trop vantée d'Ivan Gontcha-
roff, a pu trouver chez nous un éditeur. Oblomofj' est fait pour ren-
verser toutes nos idées sur le roman. On donne Oblo^iioff comme une
des plus remarquables productions de la nouvelle école naturaliste.
Tant pis pour la nouvelle école! Mais^si elle ne cherche pas àintéresser
davantage elle n'aura pas longue vie. Quand Balzac et Henri Monnier
(deux réalistes déterminés) écrivaient leurs études sociales, ils fai-
saient une large part à l'imagination et à l'idéal. Ici, rien de pareil;
lespersonnages sont calqués sur nature; ils viennent à la queue leu-
leu visiter l'indolent, le nonchalant, le paresseux Oblomoff, qui ne
peut jamais se déterminer à sauter du lit ou à quitter sa robe de
chambre; ils débitent chacun leur petit boniment et ne reparaissent
plus. Que le bon Dieu les accompagne ! car ils sont tristes comme la
porte d'une prison. Il paraît cependant qu'en Russie, Oblomo/f est uni-
ve réellement considéré comme un chef-d'œuvre. Le fait est que ce
roman a vingt pages : Le songe d'Oblomo/f, qui sont de toute beauté et
— :{0 —
qui méritent de figurer dans tous les Morceaux choisis à l'usage de la
jeunesse- Mais le reste! Le reste, à notre avis, ne vaut pas le diable.
Ce far-niente continuel, ce nivarna boudhique, cet omphalo -psychisme
qui revient à toutes les lignes, est d'une monotonie désespérante. Le
domestique d'Oblomoff, Zakhare, malgré ses bizarreries, sa mauvaise
humeur, ses grognements, ses cancans, ses larcins et son dévouement
bourru de scapin sauvage, ne parvient pas à la détruire, cette mono-
tonie, — pas plus que les entrées en tempête du tumultueux pique-
nique TarantaïefF. La vraie cause du succès d'Oblomoff en Russie
serait dans le symbolisme de l'œuvre. Une idée politique et sociale
aurait été intercalée entre les lignes. GontcharofF, dit-on, a voulu
symboliser l'état passif de la noblesse russe sous le règne du tsar
Nicolas. Voblomovisme est devenu proverbe; il désigne là-bas l'indé-
cision invincible et la paresse rêveuse. Au surplus, le nom du roman-
cier n'est pas non plus étranger au succès moscovite de son oeuvre.
Gontcharoff est très-peu connu en France ; mais son bagage littéraire
est fort considérable. On en trouvera les détails dans Y Histoire de la
littérature russe contemporaine, de Courrière. Oblomojf a été traduit
en français par Piotre Artamoff et le regretté Charles Deulin.
— Nous sommes encore en Russie, avec Henry G-réville (lisez :
M""" Durand). Henry Gréville, retour de Russie, s'est mis à écrire en
français des romans russes. Immédiatement des portes qui s'entr'ou-
vrent à peine pour nos plus remarquables talents indigènes se sont
devant elle ouvertes toutes grandes. La Revue de Deux Mondes, le
XIX° Siècle, le Journal des Débats ont accueilli avec enthousiasme la
nouvelle venue. On a vanté partout, trop vanté son originalité.
La Revue de France (quel blasphème!) ne comparait-elle pas, tout
récemment, M"^** Henry Gréville à Georges Sand? H en est résulté
que cette plume taillée dans le pays des neiges a percé tout de suite
« la neige épaisse et glacée de l'indifférence publique. » Et elle en a
profité pour pondre, pondre sans cesse, pondre encore. Nous avons
en ce moment une véritable avalanche de romans signés : Henry
Gréville. Ecoutez-en la nomenclature : Dosia, VExpiation de Saveli,
La princesse Oghero/f, A travers champs, les Koumiassine, So?iia, la.
Maiso7i de Maurèze, Suzanne Normis. A\a,ntio\xi, il faut être juste.
Deux de ces romans, Dosia et VExpiation de Savely, sont vraiment
supérieurs. Dosia ressemble beaucoup au 3Iajor Franz, de M""' Boos-
boom-Toussaint, et à la Renée Maupcrin, d'Edmond et Jules de
Goncourt. C'est une jeune fille indisciplinée, indomptable, aux
allures émancipées, volontaire, capricieuse, pareille à un diamant
brut, dont l'amour se fait le lapidaire, dans la personne du sage
officier Platon. UExpiation de Saveli est beaucoup plus dramatique.
Saveli, un serf, a tué le barine Bagrianofl", une espèce de Barbe-Bleue
— :m —
qui lui avait ravi et déshonoré sa fiancée. Bien des années après, le
fils du serf, aflranchi, s'éprend de la fille du boyard assassiné, et
Saveli, auquel cette union inspire une horreur bien légitime, se trouve
entraîné à faire le malheur de son fils en lui révélant pourquoi ce
mariage est impossible. "L'Expiation de Saveli, sous une couleur à la
fois sobre et originale, offre de saisissants tableaux des mœurs, des
superstitions et des passions de la classe rurale en Russie, — de même
que, dans Dosia, les Koumiassines et la Princesse Ogheroff', sont photo-
graphiées les mœurs bizarres delà noblesse et de la riche bourgeoisie.
Ce qui fait le charme de Dosia et de VExpiation de Saveli, c'est la
constante limpidité du stjle, une pointe de gaîté qui amène le sourire
et un parfum littérairement exotique, auxquels les gourmets intellec-
tuels sont toujours sensibles. Mais le succès très-légitime de Dosia et
de Saveli a grisé M™* Henry Gréville. Elle a, comme on dit vulgaire-
ment, pressé jusqu'à l'écorce l'orange russe.
Aimez-vous la muscade? On en a mis partout.
Ah ! c'est ainsi ; eh bien, sortons du portefeuille la Princesse Ogherojf;
racontons, chose déjà connue, les intrigues de l'institutrice envieuse
et cupide ; mettons en scène des veuves inconsolées qui rendraient des
points à Artémise ; décrivons de pied en cap des Minerves impeccables
qui, par amour du martyre, épousent des infirmes et des poitrinaires;
faisons, dans A travers champs, verser un pleur, sur le sort de deux
jeunes gens dont un seul est libre et qui, sentant que la grande route
de l'amitié où ils marchent ensemble va dévier du côté de l'amour,
se séparent douloureusement sans retourner la tête; apitoyons, dans
nos Koumiassine, les bonnes âmes sensibles sur les malheurs de la
jeune Vasilissa, pauvre jeune fille noble, en butte à toutes les avanies
et à toutes les rebuffades de l'orgueil aristocratique ; enfin, essayons,
dans Sonia, d'intéresser les lecteurs bénévoles aux aventures d'une
fille sauvage, mais pudibonde, qui s'éprend d'amour pour un archéo-
logue de Moscou, dont elle cire les bottes et raccommode le linge. Et
si tôt dit, si tôt fait. Par malheur, la fécondité a nui à la qualité. Dans
les lettres, comme dans les arts, comme en toutes choses, c'est un tort
très-grave de surmener son talent, de le prodiguer. Ceux-là seuls
peuvent renouveler intellectuellement les douze travaux d'Hercule
qui ont reçu du Ciel l'étincelle divine, le génie. La production trop
rapide, à force de devenir banale, enraye le succès. Plt, c'est proba-
blement ici le cas. Je doute fort, par exemple, que les deux dernières
œuvres de M™* Henry Gréville, la .Maison de Maurèze et Suzanne
Norinis (dont l'action, entre parenthèses, se passe en France) obtien-
nent de la critique le même accueil que Dosia et l'Expiation de Saveli.
Il faut dire aussi que M'"* Henry Gréville s'est faite, en ces derniers
— -.y-i —
temps, de singulières idées sur la morale. Qu'on en juge par cet échan-
tillon : « La marquise de Maurèze, ayant failli, s'arrête à un moyen
terme. Elle consacre sa vie, sauf les heures qui appartiennent à son
amant, à préserver ses enfants des pièges où elle est tombée. Si sa
conduite est coupable, au moins son enseignement sera irrépro-
chable. » C'est déjà quelque chose. Mais, quelle drôle de casuis-
tique ! Le même manque de sens moral apparaît, çà et là, dans
5»5a;iJie iVorm(5, où nous voyons un père d'une faiblesse déplorable,
élever sa fille en dépit du bon sens, la marier aveuglément à un butor
et s'arracher ensuite les cheveux de désespoir. Il y a, du moins, dans
Suzatme Nonnis, quelques caractères fort avenants, notamment, la
cousine Lisbeth, vieille fille sexagénaire qu'on a surnommée la « bête
à bon Dieu, » parce que, dans sa naïveté sublime, elle est la providence
de tout un village. Mais, dans la Maison de Maurèze, nous ne trouvons
rien d'attrayant. Cette histoire d'adultère, traitée par l'auteur avec
une certaine délicatesse, offre ce côté pénible que « les deux
enfants de l'épouse coupable se trouvent mêlés à sa faute et réduits
à mentir, à s'accuser eux-mêmes pour sauver leur mère. » En outre,
l'intendant Robert est un type faux pour l'époque. Il se pend de
désespoir en apprenant que l'honneur de la maison de Maurèze a été
souillé. Si le type était réel, les cordiers du xviii^ siècle, comme on
l'a dit plaisamment, auraient fait des fortunes invraisemblables. Dans
ses romans russes, M""* Henry Gréville vivait à peu près en-dehors
des idées religieuses. C'était une source de moins d'inspiration. Mais,
esthétiquement, elle ne donnait prise à aucun reproche d'hostilité ou
de haine. Dans ses romans français, elle montre un bout d'oreille qui
sent le roussi. Ainsi, nous la voyons, dans Suzanne Nonnis y Sittrihuev
à l'éducation des religieuses du Sacré-Cœur des conséquences qu'un
cas exceptionnel ne saurait logiquement justifier. Elle plaisante sur
l'acte de la première communion, et trouve le catéchisme « une chose
par trop absurde. » Ce sont là des notes absolument discordantes et,.,
complètement inutiles.
— Puisque nous voilà jusqu'au cou dans la littérature étrangère,
n'en sortons pas sans dire un mot de quelques romans anglais, italiens
et flamands, que les traducteurs viennent de livrer à la publicité.
Nous avons Flora Bellasys, par G. A. Laurence ; Sans issue, par
Elisabeth Stuart Phelps; le Baiser de la comtesse Savina, par A. Cac-
cianiga; Sous le grand hêtre, par Auguste Snieders. Flora Bellasys est
le complément de Guy Livingstone. Après la mort de Guy, Flora,
épouse, sans l'aimer, sir Marmaduke Dorillon. Le vieux lord n'est
qu'une sorte de chaperon pour la coquette et provocante Flora. La
coquetterie de lady Dorillon occasionne le suicide du peintre Fleming
et la paralysie de sir Marmaduke. Ce nouveau roman de Tauteur de
— 3G —
Gtdj LiviiKjslonc se perd dans les détails et les épisodes. On finit par
ne plus s'y reconnaître. Il faut louer pourtant l'introduction, tableau
très-fouillé, très-naturel, très-pittoresque du marché de Torrecaster
dans le comté de Marshire. On dirait une de ces ducasses wallonnes
ou de ces kermesses llamandes dont Téniers et Breughel le Drôle,
nous ont si bien décritles cotés réjouissants, tumultueux et grotesques.
Sans issue, de M'"'^ Elisabeth Stuart Phelps, rentre dans un tout
autre ordre d'idées. C'est un terrible réquisitoire contre la philan-
thropie anglaise et le caiH britannique. 11 s'agit d'une fille-mère qui,
tant qu'elle a son enfant sur les bras, voit tous les yeux se baisser
devant elle, toutes les mains se retirer, toutes les bourses se cacher,
toutes les maisons se fermer. Nixy Trent, ainsi se nomme cette in-
fortunée qui a failli sans presque en avoir conscience, serait devenue
une fille perdue, n'était une bonne samaritaine, une vraie chrétienne,
Marguerite Purcell, qui la recueille chez elle, l'instruit, la moralise et
finalement en fait une honnête femme. Alexandre Dumas fils a traité
une pareille thèse dans les Madeleines repenties et dans les Idées de
Madame Aiibray, avec cette diff'érence, que l'écrivain français disserte
moins que l'auteur anglais. M"^ Elisabeth Stuart Phelps abuse des
citations de l'Ecriture. Un roman n'est pas un sermon, ni un prêche,
puisque nous avons aftaire cette fois à une œuvre protestante, œuvre,
du reste, bien conduite, profondément fouillée, quoique un peu
nerveuse. Il est instructif de passer sans transition aucune de la litté-
rature anglaise à la littérature italienne. On voit de suite les dissimi-
litudes du Nord et du Midi. Ici, l'analyse des sentiments intimes,
l'observation psychologique, les minuties du al home, les mélancolies
du brouillard; là, les joies bruyantes des jours ensoleillés, les descrip-
tions anthropomorphes, l'emphase des clioses extérieures, Sont-cedes
défauts? Non : ce sont des expressions et des impressions inhérentes
à la race et au tempérament. Onles retrouve, franches et peu déguisées,
dans le Baiser de la comlcssc Savina. Ne vous creusez pas cependant
l'imagination. Malgré ce titre guilleret, sauf une escapade indiquée à
peine, le Baiser de la cumlesse Sacina n'a rien d'immoral. L'histoire de
ce « baiser » est celle-ci : un pauvre orphelin, Daniel Carletti, habite
à Milan, avec son oncle le chanoine, une maison qui fait face au
somptueux hôtel des comtes de Brisnago. De sa petite fenêtre, Daniel
aperçoit presque tous les jours, se promenant dans les jardins de
l'hôtel, une fée si ravissante, que le pauvre garçon en perd le boire et
le manger. Amour tout platonique d'ailleurs! La seule licence qu'il
s'accorde, c'est d'envoyer à la fée unbaiser avecla main. Puis, il part
pour la Valteline, où il exerce les fonctions de maître d'école, — tout
en travaillant à une tragédie légendaire, dont il avait conçu le plan sur
les bancs du collège. Peu à peu, la poésie et le rêve font place à la
Janvier 1878. T. XXII, 3,
— 34 —
raison et au bon sens. Daniel Carletti épouse la iille d'un riche fermier,
Agathe Bruni. Le bon chanoine meurt sur les entrefaites. Ils héritent
et reviennent habiter Milan. Agathe et Daniel ont une fille char-
mante. De son côté, la fée d'autrefois, la comtesse Savina s'est mariée
avec le marquis de Montegaldo. Un fils est issu de cette union. Or
qu'urrive-t-il? C'est qu'un beau matin, Daniel Carletti aperçoit le
jaune Saverio Montegaldo envoyer de la main un baiser à sa chère
Giuseppina, — Vous vojez d'ici la coïncidence! Mais, comme dit
Shakespeare, tout est bien qui fiait bien, et l'amourette, cette fois,
finit par un bon et honnête mariage. Le Baiser delà comtesse Savina a
un autre mérite à nos yeux : il fait aimer la vie rurale, la vie agricole.
Et, par ces temps d'absentéisme à outrance, il faut encourager toutes
les tentatives de nature à inspirer aux masses rurales l'amour du sol
natal et le respect du fojer paternel. C'est pour cela que nous recom-
mandons, comme un excellent livre de propagande, Sous le grand
hêtre, de M. Auguste Snieders. Il fut une époque, pas bien éloignée,
où la découverte des placers aurifères de la Californie fit perdre la
tête à bon nombre de paysans. Ils vendirent leurs champs et émigrèrent
en Amérique, crojant y ramasser l'or à pleines mains. Ils n'y ramas-
sèrent que la misère. Tel fut du moins le sort d'Hubert Bronke, dit
Bert le Roux. Il quitta s(>n village où il avait tout à souhait, aban-
donna son vieux père aveugle et s'embarqua pour la Californie avec sa
femme Monique et sa fille Héva. Les déceptions, les maladies, les
soufîrances, eurent bientôt raison de Bert le Roux et de Monique.
Héva revint seule au village et y retrouva son fiancé Daniel, sonaïeul,
ses amis du Grand-Hêtre et le bonhomme Evrard Krans, enragé mar-
motteur de proverbes. Parmi les adages de Krans, prenons-en seu-
lement deux qui sont toute la morale de cette histoire : Pierre qui
roule n'amasse pas mousse ; — Qui a un chez soi est plus riche qu'un
roi.
— Si nous rentrions en France ! Il nous semble que nous avons un
peu longuement voyagé hors de la « doulce » terre des Gaules,
d'autant que M. Charles Canivet nous attire en pleine Normandie,
dans le Cotentin. C'est là, entre Criquebec et Valognes, dans la ferme
de la Boulottière, près du pont de Négreville, que son Jean Dagoury
fait ses tristes fredaines. Ce Dagoury est une bête brute qui met à
mal une jeune orpheline qu'on appelait indistinctement Jeanne, Jean-
nette, Jeanneton, Jeannetonnette, et par abréviation Tonnette. Bour-
relé de remords, le cœur ulcéré d'envie, l'âme desséchée par l'avarice,
Dagoury se noie dans la Douve, et Tonnette épouse en secondes noces
le brave et honnête meunier Mesnilgrand.Les paysans de M. Charles
Canivet ne sont pas poétisés et floriannisés comme ceux de George
Sand ; ils ne sont pas non plus caricaturisés et enlaidis comme ceux de
— 3o —
M.LéonCla.del.L'a.uteavdesScenesdupaysbas-nonnand a su éviter ces
deux extrêmes. Il a été vigoureux sans violence, exact sans exagéra-
tion, quoique certains de ses portraits soient un peu poussés au
noir. En somme, au point de vue purement littéraire, oeuvre cons-
ciencieuse et méritante. Nous en dirons autant, au même point de
vue, de la Veuve, de M. Louis Ènault. Le sujet des deux romans n'a
toutefois aucun rapport. Dans Jean Dngoiiry, M. Canivet ne met en
scène, sauf un jeune étudiant, que des gens de la campagne : Dagoury,
Mesnilgrand, le mendiant Tintin, l'abbé Dumatel. M. Louis Énault ne
sort pas des salons aristocratiques. Mais, des deux côtés, il y a le
même soin de la forme. Aa Veuve vaut surtout par la peinture élégante
et distinguée de la vie de château et des moeurs du vrai grand monde.
jyj^me d'Avray, la veuve, — une veuve charmante, — est une seconde
Artémse. Sa douleur est profonde, éternelle, sans ostentation. Cela
ne l'empêche pas de mener une existence conforme à son rang : il le
faut bien, à cause de sa jeune belle-sœur Yalentine qui, elle, ne
demande pas mieux que d'allumer les flambeaux de l'hymen. M. de
Kermoine serait bien l'homme de la circonstance ; mais ne voilà-t-il
pas que ce gentilhomme n'a des yeux que pour M""" d'Avray. Arté-
mise se montre inflexible. Alors M. de Kermoine se ravise, et, ne
voulant pas revenir bredouille de ses galanteries, il épouse Valentine.
M""* d'Avray prend le voile chez les Dames Bénédictines. Tout cela
est très-finement analysé, en-dehors de quelques longueurs et de
quelques haltes trop longues dans les situations secondaires. On lira
avec plaisir dans ce livre un portrait bien réussi de l'auteur de la
Marche funèbre, Frédéric Chopin, la physionomie la plus originale
peut-être de l'art musical contemporain, talent recherché et mys-
tique, âme profonde, abîme couvert de fleurs^ rêveur sérieux voilant
sa pensée grave sous une forme exquise.
— Les Bibliothèques spéciales sont à l'ordre du jour. Il y a les
Bibliothèques militaires, les Bibliothèques de la jeunesse, les Biblio-
thèques de l'enfance, les Bibliothèques des chemins de fer. Yoici
qu'un éditeur de Paris vient de fonder la Bibliothèque des bains de
mer. Nous avons là sous les yeux quatre romans faisant partie de
cette nouvelle Bibliothèque. Ce sont : Une femme à bord, Un amour
de grande dame, le Mari de la vieille, et la Grande Falaise. Le pre-
mier est insignifiant. La « femme à bord » est une nouvelle
mariée, capricieuse, coquette, folâtre, que son mari, par condescen-
dance, emmène avec lui sur le Triton, vaisseau dont il est le comman-
dant, ce qui ne lui porte pas bonheur; car, par ses agaceries, ses
minauderies, ses imprudences, madame trouble la tête à tout le
monde, provoque un suicide et fait mourir l'homme dont elle porte le
nom de douleur et de désespoir. Dans un « Amour de grande dame, »
— :j(i —
œuvre mieux réussie, il y a quelque chose d'identique. La comtesse
Isabelle inspire de l'amour à un honnête homme. Elle est veuve, elle est
libre, elle aime au fond celui qui lui a sauvé la vie aux eaux de Plom-
bières ; mais elle n'en brise pas moins la vie et le cœur de Derfaut,
— tout simplement parce qu'il est roturier et que l'orgueilleuse Isa-
belle tient moins à son bonheur qu'à sa couronne do comtesse. Quant
au Mari de la vieille, c'est une production plus que légère. Elle roule
sur un quiproquo dont le chaste dénoùment pallie un pou les passages
scabreux. Néanmoins, nous ne conseillons pas à la mère d'en permettre
la lecture à sa fille, si excellentes soient les intentions d'une
aimable vieille du faubourg Saint-Germain, et si légitimes soient les
droits que sa gentille nièce peut avoir sur le libertin Gaston de
Presmes. Eu résumé, des quatre romans parus dans la Bibliothèque
des bains de mer, le seul qui ait vraiment de la valeur, nous l'avons
réservé pour la bonne bouche. Il a pour titre : la Grande Falaise.
Drame émouvant dont l'action absolument historique se passe pendant
la Révolution, de 1785 à 1799. Robert Marnier, fils d'un homme taré,
perdu de dettes, sauve un jour de la mort la fille du marquis de Tray-
nières, Charlotte, qui s'était imprudemment aventurée sur la grande
falaise de la Hague. Un ruban est tout ce qui reste à Robert de ce
sauvetage. La Révolution éclate. Robert s'engage et, après divers
actes de bravoure, devient général. Le marquis de Traynières est
proscrit. Charlotte, se ressouvenant de Robert, va lui demander de
sauver son père. Le général Robert acquiesce à la demande de la
jeune fille ; mais à quel prix ? Au prix de l'honneur de M^'^ Tray-
nières. Il a voulu se venger d'une insulte jadis faite à sa pauvreté. Dés
ce moment, le remords s'empare du général. Charlotte se présente à
lui avec un vieux prêtre et dit à Robert Marnier : « Mon devoir est
d'être votre femme. » Le mariage s'accomplit et Robert part pour l'E-
gypte. Le souvenir de Charlotte et de son indigne attitude envers
elle le poursuit partout. Il cherche la mort, la mort ne veut pas de
lui. De retour en France, il ne cherche pas à voir sa femme, mais il
s'applique, par une conduite exemplaire, à mériter son pardon. Il pro-
fite de son influence pour rendre aux amis de Charlotte et à M. de
Trayniéres lui-même des services qui ne s'oublient pas, si bien
qu'un jour Charlotte ouvre ses bras à son mari, et, pardonnant le crime
expié, s'écrie les yeux pleins de douces larmes : « Maintenant, je suis
vraiment votre femme ! « Dans la Grande FalaiseM. Albert Sorelmet
en présence des républicains et des royalistes. On voit de suite qu'il
est girondin; mais nous devons lui rendre cette justice, qu'il ne
représente pas ses adversaires politiques sous des couleurs ridicules
et odieuses. Au contraire ! En outre, il ne se fait pas faute, à l'oc-
casion, de flétrir comme ils le méritent les Carrier, les Fouquier-Tin-
— 37 —
ville et les Robespierre. Le fond du roman, avons-nous dit, est his-
torique. Voici, en effet, ce qu'on lit dans la Bior/raphie générale : « A
la Restauration, le général Robert se retira dans sa famille. Il est
mort au château de Malesville (Manche). Il avait épousé M"^ Char-
lotte de Trayniùres, fille du marquis de Traynières, député de Nor-
mandie aux États généraux de 1789. »
— Près du gouffre, de M. Saint-Patrice, ne fait pas partie de la
Bibliothèque des bains de mer ; mais ce roman a toutes les « quali-
tés » requises pour figurer dans la collection. L'intrigue serait bien
déduite si l'auteur ne courait pas si visiblement après l'esprit. Il a
aussi des théories passalilement risquées sur les moyens de vengeance
que doivent employer les femmes jalouses. Pour avoir employé un de
ces moyen?, l'héroïne du livro, M°"^ de la Rôle, s'approche tellement
du gouffre que, si elle n'y tombe pas, c'est par des prodiges d'équi-
libre à empêcher Blondin de dormir. Passons outre et arrivons à la
Biitarde, de M. Xavier de Montépin. Ce roman débute par un viol, un
duel suivi de mort et un adultère. Puis vient une substitution d'en-
fants, des combinaisons à n'en plus finir et des péripéties à vous rendre
fou. Au dénoiiment, il y a encore un crime, un assassinat; la fille légi-
time meurt en pardonnant à ses ennemis, l'expiation, une expiation
terrible, atteint les coupables; la morale est sauve. Mais si la
morale est sauve au dénoûment, elle ne l'est pas toujours dans les
situations. La Bâtarde appartient à ce genre de romans dont Ro-
cambole off're le plus parfait spécimen. Au même genre et au
genre Gaboriau simultanément, appartient le Numéro 13, de la rue
Mariât, par René de Pont-Jest. Habituellement, dans de semblables
œuvres, il s'agit d'un crime dont on soupçonne d'abord tout autre que
le vrai coupable. Cette fois, les apparences existent, les recherches
se poursuivent, les imbroglios naissent à chaque pas; et il se ren-
contre finalement qu'il n'y a eu ni meurtre, ni suicide, bien que, dans
un escalier, un cadavre ait été trouvé, atteint de deux graves
blessures. Le prétendu assassin s'est enfui ; mais sa prétendue com-
plice est devant les assises et va être condamnée à mort, quand arrive
juste à point d'Amérique un détective ramenant l'inculpé. Celui-ci,
péremptoirement, démontre que le cadavre trouvé dans l'escalier du
numéro 13 de la rue Marlot est celui de M. de Rumigny, lequel s'é-
tait tué lui-même par accident en tombant sur un couteau ouvert
qu'il tenait à la main. 0 tiuGoç or,Xo[, cette fable montre que la
justice ne saurait s'entourer do trop de précautions en traduisant
quelqu'un à sa barre.
— Nous connaissions le roman judiciaire; mais le roman javanais
avait complètement échappé à nos investigations. Aujourd'hui nous
découvrons ce phénix; il a nom Kousouma et pour auteur M™" Maria
— 38 —
Bogor. ^oxsnnma, en javanai?, veut dire « fleur.» Cette Kousouraa est,
en effet, bien nommée. C'est une fleur des tropiques, d'une beauté
étrange, mais fort dangereuse. Séduite par un certain Hugo de Voss,
la Javanaise se venge en faisant assassiner la fiancée de ce capitaine
de vaisseau. Il y a, dans Kousouma des pages chaudes et passionnées,
trop passionnées même. Néanmoins M"^ Bogor n'a pas su tirer de son
sujet tout le parti qu'il comporte. Sous la plume de Méry, par
exemple, Kousouma fût devenu un chef-d'œuvre. L'auteur de la
Guerre du Nizam nous aurait donné de ces paysages splendides dont
sa plume enchanteresse avait le secret; il eût passé en revue les
mœurs pittoresques, les coutumes étranges, les féeriques panoramas
dont Java offre le spectacle ; il nous eût décrit cette riche flore java-
naise qui n'a pas d'analogue : les cocotiers aux panaches multiples;
les flamboyants dont les fleurs écarlates éblouissent la vue ; les bana-
niers aux feuilles vertes, de grandeur extraordinaire ; les arbres à
coton, chargés de flocons blancs comme la neige ; les palmiers du
voyageur, éventails gigantesques d'une forme et d'une élégance admi-
rables ; les banyans immenses, dont un seul forme un bois tout entier
où ne pénètrent jamais les rayons du soleil ; les vaniliers s'enlaçant
autour des fontaines, tapissant les murs des vérandahs et mêlant
leurs parfums pénétrants à la brise caressante dos montagnes.
M""^ Bogor s'est contentée de nous parler, à la hâte, du nénuphar, de
l'ylang-ylang, du pukul-ampat et d'une fleur des tombeaux que les
esprits des morts protègent ; elle a préféré s'égarer dans les plates-
bandes d'une fausse sentimentalité. Chacun son goût.
— Le drame de Patrie, de Victorien Sardou, a très-certainement
inspiré l'auteur de Dona Maria. Celle-ci comme Dolorès, hait d'une
haine indomptable Guillaume le Taciturne. Elle se croit une nouvelle
Judith destinée par Dieu même à tuer « le nouvel Holopherne. » La
chose étant un peu difficile, Dona Maria d'Alastro arme le bras de
divers personnages qui, tous, sauf le dernier, Baltliazar Gérard,
échouent dans leur criminelle entreprise et périssent sur l'échafaud.
Inutile de dire que les moyens employés par Dona Maria pour mettre
le poignard aux mains de Juan de Terrannva, d'Alphonse de Guevara,
de Hans Hamburger, de Nicolas de Salcède et de Gérard le Lorrain,
sont les mômes que ceux dont se seraient servis les chefs de la Ligue
pour déterminer Jacques Clément à tuer Henri III. M. Cambier,
l'auteur de ce roman qui a des prétentions historiques, traite l'histoire
par dessous jambe. Il prétend que la Judith belge — une Judith peu
scrupuleuse, en tout cas — aurait été fanatisée par une amie de sainte
Thérèse, supérieure du couvent de San-Miguel, par le dominicain
Timraermann et par le prince-évêque de Cologne. Tout cela est de
pure fantaisie, et l'on ne voit que trop à quoi tendent, malgré cer-
— 30 —
taines déclarations respectueuses, de semblables imputations. C'est de
la chronique inexacte mise en mauvais roman. Nous pouvons en dire
de même, et avec beaucoup plus de raisons encore, des Diables de
Loudiin, par Jean de Poitiers. Les faits inexplicables observés à
Loudun, le procès d'Urbain Grandier et son exécution capitale veulent
être traités avec toute la gravité de l'histoire. Ces faits ont passionné
toute une génération. Les possessions étaient-elles réelles? Le pour
et le contre ont eu leurs partisans. Grandier était-il sorcier? La
question est toujours controversée. Ce qui est admis par tout le monde,
c'est que sa vie était scandaleuse. Assurément il n'y avait pas là motif
suffisant pour fiiire brûler ce malheureux prêtre. Mais, en bonne
justice, on ne peut admettre, comme s'évertue à le prouver l'auteur
des Diahlrs de Loiidiin. que cette mort fut une vengeance de Richelieu.
Richelieu, tout-puissant ministre, ne prenait pas des chemins si
détournés. D'ailleurs, Richelieu n'avait point pour habitude de venger
ses injures personnelles. Son bras ne s'appasantissait que sur les enne-
mis de l'Etat. Ceux qui ont condamné Grandier croyaient réel'ement
à la réalité des possessions, et, en toute bonne foi, lui ont fait appli-
quer par Laubardemont les peines édictées contre les sorciers par un
Code qui^ évidemment, n'est plus dans nos mœurs, mais dont la légi-
timité était alors reconnue de tout le monde. Jean Bodin, lui-même,
l'auteur éclairé et libéral, d'un traité sur la République, n'a-t-il pas,
sous ce rapport, approuvé et partagé, dans sa Démonomanie, toutesles
idées de son temps? Il est donc souverainement injuste de rendre le
catholicisme responsable de la mort d'Urbain Grandier. C'est pourtant
ce que fait Jean de Poitiers (un pseudonyme évidemment) dans ses
Diables de Loudun. Comme roman, d'ailleurs, c'est piètre. L'auteur n'a
d'original que la couverture fantastique et lugubre de ses Diables. Les
caractères d'impressic-n (têtes de clou sur du papier à chandelle) et la
justification typographique du volume indiquent suffisamment que les
THables de Loudun ont paru en feuilleton dans quelque succursale
poitevine du Réveil et de la Lanterne : cela dit tout. Quant aux détails
historiques, ils ont été copiés dans VHistoire des diables de Loudun, du
calviniste Aubin. Le récit de lamortde Grandier est paiement et mala-
droitement imité des premières pages du Cinq-Mars, d'Alfred deVigny.
— Elisée, par Eugène Pelletan, quoique de forme romanesque, n'est
pas précisément un roman. C'est un prétexte à pompeuses et poétiques
déclamations contre l'ancien régime, la papauté, la noblesse et les
jésuites. Elisée pourrait bien être M. Pelletan lui-même. Fils d'un
paysan de la Saintonge, il est élevé dans un collège de Poitiers, en
sort ni catholique ni protestant, arrive à Paris, fait son droit, voyage
en Italie revient en France et se marie avec la fille d'un charpentier.
Cela tiendrait bien en vingt lignes — et le livre a pourtant 450 pages.
— 40 —
Voici pourquoi : Elisée se demande : « Qu'est-ce que l'homme en
général, et que suis-je en particulier? » Et il va chercher la réponse
dans Hegel, Darwin et Buchner. Il n'avait, comme JoufTroy, qu'à
ouvrir le catéchisme. Plus loin, il se pose cette question : c Que faut-il
penser de la papauté? » Et, au lieu de consulter Thistoire derp]glise
catholique qui est l'histoire même des papes, il s'en remet à la Question
romaine d'Edmond About. Ailleurs, il dit de la théologie : « C'est une
couturière qui habille Dieu à sa convenance. » Plus loin, il s'épuise
en quolibets sur Marie Alacoque, fait assassiner le maréchal Brune
par Tresta liions, et appelle Chateaubriand le « hâbleur de la mélan-
colie. » Pour Elisée, la noblesse est une « élite de coquins, » et,
voulant naturellement prouver son dire, il énumère les tristes exploits
de ces louveteaux d'Auvergne que Louis XIV fut obligé de réduire —
comme si tous les gentilshommes français avaient eu maille à partir
avec les Grands -Jour s. De Louis XIV, Elisée ne voit que le mal. Il dit
à ce roi dont les fautes sont réelles, mais dont les grands actes, chantés
ou décrits par Voltaire, sont indéniables : « Sire_, ôtez votre manteau
fleurdelysé, il pue l'abattoir. » Puis, triomphalement, Elisée s'écrie :
« Je crache sur l'histoire. » Crachat ridicule qui retombe sur le nez
du pamphlétaire ! Çàet là pourtant, le prophète blasphémateur émet
quelques vérités. Celle-ci entre autres : « Un jour, la main tragique de
93 passe sur la France, et, depuis ce moment, on la cherche et elle se
cherche elle-même; elle tourne de la monarchie absolue à la monar-
chie constitutionnelle; de la monarchie constitutionnelle, elle bondit
dans la République; de la République elle plonge dans le despo-
tisme; elle avance, elle recule, elle vacille sans cesse d'un règne à
l'autre. » Elisée, parlant du pape Grégoire XVI, en fait un portrait
qu'il a eu l'intention de rendre burlesque, mais qui n'amène qu'un
aimable sourire. On lira avec intérêt quelques pages bien écrites sur
le mouvement intellectuel de 1830, et le récit fort bien fait d'un tou-
chant épisode de la vie du peintre Léopold Robert. C'est tout ce que
nous pouvons louer de ce livre. Par exemple, dans le Dégrossi de
M. Victor Le Febvre, qui s'intitule Laboureur, un laboureur en cham-
bre, probablement, nous ne pouvons rien louer du tout. Sous des airs
de fausse bonhommie, M, Le Febvre souffle la haine contre le clergé,
contre les nobles, contre toutes les supériorités sociales, une haine
aveugle, systéma-tique, acharnée, frénétique, inspirée d'Eugène Sue
dont il se réclame et s'alimentant dans le Diclionnaire de Maurice
Lachâtre, Sauf une dizaine de pages ayant trait à des notions agricoles
et un chapitre où l'auteur démontre l'ignorance des rhabilleurs, le
Dégrossi n'est qu'une invective, assaisonnée de calomnies grossières
et de plaisanteries ordurières contre les choses les plus respectables,
amalgamées à dessein avec les superstitions les plus ridicules. M. Le
Febvre veut que les ouvriers s'instruisent, et il propose comme modèle
son « dégrossi. » enfant trouvé qui finit par épouser une riche pay-
sanne de la Touraine. Nous voulons, nous aussi, que les ouvriers
s'instruisent ; mais c'est par des moyens différents de ceux que
préconise M. Le Febvre. On a vu ce que les ouvriers beaux parleurs
quilif ent Proudhon sans le comprendre ont été capables de faire pendant
la Commune. Enfin, M. Le Febvre intitule son Dégrossi « roman rural. »
Non! Le vrai roman rural, c'est celui que vient de publier M. Charles
Deslys, c'est .Uallre Guillaume. M. Roselly de Lorgnes, après le
succès de son Christ devant le siècle, fit paraître un autre ouvrage
intitulé : le Livre des communes ou la Régénération de la France jmr
le presbytère, la mairie et l'école. Il est à supposer que M. Charles
Deslys s'est inspiré de ce livre dans son Philtre Guillaume. En
effet, le prêtre, le maire et Tinstituteur qu'il met en scène semblent
s'être donné le mot pour transformer et améliorer leur commune, et
ils y parviennent, malgré les obstacles que suscitent à leur œuvre
évangélique quelques méchants piliers de cabaret. Oui, le bon curé
Denizet, le brave maire Martin FayoUe et le sympathifiue instituteur
Guillaume sont vraiment les « trois amis du village. » C'est aussi un
ami du village que Gordien du Hêtre, un des principaux personnages
àe Pauvres et Mendiants. Il pense, avec raison, que l'ouvrier a du bon
et qu'il faut savoir dégager la perle de sa gangue. L'essentiel est de
bien s'y prendre pour que l'opération n'amène pas un résultat contraire.
Gordien du Hêtre estime que l'homme de condition^ tout en conser-
vant sa dignité, mais se départant de cette politesse glaciale qui
repousse le pauvre monde, doit montrer à l'ouvrier une affection
sincère, lui venir généreusement en aide et, sans discuter aucun de
ses droits légitimes, l'éclairer sur ses devoirs. Tout autour de Gordien
évoluent l'excellent docteur Delcambre, ?>Ianuel de Sardagne dont la
frivolité n'est qu'apparente^ M'"' Flavienne, une sainte vieille fille,
M""" Vaurant, Laure, Noélie, qui sais-je encore ? Le pauvre Colas,
retour de Paris, où il a suffisamment mastiqué de la vache enragée —
tous, braves gens, prêchant d'exemple et faisant du vrai socialisme.
Pauvres et Mendiants a pour auteur M. G. de laLandelle, dontla thèse
se réduit à cette formule : « Soulageons la pauvreté, extirpons le
paupérisme. » M. de la Landelle s'était jusqu'ici distingué dans le
roman maritime. 11 vient de prouver qu'il a plusieurs cordes à son arc.
Cependant, on en revient toujours à ses premières amours. En même
temps que Pauvres et Mendiants, paraissaient, en eftet, du même
auteur, les Deux croisières. C'est la légende historique de la Cléopdtre
et de Vl'ranie qui, en 1793, se mesurèrent avec tant de courage et de
succès contre deux frégates de l'escadre anglaise. A cette chronique,
célèbre dans les fastes maritimes de la France, M. G. de la Landelle
_ 42 -^
a brodé une intéressante fable se rattachant aux plus dramatiques
événements de la période terroriste de la Révolution, Pour égajer le
récit, des types très-amusants, tels que la femme de l'héroïque Tartu,
Boulinette Langue-d'Or, sardinière à Lorient, taillée en lougre avec
des biceps d'hercule et une vertu de vestale ; le bonhomme Anastase,
le patron de la Marsoiiine; Muscadot-que-rien-n'étonne, beau diseur,
beau chanteur, insouciant enfant de la Saintonge. Tout à côté, comme
contraste, les silhouettes sanglantes de Laignelot, de Lequinio et de
rinfâme Ance, le Fouquier-Tinville des Charentes. Drame enfin où le
plaisant se mêle au sévère, le comique au tragique !
— M. Jules Verne, l'inventeur du roman scientifique, est infati-
gable. Après les Indes noires, voici Hector Servadac. Ce roman com-
mence à ia fin du monde ou plutôt de notre monde. L'auteur suppose
que la rencontre d'une comète fait éclater le globe terrestre comme
une noisette. Un des fragments de la machine ronde s'en va à la
dérive à travers les espaces, emportant avec elle quelques rares
humains échappés par miracle au cataclysme. Parmi eux se trouvent
des Français, des Anglais et des Russes. Le récit de leurs mésaven-
tures est des plus gais, lorsque le chef avéré, le capitaine reconnu
de la tribu voyageuse rencontre son vieux professeur de physique à
Charlemagne. Dès lors, les conversations, sans cesser d'être atti^ayantes,
deviennent sérieuses. On s'entretient des phénomènes atmosphériques,
de l'astronomie, de la cosmographie, des monstres célestes, desmé-
téores, de Jupiter et de Vénus, de Mercure et de la Lune — le tout
de temps à autre interrompu par les réflexions cocasses de l'ordon-
nance Beni-Zouf. Et le fragment file toujours ! Où iront-ils donc
échouer, bon Dieu ? C'est ce que nous ignorons encore.
— A quel genre pourrions-nous bien rattacher ÏAinc de Beelhoven,
de Pierre Cœur? Au genre psychologique, s'il existait. Un jeune
paysan des Vosges ressemble trait pour trait au grand Beethoven, et
a, comme Beethoven, un vrai génie musical. Après quelques études
chez le curé de son village, le paysan débarque à Paris, étonne tout
le monde, devient la coqueluche des artistes, se voit trahi par ceux
qui lui manifestaient le plus d'enthousiasme, assiste à une séance de
spiritisme où un Mozart de contrebande achève de troubler sa pauvre
cervelle, se croit très-sérieusement Beethoven et achève ses jours
dans une maison d'aliénés aux environs de Dôle. Ce roman, d'un tour
un peu hoff'mannesque, sert de cadre à une thèse fort bien déduite sur
le traitement des maladies mentales par la musique. A VAme de
Beelhoven se rattache une petite nouvelle, dont la pensée ne se dégage
pas très-nettement. Un gamin de seize ans s'enferme dans la Biblio-
thèque de son oncle et s'empiffre de Rousseau, de Diderot et de
Voltaire, au point de s'en donner une indigestion. La morale de cette
— 43 —
bliiette est probablement contenue dans ces paroles de l'oncle du
gamin : « A tous les fatras philosophiques, sociaux et humanitaires,
je préfère la Fée aux miettes du bon Nodier. » Et nous aussi. — Pierre
Cœur est un pseudonyme : l'auteur de T.-lme de Beethoven se nomme
de son vrai nom Anne-Caroline-Joséphine de Voisins d'Ambre, née
Husson. Les femmes de lettres ont un faible pour les pseudonymes.
Puisque nous y sommes, dévoilons-en quelques-uns. La comtesse
d'Agout, née de Flavigny, signait : Daniel Stern; Aurore Dudevant,
née Dupin, signait: George Sand; l'auteur des Enchantements de
'prudence^ M"' de Saman, s'appelle Hortense Allart ; Andrée Léo est
M™" Champceix; Jean Lander est M""^ Hello; Claire de Chandeneux a
nom EmmaBailly; Henry Gréville, comme nous l'avons dit, cache le
nom peu poétique de M™^ Durand. L'auteur de Vcrlu et du Blcuclr\''est
autre que M"" Gustave FouM. On pourrait aisément augmenter cette
nomenclature.
— Nous voici revenus aux Contes et Nouvelles. Le premier conteur
qui nous tombe sous la main est M. le baron de Fauconnet. Conteur
médiocre. Il nous est avis que M. de Fauconnet doit savoir mieux se
servir d'un fusil de chasse que de sa plume, si nous en jugeons du
moins par les deux recueils qu'il se donne l'aristocratique plaisir de
livrer à la publicité. Dans Une rivale de Marguerite et Vn mélange
diabolique (c'est le titre des deux recueils en question), nous ne voyons
qui vaille la peine d'être cité que le Sabre enchanté (histoire fort drôle
et assez drôlement racontée) et Une cause célèbre^ dans laquelle un méde-
cin de Paris se fait assassin pour étudier in anima vili la circulation
du sang. Les autres nouvelles de M. de Fauconnet, sauf le récit des
amours d'Henri IV, sont de simples faits divers. Il est même tels de
ces contes qui n'ont pas dft coviter à M. de Fauconnet un bien grand
travail. Ainsi, la Duchesse d'Auribeau n'est autre chose que l'histoire
bien connue de la belle marquise de Ganges, assassinée par ses deux
beaux-frères, l'abbé et le chevalier de Ganges. On n'a, pour se con-
vaincre de la chose, qu'à lire les Histoires tragiques de notre temps, de
François de Rosset (Lyon, Benoist Vignieu, 1721, in-8). Il est vrai que
ce bouquin, fort rare, n'est guère feuilleté que par les bibliophiles.
— Les Contes tristes de M. Louis Haumont se bornent à deux récits
d'une esrtaine longueur. Le premier est l'histoire sempiternelle de
l'orpheline séduite sous promesse de mariage par un libertin et qui se
noie quand son infidèle lui préfère une sous-préfecture. Il n'y a d'ori-
ginal, dans ce conte : Le dernier rendez-vous, qu'un type d'ouvrière
parisienne fort réussi. Nous voulons parler d'une certaine Léontine,
habile à l'ouvrage, dure à la fatigue, riant à propos de tout, pleurant
à propos de rien, croyant à l'existence de Rocambole, prenant la mule
du pape pour une ânesse et se vantant d'avoir été une '< salubrité »
de rÉlj^éc-Monlmartre. Le second des Contes tristes, de M. Louis
Haumont, est, de tous les points, supérieur au dernier Rendez-vous.
Ce conte a pour titre : la Mort de M. de Pralong, et l'action se passe
par là-bas du côté d'Embrun ou de Briançon. Histoire étrange,
d'ailleurs, pleine de piquant et de saveur, racontant dans ses dé-
tails la terrible légende des seigneurs de Pralong, qui, tous,
meurent de mort violente en expiation d'un crime épouvantable
commis par le chef de cette antique et puissante famille. Jacques de
Pralong s'est battu comme un lion en 1870. Il a la foi d'un enfant, le
courage d'un héros; c'est un individualiste très-accentué, un politique
à la façon de Joseph de Maistre — avec cela, il est visionnaire,
halluciné à ses heures, croyant à la fatalité, aux influences astrales,
aux pressentiments, Jacques de Pralong n'échappe pas à sa destinée.
Par malheur, M. Louis Haumont gâte tout le plaisir que son récit
peut causer à un gourmet littéraire en voulant expliquer naturelle-
ment une mort dont il s'est absolument efforcé de décrire les prélimi-
naires comme surnaturels et mystérieux. A quoi bon l'intervention
saugrenue des agents de la bande noire ? Cette intervention est une
faute contre l'art que se seraient bien gardé de commettre Charles
Nodier, Hoffmann et Edgard Foë_, de vrais maîtres dans le genre fan-
tastique. Pour ne pas rester sur une critique, louons sans réserves les
premières pages de la Mort de Jacques de Pralong. Cela forme un
tableau des déboires et des tribulations d'un journaliste de province
qu'Edouard Ourliac eût signé avec bonheur.
— Encore Quatrelles ! Quatrelles est le pseudonyme de M. Ernest
Lépine. ancien secrétaire de M. de Morny, aujourd'hui un des collabo-
rateurs assidus de la Vie parisienne. Quatrelles vient de donner un
pendant à r.4/r-f;i-c/i"/. Ce sont les Mille et une nuits matrimoniales.
Ces Mille et une nuits n'ont rien de commun avec les fameux et mer-
veilleux contes arabes. Elles se composent de cinq récits on ne peut
plus modernes et réalistes, faits en chemin de fer par cinq voyageurs,
une Dame à la robe gris-de-poussicre, une Dame au voile épais, une
Dame au bas de soie bleu-de-chine, un vieux Monsieur et un jeune
homme de Washington. Quatrelles, dans la préface du livre, dit :
« Malgré ses dehors cavaliers, ce livre est un livre moral. H va droit
au but. n traite certaines questions brûlantes qui ne regardent ni les
demoiselles ni les petits jeunes gens. » L'auteur a voulu, ce sont du
moins ses prétentions, réagir contre cette école abjecte et malsaine,
qui, sous prétexte de combattre l'adultère, le discipline. « La femme
mariée, dit-il, a deux missions; elle est épouse et elle est mère. On ne
peut pas la détourner de l'une sans compromettre l'autre. » Enfin,
Quatrelles déclare avoir écrit ces Mille et une nuits pour « opposer
aux folies criminelles des époux malfaisants la tendresse sacrée des
époux respectueux. » C'est parler d'or, mais dans une préface.
Nous doutons fort que le but louable de l'auteur soit atteint par le
livre lui-même, recueil d'anecdotes pimentées et visant à un réalisme
de situation qui constraste avec les précautions de langage.
— Pour la première fois, nous pouvons louer à peu près sans restric-
tions M. Gustave Flaubert. Ses Trots contes (sauf, dans un Cœur simple,
un couple d'énormités qui ne tirent pas cependant trop à conséquence)
n'attaquent et n'offensent rien de ce que nous aimons et respectons.
Voici les titres des Trois contes : Un cœur simple, Hérodias, l'Histoire de
saint Julien l'Hospitalier: les temps modernes, l'antiquité hébraïque,
le moyen âge catholique. Le « cœur simple, » c'est une pauvre ser-
vante de Pont-Levèque qui est née pour se dévouer à quelqu'un, qui
se dévoue à ses maîtres jusqu'à l'anéantissement, puis à des animaux
domestiques, puis à un perroquet et qui meurt de ces dévouements.
Hcrodias est une évocation grandiose de la Judée à l'époque la plus
solennelle de l'humanité. Le monde ancien agonise; c'est l'heure du
noDus ordo rerum prédit par le poète. La scène se passe dans la. cita-
delle de Macheron, construite sur une montagne rocailleuse. Les
acteurs sont le tétrarque Hérode Antipas; Jean-Baptiste le Précurseur
ique Gustave Flaubert, nous ne savons trop pourquoi, appelle
(( Joakanan »); l'altière et violente Hérodias ; Salomé, l'aimée impie
des saints livres; des esséniens, des pharisiens, des sadducéens, des
légionnaires de Rome, des esclaves nègres, des Arabes nomades, la
population hybride de la Galilée. Le tout dominé par la divine figure
de Celui qui va renouveler la face du monde. C'était le sujet d'un
poème. M. Gustave Flaubert n'en a fait qu'un tableau, mais il est
splendide avec des couleurs trop crues cependant. Delacroix, c'est
très-beau; mais ce qui serait encore plus beau, ce serait Ingres et
Delacroix équilibrés dans une juste mesure. En tous cas, Hêrodias,
malgré ses qualités descriptives, ne vaut pas Y Histoire de saint Julien
l'Hospitalier. A notre avis, c'est la perle du volume. Julien est le fils
de nobles et puissants seigneurs. Enfant, un bon ermite lui prédit qu'il
deviendra un grand saint, mais seulement après avoir versé beau-
coup de sang. Le père de Julien veut faire de son iils un guerrier, et
il lui apprend à manier les armes, à forcer le sanglier, à lancer la
flèche meurtrière. Sa mère veut en faire un homme d'Eglise, et elle
lui apprend à prier Dieu, à chanter des hymnes, à secourir les pauvres.
De là, deux tendances dans l'âme de Julien. D'abord, l'éducation
paternelle prévaut. Julien devient un chasseur féroce ; il massacre
tout. Un cerf qui portait une croix sur le front, comme le cerf de
saint Hubert, annonce à Julien qu'il tuerait un jour son père et sa
mère. Julien s'enfuit pour échapper à la prédiction. Il devient roi d'un
grand peuple et conquérant fameux. La prédiction s'accomplit quand
— 4G —
même. Julien tue, sans les roconnaitre, les auteurs de ses jours. Dès
lors, il quitte tout, ses palais, ses richesses, son empire, et, s'en allant
mendiant par les chemins, il arrive près d'un fleuve sans pont dont la
traversée était fort dangereuse. Une idée subite inspire Julien. 11
répare une vieille barque, se construit sur la rive une cahute, et, pen-
dant des années et des années, s'impose l'obligation de passer les
voyageurs. Une nuit, nuit d'horrible tempête, Julien s'entend appeler.
Il démarre sa barque et aborde la rive opposée. Un lépreux est là,
hideux, plein d'ulcères, la face rongée, un trou au milieu du nez.
Julien ramène le lépreux dans sa cabane. Celui-ci dit : « J'ai faim, »
et Julien lui donne son écuelle. Il dit : « J'ai soif, » et Julien lui
donne sa cruche. Il dit encore : « Je suis las, » et Julien lui donne son
lit. Le lépreux dit enfin : « J'ai froid, » et Julien se couche près de lui
pour le réchauffer. Alors, le lépreux se transfigure, ses yeux prennent
des clartés d'étoiles, le soufile de ses narines a la douceur des roses,
le toit de la cabane s'envole et Julien monte vers les espaces bleus,
face à face avec Notre-Seigneur Jésus- Christ qui l'emportait dans le
ciel. — (( Et voilà, dit M. Gustave Flaubert, l'histoire de saint Julien
l'Hospitalier, telle à peu près qu'on la trouve sur un vitrail d'église,
dans mon pays. » N'est-ce pas que c'est ravissant? N'était la forme
volontairement savante, on dirait une page détachée de le Légende
dorée de Jacques de Voragiue. Souhaitons que M. Gustave Flaubert
nous donne dorénavant beaucoup de récits de ce genre. Ce sera le
moyen de se faire pardonner le réalisme peu moral de Madame Bovary
et de V Éducation sentimentale. Firmin Boissin.
THÉOLOGIE
s. Clément of Itome. Ati appendix containing Ihe ne loly recovered por-
tions. Wiilt introduction, notes, and translations, by J.-B. Lightfoot, D. D.
Lady Margaret's, profcssor of Divinity, Cambridge, Canon of S. Paul's.
London, Macmillan, 1877, in-8 de 250 p.
M. Lightfoott un des savants qui connaissent le mieux les Pères
apostoliques, a publié, en 1869, une excellente édition des lettres
grecques de saint Clément de Rome. Cette édition est incomplète,
puisqu'elle a paru sept ans avant que les lacunes du manuscrit de
Cyrille Lucaris, d'où dépendaient jusqu'alors toutes les éditions,
eussent été comblées par la découverte du manuscrit de Constan-
tinople, publié en 1875, par le métropolite Bryennios. M. Lightfoot
a voulu donner à ses lecteurs l'œuvre entière de saint Clément, et il
l'a fait dans un appendice dont la pagination continue celle de sa pre-
mière publicatien. Cet appendice renferme le texte grec des fragments
nouvellement découverts, une traduction anglaise complète des deux
lettres ou plutôt de la lettre de saint Clément aux Corinthiens et de-
rhomélie qui porte son nom, des notes et enfin la collection des va-
riantes qui existent entre le manuscrit de Cyrille Lucaris et celui de
Bryennios et une traduction syriaque récemment découverte. C'est
M. Lightfoot qui fait connaître le premier des variantes de la version
syriaque. Les derniers éditeurs allemands de saint Clément, Hilgen-
feld, Oscar do GebhardtetHarnack, neles ont pas connues. Le syriaque
offre, dès le premier chapitre, une variante importante pour déter-
miner la date de la composition de TEpître : il représente les souffrances
dont parle saint Clément, non comme passées, mais comme présentes,
et suppose en grec la leçon Yivo[x£va? au lieu de yîvojxÉva? qu'on lit dans les
deux manuscrits d'Alexandrie et de Constantinople. Il s'ensuivrait donc
que la lettre fut écrite pendant la durée de la persécution de Domitien,
non après (voir p. 267). Le syriaque confirme aussi une variante
importante du manuscrit de Constantinople au chapitre ii. On lit, dans
le manuscrit d'Alexandrie : Kx^[Lxxlx. auTuj, c'est à-dire 0£ou. Le pre-
mier éditeur de l'Épître, Junius, trouva cette expression si forte qu'il
proposa de lire [AaOf,;jLaTa au lieu de 7caOr;[i.aTa. Le codex de Constan-
tinople prouve bien que c'est le mot « souffrances « et non « ensei-
gnements » qu'il faut lire, mais au lieu de 0£oij, il porte Xpicrtou. Hil-
genfeld s'est prononcé pour cette dernière leçon, mais M. Lightfoot,
comme M. Harnak, gardent la première, qui est importante pour l'his-
toire du dogme de la divinité de Jésus- Christ. (Voir p. 400-403, la
savante et intéressante discussion de M. Lightfoot.) — Tout, dans son
édition, est étudié avec le même soin et la même science. Il est seu-
lement à regretter qu'il n'ait pas reconnu le véritable sens des cha
pitres Lviii-LTX. Nous admettons avec lui la supériorité du manuscrit
d'Alexandrie sur celui de Constantinople, mais nous ne sommes pas
de son avis quand il fait l'auteur de l'Epître d'origine juive. Quelques-
unes de ses assertions sur ce qu'on appelle la seconde Epître, qui
est une homélie, sont douteuses. M. Harnack la fait émaner de Rome,
et M. Lightfoot, de Corinthe. Il en rapporte la composition entre
120-140. G. L.
s. Isansici Antiochenî, doctorîs Syroruïn, opéra omiiîa,
ex omnibus, quotquot cxslant, codicilnis manuscriptis cum. varia Icctionc
syriace arabiceque primus edidit, latine vertit, prolegomenis et glossario
auxit D' GusTAVUs Bickell, in uuiversitate Œnipontana, S. Theol. Prof.
Giessen, Ricker, 1873 et 1877, 2 vol, in-8 de ix-307 et 3o3 p.
Les deux volumes j usqu'ici parus de saint Isaac d'Antioche contiennent
le texte syriaque de trente-sept poëmes avec les variantes et la tra-
duction latine. Ce n'est qu'après avoir terminé la publication du texte,
qui doit renfermer cent soixante dix-huit poëmes, avec vingt-deux
- 48 —
fragments, que le D' Bickell nous donnei'a Thistoire de saint Isaac. Il
Ta cependant déjà fait connaître à grands traits dans le volume do
morceaux choisis des Pères syriens qu'il a publié, en traduction alle-
mande, dans la Bibliolhcque des Pères de l'Église, de Kempten. Isaac
était né à Amida, en Mésopotamie, il fut élevé à Edesse et devint
abbé d'un monastère d'Antioche, où il mourut dans un âge très-avancé,
vers l'an 460. Assemani a parlé d'Isaac d'Antioclie dans sa Bibliothèque
orientale, mais son éditeur actuel a connu plusieurs écrits importants
ignorés du docte maronite et qui établissent l'orthodoxie de saint Isaac.
La plus grande partie des œuvres de l'abbé syrien étaient encore
inédites. M. Bickell, pour les publier, a visité toutes les bibliothèques
de l'Europe qui les possèdent en manuscrit et les a soigneusement
compulsées. On voit qu'il est loin d'avoir achevé son entreprise,
puisqu'il a encore à éditer plus de cent trente poèmes, et, pour la
mener à bonne fin, il a besoin d'être soutenu et encouragé par l'appui
de tous ceux qui s'intéressent aux études patrologiques et à l'histoire
du dogme.
Nous n'avons pas à insister sur le mérite du savant éditeur et tra-
ducteur de saint Isaac d'Antioclie. Tous les orientalistes savent que le
D' Bickell est un des meilleurs s^^riacisants contemporains. Aussi
a-t-il publié le texte SA'riaque avec beaucoup de correction et l'a-t-il
traduit avec exactitude. Saint Isaac n'était pas précisément un grand
poète, quoiqu'il ait écrit en vers, ordinairement de sept syllabes. On
trouve quelques beaux passages dans ses oeuvres; on y rencontre
aussi des endroits faibles, des longueurs, des répétitions, des hors-
d'o3uvre; ce n'est pas, en un mot, un saint Ephrera. Mais on le lit néan-
moins avec beaucoup d'intérêt et de fruit. Il est souvent mordant, et
critique quelquefois les défauts des prêtres et des moines avec de^
traits qui font penser à un autre temps. Les neuf premiers poèmes
(le V*^ excepté, qui est un fragment sur le char d'Ezéchiel) ont pour
objet la foi et rincarnation ; le dixième, la puissance du démon pour
tenter l'homme; le onzième et le douzième, le siège de Bcthcar; le
treizième, le jeûne quadragésimal ; le quatorzième, le jeûne en général ;
le (quinzième, les vigiles d'Antioclie ; les seize premiers poèmes du
tome second sont dirigés contre ceux qui négligent le banquet eucha-
ristique; le trente-deuxième loue la virginité; les trente-troisième et
trente-quatrième contiennent des exhortations ; les trente-cinquième
et trente-sixième s'élèvent contre ceux qui vont consulter les devins ;
le trente-septième et dernier fait, en 1924 vers, l'éloge de la pénitence.
L. M.
— 40 —
Prières des Fnlaslias ou juifs «l'Abyssinie, texte clkiopicn,
public pour la première fois et traduit en liébrcu pai' J. Halévy. Paris,
J. Caer, 1877, in- 12 de o8 et 28 p.
Les Falaslias sont des nègres d'Ab^'ssinie, sur la religion desquels
les voyageurs n'étaient point d'accord. Les uns affirmaient, les
autres niaient qu'ils étaient juifs. Le Comité de rAlliance Israélite
universelle chargea, en 1867, un intrépide voyageur, M. Joseph Halévy,
juif originaire d'Andrinople, d'aller résoudre la question sur place. Il
en a rapporté la conviction que les Falashas pratiquent réellement la
religion mosaïque, et les prières qu'il vient de publier en fournissent
la preuve. Il en donne le texte éthiopien, accompagné d'une bonne
traduction en hébreu. Ces prières, malgré quelques particularités qui
leur sont propres, sont tout à fait Israélites. Le monothéisme y est
exprimé d'une manière très-énergique, spécialement sous forme de
litanie : « Son nom est Un. — Adonaï est un. — Adonaï, notre Dieu,
est un Adonaï unique. — Adonaï, notre roi, est un Adonaï unique. —
Adonaï, notre créateur, est un Adonaï unique. — Adonaï, notre gar-
dien, est un Adonaï unique. - — Adonaï, notre pasteur, est un pasteur
unique, etc. » Ce monothéisme n'offre d'ailleurs aucune trace de chris-
tianisme.
Les Falashas sont les seuls hommes pratiquant la religion juive qui
ne se servent point de la Bible hébraïque, mais d'une traduction des
livres saints, la traduction éthiopienne. On ne peut guère l'expliquer
que par des conjectures plus ou moins plausibles. Nous savons, par le
huitième chapitre du livre des Actes des Apôtres, qu'il y avait des juifs
en Assyrie. Saint Luc nous raconte, en cet endroit, qu'un Ethiopien,
eunuque de la reine Candace et son trésorier, était allé adorer le vrai
Dieu à Jérusalem, et i:iu'il fut converti au christianisme par le diacre
saint Philippe, qui lui expliqua le prophète Isaïe. Les Falashas se rat-
tachent-ils à la communauté juive dont l'eunuque de la reine Candace
faisait partie? Nous ne saurions le dire, mais il y a là un fait qui peut
servir à éclaircir le mvstère de leur origine. N. 0.
SCIENCES ET ARTS.
I>e réducatîon intellectueile, fi«or«Ie et Eiliysîque, pai
Herbert SPKxciiR. Traduit de l'anglais. Paris, Germcr-Daillièrc, 1878, ia-8
de 303 p . — Prix : '6 fr.
Il faut un certain courage pour achever la lecture d'un ouvrage qui
débute par des raisonnements aussi étranges que celui-ci : les sau-
vages préfèrent la parure au vêtement; donc l'homme a naturellement
plus de goût pour l'agréable que pour l'utile. Et cependant, on lit
ailleurs que la voix de la nature est le meilleur guide à suivre : les
sauvages ont donc raison. Quelques pages plus loin, il est dit que
Janvier 1878. ''• XXH. 4.
— bO —
l'étude des langues anciennes est une affaire de mode parce qu'elle
ne conduit personne à les lire étales écrire couramment; ce qui
n'empêche pas de dire fort bien dans un autre endroit que le but de
l'instruction est d'apprendre à apprendre, c'est-à-dire qu'elle se pro-
pose moins d'inculquer la science que de donner les moyens de l'ac-
quérir. Que de points soulèveraient les plus vives contradictions! Nous
ne pouvons les signaler tous : il suffit que nous ayons prémuni les lec-
teurs. Ils trouveront quelque dédommagement dans les observations
de l'auteur, dont ils tireront souvent d'autres enseignements que lui.
Dans le premier chapitre intitulé : « Quel est le savoir le plus utile, »
il recherche quel est l'utilité de chaque genre de connaissance, pour
nous guider dans la vie. La conclusion est bien vague : le savoir
le plus utile, c'est la science ! Autant vaudrait dire c'est la vérité,
et il n'était pas l3"esoin d'un gros livre pour faire cette découverte.
Dans les trois chapitres consacrés à l'éducation intellectuelle, morale
et physique, il y a des remarques de détail très-judicieuses et très-
pratiques, dont on peut faire l'application dans certains cas donnés,
mais qui, servant de règle générale, produiraient des effets déplo-
rables. M. Herbert Spencer est pour la science facile, pour la morale
agréable, pour la vie sans effort. Il faut beaucoup s'abandonner à la
nature : « Depuis le berceau jusqu'à l'âge adulte, le procédé d'ins-
truction doit être spontané, comme il devra l'être plus tard, dans
l'âge mûr. L'activité mentale produite doit toujours être accompa-
gnée de plaisir. » Ceci, pour l'instruction. Pour l'éducation, il faut
guérir les enfants de leurs défauts en leur en faisant sentir les incon-
vénients : un enfant perd son couteau, il faut lui en laisser longtemps
désirer un autre. Nous ne sommes point partisan du système de con-
trainte, d'études hérissées à plaisir de difficultés, d'un régime inva-
riable, sans considération des aptitudes physiques ; mais il est bien
certain aussi que, si l'on cédait trop à la nature, on agirait souvent
contre ses propres intérêts : le gourmand, le voluptueux obéissent à
la nature. L'inconvénient d'un défaut n'est pas uniquement ce qui
doit nous le faire éviter. M. Herbert Spencer ne donne pas au devoir
la place importante, prépondérante même, qu'il doit avoir dans l'édu-
cation. René de Saint-Mauris.
Xhéorîe générale de l'État, par M. Blcntschli, professeur ordinaire
à l'Université d'Heidelberg, correspondant de l'Académie des sciences
morales et politiques, etc., etc., traduit de l'allemand et précédé d'une
préface par M. Armand df. Riedmatten, docteur en droit, avocat à la Cour
de Paris. Paris, Guillaumin,* 1877, in-8 de xxxvii-478 p. (Collection des
économistes etpublicistes contemporains.) — Prix : 8 fr.
M. Bluntschli, professeur à l'université d'Heidelberg, est un des
hommes qui occupent dans le nouvel empire allemand une place con-
— 51 —
sidérable par rinfluence de leur enseignement sur le monde lettré et
par les services qu'ils rendent à la politique habile, qui a su se les
attacher.
Le volume dont la traduction vient de paraître n'est pas purement
une oeuvre de science, malgré la méthode soutenue, Vapparatus con-
sidérable de faits et de citations, et le calme dont l'auteur ne se
départ jamais.
Sa théorie de l'État moderne, tel que le comprend et l'exalte
M, Bluntschli, n'est pas autre chose que la théorie de l'empire prus-
sien, que M. de Bismarck a réalisé et qui a été préparé depuis long-
temps par un mouvement moitié occulte, moitié public, s'étendant
depuis les intrigues de cour jusqu'à l'enseignement donné systéma-
tiquement dans les universités.
Nous ne croyons pas que M. Bluntschli se défende d'avoir été
depuis de longues années un des promoteurs de ce mouvement.
Quoi qu'il en soit de ces circonstances extérieures, importantes à
connaître cependant pour apprécier la portée de cet ouvrage, voici
les titres des sept livres entre lesquels le volume se divise. Ils don-
neront une idée des grandes questions qui y sont abordées.
Livre L Notion de l'État. — Livre II. Conditions fondamentales dans
la nature de l'homme et de la nation. — Livre III. Les Bases de l'État
dans la nature externe ; le pays. — Livre IV. Naissance et mort de
l'État. — Livre V. But de l'État. — Livre VI. Les Formes de l'État. —
Livre VII. Souveraineté de l'État, ses pouvoirs ; service public et fonc-
tions publiques.
Ce vaste cadre est rempli par un singulier mélange d'erreurs et de
vérités. On peut cependant remarquer que les erreurs abondent, sur-
tout dans les parties où l'auteur traite les questions fondamentales;
au contraire, quand il arrive aux applications, des considérations
pratiques viennent singulièrement modifier les conséquences qui
découleraient logiquement des principes posés, et l'on sent l'influence
du milieu dans lequel il écrit.
Pour M. Bluntschli, la vie nationale et l'Etat ne sont pas des insti-
tutions ordonnées par la Providence pour faciliter aux hommes l'ob-
tention de la fin pour laquelle ils ont été créés, en garantissant cer-
tains droits et en satisfaisant certains besoins communs. Cette notion,
qui donne à l'État sa place naturelle dans l'ensemble de l'ordre des
choses et du même coup délimite sa sphère d'action, et pose le fonde-
ment du principe d'autorité qui est essentiellement en lui, cette
notion, disons-nous, est dédaigneusement rejetée parmi les conceptions
théocratiques et idéologiques.
L'Etat, selon l'auteur, est un organisme vivant, ayant une dme et un
— 52 —
corps dont les organes sont les pouvoirs publics ; c'est le peuple non-
seulement vivant, maisencore arrivé à ce degré parfait d'organisation
qui a nom la )ialion et qui comporte à la fois des hommes unis par des
relations sociales et un territoire.
La pensée de l'auteur se précise un peu mieux, quand il dit que
l'État est du sexe masculin, tandis que l'Église est du sexe féminin. Ce
point posé et admis (?), il va de soi que ce sera à l'État à contenir
l'Église dans le domaine qu'on veut bien lui laisser.
M. Bluntsclili a, du reste, le mérite de préciser nettement ce qu'il
entend par Etal moderne dans une série de propositions dogmatiques
(page 50 à 51). Elles peuvent toutes se résumer dans cette idée que
l'État est une conception purement humaine qui rejette l'influence
de toute considération et qui, notamment, hait la théocratie {sic).
Le véritable État moderne doit embrasser l'humanité entière. Ce but se
réalise peu à peu par la disparition des petits États et par la constitu-
tion des Jouissances du monde, portées généralement à adopter la. forme
impériale qui comporte quelque chose de plus que la forme royale.
Quand môme on ne saurait pas d'où vient M. Bluntschli, cela suffi-
rait à indiquer le but pour lequel il a écrit.
Après cette élaboration des principes essentiellement contraires à
la loi divine, sur lesquels repose tout l'édifice de l'empire de M. de
Bismarck, l'auteur réfute avec une grande abondance de preuves his-
toriques la plupart des erreurs de la démocratie moderne, notamment
la souveraineté du peuple. On j trouve une critique très-judicieuse du
régime parlementaire, tel qu'une certaine école veut l'introduire dans
les États de l'Europe continentale et de fort judicieuses réflexions sur
la convenance qu'il y a pour les peuples modernes à conserver des
éléments aristocratiques dans leurs institutions.
En résumé, ce livre est surtout intéressant comme une des manifes-
tations de la direction qui est donnée à l'esprit public depuis de lon-
gues années dans les principales universités allemandes, et comme un
curieux reflet de l'état social du monde germanique, encore si difte-
rent du nôtre; mais l'originiilité des pensées et la sincérité des concep-
tions lui font défaut.
Quant à la traduction, elle est parfaite dans son genre et mérite
d'être proposée comme modèle. M. de Riedmatten n'a rien épargné
pour éclaircir autant que possible la forme parfois nuageuse de son
auteur, et il a su rendre élégant le style d'un livre allemand traduit en
une langue étrangère. Enfin, nous devons constater que, dans Vintro-
duclion, qui est son œuvre propre, il a tenu à se dégager, au moins
sur quelques points, de ce que les théories de M. Bluntschli ont de
plus hostile au dogme chrétien. C. J.
Etude »ur le. travail, pai' S. Mon'y. Paris, Hachette. 1877, in-8 de
5o2 p. — Prix : 0 fr.
Laposition importante qu'occupe, dans la grande industrie , M. Mony,
président du comité de direction de la Société houillère et mé-
tallurgique de Commentry-Fourchambault, suffirait, indépendamment
de tout autre mérite, adonner de Timportance à cet ouvrage.
M. Mony a voulu résumer les vérités fondamentales que démontre
l'économie politique sous une forme accessible à tous les esprits, en
employant, non pas seulement les raisonnements scientifiques, mais
encore ces hautes considérations qui s'adressent au cœur et sont d'au-
tant plus puissantes qu'elles font sentir les harmonies de l'ordre social
avec la nature humaine dans ce qu'elle a de plus intime.
Envisageant les choses à ce large et fécond point de vue, M. Mony
commence son livre par un chapitre sur Y esprit chrétien, et montre
comment, seul, il peut donner la solution des problèmes que soulève la
question ouvrière, d'un côté en rendant au travail sa dignité, ""de
l'autre en inspirant la charité sociale et la charité privée, l'une et
l'autre également indispensables dans une société conforme au véri-
table ordre naturel.
De tous les chapitres qui suivent, les plus remarquables assurément
sont ceux consacrés au sa/aire, au budget des ouvrici's, aux perturba-
tions des salaires. Il y rectifie plus d'une idée fausse sur la détermina-
tion des salaires: accréditée par les économistes qui font de la
science une série de déductions systématiques, sans tenir compte des
faits. Le grand mérite de M. Mony, dans ces chapitres, est de s'ap-
puyer toujours sur des faits qu'il connaît fort bien. L'un des mor-
ceaux les plus intéressants du livre est une monographie de l'ouvrier
mineur de Coramentry, établie d'après la méthode si précise de M. Le
Play.
M. Mony se rend très-bien compte que les problèmes économiques
sont dominés par les conditions de stabilité et d'ordre dans l'État.
Dans cette pensée fort juste, il a voulu conclure par un chapitre de
Considérations politiques. Est-il toujours allé au fond des questions
ainsi soulevées? S'il n'y a pas été, est-ce par défaut de précision dans
la pensée, ou plutôt par un sentiment de réserve inspiré par les
profondes divisions du public auquel il a voulu être utile ? Nous n'es-
sayerons pas de le dire ici, quoique nous soyons sûrs que ce senti-
ment de réserve est la vraie cause de ce qui peut paraître insuffisant
dans ce chapitre. Nous préférons rendre un plein hommage à la pen-
sée généreuse d'union et de rapprochement des classes qui a inspiré
ce livre et l'anime d'un bout à l'autre. C. J.
— b4 —
La Cour et l'Opéra sous Saouls XVI ; I%Iarie-A.ntoEnett.e et
Saccbîni, Salîérî, Favart etCîlucU, d'après des documents iné-
dits conservés aux Archives de l'État et à l'Opéra, par Adolphe Jullien .
Paris, Didier, 1878, in-12 de ix-370 p. — Prix : 3 fr. 50.
Tout le monde connaît la 'grande lutte entre Gluck et Piccini, et la
part qu'y prit Marie-Antoinette. Ce qu'on connaît moins, ce sont les
efforts de la reine pour donner des successeurs à son maître favori.
Nature essentiellement délicate et distinguée, facilement impression-
nable et enthousiaste de tous les genres de beauté, Marie-Antoinette,
artiste et musicienne elle-même, aimait passionnément la musique.
Elle l'avait cultivée à Vienne, elle la cultivait et la protégeait en
France. Lorsqu'après l'échec d'Echo et Narcisse, Gllick fut retourné
en Autriche, ses partisans cherchèrent quelqu'un à opposer à Piccini
qui restait seul; ils jetèrent les yeux sur Sacchini, qui avait à ce
moment d'éclatants succès à Londres et dont deux pièces avaient
réussi à Paris. La reine approuva ce projet et donna l'ordre à Amelot,
ministre de la maison du roi, d'attacher Sacchini à l'Opéra; des pro-
positions furent faites et, après quelques hésitations, acceptées. Mais
ce n'était pas tout d'avoir la protection de la reine, l'appui du ministre
de la maison du roi; restait encore à conquérir les bonnes grâces du
comité de l'Opéra. La tâche était difficile. Il faut lire dans l'ouvrage
de M. Jullien le récit des intrigues qui s'agitaient dans ce comité ; il
faut voir quelle malveillance y rencontra le malheureux compositeur,
quelle basse envie le poursuivit, quels pièges insidieux furent tendus
sous ses pas, quelle peine enfin, malgré la haute faveur dont il jouis-
sait à la cour, quelle peine il eut à faire jouer son opéra de Renaud,
etplusencore celui deDardanus. Il finit par y succomber. Lorsqu'il eût
composé son OEdipe, la reine, qu'on ne cessait d'accuser de favoriser
les étrangers au détriment des Français, se vit obligée de lui demander
d'en ajourner la représentation. Le coup était trop fort; Sacchini se
crut disgracié et mourut de chagrin.
Saliéri fut plus habile ; il sut mieux se diriger sur ce terrain glissant
de l'Opéra; aussi bien, était-il quelque peu intrigant lui-même et eut-
il pour collaborateur, dans la seconde de ses pièces, un des plus habiles
intrigants de l'époque, Caron de Beaumarchais. Les Danaïdes éta-
blissent du premier coup sa réputation; Tarare la consolide, en dépit
ou peut-être à cause même des défauts du livret et de la musique.
Mais Saliéri n'attendit pas que la faveur du public fût lassée ; il
retourna à Vienne et ne revint pas.
C'est aux Archives nationales et aux archives de l'Opéra que M. Jul-
lien arencontréles éléments de ces deux études. Publiées d'abord dans
le Correspondant et dans la Gazette musicale, il les réunit aujourd'hui
en volume; elles n'auront pas moins de succès sous cette forme que
— ëo —
lors de leur première apparition. Les amateurs de musique y retrou-
veront le critique compétent et ingénieux ; les historiens y salueront
l'écrivain distingué dont les érudites recherches ont jeté un jour si
curieux et si complet sur l'histoire du théâtre au dix-huitième siècle.
M. DE LA ROCHETERIE.
BELLES-LETTRES
Recueil général des fabliaux des treizièuie et quator-
zième siècles, imprimés ou inédits, publiés d'après les manuscrits
par Anatole de Montaiglox. Paris, librairie des Bibliophiles, 1877, 2 vol.
in-J2 de xx-329 et vii-360 p. — Prix : 10 fr.
Nous ne croyons pas devoir envisager ici, au point de vue litté-
raire, les fabliaux qui, selon la remarque de leur nouvel éditeur, ont
été, après les grandes chansons de gestes, pendant deux siècles au
moins, une des formes les plus importantes et les plus personnelles de
l'ancienne littérature française. Ce qu'on pourrait énoncer de plus
complet, de plus judicieux à leur égard, a déjà été dit dans les meil-
leurs termes par un maître éminent, par M. Victor Le Clerc (voir la
notice insérée dans VHistoire littéraire de la France, tome XXIII, p.
69-215) ; nous tenons seulement à indiquer ce qui forme la publication
nouvelle que nous avons sous les yeux, ce qui la distingue de celles
qui l'ont précédée.
Le premier recueil de fabliaux fut publié par Barbazan, en 1756, à
une époque où les productions littéraires du moyen âge étaient encore
bien imparfaitement connues. En 1779-1789, Legrand d'Aussy en mit
au jour un recueil, en 4 volumes in-8, réimprimé en 1781 (5 vol. pet.
in-12), où les analyses figurent en plus grande abondance que les
textes, et sont loin d'être exemptes d'erreurs (voir les Notices et ex-
traits des manuscrits, t. IX, part, ii, p. 6). Le travail de Legrand
a été réimprimé en 1829 (5 vol. in-8). En 1808, un philologue labo-
rieux, mais médiocrement instruit, Méon, avait réimprimé le recueil
de Barbazan, avec des augmentations considérables (4 vol. in-8), qui
eurent plus tard un supplément en deux volumes, mis au jour en
1828, et une autre collection également en deux volumes, dont
M. Achille Jubinal fut l'éditeur, en 1839 et 1842. Il fayt y joindre
quelques pièces publiées séparément.
Dans ces diverses collections, figurent bien des compositions qui ne
rentrent point dans la classe des fabliaux : miracles, petites chro-
niques rimées, lais, petits romans d'aventures, débats, dits, pièces
morales, etc. M. A. de Montaiglon a voulu se montrer plus sévère au
point de vue du genre. « Un fabliau, dit-il, est le récit d'une aven-
ture toute particulière et ordinaire; c'est une situation, et une seule à
— \;c, —
la fois, mise en œuvre dans une narration plutôt terre à terre et rail-
leuse qu'élégante et sentimentale. Tout ce qui est invraisemblable,
tout ce qui est historique, tout ce qui est pieux, tout ce qui est d'en-
seignement, tout ce qui est de fantaisie romanesque, tout ce qui est
Ij'rique ou même poétique, n'est à aucun titre un fabliau. ■»
L'édition nouvelle retranche donc une forte quantité de ce que con-
tenaient ses devancières; en revanche, elle ajoute notablement. Elle
reconnaît d'ailleurs que les fabliaux inédits sont loin d'être meilleurs;
mais elle se propose d'être complète, de donner tout ce qui existe en
ce genre, bon ou mauvais, spirituel ou maladroit, bien ou mal écrit,
amusant ou ennuyeux, court ou long.
Les textes déjà imprimés ont été revus sur les manuscrits : tâche
périlleuse, mais d'ailleurs assez facile, car les manuscrits de ce genre
sont fort rares, et, à l'exception de celui de Berne, ils se trouvent tous
à notre Bibliothèque nationale.
L'intelligent et actif éditeur delaBibliothèque elzévirienne, P. Jannet,
avait, il y aplus de dix ans, conçu avec M. de Montaiglon le projet de
publier le recueil des fabliaux. Sa mort, survenue pendant le siège
de Paris, en novembre 1870, arrêta l'entreprise; les matériaux déjà
réunis furent dispersés et détruits. Après un long intervalle, M. de
Montaiglon s'est courageusement remis à l'œuvre, avec le concours de
M. Léopold Pannier, et, après la mort de ce jeune érudit dont le zèle
permettait de beaucoup espérer, avec l'aide de M. Gaston Reynaud.
Il expose, dans un avant-propos succinct et judicieux, quelle est la
marche qu'il a cru devoir suivre ; il n'y a pas de variantes dans le
premier volume, parce que les pièces qui y sont contenues ne se trou-
vent que dans un seul manuscrit; dans le suivant, selon que les
fabliaux se trouvent dans deux ou trois manuscrits (circonstance peu
commune), les variantes sont recueillie. Il a paru inutile de joindre
aux textes un commentaire d'histoire littéraire. « Être complet est
impossible, être incomplet serait inutile. »
Le premier volume du recueil en cours de publication contient
vingt-neuf fabliaux ; on connaît les noms des auteurs de sept d'entre
eux ; dans le second volume, nous rencontrons vingt-cinq fabliaux,
tous anonymes, à l'exception de six. Sur ces cinquante-quatre fabliaux
il y en a six qui étaient restés inédits.
A partir de la page 257 du second volume, on trouve, avec les va-
riantes, l'indication des divers ouvrages dans lesquels chaque fabliau a
déjà paru; quelques-uns ne figurent que, dans les publications
récentes , telles que la Romania , les Trouverez belges, du dou-
zième au quatorzième siècle, par M. Aug. Scheler (1873), la Revue
historiijue de l'ancienne langue française^ etc.
Quant à l'impression, il suffit de dire que cette publication sort
des presses de M. Jouaust; c'est une garantie complote de correction
et d'cléffance. B.
Storiu della poesîa popolare ilalêana, da Ermolao Rubif.ri.
Florence, Barbera, 1877, in-] 2 de vni-C8(l p. — Prix : 6 fr.
Depuis quelque temps, il a été publié en Italie tant de recueils
fournis par la poésie populaire, que le moment d'écrire l'histoire de
cette poésie dans cette féconde contrée peut sembler être arrivé. C'est
ce qu'a pensé M. Ermolao Rubieri. L'auteur commence le gros
volume qu'il a consacré à cette histoire par des considérations géné-
rales quelquefois peu nécessaires. Il était inutile, peut-être, de remon-
ter jusqu'aux époques bibliques; mais son introduction renferme de
précieux renseignements sur les très -nombreuses collections récem-
ment éditées en Italie. Parmi elles, toutefois, nous n'avons trouvé indi-
qués ni les Canll popolari di Noto, publiés par Avolio, ni ceux du comté
de Modica, de Guastella. Il est vrai que, dans le courant de l'œuvre,
ce dernier ou])li a été réparé. En revanche, M. Rubieri nous a appris les
titres de plusieurs livres qui nous étaient restés inconnus, il donne
notamment une ample bibliographie de Proverbi.
L'histoire de la poésie populaire est divisée en trois parties : dans
la première, M. Rubieri traite de cette poésie considérée intrinsècjue-
ment dans ses types, ses formes, ses origines, ses phases ; dans
la seconde, il l'examine dans ses caractères psychologiques; dans la
troisième, il en étudie ce qu'il appelle lescaractùres moraux. Peut-être
aurions-nous préféré une classification moins savante, moins métho-
dique, d'autant plus que, dans un sujet pareil, il est difficile qu'il n'y
ait pas quelquefois un enchevêtrement d'une partie dans une autre et
que cette ordonnance rigoureuse n'amène forcément certaines répéti-
tions. Quoiqu'il en soit, M. Rubieri a mis tous ses soins à bien appro-
fondir la matière dont il s'est occupé ; il n'a, on le voit, négligé ni
recherches, ni lectures. Ce qui étonne, c'est qu'avec l'érudition dont
il fait preuve, il n'ait pas aperçu, ou plutôt pas voulu apercevoir que
beaucoup des chants dont il s'occupe ne procèdent pas d'une inspira-
tion réellement nationale. Si Donna Lombarda, souvenir de la tra-
gique et lointaine histoire do Rosemonde, peut appartenir au nord de
ritalie, quantité d'autres chants sont d'origine française, ou, du
moins, se retrouvent dans trop d'autres contrées pour que l'on puisse
leur assigner une source piémontaise. Pour ne parler que de quel-
ques-uns : /(' Comte Anzolin, qui est l'imitation do notre belle ballade
do Renaud, si rjpand le dans toutes les provinces de France, existe
aussi dans les Asturies et en Catalogne; la Sposa del crociato, c'est
l'Épouse du croise du Barzas Briez, le don Guillcrmo, de la Catalogne
la Gormnine de la Normandie, la Gn-minr de la Lorraine. Il n'est
presque pas de chants auxquels M. Rubieri paraisse vouloir assigner
une origine italienne que l'on ne découvre dans bien d'autres contrées.
Et il ne s'agit pas seulement de chants épiques, mais même de petites
pièces Ij-riques. C'est ainsi qu'en Toscane, comme en Sicile, on chante
une stance qui se termine ainsi : « L'amour commence avec de la mu-
sique et des chansons, et finit avec des douleurs et des larmes. » Un poëte
populaire andalous a dit la même chose. On pourrait à l'infini rappeler
des analogies de ce genre dont M. Rabieri a eu tort, selon moi, de ne
pas tenir compte. Il est impossible pourtant que M. Rubieri n'ait pas
lu l'article que M. Nigra adonné à la iîoma;u'rt, article si plein de
curieux renseignements, mais dont on peut contester les conclusions.
En tous cas, l'auteur connaissait les parallèles que M. Nigra a joints
aux chants populaires du Piémont, insérés dans la Rivista contempo-
ranea et ils suffisaient pour le mettre sur la voie de ces rencontres
qui montrent si bien les liens des langues néo-latines.
M. Rubieri termine son volume par une conclusion où l'on pouvait
s'attendre à voir nettement résumée la marche entière du livre. Mais
il n'en est pas ainsi. Cette conclusion n'est guère qu'une sorte d'ap-
pendice servant à émettre des idées oubliées dans le cours de l'ou-
vrage. Parmi ces idées, il en est qu'on s'étonne de rencontrer là.
M. Rubieri en veut aux superstitions, qui ont une si grande part dans les
traditions et les poésies du peuple. Ces superstitions, il les attaque
avec indignation. Il loue Vigo, Pitre, Guastella de les avoir combat-
tues; — ils les ont plutôt racontées qu'attaquées, ce nous semble. —
Il s'écrie : « Où est la populace {la plèbe), là est l'erreur ; mais où est
la civilisation, là est l'école. Que les amis de la civilisation soient les
premiers à combattre l'erreur de toutes les manières, » etc., etc.
Mais, du même coup, ils porteront une rude atteinte à la poésie popu-
laire. Ce n'est pas de cette manière que Fernan Caballero, qui la com-
prenait si bien, dans son charmant volume Cuentos y poesias populares
ajidaluces, traitait les vieilles légendes. Si M. Rubieri les envisage en
penseur, en philosophe, en philanthrope, c'est très-bien, il peut avoir
raison; mais c'est là un tout autre ordre d'idées avec lesquelles la poésie
populaire n'a^ ce nous semble, rien à démêler. Th. P.
Vie, écrits et correspondance littéraire de t.aureut-jrosse
Le Clerc, par L. Bertrand, prêtre de Saint-Sulpice. Paris, Techener,
1878, in-8 xii-3o2 p. (Tiré à 250 ex.) — Prix : 10 fr.
Le savant prêtre auquel M. l'abbé Bertrand vient de consacrer un
volume n'est pas aussi connu qu'il mériterait de l'être et qu'il le
sera désormais, grâce à son patient biographe. Laurent Josse Le Clerc
fut le troisième enfant du célèbre graveur messin, Sébastien Le Clerc.
Entre l'année 1679, qui fut celle de sa naissance, et l'année 1722, qui
— 59 —
fut celle de sa mort, il n'y a pas eu pour lui de ces grands événements
faits pour donner quelque chose d'un intérêt romanesque à la vie d'un
homme. Prêtre attaché à la compagnie de Saint-Sulpice, envoyé au
séminaire de Tulle, à celui d'Orléans, directeur de celui de Saint-
Irénée, à Lyon, Le Clerc eut une de ces pieuses existences dont le récit
tiendrait en quelques pages, si la vie d'un érudit n'était pas surtout
dans ses œuvres. Ces œuvres, M. Bertrand les a étudiées avec un grand
soin et d'une manière attachante. Les Remarques sur le dictionnaire
de Moréri^ la Lettre critique sur le dictionnaire de Bayle,]si Bibliothèque
de Richelet ont fourni à M. Bertrand le sujet d'intéressants chapitres.
Malheureusement tous les écrits de Le Clerc ne nous sont point par-
venus. Vainement M. Bertrand s'est adressé n,nPolybiblionet kVInter-
médiaire des chercheurs et des curieux pour savoir ce qu'était devenu
le Traité du plagiat littéraire qui contient sans doute des détails fort
piquants. Les relations de Le Clerc avec divers hommes célèbres, avec
La Monnoye, D. Piron, le poëte Senécé, le président Bouhier, Fabbé
Papillon, le P. Oudin, Marais, le fanatique admirateur de Bayle,
donnent, par la manière dont elles ont été racontées et par de nom-
breux fragments de correspondances, beaucoup d'attrait et de variété
au livre de M. Bertrand. Offrant de menus détails, de petites anecdotes
littéraires, ce livre eût été accueilli avec empressement par Sainte-
Beuve, auquel il eût apporté de nouveaux renseignements sur l'avocat
Marais, sur le président Bouhier et bien d'autres de leurs contempo-
rains. Sans avoir voulu écrire une apologie, M. Bertrand fait aimer
et estimer Le Clerc. Il n'est peut-être pas hors de propos de dire
comment le savant sulpicien comprenait la critique : « J'aime à voir
faire la guerre de bon jeu, il faut laisser les injures aux harengères et
aux crocheteurs. Vive un fait bien établi, appuyé sur des preuves
bonnes et bien mises en œuvre ; de solides réponses, sans mélange
de paroles hautes, méprisantes, dures, insultantes. Tout cela est pour-
tant un mal commun dans la république littéraire et apparemment je
n'en arrêterai pas le cours. » Cet esprit de charité que Le Clerc, —
chose assez méritante, — montrait à ses émules, le poussait non-
seulement à faire d'abondantes aumônes où disparaissaient les béné-
fices, d'ailleurs modestes, produits par ces ouvrages, mais le faisait
écouter et conseiller avec une patiente bienveillance toutes les per-
sonnes qui s'adressaient à lui, fùt-il dans la retraite sacrée de sa
chère bibliothèque. A propos de cette bibliothèque, M. Bertrand a,
sur les livres, une jolie page où se révèle l'homme qui les aime. On
reconnaît, du reste, le bibliophile aux soins donnés à l'exécution
typographique de ce beau volume, comme on reconnaît le littérateur
érudit et délicat à la manière dont tout ce livre a été écrit.
Th. de Puymaigre.
— (iO —
HISTOIRE.
^^Eicîent Ilîstory froni tlie Monuments. Xlie Hii^tor}' ol*
Bal>yIonîa. Hy the late George Smith, Esq., of tlie Department ol'
oriental antiquilies, British Musenm. Edited by Rev. A. Sayce, assistant
professor of Comparative Philology, Oxford. Published under tlie direction
of theComitteeof gênerai Literature and éducation appointedbythe Society
lorpromoting cliristian Knowledge. London, Society for promoting Chris-
tian Knowledge (1877), in-lG de {92 p.
Le célèbre assyriologue anglais, M. George Smith, avant de partir
pour son dernier voyage d'exploration en Asie, d'où il ne devait point
revenir, avait écrit une histoire de la Babjlonie qu'il laissait à peu
près achevée. M. Sayce a publié ce précieux travail où, dit-il, il n'a
eu à peu près rien à changer. Il a rédigé seulement la plus grande
partie du chapitre qui sert d'introduction et qui n'avait été qu'ébau-
ché par M. Smith. Il y a ajouté une table des rois babyloniens et
un appendice où il explique la signification des noms propres acca-
dins, élamites, cassites et sémitique?!. Dans le cours de l'histoire, il a
inséré quelques notes, toutes signées de son nom. Enfin M. Greenwood
Hird a rédigé une table par ordre alphabétique des matières conte-
nues dans le volume : elle est complète et très-commode.
L'Histoire de la Babylonir n'est pas aussi riche en renseignements et
en documents que VHlstoire d'Assyrie, composée également par
M, Smith, pour la même Society for promoting Christian Knowledge,
Babylone, excepté du temps de Nabuchodonosor, n'a pas joué un rôle
aussi important et aussi prépondérant que pourrait le faire supposer
la célébrité de son nom. Son rôle politique, dans ce qui nous est connu
d'elle, a généralement été secondaire. De plus, l'histoire des basses
régions de l'Euphrate n'a pas fourni aux chercheurs les mêmes res-
sources que celles de l'Assyrie. On n'a pas découvert à Babylone et
en Chaldée de grandes inscriptions historiques, dans le genre de celles
des monarques ninivites. Nabuchodonosor lui-même ne nous a pas
laissé le récit de ses campagnes. La plupart des documents décou-
verts ne contiennent guère que des noms propres et des détails peu
importants. Presque tout ce que nous savons d'un peu plus précis sur
cette région de l'Asie ne nous est connu qu'indirectement par les ins-
criptions assyriennes. Le travail qu'a exécuté M. Smith était donc
aride et plein de difficultés. Il les a heureusement surmontées. Il a
réuni et groupé tous les renseignements connus. De nouvelles décou-
vertes compléteront peu à peu son œuvre. Un nouveau nom de roi
d'Agadé, Ansegdniésarlu, a été retrouvé déjà depuis la publication de
cette histoire. Mais elle n'en est pas moins, à l'heure présente, ce que
nous possédons de plus complet, et ce livre est indispensable à tous
ceux qui veulent étudier la Babylonie et la Chaldée. Quelques gra-
— (Il —
vures sur bois augmentent l'intérêt de cette publication. Signalons
entre autres une statuette très-antique, en bronze, du roi Gudea et
un torse en marbre noir du même roi; une tablette de contrat de Maru-
dik-Nadin-Ahi et des sceaux cylindriques. L. M.
t.es Églises du moncle romain, notaminent celles des Gaules pen-
dant les trois derniers siècles, parle R. P. Dûm François Chamard, bénùdictin
de l'abbaye de Ligugé, de la Congrégation de France. Paris, Palmé,
1877, in-8 de 439 p. — Prix : o fr.
L'opinion qui place au premier siècle de l'ère chrétienne l'évangé-
lisation de la Gaule a repris faveur de nos jours; je ne sais si elle a
jamais été soutenue avec plus de science et d'habileté que dans l'ou-
vrage du R. P. Doni Chamard. Le docte bénédictin a voulu ne faire
dans sa démonstration aucune place à l'élément légendaire ; il a pré-
tendu bâtir son édifice sur des bases qui ne pussent être aisément
ébranlées. Ces bases, il les emprunte à des témoignages qui, tout
généraux qu'ils sont, n'en ont pas moins une haute valeur. Lors-
qu'Eusèbe, Lactance et, avant eux, saint Irénée, affirment que, dès la
période apostolique, le christianisme se répandit dans tout l'empire
romain et en franchit même les limites_, peut-on supposer que, seule,
la Gaule ait échappé à la bienfaisante invasion de la doctrine nou-
velle et des conquérants qui l'apportaient? Ou bien, est-il vraisem-
blable que les missionnaires qui l'ont visitée au premier siècle n'aient
pas songé à y asseoir le christianisme sur le fondement de la hiérar-
chie; qu'ils n'aient point assuré la perpétuité de leur œuvre en y éta-
blissant des évêques, comme on l'a fait ailleurs avec une surabon-
dance dont les preuves sont partout? Enfin, s'il a fallu que, vers l'an
250, le pape saint Fabien envoyât des apôtres à la Ga,ule, et si les
plus anciens sièges épiscopaux de notre patrie datent seulement de
cette époque, ne s'étonnera-t-on pas de voir, au siècle suivant, nos
Eglises nombreuses et florissantes ?
A ces arguments, on oppose des arguments de plus d'une sorte. On
invoque un texte de Sulpice-Sévère qui paraît contredire l'antiquité
presque apostolique de nos Eglises, et un passage célèbre de saint
Grégoire de Tours qui la nie formellement. On allègue encore le
petit nombre de noms que présentent, avant Dioclétien,les catalogues
épiscopaux de la Gaule, le silence des martyrologes, et l'absence
d'inscriptions chrétiennes remontant à l'âge primitif. Dom Chamard
discute le texte de Sulpice-Sévère et l'interprète dans un sens favo-
rable à sa thèse ; sans méconnaître l'autorité de Grégoire de Tours,
il montre que le père de notre histoire s'est mépris plus d'une fois, et
que, sur le, point qui nous occupe, outre qu'il s'est inspiré d'un
apocryphe, il semble ne s'être pas toujours accorde avec lui-
— 62 —
même. La Gaule n'est pas la seule contrée dont les catalogues
épiscopaux contiennent peu de noms antérieurs à Constantin ; le
même phénomène se rencontre dans Thistoire des Eglises d'Orient,
d'Italie, d'Afrique, dont l'origine n'est pas douteuse, et s'ex-
plique par les ravages que les persécutions de Dèce et de Dioclé-
tien, et plus tard les invasions barbares, portèrent dans les archives
ecclésiastiques. La vraie notion des anciens martyrologes dissipe l'ob-
jection qu'ils semblent fournir, et les principes formulés par M, de Rossi
aident à éclaircir les difficultés qui naissent de l'épigraphie. Comme
l'indique le titre de son livre_, Dom Chamard ne s'est pas enfermé
dans l'histoire ecclésiastique des Gaules; il a élevé et élargi le débat,
et nous lui devons, entre autres, une très-remarquable étude sur les
chorévêques dans le monde romain et dans les Gaules en particulier.
Je doute fort que les contradictions tombent devant son livre et que
l'école grégorienne désarme; je ne doute pas que tous ne reconnaissent
au bénédictin qui l'a écrit, avec une rare compétence historique,
l'art de mener une controverse et d'édifier une démonstration.
H. A.
Lia Oîplomatie française au dix-septième siècle. Hugues
de lL,ionne, ses ambassades en //a;te(! 642-1 656), d'après sa correspondance
conservée au ministère des affaires étrangères, par J. Valfrey. Pari=,
Didier, 1877, in-8 de xcvi-360 p. — Prix : 7 fr. 50.
Hugues de Lionne, l'un des plus actifs coopérateurs delà politique de
Mazarin et des plus habiles diplomates du dix-septième siècle, était le
disciple et le neveu d'Abel Servien, marquis de Châteauneuf et de Sa-
blé, qui fut, sous Richelieu, ambassadeur extraordinaire en Italie, se-
crétaire d'État de la guerre et membre de l'Académie française, et, sous
Mazarin, négociateur des traités de Westphalie, ministre d'État et
surintendant des finances. Nous avons accueilli avec d'autant plus
d'empressement cette étude sur le neveu, que nous parcourons depuis
quelques mois dans la Revue historique du Maine, la carrière littéraire
et politique de l'oncle : préparé par les missions diplomatiques de
Servien, nous pouvons d'autant mieux apprécier celles de son élève.
Le volume qui nous occupe ne comprend que la première partie de
l'histoire d'Hugues de Lionne, celle de ses deux séjours en Italie pour
la mission de Parme, de 1641 à 1644, et pour l'ambassade de Rome, de
1645 à 1656. M. Valfrej nous en promet un second qui résumera l'his-
toire du ministère qu'exerça Lionne pendant neuf ans, de 1663 à 1671,
lorsqu'il fut nommé secrétaire d'État des afl'aires étrangères, après
l'avoir été déjà de la marine et du commerce. Mais il indiqué, dès à
présent, les traits principaux de cette laborieuse carrière, dans une
— 63 —
substantielle notice qui nous donne pour la première fois une biographie
complète de l'illustre De]phinois,même après les travaux de MM. Mi-
gnet, Real, Rochas et Chevalier. Nous y suivons, sans interruption et
presque d'année en année, le fils du conseiller Artus, depuis le jour où
son père l'envoya comme secrétaire à Servien, en 1631, pour entrer
lui-même dans les ordres ecclésiastiques et devenir bientôt évêque de
Gap, jusqu'à cette date fatale du 1" septembre 1671 où Lionne mourut
à soixante ans accomplis, dans la plénitude d'une situation éminente,
qu'il avait illustrée pas les plus brillants services. Cette vie est incon-
testablement une des mieux remplies que nous offre l'histoire politique
du dix-septième siècle; et dans le même ordre, les quarante années de
travaux d'Abel Servien peuvent seules lui être comparées. Elle ne pré-
sente pas d'autres lacunes que sa brièveté même, remarque pittores-
ment M. Valfrey; et elle semble être, dans ses développements, le
résultat exclusif du travail, de l'intolligence et du patriotisme le plus
épuré. Sa naissance et sa fortune n'ouvraient à Lionne que des hori-
zons très-étroits, et s'il parvint aux charges les plus élevées ce fut
uniquement par la supériorité de ses aptitudes.il est vrai que la voie
lui fut ouverte par des protecteurs puissants et qu'il s'attacha dès les
premiers jours à la fortune de Mazarin : mais il ne put acquérir et
conserver ces appuis que par un discernement et une dextérité remar-
quables dans le maniement des choses et des hommes. Malheureuse-
ment, ce ne fut pas toujours avec une impartialité parfaite, et nous
regrettons que M. Yalfrey n'ait pas insisté davantage sur le rôle que
joua Lionne dans la triste affaire des démêlés de Servien et du comte
d'Avaux pendant les négociations des traités de "Westphalie. Nous
accordons qu'il ne faut pas ajouter trop de créance au manifeste
accusateur et passionné, rédigé par Chavigny pendant les troubles de
la Fronde ; mais la correspondance officielle de Lionne avec son oncle
suffit pour attester qu'il ne se conduisit pas dans cette affaire avec une
très-grande délicatesse : les extraits qu'en a donnés le P. Bougeant,
dans son Histoire des traités de Westphalie, sont fort caractéristiques et
l'on doit reconnaître qu'il y a là une véritable tache dans l'histoire
de Hugues de Lionne. Elle n'a pas été suffisamment remarquée.
Les documents sur lesquels INI. Yalfrey a pu reconstituer toutes les
phases délicates des missions de Hugues de Lionne en Italie n'ont pas
encore été utilisés par les historiens qui se sont occupés du dix-septième
siècle; ils sont tous manuscrits et appartiennent au riche dépôt des
archives du ministère des affaires étrangères; aussi lui ont-ils permis
d'exposer sous un jour nouveau ces inextricables difficultés diploma-
tiques qui signalèrent d'un côté la ligue des princes d'Italie contrôles
papes à propos de l'occupation d'une partie du duché de Parme , de l'autre
la session du conclave qui suivit la mort d'Innocent X, et qui dura
— Oi —
quatre-vingts jours, agité par d'ardentes factions contraires. Le récit
de M. Valfrey, appuyé sur des pièces et correspondances absolument
authentiques, est d'autant plus intéressant que de fréquentes allusions
à notre état politique actuel y sont habilement ménagées. Si la France
doit avoir quelque influence dans le prochain conclave qu'on doit
malheureusement prévoir, nous souhaitons qu'elle puisse y envoyer
pour soutenir ses intérêts un ministre aussi habile et aussi adroit que
celui qui sut si bien se détacher à point nommé du cardinal Sachetti,
pour faire élire à l'unanimité le médiateur des traités de Munster,
Fabio Chigi. Mais, hélas! quelles traditions possède maintenant notre
diplomatie sans cesse agitée par des courants rapides et contraires !
René Kerviler.
Mémoires <iu duc de Saînt-Sintion, publiés par MM. Chiîruel et
Ad. Régnier fils. Tome vingtième. Table analj'tique rédigée par l'auteur
]ui-même et imprimée pour la première fois d'après sou manuscrit auto-
graphe. Paris, libraide Ilaohettc, 1877, in-lS j. de iv-G37 p. — Prix :
3 fr. oO.
J'ai dit ici (n° d'août 1873, p. 99 du tomeX) que la nouvelle édition
des Mémoires du duc de Saint-Simon, comme reproduction du texte
original, ne laisse absolument rien à désirer. Au moment où s'achève
cette importante publication, j'aime à répéter que le plus éloquent
de nos chroniqueurs a été traité avec tous les égards et, pour ainsi
dire, avec tout le culte que l'on doit à un auteur classique. Malheu-
reusement M. Ad. Régnier fils n'est plus là pour recevoir de nouveau
les éloges si bien mérités par son incomparable zèle, et l'on ne lira
pas sans émotion le passage de ['Avertissement dans lequel son mal-
heureux père nous dit (p. iv) : a Mon fils n'a pu achever sa tâche par
la publication de ce vingtième volume. Il terminait la correction du
dix-riCuviômo, quand Dieu l'a enlevé, par une mort prématurée, à un
père, à une mère^ à qui il eût dû survivre, à sa femme, à ses enfants.
Sa veuve, qui l'avait assisté dans le minutieux travail de révision du
texte des Mémoires, a, sous ma direction, et aidée, à l'occasion, par
M. Chéruel pour la recherche des références, collationné le manuscrit
inédit, corrigé les épreuves, avec cette attention scrupuleuse dont son
mari lui avait donné l'exemple, et ce qu'il y avait à dire au sujet de
cette table, je me suis fait un triste et pieux devoir de le dire ici pour
lui. »
Des éditeurs tels que MM. Chéruel et Ad. Régnier fils ne pouvaient
se dispenser de reproduire la table analytique rédigée par le duc de
Saint-Simon. En exauçant le vœu du grand historien, ils ont aussi
exaucé les vœux de tous les sérieux lecteurs des Mémoires. Cuite table
complète admirablement l'œuvre immense de Saint-Simon, et elle
— fi.'J —
oft're divûrses sortes d'intérêt. Cest avec raison quo M. Ad, llégiiier
père y signale ([). 22), à côté do quelques additions au contenu de l'ou-
vrage, de quelques nuances de jugement, de quelques petits faits,
«des traces do cette hardiesse et de cette vigueur de mots, de traits,
d'expressive appréciation qui distinguent Saint-Simon entre tous nos
écrivains. » M. Ad. Régnier insiste sur certaines curiosités et singu-
larités del&ngdige,teUQS(nie infainemeiHftrcbiicheinent, deux mots dont
M. Littré ne donne que des exemples antérieurs au dix-septième siècle,
iiif/ratemoit, dont il ne donne qu'un exemple de Malherbe, abyssal qu'il
ne mentionne même pas (remarquons, en passant, que le mot abiissalis,
d'où vient«&i/6'.s"rt/,se trouve dans le chapitre xxii du livre IV de l'Imita'
lion de N.-S. J.-C. avec le sens de profond comme l'abime).
Dans l'article que je citais tout à l'heure, j'avais exprimé le regret
de ne pas voir, au bas de pages dont la réimpression est parfaite, les
notes critiques qui me paraissaient indispensables pour éclaircir, com-
pléter, rectifier les récits de Saint-Simon. Ces notes, je suis tout
joyeux de l'annoncer, nous les aurons prochainement, abondantes,
excellentes, dans une édition qui fera partie de la Collcclion des grands
écrivains de la France et qui sera l'édition savante, l'édition des tra-
vailleurs, tandis que l'édition en vingt volumes in-18 sera celle de tout
le monde. Il ne faut pas moins que l'association de deux érudits tels
que M. Chéruel et que M. A. de Boislisle pour nous donner, sous
l'inappréciable direction de M. Ad. Régnier, un Saint-Simon défi-
nitif.
Veut-on une autre bonne nouvelle ? On sait que, parmi les manuscrits
autographes de Saint-Simon non encore publiés, qui sont conservés
aux Archives du ministère des aff'aires étrangères, il en est de bien
autrement importants que la table des Méaioires qui vient d'en être
tirée. M. P. Faugère ne tardera pas à mettre entre nos impatientes
mains quatre volumes qui renfermeront tout ce qui reste de pages
inédites de Saint-Simon. Heureuses les bibliothèques où ces quatre
volumes seront rapprochés des trente ou trente -cinq volumes que
préparent avec tant de conscience et tant d'activité MM. Chéruel
et de Boislisle ! T. de L.
Le I»oi*tereuîlle d'un jçénéral de I« République, par Alfrkij
DE Besa.nce.net. Paris, Pion, 1877, iu-8 de 290 p. — Prix : 5 fr.
Voilà plusieurs années déjà que M. Camille Rousset a détruit la
légende des volontaires de 92. M. A. de Besancenet vient en faire
justice à son tour, et montre que la première République a désorganisé
l'armée comme elle a désorganisé tous les services. — Ces malheureux
soldats que la Convention enrôlait souvent de force dans ses levées en
JA^vIEu 1878. ô
— ou —
masse, elle les envoyait se battre sans vêtements, sans nourriture,
sans munitions. Et cette opinion de M. de Besancenet n'est point
une opinion de fantaisie, appuyée sur des souvenirs plus ou moins
exacts. Elle repose sur les documents les plus authentiques, les ordres
donnés ou reçus par un général de la République, une belle etsympathi-
que figure, le général de Dommartin, ordres inscrits jour par jour par
le général sur un registre qui a été conservé. « Ce registre, dit juste-
ment l'auteur, est une chronique dont la vérité ne peut être récusée. »
On y verra à quel degré de misère l'armée d'Italie était réduite avant
que Bonaparte en vint prendre le commandement. Le désordre, le vol,
l'indiscipline étaient partout. On trouvera là aussi de curieux détails
sur le 18 fructidor, la campagne d'Allemagne en 1796 et 1797, et l'expé-
dition projetée en Angleterre. Quant à l'expédition d'Egypte, il n'en
est que sommairement question, M. de Besancenet l'ayant racontée
dans un précédent travail, sous ce titre : Un officier royaliste au service
de la Bépubli(/ue. C'est là, à Rosette, en 1799, que le général de
Dommartin mourut, à trente ans, non pas, comme le dit très-bien son
biographe, pour la République, mais pour la France.
M. DE LA R.
Le Pi'ocè» des ministres [1830], par Er.nest D.vldet. Paris, Quaalin,
1877, in-8 de .\iv-317 p. — Prix : (i l'r.
Cet ouvrage est divisé en deux parties. Dans la première, l'auteur
raconte comment les ordonnances de juillet 1830 ont été décidées,
préparées et reçues; il dit le départ du roi, la fuite des ministres, leur
arrestation. Dans la seconde partie, l'auteur raconte la mise en
accusation et les diverses phases du procès des ministres. Le rapport
de M. de Chantelauze qui précéda les ordonnances, un récit de ce qui
se passa à Bàville iors de la fuite de MM. de Montbel et Capelle, des
lettres de M. Mole et de Louis-Philippe à Casimir Périer forment un
appendice. On lira avec intérêt les détails sur l'arrestation des mi-
nistres ; car, tandis que MM. d'Haussez, de Montbel et Capelle pouvaient
gagner la frontière, MM. de Chantelauze et Guernon-Ranville étaient
arrêtés à la MembroUe, près de Tours, et M. de Peyronnet dans cette
ville même. Le récit de la fuite de M. de Polignac est donné ici avec
des détails nouveaux et précis, grâces aux renseignements fournis
à l'auteur par M. de Semallé, fils du comte de Sémallé, auquel
Charles X avait confié le soin de faire évader son ancien ministre.
M. Daudet, après avoir rappelé les scènes émouvantes de l'audience
où MM. de Martignac, Sauzet, Hennequin obtinrent plus d'un triomphe,
montre très-bien — et c'est là la morale du livre — que l'attitude
énergique du ministre de l'Intérieur devant les passions soulevées lors
07 —
du procès des ministres fut une victoire remportée par le nouveau
gouvernement sur l'esprit révolutionnaire, qui lui avait donné nais-
sance et le menait à sa perte. H. de l'É.
L.a France archéologique, la Gdline historique et monumentale^ par
M. Bélisaire Ledain. Paris, Claye, 1876, gr. in-4 de 410 p., 2(1 pi. et
nombr. grav. intercalées.
Au concours de 1876 des antiquités de la France, l'Académie des
inscriptions et belles-lettres décernait la troisième médaille à l'ou-
vrage dont nous venons de transcrire le titre. Cette récompense mé-
ritée nous dispense, jusqu'à un certain point, de faire l'éloge de ce
livre; cependant, nous ne pouvons nous empêcher de rendre hommage
au zèle intelligent avec lequel l'auteur a su recourir à toutes les
sources qui pouvaient lui fournir quelques renseignements. Après avoir
feuilleté la Gcitlne, on est étourdi de la quantité de documents consultés
et mis à contribution par M. Ledain, au profit de l'histoire, comme au
profit de l'archéologie.
Il faut avouer aussi que Parthenaj, à lui seul, est un des échan-
tillons les plus intéressants de l'art du moyen âge; que les familles qui
ont tenu ce fief ont rempli, dans l'histoire, les rôles les plus imj'or-
tants. Donnez ces deux sujets à traiter à un enfant du pays d'un goût
sûr et bon critique, et vous ne pouvez manquer d'avoir un ouvrage
qui peut hardiment servir de modèle.
La Gâtine est une circonscription dont Parthenay est le centre, et
qui se trouve entre le Haut et le Bas-Poitou ; elle s'étend sur 15 lieues
de longueur et 10 de largeur, comprenant soixante paroisses. L'his-
toire de Parthenay commence véritablement vers l'an 1000, avec Josse-
lin P% le plus ancien seigneur connu ; on a des traces éparses de l'exis-
tence de ce pays auparavant, mais c'est seulement avec le onzième siècle,
que débutent ses annales suivies. Les successeurs de Josselin, qui
prirent le surnom de l'Archevêque à cause de Josselin II, archevêque de
Bordeaux, conservèrent Parthenay pendant 500 ans; M. Ledain re-
trace la vie de chacun, les événements contemporains accomplis dans
la Gâtine, les faits archéologiques appartenant à chaque seigneur. Le
dernier des l'Archevêque, Jean II, mourut en 1427, après avoir aliéné
la nue-propriété de son fief au régent qui le donna à Arthur de Riche-
mond à la condition d'acquitter les frais d'acquisition. A la mort de
Richemond, qui ne laissa pas d'héritier, Parthenay fut attribué à
Dunois par Charles VII, et resta aux Longueville jusqu'en 1641, date
de la vente au maréchal de la Meilleraye, qui transmit cette baronnie
à ses descendants.
Sans nous arrêter, ce qui serait trop long, à toutes les pages qui,
sans sortir du sujet principal, retracent l'histoire du Poitou et de la
— w —
France dans laquelle les barons de Parthenaj jouèrent un rôle con-
sidérable, nous appellerons l'attention sur l'histoire des La Porte, très-
probablement bourgeois de Parthenay à la fin du quatorzième siècle,
dont les descendants furent ducs de la Meilleraye et de Mazarin. Les
mérites des La Porle, alliés des Richelieu, firent qu'à la troisième
génération, après un clerc apothicaire, nous voyons paraître un duc et
pair et un grand prieur de Malte ; encore une preuve, entre cent, que
jadis le vrai mérite pouvait se faire une place et franchir lestement
les échelons qui existaient et existeront toujours dans la société. C'est
à Charles P'" de La Porte, gentilhomme ordinaire de la chambre de
Henri IV, oncle par alliance du cardinal de Richelieu, et à Charles II,
maréchal de France, que l'on doit la construction du château de la
Meilleraye, d'abord simple fief relevant de la baronnie de Parthenay;
c'était une somptueuse résidence, que JNI. Ledain nous fait connaître
dans tous ses détails. Délaissée dès le commencement du dix-huitième
siècle, la Meilleraye n'est plus aujourd'hui qu'une ruine.
Nous ne touchons ici qu'à un point, mais nous recommandons tout
l'ouvrage, écrit dans un esprit excellent qui ne nuit pas à l'impartia-
lité, complet dans son ensemble comme dans ses détails, et qui est
de nature à intéresser tout les lecteurs. — Nous ne regrettons
qu'une chose, c'est l'absence de tables des noms d'hommes et de lieux
qui auraient permis de recourir plus facilement aux nombreux ren-
seignements contenus dans ce beau volume. A. de B.
Muuograpliie de la cathédrale de Quimper (treizième et
quinzième siècle), avec un plan, par R.-K. Le Men. Quimper, Jacob et
M"" Lemercier, 1877, in-8 de 364 p.
M. Le Men, archiviste du Finistère, vient de publier une excellente
étude sur la cathédrale de Quimper. La description architectonique
du monument, des vitraux, des peintures héraldiques tient naturelle-
ment la place la plus large dans le volume; mais il y en a un bon
tiers consacré aux détails de la construction, aux architectes, aux
artistes et aux ouvriers qui ont concouru aux travaux et à l'orne-
mentation de l'édifice; ici, ce sont les documents d'archives qui ont
fourni une ample moisson de renseignements à l'auteur. On y trouve
les éléments d'une étude des plus intéressantes sur l'histoire de l'art
dans cette partie de la Bretagne.
La cathédrale de Quimper fut commencée en 1239 et terminée en
1515; le chevet, le chœur et les bas-côtés sont de 1234 à 1245. Un
détail nous a quelque peu surpris, c'est que l'infatigable archiviste du
Finistère, à qui on devra bientôt la publication du cartulaire de Lan-
devennec, n'ait pu retrouver trace des cathédrales qui précédèrent celle
qui fut commencée sous l'épiscopat et les auspices de Rainaud.
A. DE B.
0!) —
BULLETIN
L<a I^eeture ou le clioîx. des livres, conseils à un jeune ho7nme qui
termine ses études, par M. l'abbé J. Verniolles, chanoine honoraire de Tulle,
supérieur du petit séminaire de Servières. Paris, Bray et Retaux, 1877,
in- 12 de x-410 p. — Prix : 2 fr. 50.
Ce nouvel ouvrage de M. l'abbé Verniolles sera, en quelque sorte, le complé-
ment, comme le dernier chapitre, des ditférents traités élémentaires qui ont
créé à leur auteur une juste réputation dans les collèges. Né d'une corres-
pondance, il en a conservé, avec la forme, la libre allure et la simplicité. Ces
lettres, au nombre de quarante, traitent successivement du charme que pro-
curent les livres, de l'abus trop fréquent qu'on en fait, des notions que
chacun doit posséder en religion, en philosophie, en histoire, dans les belles-
lettres. Les dernières pages sont consacrées à des conseils extrêmement
judicieux sur l'exercice de la plume, le calme, l'ordre, la sobriété dans les
lectures, comme moyens nécessaires pour donner une direction et une utilité
au travail. De plus, l'auteur ne se désintéresse nullement des questions du
jour. Le libéralisme religieux, en particulier, cette hydre sournoise frappée
d'nn grand coup, mais encore vivante et agissante à l'ombre, trouve en
M. Verniolles un implacable adversaire. Toutes sommaires qu'elles sont, ces
indications suffisent. Elles éveillent l'esprit du jeune lecteur, lui impriment
une direction et, au besoin, lui font éviter l'écueil où sa vertu irait sombrer.
Inspirer à la jeunesse de nos écoles le goût des études sérieuses, lui mon-
trer que ce qu'il y a de plus reposant dans la vie, de plus puissant, après la
prière, contre les tristesses de l'âme, les découragements etles aftaissements
de toutes sortes, c'est encore le travail, l'amour de l'étude : tel est le but
élevé que s'est proposé le digne supérieur de Servières. Augustin Thierry,
brisé de fatigues, accablé d'infirmités toutes contractées au rude service de
la science, disait : «Aveugle et souffrant, sans espoir et sans relâche, je puis
rendre ce témoignage qui, de ma part, ne sera pas suspect : il y a au monde
quelque chose qui vaut mieux que les jouissances matérielles, mieux que la
santé elle-même, c'est le dévouement à la science. » Cette parole est allée
réveiller et échaiift'er bien des courages. Le livre qui nous occupe aura le
même honneur. Écrit avec cette simplicité et celte lucidité qui est, d'après
Joubert, l'apanage de l'éméritat, il réunira les sufl'rages de tous ceux qui ont
souci de donner une direction à l'esprit du jeune homme, lorsqu'il quitte le
collège. C. Artiges.
t,a Franc-Maçonnerie, révélations d'un rose-croix à propos des élec-
tions générales de 1877, nouvelle édition. Bar-le-Duc, typographie Bertrand.
Paris, Blond et Baral, 1877, in-8 de 107 p. — Prix : 1 fr.
L'auteur anonyme de cette brochure démontre, par des citations extraites
des principaux écrivains maçonniques, que la franc-maçonnerie s'attaque à
tout principe religieux, qu'elle mine toutes les bases sur lesquelles repose la
société et que, notamment, elle fait fi du patriotisme et n'hésile jamaisà sa-
crifier 5on pays à ses passions. C'est là, dit-il, l'esprit et le but de lamaçon-
nerie, telle qu'elle est dirigée par les arrière-loges. « Quant à la tourbe ?»aco/i-
Ji/çuéî, croire sans preuves, obéir aveuglément, se comprometire au besoin,
en se faisant 1 instrument passif de la puissance supérieure qui la dirige,
tel est le rôle humiliant qu'elle est condamnée à jouer. »
— 70 —
Les citations contenues dans cette brochure sont fort ])i> n choisies et très-
concluantes. L'auteur y ajoute quelques informations nouvelles sur certains
points. Il nous dit notamment qu'en décembre 1851, Louis-Napoléon avait
donné à un de ses partisans, comme lui carbonaro, la mission d'acheter le chef
des organisations mililantes et qu'en conséquence, au coup d'État, des ordres
contradictoires furent donnés aux diverses sections de façon à faire avorter
l'insurrection. « Je puis, dit-il, en garantir l'authenticité, avant eu à jouer un
rôle actif dans ce drame déplorable. Je dois ajouter que, quinze ans plus tard,
je me liai avecradministrateur qui paya 300,000 francs la conscience de notre
chef. »
Écrivant après le 16 mai, à la veille des élections, l'auteur se demandait
comment le gouvernement se refusait à loute répression, et s'il n'y avait pas
dans les régions du pouvoir une mystérieuse influence capable d'arrêter le
bras de la justice. Il a cru devoir maintenir dans la nouvelle édition ce
point d'interrogation. C.T.
Xraité de l'administration temporelle des associations
religieuses et des fabriques paroissiales, par G. Calmette.
2* édition. Paris, Gaume, 1877, in-12 de xvi-4r2 p. — Prix : 4 fr.
Ce petit livre, écrit par un homme mûri dans Tadministration, comprend
deux parties. La première, sur les associations religieuses, se divise en six
sections : organisation (p. 1 à 4'j), administration des biens (41 à Ml), asso-
ciations hospitalières de femmes (p. 111 à 130), associations religieuses de
femmes enseignantes (p. 139 à 173), associations religieuses d'homme (p. 173
à 19o), associations religieuses non autorisées et confréries (p. 195 à 212); la
seconde, sur les fabriques paroissiales, comprend également six sections :
Organisation et attributions (p. 213 à 234), revenus ordinaires (p. 235 à 275),
revenus extraordinaires (p. 275 à 319), dépenses ordinaires (p. 319 à 840),
dépenses extraordinaires (p. 341 à 3G0), comptabilité (p. 361 à 368). Suivent
en appendice : 1° la liste complète, par ordre alphabétique, des congréga-
tions religieuses autorisées; 2° un formulaire administratif. On voit par ce
coup d'œil l'utilité de l'ouvrage; c'est un manuel où puiseront des renseigne-
ments surs et précis les curés, les fabricieas, les supérieurs de communautés
religieuses. — Entre les associations autorisées et non autorisées, l'auteur
parait préférer la situation des premières (p. 193). Sans doute, elles sont
capables de recevoir, mais c'est au prix de l'indépendance. Sans doute aussi, on
peut dire, ce qui en droit est fort contestable, que le décret du 3 messidor
ail XII, menace l'existence des secondes; mais c'est une exception, et le gou-
vernement qui leur appliquera ce décret, trouvera vile un prétexte pour
rappeler l'autorisation des premières. Dd cette double obseryaiion, il faut
conclure, se semble, que les deux conditions ont chacune des avantages et
des inconvénients : ce sont les circonstances, plutôt qu'un principe général,
qui doivent déterminer les communautés, tantôt à rechercher, tantôt, au
contraire, à éviter l'autorisation. J,-A. de Bebnon.
t,e Monde où nous vivons. Ltçuns de géographie, par M. F. Maury.
Traduction de l'anglais par Zcrcher et Margollé. Paris, Hetzel, 1877, in-12
de 302 p. — Prix : 3 fr.
Excellent résumé, destiné à présenter aux élèves, sous une forme intéres-
sante et simple, les premières notions de géographie. Pour atteindre ce but.
railleur les conduit au(our du moniip, pir un double voyage, une fois par
mer, une fois par terre. La l'elation de ces voyages imaginaires forme un
lécit familier, dans lequel l'élève saisira facilement et progressivement les
traits caractéristiques de la surface terrestre et des ditférentj peu(iles qui
l'habitent. Cette in^lriiction élémentaire préparera sans fatigue à une étude
plus détaillée. A cliaque leçon est jointe une étule delà carte, ayant pour
but de familiariser l'élève avec l'usage des carte-, en lui apprenant à les lire
et l'accoutumant aies employer avec intelligence. L'ouvrage est orné d'un
porlraitde l'auteur, etles traducteurs y ont ajouté une notice biographique qui
fait bien connaître la vie et les travaux du célèbre commandant iMaury.
F. DE KOQUEFECIL.
t.'Op et l'argent, par L. Simonix (Bibl. des merveilles). Paris, Hachette,
1877, gr. in-18 de 294p., orné de 67 grav. intercalées. — Prix : 2 fr. 25.
Le livre de M. Simonin apprend beaucoup de choses à ses lecteurs; la dé-
couverte de l'or et de l'argent de la Californie; les procédés employés pour
recueillir les métaux précieux; l'histoire générale des mines d'or et d'argent
de toutes les parties du monde, depuis les temps anti|ues; l'histoire de la
monnaie; ajoutons qu'il consacre un certain nombre de pages à exposer ses
idées personnelles sur cette grave et peut être insoluble question de l'usage
simultané de l'étalon d'or et de l'étalon d'argent. Tout ce vaste programme
est traité dans un style attachant par un auteur qui a consulté tous les ou-
vrages publiés sur la matière et qui e t allé voir de ses yeux, ce'qu'il
décrit. Dans l'histoire de la monnaie, on devine que M. Simonin n'est pas numis-
matiste : il laisse échapper parfois de petites hérésies ; mais ce sont là des
détails peu importants auxquels il lui sera facile de remédier dans une autre
édition. Au poinkde vue des opinions économistes, l'autour soutient une
thèse qui nous semb'e fondée ; les faits eux-mêmes viennent la jus'ifier;
comme l'affirme M. Simonin, les pays qui ont adopté un étalon unique en
sont aujourd'hui tous à le regretter. A. de R.
I^etit Rumaiieero, choix de vieux chants espagnols, traduits et annotés
par le comte de Puymaiore, membre correspondant de l'Académie royale
d'histoire de Madrid et de l'Académie royale des belles-lettres de B,ircelune.
Paris, librairie de la Société Bibliographique, 1878, in-t8 de 179 p. (Clas-
siques pour tous.) — Prix : îiO cent.
Ce volume sera certainement l'un des plus goûtés et des plus recherchés
de la collection des Classiques pour tous. Notre éminent c jllaborateur, M. le
comte de Puymaigre, dont l'autorité est si bien établie en matière de litté-
rature espagnole, otfre ici au public français un choix de ces vieux chants
appelés Romances qui forment l'un des genres les plus curieux de cet'e litté-
rature dont ils ne sont pas, sans doute, exclusivement l'apanage, mais où
ils ont pris une importance toute particulière. Après en avoir déterminé la
nature et les diverses origines, dans un court avaut-propos, suivi d'une trè?-
utile bibliographie des recueils cités dans l'ouvrage, M. de Puymaigre donne
la traduction de cinquante-huit chants, partagés en trois groupes : Romances
sur l'histoire d'Espagne, Romances carlovingiennes, Romances chevaleresques
détachées. Parmi les romances sur l'histoire d'Espagne, un certain nombre
forment des cycles. Le savant auteur a choisi les cycles relatifs au roi don
Rodrigo, à Bernardo del Cirpio, aux sept infants de Lara, et enfin au Cid, et,
sur chacun de ces sujets, représentés dans son recueil par quelques-uns de
leurs meilleurs chants, M. de Puymaigre a écrit une brè/e et substantielle no-
lice. Il a traduit, en outre, quelques romances liistoriques isolées, sur divers
sujets. La trailuction, simple et accessible à tous, a conservé pourtant le
caractère de l'original, et réussit à donner nu'me,çà et là, une légère i'iée du
rhythme. iM. de Puymaigre a imliqué dans quelques notes les rapprocheinen'.s
qui s'offraient à sa mémoire, si riche eu pareille matière, avec les chants po-
pul lires d'autres pays, et renvityé aux recueils où ces chants sont contenus,
de telle sorte que son Pctil Romancero, tout en demeurant parfaitement propre
au public étendu auquel s'adresse la colleclion des Classiques pour loris sera
en même temps d'une utilité très-grande pour initier un certain nombre d'es-
prits, en qui i)eul-Alre u!:e vocUion sommeille, aux études d'histoire litté-
raire et de poésie comparée . M. S.
■Lie Oonîieur a« foyer. I^ettres «l^une m«re à sa lille, par
par M"" Jl'Lie Fertiault. Paris Didier, 1877, in-12 de xi-34ii p. — Prix : 3 fr.
C'est le secret du Bonheur au foyer que M°* Kertiault veut donner aux
jeunes femmes. Elle fait parler une mère qui répond aux consultations de sa
lille, jeune mariée, pardi;s lettres où elle lui expose dans un style un peu
délayé et quel juefois prétentieux, la contuite que doit tenir une bonne
maîtresse dij maison, pour rendre sou intérieur agréable à son mari, d'abord,
et ensuite cï toutes les personnes avec lesquelles elle est en r..lutions. l'ne
union bien assortie est la base du bonheur du foyer; mais ce n'est qu'une
base sur laquelle il fiut cimsti'uire.Elle aborde un peu Ions les suje'.s : le choix
et l'auieubleraent d'un appartement, les domesti jues, les réceptions, les
fêtes, les ('evoirs maternels, la toilette, les sciences utiles, les arts qui répan-
dent un si, grand charme dans la vie. Sur de tels sujets, il serait difficle de
ne pas trouver quelques opinions contestibles, d'autant que, dans beaucoup
d'occasions, il n'y a pas de règle; lixes. Mais, en général, les avis sont très-
sages. L'auteur ne parait point éloigné des idées religieuse?, mais on est
en droit de s'étonner qu'elle ne senble point comiit-ir la relig'on et ses pra-
tiques parmi les éléments du bonheur du f >yt'r. Dans un petit récit qui
termine ce volume, l'auteur a voulu mettre la pratique à côté de la théorie, en
montrant, sous le titre de FamiUn et patrie, l'heureuse inlluence morale que
peutexi^rcer une femme exacte fi ses devoirs dans la plus large acception du
mot. a. S.
iVotes f*ur l*Kspagne artistique, par Fernanu Petit, doctt ur en
droit. Lyon, N. Scheuring, 1878, in 8 de 138 p., tiré à petit nombre.
Peu de personnes entreprennent le voyage de l'Espagne sans faire par.àtre,
à leur retour, leurs impressions de voyage. M. Petit a cédé au même senti-
ment; mais Son excursion, entreprise dans un but exclusivement artislique,
donne à son livre un caractèi'e particulier ; ses Noies sur VEqmgne artistique
sont surtout un livret des œuvres d'art qui lui ont paru remarquables dans
les diverses ville-, musées, collections particulières et églises qu'il a visitées.
Ses appréciations nous ont, eu général, semblé justes et élablies sur des
comparaiiOMS intéressantes avec les chefs-d'œuvre des maîtres qu'il a eu
occasion d'admirer et d'étudier dans les diverses galeries d'Europe. Les
amateurs trouveront dm; ce livre la trace de mainte œuvre peu connue
etcepeniaut digne d'attirer l'attention ; nous avons également remarqué des
rapprochements curieux entre diverses toiles analogues (copies ou répliques)
et quelques atlrib^Jtions qui nous semblent certaines. Il serait superflu de
louer l'exécution matérielle du volume, on sait assez que tout ce qui sort des
presses de Seheuring peut figurer avec honneur dans toutes les bibliothèques.
Les Notes sur VEspagnc artistique seront un complément indispensable aux
guides qu'emporte tout voyageur « entreprenant le pèlerinage artistique du
voyage d'Espagne ; )j elles seront également consultées avec fruit par qui-
conque aime les arts et s'occupe de les étudier. J. D. L. R.
Un été en ;^mérique, pariVl. Jllks Lrc;[.ebc.o; ouvrrge enrichi de seize
gravures. Pari-, Pion, 1877, in-12 de 416 p. — Prix : 4 fr.
Qui n'a f.iit aujourd'hui une excursion en Amérique. C'est une promenade
plus facile et moins longue que ne l'était pour nos pères le voyage de Paris.
M. J. Leclercq a voulu faire, lui auss', comme jadis Maurice Sand, ses six
mille lieues à toute vapeur, et il a profité de l'exposition de Philadelphie
pour aller passer deux mois aux États-Unis. Il a visité tout l'Est, puis, s'a-
vançant vers l'ouest jusqu'à Chicago, il est remonté sur le nord et a regagné
l'Océan par le Canada. Il a admiré ces puissantes métropoles de New York,
Philadelphi'% Baltimore, Saint-Louis, et cette étonnante reine des lacs qui,
brûlée en 1871, s'est relevée de ses ruines plus grande et plus riche. La force
d'extension des Américains est véritablemetit surprenante. Leur hardiesse et
leur esprit d'initiative ne le sont pas moins, sans oublier leur talent à orga-
niser le confort dans les chemins de fer. Mais, à côté de ces qualités réelles,
que de misères. Et qu'on est loin aujourd'hui de l'enthousiasme de Toque-
ville pour la démocratie américaine. M. Claudio Jannet, dans son beau livre
sur les États-Unis contemporains, a porté un rude coup à la légende. M. G. Le-
clerq, sans faire un livre didactique, mais en racontant simplement ses sou
venirs de voyage, partage l'opinion de M. Cl. Jannet. Il signale les mêmes
travers elles mêmes vices; il prévoit les mêmes dangers. L'Américain, taci-
turne et mal élevé, ne lui est pas sympathique, et, il ne se sent en pays de
connaissince qu'au Canada, où il retrouve les traditions et le langage de la
mère-patrie. Ses lecteurs, il peut en être sûr, auront li même impression
que lui .
Seize jolies gravures ajoutent encore à l'intérêt très-réel de ce livre. Nous
nous permettrons seulement de signaler à l'habile et consciencieux éditeur
quelques fautes d'impression qui, nous n'en doutons pas, disparaîtront à la
prochaine édition. M. de la R.
Li*i%.friqne centrale, expédition an lac Victoria Nyanza et ait Makraka
Niam-Niam, à l'ouest du Nil blanc, par le colonel Chaillé-Long, de l'état-
major égyptien; traduit de l'anglais par M°' Foussé de Saye; ouvrage en-
richi d'une carte spéciale et de gravures sur bois, d'après les croquis de
l'aut'rur. Paris, Pion, 1877, in-12 de viii-352 p. — Prix : 4 fr.
Ce volume contient le récit d'une double expédition au lac Victoria d'abord,
chez les N'iam-Niam ensuite. Le colonel Chaillé-Long, au service de l'Egypte,
avait résolu de savoir si le lac Victoria Nyanza était en communication avec
l'Albert Nyanza. II partit avec quelques hommes seulement, arriva à la cour
du roi d'Uganda, le roi M. Tsé, gagna les bonnes grâces du monarque
africain, et, avec une escorte fournie par lui, voulut poursuivre sa route.
Mais la mauvaise volonté de cette escorle, les difficultés qi'il rencontra, le
mauvais t- mps, les maladies, les embûches qui lui furent dressées par un
autre potentat noir, Keba Hega, ne lui permirent pas de pousser son entre-
prise jusqu'au bout : il découvrit un nouveau lac, le lac Ibrahim; puis, ar-
— 74 —
rivé à Fouiérd, il ne put aller plus loin, et revint à Gradakora. Bientôt après,
il repartit pour le pays des Niain-Niani, explora ces tribus encore peu con-
nues, étudia la race des Akkas, et, à la tète d'une colonne égyptienne, à
laquelle s'étaient joints les Niani-Niam,inlligea une punition exemplaire aux
Yanbani, qui avaient cherché à l'arrêter.
Un fait capital ressort des récits du colonel Long : les efforts considérables
du Khédive pour assurer son autorité sur les peupla'les noires qui habitent
le voisinage des lacs; déjà des ports militaires ont été établis sur plusieurs
points, et plusieurs tribus sont soumises. Mais quand seront-elles civilisées?
Le colonel Long ne semble pas concevoir de grandes espérances à ce sujel ;
il est peu enthousiaste de la race noire et du climat équatorial, et lis détdils
qu'il donne détruisent bien dei légendes répandues par ses prédécesseurs.
Est-ce une raison de se décourager? Non ; mais de procéder avec une extrême
prudence dans ce climat malsain et avec ces peuples sans loyauté.
M. DE iaR.
L<a Domination bourguignonne à Xours et le siège de
cette ville (1417-1418), par M. Delaville Le Uoulx, élève de l'École
des chartes. Pans, Menu, in-8 de 71 p. (Extrait du Cabinet historique,
t. XIII.)
Ce mémoire, d'une érudition profonde, est le résultat de longue^; recherches
aux archives de la Touraine et dans les colleclious de la Bibliothèque na-
tionale. M. Delaville Le Roulx relève les erreurs accréditées jusqu'à ce jour
relativement k la domination bourguigno-nne à Tour^, sous Charles VI. Il
raconte l'entrée dans cette ville des alliés de la reine Isab^au de Bavière; il
fixe h date du siège d'Azay-sur- Indre, et il parvient à faire le dénombrement
des forces qui vinrent assiéger Tours et rendre celte ville au dauphin
Charles. Ce chapitre entièrement inédit de l'histoire de la capitale de la
Touraine fait honneur à son auteir, un des plus brillants élèves de l'Ecole
des chartes. Er. B.
IL,a Chartreuse de Valbonne (chronique), par M. L. Bruguier-Roure,
membre de la Société française d'archéologie, etc. Tour?, P. Bouserez,
1877, in-8 de 102 p.
Après avo'r donné un aperçu rapide de l'histoire des chartreux depuis la
création de l'ordre par saint Bruno, M. Bruguier-Roure raconte la création
de la chartreuse de Valbonne par l'évêque d'Uzès, au commencement du
treizième siècle. Pauvre et de peu d'importance à son origine, le nouveau
monastère ne tarda pas à prendre une extension rapide, grâce à la libéralité
des vicomte s d'Uzès et d'autres bienfaiteurs. L'auteur fait le récit des procès des
moinesftvecleurs voisins, les droits féodaux qui leur étaient dus, l'extension
de leur juridiction. La guerre deCmtans arrêta la prospérité de la paisible
colonie; sous la Réforme, le couvent fat dévasté et incendié. 11 ne fut res-
tauré que pour subir bientôt le contre-coup de la Révolution. Tel est le cadre
que développe M. Bruguier-Roure. Cette notice trop courte est ornée de
notes nombreuses puisées aux meilleures sources. La chartreuse de Val-
bonne a été restaurée de nos jours; dépendant autrefois de l'évêché d'Uzès,
elle est aujourd'hui comprise dans le diocèse de .Nîmes tt le département du
Gard. Er. B.
VARIÉTÉS.
LES PUBLICATIONS DE LA. CAMDEN SOCIE/"'
Quatrième article ^. •
LXXII. — The Romance of Blonde of Oxford and Jehan of D
Philippe de Heimes, a Trouvère of the thirteenth century. EdiV .ne
unique ms, in the impérial library at Paris, by M. Leroux be Lincy. 1858,
xxvii-2i4 pages.
Ce roman d'aventures est tiré d'un volume qui contient également le
Roman de la Manekifie, édité en iSiO par }A. Francisque Michel pour le Ban-
natyne Club. M. Leroux de Lincy a donné, dans sa préface, une analyse du
poëme,où l'on trouve une intéressante peinture de la société au moyen âge.
LXXIIL — TheCamden Miscellany, volume the fourlh, 1859. — Contient sept
articles, dont voici la description sommaire :
1. A London chronicle during the reigns of Henry Ihe sevenlh and Henry the
eighth. Edited from the original ms. in the Cottonian library of the British
muséum, by Clarence Hopper. 21 pages.
Cette chronique n'a guère d'autre mérite que celui de l'inédit. Elle com-
mence en 1500 et se termine en 15i5.
2. The expenses of the judges of assize riding the Western and Oxford cir-
cuits,temp. Elizaheth, 15(16-1601. £rf(7erf from thems. account-book of Thomas
Walmysley, one of the justices of the common pleas. by \V. Durrant Cooper.
60 pages. — Ce petit travail est curieux, parce qu'il nous donne une idée
des épices que recevaient autrefois les juges des assises en Angleterre.
On y voit aussi leur itinéraire et les noms des personnes qui les héber-
geaient.
3. The Skryveners play, the incredulity of saint Thomas, from a ms. in Ihe
possession of John Sykes, M. D, of Doncaster. Edited byJ. Payne Collier.
18 pages.
On connaît plusieurs suites de mystères et moralités en langue anglaise.
Un des plus importants de ces recueils est une série de cinquante-sept pièces
représentées jadis à York le jour de la fête de Corpus-Christi. Malheureu-
sement, ce recueil fait partie aujourd'hui de la bibliothèque de lord Ash-
burnham, c'est-à-dire qu'il t-st inaccessible ; il a appartenu successivement à
Thoresby, Horace Walpole et M. Heywood Bright. La moralité publiée par
la Cauiden Society esi une des pièces jouées sous le patronage de la corpora-
tion des écrivains (Skryveners); le manuscrit qui a servi à la présente édition
est, selon toute probabilité, l'exemplaire du souffleur; il a fait partie des
archives de la ville d'York, et fut publié pour la première fois, avec beau-
coup de négligence, en 1797, par M. Croft, dans ses Excerpta antiqua.
4. The Childe of Bristowe, a poem, by John Lydgatc. Edited from the origi-
nal ms. in the British Muséum, by Clarence Hopper. 28 pages. — Ce poëme
contient l'histoire supposée d'un jeune homme restituant à diverses per-
sonnes de l'argent que son père, usurier infâme, leur avait arraché.
M. Orchard Halliwell a déjà publié, d'après un manuscrit de la bibliothèque
de l'Université de Cambridge, une autre version de la même légende. On
sait que Lydgate, né en 1380, mort vers 1460, et moine de l'abbaye de
Bury, était un des poètes les plus distingués de l'école de Chaucer.
5. Sir Edward Lake's account of his interviews with Charles I. On being
1. Voir tome X, p. 234 ; tome XII, p. 244; et tome XIV, p. 448.
— 7r, —
creatcd a boronet, and receiving an augmentation to hh arms. Edited bj*
J. P. Lax(;mkad, esq. 20 pages. — M. Lake, avocat général en Irlande, ayant
été chassé par les rebelles, revint en Angleterre, joignit l'armée royale, et
reçut, au service de Charles 1" seize blessures à la bataille d'Edgehill. Le
jour du premier anniversaire de cet événement, il eut une entrevue avec le
l'oi à Oxford, et, l'été suivant, il en eut une autre à Worcester. La plaquette
où il décrit ces deux conférences est intéressante pour l'histoire de la guerre
civile de lCiO-41.
6. The lettcrs of Pope to Alterbury, whcn in the Tower ofLondon. Edited by
John Gough Nichols. 22 pages. — Les lettres de Pope ne sont pas inédites,
mais la copie sur laquelle M. Nichols a publié le texte do)it je parle ici con-
tient de cuiùeuses variantes qui leur donnent une certaine importance. On
sait qu'Atterbury, chapelain du roi Guillaume, puis de la reine Anne, et
évoque de Rochester en 1713, se déclara pour le Prétendant et fut enfermé
dans la Tour de Londres en 1722. Condamné à l'exil par la Chambre des
Lords, il se réfugia en France et mourut à Paris en 1732.
7. Stipplcmentary note to Ihe discovenj of llie Jcsuit's collège. Voyez le
n° LV, tome XIV, p. 449.
LXXIV, — Diary of the marches of the Royal anny during the great civil
war; kept by Richard Symonds. iNow first published from the original ms.
in the British Muséum. Edited by Charles Edward Long. 1859, xiv-
296 pages-
Richard Symonds était un des officiers de la cour de la chancellerie lors-
que la guerre civile éclata. Prenant le contre-pied du fameux adage cédant
arma tog.r, il s'enrôla dans la cavalerie royaliste, et servit sous lord Bernard
Stuart, créé plus tard comte de Lichfield. Le journal publié par M. Long
forme quatre petits volumes, et, outre des particularités historiques sur la
marche des troupes de Charles I'^'', on y trouve quantité de notes sur les
églises du Leicestershire et du Dorsetshire. Plusieurs de ces memoranda
avaient déjà vu le jour. Richard Symonds a laissé beaucoup de manuscrits
qui mériteraient d'être édités, surtout les recueils faits par lui pendant ses
nombreux voyages en France, en Italie et en Angleterre. Ces ouvrages, con-
servés au British Muséum, sont analysés par M, Long dans sa préface.
LXXV. — Original papers illustrative ofthelife andwritings of John Milton,
including sixteen letters of State, written by him, noiv first published from mss.
in the State paper office, with an appendix of documents relating to his connec-
tion with the Poivell family . Collected and edited, with the permission of the
master of the rolls, by W. Douglas Hamilton. 18o9, viii-i39 pages. —
M. David Masson, le docte biographe de Milton, a fait bon usage de ce
volume, qui est édité avec le plus grand soin, et qui contient, sur le poëte,
de précieux détails. Le nom de sa femme était, on se le rappelle, Mary
Powell.
LXXVI. — Letters of George Lord Carew to sir Thomas Roe, ambassador to
the court of the Great Mogul. 161o-1617. Edited by John Maclean. 1860,
xiv-t60 pages. — George Lord Carew, nommé, par la suite, comte de
Totnes, était grand maitre de l'artillerie et chambellan du roi Jacques pr à
l'époque où il écrivit ces lettres. Son ami, sir Thomas Roe, occupait le poste
d'ambassadeur près la cour de l'empereur de Mongolie, aux frais de la com-
pagnie des Indes-Orientales ; mais il faut voir là plutôt une simple mission
qu'une ambassade proprement dite. De 1()21 à 1628, Roe fit un nouveau
voyage diplomatique au même pays, et le récit des négociations qui résul-
tèrent de cette seconde mission fut publié, en 1740, par l'historien Carte,
on un volume in-folio. Les lettres dont il est question ici se trouvaient, à
l'origine, dans la bibliothèque de Carte, avec le reste des papiers de sir
Thomas Roe, et on ne sait comment elles ont enfin été remises aux archives
de l'État. Voici la description qu'en donne l'historien : « Journal d'événe-
ments qui se sont passés de 1613 à 1617, tant en Angleterre que dans
d'autres pays de l'Europe. » Les extraits sont concis, comme le sommaire que
Camden nous a laissé du règne de Jacques !•=■■. En réalité, les lettres de lord
Carew peuvent passer pour de véritables gazettes, et c'est là le nom que
leur donne, en plusieurs endroits, Cai'ew lui-même (voir pages o4, 80, 139) ;
les incidents y sont relatés au fur et à mesure que le chambellan les obser-
vait ou qu'ils les apprenait de ses correspondants à l'étranger ; il les laissa
ensuite s'amasser et les expédia à son ami l'ambassadeur en quatre livrai-
sons successives, savoir : avril 1615, janvier 1616, janvier 1617 et jan-
vier 1618. Sir Thomas Roe envoya à Carew un journal du même genre et
qui, en raison du pays d'où il était daté, devait offrir le plus piquant
intérêt.
LXXVII. — Narratives of Ihe daijs of Ihe re formation, chiefly from the ma-
niiscripts ofJohn Foxe the martyrolorjist, with ttco eontemporary biorjraphies of
arckhisliop Cranmer.Y.à\iQà. by John Gough Nichols. 18o9, xxvii-366 pages.
— Les deux principaux historiens qui ont traité de la réfoi'me en Angle-
terre sont Foxe et Strype. Le premier, né en lol7 et mort en \'6%~, embrassa
les opinions puritaines, écrivit, sous le nom dC Actes et monuments, \xnvecue.\\
qui devint bientôt très-populaire, précisément à cause de la violence avec
laquelle le catholicisme y était attaqué, et laissa derrière lui une quantité
de manuscrits maintenant conservés au Dritish Muséum et qu'il ne mil pas
tous en œuvre. Le second, né en 1643 et mort en 1737, consacra, à écrire
l'histoire de la Réforme, tout le temps que lui laissaient ses devoirs de
dergijman, et profita, pour ses nombreuses et indigestes compilations, des
documents x'éunis par Foxe. Cependant, il restait encore passablement de
textes à publier, soit qu'ils eussent été entièrement négligés, ou imprimés
d'une manière défectueuse ; ce sont ces pièces que M. Nichols a annotées
pour la Camden Society; en voici le relevé : a. Souvenirs de John Louth,
archidiacre de Nottingham. — b. Autobiographie de Thomas Hancock,
ministre de l'église de Poole. — c. Défense de Thomas Thackham, ministre
de l'église de Reading, contre Julius Palmer. — d. Anecdotes d'Edouard
Underhill. — e. Les Épreuves de Thomas Mowntayne, recteur de la paroisse
de Saint-Michel, racontées par lui-même. — /'. L'ne chronique s'étendant
de 1332 à i;i38, écrite par un moine de l'abbaye de Saint-Thomas, à Cantor-
béry. — g. Sommaire dos événements relatifs à l'Église anglicane pendant
l'année looi. Citons aussi un recueil d'anecdotes sur l'archevêque Cranmer,
par son secrétaire, Ralph Morice ; elles sont tirées de la bibliothèque du
collège de Corpus-Christi, à Cambridge.
LXXVllL — Correspondencc of Kincj James VlofScotland with sir Robert Cecil
and others in Enyland, during the reign of Queca Elizabeth ; with an appendix
containing papers illustrativc of transactions bctwcen King James and Robert
earl ofEssex. Principally published for the first time frommss. of the most the
marquis of Salisburj^ preserved at Hatfield. Edited by John Bruce, esq.
1861.
En 1766, lord Hailes publia, sous le titre de Secret correspondence of sir
Robert Cecil with James VI, King of Scotland, un petit volume de lettres
écrites par lord Henry Howard ou adressées à lui par ses amis. Ces pièces
faisaient partie d'une correspondance beaucoup plus étendue dont M.Bruce
— 78 —
a publié le reste dans le volume édité ici; l'impression a été faite d'après une
copie collationnée sur les originaux à Hatfield.
LXXIX. — Letters lurillen by John Chamberlain durlng the reign of Queen
Elizabeth. Edited from the original by Sarah Williams. 1861, de xii-i88
pages.
On trouvera, dans la prélace de ce volume, des détails biographiques
relatifs à Chamberlain, fils d'un aldennan de la ville de Londres. C'était un
homme d'un esprit cultivé, écrivant à merveille, curieux de nouvelles, et
qui aurait mérité de remplir la place de rédacteur en chef d'une gazette.
Comme le journalisme n'existait pas du temps de « Queen Bess, » Chamber-
lain s'en dédommageait, de même que lord Carew (voyez plus haut, n° LXXVll),
en remplissant ses lettres de bavardages sur les événements dont il était le
témoin, et, dans ce genre de littérature, il s'est fait, en Angleterre, une
réputation justement méritée. Nombre d'extraits de la correspondance de
Chamberlain ont été déjà imprimés par des éditeurs de recueils archéolo-
giques; les lettres publiées par miss Williams sont écrites à M. Carleton,
plus tard vicomte de Dorchester.
LXXX. — Proceedings principally in the county of Kent, in connection luith
Ihe Parliaments called in 1640, and especially ïvith the committee of Religion
appointed in that year. Edited by the Rev. Lambert B. Larking from the
collections of sir Edward Dering, Bart. 1626-1644. With a préface by John
Brcce, 1861; Li-248 pages. — Ce volume est plein de particularités
curieuses sur l'histoire de l'Église anglicane et sur l'administration du
célèbre Laud, archevêque de Cantorbéry. Voici une liste des principaux
documents : 1. Trente-cinq pièces relatives au Parlement de 1648. 2. Recueil
de notes prises par sir Edouard Dering pendant qu'il exerçait les fonctions
de président du comité d'enquête sur la religion. 3. Pétitions adressées
contre le clergé par diverses paroisses du comté de Kent ; réponses à ces
pétitions et pièces y relatives. La préface de M. Bruce est un tableau inté-
ressant de la vie publique et privée de sir Edouard Dering, bien connu à la
fois comme orateur politique et comme antiquaire.
LXXXL — Parliatnentary debates in 1610. Edited from the 7iotes ofa mein-
ber of the hoiise of coiniiions, by S. R. Gardiner. 1861, xx-184 pages. — On
sait l'importance des débats qui eurent lieu au parlement de KilO. C'est là
que commença, à propos des impôts, la lutte entre le roi et la Chambre
des communes. Les registres de la session d'hiver de cette année nexistent
plus, de sorte que les comptes rendus imprimés des séances fourmillent
d'inexactitudes. M. (îardiner a réussi à corriger ces erreurs et à combler les
lacunes, en grande partie du moins, par des notes prises de divers
côtés.
LXXXn. — Li-sls of Foreign Prolestants andaliens, résident in England, 1618.
1688. From returns in the State paper office. Edited by William DurrantCooper .
1862, xxxii-11!) pages. — Ces listes se rapportent en partie au règne de
Jacques I""", et en partie à celui de Charles IL L'éditeur les a commentées
par des documents précieux sur l'histoire des réfugiés huguenots, leur ins-
tallation en Angleterre et les manufactures qu'ils établirent ou développè-
rent. M. King, héraut d'armes, ajoute plusieurs listes de familles émigrées,
extraites des recensements de 1634, 1664 et 1687; enfin des notices biogra-
phiques et des pièces justificatives complètent le tout. (Pour la suite du tra-
vail publié par la Carnden Society sur les réfugiés huguenots, voir un
article dans le Herald and genealogist, vol. I, pp. 159-174.)
{La fin prochainement.) Gustave Masson.
— 79 —
CHRONIQUE
Nécrologie. — L'érudition française vient de faire une perte sensible dans
la personne de M. Edgard-Paul Boutaric, membre de l'Institut, chef de sec-
tion aux Archives nationales, professeur à l'École des chartes. Né à Châ-
teaudun (Eure-et-Loir) le 9 septembre 1829, il fut successivement élève de
l'Écule des chartes et de l'École d'administration et entra aux Archives de
l'Empire comme archiviste le 6 octobre 18.'J2; nommé sous-chef de section
en 1866, il devint chef de la section administrative le il février 1873. Membre
de la Société des antiquaires de France depuis le 4 janvier 1860, élu prési-
dent de cette société en 1872; membre du Comité des travaux historiques
et des sociétés savantes en 1865 ; chevalier de la Légion d'honneur le lo août
de cette même année, il fut nommé professeur d'institutions politiques,
administratives et judiciaires de la France à l'École des chartes, en rempla-
cement de M. F. Bourquelot, le l'^'' février 1869. Plusieurs fois lauréat de
l'Institut (prix à l'Académie des inscriptions en 1858, 1861 et 1863 ; prix à
l'Académie des sciences morales et politiques en 1860; grand prix Gobert à
l'Académie des inscriptions en 1871); auteur d'ouvrages très-estimés, archi-
viste sagace et laborieux, doué d'une mémoire étonnante et d'une merveil-
leuse aptitude pour la découverte et la mise en lumière des documents, pro-
fesseur savant et zélé, il était digne de prendre place à l'Institut; mais, au
moment même où l'Académie des inscriptions l'appelait dans son sein, le
25 février 1876, à la place de M. Molh, il était frappé de la terrible maladie
qui l'a emporté le 17 décembre dernier, à l'âge de 48 ans, et quand on espé-
rait encore delui de nombreux et excellents travaux.» Pour ce chrétien con-
vaincu, pour Cdtte conscience pure, a dit de lui M.Alfred Maury, directeur des
Archives, la mort n'a été que le suprême élan de l'âme vers le mystérieux
auteur de toutes choses. » On jugera de ce qu'il a fait et de ce qu'il lui
restait encore à faire par la liste sommaire de ses ouvrages : — La Finance
sons Philippe le Bel, étude sur les institutions politiques et administratives
du moyen âge, d'après un mémoire couronné par l'Institut (Académie des ins-
criptions et belles-lettres, Paris, H. Pion, 1861, in-8, viii et 468 p.); — Notices
et extraits de documents inédits relatifs A l'histoire de France sous Philippe
le Bel (extrait du t. XX, 2' partie des Xolices et extraits des Mss. publiés
par l'Académie des inscriptions, Paris, impr. imp. 1861, in-4, 155p.); — Insti-
tutions militaires de la France avant les années permanentes, suivies d'un
aperçu des principaux changements survenus jus(|u'à nos jours dans la for-
mation de l'armée (Paris, Pion, 1863, iu-8, viii et 499 p., ouvrage récom-
pensé à l'Académie des sciences morales et politiques); — Actes du Parlement
de Paris, 1" série, t. ^^ 125i-1299, t. II, 1299-1328 (Inventaires et docu-
ments publiés par les Archives de l'Empire iParis, H. Pion, 1863 et 1867); cet
inventaire est précédé d'une préface par M. L. de Laborde, accompagné d'une
notice sur les Archives du Parlement de Paris, par M A. Griin, et suivi de
le restitution d'un volume des Olim perdu depuis le seizième siècle, par
M. L. Delisle; — Correspondance secrète inédite da Louis XV sur la politique
étrangère avec le comte de Broglie, Tiercier, et autres documents relatifs au
ministère secret publiés d'après les originaux conservés aux Archives de
l'Empire et précédés d'une étude sur le caractère et la politique personnelle
de Louis XV (Paris, H. Pion, 1866, in-8, 2 vol. iv-501 et oil p.);— Mémoires
de Frédéric H, roi de Prusse, écrits en français par lui-même, publiés confor-
mément aux manuscrits originaux conservés aux Archives du cabinet à
— 80 —
Berlin, avec des uotes et dos tables (en collaboration avec M. E.Campardon),
(Paris, Pion, 1866, in-8, 2 vol. viii-oi-3 et 513 ]).)\~Saint Louis cl Alfonsa de
Poiliers. étude sur la réunion des provinces du Midi et de l'Ouest à la cou-
ronne et sur les origines de la centralisation administrative, d'après des
documents inédits (Paris, Pion, 1870, in-8, ."ijO p.); ouvrage couronné par
l'Institut (prix de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1801) et qui
a obtenu le grand prix Gobert à la même Académie en 1871.
Indépendamment de ces ouvrages importants et qui ont révélé des faits et
des personnages nouveaux, comme Alfonse de Poitiers, M. Boutaric a fourni
à diverses revues des articles variés, intéressants et quelques-uns fort éten-
dus. — A LA BiBLiGTHÈQL'E DE l'Éc.ole DES CHARTES : Coiiiptc (les dépenscs
de la chevalerie d'Alfonse, comte de Poitiers (juin 12il) XIV« année, 18o2-18;j3,
p. 22-i2 ; — Organisation judiciaire du Languedoc au moyen âge, ibidem,
XVI' année, ISoi-oii, p. 201-230 et o32-j.j0; XVIP ann. ISoiJ-iJO, p 97-122
(c'est la thèse que M. Boutaric avait soutenue à l'École des chattes pour
obtenir le diplôme d'archiviste-paléographe); — Les premiers Etats généraux
(fragment d'un mémoire couronné par l'Académie des inscriptions), (ibidem,
XXI« ann., 18o9-60 p. 1-37, tiix^ à part, Paris, F. Didot frères, 18G0, in-8,
37 p.); — Organisation militaire de la France, sous la troisième racc^ avant
l'établissement des armées permanentes (ibidem, XXII" ann. 1860-01, p. 1-30,
481-o04); — La Saint-Barthélcmy , d'après les Ar.jhives du Vatican (ibidem,
XXIII*^ ann., 1861-62, p. 1-27);— Les Archives de l'Empire, à propos d'un rap-
port de M. F. Ravaisson (ibidem., XXIV* ann., 1862-63, p. 2:)2-20it. Enfin de
nombreux comptes rendus qu'il a fournis au même recueil pendant plus
de vingt ans, de 18.")3-187."i, sur l'histoire générale, les institutions, etc. —
AuxAntiquauies de France : nous n'avons relevé qu'un seul mémoire, mais fort
important : Recherches archéologiques sur le palais de justice de Paris, princi-
palement sur la partie consacrée au Parlement, depuis l'origine jusqu'à la
la mort de Charles VI (li-22). Ce mémoire a paru dans le XXVII*^ volume des
Mémoires de la Société imp. des antiquaires de France, et a été tiré à part
(Paris, 1862, in-8, 70 p.). On trouve dans le Bulletin de la même Société les
communications suivantes deM. Boutaric : 1861, p. iil , Inventaire de plusieurs
reliques de saint Louis; — p. 100, Plaintes de Frémitiet, premier peintre de
Louis XIII, au sujet de dégâts commis aux peintures de la chapelle de
Fontainebleau; — 1862, p. 66 et 70, Monograramcs et signatures de rois de
France; — p, S.'i, Note sur les portefeuilles de la collection Gaiqnicrcs trans-
portés à Oxford; — 1864, p ."il et92, Note sur le tableau de le Grand' chambre
du Parlement de Paris. On remarque encore dans le Bulletin de 1873 l'al-
locution prononcée par M. Boutaric, président sortant, p. 3o. — Aux
A.VNALES DU lîlBLIOl'HlLE, DT BIBLIOTHÉCAIRE ET DE l'aRCHIVISTE pOUr 1862,
publiées en 1863, M. Boutaric a fourni une suite d'ai'ticles intitulés : Les
livres condamnés, relevé général d'après les documents originaux, p. 3, 35, iio,
82 et 172. — A la Revue coNiEiii'ORAi.NE : Les idées modernes chez un po-
litique du quatorzième siècle, Pierre Du Bois, '2' série, tome. XXXVIII, n° du
]o avril 1864, pages 417-447. — A la Revue des questions historiques:
Marguerite de Provence, femme de saint Louis, son caractère, son rôle poli-
tique {[" octobre 1867), tiré à part, in-8, 46 p. 1868; — Clément V, Phi-
lippe le Bel elles Templiers (l" octobre 1871 et 12 janvier 1872); tiré à part
in-8, 78 p. 1872; — Le Vandalisme révolutionnaire : les archives pendant
la Révolution française (1" octobre 1872); — Vincent de Beauvais cl la con-
naismnce de l'antiquité classique au seizième siècle (1" janvier 1875); tiré à
part, in-8, .J-'i \^.;— Des origines et de l'établissement du régime féodal cl par-
— 81 —
ticuliêremcnt de Ivninitnilé (1" octobre 1875); tirage à part, in-8,o6 p. Dans
\e?> Mélanges diQ la même Revue : Marie-Thérèse Joseph II et Madame d'IIerzelle
(l" juillet 1868); — Les Étals généraux de France, à propos du livre de
M. Georges Picot (1" janvier 1873) ; — La Chambre des comptes de Paris (à
propos du livre de M. A. de Boislisle) (i" avril 1874); — Un mémoire inédit
dit duc de Saint-Simon (l^"" octobre 1874).
M. Boutaric avait pris une part importante à la publication de V Inventaire
sommaire et tableau méthodicjue des fonds conservés aux Archives nationales,
1" partie, régime antérieur à 1789, Paris, impr. nat.,1871. Il avait colla-
boré à la publication du Musée des Archives nationales, Documents originaux
de l'histoire de France... publié par la direction générale des Archives na-
tionales, Paris, H. Pion, 1872, in-4, ouvrage auquel il a fourni la notice des
Capétiens (987-1328), p. 49 à 184 de ce volume.
On trouve dans les Archives des missions, 2* série, deuxrapports de M. Bou-
taric : Rapport sur une mission en Belgique, à l'effet de rechercher les docu-
ments inédits relatifs à l'histoire de France, au moyen âge, t. 11, p. 231-
319; — Rapport sur une mission ayant pour objet de recueillir dans les Ar-
chives du royaume de Belgique, les papiers d'Etat des seizième, dix-septième, et
dix-huitième siècles, relatifs à l'histoire de France, t. VII, p. 1-23.
M. Boutaric avait, en outre, fourni quelques articles au Journal officiel,
pendant la direction de M. Ernest Daudet. Il avait proposé, vers 1860, au
Comité des travaux historiques de publier divers documents relatifs aux
négociations entre la France et la Castille. Depuis qu'il faisait partie du
Comité, c'est-à-dire depuis l'année 186y, il avait fourni de nombreux rap-
ports sur les publications projetées et les communications des correspon-
dants.
Les nouveaux éditeurs de l'Histoire générale du Languedoc de D. Vaissète
avaient recherché sa collaboration et le prospectus publié par M. Privât,
libraire à Toulouse, annonçait que M. Boutaric traiterait l'histoire du Midi
au treizième siècle, et en particulier sous l'administration d'Alphonse de
Poitiers, héritier des comtes de Toulouse. M. Boutaric avait encore en prépa-
ration : Le grand miroir de Viticent de Beauvais, étude sur l'érudition au
treizième siècle, ouvrage couronné en 1863, par l'Académie des inscriptions
et belles-lettres; — La Correspondance administrative d'Alphonse, comte de
Poitiers (1249-1271) qui devait paraître dans les Documents inédits, et
quelques travaux de moindre importance.
Nous ne devons pas oublier la collaboration qu'il a donnée au Polyhiblion
dans quelques articles sur des ouvrages historiques signés de ses initiales
E. B. A. B.
M. Hippolyte-Jules Demolière, romancier et auteur dramatique, plus
connu sous son pseudonyme anagrammatique de Moléri, vient de mourir;
il était né à Nantes, le 3 août 1802. Après avoir étudié le droit à Rennes et
la médecine à Paris,il débuta dans les lettres vers 1837. Lors de la Révolution
de 1848, il fut attaché, comme secrétaire au Gouvernementprovisoire, et resta
au secrétariat de la Présidence sous le généra! Cavaignao. 11 avait donné au
théâtre, en 1843 : La Famille Renneville, et Tôt ou Tard, et, en 18i5 : Le
Gendre d'un millionnaire, joué au Théâtre-Français ; ces trois pièces avec la
collaboration de M. Léonce Laureucot. Ea 1849, il donni LaFamille; eal852,
La Tante Ursule; en 1861, Le Revers de la médaille. Ses débuts dans la litté-
rature romanesque furent postérieurs à ses premières œuvres dramatiques ;
lambo parut en 1848, dans VÉcho des feuilletons; le Marcjuis de Monclar esi
de 1831. Un recueil de ses nouvelles, en deux volumes, Petits drames bour-
Janvier 1878. T. X.\1I, 6.
— 82 —
geois, suivit, en 1856, puis, en 1838, Fièvres du jour, ses deux meilleures
œuvres dans ce genre; enfin, la Traite des blanches, en 1863, et Or et Misère,
en 1864; l'Amour et la Musique, en 1866; Terre promise, en 1867. M. Moiéri
était aussi l'auteur d'un Dictionnaire^ Manuel du Jardinier amateur [iSQH), et
des a guides-itinéraires » De Paris à Strasbourg , et De Paris à Corbcil et à
Orléans.
— M. Emile Bères, né à CasteInau-d'Ânzac (Gers), en 1801, est mort récem-
ment ; c'est en concurrence avec M. Bères que Blanqui obtint en 1832 sa
chaire au Conservatoire des arts et métiers. M. Bères, avait déjà publié à
cette date un Essai sur les moyens de créer la richesse territoriale dans les
départements méridionaux (1830), dunt les tentatives d'application pratique
furent ruineuses, mais lui valurent cependant d'ètrt^ nommé, vers 1848,
rapporteur au bureau de l'industrie parisienne. En 1831, la Société agri-
cole de Châlons avait couronné ses Élé7ne7its d'une nouvelle législation de
chemins vicinaux, grandes routes, chemins de fer; et la Société de Muliiouse,
en 1832, ses Causes du malaise industriel ; en 1836, l'Institut insérait dans le
Recueil des savants étrangers son Mémoire sur les causes de Vaffaiblisse-
ment du commerce à Bordeaux ; mais son ouvrage le plus complet, qui fut
couronné par l'académie de Mâcon, par la Société morale chrétienne et par
l'Académie française, est celui qu'on connaît sous le titre : Les Classes ou-
vrières; moyen d'améliorer leur sort (1836, in-8). On doit encore à M. Emile
Bères : Les Sociétés commerciales; un Manuel de l'actionnaire, un Manuel de
l'Emprunteur et du Prêteur aux caisses du Crédit foncier, un Compte rendu
de l Exposition de 1849, etc.; enfin, des notes géographiques et commerciales
pour une édition en 7 vol. àQ V Histoire ancienne à.Q'^oiXïn.
— M. Thomas Wright, antiquaire anglais, l'un des fondateurs de la Camden
Society et de laBritish archœlogical institution, etjdepu's 1842, currespondaut
de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, vient de mourir à l'âge d'en-
viron soixante-sept ans. C'est surtout comme éditeur d'auteurs anglais an-
ciens que M. Th. Wright était connu ; le Critical dictiomiary de Sir Austin
AUibone ne cite pas moins de soixante-dix-huit articles de ce genre, sous son
nom, parmi lesquels on ne trouve qu'un ouvrage original, écrit d'ailleurs en
français, ayant pour titre : Coup d'œil sur le progrès de la littérature anglo-
saxone en Atigleterre, par MM. Th. Wright et Francisque Michel (Paris, 1836,
in-8). Les historiens français trouveront d'amples renseignements dans
ces précieuses collections de documents. C'est à M. Th. Wright qu'on doit la
découverte, en 1856, au Hunterian Muséum de Glasgow, d'un manuscrit
inconnu des Cent nouvelles nouvelles dont il voulut être l'éditeur pour la Bi-
bliothèque elzévirienne (1858). Sa dernière œuvre est intitulée : Les Femmes en
Occident in-4). (1869,
— Le P. Joseph Ddgas, de la Compagnie de Jésus, né à Lyon le 30 septembre
1843, entré daus la compagnie le 11 novembre 1871, vient de mourir à
Alger. Docteur en théologie, élève au séminaire français à Rome, il avait été
un des secrétaires du concile du Vatican. En 1873, il écrivit dans l'Univers
des lettres sur les pèlerinages de Paray-le-Monial qui ont été réunies sous ce
titre : le Pèlerinage du Sacré-Cœur en 1873, histoire et documents; il a publié
dans les Études religieuses : La Moricière (3* série, t. V, p. 838); — Le Chris-
tianisme et les familles patricietines de Rome aux premiers siècles (t. VI, p. 716);
— Le Paganisme romain dans ses rapports avec le christianisme aux deux pre-
miers siècles (t. VU, p. 481); — L'Association des jeunes ouvrières, dite de Notre-
Dame de Fourvière (t. VIII, p. 561 ; tii-a.'îe à part : Lyon, imp. Pitrat, 1875, in-8),
— La Kabylie et le peuple kabyle (t. VIII, p. 693; t. IX, p. 302; t. X, p. 29^
— 83 —
426, 850). Le P. Dugas venait d'achever la publicalion de ces derniers
articles en un volume.
— On annonce encore la moi t : de M™^ la baronne de Barante, la femme
de l'historien des ducs de Bourgogne, et auteur elle-même d'un livre
recommandable ; La Présence de Dieu rappelée par les passages des livres
saints, à l'usage des écoles et particulièrement des écoles de campagne (Tours,
Marne, 1868, in-32); — de M. le général d'Aurelle de Paladines, né à Malé-
zieux (Lozère), en 1804, l'illustre vainqueur de Coulmiers, ancien membre de
l'Assemblée nationale, sénateur inamovible, et dont l'œuvre : Campagne de
1870-1871, publiée en janvier 1872 (in-8, avec 3 caries etl fac-similé) arrivait
trois mois après à sa 3" édition; — de M. le docteur J.-B. Philippe Barth, mé-
decin honoraire de l'Hôtel-Dieu, ancien président de l'Académie de médecine,
membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique, né à Sarreguemines,
en 1812, et auteur d'ouvrages estimés sur le Choléra morbus épidémique ; —
la Dilatation des bronches; — la Rupture spontanée du cœur; et d'un Traité pra'
tique d'auscultation, qui en était à sa huitième édition en 1874; — de
M. Hersox-Macarel, avocat à la Cour d'appel de Paris, qui avait publié, en
1842 :De l'expropriation jwiir cause d'utilité publique, commentaire sur la loi
du 3 mai 1841 ; — de M. Ch. Piel de Troismonts, gérant du Constitutionnel
depuis i861, et auteur de publications bonapartiste, entre autres : deux
Mémoires sur l'Hérédité napoléonienne (1852) ; — de M. le docteur Jules Roux,
premier chirurgien en chef de la marine de Toulon, et membre de la plupart
des sociétés savantes de l'Europe, que son mémoire : De l'ostéomyélite et des
amputations secondaires, lu à l'Académie de médecine en 1860, mit au
premier rang des illustrations de l'art médical; — de M. Gustave Cocrbet, le
peintre trop connu, né à Ornans en 1819, mort à Genève; membre de la
Commune de Paris en 1871, et auteur de Lettres... à l'armée allemande et aux
artistes allemands, lues à l'Athénée, dans la séance du 29 octobre 1870; — de
M. Alfred Deberle, l'un des principaux rédacteurs et plus tard directeur du
Grand Dictionnaire universel de P. Larousse, conseiller municipal de Paris,
et auteur d'un Théâtre... recueil spécial de pièces pour théâtres d'enfants (1868),
mort à quarante-deux ans; — de M. Adolphe Benoist, mort le o décembre à
Chalon-sur-Saône, à soixante-quatorze ans, auteur de : Lettre d'un contri-
buable à M. le Préfet de Saône-et-Loire, relative au projet d'établissement de
deux chemins de fer départementaux (in-8, Châlon-sur-Saône, 1865), et colla-
borateur de plusieurs journaux de province : la Décentralisation, le Conser-
valeur, etc.; — du poêle autrichien Ritter-Adolf Von Tschabdchnigg, mort à
Vienne le 2 novembre, à l'âge de soixante-huit ans : il avait occupé des
postes émineuts dans son pays, entre autres, le ministère de la Justice en 1870;
— du romancier hollandais G.-E.-C. Croiset, mort à Amersford le 22 oc-
tobre, à l'âge de soixante ans; — du général Charles-Guillaume-Marie-
Apolliuaire-Antoi.'ie Cocsin-Montauban, comte de Palikao, ancien sénateur
de l'Empire et ancien ministre, mort à Paris le 8 janvier, à l'âge de quatre-
vingt-quatre ans, auteur d'Unministère delaguerrede vingt-quatre jours{i81i).
Institut. — Académie française. — L'Académie a renouvelé son bureau
pour le j'remier trimestre de 1878 ; il se trouve ainsi composé : M. de Lomé-
nie, directeur; M, Mézière, chancelier.
Académie des inscriptions et belles-lettres. — L'Académie, dans sa séance du
28 décembre, a élu correspondants: MM. Aicoli, à Naples, et Witney, à
New Haven(Connecticut), en remplacement de MM. Conestabile et Ilerculano
de Carvalho, décédés.
— Dans la séance du 4 janvier, l'Académie a renouvelé son bureau, qui se
trouve ainsi cjaipodô ; M. Éduuard Lîboulaye, prôbiJcnl ; M. Je HoziOre,
vice-inésidi nt.
Académie des sciences. — Uaus la séance du 13 décembre, l'Académie a
procédé à l'élection d'un correspondant pour la section de minéralogie, eu
remplacement de M. d'Omalius d'Halloy; M. Cailletet a été nommé par
33 suffrage-, contre 19 donnés à M. James Halès.
— Dans la séance du 3 décembre, l'Acadéraie a procédé à l'élection d'un
associé étranger, en remplacement de M. de Baer. M. William Tliomîon a
été élu par 27 voix, contre 25 données à M. Van Beneden.
— Dans la séance du 7 janvier, l'Académie a renouvelé sou bureau, qui se
trouve ainsi composé pour 1878 : M. Fizeau, président; M. Daubrée, vice-
président.
Académie des beaux-arls. — L'Académie a renouvelé sou bureau, qui se
trouve ainsi composé pour t878 : M. Louis François, président; M. Muller,
vice-président.
Académie des sciences morales et politiques. — Dans la séance du Ib dé-
cembre, l'Académie a procédé à l'élection de deux membres dans la section de
philosophie et dans la section de législation, en remplacement de MM. Lélut
et Cauchy, décédés. Ont été nommés, dans la sectiun de philosophie, M. Louis
Peisse, par 22 voix, contre 18 données à M. Charles Waddington; dans la
section de législation, M. Aucoc, par 24 voix, contre 6 données à M. Rodolphe
Daresle, et i à M. Colmet d'Aage.
— Dans la séance du 29, l'Académie a élu associés étrangers : MM. le baron de
Hiibner, à Vienne, et Emerson, à Boston, en remplacement de lord Stanhope
et de M. Motley, décédés; — correspondants, dans la section de morale,
M. Olivecrona, de Stockolm, en remplacement de M. Charton, nommé
académicien libre ; dans la section d'économie politique M. Emile Worms, pro-
fesseur à la faculté de droit de Rennes, en remplacement deM.Sc'aloja,décédé.
— Dans la même séance, sur le rapport de M. G. Massé, au nom de la section
de législaliori, l'Académie a remis au concours jour 1880 le sujet proposé
pour le prix Bordin en 1877, qui n'a été traité que d'une f^çon tout à fait
insufflante par les concurrents. Il s'agissait d'exposer les modifications
introduites depuis le commencement du siècle dans les lois relatives aux
titres négociables.
— Dans la séance du o janvier, l'Académie a renouvelé son bureau, qui se
trouve ainsi composé pour 1878; M. Michel Chevalier, président; M. Vacherot,
vice-présideut.
Faculté des lettres. — M. Debibour, ancit^n élève de l'École normale supé-
rieure, a sout' nu, le 3 novembre, à Paris, ses thèses pour le doctorat es lettres.
Les sujets étaient : De Theodora Justiniani Augusti uxore; — La Fronde
angevine.
— M.Lichtenbarger a soutenu, le 4 janvier, à Paris, ses thèses pour le doc-
torat es lettres. Les sujets étaient : De carminibus Shaksperi; — Étude sur les
poésies lyriques de Gœthe.
Bureau des Longitudes, — L'administration du bureau des Longitudes
vient d'être ainsi constituée pour l'année i 878, par décret du 10 janvier : pré-
sident, M. Faye ; vice-président, M. Janssen, secrétaire-trésorier, M. delà
Roche-Poncié.
Lectures faites a l'Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans
la séance du 2 novembre, M. Edmond Le Blant a communiqué une note sur
une épitaphe du ck.itre de Saint-Sauveur à Aix. Il a été donné lecture d'une
lettre de M. Ernest David sur un médaillon de bronze conservé au Cabinet
— 85 —
des médailles, portant une inscription bilingue et le nom de Grazia Nassi. —
Dans les séances des 2, 9 et 16, M. Clermont-Ganneau a continué la lecture de
son mémoire sur le dieu Satrapes et l'influence des Phéniciens dans le
Péloponèse; M. Ernest Desjardins a achevé la lecture du mémoire de M. Ch,
Tissot relatif à l'exploration de la voie romaine de Carthage à Thevesti ; M. le
docteur Lagneau a lu un mémoire sur l'usage des armes empoisonnées chez
les anciens peuples de l'Europe. — Dans la séance du 9, M. Léopold Delisle a
communiqué une note sur nn manuscrit français des Grandes chroniques con-
servé au Brilish Muséum; M. Renan a présenté un mémoire de M. Philippe
Brrger sur un ex-voto du temple deTauit à Carthage. — Dans les séances du
16 et du 23, M. Gaston Paris a lu un mémoire sur la date d'une chanson de
geste relative au pèlerinage de Charlemagne en Orient. Dans la séance du
30 novembre, M. Maximien Deloche a continué la lecture de son mémoire sur
les invasions des Gaulois en Italie. — Dans la séance du 14 décembre,
M. Edmond Le Blant, a fait sur un sarcophage chrétien d'Arles, une
communication qui a provoqué des observations de MM. Ravaisson et
le baron de Witte ; M. Michel Bréal a présenté des observations sur deux
inscriptions en langue osque, —Dans la séance du 21, M. Michel Bréal
a fait une communication sur une inscription pélignienne trouvée près
de Sulmone ; M. Gaston Paris a communiqué un renseignement fourni par
M. Célestin Port au sujet d'un manuscrit de la bibliothèque d'Angers, con-
tenant un fragment de Saxon le Grammairien; M. le Président a donné
lecture d'une lettre de M. Ferdinand Delaunay au sujet de la communica-
tion faite précédemment par M. le Blant sur un sarcophage d'Arles.
LectL'Rf.s faites a l'Académie des sciexces morales et politiques. — Dans
les séances des 29 octobre et 17 novembre, M. Bertold Zeller a continué la lec-
ture de son mémoire sur la dernière année du duc et contiélable de Luynes.
— Dans lesséances des 29 octobre, 3, 17et 23 novembre, M. Ch. Wa'ldingtou
a donné lecture d'un mémoire sur la renaissance des lettres et de la philo-
sophie au quinzième siècle. — Dans les séances des 3 et lOnovembre, M, Félix
Rocquain a donné lecure d'un fragment de son ouvrage sur l'esprit révolution-
naire avantlaRévolution.— Dans les séances des l"et22 décembre, M. Berthold
Zeller a continué la lecture de son mémoire sur la dernière année du duc et
connétable de Luynes. — Dans la séance du 8, M. Charles Lévéqne a lu une
notice sur les Essais de critique el de littérature de M. E. Garsounet ; M. le
Secrétaire perpétuel a lu une notice de .M. Drouyn de Lhuys sur une maison
de refuge en Pensylvanie. — Dans la séance du lo, M. Gaberel de Rossillon
a lu un mémoire sur la comdamnatiou de l'Emile du « Contrat social » de
J.-J. Rousseau, à Paris et à Genève, en 1762. — Dans la séance du 29,
M. Félix Rocquain a commencé la lectui'e d'un nouveau fragment de son ou-
vrage sur l'esprit l'évolutionnaire avant la Révolution, consacré au parti des
philosophes
Découverte du texte original du Livre de Tobie — On vient de
faire, en Angleterre, une découverte importante pour la littérature
biblique. M. Neubauer, snis-bibliolhécaire de la bibliothèque Oodléienne,
a retrouvé, dans un manuscrit hébreu récemment acquis, le texte chaldéen
du livre de Tobie. Saint Jérôme, dans la préface de sa traduction de ce livre,
adressée aux évoques Chromatius et Héliodore, leur dit : Exigitis enim, ut
lihrum ! chaldxo scrmone conscripiurn, ad lalinum stylum traham, lihrurn
tilique Tobix. Il t st à croire que le texte découvert par le D' .Neubauer est
celui-là même qu'a traduit saint Jérôme, à part quelques différences et
peut-être dos retouches. Le style du Tobie chaldéen indique que c'est
la l'original du livre. — Le Tobie de la Vulgate difTère de celui des Sep-
tante en plusieurs points, mais surtout parce que le Tobie grec parle à la
première personne, tandis que le Tobie latin parle à la troisième. Dans le
cbaldéen, il parle aussi à la troisième personne. Sur d'autres points, le clial-
déen se rapproche plus des Septante que de la Vulgale, — Un certain nombre
de mots douteux, qui ont embarrassé les critiques dans les versions de Tobie,
sont éclaircis dans le cbaldéen. Le chien n'est pas mentionné dans le texte
de M. Neubauer. La fin du livre, à partir de xi, 20, manque. La conclusion
est plus courte et différente. Elle parait avoir été abrégée. Ce n'est, du reste,
que quand le manuscrit aura été publié qu'on pourra l'étudier sérieuse-
ment. — {Univers),
Corpus iNscRiPifONUM gr.ecarum de Boeciîn. — Djpuis longtemps, l'Académie
de Berlin avait déci lé que le C. L G. ne pouvait être continué d'après le
plan conçu par Boeckn. Aussi avait-elle oTdonné la publica'ion d'un nou-
veau Corpu''. Deux volumes de ce'te publication ont déjà paru, sous le titre
de Corpus inscriptionum atticarum. Le premier contient les inscriptions an-
térieures à l'arcliontat d'Euclide, et est dû à A. Hii'chholT. Dans le second
(II). M. Boihler a réuni les inscriptions qui se rapportent à l'époque com-
prise entre Euclide '"t Auguste. Mais, aussi longtemps que ce nouveau
Corpus ne sera pas complet, l'œuvre de Boeckn continuera à. être d'un usage
journalier pour tous les savants qui s'occupent de l'antiquité grect^ue. Malheu-
reusement, aucune table ne facilitait les recherches dans ces <|uatre im-
menses in-folios. Depuis 1859, époque delà publication du dernier fascicule du
tome IV, on réclamait en vain des tables analogues à celles qui se trouvent
dans chaque volume duC. [. D. M. Herm. Roehl vient enfin de combler cette
lacune, et l'on ne peut que le remercier du service qu'il a rendu par là à
la science; car, par suite de cette lacune, l'œuvre de Boeckn était jusqu'à
ce jour inabordable. (Berlin, Reimer, 1877, in-fol. de 167 p., 15 fr.)
L'Établissement de l'imprimerie dams le Vivarais. — M. Henry Vaschalde,
administrateur de rétablissement thermal de Vais, officier d'Académie,
membre de plusieurs sociétés savantes, s'est fait connaître, en ces dix der-
nières années, par une vingtaine de publications, presque toutes consacrées
au Vivarais. Les plus récentes de ces publications sont : Croyances et supers-
titions populaires du Vivarais (181 Q); Histoire des poètes du Vivarais [1811) ;
TJnc inscription languedocienne du quinzième siècle à Largentière (1811) ; enfin
Établissement de Vimprimerie dans le Vivarais, illustré de marques typogra-
phiques (Vienne, 1811, grand in-folio de 33 p.). Toutes les publications de
M. Vaschalde sont recommandables à divers titres, mais cette dernière
mérite, — surtout dans une revue bibliographique, — une recommandation
particulière. C'est un tirage à part très-soigné (à cent exemplaires) de
savants articles qui ont paru dans la Revue du Dauphiné et du Vivarais.
M. Vaschalde s'occupe successivement des premiers livres imprimés à Tour-
non (seizième siècle), à Bourg-Saint-Andéol (dix-septième siècle), à Privas,
à Viviers, à Annonay, au Camp de Jalès (dix-huitième siècle), à Lar-
gentière et à Aubenas (dix-neuvième siècle). L'auteur a réuni avec beaucoup
de zèle et discuté avec beaucoup de sagacité tous les renseignements qu'il a
pu se procurer sur les productions des presses du Vivarais. Sa notice, que
complète à merveille, comme il nous en avertit avec une aimable modestie
(p. 10, note 1), un travail sur Vimprimerie à Tournon, que M. A. de Gallier
publie présentement dans le Bulletin de la Société d'archéologie de la Drôme,
sa notice, dis-je, où les inarques typographiques de Thomas Soubron, de
Claude Michel, de Guillaume Linocier, de Thomas Bertrand, de Michel
— 87 —
(Estienne), etc., sont admirablement reproduites, doit être mise, dans toute
collection de bibliophile, à côté du Manuel du libraire, avec ces autres excel-
lents recueils dont on a dit ici tant de bien, les Origines de l'imprimerie en
Guyenne, par Jules Delpit, et l'Établissement de l'imprimerie dans la province
de Languedoc, de M. Desbarreaux-Bernard. — T. de L.
Les Origines linguistiques de l'Aquit.uxe. — M. A. Luchaire, ancien élève
de l'École normale, professeur d'histoire au lycée de Bordeaux, avait traité,
dans sa thèse latine pour le doctorat es lettres un sujet aussi difficile qu'in-
téressant (De lingua Aquilanica, Paris, Hachette. 1877, in-8 de iv-6o p.). Il a
traduit, en la développant, sa remarquable thèse (Pau, 1877, pr. in-8 île
72 p.). Le travail de AI. Luchaire avait é/é, sous sa pr^^mière forme, fort
apprécié par les professeurs de la Sorbonne, comme par un de nos plus
savants archéologues, M. Desjardins, qui présenta la brochure à ses con-
frères de l'Aca'lémie des Insciiptions. Maintenant que ce travail, mis en bon
français, a, de plus, élé revu, amélioré, augmenté, il trouvera auprès de
tous les lecteurs le plus favorable accueil. L'auteur, après avoir exposé, dans
son Avant-propos la question ibérienne, s'occupe dans quatre chapitres excel-
lents : 1° de la langue des Aquitains, d'après le témoignage des auteurs
anciens et les monuments épigraphiques de la région pyrénéenne; 2o de la
longue basque et du dialecte gascon; 3° du lexique ba'^que et du lexique gas-
con ; 4" des noms de lieux du pays banque et de ceux de la région pyrénéenne.
De la savante et habile discussion de M. Luchairfi, il résulte (j'emprunte ceci
à sa Condusion, p. 68) que la langue, des Aquitains était, comme l'idiome
ibérieii de l'Espagne, de la uiême famille que celle des Basques actuels; que
sou domaine s'étendait à peu près, du temps de César et de Strabon, sur la
même région que celle où l'on parle aujourd'hui le dialecte gascon ; que cet
ancien idiome, supplanté par le latin populaire, a laissé des traces de
lui-même dans les noms propres que les anciens ont cités, dans le voca-
bulaire et la constitution phonique du gascon, et dans les noms des lieux de
la région pyrénéenne. J'espère bien que M. Luchaire, continuant des tra-
vaux si bien commencés et qui font autant d'honneur à sa critique qu'à son
érudition, éclaircira, autant qu'elle peut être éclaircie, la question des ori-
gines de la partie sud-ouest du continent européen.
Trois brochures de M. Tholin. — De tous les anciens élèves de l'École
des chartes, M. Georges Tholin, archiviste du département de Lot-et-Ga-
ronne, est un de ceux qui travaillent le plus et le mieux. Aussi c'est avec
une entière confiance que j'appelle l'attention des lecteurs du Polybiblion
sur les trois brochures que nous donne à la fois le jeune lauréat de l'Insti-
tut : Aperçus généraux sur le régime municipal de la ville d'Agen au seizième
siècle (Agen, 1877, in-8 de 37 p.); Notes sur les stations, lesoppidum, les camps
et les refuges du département de Lot-et-Garonne (Agen, 1877, in-8 de 38 p.);
Notes sur la chasse dans l'Agenais (Agen, 1877, grand in-8 de 36 p.). Les
deux premiers mémoires sont tirés du Recueil des travaux de la Société d'a-
griculture, sciences et arts d'Agen; le dernier est extrait de la Revue de l'Agenais.
Tous les trois sont pleins d'intérêt. Dans le premier, apparaît surtout le
paléographe, qui a patiemment dépouillé et clairement analysé les docu-
ments de l'hôtel de \'ille d'Agen, documents dont le plus important, un code
municipal de 1609, en 52 articles, est reproduit in extenso (p. 21-37); dans
le second, apparaît surtout l'archéologue, qui a exploré avec un zèle infati-
gable toutes les communes du département de Lot-et-Garonne et qui a très-
habilement décrit les stations, oppidum, camps, refuges dont jusqu'à ce
jour aucun antiquaire du pays ne s'était pour ainsi dire occupé ; dans le
troisième mémoire, nous avons devant nous un homme à l'érudition variée,
qui met dans sa causerie le même entrain qu'il apporte à la chasse, et qui
mêle à d'amusants récits d'instructifs renseignements. — T. de L.
Le Droit du seigneur. — Un beau et bon recueil qui parait en Italie, sous
ce titre ; Curiositae ricerchedi storia 5u&a/2Jma, contient, dans sa huitième li-
vraison et sous la rubrique Tesoretto d'un bibliofilo, un article dans lequel
M. Antonio Manno réfute énergiquement les contes qui ont été débités sur
de prétendus droits du seigneur. Dans ce même article M. Manno restitue une
pensée, attribuée parfois à Voltaire, — qui savait bien la mettre en pratique,
du reste — à son véritable auteur. C'est Bacon qui adit: Audacler calumniare^
semper aliquid hœret, et c'est Beaumarchais qui a répété : « Calomnions : il
en restera toujours quelque chose, r.
L'Inventaire de la collection Payen . — M. LéopoldDelisle {La Bibliothèque na-
tionale en 1876, Rapport à M. le Ministre de f Inst7nictio7i publique, Pa.Tis, Cham-
pion, 1877) annonçait (p. 12) que le classement des livres et documents
rassemblés sur la vie et les ouvrages de Montaigne ayant été achevé, l'inven-
taire en avait été dressé par M. Richou, bibliothécaire de la Cour de cassa-
tion, et que cet inventaire avait été imprimé à Bordeaux par les soins de
M. Jules Delpit. Voici le titre complet du volume mentionné par l'adminis-
trateur général de la Bibliothèque nationale : Tablettes des Bibliophiles de
Guyenne. Tome IL Inventaire de la collection des ouvrages et documents sur Mi-
chel de Montaigne, réunis par le D^ J.-F. Par/en et conserves à la bibliothèque
nationale, rédigé et précédé d'une notice par Gabinel Richou, archiviste-paléo-
graphe, conservateur de la bibliothèque de la Cour de cassation (Bor-
deaux, 1877, in-8 de xvii-396 p.) L'inventaire occupe 279 pages : le reste
du volume est rempli par vingt-trois lettres inédites de Françoise de la La-
chassagne, veuve de Michel Eyquem de Montaigne, découvertes aux archives
départementales de la Gironde par M. Roborel de Climens et publiées par
M. Jules Delpit, par une table chronologique des faits contenus dans l'in-
ventaire et dans les lettres, enfin par une table alphabétique des matières.
Le D'' Payen n'avait pas seulement rassemblé toutes les éditions des Essais,
toutes les traductions qui en ont été faites en allemand, en anglais,
en hollandais, en italien, un assez grand nombre d'ouvrages ayant ap-
partenu à Montaigne, poi'tant sa signature ou quelques lignes de sa main,
la plupart des ouvrages des parents, amis et contemporains de Montaigne,
un nombre encore plus considérable d'ouvrages se rapportant spécialement
ou incidemment à Montaigne, à ses parents, à ses amis ; il avait aussi ras-
semblé près de trois cents portraits de son écrivain favori et, ce qui est
particulièrement précieux, une foule d'autographes de personnages célèbres,
contemporains de Montaigne, autographes parmi lesquels je me contenterai
de citer ceux du duc d'Albe, de siint Charles BoiTomée, d'Antoine de Bour-
bon, de Charles IX, de Henri III, de Henri IV, des ducs de Guise, des car-
dinaux de Lorraine, des princes de Condé, de Catherine et de Marie de
Médicis, de Charles-Quint et de Philippe II, des papes Clément VIT, Clé-
ment VIII, Innocent IX, Grégoire XIII et Grégoire XIV, d'Elisabeth, reine
d'Angleterre, etc. Tous ceux qui auront à consulter Y Invetitaire de la col-
lection Payen loueront le soin extrême avec lequel M. Richou l'a rédigé, et
la patriotique générosité avec laquelle M. Jules Delpit l'a fait imprimer. —
T. DE L.
Bibliographie et iconographie des œuvres de J.-F. Regnard. — Sous ce titre
vient de paraî're (Paris, Rouquelte, 1877. in- 18, de 61 p , prix : j fr.) un
— 89 —
ouvrage qui mérite d'élre signalé à nos lecteurs. Les éditions isolées et
orlgnales des diverses pièces de théâtre sorties de la plume de l'auteur
du Joueur et du Légataire universel sont décrites minutieusement et de visu;
les éditions collectives sont ensuite signalées depuis cellede 1698, jusqu'à
celle publiée en 1876 par la Librairie des Bibliophiles; les compositions
destinées au théâtre italien, les œuvres diverses et voyages sont, de même,
l'objet d'indications scrupuleuses. Un travail de ce genre se refuse h l'ana-
lyse ; nous noterons seulement, en passant, une supercherie ou un trait
d'ignorance de libraires hollandais (coutumiers de faits semblables) qui
publiaient hardiment les Folies amoureuses et le Légataire universel sous
le nom de Dancourt. Dix pages du petit volume que nous signalons sont
consacrées à l'iconographie de Regnard, à la description de ses portraits,
au nombre de treize (tous ceux qui sont sérieux paraissent avoir été
faits d'après un tableau de H, Rigaud), à l'énumération des suites de
ligures d'après Borel, Moreau, Marillier, Devenue et Dévéria. Les biblio-
philes ne sauraient manquer de faire le meilleur accueil à l'élude
dont nous avons transcrit le titre ; elle est annoncée comme devant
être suivie de recherches analogues relatives aux grands écrivains qui font
l'orgueil de la France : Fénelon, Bossuet, Pascal, La Rochefoucauld,
La Bruyère, La Fontaine, Boileau. On ne saurait ti'op encourager ces
recherches patientes, inspirées par un dévouement sincère et qui rendent
modestement de très-utiles services. L'auteur de la Bibliographie de Regnard
a gardé l'anonyme, mais on nous a confié son nom, et nous ne croyons pas
être indiscret en le trascrivant ici : M. Compaignon de Marcheville, maître des
requêtes au Conseil d'État.
Un petit-neveu de Chateaubriand. — Sous ce titre, M. Louis Audiat a consacré
une spirituelle et attachante notice biographique (Agen, 1877, gr. in-8 de
3o p.) à M. de Blossac(néle 20 août 1789, dans l'arrondissement de Saint-lMalo,
mort à Saintes, le 29 mai 1877). Michel- Edouard-Marie Locquet de Blossac
descendait, du côté maternel, Je la famille de Bédée, et ce fut le comte de
Bédée, son grand-père, qui bâtit, à peu de dislance de Plancouët, le châ-
teau de Monchoix,dont il est si agréablement parlé dans les Mémoires d'outre-
tombe. La mère de Chùbeaubriind était une Bédée, et c'est ainsi que M, de
Blossac se trouvait le petit-neveu du grand écrivain. M. Audiat, mêlant à ses
propres souvenirs les souvenirs d'un intime ami de M. de Blossac, M. Hippo-
lyte Violeau, raconte avec autant de fidélité qui^, de talent la vie de cet homme
de bien qui, sous la Restauration, fut un administrateur des plus distingué?
et qui, noblement tombé en 1830, passa le reste de si vie dans une retraite
que charmèrent l'amitié et la poésie. M. Audiat cite bon nombre de vers de
M. de Blossac, les uns fort jolis, les autres fort beaux. A côté de ces cita-
tions heureusement choisies, on trouve de piquantes anecdotes vivement
racontées. — T. de L.
Un nouveau catalogue de vente a prix marqués. — Nous avons déjà eu
l'occasion de dire quelques mots des catalogues de livres rares et précieux,
à prix marqués, publiés par la librairie Morgand et Fatout, fort connue dans
le inonde de la bibliophilie, et nous pourrions ajouter dans celui de la biblio-
manie. Ces messieurs viennent de faire paraître un nouveau catalogue, d'une
étendue forl respectable, et qui mérite l'attention des amateurs (384 pages,
270o numéros). Certains articles sont notés à des prix qui attestent la hausse
extraordinaire qui s'est manifestée depuis quelques années sur le marché
des livres précieux ; nous citerons, à peu près au hasard, ]e? Uorœ bealx
— 90 —
Virginis, petit volume grec imprimé par Aide Manuce, à Venise en 1497,
3,000 fr. (n* 31) ; les Essais de Montaigne, Paris, 1588, in-4, 4,000 fr. (n» 15o);
une autre édition des Essais, Paris, 1669, 3 vol. in-12 (exempl. du biblio-
phile Longepierre, fort admiré aujourd'hui), 0,000 fr. (n° 101) ; Théâtre de P.
et Th. Corneille (Hollande) 1664-1678, 9 vol. pet. in-12,5,000 fr. (no 1434);
OEuvres de Molière, Paris, 1666, 2 vol. in-12, 0,000ïr. (n" 1458) (c'est la pre-
mière édition des Œuvres collectives avec pagination suivie). Quant aux
éditions originales des comédies, Y Avare est offert à 1,700 fr.; les Fourberies
de Scapinh 2,200, ainsi que les Femmes savantes. Ce qui, aux yeux du biblio-
graphe sérieux, donne un prix spécial au catalogue dont nous parlons, c'est
que certains articles sont accompagnés de notes parfois étendues, et renfer-
mant des détails intéressants et peu connus. C'est ainsi qu'au sujet de l'édi-
tion originale de Sganarelle (Paris, -1660, n° 1491), dont on ne connaît que
huit exemplaires (dont trois à la Bibliothèque nationale), les différences qui,
circonstance singulière, existent entre ces divers exemplaires, sont minu-
tieusement relevés.
Indiquons aussi (no 2446)la note relative à un fort rare et curieux volume :
La Joyeuse et magnifique Entrée de Monseigneur Francoys fils de France, duc
de Bradant et d'Anjou, en sa renommée ville d'Anvers (Anvers, 1382, in-folio);
n'oublions pas ce qui concerne un opuscule satirique de 1617 : les Figures
delaPaulctte (n» 2470), et un autre plus récent, daté de 1783 : Les petits sou-
pers de l'hôtel de Bouillon (n° 2187). Il serait facile de multiplier ces citations;
mais il nous reste à dire un mot de l'avant-propos, lequel renferme des
considérations intéressantes sur les variations qu'a éprouvées en France le
goût pour les livres. Au siècle dernier (avant les orages révolutionnaires)
et jusqu'en 182o environ, les incunables, les belles éditions des classiques
grecs et latin?, étaient surtout l'echerchés. Le moyen âge vient à la mode;
on s'attache aux gothiques français, aux éditions de nos vieux rimeurs, aux
romans de chevalerie ; les éditions originales de nos classiques, longtemps
délaissés, deviennent ensuite l'objet d'un engouement dont Charles Nodier
et Armand Berlin donnent le signal, et qui a toujours été en se développant.
En 18o4, la vente de Bure donne aux amateurs un goût très- vif pour les
vieilles reliures ; l'auteur du Manuel du Libraire, J.-Cli. Brunet donne en
ce genre l'exemple d'une passion violente; plus tard commence la vogue des
ouvrages illustrés du dixième-huitième siècle : Eisen, Marillier, Gravelot,
ont donné un prix exorbitant aux volumes (souvent dénués de tout autre
mérite) que recommandent les figures, les vignettes gravées d'après leurs
dessins. MM. Morgand et Fatout sont donc autorisés à demander 3,000 fr.
pour une collection des OEuvres de Dorât en 18 volumes, et 1,000 fr. pour le
volume des Fables de ce fade rimeur.
Encore un mot : c'est une erreur qu'il faut 'relever; on trouve au
n* 216 l'ouvrage de Raoul Spifame : Dicœrchix Henrici régis Progymnasta;
il est en français, quoique le titre soit en latin : c'est un recueil d'édits
supposés, révélant des idées neuves et hardies pour l'époque, prophétisant
d'utiles réformes qui se sont parfois accomplies, mais, ajoute le catalogue,
« il en coûtait cher en ce temps pour avoir trop d'esprit; livres et auteurs
furent brûlés en place de Grève en 1537.
Heureusement pour Spifame, il ne fût nullement brûlé; il mourut tran-
quillement àMelun, en 1363 ; c'était un avocat dont le cerveau ne fut pas
toujours très-lucide.
Il n'est pas inutile de relever cette assertion, car elle a déjà figuré sur
d'autres catalogues, notamment sur celui de M, Ilenri Bordes; elle se re-
— 91 —
produit de confiance et elle peut très-bien être encore copiée bien des fois.
Peut-être Raval a-t-il confondu avec son frère Jacques-Paul Spifame qui,
devenu évêque de Nevers, abjura le catholicisme, fut condamné par con-
tumace a être pendu (arrêté du Parlement de Paris, 13 février 1562) et qui,
condamné à Genève, fut conduit au supplice le 2a mars Io66. (Voir la Nou^
velle Biographio générale, Paris, Didot, tome XLVI, col. 329.)
— Nous sommes heureux d'annoncer la publication d'une 2e édition des
Études historiques et critiques sur le rationalisme contemporain de notre émi-
nent et si regretté collaborateur le R. P. Hyacinthe de Vairoger (Paris,
Lecoffre). La 1" édition était épuisée depuis longtemps. Nous devons cette
réimpression aux soins pieux du frère du défunt, M. Achille de Vairoger,
prêtre de Saint Sulpice. Le volume est augmenté de divers opuscules et
spécialement d'un grand nombre de pensées inédites du savant oratorien.
— M. Adrien Arcelin a publié récemment dans la Revue des questions scien-
tifiques une remarquable étude qui se recommande à l'attention de tous les
hommes sérieux. Elle a pour titre : La famille et l'hérédité naturelle. Il re-
cherche l'influence de la loi de l'hérédité au point de vue physique, moral
et social. 11 s'adresse pour cela aux hommes de Siience et aux hommes pra-
tiques. 11 montre que l'hérédité sagement appliquée est un élément essentiel
du progrès dans la famille et dans la nation; c'est elle qui a puissamment
contribué à la prospérité de l'ancienne «ociété française, et c'est à son
abandon systématique, et dans la théorie et dans les faits, qu'il faut attribuer
la décadence dont nous sommes les tristes témoins.
— Une nouvelle revue pédagogique est annoncée comme devant paraître, chez
l'éditeur Delagrave, sous la direction de M. Cli. Hanriot. Nous lisons dans
son prospectus, que « c'est de J.-J. Rousseau surtout que dérivent lesthéo-
rips modernes d'éducation. » Cette phrase permet de préjuger dans quel
esprit la revue sera rédigée et quelles idées elle tendra à pi'opager.
— Nous avons déjà parlé d'im gracieux usage, d-'S publications que
provoque en llalie le mariage d'un ami et qui d^ivienaent des cadeaux de
noces, fcu attendant qu'elles soient l'objet des convoitises du bibliophile.
Nous avons dit q le le mariage diî Glus^^p^ie Pitre, le correspondant italien de la
Revue des questions historiques, et l'auteur de tant de livres justement estimés
sur la littérature populaire sicilienne, avait été le motif de l'impression de plu-
sieurs opuscules tant au-delà des Alpes qu'au-delà des Pyrénées. Un des ré-
dacteurs de la Renaixensa a voulu aussi faire soucaleau au jeune et savant
écrivain; il lui a adressé de curieuses recherches sur les cérémonies nuptiales
au quatorzième siècle en Catalogne. L'auteur, M. An Irea Balaguer y Marino, a
f^iit profiter la revue barcelonaise de cette étude, qui y a paru sous ce titre :
De las costums nupcials catalanas en lo segle XIV, et qui a été tirée à petit
nombre, brochure de 20 pages in-8, imprenla de la Renaixensa, 1877.
— Le roi de Suède a mis la dernière main à un drame lyrique de sa com-
position. Ce sujet est tiré de 1 histoire de sa nation ; la scène se passe suc-
cessivement dans la cathédrale d'Upsa', dans le bosquet d'Odin, et dans le
vieux palais d'Upsal. Ce drame, dont la musique est d'Ivar Hallstrom, est
actuellement en répétition, et sera prochainement représenté.
— Le D' de Villiers, qui prépare à Londres la reproduction en fac-similé
par la gravure et la photographie de l'édition de la Bible de Gutenberg, en
deux volumes in-folio, vient de découvrir la signature du père de l'imprimerie
au dos d'une le'tre d'indulgences portant la date de lioi.
— Les Hymnes de l'Église d^Irlande viennent de paraître en un vol. in-4.
— 92 —
Cette publication intéresse à la fois la liturgie catholique et la musique
du moyen âge. Elle est suivie d'un index bibliographique donnant l'historique
de chaque pièce et de chaque auteur.
— La Société méckhitariste de Saint-Lazare, à Venise, vient de publier le
texte arménien des Assises d'Antioche, avec une traduction française. M. Beu-
gncA.enpuhliaintle^ Assises de Jérusalem dans les Historiens des croisades, sup-
posait qu'un recueil identique de lois avait du être fait pour Antiuche ;
nous en avons la preuve aujourd'hui dans le texte ai'ménien qui vient de
paraître. Le manuscrit des Assises d'Antioche, est du quatorzième siècle; il a été
trouvé dans une bibliothèque particulière d'un Arménien demeurant à Cuns-
tantinople. Cette publication est du plus grand intérêt pour l'histoire des
croisades.
— M. Ambroi?e Tardieu vient de publier un ouvrage dt; luxe et d'érudi-
tion tout ensemble, sous ce titre : Grand Dictionnaire biographique du
Puy-de-Dôme avec imc galerie da 160 portraits, Moulin?, C. De-rosiers,
(^r. in-4), avec frontispice gravé, planche de fac-similé, de signature:' des
hommes célèbres. — Cet ouvrage est du prix de 2o fr,
— M. Vincenzo di Giovanni, dont le Polyhiblion a tant de fois entretenu ses
lecteurs, a fiit paraître deux œuvres intéressantes : Prelezioni di Filosof\ia{y-A-
lerme, 1 vol. in-12 de 333 p., prix 4 fr.), et une élude sur Hartmann etMi-
celli (Palerme, même adresse, 1877, in-12 de 80 p.). Nous ne faisons qu'annoncer
ces deux publicalions dont sans doute il seri ici même rendu compte avec le
soin que méritent tous les travaux du savant professeur.
— La Revista /li.çiorimdeBircelone fait l'éloge d'une vie de Cervantes écrite
par Don Ramon Léon Mainer, ouvrage remarquable par sa forme littéraire
comme parles nombreux documents qu'il renferme.
— La même revue parle aussi d'un volume intéressant, composé, par Don
Enrique de Legnina, sur Juan de la Cosa, pilote et compagnon de Christophe
Colomb.
Publications nouvelles. — La sainte Bible : Les prophètes. Isaîe, par l'abbé
nayle(iD-8, Lethielleux). — Les Enchantements du monde animal dans les temps
géologiques, mammifères, tertiaires, itàr A.. Gaudry(in-8, Savy). — La Monnaie
dans l'antiquité, pdiY Fr. Lenormant (2 vol. in-8, A. Lévy). — Histoire de
sainte Geneviève, et de son culte, par un servileur de Marie (in-8, Pion). — Un
nouveau docteur de VÉglise, saint François de Sa/es.par un ecclésiastique (in-8,
Lyon, JossHrand). — Le Cardinal de Retz et Vaffaire du chapeau, par R. Chan-
telauze (2 vol. in-8, Di'iier). — Le Roy des ribauds, par Lud. Pichon (in-8,
Claudin). — LaCour et l'Opéra sous Louis XVI, par Adolphe Jullien (in-18,
Didier). — Souvenirs et Mélanges, parle comte d'IIaussonvilie (in-8, C. Lévy).
— La Question de Galilée, les faits et leurs conséquences, par Henri de l'Épinois
(,ia-i2, Palmé). — Histoire de la persécution religieuseà Genève (in-12, Lecoffre).
- Le Bissentimemt moderne entre l'Église et Vltalie, par l'ex-père Curci (in-8,
Amyot). — La Guerre aux Jésuites, par le R. P. Félix (br. in-1 2, Roger et Cher-
noviz). — Le R.-P. A. de Ponlevoy, parle R. P. de Gabriac. II, Opuscules et lettres
(iri-')2 Rogor et Chernoviz). — Une martyre, poëme, par l'abbé Buis (in-8,
Uhner). — Des bienséances sociales, par le R. P. Champeau (in-18. Palmé). —
Les Bas-Bleus, par J. Birbey d'Aurevilly (in-18. Palmé). — Le Maréchal de
Montmayer, par Ch. Bjet (in-18 j., Olmer). — Les Étapes d'une conversion,
Pierre Blol, par P,.ul Féval (in-12, Palmé). — Correspondance àQ Jules Janin
(in-18, lib. des Bibliophiles), Visenot.
— 03 —
CORRESPONDANCE
Oibliogi'aphi4r de Oalilée
(suite et fin).
Anonyme. Galilée et V Inquisition romaine, dans rÉglise des 12 et 19 février
1863. — Barthélémy (Charles). Erreurs et Mensonges historiques. Paris, 1863,
in- 12. — Cantor (Moritz). Galilco Galilei, dans Zeilschrift filr Mathematik und
Physih\ déc. 1863. — Suell (Cari). Uebcr Galilei ats Begrlinder der Mechanis-
chen Physih und uber die Method ederselben (Sur Galilée, fondateur de la phy-
sique mécanique et sur la méthode de cette Physique). léna 1864. — Selmi.
Nel Irecentesimo natalizio di Galilei. Pisa 1864. — Anonyme. Dans Unita
cattolica, 10 et 17 mars 1864. Civiltà cattolica^ 5" série, t. IX, p. 722. —
Cantor (Moritz). Galileo Galilei dans Zeitschrift fur Mathematik und Physih
(9 Jahrgang, 3 Heft. Leipzig, 1864). — Heiss, dans Literarischer Handweiser
1864, p. 127. — Caruso (Abbé). La Verità su Galileo. Napoli, 1864, in-8.
— Arduini (Carlo). La Primogenita di Galileo Galilei rivelata dclle sue lettere
édite ed inédite. Firenze, 186i. — Cantor. Galileo Galilei dams Die Grenzboten,
1863, t. II, p. 43S. — Bertrand (Joseph), Galilée et ses travaux, dans \a,Eevue
des Deux Mondes, l" novembre 1864, p. 41-74, et dans les Fondateurs de
l'astronomie moderne, in-8, Paris, 1865, p. 177-267. — Vosén (Christ. -Herm).
Galileo Galilei und die romische Berurlheilung des Copernicanischen Systems,
(Galilée et le jugement à Rome du système de Copernic), publié par
Broscidirenverein, n° o. Francfort-sur-le-Mein, 186.i). — Trouessart. Galilée,
sa mission scientifique, sa vie et son procès. Poitiers, 186o. — Ward. Art. dans
Dublin Review,^ sept, et oct. 1863. Traduit par M. Belamy dans \q?, Archives
Ihéologiques, mai-octobre 1866. — Bocix (abbé). La Condamnation de Galilée,
dans la Revue des sciences ecclésiastiques, féviner et mars 1866. Tirage à part,
in-8 de 64 pages. Arras 1866. — Wagenmann. Art. dans Jahrbi/ cher fur
deutsche Théologie, 1866. 11 dec. 2 Ileft, p. 381. (C'est une critique du docteur
Hermaii Vosen). — Morin (Frédéric). Sur le procès de Galilée, dans VAvenir
National et l'Observateur (soi disant) catholique, l" déc. 1866. — Parchappe.
Galilée, sa vie, ses découvertes et ses travaux, in-12 de 404 p. Paris, 1866. —
Valson (Adolphe), Galilée, dans la Revue d'économie chrétienne, décembre 1863,
janvier et février 1866. — Ponsard. Galilée, tragédie. Paris, 1866. — Challemel-
Lacour. Article dans la Revue des Deux Mondes, mars 1867. — Chasles
(Philarète). Revue des cours littéraires, 23 mars et 13 avril 1867. —
Braghirolli. Due lettere Galileo Galilei. Mantova, 1867, in-8. — Gabriac
(R. P. de). Galilée devant la science, la religion et la littérature, dans les Etudes
religieuses, historiques et littéraires, avril 1867, p. 328-368. — Gaidoz (Henri),
dans Revue de V instruction publique, 16 et 22 mai 1867. — Blanc (Abbé), dan»
l'Opinion du Midi, du 29 mai au 7 juin 1867. — L'Épinois (Henride). Galilée
so)i procès et sa condamnation, d'après les documents inédits conservés dans
les archives du Vatican, dans la Revue des questions historiques, 1" juillet 1867
(et tirage à part, Palmé, 1867, in-8). — Allemand. Le Galilée de M. Ponsard.
Nimes, 1867. — Rallaye (L. de la). Galilée, la science et l'Église, dans la
Revue du Monde catholique, 10 juillet 1867. — Anon. Signé (Tau.), dans
The Month, sep. 4867. — Anon. Dans Literaturblatl, 1867, p. 736. —
Doret (R. P.). Art. sur Galilée dans les Études religieuses, juillet 1868. —
IIeis. bas unhistorischc des dem Galilei in den Mund gelegten : E pur si
muove. (Parole non historique mise dans la bouche de Galilée). Munster,
1868, in-8. — Martin (Th. -IL). Galilée, les droits de la science et la
— 94 -
méthode des sciences physiques, Paris, 1868. — L'Épinois (Henri de).
Encore im mot sur Galilée. Revue des questions historiques, i^' octobre 1868.
— Figuier ^l.ouis). Galilée, dans les Vies des savants illustres du xvir siècle.
Paris, 1869. — Gilbert, Le Procès de Galilée, dans la Revue catholique de
Louvain, et tirage à part, in-8. Louvain, 1869. — Bondurand. Art. dans
V Aigle des Cévennes, 20 juin 1869. — Gherardi. Il procrsso di Galileoriveduto
sopi'a documenti di nuova fonte, dissertation lue à l'Acadômie des sciences de
Cologne, le 20 mai 1869, insérée daas /{if «te Europea, juin 1870, en brochure,
Firenze, 1870, traduit dans ZeîÏ5c/t?'//if fur Mathematik und Physik, 1871. —
WoHLWiLL(E. ). Der Inquisitions process des Galileo Galilei. [Du procès de Galilée
devant l'Inquisition), in-12. Berlin, 1870. — Carbonnelle (R. P.) dans Études
religieuses, avril 1870; — Govi (Gilberto). Intorno a tre lettere di Galileo Galilei
puhhlicate ed illustrate da Gilberto Govi. Roma, 1870. Extrait du Bullettino di
biUiographia e di sloria délie scienze matematiche fisiclie, t. III, juillet 1870. —
Anonyme. The private life of Galileo, in-12. London, 1870. — Article dans
VAtheîixum (anglais) du Ib octobre 1870. — Anonyme. The pontifical decrees
against the motion of ihe earth considered in their bearing on the theory of
advancedultramontanism. London, 1870. — Castelnao (abbé).GaZj7fe, in-8, de
136 p. Alais, 1870. — Delvigne (Ad.). Galilée elle Saint-Office, in-i8, Bruxelles,
1871. — Cantor (Moritz). Recensionea ilber die 1870 erschienenen schriften Wohl-
ivill' and Gherardi s, dans Zeitschrift filr Mathematik (16 Jahrgang, 1 Heft)
1 janvier 1871. — Gherardi (Sylv). Sulla dissertazione der Inquisitions-process
des Galileo Galilei del I)' E. Wohlwill, dans Rivista Europea, 1 mars 1872»
p. 119. — Olivier! (R. P.). Di Copernicoe di Galileo. Écrit posthume publié
avec notes, par le P. Bonora. In 8, Bologna 1872. — Wohlwill (E.).Zî<?n Inqui-
sitions-process des Galileo Galilei (Sur le pro es de l'Inquisition de Galilée),
dans Zeitschrift fur Mathematik, 1872, 2 Heft. — L'Epinois (H. de). Dernières
publications sur Galilée, dans laRevue des questions historiques,] juillet 1872.
— Friedlein. Zum Inquisitions-process des Galileo, dans Zeitschrift fïir Mathe-
matik und PJiysik, i812, 3 heft, p. 41-4o. — Gilbert. Galilée, dans Revue
catholique de Louvain, déc. 1872. — Govi. Il Satil-Office. Copernico et Galileo
In-8, Torino, 1 872. — Riccaedi (R.) Di alcune recenti memorie sul processo e sulla
condanna di Galileo. In-8. Modena, 1873. — Anon. Dans Lilteralurblatt, 1873-
— WoLYNSKi (Arthui-). Relazioni di Galileo Galilei colla Polonia, dans YAr-
chivio storico italiano, 1872, oaet 6* disp. 1873, 1' disp., ou t. XVII p. 131
et t. XVIII, p. 3. Réimprimé dans la Diplomazia toscana e Galileo Galileio
In- 8, Firenze, 1874. — Boncompagni (B.). Intorno ad ulcune note di Galilei,
Galilei ad un opéra diG.B. Morijio dans Bullettino di biUiographia e di storia
délie scienze matematiche. In-4, 1873, t. VI. — Gcasti (G.). Le Relazioni di
Galileo con alcuniPratesi, dans Archivio storico italiano, l^^ disp., 1873, p. 32-75.
L'Épinois (Henri de). Une protestation, dans Revue des questions historiques,
octobre 1873. — Gerstenberg. Galileo Galilei. ln-4, Rendsburg, 1874. — Buch-
mann (J.).Dans Vermischte Aufsûtze. Iu-8, Breslavia, 1874. — PoRENA(Filippo).
BansVArchivio stoiHco italiano, Q^ dis^i.^, 1875, p. 500-518. — Govi (Gilbert).
Galileo e i matematici del collegio romano nel 1611. Roma, 1873. Extrait de Atti
délia reale Accademia dei Lincci, série 2, t. II, p. 8. — Reusch. Der Galilei' sche
Process, dans Ilistorische Zeitschrift, 1875, n" 3, p. 121-143. — J Morël
(abbé) dans la Somme contre le catholicisme libéral, t. IL — Santé Pieralis
(Abbé) Urbano VIII e Galileo. In-8, Roma, 1873. — Reitlinger (E). Galileo
Galilei. Berlin, 1875. — Berti (A). Copernico e le vicende del sistema
copernicano. iu-8, Roma, 1876. — Gebler (Karl von). Galileo Galilei und die
Romische Curie. Ia-8, Stuttgart, 1876. — Berti (A.). Il processo di Galileo
— 9o ~
Galilei. In-8, Roma, 1876. — Cantor (Moritz). Dans Allgemeine Zeitung, 1876,
n* 93, et 94. — Axon. Dans Civiltà cattolica, 20 mai 1876. — Gebler (Karl
von). // processo di Galilei, dans Nuova Antolocjia, sept. 1876. Tirage à part
de 17 pages. — Santé Pieralisi (Abbé). Correz-ioni al lihro Urbano VIH, e
Galileo Galilei, proposet daW autore. Ia-8, 30 septembre 1876. — Mézières(A).
Le Procès de Galilée, dans la Revue des Deux Mondes, 1" octobre 1876,
p. 6io-663. — G. 0. Dans Archivio storico italiano, 1876. oadisp. — Combes
(Louis). Galilée et l'Inquisition romaine. Paris, librairie républicaine, 1876,
in-32. — Reville (Albert). Dans la Flandre libérale, 16 octobre 1876. —
IIeis, dans Annales de la Société scientifique de Bruxelles, 2* partie, p. 201.
Bruxelles, 1877. — Gilbert. La Condamnation de Galilée, dans la Revue des
questions scientifiques, 1877, avril et juillet. — L'Épinois (Henri de). Les Pièces
du procès de Galilée. In-8, Rome et Paris, 1877. — Woly.xski (Art.) : Fr. de
Noailles et Galilée, dans iltr/ito Europea, août 1877. — Gebler (Karl von) Die
Acten des GatileVschen Processes, [n-8, Stuttgart, 1877. — Desjardins (le
P. Eugène). Encore Galilée. In-8, Pau, 1877, — Sandret (L.). Le Manuscrit
original du procès de Galilée dans la Revue des questions historiques,
octobre, 1877. H. de l'Épinois.
QUESTIONS ET RÉPONSES
QUESTIONS
Murât, roi de IVaples, —
Où ti'ouver des renseigneineals sur
l'histoire des Bourbons de Naples en
Sicile, pendant que Murât occupait
le trône de Naples? et spécialement
sur le projet de nouvelks Vêpres si-
ciliennes, attribué à la reine Caro-
line et dont les Anglais devaient être
victimes ? J. G.
L<es Rossett. — Où peut-on
trouver des renseignements sur la
noblesse du Dauphiné et en particulier
sur les Rossett, qui ont ligure aux
croisades et ont donné un évoque au
siège de Grenoble, si je ne me trumpe.
J. G.
Vie de Louis X.VII. — La
Vie de Louis XVII, par M. de Beau-
chesne,a-t-c:lle été traduite en anglais
et en allemand ?
Un livre du I*. Coyssard. —
Pourrait-on dire s'il existe dans une
bibliothèque publique ou privée des
exemplaires de cet ouvrage : Histoire
abrégée de Notre-Dame de Vassivières,
près du Grand-Mont-Don en Auvergne,
par Le R. P. Michel Coyssard, de la
compagnie de Jésus, volume in-12,
imprimé à Lyon, en 1613, chez Mu-
guet? A. T.
Parisiens célèbres. — Quels
sont les ouvrages ks plus utiles qu'il
faut consulter si l'on veut former la
suite (Jes Parisiens célèbres ou dignes de
mémoire (à part les Biographies géné-
rales, spécialement celle publiée par
Didot eu 43 vulumes in-8)? Existe-
t-ii, notamment, une Biographie
théâtrale, depuis les temps le=; plus
reculés jusqu'à nos jours. Quelle est
la meilleure et plus complète publi-
Cntiou sur les acteurs et actrices de
Paris ? Exisle-t-il, actuellement, à
Paris , des cuUectionneurs ou des
érudits qui ont formé une suite de
portraits gravés ou lithogi aphiés re-
représentant des Parisiens ? A. T.
RÉPONSES
A.nuales I>reves ordinis
Praemonstratensis (XX, 286,
383). — L'ouvrage ainsi décrit dans
le catalogue Secousse, in-8, 1753,
n" 1104 : Fr. Maubitii du Pre, Anna/es
brèves ordinis Prœmonstratensis, Am-
biani, lOio, in-12, est encore indi-
qué dans la Biographie universelle
(de Furne, 1833, t. H, art. 3, Dupré,
Maurice), mais il doit être fort rare,
car il ne se trouvait pas dans la bi-
bliothèque deTancien cûef et général
de l'Ordre de Préaiontré, l'abbé
Lécuy, mort à Paris, le 22 avril 1834.
Éd. Sénemaud.
Xribunaux. de basse I^oi
(IV, 94). Un de nos confrères, dirtc-
lement interrogé sur celte question.
96 —
nous fait remartiuer qu'on ne con-
naît qu'un Neuville, sans épithète,
canton du Quesnoy, arrondissement
d'Avesnes. 11 veut bien ensuite nous
donner les renseignements qui sui-
vent :
« Je ne possède aucun document sur
ce tribunal, et je n'ai rien trouvé
qui confirme son existence. Mais, dans
beaucoup de villes du nord delà France,
on trouvait, au moyen âge et même
jusqu'au xvar siècle, des tribunaux
remplissant un rôle analogue. Les
juges étaient des pacificateurs dont
l'origine remontait à la Paix de Dieu.
L'abbé Debaisnes, aujourd'hui arcbi-
visle du département du iNord, s'ex-
prime ainsi dans son Essai sur le
Magistrat de Douai (Coll. des mémoires
lus à laSorbonne en 1869) : « Dan;
les siècles encore voisins de la bar-
bari^% lorsque des baines implacables
divisaient souvent les familles de la
même cité et de la même contrée,
la création des Faiseurs ou pacilica-
teurs, avait élé une institution émi-
nemment utile et chrétienne. Ces
sages magistrats ordonnaient à celui
dont on redoutait la haine et la ven-
geance de comparailre devant leur
tribunal établi dans la chapelle même
de la halle -, et là, au pied de l'autel,
ils lui demandaient si nul habitant
de la cité n'avait rien à craindre de
lui. En cas de division, ils faisaient pro-
mettre une trêve, qui étiit jurée sur
l'Évangile ; souvent même ils ména-
g' aient dans le lieu saint une entre-
vue entre les deux partis, et l'on vit
d^s ennemis irréconciliables se par-
donner mutuellement et se donner le
baiser de paix en présence de ce tri-
bunal. Des luis sévères avaient été
portées contre ceux qui violaient la
loi jurée devant les Faiseurs. Cette
institution devint moins utile lorsque
les moeurs s'adoucirent, et nous
voyons que, en loo8, trèi-peu d'af-
faires furent portées à ce tribunal
pacilicateur. »
luSk Dépopulation (XX, 5o7). —
Dans un volume des Francs propos,
recueil qui parut à Metz, faisant
suite aux Varia, publiés à Nancy,
on peut lire un travail sur la Dépopu-
lation des campagnes ; il n'est pas
signé, mais nous croyons que sou
auteur est M. Jules Lejeune. Th. P.
I.e poëtc IV. Fonteny (XX, 463).
— A défaut de ses poésies, voici les
titres de quatre de se 5 opuscules se
trouvant à li Bibliothèque nationale,
1" A Mgr le Chancelier, sur la
continuation de la proposition qui
lui a été mise en main... par Nicolas
Fonteny. Paris, v« Jean Regnol.
1614, in-8, pièce (23 pp.); —2* Re-
quête présentée à la Cour, sur l'in-
vacance de tous les offices du
royaume, proposée au conseil, et ce
pour faire voir l'équité de celle
proposition, à comparaison de celle
qui a été nouvellement mise en évi-
dence. A Nosseigneurs du Parlement
(Signé Fonteny). Paris, v» H. Velat et
P. Minsin (s. d., vers 1620), in-8,
pièce. — 3° Discours et continuation
apologétique de la proposition faite
au x'oi ei à Nosseigneurs de son
conseil d'Étal, par xM* Nicolas Fonteny,
sui' l'invacance perpétuelle et suc-
cessive de tous les ofiices casuels du
royaume, tant de judicalure et fi-
nances qu'autres, c'est-à-dire sur le
fait de l'abolition de la rigueur des
40 jours auxquels lesdits offices ca-
suels ont été assujettis, depuis le
règne de François II jusques à main-
tenant (1621), in-4, pièce. — Eidin,
4* Proposition d'un septiesrae admi-
rable, consacré à Mgr l'éminentis-
tissime cardinal duc de Richelieu...
Paris, I. Brunet, 163o, in-4 (der-
nière pièce citée d'après une carte,
non de visu) . Sch.
ERRATA.
ToDîe XX, p. 524, ligne 20, au lieu de publie, lisez publié;
— Ligne 34, au lieu deSahagues, lisez Sahagun.
— Page 554, ligne 24, au lieu de Revue de philosophie, li>
Le Gérant
ez Revue dephilologie.
L. Sandret.
Saint-Quentin, — Imprimerie Jdles Moureau,
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
PUBLICATIONS RÉGENTES SUR L'ÉCRITURE SAINTE
Bibbia Fecle e Scienza ossia lezioni bibliche sulla cosmogonia mosaica, del canoaico teologo
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Parme. Fiaccadori, 1875-1877, 3 vol. in-8 (t. 1er, '-'« édit.) de 232, 317 et 189 p.
Prix : 9 fr. pour les souscripteurs ; 15 fr, pour les non-souscripteurs. — Natur-
forscliung und Bibel in ihrer Steilung zur Schbpfung. {Les Sciences naturelles el la Bible
dans leurs rapports avecla création). Eine empirische Krilik der mosaischen Urgeschichte,
von Cakl GOttler, Doctor der Philosophie. Fribourg en Brisgau, 1877, in-8 de vni-
343 p. Prix : G fr.50. — Comment s'est formé l'xinivers, exégèse scientifique de ï Hexamé-
ron, suivie de Sic ilur ad astra. rêverie scientifique, et de deux notices bibliographiques, par
Jean-d'Estienne. Paris, Gauthier- Villars, 1878, in-8, de 141, 19 et IG p. Prix : 2 fr. 50.
— Die biblische Sch'opfungsgeschichte und ihr Verhaltniss zu den Ergebnissen der Natur-
forschung. [L'Histoire biblique de la Création, dans ses rapports avec les sciences natu-
relles.) Von D' Fr. Hei.nrich Reusgh. Bonn, E. Weber, 1877, in-8 de vi-198 p. —
Zur Authentie und Integrit'dt des Mosesliedes. (Deut., eh. xxxii.) De l'authenticité el
de l'intégrité du Cantique de Moïse.) \on dem Religionslehrer D"" Theol. Carl FlôC-
KNER (Zehnter Jahresbericht des Stiidtischen Katholischen Gymnasiums zu Beuthen
O.-S. liber das Schuljahr 1875-1876.) Beuthen, Goerlich & Coch, 1876, in-4 de
48 et 22 p. Prix : 6 fr. 50. — La Sainte Bible, texte delà Vulgate, traduction fran-
çaise en regard, avec commentaires théologiques, moraux, philologiques, histo-
riques, etc., rédigés d'après les meilleurs travaux anciens et contemporains. Les
Juges et Ruth, introduction critique et commentaires, par M. l'abbé Clair, prêtre du
diocèse d'Autun, traduction fran^-aise, par M. l'abbé Bayle, docteur en théologie et
professeur d'éloquence sacrée, à la faculté de théologie d'Aix. Paris, Lethielleux,
1878, in-S de 184 p. Prix: 3 fr. 60. — Die Bûcher Esdras, Nehemias und Eslher, aus
dem Urtexte ûbersetzt und erkliirt [Les Livres d'Esdras, de Néhémie el d'Esther, tra-
duits du texte original et expliqués.) Von D' B. NeteleR. Miinster, Theissing, 1877,
in-8 de viu-256p. — Das Buch Tobias, ûbersetzt und erkl'àrt. (Le Livre de Tobie tra-
duit et expliqué.) Von D' G. Gutberlet. Mit oberhirtlicher Approbation. Miinster,
Theissing, 1877, in-8 de viii-3d5 p. — Théologie der Propheten des Allen Testamentes.
(La Théologie des prophètes de l'Ancien Testament.) Bearbeitet von D' Herma.nn Zschokke,
K. K. Hofkaplan und o. ô. Professor der Théologie an der K. K. Universitât ia
Wien. Mit oberhirtlicher Genehmigung. Fribourg en Brisgau, Ilerder, 1877, in-8 de
XiH-624 p. — Das heiligen Hippolytus von Rom Commentar zum Bûche Daniel. (Com-
mentaire du liore de Daniel, par S, Eippolyte de Rome.) Ein literarischer Versuch
von Otto Bardenheweh, Doctor der Philosophie und der Théologie, Priester der
Erzdiocese Coin. Fribourg en Brisgau, Herder, 1877, in-8 de iv-107 p. — Einleitung
in das hene Testament. (Introduction au Nouveau Testament.) Von D' M. V, Aberle,
ord. Professor der katholischen Théologie. Herausgegeben von D' Padl Scha>'Z, ord.
Professor der kath. Théologie an derUniversitiit Tiibingen, Fribourg en Brisgau,
Herder, 1877, in-S de xii-311 p. — Les Paraboles évangéliques, instructions et homé-
lies prèchées à Sens (Yonne), par Mgr Picuenot, archevêque de Ghambéry. Paris,
Bray & Retaux, 1877, in- 12 de 111-48.1 p. Prix : 3 fr. 50. — Zur johanneischen Frage.
(La Question de CEvangilt de saint Jean.) Beitr'dge zur Wiirdigung desvierlen Evangeliums
gegenilber den Angriffen der kritischen Schule, von D' Willibald Beysciilag. Erwei-
teter Separat-Abdruck aus den « Theologischen Studien und Kritilcen » Gotha, F,
A. Perthes, 1876, iu-8 de XVI-2G0 p, — Valeur de l'assemblée qui prononça la peine
de mort contre Jésus- Christ, par MM. les abbés Lêmann. Paris, Poussielgue, 1876, in-8
de tv-103 p. Prix : 2 fr. 50. — Dictionnaire de la Bible, ou explication de tous les noms
propres historiques et géographiques de l'Ancien et du Nouveau Testament, par E. SpOL,
de la Bibliothèque nationale. Paris, Gaume, 1877, in-12 de 228 p. à deux colonnes.
Prix : 4 fr. — Dictionnaire topographique abrégé de la Terre-Sainte, par F. de Saulgy,
membre de l'Institut, Académie des inscriptions et belles-lettres. Paris, Vieweg,
1877, in-8 de iv-324 p. Prix : 2 fr.
La question de Taccord de la Bible avec les sciences naturelles est
une de celles qui attirent aujourd'hui le plus l'attention, dans toute
Février 4878. . T, XXII, 7
— 98 -
l'Europe. Un chanoine italien, M?»" Francesco Miglior, vient de Tctu-
dier en trois volumes, qui ont reçu dans sa patrie l'accueil le plus fa-
vorable. L'auteur est un orateur connu en Italie. C'est sous forme
oratoire et dans des discours réellement prononcés qu'il étudie les
rapports de la Genèse et de la science. Le texte sacré est le fonde-
ment d'où il part. La foi lui sert de guide et il montre que la science,
dans celles de ses découvertes qui sont prouvées et certaines, n'est
nullement en contradiction avec Moïse. Parmi les savants quh, dé
nos jours, ont étudié le premier chapitre de la Genèse, les uns n'ad-
mettent pas la concordance des détails contenus dans ce chapitre avec
les découvertes scientifiques, tout en admettant l'inspiration et la
véracité de Moïse ; ils croient que le tableau de la création génésiaque
ne raconte pas l'origine complète des choses, conformément à la
manière dont elles ont été produites, d'après les savants et les géo-
logues, mais nous les présentent seulement à un marnent donné
conformément à la manière dont Dieu a jugé à propos de les révéler
soit sous forme de vision, soit par tout autre procédé surnaturel, au
législateur de son peuple. La plupart des théologiens soutiennent
qu'il y a concordance entre le récit sacré et la géologie et que le pre-
mier raconte bien la production des êtres dans leur ensemble, telle
qu'elle s'est accomplie en effet. Mgi" Miglior est de cette dernière
opinion. Il s'étend beaucoup plus sur Texposition du texte biblique
que sur l'exposition scientifique ; il imite même volontiers saint Basile
et saint Ambroise dans leurHexaméron ; il consacre aussi plusieursdis-
cours à des sujets purement théologiques. La lecture des volumes de
Mgr Miglior est agréable et facile. Son style est naturel, coulant, orné
avec sobriété. Voici Tindication sommaire des sujets traités par Mgr
Miglior. Dissertation sur la divinité des Ecritures. C'est la thèse de
doctorat de l'auteur, soutenue en 1864 à la faculté de théologie de
l'Université de Cagliari. Dissertation sur l'ordre surnaturel. C'est le
travail qui a valu en 1866 à l'auteur la dignité de chanoine théologal
à la cathédrale de Cagliari. Suivent une exposition du psaume 139 et
un sermon pour le concours au canonicat théologique. L'auteur entre
ensuite directement dans son sujet. Après quatre discours prélimi-
naires, il consacre le cinquième à la Genèse. C'est là le contenu du
premier volume. Tout le second volume est consacré à Texposition de
la création. Le troisième volume traite du repos divin, du paradis ter-
restre, de l'extase d'Adam, du péché originel, de la promesse de la
rédemption, de l'exil, de la mort d'Abel et enfin de la mort d'Adam.
— Le D" Giittler expose d'une part les idées de la science et de
l'autre les données de laBible, pour en montrer l'accord. Il cite volon-
tiers les savants les plus distingués et les plus compétents ; ses cita-
tions sont naturellement empruntées à l'Allemagne. Il étudie succès-
- 9!» -
sivement, en autant de chapitres, la formation de l'univers, la
formation de la terre, les astres, les plantes et les animaux, Thomme,
l'histoire primitive de Fhomme, le déluge de Noé et enfin la chro-
nologie. Il prouve fort bien la concordance du récit mosaïque avec les
données scientifiques, mais il admet certaines restrictions.
L'auteur connaît très-bien toutes les publications qui ont été faites,
au moins en Allemagne, sur les questions dont il s'occupe. (Il ne con-
naît point le D'' MoUoj ni M. Pozzj ; il cite Ms"" Meignan). Un des
points les plus intéressants et les plus instructifs de son ouvrage,
c'est l'exposé des opinions des divers savants sur chacun des pro-
blèmes qu'il étudie. Grâce à cette exposition, son livre peut être con-
sidéré comme une bibliothèque de la matière.
Voici comment il résume l'accord de la science et de la Bible : Au
commencement était la matière informe dont se forma le Cosmos. (Au
commencement Dieu créa le ciel et la terre.) Le globe terrestre
en liquéfaction était privé de vie organique. (La terre était vide.)
Elle était enveloppée de vapeurs et tous les éléments de la matière
étaient réduits à l'état gazeux. (Les ténèbres étaient sur la face de
l'abîme et l'esprit de Dieu était sur les eaux.) Les vapeurs dimi-
nuèrent, et la lumière diffuse des sphères non-terrestres éclaira la
terre. (Dieu dit : que la lumière soit et la lumière fut.) L'air respirable
se forma d'une partie des éléments gazeux, pendant que l'autre partie
se condensait en masses liquides. (Dieu fit le firmament et sépara les
eaux qui étaient sous le firmament de celles qui étaient au-dessus du
firmament.) La formation des roches azoïques produisit la distinction
entre les continents et la mer. (Dieu dit : que les eaux se rassemblent
et que l'aride apparaisse !) Le règne végétal se développa toutd'abord.
(Dieu dit : que la terre produise des plantes et des arbres.) Pendant
ce temps, la lumière trouva dans le soleil et dans les astres les lumi-
naires qui devaient l'émettre. (Et Dieu fitles deux grands luminaires,
un grand pour éclairer le jour et un petit pour éclairer la nuit, et les
étoiles.) La végétation et les astres préparèrent les voies à la vie ani-
male qui se dévelojipa graduellement, de même que les plantes, ani-
maux aquatiques, poissons et plantes acotjlédones ; reptiles, oiseaux
et monocotjlédones ; mammifères et dicotylédones. (Dieu créa les
animaux qui vivent dans la mer ; les reptiles et les oiseaux, les qua-
drupèdes.) Enfin apparaît l'homme.
M. Giïttler a dédié son livre au P. Secchi. Son ouvrage est une
œuvre remarquable.
— M. Jean-d'Estienne n'étudie pas toutes les questions qui sont
traitées dans le livre du D' Giïttler ; il ne s'occupe que de la
cosmogonie proprement dite, mais ? peu près dans le même sens et
dans le même esprit, en se prononçant cependant plus fortement pour
— 100 —
la concordance complète du récit biblique et de la science. Comment
s'est formé l'univers est le recueil de trois articles publiés dans l'excel-
lente Revue des questions scientifiques de Bruxelles. Ils ont été remar-
qués lors de leur publication, et l'auteur a été bien inspiré en les réunis-
sant en brochure. Son travail est à la portée de tous les lecteurs et
l'on ne saurait trop le recommander. Il suit pas à pas et, pour ainsi
dire, mot pour mot le texte biblique, et il le venge d'une manière
victorieuse de toutes les attaques des ennemis de la foi. Des tableaux
synoptiques, placés à la fin du travail, le résument très-bien et per-
mettent de s'en rendre compte d'un coup d'œil.
— ISHistoire de la création biblique ànB^Rensch est aussi un résumé,
comme l'opuscule de M. Jean-d'Estienne, mais ce résumé embrasse un
plus grand nombre de questions. Il ne se borne pas à traiter la créa-
tion proprement dite, en l'envisageant dans son sens le plus large et en
s'occupant de la théorie des générations spontanées et du darwinisme;
mais il consacre aussi un chapitre à l'unité de l'espèce humaine,
à l'état primitif de Thomme, à l'antiquité de l'homme et enfin au
déluge. Tous ces points sont traités avec une précision, une netteté
remarquables. Il est impossible à un auteur de mieux posséder sa
matière. La réputation du savant qui a écrit Bible et nature, — le
présent opuscule n'est guère qu'un extrait de la quatrième édition, —
est d'ailleurs européenne. Son livre a été traduit dans presque toutes
les langues de l'Europe et a reçu partout l'accueil le plus favorable.
Il est difficile de trouver ailleurs des renseignements plus sûrs, des
notions plus exactes sur l'état de la science. Il n'en est que plus
regrettable que, surtoutdepuisqu'il a eu le malheur de se révolter contre
le concile du Vatican^ le D'' Reusch ait atténué outre mesure l'inspi-
ration des auteurs sacrés et se soit rapproché sur ce point des idées
de quelques rationalistes. L'auteur n'admet pas non plus maintenant
une véritable concordance entre la Bible et la science de la nature ; il
S'dmet la théorie idéale, qui consiste à voir dans le premier chapitre de
la Genèse une simple manière de se représenter l'acte de la création,
non tel qu'il a eu lieu, en effet, mais tel qu'on peut l'imaginer pour
faire une description de notre globe. L'hexaméron n'est pour lui qu'une
exposition détaillée d'un important article du Credo : Credo in unum
Deum, factorem coHi et terrx. Le premier chapitre de le Genèse est
plus que cela, il est aussi l'histoire de l'origine des choses.
Arrivons maintenant aux commentaires proprement dits.
— Le D'' Flockner, professeur au gymnase catholique de Beuthen,
a publié un excellent travail sur l'authenticité et l'intégrité du Can-
tique de Moïse que nous lisons au chapitre xxxiidu Deutéronome. Un
professeur de théologie évangélique de Bonn, A. Kamphausen, apublié
en 1862, une monographie sur ce même cantique, rfas Lied Mosis erklàrt,
Ni!.
J
— un —
dans laquelle il en attaque l'authenticité. Il prétend qu'il est impossible
de le faire remonter plus haut que l'an 700 avant Jésus-Christ, et dit qu'il
est « très- vraisemblable » qu'il a été composé dans le royaume d'Israël.
C'est principalement Kamphausen que M. Flockner réfute, et il le fait
avec succès. Il établit solidement l'intégrité aussi bien que l'authenti"
cité de l'œuvre de Moïse. Il donne du cantique une excellente traduc-
tion, qui en fait bien comprendre le sens en même temps qu'elle en
fait bien sentir la valeur poétique. Un seul point de son travail nous
paraît contestable, c'est l'opinion d'après laquelle le Cantique de Moïse
aurait été inséré dans le Deutéronome par Samuel. Nous ne voyons
aucune raison péremptoire qui empêche d'admettre que cette insertion
soit l'œuvre de Moïse lui-même. Du moins est-il plus vraisemblable
d'en attribuer l'introduction dans le Deutéronome à celui qui a raconté
la mort de Moïse à la fin de ce livre, et que tout porte à croire être
plus ancien que Samuel.
— Le commentaire de la Bible publié par l'éditeur Lethielleux s'est
enrichi d'un nouveau volume. Il renferme le livre des Juges et celui de
Ruth, expliqués par M. l'abbé Clair. L'introduction, qui est appelée
préface, traite, pour le livre des Juges, du sujet, du but et de la divi-
sion du livre, de son authenticité, de son intégrité et de sa véracité»
des principales difficultés concernant la chronologie, l'histoire de
Gédéon, le vœu de Jephté (l'auteur admet l'immolation sanglante de
la fille du juge d'Israël) et l'histoire de Samson, enfin des commen-
taires. Pour le livre de Ruth, M. l'abbé Clair examine le sujet et le
but du livre, son authenticité, sa véracité et sa canonicité, et il eh
énumère les commentateurs catholiques, protestants et juifs. Le com-
mentaire qui accompagne le texte est bon, solide et généralement
suffisant. Il manque cependant quelquefois d'ampleur, et l'on désire-
rait en certains endroits plus de développements, par exemple, dans
l'appréciation de l'acte de Jahel, tuant Sisara, etc. Plusieurs difficultés
du texte, dans le chapitre ix des Juges, ne sont pas touchées. On serait
tenté de reprocher au commentateur de supposer trop d'intelligence
et de connaissance à ses lecteurs. Ainsi, pourquoi ne pas expliquer
directement. Juges viii, 2 le Nonne mcliorest race mus Ephraini vinde-
miis Abiezer?
— Le D^ Neteler est un des exégètes catholiques les plus actifs en
Allemagne. Il s'est occupé déjà, depuis 1869, des premiers chapitres
de la Genèse et de l'Apocalypse. Nous avons rendu compte de son
commentaire sur Isaïe. Il vient de publier maintenant un commentaire
sur les livres d'Esdras et d'Esther, à la fin duquel il touche, dans un
appendice, à presque tous les livres de l'Ancien Testament. On sent,
dans ses écrits, une forte sève de jeunesse. Ses opinions sont parfois
hardies, peut-être même un peu légèrement aventureuses, mais sans
— 102 —
s'écarter néanmoins du droit chemin. Tout cela donne à ses travaux
exégétiques une saveur et un attrait particuliers.
Dans le commentaire d'Esdras, de Néhémie et d'Esther, l'auteur
nous donne une traduction du texte original avec un court commen-
taire. Quelques notes grammaticales et philologiques sont rejetées à
la fin du livre, comme dans plusieurs autres volumes appartenant à la
série de commentaires catholiques publiés par l'éditeur Theissing, de
Munster, et dont cet ouvrage fait partie (ainsi que le Tohis du D"" Gut-
berlet et le commentaire d'Isaïe du même D"" Neteler).
M. Neteler voit dans Assuérus Xercès I'^ Il discute d'une manière
tout à fait satisfaisante les questions qui se rattachent aux parties
deutéro-canoniques du livre d'Esther. L'appendice traite aussi plusieurs
questions très-intéressantes, entre autres celles des soixante-dix
semaines de Daniel. Le commencement en est placé en l'an 454 avant
Jésus-Christ, l'année où Esdras est retourné dans sa patrie. L'auteur,
dans les points qu'il étudie dans son commentaire, ainsi que dans son
appendice, sans s'étendre longuement et sans épuiser le sujet, émet
plusieurs idées neuves et ingénieuses.
— Le livre de Tobie est un des plus attachants et des plus édifiants
de l'Ancien Testament» mais c'est aussi un de ceux dont l'explication
ofi're au critique le plus de difficultés. Nous en possédons aujourd'hui
quatre versions anciennes, indépendantes et toutes considérablement
différentes les unes des autres : trois grecques, à l'une desquelles se
rattache l'ancienne italique, et la Vulgate latine de saint Jérôme. Le
commentaire du livre de Tobie du D' Gutberlet a paru tout récemment.
On a annoncé cependant, depuis sa publication, qu'on avait découvert
en Angleterre un texte chaldéen du livre de Tobie que l'on suppose être
le texte original. M. Gutberlet, qui ignorait son existence, n'a pu s'en
servir, mais il a pu utiliser du moins, pour son travail, un texte impor-
tant dont aucun exégète, si l'on excepte quelques observations
du D"" Reusch, n'avait encore fait usage, celui du Codex Sinai tiens,
découvert au mont Sinaï par Tischendorf. Ce texte est très-impor-
tant pour la critique du livre, et il ofi're, de plus, cet intérêt spé-
cial que c'est de celui-là même qu'a été tirée la traduction de l'an-
cienne italique, employée dans l'Eglise latine jusqu'à l'époque de la
publication de la version de saint Jérôme. Lorsque le Df Reusch publia
en 1857, son commentaire du livre de Tobie, on n'avait trouvé encore
que quelques fragments très-courts du Codex S'maiticusM. Gutberlet
donne, sur les versions anciennes de Tobie, des détails intéressants et
instructifs. Il commente ensuite le livre lui-même, chapitre par cha-
pitre, en donnant la double traduction de la Vulgate et du Codex Sinai-
ticits . Le commentaire est tout à la fois critique, littéral, historique
et théologiqne. Comme les théologiens, à l'exemple de saint Thomas,
— 103 —
ont fondé principalement sur le livre de Tobie leur enseignement sur
la nature et les qualités des aiiges, M. Gutberlet étudie ces questions
avec un soin spécial. Il n'a pas, bien entendu, négligé le côté apolo-
gétique, qui est très-important ici. Il a expliqué d'une manière très-
heureuse plusieurs des difficultés historiques du texte. C'est ainsi
qu'il montre, par exemple, que lorsqu'on lit i, 24, que Sennachérib
fut tué par ses propres enfants, « après quarante-cinq jours, » il ne
faut pas entendre ces quarante-cinq jours depuis le retour de Senna-
chérib de Palestine, comme l'avaient fait les commentateurs, mais
depuis la confiscation des biens de Tobie. Les commentateurs avaient
ignoré jusqu'ici que Sennachérib avait encore vécu dix-huit ans après
sa défaite miraculeuse en Judée. Le D"" Gutberlet ne répond cependant
pas à toutes les difficultés. Ainsi il en a oublié une importante. Il
n'explique pas comment I, 18, Sennachérib est appelé fils de Salma-
nasar, lorsqu'il est certain qu'il était fils de Sargon. Le Codex Sinalticus
lit Enemassar au lieu de Salmanasar, mais c'est Sargon qu'il faut lire
dans les deux, comme nous le remarquerons plus loin à propos du Dic-
tiomiaire de In Bible de M. Spol. M. Gutberlet dit, dans sa préface, qu'il
n'a pas voulu s'occuper des rapports de l'histoire de Tobie avec l'his-
toire assyrienne. C'est une lacune; mais, malgré cette lacune, son
commentaire est de beaucoup le meilleur que nous ayons actuelle-
ment sur le livre de Tobie.
— Les protestants ont publié, en Allemagne, un grand nombre de
travaux sur la théologie de l'Ancien Testament et de ses diverses par-
ties : leurs travaux sont remplis d'erreurs. Les savants catholiques ont
pensé à bon droit qu'il serait utile d'étudier, avec les lumières de la foi
orthodoxe, les mêmes questions. De là, le Manuel de théologie de l'An-
cien Testament (Handbuch der Théologie des alten Bandes im Lichte des
NeuenJ du P. Scholz, Ratisbonne, 1862, et la Théologie des Psaumes
(Théologie der PsaimenJ, de Konig, Fribourg, 1857. Nous ne possé-
dions pas encore d'ouvrage catholique spécial sur la théologie si impor-
tante à connaître des prophètes. Cette lacune vient d'être heureuse-
ment comblée par un savant professeur de l'université de Vienne, le
D"" Hermann Zschokke. Il a étudié sa matière d'une manière appro-
fondie et il a condensé dans son livre les leçons de plusieurs années.
La Théologie des Prophl'tes est divisée en sept parties : Dieu, les créa-
tures, le peuple de Dieu, la religion et la morale, les païens, le
Messie, les fins dernières. Il nous est impossible de faire connaître les
subdivisions'de chaque partie, ce qui nous entraînerait trop loin, mais
nous dirons cependant quelques mots de la première, afin de donner au
lecteur quelque idée d'un genre de travaux trop peu connu en France.
M. Zschokke examine d'abord la question de l'existence de Dieu dans
tous les prophètes, puis les noms de Dieu en général et les noms de
Dieu en particulier. Il passe de là aux attributs divins, tels qu'ils
— lOi —
ressortent des écrits prophétiques : l'aséité, la toute-puissance, Tim-
mensité, la personnalité de Dieu, sa spiritualité ; il étudie les anthropo-
morphismes et les antliropopathismes; l'unité divine et la Trinité ; les
rapports de Dieu avec le monde et enfin l'idolâtrie. Sur chacune de
ces questions, l'auteur réunit tous les textes épars dans les livres des
grands et des petits prophètes, les coordonne et les explique. Il renvoie
soigneusement aux chapitres et aux versets. Ses citations sont faites
en allemand, ordinairement, d'après le texte hébreu, parce que, dit-il,
dans sa préface, le texte original aide encore mieux que la version
latine à exposer le dogme dans toute sa force.
On voit, par ce que nous venons de dire, 'que la Théologie des Pro-
phètes n'est ni une théologie proprement dite ni un commentaire
ordinaire. Elle n'expose pas toute la doctrine chrétienne, mais seu-
lement les vérités révélées qui sont contenues dans les livres prophé-
tiques; elle ne commente pas les prophètes chapitre par chapitre, mais
seulement les idées théologiques qu'ils contiennent en les groupant
méthodiquement ensemble. C'est donc une exposition en partie histo-
rique de la révélation. Dieu a révélé un certain nombre de vérités à
Moïse, il en a révélé d'autres aux prophètes; Notre-Seigneur-Jésus-
Christ a complété Toeuvre de la révélation. Pour avoir une véritable
histoire de la révélation, dans ses développements successifs, il faut
l'étudier, non comme un tout, ainsi que le fait la théologie scolas-
tique, mais dans ses diverses phases : M. Zschokke l'a étudiée pendant
la période prophétique avec beaucoup d'érudition, détalent et de succès.
— Saint Hippolyte, entre autres écrits exégétiques, avait composé
un commentaire du prophète Daniel, malheureusement perdu. M. Otto
Bardenhewer vient d'en étudier les rares fragments épars, qui ont
échappé aux ravages des siècles. Après une introduction dans laquelle
il esquisse la vie et les œuvres de saint Hippoljte, il recueille les témoi-
gnages des anciens écrivains sur le commentaire de Daniel ; il examine
ensuite les débris qui nous en restent, le fragment de De Magistris,
les deux fragments de Combefis, ceux de Mai, etc. L'œuvre de
M. Bardenhewer se termine par quelques mots sur le manuscrit
de Munich des Questions et Réponses d'Anastase le Sinaïte. —
L'opuscule du D' Bardenhewer est court de pages, mais plus rempli
que maint gros volume. C'est d'une érudition du meilleur aloi et une
contribution importante à l'histoire des auteurs ecclésiastiques et
à l'interprétation de la sainte Écriture. Il nous fait connaître en même
temps des passages précieux pour le commentaire du quatrième des
grands prophètes.
— « L'introduction au Nouveau Testament, dit Aberle, n'appar-
tient pas aux parties les plus attrayantes de la théologie ; mais, dans
les temps présents, elle est devenue une des plus importantes, (p. 3.) «
— lOo -
La plupart des rationalistes battent, en effet, en brèche le Nouveau
Testament et en attaquent la crédibilité. De là, la nécessité de défendre
particulièrement la place assiégée. Le savant professeur de la faculté
de théologie catholique de Tubingue, le D"" Aberle, a consacré exclusi-
vement les dix dernières années de sa vie à Texégèse et à la défense
de ces intérêts sacrés. Pendant un professorat d'un quart de siècle, il a
publié de nombreux et remarquables travaux sur la sainte Écriture
dans le Tûbhujcr Quarlalschrift, mais il est mort sans avoir publié de
travail d'ensemble. Il avait désigné à l'avance pour éditer son Intro-
duction au Nouveau Testament, celui qui est devenu son successeur à
l'université de Tubingue, le D' Schanz. Quoique les manuscrits du
maître fussent très-incomplets, son élève s'est chargé de les publier. Il
a touché au texte le moins possible, mais il l'a enrichi de nombreuses
et précieuses notes.
Le D"" Aberle suit, dans son Introduction, la méthode historique. Con-
vaincu que le lecteur des livres saints n'en pourra bien pénétrer le
sens et approfondir la doctrine qu'autant qu'il connaîtra exactement
l'histoire de leur origine, l'auteur s'efforce d'étudier cette origine d'une
manière complète. C'est surtout au point de vue polémique et apolo-
gétique qu'il est utile de suivre cette méthode. Cependant comme la
méthode ordinaire qui étudie successivement les livres saints selon
l'ordre qu'ils occupent dans nos éditions du Nouveau Testament
a aussi son utilité, Aberle a essayé de réunir les avantages des deux
procédés en les combinant ensemble dans la mesure du possible. C'est
ainsi qu'il étudie successivement les écrits de saint Mathieu, ceux de
saint Marc, ceux de saint Luc, en groupant ensemble le troisième Evan-
gile et les Actes, ceux de saint Jean, en examinant en quatre chapitres
leur caractère général, le quatrième Évangile^ ses trois Epîtres et l'Apo-
caljpse; ceux de saint Paul, en mettant, dans le récit delà vie de l'A-
pôtre, les Epîtres à leur place chronologique ; ceux de saint Jacques, do
saint Jude et enfin de saint Pierre. La marche suivie par l'auteur est
excellente. En plaçant les écrits inspirés dans leur véritable cadre, Tin-
telligence en devient plus aisée ; beaucoup d'obscurités s'évanouissent
et nombre d'objections tombent d'elles-mêmes. Il n'existe pas d'Intro-
duction spéciale au Nouveau Testament composée en français par un
catholique; ce genre de travaux est rare, même en Allemagne, parmi
les théologiens nos coreligionnaires. C'est là ce qui ajoute un nouveau
prix, s'il est possible, au travail d'Aberle, publié et complété par le
D'' Schanz, travail qui résume tout ce qui a paru de meilleur et de
plus solide depuis longues années sur ces questions vitales pour le
christianisme. Nous ne pouvons entrer dans l'examen détaillé des opi-
nions de l'autaur. Signalons seulement son explication du chiffre 666
dans l'Apocalypse : il l'applique à l'empereur Trajan (p. 137-138).
— 106 —
— C'est un livre de piété et d'édification qu'a publié Msr Pichenot,
archevêque de Chambérj, sur les Paraboles évangéliques. Rien ne
montre mieux que les homélies du pieux prélat quel fonds inépuisable
renferme la parole de Dieu. Où peut-on trouver des sujets plus inté-
ressants, plus féconds et plus utiles ? L'ouvrage de Mg«" Pichenot
contient cinquante-trois instructions sur les diverses paraboles de l'É-
vangile, plus douze instructions sur la parabole si touchante et si
instructive de l'Enfant prodigue que Téminent prédicateur intitule
ingénieusement : l'Enfant prodigue ou un petit Carême dans une
parabole.
Les homélies recueillies dans ce volume ont été prêchées à Sens, soit
au collège, soit à l'église Saint-Pierre et à la cathédrale dont l'arche-
vêque de Chambéry a été successivement aumônier et curé. Elles s'a-
dressent en même temps aux fidèles, qui y trouvent des enseignements
solides et des exhortations précieuses, et aux prêtres qui pourront y
apprendre comment il faut présenter la parole de Dieu pour la faire
pénétrer dans les âmes et lui faire porter des fruits de salut. Chacune
de ces homélies est courte^ simple, facile à suivre et semée des plus
salutaires réflexions. Elles peuvent servir de sujet de méditation aussi
bien que de lecture pieuse, et, tout en faisant admirer nos saints
Evangiles elles font du bien à l'àme ; elles portent à mieux servir Dieu
et à aimer davantage Notre-Seigneur Jésus-Christ.
— L'Evangile de saint Jean, parce qu'il est celui des quatre qui
embarrasse le plus les ennemis de la religion, est, à l'heure présente,
le plus attaqué de tous. Le D"" Willibald Beyschlag, l'un des rédacteurs
du Hamlwbrlerbuch des biblischen Alterthums far gebildete Bibelleser,
dont nous avons eu déjà occasion de parler, a répondu aux objections
soulevées contre le quatrième Évangile dans les Theoloçjisclie Studlcn
und Kriliken. Sa réfutation est solide et décisive. Elle méritait d'être
publiée en volume. L'auteur Ta donc fait réimprimer avec quelques
additions. Il ne laisse rien debout de tout ce qu'ont accumulé de
sophismes et d'arguties tous les rationalistes de son pays. Il les suit
pas à pas et lutte corps à corps avec eux. Il s'en prend surtout à
Baur, Strauss, MM. Keim et Scholten. Son travail est divisé en deux
parties. Dans la première, il s'élève contre le procès de tendance que
l'école critique de Tubingue fait à saint Jean et montre que les prin-
cipes de cette école sont faux et inadmissibles. Dans la seconde, il
répond en détail aux difficultés qu'on rencontre ou qu'on prétend
rencontrer dans la quatrième Évangile. Nous ne pouvons faire ici un
résumé, qui serait forcément trop long, des réponses de l'auteur ; il faut
aller les chercher dans le livre lui même. Nous ne pouvons qu'indiquer
le fond même de sa réfutation. D'après l'école de Tubingue, l'Évan-
gile dit de saint Jean n'est en réalité qu'un roman historique ou une
— 107 —
fiction poétique, le Logosroman. ou roman du Logos, du Verbe. Son
but est, non d'exposer des faits, mais de développer des théories spé-
culatives sur ridée du Verbe : théories dont le germe ou le noyau se
trouve contenu dans les premières lignes du premier chapitre. S'il
fallait en croire Baur, l'auteur d i quatrième Evangile n'aurait donc
pas voulu écrire une histoire, mais habiller ses idées et les revêtir de
faits fictifs. M. Bejschlag montre parfaitement que cette manière a
priori d'envisager l'œuvre de saint Jean est tout à fait l'opposé de la
vérité : l'Évangile tout entier, observe-t-il avec raison, fait reposer le
christianisme, non sur des idées, mais sur des faits, sur la vie de
Notre-Seigneur, il se donne comme une histoire, non comme une
spéculation. Il impose les dogmes à notre foi, non pas parce que notre
raison doit les accepter, mais parce qu'ils ont été promulgués par la
bouche de Jésus-Christ. Ses paroles elles-mêmes nous sont données,
pour ainsi dire, comme des faits. Et, comme le disait saint Paul en
parlant de la résurrection de Notre-Seigneur, si les faits évangéliques
ne sont point vrais, notre foi est vaine, il n'y a pas de christianisme.
— M. Salvador publia, en 1822, un livre intitulé la Laide Mo'isc, dont
il donna une seconde édition en 1828, sous le titre d'Histoire des Insti-
tutions de iMolse et du, penple hébreu. La troisième édition, que nous
avons sc^us les yeux, porte le même titre et est datée de 1862. Le
chapitre m du IV livre du tome I" est intitulé Junemcnt et Condamna-
tion de Jésus, et a pour objet d'établir que la condamnation de Jésus
fut légale. Notons, en passant, que M. Salvador distingue, parmi les
soldats qui exécutèrent les ordres de Pilate, les Gaulois (p. 392). Ce
chapitre qui tient dix pages dans la troisième édition, existait comme
note dans la première édition de 1822. L'opinion de l'auteur excita,
on le conçoit sans peine, un grand scandale. M. Dupin aîné publia, en
1828, une série d'articles, dont la réunion forma l'écrit intitulé : Jésus
devant Caiphe et Pilate ou réfutation d'un chapitre de M. Salvador. La
réfutation de M. Dupin est lumineuse et forte, mais il ne révise le
procès de Jésus qu'à grands traits et d'une manière rapide, sans
entrer dans tous les incidents du procès. Deux Israélites convertis et
devenus prêtres catholiques, MM. les abbés Lémann, ont voulu re-
prendre le procès de Jésus et le réviser dans tous ses détails. De plus,
non contents d'approfondir ainsi la question et d'examiner la valeur
des actes du Sanhédrin qui condamna Jésus-Christ, ils ont entrepris une
œuvre qui n'avait jamais encore été tentée par aucun écrivain, juger la
valeur des personnes qui composaient le tribunal. De là, les deux par-
ties de l'opuscule Valeur de l'assemblée r/ui prononça la peine de mort
contre Jésus-Christ. C'est d'abord la valeur des personnes qu'ont exa-
îninée les savants auteurs. Ils commencent par nous faire j^connaître
ce qu'était le Sanhédrin et quelle était sa constitution. Ils nousdonnent.
— 108 —
sur ce sujet, des notions claires, précises et justes qui ne sont pas
généralement bien connues. Après avoir déterminé ensuite quels
étaient les pouvoirs du tribunal suprême des Juifs, à l'époque de
Notre- Seigneur, ils recherchent quels étaient les membres qui le
composaient à cette même époque, à l'aide des données éparses dans
l'Evangile, dans l'historien Joséphe et dans le Talmud, et en indiquant
exactement leurs sources. Cette partie de leur travail peut, à bon
droit, être appelée originale, puisqu'elle n'avait jamais été faite
jusqu'ici, et elle est du plus grand prix. Ils ont retrouvé les noms et
en partie l'histoire de dix-huit membres de la Chambre des prêtres,
de quatorze de la Chambre des scribes et de dix de la Chambre des
anciens, par conséquent de plus de la moitié des soixante et onze
membres du Sanhédrin. Les renseignements recueillis sur la plupart
d'entre eux nous donnent une idée fâcheuse de leur moralité. Leur
caractère nous explique donc en quelque sorte à l'avance l'iniquité
et l'illégalité de leur jugement. L'étude du procès de Jésus, révisé
d'après la loi hébraïque, y révèle vingt-sept irrégularités, toutes
graves. Quelle réfutation de M. Salvador ! Les auteurs annoncent une
suite à leur travail. Il aura pour titre : le Sanhédrin avec le peuple
juif devant Pilate. Puissent-ils nous donner beaucoup de productions
semblables !
— Chose rare ! Nous pouvons annoncer aujourd'hui deux publica-
tions françaises à la fois, en forme de dictionnaire, sur la Bible : le
Bictionnuire. de la Bible ou explication de tous les noms propres h isloriques
et géographiques de l'Ancien et du, Nouveau Testament, par M. Spol, et le
Dictionnaire topographique abrégé de la Terre-Sainte, par M. de Saulcy.
Le titre de ces deux ouvrages nous indique ce qu'ils ont de commun
et de différent. Le dictionnaire de M. Spol est tout à la fois historique
et géographique, celui de M. de Saulcy est exclusivement géogra-
phique. Le premier est très-substantiel et donne, sous une forme très-
concise, un grand nombre de renseignements précieux. Il s'étend
surtout sur les noms peu connus ou omis dans les dictionnaires anté-
rieurs. Les mots sont classés d'après l'orthographe que la langue fran-
çaise a tirée de la Vulgate. C'est avec raison, parce que cette ortho-
graphe est de beaucoup la plus connue. M. de Saulcy a fait de même,
mais il a fait aussi entrer dans sa nomenclature la forme hébraïque
des noms de lieux, en renvoyant pour le développement géographique
à la forme vulgaire. M. de Saulcy fait suivre la forme vulgaire du
nom hébreu, imprimé en caractères hébreux. M. Spol fait suivre aussi
le nom ordinaire du nom hébreu, mais transcrit en caractères latins.
Cette transcription pouvait se faire sans inconvénient. Elle est même
avantageuse pour la masse des lecteurs, qui ignorent l'hébreu; il eut
été à désirer néanmoins que la méthode de transcription fût plus
— 10!) —
constanie et plus uniforme. Ainsi la lettre hébraïque iod est transcrite
dans la seule page 120 sous trois formes diiïérentes y, i, j. La trans-
cription y ou i, est admissible, pourvu qu'elle soit uniforme, mais la
transcription y, acceptable en allemand, ne l'est pas en français. A la
forme hébraïque, M. Spol joint la forme grecque des Septante, en carac-
tères grecs. Il indique de plus^ avec exactitude, les passages de la Bible
où se lisent les noms propres dont il rend compte. M. de Saulcy
donne aussi les références, mais d'une façon moins méthodique. En
général, la manière dont celui-ci a rédigé son dictionnaire est moins
uniforme et moins méthodique que celle de M. Spol, — comparer par
exemple, Tarticle Jourdain dans les deux dictionnaires, — mais le savant
membre de l'Institut, qui a fait plusieurs voyages en Palestine, donne
souvent, de visu, des détails intéressants qui ne se trouvent pas dans
M. Spol et ne doivent pas d'ailleurs s'y trouver, étant exclus par son plan.
M. de Saulcy, dans un court avant-propos, raconte que c'est en explo-
rant la Palestine que lui est venue la première fois l'idée de rédiger
un petit répertoire portacif de toutes les localités de la Terre-Sainte,
mentionnées dans la Bible. L'origine même du livre montre quelle en
est l'utilité pratique. On ne saurait trop recommander les dictionnaires
de ce genre à tous ceux qui, sans se rendre en Palestine, y vivent néan-
moins en esprit, dans la lecture delà Bible. Ceux qui en feront usage ne
tarderont pas à en reconnaître l'utilité et en retireront de grands avan-
tages pour l'intelligence de l'histoire sacrée. Terminons en demandant
à M. Spol, pour une prochaine édition, l'addition des noms propres qui
ne se trouvent que dans les Septante, comme Dabéron, Josué, xix, 20;
de ceux qui ont été traduits par des noms communs dans la Vulgate,
mais qui n'en sont pas moins connus, comme Moreh, bocage, Gen., xir,
6, et Moreh, colline, Jud. , xii, 7 ; Akrabbim, Num. , xxxiv, 4, omis aussi
par M. de Saulcy, etc. Le mot Sephela(I Macch., xii, 38) est omis par
M. Spol. Il est traité incomplètement par M. de Saulcy. Le lecteur, en
lisant ce dernier, ne se doutera point que Séphéla est le nom de la plaine
qu'habitaient les Philistins. M. de Saulcy a signalé exactement au mot
Gezer l'identification de cette ville avec Tell-Djezer, identification
constatée, il y a six ou sept ans, par M. Clermont-Ganneau. M, Spol
n'en parle pas. M. Spol, à l'article Sennachérib, dit très-justement
qu'il était fils de Sargon. Pourquoi, à l'article Sargon, lisons-nous :
« Certains commentateurs prétendent que Sargon n'est autre que
Salmanasar; d'autres disent Sennachérib ou Assarhadon; d'après la
version la plus commune, Sargon serait le père de Sennachérib? »
Il est tout à fait certain que Sargon fut le successeur de Salmanasar,
et qu'il fut le père de Sennachérib et le grand-père d'Assarhaddon.
Pourquoi encore, M. Spol, qui dit à bon droit, à l'article de Senna-
chérib, que Sennachérib était le fils de Sargon, dit-il, à l'article Sal-
— 110 —
manasar, que ce même Sennachérib était fils de Salmanasar? Il est
vrai qu'il s'appuie sur Tobie, i, 18; mais, dans ce passage, Salmanasar
est une faute de copiste pour Sargon. Une confusion du même genre
se remarque encore à Tarticle Thartan, où Sargon est confondu avec
Sennachérib et où Thartan est donné comme un nom propre, tandis
que ce n'est qu'un titre signifiant généralissime. A part ces inexacti-
tudes, qui concernent l'histoire d'un peuple étranger et dont la pre-
mière responsabilité remonte aux anciens commentateurs ou aux
sources consultées par l'auteur, le dictionnaire de M. Spol est d'une
grande sûreté de renseignements. Ceux qui savent combien il est diffi-
cile, dans un travail aussi long et aussi compliqué que la rédaction
d'un livre comprenant de trois à quatre mille articles, d'éviter toute
erreur, excuseront facilement le si petit nombre de celles qui sont
échappées à l'auteur. Le devoir du critique, c'est de les signaler, mais
c'est aussi son devoir de répéter que, malgré ces quelques taches, le
dictionnaire de M. Spol peut rendre les plus grands services pour la
lecture courante de le Bible et l'intelligence de tous les auteurs chré-
tiens qui se sont inspirés de la Bible. C. J.
POÉSIE.
Le Presbytère de Plouarzel, histoire bretonne, par M"' C.-E. Plussan. Paris, Pion, 1877.
2 vol. gr. in-8. de 4'i'2 et4G6p. ornés d'eaux-fortes. Prix : 15 fr. — Un Mariage sous
la Terreur, récit par Gh. Yrtal. Paris, Libr. des bibliophiles, 1877, in-12 de 273 p.
Prix : 3 fr. — Une martyre, poënie, par l'abbé Buis. Paris, Olmer, 1878, in-8 de
177 p. Prix : 2 fr. — Le Hiége de Caderousse, poëme languedocien de l'abbé Fabre,
traduit en vers français, par Placide Gappead ; Le Château de Roquemaure, poëme
en 20 chants, par le même. Paris, inip. de Jouaust, 1876. 2 vol. in-12 de 400 et
de 490 p. Prix : 10 fr. — Quatre ballades suivies de notes, par ?. Ristelhulber-
Genève, Bàle et Lyon, Georg, 1870, in-8 de 44 p — A Tavers bois, prés et
sillons, scènes et esquisses cyngctiques, par Yger, ayec douze dessins, par Ed. Belle-
croix. Paris, Didot, 1877, in-12 de 375 p. Prix : 3 fr. 50. — Notre-Dame de
Lourdes, par M. l'abbé Cha.mbaud. Tours. Catier, 1877, in-32 de 234 p. Prix : 3 fr.
— Pie IX, ses gloires, ses épreuves, ses trois jubilés, poëmes par l'abbé Hovine. Lille,
J. Lefort, in-8 de 243 p. orné d'une gravure. 2 fr. — Roma, poésies catholiques,
par Victor Chrétien. Paris, Palmé, 1877, in-12 de 29p. 2 fr. — Poésies ine'dites du
comte Lafond. Paris, Bray & Retaux, 1876, in-8 de 278 p Prix : 5 fr. — Les deux
frères martyrs, ou les Enfan/s nantais, drame-inystère en 5 actes et 7 tableaux, par
un frère des écoles chrétiennes. Paris, Ûudin, 1877, in-12 de 92 p. Prix : 2 fr. 50.
— Nouvelles poésies chrétiennes, par Francis Goulin. Paris, Haton, 1877, in-12 dé
194 p. Prix : 2 fr. Les Fleurs de Bretagne, par Ed. Frain. Rennes, Plichon,
1877, in-12, de 148 p. Prix : 3 fr. Au fil de l'eau, par Albert Mérat. Paris,
Lemerre, 1877, in-12 de 108 p. Prix :3 fr. — Les anciens jours, par H. de BLAZAC.PariSj
Jouaust, 1876, in-8 de 191 p. Prix : 2 fr. 50. — Les Chants de la montagne, par
Ed. Sghuré. Paris, Sandoz, 1877, in-8, de 277 p. 5 fr. — Poëmes dramatiques, par A.
Mauroy. Paris, Jouaust, 1877, in-12 de 60 p. Prix : 2 fr. 50. — Premiers vers, par
Henry de Fleijrigny. Paris. Jouaust, 1876, in-8 de 60 p. Prix : 2 fr. — Les Primevères,
par P. Marmottan. Paris, Sandoz, in-18 de 150 p. Prix : 2 fr. — La Fanfare du cœur,
par L. Solvay. Paris, Jouaust, 1877, in-12 de 84 p. Prix : 2 fr. 50. — JUyrtes et
Cyprès. Paris, Jouaust, 1877, in-12, de 190 p. Prix : 2 fr. 50. — Printemps et Neige,
par L. Beor. Paris, Chéesé, 1877, in-12 de 118 p. Prix : 2 fr. 50. — Poésies in-
times, par A. de Larochefoucauld. Paris, Didier, 1877, in-8 de 358 p. Prix : 3 fr. 50
— Poésies contemporaines, par Desvr Ravon. Paris, Jouaust, 1876, in-12 de 122 p.
Prix : 3 fr. 50. — Dieu et Patrie; poëmes militaires, par Marc Bonnefoy. Paria,
— 111 —
Jouaust, 1876, in-12 de 134 p. Prix : 3 fr. — fiimes de C(tpe et cl'epée, par Ûuier
d'Ivry. Paris, Jouaust, 1876, in-12 de 228 p. Prix : 3 fr, — Les Vallonnaises, par
E. ViLLARD, Paris, Douniol, 1876, in-12 de 175 p. Prix : 1 fr, 5'J. — Ai-je des ailes?
par Anxa Roberjot. Paris. Féchoz, 1876. in-12 de lO'i p. Prix : 2 fr. — Antiques
et a ode mes. par Germaln Picard. Paris, Jouaust. 1877, in-12 de 72 p. Prix : 1 fr.50
— Sœur Marthe, par le MÉMt;. Paris, Jouaust, 1876, in-12 de 31 p. Prix : 1 fr. — Cent
fables noufelles, composées par un grand-père, par A. F. Théry. Amiens, Deiattre-
Lenoël; Paris, Hachette, 1877, ia-18 de 126 p. Prix : 1 fr. 80.— Le Livre d'un père,
par V. DE Laprade. Nouvelle édition. Paris, Hetzel, 1877, gr. in-18 de 247 p.
Prix : 3 fr.
Il faut l'avouer, il est plus agréable de faire des vers que d'en lire,
à moins qu'ils ne soient tracés par une de ces plumes comme on n'en
compte pas beaucoup par siècle. Voilà ce qui explique que de nom-
breux volumes rimes continuent de paraître et qu'en les parcourant
le critique puisse se répéter un vieux quatrain de Gombauld :
Chacun s'en veut mesler, et, pour moy, je m'estonne
De voir tant d'escrivains et si peu de lecteurs.
Je ne sçay quel espoir a bercé mille auteurs
Tel pense escrire à tous, qui n'escrit à personne.
L'année qui vient de s'écouler et la fin de celle qui Ta précédée
n'ont pas été moins fécondes en rimes que des temps plus reposés.
On ne peut donc répéter la phrase tant redite : la poésie est morte.
Les poètes du moins ne sont pas morts, et peut-être en aura-t-on trop
de preuves tout à l'heure. Il faut convenir, du reste, que si beaucoup
de vers fussent, avantageusement pour tout le monde, restés dans les
portefeuilles d'auteurs au cœur trop paternel, quelques grandes
œuvres ont paru en 1877. On a déjà parlé, dans cette revue, de la
Légende des siècles, et de l'Art d'être grand-pere. Armelle de M. du
Clézieux a aussi été l'objet d'un article spécial et enfin dans l'examen
que nous allons commencer, nous aurons à signaler quelques volumes
dignes d'être mis en évidence.
De ce nombre, nous paraît l'œuvre d'une femme, M"* Puissan.
Grâce aux traditions classiques, pendant longtemps en France la
poésie épique — nous prenons cet adjectif dans sa réelle acception
et non dans le sens trop élevé qu'on lui accorde souvent, — la poésie
narrative, si on l'aime mieux, ne fut consacrée qu'à de grands hommes
ou de grands événements. Nous n'avions pas de poëraes dans le genre
d'Hermann et Dorothée, par exemple, pas de poèmes racontant des épi-
sodes intimes et mettant en scène des personnages d'une humble condi-
tion. Jocelijn, autant que je me le rappelle, fut chez nous la première
grande œuvre de ce genre, et nous avons contracté si bien l'habitude
des vers pompeux que nous avons de la peine à nous faire aux fami-
liarités de l'existence réelle. Malgré les difficultés qu'oifre le genre
épique appliqué aux peintures et aux accidents de la vie de chaque
jour, malgré la facilité trop grande avec laquelle nos vers tombent
dans la trivialité en voulant éviter l'enflure et les périphrases^ fré-
— 112 —
quemment aujourd'hui on tente d'employer la poésie à des récits
familiers. Le Presbxjtèrc de Pouarzel est une oeuvre de cette nature.
Deux dates inscrites à la fin du livre : 1860, 1877, nous appren-
nent que M"^^ Puissan a mis à la composition de son poëme un
peu plus du temps que Tacite considérait comme un long espace de
la vie humaine, et il n'y a pas trop à s'étonner de cette persévérante
assiduité, quand on songe que le Presbytère de Plouarzel contient
pour le moins vingt-trois mille vers, vingt-trois mille vers bien faits,
bien rimes en général, et qui ont dû nécessiter de fréquentes re-
touches.
Le défaut de cette œuvre de longue haleine, nous le dirons fran-
chement, estFabsence d'un plan nettement arrêté. Le poëme débute
par de touchantes plaintes d'une jeune fille attendant, au bord de la
mer, le retour de son fiancé, et l'on ne sait quel est ce fiancé, et l'on
n'assiste à son retour qu'à la fin du second volume, qu'après avoir lu
environ 800 pages où l'on voit se succéder et se mêler et l'histoire
de Reine, jeune Russe qui épouse sans amour Pol, le neveu du curé
de Plouarzel, et celle du curé de Plouarzel, et celle de Kerdic, et
celle de sa fille Germaine, et celle de Mas et celle de bien d'autres
personnages encore, et des traditions, et deslégendes, et des tableaux
de vieux usages, et des chapitres empruntés à Thistoire même, pre-
nant la Bretagne à l'époque de César, et nous menant par de brillants
hors-d'œuvre 'jusqu'à l'île Sainte-Hélène et à son grand prisonnier.
11 semble que M""^ Puissan ait voulu donner un cadre à tous ces
intéressants et poétiques souvenirs; mais la conception principale
manque de clarté, de netteté; l'intérêt s'éparpille sur trop de per-
sonnages; il n'y a pas unité d'action, on ne sait à qui accorder ses
sympathies parmi toutes ces jeunes filles et tous ces jeunes gens.
Enfin au début de l'œuvre, il faut avoir une attention soutenue, il
faut relire les mêmes pages — et l'on ne s'en plaint pas trop parce
que les vers son beaux — pour tâcher de saisir le fil du récit et le
renouer quand il se rompt — ce qui arrive souvent. Or, c'est dans
une narration en vers que la clarté est sourtout chose nécessaire. Vol-
taire disait dans son épitre à l'empereur de la Chine :
Ton peuple est-il soumis à cette loi si dure.
Qui veut que de deux vers cote à côte marchants,
L'un serve pour la rime et l'autre pour le sens,
Si bien que l'on pourrait, en bravant cet usage,
Supprimer sans regrets la moitié d'un ouvrage ?
Il y a un peu de vérité dans cette plaisanterie, les vers forcément
délayent l'idée et donnent au récit une certaine obscurité qu'il faut
tâcher de détruire ou de diminuer par la netteté du plan.
Si maintenant nous abordons les détails, nous n'avons guère que
- 113 —
des éloges à donner au poëte; il manie bien le vers épique, si difficile
dans notre langue. Si nous descendions à un examen minutieux, nous
n'aurions à indiquer qu'un bien petit nombre de rimes insuffisantes,
nous n'aurions à blâmer qu'un rare emploi de mots un peu déplacés
en poésie, tel que le mot laideron qui dépare un alexandrin de la page 25
du premier volume ; nous n'aurions enfin à nous choquer que de quel-
ques périphrases contrastant avec le ton ordinaii-ement simple du
récit, /e.^ filles d'Arachnée, l'art d'Hippocralc, l'arl dp GalUeii. Il faut
prendre la loupe du critique pour voir ces petits et inévitables défauts;
ils n'empêcheront pas de lire avec plaisir les épisodes si nombreux, si
variés que M™*^ Puissan a enchâssés dans son o:>uvre. Il y a dans ces
épisodes bien des pages qui suffisent certaineraentpour assigner à leur
auteur une belle place parmi nos poètes contemporains. Nous vou-
drions donner un spécimen de ce talent très-réel, mais nous serions
trop embarrassé dans notre choix. Le ton varie suivant les sujets, le
style d''une page n'est plus celui de l'autre, et il faudrait pouvoir
donner des échantillons de tous ces genres diff'érents, de ces belles
descriptions du printemps, de l'automne, de ces légendes chevale-
resques, de ces pages inspirées par l'histoire, et aussi de toutes ces
études de sentiments, dont diverses situations romanesques fournis-
sent le motif au poëte..
Le Presbytère de Plouarzcl a été publié avec un grand luxe ; impres-
sion, papier, gravures le recommandent aux bibliophiles, autant que
de beaux vers et de généreux sentiments le recommandent à la classe
moins nombreuse, hélas! des sincères amis de la poésie.
— Le livre de M. Yrtal est encore un poëme ou plutôt un roman
poëme. Dès qu'il s'agit d'un Mariage soas la Terreur, il doit être ques-
tion de l'union d'une aristocrate et d'un républicain. C'est là une situa-
tion déjà bien des fois exploitée et assez récemment dans un drame joué
aux Français, Jean d'Ascier; mais le livre de M. Yrtal a la priorité sur
cette pièce autour de laquelle on a voulu faire un certain bruit. M"" de
Saint-Bris épouse Jean Lenoir, fils d'un notaire, son ami d'enfance,
du reste, pour sauver son père. Le malheureux vieillard meurt peu
après cette mésalliance, tandis que Jean Lenoir va combattre à la
frontière. M'^" de Saint Bris, réduite à la misère, est recueillie par
M"® de Grandchamp, dont le portrait est bien esquissé et qui appar-
tient encore quelque peu par la facilité de ses principes à la triste
époque de la régence. Son fils, qui a de grandes qualités, n'est que
trop digne de sa mère par certains côtés. Il devient amoureux de
Louise qui, croyant être certaine de la mort de Jean Lenoir, se décide
à épouser le marquis. Jean Lenoir lui-même arrive au moment où le
mariage va être célébré. Croyant que sa femme — car il me semble
que Louise Tétait parfaitement devant Dieu, puisque, page 76, un vieux
Février 1878. T.- XXII, 8
— 1 1 i —
prêtre a béni son union — croyant donc que Louise aime le marquis de
Grandchamp, le fils du notaire n'hésite pas à se sacrifier et s'éloigne.
Après ce départ qu'accompagnent divers épisodes, le poëte nous fait
assister à un duel bien conté : un mari outragé tue dans ce combat
l'amant de sa femme qui n'est autre qie M. de Grandchamp ; Louise,
restée veuve, et cette fois tout de bon, finit par épouser ou répouser
Jean Lenoir, que l'empereur a fait général et marquis de Saint-Bris.
Il y a de l'intérêt dans ce roman. Il est bien entendu, quoique nous
ne l'ayons pas dit, que Jean Lenoir a pour sa femme un profond amou p
et, comme
Amor a nullo amato amar perdona
il y a chez Louise quelque réciprocité d'un sentiment qu'elle ne veut
pas s'avouer d'abord. Nos vers, nous le disions tout à l'heure, sont
difficilement maniables, dans le genre épique; ils vont aisément d'une
pompe traditionnelle à une familiarité qui touche à la prose. M. Yrtal
n'a pas su toujours éviter ce mélange de tons disparates. On pourrait
aussi lui reprocher des phrases écrites trop vite, quelques rimes mau-
vaises, telles par exemple qu'oreilles et nouvelles (p. 57). Il ne faut pas
oublier après tout qu'f/^n mariage sous la Terreur est plutôt un roman
qu'un poëme. Les caractères y sont du reste bien tracés, mais la Bre-
tagne et la Vendée offraient d'autres types que des personnages tels
que la marquise de Grandchamp et son fils. Il serait bientôt temps de
renoncer à douer le roturier de toutes les vertus et le gentilhomme
de tous les vices. Cette antithèse devient un peu vieille. Le bon Ber-
quin la mettait déjà en œuvre dans les petits drames enfantins qu'il
écrivait avant la Révolution. Qu'on ne croie pas, d'après cette obser-
vation, que M. Yrtal soit un apologiste d'une sanglante époque; il a,
pour la maudire, d'énergiques paroles, et son marquis de Saint-Bris,
le père de l'héroïne, est peint très -favorablement. Si M. de Grand-
champ ne vaut pas mieux, c'est que, sans doute, c'était nécessaire à
l'ordonnance du roman, et j'arrive un peu là comme cet ambassadeur
d'Espagne qui, s'opposant à la représentation d'une tragédie sur Don
Carlos, s'écriait : mais pourquoi le poëte a-t-il été prendre ce sujet-là?
— Une martyre, de M. l'abbé Buis, noustransporte encore à l'époque
révolutionnaire; mais M. Buis n'a pas pris une héroïne imaginaire.
La martyre, c'est la reine. On sent, à la lecture de ce poëme, qui n'a
pas moins de quatorze chants, assez courts, du reste, que Marie-Antoi-
nette a inspiré à l'auteur une vive admiration et une profonde pitié.
Quand on est ému, on émeut. Si vis me flere... il y a des passages tou-
chants dans cette œuvre ; mais, si M. Buis avait eu près de lui cet ami
sincère dont Horace a parlé, cet ami aurait pu lui donner quelques
bons avis. Peut-être lui eût-il démontré toutes les difficultés qu'il y a
— llo —
à traiter un sujet moderne où les souvenirs d'une histoire récente
viennent à chaque instant empêcher le lecteur d'admettre les fictions
du poëte. Un Italien d'un beau talent et d'un vilain caractère, Monti,
a. il est vrai, raconté, dans la Basvilliana, de sanglants épisodes de la
Révolution; il a eu, notamment pour la mort de Louis XVI, des vers
et des conceptions dantesques ; mais le monde merveilleux des âmes où le
poëte se transportait lui donnait des libertés qu'il n'aurait pu avoir en
restant dans le monde réel, et il n'avait pas à craindre de se voir contre-
dire par l'histoire. Le censeur recommandé par Horace, une fois le sujet
admis, aurait sans doute engagé M. Buis a remanier bon nombre de pas-
sages : il lui aurait indiqué bien des pages d'un stjle traînant, des rimes
défectueuses, telles qu'épêe et portée, des vers faux comme celui-ci :
Le dévouement pieux que laissa voir l'ouvrière.
— Puisque nous avons commencé par parler de la poésie épique, ou
— si de vieilles habitudes donnent à ce mot une acception trop gran-
diose — de la poésie narrative, ouvrons les deux gros volumes de
M. Placide Cappeau, quelle que soit la différence de ton qu'ils offrent avec
les livres précédents. L'un de ces deux gros volumes contient le texte
et la traduction d'un poëme languedocien de l'abbé Favre, le Siège de
Caderousse. Ce poëme, dans lequel est traité d'une façon comique un
épisode de l'histoire du Comtat, appartient à ce qu'on pourrait appe-
ler la poésie populaire lettrée. Favre, qui vivait au siècle dernier, se
place à côté de Ranchcr, l'auteur niçois de la Nemaida^ de Brondex qui
a écrit, en patois messin, une œuvre charmante, Chan Heuvlin. Tous
ces poètes, employant des dialectes, à moins de s'appeler Goudoulin,
Jasmin, Despourrins, Roumanille, Mistral, n'ont pas vu leur réputa-
tion franchir les limites de leurs provinces. On doit remercier M. Cap-
peau de nous avoir mis à même de comprendre le poëme assez ori-
ginal de Favre. 11 l'a bien traduit, dans le même rhythme; mais, il faut
l'avouer, souvent ce qui est joli dans le dialecte languedocien devient
vulgaire en passant dans nos petits vers français de huit syllabes,
qui tombent si aisément dans la prosaïsme et ne conviennent guère qu'à
des œuvres de dimensions restreintes. Ces vers sont encore ceux que
nous retrouvons dans le second volume de M. Cappeau, où cette fois le
poëte a voulu voler de ses propres ailes. Le Château de Rociuemaure,
qui ne compte pas moins de vingt chants^ a pour sujet un chapitre
de l'histoire de la Provence. M. Cappeau a lu souvent certain poëme
fort en vogue au siècle dernier ; cela se reconnaît à sa manière et donne
à son œuvre quelque chose d'un peu vieillot : on se fatigue de toutes ces
petites lignes qui n'ont fréquemment de la poésie que la rime et la me-
sure. M. Cappeau a aussi pris à ses modèles des préjugés, des incrédu-
lités et des impiétés que, non content d'avoir mis en vers, il s'estcomplu
à délayer dans de longues notes finales. M. Cappeau nous assure pour-
— Ilfi —
tant, dans sa préface, qu'il est profondément religieux ; il est vrai
qu'il ajoute que c'est à la manière de Lamennais, ce qui explique tout
de suite que, dans le même paragraphe, il attaque violemment
l'Église. Dans cette même préface, M. Cappeau nous apprend
encore qu'il n'est qu'un industriel et que, sans plan, sans étude,
il a voulu élever un monument à son pays natal. Avec quelques
études de plus, il est certain que M. Cappeau n'eût pas répété contre
la religion des attaques surannées et n'eût pas raconté qu'au temps
de Louis XIV, les plus grands talents n'étaient rien sans une estampille
de noblesse. Toutes ces ignorances, tous ces préjugés, toutes ces pré-
ventions ne nous empêcheront pas de convenir que M. Cappeau n'ait
de la facilité souvent, de la verve quelquefois. C'est dans ses poésies
provençales qu'il se montre le plus à son avantage. Ce sont de jolies
pièces, harmonieuses et pleines de sentiment, que VAna et ton Vent
(le Départ et le Retour). L'épître à Mistral et à Roumanille est spiri-
tuelle ; dans Ion Rei de la favo (le Roi de la féve'l, où les pauvres rois
sont d'ailleurs très-maltraités, il y a de l'énergie et du talent. J'aime
moins Ion Papaioun (le Papillon). Quant à la rose, il ne devrait plus
être permis d'en parler après les délicieux vers de Ronsard :
Mignonne, allons voir si la rose
Qui. ce matin, avait desclose
Sa robe empourprée au soleil
— M. Ristelhuber est un érudit; il a donné de bonnes éditions de
quelques vieux livres ; il a beaucoup lu les anciens poètes et a retenu
de son commerce avec eux une manière de dire, certaines formes de
vers qui peuvent quelquefois déconcerter les lecteurs habitués à plus
de pompe et d'harmonie. En 1875, l'Institut genevois offrit un prix à
la meilleure traduction en vers français de quatre ballades alleman-
des : Z)/"e A>rt«ic/(f (^e5 76 (/c;/5, de Schiller; Klein Roland, d'Uhland ;
Dev Gerenne Eckart. de Goethe, et le Lied der braven Mann, de Burger.
Ce sont ces quatre belles ballades dont M. Ristelhuber a réuni les
traductions dans un joli volume. Elles n'ont pas obtenu le prix proposé,
peut-être à cause de cet aspect archaïque dont nous parlions tout
à l'heure ; le vers de l'auteur a quelque chose d'un peu rude qui a
pu effaroucher des oreilles plus ou moins académiques, mais qui ne
messied pas, ce nous semble, dans des sujets empruntés au moyen
âge. Dans son Petit Roland, notamment, on remarque de bonnes
stances, rendant bien l'original et conservant comme l'empreinte
un peu abrupte de nos vieux poëmes. Des notes intéressantes ter-
minent ce livre, tiré à petit nombre.
— Pour parler comme on l'eût fait au siècle passé, Apollon
et Diane peuvent très-bien marcher de compagnie. De tout temps,
— 117 ^ .
on a vu des chasseurs cultiver ia poésie. Le beau Gaston Pliébus a
laissé de jolis vers en béarnais :
Aqueres mountines
Qae ta haiite soun
Il a laissé, de plus, tout un poëme sur la chasse. De même a fait
le seigneur de Fontaine-Guérin, Le bon Jacques du Fouilloux,
dans sa Vénerie, a donné plusieurs échantillons de sa facilité à
versifier, et n'a pas dédaigné de chanter les pastourelles du pays
de Gastine en Poitou. Très-longue serait la liste des poètes chas-
seurs; elle vient de s'augmenter du nom de M. Charles Yger,
qui, dans des vers faits faciletient — un peu trop quelquefois —
s'est plu à décrire les diverses sortes de chasses, à dépeindre les
animaux qui en sontl'objet, et à raconter avec verve divers épisodes
cynégétiques. En alexandrins, il nous donne la recette d'un pâté
de lièvre, d'une manière si claire, si nette, que tout cordon bleu
pourrait sans peine confectionner ce fameux pâté sous sa dictée.
J'ai cherché vainement, dans le livre de M, Yger, un chapitre sur
la chasse au miroir — qui n'est certe pas à dédaigner, et aussi —
allant d'une extrême à l'autre — un chapitre sur le sanglier. Voilà
deux lacunes à combler. De très-jolis dessins de M. Eugène Belle-
croix, au nombre de douze, accompagnent le texte imprimé chez
Didot. Les chasseurs lettrés aimeront à placer cet élégant volume à
côté des livres d'Eléazar Blaze.
— Il n'y a pas à chercher une transition entre A travers bois, prés
et siUo7is et un poëme sur les miracles de Lourdes. M. l'abbé Cham-
baud a, dans douze chants, raconté la merveilleuse histoire de
Bernadette, Toute intéressante qu'elle soit, elle n'offrait peut-
être pas la donnée d'un poëme, et la prose de M. Henri Lasserre
est si bonne que je ne sais si les plus beaux vers la pourraient faire
oublier. On reconnaît, du reste, que M. l'abbé Chambaud a écrit son
livre avec enthousiasme. Cet enthousiasme a même agrandi quelque-
fois ce qui frappait ses yeux. Je ne reconnais plus le petit fort de
Lourdes, sur son petit rocher, dans la sombre citadelle comparée à
un nid de vautour. D'autres descriptions sont mieux réussies, et le
poëte a bien peint sa pieuse et modeste héroïne. L'œuvre de
M. l'abbé Chambaud est précédée d'une lettre très -flatteuse de
Mgi' l'évêque d'Angoulême.
— M. l'abbé Hovine a tenté de célébrer le long et glorieux ponti-
ficat de Pie IX. Son livre commence par l'avènement du grand pape
et suit exactement la marche des événements. Toutefois l'oeuvre de
M. Hovine n'est pas épique, elle est bien plutôt lyrique. Ces événe-
ments que le poëte rappelle, il ne les raconte pas comme le ferait un
historien, mais il trouve dans chacun d'eux le motif d'une inspiration
— 118 —
qui tient de l'ode et qui s'exprime dans des rhjthmes différents
traités d'ailleurs avec habileté. L'auteur, cependant, se permet une
licence que je signalerai, sans la lui reprocher. Il n'hésite pas à faire
entrer dans son vers le nom de Pie, sans que, comme l'exigent les
règles assez absurdes de notre versification, le mot suivant commence
par une voyelle ou une h muette.
— Avec le livre de M. Hovine nous sommes arrivé à la poésie lyrique,
et en nous occupant à présent da volume très-remarquable qui porte
le titre de Roma, nous nous retrouvons encore dans le même ordre
d'idées tout à fait catholiques. M. Victor Chrétien est un poëte éner-
gique ; il rappelle souvent, par la verve, par l'emportement même de
ses pensées et aussi par un rhythme ferme, les fameux iambes de
M. A. Barbier. La pièce mixixAée Profession de foi donne, dès le début du
livre, une opinion favorable, que ne démentent pas les autres morceaux
qui composent le volume. Parmi ceux-ci, nous citerons surtout : Au roi
Galantiiomo, les Litanies et te Festin de Balthazar. Il y a dans tout ce
livre un talent réel, une fougue qui entraîne. Il y a là la promesse,
el déjà mieux que la promesse d'un vrai poëte. M. Chrétien ne s'arrê-
tera pas dans cette bonne voie, et nous espérons bien souvent avoir à
parler de lui, car il doit être jeune encore; aussi ne lui reprocherons-
nous pas quelques excès d'indignation : le temps n'atténue que trop tôt
ces exhubérances si rares dans notre siècle débile.
— Des parents ont eu la bonne pensée de recueillir les poésies iné-
dites du comte Lafond,ce grand homme de bien, ce catholique si fervent,
dont M. Veuillot fait en tête de ce recueil un beau portrait qui doit
être très-ressemblant. Pour qu'il occupât une plus grande place dans
l'histoire de la littérature contemporaine, il n'a peut-être manqué à
M. Lafond que d'en occuper une moins grande dans la société. L'ai-
guillon de la nécessité lui a manqué comme le dit son biographe. L'hu-
milité chrétienne put aussi empêcher le comte Lafont d'accorder une
grande importance à ses plaisirs littéraires. C'était cependant un vrai
dilettante en poésie, comme en beaux-arts; qu'on lise son sonnet
linquenda tellus :
Parmi tous les regrets des biens que la Mort prend,
Horace en oublie un qui n'est pas le moins grand ;
Le regret en mourant de ne plus lire Horace.
Ce sont de très-jolis vers que ceux que le comte Lafond, au début
de son livre, adresse à la Muse, et il y en a bien d'autres encore dans
son volume qu'on lira avec plaisir.
Sans doute, si M, Lafond eût publié lui-même ce volume, il y eût fait
des corrections et peut-être des suppressions, mais les mains amies
qui ont classé ces diverses pièces ne pouvaient se permettre aucun
— i\d —
changement de ce genre. La mort avait fait de ces vers des reliques
qu'il fallait respectueusement toucher. Au reste, pour dédom-
mager de quelques stances tombées trop vite d'une plume facile, il y a
bien des pensées justes et bien dites, dites vraiment en poëte; il y a
aussi de généreux sentiments qui font de ce recueil une saine lec-
ture.
— Bien que Les dm x frères martyrs soient une œuvre dramatique,ily a
certes assezde poésie dans cette œuvre pour que nous puissions et même
devions nous en occuper ici. Saint Donatien et saint Rogatien sont les
héros de ce drame-mystère qui a obtenu la première mention honorable
au Congrès des œuvres catholiques ouvrières, et qui fut représenté
par les élèves des Frères avec un succès attesté par une lettre de
Mgr Fournier, évoque de Nantes. Ce succès était très-mérité ; le mo-
deste auteur anonyme méritait mieux, selon nous, qu'une mention
honorable ; ses vers sont harmonieux, bien frappés, richement rimes,
ses dialogues bien coupés, ses caractères tracés et indiqués avec pré-
cision. Dans un passage, le poëte ne nous paraît pas avoir donné
à l'un de ses personnages le langage de la situation. Quand le gouver-
neur de Nantes apprend que son second fils vient aussi d'embrasser le
christianisme, il n'y a pas assez de stupeur dans les paroles du père
païen. Trois ou quatre mots, un cri même, eussent mieux valu que
deux vers d'un ton assez faible. Une observation toute de détail: je
crois que Rogatien, Donatien, doivent former quatre syllabes. Ce qui
frappe dans cette production dramatique, c'est une intelligence des
exigences de la scène faite pour donner à penser que l'auteur eût pu
obtenir ailleurs de plus éclatants succès. Au début de la tragédie, cela
a été une heureuse idée de faire contraster les chants de l'orgie
pa'ienne avec les cantiques des chrétiens. Plusieurs autres fois, l'auteur
a employé fort à proposla poésie lyrique qu'il sait manier avec habileté.
— Revenons à nos lyriques, et hâtons-nous, car voilà encore bien
des volumes qui attendent une mention. Les Nouvelles poésies chré-
tiennes, de M. Francis Goulin, sont pleines d'excellentes intentions que,
malheureusement, les vers ne valent pas. Il y a beaucoup de pro-
sa'isme dans ces poésies, et les sujets traités exigeaient souvent des
développements que l'auteur ne leur a pas donnés. Mais, après tout,
si quinze vers de cinq syllabes ont suffi à M. Goulin pour célébrer la
naissance de M. le comte de Chambord, et si cette petite pièce ne
rappelle en rien les belles odes de Lamartine et de Victor Hugo,
M. Goulin a, sur les deux grands poètes, l'avantage d'être resté iné-
branlable dans ses croyances — ce qui est bien quelque chose.
— Les Fleurs de Bretagne, de M. Edmond Frain, sont inspirées par
de pieuses et bonnes pensées, mais révèlent quelques inexpériences
de versification. Ainsi, le poëte n'hésite pas à faire rimer temps avec
— 120 —
san;/ (p. 1), à mettre de suite des rimes féminines d'espèces différentes
(p. 5, 41). A côté de ces négrligences, on remarque des tirades écrites
avec une certaine ampleur.
— Après le Breton, voici le Parisien. M. Albert Mérat trouve que
Le ciel le plus doux est encor
Celui qui brille sur Asnières.
Ce sont les environs de Paris qui lui fournissent ses petits tableaux,
tracés souvent avec grâce et vérité, mais qui finissent par sembler un
peu monotones. Le poète ne prend pour tâche que d'esquisser ce qu'il
a sous les yeux, les Trains du dimanche, par exemple. Plus d'une fois,
par la richesse de ses rimes, la facilité de son rhjthme, la vérité de
ses descriptions, l'originalité de ses images, M. Albert Mérat m'a fait
souvenir de Saint-Amand — pour lequel Boileau a été bien injuste.
M. Mérat me l'a rappelé non-seulement par les 6mz<ic culês, mais aussi
par les mauvais; par des comparaisons forcées, par des incorrections.
La flamme embaume le sa]jin.
M. Mérat a probablement voulu dire que le sapin embaume la Hamme.
Ce qui manque surtout dans Au fil de l'eau, c'est le sentiment, la
pensée, l'âme. M. Mérat n'a voulu faire de la plume qu'au crayon.
— Y siempre ri pasado
Fue mejor.
dit un vieux et charmant poëte, George Manrique. Ces vers mélanco-
liques auraient pu servir d'épigraphe aux Anciens jours, de M. Henri
de Blazac.Ce sont tous ses souvenirs, souvenirs du pays natal, de l'en-
fance, de la jeunesse, des voyages lointains, que le poëte se plaît à
rappeler dans des vers faits facilement, rimes richement.
Je lis Gautier, Hugo, Banville,
Le soir assis au coin du feu. . . .
écrit quelque part M. de Blazac, et on eût deviné sans qu'il nous l'ap-
prît quels sont ses autours favoris. Le premier et le dernier semblent
surtout avoir eu de l'influence sur lui. C'est à leur école qu'il a appris
à manier le rhythme. S'il respecte grandement la rime, il a moins d'é-
gards pour la césure :
La file noire des — chameaux, les cieux d'airain ...
On pourrait citer bien des vers aussi disgracieusement coupés, sans
doute par un parti pris plutôt que par négligence.
— M. Arthur Mauroy aime les sujets lugubres. En ouvrant son
volume, on trouve une eau-forte représentant une guillotine, et, dès
sa première pièce, intitulée l'Échofand, le poëte se complaît dans les
détails d'une exécution. M. Mauroy appartient à une école qui pousse
trop loin le respect de la rimé irréprochable, ce qui fait que le vers
l'est quelquefois moins. C'est ce respect de la rime qui a poussé le
poëte à qualifier l'amour de j^erors — après tout M. Hugo a bien parlé
— 1-21 —
d'un ccr chusslciix — et à dire un souvenii' drftuit. M. Mauroy pro-
digue trop les épithètes et nous semble trop hardi dans ses images,
comme lorsqu'il fait d'un nuage un gigantesque éteignoir; trop hardi
aussi avec la langue, comme lorsqu'il invente le mot prostrée. Nous
ne voyons pas pourquoi ce petit volume s'appelle Poèmes dramatiques .
— Les premiers vers de M. Henry de Fleurigny peuvent faire espérer
qu'ils ne seront pas les derniers. Il y a de la facilité et du sentiment
dans cet essai. C'est une jolie pièce que celle qui est intitulée Prome-
nade, et l'on pourrait emprunter de bons vers à diverses pages de son
volume. On pourrait y signaler aussi quelques inexpériences, de mau-
vaises rimes, telles que épées et trophées, et quelques fautes de mesure.
— Qu'est-ce que l'auteur des Primevères ?
... . C'est un rimeur nouveau.
Dont la muse au printemps de fleur en fleur voltige.
Comme un tendre oiseau,
La vérité eût voulu ici un papillon — ce qui, du reste, n'eût pas été
bien neuf — mais la rime a voulu un oiseau, et la mesure a voulu qu'il
fût tendre. La rime, cette servante maîtresse, a encore bien d'autres
fois fait faire ses volontés à M. Marmottan. L'auteur des Primevères
doit être encore très-jeune; qu'il ne se presse pas trop de produire.
— C'est encore un jeune homme évidemment que M. Solvay. La
Fanfare du cœur n'est guère qu'un recueil de poésies amoureuses qui
ne se distingue pas d'autres volumes du même genre. Le vieux
Cupidon, relégué dans les madrigaux du siècle dernier, y refait de fré-
quentes apparitions; mais, au siècle dernier, on n'eût pas dit :
0 marquise, viens-nous-en
Courir ii deux la broussaille,
— Les Chants de la montagne, de M. Edouard Schuré, auraient pu
aussi bien être appelés chants de la vallée. L'auteur débute par une
dédicace où la liberté joue un grand rôle, et dans laquelle elle est in-
vitée à rompre la chaîne séculaire .•
Que les noirs oppresseurs redoublent sans rougir.
Appartenant aussi aux idées nouvelles — vieilles comme le monde
et remontant au meurtre d'Abel. — M. Éd. Schuré rime néanmoins
quelques petites ballades moyen âge, avec pages, châtelaines, croisés.
On trouve même, dans son livre, quelques pièces écrites sous une
influence religieuse — et ce ne sont pas les plus mauvaises — telle est
la Vierge des Alpes. M. Schuré, dans les morceaux lyriques, ne manque
pas d'un certain élan ; son rhythme a de l'harmonie. M. Schuré prend
un peu trop ses aises avec la rime et la langue :
La rime est une esclave et ne doit qu'obéir.
Soit, mais pas au point, si elle est poupées, de correspondre avec fagot-
— 122 —
tées — mot peu poétique, d'ailleurs — ni au point de devenir langue
charlatane, parce qu'un vers plus haut, on \\i froide courtisane.
— M. Georges Eckoud, en publiant Myrtes et Cyprès, a voulu savoir le
nombre de fidèles que la Muse compte encore, s'assurer par lui-même
si le siècle est tout à fait indifférent à la poésie. M. Eckoud s'est-il de-
mandé s'il avait toutes les qualités voulues pour faire une telle expé-
rience ? Vraiment son livre ressemble à trop d'autres volumes pour
que le public soit fort coupable de rester insensible à son apparition .
Dans Myrtes et Cyprès, on peut remarquer les traces de nombreuses
influences. Le Chant du gondolier est un souvenir des tours de force
rhythmique des Orientales. Xaviola est une sorte de conte inspiré par
une lecture de Musset ; mais Musset n'aurait pas écrit ce drôle de vers :
Et dit l'abbé tout chose.
Il y a d'étranges expressions dans le livre de M. Eekoud; il parle
quelque part d'un couple folichon. On peut aussi signaler des rimes qui
ne riment pas : douter et baigner, par exemple; des oublis des règles
de la versification, des vers faux. Dans une ode à la France, M. Eekoud
semble ne s'être pas souvenu que le corps de Napoléon n'est plus à
Saint-Hélène et s'être figuré que Nancy a été annexé par la Prusse. —
C'est bien assez de Strasbourg et de Metz.
— M. Béor, qui a déjà publié plusieurs volumes, est l'auteur de Prin-
temps et Neige. M. Béor traite des sujets très-variés; il affectionne le
sonnet qu'il écrit souvent avec facilité. M. Béor a consacré plusieurs
petits monuments de quatorze vers à quelques-uns de nos grands
hommes et aussi à la célébration de diverses vertus. Ses inspirations
sont généreuses, et il n'est pas un de ces libres-penseurs qui, selon
l'expression de Gilbert, voudraient faire le ciel vide. Ce qu'on peut
reprocher à M. Béor, c'est quelquefois un peu de prosaïsme. En
général, ses rimes sont bonnes. Cependant, dans un sonnet où il salue
le soleil républicain, il a eu le tort de pousser l'amour de la liberté
jusqu'à vouloir faire rimer sème avec promène (p. 47).
— M. le comte Aymar de la Rochefoucauld a'publié un nombre consi-
dérable de vers, sous le titre de Poésies intimes. M. de la Rochefoucauld
fait évidemment les vers avec beaucoup de facilité, avec une facilité
dont il devra se méfier. Il semble que la rime mène son imagination et
que le plaisir de faire retentir de sonores consonnances lui fasse
oublier la pensée. Ce n'est souvent qu'une sorte de musique de mots.
Plusieurs sonnets sont indiqués comme traduits de Pétrarque. Nous
aurions cru que, là, guidé par le maître, M. de la Rochefoucauld se
serait moins laissé entraîner par son imagination et que ses vers au-
raient offert quelque chose de plus net. Mais nous ne retrouvons rien
— 1-23 —
du poëte italien dans les quatrains et les tercets mis sous son patro-
nage. Ainsi le sonnet XLIX :
Per mirar Policleto aprova fiso
Con gli altri chi ebber faina di quel arte,
n'est certainement pas rendu, pas indiqué même, dans le sonnet:
Ses blonds ckeveux étaient tout épandus ;
Les doux zéphyrs en faisaient mille tresses.
Ses yeux, qui n'ont que des regards perdus.
Étaient alors scintillants de caresses.
— Les Poèmes contemporains étalent à leur première page une de
ces lettres hyperboliques dont M.Hugo aie privilège. M. Desjr Ravon
est un reflet du maître ; antithèses gigantesques, trivialités, rhythme
sonore, il a cherché à copier M. Hugo et n'y a quelquefois pas mal
réussi, surtout quand il a voulu imiter les étrangetés du grand poëte.
""■^ pourrait croire alors à une parodie. Le front d'une jeune femme :
Rougit exquisement comme un marbre qui saigne.
A M. . """igo lui-même, M. Ravon dit :
Vfc. se-nous largement le vin de l'idéal
Qui rosoie en ta coupe et comme un rubis luit.
M. Ravon n'eût pas mal fait de terminer son recueil par un glossaire
destiné à Texplication des mots de sa création, tels que rosoier, veule,
uliiller, etc. M. Ravon est trop révolutionnaire en tout pour s'in-
quiéter des lois de la grammaire et du goût. En politique, il aime
Danton et traite les députés de sênilcs caboches; en fait de croyance,
il est athée et espère que ses restes se confondront dans le grand tout,
que son sang servira à colorer les fruits, que ses os feront du marbre,
que ses chevaux blondiront dans Tor des moissons, — H eût manqué
à ce volume quelque chose, si on n'y eût trouvé une ode à Garibaldi,
et il eût manqué quelque chose à cette ode, si on n'y eût trouvé une
insulte à notre armée.
— M.Marc Bonnefoy, qui n'est pas resté, comme un trop grand nombre
deses confrères, à l'écart des épreuves et des douleurs de ces derniers
temps, a écritDieu et Patrie sous l'inspiration qui a valu àM.Deroulède
une si juste et si prompte renommée. Comme M. Deroulède, il a servi
sans doute la France de son épée. Ses vers ont moins d'originalité et
de verve que ceux de M. Deroulède, ils ont subi l'influence de traditions
plus classiques, mais ils expriment aussi les plus nobles pensées de
dévouement et d'abnégation. Comme son émule, il a consacré une
pièce à Jeanne d'Arc et s'est encore souvenu en beaux vers de la
bonne Lorraine, à la fin d'une épître adressée à M. Deroulède lui-
même.
— C'est à M. Deroulède que M. d'Ivry a dédié ses Rimes de cape
et d'épée. Ce titre seule indique la nature du livre. C'est aussi un
poëte soldat à qui nous avons aftaire, 11 a des inspirations patriotiques
et belliqueuses, mais le souvenir de Musset lui en a donné beaucoup
d'autres moins graves. M. d'Ivry a la verve et l'esprit gaulois. On lit
volontiers ses vers qui ont surtout la jeunesse pour muse; mais, si le
volume eût été moins gros, il eût été meilleur. M. d'ivry est-il bien
sûr que certains mot terminés en ion aient été comptés par lui à leur
mesure exacte ?
— Nous voyons d'après sa préface que M. Villard s'est reconnu
potite tardivement. Si le proverbe n'était pas si vulgaire, nous dirions
mieux vaut tard que jamais, quand on a vraiment reçu l'influence
secrète dont parle Boileau. Et M. Villard l'a reçue. 11 a la pensée, le
sentiment, le rhythme. Il a cette chose de plus en plus rare, une cer-
taine originalité. Il y a dans ses vers un mélange d'inspirations trés-
élevées et de familiarités empruntées à la vie réelle et même à la vie
rurale. Il j a là, tout à la fois, des réminiscences de Virgile et des
échos de la poésie populaire. M. Villard a donné à son livre le titre de
VaUonnaises^ du lieu même où elles sont nées, d'un coin du départe-
ment de l'Ardèche. Les paysages méridionaux ont été rendus avec
éclat par M. Villard. Comme partie matérielle, le recueil de M. Vil-
lard offre quelques points à la critique. Nous y avons remarqué cet
hémistiche impossible :
Il s'élanco sur le — pavé cabriolant.
Et cet autre :
se tenant par la main,
Ils suivirent pares — seusement le chemin.
M. Villard est content de ce vers; nous le voyons par une note, et
trouve que l'irrégularité de la césure donne au rhythme une allure
conforme à celle qu'on a voulu exprimer. Nous ne saurions être de
son avis et remarquons, en outre, que c'est tout au plus si ce malheu-
reux adverbe paresseusement est français. M. Villard a aussi des
vers de treize pieds, nombre fatal, surtout dans des vers qui n'en
doivent avoir que douze. Si nous nous montrons un peu sévère pour
ces petits détails, c'est justement parce que le talent de M. Villard
nous inspire une vraie sympathie.
— Quelques-uns de nos lecteurs se rappelleront peut-être encore un
romancier, critique à ses heures, qui avait nom Marie Aycard. Ce
prénom féminin causa toutes sortes de quiproquos. Je m'en suis sou-
venu en lisant les noms d'Anna Roberjot. Je pensais avoir affaire à
une femme ; mais les premiers vers du livre semblent pour le moins
d'un mari et même d'un mari foi*t tendre. Ils sont jolis, ces vers,
comme beaucoup d'autres du même volume. Il y a là de l'esprit, du
sentiment, des images justes et gracieuses. Ce que j'aime le moins de
tout le volume, c'est le titre qu'il porte : Ai-jc des ailes '^ A cette
— ii:\ —
question, du reste, jo réponds : Oui, sans hésiter. Je ne dis pas que
ce soient des ailes de grande envergure, des ailes à transporter sur
les plus hautes cimes, mais elles sont agiles et diaprées, comme celles
d'un papillon.
— Anliqiies cl modernes est le titre d'un petit volume où sont tour
à tour traités des sujets anciens et contemporains. M. Gustave Picard,
qui n'en est pas à ses premières armes, a 1î vers agréable, aisé, et
semble surtout destiné à réussir dans des compositions visant au sen-
timent et à l'esprit. Il aime assez le vers satirique, mais ne fait pas
de longues satires, comme au temps passé. Il se contente de quelques
portraits bien touchés, tels que le gommeux,la grisette. Ces deux mor-
ceaux sont fort jolis. Le second nous montre d'abord la grisette telle, à
peu près, que l'a célébrée Béranger, et ensuite la dame du demi-monde.
Il y a de bons traits d'observation et une inspiration morale qu'on
peut souvent louer dans les pages de M. Picard. Deux fables bien
tournées terminent ce volume.
— M. Germain Picard a encore écrit un petit pocme : Sœur Marthe.
Les sentiments en sont excellents, les vers en sont élégants et faciles,
mais cela manque un peu de relief. M. Picard est porté à un peu de
causticité, et, là^ il n'y avait pas matière à épigramme. Nous croyons
que son genre est ailleurs.
— Puisque nous venons de parler de fables, n'oublions pas celles
qu'a fait paraître M. A. -F. Théry. L'auteur les a composées pour
ses petits-enfants, et ne s'est que difficilement décidé à les communi-
quer au public. Il eût été dommage de les laisser en portefeuille.
Ces petits apologues bien écrits, bien pensés, offrantune morale saine,
seront très-appréciés des jeunes lecteurs, ce qui n'empêchera pas des
hommes de tout âge de les lire avec plaisir. Que ceux-ci ne se lais-
sent donc pas influencer par l'apparence de livre scolaire que, trop
modeste, l'auteur a donnée à son recueil; il diffère beaucoup, comme
aspect, de la plupart des volumes qui nous ont occupé. Presque toutes
les autres publications poétiques que nous avons examinées sont édi-
tées avec luxe, par Lemerre, par la Librairie des bibliophilcs,par Didot,
ornées quelquefois de gravures. Les poètes ont toujours aimé à parer
ainsi les produits de leur génie. Pour qui donc, au dix-septième siècle,
a été fait un joli rondeau? Il y est question d'un livre imprimé par
un Jouaust de ce temps-là ; on en vante le papier, le caractère, les
vignettes :
Tout en est beau,
Hormis les vers qu'il fallait laisser faire
A La Fontaine.
— Tandis que les nombreux volumes que nous venons de nommer
faisaient pour la première fois leur apparition, la Librairie Hetzel a
publié une nouvelle édition du Livre d'un père. C'est une bonne for-
tune pour nous d'avoir à dire quelques mots de cette grande œuvre.
L'amour paternel, Famour de la patrie, les sentiments les plus doux
et tour à tour les plus héroïques ont inspiré ces beaux vers, qui seront
lus, admirés, appris dans toutes les familles françaises et chrétiennes.
Il est impossible de mieux peindre que ne le fait M. de Laprade les af-
fections qu'on trouve au foyer domestique, les petits épisodes de la vie
intime. Quelquefois on a un peu la crainte que le père ne devienne trop
tendre pour ses enfants, qu'il ne les amollisse par tant d'amour et de
soins; mais, comme tout à coup le citoyen se montre! les nobles con-
seils que donne le poëte, et quels sacrifices il est disposé à faire pour
la France humiliée et meurtrie ! Comme tout le ramène à ces pensées
de devoir et d'abnégation ! Qu'on lise le Petit soldat, où elles sont
admirablement exprimées, qu'on lise tout le volume, qui se résume
dans ces stances :
Ne soupirons plus mollement,
Fuyons toute lyre énervante.
Arrière le faux sentiment ;
Place à la foi ferme et vivante.
Il faut de plus mâles sauveurs
Dans l'affreux orage oii nous sommes.
Nous avons eu trop de rêveurs ;
Soyons des hommes !
On ne trouve pas, dans le livre de M. de Laprade, les mièvreries,
les enfantillages, les vers paternes qu'un grand poète a mêlés à tant
de violences et d'indignes personnalités. L'imagination y est moindre,
mais combien nous préférons le Livre d'un père à l'Art d'être grand-
père ! Ce qui donne au volume de M. de Laprade une si haute
portée, ce sont surtout les croyances que M. Hugo a reniées et prises
pour objet de ses dérisions. M. de Laprade a fait une œuvre qui honore
l'époque où elle s'est produite; il a montré quelle doit être, dans les
tempsd'épreuves,la, mission fortifiante de lapoésie. Puisse cet exemple
être compris et suivi !
Jean de Villemaury.
THÉOLOGIE
Hermae Pastor gradée, «ddîtit A'ersîone latina recentiore e
co<lîce I*al»tiiio, recensuerunt et illustraverunt Oscar de Gebhardt,
Adolphus HAR.\AC.K.(Fait partie des Patnim aposlolicorum opéra. Textunt ad
fidem codicuni el fjnecoruni et lalinonim adliibitis prœstantissiiuis cditiotiibus.
Editio post Dresselianam alteram tertia. Fasciculus m.) Leipzig, J. C. Hin-
richs, 1877, in-8 de lxxïiv et 287 p.
Il y a quelques années à peine, on ne possédait que quelques rares
fragments du texte original d'Hermas et une vieille traduction latine.
L'édition des Pères apostoliques de M. l'abbé Migne, en 1857, n'a pu
reproduire que Tantique version latine, avec quelques lambeaux grecs
tirés des citations des auteurs anciens. Les choses ont bien changé
depuis. Les bibliothèques de l'Orient sont comme un trésor inépui-
sable pour l'ancienne littérature chréiienne et celles de l'Occident con-
tiennent aussi, quoique en moindre nombre, des richesses inexplorées.
On ne peut plus répéter aujourd'hui, comme Ka fait M. Migne, les
paz'oles de Galland : quamvis textus Hermœ grsecus interciderit... Ce
texte est là, sous nos yeux, dans la nouvelle édition de MM. Oscar
de Gebhardt et Adolphe Harnack et la version latine qui l'accompagne
n'est pas l'antique traduction reproduite par M. Migne, mais une autre
traduction ancienne, différente, dite Palatine, retrouvée depuis et
jugée avec raison préférable. Elle a paru pour la première fois en
1863 dans l'édition de Dressel. Elle est tirée d'un manuscrit du
quatorzième siècle qui se trouve actuellement au Vatican. Le manus-
crit a une lacune du. Mandatum xii, 2, 5 à xii, 5, 3. Cette lacune a été
comblée dans la présente édition par l'ancienne traduction latine.
La critique possède maintenant deux manuscrits grecs, contenant
le texte original du Pasteur d'Hermas, le ('odex Lipsicnsis et le Codex
Sinaiticus. Le manuscrit de Leipzig se compose de trois feuillets trou-
vés parle Grec Simonide^ au mont Athos, et do la copie du reste de ce
manuscrit faite au mont Athos, de la main de Simonide. Ce Simonide
était un faussaire habile qui avait fabriqué un faux original d'Hermas,
à l'aide de l'ancienne version latine et des citations des Pères grecs
Ce faux original fut publié à Leipzig en 1856, Hcnnœ Paslor grxce.
Primumedidit Rudolphus Ange)-. PrœfaUonem et indicem adjecit Guillel-
mus Dindorf. La découverte de cette fraude rendit d'abord très-sus-
pecte l'authenticité de la copie faite par Simonide au mont Athos, mais
le Codex Sinaiticus, retrouvé plus tard, fit cesser toute inquiétude et
prouva l'exactitude de la transcription. Le Codex Lipsiensis contient
tout le Pasteur, à l'exception des sept derniers chapitres seulement,
dont nous ne possédons encore que des traductions.
Le Codex Sinaiticus est malheureusement plus incomplet encore
que le Codex Lipsiensis. Il s'arrête à partir du Mandatum iv, 3, 6.
Outre les manuscrits grecs et les deux traductions latines dont nous
venons de parler, les critiques peuvent encore disposer pour l'établis-
sement et l'interprétation du texte d'i/e?vnfl5 d'une version éthiopienne.
La découverte en est due à un Français, M. Antoine d'Abbadie, qui,
pendant qu'il voyageait en Ethiopie, apprit qu'elle existait au cou-
vent de Guindaguinde, et en fit tirer une copie, en 1847. Le texte
éthiopien, accompagné d'une version latine, faite par M. Antoine d'Ab-
badie, a été publié en 1869, à Leipzig. Un Américain, M. G. Schodde,
vient de faire paraître, également à Leipzig, en 1876, une étude critique
— I 2,S —
sur cette version :Hcnnn i\abi, llic Ethiopie ver.sio'a of Pualur cxamincd.
M. d'Abbadie avait cru d'abord que cette version avait été faite direc-
tement sur l'arabe. Il est certain et admis de tous maintenant qu'elle
a été faite immédiatement sur le grec.
C'est à l'aide de toutes ces ressources et avec l'exactitude scrupu-
leuse qui les distingue que les nouveaux éditeurs ont publié le Pasteur.
Il est précédé de Prolégomènes qui donnent au lecteur tous les ren-
seignements désirables sur les sources du texte. Nous avons
été surpris seulement de ne pas voir la mention de l'édition de
M. l'abbé Migne dans l'énumération des éditions de la version latine
ancienne.
M. de Champagny, dans les Antonins, a admis deux auteurs du
Pasteur; il a attribué les visions à Hermas, homme apostolique et les
commandements et les similitudes à un autre Hermas, frère du pape
Pie ler . M. Harnack rejette cette opinion comme insoutenable : « De uni-
late et inlcgritate Pastoris, dit-il, nvlla relicla est dubitatio. » La ver-
sion éthiopienne attribue à saint Paul la composition du Pasteur, en
s'appuyant sur it'^.xiv, 12; mais elle ne peut être contestée à Hermas,
qu'il j a tout lieu de croire avoir été le frère du pape saint Pie, comme
l'affirme le canon de Murntori. Il l'écrivit à Rome entre 130 et 140.
L'édition de MM. de Gebhardt et Harnack reproduit, sur la page de
gauche, le texte grec et la version latine, sur la page de droite. Au bas
du texte sont reproduites les variantes des manuscrits. Des notes
abondantes, placées au-dessous des variantes, forment un véritable
commentaire perpétuel et ne laissent iiien ignorer au lecteur de ce
qu'il est utile de savoir. Quelques-unes d'entre elles sont de véritables
petits traités, comme par exemple, celle sur les livres sybillins^page24.
Le volume se termine par un index des passages des livres saints
cités par Hermas et par un vocabulaire des mots grecs du Pasteur.
Comme les éditeurs ont toujours fait usage, non de la langue alle-
mande, mais de la langue latine, leur édition est à la portée de tous
les hommes instruits. Il faut observer, néanmoins, qu'on ne peut pas
toujours accepter toutes leurs réflexions, en particulier leurs consi-
dérations théologiques, comme dans le Mandatum xi, par exemple.
[Ce iMandatîim, qui est important, est fort abrégé dans la traduction
latine publiée par M. Migne.) G. K.
t.e Syllabu», base tîe I'*Union catholique, par le R. P. Pjîtitalot,
de la Société de Marie. Paris, Bray et Retaux, 1877, in-12 de xv-266 p. —
Prix : 3 fr.
Un des hommes qui ont rendu, en notre temps, les plus éminents
services à la science sociale disait que le a Syllabus est le code le plus
— ]20 —
parfait donné àThumanité. » Mais ce code, invoqué par los uns comme
leur loi fondamentale, attaqué par les autres comme le dernier mot
d'une réaction impuissante, n'est connu que d'un très-petit nombre.
Nous n'avons point encore, en notre langue, un bon commentaire
familier du Syllabus : ce serait cependant un des livres les plus utiles
que pourrait écrire un défenseur du christianisiae et de la société.
L'œuvre a déjà été tentée ; nous rendions compte ici même de quel-
ques-uns des derniers essais, nous reconnaissions la bonne volonté et
le mérite de l'écrivain; mais nous devions avouer que ce n'était point
encore le traité définitif et l'ouvrage parfait.
Le P. Petitalot a compris quel devait être le caractère d'une étude
sur le Syllabus. Il se propose de faire disparaître les malentendus
« devant une explication méthodique, courte, claire, sans autre pas-
sion que celle de la vérité, en-dehors de tout parti purement politique
et de toute question purement personnelle. » Il a certainement les
deux qualités les plus nécessaires pour écrire un tel livre, je veux dire
la soumission la plus entière aux doctrines du Saint-Siège et un style
clair et facile, qui fait comprendre sans nulle peine les choses les
plus abstraites, qui conduit, sans même qu'on le remarque, jusqu'à la
fin du livre. La familiarité peut bien dépasser eàet là les limites d'un
goiit sévère et tomber dans le langage heureusement réservé aux seuls
journalistes, mais nous n'en ferons pas une critique trop dure à l'au-
teur. Des mots qui feraient tache ailleurs passent presque inaperçus
dans un écrit populaire. Notre reproche est plus grave. L'écrivain
ne s'est pas assez tenu dans ces hauteurs sereines où l'on n'entend
plus les bruits d'en bas; il a trop écouté nos mesquines querelles et
mis en avant des personnalités bruyantes. Est-ce bien dans le commen-
taire d'un acte aussi grave que le Syllabus, qu'il convient de dire que
« M. de Lacretelle poussa une interruption superbement sotte, » ou
d'appelerles radicaux « bons amis des Prussiens (p. 142), » ou de nous
montrer « le pacte de Bordeaux et le mariage de M. Thiers avec la
France, puis le 24 mai 1873 divorce de ce mariage si bien assorti
(p. 182); » puis la «République.... menaçant de devenir la Terreur, si
le maréchal n'avait enfin, par l'acte énergique et patriotique du
16 mai, muselé le tigre révolutionnaire et délivré la France d'une
politique de casse-cou ? » Si nous demandons la suppression de toutes
ces choses trop actuelles, nous désirerions que les questions de prin-
cipes fussent traitées avec plus d'étendue. Une suffisait pas d'écrire
six pages sur la liberté de la presse et de tonner contre la vénalité
des journalistes. L'argument le plus irréfutable, lorsqu'on veut per-
suader à des lecteurs prévenus que l'Église ne repousse pas la civili-
sation moderne et accepte môme les armes savantes, n'était pas de
rappeler que» le pape trouvait bon que le cha^sepotfîtmerveille entre
FÉVRIER 1878. T. X.Klï, 9.
— 130 —
les mains de ses défenseurs de Mentana (p. 252). » Enfin la plus dan-
gereuse erreur condamnée dans le Syllabus^ le catholicisme libéral,
n'a obtenu que sept pages du livre. N'est-ce pas ici surtout qu'il fallait
a une explication méthodique, courte, claire, sans autre passion que
celle de la vérité, » mais éloquente par cette passion maîtresse ?
E. P.
L<es Douleurs de la vie, la mort, le purgatoire : espérance
et consolation, par M. l'abbé V. Postel, chanoine et vicaire général
d'Alger. Paris, Palmé, 1877, in-12 de 11-672 p. — Prix: 4 fr.
Ecrire « un livre de doctrine et un livre de consolation basée sur
la réalité des choses, montrer autant par des faits que par des considé-
rations spéculatives » qu'il ne nous faut point laisser « effrayer aux
apparences, là, où Dieu veut surtout qu'on mette en lui une confiance
filiale, » tel est le but que s'est proposé M. l'abbé V. Postel en
publiant cette nouvelle œuvre. Certe, il y était mieux préparé que
personne par une connaissance solide des matières théologiques, par
ses vastes lectures et aussi par un talent sérieux d'écrivain. Il a
divisé son sujet en trois livres; le premier présente la a consolation
dans la douleur; » le second, la « consolation en face de la mort; » le
troisième, qui occupe plus de la moitié de l'ouvrage, est un traité
très-complet sur le Purgatoire : l'existence et la nature du Purgatoire
et la prière pour les morts. Comment ne pas être ému, ne fût-on point
sous le coup de quelque cruelle épreuve, lorsqu'après les exemples des
âmes qui furent les plus fortes au milieu des souffrances, on lit les
plus belles pages inspirées par la foi et l'espérance chrétiennes?
Notre auteur a été vraiment heureux dans les citations qu'il a faites.
On trouve dans son livre, avec les accents enthousiastes d'un saint
Augustin, d'une sainte Thérèse, d'un saint Ambroise, les plaintes
plus humaines et non moins vibrantes de ceux que nous avons connus
et aimés, de M^"" Gerbet (p. 51), du sympathique abbé Perreyve (p. 37).
La mort est la grande douleur, comme elle est la grande terreur
durant la vie, c'est donc pour elle surtout qu'il faut des consolations,
particulièrement en notre temps où les convictions chrétiennes
s'effacent en ceux mêmes qui se disent chrétiens. M. Postel expose
avec ampleur les enseignements de la foi et les pensées des saints; il
y oppose les désolantes rêveries de la science incroyante ou les
sombres folies du spiritisme. Il prouve sans peine et par le seul
développement de son sujet, que la mort n'est point terrible pour
celui qui espère en Jésus-Christ, qu'elle doit même inspirer à nos
cœurs de saints désirs.
Après la mort, la justice de Dieu prononce la sentence. Les âmes
pures, mais encore imparfaites, sont condamnées à une expiation tem-
— 131 -
poraire, que la tradition chrétienne appelle purgatoire. Ce dogme, un
des premiers que les protestants attaquèrent, est défendu par M. Postel
avec une abondance de preuves qui emportent la conviction. L'Ecri-
ture est invoquée, les Pères de TEglise apportent leur témoignage
non pas en quelques mots, comme il se voit dans les traités élémen-
taires de théologie, mais par d'éloquents discour^- voici la série des
conciles qui ont enseigné ce dogme, depuis les assemblées du qua-
trième siècle jusqu'au concile oecuménique de Trente. La raison
même ne nous persuade-t-elle pas qu'il existe après la mort une
expiation, pour les âmes qui ont quitté la vie sans avoir satisfait à la
justice de Dieu ? Nous ne pouvons suivre notre auteur lorsqu'il expose
les diverses opinions des théologiens sur la nature du purgatoire, ou
l'efficacité de la prière pour les morts.
Répétons que nous ne connaissons pas en notre langue un traité
plus complet sur la douleur chrétienne et, en particulier, sur la mort
et le purgatoire. La doctrine du théologien est toujours sûre et puisée
aux meilleures sources. Le livre est intéressant et, quelque éten-
due qu'il ait, il ne paraît point long. Nous sommes tous des enfants,
nous aimons les histoires et les traits, M. Postel est intarissable
quand il faut conter. Qu'il nous permette une seule observation. Il
emprunte sans doute ses exemples aux livres les plus autorisés, le
plus souvent aux écrits des Pères ou aux vies des saints ; mais parce
qu'an fait est écrit dans les dialogues de saint Grégoire ou dans un
sermon de saint Jean Damascèi^e, il ne s'ensuit pas qu'il soit toujours
utilement cité aux hommes de notre âge. Cette accumulation de
prodiges, ces apparitions des âmes qui ont quitté le monde peuvent
fausser les imaginations égarées par la douleur. On croirait presque
que ce qui n'a jamais été qu'une exception, dans la conduite de la
Providence, est un fait commun. Nous croyons que les folies du spiri-
tisme nous commandent plus de réserve, même dans les choses qui
seraient bonnes en d'autres temps. Eug. Pousset.
JURISPRUDENCE.
Dictionnaire de droit commercial, industriel et maritime,
contenant la législation, la jurisprudence, l'opinion des auteurs, les usages
du commerce, les droits de timbre et d'enregistrement, enfin des modèles de
tous les actes qui peuvent être faits soit par les membres des tribunaux de
commerce, soit par les commerçants eux-mêmes, 3= édition, dans laquelle a
été refondu l'ancien ouvrage de MM, Goujet et Merger, par J. Ruben de
Couder, docteur en droit, rédacteur en chef du i{ecuei7 (iré?icraZ des lois et
arrêts, et du Journal du Palais. T. 1" A-As. Paris, Marescq aîné, 1877,
gr. iii-8 de 880 p. — Prix : 10 fr.
Le Dictionnaire de droit commercial de MM. Goujet et Merger a paru
— 132 —
pour la première fois en 1845, en quatre volumes in-8 de 600 à 700
pages. Il comblait une véritable lacune, en prenant sa place entre les
ouvrages méthodiques de doctrine, et les simples recueils d'arrêts.
«Dans lapratique des affaires, » disaient ses éminents auteurs, «ilfaut
voir vite et bien. » Ces paroles indiquaient suffisamment leur but.
Leur dictionnaire ne devaitpas être une œuvre de critique législative,
ni même une œuvre principalement doctrinale ; mais, en résumant avant
tout le droit et la jurisprudence actuels, en évitant toute expression
obscure ou trop savante, il devait former un instrument utile et facile
à manier, mis à la portée de tous ceux qui sont dans les affaires. Dès
lors, leur travail ne mérite guère que des éloges. MM. Goujet et
Merger ont su grouper, sur chaque mot, avec beaucoup d'art et de
clarté, et dans des formules brèves et précises, la loi, les systèmes, les
arrêts. Leur œuvre s'adresse aussi bien au juriste et à l'avocat, qu'au
commerçant et à l'industriel. Ils ont donc pleinement atteint leur but.
La faveur du public n'a pas tardé à le leur prouver.
C'est cet important ouvrage, depuis longtemps épuisé et redemandé,
que M. Ruben de Couder a eu l'heureuse idée de nous rendre. Il fallait
d'abord le remettre au courant de la législation, de la doctrine, et de
la jurisprudence nouvelles; et en présence des nombreuses innovations
faites depuis trente ans, c'était là déjà un grand travail. Mais le savant
rédacteur du Recueil des lois cl arrêts ne devait pas s'en contenter. Par
la critique sévère à laquelle il soumet les formules de ses devanciers,
les corrige et les complète, et par le développement considérable
qu'il donne à leur œuvre, c'est une véritable refonte qu'il a entreprise.
En effet, le premier volume de l'édition de 1845 comprenait dans 672
pagesles deux lettres A et B tout entières. Celui de M. Couder, par contre,
en compte 800, et ne va que de A à As. Il contient, dès sa première
page, deux mots {abatellement et ahbaUoir) dont l'un très-important,
qu'on eût en vain cherchés dans l'édition précédente. Ses principaux
articles sont d'ailleurs également Vnctc de commerce (p. 44 à 91), l'a-
gent de change (p. 126 à 217), Yarbilrage (p. 273 à 390) et les assurances
(p. 451 à 744). Ils forment chacun de véritables traités pratiques, qui
résument complètement, pour l'homme d'affaires, notre droit et notre
jurisprudence actuels.
Nous ne hasarderons guère que deux critiques. Il semble que l'auteur
eût pu donner quelque place à la législation et à la jurisprudence
étrangères. I/extension du commerce moderne en rend la connaissance
pratiquement utile, et, dans plusieurs questions de droit maritime trai-
tées dans ce premier volume, elles intéressent presque autant les gens
de mer que les applications du droit national. Espérons que l'auteur
tiendra un peu compte de cette observation^ quand il traitera du droit
de change.
— 133 —
En second lieu, l'un rencontre parfois certaines l'ormulcs un peu
négligées ou trop peu précises, au moins au point de vue de la bonne
langue du droit. Les définitions deVabonnenieut (p. 4 et 5), de l'abus de
blanc seing, et autres ne nous plaisent qu'à demi. Le passage suivant
qui commence la matière de l'arbitrage n'est-il môme pas un peu fan-
taisiste : « L'arbitrage est le premier mode que les hommes réunis en
société aient employé pour terminer leurs difFérendij avant l'établisse-
ment d'une justice régulière. » Enfin, pourquoi nous dit-il que certains
rapports d'arbitres n'ont qu'une valeur documentaire? l'expression
est-elle correcte ? et d'ailleurs n'y a-t-il pas des documents qui ont
autant de valeur que les témoignages?
Mais ce sont là des reproches secondaires, qui ne s'attaquent en rien
à l'ensemble de l'œuvre. Nous sommes persuadés que le public lui fera
le bon accueil qu'elle mérite. A. de Riedmattbn.
SCIENCES.
Ras Gewîssen, mit Einsckluss der GefiilUe und Silten in ihrev Beziehung
zum Gcivissiu, von Prof. J.-J. Hoppi-:, D' der Mediein und Philosophie.
Ratisbonne, Manz, 187d, gr. in-8 de viii-3oO p. — Prix : 6 fr.
En Allemagne, mieux qu'en France peut-être, les défenseurs du
spiritualisme ont compris, dans ces dernières années, la nécessité
d'appliquer la méthode expérimentale à l'étude et à l'observation des
faits de l'âme, et de battre en brécLe les prétentions du matérialisme
scientifique, si fort en vogue, en retournant contre lui-même ses
propres armes.
M. le professeur Hoppe, de l'Université de Bâle, est l'un de ceux
qui ont usé dans une plus large mesure de ce procédé. Après Tavoir
employé dans un traité de logique et divers essais sur plusieurs ques-
tions physiologico-philosophiques, comme le Vertige, les Hullucina-
tions, les Perceptions inconscientes dans la pensée humaine, les procédés
logiques de l'analogie et de l'induction, la formation de la notion de
temps, etc., il s'en est servi plus récemment dans une importante
monographie de la Conscience morale (Paderborn, 1868, in-8 de
803 pages).
Au lieu d'insister, comme les écoles spiritualistes, sur la fonde-
ment rationnel, mais sans le nier, ni le méconnaître, M. Hoppe s'attache
spécialement à décrire le jeu delasensibilité et à en faire ressortir le
rôle et l'importance dans les manifestations de la conscience.
Avec une grande finesse d'observation, il analyse ce fond intime de
la sensibilité générale qui pousse l'âme à chercher la paix et le repos
dans la possession de son vrai bien, qui n'est autre, psychologique-
— 134 —
ment parlant, que l'objet propre de ses facultés supérieures. En même
temps, il nous montre inclinés àjugernos actes, à constater s'ils sont ou
non conformes à ce « vrai bien. » Quand la raison ne se trompe pas dans
son appréciation, au point de vue de ce qui est vraiment le bien et la
loi de notre activité, l'âme se sent satisfaite dans le repos d'une bonne,
vraie et tranquille conscience. Qu'au contraire cette harmonieuse
concordance entre le jugement de la raison et l'objet réel des aspira-
tions de la sensibilité n'existe point, que l'intelligence ou la volonté
s'égarent dans ce qui n'est pas leur « vrai bien, » ce sera la rupture de
Téquilibre de nos facultés, ce seront les reproches et les remords
de la conscience.
Cette corrélation psychologique entre la vérité de notre connais-
sance et l'excitation de notre sensibilité, exprime d'une façon assuré-
ment plus complète la nature de cette « voix intérieure » qui parle au
plus profond de notre moi.
Il y aurait toutefois une lacune, si l'on se bornait à déterminer ce
a bien véritable » exclusivement d'après ce qui, de fait, peut satisfaire
les élans et les aspirations de notre sensibilité. Car en réalité ces aspi-
rations ne tendent pas toujours infailliblement vers leur seul objet
propre et véritable; elles peuvent être faussées ou dévoyées. Donc,
prendre pour le bien en soi ce que nous croyons sentir comme notice
bien, donnerait à la règle du bien moral, à la loi morale elle-même un
caractère purement subjectif; elle deviendrait changeante suivant la
façon de sentir des individus. Pourobvier à cet inconvénient, le profes-
seur Hoppe démontre que les dispositions normales de la sensibilité,
implantées en nous par le Créateur lui-même, forment une sorte de loi
concrète qui s'identifie avec notre activité; par cela même, cette
loi concrète et subjective présuppose, comme son fondement absolu
et sa norme indépendante, la raison et la volonté créatrices. Or, c'est
avant tout à notre intelligence de saisir cette loi suprême de la raison
et de la volonté divines, et d'y reconnaître le bien véritable dans lequel
seul notre être moral trouvera son repos, selon le mot bien connu de
saint Augustin : Irrequietinn est cormeum donec requiescat in te, Deus !
C'est la voix de la raison avant d'être la voix du cœur, ou, suivant la
pensée de Lamennais, la raison reconnaît son devoir dans ce qui se
fait sentir comme le besoin du cœur.
Il faut particulièrement savoir gré à l'auteur d'avoir rendu justice
aux théologiens et aux philosophes du moyen âge. Relativement à la
conscience, des citations bien choisies établissent que les scolastiques
ont mis en lumière le caractère rationnel de son activité, tout en y re-
connaissant l'intervention de la sensibilité.
Un autre de ses mérites, c'est de montrer expérimentalement,
en quelque sorte, que le jeu normal de ces sentiments qui inter-
— 133 —
viennent dans l'activité de la conscience, exige, comme sa condition
suprême, la présence de l'idée de Dieu dans notre esprit. Cette
induction appliquée au domaine des faits psychologiques fournit ainsi
un argument spécial de Texistence de Dieu, venant corroborer
toutes les preuves qu'elle tire des autres ordres de nos connaissances.
Par la même voie, il est aisé de montrer la nécessité psychologique
de la religion en général et d'une religion positive en particu-
lier, pour diriger et parfaire en nous l'éducation de tous ces senti-
ments qui constituent le fond de notre vie intellectuelle et morale.
L'auteur l'a fait dans un chapitre qui nous semble la partie la plus
remarquable de son travail. C'est là une idée dont la valeur philoso-
phique n'échappera à personne. C'est prouver en quelque sorte, avec
les procédés d'une méthode au nom de laquelle l'incrédulité moderne
combat de préférence et le spiritualisme et le christianisme, que l'un
est la philosophie psychologiquement vraie, et l'autre la religion psycho-
logiquement nécessaire et conforme aux dispositions les plus intimes
de notre nature.
En parlant çà et là d'une démonstration nécessaire et rigoureuse
de la foi chrétienne par cet ordre de preuves, le professeur Hoppe
n'entend pas se faire l'écho des théories de Hermès : pas plus qu'il ne
voudrait, à la façon de Giinther, présenter ce lien d'intime connexion
entre telle vérité surnaturelle et les dispositions de notre âme comme
une démonstration directe de la vérité intrinsèque du mystère, ou ap-
puyer, selon la pensée de Baader, tout l'édifice de la vérité métaphy-
sique et religieuse sur une sorte de philosophie du sentiment. Plus
d'une fois en effet, dans son traité de la Conscience, comme dans ceux
de ses opuscules où il touche à cet ordre d'idées, il affirme que le
christianisme et l'Eglise sont des faits qui veulent avant tout être cons-
tatés comme tels ; que cette sorte de vérification psychologique laisse aux
autres preuves, soit historiques, soit théologiques, toute leur valeur,
qu'elle se propose seulement de ramener à l'intelligence des vérités
religieuses les esprits dévoyés par la préoccupation exclusive des
sciences expérimentales; qu'enfin elle a en vue, principalement, les
vérités naturelles dont le christianisme seul nous donne la formule en-
tièrement vraie et complète, tandis que, pour les vérités strictement
surnaturelles, l'induction psychologique, comme la déduction métaphy-
sique, ne saurait montrer qu'un lien d'harmonieuse convenance vis-
à-vis de la nature humaine, celle-ci s'y prêtant avec une correspon-
dance merveilleuse.
Si le langage de l'auteur paraît manquer parfois d'une certaine pré-
cision, il ne faut pas oublier qu'il ne parle ni en théologien ni en méta-
physicien. On pourra trouver qu'à des pensées justes et vraies il
donne parfois une portée trop exclusive ; on traitera de paradoxales
— 13G -
certaines idées philosophiques, comme lorsqu'il ne veut pas reconnaître
une faculté spéciale dans la volonté,, ou qu'il veut que, dans le travail
d'analyse et d'induction psychologique, l'on fasse abstraction des ré-
sultais antérieurs de la science ; Ton sera tenté de trouver quelque
peu exagérée la confiance qu'il a dans les résultats pratiques de son
système. Mais ces points de détail écartés, il n'en reste pas moins une
foule d'aperf'us vrais et féconds.
Dans une sorte d'appendice à son traité de la Conscience^ M. Hoppe
étudie, dans le même esprit, la question de la Responsabilité^ ou
comme on dit en Allemagne, de l'Imputabililé morale. En France
aussi, nous connaissons cette école, qui, issue des doctrines positi-
vistes, essaie de mettre à la mode le déterminisme , en niant la liberté
et la responsabilité morales. Tous les mouvements de notre moi, à en-
tendre ces auteurs, ne seraient que les résultantes nécessaires et fatales
des « déterminations » physiologiques subies par le tissu cellulaire du
cerveau, sous l'influence irrésistible des objets extérieurs sur notre
organisme, l'impulsion du motif le plus fort remportant toujours avec
une nécessité en quelque sorte mécanique. Avec toute la compétence
du naturaliste, le professeur de Bâle vérifie les faits physiologiques
invoqués en faveur du système : quelques-uns même pourront trouver
qu'il fait de trop larges concessions relativement au degré auquel sou-
vent, de fait, la responsabilité morale se trouve atténuée, sous le coup
des infiuences physiologiques. Mais s'il admet ces mouvements dans
l'ordre purement physiologique, il montre qu'infidèles à leur mé-
thode, ces prétendus adeptes des sciences naturelles négligent toute
une série de faits, non moins expérimentalement constatés, dans le
domaine psychologique. Il fait voir que ces derniers, logiquement ana-
lysés, supposent une force spéciale et autonome, celle du principe
pensant, intervenant, en vertu de son activité propre, dans le jeu des
simples déterminations physiologiques et la série des phénomènes qui
en résultent, pour les déterminer et les modifier à son tour.
On le voit, c'est l'application de la méthode des sciences expéri-
mentales et positives qui fait ainsi justice des prétentions des docteurs
du positivisme. Le mérite particulier des écrits philosophiques du pro-
fesseur Hoppe est de mettre en relief cette importante vérité. C'est ce
mérite considérable, dans l'état actuel des controverses philosophiques
et scientifiques qui nous a engagé à les signaler, dans les colonnes du
Polybiblion, à l'attention du public français. J . Guth.
I^es Éléïnents de l'ancienne constitution française 9 par
M. V. Canet. Castres, Abeilhou, 1877, in-8 de 43(>p. —Prix : 6 fr.
M. Victor Canet s'est proposé pour but, non de produire des idées
— 137 —
et des documents nouveaux sur les institutions fondamentales de l'an-
cienne société française, mais de résumer leurs principaux éléments
et les enseignements les plus utiles qu'elles nous ont laissés. Il ap-
plique à la plupart de nos contemporains ce mot de La Bruyère : « Ils
sont semblables à ces enfants drus et forts d'un bon lait qu'ils ont
sucé, et qui battent leur nourrice. » Leur ingratitude n'a d'égale que
leur légèreté : de là leur enjouement pour les nouve^ utés révolution-
naires, dont ils souffrent cependant d'une manière cruelle. Mais une
réaction commence à se faire dans les intelligences éclairées et chez
les cœurs sincères ; et c'est pour l'aider à la propager que M. V. Canet
publie le fruit de ses observations d'histoire.
L'ouvrage est une synthèse dans laquelle est appréciée la part qu'ont
eue dans la formation de notre nationalité « l'Eglise, » « la Royauté, »
la « Féodalité, » le « Peuple. » Un chapitre est consacré à la repré-
sentation nationale, au rôle des Etats généraux et des Parlements. Les
« forces morales » qui soutenaient les institutions, à tous les degrés,
étaient la foi catholique, le respect des lois, l'autorité des magistrats
et surtout celle des pères de famille, a Les forces intellectuelles »
avaient, dans les universités et les écoles populaires, des centres de
vie qui n'ont été surpassés par aucun peuple. Les « forces énergiques »
ont toujours eu une puissance incomparable dans un pays dont le
sol et la situation sont vraiment privilégiés.
Rien donc n'a manqué à la France. Lorsqu'on l'étudié dans le cours
de son histoire, on reconnaît en elle une mission providentielle; mais
aussi la responsabilité pour elle est plus grande, parce qu'elle se
mesure aux dons reçus : de là les terribles épreuves qu'elle a subies
chaque fois qu'elle a manqué à ses devoirs, et tous les abaissements
qui caractérisent sa situation présente. M. V. Canet ne veut pas
cependant désespérer de l'avenir; il a une foi invincible dans la résur-
rection de la grande nation chrétienne, si les bons citoyens s'unissent
pour faire qu'elle redevienne elle-même, en se retrempant dans ses
meilleures traditions.
Lorsque beaucoup se découragent, il est consolant de trouver ce
généreux appel. L'auteur donnerait aux conclusions de son livre toute
leur efficacité, si, non content d'avoir développé sur un sujet très-
vaste des considérations nécessairement un peu trop générales, il
abordait par la méthode d'observation les moyens pratiques de relever,
au cœur même de notre société, les traditions religieuses, domestiques
et nationales, en rétablissant la notion exacte et précise des grands
principes sociaux. Charles de Ribbe.
— 138 —
t.e "Verre, son histoire, sa fabrication, p:3r M. E. Péligot, membre
de l'Institut. Paris, Masson, 1876, gr. in-8 de iii-49o p. avec tig. —
Prix : 14 fr.
Il est particulièrement difficile de rassembler des documents com-
plets sur l'industrie du verre qui vit de traditions, craint la publicité,
et sur laquelle aucun travail d'ensemble n'a été mis au jour depuis le
commencement du siècle dernier. Aussi, le savant professeur du Conser-
vatoire des arts [et métiers et de l'Ecole centrale a-t-il fait une œuvre
éminemment utile en coordonnant tous les éléments de son enseigne-
ment scientifique sur l'art du verrier. Bien que cet art, si intimement
lié au développement de la civilisation, n'emploie que des matières
premières partout répandues, il a été l'heureux apanage de quelques
contrées qui en gardaient traditionnellement les secrets : Sidon et
Alexandrie, dans l'antiquité; Venise, au mojen-âge; aujourd'hui la
France, l'Angleterre, la Belgique et l'Allemagne. Toutefois, la Russie
et TAmérique, l'Espagne et l'Italie, commencent à réaliser dans cette
voie d'importants progrés. I/industrie de la verrerie, très-inégalement
répartie en France, occupe 182 usines et 26,000 ouvriers qui créent,
bon an, mal an, une valeur de 109 millions, dont 63 pour l'exportation.
L'importation n'est que de 3 à 4 millions. La production de l'Europe
atteint un demi-milliard, et l'Amérique arrive maintenant au chiffre de
100 millions. Suivant les usages auxquels on les destine, les diverses
sortes de verres diffèrent entre elles par leur composition chimique et
leur mode de fabrication. Le verre à vitres, les glaces, le verre à go-
beleterie ordinaire sont formés, en proportions variables, de silice, de
chaux et de soude. Le verre de Bohême est un silicate de potasse et
de chaux. Le verre à bouteilles, moins pur, contient la silice, la potasse
ou la soude associées à la chaux, la magnésie, l'alumine et le fer. Le
cristal est un silicate à base de potasse et de plomb ; le flint glass et
le strass n'en diffèrent que par les proportions. Enfin les émaux ren-
ferment, en outre, de l'oxyde d'étain ou de l'acide arsénieux qui les
rendent opaques, et les verres colorés s'obtiennent par l'addition de
diverses substances (oxydesmétalliques, métaux, charbon, soufre, etc.) .
Formés de ces éléments variables, les verres sont-ils de simples mé-
langes ou de véritables combinaisons ? La question est loin d'être
résolue : il semble qu'on doive se rapprocher pour chaque type d'une
composition moyenne en évitant les proportions qui conduiraient à des
silicates définis. A la vérité, les silicates de potasse et de plomb empê-
chent la cristallisation des silicates terreux ; celle-ci n'apparaît que
dans certains cas, c'est la dévitrification dont M. Péligot a fait une
étude spéciale. Tous les verres, mais surtout ceux qui sont riches en
soude, en chaux ou en magnésie, se dévitrifient lorsqu'on les expose
pendant longtemps à une température élevée : leur composition n'est
— 139 —
pas altérée, mais leur texture devient opaque et cristalline. Cette
circonstance oblige à travailler très-rapidement certaines variétés de
verres.
Fortement chauffé, puis refroidi brusquement, le verre, mauvais
conducteur de la chaleur, éclate au moindre choc. Ce curieux effet de
la tension moléculaire est surtout visible dans les larmes bataviqucs,
gouttes d'un verre très-liquide projetées dans Teau froide et qui se bri-
sent avec fracas quand on vient à casser leur pointe. Tous Jles objets,
au sortir des fours, doivent donc être soumis au recuit, c'est-à-
dire placés dans des étuves où leur température ne s'abaisse que
très-lentement. Mais, ainsi que l'a montré M. de la Bastie, le verre
peut, comme l'acier, acquérir par la trempe des propriétés nouvelles
et précieuses : sa structure intime est modifiée, il devient dur, élas-
tique, presque incassable. La lumière exerce aussi une action sur le
verre : elle développe parfois des colorations roses dans lesquelles le
manganèse paraît jouer un rôle. L'eau fait ressuer certaines glaces trop
riches en alcalis, et l'humidité enlève peu à peu aux verres la potasse
et la soude à l'état de carbonates ou de silicates; l'addition de la
chaux dans la composition empêche, au moins à froid, cette altération
qui nous a fait perdre tous les vitraux antérieurs au douzième siècle.
Les verres à bases multiples, surtout le verre à bouteille, sont plus
attaquables par les acides; les cristaux, plus sensibles aux alcalis.
Chacun sait comment on utilise l'attaque par l'acide fluorhj-
drique pour remplacer ia gravure artistique à la meule par la gravure
chinique, qui a permis d'exécuter économiquement, avec une extrême
variété dans les procédés de calque et de report, les glaces mousselines
de nos escaliers, les plafonds lumineux de nos théâtres et jusqu'aux
dessins délicats des verres de Baccarat.
Après avoir exposé les méthodes toujours minutieuses usitées pour
l'analyse des verres, l'auteur étudie en détail tous les procédés tech-
niques : fabrication des creusets, construction des fours, fusion et mani-
pulation des verres, etc. Fondus au rouge blanc, les silicates acquièrent
une fluidité comparable à celle de l'eau; puis, avant que le refroidis-
sement les ait rendus rigides, ils passent par tous les degrés intermé-
diaires de mollesse et de malléabilité. Par le soufflage, on en fait des
objets de gobeleterie, des ballons, des manchons ou des cylindres que
l'on développe pour en tirer des carreaux de vitres ; par le laminage,
on les transforme en plaques dont le polissage fait des glaces ; on les
moule pour façonner des bouteilles ; on les étire pour obtenir des
tubes que l'on peut effiler jusqu'à la ténuité d'un cheveu. Nous ne
saurions aborder ici la description d'aucun des ateliers où M. Péligot
nous fait pénétrer pour suivre les mille péripéties du travail. Bornons-
nous à signaler, parmi les perfectionnements nouveaux, l'emploi des
— 140 —
l'ours Siemens et Boétius, les ingénieuses machines qui donnent aux
glaces le douci, le savonnage et le polissage, la substitution de l'ar-
genture à rétamage si insalubre, la fabrication des verres de
montre, etc.
Si nous ajoutons que le volume contient un chapitre fort curieux sur
l'histoire de la verrerie de luxe, depuis les vases antiques du musée
de Naples et du British Muséum, les aiguières à émaux ou à filigranes
de Murano jusqu'aux immenses glaces de Saint-Gobain, nous aurons
indiqué du moins les parties essentielles d'un ensemble de leçons qu'il
faut lire en entier pour apprécier dans leur variété infinie les ingé-
nieux procédés de l'art du verrier. A. Delaire.
BELLES-LETTRES
L'Art d'écrire, par M. Antonin Rondelet, lauréat de r[nstitut,
professeur à l'Université catholique de Paris. Paris, Louis Vives, i877,
in-8 de xii-431 p. — Pi'ix : o fr.
Ce livre, fruit de longues années d'enseignement, renferme des pré-
ceptes trop négligés ou trop peu connus. Parmi les innombrables
écrivains dont la presse, nouveau Minotaure, dévore chaque jour
les travaux, les plus habiles y trouveront des remarques précieuses,
les moins exercés des règles et des conseils d'une pratique éprouvée.
L'ouvrage se divise en quatre parties, où l'on apprend successive-
ment à découvrir ses idées, à les ordonner, à les exprimer avec con-
venance, et enfin, chose plus rare, à se corriger soi-même. Ce que dit
l'auteur de Vinvention improvisée et de Vinvention réfléchie^ de lawé-
thode d'analyse et de la méthode de synthèse appliquées à l'ordonnance
d'un plan, des moyens d'enrichir sa kmgnr^ de la, réflexion intermit-
tente et de V inspiration continue dans le travail de la rédaction, de la
critique immédiate et de la critique à distance, tout nous montre un
esprit supérieur, familiarisé depuis longtemps avec les multiples exi-
gences de l'art d'écrire. Nul ne connaîtmieux les obstacles extérieurs
et intérieurs qui retardent,chez un si grand nombre, les progrès delà
pensée. Aussi recommande-t-il partout la méditation, l'effort, la
ferme possession de soi-même : il veut armer l'écrivain contre ces
défaillances intellectuelles auxquelles il est si aisé de succomber.
Étant donné un travail écrit à faire, « l'aborder de front, sans hési-
ter, sans revenir sur soi-même, le conduire jusqu'au bout, le traiter
dans la pleine et entière mesure de ses forces » : voilà la récompense
que M. Rondelet promet à ses studieux lecteurs. Plusieurs, nous n'en
doutons pas, seront jaloux de la mériter. C. H.
- m -
CMEuvres de Ms'" Freppel, cvcque (l'Angers. — Ire séné : OEuvrcs ora-
toires, Discours, panégyriques. Paris, Jouhv et Roger, 1876, 3 vol. in-8 de
419, 441 et 4"22 p, — 2" série : GEuvres pastorales et oratoires (vol. IV
et V des Œuvres complètes). Paris, Roger et Chernowitz, 1877, 2 vol.
in-8 de 496 et 377 p. — Prix des o volumes : 28 fr.
Quand Ms'" Freppel prit possession du siège épiscopal d'Angers,
l'heure était grave, à Thorizon s'amoncelaient des nuages précurseurs
de prochaines tempêtes, et le pilote commençant la traversée promet-
tait au peuple dont il avait désormais la conduite d'employer à le
soustraire au péril tout son zèle, toute son intelligence, toute son
activité et tout son courage. « Tout ce que nous avons pu amasser
de lumière et d'expérience sur le chemin de la vie, écrivait-il à ses
diocésains, nous devronsl'appliqueràia recherche des moyens lesplus
propres à augmenter votre bonheur. Nos journées ne seront pleines
qu'autant que le souci de votre avenir éternel en aura rempli tous
les instants ; et nos années ne compteraient pour rien si, du premier
jour jusqu'au dernier, votre progrès dans la sainteté ne restait l'objet
constant de nos efforts. L'œil fixé sur la devise que vos ancêtres
avaient recueillie de la bouche de saint Martin pour la placer dans
leurs armes: A'o^i 7rcuso laborcm, nous n'aurons le droit de reculer
devant aucun sacrifice ; et notre vie elle-même ne nous appartiendrait
plus s'il fallait la donner pour le salut de vos âmes. » Du haut de la
chaire de sa cathédrale, où il montait pour la première fois, il réitéra
la même promesse : « Venez en toute confiance à votre évêque dans
vos peines et dans vos soufirances : vous trouverez toujours en lui
un cœur ouvert à tous vos besoins, le ferme et ardent désir de vous
nêtre utile, de travailler au salut de vos âmes, de vous offrir deso
mieux ses conseils, ses encouragements, ses consolations. »
Assurément Ms'" Freppel a tenu ses engagements. Qui aurait le
courage d'en douter n'aurait qu'à jeter un instant les yeux sur les
cinq volumes que nous avons l'agréable tâche de présenter aujourd'hui
aux lecteurs de cette revue; il se convaincrait aisément qu'il n'est
pas une oeuvre charitable à laquelle l'évêque d'Angers n'ait quelque
jour donné l'appui de sa parole féconde, pas une entreprise catholique
qu'il n'ait encouragée et soutenue, pas une grande cause qu'il n'ait
défendue sans prendre souci des colores et des injures dont on l'a
plus d'une fois récompensé.
Suivez les événements qui se sont accomplis depuis sept ans,
Mgi" Freppel ne récuse aucun des devoirs que les circonstances lui
imposent. La guerre est déclarée, il demande à ses diocésains de prier
pour le succès des armes françaises dans des mandements patriotiques
qu'on ne lira pas sans être ému. Les désastres se précipitent, son
zèle et son éloquence redoublent; il multiplie les appels charitables,
— 142 —
ordonne des quêtes pour les blessés, pour les soldats condamnés à
pleurer sur la terre étrangère les désastres de la patrie, pour les
pauvres enfants que la guerre a faits orphelins ; il pousse ses sémi-
naristes au combat et stimule le zèle pourtant si chaud des prêtres de
l'Anjou; il écrit à l'empereur d'Allemagne pour lui demander de ne pas
séparer la Lorraine et l'Alsace de leur patrie française. Puis, quand tout
est fini, il essaye d'adoucir leur sort aux pauvres Alsaciens qui pré-
fèrent l'exil à la domination étrangère. Enfin, quand la route s'ouvre
de nouveau vers les aventures, il ne ménage pas ses avertissements;
il sait à l'occasion faire entendre de ces fortes leçons qui nous eussent
sauvés si on y avait prêté une oreille plus attentive. Ses lettres sur
l'éducation, sur la, famille, sur le dimanche, sur la, jjresse irréligieuse,
surtout sur les devoirs du chrétien dans la vie civile, contiennent de sé-
rieux enseignements dont gouvernants et gouvernés pourraient égale-
ment tirer profit. Quand nous aurons signalé les discours sur l'ordre
monastique, sur Vuiilité du vers latin, sur les cercles catholiques, sur la
mission de l'instituteur, sur l'œuvre des tombes, Yoraisoii funèbre de
Mgr Fruchaud, nul ne contestera que les œuvres de Mgr Freppel ne
présentent la plus grande variété, et n'offrent pour toutes les situa-
tions de la vie d'agréables et utiles leçons.
Nous n'avons pas fini encore, puisque nous n'avons parlé que de
l'évêque d'Angers, sans dire un seul mot du professeur delà Sorbonne
et de son œuvre si intéressante même en-dehors des grands ouvrages
où les plus nobles représentants de l'éloquence chrétienne sont
loués dans des pages qu'eux-mêmes ne désavoueraient pas. Deux vo-
lumes sont remplis de discours prononcés par Msr Freppel dans cette
période de sa vie si active et si féconde. Les panégyriques de saint
Ignace, de sainte Clotilde, de sainte Geneviève, l'éloge de Jeanne d'Arc,
de la papauté, s'y rencontrent auprès d'études littéraires éloquentes
et de considérations élevées sur l'harmonie des sciences avec la reli-
gion, sur les avantages et les périls de la civilisation moderne, sur les
rapports de la religion et de l'art. De grands enseignements se déga-
gent de toutes ces oeuvres et ce mérite seul suffirait largement à solli-
citer très- vivement notre plus sérieuse attention. Mais le lettré peut
aussi trouver un plaisir délicat à parcourir ces volumes, où le catho-
lique puisera sûrement d'excellentes leçons. Msi" Freppel est un écri-
vain de bonne école ; il a enseigné l'éloquence et nous donne aujourd'hui
l'exemple à l'appui de ses leçons. Ayant longtemps étudié les grands
modèles de l'éloquence chrétienne, il n'a pu fréquenter une aussi
bonne compagnie sans lui emprunter quelques-unes de ses qualités les
plus brillantes. Ce n'est donc pas seulement l'évêque et l'homme de
bien que nous recommandons ici : c'est aussi l'écrivain, l'orateur qui
possède de quoi satisfaire les plus difficiles et réjouir les plus délicats.
E. DE LA D.
— 143 —
Les» Prophètes du Clirist, étude sur les origines du thcdlre au
moyen âge, par Marius Sepet, de la Bibliothèque nationale, ancien élève
pensionnaire de l'École des chartes. Paris, Didier, 1878, in-8 de 193 p. —
Prix : 3 fr.
t.e Drs&me chrétien au moyen âge, par le même, Paris, Didier,
1878, in-r2 de xii-296 p. — Prix : 3 fr. 50.
Les deux ouvrages que M. Sepet vient de publier seront accueillis
avec empressement par les lecteurs de plus en plus nombreux qui s'in-
téressent à notre ancienne littérature. L'un, les Prophètes du Christ,
s'adresse surtout à la partie la plus érudite de ce public; l'autre, le
Drame chrétien au moyen âge, est plutôt destiné aux gens du monde.
Nous nous occuperons d'abord du premier de ces livres.
M. Charles Magnin a montré qu'un lien rattachait les mystères à
la liturgie catholique. M. Sepet a voulu préciser davantage et faire
voir par des faits certains, à l'aide de documents authentiques, que
les premiers mystères ont fait partie des offices mêmes. Un sermon
du douzième siècle, découvert par l'auteur dans un manuscrit de la
Bibliothèque nationale, a servi à cette curieuse démonstration; ce
•sermon était attribué, au moyen âge, à saint Augustin. L'évêque
d'Hippone y interpelle vivement les juifs incrédules, et invoque, en
faveur du Christ, le témoignage des prophètes qui défilent, pour ainsi
dire, devant lui. Il y a, dans ce discours, où des questions provoquent
des réponses, un caractère dramatique incontestable et l'on comprend
que le dialogue ait pu assez facilement se détacher du monologue et
former un vrai mystère. Le sermon attribué à saint Augustin était
une leçon, une partie de l'office de Noël, il n'était pas prêché mais
déclamé sur une certaine mélopée, et se changea, par des gradations
que M. Sepet indique à merveille, en un petit drame latin, les Prophètes
du Christ, représenté dans les églises par des ecclésiastiques et ayant,
comme le sermon qui l'avait produit, une place dans la liturgie de
Noël. De ce premier essai en naquit un second plus étendu, conservant
encore son caractère liturgique, mais à un degré moindre, et ne faisant
plus partie obligatoire de la solennisation de la fête.
M. Sepet nous fait voir comment, par une désagrégation, de ce
second mystère sortirent d'autres drames distincts, représentés sépa-
rément, inspirés par des personnages que l'on trouve déjà dans le
sermon, point de départ de ces compositions nouvelles, A ces per-
sonnages primitifs, on en joignit ensuite d'autres fournis également
par la Bible, tels qu'Adam et Eve, que Caïn et Abel. Mais les œuvres
dans lesquelles on les faisait apparaître provenaient directement ou
indirectement d'une même origine, du sermon attribué à saint Augus-
tin, là était le germe de tout ce grand développement dramatique
dont M. Sepet nous fait si clairement connaître les diverses phases.
M, Sepet termine ces curieuses recherches, dont nous aurions bien
— liî- -
désiré indiquer la marche avec plus de détails, par l'examen d'un
Mystère du vieux Testament qui appartient aux extrêmes limites du
moyen âge. Il fut encore représenté au milieu du seizième siècle, au
moment où Jodele, avec sa Cléopdtre, allait entraîner les poètes drama-
tiques dans l'imitation des tragédies grecques et latines. M. Sepet
remarque, toutefois, que, malgré l'influence exercée par les traditions
antiques, les poètes ne furent pas tous infidèles à l'inspiration des
mystères et nous cite de nombreuses oeuvres dramatiques nées de
sujets religieux et qui le conduisent à Athalie. M. Sepet termine cette
savante étude par une réflexion purement littéraire qui nous semble
juste; il conclut que la perfection de l'esprit français au théâtre, et
plus généralement dans les lettres, doit être cherchée dans l'alliance
de la tradition chrétienne, la tradition nationale et la tradition
classique.
Nous n'avons pu indiquer que très-imparfaitement le plan de cette
intéressante étude. Il est bien des points sur lesquels, pourtant, nous
aurions voulu nous arrêter. Ainsi, M. Sepet donne de curieux détails
sur les représentations, la mise en scène des mystères, et sur les
trucs assez compliqués qui y étaient employés. Il recherche aussi
si les rôles de femmes étaient joués par des hommes et se prononce
pour l'affirmative, contrairement à l'opinion de M. Luzarche.M. Sepet
reconnaît, du reste, que, dans les mystères représentés par des laïcs
au quinzième et au seizième siècle, il put n'en plus être ainsi; c'est ce
que suffirait à prouver un passage des chroniques de Metz_, où est
raconté comment M. de La Tour s'éprit de la jeune fille qui avait
rempli le personnage de sainte Catherine dans le mystère de ce nom.
Les recherches que M. Sepet a réunies dans le volume dont nous
venons de parler ont d'abord paru dans la Bibliothèque de VÈcole des
chartes, où elles ont été justement remarquées. Les matériaux dont
se compose le Drame chrétien au moyen âge ont aussi été publiés dans
diff'érents recueils ou journaux ; mais l'auteur a raison de penser que
son livre ofl're néanmoins une réelle unité. Il commence par une étude
générale sur la tragédie et le drame français, puis vient l'examen des
origines liturgiques du cycle de la Passion, de celui de Noël et de
celui de Pâques. L'auteur s'occupe ensuite des Miracles ou Vies des
saints, et finit son livre par un morceau fort animé où il nous décrit
une représentation dramatique au quinzième siècle, et par un chapitre
où il expose le grand parti que la Renaissance aurait pu tirer du
drame religieux.
Il eut été possible à M. Sepet de remanier ces divers articles
de manière à donner à son livre une unité plus complète; mais il a
préféré ne rien modifier à sa première rédaction. Ce parti a pu avoir
l'inconvénient de produire quelques répétitions. Ainsi, le premier
— lia —
chapitre offre des citations du Mijslcrcde l'Époux que nous retrouvons
plus loin (p. 113), sans nous en plaindre cependant, car, là, M. Sepet
a traduit en bons vers ce qu'il nous a d'abord donné en prose. Ce
n'est pas la seule fois, du reste, que M. Sepet a employé la poésie, et
nous signalerons encore comme fort bien réussi un cantique des
bergers s'avançant vers la crèche (p. 69). — Il y aen^ d'un autre côté,
des avantages très-réels à ne pas modifier des pages de jeunesse. Des
retouches, en pareil cas, sont difficiles à pratiquer, et font souvent dis-
paraître des traits, des pages très-dignes de regret. M. Sepet a donc
respecté sa rédaction primitive — et, selon nous, il a bien fait, — mais,
en note, il a rectifié certaines assertions qui lui paraissaient trop
absolues, certaines appréciations qui lui semblaient exagérées.
Les deux livres de M. Sepet jettent une grande clarté dans l'his-
toire de l'art dramatique au moyen âge, et viennent s'ajouter aux
nombreux et beaux travaux qu'a inspirés de nos jours une époque si
intéressante et si longtemps mal connue. Th. de Puymaigre.
Histoire de deux fables de l^a F'ontaine, Heurs origines et
leuï^s pérégrinations, par A. Joly, doyen de la faculté des lettres
de Caen. Paris, E. Thorin, 1877, in-8 de 150 p. — Prix : 3 fr.
On a souvent cherché à remonter jusqu'à l'origine de quelques-unes
des inventions si admirablement développées par La Fontaine, et à
les suivre dans leurs multiples transformations. Rien n'est plus piquant,
comme le remarque tout d'abord M. Joly (p. 3), que « de voir ainsi un
seul et même récit s'en allant à travers les âges, toujours un et tou-
jours divers, se modifiant selon le pays, le temps, le climat, la civili-
sation, ici perdant quelque chose, là gagnant davantage, changeant
de ton, de couleur, souvent même de moralité; que de le retrouver
et de le ressaisir sous tous ses déguisements. » Le savant doyen ajoute
bien spirituellement qu'il n'est presque pas une des fables de La Fon-
taine à propos de laquelle on ne puisse ainsi faire, si l'on veut, le tour
du monde en quelques heures. Prenant pour exemple les Animaux
malades de la peste (p. 4-90] et La laUière et le pot au lait (p, 91-113),
M. Joly prend ces fictions à leur berceau, et, les suivant en toutes
leurs migrations, il écrit deux chapitres de littérature comparée, où
abonde la plus aimable érudition. De l'Inde, où l'on rencontre le pre-
mier germe et la première ébauche des deux fables, l'ingénieux cri-
tique nous fait passer en Perse, en Arabie, en Turquie, en Espagne,
en Italie, dans presque tout le reste de l'Europe. Il note, plus exacte-
ment qu'on ne l'avait jamais fait, les innombrables transformations des
deux apologues, groupant les plus curieux rapprochements, et, pour
alléger sa marche, renvoyant aux noies de la fin (p. 114-154) les textes
Février 1878. T. XXII, 10.
— U6 —
empruntés à toutes les littératures, analysés ou traduits dans l'étude
même. Cette promenade à travers les récits de l'Asie et de l'Europe
est d'autant plus agréable, que le guide que nous suivons a plus de
goût et de finesse, et que son langage est meilleur, de même que
son savoir. En voyant M. Jolj compléter et corriger si bien les tra-
vaux de ses devanciers, particulièrement ceux de M. Robert et de
M. Saint-Marc-Girardin, on souhaite vivement qu'il se fasse le com-
mentateur de plusieurs autres fables et qu'il nous donne l'occasion de
recommencer, à sa suite, ces voyages où chacun de nous, comme l'hi-
rondelle de La Fontaine, pourra se vanter d'avoir « beaucoup appris.»
T. deL.
Étude sur Ses œuv^res «le «lean de Maîret, par Gaston Bizos,
ancien élève de rÉcole normale supérieure, docteur es lettres. Paris,
E. Thorin, 1877, in-8 de 400p. — Prix : 7 fr. ."iO.
L'ouvrage de M. Bizos renferme une vie de Mairet, le résumé de
l'histoire de la tragédie française avant ce poëte, l'examen de ses
premières œuvres (Chriséide et Arimant ; Silvie), de ses théories dra-
matiques, de la Silvanire., des Galanteries du duc d'Osson^ie, de la Vir-
ginie, de la Sophonishe, de la Cléopdtre, etc., de ses dernières pièces,
de ses poésies légères, de ses morceaux de prose, etc. A l'étude même
sur la vie et les oeuvres de Mairet, dans lequel on remarque un travail
spécial sur la langue tragique du poëte bisontin, se joignent d'inté-
ressantes pages sur les œuvres de quelques-uns de ses contemporains
comme VAmaranthe de Gombauld et les premières pièces de Rotrou,
sur les poètes dramatiques familiers du cardinal (Boisrobert,rEstoile,
Colletet, Desmarets), sur les émules de Mairet (Scudéry, Du Ryer,
Tristan l'Hermite et Rotrou). Pour ne rien omettre, indiquons encore
(à V Appendice) la liste par ordre chronologique des œuvres de Mairet
jouées et imprimées, neuf de ses petites pièces de vers, les unes iné-
dites, les autres qui n'ont jamais été réunies à ses œuvres, deux de
ses lettres, la première adressée au cardinal Mazarin (mars 1654),
l'autre au Bisontin Aug. Nicolas, l'auteur de Europa lugens (1647),
enfin le portrait du poëte. D'après cette énumération, on voit quelles
richesses M. Bizos a su réunir dans sa thèse pour le doctorat es lettres.
J'emploie le mot richesses avec intention, car récits, analyses, appré-
ciations, tout, de la première à la dernière page est de haute valeur.
M. Bizos a été un excellent chercheur, avant de se montrer excellent
critique. Il a trouvé, pour écrire la biographie de Mairet, des res-
sources précieuses dans un travail lu par Rochet de Frasne, en 1754,
à l'Académie de Besançon (bibliothèque de cette viUe ; recueil
manuscrit des travaux de la Compagnie), et dans divers autres docu-
ments, tels que les lettres de noblesse accordées au poëte, par l'era-
— 147 —
pereur Léopold (18 septembre 1G68) et conservées aux Archives dé
partementales du Doubs. Signalons aux curieux (p. 279), une lettre
inédite du poëte Sarrazin à son ami Mairet (Mémoires manuscrits de
l'Académie de Besançon). M. Bizos cite et discute, en ce qui touche
les œuvres dramatiques de Mairet et de ses conte^;porains, les opi-
nions de Voltaire, de M. Guizot, de M. Sainte-Beuve, de M. Saint-
Marc-Girardin, de M. de Puibusque, de M. Marty-Laveaux, etc., et on
peut dire qu'il a parfaitement connu et parfaitement jugé presque
tout ce qui a été écrit sur la matière. J'ai très-peu d'observations à
présenter à M. Bizos. Je le trouve bien sévère pour Tallemant des
Réaux, quand il l'appelle (p. 26) « cette langue de vipère. » Je lui
apprendrai que le rarissime pamphlet qu'il a découvert, dit-il (p. 42.
note 2), à la bibliothèque de Besancon : Apologie pour M. Mairet
contre les calomnies du sieur Corneille de Rouen (1637), est aussi à la
bibliothèque Sainte-Geneviève (Y 458 réserve). Il a trop facilement
accueilli (p. 26) l'erreur de certains écrivains, d'ordinaire mieux in-
formés, en nous montrant le généreux protecteur de Mairet, le comte
de Belin a assassiné le 7 décembre 1642, par le marquis de Bonnivet.»
François de Faudoas, le fils de l'ancien gouverneur de Paris, était
déjà mort avant la fin de l'année 1638. (Voir l'abbé Goujet, Biblio-
thèque française, t. XVIII, p. 185; M. H. Chardon, la Troupe du Ro-
man comique dévoilée, etc., 1876, in-8, p. 37.) Enfin, j'exprimerai le
regret que M. Bizos n'ait pas eu connaissance de la correspondance
inédite de Chapelain : il aurait trouvé dans le premier volume de cette
correspondance léguée par M. Saint-Beuve à la Bibliothèque natio-
nale, plusieurs lettres fort intéressantes écrites à Mairet par Chape-
lain, qui fut pour le poëte franc-comtois, comme pour presque tous les
poëtes et prosateurs de son temps, un excellent conseiller et un dé-
voué confrère. T. de L.
Tableau «le la littérature française, ISOO-lSl^, par
Gustave Merlet. Paris, Didier, 1877, in-8 de 670 p. — Prix : 8 fr.
La littérature de l'époque impériale, si complètement éclipsée par
le grand mouvement romantique de la Restauration, est tombée dans
une sorte de dédaigneux oubli d'où ne surgissent guère que les noms de
Chateaubriand, de M"" de Staël et du comte de Maistre. M. Merlet a
pensé qu'il pouvait y avoir, dans cet oubli, sinon une complète injus-
tice, au moins une négligence fâcheuse, et il nous a donné un volume
qu'on lira avec autant de profit que de plaisir. Ce volume n'est, du
reste, que le début d'une œuvre à vastes proportions. Ici l'auteur ne
s'occupe que du mouvement religieux, philosophique et poétique. Le
roman, la critique, l'érudition, l'histoire, l'éloquence et la politique
auront leur tour plus tard. On tend de plus en plus à amener sur la
— 148 —
littérature comme des reflets des événements, reflets qui l'éclairant
et l'animent. M. Merlet a procédé de cette manière. Dans son intro-
duction, il esquisse avec netteté et impartialité l'histoire de la fin du
dernier siècle et du commencement de celui-ci: et, dans tout le cours
de son ouvrage, iil ne perd point de vue l'état de la société dans la-
([uelle se meuvent les écrivains qu'il juge. Peut-être y aurait-il eu au
début du livre à effleurer une question curieuse : la forme du gouver-
nement a-t-elle une action sur les manifestations de l'intelligence? Ne
sont-ce pas des temps de sage liberté, comme l'époque de la Res-
tauration, qui sont favorables à ces manifestations ? Ne sont-ce pas les
jours de despotisme qui leur sont le plus nuisibles; témoins la Terreur
et l'Empire? Mais, contrairement à cette thèse, on pourrait rappeler
le siècle éclatant de Louis XIV. Nous croyons cependant qu'il ne
serait nullement impossible d'expliquer cette espèce de contradiction,
mais, pour tenter de le faire, il faudrait à coup sûr plus de place que
nous n'en avons à donner à tout le livre de M. Merlet, auquel nous
nous hâtons de revenir. — Les premiers chapitres sont consacrés à
M. de Bonald, à M. de Maistre et à la jeunesse de Chateaubriand.
M""* de Staël viendra dans un tome suivant. M. Merlet arrive ensuite
à la partie la plus ingrate, à la poésie. Il nous montre, toutefois,
quelques vers heureux, quelques inspirations où pouvaient se
trouver les germes d'inspirations qui devaient s'épanouir plus tard.
Il termine son étude par l'examen des œuvres théâtrales et par un
vaste appendice où de courtes notices, fort bien faites, rappellent en
peu de mots les littérateurs de l'époque traitée et contiennent une
appréciation de leurs oeuvres, appréciation écrite avec une cons-
cience dont le scrupule qui a provoqué cet appendice suffirait à donner
une très-favorable idée. Pour qu'on lût sans fatigue un fort volume
dont le sujet n'a pas toujours un grand intérêt intrinsèque, il fallait
que ce gros volume attachât par la vérité des aperçus et par l'agrémen
du style ; c'est un double mérite qui n'a pas manqué à l'auteur. Peut-
être M. Merlet cherche-t-il un peu trop à réveiller l'attention par le
chatoiement des images. Souvent il les rencontre bien, quelquefois
elles sont un peu trop cherchées ; quelquefois la phrase a des rondeurs
trop rhétoriciennes, comme quand M. Merlet compare notre langue
« à cet arbre généreux dont parlait Horace, et qui renouvelle ses
feuilles à chaque retour du printemps. » Outre que la comparaison
d'Horace, autant que nous nous en rappelons le texte, n'est pas exac-
tement rendue, l'épithète, généreux n'est là qu'une cheville destinée à
gonfler la période. On pourrait ainsi croire, dans deux ou trois en-
droits, à une espèce de contagion du style par trop académique dont
M. Merlet fait justice si souvent et avec tant de goût.
Th. de Puymaigre.
— 149 —
HISTOIRE.
Essa sur l'esprît public dans l'histoire, par le vicomte
Ph. d'Ussel. Paris, Hachette, 1877, in-8 de 447 p. — Prix : S fr.
Ce livre a dans son titre quelque chose de vague qui ne dit point
tout d'abord ce qu'il contient. Nous croyons reproduire exactement
la pensée de l'auteur en disant qu'il recherche ce qu'est l'esprit
public, l'esprit dirigeant, l'idée dominante d'une époque; comment
il se forme et se transforme ; comment et par quels agents il exerce
son influence. Puis il demande à l'histoire la confirmation de ses théo-
ries.
Toute société poursuit un idéal dont le type lui est fourni par les
hommes de génie et qui des sommités descend aux dernières couches
sociales par l'éducation et les différents modes de transmission de la
pensée. L'esprit guerrier et l'esprit religieux y jouent un rôle consi-
dérable, dans toutes les nations, suivant des lois que M. d'Ussel
s'applique à déterminer.
Chez les Hébreux, c'est l'idéal religieux qui prédomine. L'idéal
social est celui que poursuivent les Grecs. Chez les Romains, l'idéal
social est celui de la première époque ; il atteint sa réalisation par le
nivellement social et l'établissement de l'Empire, qui conduit à la
décadance. L'esprit religieux chrétien survit seul au milieu de toutes
les ruines ; il caractérise la tendance générale du moyen âge ; il
élève l'idéal poursuivi à cette époque de transformation à une subli-
mité qui la préserve de la chute à laquelle elle aurait été entraînée
par tous les défauts et toutes les misères importées par les peuples
barbares. Avec les temps modernes, l'idéal se modifie surtout par la
manière de concevoir l'état social. Dans les temps actuels, c'est le
progrès social qui est le but de tous les efforts, mais progrès dont
l'élément principal est l'utile. Il a créé le courant démocratique, contre
lequel lutte ce que l'auteur appelle a le parti de l'histoire : » avec
lui est venu le goût énervant du bien-être, le règne du mercantilisme
et de l'intérêt, le morcellement et l'instabilité de la richesse et du
pouvoir qui, avec la loi du nombre, entraîne la médiocrité des gouver-
nants, l'abaissement de l'idéal pourvuivi. C'est le positivisme u qui
pourrait bien abaisser les facultés d'une race au-dessous du degré
nécessaire pour lui permettre d'exceller même dans les arts pra-
tiques, » et qui n'a de contre-poids que dans la religion.
Cette étude de philosophie historique dénote un sagace et pro-
fond observateur, un esprit méthodique et réfléchi, des convictions
vives et raisonnées, de nobles sentiments, de généreux instincts, une
inspiration toute chrétienne, le tout traduit en un très-bon style.
Dans cette accumulation de jugements et d'appréciations sur les
— loO —
faits, ce serait une rare bonne fortune de se trouver toujours en com-
plet accord avec l'auteur, quand bien même on serait généralement en
parfaite conformité de sentiments avec lui. Si nous avons à le contre-
dire sur plus d^un point, c'est moins pour le fond que pour la forme
qui manque quelquefois de précision et est entraînée à une certaine
exagération pour concorder avec la théorie ou la rendre plus saisis-
sante. Ainsi, quand il dit que lïdéal, au dix-huitième siècle, c'est le pro-
grès social, le terme est impropre ; car cela ressort clairement de son
exposé, c'est un progès matériel, sans idées morales ni religieuses,
un progrès qui conduit à la décadence. N'est-ce pas aussi à tort qu'il
dit que l'antagonisme entre la religion et la Révolution ne vient pas
d'une opposition substantielle entre les principes (p. 306), après avoir
montré qu'un des caractères de la Révolution c'était une opposition
au principe de l'autorité. C'est aussi faire trop d'honneur à la Révo-
lution que d'en faire la génératrice de l'idée de patrie. Mais il n'est
pas besoin de s'arrêter davantage à des critiques sur des points qui ne
pourront échapper à tous les lecteurs, à tous les hommes d'étude sé-
rieux, auxquels ce livre est destiné, et que nous n'hésitons pas à leur
recommander.
Nous voudrions leur signaler bien des aperçus neufs, bien des consi-
dérations élevées, bien des pages vigoureuses. Comme le protestan-
tisme est bien caractérisé : u Cette religion n'impose à l'homme aucun
sacrifice; elle n'en demande ni à sa raison, ni à son bien-être, ni à
ses besoins physiques et moraux... Il transige avec la nature humaine
sur les principes eux-mêmes qu'il ramène, en les abaissant, à la portée
de chacun (p. 48). » Que dira notre mollesse de cette déclaration sur
les bienfaits de la guerre. « Il faut admettre quel'état de guerre... est...
nécessaire à la conservation de certaines qualités viriles dont la perte
conduirait à la décadence morale. Telles sont, par exemple : le cou-
rage, l'esprit d'obéissance, de dévouement et de sacrifice,... dont le
développement est naturellement si contraire à nos tendances vers
le bien-être et l'égoïsme et qui ne peuvent probablement se soutenir
sans s'exercer, et ne trouvent d'exercice que par la guerre (35). »
M. d'Ussel appelle « parti de l'histoire » le parti qui lutte contre l'es-
prit démocratique et ses tendances au bouleversement général pour
régner sans contradiction ; son expression prêterait à croire qu'il y
a un parti dont l'idéal est la pure restauration du passé. C'est une
chimère inventée par ceux dont le courage ne recule pas devant une
bataille à la façon de Don Quichotte contre des moulins à vent. Nous
en avons la preuve dans ce qu'il dit très-bien : « Combien bien peu
d'hommes de notre époque consentiraient à devenir barons féodaux
au prix des fatigues, des dangers et des misères qui traversaient la vie
de ces seigneurs si puissants et si redoutés? » Victor Moryat.
— loi —
L.'ilLrrique et la Conférence géograpliSque de Bruxelles.
par E. Banning. Bruxelles, 1877, in-8 de loO p. et 1 carte. — Prix : 3 fr. oO,
Le 12 septembre 1876, le roi des Belges réunit à Bruxelles une
conférence composée des principaux géographes de TEurope, dans
le but de rechercher en commun les moyens les plus propres à civiliser
l'Afrique centrale. L'appel fait par Léopold 11 aux sentiments philan-
thropiques fut entendu; de tous les points de l'Europe, on envoya
des adhésions nombreuses, et des souscriptions considérables affluè-
rent. Depuis quelques semaines, une première expédition belge, com-
posée de trois membres, est partie pour l'Afrique. A l'occasion de la
conférence de Bruxelles, plusieurs publications virent le jour. Celle
de M. Banning est la plus importante. L'auteur a divisé son travail
en deux parties. Dans la première, il s'occupe de l'Afrique au point
de vue historique, physique et social. La seconde est consacrée aux tra-
vaux de la conférence de Bruxelles. Un appendice nous donne plu-
sieurs pièces justificatives. M. Banning commence par initier ses
lecteurs aux principales expéditions africaines de ce siècle et aux ré-
sultats obtenus jusqu'à ce jour. Ce résumé est clair, méthodique et
exact. Un second chapitre nous fait connaître la géographie physique
de l'Afrique. Les deux chapitres suivants nous intéressent davantage.
L'auteur y parle de l'ethnographie de l'Afrique et de la traite des
nègres. Il nous montre fort bien qu'en général la race nègre n'est pas
si inférieure aux autres races qu'on se plaît souvent à le dire. Il nous
semble cependant que l'auteur aurait bien fait, dans l'intérêt même de
son sujet, de nous parler quelque peu des différences que les voyageurs
ont constatées entre les malheureuses peuplades qui sont régulièrement
visitées parles marchands d'esclaves et celles qui, jusqu'à ce jour, ont
moins souffert de la traite. Les ouvrages de Livingstone pouvaient
lui donner d'excellents renseignements à cet égard. C'est ainsi que
ces dernières peuplades sont bien plus douces, moins féroces, et ac-
cueillent d'ordinaire l'étranger avec une grande bienveillance. Les
autres, se trouvant continuellement en légitime défense, regardent
tout homme blanc comme un ennemi, et souvent le traitent comme tel.
M. Banning, admettant l'opinion émise par Berlioux dans son ou-
vrage sur la traite orientale, distingue trois grandes régions de
l'Afrique oîi la chasse à l'homme est régulièrement organisée. La
première est le Soudan, dont le marché principal est Kouka, dans le
Bornou; la seconde, la vallée du Haut-Nil, avec Khartoum comme
point central ; enfin le plateau central de l'Afrique, avec Kazeh ou
Zaboto comme entrepôt général. On estime de 80 à 90,000 le nombre
annuel des victimes de cet infâme trafic, destiné à satisfaire aux de-
mandes de chair humaine de TArabie, de la Turquie d'Europe et
d'Asie, de la Perse et de Madagascar.
— Ifii —
Le but ijuc Ton a actuellement en vue est de travailler d'un commun
accord à supprimer la traite des nègres ; c'est seulement quand on
aura obtenu ce premier résultat que l'on pourra réaliser la pensée de
Léopold II, et entreprendre la civilisation de l'Afrique. A cet
effet, la conférence de Bruxelles a jugé que les meilleurs moyens à
employer étaient l'envoi d'*un nombre suffisant de voyageurs isolés —
donc pas de grandes expéditions comme celle de Baker, — et l'éta-
blissement de stations scientifiques et hospitalières. « Seulement
(p. 92) les établissements qu'il s'agit de créer porteront un cachet
purement laïque ; le concours de toutes les nations n'en comportant
pas d'autre ; ils ne s'imposent aucune mission religieuse, ils ne repré-
sentent aucune confession, aucun culte. » Ici est le point faible de
toute l'organisation. Civiliser laïquement un peuple est tout aussi
impossible que de supprimer Tesclavage et la castration chez les maho-
métans, aussi longtemps que ceux-ci resteront attachés à l'islamisme.
Il semble que la conférence ait eu bien plus en vue l'intérêt scientifique
que le but moral de la civilisation africaine, précisément par suite de
l'absence de toute idée chrétienne. Nous comprenons que, du moment
que des nations protestantes participent à l'œuvre, les missions ne
pourraient pas être exclusivement catholiques. Ce mal, du reste, ne
serait pas grand. Il y a trop longtemps, en eôet, que la stérilité des
missions protestantes est connue, pour que nous ayons rien à crain-
dre à cet égard. Livingstone, qui était lui-même missionnaire, aurait
certes protesté contre cette laïcité. Si l'on ne tâche pas d'unir les
efforts des missionnaires à ceux des savants explorateurs, toutes ces
expéditions pourront être riches en résultats scientifiques, mais ne
contribueront pas plus à civiliser les nègres que les institutions euro-
péennes introduites d'un seul coup au Japon n'ont pu concourir à ra-
mener le peuple japonais à la vraie civilisation. En-dehors du chris-
tianisme, toute vraie civilisation est impossible; et cette vérité ressort
avec tant d'évidence des enseignements de l'histoire, que l'on s'étonne
de devoir la rappeler. An. de Ceuleneer.
A. travers l'i%.frîqiie. Vo]iagc de Zanzibar à Bcnguela, par le commandant
V.-L. Cameron. Traduit de l'anglais avec l'autorisation de l'auteur jiar
M. H. LoREAu. Avec 130 gravures, 1 carte et i fac-similé. Paris, Hachette
1878, gr. in-8 de 5S9 p. — Prix : 10 fr.
C'est une grande pensée humanitaire qui a conduit le commander
Cameron à tenter la traversée de l'Afrique : son premier désir, en
effet, était de travailler pour sa part à la suppression de l'odieux
commerce des esclaves noirs... Sans doute, comme il est naturel à
tout Anglais, la soif des découvertes entrait aussi pour quelque
chose dans sa résolution ; mais, i! faut le proclamer à son honneur,
ce n'en fut point le premier mobile, — De Bagamoyo, situé sur l'océan
Indien, en face de Zanzibar, et qui est le point de départ de toutes les
explorations dans le centre de l'Afrique, jusqu'à Benguela baignée
par l'Atlantique, son voyage a duré trois ans et cinq mois ; la narra-
tion qu'il en offre au public est plutôt un journal de marche, un guide
pour les voyageurs qui voudront suivre ses pas, que le récit de ses
aventures, de ses chasses, etc.. Nous ne devons pas nous en étonner.
La description de ces régions laisse encore trop à désirer au point
de vue pratique, malgré les admirables découvertes et la précision
des détails obtenus depuis un quart de siècle, pour que, de longtemps,
on ait le droit de réclamer des épisodes de touristes... Il faudra s'en
tenir, pendant quelque temps encore, à de Yéritsi'hles guides, mention-
nant les particularités de la route, les traits du pays, les mœurs, la
langue, les coutumes des habitants, les conditions des relations à ou-
vrir avec eux, etc.. Une partie de la carte parcourue par l'intrépide
Cameron commence à être assez connue : c'est la région comprise entre
le canal de Zanzibar et les grands lacs. Mais le bassin du Congo et
tout le plateau de partage entre ce bassin et celui du Zambèse sont à
compléter comme données géographiques, hydrographiques, etc..
Nul doute que l'avenir ne réserve à quelque émule des Livingstone,
des Stanley, des Cameron, l'honneur d'ajouter aux indications qui figu-
rent jusqu'à présent sur leurs cartes.... Le mérite des premiers ex-
plorateurs en recevra un nouveau lustre pour avoir ouvert, au
prix de difficultés plus grandes, une voie appelée à devenir de
plus en plus féconde. On peut se rendre compte, sur la carte jointe
au présent volume, de la route suivie par Cameron : à elle seule,
elle permet de supposer les épreuves et les difficultés que ce
hardi pionnier a dû traverser, et son très-intéressant récit, mon-
trant comment il les a surmontées, confirmera l'admiration pour
sa persévérance et son énergie et légitimera la gloire désormais
attachée à son nom. Ce voyage s'ajoute avec honneur aux huit ou dix
volumes pleins de faits que l'on doit déjà sur ces régions si longtemps
inconnues, aux grands explorateurs américains, anglais et français.
Outre la question de l'esclavage, qui est prise sur le fait et traitée là
de visu, il y a des chapitres fort curieux sur le géographie (orographie
et hydrographie) de l'Afrique centrale, sur son système lacustre, sur
son avenir, etc.. Un vocabulaire et une nomenclature botanique com-
plètent en appendice ce volume où nous n'avons pas lu sans émotion
le passage dans lequel Cameron, malade lui-même, ainsi que Murphy
et Dillon, presque jusqu'à en mourir, raconte comment il apprit la
mort de Livingstone et organisa son convoi funèbre...
F, DE ROQUEFEUIL.
- iU -
vie de M" de la Rochefoucauld^ duchesee de Doudeau-
ville, fondatrice de la Société de IVazareth. Paris et Lyon,
Lecoffre, 1877, in-12 de x-345 p., avec un portrait. — Prix : 3 fr. 50.
La vie de la duchesse de Doudeauville (1764-1849) offre de singu-
liers contrastes et de fortifiants exemples. Elevée par urne mère sans
tendresse et dont l'austère vertu avait toute la raideur et l'aspérité
du jansénisme, Augustine de Louvois de Montmirail accepta de sa
main, avant d'avoir atteint sa quinzième année, un mari un peu plus
jeune qu'elle et qui dut la quitter après la cérémonie nuptiale pour
achever son éducation confiée à des mains qui conspiraient contre sa
foi profondément implantée dans son cœur par sa nourrice, une
simple paysanne. Sa nouvelle famille était imbue des idées philoso-
phiques que son beau-père fit tout pour lui inculquer. Elle fut exposée
à tous les dangers du monde par un entourage ami du plaisir, par sa
position, par tous les charmes séduisants de sa personne. Néanmoins,
prévenue dès sa plus tendre enfance par la grâce de Dieu, elle se
montra toujours pleine de déférence, de soumission et d'affection
pour sa mère, ne se départit jamais d'aucun de ses devoirs ni dans sa
famille ni dans le monde, conquit l'estime de ceux qui ne l'imitaient
pas par sa scrupuleuse fidélité, sut faire aimer la vertu par la
manière dont elle la pratiquait, et exerça, par sa douce influence, un
véritable apostolat au sein de sa famille. La religion lui fournit la
force pour traverser, loin de son mari émigré, l'époque sanglante de
la Révolution. Bien des têtes qui lui étaient chères tombèrent à ses
côtés; elle soutenait tout le monde par son courage; plus d'une fois
elle tint tète aux bandits ; elle toucha même le cœur du sanguinaire
Fouquier-Tinville. Son anonyme biographe décrit les scènes les plus
émouvantes. Toute sa vertu, sa sagesse, son expérience paraissent
dans les conseils qu'elle donne à sa fille, dans l'éducation de ses
enfants et petits-enfants qui l'entourent de respect et de vénération
et portent dignement son nom parmi nous, dans l'administration de
sa grande fortune, dans ses relations avec toutes les personnes de sa
maison, dans son intelligente générosité et dans sa charité envers
tous les pauvres et les populations au milieu desquelles elle vivait.
Elle fonda, à Montmirail, la Société de Nazareth pour l'éducation des
jeunes filles. L'histoire de cette œuvre, qui occupe déjà une large
place dans cette biographie, recevra de plus grands développements
dans la vie, promise par l'auteur, de la mère BoUat, première su-
périeure. A côté de tableaux saisissants, des traits piquants, des
pages d'un intérêt presque historique, sans parler du caractère
édifiant de ce volume, nous devons signaler ce qu'il fournit de détails
curieux sur les mœurs de la société française avant la Révolution.
Nous aurions aimé que l'auteur présentât toujours les acteurs qu'il met
— <55 —
en scène, et qu'il donnât plus de dates. Le nom de l'abbé d'Etyola ne
doit-il pas être corrigé en celui de Thiollaz? R. de Saint-Mauris.
I^e Village sous l'ancien régime, par Alfred Babeaci. Paris, Didier,
i878, in-8 de 368 p. — Prix : 6 fr.
ÏLia Vie de province au dix-huitième siècle. — Les Femmes, les
Mœurs, les Usages, par Anatole de Gallier. Paris, Rouquette, 1877,
in-8 de 128 p. —Prix : 4 ir.
De savantes études ont été publiées dans ces derniers temps sur
l'histoire des classes agricoles, sur les communes, les communaux,
les associations et les confréries populaires, le régime scolaire avant
la Révolution, etc.
Les recherches ont été très-étendues, les matériaux sont nombreux
et curieux; mais il ne s'en était pas encore dégagé une œuvre vrai-
ment vivante, qui rendît tout à fait sensible dans leur ensemble les
traits essentiels de l'administration des campagnes isous l'ancienne
monarchie, et qui nous permît de la voir en action, surtout à une
époque rapprochée de la nôtre.
Cette oeuvre, M. Babeau vient de nous la donner. Résumant, sur
les communautés rurales, la substance de ce qu'ont écrit les anciens
jurisconsultes et de ce que nous apprennent les documents originaux
recueillis de nos jours par les érudits, il a complété leurs indications
par deslobservations plus particulières sur les villages de la Champagne
et de la Bourgogne ; et c'est ainsi qu'il a pu retracer un tableau aussi
exact que possible, pour les contrées de la France situées au nord et
au nord-est de la Loire.
« Mon but, difc-il, n'a pas été de soutenir une thèse; il a été d'expo-
ser les faits. » La précision des faits ! quoi de plus nécessaire en un
pareil sujet! Il s'agit de juger, comme elle le mérite, une des parties
l3S plus importantes et les moins connues de la vieille France.
Pour cela son organisme est à étudier de près; car, en lui se sont
concentrés les intérêts communs et la vie publique de millions de
familles, dont les besoins, les mœurs, la manière d'être, ont été et
seront toujours très-différentes de ceux des villes. Qu'était autrefois
un village ? De quels éléments multiples se composait-il ? et comment
sous l'influence des changements intervenus dans l'état despersonnes,
des classes, de la propriété, du gouvernement local et du pouvoir
central, ces éléments d'autonomie étaient-ils arrivés au point où nous
les trouvons à la veille de la Révolution ? Tels sont l'objet et le
cadre des études de M. Babeau.
Le village n'est pas seulement la commune ; c'est aussi la paroisse ;
c'était plus anciennement la seigneurie. Au-dessus de lui, il y avait
la province et l'Etat. De là, autant de divisions du livre.
Nous contemplons d'abord la communauté rurale en elle-même.
Nous assistons à ses assemblées agricoles qui réalisent l'idéal des
libertés populaires : tous ses membres y prennent part ; sous la tutelle
et le contrôle des autorités publiques, ils nomment librement leurs
syndics, administrent presque souverainement leurs biens, perçoivent
leurs revenus, votent les dépenses, présentent leurs comptes, répa-
rent des églises, des ponts et chemins, entretiennent des écoles, etc..
Ce qu'il faut pour leurs intérêts temporels, ils le pratiquent avec non
moins d'indépendance, comme marguilliers, pour leurs intérêts reli-
gieux. Le château est bien là, avec sa suprématie ; mais cette supré-
matie, il la perd peuàpeu : ses tours disparaissent, ses fossés se com-
blent. Le temps n'est plus où le seigneur était, pour la population, un
protecteur, wn chef, et où sa résidence dans le pays faisait de lui la
première des autorités sociales. Il ne garde de son ancien pouvoir
que de stériles honneurs et des droits que l'absence de services ren-
dus transforme aux yeux de ses anciens subordonnés en autant d'abus.
Le juge seigneurial le remplace avec ses qualités et aussi, hélas ! avec
ses défauts ; et lui-même s'efface devait une puissance supérieure qui
ne cesse de grandir, l'Etat. L'administration centrale enveloppe de
son réseau la petite communauté rurale ; elle ne la détruit pas ; mais
elle se sert d'elle, dans un but trop exclusivement fiscal, pour le recou-
vrement des tailles, pour des corvées royales et le tirage de la
milice.
Nous ne pouvons qu'indiquer en quelques lignes le pensée générale
du livre. Quant aux détails, ils échappent à toute analyse, M. Babeau
prête un véritable charme aux choses les plus sérieuses; son érudition,
aussi variée que profonde, met chaque fait à sa place et dans un relief
saisissant. Grâce à lui, nous connaissons mieux, sur bien des points,
la vieille France rurale. Nous la voyons grande et prospère, à l'époque
où la monarchie la prit des mains de la féodalité ; nous la suivons à
travers les siècles; et elle nous apparaît, soit en progrès, soit para-
lysée dans son essor, selon les mœurs bonnes ou mauvaises qui pré-
valent, mais ne désespérant jamais d'elle-même, et, sous l'égide de la
monarchie, préparant ces fortes et vaillantes races de paysans qui
donnèrent tant de héros à la Vendée, et parmi lesquelles se recru-
tèrent les intrépides soldats de l'armée du Rhin et de l'armée d'Italie,
qui devaient faire la terreur et l'admiration de l'Europe.
L'auteur montre comment ces paysans avaient appris à devenir des
citoyens, en administrant leurs affaires locales, comment ils savaient
s'imposer des sacrifices pour leurs écoles, leurs hôpitaux et leurs ins-
titutions les plus utiles. Pourquoi a-t-il négligé de mettre en pleine
lumière l'institution fondamentale par excellence ? La famille, plus
encore que la commune, forme l'homme et le citoyen ; et c'est en elle
qu'il faut chercher la vitalité, le solide point d'appui des libertés
populaires. La stabilité est surtout nécessaire à l'ordre moral.
M. Babeau nous permettra d'exprimer le vœu que son beau livre
sur le village dans l'ancien régime soit complété par un autre sur le
village actuel, au point de vue des réalités sociales du temps présent.
Aucune œuvre ne serait plus opportune. Elle seule fournirait l'explica-
tion d'un fait très-grave : malgré tous les progrès matériels dont jouis-
sent les campagnes, nos vieilles races de paysans périssent, et il ne s'en
crée pas de nouvelles; malgré toutes les écoles dont elles sont dotées
par l'Etat, nos populations agricoles sont de moins en moins aptes à
gérer directement cù en paix leurs intértês.
— L'objetpropre de l'étude de M. de Galliersur la.Viede 'province au
dix-huitième siècle est une intéressante collection de lettres, dont les
auteurs n'ont pas de place dans l'histoire, mais en avaient une très-
distinguée, il y a un siècle, dans leur province. Les Aymon, seigneurs
de Franquières, habitaient sur la rive droite de l'Isère, en face de la
Combe deLancey, un château d'où ils rayonnaient surtoutleDauphiné
et au-delà de Lyon. Ils avaient les plus belles alliances ; de père en
fils, ils étaient conseillers au Parlement de Grenoble. Le dernier
avait eu la passion des voyages, et ses récits, conservés et copiés
par sa sœur, ne manquent pas d'esprit.
On écrivait beaucoup pour l'intimité, et les Franquières en ofifrent
la preuve. Les femmes surtout savaient tenir la plume avec une
originalité pleine de charme ; et c'est aussi sur elles que les documents
cité par M. Anatole de Gallier fournissent les renseignements les plus
particuliers. On les voit, à des âges bien différents, exprimer leur ma-
nière de sentir, on assiste à leur conversation. A la différence de ce
qui se passait à Paris, on les trouve encore en province inspirant le
respect par leur religion et leur piété. Un fait frappe au plus haut
point notre observateur dans cette époque singulière : c'est le con-
traste qu'offrent les mœurs patriarcales, gardées par beaucoup de
familles, fidèles au sol natal, avec la corruption raffinée dont font éta-
lage la plupart de celles qui ont émigré de la province.
Nous ne saurions relater ici toutes les curiosités que M. de Gallier
nous décrit avec une érudition consommée, et aussi avec les agré-
ments du style le plus délicat. Il y en a sur tous les sujets : d'abord
sur les mœurs privées, ensuite sur le monde proprement dit, sur la
poésie, la musique, les salons, les bals, les spectacles, sur les rapports
de plus en plus difficiles des classes entre elles, sur l'esprit frondeur
qui se répandait partout.
M. de Gallier est de l'école qui cherche le vrai dans l'histoire et
qui fait servir le passé à l'instruction du présent. Il ne dissimule en
rien les côtés défectueux de la vie de province du dix-huitième siècle ;
— 1d8 —
mais il met en évidence aussi ce qu'elle avait d'excellent, là où subsis
talent les principes chrétiens et les traditions du foyer.
Charles de Ribbe.
t,e Fonds des reptiles^ Le Journalisme allemand et la formation de
V opinion publique, par H. Wuttke. Trad. de l'allemand par B. Pommerol.
Paris, Dreyfous, 1877, gr. in-18 de xxvi-293 p. — Prix : 3 fr.
L'ouvrage du professeur "Wuttke n'est pas entièrement inconnu du
public français, La Revue des Deux Mondes en avait déjà parlé dans
son numéro du l*''' mai 1875; mais, par l'importance même de cet écrit,
une traduction française était de la plus grande utilité. Pendant
longtemps la presse allemande a gardé le silence sur cet ouvrage,
précisément parce qu'il renfermait la condamnation morale d'un
grand nombre de journalistes; et ce silence même était une preuve
de la véracité des faits que l'auteur a avancés. Son li^Te est le résul-
tat d'observations et de lectures nombreuses. On ne se fait pas d'idée
de ce qu'il a fallu de temps et de ténacité pour réunir les matériaux
nécessaires à une pareille étude. Le nombre des révélations contenues
dans cet écrit est vraiment prodigieux; et l'on peut dire qu'après
avoir achevé la lecture de la dernière page, il n'y a presque aucun
journal quelque peu important de l'Allemagne, de l'Autriche^ et même
d'autres pays qu'on ne puisse estimer à sa juste valeur. Or, il n'y a
pas moins de 5,000 journaux imprimés en langue allemande dans le
monde entier. L'auteur a examiné son sujet sous toutes ses faces. Il
nous montre d'abord comment la réclame naquit en France vers 1821,
et comment elle fut exploitée surtout par M. Em. de G-irardin. Il nous
fait assister ensuite au développement rapide qu'elle prit au-delà du
Rhin. Et, ici, il ne s'agit pas de l'annonce : le lecteur sait alors à quoi
s'en tenir, mais de la réclame proprement dite, faisant de la propa-
gande pour telle institution commerciale ou financière, louant ou déni-
grant le talent de tel acteur ou de telle actrice; faisant en d'autres
termes mousser une affaire d'après la somme plus ou moins grande
qui a été versée. L'auteur entre à ce sujet dans des détails qui nous
font estimer à bien peu de chose la moralité du plus grand nombre
des journalistes. L'intérêt principal de l'ouvrage consiste dans les
révélations ayant trait à la propagande politique. Le bureau central
de la presse fut fondé en 1851, par Manteuffel, et son premier chef
fut R. Quehl. Ce service se trouve actuellement confié à M. ^gidi.
Depuis 1851, l'institution n'a fait que prospérer, et le budget en est
monté de 31,000 à 70,000 thalers, sans compter les sommes immenses
provenant de la spoliation des biens particuliers du roi de Hanovre
et de l'électeur de Hesse . Ce bureau envoie des renseignements poli-
— 1K9 —
tiques à un grand nombre de journaux allemands et étrangers —
M. Wutske assure que des reptiles se sont nichés dans ï Indépendance
belge (p. 218), — paye largement ceux qui veulent bien les insérer
dans leurs journaux, et persécute les journalistes assez honnêtes pour
s'y refuser. C'est de cette manière que s'est opéré la prussification de
l'Allemagne et que l'on a formé l'opinion publique. En d'autres termes
c'est enchaîner le plus grande partie de la presse à l'opinion d'un seul
homme, qui n'est autre que le prince de Bismarck; c'est former l'opi-
nion publique en corrompant les journalistes avec l'argent des contri-
buables. Ces moyens inavouables favorisèrent notablement les succès
de la politique prussienne; et, grâce aux renseignements fournis par
M. Wuttke, les événements de 1866 et de 1870 se présentent à nous
sous un jour tout nouveau. Aussi les historiens futurs auront-ils à
tenir grandement compte de ce livre, pour s'éclairer sur la validité
des sources historiques dont ils auront à se servir. L'intégrité du
caractère de l'auteur est une garantie de sa véracité, qui ressort du
reste d'une manière évidente de chacune de ses pages. Rarement j'ai
lu un livre qui portât ce cachet de véracité au même point. — L'auteur
se déclare lui-même démocrate et du parti de la grande Allemagne.
Ses opinions personnelles se font assez souvent jour pour que le
lecteur sache à quoi s'en tenir sur ce point; mais ses appréciations
n'entachent en rien la réalité des faits qu'il avance. Maintes fois, ses
appréciations sont des plusacerbes pour ne pas dire des plusjustes.il
est permis, quoi qu'en dise M. Wuttke, de voir en M. Ebers autre chose
qu'un jeune et insignifiant professeur (p. 61); et de ne pas admettre
avec lui que M. Mommsen ait pris dans son Histoire romaine le contre-
pied de la vérité (p. 68). Ses appréciations des écrits de Sybel et de
Droysen sont aussi exagérées. A maintes reprises, il n'a pour les catho-
liques que des paroles dédaigneuses; mais jamais on ne trouve la
trace du moindre mensonge, et bien souvent il sait rendre justice à
ses adversaires politiques ou religieux. C'est ainsi qu'en parlant de
la presse catholique, il dit sans détours (p. 201) : « La presse catholique
ou ultramontaine est forte, parce qu'elle est convaincue, fermée à
toutes les influences, excepté à celle de l'Eglise. On ne peut l'accuser
d'inconstance ; elle est aujourd'hui ce qu'elle était à l'origine. » Aussi
est-il forcé de constater (p. 203), que la Gcrmania est le seul journal
qui ait parlé de son ouvrage. Ceci se comprend : elle était du nombre
des rares journaux que l'or des corrupteurs ne pouvait séduire.
D'autres passages sont non moins favorables au parti catholique
(p. 227).
11 serait utile de faire, pour d'autres pays, ce que Wuttke a si
consciencieusement fait pour l'Allemagne ; de rechercher non-seule-
ment comment certains gouvernement tâchent de façonner l'opinion
— ICO
publique selon leurs vues; mais d'examiner aussi ce que font certains
partis politiques et religieux. Le rôle que jouent les loges n'est pas
des moins influents. A certaines époques, les mêmes questions sont
traitées dans la presse libérale avec une telle unanimité, que l'existence
d'un mot d'ordre est indéniable. Si Ton faisait sérieusement cette
étude on serait bien vite convaincu que la majorité de la mauvaise
presse n'est pas moins désintéressée et pas moins vénale qu'en Autriche
et en Allemagne, et qu'à la presse catholique on pourrait adresser
l'éloge que M. Wuttke, un adversaire, a donné aux publicistes catho-
liques de sa patrie. Ad. de Ceuleneer.
IjCS Ex-"Voto du temple de Xanît à Carthage. Lelire à M. Fr.
Lenormant, sur les représentations figurées des stèles puniques de la Biblio-
thèque nationale, par M. Phiuppe Berger. Paris, Maisonneuve, 1877, petit
in-fol. de 31 p. — Prix : 3 fr.
L'ouvrage dont nous venons de transcrire le titre nous est parvenu
la veille du jour de l'an^ comme un livre d'étrennes, enrichi d'illustra-
tions, de nombreuses gravures explicatives venant illuminer un texte
qui, — sans elles, — serait peut-être une lecture ardue pour les pro-
fanes. On sait, en effet, que la Bibliothèque a recueilli, pour le dépar-
tement des médailles et antiques, la collection d'inscriptions cartha-
ginoises formée en Tunisie par M. de Sainte-Marie, sous les auspices
du Ministère de l'Instruction publique, comme M. Léop. Delisle l'a
récemment rappelé dans son rapport général sur la gestion de la Bi-
bliothèque nationale : a L''explosion du Magenta, à bord duquel les
pierres de M. de Sainte-Marie avaient été chargées, avait inspiré les
craintes les plus sérieuses sur le sort de ces petits monuments. Les
pierres elles-mêmes ne sont pas perdues pour la science ; grâce aux
mesures prises par l'amiral Roze, la plupart ont été retrouvées au
fond de la mer et ont pu être envoyées à la Bibliothèque, où M. Phi-
lippe Berger les a reconnues et soumises à un classement qui, pour
n'être pas encore complet et définitif, n'en permet pas moins d'appré-
cier l'intérêt des découvertes de M. de Sainte-Marie. Le rapport de
M. Berger, dans les Archives des missions scientifiques et littéraires, a
très -clairement déterminé la place que les pierres de Carthage doivent
occuper dans l'épigraphie sémitique et la nature des renseignements
qu'elles fourniront à l'histoire et à la philologie. »
C'est la première partie de ce rapport que l'auteur a reprise en
sous-œuvre, en lui consacrant de plus amples développements au point
de vue spécial de l'archéologie et de la mythologie. Il démontre
d'abord que les inscriptions sont antérieures à la prise de Carthage
par les Romains, en 146, il les compare ensuite avec les monnaies pu-
niques, examine les symboles figurés sur ces petits monuments, enfin la
— 161 —
langue et la forma des caractères qui y sont tracés. Puis il met de
côté les textes eux-mêmes, très-monotones du reste, qui appartiennent
au Corpus inscriptionum semiticarum que publiera l'Académie des
inscriptions et belles-lettres, et il va étudier isolément chacun des
objets figurés sur les stèles. La dernière série des représentations
étudiées est la plus intéressante à notre avis, parce qu'en faisant
connaître le commerce et l'industrie des Carthaginois, elle nous ini-
tie, jusqu'à un certain point, aux arts de ce peuple (p. 23) qui,
jusque-là (p. 7), était réputé n'en point avoir. C'est un élément des
plus importants dans l'histoire de la civilisation, et le plus approprié
à nous servir de guide dans l'appréciation du rôle de telle ou telle
nationalité, suivant la marche de l'humanité. A quoi bon, — sans
cette considération, — nous attarder sur l'examen de telle forme de
préférence à telle autre ? Combien l'archéologue est consciencieux de
nous dire, par exemple, de l'une des stèles, que, « des côtés de l'un
des piliers, on aperçoit de petites figurines qui peuvent être des
singes, ou des génies, ou peut-être autre chose encore ! » Que d'ob-
servations minutieuses! quel souci des détails ! L'objet principal de
cette thèse est d'indiquer ce qu'était Tanit et son culte. Cette déesse
était l'Astarté de Carthage ; elle était aussi leur Yirgo cœlestis, devant
réunir les attributs de Diane et de Vénus. C'est l'une des nombreuses
formes de la grande déesse syrienne, qui avait pour attributs, comme
sa congénère grecque, le disque et le croissant. Le terme même de
Tanis provient du grec Anaïtis, et ce premier élément d'analogie
mène à d'autres rapprochements. — Quoi qu'il en soit, on peut dire
avec l'auteur : ces représentations nous auront mieux fait connaître
le génie singulier de ce peuple commerçant, même en religion, qui a
été le maître du monde occidental jusqu'à l'arrivée des Romains.
M'" Schwab.
Tablettes îîttéraires des bîhlîoplilles de GuyeiBsio. Tome IL
Inventaire de la colleclion des ouvrages et documents sur Michel de Montaigne
et lettres inédites de Françoise de Lachassagne. Bordeaux, imp.Gurgy, 1877,
in-8de iv-i70 p.
Ce volume, tiré à petit nombre, ne saurait laisser indifi'érents ni les
bibliophiles, ni les admirateurs de l'immortel auteur des Essais ;
quelques mots d'explication à son égard sont nécessaires. Les amis
des études littéraires n'ignorent pas qu'un médecin distingué de la
faculté de Paris^ le D' J.-F. Payen (né en 1801, mort en 1870) avait,
dès sa jeunesse, voué à Montaigne un véritable culte ; il fit de lui,
durant plus de quarante années, l'objet des études les plus persévé-
rantes, les plus infatigables; il n'épargna ni peines, ni temps, ni sacri-
fices pour réunir tout ce qui, de près ou de loin, se rapportait a la
Février 1878. T, XXli, II.
- JC2 ■-
personne, aux ouvrages, à la famille de l'illustre philosophe. Mécon-
tent, avec raison, de toutes les éditions jusqu'alors mises au jour, il
avait conçu le projet d'en donner une nouvelle, vraiment complète,
sévèrement critique, et, dans ce but, il avait réuni une foule de maté-
riaux précieux, mais la mort est impitoyable ; le D^ Payen n'eut pas
même le temps d'entreprendre la construction du monument qu'il
voulait élever à la gloire de son auteur favori; il ne publia, dans le
cours d'une vingtaine d'années que quelques opuscules, qu'il distribuait
à des amis, fragments d'ailleurs du plus vif intérêt pour quiconque
s'occupe de Montaigne.
Il eût été déplorable que la collection spécialement montaignesque ^
formée avec tant de soin et de zèle par le docteur, eût été dispersée
après sa mort ; c'est ce que comprit très-bien l'administration de la
Bibliothèque nationale ; les livres et les papiers laissés par le plus
ardent des admirateurs de Montaigne furent achetés, et ils forment,
dans les vastes sali es de l'édifice de la rue de Richelieu, un fond particu-
lier.
C'était quelque chose; ce n'était pas tout ; une collection destinée
au public ne saurait se passer d'un bon catalogue; un intelligent em-
ployé de la Bibliothèque, M. Gabriel Richard, ai-édigé cet inventaire;
un Bordelais, auquel les études historiques doivent beaucoup, et qui,
depuis longtemps, s'est fait connaître par d'estimables travaux,
M. Jules Delpit, a livré ce catalogue à l'impression; il y a joint un
supplément intéressant.
Une découverte récente a fait trouver, dans un vieux sac de toile
noir de poussière et conservé aux archives du département de la
Gironde, vingt-trois lettres d'une correspondance entretenue par la
veuve de Montaigne, Françoise de Lachassagne, et par sa petite-fille,
Marie de Gamache, avec le Père Marc- Antoine de Saint-Bernard,
leur cousin, alors un des dignitaires du couvent des Feuillants de
Bordeaux; ce sont ces lettres dont l'existence était complètement
ignorée que M. Delpit a publiées, et, ainsi qu'il le dit fort bien :
« Tous les lecteurs dont les Essais ont fait des amis de Montaigne, tous
les penseurs qui cherchent à pénétrer dans les replis du cœur des
grands écrivains, aimeront à connaître dans son intimité la femme
privilégiée dont la vie a été longtemps associée à celle de Montai-
gne. Quelques passages de cette correspondance semblent encore
imprégnés du style et des pensées de l'écrivain que tant de généra-
tions n'ont cessé d'admirer. »
Disons maintenant quelques mots du catalogue dont nous signalons
la publication; il est partagé en dix sections. La première comprend
les éditions des ouvrages de Montaigne ; nous croyons qu'elles y sont
toutes ; M. Payen avait deux exemplaires de l'édition originale des
— 163 —
deux premiers livres (Bourdoaus, 1580), devenue si rare et si chère (elle
a été adjugée, dans ces dernières années, 1420, 1650 et 2020 francs,
aux ventes Benzon, Potier et Radziwil) ; il possédait trois exemplaires
de la seconde édition (1582), tout aussi difficile à rencontrer que la pre-
mière; parmi les éditions modernes, il en avait recueilli quelques-unes
que recommandaient des annotations autographes de divers écrivains,
tels que Jamet, de Pougens, Naigeon, François de Neufchâteau.
Donnons une attention spéciale aux livres qu'a possédés Mon-
taigne. Le philosophe traçait parfois sa signature sur les livres qui
lui appartenaient, et cette circonstance ajoute un prix exception-
nel aux volumes de ce genre ; ils sont fort rares ; toutefois, à force de
vigilance et de recherches, le docteur était parvenu à rassembler
vingt et un volumes avec signatures authentiques (nous laissons de
côté une signature douteuse et trois décidément apocryphes : l'audace
des faussaires s'exerce sur toutes choses); il avait fallu parfois payer
cher quelques-uns de ces vieux livres ; M. Payen ne se consola jamais
de n'être pas resté possesseur d'un exemplaire de l'édition des
Commentaires de César imprimée àAnvers, par Chr. Plantin, en 1570 ;
Montaigne, indépendamment de sa signature et de nombreuses notes
autographes, avait écrit un jugement fort remarquable sur César et
Pompée, remplissant deux pages à la fin du livre; cet exemplaire
avait été trouvé sur un quai de Paris, confondu avec un tas de bou-
quins sans valeur ; il n'échappa point à la perspicacité d'un bibliophile
fervent, M. Parison, qui le paya un franc; en 1856, il passa en vente
publique après la mort de son propriétaire, et il fut adjugé à Ms'' le
duc d'Aumale, à 1,450 francs, plus 5 0/0 de frais. M. Payen eut du moins
la satisfaction de pouvoir publier, dans un de ses recueils de Docu-
ments sur Montaiijne^ cette appréciation qui a provoqué, de la part de
M. Cuvillier-Fleury, deux articles insérés dans le Journal des Débats
(16 et 23 mars 1856) et reproduits dans le Bulletin du bibliophile. La
section, consacrée aux ouvrages des parents, amis et contemporains
de Montaigne, renferme bien des volumes difficiles à rencontrer; nous
y distinguons les anciennes éditions, devenues fort rares, du Proume^
noir de M^'' de Gournay, la fille d'alliance du moraliste périgourdin;
notons aussi une réunion, à coup sûr unique dans une bibliothèque
particulière, des éditions latines, des traductions en diverses langues
de cette Theologia naturalis de Raymond Sabon, à laquelle Montaigne
rendit hommage en la faisant passer dans notre langue ; il lui a consa-
cré un des plus remarquables chapitres des Essais. Six éditions succes-
sives de cette traduction,misesau jourdel569àl641, attestent l'accueil
que lui firent les lecteurs sérieux. M. Payen possédait deux exemplaires
de l'édition originale; l'un d'e,ux lui était bien cher, car il portait la
signature de l'illustre interprète des pensées du théologien espagnol.
— 164 —
Une dos sections les plus étendues est celle qui énumèro, dans
l'ordre alphabétique, les ouvrages se rapportant spécialement ou inci-
demment à Montaigne, à ses écrits, à ses parents, et à ses amis. Tous
les tcstimonla relatifs àTobjetde ses préoccupations constantes étaient
réunis avec soin par le docteur ; il coupait et il classait les articles
de journaux qui se rapportaient à Tobjet qu'il ne perdait jamais de vue.
Il est regrettable que les limites imposées au rédacteur du Catalogue
ne lui aient pas permis d'indiquer en quelendroitil est fait mention de
Montaigne dans les nombreux ouvrages qu'il énumère ; certains d'entre
eux étonnent ici par leur présence, notamment V Essai deM.H. Lot : Sur
l'authciiticitè et le caraclcre des 0/<'»i (1863), et, parmi les ouvrages ano-
nymes, une notice Sur les vins de Bordeaux {18(51 , in-12), rédigée àl'oc-
casion de l'Exposition universelle et dans laquelle, nous le croyons du
moins, il ne se trouve absolument rien concernant Montaigne.
En fait d'autographes, le docteur possédait une lettre écrite de la
main de Montaigne et signée (Orléans, février 1588), lettre qui fut
acquise par un bibliophile et dramaturge bien connu, Guibert de
Pixérécourt, et dont l'authenticité fut contestée, parce qu'elle conte-
nait le mot passeport.
Une quittance, signée Etienne de La Boétie, offre aussi de l'intérêt.
M. Payen s'était plu à fortifier cette partie de sa collection en réunis-
sant un grand nombre de quittances, chartes, lettres autographes ou
signées de personnages célèbres contemporains de Montaigne, tels que
le duc d'AIbe, le poëte Baïf, saint Charles Borromée, Charles IX,
Henri III, Henri IV, Philippe II, Charles-Quint, Diane de Poitiers,
Coligny, Sully et bien d'autres; on rencontre là une lettre du Tasse
adressée au duc d'Urbin ; mais il est sage de faire des réserves à
regard de l'authenticité de cette pièce.
La section consacrée aux traductions en indique deux en allemand
et une en hollandais; les Essays^ que divers écrivains ont fait passer
dans la langue anglaise, ont été treize fois imprimés à Londres ; nous
trouvons en italien, indépendamment d'une version complète (Venise,
1633), un choix des Discorsi morali, politici et, militari del molto illustre
sign. Michicl di Montagna, publié à Ferrare en 1590, peu de temps après
la mort du philosophe.
La sec lion qui fait connaître les ouvrages imprimés ou manuscrits
du docteur Payen au sujet de Montaigne, est digne d'attention, au
point de vue de l'abondance des matériaux dont elle signale la
réunion. N'oublions pas un portefeuille contenant 300 portraits environ
gravés ou lithographies de Montaigne, et une cinquantaine d'estampes
se rattachant à des événements de sa vie.
L'exécution tj'pographique du volume que nous indiquons est digne
de tous éloges; la correction est très-soignée; nous n'avons observé
— 16o —
qu'un seul point à relever : M. de 8acy, le sénateur, le membre de
l'Académie française, Tauteur des Variétés littéraires, morales et
historiques, est appelé Sylvestre de Sacy, page 135 ; il aurait fallu mettre
Silvestre. — N'j a-t-il pas également une erreur dans le nom de
Clrrgyman donné, p. 95, comme celui del'auteur d'un ouvrage intitulé:
Laconics, 'pnhlié en 1826? u Clergymann veut dire: a un membre du
clergé, » et, si nous ne nous trompons, l'auteur des Laconics était en
effet un révérend du nom de Cotton. — N'omettons pas de mentionner
deux tables fort étendues et très-utiles au point de vue des recher-
ches : l'une des faits énoncés chronologiquement, l'autre desmatiéres
par ordre alphabétique. On le voit, rien ne manque à ce volume des
Tablettes des bibliophiles de Guyenne pour lui assurer l'accueil qu'il
ne saurait manquer de rencontrer. G. Brunet.
Eiettres tî'un l>îbîîo^raplie, suivies d'un essai sur l'origine de l'impri-
merie de Paris (cinquième série, ornée d'un atlas), par J.-P.-A. Madden,
agrégé de lUniversité de France, ex-vice-président de la Société des
sciences naturelles de Seine-et-Oise. Paris, É. Leroux, 1878, gr, in-8 de
xi-284p. —Prix : 1j fr.
M. Madden a bien voulu rappeler {Avant-propos, p. vi), l'article
qui a été consacré ici (marsl87G, pages 249-250), à la quatrième série
de ses Lettres, et, après avoir reproduit nos paroles: «Nous appelons de
tous nos vœux la continuation des Lettres d'unbihliographe, »ii dit de son
critique, avec beaucoup de bonne grâce : « Puisse-t-il, en recevant
notre cinquième série, s'applaudir de les avoir prononcées ! » Oui,
certes, je m'en applaudis, et tous ceux qui liront le beau volume qu'ac-
compagne un remarquable atlas, composé de sept planches et de trois
tableaux, joindront leurs applaudissements aux miens. Déjà, du reste,
cette cinquième série, qui a paru dans un recueil périodique spécial
des plus estimés, la Typologie-Tuchcr, a été non moins goûtée à l'é-
tranger que les séries précédentes, lesquelles ont obtenu, à Londres, à
New York, à Vienne, les suffrages des juges les plus compétents, tels
que MM. Wyman, Th. de Yinne, Joseph Heim. De tels suffrages sont
bien faits pour venger M. Madden des attaques de certains journalistes
qui ont parlé de ses méritoires travaux avec une révoltante injustice,
attaques auxquelles il répond, d'ailleurs, de la façon la plus piquante,
soit dans YAvant-propos (p. vi-viii), soit dans une des notes addition-
nelles dont il a enrichi son recueil (p. 272-273).
Les deux parties dont se compose le présent volume présentent un
égal intérêt. Dans les vingt lettres de la première partie, abondent les
renseignements les plus curieux et les plus variés, tous puisés aux
meilleures sources. Citations tirées de livres rares, surtout d'incu-
— 166 —
nables, traductions de documents peu connus (notamment de trois
lettres latines de Robert Gaguin, dont une sur la chute du pont Notre-
Dame en 1499), rectifications d'erreurs de tout genre, rendent aussi
agréable que fructueuse la lecture de toutes ces lettres écrites avec
une verve singulière. M. Madden résout presque à chaque page quelque
problème bibliographique. Signalons rapidement, parmi les questions
si bien traitées par le sagace critique, les questions relatives à Vanag-
nosle (personnage qui dictait aux compositeurs et dont on avait
contesté l'existence), au Compendium de Francorum gestis, à l'atelier
souterrain de Gutenberg à Mayence, aux Tables de logarithmes, à
l'établissement de l'imprimerie dans la province de Languedoc, à la
maison de Plantin à Anvers, à William Caxton, au dictionnaire latin-
français du seizième siècle de Guillaume Lemoine de Villedieu, aune
plaquette latine imprimée par Jacques Kerver, en 1563, au centenaire
de J.-J. -Rousseau et de Voltaire, à la plus ancienne imprimerie de
Versailles, à Tétymologie du mot tramway, etc.
VEssai sur l'origine de Vimprimerie à Paris complète tous les travaux
antérieurs que M. Madden commence par passer en revue et qu'il
analyse et apprécie avec une parfaite justesse. Après avoir exposé,
discuté, corrigé les indications données par Gabriel Naudé, par
André Chevillier, par William Parr Greswell, par A. Taillandier, par
Aug. Bernard, par Amb. Firmin-Didot, M. Madden raconte, avec des
détails nombreux, précis et parfois nouveaux, l'histoire de l'établisse-
ment de la typographie parisienne. Quelques-uns trouveront peut-être
que le savant bibliographe, dans le chapitre intitulé : Paris cité favorite
de la Providence, remonte un peu trop haut, car, à la suite des géo-
logues Élie de Beaumont et Dufrénoy, il remonte... au-delà même du
déluge. Mais l'originalité des idées exprimées en ce.? pages ne doit pas
empêcher de reconnaître tout ce qu'il y a d'important et de solidement
établi dans tout le reste de l'ouvrage. Il est impossible de ne pas
donner raison à l'auteur sur à peu près tous les points, et pourtant
Dieu sait combien d'érudits il combat, parmi lesquels je nommerai
M. Jules Quicherat, l'académicien Bonamy, l'ingénieur Jollois, l'ar-
chéologue Dusommerard, le vieux du Boulay (imprudemment suivi par
M. Alfred Franklin), H. Géraud, M. H. Legrand, La Serna Santander,
Crapelet, Lacaille,Beuchot, Panzer, P. Dupont, Hain, etc. Nulle part
encore on n'avait aussi exactement écrit l'histoire de la vie et des
travaux des cinq personnages qui furent les fondateurs de l'imprimerie
de la Sorbonne, Jean Heynlin, Guillaume Fichet, Martin Krantz,
Michel Friburger et Ulric Gering. Sur ce dernier tout particulière-
ment, et dont le rôle fut prépondérant, fut un rôle d'initiateur,
M. Madden a réuni, au prix des plus pénibles recherches, poursuivies
jusqu'à Lucerne, des renseignements de la plus haute valeur.
— 167 —
M. Madden nous annonce que la sixième série de ses Lrttres paraîtra
l'automne prochain. Quoi qu'il fasse, il lui sera difficile de rendre le
futur volume plus instructif que celui-ci. T. de L.
Inventaire alphabétique des livres imprimés sur vélin de
la Bibliothèque nationale. Complément du catalogue publié par
Van Praet. Paris, Champion, 1877, in-8, de 174 p. — Prix : 6 fr.
Nulle bibliothèque publique (nous le croyons du moins) n'est aussi
riche en fait d'impressions sur vélin que la Bibliothèque nationale (jadis
royale ou impériale). Elle ne compte pas moins de 2528 volumes ou
plaquettes. Son savant et infatigable conservateur, Yan Praet, né à
Bruges le 27 juillet 1754, mort à Paris le 5 février 1837, avait pour
les vélins un culte véritable; il ne laissa jamais échapper l'occasion
d'en acquérir; il consacra beaucoup de temps, beaucoup de soins à
en dresser un inventaire raisonné, qu'il remania à diverses reprises;
il en fit d'abord imprimer un Essai en 1805, in-fol.; il le supprima, et il
le remplaça par un catalogue des livres avec date depuis 1457 jus-
qu'à 1472, qu'il livra à l'impression en 1813, mais qu'il ne tarda pas à
abandonner, et dont les exemplaires furent détruits, à l'exception de
neuf, dont deux sur vélin (voir le Manuel du Libraire, 5^ édit. t., V,
col. 1078). Enfin, reprenant son œuvre, et dressant une liste complète,
il fit paraître, de 1822 à 1828 (G tomes en 5vol. in-8), le catalogue de
tous les vélins conservés rue de Richelieu.
Les descriptions sont très-minutieuses, les renseignements bibliogra-
phiques abondent; mais, en raison même de son étendue, cet ouvrage
(tiré seulement à 250 exempl.) est d'un usage fort incommode; les
livres sont divisés en plusieurs classes; divers suppléments, répartis
dans les tomes V et VI, rendent les recherches compliquées; on y
trouve des ouvrages qui, amenés à Paris par la conquête, ont été res-
titués en 1815; quelques inexactitudes se font observer cà et là, et,
depuis 1828, des entrées nouvelles (d'une importance médiocre, il est
vrai,) ont eu lieu.
Il était donc nécessaire de mettre au jour un catalogue sommaire,
donnant d'un coup d'œil une idée juste de ce que possède la Biblio-
thèque, une énumération alphabétique réduite à sa plus simple expres-
sion. C'est ce qui a été tenté, et YInventaire que nous annonçons nous
semble atteindre fort bien le but proposé. L'Avertissement prélimi-
naire fournit^ au sujet de la méthode qui a été adoptée, les informa-
tions les plus satisfaisantes.
Un comprend sans peine qu'il ne saurait être question d'ofî'rir une
analyse d'un écrit qui n'est qu'une simple énumération de titres, mais
cet Inventaire nous autorise à dire quelques mots au sujet des impres-
sions sur vélin.
— 168 —
Non content d'avoir dressé le catalogue des livres de ce genre
conservés à la bibliothèque nationale, Van Praet entreprit de rédiger
la liste de tous ceux dont il connaissait l'existence dans d'autres
bibliothèques publiques, et de ceux qui avaient passé en vente publi-
que, à l'occasion de la dispersion de diverses collections particulières.
Le travail auquel il se livra à cet égard, ne remplit pas moins de
quatre volumes, publiés de 1824 à 1828; ils offrent de très-utiles ren-
seignements, mais ils sont nécessairement bien incomplets, car, depuis
un demi-siècle, que de faits nouveaux se sont produits!
Van Praet n'a connu qu'une faible portion des vélins déposés au
British Muséum; la très-précieuse collection en ce genre, formée par
Sir Thomas Grenville et léguée au Muséum, lui a été inconnue; son
catalogue n'a été publié qu'en 1842, dans la Blbliotecha Grenvillianay
tome I", p. xxxii.
La bibliothèque de la Haye, fort riche en livres anciens, poss-ède
des imprimés sur vélin, notamment des fragments de cette grammaire
latine, à l'usage des écoliers, connue sous le nom de Donatus. Malheu-
reusement, ces vélins ne sont pas l'objet d'une énumération spéciale
dans le très-estimable volume publié par M. J.-C. Holtrop : Catalogus
librorum sœculo XV, impressorum quotqiwt in Bibliotheca regia Hagana
asservantur. Hagfe Comitum, M. Nijhoff, 1856, in-8, de xxix et 591 p.
Il faudrait dépouiller patiemment les catalogues imprimés (lorsqu'il
en existe) des grands dépôts français et étrangers ; ce serait un rude
labeur, digne de tenter quelque bibliographe laborieux; nous ne l'abor-
derons point; mais, sans sortir de notre sujet, nous signalerons ce
que trois ventes importantes, opérées à Paris, ont offert à cet égard.
A. -A. Renouard, éditeur actif, bibliographe éminent (ses Annales des
Aide, dont il existe trois éditions, et celles des Estienne sont d'excel-
lents travaux en leur genre), était également un bibliophile des plus
fervents; il avait formé une bibliothèque fort précieuse, dont il publia
le catalogue en 1819 (4 vol. in-8), accompagné de notes intéressantes;
après sa mort, survenue en 1852 (il était né en 1765), la collection
encore fort importante de livres qu'il laissait fut livrée aux enchères ;
la vente eut lieu en novembre 1854; le catalogue, rédigé avec beau-
coup de soin par M. Potier, comprend 3,700 numéros ; on n'y compte
pas moins de 224 ouvrages imprimés sur vélin ; on distingue, dans
cette réunion, les Gregorii noni Decretales, Mo guniiss, 1473; les Oratio-
nes de Cicéron, Venetiis, Valdapfer, 1471 (adjugé à 9,200 fr.). Parmi
les impressions modernes, on vemarqueles Analccta grxca, le Sophocle,
le Virgile et le Térence, édités par Brunck; le somptueux Virgile de
Didot, 1791, in-fol.; celui publié à Parme par Bodoni, 1793, 2 vol. in-
fol., et quelques autres volumes mis au jour par cet illustre typo-
graphe; la Religion vengée, parle cardinal de Bernis,1795, in-fol.;
— ICO -
VAminta, 1793, in-4; le Pastorfido, 1793, in-fol.; les Seasons. de Thomp-
son, 1794, in-foL, etc. Citons aussi, mais seulement à cause du nombre
des volumes, la collection des Décrets sanctionnés parle Roi, 1790-91,
î8 vol. in-4. Renouard avait fait tirer des exemplaires sur vélin de
nombreux auteurs dont il avait édité les écrits (Hamilton, Gessner,
Legouvé,Demoustier,etc.] ; ces jolies impressions, fort soignées, furent
de la part des amateurs, l'objet d'une lutte animée; les OEuvres de
Gessner, par exemple, 1810, 3 vol. , atteignirent le prix de 905 francs.
La vente de la riche bibliothèque de M. le baron J. P*** (Jérôme
Pichon), en avril 1869, a offert quelques beaux livres sur vélin : le
Dialogue Monsieur Salnct-Grêgoire, Paris, Yérard, . 1509 (adjugé à
1,700 fr.); les Ruses et cautèles de guerre, Paris, 1514 (1,600 fr., non
indiqué par Van Praet}; la Vénerie de Jacques du Fouilloux (3,000 fr.,
seul exemplaire connu, il n'en est pas fait mention au Manuel du
Libraire); le Roman de la Rose, 1813, 4 vol. in-8, (2,600 fr.); la i\^/'rfes
folles, Paris, 1520, in-4 (6,050 fr.); les OEuvres 'poéticiucs de Flaminio
de Birague_, 1585, in-12(seul exempl. sur vélin, 3,300 fr.), etc.
Un agent de change parisien, M. Armand Cigongne, avait su,
chose des plus rares, conserver un amour passionné pour les livres
rares et anciens, au milieu du feu des opérations sur les primes et sur
les reports, à travers les négociations au comptant et fin courant.
Après sa mort, survenue le 20 mai 1859, sa riche bibliothèque devait
être vendue aux enchères; elle fut achetée en bloc pour la somme de
300,000 francs, dit-on ; l'acquéreur fut M^"" le duc d'Aumale, déjà
possesseur de tant de trésors. Un catalogue, rédigé avec le plus grand
soin, a été publié en 1861 (Paris, Potier, gr.in-8 dexLii-553 p.); on y
compte soixante-un ouvrages imprimés sur vélin, presque tous d'im-
pression moderne. Nous mentionnerons le Virgile de Bodoni, 1793,
2 vol. in-fol.; les Paraboles de maistre Alain, Paris, Verard, in-fol.;
le Passe-Temps de tout homme. Paris, Verard (1505) in-4; la Chasse et
le départ d'amour, par Octavien de Saint-Gelais, 1509, in-foL; les
Folles entreprises (par P. Gringore, sans date) in-8; la Déploration de
l'Église militante, 1512, in-8; le Mystère de la Passion. Paris, Verard,
1490, in-fol., et bien d'autres volumes qu'il serait trop long d'énu-
mérer. Toutefois, le Recueil des histoires troijennes (par Raoul le Fèvre).
Paris, Verard, in-fol., mérite une mention spéciale. Cet exemplaire,
orné de 97 miniatures, est un des trois connus sur vélin; les deux
autres sont à la Bibliothèque nationale.
Terminons en faisant observer que, tandis que des typographes illus-
tres (les Aide, les Estienne, Bodoni, les Didot) faisaient souvent tirer
des exemplaires sur vélin, les Elzevier sont restés étrangers à ce luxe
typographique ; on ne connaît d'eux, en ce genre, qu'un seul volume
insignifiant, dû à Nicolas Heinsius. G. Brunet.
— 170 —
BULLETIN
Xraîté élémentaire d'économie politique, par M. RozY, pro-
fesseur à la faculté de droit de Toulouse. Paris, Guillaumin, 1877, ia-12 de
335 p. — Prix : 3 fr.
Chargé de faire un cours d'économie politique à l'école normale primaire
de Toulouse, M. Rozy a résumé son enseignement dans ce petit volume. Il a
justement obtenu une récompense au concours ouvert par la Société d'écono-
mie politique de Lyon, car il était difficile d'exposer dans une forme plus
claire et plus aimable à la masse des lecteurs, les principales démonstrations
de la scit^nce sur les phénomènes de la production et de la distribution de
la richesse.
iM. Rozy ne va pas au fond des questions, en ce secs qu'il ne montre pas
la liaison que ces phénomènes de profluction et de distribution de la richesse
ont avec les principes fondamentanx de la loimorale et laréaction qu'exerçaient
sur eux les rapports sociaux existant entre les différentes classes. Delà quel-
ques lacune?, quelques insuffisances dans ses démonstrations. Notre cadre
restreint ne nous permet pa^ de les discuterici. Nous nous bornerons à signaler
avec grand éloge, sa réfutation très-lucide et très-soienlifique des fausses
théories sur la population, qui remontent à Malthus. M. Rozy a cru devoir
introduire daas ce petit traité son idée favorite sur l'instruction obligatoire,
mais non gratuite. Nos lectturs pen?ons-nou3 ont par devers eux tous les
éléments pour apprécier le mérite très-inégal de ces deux idées. Qu'il nous
suf^l^e de dire que c'est par l'étude des faits et non par les raisonnements a
priori ({nW faut les discuter. G.
I
I^'Êtincelle électrique, par A. Cazi?,'. Paris, Hachette 1877, in-18 Jésus,
315 p. de 76 fig. {Bibliothèque des Merveilles) . — Prix : 2 fr. 25.
L'un des meilleurs volumes dans une collection qui en renferme d'excel-
lents. L'éminent physicien dont la mort récente est un deuil pour la science,
a su retracer, dans un résumé concis et cependant complet, tous les phéno-
mènes, infiniment variés dans leurs causes ou leurs effets, dont l'étincelle
électrique est la manifestation. Après avoir nettement défini le rôle de l'hy-
pothèse dans les sciences et avoir rappelé, d'après Newton, que le but de la
physique doit être de « faire voir comment les propriétés de tous les corps
et les phénomènes découlent de quelques principes généraux de mouve-
ment,. . . bien que les causes de ces principes restent inconnues, » M. Cazin
fait rapidement l'histoire de l'électricité depuis Thaïes et l'attraction des
corps légers par l'ambre jusqu'aux bobines de Ruhmkortf et aux multiplica-
teurs de Holz. Il passe en revue les divers appareils qui produisent, soit
l'étincelle explosive (machines à frottement et multiplicateurs électro-stati-
ques, appareils d'induction et bobines), soit l'arc vol taïque (piles et machines
magnéto-dynamiques). Il étudie ensuite sous ces deux formes la constitution
de l'étincelle et donne de curieux détails sur l'analyse spectrale et le méca-
- 171 —
nisme de l'élec'ricité, sur la comparaison de l'arc voltaïque au solei! et la
conservation de l'énergie. Enfin il analyse les principales propriétés de l'é-
tincelle et les applications les plus usuelles qui en ont été faites pour les
signaux, les amorces et les torpilles, pour l'éclairage et les lampes de sûreté.
Il termine en rappelant que l'atmosphère est le siège d'une inépuisable force
électrique que l'homme saura, tût ou tard, non plus seulement conjurer, mais
utiliser. A. D.
I^e Xélégraplie terrestre, sous-marin, pneumatique, par
M. Padl Laurencin. Paris, J. Rothschild, 1877, in-18, xii-40i) p., 149 fig. et
3 cartes. — Prix : 3 fr. 50.
Ce manuel pratique s'adresse à la fois aux hommes de métier pour lesquels
il est un mémento méthodique, et aux gens du monde qu'il initie aux faits
généraux comme aux inventions spéciales de cette branche des sciences. En
même temps que chacun peut se rendre compte ainsi des premiers essais de
signaux à distance, de lau'àissance et des progrès de la télégraphie électi'ique,
de l'organisation et des règlements du service, tous suivront avec profit l'ex-
posé des phénomènes et des lois phj'siques dont l'étude a conduit à cette dé-
couverte, et la description des appareils les plus usuels qui en ont réalisé les
applications. Après les intéressants paragraphes consacrés aux appareils de
Bréguet, de Morse et d'Hughes, citons encore les chapitres sur la télégraphie
pneumatique, les câbles sous-marins et la télégraphie militaire A. D.
Souvenirs cl*un magistrat. Études littéraires, philosophiques et
juridiques recueillies par A.-L. Martin. Paris, Thorin, in-8 de 248 p. —
Prix : 4 fr.
M. Martin publie une série d'études trouvées dans les papiers d'un ami
qu'il ne nomme pas. Ces études traitent des sujets fort différents; ce sont
des notes prises par le défunt pendant l'exercice de ses fonctions de juge de
paix et à 1 occasion de ces mêmes fonctions. L'auteur était évidemment un
esprit élevé, éclairé par les lumières de la religion. Parcourant les diverses
attributions des juges de paix, il a soin de faire, à propos des situations
souvent si délicates où peut se trouver le magistrat populaire, des ré-
flexions morales du plus haut intérêt. Il ne se contente pas, du reste, de
formuler des théories, il cite des faits dont il a été témoin dans sa carrière.
C'est ainsi qu'il est amené à raconter (p. 78), une touchante histoire.
Il est difficile d'analyser un livre qui embrasse tant de sujets différents;
citons seulement les chapitres qui ont trait à la filiation naturelle et à l'in-
terdiction; on y trouvera des idées neuves, des aperçus ingénieux, présentés
d'une façon attachante. N'oublions pas de mentionner les pages émues où
sont flétries, comme elles le méritent, les doctrines de la libre-pensée et de
la morale indépendante (p. 120 et suiv.).
L'auteur s'était proposé de faire connaître et apprécier le véritable
caractère du magistrat populaire; son travail réussit à en donner une
haute idée. Il serait à souhaiter que tous les juges de paix comprissent
comme lui leur mission et la grandeur de leurs devoirs. A. G.
Ifiîïilîoîecn flelln <5âovcntù. LeGrazie, i vol. de 230 p. — Lettere di
Parvaia, \ vol. de 018 p. I Capricci del hollaio, 1 vol. de 202 p. — Lel-
tcrc di sanla Calerina di Siena. i vol.de 244 p. — Proze di Michèle Colombo,
i vol. de 244 p. Turin, Libreria Saleriana; iMce, San Pier d'Ai'ona ; Paris,
Lethielleux. — Sar/gaio del giovsne studioso délie litu/ua pura, par P. Bec-
CARrA. Ed. IV. Turin, J.ibreria Saleriana, \ vol. in-i2 de 4t4 p.
Ne négligeons pas d'entretenir le jeune public, auquel elle s'adresse spé-
cialement, delà. Bihliok'ca délia G iove7itù et de ses nouvelles publications. Au
mois de mai cette intéressante collection s'est augmentée du livre de (lesarè :
Le Grazie. C'est, sous forme de dialogue, un traité très-bon à étudier si l'on
veux parler et écrire avec une réelle correction la langue italienne. Un seul
volume mais un gro^ volume, a paru pour juin et juillet : ce îont les Lettres
d'Aï. Paravia à sa mère et à sa sœur. Pour les mois d'août et septembre, les
intelligents directeurs de la collection sont revenus, et nous les en félicitons,
à l'ancienne littérature; ils avaient publié précédemment la Circe ; ils se sont
souvenus d'une autre œuvre de Gelli, / capricci del bottaio, etl'oritfait suivre
des Lettres de sainte Catherine de Sienne, si intéressantes au point de vue lin-
guistique et si édifiantes à la fois. Le Proze de Michèle Colombo ont fourni la
livraison d'octobre. Le Proze, comme le Grazie, comme le Perfeltc poesia,
forment un livre didactique dont la lecture peut être très-profitable aux
jeunes gens. C'est à eux que s'adresse aussi une autre publication de la même
société : Saggio del giovcne studioso delta lingua piira cosi italiana corne la-
tina. Cet ouvrage de M. Pietro Deccaria a reçu en Italie de grands éloges des
juges et des journaux les plus compétents. Td. P. jfl
ISisloire de la pei*sé<rutîon religieuse à Genève. Essai
d'un scîiisme par l'Etat. Paris, Lyon, Lecolfre, 1878, in- 12 de
540 p. — Prix : 3 fr.
On trouve réunis dans ce volume tous les faits que la presse nous a déjà
fait connaître, en grande partie, sur cette persécution inouïe dirigée avec
hypocrise et violence contre le catholicisme sur la terre, autrefois classique,
de la liberté. L'auteur anonyme remonte au commencement du siècle, pour
faire voir dans son entier la trame suivie par les protestants et les libéraux.
Les faits parlent assez liant d'eux-mêmes pour qu'il ait pu se dispenser de
considéi^ations et de réflexions qui viendront à l'esprit de tous les lecteurs.
Il n'a qu'à les grouper pour former le plus écrasant plaidoyer contre la vio-
l.ation de tous les droits faite au nom de la loi, au nom de l'intérêt public.
On voit, avec un peu de bonne volonté, où conduit une liberté sans règle :
au despotisme le plus injuste et le plus honteux. Est-il besoin de rappeler
toutes les avances faites aux catholiques pour les séduire ; les conventions
acceptées donton n'a'plus tenu compte, quand on n'en a plus eu besoin; l'exil,
l'emprisonnement, les amendes pour le clergé catholique ; l'expulsion des
religieux, môme des filles de la Charité, des petites-sœurs des pauvres, des
carmélites ; la confiscation des églises bâties parles particuliers ; l'intronisa-
tion de prêtres scandaleux, rebuts de touslesp?.ys catholiques, singulier con-
traste avtc la faveur dont jouissent certains criminels. Mais à cùté de ces
scènes scandaleuses, quels beaux exemples de dévouement, de courage, de
fidélité et de constance donnent les catholiques soutenus parle clergé, à la
tête duquel nous sommes heureux de saluer Ms'' Mermillod. Beaucoup ,
d'Iiommes de notre temps, encore imbus des faux principes du libéralisme,
y trouveront matière à réflexions, et tous y puiseront de salutaires rensei-
gnements et d'édifiants exemples. Gomme le dit le cardinal de Lyon, il
était utile et opportun de faire l'histoire de la persécution religieuse à Ge-
nève, foyer des entreprises méditées contre l'Église catholique, et de montrer
que cette ville veut absolument interdire au catholicisme, le droit d'exister
dans son sein. V. M.
Curés et I*rassîens9 par J. Villefranche, Dourg, impr. Villefranche,
1877, in- 12 de 47 p.— Prix ; 73 c.
Montrer jusqu'où va la crédulité du public, tel est le but que se propose
M. Villefranche dans cette brochure, dont le titre est emprunté aux deux
sujets qui ont été le plus exploités, il fait remarquer avec raison que
l'échec d'un très-grand nombre de conservateurs dans les élections est dû à
à cette bourde habilement et effrontément répandue, dans les campagnes et
parmi les ouvriers des villes, que les cléricaux, les prêtres, les nobles ramas-
sent l'argent de la France pour l'envoyer aux Prussiens. Et il raconte des
anecdotes surprenantes. Son opuscule, vivement et spirituellement écrit,
plein de bon sens et de verve, peut rendre de grands services. C'est à ce
titre que nous signalons ce petit écrit du remarquable écrivain à qui nous
devons la belle vie de Pie IX, qui obtient un succès si légitime. L. A.
Souvenirs d'Algérie et d'Orîeiîi, par Horace Fabiani. Paris,
E. Dentu, gr. in-i8 de 1G2 p. — Prix : 2 fr.
Ce volume est peu intéressant, d'un style lourd et défectueux. Il pèche
encore par la mélancolie dont l'auteur semble avoir voulu revêtir toutes ses
pensées. M. Fabiani a cru devoir l'estreindre son sujet à quelques aperçus
qu'il aurait pu développer avec une compétence incontestable. En ellet, pen-
dant son long séjour en Afrique, il a dû observer, étudier les diverses races
de l'Algérie, et il était en parfaite situation pour nous les montrer telles
qu'elles sont. Malheurcureusement, l'auteur a banni de ses descriptions le
pittoresque et l'originalité qui conviennent à ce genre de récits. Les Soicvcnirs
de M. Fabiani manquent de chaleur et de mouvement, d'ordre et de mé-
thode. Tout y est mêlé, enchevêtré, sans suite, sans dates, sans unité de lieu.
Le lecteur, constamment ramené d'Alger à Saigon, de Saigon à Alger, ne
trouve rien à saisir au milieu d'épisodes à peine tracés et de pensées fugitives
qui crèvent comme des bulles de savon. Toutefois, malgré ces défauts où se
révèle la complète inexpérience de M. Fabiani, son livre possède un grand
fond d'honnêteté et témoigne de sentiments religieux auxquels nous rendons
im juste hommage. La publication de ce volume pourrait s'expliquer si
l'auteur l'avait destiné à ses seuls parents ou intimes; mais, pour le produire
en librairie, il eût fallu ne pas s'écarter des règles de l'art, « règles trop nobles
pour être sacrifiées même à l'amitié. » Ce jugement, que nous empruntons
au livre de M. Fabiani, nous plait singulièrement ; et, puisqu'il déclare aussi
lui-même que « c'est une ruse vulgaire d'accommoder la critique avec l'é-
loge, )) il ne s'étonnera pas de nous voir lui appliquer cette double sentence
dont il est le propre auteur. (î. des Godixs de Souhesmes.
La t*anagia du dôme de ©tra^Sïourg. Étude artistique, par
Gaston Save. Strasbourg, Hubert et Haberer, 1877, in-r2 de 7.o p., avec
ime lithographie. — Prix : 2 fr.
La Panagia est une sculpture en bas-relief au portail méridional de la
cathédrale de Strasbourg : le sujet représente la mort de la sainte Vierge.
M. Save croit que c'ejt une œuvre byzantine, conçue eteséculée selon les règles
— 174 —
traditionnelles de l'arl grec. Après une étuJe comparative des diverses dormir
lions, soit en bas-reliefs, soit sur les vitraux peints, l'auteur fait, en très-bon
style, la description détaillée de tontes les figures de ce groupe admirable:
quatorze en tjut, d'attitudes très-variées, d'expression noble et naturelle, dra-
pées à rantiqu"^, et disposées sans confusion sur un espace relativement
étroit. M. Save prend occasion de ce travail pour achever de détruire la lé-
gende de la statuaire S. ivine de Steinbach, fille d'Erwin, à laquelle une
tradition gracieuse et touchante attribue la décoration sculpturale delà fa-
çade du portail sud et du j ilier des ange^ dans l'intérieur du transept,
M. Save prouve en outre que les mutilations de la cathédrale ont été l'œuvre,
non pas de la rage nivelante de la Convention, mais des fureurs iconoclastes de
la réforme et du vandalisme classique. Celte brochure, non moins agréable
que solide, est faite pour opérer la conviction dans l'esprit du lecteur.
P. M.
Procès des Templiers, tlièse soutenue à Vlnslilul Ihéologique de
Poitiers^ par l'abbé Lkon NF.vtu, licencié en théologie, curé d'Asnières-sur-
Oise. Paris, E. Delalain, 1878, in 8 de o3 p. — Prix: 1 f.-. 50.
La thèse soutenue par M. l'abbé L. Neveu a pour but d'établir l'oppor-
tunité de la suppression de l'ordre du Temple, dont un certain nombre de
membres étaient coupables de désordres scandaleux etd"hérésie; laprudence
et la sagesse paternelle dont le souverain pontife fit preuve dans cette occasion,
en laissant à Philippe le Bel et à ses'conseillers la responsabilité des faits arbi-
traires et inhumains qui se révélèrent dans cette triste histoire. La commis-
sion chargée par le pape de juger le grand maître, le visiteur de France et
les commandeurs de Guyenne et de Normandie avait conclu à la pri-
son perpétuelle, le ISmars 131 4; Philippe le Bel, le jour même, fit brûler deux
d'entre eux, qui persistaient à protester de leur innocence, après avoir eu à
plusieurs reprises la faiblesse de se reconnaître coupables. Disons qu'après
avoir lu cette thèse on reste convaincu qu'entre les défenseurs et les accusa-
teurs des Templiers, il reste encore à formuler un avis impartial sur ce grand
procès. Après l'appréciation du Pape et des conciles, il reste indubitable
que l'abolition de l'ordre était nécessaire ; mais il serait important de fixer
jusqu'à quel point l'ordre était gangrené, et d'examiner les conséquences
de l'acte au point de vue des sociétés secrètes. A. de B.
Lies Lieutenants des maréchaux, de France, par le marquis
de Belleval. Paris, J.-B. Dumoulin, 1877, in-8 du 56 p. — Prix : 3 fr.
Enl631 un élit établit, que dans chaque baillage, un ou deux gentilshommes
seraient chargés de connaître des différends qui s'élèveraient entre les nobles
aussi bien qu'entre les militaires; ces gentilshommes, d'abord nommés direc-
tement par les maréchaux de France, et plus tard par le roi, sur la présenta-
tion des maréchaux, formai^-nt le premier degré d'une juridiction du point
d'honneur dont le tribunal suprême était la connétablie. M. le marquis de
Belleval, grâce à des documents de famille, a retracé d'une manière complète
l'histoire de cette juridiction, et il l'a fait s'iivre d'une énumération alpha-
bétique de tous les lieutenants des maréchaux dont il a pu réunir les noms.
Le travail est intéressant, et parce qu'il fait connaître un rouage admi-
nistratif peu connu aujourd'hui, et parce qu'il touche à un assez grand
nombre de familles. Il est à souhaiter que l'on retrouve les registres de
quelques-uns de ces lieutenants ; on y trouverait des détails piquants
— 17b —
et des anecdotes curieuses sur la société des seizième et dix-septième
siècles. A. de B.
L'ÉgIî»e de 8aînt-I*îerre de Beaulieu {diocèse de Tulle) et son
portail sculpté, notice descriptive, par l'abbé J.-B. Poulbrière. professeur au
petit séminaire de Servièriis (Corrèze). Limoges, imprimerie Chapoulaud
1873, in-8 de 67 p. — Prix : 1 fr.
Promenade à Gimel (Corrèze), par lk même. Ouvi^age orné de six plan-
ches. Toui^s, imp. Bouserez, 1875, in 8 de 32 p. — Prix : i fr.
Servlères et son petit séminaire, notice historique, par le même
Tulle, imp. Mazeyrie, 1876, in-12 de 180 p.— Prix : 1 fr. 50.
Une page ignorée de l'hî*4toîre de Tulle. Marceline Paiiper,
par LE MÊME. Tulle, Mazeyrie, 1876, in- 18 de 31 p. — l'rix : 2 fr.
Dans ces ouvrages, M, l'abbé Poulbrière étudie l'histoire et les monu-
ments de son diocèse d'origine, et enrichit par des documents inédits ou
des rapprochements nouveaux les annales des églises de Tulle. Nous ne
pouvons qu'indiquer en quelques mots les traits qui nous ont paru caracté-
riser chacune de ces brociiures.
L'Église de Saint-Pierre de Beaulieu est surtout une description détaillée et
complète de l'un des monuments les plus remarquables de l'époque où ré-
gnait le style roman, M. l'abbé Poulbrière explique trés-clairement le sym-
bolisme que les artistes de cette date recherchaient avec tant de suin, et
qu'ils puisaient toujours aux sources pures de l'Écriture sainte et de la tra-
dition (p. 17 et 18). Il insiste avec raison sur les sculptures si riches, mais
malheureusement mutilées, i^u portail, et il relève avec sagacité les mé-
prises de plusieurs aixhéologues, qui ont voulu interpréterces figures d'après
leurs propres idées (p. 30, 4o, o2). Il fait aussi connaître plusieurs saints
personnages qui ont vécu dans l'abbaye de Beaulieu (p. 7, 20, 22).
La Promenade à Gimel est consacrée en grande partie à la descriptioa du
sanctuaire de Saint-Etienne de Braguse. Cette modeste église, autrefois très-
fréquentée par des pèlerins venus de toute la province du Limousin, est
encore très-intéressante, non-seulement par les souvenirs pieux qu'elle
conserve, maissous le rapportde l'art et de l'archéologie. Elle possède d'ail-
leurs une châsse du douzième siècle et un buste du quinzième, qui ont suc-
cessivement frappé l'attention compétente de M. Mérimée, de M. Viollet-le-
Ducetdu regrettable abbé Texier. M. l'abbé Poulbrière ne se contente pas
d'en donner la description, il nous offre six planches très-exactes.
L'histoire d'un petit séminaire, situé dans le fond d'une province, et dont
la fondation ne remonte qu'à l'année 1816, ne peut pas présenter une suite
d'événements d'une importance considérable. Le livre de M. l'abbé Poulbrière
se lit néanmoins avec un vif intérêt, à rai-on du t >n de piété filiale avec la-
qu- lie il a recueilli tous les faits se rapportant à cette maison, qui est de-
venue le berceau de toute la ti'ibu lévitique du diocèse de Tulle. On peut le
con>idéri'r comme le livre de raison d'un établissement qui a déjà rendu
tant de services à l'Église, et qui continue à en rendre toujours de nouveaux.
En lisant ces pages, où la piété, la reconnaissance pour les services rpudus,
l'amour de l'Eglise et de la patrie, la vénération pour la vertu de maîtres dé-
voués, le zèle pour l'étude et la science brillent dans toutes les parties, il est
facile de se former une idée de l'accueil que les anciens élèves du petit sémi-
naire doivent faire à cet ouvrage, qui consacre tant de souvenirs précieux.
Là n'est pas tout le mérite de ce livie : il renferme un aperçu sur le prieuré de
Servières qui fournit des renseignements inédits etuli'es à la grande histoire.
11 sullira d'un mot pour caradéjîser l'opuscule sur Marceline Pauptr, etce
— 17G —
mot c'est iM. Poulbvièi'P, quin)"s le fournit : son travail est une analyse de
la vie de cette admirable vierge, publiée il y a un petit nombre d'années par
le docteur Dominique Rouix. La ville de Tulle avait été la cité de prédilec'ion
de cette grande servante de Dieu qui y mourut, et c'est une pensée aussi
louable que pieuse d'y raviver des souve airs qui sont à la lois une gloire
pour le piys et des gages de bôaédiction. Dom Paul I'iolin.
La Guida cîel Galantuomo, di Francesco Rapisardi. Milano, 1877,
in-12 de viii-163 p. — Prix : 2 fr.
Voici un bon livre et qui ne mérite que nos éloges. Le Giiidc de l'honncle
homme est un recueil des meilleures maximes des pliilosoplies et des sen-
tences de l'Écriture disposées dans un ordre lumineux. On y lira en peu
de paroles des conseils pour toutes les circonstances de la vie. Une trame
légère unit toutes les pensées : c'est un beau livre et c'est une bonne
œuvre. Tu. P.
CHRONIQUE
Nécrologie. — M. Henri-Victor Regnault, membre de l'Institut, Académie des
sciences, depuis 1840, père du peintre Henri Hegnault, né à Aix-la-Chapelle,
le 21 juillet 1810, est mort à Paris le 19janvier. Élève, puis professeur de chimie
à l'École polytechnique (1840) ; pi'ofesseur de physique au Collège de France,
l'année suivante, ingénieur en chef des mines en 1847, et directeur de la ma-
nufacture de Sèvres depuis 18o4, il avait étudié particulièrement les lois sur
le volume des gaz dans des travaux qui font autorité. On lui doit aussi une
géométrie i)ratiquc ;I842, in-8); — Eludes sur l'hygrométrie (184o, in-8); —
Expériences sur les machines à vapeur (1847-1802, 2 vol. in-4); — Coûtas élé-
rncniaire de chimie organique{{8's:~-iSid,i\o\. in-8) dont une cinquième édition
a paru en I80O-I8GO, en quatre volumes in-12 avec figures, et qui a été repro-
duit dans plusieurs langues de l'Europe; — Premiers éléments de la Chimie.
abrc^gé de l'ouvrage précédent, publié en 1830, et qui a eu une sixième
édition (1874, in-12); enfin, un grand nombre d'études publiées dans les
Annales de chimie et de physique, dont quelques-unes ont été données en
extraits dans les Comptes rendus des séances de l'Académie, et le plus grand
nombre réunies dans le vingtième volume des Mémoires de V Académie des
sciences, sous le titre de : Relation des expériences entreprises par ordre de
M. le Minisire des travaux publics et sur la proposition de la commission cen-
trale des machines à vapeur... (1 vol. de 748 p.). — M. Regnault avait
publié encore, avec la collaboration de M. Reiset, une étude sur La Respi-
ration des animaux. Il était correspondant des académies de Berlin, de
Saint-Pétersbourg et autres corps savants.
— Le 18 janvier est mort à Paris M. Antoine-César Becql'erel. Né à Châ-
tillon-sur-Loing (Loiret), le 7 mars 1788, Il était sorti de l'École polytechnique
en 1808, en était devenu inspecteur en 1813, après avoir pris part à la cam-
pagne d'Espagne; et, après la campagne de France de 1814, il s'était retiré
de la carrière militaire avec le grade de commandant du génie. M. Bec-
querel avait été attaché au Muséum comme professeur de physique en 1837 ;
il était membre de l'Académie des sciences depuis 1829, et membre corres-
pondant de la Société royale de Londres. L'Académie des sciences lui avait
décerné, en 1874, la médaille cinquantenaire, bien qu'il ne fît partie de
l'Institut que depuis quarante-cinq ans; il avait obtenu aussi la gi'ande mé-
daille de Capley, que l'Angleterre n'a accordée en France qu'à trois personnes.
En outre d'un grand nombre de mémoires importants, ins'^'rés dans les
— 177 —
Comptes rendus de V Académie des sciences et dans les Afinales de physique et
de chimie, M. Becquerel avait fait paraître : de 1834 à 1840, un Traité expé-
rimental de l'électricité et du marjnélisme (7 vol. in-8, et atlas); — de 1842 à
4844, un T7'aité de physique (2 vol. in-8 et atlas) ; — en 1843 : Éléments d'é-
lectro-chiinie (in-8) ; — puis Éléments de physique et de météorologie [avec M. Ed.
Becquerel] (in-8 avec pi. 1847); — Des engrais inorganiques (1848, in-12); —
Des climats (,1853, in-8}; — avec M. Edm. Becquerel encore : Traité d'électri-
cité et de magnétisme (ISoo, 3 vol. in-8 avec pi.); — et avec le même : Ré-
sumé de l'histoire de l'électricité (1838, in-8). — Voici quelques-uns des titres
des travaux insérés dans les recueils que nous avons cités : Recherches sur
la chaleur animale (1835-36-38); — Sur la torpille (1836); — Recherches
sur le dégagement de la chaleur dans les frottements (1838) ; — Mémoire sur les
caractères optiques des minéraux (1839); — Sur les propriétés électro-chimiques
des corps simples (1841); — Sur la température des animaux à sang froid [id.) ;
— De l'action du sel dans les végétaux, et de son emploi en agriculture (1849) ;
— Mémoire sur la reproduction artificielle des composés minéraux à l'aide de
courants électriques (1852). Par des Mémoires et des Rapports au Conseil gé-
néral du Loiret, M. Becquerel avait concouru, dans une proportion notable,
à appeler l'attention du gouvernement sur les améliorations qui ont donné
à la culture une grande partie de la Sologne.
— M. François-Vincent Raspail, mort à Arcueil-Cachan, le 7 janvier,
était né à Carpentras (Vaucluse), le 29 janvier 1794. Il avait enseigné la
philosophie et la théologie à Avignon pendant un an, de 1811 à 1812, et
n'avait que vingt ans lorsqu'il vint à Paris, où il vécut des leçons qu'il donnait,
en étudiant les sciences naturelles ; décoré après la Révolution de juillet
pour la part active qu'il y avait prise, il se vit nommer à une place de
conservateur des collections du Muséum créée exprès pour lui ; mais des
dissentiments avec Cuvier le ramenèrent à la politique et à d'autres
études; de cette époque datent ses premiers ouvrages, ayant trait à ses
systèmes d'histoire naturelle, à son système médical basé sur le cam-
phre, et dont la popularité le fit nommer, en 1848, membre de la Consti-
tuante. Après un long établissement forcé en Belgique, il reparut en France,
pour entrer, en 1869, au Corps législatif; il fut aussi nommé député aux
élections de 1876 et de 1877. Les plus notables ouvrages que nous devions
à M. Raspail, — car la nomenclature complète de ses œuvres publiées
représente plus de cent volumes, — sont les suivants : Sainte Liberté (1822,
in-8); — Coupsde fouet scientifiques (1830, in-8); — Cours élémentaire d'agri-
culture (1831-1841, 5 vol. in-18); — Chimie organique, le plus important de
ses travaux, paru en 1833 (3 vol. in-8 et atlas), traduit en allemand, par
Wolff (Stuttgard, 1834, gr. in-8), en anglais par Henderson (Londres, 1834,
in-8), en italien par Macario (Milan, 1835-1838, 3 vol. in-8); — Philo-
sophie végétale (1836, et nouvelle édition à Bruxelles, 1837, gr. in-8); —
Mémoire sur Marie Capelle, veuve Lafarge, tendant à innocenter celle-ci de
l'accusation d'empoisonnement (1840, in-8) : — Histoire naturelle des am-
monites (1842, 2 édit.. 1866, in-fol.); — Histoire naturelle de la santé et de
la maladie (1843, et 3^ édit., 1860, 3 vol. in-8 avec fig.); — SonMaiiuel
annuaire de la satité, vade-mecum médical populaire, qui forme de 1846 à
1878, 32 vol. in-12; — Le Fermier vétérinaire, livre conçu dans la même
pensée de vulgariser les éléments de la science médicale à l'usage des
agriculteurs (1854 et suiv., en 2 vol. in-18); — M. Raspail avait aussi
publié, en 1872, une étude sur les Réformes sociales (en 1 vol. in-8). — On
trouvera un grand nombre des recherches de M. Raspail sur les sciences
FiivRiEU 1878. T. XXII, 12.
— 178 —
n;iturolles dans sa Hevue clcmentaire de médecine et de pharmacie domestiques
(du lo juin '1847 au 15 mai 1849) ; dans sa Revue complémentaire des
sciences appliquées, recueil périodique qui a commencé à paraître le 1"
août 18o4; et sur ses études préliminaires dans les Annales des sciences
nalurelles; les Mémoires du Muséum; les Mémoires de la Société d'histoire na-
turelle de Paris; le Répertoire général d'anatomie ; le Bulletin des sciences
de Férussac; enfin dans les Annales des sciences d'observation, fondées par
M. Raspail, avec Saigey, en 1829.
— Le 7 janvier est mort à Nice, dans sa 8 i« année, M. Paul-Jean-Ange-Henri
MoNiER DE LA SizERANNE, Créé comte par décret impérial du 21 mars
1860, ancien député pour l'arrondissement de Die (Drùme) de 1837 à 1848,
et de 1852 à 18o7, ancien sénateur depuis 1867; il était né à Tain (Drôme),
le 31 janvier 1797. Sous le titre de Mes premiers cl derniers souvenirs (1834,
in-8, Lahure), il avait réuni, dans le courant de sa carrière politique, une
suite d'études littéraires et dramatiques parues à des époques antérieures,
qui ne sont pas dans le commerce, et dont les titres ont leur place marquée
ici ; ce sont : Les Eaux d'Aix en 1823; — Un auteur dramatique à la Grande-
Chartreuse; — V Amitié des deux âges, comédie en trois actes en vers (1826);
— Une lecture à l'Abbaye-aux-Bois ; — Corinne, drame en vers (li>30); —
Régine, ou Vienne et Paris en 1813, comédie en cinq actes et en vers, avec
épilogue. Plus tard, il écrivit Marie- Antoinette^ poëme historique, avec por-
trait (in- 1800), dont il a publié avant de mourir une quatrième édition à
Nice (1872, in-8). Nous citerons encore de M, Monier de la Sizeranne : Le
Carlin vengé, apologue danois (1868, in-8, anonyme) et un certain nombre
de Rapports, Éloges et Discours publiés à part. En même temps qu'officier de
la Légion d'honneur, M. Monier de la Sizeranne était commandeur de Med-
jidié.
— Le 27 novembre 1877, est mort à Cracovie Lucien Siemi£Nski, l'un des
plus élégants écrivains contemporains en Pologne. Né en 1809 à Magierow,
en Galicie, il fit ses études, d'abord au lycée de Lublin, et puis à Odessa,
à l'Institut portant le nom de lycée Richelieu ; il prit une part active à
l'insurrection de l'année 1830 et fit dans les rangs de l'armée polonaise toute
la campagne de 1831 contre la Russie; réfugié en France, il y passa plu-
sieurs années, vouées aux travaux littéraires; en 1846, il ee transporta à
Posen, et en 1848 il se fixa définitivement à Cracovie, où il épousa une com-
tesse de Potocka. Gagné aux idées conservatrices, il consacra à leur défense
tout son talent et tous ses loisirs ; il fut l'un des fondateurs du journal
catholique le Temps {Czas), auquel il coopéra durant 30 ans, sans relâche.
Doué d'une grande facilité de travail, il explorait à tour de rôle tout le do-
maine de la littérature, de la poésie et même de l'histoire ; ses traductions
poétiques se distinguent par leur fidélité à l'original et l'élégance exquise
de la forme ; son Odyssée d'Homère, traduite en vers, ne le cède en rien
aux meilleures traductions classiques de l'Occident; la finesse de ses cri-
tiques le faisait surnommer le Sainte-Beuve polonais, mais il le surpassait,
surtout dans les dernières années de sa vie, par un profond sentiment reli-
gieux et catholique qui animait tous ses écrits ; son histoire de Pologne, pu-
bliée sous le titre de Soirées sous les tilleuls, fut l'un des ouvrages les plus
populaires que recherchaient les jeunes générations polonaises pour ap-
prendre l'histoire de leur patrie ; elle eut maintes éditions. Membre actif de
l'Académie des sciences de Cracovie, il présidait sa section philologique.
Il succomba à une courte maladie, emportant les regrets de ses compatriotes,
qui attendaient beaucoup encore de son patriotisme et de son activité . —
— 170 —
Outre une série vraiment innombrable d'articles sur différents sujets et de
correspondances insérées dans les journaux et revues polonaises, il publia
beaucoup d'ouvrages, dont voici les principaux : Musamerit, nouvelles au
clair de la lune, 2 vol. Paris, 1843; — Minerve^ nouvelle sentimentale en vers,
Vilna, 1838; — Causeries littéraires, Cracovie, 1833; — Chansons de la Bre-
tagne, trad. en vers, Posen, 1842; — Chansons Scandinaves, Posen, 1843; —
Traductions et légendes polonaises, ruihènes et lithuaniennes, Posen, 184o ; —
Le Manuscrit de Kœnigratz, traduit du tchèque en vers, Cracovie, 1836 ; —
Poésies lyriques de Schiller, Léopol, 1841 ; — Bichen et Méniché, épisode du
poème de Firdusi Schali-Nameli, Varsovie, 1853 ; — Les poésies de Michel-Ange
Buonarotti, traduites en vers, Cracovie, 1861 ; — Les Odes d'Horace, traduites en
vers, Cracovie, 1869; — L'Odyssée d'Homère, trad. en vers, Cracovie, 1876;
— Poésies, édition complète, Leipzig, 1863; — Trois prophéties, Paris, 1841 ;
— Idées sur les liarmonies sociales, Posen, 1845; — Les saints poètes, poésies
de V amour mystique, trad. en vers, Léopol, 1877; — Le Camp classique, épisode
de l'histoire des idées littéraires du XLÏ' siècle, C.vdiQ,o'^\e,i%QQ ; — Portraits
littéraires, 4 vol., Posen, 1863-1873; — Critiques et revues littéraires, Posen,
1869; — Esquisses de la littérature et de la société de 1848 à 1838, Varsovie,
1839, 2 volumes; — Étoiles du soir, nouvelles, biographies, voyages, 3 vol.,
Vilna, 1833; — Soirées sous les tilleuls ou histoire de le ?iation polonaise, ra-
contée par Grégoire de Ratzlawitze, première édition à Posen, 1843, dernière,
refondue et augmentée de beaucoup, à Cracovie, 1873; — Mémoires sur
Samuel Zborowski recueillis à la bibliothèque de Kornik, Posen, 1844; — Der-
nière année de la vie du roi Stanislas-Auguste. Cracovie, 1861; — Les deux
Jules tombés sur le champ de bataille en 1831 et 1863 (comte Malachowski
et comte Tarnowski), Cracovie, 1869; — Biographie et mémoires du comte
Stanislas Malachoivski, Cracoxie, 1833; — Souvenirs de Sigismond Krasinski,
Cracovie, 1839; — Souvenirs du castellan Wenzijk. Cracovie, 1863; — Sou-
venirs d'Adré Kozmian, Léopol, 1863; — Vincent Pol et ses poésies, Cracovie,
1873; — Biographie de Thaddée Kesduszko, Cracovie, 1866, tome premier; —
Le Sentiment religieux et le mysticisme dans la vie et les œuvres d'Adam Mickie-
wicz, Cracovie, 1871 ; — Venceslas Rzewuski et ses aventures en Arabie, Cra-
covie, 1878; — Saint François d'Assise, Léopol, 1873 ; — Légende lyrique sur
saint Stanislas, évêque et ?>mriî/r, Cracovie, 1870; — La librairie de Zupanski
à Posen vient d'annoncer deux volumes de différents articles littéraires de
Siemieniski, intitulés : Varia.
— ■ M. Paul-llenri-Ernest de Royer, premier président à la Cour des
comptes, ancien procureur général près de la Cour de cassation et ancien
ministre de la justice sous l'Empire, est mort à Paris, le 13 décembre. Il
était né à Versailles le 29 octobre 1808, fit son droit à Grenoble et à Paris,
et entra, en 1832, dans la magistrature, dont il parcourut avec éclat tous les
degrés de la hiérarchie. On lui doit un Commentaire analytique du code civil
livre I^"', titre II, avec M. Léon Delisle; des discours de rentrée à la
Cour de cassation ; des mémoires Sur la vie et les travaux de Tronchet; — Sur
les origines et V autorité de la Cour de cassation, — Sur les réformes judi-
ciaires et législatives du règne de Louis XIV, etc.
— M. l'abbé L. Claude P^vy, ancien vicaire général de Constantine et
frère de l'ancien évêque d'Alger, vient de mourir à Cannes. Il était né à
Roanne en 1812 et suivit son frère en Algérie, lorsque celui-ci succéda à Mgr
Dupuch sur le siège épiscopal d'Alger. Il y resta vingt ans, jusqu'à la mort
de son frère. Il vivait dans la retraite aux environs de Roanne, occupé de
travaux historiques et religieux. Il a publié la vie de son frère, et divers
— 180 —
opuscules : Conférence contre le livre de M. Renan (Constaritine, 1803) ; —
Affranchissement des esclaves, par l'abbé Pavy, professeur à la faculté de
théologie de Lyou (1838-1846), publié eu réponse à MM. Louis Blanc, Ger-
main Casse, Jules Simon, etc., par M. L. C. Pavy, ancien vicaire général (Lyon,
i87o); — Les Rêcluseries (Lyon, 1875).
— M. Placide Cappeau vient de mourir à Roquemaure. C'était le fils d'un
agriculteur. 11 a publié dernièrement la traduction en vers d'un poëme lan-
guedocien, le Siège de Caderousse, et un poëme de sa façon, le Château de
Roqicemaure (2 yo\. in-12, imprimé chez Jouausf, 1876). Il en est rendu compte
dans ce numéro même du PoUjbiblion. M. Cappeau est aussi l'auteur du
Noèl que la musique d'A. Adam a rendu si populaire. Il était devenu libre-pen-
seur; mais, à sa dernière heure, il est revenu aux croyances de sa jeunesse.
On annonce encore la mort : de M. Adolphe Desmoulins, publiciste,
mort à iNice, correspondant de V Étoile belge; — de M. le comte Armand-Just-
Eugène de La Faue, ancien directeur de la France centrale, mort à Onzain, à
soixante-sept ans; — de M. Philippe Montaland, ancien imprimeur et fondateur
à\i Drapeau tricolore et du Courier de Saône-et-Loire, mort à Chalon-sur-Saône,
le 20 janvier, à soixante-sept ans. — de M. Achille Martinet, graveur, mem-
bre de riQstitut ; — de M. le D^ Doran, rédacteur en chef de Notes and Que-
nes, mort le 2o janvier, à Londres; — du comte Alexandre Wielopolski,
marquis de Gonzaga Myszkowski, ancien gouverneur du royaume de Pologne
pour la Russie, auteur de Lettres d'un gentilhomme polonais au prince de
Metternich, écrites en 1846.
Faculté des lettres. — M. Maillet, ancien élève de l'École normale, pro-
fesseur suppléant au lycée Saint-Louis, a soutenu à Paris, le 11 janvier, ses
deux thèses pour le doctorat es lettres. Les sujets étaient : De voluntate ac
libero arbitrio in moralibus Aristotelis operibus ; — De l'essence des passions.
— M. J. de Crozals, ancien élève de l'École normale supérieure, a soutenu
à Paris, le 26 janvier, ses deux thèses pour le doctorat es lettres. Les sujets
étaient : Conspectus historias Ingolstadiensis Academix; — Lanfranc, arche-
vêque de Cantorbéry, sa vie, son oiseigtiement, sa politique.
Concours. — L'Académie de législation de Toulouse a proposé pour 1878
le sujet suivant : «Exposition des principes du droit international et des prin-
cipes du droit civil, concernant les mariages contractés en pays étranger.» Elle
met au concours, pour 1879, le sujet suivant ; « Étude sur la vie et les travaux
de Dupin, avocat, jurisconsulte et magistrat. » Le prix consistera en une mé-
daille d'or de cinq cents francs. Pour le prix du Conseil général du départe-
ment de la Haute-Garonne (médaille d'or de cinq cents francs). L'Académie
a proposé pour 1878 : « Étude historique, juridique et économique, sur le bail
à colonage partiaire, envisagé au double point de vue des engagements
entre le propriétaire et le colon et des droits qui s'engendrent, à l'occasion
de ce contrat, entre les membres de la famille du colon à la suite d'un état
d'association. »
L'Académie met au concours, pour 1879,1e sujet suivant: « De la législation
et de la jurisprudence enmatière de travaux publics, sous l'ancienne monarchie
française avant 1789. » L'Académie demande aux concurrents une histoire,
aussi complète que possible, pour notre pays jusqu'en 1789, des travaux pu-
blics, tels que routes, ponts, canaux dessèchements de marais. Cette his-
toire doit embrasser l'étude des modes d'entreprise, de confection et d'en-
tretien de ces travaux, celle des ressources qui leur étaient affectées, et enfin
de l'organisation des différents agents qui y coopéraient.
— 18i —
L'Académie verrait avec plaisir qu'après avoir étudié l'tiisloire générale
des travaux publics, les concurrents voulussent bien s'attacher à celle d'un
travail public déterminé, suivant la région qu'ils habitent : par exemple,
du canal de Cran, connu sous le nom d'OEiivre de Craponne, du Canal du
Languedoc, ou tout autre.
Les mémoires doivent être adressés au secrétaire-archiviste, rue des Ren-
forts, 15 à Toulouse, avant le 30 avril 1878 ou 1879.
Société de Géographie. — La commission centrale (conseil) de la Société
de géographie a procédé au renouvellement de son bureau, qui se trouve
ainsi composé pour 1878: Président: M. de Quatrefages, membre de l'Insti-
tut;— Vice-présidents: M. Daubrée, membre de l'Institut, et M. Henri
Duveyrier ; — Secrétaire général : M. Charles Maunoir ; — Secrétaires adjoints :
MM. Jules Girard et Julieu Thoulet.
Société des publications populaires. — La Société des publications popu-
laires a tenu son assemblée générale annuelle le 24 janvier. Dans cette
scéance, elle a renouvelé son bureau et complété son conseil. M. le comte
de Mousiier a été appelé à remplacer comme président M. le vicomte de
Melun. M. le baron de l'Espée a été nommé vice-président. MM. Alphonse
Bosseur et Edouard Lefébure ont été nommés membres du Conseil. M. le
comte de Lauriston-Boubers, secrétaire, et M. Ch. Garnier, trésorier, ont fait
connaître la situation de la Société. Son action s'est étendue jusqu'aux pays
étrangers; des commandes lui sont venues de Syrie; sa commission de lec-
ture a examiné, en 1877, 136 ouvrages dont 98 seulement ont été admis à
figurer sur ses catalogues. Elle a vendu pour plus de 34,000 francs de livres,
destinés soit à des bibliothèques populaires ou pour l'armée, soit à des dis-
tributions de prix. M. le secrétaire a payé un juste tribut d'éloge à deux
membres décédés, M. le vicomte de Melun, son président et M. le baron
Cauchy, membre de l'Institut, qui ont tous deux pris part à la fondation
de la Société.
Lectures faites a l'Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans
la séance du 4 janvier, M. Garcin de Tassy a présenté sa revue annuelle
de la littérature hindoustane. — Dans la séance du 1 1, M. Ch. Robert a fait une
communication sur des monnaies du treizième et du quatorzième siècle, dé-
couvertes à Saint-Vith en 1876, et appartenant presque toutes à la Lorraine
et au Luxembourg. — Dans la séance du 18, M. le président a communiqué
une note de M. Fernique, adressée par le directeur de l'Ecole française de
Rome, sur les fouilles de Palestrina. M. Heuzey a présenté des observations
sur des bronzes archaïques de la collection de M. Caropanos. — Dans la
séance du 25, M. Heuzey a présenté quelques observations sur un vase
sacré du sanctuaire de Dodone. M. Max. Deloche a continué la lecture de
son mémoire sur les invasions des Gaulois en Italie. M. Pavet de Courteille
a lu une note de M. Dabry de Thiersant, consul de France en Chine, sur la
religion deTamo. M. E. Revillout a lu la première partie d'une étude sur la
loi de « bebaiosis ».
Lectures faites a l'Académie des sciences morales et politiques. — Dans
la séance du 5 janvier, .MM. Nourrisson, Cb. Giraud, Hippolyte et Frédéric
Passy ont présenté plusieurs ouvrages olferts à l'Académie et dont ils ont
fait l'analyse. — Dans les séances du 12 et du 17, M. Félix Rocquain a
achevé la lecture de son travail sur le parti des philosophes. — Dans la
séance du 12, M. Berlhold Zeller a achevé la lecture de son mémoire sur la
dernière année du duc et connétable de Luynes. — Dans la séance du 26,
M. Paul Janet a analysé un mémoire adressé à l'Académie par M. Boussi-
— 182 —
nesy, professeur à la faculté des sciences de Lille, sur la conciliation du véri-
table déterminisme physiologique avec la vie et la liberté morale. M. Bau-
drillart a commencé la lecture d'un rapport sur l'état moral, intellectuel et
matériel des populations agricoles (Normandie), résultat d'une enquête dont
il avait été chargé par l'Académie, en remplacement de M. Louis Reybaud.
Une fête latine a Montpellier. — Des concours internationaux auront lieu
à Montpellier, le mardi de Pâques, à l'occasion d'un grand prix, le Chant
des Latins^ fondé et donné à la Société des langues romanes par M. de Quin-
tana, aujourd'hui député aux Cortès et commissaire du gouvernement espa-
gnol à l'Exposition universelle de Paris. Il s'agirait d'un chant de race pou-
vant, au moyen de traductions sur le même rhythme, devenir commun à
tous les peuples qui parlent un idiome dérivé de l'ancienne langue de Rome.
Un Comité, composé de membres de la Société des langes romanes et des
autres associations qui ont décidé de faire coïncider leurs réunions avec
celles du concours du Chant des Latins, prépare, sous la présidence de
M. de Tourtoulon, le programme des fêtes.
La Société des langues romanes décernera des prix aux meilleurs travaux phi-
lologiques sur les idiomes néo-latias, ainsi qu'aux meilleures pièces de poésie
(poëme, drame, comédie, ode, sonnet, etc.) et de prose (histoire, roman,
nouvelle, recueil de contes et de narrations, etc.) en langue d'oc, ancienne
ou moderne. Tous les dialectes du midi de la France, sont admis à con-
courir. Les manuscrits devront être adressés /"ranco, avant le 1*' avril 1878, terme
de rigueur, au Secrétaire de la Société des langues romanes, à Montpellier.
Les travaux inédits seront seuls admis à concourir; toutefois les prix de la
section de philologie pourront être attribués à des ouvrages imprimés du
i" janvier 1875 au i" avril 1878.
La Revue de philologie, de littérature et d'histoire ancienne. — La
plupart des monuments de l'art antique, qui nous ont été conservés, ont
eu gravement à souffrir des injures du temps et des hommes. Depuis peu,
on a pris l'habitude de les laisser tels quels, et les musées commencent à se
remplir de fragments de statues, que l'on se contente de nettoyer et de placer
dans un bon jour,san£slnquiéter de remettre les nez, les bras, les jambes qui
manquent. Autrefois il n'en était pas ainsi : on restaurait. Il y a telle
statue célèbre, que l'on a fabriquée de toutes pièces avec une tête de femme,
un buste d'homme et des membres empruntés à tous les personnages ima-
ginables. Le tout, bien gratté, ne manque pas de faire « esbaudir » les dilet-
tanti. Un admirateur sérieux a, dans ces cas-là, pour premier devoir de
s'informer de l'autheuticité et de l'état de conservation de ce qu'il
admire.
Il ne faut pas croire que les auteurs classiques, monuments, eux aussi, de '
l'art ancien, aient échappé au sort commun. Beaucoup, hélas ! nous ont
été enviés par le temps ; ce qui en reste a reçu plus d'un accroc, à travers
les longs et rudes sentiers du moyen âge ; en certain cas, le plomb vil s'est
glissé sous la même étiquette que l'or pur, comme on voit à Rome des
colonnes de faible style porter sur leur socle les noms de Phidias et de Praxi-
tèle. A la renaissance, on en fit un triage sommaire et un nettoyage un peu
préciiiité ; la patrie des Etienne et des Saumaise s'honora dans ces difticiles
travaux; mais, depuis longtemps, on s'imagine trop que la besogne est finie
et que l'on peut se livrer tranquille aux douces joies de la contemplation
littéraire. Les Allemands, secouant ce charme aussi trompeur que délicieux,
nous ont laissés à notre dilettantisme et se sont replacés franchement dans
la tradition érudite du seizième siècle. D'un autre côté, l'archéolagie est
1
— 483 —
venue, qui a fait revivre sous nos yeux ce monde antique sur lequel les
œuvres littéraires ne nous donnaient que des échappées de vue trop incomplètes
On a bien vite compris que ce serait s'exposer à mal comprendre et, partant,
à mal admirer, à mal aimer Homère, SophGcle,Démostliènes, PJaute, Virgile,
Tite-Live, si on persistait à les isoler du monde au milieu duquel ils ont
vécu et à ne chercher en eux que les traits par où ils nous ressemblent et
ressemblent aux hommes de tous les temps.
L'éducation littéraire du professeur d'abord, de l'élève aussi, bien qu'in-
directement, doit donc désormais compter une initiation • {"à la critique d'au-
thenticité qui apprend à distinguer les œuvres sincères des imitations ou
suppléments apocryphe? ; 2* à la critique verbale, c'est-dire aux eiforts tentés
dans tout le monie savant pour reconstituer à l'aide des manuscrits et de
laconjecture les textes qui nous sont pirvenns plus ou moins altérés ; 3°
auci procédés généraux du commentaire^ par la comparaison des textes du
même auteur ou d'auteurs contemporains, par les rapprochements des monu-
ments épigraphiques ou figurés qui peuvent apporter quelque lumièt-e à
l'interprétation.
L'enseignement universitaire avait mis ces éludes de côté ; elles ont trouvé
dans l'École des hautesétudes de la Sorbonne un sanctuaire où pour le bien
général de la science fr.mçaise, on doit souhaiter de voir afUuer les aleptes.
D'excellents travaux en sont déjà sortis. Plusieurs maîtres de la section de
philologia et d'histoire ont fondé cet'.e année la Revue de 'philologie^
de littérature et d'histoire ancieniie. Les noms de MM. Tournier, Graux
et L. Havet (ne pas confondre avec M. Ernest Havet, auteur de livres
antichréliens), directeurs de la Revue, ceux de MM. Weil, Foucart,
Thurot, Benoist, Desjardins, Quicherat, qui figurent au bas d'importants
articles, suftisent à montrer que l'œuvre est entre les mains les plus
autorisées. Nous ne pouvons entrer dans le détail des articles que comprend
ce premier volume. Le quatrième fascicule (la Revue est trimestrielle) com-
prend à lui seul plus de 300 pages entièrement consacrées à un dépouille-
ment de tous les travaux relatifs à la philologie, à l'histoire ancienne à
l'archéologie qui ont paru l'année dernière dans toutes les revues d'Europe.
C'est un travail prodigieux, qui n'a rien d'analogue, pas même en Allemagne.
Les travailleurs, auxquels de longues et pénibles recherches sont ainsi épar-
gnées, béniront les courageux éditeurs, et particulièrement M. Ch. Graux;
mais qu'ils seront loin de se faire une idée du travail dépensé dans ce^gigan-
tesque compte rendu !
Espérons que cette œuvre sérieuse et française sera accueillie parmi nous
comme elle mérite de l'être. Le clergé ne s'est pas désintéressé dans la fon-
dation de l'École des hautes études; encore maintenant plusieurs ecclésias-
tiques distingués y vont chercher une formation spéciale que ne saurait
donner l'enseignement des facultés, soit de l'État, soit de l'Église. La nou-
velle Revue permettra aux professeurs de nos collèges et séminaires de pro-
vinces de profiter, dans une certaine mesure, de l'enseignement de la haute
école parisienne ; ils pourront s'assurer par eux-mêmes de l'esprit exclusi-
vement et sévèrement scientifique qui préside à ses travaux. — L. Duchesne.
— Le Bulletin de Correspondaxce hellénique. — M. Albert Dumont a
fondé, en 1876, à l'École française d'Athènes, dont il est le directeur,
un institut de correspondance hellénique. S'il est permis de comparer
une œuvre qui commence à un grand établissement de cinquante ans de
durée, l'association athénienne est le pendant de l'Institut de corres-
pondance archéologique fondé à Rome par les elTorts unis de la France
— 184 —
et de la Prusse, au temps de la Restauration. Son but est de recueillir
les renseignements archéologiques épars dans les publications périodiques
d'Orient, si peu répandues en Europe, de donner un centre et une direction
à bien des elforts qui se perdent dans l'activité à demi éclairée des petites
sociétés scientifiques du monde grec, et de portera la connaissance du public
français les principaux résultats des fouilles et découvertes qui s'opèrent
chaque jour sur ce sol si fertile en antiquités. L'organe de l'institut hellé-
nique est le Bulletin, dont la première année, composée de huit fascicules,
a paru tout entière (Paris, E. Thorin; Athènes, Perris, in-8, de 416 pages et
14 planches). Quelques articles rédigés en grec, soit ancien, soit moderne, don-
nent à cette publication un cachet franco-hellénique qui ne manque pas de
pittoresque. Les planches, exécutées avec beaucoup de soin, charmeront plus
d'un amateur; mais il va sans dire que le fond prime la forme, si soignée
qu'elle puisse être, même dans la simple exécution typographique.
Le philologue y trouve des scholies nouvelles sur Eschine et Démosthène%
avec plusieurs fragments inédits d'orateurs attiques, de bonnes corrections
de textes classiques, même de sages observations sur le grec byzantin.
L'archéologue s'intéressera aux fouillestout récemment exécutées sur l'empla-
cement des sanctuaires célèbres de Délos et de Dodone, à celles qui se con-
tinuent encore sur le versant de l'Acropole d'Athènes ; on sait que ces der-
nières ont rendu un nombre prodigieux d'inscriptions importantes, notamment
un traité sommairement indiquépar Thucydide ; de dédicaces, une statue consa-
crée par un des fils de Pisistrate et déchifirée, il y a vingt-trois siècles, par
le grand historien athénien; un petit poëme de Sophocle, absolument iné-
dit. L'épigraphie n'est pas seulement représentée par les inscriptions nou-
vellement découvertes ; les manuscrits de Cyriaque d'Ancône, conservés à
Rome et à Florence, en ont rendu un grand nombre que le célèbre voya-
geur pouvait lire encore dans les dernières années de l'empire byzantin et
qui maintenant ont disparu. L'archéologie figurée, la numismatique ne sont
pas moins bien représentées; la bibliographie a aussi sa place. Parmi les
livres analysés, je remarque la grande collection d'hymnes grecs nouvelle-
ment publiée par le cardinal Pitra. 11 y a môme des récits de voyages, de
voyages archéologiques bien entendu.
La science des antiquités religieuses est redevable à ce recueil, d'abord
d'une inscription relative au célèbre Héliodore du livre des Machabées, d'une
inscription chrétienne d'Egypte, intéressante au plus haut degré à cause de
ses formules liturgiques, enfin du recueil des inscriptions chrétiennes de
l'Attique, publiées, avec fac-similé et commentaires, par M. Ch. Bayet.
La rédaction de cet utile recueil est naturellement placée sous la direction
de M. Dumont. Les noms des membres de l'École française s'y rencontrent
avec ceux des savants les plus autorisés du monde hellénique. Des articles
signés Egger et Foucart achèvent de donner à cette œuvre une recomm»an-
dation scientifique qui la classe au premier rang de nos publications sa-
vantes. — L. DOCHESNE.
Cours d'histoire DE France a l'Université catholique de Parts, — Au mois
de novembre dernier, M . Lecoy de La Marche, archiviste-paléographe, deux
fois lauréat de l'Institut pour ses ouvrages sur la Chaire française au moyen
âge et sur ieRoi René d'Anjou, a inauguré son cours d'histoire de France à
l'Université catliolique de Paris. Dans sa leçon d'ouverture, qu'il vient de
publier (Paris, Poussielgue, in-8 de 31 p.), le savant professeur a exposé
l'origine antique et sacrée du sentiment de l'amour de la pairie; il a montré
— 18o —
arec un rare talent comment le poganisme comprenai l'hisloire nationale,
et comment le christianisme, en renouvelant la face du monde, a transformé
et ennobli l'idée de la patrie. Comparant les historiens de l'antiquité avec
les chroniqueurs du moyen âge, M. Lecoy de La Marche a passé successive-
ment en revue Eginhard, Suger, Orderic Vital, Viilehardouin, Joinville,
Froissart, Monstrelet, Commines. 11 s'est peu arrêté sur le mouvement intel-
lectuel de la renaissance, qui ne fut pas favorable à l'étude du passé de la
France ; mais, arrivant au dix-septième siècle, il a jeté un regard d'ensemble
sur les grandes collections des bénédictins, puis il a analysé rapidement les
travaux d'érudition qui se sont produits de nos jours sur le moyen âge.
Dans la seconde partie de cette leçon, M. Lecoy de La Marche a exposé le
plan de son enseignement. 11 se propose d'étudier spécialement le règne de
saint Louis, la période de splendeur du moyen âge, L'Eglise, la royauté, la
noblesse et la chevalerie, la bourgeoisie et les classes populaires sont les
acteurs de ce drame ; le professeur exposera leur rôle, surtout an point de vue
social, car il bannit avec raison ce qu'on a appelé l'hisloire-bataille. Chaque
semaine une leçon sera consacrée à l'explication et au comnjentaire des
sources historiques du règne de saint Louis: Joinville, Geoffroi de Beaulieu,
Guillaume de Chartres, le confesseur de la reine Marguerite. Ce cours, qui
se rapproche ainsi de la méthode d'érudition de l'École des chartes, sera
certainement un des plus originaux de l'Université Catholique. C'est par de
telles créations que l'enseignement libre sortira de l'ornière universitaire, et,
dans ces voies nouvelles et presque inexplorées, l'Université catholique de Paris
ne pouvait choisir un meilleur guide que M. Lecoy de La Marche. — Er. B.
La Bibliothèque de l'Université d'IIarvard. — Nous recevons des États-Unis
le rapport annuel de l'Université d'Harvard, une des principales de ce pays.
A ce rapport est annexé un bulletin périodique indiquant les progrès de la
bibliothèque à l'usage du personnel de l'université, tant élèves que professeurs.
Ce document est curieux en ce qu'il montre les ressources mise, aux États-
Unis, à la disposition des professeurs et des étudiants pour leurs travaux et
leurs études.
La collection se compose de 230,000 volumes; elle se divise en plusieurs biblio-
thèques, consacrées, l'une à la jurisprudence l'autre à la médecine, une autre
aux sciences, une quatrième à la théologie, une cinquième à la zoologie, une
sixième à la botanique, une septième à l'iistronomie, etc. En 182o, le fonds
pour achat de livres et pour reliures n'était que de 'ôoO dollars (le dollar vaut
5 fr.) par an ; il est aujourd'hui équivalent à la rente produite par un capi-
tal de 170,000 dollars (8o0,000 fr.) et ce capital ne cesse de s'accroître.
Il y a là une bibliothèque centrale composée de 164,000 volumes, à laquelle
ressortissant les bibliothèques spéciales dont nous venons de parler . Il est
question actuellement de rendre cette organisation plus compacte encore
dans l'intérêt des élèves et des professeurs, et d'installer des téléphones de
l'établissement central aux extrémités, comme il a déjà été pratiqué à Boston
entre la bibliothèque de la ville et ses succursales, et cela par les soins de
M. Justin Winsor, dirigeant alors les bibhothèques de Boston et appelé
depuis à la direction de Finportante et riche bibliothèque de l'Université
d'Harvard.— (7ot<r?îrt/ Officiel) .
Une rectification d'histoire littéraire. Le Portefeuille df. M. L.-D. F****-
— M. le docteur Desbarreaux-Bernard vient de publier une brochure, tirée
à 130 exemplaires numérotés à la presse, impi'imée en beaux caractères sur
papier fil des Vosges fabriqué à la main, intitulée : Le Portefeuille de
Monsieur L.-D. F****, altribué à Germain de Lafaille, auteur des A7inales
de Toulouse (Toulouse, Edouard Privât, 1877, grand in-8 de 49 pages).
— 186 —
Barbier (Dictionnaire des anonymes) a cru devoir, on ne sait pourquoi,
donner à l'historien Lafaille (et non La Faille) la paternité d'un bouquin,
devenu rare, et qui est le premier livre que l'on ait imprimé à Carpentras :
Le Portefeuille de M. L.-D.F****, etc. (1694, petit in-12). Les bibliographes, à
la suite, comme le remarque le savant docteur, ont juré par le maître, et
l'ont tous copié, M. Desbarreaux-Bernard donne du Portefeuille une analyse
fort détaillée, de laquelle il résulte que le recueil ne renferme pas un seul
mot de l'annaliste toulousain. Cette analyse^des plus spirituelles et des plus
agréables, ne nous apprend pas seulement qu'il faut renoncer à regarder
Lafaille comme Va,uieur dn Portefeuille : ledoyendes bibliophilesméridionaux,
qui conserve, à quatre-vingts ans, toute la mémoire, comme toute la verve
de ses jeunes années, nous donne, chemin faisant, bien des renseignements
curieux, notamment (p. 10-17) sur un personnage célèbre du dix-septième siècle
qu'ont négligé toutes les biographies, M. Miton ou Mitton, dont il est question
dans les Historiettes de Tallemant des Réaux, dans la Muse historique de
Loret, dans le Mena^mna, dans les Lettres de Bussy-Rabutin, dans les Pensées
de Pascal, dans les OEuvres du chevalier de Meré, dans la Correspondance de
Mathieu Marais avec le président Bouhier, dans les Mémoires du P. Rapin,
dans le Port-Royal de M. Saint-Beuve, etc. Parmi les choses piquantes qui
abondent dans l'analyse du Portefeuille, et qui concernent Etienne Pavillon,
Chaulieu, Chapelle, M°° Deshoulières, Racine, Boileau, le chevalier de Saint-
Gilles, etc., on remarquera (p. 18-19) un portrait satirique de Turenne, tiré,
dit-on, du cabinet de Saint-Evremond, mais qui n'a pas été inséré dans ses
OEuvres, et que. comme M. Desbarreaux-Bernard,je ne crois pas authentique.
J'en ai dit assez, je l'espère, pour inspirer aux bibliophiles le désir dépos-
séder une brochure qui, à tous égards, est un si friand morceau. — T. de L.
Une fée Mélusine au Dauphiné — Le Polybiblion a parlé (t. XX, p. 453)
d'une Mélusine normande qu'il compare à la Mélusine du Poitou et des Lusi-
gnan. Mais c'est le Dauphiné qui oifre la reproduction la plus exacte de
cette étrange et mélancolique légende. L'illustre famille dauphinoise des
Sassenage prétendait tirer son origine d'une fée, nommée aussi Mélusine,
épouse d'un baron de Sassenage auquel elle avait fait promettre, en lui
accordant sa main, de la laisser libre de s'enfermer dans son boudoir chaque
vendredi et de ne jamais pénétrer auprès d'elle ce jour-là.
L'union fut charmante et féconde; mais, au bout de quelques années, le sei-
gneur de Sassenage s'irrita de ce mystère, et, après avoir vainement prié sa
femme de lui révéler ce secret, brisa, un vendredi, la porte du boudoir
il aperçut Mélusine transformée en sirène, avec une immense queue de ser-
pent, et se livrant à des études de magie. A la vue de son mari, la fée
poussa un grand cri, s'onfuit par la fenêtre, et se réfugia dans de vastes
grottes, situées en face du château de l'autre côté du torrent du Furon.
On ne la revit plus; mais, durant plus de mille ans, quand un Sassenage
devait mourir, on entendait le soir les cris de douleur de Mélusine retentir
au fond des grottes, annonçant une catastrophe.
C'est en mémoire de cette tradition que le château moderne de Sas-
senage porte à son fronton deux sirènes à queues de serpent, soutenant les
armes de Sassenage et de Bérenger. Au-dessus du bourg de Sassenage, on
voit encore, suspendue au-dessus du torrent du Furon, une demeure du
seizième siècle, seul reste du château primitif des Sassenage, théâtre de la
légende de Mélusine. A l'intérieur, un fragment de mur garde encore une
fenêtre ogivale du treizième siècle, marquant, dit-on, les restes de la cham-
V
— 187 —
bre où vint au monde saint Ismidon, prince de Royans^ l'une des gloires de
la maison de Sassenage.
En face, sur l'autre bord du torrent, les grottes de Sassenage, l'une des
merveilles du Dauphiné, ouvrent encore à l'explorateur leur curieux mais
dangereux labyrinthe, d'où le Furon se précipite en mugissant. — A. G.
La Gazette russe de Saint-Pétersbourg. — Au commencement de ce
mois, la Gazette russe de Saint-Pétersbourg a célébré le 150« anniversaire de
son existence. Le journal dont nous parlons est le premier rédigé en russe
qui ait paru dans l'empire sous une forme périodique. Dans le numéro
qu'a publié à cette occasion le journal actuel, il est dit qu'il existait déjà
auparavant en Russie une sorte de journal portant le nom de Gazette russe
(Russkija Wedemosti). Ce qui est curieux à savoir, c'est que cette feuille
avait été fondée en 1703, par Pierre le Grand lui-même, qui, pendant long-
temps, en fut le principal rédactfur ; il ne dédaignait pas d'en corriger les
épreuves de sa propre main, la plupart du temps.
Le journal dirigé par Pierre le Grand paraissait très-irrégulièrernent par
numéros de 2 à 7 feuilles, d'un petit format, chaque numéro avec un titre
particulier, comme on peut aussi remarquer en d'autres gazettes pubUées
à cette époque, dans différents pays. En 1703, il parut en tout 39 numéros.
L'année suivante, le journal prit un nouveau titre fort allongé.
Cette feuille contenait surtout des nouvelles de l'étranger ; les nouvelles
indigènes étaient fort rares. On peut observer le môme fait dans l'ancienne
Gazette, publiée en France au dix-septième siècle par Renaudot. Dans la
Gazette russe de Pierre le Grand, on trouve un certain nombre d'articles sur
la guerre avec les Suédois.
Jusqu'en 17U, la feuille gagna toujours en importance : à partir de cette
date, elle parut tantôt à Saint-Pétersbourg, tantôt à Moscou, puis, en 1727,
elle cessa de paraître. En 1718, il n'en avait été publié qu'un seul numéro.
Quelques numéros de cette feuille ayant vu le jour sous le nom de
Gazette de Saint-Pétershourg (le titre en russe), c'est cette circonstance qui a
fait croire à plusieurs personnes que le journal actuel avait été fondé en
1703, de même qu'on a voulu ramener à cette date la fondation de la Gazette
de Moscou (Mosk- Wedemosti) .
Le journal qui vient de célébrer le jubilé de son 150* anniversaire a été
fondé, le 2 janvier (ancien style) 1728, par l'Académie des sciences, laquelle,
depuis lors, n'a cessé de l'éditer et de le faire imprimer par sa propre
imprimerie. — (Journal Officiel.)
Erreurs de la Revue des Deux Moxdes. — La Revue dont il s'agit, in-
dique (on le sait) à la 3e page de la couverture imprimée de chacune de ses
livraisons, une liste de quelques ouvrages nouveaux, avec de courtes appré-
ciations. Dans la livraison du 1er décembre, il est dit, à propos de l'édition des
Essais de Montaigne publiée par le libraire Lemerre, qu'elle a été faite avec
le concours de « M. Dereimeris, membre de l'Institut. » Lisez Dezeimeris,
qui n'est point membre de l'Institut, mais qui est un Bordelais très au
au fait de tout ce qui se rapporte à Montaigne ; il a prouvé par des travaux
fort estimés, notamment par le savant commentaire qu'il a joint à une
réimpression des oeuvres de Pierre de Brach, qu'il connaît à fond la litté-
rature du seizième siècle.
Autre observation, mais portant sur un détail peu important. Dans une
notice sur Cervantes (livraison du 15 décembre), production jusqu'ici inédite
de Prosper Mérimée, il est question d'un pastiche réussi, du faire de Cer-
vantes, El Buscapié, dont l'auteur est Alphonso de Castro ; le véritable
- 188 —
prénom est Adolfo. Ce littérateur gadetan s'est occupé avec beaucoup de
zèle de l'immortel auteur de Don Quichotte ; on lui doit^ entre autres pu-
blications, un volume fort intéressant : Cervantes , varias obras inéditas
sacadas de codices de lahibliotéca Colomhina, con notas, Cadix, 1875. Ajoutons
que la Bibliotéca Colomhina, conservée à Séville, est une collection fort pré-
cieuse, commencée par un fils de Christophe Colomb.
U.N PoEME ITALIEN SUR LuciFER. — Lc pays de la Divine Comédie et de la
Jérusalem délivrée vient de produire un poëme effroyable dont Lucifer est
le héros. La plupart des revues italiennes s'occupent de cette œuvre mons-
trueuse, dont l'auteur est M. Mario Rapisardi. La Revista universale publie
sur Lucifero un long et éloquent article de M. Astori. Ce n'est pas seu-
lement la plus téméraire impiété qui règne dans ce livre dépravé, c'est
ainsi le dévergondage le pluséhonté. Tout est méprisé dans Z/Wa/e^o, la
pudeur, l'histoire, la religion, les traditions. Dans cette conception désor-
donnée, les dernières épreuves de la France jouent un rôle. La guerre
contre la Prusse, la guerre civile y sont racontées; et cette fois, emporté
par la vérité, l'auteur semble donner à son héros son véritable rôle : Lucifer
s'éloigne de Paris certissimo del sua trionfo.
Annaes da bibliotheca nacional de Rio de Janeiro. — Tel est le titre d'une
importante revue dont nous avons reçu deux amples livraisons, formant un
volume de 390 pages grand in-8. Les rédacteurs de ce beau recueil se sont
proposés de faire connaître toutes les recherches littéraires enfouies à la
bibliothèque nationale de Rio de Janeiro, tant livres que manuscrits,
cartes et estampes : de nombreuses études biographiques et biblio-
graphiques accompagnent ces intéressantes publications. Le volume que
nous avons sous les yeux contient, entre autres articles, les morceaux sui-
vants : Diego Barbosa Machado, par Ramiz Galvâo ; Jase de Andeieta par
Teixera de Melo ; la colleccion Carmoneana par Joâo de Saldanho du Gamo ;
Notice sur les œuvres manuscrites et inédites relatives aux voyages de Ferreira,
par de Valle Cabrai ; un paleotypc espagnol, par Fernandeo d'Oliveiro.
Parmi les variétés nous avons remarqué une lettre inédite de laCondamine.
Nous engageons les rédacteurs des Annaes à surveiller plus attentivement
l'impression des documents en langues étrangères; il est évident que cette
lettre a été reproduite d'une manière très-inexacte. Nous espérons que ce
beau recueil aura continué à paraître, et nous tiendrons nos lecteurs au
courant des nouvelles livraisons qui ont dû s'ajouter à celles dont nous
venons de dire un mot.
Le Contrat de mariage de Racan. — M. l'abbé Esnault vient de publier
sous ce titre : Contrat de mariage de Honorât de Beuil de Racan, document
inédit (Le Mans, Pellechat, 1877, in-8 de 16p., extrait de la Revue historique
et archéologique du Maine), avec une excellente introduction, le contrat de
mariage de Racan. Ce n'est pas seulement un document précieux pour l'his-
toire littéraire; de grands enseignements s'en dégagent au point de vue de
l'histoire de la constitution de la famille. Il est intéressant de suivre, au
milieu des clauses diverses de cet acte, les précautions prises par le père
de famille pour assurer la conservation du patrimoine dans les mains des
siens. M. l'abbé Esnault mérite à la fois les remerciments des lettrés et ceux
des hommes qui pensent qu'on doit chercher, dans l'étude des traditions
domestiques du passé, les éléments d'une réforme des mœurs actuelles.
Une encyclopédie chinoise. — Nous avons déjà parlé d'une vaste encyclo-
pédie chinoise dont, malgré son extrême rareté, un exemplaire s'est trouvé
disponible, et dont on espérait que le British Muséum pourrait faire l'acqui-
— 18!) -
sition. Cette espérance vient de se réaliser, et le département auquel préside
le professeur Douglas est maintenant en possession de cette oeuvre colossale.
Cette encyclopédie de littérature, dont les administrateurs du British Mu-
sewn, par une heureuse chance, viennent d'acquérir un exemplaire de Yecli-
tio princeps, a pour titre : Koo Kin too shoo tseih ching, ce qui veut dire :
Collection complète de livres anciens et modernes, avec illustrations.
Pendant le règne de l'empereur Kang-he (1661-1721), ce monarque, à rai-
son des altérations graduelles qui s'introduisaient dans les ouvrages les plus
importants, jugea nécessaire d'en faire une l'éimpression d'après les an-
ciennes éditions. Dans ce but, il nomma une commission chargée de com-
prendre, dans une immense collection, les réimpressions de tous les ouvrages
qui méritaient d'être conservés.
Pour cette entreprise, un assortiment complet de caractères de cuivre fut
fondu, et, quand les commissaires eurent terminé leur œuvre, ils purent
mettre sous les yeux de l'empereur une preuve palpable de leur diligence
sous la forme d'une compilation de 6,109 volumes.
Le contenu est divisé en trente- quatre parties, qui embrassent des ouvrages
relatifs à tous les sujets de la littérature nationale. Il n'en fut d'abord tiré
qu'un nombre restreint d'exemplaires, et, peu après, le gouvernement, cédant
aux nécessités d'une crise monétaire, fit fondre et transformer en monnaie
tous les caractères de cuivre. C'est ainsi qu'il n'existe qu'un très-petit nombre
d'exemplaires de la première édition. Il est extrêmement rare d'en voir un
qui soit en vente ; cela est pourtant arrivé à Pékin pour celui que le British
Muséum vient d'acheter. — {Journal officiel.)
— A Londres vient de paraître un catalogue monstre de librairie, lequel
catalogue ne pèse pas moins de 7 livres anglaises,et pour lequel il a été em-
ployé 15,000 kilogrammes de papier. Ce catalogue, édité par la maison qui
fait paraître le BookseUer, ou journal de la librairie anglaise, est destiné à
servir de vade-mecum pour le commerce. On y a réuni environ loO cata-
logues particuliers des éditeurs anglais et américains les plus importants.
C'est un total de 40,000 titres de livres. Aucune production de la littérature
moderne ne manque dans ce répertoire. Bien que tiré à 4,000 exemplaires,
l'ouvrage est déjà presque épuisé.
— D'après une statistique officielle qui vient de paraître, il se publie ac-
tuellement, dans le Royaume-Uni, loi journaux quotidiens; on n'en comp-
tait que 149 en 1876. Cesjjournaux se répartissent de la manière suivante :
Londres, 20; province, 89; pays de Galles, 2; Irlande, 19; Jersey, 1. —
83 paraissent le matin et 68 le soir.
— La séance entière de l'Académie du jeudi 31 janvier, a été consacrée à
la lecture, par M. le duc de Broglie, de fragments de ses Mémoires de fa-
mille. Cette lecture, qui a vivement intéressé l'assemblée, a été continuée
dans la séance suivante.
— L'Union des œuvres ouvrières catholiques avait mis au concours, pour 1877,
un catalogue de livres pour la formation des bibliothèques populaires. Le
travail qui a obtenu le prix du concours Doudeauville, au congrès du Puy,
vient d'être publié, avec les relouches demandées parla commission d'examen.
Il a pour titre : Catalogue de bibliothèques populaires, — Paroisses, — Cercles, —
Patronages, — Associations, — Confréries, — Romanes, — Jeunes gens, —
Enfants, — Femmes, — Jeunes filles (in-8 de 156 p.), et se trouve au Secré-
tariat de l'Union des œuvres, 32, rue de Verneuil, et de l'Œuvre de Saint-
François de Sales, 11 ftù, passage Sainte-Marie. Il comprend huit divisions:
Religion et morale; — Histoire et bibliographie ; — Vie de saints et person-
— 190 —
nages pieux; —Missions, voyages et géOjirapliie; — Romans et nouvelles;
— Arts, sciences, industrie, agriculture; — Publications et journaux pério-
diques; — Opuscules et tracts de propagande; — Manuels et livres de piélé.
Ce catalogue contient 3,244 numéros pour les livres seulement, avec les indi-
cations de titre, format, éditeur, prix, etc., et un signe pour marquer à quelle
classe de lecteurs chacun convient plus spécialement.
— Nous recevons de Madrid la Resena historica del colegio-universitad de
San Antonio de Portaceli en Siguenza, con algunas noticias acerca de su
fundator D. Juan Lopez de Medina,]iov D. José Julio de la Fuente, directur
y catedralico del instituto de Guadalajara (Madrid, irap, de Alexandre Gomez
Fuentenebro, 1877, in-12 de 71 p.). Après une notice biographique sur don
Juan Lopez de Médina (xv« siècle). M. de la Fuente raconte la fondation
du couvent (1436), du collège (1452) et de l'hôpital de Saint-Antoine, fait l'histoire
de l'Université de Siguenza, jusqu'à sa suppression en 1807, du collège de
Saint-Antoine, supprimé en 1807, rétabli en 1814, puis tombé en 1837. Il
donne en appendice plusieurs documents tels que les bulles d'érection.
— M. Saint-Aubin a réuni en brochures d'intéressants articles publiés
dans le Conservateur de Saône-et-Loire, sur les Budgets des principales villes
du département de Saâne-et-Loire, Autun, le Creuzoi, Châlon, Mâcon, Tournas
Chalon-sur-Saône, imp. Dejussieu, 1877, in-18 de 124 p.). Ce sont des études
d'intérêt local qui révèlent une heureuse tendance bonne à généraliser : celle
de s'occuper sérieusement de l'administration de son pays, de la contrôler, et
d'y apporter la lumière de l'expérience.
— Voici deux brochures de M. le comte Le Clerc de Bussy,que nous tenons
à signaler: l'une {Notes sur V histoire d'Abbeville, 16j7-1764, tirée d'un
manuscrit du xvnie siècle^ suivies de quelques autres et de fragments généalo-
giques, Amiens, imp. Delattre-Lenoel, in-8de 31 p.), donne sur Abbeville des
notes relevées dans la Chronologie de MM. les Mayeurs d'Abbeville de Nicola .-
Abraham-Joseph Blancart, qui fat contrôleur des guerres, manuscrit qui
appartient à M. levicomede Louvencourt. Ces notes sont relatives aux événe-
ments passés dans la ville, réceptions de personnages, température, cherté
des vivres, élections, etc., et à la police des prisons d'Abbeville. On y trouve
aussi la chronologie et l'armoriai des mayeurs et plusieurs notices généalo-
giques. — L'autre brochure est consacrée au bourg et petit port de mer d'Ault
(Somme). (Lettre sur Ault et copie d'une charte royale de 1382 instituant un
marché dans cette ancienne ville, Paris, Dumoulin, in-8 de 12 p.), et fait con-
naître divers fondations d'hôpitaux, maladreries et maisons de charité, dues,
à deux de ses seigneurs, Marie, comtesse de Dreux, et Marie de Lorraine, ainsi
que l'établissement d'un marché par Charles VI.
— M. L. M. Kertbeny vient depubUer le premier fascicule de la Bibliogra-
phie de la littérature hongroise nationale et internationale .
— M. le chanoine Winterer, curé de Mulhouse, vient de publier en français
l'histoire de la Persécution en A Isace pendant la grande Révolution.
Publications nouvelles. — La Raison conduisant Vhomme à la foi^ par
Ant. Guyot (in-8, Bloud et Barrai). — Précis d'un cours complet de philosophie
élémentaire; Grands monuments de la philosophie; Précis théorique et diction-
naire^ par A. Pellissier (2 vol. :n-18, Durand). — Mélanges de mythologie et
de linguistique, par Michel Bréal (in-8, Hachette). — Les Ages de la pierre;
instruments, armes et ornements de la Grande-Bretagne, par John Evans (in-8,
Germer-Baillière). — La Grèce et l'Orient en Provence, par Ch. Lenthéric (gr.in-
18, Pion). — Décadence du sentiment moral et religieux, par J. Tissot (in-8, Ma-
rescq).— Histoire nouvelle des arts et des sciences, par Alphonse Renaud (in-12,
191 -
Charpentier), — Mémoires-Journaux de Pierre de l'Estoile, tome, IV (in-8, lib.
des Bibliophiles). — La Mission de Jeanne d'Arc, par Fréd. Godefroy (gr.
in-8. Ph. Reichel). — Précis de l'histoire de la littérature française depuis
ses premiers monuments jusqu'à nos jours, par D, Nisard (gr. in-18, Didot). —
L'Astronomie de la jeunesse, par H. Piessix (in- 12, Pion). — Dictionnaire des
termes techniques, par Alfred Louviron (in-12, Iletzel). — Manuel pratique
des sociétés coopératives de production, par Schulze-Delitzcli (in-12, Guille-
min). — Plaidoyers de Berryer, tome IV et dernier (in-8, Didier). — Corres-
pondance de Sainte-Beuve, tome I^' (gr. in-18, C, Lévj) .— LesVikiïigs de la Bal-
tique, par W. Basent (gr. in-12, Hachette). — Une fille laide, par Cl. de
GUandeneux (tn-18. Pion.) — En Poitou, par M°° Ch. Maryan (in-12, Bray et
Retaux). — Histoire d'une conversion, vie de Madame Niconora Izarié, par le
R. P. Lescœur (iri-18 j., Sauton.) — Histoire de la monarchie de Juillet, par
Victor Du Bled, tome I"' (in-8, Dentu). Visenot.
QUESTIONS ET RÉPONSES
QUESTIONS.
Li'Ophir signalé dans
l'hstoîre de Salomon. —
Quelle est l'opinion des savants mo-
dernes les plus autorisés à l'égard de
ce pays vers lequel se dirigeaient les
navires du monarque hébreu et ceux
du roi de Tyr, Hiram, et d'où ils rap-
portaient, après une navigation la-
quelle ne durait pas moins de deux
ans, de l'or, des pierres précieuses
et des bois? D'Anville a écrit une
dissertation à cet égard; Bochart croit
qu'Ophir était File de Ceylan, d'au-
tres pensent qu'il s'agit d'un port de
la côte orientale d'Alrique, et cette
opinion paraît la plus vraisemblable.
F. A.
Portrait de Cliarles de
Blois. — Il a été signalé des re-
cueils de dessins contenant le portrait
de Charles de Blois, duc de Breta-
gne ; jusqu'à ce jour, .j'ai cherché
inutilement ces recueils, je serais très-
reconnaissant envers la personne qui
pourrait m'indiquer où il me serait
possible de me procurer le portrait le
plus authentique de Charles de Blois,
d'après un dessin, une peinture ou
une sculpture. A. de B.
IVotre-Dame deOaraison.
— Quels sont les livres, histoires et
manuscrits publiés depuis le xvi^
siècle sur Notre-Dame de Garaison
(jadis au diocèse d'Aucb, aujourd'hui
au diocèse de Tarbes)? P.
RÉPONSES.
L.e Tribunal de la %Vest-
plialie (XX, 382). — Voyez : Vitria-
rius illustratus, IV, 468. — Seckenberg,
Kaiserliche hochste Gerichtsbarheit. —
Le même, Corpus juris germanici, I,
2^ partie. — Wigand, Bas Ferncjericht
Wéstphalens. — Usener, Die frei und
heimlicher Gericht Wéstphalens. —
Voigt, Die xoestphalichen Ferngerichte.
— Difenbach,DeF(?imem,Lipsiae,I707.
— Walter, De ocultis judiciis Westpha-
licis, Argentorati, 1775. — Eichhorn,
Deutsche Staats und Rechtsgeschichte,
§ 418. — Zœpfls, Deutsche Staats und
Rechtsgeschichte, II, 133. — Philips,
Deutsche Reichs nud Rechtsgeschichte,
§ 109. — Ungers, Die altdeutsche Ge-
richtsverfassung,T[). 103. — Gaupps,
Von Ferngerichten mit besonderer
Rucksicht auf Schlesien. — Yéron-Ré-
villes, Les justices vehmiques en Alle-
magneaumoyenâge, Colmar, 1859, in-8.
RiSTELHDBER.
IL.es Pêches et le duc de
Guienne (XX, 382). — La pêche
est connue et le pêcher est cultivé
dans notre pays depuis un peu plus
de vingt siècles. Columelle parle de
la pèche gauloise, qu'il assure être la
plus grosse de toutes celles de son
temps. Pline l'Ancien, livre XV,
ch. XII, de soaEistoire naturelle (t. [I,
de l'éd. Variorum, 1669), décrit les
différentes espèces de pêches alors
connues. On trouve, dans le Glossaire
de Du Gange, aux mots Persica,
Persicum et Persicarius, t. V de la 2*
édition, publié en 1734, qui aurait
dû être connu de D. Vaissete, dont
lea^vol. de l'Histoire du Languedoc
lOv
n'a paru qu'en 1745, des citations
qui établissent clairement la culture
du pêcher au moyen âge. L'article
est reproduit dans le t. V du Glos-
saire, éd. Didot, p. 213, où se trouve
également cité le Capitulaire de
Villis, qui fait mention du pécher au
cbap. Lxx. (V. Dom Bouquet, t. V,
p. 637, de l'éd. de L. Delisle.) On
peut voir encore au même t. V du
Glossaire, p. 224, mot Pesca, des ex-
traits de deux titres, l'un latin,
de 1272, l'autre en langue vulgaire,
de 1409, qui nous fournissent de
nouvelles preuves de la connaissance
de la pêche et, par conséquent, de le
culture du pêcher. J'indiquerai enfin,
parmi d'autres livres à consulter : le
Lexique "'oman de Raynouard, t. IV,
p. 527 (Pesseguier et Presseguier) ; le
Glossaire occitanien de Rochegude
(Presega) ; le Catholicum parvuûi de
1499, éd. de Lyon, aux mots : Per-
sicum et Persicus, que l'auteur tra-
duit : une manière de pesches, et
peschier, arbre.
Le duc de Guienne est mort, non
pas six mois, mais près de huit mois
après l'empoisonnement vrai ou pré-
tendu dont il est.parlé par certains
historiens ou chroniqueurs, ce qui
nous reporterait alors au mois d'oc-
tobre 1471, et' c'est à cette époque,
en effet, que la pêche empoisonnée
aurait été présentée par le moine de
Saint-Jean-î'Angély, à Colette de
Chambes-Monsoreau, dans son châ-
teau de Saint-Sever, près de Pons,
qui lui avait été donné par le prince
son amant. lit un jour (dit Jean
Bouchet^(( que le duc de Guyenne
« goùtairtivec ladite de Monsoreau,
« audit lieu de Saint-Sever, ledit abbé
« de Saint-Jean-d'Angély para une
« pèche qu'il donna à ladite veuve de
„ Monsoreau pour boire, dont elle
„ mangea la moitié, et ledit duc de
^, Guyenne l'autre en mauvaise heure ;
„ car, bientôt après, ladite de Monso-
^ reaualla de vie à trépas, et ledit ne
^^ lit depuis son pvotit,et Tan 1472, le
« douzième jour de mai, mourut à
a Bourdeaux. » — La maladie dont
le duc fut atteint, après avoir mangé
de cette pêche, lui lit perdre en peu
de jours les dents, les ongles et les
cheveux, et ses membres se contrac-
tèrent d'une façon horrible. (V. Jean
Bouchet, Annales d'Aquitaine ; d'Ar-
gentré. Histoire de Bretagne ; Guyot-
Desfontaines, Histoire des ducs de
Bretagne; les frères Sainte-Marthe,
Histoire généalogique de, la maison de
France; Dreux-Duradier, Histoire lit-
téraire du Poitou, art. Colette de
Chambes ; D. Devienne, Histoire de
Bordeaux, 1'^ partie, in-4, 1771 ;
Massiou, Histoire de la Saintonge et de
l'Aunis, t. m, in-8, 2* éd.).
L'historien Coramines (liv. III,
ch. jx, de l'éd. Elzévir de 1648) se
borne à annoncer la mort du prince,
qui fut connue par lettre, arrivée
le lomai,en ajoutant que l'on par-
lait de cette mort différemment, ce
qui semblerait confirmer le récit des
historiens et des chroniqueurs du
xvi° siècle, qui assignent générale-
ment à cet événement la date du 12
mai, tandis que les modernes adop-
tent celle du 28 mai. Cette contra-
diction, du reste, importe peu. Que le
duc soit mort le 12, ou le 14, ou
le 24, ou le 28 mai, comme il est
mort près de huit mois après l'em-
poisonnement prétendu, c'est donc
bien en octobre au plus tard que la
pêche lui aurait été offerte, et non
point le 28 novembre, pas même le
24 mai, ainsi que l'aftirme l'histo-
rien (?) Dulaure, t. III, p. 295, de sa
Lescription historique des ci-devant
villes, bourgs, monastères, châteaux
et provinces du midi de la Républi-
que franc lise. On récolte des pêches
en juillet, en août, en septembre,
en octobre (V. le Dictionnaire de
Trévoux; Le Grand d'Aussy, Histoire
de la vieprivée des Français,éà. de il82,
in-8) ; mais on n'en trouve pas encore
au 24 mai, et l'on n'en trouve plus le
28 novembre. Ed. Séneuaud.
\
ERRATA.
T. XX, p. 383, 2« col. ligne 15 : L'abbé Lagrange, au lieu de Lapongié;
— p. 464, 2* col., ligne 15 : de Kirwan, au lieu de Kerwan.
Le Gérant : L. Sandret.
Saint-Queutiu. — Imprimerie Jules Moureau
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
ANCIENNE LITTÉRATURE FRANÇAISE.
I, Société «les anciens textes. — Chansons da quinzième siècle, publiées par
G. Paris. Ia-8 de Xiv-121 p. — Miracles de Nostre-Dame, publié par G. Paris et T.
Robert. 2 vol. in-8 de 390 et 408 p. — Deux rédactions du roman des sept sages de
Rome, publié par G. Paris. In-8 de XLiii-219 p. — Brun de la Montagne, publié par
P. Meyer. In-8 dexvi-151 p. — Guillaume de Palerne. publié par H. Micuelan. In-8
de xxii-180 p. — Aïol, publié par J. Normand et G. Renaud. Paris, Didot, 1875-77,
in-8 de lxiu-350 p. Prix : 12 fr. le vol.
M. Publications de l'Académie rojiale de Belgique. — Les Enfances
Ogier, publié par A. Scheler. 1 vol. de x.x-o22 p. — Beuve de Commarchis, publié
par i,E MÊME. 1 vol. de xvi-186 p. — Li Roumans de Berte aux grans pies, publié par le
MÊME. 1 vol. de xi-190 p. Prix 3 fr. — Trouvères belges du douzième au quatorzième
siècle, publié par le même, l vol. de xxvn-3b9 p. Prix : 5 fr. — Li Bastars de Buillon,
publiéparLE mé.mk. Rruxelles. 1874-1877, iM. Closson. 1 vol. de xxxiii-340p. Prix: G fr.
Nos lecteurs savent fju'il s'est fondé à Paris, en 1876, une société
ayant pour mission de publier des ouvrages appartenant à notre
ancienne littérature. Après des lenteurs fort excusables dans les
débuts d'une pareille entreprise, un assez grand nombre de volumes
se sont succédé pour que nous pensions devoir tenir nos lecteurs au
courant de leur apparition. La Société des anciens textes a mis à la
fois à la disposition de ses membres un album grand in-folio donnant
la reproduction bien exécutée des plus anciens monuments de la langue
française, et un volume de chansons du quinzième siècle. Quoique
M. G. Paris semble, dans son introduction, les considérer comme
populaires, ces chansons ne méritent pas cette qualification, si l'on
accepte la définition de chants faits par le peuple et chantés par
lui. La plupart de ces poésies sont évidemment artistiques; plusieurs,
en Espagne, recevraient même l'épithète de cortesanas. La richesse
du manuscrit d'où ces pièces ont été tirées suffirait, du reste, pour
leur assigner une origine plus relevée. Ce n'est pas dire que toutes
ces poésies soient délicates : s'il en est de gracieuses, il en est d'au-
tres assez grossières et qui prouvent une fois de plus quelle était jadis
la liberté du langage. Non-seulement, suivant nous, ces chansons
n'étaient pas populaires à l'époque où elles ont été recueillies, mais
bien peu d'entre elles ont fourni des éléments à une poésie dont de-
puis quelque temps on rassemble si soigneusement les vestiges. Indi-
quons quelques-unes des rares pièces auxquelles des recueils récem-
ment publiés pourraient fournir des analogies. Les chansons LUI,
LXXX, CXXX ont le rhythme des rondes ou branles, c'est-à-dire que
chaque couplet commence par le ou par les vers qui terminent le cou-
plet précédent. La chanson CIV est à refrain, comme plusieurs pièces
Mars 1878. T. X.Xlf, 13.
— 19i —
populaires. Certaines pièces, laLXXXI, par exemple, contiennent des
invocations au rossignol, au rossignolet sauvage, et en font un mes-
sager d'amour, comme dans beaucoup de chansons rustiques. La
chanson XXIV, sur les ennuis du mariage, a son parallèle dans quan-
tité de rondes. La pièce CXVII :
Nous étions trois jeunes fillettes,
fait souvenir de bien des débuts pareils. La chanson CXXI contient les
plaintes d'une nouvelle mariée, plaintes qu'on retrouve partout, et que
partout a pu produire une identité de situation trop fréquente. Dans
la pièce XLIV, quelques vers ont de la ressemblance avec les couplets
qui commencent ainsi :
Ce sont les filles de la Rochelle
Qui ont armé un bâtiment.
On pourrait sans doute indiquer encore quelques autres similitudes,
mais trop vagues pour qu'on reconnaisse dans ces chants ceux qui,
aujourd'hui, offrent avec eux de lointains rapports. — Remarquons
que la chanson CXXVI rappelle beaucoup une romance castillane :
CabaUcro de Icjas lierras. On pourrait croire que le couplet final, par
lequel la ressemblance serait complète, a dû s'égarer.
Ce volume, comme on devait s'v attendre d'après le nom de son
éditeur, a été publié avec soin et enrichi de notes offrant d'utiles
observations philologiques. M. Gevaert a complété l'intérêt de ce
livre en donnant la musique des chansons qu'il contient.
— Il y a, à la Bibliothèque nationale, un manuscrit dont quelques
parties ont déjà été publiées, et que la Société des anciens textes a
jugé à propos de donner dans son entier. Il contient les Miracles de
Nostre-Dame, par personnages, et ne formera pas moins de cinq vo-
lumes. Deux ont paru; ils renferment seize mystères, dont la copie avait
été préparée par un savant mort bien prématurément, M. Léopold
Pannier. C'est par M. Gaston Paris et par M. Ulysse Robert que ces
deux tomes ont été publiés. Quand l'ouvrage complet aura paru, il
sera suivi d'un sixième volume, qui offrira, outre un glossaire, les re-
marques de tous genres auxquelles le texte aura pu donner lieu. Plu-
sieurs de ces mystères paraissent avoir été tirés d'une œuvre d«
Gautier de Coincy. Nous y retrouvons l'histoire fort peu édifiante
que celui-ci écrivit sous le titre : De l'Abbesse que Nostre-Dame deffendi^
d'angoisse ; nous y remarquons aussi le quarante-sixième miracle d«
Gautier, qui lui-même avait mis à contribution Hermann et Hugues]
Farsit, et dont presque toutes les légendes ont été, au quatorzième]
siècle, imitées en espagnol par Gonzalo de Berceo.
Au nombre des fictions d'origine orientale qui ont eu une longue]
vogue dans notre ancienne littérature, il faut citer celle qui fit le]
succès du Livre de Siadibad, sur lequel Comparetti a écrit une si]
— 19o —
savante dissertation. (Nous avons donné de ce travail une analj^se
dans le tome VI de la Revue de l'Est.) Faussement accusé par sa belle -
mère, un jeune prince est condamné à mort par son père. Les apolo-
gues que débitent sept sages, et que, dans certaines versions, la
marâtre combat par d'autres récits d'une application différente, font
tour à tour passer de la mort à la vie et de la vie à la mort le jeune
prince, dont l'innocence finit par être reconnue. Ce cadre offrait une
large place à des nouvelles variées qui arrivèrent à nos trouvères, à
Boccace et à ses nombreux imitateurs, et dont Tune finit par donner
à Molière le sujet d'une des scènes les plus plaisantes de son Georges
Dandin, celle où Angélique feint de se jeter dans un puits. Tantôt les
noms de lieux et de personnes ont été changés, tantôt on n'a pris à
l'antique fable que le cadre, et on j a placé de nouveaux épisodes ; d'au-
tres fois encore, on a laissé de côté la fiction principale pour s'emparer
seulement de quelques-uns des contes et des apologues qu'elle conte-
nait, et qu'on a renoués par une intrigue nouvelle ou même débités
sans chercher à les relier. M. Gaston Paris a publié deux ramifica-
tions de cet antique roman ; l'une est intitulée Les sept sages de Rome ;
l'autre, l'YSiloire des sept sages. M. Paris les a fait précéder d'une
introduction*détaillée, qu'il termine ainsi : « Quel que soit le jugement
des critiques sur le résultat de mes recherches, ils me sauront gré
d'avoir mis sous leurs jeux deux nouveaux textes de cette histoire si
souvent et si diversement contée. Ces textes offrent d'ailleurs au
public une lecture facile, qui ne demande pas d'explications spéciales
et qui n'est pas dénuée d'agrément, sans parler de l'intérêt qui s'at-
tache à une œuvre si extraordinairement répandue. »
Les critiques, certes, rendront justice au travail de M. G.Paris, et le
public ne manquera pas de trouver que ce roman, au si long succès, de-
vait trouver place dans les publications de la Société des anciens textes.
— Nous n'en dirons pas autant à l'égard de Brun de la Montagne,
poëme incomplet qui semble déjà bien long. M. Paul Mejer ne s'abuse
pas sur les mérites de cette oeuvre : « Le romancier inconnu qui Ta
composée ne se recommande, dit-il, ni par la puissance de l'imagina-
tion, ni par le brillant du style. Les récits, les discours qu'il met dans
la bouche de ses personnages offrent cette prolixité monotone qui est
si fréquente dans les compositions du quatorzième siècle. » La langue
de Brun de la Montagne ne rachète pas ce défaut d'intérêt; comme le
remarque M. Meyer, ce qu'il y a de plus saillant dans ce roman d'a-
ventures, c'est la forme, qui est celle des chansons de geste, sauf que,
contrairement à ce qui se faisait à cette époque et conformément à ce
qui a lieu aujourd'hui, le poète ne termine pas un hémistiche par une
syllabe atone, sans la faire suivre d'un mot commençant par une
voyelle.
- ]!)G —
— GulUaume dr. Palcnic n'est pas un chef-d'œuvre non plus, et, en
relisant les nombreuses aventures qu'il renferme, il semble qu'on les
connaît déjà, tant elles sont peu nouvelles; mais du moins, ainsi que
le fait observer M. Michelant, il est écrit dans la bonne langue fran-
çaise qu'on parlait dans les provinces du Nord-Est vers le milieu du
douzième siècle ou au commencement du treizième. M, Michelant a
fait précéder cette production d'une introduction semée d'aperçus
intéressants et fait bien connaître tout ce qui, de près ou de loin,
se rattache à ce vieux poëme.
— Aïul, le dernier volume paru, offre une lecture un peu plus atta-
chante que Brun de la Monlagne et Guillaume de Palerne, surtout
parce qu'il présente plusieurs rapports avec les romances de Montesi-
nos. Dans leur introduction, les éditeurs veulent bien rappeler un de
mes livres et disent : « M. de Puymaigre cite parmi les héros des an-
ciennes romances espagnoles n'appartenant pas à nos chansons de
geste Grimaltos et Montesinos; il ajoute plus loin : Dans quelques
chants espagnols, un ccrlain don Tornillas esL une copie évidente de
Ganelon, et Montesinos o/J're plusieurs 'points de ressemblance avec
Roland ou Renaud ; les circonstances qui accompagnèrent la naissance de
Montesinos sont une imitation de ce que nos romans disent de l'enfance
de Roland. Si M. de Puymaigre eût connu VAiol, il eût sans doute été
du même avis que M. G. Paris, qui, le premier, dans son Histoire poé-
tique de Charlemagne{]). 212-3), a reconnu l'identité d'Aïol et de Mon-
tesinos, d'Elie et de Grimaltos. » Alors, en effet, je ne connaissais
pas le roman à\iïol, je ne connaissais pas non plus le livre de
M. G. Paris, puisque le mien lui est antérieur; tout en persistant à
trouver une ressemblance entre la mort de don Tornillas et celle de
Berthelot tué par Renaud, entre certains détails de l'enfance de Roland
et celle de Montesinos, j'hésite d'autant moins à me ranger à l'opi-
nion de M. G. Paris, que j'avais pressenti et dit (Vieux auteurs cas-
Lillans, t. II, p. 303-4-5), qu'une romance de Montesinos devait être
d'origine française. — Peut-être les éditeurs (ÏAiol auraient-ils lu
avec intérêt ce que Milà y Fontanals dit de Grimaltas et de Montesinos
dans la, Pocsia popular caslcllana, p. 348 et suiv, — Nous le répéte-
rons, cet excellent livre devinait être connu de tous ceux qui traitent
des chansons de geste ; car, érudit comme il l'est, Milà ne s'est pas
occupé seulement de l'Espagne.
— Ceque la France commence à faire, grâce à laSociété des anciens
textes, la Belgique, sous les auspices de l'Académie royale de Bel-
gique, le fait pour ses anciens poètes, qui, par leur langue, sont
nôtres aussi. Ces récentes publications, qui ont été bien exécutées,
ont droit à une mention qui terminera tout naturellement cet article.
M. A. Scheler s'est placé au premier rang des romanistes par les
— 197 —
éditions qu'il a données de plusieurs anciens poëmes. On est étonné
de la rapidité avec laquelle se succèdent des publications si soigneu-
sement et si savamment exécutées. En 1874 seulement, M. Scheler a
fait paraître Les Enfances Ogier, Berthe aux grans pies et Beuves de
Commarchis. Ces trois romans sont dus au même poëte, Adenès ou
plutôt Adenet li Rois, car le premier nom est mal orthographié ; mais
on est tellement habitué à le lire de cette manière, que M. Scheler
n'a pas osé s'écarter d'un usage invétéré, tout en remarquant que si
Ton voulait écrire les noms de l'ancienne langue sous leur forme de
nominatif, il faudrait changer Rutebeuf en Rutebeuus, Moske en
Mousket. Les Enfances Ogier ne sont pas le meilleur livre d'Adenet,
c'est un remaniement ; il a néanmoins des qualités poétiques relatives
qui le rendaient très-digne d'attirer Inattention de la Commission aca-
démique chargée de publier les anciens écrivains belges. Beiires dp
Commarchis était aussi inédit et n'est également qu'un remaniement,
mais se recommandait par les mêmes mérites que Les Enfances Ogier:
il forme la sixième brandie du cycle fort important d'Aymeri de Nar-
bonne et de ses enfants. Quant à Bcrlhe aux grans pies, c'est peut-être
la meilleure production d^Adenet; c'est, à coup sûr, la plus intéres-
sante et la plus connue. Dès le siècle dernier, il en parut une analyse
dans la Bibliothèque des romans. En 1832, M. P. Paris en donna une
édition, réimprimée en 1836. Mais, outre que ces deux éditions sont
devenues extrêmement rares, le texte pouvait ne plus satisfaire la cri-
tique philologique actuelle : M. Léon Gautier, dans un passage que
cite M. Scheler, a parfaitement apprécié la valeur littéraire de ce
poëme.
M. Scheler a fait suivre ces trois volumes, — qui comprennent, avec
Cléomadès, publié antérieurement par M. Van Hasselt, l'œuvre connue
d'Adenet, — des trouvères belges du douzième au quatorzième siècle.
Les Chansonniers ont une large place dans ce nouveau volume : nous
y trouvons Quenes de Béthune (dont le vrai nom serait Conon, par les
mêmes raisons que nous avons indiquées d'après M. Scheler, au sujet
d'Adenet); Guillaume de Béthune; Henri III, duc de Brabant ; Gil-
bert de Berneville; Mathieu et Pierre de Gand; Renaut de Trie;
Jean de Tournay ; Jehan de Lafontaine de Tournai , et Jocelyn de
Bruges. Viennent ensuite des dits et fabliaux de Jacques de Baizieux
et de Gaultier le Long. Un certain nombre de pièces qui forment ce
volume avaient déjà été publiées, notamment par M. Dinaux. Nous ne
savons, du reste, si tous les poètes dont M. Scheler nous donne ici les
vers appartenaient aux contrées dont s'est formée la Belgique. En
tout cas, nous avons des doutes, et M. Scheler les a lui-même, à l'é-
gard de Renaud de Trie (p. 147). La chanson mise sous son nom ne
lui est attribuée que sur un couplet d'envoi qu'on lit sur un feuillet
— 198 —
intercalé. En admettant qu'elle ait eu pour auteur Renaud de Trie,
quel était ce personnage? M. Scheler repousse avec raison l'asser-
tion de l'Histoire littéraire dp France et de Dinaux, qui veulent voir en
lui Renier de Trith, mentionné par Villehardouin, et songe plutôt à
un chevalier qui figure sous le même nom dans les tournois de Chau-
vency. Nous pensons que le poëte pourrait être ce bon amiral de
France que nous voyons apparaître dans le Victorial de Guttiere Diaz
de Games (ch. xlii du livre II), et auquel nous avons cru pouvoir
aussi attribuer une pièce de vers qui figure dans le Livre des cent bal-
lades [Victorial, notes, p. 370).
Le dernier volume de M. Scheler est le Bastars de Bâillon, faisant
suite à Baudouin de Sebourg, publié par M. Bocca, et qui était resté
inédit. On ne connaissait guère ce poëme que par ce qu'en a dit
M. Paulin Paris, le seul critique, à la connaissance de M. Scheler, qui
en ait traité de lectu.
M. Scheler, comme il l'a dit, aime à se renfermer dans son rôle
d'éditeur, à donner des textes unissant à la fidélité une correction
telle que la critique de nos jours peut l'exiger. Les notices dont il fait
précéder chacune de ses publications sont courtes et claires, et il ne
cherche pas à y examiner la valeur littéraire des œuvres qu'il met au
jour avec des soins dont tous les amis des productions médiévistes lui
seront bien reconnaissants. Ce qui donne un très-grand intérêt aux
publications de M. Scheler, ce sont les pages que, trop modestement,
le savant éditeur rejette à la fin de ses volumes ; ce sont des notes, des
glossaires remarquables et dont la philologie tirera grand parti.
M. Scheler a eu aussi une idée heureuse ; cela a été de donner la table
onomastique des chansons de geste publiées par lui. Une table de ce
genre ne manque qu'à Berte aux grans pies, où elle n'était d'ailleurs
pas trop nécessaire ; en revanche, dans le Bastars de Buillon, elle a été
complétée par l'indication, non-seulement des personnes, mais encore
des lieux, des peuples et des armes.
Ce ne sont pas uniquement les poètes dont l'Académie de Bruxelles
tient à mettre les œuvres au jour; les prosateurs ne sont pas négligés :
les Chroniques de Jehan le Bel ont été suivies des Lettres et négociatiom
de Philippe de Commines et des Chroniques de Froissart. C'est à M. le
baron Kervyn de Lettenhove qu'on doit ces deux publications. Nous
espérons bien ici même parler de la dernière. — C'est encore M.Schele r
qui a donné les poésies du chroniqueur par excellence.
La littérature du moyen âge est bien vengée du dédain qu'on affi-
chait pour elle. Maintenant on peut presque appréhender que la réac-
tion ne soit trop forte. Est-ce que les philologues ne poussent pas un
peu trop à des publications qui, quelquefois, n'ont que le mérite d'avoir
pendant longtemps semblé dignes d'être oubliées?
Th. de PuymaictRE.
190 -
MÉTAPHYSIQUE ET COSMOLOGIE.
Philosophie de V Inconscient, -par Edocarp de IlARTjrANN, traduit de l'allemand, et précé-
dé d'une introduction, par D. Nolen, professeur ù la fa^^ulté des lettres de Montpellier.
Paris, Germer-Baillière. 1877, 2 vol. in-8 deLXXi-59-2 et 6IS p. [Bibliothèque de philosophie
contemporaine). Prix ; 20 fr. — Les Causes finales, par Paul Ja.net, membre de
l'Institut, professeur à la faculté des lettres de Paris. Paris, Germer-Baillière, 1876.
in-8 de 748 p. [Biblioth. de philos, contemporaine). Pri.x : 10 fr. — Philosophie de la reli-
gion, de Héget, traduit pour la première fois et accompa2:née de plusieurs introduc-
tions et d'un commentaire perpétuel, par A. Ver a, prof, à ILiniversité de Naples. docteur
es lettres de la faculté de Paris. Tome I" (seul paru). Paris. Germer-Baillière, 1876.
in-8 de CL1X-4:j4 p. (Collection historique des grands philosophes). ?vix : 10 fr. —
Principes de philosophie, jiar A. Hap.tsen, traduit de l'allematid. avec le concours de
l'auteur, par Paul Regnacd. Paris, Savy, 1877, in-1-2 de viii-160 p. Prix : 3 fr. 50.
— Dieu, l'homme et la société. Première partie : Dieu, par B. Sernin-GaSTE.x. Paris,
André Sag-nier, 1876, in-18 j., de ibo p. Prix : 3 fr. — Les Merveilles du cœur,
étude religieuse d'anatomie et de physiologie humaines, par .\. Riche, de la conyréga-
gation des prêtres de Saint-Sulpice, Paris, E. Pion, 1877, iii-I8 raisin de 272 p.
Prix : 2 fr. 50. — Ferxand Papillox : La Nature et la vie. faits et doctrines. Deuxième
édition. Paris, Didier, 1874, in-18 j., de 459 p. Prix : 3 fr. 50. — Lettre à un ma-
térialiste sur la pluralité' des mondes habite's et tes questions qui s'y rattachent, par Jules
Boiteux. Paris, E. Pion, 1876, in-18 j., de viii-516 p. Prix : 4 fr. — Sur Ve'tat
présent des rapports de la science et de la religion au sujet de Vorigine des êtres orga-
nisés, discours prononcé à l'assemblée générale des comités catholiques du Nord et
du Pas-de-Galais, tenue à Lille les 16. 17, 18 et 19 novembre 1876, par M. A. BÉ-
CHAiMP, doyen désigné de la faculté libre de médecine de l'Université catholique, etc.
Lille, L. Quarré, 1877, petit in-8 de 80 p.
M. Nolen, traducteur de cette formidable et déjà fameuse Philo-
sophie de rinconscie7il, en a conçu Tidée la plus haute, et il travaille à
la communiquer aux lecteurs français dans une longue et remarquable
introduction (p. v-lxxi). Nous sommes loin, très-loin, d'en faire la
même estime ; mais nous ne trouvons pas qu'il la place trop haut en la
déclarant l'œuvre la plus considérable qui ait paru depuis une dizaine
d'années dans la littérature philosophique de TAllemagne. M. Nolen a
voulu, sans doute, éviter de placer M. de Hartmann au-dessus de tel
écrivain supérieur en science et en critique, par exemple M. Lange,
auteur d'une célèbre Hisloire du matérialisme. Mais, dans l'évolution
logique de la pensée réfléchie, au moins sur la voie de l'idéalisme
ouverte par Kant et par Fichte, nous sommes prêts à reconnaître
que le nouveau philosophe marque une nouvelle étape, la dernière
peut-être, par un travail qui restera au moins comme un souvenir
précis, une date essentielle de l'histoire de la philosophie contempo-
raine. Après le moi trop étroit de Fichte, Vabsolu trop mal défini de
Schelling, Vidée trop vide de Hegel, la volonté trop contradictoire de
Schopenhauer, M. de Hartmann a bien compris qu'il fallait chercher
et trouver une nouvelle conception de l'éternel inconnu. H a marié
l'Idée de Hegel à la Volonté aveugle de Schopenhauer, mais en res-
tant moniste et pessimiste comme ce dernier, quoique avec quelques
nuances caractéristiques. Son Dieu s'appelle VInconscient. Hartmann
a transporté dans l'absolu ce que l'observation lui dévoilait dans la
nature et dans l'homme, antérieurement à la conscience : cette activité
— 200 —
sourde, et pourtant intelligente à sa manière, qui poursuit et atteint
des fins par des moyens proportionnes. L'éternel inconscient est donc
à la fois idée et volonté, mais idée et volonté qui saisissent leur objet
ou leur terme sans se saisir elles-mêmes. De sorte que l'idéalisme ger-
manique n'a pas fait un pas notable depuis Hegel, si l'on s'en tient à
ses conclusions religieuses ; c'est autre chose si l'on considéra le tra-
vail dialectique auquel il s'est livré et dont les résultats, comme nous
tâcherons de le faire comprendre à la fin de notre analyse, sont loin
d'être nuls pour la cause de la vraie philosophie.
Quoi qu'il en soit^ la Philosophie de l'Inconscient ayant produit une
grande sensation en Allemagne, même en-dehors du public universi-
taire, de nombreux disciples s^étant groupés autour de l'auteur, une
lutte très-vive s'étant engagée et durant toujours entre ce nouveau
parti et les tenants, soit de l'hégélianisme, soit de la philosophie de
Schopenhauer, soit du monisme matérialiste, nous aurions le plus
grand tort de ne pas prendre au sérieux le gros livre dont M. Nolen
nous oiîre une traduction recommandée aux lecteurs français, avec
de justes éloges, par l'auteur allemand lui-même (p. i-iv). Il sera
consulté, comme un document essentiel, par ceux au moins qui ont
mission d'étudier de prés les évolutions de l'erreur en philosophie.
La fidélité de la traduction ne peut faire doute pour personne ; elle
n'est pas matérielle seulement : l'allure et la couleur très-originales de
M. de Hartmann sont passées dans le souple français de M. Nolen,
qui a goûté la doctrine et l'expression de son auteur jusqu'à se les
approprier dans toute la force du mot. En lui rendant cette justice,
nous prétendons énoncer une critique en même temps qu'un éloge.
Si nous discutions l'introduction de M. Nolen, nous aurions à plaindre
un esprit si distingué d'accepter les pires assertions de M. de Hart-
mann et de les dépasser quelquefois, en affirmant contre lui ou plus
que lui des erreurs destructives de toute saine philosophie : par
exemple, que tous les faits même de la conscience, « comportent une
explication mécanique, comme ceux de la matière brute (lv) ; » et que
l'explication universelle la plus satisfaisante « pourla raison et pour le
cœur de l'homme » est celle qui réduit Fabsolu à l'idée pure, sans
volonté et sans amour (p. lxiy). Mais, sans discuter autrement les
opinions personnelles du traducteur, nous lui emprunterons quelques
renseignements sur son auteur, avant d'aborder l'exposition des idées
de ce dernier.
Une existence douloureuse est d'ordinaire la première explication
historique de ces systèmes pessimistes que M. Caro présentait juste-
ment naguère comme de vrais cas de maladie intellectuelle : Léopardi
et Schopenhauer sont loin de démentir cette vue générale. Ce n'est
pas si clair pour Hartmann. S'il a eu à lutter contre la souffrance et
— 201 —
contre quelques difficultés de la vie, il n'en est pas moins arrivé fort
jeune à la gloire littéraire et au bonheur domestique. Né à Berlin en
1842, fils unique d'un général d'artillerie, il fit de bonnes études sco-
laireSj où la littérature classique lui agréa d'ailleurs beaucoup moins
que les sciences, la musique et le dessin. Dans son volontariat d'un
an, à l'Ecole d'artillerie de Berlin, où il passa trois années, et pen-
dant deux ans de carrière militaire, il poursuivit ses études artistiques
et philosophiques et publia, dans ce dernier genre, des essais fort re-
marqués. Il quitta le service en 1864, pour cause de santé ; il était
alors premier lieutenant d'artillerie. Depuis cette date jusqu'en 1867,
il travailla constamment à l'œuvre capitale qui parut en 1868 sous ce
titre : Philosophie des Unbeivusten, et qui est devenue (ce n'est pas trop
dire) populaire en Allemagne. Riche et considéré, il vit à Berlin avec
une femme intelligente, un (( bel et florissant enfant » et un cercle
assidu d'amis choisis, dans une telle joie d^esprit et de cœur qu'on a
pu dire de lui et des siens (il nous l'apprend lui-même : a Si Ton
veut voir encore des visages satisfaits et jojeux, il faut aller chez les
pessimistes. »
Par son sujet et par ses dimensions, son œuvre est effrayante pour un
lecteur français. Nous l'avons lue pourtant, non sans fatigue, mais
avec des passes de vif intérêt. Avant tout, le livre est aussi clair qu'il
peut l'être avec une donnée générale contradictoire et partant incom-
préhensible, et avec de nombreux détails où l'esprit de système fran-
chit inconsciemment de vrais abîmes. 11 y a des pages très-animées
pleines de finesse et d'esprit ; il y en a même, quoique en bien plus
petit nombre, qui offrent de la grandeur et de l'émotion. L'introduc-
tion de l'auteur annonce dès l'abord plus de précision et de netteté
qu'on n'en rencontrait dans les philosophes allemands des générations
précédentes : l'Inconscient (idée et volonté indissolublement unies,
malgré leur caractère contradictoire) , dont la notion définitive s'est
dégagée peu à peu du travail des philosophes antérieurs, va être étu-
dié dans ses phénomènes d'abord, puis dans sa notion intrinsèque ; et
il faut procéder à cette étude, d'après la méthode naturelle, en accu-
mulant les faits d'observation, en les analysant et trouvant leur rai-
son dernière par ce procédé de tâtonnement qui a sa formule scienti-
fique dans le calcul des probabilités. De là la division de cette philoso-
phie en deux parties : Phénoménologie de l'Inconscie7it,ren{ermée dansle
premier volume; Métaphysique de l'Inconscient, qui remplit le second.
La phénoménologie de l'Inconscient comprend [ elle-même deux
parties : la manifestation de l'Inconscient dans la vie corporelle, —
et dans l'espril.
Dans le corps, M. de Hartmann montre d'abord la volonté in-
consciente dans la vie cérébrale, médullaire, ganglionnaire. Tout
— 202 —
ganglion constitue pour lui un centre volontaire; mais, dans l'orga-
nisme humain, le grand sympathique communique aux viscères les
mouvements, partis de la moelle épinière. De là, unité de résul-
tat, mais nulle unité substantielle. Ce que nous appelons le moi vou-
lant est une résultante; le libre arbitre est une illusion. Du reste,
le mouvement musculaire ne s'explique pas par l'activité seule ; il
y faut l'idée (chap. ii) : la volonté ne peut agir sur le muscle
qu'elle tend à contracter sans une connaissance inconsciente du nerf
moteur, qui lui sert d'intermédiaire. L'instinct des animaux (m)
offre un champ encore plus vaste à l'observateur de l'activité intelli-
gente de l'inconscient ; M. de Hartmann, malgré trop de propension
à accepter des faits douteux, en accumule beaucoup de très-sûrs et
de très-démonstratifs pour établir la finalllc de l'instinct ; quant à
croire avec lui que l'animal pense et veut la fin qu'il poursuit, tout en
l'ignorant (car il faut bien que ce soit là sa pensée), c'est une autre
affaire ! Sous le bénéfice des mêmes remarques, on peut louer les
chapitres suivants, sur les mouvements réflexes (contractions muscu-
laires, dues à un nerf moteur ébranlé par suite de l'action reçue du
dehors par un autre nerf et portée par celui-ci à un centre d'innerva-
tion), sur la force curative de la nature, sur la force plastique de l'or-
ganisme vivant. La finalité se dégage avec certitude, sinon de chaque
détail, au moins des lois générales de ces mouvements, que le méca-
nisme sera toujours impuissant à expliquer : ce n'est que sur sa thèse
d'idée non pensée que M. de Hartmann ne gagne pas un pouce de
terrain. l\ prête encore le flanc à la critique par sa facilité à recon-
naître comme naturels des faits, ou douteux, ou faux, ou miraculeux :
ainsi, non-seulement les envies des femmes grosses, mais le don de
seconde vue, les extases anesthésiques, les sueurs de sang réglées par
un élément intellectuel (il cite Louise Lateau), etc.
Dans l'esprit humain, bien que la conscience, fille de l'Inconscient,
ait pris une partie du terrain qui appartenait à son père, ce dernier
persiste dans nos instincts, plus nombreux et plus importants que la
vanité humaine ne voudrait en convenir : crainte de la mort, pudeur,
dégoût (ou plutôt aversion innée) de certains aliments, tendances
propres à chaque sexe, sympathie, amour maternel, etc. : tous faits
spontanés qui impliquent la finalité, aussi bien que l'amour des sexes,
dont M. de Hartmann présente une étude profonde et hardie (p. 245-
268). Nous y aurions beaucoup à louer et beaucoup à blâmer, mais
nous la recommandons aux ennemis des causes finales, surtout en ce
qui concerne ces lois mystérieuses (p. 2611 qui soumettent l'attrait
sexuel aux conditions mêmes du progrès de l'espèce. Nous goûtons
moins le chapitre (m) consacré à la sensibilité, vu la théorie obscure
et plus que contestable de l'auteur sur l'essence du plaisir et de la
. — 203 —
douleur. Nos difficultés augmentent quand il traite du caractère aide
la moralité, réaction de rinconscient contre les motifs d'agir; de la
faculté esthétique, réaction du même Inconscient contre les percep-
tions s.ensibles (que cela est peu clair et peu explicatif!); de l'origine
du langage, œuvre collective d'un instinct humain ; du m^'sticisme
enfin, que l'auteur étudie avec finesse, mais en confondant des espèces
absolument différentes et en exagérant beaucoup la part de Yincons-
cience dans certains états exceptionnels de l'âme. Mais ce qu'il y a
de plus attristant dans cette psychologie de l'instinct, c'est son appli-
cation à l'histoire (ch. x). Ici, Hartmann mérite les mêmes reproches
d'immoralité que l'école hégélienne. Le progrès s'accomplit fatalement
sous l'action incessante de l'Inconscient, par des luttes, soit guerrières
soit industrielles, dont l'issue nécessaire et voulue est la destruction
des vaincus. A cette théorie, où la liberté, la moralité, la responsa-
bilité, n'obtiennent pas la moindre place, se rattache bien ou mal une
sorte de socialisme industriel, par où le grave philosophe devient un
rival de M. Louis Blanc.
Passons à la métaphysique et au second volume. Dans les premiers
chapitres de cette analyse subtile de Flnconscient, les hypothèses et
les contradictions abondent, et il ne pouvait en être autrement. Com-
ment amener la réflexion sur ce qui lui échappe par son essence même?
Comment prouver que'la conscience est la, slupvfaction de la volonté en
face de l'idée, son contraire ? et comment saisir cette singulière con-
ception ? Dès qu'on admet que la conscience est attachée à l'orga-
nisme cérébral, comment attribuer à l'Inconscient la préparation de
cet organisme ? C'est pourtant tout ce que fait ou tente de faire l'au-
teur dans ses trois premiers chapitres, en partant de l'unité de la
volonté et de l'idée dans l'Inconscient, pour arriver à leur opposi-
tion dans le développement de l'activité cérébrale, opposition dont le
résultat est la conscience elle-même ! Nous allons ensuite d'étonne-
ment en étonnement. La conscience nous apparaît jusque dans les
plantes (chap. iv), et l'auteur ne se prive pas de citer à l'appui
l'exemple de la sensitive ; la limite du conscient et de l'inconscient
est près de s'effacer, et l'on se demande si un point de vue nouveau
ne menace pas ici de présenter l'envers, je veux dire l'inverse, la
contradiction du système. Mais en même temps son essence se montre.
L'Inconscient seul est un; il est l'éternelle réalité. Il n'y a ni esprit, ni
matière, les forces sont les volontés mêmes de l'Inconscient, . dont
l'opposition apparente se résout dans l'unité de cet absolu, qui est
l'intelligence et la puissance mêmes, dans leur fond éternel. Le dar-
winisme entre tout entier dans cette conception, en s'adaptant à la
notion de l'inconscient, laquelle le soutient et l'éclairé. Après cette
cosmologie et cette théodicée, il fallait une morale ou une théorie du
— 204 -
progrés, du processus universel, commme l'auteur aime à parler. C'est
l'objet de deux chapitres dont l'un, le plus long, et peut-être le plus
curieux de tout l'ouvrage, est l'exposition du pessimisme propre à
Hartmann (p. 351--481). Le monde, la vie humaine en particulier sont
l'œuvre de la volonté, qui est le contraire de la raison; delà, déraison
et malheur de l'existence. On voit bien le 'disciple fidèle de Schopen-
hauer. Il ne s'écarte de son maître qu'en proclamant que le monde,
œuvre de l'intelligence absolue, est le meilleur possible ; c'est-à-dire
que l'optimisme de Leibniz est concilié avec son extrême opposé :
conciliation toute simple pour qui admet que, dans le meilleur des
mondes possibles, la somme des maux est nécessairement supérieure
à celle du bien. C'est ce que l'auteur s'attache à prouver avec une
richesse d'observation digne d'unmeilleuremploi.Ily trouve l'occasion
d'une synthèse historique assez curieuse : l'enfance du monde, sa
jeunesse, sa vieillesse, se caractérisent par leur façon de concevoir le
bonheur à réaliser. L'antiquité, en effet, se flatte de le trouver dans les
lois mêmes delà vie individuelle, par les plaisirs du corps et de l'âme;
le christianisme et le moyen âge le placent dans une' vie ultérieure ;
l'âge moderne dans le progrès social. Hartmann oppose aux illusions
contemporaines sur la diffusion du bien-être et de l'art de terribles
objections, et Ton voit bien, quand il ne le dirait pas, que sa philoso-
phie « est dure, froide et insensible comme la pierre. » On l'a vu
mieux encore quand il éliminait les espérances chrétiennes, « second
stade de l'illusion, » par des difficultés cette fois dérisoires. Mais sa
longue discussion sur « le premier stade de l'illusion, » ou sur la
vanité du bonheur de la vie, est vraiment instructive, malgré son
exagération. Il avait été précédé sur ce terrain par un maître élo-
quent ; mais même après Schopenhauer, qu'il corrige en partie,
Hartmannn a porté une incontestable originalité dans cette rigou-
reuse enquête à laquelle il soumet tous les instincts et toutes les
habitudes de Thomme, pour établir partout l'inévitable supériorité de
la souffrance sur le plaisir. Que le sophisme se glisse ça et là dans ce
formidable réquisitoire, c'est vrai; mais on y reconnaît assez souvent
la profondeur de l'observation et la finesse de l'analyse psychologique ;
la délicatesse du goût artistique (ce qui ne gâte rien) y éclate aussi
dans plus d'un détail, par exemple, dans ces mentions satiriques des
pianos sans âmes et des « barbouillages littéraires du jour. » — La
philosophie spiritualiste n'a pas besoin de répudier l'ensemble de ce
plaidoyer contre l'illusion des bonheurs de la terre ; cette théorie est
le fond même d'une preuve de ces destinées immortelles qu'elle pro-
met aux âmes. Le christianisme, fort mal compris par Hartmann, n'a
pas à s'inquiéter beaucoup de l'arrêt porté par cet injuste apprécia-
teur contre les promesses de la vie future. Quant au paradis sur la
— 20o —
terre, rêvé par les progressistes de notre temps, ils peuvent eux-
mêmes se consoler des rudes coups portés à cette doctrine parle pes-
simiste berlinois, en considérant les rêves d'avenir social où il se perd
à son tour ; évolution progressive, où toute activité, non-seulement
individuelle, mais collective, tend à réaliser, d'effacement en ef-
facement, ce but universel, l'anéantissement de toute volonté !
Tout l'ouvrage aboutit à un chapitre intitulé Derniers principes, qui
achève de dégager le concept panthéiste déjà suffisamment indiqué,
en le rapprochant des systèmes antérieurs qui lui ont plus ou moins
ouvert la voie. Hartmann trouve son explication plus complète, plus
nette, plus explicative que toute autre ; il a donné la formule de la Subs-
tance universelle, que tout pliénomène révèle. Il reconnaît que la
raison d'être de cette substance lui échappe : mais c'est là un pro-
blème essentiellement insoluble. « La terre repose sur l'éléphant,
l'éléphant sur la tortue, mais sur quoi repose la tortue ? Il faut savoir
s'arrêter dans un mystérieux effroi devant le problème de la Subs-
tance absolue, comme devant la tête de Méduse (p. 565). » Ne dirait-
on pas le sérieux et l'ironie mariés ensemble dans l'enseigement du
philosophe, comme les deux éléments contradictoires dans sa compo-
sition de l'absolu? Mais au lieu de le combattre, il peut être bon de
noter ici les secours qu'il apporte sans le vouloir à la cause de la vraie
philosophie. La psychologie, la cosmologie et la zoologie rationnelles
profiteront des richesses accumulées dans son premier volume. Il n'a
compris ni l'unité de la conscience, ni la portée de la raison, ni les
prérogatives de la liberté. Mais la part faite à ces éléments essen-
tiels, il y a lieu de le consulter sur ce qui est instinctif et spontané,
non-seulement dans la vie organique, mais dans le jeu obscur de la
pensée, dans l'épanouissement de l'activité volontaire, dans l'inspira-
tion artistique. D'ailleurs à des faits harmoniques inconscients, à des
faits de finalité, le bon sens donne une cause première consciente :
dés lors voilà d'immenses matériaux pour la thèse de la divine Pro-
vidence ! De plus la métaphysique de Hartmann, dépouillée de ses
contradictions, est précisément le retour du mouvement hégélien,
entièrement achevé, vers la. philosophiaperciDiis. L'absolu, c'est l'unité
essentielle ; mais cette unité est à la fois intelligence et volonté, et
voilà le Dieu vivant, intelligent et libre, qui reprend la place des
abstractions fantastiques créées par les sophistes. La question divine
résolue, la vie retrouve son vrai sens, le pessimisme est vaincu. Le
monisme idéaliste subsistera-t-il ? La conscience finie et partielle, qui
appartient à l'homme, lui révèle la distinction des substances créées,
soit entre elles, soit vis-à-vis de l'absolu, qui est la cause première,
comme il est la première substance. Et c'est ainsi que M. de Hartmann
a travaillé pour le triomphe de ce « théisme étroit, » dont il parle avec
— 2()n —
tant de dédain dans un des plus faibles chapitres et dans beaucoup
de tristes pages de son livre.
— A la Philosophie de l'Inconscient, nous sommes heureux d'opposer
la plus sérieuse étude de théologie naturelle qui soit sortie de l'école
spiritualiste française. Le volume auquel l'éminent professeur de phi-
losophie de la Sorbonne a donné ce titre significatif: les Causes finales,
est presque effrayant par ses dimensions, peu ordinaires à nos essais
de littérature philosophique. Mais on ne dira pas de lui : « Encore
plus lourd que grave. » Il est rempli par une discussion consciencieuse,
attentive et profonde, où l'éloquence n'usurpe jamais la place du rai-
sonnement. Le livre est gros, mais n'oublions pas que la thèse des
causes finales, toujours suspecte à certains savants même ortho-
doxes, souvent compromis par des défenseurs imprudents et fantai-
sistes, est aujourd'hui plus que jamais décriée par le positivisme et le
naturalisme et interprétée à contre-sens par l'idéalisme athée. Il fal-
lait donc et déblayer le terrain des causes finales de beaucoup d'erreurs,
et en reprendre la démonstration sur nouveaux frais, et en déduire le
sens et l'interprétation légitime, et renverser tous les systèmes qui
nient soit la loi même, soit la portée de cette loi. Dans ce travail, en
somme réussi, M. Janet est resté fidèle à son esprit de patiente ana-
lyse philosophique et scientifique; mais il a dépassé de plus en plus,
à son grand honneur, les limites que s'imposaient presque toujours,
jusqu'à ces derniers temps, les philosophes de son école, trop pro-
digues de rhétorique, trop sobres de raisonnement et trop étrangers
aux sciences naturelles.
Dans un chapitre préliminaire, M. Janet établit la position du pro-
blème. Selon lui, l'existence des causes finales est une vérité certaine,
mais ce n'est pas un principe de la raison, une vérité première; c'est
une loi de la nature, dominant les autres lois sans doute, mais qu'il
faut pourtant démontrer, comme celle-ci, par la méthode inductive.
Avant lui, la plupart des maîtres évitaient cette question; beaucoup la
résolvaient dans le sens opposé. M. Janet a raison de rejeter la for-
mule de M. Joufiroy et celle de M. Ravaisson, qui, regardant le prin-
cipe de finalité comme une vérité nécessaire, ont cru en faire saisir l'évi-
dence immédiate par de vraies équivoques d'expression. Mais il n'en
reste pas moins fort douteux que l'habile professeur soit allé au fond de
la question. Il nous parait, quant à nous, que la finalité est vraiment un
principe nécessaire ; il ne s'ensuit pas que l'expression abstraite et
universelle de ce principe soit pour tous les esprits, à tous les mo-
ments, d'une évidence immédiate, et c'est pourquoi le travail de dé-
monstration inductive auquel va se livrer M. Janet n'est pas inutile.
Mais, d'autre part, il n'est pas sans inconvénient de nier la nécessité
intrinsèque de ce principe, pour en faire une simple loi contingente
— 207 —
de la nature. Une analyse exacte montrerait peut-être, au contraire,
que le principe de causalité (que M. Janet proclame nécessaire) im-
plique dans son fonds celui de finalité, et que ce dernier est aussi im-
pliqué dans le fondement même de l'induction, dont vous allez vous
servir pour le démontrer!
Quoi qu'il en soit, le premier livre de ce gros traité est consacré à
prouver ce principe, ou plutôt (pour garder l'expression et l'idée de
l'auteur) cette loi. La notion et le critérium de la finalité sont d'abord
nettement déterminés. Le hasard ne peut être la raison de l'ordre. De
même que chaque phénomène s'explique nécessairement par une
cause, de même toute combinaison de phénomènes s'explique par une
fin. Plus il y a de causes diverses qui concourent à un même effet,
plus la finalité est incontestable. Une rencontre fortuite peut, sans
doute, être acceptée comme explication de tel ou tel cas accidentel et
peu compliqué. Mais le nombre des éléments concourant à l'eff'et, la
constance de ce concours, la coordination des groupes divers d'effets,
concourant encore eux-mêmes comme causes à des eff'ets ultérieurs,
constituent non-seulement un indice probable, mais une démonstra-
tion évidente de la finalité. Or, dans la nature, cet accord prédéter-
miné de causes divergentes se constate par des observations qui ont
donné lieu à une foule de travaux célèbres; M. Janet les continue à
son tour, non sans bonheur. Il trouve d'ailleurs des auxiliaires parfois
inattendus. Je ne veux pas parler de Hartmann lui-même, qui est
éminemment caiise-fmalier, mais qui, malgré son éloignement de toute
préoccupation religieuse, donne quelquefois lieu à ces reproches
d'hypothèse et de subtilité si souvent prodigués aux partisans des
causes finales; encore M. Janet emprunte-t-il au philosophe berlinois
une remarque utile sur la complication de l'organisme de l'œil.
M. Claude Bernard lui fournit l'idée de ce singulier problème : com-
ment l'estomac, qui digère la viande, ne se digère-t-il pas par lui-même ?
C'est que l'action du suc gastrique sur les parois qui le sécrètent est
empêchée par une sorte d'enduit ou de vernis dont elles sont revêtues
et dont la finalité est difficilement contestable, M. Stuart Mill lui-
même, ce positiviste intrépide, quoique trop touché des théories pure-
ment mécaniques du darwinisme, est forcé de reconnaître que l'expli-
cation de l'harmonie universelle par des intentions est beaucoup plus
probable. Pour la rendre évidente, M. Janet étudie surtout la coordi-
nation des forces, d'abord dans l'organisme et dans les fonctions des
animaux (on remarquera surtout ce qui concerne la division des sexes,
que le darwinisme a si peu réussi à expliquer); et, en second lieu, dans
les instincts qui conservent et propagent la vie animale. Après ces
pages, dignes d'être comptées parmi les meilleures de notre littéra-
ture philosophique, l'auteur s'attaque directement au mécanisme et le
— ^.os —
réduit à rimpuissance d'expliquer les phénomènes de la vie. Il répond
ensuite très-longuement, trop longuement peut-être, aux diverses
objections. La plus apparente est celle qui repousse la doctrine des
causes finales comme entachée d'anthropomorphisme : l'homme a-t-il
le droit, parce qu'il reconnaît ses intentions dans le détail de ses
œuvres, d'attribuer des intentions à la cause inconnue des phénomènes
naturels? La difficulté est d'autant plus sérieuse aux yeux de l'auteur
que lui-même n'a établi son critérium de la finalité que sur cette ana-
logie de l'art humain et de l'art de la nature. Aussi répond-il, sans
sortir de l'ordre expérimental, que l'induction est légitime de l'homme
à la nature, parce que l'homme fait partie de la nature et qu'il n'y a
pas, dans l'analogie incriminée, passage d'un genre à l'autre. Cela est
juste, sans doute^ mais peut-être trop superficiel; il nous semble qu'en
établissant la iiéccssilé i}Urinst'qiie du principe des causes finales, l'au-
teur aurait repoussé plus catégoriquement cette objection, vieille
comme l'athéisme. Nous n'avons garde d'énumérer les autres objec-
tions, qui fournissent à M. Janet l'occasion de parcourir presque toute
l'histoire de la philosophie, et d'étudier presque toutes les questions
d'anomalies biologiques (monstres, membres inutiles, etc.) ; nous y
admirons la patience d'examen et la lucidité d'expression qui le dis-
tinguent toujours, en nous permettant de croire que plus de synthèse
et moins de discussions incidentes auraient allégé le poids du livre
sans nuire à sa solidité.
Il semble que tout est terminé, quand on a démontré les causes
finales. Là où il y a des intentions, il y a une cause intelligente, dit le
sens commun. Mais on sait que beaucoup de systèmes modernes en
ont décidé autrement, de sorte qu'à son premier livre sur la loi de
finalité, M. Janet s'est cru obligé d'en ajouter un second sur la cause
■première de la finalité. Dans un premier chapitre, il retrace une his-
toire fort attachante de cette démonstration populaire de l'existence
de Dieu que Kant a nommée l'argument physico-théolorjique ; le philo-
sophe de Kœnigsberg, sans accorder à cet argument une portée
absolue, l'admettait encore en somme dans la Critiqué de la raison
pure ; mais, dans des écrits postérieurs, il paraît n'accorder au principe
théologique qu'une valeur purement subjective. Dans le second cha-
pitre, l'auteur démontre que c'est bien une loi réelle de la nature,
qui demande, par conséquent, une cause réelle, et que, même en la
concevant comme immanente aux choses, on n'en donne pas la raison
suffisante, si on ne remonte à une cause absolue supérieure à la nature
elle-même; ce qui amène Timportante discussion des deux hypothèses
contradictoires : finalité instinctive, inconscience de Hegel, de Scho-
penhauer et de Hartmann; ou finalité intelligente de la tradition
chrétienne et spiritualiste (ch. ni'. Cette dernière est solidement dé-
— 209 —
fendue comme seule intelligible; et, à cette occasion, non content de
dauber sur l'idéalisme d'outre-Rhin, Fauteur fait quelques pointes sur
les terres d'une école française qui prétend prendre la succession de
la sienne. Cette école, qui abaisse volontiers rintelligence au profit
de la volonté, de l'amour, de la liberté, a fait pour le moins de bien
dangereuses concessions à la doctrine de l'Inconscient; car il n'est pas
d'ailleurs bien facile de dire avec précision ce qu'elle abandonne et ce
qu'elle réserve dans le domaine de la théodicée. Il arrive à M. Janet
de déclarer à M. Lachelier qu'il ne l'a pas compris : c'est une mau-
vaise note pour l'un ou pour l'autre; si je ne craignais d'obéir à un
mouvement d'amour-propre (car j'ai eu le même malheur que M. Ja-
net), je déclarerais que c'est la faute de M. Lachelier, et qu'il est
obligé de se faire comprendre. Un dernier chapitre clôt la discussion
par la reconnaissance d'une cause créatrice intelligente, et l'auteur
consacre les 140 pages qui suivent à dix appehdices, quelques-uns
fort étudiés sur diverses questions de théorie ou (plus souvent) d'his-
toire de la philosophie relatives à certains points touchés dans l'ou-
vrage : nous avons remarqué surtout un essai sur Leibniz et les causes
finales et un autre sur VévoliUionisme dans Herbert Spencer.
Nous avons exprimé quelques critiques dans cette analyse, d'ail-
leurs bien incomplète, du grand travail de M. Janet. Une étude plus
détaillée en amènerait d'autres ; en général, il faudrait constater, cà
et là, l'insuffisance ou la timidité de la métaphysique propre à l'au-
teur. On peut attribuer cette réserve excessive d'affirmation à des
égards de bonne guerre pour les adversaires qui ont abjuré tout
principe supérieur; mais, parfois, cette interprétation bénigne est
difficile à soutenir, et il semble bien que, sur des points essentiels, la
création, par exemple, la doctrine de l'auteur garde une fâcheuse
indécision. Mais la cause victorieusement défendue par M. Janet n'en
est pas moins celle de la vraie philosophie, et nous serions ingrats de
ne pas terminer ce pâle et très -insuffisant compte rendu par de vives
félicitations. Les Causes finales ont leur place marquée, et une place
des plus honorables, parmi les meilleures oeuvres du spiritualisme
français contemporain.
— C'est à peu près uniquement pour mémoire que nous avons ins-
crit parmi les livres de métaphysique examinés dans ce travail
d'ensemble le premier volume de la Philosophie de la religion; cette
œuvre de Hegel est assurément, malgré son caractère contradictoire,
si profondément antipathique à l'esprit français, une de celles qui
marquent dans l'idéalisme allemand et dont l'influence s'est fait sen-
tir dans le domaine de la critique religieuse de ce siècle. De plus,
le traducteur, M. Véra, professeur à l'Université de Naples, où il en-
tretient le feu sacré de l'hégélianisme, mort ou expirant partout
Mars 1878. T. XXII, 14.
— 210 —
ailleurs y compris l'Allemagne, M. Véra, dis-je, a fait précéder ce
volume d'une longue et assez curieuse introduction : c'est un docu^
ment à consulter pour Thistoire des formes diverses que l'antichristia-!
nisme a revêtues de nos jours. M. Véra, en vrai optimiste hégélien,
représente la forme sympathique, bien que d'aucuns la puissent jugep]
antipathique à un très-haut degré. Nous avions déjà pris les notes
nécessaires pour un compte rendu de ce premier volume (intro^
duction, texte et commentaires), lorsque nous avons appris que k
second volume, dont Tapparition longtemps retardée pouvait semblep|
un peu problématique, allait être publié assez prochainement. Nous
réservons naturellement notre travail pour l'époque où nous pourrons
mieux juger l'ouvrage qui sera tout entier entre nos mains.
— Les Pri7icipes de philosophie de M. Hartsen sont principalement!
et presque uniquement un manuel de métaphysique; d'autant mieux
que Fauteur a donné à part les autres parties de sa philosophie : des
Principes de psychologie, dont nous avons parlé CPolybiblion, t. XII,
p. 12) ; des Principes de logique, dans le même esprit et les mêmes
dimensions, sans compter un ouvrage non traduit, intitulé '.Principes de
sagesse praUque, cité dans le manuel qui est sous nos yeux. M. Hartsen
est de ceux qui représentent, dans le pays de la métaphysique la plus
nuageuse, le parti de Texpérience timide et du terre à terre scientifique.
Ces modestes dispositions ont du bon et nous les louerions volontiers
si elles s'alliaient à une provision suffisante de notions bien
solidement et bien clairement établies. Mais rien de plus vide et de
plus plat que ces essais sur la théorie de la connaissance (p. 36-73),
sur les généralités de la métaphysique, sur l'être, les qualités et les
relations. <^< Il y a peu de chose à dire de l'être, ». écrit naïvement
M. Hartsen (p. 91), et il aurait pu répéter une pareille formule au
début et à la fin de chacun de ses chapitres. 11 a pourtant le mérite
d'avoir gardé, beaucoup mieux que de plus illustres penseurs de
son pays et du nôtre, les données élémentaires du sens commun :
il s'étonne qu'on ait pu déclarer que l'idée d'être renferme en elle-
même une contradiction; il admet le principe de causalité. Mais il lui
arrive de faire observer dans une note (p. 85) que Stuart Mill a con-
testé l'universalité de ce principe, et il n'a rien à dire pour repousser
cette doctrine destructive de la raison. Que pourrait-il y opposer, en
eifet, lui qui ne sort pas, dans ses définitions et ses analyses les plus
subtiles, du cercle des objets étudiés par l'observation? Sa méta-
physique, « science des choses les plus générales, » ne s'occupe pas
de Dieu. Il est fort scandalisé que les théologiens et beaucoup de
philosophes se querellent sur les questions de Dieu, du libre-arbitre,
de la spiritualité de Tàme^ que lui-même n'a garde de toucher, sans
doute parce qu'elles ne correspondent à aucun objet nettement déter-
— 211 —
miné pour son intelligence. Est-ce à dire qu'il soit athée? Non; et
parmi les conditions du bonheur, conditions d'ailleurs tout expéri-
mentales^ il place avant tout le devoir, parce que l'homme doit faire
« ce que la puissance suprême (Dieu) exige de lui. » Comment cette
assertion, jetée à la fin du livre, s'accorde avec tout le reste, il n'est
pas facile de le voir. Il y a de singuliers hiatus dans la construction
scientifique de M. Hartsen, malgré le souci très-louable qu'il affiche,
partout pour la clarté des idées et du stjle. Peut-être la traduction
française trahit-elle çà et là les intérêts du texte. L'auteur nous
apprend qu'il porte sur lui jour et nuit un carnet dans lequel il prend
note sur-le-champ de toutes les bonnes expressions qui lui viennent
à l'esprit. « C'est une précaution, ajoute-t-il avec une candeur plus que
germanique, dont nous avons retiré de très-grands avantages (p. 35). »
Ces avantages brillent peut-être dans le texte allemand; les pages
françaises de M. Hartsen n'en offrent pas traee. Il a plus d'une
expression louche qui prouve que, même avec l'aide de M. Paul
Regnaud, il ne manie pas sans peine l'idiome de la France, Dans
une série de règles de méthode assez justes, mais fort communes,
qu'il a placées en tête de son livre, il recommande, « conformément
au proverbe français, » de juger Les écrits d'après leur date; c'est une
règle de bon sens et non pas un proverbe. Le vers cité à la même
page : La critique est aisée, mais... n'est pas davantage un vers.
M. Hartsen choppe également sur le latin : il a écrit trois fois au
moins (p. 6, 10, 15) celer pour celeriter. Mais qu'on lui pardonnerait
volontiers ces peccadilles s'il réalisait son programme : résumer sous
une forme claire, courte et complète les résultats démontrés de la
science philosophique! J'ai dit assez que ce programme reste tout
entier à remplir après lui. Je ne puis guère louer dans ces pages que
des conseils pratiques pour l'étude en général, pour l'observation
physique en particulier; des remarques parfois assez justes sur l'abus
des mots et sur l'absence d'idées nettes et bien déterminées; des
règles de conduite d'une sagesse toute bourgeoise, mais qui peuvent
avoir leur emploi. Quant à la hauteur de la pensée philosophique de
M. Hartsen, nos lecteurs pourront la mesurer eux-mêmes sur un
léger échantillon pris à peu près au hasard dans son livre. Il s'agit
des moyens d'arriver au bonheur. Après neuf indications également
profondes, l'auteur établit, en dixième lieu, que les a auxiliaires les
plus importants sont les hommes, et surtout ceux qui ont de la puis-
sance. Le moyen de tirer parti d'eux, c'est-à-dire d'obtenir qu'ils
travaillent dans notre intérêt, consiste à leur faire accomplir des
mouvements appropriés à ce but. Il faut pour cela exciter en eux
des motifs d'agir conformes au but que nous avons en vue ou, en
d'autres termes, des désirs en harmonie avec nos intentions, surtout
— 212 —
à l'aide de sentiments agréables ou désagréables, et, par consé-
quent, provoquer en eux certains sentiments. » Je m'arrête; ce court
passage montre assez bien l'allure naturelle de l'écrivain et donne
une assez juste idée de son inspiration, pour que certains lecteurs
curieux sentent le besoin de goûter à même et de s'approprier en son
entier le corpus delicti, et pour que d'autres s'en croient très-légiti-
mement dispensés.
— Ce serait faire beaucoup trop d'honneur àM. B. Sernin-Castex
et à son Dieic de les réfuter ou de les exposer sérieusement à cette
place. Presque tout ce livre est composé de reliefs mal réchauffés de
l'impiété superficielle du dernier siècle contre le Jéhovah de l'Ancien
Testament et l'Homme-Dieu du Nouveau. Puis s'ouvre la scène
fantasmagorique de l'évolution des forces de l'univers, qui aboutit à
cette conclusion triomphante : Après les découvertes de la science
moderne_,le dieu des siècles d'ignorance et de superstition a fait son
temps. Mais sa place ne restera pas vacante : le dieu du monisme
matérialiste est là pour l'occuper. Et comme cette doctrine est des-
tructive de tout progrés libre, l'ouvrage (qui n'est que le début d'une
série d'études sociales) est dédié «aux hommes de l'avenir, c'est-à-dire
à leur esprit de progrès, de vérité et de liberté ! »
— Pendant que les ennemis de toute idée d'ordre et de vertu pour-
suivent leur œuvre infernale, les ouvriers de Dieu, de leur côté, ne
cessent de faire briller aux yeux de leurs frères la lumière qni nous
vient du ciel et qui nous y appelle. Un des plus goûtés parmi ces
pieux apologistes, c'est M. l'abbé Riche, dont le Polybiblion a déjà
fait connaître un premier essai de théologie naturelle (t. XIX, p. 212).
En vue de donner aux arguments de l'existence de Dieu qui se tirent
de Tordre de la nature une force nouvelle par une étude attentive,
minutieuse, rigoureusement scientifique et pourtant facile et populaire,
de quelques-unes des merveilles de la création, le savant et zélé
sulpicien a ouvert une série de charmants volumes revêtus de cette
commune épigraphe: «Le maître de toute science, c'est Dieu.» L'idée
nous paraît excellente : c'est le goût, le besoin et le devoir de notre
génération do se mettre au courant des merveilleux progrès qui ont
renouvelé de nos jours les sciences naturelles. Cette idée est d'ail-
leurs fort bien exécutée par le modeste écrivain. Il parle au nom de
la science ; il étudie, il analyse avec une clarté parfaite. Il ne prêche
pas avant l'heure du sermon; mais après sa leçon d'anatomie, n'ayant
pas à craindre de voir fuir le lecteur charmé d'être à si bonne école,
il fait sa leoon de catéchisme. Et comme les conclusions religieuses
s'imposent à toute raison droite, édifiée par la patiente étude des
mille détails d'un organe humain ! On sait que Vœil a d'abord attiré
l'attention de M. Riche, semblable en ce point au père de la philo-
— 213 —
Sophie ancienne. Aujourd'hui, il nous développe les Merveilles du cœur.
C'est d'abord une étude physiologique du sang, accompagnée de
quelques réflexions naorales, d'où nous aurions exclu le symbolisme
du sucre et du fer — mais d'autres esprits pourront le goûter, et sans
préjudice de la science ; — puis l'anatomie du cœur et la description
minutieuse de la circulation du sang. On sait que l'exposition de cette
fonction si étendue et si multiple n'est pas sans difficulté. M. Riche
s'en est tiré mieux que nul auteur élémentaire connu de nous : il n'est
rien de plus facile que de suivre avec lui, non sans recourir aux excel-
lentes figures intercalées dans son texte, tous les détails de la grande
et de la petite circulation. La conclusion divine, sous le titre de
Sursum corda ! est également éloquente et décisive. Aux textes de
Bossuet, je regrette pourtant que l'auteur n'ait pas joint une des plus
belles pages du P. GvsitTjlConn. deDieu,lï,i^. 125.) L'ouvrage se termine
par une étude religieuse sur la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus,
dévotion dont M. l'abbé Riche montre fort bien la convenance, sans
se départir des idées communément reeues dans la science contem-
poraine, qui n'attribue au cœur aucune initiative dans l'activité con-
naissante ou affective de l'homme. En somme, petit livre excellent
comme science, comme philosophie, comme théologie, comme forme
littéraire; sans compter que M. Pion en a fait un bijou typographique;
mais M. Pion est si habitué a produire de tels bijoux qu'il est à peine
besoin de le dire.
— Si ce n'est pas un chrétien qu'on rencontre dsinsl&Natwe et la vie
de Fernand Papillon, c'est au moins une âme sincère, partie de la
négation et du doute, mais s'élevant peu à peu jusqu'à une conception
vraiment religieuse du monde. Les morceaux réunis dans ce volume
ont été classés par l'auteur lui-même dans un ordre méthodique et
très-soigneusement revus. Mais ils avaient été hautement remarqués
dans la Revue des Deux Mondes et dans les autres recueils qui en
avaient eu la primeur, et, en effet, la plupart d'entre eux peuvent être
cités comme des modèles, dans l'art si difficile d'exposer en beau et
clair langage les théories scientifiques les plus abstruses et de réunir
dans un tableau saisissant les mille faits d'observation qu'impliquent
de nouvelles théories encore inachevées. C'est surtout le talent d'ex-
position, uni à une richesse d'informations étonnante chez un travail-
leur si jeune, qui recommande ces belles et curieuses études sur la vie
dans ses rapports avec la lumière, la chaleur, l'électricité, les odeurs;
sur les médicaments et les progrés de la thérapeutique; sur les greffées
animales; sur les fermentations; sur les signes de la mort; sur
l'hérédité en physiologie, en médecine et en psychologie. La pensée
psychologique de Papillon resta incomplète ; il crut à l'àme immor-
telle pour d'excellentes raisons morales; mais la notion du principe
-- 214 —
pensant ne se dégagea pas assez nettement pour lui de la notion de la
vie. Et cette dernière elle-même garda quelque chose du caractère de
multiplicité, de dispersion qu'elle avait dans le vitalisme de Bichat,
l'une des admirations de Papillon. Il y a même dans ce volume telle
page où l'auteur ne se sépare pas encore assez résolument des doc-
trines matérialistes d'où il était parti. Ceci s'applique surtout à la
dernière des trois études que je n"ai pas indiquées plus haut et qui,
placées en tête du volume, sont assurément les plus remarquables de
toutes par les vues philosophiques. Dans cette troisième étude, sur la
constitution des êtres vivants, le jeune écrivain recommandait une
réserve absolue, sur la nature du principe de la pensée, sous prétexte
que l'esprit humainj est « également impuissant à comprendre de
quelle manière la vie et la pensée peuvent provenir d'une agrégation
d'atomes ou d'une cause surnaturelle (p. 121). » Mais des idées
spiritualistes bien plus avancées dominent dans les deux morceaux
de première importance qui ouvrent le volume : la constitution de la
matière, vaste et audacieux système de dynamisme universel ; et la
philosophie de la nature dans Leibniz, origine de ces théories pleines
de noblesse, d'une vraie portée religieuse, mais d'un caractère
certainement trop exclusif et trop hypothétique. Parti de la matière.
Papillon s'était élevé jusqu'à l'esprit; mais, dans l'éblouissement de
cette vision radieuse, peu s'en faut qu'il n'ait méconnu et nié le monde
des réalités matérielles. Heureux du moins d'avoir adoré à ces hauteurs,
SLyec une humble piété {ce sont ses termes), « la mystérieuse Puissance
qui a tout établi (p. iv).» Nous devions ces quelques mots à un volume
remarquable qui nous est arrivé beaucoup trop tard ; mais ils suffiront
pour dégager notre promesse, à l'égard d'un ouvrage qui n'est plus
nouveau. Du reste nous avons jugé ailleurs (t. XIX, p. 289) F. Pa-
pillon ; et nous venons de montrer que ce livre même ne peut être
recommandé sans réserve à tous les lecteurs.
— Au contraire, c'est avec une sympathie absolue que tous les
esprits cultivés doivent accueillir les excellentes Lettres à un matéria-
liste sur la pluralité des mondes habités et les questions qui s'y ratta-
chent. Nous ne connaissons pas M. Jules Boiteux, auteur de ce livre ;
mais nous nous demandons à quoi tient la fortune des œuvres litté-
raires, supposé que des pages si sensées et si élevées, si savantes et
si claires, si philosophiques et si poétiques, si exactement scientifiques
et si hautement religieuses, passent inaperçues, ou du moins ne pro-
curent pas au modeste débutant une réputation supérieure à celle
de tels et tels vulgarisateurs de notre époque, devenus populaires
avec dix fois moins de conscience et de talent. Peut-être reprochera-
t-onà M. Jules Boiteux d'être et de se déclarer, non-seulement théiste,
mais chrétien, mais catholique. A part ce reproche, je ne vois pas
— 21o —
que les amis, si nombreux aujourd'hui, des progrès dans l'étude de la
nature aient lieu d'être hostiles à un homme qui se place toujours
sur le terrain de la science, qui est au courant des théories et des
expériences les plus nouvelles et qui a le talent de les faire admira-
blement comprendre même aux personnes étrangères à ces graves
questions. — Donnons une courte analyse de cet ouvrage que nous
engageons tous nos lecteurs à étudier par eux-mêmes.
Dès la première lettre, on s'aperçoit que M. Boiteux a bien saisi
la vague mais formidable opposition que le progrès scientifique crée
dans beaucoup d'esprits contre la religion révélée et même contre la
religion naturelle. Le monde est créé pour l'homme et l'homme pour
Dieu : cette vérité lumineuse subsistera certes à jamais; toutefois
elle a soufiert dans beaucoup d'âmes de terribles atteintes, par cela
même qui aurait dû l'afi'ermir, je veux dire la connaissance plus
étendue et plus profonde des lois de l'univers. C'est que l'éternelle
vérité s'était revêtue dans ces âmes des fantômes de la science phy-
sique, incomplète ou fausse, de l'antiquté. Ces fantômes se sont dis-
sipés, et la science moderne a misa leur place les vraies lois cosmi-
ques, poursuivies jusque dans l'immensité, et les vraies lois de la vie,
surprises jusque dansl'infiniment petit. Qu'est-il arrivé dès lors dans la
sphère des idées religieuses? En voyant tomber l'illusion dont ils avaient
inconsciemment affublé leur foi, bien des gens n'ont pas su retenir
cette foi elle-même. On les rencontre à chaque pas, ces pauvres rai-
sonneurs qui ne croient plus à la Genèse depuis qu'ils croient à New-
ton et à Laplace ; qui supposent que les dogmes du Dieu personnel et
de l'âme immortelle n'ont plus de sens parce que la terre tourne au-
tour du soleil, au lieu d'être le centre immobile des mondes. Camille,
l'ami auquel écrit M. Jules Boiteux, et qui n'est pas un personnage
fictif, à ce que l'auteur nous déclare lui-même, est entré dans cette
voie. Il a rejeté toute croyance religieuse depuis qu'il accepte de la
science moderne tout ce qu'elle démontre, et même tout ce qu'elle
suppose, rêve ou conjecture : matière cosmique répandue à l'infini,
forces de la vie inhérentes à la matière, générations spontanées,
transformisme, pluralité des mondes habités. Il est peut-être un
peu étrange que l'auteur parte de ce dernier point, qui est loin d'être
le plus essentiel. Mais la vérité ni l'intérêt n'y perdent rien.
Lisez, dans la deuxième lettre, les conditions requises pour la vie
animale; dans les deux lettres suivantes, les conséquences qui en
résultent contre l'hypothèse qui placerait des habitants dans le soleil
ou dans la lune en son état actuel (car elle a dû avoir, à une époque
antérieure, une atmosphère plus ou moins complète, depuis longtemps
absorbée). Vous serez gagné par l'exposition savante et facile de
l'auteur, et, pour peu que vous acceptiez avec lui et avec son corres-
— 216 —
pondant, comme avec la plupart des astronomes contemporains,
l'hypothèse cosmogonique de Laplace, il vous fera convenir que
l'existence d'une atmosphère suffisante à la vie animale ne doit pas
être un fait permanent autour d'une planète quelconque; que, par
conséquent, la présence d'êtres organisés dans chacune des planètes,
y compris la terre, est essentiellement temporaire ; que la vie ne
saurait d'ailleurs commencer et finir qu'à des dates très-diverses dans
les divers mondes; que, pour chacun d'eux, avant et après cette
période favorable, il faut admettre des périodes sans vie d'une
longueur qui dépasse l'imagination. Vous n'oserez le contredire quand
il écrit : « Le règne entier de la vie végétative sur la terre ne m'ap-
paraît plus que comme une fraction minime de la durée totale du
globe ; que dire de Tespace de temps qui correspondra au passage de
la vie pensante ou de l'humanité elle-même ?... Je crois pouvoir dire,
en ce qui touche spécialement l'espèce humaine, que son règne n'aura
pas la longueur de la dix millième partie de la durée de notre planète. »
Mais de cette théorie, conforme aux données généralement admises,
quoique personne peut-être n'en eût encore expressément tiré ces
conséquences, voyez ce qui découle relativement à l'habitation des
globes célestes : « Supposez qu'on aborde l'un quelconque de ces
globes à une époque indéterminée de son existence, il y a dix mille
à parier contre un qu'on n'y rencontrera pas d'êtres raisonnables, soit
parce qu'ils n'y auraient point encore fait leur apparition, soit parce
qu'ils y auraient déjà fini leur carrière (lettre 6% p. 104, 105). »
Notez que l'auteur n'admet pas même cette chance d'un contre dix
mille comme bien sérieuse, puisque sa troisième partie est employée
à soutenir que Dieu a très-bien pu ne placer que sur notre terre des
êtres doués de raison.
Séduit par ces curieux détails, j'ai négligé d'analyser fidèlement le
contenu des neuf lettres qui constituent la première partie de ce
livre. On en voit le résultat en ce qui touche l'habitabilité des astres ;
pour les recommander encore mieux, je me contenterai d'ajouter
qu'elles ofi'rent une très-intéressante exposition de tout le système
cosmogonique de Laplace, complété par la démonstration de l'exis-
tence d'une cause du monde intelligente et libre. La seconde partie
(10^-15^ lettres), a une importance encore supérieure, au point de
vue scientifique et religieux. L'auteur y étudie les origines de la vie
animale, ce qui l'amène à repousser la doctrine des générations spon-
tanées et le darwinisme, particulièrement en ce qui concerne l'es-
pèce humaine, qui forme un règne absolument à part. Ces questions
sont traitées avec la môme compétence, la même vivacité, la même
clarté que les précédentes ; elles ont ici le tort d'être un peu dimi-
nuées par leur subordination au problème très-différent de la piura-
— 217 —
lité des mondes habités, mais elles n'en reçoivent pas moins leur
part suffisante de discussion, et à ce propos encore les lecteurs de
M. Boiteux lui sauront gré de l'instruction qu'il leur donne avec
tant d'agrément. Je signalerai tout spécialement comme modèle de
vulgarisation scientifique, la longue note sur les générations spon-
tcmées (p. 200-213). — Cette seconde partie se termine, comme la pre-
mière, par une démonstration de Dieu : la cause première de la vie
est essentiellement libre; et cette étude de Dieu créateur de la vie et
de l'homme ramène la question des mondes habités, au point de vue
des êtres doués non-seulement de vie, mais de raison.
En effet, à cette demande : Y a-t-il des êtres raisonnables dans
d'autres mondes que celui que nous habitons ? on ne peut essayer de
donner une réponse probable qu'en étudiant de près les attributs de
Dieu pour y lire les vues de sa Providence. M. Jules Boiteux, dans
les cinq premières lettres de cette troisième partie, plaide avec élo-
quence la cause qui paraît le moins prêter à l'éloquence. Je crois
entendre le vénéré P. Gratry développer l'hypothèse de mondes
innombrables tous habités par des adorateurs de Dieu. Que dis-je
hypothèse ? C'était une certitude pour lui ; et il apportait à l'appui,
noïi-seulement des analogies scientifiques et des convenances reli-
gieuses, mais même des textes évangéliques qui sont loin, je l'avoue,
d'avoir gardé à mes yeux la force probante qu'y attachait ce maître
incomparable. Mais, à l'écouter, on ne résistait pas. Eh bien, je
déclare que M. Boiteux m'a bien ébranlé, s'il ne m'a pas converti
tout à fait. Il est vrai que ce qui me prévient surtout en sa faveur,
c'est qu'il ne décide pas, c'est qu'il reconnaît l'impuissance de notre
raison dans le domaine du libre arbitre de Dieu. Après avoir résolu
de former « une création intelligente et adoratrice, » Dieu « est resté
absolument maître de la disperser dans les diverses régions des cieux,
comme aussi de la répartir sur un petit nombre de sphères voisines
ou même de la rassembler sur une seule (p. 401). » En faveur de ce
dernier cas, l'auteur fait voir que ce magnifique spectacle du monde,
pour n'être pas du travail perdu, n'exige rien autre chose qu'un ou
plusieurs spectateurs dignes de lui. Et il nous montre bien que cette
condition peut se réaliser en-dehors de l'hypothèse des humanités
multiples, surtout quand il est prouvé que les terres célestes, habitées
ou non, sont la moindre partie de la substance cosmique, représentée
surtout par d'énormes soleils en continuelle ignition et par d'innombra-
bles comètes toutes fluides et toutes lumineuses. Les lettres suivantes
(21 et 22) combattent le matérialisme et le déisme, principalement
au point de vue de l'ordre et de la finalité de l'univers, mais aussi k
celui de la moralité et de la destinée humaines. La vingt-troisième
fait voir que l'hypothèse d'êtres raisonnables répandus dans tous les
— 218 —
mondes n'a rien qui soit contraire au dogme chrétien ; l'auteur, sans
sortir de l'orthodoxie catholique, montre ici autant de hardiesse dans
l'indication des hypothèses possibles, qu'il a déployé de ferme raison
dans la réfutation de l'erreur. Enfin une dernière lettre, rejetée en
appendice, présente non une démonstration chrétienne au complet,
mais une sorte de préparation évangélique, pleine de noblesse et
d'onction. Il était juste que la religion chrétienne apparût, comme la
règle de la vérité, au bout de cette carrière que l'auteur a parcourue à
sa clarté, mais en n'empruntant ses preuves qu'à la science et à la
philosophie .
Et maintenant, inutile d'insister, soit sur le mérite intrinsèque,
soit sur l'intérêt actuel et piquant, soit sur les sérieuses qualités litté-
raires de cet ouvrage. Nous avons assez dit quel succès nous lui sou-
haitons ; mais il nous reste à remercier l'auteur du plaisir qu'il a
procuré à un pauvre critique, habituellement courbé sur des livres
abstraits, presque toujours attristants pour sa raison et pour sa
foi. Passer des élucubrations malsaines de l'idéal allemand ou du
positivisme français à une œuvre si vivante, si pleine d'espoir et
d'immortalité, c'est une jouissance pareille à celle du naufragé qui
prend terre ou du voyageur mourant de fatigue et de soif qui ren-
contre une fraîche oasis au milieu des sables du désert !
— J'ai dû. insister un peu sur une œuvre de début et sur un nom
encore nouveau ; pour les raisons contraires, je n'ai qu'à signaler le
Discours de l'éminent doyen de la Faculté de médecine à l'Université
catholique de Lille, sur les rapports de la science et de la religion en
ce qui concerne l'origine des êtres organisés. M. Béchamp se pose
admirablement en face de la science qui s'attribue le monopole du
courage et de la liberté : il avoue que la science des chrétiens a peur
et qu'elle n'est pas libre : elle a peur de l'erreur et du mensonge ;
elle n'est pas libre d'aimer le faux et de haïr le vrai. Et puis, après
avoir prouvé que la méthode suivie par les matérialistes est en fla-
grante opposition avec les régies élémentaires de la vraie méthode
scientifique, il montre que les résultats obtenus par cette dernière,
sur la question de l'origine de l'organisation et de la vie, se trouvent,
dans leurs traits essentiels, écrits au premier chapitre de la Genèse.
Dans ce commentaire, respectueux autant que savant, de la parole
révélée, on remarquera les traits dirigés contre les doctrines des
générations spontanées, de la variabilité de l'espèce, de la pure ani-
malité de l'homme. A un point de vue plus personnel, on recueillera
çà et là de précieuses indications sur un des objets que l'éminent
doyen a le plus étudiés, je veux dire les microzijmas, sorte d'excrois-
sances de la cellule animale, lesquelles, survivant indéfiniment à
l'organisme qui les a produites , peuvent devenir des infusoires,
— 219 —
gents de ces fermentations où Thétérogénie a voulu trouver une de
3S preuves. On notera aussi (p. 74-75), à propos du principe vital, si
her à l'école de Montpellier, une profession de foi d'une modestie
raiment scientifique et vraiment chrétienne.
LÉONCE Couture.
THEOLOGIE
rovum Testamentuni graece. Ad antiquissimos kstes denuo recen-
suit,deleciuque critico ac prolegumenis inslruxit Constant de Tischendorf. —
Editio critica miner ex YIII majore desumpta. Lipsiae, Hinrichs, 1873-
1877, petit ia-8 de 1056 p. — Prix : 15 fr.
La réputation des éditions critiques du Nouveau Testament de
iscliendorf est universelle. La première partie de celle-ci, qui com-
renait depuis saint Mathieu jusqu'au chapitre xxvi des Actes, avait
aru dès 1873. La seconde partie qui embrasse la fin du Nouveau
restament n'a paru que récemment. Quand on voit quelle multitude
e manuscrits et de textes imprimés a été collationnée par l'éditeur,
n est véritablement stupéfait de la somme de travail qu'a réclamée
a publication de ce livre, et l'on ne s'étonne plus qu'il ait fallu
lusieurs années pour la mener à terme. Il j manque encore les pro-
3gomènes. On a pu craindre quelque temps, après la mort de Tischen-
orf, qu'il n'y eût personne d'assez courageux et d'assez au courant
es matières si multiples de la critique sacrée pour entreprendre une
3uvre aussi considérable et aussi difiîcile. L'infatigable éditeur,
I. Hinrichs, a trouvé dans le D^ Caspar-René Gregory, un savant
apable de suppléer le D"" Tischendorf, et il a annoncé pour les
*âques prochaines les prolégomènes de Vcditio major en même temps
ue de Veditio minor. En attendant, une clef des signes et des abrévia-
ions de Vapparatus criticus, placée en tête de la seconde partie,
iermet de se servir facilement de la présente édition. Pour gagner
le la place, les indications des manuscrits et des textes sont réduites
L leur plus simple expression, généralement à une seule lettre, et,
ûalgré cette simplification, les indications occupent, en moyenne, la
Qoitié de la page. Tischendorf a collationné, pour les Evangiles,
i7iquante -deux manuscrits k lettres onciales, plus quatre évangéliaires,
latant tous du quatrième au neuvième siècle, sans compter les nom-
)reuses versions, les textes imprimés et les citations des Pères, dont
1 fait largement usage. On peut juger par là de la richesse de cette
idition.
Nous regrettons que Tischendorf se soit prononcé contre l'au-
,henticité de la conclusion de saint Marc. Il fait dire à saint Jérôme
— 220 —
(p. 188 b),plus que ce Père ne dit en réalité. Il avance assurément plus
qu'il ne peut prouver, quand il écrit (p. 401) : a Locum de adultéra non
ab Johannc scriptum esse cerlissimum est. » Les critiques catholiques
ont d'excellentes raisons à alléguer en faveur de l'authenticité de ce
passage. Nous avons une observation analogue à faire sur Joan.,\, 7.
Certaines leçons adoptées par Tisehendorf sont aussi contestables.
Enfin plusieurs lecteurs jugeront qu'il eût été préférable de respecter
l'ordre universellement adopté dans la diposition des parties du
Nouveau Testament et de ne pas placer les Epîtres catholiques avant
celles de saint Paul, mais c'est là une chose peu importante. Malgré
ces restrictions nécessaires, il n'y a qu'une voix pour reconnaître la
valeur critique du travail de Tisehendorf.
La division par versets est conservée, mais le texte ne reprend à
la ligne qu'au commencement des alinéas, ce qui facilite l'intelligence
du sens. Les caractères grecs sont très-beaux et très-nets ; l'impres-
sion d'une correction parfaite. Elle offre cette particularité que le
sigma, à la fin des mots, n'a pas la forme du sigma final, il est le
même que dans le corps des mots. Les références sont indiquées en
marge. C J.
JRatruiii A.postoIicoruin opéra. Textum ad fidcm codîcum et
grxcorum .et latinorum adhibîtis prœstantissimis editîonibus, recensuerunt
Oscar de Gebhardt. Adolfus Harnack, Theodorus Zahn. — Editiominor. —
Leipzig, Hinrichs, 1877, petit in-8 de vni-220 p. Prix: 4fr. 50.
Le Polybiblion a déjà fait connaître trois fascicules de Yeditio major
des Pères apostoliques publiés par l'éditeur Hinrichs, et en a apprécié
le mérite. Pour que la grande édition soit complète, il ne reste plus à
paraître que la seconde partie du second fascicule, qui doit contenir
l'Épître de saint Barnabe, les fragments de Papias et l'Êpître à
Diognète. Mais sans en attendre l'achèvement, les trois savants qui
ont revu, collationné et étudié le texte viennent de publier une éditior
complète de tous les Pères apostoliques, réunis en un seul volume. Ils
appellent cette édition editio minor, parce qu'elle ne renferme ni les
prolégomènes, ni la traduction, ni les variantes, ni les notes qu
enrichissent l'édition complète, mais seulement le texte original avec
l'indication, au bas des pages, des citations de la sainte Ecriture e-
une table alphabétique des noms propres cités parles Pères apostoli-
ques, à la fin du volume. Elle est principalement destinée aux écoles
Le texte des Epîtres de saint Clément de Rome est reproduit d'aprèi
la grande édition de 1876; mais la préface donne quelques nouvelle;
leçons, tirées des variantes de la traduction syriaque qu'a fait connaîtr»
M. Lightfoot et dont le Polybiblion a parlé dernièrement. Pour !■
texte de l'Epître de saint Barnabe, les éditeurs se sont servis de
leçons nouvelles du manuscrit de Constantinople, découvert par le
métropolite Brjennios. Elles leur ont été fournies par le D'^Hilgenfeld.
Les fragments de Papias sont tous accompagnés des indications
nécessaires pour faire connaître leur origine. Ils sont au nombre de
dix-huit, quelques-uns en latin. Ils sont suivis de TEpître à Diognète,
qui a été ajoutée à cette édition pour satisfaire à de nombreux désirs,
quoique les éditeurs la croient d'une date un peu postérieure à celle
des Pères apostoliques. Le volume se termine par les sept lettres de
saint Ignace aux Ephésiens, aux Magnésiens, aux Tralliens, aux
Romains, aux Philadelphiens, aux Smyrniens et à saint Poljcarpe ;
par la lettre de saint Polycarpe aux Philadelphiens ; par les actes du
martyre du même saint Polycarpe et enfin par le Pasteur d'Hermas.
Le tout est en grec, sauf les quatre dernières pages du Pasteur dont on
ne possède encore qu'une traduction latine. La composition du texte
est la même que celle de Vcdillo major. L'impression est très-belle et
très-correcte. G. K.
Das heîlîgfe Messopfer (log:niatiseh, lîturgîsch «ncl asce-
tiscli erklart, {Le saint sacrifice de la messe exposé au point de vue
dogmatique, liturgique et ascétique.) Von D' Nikolaus Gihr, Spiritual am
erzbichoflichem Priesterseminar zu St. Peter. Mit Approbation und Emp-
felhlung des hochviirdisten Herrn Erzbisthumwesers von Friburg. (Fait
partie de la Theologischc Bibliothek.) Fribourg en Brisgau, Ilerder, 1877,
in-8 de xii-705 p. — Prix : 13 fr.
L'auteur revient plusieurs fois, dans le cours de son livre, sur l'im-
portance de connaître tout ce qui touche au cœur même de la vie ca-
tholique, au saint sacrifice de la messe. Rien n'est plus juste. Prêtres
et fidèles ne sauraient être trop instruits sur ce grand sujet. Nous
aurons fait un éloge bien mérité de l'œuvre de M. Gihr en disant que
celui qui saura tout ce qu'elle peut lui apprendre connaîtra tout ce qu'il
est bon et utile de connaître sur cet adorable mystère. Rien n'y manque
en effet. M. Gihr joint à une piété persuasive une profonde et vaste
érudition. Son livre, tout pénétré du plus pur esprit catholique, est
en même temps rempli d'une science de bon aloi^ le fruit de l'oraison
et de l'étude.
L'ouvrage est divisé en deux parties : la partie dogmatique (1-207)
etlapartieliturgique (208-702) .'Les considérations ascétiques sont entre-
mêlées dans les deux parties. Dans la première, M. Gihr examine
d'abord le sacrifice en générait et les sacrifices de l'ancienne loi, puis
le sacrifice de la croix et enfin le sacrifice non sanglant de l'autel :
il en démontre la réalité et recherche quelle en est l'essence et
l'efficacité, ainsi que la place et l'importance qu'il occupe dans l'orga-
nisme de l'Église. Dans la théorie du sacrifice de la loi nouvelle, l'auteur
suit surtout les idées de Lugo et du cardinal Franzelin.
— 222 -
La seconde partie, la partie liturgique, remplit plus des deux tiers
du volume. Une première section s'occupe de tout ce qui est néces-
saire pour la célébration du saint sacrifice : autel, nappes d'autel,
calice et ce qui s'y rattache, ornements sacerdotaux, couleurs litur-
giques , luminaire , langue liturgique. La seconde section est
consacrée à l'étude suivie de toutes les parties de la messe, partagée
en quatre subdivisions principales : de l'Introït à l'Offertoire, l'Of-
fertoire, le Canon et la Communion, Le D'' Gilir étudie une à une toutes
les prières de l'ordinaire de la messe et donne tous les renseignements
généraux désirables sur les fêtes et le propre du temps. Le sens
mystique des cérémonies de l'Eglise n'est pas oublié, mais il est exposé
sobrement et en l'appuyant sur une autorité irréfragable, celle de
l'Eglise. L'auteur cite volontiers les auteurs français et dans leur
propre langue, dans des notes nombreuses, placées au bas des pages.
Les passages liturgiques qu'il explique sont cités en latin dans le texte,
avec traduction allemande. Le renvoi de la note de la dernière page
est inexact. L'auteur termine par une belle prière qui résume très-
bien l'esprit de son livre. G. K.
El arbol de la Vida, estudios fundamentales sobre el christianismo, pai
Abdon de Paz. Madrid, Fourquet, 1877, in-8 de 319 p.
M. de Paz s'est proposé de résoudre brièvement toutes les ques
tions et tous les problèmes religieux qui troublent ou préoccupent le.'
esprits à notre époque et de montrer que la foi chrétienne est l'astre
qui nous donne la vie et la paix.
Cette apologie du christianisme est l'œuvre de cinq années d(
travail. Elle a paru par fragments avant d'être réunie en volume.
Après avoir établi que l'accord doit régner entre la raison et 1;
foi, l'auteur expose ce qu'est la Bible. Il montre ensuite que la cosmo-
gonie de la Genèse n'est pas en contradiction avec les données scien
tifiques. Le monde n'est pas si ancien que le prétendent certain
chronologistes plus qu'aventureux et, « dans l'impossibilité de fixe
l'âge du monde d'une manière mathématique, le mieux est de date
les événements en les rapportant à la naissance de Jésus-Christ. :
L'origine de l'homme est divine; l'espèce humaine est une. La chut
d'Adam a été consolée par l'espérance de la rédemption. La scienc
ne peut rien opposer au récit du déluge. L'homme a été créé avec 1
don du langage. M. de Paz étudie ainsi successivement l'Ancien et 1'
Nouveau Testament : Nemrod, Israël, Moïse, le livre de Job, les pro
phètes, la mère de Dieu, Jésus-Christ, le siècle apostolique et l'Eglise
Il passe ensuite au protestantisme pour en montrer la fausseté,
cherche à établir après cela que l'autorité et la liberté, la foi et 1
i
— 223 —
raison, la religion et le progrès bien entendus, loin de se contredire,
se prêtent un mutuel appui. Enfin il démontre que les récompenses et
les châtiments de la vie future sont une conséquence de l'immortalité
de l'âme et de l'existence de Dieu.
Tels sont les sujets traités dans l'Arbre de vie. M. Abdon de Paz
développe ses pensées avec tout l'éclat et la sonorité de la belle
langue castillane. Le livre est plein de vie, et la lecture en est par là
même très-intéressante. L'érudition de l'auteur est un peu touff'ue et
assez confuse ; il la prodigue à temps et à contre-temps. Il semble que
les idées irréligieuses de M. Figuier troublent davantage les esprits
au-delà qu'en deçà des Pyrénées ; du moins M. de Paz s'en préoccupe-
t-il beaucoup plus qu'on ne le fait en France. Mais c'est là un point
dont nous ne sommes pas juges. Ce que nous pouvons apprécier, ce
que nous aimons et ce que nous louons surtout dans ce livre, ce sont
les pensées profondément chrétiennes dont il est rempli, les réflexions
sages, sensées dont il abonde, la sève de l'arbre de vie, en un mot,
dont il est rempli. L. M.
SCIENCES ET ARTS
Cours de mécanîqne analj'-tique, par Ph. Gilbert, professeur à la
Faculté des sciences de l'Université catholique de Louvain. — Partie
élémentaire. Louvain, Ch. Peeters, 1877, in-8 de vii-385 p. — Prix: 6 fr.
Cet ouvrage, ainsi que nous en informe l'auteur, est principalement
destiné à servir de manuel aux élèves ingénieurs qui suivent le cours
de mécanique rationnelle professé par lui à l'Université de Louvain.
Pour rester dans les limites que lui imposait cette destination spéciale,
sans que l'ouvrage cessât d'être utile aux jeunes gens qui désirent
pousser plus loin leurs études et aborder les côtés les plus élevés de
la science, l'auteur s'est attaché à maintenir l'exposition des théories
fondamentales à la hauteur désirable, tout en réservant pour un
autre volume le développement de certaines théories plus élevées,
sorte de transition entre la mécanique et la physique mathématique.
On sait, que, dans l'enseignement de la mécanique, il était de tra-
dition, il y a quelques années encore, de traiter d'abord complètement
la statique, après quoi seulement on s'occupait des corps en mouve-
ment. A la suite de Poncelet, une autre école s'est formée, qui suit
la marche inverse,et qui étudie dès l'abord le mouvement, la dynamique,
pour traiter l'équilibre comme un cas particulier, celui dans lequel les
vitesses sont nulles.
Ces deux manières de procéder ont leur raison d'être. M. Gilbert, à
— 224 —
l'exemple de Bour, adopte une marche intermédiaire, qui semble réunir
les avantages essentiels de Tune et de l'autre : ce qu'il y a de rationnel
dans la seconde, avec les avantages pratiques de la première. Dans
un premier livre, il étudie le mouvement en lui-même et indépen-
damment de ses causes; c'est cette étude dont Ampère a montré qu'il
convient de faire une science distincte, que l'on nomme après lui la
cinématique. Dans le second livre, empruntant à cette science les
notions strictement nécessaires pour arriver rationnellement à la
composition des forces, l'auteur établit complètement les lois de l'équi-
libre. Le troisième livre complète, par la dynamique, les généralités
de la science. Dans un quatrième livre, ces généralités sont appliquées
à l'équilibre et au mouvement des fluides.
L'esprit philosophique qui a présidé à la conception de l'ensemble
se retrouve d'une manière non moins remarquable dans le détail de
Inexécution. Les questions sont ramenées à leurs véritables principes,
leur enchaînement est mis en évidence ainsi que leurs analogies ; les
conventions ou les hypothèses admises dans chaque théorie sont indi-
quées avec soin, condition indispensable d'un enseignement vérita-
blement fructueux. En même temps, l'exposition est simple, claire et
élégante, aussi bien dans le texte que dans les formules. Un grand
nombre d'exercices indiqués à la fin des chapitres permettent à l'élève
ou au lecteur studieux de se familiariser avec l'application des théories,
et souvent lui font connaître des théorèmes intéressants.
La qualification de partie élémentaire que l'auteur a donnée à son
volume ne doit être prise que dans un sens relatif, et par opposition
avec la seconde partie qu'il annonce. Si le volume actuel ne suppose
chez le lecteur que la connaissance des principes fondamentaux du
calcul infinitésimal, il le conduit assez loin et lui expose la science
sous une forme analytique assez complète, pour le préparer parfaite-
ment à la lecture des ouvrages les plus élevés. A ce point de vue, il
faut louer M. Gilbert d'avoir adopté comme point de départ dans
l'exposition de la statique le principe des vitesses virtuelles. L'élève
peut ensuite aborder de plain pied la Mécanique analytique de
Lagrange, dont la notation même lui est déjà familière.
Que l'éminent professeur de Louvain nous permette maintenant
de lui soumettre quelques critiques de détail qui lui prouveront l'im-
portance que nous avons attachée à l'examen minutieux de son
ouvrage.
Dans le chapitre ix, il définit la masse d'un point matériel comme
le rapport constant de la force à l'accélération. Il en conclut logique-
ment qu'il n'y a pas lieu d'adopter une unité de masse. Non moins
logiquement, il pourrait en conclure qu'il n'est pas possible d'évaluer
les masses sans avoir, au préalable^ adopté des unités et pour les forces
et pour les accélérations. Or, c'est ce qui est évidemment inexact.
Les masses sont des grandeurs d'un ordre distinct qu'on peut comparer
entre elles et, par conséquent, mesurer, indépendamment de toute
convention relative à d'autres grandeurs. Il suffit pour cela de prendre
les rapports des forces nécessaires pour imprimer aux diverses masses
une même accélération quelconque : on ne fait pas autre chose lors-
qu'on les compare au moyen des poids. En réalité, la définition de
M. G-ilbert implique la convention universellement admise, mais nul-
lement nécessaire, de prendre pour unité de masse celle à' laquelle
l'unité de force imprime l'unité d'accélération.
Dans l'hydrostatique, M. Gilbert semble donner la loi de l'égalité
de pression en tous sens, qu'on appelle quelquefois le ptincipc de
Pascal, comme un principe distinct, qu'il faut emprunter directement
à l'expérience. On l'a cru longtemps. Mais, en réalité, ce prétendu
principe n'est qu'un théorème qui découle de l'absence de toute action
tangentielle sur un élément de surface quelconque. On le démontre
aisément en cherchant les conditions d'équilibre d'un prisme triangu-
laire infiniment petit ou d'un tétraèdre. C'est une des applications les
plus simples de ce mode de raisonnement si fécond que Cauchy a intro-
duit dans la physique mathématique.
Ces petites critiques que M. Gilbert n'est ni le premier^ ni le seul,
à avoir encourues, n'enlèvent rien à la valeur considérable de l'en-
semble de son ouvrage ; on peut le recommander comme un excellent
traité de mécanique rationnelle; il donne l'idée la plus favorable, soit
du second volume, que nous attendrons avec impatience, soit du ni-
veau élevé auquel est tenu l'enseignement scientifique à l'Université
deLouvain, E. Vicaire,
Mes Rêveries, ouvrage posthume du maréchal Maurice comte dé Saxk.
Paris, 1877, Dumaine, in-8 de 144 p, avec 10 planches. Publication du
Journal de la Librairie militaire. — Prix : 3 fr, oO.
On sait que le Journal de la librairie militaire, fondé en 1875 par
l'intelligent éditeur du Dépôt de la guerre, comprend dans chacun de
ses numéros une feuille de réimpression des meilleurs écrits militaires
devenus rares. C'est ainsi que les Fantaisies militaires, et les Préjugés
militaires, du prince de Ligne, et l'Instruction militaire du roi Frédé-
ric Il à ses généraux ont été mis dans ces dernières années à la portée
de tous. Le même mode de publication nous donne aujourd'hui les
Rêveries du maréchal de Saxe.
On ne peut relire sans intérêt ce curieux ouvrage, fruit d'une ima-
gination si étrange parfois, si originale toujours, et on trouve à cette
lecture une nouvelle occasion de constater que si le a métier » a
changé, la « partie sublime de l'art » suivant l'expression de Napo-
M.ARS 1878, T. XXII, Ib.
— 226 —
léon, est restée au-dessus de toutes les modifications des armes et
engins de guerre. Les chapitres De la discipline, Du général d'armée,
entre autres, pourraient aussi bien figurer dans l'Esprit des institutions
miltiaires de Marmont que dans le recueil des pensées de Napoléon.
Mais, assurément, si on se reporte à l'époque à laquelle écrivait le
maréchal de Saxe (1732), le page la plus remarquable des Rêveries est
celle qu'il consacre à la manière de lever les troupes. « Les levées qui
se font par supercherie, dit-il, sont tout aussi odieuses Ne vau-
drait-il pas mieux établir par une loi, que tout homme, de quelque
condition qu'il fût, serait obligé de servir son prince et sa patrie pen-
dant cinq ans? Pour y parvenir, il faudrait n'en excepter aucune
condition, être sévère sur ce point, et s'attacher à faire exécuter
cette loi de préférence aux nobles et aux riches : personne n'en
murmurerait... insensiblement on se ferait un honneur de servir...»
Voilà donc le principe du service obligatoire, avec la durée même que
nous avons adoptée en 1872, posé par le maréchal de Saxe.
La chapitre Delà discipline contient une discussion fort intéressante
des punitions usitées chez les Allemands et chez les Français, suivant
les différences inhérentes au génie des deux nations et au mode de re-
crutement de leurs troupes. Maurice de Saxe avait de bonnes raisons
d'avoir à cœur tout ce qui tenait à la Pologne ; aussi dessine-t-il un
Projet de guérite pour une puissance qui serait dans le cas de la faire à
cette république. Ce projet est un témoignage de plus du sens militaire
du maréchal et de sa profonde connaissance du pays ; tous les postes,
en efi'et, dont il signale l'importance et dont il recommande l'occupa-
tion, ont joué un rôle dans la campagne de 1807 et sont maintenant
des places fortes prussiennes ou russes, Graudenz, Thorn, Brest-
Litowski.
Beaucoup des propositions du maréchal sont singulières, bizarres
même; l'accoutrement dont il veut affubler fantassins ou cavaliers, les
dénominations même de ses formations, la légion, la centurie, les ar-
mées à la légère, peuvent paraître puériles. En tout cas, elles n'offrent
plus qu'un intérêt purement rétrospectif. Au contraire, est-ce bien en
1732 qu'a été écrit ce passage : « Il faut que la cavalerie soit leste...
et surtout qu'elle ne fasse pas son point capital d'avoir des chevaux
gras... Il est certain que l'on ne connaît pas la force de la cavalerie,
ni les avantages que l'on en peut retirer. D'où vient cela? de l'amour
que l'on a pour les chevaux gras? »
En somme, rééditer un ouvrage tel que celui que nous avons sous
les yeux, c'est rendre service aux officiers de notre armée.
J. GOUETHAL.
Lets Compte!* des bâtiments du Roi (lo28-lo7i), suivis de docu-
ments inédits sur les cliâteaux royaux et les beaux-arts au seizième siècle,
recueillis et mis en ordre, par le marquis Léon de Laborde. Paris, J. Baur,
1877, gr. in-8 de lxi-4-22 p. — Prix : 12 fr. 50.
Tous les amis de l'histoire des arts, tous les hommes d'étude savent
quelle est la haute valeur des ouvrages de M. Léon de Laborde; les
circonstances qui se rattachent à la publication du volume dont nous
venons de transcrire le titre sont remarquables. Ce livre avait été
imprimé depuis une vingtaine d'années ; M. de Laborde avait, dés
1856, proposé cette publication; l'impression fut, dans le cours des
années suivantes, conduite jusqu'aux dernières pages du second volume ;
il ne restait plus que quelques feuilles à composer et l'introduction à
écrire. Ce travail, qui touchait à son achèvement, fut soudain inter-
rompu et pour de longues années; il y a tout lieu de croire que les
nouvelles et importantes fonctions auxquelles fut appelé M. de Laborde,
nommé en 1857 directeur des archives générales de France, absor-
bèrent tous ses instants et ne lui laissèrent pas le loisir de mettre la
dernière main à un ouvrage, fort avancé sans doute, mais dont la partie
la plus délicate, l'introduction, restait à faire. (Nous empruntons ces
détails et ceux qui vont suivre à l'avertissement- '^\a.cé ^av M. J.-J.
Guiifrey en tête du volume que nous signalons.
La Société de Vhistoire de l'art -français s'est rendue propriétaire de
tous les exemplaires de l'ouvrage inachevé; elle a eu à sa disposition
toutes les notes, tous les documents nécessaires pour le compléter.
Le premier volume tout entier et la moitié du second, jusqu'à la page
198, sont consacrés à la reproduction intégrale d'un manuscrit de la
Bibliothèque nationale renfermant les comptes des bâtiments royaux
depuis 1528 jusqu'en 1570.
Le second volume se termine par des pièces de diverse nature,
empruntées à des sources différentes; le dépouillement d'un certain
nombre de documents originaux conservés aux Archives nationales a
fourni les matériaux d'un chapitre intitulé : Dépenses secrètes de Fran-
çois I"; un autre chapitre : Compte de la marguiUerie du Louvre, a une
origine singulière; les éléments en sont tirés d'un compte sur parche-
min, dont les feuiUes détachées et incomplètes avaient servi à relier
quelques volumes du Journal des Débats de l'an 1794 (alors in-8) ; un
hasard heureux les plaça sous les yeux de M. de Laborde dans une
des salles du ministère de l'intérieur; il raconte cette découverte dans
une lettre fort piquante, adressée le 12 mars 1850 au directeur des
Débats (voir p. xxv).
Vient ensuite le Compte des bâtiments du château de Saint-Germain-'
en-Laye ^ouT les années 1548 à 1550; ce n'est qu'un extrait, offrant
d'ailleurs tous les articles présentant un intérêt quelconque au point de
— l'28 —
vue de Part et ceux qui donnent un renseignement topographique ou
le nom de personnages célèbres; la publication intégrale de ce registre
eût ajouté bien peu de chose à Tintérêt de ces extraits.
Le compte suivant : Payement des ouvriers orfèvres logeant et beson-
tjnani dans l'hostel de Nesles^a. fourni matière à une analyse très-suffi-
sante, très-complète qui dispense parfaitement du texte original. Des
comptes relatifs au palais et au jardin des Thicilenics, à Fhôtel de
Soissons, au château de Saint-Maur, avaient été examinés et analysés
par M. de Laborde, mais ils n'avaient point été publiés ; enfin le second
volume se termine par le dépouillement des acquits au comptant de
François 1", conservés aux Archives nationales (J 960-962). M. de
Laborde en avait publié quelques articles, mais il avait dû, faute de
temps, s'en tenir à un dépouillement fort incomplet; MM. Cimber et
Danjou avaient, de leur côté, dans les Archives curieuses exploité ces
acquits, mais dans une très-faible mesure; le travail a été entièrement
repris, et il en résulte la mise au jour, aussi complète que possible,
au point de vue de Fart, d'une des séries les plus intéressantes des
comptes de François 1".
Disons maintenant quelques mots des Comptes des bâtiments qui
occupent le volume dont il est question. C'est un manuscrit con-
servé à la Bibliothèque nationale (petit in-fol. de 454 p.); il a été
rédigé par André Félibien des Avaux (né en 1619, mort en 1695), qui
fut, ainsi que son fils, historiographe des bâtiments du roi ; c'est une
analyse de comptes aujourd'hui perdus pour la plupart; la possession de
ces copies abrégées est du moins une circonstance dont il faut sincère-
ment se féliciter. Une partie de ces documents avait été insérée par
M. de Laborde dans le premier volume de son ouvrage intitulé : la
Renaissance des arts à la cour de France ; mais ce livre est devenu fort
difficile à rencontrer, et son auteur avait réservé pour des volumes
qui n'ont jamais paru ce qui concernait la sculpture et l'architecture.
M. Guiffrey a eu le soin de donner (p. 49 et 12) une liste bibliogra-
phique des ouvrages de M. Léon de Laborde ; elle montre suffisamment
quelle vive intelligence, quel immense labeur, quelle activité d'esprit
ont permis à l'infatigable érudit d'aborder tour à tour les sujets les
plus variés, en laissant sur chacun d'eux des travaux d'une incon-
testable supériorité. Cette énumération, rangée dans l'ordre chronolo-
gique, signale soixante-douze productions diverses, mises au jour
depuis 1830 jusqu'en 1867; quelques-unes ne sont, il est vrai, que des
articles insérés dans les divers recueils périodiques {la Revue archéolo-
gique, la. Revue de Paris, la Revue fi-ançaise, etc.), et dont il a été fait
des tirages à part. D'importants ouvrages sur la Syrie et la Palestine
accompagnent de savants travaux sur l'histoire de l'art, objet favori
des études de M. de Laborde. Faisons mention d'un volume dont il ne
— 229 —
fut imprime que 25 exemplaires et qui, distribué en presque totalité à
des bibliothèques publiques de Paris ou de l'étranger, est d'une rareté
exceptionnelle : Mémoires et, dissertations, Paris, 1852, in-8, viii et
306 pages; c'est la réunion de dix-sept notices fournies à diverses
revues.
BELLES-LETTRES
Supplémen» ma tlîclîonnaîi'e «îe îa langue frasiçaîse^ de E.
LiTTRÉ de l'Académie française, suivi d'uu dictionnaire étymologi({ue des
mots d'origine orientale par î\lAncEL Devic. Paris, Hachette, 1878. in-4 de
37o et 84 p. — Prix : 12 fr.
La dernière livraison du Supplément au dictionnaire de M. Littré
vient de paraître . On voit que l'auteur a eu raison de ne pas se laisser
décourager par son grand âge et d'être fidèle à ce principe qu'il faut
travailler et entreprendre jusqu'au bout. Non-seulement à soixante
et seize ans M. Littré a entrepris une œuvre considérable, mais il l'a
menée à bonne fin et a donné à la fois à son grand dictionnaire le plus
utile complément. Le titre que porte la dernière partie de ce long
travail en indique le but. Ce ne sont pas des corrections, ce sont des
additions qui forment ce livre. Au premier rang figurent les néolo-
gismes. Aleur sujet, l'auteur remarque avec raison que, de tout temps,
il y a eu néologie. Des situations, des idées, des découvertes nouvelles
appellent forcément des paroles nouvelles. Malgré ses scrupules, le
dix-septième siècle en accueillit un certain nombre; au dix-huitième,
il y eut une véritable invasion de néologismes; elle continue aujour-
d'hui et plus menaçante que jamais. Il n'en peut être autrement. Les
journaux rédigés souvent par des déclassés, qui prennent la jdume
comme on prend un outil, mais sans réfléchir que, pour manier utile-
ment un outil, il faut un apprentissage ; des députés auxquels le suf-
frage universel n'a pu, malgré son omnipotence, donner la science
infuse ; la presse et la tribune, répandent incessamment dans la nation
un nombre considérable de mots improvisés. A ce point de vue, on
éprouve une certaine crainte de l'influence que pourrait avoir le supplé-
ment de M. Littré. Nous sommes bien loin du temps où M. de Vau-
gelas donnait sa parole que tel mot serait français dans un an; nous
ne sommes que trop pressés de répéter et d'écrire ces vocables bâ-
tards nés d'hier, et, en les voyant acceuillis par un savant comme
M. Littré, ne serons-nous pas tentés de penser que son autorité
change en véritable musée une espèce de salon des refusés? Mais,
il faut le dire M. Littré n'admet pas légèrement tous les néologismes,
il les soumet à la critique, il repousse ceux qui n'ont pas été créés
— 230 —
suivant les lois de la composition. Enfin, pour quelques-uns d'entre
eux, il retrouve dans notre ancienne littérature des titres oubliés; il les
retrouve aussi quelquefois sous les formes des patois qui les ont con-
servés après en avoir hérité de notre ancienne langue.
Ce ne sont pas seulement les néologismes et un grand nombre de
termes d'art, de science, nouvellement créés par de récents besoins
qui forment le supplément de M. Littré. Beaucoup de mots acicueillis
dans le dictionnaire et ayant tous les droits possibles à y figurer, se
représententicipourrecevoirquelques détails nouvellement découverts
sur leur histoire, sur leur généalogie. Le supplément proprement dit
occupe neuf livraisons. Le dixième fascicule contient des additions
survenues pendant l'impression du supplément et le commencement
d'un dictionnaire étymologique des mots d'origine orientale par
M. Marcel Devic, dictionnaire qui se trouve complété dans deux
autres livraisons, les dernières de l'ouvrage.
Dût Gros-Jean en remontrer à son curé, une remarque : M. Littré
écrit dans sa préface les douzième et treizième siècles. Dans mon en-
fance, cette manière de dire était condamnée, elle l'est même encore
dans les grammaires, que je viens de consulter. D'un autre côté, l'A-
cadémie française, qui devrait s'y connaître, a couronné cette faute
de français — si c'en est une — en couronnant l'Histoire comparée des
littératures espagnole et française. Il est donc possible qu'on ait changé
tout cela.
Il n'est peut-être pas inutile, à cause des opinions religieuses,
ou plutôt antireligieuses de l'auteur, de dire que ce supplément
a été rédigé avec autant de circonspection que le dictionnaire dont il
est le complément ; nous n'y avons rien remarqué qui puisse choquer
nos croyances. Th. de Puymaigre.
Kssai sur le déchiiTrement de l'écriture hiératique de
l'Amérique centrale, par Lkon" de Rosny. Paris, Maisonneuve. —
Impression commencée le 22 novembre 1875 et tirée à 200 exemplaires
numérotés sur fort papier vergé in-fol. (publié par la Société américaine de
France). Deux livraisons ont paru, comprenant ensemble 36 pages et
10 planches coloriées. La troisième et dernière livraison est sous presse.
— Prix de la livraison : 25 fr.
11 s'agit, dans ce travail, de l'écriture antique des Yucatèques ou
Mayas. Après avoir établi que cette écriture se présente sous trois
formes distinctes : l'écriture hiéroglyphique ou des monuments, V écri-
ture hiératique ou des manuscrits, et l'écriture démotique ou vulgaire,
l'auteur étudie spécialement Vccriture hiératique., en s'aidantde trois
manuscrits connus, mais inexpliqués, le Codex de Dresde, que lord
Kingsborough a reproduit dans sa magnifique collection, le manuscrit
— 231 —
no 2 de la Bibliothèque nationale, qui a été photographié en 1864 par
ordre du Ministère de rinstruction publique et que M. de Rosny
propose d'appeler Peresianus, du nom de Ferez, Tun de ses anciens
possesseurs, sans doute, et le Codex Troano publié par Tabbé Bras-
seur de Bourbourg (Imprimerie nationale, 1869-70).
Grâce aux indications contenues dans la Relacion de los cosas de
Yucatan, par le P. Diego de Landa, les savants sont parvenus à
pouvoir affirmer que les trois manuscrits désignés sont écrits dans la
langue ancienne des Mayas; mais ces indications fort incomplètes ne
se rapportent guère qu'à un dixième environ des signes à connaître.
Aussi les interprétations données, d'après Landa, par MM. William
Bollaërt, Brasseur de Bourbourg et de Charencey, paraissent à M. de
Rosny insuffisantes et sont souvent même peu compréhensibles.
L'étude de la paléographie yucatèque est donc à faire, soit pour pré-
ciser la signification de chaque signe^ soit pour indiquer toutes ses
variantes. Lorsque cette nomenclature sera soigneusement établie,
la lecture des manuscrits mayas deviendra plus facile et en même
temps plus certaine.
M. de Rosny, ayant entrepris cette tâche difficile, expose aujour-
d'hui les résultats de ses premières recherches en commençant par les
signes hiératiques des vingt jours du mois yucatèque. A autant de
figures fournies par Landa, Brasseur de Bourbourg avait ajouté dix-
neuf identifications tirées du manuscrit Troano. M. de Rosny a élevé
ce nombre à cinquante-sept, soit soixante-dix-sept caractères pour
vingt mots. C'est un contingent bien considérable et qui s'explique
d'autantplusdifficilement que les prétendues variantes d'un même signe
sont empruntées à un seul manuscrit, le Codex Troano par exemple.
Un tel relevé, d'après des textes difi'érents, se comprendrait mieux et
rendrait plutôt admissible la possibilité d'identification de plusieurs
caractères.
Pour les signes hiératiques des dix-huit mois, celui de l'année et celui
du cycle maya de cinquante -deux ans, M. de Rosny se contente de
reproduire la liste donnée par Diego de Landa, en faisant remarquer
que les signes des mois sont composés de plusieurs signes élémentaires.
Au lieu de déterminer ces divers signes et de montrer leur valeur pho-
nétique, l'auteur fait un court exposé de l'année yucatèque et recon-
naît bien vite que le calendrier maya présente encore des difficultés
très-grandes et presque insurmontables.
Quant au sens dans lequel l'écriture hiératique des Mayas doit
être lue, M. de Rosny déclare aussi que, faute de données suffisantes
à cet égard, il lui est difficile de formuler aujourd'hui une opinion
certaine. D'ailleurs, la connaissance de cet ordre lui paraît être, pour
le travail qui l'occupe, d'une importance tout à fait secondaire.
— 232 —
C'est ainsi qu'il passe à l'étude de l'iconographie américaine en
général, pour laquelle il fait usage de la méthode de classement adoptée
pour les signes de l'écriture hiéroglyphique égyptienne. Il examine
successivement les représentations du ciel, du soleil, de la lune, de
Véloile, du feu, de l'eau, de la terre et des animaux. Là, son cadre
s'élargit et embrasse le Yucatan et le Mexique plus particulièrement.
Tel est le résumé rapide de ce qui a paru du livre de Rosny.
Lorsqu'il sera entièrement terminé, nous l'examinerons plus à fond
et au point de vue critique. A. Siméon.
CK^uvres complètes tle Grîngore, réunies pour la première fois
par MM. A. de Montaiglon et J. de Rothschild. — Tome II. Mystère inédit
de saint Louis. Paris, Paul Daffis, mdccclxxvii, in-12 de xxxix-3b8 p.
{Bibliothèque elzéviriennc.) — Prix : 6 fr.
Le Mystère de saint Louis par Gringore, que vient de publier pour
la première fois M. A. de Montaiglon, est un document curieux à
plusieurs titres. Il ajoute une preuve à celles qu'on avait déjà de
l'influence exercée par les confréries sur le développement du théâtre
au moyen âge. Il nous off're, en outre, un exemple de ce genre de
transition qui pouvait conduire du drame religieux au drame historique.
C'est au théâtre du moyen âge que se rattache la pièce de Gringore,
quoique représentée seulement, comme l'établit très-bien M. de
Montaiglon, à la fin du règne de Louis XII, c'est-à-dire au xvi^ siècle.
Mais, pour l'histoire du théâtre, le moyen âge s"étend jusqu'à 1552.
Le savant éditeur a établi aussi, avec la sagacité dont il est coutu-
mier en pareille matière, la véritable destination de cette pièce. Elle
fut composée à la requête des maîtres et gouverneurs de l'une des
seize confréries parisiennes placées sous l'invocation de saint Louis,
celle dans laquelle s'étaient réunies les deux communautés, distinctes
d'ailleurs, des maçons et des charpentiers, et qui avait son siège
dans la chapelle dite de Saint-Biaise et Saint-Louis, rue Galande.
C'est dans le chœur de cette chapelle qu'étaient dressés les échafauds
pour la représentation du mystère, le jour de la fête patronale. Cette
représentation ne se fit pas en une fois, mais en neuf fois, correspon-
dant aux neuf livres qui forment les divisions de la pièce de Gringore.
Je ne trouve pas que chacune de ces neuf parties forme un tout aussi
net et distinct que le dit M. de Montaiglon. Pour s'expliquer qu'un
entr'acte d'une année ait pu avoir lieu entre chacune d'elles, il faut,
je crois, admettre que l'histoire de saint Louis était connue des
membres de la confrérie, était populaire parmi les maçons et les char-
pentiers de Paris, comme jadis les légendes d'Œdipe ou d'Agamemnon
parmi les auditeurs du théâtre d'Athènes. En tout cas, la façon dont
— 23:^ -
est composé le drame de Gringore atteste un effort vers des procédés
plus savants et plus artistiques, que ceux dont avaient généralement
usé les auteurs des mystères, au siècle précédent, et notamment Fau-
teur d'un mystère de saint Louis publié par M. F. Michel pour le
Roxburghe-Club de Londres, à un nombre d'exemplaires tellement
restreint, qu'on peut le considérer comme encore inédit. Il ne paraît
pas que Gringore ait connu cette pièce, que nous a conservée le
manuscrit du fonds français 24331, à la Bibliothèque nationale.
Il a composé la sienne d'après les Chroniques de Saint-Denis : M. de
Montaiglon en donne des preuves convaincantes. Le drame de
Gringore ne nous a non plus été conservé que dans un manuscrit, qui
porte aujourd'hui le numéro 17511 du fonds français. Le savant
éditeur en reproduisant cette copie, fort éloignée d'être parfaite, a
corrigé un certain nombre de fautes de sens ou de mesure. Il aurait
pu peut-être l'améliorer encore davantage. Le texte, précédé d'une
préface riche en faits nouveaux et d'une érudition aussi abondante
qu'ingénieuse, est suivi d'une liste des personnages du mystère,
d'une autre liste des leçons du manuscrit corrigées par l'éditeur, d'un
sommaire analytique et d'une liste des personnages du premier
mystère de saint Louis. Le volume se termine par un petit poëme de
Gringore, intitulé rObslination des Suisses, publié d'après l'édition
gothique et d'après le manuscrit 1690 du fonds français. M. de Mon-
taiglon aura désormais pour collaborateur, dans la publication des
œuvres de Gringore, M. le baron .James de Rothschild, qui vient
également d'entreprendre la publication, à ses frais, du mystère du
Vieux Testament. Marius Sepet.
Petite bibliotlièque de luxe. — Paul et Virr/inie, préface de J. Cla-
retie, eaux-fortes de Regamey, Paris, A. Quantin, 1878, in-8 de 249 p.
— Prix : 10 fr. — Adolphe, pi'éface de A. -F. Pons, eaux -fortes de Re-
gamey. Paris, même éditeur, 1878, in-8 de 228 p. — Prix : 10 fr. — L'Amour
et Psyché, gravures d'après Natoire, notice de A. Pons. Même éditeur,
1878, in-32 de 138 p. - Prix : 10 fr^
Il est un certain nombre, un petit nombre d'anciens romans qu'on
relit avec un vif plaisir. Je viens de l'éprouver moi-même en rece-
vant deux des délicieux volumes édités par Quantin. Cela a été une
heureuse idée de publier les chefs-d'œuvre de ce genre littéraire à
un prix relativement modéré et avec un luxe typographique qui leur
assure une place d'honneur dans les bibliothèques. Paul et Virginie
méritait d'ouvrir la marche. Du livre même, je n'ai rien à dire, il est
dans toutes les mémoires, et son souvenir se lie aux plus douces émo-
tions de la jeunesse. La nouvelle édition de ce roman au si long
succès est précédée d'une étude très-intéressante dans laquelle
— 234 —
M. Claretie nous fait bien connaître Bernardin de Saint-Pierre ; mais
le montre, non peut-être tel qu'on aimait à se le représenter^ mais
tel qu'il est.
Le roman de Bernardin de Saint-Pierre a été suivi d'un livre singu-
lier, dont le succès fut d'abord très-vif, mais qui plus tard a été apprécié
comme il méritait de l'être, d'Adolphe^ de Benjamin Constant. On se
rappelle le mot de ce juge qui demandait : Où est la femme? M. Pons,
dans une préface curieuse nous a montré_, lui, les trois femmes qui
eurent une si grande influence sur la vie de Benjamin Constant,
M""^ de Charrière, M""' de Staël, M"^ Récamier; on pourrait y ajouter
encore la femme divorcée de Talma, cette Julie, dont Benjamin Cons-
tant a fait un portrait donné à la fin du volume. C'est surtout
M""^ de Charrière dont on retrouve des traces dans le roman d'Adolphe.
On peut aisément la reconnaître dans Elénore. Adolphe, comme le
dit M. Pons, est une impitoyable dissection du cœur humain, sans
incidents romanesques, sans aventures, mais grandement intéressante
comme étude psychologique et semée de pensées ingénieuses et
même profondes. Ce livre a, certes, du mérite ; il offre une peinture
saisissante des suites d'une liaison coupable et peut être régardé
comme étant, en France, un des premiers modèles de ces études de
sentiments, qui depuis ont été tant de fois exécutées et auxquelles se
rsiiiQ.cheniles Confessions d'un enfant du siècle. Des fac-simile,des ea.ux-
fortes de Regamey — l'une d'elle est un peu risquée — ornent ces
deux volumes admirablement imprimés. Ils sont les premiers d'une
collection où paraîtront la Princesse de Clèves, le Diable amoureux,
Valérie, et tant d'autres romans qui seront nouveaux pour bien des
lecteurs.
A côté de ces romans français, la même imprimerie commence une
autre collection de petits romans anciens et étrangers. Elle a débuté
par le plus délicieux petit volume que puisse rêver un bibliophile.
Ce petit chef-d'œuvre typographique contient V Amour et Psyché, l'é-
pisode si connu raconté par Apulée. Comme illustrations, on y voit
huit charmantes vignettes d'après les tableaux en voussure dont Na-
toire a orné l'un des plafonds de l'hôtel Rohan-Soubise, aujourd'hui
les Archives nationales. Ce volume se termine par des notices biblio-
graphiques et artistiques rédigées avec soin par M. Pons.
Th. p.
Molière et Bourdaloue, par M. Louis Veuillot . Paris, Victor Palmé,
1877, gr. in-18 de 270 p. — Prix : 3 fr.
Molière etBossuet, réponse à M. Louis Veuillot, par M. Henri de La-
POMMERAYE, Paris, Paul Ollendorff, 1877, gr. ia-18 de 173 p. — Prix : 2 fr.
— 233 —
Étude sur Bourdaloue, par Frédéric Poulin, licencié es lettres.
Paris, Téqui, 1870, in-8 de (i7 p. — Prix : 80 c.
Une étude sur Molière est toujours d'actualité ; il semble même que
ce nom classique obtienne en ce moment un regain d'engouement. Le
nouveau livre de M. Louis Veuillot est né d'une polémique commencée
dans l'Univers, à propos d'une représentation du Tartuffe à Londres.
L'idée même d'établir une comparaison entre Molière et Bourdaloue
n'est pas de M. Veuillot : elle lui a été suggérée par certains paral-
lèles audacieux où Bourdaloue se trouve être un plat courtisan et Mo-
lière un 11 ardi réformateur desmœurs. Assez enclin aux vertes ripostes,
le rédacteur de V Univers a fait un livre de ces articles interrompus
par les affaires quotidiennes. Il examine d'abord la vie privée de Mo-
lière, qui ne fut pas d'un moraliste, puis, sa vie publique, ouvertement
protégée par la faveur royale. Quelle preuve de ce grand courage
dont on lui fait une auréole Molière donnait-il quand il gagnait, à
railler marquis et dévots, une pension du roi pour lui-même et le par-
rainage du roi pour son enfant? Quand Louis XIV faisait jouer le
Tartuffe malgré Parlement et Archevêque? L'auteur, s'attaquant en-
suite au théâtre lui-même et particulièrement à la comédie, démontre
que celle-ci n'a pas droit à la devise qu'elle arbore : Castigat ridendo
mores. Il n'a pas de peine à prouver que la comédie raille les ridi-
cules plutôt que les vices, et ne corrige guère ni les uns ni les autres.
Elle est plus puissante au mal qu'au bien, et l'usage qu'on en fait est
généralement plutôt nuisible qu'utile ; c'est encore fort possible. On en
pourrait dire autant de la musique et de la peinture, car le but immé-
diat de l'art n'est pas la prédication religieuse. Mais de ce que la co-
médie n'est pas d'une morale aussi sûre que le catéchisme, il ne
s'ensuit pas qu'elle doive être absolument condamnée. Et ici M. Veuil-
lot, emporté par sa légitime indignation contre une mauvaise pièce,
semble, par une trop grande généralisation, avoir dépassé la juste
mesure. Il oppose l'enseignement du théâtre aux enseignements de la
chaire ; en face de Molière, qui obtient et conserve la faveur du roi
en flattant ses passions, il montre Bossuet et Bourdaloue qui ne crai-
gnent pas d'affronter sa toute-puissance en lui faisant publiquement
de dures leçons. La vie du jésuite, sommairement racontée, n'offre
pas les détails croustillants de celle du comédien ; c'est la vie d'un
humble et saint religieux, qui ne s'est mêlé aux grands de ce monde
que pour les entretenir des choses du ciel. Mais fallait-il, pour la glo-
rification de l'orateur, verser tant de fiel sur les misères du poète, et
l'impitoyable satiriste n'oublie-t-il pas un peu trop que, même dans
cette mort si triste de Molière, il y eut quelque chose de touchant et
presque de chrétien ? Non, M. Veuillot n'éprouve pas un instant d'in-
dulgente faiblesse devant ce pilori où il Ûagelle une de nos gloires
— 236 —
nationales. Puis vient une critique do T/irUi/fe, comme M. Veuillot
sait en faire, pleine d'esprit mordant, de bon sens et de passion. La
parole, laissée un instant au pauvre comique pour se défendre, est
bientôt donnée à Bourdaioue pour l'accabler. Le Misanthrope, pris à
partie, n'a pas beaucoup plus que Tarluffe à se louer de M. Veuillot,
qui, s'obstinant à la recherche d'un type de parfait chrétien, ne le
trouve pas plus dans Alceste ou dans Philinte, qu'il ne l'avait trouvé
dans Orgon ou dans Cléante. Et pourtant n'est-ce pas se montrer bien
exigeant que de condamner un poëte comique parce qu'il ne met pas
de vrais saints en scène ? Ce serait encore ici le lieu de rappeler à
M. Veuillot le mot de saint Paul : « Non plm saperc qiiam oporlet. sa-
perp ; scd sapcre ad sobrielatern. » Caractères ou situations, but ou
moyens, ensemble ou détails, rien ne trouve grâce devant l'ardent cri-
tique, rien, si ce n^est le style. Cette langue du grand siècle, sobre,
vigoureuse et de si bonne tenue, M, Veuillot est plus à même que per-
sonne de l'apprécier : il en a saisi le ton et la manière, il en a surpris
les secrets et a su les approprier à son usage. Il semble presque, en
le lisant, que dans cette querelle à la fois morale et littéraire, juge et
partie appartiennent à la même époque .
— Une attaque si vive provoquait la réplique : une polémique s'est en-
gagée dans les journaux et même dans les revues. Un agréable confé-
rencier, M. de Lapommeraye, a pris la plume pour défendre Molière
par une petite brochure qu'il a intitulée : Molière et Bossuet. Selon lui
— et la thèse n'est pas neuve — Tartuffe ne ridiculise que les faux
dévots, ce dont une piété bien entendue devrait lui savoir gré. Mal-
heureusement, vrais ou faux dévots sont unanimes à se plaindre de
cette comédie, comme M. de Lapommeraye en convient, et M. de
Lapommeraye, bien que le baptême l'ait fait enfant de l'Église, s'il
faut l'en croire, ne semble pas un juge suffisamment informé des
questions religieuses pour casser cet arrêt de sa propre autorité. Le
fait brutal est là, plus fort que les apologies et les commentaires :
depuis deux cents ans, Tartufje Yé^onit l'impiété et afflige la dévotion,
résultat dont Molière ne pourrait être innocenté que par une accusa-
tion d'impardonnable maladresse.
La condamnation du théâtre par M. Veuillot était trop absolue
pour n'être pas relevée. Sans discuter, sans opposer à Bossuet un
théologien moins sévère, M. de Lapommeraye se contente de citer
l'opinion de M. Dumas, de M. de Girardin, de Georges Sand et même
celle de M. Vacquerie : « Le théâtre, c'est le Golgotha de l'idée ! »
Si le théâtre n'a pas d'autres moyens de défense, le rigorisme de Bos-
suet ne semblera plus exagéré à personne. Cependant, n'étant sans
doute pas pleinement satisfait de sa démonstration, l'auteur y revient
plus tard avec ses propres arguments. « Je n'hésite pas à déclarer.
dit-il, que Corneille, Racine et Molière ont plus fait et font plus pour
la moralisation que Bossuet, Bourdaloue et Massillon. «La raison
qu'il en donne est que ceux-ci sont peu lus, ce qui ne prouve pas l'in-
fluence moralisatrice de ceux-là. Bossuet. Bourdaloue et Massillon
n'ont même pas converti le dix-septième siècle, ajoute-t-il : « le car-
naval impie de la Régence suit les retraites prèchées par tous ces
célèbres apôtres. » La Régence a suivi d'aussi près l'œuvre de morali-
sation accomplie par Corneille, Racine et Molière ; M. de Lapomme-
raye semble l'oublier. Mais il ne l'oublie pas : le dix-huitième siècle
n'est un carnaval impie que par rapport aux prédications infruc-
tueuses des orateurs sacrés du siècle précédent, si l'on considère
l'influence du théâtre, c'est, au contraire, paraît-il, une époque de
moralisation brillante. « La chaire comique a plus d'efflcace, et ce
que Voltaire eût... affirmé... c'est le bénéfice que la philosophie tira
de la prédication dramatique. Avec ses tragédies, mortes aujour-
d'hui, Voltaire a plus conquis de lecteurs à l'Encyclopédie que tous les
prêtres n'ont ramené d'enfants prodigues au pape... » Le degré de
moralisation se mesurant au nombre des lecteurs de l'Encyclopédie,
voilà une trouvaille. Celle-ci n'est pas moins précieuse: «Molière,
Messieurs, a tout simplement sauvé cette chose sainte qui s'appelle :
LA FAMILLE... » Si la thèse de M. de Lapommeraye est mauvaise, si
ses arguments sont faibles, sa brochure contient pourtant çà et là
quelques bonnes pages, réfutations faciles d'exagérations évidentes;
il a trouvé là sa meilleure ressource.
— Venant de parler de Bourdaloue, je puis ajouter ici un mot d'une
courte étude sur cet orateur, publiée, l'année dernière, par M. Poulin.
Dans son avant-propos, l'auteur définit ainsi son objet et annonce ses
divisions : « Après un premier chapitre consacré à étudier Bourdaloue
lui-même, tel que ses œuvres nous le laissent entrevoir, nous essaye-
rons d'indiquer les caractères généraux de son éloquence. Puis, dans
deux autres chapitres, nous établirons qu'il fut un maître dans l'en-
seignement dogmatique, aussi bien que dans l'enseignement moral.
Cela nous amènera à constater ce qu'il y a de pratique dans le but
qu'il se propose, et à caractériser la méthode qu'il emploie pour at-
teindre ce but. » Mais ce que l'auteur n'annonce pas, c'est la connais-
sance intime qu'il a de son sujet et le soin avec lequel son travail est
exécuté. Analyses, appréciations, comparaisons, anecdotes, rien ne
manque de ce qui peut renseigner le lecteur ou raviver son intérêt:
tout est sommairement indiqué. L'auteur se meut à l'aise dans ce
cadre si limité. Ce qu'on ne peut que regretter, car peut-être, s'il se
fût trouvé plus gêné pour les développements nécessaires à son vaste
sujet, aurait-il pensé à se charger de cette édition historique de Bour-
daloue que lui-même réclame quelque part. Emm, de Saint-Albin.
— 238 —
IVouveaux Saiuedîs, par A. de Pontmartin. Quinzième série. Paris,
Calmann, [ évy, 1878, in-I8 j. de 416 p. — Prix : 3 fr. oO.
Ces Nouveaux Samedis ne le cèdent à leurs aînés ni en variété at-
trayante, ni en sûreté de vues critiques, ni en finesse de pen-
sée, ni en élégance de forme. Il j a des pages sur Philarète
Chasles qui sont tout une révélation. M. de Pontmartin nous
montre ce déclassé de première classe en flagrant délit de plagiat, enle-
vant au Journal des Débats un article spirituel sans plus de scrupules
que n'en mettaient les corsaires des Etats barbaresques à enlever les
femmes de Leucate, d'Agde ou de Maguelonne. Ce qui n'empêche pas
M. de Pontmartin de faire ressortir les brillantes qualités littéraires
qui distinguaient Philarète Chasles. Il y a aussi, dans ces Nouveaux
Samedis, des pages ravissantes sur l'auteur de la Fille d'Eschyle, Au-
tran,le grand poëte marseillais, un phocéen moderne, fils de Sophocle
et de Lamartine. Il y a, pareillement, des pages touchantes sur Marie-
Antoinette : les panégyristes de l'infortunée reine de France y
sont loués, en excellents termes, de leur dévouement et de leur gé-
néreux amour de la vérité; les lâches calomniateurs de la fille de
Marie -Thérèse y sont fustigés d'importance. — Signalons, dans un
autre ordre d'idées : une étude sur Venise, où revit le pinceau ma-
gique de Charles Yriarte; un portrait de Daniel Stern (seconde ma-
nière); un très-rigoureux jugement (trop rigoureux peut-être) sur le
poète des Nuits, Alfred de Musset; des articles du plus piquant intérêt
sur Emile Zola et le réalisme bestial, sur Mario Uchard, Jules Claretie,
Gustave Claudin, André Theuriet, Ernest Daudet et les Erckman-Cha-
trian et les romans soi-disant nationaux qui représentent la littérature
d'un parti dont M. Gambetta représente l'éloquence. Mais, à notre sens,
les pages les mieux réussies des Nouveaux Samedis sont une sorte de
récit anecdotique et biographique dans lequel M. de Pontmartin ra-
conte ses relations avec Buloz et la Revue*des Deux Mondes. C'est
écrit à l'emporte-pièce. Mentionnons enfin la mordante critique de
l'ennuyeux drame posthume de M. Charles de Rémusat, intitulé :
Abélard, et une nouvelle étude sur Xavier Doudan, ce « libre-penseur
du grand monde » qui n^a eu que la peine de mourir pour devenir cé-
lèbre. En résumé, les écrivains qui voudront plus tard écrire l'histoire
du mouvement intellectuel français dans la seconde moitié du dix-neu-
vième siècle n'auront qu'à se baisser et qu'à prendre. Les Nouveaux
Samedis leur faciliteront singulièrement la besogne.
FiRMIN BoissiN.
— 239 —
Correspondance de «Iules Janin, publiée par M. de la Fizelière,
avec le concours de M. Clément Janin. Paris, librairie des bibliophiles,
1877, gr. ia-18 de 31G p. — Prix : 3 fr. 50.
Quand on a lu les oeuvres d'un écrivain éminent, on ressentie désir
très-naturel de connaître leur auteur. Rien ne peut mieux aider à la
satisfaction de cette curiosité que sa correspondance; c'est là que,
sans préoccupation du libraire et du public, il se peint tel qu'il est et
bien mieux qu'il ne le ferait dans des mémoires composés avec une
certaine prétention littéraire. La correspondance de J. Janin sera
donc très-bien accueillie du public intelligent qui, si longtemps, a lu
avec empressement les feuilletons de l'aimable critique et qui a con-
servé le souvenir de quelques-uns de ses livres. Au reste, le style de
J. Janin dans ses lettres ne diffère pas sensiblement de son style
comme auteur. L'inépuisable feuilletoniste avait un esprit — si l'on
peut allier ces mots — naturellement un peu prétentieux. Ses lettres
ne seront donc pas citées, peut-être, comme des modèles épistolaires,
parce qu'elles ont, ou plutôt, semblent avoir un certain apprêt. Elles
ne contiennent point d'anecdotes contemporaines, elles n'offrent
guère de reflets des événements politiques, et cependant^ on les lit
avec un grand plaisir, parce qu'elles mettent en rapport avec un
esprit ingénieux et avec un caractère honnête, elles font aimer et esti-
mer celui qui les a écrites. La première de ces lettres est de 1824,1a der-
nière de 1873. Toute la vie littéraire de J. Janin est comprise entre ces
deux dates, et entre ces deux dates se groupent une foule de souve-
nirs, de noms connus à titres divers, qui font revivre le lecteur dans
une longue période de ce siècle. Toutefois, nous l'avons déjà laissé
entendre, l'histoire n'aura pas à chercher beaucoup de renseigne-
ments dans cette correspondance : Janin vivait trop dans sa biblio-
thèque pour s'enquérir beaucoup de ce qui se passait au dehors.
Cependant, il ressentit vivement le contre-coup du Deux-Décembre,
tout en comprenant mieux que ne le feraient ses successeurs actuels
au Journal des Débats, ce qui avait favorisé l'établissement de l'Em-
pire. Dans une lettre à M. de Lacretelle, l'historien, Janin raconte com-
ment il revit, en 1851, Lamartine en présence de qui il ne s'était plus
trouvé depuis le 1er mars 1848, où le poëte s'écriait sous un ciel
splendide : « Je vous fais quelque chose de plus beau que le soleil. »
Lamartine se montra d'abord, à l'égard de Janin, réservé et froid; il
semblait lui garder rancune des malheurs dans lesquels il nous avait
jetés. Cette lettre de Janin m'en a rappelé une de Lamartine lui-
même, lettre bonne à citer et à méditer, où il écrivait : a Nous avons
péché par excès de liberté (je dis nous et non pas moi), en 1848.
La démagogie, qui se repent aujourd'hui, a amené cet inévitable châ-
timent, le despotisme. » {Correspondance, t. VI, p. 448.)
— 240 —
J. Janin eût voulu, au prix de dix ans de sa vie (p. 117), que Lamar-
tine et M. V. Hugo fussent restés les témoins affligés de grandes et
inutiles émeutes. » Qu'eût dit J. Janin, s'il eût vécu jusqu'à nos
jours? Mais il en vit bien assez, car il vécut jusqu'en 1874, et trenabla
pour sa chère bibliothèque, menacée par les communards.
Ce receuil de lettres est impossible à analyser; il faudrait, pour en
donner une idée, en extraire quantité de jolis passages, et la place me
manque ; mais je crois, par ma propre expérience, qu'on lira avec
intérêt tout ce charmant volume, où le traducteur d'Horace montre
plus d'une fois la douce philosophie de son poëte bien-aimé.
Une remarque bien minutieuse (p. 44) : J. Janin parle d'un hasard
providentiel ; s'il eût corrigé l'épreuve de sa lettre, il n'eût certaine-
ment pas laissé accouplés ces deux mots contradictoires. C'est là une
manière de dire que l'on emploie un peu trop souvent, mais il ne
faudrait pas pouvoir s'autoriser de l'exemple de J. Janin.
Th. de PUYMAIGRE.
HISTOIRE.
Die Zeit des Ignatius und die Chronologie der antioehe-
iiischen OiselioTe bisTyranmis. {De l'époque de saint Ignace et de
la chronologie des cvéques d' Antioclie jusqu' à Tyrannus.) Nach Juiius Afri-
canicus und den spàteren Historikern. INebst aine Untersuchung ùber die
Verbreitung der Passio S. Polycarpi im Abendlande. Von Adolf H.uinack.
Leipzig, Hinrichs, 1878, in-12 de iv et 92 p.
La question de la personne et des lettres de saint Ignace d'Antioche
passionne une partie du monde savant en Allemagne. Cet illustre
martyr, l'un des premiers écrivains ecclésiastiques, nous fournit des
témoignages sur quelques-uns des dogmes et des institutions prin-
cipales de l'Eglise. De là son importance et les batailles qui se
livrent autour de son nom. Parmi les difficultés qu'on soulève contre
l'authenticité de ses lettres, il en est qui sont tirées de difficultés chro-
nologiques. Ce sont celles que se propose de résoudre M. Adolphe
Harnack, l'un des savants éditeurs des Pères apostoliques.
Aucune objection sérieuse, dit-il, n'a été élevée jusqu'ici contre
l'authenticité de la tradition d'après laquelle un évêque d'Antioche,
nommé Ignace, fut condamné au deuxième siècle de l'ère chrétienne
au supplice des bêtes et dût être conduit à Rome pour y subir la
mort. Les difficultés imaginées par Néander d'abord, et depuis par
Volkmar ne méritent pas qu'on s'y arrête. Elles sont toutes sans force
— 241 -
contre le fait que les sept lettres qui portent le nom de saint Ignace
sont antérieures à l'époque où vivait saint Irénée. L'éditeur des lettres
de saint Ignace, 'M. Zahn, a très-bien montré dans son livre Ignace
d'Antioche (1873), que les lettres elles-mêmes ne contiennent rien
qu'on puisse alléguer avec raison contre leur authenticité. Quant à la
difficulté chronologique du martyre de saint Ignace, M. Harnack
arrive aux conclusions suivantes. Les dates fournies par Eusèbe, dans
sa Chronique, sont empruntées à Jules Africain. Celui-ci avait donné
les dates par olympiades, manière de compter qui manque de préci-
sion, quand on veut les traduire en années ordinaires, sans rensei-
gnements suffisants. Mais, ce qui est bien plus grave, d'après
M. Harnack, la chronologie de Jules Africain est artificielle et, par
conséquent, ne mérite pas confiance. Il résulte delà que les objections
tirées de cette chronologie contre l'histoire de saint Ignace sont sans
fondement. L'auteur s'eff'orce d'établir ses conclusions par une foule
de considérations et de rapprochements trés-ingénieux, qui montrent
sa connaissance profonde de l'antiquité chrétienne. Q. K.
Le Itévéreiiti S»ère de Ponlevoy, de la Compagnie de
Jésus. Sa vie, par le P. Alexandre de Gabriac, de la même Compagnie,
avec un choix d'opuscules et de lettres. Tome U. Opuscules et lettres. Paris,
Baltenweck, 1878, in-18 j. de x-iJOo p. — Prix : 4 fr.
Dans le premier volume de son ouvrage (t. XX, p. 418), le P, de
Gabriac a raconté la vie du P. de Ponlevoy et nous a fait pénétrer
dans le secret de cette grande âme par la publication de nombreux
fragments de ses écrits. Ici, l'historien s'efface complètement; il
devient simple éditeur d'œuvres laborieusement et pieusement recueil-
lies, disposées dans le meilleur ordre et choisies avec un grand discer-
nement. Ce sont des œuvres ascétiques : des ébauches de méditations,
des canevas de sermons et de retraites, des avis spirituels, des pen-
sées jetées sur le papier. Ces fragments sont réunis sous le titre de
« Mystères » et ont pour objet général les fêtes que l'Eglise célèbre
de la Toussaint au Carême, le Carême et la Passion, Pâques et la
Pentecôte, et différentes dévolions. Viennent ensuite l'abrégé d'une
retraite sur le Courage, un sermon sur le Mélange des bons et des
méchants, et une réimpression de l'intéressante et édifiante notice sur
Mme de Saisseval, femme toute dévouée au bien, l'un des soutiens
de la belle œuvre des Enfants délaissés, qui a fourni pendant la Com-
mune un si providentiel secours aux otages. A la fin sont les lettres :
la correspondance avec la comtesse Chrapowiska, morte en 1876,
avec Mme Whately, protestante convertie, dont il est parlé dans
la Vie; avec M. Antoine de Latour, le traducteur de Silvio Pellico,
Mars 1878. T. XXII, 16.
— 242 —
avec sa femme et différentes autres personnes. Ces lettres sont sui-
vies de fragments de correspondances qu'il était impossible ou inutile
de reproduire intégralement et qui sont classés suivant leurs sujets :
La Paix. Moyens de conserver la paix. — Croix. — Vertus. —
Devoirs. — Dévotions.
Il nous est difficile de donner autre chose qu'une table des matières.
Cette indication suffira à tous ceux qui connaissent'le P. de Ponlevoj
par ce qu'ils ont déjà lu de lui et pour lesquels notre appréciation
aurait peu de portée. Il est, du reste, assez embarrassant de juger
sommairement un ensemble d'œuvres aussi variées et traitées si iné-
galement. On voit qu'elles émanent d'un penseur ; elles font réfléchir
et demandent à être méditées. Tous les mots portent; rien n'est
sacrifié à l'agrément; tout est pour l'utile. Le P. de Ponlevoy a
uniquement cherché le bien et il a trouvé le reste par surcroît. Il
donne là une nourriture substantielle et fortifiante dont nous dirons
volontiers : Goûtez et voyez. Quant à sa doctrine, quant à ses conseils,
il serait puéril à nous d'en donner notre avis. Que de belles pensées
on pourrait citer, exprimées dans une formule simple, nette, vive,
concise qui frappe l'esprit et se grave dans la mémoire. « Plus vous
donnerez de bonheur, plus vous en aurez; plus vous ferez de bien,
plus vous en recevrez (419). » — « Dieu frappe pour toucher,
blesse pour guérir, mortifie pour vivifier (138). » — « Il y a des
choses que je pense savoir, et que pourtant je ne sais pas ; il y a
des choses que je sais et que j'oublie ; il y a des choses que je n'ou-
blie pas, mais que je ne veux pas. Afin d'apprendre ce que je pense
savoir sans le savoir, je dois écouter. Afin de retenir ce que j'oublie,
après avoir entendu, je dois réfléchir. Afin de vouloir, enfin, je dois
prier ; la prière est l'auxiliaire de la parole (134). » Dans les
lettres, quelle délicatesse de sentiments, quelle finesse d'expression,
quelle générosité. Plusieurs contiennent des allusions aux derniers
événements. « La justice d'en haut, » dit-il, à propos de la Commune,
« n'a qu'à laisser faire, l'iniquité s'exécute elle-même (482). » Après
avoir parlé de toutes ses douleurs dans ces tristes jours : « Et cepen-
dant, soyons debout, nous avons des martyrs de plus (484) 1 »
René de Saint-Mauris.
Iteclierches arcliéologiques aur les colonies phéniciennes
établies sur le littoral de la Celtoligurie, par l'abbé J.-J.-L.
Bauges, professeur d'hébreu à la Sorbonne. Paris, Ernest Leroux, 1878,
in-8 de 160 p. accompagné de 8 planches. — Prix: 6 fr.
Après avoir rappelé les colonies fondées par les Phéniciens en
Afrique et en Espagne, l'auteur s'arrête successivement à Pyrène ou
— 2i3 —
lUiberris, Ruscino ou Ruscinus, Narbonne, Heraclea, Nemausus,
Heraclea-Caccabaria, Alonis, TArgentière, Beritini, Portus Hercu-
lis Monœci et Portus Herculis. M. l'abbé Barges décrit chacune
de ces villes, donne leur emplacement, explique Torigine de leur nom.
C'est à tort qu'on cherche l'étymologie de ces mots dans le grec ou
le latin, c'est au phénicien qu'il faut remonter. Ainsi on explique
généralement Monaco par pvoç oïxoç, demeure solitaire. Pour arriver
à la véritable étj^mologie, il faut avoir recours à l'hébreu et au phéni-
cien Ménith, quietem dantcm, qui donne la tranquillité, en remarquant
que le C des Latins et le K des Grecs correspond au Heth des alphabets
hébreu, chaldaïque, syriaque et phénicien. La partie la plus intéres-
sante de ce mémoire est ce que l'auteur dit de Marseille. S'appujant
sur les nombreux monuments retrouvés dans cette ville, notamment
un autel de Baal et la grande inscription phénicienne remise au jour
en 1845, M. l'abbé Barges établit que les Phocéens ne furent pas les
premiers habitants de Massalia, ni ses véritables fondateurs, mais
qu'il faut reporter la fondation de cette ville à deux siècles aupara-
vant. L'auteur explique le nom de Massalia par un mot d'origine
celtique, mas (C. Manere) ; le nom de cette ville signifie dès lors rési-
dence des Salyens. — L'ouvrage se termine par un chapitre fort inté-
ressant sur le commerce des Phéniciens et des Carthaginois avec les
habitants de la Celtoligurie. Armand Gasquy.
Histoire de la ciA'ilisation hellénique, par M. Paparrigopoclo,
professeur à l'Université d'Athènes. Paris, Hachette, 1878. in-8 de 470 p.
— Prix: 7 fr. 50.
Ce volume est le produit d'une étude de trente ans et le résumé
d'un grand travail qui n'a été publié qu'en grec. L'auteur se propose
de montrer l'influence de l'esprit grec sur la civilisation. On croit
généralement que l'histoire grecque finit à la bataille de Chéronée.
La race grecque n'a jamais cessé de marquer dans l'histoire. Mais
jusqu'ici elle n'a pas eu d'historien national; on l'a jugée sévèrement
et, pour ainsi dire, par contumace.
Le premier chapitre est consacré aux temps primitifs, aux consti-
tutions d'Athènes et de Sparte. L'auteur donne la supériorité à Athènes
sur Sparte. Le génie attique est pour lui la plus haute expression de
l'esprit grec. — Supprimez Athènes de l'histoire, dit-il, la splendeur
de la Grèce est obscurcie, l'humanité recule. Supprimez Sparte la
Dorienne, le nom des Hellènes ne perd rien de son éclat. Les vertus
guerrières, ces vertus maîtresses de Lacédémone n'ont pas même été
célébrées par les Spartiates; c'est Hérodote, presqu'un Ionien, ce
sont les Athéniens Thucydide et Xénophon qui les rappellent au
souvenir de la postérité.
La lutte pour riiég-émonie avait livré la Grèce à Philippe; les
divisions qui suivirent la mort d'Alexandre préparèrent la domination
romaine. Mais, suivant l'expression d'Horace, les vaincus triomphaient
de leurs vainqueurs, le génie latin se transforma au contact du génie
grec. Le sol de la Grèce fut souvent foulé par les armées étran-
gères, mais son esprit survit à toutes les ruines et s'empare de tout
ce qui cherche à l'étouffer. Le christianisme fit d'abord la guerre aux
idées grecques. Dans son discours contre les idoles, qu'il intitule
Discours contre les Hellènes, l'évéque d'Alexandrie, Athanase, cou-
vrait leur science de railleries. Clément d'Alexandrie et Justin
montraient, au contraire, qu'une alliance était possible entre le monde
chrétien et l'hellénisme. Saint Grégoire de Nazianze et saint Basile
protestent contre Julien qui veut interdire aux chrétiens les lettres
grecques, et font bientôt dans leurs discours revivre l'éloquence
antique. Les dogmes de la nouvelle religion se fixent au sein de
l'Empire grec, c'est à Constantinople que s'écrit le Credo. Si, par leur
esprit d'investigation, les Grecs provoquaient les hérésies, ils fournis-
saient en même temps ceux qui devaient les combattre avec éclat.
Justinien essaya vainement de faire revivre à Constantinople le monde
romain. Il reconnaissait bientôt lui-même dans ses Novelles que le
grec était la langue de la majorité des habitants de l'empire et il
cédait lui-même à l'influence grecque. Bâtie par un empereur qui
prétendait représenter en Orient le monde romain, Sainte-Sophie
devint le principal symbole de l'hellénisme au moyen âge.
Le professeur d'histoire s'attache à faire voir que la période connue
sous le nom de Bas-Empire ne mérite pasle mépris où on la tient généra-
lement, n nous montre l'activité qui règne alors dans l'Orient, il nous
fait assister aux disputes religieuses, aux luttes des iconolâtres et
des iconoclastes. Au milieu de ces ténèbres, l'esprit grec se dégage et
inspire de grands hommes. Démosthènes n'aurait pas renié l'apôtre Paul
ou Chrysostome, de même qu'Aristophane aurait trouvé un digne suc-
cesseur dans Lucien, et Socrate dans Epictéte. Peut-être même
Agésilas aurait reconnu des émules dans Héraclius et Basile IL
M. Paparrigopoulo se montre sévère pour les croisades, entreprises,
suivant lui, pour soumettre l'église de Constantinople à celle de Rome.
L'empire latin substitué pour quelques années (1204-1261) à l'Empire
grec fut une faute politique. Les Turcs allaient se jeter sur Constan-
tinople affaiblie et menacer toute l'Europe.
Sous la domination ottomane, on vit les deux races, celle des oppres-
seurs et celle des opprimés, rester toujours séparées, ne se mêler en
rien : les Grecs, comme les Slaves, n'acceptèrent qu'en frémissant un
joug insupportable. Les Turcs furent les seuls vainqueurs que les
Grecs ne gagnèrent point à leur civilisation. La guerre de l'indépen-
dance constitua un état insuffisant dans la pensée de l'auteur. De
tristes réflexions terminent son ouvrage. Il se plaint de l'Europe qui
a permis aux Slaves de s'affranchir peu à peu du joug des Turcs et
qui ne favorise pas de même l'émancipation des Grecs.
Le livre de M. Paparrigopoulo se recommande par des vues larges
et nouvelles, un style élégant, une conviction éloquente. Si nous pou-
vons reprocher à l'auteur quelque aveuglement dans son patriotisme
enthousiaste, s'il n'a pas la force de reconnaître que les Grecs d'au-
jourd'hui ne sont pas les véritables héritiers de leurs ancêtres de
l'antiquité, sachons du moins gré au professeur de nous avoir montré
dans son ensemble le développement de la civilisation hellénique et
de nous avoir rappelé qu'Athènes a été l'éducatrice du genre humain
suivant le titre que Cicéron se plaisait à donner à cette ville.
Armand Gasqut.
IL.e tiîvre d'or fpaiiçaîf*. La Mission de Jeanne d'Arc, par Frédéric
GoDEFROY, lauréat de l'Académie. Ouvrage illustré d'un portrait inédit de
la Pucelle en chromolithographie, de quatorze encadrements sur teinte et
quatorze compositions originales imprimées en camaïeu de Claudius
Cappori-Puche. Paris, Ph. Reichel, 1878, gr. in-8 de xii-391 p. — Prix ;
40 fr.
Pour s'être fait désirer, le volume que nous annonçons, n'en recevra
pas moins bon accueil : attendu pour les étrennes, il ne lui manque
que le mérite de l'opportunité, trop recherché de nos jours. M. Gode-
froy ne prétend pas donner une œuvre originale, une étude de pre-
mière main. (( Notre intention, dit-il, n'est pas de refaire dans tous
ses détails la vie de Jeanne d'Arc... Nous voulons surtout, en
utilisant ce qui a été publié de meilleur sur l'héroïne française,
caractériser sa mission religieuse et patriotique et solidement établir
qu'elle fut une vraie sainte. » C'est donc un travail de vulgari-
sation, tendant à faire pénétrer parmi le public lettré, mais non
érudit, les véritables notions sur la vie et la mission de .Jeanne d'Arc.
L'auteur expose cette vie merveilleuse dans un récit intéressant,
coupé par des divisions bien claires, embrassant toutes les périodes
de sa durée : naissance, vocation, voyages, entrée à Orléans, cam-
pagne de la Loire, sacre du roi, siège de Compiégne, captivité,
procès, condamnation, réhabilitation, etc., écrit sous l'inspiration du pa-
triotisme le plus ardent et des sentiments religieux les plus accentués.
Nous ne le suivrons pas dans sa narration, dont les éléments lui sont
fournis par nos meilleurs historiens et par les panégyristes de la
Pucelle, aux fêtes du 8 mai à Orléans. Nous devons surtout faire res-
sortir le cachet particulier de son livre, qui est de montrer la sainteté
de la vierge lorraine, caractère que l'Eglise ne lui a pas encore re-
— 246 —
connu; mais on sait que la cause de sa béatification est introduite
devant le Saint-Siège, et M. Godefroy s'en fait l'avocat éloquent et
convaincu. Il montre qu'elle a accompli une mission divine, qu'elle a
prophétisé, qu'elle a opéré des miracles, qu'elle a subi la mort des
martyrs. Ce n'est pas seulement de la sympathie et de l'admiration
qu'il nous inspire pour Jeanne d'Arc, ce sont des sentiments de pro-
fonde vénération.
Nous ferons suivre nos éloges de quelques critiques. N'y aurait-il
pas certains détails qu'on aurait pu atténuer sinon supprimer dans un
volume appelé à figurer avec honneur sur la table du salon (p. 42,
196, 369, 384). Nous sommes tout disposé à nous ranger à l'opinion
de M. Godefroy sur l'unité de la mission de Jeanne d'Arc et son entier
accomplissement,mais nous craignons que les raisons qu'il donne et que
la manière dont il les présente ne convainque pas le lecteur un peu ré-
calcitrant. Il énumère,dans un chapitre intitulé «Jeanne d'Arc devant
la postérité, » les principaux monuments élevés à l'honneur de la
Pucelle par les écrivains et les artistes : nous nous permettons de le
trouver trop élogieux pour M. Henri Martin, et de lui reprocher
d'avoir donné la tournure afiirmative à des faits présentés sous forme
dubitative dans un travail de M. de Puymaigre dont il s'est inspiré.
Les éditeurs, compositeurs, artistes et graveurs ont droit à une
part d'éloges pour le goût et la beauté des illustrations, l'harmonie et
la netteté de la composition qui ajoutent beaucoup au prix de cette
oeuvre. Notre critique artistique ne serait pas d'un assez grand
poids pour qu'il y ait aucun inconvénient à la supprimer ; ainsi,
sans contester en rien la valeur des compositions originales de
M. Cappori, reproduites en tête de chaque chapitre et se rapportant
toutes à quelque trait de la vie de Jeanne d'Arc, nous exprimons
seulement le regret que l'éditeur se soit écarté de la voie où l'on
est si heureusement entré de nos jours et qu'il ait laissé à la fantaisie,
si artistique qu'elle soit, l'illustration d'une œuvre qui devrait surtout
consister en reproduction de monuments historiques.
René de Saint-Mauris.
Études sur le régime financier de la France avant la
Révolution de I T&*9, par Ad. Vuitry, de l'Institut. Paris, Guillau-
min, 1878, gr. in-8 de xii-540 p.— Prix : 10 fr.
Des deux études qui composent ce livre, la première, celle qui
traite des anciens impôts romains dans la Gaule, du sixième au dixième
siècle, et de leur transformation en redevances féodales, est déjà
connue des lecteurs du Polybiblion. L'auteur en avait fait l'objet, en
1874, d'une publication spéciale et nous nous étions empressé dès lors
— 247 —
de la signaler à leur attention (t. XI, p. 14). Nous nous bornerons
aujourd'hui à rappeler son titre pour nous occuper particulièrement
de la seconde. Aussi bien, est-elle à tous égards la plus considérable.
Elle est consacrée au régime financier de la monarchie féodale depuis
Hugues Capet jusqu'à Philippe le Bel.
A toutes les époques, l'examen sérieux des institutions financières
d'un pays ne peut se séparer de la connaissance de son état social.
Vraie, au point de vue le plus général, cette observation se trouve
d'une exactitude plus rigoureuse encore quand on l'applique à l'époque
féodale, qui a pour caractères distinctifs la fusion de la souveraineté
et de la propriété, l'attribution au propriétaire du sol, sur les habi-
tants de ce sol, de tous ou de presque tous les droits qui ne sont
exercés aujourd'hui que par le gouvernement. M. Vuitry a donc jugé,
et avec raison, qu'il convenait de commencer par initier au moins
sommairement ses lecteurs à ce qu'était la féodalité. La condition des
personnes et la condition des terres, le Pouvoir seigneurial, le Pouvoir
royal font l'objet des trois premiers chapitres, dont le savant et cons-
ciencieux auteur a su puiser les éléments aux sources les plus autori-
sées. Abordant ensuite son sujet principal, il constate que, aux onzième,
douzième et treizième siècles, le revenu des rois provint presque
exclusivement de leur domaine, formé tant des terres dont ils avaient
la propriété, que des droits féodaux de toute nature appartenant à la
couronne. L'étendue du domaine royal, la nature et l'importance de
ses recettes ainsi que leur administration constituèrent tout le système
financier de l'époque, de même que Taccroissement de ce domaine en
fut le fait le plus considérable, le seul à peu près qui mérite d'être
signalé. En 987, les territoires dont Hugues Capet avait la posses-
sion directe, ne comprenaient que seize prévôtés groupées autour de
la capitale ; à la mort de Philippe le Hardi, le nombre des prévôtés
s'élevait à deux cent soixante-trois, répandues des rives de la Manche
à celles de la Méditerranée, des bords de l'Océan presque au pied des
Vosges. M. Vuitry n'a pas reculé devant l'entreprise ardue de recher-
cher et d'indiquer, règne par règne, les annexions de fiefs et de
seigneuries, les extensions de suzeraineté que les conquêtes, les con-
fiscations, les traités, les contrats, les conventions matrimoniales
assurèrent à la couronne et qui, sur la fin du treizième siècle, avaient
comme reconstitué l'unité territoriale de la France. Cette partie du
livre est, à notre sens, la plus neuve en même temps que la plus com-
plète. L'énumération détaillée des redevances, droits, taxes, percep-
tions de toute espèce, composant les revenus tant ordinaires qu'extra-
ordinaires du trésor royal, forme le sujet du chapitre v. Le chapitre
suivant est consacré aux monnaies, à leur fabrication et à leur admi-
nistration.
— 248 —
Enfin, dans les trois derniers chapitres, l'auteur étudie le budget
de la royauté féodale et arrive à cette conclusion que, tandis que
de 987 à 1285 tous ses pouvoirs, législatif, exécutif, judiciaire, mili-
taire même s'étaient accrus au point qu'elle jouissait à ces divers
égards d'une suprématie désormais incontestée, la situation fiscale
seule ne s'était pas sensiblement modifiée et qu'il n'existait pas encore
de dépenses générales, de grands services publics, non plus que de
contributions destinées à y faire face.
M. Vuitry a pris soin de caractériser et de définir lui-même le but
qu'il s'est proposé. Dans la période reculée, qu'embrasse son premier
volume et qu'il considère comme appartenant à l'archéologie plus
encore qu'à l'histoire, il n'a pas eu la pensée de compléter ni de recti-
fier les travaux de Térudition moderne ; ce qu'il a voulu, c'est exposer
d'après ces travaux les origines, la formation, les développements de
notre régime financier, et chercher à dégager des résultats acquis
les principes de ce régime. La haute compétence administrative du
savant membre de l'Institut, les qualités de son esprit précis à la fois
et méthodique le disposaient plus que tout autre à cette œuvre difficile
de synthèse, dans laquelle il nous semble avoir pleinement réussi.
Comte de Lucay.
Études «économiques sur l'Alsace ancienne et moderne,
publiées sous les auspices de la Société industrielle de Mulhouse, par
l'abbé A. Hanauer. Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1876-1878, 2 vol.
in-8 de o96 et 616 p. — Prix : 18 fr.
M. l'abbé Hanauer, déjà connu par plusieurs ouvrages considéra-
bles sur l'histoire d'Alsace, dont l'un a été couronné en 1865 par l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres, vient de terminer un livre qui
oôre un grand intérêt aux numismatistes et aux économistes.
Le premier volume est consacré à l'histoire des monnaies ; le se-
cond aux denrées et aux salaires ; l'un touche surtout à la numisma-
tique, l'autre à l'économie politique.
Il serait difficile de faire un ouvrage plus complet sur l'histoire de
la monnaie en Alsace, principalement sur les pièces émises à Stras-
bourg et à Bàle. M. l'abbé Hanauer dit quelque part que personne ne
tentera de refaire son livre et j'estime qu'il a raison. Il ne manque
plus que de voir un numismatiste décrire dans un recueil spécial
toutes les monnaies qui se rattachent à l'œuvre du savant et infati-
gable abbé. Nous croyons savoir que Fauteur de cet ouvrage supplé-
mentaire n'est plus à chercher.
Après avoir exposé dans un premier chapitre les notions théoriques
indispensables au lecteur et les procédés usités pour déterminer la va-
leur des monnaies, l'auteur fait un rapide mais complet résumé his-
— 249 -
torique des ateliers alsaciens et de celui de Bàle; il consacre ensuite
un chapitre au personnel préposé à la fabrication, d'abord les mon-
najeurs, puis à la cour française des monnaies. Je ne crains pas de
dire que ce chapitre est un des plus intéressants dans son genre; il fait
connaître clairement l'organisation de cette puissante corporation qui
disparaît en fait, en 1437, minée par les magistrats municipaux de
Strasbourg. — La production des métaux précieux, qui comprend
l'histoire des mines d'Alsace, le change et le commerce de ces métaux;
la fabrication et le rendage ; la valeur des monnaies d'Alsace et de
celles qui étaient reçues dans la province forment autant de questions
traitées chacune dans un chapitre spécial avec un véritable luxe de
recherches et d'érudition. Le premier volume est terminé par l'histoire
des taux de l'intérêt et des banques sous le titre général de Capital.
Le second volume est un vaste recueil économique, une statistique
de tout ce qui s'échange contre une somme d'argent : les denrées ali-
mentaires, l'éclairage, les vêtements, le bâtiment, les salaires, etc.,
surtout à dater du quinzième siècle jusqu'à Tépoque moderne. M. l'abbé
Hanauer a très-judicieusement commencé son enquête par la réduc-
tion, suivant le système métrique, de toutes les anciennes mesures de
l'Alsace. Et remarquons que nous ne sommes pas ici en présence d'une
série de tableaux, d'une sèche énumération; l'auteur a su rendre
lisible cette effrayante collection de textes et de citations en faisant
sobrement, mais cependant d'une manière complète, l'histoire de chaque
objet.
Nous n'avons pas encore dit quel était le but que se proposait le
savant auteur de YHistoiré des paysans d'Alsace en se livrant pendant
plusieurs années aux recherches pénibles et multiples qui l'ont conduit à
publier ces deux beaux volumes. Il a voulu arriver à préciser autant
que possible les variations du pouvoir de l'argent dans sa province. Il
a tenté de fournir les moyens de déterminer la valeur d'une somme
donnée d'argent, depuis le quinzième jusqu'au dix-neuvième siècle. 11
n'y est parvenu que d'une manière approximative, il a fourni les élé-
ments de serrer de près la solution d'un problème qui, nous le croyons
échappera peut-être toujours aux recherches des économistes. On
arrive à estimer le pouvoir de l'argent dans une localité, à une cer-
taine date sur laquelle on aura assez de données exactes ; mais si on
généralise, on risque de s'égarer. Ce qui peut être constaté en Alsace
diffère de ce qui touche à la Lorraine, à la Bourgogne, encore plus aux
provinces plus éloignées. M. l'abbé Hanauer a eu la chance, pour son
pays, de trouver un nombre considérable de renseignements statis-
tiques, mais ailleurs il arrive souvent que l'on en manque. Du reste,
il semble que l'auteur, à mesure qu'il a avancé dans son travail, a
rencontré des difficultés graves qu'il n'avait peut-être pas prévues au
— 230 —
début. Dans ce livre remarquable, qui restera certainement, qui sera
souvent lu et relu, on reste surpris de ne pas trouver des conclusions
plus précises, mais simplement un tableau final donnant en chiffres,
même approximatifs, Ténumération des monnaies alsaciennes, avec
l'indication de leur valeur, année par année, en ayant égard au pou-
voir de l'argent. J. de M.
I^es Curiosités de l'iiîstoire. — Le Roy des Ribauds, disser-
tation de du Tillet, Claude Fauchet, de Miraumont, Etienne Pasquier, de
la Mare, du Cange, Gouye de Longuemare, l'abbé Lebeuf, de Bonnevie,
bibliophile Jacob, etc., recueillies et collationnées sur les textes originaux,
par Ludovic Pichon. Paris, Claudin, 1878, petit in-8 écu de xv-i74 p.
— Prix : 7 fr. 50.
Ce volume, imprimé avec élégance, n'a été imprimé qu'à 250
exemplaires numérotés, dont 10 sur papier de Chine. Il aborde une
question fort curieuse. Qu'était-ce que ce roi des Ribauds, exerçant à
la cour des rois de France une charge dont les attributions sont res-
tées peu connues? Quelle était l'étendue de son autorité? De quels
droits jouissait-il? Il y a là un problème singulier, et quelques cher-
cheurs se sont efi"orcés de le résoudre. M. L. Pichon a eu l'heureuse
idée de réunir ce qui a été écrit de plus sérieux à cet égard ; il a
remis au jour des dissertations éparses dans des livres rarement
feuilletés, dans des recueils qu'il n'est pas toujours facile de consulter.
Il a sagement laissé de côté ce qu'ont avancé divers auteurs qui, sans
aborder des recherches nouvelles, se sont bornés à reproduire ce
qu'avaient dit leurs devanciers ; indiquons les témoignages qu'il a
reproduits : Du Prévost de Vhostel du Roy, extrait de l'ouvrage de Jean
du Tillet : Recueil, des roys de France, lem^s couronne et maison (Paris,
1602). — Bu Roy des Ribaux, emprunté aux Œuvres du président
Claude Fauchet (Paris, 1610) ; — Le Prévost de l'Hostel et grand Prévost
de France, par Pierre de Miraumont (Paris, 1615), livre devenu
d'une rareté extrême ; — Le Roy des Ribaux, extrait des Recherches de
la France, d'Estienne Pasquier (Paris, 1655); — Le Roy des Ribaux,
extrait du Traité de la police, par de la Marre (Paris, 1705-1738, 4 vol.
in-fol.); — De Rege Ribaldorum, extrait du Glossarium de du Cange; —
Les Éclaircissements sur la charge du Roi des Ribauds, ^Sir GouYe de
Longuemarre (1748); — La Lettre adressée au Journal de Verdun, par
l'abbé Lebeuf (novembre 1751), sur le Roi des Ribauds ; deux autres
lettres dans le même journal, avril 1752. Le recueil dont il s'agit se
termine par des travaux plus récents. Vient d'abord la Brève disser-
tation mise par M. Paul Lacroix (le bibliophile Jacob) en tête de son
roman intitulé : Le Roi des Ribauds (publié d'abord en 1831), roman
qui raconte l'avènement de François 1" au trône de France ; vient
— 251 —
ensuite le travail bien plus développé dû également à M. Lacroix et
inséré dans le volume qu'il a intitulé : Curiosités de rHistoire de
France (Paris, 1853).
Après avoir pris connaissance de ces divers écrits, on aura épuisé
tout ce qu'il est posible de savoir au sujet de l'étrange monarque qui,
pendant plusieurs siècles et à des époques fort éloignées de la civili-
sation actuelle, exerçait une autorité étrange sur les bas-fonds de la
cour de nos rois. B.
BULLETIN
Recherches sur le Oimanehe, par M. P. Lescdyer. Sainl-Dizier,
1877, in-8 de viii 253 p. — Prix : 2 fr. 50.
On trouvera dans ce volume la question du repos dominical étudiée sous
tous ses aspects. Dans la sphère de l'autorité, la loi divine, les législations
humaines, Jes témoignages des penseurs; dans le doriiaine de la raison, les
besoins du corps et les besoins de l'àme sont tour à tour invoqués. L'auteur
démontre combien il est nécessaire à l'homme de secouer parfois le joug du
travail servile qui userait ses forces physiques et atrophierait ses forces
intellectuelles et morales, pour développer à leur tour les facultés correspon-
dant à ce qu'il y a d^i noble et d'élevé dans sa double nature.
Après la raison d'être de ia loi, viennent les devoirs qu'elle impose et,
enlin, des notes et citations nombrr'uses, défilé des témoins souvent les plus
inattendus dont les té uoignages font de ce livre nonseulennent un chaleureux
plaidoyer en faveur du repos du dimanche, mais encore une sorte d'eacy-
clopédie de tout ce qui a été éjrit à ce sujet depuis l'antiquité la plus loin-
taine. G. n'A.
I^e Xraiiaîl d'une âme, par M"" AcG. Craven. Paris, Didier, 1877,
gr. in-18 de 135 p. — Pnx : 2 fr.
L'bistoire que raconte M"* Craven peut se résumer en deux mots : c'est
celle d'une jeune fille anglicane, qui fut, comme bien d'autres, touchée
delà grâce, en entrant dans une église : craignant de suivre en aveugle ce
mouvement du cœur, elle entreprit de raisonner sa foi. Une pensée l'avait
frappée : c'est l'absence de l'autorité, dans l'hérésie ; ce fut le point de dé-
part de son travail, qui n'aboutit qu'à une chose, à lui faire voir plus clai-
rement le vide de l'hérésie. Plus d'une fois elle s'arrêta en chemin, attirée
par une de ces sectes nouvelles qui sf. rapprochent du catholicisme, sans oser
le reconnaître, puis, frappée de leur insuffisance, elle ne faisait que douter
davantage. Il fallut qu'une amie catholique, instruite de son état, la con-
duisît de nouveau au pied de l'autel. C'est là que Dieu l'attendait. — Les
fragments d'écrits de cette jeune lille forment la portion principale du
livre, qui doit cependant beaucoup à l'autorité de l'auteur et au mérite de
son style. G. P.
— 2o2 —
Ij'iîi.mour, par M. le clicvaliet' de Maynard, conseiller de préfecliire du la
Manche, membre de l'Inslitut des provinces. Paris, Didier, 1877, in-12 de
d44 p. — Prix : 1 fr. oO.
Nous ne voudrions faire aucune peine à M. le clievalierdeMaynard.il a
évidemment les meilleures intentions du monde. Mais, avecli prédisposition
d'esprit qu'il nous parait avoir à l'excentricité, nous doutons fort que son
livre sur V Amour lui ouvre jamais les portes de l'Académie française, quoi-
qu'il soit déjà membre de l'Institut des provinces. M. le chevalier de
Maynard, dans son opuscule, considère l'amour sous tous ses aspects : amour
physique, amour sensuel, amour interlope, amour illicite, amour permis,
amour conjugal, amour paterne], amour filial, amour fraternel, amour du
prochain, amour de Dieu. Certes, M. de Maynard s'élève avec force contre les
amours illicites; mais, sous prétexte de blâmer le vice, on pourra trouver
qu'il le décrit un peu trop complaisamment. Il entre môme dans certains
détails d'une crudité naïve qui, tolérables dans un ouvrage de médecine,
ne sont pas de mise dans un livre didactique — lequel (autre manque de
tact) se termine par une hymne au Sacré-Cœur. En résumé, l'essai sur
l'Amour de M. le chevalier de Maynard est un mélange d'aperçus vrais, d'idées
bizarres, de pensées profondes, de poésies mirlitonesques, de développements
raisonnables, de lubies ridicules, d'observations justes et de descriptions
presque indécentes. F. B.
lie Trésor des Incas « la Xerre-de-Fen {Aventures et voyages dans
l'Amérique du Sud), par E. Pertujset. Avec cartes, portrait et pièces jus-
tificatives, Paris, Dentu, 1877, in-18 j. de 324 p. —Prix : 3 fr. 50.
M. Pertuiset, le hardi voyageur, inventeur des balles explosibles, a quelques
points de ressemblance avec les Argonautes. Comme eux, il s'est mis
à la recherche d'une nouvelle Toison d'or. Ce n'est rien moins que le fameux
trésor que les Incas auraient enfoui, à l'approche de Fernand Cortez.
Devenu la propriété d'un Indien dépositaire des secrets des anciens adorateurs
du soleil, le trésor des Incas serait aujourd'hui caché sur la côte delà Terre-
de-Feu, au pied du mont Sarmiento, en face de la baie Ville. Inutile de dire
que M. Pertuiset n'a pas découvert le mystérieux trésor; mais, ce qui vaut
peut-être mieux, il a très-sagacement exploré un pays curieux, plein de
richesses géologiques, où, avant l'Argonaute français, nul voyageur n'avait
encore sérieusement mis le pied. De là, le livre que publie aujourd'hui
M. Pertuiset: livre intéressant au possible, rempli d'aventures merveilleuses,
d'investigations utiles et de renseignements précieux sur la vie, les mœurs,
les habitudes des tribus sauvages de l'Amérique méridionale. Évidemment
M. Pertuiset a rimaginalion ardente d'un Uaousset-Boulbon ; il est possédé
par l'attrait du merveilleux; il consulte même sur les trésors cachés la
science occulte des somnambules. Mais on lui pardonne aisément ces travers
en présence du côté vraiment positif et vraiment profitable de son œuvre. Il
ne faut pas oublier qu'au seizième siècle la recherche du fabuleux Eldorado
a fourni l'occasion des plus importantes découvertes du Nouveau Monde. F. B.
Forces matérîelSes de l'empire d'Allemagne d'après les docu-
ments officiels, par M. Legoyt. Paris, DenlUj 1877, gr. in-18 de oOO p. —
Prix : 5 fr.
Le livre de M. Legoyt approfondit jla situation actuelle de l'Empire alle-
mand dans une série d'études dont les titres : population, — agriculture, —
— 253 —
industrie, — finances, — forces militaires suffisent pour caractériser le but
que s'est proposé l'auteur. Laissant de côté lesquestions politiques, il donne
sur tous les poiuts des éléments très-complets de statistique, et des rensei-
gnements de toute nature, suffisants pour bien mettre eu lumière le
mécanisme des institutions passées en revue : établissements de crédit,
chemins de fer, système financier, organisation de l'armée, etc.
Ce livre parait écrit avec l'idée arrêtée de montrer nettement les choses
telles qu'elles sont, sans s'inspirer d'aucune de ces illusions qui, pour avoir
souvent leur cause dans un sentiment de patriotisme, n'en sont pas moins
dangereuses dans leurs effets. Si les tableaux qui y sont retracés ne satisfont
pas entièrement notre amour propre national, ils nous enseigneront, ce qui
vaut mieux, ce que nous avons à faire pour ne pas rester, vis-à-vis de
voisins redoutables, dans un état de constante infériorité. G. n'A.
ti'Évangîle interprété selon l'esprit de Jésus-Christ, par
G. DoMiNi DE Feret. Paris, Sandoz et Fischbacher, 1877, in-12 de 159 p.
Prix : 2 fr.
Ce livre est une interprétation symbolique et scientifique de Jésus-Christ.
D'après le titre, l'interprétation est faite selon l'esprit de Jésus-Christ; il eût
été plus exact de dire selon l'esprit de l'auteur. La pensée de M. de Feret
est vague et peu claire ; mais il suffit de rapporter quelques-unes de ses
paroles pour dispenser de toute appréciation. Le chapitre premier s'ouvre
ainsi : « Livre de la Genèse du Verbe fait homme, du Sauveur et Roi, fils
du saint amour, fils de l'Esprit père des peuples.... Voici comme nait le
Verbe Sauveur et Roi : L'homme du progrès aime l'Église où réside la
science sublime, et il veut, en son àme, la prendre pour fiancée. » La con-
clusion, c'est encore l'enseignement de la science : « Toute puissance m'est
donnée sur le vulgaire et parmi les saints. Allez donc et enseignez toutes
les sociétés, les purifiant dans la science de Dieu, Père des Sages! >i
C. J.
Allarme pei cattolici, ossia nclla condotta prmlenle e generosa dei
cattolici nella présente lotta délia rivolicionc contro lareligione osservazioni
di LuiGi NicoRA. Milano, 1877, in-8 de iv-138p. — Prix : 1 fr.
Alerte aux catholiques! Ce titre seul dit la pensée de l'auteur. Il discute
les prétextes qui conseillent aux catholiques la prudence et l'inaction et les
motifs qui doivent leur persuader d'agir. L'argumentation est serrée et
fort bien conduite. Il va sans dire que la conclusion finale est qu'il faut
agir. L'auteur remarque avec raison que la lutte présente n'est pas locale
et politique, mais universelle et sociale. E. P.
I*ie IX, sa -vie, sa mort, souvenirs personnels, par le comte d'IoE-
viLLE, ancien secrétaire d'ambassade à Rome, Paris, Palmé, 1878,
gr. in-i8 de 137 p. — Prix : 1 fr.
M. le comte d'Ideville retrace ici, non-seulement la vie et les actes de
Pie IX, mais il peint son caractère, il nous montre sa physionomie si pleine
de bonté, de grâce, de finesse, à l'aide de souvenirs recueillis par lui, de
1862 à 18(36, pendant son séjour à Rome comme second secrétaire d'ambas-
sade. Cet opuscule, écrit d'une plume alerte et expérimentée, sera lu avec
— 2o4 —
un vif intérêt et on y trouvera plus d'un trait que les historiens du grand
et saint Pontife devront recueillir. B.
La Martinique. Eludes sur certaines questions coloniales, par M. Théo-
phile Hue, professeur à la faculté de droit de Toulouse, ln-8 de 144 p.
Paris, 1877, Cotillon et Challamel. — Prix 4 fr.
M. Hue a deux bonnes intentions : il croit que les colonies comme les
Antilles doivent être assimilées à la mère patrie, et il s'indigne contre les
tendances séparatistes qu'un écrivain de la Revue des Deux Mondes n'a pas
craint d'afficher, il y a peu de temps (n° du 1" avril 1877). Son écrit ser-
virat-il beaucoup la cause des colonies? Nous en doutons, en voyant l'au-
teur attribuer une intluence capitale primant toutes les autres au dévelop-
pement de l'instruction primaire, à la transformation du collège de la
colonie en lycée et surtout à la création d'une académie locale. Dans la suite
viennent des questions que nous croyons plus importantes, comme celle
du travail agricole et du régime des sucres ; mais le début enlève singu-
lièrement d'autorité à cet opuscule, qui est fait d'ailleurs exclusivement
de seconde main.
I*etite antlioIo§rie des poètes de là Drôme, par Jules Saint-
Remy. Valence, imprimerie de Chenevier, 1873-1876-1877, 3 fascicules,
in-8 de 54, 49 et 45 p.
Il serait à désirer que, dans chaque province de France, on fit un travail
analogue à celui que M. Saint-Remy vient d'exécuter pour son pays natal,
sous le titre de Petite anthologie de la Drame. M. Saint-Remy a publié trois
fascicules intéressants. La premier est consacré atix poètes qui vécurent du
seizième siècle à la Révolution; 1 e second part de la Révolution et va jusqu'à
nos jours ; le dernier embrasse l'époque contemporaine. Chaque poète est
le sujet d'une notice biographique, critique et bibliographie à la suite de
laquelle sont indiqués les ouvrages consultés, viennent ensuite des citations
propres à faire bien connaître le genre et le talent du poète dont il a été
parlé. Le premier portrait qu'otfre cette galerie est celui d'Antoine le
Masson ; ni lui ni les autres rimeiirs qui se succèdent jusqu'à la fin du
dix-huitième siècle ne peuvent exciter grande admiration; mais enfin ils ne
devaient pas être omis. La seconde partie commence par ce Lebrun Tossa qui
figure si justement dans le Dictionnaire dts girouettes, et qui s'attira cette*
épigramme :
C'est un sot que Lebrun Tossa.
Hélas ! oui. Mais le pauvre hère
Se fâche quand on lui dit ça.
Il est donc toujours en colère.
Il ne faudrait pas par ce personnage juger de tous les poètes qui le
suivent; plusieurs d'entre eux ne manquent certes pas de mérite, tel sont
Dupré de Loire, auteur d'un poème sur Charles-Martel; Anne BignaJi, à qui
une pièce sur VInvention de rimprimerie valut un accessit de l'Académie
française ; Antonin de Sigoyet, dont M. Saint-Remy rapporte de fort beaux
vers; M"' Genton, s'inspiraQt un peu trop de gloires impériales; l'abbé
de Veyrenc, auteur de jolies fables; Melchior des Essarts, l'un des brillants
collaborateurs de la Revue du Lyonnais.
La troisième partie commence par une notice sur M. Emile Augier, dont
M. Saint-Remy cites de charmantes stances. Après un article sur Charles
— 253 —
Chancel, nous retrouvons le nom de des Essarts qui figure d^jà dans le
fascicule précédent. Léonce des Essarts, disciple de Théophile Gautier, est
le frère de Melchior, mort durant la terrible guerre de 1870. On remarque
encore dans cette dernière partie quelques écrivains très-dignes de souvenir:
M. Gallet, l'auteur de plusieurs libretti et de divers romans; le comte
Monier de la Sizeranne; le commandant Perroussier, souvent couronné aux
Jeux floraux; Adèle Souchier, dont Joséphin Soulary remarquales essais dans
la Revue du Lyonnais. Le dernier poète de cette série est M. Morice Viel,
dont de jolis vers terminent le travail fort bien fait de M. Saint-Remy.
Th. p.
La Guerre aux. jésuites ou les Jésuites et la persécution, par le R. P.
Félix. Paris, Roger et Chernovitz, 1878, in-18 de 108 p. — Prix 1 fr.
Dans un discours, dont la publication en brochure est très-opportune,
l'éminent orateur considère la Compagnie de Jésus sous l'aspect qui la fait
ressembler davantage à l'Église et au divin Maître dont les jésuites ont si
fièrement arboré le nom. Comme l'Église et avec l'Église, la Compagnie de
Jésus est persécutée toujours, partout et en tout. Le développement de cette
triple affirmation remplit la première partie. La seconde partie donne l'ex-
plication du phénomène constaté dans la première : Qui nous persécute ?
Comment on nous persécute ? Pourquoi on nous persécute ? Telles sont les
trois questions auxquelles le P. Félix répond, et d'une façon péremptoire.
E. DE L.\. D.
VARIETES.
PUBLICATIONS DE LA CLARENDON PRESS
Pendant que YEarly Tcxt Society édite, à lusage des savants, les anciens
monuments de la littéi'ature anglaise, les délégués de la Clcrendon Press à Ox-
ford ont entrepris, pour les écoles secondaires, une série d'ouvrages destinés
à répandre le goiit des études philologique-^ et historiques, en en offrant les
résultats principaux, sous une forme agréableet sérieuse à la fois. Ce sont ces
petits volumes que je voudrais essayer défaire connaître aujourd'hui.
i. The philology of the english langue, b y John Earlc. In-i2 de vni-679
pages.
Cet excellent ouvrage traite en détail de la furmatiun de la langue an-
glaise ; il explique la part qu'y ont prise le danois, l'anglo-saxon, l'allemand,
le français et le latin ; étymologie, syntaxe, prosodie, tout est discuté,
éclairci, illustré par de nombreux exemples. M.Earle nous donne d'abord un
tableau historique de l'origine et de la formation de l'anglais, faisant res-
sortir avec soin la révolution introduite par la conquête normande daas le
vocabulaire, aussi bien que dans l'administration tt les institutions politiques.
Le résultat de cet événement fut de réduire l'anglo-saxon au rang d'un
dialecte, et d'en faire seulement le langage du peuple; aussi advient-il
que, si l'on prend liOO et 1350 comme dates extrêmes, on verra que les au-
teurs appartenant à cette longue période n'ont, en fait de style, aucune uni-
formité, chacun se servant de son patois particulier, si je puis m'exprimer de
la sorte. 11 est très-intéressant de suivre dans le petit volume de M. Earle
les changements successifs qui modifièrent la langue anglaise depuis la
poésie tant soit peu barbare de Cœdmon jusqu'aux contes de Chaucer.
- 2o6 -
2. Tijpical seleciions from thc hest English wi'lters^ xvitli, inlroduciiorij no-
tices. Vol. I. Latimer, 1490. Berkely, 1084. In-12 de xu-448 pagps. — Vol. H.
Pope, 1688. Macaulay, 1800. In-12 de xi-4rj4 pages.
Cet ouvrage, destiné à servir de livre de lecture, ne nous arrêtera pas long-
temps ; on y trouve des extraits tirés de cinquante-neuf écrivain;, précédés
de notices biographiques et critiques. Les morceaux sont, en général, choisis
avec discernement, et les not'ces ont été rédigées par des aut'iurs favorable-
ment connus du public, tels que le doyen de Westminster, le professeur de
théologie à Oxford, etc.
3. Spécimens of Earlp English, with introduction, notes, and glossarial in-
dex, by tlie Rev. Ridiard Morris, and thc Uev. Walier W. Skeat. Part I,
from Robert of Gloucester toGomer, 1298-1393. In-12 de XL-4U0 pages.
Les extraits d'anciens auteurs que l'on trouve dans les recueils choisis
sont nécessairement très-courts, et, par conséquent, on ne saurait y étudier
l'histoire de la langue. Il vaut beaucoup mieux renoncer à ces encyclopé-
dies ou anthologies qui étaient à la mode il y a un demi-siècle, et dont les
compilations de Noël et Delaplace sont chez nous les plus conniies. Consacrer
à chaque époque un volume distinct, de manière à avoir ses coudées fran-
ches, à rendre les citations moins écourtées, et à en multiplier le nombre,
c'est là le procédé le plus satisfaisant, c'est celui qu'ont adopté MÎVL Brachet et
Réaume en France, et MM. Morris et Skeat en Angleterre.
Le petit volume dont il s'agit ici est un modèle du genre ; il est précédé
d'une introduction grammaticale, aussi claire que substantielle, qui résume
les principales règles de l'ancienne langue anglaise, et qui permet à l'éco-
lier d'aborder immédiatement les textes du quatorzième siècle; le glossaire
imprimé à la fin du livre explique d'ailleurs tous les mots ditliciles, et résout
les problèmes étymologiques otferts par le texte. Quant aux passages édités,
ce sont des narrations assez étendues et faisant un tout complet, des spé-
cimens de traduction de la Bihle, des apologues, des réflexions morales, des
homélies, des poèmes descriptifs, dos satires. L'extrait du roman de William
of Paterne ne comprend pas moins de 380 vers, et Wyclif est représenté par
les sept premiers chapitres de l'évangile selon saint Marc. Les notes sont
très-intéressantes, et donnent quelquefois des particularités curieuses sur la
littérature comparée. Ainsi, à propos du roman de William of Paterne que je
viens de citer, il est bon de voir combien la version anglaise est supérieure
au texte français, au point de vue de l'imagination, du goiit et du talent poé-
tique. Citons un seul passage comme exemple :
Uns vachiers qui vaches gardoit,
Qui en cils forest nianoit,
El Ijois estoit avoec sa proie,
I chien tenoit en sa coroie,
De pasture la nuit repaire ;
Li chiens senti l'enfant et flaire,
Forment abaie, et cil le tue.
Si maintenant on se reporte au volume de MM. Skeat et Morris, on trouvera
que cette description assez maigre est développée dans l'anglais de manière
à former un petit tableau de trente-trois vers, très- délicatement touché.
D'un autre côté, le traducteur, ou plutôt l'imitateur anglais supprime, çà et
là certains passages, en abrège d'autres, enfin ne se gène pas pour traiter à
sa guise la légende de Guillaume et du loup-garou.
4. Spécimens of English literature form thc Ploughman's Crcde tothe Shcp-
heardc's calcnder. 1 394-1 o79, ivilh introduction, notes and glossarial index, by
the Rev. Wallcr W. Skcal.
— 257 --
Ce volume fait suite au précédent, et est composé sur un plan exactement
semblable. M. Skeat reproche, avec beaucoup de jusiesse, aux recueils choisis,
qui 'étaient naguère si courus, non-seulement de donner des extraits trop
insuflisant?, mais encore d'habiller les textes des anciens auteurs dans un
costume du dix-neuvième siècle. Pourquoi moditier l'orthographe, quand vui
peu d'habitude sufUt à la rendre très-intelligible ? Pour.iuoi reculer devant
deux ou trois lettres, aujourd'hui tombées en désuétude, il est vrai, mais dont
on peut apprendre l'usage et la valeur au bout de quelques minutes
d'étude? M. Skeat s'attache à prouver qu'il n'y a jamais eu, dans le dévelop-
pement de la langue anglaise, d'interruption brusque, de transformation
subite. Le passage de l'idiome du temps d'Alfred à celui de l'époque actuelle
s'est fait peu à peu, par l'action naturelle et imperceptible de la civilisation ;
aussi les limites assignées à la période dont le présent volume s'occupe
sont-elles tout à fait arbitraires. M. Skeat commence par le Credo de Piers
the Flougman, tout simplement parce que le recueil précédent se terminait
à une date un peu plus ancienne ; il termine avec l'année 1379, par la raison
que VEeuphues de Lily et le Calendrier du berger de Spenser virent le jour à
cette date précise, et aussi parce que la littérature anglaise entra alors dans
une époque de renaissance véritable. Les ouvrages importants publiés entre
1360 et 1380 ne .'ont pas nombreux ; de 1380 jusqu'à la tin du seizième
siècle, au contraire, on peut signaler en tout genre des compositions hors
ligne: — les drames de Marlowe, la traduction du Tasse par Fairfax, les
poèmes de Daniel, VArcadic de sir Philip Sidney, la Reine des fées de Spen-
ser et plusieurs chefs-d'œuvre de Shakespeare. Dès lors, l'époque des speci-
mens est passée, et les ouvrages qui réclament notre attention ne peuvent
plus se faire connaître d'après des échnntillons, même d'une certaine
étendue.
3. The Vision of William concernimj Piers tlic Plowman, by William Lan-
gley (ofLangland) edited by the Rev. Walter W. Skeat. In-12 de xlvii-2H pages.
En rendant compte des publications de VEarly English Text Society, j'ai
déjà parlé des admirables travaux de M. Skeat sur le poëme politico-sati-
rique de William Langley eu Langland. 4prè> avoir écrit pour les archéolo-
gues, notre sr/ioZar s'adresse maintenant aux lecteurs moins accoutumés h la
langue du quinzième siècle, et quidemaudeni, en fait de critique, des notions
élémentaires. La [uéface du volume dont je parle ici dit, en quarante--ept
pages, tout ce qu'il est absolument nécessaire de savoir sur la biographie de
maître Guillaume, les diverses leçons du texte, son importance grammati-
cale, sa valeur comme monument historique, et les autres sources, soit con-
temporaines, soit récentes, qui peuvent aider à le faire comprendre. M. Skeat
a eu soin de donner l'analyse du poëme, et il a ajouté des notes détail-
lées et un excellent glossaire. Il est bon de remarquer ici que le titre du livre
de Langley a donné lieu à beaucoup de conjectures, aussi fausses les unes
que les autres, et provenant de trois erreurs assez graves. 1° On a cru que
Piers thePloivman était le nom du poète, tandis qu'il faut y voir \e sujet de la
vision, le héros, pour ainsi dire; 2° on a confondu deux poèmes tout à fait
distincts, savoir : la Vision de Piers the Ploivman et le Credo {Crede) de Piers
the Ploivman; 3* on a donné, et on donne encore, le nom de vision à un ou-
vrage dont le titre véritable est Liber de Petro Plowman, et dont la vision
forme environ le tiers. Grâce aux explications de M. Skeat, il est impossible
niaintenant de se tromper sur le plan de la fameuse allégorie, sa portée his-
torique et son mérite littéraire. Malgré le siyle vieilli de William Langley,
Mars 1878. T. XXII, 17.
— 258 —
il devrait être aussi populaire que Biinyan et le célèbre Pèlerinage du
chrétien.
6. Chaucer : The prologue, the Knighte's, the nonne preste' s taie, from the
Canterbury taies, a revised text, edited by the Rev. Richard Morris. In-12 de
XLVii-221 pages.
Avec Chaucer, nous fommes fans exagération en pays français; ce n'est pas
seulement la lingue, le style qui nous rappellent notre terre natale, mais
l'imaginalion, la verve, le choix même des sujets. Aussi ai-je ouvert avec un
singulier plaisir le volume de M. Morris, et y ai-je trouvé à la fois plaisir et
protit. La notice biographique nous donne, sur l'auteur, tous les détails les plus
certains, et l'introduction grammaticale analyse, avec autant de goût que de
science, la grammaire du poète des Contes de Canterbury. On peut dire que
Chaucer ouvre la péiiode moderne de la littérature anglaise; les ouvrages de
se? devanciers n'ont guères d'importance qu'au point de vue philologique;
quant à lui, on le goûte aussi facilement que Spenser et Shakespeare. Il offre
un petit nombre d'archaïsmes, sa syntaxe ne diffère j-as sensiblement de celle
en usage aujourd'hui. Les notes de M. Morris expliquent les difficultés gram-
maticales, les allusions historiques, et contiennent de nombreux rapproche-
ments avec divers écrivains anciens et modernes : signalons enfin le glos-
saire, riche en particularités sur l'étymologie, les institutions féodales, etc.
6. Chaucer : The prioreresses taie, sire Thopas, the Monkes taie, the Clerkes
taie, the Squieres laie, form the Canterbury taies ; editid by the Rev. Walter W.
Skeat. In-r2de lxxi-302 pages.
La préface de ce volume contient sur Chaucer des détails biographiques
dont M. Morris n'avait pas connaissance lorsqu'il édita le choix que je viens
d'examiner; on y trouvera aussi un classement chronologique des Contes de
Canterbury, la description sommùre des sujets traités dans ces petits poèmes,
et l'indication des sources auxquelles l'auteur les a empruntés. La partie
grammaticale développe certains points que M. Morris n'avait fait qu'ef-
fleurer, surtout en ce qui concerne la prosodie qui, chez Chaucer, est essen-
tiellement française; les notes fourmillent d'indications trè3-intéres3ante=,qui
prouvent que M. Skeat a consulté tous les auteurs qui pouvaient servir à
élucider le texte du poète. Ainsi, à propos du mot Launcegay employé, non-
seulement par Chaucer, mais par Gower, Camlen et sir Walter Rdleigh, notre
critique y voit une corruption évidente de Lancc-Zagay , mot d'origine arabe
tiré de l'espagnol Azagaya. Il cite M. Dozy {Glossaire des mots espagnols et
portugais dérivés de l'arabe); plus loin il ^'appuie, pour une question d'éty-
mologie, sur le dictionnaire de M. Pavet de Courleille. Une des notes qui
m'ont surtout frappé est celle relative à Olivier de Mauny [the Monkes ia/e,v. 3576).
The Wikked nest luas werkcr of this nede, dit Chaucer; ou, en français :
« le mau nid vint à bout de cette tâche. » En effet, Olivier de Mauny est
celui qui eut la part principale dans le meurtre de Pierre le Cruel, et
M. Skeat peut revendiquer à bon droit l'honneur d'avoir découvert ce jeu de
mots international que je viens de relever. Chàucer, pour la même raison,
donne i Olivier de Mauny le sobriquet de Ganelon, et le compare à l'autre
Olivier, le héros de Roncevaux, le paladin ami de Roland.
Gustave Masson.
— 239 —
I
CHRONIQUE
Nécrologie. — Le deuil de l'Église catholique ne peut laisser indifférent
le Polijbiblion. Il doit un tribut de pieuse vénération et de douloureux regrets
au grand et magnanime Pontife dont la perte ne peut être compensée pour
1 Église que par la promesse divine de l'assistance perpétuelle de l'Esprit-
Saint et par les espérances que donne sa manifeste intervention dans l'élec-
tion de son succe^seui% Léon XIII, qu'il salue comme son nouveau et vénéré
Père, comme la lumière qui doit éclairer ses pas : lumen de cœlo.
Pie IX a droit à un hommage particulier de notre part. Qui mieux que lui
a compris, défini et proclamé les devoirs de la presse ? qui a plus largement
encouragé toutes les œuvres se proposant de la préserver des écarts auxquels
elle est exposée, et de lui faire produire des fruits de salut et de régénéra-
tion. Nous en avons un éclatant témoignage dans notre magnifique bref du
il mai 1877, publié dans nos colonnes (t. XIX, p. 481).
Nos lecteurs ne s'attendent pas à trouver ici ni l'histoire de Pie IX, ni un
jugement sur son long et glorieux pontificat, marqué par tant d'événements
considérables. Nous nous bornerons à rappeler les dates et les faits princi-
paux, et, pour rentrer dans notre rôle de revue bibliographique, nous les ferons
suivre d'une liste, aussi complète que le temps nous a permis de le
faire, des documents pontificaux sorlis de sa plume et des principaux ouvrages
qui lui sont consacrés.
Jean-Marie-Jean-Baptiste-Pierre-Pelegrin-Isidore Mastaï naquit le diman-
che 13 mai 1792, à Sinigaglia, du comte Jérôme Mastaï-Feretti et de la com-
tesse Catherine Solazzi. Il fil ses études à Volterra, chez les Pères des écoles
pies, et à Rome. Il fut promu au sacerdoce en 1819, et célébra sa première
messe le jour de Pâques, dans la chapelle des orphelins de l'hospice de Tata-
Giovanni, auxquels il a consacré les sept premières années de son ministère :
c'est en évangélisant les pauvres et les malheureux qu'il s'est rendu digne
de gouverner le monde. Il fut attaché, en 1823, en qualité d'auditeur, à
Mgr Jean Muzy, nonce au Chili. De retour à Rome en 1825, il fut piéposé à
l'hospice apostolique. Léon XII le préconisa archevêque de Spolète en
1827, puis Grégoire XVI le transféra à l'évêché d'Imola en 1832, et le créa
cardinal in petto le 23 décembre 1839. Élu pape le 16 juin 1846, il prit le
nom de Pie IX. Son élection fut saluée avec enthousiasme par le monde
entier, et son règne fut inauguré sous les plus favorables auspices. Mais bientôt
la révolution fit sentir son infiuence : est-il besoin de rappeler l'assassinat
de Rossi, la fuite à Gaète et le retour à Rome sous la protection de l'armée
française ; plus tard, en 18o9, la guerre d'Italie, qui amena l'envahissement
des États-Pontificaux, Castelfidardo et Mentana, l'occupation (le Rome et
la captivité du Vatican, coïncidant avec le retrait de l'armée française au
début de la guerre de 1870; le courage avec lequel Pie IX a toujours défendu
les droits de l'Église et du Saint-Siège et la liberté apostolique avec laquelle
il a reproché aux puissants de la terre leurs usurpations sacrilèges et leurs
attentats contre l'Église?...
Dans l'ordre purement religieux, nous rappellerons la proclamation du
dogme de l'Immaculée Conception, la sollicitude de Pie IX pour ramener à
l'unité les Églises d'Orient, son intervention en faveur des catholiques en
Russie, son zèle pour dévoiler, réfuter et condamner toutes les erreurs, li
publication du Syllabus, le rétablissement de la hiérarchie ecclésiastique en
Angleterre et en Irlande, la convocation du concile du Vatican, la procla-
— 2()(t —
mation du dogme de l'infaillibilité pontificale, la reconnaissance d'un grand
nombre d'ordres religieux nouveaux, les encouragements donnés à toutes les
œuvres catholiques, onze noms de héros chrétiens inscrits sur la liste des
bienheureux et cinquante-deux sur celle des saints, la création de vingt-neuf
sièges métropolitains, décent trente-deux siégea aspostoliques, de trente-trois
vicariats apostoliques et de quinze préfectures apostoliques. Seul parmi les
papes, il siégea trente et un ans, sept mois, vingt-deux jours sur la chaise
de saint Pierre. Il est mort à l'âge de quatre-vingt-six ans, le 7 février.
Avec Mg'' l'archevêque de Toulouse, nous saluons en Pie IX un patriarche,
un prophète, un pasteur, un apôtre, un docteur, un confesseur et un martyr,
et nous nous plaisons à dire, avec la Civiltà cattolica, que celui qui portait le
nom du patron de la Société Bibliographique fut Jean de nom et défait:
objet de prédilection de Jésus et de Marie, compagnon inséparable de leurs
douleurs et de leur gloire jusqu'au Calvaire. R.
Encycliques, allocutions et autres actes pontificaux,
émanés de Pie IX..
1846. Première allocution de N. S. P. Pie IX, dans le Consistoire
secret du 25 juillet, Amplissirnum concession; — Encyclique de Pie IX à l'oc-
casion de son exaltation (du 9 novembre). Qui pluribus (Condamnation de
l'interprétation libre des saintes Écritures) ; — Lettre apostolique pour le
jubilé (du 20 novembre) Arcana Divime .
1847. Bref du 8 janvier, à l'évêque de Troyes; — Bref du 2d octobre,
au P. Perrone ; — Instruction donnée aux prédicateurs et aux curés de
Rome, le H février; — Lettres apostoliques... touchant les ornements
sacrés des cardinaux... et des évêques (1*'' juin); — Allocution dans le con-
sistoire du 11 juin, Cum veluti probe; — Lettre encyclique sur les ordres
religieux du 17 juin Ubi primum arcano ; — Organisation de la Municipa-
lité et du Sénat de Rome : Motu proprio, du T'' octobre; — Allocution en
consistoire du 4 octobre, Quisque vestriim (De la vénération due aux lieux
saints; de l'obéissance due aux princes); — Motu jjroprio créant un Con-
sulte d'État (4 octobre) ; — Motu proprio (du 29 décembre), créant un Con-
seil des ministres.
1848. Lettre encyclique du 6 janvier, aux chrétiens d'Orient, In suprema;
— Proclamation aux Romains (10 février); Romani! Ai desiderii vostri; —
Bref au Nonce apostolique (18 mars) au sujet des atïaires ecclésiastiques de
France; — Allocation dans le consistoire secret du 29 avril; — Lettre ency-
clique (2 juin) aux archevêques et évêques du domaine temporel du Saint-
Siège. — Motu proprio (3 juiu) sur la presse; — Allocution (13 juillet) sur
les affaires de Russie, et concordat avec cette puissance. Probe noscitis.
1849. Lettre encyclique... (2 février) Ubi primum nullis (Hors de l'Église,
point de salutj; — Allocution (du 20 avril) dans le consistoire secret de
Gaëte (Exposé de la révolution de Rome ; — Du pouvoir temporel), Quibus
quantisque; — Lettres apostoliques... relatives aux chevahers de première
classe de l'ordre de Pie (17 juillet); — Eucyclique (8 décembre) aux évêques
d'Italie, iVos^w ei Nobiscum {Ç,<ônXxQ les nouveaux efforts des enneuùs de l'Église
en Italie).
1830. Allocution du 20 mai 1830, Si semper antea, après la rentrée de
Pie I.\ à Rome (remercimeuts aux armées catholiques); — Allocution du
1" novembre 1830, In consistoriali, contre le gouvernement subalpin.
1831. Lettre apostolique du lOjuiu 1851... Mxtltiplices inter; Condamnation
— 5(il —
proliibilioa Q'un ouvrage espagnol: Dejensa... contra las pretenciones de la
Curia romana por Fr. de Paulo (G, Vigil, Lima, 1848); — Lettre apos-
tolique du 22 août 18ol, Ad apostolicx Sedis, condamnation et prohibition
de deux ouvrages du professeur Nuyiz : Jicris ecclesiastici Instiluiiones el
In jus ccclesiaslicum universnm Traciationes ; — Allocution du 5 septembre,
Quitus luctuosissiinis (Convention avec la reiue d'Espagne. Concordat avec
le grand-duc de Toscane); — Lettre encyclique... annonçant un nouveau
jubilé (21 novembre).
1852. Lettre de Pie IX, au roi Victor-Emmanuel du 19 septembre. La
Letteraquc M. V. (Sur le mariage civil et la liberté de la presse); — Allocu-
tion du 27 septembre, Acerbissimum (Maux de l'Eglise de la Nouvelle-Gre-
nade).
1853. Lettre encyclique aux cardinaux, archevêques et évêques de
France (21 mars), hitcr multiplices angustias, pour les engager à rejeter
toutes controverses à l'occasion des écrits publiés contre l'Église; suivie d'une
lettre à M^'' Sibour, levant les défenses portées contre le journal VUniverSj
dans une ordonnance du 17 février 1853.
1854. Bulle Ineffabilis, sur la définition dogmatique de l'Immaculée
Conception de la Vierge Mère de Dieu (6 décembre 1854). [Traduction en
patois gangas et français de la bulle Ineffabilis: Saint-Etienne, 1875,
in-4; — id., ibid., en putois lorrain, par M. l'abbé Guillaume, Nancy, 1855,
in-8; — id,, ibid., en grec ancien, par A. F. Maunoury, Pari?, 1869, in-4.] ; —
Allocution du 9 décembre , Singulari quadam (Contre les sociétés secrètes,
et l'ingérance des princes dans les choses sacrées); — Bref (22 décembre),
en faveur de l'Association de Paris pour l'observation du repos du dimanche,
étendu aux associations des autres villes de France.
1855. Allocution du 22 janvier. Probe meminerilis (condamnant la
conduite du gouvernement sarde); — Allocution du 20 juillet, Nemo veslrum
(Empiétements du pouvoir civil; sur la liberté des cultes); — Allocution du
27 juillet, Cum sœpe, contre la suppression des ordres religieux par le gou-
vernement sarde; excommunication).
1850. Encyclique aux évèques d'Autriche (17 mars), Singulari quidem
(Fausseté de la doctrine de Vlndiffcrentisme) ; — Allocution du 15 décembre,
Nunquam fore (Maux de l'Église du Mexique).
1857. Lettre à l'archevêque de Cologne (15 inin), Eximiam tuwn (Con-
damnation du rationalisme de Grinther, soumission de celui-ci); — Allo-
cution du 25 septembre.
1858. Allocution du 8 février accordant une indulgence plénière en forme
de jubilé; — Lettre encyclique du 3 mai, Amaniissimi Redernptoris {Paro-
chos diebus festis etiam reductis debere sacrum pro populo celebrare).
1859. Bref accordant une extension d'indulgence à la Société de Saint-
Vincent de Paul (13 septembre).
1860. Lettre encyclique du 19 janvier, Nullis certe verbis (Que l'Église
doit conserver .son domaine temporel); — Lettre apostolique, Cum catholica
Ecclesia{1% mars), (Congrès de Paris de 1856, excommunication contre le
gouvernement sarde); — Lettre à l'évêque de Bre-lau(30 avril) Dolere haud
mediocri (Contre l'erreur d'un principe vital distinct de l'âme raisonnable);
— Allocution du 28 septembre 1860 Novus et ante (Sur Farmée pontificale et
contre le principe de non-intervention) ; — Allocution du 17 décembre, Mul-
tis gravibusqice (contre la doctrine des églises nationales (Livre de M. Cayla);
I/Eglise en Chine et en Syrie.
1861. Allocution du 18 mars, Jamdudum cernimus (L'Église ne peut
— 262 —
transiger avec les idées modernes); — Allocution da 30 septembre, Meminît
unusquisque (Maux de l'Église en Italie, au Mexique, dans la Nouvelle-Gre-
nade).
1862. Allocution du 9 juin Maxima quidem lœtitia (à l'occasion de la
canonisation des raari3T3 du Japon et de Michel de Sanctis ; contre les pré-
tentions de li raison humaine ; des droits des Élats, etc.); — Lettre aposto-
liqiie à l'archi^vêque de Munich-Frisingue, du H décembre, Gravissimas
inter (Gondamnaiion des écrits du prêtre Frohschamme; Limites delà
vraie philosophie).
1863. — Encyclique aux évêques d'Italie, du 18 août, Quanta conficiainus
(sur les excès des ennemis de l'Église, l'amour abusif des richesse^, l'amitié
que les tils de l'Église doivent montrer pour ses ennemis); — Encyclique
aux évêques de la Nouvelle-Grenade, du 17 septembre, Incredibili (condam-
nation des attentais commis par le gouveroement de la Nouvelle-Grenade,
contre la Religion) ; — Lettre apostolique à l'évêque de Munich-Frisingue,
du 21 décembre. Tuas libenter (relative au Congrès de Munich).
1864. — Lettre à l'évêque de Fribourg-en-Brisgau, du 14 juillet, Quam
non sine (sur l'enseignement à donner à la jeunesse) ; — Lettre à l'évêque
de Mondovi, du 29 sefitembre, Singularis Nobisque (pour le remercier de ses
écrits en faveur de l'Église et de la dernière assemblée pro-synodale tenue);
— Encyclique (du 8 décembre), Quanta cura, et; — Syllabus, contre les prin-
cipales erreurs du temps.
186o. — Lettre encyclique pour le Jubilé de l'année 186o; — Allocution du
du 25 septembre, MuUiplices inter.
1866. — Al'ocution du 29 octobre.
1867. — Allocution du 26 février; — Allocution à l'occasion du centenaire
de saint Pierre (Juin) ; — Pius IX Pope andPatriarch the « Apostolic Letter »...,
to alV Protestant and othernon catholics. Nice, 1867.
1868. — Allocution du 20 octobre.
1869. — Programme du Concile œcuménique de l'an de grâce 1869, et
Lettre à tous les Pères du Concile pour servir de documents à la direction
des débats.
1870. — Acta PU IX.. . necnon Concilii Vaticanî primi Canones et Décréta
(1869-70); Constitutio dogmatica dep.de catholica édita in sessione Sti Con-
cilii Vaticani, Pastor OEternus ; — Lettre encyclique du 20 octobre, portant
suspension du Concile, en raison des événemeuts; — Constitutio... qiia limi-
tantur censurx ecclesiaslicx latœ sentejitiw.
1871. — Lettre encyclique du 15 mai; — Lettre encyclique du 4 juin,
renouvelant les protestations du Saint-Siège contre les usurpations ; —
Encyclique du 8 août, à l'ccasion du 26' anniversaire du PoiitiQcat de
Pie IX; — Allocution du 27 octobre sur la situation de l'Église, à l'occasion
de la nomination d'un grand nombre d'évêques italiens,
1872. — Pie IX pape, au cardinal Antonelli, sur le projet de spoliation
des couvents par le gouvernement de Victor-Emmanuel (16 juin) ; — Allo-
cution du 23 octobre aux cardinaux, sur la situation pénible de l'Église.
1873. — Lettre encyclique au Patriarche de Cilicie (sur l'origine, les pro-
grès, et l'état ac'uel du schisme arménien (6 janvier) ; — AUocutioa
(23 juillet) aux cardinaux (condamnant la loi sur les Biens ecclésiastiques);
— Lettre encyclique (21 novembi'e) sur la persécutirn de l'Église en Suisse
et l'élection de Jos. Ubert Reinkens.
1874. — Lettre encyclique (7 mars) aux archevêques et évêques du royaume
— 263 —
de Prusse ; — Lettre encyclique (24 octobre) Gravibus Ecclesiœ et hujus
sœculi.
-1875, — Brefs et rescrits à MM. les aumôaiers militaires (Paris, 1875).
Pour les Lettres, Réponses, Communications autres que les Actes pon-
tilicaiix proprement dits, on complétera ces indications par les ouvrages
publiés sous les titres suivants : Recueil des Actes du N. T. S. Père le Pape
Pie IX. (Texte et traduction). 1848-1855, Paris, LecolTre, 3 vol. in-8 ; —
PU IX Pontificis Maximi Acta. Rome, 1855; — Actes cl Paroles de Pie IX cap-
tif au Vatican, publiés par Aug. Roussel. Paris, Palmé, 1873, io-S ; — Dis-
cours de N. S. Père le Pape Pie IX, adressés aux Fidèles de Rome et du monde
catholique depuis sa captivité. .., Tpuhliés ])(iT le R. P. Pasquale de Fransiscis.
Paris, Le Clere, 1875-76, 3 vol. in-8. Eu outre, le Moniteur universel et le
Journal officiel de 1846 à 1878, fournissant de nombreuses pièces diploma-
tiques et autres.
Nous ajouterons, pour la biographie de Pie IX, la nomenclature des historio-
graphes ci-après : Berg (Friedrich). Die heglûchte Christenheit an ihren neuer-
wâllten Oberhirten Papst Pius IX. Augsbourj, 1846, in-8. — Haltaus (Cari),
Papst Pius IX und seine Reformen im Kirchenstaate . Leipzig, 1837, in-8. —
lIuLSEN (Cari \on) .Commentalio de Pio IX.Gç.àa.n, 1847, in-12; — Histoire popu-
laire et anecdotique de N.S. P. le Pape Pie IX, traduit de l'italien par M. A. D.
Bordeaux, 1847, in- 16. — Balleydier (Alph.). Rome et Pie IX. Pa.Tis,i8il, in-8,
portr. Du même : Histoire de la Révolution de Rome. Paris, 1851, 2 vol. in-8.
— Bretonneau (Henri). Notice bibliographique sur N. S. P. le Pape Pie IX.
Paris, 1847, in-8. Purlr. — Reybert (Antony). Notice historique sur le pape
Pie IX. Paris, 1847, in-8. Portr. — Boni (Francesco de). Storia délia con-
giura di Roma contro il papa Pio IX. Florence? 1847, in-8. — Liancourt
(A. C. de GoDDEs). Pius IX, or a year in the life of a pope. Londres, 1847,
2 vol. in-8. — Le Benoist. Vie de S. S. Pie IX. Paris, 1848, in-18. Portr. —
Clavé (Félix). Vie et Pontificat de Pie IX. Paris, 1848, in-8, 5 portr. [Traduit
en espagnol, par Luis de Tapia y Seuo. Madrid, 1848, in-8. — Sporschu.
Johann). Pius IXund Geschichte aller Vorgânger Seiner Heiligkeit... Leipzig,
1848, in-8; — Pius IX, or the fîrst year of Iiis pontificate. L)n ires, 1848,
2 vol. in-8. — Balmes (Jaime). Pio IX. Paris, 1848, iu-16. Portr. [Trad. en
français. Paris, 1848, in-8]. — Stupp (Hermaon Joseph). Pius IX und die
Katholische Kirclie in Deutschland. Solingen, 1848, in-8. — PJalûonaldoy Za-
braques (José Miinoz). Rcvolucion de Roma. Ilistoria del poder temporel de
Pio IX, desde su elevacion al trono hasta su fuga .de Roma. Madrid, 1849,
in-8. — Clerc (Jean-Baptiste). Pie IX, Rome et l'Italie. Paris, 1849, in-8.
Portr. — Flucht und Heimhehr des heiligen Vaters Pius IX. Lucerne, 1850,
in-8; — Pie IX, exil et retour. Lille, 1850, in-32. — Niccolini (Giovanni
Battista). History of the pontificale ofPius IX. l.on.lres, 1831, in- 12. — Spaur
(née Giraud [Thérèse von] : PajJst Pius des Neunten Fahrt nach Gaèta (2-5 no-
vembre 1848). Schaffhoiise, 1852, in-8; — Pie IX. Nouvelle biographie,
suivie de la relation du Siège de Rome, en 1849. Tours, 1852, in-12. — Mar-
CHAL (Charles). Histoire de Sa Sainteté Pie IX. Paris, 1834, 2 vol. in-8. —
Saint-Hermel (E. de). Pie IX. Paris, 1854, in-12. — Sallior (E.). Pie IX de
1792 à 1860, in-12; — Pie IX jugé par lui-même... Vie publique et privée du
Souverain-Pontife. Toulouse, 1861, in-16; — Annales ecclésiastiques de 1860 à
1866, par J. Chantrel. Paris, Gaume, 1867, in-8. — Géméral Kanzler. La
campagna romano del esercito pontificio, nel 1808. Bologne, 1868, in-10. —
Saint-Albin (Alexandre de). Histoire ds Pie IX et de son Pontificat. Pari-, V.
Palmé, 1872, 2 vol. gr. in-8, — MgrMANNiNG. Histoire du Concile du Vatican.
— '2Cr^ ~
Paris, V, Palmé, 1872, iii-12; — Histoire de l'invasion des Éiuts Pontificaux
en septembre 1870, par le comte de Beaufort. Paris, V. Palmé, 1874, in-8 ;
— Histoire du Concile œcuménique et général du Vatican^ par le R. P. J.
Sambin. Pari^, 1872, Broussai*, in-8; — Fie IX, sa vie, son histoire, son siècle,
par J. M. ViLLEFRANCHE. Paris, 1878, in-8. Portr. ; — L'Episcopat de Pie IX à
Spolette et à Imola, par l'abbé Margotti, traduit de l'italien, par l'abbé
Brand. Paris, Olmer, in-18, 1877; — Les Vivants et les Morts, par Lord One.
Paris, Reichel, iu-12, 1877; — Journal d'un diplomate, parle comte d'Idevij.le
Paris, Hachette, 2 vol. in-12, 1877; — Pie IX. sa vie et les actes de son Ponti-
ficat, d'après des documents étrangers , ^'-xr M l'abbé Gillet. Paris, Reichel
1877 [en cours de publication ] ; — Histoire de Pie IX et de son pontificat, par
l'abhéA. PouGEOis. Paris, Pougeois, 1877, in-8 (en cours de publ.); Pie IX, sa
vie sa mort. Souvenirs personnels, par le comte d'IoEviLLE. Palmé, 1878, in-12.
— P. ESCARD.
— Le monde de la critique d'art et de l'archéologie vient de faire une grande
perte en la personne de M. Charles-Ernest Vinet, bibliothécaire de l'École
des beaux-arts, mort à Paris le 10 lévrier. Né dans cette ville le 1*'' mars
1804, il y fit son droit et débuta dans la magistrature comme juge-auditeur
de la cour royale à Pontoise (1826). Nommé substitut du procureur du roi à
Mantes en 1830, il ne tarda pas à donner sa démission pour aborder une
autre carrière : une vocation irrésistible l'entrainait vers les études de l'anti-
quité et de l'archéologie d'art, auxquelles il s'était bien préparé par de
fortes études linguistiques. Son premier essai fut un Examen du banquet
des savants d'.-l</i<';?r(? (Mémoires de la Société d'agriculture de Valenciennes),
tableau aussi fidèle qu'il était possible de le faire à cette époque des mœurs
privées des Grecs. L'année suivante, il présenta à la Société royale des
Antiquaires de France un essai de traduction du premier livre de l'historien
grec Zosime, travail qui a été l'objet d'un rapport très-élogieux. En 1844, il
fit insérer dans les Annales de l'Institut archéologique de Rome ses
Piechcrches et conjectures sur le mythe de Glaucus et de Scylla (avec planches).
Ce mémoire, le premier peut-être où l'on ait essayé d'exposer d'une manière
coniplète de quelle façon la légende et l'art particulièrement s'étaient
emparés d'une certaine classe de dieux de la mer, plaça immédia-
tement M. Vinet parmi les mythographes d'art les plus distingués. Le
9 décembre 1845, l'Institut de correspondance archéologique de Rome
l'admit dans son sein en qualité démembre ordinaire, faveur insigne qu'il
justifia pleinement. Depuis 1844, il publia de nombreux mémoires d'exégèse
mythologique des sujets de peintures de vases, des médailles et des pierres
gravées, dans \si Revue archéologique et la Revue numismatique. Doué d'une
rare pénétration, M. Vinet eut même la gloire, dans cette spécialité, de
prendre quelquefois en défaut la sagacité des plus forts archéologues de
l'Allemagne. Nous nous bornerons, à cet égard, à citer ses écrits sur le
dieu marin Aegxon et sur les Oiseaux de Diomède. Attaché au Cabinet des
médailles en février 1849, il n'y fit qu'un court séjour. M. Guignant, secré-
taire perpétuel de l'Académie des inscriptions, s'empressa alors de se l'ad-
joindre comme collaborateur pour la rédaction des notes et éclaircissements
devant servir à compléter la traduction de l'ouvrage célèbre deFréd.Creuzer
sur les Religions de V antiquité (Paris, 182o-o!, 4 vol. en 10 part. in-8). Cette
collaboration a été très-large et remarquable. En l8oo, M. Vinet fut agréé
en qualité d'auxiliaire de la commission du Dictionnaire de V Académie des
beaux-arts, aux travaux de laquelle il prit part pendant quatre années. A la
fin de 1858, il entra au Journal des Débats; c'est là que, pendant près de vingt
— ■2(^:\ —
ans, il publia de nombreux articles sur des questions d'art, d'urchéologie et
de littérature, articles de fine critique d'érudition sûre et variée, d'une
forme exquise. Son style original, et brillant sans ati'ectation, donnait de la
vie aux sujets les plus arides. Ces articles, fort goûtés du public, ont été
en grande partie réunis en volume sous ce titre : l'Art et l'Archéologie (Paris,
1874, in-8, iv-498 p.), ainsi que d'autres, extraits de la Revue de Paris, de
la Revue des Deux Mondes, de la Revue archéologique, de la Revue nationale et
de la Revue européenne . On remarque dans ce volume une curieuse étude
sur les Paradis profanes de l'Occident, des articles sur cei'tains travaux d'ar-
chéologues, d'érudits, de littérateurs et d'artistes contemporains les plus
distingués, tels que: E. Gerhard, de Saulcy, Egger, A. Maury, Vitet, Renan,
G. Perrot, Alb. Dumont, E. Halévy, H. Flandrin, Ch. Garnier, etc., et un
charmant portrait du célèbre duc de Luynes. D'autres articles de M. Vinet,
sur les peintures d'Eug. Delacroix, d'Ingres, de L. Cogniet, ses amis intimes,
sur le salon de 1851, et sur celui de 1861, etc., sont dispersés dans les revues
archéologique, contemporaine, des Deux Mondes, européenne et nationale.
Nommé, le 17 octobre 1862, bibliothécaire de l'École «les beaux-arts, dont la
bibliothèque n'existait qu'à l'état d'embryon, il parvint, grâce à une per-
sévérance inouïe, à créer, avec un budget dérisoire, une des plus belles bi-
bliothèques de Paris et qui rend des services inappréciables, surtout depuis
qu'il en a publié un Catalogue méthodique (Paris, 1873, in-8, xv-2o6 p.).
Mais sa sollicitude pour l'enseignement des beaux-arts ne se bornait pas à
cela. En mars 1870, il annonça la préparation dune Bibliographie métho-
dique et raisonnée des beaux-arts, et en fit connaître une classification entiè-
rement nouvelle (Paris, 1870, in-8, 12 p.). Une première livraison de cette
bibliographie vraiment critique, indispensable pour l'étude des beaux-arts
et qui n'a de précédent dans aucune langue, a paru en 1874 (Paris, Firmin-
Didot, in-8y ; la seconde a vu le jour après le décès de son auteur : elle
s'arrête au no 2362. Deux autres livraisons de cette a:!uvre si considérable
et difficile restent à paraître : elles seront publiées à l'aide des matériaux
laissés par M. Vinet. Un des promoteurs de la publication des, restaura-
tions des monuments antiques parles architectes pensionnaires de l'Académie
de France à Rome, il fut nommé par le gouvernement secrétdire de la com-
mission chargée de diriger cette publication capitale (1872), et, en cette qua-
lité, il mit en tête de la première livraison : [Restauration de la colonne Tra-
jane, pai- Percier; Paris, Firmin-Didot, 1877, gr. in-fol. , avec planches) une
introduction historique fort intéressante. 11 avait en outre publié : Aniphia-
raiis, fragment d'une mythologie d'art (extrait de la Revue archéologique ;
(Paris, 1872, in-8, 12 p. et4pl.; tiré à oO exempl.); Esquisse d'une histoire de
V architecture classique {ibid., 1875, in-8, 33 p.) ; Un mot sur l'Aide Manuce de
M. Ambroise Firmin-B'idot (extrait du Moniteur universel, ibid., 1873, in-8,
13 p., tiré à 100 exempl.). Son dernier article, destiné au Journal des Débals,
et publié après sa mort, a pour sujet l'étude de VEphébie attique, à propos
de l'ouvrage, récent de M. Albert Dumont, directeur de l'École d'Athènes. —
M. Vinet a fondé, avec M. Boutmy, l'École libre des sciences politiques (voir
Quelques idées sur la création d'une faculté libre d'enseignement supérieur ;
Paris, 1871, in-8, 38 p.; et Projet d'une faculté libre des sciences politiques.
Programme des cours ; ibid., 1871, in-8, 13 p.). - Il était chevalier de la Lé-
gion d'honneur (1869), officier d'académie (1874), membre correspondant de
l'Académie d'Herculanum (1849), membre résidant, puis associé-correspon-
dant de la Société des antiquaires de France, etc. — Gustave Pawlowski.
— 266 —
— Le D' Élie Gintrac, directeur honoraire de l'École de médecine de Bor-
deaux, né à Bordeaux en 1794, le 9 novembre, vient de mourir. Docteur de
la faculté de Paris, professeur de clinique interne à l'Écol-i secondaire de
médecine de Bordeaux, il a été élu, en 1840, correspondant, puis, en 1856,
membre associé de l'Académie de médecine de Paris. Parmi les nombreux
ouvrages sortis de sa plume nous citerons : La Cyanose (18141, thèse réim-
primée en 182i, sous le titre d'Observations et recherches sur la cyanose, ou
maladie bleue; — Mémoire sur le diaqnoslic des affections aiguës et chroniques
des organes thoraciques (1826); — Mémoires et observations de médecine cli-
nique et d'anatomie pathologique (1830) ; — De l'influenee de l'hérédité sur la
production de la surexcitation nerveuse (1845); — Recherches sur l'oblité-
ration de la veine-porte et sur les rapports de cette lésion avec le volume du foie
et la sécrétion de la bile (1856); — Cours thérapeutique et clinique de patho-
logie interne et de thérapie médicale (9 vol., 1853-1872); — De la méningite
rhumatismale (1865).
— M. Auguste-Paul Poui.et-Malassis, ancien libraire-éditeur de la biblio-
thèque parnassienne de Th. Gautier, Baudelaire, Banville, Leconte de
Lisle, etc., et littérateur, né à Alençon (Orne), en 1825, vient de mourir.
Il a laissé, entre autres œuvres : Le Département de l'Orne archéologique et
pittoresque, avec M. de la Sicotière (Laigle, 1845, gr. in-fol.); — A propos
d'une faïence républicaine à la date de 1868 (in-12, 1868), sous le pseudo-
nyme de Paul Rouillon ; — Appendice à la seconde édition de la bibliographie
romantique, pa?' Charles Asselineau (in-8, 1874); — Les Ex-Libris français
depuis leur origine jusqu'à nos jours, nouvelle édition (in-b«, 1875); —
Monsieur Legros au salon de 1875, note critique et biographique (in-4, 1875) ;
— Théâtre de Marivaux, Bibliographie des éditions originales et des éditions
collectives données par l'auteur (in-8, 1875); — La Querelle des bouffons, la
Bibliothèque de J.-J. Rousseau, etc., etc. (in-8, 1875). Il a publié les Papiers
secrets et Correspondance du second Empire, réimpression complète de l'é-
dition de l'imprimerie nationale, annotée et augmentée de nombreuses
pièces publiées à l'étranger et recueillie par A. Poulet-Malassis (in-8, 1875),
et il venait de faire paraître une Correspondance inédite de Madame de Pom-
padour avec une Préface dont il était l'auteur.
— Le D"' Joseph Dietl est mort à Cracovie, le 18 janvier 1878. Né en 1804
en Galicie, de parents pauvres, il fut vraiment le fils de ses œuvres. Ayant
commencé ses études à Sambor et à Léopol, il les termina à Vienne, où il
fut reçu docteur en médecine. Attaché à l'Université de cette ville, il ne
la quitta que pour une chaire de clinique, à l'Université des Jagellons, à
Cracovie. Devenu l'un des premiers praticiens du pays, recteur de l'Uni-
versité, il prit une part active à sa dernière réorganisation; membre du
Reichsrath [autrichien, et entin bourgmestre de la ville de Cracovie, il
rendit des services éminents à celte ville et à la Galicie autrichienne en gé-
néral, et jouissait jusqu'aux derniers moments d'une popularité bien mé-
ritée. Les eaux thermales de Galicie lui sont redevables de leur organisation
actuelle. Ses principaux ouvrages en allemand et en polonais, sont : Kri-
tische Darstcllung europaischer Kranhenhauser ÇViexme, 1853); — Klinische
Vertrage ueber die Choiera (Vienne, 1855) ; — Les Sources de Krinitza dans les
Carpathes (Cracovie, 1857); — Les Eaux de Bartfeld en Hongrie (Cvacovie,
1858). Différents écrits sur les eaux thermales de la Galicie. La Plique et les
manières de la traiter (Cracovie, 1862) ; — Les Universités de Varsovie et Cra-
covie {iS^Q et 1862); — De la réforme des écoles (Cracovie, 1865 et 1866).
Nommé membre de l'Académie des sciences de Cracovie, et président de la
— 2fi7 —
section des sciences exactes, il prit une part active aux travaux de la docte
assemblée. Une foule énorme et recueillie le conduisit à sa dernière
demeure, avec l'assistance d'un nombreux clergé qu'il édifia par une mort
vraiment chrétienne.
— M. Prosper-Jean Levot, conservateur de la bibliothèque de Brest, vient de
mourir le 3 février, à l'âge de soixante-dix-sept ans dans cette ville. Il y éiait
né le 14 décembre 1801. Archéologue et biographe spécial de célébrités mari-
times, M. Levot avait été professeur particulier, lorsqu'il fut appelé, le 8 sep-
tembre 183t, au poste qu'il a occupé jusqu'à sa mort; il était l'un des fonda-
teurs de la Société académique de Brest qu'il présidait; l'Académie des
inscriptions et belles-lettres l'avait récompensé d'une mention honorable
en 186i, pour une histoire de sa ville natale. M. Levot était aussi correspon-
dant du Ministère de l'instruction publique. Modeste et laborieux comme
un bénédictin, écrivain et travailleur infatigable, il a dépensé sa vie dans
des recherches historiques et archéologiques de tous genres, et l'a couronnée
par une mort chrétienne pleine d'édification. On cite de lui : Catalogue
général des bibliothèques du département de la marme (1838-43, 5 vol. gr. in-8j,
dressé par ordre du gouvernement et dont le plan, approprié au service
commun des onze bibliothèques delà marine de France, a été adopté parle
gouvernement belge pour l'usage de ses bibliothèques; — Catalogue des
livres et des tableaux de feu M . le baron le Genlil de Quelern, précédé d'une
notice sur sa vie, ses services et ses travaux (in-8, 1843^; — Notice chronolO'
gique et historique des maires de Brest depuis 1681 (in-8, 1844); — Précis de
la canalisation de la Bretagne (in-8, 1845); — Essais de biographie maritime,
ou Notices sur des hommes distingués de la marine française (in-8, 1847) ; —
Biographie bretonne (18o2-57, Vannes, 2 vol. in-8); — Notice sur Landévennec
et son abbaye. État ancien et moderne (in-8, 18.ï8); — La marine française et le
port de Brest sous Richelieu et Mazarin (in-8, 18o9); — Procès d'Alexandre
Gordon^ esyion anglais, décapité à Brest en 1769 (io-S, 1861); — Recherclies
historiques sur la ville de Brest avant 1789 (in-8, 1861); — Histoire de la ville
et du port de Brest (1864-76, 5 vol. in-8); — Gloires maritimes de la France
avec M.Doneaud (1865,in-d2); — Promenade dans le port de Brest et ses dépen-
dances (in-8, 1865); — Exclussions dans la rade de Brest et ses environs
(in-8, 1866); — Récits de naufrages, incendies, tempêtes et autres événements^
de mer (18G7, in-12); — Notice sur la vie, les services et les travaux de
M. le chevalier de Fréminville (in-8, 1867); — Descente des Anglais à Camaret
(in-8, 1872); — Abbaye de Saint-Mathieu-de-Fineterre (in-8. 1874); — Daoulas
et son abbaye (in-8, 1875); — Participation du deuxième arrondissement mari-
time à la guerre de 1870-71 (in-8, 1875) ; — Projet de l'enseigne de vaisseau
Rivoire contre le port de Brest, sous le consulat (in-8, 1875). — On trou-
verait dans les recueils de la Société académique de Brest beaucoup d'autres
travaux de lui : nous relevons seulement : La maison de l'espion à Lânnion;
— Le Pont impérial en 1861 ; — Les Ambassadeurs de Tippou-Saheb en 1788;
— Le 'Vaisseau le Vétéran à Concarneau ; — Les Incendies du port de Brest. —
M. Levot s'est fait, en outre, l'éditeur des Batailles navales de la France, de
0. Troude (1867-1868, 4 vol. in-8), et a souvent donné sa collaboration à
VOcéan de Brest.
— M. Alphonse Ferrero, marquis de La Marmora, né le 17 novembre
1804, est moi t à Florence, le 5 janvier. Ancien ministre de la guerre et de la
marine piémontaise en 1854 pendan*. la guerre de Crimée, et major général
de l'armée italienne en 1866, il a publié sur les événements de celte dernière
époque plusieurs brochures qui ont eu un grand retentissement. Quattro
— :>(i8 —
dïscorsi ai .moi colleghi délia Caméra sulle condizioni délie esercito italiano
(1872); — Un peu plus de lumières sur les événements politiques et militaires
de l'année 1866, traduit de l'italien, par MM. Niox et Descoubès (1873); —
Un episodio del risorgimento italiano (1875); — / Segreti di Staio del governo
costituzionale, les Secrets d'Etat dans le gouvernement constitutionnel, traduit
de l'italien par MM. Marcel et Savari !2' partie, 1877).
— M. Jules-Louis-Josepii Brame, né à Lille le 9 janvier 1808, est mort à
Paris le {" février. Avocat en 1833, il était entré au Conseil d'État en 1836;
il se retira en 18i8, pour reparaître sur la scène sous l'empire, comme député
et ministre de l'instruction publique. Il a fait partie de l'Assemblée nationale
en 1871, et était sénateur du département du Nord. Il a éctit De rémigra-
lion des campagnes ( 1 856) ; — L'Héritage dévoré par le fisc et la procédure (1 867) ;
— La Vérité sur le régime économique de la France. Discours prononcé au
Corps législatif (1868).
— M. Lucien-Léopold Jotterand, ancien membre du Congrès national, est
mort à Bruxelles, le 10 décembre 1877. Il était né en 1803, à Genappe
(Brabant). Il a eu un rôle important dans les affaires de son fays. Il appar-
tenait au parti « unioniste », était un adversairr», de l'administration hollan-
daise, avait peu de sympathie pour la France, et rêvait de bonne foi l'union
du libéralisme et du catholicisme. lia écrit dans un grand nombre de jour-
naux : le Courrier des Pays-Bas, la Sentinelle, V Artiste^ le Patriote belge, la
Revue démocratique, la Belgique judiciaire, et a publié un certain nombre de
brochures ayant presque toutes trait à la politique : Guillaume Frédéric d'O-
range-Nassau avant son avènement au trône des Pays-Bas (1827); — Ga-
ranties de l'existence du royaume des Pays-Bas (1829); — Les Rapports poli-
tiques et commerciaux de la Belgique et de la France. En flamand (1840); —
Nos frontières du Nord-Ouest. En flamand (1843); — La nouvelle constitution
de New-York pour 1847 (1846); — Le Suffrage universel (1848); — Les Églises
d'État devenues cause d'intolérance religieuse (1849); — Les Lettres belges à pro-
pos de la Société des gens de lettres {i8't'^); — Londres au point de vue belge [\8o2);
— D'Anvers à Gênes par les pays rhénans (1854); — Louis de Botter (1860);
— Lettres unionistes sur la ré for me électorale (1868); — Bu repos hebdomadaire,
ouvrage qui a obtenu la deuxième récompense par la Société genevoise
d'utilité publique (1870); — Charles Louis Spilthoorn. Événements de 1848 en
Belgique (1872); — Études sur les Élals-Unis. (Conférence, 1875).
— M. Albert Patin de La Fjzelière, né à Marly (Moselle) en 1819, est mort
à Paris, le 11 février, à l'âge de soixante ans. Sa vie entière a été consacrée
aux lettres. Il a donné sa collaboration au Journal de Paris, à la Presse, au
Siècle, au Courrier de Paris, au Petit-Figaro, où il a été directeur pendant
plusieurs années, au Bulletin du Bouquiniste, à Y Artiste, au Pari s- Journal. Il a
fondé en 1848, une revue sous le titre de Notre Histoire. Il s'occupait de la
réimpression des œuvres de Jules Janin. Il a écrit : Les Inondés de la Loire,
scène dramatique en vers (in-8, 1846), avec M. Servais ; — Une famille de la
rue Mouffetard, scène dramatique avec M. de la Jonchère ; — Manuel
de V électeur constituant (signé Ludovic Marsay) (in-12, 1848); — Manuel du
citoyoi [signé Ludovic Marsay) (in-16); — Biographie des représentants du
peuple à l'Assemblée nationale constituante, par les auteurs de « Notre His-
toire » (iu-12, 1848), anonyme en collaboration avec M. Louis Giraudeau;
— Biographie de 750 représentants du peuple à V Assemblée nationale législative.,
par plusieurs journalistes (in-18, 1849), anonyme en collaboration avec
M. Giraudeau; — Le Procès des accusés de Strasbourg (in-8, 1849); — Salon
de 1850 à 1831 (in-8, ISol); ~ Féiicie, nouvelle messine (1854); — Dialogue
— 269 —
de Thoinettte et d'Alizon, pièce inédite en patois lorrain du dix-septième
siècle, publiée avec des notes et un vocabulaire (in-S, 1836); — Voltaire
est-il étranger à la publication des « Mélanges » publiés sons son nom (in-8,
18o8) ; — Histoire de la crinoline au temps passé (in- 1"^, 1859) ; — .4-Z, ou le
salon en miniature (ia-1861) ; — Vins à la mode et cabarets au dix-septième
siècle (in-12, 1866); — Essais de bibliographie contemporaine, I. Charles
Baudelaire (in-12, 1868), avec Georges Decaux; — Rymaille sur les
plus célèbres bibliotières de Paris en 16i9, acec des notes et un essai sur les
bibliothèques particulières du temps {in-8, 1869); — Des émaux cloisonnés et
de leur introduction dans la reliure des livres (in-8, 1870); — UOEuvre originale
de Vivant Denon, ancien directeur général des musées; collection de 317 eaux-
fortes {2 \ol. in-i, 1872-1873); — Jules Janin et sa bibliothèque ; Notice bi-
bliographiquc (in-8, 187t) ; — La Vie et l'œuvre de Chintreuil (in-i, 1874) avec
MM. Champlleury et Henriet ; — Théâtre du Paravent, I. Récompense honnête,
saynète (in-8, 1874); — Mémento du salon en 1875 (in-16, 1873); — Corres-
pondance de Jules Janin (1873).
— y.. François-Eugène Jamn, était né à Passy (Seine), le 9 mars 1815.
Licencié en droit, archiviste-paléographe de la promotion de 1841, il fut
chargé du classement des archives de Loir-et-Cher, vers 1844, et attaché à la
Collection des monuments inédits de l'Histoire du Tiers-État. Il fut nommé auxi-
liaire de l'Institut le lo janvier 1847 et employé, sous la direction de M. Par-
dessus, à l'achèvement du Recueil des ordonnances des Rois de France. Il a
donné sa démission d'auxiliaire de l'Institut en 1869. Il vécut depuis à Passy,
où il est mort le 21 décembre dernier, à l'âge de soixante-deux ans. II
a publié dans la Bibliothèque de l'École des chartes : Lettre adressée à la
commune de Saint-Quentin, par Jean de Ribémont., clerc du Parlement (2' sé-
rie, t. III, p. 133, 1846); — Documents relatifs à la peine de banissement aux
treizième et quatorzième siècles (Ibid., p. 419).
— M. Paul-Antoine Cap, né à Màcon, le 2 avril 1788, est mort dans le cou-
rant de novembre. Il était membre associé de l'Académie de médecine de
Paris et membre honoraire de l'Académie royale de médecine de Belgique.
Il exerçait la pharmacie en même temps qu'il se livrait à des études scien-
tifiques. On lui doit : De la classification méthodique des médicaments (1823),
couronné par la Société de médecine de Paris; — Principes élémentaires de
pharmaceutique (1837); — Recherches sur les Lactates (1738), avec M. Henry;
— Traité de pharmacie, traité de botanique (1847), avec MM. Montagne et
Martin; — Histoire de la pharmacie (1831); — Le Muséum d'histoire naturelle
(1833-1834) ; — Éludes biographiques pour servir à l'histoire des sciences.
2 séries (1856-1864); — La science et les savants au seizième siècle, tableaux
historiques (Tours, 1867). On lui doit des études biographiques sur Robert
Boyle (1836), Philibert Commerson (1861), Camille Montagne, botaniste,
membre de l Institut (1868) et les éloges de Casimir Delavigne{[Si:6), de Benjamin
Delessert (1830), de Mathieu Bonafous (1834), de N. L. Lemery. Il avait publié
en 1844, les oeuvres complètes de Bernard de Palissy; en 1836, celles de
Senecé, avec M. Em. Chasles. Il a traduit les Aphornsmes de physiologie végétale
de J. Lindley (1838), donné plusieurs abrégés pour la collection des Cent
traités et publié des articles dans un grand nombre de recueils.
— M. le D"" Pierre Berthier, néàSennecey-le-Grand(Saône-et-Loire),en 1830,
vient de mourir à Bicêtre, à l'âge de quarante-sept ans, au mois de décembre.
Il avait fait ses éludes sous la direction de M. Gérard de Cailleux et était
devenu médecin en chef de l'hospice de Bicêtre. 11 a écrit plusieui's ouvrages
sur les maladies mentales et nerveuses : Médecine mentale. De l'isolement
— 270 —
Bourg, 1858); — Des causes (Paris, 1860); — De la folie diasthcsique (1859);
— De la dépopulation des campagnes (Bourg, 1859); — De l'imitation au
point de vue médico-philosophique [[%Q\)\ — Erreurs et j>réjugés relatifs à la
folie (Bourtr, 1863) ; — Excursions scientifiques dans les asiles d'aliénés, 4 séries
(1864- 1867); — Des névroses moistruelles {\S~ 3] ; — Des névroses diasthésiques
(1875).
— M. Johan-Erik Rydquist, né à Golhembourg, le 20 octobre 1800, est
mort le 15 décembre. Il était directeur de la bibliothèque royale de Stockolm.
Il s'était livré au commerce avant d'aborder l'étude des langues. L'académie
suédoise l'appela dans son sein pour succéder à Berzélius en 1843, à l'é-
poque où il devenait premier bibliothécaire. Il a publié un grand nombre
d'ouvrages de critique et de philosophie. Voici la traduction des titres de
quelques-uns : Les hauts faits littéraires des jours passés (1828); — Les plus
anciennes poésies de théâtre du Nord (1836); — Les Employés civils en Suède
(1838); — /. Olof Walli7i (1839); — Voyage en Allemagne, en France et en
Italie (1838); — Les Lois de la langue suédoise (1850-1857), son plus important
ouvrage; — Lumières et erreurs dans le monde du langage. Il a fait diverses
traductions du grec et de l'angl lis et écrit dans plusieurs revues, notam-
ment dans Ileimdal, recueil qu'il dirigeait.
— M. J.-C. MŒniKosER, de Frauenfeld. est mort le 17 octobre à Zurick. Il
a composé plusieurs ouvrages historiques : Etudes sur la littérature suisse au
dix-huitième siècle (1861) ; — Biographie de Zwingle (1867-69); — Histoire des
réfugiés protestants en Suisse (1856), dont on annonce une traduction française.
— M. François-Auguste Aubry, libraire-édi'eur, Lien connu des amateurs,
directeur et fondateur du Bulletin du Bouquiniste (1857), libraire de la
« Société des bibliophiles français, » membre de la Société de l'Histoire de
France, de la S ciété de l'Histoire de Paris et de l'Ile-de-France, est mort à
Paris, le 13 janvier. Il était né à Sanchevile (Eure), en 1821, le 21 décembre.
— M. Charles de Liltrow, né à Casan, le 18 juillet 1811, est mort à Venise
le 16 novembre. Il était directeur de l'observatoire de Vienne, depuis 1842,
poste où il succéda à son père; il a porté ses investigations epécialement
sur les comètes, et est l'auteur d'une méthode pour déterminer l'heure et la
longitude de la mer.
— M. Ralph WoRNm, conservateur de la National Gallery à Londres,
auteur d'une Vie d'Holbcin et d'ouvrages sur les galeries de l'Angleterre et
de l'étranger. Il venait de publier une seconde série de dix-huit eaux-fortes
d'après les tableaux de la National Gallery.
— M. Thomas-William Marshall, sorti de l'Univer-ité de Cambridge,
entré dans les ordres anglicans, puis converti au catholirisme, vient de
mourir ; il était auteur de Notes sur l'épiscopat catholique, qui ont préparé sa
conversion, et en outre d'un bel ouvrage sur les Missions chrétiennes, dont
M. L. de Waziers a donné une traduction française en 1865 (2 vol. in-8'i, et col-
laborateur de la Dublin Rnciciv et de plusieurs recueils anglais et américains.
— Nous avons également à annoncer la mort de M. Claude Bernard, du
R. P. SECCHietdeM. delà Sal'ssaye, auxquels nous consacrerons des notices dans
notre prochaine livraison; — de M. Pien-e-Noël - Jules Leuire, né à Clairvaux
(Jura), le 17 mars 1814, mort à Mirevent, grand industriel, homme de bien,
artiste, antiquaire et archéologue, correspondant de l'Académie de Besançon
depuis 1872; — de M. Eugène Stourm, anciea rédacteur du Bon Sens et delà
Démocratie pacifique; — de M. Huguet Berthier, collaborateur de la Revue du
Lyonnais, mort à Nice dans le courant de janvier, à l'âge de trente-sept ans.
— 271 —
Institut. — Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans sa séance
du 8, l'Académie a nommé académicien 'titulaire, en remplacement de
M. Edgar Boutaric, décédé, M. le marquis d'Hervey de Saint-Denys. Il y a
eu deux tours de scrutin. Les suffi'ages se sont ainsi répartis : premier tour,
M. d'Heivey de Saint-Denys, 17; M. Paul Foucart, 9; M. Weil, (3; M. Barbier
de Meynard, 5; bulletin blanc, 1. — Deuxième tour. M. d'Hervey de Saint-
Denys, 24; M. Foucart, 8; M. Barbier de Meynard, 4; M. Weil, 1.
— Académie des sciences. — Dans la séance publique de l'Académie, tenue
le 28 janvier, les résultats du concours de 1877 ont été proclamés par M. le
secrétaire perpétuel.
Mécanique. — Prix Poncelct. Décerné à M. Laguerre, commandant d'artil-
lerie, examinateur à l'École polytechnique, jour l'ensemble de ses travaux
mathéraatbiques.
Prix Monlyon. Décerné à M. Caspari, ingénieur hydrographe, pour ses
« Études sur le mécanisme et la marche des chronomètres. )>
Prix Plumey. Décerné à M. de Fréminville, directeur du génie maritime,
pour ses études approfondies sur les conditions de distribution des nouvelles
machines Woolf employées à bord des navires
Prix Fourneyron. Décerné à M. Mallet. Le sujet spécial du concours indiqué
par l'Académie, conformément aux intentions du fondateur, était cette
année: « Machine à vapeur pour tramway. »
Astronomie. — Prix Lalandc. Accordé à M. Asaph. Hall pour sa découverte
des satellites de la planète Mars,
Prix Vaillant. M. Schulhof, pour son beau mémoire sur les planètes
perdues.
Prix Valz. MM. Paul et Prosper Henry, de l'Observatoire de Paris pour
leurs cartes des diverses régions du ciel, dressées en vue de faciliter la
recherche des petites planètes.
Physique, — Prix Lecaze. M, A. Cornu, ingénieur des mines, professeur à
l'École polytechnique, pour son beau et grand travail relatif à la « Détermi-
nation de le vitesse de la lumière, » d'après des expériences exécutées en
1874 entre l'Observatoire et Montlhéry.
Statistique. — Prix Monlyon : 1* décerné à M. E. Yvernès pour le travail
éclairé et les soins persévérants qu'il apporte aux volumes de la Statistique
civile ei. commerciale de la France; 2^ le prix réservé de 1876 est donné à
M. T. Loua pour la confection des quatre volumes in-folio de la Nouvelle
série de la statistique de France.
Deux mentions honorabjes sont en outre accordées : l'une à M. P. Disière
pour la partie statistique de ses mémoires sur la Marine cuirassée, in-8,
1873 ; sur les croiseurs, in-8, 187o, et sur la guerre d'escadre 1876 ; l'autre à
M. le D' Puech pour les recherches contenues dans son mémoire sur les
« Répétitions des accouchements multiples. »
Chimie. — PrixJecker. M. A. Houzeau, en récompense de ses travaux relatifs
à la production de l'ozone ainsi que sur le mode d'action de cette substance
à l'égard des matièi'es organiques, obtient un prix de 5,000 fr. sur les
fonds de l'année 1877, la seconde moitié du prix annuel ayant été réservée
pour parfaire le prix de 10,000 fr. décerné à M. Cloez, en 1876.
Prix Lacaze. Décerné à M. Troost, professeur à la Faculté des sciences dé
Paris, pour ses très-nombreuses recherches de chimie générale et minérale.
Botanique, — Prix Barbier. La commission ne pense pas qu'il y ait lieu de
décerner le prix. Elle propose d'accorder, à titre de récompense, une somme
de 4,000 fr. à M. Galippe pour ses Études loxicologiques sur les cantharides ;
— -ll'J —
une somme de 1,000 fr. à .MM. Lepage et Patrouillard pour leur « Guide
pratique pour servir à l'examen des caractères physiques, chimiques et
organoleptiques » que doivent présenter les diverses préparations du Codex,
ainsi qu'à l'essai des médicaments chimiques ; une somme de bOO fr. à
M. Manouvriez pour ses Recherches chimiques sur V inioxicalion saturnine locale
et directe et ses « Recherches sur les troubles de la sensibilité dans la con-
traction diopathique des extrémités. >>
Prix Desmaziéres. La commission accorde sur les fonds de ce prix: [° un
encouragement de 1,000 fr. à M. le docteur Quélet, pour le travail intitulé ;
Les Champignons du Jura et des Vosges ; 2- un encouragement de 600 fr. à
M. Bagnis, pour son mémoire intitulé : La Puccinie.
PrixBordin. Le sujet désigné était le suivant : « Étudier comparativement
la structure et le développement des organes de la végétation dans les
lycopodiacées. Un encouragement de 1,000 fr. est accordé à M. Charles-
Eugène Bertrand. La question est retirée du concours.
Prix Bordié. Pour le second prix, le sujet proposé était : « Étudier com-
parativement la structure des téguments de la graine dans les végétaux
angiospermes et gymnospermes. » Décerné à M. Charles-Eugène Bertrand.
Anatomie et Physiologie. — Prix Thore. Donné à M. Jousset de Bellesme,
pour l'ensemble de ses Recherches sur la physiologie des insectes.
Médecine et Chirurgie. — Prix Montyon. L'ensemble des ouvrages, manus-
crits et imprimés, qui ont été adressés cette année pour ce prix, ne s'élève
pas à moins de cinquante-cinq, sur lesquels un grand nombre étaient dignes
d'être remarqués par la commission. 11 a fallut néanmoins faire un choix et
remettre au concours de l'année prochaine les travaux sur lesquels on ne
peut se prononcer définitivement sans plus ample informé.
La commission décerne un prix de 2,500 fr. à M. Hannover, professeur à
l'université de Copenhague, pour son livre : La Rétine de Vhomme et des
vertébrés. Un prix de 2,500 fr. à M. Parrot, professeur à la faculté de Paris,
pour son beau livre sur l'autopsie Un prix de 2,500 fr. à M. Picot, profes-
seur à l'École de médecine de Tours, pour ses Leçons de pathologie générale.
Mentions honorables de l,o00 fr. à M. Topinard, ex wquo MM. Lassègue et
Re^nauld et MM. Delpech et Hillairet ; MM. Franck et Oré.
M. Topinard, pour son livre sur Y Anthropologie. Ses études sur le crâne
dans l'homme et les animaux l'ont conduit à cette conclusion que la capacité
du crâne adulte et normal est trois fois plus grande dans la race humaine
la moins favorisée que dans le genre d'antropoïde la plus favorisé. Et l'ou-
vrage entier concourt à établir et à confirmer cette proposition que
« l'homme se distingue de la brute, essentiellement par le volume de son
cerveau et le développement de ses fonctions cérébrales. »
MM. Lassègue et Regnauld pour a la Thérapeutique jugée par les chiffres.»
Les mouvements de la thérapeutique sont ainsi indiqués par des chiffres qui
sont l'expression certaine non pas seulement des idées doctrinales, mais
aussi des conquêtes définitives.
MM. Delpech et Hillairet, pour leur mémoire sur « les accidents auxquels
sont soumis les ouvriers employés à la fabrication des chromâtes. »
M. Franck, pour son étude sur o Les changements de volumes des organes
dans leurs rapports avec la circulation. »
M. Oré, pour ses travaux sur la « Médication intraveineuse et l'emploie du
choral. »
Citations. La Commission a distingué, en outre, et croit devoir signaler
par des citations les auteurs dont les noms suivent : M. Armingaud : « Né-
— 273 —
vrose vasomotrice. » M. Brouardel « l'Urûe et le foie. » i\I. Barq ; « La mé-
talloscopie et la métallotliérapie ». M. Couty ; « Études sur l'entrée de l'air
dans les veines. » M. Desprès : « La chirurgie journalière. » M. Lecomte ;
« Physiologie mécanique : le coude et la rotation de la main. » M. Megnin :
«Monographie de la tribut des sarcoptides psoriques. » M. Peyraud : « Études
expérimentales sur la régénération des tissus cartilagineux et osseux. »
M. Sabatbé : « Piecherches sur les mouvements du cerveau. » M. Sanné :
« Traité de la dipthérie. » M. Testut : « De la symétrie dans les affections de
la peau. »
P7ix Dréant. Prix de b,000 fr. décerné à M. Joanny Rendu pour ses a Re-
cherches sur une épidémie de variole à Lyon, étudiée au point de vue de
la contagion, » et pour son travail manuscrit a De l'isolement des varioleux
à l'étranger et en France, » à propos de l'épidémie de Lyon pendant les
années de 187.o, 1876 et 1877.
Prix Godard, porté à la somme de 2,000 fr., décerné à M. Calliat, pour les
« Études sur les muscles du périnée et sur l'anatomic normale et lestumeurs
du sein chez la femme. »
Physiologie. — Prix Montyon. Partagé entre M. Ferrier, médecin de
l'hùpital du roi à Londres, pour ses « Expériences sur les effets produits par
Félectrisation de la surface du cerveau, » et MM. Carville et Duret, jeunes
physiologistes de l'école de Paris, pour leurs « Recherches expérimentales
sur les fonctions des hémisphères cérébraux. »
Mention honorable. La commission a regretté de ne pouvoir décerner un
second prix à MM. Joly et Regnard, pour leurs belles a Études chimiques de
la respiration chez les animaux aquatiques. «
Enfin, la commission croit devoir signaler l'auteur d'un mémoire sur la
sensibilité, M. le docteur Charles Richet, jeune physiologiste dont la vive
intelligence et le jugement droit promettent beaucoup pour l'avenir.
Prix Lccazc. Décerné à M. Dareste pour ses belles « Recherches sur la pro-
duction artificielle des monstruosités. »
Prix généraux. — Prix Monlijon. Arts insalubres. Un encouragement de
2,000 fr. est accordé à M. Hétet, professeur de chimie à Brest, à l'occasion
des travaux auxquels il s'est livré dans l'intérêt de la marine pouraméliorer
la qualité des eaux potables fournies par les condenseurs à surface employés
dans la construction des machines à vapeur et pour éviter leurs effets cor-
rosifs sur le fer des chaudières.
Prix Trcmont. Décerné à M. Sidot, préparateur du cours de chimie au
lycée Cbarlemagne. M. Sidot, ancien aide du laboratoire de chimie de
l'École normale, s'est élevé peu à peu de la modeste position qu'il occupait
à celle d'un véritable savant exercé par une pratique assidue à la solution
des problèmes les plus intéressants. On peut signaler tout particulièrement
ses « Recherches sur la reproduction artificielle de quelques minéraux, la
production économique de charbons durs et bons conducteurs de l'électri-
cité ; la formation du monosulfure de carbone, des recherches sur le verre
de phosphate de chaux, etc. » En décernant le prix Trémont à M. Sidot,
l'Académie veut l'encourager à poursuivre ses travaux et lui donner une
preuve publique de l'intérêt qu'elle porte à son zèle et à sa persévérance.
Prix Gcgner. Maintenu à Funanimité pour cette année à M. Gaugain.
Prix de Mme la marquise de Laplace. Les cinq volumes de la Mécanique
céleste, de l'Exposition du système du monde, et le Traité des probabilités
sont remis à M. Dougados, né à Carcassonne (Aude), le G octobre iSbo, sorti
Mars 1878. T. XXII, 18.
— 274 —
]e premier en 1877 de l'École polytechnique et entré comme élève inerénieur
à l'École des mines.
Par une mesure générale prise en 186o, l'Académie a décidé que la clôture
des concours, pour les prix qu'elle propose, a lieu invariablement le pre-
mier jour de chaque année. Nul yaS^uautorisé à prendre le titre de »< lauréat
de l'Académie, » s'il n'a été jugé digne de recevoir ti?i pn'ar. Les personnes
qui ont obtenu des récompenses, des encouragements ou des mentions n'ont
pas droit à ce titre ,
— Académie des heaux-arts. Dans la séance du 9 février, l'Académie a
nommé membre titulaire, en remplacement de M. Martinet, décédé, M. Ber-
tinot, graveur en taille douce, par 18 voix, contre 16 à M. Oudiné, graveur
en médailles, et 1 à M. Blanchard.
Congrès. — Le Congrès des orientalistes doit se tenir à Lyon du 24 au
31 août.
— Le Congrès archéologique de France se tiendra cette année au Mans
et à Laval. Il s'ouvrira le 20 mai, au Mans, et aura sa séance de clôture le
28, à Laval.
École des chartes. — Le 21 et le 22 janvier dernier, treize élèves de l'École
des chartes ont soutenu, en séance publique, les thèses qui devaient leur
mériter le diplôme d'archiviste-paléographe. Plusieurs de ces thèses ont
été très-remarquées et ont donné lieu à une soutenance brillante. Nous
nous bornerons a mentionner les titres des travaux présentés. C'étaient :
Les Bourgeois du roi au moyen âge, par Ernest Babelon ; — Notice sur le bail-
liage el la prévrjlé dii Vitrg-lc-François, par Henry Bouchot ; — Étude sur L'ad-
ministration municipale à Tours, sous le gouvernement des élus (1336-1462),
par Joseph Delavilie le Roulx; — Essai sur les Revenus d'Enguerrand de
Marigny, suivi de son cartulaire, par Charles Durier; — Bernard VII, comte
d'Armagnac, connétable de France (1367-1418). p;ir Paul Durrieu ; — Essai sur
Vhistoire de Sentis au moyen âge, par Jules Flammermont; — Les Baillis de
Mdcon, sénéchaux de Lyon (1239-1790). Co7itribution à l'extension de l'autorité
royale var le ministère des baillis^ par Henri Furgeot ; — Le Parlement de
Paris (1418-1436), par Armand d'Herbomez; — Essai sur l'histoire des rela-
tions de la France avec l'Allemagne sous Charles VII, par Alfred Leroux ; —
La Mari)ie militaire du Ponant entre 1364 et 1374, par Léon Pajot; —
Élude sur le dialecte lyonnais et des provinces voisines aux treizième et çua-
<or2«e?»e 5JccZes, par E. -P. -L.-Philipon ; — Étude sur l'administration et les
revenus du trésor royal sous Philippe le Bel, d'après le Jour7ial du Louvre, par
Octave Raguenet ; — Les Institutions municipales de Narbonne au moyen âge,
par Emile Raunié. On peut apprécier la variété et l'importance des sujets
traités ; plusieurs ont fourni des aperçus nouveaux et éclairci des points
considérables d'histoire. A la suite de ces examens et par décret du mi-
nistre de l'Instruction publique en date 30 janvier dernier, les treize candi-
dats ont été nommés archivisles-paléographes dans l'ordre de mérite sui-
vant : MM. Durrieu. Babelun, Delavilie le Roulx, d'Herbomez, Furgeot,
Raunié, Leroux, Philipon et Durier ; ont été nommés hors rangs, MM. Ra-
guenet, Flammermont et Pajot. On a remarqué que les cinq premiers
étaient membres de la Conférence d'études historiques établie au siège de la
Société Bibliographique; c'est un succès dont cette conforence, jeune encore
et pleine d'avenir, a lieu de s'applaudir. — Ea. B.
Lectures FAITES a l'Académie des inscriptionset belles-lettres. — Dans la
séance du 1" février, M. Jules Desnoyer a fait un rapport sur un ouvrage de
M. E, Carîailhac, concernant l'âge de pierre dans les souvenirs et superstitions
populaires. M. Edmond Le Blant a fait un rapport sur le second volume des
persécutions du christianisme primitif de M. B. Aube. — Dans la séance du
8, M. de Saulcy a communiqué une note de M. Clermont-Ganneau, signa-
lant, à Jérusalem, la découverte de peintures du douzième siècle, munies de
légendes dont l'une porte le nom de Betphagé. M. Derembourg a présenté
des observations sur cette découverte. — Dans les séances des 8, lo et 22,
M Deloche a continué la lecture de son mémoire sur les invasions gau-
loises en Italie. — Dans la séance du IG, M. Edmond Le Blant a communi-
qué une note sur le texte des actesde sainte Tbècle. M. Eugène Revillout a
repris la lecture de ses études démotiques. — Dans la séance du 21, M. Gef-
froy a transmis à l'Académie les résultats des fouilles de Palestrina, par
M. Ferniques. M. iMichel Bréal a d -mné lecture d'une lettre de M. B. Mowat
sur une inscription chypriote, et M. Siméon Luce a lu un mémoire intitulé
« les Juifs sous Charles V et le fonds hébraïque du trésor des chartes,
en 1372. »
Lectures FAITES a l'Académie des scie.xces morales et politiques. — Dans la
séance du 2 février, M. Hippolyte Passy a fait un rapport sur le traité théo-
rique et pratique de statistique de M. Maurice Block ; M. Ch. Giraud sur une
traduction en vers français du de Natura de Lucrèce, par M. le premier pré-
sident Larombière. M. Jules Simon a fait, sur deux ouvrages de MM. Antony
Rouillet et Carnot, traitant de l'Elcole d'administration, un rapport au sujet
duquel s'est élevé une discussion à laquelle ont pris part MM. Ch. Giraud, E.
de Parieu, Levasseur, Hippolyte Passy et A. Franck. — Dais la séance du 9,
M. Baudrillart a continué la lecture de son mémoire sur l'état des populations
agricoles en Normandie. MM. H. fassy, Ch. Giraud et Kœnigswarter ont. à
ce sujet, présenté des observations. — Dans la séance du 16, M. Ch. Lucas
a présenté des considérations sur la transportation, à l'occasion d'une notice
adressée par le ministre de la marine et des colonies sur la transportation
pénale à la Guyane et à la Nouvelle-Calédonie pendant la période quinquen-
nale 1871-1876. M. Jules Zeller a commencé la lecture d'un mémoire sur le
schisme qui suivit la mort d'ilonorius II en 1130. — Dans la séance du 23,
M. Zeller a continué la lecture de son mémoire sur le schisme produit dans
rÉglise par la double élection de 1130. et M. Baudrillart a repris la lecture
de son mémoire sur les populations agricoles de la Normandie.
Livres a l'Index. — Dans sa dernière session, la Congrégation de l'Index
a condamné les ouvrages suivants: Ellero (Pietro) : ScrUtiminori. Bologna,
tip. Fava et Garagnani, 187o. Scrilti politici. Bologna 1S76. La Questione
sociale. Bologna 1877. — Zeller (Eduard), professeur à l'Université de
Berlin : La Légende de saint Pierre, premier évéqite de Rome, traduit par
Alfred Marchand. Paris, 1876. Quocumque idiomate. — Renan (Ernest) :
Les Évangiles, Paris, 1877. — Reinke (D' Joseph) : Ueber Einheit der KatJio-
lischen Kirche. ^Yùszburg, 1877. Latine vero : De Unitate Ecclesiœ catholicie.
Opus prœdamnatum ex Reg. IL Indicis Tridentini. Decr, S. Otï. feria IV,
die 19 dec. 1877. ht an Christi Stelle filr uns der Papst getreten ? Latine vero :
Estne pro nobis Romanus Pontifex posiius Chrisli loco ? Opus praîdamnatura
ex Reg. IL Indicis Tridentini. Decr. S. Otï. feria IV, die 19 dec. 1877. —
Friedrich (D"' J.) : Geschichte des Vaiicanischcn Konzils. Bonn, 1877. Latine
vero: Historia Concilii Vaticani. Opus prœdamnatum ex Reg. IL Indicis
Tridentini. Decr. S. Olf. feria IV, die 19 dec. 1877.
Le Mouvement littéraire en Catalogne en 1877. — L'excellente revue
— 27G —
cafalanc, la Renaixcnsa, puLlic, dans son numéro du mois de janvier, im
intéressant arLicle sur ce sujet. Nous allons tâcher de le résumer en peu de
mots. Le nombre d'oîuvres catalanes publiées en iSll s'élève à cent eeize,
dont soixante-dix-neuf appartiennent au théâtre, ce qui donne une augmen-
tation de vingt-six œuvres sur 1876 et de soixante-deux sur 1875. Parmi
ces publications, il en est une qui a fait sensation bien au-delà des limites
de la Catalogne; c'est Y Atlantide, de Verdaguer, dont le Polijbiblion a parlé
en détail. Il faut citer aussi la Romancer català d'Ubach y Vinyeta; le
roman de Marti y Folguera, la Caragirat ; la publication du cinquième tome
des Chansons jwpulaircs de Pelay-Briz ; un livre ancien mais jusqu'ici inédit,
Los colloques de la insigne Ciutat de Tortosa, par Derpuig et aussi les Cortar
à la doua, qui ont paru dans la Llumanera de New York, mais qui sont en
langue catalane. Le Polybiblion a déjà eu l'occasion d'entretenir ses lecteurs
des Tradicioncs religiosas d'Aqua de Valldanio, du Mon invisible de Gayeta
Vidal, des Costums nupcials catalanas de M. Balaguer y Marino. Plusieurs
Catalans écrivent aussi en castillan. C'est ainsi que, dans cette langue,
M. Balaguer y Marino a réfuté diverses allégations relatives aux historiens
espagnols et vengé le catholicisTiie d'attaques mal fondées; que Don Joa-
quim Rubio y Ors, a composé son travail, que nous avons déjà indiqué sur
la renaissance littéraire dans sa patrie; que M. Antoni de Bofarull publia
YHistoria critica de Catalona. Nous pourrions encore retrouver, dans des
revues françaises, le nom de M. Milà y Fontanals, le savant et respectable
professeur de Bai'celone, et celui de M. Balaguer y Marino. Il y a vi^aiment,
dans cette province de Catalogne, une remarquable activité intellectuelle...
Mais, nous nous sommes un peu éloigné de la statistique donnée par la
Renaixcnsa, nous y revenons et lui demanderons l'indication des périodiques
écrits en catalan. Ces périodiques sont : La Renaixcnsa ; L'Art del pager;
La Familia cristiana; La Campana de Gracia; Los Jochs florals; Le Nunci;
la Papallona; En Danyeta; VEnlrctanemcnt; La Brodera catalana; La Lluma-
nera de Nciv York; L'Aurcnato de Buenos Ayres. A cette liste, il faut ajouter
encore une nouvelle revue, Lo Gag Saber.
Une Mystification littéraire. — M. Célestin Poi't, le savant archiviste de
Maine-et-Loire, vient de dévoiler dans une brochure écrite avec la plus
spirituelle vivacité {Questions angevines. Thomasseau de Cursay. Extrait de
la Revue de V Anjou. Angers, 1878, tirage à part à oO exemplaires) , « une des
mystifications les plus audacieuses et, quoique entreprise sans art, le mieux
réussies qu'on puisse citer dans la littérature historique, » et dont « la
piste a jusqu'à ce jour échappé aux dénicheurs de supercheries littéraires. »
Il s'agit de la glorification faite par Jean-Marie Thomasseau de Cursay (né à
Paris le 2o novembi-e 170o, mort en cette ville en 1781) de plusieurs de ses
ancêtres, lesquels, soit comme savants, soit comme héros, n'ont existé que
dans les publications de l'intrépide faussaire. Les plus fameux des per-
sonnages inventés de pied en cap, par J.-M. Thomasseau de Cursay sont
Joseph Thomasseau de Cursay, médecin de Louis XIV, et surtout ce guerrier
sans reproche dont tous les derniers historiens de l'Anjou ont admiré le
noble caraclère, dont Voltaire lui-même a célébré avec attendrissement la
chevaleresque conduite, ce Louis Thomasseau de Cursay qui aurait refusé
de faire exécuter à Angers le massacre des huguenots en août 1572. M. Cé-
lestin Port a démoli avec autant de verve que d'érudition le roman dont
tant de lecteurs ont été les dupes, et sa brochure n'est pas moins amu-
sante que concluante. — T. ue L.
Index expurgatorius axglicaxcs. — Un bibliophile anglais qui ne se borne
pas à réunir des livres plus ou moins curieux, mais en sait tirer parti,
M.W.-H. Hart, a entrepris une publication intéressante'; il fait paraître, sous
le titre d'Index expurgatorius angliccmus,un catalogue raisonné des ouvrages
qui, dans la Grande-Bretagne, ont été l'objet de poursuites judiciaires. Ce
travail, dont il n'a paru jusqu'ici que quatre fascicules, ne dépasse pas
encore l'année 1683; la plupart des livres qu'il signale se rapportent aux
discussions politiques que provoquèrent des époques troublées ; les uns
attaquent la reine Elisabeth, d'autres sont hostiles au malheurreux Charles I",
un certain nombre, après la chute de ce roi, se prononcent avec vigueur
contre la république et contre les républicains qui, maîtres du pouvoir, en-
tendaient s'y maintenir. Ce qui est crime à telle époque devient vertu
quelque temps après, ce qui avait mérité des récompenses se trouve digne
de châtiment, c'est l'histoire éternelle des révolutions. Parfois, les punitions
furent extrêmement sévères ; des citholiques furent pendus pour avoir dis-
cuté les droits de la reine; en 1633 un écrivain, William Prynne, s'étant
avisé de publier l'Histrio-martrix; Player' s Swurge (le Fléau des aclcurs) on
y vit des injures adressées à ia cour, où avaient eu lieu des représentations
auxquelles prenaient part des personnes du rang le plus élevé; Prynne, fut
condamné à être mis à plusieurs reprises au pilori, à avoir les deux oreilles
coupées, à payer une amende énorme (o,000 livres sterling) et à une dé-
tention perpétuelle. Il est à désirer que M. Hart mette avant peu au jour
le complément des résultats de ses recherches; elles portent sur une branche
de la science bibliographique tout à fait inconnue hors de l'Angleterre.
Querelle littéraire en Sicile. — Le Polybiblion a parlé d'observations
faites, avec beaucoup de mesure, par M. S.S.Marino, sur la dernière édition
des chants populaires siciliens recueillis par M. Vigo. Celui-ci a fort mal
pris une critique très-convenable, très-couiioise et a répliqué sous le nom
de sa belle-fille avec une grande violence. MM. Pitre et Marino, pris tous
deux à parti par l'irascible Vigo, ont riposté dans une brochure dont nous
avons déjà dit un mot : Qui dit ce qu'il veut entendra ce qu'il ne veut pas.
La guerre ne s'est pas arrêtée là, et la signera Giuseppina Vigo-Pennisi, ou
plutôt son beau-père a lancé un nouvel opuscule : Lumière et vérité qui a
provoqué une seconde brochure de MM. Pitre et Marino, contenant l'histoire
de la querelle et de nombreux fragments empruntés à la diatribe de la
signora Vigo-Pennisi. Toutes les bornes d'une discussion permise sont fran-
chies dans l'œuvre de cette dame ou de son-beau père. Les personnalités
les plus violerites sont adressées aux deux jeunes et érudits écrivains qui
ont rendu tant de services à la littérature italienne et ont provoqué partout
tant de sympathies. Un numéro du Giotmale cli Sicilia nous prouve que la
polémique a pris un caractère de plus en plus véhément. Nous lisons dans ce
journal une sorte de protestation signée par un grand nomhre d'honoi'ables
Siciliens et contenant un blâme énergique à l'égard de M. Vigo et uu témoi-
gnage d'estime et de profond intérêt pour les deux littérateurs qu'il pour-
suit avec une telle acrimonie. Espérons que cette querelle finii^a bientôt et
que MM. Pitre et Marino pourront reprendre en paix le cours de leurs travaux
si appréciés du public érudit.
Une lettre inédite du chevalier d'Éon. — La Revue critique {^ février 1878)
publie une lettre inédite du chevalier d'Éon, adressée, le 17 février 1779, à
M. du Pavillon, commandant-major de la flotte d'Orvilliers, Cette lettre
n'apprend rien de nouveau. M. (iaillardet, dans son Histoire du chevalier
d'Eon,a raconté que le chevalier, qui avait pris, une première fois, un dégui-
— 278 —
sèment féminin en 1774, et une seconde fois en novembre 1777, par ordre
de Louis XVI, demanda à plusieurs reprises la permission de reprendre ses
habits d'hommes. Cette nouvelle lettre exprime le môme désir, mais elle ne
donne pas d'éclaircissements sur les causes qui faisaient interdire au cheva-
lier de porter les habits de son sexe.
Le Droit du seigneur. — Nous avons sous les yeux une plaquette inti-
tulée : Les Droits du seigneur; recherches sur l'origine et la nature des droits
connus anciennement sous les noms de : Droits de premières nuits, de markette,
d'afforage, marcheta, maritagium et bumede, par J.-J. Raepsaet (Gand,
Lemounier, 1877, in-8 de 57 p. 2 fr. 50). Nous reconnaissons avec
empressement que l'auteur a plaidé avec méthode et lucidité una excellente
cause; il établit très-clairement l'absurdité de tout ce qui a été dit et répété
sur le droit du seigneur, et donne la signification véritable de termes dont
l'ignorance et surtout la mauvaise foi se sont fait des armes contre la
vérité et le bon sens. Nous serions tenté de faire cependant un reproche à
M. J.-J. Raepsaet, c'est de paraître peu au fait de la bibliographie de son
sujet. Comment semble-t-il ignorer les travaux si spirituels et si savants de
M. L. Veiiillot,, dont il ne parle pas plus que du travail publié en juillet 1866
dans la Revue des Questions historiques? Sa brochure a été imprimée à
Gand; mais, à Gand, on sait facilement ce qui parait ù Paris; tous ses argu-
ments ont déjà été employés; s'il n'a pas lu les ouvrages précités, il s'est
donné beaucoup de peioe pour trouver ce qui était déjà dans le domaine
public. Nous ne voyons qu'un avantage dans sa publication, c'est que la
brièveté du texte et l'élégance de ce petit vulume lui permettront de se
répandre facilement parmi les lecteurs qui aiment à s'instruire en quelques
instants.
La Revue l'Lnstruction publique et les Pensées de Pascal. — A propos de
la nouvelle édition des Pensées de Pascal, donnée par M. A. Molinier,
Y Instruction publique a publié (n° du 1" décembre 1877 au 2 février 1878)
une intéressante Étude critique sur le texte des "pensées de Pascal. L'auteur ex-
pose les reproches que l'on peut faire aux éditions des Pensées, et développe
le système qu'il croit devoir être adopté pour la préparation d'une édition
définitive. Altérations involontaires et lacunes voulues, telle? sont, d'après
lui, les principales fautes qui subsistent dans les textes imprimés des Pen-
sées, et il prouve la médiocrité de ces textes en les comparant avec les ma-
nuscrits originaux de Pascal. Il pense que, pour une nouvelle publication,
l'auteur déviait, non pas, comme ses devanciers, diviser les Pensées par ar-
ticles, sous un certain nombre de chefs, mais suivre purement et simplement
l'ordre chronologique. Pour déterminer cet ordre chronologique, il faudrait
tenir comte de l'esprit même du fragment, de la qualité du papier, des par-
ticularités de l'écriture, de la nature de l'eucre. — Cette dissertation a sou-
levé une polémique, et un universitaire y a répondu dans la même revue
(n° du 26 janvier -1878 et 2 février 1878). Ce nouveau critique ne veut pas
de l'ordre chronologique, qu'il croit, du reste, à peu près impossible à
déterminer. De plus, dit-il, si l'ordre chronologique est l'ordre véritable,
tous les commentateurs de Pascal se sont trompés, car aucun n'en a tenu
compte. Pour que cette méthode eût l'importance qu'on cherche à lui atta-
cher, il faudrait que l'on établit que Pascal écrivait sans plan déterminé;
mais alors, les Pensées ne constitueraient plus qu'une sorte de journal ou de
recueil de maximes détachées, ce qui n'est guère admissible. Quoi qu'il en
soit de l'une ou de l'autre de ces opinions, cette discussion ne laissera pas
que de jeter un certain jour sur la question ; et nous souhaitons qu'elle
— 279 —
provoque la publication de l'édition définitive du monument inachevé que
Pascal nous a laissé. — Er. B.
La Comedia de Damte en Catalan. — Au quinzième siècle, un Catalan cé-
lèbre, Andréa Febret, traduisit la Divine Comédie en tercets et avec une trè--
remarquable exactitude. C'est cette ancienne traduction dont M. Cayetano
Vidal y Valenciano a entrepris la publicïtion dan» de très-belles conditions
tj-pographiques, à en juger par le spécimen que nous avons î-ous les yeux. Ce
spécimen contient le début de l'épisode d'Ugolin ; nous en donnerons le pre-
mier tercet qui fera voir combien Febret a éié traducteur fidèle :
La boqua suslevà d'aquell fier part
Lo peccador, torquentle osbra aquell
AI pels del cap qu'hevia derrec gart.
Fautes d'impression du manuel du libraire. — J'ai souvent entendu dire
que feu F. Ch. Brunet mettait un soin extrême à corriger les épreuves de
son précieux ManiieZ. Comment se fait-il qu'il ait laissé passer (t. T. col. 8(12-
864) ces quatre fautes dans trois mots : « Lassay (Amand de Modaillon de
Lesperne, marquis de). Voyez recueil de différentes choses?» Au lieu
à'Amand, il fallait Armand; au lieu de Modaillon, Madaillan; au lieu de
Lesperne, Lesparre.
Petit armorial romanais. — M. le U' Ulysse Chevalier vient de publier sous
ce titre (Vienne, Savigné, imprimeur-éditeur) une brochure de 36 pages gr.
in-8, extraite de la Revue du Dauphinc et du Vivarais. C'est un travail
très-bien fait, comme le sont tous les travaux du favant père de notre
collaborateur, M. l'abbé Ulysse Chevalier. L'auteur a mis beaucoup de pa-
tience à découvrir et beaucoup d'exactitude à décrire les armoiries des an-
ciennes familles des Romans. Chacun des 300 articles environ de l'armoriai
comprend une notice biographique très-succincte sur un, deux ou trois per-
sonnages les plus anciens ou les plus notables de la famille et la description
des armoiries que les familles romanaises ont reçues ou se sont données.
L'opuscule fournit de nombreuses additions au beau volume de M. Rivière
de la Bâtie : il est précédé de considérations sur l'origine des armoiries qui
sont fort judicieuses et fort intéressantes. — T. de L.
L'Éducation de l'avenir. — On nous a adressé le second numéro (février
1878) de VÉeole nouvelle, revue de l'éducation « intégrale,» scientifique, indus-
trielle, artistique et de la réforme pédagogique publiée par une réunion de
professeurs, d'instituteurs et de « travailleurs, » dont la publication avait été
interrompue par « les événements de l'année 1877. » Son but ne devient
réalisable que « sous un gouvernement républicain. » Elle le poursuit avec
« l'espoir de fonder une république progressive et durable. » Les rédacteurs
de cette nouvelle revue rejettent la vieille formule : obligation, gratuité,
laïcité, qui n'est plus en harmonie avec le progrès général : ils lui substituent :
assurance contre l'ignoi'ance, crédit à l'enseignement, instruction intégrale,
scientifique, industrielle « assimilatrice du passé et créatrice de l'avenir. «
« Ils pensent qu'il faut r'éràer toutes les formules et toutes les notions qui
circulent parmi les républicains au sujet de ï éducation. Ils pensent, par
exemple, que les droits de l'enfant, faible et exploité, doivent être protégés
par la société; ils voient bien les devoirs du père de famille, ils ne voient pas
ses droits dont on parle tant (p. 2) «. Cette profession de foi, textuellement
extraite du programme, est confirmée par un article sur les Droits des enfants,
les droits des pères : « Nous reviendrons à loisir sur cet important sujet, mais
nous croyons urgent de rappeler que nous voyons bien les devoirs du père
— 280 —
envers ses enfants... mais nous ne voyons pas ses droils. Et suiiout nous ne
voyons pas qu'ils doivent primer ceux de l'enfant. . . Les liens du sang n'au-
torisent plus les abus de la puissance paternelle admis chez les anciens; il
nous reste encore un pas à faire : cette prétendue puissance doit disparaître
aussi dans le monde des idées et des croyances. » — L'École nouvelle se
recommande aux pères de familles !
Publication des registres de la ville de Todrs. — La Société archéologique
de ïouraine vient de prendre sous son patronage uneimpoi'tante publication
dont l'initiative appartient à l'un de ses membres les plus distingués, M. J.
Delavillc Le Roulx, ancien élève pensionnaire de l'Ecole des chartes. Il
s'agit des Registres des comptes municipaux de la ville de Tours de ISooà 14G2.
Il est à peine besoin de faire ressortir l'importance de cette publication
qui se rapporte à l'une des époques les plus troublées de notre histoire
nationale et à une période particulièrement intéressante de l'administration
municipale de Tours. « Le séjour presque continuel de la cour enTouraine,
dit M. Delaville Le Roulx, le rôle considérable joué par la ville de Tours à
cette époque à cause du pèlerinage au tombeau de saint Martin, sa position
sur la Loire, au cœur de la monarchie, produisirent à Tours un grand mou-
vement commercial, intellectuel et artistique, et firent de la ville un centre
de réunion où les intérêts de tout genre, politiques, administratifs, diplo-
matiques furent souvent débattus. » Tous ces faits se trouvent consignés
dans les registres municipaux, et recommandent l'œuvre de M. Delaville Le
Roulx à tous ceux qui aiment notre histoire et la France d'autrefois. Les
Registres municipaux de Tours {V^ ?,(}Viq) comprendront huit volumes environ
in-8 raisin, avec notes, éclaircissements et tables. Un volume d'introduction
paraîtra au cours de la publication. Le prix de l'ouvrage est de lo francs
par volume, réduit à 12 francs pour les souscripteurs et à 10 francs pour
les membres de la Société archéologique de Tours,
— Sous le titre de Dictons populaires sur le temps M. Francis de Roucy, de
la Société météorologique, vient de publier (Paris, Pion, in-18 de 24 p.) un
petit recueil des proverbes météorologiques seulement, et pour la France,
qui expriment souvent, comme il le dit très-bien, le résultat de longues et
nombreuses observations. A part les pronostics généraux, ils sont classés par
mois, au nombre de 127, avec un répertoire alphabétique permettant de les
trouver facilement suivant le sujet auquel ils se rapportent.
— M. II. d'Anselme, ancien officier supérieur, continue dans les a Annales
de philosophie chrétienne » la publication de ses lettres au R. P. Brucker de
la Compagnie de Jésus sur les traditions comparées. Les treizième, quator-
zième et quinzième, que nous avons sous les yeux, ont pour titre : Dili et
aditi des Hindous; — de Noé sous lo nom de Persée; — des Adamites sous le nom
de Pelages.
— Il existe en Angleterre une Société des index, qui a pour but de publier des
tables ou catalogues d'ouvrages relatifs aux diverses branches des connais-
sances humaines. Elle a donné les index de la littérature, de l'économie
politique; elle prépare ceux des portraits qui se trouvent dans la Grande-
Bretagne, des titres d'honneur éteints ou encore existants. Elle publiera dans
le courant de l'année un index du grand ouvrage de Kemble sur les Saxons
en Angleterre. — {Athenxum.)
— On va vendre aux enchères à LondreSj dans le courantde mars, la première
édition du Peutateuque eu hébreu, imprimée à Bologne en 1482, dont
Yan Praet ne connaissait qu'un exemplaire, quoique Brunet assure qu'il en
— 281 —
existe cinq ou six; les grands et les petits prapliètes, aussi en hi^bveu, im-
piimés en 148o, en deux volumes.
— M. Armitage publie à Londres un recueil de littérature provençale, qui
renferme : des sermons en limousin, d'après un manuscrit de la bibliothèque
nationale de Paris, dont M. P. Meyer a déjà publié sept; le sermon de
Vincent Ferrier et deux autres sermons tirés d'un manuscrit d'Oxford; la
prise de Narbonne par Philomena, d'après la bibliothèque de Paris et celle
du Dritish Muséum ; la destruction de Jérusalem, d'après un manuscrit de
Paris, décrit par M. P. Meyer, etc. — {Athenœum.)
— M. Thomas Chaplin a écrit à VAthencrum (2o févriei') une letlre dans
laquelle il établit, à l'aide d'observations statistiques, que la supputation
de l'historien Josèphe, qui évalue à trois millions d'ùmes la populatioa juive
enfermée à Jérusalem, lors de la prise de cette ville par Titus, doit être
admise comme plus près de la vérité qu'où ne l'a souvent supposé.
— Le libraire Gustave Koester, de Heidelberg, annonce la publication
d'un Excmpla codicum grxcorum, recueil de fac-similé photographiques de
manuscrits grecs en petits caractères. Ce volume fera le pendant de celui
qui a déjà paru sous le titre de Exempla Codicum latinorum, et qui ren-
ferme oO spécimens, dont 28 ont été dessinés d'après des manuscrits datés. —
[Academy).
— La Société des arts et des sciences de Batavia va célébrer, le 24 avinl
prochain, le centième anniversaire de sa foadation. C'est la plus ancienne
des sociétés qui ont pour objet l'étude des littératures et des antiquités
orientales. La Société asiatique du Bengale ne date que de 1784.
— La grammaire de l'idiome kiriri, parlé par les Indiens chrétiens (fe la
province de Bahia, au Brésil, vient d'être publiée en portugais, à Rio-Janeiro,
aux frais de la bibliothèque nationale. La première édition datait de 1698.
— iAcadcmy.)
Un travail important pour l'arche Jlogie biblique va paraître prochainement
à Londres, sous le titre d'Études i«r les temps d'Abraham, par H. G. Tomkims.
L'auteur a mis à contribution les ouvrages des plus savants assyriologues
et égyptologues. Son livre renfermerai le tableau le plus exact de la vie
sociale et religieuse des populations de la Babylonie 2,000 ans avant Jésus-
Christ. — {Academy.)
— La décision prise dernièrement par le gouvernement anglais de publier
en fac-similé toutes les chartes en anglo-saxon, du British Muséum, xnrecexoiv
son exécution. Le premier fascicule comprend la reproduction photogra-
phique des chartes conservées dans la bibliothèque de la Cathédrale de Can-
terbury, accompagnée de leur copie et de leur traduction. — (Academy.)
— Le Journal officiel nous apprend qu'une riche collection d'autographes de
Gœthe, de Schiller et de Herder vient d'être découverte à Scheubengrobs-
dorf, par M. Preller, dans des papiers de famille. Les manuscrits de Schiller
comprennent le Rauherbad, les Gœtter Griechenlands, les Rathsel; ceux de
Gœthe et de Herder renferment des notes très-intéressantes qui olfrent quel-
ques variantes des textes primitifs. Ou remai-que aussi dans cette collection
plusieurs lettres adressées à Schiller par des amis ou connaissances.
— Le North China Herald apprend qu'une bibliothèque d'ouvrages en
langue chinoise, comprenant environ G, 000 volumes, vient d'être achetée,
par le secrétaire de la légation britannique à Pékin, pour le compte du
Dritish Muséum. Cette collection, qui doit èlre expédiée prochainement à
Londres, a été préparée sous les auspices de l'empereur Kang-Hi, et im-
primée avec des caractères mobiles fabriqués tout exprès, sous la direction
— 282 —
des missionnaires jésuites; cet immense travail a été terminé en 1875. La
table des matières contient à elle seule vingt volumes.
— M. Léon Pages vient de donner une seconde édition de son intéres-
fanto étude sur Valmy, à laquelle il a joint une lettre fort curieuse du car-
dinal Mathieu sur le rôle de la franc-maçonnerie dans les faits dont il nous
donne le récit.
— Lo Gay Saber annonce l'apparitioa d'un volume de traditions et contes
publié par M. Artui Masiera y (^olomar sous ce titre : Perlas Catalanas.
— Le même périodique parle de la publication prochaine d'une biblio-
thèque d'auteurs mayorquins anciens et modernes.
— On a lu, dans une séance de l'Athénée de Barcelone, un chant inédit de
\'Atla7itide. La salle était comble : le fait est digne de mention.
— La Defensa de ta Sociedad dn i" janvier annonce la publication du
tome IX du Refranera gênerai espanol, Ce vaste recueil de proverbes n'*»«t
tiré qu'à 400 exemplaires. Ce sera bien vite une rareté.
Publications NOUVELLES. — Le Christianisme et les temps présents, par l'abbé
F. Bougaud (t. III, in-8, Poussielgue). — De la démocratie dans ses rapports
avec l'économie politique, par H.-C. Mailfer (in-8, Guillaumin). — Études sur
le rationalisme contemporain, par le R. P. H. de Valroger (in-8, Lecoffre).
— Traité pratique de Véducation maternelle, par M^"" Pichenot (in-12, Bray et
Retaux). — Précis d'histologie, par H. Frey (in-12, Savy). — Les Fonctions du
cerveau, par D. Ferrier (in-8, Gernier-Baillière). — Les Causes des phénomènes
glaciaires et torrides, justifications par J. Peroche (in-8, Germer- Baillière). —
Dictionnaire annuel des progrès, des sciences et institutions médicales, par P.
Garnier, 13^ année 1877(in-18, Germer-Baillière). — La Grèce et la Turquie,
par A. Gillieron (in-i2, Sandoz). — Exposition de 1878 et les inventeurs, par
Ambroise Rendu (in-i2, Sagnier). — Vocations agricoles, par J.-B. Busseuil
(in-8, Pion). — La Philosophie de l'histoire en France, par R. Flint (in-8,
Germer-Baillière). — Les premiers convertis nu christianisme, par l'abbé A.
Laurent (in-8, Lyon, Vitte et Lutrin). — Le Conclave et le Pape, par Mgr X.
Barbier de Montault (in-12, Oudin). — Les Évêqties et Archevêques de Paris,
parle vicomte G. d'Avenel (2 vol. in-8, Casterman). — Vie de saint François
d'Assise, par l'abbé H. Cazalis (in-12, Baltenweck). — Le Cardinal de Retz
et l'affaire du chapeau, par R. Chantelauze (2 vol. in-8, Didier). — Louis XIV,
à Strasbourg, par A. Legrelle (in-8, Gand, Snoeck-Ducaju}. — U Esprit' révo-
lutionnaire avaiit la Révolution^ 1715-1789, par Roquain (in-8, Pion). —
Mémoires sur V Émigration, par de Lescure (in-12, Didot). — Fouquier-Tin-
ville et le Tribunal révolutionnaire, par Demenget (in-8, Paul Dupont). —
Les Convulsions de Paris, t. I. Les Prisons pendant la Commune, par Maxime
du Camp (in-8, Hachette). — L' Année politique 1877, par André Daniel (in-18.
Charpentier).— 7Voi7'e-Z)rt?7ie de Marpingen (in-12, Casterman). — Le Miracle du
16 septembre 1877, par H. Lasserre (in-12, Palmé). — Le Denier du Sacré-Cœur,
par P. Féval (in-12. Palmé). — Le Chemin de Damas, par le général Ambert
(in-12. Palmé). — Jules Darbelle, par J. d'Arsac (in-12, Casterman). —
Où se cache le bonheur, par H. Roux-Ferrand (in-12, Olmer). — Vaisseaux
brûlés, par Claire de Chandeneux (in-12, Th. Olmer). — Notes et documents
sur l'instruction primaire en Suisse, par Henri Maguin (in-8, Delagrave). —
Saint Hubert, sa légende, son histoire, par Joseph Demarteau (in-12, Liège,
imp. Demarteau). — Vie de M. P.-Fr. Néron, prêtre de la Société des Mission
étrangères, par M. l'abbé Chère (in-12, Lons-le-Saunier, impr. Gauthier). —
La Journée d'une dame romaine sous les Césars. Curiosité historique, par Fer-
— 283 —
nandNicolay (in-12, imp. Le Clere), — Le Recrutement territorial sous l'an-
cien régime. Étude sur la milice dans la Champayne méridionale, par Albert
Babeau (in-8, Paris, Menu). Visenot.
CORRESPONDANCE
L.Mnetruction pi'imaîre avant 1TS9.
(Voir X, 60, 123, 245; XI, 182, 247 ; — XII, 195.)
Devals. Les Écoles publiques à Montauban du X' au XVI" siècle. Montauban,
1873, in-8. — Sérv^er L'Instruction primaire dans la région des Pyrénées
Occidentales, spécialement en fiéarn (1385-1789) Pau, 1873, in-8. — Babeau.
U Instruction primaire dans les campagnes avant 1789. Troyes,187o, in-8. —
CauviiX. Recherches sur les établissements de charité et d'instruction du diocèse
du Mans. Le Mans, 1825, in-8. — Bellée. Recherches sur l'instruction pri-
maire dans la Sarthe, avant et pendant la Révolution. Le Mans, 1875, in-12.
— QuANTiN. Histoire de V instruction primaire, avant 1789 dans les pays for-
mant le département de VYonnc, Auxerre, 1874, in-8. — Fayet. Les hautes
œuvres de la Révolulio?i en matière d'enseignement. LangreSj s. d. in-8.
— Le mêmp:. Les écoles de Bourgogne sous l'ancien régime. Langres, 1875, in-8.
— Le même. Comment les cléricaux fondent des écoles., comment les autres
les détruisent. Châteauroux, 1874, br. in-8. — A. de Jussieu, Histoire de
l'instruction primaire en Savoie. Cliambéry, 1875, in-8. — G. Bourbon. La
Licence d'enseigner et le rôle de l'écolâtre au vioyen âge. Paris, in-8 (Extr. de
la Revue des questions historiques, aofit 1876). — Mangeonjean. Les Écoles pri-
maires avant 1789 dans V arrondissement de Remiremont. Épinal, s. d. in-8. —
Ch. Clair, S. J. Que devons-nous à l'Église et à la Révolulion en fait d'éduca-
tion publique ^ spécialement dans le Maine et les provinces voisines. Le Mans,
1876, in-8. — R. d'Estaixtot. X7/î5in<ci/on primaire avant 1789, conférence
faite au cercle catholique. Rouen, 1876, in-8. — E. Allain, L'Instruction
primaire avant 1789 d'après les travaux récents {Revue des questions historiques,
janvier 1875). — E. Allain. U Instruction primaire avant la Révolution.
Paris, 1876, in-32 (Bibliothèque à 25 centimes). — Rameau. V Instruction pri-
maire à Mâcon avant 1789 (Revue de la Société de l'Ain, juillet, août 1876). —
D. P. PioLTN. Les petites écoles jansénistes de V Anjou [Revue de l'Anjou, janvier-
juin 1876). — M. DE LA Borderie. Documents inédits sur les écoles de Brest et
de Recouvrance [Revue de Bretagne et de Vendée, juin 1874). — L'Instruction
primaire en Languedoc [Chroniques du Languedoc, septembre-novembre
1876. — Les Précepteurs de la jeunesse de Beauvoisin depuis 1627. {Ibid.
5 août 1874). — Ch. Loriquet. L'Instruction primaire à Reims. Note pour ser-
vir à l'histoire du progrès de l'instruction primaire en France [Travaux de
l'Académie de Reims, LIIP vol. p. 247-264). — État de l'instruction primauté
constaté dans la commune de Châtillon, de 1668 à 1868, par M. Poullin, ins-
tituteur [Bulletin de la Société danoise, t. I, p. 275 et suiv.) — L'abbé Pié-
derrière. Les petites écoles en Bretagne avant la Révolution. {Revue de Bretagne
et Vendée, août-septembre 1877). — L'abbé Dubord. L' Instruction publique à
Gimont. [Revue de Gascogne, mars-juillet, septembre, octobre 1877). — L'abbé
DucRuc. L'instruction primaire à Caranzon avant 1790. [Ibid. novemb. 1876).
— Maggiolo. Pièces d'archives et documents inédits pour servir à l'histoire de
— 28-i. —
rinstriiction publique en Lorraine (1789-1802). Nancy, s. d. in-8. — Lio mkme.
L'Inslruclion publique dans le district de LunCvilU. (1708-1802). Nancy, s. d.
in-8. — Lk mkme. Les Archives scolaires de la Beauce et du Gatînais. (1360-1808).
Nancy, s. d. in-8. — Lucien Merlet. De rinstriiction primaire en Eure-et-
Loir avant 1790. [Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, VI). —
Archives du département de la Manche. Rapports annuels de l'archiviste.
Session de 1853. Saint-Lô, 18o4, in-8, p. 13 et suiv.
On peut encore consulter Malgras. Le B. P. Fourier et le pasteur Obcrlin,
notice sur les écoles en 1020 et les salles d'asile en 1770(Mémoires lus h la
Sorbonne en. î8Gu}. — Hélyot. Histoire des ordres monastiques. — Uemons-
trances pour l'établissement des escoles chrestiennes pour l'instruction du pauvre
peuple (par Démia). Lyon, 1668, in-4. Ces Remonstrances ont été réimprimées
à la suite de la vie de M. Démia par M. Faillon. — Vie de M. Démia (par
M. Faillon). Lyon, 1829. in-12. — Vie de M. Olier. Paris, 1873. 3 vol. in-8
(surtout t. II p. [J3, 384-8o, 408-JO; t. III, p. 130-152, 390). — Vie de
M. Bourdoise, Avignon, 1774. — La Vie de Messire Félix Vialart de Herse,
evesque et comte de Chatons en Champagne et p)CLir de France, Cologne, 1738,
in-12. — La Vie de la vénérable mère Jeanne de Lestonnac, fondatrice de l'or-
dre des religieuses de Notre-Dame. Toulouse, 1743, in-18. — L'abbé Morey.
Vie de la vénérable mère Anne de Jainctonge, fondatrice de la Compagnie de
Sainte- Ursule, en Franche-Comté. — Siméox Luge. Histoire de Bertrand du
Guesclin et de son époque. Paris, 1876, in-8, p. 15 et suiv. — Revue des so-
ciétés sava7rtes, 1876, t. I, p. 122: Note sur l'instructiou publique dans une
commune du département de Vaucluse (Lagucs), par M. l'abbé André, (rap-
port de M. Jourdain) ; — p. 218 et suiv. Rapport de M. Hippeau sur le con-
cours des sociétés savantes, section d'histoire et de philologie. — Lecture
de M. Maggiolo sur l'instruction publique dans les Hautes Cévennes, p. 274.
— Lecture de M. Choron sur l'instruction primaire dans le Soissonnais, p.
293. (Comptes rendus de M. Hippeau). — Cabinet historique, septembre-dé-
cembre 1870 : Rappoi't de Grégoire sur le vandalisme. Départements du
N.-E. — Revue des Langues romanes. Ayvïl 1874, p. 424-433. Réponse de la
Société des amis de la constitution de Carcassonne à une circulaire de
Grégoire sur les patois, du 13 septembre 1790. (Il y est question de l'état
de l'instruction primaire avant la Révolution. — F. Rocquain. L'État de la
France au 18 jBru»mù'f;, d'après les rapports des conseillers d'État chargés
d'une enquête sur la situation de la République. Paris, 1874, in-12. On y
peut voir la preuve de l'inlluence désastreuse de la Révolution sur l'instruc-
tion primaire.
On peut également recourir aux almanachs publiés en différentes villes
avant la Révolution. On y trouve souvent des listes d'instituteurs et de
nnitres de pension.
La plupart des histoires locales et des monographies provinciales pu-
bliées dans ces dernières années renferment des documents et des faits
concernant la question de l'mstruction primaire avant 1789. Nous citerons
par exemple :
Histoire de la Ferté-Bernard, par M. D. Charles. Le Mans, 1877 in-8. —
La Ligue à Pontoise et dans le Vexin français, par H. Le Charpentier.
Pontoise, s. d., in-8.
On pourrait grossir indéfiniment la liste des livres de ce genre.
E. Allaln.
— 28o
QUESTIONS ET RÉPONSES
QUESTIONS
ll.es I*apîers trouvés aux
Tuileries en 18^8. — Peu de
iemps après la révolution de février,
M. Taschereau (qui depuis fat direc-
teur de la bibliothèipie nationale)
publia, sous le titre de Reinte rétros-
pective, un receuil d'un grand inté-
rêt historique, contenant de nom-
breuses lettres du roi Louis-Pàilippe,
deses ministres et députés. Pourrait-
on savoir ce que sont devenus ces
papiers confidentiels qui, après l'en-
vahissement et le pillage du château,
avaient passé dans les mains de
M. Taschereau? Sont-ils entrés aux
archives nationales, où ils devraient
se trouver? N'y avait-il pas (ce qui
est probable) bien d'autres documents
du môme genre, qui ne sont point
venus jusqu'à M. Taschereau ou qu'il
n'aura pas jugé à propos de livrer à
l'impression? F. D.
ÏJn îïîljlîophile du siècle
dernier s le baron de Heifs.
— Pourrait-on obtenir quelques
informations au sujet de cet amateur
instruit et délicat ? Son nom indique
une origine allemande ; son cabinet
fut livré aux enchères au mois de
mars 1785 ; le catalogue, rédigé par
un savant libraire. De Bure aine,
comprend 10G5 numéros. Mon exem-
plaire contient quelques annotations
manuscrites, et il est dit à la lin que
67 articles non enregistrés, ont pro-
duit 1,030 livres. Une seconde vente,
formée de 431 articles, également
dirigée par De Bure, eut lieu le G juin
1785. Les deux catalogues indiquent
le propriétaire sous le nom de M***;
le premier et le plus important est
suivi d'une table des noms des au-
teurs.
Il y avait dans cette vente des ma-
nuscrits qui furent cédés à des prix
qui, aujourd'hui, paraissent déri-
soires : une Bible latine, sur vélin,
commencement du xiV^ siècle, divisée
en 4 volumes [reliés en maroquin) :
initiales, ornements et miniatures
peintes en or et en couleur, 80 livres;
de fort beaux manuscrits de Preces
pie, 130 à ISO livres, le Roman de
Troye, par Benoit de Sainte-Maure,
sur vélin, xiv* siècle, 34 livres.
Parmi les impi'imés nous nous bor-
nerons à citer les Œuvres de Coquil-
lart. Lyon, François Juste, 1535 in-KÎ,
2 livres ; le Chevalier aux dames.
Metz. 1506, in-.4, 11 livres; les
Chants royaux de Crétin, Paris, Gal-
liot du Pré, 1327, iii-8, 2 livres; le
Chasteaa de Labou (par Gringore),
Paris, Simon Vos re, loOO, in-8, maro-
quin, 9 livres ; les Divers rapports
contenant plusieurs rondeaux, etc.,
Lyon, Pierre de Sainte-Lucie, 1537,
in-8, 11 livres (par Eu5to?y de Beau-
lieu).
Les romans de chevalerie étaient
nombreux et furent adjugés à vil
prix; un exemple sur vélin de Biolin
de Mayence, in-fol., 25 miniatures,
riche reliure, 325 livres (revendu
1,350 francs en 1823 et c,cquis par la
Bibliothèque nationale).
C'était le bon temps ; on pouvait
alors, avec bien peu d'argent, for-
mer un cabinet d'élite. La biblio-
thèque du baron d'Heif-î, si elle était
vendue par MM. Labitte ou Techener,
telle qu'elle existait en 1785, dépas-
serait certainement 150,000 francs.
T. B.
La Canso tïe S. GUlî. —
Dans le tome 11, page 12 de Y Armo-
riai des Croisades. [Galeries de Ver-
saillcs,iex\e in-8,VI, p. 2), sont insérés
en note environ vingt vers de la
Canso de S. Gili, avec cette mention
que le lextH entier va être publié
('l844) par M. du Mège, dans les
Additions à l'histoire de Languedoc de
Dom Vaissète, d'après un manuscrit
provenant des Cordeliers de Tou-
louse.
En réalité, dans ces additions, du
Mège n'a fait que donner la traduc-
tion française de deux courts pas-
sages de la Canso. Il serait très-
intéressant de connaître le sort
ultérieur du manuscrit, qui n'est
pas à la Bibliothèque de Toulouse et
paraît égaré. R-
Un sol marqué. — Dans un
ouvrage du siècle dernier, que je
suis sur le point de rééditer avec
notes et éclaircissements, je trouve
ceci sur un saint personnage : « Il
— 286 —
avait l'habitude de donnoi" «m sol
marqué à tous ceux qui lui deuiaa-
daieat l'aumône? — Est-ce que le
sol marqué était ililféreuf du sol non
marqué, pour la valeur? J'ai ren-
contré d'autres exemples de cette
expression; il me souvient d'avoir lu
sur lies livres d'écolier.
Si hune librum par aventure
Reperias en ton chemin,
Redde mihi la c 'uvertura
Quœ facta est de parcheniia
Tibi dabo un sou marqué
Ad bibendum à ma sauté.
Pourait-ou me doujinr à ce suji't
quelques explications? je n'en ai
trouvé dans aucun dictionnaire. X.
tiCS Martyrs <le la Révo-
lution. — Y H-t-il des uuvrac^es
nouveaux sur les martyrs de la Révo-
lution, et, parmi les anciens, quels
sont les meille.urs. Je connais les
ouvrages de M. l'abtié Guillou, de
M. l'abbé Barruel, de dom Piolin, de
M. l'abbé Durcet sur les mirtyrs
de Séez, le Martyrologe français.
Quels sont les ouvrages ^t documents,
en dehors de ceux-ci, que je pourrais
consulter utilement, surtout en ce qui
concerne l'Eglise de Chartres? S.
L'Histoire «le la ville de
Calais pendant la domina-
tion britannique ? — Existe-il
quelque ouvrap;e spécial sur ct^ sujet?
Un journal de Londres signalait
récemment cette histoire, comme jiou-
vant olfrir un intérêt très-rée', et il
ajoutait que les anciens livres anglais
de jurisprudence {law books) renfer-
maient bien de& particularités à cet
égard. J. P.
I^a Garde Ecossaise des
rois de France. — Un de mes
amis, en Angleterre, me demande s'il
existe une histoire spéciale et détail-
lée de ce corps qui joua, au quin-
zième et au seizième siècle, un rôle
distingué; les documents relatifs à
ce corps d'élite se conserv.nt-ils
encore dans quelques dépôts d'ar-
chives ? A Tours ou à Blois, séjour
assez habituel de Louis XI et de
ses su'cesseurs , n'y avait-il pas
des rôles, des quittances et des
pièces officielles offrant les bases d'un
travail sérieux? C. V.
T'raductiou de la Oible. —
Quelle est la meilleure traduction de
la bible dans la langue française ?
Quel est celui qui en a donné le
meilleur commentaire?
Un Bordel^s.
Isabeau et Xallien . — '■ Existe-
t-il un ouvrage ou mémoire, ou un
travail quelconque cjucernant le sé-
jour des représentants du Peuple
Isabeau et Tallien à la Réole en 1 793?
Un Bordelais.
I^esXoursde ^otre-Oantie.
— Quel est le premier qui ait pro-
féré ces p^role3 souvent citées : « Si
j'étais accusé d'avoir volé les tours de
Notre-Dame, je m'empresserais de
prendre la fuite ?» N'ont-elles pas été
attribuées à Montesquieu ? L. M.
Le «Tournai de Dubuisson-
Aubenay. — Ce Journal iaédit est
signalé par M. Jules Cousin (aujour-
d'hui conservateur du musée de la
ville de Paris), comme se trouvant
parmi les manuscrits appartenant à
la bibliothèque Mazarine (Voir l'Hô-
tel de Beauvais, rue Saint- Antoine,
Paris, 18(14, gr. in-8, p. 8). Il se rap-
porte à l'histoire de la régence d'Anne
d'Autriche. Où ti'ouver quelques
renseignements sur ce Dubuisson-
Aubenay ? Son manuscrit raériterait-
il d'être publié du moins en partie?
A ce propos, observons que l'im-
pression du catalogue des manus-
crits conservés d^ns les grandes
bibliothèques de Paris serait un
grand service rendu aux travailleurs;
il e.xiste déjà une excellente publi-
cition de M. Léopold Delisle, relative
à la bibliothèque nationale; nous
avons lieu de croire que M. Paul La-
croix, l'infatigable conservateur de
la bibliothèque de l'Ars^^nal a rédigé
un catalogue trés-détaillé (mal-heu-
reusement encore inédit) de ce que
possèie ce précieux dépôt, mais la bi-
bliothèque Mazarine, celle de l'Institut
celle de Sainte-Genevièv^^, d'autres
encore, attendent encore qu'on s'oc-
cupe d'elles, Lyon, J. V.
L'iiîstoîre n'apprend rien.
Quel est le « spiritu-1 écrivain alle-
mand, » cité par le Journal des Débats
(la février 1878), qui a dit : Die
Geschichte lehrt, dass Man aus der
Geschichte nicht lernt (l'histoire en-
s-^igne que par l'histoie on n'ap-
[ueud rien) ? B.
— 2H7 —
Vie des Caraîniiux. — Quels
sont les meilleurs ouvrages, anciens
ou mudernes, qui donnent la vie de
tous les cardinaux. X.
"Vie des fondateurs d'or-
dres. — On désire également con-
nailre les meilleures publicalions
donnant la vie des fondateurs et fon-
datrices d'ordres religieux. X.
liles Mémoires du baron de
Oordes. — Bertrand Raimbaud de
Simiane, baron de Gordes, chevalier
des ordres du roi, lieutenant géné-
ral au gouvernement du Dauiihiné,
un des plus vaillarits capitaines du
seizième siècle, avait laissé des mé-
moires dont Nicolas Chorier s'est
servi dans son Histoire du Dauphiné
(1661-1672, 2 vol. in-foi.). Pourrait-
on me dire si le précieux manuscrit
existe encore? T. de L.
RÉPONSES.
Où et quand mourut An-
gelo Catho? (XX, 190.) — Angelo
Catho, qui partit pour lltalie vers la
tin de 1 an 1494, mourut à Bènévent
au commencement de 1497, et fut
enterré dans Téglise des Frères mi-
neurs observantins de la même ville.
Dans son testament, daté du 2) jan-
vier de l'année précédente, il est fait
meatioa de Barthélémy Catho, son
frère, de Lactance Catho, de Briseïs
Catho et de ses lils. U y est encore
parlé de ses pierres précieuses, dont
le prix sera employé k la construc-
lion de son tombeau. L'archevêijue
de Vienne n'oublie pas son église ;
il lègue à sa fabiique mille llorins
de petite monnaie. Ce prélat, qui
avait été marié, avait eu deux lils
Lucrèce et Laurent. (V. Choiieri
Nobiliaire de la province de Dauphiné,
Grenoble, 1697, in- 12, t. I, p. 326-
327.) Ed. Séneuaud.
I»ortraît de Charles de
Blois (XXII, 191). — il existe trois
portrhils de Chai les de Blois :
1° Un portrait en pied, in-8, dans
Vllistoire de la maison de Chastillon,
par André Duchesne, Paris, Sébas-
tien Crami isy, io21, ia-fol. p. 203.
« Cette figure (dit l'auteur), a été
tirée sur deux anciens portraits qui
se voyent en l'evesché d'Angers, l'un
à main drtite de l'autel de la cha-
pelle Saint-Antboine , fonrté3 en
légliie de Saiiit-Jeau-Baptiste d'Aa-
gers ; l'autre en une chapelle de la
paroisse de Bourgen Anjou, nommée
la (hapeile de Janzé. »
2° Un portrait en pi-d, iri-8, J. Pi-
cari, inddit, re()roduction du précé-
dent, au trontis[^iice du même livre.
3° Un portrait en pied, in-8, dans
Montfaucon. Ed. Sénemaud.
— Le portrait de Charles de Châtil-
lon,dit de Blois, duc de Bretagne,tué à
Auray le 29 septembre i 364, se trouve
dans le tome II (page 289, planche 32)
des Monuments dé la Monarchie fran-
çaise par le P. de Montfaucon, savant
et curieux ouvrage qu'aucune autre
publication du même genre n'a rem-
placé jusqu'ici. Le P. Le Long cite
ce portrait dans le tome IV de sa
Bihliolhèque historique de la France
parmi les portraits français. En gé-
néral, lorsqu'on désire un portrait
français, gravé ou lithographie, il
faut se rendre aux estampes de la
bibliothèque nationale à Paris, et de-
mander communication du nom dé-
siré classé dans l'immense collection
de portraits, unique en Europe. Il se-
rait beaucoup à souhaiter qu'une
liste de ces portraits fût publiée. Elle
rendrait uu service considérable aux
chercheurs, aux érudits, aux ama-
teurs, aux collectionneurs. La liste
de portraits français du P. Le Long
s'arrête, en etl'et, à l'année 1775.
Elle a été continuée, il est vrai, mais
non publiée, par un savant modeste
qui a passé plus de soixante années
de sa vie à rédiger cette précieuse
liste ; nous voulons parler de M. So-
liman Lieutaud, habitant Paris, au-
jourd'hui plus qu'octogénaire, et
l'homme de France et de Navarre
qui connaît le mieux la suite des
portraits français gravés ou lithogra-
phies. M. de Bure, décédé en 1853.
avait commencé à l'âge de 15 ans,
une collection de plus de 65.000 por-
traits qui a été acquise par la Bi-
bliothèque nationale après sa mort.
Ambroise Tardieu
de Clerraont-Ferrand,
Proverbes (XzX, 464, 557).— In-
dications à joindre à la Bibliographie
jiarémiologique de G. Duplessis, 1847.
L'ouvrage de M. Quitard [Proverbes
sur les femmes, l'amour et le mariage)
vient d'obtenir, en 1877, une édition
nouvelle, revue et augmentée. La
très-rare collection espagnole des
— 9S« —
Comedias nuevas escogidas de los mc-
jores Ingcnios de Espana (on n'en con-
naît aucun exemplaire complet), Ma-
drid, i6o2-l704,48 vol. in-4,renfeime
diverses pièces ayant pour titre un
proverbe; nous citerons (tome I) :
No siempre lo peor es cierto, de Cal-
deron; El trato muda costumbre, à' An-
tonio Mendoza; (tome IV) : No ay
mal que por bien no venga, de Ruiz de
Alarcon ; (t. VI) : Cado cual à, su nego-
cio, de G. de Cuellar; (tome Vil) : A su
tiempoel dcsengano, de Juan do Matos;
(tome XI) : Contra su suerlc ninguno,
de C. Malo de JVIolina; (tome XlII) :
A ignul agravio no ay duclo^ d'A. de
Cuença; (tonieXVI) : Cada unoconsu
igual, de Blas de iVlesa; (tome XVII):
Nû ay Cosd como callar, de Calderon ;
(tome XIX) : Zelos aun del oyre matan;
(tome XXVI) : Todo cabe en lo posihle
de F. deAlila; (tome XXXI) : Tocos
bastan si son buenos, par J. de Matos
Fragoso: (tome XXXVII) : Un Bobo
hace cientOf par A. de Solis; (tome
XXXVIII) : Del mal lo menos; (tome
XLIV) : Quicn habla mas obra menos
de F. de Zarate; (tome XLV) : Uasla
la muerte no ay Dicha.
Un Proverbe. Besançon, J. Jacquin,
1849, in-8, 4 p. Opuscule, signé
C. (Chiftlet.) — Vne bataille dans un
salon, proverbe en un acte, en prose,
par II. (Alfred Haye, officier tué en
i87f, au siège de Paris). Aix, iinp.
Marius Ibly, 1869, in-16, 16 pages.
Rcfranes de Luigi Lopcz Men-
doça (G. Diiplessis, n° 472, p. 286).
— Salva décrit, dans le Catalogo de
sa bibliotcca (Valencia, 1873, 2 vol.),
une édition sans lieu ni date, in-4
de 12 feuillets, qu'il fait remonter au
quinzième siècle; il signale, avec de
longs détails, celle de Valladolid,
en casa de Fraiicisco Eeniandez, de Gor-
dova, fo41, in-4, goth. ; la première
où se rencontre la Glosa. Sanchez en
indique une autre, Toledo, Juan de
Ayala, loo7, in-4; Mayan a réim-
primé cet ouvrage dans les Origines
de la langue espagnole, tome H, mais
sans le Glosa ; il a suivi l'éditiun de
Séville, 1508. — Dictons et proverbes
espagnols, par le baron de N'irvo,
Palis, Lévy frères, 1874, in-12. —
Une soirée à Fontainebleau, divertisse-
ment (à l'occasion de la nai-sance
du roi de Rome), proverbe et épi-
logue (par J. J. Valade). Paris, 1812,
in-8 de 40 pages. Le discours d'Her-
luison sur le proverbe : Quatre-vingt-
dix-neuf moutons et un Champenois
font cent hètes, publié à Paris en
1810 (in-8, 32 p., cité dans la Biblio-
graphie parcmiologique, de G. Du-
plesi-is, p. 197, no 338), a été réim-
Ijrimé à Orléans en 1868, à petit
nombre; il en a été tiré un exem-
plaire sur peau-vélia. — Proverbes et
bons mots mis en action (G. Duplessis,
n° 344, p. 19!)) ; il devait y avoir
120 plancbes, mais la publication n"a
pas dépassé la 60° ; le texte mis en
regard de chacune d'elles, n'est que
d'une douzaine de lignes. M. de La
Mésangère,dans les Observations préli-
minaires, en tète de la 3* édi ion de
son Bictionnaire des Proverbes, p. 23,
entre dans quelques considérations
au sujet d'une des premières planches
représentant un commissionnaire dé-
jeunant à la porte d'un marchand de
vin et un ramoneur affamé : Celui
qui s'attend à t'éruelle d'autrui, a
souvent mal dîné. — Proverbes chinois.
M. Lester a publié à cet égard un
intéressant article dans le China
Review ; en 1873, M. Scarborough a
donné un ample recueil de ces pro-
verbes, plus de cent se retrouvent
exactement dans la langue anglaise,
et il en est un certain nombre qui
ont cours en France : Les murailles
ont des oreilles; la vérité est dans le
vin. (Voir d'autres exemples dans la
Revue politique et littéraire, n° 2o,
21 décembre 1877, p. 586). — Poly-
glot of foreign proverbs, by Henry G.
Bohn, Londun, H. G. Bohn, 18o7,
petit iu-8, 579 |:iages. Recueil bien
fait, comprenant des proverbes fran-
çais, itatiens, allemands, hollandais,
espagnol?, portugais et danois, ran-
gés, pour chaque nation, par ordre
alphabétique, accompagnés d'une t''a-
duclion en anglais et d'une table
générale. — Choice 7iotes from
« Notes and Queries. » Folk Lore.
London, Bell and Daldy, 1859, petit
iu-8, 304 p. Les pages 275-297 sont
consacrées aux Weaîher Proverbs,
c'est-à-dire aux proverbes relatifs à
la météorologie. B.
Le Géi'ant : L. Sandret.
Saint-Quentia. — Imp, J. Moureau.
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
ROMANS, CONTES & NOUVELLES
Un plaidoyer en faveur du vrai roman catholique. Le maréchal de Montmayeur, pai*
Charles Buft. Paris, Th. Olmer, 1878, in-18 j. de d22 p. Prix : 3 fr. — La Circas-
■uenne, par LoDiS Enault. Paris, Gh. Blériot, 1878, 2 vol. in-18 j. de 330 et 332 p
Prix : 6 fr. — La Fée du logis, par M"" la comtesse Drohojowska. Paris, Palmé, 1878
in-8 j. de 280 p. Prix : 2 fr. — En Poitou, par M°" Maryan. Paris, Bray et Retaux
1878, in-18 j. de 250 p. Prix : 2 fr. — Les deux clochers, par J. Ghantrel. Paris
Palmé, 1878, in-18 j. de 420 p. Prix : 3 fr. — Pierre Blot, par Paul Féval. Paris
Palmé, in-18 j. de 288 p. Prix : 3 fr. — Douze femmes, par le même. Paris, E. Dentu
1878, in-18 j. de 444 p. Prix : 3 fr. — Le Talismari de Marguerite, par Alfred Skguin,
Paris, Didier, 1878, in-12 de 380 p. Prix : 3 fr. — La Rose d'Antibes. par Edouard
Didier. Paris, Calmann-Lévy, 1878, in-18 j. de 330 p. Prix : 3 fr. 50. — Le Secret
des rairèffe,parGuARLESD'HÉfiiGAULT. Paris, Didier, 1878, in-12 de38G p. Prix : 3 f. 50.
— Dolorita, par le baron de Wogan. Paris, Didier, 1878, in-12 de 370 p. Prix : 3 fr.
— La Comtesse Damalanty, par le prince Joseph Lubomirski. Paris, Didier, 1878, in-i2
de 394 p. Prix : 3 fr. — La Maison Vidalin, par Alpho.nse de Launay. Paris, Ghar-
pentier, 1878, ia-12 de 394 p. Prix ; 3 fr. 50. — La Servante du diable, par Emmanuel
GoNZALÈs. Paris, Dentu, 1878, in-18 j. de 384 p. Prix : 3 fr. — Le plus hardi des
gueux, par Alfred Assolant. Paris, Dentu, 1878, in-18 j. de 363 p. Prix : 3 fr.
— George SaND : Œuvre.i posthumes. La coupe. Les contes d'une Grand'mère (1" et
2* séries). Paris, Calmann-Lévy^ 1878, 3 vol. in-18 j. de 290, 370 et 378 p. Prix :
10 fr. 50. — Nouvelles russes, par Henry Gréville. Paris, E. Pion, 1878, in-18 j. de
316 p. Prix : 3 fr. 50. — Trois nouvelles, par Emile Bosquet. Paris, Didier, 1878,
in-12 de 348 p. Prix : 3 fr. — Contes en l'air, par GeorgeS de Peyrebru.ne. Paris,
Dentu, 1878, ia-18 de 370 p. Pri.\ : 3 fr.
Qu'est-ce qu'un bon roman, au triple point de vue du mérite litté-
raire, du procédé de composition, de la Valeur morale? Telle est la
question que se pose M. Charles Buet dans la remarquable préface
qui sert d'introduction à son Maréchal de Monlmaycur. M. Charles
Buet constate que les romans catholiques les plus vantés ont peu de
lecteurs dans le public instruit, distingué, délicat qui fait de la lec-
ture sa distraction favorite. A quoi cela tient-il? A ce que l'on se
crée du roman une idée que les romans religieux ne réalisent pas. Le
public dont parle M. Charles Buet veut que le roman soit l'étude
approfondie du cœur humain, le tableau saisissant de l'âme se débat-
tant sous l'étreinte de la passion. Or, dans quels romans catholiques
ce programme est-il suivi de près? Apparent rari liantes. M. Buet cite
comme remplissant les conditions voulues : VEonmte femme, de Louis
Veuillot; Y Enthousiasme, de Marie Gjertz, et le Récit d'une sœur, de
M"* Augustus Craven. La nomenclature est trop resserrée. On pourrait
l'élargir et j faire entrer sans conteste tous les nouveaux romans de
Paul Féval, le vrai romancier catholique; deux romans de Barbey
d'Aurevilly, ï Ensorcelée et le Prêtre marié (pour les lecteurs seulement
.VvRiL 1878. T. XXII, 19
— 290 —
de raison et d'expérience); les Fiancés, de Manzoni, sans parler d'une
fonle d'autres et des romans de M. Charles Buet lui-même. Mais il
n'en est pas moins Trai que la généralité des romans dits religieux
oflôre à l'imagination désarçonnée trop d'Mstoires maussades et pué-
riles, trop de sermons filandreux et douceâtres, trop de personnages
aux figures effacées, trop de dissertations dévotieuses. Évidemment,
de telles œuvres ne peuvent réussir près des lecteurs sérieux, parce
qu elles ne sont pas vraies. Or, il en est de ceci comme d'une
certaine imagerie dont il. Léon Gautier s'est impitoyablement
moqué dans ses Lettres à un catholique. C'est blasphémer les saints
que d'en faire des imbéciles, o Ecartons, dit très-bien M. Charles
« Buet, ces compositions mièvres et sans saveur qui font de la religion,
o la plus grande chose qui soit, une chose pauvre, languissante, fémi-
« nisée, hérissée de pratiques minutieuses masquant les principes, les
« larges vues, les profonds horizons, et transformant enfin une mer
a immense et sans bornes en une flaque d'eau parfumée. » On ne sau-
rait mieux dire. Il s'agit maintenant de conclure.
Quelles sont donc les vraies conditions du roman catholique ?
D'abord, si c'est un roman d'observation et de mœurs, l'auteur ne
doit pas redouter l'analjse fouillée et profonde des émotions d'un
cœur que le devoir et la passion se disputent. Il ne doit pas craindre
de sonder cet abime. Il ne doit pas hésiter à prodtiire des types réels
et vivants — pourvu que les descriptions et les analyses soient retra-
cées avec une plume absolument chaste, ce qui n'exclut ni la vigueur
ni la sincérité. Dans le roman historique, les situations dramatiques,
les péripéties empoignantes ne doivent jamais être négligées. Il suffit
de respecter absolument la vérité, de ne pas dénaturer l'histoire, de
flétrir le vice, de glorifier la vertu et de préparer le triomphe du
bien sur le mal. Tout écrivain d'ailleurs, catholique par son éduca-
tion et par ses croyances, possède un critérium à l'aide duquel il peut
juger les hommes et leurs actes. S'il s'en écarte, son œuvre dévie par
cela même, et, en ce cas, contrairement à l'intention du romancier,
elle peut blesser des susceptibilités respectables, éveiller des curiosi-
tés inopportunes et émettre des doctrines blâmables. On juge, du coup,
de la hardiesse que Ton peut avoir et des limites raisonnables qu'il ne
faut point dépasser. Les romans religieux que nous avons aujourd'hui
à analyser remplissent-Us bien exactement toutes ces conditions? Oui,
mais avec plus ou moins de talent.
— Yoici d'abord le Maréchal de Montmayeur. C'est la suite et le
complément de Philîppe-3Ionsieur, dont nous avons rendu compte.
Dans cette œuvre nouvelle, la Savoie, ses anciens ducs, sa féo-
dalité jouent le principal rôle. Noua retrouvons l'ambitieuse et cri-
minelle Gilberte de ISIiolans, le vieux patriote Fesigoy qui meurt
— 291 —
assassiné, Philippe de Bresse et Louis XI en latte perpétuelle, Dona-
tien de Rochechouari, un sbire gentilhomme — et, dominant le tout,
la tragique figure de Jacques de Montmaveur, dont la devise : Ungui-
bus et rostro, dit si bien les passions cruelles, le caractère félon et
l'orgueil implacable. Au dénoùment, les criminels ex pient leurs for-
faits, et la Savoie, délivrée, en même temps, de l'influence cypriote
et des appétits du roi de France, vit heureuse et fière sous le sceptre
respecté de Charles-le-Guerrier. M. Buet aime la Savoie, son pavs
d'origine. Il en décrit avec un amour qui n'est point exempt de par-
tialité le passé glorieux. Pourquoi lui en ferions-nous un crime ? Les
jugements qu'il porte sur les ennemis de la Savoie ne sont pas ceux
de tout le monde. Cela prouve tout simplement que, dans les questions
libres, les meilleurs esprits peuvent différer d'opinion. Là n'est pas
pour nous le défaut de Philippe-Monsieur et du Maréchal de Mont-
mayeur. Le défaut de ces deux récits, fort mouvementés du reste,
c'est qu'ils accordent trop à l'histoire, pas assez au roman. L^imagi-
nation n'j trouve pas suffisamment son compte.
— La Circassienne, de M. Louis Enault, pourrait être intitulée :
Une double conversion. En deux mots, le sujet est celui-ci : Pendant
la guerre que firent les Russes à Schamjl, l'Abd-el-Kader du Caucase,
un officier moscovite, le prince Imérieff, fut recueilli, blessé et mou*
rant, par un chef de l'armée circassienne. Imérieff mort, la princesse
SteUa, sa veuve, s'établit, nouvelle Arthémise, dans le Caucase, et
c'est le chef circassien Yacoub qui lui donne l'hospitalité. Yacoub a une
fille, Rahel, à qui la princesse s'attache comme à son propre enfant.
Stella initie Rahel aux beautés du christianisme et la baptise secrète-
ment. Rahel est vendue par son père. On la destine au harem du sultan.
Que fait Stella? Elle quitte la maison de Yacoub, et s'attache aux pas de
Rahel^ bien résolue, quoiqu'il arrive, à veiller sur elle. Ici commence
une série d'aventures très-émouvantes, mais dont Rahel se tire avec
honneur, intacte et pure. Rachetée enfin à un arabe par sa protec-
trice, la fille d'Yacoub se fait religieuse dans un couvent de Palestine
et la princesse Stella, n'ayant rien qui la rattache au monde, imite
l'exemple de la Circassienne. M. Louis Enault a profité des pérégri-
nations de Rahel pour nous décrire les mœurs orientales. Les pay-
sages et les descriptions dont la Circassienne est remplie ajoutent au
récit ime couleur pittoresque fort attrayante. La dédicace que l'auteur
ïidresse àsamère dévoile très-bien l'esprit de l'ouvrage : «Depuis vingt
a ans, ma chère mère, écrit Louis Enault. j'ai publié beaucoup de
« livres, et je n'en ai point composé un seul sans me dire que vous le
e liriez et sans souhaiter que Ton y retrouvât la trace de vos leçons.
0 Aussi, ce sera, je l'espère, la récompense et l'honneur de ma vie
« de n'avoir, à l'heure suprême, rien à efiacer, rien à regretter dans
292
« mon œuvre déjà long. Cependant la peinture des passions qui est
« l'essence même du roman, vous a semblé parfois trop vive et trop
« ardente dans les miens, et vous avez souvent refermé le volume
« sans rien dire. J'ai compris qu'il vous avait déplu, et j'en ai souf-
« fert, me demandant si je n'avais point mal fait. Les pages que voici
<; sont plus calmes et plus austères, et je les crois animées de l'esprit
« chrétien dont vous avez essayé de remplir mon âme. J'ose donc les
« placer sous votre protection. Accueillez avec une indulgente ten-
« dresse ma Circassiennc, cette jeune exilée^ perdue dans le vaste
« monde, en vous disant qu'elle est la fille de votre fils, qu'elle est
« née dans les ténèbres de l'erreur, et que je me suis efforcé de la
« conduire par le chemin royal de la croix, comme dit le livre que vous
« lisez le plus, vers la lumière de la vérité. » Ces quelques lignes
sont tout à l'honneur de M. Louis Enault, et nos lecteurs ne nous en
voudront pas de les leur avoir fait connaître.
— Ondine, la « fée du logis, » n'est pas une Circassienne; mais elle
n'est ni moins belle, ni moins gracieuse, ni moins bonne que Rahel.
Qui est-elle? D'où vient-elle? Voici : elle a été pêchée, à la suite d'un
naufrage, sur la plage bretonne, par le commandant Bertrand de
Penhoer. C'est un vieux loup de mer en retraite que ce Penhoer! II
est bourru, il est fantasque, il est triste. Que voulez-vous? Un homme
seul, dans une gentilhommière où toutes les orfraies du canton ont
élu domicile. Il y a bien Yvonne, la gouvernante, la femme de la
maison [domestica, disaient si justement les Romains). Mais Yvonne
est, comme son maître et le château de son maître, une vieille ruine.
Ne désespérez pas de la Providence, commandant de Penhoer! Car
Ondine sera l'ange consolateur du soir de votre vie. Et c'est ce qui
arrive. Avec Ondine reparaissent la gaîtc, la joie, le bonheur — Si
bien que le commandant meurt de la mort du juste, après avoir adopté
la fée du logis, à qui il laisse toute sa fortune. Ondine, élevée un peu
à la diable, mais d'une instruction supérieure, grâce aux leçons du
recteur de la paroisse, se retrouvant orpheline une seconde fois,
prend le parti d'aller rejoindre à Paris son oncle Edouard de Penhoer,
le frère du commandant. Ici encore, l'infiuence de la bonne petite fée
se manifeste par des miracles. Edouard, un banquier passablement
desséché par les chiffres, devient homme, devient chrétien. Le mys-
tère de la naissance d'Ondine se découvre, et elle épouse le comte de
Kersagan, seul et unique descendant d'un de ces Trente Léonidas de
Ploermel qui, en 1352, commandés par le brave Robert de Beauma-
noir, défendirent si héroïquement contre les Anglais l'indépendance
de la terre armoricaine. M™* la comtesse Drohojowska (née Symon
de Latreiche) a tiré de la vie d'Ondine, si humble et si régulière, le
meilleur parti possible.
— On connaît les Scènes de la oie de province, de Balzac. C'est pro-
digieux comme puissance d'observation. Mais quel réalisme parfois,
quelles exagérations de détails presque toujours ! M™e Mary an a
voulu, elle aussi, nous donner des scènes de la vie provinciale. En
Poitou n'est pas autre chose qu'une photographie très-exacte des
mœurs bourgeoises de l'Ouest. Certes, comme talent, il y a loin de
M'"'' Maryan à l'auteur de la Comédie humaine. Et cependant nous
n'hésitons pas à qualifier de petit chef-d'œuvre le roman qui porte
ce titre significatif : En Poitou. C'est simple, naturel, vivant, bien
vécu, bien décrit. Robert Varcy, Parisien ruiné, est envoyé comme
percepteur à Marsay, — une petite ville quelconque de la Vienne ou
des Deux-Sèvres. Il se fait de ce « trou» une idée extravagante. Use
figure qu'on y meurt d'ennui. Il est convaincu que tous les habitants
sont des grotesques ou des imbéciles. Eh bien, pas du tout. La ville
de Marsay est coquette, propre, avenante; les habitants n'ont rien
d'iroquois. Ils sont avenants, afi"ables, civilisés, bons enfants. Varcy
trouve là son camarade de collège, M. de Kersal, le maire de l'en-
droit, un honnête homme et un grand chrétien ; le colonel en retraite
Bausset, un panier percé, une redoutable fourchette, mais un excel-
lent cœur; M"* de la Morlière, une sainte vieille fille, qui ne rougit
pas pour vivre, — elle dont les ancêtres assistaient aux croisades, —
de tenir un magasin de mercerie. Il y trouve encore Gabrielle
Bausset, la fille du colonel, si fiére et si dévouée, qu'elle en devient
héroïque. M. Taine a fait des thèses sur l'influence des milieux sur
l'homme. Prises dans leur absolu, ces thèses sont fausses, puisqu'elles
sacrifient la liberté humaine à je ne sais quel fatalisme. Mais, rela-
tivement considérées, elles ont du vrai, beaucoup de vrai. Cette fois,
l'influence du milieu est telle que Varcy, débarqué de Paris, incré-
dule, sceptique, blasé, devient peu à peu l'homme de foi et l'homme
de devoir dont M. de Kersal lui off're l'admirable modèle. Je ne jure-
rais point que l'amour ne soit pour quelque chose dans sa conversion.
Peu importe! sa conversion est très-réelle, et la main de la charmante
Gabrielle (rien de celle de Henri IV) en est la juste récompense. Tout
à côté se place l'épisode comico-tragique d'Andrée la rieuse, la mo-
queuse, l'évaporée, et que le malheur transforme au point d'en faire
une sœur de Saint-Vincent-de-Paul. A ces divers traits, on pourrait
croire que le roman de M™*" Maryan est un roman prêcheur, sermon-
neur, ergoteur. Pas du tout. C'est gai, c'est franc, c'est écrit avec
une verve de bon aloi. Excellent livre de propagande.
— Nous en disons autant des Deux clochers, de M. J. Chantrel, Les
Deux clochers dont il s'agit ici sont le clocher de l'usine et le clocher de
l'église. La cloche de l'un appelle au travail, la cloche de l'autre
appelle à la prière. Le travail, la prière ! Deux choses qui doivent har-
— 294 -
moniquement marcher ensemble et que le prétendu « progrès mo-
derne » s'efforce de séparer et de désunir. Tel n'est pas l'avis de
M. Chantrel. Il estime, avec raison, que les dissonnances qui existent
entre l'église et l'usine ne sont qu'apparentes — et il le prouve en
nous racontant l'histoire d'une famille d'ouvriers dont le chef, Joseph,
se laisse griser par les faux docteurs du jour, les apôtres de l'in-
surrection, les tribuns des sociétés secrètes, pour revenir ensuite,
éclairé par une triste expérience, au Dieu de sa première commu-
nion. Outre qu'avec la bonne conduite, le bien-être arrive, l'intelli-
gence de Joseph s'améliore aussi, son âme se moralise, son esprit
s'éclaire et il finit par comprendre que l'usine a tout intérêt (même
au point de vue matériel) à ne pas divorcer avec l'église. Les Deux
clochers de M. J. Chantrel offrent certaines ressemblances avec le
Pionnier, de Devoille. Mais le premier de ces écrivains pénètre plus
avant dans les questions du jour, et il est moins déclamatoire. Le so-
cialisme de M. Chantrel ne s'abreuve jamais de pétrole. C'est le
socialisme de l'Évangile, celui que vient de mettre si draamti^uement
en action Paul Féval, dans son Pierre Blot.
— Pierre Blot (second récit de Jean) forme le deuxième volume des
Étapes d'une conversion . Le livre s'ouvre par une préface-anecdote sur
l'église du Sacré-Cœur. Il y a de tout dans cette préface, du rire et
des larmes, de l'admiration et de l'indignation, de la prophétie et de
l'histoire, des prières et des invectives. Il j a Jean, le grand bohème
catholique, qui attire les ouvriers et les petits autour de la Butte
consacrée ; il y a un frère des écoles chrétiennes, noble invalide
de Buzenval ; il y a des mangeurs de prêtres qui finissent par s'incli-
ner jusqu'à terre devant l'héroïque mutilé ; il y a enfin Paul Féval qui
exprime d'abord ses doutes, puis ses espérances. Paul Féval estime
que, malgré les obstacles, l'église de la butte Montmartre doit s'a-
chever et qu'elle s'achèvera. « Elle s'achèvera, dit-il, car c'est plus
« qu'un poëme, c'est une expiation monumentale. Le vœu de la
« France ne fera pas faillite à Dieu . » Vient ensuite le roman de
Pierre Blot,roman du désespoir et de lamisère, ces fruits de l'inconduite
et de l'athéisme. Pierre Blot, abruti parl'absinthe, habite un chenil du
Mont-Valérien, avec Adèle sa femme, ou plutôt son associée, et un
moutard de quatre ou cinq ans. Jean rencontre cette nichée le di-
manche, dans une de ses promenades. Jean, vous ne l'ignorez pas, est
le « convertisseur » que Paul Féval a mis si originalement en scène
dans ses Étapes. En voyant cet homme qui blasphème, cette femme
phthisique qui va mourir et cet enfant qui se roule dans la boue de la
tanière, Jean, comme le bon Samaritain, se sent pris d'une commisé-
ration immense . Pauvre lui-même, il adoucit les derniers moments
d'Adèle, il la fait convenablement enterrer à Nanterre, il adopte l'en-
- 295 —
fant de Pierre Blot, et, à force de soins dévoués, de paroles conso-
lantes et de vertus en action, il transforme peu à peu le blasphéma-
teur, le prêtrophobe, le clubiste,le faiseur de barricades. Pierre Blot
meurt dans les bras de Jean avec le pardon de Dieu. Les accessoires
qui entourent cette histoire peuvent être d'invention ; mais le fond de
l'histoire est d'une vérité terrible, écrasante. On le sent à la façon
dont Paul Féval parle de Pierre Blot. Pierre Blot n'est pas une créa-
tion de fantaisie : il a posé devant le peintre, et le peintre en a
rendu la physionomie complexe avec un relief des plus saisissants. Çà
et là, comme entremets, des pages splendides. Citons spécialement
une théorie sur le Tartuffe, de Molière, qui, pour se rapprocher de celle
de l'abbé Davin prétendant que le grand Comique a voulu seulement
ridiculiser et flétrir l'iijpocrisie des jansénistes, n'en est pas moins
intéressante, très-raisonnable et très-vraisemblable. Paul Féval dé-
montre — et il suffit de lire attentivement le Tartuffe, sans idée
préconçue, pour partager l'avis du romancier — que Molière, en écri-
vant cette comédie, n'a nullement eu l'intention de tourner en dérision
les hommes et les choses du catholicisme. Il n'a voulu que peindre le
faux dévot et jeter l'âme de l'hypocrite en pâture au mépris des
honnêtes gens de son époque. Malheureusement, Molière a eu le tort
de trop spécialiser son type. Il y avait aussi des hypocrites parmi les
protestants, parmi les parangons de haute vertu, parmi les gens du
monde. S'il avait généralisé, la libre-pensée moderne n'aurait pu dé-
naturer ses intentions. Au surplus, le Tartuffe a fait des petits. Et ce
n'est plus aujourd'hui dans les sacristies qu'on les trouve. Il s'en ren-
contre dans les chaires publiques, dans les assemblées parlementaires,
dans la politique comme dans la littérature — et Paul Féval nous en
donne de bien vilains échantillons. Il faut lire aussi les pages indi-
gnées que Paul Féval consacre à ces bourgeois voltairiens qui pro-
fessent pour la calotte et le bonnet rouge une égale peur et qui ne
voient Dieu qu'à travers les flonflons de Béranger. Tout cela fait de
Pierre Blot un livre à part, qui pourra enthousiasmer ou irriter, mais
que personne (ami ou ennemi) n'accueillera avec indiiférence.
— Les romans que nous venons d'analyser, le Maréchal de Mont-
mayeur, la Circassienne, la Fée du logis, En Poitou, les Deux clochers et
Pierre Blot, appartiennent à la catégorie des romans religieux pro-
prement dits. Immédiatement à leur suite, il nous semble convenable
de placer quatre oeuvres, d'une valeur inégale, mais qui, sans pro-
céder spécialement de l'inspiration chrétienne, nous paraissent d'une
honnêteté et d'une moralité fort louables. Ce sont : Douze femmes, 'par
le même Paul Féval; le Talisman de Marguerite, par Alfred Seguin ; la
Rose d'Amibes, par Edouard Didier; le Secret des Valrège, par Charles
d'Héricault. Les Douze femmes, de Paul Féval, se publient sous le pa-
— 29H —
tronage de M""' Jules Sandean. Dans sa lettre d'envoi, Paul Féval fait
à M""^ Jules Sandeau cette confession touchante : « Me voilà, chan-
« géant de chemin, sur le tard, à l'heure marquée pour le repos, et je
« crois que j'irai très-loin sur cette autre route. A la veille d'un grand
« voyage, entrepris sans idée de retour, l'habitude est de laisser aux
« siens un souvenir. J'ai voulu trier quelques feuillets dans la mon-
« tagne des papiers anciennement noircis par moi ; mais ily en a tant et
a tant que je m'y serais perdu si la pensée ne m'était venue de faire
« un bouquet avec une douzaine de bonnes, 'consciences. » Ces bonnes
consciences sont douze femmes : Eve, Gaïte, Fleur-des-Batailles,
Francine, Marina, Mariole, Clémentine, Miss Anna, Ernestine, Ju-
liette et M"^ de Presmes. On devine que chacune de ces fleurs du
« bouquet » de Paul Féval symbolise une tradition, un conte, une
légende ou une histoire. De ces « douzes femmes, » quelle est la
plus gracieuse, la plus attrayante? Est-ce Eve, la blonde Anglaise?
Est-ce Fleur-des-Batailles, ainsi nommée parce qu'elle avait fait le
coup de feu contre les bleus dans la guerre des chouans? Est-ce la
brune Marina, le bon génie de Francesco Salviati, un des plus illustres
maîtres de l'école florentine? Est-ce Anna, Claire, Mariole, Juliette,
Ernestine, ou M"* de Presmes, noble incarnation de l'ancien régime ?
Nous avouons que le choix, quoique plus moral, est aussi embarras-
sant que celui du berger Paris. Néanmoins, tout bien considéré, nous
donnerions la pomme de la perfection à Gaïte et à Francine. Francine^
naïve légende bourguignonne, a des pages exquises où semblent se
jouer ces fils d'argent tombés du rouet de la vierge Marie, qui, par
les beaux jours d'automne, voltigent dans l'azur du ciel au gré capri-
cieux des brises. Gaïte, la seizième enfant d'un douanier breton,
meurt jeune, frappée au cœur. C'est la note mélancolique — note qui
deviendrait funèbre sans l'original Kernaor, le poëte rustique de
Ploemeur, la grande paroisse. Kernaor, qui a serré la main à Louis-
Philippe, se pose des questions de ce genre : « Pourquoi les abeilles
« bourdonnent-elles sans cesse ? » Pourquoi ? Kernaor lui-même ré-
pond : « C'est parce qu'elles n'ont que des reines et qu'elles deman-
dent un roi ! » Et Kernaor plaint de tout son cœur ces pauvres
bestioles. A quoi ce sournois de Paul Féval ajoute, en h-}mrtc :
«Que ferait-il donc de nous qui n'avonsni l'un ni l'autre? » Mais je glisse,
sur des écueils. Je préfère, chers lecteurs, vous parler de Clémentine.
Clémentine, la note gaie des Doifre femmes, est le premier amour de
Charles Nodier. L'auteur de la Fée aux miettes, affreux collégien en
ces temps-là, ose adresser une déclaration à Clémentine, amie de sa
mère et respectable notairesse de Besançon. Clémentine répond à
Charles par une verte leçon. Cela guérit Nodier radicalement,
d'après ce qu'il a raconté lui-même, un soir d'hiver, chez M"^ Ré-
— 297 —
camier, en présence de Balzac, de Paul Féval et de Chateaubriand.
— Wu'est-ce que « le talisman» de Marguerite? C'est unepetitemé-
daille, à laquelle se ratachentunebonneetunemauvaise action, un pieux
souvenir et un remords. Marguerite la Frileuse a perdu ses parents
dans un naufrage. Recueillie par la Bougonne, une vieille mégère qui
rappelle trop la fameuse Brocante des Mohicans de Paris, d'Alexandre
Dumas père, Marguerite est dressée à mendier, à rapiller, à voler.
Tous ses bons instincts se révoltent. Hélas ! il faut bien obéir devant
le balai de la Bougonne. Un jour, une sœur de charité aperçoit la
Frileuse dérobant un pain sur Tétai d'un boulanger. La sainte femme
paye le pain volé, prend l'enfant par la main^ l'interroge, lui fait
promettre de prier Dieu, de ne plus jamais dérober le bien d'autrui et
lui donne une médaille bénie en guise de souvenir. De ce jour, la
Fi'ileuse ne vole plus. Dieu la récompense. Elle est retirée des mains
de la Bougonne par la comtesse de Champbois, qui transforme Mar-
guerite en une demoiselle, accomplie, et qui. après bien des épreuves
et bien des vicissitudes, la donne en mariage à son fils. Cela serait
passablement excentrique. Mais l'auteur du roman, M. Alfred Seguin,
a prévu le cas. Marguerite, l'enfant trouvée, n'est autre que la fille de
lord Palmer, un riche armateur anglais dont la femme fut la meil-
leure amie de la comtesse de Champbois. Le Talisman de Marguerite
est écrit sans prétentions, sobrement, simplement, quoique non
sans grâce ni élégance.
— Il en est de même de la Rose d'Antibcs, Œuvre charmante,
bijou d'artiste, perle fine tombée de la plume d'un homme de cœur
et d'esprit. M. Edouard Didier a prodigué dans ce roman l'émotion et
la délicatesse — et il a prouvé qu'on peut intéresser sans recourir aux
trucs, aux machines et aux invraisemblances d'Emile Gaboriau et de
Ponson du Terrail. Rien de moins compliqué que la Rose d'Antibes,
Le docteur Jean-Baptiste Cochard, élève du célèbre Dupuytren, est
venu s'établir à Antibes, ville étrange qui a conservé son ancienne
physionomie et qui, placée entre Nice et Cannes, produit de loin
l'eff'et d'une ride creusée au milieu d'un jeune et frais visage.
Curieux type que ce docteur Cochard, le vrai type de ces médecins
de campagne, comme il en existait autrefois, avec leurs guêtres légen-
daires, leur montre à breloques, leur chapeau à larges bords et leur
jument Cocotte, — braves praticiens, cachant sous des dehors un peu
brusques des trésors de bonté et des amas de vraie science ! Aujour-
d'hui, ce type a disparu, et, à quelques exceptions près, nos jeunes
médecins de village font parade de matérialisme et mettent le
bistouri au service du suffrage universel. Tel n'était pas le docteur
Cochard. Il avait épousé une de ses clientes qu'il avait guérie de la
phthisie pulmonaire. Une enfant. Aurore, était le fruit de ce mariage.
— 298 —
M™' Cochard meurt d'une émotion. Aurore lient de sa mère : un
rien peut la tuer — et c'est précisément celui qu'elle aime, le jeune
docteur Marins, le disciple favori de Cochard, qui, sans le savoir,
sans le vouloir, met à deux doigts du tombeau la Rose d'Antibes.
Heureusement;, le malentendu qui a tant fait souffrir la pauvre sensi-
tive s'explique au moment psychologique, et Marins devient l'heureux
époux de la gentille Aurore. M. Edouard Didier a donné pour
cadre à cette naïve histoire les paysages de la Provence que Godeau,
évêque de Vence, appelait, dans son pittoresque langage, « une
gueuse parfumée, i) Il a intercalé dans l'idylle un petit drame, dont
une famille patricienne de Venise, les princes Varese, proscrits par
l'Autriche, lui a fourni les éléments. Il a profité de l'occasion pour
mettre en scène des caractères inoubliables: Leroux, le vieil employé,
plus sec que ses paperasses; Ricard, l'ancien cuisinier, un imbécile,
mais une âme héroïque; Paul Moreau, un Mangin de vantardise et de
suffisance; les Varese, si fiers qu'ils préfèrent mourir de faim que
d'accepter de qui que ce soit une obole. Tout cela est très-finement
rendu, et si c'est un début, ce début est un coup de maître.
— Trop de personnages dans le Secret des Valrège, de M. Charles
d'Héricault. Nous avons le gredin G-. J. Uppermann (l'homme aux
cols en papier), le vicomte Richard de Lestorières, le marquis de
Valrège, Lucienne de Lestorières, sa femme, la gentille Mary-An, la
cousine Marthe, William ou Guillaume Verdès, le grand Emile Ma-
thieu, le beau Gaston Piedebouc, l'ignoble Arthur Planchon, le brave
Baptistin, le communard Larose-Lépine, qui sais-je encore? On s'y
perd. Ruiné en France, le marquis de Valrège est allé en Amérique
refaire sa fortune. A son retour, il épouse Lucienne de Lestorières et
quelque temps après son mariage, il est frappé à mort par Guillaume
Verdès qui l'accuse d'avoir déshonoré sa sœur. Il paraît que l'accusa-
tion est fausse, Valrège en mourant laisse une lettre expliquant sa
conduite et déclarant que Marthe, la fille de Rose Verdès, n'est pas
une bâtarde. La lettre contient le secret des Valrège. Guillaume
Verdès a tout intérêt à connaître ce secret. Mais les hommes et les
événements s'y opposent. Les événements sont la guerre de 1871 et la
Commune. Les hommes s'appellent le Bavarois Meyercrout et le scé-
lérat Uppermann, bras droit de Delescluze. Verdès est emprisonné à
la Roquette. Délivré par les Ver.5aillais, il fait le coup du feu, avec
Gaston Piedebouc, Richard de Lestorières, Baptistin et d'autres
courageux citoyens, contre les bandes de Raoul Rigault. L'insur-
rection vaincue, Verdès meurt d'une blessure, réhabilité et pardonné.
Mary-An épouselegrand Mathieu; Marthe, le chevaleresque Richard,
— et Gaston obtient la main de la marquise veuve de A^alrège. Ce
roman, quoique bien écrit, plaira peu. D'abord, nous l'avons dit, il y
— 299 -
a trop de personnages ; il y a aussi trop de complications, trop d'in-
cidents, trop de surprises. On oublie une chose pour l'autre. Ce qui
peut faire pardonner à l'auteur ses enchevêtrements d'action^ ce sont
les bons mots dont il émaille son récit. Il prête à Lucienne de Les-
torières cette boutade: « De quel droit vous permettez-vous déparier
« d'amour? Une enfant ! Dix-sept ans! Le bel âge ! Mais, à dix-sept
« ans, je n'avais jamais aimé, moi, que Dickens, M. Escande, qui
« signait si souvent à la Gazette de France, et mon grand chien Sultan?»
Au lieu de : // me tarde^ un Américain, moitié Yankee, moitié
peau-rouge, dit : // m' outarde. Ce qui amène naturellement l'inter-
locuteur à répliquer: « De Dijon?» M. Charles d'Héricault est un
homme de trop d'esprit.
— Les romans dont il nous reste maintenant à rendre compte
sont : Dolorita, par le baron de Wogan ; la Comtesse Davia-
latity, par le prince Joseph Lubormiski ; la Maison Vidalin, par
Alphonse de Launay ; la Servante du diable, par Emmanuel Gonzalés,
et le Plus hardi des gueux, par Alfred Assolant. Il en est deux : la
Maison Yidalin et la Servante du Diable, qui sont dangereux et malsains.
Les autres ne méritent pas ce reproche, mais cependant leur lecture
ne convient pas à toute sorte de personnes. Prenons, par exemple,
Dolorita, du baron de Wogan. Cela commence par un enlèvement
d'amoureux, cela continue par un mariage mixte accompli sans le
consentement des parents, et cela se termine par la mort d'une
pau\-re folle. La folle, c'est Dolorita. Elle s'est soustraite à sa famille
pour suivre dans ses pérégrinations celui qu'elle aime — et, quand cet
appui lui manque, la raison l'abandonne, M. le baron de Wogan a
profité des escapades de ses amoureux pour nous faire voyager avec
eux dans l'Amérique méridionale. Un proverbe dit: a A beau mentir
qui vient de loin » Dieu nous garde d'appliquer cet adage à l'auteur du
Voyage dans le Far-West ! Mais il n'en faut pas moins avouer que
l'histoire de l'ermite des Cordillères est passablement fantaisiste, et
que la description de la caverne aux pierres précieuses ressemble
terriblement à la grotte de Monte-Cristo. M. !e baron de Wogan a
voulu s'essayer dans un genre où il lui sera difficile d'égaler Gabriel
Ferry de Bellemare, le Cooper français à qui l'on doit le Coureur des
Bois et Costal-l'indien.
— Pourquoi faut-il que M. Alphonse de Launay ait accolé, dans le
même Yolnme, la. Maison Vidalin k cette perle de douce poésie, de
chaste mélancolie et d'inspiration chrétienne qui a nom la Solange?
Dans la Solange, nous n'avons qu'à louer. Les souffrances de cette
pauvre Berrichonne séduite et abandonnée par un gommeux de
village, épousée par le plus honnête et le plus confiant des hommes,
saignée à blanc par l'affreuse Toinette, publiquement réhabilitée par
— 300 —
le curé de la paroisse, arrachent des larmes. C'est frais, pur, rus-
tique — une page de George Sand illuminée par les rayons divins
dont le foyer est l'Evangile. Dans la Maison Vidalin, au contraire,
M. Alphonse de Launay nous fait assister à des scènes de passion
adultère qu'il décrit de la façon la plus complaisante. S'il a cru par là
rendre intéressants l'épiciére Vidalin et son premier garçon Cyprien
Muret, il s'est trompé. De pareilles descriptions n'inspirent que le
dégoût. Il y aurait, dans, la Maison Vidalin, un personnage sympathique
Ce n'est pas Vidalin, le bellâtre, l'égoïste parvenu, le mari aveuglé
et béat qui se sert des beaux yeux de sa femme pour achalander sa
boutique^ non. C'est le petit bossu Faraud. Ce Quasimodo^ ce For-
tunio contrefait, aimé maternellement par Madame Vidalin, rend à
celle-ci tendresse pour tendresse. Mais voilà qu'Ariel devient tout à
coup un affreux gnome. S'apercevant que Vidalin est un obstacle aux
débordements de sa femme, Faraud ne s'avise-t-il pas d'empoisonner
son maître ? Puis, comprenant le mal qu'il vient de faire, il s'em-
poisonne lui-même. M. Alphonse de Launay nous dira qu'au dénoû-
ment les coupables sont punis, que la « Maison Vidalin » dégrin-
gole et que l'épiciére va cacher sa honte au fond d'un couvent, cela
n'ôte rien à ce qu'il y a de malsain dans le sujet du drame, dans ses
scènes passionnées et dans ses situations plus que risquées,
— Il y a trois ans, M, Victorien Sardou fit représenter une comé-
die intitulée : Dora, qui eut un grand succès, car on crut y voir la
satire de certaines étrangères, femmes-espions, dont la néfaste in-
fluence fut, en 1870-71, si fatale à la France, La Comtesse Damalanty^
du prince Lubomirsky, est la cousine germaine de Dora. Mêlée d'a-
bord à toutes nos intrigues et à tous nos malheurs, elle va ensuite
travailler à Saint-Pétersbourg pour le compte de M. deBismarck. Cette
pieuvre diplomatique s'appelle alors la comtesse de Mahlberg, — et
partout où elle pose le pied, le désastre l'accompagne. A Paris, sa
beauté fatale, mise au service de la Prusse, amène des duels, des
déshonneurs et des suicides. En Russie, l'espionne détruit le bonheur
des familles, arme les fils contre leur père, propage le scepticisme, la
corruption et l'injustice. Elle est, là-bas comme ici, la vipère enfiellée,
la chouette de mauvais augure ! Aussi, lorsqu'à bout de lâchetés et
de turpitudes, l'agente provocatrice de Berlin, devenue assassin et
désespérant de se faire estimer de Nicolas Talarine (le seul homme
qu'elle ait réellement aimé), se tue d'un coup de pistolet, on éprouve
comme une sorte de soulagement. Par malheur, morte la bête, mort
n'est point le venin. Il paraît que les Dalamanty pullulent, en Europe,
par ces temps hybrides. Le prince Lubomirski a soulevé, en passant,
un coin du voile de ces harpies. Mais là n'est pas le but de son livre.
Il a voulu surtout montrer à la Russie le double cancer qui la dévore :
- 30i -
le germanisme et le nihilisme, Les nihilistes, dans ce pajs-là, sont
les alliés de M. de Bismarck, lequel trouve aussi dans la bureaucratie
russe peuplée d'Allemands, une armée d'auxiliaires. Pour l'auteur de
la Comtesse Dalamanlij, la nation russe, enserrée par le germanisme et
désagrégée par le nihilisme, est une nation dont l'autonomie lai pa-
raît compromise, si elle n'extirpe radicalement et à temps les deux
ulcères qui la rongent. Les Russes qui liront cet ouvrage compren-
dront-ils rinvite? Ceci n'est point notre affaire. Bornons-nous à dire
que la Comtesse Dalamanty est une œuvre hardie, originale et empoi-
gnante, sinon irréprochable. Le premier chapitre du livre : Le Temple
de la paix, estnne mordante photographie de Paris pendant l'Exposition
de 1867. Le portrait des Talarine est aussi de toute beauté ■ — surtout
la physionomie du chef de la famille, du prince Pierre. C'est le vrai
Russe, le Russe qui se souvient de Souvarow et de Rostopchine. Su-
perbe vieillard, homme tout d'une pièce, absolument dévoué aux an-
ciennes traditions, aux anciens usages. Jamais le vieux boyard n'a pu
s'habituer à dire « vous. » Il dit (i tu » à Dieu, à l'empereur et aux
serfs de ses domaines, mais avec des intonations différentes. La façon
dont il tutoie Dieu est si profondément respectueuse qu'elle en devient
un véritable acte de foi. Ce représentant du passé émet des axiomes
d'une justesse profonde. Ceux-ci entre autres : « L'éternel bien a pour
« base le devoir. La famille forme le premier échelon de l'échelle cé-
<( leste ; la patrie vient ensuite ; Dieu est en haut. Les novateurs stupides
« qui prêchent la fraternité universelle sont les partisans du plus fé-
« roce individualisme. Les tigres et les loups n'ont pas de patrie;
« aussi, s'entre dévorent-ils? La patrie, c'est la famille agrandie. »
Sages paroles dont la France actuelle serait bien inspirée de faire
son profit !
— De la Russie, passons en Sicile. M. Emmanuel Gonzalès, avec la
Servante du Diable^ nous transporte dans une île volcanique. La Ser-
vante du Diable, la Stregga (strygge, sorcière), est une certaine
Fabiana, mère d'un bâtard dont le marquis de Campo-Forte est le
père. Ce marquis de Campo-Forte a deux enfants : Giovanni, le fils
naturel, et Diodato, le fils légitime. H y a haine et lutte entre les
deux jeunes gens, et tout l'intérêt du roman gît dans cet antago-
nisme. L'action se passe au dix-huitième siècle. M. Emmanuel Gon-
zalès nous représente la Sicile comme un pays opprimé, pressuré,
peuplé de sbires et de proscrits, de bandits et de tyrans. Fabiana la
Sorcière traverse en vengeresse les temples en ruines et les grottes
souterraines. Attentive et farouche, elle veille sur son fils Giovanni,
favorise l'amour de ce chef de révoltés pour la juive Judith et l'aide à
triompher de son rival Diodato. La Servante du Diable est un récit
coloré, mouvementé. Les mœurs de ces paysans superstitieux qui ont
— 302 —
conservé une foi robuste aux enchantements et aux opérations ma-
giques dont Théocrite et Virgile redisent la formule dans leurs
églogues, sont décrits dans un stjle véhément, imagé, plein d'allure.
La Fabiana a quelque chose d'épique. Mais la Servante du Diable n'en
est pas moins un mauvais livre. Et voici pourquoi : l'auteur — ce qui
est une faute à la fois contre la vérité et contre l'esthétique —
n'admet la vertu, le dévouement, le courage, la générosité que dans
le peuple. Tous les nobles qu'il met en scène sont de fieffés coquins,
des monstres sans nom ou des personnalités orgueilleuses et dures;
tous les prêtres qui traversent le drame sont grotesques ou impla-
cables. Au contraire, Giovanni, le bâtard, Fabiana la Sorcière, Judith
la juive, les proscrits, les bandits même, sont des héros, des cœurs
sublimes, de grandes âmes. Evidemment — et sans doute contre les
intentions de l'auteur — les esprits ignorants peuvent tirer de ces
généralités trop absolues des conclusions fâcheuses. M. Alfred Asso-
lant, lui aussi, dans le Plus hardi des gueux, a mis en scène le peuple,
le clergé et la noblesse du dix-huitième siècle ; mais — quoique son
impartialité soit souvent en défaut, — il a su éviter les injustices de
M. Emmanuel Gonzalès. A coup sûr, Bernard de Ventadour, duc
d'Uzerche, fourbe, cruel, menteur, hypocrite et suborneur de jeunes
filles, est un bien triste sire. Ses compagnons de plaisir et les gens
qu'il a à sa dévotion sont de vrais chenapans. On crierait à l'impos-
sible, si, comme contraste, comme correctifs, n'apparaissaient les
loyales et sympathiques figures du bon curé de Saint-Eustache et de
la marquise de Latour-Maubrac, sœur de Bernard de Ventadour, une
sorte de fée bienfaisante qui répare les crimes de son frère. Le
peuple, dans le livre de M. Assolant, est évidemment trop flatté;
mais il n'y a pas que des saints en sarrau dans le Plus hardi des gueux.
Il y a aussi des coquins. Sous ce rapport, ce serait faire de la critique
pointue que d'insister davantage. Là n'est pas le côté damnable de
M. Assolant ; il est dans les réflexions dont il assaisonne les aven-
tures de Rienquivaille. M. Assolant a trop lu Voltaire. Disons pour-
tant, à la décharge de l'auteur du Plus hardi des gueux, que son vol-
tairianisme est un voltairianisme gouailleur. Il n'a rien de haineux, et
sa gaîté en atténue le venin. L'intrigue du roman est celle-ci :
Ninon, fllle du bonhomme Marteau, est aimée de Jean-de-Dieu Rien-
quivaille. Mais Bernard de Ventadour essaye pareillement de papil-
lonner autour de Ninon. De là des guet-apens, des bousculades, des
estocades, des courses au clocher, des escarmouches, des enlèvements,
dans lesquels Rienquivaille, « le plus hardi des gueux, » apparaît
toujours comme le deus ex machina. Finalement, c'est a le plus hardi
des gueux » qui triomphe. Il y a dans le livre trois physionomies sai-
sissantes : d'abord Rienquivaille, peintre, poète, musicien, bohème
- 303 —
avec des airs de gentilhomme, leste, bien fait, le cœur sur la main,
héroïque, fou, très-sympathique; puis, Ninon, un petit amour de
fillette, avec des yeux que Greuze eût voulu peindre, mais d'une
vertu à toute épreuve; enfin, Joseph Théodore Marteau, l'épicier
trembleur, possédant pignon et boutique sur rue près la Tour Saint-
Jacques la Boucherie, bourgeois tranquille, paisible de caractère,
exact aux échéances, homme respecté dans son quartier, homme
considérable, homme à raise_, homme qui... homme que.... bref,
malgré ses défauts, un bon homme et un excellent père de famille.
Marteau a des successeurs. Ce sont les Jérôme Paturot de notre
société contemporaine.
— Nous aurions encore à dire un mot d'une douzaine de romans qui
viennent de paraître. Mais le temps et l'espace nous manquent. Re-
mettons la chose à notre prochaine revue trimestrielle, et, sans tran-
sition, abordons les Contes et les Nouvelles. On publie les œuvres
posthumes de George Sand, et ces œuvres posthumes sont des Contes,
et des Contes de grand'mère encore. Lélia, grand'mère, voyez-vous
celad'ici? Eh bien ! oui, George Sand était, dans ces derniers jours,
passée à l'état d'aïeule, et c'est pour ses deux petites-filles. Aurore et
Gabrielle, qu'elle a écrit le Chêne parlant, le Chicn^ la Fleur sacrée., Ce
que disent les fleurs, le Marteau rouge, le Gnome des huîtres^ la Fée
Poussière, la Fée aux gros yeux, le Château de Pictordu, la Reine Coax,
les Ailes de courage, le Nuage rose, le Géant Yeous et VOrgue du Titan.
Quelques-uns de ces contes, tels par exemple que l'Orgue du Titan, la
Fée aux gros yeux, le Gnome des huîtres et la Fleur sacrée (le lotus)
laissent passer des bouts d'oreilles sur lesquels on lit : panthéisme,
boudhisme, métempsycose et migration des âmes. Mais les autres
ne méritent que des éloges, et des éloges sans réserves. Le mer-
veilleux de la narration cache toujours une moralité ou une leçon
— et les fées évoquées par George Sand enseignent, celle-ci l'amour
du travail, celle-là les avantages de la vertu. D'autres révèlent à la
petite Aurore et à la petite Gabrielle les merveilles de la minéralogie,
de l'entomologie et de la botanique. Le Chêne parlant, le Géant Yeous
et le Manoir de Pictordu, où se marient si harmonieusement le réel et
ridéal, sont des démonstrations on ne peut plus ingénieuses de la
puissance moralisatrice de la souffrance et delà supériorité de l'homme
sur les forces aveugles de la nature. Il y a, dans le Manoir de Pictordu,
une touchante théorie sur les rapports du monde visible et du monde
invisible. Il y est question des mères mortes qui veillent sans cesse
sur leurs enfants confiés aux soins des marâtres. Dans les Ailes de
courage, George Sand nous présente un jeune Pythagore rural qui,
comme saint François d'Assise, comprend et explique le langage des
oiseaux — avec cette différence cependant que Clopinet ne sait pas,
— ;ioi —
comme le séraphique François, idéaliser et déifier les créations du
bon Dieu. Dans la Reine Coax, la reine des grenouilles, qui se pare
d'émeraudes, qui joue de Téventail, qui danse la sarabande, qui passe
la moitié du jour à faire la pecque et la mijaurée et qui crève à la
peine, la grand'mère a voulu prouver que la vanité était un vilain
défaut et qu'une jeune fille doit chercher à plaire uniquement par ses
vraies qualités et non pas des qualités d'emprunt. En résumé, il y a dans
les Coules d'une grand'mère des pages de toute perfection : «Il ne manque
que Dieu à George Sand, » disait Raymond Brucker. En effet, si Dieu, le
Dieu vivant — et non le Dieu des philosopheurs,un Dieu qui pue Tencre —
apparaissait dans ces Contes, ce seraient d'incomparables chefs-d'œu-
vre. Aux Contes d'une grand'mère se rattache un volume de Nouvelles,
comprenant la Coupe, Liipo Livcrani, le Toasl et la Rêverie à Paris. On
aurait mieux fait de laisser dormir ce volume dans les tiroirs de la
châtelaine de Nohant. Il n'ajoute rien à sa gloire. Au contraire ! ce
sont, en partie, des conceptions de la George Sand des mauvais jours,
des jours d'impiété et de révolte. La Rêverie à Paris est un dithyrambe
en l'honneur de la ligne droite, de la rue tirée au cordeau, si souvent
critiqué par l'école romantique. Le Toasl est un petit rien, écrit pour-
tant avec une plume d'or. Restent la Coupe et Lupo Liverani, sur les-
quels portent principalement nos blâmes. La Coupe est un poëme
féerique en prose, nuageux, obscur, monotone, conçu d'après les
idées druidiques des Triades bardiques, de Jean Reynaud, d'Henri
Martin et de Michelet-Dumesnil. La « Coupe des fées » donne la
beauté, la jeunesse, la puissance, l'immortalité — mais elle ne donne
pas le bonheur. Si bien que le dernier mot du poème aboutit au dégoût
de la vie. Le prince fabuleux dont la fée Zilla s'est constituée la pro-
tectrice en arrive à s'écrier : « La mort, c'est l'espérance. » Belle
devise, mais seulement dans une bouche chrétienne. Quant à Lupo
Liverani^ drame en trois actes, imité de Tirso de Molina, nous ne
pouvons en louer que le style. La donnée est dirigée contre un des
dogmes les plus redoutables du catholicisme. L'œuvre de Gabriel
Tellez (Tirso de Molina) est la plus hardie création du théâtre espa-
gnol. Mais c'est un drame sincèrement religieux, un véritable auto,
fait, selon les croyances du temps où il a été écrit, par un moine à qui
Dieu avait départi le génie d'un Shakespeare. Cette œuvre effrayante,
audacieuse et puissante, a pour titre : El Condenado por dcsconfiado, le
Damné pour manque de foi. On peut y voir une sorte de parabole des-
tinée à rendre intelligible au peuple la doctrine catholique de la grâce
efficace. George Sand a dénaturé la conception rigoureusement ortho»
doxe de Gabriel Tellez, conception très-large d'allures, ne compor-
tant rien d'étroit, de mesquin, de ridicule. Au dénoûment à^El Con^
denado, tout de réconciliation et de pardon, le dernier mot reste à
— 30o —
Dieu. Dans Lupo Liverani,\e dernier mot esta Satan, qui dit au héros
principal, à Angelo devenu ermite : « C'est au désert que je règne sur
« celui qui n'aime que lui-même. Va ! invente des supplices pour ton
a corps, et persiste à croire que le sang est plus agréable à Dieu que
« les larmes. Je t'aiderai à dessécher ton cœur et à développer par
« de fécondes imaginations le précieux germe de férocité qui fait les
« saints exorcistes et les inquisiteurs canonisés. » Ne croirait-on pas
lire une page du Réveil ou de la Lanlerne.
— M'"'= Durand (Henri Gréville) arrive encore de Russie_, non avec
un roman, cette fois, mais avec un stock de Nouvelles : Stéphane Maka-
riejf, Vera., V Examinateur , le Meunier et Anton Massilof. Trois de ces
Nouvelles: Vera, le Meunier et Anton Massilof, mettant en scène, ici
une coquette qu'une plaisanterie de son fiancé mène au tombeau, là
un rustre comme il j en a tant, ailleurs un secrétaire d'ambassade
dont TinJécision est le péché mignon, sont à peu près insignifiantes.
Par contre, dans Stéphane et l'Examinateur, nous avons deux joyaux
qu^on dirait sortis de la cassette de Mérimée ou de Técrin de Tour-
guéneff. h' Examinateur \}onTV3iit'mênie entrer, sans conteste, dans le
petit nombre des contes non fantastiques d'Hofi'mann. Les bonnes et
braves figures du professeur Maréguine, de sa gouvernante, de son
élève — une pauvre orpheline qu'il épouse presque sans s'en douter, —
ont une netteté et un charme singuliers, provoquant tour à tour une
larme ou un sourire. Stéphane Makarieff \a,\it, esthétiquement parlant,
VExaminateur : mais l'histoire de ce paysan russe qui se marie sans
amour, qui vit en adultère avec sa voisine et qui tue sa femme légi-
time, manque absolument de moralité. Or, dans des courts récits de
ce genre, le manque de moralité est chose particulièrement cho-
quante. Et c'est précisément le défaut dans lequel sont partiellement
tombés M. Emile Bosquet et M. Georges de Peyrebrune. Il y a pour-
tant dans le recueil de M. Emile Bosquet une petite perle : les Oiseaux
de Berthe. C'est court, naturel, simple, délicat, ravissant. Que n'a-t-il
montré le même tact dans Séraphine et Léonie et surtout dans Une
'OilUgiature, narration passablement leste où se donnent la réplique
une Parisienne, un vieux beau et un viveur? Tous personnages qui
sont loin d'être des prodiges de vertu ; il est vrai de dire néanmoins
que l'expérience les corrige. Aussi lestes sont certains Contes en l'air
de M. Georges de Peyrebrune : notamment la Tante Berthe. Incontes-
tablement la Tante Berthe a une réelle valeur littéraire. Il est fâcheux
que le côté poétique, spirituel et original (une jeune tante à la mode
de Bretagne qui se déguise en petite vieille pour dégoûter son neveu
Daniel et qui ne réussit que mieux à lui inspirer de l'amour), il est
fâcheux, dis-je, que les qualités sérieuses du récit soient déparées par
une tendance visible à prodiguer les descriptions anacréontiques et
Avril 1878. T. XXII, 20.
— 306 —
les scènes libres (genre Daphnis et Chloé). La Tante Bcrthe a fourni a
M. Georges de Peyrebrune Toccasion de célébrer le Périgord, belle
province où ne se trouve pas seulement des dindons truffés et des
cèpes à la bordelaise, mais oîi il pousse aussi des Montaigne, grands
dénicheurs de paradoxes, des Fénelon, sublimes pécheurs d'âmes,
des Dumesnil, braves plébéiens qui deviennent des héros en défendant
la patrie. Mentionnons seulement pour mémoire, comme faisant partie
des Contes en l'air : Sous les branches, banalité puérile ; Une fenêtre
dans l'autre monde, qui fait involontairement penser au chien si intelli-
gemment fidèle d'Aubry de Montdidier (voir \d. Morale en action) ; Une
horrible histoire, laquelle n'est pas du tout une histoire horrible, puis-
qu'il ne s'agit que de la noyade simulée d'un affreux king-charles ; enfin,
YAppollon Pythicn, petit poëme mythologique où sont racontées (trop
librement) les défaillances de la prêtresse Pamphila. Et voilà tout! On
dit que, sous ce nom vraiment romantique de Georges de Peyrebrune,
se cache une femme, et une femme de beaucoup d'esprit. L'esprit y
est, très-certainement. Mais l'auteur des Contes en l'air fera bien —
sans devenir pour cela collet-monté — de déshabiller un peu moins
son style. Chez une femme, le style trop décolleté déplaît et jure.
FlRMlN BoissiN.
JURISPRUDENCE
Traité de droit français privé et public, par A. Mocllart, docteur en droit, professeur
de droit et d'économie politique à Amiens. Paris, Guillaumin, 1877, in-8 de xxxil-
694 p. Prix : 10 fr. — Manuel de la législation française à l'usage de tout le monde, par
M. Emile Benoit, avocat, juge-suppléant à Avignon. Paris, Larose, 1877, in-12 de
vii-416 p. Prix : 4 fr. — Etudes sur lot communauté réduite aux acquêts, par M. Ch.
Piolet, docteur en droit. Paris. Marescq aîné, 1877, in-8 de 201 p. Prix : 4 fr. — De
la séparation de biens sous le régime dotal, par M. Vdèrat, docteur en droit, substitut
à Etampes. Paris, Cotillon, 1877, in-8 de 191 p, Prix : 3 fr. — Elude sur le caractère
et les conditions conslilutivcsdu mariage endroit romain et en droit français, -par M. BÉDROS
Th. Chachian, docteur eu-droit. Paris, Blot, 1875, in-8 de 167 p. Prix : 3 fr, —
De la succession légitime et testamentaire en droit international privé, par M. Charles
Antoine, docteur endroit. Paris, Marescq aîné, 1876, in-8 dexii-!80 p. Prix : 3 fr.
— La Faillite dans le droit international privé, par M. G. Carle, professeur à l'Univer-
sité de Tarin, traduit et annoté par M. Ernest Dubois, professeur à la faculté de
Nancy. Paris, Marescq, 1875, in-8 de xi-163 p. Prix : 4 fr. — La Législation de
l'Algérie, par M. Je.anvrot, substitut à Ajaccio. Paris. Cotillon, 1877, in-8 de 76 p.
Prix : 2 fr. — L'Egypte et sa réforme judiciaire. Paris, Auguste Ghio, 1875, in-8
de 174 p. Prix : 2 fr. — Etude sur l'extradilion, par M, E. de Vazelhes, docteur en
droit. Paris, Pichon, 1877, in-8 de 230 p. Prix : 5 fr. — Précis d'un cours de droit
criminel, par M. E. Villey, professeur à la faculté de Caen. Paris, Durand et
Pedone-Lauriel, 1876 et 1877, 2 vol, comprenant ensemble 551 p. Prix : 4 fr. —
Code-Manuel du juré d'assises, par G. Fenet, avocat, Paris, Cotillon, in-r2 de 317 p.
Prix : 1 fr. 25. — Des exruses légales en droit pénal, par M. A. de Sarrau DE BOYNET,
avocat. Paris, Thorin, 1875, in-8 de Viil-531 p. Prix : 10 Ir. — La Séduction, par
M. Albert Millet, avocat. Paris, Cotillon, 1876, in-12 de 223 p. Prix : 2 fr. 50. —Dic-
tionnaire de droit électoral, par M. A. Bavelier. ancien avocat au Conseil d'Etat et à
la Cour de cassation. Paris, Paul Dupont^ 1877, in-8 de 511 p. Prix : 11 fr, — Code det
— 307 —
■ lois de la presse, par M. Rolland de Villap.gues. Paris, 1876, 3» éditiou, Marescq
aîné, in-8 de 120 p. Prix : 4 IV. — De la propriété des mines, par M. K. Chevallier,
docteur en droit. Paris, Marescq aine et Baudry, in-8 de 201 p. Prix : 4 fr. ^-
Code des the'âtres, par M. Ch. Constant, avocat à Paris. Paris, Durand et Pedone-
Lauriel, 1876, in-12 de 370 p, Prix : 3 fr. 50 — Leçon d'ouverture du cours de droit
civil approfondi dans ses rapports avec V enregistrement, par M. E. DUBOIS, professeur à
la faculté de Narcy. Paris, Cotillon, 1876, in-8 de 41 p. 2 fr. 50.
L'année dernière, à cette même place^ nous entretenions nos lec-
teurs des résultats du concours ouvert par TAcadémie des sciences
morales et politiques en 1872, et dont le programme était ainsi for-
mulé : « Exposer avec^ la clarté nécessaire pour être compris par
touSj les règles fondamentales du droit français, '^t montrer les rap-
ports de ce droit avec les principes de la morale et avec rutilité
générale... » Nous rendions compte à cette époque des deux ouvrages
qui avaient valu à leurs auteurs, MAL Jourdan et Glasson, le premier
et le second prix. Nous avons à parler aujourd'hui du traité de
M. MouUart, que les juges du concours ont placé au troisième rang,
tout en lui décernant une mention très-honorable. Dès les premières
lignes de l'introduction, nous sommes heureux de relever cette phrase
qui garantit les sentiments de l'auteur, et qui semble indiquer de sa
part une parfaite intelligence des difficultés du sujet : a Mon intention
n'a pas été de faire un manuel qui pût prendre sa place dans le cabi-
net de l'homme d'étude, comme dans la mansarde de l'ouvrier et dans
la chaumière du paysan. Je ne connais qu'un livre assez court, assez
beau, assez indispensable, assez universel, assez bon marché, car il
faut tenir compte de ces nécessités économiques, pour pénétrer par-
tout et s'adresser à la fois à l'ignorant et au savant ; mais ce livre,
l'Evangile, est un code des devoirs, et il a d'autres auteurs et d'autres
vulgarisateurs que des professeurs de droit. »
Cela est bien dit autant que bien pensé. Mais pourquoi faut-il qu'en
dépit des promesses de ce début, M. Moullart soit précisément tombé
dans recueil qu'il signalait lui-même? Il s'est laissé entraîner à com-
poser un véritable manuel. Son livre, nous le craignons, est trop
scientifique pour ceux qui ne sont pas initiés à la connaissance du
droit, trop superficiel pour ceux qui veulent entreprendre des études
sérieuses. Préoccupé à l'excès du désir de ne rien omettre, il accorde
trop de place à des détails que son cadre ne comportait pas. Les
grandes lignes perdent ainsi de leur netteté; les développements pré-
sentent souvent la sécheresse inséparable des nomenclatures ; les la-
cunes pourtant y abondent encore, et la critique y fait parfois défaut.
Le lecteur est fréquemment déconcerté par la distribution toute nou-
velle des matières. Enfin, si les intentions sont louables, la philoso-
phie n'est pas toujours suffisante. En particulier, les démonstrations
du droit de propriété (p. 169), et du droit de transmission par der-
nière volonté (p. 428), sont loin de nous satisfaire.
— 308 —
— Le Manuel de In lègiskUion française à l'usage de tout le monde,
par M. Emile Benoit, est également une œuvre de vulgarisation,
mais les visées sont plus modestes. On y trouvera des conseils pra-
tiques, qu'accompagnent des formules et des modèles d'actes usuels.
— Au contraire, M. Piolet, dans sa monographie sur la Commu-
nauté réduite aux acquêts, s'est placé à un point de vue surtout scien-
tifique. Cette étude est précédée d'une introduction dans laquelle
M. D. de FoUeville, le professeur bien connu de la faculté de Douai,
fait ainsi ressortir l'intérêt du sujet : « La plupart des auteurs n'ont
consacré jusqu'ici à ce sujet que des développements fort courts. Au-
cune monographie spéciale n'a été, à notre connaissance, publiée et
mise dans le commerce. Nous dirions volontiers qu'il y a là une véri-
table ingratitude en présence des services que rend, dans la pratique,
la communauté réduite aux acquêts. » Désormais cette lacune est
comblée. Le livre de M. Piolet est un exposé très-complet, très-subs-
tantiel, très-compétent.
— Cette matière si vaste et si difficile des conventions matrimo-
niales a également appelé l'étude de M. Y uébsit. De la séparation de
bieiis sous le régime dotal, tel est le titre de l'ouvrage que vient de
publier ce jeune magistrat, dont le nom a déjà été mis en évidence
par le concours de 1876, pour les fonctions d'attaché au parquet.
Il témoigne, dans ce sujet un peu aride et très-spécial, de connais-
sances approfondies et d'une vraie puissance de dialectique.
— Nous sommes redevables àM.Bédros-Th. Chachian d'un excellent
traité sur le Caractère et les conditions consiitutives du mariage. C'est
un ouvrage que nous aimons à signaler, ])arce qu'il dénote un travail
consciencieux, des recherches intelligentes, et qu'il s'inspire, dans
les grandes controverses soulevées autour de la question, d'un esprit
vraiment libéral^ au sens juste et chrétien de ce mot. L'auteur par-
court les législations de l'antiquité : chemin faisant, il fournit sur les
coutumes de l'Arménie des renseignements curieux et nouveaux.
Examinant ensuite le droit français moderne, il en fait une exposition
très-complète. Non content d'analyser, il apprécie; et nous ne pou-
vons que partager son sentiment, qu'il résume ainsi : « La loi civile
nous paraît avoir commis une double faute : premièrement, le jouroà
l'Assemblée législative changea la nature du mariage en ne tenant
aucun compte du sacrement; secondement, le jour où les articles or-
ganiques enlevèrent aux catholiques le droit de recevoir la bénédic-
tion de l'Église, avant de se rendre à la cérémonie civile (p. 89). »
— Nous sommes loin de l'époque où le législateur n'avait à se
préoccuper que des seuls habitants de sa cité ou de son empire, et où
les jurisconsultes romains ne mentionnaient les étrangers que pour
leur dénier toute espèce de droits, en les flétrissant sous la qualifîca-
— 309 —
lion de barbares. Avec le développement toujours croissant des rela-
tions internationales, l'étude du droit international privé prend une
importance également croissante. C'est là une brandie essentiellement
moderne de la science juridique. Déjà des travaux remarquables ont
été accomplis ; mais le champ est vaste et promet encore d'amples
moissons à ceux qui tenteront de l'exploiter. Aussi félicitons-nous
M. Ch. Antoine d'avoir pris pour sujet de thèse de doctorat l'examen
des conflits qui peuvent surgir en matière de successions entre les
diverses législations. D'après lui, les règles que la raison commande
sont les suivantes : u Le succession d'une personne est réglée par
la loi de la nation à laquelle cette personne appartient. — Il en est
ainsi quel que soit le pays où se trouvent les biens laissés par le dé-
funt, quelle que soit la nature de ces biens, meubles ou immeubles, et
quel que soit enfin le pavs où a eu lieu le décès.... » — Mais M. An-
toine ne se borne pas à émettre le vœu que ces règles soient désor-
mais consacrées par le commun accord des législations européennes.
Il va plus loin, et c'est ici que nous hésitons davantage à le suivre : il
soutient que d'ores et déjà, dans l'état actuel de notre code, u ces
mêmes principes peuvent et doivent être suivis en France, aucun
texte de la loi française ne s'opposant à ce qu'ils le soient. » Cette
opinion est fortement appujée par M. Ernest Dubois, professeur à la
faculté de Nancy, dans la préface dont il a honoré l'œuvre de son
élève.
— De l'ouvrage précédent au volume intitulé : la Faillite en droit
international privé, la transition est doublement facile : les questions
soulevées offrent des analogies, et ici encore nous retrouvons le nom
de M. Ernest Dubois. Il est vrai que M. Dubois se présente avec le
titre modeste de traducteur du mémoire de M. G. Carie, couronné
par l'Académie des sciences morales et politiques de Naples. Mais
l'importance des annotations fait du professeur français un véritable
collaborateur de son confrère italien. Ce traité, dont nous regrettons
de n'avoir pu parler plus tôt, a déjà eu un grand retentissement dans
les facultés et dans le monde judiciaire. La faveur dont il jouit est
méritée; car il ouvre, en droit pur, des aperçus trop généralement
négligés ; et, au point de vue pratique, il fournit des renseignements
précieux tant sur la jurisprudence française que sur la jurisprudence
étrangère.
— M. Jeanvrot, substitut à Ajaccio, a entrepris de présenter dans
un tableau d'ensemble la législation de l'Algérie, en exposant l'état
actuel de l'organisation politique, administrative, communale, dépar-
tementale, judiciaire, etc. Il lui a fallu, pour concevoir simplement
l'idée d'un semblable travail, un véritable courage. Comment ne se-
rait-on pas effrayé, en effet, à la vue de ce dédale de lois, de décrets.
— 310 -
d'ordonnances, qui, tour à tour, se sont abrogés, modifiés ou com-
plétés? On l'a dit avec raison, le pire des systèmes successivement
essayés eût été préférable, sous la condition d'être appliqué avec esprit
de suite, à cette instabilité perpétuelle. M. Jeanvrot s'est appliqué à
rechercher dans ces centaines de textes épars les dispositions présen-
tement en vigueur, et aies résumer en quelques pages concises. Nous
pourrions sans doute signaler bien des omissions, notamment dans la
partie consacrée à l'organisation administrative; mais comment en
aurait-il été autrement? Nous préférons reconnaître ce que l'effort
tenté offre de méritoire et d'utile.
— L'Egypte et sa réforme judiciaire, tel est le titre d'un mémoire
consacré à l'étude d'une question plus politique encore que juridique.
L'auteur anonyme, qui fait preuve d'une connaissance approfondie de
l'Egypte et de ses mœurs, conclut au maintien des anciennes capitu-
lations; il signale les dangers des innovations proposées parle vice-
roi dès 1867, dans un but habilement et perfidement dissimulé. Depuis
l'époque de cette publication (décembre 1875), des faits nouveaux se
sont produits. Nous ne croyons pas cependant que la question soit
définitivement vidée; la discussion reste ouverte; et les lecteurs qui
voudront suivre ces débats si graves notamment pour les intérêts
français, consulteront avec fruit ce travail et les documents nombreux
qui y sont reproduits.
— Avec l'Étude sur l'extradition, de M. E. de Vazelhes, nous en-
trons dans le domaine du droit pénal, quoique la question se rattache
encore au droit international, et qu'il convienne de se reporter, pour
comprendre son intérêt de plus en plus considérable, aux causes indi-
quées ci-dessus. Le principe remonte à l'antiquité la plus reculée, et
notre auteur cite un véritable traité d'extradition intervenu entre
Ramsès II, roi d'Egypte, et le prince de Chéta. Mais c'est à notre
époque surtout qu'il devient nécessaire de consacrer à ce droit une
place et une attention toutes spéciales. L'échange des malfaiteurs, si
nous pouvons nous exprimer ainsi, suit la marche ascendante des
autres échanges de peuple à peuple. M. de Vazelhes aborde ce sujet
délicat avec une préparation très-complète, une forme excellente,
des principes que nous sommes heureux d'approuver sans réserves.
Il critique, non sans raison, ce qu'il y a d'excessif dans la règle de
non-extradition pour faits politiques, — cette formule vague cou-
vrant trop souvent de vrais crimes de droit commun. Il étudie la
question éminemment actuelle de savoir quelle forme doivent revêtir
les traités d'extradition sous l'empire de la constitution qui nous
régit, et il démontre que la sanction législative ne s'impose pas
comme une condition essentielle de leur validité. — Quels faits
peuvent motiver l'extradition, quelles personnes en sont passibles,
— 311 —
quelle est la procédure à suivre, quelles sont les conséquences légales,
— ces diverses questions font l'objet de sa part d'un examen sérieux.
Un appendice contient le texte d'un certain nombre de conventions
choisies parmi les plus récentes. Notons enfin que notre auteur, dans
les préliminaires historiques de son travail, fournit des indications et
formule des appréciations équitables sur la nature et l'utilité du droit
d'asile chez les anciens et au moyen âge.
— Dans la préface de son Précis d'un cours de droit criminel^
M. Villey prie le lecteur « de croire sur sa parole qu'il n'a eu d'autre
prétention que de faciliter à la jeunesse des écoles, par un résumé à
la fois succinct et complet, l'étude, trop longtemps négligée, de notre
législation criminelle. » Toutefois, ce n'est pas aux étudiants plus
préoccupés de l'examen à subir que de la science à acquérir, qu'il
convient de recommander cet ouvrage. Ils seraient effrayés par ses
dimensions ; ils n'y trouveraient pas ce qu'ils demandent aux manuels
qui peuvent, à la rigueur, préparer des licenciés en droit, mais qui
ne formeront jamais des jurisconsultes. Enfin, ils seraient déroutés
par l'ordre plus logique que conforme aux programmes dans lequel
M. Villey a classé ses matières. — Mais en constatant que l'auteur
n'a pas écrit pour ce public malheureusement trop nombreux sur les
bancs des facultés, nous avons la conscience de lui rendre un hommage
mérité. S'il n'est pas arrivé exactement au but qu'il affirme s'être
proposé, c'est qu'il l'a dépassé. Ceux qui désirent se livrer à une
étude sérieuse goûteront ce traité, où ils trouveront, exposés dans la
forme la mieux appropriée au sujet, des idées saines et des aperçus
profonds.
— Le Code-Manuel du juré d'assises est un recueil soigneusement élaboré
des prescriptions législatives qui organisent le jury criminel, déter-
minent sa compétence et réglementent la procédure. Nous faisons les
plus expresses réserves sur les théories énoncées dans la première
partie, où l'auteur décrit l'histoire et les vicissitudes de cette institu-
tion.
— Le volume de M. de Sarrau de Boynet : des Excuses légales en droit
pénal, est nourri de faits et de textes ; il abonde en citations d'arrêts
ou d'auteurs, et nous semble destiné à rendre de précieux services,
spécialement dans les parquets.
— Sous ce titre : La Séduction, M. Albert Millet examine une grave
question morale et sociale. Il constate les progrès eff'rayants de l'im-
moralité publique, le nombre croissant des naissances illégitimes, des
infanticides, des attentats de toute nature qui, chaque année, appellent
l'intervention des tribunaux; et il s'écrie en face de ces horreurs
sociales : « Il faut une loi contre la séduction ! » C'est qu'en effet la
loi est à faire tout entière, et M. Millet a beau jeu à relever l'incon-
— 312 —
séquence ou rimprévoyance du code pénal : « S'agit-il de sauvegar-
der quelques intérêts pécuniaires? Oh! alors le code déploie une pru-
dence admirable! Il prend les plus minutieuses précautions ; il met les
mineurs en tutelle... Mais quand il s'agit non plus d'une quittance ou
d'un billet à ordre, mais de la vertu d'une jeune fille mineure, le
législateur ne dit mot et consent à voir commettre impunément un
tel abus de confiance... » — Il ne suffit pas de critiquer l'état de
choses existant : il est nécessaire de poser, tout au moins, les bases
du droit nouveau que l'on sollicite avec tant de raison. Telle est
l'œuvre qu'entreprend notre auteur avec verve et conviction, passant
en revue les législations anciennes et étrangères, tantôt leur faisant
des emprunts, et tantôt s'inspirant de l'expérience acquise pour pré-
venir les abus signalés à d'autres époques. Car il importe de ne pas
tomber, en voulant supprimer les dangers de l'impunité, dans les
dangers qui pouvaient résulter de la 7'ccherche de la paternilé trop
facilement autorisée.
Nous nous associons aux vœux de M. Millet. Nous voterions volon-
tiers toutes les modifications qu'il propose d'apporter au texte de la
loi. Mais nous croyons fermement que la réforme législative, qui est
indispensable, ne sortira son plein effet qu'à la condition d'être pré-
cédée ou accompagnée de la réforme morale dont la religion peut seule
devenir l'instrument. Voilà la vérité fondamentale que M. Millet ne
méconnaît pas, du moins nous l'espérons, mais qu'il a le tort de ne
pas proclamer assez haut.
— Le Dictionnaire de Droit électoral, de M. Bavelier, n'est pas seule-
ment un ouvrage bien fait et sérieusement travaillé. Cette première
condition, assurément nécessaire, n'est pas toujours suffisante pour
assurer le succès. Il faut, en outre, qu'un auteur sache arriver à son
heure et en temps opportun. Or, le volume dont nous parlons pré-
sente essentiellement ce mérite de l'à-propos. Le suffrage universel
vient de fonctionner à tous les degrés; partout s'agitent des questions
de vérification de pouvoirs : la Chambre des députés se livre à la be-
sogne des invalidations ; les Conseils de préfecture et le Conseil
d'État sont tous les jours appelés à statuer sur des élections départe-
mentales ou municipales. Dans ces circonstances, la publication d'un
recueil qui résume avec clarté et dans un ordre méthodique les dispo-
sitions légales et les monuments de la jurisprudence n'offre pas
moins d'intérêt pour les juges eux-mêmes que pour les justiciables.
Si maintenant nous ajoutons, ou plutôt nous répétons que ce recueil
est le fruit de longues recherches et qu'il révèle une science de bon
aloi, on reconnaîtra avec nous que l'auteur a rendu au public un véri-
table service.
— Un honorable magistrat de la Cour de Paris, M. Rolland de
— 313 —
Villargues, a entrepris, il y a quelques années, de codifier les lois sur
la presse, c'est-à-dire de coordonner, en les éclairant par ce rappro-
chement et par des relevés de jurisprudence, les textes qui régissent
actuellement la matière. La troisième édition, que nous avons sous
les yeux, est datée de 1876 et donne, sauf en ce qui concerne le col-
portage, le dernier état de la législation. Mais on sait que les Cham-
bres sont saisies de propositions modifiant, d'une façon plus ou moins
absolue, la loi du 29 décembre 1875. Cette circonstance, qui pourra
nécessiter bientôt une édition nouvelle, ne fait qu'augmenter l'inté-
rêt de celle dont nous nous occupons. Quand on veut réaliser des
réformes, la condition préalable est de bien connaître ce qu'il s'agit
de réformer. C'était justement le point de vue auquel se plaçait la
Chambre de 1876 quand elle chargeait une commission de cette
même œuvre que notre auteur s'est spontanément imposée. Mais, tan-
dis que le résultat des travaux de la commission est encore à con-
naître, M. Rolland de Villargue a su mener sa tâche à bien et répandre
la clarté sur cette législation de la presse, si mobile et si tour-
mentée.
— C'est un sujet également à l'ordre du jour des discussions par-
lementaires que M. E. Chevallier a abordé dans son traité de la
Propriété des mines. On sait, en effet, que des modifications à la loi
de 1810 sont depuis longtemps sollicitées, surtout en ce qui concerne
les rapports des concessionnaires et des superficiaires, et que des
projets sont mis en ce moment même à l'étude. Ce motif n'est pas
étranger, sans doute, au choix que la faculté de Paris a fait de cette
question pour le concours de doctorat de 1875. Le prix qu'elle a dé-
cerné à M. Chevallier recommande son livre mieux que ne le pour-
raient faire nos éloges. Pourquoi seulement l'auteur a-t-il pris comme
point de départ cette idée, très-répandue il est vrai, que, dans l'es-
prit du législateur de 1810, la mine non concédée est une rcs nullius?
Cette explication, assez commode peut-être pour pallier les incohé-
rences du texte, a le tort de ne rien expliquer du tout. Le trait dis-
tinctif des res nullius est de donner lieu au droit d'occupation ; or, ce
droit ne s'applique pas aux mines. Mieux vaut reconnaître franche-
ment que l'on n'a pas suivi en 1810 un système défini, et que les ré-
dacteurs de la loi, divisés entre eux sur la doctrine, ont préféré se
mettre d'accord au moyen de concessions partielles, sacrifiant assez
volontiers les exigences de la logique pour ne songer qu'aux besoins
de la pratique. Telle est la vérité, croyons-nous ; et, somme toute,
elle blesse moins le législateur qu'une interprétation qui lui attribue
une théorie dont l'énoncé même soulève des contradictions. Surtout
faudrait-il se garder de dire « que ce système est le meilleur en rai-
son et en équité (p, 33 et 34). »
- 314 —
— A côté de détails forcément spéciaux et d'un intérêt très-rela-
tif, M. Constant examine, dans son Code des théâtres^ quelques ques-
tions dont rimportance est réelle en droit et en économie. Il retrace
notamment l'histoire de l'impôt connu sous le nom de droit des
pauvres; il démontre d'une manière péremptoire ses avantages et sa
légitimité. Les développements qu'il consacre au droit de propriété
littéraire en matière d'ouvrages dramatiques méritent de même d'être
signalés et recommandés. Ajoutons que, dans des annexes qui occupent
prés de la moitié du volume, l'auteur a réuni les principaux jugements
et arrêts rendus en matière théâtrale, et publié la liste chronologique
des lois et décrets concernant les théâtres.
— Nous terminons cette trop rapide revue par la mention d'une
brochure de 40 pages, dont l'existence même est un fait important et
fécond en conséquences. Elle est intitulée : Leçon d' ouverture du cours
de droit civil approfondi dans ses rapports avec l'enregistrement, par
M. Ernest Dubois, professeur à la faculté de Nancy. — Depuis long-
temps, l'absence de cours sur l'enregistrement était signalée comme
une lacune des plus regrettables dans l'enseignement des facultés.
Les étudiants quittaient ainsi l'école sans être initiés à cette branche
du droit, dont la connaissance offre cependant un caractère si incon-
testable d'utilité, ou plutôt de nécessité. Nulle matière, en effet, ne
donne lieu devant les tribunaux à des difficultés plus fréquentes et
plus épineuses. D'autre part, le fisc nous enlace tous, à chaque mo-
ment et à l'occasion de chacun des incidents de la vie usuelle, dans le
réseau serré et parfois presque inextricable de ses droits d'acte ou de
mutation, fixes, gradués ou proportionnels. Enfin, nous croyons que
l'administration de l'enregistrement doit désirer la première une di-
rection scientifique, telle que peuvent la donner des professeurs dis-
tingués, empêchant la pratique de dégénérer en routine, et fixant les
principes dans ces questions où la doctrine, au sens le plus élevé du
mot, trouve une place incontestable.
L'honneur d'avoir réparé cette omission, jusqu'ici, reprochée aux
programmes officiels (car les cours de droit administratif ne pou-
vaient qu'effleurera peine le sujet), revient à la faculté de Nancy, dont
l'exemple mérite d'être suivi partout, et notamment dans nos Univer-
sités catholiques. Le professeur du nouveau cours, M. Ernest Dubois,
expose le plan auquel il s'est arrêté et en explique les grandes lignes
avec une compétence qui nous porte à souhaiterque son enseignement
soit bientôt recueilli et publié tout entier,
A. DE Cl-AYE.
— 3Io —
THÉOLOGIE
Corpus apologetarum chrîstîanorum sairr^ulî secundi ;
edidit Jo.Car.Tli.eques de Otto. Justini Philosophi et martyris opcra.Tom. I.
Opéra Justini indubilaia, editio tertia, plurimiim aucta et emeadala,
lenœ, Hermann Dufft ; Paris, KlincksiecJc, i87o-77, in-8 de 866 p. —
Prix: 10 fr.
Il fut un temps où la France était le pays classique des travaux
d'érudition religieuse. C'est de chez nous que sont sorties les pre-
mières éditions des Pères au seizième siècle, puis, dans les deux
siècles suivants, les premières bonnes éditions des principaux Pères;
les Etienne et les Bénédictins ont présidé à ces deux époques des
études patrologiques. Dans ce siècle encore, nous avons produit l'im-
mense collection Migne ; c'estle clergé français qui a conçu et soutenu
cette oeuvre si utile malgré ses défauts. Absorbé dans les soins d'un
ministère qui s'étend de plus en plus et par la multiplication des
oeuvres et par la diminution du personnel, il n'a pas eu jusqu'ici le
temps de se consacrer aux longues et minutieuses besognes de la phi-
lologie et de l'archéologie. Mais voici venir le moment où la science
ecclésiastique est appelée à refleurir sous les auspices d'un Pape
savant et par le concours des nouvelles fondations universitaires. Il
est temps de ne plus se contenter de réimpressions, et de s'initier
aux travaux récents qui ont renouvelé à l'étranger les études de
littérature chrétienne; sans exagération de modestie, nous avons
en ce genre beaucoup à apprendre etde l'Allemagne etde l'Angleterre,
On a rendu compte ici des nouvelles éditions des Pères apostoliques
et notamment de celle de MM, Harnack, de Gebhardt et Zahn.
M.Otto nous donne aujourd'hui, pour la troisième fois depuis 1842, une
édition des apologistes du second siècle; le premier volume, en deux
fascicules, contient les œuvres incontestées de saint Justin, savoir les
deux Apologies et le Dialogue avec Tnjphon. Disons d'abord que ces
volumes ont sur les in-folio des Bénédictins et même sur les in-4° de
Migne l'avantage d'être portatifs. Dans ce temps de perpétuelle cir-
culation, c'est un mérite appréciable; un volume de petites dimensions
peut défrayer et occuper bien des loisirs forcés. M. Otto n'a cessé
depuis 1842 de perfectionner son texte par la collection désormais
complète de tous les manuscrits connus de saint Justin. Hélas ! ils
sont bien peu nombreux. Jusqu'à lui, on n'avait fait que reproduire la
première édition de Robert Etienne (1551) ; dom Maran lui-même,
qui avait eu les manuscrits à sa disposition, n'avait pas osé introduire
dans le texte les corrections qu'ils présentaient : il se bornait à en
tenir compte dans ses notes et dans sa traduction. Ce scrupule exagéré
des anciens éditeurs rend très-difficile à lire le côté grec de leurs
— 316 —
pages. Eu corrigeant le texte lui-même, M. Otto s'est montré
très-discret : il est en critique d'une école fortement conservatrice.
Les notes, rédigées en latin, sont abondantes, souvent empruntées
aux anciens commentateurs et mises au courant des travaux les
plus récents. Mais je dois avouer que les éditions Harnack-Gebhardt
m'ont rendu un peu difficile à ce sujet; j'aurais voulu voir séparer les
notes critiques des notes exégétiques,et dans les prolégomènes; il me
semble qu'on aurait pu diminuer la place faite à la description des
éditions précédentes au profit d'études plus pratiques. Ainsi pourquoi
disposer au bas des pages des questions aussi importantes que celle
de la date des apologies, des citations de l'Ecriture, des emprunts à
la littérature chrétienne antécédente, en particulier aux apocryphes?
Un point très-intéressant n'a pas été traité, c'est Tinfluence deJustin
sur les auteurs chrétiens qui l'ont suivi. Dans les vieilles éditions, on
avait coutume démettre en tête un recueil de Irstimonla, grâce auquel
le lecteur pouvait s'édifier lui-même sur ce point. Il fallait au moins
maintenir cet usage si l'on ne se décidait, ce qui eût valu évidem-
ment mieux, à donner une étude complète sur la question. Les lacunes
que je signale ici sont cependant, il faut le reconnaître, en partie
comblées par les six indices qui terminent le volume, indices 1" ver-
borum, 2° rerum, 3° locorum Script. S. et aliorum, 4° scriptorum qui
Justine operibus usi svnt, 5° et 6° locorum S. S. et aliorum scriptorum
qui in commentario editoris allegantur.
Aussi bien qu'elle soit encore susceptible d'être rendueplus parfaite,
cette nouvelle édition de saint Justin marque un grand progrès sur
toutes les autres et notamment sur la première de celles que nous
devons à M. Otto lui-même (1842). Quarante ans d'études sur un
sujet assez circonscrit n'ont pu manquer d'approfondir les recherches
d'un savant consciencieux dont le nom restera désormais attaché à
ceux des apologistes auxquels il a consacré des efforts aussi persé-
vérants. L. DUCHESNE.
Saint Bernard orateur, par l'abbé Vacandard. Rouen, Montargis;
l^iiris, Bloud et Barrai, 1877, )n-12de ix-487 p. — Prix : 3 fr. 50.
Voilà un livre qui remplit parfaitement ce que promet son titre.
C'est une étude consciencieuse, faite d'après les sources et les tra-
vaux antérieurs traitant du même sujet, mais plus complète qu'eux et
plus approfondie. Si l'orateur y occupe la principale place, on y
retrouve aussi la figure attrayante du saint : les principaux traits de
la vie de saint Bernard servent d'encadrement à ce qui constitue le
fond du livre, dont la lecture devient ainsi fructueuse, non-seulement
à ceux qui ont le saint ministère de la parole pour partage, mais à
toutes les âmes capables d'aimer les grandes vertus et désireuses de
— 3i: —
les imiter. On doit féliciter l'auteur d'avoir si habilement uni l'élé-
ment biographique au sujet principal de son étude ; grâce à cette
alliance, il a donné à son exposé un caractère plus animé, plus vivant
et d'un intérêt continu que les développements purement didactiques
de sa thèse ne font que ressortir davantage.
Le livre de l'abbé Yacandard se compose de trois parties, précédées
d'une introduction sur quelques principes et caractères de l'éloquence.
Dans la première partie, intitulée les sources, l'auteur étudie l'élo-
quence de saint Bernard dans ses germes et ses premières manifesta-
tions; il montre comment le futur orateur se révélait déjà dans
l'enfant et le jeune homme, comment il se formait par la méditation,
Tétude et la prière, dans le monde d'abord, puis dans la solitude du
cloître. La seconde partie initie le lecteur à la méthode, aux pro-
cédés et aux caractères distinctifs de l'éloquence de saint Bernard. La
troisième partie, enfin, montre son éloquence en action: elle résume,
en autant de chapitres distincts, les enseignements sur l'amour de
Dieu et de la sainte Vierge, sur les anges et les saints, sur l'Eglise et
l'amitié. Chacun de ces enseignements est rattaché à l'histoire du
temps et confirmé par des passages extraits de ses discours ou instruc-
tions.
En définitive, l'auteur reconnaît à saint Bernard orateur une
physionomie qui lui est propre et n'hésite pas à lui donner la palme
de l'éloquence latine. « Il a comme Augustin, dit-il, les lumineuses
intuitions du cœur; de saint Ambroise, il reproduit surtout l'onction
pathétique et pénétrante ; de saint Grégoire, enfin, il a les vues pra-
tiques et l'accent austère qui semblent plus particulièrement l'apa-
nage de l'orateur formé dans le cloître (p. 455). »
Tous ces grands docteurs lui ont servi de modèles ; mais leurs qua-
lités sont chez lui tellement fondues et réduites à l'unité, qu'il ne
semble jamais imiter ses maîtres. On peut en dire autant de son stjle;
sa phrase est tissue des textes et des expressions des livres saints ;
et cependant toutes ces citations de la Bible jaillissent spontanément
de son âme qui débordait. Ce n'est plus imiter, c'est créer ; c'est faire
preuve d'un génie original et parfaitement indépendant.
Toutefois, en plaçant saint Bernard au premier rang des orateurs
sacrés, l'abbé Vacandard ne se laisse point égarer par une excessive
admiration. Il ne dissimule pas les défauts qui déparent l'éloquence
de son héros ; il lui reproche le manque de goût, les vices de sa mé-
thode exégétique, s'attachant trop à l'allégorie , à la signification des
mots tirée de leur étymologie, et à ce qu'il appelle fort bien, avec
Montaigne, la plperie des mots. Aussi, pour lire avec profit les écrits
de saint Bernard, le plus mystique parmi les écrivains ascétiques, il
faut préparer son âme, en la dégageant d'avance du poids des choses
— 318 —
terrestres. Préparée de la sorte, l'àiûe se sentira pénétrée davan-
tage de cette suave et douce onction, qui constitue le trait distinctif
de l'éloquence du saint abbé de Clairvaux, justement surnommé
doctor meUifluus. Mais ce sont surtout les prédicateurs qui devraient
avoir toujours sous la main, avec les homélies de saintJean-Chrjsos-
tome et les sermons do Bossuet, les pieuses, profondes et touchantes
instructions de l'humble moine de Clairvaux. Tel est le conseil que
donne Tauleur, en terminant son excellente étude, fruit des rares
loisirs que lui laissait le saint ministère. Ce conseil est aussi bien mo-
tivé qu'impartial, et le livre de M. Tabbc Vacandard a tout ce qu'il
faut pour le faire goûter et mettre en pratique, surtout en ce qui con-
cerne saint Bernard. Quant aux fidèles, ils y trouveront aussi leur
part : ils apprendront à admirer en lui davantage les vertus du grand
saint et le génie du Père de l'Église. J. Martinov.
IjC Clirîstîanîsme et le>i teinp:* présente, par l'abbé Em. Bougaud,
vicaire général d'Orléans. Tome troisième. Les Dogmes du Credo. Paris,
Poussielgue, 1878, in-8 deviii-6i7 page — Prix: 7 fr. 50.
Les deux premiers volumes de cet ouvrage n'ont pas eu moins de
quatre éditions avant l'apparition du troisième. C'est assez dire com-
bien ils ont été appréciés du public. Le nouveau volume qui vient de
paraître ne sera pas moins goûté par les nombreux lecteurs de
M. l'abbé Bougaud. Il est divisé en deux parties. La première traite
du Credo en général : genèse historique du Credo, nouveauté hardie
de chacune de ses douze affirmations, leur mystérieuse incompréhen-
sibilité en harmonie singulière avec ce qu'il y a de plus mystérieux
dans l'âme humaine ; immutabilité granitique du Credo au milieu
d'une lutte intellectuelle dix-huit fois séculaire ; son développement
divin ; le Credo des catacombes. L'auteur a, sur ce dernier sujet, une
cinquantaine de pages du plus vif intérêt, dans lesquelles il nous fait
visiter les catacombes et nous y montre tous les articles de notre
Credo, professés par les premiers fidèles et peints par les premiers
artistes chrétiens.
La deuxième partie traite successivement les divers articles du
symbole, rangés sous les chefs suivants : la trinité, la création, le
péché originel, l'incarnation et la rédemption. A propos de la créa-
tion, M. l'abbé Bougaud explique le premier chapitre de la Genèse :
il nous montre dans l'œuvre du premier jour la préparation chimique
du globe ; dans celle du second, la préparation atmosphérique du
globe ; dans celle du troisième, l'apparition des continents et le creu-
sement des mers; dans celle du quatrième, l'apparition du soleil; dans
celle du cinquième et du sixième, l'apparition de la vie animale sur
la terre. Il conclut en exposant la merveilleuse concordance de la
— 319 —
Bible et de la science dans les grandes lignes de l'organisation géné-
rale du globe. M. Bougaud admet, comme on le fait généralement
aujourd'hui, que le mot jour dans le premier chapitre de la Genèse,
désigne une période d'une longueur indéterminée. Il appuie cette
interprétation sur l'autorité des Pères, mais ne leur fait-il pas dire
plus qu'ils n'ont dit en effet? Il résume dans les termes suivants le
sentiment de Clément d'Alexandrie, d'Origène, de saint Augustin, de
saint Jean-Chrjsostome, de saint Athanase et d'une foule d'autres :
« Les six jours de la création ne sont pas six jours de vingt-quatre
heures. Ce sont six époques longues, indéterminées, d'une durée
égale ou inégale, peu importe, mais immense. C'est ce que prouvent,
disaient-ils, le langage ordinaire de l'Ecriture, les expressions carac-
téristiques dont se sert Moïse, le mot de jour, de soir, de matin,
appliqué aux trois premières époques où le soleil n'existait pas encore
et où, par conséquent, il n'y avait ni soir ni matin. :> Les passages
des anciens auteurs ecclésiastiques qui font observer que les premiers
jours génésiaques ne peuvent être des jours réguliers de vingt-quatre
heures méritent assurément d'être relevés et ont une véritable impor-
tance, mais aucun de ces passages ne dit que les six jours de la créa-
tion « sont six époques longues, indéterminées, d'une durée immense.»
De plus, ils expliquent le récit de la création d'une manière allégo-
rique, tandis que nous l'expliquons dans le sens littéral.
En traitant de l'incarnation, M. l'abbé Bougaud soutient une opi-
nion qui surprendra la plupart des théologiens : c'est que l'âme de
Notre-Seigneur n'est entrée que « peu à peu, successivement et par
progrès, dans la vision béatifique qui lui était due. »
Le volume se termine par un épilogue de près de cent pages sur le
Christ, par qui tout a été fait et pour qui tout a été fait. C'est le digne
couronnement d'une exposition remplie de belles pages et de hautes
pensées. Que la religion catholique apparaît grande et admirable,
ainsi présentée dans tout son éclat et dans toute sa solidité par un
penseur et un écrivain d'un talent supérieur ! G. K.
SCIENCES
Lia l'hilosophie des Grecs consîtlérée dans son dévelop-
pement historique, par Edouard Zeller, professeur à l'Université
de Berlin. Première partie : La philosophie des Grecs avant Socrate, tra-
duite de l'allemand par Emile Boctroux, professeur de philosophie à la
faculté de Nancy. Tome P^. Paris, Hachette, 1878, gr. in-8 de Lxxxvi-478p.
Presque à la même époque, deux chefs d'école d'une trempe d'es-
prit bien différente, Cousin en France et Hegel en Allemagne, ont
remis en honneur l'histoire de la philosophie et les recherches qui s'y
rapportent. Chez nous ce mouvement a produit des monographies
— 320 —
extrêmement remarquables sur certaines doctrines et certains philo-
sophes; mais une histoire complète de la philosophie est encore à
faire, si Ton entend par là, non pas tel ou tel manuel, d'ailleurs esti-
mable, mais une œuvre vraiment achevée, à la hauteur de l'état actuel
de la science. Cette lacune s'explique aisément par l'immensité de la
tâche, la multiplicité presque infinie des opinions, et l'obscurité qui
plane encore sur certains systèmes même considérables du monde an-
cien. De l'autre côté du Rhin, au contraire, on n'a, en pareille matière,
que l'embarras du choix.
Parmi les œuvres magistrales auxquelles je fais allusion, la critique
a depuis longtemps assigné un des premiers rangs à la Philosophie des
Grecs, de M. Zeller, publication commencée en 1844, terminée en 1852,
et notablement augmentée dans chacune des quatre éditions subsé-
quentes. Le monde lettré ne peui que se féliciter d'en voir entre-
prendre la traduction.
Je ne dis rien de 17/iiro(/Hc/(on, placée en tête de ce premier volume.
On se demande pour quel motif M. Boutroux y a soulevé divers pro-
blèmes fort ardus de métaphysique ; mais chacun voudra lire, soit les
règles relatives au rassemblement, à la classification et à l'explication
des textes, soit la marche à suivre pour résoudre la question capitale
et trop souvent négligée de leur authenticité.
Quant à l'œuvre elle-même, toutes réserves faites sur les tendances
de l'auteur, on ne peut que louer l'exactitude et l'étendue de l'érudi-
tion qu'il déploie, et, chose plus rare en Allemagne,rallure en général
ferme et précise de son exposition. Point de commentaires oiseux,
point de citations inutiles. La discussion des sources et l'examen des
jugements d'autrui trouvent leur place dans des notes savantes, d'une
longueur discrète, tandis que le texte demeure réservé au développe-
ments des différentes doctrines et à l'indication de leur filiation. Cette
disposition laisse peut-être à désirer au point de vue de l'art : mais
ici, il fallait viser avant tout à la clarté.
L'histoire de la philosophie doit-elle être étudiée avant ou après la
philosophie elle-même?Les opinions sonttrès-partagées. M. Zeller qui
a écrit : « Celui-là seul parvient à la vraie philosophie qui y est con-
duit par l'intelligence de l'histoire, » n'a pu s'empêcher de porter dans son
travail les préoccupations particulières de l'école àlaquelle il appartient.
Partout il poursuit cette succession de la thèse, de l'antithèse, et de
la synthèse si chère aux disciples de Hegel. On sait avec quelle ironie
mordante Schopenhauer a raillé cette prétendue fatalité qui s'impose
comme loi suprême du monde. Or, quelle est, d'après M. Zeller, la
tâche de l'historien de la philosophie ? « Chercher dans les produits
contingents de la liberté la trame de la nécessité historique. «Tout en
protestant, comme il en a le droit, contre une théorie qui ne veut re-
— 321 —
connaître dans les divers systèmes qu'une série d'eiForts individuels
sans aucun lien qui les rattache les uns aux autres, le critique doit
prendre garde à son tour de faire violence à la réalité pour la con-
former à ses idées.
L'esprit allemand a visiblement moins d'antipathie que le nôtre
pour le vague et l'abstraction. Il est évident qu'il ne suffit pas des
trois épithètes, « physique », « alogique » et « morale » pour caracté-
riser les trois grandes périodes de la philosophie grecque : mais quand,
dans un autre passage, on me parle de les résumer par les mots de
« dogmatisme physique » (philosophes antérieurs à Socrate), de «phi-
losophie du concept » (Socrate, Platon et Aristote), enfin de « subjec-
tivité abstraite » (stoïciens, épicuriens et néoplatoniciens), j'avoue
que j'ai mille peines à comprendre. Plus d'un germanisme de M. Zeller
se retrouve ainsi sous la plume de M. Boutroux,qui ne s'est peut-être
pas assez souvenu qu'auprès des lecteurs français son auteur avait
parfois besoin non-seulement d'un traducteur, mais d'un interprète.
Voici une courte critique, plus grave. M. Zeller a suivi l'impulsion
de Baur et de Strauss, les trop célèbres fondateurs de l'école rationa-
liste de Tubingue. C'est assez dire qu'à l'origine de la race hellénique
il n'admet point l'existence « d'une sagesse supérieure et primitive
dont les mythes grecs n'étaient que le voile de plus en plus épais et
mensonger» : bien plus, sans respect pour le caractère divin et surna-
turel du christianisme, il le met au-dessous de l'hellénisme, comme le
montre le parallèle développé avec tant de complaisance à la page 123.
Disons tout de suite que les allusions aux questions religieuses sont
très-rares, ce qui atténue le péril que je viens de signaler.
L'espace me manque pour entrer dans l'examen des détails. Le
chapitre consacré au pythagorisme mérite d'être cité comme modèle,
bien que M. Zeller, tout en rejetant comme apocryhes les prétendus
fragments de Pythagore ei d'Archytas, accepte avec trop de confiance
ceux de Philolaiis.
Terminons par une réflexion empruntée au traducteur lui-même.
« La philosophie, dit M. Boutroux, a cette infériorité singulière d'en
être aujourd'hui encore à chercher sa voie et à attendre une vérité de
quelque importance qui soit universellement admise. » En dépit de ce
«processus intellectuel,» qu'on nous représente comme devant aboutir
à l'établissement du règne de la vérité, « jusque chez les philosophes
les plus versés dans les sciences positives et les plus soucieux de
mettre leur métaphysique en accord avec les faits, nous voyons se
produire aujourd'hui des théories qui, dégagées de leur enveloppe
scientifique, ne diffèrent guère des théories antiques que par un degré
supérieur de méthode et de développement. » Cette observation très -
juste est bien faite, je l'accorde, pour nous intéresser à l'étude des
Avril 1878. T. XXII, 21.
— 322 —
solutions métaphysiques imaginées jadis par un Pythagore, un Platon
et un Aristote : mais, en même temps, elle nous apprend à quelles in-
certitudes, pour ne pas dire à quelles ténèbres se condamne l'intelli-
gence humaine, lorsqu'elle méprise et repousse le bienfait inestimable
de la révélation. C. Huit.
Les Enchaiaements du monde animal dans les temps géo-
logiques; mamnïîfères, tertiaires, par Albert Gaudry, profes-
seur de paléontologie au Muséum d'histoire naturelle. Paris, Savy, 1878,
gr. in-8de 29ip. avec 312 figures. — Prix : 10 fr.
Depuis le milieu du siècle dernier, bien des systèmes se succèdent
dans la science pour tenter d'expliquer, soit dans le règne animal,
soit dans le monde végétal, l'origine des espèces. Parmi les nom-
breuses théories qui considèrent les êtres comme dérivés les uns des
autres par voie de transformation, il en est qui font appel à des acci-
dents brusques faisant apparaître tout à coup un type diiférent de ses
ancêtres, tandis que les autres supposent des modifications lentes
engendrant toutes les formes par des diflférentiations successives. On
peut dire que les premières n'ont jamais été formulées avec la pré-
cision d'une doctrine scientifique ; elles négligent trop souvent d'ail-
leurs ce qui importe le plus ici, à savoir d'expliquer les liens enchaî-
nant les types et l'ordre maintenu dans cet ensemble depuis le
commencement de la vie sur le globe. Les secondes, au contraire,
apportent au problème du plan de la création des solutions assez plau-
sibles. Malheureusement, si elles concordent avec nombre de faits
certains, elles sont en contradiction avec des phénomènes non moins
évidents. L'une des difficultés du sujet n'est-elle pas l'incertitude des
termes employés et surtout la définition indécise de l'espèce que cha-
cun comprend à sa façon ?N'a-t-on pas, en outre, quelque peu confondu
ridée de la parenté des espèces et de leur évolution avec les théories
diverses qui, groupées sous le nom de darwinisme, se sont ingénieu-
sement eff'orcées de rendre compte de leur origine?
Laissant de côté toute interprétation systématique pour s'attacher
seulement à recueillir des faits, M. A. Gaudry étudie les enchaîne-'
ments du monde animal, et il expose aujourdliui les résultats de ses
patientes recherches sur les mammifères de l'époque tertiaire. Disons
tout de suite qu'il a voulu ajouter à la valeur scientifique de son œuvre
par les solides qualités d'un style toujours choisi, aussi bien que par
une exécution typographique d'une élégance r&re. Sans pouvoir le
suivre dans l'examen minutieux de formes si riches alors dans leur
diversité, cherchons du moins à résumer quelques-unes de ses conclu-
sions. Pour le savant professeur, les espèces sont des modes transi-
toires de types qui , sous la direction du divin Créateur, poursuivent
— 323 —
leur évolution à travers rimmensité des âges. En voyant ces types
mobiles, par exemple les éléphants, les tapirs, les chats, les hyènes,
les gazelles... à l'état fossile, présenter avec les espèces actuelles des
différences qui ne dépassent guère celles des races de même origine,
on est porté à leur reconnaître aussi une réelle parenté. De même
entre les genres ; si Fhipparion est remplacé par le cheval, le masto-
donte par l'éléphant, etc., on ne peut douter de leurs liens étroits,
puisque leurs ressemblances l'emportent de beaucoup sur leurs diffé-
rences. Enfin on est conduit aux mêmes remarques pour les ordres,
puisque des ruminants et des solipèdes succèdent à des pachydermes
par des modifications continues, sans qu'il soit possible de tracer avec
certitude la limite où finissent les uns, où commencent les autres.
Ainsi, pour M. Gaudry, à mesure que s'ébranle l'idée de la fixité des
espèces, la notion des genres et des ordres prend une réalité plus
grande. Ces groupes correspondent à des degrés de parenté et le
terme de famille naturelle, au lieu de désigner au figuré des individus
qui se ressemblent, peut revêtir son acception propre. Pour bon nom-
bre des paléontologistes des plus éminents, comme pour les réalistes
du moyen âge, les genres, les ordres ne sont pas de purs concepts de
l'esprit, des noms; ce sont, au contraire, des unités réelles et objec-
tives. Pour eux, toutes ces unités zoologiques, espèce, genre, ordre,
ont leur existence et leur histoire : elles naissent, grandissent et meu-
rent ; et,' dans leur évolution, il faut distinguer le commencement où il
y a encore union entre les types, et la fin, où il y a divergence et
séparation .
Est-ce à dire qu'en retrouvant par des études de détail la trace d'une
parenté plus ou moins directe, le savant auteur espère avoir démontré
une paternité véritable et avoir reconnu les ancêtres immédiats de
telle ou telle espèce? « Dans la plupart des cas, dit-il, nous n'en
sommes pas là. Ce que nous savons est peu de chose comparativement à
la richesse des formes enfouies dans le sein de notre terre, et ce serait
grand hasard qu'ayant encore rassemblé seulement quelques anneaux
des chaînes du monde organique, nous ayons justement mis la main
sur les anneaux qui se suivent. » Même après avoir ressaisi bien des
chaînons pour rattacher des termes trop séparés, il resterait à résou-
dre la question que M. Gaudry a volontairement laissée à l'écart,
celle des procédés que l'auteur du monde a pu employer pour produire
les changements dont la paléontologie nous offre le tableau. C'est là
surtout la tâche des physiologistes ; mais, en attendant qu'ils puissent
nous dévoiler les causes secondes qui ont déterminé la formation des
types, n'est-il pas plus satisfaisant de penser que la cause créatrice,
quelle que soit son action, pour modeler une espèce nouvelle, s'est
servi des formes préexistantes plutôt que de créer de toutes pièces un
— 324 -
type souvent à peine différent de ceux qui l'avaient précédé? Ce que
Ton peut du moins affirmer avec M. Gaudry, c'est que la découverte
des vestiges enfouis dans l'écorce du globe, mieux encore que l'étude
des êtres épars à la surface, montre qu'une constante harmonie a pré-
sidé aux transformatios du monde organique et permet d'entrevoir
« sous l'apparente diversité de la nature, le plan où l'être infini a mis
l'empreinte de son unité, » A. Delaire.
Flore de la Suisse et de la Savoie, par le D'' Louis Bouvier,
président de la Société botanique de Genève, membre de l'Institut
national genevois. Paris, Alph. Picard, 1878, in-8 de 790 p. —
Prix : 10 fr.
Il nous arrive de Genève, avec ce livre, comme un écho éloigné de
l'enseignement fait jadis au Muséum de Paris par Adrien de Jussieu,
dont M. le D'' Bouvier s'honore d'avoir été l'élève. Le professeur du
Jardin des plantes savait inspirer l'amour de la botanique, non pas seu-
lement de cette science un peu pédante qui se restreint, dans le silence
du cabinet, au champ du microscope, mais surtout de celle qui se dé-
ploie en pleine campagne au milieu du travail de la nature, et qui, de
la répartition locale des plantes, passe bientôt à l'étude des lois de
leur répartition générale, pour aborder même celles de leur origine.
Le livre de M. Bouvier vient combler une double lacune dans la
littérature botanique et dans celle que l'on pourrait nommer la litté-
rature du touriste. Il n'existait aucun ouvrage qui résumât à la fois
la flore de la Suisse et celle de la Savoie, et encore était-on réduit,
pour le premier de ces deux pays, à la Flore déjà ancienne (et latine)
de Gandin; pour le second au Flora pedemontana d'AUioni, et aux do-
cuments épars dans le Bulletin de la Société botanique de France^ la
Flore de France de MM. Grenier et Godron, à l'époque où elle a paru,
n'ayant pas dû comprendre ces deux départements savoisiens. Quant
aux touristes, ils étaient encore bien plus pauvres, et deviennent d'au-
tant plus riches, car c'est principalement pour eux qu'est écrite la
Flore de la Suisse et de la Savoie. Ils y trouveront la liste aussi com-
plète et exacte que possible des végétaux phanérogames de ces deux
pays, avec des descriptions succinctes, claires et suffisantes pour les
reconnaître, et l'indication de beaucoup de localités, plus précises
d'ailleurs pour la Savoie et pour la Suisse occidentale que pour les
cantons de l'est, notamment pour celui des Grisons. Mais les savants
de profession, ceux qui se complaisent dans la distinction méthodique
et précise des tribus, des genres et des espèces, ne seront pas satis-
faits de l'œuvre du botaniste genevois; ils le prendraient trop souvent
en flagrant délit de négligence dans certains détails de technique
descriptive. D'autres lui reprocheront, avec plus de justesse peut-être,
— 325 —
de n'avoir pas recherché dans les auteurs à qui il devait attribuer la
priorité de la découverte des plantes rares dans les localités nom-
breuses citées par lui. Il est vrai que, pour tenir à chacun de ses de-
vanciers cette justice, assez généralement rendue aujourd'hui, il eût
fallu, pour la Suisse en particulier, se livrer à de bien longues
recherches de bibliographie. Somme toute, M. Bouvier aura fait un
livre utile : recommandons-lui, à lui-même, de se chercher chicane
quand il en préparera la deuxième édition. Eue. Fournier.
A travers champs. Botanique pour tous. Histoire des principales familles
végétales, par M"' J. Le Breton. Orné de 588 illustrations. Paris, J. Roths-
child, 1878, in-8 de 484 p. — Prix : 7 fr.
Le nombre des livres consacrés à la vulgarisation de la « science
aimable » foisonne véritablement. Celui-ci se distinguera dans les
autres parle plan comme par le sentiment qui l'anime. L'auteur a suivi
le modèle donné par M""* Cora Millet dans sa Maison rustique, et met
la botanique en action au milieu d'une famille du Dauphiné dont la vie
et les promenades suscitent à chaque instant, de la part des parents^
les démonstrations les plus instructives. Les principaux faits de la
physiologie végétale sont ainsi passés en revue, ainsi que les principales
familles dans ce tableau de la nature, où l'auteur fait à chaque ins-
tant entrevoir la main du Créateur. Il est regrettable que l'inévitable
critique saisisse çà et là, au milieu de tant de marques de bonne
volonté, des preuves de l'inexpérience de l'auteur. Il fait sourire
quand il affirme (p. 62) que les bourgeons ne possèdent pas de chlo-
rophylle, quand il nous donne dans sa préface la classification d'A.-L.
de .Jussieu, qu'il adopte comme la plus simple et la plus nouvelle, et
quand il nous montre (p. 5) un cèdre croissant par hasard dans les
montagnes du Dauphiné. Ces légères taches n'empêcheront pas le
livre de servira l'instruction de la jeunesse, qui en appréciera surtout
les illustrations exactes et élégantes. X.
Le Soleil, par le P, A. Secchi, S. J. 2« édition, 2« partie. Paris Gauthier-
Villars, 1875-77. 2 fascicules gr. in-8 de viii-484p.— Prix : 18 fr. le vol.
Il a été rendu compte dans le Polybiblion (tome XIV, p. 331) de la
1" partie de cette nouvelle édition du grand ouvrage du P. Secchi,
édition tellement augmentée qu'elle constitue, à vrai dire, un ouvrage
nouveau. La seconde partie, sous ce rapport, ne le cède en rien à la
première. On y remarquera surtout le livre V « Les Protubérances
solaires,» qui est presque entièrement nouveau et qui ne comprend pas
moins de 223 pages. L'auteur y expose, en grande partie d'après ses
propres observations, les résultats obtenus à l'aide de la nouvelle
— 326 —
méthode de MM. Janssen et Lockyer, qui permet d'observer en tout
temps ces appendices du contour solaire, qu'on ne pouvait étudier
autrefois que pendant les éclipses totales ; il les classe d'après leurs
diverses formes et d'après les éléments chimiques qui les constituent,
fait connaître leur répartition le long du contour de l'astre et leurs
rapports avec les taches et avec les facules.
Tout ce livre est fondamental pour la connaissance de notre
astre central. Nous devons faire des réserves cependant au sujet du
chapitre vi, dans lequel le P. Secchi cherche à expliquer les taches
et les phénomènes connexes.
Nous en aurions de plus complètes encore à faire sur le livre VI,
qui traite de la température du soleil; le P. Secchi l'évalue à plusieurs
millions de degrés ; nous croyons pouvoir affirmer qu'en France au
moins, les savants sont à peu près unanimes à regarder cette évalu-
ation comme tout à fait excessive.
En général, nous devons l'avouer, les vues théoriques de l'illustre
auteur nous paraissent grandement discutables; il serait même facile
d'y relever des contradictions. Mais le moment serait mal choisi pour
la critique: elle doit s'arrêter devant un cercueil à peine fermé. Au
reste le P. Secchi est loin de donner ses idées comme définitives,
et, en plusieurs endroits, il insiste sur leur caractère hypothétique.
Il y a cependant un point sur lequel nous croyons devoir appuyer,
parce qu'il s'agit d'une erreur qui n'est pas particulière au P. Secchi,
mais qui est à peu près universellement admise comme une vérité
fondamentale et comme une vraie découverte dans la question du
soleil; c'est celle qui consiste à expliquer la hautte empérature actuelle
de l'astre, par la chaleur développée mécaniquement dans la contraction
de la nébuleuse que l'on suppose avoir donné naissance au système
planétaire. Que cette contraction ait dû développer une énorme quan-
tité de chaleur, c'est ce qui est certain ; mais ce qui est non moins
certain, c'est que cette chaleur, loin de se concentrer dans la masse
contractée, pour en augmenter la température, a dû se dépenser au fur
et à mesure qu'elle se produisait, et n'a pu avoir d'autre effet que de
ralentir le refroidissement, sans même empêcher la déperdition con-
comitante d'une partie delà chaleur initiale. Quel est, en effet,la cause
de cette contraction ; c'est précisément le refroidissement; il est im-
possible d'en trouver une autre ; en tout cas, c'est celle que tout le
monde admet, depuis Laplace jusqu'au P. Secchi lui-même (p. 481).
De sorte que la grande découverte dont il s'agit pourrait se résumer
en ces mots : la nébuleuse se refroidit, donc elle s'échauffe. Ceux qui
ne goûteraient pas ce raisonnement sont obligés de reconnaître que,
dans l'hypothèse cosmogonique dont il s'agit, le soleil doit être
moins chaud que la nébuleuse primitive, et le rapport des tempe-
— 327 —
ratures pourrait jusqu'à un certain point s'apprécier par celui des dia-
mètres.
L'ouvrage se termine par un tableau très-beau et très-intéressant
de l'ensemble du système planétaire et par un résumé des travaux
classiques du P. Secchi sur les spectres lumineux des étoiles,
De magnifiques planches en chromolithographie font connaître les
diverses figures qu'affectent les protubérances, celles de quelques
nébuleuses et plusieurs spectres d'étoiles.
En résumé, cet ouvrage, dont l'exécution matérielle offre proba-
blement, et c'est tout dire, ce qui est sorti de plus beau des presses
de M. Gauthier-Villars, est, pour le fond, un exposé complet, animé
et éminemment autorisé de nos connaissances sur le soleil. Il est
indispensable à quiconque veut avoir une idée des problèmes que
nous présente cet astre, source de toute vie à la surface de notre
globe. E. V.
BELLES-LETTRES
CNBuvres d'Horace, traduites en vers par Charles Chautard, et précé-
dées d'une étude sur Horace, par V. de Laprade, de l'Académie française.
Paris, librairie des bibliophiles, 1877, 2 vol. in-8 de xxxi-501 et 499 p. —
Prix : 10 fr.
Odes d'Horace, traduction en vers français, les trois premiers livres
par Etienne-Augustin de Wailly ; le quatrième et les épodes par Gabriel-
Gustave DE Wailly. Paris, Didot, 1878, in-8 de 338 p. — Prix : 5 fr.
Horacio en EIspaha par M. Menendez Pelayo. Madrid, Médina, in-12
de iv-479 p. —Prix : 5 pesetas.
«Entre tous les poètes de l'antiquité, pas un ne jouit en France
d'autant de faveur qu'Horace. » C'est par ces mots que M. de Laprade
commence l'étude dont est précédée une nouvelle traduction des
œuvres du favori de Mécène, traduction qui est une preuve de plus de
cette vogue si persistante. C'est Horace tout entier que M. Charles
Chautard a voulu nous donner, en vers français. H a tout traduit, les
odeg, les satires, les épîtres, l'art poétique, tout, même deux pièces
que d'ordinaire on n'ose pas tenter de faire passer dans notre langue ;
tout traduit avec une fidélité qui rivalise souvent avec celle que l'on
pourrait exiger de la prose. H a vraiment fallu une admirable persé-
vérance pour mener à fin une telle entreprise, et un vrai talent pour
accomplir une tâche pareille d'une manière aussi satisfaisante. Dans
la traduction de toutes les odes, et dans celle de plusieurs satires et
de plusieurs épîtres, M. Chautard ne dépasse pas le nombre de vers
de l'original, et, dans les odes, donne aux siens, par leur coupe, par
leur disposition, l'aspect même du texte. H n'a pas recours à ces épi-
thètes oiseuses si commodes pour allonger un vers boiteux ou pour
— 3:28 —
fournir une rime. Il nous donne Horace avec sa concision. Nous
en voulons offrir un exemple et nous prenons l'ode à Leuconoé, non
qu'elle soit une des meilleures, mais parce qu'elle est très-courte :
C'est mal, Leuconoé, de mes jours et des tiens
De i-echercher le terme ; aux Babj'loniens
Laisse leurs vains calculs ; soumets-toi sans envie !
Que Jupiter te donne encor plusieurs hivers,
Qu'un dernier sur les rocs brise les flots des mers,
Filtre les vins, sois sage; en cette courte vie,
Renonce aux longs espoirs. Nous parlons, l'heure fuit,
Saisis le temps jaloux, sans croire au jour qui suit.
Voilà les huit vers asclépiades très-exactement traduits. On ne
pourrait guère désirer qu'un peu plus d'énergie dans la manière dont
est exprimé,
Et spatio brevi.
Spem longam reseces,
surtout si l'on se rappelle le vers de La Fontaine :
Quittez le long espoir et les vastes pensées.
Mais demander au poëte qu'il reproduisît toujours l'expression poé-
tique de son modèle, ce serait évidemment vouloir l'impossible. Quel-
quefois la stance manque un peu d'harmonie, quelquefois la clarté j fait
un peu défaut, et l'on peut se souvenir d'un vers d'Horace lui-même,
vers bien traduit par M. Chautard qui a rencontré, d'ailleurs, un hé-
mistiche de Boileau :
Je tâche d'être court et je deviens obscur.
Avec le despotisme de notre versification, on ne pouvait éviter des
taches de ce genre et l'on aurait certes bien mauvaise grâce de les
reprocher à qui tant de fois a complètement réussi dans une œuvré si
difficile, à qui, en général, faitsibien mentir le proverbe : Tradutlore,
traditore. — Quoique sortie des presses de Jouaust, cette édition
n'est pas complètement exempte de fautes typographiques; l'une
d'elles, assez importante, n'a pas été corrigée dans l'errata : dans l'Art
poétique (t. II, p. 429, vers 4), au lieu de à de graves débats, il faut évi-
demment lire à de graves débuts.
— Nous venions à peine de finir lalecture de l'œuvre de M. Chautard
que nous avons reçu une autre traduction d'Horace, des odes seule-
ment. Celle-ci n'est pas nouvelle dans son entier. Les trois premiers
livres, traduits par Etienne-Augustin deWaillj, avaient déjà été publiés;
mais M. Gustave de Wailly a tenu à compléter l'œuvre paternelle en
y ajoutant le quatrième livre et les épodes. Il a, de même que l'avait
fait son père, pris avec le texte plus de libertés que M. Chautard. C'est
quelquefois moins une traduction qu'une paraphrase. Qu'on nous per-
mette de citer l'ode que nous avons donnée tout à l'heure; ce sera le
— 329 —
meilleur moyen de faire juger la différence des procédés des deux
traducteurs.Ici, je ne sais pourquoi Leuconoé est appelée Chloé :
Pourquoi vouloir connaître à quel instant les dieux
Briseront de nos jours la chaîne si fragile?
Laisse au devin son art futile,
Fais mieux, et, sans le craindre, attends l'arrêt des eieux .
Oui, soit que Jupiter prolonge nos années.
Soit qu'il borne leur cours à ce dernier hiv er,
Où le vain courroux de la mer
Use contre le roc ses vagues mutinées ;
Chloé, mets ta sagesse à bien filtrer ton vin.
Bannis d'un long bonheur l'espoir toujours frivole,
Nous parlons et le temps s'envole.
Cueille les fruits du jour sans croire au lendemain.
Dans la traduction de MM. de Wailly, souvent la strophe latine est
délayée en deux strophes françaises; les vers ont de l'harmonie, mais
de trop nomhreuses épithètes les rendent un peu mous. — Les épi-
thètes affaiblissent la phrase plus qu'elles ne lui donnent de la fermeté;
dans les douze vers qui terminent l'admirable épisode de Françoise de
Rimini, il n'y a qu'une seule épithète, et comme celle-là est bien à sa
place : il disialo riso.
— Ce n'est pas seulement en France qu'Horace jouit de tant de fa-
veur; en Espagne, il était goûté déjà à une époque où ni notre Villon, ni
notre Charles d'Orléans ne pensaient à lui. Dès le xv^ siècle, le docte
marquis de Santillana imitait l'ode Beatus ille. Un peu plus tard, Gar-
cilaso de la Vega s'inspirait d'Horace dont Hurtado de Mendoza
traduisit plusieurs odes. Luis de Léon fut aussi un des traducteurs du
poëte latin. Voilà ce que nous rappelle M. Menendez Pelayo dans une
étude fort intéressante qu'il ne considère que comme un passe-temps.
Dans Hoi^acio en EspaTia^ l'auteur débute par une jolie épître en vers
adressée au poëte, puis il étudie ses traducteurs castillans, ses tra-
ducteurs catalans, ses traducteurs galiciens. H s'occupe ensuite de
tous ceux qui, dans la péninsule, sans traduire Horace, s'inspirèrent
de ses œuvres, et termine ce travail très-bien fait et écrit avec la
verve de la jeunesse et l'érudition de l'âge mûr, par un épilogue
plein d'aperçus justes et spii-ituels. Dans ces dernières pages_,
M. Menendez plaisante agréablement le pédantisme germanique : la
finalité, la subjectivité, V objectivité. H ne veut pas que l'Espagne aille
chercher ses modèles aux bords du Rhin et du Danube. « Le goût alle-
mand? Horreur! Il a autant de rapport avec le nôtre que celui du
Congo ou de l'Angora. Rien de Heine, de Ulhand ni de Riickert, tout
cela peut être, tout cela est très-bon à sa place, mais loin, très-loin
d'ici. Point de rêveries humouristiques, point de nébulosités. Suum
cuique... Aux Latins, poésie latine, aux Germains germanime. » — Ce
n'est pas la première fois qu'il est, dans cette revue, parlé de M. Me-
— 330 —
mendez, et ce ne sera pas la dernière. Un si jeune écrivain, qui écrit
de tels Solaces bibliograficos, doit certes compter sur un bel avenir
littéraire.
Th. de PUYMAIGRE.
Les "Voyages merveilleux de saint Brandan à la recherche
du Paradis terrestre. Lfgende en vers du douzième siècle, publiée
d'après le manuscrit du Musée britannique, avec inlroduction par Fran-
cisque Michel. Paris, Claudin, 1878, petit in-8' de xxv-96 pages. —
Prix : 6 fr. (Tiré à petit nombre.)
La légende de saint Brandan est une des plus curieuses, une des
plus intéressantes que nous ait léguées le moyen âge. La vie de ce
moine irlandais figure dans l'ample recueil des Acta Sanctorum,
publié par les Bollandistes (mai, tome III), mais il va sans dire qu'il
n'a jamais accompli les étonnantes pérégrinations que relate le
trouvère. Brandan part avec dix-sept de ses religieux afin d'aller
chercher Vile de Promission, séjour des bienheureux ; il s'embarque
sans provisions sur une chaloupe faite de cuir, et il en abandonne la
direction à la Providence ; il aborde successivement à l'Ile des
Brebis :
c k chacune blanche teisun
« Tûtes crent étant grandes
a Gum sunt li cers par ces landes »
Il parvient dans une autre île :
« Tute assise de blancs oiseux,
a Un chez nul homme ne vit tant beus. »
Ces volatiles, rigoureux observateurs d'une règle monastique, ont
le don de s'exprimer en langue humaine; Brandan a l'avantage d'avoir
avec eux des entretiens fort instructifs.
Continuant sa route, il voit des monstres marins se livrant des
combats acharnés, des dragons de feu, un hermite âgé de cent cin-
quante ans, un palais splendide, sur lequel est un autel d'émeraude ;
des poissons gigantesques dont le dos énorme offre aux voyageurs un
asile paisible; des pays enchantés où Ton ne ressent ni froid, ni
chaud, ni tristesse, où les lampes s'allument d'elles-mêmes à l'heure
du service divin; des régions affreuses qui sont la bouche de l'enfer.
Il rencontre Judas Iscariote attaché sur un rocher et en proie à de
cruelles souffrances qui ne lui laissent de répit qu'à certains jours de
fête. Enfin, après des années entières passées à la mer, il revient en
Irlande, et rentre dans son monastère, émerveillé de tout ce qu'il
a vu.
Un critique moderne ne s'est pas trop avancé en rendant justice à
cette topographie étrange, « à la fois éblouissante de fiction et par-
I
- 331 —
lante de réalité, qui fait du poëme de saint Brandan une des plus
étonnantes créations de l'esprit humain et l'expression la plus com
plète peut-être de l'idéal celtique. »
La légende dont il s'agit avait déjà été l'objet de diverses publica-
tions : M. Achille Jubinal, en 1836 ; M. Thomas "Wright, en 1842;
M. Herman Suchler, dans la Romania (1875), s'en étaient occupés ;
mais il restait encore à faire connaître exactement le texte du manus-
crit conservé à Londres, texte obscur, parfois défiguré par le copiste.
M. Francisque Michel a jugé avec raison qu'il fallait le reproduire
sans corrections arbitraires, en se bornant à l'éclairer par une ponc-
tuation sévère qui manque dans l'original. Un glossaire eût été inutile,
une analyse du poëme (1834 vers) en fait connaître la marche et le
développement. C'est donc un nouveau service que l'éditeur vient de
rendre à cette littérature française du moyen âge qui, depuis plus de
quarante ans, est de sa part l'objet des travaux les plus persévérants.
Ajoutons que ce petit volume est imprimé avec une élégance qui lui
donne le droit de prendre place parmi les plus gracieuses productions
de la typographie actuelle . B.
Premières Poésies, par Achille Millien (18b9-1863).La Moisson. Chanis
agrestes. Les Poèmes de la nuit. Paulo majora. Paris, Lemerre. 1878, in-8
de 391 p., orné de 13 eaux-fortes de Laurent, Rajou, Monteignier,
Courty, etc. — Prix : 20 fr.
IVouvelIes Poésies, parle même (1864-1873). Musettes et Cairons. Lé-
gendes d'aujourd'hui. Lieder et Sonnets. Voix des ruines. Légendes évan-
géliques. Paysages divers. Paris, Lemerre, 1873, in-8 de 40i p., orné de
treize eaux-fortes. — Prix : 20 fr.
Nous n'avons pas à parler comme d'œuvres nouvelles des vers dont
M. Achille Millien vient de publier un magnifique recueil. 11 y a
longtemps que le nom de M. Millien a été mis en évidence par la
couronne dont l'Académie française a honoré le poëte, presque à ses
débuts. Les volumes qu'il a publiés ensuite ont été lus avec empres-
sement. M. Millien y montrait un talent frais et original. 11 s'y inspi-
rait fort heureusement des horizons du Nivernais et de toutes les
scènes de la vie rurale. 11 regardait la nature bien en face, et non
à travers Virgile, comme on le faisait dans le siècle dernier, où Saint-
Lambert écrivit ce poëme des Saisons dans lequel le froid de l'hiver
règne d'un bout à l'autre. Lamartine transforma, vivifia la poésie des-
criptive, par l'introduction d'une pensée religieuse et par l'étude de
tous les sentiments propres à l'homme. Dans ses premiers chants,
M. Millien n'a pas cherché à s'élever si haut; il s'est plu à dépeindre
les paysages dont il était entouré et à les peupler de leurs naïfs et in-
— 332 —
cultes habitants, de leurs moissonneurs de leurs charbonniers, de leurs
jeunes filles, de leurs élégants de villages même ; il a créé ainsi une
foule de petits tableaux pleins de grâce et de vérité et comme illumi-
nés par un rayon de christianisme. C'est sous cette inspiration qu'ont
été composés les deux premiers recueils, et elle se révèle encore
dans plus d'une page des Poèmes de la nuit, des humouristiques et
de Paulo majora, où le poète toutefois, prend un plus grand essor.
Ce sont ces cinq premiers recueils, mais émondés d'un grand nombre
de vers impitoyablement sacrifiés, que M. Million a réunis sous ce
titre : Premières poésies. Il était impossible de loger plus superbement
une muse, parfois un peu campagnarde — cette épithètene renferme pas
une idée de critique, au contraire. — D'admirables eaux-fortes ornent
ce beau volume. M. Million a, dans d'aimables vers, remercié les
artistes éminents qui ont associé leur talent au sien. Dans ces vers, il
compare modestement son œuvre à une pauvre cabane : cette cabane,
de généreux amis sont venus et en ont fait un palais splendide :
Et mon modeste édifice
Se trouve — amis grand merci
Par votre habile artifice,
Si bien transformé, qu'ici
Dans ma vanité naïve.
Oubliant tont décorum ,
Peu s'en faut que je n'écrive :
Exegi monument um.
Mais non, le monument ne peut être achevé, même avec le magnifique
volume qui a paru en 1875. et qui, sous le titre de Nouvelles poésies, com-
prend les divers recueils de M. Millien édités de 1864 à 1873. Depuis
cette dernière date, M. Millien a certainement écrit bien d'autres vers :
nous nous rappelons avoir lu, dans le Correspondant, un épisode de la
guerre de 1870, et certes ce petit poëme n'a pas dû rester longtemps
seul dans le portefeuille de notre auteur. On me dit, il est vrai, qu'il
fait des infidélités à la poésie artistique pour la poésie populaire, et
qu'il s'apprête à publier une collection de chants du Nivernais. Nul,
mieux que M. Millien, du reste, ne peut apprécier la muse rustique :
il en avait déjà reconnu les charmes ingénus à une époque où l'on ne
s'occupait guère d'elle, et l'on peut apercevoir dans ses vers plus
d'une heureuse inspiration émanée de la poésie populaire, restée si
fraîche et si jeune.
Th. de PUYMAIGRE.
IVotes sur la vie et les ouvrages de Pabbé «fean-alacques
Boileau, publiées avec divers documents inédits, par M. Philippe
Tamizey de Larroque. Paris, Aubry, 1877, in-8 de 132 p. — Prix : 3 fr.
M. Tamizey de Larroque est beaucoup trop modeste. Il intitule
Notes un travail très-substantiel qui. sous un grand nombre de docu-
I
I
— 333 —
raents inédits, nous présente, il est vrai, une foule de notes érudites,
mais qui s'ouvre par une étude complète méritant une appellation
beaucoup moins humble. C'est la première fois que l'abbé Jean-
Jacques Boileau apparaît en public avec la seule parure de ce qui lui
appartient en propre. Il est, en effet, fort difficile à ceux qui ne sont
pas familiers avec les détails les plus intimes de la biographie du dix-
septième siècle de se reconnaître au milieu de tous ces abbés
Boileau, qui n'ont de commun que le nom, et qui se sont fait remar-
quer par leurs contemporains sous des spécialités fort diverses. Il n'est
pas de bibliophile qui ne connaisse au moins les titres des curieux
ouvrages de l'abbé Jacques, chanoine de la sainte chapelle et frère de
Nicolas Despréaux : YHistoire des flagellants, le Discours sur l'abus
des nudités de gorge lui assurent une place dans la mémoire de tous
les amateurs. Ceux qui étudient les annales de l'Académie française
connaissent davantage Charles Boileau, abbé de Beaulieu, prédica-
teur du roi, auteur de Pensées fines et délicates, que plus d'un bio-
graphe a qualifié à tort de frère du satirique. Enfin les intrépides qui
cherchent à débrouiller l'histoire des querelles jansénistes sont plus
familiers avec l'abbé Jean-Jacques, chanoine de l'église collégiale de
Saint-Honoré, celui auquel M. Tamizey de Larroque consacre aujour-
d'hui sa plume. Mais on a souvent attribué à l'un ce qui appartenait à
l'autre, en sorte que la plus grande confusion règne au sujet de ces
trois homonymes. Grâce à M. T. de Larroque, on ne pourra plus les
confondre.
Jean-Jacques Boileau naquit en 1649 à Agen, d'un honnête bour-
geois de cette ville; il eut un frère, avocat au Parlement de Paris,
et un autre lieutenant de vaisseau. D'abord chargé de l'éducation
des deux frères cadets du duc de Chevreuse, il fut ensuite curé de
Saint-Etienne d'Agen, sous Mascaron; puis il fut appelé à Paris
en 1695, par M.s^ de NoaiUes, qui en fit son conseiller intime, en sorte
qu'on ne l'appela plus que « Boileau de l'archevêché. » Ce fut lui qui
composa en 1696, la fameuse ordonnance et l'instruction pastorale
sur le livre de YExposition de la foi : et ce fut à lui qu'on attribua le
nom moins fameux Problème ecclésiastique, odieuse satire qui causa
un scandale retentissant, et fut brûlée en 1699 par la main du bour-
reau. M. Tamizey de Larroque se livre pour l'en disculper à une dis-
cussion fort savante qui ne laisse aucune place à la réplique : mais
l'affaire du Cas de conscience décida Ms^" de Noailles à se séparer
en 1704 de son compromettant conseiller, en le nommant chanoine de
Saint-Honoré. L'abbé mourut en 1735 dans son canonicat, avec la
réputation d'une piété austère et d'une grande charité, dévoyées mal-
heureusement par le jansénisme. Son principal ouvrage est le recueil
de ses Lettres sur différents sujets de morale et de piété. C'est là qu'est
— 334 —
racontée pour la première fois l'anecdote de l'abîme sans fond, que
Pascal voyait à sa gauche. M. Tamizej de Larroque l'a complété par
la publication de vingt-trois lettres inédites et d'une Vie de madame
d'Epernon, qui nous font connaître quantité de détails intéressants
sur la vie intime du dix-septième siècle. Nous lui demandons mainte-
nant l'histoire du chanoine de la Sainte-Chapelle.
René Kerviler.
■je seî^eîème siècle en France, Tableau de la littérature et de la
langue, suivi de morceaux en prose et en vers, choisis dans les principaux
écrivains de celte époque, par MM. A. Darmesteter et Adolphe Hatzfeld,
Paris, Ch, Delagrave, 1878, in- 12 de x-301 et 38i p, — Prix : 4 fr.
Le volume de MM, Darmesteter et Hatzfeld est plein de choses, de
Donnes choses. Quand on a lu attentivement les 700 pages dont se
compose ce volume si consciencieusement et si habilement préparé,
on sait tout ce qu'il y a d'essentiel à savoir sur la langue et la litté-
rature en France au xvi^ siècle. L'ouvrage est du reste tel qu'on pou-
vait l'attendre de l'association de deux travailleurs, dont l'un a fait
une étude approfondie de la philologie et l'autre de l'histoire litté-
raire. Deux spécialistes aussi distingués que MM. Darmesteter et
Hatzfeld nous ont donné, en réunissant tous leurs efforts, un manuel
qui ne sera pas moins précieux pour les maîtres que pour les élèves.
Tout y est clair, judicieux ; tout m'y paraît louable, la méthode comme
l'exécution, et les préceptes comme les exemples.
Après avoir rendu cejuste hommage slu. Seizième siècle en France.j'in-
diquerai les divisions du recueil et je proposerai ensuite, à propos de
diverses notices ou notes, un certain nombre de corrections de détail
dont nul ne doit s'étonner, car il est à peu près impossible d'éviter
toute erreur dans un travail qui touche à tant de sujets.
On trouve dans la première partie de l'ouvrage (p. 1-182) : 1° le
tableau de la littérature française au seizième siècle, en trois sections,
section des prosateurs, subdivisée en sept chapitres (théologiens, con-
troversistes, prédicateurs; philosophes, moralistes, libres-penseurs;
écrivains politiques, pamphlétaires; historiens, auteurs de mémoires,
chroniques, correspondances, etc.; orateurs judiciaires ; conteurs ;
érudits et savants) ; section des poètes subdivisée en deux chapitres
(la fin du théâtre du moyen âge; l'école de Ronsard); 2° le tableau
de la langue française au seizième siècle (p. 183-301) avec une intro-
duction et quatre chapitres (vocabulaire, orthographe et prononcia*
tion, formes grammaticales, syntaxe).
La deuxième partie est formée de morceaux choisis des principaux
écrivains en prose et envers du seizième siècle, morceaux précédés de
courtes et excellentes notices biographiques, entourés de nombreuses
- 335 —
notes explicatives qui. dans leur heureuse concision, ne laissent rien
à désirer aux philologues les plus exercés, et suivis d'une table des
matières fort bien dressée.
Le livre de MM. Darmesteter et Hatzfeld devant obtenir un grand
et durable succès, il sera bon d'en faire disparaître jusqu'aux taches
les plus légères. Voici quelques observations, dont la minutie même,
prouvera aux savants auteurs dn Seizième siècle en France combien je
tiens à voir devenir irréprochable un recueil qui, pour les apprécia-
tions littéraires, est au niveau des meilleurs et qui, pour les ques-
tions philologiques est au-dessus de toute comparaison.
Jacques Davy du Perron n'est pas né àSaint-Lô (p. 8, note 2) : il est
né à Berne. La coutume italienne de donner aux évêques le nom de
Monseig neurs'esimtrodmte en France bien avant le règne de Charles X,
(p. 9, note 1) car déjà, dans plusieurs documents du dix-septième siècle,
notamment dans les Lettres de Balzac, tout évêque reçoit ce titre. — Le
P. Gaspar de Seguiran est changé en Sigairan (p. 13) et l'évêque Ph.
Cos]^ea.u (ibid.) en Copian. — Vanini (p. 15) «fut brûlé vif. » Non, car
selon un usage presque constant, il avait été préalablement étranglé.
— Raymond Sebond (p. 18) n'était pas espagnol, il était toulousain,
comme Ta démontré M. l'abbé Reulet (1875). — Bodin (p. 22) naquit
à Angers non « vers 1530, » mais en 1529, selon Niceron, dont M, C.
Port adopte l'assertion. — Du Bartas (p. 25) publia son poëme de Ju-
dith non « vers 1575, » mais en 1573, dans un recueil qu'il intitula la
Muse chrestienne (Bordeaux, in-4.) — Arnaud d'Ossat vint au monde le
20 juillet 1537 à Larroque, canton de Castelnau-Magnoac, et non
(p. 43, note 3) en 1536 à Cassagnabère — Amadis Jamjn est si peu
mort en 1585 (p. 130), que j'ai publié une lettre de lui écrite le 11
mars 1587 et que M. d'Arbois de Jubainville (Voir le Pokjhiblion de
mai 1868,p.244) a trouvé, dans les archives départementales de l'Aube,
un document qui prouve que ce poète mourut seulement le 11 janvier
1593. — Lancelot de Carie (p. 130) ne mourut pas « après 1570, »
mais avant, en juilletl568( Fies des poètes bordelais et Périgourdins par
Guill. Colletet, 1873, p. 14 et 15.)
Dans la deuxième partie, deux phrases sont à modifier, la phrase
(p. 1-59) sur maître Bernard Palissj, né vers 1510 « à la Chapelle-
Broin {sic, pour la Capelle-Biron), petit village du Périgord, près
d'Agen, » et la phrase (p. 249) sur du Bartas : a II assista à la bataille
d'Ivry et mourut en 1590 des suites de ses blessures. » Palissy est né
dans l'Agenais : c'est tout ce que Ton sait de son berceau. Quant à
l'auteur de la Semaine, rien ne prouve qu'il ait assisté à la bataiUe
d'Ivrj.
T. DE L.
— 336 —
<lorresponclance inédite du comte de Caylus , avec le
P. Paciaudi, théatin (l7o7-1765), suivie de celles de l'abbé Barthélémy et
de P. Mariette avec le même, publiées par Charles Nisard, de l'Institut.
Paris, Imp. nationale et lib. Didot, 1877, 2 vol, gr. in-8 de cin-468 et
495 p — Prix: 20 fr.
Au siècle dernier, une communauté [de goût pour rarchéologie fit
naître des liaisons plus ou moins intimes entre un érudit italien, le
P. Paciaudi, et plusieurs savants français : le comte de Caylus,
l'abbé Barthélémy et P. Mariette, Caylus en particulier, qui avait
sans cesse besoin de nouvelles pièces pour son Becueil d'antiquités et
qui ne pouvait s'en rapporter entièrement au zèle et à l'honnêteté des
brocanteurs italiens, entretint avec Paciaudi une correspondance
active et intéressée. Les lettres de celui-ci ont été depuis longtemps
publiées (1802) par les soins de Sérieys ; celles de Caylus, enfouies
dans la bibliothèque de Parme, manquaient encore. C'est cette lacune
que M. Charles Nisard vient de combler en offrant au public cent
quarante-huit lettres de Caylus auxquelles il a joint quarante lettres
de Barthélémy et dix-neuf de Mariette. L'ouvrage débute, en forme
de préface, par une notice fort développée sur Paciaudi, et le savant
théatin est peut-être assez oublié en France, même par les archéo-
logues, pour avoir besoin de cette présentation ; à la suite des lettres
de Caylus, viennent celles de Barthélémy et de Mariette, précédées
aussi d'avant-propos ; quatre index comprenant ensemble plus de cent
pages, permettent de retrouver tous les détails perdus de cette cor-
respondance ; enfin, des notes nombreuses au bas de chaque page
forment une sorte de commentaire perpétuel.
Il fallait, pour éclaircir les obscurités de ces lettres écrites à la
hâte, pleines d'allusions, d'indications sommaires, répondant souvent
à des lettres détruites, une connaissance intime des travaux et des
relations de ces érudits, de l'état de la science et de l'époque en gé-
néral. C'est tout un coin du dix-huitième siècle que M. Nisard a dû
reconstruire. Je n'aurai pas la prétention, incompétent comme je le
suis en ces matières, de m'établir juge du succès de cette grande
entreprise : je ne puis que louer le zèle, le soin, le tact, l'érudition
variée et soutenue de l'éditeur. Peut-être, cependant, y a-t-il quelque
illusion presque semblable aux illusions d'auteur, dans le fait de
M. Nisard, quand il convoque à la lecture de cette correspondance
non-seulement « les amateurs de belles antiquités ou de simples bibe-
lots antiques,... les curieux de vieilles faïences, de vieilles verreries,
de vieux vases mutilés ou recollés,... les curieux de satires, de médi-
sances,... » mais encore « les littérateurs sans spécialité; les fidèles à
tous les principes, sans en excepter les préjugés des philosophes du
dix-huitième siècle; les hardis penseurs pour qui les jésuites et le
clergé sont des loups-garous, etc. Tous trouvent là ce qu'ils aiment,
ajoute M. Nisard, et n'y trouveront rien qui leur soit inditféreut. » Il
y a certainement bien des sujets effleurés dans ces lettres ; mais elles
sont surtout intéressantes pour les archéologues. Si Caylus parle par-
fois du grand procès des jésuites pour faire plaisir àson ami passionné
contre eux, il s'entretient beaucoup plus volontiers de ce qu'il appelle
ses guenilles, statuettes, médailles, verroterie, pots cassés. M. Nisard
est obligé de rectifier à chaque instant les fables que le comte répète
sans scrupule au sujet des pauvres religieux, et je dois dire qu'il y
met beaucoup d'exactitude et de modération.
Emm. de Saint-Albin.
HISTOIRE.
t,es Dtios tîe Gusîse el Ic'-i'c.p éi^fngua. Elude hislorique sur le seizième
sièrlc, par H. For.nkro.n. l'ai'is, Pion, 1877, 2 vol. gr. in-8 de 11-421-449 p.
— Prix : 1.» fr.
Les documents nouveaux introduits dans cette étude sur les ducs de
Guise, dont M. de Bouille avait donné l'histoire, sont tirés des archives
de l'Angleterre, mais ils semblent peu nombreux. Le mérite de cette
œuvre est surtout dans la mise en scène et l'auteur y fait preuve d'un
véritable talent. Les événements sont bien décrits, les peintures sont
A'ives et ont du relief : seulement le coté faible de l'humanité est sur-
tout présenté, le coté généreux n'apparaît guère. On ne voit qu'une
face du seizième siècle, celle où il apparaît galant, batailleur, volup-
tueux, brutal : on parle beaucoup de femmes violées, de pays ran-
çonnés, de coups d'épée, en un mot des passions qui se donnent
libre cours^ mais peu des efforts pour sauver le pays de ce débor-
dement sauvage. A force de réalisme, le style, qui a de la couleur,
contient parfois de singulières expressions telles que celle-ci : «l'aveu
est palpitant de vie, » etc. L^auteur commence son récit à Marignan
où Claude de Lorraine se couvre de gloire : il suit les princes de Guise
en tous les combats de ce temps où ils furent présents et arrive aux
guerres religieuses au milieu desquelles ils occupent le premier rang.
Mais le caractère de ces guerres change bientôt, dit M. H. Forneron,
il change à partir de 1574, c'est-à-dire à partir du moment où l'évolu-
tion des Montmorency donne de la consistance au parti du juste mi-
lieu, (> prépare la solution et introduit l'habitude ds la tolérance dans
le parti de la réforme. » Ces affirmations de l'auteur ne sont-elles pas
au moins contestables?
La Saint-Barthélémy reste dans l'histoire le point culminant des
guerres do religion, coxiime si ses causes avaient été religieuses.
M. Forneron en rejette la responsabilité sur Catherine et le duc de
CtuIsc. Il montre très-bien que Catherine, perdue par l'intlucnce prise
Avril 1878 T XXII, '22.
- 338 -
par Coligny sur le Roi, a voulu alors se déVjarrasser de Colignj seul et
que le coup ayant en partie manqué et produisant un effet contraire,
elle a arraché du Roi l'ordre de tuer les protestants. Cela est vrai,
mais dans les détails n'y a-til rien à redire? On compte 3 ou 4,000
victimes à Paris, 25 à 30,000 en province : c'est bien exagéré : on dit
que Charles IX tira sur les huguenots et on l'affirme sur le témoignage
de Brantôme et du duc d'Albe ou plutôt d'Alva comme il est toujours
écrit; on écrit qu'Alexandre VI tua dans un festin par un poison fou-
droyant tous les cardinaux dont il voulait revendre les chapeaux.
M. Forneron le croit ainsi assurément, et il veut être impartial et il
est persuadé de l'être. « C'est presque de la témérité, dit-il que de
trouver de la grandeur dans la Compagnie de Jésus. » Et pourquoi
donc? ah! je conçois l'eifort fait par l'auteur pour présenter quel-
qu'éloge, car dit M, Forneron, dans « le savant mécanisme » de cette
société, « qui croit aux livres plus qu'aux hommes, » l'homme est de-
venu un rouage, la religion s'écrase entre les ressorts d'une telle ma-
chine et finit par être pétrie, façonnée, dévorée par l'ordre, etc.. »
Evidemment M. Forneron est ici, comme plus haut, victime de pré-
jugés : il n'a pas étudié cette question, il juge d'après les on-dit et
croit aux livres imprimés contre les Jésuites plus qu'aux œuvres de
ces hommes. Ce passage, pris entre plusieurs autres, est suffisant pour
signaler ce qu'il y a à reprendre dans les deux volumes de M. For-
neron. J'ai dit ce qu'il y avait à y louer. H. de l'E.
Souvenirs du règne de Louis X-IV, par le comte de Cosnac (Go-
briel-Jules) . Tome VI. Paris, Renouard, 1878, in-8 de 476 p. — Prix î
7 fr. 50.
Nous avons, en Gascogne, ce dicton renouvelé des Grecs : Qui res-*
poun pagou ; celui qui se fait caution est dupe. Je n'ai pourtant
pas à regretter d'avoir assuré ici (t. XVII. p. 51) que le tome
VI des Souvenirs du règne de Louis XIV serait, tant par l'agré-
ment de la forme que par la solidité du fonds, digne de ses aînés.
M. de Cosnac raconte aujourd'hui l'histoire des quatre premiers mois
de l'année 1653 en s' aidant de tous les mémoires du temps et de la
Gazette, « source de renseignements dont on fait trop peu d'usage, »
selon la remarque de M. Léon de Laborde (le Palais Mazarin, notes,
p. 281), en s'aidant surtout des manuscrits de nos grands dépôts
publics. Fidèle à une habitude qui lui a valu les félicitations des meil-
leurs juges, l'auteur a eu soin d'encadrer dans ses récits, les plus im-
portants des documents inédits qui lui ont été fournis par la Biblio-
thèque nationale, les Archives nationales, les Archives de la guerre
et des affaires étrangères, documents signés Lenet, Louis XIV, Viole,
muréchal do caiiîp de Baas, duc de la Rochefoucauld. Gourville, mar-
— 339 —
quis de Chouppes, baron do Vatteville, don Louis de Haro, Abraham
Fabert, prince de Condé, duc de Candalle, duc de Saint-Simon, Ser-
vien, Olivier Cromwell, etc. Appujé sur de telles autorités, M. de
Cûsnac marche en toute assurance au milieu des événements de Bor-
deaux, de Bourg, de Saintes, d'Agen, do Blaye, du Limousin, du
Périgord, de la Gascogne, etc. Son lumineux travail permettra d'a-
méliorer beaucoup les prochaines éditions des mémoires de Balthazar,
du P. Berthod, du marquis de Chouppes, de Lenet, etc., ainsi que
toutes nos histoires de France, grandes ou petites. L'auteur signale
bon nombre de faits nouveaux et rectifie bon nombre d'erreurs con-
sacrées, parmi lesquelles j'indiquerai (p. 215 et 218) deux erreurs
commises par M. Guizot dans son Histoire de la république d'An'jlc-
terrc et de Cromwell. Toutes les pages du livre sont très-intéressantes,
mais les plus intéressantes sont celles qui roulent sur un des épisodes
les plus célèbres de la vie du maréchal Fabert, son généreux refus
(en 1653 et non en 1652, comme l'ont dit tous les biographes) du col-
lier de l'ordre du Saint-Esprit (p. 102-107), celles qui roulent sur le
combat de Saint-Robert, livré le 13 février 1653 sur un terrain que
M. de Cosnac a le premier retrouvé après de longues explorations
qu'il décrit avec une heureuse verve (p. 213-229), enfin celles qui
roulent sur l'ambassade de M. de Bordeaux en Angleterre, où ce di-
plomate acheta, pour le cardinal Mazarin, divers objets d'art qui
avaient appartenu à Charles I", l'amateur et le collectionneur le
plus distingué de l'Europe (p. 239-298). Ces dernières pages, où sont
tantôt analysées et tantôt reproduites les dépêches que M. de Bor-
deaux adressait au cardinal Mazarin, sont conservées aux Archives
des affaires étrangères; elles abondent en particularités curieuses, non-
seulement sur les tableaux, les marbres, les tapisseries qui, après
avoir orné les palais du malheureux roi d'Angleterre, vinrent orner
l'ancien hôtel — restauré, agrandi par Mansard — du président ïu-
beuf, mais encore sur les chevaux et les chiens anglais qui furent
procurés par l'ambassadeur au premier ministre de Louis XIV. Si
j'ajoute que les notes renferment d'excellentes indications (surtout
au point de vue généalogique) sur les principaux personnages men-
tionnés par M. de Cosnac et que l'appendice (p. 415-463) est formé
de divers documents qui seront un régal pour les lecteurs, je
n''aurai pas encore dit tout le bien qu'il faut dire d'un volume que je
voudrais voir suivi de vingt autres volumes de même valeur et de
même intérêt. .T. de L.
L.es Origines de la France moderne, par H. Tai.ne. La Rivolu-
lion, tome 1er. Paris, Hachettt^, 1878, iii-8 de iv-i68 p. • — Fr.x ; 7 f;'. ."lO.
M. Taine vient de publier la seconde partie^ ou plutôt le preuiier
— 310 —
volume de la seconde partie de la grande trilogie qu'il a entreprise,
sous ce nom : les Origines de la France niodcj-ne ; il avait traité d'abord
VAncien régime ; il âhoràe aujourd'hui la RévoliUion. Après la cause,
les effets. Et quels effets ! partout le chaos et la confusion. M. Taine
a divisé ce volume en trois livres : l'Anarchie sponlanêe, l'Assemblée cons-
tituante cl sonœavre, la Constitution appliquée. A vrai dire, ces trois
livres pourraient se réduire à un seul, sous ce titre : l'Anarchie, non pas
l'anarchie spontanée, car nous ne croyons pas plus à l'anarchie spon-
tanée qu'à la génération spontanée, mais l'anarchie tout court, dont le
dix-huitième siècle tout entier n'a été que la longue préparation, dont
les dernières années du règne de Louis XVI ont été comme le prélude.
On a tout battu en brèche, les croyances, les institutions, le gou-
vernement; on a fini par tout détruire, et alors le peuple, sans
croyances, sans institutions, sans gouvernement, est revenu à l'état de
nature, à l'état sauvage, et l'on a pu voir ce que valait cet état de
nature si préconisé par Rousseau. « A regarder les trois départe-
ments du Gard, des Bouches-du-Rhùne et de Vaucluse, dit M. Taine,
on se croirait en pleine guerre barbare. » La Constituante, où il y a
« trop de talents moyens et trop peu de talents supérieurs, » traite
l'homme comme un être abstrait, tel qu'il a été coneu dans les livres
des philosophes, la France comme un pays neuf où tout serait à créer.
Pour tout créer, elle commence par tout détruire, et il faut convenir
que, sur ce point, elle a admirablement réussi; il n'y a plus ni autorité,
ni lien des extrémités avec le centre. Sous prétexte de despotisme,
on a supprimé le gouvernement. Et alors rien n'étant plus retenu,
tout va à l'aventure. Il n'y a plus d'autre règle que la Déclaration des
Droits, et la déclaration des droits, M. Taine le remarque, contient
en principe toutes les anarchies. « Toutes les lois de la Convention,
dit-il encore, sont en germe dans la Constituante. » Chose remar-
quable, ceux qui jugent le plus sévèrement l'œuvre des législateurs de
1701, ce ne sont pas les députés du coté droit, ce ne sont pas les
partisans de l'ancien régime, ce sont les citoyens des pays libres,
habitués de vieille date à une solide et sérieuse liberté, des républi-
cains comme Gouverneur Morris, Mallet du Pan, Et. Dumont, des
parlementaires comme Burke.
Et comme la populace, quand elle n'est plus maintenue, trouve tou-
jours l'occasion et le prétexte de faire des désordres, à cette foule
ainsi abandonnée sans guides les motifs de soulèvement ne manquent
pas. D'abord, c'est le plus palpable de tous, c'est la faim. L'hiver de
1791 a été rude, la récolte mauvaise ; le grain manque. De là des
souffrances réelles, habilement exploitées par les meneurs : ou voit, ou
plutôt l'on fait voir des accapareurs partout, partout des brigands
envoyés par les réactionnaires pour ravager les moissons et affamer
— 3 VI —
le peuple ; on court sus à ces ennemis imaginaires, et l'on met en pièces
tous ceux que la malveillance désigne à Tindignation, tous ceux plus
rares qui cherchent à s'opposer aux attentats contre la vie ou la pro-
priété . Puis, comme les réformes ne donnent pas immédiate-
ment le bien-être, qu'on en attend, on suppose qu'il y a des conspira-
teurs qui entravent la bonne volonté des réformateurs, et ces
conspirateurs no peuvent être que les nobles dont on a détruit les
privilèges, que les prêtres qui ont refusé le serment à la Constitution
civile du clergé, que les moines dont on a supprimé les couvents; les
gazettes l'impriment chaque jour, et la tribune de l'Assemblée retentit
de ces accusations. On traque aussitôt ces malheureux, on les massacre,
on brûle les châteaux, on pille les monastères, quels que soient
d'ailleurs les services rendus par les nobles, les prêtres et les moines.
C'est une véritable jacquerie, ou plutôt c'est une succession de jac-
queries. M. Taine en compte jusqu'à six, de 1789 à 1792.
Tout ce premier volume n'est qu'un vaste et saisissant tableau des
excès commis dans les villes et dans les campagnes, dans la capitale
et dans les provinces. Et ce n'est pas un tableau fantaisiste, chargé
de couleurs fausses par Timagination assombrie d'un historien pré-
venu. Non, M. Taine n'a aucun préjugé contre la Révolution ; mais il
dit ce qu'il a vu, ce que ses patientes et laborieuses recherches lui ont
fait découvrir dans les archives. Pas un trait de ce tableau qui ne soit
emprunté aux documents les plus authenthiques : correspondances des
intendants ou des commandants militaires, lettres des municipalités,
rapports des commissaires envoyés par le pouvoir exécutif ou par
l'Assemblée pour faire une enquête sur ces attentats qui se multiplient
sur toute la surface du royaume. Ce que l'auteur établit de la façon
la plus irréfutable, contre la croyance généralement reçue, c'est que
ni les nobles ni les prêtres ne furent provocateurs. Partout ils ont
déployé, en face des persécutions dont ils étaient l'objet, la plus inal-
térable douceur, la plus patiente longanimité. Ce n'est qu'à la dernière
extrémité qu'ils se sont décidés, non pas à résister (car ils ne l'ont fait
nulle part pendant cette période, sauf dans le Gard, et le promoteur
de cette résistance était un bourgeois), mais à émigrer, lorsqu'ils n'ont
plus trouvé de sécurité pour eux ni dans les campagnes où on les
égorgeait, ni dans les villes où on les jetait en prison sans motif,
souvent pour les livrer aux massacreurs.
On comprend que nous n'entrions pas dans le détail ; un tel livre,
si nourri, si plein de faits, ne peut s'analyser. Sur quelques points,
nous ne serions pas d'accord avec l'auteur, par exemple lorsqu'il pense
que les réformes ecclésiastiques doivent se faire sous la direction de
l'Etat. L'Eglise seule a autorité pour se réformer, pour supprimer, s'il
le faut, des couvents devenus inutiles ou modifier des circonscriptions
— 342 —
de diocèses devenues trop étroites. Mais, ces réserves faites, nous ne
saurions trop reconnaître le soin scrupuleux que met M. Taine à
poursuivre la vérité sans parti pris, et le courage avec lequel il la
proclame, quand il l'a découverte, au risque de contredire les opinions
reçues et de froisser des préjugés puissants. Jamais l'histoire intime
de la France pendant les trois premières années de la Révolution n'a
été écrite avec ce luxe de recherches et cette abondance de détails;
jamais, il faut bien le dire, réquisitoire plus précis, plus serré, plus
complet n'a été dressé contre la Constituante et son oeuvre. Ce livre
soulèvera bien des colères ; en revanche, il aura pour lui tous ceux qui
ne font pas de l'histoire une œuvre de parti, mais une œuvre de bonne
foi. Quant au style, nous n'en dirons rien: on connaît depuis longtemps
l'éclat séduisant du style de M. Taine, cet éclat qui est une de ses
qualités, qui parfois est peut-être aussi un de ses défauts.
Maxime de la Rocheterie.
Histoire de la Confédération suisse, par L. Vulliemin. Lausanne,
Bride], 1875-77, 2 vol. in-12 de 379 el 403 p. — Prix : 7 fr.
Cette histoire va des plus anciens âges aux temps de la Réforme :
sujet vaste et complexe qui demandait à être traité avec une sévère
méthode. L'auteur y a parfaitement réussi : son livre se lit sans fatigue
et même avec plaisir, grâce à l'ordre lumineux qu'il a su mettre dans
ses récits. Le style est parfois concis jusqu'à l'obscurité ou élégant
jusqu'à la recherche; en somme, il est correct, naturel et coulant.
Quelques expressions, quelques tournures paraîtront, il est vrai, peu
françaises; mais on parle sans doute ainsi dans le pays de Vaud.
« Légions romaines disloquées sur les bords du Rhin... (p. 31); on fit
du gast... {a.isa.nt g as t et butin (p. 91 et 172);... ils laissèrent à leurs
prêtres le choix de leur servi?' la messe ou de quitter le pays (p. 112);...
un capitulât (^.280)... à tour (p.348)...legs j3;Vs(p.291)...etc.,etc. Un
souffle de patriotisme éclairé traverse toutl'ouvrage. On se plaîtàrelire
les pages consacrées à l'abbaye de Saint-Gall (p. 66), àlareineBerthe,
V humble filandi ère (p. 69), au bienheureux Nicolas de Flue (p. 226), à
la légende de Guillaume Tell (p. 367). Plusieurs erreurs de fait ou de
date n'empêchent pas de reconnaître la science de M. Vulliemin, dans
ce qui regarde au moins l'histoire politique et littéraire de sa nation;
mais on a peine à comprendre qu'arrivé à soixante-dix-sept ans (avant-
propos) il s'exprime comme il fait sur la Papauté et l'Eglise. Sans sortir
delà Suisse, les travaux historiques des vingt dernières années auraient
dû apprendre à l'auteur plus de justice et d'impartialité. Je n'ai pas
l'honneurdeleconnaître; j'ignore s'il est catholique ou protestant; mais
s'il est catholique, comment a-t-il pu laisser échapper de sa plume de?
phrases comme celie-ci :« L'empire de l'Eglise reposait (au seizième
— 343 —
siècle) surTignôrance des peuples, les rigueurs de l'inquisition et l'active
habileté de milices obéissantes (p. 216) ? » Après qu'on a dit en rica-
nant qu'il « suffit aux Suisses de confesser leurs péchés pour en obtenir
l'absolution, » que signifient ces mots : « De l'argent qu'ils venaient de
donner pour le rachat de leurs péchés, Sixte IV leur versa des sub-
sides (p. 280)? » Et puis : « Rome avait fini par prendre à sa solde
les ordres mendiants, et ils étaient devenus les vendeurs privilégiés
de ses grâces spirituelles (p. 371). » Une fois que l'auteur a parlé de
vente d'indulgences, il ne sort plus de là : « les indulgences de la reli-
gion, dit-il assez singulièrement, étaient vénales... Rome en avait fait
une marchandise... Léon X ouvrit un vaste marché d'indulgences...
(p. 374). » Ne parlons pas de « l'adoration de Marie et des saints
(p. 373), wnidecd'hostie sur laquelle le prêtre avait invoqué la présence
du Christ; wM.Vulliemin sait même que le capucin Samson « proclama
tous les Bernois... délivrés à jamais (par l'achat des indulgences) de
l'enfer Qi du purgatoire (p. 3751 etc., etc. » — Il est évident que la
lecture d'un tel livre ne peut être conseillée à la jeunesse catholique.
Cette appréciation générale de l'ouvrageM.Yulliemin ne s'est pas
modifiée àla lecture du tome II, qui vient de paraître. Il comprend l'his-
toire moderne, depuis la naissance de la Réforme jusqu'à Ja Constitu-
tion fédérale de 1848, et se divise en trois parties, nettement caracté-
risées par ces titres : L'Age de la Tî^'/b/vne- (1517-1648), Domination de
l'aristocratie (1648-1798), La Démocratie moderne (17991848). La pre-
mière partie se s\\\)d'i\ise en Réforme protestante et Réaction catholique:
histoire très-incomplète et très-partiale, comme on devait s'y attendre.
Calvin est présenté dans un jour absolument faux. L'auteur connaît
le nom des Galiffe (p. 346) : comment donc a-t-il pu appeler le réfor-
mateur de Genève un héi^os et le comparer tantôt à Grégoire VII
(p. 90), tantôt à Borromée (p. 107) ? Et quelle haine contre les catho-
liques suppose cette réflexion à propos du supplice de Michel Servet :
«L'Eglise romaine envie à Calvin l'honneur d'avoir purgé la terre
d'un monstre? ;> Toute cette partie, qui forme presque la moitié du
volume, fourmille d'erreurs déjà vingt fois réfutées. Saint Charles Bor-
romée n'a pu « faire revivre le respect pour les objets d'une antique
adoration (p. 108) ; »car, dans l'Église catholique, on n'a jamais adoré
que Dieu, et on n'avait pas cessé de l'y adorar. A la Saint-Barthé-
lémy, « les rues de Paris n'ont pas été jonchées de milliers de ca-
davres, » et « le souverain pontife n'a pas couvert de son approbation
ce massacre (p. 129). » Jamais « les jésuites n'ont fait du régicide une
œuvre sainte (p. 131). » Les huguenots « réfugiés en Suisse » à la
suite de la révocation de l'édit de Nantes (p. 205) n'ont pas été
60_,000 : c'est un chiffre dix fois exagéré, comme bien d'autres asser-
tions, comme ce o système qui fait du pape un roi des rois, des
évêqiics ses ministres, des moines ses milices, et qui leur assigne pour
but la conquête de la terre (p. 336). » Le lecteurne devinerait jamais
que ce système était représente par l'humble nonciature de Lucerne.—
Tout cela n'est plus de l'histoire, mais pure obstination dans le men-
songe et la calomnie.
Quant au style, nous aurions à relever largiUon pour largesse
(p. 72), fo^/afwr." pour coUatiop (p. 109), ressortait pour ressortissait
(p. 337), etc., etc.; mais, après les graves erreurs que nous avons
signalées, ce serait s'arrêter à des vétilles. Il est regr .attable que ces
taches déparent un livre qui, du reste, « aurait pu répondre aux sé-
vères exigences de la science (p. 399). » P. M.
Vienne et Sa vîe viennoise, par Victor Tissot. Paris, Dentn, 1878,
gr. in-I8 de ni-476 p. — Prix : \) fr. oO.
Le nouveau livre de M. Tissot est le cinquième volume de cette
série de voyages et d'études commencée à Berlin, et qui, dans la
pensée de l'auteur, doit se continuer à travers la Hongrie, la Transyl-
vanie et la Bohême. Ce livre est divisé en deux parties. Dans la pre-
mière, l'auteur fait une description rapide des contrées qu'il trouve
sur sa route de Venise à Vienne. Il montre d'abord Trieste avec
son port tranquille semblable à un canal s'insinuant dans la ville, et
où les navires immobiles et rangés face à fuce « appliquent sur le ciel
bleu la broderie capricieu?e de leurs cordages et de leurs mâts. »
Puis vient Miramar, qui fait tristement souvenir du drame de Quére-
taro ; puis Goritz qui « s'épanouit comme une île verdoyante au milieu
d'une mer pétrifiée. » Tous près, au couvent de Castanovizza, est en-
terré le roi Charles X. C'est à Goritz, on le sait, qu'il passa ses
années d'exil, et M. Tissot raconte que, lorsqu'à son arrivée dans cette
ville, il se rendit pour la première fois à l'église, il trouva en sortant
toute la population en habits de fête, faisant respectueusement la haie
sur son passage. Devant cette manifestation spontanée, le vieux roi
ne put cacher ses larmes. C'est près do là que se trouve le château
habité par M^'" le comte de Chambord. M. Tissot eut l'honneur d'être
reçu par le prince, et le récit qu'il fait de cette visite, par sa simpli-
cité émue, est une des meilleures pages du livre.
L'auteur, poursuivant sa route, s'arrête à Pola, celle Toulon autri-
chienne, port militaire sur l'Adriatique, jardin délicieux et embaumé
par les orangers toujours en fleurs. De là, il nous fait assister au
combat de Lissa. M. Tissot se plaît à rompre ainsi l'uniformité d'un
récit de voyages par des tableaux mouvementés, citations d'histoire,
légendes ou anecdotes : i! mêle, comme le voulait le poëte latin, le
plaisant au sévère. On a fait, à cette occasion, une légère critique que
— 34;; -
notre sympathie pour raute:;r nous pormotde r/ipéter: il v a peut-être
un pou trop de symétrie, d'arrangement préconçu dans le mélange
des sujets tristes et des sujets gais. Ainsi, après !a bataille de Lissa,
vient l'aventure un peu risquée du capitaine et les histoires du
comédien polonais, auxquelles succède, comme tableau final, le supplice
des conjurés hongrois. On a vu là trop de méthode.
La seconde partie, de beaucoup la plus considérable et la plus atta-
chante, est consacrée à Vienne, ou mieux à la vie viennoise. Nous ne
l'analyserons pas, car il faut lire le livre pour connaître cette nation
composée de tant d'éléments divers. Là, M. Tissot est un penseur qui
étudie un peuple dans sa vie intime, dans sa vie publique, dans ses
mouvements et dans son histoire ; il le suit d'un œil observateur à
l'église, à la promenade, à la bourse, à la brasserie. Il cherche quelle
peut être dans l'avenir sa destinée au milieu des dangers qui le me-
nacent. Il nous le montre dans le passé, et nous recommandons le cha-
pitre consacré à Marie-Thérèse, cette femme héroïque, près de
laquelle tant d'hommes, qui se sont crus politiques, auraient dû
prendre des leçons; il nous le montre aussi dans le présent, serré de
près par l'empire d'Allemagne.
S'il nous fallait faire un classement entre les différents ouvrages
de M. Tissot, nous serions fort embarrassé; pourtant, nous dirons,
en terminant, qu'il nous a semblé que, dans Vienne et la vie viennoise
l'homme sérieux se montrait plus complet, et que,si la manière de l'au-
teur s'était modifiée sous le rapport de l'ironie, elle avait gagné sen-
siblement au point de vue des jugements portés sur les hommes et
sur les événements. A. de Besaxcenet.
La Grèce telle qu'elle est, par Pierre Moraïtints, ancien consul de
Grèce, précédé d'une lettre de M. de Queux do Saint-Hilaire. Paris, Didot :
Athènes. Karl Wilberg, 1877, gr. in-8 de xir et iJ88 p. — Prix : 10 fr.
Ce volume a été écrit sous l'impression de la crise qui a commencé
en Orient l'année dernière et dans la pensée de faire connaître le rôle
que doit y jouer la Grèce. L'auteur, fils d'un des hommes d'Etat les
plusrecommandables dutemps des luttes de l'indépendance et lui-même
écrivain distingué, fait sentir avec discrétion l'intérêt que les puissances
occidentales ont à assurer à l'élément hellénique un développement
parallèle à celui de l'élément slave dans la reconstitution^ qui doit
suivre la dislocation de l'Empire ottoman.
Le petit royaume de Grèce avec ses 1,500,000 habitants est digne de
servir de no^-au au groupement national des six millions d'Hellènes,
répandus dans les îles et dans les pays au-dessous des Balkans et qui
déjà gravitent vers lui avec un patriotisme intelligent, avec une géné-
rosité qui honorent à la fois la race et le gouvernement qui en est
l'objet.
— 346 —
Cette thèse est démontrée, ce nous semble, d'une fdcon complète,
par M. Moraïtinis et avec d'autant plus d'autorité que l'émotion du
patriote n'obscurcit jamais chez lui le ferme jugement du savant.
La Grèce a fait, en effet, des progrés merveilleux depuis les quarante
ans qu'elle est sortie des ruines amoncelées par la domination turque
et par la guerre. Sa population a presque triplé, son agriculture et
ses industries minérales ont grandi rapidement, sa marine et son com-
merce ont pris une importance européenne; enfin le niveau général
de tout ce qu"on peut comprendre soUs le nom d'institutions privées
s'est considérablement élevé.
L'œuvre de M. Moraïtinis dépasse de beaucoup les proportions d'une
publication de circonstance. Par l'abondance des informations statis-
tiques, des notions économiques qu'elle contient, surtout par le ton
sérieux qui y règne d'un bout à l'autre, elle restera pendant longtemps
l'ouvrage le plus utile à consulter pour l'économiste ou l'homme poli-
tique qui aura à étudier la Grèce.
C'est dire que M. Moraïtinis, tout en expliquant les défauts des ins-
titutions et ceux du caractère de ses compatriotes, les reconnaît fran-
chement. La vie politique a pris en Grèce un développement absolu-
ment hors de proportion avec les vraies forces sociales du pays. En
lisant ce livre, on se convainct de tout le mal que fait le gouvernement
parlementaire aux peuples qui en subissent l'expérience. Mais les
Grecs sont-ils bien coupables et ne sont-ce pas les fausses idées de
l'Occident qui leur ont inoculé ce iQTV\h\e morhus comitialls?
M. Moraïtinis tourne à bon droit les jeux vers la France comme
l'amie la plus sûre et la plus désintéressée de son pays. Il devrait les
tourner vers Rome aussi. Il donne sur le clergé grec, sur la situation
religieuse de son pays, des détails de fait à l'authenticité desquels on
peut d'autant plus croire que l'auteur ne s'identifie pas assez lui-même
avec celte situation. Si les six millions d'Hellènes veulent maintenir
en Orient leur nationalité, leur identité morale, au milieu de la sub-
mersion slave, il est bien évident qu'il leur faut, avec une foi religieuse
vivace, un clergé supérieur sur tous les points à celui de la Russie, et
cette force, cette vie, où les trouveront-ils s'ils ne vont la redemander
à la chaire de Pierre ? C. J.
BULLETIN
Essai sur les réformes «les Baistîtutîon&* politiciues «le la
IFt-atice, par Joseph Ebor. Paris. GuillaumiD, 1877, in-8, de 69 p. —
Depuis près d'un siècle, nous avons eu dix-huit constitutions, sans que
nous ayons pu en conserver aucune : il est donc probable que toutes ont
un vice commun, et c'est à ce vice qu'il faudrait remédier. Nos institutions
— 347 —
politiques sont constituées en vue du gouvernement tyrannique, dit M. Ebor;
il faut les établir en vue d'un gouvernement libéral; comme «voies et
moyens, « l'auteur demande que l'on conserve aux maires les fonctions
administratives, mais qu'on leur enlève leurs fonctions executives et
judiciaires; qu'on retire aux préfets, dont on peut se passer et dont les
fonctions seraient gratuites, comme celles des juges de paix, des procureurs
et avocats généraux, les fonctions législatives, judiciaires et administratives,
pour faire exercer ces dernières par les conseils généraux; que l'on supprime
le budget des cultes, afin que le clergé soit affranchi de la tutelle de l'État,
que l'on rende non rééligibles les membres des conseils municipaux sortants
à l'expiration de leurs mandats, qui devraient être courts, etc.. Je m'arrête
car je n'ai pas à copier la brochure de M. Ebor. Qu'il y ait des idées justes,
assurément; mais que toutes doivent être approuvées, c'est autre chose.
II. DE LÉ,
La Teorîa del ï*rogesso legislativo, saggio dell' avvocato
NuNzoï Nasi Virgilio. Trappani-Rizzi,187;j, in-J2 de 203 p. — Prix : 2 fr.
Une école, dont l'illustre M. Le Play est le chef, affirme que la vraie
science sociale a pour base l'étude des coutumes des peuples prospères,
et que, pour arriver à la paix sociale, il faut reprendre les pratiques ensei-
gnées par l'expérience. ?il. l'avocat Nasi enseigne une doctiine contraire.
11 s'appuie sur les vérités abstraites et sur les modernes théories de la phi-
losophi»^ et du droit. Il lésume toute sa dissertation en ces quelques mots :
0 Le progrès législatif consiste dans le développement nécessaire et graduel
des principes absolus de la justice ; de là ^e forme le système positif et
org.Tuisé du droit et de l'État. » Nous n'avons point à discuter les doctrines de
ce livre : nous regrettons uue l'auteur ait fait servir une science véritable
et un talent distingué à défendre les rêves creux de la philosophie incré-
dule.
Vocations agricoles, réflexions sur la situation économique et 'inorale des
campagnes, par J.-B. Bussel'il, avocat (à Issoire). Paris, E. Pion et C'^,
1878, in-8 de v-98 p. — Prix : i fr.
M. Busseuil a intitulé Vocations agricoles un opuscule dans lequel, pre-
nant pour point de départ les définitions que le n Vocabulaire social » de
M. Le Play donne des mots classe supérieure, classe dirigeante, classe infé-
rieure, il s'est donné pour tâche de rappeler à une portion importante de
la classe dirigeante française, aux propriétaires terriers, quelle prépondé-
rance il leur convient légitimement de prendre sur les populations rurales
en revenant vivre auprès d'elles, et d'avoir, par elles, sur la suite des desti-
nées de leur patrie. « La question sociale ne restera pas toujours cantonnée
dans l'usine et l'atelier. » Le paysan a vu trop de gens « mettre en question
ce que les anciens avaient utilement mis en fait, » pour ne pas être prêt
bientôt, lui aussi, à courber la tête sous le souffle de l'esprit révolution-
naire, s'il n'est pas aidé à se redresser par les conseils directs et par
l'exemple de ses. [latrons naturels, depuis trop longtemps portés à préférer
les loisirs de la ville aux devoirs des champs. — Sur ces données, on lira
avec fruit, nous l'espérons, mais aussi avec attrait assurément le passage
consacré par l'auteur à la multiplication dangereuse des marchés et des
— 3i8 —
« foiresfrle?, » ot \o. chapitre piquant dans loqitol est étudié l'étal « où en
sont bien des jeunes filles de la classe agricole. » Bien comprises ot écoutées,
ces pages, qui sont écrites avec talent et avec une chaleur d'Ame vraiment
chrétienne, auraient promptement un bienfaisant succès qu'on ne saurait
trop leur souhaiter. F. Escard.
Ije Monde siclér»!. Dcscriplion des phénomènes célesies d'après les
récentes découvertes de l'astronomie, par MM. Zurcher et Margoli.k, Paris,
J. Rothschild, 1878, in-dS de vii-3-20 p. — Prix ; 3 fr. oO.
Ce petit volume est un résumé intéressant des principaux faits de l'as-
tronomie physique, et en particulier des importantes découvertes qui ont
été faites dans ce domaine depuis quelques années. Nous reprocherons aux
auteurs d'accepter trop facilement certains lieux communs dont la banalité
ne garantit pas la solidité ou les théories aventureuses d'écrivains qui
prennent la haute fantaisie pour de la haute philosophie. Ainsi, nous
voyons, à ]a page 20, le croquemitaine de l'enseignement universitaire, la
scolastiquc, battue en brèche par les alchimistes, précurseurs de la science
expérimentale, et ceux-ci représentés par qui? par Albert le Grand et par
Saint Thomas d'Aquin! Ailleurs (p. 129), c'est une dissertation un peu em-
phatique sur la pluralité des mondes habités. Mais ces taches sont en petit
nombre et, au total, de peu d'importance. Elles sont même une preuve
de l'ordre d'idées élevé et philosophique dans lequel les auteurs ont voulu
se placer, et dans lequel il n'est pas facile d'éviter absolument tout abus,
alors surtout qu'on rencontre tant de mauvais guides. Il faut les louer
grandement de n'avoir pas, comme tant d'autres, évité de nommer le
divin auteur de ce qu'ils décrivent, et de lui avoir, en plus d'un endroit,
rendu un hommage explicite et même formellement chrétien.
Ajoutons que de nombreuses vignettes, une bonne impression, un format
et un cartonnage élégants et commode^achèvent de faire de ce petit volume
un compagnon de voyage aussi agréable qu'instructif. E. V.
Le Spiritisme, par l'abbé Durand, professeur à l'Université catholique
de Paris, membre de plusieurs sociétés savantes. Paris, Victor Palm^, 1778,
in-18 de 72 p. — Piix : 50 cent.
Le spiritisme n'est pas raort, comme on pourrait le croire. Il parait qu'il
compte en ce moment à Paris de trop nombreux adhérents, et qu'il fait
même des prosélytes parmi des âmes naturellement croyantes, mais faibles
d'imagination, d'une foi va-illante et peu éclairée. C'est pour prémunir
conire les illusions du spiritisme, dont Allan-Kardec a voulu faire une reli-
gion, — que M. J'abbé Durand, professeur à l'Université catholique de Paris,
a pris la plume. Son opuscule sur le spiritisme traite delà naturedes esprits
célestes^des mauvais esprits, des âmes séparées du corps et de leurs manifes-
tations, de la doctrine spirite renouvelée du paganisme, du ('ùté diabolique
de cette doctrine, de ses funestes résultats pour le corps et pour l'âme et
de sa morale occulte. En quelques pages, M. l'abbé Durand a résumé,
r.vec une grande sûreté de vu^s, tout ce qu'il est utile à un eiirétiea de
connaître sur la mutière. Son opuscule est une excellente brochure de
propagande. F. B.
— 3i9 —
Spiritual Letters of .'^ï'c-hijîsïioiJl-'V'iieîon. Lclkrsto mcn.Leitersto
women. l.onàon, Rivingtons, 1877, 2 vul. iii-12 de 3^2-394- p.
Le savant biographe de Bossuet et de Féneluu dont nous avoua plusieurs
fois apprécié ici même les travaux, a traduit en anglais les plus belles et
les plus caractéristiques {)armi les lettres spirituelles de l'archevêque de Cam-
brai, et nous tn oli're aujourd'hui deux recueils distinct?, qu'il a formés en
réunissant dans l'un celles qui s'adressent aux hommes, et dans l'autre
celles qui s'adressent aux femmes. C'est une idée fort heureuse et dont tous
les lecteurs des Irois Royaumes doivent lui être particulièrement recon-
naissants, car nous n'avoas pas à faire, pour des Frauçii?, l'éloge de ces
précieuses épiires qui sont connuesde toutes les âmes désireuses de la perfec-
tion chrétienne. Le choix de ces lettres est très-judicieux et comprend toutes
les situations de la vie. La traduction est exacte en même temps qu'élé-
gante, et nous ne saurions indiquer de meilleur livre à ceux qui, voulant
se perfectionner dans l'étude de l'anglai-, ciierchent des ouvrages réunis-
sant l'utile et l'agréable. Renk Kerviler.
OEuvres oiioîsies de W, Ozanani. Poris. Lecoirre, 1877, in-12
de ooO p. — Prix: 2 fr.
Nous pensons recommander suffisamment ce livre en citant quelques-uns
de.5 morceaux qu'il renferme : Le Pèlerinage au pays du Cid, le Tableau d'une
histoire de la civilisation aux temps barbares, la France chrétienne au cin-
quième siècle, le Bienheureux Jacopone de Todi, et beaucoup d'autres qu'il
serait trop long d'énumérer, peuvent compter parmi les plus belles pages
qu'ait laissées Ozanam. Un recueil ainsi composé ne saurait manquer d'avoir
de nombreux lecteurs. G. -P.
Les Bas-Itîeus, par B.vruey d'Al'revillv. Paris, Palmé^ 1878, in-18 j. de
346 p. — Prix : i fr.
Pour M. Barbey d'Aurevilly, le « bas-bleu, » c'est la femme qui fait
métier et marchandise de littérature. Telle est, du moins, la définition qu'il
en donne dans la préface de son livre. A ce point de vue, le livre manque de
lidélilé à la définition. Via effet, M. Barbey d'Aurevilly range parmi les bas-
bleus M™^ la comtesse d'Haussonville, M""^ li marquise de lîlocquevillc,
Eugénie de Guérin, M"''' Svv'etchine et la sœur Emmerich. Evidemment, on ne
fera jamais croire à personne que les noms illuslrds que nous venons de
citer représentent des « marchandes de lilléraiure. » De plus, M. Barbey
dAurevilly n'est pas toujours jusic. Trois ou quatre femmes seulement
trouvent grâce devant sa critique ardente et passionnée. Ce sont Eugénie de
Guérin, la sœur Emmerich (dL'jà citées), M™^ de Staël et M""^ de Gasparin.
Pour les autres, il est moins que tendre ; il est féroce. Et il faut dire que
certains bas-bleus, tels qu'André Léo, Louise Colef, Olga de Janina, M°* de
Samdn, M'° Edgar Quinet ei luUi quanti ne méritent que trop la volée do
bois vert que le redoutable écrivain leur administre. T>jut serait pour le
mieux (et les Bas-Bleus n'en auraieut que plus de valeur], si M. Barbey
d'Aurevilly s'était montré un peu plus équitable envers ces plumes délicates
et distinguées, qui ont écrit: celle-ci, le /^'ctt d'une sœur; celle-là Robert
Emmet ; cet autre, les Soirées de la villa des jasmins. Dépasser le but n'est
pas toujours une preuve de force. Ces réserves faites, nous devons louer
sans restriction les pages consacrées à l\ défense des vérités catholiques
attaquées par lesmégéres du bas-LIewisme, l'étude magistrale sur },r" de Staël,
les réilexions profondus sur le mysticisme qui terminent le portrait de la
— 330 —
fœiu" Emiiiericli, l'iiilr diiction et la conclus^iou de l'ouvrage, qui sont d^ux
morceaux re;jiar.iu ibles. Qiiaût au talent do l'écrivain, il serait, «'iseux d'en
pailer. M. Biibny d'Aurevilly est nu raailre, et s^n style chaud, lier, cul.iré,
vivant, se passe depuis longtemps drs banalités de l'éloge, F. B.
Une visite sa I^Siiva. Aventures de voyage dans l'AsiP. centrale, yar
Fred. Burxaby, capitaine aux Royal Horse Guards. Trarluitde l'anglais par
Hkphell. Ouvrage enrichi de 3 cartes. Paris, Pion, 1877, in-12 de 464 p. —
Prix : 4 fr.
En regardant un jour couler le .Nil blanc à Khartouni, l'auteur apprend,
par le journal, que les Russes interdisent l'entrée de l'Asie centrale aux
Anglais... il n'en faut pas davantage pour que M. Burnaby, en vrai fils
d'Albion, prenne bientôt son parti. 11 quitte l'Egypte, retourne en Angleterre
pour y faire toutes ses disposiùons, et s'embarque le ler d(''cembre pour...
Khiva, résolu à braver l'interdiction moscovite; et, pour mieux étudier la
question angio-iusse-asiatique, il commence son voyage par la Russie même
et par la Sibérie occidentale qu'il traverse en plein hiver. Après mille péri-
péties, il entre à Kliiva dans les premiers jours de mars. — Son récit est
bien celui qu'on pouvait attendre d'un tel touriste; rempli d'énergie et
d'humour, bourré d'anecdotes, tout scintillant de couleur locale, mais parfois
un peu superficiel et vraiment trop rapide. L'auteur a vu comme il a
voyagé, au pas de course ; il semble qu'il n'ait qu'une idée : gagner son
pari d'aller à Khiva malgré les Russes, et le gagner en moins de temps
possible. Néanmoins, il y a là des détails, des aperçus, des notions que nous
ne possédons aujourd'hui que grâce à lui. Quant à ses réflexions politiques,
elles sont aussi, évidemment, ce qu'on pouvait les attendre d'un capitaine de
Horse Guards circulant dans ce milieu, dans ces conditions et avec les dispo-
sitions d'esprit traditionnelles aux Anglais vis-à-vis des Russes. Le volume,
contrairement aux autres de la collection, ne renferme aucune gravure;
mais il est accompagné de trois bonnes cartes, dont la plus petite n'est pas
la moins curieuse : elle montre, en effet, d'une manière fort nette les progrès
de la Russie dans l'Asie centrale, en donnant les tracés des frontières en 1836,
1863 et 187o. On comprend bien, à cette vue, l'émotion de l'Angleterre et
l'entreprise du généreux Burnaby... R.
Ma vie uosnade aux. montagnes Iftocîieuses, par le bar^m
A. DE WoELMoNT. Paris, Firuiiu-Didot, 1878, in-12 de 366 p. — Prix : 3 fr.
Ce récit, fort amusant du reste par son ton alei'te et les aventures dont
il est parsemé, devi-ait être dédié aux chasseurs : c'est eux qu'il intéresse-
rait tout particulièrement, et ceci n'est pas une critique de ma part. Je
constate. L'auteur, qui doit être d'aimable et facile humeur, a voulu « con-
naitre la vie que l'on mène dans l'extrême ouest des États-Unis, » et il livre
au public les feuilles telles quelles da Journal de sa vie nomade. C'est pris
sur le vif, c'est vécu pour employer le dialecte moderne; et nous ne doutons
pas du plaisir que tout lecteur éprouvera au tableau de cette vie au grand'air,
si pleine de contraste et d'imprévu, où le revolver joue un rôle si important,
qu'il s'agisse soit de protéger sa vie contre son semblable, soit de la soute-
nir par des hécatombes de gibier, kanguros, our.s, cerfs, etc. Une carte des
pérégrinations de l'auteur accompagne le volume, ainsi qu'une gravure,
détestable, dit le texte page 99,jîiais précieuse comme souvenir. Muins
sévère que l'auteur nous regrettons qu'il n'y eu ait pas d'autres pour com-
pléter les tableaux de mœurs d'un récit déjà plein de traits. R.
I
— 351 —
La Quesàtîon d'Orient, par M. Emile Collas. Pari% Chaliainel, 1878,
in-8 de 41 p. — Pr-x : 1 fr. oO.
La question d'Orient a des causes profondes qui uni dominé jusqu'à ce
jour son développement historique et dont l'étude penut-t de préciser, sinon
les diverses phases qu'elle doit traverst^r encore, du niiins, le rémltat su-
prême des événements qui ont, à tant de reprises, ensinglanté la pt es qu'île
des Balkans. ludiqner c's causes d'une part., montrer leurs consé ^uences légi-
times et nécessaires de l'autre, tel est. le double but que, s'est proposé M. Col-
las. L'arbitraire et li violence disposant non-seulement de la forlune héré-
ditaire des familles et des biens acquis par le trivail, mais encoie de la
liberté et de la dignité humaines, voilà, selon M. Collas, le-, causes qui
détruisent et anéantissent toute prospérité dans les régions qne gouvernent les
Turcs ; voilà où il faut cberclier les causes des représailles terribles par
lesquelles les Chrétiens libérés vengent parfois sur les musulmans quatre
siècles d'oppression. Ne soyons donc pas étonnés si les chrétiens de l'empire
ottoman veulent se délivrer de la domination des Turcs et reconquérir leur
indépendance nationale? Mais dans ce Huel, quelles sont les f.irces des chré-
tiens, quelles sont les force-; des Turcs? Les c'arétiens, plus nombreux que
les Turcs dans la péninsule danubienne, leur sont supérieurs au point de
vue moral et intellectuel, dit M. Collas; ils ont plus d'énergie, plus d'activité.
Les musulman^, eux, n'ont su que jeter à tous les vents du ciel la fortune
présente et à venir du vaste empire <iont Us avaient l'administration : donc
le résultat de la lutte ne saurait être douteux. Mais., d:ra-t-on, c'e t vouer à
l'exil ou à l'extermination la population musulmane delà Turquie? Si les
chrétiens arrivent à la liberlé, réjiond. M. Collas, les Turcs qui accf^pteront
le régime nouveau pourront continuer à résider dans les contrées affranchies
de leur domination. La chute de l'Empire ottoman, objectera-t-on encote,
ne servira que les ambitions de la Russie; erreur, s'écrie M. Collas, l'Europe
ne permettra jamais à la Russie de s'établira demeure dms la péninsule des
Balkans. L'auteur semble avoir, dureste^dauslasagessedel'empereur Alexandre
une confiance absolue. Puissent les événements ne pas donner dans un ave-
nir prochain un démenti formel aux illusions généi'eusos de Vami du czar de
Russie ! A. Albrjer,
VARIETES.
I
LES PUBLICATIONS DE LA CAMDEN SOCIETY
(56 et dernier article) (1).
LXXXIIL -^ Wills from Doctors'' conviions, a sélection of Uie wills of ernincnt
persans, proxcd in thc prérogative court of Canterbunj, 149o-i09o. Edited
by John Gough Nichols and John Bruce. 1863, viii-lTo pages. — H y a
quelques années, les bureaux de Doctors' coviinons, près la cathédrale de
Saint-Paul, où sont conservés tous les testaments et actes de la dernière
volonté des sujets de S. M. Britannique, ces bureaux, dis-je, étaient inac-
cessibles. On n'y pouvait rien étudier, rien copier, et cependant que de
noms historiques et de pièces curieuses y dormaient dans la poussièi'e!
Aujourd'hui, tout est changé; les portes du dépôt s'ouvrent sans difficulté
aux travailleurs, et on y transcrit librement ce que l'on veut jusqu'à Tan-
i; Voir tome X, p. 234; tome XII, p. "244 : tome XIV, p. lid.ot tome XXil. p. 7J.
— XJ2 —
née 1700 inclusiveincut. Ajoutons que, si ce résultat si désirable a été obtenu,
c'est gr;ice à la persistance des membres de la Camdcn Sucieli/; aussi ces
messieurs, avec un sentiment de légitime orgueil, oui'ent-ils l'excellente idée
de perpétuer le souvenir de leur succès en publiant un volume exclusive-
ment consacré à la reproduction de testaments de personnages distingués
dans les annales du Royaume-Uni; la seule condition était qu'ils fussent iné-
dits. Les voici donc ; il y en a trente-deux, savoir : Quatre provenant de
membres de familles royales d'Angleterre : Cecily, duchesse d'York et mère
d'Edouard IV; Elisabeth, reine de Bohême et fille de Jacques 1" ; le
prince Hupert; Marie, princesse d'Orange. — Trois de dames illustres :
Maude Parr, mère de Catherine Parr, une des femmes de Henri Vill; Eli-
sabeth, duchesse de Norfolk et mère du poète Surrey; Françoise, duchesse
de Sntiblk et mère de lady Jane Grey. — Trois de prélats célèbres : l'ar-
chevéque Wai-eham; le cardinal Pôle; Tévêque Gardiner. — Quatre de
théologiens bien connus : Casaubon, Brévint, Vossius, Baxter. — Deux
de courtisans fameux : Charles Brandon, duc de Sulfolk ; George Vil-
liers,duc de Buckingham. — 6'n homme d'État du règne d'Elisabeth: sir Thomas
Walsingham. — Trois : de notabilités du temps de la République Hampden,
Lenlhal, Prynne. — Quatre de poètes : Davies d'Hereford ; sir John Denham ;
le comte de Roscommon ; le comte de Rochester. — Deux d'artistes : sir
Peter Lely ; Isaac Oliver. — 6'?i de musicien : Purcell. — i/n d'astrologue :
Lilly. — Quatre d'individus remarquables à divers titres : sir Thomas Gres-
ham; sir Fi'ancis Drake; sir Hugh Middleton; l'évêque Cai'twright.
On se rappelle que le journal de ce dernier prélat a été publié par la
Camden Society (voir u' XXil, tome. X, p. 238).
LXXXIV. — Trcvelyan yapers, part. II, A. D. 1440-1643. Edited by J.
Paj-ne (Collier). 1863, Mn-136 pages. Voir plus haut, n" LXVH, tome. XIV,
p. 4.j2. Documents précieux sur la famille Trevelyan et sur l'histoire des
comtés de l'ouest de l'Angleterre.
LXXXV, — The lifc of Marmaduke Rawdon ofYork, or Marmaduke Rawdoii
the second ofthat name. Now first printed from the original ms. in tlie pos-
session of Robert Cook. Edited by Robert Davies. 1863, ïi:i-204 })ages.
— (3e volume est un des plus amusants de toute la série, et il est enrichi de
notes fort intéressantes. Marmaduke Rawdon avait la passion des voyages,
et il nous raconte ici ses pérégrinations, non-seulement en Amérique et sur
le continent d'Europe, mais en Angleterre; on ne saurait s'imaginer rien
d'aussi attrayant que les détails qu'il nous donne sur la manière dont oq
entendait, au dix-septième siècle, l'art de la locomotion de l'autre côté du
Pas-de-Calais. 11 senjblerait que sa biographie fut rédigée par une personne
de sa famille, ou un de ses intimes amis, sur des mémoires et des journaux
qu'il laissa derrière lui; elle embrasse sa vie entière depuis 1610 jus-
qu'en 1600.
LXXXVI — Lcllers of Queen Maryarel of Anjou and Bishop Bcckiwjlon and
otJiers. YVrilten in llic rcigns of Henry V and Henry VI, From a ms. foundat
Emr.il in Flintshire. Edited by Cecil Monro, 1863, xxi-HT pages. — Ce qui
fait l'intérêt de ces lettres n'est pas tant le style, qui est officiel et soc, que
leur date et la variété des sujets dont elles traitent.
LXXXVII. — The Camdcn misccllany, volume thi fifth — Voici le sommaire
des articles recueillis dans ce volume :
1. FivG Icilers of King Charles H, IG pages. — Écrites pendant le séjour
du roi en Flandre. La première lettre est adressée à la reine Henriette-Mario,
veuve de Charles I"; les autres à lord Jermyn, créé plus tard comte de Saint-
Alban.
— :];i3 —
2. Lctlers of llic coitncil lo sir Thomas Lakc rclaling lo tlic proccecUiiiis of
ir Edward Coke al Oaklands, 4 pages.
3. Documents rclatin;/ lo sir Waller Raleigli s last voyage, 7 pages. Ces deux
locuments, surtout le dernier, sont intéressants pour l'histoire des premières
nnées du dix-septième siècle.
4. A catalogue ofearly English miscellanies formerly in tlie Harleian library,
(4 pages. — Liste alphabétique d'ouvrages, maintenant rarissimes pour la
ilupart, et relatifs à la poésie et à la littérature dramatique de l'An-
jleterre.
il. Letters selecled from tkc collection of autographs in the possession of Wil-
iamTite. esq. 21 pages. — Lettres autographes de Charles I*', Croinwell,
\obert Blake, George Monk, Charles II et Nell Grwnne.
6. Sir Francis Dr akc' s mémorable service donc againstthe Spaniards in lo87.
Writtcn hy Robert Leng, gentleman, one ofhis co-adventurcrs and felloiv soldicrs.
S'ow fîrstedited from thc ms.inthe BritisJi Muséum, together with an appen-
lix of illustrative papers, by Clarence Hopper, o4 pages. — Description
idèle et intéressante, par uq des compagnons de Drake ; M. Hopper y a
ijouté des pièces justificatives tirées de diverses sources. Los exploits de sir
"rancis Drake, pendant son voyage de 1587, tiennent du merveilleux.
]"était l'époque où se préparait VInvincible Armada, et l'Espagne semblait
a maîtresse du monde. Il est extraordinaire que les détails de la campagne
le l'amiral anglais soient encore si peu connus, surtout quand on songe
ju'elle amena la création de la Compagnie des Indes, et, par suite, l'établis-
iement dt Tempire britannique sur les bords du Gange.
7. Inquiry into the gcnuineness of a letler dated February 3d 1613, and
v'gned « Mary Magdaline Davers, » 30 pages. — Cette pièce n'a d'intérêt
que parce qu'on y voit la manièi'e habile dont M. Bruce, le savant archéo-
logue, découvrit, il y a douze ans, un faux presque aussi grossier que les
fameuses lettres de Marie-Antoinette et de Louis XVI).
LXXXVIII. — Letters from sir Robert Cecil to sir George Carew. Edited by
John Maclean, 1864, vu- 167 pages.
Pièces extrêmement intéressantes, écrites pendant les années 1600, 1601,
1602, et éclairant du jour le plus vif la politique de l'Angleterre envers l'Ir-
lande à la fin du règne d'Elisabeth.
LXXXIX. — Promptorium Parvulorum (voir nos XXV et LIV).
Cette livraison contient la préface de l'ouvrage. L'éditeur y discute les
questions suivantes :
1. Biographie de l'auteur an Promptorium, G&Undtts Grammaticus, né dans
le comté de Norfolk, et membre du monastère de Lynn ; — ce que l'on
sait de son histoire et de ses travaux littéraires.
2. Sources auxquelles Galfridus a emprunté les éléments ànPromptorimn.
3. Description des manuscrits et des éditions imprimées qui ont servi au
orésent travail.
M. Way a ajouté une analyse de près de qu arante ouvrages, anciens et
nodernes, sur la lexicographie de la langue anglaise. Le volume se termine
oar un index orthographique du Promptorium, et par une liste alphabé-
tique des principaux sujets traités dans les notes.
; XC. — Letters and other documents illuslrating the relations between
'ingland and Germany al thc commencement of the Thirty Years'war. From the
'^mtbreak of the Révolution in Bohemia, to thc electionoflhe Emperor Ferdinand II.
ilditedby Samuel Rawson Gardiner. 186o, xl-2I2 pages.
Avril 1878. ' T. XXII, 23.
— 354 -
Très-intéressant recueil de quatre-vingt-quinze lettres, écrites en KilS
et 1()19, et révélant avec détail la politique étrangère de Jacques 1'^'", roi de
la Grande-Bretagne. L'introduction de M. Gardiner est un excellent mor-
ceau d'histoire.
XCI. — Regislrum sive Liber irroiularius cl consuetudinarius Prioralua Bealie
Marix Wigornicnsis; with an introduction, notes and illustrations, by Wil-
liam Haie Haie, Archdeacon of London, 1805, cxxviii-208 pages.
La plus grande partie de ce volume se compose d'un recensement des biens-
fonds de l'église de Worcester vers le milieu du treizième siècle. G'est une
pièce curieuse éditée par l'eu l'archidiacre Haie, comme appendice au tra-
vail dont j'ai déjà parlé sous le n° lxix. On trouvera ici, en outre, nombre
de documents précieux, chartes, titres, actes législatifs, précédents, etc.
XCIi. — Pope Alexunder the seventh and the collège ofCardinah, By John
Dargravc, D. D. canon of Canlerhury (1662-1680), with a catalogue of /)■' Bar-
(/rave's '/nwieum. Edited by James Graigie Robertson, canon of Ganterbury,
1867j xxviii-i64 pages.
Il parait que le docteur Bargrave avait réuni, pour son usage particulier,
une collection de portraits représentant le pape Alexandre VII et les
membres du sacré-collége. Au-dessous de chaque gravure, il ajouta des
remarques extraites de plusieurs ouvrages italiens, tels que la Giusta sla-
tera di'Porporati (16û0), il nepotismo di lioma (1667) aiU Cardinalismo di
Santa Chiesa (i6()8, outre des observations de son propre fonds. Le musée
du docteur Bargrave appartient aujourd'hui àla bibliothèque deChrist-Ghurch,
Gantorbéry. Gomme frontispice à ce volume, on voit la photographie d'un
dessin du chanoine, reproduisant le portrait de la l'cine Christine faisant
un ])èlerinage à Rome en 16oj.
XGIII. — Accounts and pape r s relatives to Mary (jueen of Scols. Editcd by
Allan J. Grosby and John Bruce, 1867, xxui-13i pages.
Ge volume se compose de deux parties j la première, éditée par M. Grosby,
se compose des pièces suivantes :
1. Frais d'entretien de Marie pendant son séjour à Tutbury, Ghartley et
Fotheringay;
"2. Dépenses pour les funérailles de la reine d'Ecosse à Peterborourgh;
3, Ordre de la cérémonie des funérailles;
4. Frais de nourriture des personnes présentes à l'enterrement.
La seconde partie, dont nous sommes redevables à M. Bruce, est intitu-
lée : A Justification of Quecn Eliz-aheth in relation to the aifairis of Mary
Queen of Scols. G'est, comme on le voit, un des innombrables factunis
publiés par ordre du gouvernement anglais pour justifier la conduite
d'Elisabeth vis-à-vis de la malheureuse reine d'Ecosse. M. Bruce a ajouté
la liste de divers autres pamphlets du même genre. La pièce impiùmée ici
est tiiée de la bibliothèque de sir Thomas Winnington, et collationnée
sur deux copies conservées au British muséum. On a ajouté au volume le
fac-similé de l'étendard, des bannières, etc., qui figurèrent à la cérémonie
des funérailles de Marie Stuart.
XCIVet XCVII. — Hislory from marble. Compiled in the reign of Charles H
by Thomas Dingley, gent. Printed in photolithography by Vincent Brooks,
from the original in the possession of sir Thomas E. Winnington, with an
introduction and descriptive table of contents by John Gough Nichols, vol. 1,
1867; vol. 2, 1868, ccccxvii-196 pages.
Ges deux volumes renferment non pas seulement des copies d'épitaphes,
ainsi que le titre le donnerait à supposer, mais des curiosités de toute
— 3oo —
espèce : gravures de sceaux et de médailles, armoiries, vues d'églises, de
châteaux, de palais, pièces de vers, etc., etc. Les villes de Bath et d'Oxford,
les comtés du Wiltshire et d'Hereford ont défrayé la majeure partie de ces
miscellanées d'antiquaire. M. Dingley avait beaucoup écrit, beaucoup
annoté. Le journal de soa voyage en Irlande a été publié par la Société
archéologique irlandaise : et sa Notitia Cambro-Britannica (journal d'un
voyage dans le pays de Galles) a trouvé, dans le duc de Beaufort, un édi-
teur aussi judicieux que savant.
XCSl. Journal ofa voyage in to the Mediterranea?i, hy sir Kenelm Digby, A. D.
1628. Edited, from the original autograph manuscript in the possession of
William WatkinE. Wynne, esq. by John Bruce, 1868, xxviii-106 pages.
M. Bruce consacre sa préface à un récit très -intéressant de la vie de Sir
Kenelm Dighy, jusqu'à l'expédition de 1628. « Ce journal, » dit-il, « aidera à
corriger bien des erreurs qui existent encore au sujet du voyage dont nous
avons ici la naiTation authentique ».
XCVill. — Lelters and othcr documents, etc. (Voyez, plus haut, le n° XC.)
Second séries, from the élection of the Empcror Ferdinand II, to the close of the
conférences at Miihlhausen. Edited by Samuel Rawson Gardiner, 1868, xi-
194 pages.
Les cent-deux lettres imprimées ici ont pour date les années 1619 et
1620. — Les originaux sont aux Archives et au British Muséum.
XCIX. — Diary of John Manningham, of the middle Temple, and of Brad-
bourne, Kent, barrister-at-law, 1602-1603. Edited from the original manus-
cript, by John Bruce, 1868, xx-188 pages.
Ce journal, conservé au British Muséum (fonds Harleien), n'est pas entiè-
rement inédit, car M. Payne Collier en avait donné des extraits dans son
Uistory of the Stage, et M. Hunter dans ses Illustrations of Shakespeare.
Également passionné pour le théâtre et pour les Sermons, Manningtam est
utile à consulter sur les littératures draJim/Z^wf ei homélitique de son temps.
Outre des détails curieux relatifs à la mort d'Elisabeth et à l'avènement de
Jacques I", il nous fait connaître, par de substantielles notices, bon nombre
de personnes illustres, plus particulièrement de célébrités appartenant au
barreau et à la magistrature.
C. — Notes of the Treaty carried on at Ripon betiveen king Charles I and
the covenanters of Scotland, A. D. 1640, taken by sir John Borough, Garter
King at arms. Eàiieà from the original ms.,by John Bruce, 1869, xli-82 pages.
Document très-intéressant, et que l'éditeur a fait précéder d'une remar-
quable dissertation historique.
CL — El hecho de los Tratados del matrimonio pretendido por cl Principe
de Gales con la serenissima Infante de Espana Maria, tomadodes de sus principios
para maior demonstracion de la verdad, y ajustado con los papeles originales
desdeconsta por el maestro J. Francisco de Jésus, predicador del Rey naestro
senor. Narrative of the Spanish marriage Treaty, edited and translated by
Samuel Rawson Gardiner, 1869, x-349 pages.
Ce pamphlet se trouve en manuscrit dans plusieurs bibliothèques espa-
gnoles ; il est traduit ici d'après un exemplaire appartenant au Bristish
muséum. 11 comprend le récit des événements depuis 1604 jusqu'en 1624,
L'étude minutieuse qu'en a faite M. Gardiner établit suffisamment la
valeur historique, l'exactitude et la bonne foi du P. François de Jésus, qui
juge les incidents du mariage projeté comme le ferait naturellement tout
catholique.
Cil. —Churchwardens' accounls of Ihe town of Ludlow, in Shropshire, from
— 3b0 —
1540 lo Uic end uf Ihc rcUjn of ElisabcUi. Editcd Iroiu tlic original ms. by
Thomas Wright, 1861), vii-18i- pages.
Ces comptes des marguillers de la ville de Ludlow abondent en détails
curieux, non-seulement au point de vue local, mais aussi pour l'histoire de
la société anglaise pendant la dernière moitié du seizième siècle.
cm. — Notes of Ihe clebatcs in Uic Eouse of Lords, offlcially laken by Henry
Ëlsi7i[i, clerk of Ihe Parliamcnts. A. D. 1621. Edited by Samuel Rawson Gar-
diner, 1870, ix-1 58 pages.
Cette publication est la première qui ait été faite des anciens débats
dans la chambre des Lords. Les journaux de la Chambre des communes
contiennent tous les discours prononcés par les membres ; on ne savait pas
jusqu'ici qu'il existât un travail semblable pour l'autre branche de la légis-
lature. Recueillis fidèlement par le secrétaire, ces speeches non?, donnent, sur
la situation des divers partis et le caractère des principaux personnages
politiques, des détails que nous ignorions encore. Deux des carnets de la
session de 1621 sont égarés, et ceux que M. Gardincr a édités sont le second
et le quatrième; il a ajouté des notes et des documents empruntés aux
manuscrits de la chambre des Lords.
CIV. — The Camden miscellany. Volume VI, 1871.
Sommaire des articles :
\. Life of M. William Whittingham^ Dean of Durliam, from a manuscript
in Anthony Word's collection. Bodleian library. With an appendix of origi-
nal documents from the Record office. Edited by Mary Anne Everett Green,
1870, iv-48 pages.
Whittingham, puritain renforcé, était doyen de la cathédrale de Durhani
pendant le règne d'Elisabeth. Le manuscrit ici publié est l'autographe du
iameux antiquaire et historien Anthony Wood, mais ce n'est que la copie
d'une notice biographique plus ancienne, écrite, peu de temps après l'avé-
nement de Jacques P'' par quelque sous-secrétaire d'État ou autre per-
sonnage à même de consulter des documents officiels.
2. The earl of Bristol' s dcfence of his négociations in Spain. Edited, from
Mss. in the Bodleian library and the public Record office, by Samuel Raw-
son Gardincr, 1871, xxxix-bO pages.
Dans sa réponse au septième interrogatoire imprimé par Hardwicke (5k(/e
Papers, I, 494), le comte de Bristol cite un papier séparé contenant toute la
suite de l'affaire depuis 161 1 jusqu'à présent. C'est ce papier que nous avons
ici, et auquel M. Gardiner a ajouté d'autres pièces, tirées des archives de
la Grande-Bretagne et de la bibliothèque de M. Digby à Shirborne. Le but
de cette publication est de montrer comment lord Bristol fut reçu par
Charles 1" et par le duc de Buckingham à son retour d'Espagne.
3. Journal of sir Francis Walsingham from Lee. 1370, to April 1583. Edi-
ted, from the original ms., by Charles J. Martin, 1870, iv-104 pages.
Notes très-succinctes, tant des mouvements de Mr F. Walsingham, que de
diverses circonstances importantes pendant l'espace de treize ans.
CV. — Trevelyan papers. Part III. Edited by sir Walter and sir Charles
Trevelyan, 1871, lv-342 pages.
Les lettres qui composent ce volume appartiennent à la fin du seizième
et au commencement du dix-septième siècle; elles sont analysées avec
soin dans la préface. Voir plus haut, n" LXXXIV et n" LXVII,tome XIV,
page 4;; 2.
Avec ce cent-cinquième volume se termine la première série des publi-
cations de la Ca?H(/cn Society; on voit qu'elle ne manque ni de variété iii
— 357 —
d'intérêt. On pourrait répartir ces documents sous sept chefs principaux,
dans l'ordre chronologique suivant :
Traités politiques . Volumes l, lv (n« 3), lxi (n° 3), xlv.
Chroniques générales et histoires. Volumes xxxvi, xxxiv, xxviii, xr-vii, xxxix
(no 1), XV, Lxiv, xxxix (n» 2), x, i, xxix, lxxhi (n° 1), xxxv, un, xlii, xlviii,
vu, Lxxxvii (n" 6), xxxix (n° 4), ci, civ (n' 2), xxxix (n» ;i), c, lxxiv, xiv
(n"« \ et 2).
Histoire ecclésiastique. Vol. lvu, viii (n°' 1,2), xiii, lxix, xci, xv (a* 2),
XXIV, LXV, XXXVIll, XX, XXVI, LXVII, LV (U" 4), XCII.
Documents historiqiies.Yol.hWxiu, xlix, lx, xxxix (n" 3), xxr, Lxvii, lxxxiv,
cv, XII, xciii, Lxxxvii (n°s 3, 4), Lxxxr, cm, lxxx, xxxi, clxi, (n° 1), lv (n" 4),
LXXXII, LU.
Liste de dépeiiseset inventaires. \o\. Lix, lxii, lv, n" \), lxi (n° 4), lv (no 2),
Lxi, (n" 4;, lv (n° 2), en. lxxui (n" 2).
Mémoires et jou?maux.\o\. \l, civ (n» l). xix, civ (no 3), lxx, xcix, xli,
Lxvi, xcvi, Lxxxv, XXXII, i.xxiii (u» 5), XXXIX (no 6), lv, (n« 6), xxii, lxvii.
Lettres.Yol.iv, lxxxvi, lxi (n'>4), xxm, xxvii, xlvi, lxxviii, lxxix, lxxxviii,
LXxxvii(no 7), xc, xcviii, lxxvi, lvi, lxiii, lviii, lxsv, lxxxvii (n" 5), lxxxvu
(n" i), Lxxi, xxxni, lxxiii (n» 6.)
Voyages et topographie . Vol. xxxvii, li, xvii, ix.
Généalogie^ blason, antiquités. Vol. xlui, lxxiv, xciv, xcvii, xliv.
foésic et littérature. Vol. xvi, vi, xxviii, m, lxxii, xxx, xviii, lxxiii (no 4),
lxxiii (no 3), II, LXI (no 2), xi, v, lxxxvii (n" 4).
Philologie, Vol. xxv, Liv, Lxxxix, xcv. Gl'stave Masson,
II
A PROPOS d'amÉRIC.\NISME
Il a paru dans le dernier numéro du Polyhiblion de la revue bibliographi-
que, un article sur lequel nous demandons à faire quelques observations. En
effet, il nous semble de nature à donner au public certaines idées d'une jus-
tesse contestable sur divers points d'archéologie américaine. JNous voulons
parler du compte rendu relatif à l'Essai de déchiffrement de M. L. de Rosny.
Ce dernier aurait, dit-on, constaté l'existence de trois systèmes différents
d'écriture chez les anciens Jucatèques, l'une hiérogli/phiqiie ou des monu-
ments, l'autre hiératique ou des manuscrits, enfin la troisième démotique ou
vulgaire. L'existence des deux premières semble, sinon prouvée, du moins
extrêmement probable ; quant à celle de la troisième, nous persistons à
la regarder comme passablement douteuse. On ne concevrait guère une
écriture démotique chez un peuple, où, d'après Landa, l'art graphique était
considéré en quelque sorte comme sacré et connu presque exclusivement
du sacerdoce. Les travaux (antérieurs de déchiffrement et des écritures de
l'Amérique centrale semblent à M. de Rosny, nous dit-on, insuffisants et
même peu compréhensibles. Nous persistons à croire plusieurs des explica-
tions de caractères du bas-relief de la croix et du Codex de Troano, données
par M. de Charencey, parfaitement claires et satisfaisantes, notamment en ce
qui concerne les noms du Dieu Hunab-ku et de Cukuhan, Nous nous trouvons
d'accord sur ce point avec plusieurs savants étrangers parfaitement impar-
tiaux, sans doute, et n'ayant aucun parti pris dans la question. M. le docteur
Brinton, dans son opuscule sur l'ancien système graphique du Yucatan,
— 3o8 —
traite le premier travail de M. de Charencey à ce sujet de remarcabte
investigation. On pourra consulter, du reste, les mémoires insérés par
M. de C... dans le i^' vol. des Actes de la société philclogique et dans la Revue
d'ethnographie et de philologie .
Il nous serait impossible de regarder comme un véritable déchiffrement
l'identification de plusieurs des signes des jours du mois d'après le Codex
ïroano, avec ceux que donne Landa. Les signes du manuscrit ne sont, en
définitive, le plus souvent, que des variantes assez légères de ceux de Landa.
D'ailleurs M. deC... avait fourni, dans son Mémoire sur le rangement symbo-
lique des signes du manuscrit, un moyen très-expéditif de les identifier tous.
L'auteur de VEssai de déchiffrement nous semble trop timide en déclarant
qu'il juge difficile de déterminer dans quel sens se devaient lire les carac-
tères. Un coup d'œil jeté sur le bas-relief de la croix nous les représente
dirigés de droite à gauche ou de gauche à droite, suivant la position du
personnage auquel ils appartiennent ; cela n'offre, en définitive, rien que de
très-facile à comprendre. Dans ces données générales, récriture des Jucatè-
ques rappelait assez celle de l'ancienne Egypte. Or, nous savons que les scribes
des rives du Nil pouvaient tracer leurs caractères de gauche à droite, de droite
à gauche, de haut en bas ou vice-vcrsd.
Il est un fait enfin sur lequel nous devons attirer l'attention du public.
M. de Rosuy se donne positivement comme ayant découvert le système de
numération des Mayas. (Voy. spéc. Congrès de Nancy, vol. H.) Cependant
l'exposé de ce système se trouve tout au long relaté par M. l'abbé Brasseur
de Bourbourg dans son édition du manuscrit Troano.
On se demandera comment il se fait que deux personnes aient, à plusieurs
années d'intervalle, fait le premier la même découverte. Nous ajouterons que
ce déchiffrement nous semble la seule chose acceptable parmi tous ceux qu'a
publié le savant abbé.
Beaucoup d'autres observations resteraient encore à faire relativement à
VEssai de déchiffrement en question, mais nous craindrions d'abuser de la
patience du lecteur. En dépit de la complaisance que pourront rencontrer,
même dans une partie du monde savant, certaines prétentions évidemment
peu soutenables, ce que nous venons de dire permettra déjuger de la valeur
réelle du dernier travail de M. de Rosny, et semble propre à inspirer au
public une prudence salutaire. Charles Baumfeld.
CHRONIQUE
Nécrolocie. — « Claude Bernard était placé par son rare génie et par ses
brillantes découvertes à cette hauteur où l'on cesse d'appartenir exclusivement
à une compagnie, et même à une nation, pour prendre rang dans le concert de
la science universelle; vivant, sa gloire avait franchi l'espace, elleétait acclamée
dans le monde entier; mort, elle bravera le temps et ses outrages. Après
Lavoisier, Laplace, Bichat, Magendie, qui lui avaient ouvert la route, Claude
Bernard a épuisé ses forces à son tour à l'étude du grand mystère de la vie,
sans prétendre à pénétrer toutefois son origine et son essence. L'astronome
ignore la cause de l'attraction universelle et n'en calcule pas moins avec
certitude la marche des astres qu'elle soutient dans l'espace et dont elle
dirige le cours. Claude Bernard avait jugé qu'il est permis de même au
physiologiste d'expliquer les phénomènes de la vie au moyen de la phy-
sique et de la chimie qui exécutent, quoique la vie et la pensée, qui dirigent,
demeurent hors de sa portée. » Ainsi s'est exprimé M. Dumas sur la
tombe de l'illustre savant que la mort, frappait le 10 févrirr. .>î, Claude
— 3o9 —
Bernard était né à Saint-Julien (Hliône), le 12 juillet 1813; il vint à Paris
en 1834, arrivait à l'internat des hôpitaux en 1839, et obtenait le grade de
docteur en 1843 et le doctorat es sciences en 18o3; il était, à cette dernière
date, préparateur depuis 1841; en 18o5, il succédait à Magendie dans la
chaire du Collège de France dont il avait commencé à être le suppléant en
1847; professeur à la Sorbonne, au Muséum en 1867, conseiller de l'Instruc-
tion publique, membre des Académies des sciences (1854), de médecine(1861),
et de l'Académie française (1868), il avait obtenu trois fois le grand prix de
physiologie (1849, 1831, 18.')3), avant tous ses grades; il a été nommé séna-
teur en 1869. Enfant de chœur dans son enfance, il n'a jamais renié ses
premières convictions; on le retrouve dans les dernières années de sa vie
contribuant à la fondation du cercle catholique d'ouvriers de Villefranche,
et, à son lit de mort, il fit appeler M. le curé de Saint-Séverin, sa paroisse,
pour se préparer au passage de l'éternité . On a cherché vainement à altérer
la vérité sur ce fait. Les positivistes auraient voulu s'approprier la gloire
de sa science et de ?es découvertes. C'est sur leur initiative que l'État a
fait les frais de ses obsèques. Mais Claude Bernard appartient incontesta-
blement à la science spiritualiste et catholique.
Nul mieux que le Pèi'e Didon ne l'a compris et apprécié, « Dans
Claude Bernard, » dit-il dans un article publié par la Revue de France,
« le génie des découvertes était accompagné de la naïveté de l'esprit
et de rhonnêteté de la pensée, mais il a fait plus que faire des
découvertes, il a tracé la voie et préparé les conquêtes de l'avenir. —
Il est l'organisateur définitif de la physiologie, il en a posé nettement les
bornes. Le savant est resté dans les limites précises de sa méthode expé-
rimentale, sans jamais nier ce qui la dépassait, sans jamais affirmer en son
nom ce qu'elle ne pouvait saisir. Claude Bernard n'était, comme on l'en
a accusé, ni positiviste, ni matérialiste. Cette haute personnification du
génie de la physiologie et de la science expérimentale a cru à la matière
objet de ses études et à ses lois. Mais il a cru en même temps à l'àme,
principe immatériel, et à Dieu, cause première. 11 a recherché, étudié, dé-
fini expérimentalement les lois et les conditions matérielles des phéno-
mènes de la vie. C'était l'objet de sa science. Lorsqu'il arrive à
rencontrer les causes premières immatérielles, la vie, l'âme, Dieu,
il ne les nie pas, il les reconnaît; il en constate l'existence, mais il
b'arrète là et ne les étudie pas, il laisse cette étude à la philosophie et
cl la théologie, non par dédain, mais parce qu'elle sort du cadre précis
[[u'il s'est tracé et du domaine de la physiologie expérimentale. « -lamais,
dans ses cours, je n'ai surpris sur ses lèvres la moindre parole qui put
blesser ou même seulement inquiéter la foi d'un croyant. «
Qu'il soit permis à l'auteur de ces lignes, qui longtemps a suivi les cours
de Claude Bernard et a joui de la faveur d'être admis dans l'intimité de
5on laboratoire, de joindre sa voix à celle du R. P. Didon, pour rendre
ï cet excellent et illustre maître le même témoignage.
Ses œuvres, toutes spéciales ti la science qu'il a illustrée, se composent
presque exclusivement d'études sur la physiologie; les voici dans leur ordre
Je publication : Recherches sur le g ranci sympathiciue (l8oi, in-8) ; — Précis
le médecine opératoire (avec Ch. Iluette, I8."i4-d7, in-12, avec pi.); — Leçons
le physiologie expérimentale (lS.'Jo-o6, nouv. édit., 1874, 2 vol. in-8, fig.);
— Mémoire sur le fancéas (18o6, in-i-, avec pi.); — Effets des substances
'oxiques (18.Ï7, in-8); — Physiolor/ie et pathologie du système nerveux (18o8,
2 vol. in-8, fig.); — Propriétés et altérations des liquides de l'organisme {l8o9 ;
nouv. éd., 1873, 2 vol. in-8); — Expérimrrx Rur la nutrition {\SC)'t:, in-8,
~ 360 —
fig.); — Inlroduction à l'élude de la médecine expérimentale, propriétés des
tissus vivants (1865, 2 vol. in-8); — Principes de médecine expérimentale
1866, 2 vol. iu-8, fig.); — Rapport sur les ]:)rogrès de la marche de la phy-
siologie générale en France {i8&~, in-8), dans le recueil des Rapports sur les
progrès des lettres et des sciences en France, réédité en 1872 sous le titre
de De la physiologie générale (in-8); — Discours de récepiion de M. Claude
Bernard et réponse de M. Patin, directeur de l'Académie (1869, in-8); — Leçons
de pathologie expérimentale (in-8, 1872), cours professé au collège de France
en 1859-1860 et recueilli par le docteur Benjamin Bail qui le publia d'abord
en anglais dans le Médical Times and Gazette; — Leçons sur la chaleur
animale, sur les effets de la chaleur et sur la fièvre (in-8, 1875); — Leçons sur
les anesthésiques et sur l'asphyxie (in-8, 1876). On a aus?i publié de lui :
Traité complet de Vanatomie de l'homme. Anatomie chirurgicale et médecine
opératoire, par Bourgerj-, Claude Bernard, Ludovic Herschefeld et Jacob,
(8 vol. in-fol., 1" édition de 1832, 1834; 2^ édition, 1867-1871). On a publié
sur Cl. Bernard : Travaux de Claude Bernard {\^^Qi-^^,1 y o\. in-4).
Paul de Lorgeril.
— Le R. P. Ange Secchi, l'une des gloires de la science catholique, est
mort k Rome, le 26 février, d'un squirrhe à l'estomac. Né à Reggio, le 29
juin 1818, il avait été reçu dans la Compagnie de Jésus, le 3 novembre 1833.
Professeur de grammaire au collège Romain, il y apprit la physique, qu'il
enseigna plus tard à Lorette et à Londres. C'est de là qu'il fut envoyé à l'ob-
servatoire de Georges Town d'où il revint en Italie pour être placé à la tête
de l'observatoire de Rome. A partir de l'année 1849, où il entra dans la
publicité scientifique par un travail inséré, chose assez remarquable, dans
le journal américain de Silliman, il donna le spectacle de l'une des carrières
scientifiques les mieux remplies qui se puissent rencontrer. Chargé vers
cette époque, au collège Romain, de l'enseignement de l'astronomie et de
la direction de l'Observatoire, il se livra avec ardeur à l'étude de toutes les
questions d'astronomie physique, et l'on peut dire qu'il n'en est aucune sur
laquelle il n'ait fait des observations importantes et répandu des lumières
nouvelles. Rappelons notamment ses recherches sur la constitution physique
du soleil, sur la distribution de la chaleur à la surface de cet astre, sur les
étoiles doubles, sur les spectres des étoiles, des comètes, des nébuleuses, sur
les étoiles filantes. Le premier, en 1860, il eut recours à la photographie pour
enregistrer les diverses phases d'une éclipse de soleil. Il fut aussi l'un des
plus prompts à utiliser la belle découverte de MM. Janssen et Lokyer et à
étudier assidûment les protubérances que, grâce à elle, on peut observer en
tout temps sur le contour du soleil. En 1871, il prit part très-activement à
la fondation de la Société des spectroscopistes italiens, qui a pour but de
suivre et d'enregistrer jouf par jour ces grands phénomènes. Plusieurs
années auparavant, il avait émis à Rome, à peu près en même temps que
M. Faye en France, l'idée aujourd'hui fort accréditée, quoique discutable,
d'après laquelle le soleil sei'ait un corps gazeux dont les éléments sont main-
tenus à l'état de dissociation par une température énorme. Il a résumé l'en-
semble de nos connaissances sur cet astre, dont une bonne partie lui est
due, dans un ouvrage important intitulé : Le Soleil. (Paris, Gauthier-Villars,
1870, in-8, xvi-422 p.; traduit en allemand pas Schellen, 2* édit. française,
1875 et 1877, 2 vol. gr. in-8, xx-428 p. avec 6 pi. et viii-484 p. avec 13 pi.)
Physicien savant, habile à disposer les expériences et ingénieux à com-
biner des appareils qu'il savait faire construire sous ses yeux, sans avoir les
ressources quotlrent les ateliers des grandes capitales, le P. Secchi donna
— 361 —
autour de lui uue vive impulsion aux études météorologiques comme en
font foi les vingt-cinq volumes du Bullettino meteorologico dell osservatorio del
eollegio Romano^ publiés depuis l8ol . Ses travaux dans cette direction furent
en quelque sorte résumés dans le Météorograplie^ appareil qui intéressa vive-
ment le public français à l'Exposition universelle de IStiT, et dans lequel
s'inscrivaient automatiquement les variations de la pression barométrique,
de la température, de l'état liygrométrique, de la direction et de la force
du vent. Après avoir reçu, tant pour cet appareil que pour l'ensemble de
ses travaux météorologiques, la grande médaille d'bonneur de l'Exposition,
le P. Secchi fut nommé officier de la Légion d'bonneur.
Depuis longtemps il était membre de l'Académie pontificale des Nuovi
Lincei, de la Société italienne des sciences, correspondant de l'Académie
des sciences de Paris; associé étranger de la Société royale et de la Société
astronomique de Londres, membre de la plupart des académies'd'Europe et
d'Amérique.
Indépendamment d'un nombre considérable de mémoires insérés dans
les publications de ces diverses sociétés et dans les journaux scientifiques,
le P. Seccbi a publié divers ouvrages dont les principaux sont : Memorie
deir ûsservalorio del eollegio Romano. (Rome, ISiJl à 1863, 5 vol. in-4); —
Descrizione del nuovo osservatorio. (Rome, ISiiO, in-4) ; — Mesure delà base
trigonométrique établie sur la voie a2)pienne, en italien (Rome, 1858); — QuU'
dro fisico del sislema solare (Rome, 1859); — L'Unità délie forze fisiche (1864,
Rome), 1 vol. in-8, xii-dH p., 2 éditions françaises de cet ouvi'age, traduit
par le docteur Deleschamps ont paru chez Savy; la T'en 1869, gr. in-18,
699 p. ; la 2" en 1874); — Catalogo délie stelle fisse di cui si è delerminate la
spettro (Paris, Gauthier-Villars, 1867, in-8, 32 p. et 3 pi.); — Le Stelle,
Milan, 1878, in-8, 432 p. et 9 pi. (une trad. française se publie en ce mo-
ment). Nous sommes obligés, faute d'espace, de renvoyer à la Bibliothèque
des écrivains de la Compagnie de Jésus, pour tous les ouvrages du P. Secchi
antérieurs à 1873. La liste en occupe près de deux pages gr. in-4. — E. V.
— Mgr Godefroy Brossais Saint-Marc, cai'dinal-archevèque de Ren-
nes, est mort dans sa ville archiépiscopale le 26 février. Né à Rennes
le 5 février 1805, il fit ses études au lycée de cette ville, puis alla
à Nantes pour entrer dans le commerce ; il ne fit que passer dans celte
carrière se sentant appelé par Dieu et entra au séminaire de Saint-Salpice.
Ordonné prêtre en 1831, il revint en Bretagne, d'où il ne devait pas sortir.
En 1841, il succéda à Ms^ de Lesquen, démissionnaire, [sur le siège épis-
copal de Rennes qui fut érigé en archevêché en 1839. 11 fut revêtu de la
pourpre romaine en 1875. Les instructions et lettres pastorales sorties de sa
plume durant son long ministère sont nombreuses : Voici le titre de
quelques-unes qui montreront qu'il savait bien aborder les sujets les plus
utiles aux chrétiens de notre époque : Nature et droit du ministère évangé-
lique (1842) ; — La foi (1843); — Les mauvaises lectures (1845); — L'Éduca-
tion chrétienne (1846); — La Primauté de Saint-Pierre (1847); — Causes des
désordres daiis la société (1849); — Respect et amour pour les pasteurs (1836);
— Dangej's des 7'ichesses par rapport au salut (1857); — Devoirs des fidèles à
Végard du Pape (1860); — La Papauté et ses ennemis (1861); — Abaisse-
ment des caractères (1863); — Danger des cabarets (1864) ; — Dangers (pie pré-
sente la lecture des mauvais journaicx (1867); — Sur l'ivrognerie (1868); —
Sur le prochain concile (ecuménique (1869); — Dévoilas des fidèles envers leurs
pasteurs (1871); — U affaiblissement du sens moral (1875); — Les Cléricaux
^1876); — Les Anti-cléricaux (1877) ; — I^'S Destinées de V lîglise (1878).
— :{62 —
— Msf Joseph-Armand Gignoux, évêque de Beauvais, est mort dans
sa ville épiscopale, le \" mars. Né à Bordeaux, le 22 juillet 1790, il
entra dès 1823 dans le diocèse qu'il devait administrer. Il y aiTiva comme
professeur de théologie au grand séminaire, dont il devint supérieur l'an-
née suivante. Créé successivement vicaire général et chanoine titulaire, sans
quitter le grand séminaire, il fut sacré évéque de Beauvais, le 20 mars 1842,
et pendant les trente-cinq ans de son épiscopat, il n'a cessé de justifier la
belle devise qu'il avait prise en s'asseyant sur le siège de saint Lucien :
Impendam et superimpendar ipse. On n'a guère de lui que des mandements
et des lettres pastorales. Une partie a été publiée sous le titre de : Princi-
paux discours et mandements dans le tome XVI, 2° série, des Orateurs sacrés,
publiés par l'abbé Migne, et dans ses ÛEuvres choisies (Paris, Sarlit, in-8,
t. I-IV, 1869-1873).
— M. Fra*içois-Augustin Théry, est né le 15 octobre 1796, à Paris, où il
est mort, le 14 mars 1878. Il fut élevé au lycée de Versailles, entra en 1816
le premier à l'École normale et, à vingt-quatre ans, il était docteur èslettres
et docteur en droit. Il remplit successivement les fonctions de professeur,
proviseur, inspecteur d'académie ; en 1844, il fut nommé recteur à Caen, et,
quelques années plus tard, inspecteur général de l'Université. Il prit sa
retraite en 1868. Il était président de la Société des études historiques et
membre de plusieurs autres sociétés savantes, 11 a débuté par deux morceaux
qui lui ont valu des lauriers académiques : le Gé7ue poétique, qui a obtenu le
prix d'éloquence en 1821 ; — la Renaissance, en vers, qui a eu l'accessit de
poésie en 1822. Il a laissé des œuvres nombreuses : Conseils aux mères sur les
moyens de diriger et d'instruire leurs filles (1838), a obtenu un prix Monthyon ;
— Conseils aux jeunes personnes sur les moyens de compléter leur éducation
(1842, in-8); — TaMeau des littératures anciennes et modernes, ou Histoire des
opi7iions littéraires chez les anciens et les modernes (1844, 2 vol.); — Notions de
philosophie (1844, in-8); — Exercices de mémoire et de lecture, avec M. Dezobry
(1844); — Cours de littérature générale (1847, 2 vol. in-8); — Cours abrégé de
littérature (1850, 2 vol. in-8); — Exercices littéraires (1851, 2 vol. in-12); —
Morceaux choisis des meilleurs prosateurs français du. second ordre aux sei-
zième, dix-septième et dix-huitième siècles (1852, 2 vol. in-12); — Modèles de
discours et allocutions pour les distributions de prix dans les pensionnats de
demoiselles (1852, in-12y, — Lettres sur la profession d'instituteur (1853, in-12) ;
— Histoire de l'éducation en France depuis le cinquième siècle {\S'6S, 2 vol.
in-12); — Le Génie philosophique et .littéraire de saint Augustin (1861, in-8);
— Lettres sur la profession d'institutrice (1869, in-12); — Projet d'une réforme
dans l'enseignement des langues anciennes (1872, in-8); — Cent fables (1877,
in-16) dont il a été rendu compte dans la livraison de février. Ajoutons à
cette nomenclature : Précis d'histoire d'Angleterre; — Choix d'oraisons fu-
nèbres; — Conciones français, et une traduction en vers des satires de Perse.
— M. Jéan-François de Paul Louis de la Saussaye, né à Blois le l^r mars
1801, est mort à Tronssay (Loir-et-Cher), le 25 février. Il s'adonna de
bonne heure à l'arcbéologie, et débuta par un mémoire manuscrit sur
l'Histoire de la Sologne blaisoise, qui lui valut, en 1835, une médaille au con-
cours des antiquités nationales. Fondateur, en 1836, de la Revue numisma-
tique française qu'il dirigea avec M. E. Cartier jusqu'en 185-8, il donna
dans ce recueil de nombreux articles sur la numismatique gauloise et du
moyen ;\ge. On peut affirmer que cet excellent recueil, auquel travail-
lèrent tous les numismatistes français et beaucoup d'étrangers, a rendu
à l'arcbéologie les plus gx'ands services. Ses travaux lui ouvrirent les portes
— 303 —
de l'Institut en 1845; dès l'année 1838, il était correspondant de l'Acadé-
mie des inscriptions et belles-lettres. En 18oo, il fut nommé recteur de
l'académie de Poitiers et plus tard recteur de l'académie de Lyon. Il a
publié : Histoire du château de Chamhord (1837, in-4); — Histoire du châ-
teau de Blois (1840, in-4) ; — La Numismatique de la Gaule Narhonnaise (1842,
in-8); — Mémoires sur les antiquités de la Sologne (■I84j, in-4); — Histoire
de la ville de Blois (in-12, 18iG); — Guide historique dans le Blésois, ano-
nyme (ISoo), réédité sous le titre de Dlois et ses environs. — La vie et les
ouvrages de Denis Papin, avec M. A. Pean (1809, in-8). — Les six premiers
siècles littéraires de la ville de Lyon (1876).
— M8' Jean-Pierre-Jules Dours, né à Alzonne (Aude), le 4 février 1809, est
mort à Bagnères-de-Bigorre le 12 décembre. Professeur de théologie à
Aire en 1834, puis à Dax, il fut ensuite principal au collège de Saint-Sever,
proviseur de celui de Laval, recteur de l'académie de Clermont et
inspecteur de l'Académie de Paris C'est de ce poste qu'il passa, en 1863,
sur le siège épisoopal de Soissons où il succéda à M?"" Christophe. Sa santé
était tellement altérée qu'il donna sa démission, qui fut acceptée par le
Saint-Siège le 20 février 1876, et le 20 avril suivant, il fut nommé chanoine
de Saint-Uenis. Il a publié durant son épiscopat 109 lettres pastorales ou
circulaires. Voici le sujet de quelques-unes : Connaissance de Jésus-Christ
(186-4-186o); — Indifférence reliyieusc (1867); — Culte de la sainte Vierge
(1868);— l'Eglise dans sa nature, son but, sa constitution divine et son
action sur le inonde {\S~0); — Proniulgalion des constitutions du concile du
Vatican.
— M. l'abbé Pierre-Paul Chéruel, né en 1809 dans le département de
l'Eure, est mort le d mars 1878, curé de Saint-Germain des Prés, à Paris. H
avait fait sts études à Paris, au collège Henri IV, avait ensuite suivi les
cours de l'École de droit, puis en faisant plusieurs éducations avait séjourné
assez longtemps en Angleterre et en Russie. Il possédait parfaitement la
langue parlée de ces deux pays, et apprit bientôt l'italien, lorsque se
sentant appelé au ministère ecclésiastique, il alla à Rome faire ses études
théologiques. Il y rencontra l'abbé Gerbet qui, plus tard, évoque de Perpi-
gnan, se l'attacha comme grand vicaire. Il y fut ordonné prêtre en 1843.
Pendant ses séjours à Rome, il a été correspondant du journal VUnivers. 11
a édité un ouvrage d'Abelly : De l'obéissance et soumission qui est due à
N. S. P. le Pape en ce qui concerne les choses de la foi (1870, in- 18).
— M. le baron François Asi'er de Boaç.v est décédé à Toulouse le 10
mars dans sa soixante-dixième année. Philologue, poète et romancier,
M. de Boaça, quelques jours avant sa mort, mettait la dernièi'e main à un
grand ouvrage iiistorique, critique et philologique sur les Bohémiens et les
Tsiganes. On doit à ce modeste et très-méritant écrivain un excellent
roman intitulé : Cai6?/ ou les Massacres de septembre, dont ]e Polybiblion a
j rendu compte. On lui doit aussi un Recueil de poésies religieuses très-estimé.
jM. de Boaça était originaire de Perpignan, et il collabora longtemps aux
journaux conservateurs de la région. Les polémiques ardentes et spirituelles
qu'il soutint avec M. Pierre Lefranc, dans V Étoile du Roussillon, sur les
jquestions sociales et religieuses, ont fait sensation.
— M. le U'' DoRAN, fondateur et rédacteur en chef de la revue critique
anglaise -.Notes and Queries, est movile lli janvier,dans sa soixante et onzième
année. La première éducation lui avait été donnée en France, puis en
Allemagne. Doué d'une facilité prodigieuse, dés l'âge de vingt ans, il était
à même de dii^iger le Literanj chronicle, et, depuis un quart de siècle, il ne
s'est pas écoulé de saison, disent ses cnllfiborateurs, qui ne vit paraître
— 364 —
un ouvrage de sa main. La liste en serait trop longue à reproduire ici:
nous devons cependant citer, parmi ses principales œuvres : Habitudes hu-
maines ; — Les Jours de la chevalerie; — Reines d'Angleterre de la maison de
Hanovre; — Les Monarques retirés des affaires; — Les Comédiens de sa Ma-
jesté; — Histoire des fous des rois. — Histoire du théâtre anglais. — Leprince
deGalle. — London in the Jacohite limes (1877) sans doute son dernier ouvrjge.
— M. le comte Hortensius 1{ousselix Corbkal: de SAi.\T-ALUi.\,né à Lyon, le
20 décembre 1805 et fils du fondateur du Constitutionnel, conseiller liouo-
raire à la Cour d'appel de Paris, ancien député et ancien conseiller général
de la Sarthe, vient de mourir. Il était l'auteur de divers ouvrages de droit
et de liltéi^ature, et avait débuté par un Kloije funchre de Barras, son parent.
On cite de lui: Logique judiciaire ou traité des arguments légaux (1841,
in-18, dont la 2^ édition, suivie de la Logique de la conscience, est do 1844,
in- 12, Joubert); — une Histoire de Sulhouski ; — des Poésies lyriques; deux
Odes sur Lafayette ; enfin : Tablettes d'un rimeur. Contes apologues et anec-
dotes; Èpitres; Imitations et fugitives; Premiers essais ; Romances, chansons
(1862; 3e édition, suivie de plusieurs lettres à l'auteur, 1869).
— M. Camille dk la Behge, attaché au Cabinet des médailles de la Biblio-
thèque nationale, estmort, à l'âge de quarante ans, au mois de mars. C'était
un des collaborateurs de la Revue historique et de la Revue critique. On lui
doit un Mémoire sur la flotte romaine, couronné par l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres. 11 préparait la soutenance de ses thèses pour le doc-
torat es lettres, déjà imprimées, et qui avaient pour objet : Byzance avant
Constantin pour la thèse latine, et Essai sur le règne de Trajan pour la
thèse française.
— M. Alexandre Don.nk, ancien recteur de l'Académie des sciences de
Montpellier, inspecteur général honoraire de l'École de médecine, vient
de mourir. Petit-gendre de l'illustre orientaliste Sylvestre de Sacy, et
neveu de M. de Sacy, de l'Académie française, M. Donné se rattachait
aussi par lui-même aux lettres et aux sciences : il avait été le premier
secrétaire de la Commission des <( Documents inédits de l'Histoire de France,»
fondée par M. Guizot et Villemain, et était l'auteur d'une Hygiène des gens
du monde, dont il vulgarisa pendant de longues années, dans le Journal
des Débats, les principales a])plications.
— M. Auguste Lamy, professeur de chimie industrielle à l'École centrale
des arts et manufactures, ancien professeur de physique à la faculté des
sciences de Lille, est mort le 20 mars ; il était né à Nevy (Jura) en 1821. —
De M. Lamy ont été publiées des Leçons de chimie professées en 1863, à la
Société chimique de Paris (1864, Hachette, in-18.) On lui doit la découverte
du tallium.
— M. Georges Cruikshan'k, dessinateur-caricaturiste et peintre anglais,
collaborateur du Punch, et du Comic Almanach, est mort au commen-
cement de février dernier. 11 était né à Londres vers 1792, et avait été
d'abord marin, puis acteur. On connaît généralement ses grandes séries
humouristiques ; La Vie à Londres et à Paris, les Anglais peints par eux-mêmes
(1837), le Dimanche à Londres, le Palais du Gin et la Routeille; mais,
citer l'innombrable quantité d'albums, de livres d'étrennes, de revues, de
journaux où il a semé ses compositions amusantes est presque impossible.
De 1815 à 1878, il n'a cessé d'amuser ses compatriotes et l'Europe entière
par les mille et une charges morales et politiques, anecdotes, esquisses de
mœurs grotesques, légendes comiques, qu'il a prodiguées à tout propos.
Citons au moins, de l'époque de ses débuts : La Maison du mai^in ; l'Homme
— 3r;o —
lie la lune; le Cordonnier politique; l'Echelle du Mariage ; puis, dans un genre
plus élevé, et avec non moins de ■succès : Légendes allemandes; Contes
d'Italie , Types irlandais; enlin, plus tard encore : L'Huvwuriste, complété par
les Pointes d'Esprit; Tom Pouce; le conte de John Gilpin, qu'a reproduit le Ma-
gasin pittoresque (Tome X); Mon portefeuille, la Pli jrnologiee7i action elles
Vieux marins; n'oublions pas les illustrations de iiobinsoîi Crusoé, et celles
des premiers Romans de Ch. Dickens. G. Cruiksliank avait exposé pendant
quelques années, à l'Académie royale de peinture de Londres, des toiles où
son talent de caricaturiste, avait continué de se donner carrière, sous ces
titres : Le Trouble-fête ; Une situation imprévue ; Costumes à la Mode ; Cendril-
lon, et, pour la dernière fois : Un coup de sonnette {iS'6'6). On pourra consulter
sur cet esprit original, mais au fond bienveillant : Genius of G, Cruikshank
(1840, in-8, Londres).
— Le comte Frédéric Scolpis de .Salerano, né en 1798, est mortàTuriu, le
8 mars, sans laisser de postérité. Docteur en droit à l'âge de vingt ans, il
eut un rapide avancement dans la magistrature. Balbo, qui avait deviné sa
haute capacité, l'attacha à son cabinet, et le roi Charles-Albert lui confia
les postes les plus importants. On le trouve président du Sénat, garde des
sceaux, président du congrès réuni à Genève pour la question de Wilabama.
Il eut une grande part à toutes les réformes entreprises par le roi, et parti-
culièrement à la rédaction du Code civil sarde. Modéré par caractère et par
goût, dévoué à la maison de Savoie, il ne prit point part aux révolutions de
1821 et de 1827, et son attachement à la religion catholique lui fit désap-
prouver bien des actes du gouvernement italien : depuis l'occupation de
Rome, en 1870, il ne parut plus au Sénat. 11 a tenu, du reste, à désavouer
sur sonlit de mort tous ceux de ses actes quiavaient pu porter préjudice à l'É-
glise. Voici la déclaration que VUnità cattolica met dans sa bouche : « En ce
« qui concerne les droits de l'Église, bien que je n'aie jamais agi par unesprit
« qui lui fût hostile, je voudrais pouvoir effacer et réparer lout ce que j'ai
« fait à son détriment; mais cela m'étant impossible, j'en demande publi-
« quement pardon à Dieu, voulant mourir dans le sein de cette religion h.
« laquelle je suis lier d'avoir toujours appartenu. » Homme politique, le
comte Scolpis était aussi écrivain et orateur. L'Académie des sciences mo-
rales et politiques le comptait parmi ses correspondants depuis 1847, et se
l'attacha comme associé étranger en 1869. Il était membre de l'Institut
international de droit, fondé en 1873. On lui doit un grand nombre d'ou-
vrages historiques et juridiques. On peut citer comme son chef-d'œuvre :
La Storia delta legislazione antica piemontese (1833), suivie de la Storia délia
legislazione italiana (1840-18o7), traduite en français par M. Charles Scolpis
(1861, 2 vol. in-8) ; — Essai sur les Etats généraux et autres institutions poli-
tiques du Piémont et de la Savoie (1851) ; — Recherches historiques sur les
rapports politiques entre la dynastie de Savoie et le gouvernement britannique
(1833); — La Domination française en Italie (1800-1814), (in-8, 1861). —
Le Cardinal Jean Moronc. Etude historique (in-8, 1869); — Marie-Louise-
Gabrielle de Savoie, reine d'Espagne (in-8, 1867-1869). — Considerazioni
storiche intorno aile antiche Assemblée rappresentativc del Piemonte c délia
Savoia, publiées dans les Monumcntu historiw patriw (in-8, Torino, Bocca,
1878); — Le 'Régime politique des anciennes vallées des Alpes (1878). — Parmi
ses rapports à l'Académie des sciences morales et politiques, nous en trou-
vons un en 1876 sur V Histoire de la charité napolitaine de la duchesse Thérèse
Filangeri Ravaschieri Ficscld. Il était un des collaborateurs de la Revue de
législation.
— -Miè —
— M. Joseph-Emmanuel-Gislain Roulez, ué à .Nivelles (Brabant), le 6 fé-
vrier 1806, esl mort le 16 mars 1878. Il fut professeur au collège de Mous,
en 1825; professeur de littérature grecque à l'Athéuée de Gaui en 1832;
professeur d'archéologie et de droit romain à l'Université de (iand, de 1831 à
1873; recteur de la môme Université, I846-I8i7, 1857-1864; administrateur-
inspecteur de 1863 à 1873. Il fut nommé membre de l'Académie royale de
Belgique, classe des lettres, le 13 décembre 1837; correspondant de l'Institut
de Fiance, Académie des inscriptions et belles-lettres, en 1850. Il était, en
outre, ciirespondant d'un grand nombre d'aca lémies. Il a publié, en 1834,
à Leipzig, une éiition de Ptolémée Hepharition, mythographe grec, dédiée à
son maître et ami, le professeur Georges^Josepb Bekker, avec une préface
du célèbre Ci-euzer (in-8); — Cours d'antiquité romaine (1849, Bruxelles); —
Choix (le vasespcints du musée d'aniiquilcs de Leijde (1854, Gand, in-folio avec
planches en couleur) . Il a traduit l^s illanue/s de l'histoire de la littérature
qrecque et de la littérature latine^ de Schoell (le premier, 1837, à Bruxelles,
le second en 1838, à Louvain). Il a donné, en outre, un grand nombre
d'articles sur l'archéologie, la géographie ancienne, l'épigraphie dans les
Mémoires de l'Académie royale de Belgique et dans ses Bulletins, dans les
annales et les bulletins de l'Institut archéologique de Rome.
— La Benaixenza nous apprend la mort, à Séville, d'un des littérateurs
les plus distingués de l'Espagne, don José Amador de los Rios. Il était doyen
de la faculté de philosophie de Madrid et membre de l'Académie royale.
De los Rios a laissé, entre autres ouvrages : Études politiques, historiques et
littéraires sur les Juifs d'Espagne. (Madrid, Diaz et Ce, 1848, un vol, in-8) et
V Histoire critique de la littérature espagnole. Ce livre, écrit d'un style un peu
ampoulé, mais très-érudit et plein de recherches fort intéressantes, n'est
malheureusement pas terminé. Tel qu'il est, il forme sept gros volumes
grand in-8, dont le premier a paru en 1861 (Madrid, imprenta de José Ro-
driguès) et dont le dernier porte la date de 1865 (Madrid, Joaquin Munoz).
L'ouvrage s'arrête au règne d'Isabelle la Catholique. De los Rios a aussi
écrit dans le Jahrhïich. Les Études sur les Juifs ont été traduites en français
par M. Magnabal ; l'Histoire de la littérature espagnole ne l'a pas été, mais a
fourni le sujet d'un article détaillé dans le Contemporain (juillet 1874).
— M. Adolphe Viollet-Leduc, paysagiste distingué et critique d'art au
Journal des Débats, vient de mourir. Il était l'auteur d'une Notice sur Fran-
çois Gérard, publiée en tête de la Correspondance de cet artiste.
— M. Marie-Amédée, vicomte de Ginestois, baron de la Liquisse,est mort à
Montpellier le 25 janvier 1878, à l'âge de 63 ans. Président du comité catho-
lique, président de la société de secours aux blessés des armées de terre et
de mer, il a mérité de son évêque. Me"' de Cabrières, ce magnifique éloge :
« Rien ne s'est fait ici pour le bien, aucune entreprise n'a été tentée
« dans l'intérêt de la religion sans que M. de Ginestous ne s'y soit associé,
« également attentif et à donner aux œuvres son concours le plus dévoué, et
« à se cacher derrière les voiles de l'humilité la plus discrète. » ^ous ne
saurions dire s'il a beaucoup écrit. Ses œuvres littéraires consistent
surtout, croyons-nous, en rapports sur les œuvres dont il s'occupait.
iNous signalerons à ce titre ceux qu'il a lus aux congrès des Comités catho-
liques à Paris: en 1875,5iir le Congrès régional de Montpellier; en 1876, Surit
colportage.
On annonce encore la mort de M. Henri de Seré, ancien représentant à
TAssemblée législative de 1849, collaborateur de la Gazette de Bretagne, fon-
dateur et directeur, en 1845, avec M. de Falloux, de ï Union de l'Ouest, dans
— 367 —
laquelle il soutint vigoureusement les droits de la liberté d'enseignement
catholique ; — de M Luciano Scarabelli, mort le 5 janvier à Plaisance, sa pa-
trie, auteur d'une histoire de Plaisance et l'un des collaborateurs de ÏAr-
chivio storico: — de M. Carlo Mindtoli, vice-président de la R. dcputazmie,
di storia patria, auteur de divers livres érudits, mort le 6 février ; —de M. Sci-
pion BicHi-BoRGHiARi, de Sienne, qui s'adonna aux recherches historiques; —
de M. Ch.-P. Daubigny, le célèbre paysagiste, et l'un des plus anciens col-
laborateurs de V Illustration et de V Artiste; — du graveur-géographe Ehrard;
— de l'auteur du livre : V Administration prussienne en Alsace-Lorraine^
Dr Gustave Hasch, publiciste allemand, décédé à Schœneberg, près de Berlin;
— de M. Filippo Scrugli, ancien directeur de la Gazette officielle du royaume
deXaples, mort à l'âge de 97 ans, à .Naples ; — de M. Eugène Yvert, mort
à Amiens, membre de l'Académie de la Somme, journaliste qui a vaillam-
ment défendu les principes consei'vateurs, auteur de plusieurs ouvrages de
poésie; — de M. Leitzma^jn, qui, depuis 1834, dirigeait \&~\ Journal numis-
matique de AVeissensee, qu'il avait fondé et n'abandonna qu'en 1870, auteur
de nombreuses publications, mort le 23 octobre à l'âge de 80 ans; — de
M. lldefonse Rousseï, mort le 31 mars à Alfort (Seine), à Fàge de Cl ans,
ancien rédacteur du Spectateur rrpuhlicain et du Conservateur en 1848, fon-
dateur de la Revue comique, rédacteur linancier du Siècle de 1840 à 1867,
rédacteur en chef du National depuis sa fondation (1869) ; — de M"" C. Rue-
LENs, qui a écrit, dans V Etoile belge et la Revue de Belgique, sous le pseudo-
nyme de Caroline Gravière, morte à Bruxelles le 20 mars; — du docteur
Robert de Mayer, savant allemand, mort à Heilbronn, le 21 mars.
— Une erreur s'est glissée dans la livraison de février du Polybihlion
(p. 177). Il y est dit que M. Raspail « avait enseigné la philosophie et la
théologie, à Avignon, pendant un an. M. Raspail n'a jamais appartenu au
corps enseignant du grand séminaire d'Avignon; il y a étudié pendant
quelque temps et c'est tout. Les dates rapportées par le Polybiblion rendent
d'ailleurs la chose assez claire, puisque le personnage en question n'eût eu
alors que dix-sept ou dix-huit ans. H. Ch.arier,
directeur au grand séminaire.
I.NSTiTUT. — Académie française. — L'Académie française décernera pour
la première fois, en 1880. les deux prix suivants : Prix Botta : 20,000 francs
au meilleur ouvrage publié eu français, dans les cinq années précé lentes,
sur la condition des femmes. Prix Jules Janin : 3,000 francs, décerné à la
meilleure traduction d'un ouvrage en latin.
— L'Académie a décerné le prix d'éloquence pour VÉloge de Bu/fon, à
M. Xaicisse .Vichaut, licencié en droit, docteur es lettres, récemment inort
à Nancy, et à M. Félix Ilemon, professeur de seconde au lycée de Rennes.
— L'Académie a renouvelé son bureau pour le second semestre. M. J.-B.
Dumas a été nommé directeur, et M. Camile Rousset, chancelier.
Académie des Sciences. — Dans la séance du 18 mars. l'Académie a nommé
à la place vacante dans la section d'astronomie par suite du décès de
M. Leverrier, M. Tisserand, directeur de l'Observatoire de Toulouse, par
trente-quatre voix, contre dix-neuf à M. Wolf, et deux à M. Tissandier.
— Dans sa séance du 23 mars, l'Académie a nommé M. Duval-Jouve
corresponlant dans la section de Botanique, en remplacement de M. Hol-
meister, décédé.
— Dans sa séance du 1 i mars, l'Académie a élu correspondant M. Cialdi
pour la place vacante dans la section de géographie et de navigation, par
suite de la nomination de don Pedro comme associé étranger.
— L'Académie des sciences a reçu d'un anonyme une somme de
— 3()8 —
0,000 francs, destinée à récompenser la personne qui saura tirer des travaux
de W. Pasteur l'application la plus utile à l'art de guérir. Ce prix sera
décerné en 1880.
Faculté des Lettrks, — M. Person, professeur au lycée Charlemagne,]
à Paris, a soutenu, à Paris, le 21 février, ses thèses pour le doctorat es let-
tres. Les sujets étaient : Ds P. Cornelio Scipione jEmÛiano ; — Essai sur l'ad'
minislration des provinces romaines sous la République ,
— M. Collignon, ancien élève de l'École normale, ancien membre de j
l'École française d'Athènes, a soutenu, à Paris, le 13 mars, ses thèses pour]
le doctorat es lettres. Les sujets étaient : De collcgiis cpheborum; — Essai suf^
les monuments grecs et romains relatifs au mythe de Psyché.
— M. Lionel Dauriac, ancien élève de l'École normale, a soutenu ses
thèses pour le doctorat es lettres, à Paris, le 22 mars. Les sujets étaient :]
De Hcraclito Ephesio; — Des notions de matière et de force dans les sciences del
la nature.
École DES r.H.vuTKs. — M. Hoyaété nommé professeur d'institutions poli-j
tiques, admimstratives et judiciaires de France, en remplacement de 'L Bou-|
tarie, décédé; M. Giry secrétaire-professeur suppléant, en remplacement del
M.Roy.
Congre?. — La réunion des sociétés savantes aura lieu à la Sorbonne, les]
24, 2o et 26 avril.
— Le congrès international des orientalistes se tiendra cette année du 12|
au 18 septembre, à Florence.
— Le comité de la Société des gens de lettres a pris l'initiative d'uni
congrès littéraire international qui se tiendra à Paris pendant l'Expositioal
universelle. Le programme annonce cinq séances publiques aux dates des!
6, 8, 9, 11 et I3juin,dans lesquelles serontdébattues les questions suivantes:!
Du droit de propriété littéraire. — Des conditions de ce droit. — De sa durée.]
— La propriété littéraire doit-elle être asssimilée aux autres propriétés, cul
doit-elJe être régie par une loi particulière ? De la reproduction. — De la]
traduction. — De l'adaptation. — Du droit de propriété littéraire. — De l'in-
suffisance des conventions diplomatiques au point de vue de la protection dej
ce droit. — Des difficultés qui résultent notamment des formalités d'enre-
gistrement, de dépôt, etc., etc., inscrites dans les conventions actuellement!
existantes. — Recherche d'une formule précise destinée à être introduite|
désormais dans les traités de commerce, pour y remplacer les anciennes
formules. Proposition d'une formule à accepter par les membres qui pren-
dront part aux travaux du congrès. — Projet de convention littéraire inter-
nationale en vertu de laquelle tout écrivain étranger serait assimilé auxj
écrivains nationaux dans l'exercice de ses droits sur son œuvre. De la condi-j
tion des écrivains à notre époque. — Des associations littéraires. — Exposé!
de diverses institutions tendant à amliorer le sort des gens de lettres dans
les divers pays. — Vœux à formuler pour l'avenir. — Lecture des propositions!
adoptées par le congrès. — Clôture des travaux.
— Les médecins vétérinaires de France se réuniront ea congi'ès, à Paris,!
pendant l'Expositioa universelle de 1878. Le programme des questions qui]
seront étudiées dans cette réunion scientifique a été établi dernièrement, à]
Paris, par l'assemblée générale des délégués présidée par M. Henry Boulcy/
inspecteur général des écoles vétérinaires et membre de l'Institut. Les
vétérinaires des diverses régions de la France avaient désigné un des leurs
pour les représenter ù cette réunion.
~ 369 —
— La Société Bibliographique se propose de tenir un congrès, d'une durée
de troisjours, pendant l'Exposition universelle. Nous publierons dans notre
prochaine livraison le programme de ce congrès.
Concours. — L'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts
de Belgique, classe des lettres et des sciences morales et politiques,met au con-
cours pour 1879 les questions suivantes : — 1° Les enc}'clopédistes français
essayèrent, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, de faire de la
principauté de Liège le foyer principal de leur propagande. Faire connaître
les moyens qu'ils employèrent et les résultats de leurs tentatives, au
point de vue de l'intluence qu'ils exercèrent sur la presse périodique
et sur le mouvement littéraire en général. (Les concurrents trouveront
d'utiles documents sur ce sujet dans la bibliothèque d'Ulysse Capitaine,
léguée à la ville de Liège.) Le prix est de 600 francs. — 2° Écrire l'his-
toire de Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut, de Hollande et de
Zélande, et dame de Frise. Le prix est de 600 francs. — 3° Faire l'his-
toire des finances publiques de la Belgique, depuis 1830, en appréciant,
dans leurs principes et dans leurs résultats, les diverses parties de la légis-
lation. et les principales mesures administratives qui s'y rapportent. Le
travail s'étendra d'une manière sommaire aux finances des provinces et des
communes. Le prix est de mille francs. — i" Faire connaître l'inlluence de
la poésie néerlandaise (flamande et hollandaise) sur la poésie allemande, et
réciproquement, de la poésie allemande sur la poésie néerlandaise au moyen
âge. Le prix est de 600 francs. — b" Faire l'histoire de l'échevinage dans
les anciennes provinces belgiques et la principauté de Liège. Rappeler à
grands traits ses origines, ses caractères, son organisation, son influence,
ses transformations jusqu'à la chute de l'ancien régime. Le prix est de mille
francs. — Les mémoires devront être adressés, francs de port, avant le 1'' fé-
vrier 1879, à M. J. Liagre, secrétaire perpétuel, au Palais des Académies
(ancien Palais Ducal).
L'Académie proroge jusqu'au 1" février 1880 les deux concoursde Stassart
et de Saint-Génois, savoir : — Grand prix de Stassart. Apprécier l'influence
exercée au seizième siècle par les géographes belges, notamment par Wer-
cator et Ortélius. Donner un exposé des travaux relatifs à la science géogra-
phique qui ont été publiés aux Pays-Bas, et de ceux dont ces pays ont été l'objet
depuis l'invention de l'impi'imerie et la découverte de l'Amérique jusqu'à
l'avènement des archiducs Albert et Isabelle. On s'attachera, à la fois, à
signaler les œuvres, les voyages, les tentatives de toute espèce par lesquels
les Belges ont augmenté la somme de nos connaissances géographiques, et
à rappeler les publications spéciales, de quelque nature qu'elles soient, qui
ont fait connaître nos provinces à leurs propres habitants et à l'étranger.
Le prix est de trois mille francs. — Prix de Saint-Génois, pour le meilleur
travail, rédigé en flamand, en réponse à la question suivante : De betrek-
kingen aanduiden, die in verschillende tijdperken hebben bestaan tusschen
de vlaamsche poèzie en de ontwikkeling van het vaderlandsch en nationaal
gevoel, en den invloed bepalen dien zij onder dit opzicht heeft gehad.
Indiquer les rapports qui, à diverses époques, ont existé entre la poésie
flamande et le développement du sentiment patriotique et national, et dé-
terminer l'influence qu'elle a exercée dans cet ordre d'idées. Le prix est de
quatre cent cinquante francs. Les manuscrits devront être envoyés avant
le 1^' février 1880.
L'Académie propose, pour le concours quinquennal du prix Teirlinck,Ia
question suivante : Faire l'histoire de la prose néerlandaise avant Marnix de
Avril 1878. T. XXII, 24.
— 370 —
Sainte-Aldegonde. Le prix sera de mille francs. Les manuscrits, qui peuvent
ôire rédigée en français, en flamand ou en latin, devront ôtre remis avant le
i^' février 1882.
Elle décernera, pour la première fois, en 1887, le prix décennal Antoon
Bergmann. Un prix de deux mille deux cent cinquante francs à l'auteur de
la meilleure histoire ou monographie, qui aura été publiée en flamand,
du 1er février 1877 au 1er février 1887, nu sujet d'une ville ou d'une com-
mune comptant 5,0G0 habitants au moins, et appartenant à la province
d'Anvers.
La classe des beaux-arts met au concours pour 1879 les questions sui-
vantes : — 1° Faire l'histoire de l'architecture qui florissait en Belgique
pendant le cours du dix-septième siècle et du commencement du seizième,
architecture qui a donné naissance à tant d'édifices civils remarquables,
tels que halles, hôtels de ville, beffrois, sièges de corporations, de jus-
tice, etc. Décrire le caractère et l'origine de l'architecture de cette période.
Le prix est de 1,000 francs. ■ — 2,, Faire une étude critique sur la vie et les
œuvres de Grétry, étude fondée, autant que possible, sur des documents
de première main; donner l'analyse musicale de ses ouvrages, tant publiés
que restés en manuscrit; enfin, déterminer le rôle qui revient à Grétry dans
l'histoire de l'art au dix-huitième siècle. Le prix est de 800 francs. —
3° Déterminer, en s'appuyant sur des documents authentiques, quel a été,
depuis le commencement du quatorzième siècle jusqu'à l'époque de
Rubens inclusivement, le régime auquel était soumise la profession de
peintre, tant sous le rapport de l'apprentissage que sous celui de l'exercice
de l'art, dans les provinces constituant aujourd'hui la Belgique. Examiner
si ce régime a été favorable ou non au développement et au progrès
de l'art. Le prix est de 600 francs. — 4° On demande la biographie de
Théodore-Victor Van Berckel, graveur des monnaies belges au siècle der-
nier, avec la liste et la description de ses principales œuvres, ainsi que
l'appréciation de l'influence que cet éminent artiste a pu exercer sur les
graveurs de son époque. Le prix est de 600 francs. Les mémoires, qui
peuvent être rédigés en français, en flamand ou en latin, devront être
adressés avant le 1" 1879.
— Le conseil de la Société des arts de Londres décernera un prix de
2,500 francs et une médaille au meilleur mémoire historique sur l'art de
l'orfèvre dans le présent et le passé, et les moyens pratiques de le déve-
lopper et perfectionner. 11 faut signaler les chefs-d'œuvre produits dans les
difî'érentes contrées, et exposer les obstacles qui ont concouru à retarder les
progrès de l'art en Angleterre. Les mémoires devront être adressés au
secrétaire de la Société des arts, John street, Adelphi, à Londres.
— Le comité des concours de poésie et de composition musicale vient
d'arrêter, de concert avec les fondateurs de prix, le nombre définitif des
médailles à décerner en 1878. Pour la poésie: une médaille de 3,000 fr.;
une de 2,000fr.: deux de 1,000 fr.; trois de 500 fr.; quinze de 100 francs.
Même nombre et même chiffre pour la musique. Les quatre prix princi-
paux sont attribués à : l'odc-symphonie, le drame lyrique, le ballet et l'orU'
t07'io. Des prix supplémentùres pourront être distribués.
— La Société française d'hygiène met au concours la question suivante :
Faire connaître d'une manière succincte, et dans les limites d'une brochure
in-12,de 32 pages, les meilleures conditions de l'éducation de la première
enfance : lo Au point de vue de la nourriture, depuis le jour delà naissance,
jusqu'au moment où l'enfant peut faire usage d'aliments usuels. Insister
— 371 —
particulièrement sur l'allaitement maternel; démontrer que l'allaitement
artificiel ne peut suppléer le premier que dans les cas de nécessité absolue.
2*^ Au point de vue du vêtement (signaler les pratiques mauvaises et celles
[jui réalisent les meilleures conditions ; indiquer tous les soins corporels que
nécessite le premier âge). 3^ Au point de vue de l'habitation (faire cnnnaitre
les avantages de l'exposition, de l'aération et de la propreté). Dans le déve-
loppement des difféieats points du programme, on tiendra compte des con-
iitions actuelles des personnes auxquelles on s'adresse, et l'on évitera
surtout les théories purement idéales applicables aux classes privilégiées,
.es récompenses consister(jnt en une médaille d'or et en deux médailles
l'argent. — Les mémoires, écrits en français, devront être parvenus au
iecrétariat de la Société française d'hygiène, 71, rue des Saints-Pères, le
1er juin 1878.
— L'Académie de Mâcon met au concours une pièce de vers sur Lamar-
;ine, à l'occasion de l'inauguration de sa statue. Les poèmes ne devront
jas contenir plus de deux cents vers. Ils devront être adressés avant le
io juillet à M. le Secrétaire perpétuel de l'Académie de Mâcon.
LkCTDRES FAITES A l'AcADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES. — DanS le3
iéancesdes2etl6 mars,M.Baudiillart a continué la lecture de son mémoire sur
'état des populations agricoles en Normandie, au sujet duquel M. H. Passy
a présenté des observations. Dans la séance du 2 mars. M', le Secrétaire
)erpétuel adonné lecture d'une notice sur Laromiguière, par M. G. Com-
)ayré. — Dans les séances des 9, 16, 23et 30, M. Rosseuw-Saint-Hilaire adonné
a lecture d'un fragment inédit de son histoire d'Espagne, relatif au drame
lel'Escurial (1806). — Dans la séance du 23, M. E. Levasseur a présenté, au
ujet d'un ouvrage de M. Ilimly, sur la formation territoriale des Etats de
'Europe centrale, des considérations sur les causes qui ont amené les chan-
gements successifs dans la carte politique de l'Europe. — Dans la séance du
10, M. L. Aucoc a commencé la lecture d'un mémoire sur les recours pour
ixcès de pouvoirs devant le Conseil d'Etat.
Lectures faites a l'Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans la
éance du 13 mars, M. Ferdinand de Lasteyrie a fait une communication sur
les objets d'orfèvrerie trouvés dans un tombeau antique à Ravenne. M. le
•résident a communiqué une note de M. E. Fernique sur les fouilles faites
ous sa direction à Prénesle, et une autre note de M. Maurice Albert sur la
iécouverte d'une statue dans le sol de la Piazza di Pietra à Rome. M. Si-
aéon Luce a lu un mémoire sur les juifs sous Charles V et le fonds hébraïque
lu trésor des chartes en 1372. — Dans les séances du 1" et du 15, M. E.
levillout a continué la lecture de son mémoire sur les études démotiques.
- Dans les séances du 8 et du 22, M. Clermont-Ganneau a fait une communi-
ation sur le tombeau du Prophète. Dans la séance du 8, M. Léon Renier a
omrauniqué une lettre de M. Cherbonneau relative à une inscription prove-
ant des ruines de Hadjar-er-Roum et remontant au règne de Trasamond,
oi des Vandales. — Dans les séances du l"et du 8, M.Max-Deloche a achevé la
icture de son mémoire sur les invasions gauloises en Italie. — Dans la séance
u 15, M. Dumont, directeur de l'Ecole française d'Athènes, a fait connaître
ar lettre les résultats de fouilles entreprises à l'Acropole. M. Ernest Renan
fait des observations au sujet d'une inscription en grec et en phénicien,
écouverte à Délos, par M. HomoUe. M. Lèopold Delisle a fait une communi-
ition au sujet d'une chronique parisienne du temps de saint Louis, qu'il a
iécouverte dans un manuscrit du British Muscum. — Dans la séance du 22»
— 372 —
M. de Rozière a communiqué la première partie d'un mémoire relatif aux
statuts anciens, de la ville de Rome. M. le marquis d'Hervey-Saint-Denis
fait une communication sur un cachet chinois en jade, qu'il a reçu de
M. Léopold Delisle . — Dans la séance du 29, M. Charles Jourdain a commencé
la lecture d'un mémoire sur l'Université de Paris au temps d'Etienne Marcel.
La Commission royale d'histoire de Belgique. — La Commission, royale
d'histoire Belgique, quia pour président M. Kervyn de Lettenhove, et pour
secrétaire M. Gachard, a fait paraître, en 1877, trois volumes in-4-. — I.
La Bibliothèque nationale de Paris. Notices et extraits des manuscrits qui cou-'
cernent l'histoire de Belgique, tome 11, par M. Gachard. Ce volume, de vi et
612 pages, contient l'analyse de quatre-vingt-six manuscrits, rangés sous
trois sections : Conférences diplomatiques, Traités, Dépêches des ambassa-
deurs. La dernière forme la plus grande partie du volume. Elle comprend
les correspondances de trois ambassadeurs de France envoyés à Charles-
Quint, de cinq ambassadeurs qui représentèrent le même pays à la cour de
Philippe II, et de trois diplomates que Charles IX entretint à Bruxelles au-
près du duc d'Albe. — IL Table chronologique des chartes et diplômes imprimés
concernant l' h is loi re de Belgique, tome V, par M.Alphonse Wauters. Ce tome
n'a pas moins de x et 817 pages; il s'étend de l'année 12aî à l'année 1279.
l/époque qu'il embrasse estcelle de la guerre des d'Avesnes et des Dampierre ;
celle qui vit mourir le roi des Romains, Guillaume de Hollande, le principal
protecteur des d'Avesnes, et saint Louis, le médiateur entre ceux-ci et les
Dampierre; qui vit commencer et finir l'interrègne dans l'empire d'Alle-
magne et se terminer, par l'expédition de Tunis, la période des Croisades.
Après Marguerite de Constantinople, que l'âge condamne enfin au repos;
après le duc Henri 111 de Brabant, le protecteur des lettres ; après l'évêque
de Liège Henri de Gueldre, dont l'influence fut longtemps prépondérante
dans la Basse-Lotharingie, apparaissent Guy de Dampierre, son neveu Jean
d'Avesnes et Jean I«^ dont la personnalité s'affirme plus que celle des au-
tres princes de son temps. Le tome V de la Table contient les analyses d'un
nombre énorme de documents qui se rapportent, soit aux personnages dont
nous venons de parler, soit aux seigneurs, aux ecclésiastiques, aux lettrés
ayant été en relation avec eux, soit aux populations et aux communautés
de tout genre sur lesquelles s'élendait leur autorité. Des tables très-détail-
lées des noms des personnes et des lieux y rendent les recherches faciles.
Dans l'introduction. M.- Wauters, s'appuyant des faits qui ressortent de tous
les documents dont il donne l'énumération, montre de quelle importance
est le secours que la diplomatique peut apporter à l'histoire. — III. Chronique
de Liège de Jean de Prcis, ditd'Outremeusc, t. IV, éditeur M. Stanislas Bormans.
Ce volume de 824 pages comprend : Le complément du livre II de la chro-
nique commençant à l'année 873 et finissant à la prise de Jérusalem par
l'empereur Baudouin 1207; La Geste de Liège correspondante à ce com-
plément; Un glossaire où l'éditeur explique les mots de ''ancien langage
wallon qui ne figurent pas dans les lexiques connus. Une table chronologique
des matières.
Le tome I" de la Correspondance du cardinal de Granvelle sera prochaine-
ment livré au public. M. Edmond Poullet, à qui a été confiée l'édition de ce
recueil, n'a rien négligé pour le rendre aussi complet que possible. Le tome
qui va voir le jour commence au 20 novembre lo6o (c'est la date à laquelle
s'arrêtent les Papiers d'État du cardinal, publiés dans la collection de docu-
ments inédits sur l'histoire de France) ; il va jusqu'au 29 septembre 1366.
— 373 —
Cinq volumes sont en cours d'impression : — Les grandes chroniques de
F/a?irfrc, éditeur M. le baron Kervynde Lettenhove; — un corps de chroniques
des Pays-Bas et du Brabant en particulier, écrites en langue flamande,
éditeurM. Charles Piot ; — le tome VI de la Tahlc chronologique des chartes et
diplômes concernant Vhisioire de la Belgique, par M. Alphonse Wauters ; le tome
III des Voyages des souverains des Pays-Bas^ éditeur M. Gachard. — Les grandes
chroniques de Flandre îovmeroni deux volumes.
La Commission a proposé de confier la traduction et la publication d'une
histoire inédite des troubles des Pays-Bas, écrite en espagnol, et dont le ma-
nuscrit est conservé à la Bibliothèque nationale, à Paris, à M. Alfred Morel-
Fatio, attaché à cet établissement, et la publication d'un cartulaire de l'ab-
baye d'Orval préparée à Arlon par les soins du P. Goffinet. de la compagnie
de Jésus. Elle a discuté le projet, qui lui a été soumis par M. Piot, de former
et de mettre en lumière un recueil de chartes, keures et règlements des
corps de métiers depuis leur origine jusqu'à leur suppression lors de la réu-
nion de la Belgique à la France. Avant de prendre une résolution définitive,
la commission a cru devoir prier l'auteur de la proposition de dresser des
listes préparatoires des documents qui, selon lui, entreraient dans le recueil
dont il a conçu l'idée.
Mandements pour le Carême. — Aire : Les attaques dont le clergé est
l'objet. — Aix : Les épreuves et le triomphe de l'Église. — Alby : La néces-
sité sociale de la religion. — Amiens : L'observation du dimanche. — Angers:
La papauté, à propos de l'élection de N. S. -P. le Pape Léon XIU; — Angou-
LÊME : L'insuffisance de l'honnêteté naturelle pour le salut. — Annecy :
L'enseignement de l'Église. — Arras : Ces paroles de saint Paul : « Vous
êtes le temple de Dieu. » — Auch : Le décret pontifical qui décerne à saint
François de Sales le titre de docteur de l'Église. — Autun : La tempérance.
Avignon : Notre Saint-Père le Pape Pie IX. — Bayonne : L'élection du souve-
rain pontife Léon XIII. — Beauvais : Vicaires capitulaires ; les derniers
avertissements de M^"" Gignoux. — Besançon : Le miracle de Faverney. —
Blois ; L'oubli de Dieu. — Bordeaux : L'élection de S. S. le Pape Léon XIII.
— Bourges : Le millénaire de sainte Solange, patronne du Berry. — Cambrai :
Les préventions qu'on inspire aux classes populaires contre la religion et
ses ministres. — Carcassonne : Le devoir pascal. — Chalons : La charge
épiscopale ; Pie IX considéré comme pasteur. — Constantine : L'élection
de notre Saint-Père le Pape Léon Xlll. — Coutances : Saint Michel, sa
nature, ses grandeurs et la place qu'il tient dans le plan divin. —
Évreux : Les offices du dimanche. — Gap : L'oubli de la vie future. — Gre-
noble : Notre-Seigneur Jésus-Christ considéré comme juge souverain. —
Langres : La primauté du Siège apostolique. — Laval : L'action de la
Providence dans le monde et dans l'Église. — Limoges : Le zèle religieux
des laïques. — Luçon : L'autorité paternelle et l'éducation. — Lyon : La
prédication et l'observation de la parole sainte. — Le Mans : La mauvaise
presse. — Marseille ; La conscience. — Montauban : Nos devoirs envers la
Papauté. — Montpellier : La vie et la mort de Pie IX. — Nevers : La néces-
sité de la pénitence. — Nice : La prise de possession de son diocèse. —
NiMES : La restauration du dimanche. — Oran : L'ignorance en matière reli-
gieuse. — Orléans : Nécessité de la prière. — Paris : La guerre faite à l'Église.
— Périguéux : Le mariage au point de vue moral et pratique. — Perpignan :
La charité chrétienne. — Poitiers : La papauté, à propos de l'élection du
Pape Léon XIII. — Le Puy : La crise morale de l'époque, sa vraie cause et son
— 374 —
remède. — Quimper : L'éducation chrétienne, — Reims : L'Eucharistie consi-
" aérée comme sacrifice. — Rennes : Les destinées de l'Église. — Rochelle (la) :
Les petites sœurs des pauvres. — Rodez : Des progrès de l'impiété contem-
poraine, et des devoirs des fidèles en face de cette situation. — Rouen : Le
culte des morts. — Saint-Claude : Les avantages de la sanctification du
dimanche. — Saint-Flour : Le salut. — Toulouse : L'ignorance de la reli-
gion. — Tours : La foi. — Valence : Les devoirs des catholiques envers la
papauté. — Vannes : L'ignorance en matière de religion. — Versailles :
L'amour de l'Église. — Viviers : Du danger des mauvaises lectures.
Le Vivarais et le Dauphiné aux jeux floraux de Toulouse. — Sous ce
titi'e, M. Firmin Boissin nous donne une brochure gr. in-8 de HO pages
(Vienne, Savigné, 1878), qui a très-bonne mine et qui est fort intéressante.
L'auteur, dont tous ici connaissent le style si agréable, le goîit si pur et le
savoir si étendu, a mis ses meilleures qualités dans les notices qu'il consacre
aux poètes et écrivains du Dauphiné et du Vivarais qui ont obtenu des prix
devant l'Académie des Jeux floraux : Bernard de Saint-Martin — qui n'est
autre que le fameux Gentil-Bernard, comme le démontre M. Boissin, dont
la découverte est fort curieuse; — le Père Théodore Lombard, Louis-
Etienne Bouchon, Brabant, la marquise de la Gorce, Pierre Espic, Victorin
Fabre, M"* Félicie d'Ayzac, Bonnefous de Verdalle, Ernest Perrossier, Léonce
Fabre des Essarts, M. Bouvagnet et M. L. Marie. Ces notices, entrecoupées
de citations heureusement choisies, sont aussi exactes quant à la biographie
que judicieuses quant à l'appréciation littéraire; elles sont suivies de spiri-
tuelles digi^essions académiques tt d'une éloquente conclusion adressée aux
jeunes poètes, qui y trouveront les plus nobles conseils, et précédées d'un
Cûxip d'œil hisiorique sur l'Académie des jeux floraux qui mériterait une ap-
probation sans réserve, si M. Boissin — pour fournir sans doute à ses
critiques l'occasion de rompre, par un .léger reproche, la monotonie d'un
éloge conlinu — n'avait (note de la p. 3) pris la défense d'une cause insou-
tenable, celle de l'existence de Clémence Isaur^i et de Clotilde de Surville,
lesquelles ne sont que de gracieux fantômes, comme j"ai cherché à le
montrer, pour l'une, dans les Vies des poêles gascons (1866, p. 43-46), et pour
l'autre dans la Revue des questions historiques (octobre 1873, p. 587-608). —
T. DE L.
Statuts de l'Université d'Angers. — M. Cél. Port, qui ne se repose des
fatigues de la publication des trois gros volumes de son Dictionnaire de
Maine-et-Loire qu'en nous donnant d autres excellents travaux, a fait im-
primer (Angers, Lachèse et Dolbeau, 1878, petit in-8 de vi-75 p. sur papier
vergé, tiré à 200 exemplaires) les Statuts des quatre facultés de l'Utjiversité
d'Angers {Slatuta Universitatis Andegavensis, 1464-1494). Ces documents,
précédés d'une notice qui dit en peu de mots tout ce qu'il y avait à dire sur
lear origine et leur importance, sont accompagnés de courtes et claires notes
où se reflète le net et vjf esprit de l'auteur. L'opuscule, orné d'une repro-
duction (lu sceau du recteur de 1 Université d'Angers au quinzième siècle,
est d'autant plus digne d'attention que nous possédons moins de statuts
universitaires aussi anciens et aussi complets. Les érudits le rechercheront
et accueilleront avec joie l'espérance que nous donne en ces ternies (p. v.)
le savant éditeur : « Mon petit recueil, tel quel, s'il est bien venu, pourra
former facilement le début d'une collection de Variétés angevines. » —
T. DE L.
— 375 —
Le Duc de Saint-Simon et le cardinal Gualterio. — M. Armand Baschet
a donné au Cabinet historique (livraison de janvier 1878) un important
mémoire sur la recherche de la correspondance du duc de Saint-Simon et
du cardinal Gualterio (1706-1728). Le tirage à part forme une brochure de
39 pages (Paris, Alphonse Picard) que je ne saurais trop recommander aux
curieux. M. Baschet raconte en un style charmant tout ce qu'il a fait, en
France, en Italie et en Angleterre, pour se procurer les mille et quelques
lettres que le duc de Saint-Simon dut écrire, pendant vingt années, à son
ami messire Philippe-Antoine Gualterio. Lardent chercheur n'a malheu-
reusement rien retrouvé d'une correspondance qui serait si précieuse tant
pour l'histoire que pour la littérature, et il a acquis la triste conviction que
ce trésor est à jamais perdu; mais nous avons, du moins, gagné à ses in-
fructueuses recherches un opuscule des plus intéressants, où l'on remar-
quera surtout une savante, lumineuse et complète notice sur le correspon-
dant de Saint-Simon (p. 8-20). Après avoir tracé de l'habile diplomate un
portrait en pied qui est d'une ressemblance frappante, M. Baschet nous
donne d'abondants détails sur la collection des papiers Gualterio conservés
au British Muséum. M. Baschet a retrouvé, dans cette collection, 4o lettres
inédites de Saint-Simon à l'abbé Gualterio, neveu du cardinal. Il en repro-
duit une (p. 26), du 30 septembre 1728, qui est des plus curieuses, car elle
renferme des renseignements, qui n'existent nulle autre part, sur la destruc-
tion de la correspondance de vingt ans, et il laisse le soin de publier les
autres à M. de Boislisle, duquel il parle, h propos de l'édition définitive des
Mémoires, avec une conQance égale à celle que j'expi'imais ici l'autre jour,
— T. deL.
Un exemplaire unique des fables de La Fontaine, — M. Feuillet de Couches,
jadis maître des cérémonies du palais impérial et introducteur des ambassa-
deurs, est bien connu- par son goût éclairé pour les autographes et les
raretés; ses Causeries d'un curieux (4 vol. in-8, 1854-67) ont obtenu un légi-
time succès. Il a récemment publié un volume des plus attachants : Souvenirs
de première jeunesse d'un curieux septuagénaire (in-8, xxi et 423 p.). Cent
exemplaires seulement ont été lires « pour distribution privée, » à ce que
nous annonce le frontispice. Il ne sera donc permis qu'à un bien petit
nombre de privilégiés de posséder ce livre, abondant eu informations pi-
quantes sur les savants, sur les littérateurs des vingt-cinq premières années
du siècle. Nuus nous bornerons, aujoui'd'hui du moins, à lui emprunter
quelques détails sur un exemplaire des Fables orné de dessins effectués
dans tous les pays, projet audacieux qui ne pouvait être mené à bonne fin
que grâce à la persévérance enthousiaste de M. Feuillet de Couches et aux
ressources que lui procuraient ses relations diplomatiques. Le gr^nd papier
de l'édition des classiques de Lefebvre fut pris pour base; un autre format
que rin-8 eût rendu le projet d'une exécution à peu près impossible. Des
feuillets furent envoyés dans les principales capitales de l'Europe, d'autres à
la Chine, au Japon, au Caire; des artistes de Patna et de Cachemire four-
nirent des dessins en couleur, où les ciels sont d'or et les eaux d'argent, de
vrais chefs-d'œuvre ; il vint de la Chine de nombreux dessins admirable-
ment réussis et où les mœurs des habitants du Céleste-Einpire se développent
à plaisir, tout en rendant à merveille la pensée du fabuliste. Le Japon se
dislingna; ses dessins sonl exquis et d'un goût charmant. Les plus étranges
de ces illustrations furent celles que l'infatiguable Curieux alla demander à
l'Abyssinie; elles sont d'une sauvagerie qui va jusqu'au grotesque.
~ 376 —
Indiquons les sujets qu'ont abordés de célèbres artistes européens ayant
répondu à l'invitation de M. Feuillet de Conches : Ingres, PhiUmon et
Buucis; Descamps, la Tortue el les deux Canards, et le Dragon à plusieurs
têtes; Orsel, le Vieillard et ses deux Enfants; Horace Vernet^ le Lion et le
Chasseur; M"° Rosa Bonheur, le Loup et le Chien; Sigalon, bémocrite chez les
Abdcritains ; Eugène Delacroix a traité avec une lierté, une colère de plume
inexprimable, h Lion malade et le Renard, le Lion et la Mouche; Charlet,
Granville, les Johannot, Deveria, et bien d'autres.
Parmi les artistes étrangers, nommons Daniel Wilkie, le Satyre et le
Passant; Edwin Landseer, le Lion malade entouré de sa cour; G. Cruikshank,
Un fou et un sage ; Newton Fielding, les Oreilles du lièvre (chef-d'œuvre
d'une plume jeune et légère.) N'omettons pas le célèbre dessinateur Retzsch,
de Dresde, qui, chargé du sujet si connu du Coup de pied de VAne, trouva
que l'Aliboron était trop peu noble : il y substitua un cheval.
Nous en avons dit assez pour montrer quelle est la inchesse du monument
unique en son genre que le Curieux (c'est toujours ainsi qu'il se désigne) a
élevé à la mémoire de l'homme de génie que, dans une lettre, inédite jus-
qu'ici, Chateaubriand appelle sa divinité favorite : « Je ne puis finir quand
« je parle de Jean. Sa réputation, certes, est immense et populaire; eh
« bien! je soutiens qu'on ne le connaît pas encore, et bien peu d'hommes
« savent ce qu'il vaut. »
Lk Droit du seigneur. — Dans le dernier numéro du Polyhiblion (p. 278),
à propos d'une brochure sur le Droit du seigneur, nous avons laissé passer,
par suite d'une regrettable distraction, quelques lignes qui nécessitent une
rectification, et même un acte d'amende honorable. Sans remarquer que la
brochure récemment publiée à Rouen, — et non à Gand comme on l'a im-
primé, — était la réimpression d'une brochure éditée à Gand en 1817,
on a fait un injuste reproche à l'auteur d'avoir négligé des travaux
qui, par le fait, n'ont paru que plusieurs années après sa mort. Il
reste donc acquis que l'étude de J.-J. Raepsaet, telle qu'elle a paru il y
a soixante ans, démontrait déjà victorieusement l'absurdité de l'opinion
qui soutient l'existence légale du droit du seigneur; que les arguments du
savant belge sont en partie les meilleurs qui ont été invoqués après lui;
que c'est un regrettable oubli, de la pai't des érudits français, d'avoir omis
de citer leur devancier, en s'appuyant sur son autorité. — A. de B.
Vente de la Bibliothèque de M. Robert S. Turner. — Le thermomètre
de la bibliomanie monte, monte sans cesse ; il a atteint une hauteur que
personne n'aurait osé prévoir; c'est avec une ardeur sans exemple que
d'opulents amateurs se disputent des livres d'une extrême rareté, des
volumes ayant appartenu à des personnages célèbres, d'anciennes et somp-
tueuses reliures ; cette faveur ne se porte d'ailleurs que sur ce qui est d'une
rareté exceptionnelle, d'une beauté parfaite; les livres ordinaires, en condi-
tion médiocre, n'y ont aucune part.
Un riche Anglais, M. Robert Turner, s'était proposé de réunir les monu-
ments les plus précieux, les pièces les plus rares des diverses littératures
d'Europe ; il s'est trouvé en face de l'encombrement, et il a pris le parti de
livrer aux enchères parisiennes ce qu'il possédait de mieux en livres français,
en y joignant quelques ouvrages latins.
La vente a eu lieu le 12 mars et les quatre jours suivants. Le catalogue
a été rédigé par un libraire fort instruit, M. Adolphe Labitte, en possession
. de procéder à ces ventes; ce catalogue comprend 774 numéros^ et il ren-
— 377 —
ferme quelques noies offrant sur certains ouvrages rares des détails nouveaux
et intéressants (voir n" 361, 439, 611, etc,). Plus de 60 articles ont dépassé
le prix de 1,000 fr. Nous allons indiquer les plus remarquables de ces adju-
dications, en mentionnant parfois les prix auxquels ces mêmes exemplaires
avaient été cédés dans des ventes précédentes : rien n'atteste mieux la hausse
énorme qui s'est produite sur les livres précieux.
Bihlia sacra. Parisiis, 1666, in-i, riche reliure ancienne, o,600 fr. —
Psautier de David. Paris, 1586, in-4. Exemplaire, richement relié, d'un de
ces livres que Henri III faisait imprimer pour sa chapelle et pour l'usage de
sa cour, 6,000 fr, — Le Nouveau Testament. Mous, 1667, 2 vol. in-8 (impres-
sion elzévirienne), 1,430 fr. — • Historiarum veteris mstrumetiti icônes.
Lugduni, 1338, in-4 (volume recherché à cause des 92 gravures d'Holbein),
3,000 fr. — Annotationes Jacobi Lopidis conira Erasmiim. 1319, in-fol.
Exempl. de Grolier, le plus célèbre des bibliophiles du seizième siècle,
3,000 fr. — Response au livre public par Vivcsquc d'Evrcux. Saumur, 1602,
in-4. Exempl. de l'auteur Duplessis-Mornay, avec huit vers autographes,
2,000 fr. — Dialogues de Bernardin OcJiin touchant le purgatoire (Genève),
1559, in-8, l,o00 fr. Exempl. adjugé à 16 fr., vente Mac Carthy, en 1816,
et 142 fr. Solar, en 1861. — Essais de Montaigne. Bonrdeaux. 1380. Édition
originale, 1,300 fr. — Politique tirée des propres paroles de l'Écriture sainte,
parBossuet. Paris, 1709, in-4. Très-bel exempl. aux armes du duc du Maine,
2,300 fr. — De gli habiti antichi et moderni... fatti da Cesare Vecellio. Venetia,
1590, in-8. 2,480 fr. — Suite d'estampes pour servir à l'histoire des mœurs et
des costumes des Français. Paris, 1776-1789, in-fol. (38 estampes : 12 par
Frendenberg, 26 par Moreau), 3.300 fr. — Horatius. Londini, 1733-1737,
2 vol. in-8. Très-belle reliure de Derome, 5,000 fr. — Le Boman de la Base
s. l. ni d. (Lyon, vers 1483). In-fol., 2,800 fr. Exempl. d'IIeber, 8 1. st. en
1836, mais relié depuis; un exempl. de cette édition n'avait pas dépassé
7 fr. 20 en 1784; \\n autre, relié en mar., 170 fr., vente Cailhava. — Le
Roman de la Rose. Paris, 1329, pet. in-8, 1,000 fr. Exempl. Giraud, 299 fr.,
et Solar, 335 fr. — OEuvres de Guillaume Coquillart. Paris, 1329, pet. in-8,
5,450 fr.; ce même exempl., 18 fr., La Vallière, en 1784, et SlOfr., Renouard,
en 1833, prix qui avait alors paru fort élevé. — Le Champion des dames (par
Martin Franc), s. 1. ni d. (Lyon, vers 1483), in-fol.. 2,900 fr. (Poëme fort
ennuyeux à la louange des femmes.) — Le Temple Jehan Doccace, de la ruine
d'aulcuns nobles malheureux. Paris, 1317, in-folio, 4,000. — Les premières
œuvres de Philippe des Portes. Paris, 1600, in-8, très-belle reliure. Exempl.
de l'auteur et à son chiffre, 3,503 fr. — Fables de la Fontaine. Paris, 1677-
1694, 5 vol. in-12 (la seule édition complète publiée par l'immortel fabuliste).
Fort bel exempl., 11,930 fr. {Onze mille neuf cent cinquante!) — Recueil des
plus beaux airs, accompagnés de chansons à danser. Caen, 1615, pet. in-12,
3,000 fr. Le Manuel du Libraire cite deux adjudications de ce recueil com-
plet, 70 et 201 fr. — Orlando furioso. Bii^mingham, 1773, 4 vol. in-4, 2,700 fr,
— Oronte gigantc. Vinegia, 1331, in-4. Édition unique de cette épopée che-
valeresque. Exempl. de Henri II et de Diane de Poitiers, 4,400 fr. — Plautus.
Lugd. Batav., 1664, 2 vol. in-S. Exempl. avec la Toison d'or, emblème adopté
par Longepierrc, auteur d'une tragédie de Médée, fort oubliée de nos jours,
2,500 fr. — Le Mystère des Actes des Apostres. Paris, -]o37, in-fol., 3,000 fr.
-- OEuvres de Molière. Paris, 1739. 8 vol. in-12, 3,000 fr. Une jolie reliure de
Derome, en maroquin vert, est le motif de ce prix énorme. Ce même exempl.
avait été adjugé 181 fr., vente Duriez, en 1826, et 169 fr., Pixerécourt, en
— 378 —
1839. — Daphnis et Chloé. 1718, pet. in-8, 2,130 fr. — Méliadus de Leonnoys.
Paris, 1339, in-fol., 2,000 fr. (payé 600 fr. à la vente Giraud). — Faits et
prouesses du noble chevalier Jason (sans lieu, ni date), in-fol.. 7,600 fr. (On
ne connaît que trois autres exempl. de ce volume. Voir la note n" 339 du
catalogue.) — OEuvres de Rabelais. Paris, 15o3, in-i6 (la première édition
qui comprend les quatre livres), 3,000 fr. Le Manuel n'indique aucune adju-
dication. — Nouvelles rlxriations de Bonaventure Despériers. Paris, loSS, pet.
in-4, 3,000 fr. Un exempl. relié en maroquin avait été payé 260 fr., Solar,
en 1801. — Ciceronis Opéra. Amstelodami, apud Elzevirios, 1661, 2 vol. in-4.
Très-bel exempl., 3,900 fr. (à cause de la reliure). — Le Livre appelé Man-
deville. Lyon, 1480, in-fol., 6,230 fr. (Voir la note du catalogue, n° 6U.) Cet
exempl. avait été adjugé à 36 fr. à la vente du duc «le La Vallière, en 1783,
mais il avait reçu depuis une riche reliure. — La Mer des Idsloires. Paris,
1588, in-fol., 2,800 fr. — Discours sur l'Histoire naticrelle, Y>a.r Bossuet, 1680,
in-4. Édition originale; très-bel exempl. aux armes du chancelier Le Tellier,
6,400 fr. — Histoire des variations, par Bossuet, 1688, 2 vol. in-4. 1,830 fr.
— Chroniques de Monslrelet. Paris, s. d., 2 vol. in-fol., 3,230 fr. Cet exempl.
avait deux fois été adjugé à Londres, 8 1. st.; 12, Roxburghe en 1812; 22 1.
st. 10, Heber en 1830. — La Chronique du roy Louis unziesme. Paris, 1538,
in-8, 2,630 fr. (Exempl. du président de Thou.) — Recueil des portraits et
éloges, par M"' de Montpensier. Paris, 1639. Exempl. aux armes de Made-
moiselle; ancienne reliure, 14,000 fr. [Quatorze mille francs!)
M. Taine et la Revue politique et littéraire. — Dans son nouveau volume
sur les Origines de la France contemporaine^ M. Taine a prouvé par les faits
l'enchaînement logique qui lie 89 à 93 : la Révolution, toujours identique
à elle-même, sous prétexte de réformer la société, en a dissout tous les
liens. M. Gazier est choqué de ce résultat : aux faits, il prétend opposer les
faits, qu'il va chercher dans des rapports officiels adressés à l'évêque consti-
tutionnel Grégoire. On ne pouvait être plus heureux : le goût bien connu
de M. Gazier pour le caractère apostolique du prélat régicide lui a fait pu-
blier un document irrécusable sur V enthousiasme évident qu'in«pirait aux
paysans le nouvel ordre de choses. On trouvera cette pièce jusqu'ici inédite
à.a.ns \di Revue politique et littéraire du 30 mars 1878. — J.-A. B.
L'Annuatre DE l'économie SOCIALE. — Organe de l'école qui s'inspire de la
méthode et des travaux de l'éminent auteur de la réforme sociale, M. Le Play,
l'Annuaire de l'économie sociale (qui paraît tous les trois mois, Paris,
Dentu, 5 francs par an) continue, sous une forme agrandie, ceux de 1873 et
de 1876 Nous en parlerons prochrunement avec plus de détails, quand la suite
aura paru. Bornons-nous à signaler aujourd'hui un travail sur les livres de
raison des famil es florentines au treizième siècle, dû à notre sympathique
collaborateur M.deRibbe; d'intére-isants documents sur la crise des chemins
de fer en Amérique, communiqués par M. Jacqmin, directeur de la Compa-
gnie de l'Est ; de curieux détails fournis par M. A. Delor sur une corpora-
tion du moyeu âge, celle des bouchers, qui subsiste encore à Limoges; etc.
La Science politique. — Sous ce titre, M. Emile Accollis vient de faire
paraître, le 1"='' avr.l 1878, une nouvelle revue :1e nom de l'éditeur enindique
assez les tendances. Ce recueil, suivant nous, vient à son heure : il ne faut
pas s'en effrayer. On y verra une fois de plus les conséquences du principe
libéral : plus logique et peut-èlre plus franc que les libéraux, M. AccoUas
pousse ces conséquences jusqu'au radicalisme. On ne peut mieux faire voir
— 379 —
la fausseté du point de départ. Nous accueillons en adversaires, mai? sans
animosité, une publication qui déclare « avoir à cœur de ne jamais quitter
lesi'égions de la science, d'en parler toujours le langage, d'en observer tou-
jours la dignité. » — J.-A-B.
— La Revue de Champagne et de Brie a donné, sur une question toute d'ac-
tualité, un intéressant et savant travail de M. Albert Babeau : Le Recrutement
de l'armée territoriale sous l'ancien régime, étude sur la milice dans la Cham-
pagne mcridionale (Paris, Menu, 1877, in-8 de 47 p.), dont il a été fait un
tirage à part. S'appuyant presque toujours sur des pièces tirées des archives
de l'Aube, l'auteur traite successivement de l'institution des n.ilices, du recen-
sement, des exemptions, du tirage au sort, des réformés, des fuyards et des
substitués, du service et de sa durée, des uniformes et des armes, des régi-
ments de milice de Champagne et de la suppression des milices. Il donne
l'état des tirages de 1778 à 1787 et beaucoup de renseignements curieux et
précieux sur l'ancienne organisation militaire.
— La Société géologique de Normandie se propose de publier un grand
ouvrage donnant la description de la belle collection réunie l'année dernière
par ses soins à l'occasion du Congrès de l'association française pour l'avan-
cement des sciences, qui s'est tenu au Havre. Elle s'est assurée de la col-
laboration de MM. de Saporta, Cotteau, Hamy, Gaudry, de Fromentel,
Gaston de Tromelin, etc.
— A partir du mois de janvier 1878, la Revue de l'art chrétien, dirigée
depuis vingt et un ans par M. le chanoine J. Corblet, est devenue l'organe
de la Société de Saint-Jean pour l'encouragement dans l'art chrétien. Le
premier numéro de cette nouvelle série compte parmi ses rédacteurs :
MM. Félix Clément, l'abbé Davin, l'abbé Giraud, l'abbé J. Corblet, le Père
Germer Durand, Ch. de Linas, Mgr Barbier de Montault, le comte E. de Bar-
thélémy, l'abbé R. Charles, le duc de Brissac, le R. P. Martinov, etc., etc.
— M. Frédéric Mistral entreprend la publication de Lou trésor dou Felibrîge
ou Dictionnaire provençal- français, embrassant les divers dialectes de la
langue d'oc et contenant tous les mots usités dms le Midi de la France, avec
leur signification française, les acceptions au propre et au figuré, les aug-
mentatifs et diminutifs, et un grand nombre d'exemples et de citations
d'auteurs; — Les variétés dialectales et archaïques à côté de chaque mot,
avec les similaires des diverses langues romanes; — Les radicaux, les
formes bas-latines et les étymologies; — La synonymie de tous les mots
dans leurs divers sens; — Le tableau comparatif des verbes auxiliaires
dans les principaux dialectes; — Les paradigmes des verbes réguliers, la
conjugaison des verbes irréguliers et b^s emplois grammaticaux rie chaque
vocable; — Les expressions techniques de l'agriculture, de la marine et de
tous les arts et métiers; — Les termes populaires de l'histoire naturelle,
avec leur traduction scientifique; — La nomenclature géographique des
villes, villages, quartiers, rivières et montagnes du Midi, avec les diverses
formes anciennes et modernes; — Les dénominations et sobriquets parti-
culiers aux habitanis-de chaque localité ; — Les noms propres historiques
et les noms de famille méridionaux; — La collection complète des pro-
verbes, dictons, énigmes, idiotismes, loculiois et formules populares; —
Des explications sur les coulumes, usages, mœurs, institutions, traditions et
croyances des provinces méridien îles; — Des notions biographiques, biblio-
graphiques et historiques sur la plupart des célébrités, des livres ou des
faits appartenant au Midi. Ce dictionnaire formera 2 grands volumes in-4. Il
— 380 —
est publié par souscription, à 2 fr. la livraison de 5 feuilles impiimées sur
trois colonnes. Le nombre de livraisons s'élèvera de 40 à 43 environ. Les
souscriptions doivent être adressées à l'auteur, à Maillane, par Graveson
(Bouches-du-Rhône) .
— La France ecclésiastique, almanach du clergé pour l'an de grâce 1878, vient
de paraître (Paris, Pion, iri-18 de 800 p. 4 fr.), c'est sa vingt-huitième année.
Elle donne comme toujours l'état du ministère de la juslice, de la cour ro-
maine (c'est encore Pie iX) et du clergé français par ordre de diocèse avec
l'indication de toutes les communautés religieuses qui y ont des établisse-
ments et (les notices nécrologiques sur les quatorze prélats français morts
dans le courant de l'année. Oa n'y trouve rien sur les aumôniers militaires,
malgré l'annonce de la couverture.
— M. Zotenberg, de la Bibliothèque nationale, vient de terminer le ca- "
talogue des manuscrits éthiopiens, faisant partie du catalogue des manuscrits
orientaux de la Bibliothèque nationale. Ce fonds comprend aujourd'hui
170 volumes; le catalogue de 1739 n'en comptait que sept. 11 n'existe
que deux collections plus considérables ; celle du Britisli Muséum, riche de
420 volumes, et celle de M. d'Abbidie, qui en comprend 234.
— M. Ulysse Robert vient de publier l'inventaire des cartulaires conservés
dans les bibliothèques de Paris et aux archives nationales.
— Le Congrès des États-Unis fait dresser en ce moment la table de sa
collection de Stale papers, qui sera imprimée dès qu'elle sera achevée. La Bi-
bliothèque du Congrès, qui est la Bibliothèque nationale, comptait, en 1877,
331,118 volumes, dont 39,700 de jurisprudence et 1 10,000 brochures.
— Il paraît à Madrid un livre intéressant ; c'est le glossaire des mots ibé-
riques et latins usités par les Mozarabes, précédé d'une étude sur le dialecte
hispano-mozarabe, par Don Francisco-Xavier Simonet. Cet ouvrage a été
couronné au concours de la Royale Académie espagnole aux frais de laquelle
il est publié.
— Le Petit romancero, traduit par le comte de Puymaigre et publié par !a
Société Bibliographique, si bien accueilli en France, a été, en Espagne, le
sujet de deux articles trés-flatteurs, l'un du savant Milà y Fontanals, dans la
Revistahistorica, n'XLl, l'autre de M. Balaguery Merino dans la revue cata-
lane la Renaixensa (13 février). En Italie, M. S. Marino a également fait le
meilleur accueil à ce livre dans les Nuove effcmeridi siciliane.
— La Rcvista liistorica parle d'un livre qui doit être intéressant; il a pour
titre Costumes et armes des Espagnols depuis les temps préhistoriques jusqu'à
nos jours, et pour auteur Francisco Danvilay Cellado.
— D. Aureliano FernandezGuerra y Orbe a publié un opuscule intitulé ;
Don Rodrigo et la Cava où il démontre, ce dont on se doutait, du reste, la
fausseté d.^ la légende relative aux fatales amours du dernier roi goth.
— L'éditeur bien connu d'Orléans, M. Herluison, annonce une nouvelle
édition du Roman de la rose. Ce qui la distinguera des précédentes,c'est qu'elle
offrira une traduction en vers français octosyllabiques du vieux poëme.
Cette publication sera de plus précédée d'une introduction de notices et
suivie d'un glossaire, le tout par M. Pierre Marteau. L'ouvrage formera 4 à
3 volumes in-12.
— Il a été plusieurs fois question de Mélusine dans le Poli/biblion soit dans
les Questions et 7^éponses, so'ûàa.ns la Chronique. Cette légende existe aussi à
Ile'lering, dans l'ancien département de la Moselle. Un jeune archéolog^e,
.M. Raymond Dupriez en a fait le sujet d'une brochure récemment pubUée
— 381 —
{Légendes des princesses Mélusine et Mazurine, Metz, 1877, imprimerie Thomas,
in-12 de 10 pages).
— Sous le titre : Eminencias contemporaneas, M. Marti Falguera a pviblié un
volume contenant les biographies de Victor Hugo, Fortiiny, Rosales et Verdi.
— Nous avions vu disparaître avec regret un excellent recueil italien spé-
cialement destiné aux langues romanes \aRivista di Filologia romanza. Nous
saluons avec joie le Giornale di Filologia romanza qui lui succède sous la même
direction, celle de M. Monaci. Le numéro de janvier contient d'intéressants
articles, entre autres, des extraits d'un recueil de fables, donné par P. Rajna.
Le fascicule est terminé par une revue bibliographique détaillée.
— La Ciencia cristiana de Midrid (n" du 29 mars) continue l'étude de la
question de Galilée, en s'aidant surtout du travail de notre collaborateur
M. de l'Épinois.
— Signalons, dans le n° de février de la Revue des langues romanes, les
poésies inédiles anciennes dues à des poêles catalans publiées par M. Milà
y Fontanals. Le numéro précédent contient, entre autres articles, dans sa
partie bibliographique, un examen du. Bréviaire d'amour et un article sur la
Poésie provençale en Castille, de Victor Balaguer.
— M. Robert Reboul va publier les Anonymes, pseudomynes et supercheries
littéraires de la Provence ancienne et moderne.
— Nous venons de recevoir les deux premiers numéros d'une nouvelle
revue mensuelle : Y Ami du soldai, organe de l'œuvre de Notre-Dame-des-
Soldats, qui se publie à Paris, sous la direction de M. Stéphane Dubois,
39, avenue de Ségur.
— Il vient de paraître à la librairie Claudin, un volume d'un vif intérêt, et
àoni \e Polybiblion pd.v\QVdL bientôt plus en détail. Ce beau livre est inti-
tulé : La Famille de Jeanne d'Arc, documents inédits, généalogie, lettres de
J. Hordal et de A. du Lys à Ch. du Lys, publiées pour la première fois par
E. de Bouteiller et G. de Braux (in-8 de 295 p.). La publication de ce volume
coïncide avec un mouvement très-remarquable qui se produit aux environs
de Vaucouleurs. Il se fonde une société pour mettre en honneur, sur une
vaste échelle, tous les souvenirs de Jeanne d'Arc. On a commencé par acheter
la maison que le sire de Baudricourt habitait à Vaucouleiirs. Des projets de
même genre s'étendent à tous les lieux où Jeanne d'Arc a laissé trace de son
passage. On compte enfin créer un musée-bibliothèque, où seront réunies
toutes les œuvres inspirées par la glorieuse Pucelle. On s'occupe en ce mo-
ment de recueillir des souscriptions de fondateur à cent francs. Nous repar-
lerons de cette association.
— La Députation vénitienne pour les études de l'histoire de la patrie,
vient de voter la réimpression du Journal de Marina Sanudo, si important
pour l'histoire de l'Europe au seizième siècle. Il comprend o8 volumes in-
folio, et va de 1496 à 1333. Cette réimpression mérite l'attention et l'appui
de tous ceux qui s'intéressent aux études historiques.
— Le quatrième volume des discours de Pie IX, recueillis par le R. P. de
Franciscis, va paraître ce mois-ci en italien.
— M. Charles Jourdain vient de publier une notice sur la taxe des loge-
ments dans les Universités de Paris.
— La publication de l'Annuaire du bureau des longitudes, depuis la
mort de M. Mathieu, est dirigée par M. Lœwy, de l'Académie des sciences. Le
volume de 1878 est augmenté d'une partie géographique et statistique de
près de 200 pages, due à M. Levasseur.
— 382 —
— Les mémoires du prince de Metternich vont être publiés simultanément
en français, en anglais et en allemand.
— Le tome V du Corpus inscripLinaum latinanim, écrit sous les auspices
de l'Académie de Prusse, a été complété par les Inscripliones Galliœ-Cualpinx
publication qui renferme les inscriptions delà IXo et de la XI* régions, cor-
respondant au Piémont et à la Lombardie.
— Un savant celtophile, M. J. Molloy, va publier à Dublin la 1" partie d'un
dictionnaire des mots importants de l'idiome irlandais recueillis dans sa
Grammaire celtique. 11 fait appel aux amateurs de ce genre d'études dans
toute l'Europe pour l'aider, par leurs souscriptions, à poursuivre une publi-
cation siimporlante pour la reconstruction de cette langue disparue.
— M. Thomas Arnold va publier à Londres un calalogue de sa riche col-
lection d'ouvrages sur le Tabac, son usage, sa culture, sa préparation, etc.
Ce catalogue comprendra plus de 500 numéros.
Publications nouvelles. — Les Psaumes, par l'abbé Doublet (t. lil, in-8,
Bei'che et Tralin). — Manuale pastorum, par l'abbé Postel (ia-32, Lethielleux).
— Éléments de droit civil russe, par E. Lehr (in-8, Pion). — Leçons de législa-
tion usuelle, par H. Viel-Lamare (iii-12, Dejey). — De l'essence des passions,
par Eug. Maillet (in-8, Hachette). — Le bon sens dans les doctrines morales et
politiques, par A. Clément (2 vol. in-8, Guillaumin). — Introduction à l'étude
de Véronomie politique, par H. Dameth (iri-8, Guillaumin). — Botanique pour
tous, par M"* J. Le Breton (in-8, Rothschild). — Le Lait, lacrême et le beurre,
par C. Husson (in-12, P. Asselin). — Du vin, ses propriétés, sa composition,
sa préparation, par C. Husson, (in-12, P. Asselin). — La Vie, études et pro-
blèmes de biologie générale, par E. Chauffard (in-8, J.-B. Baillière). — Notions
pratiques d'hygiène populaire, parle D' L. Picqué (in-12, Dejey). —La Sculp-
ture au salon de 1877, par Henri Jouin (in-8, Pion). — Mémoires de Ch. Per^
rault, par Paul Lacroix (in-12, librairie des Bibliophiles). — Le Vieux-Neuf,
par Ed. Fournier (3 vol. in-18, Dentu). — L'Année scientifique et industrielle,
par Louis Figuier (in- J 8, Hachette). — V Année géographique 1876, par C.
Maunoir et C. Duveyrier (in-18, Hachette). — Dictionnaire de l'Académie
/■ra?ipflùe,Institut de France, nouv.édit. (2vol. in-4,Didot). le iîo/anddeTirîMie,
par Marc Monnier (in-8, Sandoz et Fischbacher). — L'Art de lire et d'écouter,
par Léon Bénard (2 vol. in-12. Picard). — Uiiavres poétiques, par Louis
Veuillot (in-12. Palmé). — Le Filleul d'un marquis, par André Theuriet (in-
18, Charpentier). — La Ferme du majorât, par H. Audcval (in-12, Lecoffre).
— Du grave au doux, par Paul Collin (in-12, Hachette). — Les premiers et les
derniers, par M"" Bourdon (in-12, Allard). — Lettres de la marquise du Châte-
let, par Eugène Asse (in-18, Charpentier). — Histoire de Montesquieu, sa vie
et ses œuvres, par Louis Vian (in-8, Didier). — Vie et mort du génie grec, par
Edg. Quinet (in-8, Dentu). — Le Sénat de la République romaine, t. I" La
Composition du Sénat, par P. Willems (in-8, Louvain,Peeters; Paris, Durand).
— L'Age de pierre dans les souvenirs et superstitions populaires, par E. Car-
tailhac (in-8, C. Reiuwald). — Nouveaux éloges historiques, par Mignet (in-12,
Didier). — Sainte Monique, modèle et patronne des mères chrétiennes, par
l'abbé A. Legoupil (in-12, Tours, Cattier; Paris, Larcher). —Lan franc, arche-
vêque de Cantorbéry, sa vie, so)i enseignement, sa politique, par J. de Crozals
(in-8, Sandoz-Fischbacher) . — Le Pénitent breton Pierre de Kériolet, par
Hipp. Le Gouvello (in-12, Bray etRetaux), — La Chapelle Sain t-Julien des Mé-
nestriers et les ménestrels à Paris, par A. Vidal (in-4, Quantin). — Jean de
Vienne, amiral de France, par le marquis de Loray (in-8, librairie de la Soc.
Bibl.). — Histoire de la Révolution, tome HL par Emmanuel de Saint-Albin
— ■383 —
(Dibl à 25 cent.). — Louis XVII, par Maxime de la Rocheterie [Bibl. à 25
cent.) — Essai sur l'Églixe anglicane, par l'abbé F. Ségondy (in-8, A. Roger
et Chernovicz). — La Vie de province en Grèce, par le baron d'Estoiiville
de Constant (in-18, Hachette\ — Vicier -Emmanuel, sa vie, sa mort, par le
comte d'ideville (in-12, Palmé). — La Captivita de Pie IX, par Alexmdre
de Saint-Albin (in 8, Palmé). — L'Église et la civilisation, par son Em. le
cardinal Pecci (in-8, Palmé). — Le Pape Léon XIII, par l'abbé Ant. Ricard
(in-12. Palmé). — Le Pape Léon XIII, notice biographique (in-32, Lyon Jds-
serandU — Pie IX, sa vie, son histoire, so7i siècle, 6e édition revue et complé-
tée jusques et y compris la mort de Pie IX, par Villefranche (in-8, Lyon,
Josscrand). — La Franc-Maçonnerie, par Mgr Besson (in-18, Bray). — Notice
historique sur l'associatio?i des Dames de la Miséricorde de Chalon-sur-Saône
1638-1877, avec documents inédits sur V assistance publique à Chdlon depuis
1466, par Henri Batault (in-8, CbâIon-sur-Saône, Mulcey). — Documents
relatifs à la fondation du monastère des bénédictines de la Paix-Notre-Dame à
Namur, par J. Barbier, curé de Liernu (in-8, de 64 p., Louvain, typ. Ch.
Peeters). — L'Enseignement des grands séminaires . Examen du rapport de
M. Guichard sur le budget des cultes (in-8, Paris, Palmé). — L'Ami Pierre,
par M" Edouard de Lalaing (in-8, Lefort"). — Le Théâtre en Angleterre depuis
la conquête jusqu'aux prédécesseurs de Shakespeare, par Jules Jusserand (in-8,
Hachette), — Tout le monde croit aux miracles, par le comte de Champagny
(br. in-18, Bray et Retaux). — Les Bienfaits dudimanche parF.-J. d'Ezerville
(in-18, Paris, Hatonl. — Les Désordres du lundi., par F.-J. d'Ezerville (in-18,
Paris, Haton). — Notes et documents sur l'état de V instruction en Suisse, par
Henri Maguin, (in-8, Paris, Delagrave). Vise.not.
QUESTIONS ET RÉPONSES
QUESTIONS.
IVotice sur A.iitoine de
Govéa. — M. Exupère Caillemer,
dans son Etude sur Antoine de Govéa
(1505-1566), publiée en 1864 (Paris et
Caen, brochure in-8 de 46 p.), disait
(p. 7, note 3) : « Aucun travail spé-
cial n'a été consacré à notre juris-
consulte par son pays natal. Mais
nous sommes heureux d'annoncer,
et nous croyons pouvoir le faire sans
indiscrétion, que M. Jordao prépare
pour l'Académie des sciences de Lis-
bonne une notice destinée à combler
cette lacune. » Je voudrais bien sa-
voir si M. le commandeur Levy-
Maria Jordao, « membre du Conseil
du roi très-fidèle et avocat général
à la Cour de cassation de Portugal, »
a publié le travail qu'il préparait
déjà il y plus de treize ans, et où et
quand il l'a publié. M. J. Quicherat
n'a pas cité ce travail dans les pages
de son Histoire de Sainte-Barbe, où
il parle si bien d'Antoine de Govéa,
qu'il appelle Gouvéa (t. l", 1860,
p. 131-134). T. deL.
Feu M. ï*. Clément et
OndedLeï. — On lit dans la note 6
de la page 287 du tome V' des
OEuvres du cardinal de Retz (édition
Hachette, 1862) : « Joseph Zongo
Ondedeï, l'un des confidents et des
auxiliaires les plus actifs de Mazarin
pendant la Fronde. Il fut nommé,
en 1654, évèque deFréjus, et mourut
en 1674. M. L. Clément va prochai-
nement nous faire bien connaître
cet agent de la politique du cardinal-
ministre, dans un volume intitulé :
Zongo Ondedeï. » M. Clément étant
mort sans avoir publié un volume
qui aurait été des plus curieux, je
demande si du moins le manuscrit
384 —
existe, et si nous pouvons avoir quel-
que espérance de le voir, un jour,
imprimé par quelque parent ou a:i)i
du savant académicien. T. de L.
Les Méniniref^ du baron de
Ooi'des. — Herli'and-Rairabaud de
Simiane, baron de Gordes, chevalier
des ordres du roi, lieuten:int gi'né-
ral au gouvernement du Daupiiiné,
un des plus vaillants capitaines du
seizième siècle, avait laissé des mé-
moires dont Nicolas Cliorier s'est
servi dans son Ilisloire du Uauphinc
(li)GI-l()72,2 vol. in-fol.). Pourrait-
on me dire si le précieux manuscrit
existe encore?
Campagnes du Piémont.
— Pourrait-on me renseigner sur
un ouvrage qui porte ce titre :
Campagnes du Piémont (1744-l74o).
Notes, récit cl diansotis du temps, par
Gillc Badin, dit Condé, soldat du
régiment de Conti ?
Rome, 8 mars.
FUANCESCO SaBATIM.
Le I»ay» d'Andorre. —
Quelles publications à co.-îsulier sur
le Pays d'Andorre, son gouvnrnemeQt
et ses institutions? G. B.
Sur le mot brillante. —
M. Chésurollfs attribue au cardinal
de Bernis {Biographie universelle, der-
nière édil., t. IV, l6oi, p. 87, note 1)
l'iniroduction dans la langue du mot
brillante, auquel l'Académie a ac-
cordé droit de bourgeoisie <n 1835.
M. Littré ne dit rien d'une semblable
origine, ne citant que Mirabeau au
sujet de ce néologisme. Que doit-on
ci-oire? T. de U.
Dictionnaire des synony-
mes.—Ou demande quel est le meil-
leur dictionnaire des synonymes fran-
çais,pouvant servir le "plus utilement
dans la traduction d'un ouvrage alle-
mand d'un style très-relevé.
DoM Gérard vax C, o. s. b.
RÉPONSES.
Traduction de ïaBîble (XXH,
28')). — On tient, je crois, en médio-
cre estime la publication de M. de
Genoude (1821-2i, 23 vol. in-8); la
version de l'abbé Delaunay (18oG,
;i vol. in-8) s'annonce comme faite
d'après le latin; celle de M. l'abbé
Jager ne remonte pas assez aux
sources. Un travail sérieux, celui de
M. Cohen (20 vol. in-8), serre le texte
de plus près; il présnnte une version
française en regard du texte hébreu.
Quant à un commentaire sur la
Bible profitant des immenses travaux
accomplis à l'étranger, il n'existe
pas, et ce serait une œuvre gigan-
tesque et des plus difficiles. Il faudrait
consulter, mais avec circonspection,
les grands travaux des Allemands,
njtammentle grand ouvrage de Ro-
senmueller (Lipsix, 17S8-183o, 23
vol. in-8), véritable trésor d'érudi-
tion, dont l'existence est à peine
soupçonnée en France. B. C
Un Sol marqué (X.XII, 286K —
Un sol marqué était une très-petite
monnaie de billon, où un peu d argent
était mêlé au cuivre ; sa valeur était
de 30 deniers, ou deux sous et demi.
Le sou valait 12 deniers. Cette
monnaie, au lieu d'être plate comme
les autres, était tordue avec une
pince et relevée d'un côté; elle ne
pouvait pas se tenir en pile. J'en ai
vu circuler dans mon enfance ; je me
rappelle surtout d'en avoir vu em-
ployer à détacher les œufs de vers à
soie des étolfes de laine où ils étaient
pondus, étant très-minces, sans être
tranchants, et grâce au côté relevé
qui donnait prise cela passait pour
le meilleur ràcloir. Il doit se trouver
beaucoup de ces petites monnaies
phez les collectionneurs de vieux sous.
Un livre du ï*. Coyssard.
(XXII, 95). — L'ouvrage en question
ne se trouve pas à la Bibl. nationale.
Je m'en suis assuré. On y trouve un
autre ouvrage sur Vassivière : Récit
véritable de quelques miracles dcN.-D.
de Vassiviére,envoyés de divers endroits
à Lyon au P. Michel Coyssard... l'an
1610 et 1617, (s. 1. n. d.) in-8.
A. F.,
employé à la Bibl. nationale.
La Bibliothèque des écrivains de la
Compagjiie de Jésus ne mentionne que
l'ouvrage signalé par M. A. F.
R.
Le Gérant : L. Sandret.
Saint-Quentin. — Imprimerie Jules Moureau.
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
OUVRAGES D'INSTRUCTION RELIGIEUSE
ET DE PIÉTÉ
La Vie chrétienne : lectures pour les familles et instructions pour les paroisses, par l^tbé
Berseaux, ancien professeur de théologie. Paris (Bibliothèque ecclésiastique, avenue
d'Orléans, 32), 1877, 2 vol. in-12 de 400, 428 p. Prix : 5 fr. — Vie et OEuvres spiri-
tuelles de l'admirable docteur mystique le B. Père S. Jean-de-la-Croix, premier carme
déchaussé et coopérateur de la scraphique Mère sainte Thérèse de Jésus dans la fondation
de la réforme de Notre-Dame du Mont-Carmel : traduction nouvelle, faite sur l'édition
de Sévilie de 1702 et publiée par les soins des Carmélites de Paris; introduction
par le R. P. Chocarne; édition ornée de trois gravures sur acier. Paris, Douniol,
1877, 1 vol. in-12 de XXXil-520 p. Prix : 4 fr. — La Vie de Notre-Seigneur,
par G.-J. IIuRDERiSE, curé de Louveigné, ancien professeur au collège Marie-Thé-
rèse. 4' édition. Bruxelles, Goemare; Paris, Bray et Retaux (sans millésime), in-l'i
de Xll-352 p. Prix : 2 fr. — Les premiers convertis au christianisme, par M. l'abbé
A. Laurent, docteur en théologie. Lyon, Vitte et Lutrin; Paris. Bloud et Barrai,
1877, in-8 de 334 p. Prix: 3 fr. —Ln Missionnaire du jour de la première commu-
nion, renfermant 6!) instructions ou allocutions nouvelles, applicables à toutes les
circonstances de ce grand jour, par M. l'abbé IIéuekt, chanoine honoraire de Mont-
pellier. Paris, Martin neveu et Audier, 1877. gr. in-8 de 2G8 p, Prix : 3 fr. 50. —
Les Gloires du Sacré-Cœur, par S. Em. le cardinal H. -E. MaNMNG, archevêque de
"Westminster, traduit de l'anglais par l'abbé A. Goemaere, avec l'autorisation de
l'auteur. Bruxelles, Goemaere; Paris, Bray et Retaux, 1877, in-12 de 314 p. Prix:
2 fr. fiO. — Esther ou quelques mots sur ïe mystère de la B, Vierge Marie, pouvaiit
servir de méditations pour le Mois de Marie, par l'abbé PiCUS, missionnaire aposto-
lique, ancien professeur de théologie. Rome, imprimerie de la Propagande, 1875, in-
12 de 10-6J6 p. Prix : 3 fr. (au profit du Denier de saint Pierre).— Weures de tristesse
et d^espérance, Entreliens sur ta vie et sur la douleur, par M. l'abbé DE Bellune,
secrétaire de Usr l'archevêque de Tours. Seconde édition. Tours, Cattier; Paris,
Larcher, 1877, in-18 oblong de 364 p. Prix : 3 fr. — Tratado de la iribulacion,
compuesto por il P. Pedro de Riuadeneira. Madrid, imprenta y fundicion de
M. Tello, 1877, in-12 de 432 p. Prix : 4 fr. 50, franc de port. — Les Anges dans la
tradition catholique, par le P. Bertin Hermans, de l'ordre des Fr. Mineurs-Récollets.
Bruxelles, Goemaere ; Paris, Bray et Retaux, 1877, in-12 de 244 p. Prix : 1 fr. '5.—
Le Livre unique des fidèles, par l'abbé Peyre. Seconde édition. Paris. Allard (sans mil-
lésime), in-18 de 868 p. Prix : 5 fr, — Les Excellences du sainl Cœur de Marie, par
le P. PinamOnti, de la Compagnie de Jésus. Bruxelles, .\lfred Vromant, 1877, in-18
de 200 p. Prix : 1 fr. — Soumission du chrétien aux arrêts de la Providence, par le R.
P. Antoine Touron, de l'ordre de Saint-Dominique. Bruxelles, même maison, 1877,
in-18 de 128 p. Prix : 1 fr. — Les secrets desseins de la Providence, par leR. P.
Antoine Touron. Bruxelles, même maison, 1877, in-18 de 111 p. Prix : 75 cent. —
Pratique delà dévotion au sacré Cœur de Jésus, extraite de divers auteurs. Bruxelles,
Alfred Vromant, 1877, in-18 de 136 p. Prix : 75 cent. — De la paix intérieure ouïe
sentier du paradis, par le P. Lairent ScupOLI. Bruxelles, Vromant, 1877, in-18 de
56 p. Prix : 40 cent. — Avantages de la charité envers les dmes du purgatoire, par
le P. Jacques Mumford. Bruxelles, même maison, 1876; in-18 de 84 p. Prix : 50 cent.
— Légende de sainte Catherine d'Alesandrie, vierge et martyre. Bruxelles, Vromant,
1877, in-12 de 80 p. Prix : 50 cent.— Le Pape saint Grégoire Vil et l'empereur d'Alle-
magne Henri IV. Bruxelles, même maison, 1877, in-18 de 75 p. Prix: 50 cent. —
Jl Maggio in campagnu, ossia la vita di Maria esposta al popolo da un buon prèle alla
ôuona. Turin, librairie Salésienne (Don Bosco); Nice, patronage de Saint-Pierre, 1878,
in-24 de 395 p. Prix : 75 cent. — La SS. Communione, par Mgr de Ségur.
7a edizione. Mêmes maisons, 1877, in-24 de 67 p. Prix : 25 cent. — Uffizio
MAii878. T. XXII, 25.
- 386 —
délia settimana-santa, con l'uggiunta délie dichiarazioni in lingua volgare. 4a edizione.
Mêmes maisons, 1878; in-32 de 388 p. Prix : 1 fr. — La Figlia cristiana provveduta
per la pratica de'' suoi doveri negli esercizi di cristiana ptetà, pel sacerdote Giovanni
Bosco. Mêmes maifîons, 1878, in-32 de 488 pages. Prix : 60 cent. — Explicatiom
sommaires du catéchisme, à l'usage de tous les établissements d'instruction publique,
par l'abbé F. Loizellier, inspecteur honoraire de l'Université, avec une Table ques-
tionnaire formant opuscule à part. Paris, Fouraut. in-18 de 162-40 pages, 1878.
Prix : 75 cent. — Le Directeur des catéchismes de première communion et de perse-
vérance, par M. l'abbé R. Turcan, chanoine honoraire de Seez, directeur du grand-
séminaire. 3 vol. in-18 j. de xvii-454-421-467 p. Paris, Bray et Retaux, 1878.
Prix : 9 fr.
M. l'abbé Berseaux a fait, dans la Vie chrétienne.^ un ouvrage fort
recommandable, non-seulement auprès de ceux qui, ayant la foi, tien-
nent à mettre leurs actions d'accord avec elle, mais pour ceux mêmes
qui ne croient pas encore et que déjà la Providence incline vers les
pensées religieuses. Tout homme à son entrée dans la vie, nous dit-il,
trouve ouverts devant lui deux chemins : l'un qui est large, Tautre qui
est étroit; l'un suivi par la multitude, l'autre fréquenté par un petit
nombre d'âmes d'élite ; l'un qui paraît uni et bordé de fleurs, l'autre
escarpé, hérissé d'épines, raboteux ; l'un, finalement, conduisant à
l'enfer, à Satan, l'autre au ciel et à Dieu. Or, continue l'auteur, il est
de toute évidence que, si l'une de ces routes mène à Dieu, qui est le
souverain bien, celle qui éloigne de Dieu conduit au souverain mal.
La privation du bien infini, pour lequel il est fait, entraîne fatalement
l'homme vers le mal infini, et le malheur des réprouvés sera d'autant
plus épouvantable qu'ils étaient appelés à une béatitude plus grande.
Bien qu'il s'adresse à toutes classes de lecteurs, M. l'abbé Berseaux
envisage plus particulièrement les âmes égarées. Il voudrait les déter-
miner à rentrer en elles-mêmes, à revenir sur leurs pas, à quitter une
bonne fois le sentier de la mort pour retrouver celui qu'elles n'auraient
dû jamais quitter, celui où Dieu, en les créant, a placé leur bonheur
et leur fin. C'est pourquoi Festimable écrivain, apôtre des égarés,
présente ici la loi divine sous trois points de vue correspondant aux
trois classes d'esprits qu'il se propose d'atteindre. D'abord, les libres-
penseurs, tribu nombreuse, pour qui n'existe aucune obligation d'ordre
surnaturel, et qui volontiers diraient que les commandements amoin-
drissent l'homme; à ceux-là, il faut démontrer rigoureusement que les
préceptes chrétiens viennent du Maître souverain, qu'à personne il
n'est permis de les écarter, et que d'ailleurs l'expérience nous fait voir
toute morale purement humaine bronchant au moindre combat, s'af-
faissant devant tout obstacle. Puis, les chrétiens distraits, qui recon-
naissent, il est vrai, dans l'Evangile une loi venue de Dieu^mais qui se
dispensent de l'accomplir dans toutes ses prescriptions, soit à cause de
l'entraînement des plaisirs, soit par préoccupation d'afîaires : a ceux-
là il faut inspirer la réflexion, le retour sur eux-mêmes, l'examen de
la conscience, où ils pourront s'assurer des dangers de leur état et
- 387 —
prendre de décisives mesures pour en sortir. Enfin, il y a les chrétiens
sans volonté, mous, inconséquents, toujours en quête de faux prétextes
pour s'exonérer du fardeau : il est nécessaire de les secouer dans
leur paresse, et de les amener à tendre au port malgré vents et marée^
et cela en détruisant les mauvaises raisons qu'ils se donnent à eux-
mêmes. Bref, établir la morale quant aux principes, afin de créer des
convictions sérieuses; étudier la loi morale relativement aux mœurs
du siècle, afin de faire rentrer l'homme en lui-même ; venger la loi
morale contre les objections, afin que l'homme ne se laisse arrêter par
aucun obstacle : tel est le triple aspect sous lequel M. Berseaux en-
visage chaque précepte du christianisme, dans ces lectures qui n'ont
pas pour objet direct le côté dogmatique de la religion. On y dis-
tingue du reste, avec grand soin, ce qui est de rigueur, ce qui n'est
que de conseil. — La manière de l'auteur est simple, claire, persuasive.
Il renferme son sujet en quarante-huit chapitres, sans autre division,
et l'ordre y est fidèlement gardé. Après d'utiles considérations sur
la conversion à la vie chrétienne, nous examinons bien en face les
obstacles ordinaires qui empêchent d'arriver sincèrement à cette vie,
et dont le premier est le plus communément le respect humain. Il en est
d'autres dont on aurait pu parler, assez nombreux même, et qui ont été
omis. On nous fait voir ensuite certaines négations pratiques de la
vie chrétienne, et aussi les œuvres propres de cette même vie, telles
que l'aumône, l'amour du prochain, la sanctification scrupuleuse du
dimanche. Signalons deux bons chapitres sur les mauvais livres, con-
sidérés comme écueils de la vie chrétienne. Voici le luxe, naufrage
de la vie chrétienne ; la luxure, tombeau de la vie chrétienne ; les
plaisirs, négation de la vie chrétienne; les conversations, pierre de
touche de la vie chrétienne, etc.; puis la justice, la douceur, les
autres vertus; et enfin le sacrifice de la messe, foyer de la vie chré-
tienne, le jeûne et l'abstinence qui en sont la thérapeutique. Assuré-
ment, ce plan pouvait s'élargir, les entretiens et méditations s'étendre
beaucoup plus loin ; mais, tel qu'il est, l'ouvrage de M. l'abbé Ber-
seaux répond d'une excellente manière au but cherché, et il sera
précieux aux âmes qui en feront usage.
— La Vie et les Œuvres spirituelles de saint Jean de la Croix avaient
été déjà publiées, il y a quelques années, par les Carmélites de Meaux,
et ce travail fut accueilli avec faveur par les communautés et par les
âmes appelées dans la voie de la perfection intérieure. L'édi-
tion nouvelle que voici, ou plutôt la publication nouvelle, dont nous
n'avons encore que ce premier volume, ofi're quelques avantages. Nous
ne noterons pas celui de voir le nom de sainte Thérèse respecté dans
son orthographe légitime, ce que n^avait point fait l'édition de Meaux.
— 3S8 —
Ce qui importe, c'est que le texte de la Vie de saint Jean de la Croix
qu'on nous donne ici paraît pour la première fois dans notre langue.
Elle est du P. Jérôme de Saint-Joseph, carme déchaussé, qui l'écrivit
en 1618, vingt-sept ans seulement après la mort du saint. Or, de
toutes les histoires et biographies de Jean de la Croix, si elle est la
première en date, elle est certainement l'une des meilleures, et sans
comparaison la plus exacte : ce qui lui valut, nous apprend l'éditeur,
d'être insérée en tête des œuvres du bienheureux Père dans la grande
édition de Séville parue en 1702. Ce choix est à lui seul une recomman-
dation de la part d'hommes qui apportèrent une attention extrême à
expurger les écrits de leur illustre réformateur de tout ce qu'il s'j était
glissé de fautes, d'additions et de lacunes, au siècle précédent. En outre,
celui qui l'a tracée fut contemporain de son héros, et il n'a pu ap-
prendre les faits qu'il rapporte et les détails intimes qu'il révèle, que
de la bouche de ceux qui l'ont connu, ont vécu avec lui dans les mêmes
monastères, et avaient pu contrôler et réfuter tout récit inexact. On
sait également que la vie des saints n'est jamais mieux racontée que
par ceux qui partagèrent leur genre d'existence et respirèrent dans
le môme milieu. Ces histoires-là ne s'écrivent pas comme toutes les
autres. Un point relatif à saint Jean de la Croix est expliqué par le
P. Jérôme de Saint-Joseph mieux que dans les autres biographies :
nous voulons dire les faits inouïs de persécution dont il fut victime de
la part de ceux que troublait son oeuvre de réforme dans le Carmel.
« Nous n'avons pas cru, disent les traducteurs, devoir rien taire de
ce que le P. Saint-Jérôme raconte de ces incroyables sévérités, d'abord
parce que c'est de Thistoire, et que ce qui se disait et s'imprimait le
lendemain de la mort du saint, en Espagne, du vivant même des per-
sécuteurs, doit pouvoir se redire aujourd'hui en France après plus de
trois siècles ; et aussi parce que chez nous, où la réforme du Carmel a
seule survécu, les descendants de ceux qui ont maltraité saint Jean
de la Croix n'existent plus, et que, là où ils existent encore, ils seront
les premiers, nous n'en saurions douter, à désavouer leurs ancêtres
espagnols du seizième siècle. » Cette Vie se recommande, en outre,
par le mouvement, la couleur locale, la physionomie parlante.
Notre époque n'admet plus les biographies froides, décolorées et
sèches, où le merveilleux, même prouvé par des témoignages indé-
niables, n'est présenté qu'avec une série de points d'interrogation.
On aime à retrouver l'homme sous le saint, mais non pas qu'on efface
le saint pour ne laisser voir que l'homme. La manière de l'historien
dont nous parlons est simple, claire, intéressante : une vraie œuvre
de religieux, voué lui-même à la retraite et aux vertus qu'il décrit.
La traduction nous a paru élégante et facile. Quant aux Œuvres, tra-
duites aussi à nouveau, elles sont un répertoire de la vie mystique
— aso —
qui complète celles de sainte Thérèse. Ce volume ne renferme que les
lettres, rapprochées bien à propos de la vie, qu'elles commentent et
expliquent mieux que toutes autres pièces justificatives. Il y en a sur tous
les sujets, bien qu'elles ne soient qu'au nombre de dix-huit. On les a
fait sniwe des Instructions, maximes et avis spirituels, et de quelques
poésies qu'on eût mieux fait, puisqu'on ne les rendait point en vers,
d'écrire tout bonnement en prose, à longueur de ligne. La poésie
était cultivée des ascètes espagnols, comme on le voit par sainte
Thérèse et Louis de Léon, entre autres. — Aux deux volumes sui-
vants on a réservé le traité intitulé la Montée du Carmel, celui de la
Nuit obscure, le Cantique spirituel et la Vive flamme d'amour. L'in-
troduction dont il est question au titre, par le P. Chocarne prieur
des Dominicains, ouvrira le tome second.
— Il ne suffit pas d'étudier la doctrine de Jésus-Christ ; ses dis-
ciples doivent connaître aussi sa vie, qui en est le divin commentaire.
Les pages détachées de l'Évangile lues chaque dimanche à l'église ne
donnent point cette vue d'ensemble qui importe tant pour la bonne
intelligence des choses ; il faut une histoire en règle, avec une claire
disposition des faits, la description des lieux, le tableau des usages,
l'interprétation des idiotismes^ des notices suffisantes sur les person-
nages. Tel est le programme que s'est tracé M. l'abbé Hurdebise
dans sa Vie de Nolre-Scigneur, dont le succès a montré qu'elle répon-
dait à un besoin : car cette édition est la quatrième. La carte placée
au commencement est bien grossière, bien imparfaite, non-seulement
de dessin, mais d'exactitude : comment l'éditeur n'a-t-il pas songé à
faire mieux? Quant à la rédaction du livre, elle répond à ce que peut
désirer le commun des lecteurs : récit suivi ; notes explicatives par-
tout où elles sont utiles, sur la topographie, les distances, les mon-
naies, etc.; indication des parties de l'Evangile où l'on puise ; chapi-
tres assez courts, chacun consacré à un seul fait; seulement, nous y
remarquons que l'auteur s'attache peu au texte sacré pour le rendre
à la lettre, surtout dans les dialogues. La suite des événements, sur
laquelle les auteurs varient beaucoup, ne répond pas toujours à ce qui
se présente ordinairement dans les livres du même genre, et particu-
lièrement dans VHistoire de Notre-Seigneur du docteur Sepp, qui jouit
sur la matière d'un crédit mérité. Ainsi, la veuve de Naïm, Madeleine
aux pieds de Jésus, l'élection des apôtres, la prédication à Nazareth,
l'entretien avec la Samaritaine, les marchands juifs jetés hors du
temple, ne nous paraissent point avoir été placés en leur véritable
endroit. Le livre s'arrête aussitôt après l'Ascension, sans conclusion
générale, sans résumé, sans un mot de la Pentecôte, d'où va dater la
conversion du monde. Nous eussions voulu un chapitre final sur la
sainte Vierge et un autre pour les douze apôtres, qui, unis à Jésus
- 390 —
pendant sa carrière apostolique, ne doivent point être séparés de lui
dans son histoire. M. l'abbé Hurdebise s'attache volontiers à la tra-
duction de M. Foisset, et nous l'en félicitons. « Nous avons indiqué
nos sources évangéliques, dit-il, et fréquemment invoqué d'autres té-
moignages. Si quelques lecteurs désiraient trouver ceux-ci en plus
grand nombre, nous les prierions de considérer que cette Vie du
divin Sauveur n'est pas un livre de controverse", et nous ajouterions
avec M. Veuillot : J'aurais craint, sur un pareil sujet, de parler de
moi-même, et de produire mes idées quand j'avais celles de tant de
saints et de grands hommes ; mais je n'ai point voulu charger de notes
ces pages, que la bonne foi adresse à la bonne foi (p. viu). » Du moins
l'auteur ne manque-t-il pas d'indiquer, dans un avant-propos assez
court, l'histoire des Hérode,si confuse dans l'esprit de la plupart des
lecteurs. — La division générale se rattache à ces points successifs :
Naissance et enfance de Jésus-Christ; — Commencements de sa vie
publique ; — Première pâque ; — Seconde pâque ; — Troisième
pâque, et puis quatrième, qui embrasse la dernière semaine, la passion
et la mort. Le dernier chapitre, glorification de Jésus, où l'on expose
la résurrection, les apparitions'et l'ascension, est un peu abrégé. — Au
résumé, on ne peut que recommander l'ouvrage pour les familles et les
écoles.
— Les apôtres donc, sur l'ordre de leur Maître, se répandent dans
le monde, annonçant partout l'Evangile de la rédemption. Les convertis
devinrent foule dès le premierjour, et l'Eglise catholique était fondée.
Quels furent ces premiers adhérents ? à quelle classe appartenaient-ils
pour la plupart ? leur témoignage est-il assez éclairé pour faire loi
dans une investigation historique aussi grave? En ce qui touche les
Juifs, bien qu'un bon nombre des disciples appartinssent aux condi-
tions inférieures, il n'en est pas moins certain que des esprits distin-
gués se trouvaient parmi eux, des docteurs de la loi, des patriciens,
des prêtres même. Pour le paganisme, la Grèce et Rome en particu-
lier, en fut-il de même ? C'est ce qu'étudie M. l'abbé Laurent dans son
très-intéressant volume intitulé Les premiers convertis au christianisme .
Cet écrivain s'est déjà fait connaître et estimer du public par un certain
nombre de travaux historiques, descriptifs et apologétiques. On voit
qu'il aime à creuser ses sujets. Il nous prouve que ni l'ignorance, ni
une transition naturelle, ni des intérêts vulgaires, n'ont amené à
l'Evangile les premiers chrétiens. Les meneurs de la 'conspiration
organisée de notre temps contre le christianisme, en-deçà et au-delà
du Rhin, s'épuisent à présenter nomme acquises les faussetés sui-
vantes : — La religion chrétienne n'a été d'abord qu'une société se-
crète, composée de gens de la plus basse extraction et dépourvus
d'intelligence ; — elle s'est acquis d'obscurs partisans par le seul attrait
— 391 —
de l'inconnu ou de la nouveauté, sans étendre de longtemps ses con-
quêtes parmi les lettrés et les honnêtes gens ; — confinée dans ses
souterrains, réduite à exercer son influence sur un petit nombre
d'adeptes, eUe s'est développée avec une extrême lenteur jusqu'au
jour où le patronage puissant de Constantin lui donna place au soleil;
— bref, si la prédication apostolique eut quelque réussite, elle le dut
évidemment à l'ignorance, à la grossièreté et à l'esprit superstitieux
des couches sociales les plus infimes, auxquelles elle s'adressa d'une
manière exclusive et dans les ténèbres. — De telles assertions sont
insoutenables; et, fussent-elles vraies, elles ne feraient que corroborer
le surnaturel du christianisme, parce qu'il est absurde que l'immense
révolution religieuse qui a transformé le monde, englobé les plus beaux
génies, résumé la civilisation, ait une telle cause. Ce sont les âmes
qui ont été changées, renouvelées, et non pas seulement les institu-
tions sociales. Un fait de cette nature ne s'est vu qu'une seule fois, et
par le seul christianisme. L'objection, l'hypothèse, l'assertion étrange,
tombe donc d'elle-même, devant tout esprit correct: il n'en est pas
moins très-bon de la serrer dans l'étau de la logique, et de manifester
combien, à titre de fait, elle est peu résistante. M. l'abbé Laurent j
réussit sans trop de peine. Son travail est ferme, savant, bien écrit,
plein de chaleur. Peut-être, en certains endroits, donne-t-il à la pure
légende plus d'autorité qu'elle n'en comporte. Nous l'aimons mieux
dans les notions qu'il va chercher aux Catacombes, ce grand et authen-
tique registre des premiers siècles, ouvert en ce moment par la science.
Il y a des chapitres extraordinairement attachants : tels le troisième,
sur le christianisme d'après les païens, et les suivants sur les chrétiens
de Rome, où apparaissent tout de suite des sénateurs; sur les conver-
sions à la cour de Néron et à celle de Domitien, et surtout sur les
rapports de Sénèque avec saint Paul. M. l'abbé Laurent cite partout
les sources : soin dont il faut le féliciter. Les premières églises de
France ont aussi leur chapitre. Au fond, c'est une histoire raisonnée
de l'apostolat catholique durant les premiers siècles.
"— Parmi nous, aujourd'hui, cet apostolat a pris une extension et
des formes nouvelles. L'affaiblissement de la foi, l'ignorance générale
du catéchisme, les diversions opérées dans la pensée publique par le
mouvement fébrile du temps, ont fait de la prédication pastorale une
nécessité plus puissante. De là tant de sermons, exhortations, confé-
rences, et tant de livres destinés au clergé pour lui faciliter cette
tâche. La librairie Jos^e réimprimait dernièrement les dix-huit vo-
lumes grand in-8 de la Bibliothèque des prédicateurs du P. Houdry,
monument incomparable de plans, renseignements, citations, con-
seils, etc. En même temps, M. l'abbé C. Martin publiait une collec-
tion non moins précieuse, en vingt-quatre ou vingt-cinq volumes com-
— 392 -
pactes, sur toutes les branches de la prédication catholique et pour
tous les temps de l'année chrétienne. Le Mmionnaire du jour de la
lircmière communion fait partie de cette collection. La première
communion elle-même a pris dans nos paroisses une importance supé-
rieure, elle est devenue comme le rempart de la religion. La famille,
en d'autres temps, instruisait les jeunes âmes; c'était sur les genoux
de sa mère qu'un petit enfant apprenait les principes de la religion et
les formules de la piété ; la besogne du pasteur était facile. Bien dif-
férents sont maintenant les besoins : ce n'est qu'à l'église, et avec
mille difficultés, que la jeunesse entend parler de Dieu, de la vie fu-
ture, du devoir, des mystères chrétiens; chacun devra vivre jusqu'à la
fin^ dans la plupart des cas, sur cette provision de deux ou trois an-
nées de catéchisme. Combien importe donc ce catéchisme, combien
cette première communion! M. l'abbé Hébert, auteur du Missionnaire
dont nous parlons, avait déjà composé un livre sur la retraite prépa-
ratoire; il complète l'œuvre par ce second volume. — Le jour de la
première communion, nous dit-il, est d'une si capitale importance
pour une paroisse, que le pasteur soucieux du soin des âmes aime à
se dépenser pendant toute cette merveilleuse journée. Il multiplie la
sainte parole, sans crainte comme sans réserve, et son auditoire, sous
les plus douces impressions qu'on ressente jamais ici-bas, se prête
toujours avec empressement aux efforts de son zèle. Les enfants dis-
posés et saintement avides, les parents, dont un grand nombre, les
pères surtout, ont désappris la parole de vérité, écoutent avec émo-
tion les exhortations du prêtre, ses invitations pressantes, dictées par
la sollicitude et les angoisses d'un avenir incertain, que l'expérience
apprend à redouter pour tous. Il faut au pasteur la fécondité de
l'apôtre, la charité du père, l'ardeur et l'entrain du missionnaire.
Mais tous ces devoirs se pressent à la fois en un même jour, et ce
jour est précédé des longues fatigues de la retraite préparatoire et
des séances prolongées qu'exige, au saint tribunal, la confession des
enfants. M. l'abbé Hébert s'est proposé de simplifier pour lui les
labeurs d'une telle journée, et de rassembler, à son usage, un livre
réunissant des instructions variées pour cette solennité. Ce livre a
deux parties. Dans la première se trouve un nombre de discours suf-
fisant pour chacune des circonstances particulières de cette sainte
journée, de façon à ofî'rir au pasteur la facilité du choix, suivant son
goût ou suivant les besoins de l'auditoire. Dans la seconde, on a ras-
semblé d'autres instructions sur les mêmes matières ou sur des sujets
spéciaux se rattachant à la première communion. De cette façon,
observe à bon droit l'auteur, on évite l'inconvénient de présenter à
la suite les uns des autres une trop longue série de discours sur un
seul point, tout en laissant au prêtre la possibilité de trouver la va-
— 303 —
riété, qui importe beaucoup. — Ces discours sont d'une longueur rai-
sonnable, heureusement divisés, écrits en une langue facile. Ils ont
pour sujets : l'importance de la première communion, les disposi-
tions à y apporter, les fruits immédiats à en retirer, les devoirs des
enfants et ceux des parents, le renouvellement des vœux du baptême,
la grandeur du titre de chrétien, etc., etc. Ajoutons-y quantité d'al-
locutions avant et après la communion, sur les actes, l'action de
grâces, et autres semblables.
— Le développement qu'a pris dans ce siècle la dévotion au Sacré-
Cœur tient certainement du prodige. Les livres se sont multipliés
aussi; il n'est guère d'année qui n'en voie paraître plusieurs. Son
Eminence le cardinal Manning nous offre à son tour (es Gloires du
Sacré-Cœur, et l'on pressent à quelle hauteur s'élève l'illustre prince
de l'Église. C'est d'ailleurs un sujet difficile, soit parce qu'il se
tient essentiellement dans les régions du pur mysticisme, soit parce
qu'on y peut rattacher tous les mystères de la religion, ce qui étendrait
son domaine à la théologie entière. C'est la remarque de M^' Man-
ning. Le culte du Sacré-Cœur, observe-t-il, a deux aspects différents :
le premier nous le montre comme le centre de tout le dogme, l'autre
comme la source de la plus fervente dévotion. « Je me suis renfermé
à dessein dans la partie dogmatique de cette dévotion; et cela pour
les raisons suivantes. Je suis fermement convaincu que la vérité
divine, lorsqu'elle est pleinement et convenablement admise,
engendre d'elle-même la dévotion; qu'une cause du peu de persévé-
rance dans la vie spirituelle est la connaissance superficielle du dogme
de l'Incarnation, et que le but divin de l'institution et de la propaga-
tion de ce culte, en ces derniers temps, est de réveiller dans l'esprit
des hommes la conscience de leur relation personnelle avec le divin
Maître (p. ix). » Ceci est donc un livre de doctrine plutôt que de
piété proprement dite ; ce sont les principes qui illuminent, pour
échauffer ensuite. Ms^ Manning envisage son sujet et le traite
dans l'ordre suivant: — la gloire divine du Sacré-Cœur, comprenant
la déification de la sainte humanité, l'adoration de l'humanité déifiée,
et l'adoration du Cœur sacré spécialement; le Sacré-Cœur est la voie
divine de l'amour; — la science du Sacré-Cœur; — la dernière vo-
lonté du Sacré-Cœur, — sa gloire temporelle, — sa gloire éternelle;
— le pouvoir qu'il exerce sur les cœurs pour les transformer; — le
moyen assuré de lui ressembler, et les signes de cette ressemblance.
C'est prendre les choses au plus profond de leur essence, et pour
la simple spéculation et pour la pratique. Le livre est plein de citations
et d'autorités, Ecriture, Pères, théologiens, ascètes. Il peut être lu
avec fruit par les simples fidèles, par les religieux, par les ecclésias-
tiques, par les jeunes gens. Les mères, par exemple, y trouveront
— 394 -
d'engageantes leçons sur leurs devoirs envers les enfants (p. 232).
Tout le monde, au chapitre de la ressemblance avec le Sacré-Cœur^
verra tracées les règles de la vie chrétienne en général, puisque cette
ressemblance n'est autre chose que le travail graduel de la transfor-
mation de l'âme, où Dieu et l'homme apportent simultanément leur
concours; et tout cela aboutit à la parole de saint Paul : Ne vous con-
formez point an siècle présent, mais qu'Use fasse en vous une transfor-
niation par le renouvellement de votre esprit. C'est-à-dire : Quittez le
monde, ne suivez point ses maximes : car ceux qui aiment le monde
sont en inimitié avec Dieu ; soyez transformés, refaits, créés de nou-
veau ; devenez d'autres créatures. Quant à la traduction de M. l'abbé
Goemaere, il nous semble qu'elle eût pu être un peu moins lourde.
— Le livre d'Esther a été composé par M. l'abbé Picus pour toutes
les'' solennités de la sainte Vierge, mais plus particulièrement pour le
mois de Marie ; pour cela, il se compose de trente et un chapitres. Les
sujets de prédication ou de méditation pendant ces quatre ou cinq
semaines ne sont rien moins que faciles à trouver. Tantôt on par-
courra les invocations des litanies durant toute la station, tantôt on
s'attachera [à la vie de Marie, ou bien aux diverses prières anciennes,
hymnes, invocations, louanges que lui adresse l'Église. Ce sont, évi-
demment, choses excellentes et louables. M. Tabbé Picus, s'écartant
de ces données communes, a conçu un plan neuf, singulier, fécond, et
il l'a rempli d'une manière très-remarquable. On y verra, sans doute,
des inégalités, des négligences de style, des passages moins tra-
vaillés ; mais aussi que de pensées vraiment sublimes ; quel abondant
usage de l'Écriture et des saints Pères! quelle puissance d'images!
quels ingénieux rapprochements ! quelles excursions dans l'immense
champ des desseins du Ciel ! M. l'abbé Picus n'est point du tout un
penseur ordinaire. Nous nous étonnons qu'un livre comme le sien soit
encore aussi peu connu. Il faut choisir dans ces pages inégales, et ce
que l'on y recueille peut défrayer de longues journées de méditations,
et pour un prêtre de nombreuses et substantielles instructions.
Le fond du livre, disons mieux, de ces discours, est de comtempler
Marie dans Esther, de rapporter sur cette première histoire la
seconde, la réalité sur la prophétie. On voit le commencement de
toutes choses dans le festin du grand Roi, image du festin de Dieu.
Le festin de Dieu ! c'est là, en effet, que commence le monde. Là aussi
se divise le monde ; là naissent les deux cités. L'une, la cité céleste, se
forme autour du Verbe incarné ; l'autre, la cité maudite, se groupe
autour de Satan. Jésus, l'adversaire : voilà les deux dragons qui se
mesurent du regard et se disposent au combat. Pendant quatre mille
ans l'enfer paraît triompher. — Voici Mardochée, image du Sauveur,
refusant l'adoration sacrilège. L'ennemi le condamne à mort. C'est
— 395 —
parce que l'humanité, soutenue par le Christ, n'a jamais fait une
génuflexion complète devant Lucifer que celui-ci a juré la mort du
Christ et de l'humanité. Or, pendant que Satan se gonfle ainsi d'or-
gueil et de vengeance, une petite fontaine apparaît, sortant du sol ;
bientôt elle est fleuve, elle répand sur toute la terre ses ondes, eau
tout à la fois et lumière : c'est Marie ! Marie immaculée, vierge
comme la petite fontaine qui sort des flancs de la montagne, et qui
reçoit ses flots parles mystérieux chemins que l'Océan s'est faits dans
le sein delà terre ; Marie dont l'origine est dans le cœur de Dieu ;
« Marie qui vient à travers les siècles et les générations, qui monte
etjaillit enfin à la surface de l'humanité au jour fixé par laProvidence .
Oui, c'est elle, la petite fontaine, qui va changer la face du monde
en changeant la face du grand combat. Le divin Mardochée ; le
Fils de Dieu, a enfin un aide, le secours sans lequel il n'apas voulu
triompher. Comme Esther l'illustre orpheline, Marie demeure long-
temps cachée au milieu des captifs : on la cherche, on la trouve;
elle est présentée au roi, elle entre dans le palais, elle monte sur
le trône et se met en devoir de sauver son peuple. La fontaine
grandit ; elle devient bientôt un fleuve immense qui arrosera toute
la terre d'Israël. Les flots de Marie, c'est la sainte doctrine...; etc.
(p. 7). j) Comme Esther, Marie sert deux festins au monarque éternel.
Dans le premier, elle traite magnifiquement la bonté et l'amour :
c'est l'incarnation. Dans le second, elle dresse avec une égale muni-
ficence la table do la justice : c'est le Calvaire.
— Heures de tristesse et d'espérance ! « Vous qui avez vécu, s'écrie
» M. l'abbé de Bellune, à quoi a ressemblé votre vie, la vie intime et
» secrète de votre âme? Est-ce à un jour de printemps, radieux, pur,
» calme, embaumé? Est-ce à un jour d'automne, mélancolique et
» froid? Hélas! vos jours de printemps, vos jours de soleil, comptez-
» les! Comptez non pas môme vos jours, mais vos heures, et dites-
» nous combien de fois le bonheur, mais un bonheur vrai, s'est levé
» à l'horizon de vos années, et combien de temps il vous a souri, à
» travers l'uniforme tristesse de votre ciel ouvert ! Qui de nous ne
» connaît cette couleur grise de la vie, qui lasse et qui désenchante?
» Qui de nous n'avait rêvé autre chose ? Et qui de nous ne s'est dit,
» en voyant tomber les feuilles sèches : Voilà comme sont tombés
» mes premiers rêves, et comme le vent les a emportés! (p. 7). »
Telle est la plainte universelle; il faut soufl'rir : c'est la loi de cette
vie, à laquelle nul ne se peut soustraire. Où trouver des consolations,
où puiser la force de supporter l'épreuve? c'est ce qu'indique M. l'abbé
de Bellune dans ce volume, écrit avec beaucoup de goût, dicté par la foi,
inspiré par de puissantes convictions, rédigé sous une forme agréable
dans sa variété, monologues, tableaux, considérations, dialogues entre
— 396 —
l'ange et l'homme, etc. Cette variété, qui ôte à Touvrage tout plan
régulier, lui communique un charme de lecture particulier. La pre-
mière partie, composée de neuf chapitres, est intitulée Heures où la
coupe est pleine, et appelle successivement l'esprit sur la loi, le mys-
tère, l'épreuve de la vie, l'apprentissage, le voyage, le roman, le dé-
sert, le combat de la vie_, le poëme de la vie. Il faudrait tout citer.
Heures où les larmes sauvent : c'est la seconde partie, qui vise encore
plus directement l'âme. C'est la mourante rappelée à la foi sur son
lit d'agonie, repassant avec une amère tristesse sur cette vie qu'elle
ne sut pas employer au bien, et pleurant assez maintenant pour que
son ange puisse lui dire : « Va, chrétienne : Dieu t'attend ! » C'est
l'incrédule entré dans une église de campagne, où il se trouve seul,
alors que l'office vient de finir, et repassant, lui aussi, son existence
fanée, stérile, coupable : « J'ai perdu le goût du bonheur ! n Et l'ange
de la vieille église se fait entendre : « Ta plus grande faute n'est
point d'avoir douté; ta plus grande faute est de n'avoir pas prié. Si
tu avais prié, jamais ton cœur et ta raison ne fussent tombés si bas ;
jamais ils ne fussent restés si longtemps dans l'abîme où je les vois se
débattre encore (p. 221). » — Ce sont les larmes de Madeleine la
pécheresse, qui vient de voir passer sous ses fenêtres le Saint-Sacre-
ment. « J'éprouve un dégoût que je ne puis exprimer, une horreur
mortelle pour cette boue dans laquelle j'ai roulé mon âme ; et en
même temps, en vous regardant sur votre croix, en contemplant vos
mains qui m'ont autrefois bénie, vos pieds que je crains de baiser,
votre front qui avait mis. en un autre temps, sur le mien quelque
chose de sa douceur et de sa pureté, je sens s'allumer en moi un
amour dont, en mes meilleurs jours, je n'avais jamais ressenti si
irrésistiblement les ardeurs. Seigneur, vous savez tout : vous savez
donc que je vous aime (p. 233). » Et l'ange de Béthanie lui apporte
du ciel la consolation qui purifie. — Ce sont, ensuite, les larmes de
l'enfant prodigue, le chœur des anges qui l'accueillent. Ce senties
pauvres dans les tentations de la misère ; les pauvres dont M™^ Swet-
chihe a dit si justement : « C'est par pitié pour les riches qu'il y a des
pauvres. » Ce sont des scènes avant l'orage, après la foudre, en face
des filets vides. Ce sont les larmes du prêtre à la vue de tant de mal-
heureux qui se condamnent eux-mêmes au sort le plus cruel. — Le
livre de M. l'abbé de Bellune est un livre précieux pour la douleur;
on devient non-seulement plus calme mais meilleur après l'avoir lu.
Écrit avec le cœur, il atteint le cœur et lui parle son vrai langage.
Ajoutons qu'il est magnifiquement imprimé, avec caractères et papier
de choix, filets, format agréable, lettres ornées, têtes et fins de cha-
pitres illustrées. Une telle édition fait grand honneur aux presses de
M. Rouillé-Ladevèze, à Tours.
— Belle édition aussi que celle du TraUido de la Tribulaclon du
P. Ribadeneira, non Ri va de ne ira, comme l'imprime l'éditeur de Madrid.
C'est ainsi que signait le célèbre religieux. Ribadeneira appartient
au seizième siècle. R publia ce livre en 1589, au milieu des cala-
mités de toutes sortes auxquelles était en butte l'Espagne, et il récri-
vit de ce grand style du temps, celui des Thérèse et des Louis de
Léon, qui est resté classique. Le nouvel éditeur nous apprend qu'il a
été porté à réimprimer un si noble ouvrage en considérant les maux
de l'époque présente, plus intenses et plus graves que ceux dont fut
ému l'éminent jésuite. Et parmi ces maux il place ajuste titre les ra-
vages de la mauvaise presse. « Lorsque, dit-il, l'imprimerie propage
)> une infinité de livres dont le luxe de publication contraste avec
» l'extrême pauvreté du fond, nous, qui avons pour le P. Ribadeneira
» une admiration religieuse (et il la mérite comme l'un des maîtres
» de la belle langue castillane), nous avons jugé utile de remettre en
» lumière le Traité des Douleurs de la vie, cet écrit si estimé, et de lui
» ménager les soins typographiques qui plaisent à notre époque, n Et
en eff'et, l'édition, nous Tavons remarqué, est fort élégante, avec un
beau portrait de l'auteur et des ornements en tête des chapitres. Pour
le texte, on a reproduit l'édition donnée par Sanchez en 1605, édition
plus exacte que celles de Valence en 1830 et 1831, et de Palma en
184G. — Le genre de l'auteur est. naturellement, celui de son temps :
une marche paisible, beaucoup de piété affective, toutes les considéra-
tions subordonnées à la foi, un appel incessant au cœur, la sainte
écriture citée à chaque ligne, pour ainsi dire ; rien de tourmenté
comme dans la littérature de notre temps. C'est un fleuve paisible
dans son cours, un rayon de soleil que rien ne brise. — Souffrances
particulières et personnelles, épreuves générales et publiques : telles
sont les deux parties qui divisent le traité. Chacune comprend une
vingtaine de chapitres. Partant de ce fait que la vie de ce monde
n'est qu'une suite de tribulations et de tristesses, le P. Ribadeneira
constate que Dieu l'a ainsi réglé dans des vues souverainement sages,
toutes pour l'intérêt de sa créature, qui en recueille, si elle est en grâce
avec lui, ces trois trésors : la purification du passé, la lumière de
l'âme, la perfection de la vertu... Quant aux pécheurs, quelle est leur
conduite en pareil cas? que font-ils pour se consoler? Nous, chrétiens
fidèles, nous avons la résignation, l'espérance, l'amour du Père qui
frappe, même dans les sécheresses et abandonnements intérieurs.
Nous savons pourquoi le Ciel ne refuse pas aux méchants les prospé-
rités temporelles. — Pour ce qui regarde les fléaux publics, ils sont
un châtiment de Dieu. Le Seigneur permet que le péché soit souvent
puni par le péché. L^hérésie peut être rangée au premier rang de ces
calamités. — Un chapitre bien consolant est le douzième de la seconde
" 398 —
partie, où il est question des miséricordes du Seigneur à l'égard de
ceux qui meurent dans ces circonstances où éclate la justice. Dieu
permet encore que des personnes pieuses, et tenues pour saintes,
tombent dans Terreur et y induisent les autres : et c'est pourquoi cha-
cun doit veiller pour n'être point séduit. Et l'auteur termine en conju-
rant son lecteur de se rappeler que pas un cheveu ne tombe de notre
tête, pas une feuille des arbres, pas une goutte d'eau, que la Provi-
dence ne le sache et ne l'ait ainsi réglé : Jésus lui-même nous l'af-
firme. Comment donc perdre courage ? comment plutôt ne pas bénir
toujours un Dieu attentif au bien de sa créature?
— Le traité du P. Hermans sur les Anges de la tradition catholique
éclaire un point de doctrine dont s'occupent trop peu les fidèles. Les
Anges! dit l'auteur : ce seul nom élève nos âmes et les attendrit; il
réveille les plus aimables souvenirs de notre piété d'enfance. Quand il
nous estdonné de nous trouver en relation avec un être orné de toutes
ces qualités qui captivent l'esprit, commandent le respect et arra-chent
l'amour, nous ne trouvons pas de terme plus propre à réprimer nos
sentiments que de l'appeler un aïKje. Or, en un temps où beaucoup
d'hommes affectent de ne plus priser que la matière et les intérêts de
la vie présente, il convient que le chrétien élève d'autant plus les
yeux vers les hauteurs célestes. Il y a là pour le peuple fidèle matière
aux meilleures réflexions, pour les pasteurs à des instructions utiles
et de circonstance. — Ce n'est point, d'ailleurs, un traité théologique
proprement dit qu'a entrepris le pieux écrivainj mais plutôt de fournir
un aliment aux sentiments de la ferveur. Dans une matière qui renferme
peu de points dogmatiques définis, il est nécessaire de recourir
fréquemment aux Pères de l'Eglise et aux ouvrages des saints. Combien
de ces saints qui ont pu jouir familièrement de la présence de leur
ange gardien! — L'ordre du volume est celui-ci : on traite d'abord
des anges en général, de leur existence et de leur nature. Comme cette
nature est spirituelle, il faut étudier leur intelligence, leur vouloir,
leur opération; puis leur histoire, autant que Dieu en a soulevé le
voile pour nous. Cette histotre c'est, avant tout, l'épreuve qu'ils eurent
à subir avant d'être confirmés dans leur félicité. Les uns succombent:
ils sont condamnés sans espoir de réhabilation, et dès ce moment une
féroce jalousie les pousse àpersécuterl'homme pour l'attirer dans lamême
déchéance. Les autres, restés fidèles, sont à jamais couronnés, et, au milieu
de leur bonheur, feront auprès des fils d'Adam une œuvre directement
contraire à celle des démons. L'étude que l'on fait de ces esprits
sublimes met en présence de leur bonheur, de la hiérarchie qui les
partage, de leurs rapports généraux avec nous, des bienfaits que nous
recevons d'eux, du culte qui leur revient, des vertus qui leursont chères.
• — A qui l'auteur destine-t-il l'ouvrage? il nous apprend qu'il a en vue
— 399 —
les prêtres chargés d'être les anges de la famille chrétienne, aux
personnes religieuses de qui la vie doit être angélique, à tous ceux
qui s'occupent d'élever l'enfance et de la conduire vers Dieu, aux
affligés, à quiconque souifre et gémit, et aussi aux pécheurs puisqu'il
n'y a rien que de consolant et d'émouvant dans cette doctrine qui
nous assure en haut de si aimables et si puissants protecteurs. —
L'enseignement du P. Hermans est substantiel, savant, clair, orné de
traits historiques qui soutiennent l'attention et rendent cette lecture
fort agréable. Le style, il faut en convenir, est un peu lourd.
— Le Livre unique des Fidèles procurera à la fois d'innombrables
formules de prières et des instructions religieuses de tout genre.
Livre « unique », c'est beaucoup dire, et les choses ne vont point
jusque-là; mettons plutôt livre pratique, manuel, recueil. C'est d'ail-
leurs un volume fortconsidérable, de près de 900 pages compactes, où l'on
a pu faire entrer beaucoup de matière. La pensée qui l'a dicté est
celle-ci : « Le grand moyen de salut, la voie la plus sûre et la plus
facile pour arriver au ciel, c'est la sanctification de nos actions ordi-
naires. » Cest pourquoi cet ouvrage se divise en cinq parties : sancti-
fication de la journée, sanctification de la semaine, du mois, de
l'année, de la vie, de la mort. On y a rassemblé les plus belles prières
pour toutes les circonstances, des instructions sur les solennités de
l'année ecclésiastique, les vies des principaux saints à leur date dans
le calendrier, la doctrine sur les sacrements, les ofBces de l'église, et
même, ce qui est une excellente pensée, les cérémonies et oraisons
du Baptême, de la Confirmation, de l'Extrême-Onction, afin que le
chrétien en puisse profiter lorsqu'il est appelé à y assister. Tout cela
est fort sagement rédigé, méthodiquement distribué, et un pareil livre
est appelé à rendre au peuple un service précieux.
— Quant aux Excellences du saint cœur de Marie, l'opuscule est
traduit du P. Pinamonti, auteur ascétique connu et estimé, en Italie
surtout, et de qui plusieurs traités ont eu des versions dans toutes les
langues de l'Europe. Celle-ci a été faite avec assez d'intelligence. Quel-
quefois on ajoute un mot pour rendre la pensée avec plus de clarté ;
ailleurs, on n'hésite point à retrancher quelques phrases plus conformes
au génie exubérant de la langue italienne qu'aux procédés ordinaires
delà langue française. Pinamonti, né à Pistoia en 1632, entrait à
quinze ans chez les jésuites de Rome, où il devint pendant vingt-six
ans le compagnon des travaux apostoliques du célèbre prédicateur
Paul Ségneri ; travaux qu'il continua encore douze ans après la mort
du saint religieux. Il mourut lui-même en 1705, âgé de soixante et onze
ans. Ses œuvres spirituelles ont été plusieurs fois réimprimées, notam-
ment à Venise, 1751, en un gros in-4. — Le sujet est partagé ici en
considérations, subdivisées elles-mêmes en articles. A la fin de chaque
— 400 —
considération, l'auteur a pour habitude de suggérer une pratique de
dévotion ; et, pour en mieux recommander l'usage, il l'accompagne
d'un exemple, ordinairement choisi de nature à exciter une vive im-
pression. En général, le P. Pinamonti est simple, méthodique,
onctueux; il est aimé des âmes intérieures, accessible à toutes les
autres. Ayant à traiter du cœur de la sainte Vierge, il suit cet ordre :
— Le cœur de Marie est un miroir sans tache, le siège d'une pureté
souveraine, en tant qu'elle est la fille du Père éternel, la mère du Fils
de Dieu, l'épouse du Saint-Esprit; c'est un cœur digne delà Mère de
Dieu; — c'est un abîme de grâces, une copie fidèle du cœur de Jésus;
— c'est le foyer du saint amour, et en même temps l'océan des dou-
leurs ; — enfin, c'est un paradis de délices pour le cœur de Dieu,
— Une collection de bonslivres, publiée par livraisons, sous ladirection
duP. Vanderspeeten, de la Compagnie de Jésus, est intitulée Bibliothèque
chrétienne. Nombre de ces petits livres, bien imprimés, dans un format
commode, ont déjà été donnés au public religieux. Tel la Soumission dit
chrétien aux arrêts de la Providence (en deux livraisons), par le P. domini-
cain Antoine Touron, mort en 1775. En 1752, il avait publié un Traité his-
torique, dogmatique et moral de la Providence, divisé en trois parties,
dont l'une est cet opuscule. Le mérite, vraiment, n'en est point dans
le style ; mais ce défaut se trouve racheté par une parfaite clarté
d'exposition, une vigoureuse énergie de foi, une logique frappante de
bon sens dans la déduction des idées : d'où résulte pour le cœur un
aliment fortifiant, c'est-à-dire une reconnaissance très-vive pour
les bienfaits du Créateur ; une filiale confiance en la divine bonté, au
milieu des épreuves et des périls ; une conformité de plus en plus
parfaite à la volonté du Ciel. C'est donc une lecture à recommander,
aussi bien que celle des Secrets desseins de la Providence, du même
auteur et de la même collection. La prospérité des impies n'est
point un argument contre la Providence, qui a des desseins arrêtés
dans la distribution des biens et des maux de cette vie, desseins que
nous comprendrons un jour, et qui nous porteront à louer davantage
la divine sagesse. Telle est la thèse du P. Touron, et il l'établit de
manière à porter dans l'âme une sainte et douce conviction.
— De la même collection encore, la Pratique de la dévotion au sacré
cœur de Jésus, extrait de divers auteurs, et principalement du P. de
Gallifet. C'est un petit traité assez complet dans sa brièveté, où se
rencontrent à la fois des méditations et des prières, et aussi des ren-
seignements utiles sur. les différentes associations en l'honneur du
Sacré-Cœur. Bon manuel à conseiller aux personnes qui n'ont pas le
temps de faire de longues lectures.
— Le P. Vanderspeeten nous présente enfin, dans sa Bibliothèque
chrétienne., les Avantages de la charité envers les âmes du purgatoire,
— 401 —
et le Sentier du paradis. Le premier de ces opuscules est l'œuvre du
P. Jacques Munford, jésuite, une des glorieuses victimes des persé-
cutions protestantes en Angleterre, au dix-septième siècle. On n'a
priSj au surplus, qu'une partie du volume, celle qui peut le mieux
convenir à la généralité des lecteurs ; on y ajoute quelques pratiques
et prières en faveur des défunts, ce qui rentre naturellement dans la
partie conservée, celle deTintercessionpourles morts. Quant au Sentier
du paradis ou Paix inlérieuir, l'auteur en est le P. Scupoli, de Tordre
des théatins, à qui nous devons aussi le Comhul spirituel. C'est en
italien qu'avait été composé le Sentier, et ceci en est une traduction
nouvelle. Elle en fait presque, dit l'éditeur, un livre tout autre, tant
la version généralement reçue aujourd'hui est peu conforme au texte
original. Pour apprécier le mérite du P. Scupoli, il est bon de se rap-
peler que le Combat spirituel a eu près de quatre cents éditions. En
étudiant le sujet de la paix intérieure, le vénérable religieux s'attache
à voir quelle est la nature du cœur humain_, et comment il veut être
gouverné. Or, ce qu'il cherche et poursuit de toutes ses forces, c'est
la tranquillité, la calme possession de lui-même. Cet édifice de la paix
ne s'élève pas sans quelque soin, sans quelque lutte et quelque peine.
C'est ainsi que, s' appuyant exclusivement sur Dieu,rùme se dégagera
volontairement de toute satisfaction purement terrestre, parce qu'ainsi
l'exige la véritable humilité et pauvreté d'esprit qui aide à acquérir
cette paix. Elle ne se trouve non plus que dans la solitude de l'esprit,
qui appelle la présence de Dieu. Les explications de l'auteur sont des
plus claires, ses conseils des plus sages et des plus précis. Au fond,
c'est toute la perfection intérieure.
— C'est une histoire d'un tout autre genre que la Légende de sainte
Catherine d'Alexaiidric {ton jouvs de la Bibliotlièquc chrétienne). Légende
est le mot nécessaire, les vrais actes de l'illustre martyre n'étant pas
parvenus jusqu'à nous. Le Martyrologe romain fait de Catherine une
assez longue mention au 25 novembre, et il est vraisemblable qu'on
peut appliquer à cette grande sainte un passage d'Eusèbe de Césarée
racontant une partie de ses souffrances sans la nommer. Cette ques-
tion, et plusieurs autres semblables, sont discutées par l'auteur de
l'opuscule avec science et logique ; puis il passe au récit, qu'il fait
avec beaucoup d'intérêt en onze petits chapitres. On sait combien est
dramatique le tableau de ce martyre, précédé de la lutte victorieuse
d'une simple jeune fille contre les plus célèbres docteurs d'Alexandrie.
— L'histoire du Pape saint Grégoire VII et de l'empereur Henri IV
est un tableau que l'auteur anonyme a jugé utile de faire au moment
où l'un des ennemis de l'Église disait avec fierté : «Nous n'irons point
à Canossa! » Il faut lui souhaiter, pour lui et pour le monde, d'avoir
été mauvais prophète. L'imprudent ministre a cru, ou fait semblant
Mai 1878. T. XXII, 26.
— 402 —
de croire, que rhumiliation de Canossa ne fut qu'une victoire rem-
portée sur le César d'alors par l'arrogance pontificale. Il y avait là
plus et mieux : les faits, tels que l'historien sérieux les doit savoir,
donnent la mesure de ce grand acte. La scène de l'empereur aux
pieds du pape est le cauchemar de ceux surtout qui détestent le plus
les empereurs. Il y a eu huit cents ans, le 28 janvier 1877, qu'un
prince cruel et trompeur, après avoir déshonoré tout ce qui méritait
le respect, vint humblement, les pieds nus, en habit de pénitent,
implorer le pardon d'un pape qui n'eût jamais demandé mieux que de
rester son père et son constant ami. Ces exemples, ces coups de Pro-
vidence, sont bons à rappeler dans les temps où nous vivons, encore
que le Ciel ait plusieurs manières de répondre à ses ennemis.
— Quant au Maggio in campagna, ou Mois de Marie à la campagiie,
c'est un très-recommandable ouvrage, rédigé sous forme d'action
familière, où l'on raconte en vingt-quatre chapitres toute la vie de la
sainte Vierge, avec des pages assez étendues sur son culte. Ce petit
livre a été très-goûté en Italie ; on a dû le réimprimer plusieurs fois.
Bien qu'il ne porte pas de nom d'auteur, nous croyons j reconnaître
la main de don Bosco lui-même ; en tout cas, cette main, quelle qu'elle
soit, fut dirigée par un esprit riche de pensées, et encore plus par un
cœur plein de la plus touchante piété.
— De la Santissima communione^ 235*^ volume imprimé à Turin par
les orphelins de don Bosco, le Vincent de Paul de notre temps, nous
n'avons rien à dire, puisque c'est la simple traduction de l'opuscule
de M^"" de Ségur qui est entre toutes les mains. L'Uffizio délia setti-
mana-sanla n'a pas non plus besoin de compte rendu. Comme il est
en latin et dans un format de poche extrêmement commode, il pour-
rait servir dans tous les pays, n'était cette perpétuelle confusion ita-
lienne de l'i et du j, inconnue des anciens Romains et qui exaspère le
lecteur français.
— De don Bosco aussi est le manuel de piété, à l'usage des jeunes
filles, qu'il a intitulé la Figlia cristiana provveduta. On y trouve
instructions, prières, offices de l'Église, cantiques nombreux dont il
eût été bon de donner les airs notés. La pratique de cet ouvrage,
tout en nourrissant l'âme solidement, habituerait parmi nous les
petites pensionnaires à l'usage de la langue italienne.
— ' Enfin, dans ces ateliers des Orphelinats Salésiens, à Turin,
Gênes, Nice, on imprime une série d'opuscules de propagande, à
10 centimes l'un, que nous devons aussi recommander : ainsi le Pra-
tiche ed orazloni per sanctificare; le Quaresima; le Culto perpétua del
glorioso patrono délia chiesa cattolica San Giuseppe; Un' arma di
difesa ai giovani colti; le Diario Mariano; le Rosario divotamente
recitalo; le Ricordo délia prima communione^ etc.
— 403 —
— Terminons par deux ouvrages d'instruction catéchistique. Le
premier, Explications sommaires du catéchisme, est dû à un membre
de la commission d'examen du département de la Seine, M. l'abbé
Loizellier. Le respectable auteur est dans la meilleure des con-
ditions pour un travail de ce genre : celle d'une très-longue expé-
rience dans l'enseignement de la jeunesse. 11 ne procède point par
interrogations, mais par une exposition méthodique. Qu'est plutôt un
livre de lecture pour les familles et pour les classes, mais rédigé de
telle sorte qu'il n'y a pas une ligne de trop, pas une expression
obscure, pas une chose utile omise. La disposition typographique
même facilite beaucoup l'étude de cet excellent résumé, qui, suivi
pas à pas, et développé oratoirement, fournirait à tous les caté-
chistes un plan parfait et tous les matériaux pour un cours complet
d'instructions. M. l'abbbé Loizellier a d'ailleurs rejeté dans un autre
petit volume, la Table questimnairc^ la forme interrogative, qui
repasse toute la matière et servira aux examens oraux.
— Bien plus étendu est le Directeur des catéchismes, par M. l'abbé
Turcan. Ici nous avons tout à la fois la méthode pour le pasteur, la
substance pour ses leçons, la forme pour cette substance. Ordre,
clarté, précision; telles sont les qualités de l'auteur en cet ouvrage
considérable, fruit d'un exercice prolongé du ministère pastoral et
de l'enseignement de la théologie dans un séminaire. On a pu faire
aussi bien que M. l'abbé Turcan, sous une forme ou sous une autre,
mais assurément on n'a pas fait mieux. Il procède surtout par
interrogations. Chaque chapitre se clôt par une indication de nom-
breuses histoires à raconter aux enfants, histoires tirées de l'Ecri-
ture et des Vies des saints; sans les dire lui-même, ce qui formerait un
volume de plus, l'auteur renvoie à l'endroit précis où tout prêtre les
trouvera dans sa bibliothèque. Nous signalerons encore les récapi-
tulations fréquentes et les résumés. — Honneur à ces ouvriers zélés
de l'heure présente, qui ont compris l'urgente nécessité de mul-
tiplier les ressources d'instruction religieuse, alors que la déprava-
tion tient école ouverte, et que l'ignorance des vérités chrétiennes
cause autant de ravages que le vice lui-même, dont elle est, d'ailleurs,
la fidèle alliée. V. Postel.
— U)i —
OUVRAGES POUR LA JEUNESSE
L'Hôtel Woronzo/jf, par M'" Marie Mahkciul. Paris, Finniii-Didot,in-12, de 417 p. Prix :
3 fr. — De Rio-de- Janeiro à San Paulo, par M. F. HoussAY. Paris, Gauthier- Villars,
1878, in-8 de 00 p. Prix : 2 fr. — MéLanie Gerbier, par la comtesse DE La Rochébe.
Paris, Dillet, 1878, gr. in-18 de 255 p. Prix : 2 fr. — Le Monde des jeunes filles, par
Victor Henrion. Paris, Eugène Belin, 1878, gr. in-18, 212 p. Prix : 2 fr. — Fauvette,
par M"" DE Stolz. Paris, Périsse frères, 1878, gr. in-18 de 276 p. Prix : 2 fr. 50. —
Paul, souvenir d'Australie, par M"* Marie de Besneray. Paris, 1878, in-18 de 139 p.
Prix : 1 fr. — Le Lion de Coètavel, par M"* Gabrielle d'Ethampes. Paris, Putois-
Cretté, 1878, in-18 de 330 p. Prix : 3 fr. — La Fille du Kabyle, par M'" Guerrier
DE Haupt. Tours, Marne, 1878 in-18, de 105 p. Prix: 85 c. — La Dette du Bon Dieu,
par M"" Guerrier de Haupt, Tours. Marne, 1878, in-18 de 105 p. Prix : 85 c. cr..
Où, se cache le bonheur, par M. Roux-Ferrand. Paris, Olivier, 1878, in-18 de 151 p.
Prix : 1 fr. 50. — Les Merveilles du bon Dieu, par M"' Barbier. Ouvrage orné de
38 gravures. Paris, Pion, 1878, in-18 de 376 p. Prix : 3 fr.
M"'= Marie Maréchal a vite conquis Jes sympathies d'un public de
jeunes filles. Son succès est dû à la facilité élégante de son style, à la
grâce de la plupart de ses portraits. Les événements sont rares dans
la plupart des livres de l'auteur; mais M"" Maréchal trouve, à propos
des choses familières de la vie, des scènes charmantes et des tableaux
d'une grande fraîcheur. Son roman l'Hôtel Woronzoff', car il s'agit
d'un véritable roman, varie légèrement le cadre habituel des œuvres
de l'auteur. Il ne s'agit pas cette fois d'une institutrice admise dans
une riche famille, dont elle épouse l'héritier à la dernière page, mais
d'une fille pauvre, Bérangère de Pontmore, arrivant à Paris, afin de
confier sa jeune sœur malade aux soins d'un prince de la science. Le
digne docteur Roland se prend tout de suite d'intérêt pour sa cliente.
Ne pouvant parvenir à lui procurer des leçons, il trouve pour elle,
chez un de ses amis, une situation suffisamment rétribuée : quatre mille
francs par an, en échange de quelques heures de travail quotidien.
Bérangère accepte avec joie et reconnaissance. C'est alors que se
dessine une situation plus que difficile. Bérangère est belle et jeune,
le prince Woronzoff, dont elle devient secrétaire intime est jeune;
beau, et séparé de sa femme. L'amour naît lentement dans ces deux
cœurs, et le péril deviendrait imminent, si la princesse Woronzoff ne
mourait à point pour permettre à Bérangère d'épouser l'homme
qu'elle aime. Si la forme de ce livre est très-pure, M"^ Maréchal, avec
la plus grande candeur du monde, a écrit un livre dangereux. Il n'est
pas sain de laisser croire aux jeunes fiUespauvres qu'elles peuvent de-
venir les secrétaires d'un jeune prince qui les comble de prévenances
et de présents, et conserver néanmoins une réputation intacte. Les
filles pauvres se marient rarement; quelques-unes trouvent pour maris
des hommes vaillants et honnêtes. Quant à celles qui se fort lectrices
de princes millionnaires séparés de leurs femmes, la société les met à
son ban. La femme doit redouter certains périls que le livre de
— 400 —
M"® Maréchal enseigne à braver. Mais, ce défaut à part, jamais l'au-
teur n'a fait une œuvre plus soignée danslaforme et plus agréable àlire.
— Les souvenirs de voyage de M. F. Houssav, que l'auteur promet
de compléter dans de plus longs récits ont, sur la plupart des romans
promenant le lecteur sur les bords étrangers, le mérite d'être d'une
vérité absolue. L'auteur, artiste d'un grand talent, décrit avec la
plume avec autant de vérité que s'il reproduisait ses sites préférés à
l'aide de son crayon. La phrase, d'une singulière énergie, donne du
relief aux moindres détails. Ce livre ne se borne pas à de froides no-
menclatures, il touche à la science, à l'histoire. Chaque page instruit
et charme. Tout y est réel, et enlevé avec une vigueur mêlée de
grâce. Il ne nous reste qu'à souhaiter que M. Houssay termine bien-
tôt les grands travaux qu'il vient d'entreprendre sur le Brésil, où il
a passé plusieurs années.
— Mélanie Gerbier, orpheline et pauvre, réduite à faire l'éducation
de jeunes enfants, passe par toutes les phases de la jalousie et de la
rancune à l'égard des familles opulentes au milieu desquelles elle vit.
Cherchant sans repos le moyen de corriger les erreurs de la fortune,
elle commence par essayer de rendre amoureux d'elle, le lîls de
M"* de Rebours. Ce mariage lui donnerait soixante mille livres de
rente ! Mais les coquetteries de Mélanie dépassent le but, et, de la
maison de M"® de Rebours, elle se réfugie chez une parente, dont la
situation modeste est loin de satisfaire ses vœux. Repoussée par ^M. de
Rebours, Mélanie accepterait d'être la femme de son cousin Maurice;
avant le départ de celui-ci pour son vaisseau, elle lui engage presque
sa parole, se réservant de prévenir plus tard la famille qui la traite
avec une affection confiante. Peut-être Mélanie se résignerait-elle à
trouver la vie supportable, si la visite de la marquise d'Arbauville ne
venait de nouveau changer ses plans. Plaire à la sœur de M. Gerbier,
se faire amener par elle à Paris, sous le titre de dame de compagnie,
tout cela se réalise rapidement pour l'ambitieuse fille. L'hypocrisie,
l'ambition, l'avarice, la mèneront bientôt jusqu'au crime. M™^ d'Arbau-
ville tombe malade, écrit à son frère, M. Gerbier, pour le supplier de
la venir voir, et ne recevant point de réponse, se croyant abandonnée.
elle fait, dans un moment de dépit, un testament par lequel elle ins-
titue Mélanie Gerbier sa légataire universelle. Cependant la mort s'ap-
proche; un remords traverse l'àme de M"^ d'Arbauville : elle annule
son premier testament par un second qui rend sa fortune à ses ne-
veux et laisse 80,000 francs à sa dame de compagnie. Mélanie est en
possession des deux testaments confiés à sa loyauté; M"" d'Arbau-
ville morte, elle brûle le second testament et présente le premier,
celui qui la met en possession de quatre milions. A Paris, où elle
s'installe, Mélanie mène une vie de plaisirs, à laquelle l'arrache le retour
— 406 —
(le son cousin. Celui-ci a perdu son père, et vient demander à la lé-
gataire de M""' d'Ar])auville ce que sa tante laisse aux orphelins. La
tendresse se réveille dans l'âme de Mélanie; elle reprend ses premiers
projets; son mariage avec Maurice effacera une partie de son crime.
Mais révdlation do ce crime est faite au jeune homme; le mépris rem-
place l'amour, et Mélanie, désespérée, s'empoisonne. Sauvée, mais non
guérie, elle languit et meurt en léguant les quatre millions de M°* d'Ar-
hâuville k ceux qu'elle avait dépouillés. On voit que l'intérêt ne fait
pas défaut au volume de la comtesse do la Rochére. Ecrit d'une faoon
rapide, il se fait lire avec un grand plaisir.
— Beaucoup de science dans un petit livre ; de la science facile,
en ce sens qu'expliquée clairement elle se grave sans peine dans
l'esprit : voilà ce qu'on trouve dans Ip Monde des jeunes filles, de
M. Victor Henrion. La forme dialoguée donnée à ces le<ons les
rend aimables; sans trouver dans ces pages la sécheresse d'un ques-
tionnaire, on y rencontre des enseignements précis sur lesquels la
note gaie tranche parfois sans détonner. Lr Monde des jrunes filles
est celui de tous : c'est le monde des phénomènes, des grandeurs, des
merveilles de l'univers. Après s'être fixés sur les astres, les regards
des élèves descendent sur la terre. Le professeur, qui vient de mettre
à leur portée les différents systèmes planétaires, leur explique ensuite
la nature des vents, la formation du corail, les drames des avalanches
et des tempêtes. La légende met sa grâce au milieu de ces leçons
substantielles. On doit apprendre le livre comme une leçon sérieuse,
et on en garde le souvenir comme d'un brillant panorama. L'appro-
bation du cardinal Donnet, accordée à cet ouvrage, prouve suffisam-
ment à quel point l'auteur y respecte les idées religieuses, qui font la
base de la science.
— Fainrttp, de M""" de Stolz, est plutôt une suite de scènes et une
série de portraits qu'un ouvrage rêvé, cherché, trouvé. On s'aperçoit
que, sans avoir tracé de plan, M"" de Stolz a laissé courir sa plume.
L'intérêt de ce genre d'écrits s'affaiblit de tout ce qui lui manque en
solidité : trop de personnages s'y agitent. Ce sont des ombres qui
passent, et non des caractères qui se dessinent. Au premier plan se
trouve Thérèse, la Fauvette. Son esprit est vif, son cœur dévoué. Elle
peut, grâce à sa foi, supporter avec patience, d'abord une longue
maladie, ensuite la cécité, enfin la mort. Mais cette Fauvette a beau
être souriante et bonne, elle reste peinte en grisaille : la vie vraie
lui fait défaut. On dirait une créature privée de vie tangible ou maté-
rielle. L'auteur eût évité ce défaut dans son livre, s'il avait davantage
vécu avec ses personnages, afin de les douer d'une vitalité typique.
Les pages les mieux réussies de ce volume sont une imitation en vers
du IJpreu.T de Xavier de Maistre. M""' de Stolz a suivi pas à pas la
— 407 —
pensée de l'admirable écrivain ; mais à quoi bon refaire un chef-
d'œuvre ? On comprend qu'un prosateur français traduise un prosa-
teur étranger ; mais il est plus singulier qu'heureux de refaire en
langue rimée une des plus belles compositions de l'auteur du Voyage
autour de ma chambre.
— Tandis que nous reprochons à certains auteurs la monotonie de
leurs récits, nous conseillerons à M'i^ de Besneray une plus grande
simplicité dans la forme et plus de solidité dans le plan. On devine
que l'auteur, pris d'une grande admiration pour les Natchez et pour
certaines pages de Bernardin de Saint-Pierre, a tenté d'imiter l'ini-
mitable. Il en est résulté une enflure pénible. Dans Paul, souvenirs
d'Auslr/ilie, les choses les plus ordinaires sont exprimées avec pompe,
et les sentiments vrais se perdent dans rexagcration avec laquelle ils
se traduisent. Ce défaut, que nous signalons à M'ie de Besneray, dis-
paraîtra, nous l'espérons, à son second volume, et nous nous ferons
alors un véritable plaisir de l'encourager.
— Le volume de M"" Gabrielle d'Kthampes, /'' Lion de CoHnvel,
marque un véritable progrès dans le talent de l'auteur. La ferme
est moins molle ; on trouve à la fois plus d'intérêt dans le fond
et plus de grâce dans la forme. Le lion de Coëtavel est une jeune
et charmante fille, h l'imagination ardente, qui a grandi sans mère
dans les landes bretonnes, qu'elle aime i\ traverser seule et à cheval.
Yvonne no prie pas, ne franchit jamais le seuil de l'église, et son in-
domptable orgueil, doublé d'une rudesse presque cruelle, la rend peu
sympathique aux habitants du pays. Une seule personne, nouvelle-
ment installée au manoir de Kervillec, voisin du château de Coëtavel,
se sent prise do pitié pour cette enfant sans amis et sans guide, et
dont l'aïeul pousse plus loin qu'elle encore l'oubli de Dieu et le mépris
de la prière. Lors d'une des premières rencontres de Louise de Ker-
villec avec Yvonne, colle-ci blesse dangereusement un enfant du
village et l'abandonne sur la route à la charité de Louise. De cet acci-
dent découle tout un drame. Le petit blessé est soigné à la fois par
Louise, par son frère Roger et par sœur Marie des Anges, sœur aînée
d'^'vonne, dont celle-ci se souvient à peine, et qui entre en religion
contre la volonté de son père. Avec une patience et un esprit de charité
auxquels rien ne résiste, Louise apprivoise le lion de Coëtavel; mais
il faut avouer que le sentiment de naissant amour que Roger éprouve
pour Yvonne aide encore plus à cette conversion que le dévouement
de sa sœur. Grâce à la double influence du frère et de la sœur,
Yvonne, redevenue chrétienne, réconcilie avec Dieu son père agoni-
sant, et sœur^NIarie des Anges peut s'agenouiller près de sa dépouille.
Tel est ce livre, très-sympathique, pour lequel l'auteur ne recueillera
que des éloges.
— 408 —
Les petites nouvelles que M"° Guerrier de Haupt écrit pour les
enfants sont, en général, fort simples d'invention. La Fille du Kabyle
renferme pour toute aventure le mariage d'un jeune officier français
avec une jeune fille kabyle dont il sauva jadis la vie, et qui, en
mainte occasion, lui rendit en dévouement ce qu'elle devait à sa
générosité. Convaincue que la religion de Thomme vers lequel elle
ce sent entraînée est la seule véritable, la jeune Kabyle se fait chré-
tienne près du lit de mort de son père qui abjure le mahométisme.
Dans son second volume, la Dette du bon Dieu, Fauteur cherche à
prouver que nous contractons tous envers le bon Dieu des dettes que
nous restons impuissants à payer, et nous invite à ne pas trop laisser
grossir le chiffre de ces dettes. Fernande Sylvère, enfant charmante
qui prétend faire du bon Dieu son débiteur, à force de donner l'au-
mône et de répandre le bien, supplie sa mère de garder près d'elle
une petite vagabonde que nul ne peut discipliner, et qu'elle espère
amener au travail et à la prière. Le bon Dieu ne tarde pas à payer
au centuple le bien fait à « l'un de ces petits » dont il parle dans
l'Évangile. La plus jeune des sœurs de Fernande, la petite Angèle
enlevée par des saltimbanques est retrouvée par Thérèse, qu'à partir
de ce moment la famille Sylvère adopte d'une façon absolue. Il est
à souhaiter que les lecteurs de cette brochure soient entraînés à
prêter beaucoup au bon Dieu, dans la personne de ses pauvres. Cette
nouvelle n'est point la seule de ce recueil. La Cayme de Fernand
résume les défauts d'un grand nombre de collégiens oublieux de leur
âge et de leur condition, et qui s'efforcent d'agir en petits hommes, de
s'habiller à l'avenant, et de singer les gommeux à la mode. M. Maurin
a comblé les vœux de son fils en lui donnant une canne. Cette canne
devient l'occasion d'une série de contrariétés pour le jeune garçon;
elle blesse un soldat, brise la glace d'une devanture de bou-
tique, et le collégien, honteux de ses sottises, menacé de payer une
amende et d'aller en prison, rentre chez son père corrigé de la manie
d'essayer à copier les hommes. Thérèse la fermière et la Main de la
Providence terminent cette honnête plaquette. Les sujets traités par
M"' Guerrier de Haupt ne sont pas élevés, et le style manque d'éclat
mais ses livres conviennent parfaitement aux enfants à qui ils sont
destinés.
— M. Roux-Ferrand est un aimable moraliste qui, grâce à des
convictions alliées à un charmant esprit, parvient à prouver que l'unique
moyen de parvenir au bonheur est de se montrer dévoué, charitable,
pieux et bon. Le livre intitulé : Où se cache le bonheur, qui vient
d'obtenir de la Société d'Éducation populaire, une médaille d'honneur,
est un de ceux que l'on peut mettre dans toutes les mains. N'est-il
pas consolant, pour celui qui n'a jamais voyagé, de se dire que les
— 409 —
hommes revenant de faire le tour du monde s'estiment pour satisfaits
le jour où ils reprennent leur place au coin du foyer; que les posses-
seurs de grandes fortunes sont convaincus que leur félicité dépend du
nombre de bienfaits qu'ils répandent ? Le style de l'auteur est simple
et facile, et l'on regrette seulement en fermant le volume de le trouver
si court.
— Un excellent volume de M"'^ Barbier, les Merveilles du bon Dieu,
met à la portée des enfants des notions scientifiques appropriées à
leur âge. Grâce à l'auteur, ils posséderont, sur les éléments, les sphères
célestes, les saisons, les cinq sens, le corps humain, la respiration, la
digestion, la circulation du sang, des notions succinctes^ mais très-
suffisantes. La fin de ce volume, consacré à des études sur l'esprit,
l'intelligence, l'âme et la charité, forme un excellent complément à
l'analyse rapide des Merveilles du bon Dieu. Trente-huit gravures, faites
avec soin et destinées à mieux faire comprendre le texte aux lecteurs,
rendent visible ce qu'avait démontré la plume élégante et facile de
l'auteur. Il n'est pas une famille, pas une école qui ne puisse trouver
dans ce livre d'utiles enseignements. Raoul de Navery.
THEOLOGIE
Cleinenti» Sclirader, S. Jl., de tlieologlco testiuin fonte
deque edito fidei testimonio seu traditione commen-
tarius. Opus posthumum. Paris, Lethielleux, 1&78, in- 12 de 369 p., avec
inancheltes. — Prix : 6 fr.
Les plus illustres maîtres do la théologie ont particulièrement
étudié, en ces dernières années, les traités que l'on appelle les Lieux
théologiques et qui sont le fondement même de la science sacrée. Le
cardinal Franzelin, qui fut et restera une des gloires du Collège Ro-
main, enseignait, il y a douze ans, son beau traité de Scripticra et
traditione.il montrait non-seulement l'invincible force de la Tradition
et de VEcriture, leurs rapports, leur étendue, mais aussi il exposait la
théorie catholique sur la raison humaine, la foi, l'acte de foi divine.
Le P. Schrader, trop tôt enlevé à la naissante école théologique de
Poitiers, a pris un sujet plus restreint, la Tradition. L'œuvre est divisée
en deux parties : de Testibus fidei, — de Testimonio sive traditione. Le
maître établit d'abord que la foi chrétienne, qui est avant tout un
fait, peut être prouvée par des témoins ; il démontre ensuite que Dieu
a institué des témoins pour affirmer et conserver la foi. Dans la se-
conde partie, il considère la force et l'essence de la tradition, les
moyens par lesquels elle se manifeste infailliblement, les règles à
— 410 —
l'aide desquelles on peut distinguer les traditions vraiment divines,
les organes particuliers de la tradition. Une table des matières fort
étendue résume tout le traité et en fait voir l'admirable enchaîne-
ment.
Nous n'avons point à louer le livre du P. Schrader. M^^ l'évêque
de Poitiers l'a fait, avec l'incontestable autorité que lui donnent
son caractère de juge de la foi et sa vaste science théologique.
Il exhorte tous ceux qui aiment les sciences sacrées « à relire, appro-
fondir et méditer ces pages trés-doctes et très-utiles : » doctissimas
utilissimasque paginas. Ils y trouveront « la solidité de la doctrine,
l'ampleur de la science, la pénétration de l'intelligence, l'abondance
des développements, » Peut-être que le cardinal Franzelin a plus de
profondeur, une connaissance plus variée des Pères et des théologiens,
une allure plus hardie, mais il nous semble que le P. Schrader a du moins
égalé son ancien collègue au Collège Romain par la concision, la
logique la plus rigoureuse dans la marche du traité, la parfaite préci-
sion des termes. L'un et l'autre ont travaillé à remettre en honneur
l'enseignement scolastique trop oublié dans nos séminaires français.
Non, on ne peut faire parler à la théologie le langage vulgaire des
sciences humaines. On veut, dit-on, rendre clair ce qui est obscur, se
faire comprendre de tous. Notre langue, ou même la langue latine, n'a-
t-elle pas assez de mots pour exprimer ces choses, le temps n'est-il pas
venu de se débarrasser pour jamais d'un vain appareil et d'un outil-
lage usé? Nous connaissons toutes ces raisons, nous les avons entendu
répéter cent fois : mais plus nous pouvons étudier les œuvres des
grands théologiens, plus aussi nous disons que, faire de la haute théo-
logie sans les termes et les procédés scolastiques, c'est vouloir résoudre
les plus difficiles problèmes de l'algèbre par les méthodes de l'arithmé-
tique élémentaire. Eug. Pousset.
L'Église et la CîA-îIîsatîon,par Son Ém. le cardinal Pecci, archevêque-
évèque de Pérouse, aujourd'hui S. -S. le Pape Léon XIII heureusement
régnant; traduit de l'italien, par Paul Lapeyre, rédacteur de YUnivers.
Paris, Palmé 1878, in-8 de 109 p. — Prix : 2 fr.
I^e I»ape L>éon ^SLIII, sa vie, son élection, son couronnement, suivi de
l'Église et la Civilisation, pastorales adressées en 1877 et 1878 parle car-
dinal Pecci à ses diocésains de Pérouse, traduites de l'italien par le cha-
noine AxT. Ricard, directeur de la Semaine religieuse de Marseille. Paris,
Palmé, 1878, in-12 de 118 p. — Prix : 1 fr.
I^'Eglise et la Civilisation, lettres pastorales adressées au clergé et au
peuple de Pérouse p)our le carême de 1877 et celui de 1878, par Son Ém. le
cardinal Pecci, aujourd'hui Sa Sainteté le Pape Léon XIII. Paris, librairie
de la Société Bibliographique, in-12 de 76 p. — Prix : 50 c, et 5 fr. la
douzaine.
On voit tout de suite, par les énonciations ci-dessus, en quoi cha-
— 411 —
cune de ces trois publications se distingue des autres et se recom-
mande elle-même au lecteur catholique.
La première, qui est aussi la plus chère, est en quelque sorte une
édition de luxe, qui reproduit la traduction donnée par VUnivers des
deux mandements du cardinal- archevêque de Pérouse pour les ca-
rêmes de 1877 et de 1878 ; elle ne donne que cela.
La seconde est moins coûteuse et plus complète ; elle donne en plus
des pastorales, de courts mais suffisants renseignements sur la vie,
les œuvres, l'élection de Téminent auteur. La traduction est origi-
nale et n'a rien de commun avec celle parfois un peu libre de M. P.
Lapeyre.
Quant à la troisième, si elle n'a pas comme la seconde le mérite de
nous faire connaître, au moins brièvement, ce qu'a été Sa Sainteté
Léon XIII avant son élévation au pontificat suprême, elle se recom-
mande par d'autres qualités : d'abord son bas prix, qui en fait réelle-
ment une brochure de propagande, puis la fidélité de la traduction
qui nous a paru serrer de plus près le texte italien que les précédentes.
C'est donc cet opuscule qui nous semble plus spécialement destiné à
être répandu à grand nombre dans le clergé, dans les bibliothèques
populaires, dans les cercles, etc.
Parlerons-nous du texte en lui-même et de la doctrine de ces pas-
torales ? Dieu nous garde de porter un jugement sur la parole du
Docteur des docteurs ! Qu'il nous soit permis néanmoins d'exprimer
ici le sentiment que nous a inspiré cette lecture. Depuis le conclave
qui a mis la tiare sur le tête de l'Eminence Pecci, un certain parti,
comme obéissant à un mot d'ordre donné dans l'ombre et sous le
manteau de la cheminée, mais non moins fidèlement observé, s'est
appliqué à insinuer partons les moyens possibles que Léon XIII serait
un pape modéré, conciliateur — on sait le sens qu'une certaine
école attache à ces mots — libhrtl, enfin... un pape libéral! Voilà
certes, pour tout catholique^ des mots qui hurlent de se trouver acco-
lés!... Quoi qu'il en soit, il faut en rabattre, et quiconque aura lu
attentivement les deux mandements sur VÈglise et la Civilisation sera
fixé amplement sur la valeur de cette opinion et comprendra avec
quel soin Dieu a préparé pour son Eglise le chef vigilant et ferme
dont elle a surtout besoin dans les temps difficiles qu'elle traverse. La
doctrine la plus pure s'y allie à la plus douce charité, la vigueur la
plus inébranlable à la prudence la moins compromettante, et si l'on
sent que le temps des concessions à la Révolution n'est pas encore
venu, on éprouve aussi la joyeuse espérance de ceux qui, dans la tem-
pête, aperçoivent la lumière du phare qui indique le port du salut....
En ajoutant à ces deux pastorales, celle de 1860, sur le Pouvoir tem-
porel et V Encyclique Pontificale récemment promulguée, que la Société
Bibliographique va publier prochainement dans le même format, pour
faire suite à cette collection précieuse de Documents pontiftcaKx et
épiscopaux, dont la série s'ouvre par le Césarisme et uUramontanisme
du cardinal Manning, on aura la preuve complète et certaine que
Léon XIII continuera Pie IX sans plus céder de ses droits, ni biaiser
sur les principes que son immortel prédécesseur.
F. DE ROQUEFEUIL.
SCIENCES ET ARTS
De l'essence des Passions. Étude psychologique et morale, par Eugène
Maillet, agrégé des leltres et de philosophie, docteur es lettres, professeur
de philosophie au lycée Saint-Louis. Paris,Hachette,1878, in-8 de xi-440 p.
— Prix : 7fr. oO.
« En philosophie, plus qu'en toute autre chose, il n'y a de fécondité
que par l'union. Donner quelque chose de soi et recevoir largement des
autres, telle est la loi de la vie intellectuelle en général, du dévelop-
pement philosophique en particulier. » Ces paroles, extraites de la
préface (p. iv). indiquent dans quel esprit l'auteur a conçu son ouvrage.
C'est dans le sens d'une large conciliation, dans le désir de faire res-
sortir la vérité partout où elle est que M. Maillet a écrit son livre sur
les Passions. Aussi ne craint-il pas d'éclairer les enseignements de la
philosophie ancienne par les lumières delà science contemporaine, de
chercher à rapprocher du spiritualisme l'idée de l'Évolution et celle de
l'Association, de faire voir que, dans les différentes écoles et chez les
divers philosophes, il y a une part de vrai qu'il faut mettre en relief.
Il y a, dans ce livre, à la fois beaucoup de science et beaucoup d'art : les
ouvrages de nos médecins les plus illustres y sont mis souvent à con-
tribution,les détails techniques abondent, et, malgré cela, on sent dans
tout le livre une émotion secrète qui gagne le lecteur et le charme.
L'amour du vrai, du beau, du bien, le culte de l'idéal soutient l'écri-
vain et nous élève avec lui.
Après avoir présenté des considérations pleines d'intérêt sur la ma-
ladie, le sommeil et les rêves, l'illusion et l'hallucination, la folie et
ses formes, enfin sur les rapports de la passion avec l'instinct, l'auteur
établit que la passion se rapproche de ces différents phénomènes, sans
se confondre avec aucun d'eux. Ce trouble profond de notre être se
distingue de la maladie, dont les désordres se produisent presque com-
plètement en-dehors de la sphère de la conscience et de la volonté, il
se distingue aussi de la folie dont les désordres atteignent, au contraire,
et détruisent quelquefois la volonté et la conscience. Lapassion semble
avoir un caractère individuel ; elle n'en est pas moins un élément
subordonné qui ne compromet en rien l'unité du moi.
— il' -
Objet des méditations des plus anciennes écoles de la Grèce, de
Platon. d'Aristote_, des philosophes d'Alexandrie, la passion a été ob-
servée par Descartes, Malebranche, Spinoza, Leibnitz, par tous les
grands penseurs des temps modernes.
L'analyse découvre trois éléments essentiels dans nos mouvements
passionnés : un élément métaphysique, un élément physiologique, un
élément psychologique. L'élément métaphysique consiste dans la ma-
nière dont se développe la passion. On retrouve là ce mouvement
rhythmique, ce mouvement d'allernance continue et mesurée suivant
lequel a lieu le développement de toutes choses. Cette théorie, qui ne
contredit pas entièrement les théories du Devenir et du Pro^'/'è^, a pour
auteur Herbert Spencer; mais on pourrait en apercevoir la première
idée chez les Heraclite et les Anaxagore. L'histoire de la philosophie
suivant Victor Cousin, nous fournit un exemple de cette harmonie
éternelle qui préside aussi bien au monde intellectuel qu'au monde
physique. On sait, en effet, que les quatre grands systèmes philosophi-
ques se reproduisent successivement, comme si la pensée humaine
était enfermée dans un cercle d'où elle ne peut sortir. Dans le déve-
loppement de la passion, il faut tenir compte de tous les accidents
qui la précipitent ou la modèrent, il faut faire la part du tempéra-
ment, du caractère, de l'hérédité et surtout de l'innéité.
L'élément physiologique de la passion est l'ébranlement nerveux que
cette violente émotion produit dans notre organisme. Qu'on étudie la
colère, sous ses deux formes, la colère expansive et la colère spasmo-
dique, et l'on comprendra aisément combien tout notre être est agité
parla passion. Les cartésiens n'ont pas fait une part assez grande au
système nerveux. — Mais, quelle que soit l'importance de ces deux
éléments, ce n'est pas en eux que se trouve l'essence dernière de la
passion. S'il en était ainsi, la passion serait fatale. Elle envahirait
l'âme et s'en retirerait, comme le flot envahit le rivage et s'en retire
à l'heure du flux et du reflux. l\ faut, en efl'et, qu'à ce premier mouve-
ment, à cette sollicitation, à cette tentation s' a.jonte le consentement
actif de l'homme qui s'associe avec toutes les forces de sa nature à
l'impulsion éprouvée d'abord d'une manière nécessaire. Hy a pour
ainsi dire deux phases : le déchirement intérieur et la chute.
Si la passion nous aveugle, elle nous soutient aussi; c'est elle qui
nous donne des ailes pour nous élever au-dessus de notre condition.
Elle est partout : dans la nature, dont il nous semble sentir parfois
tressaillir l'âme, dans l'histoire, dans chacun de nous. Il faut donc
savoir diriger les passions, pouvoir les opposer les unes aux autres,
employer ces forces vives pour la vertu : c'est, en effet, un art que
d'être homme de bien.
L'ouvrage se termine par une classification générale et une descrip-
— 414 —
tion des principales passions. 11 y a là une étude très-fine des passions
politiques. Enfin l'auteur remarque qu'il se fait dans le monde une
création continue de passions nouvelles et insiste, non sans raison,
sur les passions factices.
Tel est, d'après un aperçu très-sommaire, ce livre qu'il faut lire en
entier. Il se recommande aux personnes qui veulent connaître de quel
puissant secours les sciences médicales peuvent être dans l'étude des
questions philosophiques, aux penseurs àquiil plaît de pénétrer par une
analyse délicate dans les ^secrets de notre nature, à tous ceux enfin
qui, tout en restant fortement attachés aux doctrines spiritualistes,
aiment la vérité alors même qu'on la leur montre dans des théories
qui paraissaient au premier abord opposées au spiritualisme.
Armand Gasquy .
Introduction à l'étude de l'économie politique, cours public
professé à Lyon, pendant l'hiver 18t34-186o, par H. Dameth, professeur à
l'Université de Genève, membre correspondant de l'Institut. 2« édition,
revue et augmentée, avec un appendice sur le Socialisme de la chaire.
Paris, Guillaumin, 1878, in-8 de xvi-ol2 p. — Prix : 7 fr. 50.
Cet ouvrage répond parfaitement à son titre. Il donne une idée
générale des phénomènes se rapportant à la production et à la distri-
bution de la richesse, et il expose nettement ce que tout le monde,
selon l'auteur, devrait savoir au sortir des écoles.
De très-remarquables qualités d'exposition l' élèvent de beaucoup
au-dessus des manuels et des traités élémentaires^ dont les librairies
sont encombrées et qui vont encore se multiplier avec l'enseignement
obligatoire de l'économie politique dans les facultés de droit.
Quant au fond des idées^ M. Dameth se borne à reproduire les théo-
ries d'Adam Smith, de J.-B. Say, de Rossi, de Bastiat. « Produire et
consommer, voilà Yalpha et l'oméga, le but et le moyen de toutes les
opérations et transactions dont le monde industriel est le théâtre »
(p. 12) ; leur étude exclusive constitue « une science autonome. » —
Cette conception de la science économique, nous n'hésitons pas à le
dire, est beaucoup trop étroite ; elle méconnaît à la fois l'action des
causes morales et sociales qui déterminent la productivité du travail,
l'importance de l'usage qui est fait de la richesse produite, et enfin les
phénomènes généraux de progrès ou de décadence qui se produisent
dans les sociétés.
Ce caractère tronqué de la science économique, dite orthodoxe, est
la vraie cause du succès qu'a eu la nouvelle école appelée Socialisme
de la chaire, qui cherche à combiner les théories évolutionnistes, la
méthode historique, la foi en l'État moderne, avec les principales dé-
monstrations de l'économie politique, pensée de conciliation qui la
— 415 —
distingue en pratique, sinon en théorie, du socialisme proprement
dit.
M. Dameth combat avec une grande force de dialectique cette dan-
gereuse conception de la fausse science germanique, dont d'ailleurs
il ne se dissimule pas le succès grandissant. Il établit péremptoire-
ment contre elle l'existence de lois sociales naturelles permanentes
qui existent dans tous les états économiques et qui vont en se déve-
loppant avec une amplitude proportionnée au développement même des
sociétés. Il est peut-être moins heureux quand il combat la théorie de
l'État moderne formulée par l'école novatrice. Le principe de liberté
que lui oppose M. Dameth est évidemment insuffisant à maintenir
l'harmonie dans le monde. social. L'activité des forces mises en mou-
vement par l'intérêt personnel doit être subordonnée à une notion
supérieure de justice qui a sa source dans la loi de Dieu, qui pénètre
toutes les relations sociales, et qui doit même, dans bien des cas, aller
jusqu'à la charité. L'idée de VÈtat moderne n'est pas autre chose que
la contrefaçon de cet empire suprême de la loi divine, nettement défi-
nie et fermement gardée par une autorité infaillible et toujours pré-
sente, qui est le premier besoin de l'humanité. Les économistes
libéraux, auxquels se réfère exclusivement notre auteur, ont peut-
être contribué pour leur part à l'en priver. C'est ainsi, par exemple,
que Vargument économique, exclusivement employé par M. Dameth,
démontre l'utilité, la nécessité, même dans les populations denses, de
la propriété individuelle du sol, mais ne suffit nullement à établir sa
légitimité. Il faut remonter pour cela à un ordre de considérations
qu'il a le grave tort de repousser au nom du principe fort discutable
àeVautonomie de la science.
L'insuffisance du point de vue de l'école à laquelle appartient l'au-
teur se montre également dans maintes appréciations historiques,
comme celle-ci : « Dans l'ancienne organisation de l'industrie en cor-
porations, maîtrises et jurandes, l'ouvrier demeurait éternellement
soumis aux caprices et à l'exploitation de ses supérieurs... Il gagnait
extrêmement peu et vivait fort mal ; mais cela semblait si naturel et
si nécessaire qu'on n'aurait osé en faire un thème d'accusation contre
l'ordre social (p. 409). »
Comme on le voit, si le livre de M. Dameth a des mérites remar-
quables, il a aussi de graves lacunes et comporte de notables rectifi-
cations. C. J.
Le Vieux-lVeuf, histoire ancienne des inventions et découvertes modernes,
par Edouard Fournier. Deuxième édition, refondue et considérablement
augmentée. Paris, E, Dentu, 3 vol.in-18 de 414-799. — Prix : lo fr.
La première édition du Vieux-Neuf di été très-goiitée. Cette nouvelle
édition, d'une étendue double au moins, sera encore plus goûtée, et,
— 4!l) —
pour ma part, je connais peu d'ouvrages dont la lecture soit à la fois
aussi agréable et aussi instructive. M. Éd. Fournier a beaucoup vu
et beaucoup retenu, mais ce n'est pas seulement un érudit fort dis-
tingué, c'est aussi un très-aimable écrivain, dont le style a toute la
clarté, toute la vivacité, toute la souplesse que l'on peut désirer en
un travail de vulgarisation. Comment avec d'aussi heureuses qualités
et traitant un sujet des plus intéressants, M. Fournier n'aurait-il pas
confiance dans le succès? Et qui pourrait le blâmer d'avoir dit de son
livre avec une noble fierté, en terminant l'épître dédicatoire à
M. Edouard Dentu : « Il est, je pense, de ceux qu'on peut, sans trop
de crainte, présenter à ses amis; j'ajouterais : à ses ennemis, si l'on
pouvait en avoir lorsqu'on a consciencieusement travaillé? »
Un des plus grands charmes du recueil, c'est son extrême variété.
M. Fournier touche d'une main légère, délicate, à des milliers de
questions. Que l'on jette seulement un regard sur Vindex mis à la fin
de l'ouvrage (p. 729-794) et qui est l'œuvre de M. Gabriel Dentu, le
frère de l'éditeur ! On sera étonné du nombre en quelque sorte infini
de matières traitées par l'infatigable chercheur. On trouve tout dans
les 1,200 pages du recueil, des détails sur Vacajou comme sur lezinc^
sur r«co/a7 comme sur la vigne, le vineiXe vinaigre, sur V acupuncture
comme sur les voilures de tout genre, y compris celle de l'empereur
Commode, laquelle marquait les distances et les heures bien des siècles
avant que la Compagnie des voitures de Paris eût imaginé son comp-
teur mécanique. Veut-on savoir l'histoire des aérostats, des affiches^
àQ& agences d'affaires, des allumettes chimiques, de Valuminium, de
V artillerie, de Vascenseur, des assurances, des bateaux à vapeur, des
batteries flottantes, des bornes- fontaines, des bougies, de la boussole, de
la brouette, des cabinets de lecture, des cachemires, du cadastre, des
cadenas à combinaison de lettres, des calorifères, des canaux, des char-
rues, du chocolat, delà claque au théâtre, des cloches à plongeurs, des
comices agricoles, (croirait-on qu'ils avaient été recommandés par
Xénophon?) des conserves alimentaires, des crèches, du crédit foncier,
du daguerréotype, des dépôts de mendicité, du drainage (connu des
moines de Clairvaux et même des Gaulois, de l'éclairage des rues, de
l'électricité, de l'enseignement mutuel, des espositions de l'industrie, de
la faïence, des feux d'artifice, des fourneaux économiques (déjà décrits
par Sénèque), des fusées, du gaz d'éclairage, de l'hélice, de Yhomœopa-
thie, des horloges, de la houille, de l'hydrothérapie, des impots, de
l'imprimerie, de V inoculation, des irrigations, de la décoration des
jardins, des journaux, du kaléidoscope, du libre-échange, de la litho-
graphie, des literies, des lunettes, du macadam, du magnétisme, des
montres, des moxas, du papier, des paratonnerres, du pétrole, des
phares, de la photographie, de la phrénologie, de la poste aux lettres^
— 417 —
de la poudre à canon, des prisons cellulaires, des puits artésiens, de la
rhinoplastie^ du. suffrage universel, des télégraphes, des télescopes, de la
vaccine, des vaisseaux cuirassés, etc., Yenojclo-pédie de M. Fournier
renseignera parfaitement sur tout cela et sur bien d'autres choses
encore.
Quelques-uns pourraient être tentés de croire que le spirituel
écrivain a cherché à rendre son livre plus attrayant, en soutenant çà
et là quelques thèses paradoxales. Sans doute, je ne voudrais pas
garantir que certaines assertions ne sont pas plus ingénieuses
qu'exactes, que certains rapprochements ne sont pasplus piquants que
légitimes. Mais le recueil, en son ensemble, est très-sérieusement fait
et M. Fournier n'a pas manqué de mettre au bas de chaque page soit
des citations justificatives, soit des références dont la précision ne
laisse rien à désirer. Dans ses notes comme dans son texte, M. Four-
nier nous a donné avec mesure, avec bon goût, la quintessence de ses
innombrables lectures : livres anciens, livres nouveaux, livres rares,
livres étrangers, articles de revues, articles de journaux, documents
inédits, autographes, etc., l'intrépide curieux n'a rien laissé échapper
de ce qui pouvait l'aider à reconstituer l'histoire du Vieux-Neuf^ et il a
pris beaucoup de peine pour nous donner beaucoup de plaisir. Car,
répétons-le, l'ouvrage est charmant d'un bout à l'autre, et c'est en
souriant que tous les lecteurs, même ceux que le président Hénault,
dans un vers si bien frappé qu'on le lui a pris pour le donner à Horace,
appelait periti, y feront d'abondantes provisions de savoir.
Mes observations, qui seront assez nombreuses, ne seront pas bien
graves. Je ne pense pas que notre mot ridelle vienne (t. I, p. 50) de
redlia, c sorte de voiture gauloise fort à la mode chez les Bretons. »
Voirie Dictionnaire de la langue française par M. Littré. — M. Four-
nier, déclarant (iô/fL, p. 975) que ce le Dictionnaire de l'Académie n'a
admis gaz qu'en 1802, » invoque là une édition qui n'est connue
d'aucun bibliographe. Il a voulu sans doute parler de la 5™^ édition,
qui est de l'an VII (1798). — Dans le passage où il s'écrie si plaisam-
ment [ibid., p. 155) : « Quand nous rendra-t-on ce bailli de Dijon qui,
en 1386, fit mettre en prison, avec une amende de cinquante livres
d'or, un médecin qui n'avait pas guéri ses malades ? » il aurait pu
rappeler, d'après l'Histoire ecclésiastique des Francs, de Grégoire de
Tours (liv. V, ch. xxxvi), que le roi Guntchzamm appliqua la peine
du talion aux deux mauvais médecins accusés d'avoir causé la mort
de la reine Austrechilde. — Le mot hygiène (ibid., p. 155) n'est pas
seulement dans une des lettres de Guy Patin (9 février 1666) ; il avait
déjàété employé, près d'un siècle plus tôt, par Ambroise Paré (Œuvres
complètes, édition de 1575, in-fol., Introduction). — On regrette que,
pour écrire le chapitre xxiv, sur l'art d'attirer la foudre chez les
Mai 1878. T. XXII, 27.
— 4i8 —
Étrusques et les Celtes, M. Fournier n'ait pas utilisé les révélations
d'un livre aussi savant que curieux (qu'il cite pourtant en une autre
occasion), la Foudre, l' éleclricilé et le magnétisme chez les anciens
(1866, in-18), par Th. -H. Martin (de l'Institut). M. P'ournier aurait
encore consulté avec profit, en quelques autres obscures questions,
l'Histoire des sciences physiques dans l'antiquité, du même érudit
(2 vol. in-8, 1849). — Les Récréations mathématiques du P. Leurechon
(ibid., p. 192), publiées à Pont-à-Mousson en 1626, avaient été pré-
cédées d'une édition intitulée Récréation mathématique (1629, in-8).
Mais les auteurs de la Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de
Jésus ne connaissent pas (t. II, col. 731-733) l'édition latine qui aurait
paru, en cette même année 1629, sous le titre de Hilaria mathematica.
— Les renseignements fournis sur Blasco de Garay, par M. Garay de
Monglave au congrès historique de 1838 sont absolument dépourvus
de valeur {ibid., p. 216). Ce littérateur, par trop gascon, avait surtout
interrogé son imagination pour retracer la biographie de l'inventeur
des bateaux à vapeur, comme pour reconstituer les antiques chants
basques qu'il a mis en circulation. Étant donné le personnage, il est
probable que Vautographe du capitaine Blasco de Garay qui paraît
si suspect à M. Fournier (p. 219), a été rédigé par l'auteur de Mon
parrain Nicolas. — J'ai été surpris de voir l'auteur du Vieux-Neuf,
lui qui rectifie tant d'erreurs en ce qui regarde les découvertes, attri-
buer àGuillotin {ibid., p. 319) la machine qui porte son nom — aussi
injustement que l'Amérique porte le nom de l'indigne rival de Chris-
tophe Colomb. Qu'il me soit permis de renvoyer M. Fournier à un
article de la Correspondance littéraire du 25 septembre 1863, intitulé
M. Legouvé elle docteur Guillotin, où j'ai rappelé que ce médecin fut
le très-involontaire parrain, mais non le père de la terrible machine.
Plus récemment, M. le docteur Achille Chéreau a publié une brochure
qui ne laisse plus rien à dire sur la non-participation de Guillotin à la
construction de l'instrument de mort. — Le livre de M. Perrens sur
Etienne Marcel, que M. Fournier trouve remarquable {ibid., p. 372),
n'est guère remarquable que par des erreurs, lesquelles ont été relevées
dans la Bibliothèque de l'Écoles des chartes, dans Revue des questions
historiques, etc. — Ce n'est pas de l'excellent copiste Ange Vergèce
(t. Il, p. 11) que vint l'expression écrire comme un ange. J'opposerai
à M. Fournier cette note mise dans la Revue critique du 9 mars 1872,
sous un document inédit relatif au calligraphe Ange Vergèce (p. 159):
« Presque tous les étymologistes ont adopté l'opinion de Ménage, qui
est une subtilité sans fondement. » Au sujet de la brouette, dont la dé-
couverte a été abusivement attribuée à Pascal, M. Fournier a oublié
{ibid., p. 45) de citer un texte célèbre de Bernard Palissy. — Pour ce
qui regarde la poste {ibid., p. 115 et suiv.), comment l'auteur du
— 419 —
Vieux-Neuf a-t-il négligé un livre spécial tel que VHistoire de la poste
aux lettres depuis les origines les plus anciennes jusqu'à nos jours, par
Arthur de Rothschild? (Paris, Hachette, 1873, in-12, 2<' édition.) —
L'étjmologie du mot paletot (de ]jrt//;'i/ m) n'est pas la bonne («è^cZ., p. 224):
suivant M. Littré, la vraie étymologie est le hollandais pallstrok,
robe, habit de gros drap, formé de palster, pèlerin, et rok, robe, habit.
— On ne croit plus depuis longtemps aux gants empoisonnés (ibid.,
p. 257) que René Bianque (au pont Saint-Michel) vendit, d'après Pierre
de TEstoile, à la reine de Navarre, Jeanne d'Albret. M. Lud. Lalanne
dit, sur ce point [Dictionnaire historique de la France, 2" édition, 1877,
p. 1039) : « C'est là une allégation qui, à tous les points de vue, ne
mérite aucune créance. » — M. Fournier (p. 473) déclare que la Pro-
vence dut, vers 1632, la tubéreuse à Peiresc, qui en avait eu des
graines par le P. Minuti, à son retour de Perse. Peiresc n'importa pas
seulement chez nous la tubéreuse, mais encore, comme Fa indiqué,
d'après les plus sûres autorités, feu M. E.-J.-B. Rathery (Nouvelle
biographie générale, t. XXXIV, col. 465) : c il acclimata en France le
chat d'Angora, le papyrus d'Egypte, le laurier rose, diverses espèces
de jasmins, de lilas et de vignes, etc. « M. Fournier aurait trouvé
plus d'une addition pour son gracieux chapitre sur les fleurs, dans un
discours prononcé, le 10 février 1860, par M. Drouyn de Lhuys^ vice-
président de la Société d'acclimatation, et où sont condensés en quel-
ques lignes (voir le Moniteur universel) bien des renseignements sur
les jardins anglais en Chine au onzième siècle, sur la serre d'Albert
le Grand à Cologne, sur l'origine des végétaux empruntés par la
France aux régions étrangères, etc. — Enfin, il est difficile d'admettre
(p. 489) que « Rubens, le grand peintre, fit une machine qu'il crut
propre à résoudre le problème du mouvement perpétuel^ n car
M. Charles Ruelens, conservateur des manuscrits à la bibliothèque
royale de Bruxelles, me paraît avoir prouvé {Pierre Paul Rubens,
documents et lettres, 1877, in-8, p. 33-36) que l'illustre artiste ne
s'occupa jamais « de cette chimère qui consiste à vouloir trouver le
moteur constant, inépuisable; » mais que le perpetuum mobile dont il
est question dans sa correspondance n'était qu'un instrument destiné à
constater les perturbations atmosphériques, courants, pressions,
hygrométrie, etc., c'est-à-dire le mouvement perpétuel qui se produit
dans le milieu où nous vivons. » T. de L.
Causeries eur l'art et la ciariosité, par Edmond Bonnaffé. Paris,
Quantin, 1878, iu-S de 257 p. et 1 pi. — Prix : 7 fr. 50.
M. Edm. Bonaffé vient de réunir, sous ce titre, en un élégant vo-
lume, les intéressants articles qu'il a insérés, dans la Gazette des beaux-
— 420 —
arts et dans YAri, sur différents sujets d'art et de curiosité. Voici les
titres de ces articles : Cornélius Salurnius. — Maître Pihourt et ses hété-
roclites.— Les Propos de maître Salebrln. — Le Commerce de la curiosité.
— Le Confort. — Suburbanum. — Dialogue des morts entre Ducerceaii et
Dumanet. — Les Guenons. — La Contrefaçon. — Un musée qui ne
coûtera rien. — Le Pour et le Contre. Pour les nombreux lecteurs
auxquels l'humour et la verve du spirituel écrivain sont depuis long
temps sympathiques, c'est une bonne fortune de posséder réunis, dans
un format commode, tous ces jolis tableaux, toutes ces vives boutades,
tous ces petits morceaux de critique fine et piquante, toutes ces
dissertations d'une érudition toujours aimable et coquette. Je n'ose
pas trop insister sur la valeur des informations, ni sur le fort et
solide canevas de recherches auquel ont été appliquées ces gracieuses
broderies. L'auteur me pardonnerait-il de priser le fond de son livre
à l'égal de la forme ? En tout cas, je ne veux pas le dénoncer à la
méfiance des gens du monde on révélant la haute dose de savoir qu'il
a si habilement dissimulée sous de savoureuses apparences littéraires.
La lecture des livres de M. Eonnafîé est un enseignement qu'on ne
saurait trop recommander à ceux qui ont besoin d'apprendre leur
métier de curieux. Pas d'excuses pour les ignorants, puisque cet en-
seignement est un plaisir. L. C.
BELLES-LETTRES
Précis de î'Silstoîre de la littérature française, depuis ses
premiers monuments jusqu'à nos jours par M. D. Nisard, de l'Académie
française. Nouvelle édition. Paris, Didot, 1878, in-18jésus de viii-41o p. —
Prix : 5 fr.
Ce livre a été publié pour la première fois en 1838 dans le Diction-
naire de la conversation et réimprimé en 1841, en un volume; mais il
n'est plus tout à fait tel qu'il s'était présenté dans cette rédaction
primitive. M. Nisard a remanié son œuvre sans se cacher les difficul-
tés d'un travail de ce genre. 11 j a nécessairement, à la suite d'une
pareille refonte, des contrastes de tons et même des espèces de contra-
dictions. C'est ainsi, par exemple, qu'après avoir, dans son introduction
(p. 5), déclaré qu'il laissera de côté les épopées du cycle carlovingien,
M. Nisard (p. 33 et suiv.) consacre tout un chapitre à la Chanson de
Roland. M. Nisard n'a été amené que fort tard à un sentiment de
justice à l'égard des plus anciens monuments poétiques de notre
littérature : « Je n'ai pas peur, dit-il, de montrer une estime médiocre
pour les travaux qu'on a faits sur les époques obscures de notre poésie
et pour la sagacité patiente des savants qui s'y livrent. Mais ne puis-
je pas dire innocemment que le besoin qu'ont tous les érudits d'égaler
— 421 —
à la grandeur de leurs efforts l'importance de leurs découvertes les
expose à des erreurs d'appréciation sur les ouvrages? Est-il impos-
sible que leur curiosité ait émoussé leur goi\t et qu'ajant eu à percer
tant d'obscurités, ils se voient enclins à admirer tout ce qui leur a
été si difficile de comprendre (p. 93). » Il y a, du reste, un peu de
vérité peut-être dans cette plirase épigrammatique. De plus elle pré-
cise parfaitement l'esprit dans lequel le livre a été écrit lors du pre-
mier jet. M. Nisard, comme on le faisait jadis, avait de la peine à
regarder au-delà de Rabelais, de Marot, de Montaigne. Avant le
seizième siècle, dans sa première édition, il ne s'occupait avec quel-
que sympathie que du Roman de la Rose et de Villon. M. Nisard a cher-
ché depuis à être plus complet, mais il y a encore bien des omissions
dans son volume. Est-ce qu'Alain Cliartier n'eût pas mérité quelques
pages? Ce livre est moins un précis de l'histoire de la littérature fran-
çaise qu'une série de portraits dont beaucoup sont d'ailleurs peints avec
finesse, et que M. Nisard a entrepris moins séduit, quelquefois, par
l'importance de ses modèles qu'attiré par une physionomie originale
ou peu ou mal reproduite.
On lit avec grand plaisir ces pages si spirituelles et souvent rem-
plies d'observations fort judicieuses. La cinquième partie, consacrée
au dix-neuvième siècle, partie toute nouvelle, est particulièrement
remarquable ; en peu de lignes sont examinés et appréciés les écrivains
les plus en vue de notre temps. Mais, là encore, il y aurait à signaler
des oublis, dont quelques-uns sont étranges. Comment M. Nisard n'a-
t-il pas un seul mot pour le théâtre de son nouveau confrère M. Sar-
dou? pas un mot non plus pour M. de Pontmartin, qui serait, et depuis
longtemps, digne de compléter le nombre des quarante?
Une inadvertance assez bizarre a survécu dans cette nouvelle
édition. D'Octavien de Saint-Gelais, né vers 1466, et de Mellin de
Saint-Gelais, né en 1491, M. Nisard a fait un seul poète (p. 158).
Autant que nous nous le rappelons, cette erreur existe aussi dans
VHistoire de (a littérature française, du. même auteur. Th. P.
Vie et mort du génie grec, par M. Edgar Quinet, avec des notes de
M"' Edgar Qclnet. Paris, Dentu, 1878, in-8 de 226 p. — Prix : o fr.
Ce n'est pas ici un livre au sens ordinaire du mot, mais une suite
de réflexions sur la Grèce antique et sur les grands hommes qui l'ont
immortalisée. Cette publication posthume n'ajoutera pas beaucoup,
il faut le croire, à la renommée de l'auteur du Génie des religions.
Non-seulement le titre promet ce que l'ouvrage ne tient pas, mais la
pensée fondamentale est des plus contestables. « L'art grec, dit
M. Quinet, est né de la victoire, lorsque THellade a triomphé du
— 422 —
barbare. » Même en accordant que « le ton d'héroïsme auquel était
montée Tâme des combattants est resté le ton dominant et comme
la région morale des écrivains des grands siècles, » on se dit que,
longtemps avant les guerres médiques, au temps d'Homère et
d'Hésiode, la poésie grecque faisait déjà assez bonne figure ; que la
perfection artistique de la Grèce s'explique par la merveilleuse
harmonie qui existe dans cette contrée privilégiée entre la nature
et l'art; enfin que le tempérament politique et moral de la race hellé-
nique nous éclaire également sur son développement progressif et
sur sa rapide décadence.
M. Quinet compte au nombre des fanatiques de l'antiquité : à le
lire, il semble que, depuis deux mille ans, l'histoire du monde ne vaille
pas la peine d'être connue. Son aversion pour le présent (je parle de
la période antérieure à nos désastres) l'égaré et l'entraîne fréquem-
ment à des assertions historiques inexactes et à des rapprochements
forcés. Ces réserves faites, il ne m'en coûte pas de reconnaître que
l'ouvrage contient sur les plus grands génies de la Grèce, poètes,
artistes et historiens, des réflexions originales et pleines de justesse.
« Le calme sourire deLéonidasou d'Aristide, au matin de la bataille,
je le retrouve dans les dialogues de Platon, comme dans les figures
du Parthénon. Une grande œuvre d'art à accomplir est aussi une
bataille à livrer : les plus belles sont celles où l'homme a été le plus
maître de lui. L'héroïsme dans la vie et dans l'art, voilà la Grèce: »
et M"^ Quinet ajoute dans ses notes: « Tel est aussi l'avenir de la
France républicaine.» Beau rêve! mais quand le verra-fc-on se
réaliser? C. Huit.
Le Théâtre esi Angleterre, depuis la conquête jusqu'aux prédcces-
seurs immédiats de Shakespeare, par Jules Jussehand, docteur es lettres.
Paris, Hachette, 1878, in-12 de 322 p. — Prix : 3 fr. 50.
Jadis délaissées, les questions d'origine en matière d'histoire
littéraire ont éveillé dans notre siècle un intérêt tout particulier. Et
c'est justice : l'enfant et le jeune homme n^annoncent-ils pas ce que
sera l'homme mûr?
En ce qui concerne le théâtre anglais, nous possédons déjà d'excel-
lents travaux sur Shakespeare, sur ses prédécesseurs immédiats et
ses contemporains : mais toute la période antérieure était fort peu
connue. M. Jusserand a eu l'heureuse idée de combler cette lacune :
pendant un récent séjour en Angleterre,' il a feuilleté, dans les
bibliothèques de Londres et d'Oxford, les manuscrits souvent
uniques où se sont conservés les essais dramatiques du moyen âge.
Les analvses et les citations fort curieuses qu'il en donne constituent
— 423 —
le premier, mais non le seul attrait de son livre. L'Introduction, où
l'auteur tend la main avec une égale bienveillance aux classiques et
aux romantiques, la comparaison qu'il établit (p. 139) entre les per-
sonnages de Molière et ceux de Shakespeare, en qui il salue
« TAristote des temps modernes, » tout atteste un esprit dont la
largeur n'exclut pas la finesse. Aussi bien l'éclectisme lui paraît-il
le seul mot d'ordre désormais acceptables dans nos sociétés cosmopo-
lites.
La première chose qui frappe à la lecture de cet ouvrage, c'est le
peu de rapport de notre théâtre avec le théâtre anglais. En dépit
d'une certaine liberté ^d'allure s, notre esprit est fait à l'image de
celui des Grecs et des Romains, à l'école desquels il se met volontiers :
il se complaît dans la sphère élevée des idées générales et n'admet
pas aisément de certaines témérités. L'Anglais, au contraire, ennemi,
au moins au théâtre, des théories et des règles, prête ses idées, ses
habitudes, même aux héros étrangers : chez lui, la littérature demeure
populaire, malgré les tentatives savantes de la renaissance : d'ail-
leurs, il aime le détail par instinct, et, comme toutes les classes de la
société lui paraissent intéressantes, dans ses productions, la fantaisie
multiplie les contrastes.
Du simple exposé des faits ressort une autre conclusion non moins
remarquable. Parler du moyen âge, c'est évoquer infailliblement chez
certains esprits l'idée de siècles d'ignorance et de terreur. Or, nous
voyons que les fêtes, et même les fêtes de l'esprit y étaient fré-
quentes. « Tous les événements heureux de la vie des souverains,
couronnements, victoires, mariages, étaient, pour le peuple, des
occasions de réjouissances; » costumes, lances et bannières rivalisaient
d'éclat pour rehausser ces processions triomphales, ces brillantes mas-
carades et ces gracieux tournois. Dans la cour ombreuse des monas-
tères, les mystères mis en action instruisaient la foule et déridaient
un instant le front grave des religieux : dans les salles gothiques des
donjons, d'autres pièces d'un tour plus profane aidaient le seigneur
à repousser les atteintes de l'ennui. Partout, pour piquer et délasser
les imaginations, <« à côté de l'idée sublime, prenait place la parodie
burlesque.»
Plus tard, au quinzième et au seizième siècles, les moralités nous '
révèlent ce que la sagesse des temps passés inspirait à nos pères ;
enfin, la farce, qui des deux côtés de la Manche fut si longtemps en
honneur, montre combien ils aimaient ce rire franc et joyeux qui
éclate tout à coup sans que l'on songe à s'en défendre. Sans doute
aujourd'hui, certains détails nous paraissent d'une hardiesse intolé-
rable et notre fausse vertu est prompte à s'en effaroucher : mais, sous
la rouille, brille le métal pur, et la vie circule à pleins bords dans
— 424 —
cette littérature primesautière, dont M. Jusserand nous fait les hon-
neurs en un style d'un tour alerte et tout juvénile.
Nous ne serions nullement surpris que son livre, chose rare, fût le
bienvenu à la fois sur la table de l'homme du monde et dans la
bibliothèque de Térudit. C. Huit.
HISTOIRE.
I^' Année géograplaîque. Revue annuelle des voyages de terre et de mer,
des explorations, missions^ relations et publications diverses relatives aux
science'i géographiques et ethnographiques. Deuxième série, par E. Maunoir
et H. DuvEYRiER. Tome 1er, 1876. Paris, Hachette, 1878, in-12 de 614 p. —
Prix : 3 fr. 50.
La première série de cette publication si utile comprend quatorze
années. Elle a été entièrement rédigée par M.Vivien de Saint-Martin,
et nous en avons rendu compte ici au fur et à mesure de la publica-
tion de chacun des volumes annuels. En donnant celui de 1875, l'au-
tour prenait congé de ses lecteurs, absorbé qu'il était par le travail
considérable de la révision, de la correction des épreuves et de la
surveillance de l'impression de son grand Dictionnaire de géogi^aphie
moderne. L'espoir qu'il exprimait alors de voir sa tâche continuée
est actuellement réalisé au gré de ses désirs et à la satisfaction de
ceux qu'intéressent à juste titre des études qui ont pris de nos jours
un si grand développement : la 2° série, après deux années d'inter-
valle, paraît, en effet, sous la haute direction de MM. C. Maunoir et
H. Duveyrier, et dans les mêmes conditions que la "première comme
format, prix, disposition par région, bibliographie, etc. Le changement
dans la rédaction a été cause d'un retard dans la publication : mais les
lecteurs n'y perdront rien : les deux années 1870 et 1877 for-
meront deux volumes, dont nous annonçons le premier, et dont le
second est promis pour le mois de juin prochain. Il contiendra les
chapitres relatifs à VEurope et aux Généralités, tandis que celui qui
parait aujourd'hui contient VAfriquc (320 p. et 476 nos de bibliogra-
phie), l'isie (190 p. et 471 nos), r0rrâ/;ù! (20 p. et 85 nos), les Z)euj:?
Amériques (20 p. et 113 no?) et les Régions polaires boréales. Nous ne
croyons plus nécessaire d'insister sur l'importance et le mérite d'une
publication remplie de documents aussi précieux à tous les points
de vue; disons seulement que M. Vivien de Saint-Martin a trouvé
dans les nouveaux rédacteurs d'excellents et dignes continuateurs de
ses travaux, et des hommes dont la compétence et le zèle sont bien
faits pour assurer à son œuvre la valeur scientifique et de vulgarisation
qui l'a classée depuis quinze ans au nombre des recueils les plus
estimés. R.
— 425 —
Littérature de géographie, de statistique et d*etIinogra>
phie russe pour les années 3 8^'-^ et 18>K, par Vl. Méjov.
Saint-Pétersbourg, 1877, t. YI, in-8 de xiii et 279, 7 et 270 p. à deux
colonnes. — Prix ; 10 fr.
De toutes les sciences qu'on cultive en Russie, il n'est aucune
peut-être qui ait fait, de nos jours, autant de progrès que la géogra-
phie, en prenant ce mot dans son sens le plus large et en y compre-
nant la statistique et l'ethnograpliie. La dernière exposition géogra-
phique en a révélé à TOccident étonné l'éloquente réalité, et le
suffrage universel a volontiers décerné la palme aux exposants venus
de l'Empire russe. Encore n'avait-on alors devant les yeux que des
pièces de choix, les articles les plus importants ; les détails échappaient
et cependant ces détails étaient indispensables pour donner une idée
plus adéquate des véritables progrès que les études géographiques
ont faits en Russie. M. Méjov vient d'en réunir une partie dans le
volume cité plus haut ; on y compte 10,299 articles, bien que le livre
n'embrasse que l'intervalle do deux années.
Au moment où celui-ci paraissait, la Russie occupait 393,000 lieues
carrées, dont 18,000, presque les trois quarts du sol occupe par la
France, ont été acquises depuis le dernier quart de siècle.
On peut juger ce que ces immenses territoires doivent contenir de
variétés ethnographiques et quelle mine inépuisable ils offrent au
géographe et au statisticien. Aussi quelle fécondité et quelle richesse
dans cette branche de littérature! 11 suffit, pour s'en convaincre, do
parcourir rapidement le volume de M. Méjov. La section d'ethnogra-
phie, par exemple, offre une variété si étonnante, un caractère d'ori-
ginalité tel qu'il serait difficile de trouver ailleurs quelque chose de
pareil.
Si l'espace le permettait, j'aurais pu offrir aux lecteurs de la
Revue des données très-intéressantes, que fournit chacune des trois
sections dont se compose le livre, notamment les biographies des
membres de la Société géographique, qui en a dans l'univers entier,
la statistique des couvents et des églises, des sectes et des confessions
étrangères, celle de l'instruction et de la bienfaisance publique, la
littérature populaire, comprenant les croyances et les superstitions,
les mœurs et les coutumes, etc., etc. Je me borne à les indiquer.
Deux index abondants complètent le livre et en doublent la valeur.
M. Méjov me permettra cependant quelques observations.
Je ne vois pas pourquoi la géographie mathématique vient se
placer entre la statistique et l'ethnographie, et non après la géogra-
phie physique, ou pourquoi Meyerberg figure sous la rubrique :
Finlande (n° 505). Il me semble aussi qu'Antoine, archevêque de
— 426 —
Novgorod, n'a jamais visité l'Asie (n° 788). Son voyage à Constan-
tinople (avant 1200) n'en fait aucune mention.
L'utilité et l'importance de cette publication sautent aux yeux. Si elle
témoigne des progrès incontestables de la science géographique en
Russie, ainsi que de la savante société qui s'y voue avec tant de zèle
et d'intelligence, elle fait aussi honneur au laborieux et zélé biblio-
graphe qui en suit avec attention les moindres mouvements et compte,
pour ainsi dire, tous les pas. J. M.
La Grèce et l'OrSenten I»i*ovence, par M. Lentheïuc. Paris, Pion,
1878, gr. in- 18 de 493 p. — Prix : 5 fr.
M. Lentheric, dans son nouveau livre la Grèce et l'Orient en Pro-
vence, poursuit ses études archéologiques et topographiques sur le
midi de la France et les rives de la Méditerranée ; dans ce volume,
qui fait suite à ses Villes mortes du golfe de Lyon, il s'occupe plus spé-
cialement d'Arles, de Marseille et du Delta du Rhône. Le principal
intérêt du livre est dans les études de l'auteur sur la ville d'Arles et
ses environs; elles remplissent les deux tiers du volume, et l'on ne
songe pas à s'en plaindre; en effet, si Arles fut inférieure à Marseille
au point de vue de l'influence commerciale et économique, elle a une
tout autre importance que sa rivale phocéenne au point de vue des
études archéologiques et artistiques.
On remarque dans le livre de M. Lentheric deux courants d'études
parallèlles et d'un ordre très-différent ; l'un est le résultat du travail
de l'ingénieur, l'autre de celui de l'historien. Nous avouons notre in-
compétence en ce qui concerne les études topographiques et nous ne
saurions nous prononcer sur le mérite de celles dont M. Lentheric
a parsemé son ouvrage ; nous devons dire seulement qu'elles ont
excité à un haut degré notre intérêt. Le recul successif de la mer de-
vant les alluvions du Rhône; la formation par des déluges entraînant
les rochers des Alpes des immenses plaines improductives et désolées
de la Crau; la contrée autrefois couverte d'étangs navigables peu à
peu colmatés par la vase fertilisante du fleuve qui donnait naissance
à un sol nouveau d'une richesse extrême ; toutes ces questions sont
traitées avec une grande autorité et d'une façon toute nouvelle. Sui-
vant l'auteur, la création des digues du Rhône a été une véritable
erreur; tandis que le fleuve faisait jusque-là, dans une certaine me-
sure, l'office du Nil et fertilisait, en l'inondant, le sol de son vaste delta,
aujourd'hui il jette chaque année à la mer dix-sept millions de mètres
cubes de riches alluvions, qui non-seulement sont perdues pour l'agri-
culture, mais encombrent ses ouvertures et rendent la navigation
impossible. Ces digues, du reste, ne résistent pas aux crues extraor-
— 427 —
dinaires, et alors leur rupture occasionne des désastres effroyables.
M. Lentheric croit que cette première erreur est maintenant à peu
près irréparable et la navigation régulière du Rhône lui paraît, quoi
qu'on fasse, très-compromise dans l'avenir.
L'époque de la fondation de la ville d'Arles est inconnue; d'abord
Emporiiim ou marche celtique, elle devint ensuite colonie phéni-
cienne, puis fut occupée par les Grecs. Sa race a gardé l'empreinte
manifeste de son origine grecque ; la beauté de sa population fémi-
nine est proverbiale; seulement ce type si remarquable, que M. Len-
theric paraît vouloir restreindre à la seule ville d'Arles, appartient
à toute une contrée assez étendue. Les femmes de Tarascon, Beau-
caire, etc., ont le profil aussi pur que l'Arlésienne ; leur origine est
certainement la même.
L'influence grecque s'accuse encore d'une façon positive, au dire
de M. Lentheric, dans les monuments antiques si nombreux et si in-
téressants à Arles et surtout dans le théâtre et les statues qui y ont
été découvertes. L'art y est plus fin, plus délicat qu'à Nîmes et à
Orange, colonies purement romaines. Peut-être l'auteur se laisse-
t-il entraîner par son sujet et se prononce-t-il d'une manière un peu
trop absolue à cet égard : il est difficile, en présence du petit nombre
de monuments antiques qui subsistent, de se rendre compte d'une
façon complète de ce qu'étaient ces villes au moment de leur splen-
deur. Il nous paraît dangereux, quant à nous, de vouloir comparer,
comme le tente l'auteur, la Vénus d'Arles à la Venus de Milo, dont
elle est bien éloignée sous tous les rapports.
L'influence d'Arles au point de vue commercial fut considérable; la
Gaule y venait échanger ses produits que les marins grecs transpor-
taient sur tout le littoral de la Méditerranée. Des flottes de grandes
barques à fond plat soulevées par des outres gonflées sillonnaient les
étangs peu profonds qui environnaient la ville, sans craindre les
bancs de sable et les hautes eaux; de nombreux navires se rangeaient
le long de ses quais; enfin un grand nombre de vaisseaux étaient
chaque année construits sur ses chantiers, et ses ouvriers jouissaient
d'une réputation méritée. Lorsque César voulut assiéger Marseille
par terre et par mer, il put faire sortir du port d'Arles en trente jours
douze navires, d'autres disent vingt-deux, tout armés avec lesquels il
bloqua le port de la cité phocéenne.
C'est pourtant de cette époque que date la décadence si rapide
d'Arles. Tandis que Marseille, malgré se rébellion, conservait ses
institutions autonomes et étendait de plus en plus le cercle de ses
opérations commerciales, Arles voyait la navigation du Rhône de-
venir de plus en plus difficile, elle tombait au rang de simple colonie
et recevait les vétérans de la 6^ légion. Peu à peu, l'ensablement du
— 428 —
Rhône, le colmatage des étangs rendent la navigation plus pénible
aux mains des marins arlésiens : Marseille ne cesse do grandir, tandis
que son ancienne rivale voit chaque jour le commerce se frayer une
autre route et la délaisser.
Marseille est une ville d'un tout autre aspect qu'Arles; elle ne fut
jamais qu'un centre commercial. Les temps antiques y ont à peine
laissé leur empreinte ; de théâtres, d'arènes, de temples, peu ou point
de traces ; c'est à peine si quelques grossières sculptures y sont venues
rappeler la colonisation du pays par les Phocéens. Si la pauvreté ar-
tistique de Marseille surprend, l'étonnement redouble en face de sa
prodigieuse prospérité commerciale; on voit que la race qui l'habitait
fut plus entreprenante et surtout plus favorisée par les lieux et les
circonstances que la population arlésienne. Placée au bord même de
la mer sur une côte rocheuse et inaltérable, possédant un port d'une
sûreté extrême, elle était faite pour être la reine de la Méditerranée.
Aussi voyons-nous ses colonies s'établir sur toute retendue des côtes
entre l'Espagne et l'Italie, et ses navires devenir le trait d'union entre
le Nord et l'Orient.
La numismatique, à défaut d'autre démonstration, nous fournit la
preuve de la richesse et de la puissance de Marseille : non-seulement
elle a répandu à profusion ses monnaies dans l'ancien monde, non-
seulement ses types ont été imités depuis les hauteurs duBriançonnais
jusqu'en Espagne, mais ses ateliers monétaires émettaient, comme l'a
démontré le trésor d'Auriol, des monnaies au type de la plupart des
villes grecques pour faciliter les moyens de transaction à ses négo-
ciants, qui transportaient leurs marchandises en Asie-Mineure et dans
les îles.
Enfin Marseille n'a cessé de prospérer; de nouveaux ports y ont été
créés à grands frais, et le cercle de ses relations commerciales s'a-
grandit tous les jours : elle doit ce privilège exceptionnel à sa posi-
tion merveilleuse à l'esprit d'initiative de ses habitants et surtout aux
franchises municipales dont elle a toujours joui, aussi bien à l'époque
romaine qu'au moyen âge.
Cette analyse sommaire du nouveau livre de M. Lentheric suffira
pour démontrer que cet ouvrage est intéressant et mérite d'être lu ;
les gens du monde y trouveront beaucoup à apprendre ; les savants,
plus exigeants, demanderaient peut-être des études plus complètes
sur les divers sujets traités et des dissertations plus étendues; néan-
moins la lecture ne leur en sera pas inutile, car l'œuvre est intéres-
sante, nouvelle et pleine d'idées justes et vraies. G. R,
- 429 —
L'Egypte à petites journées. Études et souvenirs, par Arthur Rhonk.
Paris, E. Leroux, 1877, in-8 de 431 p., avec plans, gravures et bois
intercalés dans le texte. — Prix : 13 fr.
Au moment où, grâce à l'Exposition universelle, les curieux pour-
ront admirer les objets précieux envoyés par le vice-roi d'Egypte et
classés par M. Mariette-bey, nous croyons devoir signaler un volume
qui nous paraît indispensable de bien connaître afin de pouvoir appré-
cier la valeur artistique et archéologique du .Musée dont l'illustre égyp-
tologue prépare lui-même l'arrangement.
M. Arthur Rhoné a entrepris, il y a quelques années, avec des amis,
un voyage en Egypte ; il recueillit alors des notes qui, d'abord, ne
devaient former qu'un simple volume destiné à fixer les souvenirs de
ses compagnons et à être distribué dans une intimité très-limitée.
Plus tard, l'auteur reout des reproches de quelques-uns de ses lec-
teurs privilégiés. On lui fit observer que ses recherches sérieuses,
ses observations aussi remarquables par leur finesse que par leur
exactitude, ne devaient pas être réservées, par sa trop grande modes-
tie, à un public très-restreint. M. Rhoné céda, et nous lui devons
ainsi un livre très-goùté par les savants^ et destiné à vulgariser,
auprès des gens du monde, un sujet peu connu.
Le résumé clair et agréable à lire de l'histoire de l'art et de l'his-
toire politique de l'Egypte depuis les temps les plus reculés jusqu'en
1877 est, convenons-en, un livre précieux. Pour beaucoup de lecteurs,
l'Egypte, avec ses nombreuses dynasties de souverains, avec ses
monuments gigantesques couverts de dessins divers empruntés aux
trois règnes de la nature, aux métiers, aux arts, etc., exprimant les
uns des idées, les autres des sons, l'Egypte, dis-je, est entourée d'un
rayonnement mystérieux qui ne laisse pas que de frapper l'imagi-
nation ; on admire de loin ; on craint d'avoir trop à apprendre pour
arriver à savoir un peu de ce qu'il faut pour se guider dans ce monde
antique. Le livre de M. Rhoné est fait pour dissiper ces appréhen-
sions ; lorsqu'on le possède, on est étonné de voir si clair dans un
sujet resté longtemps aussi peu accessible au commun des mortels.
Il y a deux ordres d'idées distinctes dans l'Egypte à petites jour-
nées : la période antique, sur laquelle j'insisterai surtout; la période
moderne, qui est bien faite pour satisfaire les curieux les plus exi-
geants. Dans celle-ci, M. Rhoné décrit sous une forme vive les usages
et les mœurs actuelles de l'Egypte ; on parcourt avec lui les mos-
quées ; on assiste aux cérémonies des derviches tourneurs; on est
dans les bazars, à la curieuse foire de Tantah : on circule dans
les rues et les ruelles. Tous ces détails, et bien d'autres que je ne puis
énumérer ici, sont décrits avec une sûreté d'observation, avec une
humour qui n'exclut pas une simplicité de bon goût assez peu com-
— 430 —
mune ; l'auteur, en effet, évite avec soin de se mettre personnellement
en avant. Il ne pose pas, faiblesse que les voyageurs évitent rare-
ment.
Dans la partie du livre qui touche à l'histoire et à l'art de l'ancienne
Egypte, nous trouvons, en maintes pages, le reflet des lumineuses
théories de M. Mariette-bey, dont l'amicale bienveillance a permis à
l'auteur de profiter largement ; c'est dire que, dans l'étude du Musée
de Boulaq, dans l'excursion aux ruines de Memphis, dans le récit de
la découverte et de l'exploration du Sérapéura, le lecteur suivra sans
cesse un fil qui ne lui permettra pas de s'égarer. Notons que M. Rhoné
a donné un certain développement aux circonstances qui précédèrent
et accompagnèrent les fouilles du Sérapéum et les résultats inattendus
de cette découverte, qui fait le plus grand honneur à la science fran-
çaise ; la campagne de M. Mariette-bey présenta des incidents
diplomatiques et presque tragiques qui mettent singulièrement en
relief la ténacité, la finesse, le courage et la perspicacité de l'illustre
archéologue.
Il reste encore bien des mystères à éclaircir dans l'histoire de l'E-
gypte ; aujourd'hui on admet que la première des trente-quatre dynas-
ties commence cinq mille ans avant l'ère chrétienne environ ; je dis
environ, parce que, s'il n'y a pas de divergences d'opinions sérieuses
au sujet des périodes historiques, on en est encore réduit aux conjec-
tures en ce qui touche la chronologie, antérieurement au sixième
siècle avant l'ère chrétienne, les dates sont approximatives. Admet-
tons donc que la première dynastie remonte à l'an 5000 ; nous voyons
des monuments qui sont de cette date reculée, mais qu'y avait-il aupa-
ravant? D'où venait la race qui peuplait alors l'Egypte et qui, cinquante
siècles avant l'ère chrétienne, était déjà dans un état de civilisation
avancée ? — M. Mariette-bey se préoccupe de chercher le point
chronologique où l'Egypte cessa d'être sauvage pour entrer dans
l'état civilisé (page 263); je crois que, posée ainsi, la questionne
peut pas avoir de solution. Un peuple sauvage ne devient pas civilisé
de lui-même : c'est le contraire qui a lieu dans certaines circons-
tances. La véritable question est peut-être celle-ci : D'où est venue la
civilisation apportée en Egypte antérieurement à l'an 5000 ?
Dans un appendice de près de cent pages, M. Rhoné a donné
on résumé chronologique des annales égyptiennes ; il en a fait déjà
un tirage à part, revu, augmenté et accompagné de cartes. Ce fasci-
cule, que l'on pourra se procurer, est un véritable manuel que nous
désirons voir répandu le plus possible ; il est à souhaiter que tous, et
surtout les jeunes gens et les professeurs, lisent ce court résumé qui
permet de mettre de l'ordre dans le cahos qui a longtemps passé pour
représenter l'histoire d'Egypte. A. de B.
— 431 —
Xhe "Voyage oT the Challenger. The Atlantic : A preliminary
acc.ount of the gênerai results of the exploring Voyage of H. M. S. Chal-
lenger during the yaer 1873 and the early part of the yaer 1876, by
Sir C. Wyville Thomson. London, Macmillan and C°, d878, 2 vol. in-8 de
xxs-42-i et xiv-396 p. — Prix : 36 fr.
Voici deux charmants volumes, qui se recommandent également aux
naturalistes et aux simples amateurs de voyages; ils intéresseront
les uns par de nombreux détails d'expériences scientifiques et d'obser-
vations de toute espèce ; ils amuseront les autres par la description
de pays étrangers et les tableaux de mœurs qu'ils renferment.
L'expédition que sir Wyville Thomson nous raconte ici avait dû son
origine à deux causes diverses; le gouvernement anglais et celui des
Etats-Unis sentaient depuis longtemps la nécessité d'établir entre
l'ancien et le nouveau monde une communication télégraphique
régulière, et, d'un autre côté, beaucoup de savants anglais désiraient
savoir à quoi s'en tenir sur la faune et la flore sous-marines. Quelques
observateurs prétendaient qu'à une certaine distance, la vie diminuait
graduellement pour disparaître ensuite tout à fait ; il ne manquait pas de
naturalistes pour soutenir le contraire ; il était utile de savoir à quoi
s'en tenir sur ce sujet, et les membres les plus influents de la Société
royale de Londres résolurent d'adresser au gouvernement anglais un
rapport circonstancié qui ferait ressortir la nécessité d'une expédition
scientifique destinée à la fois à poserla ligne télégraphique en question
et à étudier l'histoire naturelle de l'Océan.
Les conclusions du D'' Carpenter, qui représentait la Société royale,
furent accueillies de la manière la plus favorable, et la corvette
Challenger partit de Sheerness, dans la Tamise, le 7 décembre 1872,
pour son voyage d'exploration ; elle était commandée parle capitaine
Nares, richement fournie de tout l'outillage nécessaire, et avait à
bord une commission scientifique dont le président était Sir Wyville
Thomson, professeur d'histoire naturelle à l'Université d'Edimbourg ;
c'est à ce gentlemen que nous sommes redevables de l'ouvrage analysé
ici. Le voyage dura environ quatre ans, et, dans cet intervalle, le
navire parcourut 68,890 mille nautiques, de Sheerness à Portsraouth,
de Portsmouth à Ténériff"e,de Ténériff'e à l'île Saint-Thomas, de là aux
Bermudes, puis à Madère, au Brésil et au Cap de Bonne-Espérance ; trois
cent soixante-deux postes d'observation furent établis dans les localités
les plus importantes, et, quand le Challenger entra en rade de Spithead,
le 24 mai 1876, il rapportait une masse de notes, de faits et d'échantil-
lons qui prouvèrent surabondamment l'utilité d'un voyage de longue
durée terminé sans qu'il y eût un seul accident sérieux à déplorer.
On ne s'attend pasà ce que je reproduise les détails techniques dont
les deux volumes de Sir Wyville Thomson sont pleins et qui en font.
— 432 —
pour les gens du métier, le principale mérite; je me bornerai à deux
ou trois remarques portant sur la question de la flore et de la faune.
1. La vie animale existe au fond de l'océan à toutes les profondeurs.
2. La vie animale n'est pas à beaucoup près aussi abondante aux
limites extrêmes que dans Tintervalle qui sépare ces limites, et cette
différence tient probablement à certaines causes chimiques affectant la
composition soit de l'eau soit des dépôts à de grandes profondeurs.
3. Il y a tout lieu de croire qu'à de grandes profondeurs la faune
n'existe que dans deux zones, l'une près de le surface, l'autre près du
fond ; dans la zone intermédiaire, on ne trouve aucune ou presque aucune
des grandes espèces animales, vertébrées ou sans vertèbres. 4. Quoi-
que les principales espèces d'animaux marins sans vertèbres soient
toutes représentées dans ce que l'on peut appeler la faune abysmale, la
proportion relative de ces espèces est assez curieuse; ainsi les mollus-
ques de toutes les classes sont comparativement rares, tandis que les
échinodermes et les porifères prédominent. 5. Les faunes les plus
caractéristiques et celles qui se rapportent le plus aux espèces dis-
parues se trouvent principalement dans la mer du Sud, et, en étudiant
d'une manière comparative les faunes de l'océan Atlantique et de
l'océan Pacifique, on arrive à la conclusion que le déplacement des
espèces a eu lieu dans la direction du nord.
Le premier chapitre du premier volume contient les particularités
sur les préparatifs de l'expédition, et il est illustré de gravures sur
bois représentant l'aménagement du navire, le laboratoire de chimie
et les principaux instruments employés par Sir Wyville Thomson et
ses collaborateurs. Je n'ai pas besoin de dire que, dans un livre de la
nature de celui-ci, la science a la part du lion, et que le lecteur en
quête d'impressions de voyage fera bien de passer outre; mais il serait
injuste de supposer que le savant professeur néglige les considérations
politiques ou ethonographiques, les descriptions de paysages ou les
détails de mœurs; ainsi le premier volume contient une excellente
notice sur les îles Bermudes accompagnée de cartes et de gravures,
tandis que le second s'ouvre par un intéressant chapitre qui traite des
Açores. Le style de Sir Wyville Thomson mérite un mot d'éloge; sobre
sans être sec, pittoresque à l'occasion, et empreint de ce cachet de
modestie tel qu'on devait s'attendre à le rencontrer chez un homme
vraiment distingué dans sa spécialité. Cent soixante-seize gravures
sur acier et sur bois et cinquante-six cartes ou diagrammes reprodui-
sent, pour la meilleure intelligence de l'ouvrage, les observations
météorologiques et hydrographiques, le parcours du Challenger, les
échantillons les plus remarquables de plantes et d'animaux, les points
de vue exceptionnellement pittoresques. Bref, ces deux volumes
font beaucoup d'honneur à tous ceux qui en ont procuré la publica-
tion. Gustave Masson.
Oie bildliclien DarsLellungen ia tien riL-iuisc3ien I^at»-
kotnbeu als Zeti^en fur die VA'alirheît der clirist-katho-
lisclien Lelire. (Les Reprise nto.tions figurées des catacombes romaines
témoignage de la vérité de la doctrine catholiejue.) Von D"" Alexander
Grillwitzer, Stiftsprior in Rein. Mit 78 Abbildungen. Grécz, Vereins-
Buctidruckerei. 1876, ia-4 de iv-69 p.
L'une des preuves les plus frappantes de la vérité de la doctrine
catholique, c'est la perpétuité de ses croyances, depuis ses origines
jusqu'à nos jours. Les représentations figurées des catacombes nous
fournissent une démonstration sensible et irrécusable de cette perpé-
tuité, en nous mettant sous les jeux les monuments mêmes dans les-
quels les premiers fidèles ont exprimé leur foi. Le P. Grilhvitzer a
recueilli celles de ces représentations qui sont les plus propres à éta-
blir que la foi des premiers chrétiens était la même que la nôtre. Au
moyen de soixante-dix-huit d'entre elles, qu'il reproduit en bonnes
gravures sur bois, il nous montre successivement, après une descrip-
tion des catacombes, les scènes principales de l'histoire de l'Ancien et
du Nouveau Testament, l'Eglise fondée sur les apôtres et sur leur en-
seignement, le bon pasteur, la sainte Trinité, les sept sacrements et
surtout la sainte Eucharistie considérée comme sacrement et comme
sacrifice, les opérations de la grâce en l'homme, les vertus chré-
tiennes, la résurrection des corps, etc. Le texte de l'auteur explique
les représentations figurées et en justifie l'interprétation. Il fait con-
naître en quelques mots le lieu où a été découverte la peinture qu'il
étudie et en donne le sens d'une manière simple, claire et précise. On
apprend ainsi tout à la fois à connaître ce que nous ofîrent de plus
intéressant les catacombes et les enseignements précieux qu'elles
fournissent au chrétien, en même temps qu'au théologien et à l'histo-
rien du dogme. Du reste, les fresques des catacombes ont inspiré au
P. Grillwitzer, non-seulement des pages instructives, mais aussi des
lignes charmantes. Combien son langage est gracieux, lorsqu'il parle
des fleurs symboliques, images des vertus des martyrs, qu'on voit sur
leurs tombeaux? Avec quel à propos il cite le beau passage de
Minucius Félix, protestant contre le mépris des fleurs que les païens
attribuaient aux fidèles et déclarant qu'au contraire ils admirent leurs
couleurs et aiment leurs parfums, mais qu'ils préfèrent encore être
embaumés intérieurement par les vertus, les plus belles des fleurs !
On peut juger par là de l'intérêt et de l'utilité du travail sur les
représentations iigurées des catacombes : rniscuit utile dulci.
■ N. 0.
I>er Brief des .Julius Afrîcanus an Aristide», kritisch
untersucht icnd hergesteltt, von Friedrich Spitta. Halle, Buchhandlung des
Waisenshauses, 1877, in-8 de viu-12"2p.
Jules Africain, né à Nicopolis, en Palestine, florissait au troisième
Mai 1878. T. XXII, 28.
— 434 —
siècle. Il composa une chronique qui renfermait l'histoire universelle
depuis Adam jusqu'à l'empereur Macrin. Mais à part quelques frag-
ments, appartenant la plupart à cette chronique, il ne nous reste de
lui qu'une lettre à Origène sur l'histoire de Suzanne qu'il regardait
comme apocryphe et une lettre à Aristide, sur la généalogie de Notre-
Seigneur, dans laquelle il se propose de concilier la double généalogie
rapportée par saint Matthieu, d'une part, et par saint Luc de l'autre.
C'est cette lettre à Aristide que M. Spitta vient d'étudier et de
publier avec beaucoup de soin et d'érudition.
La tâche de M. Spitta était délicate et difficile. Le fragment prin-
cipal de la lettre de Jules Africain à Aristide nous a été conservé en
grec par Eusébe, dans son Histoire ecclésiastique I, 7. Il existe de
ce fragment trois traductions anciennes, la traauction latine de Rufin,
et deux traductions syriaques, qu'on lit, l'une dans la traduction
syriaque de l'Histoire ecclésiastijue d'Eusèbe d'un manuscrit de
Saint-Pétersbourg, de l'an 462, et l'autre dans une seconde version
syriaque conservée à Londres dans un manuscrit du sixième siècle.
Un érudit anglais, Routh, a tiré de divers manuscrits quelques autres
fragments qu'il a publiés dans le second volume de ses Rcliquiss
sacrx. Enfin le cardinal Mai a également recueilli quelques débris de
la lettre à Aristide.
M. Spitta a étudié, collationné et comparé tous ces fragments dans
les textes imprimés et manuscrits; il a cherché à retrouver leur véri-
table place dans le corps de la lettre et l'a ainsi reconstituée dans la
mesuredupossible.il n'a pu réussir à combler toutes les lacunes;
cependant, grâce à lui, elle est maintenant à peu près complète. Son
oeuvre de reconstruction est nécessairement en partie conjecturale ;
mais ses conjectures sont du moins très-plausibles et tout à fait accep-
tables. Le commencement et la fin de la lettre n'ont pas été retrouvés.
Elle est aussi incomplète à la seconde page (p. 108) ; néanmoins nous
possédons sûrement désormais les parties essentielles de l'écrit
d'Africain, cet écrit intéressant par son sujet et son contenu, malgré
sa brièveté, qui nous montre avec quel soin on s'est occupé, dès les
premiers siècles, de la concorde et de l'harmonie des récits évangé-
liques. Par cette œuvre de patience autant que d'érudition et de
sagacité, M. Spitta a rendu service aux études patrologiques.
G. K.
Ifive Lieetures on tlie city of ancîent Rome, and lier Empire
over thc Nations, ilie divinely-scnt Pioneer ofthe way for the catholic Church.
A supplément to the Student" s usual course of study in Roman History.
By the Rev. Henry Formby. Lundon, Burns and Oates (sans date), in-8 de
VIII et 88 p. — Prix : 3 fr.
L'auteur de ces pages soutient une thèse générale qui obtiendra
— 433 —
sans peine l'assentiment de tous les catholiques, savoir que la Provi-
dence avait prédestiné Rome à devenir le centre de la véritable
Eglise et avait, en conséquence, tout disposé à cet effet. Mais il sou-
tient de plus une thèse particulière qui ne rencontrera pas autant
d'approbateurs. C'est que Numa Pompilius, le second roi de Rome, le
législateur religieux de son peuple, connaissait le vrai Dieu et la loi
de Moïse et qu'il avait enseigné la vraie religion ; peut être avait-il
laissé aux Romains des extraits du Pentateuque. La principale auto-
rité alléguée par le P. Formbj, en faveur de sa thèse, est celle de
Clément d'Alexandrie (qualifié à tort de saint); mais elle est très-
contestable pour beaucoup de raisons, en particulier à cause de
l'anachronisme que contient le passage cité et que l'auteur reconnaît;
de plus, Clément est loin d'afiîrmer tout ce qu'affirme le P. Formby.
Le savant religieux anglais a, du reste, le mérite d'attirer l'attention
sur un point historique beaucoup trop négligé de nos jours et de pré-
senter sur la mission providentielle de Rome des considérations
propres, dans leur ensemble, sinon dans tous les détails, à frap^jer
l'esprit et à exciter la foi. Nos livres d'histoire sont presque toujours
terre-à-terre ; ils ne s'inquiètent pas de faire ressortir le rôle de
Dieu, intervenant au milieu de l'agitation des passions humaines et
faisant tout tourner à l'accomplissement définitif de ses desseins.
C'est là une lacune fâcheuse et entièrement regrettable, comme le dit
avec raison le P. Formby. Cette absence de la Providence dans
les écrits qui devraient nous montrer partout son action produit un
funeste résultat : les lecteurs s'habituent de la sorte à ne point
songer à Dieu et il sort de leur vie s'il sort de leurs pensées. Ceux
donc qui nous font voir la main de la Providence dans les grands
événements de ce monde accomplissent une oeuvre salutaire : c'est
une bonne action en même temps que la vraie philosophie de l'his-
toire. L. M.
«iean de Vienne, amiral de France (1341-1396). Étude historique,
suivie de documents inédits, pour servir à l'histoire de la marine française
au quatorzième siècle, par le m irquis Terrier de Loray. Paris, librairie
de la Société Bibliographique, 1877, in-8 de 276-ccxx p. — Prix : 6 fr.
Moins célèbre que Du Guesclin, Jean de Vienne a tenu pourtant,
auprès des premiers Valois, une place presque égale à celle du grand
connétable. Dans ses deux patries, la Franche-Comté et la France, en
Flandre et en Normandie, en Hongrie et en Afrique, en Castille et en
Ecosse, sur terre et sur mer, on le vit successivement, simple che-
valier, chef d'armée, amiral, ambassadeur, faire de sa vie une longue
croisade au profit de la chrétienté et du royaume très-chrétien. Les
chroniqueurs ont souvent parlé de lui, et néanmoins sa renommée
— 436 —
n'est point égale à ses services; elle était demeurée comme enfouie
dans les documents nombreux et variés dont M. de Loray vient de
nous livrer à la fois la transcription et le commentaire. Ces documents
consistent en près de deux cents pièces (mandements, montres, quit-
tances, etc.), extraites de la Bibliothèque et des Archives nationales,
du dépôt de la marine et de diverses archives départementales ; leurs
titres suffiraient à démontrer la prodigieuse activité militaire, les
talents et les occupations multiples de Jean de Vienne.
Dans l'étude historique qui les précède, et qui remplit les deux
tiers du volume, M. de Loray a comparé les pièces recueillies par lui
aux assertions des chroniques et aux documents déjà connus; il en a
ainsi fixé le sens et déterminé l'importance. Faut-il dire tout d'abord,
pour faire la part de la critique, que dans les preuves immédiates de
son travail, c'est-à-dire dans les notes qui accompagnent le récit,
l'auteur a laissé passer quelques noms propres d'une orthographe
incorrecte, i4r^o;Hu7/c pour Arronvl/le (p. 1), Luo pour Lucc{\). 18, 26),
De Morice pour D. Morice (p. 122), Drouet d'Arcq pour Doiiet d'Arcq
(p. 263). Çà et là, l'historien de Jean de Vienne a un peu trop compté
sur l'érudition de ses lecteurs, il ne leur a pas donné suffisamment les
moyens de vérifier ou de contrôler ses assertions ; ses indications de
sources, ses renvois pèchent quelquefois par une concision excessive.
Ainsiles J/out<w. |9«^r. de lapage 215 ne me semblent pas désigner
clairement la grande collection parue à Turin sous ce titre : Monu-
menta historix patrùc. Ailleurs, quand M. de Loray cite Froissart,
il se borne à nous donner le chiifre de la page consultée par lui, et
l'on aimerait à savoir s'il s'agit des anciennes éditions, de l'édition
Buchon ou de l'édition Luce. Je vois mentionnée, page 89, la Revvç
archéologique de la Manche, et je demande en vain quelle année, quelle
livraison.
Ajoutons qu'on oublie vite ces négligences de détail en suivant dans
le récit de M. de Loray la discussion des faits mémorables qui ont
rempli la vie de Jean de Vienne. Dès les premières pages_, on peut
signaler un heureux essai de réhabilitation historique. 11 s'agit du
Jean de Vienne qui défendit Calais contre Edouard III, et que plus
d'un écrivain a confondu avec l'amiral son neveu. M. de Loray^ en
s' aidant des chroniqueurs anglais, a montré que le gouverneur de
Calais a au moins autant de droits à la renommée et à la reconnais-
sance nationale que les six bourgeois dont Froissart a célébré, avec
une complaisance un peu exclusive, le généreux dévouement. Un peu
plus loin (chap. ii), c'est un épisode inconnu de l'histoire des croisades
qui est remis au jour. Jean de Vienne fit, en efi'et, partie en 1366 d'une
expédition commandée par le comte Amédée de Savoie au profit de
l'empereur grec de Constantinople ; il aurait ainsi commencé sa car-
rière militaire dans cet Orient où il devait si glorieusement la ter-
miner sur le champ de bataille deNicopolis. Les chroniques italiennes
ont fourni ici et ailleurs (voir p. 252-253), à M. de Loray des
renseignements qui avaient échappé jusqu'ici à tous les historiens
français.
De retour en France, Jean de Vienne devient un des intrépides
champions de la guerre de revanche contre les Anglais, entreprise
par Charles Y. Il est de ceux qui reprennent château par château les
provinces perdues. Toutefois, il fût resté au second rang, si la charge
d'amiral, qu'il reçut en 1373, n'en eût fait sur mer l'auxilaire et
l'émule de Du Guesclin. Les chapitres m, v, vi contiennent, sur lai
flotte française naissante, sur nos arsenaux et nos constructions ma-
ritimes au quatorzième siècle, sur les travaux de défense du littoral
normand, sur les campagnes navales conduites de l'une à l'autre rive
de la JJanche, une foule de détails qui éclairent un côté très-peu
connu de la guerre de Cent ans. La marine des Valois régna un mo-
ment sans conteste sur ces eaux qui devaient voir le désastre de la
Hogue, et qui furent, même pourNapoléonl", une invincible barrière.
Il est curieux de voir ici, dés le règne de Charles V, et grâce à Jean
de Vienne, la ruine de la marine et du commerce suivre pour l'An-
gleterre la perte des conquêtes continentales, et les Normands vic-
torieux commencer, sous la même impulsion, leurs voyages à la côte
d'Afrique. L'Écluse est vengé comme Crécj. Il y a des années où
Jean de Vienne, selon l'heureuse expression de son biographe, n'a
guerre pris terre que sur le sol ennemi.
Sous Charles VI, une invasion aventureuse en Ecosse montre son
audace toujours croissante (ch. xi), et les armements maritimes aux-
quels il présiaa en 1836 et 1387 (ch. x) témoignent de l'ardeur avec
laquelle il continuait, de concert avec Clisson, l'œuvre de Du Guesclin.
Les divisions des princes, la chute des Marmousets empêchèrent ses
eôbrts patriotiques d'aboutir. Il dut voir avant sa mort la marine
délaissée, et les bâtiments de cette flotte qui était son œuvre, qui
avait fait trembler l'Angleterre, vendus et convertis en navires de
commerce. Au surplus, son dévouement aussi intelligent qu'infati-
gable le mettait à même de remplir les missions les plus diverses.
Sa carrière diplomatique, si peu connue, ne fut pas marquée par de
moins utiles triomphes que sa carrière militaire et maritime. Tantôt
charge de soutenir près de l'Université de Paris les droits du pape
d'Avignon, tantôt négociant au nom du roi ou du duc de Bourgogne
avec les Flamands et les Anglais, tantôt envoyé en Castille ou en
Italie pour y travailler au maintien de l'alliance française, il n'en
était pas moins présent partout où il y avait uae brèche à ouvrir, un
coup d'épée à donner. Les deux campagnes d'Afrique et de Hongrie,
— 438 —
qui couronnent cette vie si bien remplie, furent pour lui une dis-
traction, presque une consolation, et restent pour nous le suprême
témoignage de sa foi belliqueuse et de son ardeur chevaleresque.
M. de Loray a peu insisté et non sans raison sur ces derniers
épisodes. C'est surtout l'homme de mer qu'il voulait faire connaître,
et, après avoir lu son attachante étude, nous souscrivons volontiers à
ces paroles qui terminent son introduction : « Notre temps ne doit
pas oublier que ce vaillant capitaine qui adopta la France, lorsque sa
patrie première en était encore séparée, paya son adoption par les
plus signalés services, et devint non-seulement le créateur de la
marine française, mais qu'il en fut encore, par son caractère, l'hon-
neur et le modèle.» L. Pingaud.
L.etti*es d*A.ntoine de Bourbon et à «Telia n ne d'A^Ibret,
publiées pour la Société de l'histoir-' de France par le marquis de Ro-
CHAMBEAU. Paris, libr. Renouard, 1877, gr. in-8 de XL-4t8 p.— Prix : 9 fr.
Yoici un recueil ajouté à beaucoup d'autres et capable de fournir
de nouveaux éléments à notre histoire si riche déjà, du seizième siècle.
Antoine de Bourbon et Jehanne d'Albret sont bien connus ; mais leur
caractère s'éclaire encore à la lumière de ces lettres intimes que
M. de Rochambeau a été chercher, avec le plus grand soin, dans nos
grands dépôts publics de Paris, dans les archives départementales,
dans les collections particulières, et jusque dans les bibliothèques
étrangères.
Cette correspondance comprend trois parties, ou plutôt trois caté-
gories de documents : les lettres d'Antoine à Jehanne dans les pre-
mières années de leur mariage, qui sont empreintes des sentiments
les plus tendres et nous montrent, dans le roi de Navarre, un époux
modèle, un père plein de sollicitude, un prince vertueux dont la vertu,
malheureusement, ne durera pas toujours; viennent ensuite les lettres
politiques, adressées aux principaux personnages de l'époque, et se
rapportant, soit aux guerres avec Charles-Quint, soit aux luttes
religieuses; enfin, le volume se termine par la correspondance de
Jehanne d'Albret après la mort de son mari, alors qu'elle est le chef
véritable des protestants de France, et que tous les partis portent les
yeux vers elle. Le contraste est complet entre le caractère du prince
brave, mais aussi léger qu'inconstant, et celui de sa femme, âme su-
périeure et capable de tenir tête aux plus vaillants capitaines et de
dompter la plus mauvaise fortune.
Des notes intéressantes, des tables très-complètes et, enfin, un in-
ventaire sommaire des lettres et pièces qui n'ont pas pu être imprimées
font de ce volume une publication digne, en tous points, de la Société
— 430 —
qui l'a pris sous son patronage et de l'érudit qui s'est chargé d'en
diriger la composition et l'impression.
G. B. DE P.
Louis "XIl/ et Strasbourg, d'après les documents officiels et inédits,
par A. Legrelle. Gand, Snoeck-Ducaju, 1877, in-8 de 2o2 p. — Prix : 4 fr.
Les historiens et les publicistes allemands de nos jours, voulant
justifier l'annexion violente de l'Alsace et de la Lorraine à l'Empire
d'outre-Rhin, essayent de démontrer que nos deux anciennes pro-
vinces sont allemandes par leurs traditions et leur histoire. La con-
quête pacifique de Louis XIV est souvent qualifiée de i'o/,de brigandage,
et nos rancuneux voisins cherchent à refaire l'histoire, comme un
criminel s'efforce de faire disparaître les traces de son acte coupable.
Dans le livre plein de recherches qu'il off're aujourd'hui au public,
M. A. Legrelle démontre, pièces en main, la fausseté des assertions
des Allemands. Après avoir établi, en quelques pages, l'origine gau-
loise de Strasbourg, et fait ressortir les rapports des populations
alsaciennes avec la France du moyen âge, l'auteur retrace les princi-
pales péripéties du débat diplomatique et militaire qui précéda et
accompagna la conquête de Louis XIV,
Pendant la guerre de Trente ans, la ville de Strasbourg, pour con-
server son indépendance menacée par les Impériaux, se tourna vers
la France et réclama l'appui de Louis XIIL Plus tard, elle prit part
à la lutte que la France, la Suède et une partie de l'Allemagne sou-
tinrent contre l'Empire. Il faut avouer que la protection que la France
accordait à Strasbourg était bien un peu intéressée, et qu'elle se
changea rapidement en une sorte de convoitise : Richelieu écrivait en
1629 « qu'il fallait penser à se fortifier à Metz et s'avancer jusqu'à
Strasbourg, s'il était possible, pour acquérir une entrée dans TAlle-
magne; ce qu'il fallait faire avec beaucoup de temps, grande discré-
tion et une douce et couverte conduite. » Louis XIV devait exécuter
ce projet qu'avait conçu le grand ministre de Louis XIIL Strasbourg
ne pouvait rester neutre entre l'Empire et la France, deux rivaux
trop intéressés à s'en disputer la possession. Trop faible pour se pro-
téger elle-même, cette ville devait devenir tout à fait française ou
tout à fait allemande : elle fut la proie du plus fort.
M. Legrelle met hors de doute qu'avant 1681, date de l'annexion,
il existait dans Strasbourg un parti français très-puissant, « qui pré-
parait peu à peu les meilleurs esprits de la ville et les plus soucieux
de son bien à en ouvrir les portes aux armées d'un prince qui, étant
décidément le plus puissant en Alsace, comme en Europe, tenait
dorénavant entre ses mains la neutralité, c'est-à-dire le repos, et de
— iiO —
plus le commerce, la propérité de Strasbourg. » Les événements
préparaient de longue date, comme on le voit, l'annexion de Stras-
bourg à la France ; si cette conquête fut peu régulière, elle était jus-
tifiée par la mauvaise foi des Allemands dans Tinterprétation des
traités de Munster et de Nimègue. La thèse que soutient M. Legrelle,
c'est que Louis XIV, ;< s'il n'avait pas incontestablement le droit pour
lui, avait du moins des droits ; et le seul point où l'on puisse juste-
ment incriminer sa conduite ne touche qu'à la manière préférée par
Louvois pour faire valoir des titres sérieux Non- seulement la
monarchie française, en 1681, ne faisait que reprendre ce qui lui avait
été abandonné diplomatiquement dès 1646, mais surtout elle repre-
nait ce qui n'appartenait plus en réalité à personne outre-Rhin. Elle
supprimait simplement une république plus unie de fait à la Suisse
qu'au Saint-Empire. »
Ainsi, l'Allemagne n'avait aucuns droits à revendiquer sur Stras-
bourgj et le reproche de perfidie que ses historiens ont voulu infliger
à Louis XIV ne peut soutenir la discussion. Voilà ce qui ressort
scientifiquement du livre de M. Legrelle. On désirerait peut-être plus
de clarté, un style plus correct et une meilleure disposition dans
l'ensemble de l'ouvrage. Les nombreux documents inédits que l'auteur
a utilisés font la valeur de cette étude. Sans doute, l'incendie des
Archives de Strasbourg pendant la guerre de 1870 a privé M. Legrelle
d'une source importante d'information ; mais les archives du ministère
des affaires étrangères et celles du dépôt do la guerre, où il a puisé
à pleines mains, l'ont amplement dédommage et lui ont permis de
faire la révision du procès intenté à la mémoire de Louis XIV.
Ernest Babblon.
Li'Esprît révolulîonnaîre avant la Révolution, 171o-1780,
par Félix Rocquain. Paris, Pion, 1878, in-8, cav. de xn-o44 p. — Prix : 8 fr.
La Révolution française date-t-elle de 1789? A quelle époque faut-
il la faire remonter? L'esprit révolutionnaire a-t-il précédé la Révo-
lution? Quand a-t-il pris naissance? Quelles en ont été les vraies
causes? Graves questions qui divisent aujourd'hui encore les esprits
et que M. F. Rocquain vient d'aborder à son tour. A ses yeux l'esprit
révolutionnaire, comprimé par le despotisme de Louis XIV, a com-
mencé à paraître dès le lendemain de la mort du grand roi; il s'est dé-
veloppé pendant le dix-huitième siècle, pour éclater foudroyant à la
tin du règne de Louis XVI. Déjà, sous ce règne et sous le ministère du
duc de Bourbon, il y a des germes puissants d'opposition, à ce point
qu'il est un moment question d'un projet d'enlèvement du jeune roi.
Les querelles dont la bulle Unigrnitus est l'occasion, les lettres des
jésuites et des jansénistes, des évoques et des parlements alimentent
— 441 —
les troubles. La philosophie s'en empare et les entretient. On ne parle
plus seulement de réformes, on parle de l'évolution. Ce mot, qu'on croit
éclos à laveille de 1789, a été prononcé pendant toute la seconde
moitié du dix-huitième siècle. Dès 1743, d'Argenson écrit : a La Révo-
lution est certaine dans cet État-ci. » Il se forme un parti de républi-
cains. Les désordres de Louis XV, en fournissant au mécontentement
populaire de nouveaux griefs, rendent le mouvement irrésistible. Un
instant, il s'arrête, à Tavénement de Louis XVL Mais, quand on voit
les réformes abandonnées presque aussitôt après avoir été tentées,
les ministres se succédant sans relâche surtout aux finances, le jeune
monarque incertain dans sa voie, le déficit grandissant, Tirritation
s'accroît de plus en plus. La convocation des notables ne sert qu'à
jeter de l'huile sur le feu;Brienne tombe après Calonne;le Parlement,
le clergé, le cri public, réclament les États généraux : la Révolution,
qui n'était qu'un mot, devient un fait.
Telle est, si nous ne nous trompons, la thèse soutenue par M. Koc-
quain dans ce nouveau volume, thèse qu'il établit à l'aide de nom-
breuses recherches et d'un grand, nous dirons volontiers, d'un trop
grand luxe de citations ; le texte en devient parfois difiicile à lire.
Cette thèse, nous sommes très-disposés à l'admettre ; nous croyons,
comme M. Rocquain,que la Révolution n'a été ni spontanée, ni simple;
c'est une explosion, préparée de longue date et due à des causes com-
plexes. Mais, sur ces causes, nous difi'érons avec l'auteur. Il nous
paraît faire la part trop petite à l'esprit philosophique ; en revanche,
il la fait beaucoup trop large... à qui? — on le devinerait dif-
ficilement — au clergé et aux jésuites. Ce sont eux, suivant lui, qui
auraient la plus grande responsabilité du divorce consommé entre la
nation d'une part, l'Église et la royauté de l'autre. Que les querelles
du jansénisme aient nui à l'esprit religieux, que l'incroyable interven-
tion du Parlement dans le domaine ecclésiastique ait continué à ré-
pandre dans le public la haine et le dédain du catholicisme, cela nous
semble incontestable; mais',que dans ces querelles, les torts ou presque
tous les torts soient du côté des évêques, voilà ce contre quoi l'his-
toire proteste, et ce que M. Rocquain n'eût vraisemblablement pas
écrit, s'il avait consulté des auteurs moins partiaux dans cette question
que desparlementaires,Marais et Barbier,des philosophes, d'Argenson
et Voltaire. M. Rocquain nous permettra aussi de lui dire qu'il est
bien sévère pour Fleury, auquel il refuse toute capacité, pour Marie-
Antoinette, contre laquelle il reproduit toutes les critiques sans jamais
faire la part des circonstances et donner place aux témoignages favo-
rables, et en revanche, bien indulgent pour Voltaire, chez lequel la
« noblesse du but )) lui semble presque racheter la violence et, eu
bien des occasions, la lâcheté des attaques.
— 442 —
La vieille monarchie a eu ses abus, rous n'avons jamais cherché à
le nier; mais la Révolution n'a-t-elle pas eu les siens préparés, puis
réalisés par cet esprit révolutionnaire dont l'auteur constate la lente
genèse à travers le dix-huitième siècle? M. Taine vient tout récem-
ment dédire ce que ces excès ont été, au début, dans les années que la
légende regarde comme heureuses, de 1789 à 1792,etM.Rocquain,lui,
nous a jadis montré, dans un livre irréfutable et irréfutô, ce qu'ils
étaient devenus à la fln, dans les années terribles, après la Convention
et le Directoire. M. de la Rocheterie.
Foufiuier-XinvîHe et le tribunal pév^olutîonnalre, par
M. DoMENGET, docteur en droit, juge d'instruction près le tribunal de pre-
mière instance de Bergerac. Paris, Paul Dupont, 1878, in-8 de x-413 p.
— Prix : o fr.
Après M. Campardon et comme lui, M. Domenget a voulu retracer
l'histoire du Tribunal révolutionnaire ; il l'a fait en magistrat soucieux
de montrer par un simple rapprochement ce que vaut notre magis-
trature moderne, tant attaquée par les radicaux, et ce que valait la
magistrature révolutionnaire, tant prônée par eux. Ce tribunal, dont
il semble que des esprits dévoyés souhaitent le retour, il a, en dix-huit
mois et à Paris seulement, fait trois mille victimes, non pas seule-
ment des classes privilégiées, mais de toutes les classes. Dans cette
« épouvantable boucherie, » « les artisans et les ouvriers, cultivateurs
ou autres, figurent pour les deux tiers, et les nobles et les prêtres,
pour un dixième seulement; la bourgeoisie, pour lesurplus. » L'auteur
embrasse toute cette sombre période depuis le 10 mars 1793, date de
la création du Tribunal révolutionnaire, jusqu'à la condamnation de
son principal pourvoyeur, Fouquier Tinville. Il passe successivement
en revue tous les procès célèbres, Custine, Charlotte Corday, les
Orléanais accusés de tentative d'assassinat contre Léonard Bourdon,
Marie-Antoinette, les Girondins, Barnave, Hébert, Danton, Madame
Elisabeth, Dillon, la prétendue conspiration du Luxembourg. André
Chénier, et, après le 9 thermidor, quand le Tribunal révolutionnaire
est réorganisé, le procès des monstres, Carrier et Fouquier-Tinville .
Il ne disserte pas; il expose, d'après les documents les plus authen-
tiques, les pièces même des procès. Rien n'est plus éloquent qu'une
pareille exposition, claire, lumineuse, impartiale, dégagée de toute
controverse. Nous ne savons pas de plus péremptoire réponse aux
misérables esprits qui tentent aujourd'hui la réhabilitation des Marat
et des Robespierre, pas de leçon plus convaincante pour les âmes
honnêtes et naïves qui seraient tentées de se laisser prendre à ces
sophismes et de se figurer que de pareils temps n'ont existé que dans
- 443 —
l'imagination des écrivains réactionnaires, que « de telles atrocités
n'ont jamais été organisées en système. »
L'auteur, qui s'est borné aujourd'liui à peindre le régime de la Ter-
reur à Paris, laisse entendre qu'il pourra bien quelque jour faire une
étude analogue sur la Terreur en province : nous espérons qu'il ne
tardera pas trop à mettre ce projet à exécution ; dans ce temps d'opi-
nions flottantes et de doctrines incertaines, des livres comme celui-là
ne sont pas seulement des œuvres de bonne foi, ce sont des oeuvres
moralisatrices et d'utile enseignement.
M. DE La Rochetekie.
Histoire de la monarchie de juillet, de 1S30 à IS'^S,
avec une Introduction sur le droit constitutionnel aux États-Unis, en Suisse,
en Angleterre et en Belgique, par Victor du Bled, docteur en droit, ancien
FOus-préfet. Tome I". Paris, Dentu, 1877, in-8 de ci-429 p. — Prix :
8 fr.
« L'étude de l'histoire et de la philosophie politique nous enseigne
qu'un peuple a pu remonter souvent de la République à la royauté, se
retremper dans cette dernière, puiser dans cette métempsycose de
longs siècles de grandeur et de prospérité, mais que jamais un Etat
de quelque étendue n'a été de la royauté à la République sans que
cette évolution ne fût le signal de la perte de son prestige, de sa
décadence et de sa ruine. » Ainsi débute l'introduction de ce livre, et
du premier coup se révèlent la fermeté de style et la franchise de
l'auteur. La thèse ainsi posée, il la démontre par l'exemple des Etats-
Unis, dont il juge la situation présente avec une large et juste com-
préhension des conditions particulières d'existence de ce grand
peuple, — et par celui de la Suisse, dont, contrairement aux préjugés
courants, il fait voir la rapide décadence morale et politique. Elle
date précisément du jour où la constitution de 1848 y a, sur les ruines
des antiques institutions cantonales, fait de la République une réa-
lité ; depuis lors toutes les libertés périssent une à une.
A ces deux contrées M. du Rled oppose le spectacle de la liberté
sagement réglée qui règne en Angleterre et en Belgique. Résumer en
vingt pages la constitution anglaise, après tant de maîtres que ce
grand sujet a attirés, était une lourde tâche : notre jeune auteur s'en
tire à son honneur ; mais où il nous paraît surtout heureux, c'est dans
son analyse sur la constitution belge. Le modèle moins vaste, moins
difficile à saisir, est présenté d'une façon exacte et neuve ; il a fait
une excellente étude de droit constitutionnel.
Excellent aussi est le chapitre consacré aux écrivains qui ont laissé
des mémoires sur le Gouvernement de Juillet : Guizot, Salvandy,
Dupin, Cormeniu, Louis Blanc, Alphonse Karr y sont l'objet d'ap-
préciations fines et judicieuses. Le style animé, le goût sûr, la har-
— j-ij —
diessc heureuîîe d'expression, la passion politique mûme qui carac té-
risent M. du Bled le font exceller dans ce genre de portraits politico-
littéraires.
Voilà plus de la moitié du volunae parcouru et nous n'avons pas eu
encore à signaler nos points de divergence. Ils existent cependant.
Aussi bien ce livre n'est-il pas une histoire à proprement parler. Scri-
bilur ad probcaidum pourrait être son épigraphe. Au milieu do toutes
les difficultés qui assiégeaient la Restauration dans sa lourde tâche de
rapprocher les deux sociétés que vingt-cinq ans de crimes et de des-
potisme avaient séparées, seuls les doctrinaires avaient raison. 1830
a sans doute été une faute, une erreur; mais seuls encore ils voient juste
danslesformidables conflits sociaux qui se préparent. Un gouverne-
ment parlementaire, modèle belge, est la vraie panacée qui guérirait
la France et l'Europe des maux profonds qui les minent. Dans cette
société moderne, où la Revue des Deux Mondes paraît à Fauteur tenir
aujourd'hui encore, comme sous le Gouvernement de Juillet, o le
sceptre de la politique et de la littérature, » il n'y a qu'à demander
aux fils de reprendre les exercices d'équilibre jadis si brillamment
exécutés par le duc Decazes et le duc de Broglie.
Tel est au fond tout le livre, et c'est pour dira cela que ses six cents
pages ont été écrites.
Nous ne discuterons pas cette thèse avec M. du Bled. Nous serons
toujours à temps à y revenir, quand le deuxième volume qui doit
compléter son ouvrage aura paru. D'ailleurs le cours inévitable des
événements ramènera à la vraie tradition nationale, comprise
dans son ampleur historique et dans toute son étendue sociale, un
esprit aussi distingué et aussi sincère. En ce temps où les convoi-
tises usurpatrices de toute sorte prennent des masques républicains
et démocratiques, c'est un vrai mérite que d'attaquer si nettement les
erreurs dominantes, que de battre en brèche les idoles du jour et de
dire si franchement où l'on veut aller. Encore une fois, nous sommes
sûrs de nous retrouver un jour avec M. du Bled, cette fois complè-
tement unis sur le terrain de la vraie constitution française et de la
défense sociale. Nous souhaitons que d'ici là il ait fait beaucoup de
conversions parmi ses amis. C. J.
Chronique <lo l'abbaye de Saînt-F>îerre-le-Vîr de Sens, ré-
digée vers la fin du treizième sièclepar Geoffroy deCourlon.Texteet traduction
publiés pour la première fois au nom de la Société archéologique de Sens,
par M. G. Julliot. Sens, Ch. Ducheniin, 1876, in-8 de xiv-600 p.
Gcoffroi de Gourion ou Collon, moine bénédictin de l'abbaj'e do
Saint-Pierre-lc-Vif do Sens, vivait au treizième siècle et était con-
temporain de saint Louis; il mourut en 1281. On connait peu de dé-
tails sur sa vie, car il a négligé de parler de lui-même et de sa
famille dans la chronique dont il est l'auteur. Le monastère de Saint-
Pierre-le-Vif, l'un des plus célèbres en France au moyen âge, a
fourni plusieurs compilations historiques qu'on a déjà publiées en
partie. Les plus importantes sont la chronique d'Odorannus qui ne dé-
passe pas la première moitié du onzième siècle, et la chronique de
Clarius et de ses continuateurs qui s'arrête en 1267. Celle de Geoffroi
de Gourion à laquelle M. J. V. Le Clerc avait consacré une notice
dans le tome XXI de l'Histoire littéraire, est aujourd'hui publiée pour
la première fois. Le manuscrit que M. G. Julliot a utilisé pour l'éta-
blissement de son texte appartient à la Bibliothèque communale de
Sens ; c'est un volume in-4 sur parchemin, de 163 feuillets à deux co-
lonnes de vingt-cinq lignes, écrit en beaux caractères de la fin du
treizième siècle, et relié en veau. Dans la suscription, plusieurs mots
ont été grattés; quelques restes de lettres donnent lieu de penser que
c'était le nom de l'auteur.
Mais ce manuscrit de la bibliothèque de Sens est loin d'être le seul.
Les auteurs de l'.-lr^ de vérifier les dates, le P. Lelong et d'autres
savants, ont signalé, à Paris même, un texte de Geoifroi de Courlon;
malheureusement, depuis cette époque, ce manuscrit s'est égaré. M. J.
V. Le Clerc, en 1844, n'a pu le retrouver, et M. Julliot n'a pas fait
de nouvelles recherches. Un autre manuscrit aurait fait partie, jus-
qu'à l'année dernière, de la riche collection de M. Ambroise Firmin-
Didot ; l'éditeur de notre chronique s'est abstenu de vérifier ce fait.
Une troisième copie de l'œuvre de Geoft'roi de Courlon a été vendue
en 1849 à M. de Salis, alors député do la Moselle; enfin, sous les
n"* 455 et 480, la Bibliothèque du Vatican conserve deux manuscrits
du treizième siècle provenant du fonds de la reine Christine de
Suède, ouvrages décrits par La Curne Sainte-Palaje, et qui sont la
copie de la chronique éditée aujourd'hui. M. G. Julliot a eu le tort
de ne consulter que le manuscrit de la Bibliothèque communale de
Sens, d'autant plus que l'on sait que les différentes copies présentent
des variantes assez nombreuses.
Geoff"roi de Courlon, comme un grand nombre d'autres chroniqueurs,
a la prétention de raconter les événements qui se sont passés depuis
la naissance de Jésus-Christ jusqu'à l'année 1295. » Son livre est une
compilation écrite en fort mauvais latin, remplie de fort intéressants
détails, sans doute, mais tellement mélangés d'anachronisoaes et de
fables, qu'il est difficile d'y distinguer la vérité de l'erreur. » Les
notes critiques étaient d'autant plus nécessaires qu'il est plus difficile
de démêler la légende d'avec l'histoire ; or, M, Julliot a publié son
texte sans aucune note : c'est, croyons-nous, une lacune regrettable.
— 446 —
Pour toute la période dont il n'est pas contemporain, GeofFroi de
Gourion ne fait que résumer d'autres ouvrages ou d'autres chro-
niques qu'il enchaîne d'une manière plus ou moins habile. Il puise
abondamment dans le Nouveau Testament, l'évangile de Nicodème,
la chronique de saint Isidore de Séville, les Gestes des Francs, les
chroniques d'Odorannus et de Clarius, etc.
Le livre de Geoffroi de Gourion s'ouvre par une liste chronologique
assez exacte des archevêques de Sens des rois de France, des papes,
des abbés de Saint-Pierre-le-Vif, enfin, des empereurs depuis Au-
guste jusqu'à Frédéric II. Puis, en historien scrupuleux, notre chro-
niqueur cite les sources qui lui ont servi à composer son ouvrage : on
peut dire que c'est un résumé des sciences historiques enseignées
dans les monastères au moyen âge. Après avoir raconté les origines
du christianisme, GeofFroi de Gourion s'étendassez longuement sur la
mission de saint Savinien et de saint Potentin, envoyés, selon lui, par
saint Pierre pour évangéliser la Gaule. Arrivé au cinquième siècle,
il devient tout à coup très-sobre d'épisodes et se borne presque à la
nomenclature des archevêques de Sens ; il jious annonce lui-même que
c'est par scrupule historique : « A cette époque, dit il, les chroniques
ne concordent pas, et, comme les écrits en désaccord engendrent Fi-
gnorance, j'aime mieux passer outre que de m'exposer à mentir. »
Le récit de l'honnête religieux reste sec et stérile jusqu'au treizième
siècle ; il ne s'étend que sur les translations de reliques et sur les
événements de l'histoire ecclésiastique de Sens. Dans les chapitres
qu'on aurait lieu de s'attendre à trouver plus détaillés, puisque l'au-
teur raconte les événements dont-il est lui-même le témoin, on re-
trouve cependant encore presque la même aridité, et il n'y a pas de
récit suivi. Pour cette dernière période, néanmoins, Geoffroi de
Gourion nous fournit quelques faits intéressants et ignorés jusqu'à ce
jour. Il s'arrête quelque temps sur la vie du pape Urbain IV né à
Troyes et qui était presque son compatriote ; il donne aussi de pré-
cieux renseignements sur le pape champenois Martin IV; il men-
tionne avec une sorte d'orgueil la visite du roi de Naples, Gharles II,
au monastère de Saint-Pierre-le-Vif.
En résumé, la chronique de GeofFroi de Gourion est surtout impor-
tante pour l'histoire ecclésiastique de la province de Sens. Nous ne
parlerons pas du style qui est rude, barbare et incolore; la traduction
de M. G. Julliot n'est pas élégante, mais elle est correcte et exacte.
Ernest Babelon,
_. 447 —
Lies Comtes et le comté de Soîssons, par Edouard de Barthé-
lémy, membre timiaire -lu Comité des travaux historiques. Paris, Menu,
1877, gr. iii-8 de 146 |j. — Prix : 2 fr. 50.
Le nouveau livre de M. É. de Barthélémy a obtenu, en 1876, le pre-
mier prix avec médaille d'or du concours d'histoire locale ouvert par
la Société académique de Saint-Quentin. Cette distinction méritée
témoigne de sa valeur. En l'écrivant, le savant écrivain s'est prin-
cipalement proposé de présenter au lecteur les biographies de tous
les personnages qui portèrent dans Thistoire le titre de comtes de
Soissons. Ils ont été nombreux et la plupart illustres.
L'ancien pagus Suessionensis confinait, à l'est, à l'évêché-comté de
Laon et à la seigneurie de Coucy ; au nord, au Laonnois encore, aux
comtés de Braine, d'Oulchy et de Valois ; à l'ouest, au Nojonnais, et
au midi au Rémois. Il constituait un fief des plus considérables, en
possession de l'ensemble des droits régaliens, même de celui de
battre monnaie, mais qui néanmoins soumettait son titulaire à l'obli-
gation de l'hommage entre les mains de l'évêque. Le nom du premier
comte héréditaire de Soissons est entouré d'une certaine obscurité.
M. de Barthélémy, s'appuyant particulièrement sur la chronique de
Richer, croit pouvoir établir qu'il s'appelait Guy et était fils d'Héri-
bert de Vermandois. Petite-fille et héritière de Guy, Alaïs de Sois-
sons épousa, en 1058, Guillaume Busac, de la maison ducale de Nor-
mandie. A cette maison, une nouvelle alliance fit succéder, en 1146,
celle de Nesle, qui donna huit comtes au Soissonnais et s'éteignit au
commencement du quatorzième siècle dans la personne de Margue-
rite, femme de Jean de Hainaut. Les longs désastres de la guerre de
Cent ans, les empiétements progressifs du pouvoir royal, qui se tradui-
sirent, en 1325, par l'établissement à Soissons, d'une prévôté ressor-
tissant directement au bailliage de Vermandois, devaient, à partir de
cette époque, rendre désormais plus nominale qu'efl'ective 1 autorité
des comtes dans leurs domaines. Ils n'en ont pas moins fourni à M. de
Barthélémy la matière d'intéressantes études. Nous signalerons, entre
autres, les pages consacrées à Charles de Bourbon et à Louis son fils,
qui périt au combat de la Marfiée (6 juillet 1641), et surtout la bio-
graphie vraiment complète dont a été l'objet Olympe Mancini. Rédigée
sur des documents importants récemment publiés, cette biographie
présente sous un jour parfois nouveau la vie aventureuse de la
célèbre comtesse de Soissons, et les détails précis qu'elle révèle nous
semblent laisser bien peu de place et de crédit à la thèse indul-
gente soutenue, il y a quelques années, par M. Amédée René.
A côté de l'histoire des comtes, M. de Barthélémy a placé celle du
comté. Une transaction de l'année 1412 l'avait partagé par moitié,
avec port simultané du titre comtal, entre les héritiers de Louis duc
— i48 —
d'Orléans et Robert de Bar, petit-fils du célèbre Enguerrand VII de
Coucy, auquel Guy de Châtillon, héritier de Jeanne de Hainaut, avait
vendu, en 1367, son domaine de Soissons. La moitié attribuée aux
Orléans-Valois, après avoir fait retour sous François I" à la cou-
ronne, devint, au dix-septième siècle, l'objet d'un engagement dont
se rendit cessionnaire le mari d'Olympe Mancini, Eugène -Maurice
de Savoie-Carignan, déjà propriétaire d'un quart du comté de Sois-
sons du chef de sa mère, sœur de Louis de Bourbon, représentant
médiat de la maison de Bar. Le dernier quart appartenait à sa cou-
sine germaine, Marie d'Orléans-Longueville, duchesse de Nemours,
à la mort de laquelle il échut à Philippe, duc d'Orléans (1706). Louis,
duc d'Orléans, son fils, s'étant rendu acquéreur des droits de la prin-
cesse de Saxe-Hilbourghausen, héritière de la branche française de
Carignan, réunit ainsi entre ses mains la totalité du comté et en ob-
tint l'érection en apanage. Un arrêt du Conseil, du 5 février 1751
régla cette transformation, qui devait être la dernière jusqu'à la nuit
du 4 août 1789, où l'apanage, le comté et la mouvance de Soissons
disparurent avec l'ensemble de l'ancien régime.
Comte de Lucay.
florin deslî Itaîîanî, per Cesare Caxtu. Tomes XIV et XV. Torino,
Unione lipograQco-editrice, 1877, 2 vol. iQ-12 de 421 et 386 p. — Prix :
3 fr. bO le vol.
Les tomes XIV et XV senties deux derniers de cette édition popu-
laire de la Sloria dcgll IlalUiiii. Le tome XIV comprend l'histoire de
1830 à 1870; le tome XV comprend neuf appendices sur les dialectes
italiens, sur l'année et le calendrier, sur l'incertitude de l'histoire pri-
mitive de Rome, sur les sibylles, sur lesnoms et familles de l'ancienne
Rome, sur les monnaies et mesures, sur les fables touchant Virgile,
sur Dante hérétique. Des documents satistiques, une chronologie des
princes et seigneurs des Etats italiens, quelques corrections et une
table alphabétique des matières contenues dans tout l'ouvrage termi-
nent le volume. Le récit des faits contemporains est des plus animés:
on sent qu'on entre sur un terrain où l'auteur rencontre les compa-
gnons de ses luttes : Cantù,on le voit, aime son Italie, sa Lombardie
surtout; il a ressenti vivement la douleur de voir l'étranger dominer
sur son pays natal, et, dans toutes ces pages, circule un souffle vrai-
ment patriotique. 11 dit comment naquirent et se développèrent les
aspirations nationales, puis les complots, les insurrections nées de ces
aspirations qui vinrent se confondre et se perdre dans les aspirations
vers le Piémont. Évidemment il condamne les crimes, mais il est in-
dulgent, mais volontiers dans un jury il admettrait bien facilement les
circonstances atténuantes; n'est-on pas couvert par un désir d'être
— i-i!» —
une nation, et de donner une vie, une existence historique à l'expres-
sion géographique de l'Italie? Aussi plus d'un catholique trouvera que
l'auteur ne blâme pas assez les révolutionnaires qui, peu délicats sur
les moyens, compromettent tout en des aventures détestables; on trou-
vera qu'il ne discerne pas assez, sous le voile de sentiments patrio-
tiques destinés à entraîner la foule, l'odieux des doctrines anticatholi-
ques, ennemies de la société et de la religion. P^t cependant M. Cantù
doit bien connaître quel est le but constant des efforts de la secte per-
verse dont le génie a été d'aveugler les honnêtes gens sur leurs visées
suprêmes. Mais M. Cantù reste calme en racontant l'invasion des Ro-
magnes et de l'Ombrie qui, en 1860, souleva dans tous les cœurs catho-
liques d'au-delà des Alpes tant d'indignation. « C'est ainsi, nous dit-il,
que les Marches et l'Ombrie furent amenées à faire partie de la famille
italienne. » On peut donc croire que, tout en regrettant les moyens
employés, M. Cantù est assez satisfait que l'unité territorale se soit
formée. Cette étrange modération de langage du célèbre écrivain
catholique devrait au moins donner à ses jugements en faveur de
l'Église et à ses démonstrations de son rôle social si bienfaisant une
autorité qu'aucun Italien ne devrait récuser. Si l'on trouve parfois à
critiquer, dans l'ouvrage, on reconnaît qu'une pensée élevée conduit
toujours la plume du savant publiciste qui, dans ses conseils aux Ita-
liens, leur répète en terminant, ce qu'ils ne devraient jamais oublier,
que la liberté est le droit limité par le devoir. H. de l'E.
Li'Ajçe de piei-re clans les souvenirs et superstitions popu-
laires, par M. ÉiiiLE Cartailhac. Paris, C. Reinwald et C%1878,gr. in-8
de 102 p. avec 68 grav. 2 pi. — Prix : 3 fr. 50.
C'est un fait fort curieux que cette superstition, si ancienne et si
généralement répandue, qui attribuait et donne encore un pouvoir
protecteur contre les effets du tonnerre à certaines pierres dites cé-
raunies, d'aspect particulier, telles que les haches en pierre polie.
Leur vertu magique ne se borna pas à préserver de la foudre, elle
s'étendit à bien d'autres cas ; de même, elle ne fut pas la propriété
exclusive des haches polies, elle fut reconnue aux pointes de flèches
en silex. Quelques musées possèdent des spécimens de ces armes
montées en bijoux ou servant de pendants à de riches colliers, qui
ne pouvaient être que des amulettes.
M. Emile Cartailhac, dans un intéressant travail, s'est livré à de sa-
vantes et laborieuses recherches pour remonter à l'origine de ces
croyances, en constater la généralité, retrouver les formes variées
qu'elles revêtaient et les cas nombreux auxquels elles s'appliquaient. Il
voit dans ces superstitions, comme l'indique le titre de son livre, un
souvenir de l'âge de la pierre, tout en faisant remarquer fort logi-
Mai 1878. T. XXII, 2ti.
— 430 —
quement que la connaissance de la fabrication et de l'appropriation
des instruments en pierre avait dû se perdre complètement pour que
l'ignorance les aient ainsi détournés de leur usage primitif.
II semble, en effet, que les attributions surnaturelles des céraunies
découlent d'une tout autre idée : du phénomène de la chute des aéro-
lithes. Aussi bien, est-il permis de douter que les pierres brutes, sous
la forme desquelles certains mythes du paganisme étaient personni-
fiés, aient une connexité nécessaire avec l'âge de la pierre, — cet
âge, qui est la préoccupation constante de M. Emile Cartailhac, qu'il
affirme ou défend alors qu'en principe il n'est plus, que nous sachions,
guère contesté.
Sauf ces quelques réserves, nous nous plaisons à reconnaître que
Tétude de M. Emile Cartailhac est un travail d'érudition dans lequel
les citations de textes nombreux s'unissent à la production de faits
intéressants et peu connus. H. -A. Magard.
Liectures on the manuscript materialn of ancient irish
history, par Eugène O'Curry, professeur d'histoire et d'archéologie à
l'université catholique d'Irlande. Nouveau tirage. Dublin, Hinch et
Traynor, 1878, in-8 de xxvni-722 p. — Prix : 8 fr. oO.
Nous sommes heureux d'annoncer cette réimpression d'un ouvrage
qui devrait être plus connu en France. Les savants, qui ont jusqu'ici
cherché dans les textes néo-celtiques l'explication des documents si
peu nombreux que l'antiquité nous a laissés sur les Gaulois, se sont
égarés dans l'étude des lois du pays de Galles, de la poésie galloise et
de celle de la Bretagne française. La conquête romaine a détruit, en
Grande-Bretagne et en Gaule les institutions celtiques. L'Irlande a
échappé à cette conquête, elle a conservé les institutions celtiques
intactes jusqu'à la conquête anglaise au douzième siècle de notre
ère, et chez elle la littérature celtique survit dans des manuscrits
nombreux dont quelques-uns remontent jusqu'aux huitième et neu-
vième siècles, et dont des gloses de tout âge, encore incomplètement
publiées, expliquent les termes inusités aujourd'hui. La connaissance
de ces manuscrits est d'une nécessité fondamentale; répandre cette
connaissance est l'objet du. livre d'O'Curry. O'Curry est un de deux
savants que le gouvernement d'Irlande chargea, en 1852, de préparer
l'édition des lois anciennes d'Irlande, dont trois volumes ont paru
depuis : il était mort avant la publication du premier volume, en 1865,
mais ses copies et ses traductions, comme les copies et les traductions
d'O'Donovan, son collaborateur et son émule, ont servi de base à l'é-
dition officielle. Ses Leçons sur les matériaux manuscrits de l'histoire
d'Irlande ont été données à l'Université catholique d'Irlande en 1855
et en 1856 : elles ont paru pour la première fois en 1860. Depuis l'é-
— 431 —
poque à laquelle elles remontent, l'étude de la langue irlandaise a fait
quelques progrès, la publication de glossaires restés manuscrits et
d'un certain nombre de gloses inédites, les travaux grammaticaux de
MM. Stokes, Ebel et Windisch permettent, sur quelques points de dé-
tail, d'atteindre le sens des textes avec plus de rigueur et de préci-
sion qu'il y a vingt ans. Ajoutons que, lorsqu'il existera un diction-
naire de l'ancien irlandais, on pourra encore aller plus loin dans la
voie de l'exactitude. Quoi qu'il en soit, le livre d'O'Curry est classique
parmi les savants qui s'occupent de littérature irlandaise, et mérite-
rait d'être lu attentivement par tous ceux qui, d'une façon quel-
conque en France, se sont occupés de Mac Pherson, ou qui, après
s'être laissés induire en erreur par les Triades galloises, désirent enfin
trouver, dans le monde néo-celtique, un terrain littéraire solide.
H; d'Arbois de Jubainville.
Catalogue systématique des livres russes pour les années
1873 et 1876, par Vlad. Méjov. Saint-Pétersbourg, in-8 de xx-584 et lxxx p.
— Prix : 10 fr.
M. Méjov s'est voué exclusivement aux recherches bibliographiques.
S'il n'est pas le seul en Russie à s'y livrer tout entier, il surpasse les
autres par une fécondité qui ne se démentit pas. En effet, il ne se passe
guère d'année qu'il n'offre au public quelque nouveau fruit de ses
labeurs, dont on ne saurait méconnaître l'utilité et le mérite. Il
n'exclut aucune branche des connaissances humaines. A côté des tra-
vaux consacrés spécialement à la géographie, à la littérature, à l'his-
toire de l'instruction publique, aux sociétés de secours mutuels et aux
corporations ouvrières, à la question Israélite, etc., il dresse, année
par année et d'après un plan uniforme, de volumineux inventaires de
livres publiés en Russie sur toute sorte de matières.
Le nouveau Catalogue systématique que nous annonçons est la conti-
nuation du travail commencé par M. Méjov, il y a dix ans environ. Il
fait connaître tout ce qui a paru dans la presse russe, durant les années
1875 et 1876, et se trouve chez Jacques Isakov, dont la maison compte
déjà un demi-siècle d'existence. En même temps il sert de 7*^ et 8^ sup-
plément à ses catalogues des années précédentes. On comprend
qu'il est impossible d'entrer ici dans des détails. Je ne parlerai pas
non plus des défauts que des juges compétents ont fait remarquer
dans la classification des matières, défauts que l'auteur est le premier
à avouer, mais qu'il est souvent impossible d'éviter, vu la variété des
sujets que peut contenir un même livre. Il y a aussi tel défaut qu'on
lui reproche et qui pourtant n^eh est pas un. Ainsi, M. Méjov a raison,
selon nous, de tenir compte de la forme, et de mettre, par exemple,
les poésies religieuses dans la section de littérature, plutôt que de
— 4iJ2 —
théologie ascétique ou d'iiistoire, d'autant que rien n'empêche de les
y subdiviser d'après le contenu. Mais ce qu'on ne saurait assez
approuver dans ses travaux bibliographiques, ce qui les rend particu-
lièrement utiles, c'est la loi qu'il s'est faite d'indiquer à la suite des
ouvrages, les articles de revues et de journaux qui en font la critique.
Sous ce rapport, les catalogues systématiques de M. Méjov sont, on
peutdire, uniques, et n'ont rien de comparable, non-seulement en Russie,
mais encore en France et ailleurs.
J. Martinov.
BULLETIN
Aperçu sur la société moderne. Sa maladie, sa f/ucrison.
Prochain et complet triomphe du C-dholicisme, par Jules de Cacheleu.
Amiens, typ. Yvert, 1877, in-12 de 371 p. — Prix : 2 fr.
M. Jules de Cacheleu est animé des meilleures intentions : nous sommes
d'autant mieux disposé à lui rendre justice sur ce point que c'est là, croyons-
nous, le seul compliment que nous puissions faire à son livre. Réunir dans
un pêle-nièle sans nom, à travers lequel il nous a été impossible de décou-
vrir la moindre velléité du plan, même le moins précis et le plus imparfait,
réunir, dis-je, soixante-quinze articles de journaux où il est tour à tour
question de la gendarmerie et de la Pologne, de la Sorbonne et du duc de
Magenta, de pliilosophisme, de physiologie, de psychologie, de théologie et
de cent autres choses fort diverses, c'est faire une œuvre qui n'a d'utilité
pour personne, — ni pour son auteur, ni pour la cause qu'il veut défendre.
Qse M. de Cacheleu, qui a de la chaleur et de la vie dans son style, nous
donne un bon livre, nous applaudirons des deux mains. Mais s'il avait l'inten-
tion de publier un nouvel ouvrage dans le genre de celui dont il vient d'être
question, nous lui conseillerions franchement de ne pas recommencer. Nous
avons besoin d'aulre chose. E. de la D.
I*rocéclure des débats parlementaires, par Alfbed Bonsergent,
attaché à la présidence du Sénat. Paris, Cotillon, 1878, in-18 de 29 p.
— Prix : 50 cent.
Le titre de cet opuscule en précise l'objet. Ce n'est pas un manuel com-
plet, mais un exposé succinct de la législation sur la matière, que l'auteur
s'est proposé de présenter à ceux qui s'intéressent aux choses de la politique,
et on sait que le nombre s'en accroit chaque jour en France. Le mécanisme
relativement compliqué de la constitution du 23 février 1875, des lois orga-
niques et des règlements spéciaux qui régissent les rapports des Chambres
entre elles avec le pouvoir exécutif, nous semble donner à son travail une
opportunité et une utilité réelles. H. de L.
— 4o3 —
L'Ëinbryotoiiiie au point de vue théologique et moral, ou examen de la
question s'il est permis de tuer l'enfant pour sauver la mère, par le P. A. Esch-
BACH, supérieur du séminaire français de Rome, Paris, Palmé, 1878, in-8
de 69 p. —Prix : i fr. oO.
Savante et curieuse étude sur une question fort débattue de nos jours,
qui, à la fois, soulève les plus hautes responsabilités morales et entraîne les
plus graves conséquences sociales. La pratique, venue d'Amérique et d'An-
gleterre, qui de plus en plus veut la résoudre par l'affirmative, ne s'arrê-
tera-t-elle pas elle-même indécise devant les abus qu'elle semblerait encou-
rager? Même réduite à ses termes les plus étroits, aux cas le plus strictement
définis, la question est tranchée par le respectable auteur, conformément à
la tradition de l'Église, dans le sens de la non-licéité de l'acte. On lira avec
intérêt l'exposé des opinions contradictoires émises sur ce grave sujet par
les théologiens et les médecins. A. D.
Qu'appelle-t-on équivalent chimique? Critique de la chimie
actuelle, par F. -A. Hartsen. Paris, Savy, 1877, in-8 de 32 p.— Prix : 1 fr. 25.
Pour les chimistes, les équivalents des corps sont les proportions en poids
suivant lesquelles ils se substituent les uns aux autres dans leurs combinai-
sons avec un même poids d'un corps pris comme base de comparaison. Cette
notion fort simple n'a pas tardé à être compliquée et obscurcie par la va-
riété et la profusion des faits. La faute en est aux trop rapides pi"ogrès d'une
science née d'hier, qui a grandi tout à cou[> et dont le langage, expression
synthétique des phénomènes, ne peut se modifier aussi vite que les faits
s'accumulent. Aussi, bien que l'auteur ait émis quelques justes critiques,
nous ne voyons pas qu'il ait vraiment éclairé le sujet, et l'heure ne nous
semble pas venue de renverser l'édilice des Lavoisier, des Cerzélius et des
Dumas, pour y substituer une philosophie nouvelle dont M. Hartsen croit
avoir posé les bases. A. D.
L'Astronomie de la jeunesse, par H. Plessix, capitaine d'artillerie,
ancien élève de l'École polytechnique. Paris, Pion, 1878, gr. in-18 de
267 p. — Prix : 3 fr. oO.
Dans cet ouvrage, destiné à des enfants, l'auteur nous parait avoir bien
saisi le genre qui convient à ce jeune public. Ne pas chercher à tout dire,
ne pas se perdre dans les détails, mais s'attacher aux questions fondamen-
tales, et les traiter avec tous les développements nécessaires pour éviter
l'aridité et pour épargner au lecteur toute contension d'esprit. L'exposition
est claire et les démonstrations généralement présentées sous une forme
bien saisissante.
Quant au choix des questions, je reprocherai à M. Plessix de s'être trop
exclusivement arrêté à ce qu'on pourrait appeler le squelette géométrique
de l'astronomie, c'est-à-dire à tout ce qui se rattache aux mouvements de
la terre et de la lune. De là, quelque chose de froid et de terne dans un
sujet cependant si plein de grandeur et de poésie. Quelques détails physi-
ques sur les planètes, les comètes, les étoiles, les nébuleuses, remplace-
raient avec avantage certains développements plus qu'hypothétiques sur la
cosmogonie de Laplace.
Cbose plus fâcheuse : pourquoi M. Plessix, qui ne parait cependant pas
hostile aux idées religieuses, consacre-t-il six pages à développer la fable
— 434 —
surannée de Galilée et de son E pur si muove, en gratifiant d'ailleurs trop
généreusement l'illustre Italien des découvertes de Copernic. Ne pouvait-il
aussi présenter à son jeune auditoire un martyr plus intéressant que Gior-
dano Bruno? V.
Le Multiplicateur à trois ecnts carrés ou Table de multiplica-
tion de \ à 300, ouvrage utile aux commerçants, acheteurs, peintres, etc.,
par M. Maxime Cordier, professeur de comptabilité. 1 vol. in-8, cartonné.
— Prix : 3 fr. 50.
Cet ouvrage est le barème de la multiplication; son titre suffit pour indi-
quer le profit que, dans beaucoup de cas, on en peut tirer. Il n'est pas une
profession dans laquelle on n'ait à faire des calculs; ce volume peut les
simplifier et faire réaliser ainsi une grande économie de temps. S.
I^es Changes et les arbitrages, rendus faciles et corrects, par
HippoLYTE Vannier, directeur de l'École supérieure du Havre; extrait du
cours de Bureau commercial, professé par l'auteur. Paris, Delagrave, 1877,
in- 18 de 280 p. — Prix : 2 fr. 50.
Ce livre est un excellent petit traité sur toutes les matières relatives
au commerce de banque. L'auteur commence par exposer et étudier à fond
ce qui concerne le change, c'est-à-dire le calcul des effets sur l'étranger,
des matières métalliques et des fonds publics; puis il passe à l'élu Je pra-
tique des arbitrages, opérations plus délicates et plus compliquées, où la
spéculation se trouve sans cesse à côté des opérations sérieuses. On peut
rendre à ce livre cette justice qu'il expose avec précision et clarté tous les
problèmes abordés, et qu'il indique les calculs à effectuer pour les princi-
pales places de l'Europe. S.
IVotions pratiques d'iiygîène populaire, par le D'' Picqué. Paris,
Dejey, 1878, in- 12 de 98 p. — Prix : 1 fr.
Lieçons de législation usuelle, par Henri Viel-Lamare. Paris, Dejey,
1878, in-i2 de xv-2o8 p. — Prix : 2 fr. 50.
Ces deux volumes, résultat de leçons données aux cours de l'Association
polytechnique, se recommandent, comme ouvrages populaires, par l'ordre,
la clarté, la méthode : le cadre en est bien tracé et bien rempli. Prenons-
les pour modèles, mais gardons-nous de les envoyer à nos bibliothèques
ouvi^ières : l'esprit en est équivorpie et dangereux, sinon mauvais. On lit, à
la première page du volume d'hygiène : « L'homme est un être complexe :
il a une âme et des organes. Par son âme, qui le rend capable de civilisation,
il est soumis à Vhygiène morale. » Certes, un spiritualiste de l'Université de
France n'en demandera pas davantage; un catholique a le droit d'être plus
exigeant. Les Leçons de législation usuelle ont des tendances plus accentuées :
les conséquences de la révocatioa de 1 édit de Nantes sont exagérées (p. 19),
les bienfaits de la Révolution pour la classe ouvrière trop vantés (p. 73, 74).
— Ces critiques nous sont pénibles à faire, car ces deux ouvrages ont un
mérite réel, et quelques retouches les rendraient irréprochables.
J.-A. DE Bernon.
— 4b5 —
I.a Scrîptolégîe, méthode accompagnée d'exercices gradués 'pour apprendre
aux enfant?, à écrire et à lire l'écriture avant le livre imprimé, dans laquelle
on applique le système de l' intuition des sons, par J. Ghedr, directeur de
l'École des orphelins à Liège. Liège, H. Dessain, 1877, in-12 de yu-
107 p. avec deux planches. — Prix : 1 fr.
Il est inutile d'insister sur les avantages qu'il y a d'apprendre aux enfants
à lire en écrivant. Mais les instituteurs manquaient de guide pour appli-
quer cette nouvelle méthode avec fruit. Ils pourront d'autant plus se fier à
celui-ci qu'il est à la fois le jroduit de l'étude consciencieuse des traités al-
lemands les plus renommés et de l'expérience personnelle de l'auteur.
M. Gheur y expose des procédés d'un caractère tout nouveau, qu'il a prati-
qués lui-même pendant longtemps, et par lesquels il a obtenu les plus heu-
reux résultats. L'auteur, pour fai:e connaître les principes de sa méthoie, a
suivi non la voie des préceptes, mais celle de l'exemple. Dans des dialogues
animés, il nous montre l'instituteur à l'œuvre, conduisant ses élèves, par
des moyens rapides, à l'art de représenter les sons et les bruits de la voix
humaine et ne négligeant pas d'enrichir en même temps leur esprit d'une
quantité de notions utiles. Les leçons sont accompagnées de notes philolo-
giques fort intéressantes et d'utiles remarques sur la prononciation. X.
IVotice historique sur les terres et seigneuries de la Oorde
et de Montdîdier (1489-1780), par la baronne A. de Girard-Vezenobre.
Paris, Auguste Ghio, 1877, in-8 de 24 p. — Prix : 1 fr.
Ces terres et seigneuries étaient situées sur les deux rives de la Seine, près
deSaint-Germnin-en-Laye. La notice historique dont elles sont l'objet est le
résumé d'une série de litres provenant de la succession du célèbre fabuliste
Florian, dont Madame la baronne de Girard-Vezenobre est la seule héritière.
Cette trop brève étude, qui n'est, à tout prendre, qu'un inventaire exact et
consciencieux des familles qui ont possédé la Borde et Montdidier, peut
offrir quelque intérêt à ceux qui étudient l'histoire des environs de Paris.
Er. B,
Oe la protection accordée aux oeuvres d'art, aux photogra-
phies, aux dessins et modèles industriels et aux brevets d'invention dam
l'empire d'Allemagne, \)a.v kTinVif^o^ih-Lor. Paris, Cotillon; Berlin, Putt-
k-.mmer et Mûhlbrecht, 1878, in-8 de vii-16i p. — Prix : 2 fr.
Les droits désignés, à tort ou à raison, dans la langue de la doctrine et
dans celle de la pr .tique, sous le nom de propriété artistique, littéraire,
industrielle, ne sont pas encore complètement déterminés en théorie ; et
leur réglementation dans le droit positif trahit cette lacune de la science.
La législation de l'empire allemand sur cette matière, formulée dans les
lois des 11 juin 1870, 9, 10, \\ janvier 1876, 23 mai 1877, est un progrès
considérable sur « notre législation disparate et incomplète, doat les innom-
brables lacunes n'ont pu être qu'imparfaitement comblées par une juris-
prudence industrieuse, et que des retouches successives ont rendue tout à
fait incohérente. » Ain4 s'exprime M. Morillot; c'est dire d'avance l'utilité
de son travail, consacré : 1° à l'exposé historique et exégétique des lois
allemandes de 1876 et 1877; 2° à la nature du droit d'auteur en lui-même.
On y trouvera de précieux renseignements pour la réforme législative à
réclamer en France; et si l'on ne partage pas en tout les vues de l'auteur,
notamment sur ce qu'il dit de la perpétuité, on reconnaîtra du moins le ser-
vice qu'il a rendu. J.-A, de Bernon.
— 'l-0(i —
Vînjçt nouveaux portraits, par Lkon Gautier. Paiis, Palmé, 1878,
in-12 de ii-405 p. — Prix : 3 fr.
Ce volume continue la série des études littéraires de M. Léon Gautier
dont la plupart ont déjà paru dans le journal le Monde. C'est une galerie oiï
paraissent les figures les plus diverses, mais se rattachant toutes, soit à la
littérature, soit à l'histoire et à l'érudition, soit à la théologie, soit aux
beaux-arts : elles attestent l'étendue des connaissances de l'auteur, la
variété de ses aptitudes et la facilité avec laquelle il s'assimile tous les
sujets et exprime ses impressions toujours vives, ses sentiments toujours
nobles, généreux et chrétiens. La liste des portraits suffira à faire ressortir les
contrastes : Guizot, dom GuéranG;er, Michelet, Guillaume de Scblegel, André
Chénier, Jean-Sébastien Bach, le coinpositeur ; Goethe, J,-F. Rio, Raymond
Brucker, Villemain, Jules Quicherat, Alexandre Bida, l'artiste; le R. P.
Victor de Buch, Victor Hugo, Gaston Boissier, Jules Sandeau, Léopold De-
lisle, le R. P. Faber, Armand Ravelet et Louis Veuillot. Beaucoup ont
déjà posé devant le public, et la critique sûre, savante et d'une inspi-
ration toujours si profondément catholique de M. Gautier, servira à rec-
tifier bien des jugements porlés sur les personnages dont nous venons de
citer les noms. Mais d'autres figures sont presque nouvelles, ainsi celle de
M. Arm:md Ravelet, dont le Polybiblion a reproduit les traits principaux;
celle si originale de Raymond Brucker, qui semble s'être fait oublier des
hommes, du jour où il ne les a plus divertis et où il a cherché à les rame-
ner à Dieu; celle du R. P. de Bueh, un des Bollandistes; et surtout celles
de M. Léopold Delisle, le directeur géuéral de la Bibliothèque nationale,
et de M. Jules Quichm'at, le savant directeur de l'École des chartes, qui
seront de véritables révélations pour la plupart des lecteurs. Dans une si
grande variété de sujets, il serait difficile qu'on s'accordât toujours sur les
appréciations ; mais ce que nous nous permettrons de regretter, ce sont
des inégalités dans le style, qui n'est point toujours au niveui des idées.
R. S.
Cliez nous et chez nos voisins, par Xavier Aubryet. Paris, E.
Dentu 1878, in-18 j. de 336 p. — Prix : 3 fr.
Il y a des titres qui sont des trompe-l'œil. Ils promettent monts et
merveilles — et finalement ne donnent rien qui vaille. Celui-ci est trompeur
également, mais en bien. Il lient plus qu'il ne promet. Nos voisins, c'est-à-
dire les Anglais, sont représentés par trois chapitres: Byron et le hyronisme,
Charles Dickens, et Comme quoi l'Angleterre se suffit à elle-même. Nous, au
contraire, les Français, nous pouvons revendiquer ces charmantes études
qui ont pour titre : Théophile Gautier spiritualiste, Rivarol, les Éclaireurs
intellectuels .1 Sainiine, André Chénier, les Femmes de la Révolution, Madame
de Lamlalle, la Nature, la Race, l'Esprit public, les Mythologies, le Théâtre de
nos pères, .M. Xavier Aubryet se laisse parfois entraîner dans le paradoxe;
mais il ne tombe jamais dans le sophisme. C'est un Chamfort chrétien. Il a
le trait, l'énergie, le pittoresque et l'originalité. Rien en lui de banal ni de
vulgaire. Tout n'est pas à approuver dans son livre, mais il n'y a rien à
maudire et il y beaucoup à louer — par exemple, l'étude consacrée aux
Femmes de la Révolution et à M^^ de Lamballe. Il est difficile de pousser plus
loin l'émotion littéraire et l'indignation morale. Par contre,M. Xavier Aubryet
dépasse la mesure quand il fait de lord Byron un modèle de bonté et de ten-
dresse (lui le poète du désespoir), et de Théophile Gautier un spiritualiste,
I
alors que raiiteiir d'Émaux et camées ne vit jamais en tout et pour Imi que
le côté plastique des choses. Mais il a raison de placer Rivarol parmi les
éclaireurs intellectuels, et de réduire à néant, dans les Faux chefs-d'œuvre,
la littérature dramatique du dix-huitième siècle. Le livre de M. Aubryet
s'ouvre par une lettre au comte d'Osmond, qui est une des plus belles pages
que l'on puisse lire sur la résignation chrétienne. On sait que l'auteur de
Chez nous et chez nos voisins est cloué depuis longtemps par la maladie sur
un lit de douleur. F. B.
lL.a Conquête du pôle IVord, par M. Wilfrid de Fonvielle. Paris,
Pion, 1877, in-12 de 333 p., orné de cartes et de gravures. — Prix : 4 fr.
Le dernier ouvrage de M. de Fonvielle est à peu près exclusivement con-
sacré, malgré son titre, aux expéditions polaires de la mer de Grœnland;
il nous en donne l'historique complet, à partir de la fin du quinzième
siècle. Pendant longtemps, elles eurent pour but principal la découverte du
passage Nord-Ouest. Celle du capitaine Phips, en 1743, mérite d'être signalée,
comme la première qui ait été faite, non plus dans l'intérêt exclusif du com-
merce, mais dans celui de la science. Nous appellerons l'attention du lecteur
sur le récit émouvant des aventures de l'infortuné J. Franklin et sur les ten-
tatives faites par sa veuve pour retrouver son époux, soit mort, soit vivant.
Ce qui, à notre avis, fait le principal charme de l'ouvrage en question,
ce sont les renseignements donnés sur la plus récente des expéditions
polaires, celle du capitaine Nares, lequel dépassa, comme l'on sait, le
83*> L. N. L'expédition de Parry s'était arrêtée, on se le rappelle, cinquante
lieues plus au sud. Les découvertes de Nares ont eu ce résultat important
de faire justice des théories allemandes sur la mer libre du pôle.
Quelques jugements de M. de Fonvielle sur le rôle et l'esprit du clergé
nous semblent légèrement déplacés; mais nous devons lui savoir un gré
véritable des efforts par lui faits pour inculquer aux Français le goût des
expéditions polaires. Nous en avons laissé le monopole aux Russes, Anglais,
Américains, etc., et notre pays n'a guère été réprésenté, dans la mer du
Grœnland, que par M. de Blosseville et l'héroïque Bellot.
H. DE Charencey.
Grèce et Turquie, notes de toyage, par Alfred Gilliéron : l'Épire,
Janina, Ithaque, Delphes, le Parnasse, Athènes, Grecs et Turcs; avec
illustrations. Paris, Sandoz et Fischbacher, in-12 de xv-308 p. —
Prix : 3 fr.
Le philhellénisme n'est plus guère de mode de nos jours. Le temps n'est
plus où les hommes d'État et les poètes de l'Europe occidentale s'enthou-
siasmaient et se croisaient pour l'indépendance de la Grèce. Aujourd'hui,
dans le pays de Platon et de Thémistocle, on s'en tient aux romans de
M. Edmond About. M. Gilliéron proteste contre celte opinion trop peu
favorable à la Grèce. En parcourant cette contrée riche de tant de souvenirs,
et toujours belle, quoique mélancolique, sous un ciel bku, il n'admire pas
seulement les paysages et ne se borne pas à la contemplation des mines et
à la constatation des résultats des fouilles ; il s'efforce d'étudier le peuple,
de se rendre compte de ses qualités et de ses défauts, de deviner son
avenir. Suivant lui, on est injuste pour les Grecs modernes; on voudr.xit
qu'après quatre siècles d'esclavage, ils eussent, dès le premier jour, èlé
— 458 —
parfaits ; OQ leur demande de marcher de pair avec les peuples qui ont
toujours été libres, et, en leur donnant la vie, on leur a refusé les moyens
de vivre. La Grèce, pour être un État complet, aurait besoin de posséder au
moins l'Épire, la Thessalie et la Crète. Elle a fait déjà beaucoup depuis
qu'elle existe ; ses progrès sont très-réels et très-sérieux, et les vertus do-
mestiques de ses familles sont très-remarqnables. Qui sait même, si ce n'e.-t
pas de ce côté qu'il faudra chercher la vraie solution de la question d'Orient?
Telle est, ^i nous ne nous trompons, la thèse soutenue par M. Gilliéron.
Nous ne savons ce qu'en penseront les diplomates; mais nous devons re-
gretter qu'il ait mêlé à un récit intéressant et instructif des préjugés
vraiment surannés contre l'Église romaine, qu'il accuse de a broyer la
conscience humaine sous les roues de fer de son organisme. » M. Gilliéron
estime qu'il faut infuser une vie nouvelle à l'Église byzantine, « mondanisée
et fossilisée. » Qui peut lui rendre cette vie, si ce n'( st le catholicisme?
M. DE hk ROCHETERIE.
ti» première communion, par M""^ Léon Gautier, précédé d'une
lettre de Mgr Mermillod. Paris, Palmé, 1878, in-32 de xix-472 p., avec
vignettes, encadrements et culs-de-lnmpe. — Prix : 4 fr.
Ce petit volume, charmant pour le fond comme pour la forme, paraît sous
le patronage d'un des noms les plus sympathiques à nos lecteurs et aux amis
des lettres chrétiennes et avec la recommandation de l'éminent successeur de
saint François de Sale=. Que faut-il de ^ilus pour qu'il devienne le cadeau
préféré des parents à leurs enfants qui se disposent au grand acte de la pre-
mière communion? La doctrine en est solide, les enseignements sérieux et
pratiques ; le style est simple et gracieux, et met bien à la portée des jeunes
intelligen.es les cmsidératinns les plus élevées. Ce n'est point l'œuvre d'un
éi rivain, mais celui d'une mèrf , qui, suivant l'expression de M»'' Mermillod,
« fait monter l'enfant de clarté en clarté, sans jamais surexciter chez lui l'i-
magination et la stusibiliié. » La première partie contient des entretiens
d'une mère avec ses enfants sur les actes principaux de la journée — le
caiéchisme, la prière, la méditation, le travail, les récréations, les re^^as; —
sur les sacrements et la préparatioa immédiate à la première communion.
La seconde partie est un recueil de fort belles prières pour tout le jour de la
première communion, la plupart anciennes, tt nous le supposons, sans croire
faire un jugement téméraire, tirées des Choix de prières d'après les manuscrits
du moyen âge, publié par M. Léon Gantier. Chaqne page est encadrée de
gracieuses vignettes dues au crayon de MM. Giacomeili etCiappori, et repré-
sentant surtout des fleurs et des oiseaux. R. S.
La Médaille miraculeuse. Origine, histoire, diffusion, résultats, par
M. Aladel, prêtre de la Mission. Edit. revue et augm. Paris, imprimé par
Pillet et Dumoulin 1878, gr. in-18 de v-416 p., avec de très-nombr. illus-
trations. — Prix : 3 fr. 50.
L'ouvrage dont on vient de lire le titre contient d'abord la biographie de
Catherine Labouré, la sainte fille desamt Vincent de Paul mortele 31 décembre
1876, et qui, en 1836, r-vait été choisie p ,r la sainte Vierge pour propager
la médaille miraculeuse et préparer le mouvement qui devait aboutir,
en 1854, à la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception. Mais c'e-t, à
vrai dire, le culte de Marie dans notre siècle qui fait l'objet du livre et qui
lui donne une réelle importance. Le pieux auteur passe en revue les sppa-
— 459 -
ritions de la sainte Vierge en 1830, les grâces extraordinaires obtenues par
la médaille miraculeuse, la conversion de M. Ratisbonne en 1842, une mul-
titude de traits recueillis de toutes parts; enfin il examine brièvement les
manifestations récentes de la sainte Vierge à la Salette, à Lourdes, à Pont-
main, etc.
Le principal attrait du présent volume consiste dans les illustrations ; une
partie des faits était connue par les éditions antérieures du livre, — bien
moins complètes, il est vrai. Mais il appartenait à M. D, Dumoulin, poursui-
vant l'œuvre entreprise par lui il y a quelques années, quand il prépara
pour la maison Didot les éditions de Joinville et de Viilebardouin, la Jeanne
d'Arc et la Vie de Jésus-Christ, de faire d'un ouvrage d'édification, comme
celui-ci, une œuvre artistique de la plus liante valeur, donnant, d'une part,
l'histoire du culte de la sainte Vierge et en particulier de l'Immaculée Con-
ception, et, de l'autre offrant comme un poëme sur la sainte Vierge, dû
au pinceau de Victor Orsel et offrant un des plus remarquables spécimens
de l'art chrétien au dix-neuvième siècle. G. de B.
Xout le monde croît aux miracles, par le comte de Champagny,
de l'Académie française. Paris, Bray et Retaux, 1878, in-32 de 13 p. —
Prix : 5 cent.
Vive et spirituelle réplique de l'éminent académicien à tous ceux qui
prétendent ne pas croire aux miracles, et ne témoignent, par les difficultés
qu'ils présentent sur les faits qu'on leur cite, que de la peur qu'ils ont de
rencontrer un miracle auquel ils ne voudraiut pas croire, et auquel cepen-
dant ils seraient forcés d'ajouter foi. S.
Lia Question religieuse et la solution protestante, par Eue.
Réveillaud. Paris, Grassart, 1878, in-12 de 142 p. — Prix : 2 fr.
Cette petite brochure, pleine de haine, de fiel et de venin contre le
christianisme, et surtout contre le catholicisme, ne mériterait guère d'être
signalée dans le Polijbiblion, dont les lecteurs ne sont point. Dieu merci, ani-
més de l'esprit irréligieux si à la mode de nos jours. M. Réveillaud s'avoue
libre-penseur. Il ne croit pas au christianisme, mais il n'en fait pas
moins appel aux protestants contre les cléricaux et les catholiques, qu'il re-
présente comme les ennemis de la société.
On devine aisément dans quel style est rédigée cette venimeuse brochure.
Les jésuites y sunt appelés « les janissaires de l'ultramoutanisme, » les
frèrcS des écoles chrétiennes, traités d' « ignorantins qui prolongent les jé-
suites » et le clergé qualifié d' « engeance dangeureuse. » P. M.
L'Année politique, 1 syT, par André Daniel. Paris, Charpentier,
1878, in-12 de 450 p. — Prix : 3 fr. 50.
Cette publication, commencée il y a quatre ans, est continuée cette année
avec le même soin que précédemment. On y trouve, non-seulement les faits
historiques de l'année, mais encore la physionomie de la presse, et par con-
séquent le reflet des diverses nuances de l'opinion publique, ou peut-être
plus exactement le moule où elle s'est faite. On n'y lira pas sans émotion les
patriotiques protestations de M. Bezanson, au Reichstag allemand (p. 18).
L'acte du 16 mai est sévèrement apprécié. D'ailleurs, M. Daniel paraît
prendre un soin scrupuleux à dissimuler sa pensée personnelle : son livre
n'en est que plus agréable à consulter. J.-A. de Bernon.
— 460 —
VARIÉTÉS.
LES BIBLIOTHÈQUES DES ETATS-UNIS (1).
Il semble vraiment que les Américains du Nord veuillent en tout regagner
sur notre Europe le temps pendant lequel elle s'est permis de vivre sans eux.
Qui eut jamais pu penser que, de leur pays, nous viendrait le premier réper-
toire de ces richesses intellectuelles que le temps semble seul capable d'accu-
muler? Qui eût pu penser qu'après un siècle d'existence un peuple ariùvât à
en posséder autant qu'en fait connaître le rapport que nous analysons? Il est
vrai qu'il ne fnut pas y chercher ces manuscrits précieux autant par leur
vieillesse que par l'art qui les a décorés, ces éditions rares, qui font l'orgueil de
nos grandes bibliothèques européennes; il est vrai aussi que la qualité, sinon
la quantité des livres, accuse la jeunesse du public qui les lit. La plus grande
partie appartient à ce qu'on pourrait appeler la littérature populaire :
romans, fiction, poésies légères entrent pour les trois quarts dans la composi-
tion de ce^ bibliothèques; mais, il faut bien le dire, la lutte pour l'existence,
qui est jusqu'à présent la condition commune de la majeure partie de la popu-
lation américaine absorbe beaucoup de son temps et de ses forces ; quand elle
vient lire, c'est pour se délasser; et il est déjà beau qu'elle ne cherche que ce
délassement. Elle n'est pas capable d'apprécier pleinement la valeur de la
science et de la haute littérature, mais cela viendra, du moins les auteurs du
rapport osent l'espérer; le temps n'est pas loin, il commence déjà, suivant
eux, où l'aristocratie d'argent créée par l'industrie et le commerce, consa-
crera aux lettres et aux arts les loisirs que lui aura faits la fortune. D'ailleurs
n'est-ce pas, en quelque sorte, un examen de conscience intellectuel que s'im-
posent les Américains. S'ils récapitulent avec fierté tout ce qu'ils ont fait,
s'ils'sont heureux fie montrer tout ce qu'ils possèdent, ne consentent-ils pas
en même temps à reconnaître ce qu'il leur manque? On ne peut donc
qu'applaudir à la patriotique pensée des bibliophiles et des bibliothécaires
américains. Ils ont voulu montrer au vieux monde convoqué à Philadelphie,
à côté des produits de leur sol si riche et de leur puissante industrie, l'in-
térêt que prend leur pays aux choses de l'esprit; ce qu'il lit et ce qu'il
écrit à côté de ce qu'il fabrique ; ils ont voulu détruire ce doute qui peut
exister même aujourd'hui et après cette épreuve, si une société démocra-
tique est su-ceptible d'une haute éducation intellectuelle. Sans doute tout
n'est pas à louer dans l'organisation de leurs bibliothèques; nous aurons à
signaler en temps et lieu les erreurs, les illusions qu'ils se font sur le rôle
atlriiiué à la lecture. Ils n'en ont pas moins fait une grande chose; et ils l'ont
faite à eux seuls, sans le concours de ce pouvoir central qui serait indispen-
sable en Europe au succès d'une pareille entreprise, et qui n'y suffirait peut-
être pas. Et ils ne se bornent pas à vouloir donner à l'étranger une idée
favorable de la culture intellectuelle de leurs concitoyens; le système pra-
tiqué par eux dans l'administration des dépôts qui leur sont contiés est des
plus propres à produire ces heureux résultats qu'ils sont tiers de publier à
l'honneur de leur pays. L'instruction, pour le plus grand nombre, s'y arrête
(1) Public libraries in the Vnited States of America, their history, condition and mana-
nement. Spécial report Département of the Inlerior. Bureau of Education. Washington
Government printurv ollîc3, 187G. 2 vol. in-8 de xxxv-IIST et 89 p.
— i61 —
forcément à ces connaissances usuelles indispensables dans la pratique quoti-
dienne de la vie. C'est affaire à ceux qui veulent compléter ce bagage scien-
tifique par trop réduit d'y pourvoir par eux-mêmes. Le bibliothécaire
devient dans cette tâche leur principal collaborateur; il se fait véritablement
professeur : professeur de livres, comme dit le rapport. Il doit, en cette
qualité, connaître le caractère de ses lecteurs, diriger leur choix dans le
sens où paraissent les jiorter leurs aptitudes, corriger le goût de ceux qui
auraient pour les livres d'imagination un penchant trop exclusif. C'est donc
une haute mission que la leur, et c'est à cause de son importance même
que les femmes sont appelées à y prendre part. Chargées en grand nombre
de donner aux enfants la première instruction, elles le sont aussi de diriger
leurs lectures, quand ils ont grandi; elles les suivent de l'école à la biblio-
thèque; et, en effet, l'un des rapporteurs demande que cet établissement leur
soit ouvert aussitôt que possible; « dans les âmes bien nées (c'est sa pensée
sinon son expression), le génie n'attend pas le nombre des années, » et les
précautions ordinaires ne sont pas de mise avec le génie ; l'auteur admet
pourtant la surveillance paternelle comme unique moyen de contrôle sur
les lectures de ces enfants prodiges; même avec cette surveillance, la liberté
nous parait excessive; et puisque l'on sort l'enfant du foyer domestique, où
son âge lui marque sa place, pour l'envoyer à la bibliothèque, sa mère fera
bien de l'y suivre, et nous trouvons, en effet, la femme au milieu des livres,
et du reste y rendant des services qu'elle pourrait rendre également dans
nos bibliothèques européennes.
Telle est, sous son aspect le plus général, l'organisation que le régime
social des États-Unis a imposée à leurs bibliothèques. Nous allons maintenant
les suivre depuis leur naissance jusqu'à l'heure actuelle, les voir grandir et
se développer, étudier leurs modes d'administration, d'accroissement, de
quelle manière et dans quelle mesure le public peut y avoir recours. Tout
ces faits, le rapport nous les raconte parle menu, et plus longuement même
qu'il n'était nécessaire. Il prend les bibliothèques américaines à leur
berceau, berceau bien humble en vérité, à en juger par les paroles de
Franklin qui contribua tant à les faire naiti'e. On aurait vite compté les
livres qu'il pouvait trouver chez son père ; sept ou huit volumes composaient
alors toute sa bibliothèque; et quand il eut quitté son toit pour le séjour des
grandes villes, il n'y trouva d'abord guère plus de ressources : « A la date
où je me fixai à Philadelphie, écrit-il, il n'y avait pas, au sud de Boston, une
seule bonne librairie; à New York, à Philadelphie, les imprimeurs étaient
papetiers, et comme tels vendaient du papier, des chansons, des almanachs
et quelques livres scolaires des plus usuels. Ceux qui aimaient la lecture
devaient faire venir leurs livres d'Angleterre. Chacun des membres de la
junte (une association qu'il avait essayé de fonder) en possédait quelques-uns.
Nous nous étions rencontrés au cabaret, nous le quittâmes pour une petite
chambre que nous avions louée à frais communs; je proposai que chacun de
nous y apportât des livres; de cette façon tous pourraient les y consulter sur
place, et même emporter ceux qui leur conviendraient. Ainsi fut fait, et, pour
le moment, tout le monde fut content; mais le nombre de tons nos livres
réunis était moindre que nous ne l'avions espéré, et, malgré l'avantage de
leur mise en commun, le défaut de soin amena, au bout d'un an environ,
chacun de nous à reprendre ce qui lui appartenait. Je mis alors en avant
mon premier projet de souscription publique, j'esquissai un règlement dont
un habile notaire, M. Charles Brockden, rédigeales articles. Chaque souscrip
teur s'engagea d'abord à payer une certaine somme pour le premier achat
— 462 —
de livres, ei à faire ensuite un versement annuel pour en accroître le nombre.
Il y avait alors si peu de lecteurs à Philadelphie et la plupart d'entre eux
étaient si piuvres, que je pus réunir au plus cinquante personnes presque
tous petits boutiquiers qui consentaient à payer d'abord 40 shillings chacun,
plus 10 shillings par an; c'est avec ce petit fonds que nous commençâmes.
Les livres arrivèrent; la bibliothèque fut ouverte un jour par semaine pour
les prêter aux souscripteurs, qui s'engagèrent à les payer le double de leur
valeur, s'ils ne les rendaient pas. L'institution eut bientôt fait ses yjreuves,
et fut imitée dans d'autres provinces et dans d'autres villes; les bibliothèques
s'accrurent par des donations ; la lecture devint à la mode, et notre peuple,
n'ayant pas d'amusement public pour le détourner de l'étude, prit goût aus
livres, et devint, au bout de quelques années, de l'aveu mènae des voyageurs
étrangers, plus instruit et plus éclairé, que les gens de la même classe ne le
sont généralement dans les autres nations. »
Telle fut l'origine des bibliothèques américaines; l'initiative privée en fait,
comme on le voit, tous les frais; pendant longtemps encore, il en devait être
ainsi ; les social librairies que l'on rencontre anx États-Unis ont conservé
cette tradiliori qui est bien vraiment américaine. Toutefois, l'avenir ne semble
pas être pour ces bibliothèques fondées par association.
Nous rencontreruns sans doute dans le rapport de nombreuses sociétés
possédint de riches bibliothèques, mais elles ne sont pas comme ici l'objet
principal de l'association, elles n'en sont qu'un. arinexe; la société à sa biblio-
thèque parce qu'elle a ses études spéciales, d^nt elle pourrait difficilement
trouver les éléments ailleurs; ses membres ont leur bibliothèque personnelle
et ne viennent chercher dans celle de la société que les ouvrages tout à fait
spéciaux, les collections trop considérables pour prendre place dans leur
cabinet. Les jeunes gens des associations que nous étudions tn ce moment
n'ont pas de livres à eux; c'est pour s'en procurer qu'ils réunissent leurs
minces ressources. Chaque membre étant tenu d'apporter à ces bibliothèques
son obole, si mince soit-elle, son administration demandant à chacun son
concours, à chacun une part de son temps et de ses efforts, elles devaient
naturellement offrir moins d'attraits que celles où l'on ne demande au
lecteur que sa présence et son resjiect pour les livras; elles avaient aus-i
moins de ressources; le renouvellement annuel par voie d'élec ion d'un
comité trop jeune, en général, pour inspirer confiance auî donaleurs, et que
ses mutations fréquentes empêchaient d'acquérir l'expérience nécessaire
encourageait ass. z peu la générosité privée. Aussi trouve-t-on aujourd'hii
relativement peu d'associations de ce genre, et leur nombre ne tend guère
à s'accroître. On en peut citer pourtant comme spécdmens lei Bibliothèques
commerciales de jeunes gens, Young men mercantile libraries. Une association
du Q;ême genre paraît seule avoir bien réussi, c'est celle que le rapport
mentionne sous ce titre A' Association chrétienne de jeunes gens. Composée de
commis et d'ouvriers, elle a surtout un bit de préservation et pourrait être
comparée assez exactement à l'œuvre de nos cercles catholiques d'ouvriers;
depuis un quart de sièle,, elle a pris un développement considérable, et
notamment depuis 1863; elle couvre d'un véritable réseau le sol rutier des
États-Unis, chaque groupe étant en relation avec ceux qui existent dans les
autres villes; les bibliothèques sont un des éléments essentiels de l'institu-
tion, et celle que possède l'association de Washington possède jusqu'à
15,000 volumes; la première place y est faite aux ouvrages religieux, puis
viennent l'histoire et les sdences exactes.
Les véritables bibliothèques publiques celles qui vivent d'un revenu que
— 463 —
leur constituent les taxes levées chaque année sur les citoyens, où tous, par
conséquent, ont le droit d'être admis gratuitement, affectent aux États-Unis
deux formes différentes qui n'ont pas eu l'une et l'autre un égal succès:
la Free school library et la Free town library; les bibliothèques de la première
catégorie ont été fondées pour la première fois dans l'État de New York en
1827, sous les auspices du gouverneur Witt Clinton et avec le concours de
généreux donateurs; sur leur sol natal, elles ont prospéré; au bout de quinze
années d'existence elles réunissaient un total de plus de 160,000 volumes
pour tout l'État; ces livres étaient mis à la disposition des jeunes gens,
qui, après avoir fréquenté les écoles et en être sortis, étaient à la recherche
des ressources littéraires ou scientifiques qui manquaient sous le toit
paternel; les taxes destinées à Tentretien de la bibliothèque sont levées
dans le district ou la commune qui possède l'école avec l'autorisation de
la législature de l'État. Malheureusement l'exemple donné par l'État de
iNew York n'a été que tardivement et très-mal suivi par les États voisins. Le
rapport y attribue à deux causes la langueur dans laquelle y restent les
Free school libraries, l'absence d'un contrôle sur l'emploi des fonds, votés soit
par l'État, soit par le district, et sur le choix des livres; et la négligence des
bibliothécaires sur lesquels ne pèse pas une assez lourde responsabilité:
les Free school libraries sont surtout des bibliothèques rurales.
{A suivre.) J. Vaesen.
CHRONIQUE
Nécrologie. — M. Eugène Belgrand, membre de l'Institut, inspecteur gé-
néral des ponts et chaussées, directeur des eaux et égouts de la ville de Paris,
commandeur de la Légion d'honneur, est décédé à Paris, le 8 avril dernier,
après une courte maladie. Né à Champigny (Côte-d'Or), le 23 avril 1810, il
entra à l'École polytechnique en 1829 et en sortit dans le service des ponts et
chaussées. Dès le début de sa carrière, il sut éclairer les unes par les autres
les études pratiques de l'ingénieur et les recherches théoriques du savant.
Dans un premier travail sur l'arrondissement d'Avallon, M. Belgrand mit
en évidence les rapports qui unissent la nature géologique du sol et sa
constitution plus ou moins perméable avec le régime des cours d'eau et le
développement de l'agriculture. Chargé plus tard (^18o6), comme ingénieur
en chef, des travaux relatifs à la dérivation de la Dhuys, puis de la Vanne,
il put étendre ses observations à l'ensemble du bassin de la Seine. Appli-
quant alors à la géologie le résultat de ses recherches, il fut conduit à
attribuer le relief du bassin parisien au déplacement violent d'une grande
masse d'eau, rasant les plateaux et creusant les vallées; tandis que les
dépôts quaternaires où se rencontrent les silex taillés et les ossements
d'espèces perdues lui apparaissaient, à des degrés divers, comme les
alluvions et les limons des grands fleuves de l'âge de pierre remaniant leurs
lits trop larges que les sables et la tourbe venaient combler. Par l'étude
minutieuse des cours d'eau et de leur régime violent ou tranquille suivant
que les versants sont imperméables ou perméables, M. Belgrand parvint à
préciser la loi des crues et organisa avec un jeune ingénieur, M. G. Lemoine,
le service hydroméirique : grâce aux observations faites en des stations bien
choisies du haut bassin, on peut prévoir, quelques jours d'avance, l'arrivée
des hautes eaux, leur élévation probable et la durée de leur passage. Enfin
ayant été appelé à présider pendant de longues années aux magnifiques
— 464 —
travaux souterrains (eaux et égouts) exécutés par la ville de Paris, M. Bel-
grand avait pris à tâche de décrire ce que les Romains avaient fait en ce
genre, ce qui existait dans le vieux Paris et ce qui avait élé fait sous sa
direction. Malheureusement la plus grande partie des documents réunis pen-
dant une vie entière consacrée aux mêmes études ont été détruits en 1871
dans l'incendie de l'hôtel de ville. Il avait fallu suppléer par de nouvelles
recherches à la perte de ces précieuses archives. Ce retard a empêché le
savant ingénieur d'achever la publication de l'œuvre qu'il avait entreprise
et qu'un de ses collaborateurs zélés pourra sans doute terminer.
Un très-grand nombre de notes et de mémoires de M. Belgrand ont élé
insérés dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, dans les Annales
des ponts et chaussées, dans les Bulletins de la Société géologique et de la
Société météorologique, eio,...; mais la plapart de ses travaux sont résumés
dans les ouvrages suivants. — Carte agronomique et géologique de l'arrondisse-
ment d'Avallon {Annuaire de V Yonne, 18bl); — Hydrologie du bassin de
l'Yonne (ibid.); — Le Bassin parisien aux âges antéhisloriques (Paris, impri-
merie impériale, 1869, 3 vol. gr. in-4, cartes, coupes, planches et héliogra-
vures {Histoire générale de Paris); — Les Travaux souterrains de Paris : I. La
Seine; régime de la pluie, des sources, des eaux courantes j applications à
l'agriculture (Paris, Dunod, 1872; 1 vol. gr. in-8 et 1 atlas in-folio de 73 pi.);
— II. Les eaux; les aqueducs romains (Paris, Dunod, 1875; 1 vol. gr. in-8 el
1 atlas in-folio de 12 pi.); — I[I. Les anciennes eaux de Paris (Paris, Dunod,
1878; 1 vol. gr. in-8 et 1 atlas in-folio de 29 pi.) On lui doit aussi une Notice
sur l'aqueduc romain de Sens, avec M. Julliot (187o). Il faisait encore à l'Aca-
démie des sciences, où il avait succédé en 1871 à M. Duméril, une commu-
nication sur les tourbillons des cours d'eau, dans la séance du 1^'' avril. —
A. D.
— M. Jean-Baptiste Huzard, membre du Conseil de salubrité de la Seine, des
Sociétés d'agriculture et d'horticulture et de l'Académie de médecine de-
puis 1841, est mort le 7 avril à Paris, où il était né le 3 janvier 1793. Il
était fils de l'ancien inspecteur des écoles vétérinaires, et fut son élève à
Alfort. Il avait vingt-cinq ans, lorsqu'il publia son premier ouvrage : JVo50-
graphie vétérinaire (1818; 2^ éd. 1820, in-8). — On cite encore de lui : De
la garantie et des vices rédhibitoires dans le commerce des animaux domes-
tiques, avec Adrien Harel (1823, in-12); — Des haras domestiques en France
(1829, in-8, 2° éd , 1841, augmentée d'une étude sur les ïïarax de l'État); —
Multiplication des sangsues (1841 et 18o4, in-8); — Formation des races che-
valines (1864, in-8). Son dernier ouvrage paru a pour titre : Manuel du petit
éleveur de poulains dans le Perche., . (1869, in-r2). ~ M. Huzard avait col-
laboré assidûment aux « Annales de l'agriculture française, » et au « Dic-
tionnaire d'histoire naturelle, » en 26 vol. in-8.
— M. Charles-Louis-Gaston, marquis d'Audiffret, né à Paris le 10 oc-
tobre 1787, ancien chef de bureau (1812) et de division (1814) aux
Finances ; auditeur, maître des requêtes (1817), conseiller d'État (1828);
président de la Cour des comptes (1829); pair de France (1837-1848) et sé-
nateur (18b2) ; membre de l'Académie des sciences morales et politiques
(18oo); président de la Société de crédit commercial et industriel (18o9), a
fini sa longue et féconde carrière le 19 avril. Grand économiste, c'est sur-
tout à l'étude des finances qu'il avait consacré son aptitude naturelle pour
les affaires. Nous devons citer de lui: Examen des revenus publics [\'iZ9 ,
in-8); et surtout : Système financier de la France (1840, 2 vol. iu-8, 3"^ éd.,
1863-187'^, 6 vol. in-8). On a encore du marquis d'Audrilfet : Le Budget-
— 46o —
(1841, in-8}; — Libération de la propriété (1844, in-8); —La Crise financière
(1848, in-8); — Souvenirs de V administration de M. de Villèlc (18oo, in-8);
— Progrès du crédit public (1861, in-8); — Service de trésorerie (1870, in-8).
C'est au marquis d'Audiffret que notre pays doit la plus grande partie des
perfectionnements, réalisés depuis 1814, dans l'organisation de la compta-
bilité publique ; on lira avec profit ses rapports, instructions, arrêtés et or-
donnances recueillies comme OEiivres choisies dans la « Collection des nou-
veaux économistes, » (1844, 5 vol. in-8). Il a été président de la Société des
livres utiles.
— M. Louis-Léonard de Loméme, membre de l'Académie française (1871),
né à Saint-Yrieix (Haute-Vienne), en 1818, vient de mourir à Menton,
le 2 avril. D'Avignon, où il avait fait ses études, il vint à Paris, et fut accueilli
par le groupe de M"' Récamier. Il avait à peu près vingt-deux ans, lorsqu'il
entreprit sa Galerie des contemporains illustres par un Homme de rien (1840-
1847, 10 vol. in-12 avec portr.), suivie plus tard de la publication, dans di-
vers journaux, des biograpbies intitulées les Hommes de 1789. Colla-
borateur de la Patrie et de la Revue des Deux Mondes, M. de Loménie
avait publié, dans ce dernier recueil, les recherches qu'il a fait paraître en-
suite sons le titre de : Beaumarchais et son temps (1852-1854, 2 vol. in-8)
et des Études sur la littérature romanesque en France (1857-1862). M. de Lo-
ménie, qui s'était vu appelé à suppléer J. J. Ampère dans la chaire de litté-
rature du Collège de France, en 1845, avait été nommé professeur de litté-
rature à l'École polytechnique en 1862. — On a encore de M. de Loménie :
La Comtesse de Rochefort et ses amis dans la Revice des Deux Mondes (1870,
in-8); — Chdteaubriant et la critique (1861); — Chuteaubriant et V Académie
française (iSGI) et Les Mirabeau (1870-1873), 1 vol. in-8), publié d'abord
dans le Correspondant; — Discours ^ovlvXb. réception de M. Jules Sandeau
à l'Académie française (1874, in-8;, et des Notices, des Mémoires, etc. Il
avait traduit de l'allemand de Gans, en 1845 : Histoire du droit de succes-
sion en France au moyen âge (in-12, Moquet).
— M. Roch-François-Marie-Nolasque, baron de Guilhermv, mort à Paris,
le 27 avril, était né à Londres, le 18 septembre 1808, d'une famille
d'ancienne noblesse française. Son père, victime des excès de la première
Révolution, s'étai réfugié en Angleterre, où il avait trouvé l'accueil dû à sa
position sociale et à ses rares vertus. Revenu en France avec sa famille,
lorsque les orages politiques se furent calmés, le baron de Guilhermy fit
d'excellentes études au collège Henri IV. Admis au ministère des finances,
en 1829, il fut appelé, en décembre 1846, aux fonctions de conseiller réfé-
rendaire de 2* classe à la Cour des comptes, qu'il a remplies jusqu'à sa
mort. Occupant noblement ses loisirs, il s'est livré à des travaux iconogra-
phiques et archéologiques d'un haut intérêt, parmi lesquels on doit placer
en première ligne ceux qui concernent l'église de Saint-Denis. Dès 1845, il
fut nommé, à Toulouse, correspondant du ministre de l'instruction publique
pour les travaux historiques, et, quelque temps après, m.embre du Comité
historique des arts et monuments, reconstitué par MM. Fortoul et Rou-
land. En 1860, le baron de Guilhermy fut également nommé, par décret,
membre de la Commission des monuments histoiiques près le ministère
d'Etat. Il a été chargé, en outre, par le minislre de l'instruction publique,
de recueillir et de commenter les monuments épigraphiques de la France,
pour faire suite à la publication des inscriptions antiques des Gaules, confiée
à M. Léon Renier. Trois volumes ont été publiés depuis; le quatrième est
très-avancé. L'auteur en corrigeait les dernières épreuves quand la mort
Mai 1878. T. XXII, 30.
— 466 —
est venue le frapper. On lui doit : Monographie de l'église de Saint- Denis,,
avec planches et plans (1847); — Itinéraire archéologique de Paris, avec
planches, p^r Fichot (18oo); — Description de Notre-Dame^ cathédrale de
Paris (1856); — la Sainte-Chapelle de Paris (1857, in-folio), et de nombreux
articles dans les Aiinales archéologiques, de Didron, dans la Revue des so-
ciétés savantes, la Revue d'architecture, le Bulletin du Comité des Monuments
historiques et autres recueils spéciaux.
— M. l'abbé Jo-eph-Louis-Aucîuste Lacurie, chanoine honoraire d« La
Rochelle, est mort à Saintes le 31 mars. II était né à Pons en 1799. Il fit ses
études an petit séminaire de Saint-Jean-d'Anuély et fut ordonné prêtre en
1822. Après plusieurs années passées dans l'exercice du ministère paroissial,
il fut appelé au grand séminaire de la Rochelle pour professer la philoso-
phie. C'est à cette époque qu'il éludia la langue hébraïque et composa
même une grammaire de cet idiome. Deux années plus tard, il était atta-
ché au collège de Saintes comme aumôni-^r, puis, comme professeur de
philosophie; à l'enseignement, il joignait les œuvres de zèle pour le salut
des âmes : on lui doit la fondation d'une conférence de Saint-Vincent
de Paul dans le collège, et de conférences pour les gens de service. Bien-
faiteur des œuvres catholiques en Orient, il fut nommé archiprêtre hono-
raire de Cilicie, chorévêque du patriarcat de Chaldée et chanoine hono-
raire de Smyrne. Ami des arts, de l'archéologie et de l'histoire, il a contribué
à en répandre le goût dans le diocèse de la Rochelle; c'est à lui que
revient l'honneur de la restauration «Je la crypte de Saint-Eutrope et une
grande part dans la découverte des reliques de ce saint. Il fut un des
fondateurs de la Société archéologique de Saintes; il étnit un des dignitaires
de la Société française pour la conservation des monuments, membre de
l'Institut des provinces, inspecteur divisionnaire des monuments historiques
de la Charente-Inférieure et de la Vendée, président honoraire de la
Commission des arts et monuments de la Charente-Inférieure et correspon-
dant de l'Institut archéologique d'Angleterre et d'Irlande. Il a été secrétaire
du congrès archéologique qui s'est tenu à Saintes. La plupart de ses tra-
vaux touchent à l'histoire de la Saintonge et à l'archéologie. Cependant on
peut citer de lui une lettre, pnbliée en 1831, où il réfute les doctrines de
Lamennais, un abrégé du catéchisme, une notice sur \d.Sancta casa et même
des poésies. Il a publié : Tableaux synoptiques de V Histoire de France {{828, Saiint-
Jean-d'Angély, in-folio); — Manuel du jeune archéologue (1842, Saint-Jean-
d'Angély, in-8) ; — Dissertation sur l'entrevue de Philippe le Bel et de Bertra?id de
Got (1849, Saintes, Rose Scheftler, in-8); — Histoire de l'abbaye de Maillezais,
depuis sa fondation jusqu'à nosjoui's, suivie de pièces justificatives, la plupart
inédites (1852, in-8, Fontenay-le-Comte); — Excursion archéologique de Saintes
à Lupon (1853, in-8); — Conseil pour l'entretien, la décollation et l'ameuble-
ment des églises (1865, la Rochelle, in-8}; — Notice sur le pays des Santons;—
Mémoire sur l'amphithéâtre de Saintes ; — Monographie de Saintes ; — Statis-
tique monuynentale de l'arrondissement de Saintes et de l'arrondissement de la
Rochelle; — Journal de Lcgrix. — Plusieurs discours et notes publiés dans le
Recueil des actes de la Commission des arts et monuments de la Charente»
Inférieure, etc. Il a aussi donné des articles dans le Bulletin monumental et
les Affiches de Saint-Jean-d\ingély.
— M. Faustin Mal.\gutti, successivement professeur de chimie, doyen
et recteur de la faculté de Rennes, est mort au mois d'avril. Il était
né le 15 février 1802, à Bologne, où il fit ses études; son père était phar-
macien dans cette ville ; ayant obtenu le diplôme de cette profession, dès
— 467 —
leize ans, il dirigea l'établissement de sa famille. Ce furent les événements
)olitiqiiesde 1831 qui lui firent prendre la France p nir sfconde patrie. Gay-
jussac l'admit dans son lab aratoire et, après qu'il eût suivi les cours de l'É-
;olepo'ytecbnii]ue.le fit attacher. comme chimiste, à lamanufact ire ileSèvres.
leçu docteur es sciences, il obtint, à la suite d'un concours, en 1830. la chaire
le chimie de Rennes. Il avait été élu correspondant de l'Institut en \8oo; il
it ut depuis longte tips membre de l'Académie des sciences de Turin. —
între autres ouvrages remarquables, on cite de M. Maligutti : Leçons de
•Mmic agricole (1848-1856, in-r2); — Recherches sur l'association de l'argent
iiix minéraux métalliques (avec M. Durocher) ; — Leçons élémentaires de
;/iimje(18o3, 2^ éd., in-12, 3^ éd., 1864, 4 vol. in-12); — Chimie appliquée à
'.'agriculture (18o3-18od, nouv. éd. 1863, 3 vol. in-12); — Analyse annuelle
ies cours de chimie agricole professés à Rennes en 1852-1853 (4 broch.
réunies en 1 vol. in-12); — Notions de chimie (avec J.-H. Fabre). (1867-1868-
1869, 3 vol. in-12); — Chimie organique (avec J.-H. Fabre), (1870, in-i8).
Les « Comptes rendus de l'Académie des sciences » et les « Annales de chi-
mie et de physique » contiennent un grand nombre de Mémoires impor-
tants de M. Malagutti.
— M. le comte Wolf-Henri- Frédéric-Charles Baudissin, qui vient de mourir,
était né le 30 janvier 1789, à Rantzau; il est un des liitérateurs
allemands qui ont le plus contribué à faire connaître dans sa p itrie la lit-
térature anglaise. Après une carrière diplomatique brillante au service
du Danemarck, à laquelle il renonça cependant en 1814, il s'était fixé à
Dresde, lorsqu'e:i 1827, il s'y lia avec le poëte Tieck. alors occupé, avec sa
fille Dorothée et A. Guillaume Scheleg, de la traduction en allemand des
œuvres de Shakespeare. M. de Baudissin avait déjà publié, en 18 19, une tra-
duction de Henri VIII; il fournit à ses amis, pour leur œuvre, douze pièces
dont : Antoine et Cléopdtre, Beaucoup de bruit pour rien, les Joyeuses com-
mères de Windsor, les Méprises, Othello, Peines d'amour perdues, le Roi Lear,
Titus et Andronicus, Tout est bieti qui finit bien, etc.. — Il avait traduit, de-
puis, de vieux drames anglais que l'on trouve dans son ouvrage : Ben
Johnson et son école, avec des commentaires et un aperçu historique de la
Ijcène anglaise (Leipzig, 2 vol. in-8, 1836); et, une dizaine d'années plus
j;aid, en allemand moderne, entre autres les deux anciennes épopées ger-
maniques : Iwein avec le lion, de Hartii;ann von der Aue (Berlin, 1845), et
iWigalois, de Wirat de Gravenberg (Leipzig, 1848).
— M. Gabriel-Gustave de Wailly, ancien maître des requêtes au Conseil
l'État, puis inspecteur général de la liste civile <lu roi Louis-Philippe,
■-onnu aussi comme auteur dramatique, vient de mourir à Paris, au mois
l'avril, à l'âge de soixante ans. On a de lui : Le Mort dans l'embarras, comédie
m trois actes (1825); — Amour et intrigue (1826). drame en cinq actes, en
'ers, imité de Schiller; — La Folle ou le Testament d'une Anglaise, comédie
in trois actes (1827); — de la même année, L'Oncle Philibert; — puis : Ma
lace et ma femme (iSiO) ; — L'Attente {[S3S), drame en un acte, en vers,
laru sous le pseudonyme de « M™' Marie Sénan; » — Elzéar Chalamel ou une
assurance sur la vie (1849), comédie-vaudeville en trois actes; — Monck ou
Sauveur de VAngleterre (1850), comédie en cinq actes; — Les premières
I rmes de Blaveau (1852), comédie-vaudeville, en un acte, etc , etc.
— M. GuiLLORY aîné, mort à Angers, le 16 janvier 1878, à l'âge de quatre-
i|iDgt-un ans, a beaucoup contribué aux progrès de l'agriculture et delavi-
.culture en Anjou, par ses publications et par la fondation, en]i830, de la
ociété industrielle et agricole de Maine-et-Loire, qu'il présida sans inter-
— 468 —
ruption de 1830 à !86o, et dont il était président honoraire au moment de
sa mort. Outre un grand nombre de travaux insérés dans le Bulletin de
cette société et dont il réunit les principaux en 187o sous le titre de Mé-
langes cV agriculture, industrie, sciences cl arts (Angers, in-8), il a publié :
Notice sur le marquis de Turbilly, agronome angevin du dix-huitième siècle
(Angers, in-8, 1849; 2" édition, augmentée d'appréciations historiques et
critiques, par MM. Chevreul et P. Clément, 1868); — Les Vignes rouges et les
vins rouges en Maine-et-Loire (in-8, 1861); — Les Vins alimentaires considérés
au point de vue hygiénique (iQ-12, 1869); — Les Vins blancs d'Anjou et de
Maine-et-Loire (in-12, 1874); — Sur la viticulture du département de Maine-
et-Loire, d'après le docteur J. Guyot (in-8); — Le Calendrier du vigneron
(in-12); — Opuscules relatifs à la viticulture et à la fabrication des vins; —
Essai historique sur le canal de Monsieur, en A7ijou (in-8); — Le Congrès des
Vignerons français (in-8), recueil de rapports sur plusieurs sessions de ce
congrès dont il était fondateur.
— Le P. Joseph Romano,. mort à la fm de mars, était né à Termini Ime-
rese, en Sicile, le 3 janvier 1810. 11 fut reçu dans la Compagnie de Jésus, le
1" février 1824 : antiquaire distingué, il fut membre de plusieurs académies
et secrétaire de celle de Palerme. En 1860, après la révolution italienne, il
se retira en Espagne et professa la théologie à Salamanque. En 1863, il
alla à Constantinople, y fonda le collège des Pères-Jésuites italiens et en
fut le premier recteur. Voici, d'après la Bibliothèque des écrivains de la com-
pagnie de Jésus, la liste de ses publications. — Philosophicorum selecta capita
qux in Collegio Maximo Societalis Jesu Joseph Romano ejusdem societatîs
publiCcB disceptationi proponebat (Panormi, lyp. Solti, 1831 in-8); —
Theologicorum dogmatum conclusiones lxxx ad disputandum propositx
(Panormi, 183o, in-8); — La scienza deW uomo interiore e délie sue
relazioni con la natura c con Dio (Palermo, 1840-1844, 4 vol. in-12); —
Un dubbio sulta esistenza délie verita filosofiche sciollo dal P. Fr. Antonio
Maugere M. 0. Messino; dan? \a. Scienza e la fede (1846); — Introduzione
alla conoscenza del moppamondo e délia geographia di Sicilia ad uso de'
fanciulli délia prima classe nelle scuole délia Compagnia di Gcsù (Palermo,
1839, Virzy, in-12); — Elogio funèbre del sacerdote Giuseppe Gondolfo
(1849, Palermo, in-8); — Meditazione sopra i misteri de N. Signori VIII e
délia SSma Vergine, dans les Patriche cristiane... (1831, Palermo, in-18); —
Elementi di ftlosofîa (1833, Pelermo, in-8); — Sopj^a un antica imagine che
esiste nel Duomo di Monreale per Dom. Bened. Gravina Cassinente, revista di
D. G. Romano, dans la Revista (\8'6i) ; — Antiche monetc Dionisio /*, dans la
Revista ilS'ôo); — Deipesie délie monete statiinuso anticamente in Sicilia, dans
l3i Revista (1834); — La Creazione, quadro filosofico del prof essore Carlo Gemel-
laro, dans le Poligj^afo (\8'66); — Elogio funèbre del P. Francesco Palumbe,
provinziale del tcrzo ordine di S. Francesco (Palerma 1858); — Monete romano
sicule del municipio di Alésa... dans les Atti delV Academia di scienze c belle
littere di Palermo (1833); — Iconographia numismatica dei tiranni di Siracuza.
Memoria letto ail' Aciîdemia di scienza (1838); — Sopra alcune monete
scoverte in Sicilia (1862 Paris, Pion, in-8). — Il a traduit les éléments d'a-
rithmétique et d'algèbre de Bezout.
— Nous apprenons, par la Revue historique archéologique du Mat'ne, la mort
de M. Louis-François Pommerais, curé de Pincé, décédé le 22 janvier, auteur
de : Notice sur les vitraux de Notre-Dame de Sablé (1830. Sablé); — Le Pèleri-
nage de Notre-Dame du Chêne au diocèse du Mans (1833,2* éd., Sablé); —
Vie de sainte Hyacinthe MariscoUi (\8o2, Sablé). (Il a aussi donné des articles
— 469 —
dans plusieurs journaux et revues et laissé en manuscrit quelques œuvres
poétiques et de nombreuses notes.
— On annonce encore la mort de M. Jean-Baptiste-Ernest Caylus, ancien
élève de l'École polytechnique, et ancien correspondant et administrateur du
National; il est auteur de : Politique extérieure des États-Unis. Doctrine Monro'é
(1865, in-8); — de M. Léon Gaillard, archiviste et lecteur de la Comédie-Fran-
çaise depuis IBoo, né à Montpellier le H avril 1810, et auteur de plusieurs
œuvres dramatiques jouées à l'Odéon, au Théâtre-Français, au Vaudeville et
au Gymnase; — de M. Riban, ancien administrateur de la Patrie, de YOpi-
nion nationale, et en dernier lieu du Constitutionnel; — de M. Eugène Gau-
tier, compositeur lyrique, suppléant plus d'une fois de Roqueplan dans ses
feuilletons musicaux, auteur lui-même de souvenirs, Un musicien en vacances
(1873, in-8) ; mort prématurément le 3 avril, alors qu'il travaillait au 2^ vo-
lume d'une Histoire générale de la musique; — de M. Eugène de Ligondès,
collaborateur pour la science météorologique du Moniteur universel, de la Pe-
tite Presse et de plusieurs autres journaux; — de M. le D"" Bouchard, membre
de l'Académie de Mâcon, mort dans cette vill-^ le 8 avril à l'âge de soixante-
seize ans, praticien aussi modeste qu'instruit en même temps que poëte ai-
mable. Les Annales de l'Académie de Mâcon, ainsi que le Journal deSaone-et-
Loireont publié plusieurs de ses compositions; — de M. Auguste Rougevin,
ancien architecte de l'hôtel des Invalides, fondateur du prix Rougevin à
l'Ecole des beaux-arts ; — de M. Amand Vignal, mort à Paris le 22 avril, né à
Aubenas (Ardèche) en 1824 : il cultivait la poésie, se livrait à l'enseignement
et se faisait remarquer par ses idées démocratiques et irréligieuses. lia donné
plusieurs recueils de poésie; — de M. Adolpbe Joly, secrétaire de la rédaction
de Y Orchestre, homme de lettres, auteur dramatique, professeur de langues
étrangères; — de M. AndersEidvinson Vang, né en 1795; casseur de pierres,
puis maître d'école, il fut poussé par son goût vers la littérature et a recueilli
les légendes et les chants populaires de la Norwège, dont il a publié plusieurs
collections; il a écrit aussi son autobiographie en 1870; — de M. le D""
HoFFMAN, décédé à Leyde; il est l'auteur d'un dictionnaire japonais et d'une
grammaire japonaise à l'usage des Anglais et des HoUaadais ; associé à la
publication des archives de Nippon et interprète du gouvernement hollandais
pour les langues japonaise et chinoise; — de M. Teuffel, professeur à l'Uni-
versité de Tubingue, philologue allemand, auteur d'une //isiou-e de la littéra-
ture romaine, d'articles dans l'Encyclopédie de Pauly, de monographies sur
des sujets de littérature moderne; il préparait une histoire de la littérature
grecque qui est restée inachevée; — de M. A. Forbiger, auteur du Handbuch
der alten géographie ; — de M. Wilson, directeur du Chicago Evening Journal ,
— de M. C.-W. GooDwiN, juge à Shanghaï, égypotologue distingué, auteur
d'ouvrages et d'articles publiés dans les revues scientifiques; — du colonel
T. -G. MoNTGOMERiE, célèbre par ses explorations scientifiques dans l'Inde et
l'Asie ceatrale; — de M. Nicole-Âlexander Dolzell, ancien conservateur
des forêts à Bombay, auteur de la Flore de Bombaxj {['&%{), mort à Edimbourg;
— de Brisk-AUah IIassoun, d'Alep, savant et poëte arabe ; — de M. Ernest
' Grossebach, professeur de philosophie et de littérature allemande, à Lucerne ;
auteur d'un cours sur l'esthétique et Thistoire littéraire qui n'a pas été
j publié.
j Institut. — Académie française, — L'Académie française vient de statuer
définitivement sur quatre de ses principaux concours pour l'année 1878. Le
grand prix Gobert a été décerné à M. R. Chantelauze, pour un ouvrage sur
' ' Cardinal de Retz et Vaffaire du chapeau. Le second prix Gobert a été attri-
— 470 —
bué à un travail de M. L. Pingaud, intitulé : les Saulx-Tamnnes et Corres-
pondance de Saulx-Tavannes au seizième siècle. — Concours Thérouanne :
Une moitié de ce prix a été décernée à M. H. Forneron pour son ouvrage
sur les Ducs de Guise et leur époque. L'autre moitié a été partagée par
portions égales enre les deux livres suivants : Alain le Grand, par M. A.
Luchaire, et la Fronde angevine, par M, A. Debidour. — Concours Bordin :
Un prix de deux mi le francs a été décerné à iM . Gustave Me; let, pour un
ouvrage intitulé : Tableau de la litlérature française, IS'iO à 1815. — Un
autre prix de mille francs a été attribué à M. le comte de Gobineau, pour
son livre sur la Renaissance. — Concours Mircelin Guérin : Un prix de
deux mille francs a été décerné à M. Alfred Rambaud pour uue Histoire de
la Russie, depuis ses origines jusqu'à Vannée 1877.. — Trois autres prix de
mille francs ch^ique ont été accordés : A M Hippeau, pour un mémoire sur
V Instruction publique dans les États du nord. A M. H. Jouin, pour une étude
sur David d'Angers. Et à M. Rambosson pour un traité scientifique sur
les Harmonies du son et les inslrumenls de musique.
Académie des sciences morales et politiques. — La séance publique
annuelle de l'Académie des sciences morales et politiques a eu lieu à
l'Institut, sous> la présidence de M. Vuitry, le 6 avril. Après le discours
de M. le président annonçant les prix «iécernés et les sujets de prix pro-
posés, M. Cil. Giraud, membre de l'Académie, doyen de la section de
législaiion, a lu une notice historique sur la vie et les travaux de
M. Bérenger, membre de l'Académie. Le prix Bordin a été décerné à
MM. D^^sdouits et Liard (voir t. XX, p. 173). Pour le prix du budget,
l'Académie avait proposé, pour le 31 mars 1876 et prorogé au 31 mars
1878, le sujet suivant : De la philosophie de V École de Padoue. Ce prix est
de la valeur de 1,500 fr.
L'Académie rappelle qu'elle a proposé, pour l'année 1879, le sujet suivant :
« Exposer et discuter les doctrines philosophiques qui ramènent au seul
fait de l'association les facultés de l'esprit humain et le moi lui-même.
u Rétablir les lois, les principes et les existences que les doctrines en
question tendent à dénaturer ou à supprimer. »
Faculté des lettres. — M. l'abbé Variot, directeur de l'École Bossuet, a
soutenu, le 13 avril, à Lyon, ses thèses pour le doctorat es lettres. Les
sujets étaient : De Plinio Juniore et imperatore Trajano apud christianos, et
de christianis apud Plinium Juniorem et imperatorem Trajanum. — L'His-
toire littéraire, la forme primitive et les transformations des Évangiles
apocryphes .
Réunion des sociétés savantes a la Sohbonne. — La réunion des délégués
des sociétés savantes des départements s'est ouverte à la Sorbonne le
24 avril par un discours de M. Mil ne-Edwards, président de la section des
sciences. Voici la liste des principales lectures qui y ont été faites :
Dans la section d'hisoire et de philologie : La vérité sur la mort de Richard
Cœur-de-Lion, par M. l'dbbé Arbellot ; — La Législation des petites écoles, par
Mj Maggiolo de l'Académie de Stanislas; — La Mort de François I^' et l'a-
vénement de Henri II d'après les dépèches secrètes de l'ambassadeur impérial
Jean de Saint- Mauris, par M. Cistan, secrétaire de la Société d'émulation du
Doubs; — Le Guet et la milice bourgeoise à Troyes, pir M. Albert Babeau; —
L'Espagne a-t-elle exercé une influence artistique dans les Pays-Bas, par M. l'abbé
Dehaisnes; — Le Commerce de la boulangerie à Amiens au quinzième siècle,
fragment d'une étude sur l'alimentation d'une grande cité, par M. le baron de
Galonné ; — La Guerre de Cent ans et le comte de Richemont, par M, Guyot-Jo-
— 471 —
mard; — Le Chevalier de Méré, seigneur de Plassac en Saintonge, par M. Jouan;
— Lieu de naissance de Charles de Saint-Maure, duc de Montausier, par
M. Pelisson; — Deux lettres inédites de la princessse Palatine, mère du régent,
par M. Ga'slé ; — Notes biographiques sur le vicomte Guillaume de Joyeuse,
lieutenant au gouvernement du Languedoc, par M. Fi';dié, de Carcassonne; —
Le Bouclier d'état et de justice du baron de Lisola, par M. Reynald, professeur
à la faculté des lettres d'Aix; — Le Capitaine de la ville et les abbcs de jeu-
nesse dans les communes de la haute Provence, par M. de Berluc-Perriissis; —
Un bibliophile au quinzième siècle, étude suj' les lettres dePhilelphe, par M Fier-
ville, de Saint-Brieuc; — Jean Bologne, sa vie, d'après des documents iné-
dits, par M. Abel Desjardins, doyen de li faculté de Douai; — Hugues de
Lionne, d'après des publications récentes, par M. Macé de Lépinoy, doyen de
la faculté de Grenoble; — Lettres inédites de Victor-Amédée II, duc de Sa-
voie et de la duchesse de Bourgogne, sa fille, par M. Combes, professeur à la
faculté des lettres de Bordeaux; — La Polyptique de Vuadalde, étudiée axi
point de vue de la condition des personnes, aux huitième et neuvième siècles, par
M. Blancard, de Marseille; — V Armée anglaise au siège d'Orléans en 1429,
d'après les documents anglo-normands, inédits, par M. Bouclier de Molandon;
— Bu droit d' emmortgagement ou vente à titre de mortgage, usité autrefois
dans le pays de Saint-Amand, en Flandre, par M. Thellier de Ponclieville.
Dans la section d'archéologie, nous citerons les communications de M.
Adolphe de Dion sur quelques châteaux des environs de Paris, antérieurs au
règne de Philippe-Auguste; — de M. Borel, sur la découverte des ruines d'un
édifice romain et de celle d'une église des pre'jaiers t^^mps du christianisme
sur l'intérieur de l'église de Saint-Martin, à Aime (Savoie), — de M. G.
George, sur les habitations grecques dans les temps héroïques et dans li-s
temps historiques; — de M. l'atibé Renet, sur les fouilles exécutées par
M. l'abbé Hamard, à Hermès (Oise); — de M. Bulliot sur les loges des
frondeurs nomades à la fuire de Bibr^cte; — de M. Quintard, ?ur le ci-
metière franc du Champ-des-Tombes à Pompey (Meurthe-et-MosnlIe) ; — de
M. Charles Robert, de l'Institut, sur une fibule mentionnée par M. Quintard
dans le mémoiie précédent; — de M. Morel, sur le cimetière gaulois de
Summe-Bionne ; — de M. Lémarié sur le puits du pilori à Saint-Jean-d'An-
gély; — de M. le 0'' Mougin, sur le cimetière gaulois de Charvais, com-
mune d'Heiltz-l'Évêque (M.irne) ; — de M. Reboux, sur l'ambre préhistorique;
— de xM. Edouard F^leury-sur les cinq grandes sépultures mixtes de Verly,
Caranda, Chassemy, Sablonières et Arcy-Sainle-Restitue (Aisne) ; — de M. le
baron de Wismes, sur un coffret de bois revêtu de cuir de sa collection; —
de M. Auguste Nicaise, sur le tumulus de Hamant (Marne); — de M. Ed.
Fourdrignier sur la peinture des vases et l'ornementatioa à enroulements
chez les Gaulois de la Marne; — de M. Voulot, cunservateur du musée d'Épi-
nal, sur une roche qui parait avoir servi de pierre à sacrifice ; — de M. Clé-
ment Simon, procureur général à Aix, sur une statue mitriaque, décou-
verte dans le département du Gers ; — de M. l'abbé Richard, sur la décou-
verte d'une excavation à Tesson (Charente-Inférieure); — de M. Godard-
Faultrier, sur les croix en forme d'X de divers cercueils de pluinb
au quatrième siècle ; — de M. Gratien-Charvet sur les découvertes faites en
187f) et 1877 dans la source antique des Fumades; — de M. Hayaux du Tilly,
sur les vases trouvés à Vicarello près de Rome.
Dans la section des beaux-arts, nous citerons les communications de
M. Charvet, sur les Origines de l'enseignement public des arts du dessin, à
Lyon; — de M. Noël, d'Orléans, sur les Arts industriels au moyen âge et à
— 472 —
l'époque moderne; — de M. de Berlue-Perussis, sur les Travaux de V Académie
dAix relatifs aux heaux-arts de 1808 « 1878; — de M. E. Jolibois, sur Vlnven-
taire des richesses de l'art dans le Tarn; — de M. Yéron, directeur de l'école
des beaux-arts de Poitiers, sur le Peintre sculpteur et le Sculpteur peintre; —
sur Le grand art et sa mission; — sur le Musée de Poitiers; — de M. l'abbé
Julien Laferrière, sur l'art en Suintonge et en Aunis; — de M. Brocard, sur
les origines de la Société archéologique de Langres; — de M. Parrot, sur les
richesses artistiques de Notre-Dame de Behuard, en Anjou; — de M. l'abbé
Cheyssac, sur une peinture murale de l'église de Cumont (Dordogne); —
de M. le chanoine Deshaines, sur l'inventaire des richesses d'art dans le dépar-
tement du Nord; — de .M. Marionneau, de Nantes, sur l'architecte Louis; —
sur les lettres inédites du Frère André, dominicain, peintre du dix-huitième
siècle ; — de M. George, de Lyon, sur V Habitation dans l'Assyrie et le Babylonie
antique; — de M. Braquelaye, sur la fondation de l'Ecole académique de
peinture et de sculpture de Bordeaux; — de M. de Saporta, sur les travaux
de l'Académie d'Aix, au point de vue de l'inventaire des richesses d'art;
— de M. l'abbé Juleau, sur l'église des Minimes à Tours; — de M. Sicard,
sur les origines de la Société de statistique de Marseille; — de M. Vidal, de
Marseille, sur les dernières applications de la photographie à la reproduc-
tion des œuvres d'art; — de M. de Parroul, sur l'importance des artistes
provençaux dans l'antiquité; — de M. Bulliot, sur les origines de la Société
éduenne; — de M. A. Durieu, sur la section des beaux-arts de la Société
d'émulation de Cambrai.
Dans la section des sciences, nous relevons les communications de M. le
Dr Lemoine, de Reims, sur des pièces osseuses recueillies dans les terrains
tertiaires inférieurs des environs de Reims; — de M. Lichtenstein, de Mont-
pellier, sur la génération des pucerons; — de M. Lechartrier, professeur à
la faculté des sciences de Rennes, sur la condition des eaux de sources et de
rivières dans le département d'IIle-et- Vilaine ; — de M. Rolland-Banès. du
Havre, sur les moyens de prévenir les explosions de grisou dans les mines
de houille; — de M. Morière, sur les fossiles du grès armoricain de Bagnoles
(Orne); — de M. Pierre Faivre, de Chalon-sur-Saône, sur la préparation du
miel et de la cire; — de M, Dieulafait, de Marseille, sur les métaux rares dans
les mers modernes et dans les mers anciennes; — de M. A. Sicard, surun
semis d'épongés recueillies à Bengazi ; — de MM. E. Filhol et Garrigou, sur
les analyses d'eaux minérales; — de M. Gosselet, de la faculté des sciences de
Lille, sur les changements orographiques survenus dans le nord de la
France depuis l'invasion romaine ; — de M. Hébert, de Moulins, sur les grands
mouvements de l'atmosphère; — de M. Scheneider, de la faculté des sciences
de Poitiers, sur lesRhizopùdes terricoles; — de M. Alluard, de la faculté de
Clermont, sur un nouvel hygromètre à condensation; — de M. Duclaux, de
Clermont-Ferraud, sur le développement des œufs de ver à soie; — de
MM. Olivier et Alluard, sur le téléphone; — de M. l'abbé Vassart, de Roubaix,
sur l'unification de l'heure des horloges publiques; — de M. Lory, de Gre-
noble, sur les massifs centraux des Alpes; — de M. Leymerie, sur la géologie
et la paléontologie des Pyrénées de la Haute-Garonne; — de M. Sirodot,
sur les recherches pour fixer l'âge géologique du gisement préhistorique de
Mont-Dol; — de M. Rey-Lesciire, sur les terrains jurassiques et leur disloca-
tion dans le Quercy; — de M. le D' Paul Fabre, de Gannat, sur les conditions
hygiéniques des houillères; — de M. E. Marchand, de Fècamp, sur les pro-
cédés employés pour faire l'examen chimique du lait; — de M. Cotteau, sur
les échinides du calcaire grossier de Moi^s (Belgique).
— 473 —
Dans la se:;tion des mathématiques, on a entendu des lectures de M. Gruey
de la faculté de Clermont, sur la Distribution par groupes géométriques des
accélérations d'un solide en mouvement ; — de M. Délègues, sur deux formules
nouvelles pour la résolulion très-approchée des équations numériques du
troisième degré, dans le cas irréductible; — de M. Mathieu, de Rennes, sur
le refroidissement d'un corps indéfini terminé par un plan ou par une
sphère; — de M. Sawicki, sur les marées.
Congrès. — Le Congrès Bibliographique international, organisé sous la
direclion de la Société Bibliographique se tiendra à Paris, du 1" au
4 juillet, dans le local de la Société d'horticulture, 82, rue de Grenelle. Ce
congrès a pour objet l'étude de tout ce qui se rattache : 1° au mouvement
scientifique et littéraire depuis dix ans; 2o aux publications populaires;
3" à la bibliographie proprement dite ; 4° aux sociétés et relations inter-
nationales.
Société de l'Histoire de Fraxce. — L'Assemblée générale de la Société
de l'histoire de France a eu lieu, le mardi 7 mai, sous la présidence de
M. le marquis de Chantérac, président. Après le discours de M. le prési-
dent et le rapport de M. Jules Desnoyers, secrétaire, sur les travaux de la
Société depuis la dernière assemblée générale, on a entendu une intéres-
sante lecture de M. Siméon Luce sur te Maine sous la domination anglaise
en 1433 et 1434. Ont été réélus membres du Conseil : MM. Desnoyers, E. Du-
pont, Lacabane, Laloy, de Luçay, de Mas-Latiie, Mignet, Picot, membres
sortants; MM. Léon Gautier, le duc de la Trémoille et J.-E. de Rothschild
ont été élus en remplacement de MM. Thiers, Boutaric et de Godefroy-
Ménilglaise, décédés.
Association podr l'enseignement des études grecques. — L'Association
pour l'encouragement des études grecques en France a tenu sa séance
publique annuelle au palais des Deaux-Arts, sous la présidence de M. Chas-
sang, inspecteur général de l'Université, président sortant. Après un dis-
cours de M. Chassang, M. Alfred Croiset, secrétaire, a lu un rapport sur les
travaux de la Société et proclamé les prix décernés pour les concours de
1877-1878. Le prix de l,00ù francs, fondé par M. Cristaki-Zographos, a été
obtenu parle Bulletin de correspondance hellénique, recueil franco-grec fondé
sous les auspices de noire école française d'Athènes, par l'initiative de son
nouveau directeur, M. Albert Dumont; un prix de 500 fr. (fondation de
M°° veuve Deville), au discours véritable de Celsus, reconstitué sous la forme
d'une traduction française, par M. Aube, professeur de philosophie au
lycée Fontanes ; — le prix ordinaire de 500 fi'. à M. Victor Pron, ingénieur
civil, pour son travail de restitution de la Chirobaliste d'Héron d'Alexandrie.
L'Assemblée a entendu ensuite la lecture d'un intéressant mémoire de
M. Lallier, professeur à la faculté des lettres de Toulouse, sur les traditions
judiciaires athéniennes conservées dans le Phormion de Tréno. Le bureau de
l'association a été reconstitué comme suit : président honoraire, M. Egger;
président annuel, M. Foucart; vice-présidents, M\L Gidel et Dareste; secré-
taire, M. A. Croisit ; secrétaire adjoint, M. le marquis de Queux de Saint-
Hilaire; trésorier, M. Pépin Lehalleur; trésorier adjoint, M. Em. Legrand.
Lectures faites a l'Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans
la séance du 5 avril, M. Edmond Le Blant a communiqué une note de
M. Prost sur la découverte de fragments d'un monument antique à Merten
(Alsace-Lorraine). M. Léon Heuzey a donné lecture d'une note de M. Du-
mont, directeur de l'École d'Athènes, sur une sculpture ancienne découverte
à Tanagre, en Béotie. M. Pavet de Courteille a communiqué une note de
— 474 —
M. Dabry de Thiersant, sur Chen-Chen, ville du Turkeslan-Oriental. — Dans
les séances des ri et 12 avril, M. Benlœw, professeur de rUniversilé, a com-
muniqué un mémoire sur la langue albanaise. — Dans les séances des 12 et 17,
M. J. Halévy a lu un travail sur l'inscripiion phénicienne de la stèle de
Byblos. — Dans la même séance, M. Léopold Delisle a communiqué une
note sur une bible appartenant au trésor de la cathédrale du Puy ; M. Dubois,
professeur à la faculté de droit de Nancy, a communiqué un travail sur les
rapports entre les Sénones gaulois et les Ananes, les Agaunes et autres
peuples. — Hans la même séance, M. Fr. I.enormant a donné lecture
d'un mémo re sur les magistrats mimétaires de l'antiquité. — Dans la séance
du 26, M. Casati a donné communication d'une étude sur les principaux
musées archéologiques et bistoiiques de l'Europe; M. Miller a signalé la
découverte qu'il vient de faire d'une pièce du treizième siècle, relative à la
susception, par saint Louis, des saintes reliques de le Passion ; M. Paulin
Paris a fait une communication sur un beau manuscrit du neuvième siècle,
envoyé par la ville d'Épernay à l'Exposition; M. Ernest Renan a fait une
communication sur une inscription latine trouvée à Rome.
Lectures faites a l'Acadéuie des sciences morales et politiques. — Dans
la séance du 13 avril, M. Aucoc a achevé la lecture de son mémoire sur les
recours pour abus de pouvoir devant le Conseil d'Etat. — Dans les séances
du 13 et du 27, M. Bau Jrillart a lu un nouveau fragment de son rapport
sur la condition des populations agricoles en Normandie. — Dans la séance
du 27, il a été donné lecture d'une note de M. Drouyn de Lbuys sur la So-
ciété des prisons à Philadelphie.
Bibliographie des beaux-arts. — Le deuxième fascicule de la. Bibliographie
des beaux-arts, entreprise par M. Ernest Vinet, bibliothécaire de l'École des
beaux-arts, a récemment vu le jour {Paris, Finnin-Didot et C'% in-8, viii et
pag. 186-328) ; la mort est venue inopinément frapper M. Vinet (le 10 février)
au moment où il s'occupait avec ardeur d'achever, le grand travail auquel
il consacrait les soins les plus attentifs, mais il laisse de précieux matériaux,
et grâce au dévouement de zélés continuateurs, l'œuvre sera menée à bonne
fin. L'histoire générale de l'art, l'archéologie classique (monuments de divers
genres, vases peints, pierres gravées, etc.), l'archéologie du moyen âge
(œuvres d'art, orfèvrerie, costumes, etc.), telles sontles divisions qu'embrasse
le fascicule placé sous nos yeux: les tit es des ouvrages, transcrits avec une
minutieuse exactitude, sont accompagnés de renseignements bibliographi-
ques et presque toujours de notes qui indiquent le plus ou moins de mérite
de ces publications.
La Bibliographie des beaux-arts est imprimée avec tout le soin qui carac-
térise les publications de la maison Didot; nous n'affirmerons pas qu'elle
est exempte de toute faute d'impression, mais nous pouvons dire du moins
que, dans le cours de notre lecture, nous n'en avons pas renc ntré une
seule. Exprimons toutefois le regret qu'on ait choisi pour l'impression des
notes un caractère minuscule, bien peu ami de l'œil. — B.
Les Livres anglais en 1877. — Le Publisher's Circular contient quelques
ch ffres intéressants sur le comTierce des livres dans le Rjyaume-Uai en
1877. Malgré l'atunie presque générale des aff ares, on remarque une légère
augmentation sur les années piécédentes dans le nombre des livres publiés
l'année dernière en Angleterre. 1873 avait fourni un totdl de 4,854 ; 1876, de
4,888; on trouve, en 1877, 5,095 livres inscrits au Row ou Statio)ier' s Hall Court
de Londres. Les ouvrages de théologie figurent pour 485 ; ceux d'éducation,
de philologie pour 539, contre 470 en 1876. Les livres destinés à la jeunesse
— 475 —
sont portés pour 522. Les ouvrages de fiction ont atteint le chiffre de 8b4 ; ceux
de jurisprudence, celui de 118. L'économie politique comprend un total de
189 publications nouvelles; les beaux-arts, les sciences et les livres illustrés
donnent le raê ne chiffre de 189; l'histoire, la biographie, celui de 373 ; les
voyages, la géogr.iphie, 209 ; la poésie, le drame, o72; la médecine, 213; les
monographies, brochures, essiis, 588.
La Presse catholique. — Une revue de la presse périodique catholique est
publiée à Wurzbourar depuis deux années. En 1878, elle embrasse un champ
plus large, s'étendant non-seulement à l'Europe, mais encore à toutes les
contrées de l'univers. L'auteur joint à son catalogue des observations cri-
tiques, et, toutes les fois que cela est possible, le chiffre du tirage pour
chaque publication. On peut juger ainsi quelle est l'activité des amis de
l'Eglise. Pour l'Allemagne, c'est en Bavière que la presse catholique est la
plus tlorissante : elle y compte 76 organes et près de 4 millions d'abonnés.
Il est à remarquer que le nombre des champions du catholicisme! croît, dans
un pays, en proportion des efforts du culturkampf. Par exemple, le million
de Suisses catholiques compte 50 journaux et un tirage considérable, tandis
que l'Autriche-Hongrie, avec trente fois plus de catholiques, ne possèile que
90 journaux. La Belgique, avec ses 117 journaux et revues, l'emporle sur
tous les autres Etals, tandis que dans la catholique Espagne, la presse reli-
gieuse meurt de faim, et même en France fait souvent triste mine. Des
1,400,000 feuilles que la presse produit journellemerit à Paris, 36 000 seu-
lement sont, d'après l'auteur de la revue, excellentes, et 344,000 passables;
le reste est détestable. En Italie, la situation est encore pire. A peine un
quart des rares journaux catholiques peut se soutenir par ses propres res-
sources. Ils ont besoin de l'appui d'un riche patronage. La plupart ne tirent
qu'à quatre ou cinq cents. (Academy.)
Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne. — On annonce la pro-
chaine publication (Montauban, Forestié) de deux volumes in-8, imprimés
en caractères eizéviriens sur papier vergé, qui contiendront d'importants
documents historiques sur le Tarn-et-Garonne (abbayes, chapitres, comman-
deries, églises, seigneuries, etc.), publiés sous les ausp ces du (Jon^eil géné-
ral et de la Société archéologique du département de Tarn-et-Garonne, par
M. François Moulenq, secrétaire général de ladite société. L'ouvrage pa-
raîtra d'autant plus précieux aux érudits, que rien encore en ce genre
n'avait été publié dans le Tarn-et-Garonne, et que M. Moulenq est un de ces
consciencieux et savants travailleurs qui méritent d'inspirer toute confiance.
— T. de L.
Une bibliothèque provençale. — Nous avons sous les yeux le Catalogue des
livres anciens et modernes, composant la bibliothèque de M. L.-N, Meilleur
(Marseille, Lebon, 1878, in-8). — Ce catalogue (943 n"), destiné à une
vente publique, mérite d'être signalé; il offre l'inventaire d'une
bibliothèque spéciale provençale et nous avons pu nous convaincre
qu'il signale un certain nombre d'anonymes et de pseudonymes qu'on
chercherait en vain dans les dernières éditions du Dictionnaire de Barbier
et des Supercheries littéraires de Quérard. Circonstance remarquable
et touchante; cette bibliothèque est celle d'un ouvrier, tous ces livres
parmi lesquels il en est de précieux, ces milliers de brochures (beaucoup
sont devenues introuvables) furent réunis au prix de bien des sacrifices par
la main d'un homme de travail; il avait pourtant à élever, à soutenir une
nombreuse famille, mais pour l'homme doué d'une énergique et patiente vo-
lonté, rien n'est impossible. Collection sérieuse où ne figure aucun roman.
— 47tj —
Ajoutons que Meilleur, chrétien et royaliste, professa toujours hautement des
sentiments qui furent l'honneur de sa vie, des croyances qui firent la con-
solation de ses derniers moments,
— L'imprimerie de la l'ropagaade a publié l'année dernière une nouvelle
édition d'un ouvrage qui se recommande à l'attention des personnes qui
cherchei'it des guidt^,s assurés pour leurs lectures et surtout de celles qui sont
consultées sur les livres auxquels on peut avoir confiance. On n'y trouvera
que des renseignements négatifs, si l'expression est permise, c'est-à-dire sur
les ouvrages condamnés, car nous voulons parler du catalogue des livres mis
à l'index : Index librorum prohibitorum sanclissini Domini Noslri PU IX
Ponl. Max. jiissu edilus. Editio novissima in qua libri omncs ab Aposiolica
Sedeusque ab unnum 1877 proscripti suis locis recenseniur. Roma, ex typogra-
phia Polyglotta S. C. de Propaganda fide, 1877, in-8 de li-3o2 p. Les livres
sont classés par ordie alphabétique des noms d'auteurs, et des titres pour les
anonymes. Le volume s'ouvre par le bret de Benoît XIV du 23 décembre
1757, par une préface de Kr. Hieronymus Plus Saccneri, ordinis predicatorum
sacrée congregationis Indicis, et par des documents relatifs à la congrégation
de l'Index.
— M. Henri Batault vient de publier un intéressant travail qui touche à
la grande question de l'histoire de la charité. C'est une Notice historique sur
l' Association des Dames de la Miséricorde de Chalon-sur-Saône (1638-1877),
avec documents inédits sur Tassistance publique dans la même ville depuis
■1466. (Chalon, imp. Dejussieu, 1878. in-8 de viii-32B p.), dont l'origine est
due à saint Vmcent de Paul. Elle lui fournit l'occasion de rappeler d'autres
œuvres de charité qui s'y rattachent et de faire, en quelque sorte, l'histoire
de la charité dans sa ville natale d'après les documents qu'il a trouvés, soit
dans les archives municipales, soit dans les archives de l'hôpital, soit dans les
protocoles des notaires de Chalon,
— M. Henri Jadart vient de publier un travail intéressant pour l'histoire
de la charité : les Traditions de charité dans le Rethelois, recueil de documents
inédits sur les fondations, les hôpitaux, les écoles et les bienfaiteurs du pays
(Rethel, imp. G, Beauvarlet, 1878, in-8 de 64 p,). On y trouve (p. 36) une
lettre de saint Vincent de Paul dont l'original avec signature autographe
est conservé aux archives de Rethel.
— M. L, Petit de Julieville vient de publier (Paris, Lemerre) une nouvelle
traduction de la Chanson de Roland. Ce qui la distingue des précédentes c'est
qu'elle a conservé, non-seulement le rhythme de l'original, comme celle de
notre collaborateur Al. le baron d'Avril, mais qu'elle a cherché à conserver,
autant que possible, les assonnauces.
— On parle de la prochaine publication des mémoires de Barras, dont le
manuscrit est entre les mains des héritiers de M, Hortensius de Saint-
Albin,
— La publication, entreprise, par M. Louis Paris, de l'Impôt du sang ou
la Noblesse de France sur les champs de bataille, se poursuit et paraît main-
tenant à la librairie H. Champion, a Paris. Cette œuvre inédite de J, Fran-
çois d'Hozier en est au tome III, dont nous avons sous les yeux la première
partie (198 p.), qui comprend les lettres N, 0, P, Q. Le Folybiblion a rendu
compte des précédents volumes.
— Ha paru récemment, comme extrait de la Revice des questions histo-
riques, im article publié dans le Bulletin bibliographique de ce recueil, (n° de
janvier 1878), sous la signature de M. W. Derrien. Cet article, qui ne porte
pas de nom d'imprimeur, n'est pas un tirage à part, mais une reproduction
faite en vertu d'une initiative privée. Nous sommes autorisés par la direction
delà Revue à déclarer qu'elle est complètement étrangère à cette publication,
qu'on n'avait pas le droit de faire, en présence de l'avis qui interdit la repro-
duction des articles.
— Notre collaborateur M. Pli. Tamizey de Larroque vient de publier deux
nouveaux opuscules, la Vie de Jean Pierre de Mesmes, par Guillaume CoUetet,
et Un, cantique inédit de Charles Sévin, chanoine d'Agen.
— Les Conversations de Senior (M. W. Nassau) avec M. Thiers, M. Guizot,
et autres personnages de distinction, dont une partie a paru dans des re-
vues et journaiix, vont être publiées à Londres en corps d'ouvrage.
— La Société paléographique anglaise continue sa publication de fac-
similé. La 8* livraison contient 2i planches, dont les principales sont l'ins-
cription grecque de Rosette, des spécimens des plus fameux raanu?crits grecs
de la Bible et de l'ancien manuscrit de Virgile du Vatican; deux chartes mé-
rovingiennes, etc.
— La Société des anciens textes anglais va reproduire intégralement, par
la photolithogi*aphie, l'unique manuscrit du plus ancien poëme anglo-saxon
Beowulf. L'éditeur y joindra une traduction, un glossaire, des notes, qui
rendront accessible à la généralité des lecteurs ce vieux monument de la
langue anglo-saxonne.
— Tlie Academy du 20 avril contient un catalogue, par orlre alphabétique,
des auteurs des 667 lettres adressées à Michel-.\nge par le^ personnages les
plus importants de son époque. La collectioa de ces leilrcs est conservée
dans les archives de la maison Buonarotti, à Florence. Il est question de
la publier.
— Le comte Ercolano Gaddi-IIercolani, professeur à Rome, s'occupe depuis
des années d'un travail qui sera incontestablement l'explication scientitique
la plus complète de la Divine Comédie .\ieni de paraître le Vocabolario ency-
clopedico Dantesco (Rome, Société typographique).
— Le premier volume du Corpus poetarum hungaricorwn vient de paraître
sous les auspices de l'Académie des sciences hongroise. Il est annoté par
M. Aron Szilady et contient des œuvres antérieures au seizième siècle.
— The Athoiœum annonce que le gouvernement français a offert d'acheter
la riche bibliothèque de fcu sir Thomas Phillipps, mais qu'elle ne peut être
vendue que dans plusieurs années, conformément aux dispositions de son
testament.
— D'après la Correspondance de Leipzig, il se publie aux États-Unis,
8,H9 journaux, dont 749 sont quotidiens.
Publications nouvelles. — Le Sacerdoce, par Mgr Isoard (2 vol. in-12.
Palmé). — Le Cléricalisme et l'esprit moderne^ par l'abbé Chapot (in-8, Palmé).
— Pie IX, par Louis Veuillot (in-12, Palmé). — Le Pape Pie IX et l'empereur
iV'ajaoZeon ///, par l'abbé Marty (in-8, Douniol). — Histoire d'un conclave,
par l'abbé V. Dumax (in-12, Palmé). — Instruction pastoraleet mandement de
Mgr Besson, évéque de Nîmes, Uzcs et Alais, sur la Franc-Maçonnerie (6^ éJit.
in-18, librairie de la Société Bibliographique). — Nouvelles études sur la litté-
rature grecque moderne, par Ch. Sidel (t. 111, in-8, Maisonneuve). — L'Iliade
d'Homère, par F. Daburon (in- 18, Ph. Reichel}. — La Cite divine, poëme de la
religion, par l'abbé A. Fayet (in-12, AUard). — La Niania, par H. Gré ville
(in-18, Pion). — Barnahas Twites, par M"' Edouard de Laiaing (in-12, Téqui).
— La Princesse de Clévcs, par M"' de Lafayette (in-8, Quantin). — La Suisse,
par Jules Gourdault (parait en livraisons de 16 p., 1" livr., Hachette). — Aux
Antilles, par Victor Meignan (in-12, Plou). — Essai sur l'administration des
— 478 —
provinces romaines, sous la république, par E. Person (ia-8 Thorin). — JVw-
torius et Eutychès, par Amédée Thierry (in-8, Didier). — Hamlet le Danois,
par A. Bùciiner (in-8, Hachette). — Histoire des Capucins de Flandre, écrite au
dix-huitième siècle, p;ir une religieuse de cet ordre (t. I^"", in-8. Poussielgue).
— La Jeunesse d' Elisabeth d' Angleterre (lo33-loa8) par Louis Winsener (in-8,
Hachette). — Hisloire de la Russie, \)àr Alf. Rambau 1 (111-I8, Hachette). —
La Princesse d'Eboli, par Gaspar Muro, trad. d'Alf. Weil (m-S, Char[)entier).
Vieilles maisons et jeunes souvenirs, piv H. d'Ideville (in-J2, Charpentier). —
Voltaire, par Stoffels de VarsSerg (in-32, librairie de la Société Bibliogra-
phique). — Lettre encyclique de notre très-saint Père le Pape Léon A7y/(in-18,j.,
librairie de la Société Bibliographique). Visenot.
QUESTIONS ET RÉPONSES
QUESTIONS
La fin du "Vendeur. — On
lit, dans une note de VHistoire delà
Révolution (t. IH. p. 103), que M. Em-
manuel de Saint Albin adonné pour
la Bibliothèque à vingt-cinq centimes :
« La fin du Vengeur, fort embellie
par le récit de Barère, est devenue
légende. Ce serait, d'après Carlyle,
« la plus grande, la plus enthou-
« siasmante blague forcée depuis
« d^'S siècles par un homme ou par
« une nation. »
J'avais vécu jusqu'à présent dans
une p;itrioti|ue illusion sur ce fait
légendaire. Dans quels ouvrages ou
documents ttouverait-on la lumière?
H. S.
Sur un mot du eurdinal
Maury. — On lit, dans un article de
M. Hermile Reynald sur le cardinal
de Retz et l'affaire du chapeau, par
M. R. Chantelauze (Le Temps, n- du
17 avril 1878) : « Il nous est donc
permis de dire de notre temps ce
que le cardinal Maury répondait à
un grand seigneur qui lui demandait
combien il s'estimait : Peu quand je
m'examine, beaucoup quand je me
compare. » J'ai souvent entendu at-
tribuer à Rivarol ce mot si piquant.
Je demande s'il faut décidément le
rendre au cardinal Maury.
T. DE L.
D'une an«^edote napoléo-
nienne. — M. Rapetti (La défection
de Marmont, 1832, in-8, p. 276) a
raconté l'anecdote que voici : <c Na-
poléon voguait pour Sainte-Hélène
sur le Northumberland, et était déjà
loin des côtes d'Europe. On vit ap-
paraîire à l'horizon un nuage qui
semblait courir sur l'^au. Bentôt on
distingua un navire dont la marche
était surprenante : il filait rapide-
ment, il n'avait point de voiles, il
laissait derrière lui des tourbillons
de fumée. Tous les passagers étaient
sur le pont, suivant des yeux cette
merveille. On sut le nom de ce na-
vire ; c'était le FuHon, le premier
bateau à vapeur qui ait navigué sur
la haute mer. « Fiilton ! » s'écria
l'empereur tout à coup reporté par
ce nom à ses souvenirs de 1804;
puis il ajouta, dit-on. tout soucieux:
« 0 les savants ! les savants ! » Je de-
mande où M Rapetti a trouvé cette
h storiette. dont j'avoue que je doute
tiès-fort. Est-ce dans le Mémorial de
Sainte-Hélène où abondent les récits
suspects ? Est-ce dans un de ces li-
vres où .V. Emile Marc-Hilaire, plus
connu sous le nom de Marco Saint-
Hilaire, a de son m eux embelli les
légendes napoléoniennes ?
Un curiel'x de province.
Mentez, mentez, il en
restera toujours quelque
t-.hose. — Quel est l'auteur du
diction célèbre : « Mentez, mentez, »
(selon les uns), ou « Ca omniez, ca-
lomniez, » (selon les au ires), « il en
restera toujours quel |ue chose? »
Les uns l'atiribuent à Beaumar-
chais qui l'aurait placé dans la bou-
che de Bazile, soit dans le Barbier de
Séville, soit dans le Mariage de Fi-
garo. — Les autres l'attribuent à
— 479
Voltaire. Dans ce dernier cas, dans
lequel des écrits de Voltaire se
trouve-t-il, et quelle est la vraie
version ?
Carcel. — On désire avoir la
date de naissance et celle de décès
de Carcel, horloger, inveuteu- du
système de lampes, dites Lanipes-
Carcel. Ces dates doivent être don-
nées dans quelque dictiunnaire bio-
graphique? On voudrait savoir éga-
lement où te trouve le portrait dudit
Carcel qui a été publié et n'est pas
conservé dans la collection de la Bi-
bliothèque nationale, à Paris. T.
Trois portraits à retrou-
ver. — Pourrait-on dire où l'on
peut trouver Jes poi traits suivants :
k'arent du Châlelet, docteur-médecin
(mort 1836); Gault de Saint-Germain,
peintre (mort 18i2); Parseval-Dcs-
chênes, amiral (mort en 1800), qui
ont été gravés ou lithographies ;
mais que la cullection de la bi-
bliothèque ne possède pas. Soit dit
en passant, comment se fait-il que
ces portraits manquent dans la cd-
lection ci-dessus mentionnée? N'y
a-t-il pas une loi qui oblige les édi-
teurs de portraits à déposer un
exemplaire de chaque à la Biblio-
thèque nationale? T.
Une épigranitne dirigée
contre IVapoIéon 1". — Une
publication périodique des plus sé-
rieuses et des plus iustructives, mais
qui ne sort guère d'un cercle restreint
de graves lecteurs, le Journal, des
Savants, contient dans son cahier de
1878 un article de M. E. Caro sur un
ouvi-age récent de M. E. Merlet {Ta-
bleau de la littérature française^ 18(J0-
1815). Nous y lisons ceci, page 107:
«L'épigra-nme, voilà le seul genre
« qui ne fût pas en décadence. Les
« traits volaient dans l'air. Un jour,
« César même ne fut pas épargné;
« c'est dans un dialogue en vers
a caché dans un numéro du Mercure,
« échappé, on ne sait commeut, à la
« vigilance de la censure :
tt Sire, dit Bertrand à l'Empereur,
« Sire, il ne reste plus un seul homme
[•les nôtres.
ff — Ami, fais-toi tuer; je vais en
[chercher d'autres. »
Le trait est vif, il porte juste ; mais
il parait bien extraordinaire qu'il ait
pu être inséré dans le Mercure avant
la chute de Napoléon. Ne serait-ce
pas après l'abdication de Fontaine-
bleau qu il aurait vu le juur, à une
époque où l'on pouvait très-impuné-
ment attaquer le lion tombé? Il y a
là un petit problème littéraire qui
mériterait d'être éclairci. A. V.
Lettres de M. Sylvain,
bourgeois de Paris. — Qu'é-
tait-ce que M. Sylvain? De quoi
traitait cet ouvrase? Où peut-on le
trouver? Il fit beaucoup de bruit
pendant la Révolution de 93. M.
RÉPONSES.
Les Martyrs de la Kévo-
lution (XXII, 286). — Aux ouvrages
cités par M. S... nous ajouterons
l'intéressant travail de M. l'abbé
Péala, intitulé : Résultat d'une confé-
rence ecclésiastique du diocèse du Puy,
tenue en l'année iSii, sur les martyrs
du diocèse du Puy, ■pendant la Révo-
volulion française. Au Puy, Gaudelet,
184o, in-8. — Les Tribunaux crimi-
nels et la Justice révolutionnaire en
Auvergne (Les exécutés), par M. Mar-
cellin Boudet. Paris, Auguste Aubry,
1873, in-8. — Nous signalerons aussi
à M. S... une correspondcince inédite
d'un chanoine du chapitre cathédral
de Chartres, Jean-Bruno Ranchoup,
que possède notre ami M. Paul l.e
Blanc, de Brioude. Elle renferme de
précieux renseignements sur l'Eglise
de ( hartres pendant cette période.
Nous citerons notamment deux ou
trois lettres relatives au célèbre
Sieyès et à M. du Fournel, curé de
Coltainville. — Je suis convaincu
que M. Paul Le Blanc s'empresserait
de communiquer ces documents à
tout travailleur sérieux qui les lui
demanderait. A. V.
— Voici quels sont, à notre con-
naissance, les ouvrages publiés sur
les Martyrs de la Révolution :
Martyrologe du clergé français,
pendant la Révolution ou Liste alpha-
bétique des ecclésiastiques et des reli-
gieuses qui sont morts pour la religion
pendant la tourmente révolutionnaire,
P.iris, Journal des villes et des cam-
pagnes, 1840, in-18 (sans nom d'au-
leur). — Histoire du clergé de France
— 480
pendant la Révolution, par M. R.
(Régnier-Destourbet), Paris, Eiouard
Bricon, 1828, in-18, 3 vol. in-i2. —
Martyrs et Bourreaux de 1793, ou
, Histoire des atrocités révolutionnaires
depuis les Etats généraux jusqu'au
Concordat de 1801, par l'abbé Cordier,
de Tour-, 3 vol. in-12. -- Les Con-
fesseurs de la foi dans l'Église galli-
cane à la fin du dix-huitième siècle,
par Carron. Paris, 1820, 4 vol.ifj-12.
— Histoire parliculière des événements
qui ont eu Lieu en France pendant les
mois de juin, juillet, aoi'it et sept. 1792,
par M. M. . . DE LA Varenne, juriscon-
sulte, Vunc des victimes échappées à la
Saint-Barthélémy de 1792. A Paris,
chez Péris e et Compère, 1806. in-8.
— A. Barbât de Bign'icourt : Les
Massacres à Reims en 1792, d'après
des documents authentiques . Rfiras,
chez tous les librair.'s, 1872, in-8 »ie
48 p. — Jugement du Tribunal cri-
minel du département de la Marne,
séant à Chatons, du 2G messidor,
an III. Imprimé à Ctiàlons, chez Mer-
cier, s. d., 50 p. in-4. (La brochure
de M. Bar bet est en grande partie la
reproduction de ce jugement). — La
Vie de M. Massart, curé des Paroisses
de Somme-Vesle et Poix, diocèse de
Chdlons-sur -Marne, guillotiné à Reims
en haine de la religion catholique, par
M. J. N. LoRiQUET, prêtre. Reims,
imp. de Delaunois, 1823, in-8, de
90 p. — Mémoires ecclésiastiques con-
cernant la ville de Laval et les environs,
pendant la Révolution, par un Prêtre
de Laval. Laval, imp. de Guerley-
Portier, 1841, 2 parties in-8. (Cet ou-
vrage n'est pas dans le commerce).
— Ballon, Saint- Mar-ds et Saint-Oucn,
ou Histoire religieuse de ces trois pa-
roiss''s, contenant près de cinquante
notices biographiques de prêtres exis-
tant au commencement de la Révolu-
tion, par l'abbé Aubry, aumôniei' de
l'hôpital de Ballon. Le Mans, Gal-
lienne, 18o3, in-8. — Vie des Saints
du diocèse de Langres, avec une notice
sur des personnages vénérables, morts
en odeur de sainteté, par l'abbé Cail-
LET, curé de Rosoy. Langres, Crape-
let, 1873, in-8. — Etude historiciuc
sur l'abbaye de Remiremont, par M.
A. Gl'i.xot, curé de Contrexéviile.
Paris, Douniol, 1859, in-8. —
Déportation et naufrage de J.-J. Aymé,
ex-législateur; suivis du tableau de vie
et de mort des déportés, à son départ
de la Guyane. Pari% Maradan, in-8,
s. d. (On trouve, à la lin de cet ou-
vrage, la liste alphabétique des dé-
portés, avec l'indication de leur âge,
qualités, domiciles, et celles de leurs
morts ou évasions.) B. de F,
— On a oublié de citer, parmi
les ( uvrages se rattachant à cette
question : La Persécution révolu-
tionnaire dans le département du
Doubs, par M. Jules Sauzay (Besan-
çon, Tuibergue, 10 vol. in-12, 1801-
1873), et l'()uvra!,'e que j'ai publié
moi-même : Histoire de la Persécution
religieuse en Alsace, pendant la grande
Révolution, 1878, in-8. L.Winterer,
curé de Mulhouse,
— Citons encore : Un Martyr bor-
delais sous la Terreur. Vie et mort du
R. P. Panneticr,grand-carme du cou-
vent de Rordeaux, par Charles Cliau-
liac. Bordeaux, Feret, 1877, in-12 de
334 p. — La seconde Terreur, ou
histoire d'un prêtre déporté à la
Guyane, en 1879, par M. l'abbé
Chambard. Paris, Letort, 1876, in-8
de i39 p. (C'est la relaîion de
M. l'abbé Bétant, du diocèse de
Lyon.) — Histoire des Prêtres du Sa-
cré-Cœur de Marseille (1732-1831)
communément appelés prêtres du Bon
Pasteur. Paris, Sariit; Marseille,
Œuvre du Bon Pasteur, in-8 de
ii-vi-507 p. (Livre III : Histoire des
Prêtres du Sacré-Cœur pendant la
Révolution). — Tableau historique du
diocèse de Lyon pendant la persécution
religieuse de la grande Révolution
française, d'après des documents au-
thentiques déposés dans les archives de
l'archevêché, par M. l'abbé J. Du-
rieux. Lyon, Briday, 1869, in-8.
R, S.
Le Gérant : L. Sandret.
Saint-Quentin. — Imprimerie Jules Moureau,
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
PUBLICATIONS SUR VOLTAIRE
A l'occasion du centenaire.
Premières lettres à }f.V. /es Membres du Conseil municipal ds Paris, sur le Centenaire de
Voltaire, par M. l'EvÉQUE d'Orléans. Paris, librairie de la Société Bibliographique.
1878, in-12 de 54 p. — \ouvelles lettres, etc., par le même, in-1'2 de 51 p. —
Dernières lettres, etc.. ])ar le véme, iu-li de t')6]). Prix de chaque brochure : 25 c.
— Voltaire, par Adrien -Maggiolo. Paris, Victor Palmé, in-12 de 128 p. Prix : I fr.
— Le Centenaire du grand Voltaire, par licsTiccs. Paris, 30 mai 1878. in-32 de
64 p. Prix : 15 c. — Rêve d'un conseiller muuiripal à propos du centenaire de Voltaire-
Paris, Bray & Retaux. 1878, in-32 de 13 p. Prix 10 c. — Véritable portrait de
Voltaire peint par lui-n>e'me, ou tableau des vice-i et des vertus du patriarche de Ferney,
d'après sa correspondance, par l'abbé Tassv. Paris, Olmer, 1878, in-32 de 72 p,
Prix : 30 c. — Epiire du Diable à M. de Voltaire, Paris, 1878, in-8 de 28 p..
Prix : 50 c. — Voltaire, par Stoffels de Vaksberg. Paris, librairie de la Société
Bibliographique, 1878. in-32 de 31 p. Prix :5 c. — Voltaire. Ricerche e con-
clusioni, esporte al popoio dal Prof. D. L P. Padova a cura délia Biblioteca cattolica
per il popoio, ia-12 de v39p. Prix : 1 lira. — Voltaire! son centenaire. Trêves imp.
Bertrand-Hu, 1878, in-12 de 27 p. Prix :5 c.
Frédéric II et Voltaire, dédié à la commission du centenaire, par l'abbé V. Bénard.
Paris, Ch. Douniol, 1878, in-12 de Xxiii-SoO p. Prix : 3 fr. 50.
Centenaire de Voltaire, Appel au bon sens, à l'honneur et au patriotisme des hommes de
tous les partis, Nîmes, typ. Dubois, 5 c. l'exemplaire; 1 fr. les 25; 4 fr. le 100. —
Souvenir du centenaire, avec portrait de Vultaire. 2 fr. le 100. — V Homme du cen-
tenaire, avec les titres particuliers suivants : \. Le Patriote ; — 2. l .\mi du peuple ;
— 3, Son désintéressement ; — 4. Sa sincérité ; — 5. ,Sa mort : — 6. VHomme du centenaire
jugé parJ.-J. Rousseau, Marat, Louis Blanc cl Victor Hugo; — 7. Le Cœur français de
Voltaire. Tracts de la Société Biblio<;raphique. Prix : 1 fr. le cent variés, franco.
Voltaire. Œuvres choisies. Edition du centenaire. 30 mai 1878. Paris, aux Bureaux
du Comité central, in-12 de 1000 p. Prix : 2 fr. 50.
Les fêtes du Centenaire sont passées. Le rôle des combattants est
fini. Celui des bibliographes commence. Que d'autres s'appliquent à
tirer du récit de ces tapageuses solennités des leçons dont l'avenir
pourra tirer profit : plus raodeste_, notre rôle doit se borner à retracer
brièvement l'histoire bibliographique du Centenaire. Indiquer les
livres qu'il faut lire, et surtout faire lire, pour combattre les funestes
effets de la propagande impie qui s'est faite et se fera sous le patro-
nage de Voltaire, tel est notre but. Il faut que la lumière se fasse, et
que la France, désabusée, comprenne enfin qu'il y va de son honneur,
de son avenir peut-être, de réléguer aux gémonies cette mémoire
maudite. Alors le Centenaire aura du moins produit un bon résultat
et l'on se souviendra du 30 mai 1878 comme d'un jour où les cloches,
à joyeuses volées, fêtaient l'Ascension du Sauveur et tintaient en
même temps le glas funèbre d'une gloire à jamais éteinte.
Entre tous les polémistes qui se sont si vaillamment mis en cam-
pagne pour détrôner le Roi Voltaire et le jeter à bas de son piédestal
usurpé, c'est Mg'" l'Evêque d'Orléans que nous devons signaler avant
Juin 1878. T. XXII, 31.
— 482 —
tous à la reconnaissance des honnêtes gens. Quand il s'agit de
combattre, il est toujours le premier. Ni l'âge, ni les fatigues d'un
épiscopat long et laborieux n'ont pu affaiblir son ardeur, et nous
venons de le voir, avec son intrépidité toute française des anciens
jours, tempérée pourtant d'un peu de tristesse, livrer sous nos yeux
un nouveau combat, et, nous pouvons le dire aussi, remporter une
nouvelle victoire. Quand même le caractère sacré de l'auteur et le
souvenir de ses services passés ne nous commanderaient pas de lui
donner ici la première place, la vigueur et l'éloquence de ses Lettres
au Conseil municpal de Paris nous feraient un devoir de le mentionner
au premier rang. On a fait de plus gros livres sur Voltaire, on n'en
fera pas de plus décisif ni qui doive peser plus lourdement sur cette
mémoire à jamais flétrie. Je ne serais pas étonné qu'en les lisant les
organisateurs du Centenaire eussent senti s'éveiller en eux au moins
quelques velléités de remords. L'œuvre de M^"" Dupanloup forme trois
brochures, que leur dimension et leur prix rendent très-commodes
pour la propagande : elle comprend en tout dix lettres, de forme vive,
d'allure flore, et toutes vibrantes de ces chauds accents qui sonnent
comme le clairon parmi les ardeurs de la mêlée et raniment les cou-
rages prêts à faiblir.
Dans sa première lettre, où se trouvent expliquésles motifs qui font
que, pour un jour, les conseillers municipaux de Paris sont involon-
tairement devenus les correspondants d'un évêque, M^"^ d'Orléans
met à nu la véritable pensée des organisateurs du Centenaire. Il n'a
pas de peine à démontrer, par la citation d'aveux absolument dépouil-
lés d'artifices, que la littérature, le patriotisme et l'humanité n'ont rien
à voir dans cette fête . C'est l'adversaire du christianisme que l'on
prétend glorifier; c'est aux héritiers de sa haine, non de son esprit,
que l'on veut rendre courage, pour raviver la guerre contre cette
Eglise catholique que Voltaire appelait Vinfâme, appliquant à la plus
auguste et à la plus bienfaisante des institutions une qualification que
nul ne mérita jamais mieux que lui.
Dans la seconde lettre, l'éloquent prélat fait un piquant rapproche-
ment entre Voltaire et Rousseau, deux noms que les organisateurs du
Centenaire eurent un moment l'idée d'associer dans une commune
apothéose. Il cite quelques-unes des aménités échangées entre ces
deux hommes qui se connaissaient trop bien pour se calomnier l'un
l'autre. Pour Rousseau, Voltaire est un fanfaron d'impiété, une âme
basse et vile, nn cœur dépravé, \m polichinelle^ un lâche et un fourbe
dont la France devrait détester et maudire la mémoire. 'Pour Voltaire,
Rousseau est un écervelé, un magot ambulant, im ignoble babouin, un
fou et un -plat monstre d'orgueil, wn brouillon, un délateur, un calom-
niateur., une âme pétrie de boue et de fiel, un judas, un singe, un DiO'
— 483 —
gè7ie, descendant direct et descendant enragé du chien de Diogène et de la
chienne d'Érostrate. J'en passe et des meilleures. Ces deux hommes
méritaient bien d'être chantés le même jour et par les mêmes voix.
Mais quel supplice pour leurs deux ombres.
Il est certain qu'en tenant ce langage, ni Voltaire ni Rousseau n'a
menti. Toutefois comme le témoignage d'un ennemi paraît toujours
quelque peu suspect, Mgr Dupanloup ne s'en tient pas là : il fait com-
paraître tour à tour à sa barre ceux qu'il appelle à bon droit les juges
irrécusables et il se trouve que Marat et Mirabeau, Brissot et La
Harpe, Béranger et le Journal des Débats (l'ancien), M. Renan et M.
Taine, M. Henri Martin et M. Sainte-Beuve, M. Louis Blanc etLa-
martine, M. Victor Hugo lui-même (je parle de celui qui est mort, pour
emprunter le mot charmant d'un ami) sont d'accord pour flétrir Vol-
taire et les multiples prostitutions de son génie.
Mais un serviteur ardent de la vérité, comme l'estrévéque d'Orléans,
ne saurait s'en tenir là : après avoir pris acte de cette condamnation
sévère, prononcée avec une unanimité vraiment touchante, il entre-
prend de refaire lui-même le procès, et de voir si l'étude attentive de
la longue existence de Voltaire n'est pas de nature, sinon à faire le-
ver la condamnation, du moins à mériter au condamné le bénéfice des
circonstances atténuantes. C'est à cet examen que les sept dernières
lettres sont consacrées. Les vices de Voltaire ont désormais chacun
leur histoire, courte, mais pleine de leçons.
Quelle est la conclusion qui ressort de chacune de ces lettres? On la
divine aisément, pourvu que l'on ne soit pas tout à fait étranger aux
écrits et aux aventures du héros. Pour tout homme de bonne foi, il
reste désormais établi de façon à défier toute contradiction que Voltaire
méprisa le peuple, ce troupeau de bœufs, cette canaille, cette pojndace
faite pour être guidée mais tout à fait indigne d'être instruite; que
Voltaire fut toute sa vie le plat adulateur des ennemis de la France,
aussi bien que des créatures les plus infâmes, et qu'à ce métier de
courtisan, pour emprunter le langage de M. Louis Blanc, il perdit
tout ce qui constitue les fiers caractères et les âmes viriles ; qu'il a détesté
la France, qu'il a bafouée jusque dans ses malheurs; qu'il a célébré
son vainqueur dans des vers que ni la pudeur ni le patriotisme ne
nous permettent de reproduire . Tel est le résumé de la quatrième, de
la cinquième et de la sixième lettre.
Nous arrivons à la septième. C'est la plus éloquente et la plus belle
peut-être. Ry est question de l'immoralité de Voltaire et de ses
insultes à Jeanne d'Arc : il appartenait à l'évêque d'Orléans de venger
cette grande mémoire outragée par un ami de la Prusse. Grâce à lui,
l'étranger saura que la France n'est pas morte et que l'insulteur de
Jeanne d'Arc n'y rencontre plus d'échos.
— i-84 —
Voltaire menteta-, VoUalrc intuUrant, Vollairc. insuUcur du crhisùa-
nisme : ces quelques mots résument les trois dernières lettres. Nous
signalons tout particulièrement l'avant-dernière à l'attention du
lecteur : il y verra ce qu'il faut penser de cett(3 humanité de Voltaire
tant célébrée, pure comédie dont l'évêque d'Orléans nous raconte
avec vigueur les édifiants intermèdes. Félicitons et remercions du
fond du cœur l'éloquent écrivain d'avoir « élevé à l'encontre d'un
grand scandale, la protestation de sa conscience, et poussé contre
les audaces ennemies le cri de l'honneur épiscopal, de l'honneur
chrétien, et de l'honneur français. »
Nous avons longuement insisté sur ces lettres, parce qu'elles sont
le monument capital qui doit rester de cette lutte : lisons-les, faisons-
les lire et relire, que la France en soit inondée, il y va de notre foi de
chrétien et de notre patriotisme de Français.
Les ouvrages suivants ne nous arrêteront pas longtemps : les faits
étudiés étant les mêmes, les conclusions sont identiques, par consé-
quent, nous n'y reviendrons pas, nous contentant d'indiquer la marche
suivie par chaque auteur et la tactique qu'il a choisie.
— Le Voltaire de M. Adrien Maggiolo est écrit d'une plume alerte
et vive. Dans une première partie, l'auteur raconte brièvement la
Vie de Voltaire : dans la seconde, il étudie ses vertus : son 'patriotisme,
son courage, son désintéressement^ sa sincérité, sa tolérance, son
humanité. Il faut lire surtout les deux chapitres curieux où il est
question du courage et du désintéressement de Voltaire, deux points
que, si nous ne nous trompons, l'évêque d'Orléans n'a pas touchés.
La brochure est fort bien imprimée et de gracieuse apparence,
mais peu à la portée des petites bourses. Nous reprocherons à l'auteur
de mettre parfois tant de brièveté dans ses récits que le sens et la
portée de plusieurs incidents doivent nécessairement échapper au
lecteur qui n'est pas familiarisé avec la vie de Voltaire.
— Le Centenaire du grand Voltaire, parRusticus, est une brochure
tout à fait populaire, intéressante et bien remplie, mais peut-être un
peu triviale de ton. Un brave homme, M. Lafieur, entreprend de
prouver à son ami, M. Fripart, qu'il a grand tort de vouloir aller à
Paris fêter le centenaire de Voltaire : car Voltaire est un gredin qui
ne mérite pas tant d'honneur. Le débat s'engage devant un bon
docteur de village entre l'avocat Tapajot et le clérical Corcorus.
Comme la cause est très-mauvaise, l'avocat est battu mais content:
il prend la résolution de ne plus recevoir son mauvais journal et le
Père Frippart enverra pour la canonisation de Jeanne d'Arc l'argent
qu'il destinait au centenaire. Cette brochure est faite avec esprit : sa
forme dialoguée contribuera à ia faire lire.
— Le Rêve d'un conseiller municipal est charmant et d'une forme
— i8o —
très-originale. Un conseiller municipal, tout fier d'avoir décidé ses
collègues à célébrer le centenaire de Voltaire, sV-ndort sur ses
lauriers, et rêve qu'il va rendre visite aux enfers à la grande ombre
de Voltaire pour lui faire part des fêtes qu'on lui prépare. Naturel-
lement Voltaire se moque de lui, réédite pour son édification quel-
ques-unes des insolences qui lui étaient familières et des injures qu'il
aimait à jeter au peuple et à la France : le conseiller municipal est
très-attrapé,et, de retour sur la terre.il est heureux d'apprendre que,
de par la volonté du gouvernement, le centenaire de Voltaire devra
se faire à huis-clos. Brochure excellente! Seulement je crains qu'en
nous donnant cet heureux dénoûment l'auteur lui-même n'ait fait un
vain rêve.
— Le véritable portrmt de Voltaire mérite parfaitement son titre :
il est très-ressemblant, c'est dire qu'il est hideux. Une longue série
d'anecdotes et de citations bien choisies, mais que l'auteur aurait
mieux fait de grouper autour de quelques chefs principaux pour
épargner au lecteur la fatigue de divisions vraiment beaucoup trop
nombreuses, nous montre la façon peu charitable dont Voltaire s'est
toujours conduit envers le prochain, et nous expose les vices de toute
espèce qui constituent avec son esprit de démon le seul agrément de
cette peu sympathique personnalité. Dans un dernier chapitre, qui sert
de conclusion, l'auteur montre en quelques mots que ni les amis du
peuple, ni les amis de la France, ni les amis de la vérité, ni les amis
de la vertu ne doivent aucun hommage à Voltaire, et que l'intérêt du
personnage aussi bien que l'honneur de la France exigeraient plutôt
qu'on jetât un voile sur les infamies de sa vie.
— L'Épîti'c du Diable à Voltaire est une très-spirituelle satire en ^
vers, que Voltaire reçut un beau jour de Franche-Comté et qui lui
fit passer de mauvais moments. Le docteur Girod en était l'auteur.
Voltaire fut d'abord peu satisfait de mériter les compliments du diable :
il sembla même, pendant quelques jours, vouloir venir à résipiscence
et se réconcilier avec le bon Dieu. Cette bonne disposition ne dura
guère, et les leçons du bon docteur furent oubliées. Souhaitons qu'en
relisant cette épttre à cent années de distance, les disciples de Voltaire
l'apprécient comme leur maître et que leur conversion soit plus du-
rable que la sienne.
— Nous nous bornerons à recommander spécialement pour la pro-
pagande populaire, le Voltaire de M. Stoffels de Varsberg. Cette bro-
chure a le triple mérite d'être très-bien faite, d'être courte et de ne
coûter qu'un sou. Voltaire et le peuple, Voltaire patriote, Voltaire
hypocrite. Voltaire précurseur de la Révolution, tel est le qua-
druple aspect sous lequel le personnage est^ présenté aux lecteurs.
Aucun n'est de nature à lui conquérir beaucoup d'amis. C'est
— 486 —
*
juste. Le dernier des hommes -par le cœur, — c'est la nièce de
Voltaire qui le définit ainsi! — ne mérite pas qu'on l'aime.
— La brochure italienne du professeur D. L. P... est intéressante.
Le poëte et le littérateur, l'historien et le philosophe, l'homme et le
citoyen sont tour à tour étudiés dans Voltaire : c'est la première
partie qui a pour titre général les Écrits et le caractère de Voltaire.
Dans une seconde partie, nous trouvons le récit détaillé de la mort de
' Voltaire et des circonstances qui l'ont accompagnée et suivie. Tout
cela est fait avec soin et laisse deviner un esprit déjà mûr, servi par
une sérieuse érudition. Mais n'est-ce pas un peu trop savant pour une
brochure populaire! Nos plus vifs remercîments à notre confrère
d'Italie.
— • La brochure sur Voltaire publiée à Troyes sans nom d'auteur se
recommande par son bon marché. Sa forme vive, claire, précise en fait
un excellent opuscule de propagande, La matière est bien divisée et
chacune des parties se termine, en manière de conclusion, par une
phrase qui la résume et doit, en raison même de sa concision, vive-
ment frapper l'esprit du lecteur. Nous recommandons le procédé qui
paraît de bonne guerre, et permet au lecteur de condenser en quinze
ou vingt phrases courtes et nettes l'histoire de la vie et des exploits
du héros.
— Les auteurs dont nous venons de parler n'ont fait que des bro-
chures de circonstances destinées à alimenter la propagande : M. l'abbé
Bénard a fait mieux. Prenant un des côtés les plus intéressants de la
vie de Voltaire, ses rapports avec le roi de Prusse, il en a fait la ma-
tière d'un livre qui restera, alors même que nous n'entendrons plus
que les lointains échos de la bataille qui vient de se livrer autour de
cette renommée quelque peu compromise. Ce n'est pas que le livre de
M. l'abbé Benard soit parfait : le style n'en est pas toujours correct, ni
toujours clair. Mais, en dépit de ces défauts, on le lit sans fatigue, et
l'intérêt ne languit pas un instant. Nous voudrions qu'il fût beaucoup
lu. Car, si quelque chose peut contribuer à faire maudire en France
la mémoire de Voltaire, c'est le spectacle des servilités de ce Français
qui passe sa vie à encourager dans ses usurpations le plus redoutable
et le plus perfide ennemi de la France. On y verra qu'une fois au
moins en sa vie, Voltaire n'a pas menti, c'est le jour où il écrivait à
Frédéric de Prusse que : « son cœur était à Berlin et pour jamais érigé
en autel sur lequel il sacrifierait tout pour la gloire de son Jéhovah. »
Laissons donc ce cœur à la Prusse, puisque c'est à elle qu'il s'est
donné.
— La brochure et le livre ne sont pas le seul mode de propagande :
il y a encore le t7-act, la feuille qui se distribue, passe de main en
main, et n'exige ni beaucoup d'efl'ort ni beaucoup de loisir pour être
— 487 —
lue. La propagande catholique ne pouvait négliger ce moyen. Nos
amis de Nîmes ont résumé en quatre pages d'une vivacité toute méri-
dionale la vie si peu édifiante de Voltaire. A Paris, la Société Biblio-
graphique a publié sept tracts excellents dont nous avons donné les
titres en tête de cet article. C'est court, net, précis et tout à fait de
nature à jeter dans les esprits et le cœur du peuple la bonne semence
de la vérité. Citons enfin un tract charmant, orné à sa première page
d'unportrait de Voltaire, élégamment encadré. Il a pour titre Souvenir
du Centenaire, et, à l'aide de citations bien choisies, fait connaître
Voltaire mieux que toutes les déclamations et tous les discours.
— Nous ne voulons pas prendre congé de nos lecteurs sans leur si-
gnaler un mauvais livre dont ils ne devront s'occuper que pour empê-
cherqu'il ne soit lu. Les organisateurs du Centenaire ont extrait, en mille
pages compactes, la quintessence du poison que Voltaire a répandu à
pleines mains dans ses œuvres. Poésie, roman, histoire, philosophie,
théâtre, ils ont tout fouillé pour former cet arsenal où le vulgaire
pourra trouver des armes aux blessures desquelles nos adversaires
croient bien sincèrement que la religion ne pourra longtemps sur-
vivre. Nous les avertissons que le livre est bien gros pour devenir po-
pulaire; qu'il contient une multitude de théories surannées qui donne-
ront une piètre idée de la science de leur héros ; enfin qu'il n'est pas
complet, car nous ne trouvons là aucune des lettres de Voltaire au roi
de Prusse et les aménités qu'il écrivait sur le peuple sont absolument
passées sous silence. Tel qu'il est, le livre fera du mal aux ignorants
qui auront l'imprudence de le lire. Mais il y a dans les petits livres
dont nous avons parlé plus haut, assez de contre-poison pour com-
battre les funestes effets de ce détestable recueil. Aussi sommes-nous
rassurés pour l'avenir. Le Catéchisme ne sera pas détrôné, les églises ne
se videront pas, et la religion catholique n'est pas près de mourir; elle
a survécu à Julien l'Apostat et à Néron, elle enterrera les héritiers de
la Terreur et les médiocres successeurs de Voltaire. P. Talon.
THÉOLOGIE
lEncîcIopedîa dell' Ecclesîastico, opéra dell' abb. Vincenzio
d'Avino, terminata del P. Antonio Pellicani. Edizione terza, rivedula,
aumentata ed in parte refusa. Fascicolo I. Turino, Marietti, 1878, in-4 de
160 p. à deux colonnes. — Prix du fascicule : 2 fr. 50. L'ouvrage complet
formera vingt-cinq fascicules environ. Un fascicule par moi;;.
Nous avons entre les mains la première livraison de la troisième
édition de V Encyclopédie de r Ecclésiastique , qui jouit en Italie d'une
— +8H —
réputation méritée. L'auteur, M. l'abbé d'Avino, avait eommencé,
avant sa mort, qui a eu lieu en 1868, à préparer cette troisième édi-
tion. Son œuvre de correction et de remaïiiement est continuée par le
P. Pellicani. Le fonds de ce travail est tiré de l'Encyclopédie alle-
mande de Wetzer et Welte, mais il est moins développé que l'ouvrage
auquel il a emprunté.
Aujourd'hui, plus que jamais, tout le monde sent le besoin d'avoir
sous la main un livre qui lui fournisse, en un clin d'œil, les rensei-
gnements courants sur une question donnée. Le domaine des sciences
s'est tellement étendu qu'il est impossible d'étudier tout par soi-
même et qu'il est impossible aussi de consulter des traités complets
et approfondis sur chaque branche de la science. De là l'utilité, la
nécessité même de ces dictionnaires qui se multiplient tous les jours
pour tous les genres d'étude et pour chaque classe de personnes.
Leur succès est la meilleure preuve de leur opportunité. L'ecclésias-
tique doit avoir son Dictionnaire des sciences ecclésiastiques, comme
le médecin son Dictionnaire de médecine. Celui d'Avino, pour qui peut
comprendre l'italien, est un des plus commodes, des plus accessibles
et des plus sûrs. On peut juger de la troisième édition par la seconde
et par ce premier fascicule : l'esprit en est parfaitement catholique, la
rédaction en est claire, précise, sans longueurs. On y trouve une foule
de renseignements précieux qu'on chercherait vainement ailleurs, sur
l'état actuel des Églises, par exemple, comme celui de l'Église
d'Afrique au moment présent, p. 46-47. Cette Encyclopédie contient
d'ailleurs tout ce qu'il est utile à un prêtre de savoir : l'herméneu-
tique, la critique sacrée, la géographie biblique, la philologie de
l'Ancien et du Nouveau Testament ; l'apologétique, la théologie dog-
matique et morale, la prédication, la liturgie, l'art chrétien, le droit
canon ; l'histoire de l'Église, la patrologie, l'histoire de la littérature
théologique, les conciles, les hérésies, les schismes, et des notions sur
toutes les principales religions et leur culte. L. M.
Patrologie, par le docteur Alzog, professeur de théologie à l'Université
de Fribourg. (Forme li^ tome 1^;'' de la Bibliothèque thiologique du dix-neu-
vième siècle, rédigpe par les principaux docteurs des Universités catho-
liques. Encyclopédie, apologétique, introduction à l'Ancien et au Nouveau
Testament, archéologie biblique, histoire de l'Eglise, patrologie, dogme,
histoire des dogmes, droit canon, liturgie, pastorale, morale, pédagogie,
catéchétique et homilétique, histoire de la littérature théologique.) Tra-
duction de l'abbé P. Belet. Paris, Victor Palmé, 1877, in-8 de 740 pages.
— Prix : 7 fr. 30.
La Société générale de librairie catholique a entrepris de publier
une traduction française de la Bibliothèque théologique, due à la
célèbre librairie de Herder, à Fribourg-en-Brisgau. Elle n'est pas
— 48'.t —
encore terminée dans l'original allemand, mais les parties déjà parues
sont remarquables et le Pohjbiblion a eu l'occasion de faire l'éloge do
quelques-unes d'entre elles. L'un des meilleurs volumes de cette col-
lection est incontestablement la Prt^ro^o^ie d'Alzoget elle ouvre digne-
ment cette excellente série.
Jean Alzog, né en 1818, est mort le 28 février 1878 à Pribourg-en-
Brisgau. Il a professé l'histoire ecclésiastique dans cette ville, de-
puis 1853 jusqu'à sa mort. Pendant cet enseignement de vingt-cinq
ans, il a étudié à fond l'histoire de PÉglise. Aussi, ses leçons publiées
dans son Histoire de l'Eglise, ont-elles eu un immense succès, non-
seulement dans toute l'Allemagne, mais aussi en Prance, où la tra-
duction de cet ouvrage a eu plusieurs éditions. Le docteur Alzog a
étudié les Pères en même temps que l'histoire des premiers siècles,
et la première édition de sa Patrologie a été traduite en français. La
nouvelle traduction, faite sur une nouvelle édition, est naturellement
plus complète.
L'auteur possède parfaitement sa matière, et, en le lisant, on
s'abandonne à sa conduite avec confiance, parce que l'on sent qu'on a
un guide éclairé, ferme et sûr. Son livre s'ouvre par une introduction
sobre, mais pleine et fort instructive, à l'histoire de la littérature
chrétienne pendant la période des Pères. 11 nous fait étudier ensuite
successivement les Pères apstoliques, depuis les origines de la litté-
rature chrétienne jusqu'à l'an 150, puis les Pères et écrivains apolo-
gistes et polémistes, grecs et latins, de 150 à 325, jusqu'au concile de
Nicée. La troisième période comprend l'apogée de la littérature
patristique, et s'étend de l'an 325 à la mort de saint Léon le Grand,
en 461. Un premier chapitre fait connaître les écrivains orientaux, et
un second les écrivains latins. La quatrième et dernière période, celle
de la décadence de la littérature patristique, va de saint Léon le Grand
jusqu'à Alcuin et Charlemagne. Un premier chapitre étudie les pro-
sateurs grecs, un second les prosateurs latins, un troisième les poètes
chrétiens de toutes les époques. Ce chapitre se termine par une étude
sur les origines de la poésie chez les Francs et les Germains. A la fin
du volume est placée une table chronologique des anciens auteurs
ecclésiastiques.
Le docteur Alzog place ordinairement en tête de chaque article de
sa Patrologie la bibliographie du sujet. Il fait ensuite la biographie de
l'aiiteur dont il parle, il donne une analyse critique de ses œuvres,
souvent entremêlée de la traduction de passages bien choisis, pour
donner une idée du genre et de la manière de l'écrivain ; il fait enfin
connaître les points principaux de sa doctrine, avec des citations plus
ou moins nombreuses. Le tout se termine en général par l'indication
des principales éditions de l'auteur qu'il vient d'étudier. Dans le der-
— 490 —
nier chapitre, sur les poètes chrétiens, les morceaux cités sont repro-
duits dans la langue originale, le grec ou le latin. Le texte grec est
presque toujours accompagné d'une traduction, quelquefois française,
généralement latine.
La Patrologie du docteur Alzog est une véritable mine de rensei-
gnements précieux et d'une doctrine sûre. La connaissance des Pères
est d'une grande importance pour tous les chrétiens instruits : elle
est utile à tout le monde, non-seulement pour connaître la littérature
catholique dans ses origines, mais aussi pour fortifier la foi en remon-
tant à ses sources vivifiantes et fécondes. Il y a, dans ces extraits des
Pères, choisis par leur historien, une sève, une fraîcheur de jeunesse
et de vie qui fait du bien à l'âme et la nourrit en même temps qu'elle
l'éclairé. Ce livre est un véritable trésor pour l'intelligence comme
pour le cœur.
Quant à la traduction, elle est bonne et pleine de mérite. II n'est
pas toujours aisé d'éviter la lourdeur et même l'obscurité en faisant
passer un écrit allemand dans notre langue. Le traducteur a réussi à
nous procurer une lecture aisée et facile. Il a ajouté quelques notes
et nous l'en félicitons. Nous n'aurons garde de lui reprocher de n'en
avoir pas ajouté davantage, car il serait injuste d'exiger d'un traduc-
teur qu'il perfectionne son auteur ; nous nous permettons cependant,
dans l'intérêt de ses lecteurs et aussi d'une prochaine édition, qui ne
se fera pas sans doute longtemps attendre, de faire quelques obser-
vations.
Le docteur Alzog a tenu très-consciencieusement son livre au cou-
rant de tous les travaux patristiques, mais en ce temps d'études et de
recherches, chaque année apporte son contingent de découvertes à la
patrologie, comme aux autres branches du domaine scientifique. De-
puis que le livre du professeur de Fribourg a paru, on a découvert et
publié le texte complet de la première Epître de saint Clément
Romain aux Corinthiens, et de ce qu'on appelle sa seconde Epître aux
(Corinthiens. Les fragments retrouvés de la première Epître contiennent
des passages fort importants sur la liturgie primitive et sur l'autorité
de l'Eglise romaine, lesquels méritent d'être signalés. Le docteur
Alzog dit sur la seconde Epître : « Cette lettre ne commence et ne
finit point avec les formules accoutumées du genre épistolaire et ne
roule point sur un sujet précis, ce qui a fait supposer que c'était un
fragment d'homélie ecclésiastique. » Il est certain que c'est une
homélie, depuis qu'on possède le texte entier de cet écrit. On ne
pourra plus guère désormais non plus l'attribuer à saint Clément
Romain, et il faudra le placer, non plus parmi les ouvrages douteux
lie ce pape, page 34, mais parmi les ouvrages qui ne sont pas de lui.
Les indications bibliographiques données par le docteur Alzog sont
— 491 —
précieuses, mais surtout pour les Allemands, puisqu'elles ont presque
toujours pour objet des livres allemands. Ne serait-il pas à propos de
joindre aux indications allemandes les indications des ouvrages
publiés en français sur les Pères, dans ces dernières années, par
exemple, A. Guilloud, S. J., Saint Irênée et son temps; Cruice, Essai
critique sur rHexaméron ; l'abbé Benoît, Saint Grégoire de Nazianze,
sa vie, ses œuvres ; l'abbé Delacroix, Saint Cyrille de Jérusalem, sa vie
et ses œuvres; l'abbé Martin (d'Agde), Saint Jean-Chrysostome, ses
œuvres et son siècle, etc. Plusieurs des travaux si remarquables de
M^"^ Freppel sur les Pères sont indiqués, mais ils ne le sont pas
tous. G- K-
Cours complet et détaillé de catéchèses pour l'înstrsic-
tiondes enfants de la classe inférieure des écoles, traduit
de l'allemand, de G. Mey, par Tabbé J. Gapp. Lyon, Vitte et Lutrin; Paris,
Jules Vie, 1877, 2 vol. in-12 de xi-300 et 312 p. — Fris : 5 fr.
La plupart des méthodes de catéchisme et des cours d'instruction
religieuse sont composés pour les enfants que Ton prépare immédiate-
ment à la première communion, ou même pour ceux que Ton appelle
persévérants et qui complètent leur éducation chrétienne. Ce livre est
destiné aux petits enfants de huit à dix ans. Il contient non-seulement
des conseils ou des plans d'instruction, mais les catéchèses dévelop-
pées, telles qu'elles ont été prononcées par l'auteur. Partout nous
avons remarqué une connaissance profonde du caractère, des défauts
et des qualités, des habitudes d'esprit, de l'imagination des enfants.
Le style est précis et clair, familier, sans être jamais vulgaire. La
phrase est courte, rapide : c'est bien ainsi qu'il faut parler à ces intel-
ligences si mobiles et faire entrer dans ces âmes, àl'aide des compa-
raisons et des récits, les idées les plus abstraites. Mais surtout le cœur
du prêtre, qui aime tendrement ses petits auditeurs, qui les veut
former aux vertus et à la piété chrétiennes, se montre à chaque page.
Quoi de plus touchant que les conseils donnés par l'auteur pour la
confession des petits enfants ! (Tome II, p. 308.) Avec quel bonheur
sont expliquées les paroles de l'Évangile : Jésus croissait en sagesse et
en grâce/ Le commentaire en est cependant difficile même aux plus
hauts théologiens (tome II, p. 75). De nombreuses observations,
rejetées à la fin de chaque volume, exposent la méthode de l'auteur,
et contiennent les plus utiles remarques.
Si nous avons loué sans réserve cet excellent ouvrage, nous devons
aussi rendre justice au traducteur, M. l'abbé Gapp, qui a su rester
fidèle au texte, et garder les allures vives de notre langue.
E. POUBSET.
— 41)2 —
t.tt Foi. Conférences de Saint-.! oaeph de Marseille^ par le R. P. Vinxent de
Pascal, des frères prêcheurs. 2^ édition, revue et corrigée. Poitiers et Pa-
ris, Oudin, 1877, ia-8 de 109 p. — Prix : 3 fr.
Le R. P. de Pascal ne pouvait aborder dans la chaire un sujet plus
essentiel, ni qui exigeât, chez celui qui voulait le traiter, plus d'exac-
titude, de précision et de clarté. Quelle est la nature de la foi? L'acte
qu'elle produit est-il raisonnable et libre, ou bien, comme le pré-
tendent nos adversaires, faut-il n'y voir que le fruit de l'ignorance,
du caprice, de l'obstination? La révélation divine à laquelle la foi
adhère, est-elle pourvue de titres qui l'accréditent auprès du genre
humain; et, si ces titres existent, en a-t-elle jamais refusé la com-
munication à l'esprit sincère qui la lui a demandée? L'enseignement
catholique affirme que la foi et la raison découlent de la même source,
quoique par des canaux divers; que l'une et l'autre, quoique radicale-
ment distinctes, émanent du même Dieu : s'il en est ainsi, se peut-il
qu'elles soient condamnées à se contredire et à se combattre? L'har-
monie n'est-elle pas plutôt la loi de leurs mutuels rapports; et le
devoir de l'apologiste et du théologien n'est-il pas de mettre ca lu-
mière cette harmonie, delarendre visible, et s'il se peut, éclatante au
regard de l'homme, comme elle l'est éternellement au regard de Dieu?
Enfin, quels sont les devoirs privés et publics qu'impose la foi à ceux
qui en ont reçu le bienfait? Le R. P. de Pascal a répondu à toutes
ces questions en s'inspirant de la première Constitution dogmatique
du concile du Vatican, et de ces pages si fortes et si pleines où saint
Thomas a posé et a résolu, avec un merveilleux bon sens et une ad-
mirable sûreté, tous les problèmes qui concernent la nature de la foi.
C'est surtout après avoir relu ces pages, que l'on comprend toute la
justesse du conseil donné par le R. P. de Pascal à ses auditeurs.
K Sous prétexte de fuir la routine, » leur disait-il, « ne rejetons pas
la tradition, et... ne délaissons pas les bons vieux arguments de nos
pères, solides, vigoureux, éprouvés en cent batailles intellectuelles.
Rajeunissez-les, appropriez-les à la situation présente, donnez-leur
un tour plus moderne, et fortifiez-les par les résultats acquis de la
science contemporaine, à la bonne heure; mais, de grâce, ne les consi-
dérez pas comme d'antiques armures bonnes à orner les musées de la
théologie. »
Ce conseil, le R. P. de Pascal avait commencé par le suivre ; lui
aussi, il a su approprier aux besoins présents, aux préoccupations ac-
tuelles des âmes, de vieux arguments qui sont plus particulièrement
pour lui un bien de famille. J'ajouterai qu'une flamme oratoire, allu-
mée dans son cœur et nourrie par le zèle, échauffe ces conférences,
auxquelles NN. SS. les évèques de Marseille et de Poitiers ont dé-
cerné les plus honorables éloges. A. Largent.
— 493 —
î^ar-ole de Dieu, Réflexions sw qucLjues textes sacrés, par Ernest Hello.
Paris, Palmé, 1878, in-8 de xx-oOT p. — Prix: 4 fr.
M. Hello ne prétendait pas faire, il n'a pas fait un commentaire
suivi de la Bible. Il en a détaché quelques textes dont la mystérieuse
beauté l'attirait davantage, il les a médités, et ses réflexions, à
mesure qu'il les écrivait, sont devenues un livre. Livre étrange, où
ne manquent ni les aperçus profonds, ni les vues ingénieuses, ni les
bonheurs d'expression, ni les vigoureux coups d'aile! Pourquoi donc
lahauteur s'y guinde-t-elle parfois ; pourquoi la profondeur y ressemble-
t-elle trop souvent a la subtilité ; pourquoi le style de cet ouvrage
est-il si proche parent de la prose de M. V. Hugo ? Il se peut, comme
l'avance M. Hello, que notre langue soit de toutes les langues la plus
accidentelle et la moins essentielle; elle est aussi celle où les raftine-
ments, où les bizarreries de pensée et d'expression se dissimulent et
se supportent le moins. Je voudrais enfin dans ce livre une exégèse
mieux fondée etdes étymologies moins fantaisistes. L'ouvrage de M.
Hello lance des éclairs et fait entendre le grondement de la foudre;
les éclairs ont leur prix, et le tonnerre a sa grandeur; cependant,
à l'orage je préfère la lumineuse sérénité d'une belle journée, aux
éclairs je préfère les rayons. H. A.
Méditations sur la vie <le la sainte Vierge, pour tous les jours
du mois de mai, par le P. Aigistin- Largknt, de l'Oratoire, docteur en
théologie, avec approbation^ de .Ms'' l'évêque de Caiiors et de M-s' l'évèque
d'Autun. Paris, Sauton, 1878, in-16 elzévirien de 332 p. — Prix : 3 fr.
Les bons écrivains écrivent peu, ditJoubert, parce qu'il leur faut du
temps pour réduire en beauté leur abondance ou leur richesse. Le
P. Largent n'a pas mis moins de deux années à composer ce livre, qui
sera le charme des âmes chrétiennes et des lettrés. Il a voulu faire
servir à la piété les trésors d'érudition théologique dont ses vastes
lectures et ses fortes études l'ont enrichi. C'est dire que l'ouvrage
du savant oratorien, nourri de la substance des Pères, « de cet esprit
primitif qui sort naturellement de leur plénitude,» (Bossuet) n'a rien
de commun avec cette littérature pieuse, sans doctrine, sans amour,
et trop souvent sans grammaire, qui malheureusement abonde de nos
jours en productions frivoles, sinon malsaines. Des juges autorisés
ont d'ailleurs déclaré qu'il n'y a pas un rnot dans ces Méditations que
puissent reprendre les censeurs les plus austères. Remercions donc le
digne fils du cardinal de Bérullo et du P. de Condren d'avoir versé à
flots pour nous aux pieds de la très-sainte Vierge tous les parfums de
sa science et de sa tendre piété, parfums qui s'épanchent, pour em-
prunter au Père lui-même un mot charmant, « de l'albâtre d'une
doctrine sans tache. )»
— 494 —
N'est-il pas superflu d'ajouter que les recherches du savant ne
nuisent en rien aux qualités de l'écrivain? Ce n'est ni le difficile, ni
le rare, ni le merveilleux que l'on rencontre dans cet ouvrage, mais
le beau que prisait tant Fénelon, le beau simple^ aimable et commode,
une lucidité admirable dans l'ordonnance des idées, la plus rigoureuse
précision dans le choix des mots, et cet éclat doux et paisible qu'un
penseur exquis appelle la splendeur.
Enfin, ce qui nous plaît par-dessus tout, c'est que ce livre est
humain. Ne craignons pas de le dire: « à l'invulnérable doctrine
d'Athanase,» s'allient dansées pages consolantes et fortifiantes « l'ei-
pansive charité de Chrysostome et la tendresse d'Augustin. » Homo
sum. Rien n'est beau que ce qui sort de l'àme. J. Vaudon.
JURISPRUDENCE
explication méthodique des Institutes de «ïustiuien. T. P'.
Paris, Durand et Pedone, 1878, in-8 de 875 p. — Prix; 9 fr.
Le titre de cet ouvrage ne porte pas de nom d'auteur il'avertissemnt
en donne le motif. Les matériaux ont été réunis par M. Lariche, que
la mort a surpris; M. Georges Bonjean, qui les a mis en oeuvre, ne
sachant quel nom mettre, n'en a mis aucun. On ne partagera pas son
scrupule. En cette matière, ce qui est personnel àrauteur,c'est l'arran-
gement, et l'arrangement lui appartient. Déjà connu par d'excellents
Tableaux synoptiques de droit romain (Paris, Durand et Pedone, 1876,
1 vol, iu-8, — prix : 15 fr.), il a suivi, dans l'explication, la même
méthode simple et claire d'exposition: le présent livre a toutes les
qualités d'un ouvrage d'enseignement. — On y verra des dévelop-
pements fort utiles sur certaines théories que les manuels de ce
côté-ci du Rhin sont trop portés à négliger : le colonat, le domaine
bonitaire. Sur le premier sujet, M. Bonjean cite avec raison le
travail de M. Ch. Revillout, publié dans l'ancienne Revue historique,
t. III ; il fallait également, sous peine d'être incomplet, parler de
l'étude de M. Terrât, professeur à l'Université catholique de Paris.
Sur l'acquisition des fruits par le possesseur de bonne foi, je ne
trouve cité que le système vraiment divinatoire de M. Pellat. Ne
fallait-il pas tout au moins indiquer un système plus judicieux, fondé
principalement sur deux passages des Institutes, et dont l'honneur,
si mes souvenirs d'étudiant sont exacts (1872-1873),revient à M. Paul
Gide ? J . -A. de Bernon.
— 495 —
Explication élémentaire du eode civil, par J.-J. Delsol, 3e éd.,
avec la collaboration de Ch. Lescœur. T. I". Paris, Cotillon, 1878, in-8 de
vii-583p. —Prix: 10 fr.
Le public des écoles de droit apprendra avec plaisir la réimpression
de cet ouvrage, mis au courant des lois récentes, et joignant au
mérite des autres éditions celui d'offrir aux étudiants les derniers
renseignements sur la partie mobile de la législation : confection et
publication des lois, etc. Ce qui recommande le livre de M. Delsol ,
c'est moins l'abondance que l'heureuse distribution des matières : il
s'adresse aux esprits peu familiers encore avec la science juridique.
C'est un guide sûr, un merveilleux simplificateur, un initiateur habile
et séduisant. Le premier volume comprend les matières du premier
examen (Code Napoléon, art. 1 à 710). Nous serons heureux d'avoir à
constater le succès des suivants. — M, Delsol s'est adjoint, dans le
remaniement de son ouvrage, un professeur de l'Université catholique
de Paris, M. Ch. Lescœur, déjà honorablement connu par une étude
sur la dot mobilière et par un mémoire sur la législation des sociétés
de commerce. J.-A. de Bernon.
Elléments de droit civil russe. {Russie, Pologne, Provinces Daltiques);
droit des personnes et droit de famille; droits réels; successions ab intestat;
par Ernest Lehr, professeur de législation comparée à l'Académie de
Lausanne Paris^ Pion, 1877, in-8 de 49G p. — Prix : 10 fr.
C'est une entreprise longue et difficile, presque ingrate, et cepen-
dant hautement utile, que d'écrire un traité théorique sur le droit
privé d'un pays étranger parlant une autre langue. Aussi le droit civil
de l'Allemagne, et celui de l'Angleterre elle-même, nous sont-ils plu-
tôt connus par des traductions ou des monographies, que par des ou-
vrages originaux et complets. Que dire lorsqu'il s'agit du droit privé
d'un pays aussi éloigné de nous que la Russie, par la situation, la civi-
lisation^ le droit et la langue ; surtout quand l'on songe que ce vaste
Etat renferme, aujourd'hui encore, au moins quatre législations prin-
cipales : 1° la législation russe proprement dite, applicable dans tout
l'empire à moins d'exception formelle; 2° la législation polonaise;
3° celle des provinces baltiques; 4° celle du grand-duché de Fin-
lande.
C'est là cependant l'œuvre laborieuse et méritoire que vient de
réaliser le jeune et intelligent professeur de Lausanne, dans ses Elé-
ments de droit civil russe. Pour ceux qui connaissent ses travaux sur
le droit privé de la Suisse et de l'Allemagne, il n'est pas besoin de
dire qu'il a travaillé, ici comme toujours, sur les sources, et qu'il a su
en faire le meilleur emploi. Aucune de ses allégations qui ne soit ap-
puyée par les textes; sa méthode est bonne ; et son œuvre embrasse
presque toutes les matières importantes du droit civil : mariage, pa-
— 41)6 —
ternité et filiation, tutelle ; distinction des choses, possession, pro-
priété, servitudes, hypothèques; successions, leur ordre, leur ouver-
ture, les droits et devoirs qui en résultent. Le droit des obligations
et les successions testamentaires n'y manquent, qu'en raison des lois
nouvelles que la Russie prépare sur ces matières. Le droit de la
Finlande est réservé à une étude ultérieure.
Ce qui frappe à la lecture de cet ouvrage, c'est peut-être moins l'o-
riginalité du droit russe actuel , que ses traits de ressemblance avec
nos législations occidentales, et sa tendance à les imiter de plus en
plus. On peut affirmer que le droit anglais diff'ère bien davantage du
droit français; et que c'est en Angleterre, ce pays ennemi des codifica-
tions, que les particularités du droit privé semblent s'être le mieux
conservées, et devoir persister le plus longtemps. La Pologne a, de-
puis 1808, le code civil français un peu modifié. Le Svod, qui est le
vaste digeste du droit russe, a été rédigé en 1838, et son dixième vo-
lume, véritable code civil russe, a largement subi les influences
de l'Occident. Il en est de même pour le code des Provinces Balti-
ques, qui date de 1864.
Cependant des diff'érences nombreuses subsistent; et peut-être est-
ce un tort de M. Lehr de ne les avoir pas suffisamment mises en relief.
Le ton de son livre est un peu uniforme. Il lui manque une introduc-
tion d'ensemble qui eût dégagé les grandes lignes, présenté une vue
générale, et soutenu l'esprit dans l'étude des détails. On est trop
forcé de se demander quelle est la véritable place du droit russe entre
les législations des pays chrétiens. Il y avait à relever bien des points:
questions de validité du mariage soumises au juge ecclésiastique;
esprit de prosélytisme qui impose, dans les mariages mixtes, un
engagement écrit d'élever tous les enfants dans le culte grec-russe;
indépendance de la femme mariée quant à la disposition de ses biens;
législation remarquable des provinces baltiques en matière de séduc-
tion ; division de la minorité en trois périodes, amenant graduellement
le mineur à savoir gérer son patrimoine ; maintien de l'ancienne dis-
tinction des biens par l'origine ; exploitation indivise du sol ; publicité
de tous les droits immobiliers ; biens interdits (majorats), etc. Mais, si
ces traits importants n'ont pas été mis en lumière dans une introduc-
tion générale, il faut s'empresser de dire qu'ils se trouvent parfaite-
ment décrits à leur place dans le cours de l'ouvrage.
M. Lehr a donc rendu un véritable service à la science ; son œuvre
peut même avoir de l'utilité pour la pratique ; et elle contribuera cer-
tainement à nous acheminer vers la codification générale des lois de
l'Europe, qui est la grande préparation juridique de la seconde moitié
de notre siècle, et que le vingtième siècle réalisera.
A. DE RiEDMATTEN.
497 —
SCIENCES ET ARTS
IVotes et documents sur l'état de l'instruction populaire
en Suisse, par Henri Maolix, membre des acadéiuies de Metz et de
Stanislas. Paris, Cli. Delagrave, 1S78, iu-S de xvii-190 p. — Prix: 3 fr.
Ce volume n'est qu'un recueil de notes et de documents accom-
pagnés de peu d'observations et de critiques. Nous en ferions des re-
proches à Tauteur, si la mort n'était venue arrêter ses travaux, tandis
que nous n'avons qu'à remercier l'ami, M. E. Villard, qui nous a
donné l'ébauche du travail de M. Maguin. L'ancien président de
l'Académie de Metz avait commencé, en 1875, un voyage en Suisse,
pour remplir une mission dont l'avait chargé le gouvernement français
au sujet de l'instruction populaire en Suisse ; il revint après avoir ex-
ploré les cantons de Neufchatel, de Vaud et de Genève. La mort le sur-
prit en 1876, au moment où il allait reprendre ses cor.rses. Nous avons,
dans quelques notes, sa pensée sur l'instruction et l'édtication popu-
laires. Esprit libéral, français et chrétien, il a. sur la gratuité et la
laïcité, des idées que nous approuvons pleinement; mais nous sommes
moins favorables que lui à l'obligation, et notre divergence d'opinions
vient plutôt de confusion, que de différence de principes. 11 donne, sur
les trois cantons qu'il a visités, l'analyse des documents législatifs,
la description physique et morale des principaux établissements sco-
laires, les rapports des inspecteurs, sur leur fonctionnement et leurs
méthodes, le résultat de ses propres inspections et beaucoup de ren-
seignements statistiques. Comme dans cet ouvrage, à cause de son
origine même, il y a peu d'appréciations, nous aurons peu à en donner,
ne pouvant refaire ici l'œuvre dont la mort n'a pas permis la réalisa-
tion à M. Maguin. Disons seulement que ces documents et ces notes
offrent le plus grand intérêt pour tous ceux qui s'intéressent à l'ins-
truction publique : il y a de bons exemples à imiter en Suisse. Nous
avons été particulièrement frappé, pour ne toucher qu'à un point,
des raisons et des faits allégués en faveur de l'instruction non laïque
(p. 78, 79, 85, etc.). Nous ne ferons qu'une critique; c'est au sujet de
la statistique du pénitencier de Neufchatel (p. 00); loin de nous la
pensée de contester l'heureuse influence de l'instruction; mais on ne
peut rien conclure de ce que le nombre des illettrés y est plus grand
que celui des lettrés; ce qu'il faudrait établir, ce serait le rapport
entre les lettrés non criminels et les lettrés criminels.
R. DE Saint-Mauris.
Juin 1878. T. XXII, 32.
— 498 ~
Théorie dw crédit. Étude économique, par Clément Favarel. Paris,
Guillaumin, 1876, 2 vol. in-18 de xvi-i31-424 p. —Prix : 10 fr.
L'ouvrage de M. Favarel est dédié à M. Le Play. Cette dédicace à
l'éminent économiste est une recommandation; malheureusement, si
M. Favarel reconnaît en M. Le Play un maître de la science écono-
mique, il s'écarte complètement de la sage méthode tracée par l'auteur
de la Reforme sociale. Partout dans son livre, à l'observation des faits
il substitue des théories personnelles plus ou moins heureuses.
Le titre, du reste, ne donne qu'une idée assez inexacte de l'ouvrage.
M. Favarel attribue au mot crédit un sens bien plus étendu que celui
fourni par l'étymologie et admis de tout temps par tous lespublicistes
et économistes. Pour lui, le crédit est beaucoup plus que la confiance
qu'une personne accorde à une autre {alicnain fidem secuti crcdere
dicimur, disait le Digeste) ; « le crédit est la production et la conser-
vation des valeurs ou capital (p. 1). » Partant de cette notion, l'auteur
est amené à exposer un programme complet d'économie politique. Il
se rend compte d'ailleurs de l'immensité du champ qu'il a à parcourir :
« J'ai dû, dit-il dans sa préface, poser le problème social; n et il a con-
fiance que les solutions qu'il indique mettront fin à toutes les divi-
sions, rétabliront l'harmonie entre tous les intérêts, « comme Archi-
mède^ comme Galilée, je puis annoncer joyeusement une grande
découverte, comme Jésus je puis dire que j'annonce au monde, une
bonne nouvelle (p. 8). »
M. Favarel a-t-il réussi dans la proportion qu'il pense? — Non
assurément; mais son livre contient des réflexions ingénieuses, des
aperçus nouveaux, des renseignements historiques et statistiques
qu'on lira avec fruit. On ne saurait partager les nombreuses illusions
de l'auteur, ni admettre ses théories sur certains points, mais on doit
rendre justice à sa bonne foi et à ses bonnes intentions.
A. C.
Étude sur l''ex:ploïtation des cliemins de Ter par l'État^
par M. F. Jacquin, ingénieur en chef des ponts et chaussées, directeur de
la Compagnie des chemins d^i fer de l'Est. Paris, impr. J. Claye, 1878,
gr. in-8 de lOi p.
Au moment où tant de questions s'agitent au sujet de plusieurs
compagnies de chemins de fer en souffrance, et où l'on préconise le
rachat de ces compagnies par l'Etat, il est bon que des renseignements
techniques, exacts et précis apportent la lumière au milieu de com-
plications qu'on pourrait croire embrouillées à plaisir. Beaucoup
parlent des chemins de fer; beaucoup présentent des solutions et des
spécifiques ; mais bien peu osent envisager le problème d'un esprit
désintéressé ou de sang-froid : bien peu surtout connaissent à fond
— 499 —
leur sujet, et l'ont étudié sous toutes ses faces les plus diverses. La
question du rachat des compagnies par l'Etat n'est pas la plus diffi-
cile, malgré les problèmes financiers qui la compliquent ; celle de
l'exploitation après le rachat est encore plus importante, et nul, mieux
que l'ancien professeur à l'Ecole des ponts et chaussées, n'était capable
de la traiter dans ses plus minutieux détails. On a dit à la tribune de
la Chambre des députés, et l'on répète souvent dans les journaux que,
chez toutes les nations étrangères, il n'j avait plus d'hésitation, que
l'exploitation des chemins de fer par l'Etat était désormais la solution
certaine, indiscutée, indiscutable. Or, il y a aujourd'hui, dans le
monde entier, environ 300,000 kilomètres de chemins de fer. Prés de
la moitié existe en Amérique, et la plupart des Etats de l'Amérique du
Nord ont inscrit dans leurs lois fondamentales la prohibition absolue
pour l'Etat de construire ou d'exploiter des chemins de fer. Il n'y a de
chemins de fer exploités par l'Etat qu'en Europe, et sur les 140.000
kilomètres qui la sillonnent, les cinq sixièmes sont exploités par des
compagnies. M. Jacqmin examine à fond la situation des portions de
réseaux exploitées par l'État en Belgique, en Hollande, en Prusse,
en Autriche, dans tous les pays où l'on a tenté d'entrer dans cette
voie, et il prouve de la façon la plus péremptoiro que des raisons
politiques ou stratégiques peuvent seules motiver l'application de ce
système. Au point de vue économique général, il est de toutes façons
déplorable ; et l'expérience que la F'rance en a faite partiellement, de
1849 à 1852, est fort peu encourageante pour une nouvelle épreuve.
Tout cela est démontré par des chiff'res empruntés aux sources les
plus authentiques; et, pour conclure, M. Jacqmin n'hésite pas à dé-
clarer que la théorie de l'Etat entrepreneur général des transports,
désastreuse au point de vue financier général, n'est qu'un achemine-
ment à l'Etat souverain dispensateur de toutes choses, c'est-à-dire au
communisme . Si l'Etat doit remplacer les compagnies de chemins de
fer et se charger de transporter hommes et choses sur tout le terri-
toire français, pourquoi ne pas lui attribuer, comme accessoires de son
entreprise, les omnibus, les fiacres, les camions, les tramways, les
bateaux, en un mot tous les moyens de locomotion?
René Kerviler.
La liaison iPlantiia à i^nvers. Monographie complète de cette impri-
merie célèbre aux seizième et dix-sepième 5Ù"'fZc5. Seconde édition, augm. ntée
d'une liste chronologique des ouvrages imprimés [lar Plautin, a Anvers,
de loooà 1589, par Léon Degeorge. Bruxelle?, Gay. 187S, in-8 de iii-O, et
125 p. (Tiré à 500 exempl. numérotés.)
Christophe Plantin est un de ces noms glorieux dont s'honore
la typographie au seizième siècle ; aussi actif qu'intelligent, il donna
— oOU —
à r imprimerie, dans les Pays-Bas, une impulsion des plus vives ; il
méritait bien qu'une monographie lui fût consacrée ; quelques travaux
avaient déjà été faits, mais ils étaient fort incomplets; un fervent
ami des livres, M. L. Degeorge, a eu l'heureuse idée de décrire cette
Maison Plantin, dont l'accès avait été longtemps interdit au public; il
s'est trouvé en mesure de donner le premier une description détaillée
de ce musée célèbre. En 1875, la ville d'Anvers fit l'acquisition de la
Maison Plantin; quelques changements ont été opérés.
Rappelons que Plantin, né en 1514, près de Tours, mourut le
1" juillet 1589, à Anvers, ou il avait fondé, en 1550, un établissement
typographique, qui devint un des premiers de l'Europe; l'historien
Guichardin le signale comme une des merveilles de l'époque. Fidèle à
la ville qu'il avait adoptée, Plantin refusa le titre et la place d'im-
primeur du roi, que lui offrit Henri II, en l'engageant à se trans-
porter à Paris ; la devise qu'il avait adoptée : Constantia et laborc,
est bien l'image de son noble caractère ; il lui fallut, en effet, de la
constance pour rester imperturbablement laborieux au milieu des
troubles qui désolaient la Belgique et en dépit des guerres sanglantes
qui tourmentaient l'Europe ; après sa mort, l'établissement passa aux
mains de son gendre Jean Moretus (Moorentorlff), mais il ne tarda
pas à tomber en décadence, et ce fut eh Hollande, chez les Elzevier
et chez quelques-uns de leurs émules, que la typographie prit un essor
nouveau.
Le catalogue des impressions plantiniennes comprend une multitude
d'ouvrages en hébreu, en grec, en français, en flamand; tous livres
d'un genre sérieux ; au seizième siècle, les lectures frivoles étaient
bien loin d'avoir le développement qu'elles ont acquis depuis ; la
plus importante de ces publications est la Biblia polyglotta, en cinq
langues(hébreu,chaldaïque, syriaque, grec et latin), 8 vol.in-fol., 1573-
1578; quarante ouvriers y travaillèrent consécutivement pendant quatre
ans; c'est, en son genre et au point de vue de la difficulté de la com-
position, un des travaux les plus remarquables qui aient été exécutés;
la correction, hérissée d'obstacles, ne laisse rien à désirer; cette Bible
fut l'événement à la fois important et glorieux de la vie du grand
typographe.
Le volume que nous signalons est d'une exécution très-soignée; ilj
renferme, entre autres illustrations, un portait, d'après Wierix, de|
Plantin, déjà vieux, figure peu agréable, mais empreinte de fermeté
et de résolution ; diverses gravures nous montrent les détails de cons-
truction de cette J/awo/t célèbre^ dont la façade est si délicatement
ciselée, si finement ornée.
Un des principaux ornements de cette antique demeure, c'est une
bibliothèque des plus riches. Indépendamment de la collection à peu
— ;;oi —
prés complète des ouvrages sortis des presses do l'illustre typographe,
on y trouve une très-remarquable réunion de manuscrits, d'incuna-
bles, d'ouvrages rares ou de luxe, provenant d'imprimeries célèbres.
Les manuscrits sont au nombre de 200 environ ; on y distingue un
Sedulius du neuvième siècle, une Bible latine de 1402, les Chro-
niques de Froissart (3 gros volumes) ; beaucoup de ces codices, la
plupart sur vélin, sont ornés de miniatures. Parmi les imprimés au
quinzième siècle, les Dictz des philosophes, i^a.r C. de Tignoville, volume
d'une excessive rareté, imprimé à Bruges, vers 1475, par Colard
Mansion.En tout 8,000 à 9,000 volumes, parmi lesquels de nombreuses
et importantes éditions de l'Écriture sainte, de livres liturgiques, de
classiques grecs et latins. Dans la classe de Thistoire de la Belgique,
on rencontre un nombre considérable de ces Joyeuses entrées, de ces
Pompes funèbres, qu'on recherche très-vivement et dont la rareté ne
constitue pas le seul mérite. Quelques grandes publications, telles que
les Acta Sanctorum, publiés par les Bollandistes (54 vol. in-fol.), et la
CoUectio régla conclllorum (37 vol. in-fol.).
La Maison Plantln est un livre digne de l'homme célèbre qui fut
une des gloires de la ville d'Anvers; sous tous les rapports, il offre à
tous les amis des études bibliographiques un intérêt très-vif. B,
BELLES-LETTRES
Mélanges de mytliologie et de linguistique, par Michel Bréal,
membre de l'Institut, professeur de grammaire comparée au Collège de
France. Paris, Hachette, 1878, in-8 de vii-416 p.
M. Bréal a groupé dans ce volume douze morceaux publiés par lui
séparément, de 1863 à 1873, et qu'il était difficile de réunir. Nous
sommes heureux de signaler à l'attention des lecteurs du Pobiblblion
cette publication d'un maître à la sage direction et aux savants con-
seils duquel nous devons ce qui peut avoir quelque valeur dans les
travaux du même ordre que nous avons entrepris. Nous déclarons
toutefois que nous n'acceptons pas sur tous points, les résultats
auxquels M. Bréal est arrivé. Ainsi, dans ses deux mémoires sur
Hercule et Cacus et sur la géographie ds l'Avesta, il nous semble exa-
gérer beaucoup l'influence de la littérature iranienne aux premiers
âges de l'histoire. A partir des conquêtes de Cyrus. cette influence
est incontestable. M. Bréal fait observer avec raison que le démon
Asmodée du livre de Tobie, m, 8, porte un nom iranien. Mais il est
inadmissible que, dans les chapitres n et ni de la Genèse, le serpent,
l'Eden. l'arbre de vie, l'arbre de la science soient d'origine iranienne.
Cette doctrine est inconciliable avec ce que nous savons de l'histoire
— 502 —
la pins ancienne du bassin de l'Euphrate, où la race sémitique a si
longtemps domino à l'exclusion des Iraniens. Dix siècles au moins
avant Cyrus, les Chaldéens y connaissaient le serpent et l'arbre
mystérieux du bosquet des dieux. Un cylindre babylonien, publié dans
la Genèse chaldalque de George Smith (p. 84 de la traduction alle-
mande), nous montre cet arbre surmonté d'une fleur et de sept fruits;
sur un autre cylindre bab^^^lonien (p. 87), cet arbre porte sept branches,
et les sept fruits du premier cylindre apparaissent derrière Bel,
combattant le dragon dans un cj'lindre assyrien où l'on reconnaît
aussi le type primitif de l'Atlas grec (p. 93). Il est donc inutile de
chercher comme M. Bréal, dans les livres III et V, l'origine de l'im-
portance du nombre sept dans la littérature judaïque et dans d'autres
littératures antiques. Le nombre sept est encore désigné chez nous,
par un des mots si rares qui sont demeurés communs à la fois et aux
langues sémitiques, et aux langues indo-européennes. L'ensemble des
idées cosmographiques qui se groupent autour de ce mot découle en
grande partie d'un fonds commun, antérieur à la séparation des deux
grandes races qui ont joué un rôle si considérable dans l'histoire de
l'humanité. C'est comme un fleuve dont la terre iranienne a subi l'in-
fluence, mais dont la source est placée bien plus haut, au berceau
même du genre humain. Il est facile de voir que M. Bréal a fait, des
livres sacrés de la Perse, une étude toute spéciale, et qu'il n'a pu
échapper à la loi fatale qui nous fait toujours sur quelque point exagé-
rer l'importance des questions dont notre esprit s"est principalement
occupé. Malgré ce dissentiment et quelques autres, qu'il est inutile de
mentionner, je considère les Mélanges de mythologie et de linguistique
comme un des livres les plus instructifs que puissent lire ceux qui
s'intéressent aux questions les plus élevées que touche la grammaire
comparée. Je signalerai, par exemple, le discours de l'auteur sur les
idées latentes du langage. Il est difficile d'allier avec plus de talent
la profondeur des aperçus psychologiques, la clarté des idées et l'élé-
gance de l'expression. H. d'Arbois de Jubainville.
t-'EISatîe cî'Moîî.-ière, mixc à la porter de tout le monde, suivie du druxicme
livre de V Enéide de Virgile, par F. Daburox. Piris, Reichel, 1878, in-d2de
500 p.
Voici enfin une Iliade, sans ce cortège pai^fois interminable de dis-
cussions soulevées par l'érudition moderne autour du grand nom
d'Homère. Pas un mot d'Aristarque ni de Wolf : pas une allusion à
la rédaction de Pisistrate ni aux scholies de Venise : rien que les
chants du vieux poète, objet de l'admiration des siè -les.
Ce n"est pas que la traduction de M. Daburon se pique d'une exac-
— o03 -
titude rigoureuse. Tantôt elle saute à pieds joints sur des vers et
même sur des passages entiers jugés sans doute inutiles: tantôt, au
contraire, elle développe complaisamment la pensée de l'original. Que
M. Daburon ait supprimé le plus souvent les épitliôtes traditionnelles
des héros de l'Iliade, épithétes qui les suivent partout comme l'ombre
suit le corps, il n'y a pas lieu de s'en étonner ; et cependant n'a-t-il
pas dit lui-même, à propos de certaines digressions tout à fait inat-
tendues : « Homère ne rencontre point de veine un peu féconde qu'il
ne l'exploite. Je ne sais si un goût sévère peut le lui reprocher : mais
on ne consentirait point à voir retrancher ces réflexions. » Voici qui
est plus grave. Ouvrez le volume au premier chant. Ces vers si connus :
« Chante, ô Muse, la colère d'Achille, colère funeste, cause de tant
de maux pour les Grecs, etc., » sont remplacés par un exposé som-
maire des événements dont la connaissance importe à l'intelligence
du poëme. Puis, tout à coup, et sans que le lecteur en soit averti, on
se retrouve en plein texte homérique. L'innovation est au moins
bizarre.
Parfois la traduction tourne à la paraphrase. Je prends pour
exemple les deux vers du premier chant d'où est née l'expression
proverbiale : « un rire homérique. » Voici comment ils sont rendus
par l'auteur : « Comme les dieux voient Vulcain s'agiter et courir de
tous côtés dans le palais, avec une gaucherie pleine de grâce et de
charme, un rire inextinguible fait retentir la voûte fortunée. » Ail-
leurs la pensée est plus ou moins modifiée, sous prétexte de lui donner
plus de délicatesse : ainsi, au sixième chant, à propos du célèbre troc
de Glaucus : « J'ai mis, dit le traducteur lui-même, plus de désinté-
ressement de part et d'autre dans l'échange des armes que ne l'a fait
Homère. Pope m'en a donné l'exemple. Je l'ai suivi et même dépassé,
espérant que, vu la bonne intention, on me le pardonnera (p. 104). »
Assurément nous serons indulgents, d'autant plus indulgents que
M. Daburon destine son Hiade aux gens du monde, lesquels, on le sait
ignorent ces scrupules qui affligent les érudits.
Chaque chant est suivi de notes explicatives rédigées avec une
sobriété trop rare en pareil cas. La plupart portent l'empreinte d'une
douce et pieuse philosophie. M. Daburon a raison d'affirmer que ces
vieilles épopées contiennent tout un code de morale. H a voulu mon-
trer en quelle estime Homère tenait le sentiment religieux, et à quelle
hauteur s'était élevée sur certains points la sagesse païenne. En même
tfiinps, il nous fait voir le christianisme substituant à l'impitoyable
destin une Providence miséricordieuse, à la vengeance le pardon des
injures, et apportant à l'humanité malheureuse d'immortelles espé-
rances. C'est par là, il me spmble, que se distingue de toutes les pré-
cédentes cette nouvelle traduction d'Homère; c'est pour ce motif
— oOi —
surtout qu'elle sera la bienvenue auprès des maîtres et des élèves de
nos établissements religieux. C. Huit.
Del trlonfo della libevtà^ pocma inprftiodi Alejsandro Manzoni conlel-
teredello stesso c note prececlute de uno studio di C. Romussi. P. Carrara, 1878,
in-8 de 280 p. — Prix : 5 fr.
Les revues italiennes ont parlé d'un poëme appartenant à la jeu-
nesse de Manzoni et portant ce titre II trlonfo della librrtà. Ce poëme,
que nous venons de lirea, été publié comme œuvre inédite ; mais, d'après
un article de l'Univers (numéro du 13 avril 1878), il fut imprimé
dès 1806. Suivant le même journal, Manzoni rétracta plusieurs fois les
opinions qu'il avait émises dans cette œuvre juvénile, sur laquelle,
en 1847 encore, il s'exprimait avec dédain, dans une lettre adressée
à Don Francesco Calandri, recteur du collège de Saint-André de Lu-
gano. Ce poëme, écrit par un écolier de seize ans, révèle certaine-
ment de grandes aptitudes littéraires, mais fùt-il inédit, le publier
n'eût pas été une manière d'honorer la grande mémoire de son au-
teur. Toutes les autres œuvres de Manzoni sont la condamnation des
doctrines qui ont inspiré ce coup d'essai.
// trlonfo della libcrlà est précédé d'une étude de M. C. Romussi,
étude intéressante à bien des égards, mais composée sous l'influence
d'opinions qui ne sont pas les nôtres. Il y a,dans ce travail, des parti-
cularités curieuses, des lettres inédites de Manzoni, des renseigne-
ments que ne négligeront certainement pas les biographes du célèbre
écrivain. Suivant M. Romussi, l'anecdote qui fait dater la conversion
de Manzoni d'un jour où, par hasard, il entra dans l'église Saint-Roch
est fort peu probable. Manzoni avait épousé une protestante, qui,
convertie au catholicisme y ramena son mari, égaré, mais non devenu
athée comme on l'a prétendu. Cette étude de M. Romussi contient
aussi des détails sur la situation littéraire de l'Italie au commence-
ment de ce siècle et sur les œuvres de l'homme qui devait faire si
grand honneur à sa patrie. Th. P.
La FâBBo du I^liaraoïi, roman historique, traduit de l'allemand de
de M. Georges Euers. Liège, Ci-andinonl-Donders; Bruxelles, Lebègue;
Paris, Sandoz et Fischbacher, 3 vol. petit in-8 de 287, 313, 3C0 p.
La Fille des Pharaons, l'un des- meilleurs ouvrages que M. Ebers ait
consacrés à l'ancienne Egypte, est le dernier mot de cette science
infatigable et persévérante, dont nos voisins prétendent, sans trop de
raison, avoir le privilège. 11 a fallu un prodige de travail et d'érudi-
tion pour recueillir dans les livres des égyptologues modernes tous les
traits d'une peinture fraîche comme sî elle datait d'hier, exacte par-
— oOa —
fois jusqu'à la minutie et qui nous rend dans toute sa réalité l'Egypte
d'il y a vingt-quatre siècles. Depuis les pompes des fêtes religieuses
et des solennités royales jusqu'aux détails familiers de la vie domes-
tique, tout revit à nos yeux; et, en plus d'un point, l'auteur décliire le
voile qui couvre à notre curiosité les mœurs, les habitudes, les tradi-
tions religieuses, l'existence politique des peuples de l'antiquité.
Mais la Fille du Pharaon n'est pas seulement un livre de science ;
c'est aussi un roman. On se récriera peut-être; on se rappellera
tant de tentatives malheureuses pour unir l'utile àTagréable, le plai-
sant au sévère, qui ne se sont pas assez défiées du genre ennuyeux.
Cette prévention se dissipera dès les premières pages de l'œuvre de
M. Ebers : elle ne se compose pas d'une suite de descriptions et de
dissertations péniblement reliées entre elles. Les préoccupations
scientifiques n'ont pas réduit à de simples accessoires la peinture des
caractères et le développement des passions; et, sous ce dernier rap-
port, l'amour, la jalousie, l'ambition humaines d'il y a deux mille cinq
cents ans ne difi'èrent pas assez, que je sache, de nos passions d'au-
jourd'hui, pour n'avoir pas le don d'exciter notre intérêt.
A Tépoque où M. Ebers se reporte, l'Egypte était gouvernée par
le roiAmasis. Grâce à la protection dont il les entourait, un grand
nombre de Grecs s'étaient fixés dans le pays, et ce n'est pas l'un des
côtés les moins attachants de l'ouvrage que la peinture de ces Grecs
plus civilisés que leurs hôtes, regardant d'un œil méprisant leurs tradi-
tions surannées, conservant, loin du sol natal, non-seulement l'amour
de la patrie, mais leurs caractères propres, l'Ionien sa vivacité, le
Spartiate sa rudesse, l'Athénien cet ensemble do qualités raffinées
qui est l'atticisme. Les prêtres détestent en eux des obstacles à leur
domination; le fils du roi, Psamtic, est entre leurs mains un instru-
ment qu'ils dirigent contre les odieux étrangers et contre Amasis lui-
même, coupable de s'être afî'ranchi de leur empire. Le caractère
faible, défiant et ombrageux de Psamtic, est tracé avec une vérité
admirable ; mais l'héroïne du roman, c'est Nicetis, la fille du Pharaon,
fiancée au roi des Perses, Cambyse. Le fils de Cyrus a une âme fière,
indomptable; la jalousie le dévore: des intrigues de palais s'our-
dissent contre la jeune reine et parviennent à rendre sa vertu sus-
pecte à Cambyse. L'innocente victime succombe à la douleur de se
savoir soupçonnée. Cet épisode est traité avec une grande habileté;
l'âme farouche du roi des Perses, qui s'adoucit un instant au contact
de l'âme pure et tendre de Nicetis, est merveilleusement dépeinte. La
conquête de l'Egypte par Cambyse et la chute de Psamtic que sa
tyrannie et sa soumission aux ordres des prêtres ont fait détester,
terminent le roman.
La Fillf lin. Phnrnoii avait déjà été traduite en danois, en anglais,
en hollandais, etc., et toutes ces traductions avaient obtenu plusieurs
éditions. Ce succès a encouragé M. Grandmont à transporter dans
notre langue Fouvriige de M. Ebers. L'entreprise n'était pas sans
difficultés; les lecteurs français ont, en fait de style et de clarté,
d'autres exigences que les lecteurs allemands. M. Grandmont Ta par-
faitement compris, et nous osons présager à sa traduction une bonne
fortune égale à celle de ses devancières. Les liseurs et les amateurs
de Tantiquité y trouveront chacun leur compte ; nous recommandons
à ces derniers d'une manière toute spéciale les nombreuses et inté-
ressantes notes qui terminent chaque volume. Elles ajoutent d'utiles
développements aux points que le romancier n'a pu qu'effleurer dans
son récit et contiennent l'indication des sources où M. Ebers a puisé.
Henri Francotte.
Corneille, la critique idéale et catholique, par Auguste Charaux, profes-
seur de littératui-e à l'Université catholique de Lille, avec une introduc-
tion par le R. P. Marquigny. Lille, Ch. de Muyssart, 1878, in-12de xxii-
352 p.
Il y eut un temps — pas bien éloigné de nous — où le respect humain
arrêtait les catholiques dans la démonstration de leur foi.Alor5,
c'était déjà beaucoup d'exprimer de vagues sentiments religieux. Nous
n'en sommes plus là, et voici un jeune et brillant professeur qui, dès
le début de son cours, se pose nettement comme catholique et dé-
montre que le vrai beau émane de la foi dont il se fait l'éloquent dé-
fenseur. Comme on pourrait le croire d'après le titre de son livre, ce
n'est pas uniquement de Corneille que M. Charaux a entretenu ses au-
diteurs. Avant d'arriver au grand tragique, il a entrepris une étude sur
les lettres contemporaines. M. Charaux a le style énergique, la pen-
sée élevée: en général, le jugement impartial, et l'on comprend tout
le succès qui s'est fait autour de sa chaire. Dans le volume que nous
avons sous les yeux, le Cid et Nicomède sont les seules pièces de Cor-
neille dont M. Charaux se soit occupé. Le premier a été pour lui le
sujet d'un examen approfondi, et le professeur nous a parlé du héros
castillan, qui devait devenir un héros si français, en homme à qui ni
les anciens poëmes espagnols, ni le drame de Guillen de Castro ne sont
étrangers. Peut être serions -nous plus indulgents que M. Charaux pour
quelques écrivains contemporains et un peu moins pour quelques
auteurs anciens; ainsi, après avoir parlé de nos vieilles épopées, et
notamment de celles de la Table ronde, le professeur ajoute : « Ce
fut longtemps le récit tourmenté d'exploits merveilleux, de longs
combats, d'efforts sublimes où l'esprit pouvait s'ennuyer, mais où le
cœur ne pouvait se corrompre (p. Gl).»Certes,bon nombre de nos an-
— o07 —
ciens romans sont loin d'être édifiants et les amours de la reine Ge-
nièvre et de Lancelot, de Tristan et d'Iseult peuvent très-bien comme
au temps de Dente :
Noi legfenamo un giornio...
avoir encore aujourd'hui une influence corruptrice.
Le cours de M. Charaux est précédé d'une introduction qui avait
antérieurement paru dans les Études religieuses de la Compagnie de
Jésus, et dans laquelle le R. P. Marquigny met bien en relief les qua-
lités du professeur, qualités qui lui assignent une place à part, car la
critique telle qu'il l'exerce est neuve, et il la définit en la nommant
très-bien « la critique idéale et catholique. » Th. P.
La I*oesîa popoJare italiana, sludj di Alessandro d'Anton a. Livourne,
V. Vigo, 1878, in-15 de xn-470 p, — Prix : ;'» fr.
Nous avons parlé, il 3- a peu de temps, d'une histoire de la poésie
populaire italienne de M. Rubieri. Elle a été suivie de très-près par
l'ouvrage de M. d'Ancona. Les deux écrivains, à Tinsu l'un de l'autre,
avaient entrepris, non une tâche tout à fait semblable, mais une
besogne dont nécessairement bien des points étaient identiques.
M. d'Ancona a, du reste, procédé d'une autre manière que M. Rubieri;
il a moins voulu écrire une histoire complète et méthodique qu'une
étude dont, on pourrait le croire, le plan n'a pas été tout d'abord
très-nettement arrêté. Tel qu'il est, du reste, nous préférons le livre
de M. d'Ancona, tout en reconnaissant qu'il pèche peut-être un peu
au point de vue de la composition. On ne se rend — selon nous —
pas assez vite compte du dessein de l'auteur; son système ne s'expose
que tardivement, que par pages isolées et qu'il faut relier pour bien
comprendre la pensée dominante de l'œuvre. Nous essayerons d'abord
de résumer très-brièvement l'opinion dont M. d'Ancona a trop
éparpillé le développement. Il existe entre les poésies populaires
lyriques de l'Italie une étrange ressemblance, ou, pour mieux dire,
la lyrique populaire y est partout la même. La grande source a été la
Sicile dont Dante et Pétrarque reconnaissaient déjà les vieux poètes
comme les plus anciens et les meilleurs de l'Italie. Mais de la Sicile
et du dialecte qu'on y parle, les cliants passèrent à la Toscane et à sa
langue plus pure (p. 287, 293, 295), et se répandirent ensuite dans
toute la péninsule. Dans des pages finales, M. d'Ancona revient à
cette opinion et la complète par quelques considérations nouvelles.
Il distingue, dans la poésie italienne, une forme spontanée plus plé-
béienne, quoique non exempte de quelques visées artistiques, et une
forme plus artificielle, plus littéraire; l'une antique, remontant aux
premiers temps de la langue, l'autre ne datant que de trois ou quatre
siècles. La source de toutes Jeux, il le répète, est la Sicile. Souvent
ces deux poésies, marchant de conserve, s'envoyèrent de réciproques
influences et, en réalité, elles ne diflfèrent pas autant qu'on pourrait
le supposer. Une bonne partie du volume est consacrée à la démonstra-
tion de cette thèse, en faveur de laquelle Fauteur prodigue des cita-
tions en général assez bien choisies pour faire oublier au lecteur la
longueur du chemin. Des découvertes curieuses, des observations
intéressantes parsèment le livre de M, d'Ancona. On lira avec profit
ses recherches sur les traces que d'anciennes chansons ont laissées dans
les récits des vieux conteurs italiens (p. 99); sa discussion, toute
courtoise, avec Pitre (p, 117); M. d'Ancona ne pense pas que la pré-
sence d'un nom historique dans un chant populaire puisse autoriser à
croire ce chant contemporain du personnage cité. Il a bien raison. A
ce compte, notre chanson du roi Dagobert remonterait au septième
siècle. L'auteur nous montre très-bien (p. 124), comment le peuple,
sous l'influence d'événements contemporains, transforme des chants
plus anciens. — En parlant d'une célèbre légende sicilienne, la Baro-
nessa dl Carml, publiée par Salomone Salvatore Marino, M. d'Ancona
émet une opinion que nous-même nous avons jadis timidement expri-
mée {Revue critique du 14 juin 1873) et à laquelle nous tenons bien
davantage maintenant. Il pense, comme nous, que la rencontre de
Vincenzo Vernagallo et de sa maîtresse damnée doit être une inter-
polation. A propos de cette situation, M. d'Ancona cite un chant du
Pays messin (Chenils populaires du Peiys messin, p. 71), mais il se
trompe en représentont l'entrevue qui en fait le sujet comme ayant
lieu en enfer, et oublie un chant breton qui a plus de rapport avec la
pièce sicilienne {(hverziou Breiz-Izel, t. I, p. 45). En général l'auteur
a beaucoup négligé les parallèles pris en-dehors de l'Italie ; il ne com-
pare guère que quatre ou cinq poésies populaires françaises à des
chants italiens, et ne s'occupe pas des rapprochements que pouvait lui
ofl'rir l'Espagne. Que M. d'Ancona ouvre les Cuentos y poesias popu-
lares andaluces. Il y trouvera de nombreuses analogies que je ne puis
rappeler ici, mais que j'ai signalées jadis à Giuseppe Pitre (Rivistei
sieula. Délia letleratura popolare deW Andaluzia, vol. VI, 1871).
Malgré ce peu de souci des rapprochements, le livre de M. d'Ancona
nous semble ce que nous possédons de plus complet sur la lyrique
populaire italienne. Malheureusement le savant critique a négligé la
poésie épique, il l'a négligée à tel point qu'on peut espérer de lui un
nouvel ouvrage sur ce sujet. En eifet, dans le présent volume, il n'est
question qu'épisodiquement (p. 124, 146, 177) de cette branche très-
féconde de la littérature populaire de l'Italie du nord.
Th. de Puym.mgre.
509
HISTOIRE
Histoire desRomaîns depuis lestemps lesplu»^ reculés jus-
qu'à l'invasion des barbares, par V. DL'RUv.Nouv<^lle édition, revue,
augraeutée et enrichie de plus de 2,000 gravures et de 100 cartes ou
plans. Hachette, 1878. — Une livraison gr. in-8 par semaine, 50 c.
Nous avons déjà rendu compte de cet ouvrage important à mesure
que paraissait l'un des six volumes qui forment la première édition;
nous avons rendu hommage à l'érudition et au talent d'écrivain de
l'auteur; nous avons dit et répété que cette Histoiir des Ro^nains
était la meilleure qui eût été composée, la seule qui fût au courant de
la science; nous avons posé quelques réserves, principalement à l'oc-
casion de certaines appréciations religieuses ; nous les maintenons.
Il appartient à l'auteur de voir si, dans une éàiiionnowx elle, l'e fondue,
et destinée à être très-répandue, il ne sera pas opportun de modifier
certaines pages où ses opinions personnelles priment l'impartialité de
l'historien et peuvent mettre en défiance toute une catégorie nombreuse
de lecteurs.
La maison Hachette a eu une heureuse idée en vulgarisant l'His-
toire des Romains par une édition enrichie de nombreuses gravures
(il n'y en a jamais trop) et paraissant par livraisons. En notre temps,
les gros volumes efirayent les lecteurs pour qui les journaux politi-
ques ne sont jamais assez bavards et les in-octavos toujours trop
épais. Il faut instruire le vulgaire à son insu par de nombreuses et
bonnes images, et à petite dose. Nous sommes convaincu que, grâce
à la r.ouvelle édition, dans deux ans, il j aura un certain nombre de
Français sachant l'histoire romaine beaucoup mieux que la plupart
des bacheliers sortant de l'examen.
Les illustrations, ici, jouent un rôle très-important ; nous ne saurions
trop recommander aux éditeurs d'apporter un soin scrupuleux dans
leur choix. Dès à présent, je les engage à s'assurer que le vase pana-
thénaïque de Chiusi, est bien authentique. Je les engage aussi à
renoncer au mode de gravure employé pour la monnaie représentée
page II; cela est très-mauvais et rappelle ces clichés banaux qui
traînent partout ; je leur signale enfin le mot médaille employé pour
monnaie, très-improprement. Nous reviendrons sur cette belle publi-
cation dès que le premier volume aura paru.
A. DE B.
I*ierre Olivaint, prêtre de îa Compagnie de «lésus, par le
P. Clair, de la mêm-3 Compa.i^nie. Paris, Palmé; Bruxelles, J. Albane!,
in-12 de ni-490 p. avec portrait gravé. — Prix : 3 fr. 30.
Témoin de nos luttes, auxquelles il a pris part, et de nos défail-
— 310 —
lances, de nos victoires et de nos défaites, leP.Olivaint semble revenir
parmi nous pour nous jeter son cri favori « courage et confiance ! »
C'était comme la théorie de sa direction, c'est la conclusion de sa vie
que le P. Clair vient de retracer sous des couleurs si vraies, avec
tant d'amour et d'émotion et dans un récit si attachant. On voit qu'il
n'écrit pas seulement d'après les documents les plus précieux, mais
qu'il connaît son sujet à fond et de visu.
On ne saura jamais assez avec quelle perfection le P. Olivaint a
accompli ses devoirs de religieux, quelle douceur et quelle force il
avait dans sa direction, inspirée par ces deux mots : courage et
confiance, quel attrait il exerçait sur la jeunesse, comme le profes-
seur et le maître savaient se faire aimer, quelle action il eut par ses
conseils sur les personnes et les œuvres de son temps, quelles larges et
grandes idées il avait sur les questions agitées autour de lui— indiquons
seulement ici l'enseignement de l'histoire (p. 263), — quelle mort
glorieuse est venue couronner sa vie. Il semble que le récit qu'en fait
le Père Clair est neuf, tant on y découvre de choses admirables. On
apprend encore beaucoup, quoique la plupart de ces choses fussent
connues au moins dans leur ensemble.
Mais Pierre Olivaint, avant sa conversion, avant son entrée dans
la Compagnie de Jésus, est un homme nouveau pour le plus grand
nombre. On assiste à tout le travail qui se fait dans cette âme d'abord
éloignée du Dieu auquel elle devait se donner tout entière, travail
intéressant à suivre au point de vue psychologique, d'abord, puis au
point de vue historique, car il montre bien l'état des esprits à cette
époque, comme la seconde partie de cette vie fournit de fort belles
pages à l'histoire de la liberté d'enseignement. Né dans un intérieur
où Dieu était absent, élevé dans des établissements universitaires,
disciple et admirateur de Michelet, si son esprit fut le jouet de l'er-
reur, son cœur paraît s'être conservé pur : c'est pour cela qu'il fut
toujours si tendre, si dévoué pour sa mère qu'il eut le bonheur de
conquérir à Dieu : « Tout pour elle et rien pour moi, » disait-il; qu'il
eut ces fortes et vigoureuses amitiés qui se sont mutuellement soute-
nues jusqu'à l'arrivée au port; qu'il sentit toujours des aspirations au dé-
vouement et au martyre :« Je voudrais, si par impossible j'étais prêtre^
devenir missionnaire et si j'étais missionnaire être martyr, n Aussi
sa conversion fut plus facile que celle de beaucoup d'autres et, quand
une fois il fut dans la bonne voie, il put se comparer à « un wagon qui a
trouvé les rails et que rien n'arrête plus. » Son zèle toujours prudent
n'a pas de bornes ; il l'exerce sur ses amis, sur tous ceux qui l'entou-
rent et acquiert sur tous ses camarades, par sa droiture et sa générosité,
un ascendant qu'ont subi tous ceux qui l'ont approché. A l'Ecole
normale, il sut conquérir l'estime pour la « bande des niais, » autre-
— 511 —
ment dit des catholiques, dont il était l'honneur, et plus tard, lorsqu'il
concourut pour l'agrégation, le président du jury, M. Saint-Marc
Girardin, le félicitant de la manière dont il avait défendu la cause de
Grégoire VII, lui adressa cet éloge : « Nous venons d'entendre la vertu
plaider la cause de la vertu. » On trouve le P. Lacordaire et le
P. de Ravignan dans le grande œuvre de son retour à Dieu ; et lui, on
le rencontre dans toutes les bonnes œuvres : il fut un des plus zélés
propagateurs de la Société de Saint- Vincent de Paul. Les circonstances
de son entrée dans la Compagnie de Jésus ont un caractère providen-
tiel bien marqué et sont bien de nature à piquer la curiosité. Nous
devons nous borner à les signaler, comme beaucoup d'autres choses.
Mais nous avons la conviction que tous ceux qui liront Pierre Oïivaint
nous sauront gré de leur avoir indiqué un si bon livre.
René de Saint-Mauris.
La Faiiiîîîe tle «Jeanne tl'Ai'c, documents inédits, généalogie, lettres de
G. Hordal et de Cl. du Lys à Ch. du Lys, publiées pour la première fois par
E. de BouTEiLLEH et G. de Braux. Paris. Claudin, 1878, pet. Jn-8 de vi-
293 p. — Prix 12 fr. oO. Tiré à petit nombre.
«S'occuper de la famille de la Pucelle, c'est encore s'occuper d'elle
en rappelant son souvenir. Aussi est-ce sous le patronage de ce sou-
venir sacré que nous plaçons nos modestes études. » Ces lignes ter-
minent la préface du beau volume que viennent de publier MM. E. de
Bouteiller etG.de Braux, et elles font pressentir tout l'intérêt qu'il
inspirera. — Au dix-huitième siècle, Charles du Lys, descendant d'un
des frères de Jeanne, fît paraître trois éditions, successivement amé-
liorées, d'un ouvrage sur la famille de la Pucelle. Ce travail était
devenu fort rare, lorsque M. Vallet de Viriville le comprit dans sa
collection, publiée par Aubry. L'obligeance de M. le comte de Ma-
leissye, arrière-petit-fils de Charles du Lys et possesseur de ses ma-
nuscrits, a permis à nos deux Lorrains de consulter tous les documents
employés par le généalogiste, et d'infatigables recherches person-
nelles les ont mis à même de rétablir des branches dont l'existence
était ignorée, et de continuer les filiations jusqu'à nos jours. Le
nombre de familles se rattachant à la bonne Lorraine est très- considé-
rable. Dix pages de table suffisent à peine à en contenir Tindication.
On rencontre là le nom d'un de nos poètes les plus lus, mais je ne
pardonne pas à Alfred de Musset d'avoir, dans un doses poèmes
moqueurs, plaisanté avec le souvenir de Jeanne d'Arc, d'avoir dit en
se peignant dans Mardoche :
Bornez-vous à savoir qu'il avait la Pucelle
D'Orléans pour aïeule en ligne maternelle. .
Les familles qui rencontrent dans leur arbre généalogique cette
grande illustration de Jeanne d'Arc — c'est un honneur que peut
revendiquer l'un de nos deux auteurs, M. de Braux — liront avec
empressement l'ouvrage que nous annonçons. Mais, abstraction faite
de ce motif, ce livre se recommande encore vivement par ses mérites
intrinsèques à des lecteurs plus désintéressés.
Il commence par des lettres inédites de Jean Hordal et de Claude
du Lys, lettres relatives aux recherches de ce dernier. Elles sont
suivies d'éclaircissements pleins de curieuses recherches. N'oublions
pas de mentionner une note (p. 83) sur Torthographe du nom de
Jeanne. Vient, après cela, la généalogie dont nous parlions tout à
l'heure, et que complètent des preuves, où MM. de Bouteiller et de
Braux ont réuni patiemment beaucoup de faits peu connus, de docu-
ments inédits pour la plupart. Nous avons trouvé là (p. 185), sur la
fortune des parents de la Pucelle, des détails qui ont leur prix. Les
biens que possédaient son père et sa mère, se composaient d'environ
vingt hectares, douze en terre, quatre en prés et quatre en bois, des-
quels faisait partie ce fameux bois Chenu, dont il a été tant parlé :
ils avaient do plus leur maison et, en réserve, une certaine somme
destinée aux dépenses d'une fuite en cas d'invasion. Tout cela pouvait
constituer une fortune qui équivaudrait aujourd'hui à 80,000 francs.
Sur la maison dont il vient d'être question. MM. de Bouteiller et
de Braux uut publié une pièce inédite jusqu'à eux, c'est l'acte d'ac-
quisition de cette maison, acquisition faite en 1586 par M'"^ Loujse
de Stainville. Lorsque cette vente eut lieu, il y avait cinqàsixans^ que
l'illustre masure avait été visitée par Montaigne. Comme on lit beau-
coup plus les Essais que Le Voyage en Ilalie, on ne sera peut-être pas
fâché de trouver ici, les quelques lignes peu connues, je le crois, où
Montaigne parle de Domremj' : « Domreraj' sur Meuse, à trois lieues
dudit Vaucouleurs. D'où estoit natifve, cette fameuse pucelle d'Or-
léans qui se nommoit Jane Day ou Dallis. Ses descendants furent
anoblis par faveur du roi, et nous monstrarent les armes que le roi
leur donna, qui sont d'azur à un' espée droite couronnée et poignée
d'or et deux fleurs de lis d'or au côté de ladite espée ; de quoy un
receveur de Vaucouleurs donna un escusson peint à M. de Caselis
(un des compagnons de voyage de Montaigne). Le devant de la mai-
sonnette où elle naquit est toute peinte [sic] de ses gestes ; mais
l'aage en a fort corrompu la peinture. Il y a aussi un abre {sic) le
long d'une vigne qu'on nomme Vabrc de la Pucelle, qui n'a nulle autre
chose à remarquer. » (T. If, p. 16, éd. de 1774).
Mais revenons à l'ouvrage de MM. de Bouteiller et de Braux. Un
heau frontispice, d'après le livre de Hordal, et de nombreux biosons
— di3 —
ornent ce volume, dont l'excellente exécution ravira les bibliophiles, et
à la composition duquel les deux auteurs ont mis tant de soin. Malgré
leurs recherches si actives, ils n'espèrent pas avoir donné toutes
les descendances des frères de Jeanne, et accueilleront avec empresse-
ment des détails sur les branches ignorées. Dès à présent, du reste,
ils nous promettent une autre publication : trois documents d'une
grande importance, qui font partie des archives de M. de Maleissye,
et qui n'avaient pas trouvé place dans les Preuves, formeront ce
nouvel ouvrage. Nous ne manquerons pas d'en signaler l'apparition.
Th. p.
La fteuaissance, scènes historiques , par le comt^": de Gobineau. Paris,
Pion, 1878, in-8 de539 p. —Prix: 6 fr.
M. le comte de Gobineau a voulu donner une forme dramatique à
quelques épisodes de l'histoire de la renaissance. Les personnages
qui ont posé devant lui sont Savonarole, César Borgia, Jules II,
Léon X et Michel-Ange. On se rappelle le succès qu'obtint la trilogie
de M. Vitet, mais les événements dont il s'inspira oftraient, il faut en
convenir, une sorte d'unité et un intérêt dramatique qui n'exis-
tent pas au même degré dans les sujets traités par M. de Gobineau,
La mort d'Henri III terminait aussi bien le second volume de cette
trilogie que celle du duc de Guise le dernier. Il faut remarquer encore
que le lecteur français avait, sur cette période de notre histoire, des
notions qui sont moins nettes à l'égard d'événements passés au-delà
des Alpes et qui rendaient la tâche de l'auteur plus facile. Ajoutons
qu'alors cette forme dialoguée était protégée par une sorte de
mode littéraire. On reconnaît d'ailleurs que M. de Gobineau connaît
bien l'Italie et l'époque où il s'est transporté, mais a-t-il pu assez
s'isoler de son temps pour faire toujours parler ses personnages en
hommes du seizième siècle? mais le diplomate de la France de nos
jours n'a-t-il pas quelquefois soufflé les politiques qu'il a ranimés?
Nous ne savons si nous n'aurions pas préféré voir M. de Gobineau
employer son talent d'écrivain et son érudition à écrire une véritable
histoire de l'époque qu'il a tenté de dramatiser. J. V.
IIIéii]ioires-.Iournaux. de I*îeri»e de rEIstoile^ édition pour la
première fois complète et entièrement conforme aux originaux, etc.
Tome IV*. Les belles figures et drolleries de la Ligue, 1589-1600. Paris,
Librairie des Bibliophiles, 1878, gr. in-8 de viii-416 p.— Pjix : lo fr.
Avant de passer du Journal de Henri III à celui de Henri IV, les
savants éditeurs de l'Estoile ont eu la bonne pensée d'intercaler,dans
leur édition définitive, un volume entier du même chroniqueur, celui-là
Jl'in 1878. T. XXII, 33.
— 514 —
tout à fait inédit et bien connu des érudits qui en réclamaient depuis
longtemps la publication. C'est, dans toute la force du terme, ce
(^u'on appelle un recueil ; l'Estoile l'avait composé pendant la Ligue,
eh ramassant tous les jours les libelles, placards diffamatoires, écrits
séditieux, « jusques à plus de trois cents, » qui se criaient et se
vendaient dans les rues de Paris. Malgré l'édit sévère de 1594, le
«curieux. » qui aimait passionnément sa collection, n'avait pu se
i*c"soudre à la détruire entièrement ; et il en est resté un gros volume
in-folio qui, de l'abbaye de Saint-Acheul, est passé à la Bibliothèque
nationale.
Le plus souvent, le texte imprimé est accompagné Aq figures bizarres,
parfois des plus intéressantes; mais les éditeurs n'ont pas cru pouvoir
les reproduire ; ils se sont contentés de donner une description
« iconographique » des estampes et dessins. Il sera toujours loisible
de recourir au recueil de la Bibliothèque, d'autant plus aisément
qu'on possède maintenant l'indication précise des pièces qui s'y trou-
vent.
Le présent volume a donc tout l'intérêt delà nouveauté; il pourrait,
à la rigueur, être détaché de la belle collection qui se poursuit avec
tant de Soin et de goût. En tous cas, il fera prendre patience à ceux
(^ui trouvent que les œuvres complètes de Pierre de l'Estoile n'avan-
cent pas au gré de leur plaisir et de leur curiosité.
G. B. DE p.
JLe Cardiiiaî de Hetx et i'affaîre ilsi elïapeau. Étude historique
suivie des corrcspcndances inédites de Retz, de Mazarin, etc., par B. Chan-
TELA.UZE. Paris, Didier, 1878, 2 vol. in-8 de xvi-492-494, p., avec portrait
et fac-similé d'autographe. — Prix : J6 fr.
Il y a, dans l'histoire des peuples, des périodes de trouble et de con-
fusion pendant lesquelles tout ce qu'il y avait de passions néfastes
accumulées dans le cœur des hommes à l'état latent éclate au grand
jour et s'étale sans vergogne. Ce sont les périodes honteuses des so-
ciétés et ces accidents périodiques semblent leur rendre le service des
soupapes de sûreté dans les machines à vapeur. Quand la pression dé-
veloppée dans le calme par les pires appétits de l'âme en ébullition
est devenue trop forte, une détente est nécessaire, et si elle ne se pro-
duit pas trop brusquement, la machine conserve assez de ressort pour
retrouver ensuite son équilibre. Il arrive aussi presque toujours que
quelques hommes dominent pendant ces périodes de trouble et repré-
sentent assez exactement par leur tempérament, parleur esprit et par
leurs passions effrénées l'état moyen de la maladie sociale : ils en sont
comme le prototype; et leur étude, malgré la boue qu'elle remue, est
— olo
singulièrement instructive. Les quatre années de la Fronde marquè-
rent une de ces périodes pour la France, et Paul de Gondi, à qui les
circonstances et les nécessités politiques préparèrent malheureuse-
ment les voies vers le chapeau de cardinal, nous paraît avoir résumé
dans sa personne tous les appétits et toutes les hontes de cette période.
Quoique, d'après son propre aveu, il eût l'esprit aussi peu ecclésias-
tique qu'il fût possible de rimaginer, il s'était proposé pour buts, dés
sa première jeunesse et au milieu des écarts du plus indiscipliné des
caractères, l'archevêché de Paris et le cardinalat. Rien n'est impos-
sible à ces sortes d'hommes, et Retz parvint à ses deux buts : mais
Dieu sait au prix de quelles bassesses et de quelles intrigues.
M. Chantelauze a consacré deux volumes, dont l'Académie française
vient de reconnaître le mérite en leur décernant le grand prix Gobert,
à retracer toutes les intrigues spéciales et toutes les péripéties de
Vaffaire du chapeau. C'est Fhistoiredelalutte redoutable engagée pen-
dant trois ans entre Retz et Mazarin, lutte pendant laquelle le pre-
mier faillit succomber, mais dont il sortit enfin victorieux. La décou-
verte asseii inattendue de la correspondance secrète de Retz avec
l'abbé Charrier, son agent à Rome, et d'autres précieux documents
inédits ont permis à M. Chantelauze de jeter sur cette affaire em-
brouillée une lumière nouvelle : lumière, hélas! qui ne fait que mettre
en relief plus accusé bien des hontes et des turpitudes. L'auteur nous
montre le chef de la Fronde méditant, peu après la mort tragique de
Charles I" et à l'exemple de Cromwell, l'abolition de la royauté en
France, et allant même jusqu'à rêver l'établissement d'une république
oligarchique à la tête de laquelle aurait été appelé soit le duc d'Or-
léans, soit le grand Condé, et dont lui, Paul de Gondi, aurait été le
premier ministre. Aussi peu scrupuleux qu'un Italien du quinzième
siècle, aussi violent que les chefs de la Ligue, sans avoir l'intérêt re-
ligieux pour excuse, il ne lui aurait manqué pour tenter un si grand
changement que de rencontrer un homme de la trempe de Henri de
Guise.
Cette étude n'est que le premier chapitre d'une série de travaux
dans lesquels M. Chantelauze a l'intention de refaire l'histoire com-
plète du cardinal de Retz, de la lutte acharnée qu'il soutint pendant
sept ans contre Mazarin, après la Fronde et à partir de sa sortie de
prison, de sa transformation politique après la mort du premier mi-
nistre, de ses missions à Rome et du rôle qu'il joua dans les conclaves
où furent élus les papes Clément IX, Clément X et Innocent XI :
vaste projet qui demande, en raison des questions fort délicates qu'il
soulève, une pénétration et une impartialité d'esprit toutes particu-
lières.
— ;ii6 —
Dans cette affaire du chapeau, que M. Chantelauze appelle, à
ritalienne, commedia in conimedia, il y a beaucoup de boue remuée :
et peut-être en quelques passages est-elle trop complaisamment re-
muée. Quand l'auteur, appelant Mazarin, avec Retz^ ignoraiitissime
sur toutes les matières d'administration et de finances, n'accorde au
premier ministre que le génie de la politique extérieure, et borne son
seul mérite au dedans à l'heureuse fortune d'avoir compris la valeur
de Colbert et de l'avoir légué à la France ; quand il consacre plus de
trente pages à la peinture de la corruption qu'entretenait depuis trois
siècles à la cour de Rome le népotisme de certains papes; ou quand il
insiste sur l'influence de Dona Olympia et de la princesse de Rossano
dans les décisions d'Innocent X, il y a un fonds de vérité incontestable
dans ces diverses siluations : mais les déductions générales découlent
trop vite de quelques faits particuliers, et l'auteur nous paraît avoir
une pente naturelle à exagérer le mauvais côté des choses. Retz étant
capable de tout, ce que nous accordons volontiers, M. Chantelauze
élèverait volontiers ses adversaires à sa hauteur d'audace criminelle :
il y a là une sorte d'influence de contact qui doit être signalée. On se
salit à remuer le fumier. C'est ainsi que presque tous les ministres
d'Anne d'Autriche sont formellement et successivement accusés de
projets d'assassinats. Mazarin fait à Chateauneuf, « âme féroce et
capable de se porter aux dernières extrémités,» des insinuations mj'S-
térieuses qui cachent un sens terrible (1,128) : et l'on dit catégorique-
ment d'Abel Servien que « c'était un homme capable de se porter, en
politique, aux dernières violences, et qui ne se fit jamais faute de les
conseiller. Il était de l'école de Machiavel et n'eut pas reculé devant
un assassinat. .. » (II, 139.) Ce sont là des accusations qui auraient be-
soin de preuves authentiques et très-nettes : et pour Servien en parti-
culier, la récente étude que nous venons de publier sur ce ministre,
signataire des traités de Westphalie (Le Mans, Pellechat, in-8), nous
met en situation de pouvoir protester contre de pareilles imputa-
tions. En semblables circonstances, il ne faut pas écouter seulement
les ennemis ou les pamphlets : Servien fut dévoué à l'autorité royale
et il n'hésita pas à proposer des arrestations, voilà ce qui n'est pas
contestable. D'arrêter à empoisonner il y a loin, et nous demandons des
preuves formelles avant de croire à tant de lâcheté.
Ces critiques n'enlèvent pas à l'œuvre de M. Chantelauze sa valeur
réelle : son livre est très-étudié, trés-fouillé, riche en documents nou-
veaux et en aperçus historiques d'importance sérieuse : c'est ainsi qu'il
nous apprend, à n'en pouvoir douter, que la reine eut, au moins d'août
1651, la pensée de nommer le coadjuteur premier ministre, et que ce
fut Mazarin qui la détourna de ce projet : mais le plaisir qu'on
éprouve à voir débrouiller ces problèmes est bien amorti par la tris-
tesse qui saisit Tàme devant tant de fange morale. Cette tristesse est
instructive. Fasse le ciel que la France soit à jamais délivrée d'am-
bitieux et d'intrigants comme Paul de Gondi !
René Kerviler.
L.a Kronde angevine. Tableau de la vie municipale au dix-septième
siècle, par A. Debidour, ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé
d'histoire, docteur es lettres. Paris, E. Thorin, 1877, in-8 de 427 p. —
Prix : (j fr.
De grands éloges ont été déjà donnés, soit en Sorbonne, soit dans
la presse, au travail de M. Debidour. A mes jeux, c'est un des meil-
leurs qui aient depuis longtemps paru sous la forme d'une de ces
thèses pour le doctorat dont l'ensemble fait vraiment honneur à l'éru-
dition française. M. Debidour, en étudiant avec la plus clairvoyante
attention l'histoire de la Fronde angevine, a étudié l'histoire même de
la France provinciale au dix-septième siècle, et nous avons ainsi dans
son livro, à côté d'un sujet spécial traité d'une remarquable façon, un
sujet d'un intérêt général traité d'une non moins remarquable façon.
C'est après avoir lu, relu, discuté d'innombrables documents impri-
més et manuscrits, que l'auteur, guidé par un esprit juste et droit,
s'occupe tour à tour de l^origine et des premières transformations de
la mairie d'Angers, de l'état des partis dans cette ville au. commence-
ment du dix-septième siècle, du gouvernement du maréchal de Brézé
(1636-1648), des atteintes portées aux privilèges des Angevins, des
impôts nouveaux qui pesèrent sur eux, des causes de la fronde pari-
sienne, du contre-coup des mouvements de Paris en province, du
soulèvement du peuple à Angers, de la noble conduite de l'évêque
Henri-Arnauld préservant, à force de dévouement, cette ville du pil-
lage dont la menaçait l'armée du maréchal de Brézé, des incidents si
divers qui suivirent la réconciliation du farouche maréchal avec les
Angevins, incidents auxquels furent mêlés Rohan-Chabot, La Meil-
leraye, surtout l'évêque Arnauld, dont on admirera les généreux
eflorts (1651-1652), pour épargner à l'Anjou les horreurs d'une nou-
velle guerre civile, M. Debidour raconte en une très-bonne langue
l'orageuse histoire de la ville d'Angers jusqu'à l'époque (mai 1657),
de la suppression définitive des libertés municipales de la capitale de
l'Anjou. Je doute qu'on puisse lui reprocher une seule grave erreur,
une seule grave omission, ce qui n'a rien d'étonnant quand on voit,
d'abord au bas des pages, puis à la Table bihlior/raphiquc (p. 405-423),
l'indication des sources auxquelles a puisé le consciencieux historien.
Cette Table mérite une mention particulière à cause de l'abondance
— 518 —
et de la précision des renseignements qu'elle fournit pour la biblio-
graphie de l'Anjou, Parmi les autres pages importantes des Eclair^
cissements et pièces justificatives {^.329-404), j'indiquerai, en-dehors des
documents inédits (lettres patentes de Louis XI, de Charles VIII, etc.),
les notices bibliographiques sur le maréchal de Brézé, sur Henri-
Arnauld avant son épiscopat, sur Rohan-Chabot. En résumé, la
Fronde angevine me paraît digne à tous égards d'être rapprochée de
la Réforme et la ligue en AnjoUy de M. Ernest Mourin (1856), livre
aue M. Debidour (p. 2), appelle avec raison un « beau livre. »
T. deL.
Lettres de la marcfuise du Châtelet, réunies pour la première
fuis, revues sur les autographes et les éditions originales, augmentées de
38 lettres entièrement inédites, de nombreuses nutes et d'un index, et pré-
cédées d'une notice biographique, par Eugène Asse. Paris, Charpentier,
1878, in-12 de xliv-496 p. — Prix : 3 ir. 50.
M. Eugène Asse, qui a déjà édité les lettres de M"* Aïssé et de
M^'® de Lespinasse, vient de rassembler en un volume les lettres de la
marquise du Châtelet, jusqu'ici éparses dans des publications diverses;
il les a augmentées de trente-huit lettres inédites, enrichies de notes
nombreuses et d'une très-curieuse et très-intéressante notice. Mal-
heureusement la correspondance de Voltaire et de M™"^ du Châtelet a
été anéantie. Mais, telles quelles sont, les lettres publiées par M. Asse
sont encore leportraitleplusfidèledela6e//e ^mi/if pendant les quinze
dernières années de sa vie. Etrange figure que celle de cette femme
à la fois passionnée et positive, sentimentale et géomètre, aimant la
parure et la science, cultivant les mathématiques et la poésie, dédai-
gneuse de ses devoirs, ou pour mieux dire ne paraissant pas se douter
qu'elle eîit des devoirs, et ne connaissant d'autre fidélité que celle de
sa passion du moment. Correspondante de Maupertuis et ayant en
somme des titres scientifiques sérieux, M"^ du Châtelet a dû cepen-
dant à peu près uniquement sa célébrité à sa longue liaison avec Vol-
taire. « C'est à lui, écrivait M™" du Defiand, qui ne l'aimait pas,
qu'elle devra de vivre dans les siècles à venir, et en attendant, elle lui
doit ce qui fait vivre dans le siècle présent. » La note n'est pas tout
à fait juste : si M"'' du Châtelet doit beaucoup à Voltaire, Voltaire, de
son côté, doit beaucoup à M"^ du Châtelet. Elle le cacha à Cirey, lors-
qu'il était menacé d'être arrêté pour ses Lettres sur les Anglais,et plus
tard pour la publication du Mondain; elle le dirigea parfois dans ses
travaux, contint sa bile, et, ceci est une bonne note pour elle; retint
«01Î3 clef, tant qu'elle vécut, le manuscrit de la Pucelle. Elle s'ingénia
à entourer son ami de tout le luxe, de tout le bien-être qu'il aimait, et
— K19 —
le tableau de ces recherches de confortable auxquelles tenait le poëte
et qu'on lui ménageait à Cirej, de ces glaces, de ces statues, de ces
appartements vert céladon et or n'est pas un des moins piquants de
cette existence brillante et coupable. La passion, pendant près de
quinze ans, fut réciproque, et elle fut même plus persévérante chez
Voltaire que chez la marquise. Tout le monde connaît cette anecdote
de M. du Châtelet ouvrant, après la mort subite de sa femme, le chaton
d'une bague qu'elle portait habituellement et j trouvant, à sa grande
stupéfaction et à celle de Voltaire qui était présent, le portrait, non
pas de celui-ci, mais de Saint-Lambert: dernier caprice d'une femme
pour laquelle, au fond, il est difficile d'éprouver une grande sympathie;
car elle n'a même pas dans ses passions ce trouble et cette faiblesse
qui peuvent rendre les fautes touchantes, en faisant croire à un com-
mencement de repentir; et elle porte jusque dans ses sentiments de
famille une sécheresse etune prudence mathématiques qui font mal; elle
écrit, après h perte d'un fils : « J'en ai été plus fâchée que je ne l'au-
rais cru et j'ai senti que les sentiments de la nature existaient en
nous, sans que nous nous en doutassions. » Nous n'en remercions pas
moins M. Asse d'avoir réuni et publié cette correspondance, qui jette
un jour si triste mais si instructif sur ce dix-huitième siècle où il y
avait tant de ménages comme celui du marquis et de la marquise du
Châtelet. M. de la R.
Répertoire politique, historique ft littéraire, par M. Ch.
Valframbert, docteur en droit. Années 1876 et 1877. Paris, Larose, 2 vol.
in-8de 591 p. c'iacjn. — Pris: 12 fr.
J'en demande pardon à M. Valframbert, mais il m'est difficile de
parler avec sang-froid de son Ecpertoirc. Voilà une publication
essentiellement utile, dont il a su concevoir le premier la pensée^
un monument de travail et de patience, un chef-d'œuvre de méthode... ;
et il faut que tous ces mérites soient compromis par la passion
politique, d'autant plus répréhensible ici que rien ne l'excuse et que
tout devait l'exclure !
Résumer en un volume, au commencement de chaque année, l'his-
toire de l'année qui vient de finir, c'est là une idée vraiment ingé-
nieuse, et qui, tout au moins dans le sens où elle a été comprise et
réalisée par notre auteur, est absolument neuve. Son recueil, élaboré
au prix de recherches incessantes, évitera la fatigue des mêmes
recherches à tous ceux qui ont besoin, par devoir ou par goût, de
suivre la marche des événements comme le mouvement des esprits.
Veut-on se tenir au courant des travaux parlementaires el légis-
latifs? M. Valframbert fait passer rapidement sous nos yeux, avec
— 520 —
renvois aux documents officiels, les interpellations qui se sont pro-
duites, les incidents qui ont eu lieu, les lois qui ont été discutées et
votées, les projets qui sont en cours de préparation.... Il relate,
arrondissement par arrondissement, les résultats électoraux et indique
les journaux où l'on retrouvera les circulaires des candidats, les
comptes rendus des réunions publiques, etc. Les débats budgétaires
sont groupés dans un chapitre spécial. Il rapproche ensuite et
coordonne les actes et documents divers qui intéressent chaque
département ministériel. Les beaux-arts, les théâtres, la littérature
trouvent leur place dans cette encyclopédie annuelle. Tous les faits
de Tordre politique et intellectuel sont saisis au fur et à mesure de
leur apparition : c'est une photographie qui reproduit en réduction le
tableau de l'année.
On aperçoit par là quels services le Répertoire est susceptible de
rendre; mais, d'autre part, on comprendra que nous nous sentions
autorisé, pour ne pas dire obligé, à ménager d'autant moins les
critiques, que nous sommes plus convaincu de l'utilité de l'œuvre et
plus désireux de la voir se perfectionner. La passion politique, que
tout à l'heure nous reprochions à M. Valframbert, ne lui a pas seule-
ment dicté des appréciations souvent fausses et presque toujours
contestables : elle l'a conduit, et ceci est plus grave, à fournir des
renseignements inexacts Prenons un exemple. A la fin du chapitre
consacré aux Cultes, nous trouvons mentionnés, sous le rubrique
Vai'iétés, quelques travaux relatifs à des questions religieuses. Quels
sont ces travaux? Les conférences de M. Lojson, un article du
X/P Siècle sur les jésuites, un rapport de la conférence Molé-Tocque-
ville sur le même sujet et dans le même sens, un article de la Revue
de France, et... c'est tout. En vérité, Monsieur Valframbert, vous
aviez d'autres écrits à signaler ! En ignoriez-vous l'existence? Mais
alors vous avez manqué à la mission que vous vous êtes attribuée. Les
avez-vous dédaignés? Mais, outre que ce dédain ne ferait de tort qu'à
vous-même, vous n'avez plus le droit de le professer, du moment qu'il
s'agit de renseigner tout le monde, amis et ennemis.
Nous souhaitons que M. Valframbert comprenne la portée de nos
critiques et qu'il j fasse droit dans la suite : nous lui affirmons qu'elles
s'inspirent de l'intérêt même de la publication qu'il a entreprise.
A. DE Clate.
— 521 —
La f»alestine et le Sînaï, par K. Hitrovo. Saint-Pétersbourg, 1876,
in-18 de loi p. — Prix : 4 fr.
Uue semaine en Palestine {Nediela v Palestinié), par B. Hitrovo.
Saint-Pétersbourg, 187(3, in-8 de 91 p., avec. 36 photographies.
•lérusalem et la Palestine dans la littérature, la science,
la peinture et clans les traductions russes, par S. Ponomarev.
Appendice au tome XXX des Mémoires de V Académie des sciences. Saint-
Pétersbourg, 1877, in-8 de xx-i28 p. — Prix : 5 fr.
SinaJ i Palestina (Sinal et Palestine), par D. Smychlaiev. Perm, 1877,
in-8 de xvii-241 p. — Prix : 8 fr.
Le pèlerinage à .Jérusalem semble avoir produit sur M. Hitrovo
une impression profonde et durable. On peut en juger par la pu-
blication intitulée : la Palestine et le Sinal. C'est un inventaire rai-
sonné de tous les écrits sur la Palestine et le Sinaï faits par des
Russes, j compris les articles de revues et de journaux. Il se dis-
tingue des autres travaux du même genre en ce qu'il ne se contente
pas de donner les simples titres des ouvrages, mais il indique aussi les
routes que les voyageurs ont suivies, les principaux monuments qu'ils
ont vus, et il y ajoute une appréciation sommaire des livres. Vu la
pénurie de pareils recueils en Russie, celui de M. Hitrovo sera fort
apprécié du public ; il est fait avec soin, et, bien que l'auteur n'ait pu
trouver plus de deux cents écrits, les lecteurs le trouveront suffisam-
ment complet.
L'ouvrage comprend les pèlerins-écrivains, russes ou non, et ceux
qui ont écrit sans avoir visité les lieux saints. H peut servir de supplé-
ment à la Bibliographia geografica Palxstinœ, du regretté Tobler, qui
lui a servi de modèle. Toutefois, il en a élargi le cadre, en faisant
entrer dans son plan le Sinaï, inséparable de la Palestine. Le volume
que nous avons sous les yeux n'est que l'avant-courreur de plusieurs
autres, que l'auteur annonce dans sa préface. Le second volume con-
tiendra la bibliographie des cartes, plans et dessins de la Palestine;
les dix-huit suivants seront consacrés à la description de la Terre -
Sainte, au triple point de vue de la géographie, de la topographie et
de l'archéologie, et ornés de plans et de gravures qui aideront l'intel-
ligence du texte. Un travail qui renfermerait le dernier mot de la
science occidentale serait un véritable trésor pour la Russie, encore
peu au courant de ces richesses littéraires ; celles qu'elle possède déjà
et qu'elle a puisées dans son propre fonds pourraient, à leur tour,
servir aux savants d'Occident. Tel est le double but que se propose
M. Hitrovo, en mettant la main à la publication dont il s'agit. Nous
ne pouvons qu'y applaudir; seulement, nous nous demandons comment
l'Occident pourra profiter d'un ouvrage écrit dans une langue qui lui
est étrangère?
— 522 —
— Le petit volume : Une semaine en Palestine, est un vrai bijou et
une rareté bibliographique ; il a été tiré avec beaucoup de soin à vingt
exemplaires. L'auteur partait pour la Chine; arrivé à Alexandrie, il
n'a pas voulu passer si près de Jérusalem sans aller y véi^rer les
souvenirs de notre rédemption. Le récit est simple, aimable ; les des-
criptions sont exactes, les sentiments sont chrétiens. Naturellement,
en huit jours, notre pèlerin n'a approfondi aucune question. Ce qu'il
dit de la situation des Russes à Jérusalem témoigne de sa sincérité.
Il indique très-nettement le peu d'accord qui existe entre le clergé
russe et le clergé grec, entre le consul de Russie et la mission ecclé-
siastique. On y lit d'intéressants détails sur les principaux représen-
tants de celle-ci : l'évêque Cyrille, les archimandrites Porphyre et An-
tonin. En passant en revue les divers consuls, l'auteur a omis, proba-
blement par oubli, le nom de Sokolov, qui a succédé à M. Dorogobou-
jinov, et précédé M. Kartsev; Sokolov est mort à Jérusalem peu de
temps après son arrivée (1861). 11 dit quelques mots de la propa-
gande catholique et trouve qu'elle est bien moins dangereuse pour
l'Eglise grecque que celle des protestants, qui, depuis quelques an-
nées surtout, déploient une grande activité. — Cela ne fait que rani-
mer ses espérances. « Nous sommes, écrit-il, des héritiers naturels
des Grecs, partout où existe l'orthodoxie ; on peut battre les Turcs,
non-seulement sur le Danube, mais encore sur l'Euphrate et sur les
rivages de la Méditerranée, en s'appuyant sur la population ortho-
doxe, arabe. Par la Géorgie et l'Arménie, nous touchons presque à la
Palestine et rognons l'Asie-Mineure, qui ne pourra certainement pas
rester seule à la Turquie ou former l'Empire turc. Ce n'est ni sur le
Hindoukousch ni sur les Himalayas, c'est dans les vallées de l'Eu-
phrate et les défilés du Liban que la lutte pour la prédominance en
Asie aura lieu (p. 68). » Les espérances exprimées dans ce passage,
sont partagées par bien des Russes. — Les photographies sont très-
agréables à voit- et donnent une idée fort exacte des monuments. On
est bien en droit de mettre parmi ces derniers les édifices imposants
de la mission russe. Si M. Hitrovo se décidait à réimprimer son livre
pour le public, il donnerait aux pèlerins et aux voyageurs russes
qui se rendent à Jérusalem, un petit yolume qu'ils aimeraient à em-
porter avec eux et qui, au retour, re-idrait plus présents leurs
souvenirs.
— L'ouvrage de M. Ponomarev : Jérusalem et la Palestine, a paru
aussitôt après celui de M. Hitrovo : la Palestine et le Sinaï, dont il a
encore le temps de profiter, tout en restant complètement indépen-
dant. L'auteur a séjourné à Jérusalem plus d'un an (1873-1874), et
c'est même dans la ville sainte qu'il a commencé à faire son indicateur
— 523 —
bibliographique de la Palestine, le plus complet qui existe jusqu'i,
présent en langue russe. On 7 compte plus de neuf cents articles, tandis
que le recueil de M. Hitrovo n'en contient que deux cents. L'écart est
considérable; il vient en grande partie du plan adopté parles deux
auteurs et du cadre qu'ils ont donné à leurs ouvrages. Quoi qu'il en
soit, la presque simultanéité de ces publications montre l'intérêt
qu'excite aujourd'hui la Terre-Sainte dans le monde russe, et qui, du
reste, n'y a jamais été méconnu, ainsi que nous l'apprend M. Pono-
marev dans son intéressant avant-propos.
Le livre se partage en quinze sections, parmi lesquelles la huitième,
sur la mission ecclésiastique et les constructions russes à Jérusalem,
attire le plus l'attention du lecteur. En y ajoutant ce que l'auteur en
dit dans l'avant-propos, on aura une idée assez nette des travaux lit-
téraires et scientifiques des chefs de cette mission, les archimandrites
Porphyre, Léonide, Antonin. L'histoire de la ville sainte et celle de
l'Eglise de Jérusalem occupent deux sections. Les quatre dernières
sont consacrées à la géographie, l'archéologie, la poésie et la pein-
ture. Il y aurait de quoi former un charmant volume rien qu'en réu-
nissant les pièces de poésie, inspirées par les lieux saints. Celles de
l'auteur lui-même, que nous avons eu la satisfaction de lire ailleurs,
y figureraient avec avantage. Parmi les peintres, Vorobiev, Granovski
et Tchernetsov paraissent au premier rang. Trois index des noms, des
choses et des périodiques cités dans le texte facilitent l'usage de cet
excellent manuel.
Nous n'y avons relevé que quelques inexactitudes, peu importantes
d'ailleurs; M. E. Bore n'a jamais été jésuite {n^ 533); il faisait partie
de la congrégation des lazaristes, dont il était supérieur général.
L'auteur de Visits to monasteries in the Levant s'appelle Robert
Curzon, et non Rob-Curzon (n°^ 525 et 631). En citant l'ouvrage de
Sepp, il eût été mieux de renvoyer le lecteur à la deuxième édition,
de 1873 et 1876, bien plus complète que la première. De même, les
articles supplémentaires (n°s 908-914), empruntés à l'ouvrage de
M. Hitrovo, auraient dû être accompagnés de leurs numéros corres-
pondants. Ces remarques, nous les faisons, tant pour répondre à l'invi-
tation de l'auteur lui-même (p. vu), que pour témoigner de l'attention
avec laquelle nous avons lu son ouvrage, dont une des meilleures
recommandations est d'avoir paru sous les auspices de l'Académie des
sciences.
— En 1865, M. Smychlaïev eut occasion de visiter les Lieux-Saints
de la Palestine. Il voulut que son pèlerinage fût complet, et il poussa
jusqu'au mont Sinaï, malgré les difficultés que présentait cette
excursion et qu'elle présente encore. De retour dans le pays, il com^-
— 524 —
muniqua ses Notes de voyage, comme il les intitule modestement, à
une feuille quotidienne de Saint-Pétersbourg, le Bulletin de Bourse,
où elles parurent par parties, dans des numéros supplémentaires,
et à grands intervalles les unes des autres (1866 et 1867). Ce journal
n'était pas fait pour donner à ces récits la publicité qu'ils méritaient;
aussi passèrent-ils presque inaperçus du public et les spécialistes eux-
mêmes en ignorèrent longtemps jusqu'à l'existence.
Ce fut donc une bonne pensée que de réunir les articles détachés
en un volume et de les rendre accessibles à la masse des lecteurs, si
avides, en Russie, de tout ce qui les initie à la connaissance des
Lieux-Saints.
L'ouvrage se compose de deux parties bien distinctes, dont la
première contient la description du mont Sinaï ; la seconde, partagée
en six chapitres, traite de la Palestine. En voici les titres, qui indiquent
en même temps la marche suivie par le voyageur : 1° Jafïa et Jérusa-
lem; 2° Jérusalem; 3° Hébron et Bethléem; 4° Jourdain et la mer
Morte; 5" de Jérusalem à Nazareth; Q° Nazareth, Tibériade et
Kaïphe.
L'ouvrage se lit avec intérêt; le style en est simple et coulant. La
description des Lieux-Saints est faite avec soin, et témoigne chez
l'auteur de la connaissance de la littérature occidentale relative à son
sujet. Malgré son peu d'étendue, le livre de M. Smychlaïev est un des
meilleurs que la Russie possède sur la Palestine — le nombre en est
assez restreint, — et il pourra être consulté avec profit par quiconque
s'intéresse aux études sur la Terre-Sainte, dont les Russes apprécient
plus que jamais l'importance et l'opportunité. J. Martinov, S. J.
Eneîcîopedîa araldico-cavalleresca , Proniuario Nohiliare, par
GoFREDo Di Crollaxza. Plse, d 877-78, in-4, avec planches (en cours de
publication).
<îli emblemî deî GueIG e Oihbellîni, par le même auteur. Pise,
1878, à la direction du Giornale araldico, in-12 de 164 p. — Prix : 5 fr.
Cet ouvrage, arrivé à la lettre S, est assez près d'être terminé pour
que nous puissions en parler. Le plan de M. de CroUanza a été de faciliter
l'étude des sciences héraldiques, en faisant de tout ce qui les concerne
une encyclopédie. Sous la forme si commode de dictionnaire, on trouve
dans son œuvre les détails techniques, historiques, archéologiques qui
appartiennent à ce vaste sujet, et à la fois les armoiries d'un grand
nombre de familles d'Europe, spécialement décolles, qui, parleur com-
position peuvent servir d'exemples. On a donc entre les mains et en
un seul volume, un dictionnaire, une grammaire, un traité et, dans
une certaine mesure, un armoriai. On ne considérerait cette œuvre
— o25 —
qu'au point de vue historique, qu'elle serait déjà d'une grande impor-
tance; en effet, elle peut, pour l'étranger, éclaircir bien des points des
chroniqueurs italiens. M. de Crollanza n'a d'ailleurs pas négligé les élé-
ments que lui présentait la France. Les ordres de chevalerie de tous
les pays ont été aussi l'objet de notices étendues, et l'auteur, se préoc-
cupant de tout ce qui, de près ou de loin, se rattache à l'ensemble de
ses études, n'a oublié ni les joutes, ni les tournois, ni les pas-d'armes.
Ace dernier mot, disons-le cependant, nous pensions trouver plus de
détails. N'y aurait-il pas eu lieu de rappeler le pas d'armes de Charle-
magne donné par le sire de Beaaffremont, et tant d'autres entreprises
semblables. Le très-curieux livre espagnol qui porte ce titre El Paso
honroso aurait pu aussi être mis à contribution et fournir des renseigne-
ments sur une foule de singuliers usages chevaleresques. Peut-être
M. de Crollanza ne s'est-il pas suffisamment enquis des matériaux que
l'Espagne lui auraitoffertssr largement. Une remarque encore, l'auteur
nomme certaines familles en indiquant le lieu où elles se sont trouvées
dans ces derniers temps, n'eût-il pas été bon de rappeler surtout le
lieu de l'origine ?. . . Ainsi les Bassompierre sont désignés comme ap-
partenant à rile-de-France. Les armes que leur attribue M. de Crol-
lanza ne sont pas, du reste, celles du célèbre maréchal, qui portait d'ar-
gent à trois chevrons de gueules. Y a-t-il eu erreur ou s'agit-il d'une
autre famille ? L'Enciclopedia araldica, publiée dans de bonnes condi-
tions typographiques, est ornée de blasons soigneusement exécutés.
— Ne quittons pas M. de Crollanza sans dire un mot d'un savant et cu-
rieux petit volume publié à 200 exemplaires seulement et ayant pour
sujet les emblèmes des Guelfes et des Gibelins. Ce livre qui fera hon-
neur à l'érudition de l'auteur, a été couronné par l'Académie héral-
dique italienne. 11 est terminé par un armoriai des principales familles
qui se sont le plus distinguées dans les deux célèbres factions.
Th. P.
BULLETIN
Annuaire de l'enseignement libre pour 1 STS. Paris, Ganme,
1878, in- 18 de 278 p. — Prix : 2 fr.
C'est, croyons-nous, la seconde année de cet annuaire, augmenté, cette
fois, d'un calendner et d'une carte de la France par provinces ecclésias-
tiques et donuant l'état de la cour de Rome et du clergé de Fiance
(évêques et secrétaires d'évêcbés, grands séminaires) ; — l'organisation de
l'administration des cultes au ministère; — renseignements sur les Liblio-
thèques publiques de Pari?, sur l'Institut, sur les écoles spéciales; — lois
et décrets relatifs à l'enseignement secondaire libre^ au volontariat d'un
— 526 —
an;-^ notices sur les établissements d'enseignement libre, par diocèse;' —
programme et personnel des universités calholiques; — personnel de
quelques grands séminaire?. Cette simple énumération suffit pour marquer
l'intérêt et l'utilité de cette publication, ce qui est préférable à des éloges.
L'annuaire, devant avoir une nouvelle édition chaque année, nous signalerons
quelques améliorations à introduire, quelques corrections à faire. Nous
voudrions à l'Institut le nom de ^es membres; la mention de l'Académie de
médecine sous la rubrique de l'Institut, dont elle ne fait pas partie — on le
dit bien, — ne peut occasionner que des erreurs. Les notices sur la Biblio-
thèque nationale et sur l'École des chartes ne sont pas exactes. Il ne serait pas
difficile de se procurer des renseignements sur différentes bibliothèques fort
importantes dont on ne donne que le nom et l'adresse, sur les archives na-
tionales, pour les formalités relatives aux communications de pièces. Les
notices sur les établissements d'instruction secondaire ne concernent que
les établissements pour les garçons; elles sont très-inégales, incomplètes et
parfois erronées. Ainsi, pour le diocèse d'Autun, nous ne voyons pas figurer
l'important établissement des piètres de Saint-Bertin et personne ne pourrait
soupçonner que « l'Institution diocésaine et municipale » est le collège de
Paray-le-Monial. R.
Le Denier du Sacré-Cœur, extrait de Pierre Blot. Second épisode dei
Étapes d'une conversion, par Paul Féval. Paris, Palmé, 1878, ia-12 de
83 p. — Prix : I fr.
C'est ici un appel aux « deniers » du riclie et du pauvre, en faveur du
Sacré-Cœur, c'est-à-dire du Vœu national, de l'église du Sacré-Cœur de
iMontmartre. M, Paul Féval raconte comment il a été « converti « à l'œuvre
du Vœu national, qu'il avait envisagée en artiste avant de l'apprécier comme
chrétien. Il môle le récit dramatique, le dialogue mouvementé aux considé-
rations ascétiques, aux réflexions piquantes et originales dans ce style vif,
coupé et brillant qui carjctérise les œuvres du célèbre romancier. Ce sera un
éloquent quêteur partout où il pourra s'introduire. S.
Le Miracle du 16 septembre IS"», par Henri Lasskrre. Paris,
Palmé, 1878, in-12 de 126 p. -- Prix : 1 fr.
Le miracle raconté dans celte brochure est celui de la guérison de
M™^ Guerrier, née Biver, dont le mari est juge de paix à Beaune. Quand
nous disons « miracle,» c'est comme l'auteur pour employer le terme usuel,
sans vouloir préjuger la décision de l'Église. Ce récit, plein de vie, d'origi-
nalité et d'esprit, comme tout ce qu'a écrit M. Lasserre. animé par un profond
esprit de piété et de confiance, est donné avec tous les détails, avec toutes
les preuves, et relevé par des onsidérations intéressantes et touchantes,
même pour ceux qui ne croient pas. Il ne fera qu'augmenter chez les
croyants leur vénération et leur confiance en Notre-Dame de Lourdes.
C'est un chapitre détaché d'un nouveau volume que prépare l'historien
de Lourdes et qui aura certainement le même succès que le premier. R.
"Voyage au pays du bien, par Fulbert Dumonteil. Première série.
Paris, Palmé, 1878, in-12 de 322 p. — Prix : 3 fr.
Co volume est uq recueil de causeries a parisiennes » qui ont dû paraître
dans la Revue du monde catholique. Elles roulent sur les innombrables
— 527 —-
œuvres de charité, qui fleurissent sur le sol si ferlile en tout genre delà
granJe ùté parisienne. Ce sont des considéralioiit. à propos de ces œuvres et
des détails sur leur but et leur fonctiounement capcihles d'éclairer la charité
et de l'exciter. Le récit de bea'.-x traits et les sociétés purement philanthro-
piques ont leur place dans cette revue : le frère Philippe, la sœur Pellegrin
ont, avec les aéronautes du .siège de Paris, l'instituteur et l'institutrice,
place à côté de l'Iniirmerie Marie-Thérèse, des Orphelins de la guerre, de
l'Œuvre de la miséricoi'de, de l'CEuvre des Loyers, etc., etc. Ce sont des
pages qui se lisent avec plaisir, reposent l'esprit et laissent une bonne im-
pression. Ecrites avec facilité et esprit, d'un style coulant, sous l'inspira-
tion d'une excellente pensée, elles ne paraissent pas avoir la prétention
d'être autre chose que des causeries et s'adressant plus spécialement aux
personnes du monde. C'est une série qui se continue dans la Revue du
inonde catholique. V. M.
La Fin de l'anarchie, par Charles Bigot. Paris, Charpentier, 1878,
in- 18 de 468 p. — Prix : 3 fr. 50.
Ce livre est exclusivement politique; il est dédié à M. Thiers et à M. Gam-
betta. C'est un long plaidoyer dans lequel on sent à chaque ligne le parti
pris de font arranger même l'histoire pour les besoins de la cause. JNe pou-
vant pas le combattre, nous renonçons à l'analyser. Du reste, la citatioa
seule des sommaires suffira pour donner l'idée du but et de l'esprit de l'ou-
vrage : les voici : « Les deux problèmes : question sociale en 1789, question
politique en 1792. — L'odyssée de la France. — La république nécessaire.
— Les obstacles à la république, et nous enregistrons parmi ces obstacles,
d'après l'auteur, les -préjugés sociaux et les préjugés religieux. — Enfin le pro-
gramme de la république. »
Si l'on arrive à la tin de la dernière page, l'inipressioa du lecteur sera,
souvent celle-ci : le lilre du livre se moditierait très-bien ainsi : Continuation
de l'anarchie. L. T.
La Franc-Maçonnerie, Instruction pastorale et mandement pour le
Carême de 1878, par M^"^ Besson, évêc[ue de Nîmes. 7' édition. Paris,
librairie de la Société Bibliographique, 1878, gr. in-18 de 4G p. —
Prix : UO c.
Msr l'évêque de Nimes a publié, sur la franc-maçonnerie, un mandement
qui est une page d'histoire d'une grande valeur. Ce résumé rapide et sai-
sissant de faits établis par des preuves irrécusables montre le rôle de la
secte dans les plus graves événements du monde moderne. Le prélat plaint
les personnes; il ne flétrit que les actes et les doctrines. Quoiqu'il se montre
d'une grande ré. erve lorsqu'il aborbe les faits contemporains, son récit,
dont l'intérêt ne se ralentit pas un instant, aboutit avec une logique in-
vincible à cette conclusion : « La Franc-Maçonnerie règne, et c'est par elle.
Ce semble, et par elle seulement, qu'il est permis de régner encore. On
peut dire d'elle ce que Montesquieu a dit de l'ancienne Rome : « Elle mit
d'abord les rois dans le silence et les rendit comme stupides. » H.
De la création il'nn cours de droit international, par
M. P. Larroque. Paris, Henri Bellaire, 1875, in-12 de 183 p. —
Prix : 2 fr.
. M. Larroque nous apprend, dans ce livre, que l^s guerres sont désas-
— 528 —
treuses au point de vue des intérêts mntériels : nous sommes assez de son
avis. 11 soutient qu'elles ne sont pas moins funestes au point de vue moral:
sous ce rapport, et au risque de chagriner son cœur sensible et son âme
pacifique, nous aurions des réserves à exprimer. 11 rend les institutions
monarchiques responsables de ce tléau, dont la République doit nous
préserver: nous le renvoyons à l'histoire. 11 conclut à la création d'un Code
international et à l'institution d'un Tribunal suprême chargé de vider les
différends entre nations. Bien entendu, la suppression des armées perma-
nentes devrait suivre et compléter les autres mesures. Toutes ces théories
nous semblent manquer du mérite de l'à-propo;; nous ne croyons pas
qu'elles rentrent dans le cadre des grandes controverses européennes qui
sont à l'ordre du jour, A. de Claye.
Entretîens famîîîers eur Sa Cosmographie, par M. AuDOYNAUD,
officier d'Académie. Paris, J. Hetzel et C'«, in-8 de 333 p. — Prix : 3 fr. 50.
Est-ce un éloge, est-ce une critique ? C'est au moins un fait que chacun
pourra apprécier suivant ses goûts et ses tendances : l'ouvrage de M. Audoy-
naud, que publie la librairie Hetzel, n'a aucune ressemblance avec les fan-
laisies pseudo-scientifiques de M. Jules Verne auxquelles cette même
librairie a donné le jour. C'est un véritable traité de cosmographie où
l'auteur n'a pas craint d'appuyer ses explications de figures géométriques
et d'employer les termes scientifiques, avec sobriété toutefois et sans vain
étalage d'érudition. Seulement la foi'me dialoguée lui permet de donner à
son exposition une allure un peu plus libre, d'y introduire des comparai-
soTis familières et d'y supposer de petites expériences souvent fort utiles pour
la clarté, enfin d'entrer dans quelques digressions historiques ou scientifiques
qui, dans un traité proprement dit, pourraient paraître hors de leur place.
L'esprit général est très-satisfaisant, et, sur la question de Galilée, qui
est une bonne pierre de touche à cet égard, bien que M. Audoynaud en
parle d'après des auteurs un peu suspects, il est fort modéré et presque
irréprochable.
11 prend pour interlocuteur un jeune homme « âgé de seize ans, qui
venait d'achever sa seconde un peu d'arithmétique et un peu de géomé-
trie, tel était tout son petit bagage scientifique. » Il nous donne ainsi la
mesure du public auquel il s'adresse. Le « petit bagage scientifique »
nécessaire pour le suivre est vraiment si peu de chose que, parmi les
personnes qui s'intéressent assez aux questions scientifiques pour n'avoir
pas besoin de les avaler sous forme de romans, il y en a bien peu, croyons-
nous, qui ne puissent comprendre son ouvrage et y trouver agrément et
[)rofit. ^' Z.
Manuel pratique pour l'organisation et le fonctionne-
ment des sociétés coopératives de production, dans leurs
diverses formes, par Schulze-Delitzsch, avec la collaboration du docteur
Schneider. 2= partie. Agriculture, prêccdio cl' une lettre aux cultivateurs fran-
çais, par Benjamin Rampal. Paris, Guillaumin, 1878, in- 12 de 176 p. —
Prix : 2 fr.
Parmi les écoles socialistes qui se partagent l'Allemagne, celle de Schulze-
Delitzsch, et celle de Lassale, cette dernière plus radicale que l'autre, se
féunissent dans une guerre commune contre l'esprit religieux. Ce point de
ressemblance est assez significatif. M. Rampai, partisan déclaré des doc-
trines de Schulze, veut les faire connaître et les propager en France. Déjà,
il y a deux ans, il a publié un cours d'économie politique composé par le
réformateur allemand «< à l'usage des ouvriers et des artisans. » On y trou-
vait le texte des formules « relatives aux combinaisons industrielles. »
Aujourd'hui parait la seconde partie consacrée « aux combinaisons agri-
coles. »
L'éditeur s'adresse donc spécialemement aux petits cultivateurs, qu'il
voudrait voir réunis en association et développer ces « combinaisons prin-
cipales qui ont été proposées par Schulze et ses amis pour faire participer
la petite et la moyenne culture aux avantages attachés à la grande. »
Le but sans doute est louable ; mais sera-t-il atteint par les moyens pré-
conisés? Il est permis d'en douter. Car, sans parler de ce qu'il peut y avoir
d'utopique dans de semblables conceptions et la pensée que les sociétés
coopératives de production seront un remède infaillible, l'auteur parait en
réalité poursuivre beaucoup plus un but politique qu'une réforme écono-
mique. Celle-ci n'est pour lui qu'un prétexte; il faut arriver au règne de
ses doctrines. La Révolution a tout fait pour le peuple, qui n'était rien avant
elle, et est, sous elle, plus heureux que jamais. Depuis 80, aucun régime ne
s'est vraiment préoccupé de lui, l'Empire Ta étouffé, la Restauration n'a
rien fait, à peine quelque espoir de liberté en 1830. puis régime oppressif;
la République de 1848 elle-même « n'a été qu'une tentative avortée; »
l'Empire, « le règne de l'équivoque. » Aujourd'hui seulement s'ouvre une
ère féconde dont l'exposé amène la conclusion de la longue préface de
M. Rampai : <c Aimez la Révolution qui vous a faits ce que vous êtes, et
défendez la République, qui en est la fidèle et vivante expression. » Quoi
qu'il en soit et à titre de document, ce volume méritera d'être consulté par
ceux qui veulent se tenir au courant du mouvement coopératif. G. S.
X'îctop-Eiiiiïianuel, sa vie, sa mort, souvenirs personnels, par le comte
d'Ideville. Pai'is, Palmé, 1878, in-12 de 100 p. — Prix : 1 fr.
M. le comte d'Ideville a été attaché d'ambassade à Turin, en 181)9-1862;
cette situation l'a mis à même de savoir bien des choses; grâce à elle, il
connaît les Piémontais : aussi ne les aime-t-il pas, et ce sentiment parait
assez justifié dans les volumes déjà publiés par lui et dans celui-ci, simple
plaquette, dont quarante pajes sur cent, sont tirées d'un précédent ouvrage.
Hâtons-nous de dire, que ce ne sont pas les moins intéressantes, et qu'on y
trouve, sur l'éducation, la vie privée, le caractère de l'ex-roi de Piémont des
détails curieux et bien présentés. Toutefois nous avons en vain cherché dans
ce récit les anecdotes que le 'itre semblait promettre, et c'est là une lacune
regrettable, surtout en ce qui touche aux derniers moments du roi galan-
tuomo. Les circonstances de la visite du chanoine Anzino au Quirinal sont
encore si mal connues que nous étions fort désireux de savoir ce que
M. d'Ideville pourrait nous en apprendre; mais il a ici poussé la discrétion
jusqu'à ses dernières limites, et nous sommes forcés d'attendre un autre
historien pour être pleinement renseigné. Par ailleurs, du reste, je le répète,
les souvenirs personnels ne manquent pas de charme et ils font connaître
comme il doit l'être un souverain qui fut, en somme, plus heureux qu'il ne
l'a mérité. R.
Juix 1878 ~ — X XXII, 34.
— 530 —
I^e CJoncIave et le I»ape, par Mgr X. EJarbier de Montault, prélat delà
maison de Sa Sainteté. Paris, Oudin, 1878, in-12 de 175 p. — Prix : 2fr.
Livre d'actualité s'il en fût, et d'autant plus précieux pour les catholiques
qu'il répond avec la plus entière compétence à une foule de questions, et
donne les détails les plus exacts sur les cérémonies, et ce qu'on pourrait
appeler le rituel de l'élection des souverains pontifes. Sans doute, vu les
circonstances, certaines prescriptions canoniques n'auront pu être observées
dans le Conclave qui vient d'avoir lieu, et certaines formalités, notamment
de la prise de possession par le pape élu, n'auront pu être accomplies : mais
il n'en est pas raoinsd'un intérêt tout particulier de bien connaître, sur tous
les points, les règles et la tradition de l'Église, afin de mieux se rendre
compte de ce que le malheur des temps et la présence des Italiens à Rome
aura eulevé de liberté et de prestige extérieur à la papauté. Je dis extérieur
à dessein; car, après tout, la pompe d'un cérémonial n'est pas la souve-
raineté, ne fait pas le droit, et son amoindrissement momentané n'enlève
rien à la grandeur, à la majesté de la papauté, ni à la confiance pleine
d'allégresse des catholiques, saluant dans Léon XIII le successeur infaillible
de Pierre et le continuateur légitime de Pie IX. R.
Histoire d'une -vocation. M"* IVîcaaora Izarîé, par le R. P.
Lescœur, prêtre de l'Oratoire. Paris, .Sauton, 1878, in-18 j., de 234 p. —
; Prix : 3 fr.
Le dernier ouvrage du R. P. Lescœur est simple et édifiant comme la vie
qu'il retrace. M°* Izarié était une femme d'une grande vertu que la douleur
acheva de sanctifier. Après la mort prématurée de son mari, elle conçut le
projet de se donner à Dieu, mais elle fut bientôt emportée à son tour et ne
revêtit que dans le cercueil l'habit qu'elle avait demandé au Carmel, Les
personnes pieuses, que les vies extraordinaii'es étonnent quelquefois, ne
trouveront ici rien qu'elles ne puissent imiter; elles voudront connaître
cette servante de Dieu qui a vécu de leur vie, et qui est morte de la mort
des justes. G. P.
L.e Guide du pèlerin au3c Églises de Home et au palais
du "Vatican, par M»'"" Barbier de Montault. Arras, Rousseau-Leroy,
sans date, in-12, de si-496 p. — Prix : 3 fr.
On a écrit beaucoup de pages sur Rome et on en écrira beaucoup encore,
car le sujet est inépuisable. Toutefois un archéologue, un érudit, un prêtre
comme Rl^*^ Barbier de Montault n'omet rien de ce qui peut intérnsser le
pèlerÎQ et le savant. Tout est minutieusement étudié et a été contrôlé sur
place ; c'est précis, exact. Même lorsque l'on croit avoir vu, on apprend là
beaucoup de choses encore. L\ note sur le musée chrétien du Latran est ce-
pendant confuse et, pour les inscriptions notamment, laisse à désirer : elle
ne donne pas l'idée de leur sujet et de leur importance. Format commode,
cartonnage à l'c-nglaise, ordre alphabétique pour l'inventaire, tels sont les
avantages matériels d'un livre que l'on trouvera profit à étudier pendant
un voyage et que l'on aimera à feuilleter après le retour. H. de l'E.
La Vie de province en Grèce, par le baron d'EsTOURNELLE de
Constant. Paris, Hachette, 1878, in- 18 jésus de 304 p. — Prix : 3 f. 50.
Les personnes qui aiment les voyages au coin de leur feu ou sur le banc
— 531 —
de leur jardin ne liront pas sans plaisir le volume de M. d'EstournelJe de
Constant. Il y a là, sur la vie intime en Grèce, de curieux détails qu'à notre
connaissance, on n'avait pas jusqu'ici pensé à recueillir. Mais on perdra quel-
ques illusions : ainsi les femmes semblent, en Grèce, avoir laissé aux hommes
le privilège de la perfection physique. On voit, d'après cet aveu, queM.'d'Es-
tournelle doit être un voyageur sincère et véridique . 11 a cherché à s'initier à
la vie provinciale et ses nombreu'^es excursions, notamment sa visite à l'ancienne
Locride, sont narrées d'une manière agréable. Le volume se termine par
trois contes populaires dont l'auteur étudie avec soin les singulières
ramifications et dont l'origine est fort lointaine. M. d'Estournelle promet
un livre complet sur ces antique^ fictions. C'est une nouvelle qui sera
accueillie avec joie par les très-nombrenx amis de la littérature populaire.
Th. p.
Havai. Histoire de l'établissement du catholicisme dans cet archipel, par
P. TouRNAFOND. Paris, Lethielleux, 1877, in-lS de 322 p. —Prix : 3fr.
Depuis quelques années, le nombre des publications relatives à l'archipel
Havaien s'est assez multiplié. Toutefois, il nous manquait une histoire
un peu détaillée de l'établissement et des progrès de la religion catholique
dans ce pays. Le public français était obligé de feuilleter les annales de la
propagation de la foi pour rencontrer des renseignements souvent assez
incomplets à cet égard; telle est précisément la lacune que M. Tournafond a
entrepris de combler.
Ce n'est toutefois que dans les deux dernières parties de son ouvrage que
l'auteur entre résolument en matière. Les trois premières sont consacrées à
nous donner des détails sur l'histoire ancienne de l'archipel. Ainsi que
M. de Varigny, M. Tournafond se prononce en faveur de Don Gaétano,
navigateur espagnol, comme ayant visité le premier l'archipel d'Havai.
Force serait donc de supprimer ces îles de la liste des terres découvertes
par Cook. Nous n'approuverions qu'à moitié l'espèce de roman imaginé
par l'auteur pour nous raconter l'histoire des temps anciens d'Havai, depuis
ses premières relations avec les Européens. Il nous rappelle tour à tour la
mort tragique de Cook et les conquêtes de Kamea-Mea, le Napoléon de la
Polynésie. Mais ces détails sont déjà connus. La portion la plus intéressante
de l'ouvrage est bien certainement celle qui nous expose l'établissement des
missions protestantes, puis celui des missions catholiques. H. de C.
Cachemire et I*etît-Xhîbet, d'après les relations de M. F. Dreiv, par
le baron Ernouf; ouvrage enrichi d'une carte spéciale et de onze gravures.
Paris, Pion, 1877, in-12 de vi.336 p. — Prix : 4 fr.
M. Drew, ingénieur des mines distingué, a été pendant dix ans au service
de Ranbîr-Singh, maharaja de Cachemire. Occupé d'abord de recherches géo-
logiques et minéralogiques, puis chargé de l'administration des forêts, en-
fin gouverneur du Petit-Thibet, il a, à ces divers titres, et dans les meilleures
conditions, parcouru toutes les parties du royaume de Cachemire. Il a donc
vu beaucoup et bien., et le récit de ses voyages n'est pas la narration d'un
touriste ordinaire, mais celle d'un homme qui étudie les ressources du pays
avec une sollicitude éclairée pour l'honneur du prince auquel il est attaché,
l'amélioration de son gouvernement et le bien-être de ses sujets. Grande et
noble mission que M. Drew a remplie avec persévérance et succès. Son livi'e
contient de très-curieux et peu connus détails sur l'avènement de la dynas-
tie qui règne aujourd'liui dans les États de Junimoo, c'est le nom officiel du
Cachemire, sur le climat et la nature d'une contrée qui, pour tous les voya-
geurs, est une sorte d'Eden, enfin sur les moiurs et les paysages grandioses
du Dartistm, du Baltisvan et du Ladakh. Cette partie de son récit en est la
plus nouvelle ; elle est en même temps le complément naturel du bel ou-
vrage de M. Rousseler sur l'Inde des rajahs.
M. le baron Ernouf a traduit et livré au public français cette très-remar-
quable relation de cet ingénieur anglais ; il l'a abrégée et résumée sur quel-
ques points ; mais il l'a surtout complétée par de nombreux emprunts
faits à une vieille relation qui remonte au dix-septiéme siècle, mais qui
e^t toujours vraie, celle d'un voyageur de notre race. Dernier, qui le pre-
mier visita ces pays rigoureusement fermés aux Européens. Une bonne
carte et onze gravures ajoutent encore à l'intérêt de ce livre et à la recon-
naissince que tous les amateurs de voyages doivent à soa savant traducteur.
M. DE LA R.
Voyages Iiors de naa chambre. En Danemark, une excursion en
Suède, de Paris à l'Exposition de Vienne; la Hollande artistique, 'pa.r Victor
FouRNEL. Paris, Charpentier, 1878, in-12 de iv-384 p. — Prix : 3 fr. 30.
M. Victor Fournel n'est pas seulement un des plus spirituels chroniqueurs
et un des plus savants érudits de ce temps: c'est aussi un intrépide voya-
geur. Après les Vacances d'un journaliste et les Promenades d'un touriste,
voici les Voyages hors de ma chambre, en attendant les Voyages au pays du
soleil. Cette fois ce sont plutôt les pays du Nord que l'infatigable éciivain
a parcourus. En Hollande, il étudie l'art national dans les œuvres de ses
principauxreprésentants : Rembrandt, Van der Helst, Jean Steen; Rembrandt,
qui peint la Hollande lumineuse; Vau der Helst, qui peint la Hollande fieg-
matique; Jean Steen, qui peint la Hollande déridée.
De Hollande en Danemark, et c'est peut-être la partie la plus importante
du volume, M. Fournel a visité avec intérêt, disons mieux, avec amour,
ce vaillant petit peuple sur lequel sa défaite même a jeté un si vrai et si
héroïque éclat. U l'admire dans son courage, il l'admire dans sa poésie et il
se plait à citer des échantillons de cette poésie populaire d'un si vif et si
mélancolique attrait. Copenhague lui apparait avec un cachet d'honnêteté
bien rare dans les grandes villes. La Suède lui plait aussi, mais moins peut-
être, malgré sa dynastie d'oi'igine fnnçaise et les longs et intimes liens qui
ont uni jadis ce pays h la France. Et comment aller à Stokholm sans invo-
quer les noms de Gustave lll, de Stedingk et de Fersen ?
Un mois et cent pages suffisent à noir .' touriste pour visiter et décrire l'ex-
position de Vienne. Encore a-t-il pris le chemin des écoliers. Mais on a vu
déjà tant d'expositions et elles se ressemblent tellement toutes qu'on finit par
êlre blasé. Pourtant on aimerait à les [larcourir toujours avec d'aussi agréa-
bles conqiagnons de voyage que M. Fournel. il critique avec tant de verve
il peint avec tant d'humour. En quelques pages, il vous initie si complète-
ment aux mœurs de l'Autriche, à l'aspect de Vienne, aux merveilles de
l'exposition. Vienne en 1873, Paris en 1878, que de rapprochements entre
les deux pays et les deux peuples. Même entrain, même vie de plaisirs,
même insouciance et aussi, hélas ! mêmes redoutables problèmes de l'avenir.
L'auteur r/'sume tout ce qu'il a va à Vienne eu ce mot profond et triste :
— o33 —
« La décomposition morale d'un empire dans sa prospérité même.» Ne se-
rait-ce pas là, moins la prospérité peut-être, le spectacle que nous offrirons
aux visiteurs de notre Exposition de 1878? M. de laR.
Inde et Himalaya, souvenirs de voyage, par le comte Goblet d'Alvtella.
Ouvrage enrichi d'une carte spéciale et de dix dessins par Henrv de Mon-
taut. Paris, Pion, 1877. in-12 de 392 p. — Prix : 4 fr.
On a déjà tantécrit sur l'Inde qu'il semble vraiment superflu de consacrer
un nouveau volume à ce pays du soleil. M. le comte Goblet d"Alviella l'a
essaj'é cependant, séduit par les facilités exceptionnelles que lui donnait le
voyage de l'héritier de la couronne d'Angleterre dans le grand empire
asiatique. Sans cette présence du prince de Galles, en effet, il eût été
impossible d'assister à des spectacles aussi extraordinaires que l'assemblée
des rajahs à Bombay, la procession de la Dent sacrée à Ceylan, l'illumination
du Gange à Bénarès. Mais, en même temps, l'auteur s'enfonçait dans lespar-
ties éloignées de l'itinéi'aire officiel et pouvait ainsi saisir la vie hindoue dans
son développement naturel. Il a visité successivement Bombay, Ceylan, le
Nizam, Calcutta, la vallée du Gange, le royaume de Cachemire. Mais la partie
la plus curieuse de son voyage est certainement son excursion dans le
Sikhim et à l'Himalaya. De tout cela, M. le comte Goblet a composé un récit
qui, sans avoir rien de très-neuf, offre pourtant son intérêt. Malheureusement,
ce récit est déparé, en bien des points, par les préjugés et les passions anti-
catholiques qui, tout récemment encore, faisaient au nom de l'auteur, en
Belgique, une si fâcheuse notoriété. M. de la R.
VARIÉTÉS.
ï
LES lilBIJOTTlÈQUES AUX ÉTATS-UNI.'î
(Suite.)
Les villes en ont formé sur le même modèle, les Free toivn Hbraries, qui
ont en beaucoup plus de succès; quelques-unes n'ont rien à envier sous le
rapport de l'organisation ar,x plus grandes bibliothèques de l'Europe, et
nous décrirons plus loin celle de la bibliothèque de Boston qui peut en être
considérée comme le type le plus parfait. Ce sont là les bibliothèques popu-
laires et publiques par excellence.
Les bibliothèques, nous venons de le voir, sont considérées par les Améri-
cains surtout comme un moyen d'éducation et d'enseignement populaires; ce
doit être aussi, pensent-ils un moyen d'amélioration pour ceux qui n^ont
pas su d'abord puiser à cette école des leçons de vertu. Il ne semble pas, en
tffet, qu'en Amérique plus qu'ailleurs l'instruction ait contribué à élever lu
moralité. « La majorité des détenus dans les prisons du Nord et de l'Ouest
dit le rapport, savent lire, une forte proportion sait lire et écrire, etbeincotit)
avant leur emprisonnement, ont reçu un enseignement supérieur à celui
des écoles populaires. » La proportion des détenus illettrés varie, d'après un
rapport de 1807, d'un vingtième dans l'État de Vermont à un tiers dans celui
de Ne\\- York et dans le Wisconsin; dans le Sud, elle est plus considérable;
— 534 —
seize détenus seulement sur cent savent lire, au pér.itencier de la Caroline
du Nord. Les bibliothèques des prisons ont pour Ijut de coni|iléter leur
instruclion, el surtout leur éducati ju morale. Créées d'abord exclusivement
par l'initiative privée, elles ont bientôt, par leurs heureux résultats, attiré
l'attention et le concours de l'autorité publique. Ce bienfait a même été en
certains endroits assez apprécié de ceux qui en étaient l'objet pour qu'ils
aient voulu y faire participer d'autres détenus qui en étaient privés. Ainsi
la bibliothèque de la prison d'Alton (Illinois) a été fondée par les dons des
détenus de Charlestown (Massachussetts). Les rapports n eus par le Bureau
d'éducation attestent l'existence de quarante bibliothèques de prison conte-
nant ensemble 61,093 volumes. La plus riche se trouve au pénitencier (ie
Philadelphie-, elle compte 9,000 volumes, non compris un millier d'ouvrages
scolaires. Un contrôle sur les lectures est nécessaire, on le conçoit, dans les
prisons plus qu'ailleurs; dans l'IUinois et le Wisconsin, il va jusqu'à enlever
aux détenus la liberté de choisir leurs livres; partout ailleurs, on les laisse
libres de pr^'ndr!î ce qu'ils veulent, la composition de la bibliothèque étant
d'ailleurs rigoureusement surveillée. Les modes de distribution diffèrent
beaucoup, suivant les prisons ; tantôt le détenu, grâce à un catalogue mis à sa
disposition, peut inscrire sur une fiche plusieurs des livres qu'il désire,
parmi lesquels le bibliothécaire choisira celui qu'il jugera le plus convenable.
Lorsque le volume rentre sur les rayons, le titre disparait de la fiche de
l'emprunteur; tel est le système usité au pénitencier de l'Est, en Pensylvanie;
tantôt, comme dans les prisons de Sing Sing et de Clinton, à New York, les
prisonniers se rendent eux-mêmes à la bibliothèque, soit pour prendre les
livres, soit pour les rendre. Ce sont des livres de religion, de morale, d'his-
toire, de voyages, de science, des magazine?, même des romans, à l'exception
de ceux qui pourraient surexciter trop vivement l'imagination. Ainsi choi-
sies, ces lectures font du bien aux détenus, et ils les goûtent; le rapport en
constatent les heureux effets, tout en déplorant que, pendant les longues
nui'.s d'hiver, ces ressources d'instruction et de distraction manquent aux
pris'>nniers, faute de lumière, dont l'usage est interdit par les règlements.
Tontes les bibliothèques que nous venons d'énumérer s'adressent plus
spécialement au public populaire ; mais il n'est guère de grand corps dans
l'État, de service public, d'école, d'association revêtue d'un caractère olficiel
qui n'ait sa bibliothèque. Chacune a ses lecteurs spéciaux, et notamment les
anciens élèves de l'école à laquelle elle est attachée, qui ne l'oublient
pas dans leur testament, après avoir eu recours à elle de leur vivant ; et,
d'autre paît, l'institution, communiquant à sa bibliothèque le caractère de sta-
bilité et de permanence dont elle jouit elle-même, lui attire plus aisément
cette générosité privée que nous avons vue s'éloigner des bibliothèques fon-
dées par association. Ainsi l'Université d'Hitward possède une bibliothèque
générale, riche, en 1873, de 134,000 volumes, sans compter les brochures, et
de 227,630 volumes en y joignant les bibliothèqui s spéciales et celles des so-
ciétés scientifiques qui dépendent de l'Université. Le collège d'Yale, à la
même date, avait dans sa bibliothèque 18,000 volumes et 23,000 brochures;
l'accroissement annuel est de plusieurs milliers de volumes.
La théologie et les ouvrages religieux trouvent, aux États-Unis, d'assez
nombreux lecteurs ; toutefois, il est peu de bibliothèques publiques qui en
soient exclusivement composées, celle de Boston, fL.ndée en 1860, et qui
compte aujourd'hui 12,000 volumes, en fournit un rare exemple. L\ théologie
a sa place soit dans les bibliothèques des séminaires, soit dans celles des
facultés de cette science ; quand la bibliothèque n'est pas attachée à une
faculté, elle ne se borne pas aux seuls ouvrages de théologie, mais elle com-
prend aussi tous ceux qui sont nécessaires à une éducation ecclésiastique
complète. La plus ancienne, la bibliothèque catholique du séminaire de Sainte-
Marie de Baltimore, fondée parles Sulpiciens, en 1791, compte aujourd'hui
15,000 volumes; après elle, par ordre d'ancienneté, vient la bibliothèque
fondée par John Anderson, nommé en 1794, professeur à V Association sacer-
dolale [Presbilery associate) de Pansylvanie. Les progrès de ces bibliothèques
commencent à s'accuser depuis vingt-cinq ans. Presque toutes les commu-
nions représentées aux États-Unis y ont des séminaires, et chacun d'eux a sa
bibliothèque. 11 y a aujourd'hui, aux P^tats-Unis, 120 à 180 séminaires; les
mieux fournis en livres, en 1838, possédaient 3,000 volumes; aujourd'hui,
deux d'entre eux en ont jusqu'à 30,000, trois rjépassent le chiffre de 20,000,
huit celui de 15,000. En 1838, tous les séminaires réunis atteignaient le chiffre
de 100,000 volumes; aujourd'hui, il est de 5 ou 600,000. Avant leur fondation,
réducation cléricale, s^' faisant dans les collèges, imposait à ces derniers
l'obligation de faire une place à la théologie dans leurs bibliothèques ; elle
l'a gardée encore maintenant que les séminaires existent, et cette place est
même assez large, ce qui n'empêche pas les travailleurs de se plaindre de
l'insuffisance des instruments mis à leur disposition. De riches collection'^,
acquises à l'étranger et notamment en Allemagne, sont venues atténuer ces
regrets. Entre toutes les bibliothèques de théologie, le rapport dislingue
particulièrement celles des catholique^, elles se signalent par un choix plus
grand des ouvrages consacrés à l'explication du dogme el de la morale, à la
littérature ecclésiastique, principalement à l'histoire et à la biographie reli-
gieuses; toute science d'ailleurs est la bien venue sur leurs rayons, on y trouve
même les œuvres des adversaires, pour peu qu'ils aient une valeur scienti-
fique; l'histoire universelle, inséparable de celle de l'Église, les monuments
de la littérature que ses moines nous ont conservés, les découvertes de la
science si importantes par les armes que la foi peut et que l'incrédulité pré-
tend leur emprunter ; tout lecteur, catholique ou non, est également bien
accueilli dans leur enceinte. Aussi jouissent-elles, au-delà de l'Atlantique,
d'une popularité dont le rapport s'est fait justement l'écho.
Les autres sciences et les autres écoles ont aussi leurs bibliothèques spéciales;
l'étude du droit a fait surgir des sociétés dont rhticune a sa bibliothèque où
le chiffre des volumes varie de quelques centaines à 20,000. Elle a ses écoles
au nombre de 38, sur lesquelles 21 ont leur bibliothèque, où le minimum est
de 300 volnmes et le maximum de 20,000. La plus importante est celle de
la faculté de droit d'Harward, qui possède, proportionnellement, d'après le
rapport, plus de documents juridiques et législatifs anglais que les bibliothè-
ques anglaises n'en possèdent d'américains. Et pourtant, quelques-unes des
bibliothèques d'Angleterre datent de plusieurs siècles : celle de Lincoln s' Inn
àLondres, entre autres, remonte à 1497. Trois catégories de documents, exclus
par leur excessive abondance des bibliothèques privées, affluent dans les bi-
bliothèques publiques de droit, les lois municipales, celles de l'État ou de
l'Union, qui s'impriment toutes ; les commentaires de ces lois, et les rapports
judiciaires.
La médecine a réuni, depuis un siècle, dans les écoles etjes hôpitaux, 2 ou
300,000 volumes. Il y en a peu qui aient une valeur sérieuse, mais il y a à
prendre dans tous. Le rapport ne mentionne que les bibliothèques médicales
d'une certaine importance, celle de Boston, de Philadelphie, de New York,
- 536 —
de CindonAÛ et de Washington. Les joumanx de médecine et les tbèse? docto-
rales y oicopent la pins grande place.
Les ;cien>!es mathématiques et tes sdenees physiques et naturelles sont assez
mal représentées dans les bibriothèques américaines : parmi eeUes qui
essayent de comi)Ier cette lacune, U faut citer la bibliothèque du Gtmgrês à
Washington, la bibliothèque de Boston, la bibliothèque Astor à New York et
riastitm Peabodj à Baltimore ; à lenr défaut, il faut recourir aux bibliothè-
ques des sociétés scientifiques, trés-peu nombreuses encore, qui existent aux
États-Unis .
LTiistoire locale a proToqné les étaifô de 160 sociétés nées depuis 1789
suor le sol américain; leurs btbliothèqaes, d'après les rapports reçus au Bureau
dTdacation, réunissent aujourd'hui 483,000 rolumes et 568,000 brodiures.
La SocitHi^ hisioTique de Massmthvssetts, fondée la première, en l'791, a ras-
semblé un millier de manuscrits ; la SaeiéU histmique de .Tew York en compt'^
15,000 : le chiffire de ceui de toutes les s*3ciétés réunies s'élèTe à 90,132 : elle>
ont été longtemps les seules à en posséder arant l'organisation des biblio-
tbèques d'État. Elles se recrutent, en général, comme nos sodétés firaoçaises,
c'esC-À-dire par l'élection de membres payant une cotisation ; les fonds ainsi
obtenus servent à publier des mémoires consacrés à llûstoire locale. Le
rapport leur assigne im râle social important : dérelopper aux États-Unis l^
gaùt des études généalogiques tout à fiit propres à entretenir le sentimen*
répablicain en rattachant à une tige unique et primitiTcles plus grandes e):
les plus hambtes fimiUes d'un même pays, «citer le patriotisme en
réTeillant ces souvenirs locaux qui font aimer au dtoywi le sol natal,
ramener vers le passé les regards du peufde américain toajoors trop porté k
reg^rder raveuir. onblieux du culte des ancêtres et de la tradition qui.
seule, assure la grandeur d'un pays. Seules, ces sociétés ou Cifux de lenr^
membres qui ont puisé chez elles la curicâté de l'érudit sont capables d'aecn-
moler ces reUipies du passé pour la redierche et la déeouTerte desquelles :I
faut compter bien plutôt sur l'amonr-propre sdraitifiqne que sur le àf^ouf-
ment auxiatérh'ts publics, quoique ceux-ci finissent toujours par en profiter.
Au-dessus de foutes ces bibliothèques se trouTent celles des etvps électifs et
des hautes administrations de ITtât ; la plupart sont exelusivement ouvertes
au personnel du ci>rps dont elles dépeEident ; chaque État a la sienne, qui
présente à peu près et en petit les caraetères que nous retrouverons toot à
i'heare dan? ta bibliothèque du Congrès. CeUe du département d'État, dont
la création date d'une résolution du Congrès do 23 septemfere i789, est aTan*:
tout une bibliothèque diplomatique, elle renferme surtout des eoUedion^
de lois étrangères, d'histoire étrangère et diplomatique, des traités de
science politique ; elle compte aujouidlini, autant qu'on en peut juger en
Uabsence du catalogue aetneUemort en cours d'exécution, aarirmi 23,000
volumes; eifons aussi celles de la Trissrerû. qui ne remonte en foit qu'à J86T
et qui compte déjà 8,430 volumes dont beaucoup de gâographie et d'hisfuiie.
celles du Bmntm de $taiisëiqui, du Fini audiltir Office.
Une bibliothèque qui domine toutes les précédentes et qui s'en distingue
surtout depuis qne la lé^slature des États-Unis en a fait leur Bibliothèque
nationale, c'est celle du Congrès étabSe comme lui d'ahord à Philaddpliie.
puis à Washington. Grâce à deux vadtes du Congrès, l'an de 72,500 dollars.
l'autn* de Tô,0*)O dollars, sa bibliothèque", devenue la Bi!i>lirtbèque national^?
ëff:^ États-Unis, a pu se relever dri terrible incendie qui, en 1835, la réduisit
de .ô3,€0*> à2!f>.ÔC0 volumes, et maintenant elle est à l'èprerive du feu ; elle est
— o3T —
consiraite entièrement en fer à Tintérieur : elle a pu regarnir ses ravons
dévastés. Depuis lors, elle s'est encore accrue de la bibliothèque Smithso-
nienne, Tune des plus riches qu^il y ait au monde en sciences naturelles et en
sciences exactes : de la bibliothèque Force, comprenant plus de 60,000 ouvrages
et documents tous relatifs à la colonisation et à l'histoire des États-Unis. Dotée
d'une allocation annuelle de 10,0<J0 dollars, augmentée de jour en jour
et sans frais pir le dépôt légal, cette bibUothèçue compte aujourd'hui 300,000
volumes et 60,000 brochures. Les dépenses v sont contrôlée? par un comité
composé de trois sénateurs et de trois représentants, qui ont le droit de fdire
tous les règlements nécessaires. Le prêt des livres, restreint à l'origine aux
seuls membres du Sénat et de la Chambre des représentants, au présiden'. et
au vice-président des Etats-Uni?, a depuis été étendu à tous les hauts fonc-
tionnaires de l'État. Rien dans le rapport n'indique que depuis ces limites
aient été dépassées. 11 est regrettable pourtant que dans un pays comme les
États-Unis, qui se pique d'être la pairie de toutes les libertés et où il n'y a
pas de place pour les privilèges, les gouvernants se soient réservé celui-là,
bien moins jusiitiable que ceux qui les choquent chez d'autre? nations.
La lecture est considérée aux États-Unis comme le supplément indispen-
sable d'un enseignement forcément écourté, et si elle n'est pas devenue
obligatoire, comme Uinstruction elle-même l'est aujourd'hui dans bon
nombre d'États, du moins particuliers et pouvoirs publics n'ont rien épar-
gné pour la rendre attrayante, et en faire, pour ainsi dire, une obligation
morale à chaque citoyen par la facilité qu'il a de s'y livrer. Mieux vaut,
pour l'amélioration d'un peuple, et même au seul point de vue économi-
que, construire des bibliothèques que des prisons et des maisons de correc-
tion. Telles sont les idées qui ont fait surgir ces bibliothèques ouvrières,
dues tantôt à la générosité d'un patron intelligent, tantôt à l'association
des travailleurs, et surtout les bibliothèques vraiment publiques, les Fre-e
iowm librarics. soutenues par des taxes locales et par des donations privées,
regardées comme une branche de l'administration, et où tout citoyen parti-
cipant aux charges de la ville a le droit de venir lire et emprunter des
livres. Ce ne sont pas là. en eflFet, des bibliothèques ouvertes exclusivement
aux gens d'étude, aux hommes des carrières libérales, mais à toute la popu-
lation municipale. Toutefois à côté ou au-dessous de la salle d'étude, il y a
la salle de lecture : là se rencontrent louviier des usines, le journalier, la
couturière, les employés de commerce, tous ceux qui veulent lire quels
qu'ils soient. Tout est mis en œuvre pour leur rendre le local agréable,
tapis, fleurs et autres ornements, chauffage et éclairage qui ne coûtent rien ;
tel est le coup d'œil que présente chaque soir la salle de lecture de Newbu-
ryport (Massachussettsl.
De toutes les bibliothèques des États-L'nis, celles de ce ce genre sont peut-
être les plus intéressantes à étudier ; parce qu'elles sont une institution
populaire spéciale au pays et à la société au sein de laquelle elles fonction-
nent, et dont elles accusent le mieux le caractère et les goûts; il n'en est
peut-être pas dont l'organisation soit plus compliquée, en raison des
besoins si nombreux et si variés cpi'elles sont appelées à satisfaire. C'est
donc sur elles que portera notre étude et principalement sur celle qui peut
en être considérée comme le type le plus par faut jusqu'à ce jour, la biblio-
thèque publique de Boston. Nous nous réservons seulement de signaler en
leur lieu les détails qui, chez d'autres, méritent Fattention, et Ks organes
spéciaux dont elle peut se passer, mais qui sont nécessaires ailleui's.
— ans —
Pour les Américains, le journal, la revue, le magaz-iiw ont une impor-
tance énorme; dans cette démocratie si occupée à faire fortune, on n'a
pas le temps de lire le livre, des hommes fort intelligents, des hommes
d'affaires surtout ne lisent pas un volume par an, mais ils .trouvent une
heure par jour pour lire un journal. Le journal aura de plus pour eux cet
avantage, qu'il pourra reprendre le lendemain la discussion commencée la
veille et y revenir jusqu'à entière conviction du lecteur ; il rend compte, à
mesure qu'ils se produisent,des événements et des découvertes de la science.
Le journal, la revue, c'est là le principal attrait de la Free iown library. Tel
de ces établissements, la Cooper Union de New York, par exemple, eu
reçoit jusqu'à 318, presque tous en lecture chaque soir; la bibliothèque est
donc fondée plus que tout autre établissement à demander avant tout à une
taxe municipale ses moyens d'existence, c'est là le véritable mode d'entre-
tien d'une institution d'intérêt aussi général. Aussi l'autorisation de l'État
nécessaire pour la levée de cette taxe ne souffre-telle aucune difficulté. Un
bureau de directeurs est chargé de la surveillance du personnel, mais non
du maniement des fonds; la gestion en appartient soit au bureau d'éducation
de l'État, comme dans l'Ohio et l'Indiana, soit à un bureau spécial, comme
dans riUinois, chargé en même temps d'exercer un contrôle sur les direc-
teurs. La bibliothèque, outre le revenu fixe provenant de la taxe locale
trouve souvent un moyen d'accroissement dans les bibliothèques des sociétés
savantes de la ville, qui viennent s'abriter sous son toit.
Une fois en possession d'un local et de revenus fixes, il faut à la Free tow7i
library une clientèle; elle cherche les lecteurs et les emprunteurs,corame les
marchands cherchent l'acheteur; et fait très-peu de difficulté pour les admet-
tre. A Boston, il suffit de la simple signature d'une personne déclarant qu'elle
connaît l'emprunteur, pour qu'un inconnu puisse emporter les livres de la
bibliothèque ; en Angleterre, à Manchester, on exige, dans ce cas, une somme
égale à la valeur du livre emporté. Cette facilité est un encouragement puis-
sant à la lecture ; à Boston, 90,000 personnes sont inscrites suries registres de
la bibliothèque, et les deux tiers des inscrits y ont effectivement recours; et
il ne semble pas que la bibliothèque ait à soulfrir d'un excès de confiance; les
volumes empnmtés reviennent pour la plupart, le vol est chose rare et les
pertes, quand il yen a, proviennent surtout de la négligence. Sur une circu-
lation annuelle de 6,475,346 volumes dans les bibliothèques qui ont founni un
rapport, il se gâte 9,089 volumes, il s'en perd 3,068, soit une perte totale
de 12, lo7 volumes ou 0,2 0/0. Le danger le plus sérieux de pertes provient
des déplacements fréquents auxquels est sujette la population ouvrière,
bien que, d'après le rapport, les habitudes d'ordre et de régularité que lui
fait contracter l'organisation des usines tendent à l'atténuer. Toutefois,
pour pai'er à ces inconvénients, la surveillance la plus active est nécessaire.
Le procédé employé à Boston consiste à inscrire les sorties sur les fiches
séparées et renfermées dans un casier où chaque jour du mois a son com-
partiment. Chaque lecteur présente avec le livre qu'il rapporte le double
de la fiche du casier, ce qui permet de la retrouver immédiatement et d'y
effacer le volume rendu, et tous les jours, un coup d'œil jeté sur la case
renfermant les fiches des volumes pour lesquelles la date de rentrée est
arrivée permet d'envoyer une lettre d'avis aux retardataires. Les habitués,
sous peine de perdre leurs droits, sont tenus de prévenir la bibliothèque
d'un changement de domicile. Une revue mensuelle des rayons permet, en
outre, de se rendre compte de ce qui est à la reliure ou en circulation,
— 5?9 —
et d'apercevoir ainsi les volumes dont l'ahsenco ne serait pas justifiée.
Les périodiques qu'on ne peut laisser sur la table à la disposition du
public sont placés dans un casier derrière le bureau de l'employé, de
façon que le public puisse en voir les titres. A la place de chaque pério-
dique, demandé, l'employé met une fiche portant son titre et le nom
de l'emprunteur, cette fiche ne disparait que quand la livraison re-
vient.
Une mesure utile, sinon toujours etficace, pour assurer le respect des
livres, soit à l'intérieur des bibliothèques, soit au dehors, consiste à y
insérer des signets de couleur portant promesse d'une récompense aux
dénonciateurs de toutes personnes qui gâtent les livres, en y écrivant, en
déchirant ou en maculant les feuillets, et l'indication de la peine dont est
passible quiconque se rend coupable d'un acte de cette nature. Celte peine,
dans l'État de Massachussetts, consiste en une amende de cinq dollars au
minimum et de dix au maximum, et d'un emprisonnement qui peut durer
jusqu'à six mois.
Ces rigueurs sont justifiées par les facilités que les bibliothèques pro-
curent à leurs lecteurs; il n'y en a peut-être pas au monde qui en soient plus
prodigues, on y va, pour ainsi dire, au-devant des désirs respectables du
public. Elles mettent à la disposition du lecteur, sur la table où il travaille,
des bulletins imprimés où il peut formuler les demandes de livres qui
manqueraient à la bibliothèque, ou dont elle ne posséderait qu'une édition;
ce bulletin renferme une notice sommaire indiquant combien de temps il
faut à l'ouvrage demandé pour ai'river à la bibliothèque et être mis en
lecture; la bibliothèque de Boston aime mieux, en effet, s'adresser au lieu
même de provenance que de recourir à des libraires américains, dont le
bénéfice se ferait à ses dépens; les lois de l'Union facilitent ce procédé
en affranchissant de droits d'entrée les livres à destination des bibliothèques
publiques. La bibliothèque fait faire ses achats par ses correspondants de
Londres, de Paris, de Berlin; ces correspondants se tiennent au courant de
ce qui paraît dans leurs pays, du prix des livres, des ventes publiques;
la bibliothèque leur laisse une certaine marge sur les prix d'achat, mais
elle a soin de les faire surveiller. Quand le livre demandé est arrivé, elle
en fait prévenir l'intéressé. Chaque travailleur a sa table, et, sur cette table,
des rayons, où les livres restent à sa disposition autant de jours qu'il en
a besoin, s'il ne préfère les emporter chez lui, ou si quelque motif s'oppose
à leur déplacement. Il faut dire toutefois que les bibliothécaires améri-
cains, si complaisants qu'ils soient pour le public, ne font de pareils frais
que pour le véritable travailleur.
Ce n'est pas à dire que les intérêts du commun des lecteurs soient ou-
bliés; le principe qui domine toute l'organisation des bibliothèques
publiques, c'est qu'elles doivent être ouvertes à tous les citoyens. Mais,
dans une grande ville comme Boston, bien des gens ne liraient jamais un
livre s'il fallait perdre trop de temps à l'aller chercher. Aussi la biblio-
thèque centrale a-t-elle des succursales, des branches, dans chaque quartier
de la ville, elle en compte dix à ce jour, avec lesquelles elle est en l'ela-
tions continues, pour leur envoyer des livres ou recevoir ceux qui en re-
viennent.
A chaque envoi de livres, le bibliothécaire vérifie s'il contient bien ceux
qu'il a demandés, et rien que ceux-là, puis les volumes reçoivent l'estam-
— o40 —
pille de la ])ibliolhèquo à la proinièro page et dans un autre endroit dont
on a soin de prendre note, une étiquette est mise au dos, puis on l'inscrit
sur la liste du contenu de chaque case et de chaque rayon. Ces listes, une
fois dressées, constituent de véritables répertoires, finding list, dont la
bibliothèque de Chicago, reconstituée en t87i, après l'incendie de la ville,
nous offre les spécimens. Pour obtenir l'impression gratuite et en assurer
l'écoulement, la bibliothèque a autorisé l'iniprimcur à insérer des annonces
en tête et à la fin du volume.
Dans les grandes bibliothèques, chaque opération que comportent le
triage et la mise en place des nouvelles acquisitions est confiée à un em-
ployé spécial dont le bureau est en communication directe avec la salle
où sont déposés les livres à leur ai'rivée.
Ce premier travail suffit pour permettre de communiquer sans trop
grand danger de perte les volumes au public. Toutefois, quand ils sont de
nature à être très-demandes, la bibliothèque commence par les faire re-
lier avant de les mettre en circulation. Tous les bibliothécaires se pro-
noncent en faveur du cuir comme matière première, les reliures en carton
ou en toile n'ont jamais que quelques jours à vivre, dans les conditions qui
leur sont faites aux Etats-Unis; parmi les cuirs, le maroquin d'Orient est
de beaucoup meilleur, la peau de veau est trop sujette à se fendre sur les
joints; le cuir de Russie aie même inconvénient que ne compense pas
l'avantage indûment prétendu d'écarter les vers par son odeur. Quant à la
couleur, le rou^c est préférable, les autres ont le défaut de prendre à la
longue une teinte sale. Le rapport ne serait pourtant pas éloigné de con-
seiller la -différence des couleurs dans la reliure comme un moyen facile
de classification. C'est un usage qui peut se recommander de l'autorité du
British Muséum où la reliure rouge est réservée à l'histoire, le bleu à la
théologie, le jaune à la poésie, le vert à l'bistoire naturelle. Les Améri-
cains, du reste, n'ont pas réussi à égaler sous ce rapport les ouvriers euro-
péens, et c'est encore en Europe, et surtout à Paris qu'ils envoient relier
leurs livres. Dans leurs bibliothèques, fréquentées surtout le soir, on a
reinarqiiè aussi que l'action du gaz était nuisible aux reliures, ce qui con-
duira certainement toutes les bibliothèques à n'admettre dans leur salle de
lecture que les livres indispensables, c'est-à-dire les livres de renseigne-
ments, et à prendre les moyens de ventilation les plus efficaces, pour com-
battre ce danger.
Nous venons de voir à quoi s'en tenaient, en fait de catalogue, les biblio-
thèques qui, comme celle à peine renaissante de Chicago, sont forcées de
courir au plus pressé; elle compla't déjà, en 1876, au lendemain de l'in-
cendie qui l'avait détruite, 49,000 volumes : chacun a sa fiche; elles sont
réparties dans de grandes divisions : histoire, biographie?, voyages, avec
des subdivisions où les titres se suivent par ordre alphabétique.
Mais ce système, aussi simple que possible, ne peut suffire aux grandes
bibliothèques; celles-ci doivent faire imprimer leur catalogue et le tenir
sans cesse au courant à l'aide de suppléments qui, à certains intervalles,
viennent se fondre dans le corps de l'ouvrage. Un catalogue bien fait d'ùt
pouvoir réjiondre à une foule de questions. Avez-vous tel ouvrage de tel
auteur? Lequel de shs ouvrages avez-vous? Avez-vous tel livre sur lel sujet?
Quels livres avez-vous sur ce sujet? Quels livres avez-vous dans tel genre ou
dans tel langue? Le catalogue qui répondra à toutes les questions possibles
ou au plus grand nombre sera le meilleur. Mais cet idéal est encore ù
trouver, et les Américains n'y ont pas réussi mieux que d'autres, bien qu'ils
aient peut-être fait plus d'efTorts. A toutes les questions que nous venons de
poser, à toutes celles qu'il est possible de poser, ils ne se ilatlent pas d'avoir
pu donner la meilleure et la dernière réponse; ils se contentent seulement
d'indiquer comment, en fait, elles ont été résolues dans les bibliothèques les
mieux organisées de leur paj^s.
Le catalogue ])ar ordre de matières semble, au premier abord, le plus
simple; il a l'avantage d'indiquer, pour un seul sujet, tous les auteurs qui
l'ont traité et que possède une bibliothèque, et de présenter ainsi au lecteur
la question qu'il étudie sous des faces qui auront pu lui échapper. Mais,
d'autre part, ces catalogues exigent de ceux qui les consultent des connais-
sances bibliographiques plus grandes que celles du commun des lecteurs ;
chaque personne, même instruite, et peut-être surtout la plus instruite,
s'est fait à l'avance sa classification, qui ne correspond pas toujours avec celle
de la bibliothèque, et qui l'empêche de chercher le livre qu'elle désire là où
il se trouve. Pourtant ce système a ses partisans qui clierchent à en atténuer
les inconvénients, c'est celui qu'a suivi M. William Ilarris pour la School
Library de Saint-Louis. Il y applique, en les niodiliant, les règles de la clas-
silication de» sciences données par Bacon. Le catalogue à'Araherst Collège,
qui repose aussi sur l'ordre des matières, le combine avec le système dé-
cimal, qui établit une correspondance entre la place des livres sur les
rayons et leur place dans le catalogue. Ce système consiste à réunir par
groupes de dix, sous un titre général de pays ou de science, les noms des
branches de cette science ou des provinces de ce pays, ou des régions et des
sciences les plus voisines, quand le titre choisi comme chef de dizaine ne
peut réunir autour de lui un nombre sufnsant de divisions; chaque chef de
dizaine porte un numéro décimal, les numéros intermédiaires sont affectés
à 565 dilférentes branches.
La bibliothèque publique de Boston et la Mercantile Library de Brooklyn
ont adopté pour leurs catalogues la forme du dictionnaire, c'est-à-dire que
l'ordre alphabétique y sert de point de départ à la classification ; mais l'index
qui termine l'ouvrage vient corriger ce que cette classification a d'artificiel.
Toutefois, tandis qu'à Boston les ouvrages sont rangés par ordre ali)habé-
tique de noms d'auteurs, sans distinction de sujets, que l'index seul est
appelé à établir à la fin du catalogue, à Brooklyn le catalogue comprend
un certain nombre de divisions : Biographies, Contrées, Fictions, Pièces de
théâtre, où les ouvrages sont disposés par ordre alphabétique.
Quant aux périodiques, un catalogue leur est plus nécessaire peut-être
encore qu'aux livres : sans lui, des articles très-bien faits, où des spécialistes
ont concentré les résultats de longues années d'études, seront perdus pour
le lecteur, qui ne saura où les trouver; la revue est du reste, nous l'avons
dit, beaucoup plus lue que le livre aux États-Unis. M. Robinson, bibliothé-
caire de l'Université de Rochester, a trouvé le moyen de dresser, pour le
fonds confié à ses soins, un catalogue de lo,000 articles, c'est-à-dire plus que
la bibliothèque ne contient de volumes. Ce catalogue consiste en un casier
dont chaque compartiment est destiné à telle lettre de l'inventaire. Pour
une lettre il peut y avoir un ou plusieurs volumes, suivant le chiffre des
articles catalogués ; dans ces volumes, les feuilles, dont chacune est consa-
crée à un ou plusieurs articles, au lieu d'être reliées, sont attachées seule-
ment au dos avec du fil de relieur; chaque feuillet a une dimension de
8 pouces de hauteur sur o 1/2 de large ; on en ajoute au fur et à mesure
— 542 —
que le dépouillement des périodiques grossit le chiffre des articles inven-
toriés.
Il est un genre de documents qu'il importe de recueillir et, par suite, de
cataloguer, mais dont on ne peut imposer la charge aux petites bibliothè-
ques : ce sont les placards, affiches, annonces, qu'il appartient aux princi-
pales bibliothèques d'une région de l'éuuir : à celle de Boston pour la
Nouvelle-Angleterre, à celles d'Albany ou du Congrès, ou à la Library
Company de Philadelphie pour le Centre; à celle de Cincinnati ou de Chi-
cago pour l'Ouest; à la Mercantile Library de San Francisco pour la côte du
Pacifique, La part des petites bibliothèques locales, dans ce travail impor-
tant, doit être de servir d'intex'niédiaire entre le dépôt central de la région
et les personnalités ou autorités locales dont émanent les documents. Il est
bien peu de ces brochures^, journaux, placards imprimés ou manuscrits,
photographies, caricatures, chansons, d'un intérêt si mince aujourd'hui,
auxquels un laps de quelques années ne puisse donner une valeur histo-
rique.
Une source d'ennuis sans fin pour le bibliotl^écaire qui prétend adopter
l'ordre des matières dans son catalogue, ou pour le lecteur qui cherche un
volume sur tel sujet, c'est la bizarrerie des titres adoptés par les auteurs.
Qui soupçonnerait, par exemple, une série d'esquisses biographiques sous
ce titre : Étoile du matin du Nouveau-Monde? (Morning Star of the New
World.) Quelqu'un prépare sept essais religieux, il les réunit sous le titre de
Se2)t Dimanches orageux {Seven stormy Sundays). Un éditeur, dans ses mo-
ments de loisir, et par complaisance pour ses amis, s'abandonne à son
goût pour la puésie; au lieu de faire imprimer ce passe-temps sous le titre
de Poésies diverses, il lui donnera le titre suivant, également incompréhen-
sible en anglais et en français : Asleep (sommeil) in sanctum. Quelquefois
l'éditeur ne se contente pas à moins de deux énigmes, aussi trouve-t-on, à
la suite d'un titre tel que la Grande Roue de fer, un sous-titre ainsi conçu :
Républicanisme en arrière et Christianisme à rebours, par J.-R. Graves.
L'étrangeté du titre est une réclame de plus, dans ce pays qui en est la terre
classique ; elle jure parfois tellement avec les sujets eux-mêmes, qu'elle en
devient grotesque : un recueil de maximes des Pères s'intitule la Vharmacie
spirituelle. Mèches allumées au feu divin, Six pennys d'esprit divin, Quelques
beaux biscuits, cuits dans le four de la charité, soigneusement conservés pour
les poussins de l'Église. Voilà des titres d'ouvrages assez ridicules. Et c'est
quelquefois ce qui fait leur succès ; les lecteurs les achètent, s'attendant à y
trouver tout autre chose que ce qu'ils renferment. Ruskim a trouvé, parmi
les bergers du Maryland, beaucoup d'acheteurs pour son traité de doctrine
et de discipline ecclésiastique intitulé Notes sur la construction d'une bergerie.
Ces braves gens espéraient bonnement y trouver des conseils sur la manière
d'abriter leur bétail. On comprend après cela que M. Disraeli ait pu dire:
« Si vous demandez à un auteur quelle partie de son livre lui a coiité le plus
de peine, il répondra que c'est le titre. «
Le zèle des bibliothécaires américains ne s'arrête pas aux frontières de
leur pays, c'est chez eux qu'est née l'idée d'un catalogue international, et
c'est à M. Justin Winsor, de la bibliothèque publique de Boston, qu'il faut
en faire honneur. Il réclamait, dans la Semaine des éditeurs, l'envoi, par
chacun d'eux, de pluseiurs exemplaires d'une fiche imprimée, contenant
l'indication de chaque livre publié par eux, avec une courte notice, et des-
tinée à figurer au catalogue. Celte idée fut accueillie avec faveur, et, le
— 543 —
20 mai 1876, le même journal proposait d'imprimer ces fiches en nombre
suffisant pour qu'on en put envoyer aux bibliothèques qui en demande-
raient. Le 18 mai 1876, un correspondant de l'Académie royale de Londres
se faisait, dans le Times, l'écho inconscient de cette idée : « Quand j'étais
bibliothécaire, éci'ivait-il, je me suis toujours étonné de l'énorme perte de
temps que causait le catalogue. Tout en écrivant ma fiche, suivant les règles
usitées en Angleterre, je me disais que, probablement à la même heure,
des centaines d'individus, dans le monde entier, étaient occupés au même
travail que moi, qu'il serait beaucoup plus simple, une fois ma fiche rédigée,
de la faire imprimer et de l'envoyer à toutes les bibliothèques de l'Europe,
et bien facile à toutes ces bibliothèques elles-mêmes de se charger de faire
ainsi, sur fiches imprimées, le catalogue de toutes les publications de leur
pays, à la Bibliothèque nationale de Paris celui des ouvrages français ; à la
Bibliothèque royale de Berlin, à celle de Saint-Pétersbourg le catalogue des
ouvrages allemands et celui des ouvrages russes, et de se les envoyer les
uns aux autres ; la dépense serait insignifiante et permettrait de publier
trois ou quatre catalogues : un catalogue alphabétique par noms d'auteurs,
un catalogue par matières, un catalogue par pays, un catalogue chronolo-
gique à l'usage de toutes les nations comprises dans cette union bibliogra-
phique. Les bibliothèques trop pauvres pour acheter les livres auront
toujours avantage à en connaître l'existence ; l'économie réalisée sera con-
sidérable, car cette mesure amènerait une réduction notable de l'état-major
des bibliothécaires et des frais de confection des catalogues. » D'autres
moyens pourraient d'ailleurs produire les mêmes résultats, à la condition,
toutefois, d'une entente préalable entre les bibliothécaires des différents
pays. On pourrait demander à l'auteur lui-même de rédiger la fiche de son
ouvrage, et en exiger l'envoi par l'éditeur en même temps que celui du
volume; ce serait un moyen de diminuer et le travail et les frais à la
bibliothèque même. J. Vaesen.
(A suivre.)
Il
UNE LETTRE INEDITE DE VOLTAIRE
On sait que Voltaire, si riche en invectives contre ceux qui se permettaient
de le contredire et de le combattre, ne marchandait jamais les éloges quand
il s'agissait d'un frère, d'un cacouac, comme il appelait les adeptes enrôlés
ious les bannières de V Encyclopédie. Le nom valait bien la chose. Ce n'était
pas seulement aux réputations établies qu'il prodiguait les éloges ou les
compliments. 11 n'est pas de rapsodie en prose ou en vers, pas de débutant
de province ou de l'étranger qui n'ait reçu de lui quelque apologie ou
quelque épitre flatteuse, pourvu qu'il reconnût ou entrevît le cachet de l'es-
prit philosophique.
Que de brevets de génie délivrés par le maillée et qui n'ont pas été confir-
més ou acceptés par la postérité ! Nous en citerons un exemple sur mille,
puisqu'il nous fournira l'occasion de donner aux lecteurs du Polyhiblion une
lettre inédite de Voltaire .
M. d'Ali?sac, de Vairéas, chef-lieu de canton du département de Vaucluse,
se proposait d'écrire VHisloire des papes. On devine quel pouvait être l'es-
prit de cette composition. L'auteur en soumit la préface à Voltaire, qui s'em-
pressa de lui répondre par la lettre suivante :
— 544 —
Vous avez orné, Monsieur, le tonil^eau d'un vieillard octogénaire qui se meurt. Vous
lui avez envoyé de trop belles choses et vous lui en dites de trop flatteuses pour qu'il
lui soit facile de vous exprimer toute sa sensibilité. J'ai lu deux fois la préface de
VHistoire des Papes : elle est écrite avec autant de force que de vérité, et je n'y a
trouvé d'autre défaut que les éloges que vous voulez bien m'y donner. Votre entreprise
est grande et utile. Je voudrais être à portée de vous en faciliter l'exécution. J'y trou-
verais ma gloire dans ce monde et mon salut dans l'autre ; mais il siérait tout au plus
à un vieux pécheur tel que moi d'être l'historien de la pajîesse Jeanne, et après avoir
tant parlé des souverains pontifes, il ne me reste rien à démêler avec eux que le soin
de recourir à leur indulgence et à leur... {un mot illisible). C'est à vous, Monsieur,
sujet des successeurs de saint Pierre et leur historien, à m'obtenir cette double faveur.
Je vous en demande pour gage un exemplaire de la première édition de votre ouvrage
et vous jnùe de me croire, etc., etc.
V0LT.\IRE,
gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi,
il Fernei, 2 auguste 1777.
L'original de celte lettre est collr au verso de la couverture du premier
volume in-folio de VHistoire des papes., qui n'a jamais été achevée. J'ai eu
longtemps ce manuscrit entre les mains et, franchement, j'avoue que le
monde savant n'y a rien perdu. L'ouvrage porte pour épigraphe :
« Omnis pontifex ex hominibus assumplus circiimclalus est infirmilate . Paul,
epist. ad Ilehr., v, 1 et 2. » Tout le procédé philosophique de l'époque est
là. Les véritables paroles de saint Paul sont celles-ci : « Omnis namque pon-
tifex ex hominibus assumplus pro hominibus consLituilur in lis qux sunt ad
Detmi, ut offeret dona et sacrificiapro peccatis; qui condolcrc possil iis, qui igno-
rant et errant, quoniam cl ipsa circiimdatus est inftrmitate. » On comprend
quelle différence il y a entre les deux textes. Le premier devait être du
goût de Voltaire, dont les compliments étaient du l'este provoqués par les
éloges de la préface. Jcli::s Courtet.
CHRONIQUE
Nécrologie. — M. Eugène Boré, né à Angers le 15 août 1800, est mort à
Paris le 3 mai 1878. Il était, depuis le 8 septembre 1874, supérieur général
des Prêtres de la Mission et des Filles de la Charité . Après s'être de bonne
heure fait connaître à Paris, d'abord comme lauréat du grand concours
général, étant élève du collège Stanislas, et ensuite comme professeur sup-
pléant de langue arménienne, M. E. Boré partit, au mois de juillet 1837,
chargé par l'Académie des inscriptions et belles-lettres, dont il devint
correspondant, d'une mission scientifique spéciale en Orient. Il y a passé
une trentaine d'années consacrées aux études linguistiques, aux recherches
historiques et archéologiques, ainsi qu'aux œuvres de charité chrétienne.
Porté depuis longtemps par sa vive piété vers le sacerdoce, il fat ordonné
prêtre à Constantinople le 13 août 1850, par conséquent dans la maturité de
l'âge et du talent. Ce grand acte accompli, M. E. Boré s'empressa de revenir
à Paris s'enfermer au noviciat des disciples de saint Vincent de Paul, avec
lesquels, dans le cours de ses voyages, il avait toujours entretenu d'étroites
relations. L'épreuve décisive terminée, M. Etienne le fit immédiatement
retourner à Constantinople, où il succéda, dans l'important emploi de supé-
rieur du collège de Bébeck, à M. Leleu, fondateur de cet établissement, qui,
plus qu'aucun autre, a répandu, dans de vastes contrées soumises à la do-
mination musulmane, les bienfaits de la vraie civilisation fi^ançaise, appuyée
sur les innombrables œuvres de la propagande catholique. C'est [à que,
durant une quinzaine d'années consécutives, il fit sentir rinfiuence des
éminentes qualités de son esprit, de son cœur et de son caractère, soutenues
et développées par le dévouement sacerdotal. En effet, en 18G6, rappelé par
M. Etienne, qui lui confia la tâche de secrétaire général, notre voyageur se
vit désormais fixé à la maison-mère de la rue de Sèvres, 95, où la mort
vient de le frapper dans la soixante-huitième année de son âge, et dans la
quatrième de son généralat. Voici la liste des publications de M. Bore,
Analyse de l'ouvrage, de Bar-Hebmus, intitulé le Flambeau des saints
(extrait du nouveau Journal asiatique, décembre 1834). — CorresjJon-
dance et mémoires d'un voyageur en Orient, par Eug. Bore, chargé d'une
mission scientifique par le ministère de l'instruction publique et par l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres (1840, Paris, Olivier Fulgence, 2 vol.
in-8); — Sai7it Lazare, ou Histoire de la Société rcliiiieuse arménienne de
Méchitar, par E. Bore, membre de la Société asiatique de Paris (1835, Venise,
impr. Saint-Lazare) : il est dit, p. 96, note : a L'auteur... prépare en ce
moment la traduction de l'Histoire arménienne, de Jean VI, patriarche, sur-
nommé l'Historien; ■> — Croyances primitives des Arméniens et histoire de
leur conversion au christianisme (1836, Annales de Philos, chr., juillet 1836):
en tête de l'ouvrage, M. lionnetfy fait quelques réfiexions où on lit ces
mots : Ce fragment sur l'état primitif de la religion en Arménie est extrait
d'une Introduction à la Vie de saint Grégoire, V Illuminateiu\([n& se propose de
publier prochainement M. E. Bore (Annales de Philos, c/ir., juillet 1836); —
Jugement sur la traduction nouvelle de la Bible, avec l'hébreu en regard, par
J. Catien (1836, .l?ina/a de Philos, chr., août); — De la Vie religieuse chez
les Chaldéens et histoire du couvent de Rahban-Ormiizd (1843, Annales de
Philos, chr., <léc. 1842, janv., mars, avril, juillet, août 1843; publié à
part à Paris, en 1843, in-8);— Lettres sur l'Arménie (1843, Annales de Philos,
chr. , novembre) ; — Nouvelle description des ruines de Persépolis et de ses
environs, par MM. Flandrinet Coste., par E. Bore, membre correspondant de
IMnstitut (1847; Annales de Philos, chr., février, mars); — Tableau général
des races, des cultes et de la population de l'empire ottoman (18o0, Annales de
Philos. cJir., juillet, août, novemb.); — Question des Lieux-Saints., par E. Bore
(18o0, Paris, Lecolfre); — Description statistique de l'Arménie, publiée dans
l'Univers pittoresque, de Didot; — Vie, vertus et mort de M. Jean-Marie Aladel,
prêtre do la congrégation de la Mission (l'auteur de la Médaille miraculeuse)
(1873, Paris, J. Le Clere, in-12 vi-301 p.). Les 3% 4^ o« de ces ouvrages
ont été réunis par M. Léon Bore en un seul volume, sous ce titre : Le
Ccuvenl de Saint-Lazare à Venise, ou histoire succincte de l'ordre des Méchi-
taristes arméniens, etc.
— M. Jean-Baptiste Alzog, était né le 29 juin 1808, à Ohlau (en Silésie prus-
sienne), d'une famille de la bourgeoisie; il a fait ses études au collège «gym-
nasium » de Brieg et aux universités de Breslau et de Bonn, et, de 1830 à
Juin 1878. T. XXII, 3a.
— 546 -
1833. il fut percepteur dans une famille à Aix-la-Chapellp. Il fut ordonné
prêtre en 1834, à Cologne, se fit recevoir docteur en théologie à l'académie
de Munster (en Wesphalie, en 183o). Aussitôt après, il fut nommé pro-
fesseur d'histoire ecclésiastique et d'exégèse au grand séminaire de Posen.
Mg' Martin de Dunin, archevêque de Gnesen-Posen, le fit entrer dans son
conseil ; il lui fut particulièrement utile dans son affaire avec le gouver-
nement prussien au sujet des mariages mixtes. On sait que M&r de Dunin,
à cause de cette affaire, fut emprisonné à Kolberg, forteresse sur la mer
Baltique. En 1845, M. Alzog fut nommé professeur et directeur du grand
séminaire de Hildesheim (en Hanovre), et chanoine de l'église métro-
politaine (Dom-capitular) de cette ville. Il accompagna l'évêque de
Hildesheim à l'assemblée des archevêques et des évoques allemands à
WûrzburgiCn 1848, et participa aux discussions de cette célèbre assemblée
qui a été de la plus importante influence sur la nouvelle organisation ou
plutôt sur la délivi-ance de l'Église catholique en Allemagne du joug des
gouvernements séculiers. En f8ij3, il fut nommé conseil'er spirituel (Geistei-
cher-Rath\ et professeur d'histoire ecclésiastique à lUniversif é de Fribourg
(en Bade), et plus tard, en 18G9, il fut appelé à Rome aux travaux prépa-
ratoires du concile du Vatican, pour la section dogmatique. Il est mort le
pï'mars 1878, à Fribourg, vers quatre heures de l'après-midi.
Son œuvre capitale est son Compendium de l'histoire universelle de l'Église
chrétienne. (« Lehrbuch der Universalgcschichte der christlichen Kirche ;>), dont
la première édition parut en 18i0 (Mayence, Florian Kupferherg).
Dd plus en plus augmenté, ce livre, dans la huitième édition (1867), chan-
gea ioii titre de « Compendiurm> (k Lehrbuch ») en celui da Manuel « IJand-
buch » de l'histoire universelle, etc., et parut en deux volumes. La neuvième
édition parut eu 1872-73 eu deux forts volf.mes. Cet ouvrage a été traduit
dans presque toutes les langues principales de l'Europe : en français, an-
glais, italien, espagnol, p.irtugais, bohémien, polonais; même dans l'ancien
arménien (éditioa des PP. Méchitaristes). En français, il y a ûeux traductions,
l'une de MM. Goschler et Audley (184o-46, 4 vol. in-12) dont la qudtnèrne
éditioa (1874-73^ a ét'î donnée sur la septième édition allemande, continuée
par l'abbé A. Sabîtier; l'autre traduction française est de ?/l. le professeur
Loiseaux, à Tournai (Belgique). En Belgique, Hollande et Amérique, on s'est
longtemps servi d'un pxtr.iit latin de l'Histoire universelle de l'Église chré-
tienne, par M. Alzog. En Amérique, cet extrait fut remplacé par une version
anglaise du livre complet, en trois volumes, faite par MM. F.-J. Pabisch et
Th. -S. Byrne, professeurs au séminaire provincial de Mount St. Mary's of
the West à Cincinniti (O'aio). Cette version est signalée comme modèle d'une
excellente et parfaite traduction et comme chef-d'œuvre de stéréotypie.
En 1866 a paru : Grundriss der Patrologie oder der aelteren christlichen Litera-
turgeschichte (Compendium de la patrologie ou de l'ancienne histoire littéraire
chrétienne, Fribourg-en-Brisgau, Herder, 1866), dont la troisième édi-
tion porte le titre de Handbuch [manuel] der Patrologie oder der aelteren chris-
tlichen Literaturgeschichte (Fribourg, Herder, 187o); sous cette nouvelle formcj
il compose le septième volume de la T/ieo/ogiscAe^îè/io^/ieA- (Bibliothèque théo-
logique) qui s'édite chez Herier j l'éditeur Palmé en publie la traduction.
De la première édition de la Patrologie, il existe une traduction française
donnée par M. l'abbé P. Belet ^1867). M. Alzog est l'auteur de plusieurs tra-
vaux moins étendus. Notice historique sur Johann Nicolam Weislingcr^dàTis
le Freiburger Diocesan archiv (Archives du diocèse de Fribourg, feuille pério-
- m -
dique de la Société historico-ecclésiasiique pour l'histoire, archéologie et
l'art chrétiens du diocèse de Fribourg], tome 1"; — Itinerarium oder Rais-
bùchlein des Cisterzienserpaters Conrad Burger [Itinéraire ou petit livre de
voyage de Conrad Bureer,P. Cisterc], du temps de la guerre de trente ans;
dans les tomes V et VI de la mèo^e revue; — Beschreibung der Plenarien
oder posliUen zu Ende des io und Anfang des 16 Jahrhunderts [Description
des Plénaires ou Pastilles à la tin du quinzième et au commencement du
seizième siècle], dans le tome VIII, Il a fourni plusieurs articles dans le
Kirchen lexiko7i [Dictionnaire ecclésiastique] de Aschbach, et à celui de Wetzer
et Welte. C'est lui aussi qui a donné l'édition de l'Histoire de la domination
de Eftmgfen [appartenant au couvent de S.Galles en Suisse], par Ildephonse de
Arx, Père du monastère de S. Galles, quoiqu'il ait eu la courtoisie de nommer
sur le litre, comme éditeur de ce livre, 31. Booz,curé de Ebingen. — G. P.
— M. Sigismond Ropartz, avocat au barreau de Rennes, est mort
le 18 avril dernier, à IfTendie (Ille-et-Vilaine), au château de la Chasse,
chez M. le comte d'Andigné. Appartenant à une honorable famille delà
ville de Guingamp, qu'il a longtemps habitée et où il a laissé les meilleurs
souvenirs, il débuta dans la carrière du barreau à Saint-Brieuc et vint,
en 1860, habiter Rennes, où sa science du droit, sa sagacité dans la discus-
sion des affaires, son élocution aisée, claire et brillante, son affabilité et son
heureux caractère lui assurèrent bientôt l'une des premières places au bar-
reau de la cour. Membre de la plupart des sociétés savantes de Bretagne,
il était dernièrement président de \a Société archéologique d' Ille-et-Vilaine.
Il fut un des membres les plus actifs de l'ancienne Association bretonne, et
il contribua beaucoup à sa résurrection en 1873 : il était, depuis cette
époque, président de la section historique et archéologique de l'association.
Il était enfin vice-président de la Société de l'enseignement libre du dépar-
tement d' Ille-et-Vilaine, qui rend tant de services à la diffusion de l'enseigne-
ment chrétien du peuple. C'est dire qu'il devait à une éducation fortement
religieuse la fermeté de principes et la foi agissante dont sa vie tout
entière a été un exercice ininterrompu. On a de lui un grand nombre
de publications dont voici les principales : Oiiuvres choisies du B. Thomas à
Kempis, traduites par S. Ropartz et F. Baudry (Paris, Waille, 1 844-1 84S,
5 vol. in-8) : les volumes n^M, 3 et 5 sont de M. Ropartz, les volumes
nos 2 et 4 s.ont de M. Baudry; — Guingamp et le pèlerinage de Notre-Dame-
de-Bon-Secours (Saint-Brieuc, Prudhomme, 18bO, in-18); — Annales briochines,
par M. l'abbé Ruffelet, nouvelle édition précédée d'une notice par M. S. Ro-
partz (Saint-Brieuc, Prudhomme, 1851, in-8 et in-12); — Histoire de
saint Ifves, patron des gens de justice (Saint-Brieuc, Prudhomme, 18o5,
in-8) : cet ouvrage a valu à l'auteur un bref du Souverain-Pontife, Pie IX; —
Portraits bretons des dix-septième et dix-huitième siècles, d'après des documents
inédits (Saint-Brieuc, 1857, in-12); — Récits bretons (Saint-Brieuc, 1858,
in-12); — Guingamp, études pour servir à Vhistoire du tiers état en Bretagne
(Saint-Brieuc, 1859, 2 vol. in-8, deuxième édition complètement refondue
avec carte, blasons et sceaux, ibid , 1875, 2 vol. in-8) ; — Notice sur la ville
de Ploërmel (br. in-8); — Pierre Morcll, bourgeois de Guingamp et évêque de
Tréguier au quatorzième siècle (br. in-8) ; — Paraboles évangéliques, traduites
littéralement en vers français (in-8) ; — Scènes de la vie rurale en Bretagne,
avec 12 dessins de H. Lalaissé (album in-folio. Charpentier); —Compte
rendu de l'exposition artistique et archéologique ouverte à Vhôtel de ville de
Rennes, en septembre 1872 (Rennes, 1872, in-8); — Poèmes de Marbode,
évêque de Rennes au onzième siècle, traduits en vers français (Rennes, 1873,
— ;i48 —
ia-8); — La Vie et les œuvres de M. Jean-Marie de Lamennais, prclrefondalcur
de l'Institut des frères de l'instruction chrétienne (Paris, Lecoffre, 1874, in-8
et in-1 8, portrait); — La Vie, les miracles et les cminentes vertus de saint Brieiic
et de saint Guillaume, cvêques de Saint-Brieuc, par L. G. de la Devison, avec
notices par M. Ropartz (Saint-Brieuc, Prudhomme, 1875, 2 vol. in-18); —
L'Exil du Parlement de Bretagne à Vannes, à la fin du dix-seiMcme siècle
(Rennes, 1873, in 8); — La Famille Descartes en Bretagne (lo86-1692) (Rennes,
1877, in-8); — La lournéedes barricades et la ligiceà Rennes (mars et avril 1589),
d'après les documents contemporains inédits (Rennes, Plihon, 1877, in-8).
Nous devons ajouter que, depuis vingt ans, M. Ropartz était un collabo-
rateur assidu de la Revue de Bretagne et de Vendée, dans les livraisons de
laquelle on trouve de lui une foule de notices littéraires ou archéologiques,
de comptes rendus, de nouvelles et même de poésies. Citons en particulier
les articles suivants : Les Offices municipaux de la création royale sous
Louis XIV et sous Louis XV; — Pèlerinage archéologique au tombeau de
sainte Oncnne ; — Le Collier de l'Ordre, comédie en un acte ; — Les Frères
nantais, mystère en un acte; — Le Bœuf de 31 aies tivit, légende bretonne;
— Une société de secours mutuels au quijizième siècle ; — Un livre de con-
troverse contre les calvinistes; — François Auffray Pluduno, chanoine de
Saint-Brieuc, etc., etc.; et, tout récemment, une importante série d'études
sur la bibliographie bretonne. — R. K.
— M. Louis AssELiNE est mort subitement à Paris, le 6 avril à l'âge de qua-
rante-nenf ans. 11 était né à Versailles en 1829; il avait fait ses études au
lycée Charlemagne, avait obtenu le diplôme de licencié en droit, et s'était
fait inscrire au barreau de Paris. « Dès qu'il eut l'âge d'homme, dit un de ses
panégyristes, il déclara la guerre à l'idée théocratique et autoritaire.» Disciple
de Diderot, il fonda en 1806 la Revue encyclopédique qui fut arrêtée au second
numéro, puis la Libre-Pensée, ressuscitée sous le titre Pensées nouvelles, conti-
nuées dans V Encyclopédie générale. Il était rédacteur du Rappel et directeur
d'une correspondance départementale. 11 avait dû à ses opinions avancées
d'entrer au Conseil municipal de Paris. Il a travaillé àTédition de Diderot,
donnée par M. Assézat ; îl préparait un choix de morceaux de cet auteur,
et a fait bon nombre de conférences. Celle qu'il fit en 1865, dans la salle de
la rue de le Paix, a été publiée sous le titre de : Diderot et le dix-neu-
vième siècle, conférence (1866, in-8). On lui doit encore Les Nouveaux saints. I,
Marie Alacoque et le Sacré-Cœur (1873,in-12). — Histoire de V Autriche depuis
la mort de Marie-Thérèse jusqu'à nos jours (187.8, in-18 j., dans la Biblio-
thèque d'Histoire contemporaine). Il a donné sa collaboration à la Revue de
Paris, à la Tribune universelle, k la Gironde. Il était de la Société d'autopsie
mutuelle.
IxsTiTUT. — Académie française. — Le jeudi 23 mai, l'Académie a procédé
à la réception de M. Victorien Sardou, élu eu remplacement de M. Autran,
décédé. C'est M. Charles Blanc qui a répondu au nouvel académicien.
Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans sa séance du 10 mai,
l'Académie a nommé membre titulaire; en remplacement de M. de la Saus-
saye, décédé, M. Mariette, le savant égyptologue, devant la candidature
duquel tous les concurrents s'étaient retirés.
L'Académie a entendu, dans sa séance du 31 mai, les rapports de ses com-
missions; du prix Stanislas Julien, décerné pour 1878 à M. le docteur Bret-
schneider, médecin de la légation russe à Pékin, pour ses ouvrages rela-
1ifs à l'histoire et à la géographie de l'Asie centrale au moyen âge; — du
— 540 —
prix Volney, décerné, le premier, à M. Joseph Halévy, pour son travail sur
la description du Sala, et le second à M. Lucien Adam, pour trois ouvrages
relatifs aux idiomes de l'Âraérique; — du prix Bordin, dont le sujet était
de rechercher à quelle époque et sous quelle inllueuce ont été composées
les grandes chroni jues de France, décerné à M. Élie Berger, ancien élève
de l'École des chartes, membre de l'École française de Rome.
Académie des sciences. — Dans sa séance du 6 mai, l'Académie a élu
M. Chauveau. de Lyon, correspondant, pour remplir la place vacante dans
la section de médecine et de chirurgie, par suite du décès de M. Gintrac, de
Bordeaux, par 30 voix contre 8 accordées à M. Desgranges, G à M. Stolz,
2 à M. Rouget, 1 à M. Courty.
Ml'sécu d'uistoire -\atlrelle.— Par décret du 22 mai, M. Alexandre-
Edmond Becquerel, docteur es sciences, membre de l'Institut, a été nommé
professeur titulaire de la chaire de physique appliquée à l'histoire natu-
relle^ en remplacement de M. Antoine Becquerel, décédé.
Faclltk DES LETTRES. — .M. J. Parmeutler, agrégé d'histoire, a soutenu à
Paris, le 13 mai, ses thèses pour le doctorat es lettres. Les sujets étaient :
Le patris Josephi capucini publica vita : — Étude sur un suppUmcnl inédit des
mémoires de Richelieu.
Congrès archéologique de France. — Le Congrès archéologique de
France a tenu, du 20 au 28 mai, sa session de 1878, au Mans et à Laval.
Le Mans avait déjà été, en J837, le siège d'une des premières réunions de
cette association, arrivée aujourd'Imi à sa quarante-cinquième année d'exis-
tence, maisàbien peu des membres de cette session il était possible aujour-
d'hui de répondre au nouvel api ici qui leur était adressé, et seul peut-être,
avec M. Rucher, M. de la Sicotière, sénateur de l'Orne, pouvait, en pre-
nant part à une des excursions du Congrès, s'aider comme d'un guide^ du
compte rendu rédigé par lui, il y avait plus de quarante ans.
Dès la première séance, présidée par M?"" d'Outremon', évoque du Mans,
on voyait, groupés autour de M. Palustre, un assez grand nombra d'archéo-
logues des diverses provinces de France, et même quelques étrangers, qui,
avec plus d'ardeur tn quelque surte que les habitants du Mans, avaient
répondu à l'appel de leur directeur.
L'archéologie préhistorique a fait le sujet des premières discussions. On a
entendu successivement M. Woreau, qui a présenté une carte préhistorique
de la Mayenne; M. l'abbé llaymard, qui a combattu le système de classifi-
cation de M. de Mortillet et M. l'abbé Maillard, qui a fait connaître le
résultat des fouilles exécutées par M. le duc de Chaulnes et M. Chapelain-
Duparc, et par W"« de Boxberg, Mm" de la Rochelambert et lui dans les
grotles de la vallée de l'Erve. MM. Mouliu et le Fizelier ont cherché
ensuite à faire connaître la situation géographique des Amhivarii et des
Arvii, en même temps que M. l'abbé Maillard recherchait la date du cas-
iellum de Thorigué en Charnie, et que le commandant Mowat interprétait,
avec une rare sagacité, les inscriptions romaines de la Sarthe et de la
Mayenne.
Une communicîtion pleine d'intérêt a été faite par le R. P. de la Croix
sur les fouilles entreprises par lui dans la ville de Poitiers, et qui ont déjà
. amené la découverte de thermes et de restes romains importants; une
étude sur les thermes de Sceaux a été lue aussi au nom de M. l'abbé
CharlfS, par M. de Laurièi'e.
— 550 —
La question de l'évangélisation des Cénomans et de la date de l'apos-
tolat de saint Julien a été l'objet d'une discussion des plus sérieuses entre
les abbés de Meissas, Albin et Potlier.
L'archéologie du moyen âge a donné lieu à des études et communica-
tions sur la date de la construction de la cathédrale du Mans, sur les
auteurs et le style des groupes dits les saints de Solesmes, sur l'abbaye de
Clermont, sur l'église de la Cascine, dues à MM. Palustre, de Dion, Hucher,
Grandmaison, le comte de Marsy, l'abbé Pointeau, Chardon, le comte Lair,
Garnier de Laurièi'e et le Fizelier. Citons encore un mémoire de M. d'Es-
pinay, sur l'église de la Couture, une très-intéressante lecture de M. Char-
don, sur les artistes du Mans au moyen âge, un curieux travail de M. Bellée
sur la langue française, dans le Maine et des communications numisma-
tiques et épigraphiques de MM. Bertrand, de Farcy et de Marsy.
Les dernières séances du Congrès ont été tenues à Laval, où le Congrès
s'est rendu en visitant l'église d'Evron, le donjon de Sainte-Suzanne et les
grottes de Thorigné et de Saulges. D'autres excursions, organisées par
M. Bertrand, ont été faites à l'abbaye de Solesmes, à l'église de la Ferté-
Bernard, à celles de Prisées et d'Avenières et à l'abbaye de Clairmont.
Sociétés SAVANTES. — La Société des études historiques, dans sa séance du
12 mai, a décerné ses récompenses pour l'histoire du portrait en France, qu'elle
avait mis au concours. Une médaille de 500 francs a été accordée à M. Ra-
phaël Pinset, instituteur primaire à Paris; une de 300 francs à M. Jules
d'Auriac; une mention très-honorable à M. Marquet, de Vasselot, statuaire.
— La Société des bibliophiles bretons et de l'histoire de la Bretagne a
tenu une séance, le 5 avril, ? ous la présidence de M. Arthur de la Borderie,
son président. On y a admis 35 nouveaux membres, portant à 201 le
chiffre total des adhésions recueillies depuis la fondation de la Société, et à
197 le nombre actuel des sociétaires. Nous empruntons à la Revue de Bre-
tagne et VendéeXes détails suivants sur les publications en cours d'exécution.
L'ouvrage intitulé la Conquête de la Bretagne par Charlemagne sur le roi
Aquin pourra être distribué vers la fin de mai. Sont en préparation :
le premier volume des Méla?iges bibliographiques, historiques et littéraires.
Ce volume, qui sera composé d'études et de documents très-variés dus à MM. A.
de la Borderie, A. de Barthélémy, S. Ropartz, Kerviler, etc., sera distribué
vers le mois d'octobre 1878. Sont en projet de publication : 1° par M. H.
Lemeignen, réimpression des Grandes cronicques de Bretaigne, d'Alain Bou-
chard ; 2° par M. «le la Mcollière-Teijeiro, Lajoijeulse advenue et 7iouvelle entrée
des Roy et Roijne, Duc et Duchesse de ce yays et duché de Bretaigne, nos souverains
seigneur et dame en ceste ville de Nantes en l'an 1518, d'après des documents
inédits du manuscrit Juchault, d'un manuscrit de la collection La Jarriette,
complétés à l'aide des registres de la chancellerie ducale et des archives
municipales de Nantes; cette publication, qui sera suivie d'une notice bio-
graphique sur la reine Claude, formerait environ 150 pages; 3» par M. Joseph
Rousse, Anthologie des poètes bretons; 4° par M. A. de la Borderie, Poème
du combat des Trente, nouvelle version, d'après un manuscrit inédit du
quatorzième siècle de la bibliothèque de M. Ambroise Firmin-Didot, M. Pol
de Courcyveut bien se charger du travail historique avec notre collaborateur
M. Pawlowski.
— La Société historique et littéraire polonaise, à Paris, a tenu, le 3 mai,
sa séance publique annuelle dans le local de la Bibliothèque polonaise qui
— 351 —
lui appartient, quai d'Orléans, 6. La séance fut présidée par le prince
Ladislas Czartoryski, président à vie de la Société. M. Bronislas Zaleski y
a donné lecture d'un travail sur le Ministère des affaires étrangères du prince
Adam Czartoryski en Russie. Le sujet pour le concours biennal de la Société
est : Le Règne du roi Miedslas le Vieux, d'après les nouvelles sources et documents
historiques.
Académie des Jeux Floraux. — Le 3 mai, l'Académie des Jeux Floraux de
Toulouse a célébré, avec la solennité traditionnelle, la fête des Fleurs, c'est
le nom que l'on donne à la distribution des prix de poésie et de prose dé-
cernés, chaque année, par l'Académie. M. le marquis d'Aragon, mainteneur,
occupait le fauteuil de la présidence. A côté de lui se trouvaient les mainte-
neurs présents à Toulouse : MM. F. de Rességuier, Gustave d'Hugues, De-
lavigne, Hamel, l'abbé Duilhé de Saint-Projet, de Toulouse-Lauti'ec, de
Cambolas, de Lordat, de Villeneuve-Arifat, d'Ayguevives, d'Adhémar,
l'abbé Lézat, de Marion-Brésilhac, Marchai, de Sambucy-Luzançon, le Père
Caussette, Dubédat, et Gatien-Arnoult. Cette fête poétique avait attiré, dans
la salle des Illustres, au Capitole, l'élite de la population toulousaine.
La séance a été ouverte par l'éloge de Clémence Isaure. Cette tâche in-
combait, pour l'année 1878, à M. Je Marion-Brésilhac. Le mainteneur a eu
l'heureuse inspiration de chanter en vers les louanges de dame Clémence.
Cette innovation a été fort goûtée. Ensuite, M. le comte Fernand de Ressé-
guier, secrétaire perpétuel de l'Académie, a lu le rapport sur le concours
de l'année. Dans ce style impeccable et distingué dont il a le secret, M. de
Rességuier a analysé les poésies qui ont obtenu les fleurs d'Isaure ou qui
ont été distinguées par l'Académie. Puis, abordant les œuvres en prose,
M. de Rességuier a constaté avec regret la faiblesse <Je ce concours. Là où
elle pouvait espérer des œuvres savantes et fortes, l'Académie n'a trouvé
que des essais timides. Et pourtant, quel sujet plus fertile en ressources
que le sujet du discours proposé par le programme : Y Eloge de Montalembert?
Mais ce que les concurrents n'ont pas su ou voulu faire, M. le comte de
Rességuier l'a fait, avec un rare bonheur d'idée? et d'expressions. Les pages
du rapport consaci^ées à Montalembert sont un des meilleurs éloges que l'on
connaisse de Téminent auteur des Moines d'Occident et de Sainte Elisabeth
de Hongrie. M. de Rességuier a loué, dans Montalembert, le grand chrétien,
l'orateur éjoquent, l'écrivain supérieur, le défenseur des nobles causes op-
primées et le champion valeureux de la liberté d'enseignement.
La séance s'est terminée par la distribution des prix. Voici la liste des
ouvrages couronnés : Roncevaiix. ode, par M. Emmanuel Besson (une vio-
lette); André Chénier, ode, par M. Pierre Mieusset fun souci); Le Mal du
"pays, poëme, par M. Léon Advier (une églantine) ; Sœur Simplice, poëme,
par M^'^ Raoul de Navery, de Paris, dont le nom est bien connu des lecteurs
du Polyhiblion (un souci réservé); Voyage aux Grandes-Indes, par M. Tronche,
chef de bureau au ministère de la guerre (une violette réservée); Le vieux
Faune, sonnet, par M. A. Rocoffort, membre de la Société Bibliographique
(un lis d'argent). Après la distribution des prix, M. de Rességuier a an-
noncé la fondation d'une nouvelle fleur de 1,000 francs, le jasmin, destinée
à récompenser le meilleur travail de philosophie spiritualiste proposé par
l'Académie. La généreuse et trop modeste fondatrice de ce nouveau prix
désire garder l'anonyme.
A propos des Jeux Floraux, nous sommes heureux d'annoncer à nos
lecteurs qu'une médaille d'argent à l'effigie de Clémence Isaure a été dé-
cernée, par l'Académie, à notre collaborateur, M. Fjrinin Boissiti, pour mn
ouvrage Le Vivarais et le Daiiphinc aux Jeux Floraux de Toulouse.
Lectures faites a L'AcADKiiiE des sciences morales et politiques. — Dans la
séance du 5 mai, M. Baudrillart a continué la lecture de son mémoire sur
les conditions des populations agricoles en Normandie. — Dans la séance
du 9, il a été donné communication d'une note de M. Drouyn de Lhuys sur
un ouvrage de M, Dabry de Thiersant consacré au maliométisme en Cliine
et dans le Turkestan oriental. — Dans la séance du 18, M. Hippoiyte Passy
a présenté des observations au sujet d'un tableau de diagrammes dressé par
M. A. de Malarce, et résumant l'histoire des caisses d'épargne en France.
M. le docteur Marjolin a lu un mémoire sur la nécessité du rétablissement
des tours. — Dans la séance du 25, MM. Frédéric et Hippoiyte Passy ont
présenté des observations contre le rétablissement des tours.
Lectures faites a l'Académie des inscriptioms et belles-lettres. — Dans
la séance du 4 mai, M. Th. -H. Martin a communiqué ua mémoire sur la
doctrine astronomique de Parménide. — Dans les séances des 4, 10, 17 et
24 mai, M. François Lenormant a continué la lecture de son mémoire sur
les magistrats monétaires dans l'antiquité. — Dans la séance du 10 mai.
M. Edmond Le Blant a communiqué une note sur une stèle à inscriptions
portant le nom de saint Menât. M. Th. -H. Martin a adressé à l'Académie
une lettre où il discute l'interprétation donnée par M. Renan, dans une
séance précédente, à une inscription funéraire. M. J. llalévy a lu une étude
philologique et archéologique sur la stèle de Bj'blos. — Dans la séance du
17, M. E. Miller a fait une communication sur une lampe en terre cuite
qu'il a rapportée d'Éléphantine. — Dans la séance du 24, M. Benlœw a
fait une communication au sujet de l'occupation de la Grèce par les Pélasges
antérieurement aux Hellènes. M. de Rozières a donné lecture d'une seconde
étude de M. Finot, archiviste de la Hante-Saùne, sur le royaume de Bour-
gogne. — Dans la séance du 31, M. Ferdinand de Lasteyrie, a communiqué
une noie sur le véritable sens à'Anacleus. — M. le baron de Wite a com-
muniqué une note sur un nouveau mémoire grec décoré de figures au trait.
M. Max. Deloche a commencé la seconde lecture de son mémoire sur les in-
vasions gauloises en Italie.
Le Briïish Muséum. — L'état des recettes et dépenses du Brilish Muséum
pour l'année commençant le 1" avril 1877 et Unissant le 31 mars 1878,
donne des détails sur le nombre des visiteurs de cet établissement et sur les
accroissements et modifications de ses diverses collections. Le nombre des
visiteurs, dans les divers départements, s'accroit d'année en année. En 1S72,
il s'élevait à 548,494 personnes; ilurant l'année dernière, il monte à
699,511 . Le nombre des lecteurs pendant la même période a été de 1 18,594,
au lieu de 105,006 en 1872. Les acquisitions ont été très-importantes. Nous
indiquerons seulement dans les imprimés environ cent ouvrages publiés
au quinzième siècle; dans la collection de musique, un bon nombre
d'omvres rares, provenant en grande partie de la bibliothèque de M. de
Coussemaker; dans les cartes géographiques, un portulan de 1470; dans les
manuscrits, plus de 700 numéros, dont 174 en manuscrits orientaux; dans
les monnaies et médailles de nombreux exemplaires des types anciens
d'Orient, de Rome, de Grèce, et des plus rares médailles des temps modernes.
Vente DE LA Jbibliothèque DE M. Ambuoise FiRMiN-DiDOT.f — |La biblio-
thèque de M. Ambroise Firmia-Didot jouit en Europe d'une juste céh'-
- ;io3 —
brité ; les livres les plus précieux et les plus rares y abondent, les pre-
miers monuments de la typographie, les romans de chevalerie, les ouvraî^es
illustrés de gravures sur bois y sont réunis en grand nombre; ils attes-
tent les études spéciales que leur savant et laborieux propriétaire avait
consacrées à ces importantes portions de la science des livres. La mort de
M. Didot amène la dispersion de ces richesses; elles iront se placer dans
quelques grands dépôts publics, dans les cabinets de bibliophiles opulents.
Le catalogue que nous avons sous les yeux (grand in-8, xiv-24 pages) est
précédé d'une intéressante notice due à M. Paulin Paris, membre de l'Ins-
titut; il comprend 70o numéros; les 70 premiers font connaître des manus-
crits de divers genres, tous d'une grande beauté ; le surplus énumère des
ouvrages de littérature et d'histoire; les autres classes viendront plus tard;
cet inventaire ne présente d'ailleurs qu'une faible portion de ce que pos-
sédait M. Didot.
Rédigé avec le plus grand soin, par notre collaborateur, M. Pawlowski, le
catalogue dont il s'agit se recommande à l'attention toute spéciale des biblio-
graphes, par les notes nombreuses qu'il renferme; elles présentent bien
des détails nouveaux; nous allons essayer de tracer une esquisse rapide de
ce qu'offre de plus remarquable cette vente destinée à faire époque, et qui
doit avoir lieu du 6 au lo juin.
Nous signalons deux volumes aux emblèmes de François I^f, truis, ayant
apparlenu à Henri H, deux à Mane de Poitiers, un à Henri III. D'illustres
bibliophiles, Canevari, Laurin, Maioli, le président de Tbou, le comte. d'Huyne
sont dignement reiuésentés ; n'omettons pas le plus fameux des amateurs du
seizième siècle, Grolier; nous rencontrons trois volumes décorés de ses
insignes; l'un deux, le Florileyhim diversorum cpigrammatum (Venetiis,
Aldus, l.'ioii) est resté inconnu à M. Le Houx de Lincy, qui a publié au sujet
de Grolier une très-bonne monographie spéciale.
Les éditions originales de nos auteurs classiques, si recherchées aujour-
d'hui, sont en grand nombre. Voici (no 4o0 et suiv.) cinq des éditions pri-
mitives du théâtre de Curneille et dix-huit pièces séparées en éditions ori-
ginales ; voici (no 478 et suiv.) trois des éditions primitives de Molière et
les éditions originales de dix-huit comédies; nous trouvons, pour Racine,
trois des éditions primitives et les éditions originales ries onze pièces;
Boileau et La Fontaine tiennent également un ranjj; fort honorable ; nous
remarquons (no 630) la première édition (Paris, 1699) de Télémaciue, non
achevée et arrêtée parla police du temps. Six éditions anciennes de diverses
parties de l'épopée satirique de Rabelais (no 625 à 630), mises au jour de
1537 à 1574, sont des livres de la plus insigne rareté.
Un assez grand nombre de volumes sont marqués comme uniques ; on
n'eu connaît du moins, aucun autre exemplaire; nous indiquerons entre
autres le Codicille de Jean de Meung (no 136); les Folles entreprises, par
Gringore, Paris, 1507 (no ISO); Malvian, histoyre des faitz et coules des
quatre fils Aymon. Paris, Galliot du Pré, s, d., mais en 1525 (no 563); Vierre
de Provence, s. 1. n. d. (unique exemplaire complet, no 611), etc.
On place avec raison parmi les raretés les plus dignes d'attention, les
anciens volumes imprimés sur peau-vélia; le cabinet de M. Didot renferme
en ce genre de véritables trésors; nous y ti'ouvons (no 127) le Roman de la
Rose (Paris, Vérard, s, d., mais vers 1496); volume dont on ne connaît que
deux autres exemplaires sur vélin conservés à la Bibliothèque nationale
(u" 177); les Folles entreprises, par Gringore. Paris (no 179); le Droit (185);
— 554 —
les Heures de Nostre-Damc, par le même auteur, Paris, Jehan Petit, s. d.,
édition dont on ne connaît que cet exemplaire, et sur papier qu'un seul
autre sur vélin, conservé dans la belle bibliothèque de M. James de Roth-
schild (no 402)'; le Cose volgari di F. Petrarca, Aldo, 1501. Donnons une
mention spéciale au livre de Cleriadus et Meliadice (no 578), Paris, Verard,
1495, exemplaire unique sur vélin; on n'en connaît aucun sur papier. A la
vente Yemeniz, en 1867, ce volume fut adjugé à M. Didot pour la somme
de dix mille francs.
On sait avec quelle attention scrupuleuse et persévérante, le savant auteur
du Manuel du libraire s'attacha, en perfectionnant cinq éditions successives,
à y faire figurer tous les livres rares publiés en français ; il explora toutes
les grandes collections publiques ou particulières. Il consulta tous les
ouvrages de bibliographie et tous les catalogues. Rencontrer une édition
ancienne non mentionnée au Manuel, c'est démontrer combien elle est
précieuse. Le catalogue de M. Didot révèle une foule de ces surprises; on
y trouve, par exemple, en fait de romans de chevalerie : Milles et Annjs
(Lyon, Olivier Arnouller, 1553); Les quatre filz Aymon (Lyon, Claude
Nourry, 1506); Artus de Bretagne (Paris, Alain Lotrian, sans date), Ceiglon
(Paris, N. Chrestien, s. d.); Flores de Grèce (Paris, P. Ruelle, 1573); Robert
le Diable {i. Canterel, 1545); Meiusina [ku^ . purgs. J. Bamber, 1480); Le
Livre des trois filz de Roy (Paris, A. Lotrian, s. d.) ; Florent et Lyon (Paris,
sans date). Nous regardons comme inutile d'ajouter que tous les livres de
M. Didot sont revêtus de riches reliures exécutées, pour la plupart, par des
artistes contemporains tels que MM. Durie ou Frantz Bauzonnet.
11 resterait encore bien des choses à dire; nous voudrions signaler six
volumes, dont trois avec des notes autographes de La Fontaine, trois
annotés par Jean Racine, mais il faut savoir s'arrêter; nous ajouterons
seulement qu'il sera publié tme édition illustrée du catalogue, format in-4
avec gravures sur bois ; chromolitographie et photographies ; elle sera
vendue 30 francs au profit des pauvres. — B.
Bibliothèque sur Pascal. — Le Catalogue des livres de M. H . Basse (Paris,
L. Téchener, 1878, 210 numéros) mérite d'être signalé; il offre une impor-
tance réelle au point de vue de la bibliographie, et à l'égard, d'un des gé-
nies les plus éclatants dont la France a le droit d'être fière; il s'agit de
Biaise Pascal, Pascal, que M. d'israéli (devenu lord Beaconsfield) appelle f/ie
greatest of Frenchmen. M. Basse ayaii \ou]\i former une Bibliothèque pasca-
lienne^ émule de cette importante collection montaignesque à laquelle feu
le D'' J. F. Payen avait consacré quarante ans de recherches, et dont la
Bibliothèque nationale a fait l'acquisition.
Le catalogue Basse décrit minutieusement cent trente-sept éditions ou
traductions des Provinciales, depuis 1656 jusqu'à 1867; il fait connaître pour
la première fois vingt recueils diflerents des éditions originales des fameuses
Lettres publiées successivement (depuis le 23 janvier 1656 jusqu'au 24 mars
1657), imprimées simultanément en divers lieux et quelquefois accompa-
gnées de pièces relatives aux disputes du temps. — Les éditions des Pensées
sont au nombre de onze, les autres articles se composent d'ouvrages relatifs
à Pascal ou à Port-Royal ; de nombreuses notes contiennent des détails qui
sont des matériaux nouveaux et importants pour une bibliographie complète
des écrits d'un des plus éminents des classiques français. Observons en pas-
sant que diverses traductions anglaises des écrits de Pascal manquaient
— 555 —
dans la collection de M. Basse; on en trouvera l'indication dans\e Bibliogra-
pher's Mamial de Lowndes, 1861, p. 1795.
Les Ventes récentes. — Des collections de livres d'élite ont passé aux en-
chères, et les prix obtenus donnent lieu de croire qu'en dépit des préoccupa-
tions de la politique, l'enthousiasme des bibliophiles ne s'est nullement
refroidi. Citons quelques exemples :
VeJiie de M. P**" (de Portails). OEuvres de Rabelais, Amsterdam, 1741, 3 vol.
in-4, grand pap. maroquin citron, o,900 fr. (exempl. du prince Radziwill,
1,610 fr.,et de Benzon, 5,500 fr.). — Biblia, Lutetix, R. Stephanus, 1545, in-8
exempl. de Diane de Poitiers avec les D et les croissants enlacés, 1,805 fr.
(payé 24 livr. st., 10 sh.. vente Perkins, à Londres, en 1874). — Oraison funèbre
de la princesse Anne de Conzague, par Bossuet, 1685, iQ-4; exempl. en grand
papier, aux armes de la princesse Palatine, 1,600 fr. — Essais de Montaigne^
1588, in-4, 1,100 fr. — Marguerites de la Marguerite (la reine de Navarre),
Lyon, 1547, in-8, 1,400 fr.
Dans une autre vente d'une collection peu nombi'euse, mais très-soi-
gneusement formée, nous pouvons noter : Essais de Montaigne, 1595, in-fol.,
1,020 fr. — Le Temple de Guide, 1772, gr. in-8, mar. rouge, teste gravé, figures
d'Essen,1,110 fr. (prixcertainement fort exagéré, mais ce volume prend place
parmi les livres à Ja mode en ce moment). — Marmontel, Contes moraux,
1765, 3 vol. in-8, 1,880 fr., exempl. en papier de Hollande, belle reliure aux
armes du comte de Waurepas, premières épreuves des figures de Gravelot,
telles sont les circonstances qui ont fait payer aussi cher un ouvrage qui a
perdu toute la vogue qui fut son partage il y a plus d'un siècle.
Une méprise de M. Spuller. — M. SpuUer, qui, le 31 mai, a tant et
tant parlé de Voltaire, dans la salle du théâtre de la Gaité, ne l'aurait-il
jamais lu, par hasard? Ce qui me le ferait facilement croire, c'est qu'il s'est
exprimé ainsi : « Je m'arrête. Mesdames et Messieurs, je n'oublie pas que
c'est Voltaire qui a dit avec autant de raison que de grâce :
« Glissez, mortels, n'appuyez pas. »
Mais non, Voltaire n'a jamais dit cela, et M. Spuller n'a pas même lu le
volume de poésies de son héros. C'est Roj", comme tout le monde le sait,
surtout depuis que M. Edouard Fournier l'a rappelé dans son populaire
Esprit des autres (9°' édition, p. 107), qui a fait de ce joli vers le mot de la
fin d'un quatrain sur les patineurs. Le poète Roy fut bàtonné comme le fut
Voltaire, mais ce n'est pas une raison — même à la Gaité — pour confondre
l'un avec l'autre . — T. de L.
— Mgr Lavigerie, archevêque d'Alger, a olTert à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, par l'intermédiaire de M. Léon Renier, deux exemplaires
de la carte topographique de l'emplacement des ruines de Carthage exécu-
tée par M. Caillât, aux frais et pai' les soins des Pèx'es de la chapelle Saint-
Louis établis en ce lieu. Il doit envoyer aussi l'estampage de toutes les
inscriptions qui seront découvertes.
— M. Jules Finot, architecte du département de la Haute-Saône, vient de
publier une étude sur la géographie historique de la 6aùne et le rôle
qu'elle a joué comme frontière dans l'antiquité et au moyen âge. 11 s'est
particulièrement appliqué à résoudre la question agitée par nos voisins de
la Saône considérée comme frontière entre la France et l'Allemagne.
— Les journaux allemands annoncent qu'on a découvei't dans le bailliage
— .")o6 —
de Mosbach plusieurs manuscrits du fameux Goetz de Berlichingen, le che-
valier « à la main de fer, » manuscrits écrits les uns avec la main droite, les
autres avec la main gauche, quand la droite lui eut été enlevée. C'est dans
le voisinage que se trouve le château de Hornberg, sur le Neckar, résidence
de l'ancien chevalier. Ces écrits vont être transportés aux archives géné-
rales de Wurtemberg.
— Les bibliothécaires du Congrès de^ États-Unis ont publié leur rapport
pour 1877. Un y voit que la bibliothèque jjossède 331,118 volumes, et envi-
ron 1 10,000 brochures. Le dépût légal a produit durant l'année, 4,470^vo-
lumes, sans compter un plus grand nombre de publications périodiques. On
a conmiencé l'impression du catalogue.
— Le D"" Awid Ahul'elt, de Stockholm, vient de publie* xm mémoire sur la
vie de Linné, où se trouvent beaucoup de faits restés jusqu'ici inconnus. Un
des plus curieux chapitres est celui où il est traité de l'amitié passionnée du
grand naturaliste pour Abraham Back, l'Oreste de ses lettres, <.< sans lequel,
dit-il souvent, le monde n'aurait été pour moi que téuèbres. » — iAcademy).
— On annonce, à Londres, la publication, par souscription, d'une traduc-
tion en vers anglais des œuvres de François Villon, faite par M. J. Payne.
Le prix de souscription est d'une guinée.
— La Société des l)id''X,dc Londres, ne se contente pas de publier les cata-
logues de bibliothèques, de collections, etc. Elle va étendre ses travaux aux
personnes. Ainsi il est question de donner la liste des noms de tous les An-
glaii, Écossais et Irlandais qui ont étudié ù l'Université de Leyde. On
publiera aubsi la liste des souscripteurs pour l'œuvre de la défense natio-
nale, lors de l'expédition de V Armada espagnole, sous Philippe II.
— La commission allemande des Monumenta Gennaniœ liùtorica a publié
dans le cours de 1877, les ouvrages suivants ; Le premier volume de la série
des Auctores antiquissimi, contenant Salvien et la vie de Severmus; un
volume des Scriptores renmi Longobardicarum et Italicurum; l'Hisioria Lquqû-
bardorum de Paulus, in-8. Sont en préparation deux volumes in-8 : Les
Hislonœ de Riclier, les Annales hildeisheimenses., publiées d'après le manus-
crit original de Paris.
Publications nouvelles. — Le Directeur des catéchismes, par l'abbé
R. Turcan (3 vol. in- 12, Dray et Helaux). — Leçons de jMlosophie chrétienne
et de droit naturel, par l'abbé Champenois (2 \oi. in-12. Vives). — Le Préhis-
torique rajeuni par Vhistoire et la géologie, par A. de Chambrun de Rose-
mont (iu-8, Nice, imp.-lib. Cauvin-Empereur). — Théâtre de P. Corneille,
préface par V. Fournel (t. III, in-16, lib. des Bibliophiles). — Précis du cours
d'économie politique, par Paul Cauiwès, (I. ter, jre partie, in-8, Larose). —
Viie question d'Orient au moyen âge, par E. Vaaden Bussche (in-8, Bruges,
imp. Daveluy). — Esquisse d'une histoire de la conquête et de l'administration
romaines dans le nord de l'Afrique, par G. Boissière (iu-S, Hacbelte). — Les
Dominicains en Amérique, par le R. P. Marie-Augustin Roza (in-12, Pous-
sielgue). — Dix-huit mois dans l'Amérique du sud, par le comte Eug. de
Robiano (in- 18, Pion). — Soitvenirs d'une mission musicale en Grèce et en
Orient, par L. A. Burgaull-Ducoudray (in-8, Uachelte). — Maret, duc de
Bassano, par le baron Ernouf (in-8, Charpentier). — La Terreur blanche, par
E. Daudet (in-8, Quantin). — Ilauteluce et Btanchelaine, par Charles Buet
(in-12. Th. Olmer). — La grande ville, par H. Audeval (in-12, Th. Olmer).
ViSE.NOT.
.)0/
QUESTIONS ET RÉPONSES
QUESTIONS.
Les» Sociétés de îjîblîophi-
îes en France. — Existe-t-il un
travail spécial sur les publications,
sur les travaux des Sociétés savantes
en France (je ne parj.^. pointées aca-
démies, soit de Paris, soit de pro-
vince; à l'égatd de ces dernières,
l'infatigable Qaerard avait entrepris
des recherches dont le commence-
ment seul a paru dans son Diclion-
naire des ouvrages anonymes et po-
lijoninies reste à la page 240 du
tome le'". Je possède un livre anglais
curieux et bien fait : Lcarncd Socie-
iies and Printing clubs of thc United
Kingdom, by the rev. A. !lume(Lon-
don, Willis, 18o3, in-8, xxxii, 274 et
72 pages). Tous les bibliophiles, tous
les amis des études sérieuses feraient
sans doute bon accueil à un livre
semblable qui exposerait en détail
les services rendus par la Société d' s
Bibliophiles français, par celle des
Bibliophiles lyonnais, par celle des
Bibliophiles de Guyenne, par celle
des Bibliophiles de Normandie, et
par bien d'autres qui méritent d'être
mieux connues qu'elles ne le sont.
ï. B.
SLa Collection des manus-
crits de M. de Cambis. — Le
marquis de Gambis-Velleron, né à
Avignon, en 1706, mort dans la même
ville en 1772, était dévoué aux études
littéraires et historiques; il a lai-sé
divers ouvrages imprimés ou manus-
crits (parmi ces derniers, cinq vo-
lumes in-folio intitulés : Annales du
comte d'Avignon); il avait consacré
beaucoup de temps et d'arf^ent à for-
mer une importante coUeclion du
manuscrits et il fit imprimer,en 1770,
à très-petit nombre un '.atalogue des
principaux d'entre eux; ce volume
ne se composait d'abord que de
ol9 pages; des additions ultérieures
le portèrent à 766. Sait-on ce qu'est
devenu ce riche cabinet? Esiste-t-il
encore? A-t-il été dispersé? Je n'ai
p3s réussi à rencontrer encore des
renseignements à cet égard. C. D.
Seize cents «luifs ont-ils
été brûlés à Vienne en un
an ? — M. Victor Tissot a publié
dans le Correspondant une série d'ar-
tieles intitulés : A travers l'Autriche ;
nous y lisons (livraison dn 25 dé-
cembre 1877, page 1079) les lignes
suivantes : « Sou< le règne d'Al-
bert II et de Frédéric III, héritiers
de la dynastie luxembourgeoise,
Vienne se hérissa de bûchers; en
1620, seize cents Juifs furent brûlés
vivants. » Il est de toute évidence
qu'il y a là une exagération gigan-
tesque ettrés-vraisemblablement une
fausseté complète. Il est fort pro-
bable qu'en 1620 on ne brûla per-
sonne à Vienne, Que du moins
M. Tissot fasse connaitre d'après
quelles autorités il avance, comme
chose toute simple, un fait aussi
monstrueux. B. C.
Ija mort de Liouis XV!
fut-elle votée par la majo-
rité de la Convention ? —
Il y a assez longtemps qu'en parcou-
rant un catalogue d^! livres, je ren-
contrai un livre qui frappa mon at-
tention : Vie politique de tous les dé-
putés à la Convention nationale, par
M. R. Paris, 1814., in-8 (et en note :
« Ouvrage dans lequel on trouve la
preuve que , dans le procès de
Louis XVI, la peine de mort fut re-
jetée à une majorité de six voix. »)
J'ai fait d'inutiles tentatives pour
me procurer cet ouvrage; il seiv.it
intéressant de connaître sur quels
arguments s'appuie la thèse qu'il
soutient; les meneurs de la Conven-
tion, les montagnards qui organisè-
rent le lègne de l'échafaud, étaient
d'ailleurs parfaitement capables d'une
fraude aussi exécrable. J. S.
^-t-il été publié à l'époque
du premier Empire, des édi-
tions d'auteurs classiciues,
mutilées par la censure. —
Chateaubriand, dans sa célèbre bro-
chure : Bonaparte et les Bourbons,
— 558 —
avance, p. 14 : « Dans les nouvelles
" éditions des anciens auteurs, la
« censure faisait retrancher tout ce
« qui se trouvait contre les conqué-
« ranis, la censure et la tyrannie. »
Un autre pamphlet de la même
époque transcrit un long passage de
Massilion, comme supprimé par or-
dre dans une édition du Petit-Ca-
rême. (Tout ce qui lui paraîtra glo-
rieux deviendra légitime, etc.). Est-il
vrni qu'il existe en effet des éditions
ainsi mutilées et expurgées? Pour-
rait-on les indiquer d'une façon
précise ? A. M.
M .Vîctoi* Hugo et un coup
d^État «luî n'a pas eu lîeu.
— Dans le tome second de VHistoire
d'un crime, Victor Hugo raconte un
fait étrange qui a certainement
frappé tous ses lecteurs. Pendant la
nuit du 16 novembre 1851, un prince
de la famille Bonaparte vient dans
l'ombre (seul et masqué sans doute,
mais non muet); il engage le poète à
devancer le coup d'Etat qui se pré-
pare, il le presse de s'emparer du
président de sa propre autorité, de
le jeter en prison. — Le prince
postiche d'ailleurs très-bien le style
de l'auteur des Misérables; mêmes
antithèses, mêmes phrases courtes,
incisives. « Je sens et je vois ma
a conscience. Elle m'approuve. J'ai
(( l'air de trabir Louis, eli bien, non,
« je le sers. Le sauver d'un crime,
<( c'est le sauver. En venant vous
« voir, je conspire à la fois contre
« lui et pour lui. »
Victor Hugo refuse la périlleuse
proposition qui lui est faite, ce qui
d'ailleurs aurait pu tourner à son
détriment. Morny, Persigny, Saint-
Arnaud et autres intimes de lÉlysée
ne se seraient point sans doute rési-
gnés à cette ai restation subite qui
changeait de fond en comble les
destinées du pays. « J'aime mieux
subir le crime que le commettre, «
répond le poi'te.
Personne n'a ajouté grand'foi à
cette dramatique conûdence; les lec-
teurs qui ont admis la sincérité du
grand Victor, admettent qu'il est de
bonne foi l'objet d'une de ces hallu-
cinations dont de^ traces assez nom-
breuses se retrouvent dans ses écrits.
Le prince n'est pas nommé, mais il
s'agit sans doute de celui qu'on
appelait en 1850, le prince de la
Montagne, qu'on a depuis qualifié
de « César déclassé » et qui tout ré-
cemment s'est fait inscrire, d'une
façon bruyante, parmi les rédacteurs
de !a Revue des deux Mondes. Quoi
qu'il en soit, il serait à propos que
les historiens futurs eussent sur cet
épisode étrange quelques notions
plus explicites que celles que leur
fournit l'Histoire d'un crime. J. A,
Montaigne a-t-îl déserté
son poste à l'heure du dan-
ger V — On lit dans la Correspon-
dance de Sainte-Beuve, récemment
publiée, une lettre à M. Chantelauze
dans laquelle il demande (t. II,
p. 205) s'il est vrai que Rabelais,
médecin à Lyon, quitta la ville dans
ime épidémie et s'en alla à Tournon
nu ailleurs, ce qui le fit rayer de la
Faculté. Le célèbre critique ajoute :
« Ceci ferait le pendant de Mon-
« taigne, quittant Bordeaux où il
« était maire, et n'y revenant pas à
t cause de la peste. » — Est-il vrai
que Montaigne ait agi de la sorte?
Qu'en disent ses biographes et no-
tamment M. Grun, auteur d'un tra-
vail fort étendu sur la vie publique
de l'auteur des Essais, livre que je
n'ai pas sous la main ?
(Toulouse.) V. A.
Un I*rîv^îlège de librairie
mis en musique. — On raconte
que le fermier général Benjamin de
la Bercle, grand amateur des arts de
tout genre, mit un jour, par suite
d'un défi, en musique un privilège
de librairie; ce morceau singulier
fut gravé. M. le baron Roger de Por-
tails a reproduit cette anecdote
(Les Dessinateurs d'illustrations au,
dix-huitième siècle, p. 427). Pourrait-
on avoir quelques détails sur cette
production originale; a-t-elle été
insérée dans quelque recueil.
J. M.
Le peintre Alluys. — Né en
Auvergne, Alluys fut attaché aux
ateliers de restauration du Louvre,
fit de la peinture de portrait au
Chili en 1846 et 1847, revint en
France en 1848, et publia dans l'Illus-
559
tration des notes et dessins sur ses
voyages. Pourrait-on nous dire ce
qu'il est devenu depuis? A. V.
Li'abbé de Montépîn. — Où
pourrait-on trouver les deux ou-
vragt's suivants, le premier de l'abbé
de Montéfdn, ancien jésuite, l'autre
édile par lui : EpistoîasTui'seîini, 1743,
in-i2,- — Histoire de l'hostie miracu-
leuse de Paris, par Léon de Saint-Jean,
1753, in-12. M.
Liombard des Evei-s. —
J'ai rencontré fréquemment un por-
trait in-folio gravé portant le titre
suivant :Antonius Lombard tlesEvers
Presbyter Florapolis, natus 11 nov.
1721, obiit4 ap. 1780. (Bauvais deli-
neavit. — Ch Duflos sculpsit.) — Je
serais reconnaissant à celui qui
pourrait me renseigner sur la nais-
sance, la vie, les travaux et Ja mort
de cet ecclésiastique. A. V.
Croisade de 1«39. — Quels
sont les documents originaux et les
historiens spéciaux à consulter en-
dehors de VHistoi'îa diplomatica Fre-
dmdsecitA2(ii de M. Huillard-Bréholles?
C*^ DE GaLAMETZ.
RÉPONSES
Mélusine (XX, 191). — Les
fées comme Mélusine se retrouvent
dans l'histoire légendaire de chaque
pays. Elles sont toutes, — à mon
avis — de la famille des classiques
sirènes et de cette fabuleuse Echidna,
dont parle Hérodote [liv. IV, § 9),
moitié jeune fille et moitié serpent,
rencontrée par Hercule dans les dé-
serts de la Scythie.
— Il serait intéressant de recher-
cher le sens primitif «l'une aussi
antique légende, qui semble se ratta-
cher au souvenir défiguré d'Eve et du
serpent. A. B. A.
Dictionnaire des syno-
nymes (XXII, 384). — Le meilleur
ouvrage pour le but énoncé dans la
question me paraît être le Diction-
naire complet des langues française et
allemande, par Mozin et Peschier,
avec le concours de M. Guizot pour
les synonymes (i° édition, Stuttgart,
J.-G. Cotta, 1863). J -A. de Bernon.
"Vie des Cardinaux. (XXII,
287). — Œttinger, dans sa Biblio-
graphie biographique {Bruxelles , 1 854),
indique, p. 2006, trois ouvrages
latins relatifs à l'histoire générale
des cardinaux ; deux ont été publiés
au dix-septième siècle; le plus ré-
cent, intitulé Turpura docta, a paru
à Munich en 1716 ; il forme 4 volumes
in-folio, y compris 1 volume de sup-
plément. Une biographie spéciale et
complète des membres du sacré
Collège, à partir de l'époque de sa
création jusqu'à nos jours, est encore
à faire. J'ajouterai que l'ouvrage
d'CEttinger sera également consulté
avec profit à l'égard de la vie des
fondateurs et fondatrices d'ordres
religieux. B. C.
Les Rossett (XXII, 93). — On
peut trouver des renseignements sur
la noblesse du Dauphiné dans le No-
biliaire du Dauphiné,par Nicolas Cho-
rier. (Bibl. nationale, Lm^, 48, in-12);
dans le Nobiliaire du Dauphiné, par
Guy Allard, 4 vol. in-r2.(Bibl. natio-
nale, Lm-, 43), et dans V Armoriai du
Dauphiné par Rivoire de la Bâtie (Lm,
185, in-4). On trouvera certainement
aussi des renseignements dans les
nobiliaires généraux de la France. —
Quant aux Rossett, on ne les trouve
pas, du moins avec cette orthogra-
phe, dans les ouvraû;es spéciaux que
j'ai cités plus haut.— On y trouve
une famille Rosset ou Roussel, sei-
gneurs de La Martellière, Riors, La-
val, qui a pour armes : d'azur à trois
trèfles d'or. — La Chesnaye des Bois
{Dict. de la noblesse) donne aussi cette
famille Rosset, anciennement Roussel.
Est-ce la même que les Rossett?
A. P.,
employé à la Bibl. nationale,
Le Gérant : L. Sandret.
TABLE METHODIQUE
DES OUVRAGES ANALYSÉS
THEOLOGIE
Oénéralîtés. Enciclopedia dell' Ecclesiastico {abb. Vicenzio d'Avino
terra. P. Ant. Pellicani) 487
Écriture sainte. Biblia Fede e Scienza ossia lezioni bibliche sulla
cosmogonia mosaica (Fr. Miglior.) ' 97
Naturforscliung und Bibel in ibrer Stellung zur Schopfiing (Cari
Gùttkr) 98
Uie biblische Schùpfimgsgeschicbte und ihr Verbaltniss zu den
Ergebnissen der Naturforschung [le Dr. Fr. H. Reusch). . . . 100
Comment s'est formé l'univers (Jc.rm d'Esh'enJie) 99
Zur Authentic und Integrltat des Mosesliedes [le Dr. Cari Flockner). 100
La Sainte Bible : Li^s Juges et Ruth [Vabbé Clair, trad. de Vabbé
Bayle] 101
Die Bùclier Esdras, Nehcraias und Estber {le Dr. B. Neteler) . . 101
Bas Buch Tobias (le Dr. C. Gutberlet) 102
Théologie der Proplieten des Alteu Testamentes (le Dr. Hermann
Zschohke) 103
Des Heiligen Hippolytus von Rom Commentar zum Bûche Daniel
[Otto Bardenhe^oer) 104
Einleitung in das Neue Testament Qe Dr. Ch. V. Aberle und Dr.
Paul Schanz) lOo
Zur Johanncischen F rage (le Dr. Willibald Beyschlag) 106
Dictionnaire de la Bible [E. Spol) 108
Die bibliscben Darstellnngen in den roemischen Katakomben als
Zeugen fiir doi NVahrheit der Christ-Katholischen Lehre
(le Dr. Alex. Grillwitzer) 433
Novum Testanientu m grœce (Constoî< de T/sc/iewdor/") 219
Saînts-I*ères. Patrologie. T. 1" [le Dr Alzog) 488
Corpus apologetarum Christianorum ssecuU secundi. T. 1" (J. C.
Th. de Otto) 313
Hermœ Pastor grœce, addita versione latina recentiore e codice
Palalino (Oscar de Geè/jaj'df et .Irf. Ilarnack) 12G
Patrum Apostolicorum opéra (Oscar de Gebhardt, A. Hamack,
Th. Zahn) 220
S. Clément of Rome (J. B. Lightfoot) 40
S. Isaaci Antiocheni, docloris Syrorum, opéra omnia {le Dr. Gustave
Bickell) 47
Saint Bernard, orateur (l'abbé Vacandard) 31G
TBiéolo^îe ciog-iiiaticiuc. Das beilige Messopfer dogmatisch,
lilurgiscli und ascetisch erklart (le Dr. Nikolaus Gihr) 221
Clemenlis Scbrader, S. J., de theologico testium tonte deque
edilo fidei testimonio seu traditione commentarius. . . . . . 409
Le Christianisme et les temps présents. T. III (l'abbé Em. Bougaud). 318
Œuvres de Myr Freppel 141
La Foi {le R. P. Vincent de Pascal) 492
Le Syllabus, base de l'Union catholique (le R. P. Petitalot). . . . 128
L'Egli'e et la Civilisation (Son. Em. le cardinal Pecci, trad. de Paul
Lapeyre) 410
L'Eglise et la Civilisation (Son. Em. le cardinal Pecci) 410
Cours complet et détaillé de catéchèses pour rinstmction des
enfants de la classe inférieure des écoles (G. Mey, trad. de
J. Gaj)p) 491
Explications sommaires du catéchisme (l'abbô F. Loizellier). . . . 403
— 561 —
Le Directî^ur des catéchismes de première communion et de per-
sévérance {l'abbé R. Turcan) 403
L'Evangile interprélé selon l'esprit de Jésus-Christ (G. Domirti de
Feret) 253
Les Paraboles évangéliques [Mgr Pichenot) _ . . 106
Xhéclogîe ascétique. Méditations sur la vie de la sainte Vierge
{le R. P. Largent) 493
La Première Communion {Mme Léon Gautier, précéd. d'une lettre
de Mgr Mermillod) 4o8
La Vie chrétienne : lectures pour les familles et instriictions pour
les familles et instructions pour les paroisses {l'abbé Berseaux). . 386
Vie et Œuvres si)irituelles de l'admirable docteur mystique, le
B. Père saint Jean-de-la-Croix, introduction du (R. P. Chocarne). 387
Spiritual Letters of Archbishop Fenelon 349
La Vie de Notre-Seigneur (ra66é 6f. J. 7/urde6ise) 389
Le Missionnaire du jour de la première communion {Vabbé Hébert). 391
Les Gloires du Sacré-Cœur (Son. Em. le cardinal H. E. Mamwig.,
trad. de l'abbé A. Goemaere] 393
Les Anges dans la tradition catholique {le P. Berlin Eermans) . . 398
. Pratique de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus 400
Eslher ou quelques mots sur le mystère de la B. vierge Marie
{Vabbé Fi.us) . 394
Les Douleurs de la vie, la mort, le purgatoire : espérance et con-
solation (ra66e V. Poste/) 130
Heures de tristesse et d'espérance {l'abbé de Btllune) 395
Tratado de la tribulacion (P. Pedro de Ribadeneira) 397
Le Livre unique des liflèles (l'abbé Peijré) 399
Les Excellences du saint cœur de Marie (?e P. Pinamonti). . . . 399
La Médaille miraculeuse {Aladel) 4o8
Soumission du chrétien aux arrêts de la Providence {le R. P. An-
toine Touron) 400
Les Secrets desseins de la Providence (?e R. P. Ant. Touron). . . 400
De la paix intérieure ou le sentier du paradis {le P. Laurent
Scupoli) 401
Avantages de la charité envers les âmes du purgatoire (le P. Jac-
ques Mwnford) 401
La Figlia cristiana provveduta (sac. Bosco) 402
Lffizio délia settimana sauta 402
La SS. Communione (Mgr tic Se^ur) 402
Il Maggio in Campagna 402
Le Denier du Sacré-Cœur (Paul Féval) 526
Le Miracle du 6 septembre 1878 (Henri Lasserre) 526
Mélanges. Paroles de Dieu (Hcllo) 493
El arbor de la Vida (Abdon de Paz) 222
L'Embryotomie {le P. A. Eschbach). . . .- 453
Iteligion des peuples orientaux. Prières des Falashas ou
juifs d'Abyssinie (J. Halévy) 49
Sociétés secrètes, etc. La Franç-Maçonnerie, révélation d'un
rose-croix 69
La Franc-Maçonnerie {Mgr Besson) 527
Le Spiritisme (l'abbé Durand) 348
JURISPRUDENCE
Droit romain. Explication méthodique des Institutes de Justinien.
T. I- 494
Oroît civil. Leçons de législation usuelle (H. Viel-Lainare) . . . . 454
Etudes sur la communauté réduite aux acquêts {Ch. Piolet) . . . 308
De la séparation de liens SOI/S le régime dotal (Fué/oi) 308
Etude sur le caractère ot les cor,ditions constitulivt s du mariage
Jl-i.\ 1878. T XXIJ, 36.
— 362 —
en droit romain et en droit français (Bedros Th. Chachian). . . 308
De la succession légitime et testamentaire en droit iuteina'ional
piivé [Charles Antûme] 30H
De la propriété des mines (£. Chevallier) 313
Leçon d'ouverture du cours de droit civil approfondi dans ses
rapports avec l'enregistrement (£. Dubois) 314
Explication élémentaire du c ide civil (/. j. Delsol, avec collab. de
Ch. Lescœw) 495
Elémenls de droit civil russe (Ernest ie/ir). 493
Droit pénal et erîmînel. Des excuses légales en droit pénal
(A. de Sarrau de Boynet) 311
Code-M miiel du juré d'.is^ises (6*. Fenet) 311
Préris d'un cmrs de droit i:riminel (£. Villey) 311
Droit eominereial. Dictionnaire de droit commercial, industriel
Qi m<in\.ht\Çi [Govjel et Merger de J. lioubcn de Couder) 131
La Faillite dans le droit international {.rivé (6. Carie, trad. de
£. Dubois] 309
Les Chau!?es et les ai-bitrage< (Hipp. Vannier) 434
Droit administratir. Traité de l'adininistration temporelle des
associations religieuses et des fabriques paroissiales ((j, Cal-
mette) 70
La Législation de l'Algérie (Jeawro^. . ... ' 309
Codti ùts [oi:, ùe là Viti^sc (Rolland de Villarguesi 312
Diciionnaire d<^ droit électoral (A. Bavelier 3l2
Code di's théâtres [Ck. Constant) 314
Droit public. Procédure des débats parlementaires {Alfred Bon-
sergent) 432
Etude sur l'exirulition (E de Vazelhes) 310
De la protection accordée aux œuvres d'art (A/irfré Mon/Zo^. . . . 4oo
De la création don cours de dioit imeruatioual (P. Larroque) . . 327
Mélanges. Valeur de l'assemblée qui prononça la peine de mort
contre Jésus-Chiist (/e5 abbés Lémann) 107
Traité de droit français privé et ftublic (A. Moullart). 307
Manuel de législation française à l'usage de tout le monde [Emile
Benoit) 308
L'Eg^fpte et .-a réforme judiciaire 310
La Séduction (A. Millet) 311
SCIENCES ET ARTS
Phîlosopîiie. Dis Gewissen (P/o/". J. J. I/oppe) 133
La Philosophie des Grers considérée dans son développement histo-
rique. T. 1. {Ed. Zeller, trad. de £. Boutroux) 319
Philosophie de l'Inconscient [Ed. de Hartmann, trad. de D. Nolen). 199
Les Cause< finales [Paul Janet) 206
Philosophie de la religion de Hegel (^rad. de A. Véra) 209
Principes de philo .ophie (A. Hartsen, trad. de Paul Regnaud) . . 210
Dieu, l'homme et la société. Première partie: Di-u (B. Sernin-
Castex) 212
La Nature et la vie, f.àts et doctrines (Fernand Papillon) .... 213
Les Merveilles du coeur (A. Riche) 212
De l'Essence des passions [Eug . Maillet) 412
Recherches sur le dimanche [P. Lescuyer) 231
La Guida del Galantuomo {Francesco Rapisardi) 176
Le Bonheur au foyer. Lettres d'une mère à sa iille [Mme Julie
Fertiault) . . ". 72
E^ducalion et E^nseignement. De l'éducation intellectuelle,
morale «4 physique [Herbert-Spencer) 49
Notes et documents sur l'état de l'instruction populaire eu Suisse
{Henri Maguin) 497
— 563 —
La Lecture ou le choix des livres {l'abbé J. VernioUes) ..... 69
L' Art à.' écrit e {Antonin Rondelet) 140
Annuaire de l'enseignement libre pour 1878 523
La Sciiptolégie (J. Gheur) 455
Politique. Théorie générale de l'Etat {Bluntschli, trad.de Armand de
Riedmatten) 50
Philosophie de la science politique et commentaire de la déclara-
tion des droits de l'homme de 1793 {Emile Accolas) 325
La TeoriadelProgesso legislativo (jYunzoi iVasi FiYgiho) .... 347
Economie politique. Introduction à l'élude de l'économie poli-
tique (iî. Bameth) • • • 414
Traité élémentaire d'économie politique (Boz?/) ...*... 170
Théorie du Crédit (Clément Tavarel) 498
L'Or et l'argent (L. Simonin) 71
Manuel pratique pour l'organisation et le fonctionnement des socié-
tés coopératives de production {Schulze-Delitzsch et le Dr. Schneider, 528
précédé d'une lettre de Se?ijamn Jîa?«paZ)
Etude sur le travail (S. Mony) 53
Statistique. Forces matérielles de l'empire d'Allemagne (Legoyt). . 252
Industrie. Etude sur l'exploitation des chemins de fer par l'E'at
(F. Jacqmin) 498
Physique et chimie. Le Télégraphe terrestre, sous-marin, pneu-
matique {Paul Laurencin) 171
L'Etincelle électrique [A Cazin) 170
Qu'appelle-t-on équivalent chimique? (F. -A. Harfseîi) 453
Géologie. Sur l'état présent des rapports de la science et de la reli-
gion au sujet de l'origine des êtres organisés (A. Bèchamp) . . . 218
Les Enchaînements du monde animal dans les temps géologiques :
mammifères tertiaires (A/6. Gaudry) 322
Le Monde où nous vivons (F. Maury, trad. de Zumher et Margollé). 70
Botanique. Flore de la Suisse et de la Savoie (le Dr Louis Bouvier). 324
A travers champs, botanique pour tous (Mme J. Le Brefon) .... 325
Agriculture. Vocations agricoles (J. B. Busseuil) 347
Hygiène. Notions pratiques d'hygiène populaire {le Dr Picqué) . . . 454
Mathéniathiques. Le Multiplicateur à trois cents carrés {Max. Cor-
dier) 454
Cosmographie et Astronomie. Entretieus familiers sur la
Cosmographie {Audoynaud) 528
L'Astronomie de la jeunesse [H. Plessix) 453
Le Monde sidéral {Zurcher et Margollé) 348
Le Soleil, 2« part, {le P . A Secchi) 325
Lettre à un matérialiste sur la pluralité des mondes habiles et les
questions qui s'y rattachent (Ju/es £oiïeMa?) 214
Cours de mécanique analytique {Ph. Gilbert) 223
Art militaire Mes Rêveries (Maréchal Maurice comte de Saxe) . . . 223
Beaux-Arts. Causeries sur l'art et la curiosité (£d»i. Boyirtfl^é) . . 419
Notes sur l'Espagne artistique {Fernand Petit) 72
La Maison Plantin à Anvers (Lcon De^fÉor^e) 499
Le Verre, son histoire, sa fabrication (£. Pé/('gof) 138
La Cour et l'Opéra sous XVI ; Marie-Antoinette et Sacchini, Saliéri,
Favart et Gluck [Adolphe Jullieri) 54
BELLES-LETTRES
Philologie. Essai sur le déchiffrement de l'écriture hiératique de
l'Amérique centrale {Léon de Rosny) 230
Supplément au dictionnaire delà langue française {E. Littré) suivi
d'un diction, étymologique (Marcel Devic) 229
Poésie ancienne. Œuvres d'Horace {Ch. Chautard, précédée d'une
étude de F. de Laprade) 327
— o64 —
Oàesà'Hovàce {Et.-Ang. de Wailli/ et G.-G. de Wailly) 327
I»oé«îe du moyen âge. Beiivc de Goriimarchis (A. Scheler). . . . 197
Deux rédactiiiDs du roman de? sept sages de Rome (G. Pflrts) . . . 194
Mélanges de mythologie et de linguistique {Michel Bréal) .... liOi
L'Iliade d'Honfère (F. Bahuron) o02
Brun de la Montagne (P. Meytr] 195
Guillaume de Palerme (H. Michelan) 190
A'iol (J . Normand et G . Rc7mud] . 196
Les Enfanci.'s Ogier (A. Scheler) 196
LiRoumans de Berte aux grans pié? {A. Scheler) 197
Trouvères belges du douzième au quatorzième siècle (A. Sc/ie/er) . 197
\À Bustars de Buillon (A. Scheler) 198
Miracles de Noire-Dame (G. rart5 e^ T. Hofterf) 19i
Les Voyages oierveilienxde saint Brandan à la recherche du Paradis
terrestre (Fr. Michel) 330
Recueil général d(;s fahliaux des treizième et quatorzième siècles
[Anatole de Montaùjlon) o5
Chansons du quinzième siècle (G. Pam) 193
Œuvres complètes de Griiigore, T. IL (A. de Montaiglon et J. de
Rothschild) 232
Petit Romancero (/e comîe de Pwvrîiaigrc) 71
Poésie «noderne. Pi einière=î poésies (Ac/jî7/e Mi7/i'e/i) 331
Nouvelles poésies (Ac/iille Millien) 331
Le Presbylère de PlouarzeKMme C. £. Puissa?i) 111
Un mariage sous la Terreur {Ch. Yrtal) 113
Un^ martyre (rflfcfeé P(«s) 114
Le Sièiïft de Caderousse (l'abbé Faire, trad. de Placide Cappeau) . . lio
Le Château de Riiquen)ai!ro [l'abbé Famé, trad. de Placide Cappeau). Ho
Quatre ballades (P. Jlîs<(?//m6er) 116
A travers bi'ji?, pi'cs et, sillons (l'/^er) 116
Notie-Dcune de Lourdes (r<;f66e C/iaw6awd) 117
Pie IX, ?es gloires, ses épieuvcs, ses trois jubilés [l'abbé Uovine). . 1 17
Roniii, poésies catholiques (Ft'cfor t^/iréfien) 118
Poésies inédites du com<c Ly/"o?irf 118
Les Deux frères martyrs H 9
Nouvelles poésies chrétiennes (F?'. Goiilin) . 119
Les Flturs de Bretagne {Edm. Frain) 119
Au iil dt l'eau (A/ôcri .1/emO 120
Les anciens jours (ff. de Blazac) 12U
Poèmes dramatiques (A. Maxuoy) 120
Les Chants de la montagne (A. Schuré) 121
Premiers vers (He/u'.v c/e i7r((;î(//!2/) 121
Les Primevères (P. Marmottan) 121
La Fanfcire du cœur (L. Solvay) 121
Myrtes et Cyprès (Geo'ffcsFc/îowd) 122
Printemps et. Neiges {L. Béor) 122
Poésies intimes (A. de iaj'oc/te/bucauW) 122
Poé.-its coiiie!ni)oraines [Desyr Ravon) 123
Dieu et Patrie (a/arc- jBo«?ie/"o2/) 123
Rime de ca[ie et d'épée iOgrer d'Jur?/) 123
Les A'allonnaisç'.s (E. Fi7/art/) 124
Ai-je des ailes? iAnna Roberjot) 124
AEtiques et modernes (Germoi/i PtcarcZ) 12o
Sœur Marthe [Germain Picard) 125
Cent fables nouvelles (A. F. Théry) 125
Le Livre d'un père {V. de Laprade) 12o
Petite anthologie des poètes de la Drôme (Ju/es Saiiit-Remy) . . . 254
Del triont'o délia liberta poema inedito {Alltss ManzmùEd. Romussi) 504
Romans contes et nouveîles. L'Amour et Psyché (^?</éej no-
— o6o —
lii e de A. Pons) 233
Paul et Vi'-.::;iaio (Bernaniin de Soint-Pierre, prûtViCo de J. Clarelic). 233
Adoli^he {Benjamin Constant, préface de A. F.Pons) 233
Etapos d'une conversion, ^Paul Féval) q
Les Contes de Bretagne (Paul Féval) 8
L-i Belle-Etoile [Paul Féval) .' * 9
La Fée de? grèves (PrtuZ Féval) 10
L'Homme de îiiv (Paul Féval) jO
Château pauvre (Paul Féval) 10
Frère Tranquill-^. (Paul Féval) U
Le dernier chevalier (Paul Féval) H
La Reine des cpées {Paul Févai) ^2
La Première tache de sang (A. Labutte) •]3
Les Causes sacrées, le Roi (Raoul de Navery) ^3
L'Aftiquet de la marquise (A. de Barthélémy) 13
Marcie [Charles du Boishamon'^ 13
Le Secret du château de Rocnoir (J. Goniry du Jardinet). ... 13
Pour la Patrie (Eiic/me Marcel) I3
La Foi jurée (R«ow/ de Navery) I5
Les Héritiers de Judas (Baoul de Navery) 16
L'Honneur du nom (C/(ar/es Jîweil 16
Corbin et Aubecourt (Loiu'> Fcuî//o^) 17
Les Ronces du cheniiu (Claire de Chandeneux) 18
Sabine d-. Rivas (3/avie 3/arc''/ia/) 18
Jaciiiies Bernard (Mme Guerrier de Ilaupt) 19
Première et dernière dette ((^a5rie//c rf'Aruor) 20
Les Neiges d'Antan (1/me Jw^te Larergwe) 50
Les Soirées du Château de Kerilis (.7. de Launay-Overney) .... 20
Marguerites en tleur (Jean Lander) 20
Nouvelles et récits villageois (Jean Lander) 20
Le Supplice d'une mère (/. Gondry du Jardinet) 20
Les Amoiu-s de Philippe (Octave Feuillet) 21
Samuel Brohl et Ci<' (Victor Cherbuliez) 23
Daniel de Kerfons (Ernest Daudet) 28
Le Nabad (Alph. Daudet) 2o
Oblomolï (han Gontcharoff trad. de Charles Deulin) 2!)
Do^la (Uenry Gréville] 30
L'Expiatio)! de Savoli (Henry Gréville) 30
La PrinC'.'S-e Ogherotï (Henry Gréville) 30
A Travers Champs (Henry Gréville 30
Les Koumiassine (Henry Gréville) • . , 30
Sonia (Henry Gréville) 30
La Maison de Maurèze (Henry Gréville) 30
Suzanne Normi-* (Henry Gréville) . . : 30
Flora Bellasys (G. A. Laurence, trad. de Ch. Bernnrd-Derosne) . . 32
Sans issue (Elisabetli Stuart Phelps) 32
Le Baiser de la comtesse Savina (A. Caccianiga, trad. de Lco7i Dieu). 32
Sous le grand hêtre (A. Snieders . 32
iea.aT)a.^onrY {Charles Canivet) 34
La Veuve (Louis Enault) 3o
Un Amour de grande dame (Alfred de Besancenet) 35
Le Mari de la vieille (Gabriel Prévôt) 35
Une femme à bord (René de Maricourt) 3.^
La Grande falaise (Albert Sorel) 35
La Bâtarde iX. de Montépin) • 37
Près du goulïre (Saint-Patrice) 37
Le Numéro 11 de la rue Marlot (flené de i'oni-JfcsO 37
Kousouma (Marie Bo^or) 37
Dona Maria (L. Cambier) 38
— 566 —
Les Diables de Loudun (Jean de Poitiers) 39
Elisée (Eugène Velhtan) 30
Le Dégrossi ( Vidor Le Febvre) 40
Maître Guillaume (Charles Deslys) 41
Pauvres et mendiants (G. de La Landelle) 41
Deux croisières (G. de La XandeWe) 41
Hector Servadac (Jules Veriie) 42
L'Ame de Beethoven [Pierre Cœur) 42
Une rivale de Marguerite (Le baron de Fauconnet) 43
lin mélange diabolique (Le baron de Fauconnet) 43
Contes triste (Louis Haumont) 43
Trois contes (Gustave Flaubert) 44
Un plaidoyer en faveur du vrai roman catholique. Le Maréchal de
Montmayeur (Ch. Buet) 290
La Circassienne (Louis Enault) 291
La Fée du logis. (Mme la comtesse Drohojowska) 292
En Poiton (Mme Maryan) 293
Les deux clochers (J. Chantrel) 293
Pierre Plot (Paul Féval) 294
Douze femmes (Paul Féval) 295
Le Talisman de Marguerite (Alfred Seguin) 297
La Rose d'Antibes (Edouard Didier) 297
Le Secret de Valrège (Ch. d'HéricauU) 298
Dolorita (le baron de Wogaii) 299
La Comtesse Damalanty (le Prince J. Lubomirshi) 300
La Maison Vidalin (Alphonse de Launay) 299
La Servante du diable (Emmanuel Gonialès) 301
Le Plus hardi des gueux (Alfred Assolant) 302
Œuvres posthumes : La Coupe. Les Contes d'une grand'mère
(Georges Sand) 303
Nouvelles russes (Henry Gréville) 305
Trois nouvelles (Emile Bosquet) 305
Contes en l'air (Georges de Peyrebrune) 306
La Fille de Pharaon (Goerges Ebers) î)04
Ouvrages pour la jeunesse. L'Hôtel Woronzoff (Mlle Marie
Maréchal) 404
De Rio Janeiro à San Paulo (F. floussay) 405
Mélanie Gerbier (la comtesse de la Rochére) 405
Le IMonde des jeunes filles (Victor Henrion) 406
Fauvette (Mme de Stolz) 406
Paul, souvenirs d'Australie (Mlle Marie de Besneray) 407
Le Lion de Coëlavel (Mlle Gabrielle d'Et/iampes) 407
La Fille du Kabyle (Mlle Guerrier de Haupt) 408
La Dette au bon Dieu (Mlle Guerrier de Haupt) 408
Où se cache le bonheur (Roua;- Ferrand) 408
Les Merveilles du bon Dieu (Mlle Barbier) 409
Biblioteca délia Gioventu 172
Histoire et critique littéraire. Vie et mort du génie grec 421
(Edg. Quinet) 421
Horacio en Espana (Menendez. Pelayo) 327
Les Prophètes du Christ (Marins Sepet) 143
Le Drame chrétien au moyen âge (Marins Sepet) 143
Storia délia pocsia popolare italiana. (Erm Rubieri). ..... 57
La Poesia popolare italiana (Aless. d'Ancona) 529
Précis de l'histoire de la littérature française (D. Nisard) .... 420
Tableau de la littérature française, 1800-1815 (Gustave Merlet). . . 147
Etude sur les œuvres de Jean de Mairet (Gaston Bizos) 146
Corneille, la critique idéale et catholique (Aug. Charaux, avec
introd. du B. P. Marquigny) 501
— 367 —
Histoire de deux fables de La Fonlaine, leurs origines et leurs
pérégrinations (A. Joly) 14o
Nutes sur la vie et les ouvrages de l'abbé Jean-Jacques boileau
[Ph. Tamizey de Larroque) 332
Vie, écrits et correspoudance littéraire de Laurent-Josse Le Clerc
{l'abbé L. Bertrand) 08
Molière et Bourdaloue (Louis Veidllot) 234
Molière et Bos-uet {Henri de la Pommeraye) 234
Etude sur Bnurdaloue {Frédéric PouUn) 235
Nouveaux samedis, io^ série (.4. de Pontmartin] 238
Vingt nouveaux portraits {Léon Gautier] 436
Les Bas-Bleus (J. Barbey d'Aurevilly) 349
Le Théâtre en Angleterre (Jy/es J»s.serfl?io/) 422
I*oIysi*aphes. Œuvres choisies de F. Ozmam 349
Kpistolaires. Correspondance de Jules Jaiiiii {de la FizeHère et Clé-
ment Janin) 239
Correspondance inédite du comie de Caylus (Ç/i . Xisard) . . . . 330
Mélange»». L'A.moi\r {le chevalier de Maynard) 2o2
Le \ien\-^eu^Edouard Fournier) 415
Voyages hors de ma chambre {V. Fournel) o32
Cheznous et chez nos voisin- {Xavier Aubryet) 430
HISTOIRE
Généralîlés. Essai sur l'esprit public dans l'histoire {le vicomte
Ph. d'Ussel) 149
Oéographie . L'Année géogr.iphi(}ue {E. Maunoir et H. Dnveyrier). 424
Littéruture de géographie de statistique et d'ethnographie russe
pour les années 1874-187o {V Méjoi). 423
Dictionnaire topographique aijrégé de la Terre-Sainte {F. de Saulcy) 108
Voyages, Le Guide du pèlerin aux ég ises de Rome et au palais du
Vatican {Mgr Barbier de Montault] 530
Grèce et Turquie (Alfred Gitlicron) 457
L'Ejypte à petite^ journées (.Jr^/tw* R'ioné) 422
L'Afrique et la Contérence géographique de Bruxelles (E. Banning). 151
A travers l'Afrique {le commandant V. L. Cameron, trad de U. Lo-
reau) 132
Souvenirs de l'Algérie et d'Orient {Horace Fahiani) 173
L'Afrique centrale {le colonel Chaillé-Lo7ig , trad. de Mme Fossé de
Saye) 73
The Voyage of the Challeng.r (StV C. Wi/fî//e T/iomsoM) 431
Le Très ar des Incas à la Terre-de-Feu {E. Pertuiset) 232
Ma vie nomadn aux m intagnes Rocheuses {le baron A. de Woelmont) 330
Uue visite à Khiva {Fred. Burnaby, trad. de Hephell) 330
Un été en Améri ]ue {Jules Leclcrcq) 73
Inde et Himalaya {le comte Gobltt d'Alviella) 333
Cachemire et Petit Thibet (./e 6aro/i E)'«Oî//'] 331
Havai (P. Tourna fond) 531
La Conquête du Pôle Nord (Wilfrid de Fonvielle) 437
Histoire biblique. Ancient History from the Monuments. The
History of Babylonia (George S/mï/i, edit. Beu. A. Sayce). ... 60
Histoire ecclésiastique. Les Preniiers convertis au christia-
nisme (l'abbé A . Laurent) 390
Les Eglises du monde romaiu (R. P. Do7n François Chamard). . . 61
Der Bruif des Jnlius Africanus an Aristides {Fried. Spitta) . . . 433
Die Zeit des Iscnatius und die Cnronologie der Aatiochenischen
Bischofe bis Tyrannus (A. Harnack) 240
Le Pape saint Grégoire VII et l'empereur d'Allemagne Henri IV. . 401
Pie IX; sa vie, sa mort (/e cornue d'7rfei;i7/e) 233
Le Pape Léjn XIII, sa vie, son élection (trad. de l'abbé Ant. Ricard) 410
— oG8 —
Hagiolo^ie. Légende de s.iinle Calheriuo J'AUxandrie 401
Ordres relîjçîeux. Le Révéreud Père de Poulevoy, de Ja com-
pagnie de Jésus. T. II (/e P. A/ea?. déGabriac). ." 241
Pierre Olivaint prêtre de la Compagnie de Jésus (R. P. Clair) . . b09
Vie de M"" de la Rochefoucauld, duchesse de Doudeauville, fonda-
trice de la Société de Nazareth 154
Hérésies. Histoire de la persécution religieuse à Genève. Essai d'un
schisme par l'Etat 172
Histoire romaine. Histoire des Romains depuis les temps les
plus reculés jusqu'à l'invasion des barbares (y. Di(?'i/î/). . . . 509
Five Lectures on the city of ancient Rome {Rev. II. Formby). . . 434
Histoire moderne. La Renaissance, études histoi'iques {le comte de
Gobineau) 513
Histoire contemporaine. L'Année politique, 1877 (André
Daniel) 459
Répertoire politique, historique et littéraire (Ch. Valframbert). . .
Questions contemporaines. Aperçu sur la société moderne
[Jules de Cacheleu) 452
Voyage au paj^s du bien [Falbert Dumonteil)
AUarme pei cattolici [Luigi Nicora) 233
Le Conclave et le Pape {Mgr X. Barbier de Montaiilt] 530
La Fin de l'anarchie {Ch. Bigot)
Tout le monde croit aux miracles {le comte de Champagny) . . . 4.t9
La Question religieuse et la solution protestante {Eug. Ùéveilland). 459
La Guerre aux jésuites (/e E. P. Félix) 255
Curés et Prussiens (J. Villefranche) 173
Le Fonds des reptiles {H. Wuttke, iraà. de B. Pommerol). . . . 158
La Question d'Orient {Emile Collas) 351
Premières lettres à MM. les membres du Conseil municipal de
Paris sur le centenaire de Voltaire [Mgr Dupanloup) 481
Nouvelles lettres à MM. les Membres du Conseil municipal de Paris
sur le centenaire de Voltaire (iff/r DMpa?i/oup) 481
Dernières lettres à MM. les Membres du Conseil municipal de Paris
sur le centenaire de Voltaire [Mgr Dupanloup) 481
Voltaire {Adrien Maggiolo) 484
Le Centenaire du grand Voltaire (Rusticus) 484
Rêve d'un conseiller municipal à propos du centenaire de Voltaire. 484
Véritable portrait de Voltaire peint par lui-même {l'abbé Tassy). . 485
Epitre du diable à M. de Voltaire 485
Voltaire {Stoffels de Varsberg) 485
Voltaire! son centenaire -186
Frédéric II et Voltaire, dédié à la Commission du centenaire
{Vabbé V. Benard] 486
Centenaire de Voltaire. Appel au bon sens, à l'honneur et au
patriotisme des hommes dn tous les partis 486
Souvtinir du centenaire, avec portrait de Voltaire 487
L'Homme du centenaire : le Patriote, l'Ami du peuple, son désin-
téressement, sa sincérité, sa mort, l'homme du centenaire, jugé
par J.-J. Rousseau, Marat, Louis Blanc et Victor Hugo. Le cœur
français de Voltaire. . • 486
Voltaire. Œuvres choisies, édition di; centenaire 487
Histoire de France. Procès des Templiers (/'ciôôé Léon iVeueu). . 174
Jean de Vienne {le marquis Terrier de Loray) 435
La Domination bourguignonne à Tours et le siège de cette ville
{Delaville L, Roulx) 74
Le Livre d'or itançais : la Mission de Jeanne d'Arc {Frédéric Gode-
f'oy) 245
La Famille d-^ Jeanne d'Arc (£. de Bouteiller et G. de Braux). . .511
Le Seizième siècle en France (A. Darmestete?' et Adolphe Eatzfeld). 334
— èiCO —
Les Ducs de Guise et leur éjioque (7f. FûJîiero??) 337
Lellivs d'Antoine de Bourbon et à Jehanne d'Albret {le marquis de
Rochambeau) 438
Mémoires-Journaux de Pierre de l'Estoile. T, IV oi3
La Fronde angevine (A. DeèiVZoMr) 517
Le Cardinal de Hetz et l'affaire du chapeau (R. Chantelauze). . , 514
Souveni's du règne de Louis IV. T. VI [le comte de Cosnac) . . . 338
Louis XIV et Strasbourg (A. LegrcUe) 439
La Diplomatie française au dix-septième siècle. Hugues de Lionne
(J. Valfrcy). . l H2
Mémoires du duc de Saint-Sioaon. T. XX [Chéruel et Ad. Régnier
fils). .^ 64
L'Esprit révolutionnaire avant la Révolution [Féli^E Rocqnain). . . 440
Lettres de la marquise du Châlelet (Éd. Eiig . Asse) , .... bI8
Les Origines de la France : la Révolution. T. I" (//. Taine) . . . 339
Fouquier-Tinvilie et le tribunal lévolulionnaire (Domengei). . , 442
Le Portefeuille d'un général de la République {Alfred de Besan-
cenet) 63
Le Procès des ministres, [830 (Er^iest Daudet) 66
Histoire de la monarchie de juillet, de 1830 à 1848. T. I" (Fîcior
du Bled) 443
Histoire civile et politique. Les Eléments de l'ancienne cons-
titution française (T*. t\7;ieO 136
Essai sur les réformes des institutions politiques de la France
{Joseph Ebor) 346
Etudes stir le régime financier de la France avant la Révolution
de 1789 {Ad. Vuitry) 246
La Vie de province au dix-huitième siècle {linatole de Gallier) . . 155
Le Village sous l'ancien régime (A . Babeaii) 155
Les Lieutenants des maréchaux de France {marquis de Belleval). . 174
Histoire des provinces. Les Comtes et le comté de Soissons
{Ed. de Barthélémy) 447
Notice historique sur les terres et seigneuries de la Borde et de
Montdidier {la baronne A. de Girard-Vczenobre) 455
Chronique de l'abbaye de Saint-Pierre le Vif de Sens {G. Julliot) . 444
La Chartreuse <te Valbonne (L. Bruguier-Roiire) 74
Etudes économiques sur l'Alsace ancienne et mederne {Vabbé A.
Hanauer) 248
La Grèce et l'Orient en Provence (Len^/iéric) 420
Servières et son petit séminaire {l'abbé J.-B. Poulbrière). . . . 173
Une page ignorée de l'histoire de Tulle (l'abbé J.-B. Poulbrière). 173
Histoire des colonies. La Martinique (T/iéop/aVe ffuc). . . . 234
Histoire étrangère. Storia degli Italiini. T. XIV-XV (Cesare
Caniù) 448
Victor-Emmanurl (/e cornue dTtia77/e) 529
Histoire de la Confédération suisse (L. Vulliemin) 342
Vienne et la vie viennoise (Victor Tissot) 344
Histoire de la civilisation heliénique (Papamt/opoit^o) 243
Li Grèce telle qu'elle est {Pierre Moraïtinis) 345
La Vie do province en Grèce {le baron d'Estournelle de Constant). . 530
La Palfstir.e et le Sinaï {V. Hitrovo) 321
Une semaine en Pa\e<i\ne {V. Hitrovo) 521
Jérusalem et la. Palestine dans la littéraiure, là science, la pein-
ture russes et dans les traductions (S. Ponomavei) 321
Sinaï et Palestine (D. Smychiaicv) 521
Archéologie. L'Age de la pierre dans 1rs souvenirs et supersti-
tions populaires {Emile Carthailhac) 449
Recherches archéologiques sur les colonies phénicienmes établies
sur le littoral de la Celtoligurie {J.-J.-L. Barges) . , . , . 242
— 570 —
Les Ex-Voto du lemple de Tanit à Carihage (P/iiVtppe Berger). . 160
La Fiance archédogiqurt [Bclisaire Ledain) 67
Monographie" de la cathéJrale de Oainii)er {R. F. Le Men) ... 68
L'Ei^lise de Sainl-Pierr-i de Beaulieu {l'abbé J.-B. Poulbrière). . . 175
Promenade à Gimel (Corrèze) (ra66é J.-B. Pû)t/6nere) 175
La Panagia du dôme de Sirasbourg (Gasiûw Save) 173
Histoire nobiliaire, Enciclopedia araldico-cavalleresca {Gofredo
di Crollenza) 524
Gli emblemi d^i Guelfi e Ghibellini [Gnfredo di Crollanza). . . . 524
Mélanj^es Les Curiosités de l'histoire : le Rov des Ribauds (Ludovic
Pichon) ' 250
Les Con)ptes des bâtiments du Roi [le marquis Léon de Laborde). . 227
Bîo^rapliîe. Souvenirs d'nn magivtrat {A.-L. Martin) 171
Le Travail d'une âme (Mme Aug. Craven) 251
Histoire d"une vocation. M"' JNicanora Izarié [le K. P. Lescœur). . 530
Olbliograpliie. Lectures on the manuscripi Materials of ancient
irish history (Eug. O'Cwrr?/) 450
Inventaire alphabélique des livres imprimés sur vélin de la Biblio-
thèque nationalfî (Fan Praef) 167
Lettres d'un bibliophile (15' série) (J.-P.-A. JUadden) 165
Tablettes littéraires des b-bli^philes de Guyenne. T. II, . . . 161
Catdngue systématique des livres russes pour les années 1875 et
1876 [V. Méjov) 451
TABLE DES AUTEURS
Aberle (le Dr M. V,). . .
Accolas (Emile.)
Aladet
Alzog (le Dr) ,
A^■coNA (Aies?, d')
Antoine (Charles)
Apulée
Assolant (Alfred)
Acbryet (Xavier)
AUDOYNAUD
AviNO (abb. V, d') . . . .
AvoR (Gabrielle d'). . . .
Babeau (A.)
Banxing (E.)
Barbey d'Aurevilly (J.). .
Barbier (Mlle)
Barbier de Montault (Mgr)
Bardenhewer (Otto). , . .
Barges (l'abbé J. J. L.). .
Barthélémy (A. de). . . .
Barthélémy (Ed. de) . . .
Bavelier (A.)
Bayle (l'abbé)
Béchamp (A.)
Belleval (le marquis de) .
Bellune (l'abbé de) . . .
Benard (l'abbé V.) . . . .
Benoit (Emile)
BÉOR (L.)
Berger (Philippe)
Bernard-Derosne (Ch.) . .
Bernardin de Saint-Pierre.
105 Berseâux (l'abbé) 486
325 Bertrand (l'abbé L.) 58
458 Besa.nxenet (Alfred de) . . 35 65
488 Be^nf.ray (Mlle Marie de) . . . 407
507 Besson (M^r) 000
308 BicKELL (le Dr Gustave) .... 47
2;3 Bigot (Ch.) 000
302 Bizos (Gaston) 146
456 Balzac (H. de) 120
528 Bled (Victor du) 443
487 Bluntschli 50
20 BoGOR (Maàe) 37
155 BoisHAMON (Claarles du) .... 13
151 Boiteux (Jules) 214
349 Bonnaffé (Edm.) 419
409 Bonnefoy (Marc) 123
53!) Bonsergent (Alfred) 452
104 Bosco [Sac.) 402
242 Bosquet (Emile) 305
13 HouGAUD (l'abbé Em.) 318
447 Bouteiller (E. de) 511
312 Boutroux (E.) 319
101 Bouvier (le Dr Louis) 324
218 Braux (G. de) 511
174 Bréal (Michel) 501
395 Brugnikr-Roure (L.) 74
486 Buet (Ch.rles) 16 290
308 Buis (l'abbé) lU
122 Bdrxaby (Fred.) 350
160 BussEuiL (J. B.) 347
32 Caccianiga (A.) 32
233 Cacheleu (Jules de) 452
— 57i —
Calmette (G.) ''^
Cambier (L.) ^8
Cameron (le commandant V. L.) lo2
Canet (V.) ^3<5
Canivet (Charles) 34
Cantu (César) 448
Cappeau (Placide) Hâ
Carle (G.) 3^'9
Carthailhac (Emile) 4^f9
Cazin(A.) 1"<^
Chachian (Bedros-Th.) 308
Chaillé-Long (le colonel) ... 73
CHAMARD(le R. P. Do... Fran- 514
çois) ^'
Chambaud (l'abbé) H7
Champagny (le comte de) . , . . 439
Chandenedx (Claire de) ... . i8
Chantelauze (R.) 314
Chantrel (J.) 293
Charaux (Ah g.) 000
Chautard (Ch.) 327
Cherbuliez (Victor) 23
Chérdel *54
Chevallier (E.) 313
CH0CARNE(leR. P.) 387
Chrétien (Victor) 118
Clair (l'abbé) 101
Clair (le R. P. Ch.) 309
Claretie (J.) 233
Coeur (Pierre) 42
Collas (Emile) 331
Constant (Benjamin) 233
Constant (Cl.) 314
CoRDiER (Max) 434
CosNAc (le comte de) 338
Craven (Mme Aug.) 231
Crollanza ((iofredo de) ... . 524
Daburon (F.) 302
Dameth (H.) ^14
Daniel (André) 419
Darmesteter (A.) 334
Dacdet (Alphonse) 23
Daudet (Ernest) 28 66
Debidour (A.) 517
Degeorge (Léon) 499
DeLAVILLE LE RouLX 74
Delsol (J. j.) 493
Deslys (Charles) 41
Deulin (Charles) 29
Devic (Marcel) 229
Didier (Edouard) 297
Dieu (Léon) 32
Domenget 442
Domini DE Feret (G.) 233
Drohojowska (Mme la comles-e) 292
Dubois (E.) 309 314
Duuonteil (Fulbert) 526
Ddpanloup (Mgr) 481
Durand (l'abbé) 348
Dchuï (V.) 309
HUVEYRIER (H.) 424
Ebers (Georges) 304
Ebor (Joseph) 346
EcKouD (Georges) 122
Enault (Louis) 25 291
Eschbach (le P. A.) 433
Ernouf (le bax'on) 531
Estienne (Jean d') 99
EsTOURNELLE DE CONSTANT (le ba-
ron d') 330
Ethampes (Mlle Gabrielle) ... 407
Fabiani (Horace) 173
Fauconnet (le baron de). . . . 43
Favre (l'abbé) ^IS
FEUX (le R. P.) 233
Fenet (C.) 311
Fertiault (Mme Julie) 72
Feuillet (Octave) 21
FÉVAL (Paul). 6 et suiv. 294 295 326
Flaubert (Gustave) 44
Fledrigny (H. de) '21
Flocrner (le Dr Cari) 100
Fonvielt.e (Wiltrid de) ... . 437
Foruby (Rev. H.) 434
Formeron (H.) 337
FOURNEL (V.) 632
Fournier (Edouard) 413
FoussÉ DE Sage (Mme) "3
Fraie (Edm ) IJO
Freppel (Msr) 1**!
Gabriag (le r. p. A. de). ... 241
Galuer(A. de) "135
Gapp(J.) 491
Gaudry (Alb.) 322
Gautier (Léon) ■^36
Gautier (Mme Léon) 458
Gebhaudt (Oscar) 16^
Gebhandt (Oscar de) 220
Gheur (J.) l4o
GiHR(leDrNikolaus) 221
Gilbert (Ph.) 223
GiLLiÉRON (Alfred) ^^l
Girard- Vezenobre (laBne A. de) 43o
Gobineau (le comte de) S13
Goblet d'Alvielxa (le comte). . 333
Godefroy (Frédéric) 243
Goemaere (l'abbé A.) 393
Gondry du Jardinet (J.). .13 20
Gontcharoff (Ivan) 29
Gonzalès (Emmanuel) 301
Gonjet 131
GooLiN(Fr.) 1*9
Gréville (Henry) 30 30o
GRiLUWiTZER(le Dr Alex.) . • • 433
Guerrier de Haupt (Mlle) . 19 408
Gutberlet (le Dr C.) 102
GuTTLER (Cari) 98
Halévy (J.) 49
Hanaukr (l'abbé A.) 248
— 572
nAn.\ACK(A.) 12G, 220 240
Hartmanx (Ei. de) 199
llARTSliN ^A.) 210
Hartsex- (F. -a.) 453
IIatzfeld (Adol(ihe) 334
IIal'momt (Louis) 43
HÉiiEUT (l'abbé) 391
Hello(E.) 493
Hen'uion (Victor) 406
Hepuell 3oO
Herbebt-Si'Excer 49
IIéricadlt (Ch d') 29S
IIeruans (U. p. Berlin) .... 398
HiPPOLYTE (Saint) , 104
HiTROvo (V.) o21
HoppE (J.-.I.) 133
IIoussay (F.) 405
ilûviNE (l'abbé) 117
Hue (Théoohilf^) 254
HuRDEBisE '(l'abbé G. -J.) . . . . 389
Ideville (le comte d'). . . 253 529
Jacqmin (F.) 498
Janet (Paul) ; . . . 20(5
Janin (Clément) 239
Jeanvrot 309
JoLY (A.) 145
Jl'lien (Adolphe) 54
JuLLioT (G.) 444
JussERAND (Jules) 422
Laborde (le marquis Léon de) . 227
Labutte (A.) 13
La Fizeltère (de) 239
Lafo.nd (le comte) 118
La Landelle(G. de) 41
Lander (Jpan) 20
Lapeyre (Paul) 410
Lapommeraye (Henri de). . . . 234
Laprade(V. de) 125 327
LARGENT(le R. P.) 493
Larochekoucauld (A. de) ... 122
La Rochère (Mme la comf de). . 405
Larroque (P.) 527
Lasserrk (Henri) 520
Launay (Alphonse de) 299
Launay-Overney (J. de) .... 20
Laurence (G. -A.) 32
Laurencin (Pan!) 171
Laurent (l'abbé A.) 330
Lavergne (Mme Julie) 20
Le Bhilton (Mme J.) 325
Leclercq (Jules) 73
Ledain (Bélisaire) . 67
Le Fi-.bvre (Victor) 40
Legoyt 252
Legrelle (A.) 439
Lehr (Ei'nest) 495
Léman (Abbé:-) 107
Le m en (R.-F.) 68
Lenthéric 426
Lescœur (le R.-P) 530
Lescœur (Ch.) 495
Lescuyer (P.) . ...'..... 2;il
LiGHTFOOT (J.-B) ...'.... 46
LiTTRi':(E.) ■; 229
LotzELLiER (l'abbé F.) .... . 403
LoREAU (H.) 152
LuBOMiRSKi (le Prince J.). . . . 300
Madden (J.-P.-A.) lt:5
Maggiolo (Adrien) 484
Maguin (Henri) 497
Maillet (Eusr.) 412
MANNiNG(S.E.leCardinal.H. E.) 393
Manzoni(A1.) 504
Marcel (Etienne) ....... 13
MARiiciiAL (Mlle Marie) . . . 18 404
Margollé 70 348
Maricourt (René de) 35
Maruottan (P.) 121
Marqcigny(R.-P.) 506
Martin (A. -L.) 171
Maryan (Mme) 293
Maunoir(E.) 424
Mauroy (A.) J20
Maury (F.) 70
Maynard (Id chevalier de) . . . 252
MÉJOv (VI.) 425 451
Menendez Pelayo 327
Mérat (Albert) i20
Meiîger 131
Merlet (Gustave) 147
Meruu.lod (Mgr) 458
Mey (G.) 491
Meyer (P.) 195
Michel (Fr.) 330
Miciîelan (H.) 196
MiGLioR(Fr.) 97
Millet (A.) 311
MiLLiF.v (Achille) 331
Montaiglon (Anatole de) . . 55 232
MoNTÉPiN (X. de) 37
MoNY (S.) 53
MoRAÏTiNis (Pierre) 345
MoRiLLOT (André) 435
Moullart(A.) 307
MuMFORD (Ir; P. Jacques). . . . 401
Navi:ry (Rioui de). . . 13, 15 16
Neteler (le Dr B,) 101
Neveu (l'abbé Léon) 174
NicoRA (Luigi) 253
NlSARD (Cil.) 336
NisARD (D.) 420
NoLEN(D.) 199
Normand (J.) 196
NrNzoï Nasi Virgilio 347
O'CuRRY (Eug.) c . 450
Ogier d'Ivry 123
Otto (J.-C. Th. de) 315
0/.ANAM (F.) 34!)
Paparrigopoclo 243
Papillon (Fernind) 213
— o73 —
Paris (C.) 193 194
Pascal (le R. P. Vincent de) . . i!J2
Paz (Abdon de) 222
Pecci (Son Em. le Cardinal) . . 410
PÉLIGOT (E.) 138
Pelletan (Eugène) 39
Pei.ucani (P.Ant.) 487
Pertuiset (E.) 2b2
Petit (Fernand) 72
Petitalot (le R. P.) 128
Pkyre (l'abbé) 399
Peyebrune (Georges de) ... 306
Picard (Germain). ...... 125
PiCHENOT (Mgr) 610
PiCHON (Ludovic) 2'60
PicQUÉ (JHDr) 4;ii
Picus (l'abhé) 394
PiNAMONTi (le p.) 399
Piolet (Cb.) 308
Plkssix (H.) . . 4o3
Poitiers (.Jean de) 39
POMMEROL (B.) lo3
POXOM.VREV (S.) o2!
Pons (A.) 233
Poxt-Jest (René de) 37
Pontmarti.\ (A. de} 238
PosTEL (l'abbé Y.) 130
PouLBRiÈiiE (l'abbé J.-B.). . . . 175
PouLiN (Frédéric) 235
Prévôt (Gabriel) 35
PuissAN (Mme C.-E.) 111
Puymaigre (le comte de). ... 71
QuiNEï (EgJ.) ........ 421
Rampal (Benjamin) 528
Rapisardi (Francesco) 176
Rayon (Desyr) 123
Régnier lils (Ad.) 64
Renaud (G.) 196
Reusch (le Dr Fr. H.) 100
Réveillaud (Engène) 459
Reynaud (Paul) 210
Rhonk (Arthur) 429
RiiîADENEiRA (P. Pedro de). . , 397
Ricard (l'abbé Ant.) 410
Riche (A.) 212
Reidmatten (Arm. de) 50
Ristelhuber (P.) 116
RoBERjoT (Anna) 124
Robert (T.) 194
RocHAMBEAu (Ic marquis de) . . 438
RocQUAiN (Félix) 440
Rolland de Villargues. ... 312
RoMussi (C.) 504
Rondelet (Aulonin) 140
RosNY (Léon de) 230
RoTHscun.D(J. de) 232
RoLBEN DE Couder (J.) .... 131
Roux-Ferrand 108
RozY j70
RuBjÉRi(Ern.) 57
RusTicus 484
Saint-Patricl: 37
Saint-Remy (Jules) 254
Sand (George) 30.3
Sarrau de Boynet (A. de). . . 3H
Saulcy (F. de) 108
Save (Gaston) 173
SAXE(M:irécbal Maurice comte de) 22.5
Sayce (Rev. A.) 00
ScHANz (le Dr Paul) 105
Scueler (A.) . . . . 196, 197, 198
Schneider (le Dr) 528
Schrader (le p. Cl.) 409
Schulze-Delitzsch 528
ScHURÉ (Ed.) 121
Scupoli (le P. Laureni) .... 401
Secchi (le p. a.) 325
Seguin (Alfred) 297
Ségur (Mgr de) 402
Sepet (Marins) fi3
Sernin-Castex (B.) 212
Simonin (L.) ~\
Smychlaiev (D.) 521
Snieders (A.) 32
SOLVAY (L.) 121
SoREL (Albert) 35
Spitta (Fried.) 433
Spol (E.) 108
Stoffels de Varsberg 485
Stolz (Mme de) 406
Stuart-Phelps (Elisabeth"). , . 32
Taine (IL) 339
Tamizey de Larroque (Ph.). . . 332
Tassy (l'abbé) '. . . 485
Ta VAREL (Clément) 498
Terrier de Loray (le Marquis) . 435
Théry (A. -F.) 125
TiscHENDORF (Constant de). . . 219
Tissot (Viclor) 344
TOURNAFOND (P.) 531
TouRON (le p. P. Ant.) .... 400
TuucAN (l'abbé R.) 403
UssEL (le Vicomte Ph. d"). . . 149
Vacandard (l'abbé) 316
VALFRAMBERT(Ch.) 519
Valfrey (J.) 62
Vannier (IIip[) ) 454
Van Praet 167
Vazelhes(E. de) 310
Véra (A.) 209
Verne (Jules) 42
Verniolle (l'abbé J.) 69
Veuillot (Louis) 17 234
Viel-Lamare (H.) 454
Villard (E.) 124
Villefranche (J.) 173
Villey (E.) 311
Vuérat 308
VuiTRY (Ad.) 246
Vulliemin (L.) 342
— 574 —
WAiLLY(Et. Aug. de) 327
Wailly G.-G. de) 327
Willibald-Beyxhlag (le Dr). . 106
WoELMONT (le baron A. de) . . 3"i0
WoGAN (le baron de) 299
WUTTKE (H.) io8
Wyville Thomson (Sir G.) . . . 431
Yger 116
Yrtal rCh.) 113
ZahnITh.) 220
Zeller (Ed.) 319
ZscHOKKE (le Dr Herraann), . . 103
ZURCHER 70 348
TABLE DES VARIETES
Les publications de- la Camden So-
ciety, par M. Gustave Massori, 75,
351. — Publications de la Cla-
rendon press, par M. Gustave
Masson, 255. — A propos d'amé-
ricanisme, par M. Baumfeld, 357.
— Les Bibliothèques di=!s Etiis-
Uois. par M. J. Vaesen, 460, 533.—
Une lettre inédite de Voltaire, par
M. Jules Courtet, 543.
TABLE DE LA CHRONIQUE
Nécrologie : Alzog (J. B.), 545. ~
AsPER DE BoAÇA (le baron Frauçois),
363. — AssELiNE (Louis), 548. —
AuBRY (François-Auguste), 270. —
AuDiFFRET (Gh. L. G. marquis d'),
464. — AuRELLE DE Paladines (le
général d'), 83. — Baraxte (M"* la
baronne de), 83. — B.\iith (le D'
J. B. Ph.), 83. — Baudissln (le
comte Wolf-Henri Fr. Charles), 467.
— Becquerel (Ant. César), 176. —
Belgrand (Eugène), 463. — Benoist
(Adolphe), 83. — Bères (Emile),
82, — Berge (Camille de la), 364.
— Bernard (Claude), 270, 358. —
BERTHiER(Huguet),270. — Berthier
(le D' Pierre), 269. — Bichi-Bor-
GHiARi (Scipion), 367. — Bore (Eu-
gène), 544. — Bouchard (le D'),
469. — BouTARic (Edgard-Paul),79.
— Brame (Jules Louis Joseph), 268.
— Brossais Saint-Marc (Mgr Gode-
frov), 361. — Cap (Paul Antoine),
269. — Cappeau (Placide), 180. — •
Caylus (J. B. E.), 4li9. — Chéruel
(l'abbé P. Paul), 363 . — Courbet
(Gustave). 83. — Cousin-Montau-
BAN, comte de Palikao (le général
Ch.), 83. — Croiset(G. E. C.),83.
— Cruikshank (Georges), 364. —
Daubigny (Ch. P.), 367. — Deberle
(Alfred), 83. — Demoi.ière (Hippo-
lyte- Jules), 81. — Desmoulin (Adol-
phe), 180. — Dietl (le D-- Joseph),
266. — DoLZELL(N. A.), 469. —
Donné (Alexandre), 364. — Doran
(le D'), 180, 363. — Dours (M^r J.
P. J.), 363. — DuGAS (le P. Joseph),
82. — Ehrard, 367. — Ferrero,
marquis de La Marmora (Alphonse),
267. — FoRBiGER(A.), 469. — Gail-
lard (Léon), 469. — Gautier (Eu-
gène), 469. — GiGNoux(Mgr Joseph
Armand), 362. — Ginestous (M. A.
vicomte de), 366. — Gintrac (le
D' Elle), 266. — Goodwin (G. W.),
469. — Grossebach (Ernest), 469.
— Guilhermy (R. Fr. M. N. baron
de), 465. — Guillory, 467. — Has-
souN (Brisk-Allah), 469. — Hoffman
(le D'), 469. — Huzard(J. B.), 464.
— Janin (François Eugène), 269.
— JoLY (Adolphe), 469. — Jotte-
rand (Lucien Léopold), 268. —
Lacurie (l'abbé J. L. A.), 466. —
La FARE(le comte A. J. E. de), 180.
— Lamy (Auguste), 364. — La
Saussaye (de), 270. — La Saussaye
(J. Fr. de Paul Louis de) 362. —
Leitzmann, 367. — Lemire (P. N.
Jules), 270. — Levot (Prosper-
Jean), 267. — Ligondès (Eugène
de), 469. — Liltrow (Charles de),
270. — Loméme(L. L. de), 465. —
Malagutti (Faustin), 466. — Mars-
hall (Thoma5-^Yilliam), 270. —
Martinet (Achille), 180. — Mayer
(Robert de), 367. — Minutoli (Carlo),
367. — Moerikoser (J. B.), 270. —
Monier de la Sizeranne (P. j. A. H.,)
178. — Montal-Vnd (Philippe), 180.
— Montgouerie (le colonel T. G.),
469. — Patin de La Fizelière (Al-
bert), 268.— Pavy (l'abbé L.C1.),179.
— Pie LX, Mastaï (J. M. J. B. P. P.
J. Sa Sainteté), 259. — Piel de
— 573 —
Troismonts (Ch.), 83. — Pommerais
(Louis François), 468. — Poulet-
Malassis (Aug. P.), 260. — Rasch
(le D' Gustave), 367. — Raspail
(François -Vincent), 177, 367. —
Regnault (Henri Violor), 176. —
RiBAN, 469. — Rios (.J. A. de los),
366. — RoMA.NO (le P. Joseph), 468.
— RoPAETz (Sigismond), 547. —
RouGEviN (Auguste), 469. — Roulez
|J. E. G.), 366. — RoussELLN Cor-
beau DE Saint-Albix (comte Hor-
tensius;,364. — RoussET(lldefoase),
367. — Roux (le D"- Jules), 83. —
RoYER(P. H. E. de), 179. — Ruelens
(MraeC), 367. — Rydquist (Johan-
Erik), 270. — Scar abelli (Luciant),
367. — ScoLPis DE Salerano (le comte
Frédéric), 365. — Scrugli (Filippo),
367. — Secchi (le R. P. Ange), 270,
360. — Seré (Henri de), 366 . — Se-
MiEXSKi (Lucien), 178. — Stourm
(Eugène), 270. — Tecffel, 469. —
Théry (Fr. Aug.), 362. — Tscha-
BucHNiGG (Ritler-Adolfe von). 83. —
Vang (Anders Eidvinson), 469. —
ViGNAL (Amand), 469. — Vinet (Ch.
E.), 264. — Yiollet-Leduc (Adol-
phe), 366. — \Yailly (Gabriel-Gus-
tave de), 467. — WiLsoN, 469. —
WoRNUJi (Ralph), 270. — Wright
(Thomas), 82. — Yvert (Eugène),
367.
In-tiiui, 83, 271, 367, 469, 548.
Faculté des lettres, 84, 180, 368,470.
549.
Bureau des longitudes, 84.
Muséum d'histoire naturelle, 549.
Ecole des Chartes. 274, 368.
Concours, 180, 369.
Congrès, 368, 473, 549.
Réunion des Sociétés savantes à la
Sorbonne, 470.
Association pour l'enseignement des
études grecques, 473.
La Commission royale d'hisloire du
Belgique, 372.
Le British Muséum, 552.
S .ciété de géographie, 181.
Académie des Jeux lloraux, 551.
Siciélé de l'Histoire de France, 473.
Société des publications populaires,
181.^
Sociétés savantes, 558.
Lectures laites aux Académies, 84,
181,274, 371, 473, 552.
Mélanges scientifiques : L'annuaire
de l'économie sociale, 378. — La
Science politique, 378. — L'édu-
cation de l'avenir, 279.
Mélanges philologiques et littéraires :
Les origines linguistiques de l'A-
quitaiU'-, 8~. — Une encyclopédie
chinoise, 188. — Une fée Mélubine
au Dauphiné, 186. — Un exemplaire
unique des tdbles dt; Li Fontaine,,
375. — La R VLiH l'Instruclion pu-
blique et les Pensées de Pascal, 278.
— Le Mouvement littéraire en Cata-
logne eu 1877, 275. — La Comedia
de Dante, en Catalan, 279. — Un
poëtne italien sur Lucifer, 188. —
Une rectification d'histoire litté-
raire : Le portefeuille de M. L.-
D. F. ***, 185. — Querelle littéraire
en Sicile, 277. — Une mystification
littéraire, 276. — Une fête latine
à Montpellier, 182.
Méiaiigr-s histori'^ues : Statuts de
l'Université d'Angers, 374, — Dé-
couverte du texte original du Livre
de Tobie, 85. — Corpus insciptio-
num grœcarum de Bœ:kn, 86. —
Le Droit du seigneur, 88, 278, 376 .
Cours d'histoire de France à l'Uni-
versité catholique de Poris, 184. —
Public. tion des regisres de la
ville de Tours, 280. — Documents
liistoriques sur le Tarn et Garonne,
47S. — Le contrat dr^ mariige de
Racan, 188. — Le duc de Saint-
Simon et le cardinal de Gualteria,
375. — Une lettre inédite du che-
valier d Eon, 277. — Un petit-
neveu de Chateaubriand, 89. —
M. Taine et la Revue politique et
littéraire, 378.
Mélanges bibliographiques : L'éta-
bli?sHuieut de l'imprimerie daus
le Y'ivarais, 86. — Bibliographie
et iconographie des œuvres .ie J.-F.
Regnard, 88. — Bibliothèque sur
Pascal, 554. — Une bibliothèque
prxvençal-i. 475. — La biblio-
thèque dr; l'Université d'Hai'ward,
185. — Vente de 1h bibliothèque de
M. Roberi S. Turn.r, 376. —
Y'ente de la bibliothèque de M. Am-
broise Firmin-Didot, 552. — L'in-
ventaire de la colleciioQ Payen, 88.
— Fautes d'inifjression du Manuel
du libraire, 279. — Bibliographie
des beaux-arts, 474. — La Revue de
philologie, de littérature et d'his-
toire ancienne, 182. — Le Bulletin
de correspondance hellénique, 183.
— La Gazette russe de Sainl-Péters-
tiourg, 187. — Annales da Biblio-
theca nacional de Rio de Janeiro,
188. — La Presse catholique, 473.
o7G
Renseignemenis divers : Index expur-
galoiiiis anglicanns, 277. — Livres
à l'index, 273. — Mandements pour
le cirènic, 373.
Notes diverses : Petit armoriai ro-
manais 279. — Le Vivarais et le
Dauphiaé aux Jeux tluraui de
Tv)-iloiise, 374. — Erreurs de la
Revu-! des Deux Mondes, 187. —
Une méprise de M. .Spuller, oo.5.
Revue--, livres et .i<iurnaux, 91, J89'
280, 376, 476, boo.
Publications nouvelle.', 92, 190, 282,
382, 477, bo6.
TABLE DE LA CORRESPOND.VXCE, DES QUESTIONS ET REPONSES
AUuys (le peintre), 558. — Andorre
(le pays d'), 384. — Anecdote napo-
léonienne (d'une), 478 — An^elo
Catho (où et quand luourntj, 2S7.
— Annales brèves ordinis Prœ-
monstrattnsis, 93. — Bib'e (tradui-
tioa de la), 286, 384. — Bibliogra-
phie de Galilée, par M. IL de
l'Epinois, 93. — Blois (portrait d>î
Charle? de), 191, 287. — Calais
pendant l'occupation britannique
(l'hislo.re d-^ la ville de), 286. —
(Jambis (la collection des luana-
scrits de M. de), 537. — Carcel,
479. — Cardinaux (vie des), 287,
539. — Causo de S. Gili (la), 283.
— Clément (feu M. P.) ot Ondedeï,
383. — Cijys?ard (un livre du P.),
95, 384. — Croisade (la) de 1239,
539. — Dépopulation (la). 96. —
Dir.tionnai' e des synonymes, 384,
559. — Dubuisson-Aubenay (le
Journal de), 286 — Editions d'au-
teurs classiques mutilées par la
censure (a-l-il été publié, à l'épo-
que du premier Empire, des), 337.
— Fonleny (le poéie X.), 96. —
Garde éco.-saise d^s rois de France
(la), 286. — Gor.ies (les Mémoires
du baron d--), 287, 384. — Ileifs
(un bibliophile du siècls dernier :
le baron de), 283. — Histoire n'ap-
prend rien (V), 286. — Hugo (M.
Victor) et un coup d'Etat qui n'a pas
eu lieu, 558. — habeau et Tal-
lien, 286. — Instruction primaire
avant 1789 (I'), par M. E, AUain,
283. — Juifs : Seize cents juifs ont-
ils été brûlés à \ienne en un an?
537. — Lombard des Evers, 559.
— Louis XVI, sa mort fut-elle votée
par la majorité de la Convention?
337. — l.uuis XVII (Vie de), Ço —
Martyrs à>- la Révolution (les), 286,
479. — Maury (sur un mot du car-
dinal), 478. — Mélusine, 359. —
Mentez, meniez, il en restera tou-
jours (juelque chose, 478. — Mon-
taigne a-t-il déserté son pnste à
l'heure du danger? 538. — Mon-
tépin (l'abbé de), 559. — Murât, r> i
de Naples, 95. — Napoléon l" (une
épigramme dirij^ée c mtre), 479. —
Notice sur Anioine de Govéa, 383.
— Notre-Dame de Garaisoo, 191.
— Ophir signalé dans l'histoire de
Salomon (1'), 191. — Ordres (vie des
fondateurs d), 287. — Papiers
trouvés aux Tuileries en 1848 (les),
28". — Parisiens célèbres (les), 95.
— Pèches et le duc de Guienne
(les), 191. — Piémont (campagnes
du), 384. — Pjivilège de librairie
mis en musique (un), 558. — Pro-
verbes, 287. — Rossett (le?), 9.'i,
539. — Sociétés de bibliophiles en
France, 557. — Sol marqué (un),
285,384. Sor le mot brillante, 384.
— Sylvain, bourgeois de Pars
(leitres de M.), 479, — Tours de
Notre-Dame (les), 286, — Tribu-
naux de basse lo', 93. — Trois por-
traits à retrouver, 479. — Vengeur
(la fin du), 478. — Westphalie (l
tribunal de), 191.
Saint-Qaentin. q Imprimerie Jules Moureal".
POLYBIBLION
REVUE
BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
Juillet 1878. T. XXIII, f
SAINT-QUENTIN
IMPRIMERIE JDLES MOURRAO
V>/\/W\AA/V
POLYBIBLION
REVUE
BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
PARTIE LITTÉRAIRE
de:i::x.ie:]»ie: séhie. — xome: huixieme:
(vingt-troisième de la collection)
PARIS
AUX BUREAUX DU POLYBIBLION
35, RUE DE GRENELLE, 35
1878
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
ROMANS, CONTES ET NOUVELLES
Œuvres de Paul Féval, soigneusement revues et corrigées : la Loin-e ; Valentine de
Eohan ; le Château de velours; lu Fille du Juif-Errant. Paris, Palmé, 1878, 4 vol.
in- 18 j. de 300, 380, 348 et 372 p. Prix : 3 fr. le volume. — Le Baron d'Ache',
par M"" la comtesse de Mirabeau. Paris, Didier, 1878, in-12 de 278 p. Prix : 3 fr.
— La Rose-Fleurie ou le Dernier des Gorrfe», par Paul Forestier. Paris, Dentu, 1878,
in-18 j. de 248 p. Prix : 3 fr. — Le Drame des Champs-Elyxée^, par Hippolyte
Audeval (5° édition). Paris, Gh. Blériot, 1878, in-18 j. de V'il p. Prix : 2 fr. —
Le Filet et l'Hameçon, par M"" Dorothée de Boden. Paris, G. Dillet. 1878, in-12 j.
de 314 p. Prix : 3 fr. — Fleur-des-Glaces (légende danoise), par Isabelle France.
Paris, Didier, 1878, in-12 de 315 p. Prix : 3 fr. — Les Wildngs de la Baltique, par
S. W. Basent, traduit de l'anglais par Emile Montégut. Paris, Hachette, 1878,
2 vol. in-18 j. de 296 et 265 p. Prix : 2 fr. 50. — Le Filleul d'un marquis, par André
Theuriet. Paris, G. Gharpentier, 1878, in-12 de 332 p. Prix : 3 fr. 50. — Une Page
d'amour, par Emile Zola. Paris, G. Gharpentier, 1878, in-12 de 400 p. Prix : 3 fr.oO.
— Jacques de Tréuannes, par .Iacques Vincent. Paris, Calmann Lévy, 1878, in-18 j.
de 285 p. Prix : 3 fr. 5Ù. — Laide, par Juliette Lamber. Paris, Galmann Lévy,
1878, in-18 j. de 310 p. Prix : 3 fr. 50. — Une Fille laide, par Glaire de Ciiande-
NEUx. Paris, "^E. Pion, 1878, in-18 j. de 306 p. Prix : 3 fr. — Vaisseaux bridés, par
LA MÊME. Paris, Th. Olmer, 1878, in-18 j. de 350 p. Prix : 3 fr. — La Maison vide,
par Jules Glaretie, Paris, Dentu, 1878, in-18 j. de 425 p. Prix : 3 fr. 50. — Le
Roman d'une jirincesse, par Paul BonnaUD. Paris, Dentu, 1878, in-18 j. de 358 p.
Prix : 3 fr. — Le Roman d'une créole, par André Surville. Paris, Auguste Ghio,
1878, in-12 de 290 p. Prix : 3 fr. — Cara, par Hector Malot. Paris, Dentu, 1878,
in-18 j. de 418 p. Prix : 3 fr. 50. — Les Mariages dangereux, par M"' AnaïS SÉGALas,
Paris, Dentu, 1878, in-18j.de 350 p. Prix : 3 fr. 50(1).
Il y a des gens bien difficiles ; rien ne les satisfait, rien ne les
contente. Un roman, à leurs yeux, n'est irréprochable qu'à la condi-
tion que le mot amour n'y sera pas prononcé et qu'il pourra servir de
livre de méditation dans les maisons religieuses. Ce rigorisme frise
le ridicule. Pas de roman du tout, ou, si vous admettez ce genre de
littérature, il faut — sous peine d'en faire un repoussoir et une source
d'insurmontable ennui — lui laisser une certaine latitude. Nos obser-
vations s'adressent à quelques a bonnes ùmes charitables » qui n'ont
pas trouvé suffisante Tépuration faite par Paul Févai dans l'édition
catholique de ses œuvres. « C'est honnête, sans doute, disent-elles
avec componction; mais la lecture n'en convient pas aux jeunes
filles. » Un ennemi de Paul Féval, dans sa haine de libre -penseur,
ne dirait pas mieux. Et il n'est pas de jugement qui puisse nuire
davantage au loyal et sincère auteur des Etapes d'une conversion.
D'autant que ce jugement est aussi faux que téméraire. Paul Féval,
depuis sa conversion, a revisé les romans suivants : Chdteaupauvrc,
la Fée des Grèves, YHomme de fer, les Contes de Bretagne, Frère
(1) Le manque d'espace et de temps nous oblige à renvoyer au Polijbiblion d'octobre
l'analyse des romans parus dans le courant du mois de juin. Nous les joindrons aux
liouveautés des mois de juillet et d'août.
— 6 —
Tranquille^ la Louve, Valenllne de Rohan, le Château de Velours et la
Fille du Juif-Errant. Nous avons lu attentivement ces diverses pro-
ductions. Eh bien, en conscience, nous les déclarons (sous le point
de vue particulier qui nous occupe) à Tabri de tout reproche. La mère
peut parfaitement en permettre la lecture à sa fille — si cette dernière
est destinée à rester dans le monde. La pensée de Dieu, l'amour du
bien, le sentiment des grandes et nobles choses y éclatent à chaque
page. Il est vrai que Paul Féval a une manière à lui de raconter qui
n'est pas celle de tout le monde : il sème l'esprit en enfant prodigiie ;
il a la note gaie, et sa gaîté de bon aloi est communicative. C'est
franc, salubre et très-moral — ce qu'on ne peut pas dire de certains
romans dits religieux qui, bien examinés de près, devraient être
rangés dans la catégorie des mauvais livres. Que le maître du roman
chrétien ne se laisse donc pas arrêter par des critiques trop exces-
sives pour être justes ; qu'il poursuive vaillamment son œuvre, sous
le soufile vivifiant qui l'inspire, et, quand la révision de ses productions
sera complète, il aura élevé un splendide monument aux Lettres
françaises, - — on lui rendra souveraine justice, et la postérité dira de
lui : Paul Féval converti a fait la « divine et humaine comédie » du
roman contemporain ; c'est le Balzac du catholicisme.
— Le Pohjbiblion a déjà rendu compte de Chdteaupauvre, de la
Fée des Grèves, de l'Homme de Fer, des Contes de Bretagne et de Frère
Tranquille. Nous avons à parler aujourd'hui de la Fille du Juif-Errant,
du Château de Velours, de la Louve et de Valentine de Rohan. La
« Louve » et Valentine, c'est tout un. Vous connaissez la devise de
la grande et antique maison de Rohan, fondée par Pierre de Bretagne :
« Prince ne daigne, Roi ne puis, Rohan suis. » Vers la fin du dix-
septième siècle, Guy de Rohan Polduc habite, boudeur et triste, son
vieux manoir breton. Il aime ardemment César, son fils, et Valentine,
sa fille ; mais il hait la France plus ardemment encore. Si bien que
Valentine, ayant épousé un Français, et César, s'étant allié à une
Française, sont maudits et chassés parleur père — lequel veut mourir
Breton bretonnant, et ne reconnaît pas les droits du roi sur la terre
des Chênes. La malédiction du vieillard tue César, et Valentine ne vit
que pour veiller sur sa fille Marie et sur Raoul, le fils de son frère.
Le vieux Rohan devient fou — et ses domaines tombent entre les
mains d'un cousin à lui, Alain Polduc, fieffé coquin, qui cherche à se
faire donner légalement l'héritage des Rohan, par le parlement de
Rennes. Mais Valentine est là, sentinelle vigilante. Elle fait des
miracles de dévouement et d'héroïsme ; elle se métamorphose ; elle a
le don d'ubiquité ; ici, elle est la Sainte-Elme ; là, la Sorcière ;
ailleurs, la comtesse Isaure ; plus loin, la Louve — c'est-à-dire la
tête mystérieuse et puissante de cette association de paysans et de
— 7 —
gentilshommes, qui, sous Louis XIV et la Régence, s'insurgèrent,
sous le nom de « Loups, » sinon contre le pouvoir royal, du moins
contre ses représentants en Bretagne. L'influence que la Louve exerce
sur les agitateurs tient du surnaturel. On croit à un but politique :
non. La politique, pour Valentine de Rohan, n'est qu'un moyen. Son
but, c'est que l'héritage des Rohan ne soit pas injustement enlevé à
ses héritiers naturels. Ce but, elle l'atteint. Le parlement est assem-
blé ; les magistrats sont favorables à Alain Polduc ; le président va
prononcer la sentence; encore une minute, l'iniquité sera consommée.
Mais cette minute n'arrive pas. On voit apparaître dans la grande
salle un cadavre ambulant soutenu par un jeune homme et une jeune
fille et précédé par une femme d'une imposante beauté. C'est Valen-
tine ; elle a arraché son père à la tombe et l'a forcé de venir témoi-
gner en faveur de la vérité. Le moribond témoigne, en effet, et,
serrant ses petits-enfants entre ses bras décharnés, il dit très-distinc-
tement : « Raoul est le fils de mon fils César et Marie est la fille de
ma fille Valentine ; ce sont les vrais, les seuls Rohan. » Puis, il
retombe inanimé sur les dalles. Cette scène est des plus grandioses
et des plus dramatiques — et ce n'est pas la seule: elles abondent dans
la Louve et Valentine de Rohan. Nous voyons passer, sous nos yeux,
avec ses mœurs étranges et primitives, la Bretagne du dix-septième
siècle, une Bretagne encore toute féodale. Que de types curieux, bons
ou méchants, mis en lumière par Paul Féval ! Un des plus accentués
est le frère de lait de Valentine, ce Josselin Guitan, une sorte de
terre-neuve d'intelligente abnégation, si bon, si brave, si dévoué, que
dame Michon, tous les jours que Dieu donne, « dit un ave à sainte
Marie pour la remercier de l'avoir fait sa mère. »
— C'est en Bretagne aussi, en plein dix-huitième siècle, que se dé-
roule l'action du Château de Velours. Le marquis de Noyai, député aux
Etats de la province, a deux filles charmantes. L'une d'elles, Marielle,
jeune personne accomplie, mais beaucoup trop fière de sa beauté,
épouse Henri de Lacuzan, colonel des dragons de Conti. Sur les
entrefaites, un mal terrible sévit dans les environs de Rennes. On
appelle cela le o mal d'enfer. » Ceux qui en sont atteints meurent ou
restent horriblement défigurés. Un soir, se promenant sur la lisière
d'une forêt, la comtesse de Lacuzan fut accostée et mordue par une
sorte de fou du nom de Malbrouck, ancien danseur de corde, qui
croyait avoir à se venger du comte. Ce sauvage avait le mal d'enfer.
Sa morsure en communique le germe à la comtesse. Désespoir du
comte de Lacuzan. Il sait que sa femme mourra de perdre sa beauté.
Alors il imagine toutes sortes de combinaisons. Il oblige sa femme à
porter continuellement un masque ; il la séquestre dans son château
du Grail ; il enlève de ce château toutes les glaces, tous les miroirs,
— 8 —
et fait tapisser de velours les appartements de la comtesse. Que
signifient de pareils mystères ? Les bruits se propagent, grossissent,
— et, aux yeux des commères de la contrée, Henri de Lacuzan devient
un second Barbe-Bleue. On lui prête les plus noirs attentats — tant
et tant que la justice s'en émeut et que la maréchaussée vient assié-
ger le château du Grail. 0 sottise humaine ! Henri de Lacuzan n'est
qu'un Barbe-Bleue de tendresse conjugale. Grâce d'ailleurs aux bons
soins de Pichenet, l'ancien enfant de la balle, lequel est devenu le
docteur Adrien Chaumel, la comtesse de Lacuzan recouvre son an-
cienne beauté sans même se douter qu'elle ait jamais été laide. H y a,
dans ce roman, des détails ravissants, principalement ceux qui ont
trait à l'enfance souffreteuse et tourmentée d'Adrien Chaumel. H y a
aussi un type de jeune fille auquel devraient ressembler toutes les
demoiselles : c'est celui de Blanche de Noyai. H y a enfin des portraits,
excessivement amusants,, des grotesques delà ville de Rennes. Comme
modèles du genre, citons Guillemette Barbedor, Saturnin Mormichel,
les sœurs Trecoché et surtout l'inénarrable chevalier de Badabreux
qui, le premier mois de son mariage, déclama devant sa femme ahurie
vingt-deux millions de vers tragiques. C'est fort réjouissant. Le
Château de Velours est dédié à la mère de Paul Féval. Quant à la
dédicace de la Fille du Juif-Errant, elle est à Tadresse d'Edmond
Biré, fin lettré, critique délicat, aimable érudit, un des meilleurs
écrivains de province. Qu'est-ce que la Fille du Juif-Errant? Ces
romanciers, parole d'honneur ! ne doutent de rien. Non-seulement,
Paul Féval donne une fille au Juif-Errant ; mais il y a, selon lui, trois
Juifs-Errants dans le monde. Oser, Cataphilus et Laquedem. Cataphi-
lus reste coi et n'aime pas à faire parler de lui. Laquedem, vous le
connaissez, c'est celui de la complainte :
Est-il rien sur la terre
Qui soit plus surprenant
ijue la grande misère
Du pauvre Juif-Errant ?
Laquedem a du bon ; il accepte son châtiment avec résignation. Oser,
au contraire, est le génie du mal. C'est le Juif-Errant du crime. Et il
en commet d'épouvantables. Heureusement que Laquedem, le bon
Juif-Errant, est là, avec Ruthaël, sa fille. Oser s'acharne sur la noble
famille de Savray. Ses menées ténébreuses, ses opérations infernales
3 ettent un voile de deuil sur l'existence de Paul de Savray et de la
comtesse sa mère. Mais, au dénoùment, Oser est vaincu et Laquedem
triomphe. — J'avoue que, dans ce roman, le fantastique domine. H y
a des choses de ce monde-ci et des choses de l'autre monde. Mais,
derrière ces imaginations appuyées des graves autorités de Schiavone,
d'Édrisi, du docteur Lunat et de l'abbé Romorantin, on aperçoit
l'ange du pardon et de l'éternelle miséricorde. Tout, d'ailleurs, n'est
pas fantastique. La Révolution de 1830, à laquelle le Juif-Errant se
mêle, n'est que trop réelle. En résumé, la Louve, Valentine de Rohan,
le Château de Velours et la Fille du Juif-Errant joignent à l'attrait du
roman moral le charme de la bonne étude de moeurs, l'émotion du
drame historique et la grâce du style.
— En fait do drame historique, ou plutôt de dramatique histoire, il
îâut signaler le Baron d'Achc, de M'^" la. comtesse de Mirabeau. Les
aventures de Tintrépide baron rappellent, par certains côtés, celles du
chevalier de Maison-Rouge, si bien racontées par Alexandre Dumas
père. Le baron d'Aché arrive de Normandie à Paris pour sauver
Marie-Antoinette. Une touchante entrevue a lieu, dans la prison du
Temple, entre le baron et la reine de France. Le projet échoue.
D'Aché trouve un refuge au château de Tancarville. Traqué plus tard
parla police de Fouché, l'aventureux baron est sauvé par la fille de
son hôte. Mais il est vendu par une horrible femme. M™" de Vauba-
don, à qui il avait eu le tort de faire la cour. Le baron d'Aché fusillé,
Marie de Tancarville devient sœur de Charité et assiste, à l'heure de
la mort, le Judas féminin qui avait vendu son fiancé. Ce roman se lit
avec plaisir. Le caractère du baron d'Aché est plein de relief. C'est
une àme chevaleresque, courageuse, passionnée, tempérant l'ardeur
par la gravité, possédant à la fois l'audace qui entraîne ou fascine et
le calme qui, dans les raoments^suprêmes, décide du succès; à la tête
d'une armée, il fût devenu une des gloires de son siècle. Les pages
consacrées à Marie- Antoinette nous montrent l'infortunée reine,
splendide de majesté sous sa modeste robe de laine grise et transfor-
mant par le seul ^prestige de sa présence le misérable escabeau sur
lequel elle était assise en un trône plus radieux que celui qu'elle oc-
cupait naguère aux Tuileries. Le Baron d'Aché est suivi de deux
Nouvelles qui ont aussi pour objet la Révolution. L'une est le récit
de la mort de la famille de Faudoas sur l'échafaud; l'autre nous fait
assister à l'horrible assassinat du major de Belzunce, écharpé dans
les rues de Caen par la populace. Une mégère, la femme Soisson, lui
arracha le cœur avec un couteau, le fit cuire au fourneau d'un rôtis-
seur et le mangea. M"° la comtesse de Mirabeau a connu cette furie,
— hideuse vieille qui faisait peur aux enfants et qui mourut en se
tordant dans d'horribles convulsions, mêlées d'épouvantables blas-
phèmes !
— Passons à de plus riants tableaux. Nous les trouvons dans
la Rose-Fleurie de M. Paul Forestier. Flamminia, la dernière des-
cendante des Garden de Meadowfield, thanes d'Ecosse du temps
du roi Malcom, a découvert, dans des papiers de famille, une eu-
— 10 —
rieuse prophétie. Les Garden formeront un jour deux branches; la
branche aînée abandonnera la foi catholique ; puis, au bout de plu-
sieurs siècles, les deux branches se réuniront, n'en feront qu'une seule
et la branche hérétique redeviendra catholique. Seule héritière de la
branche aînée, Flamminia s'enthousiasme de cette prophétie. C'est
une étrange enfant, élevée un peu à la diable, très-volontaire, très-
espiègle, mais sans haine ni préjugés contre le catholicisme. La voilà
en quête de la branche cadette des Garden. Elle voyage, se fixe en
Italie, à Borgho-Marino, et le hasard veut qu'elle sauve deux ou trois
fois la vie à un jeuue peintre français établi pour ses études chez le
brave Pepe Rastelli, hôtelier de la locanda de la Rosa-Fiorila. Entre
nous, la Rose-Fleurie était plutôt dans la maison que sur l'enseigne.
Mais n'anticipons pas. Il se rencontre que le jeune peintre est un
Garden, Henri de Garden d'Héronvilliers, de haute et ancienne no-
blesse normande. Tout préoccupé d'art, Henri de Garden ignore un
peu sa généalogie ; mais son frère, l'abbé Marc d'Héronvilliers, la sait
pour lui. Le généalogie connue, Flamminia n'a rien de plus pressé que
de réunir les deux branches. Ici, impédiments sur impédiments. Henri,
partagé entre deux affections : celle de Flamminia et celle de Rosa
Rastelli, la vraie Rose-Fleurie. Ce n'est qu'une plébéienne ; mais que
de grâce, que de vertus ! Flamminia a sauvé la vie d'Henri de Garden ;
mais Rosa Rastelli a fait plus; elle a sauvé son âme. Lui, jadis païen,
accompagne maintenant tous les dimanches la famille Rastelli à l'é-
glise de Notre-Dame de Bon-Secours. Entre les deux, le cœur du
jeune peintre balance et, pour se tirer d'affaire, le'scélérat prend sans
mot dire, la poudre d'escampette. La pauvre Rosa devine qu'elle est
un obs'.vicle au bonheur d'Henri de Garden, et, dévouée sublime, elle
entre che.' les Oblates de Borgho-Marino. D'autre part, Flamminia em-
brasse la 1 i catholique. Dès lors, plus de difficultés. La prophétie
écossaise s'accomplit. Les Garden ne forment qu'une branche et « onc-
ques ne fut plus heureux mariage » — quoique le sceptre des Garden
eût Flamminia pour maître. Elle était Victoria, son mari se contentant
du rôle de Prince-Régent. — L'œuvre de M. Paul Forestier a fait peu
de bruit; cela n'ôte rien à son mérite. Œuvre originale, unpeujeune,
un peu fruste, mais très-attachante, très-chrétienne. L'auteur a beau
s'en défendre, Rose-Fleurie est un roman chrétien. On j fait aimer le
catholicisme, tout naïvement, tout naturellement, sans recourir aux
sermons — toujours déplacés dans les récits romanesques. Çà et là,
des pensées fines et délicates dans le genre de celle-ci, émise par
Rosa au moment de prendre le voile : « Faut-il donc que j'ai gagné
son âme (l'âme de Henri de Garden) pour me voir prendre son
cœur. » C'est le dernier soupir de l'amour humain. Nos félicita-
— Il —
tions à M, Paul Forestier. Si ce livre est son début, il est tout à son
honneur.
. — Celui qui fut autrefois le Père Hyacinthe disait un jour, du haut
de la chaire de Notre-Dame : « Pour être père, il faut en être digne. »
M. Hippolyte Audeval semble s'être inspiré de ces paroles dans le
Draine des Cliamps-Èlysces. Il met, en effet, en scène un père indigne
qui se ruine, s'adonne à la boisson, abandonne sa femme et son en-
fant, tombe dans tous les abîmes, se fait mendiant et voleur, s'associe
avec des bandits de la pire espèce et irait mourir au bagne s'il n'était
sauvé à temps par son fils, Julien Rambaud. Celui-ci, après la mort
de sa mère, a eu le bonheur d'être recueilli et élevé par un honnête
homme. Il devient un homme à son tour et ramène l'auteur de ses
jours à de meilleurs sentiments, à de meilleures idées, en un mot à
une vie irréprochable. Mais ce n'est ni sans combat, ni sans douleur,
ni sans peine. On pourrait intituler le roman de M. Hippolvte Audeval :
la Rédemption d'un père par son fils. — L'œuvre de M"* Dorothée de
Boden : le Filet et l'Hameçon, pourrait aussi changer de titre et
s'appeler : le Roman de la convertisseuse. Qu'on en juge : Marie-
Angélique Samartin a épousé Gaston de la Marnière, non parce
qu'elle l'aime, mais parce que, celui-ci n'ayant pas ses opinions reli-
gieuses, elle s'est mise en tête de le convertir. Projet louable ! Le
tout est de savoir s'y prendre. Or, tel n'est pas le cas de Marie-Angé-
lique. Très-raisonnable et très-suffisante personne, Marie-Angélique
a une confiance présomptueuse en elle-même. Certes, elle est pieuse,
on ne saurait le nier. Mais c'est une piété chagrine, morose, s' atta-
chant outre mesure à des minuties que la religion ne prescrit pas. Son
incrédule de mari est pour M""® de la Marnière une sorte de tête de
Turc ou plutôt une cible à tir continu. Elle ne lui passe aucmie plaisan-
terie, attache de la gravité aux choses les plus insignifiantes, le prend de
haut, fait la raisonneuse, cherchant moins à persuaderqu'à convaincre.
Jamais la moindre concession. Toujours des airs hautains ou renfro-
gnés. En un mot, elle manœuvre de telle sorte qu'elle dégoûte son
mari non-seulement de la religion, mais de la famille et d'elle-même.
M. de la Marnière, sans cesse blessé par la sainteté épineuse et peu en-
durante de sa femme, déserte, à chaque instant, le toit conjugal. Toute
sympathie entre les deux époux est éteinte, et une séparation devient
indispensable. M™® de la Marnière se retire chez sa mère. La récon-
ciliation a lieu plus tard — mais ce n'est pas l'étrange dévotion de
M""' de la Marnière qui la provoque. Elle est due aux bons conseils du
père Michel, un excellent religieux qui, à l'aide d'une ingénieuse pa-
rabole sur le « filet et l'hameçon, » démontre à M™^ de la Marnière
qu'elle a absolument fait fausse route, et qu'on ne prend jamais des
mouches avec du vinaigre. Elle est due surtout aux délicates et affec-
— 12 -
tueuses sollicitatioDS de la sœur de M. de la Marnière, M°"= Lucie
d'Ervieu — la femme vraiment et intelligemment pieuse, laissant à
Dieu le soin de choisir ses heures, prêchant d'exemple sans fausse
modestie ni ostentation, douce, aimable, patiente, une chrétienne ac-
complie. Tel est, en deux mots, le Roman de la converlisseuse, livre
utile et opportun. Nous en conseillons la lecture aux petites orgueil-
leuses qui seraient tentées d'imiter, après leur mariage, M°* de la
Marnière. Elles y verront qu'il faut présenter la piété dans son vrai
caractère, sacrifier quelquefois ses goûts à la volonté d'autrui, bien
comprendre ses devoirs d'état — et les pratiquer au nom même de la
religion qui n''admet ni la raideur excessive, ni l'obstination à accom-
plir judaïquement à la lettre, sans en saisir l'esprit, les préceptes
évangéliques. C'était, du reste, ainsi que pensait saint François de
Sales. Il n'y a qu'à ouvrir Vlntroduciion à la vie dévote pour s'en
convaincre.
— M^^° Isabelle France cultive le roman-pocme, genre un peu
démodé qu'elle a su rajeunir : Fleur-des-Glaccs est appelée à un véri-
table succès. Qui ne connaît le légendaire chant de mort du grand roi
de mer Ragnard Lodbrog ? M"" Isabelle France a bâti sur ce thème
un récit poétique fort mouvementé et d'une franche saveur Scandi-
nave. On voit que l'auteur a lu VHistoire de Danemarck, de Mallet, les
chants des Scaldes, l'Edda et les poëmes d'Ossian. C'est à mer-
veille.
Maote animo. generom puer, sic itur ad astra.
Il ne faudrait pas croire, d'ailleurs, que Flcirr-dcs-Glaces soit un
pastiche. Non, l'œuvre est très-originale. Fleur-des-Glaces, ou plutôt
la fille de Lodbrog, n'aime que son père, sa patrie et la gloire.
Païenne, elle a dans le cœur des sentiments qui procèdent du
christianisme. Aussi est-elle disposée à écouter les paroles d'un vieux
missionnaire venu de la terre française pour évangéliser le Nord.
Mais le moment de la conversion n'est pas encore arrivé. Lodbrog a
ramené d'une de ses expéditions une trentaine de guerriers francs. Ils
sont destinés à être immolés en holocauste aux dieux qu'adorent les
rois de mer. Parmi ces prisonniers, il s'en trouve un, Raynold, beau
et brave, doux et fier, que Fleur-des-Glaces a résolu de sauver. Elle
le sauve, en efi'et, mais pour se faire un ennemi implacable d'Osvio, le
Danois qui convoite sa main. Celui-ci, furieux de l'amour de Fleur-
des-Glaces pour Raynold, entraîne Lodbrog dans une guerre contre
le Northumberland et livre aux Saxons le vaillant chef qui périt dans
un horrible supplice. Fleur-des-Glaces, folle de désespoir, finit par
retrouver le calme etmeurt chrétienne. Raynold se fait moine. Le por-
trait de Raynold le Franc a été soigné par l'auteur d'une façon toute
— i:} —
particulière. On ne se nomme pas France pour rien. M"* Isabelle France
sait faire vigoureusementrésonner la fibre religieuse et la fibre patrio-
tique. C'est même là une des notes dominantes de son roman-poëme.
Fleur-des-Glaces, cette Velléda danoise, blonde et blanche comme les
flocons de neige du Jutland, est une sœur de notre Jeanne d'Arc. Elle
chérit d'un enthousiaste amour le Readan des rois de mer, comme
Jeanne d'Arc chérissait l'Oriflamme. Hurrah pour Fleur-des-Glaces!
— Nous devons rattacher au roman-poëme de M"' France les Wikings
(le la Baltique, qui sont aussi une légende danoise du dixième siècle . Il est
seulement à regretter que le romancier anglais, W. Dasent, l'auteur
des Wikings, ait presque no3'é sa fable dans des amoncellements de
détails. Ons'jperd. Néanmoins, certains chapitres ont du souffle et de
l'ampleur — et l'évocation d'HaroldleSuperbe,d'Haroldàla dent bleue,
de Torkell le Gigantesque, de Rapple Saccageur de temples, est d'un
efiet grandiose. Involontairement, on se remémore les dieux d'Odin,
se passant les coupes d'hydromel dans les salles du Wahlalla, chantant
leurs faits d'armes et s'excitant à de nouvelles aventures ; ou bien, l'on
se transporte par l'imagination au temps où les bardes norvégiens
célébraient les exploits d'Éric à la Hache sanglante. Mais nul, encore,
n'a mieux rendu que l'auteur des Poèmes barbares, les sauvages splen-
deurs de ces âges héroïques. Elles lui ont inspiré la Vision de Snor, la
Mort de Sigura, la Légende des Nomes, le Jugement de Komor et un
petit chef-d'œuvre qui commence ainsi :
Dans Upsal où les Jarls boivent la bonne bière.
— Sauf le 5aronrf'.lc/ir, dont quelques pages nécessitent des réserves,
et les Wikings de la Baltique, trop anglais dans les développements, les
romans que nous venons d'analyser peuvent être mis entre toutes les
mains. Il n'en est pas de même (à deuxoutrois exceptions près) de ceux
dont nous allons parler. Ce sont : Une page d'amour, le Filleul d'un mar-
quis, Jacques de Trêvannes, Laide, Une fille laide, Vaisseaux brûlés, la
Maison vide, le Roman d'une princesse, le Roman d'une créole, Cara et les
Mariages dangereux. Commençons par Une page d'amour. Emile Zola
fecit. Cette fois, M. Zola nous déroute absolument. Il y a bien, dans
Une page d'amour, deux ou trois chapitres, consacrés à la peinture
d'une passion adultère et coupable, à la marche de cette passion et à
la triste chute qui en est la conséquence, où apparaît le Zola de
Thérèse Raquin, du Ventre de Paris et de Son Excellence Eugène Rougon.
Mais pourtant, que nous sommes loin des brutalités grossières, des
orgies tumultueuses et des crudités révoltantes de VAssommoir. Le
livre sort de la gamme ordinaire du romancier réaliste ; il n'y a pas
de thèse proprement immorale; le naturalisme bestial en est banni;
l'auteur ne s'y livre à aucune attaque contre les hommes et les choses
— 14 —
du catholicisme ; son abbé Jouve, qui tient dans l'œuvre une très-grande
et très-utile place, est traité avec respect et sympathie; en-dehors de
la mère Fétu, une mendiante éhontée qui mêle les patenôtres au
proxénétisme, aucun des personnages n'inspire de Tantipathie; cer-
taines figures, telles que celle du brave Rambaud, rayonnent de bonté,
d'abnégation, de dévouement; bref, Une page d'amour montre ce que
M. Zola pourrait faire, s'il voulait, une fois pour toutes, tremper sa
palette dans d'autres couleurs. Il est à supposer qu'en écrivant la, Page
d'amour, le romancier n'a pas été fâché d'offrir à la critique la contre-
partie de VAssommoir. Nous devons cependant constater que, si le
peintre a changé de paysages et de perspectives , sa manière ne s'est
nullement transformée. M. Zola est toujours le descriptif exubérant
que l'on connaît. « Il appuie partout avec une sorte de dureté égale et
uniforme. » Mais ne nous occupons pas du côté littéraire de l'œuvre.
M. Zola a des défauts — comme tous ceux de l'école dont Balzac a été
le grand-maître, comme Gustave Flaubert, comme les Goncourt,
comme Alphonse Daudet ; — mais son talent d'écrivain est indéniable.
Quoi qu'il en soit, par coquetterie ou par remords d'artiste, M.Zola a
voulu, cette fois, sortir des bourbes du matérialisme. Il y a réussi,
relativement, étant données les précédentes monstruosités de sa plume.
L'action d'une Page d'amour se réduit à peu de chose. Une jeune
veuve, Hélène Grandjean, vit retirée avec son unique enfant, Jeanne,
sur les hauteurs de Passy. Jeanne a dix ou onze ans. Elle est frêle,
délicate, nerveuse, sujette à des convulsions. On dirait qu'il n'y a point
de vie dans ce petit corps névrotique; mais l'intelligence et la sensi-
bilité en sont accrues d'autant. Le hasard met la veuve Grandjean en
relations avec un médecin à la mode, le docteur Deberle. Jeanne va
mourir; le médecin la guérit. Reconnaissance de la mère. Bientôt la
reconnaissance fait place à un autre sentiment. — Et, cette veuve qui
naguère se glorifiait de ses trente ans de vertu et qui, dans sa beauté
placide, semblait une statue de la Minerve antique, succombe comme
la plus frivole et la plus coquette des mortelles. M. Zola a la précau-
tion de nous avertir que M"*^ Grandjean était « peu dévote de son
naturel. » La précaution était inutile. 11 est bien évident qu'une
femme vraiment pieuse ne déshonorerait pas ainsi son veuvage. Au
surplus, Texpiation ne se fait pas attendre. L'amour coupable d'Hélène
Grandjean pour le docteur Deberle tue sa fille. Le jour où l'enfant,
dans sa tendresse maladive et dans son instinctive conscience, s'aper-
çoit qu'elle n'occupe plus uniquement la pensée de sa mère, elle meurt
— et la mort de Jeanne réveille la veuve adultère. Hélène Grandjean
est à tout jamais guérie d'imaginations malsaines. C'est la seule
moralité du livre. L'amitié dévouée de M. Rambaud, le frère puîné de
l'abbé Jouve, rend à l'âme de cette Madeleine le calme que les pas-
— 15 —
sions en avaient banni. Hélène Grandjean devient M'"'= Rambaud. Le
caractère le plus énergiquement mis en lumière, dans Une page
d'amour, c'est celui de la petite Jeanne. De cette jalousie d'enfant à
l'égard de sa mère, jalousie naïve, innocente, irraisonnée, indéter-
minée, mais très-réelle, permanente et fixe, M. Zola a tiré des effets
d'une grande puissance, d'une véritable originalité. Citons également,
comme tout particulièrement réussies, la page par laquelle débute le
livre et que l'on a appelée la symphonie du sommeil, tant le romancier
a su rendre palpable « l'harmonie voilée qui se dégage du silence et de
l'aspect de la chambre d'une personne endormie. » Citons encore la
description de Paris, vu des hauteurs du Trocadéro, dans les brumes
vaporeuses du matin, un bal d'enfants, le jeu de l'escarpolette et la
mort de la petite .Jeanne. Quant aux exercices du mois de Marie, ils
sont peints non sous un jour haineux, la haine et la politique étant
heureusement absentes d'Une page d'amour, mais sous un jour faux.
Les fêtes catholiques n'ont rien d'énervant. Ce qui est énervant et
malsain, ce sont les théories physiologiques de M. Zola ; ce sont sur-
tout les détails repoussants dont il entoure la chute d'Hélène. Ces
détails nous gâtent tout le livre — un livre où nous avons eu beaucoup
à louer. Et c'était justice, la critique devant toujours faire la part du
bien, même dans les œuvres où la part du mal n'est que trop considé-
rable.
— A l'école de M. Zola se rattache, par certains côtés, M. André
Theuriet. Celui-ci est toutefois moins brutal et d'une conscience plus
délicate — procédant un peu, sous ce rapport, d'Octave Feuillet. Mais
il est, comme M. Zola, un descriptif : chose du reste, qui, renfermée
dans des limites raisonnables, est loin d'être un défaut et peut fort
bien s'allier avec l'émotion, la note humaine et le sentiment de l'idéal.
Jamais M. Theuriet n'avait autant accentué ses tendances naturalistes
que dans sa dernière œuvre, le Filleul d'un marquis. Filleul est ici un
euphémisme et veut dire tout simplement fils naturel. Laurent Husson,
en effet, n'est autre chose que le fils naturel du marquis de Rosières.
Celle qu'il appelle Tante Sophie et qui empêche qu'on le roue de coups
est sa mère. Après une enfance morose et tourmentée, Laurent, grâce
aux libéralités de son. . . parrain, peut aller à Paris étudier la méde-
cine. Il en revient beau garçon et excellent médecin. Le marquis de
Rosières l'installe dans son château. Mais voilà le docteur Laurent qui
se met à faire la cour à Berthe Fontenille, la fille d'un riche proprié-
taire de Juvignj-en-Barrois. Il demande Berthe en mariage. Refus
absolu des parents. Pourquoi? Parce que Laurent n'est pas le fils
du boulanger Husson, mais bien le fila naturel du marquis de Rosières.
A cette révélation inattendue, la rage et le désespoir s'emparent
du docteur Laurent» Il quitte le château et va exercer la médecine
dans un village voisin. Berthe Fontenille se marie. Pour se venger
d'elle, Laurent essaye de la faire manquer à ses devoirs d'épouse.
Puis, il se plonge dans la débauche. Rien ne le satisfait. Il songe alors
à épouser Valentine Maurin, une ancienne amie d'enfance. Mais tou-
jours le vice d'origine est là. Laurent se voit aussi refuser la main de
Valentine. Alors, il tombe gravement malade. Ce que voyant, le
marquis de Rosières qui aime au fond l'enfant prodigue, légitime la
naissance de Laurent en épousant sa inère, Tante Sophie. Il aurait
bien dû commencer par là, cet insouciant marquis ! Il est vrai qu'en
ce cas le roman était inutile. Le dénoûment du Filleul d'un marquis
est touchant et moral. Pourquoi faut-il que nous ne puissions pas
rendre le même témoignage à toutes les parties de l'intrigue ? Nous
blâmerons aussi M. Theuriet d'avoir fait du mari de Berthe Fon-
tenille, M. Sainte-Marie de Brieules, un abonné de YUnivcrs et un
bigot ridicule qui déteste le monde, méprise le mariage, a horreur
des femmes et néglige la sienne pour dom Calmet. On voit d'ici la
tendance. M. Theuriet s'est cru obligé de pousser, tout comme le
premier cabotin de lettres venu, sa petite pointe voltairienne. Il a eu
tort. Outre que ces inepties-là ne sont nullement une preuve d'esprit,
elles déparent une œuvre pleine de saveur, de fraîcheur, de talent et,
à tant d'égards, digne d'éloges. Le Filleul d'un marquis est effective-
ment l'antipode d'une œuvre ordinaire. Il y a, dans cette œuvre, des
paysages lorrains d'une vérité exquise. On sent que cela a été vu. La
récitation du Selectx au collège, la procession de la Fête-Dieu et la
promenade en bateau au clair de lune, sont des tableaux de maître.
M. Theuriet est pocte à ses heures, et la liante des Deux Mondes donne
souvent à ses poésies une lucrative hospitalité. Sa prose rhythmée
dénote cette aptitude ; elle charme, elle berce, elle enchante — sans
nuire à la réalité et à l'esprit d'observation. Cet esprit, M. Theuriet
le manifeste principalement dans les types qu'il met en scène. Outre
le marquis de Rosières, gentilhomme campagnard, vigoureusement
dessiné, outre la douce Sophie Hussondont la ligure résignée rappelle
certaines miniatures de Greuze, il y a, dans le Filleul d'un onarquis, un
personnage qui est, à lui seul, une vraie création. Ce personnage —
le mot n'a rien d'exagéré — est, pour vous servir, Mademoiselle
Bastienne de Fierbois, propriétaire de la verrerie des Petites-Isiettes,
forte femme de cinquante-cinq ans, bâtie comme un homme avec une
voix mâle, de gros traits, d'épais sourcils et une légère moustache gri-
sonnante sur la lèvre supérieure. Elle ne s'était pas mariée, la brave
demoiselle, pour servir de mère à une nichée de neveux et de nièces
que la mort avait rendus orphelins. M"^ de Fierbois dirigeait seule
sa verrerie et faisait marcher ses ouvriers au doigt et à l'œil. Levée
dès la pointe du jour, elle surveillait ses chargements de bois dans
les coupes — et rien n'était plus drôlement admirable que ce grand
corps taillé à la serpe, vêtu d'une robe de laine, un bâton de houx à
la main, les cheveux arrangés à la diable, les jupes troussées jusqu'aux
jarrets et les pieds chaussés de fortes bottes de chasse. Toute petite,
Bastienne de Fierbois avait tenu le marquis de Rosières sur les fonts
baptismaux et lui avait voué une affection de sœur aînée que celui-ci
lui rendait respectueusement. Le soir, ils jouaient ensemble au tric-
trac— et cette maîtresse femme, qui était la gaîté et la franchise
personnifiées, riait à tire-larigot quand elle pouvait faire son scélérat
de filleul bredouille. Voilà le portrait. Que vous en semble ?
— MM. Theuriet et Zola sont des disciples de Balzac. M"^ Jacques
Vincent et M™^ Juliette Lamber sont des disciples de George Sand.
La première procède de la George Sand qui a fait la Petite Fadette,
Mauprat et le Marquis de Villemcr. La seconde s'inspire de la George
Sand raisonneuse, prêcheuse et humanitaire, à qui nous devons
Indiana, Vakntine, Évenor et Lencippe, Spiridion et les Sept cordes de
la lyre. Pas n'est besoin d'ajouter que nous préférons de beaucoup
M™'= Jacques Vincent, c'est-à-dire M°'^ Angèîe Dussaud, à M"" Ju-
liette Lamber, c'est-à-dire M"* Edmond Adam. Au moins. M™® Dus-
saud, dans Jacques de Trévannes, nous fait grâce de la politique, tandis
que, dans Laide, M^" Edmond Adam nous en sature. Jacques de
Trévannes est une étude de psychologie et de mœurs — à laquelle se
mêle, non par des dissertations, mais par la fatalité de l'action elle-
même, la grave question du divorce. Tout d'abord, on croirait que
l'auteur prend parti contre l'indissolubilité du mariage. Mais le
dénoûment fait mentir la thèse. Jacques de Trévannes a épousé une
femme indigne qui lui reproche sa pauvreté. Comme il est Genevois
d'origine, il demande le divorce d'après les lois suisses, voulant
profiter de sa liberté pour épouser une jeune veuve bretonne. Aurore
de Ploeven. Dans l'intervalle, Geneviève de Trévannes est devenue
mère, et la maternité la métamorphose ; elle revient à de meilleurs
sentiments et désire de tout son cœur se raccommoder avec son mari.
Celui-ci, emporté par sa passion pour Aurore, ne veut rien entendre.
Il faut que Geneviève s'abaisse jusqu'à aller implorer le pardon de sa
rivale. Aurore demeure insensible; mais, un jour, ayant entendu le
père de Jacques de Trévannes parler d'elle comme d'une femme
perdue, l'altière veuve comprend son abaissement et sa chute. Elle se
retire aux Ursulines de Nantes où elle meurt. Jacques, désillusionné
par cette mort imprévue, réintingre la maison paternelle, et, le cœur
apaisé, reprend sa femme légitime. Il y a, dans Jacques de Trévannes,
des situations risquées et des idées souvent téméraires. Cependant,
nous devons dire, à la louange de l'auteur, qu'elle croit très-sincère-
ment à l'influence de la religion sur les passions humaines et que,
Juillet 1878. T. .\X1II, 2.
— lâ-
chez elle, le souffle chrétien corrige maintes fois les caprices d'une
imagination aventureuse. Dans tous les cas, écrit dans une langue
élégante et sobre, Jacques de Trévannes est une œuvre mouvementée,
vivante, naturelle — caractères qui, dans le roman de M"^ Juliette
Lamber, se trouvent étouffés par d'interminables discussions sur l'es-
thétique païenne, sur la beauté grecque, sur le panthéisme de la
renaissance et sur l'art contemporain. C'est impeccable, comme style,
mais cela manque de cœur ; c'est olympien, mais d'une réalité problé-
matique. L'impassible Gœthe se fût épris pour la « Laide » de
M™^ Juliette Lamber. La « Laide » ne l'a pas toujours été ; elle
l'est devenue, étant enfant, à la suite d'une douloureuse maladie. Son
père, le sculpteur Martial, qui ne voit dans sa fille qu'un modèle à sta-
tue, la chasse uniquement parce qu'elle a perdu sa beauté. Et l'auteur
nous représente ce Martial comme un être supérieur, comme un
génie. Mais c'est tout simplement un monstre. Heureusement que la
petite abandonnée a, du chef de sa mère, 300,000 livres de rente
(pourquoi pas trois millions?) Grâce à sa fortune, Hélène Martial peut
contenter tous ses goûts, tous ses caprices — et elle n'y manque pas.
Ce sont seulement des caprices extraordinaires. Se croyant au-
dessus du vulgaire, elle po-e en prêtresse de l'art, elle donne des
fêtes, organise des conférences, ouvre des concours de peinture ou de
sculpture et fait parler beaucoup de sa marmoréenne individualité.
Cela lui ramène le cœur de son père. Il paraît que les sentiments se
conduisent ainsi dans la République athénienne dont M"^ Juliette
Lamber prédit le définitif triomphe. Mais les déesses ont bien aussi
leurs petites défaillances. Hélène Martial épouse Guy Romain, le fils
d'un peintre célèbre. Ce Guy a de drôles d'idées en fait de morale,
n avoue crûment qu'il a voulu sa femme affreuse, « afin qu'elle ne pût
lui inspirer d'amour, » et il s'en va courir la prétentaine avec nous
ne savons quelle Italienne. En son absence, Hélène Martial tombe
malade, et la maladie qui l'avait faite laide lui rend sa beauté — une
beauté resplendissante. Le mari arrive et sollicite le pardon de sa
femme. Quant à l'odieux Martial, il se contente de trouver sa fille
(( plus statuaire, » En vérité, il y a du marbre dans tous ces cœurs.
Au demeurant, l'action ici n'est que l'accessoire : l'essentiel réside
dans les théories, dans les thèses, dans les détails artistiques. L'action
se passe à Paris, mais dans un monde factice qui nous transporte en
pleine Grèce, en plein paganisme. Certes, Une fille laide, de M™* Claire
de Chandeneux, n'est pas, pour la forme, comparable à la Laide de
M"^ Juliette Lamber; mais combien elle est supérieure par la vrai-
semblance des détails, par la vérité des situations et surtout par les
idées morales ! La « Fille laide, » de M"* de Chandeneux, est préférée
par l'homme même qui devait naturellement la délaisser pour sa sœur,
— 19 -
la belle Paula de Béringe. Eh bien, non, Maxime de Saint-Ebre
choisit Étiennette pour femme, malgré sa laideur. C'est que, si le corps
dans Étiennette de Béringe est difforme, l'âme resplendit et rayonne.
Pourtant, ce n'est ni sans luttes, ni sans souffrances que la pauvre
Étiennette conquiert le bonheur. Mais la souffrance n'est- elle pas le
lot ordinaire de la vie? Dans son remarquable livre de la Do^^/ei/r,
Blanc-Saint-Bonntt a prouvé que la souffrance a son rôle dans le plan
divin et qu'elle est la chaudière d'Éson ou se retrempent les esprits,
les cœurs et les caractères. M"^ Claire de Chandeneux a placé
dans le Jura les principales scènes d'Une fille laide. Les touristes y
retrouvent, parfaitement décrits, les sites les plus visités de cette
contrée pittoresque. — Nous aimons moins Vaisseaux brûlés dn même
auteur. Ce roman est plus négligé de forme, et, vers la fin, tombe dans
le mélodrame. Voici l'histoire : Le baron de Monchenetz, un vieux
célibataire égoïste, s'est laissé enjôler par une certaine veuve Turquet,
qui a résolu de mettre sur son front roturier un tortil de baronne.
Mais Odette, l'unique nièce de Montchenetz, se dresse devant la
Turquet comme un obstacle. Vite, baron, mariez votre nièce ! Pauvre
Odette de Montchenetz, on la marie, en effet, on la marie au premier
épouseur venu, et le malheur veut que ce soit le plus odieux gredin
qui aitjamais germé sur le pavé de Paris. Odette de Montchenetz devient
M"* Firmerol. Le mari dissipe au jeu la dot de sa femme, abandonne
le foyer conjugal, déshonore son vieux père, laisse mourir ses parents
dans la misère et la honte, et meurt lui-même écrasé par une loco-
motive. Dans toutes ces épreuves, Odette n'a pas faibli un ins-
tant. Elle a été admirable de vertu et d'héroïsme. Aussi est-elle
récompensée en épousant Gontran Clavel, celui que son cœur avait
secrètement choisi avant qu'on ne la livrât à l'abominable Firmerol .
Quant au baron de Montchenetz, la Turquet, devenue maîtresse, lui fit
une vie insupportable. Il l'avait bien voulu.
— La Maison vide ! Quel excellent titre, et qui en dit long ! Il y avait
autrefois dans cette maison une femme belle, jeune, avenante, qui
en était la joie, l'animation, l'ornement et l'orgueil. Allons les douces
causeries de l'intimité, les lectures à deux, la musique et les rires !
Hélas ! Bonheur éphémère ! Blanche de Reynière est coquette,
légère. Cédant à une minute d'entraînement, elle écoute les paroles
fascinantes de Robert de Salviac, et le mari outragé tue sa femme.
Blanche morte, adieu la paix pour le contre-amiral de Reynière ! Le
deuil irréparable entre dans la maison vide; la tristesse et la solitude
en sont les hôtes; Reynière est bourrelé de remords et il en arrive à
j chercher partout le fantôme de celle qui n'est plus. Le même phéno-
' mène se produit chez Robert de Salviac. Il s'accuse d'être la cause de
tous ces malheurs ; il se repent et Reynière lui rend son amitié.
— 20 —
Cependant, un nouveau motif de rivalité surgit. Le hasard met sur la
route de ces deux hommes une jeune fille, Valentine Trézel, qui, trait
pour trait, ressemble à l'assassinée. Le cœur humain est une inexpli-
cable énigme. Tous deux, Reynière et Salviac, aspirent à la main de
Valentine Trézel. Lequel choisira-t- elle ? Valentine choisit Salviac.
Alors, dans un accès de générosité qui n'excuse pas son acte, Reynière
se donne la mort. Le suicide équivaut à un crime, M. Claretie. Pour
le cœur doublement brisé du contre-amiral de Reynière, vous aviez
le cloître, la Trappe ou la Chartreuse. Il est vrai que ce serait trop
demander à un libre-penseur, La littérature contemporaine se rit de
ces dénoiiments où la religion et la morale trouvent leur compte. —
Les personnages de la Maison vide sont tous Parisiens, Parisiens du
boulevard. On s'en aperçoit à leur mœurs faciles. Toutefois, si les
détails méritent à certains égards les sévérités de la critique, l'œuvre
en elle-même est honnête. — Elle se concentre dans un drame intime
qui touche, d'un côté, aux choses sérieuses de la vie et, de l'autre, à
celle des vices mondains habillés à la mode du jour, mais qui conclut
à la déification du devoir. M. Jules Claretie a dédié son livre à sa
femme : « A ma chère femme, dit-il, je dédie ce livre dont la conclu-
sion est le foyer paisible et le consolant amour de la famille, et la
maison emplie du rire de l'enfant ! » Il aurait pu cependant arriver,
par d'autres voies, à cette conclusion consolante. La Maison vide est
aussi une réponse aux fameux Tue-là, d'Alexandre Dumas fils. Et la
politique ? Oh ! la politique s'est encore faufilée dans la Maison vide.
Un des personnages du roman est un certain Monteclair qui joue les
plus vilains rôles. Eh bien, M. Claretie n'a pu résister au facile
plaisir de faire de ce Monteclair un conservateur. Adulation grossière
et de mauvais goût aux 363 ! Il serait bien temps que les romanciers
laissassent la politique à l'Académie française.
— Malheureusement, la vogue est là. Voici un nouveau venu dans
la carrière, M. Paul Bonnaud. Il a du talent, du style, l'esprit d'ob-
servation. Par quoi débute-t-il? Par un roman politique, le Roman de
la princesse. Cette princesse est une riche héritière bourgeoise qui
épouse le fils du prince de Candé ? L'auteur estime que son prince est
formé de morceaux divers et qu'il est la résultante de plusieurs
individualités. C'est possible. Mais il y a dans ce type, dominant toute
l'œuvre^ des traits méconnaissables — et, si nous voulions mettre un
nom au bout de notre plume, nous mettrions naturellement le nom
d'un homme d'Etat célèbre, un vaincu d'aujourd'hui. Cependant, il y
a cette circonstance atténuante : le prince de Candé mis en scène par
M. Paul Bonnaud est un personnage odieux, malhonnête, antipathique,
véreux, taré, sceptique, sans conscience. Or, l'homme d'État auquel
nous faisons allusion est tout le contraire: si ses actes d'homme public
— 21 —
peuvent être critiqués, sa vie d'homme privé est la vie d'un homme
de principes, digne et irréprochable. Si donc l'auteur du Roman de la
■princesse avait voulu faire ainsi la caricature d'une honorable person-
nalité, ce serait une mauvaise action dont nous ne croyons pas
M. Paul Bonnaud capable. — Il y a deux parties dans le Roman d'une
princesse, le princesse avant et après la lettre. Autant la seconde
partie nous déplaît et nous répugne, autant la première partie nous
ravit et nous charme. Rien de plus sympathique que cette petite
Thérèse Devert, bourgeoise de naissance, mais noble de goûts, d'ins-
tincts et de tendances: une vraie châtelaine. Il est vrai de dire qu'elle
habite avec son père le vieux manoir des seigneurs de Bissy. Dansune
tour de ce manoir, elle s'est construit un nid d'aristocrate. Armures
antiques, panoplies des croisades, archives nobiliaires, bouquins
poudreux (Moréri, d'Hozier et autres auteurs héraldiques). Là, tous les
jours, elle compulse, elle étudie l'histoire de la vieille famille seigneu-
riale et se croit à certains moments la fille d'un Bissy. Et de fait, elle
en a la fierté, la distinction, les signes de race. Quelle brave figure
aussi que celle du bonhomme Devert ! Eh bien, dans la seconde partie
du roman, le bonhomme Devert, devenu le député Devert, se conduit
comme un véritable arsouille^ et sa fille, désormais princesse de Candé
traîne sa couronne de princesse dans les fanges de l'adultère. C'est
gâter à plaisir un tableau fort heureusement commencé. On ne peut
guère louer, dans la deuxième partie du Roman de la princesse, que
certains portraits de journalistes, de bohèmes et de financiers marrons
saisis sur le vif. Tout ce monde-là se réunit dans les bureaux de
YÂctiialité. Ratés du théâtre, éclopés du barreau, fruits secs des
écoles, ayant sept à huit fois changé de carrière, tour à tour auteurs,
impresaris^ poètes, mathématiciens, professeurs de musique, ils sont
venus échouer dans le journalisme. Mais cela ne leur a pas donné des
convictions. Aujourd'hui, ils se battent pour la droite, demain pour la
gauche. Evidemment, la presse parisienne possède de pareils drôles.
Leur modèle est le sieur Ricau dont les opinions se mesurent à la
pièce décent sous. Ne se voyant pas récompenser selon ses prétendus
mérites, il dit : « Je n'en veux plus, je retourne à mon vomisse-
« ment, j'ai été démocrate autrefois. Yive la République ! » Jolie
recrue !
— Ily a moins de politique dans le Roman d'une créole; mais il
n'en vaut pas mieux pour cela. La créole est la terreur des villes
d'eaux. Elle a nom M™^ d'Algorre ; mais on la surnomme la Femme-
Serpent, la fée Mélusine. Dites plutôt Messaline. Établie à Arcachon,
elle provoque l'assassinat d'une femme par son mari, épouse un
ingénieur, le quitte, se livre à tous les débordements et s'empoisonne.
Ce mauvais roman, sans talent et sans esprit d'ailleurs, à l'excep-
tion d'une page sur les vieilles familles commerçantes et du portrait
d'une Russe excentrique qui va, le matin, dans les champs « boire les
larmes de l'aurore, » ce miuvais romin devrait finir au suicide de
la créole. Non ! l'auteur le prolonge inutilement pour avoir le plaisir
de faire une apologie delà Commune. Espère-t-il détourner ainsi l'at-
tention de sa répugnante créole? Le moyen est étrange. Il paraîtrait
que cettecréole n'est pas un mythe et qu'elle aurait vécu à Paris vers
la fin du second Empire. Réelle ou d'invention, elle n'en est pas moins
un monstre, comme la Cara de M. Hector Malot Cara n'est qu'un dimi-
nutif de Caravansérail. — Ce qui en dit long sur les mœurs de la créa-
ture. Étant donnée la pieuvre, il n'est pas étonnant qu'elle ruine Léon
Haupois, fils de M. Haupois d'Aiguillon, chevalier de la Légion
d'honneur, orfèvre -fournisseur des cours d'Angleterre, d'Espagne,
de Grèce et de Belgique, breveté de toutes les Expositions euro-
péennes. Cara fait plus que ruiner ce fils de famille; elle l'épouse en
Amérique devant un prêtre catholique. Mais la bonne foi du prêtre a
été surprise, le mariage n'est pas valable ; M""^ Haupois en obtient de
Rome même l'invalidation, et permet à son fils d'épouser sa cousine
Madeleine — qui lui avait été refusée dans le principe sous prétexte
qu'elle était pauvre. En résumé, Cara n'est un chef-d'œuvre, ni pour
le fonds ni pour la forme. Mais, à l'instar de certains romans du même
auteur, ce n'est pas non plus un pamphlet à l'adresse des idées et
des principes dont la Révolution fait aujourd'hui sa cible quoti-
dienne.
— Les Mariages dangereux, de M°' Anaïs Ségalas, ne constituent
pas un roman proprement dit. C'est la réunion de quatre récits dont
la chasse à la fiancée et la vie conjugale font tous les frais. Les deux
dernières de ces Nouvelles sont fort peu intéressantes. Il n'en est pas
de même des deux premières : Les deux mariages du beau Gontran,
Les trois femmes d'Henri Smirt. Elles sont curieuses et originales
et l'une d'elles serait parfaite, si elle était moins libre. Le beau
Gontran d'Ablin épouse, lui, homme de trente ans, une femme de
cinquante-deux ans, pour ses richesses. Trente ans après, veuf de
soixante ans, il épouse une jeune fille de dix-huit ans. Il a fait souf-
frir la femme vieille ; la femme jeune la venge en faisant souff'rir
Gontran. Telle est la ritournelle. Quant à Henri Smirt, c'est un
affreux scélérat qui se marie avec des jeunes filles poitrinaires et se
fait donner par testament leur fortune. Il spécule sur la santé de ses
femmes. Il y a dans les Nouvelles de M™= Anaïs Ségalas quelques traits
fort justes. L'auteur parle en ces termes de la coquetterie : « Il ne
faut pas croire que la frivolité et le désir de plaire soient les
privilèges exclusifs des femmes. A côté de la coquette, il y a le
coquet, qui semble vouloir déplacer les rôles et qui attend les
— 2;{ —
adorations. On blâme M'"'' Célimène. Mais que dira-t-on de M. Céli-
mène ? » Pour conclure, toute la morale des quatre récits de
M"* Anaïs Ségalas peut se résumer dans ces vers d'une chanson
populaire :
Il faut des époux assortis
Dans les liens du mariage.
FlRMIN BOISSIN.
THÉOLOGIE
La Sainte Bible, il.ncieii et IVouveau Testament, Récit et
Commentaire, par l'abbé F. R. Salmon, du diocèse de Pari ^ chanoine
honoraire de Châlons. Ouvrage illustré de 240 gravures, par Schnorr. Pa-
ris, Firmin-Didot, 1878, in-4 de xiv-6i5 p. Prix : 20 fr.
Voilà un livre digne de la maison Didot par la beauté des gravures
et la perfection de l'exécution matérielle. « L'illustration, écrit jus-
tement M^" Mermillod, reproduit les gravures si appréciées de
Schnorr; ces dessins si religieux, si beaux, portant le caractère de la
foi et de l'art, complètent le récit sacré. » Le récit, dû à la plume de
M. l'abbé Salmon, mérite les ornements splendides qui raccompagnent.
Le plus souvent, ce n'est pas sa parole que l'auteur nous donne, c'est
la parole même de Dieu. 11 entremêle seulement, au texte sacré qu'il
traduit, quelques explications courtes et lumineuses, et il donne ainsi
un commentaire simple et clair qui, loin d'entraver la marche du lec-
teur, la lui rend facile et agréable. Il sait d'ailleurs s'adresser abonne
source pour nous faire comprendre la Bible, et, dès la première page,
Bossuet, de sa grande voix, nous parle de la création avec la majesté
et la magnificence qui conviennent au sujet.
M. l'abbé Salmon résout aussi, chemin fiiisant, toutes les difficultés,
scientifiques et autres, qu'il rencontre sur ses pas. C'est ainsi qu'il
montre avec beaucoup de lucidité l'accord de la cosmogonie mosaïque
avec les sciences naturelles, et qu'il répond à toutes les objections
qu'on peut faire contre le déluge et le miracle de Josué.
Non content de nous faire connaître l'histoire proprement dite de
l'Ancien Testament, il nous fait connaître encore les passages les plus
remarquables des livres sapentiaux et des grands prophètes. Dans la
seconde partie, le Nouveau Testament, il nous donne une excellente
vie de Notre-Seigneur et un bon résumé des Actes des Apôtres, où il
parle, à leur place chronologique, des Epîtres de saint Paul. Il ter-
mine son œuvre par l'analyse de l'Apocalypse.
M. l'abbé Salmon ne s'occupe pas, et avec raison, dans son ouvrage,
des inepties des rationalistes contre la Bible. Il a jugé à propos de
dire quelques mots des difficultés scientifiques que peut suggérer la
lecture des saintes Écritures, parce qu'il est utile, en efl'et, d'éclairer
— 24 -
les esprits sur ces questions importantes; mais, comme son but n'était
pas de composer une œuvre apologétique, il n'avait qu'à passer sous
silence les attaques de la critique négative. Le style de Fauteur est
élégant et correct; tout au plus pourrait-on lui reprocher de manquer
un peu çà et là de simplicité ; mais la plupart des lecteurs le lui par-
donneront volontiers. Le texte est donc digne de la splendeur de
l'exécution, et nous ne pouvons mieux faire, en terminant, que de répé-
ter ce que M^'' l'évêque de Châlons écrivait à l'auteur : « Je souhaite
que votre livre se répande beaucoup. Il substituera aux connaissances
superficielles ou partielles delaBible des notions beaucoup plus justes
et beaucoup plus étendues ; il dissipera plus d'un préjugé. »
ISseai sur l'Kglîse anglicane, par F. Segon'dy. Paris, Roger et
Chernoviez ; Montpellier, Séguin, 1878, in-8 de xvii et o99 p. — Prix : 6 fr.
L'ouvrage que nous annonçons est divisé en trois parties. Dans la
première, composée de trois chapitres, l'auteur traite de l'origine de
la réforme, en général, de l'origine de l'Eglise anglicane en particulier,
de la réformation et de la conversion de l'Angleterre comparées. Dans
la seconde partie, intitulée Caractères de l'Église anglicane, l'auteur
assigne d'abord à cette Eglise, les caractères qu'elle présente au
point de vue théologique, à savoir d'être schismatique, hérétique,
protestante, autoritaire et protestante, institution hybride et faite de
compromis, isolée du monde chrétien. Dans un second chapitre, l'au-
teur montre que l'Église anglicane est esclave de l'Etat et sans
influence sur les masses. Dans le troisième, il examine les résultats
qu'elle a produits dans son sein par la multiplication des sectes et par
le nationalisme, et au dehors, par ses missions.
La troisième partie de l'ouvrage est consacrée à ce que M. Segondy
appelle les admirateurs de l'Église anglicane, à savoir les partisans
de la haute Eglise, les puséistes, les politiques, les économistes.
Ajoutons à cela l'épilogue et les appendices contenant surtout de
longues notes que l'auteur n'a pas pu placer dans son volume et nous
aurons nos six cents pages.
L'énoncé de ce plan, formulé dans les termes employés par l'auteur
lui-même, suffit pour montrer que nous avons devant nous le contraire
de ce qu'on nous avait promis dans la préface, à savoir, un volume de
controverse. Et il n'était peut-être pas facile, en effet, à l'auteur de
faire autre chose, car l'Eglise anglicane, comme toutes les choses
anglaises, présente un système si compliqué qu'il n'est pas toujours
aisé de bien la saisir et de bien la dépeindre.
Ce volume s'annonce comme une introduction, A ce compte, il
faudrait en attendre cinq ou six autres et, en effet, dans la préface,
on nous fait connaître cinq ou six sujets qu'on se propose de traiter.
A notre avis, cinq ou six volumes, c'est beaucoup à propos d'un
système qui se meurt.
Nous ne voulons pas entrer dans la critique des détails : cela nous
mènerait loin ; au lieu d'un volume de controverse, nous aurions
préféré un livre d'exposition qui aurait fait passer sous nos yeux
comme un tableau vivant de l'Eglise anglicane. Mais, pour peindre
une société, il faut la connaître à fond, vivre en rapports suivis avec
elle, et il nous semble que l'auteur de l'Essai sur l'Église anglicane
connaît la société anglaise surtout par les livres. Nous ajouterons
même, sans craindre de beaucoup nous tromper, que sa bibliothèque
est un peu vieillie et beaucoup trop restreinte.
Nous pensons cependant que ce livre pourra rendre des services et
qu'il contribuera à mettre un peu plus à Tordre du jour l'étude des
questions religieuses anglaises, qui sont, sans contredit, des plus
intéressantes que puissent étudier nos contemporains.
M. Segondy ne ferait-il que rendre ce service à la religion, par le
volume qu'il vient de publier, qu'il n'aurait nullement lieu de regretter
la peine qu'il s'est donnée pour l'écrire. Nous espérons néanmoins
que ce ne sera pas le seul : et son Essai, sans faire exactement con-
naître l'Eglise anglicane telle qu'elle existe en 1878, en donne
cependant une idée suffisamment juste pour le commun des lecteurs
français. P. M.
SCIENCES.
Philosophie de lîi science politicgiie et commentaire de la
déclaration des difoits de B'^homme de ITOS, par le profes-
seur EuiLE Accolas. Paris, Mareseqaioé, 1877, in-8 de vji-j2i- [>.
Il y a deux choses dans l'ouvrage de M. Accolas: avant tout une
négation absolue de Dieu, un matérialisme brutal, une haine violente
des institutions religieuses et particulièrement de la doctrine catho-
lique dont il travestit les données à un point difficilement explicable
chez un écrivain dont les lectures ont été considérables, en quelques
pages tranchantes, banales, et renvoyant pour la démonstration à des
ouvrages aventureux et fort discutés ; puis une critique vive et
pénétrante de tous les systèmes scientifiques et sociaux élaborés de
nos jours, et qu'on a prétendu substituer au grand et compréhensif
enseignement du christianisme. Dans cette tâche, M. Accolas déploie
de remarquables qualités intellectuelles, une grande précision de
style, une assurance de pensée qui dédaigne toute atténuation et dé-
chire audacieusement tous les voiles du langage. A quelque motif qu'il
faille attribuer les exécutions qu'il fait des socialistes, de Comte, de
- 2r. —
Renan, de Littré, de Jules Simon, d'Herbert Spencer, en unmot de tous
les contemporains révolutionnaires tant soit peu marquants, ce n'en
sont pas moins de terribles coups de boutoir, et les outres pleines
de vent sur lesquelles ils portent sont dégonflées pour toujours.
Parmi les doctrines que M. Accolas combat avec le plus de verve,
est le faux dogme de la souveraineté du peuple et de la loi des ma-
jorités. Rarement le vice radical de cette idée avait été mieux montré.
Il démontre également tout ce qu'a de faux la conception, si répan-
due parmi les écrivains contemporains que TEtat, la commune, l'hu-
manité sont des organismes, que la métaphore ne peut jamais prendre la
place d'une réalité.
Le professeur radical ne se contente pas de renverser et de piétiner
les œuvres de ses prédécesseurs révolutionnaires : il veut élever le mo-
nument de la «CiVnce politique. Il lui donne pour base l'autonomie de
la personne humaine, et va en chercher un modèle approximatif dans
la déclaration des droits de l'homme de 1793 et cette constitution de
l'an II que la Convention vota, mais ne put jamais mettre en vigueur,
et qui reposait sur la législation directe par le peuple réuni en assem-
blées primaires.
Nous ne discuterons pas ici la thèse de M. Accolas; aussi bien, la
partie critique de son œuvre est la seule qui ait de la valeur. Il pré-
tend conserver les idées de morale, de droit, d'amour fraternel même,
les principes de la propriété et de la rémunération du capital, tout en
ne voyant dans l'homme qu'un agrégat d'atomes, soumis exclusive-
ment aux lois de circulation de la matière. Sur ce point-là, il n'a évi-
demment pas l'avantage de la logique vis-à-vis de Biichner et d'Her-
bert-Spencer.
En résumé, l'œuvre de M. Accolas a beaucoup d'analogies avec
celle de Proudhon, le seul des contemporains qu'il ménage au milieu
de ses acerbes critiques.
Précis du cours d'économie politique, professé à la faculté de
droit de Paris^ jiar Pacl Cauwès, agrégé. Tome I", première partie. Paris,
Larose, 1878, in-8 de vin-428 p. — Prix: 5 fr.
M. Cauwès comprend la science économique d'une manière large,
élevée et toute spiritualiste, qui lui fait honneur. Nous le féliciterons
tout spécialement d'avoir combattu la funeste doctrine des écono-
mistes anglais, qui consiste à réduire toute l'économie politique à
la science des richesses, d'avoir affirmé que « des intérêts humains
de justice et de morale planent au-dessus de toute question relative
aux choses matérielles, » et que « multiplier les produits n'est pas le
but suprême. » L'économie politique, selon lui. a pour objet les lois
sociales de l'industrie, des richesses et des services, d'où cette triple
— 27 —
division de son traité en Onjanisation industrielle, Economie des
richesses et Économie publique.
Le volume que nous avons entre les mains, et qui n'est que la pre-
mière partie du tome I", eouiientV Organisation industrielle et les deux
premiers livres de V Économie des richesses qui traitent de la production
et consommation et de la population. Avec beaucoup d'excellentes
choses, nous y trouvons quelques erreurs nojées, dans un déluge de
phrases et de digressions incidentes. M, Cauwès manque de méthode
dans la conception de son plan, d'ordre dans la disposition des diffé-
rentes parties de son œuvre, et de suite même dans le développement
de ses idées. Ainsi, à propos de l'organisation industrielle et du
régime du travail, M. Cauwès vient nous exposer ses théories sur la
famille, les sociétés politiques et les services privés et publics, tout
en renvoyant avec une facilité déplorable son lecteur, pour la solution
d'un grand nombre de questions intéressantes, à la seconde partie de
son livre, encore dans ses cartons.
Il faut déplorer également que M. Cauwès ait cru devoir s'attacher
aux doctrines d'un économiste aniéricain, qui n'a pas fait un seul
disciple dans son propre pays, et que « Carey soit, entre tous, celui
dont il se plaise à reconnaître l'inspiration scientifique. » C'est que,
en effet, il est tombé, à la suite de son maître, dans des exagérations
regrettables qu'un examen plus sérieux des faits lui eiît permis
d'éviter. Lorsque M. Cauwès, par exemple, examine, dans la section
quatrième du premier livre de l'économie des richesses, la fameuse
théorie de Ricardo connue sous le nom de Rente du sol, il ne se borne
pas à la réfuter, mais il tombe dans l'excès contraire en niant abso-
lument l'existence de ce phénomène. De même, après avoir combattu
la fatale doctrine de Malthus et de Stuart Mill sur la population, il va
encore trop loin en refusant d'admettre, pour aucun pays, la possibilité
d'une crise de saturation de population, puisque des faits contempo-
rains nous démontrent le contraire.
Regrettons enfin que M. Cauwès se soit fait l'écho des vieilles et
odieuses calomnies, tant de fois rééditées, contre les admirables
établissements fondés au dix-septième siècle par les jésuites en
Amérique et connus sous le nom de Réductions du Paraguay.
En résumé, ce livre, trop détaillé et trop volumineux pour être
jamais à la portée des étudiants, contient des études fort appro-
fondies sur quelques points, des aperçus nouveaux et surtout des
annotations précieuses ; mais tout cela se suit sans ordre et sans
cohésion, et trahit chez l'auteur, avec une certaine inexpérience, une
grande précipitation dans la préparation de cet ouvrage qui ne peut
s'expliquer que par la crainte d'être prévenu par quelque confrère
plus diligent.
— 28 -
Maintenant que M, Cauwès a pris possession du terrain, qu'il nous
permette de lui conseiller de revoir sérieusement le volume qu'il a
lancé un peu à la légère dans la circulation, d'en coordonner et d'en
reserrer les parties éparses, de le pourvoir d'une table des matières,
et, alors, nous n'en doutons pas, son précis devra prendre place
dans la bibliothèque de tous ceux qui s'occupent sérieusement
d'économie politique, H. de G.
Apts et Manufactures. Exposition sommaire des études et procédés de
V industrie contem.'por aine, par M. Maig.ne. Paris, E. Belin, 3 vol. in-12 de
viii-439, 4i8 et 480 p. — Prix : 9 fr.
En écrivant ce nouvel ouvrage, M. Maigne s'est proposé de rendre
classiques les divers procédés industriels actuellement en usage dans
nos ateliers et dont l'enseignement était resté jusqu'ici le monopole
des écoles spéciales d'arts et manufactures. Certes, le sujet est vaste,
et il y a lieu de féliciter l'auteur d'avoir réussi, en aussi peu d'espace,
à traiter d'une façon très-suffisamment détaillée, vu les lecteurs
auxquels il s'adresse, un ensemble aussi considérable. Ces trois
volumes présentent un intérêt tout particulier, en ce moment où l'Ex-
position attire l'attention générale sur l'intérieur de nos usines, et il
nous semble difficile de trouver un guide plus instructif pour en par-
courir les galeries. On y trouvera toujours données, dans un style clair
et précis, des explications, intelligibles pour chacun, si négligée qu'ait
été jusque là son éducation scientifique.
C'est en vain que nous avons cherché dans cet ouvrage une notice
suffisamment détaillée sur les moteurs d'ateliers. Peut-être trouvera-
t-elle sa place dans un quatrième volume, nécessaire du reste, pour
fournir au complet ce que promet, un peu témérairement, le titre de
l'ouvrage. On peut également reprocher à l'auteur de n'avoir pas assez
indiqué les perfectionnements les plus récents apportés aux diverses
industries ; mais ce défaut, peu important pour un livre aussi élémen-
taire, ne doit pas empêcher d'en conseiller l'introduction dans toutes
les bibliothèques scolaires, dont les lecteurs sont trop souvent, comme
le fait remarquer très-justement M. Maigne, complètement dépourvus
de toute connaissance pratique. F. de C.
— 29 —
BELLES-LETTRES
ÎVeue Studien iiber Schrîft, A.issprï»che uiict all^enieine
Formenlehre des ^^tiopîsclieii, ans den Qucllcn gcschopft, com-
parativ und physiologisch erlautert. (Études nouvelles sur l'écriture, la pro-
noncialion et les formes générales des mots en éthiopien, expliqués compara-
tivement et physiolorjirjucment d'après les soui'ces.) \oa B'' Edcard Kœnig,
Oberlehrer an Gymnasium St.-Tliomee zu Leipzig. Leipzig, Hinrichs,
1877, in-8 de .\ii-ÏG4 p. — Prix : 18 fr.
Les Études de M. Kœnig sont un ouvrage de haute science philolo-
gique. Il ne saurait intéresser, il est vrai, le commun des lecteurs,
mais il se recommande à l'attention de tous les philologues, en général,
et des orientalistes, en particulier. On a déjà fait beaucoup pour la
grammaire comparée des langues indo-européennes; on a fait encore
fort peu, presque rien, pour la grammaire comparée des langues
sémitiques dans leurs rapports avec les langues indo-européennes.
Pour que ce dernier travail soit possible, il faut que des savants com-
pétents publient des travaux comme celui de M. Kœnig sur l'éthio-
pien.
L'auteur des Nouvelles Études lésa dédiées à M. Franz Delitzsch, le
célèbre professeur d'exégèse de Leipzig, parce que c'est un discours
de ce dernier : Sur l' importance de la physiologie et de la musique pour
Vétude de la grammaire et en particulier de la grammaire hébraïque,
qui lui a suggéré l'idée de faire les recherches dont il nous communique
aujourd'hui les résultats. C'est dire assez qu'il fait souvent appel à la
physiologie pour rendre compte de plusieurs phénomènes de la pro-
nonciation éthiopienne. Les Nouvelles Leçons surlascience dulangage,
de M. Max Mùller,ont suffisamment démontré l'utilité de cette méthode
en linguistique, et il est inutile d'insister ici sur les ressources qu'elle
offre à un habile philologue.
M. Kœnig se propose de plus de résoudre certains points difficiles
et spéciaux de la grammaire éthiopienne. Quand M.Dillmann a publié,
en 1857, sa Grammatik der œthiopischen Sprache, il reconnut qu'il était
loin de regarder son travail comme définitif. Notre auteur comble
quelques-unes de ses lacunes, et explique plusieurs obscurités de la
langue. Il pense aussi, et avec raison, qu'on n'estime pas à leur juste
valeur les travaux de Ludolf, le fondateur des études éthiopiennes en
Europe. Il veut enfin établir, contre Ewald et M. Schrader, que l'arabe,
non l'hébreu, est le plus ancien type des langues sémitiques. Il va
bien loin à ce sujet. L'arabe est, sans doute, le type des langues sémi-
tiques sous plusieurs rapports, mais nous pensons que c'est surtout
dans la langue qu'on parlait à Ur et àBabylone, du temps d'Abraham
et de ses pères, qu''il faut chercher le type le mieux conservé de l'idiome
— 30 —
des enfants de Sera. Nous ne pouvons examiner en détail les opinions
de M. Kœnig, mais nous en avons assez dit pour montrer que son livre
est indispensable à tous ceux qui s'occupent d'études orientales et
comparées. C. J.
Cn. IVaeviu». Essai sur les commencements de la poésie à Rome, par D. de
MooR. Tournai, 1877, in-8 de vn-176 p.
Ce fut incontestablement un puissant talent et un esprit plein d'ori-
ginalité queCn. Naevius, qui, pauvre, isolé, sans appui, entreprit de
créer une littérature nationale à Rome, à une époque où la langue
latine elle-même était encore dans les langes, et où les séductions de
l'hellénisme envahissant offraient un tout autre but à l'activité intel-
lectuelle des Romains. Entre le parti des conservateurs obstinés qui,
comme Caton ou Fabius Maximus, repoussaient systématiquement les
lettres grecques, tout en se voyant forcés à la fin de les apprendre
eux-mêmes, et celui des novateurs lettrés et élégants qui prétendaient,
en toute chose, mettre Rome à l'école de la Grèce, Naevius se traça
dès le commencement une ligne de conduite à laquelle il resta fidèle
pendant toute sa carrière. S'il étudia la littérature grecque; si, dans
presque toutes ses productions, il montra le parti qu'il savait en
tirer, d'autre part il avait cette conviction que le génie national de
Rome était assez mûr, assez robuste pour trouver dans l'art son
expression propre, pour avoir une littérature à lui, une littérature
vraiment romaine, c'est-à-dire reflétant fidèlement les mœurs et le
génie de la patrie. Telle fut l'idée mère qui inspira toute l'activité
littéraire de Naevius : poëte national et romain par excellence, par
cette pensée à la fois hardie et patriotique, il nous apparaît bien diffé-
rent de tous ces littérateurs qui, àla suite d'Ennius, empruntèrent à la
Grèce, non-seulement ses forces, mais encore ses idées et sa tournure
d'esprit, et créèrent à Rome une littérature dont le vice principal
resta toujours le manque d'originalité et de nationalité.
Je n'ai pu qu'indiquer, dans ces quelques lignes, les considérations
que M. De Moor développe largement dans son mémoire. Il l'a fait
avec une sûreté de jugement, une solidité d'érudition, une élégance de
style qui assurent à ce travail un rang distingué parmi les productions
consacrées à l'antiquité classique, "et qui lui ont valu, devant la faculté
de philosophie et lettres à l'Université de Liège, le titre de docteur
spécial en sciences philologiques. C'est une étude complète sur Naevius
et son rôle dans les lettres romaines que nous avons sous les yeux. Le
mémoire se divise en deux parties. La première est consacrée à la
biographie du poëte, à l'étude des fragments qui restent de ses œuvres,
et à l'appréciation de sa carrière dans les différents domaines qu'il a
— 31 -
abordés. La seconde, plus technique, intéressera surtout les philologues
de profession, par un examen approfondi de la langue et de la versifica-
tion de Naevius : ce n'est pas le moindre mérite de l'auteur de l'avoir
rendue attrayante même pour le lecteur ordinaire, grâce à la clarté
et à l'élégance soutenues de son exposition,
M. De Moor fait bon marché de l'opinion, presque universellement
adoptée, qui fait de Naevius un Campariien, à cause d'un passage où
Aulu-Gelle lui reproche une certaine superbia campana : l'emploi de
cette expression proverbiale par un archéologue qui vivait plusieurs
siècles après notre poëte ne suffit pas, pense M. De Moor, pour infirmer
les conjectures qui font de lui un citoyen romain : et quelle que soit,
en pareille matière l'autorité des noms de Bernhardy, Bergk, Tuffel
Welcker, Niebuhr et Mommsen,la démonstration me paraît concluante
(p. 4 à 6). L'auteur n'est pas moins heureux dans l'étude des frag-
ments littéraires de son héros; la manière dont, au moyen de quelques
vers, de quelques hémistiches, il reconstruit des tragédies entières et
parvient parfois à caractériser des scènes, fait honneur à la délicatesse
de son goût, à la souplesse de son imagination, et rappelle le procédé
de Cuvier reconstruisant une espèce à l'aide de quelques ossements.
Dans le chapitre consacré à la comédie, M. De Moor, appliquant avec
le même talent la méthode qui a si bien réussi à M. G. Guizot dans son
Etude sur Ménandre, parvient à nous rendre la physionomie générale
et même plus d'un trait particulier de ce théâtre naissant. Enfin le
chapitre qui traite de l'épopée nous montre Naevius supérieur, par la
manière dont il conçoit son sujet et dont il le traite, à son successeur
et rival Ennius, au point que Virgile lui-même a emprunté à notre
poëte plus qu'on ne pense, et que l'idée principale de l'Enéide, qui
consiste à rattacher directement la grandeur romaine à Enée et aux
prédictions des dieux, se retrouve déjà dans le poëme vieilli et oublié
de Naevius (p. 100 et suiv.).
C'est ainsi que Naevius peut être vraiment appelé le père de la
poésie latine, et qu'il a été l'initiateur de son peuple dans les trois
genres littéraires : la tragédie, la comédie et l'épopée. Mais là ne
s'arrête pas la tâche que M. De Moor s'est imposée. Serrant mainte-
nant son sujet de plus près, il étudie, dans la seconde partie, la langue
et la versification de Naevius : c'est là qu'il trouve l'occasion de
déployer toutes les richesses d'une érudition à la fois sobre et solide,
entièrement familiarisée avec son sujet et mettant le lecteur au courant
des plus récentes découvertes qui ont été faites dans le domaine de la
philologie latine. Parmi les choses les plus instructives qu'on rencontre
dans cette seconde partie, je signalerai notamment une curieuse liste
des archaïsmes et des mots vieillis qu'on rencontre encore dans
Naevius : il eu est plus d'un qui aurait pu être conservé au plus grand
— 32 —
profit de la langue : tels sont par exemple billo (faire rjlouglou), vitulari
(bondir de joie) prosjyicus et despicus, qui sont d'une composition si
simple et si expressive, histio, expression heureuse qui a en français
son équivalent et sa traduction litérale dans coureur ; paiixiUus,
diminutif si gracieux de l'obsolète paucus, etc. Une autre liste contient
les expressions qui ont, dans Naevius, une acception autre que chez
les classiques; une troisième, enfin, ceux qui présentent dans leurs
flexions des formes rares, incertaines et inusitées pendant le siècle
d'Auguste.
Quand à la versification de Naevius, elle fait l'objet d'une étude fort
consciencieuse, où sont indiqués et expliqués les divers mètres employés
par le père des lettres latines; j'y signalerai surtout une étude
approfondie sur le saturnin, mètre original, conforme à la langue,
incomplet encore^ il est vrai, mais capable de se perfectionner, et
qui aurait dû être amélioré plutôt que supprimé par les poètes clas-
siques. M. De Moor, après avoir amplement prouvé que le saturnin
est inférieur à la réputation que lui ont faite les hellénistes, nous
montre comment il a été remplacé peu à peu par l'hexamètre grec,
incontestablement plus riche et plus harmonieux, mais dont on
peut se demander s'il convenait véritablement à la langue latine.
L'auteur n'en paraît pas bien convaincu : une des pages des plus
intéressantes et les plus originales de son livre c'est, à coup sûr, celle
où il nous montre à quelles conditions l'hexamètre put s'introduire
dans la langue latine. Il fallut renoncer aux mots les plus usuels ou
les plus beaux de la langue (p. ex., filins, milltem, origines, artifex),
il fallut remplacer l'expression propre par des synonymes qui étaient
le plus souvent vagues et inexacts {palmx pour vlctorix, nati pour
filii), changer la terminaison naturelle et logique des mots (c'est
ainsi que pcslllcntia devient pcstilitas), ou bien encore recourir à la
périphrase, substituer k Socratcs, impossible en vers, unanglireus, à
Hercules un Tirynthius héros, etc. Lo grand art delà poésie devint
ainsi, trop souvent, une distraction d'oisif ou un ingénieux jeu d'esprit
{difficiles nugse) ; il se plaça en-dehors de la vie nationale et populaire,
et éleva une barrière infranchissable entre lui et le peuple : Odi pro-
fanum vulgus et arceo, a dit plus tard un de ces dilettanti dédai-
gneux.
J'aurais encore à signaler plus d'une vue neuve, plus d'un aperçu
aussi intéressant qu'instructif; l'espace restreint dont je dispose
ne me permettant pas de m'étendre davantage, je me contenterai
d'indiquer les considérations de M. De Moor sur la tragédie ro-
maine. Contrairement à l'opinion presque unamine des critiques, il
convient que les Romains ne manquaient nullement d'aptitude pour
la tragédie^ et qu'on leur fait tort en les jugeant, sous ce rapport,
— 33 —
uniquement d'après l'œuvre informe de Sénèque. Cette opinion, que
M. De Moor expose avec chaleur et conviction, n'est pas neuve dans
le monde des érudits : Lange l'avait développée en 1822 dans un
mémoire intitulé VimUcix tragœdiœ romaiix, mais c'est, je crois, la
première fois qu'on la formule en français, et le lecteur ne sera
pas fâché d'entendre au moins une fois défendre une cause si peu
populaire.
Il est quelques points sur lesquels j'ai des réserves à faire. Quand
M. De Moor ip. 43), parlant du fils de famille de la comédie antique,
nous le montre se jetant tèie baissée dans tous les désordres, vivant
dans les excès les plus dégradants, et qu'il prétend ensuite qu'au fond
ce jeune homme reste bon et aimable et mérite toutes nos sympathies,
il n'y a là, sans doute, qu'une distraction, qu'un écart de plume : aussi
me garderai-je d'insister. D"un autre côté, je ne puis pas accorder à
l'auteur que Caton se soit moqué des vieilles annales de sa patrie
(p. 77), et qu'il ne les ait regardées que comme des espèces de calen-
driers, lui qui les avait tant lues et tant consultées, et qui leur devait
tant; il faut forcer le sens du passage d'Aulu-Gelle, II, 28, 6, pour
arriver à cette conclusion; ce qui est certain, c'est que le vieux Caton
n'a jamais péché par excès de dédain pour les choses nationales,
surtout quand il pouvait s'en faire des armes pour les opposer à
l'influence étrangère. Je ne saurais pas davantage admettre que la pièce
de Naevius qui contient le célèbre fragment satirique sur Scipion ait
été écrite pendant que ce héros était encore en Espagne, et les preuves
que M. De Moor apporte à l'appui de son opinion ne m'ont aucune-
ment convaincu.
Eliam qui res magnas manus s*pe gessit glortose.
Cujus fada viva nunc vigent, qui apud gentes solus prceslai.
Ces vers, le plus magnifique éloge qu'on ait peut-être jamais fait
d'un adversaire politique, n'ont pu être écrits qu'après Zama ; il me
serait facile de le prouver pas des arguments tout techniques à ceux
que ne convaincrait par l'évidence morale.
Quoi qu'il en soit de ces observations, je crois avoir suffisamment
mis en relief la valeur scientifique et littéraire de cette monographie.
C'est le brillant début d'un érudit consommé, qui est à la fois une fin
critique et un élégant écrivain. Godefroid Kukth.
JUILLET {S78. T. XXI1I,3,
— Si-
histoire
Rome et ses monuments, guide du voyageur catholique dans la
capitale du monde chrétien, \\Rv \q ç,\\d.no\m de Bleser. Troisième édition,
revue, corrigée et notableri eut améliorée, enrichie de 68 plans an-
notés. Louvain, Fonteyn; Paris, Hachette, 1878, iu-i2 de 544 p. — Prix:
10 fr.
Le livre de M. de Bleser est devenu classique ; c'est le manuel des
pèlerins romains et de beaucoup de simples touristes. C'est d'ailleurs
à peu près le seul que l'on puisse recommander à des voyageurs catho-
li(|ues. Aussi se sent-on porté à lui souhaiter la perfection la plus
entière. Si, dans le compte rendu que je vais en faire, je ne m'aban-
donne pas à l'élan du panégyrique, on m'en excusera à cause de la
considération que j'attache à cet ouvrage. Il est peu de livres, je ne
dirai pas seulement aussi instructifs, mais aussi enseignants que les
guides du voyageur. On les lit devant les monuments; leurs moindres
phrases s'entrelacent avec les souvenirs les plus puissants et les plus
aimés; leurs jugements portent coup et constituent la meilleure part
de l'éducation qui résulte du voyage. Il importe donc qu'ils soient
bien faits, complets autant que possible, mais surtout exacts et véri-
diques.
Je n'ai rien à redire au plan, sinon qu'il y a trop de plans surtout de
plans d'églises; quelques-uns de ceux-ci, qui se ressemblent trop pour
être indispensables^ auraient pu être remplacés par une bonne carte
de la campagne romaine ou une série de plans détaillés des régions
les plus intéressantes de la ville. Mais passons. Dans la partie consa-
crée aux antiquités classiques, il y aurait beaucoup d'améliorations à
introduire : par exemple, on ne peut pas affirmer que le temple de
Jupiter Capitolin s'élevait sur l'emplacement occupé maintenant par
l'église d'Araceli ; pour le Palatin, on aurait pu s'aider de l'excellent
guide de M. C. Visconti, qui rectifie fort heureusement plusieurs
opinions du sénateur Rosa ; la topographie du Forum est désormais
fixée avec plus de certitude que ne le croyait il y a cinquante ans le
cardinal Wiseman, auquel se réfère encore M. de Bleser.
Les églises, les musées, les établissements charitables sont traités
avec plus de soin et de compétence. En ce qui concerne les églises, il
y aurait lieu de profiter des monographies publiées par M. de Rossi
soit dans son Bulletin, soit dans ses Mosaïques chrétiennes. Pour les
mosaïques, je constate avec plaisir qu'on amis à contribution les études
de M. Vitet. Mais, quand M. de Rossi a parlé sur une question quel-
conque relative à la topographie ou à l'histoire de la Rome chrétienne,
n'être pas au courant, chc pcccalo ! M. de Bleser a eu l'excellente idée
— :v6 —
de mettre en tète de la description de chaque sanctuaire un abrégé
de la vie du saint auquel il est dédié ; mais je voudrais qu'il eût séparé
plus nettement la légende de l'histoire. La légende ne doit pas être
omise, d'abord parce qu'elle est vénérable, ensuite parce que c'est
d'elle que s'inspire la décoration du monument ; mais il ne faut pas la
donner comme l'expression exacte de la vérité. Culpa est mentiri,
dit le rudiment; une des formes du mensonge, c'est de donner comme
incontesté ce qui est douteux. Le réviseur de cette nouvelle édition
l'a bien senti, et, à l'article du baptême de Constantin, il a placé une
note dont je le félicite sincèrement. Il pourra, dans les éditions fu-
tures, en mettre d'analogues aux chapitres de saint Alexis, de sainte
Pudentienne, de saint Laurent, et ailleurs encore.
Le chapitre consacré aux Catacombes m'a étonné ; l'auteur, c'est-à-
dire le réviseur, déclare s'inspirer des articles de M. Boissier dans la
Revue des Deux Mondes, sur les découvertes de M. de Rossi. C'est une
excellente idée, car la pensée de M. de Rossi a trouvé bien peu
d'interprètes aussi intelligents et aussi clairs que M. Boissier. Mais
rien n'est tel que de recourir aux originaux : d'ailleurs, la lecture que
l'on a faite de M. Boissier est un peu rapide. La découverte de la
basilique de Sainte-Pétronille, qui a eu tant de retentissement n'est
pas même mentionnée ; une prière (p. 484), tirée d'un vieux missel,
est donnée comme une inscription des catacombes. Pour suppléer à la
rapidité de cette étude, l'auteur a eu une idée ingénieuse, mais qui ne
sera pas du goût de M. de Rossi: c'est de donner son adresse aux lec-
teurs, en insinuant qu'on peut aller sonner sans crainte à la porte de
l'illustre savant, qui se mettra très-volontiers à la disposition des
voyageurs pour visiter les catacombes. C'est ce qu'on appelle une
trahison, et des plus noires.
Mais, trêve à ces critiques qui, d'ailleurs, n'atteignent pas le fond
de l'ouvrage. Cette troisième édition marque un progrès très-sensible
sur les précédentes. Le réviseur appartient à la Compagnie de Jésus
et travaille dans le pays des Bollandistes ; le livre dont il a mainte-
nant la responsabilité est de ceux qui peuvent le plus influer sur
l'éducation de ses frères dans la foi ; autant de raisons pour lui de le
perfectionner de plus en plus, de le rendre digne de Rome, ce grand
sanctuaire, et de la piété du voyageur chrétien, cette chose respec-
table entre toutes. L. DUCHESNE.
Le I*apyi*us funéraire de Soutiinès, d'après un exemplaire
hiéronlyphiquc du Livre des morts, par MM. Guieysse et E. Lefébcre. Paris,
Ei-nest Leroux, 1877, gr. in-fol. de 21 p., avec 23 planches. — Prix : oO fr.
Les travaux archéologiques de M. Lefébure sont bien connus, et
c'est avec un véritable intérêt qu'on apprendra la nouvelle publi-
— 36 —
cation faite par cet auteur, en collaboration d'un autre savant
égyptologue, M. Guiejsse. Ces auteurs ont pris pour objet de la
présente étude i'un des points les plus importants de l'ancienne
mythologie égyptienne; à savoir, l'étude du fameux Livre des morts.
Cet ouvrage, qui nous donne de si précieux renseignements, on le
sait, sur les croyances égyptiennes relatives à la vie future et à
l'immortalité de Tânie, présente^in assez grand nombre de versions dif-
férentes, et ce n'est guère qu'au temps de la vingt-cinquième dynastie
qu'il reçut sa forme définitive. Les variantes que nous présentent les
manuscrits antérieurs, lorsqu'ils auront été suffisamment expliqués,
nous permettront, on peut l'espérer, de reconstituer l'histoire du
dogme égyptien et des différentes écoles philosophiques qui se suc-
cédèrent dans la vallée du Nil ; quoi qu'il en soit, le manuscrit publié
aujourd'hui par nos auteurs, et qui semble remonter à l'époque de la
vingtième dynastie (seizième siècle avant Jésus-Christ), ne renferme
qu'une partie de l'édition complète.
Les longues litanies dont il est rempli, et dont une grande obscurité
semble constituer le principal mérite, n'offrent sans doute d'intérêt
qu'aux égyptologues de profession ; aussi nous abstiendrons-nous de
faire passer le moindre spécimen sous les yeux du lecteur. Qu'il nous
soit permis seulement de le faire remarquer, elles attestent l'esprit
profondément religieux des anciens Egyptiens et la sollicitude que
leur inspirait les destinées d'outre-tombe.
La morale dont elles s'inspirent se signale d'ordinaire par son élé-
vation et une pureté bien remarquable chez un peuple païen.
Peut-être quelques savants jugeront-ils à propos de faire des ré-
serves en ce qui concerne le panthéisme dont M. Lefébure semble
faire la base exclusive de la religion des riverains du Nil; sans doute,
la croyance à l'unité de Dieu ne pouvait se manifester chez eux avec
la même rigueur que dans les livres sacrés des Hébreux; mais, ne
l'oublions pas cependant, M. de Rougé avait signalé dans le culte
égyptien une tendance monothéiste d'autant plus accusée qu'on
remonte plus haut dans l'antiquité. Le panthéisme, dans ce cas, nous
apparaîtrait surtout comme une corruption de la donnée primitive.
Quoi qu'il en soit de cette question, que nous n'entreprendrons pas
de vider ici, il convient de rendre une justice méritée à la profonde
érudition de nos deux auteurs. Nous les voyons continuer dignement
les traditions des Champollion et des Rougé; et la lecture de leur
ouvrage nous prouve les progrès immenses accomplis dans le do-
maine égyptologique depuis trois quarts de siècle.
H. DE Charencey.
Essai sur a'épliéliîe attaque, par Albeut Dcmont. Paris, Firmin-
Didol, 187o-1876, 2 vol. in-8, de 3:]i) et4Gl p. — Prix : 3o fr.
Si l'on n'avait, pour connaître l'éphébie d'Athènes, que les souve-
nirs conservés par les auteurs, on n'en pourrait se faire qu'une idée
très-vague ; comme un certain nombre d'usages ou d'institutions qui
faisaient partie de la vie commune à toute heure, il est arrivé aux
anciens de ne pas penser à donner de détails sur ce que chaque con-
temporain connaissait parfaitement. Heureusement que l'épigraphie
est venue suppléer le laconisme des textes grecs et latins; cette
mine féconde et non encore épuisée, puisqu'il nous est encore permis
d'espérer des découvertes, expliquée par un savant tel que M. Du-
mont, a fourni les moyens de restituer d'une manière presque com-
plète l'histoire de cette importante institution. A notre époque, où
l'on s'occupe tant de l'instruction publique, où l'on est porté à mono-
poliser en faveur de l'État l'éducation des jeunes générations, il est
très-curieux de dire comment les Athéniens, peuple si politique et
démocratique, avaient compris les questions de l'instruction publique,
obligatoire mais non laïque, associant étroitement l'idée de la patrie
avec l'idée de la divinité. Ils avaient sans doute raison, ces démo-
crates, car, en parcourant l'histoire, on n'a pas de peine à reconnaître
que l'absence de la religion éteint le patriotisme.
Vêphébic était une institution qui préparait les jeunes Athéniens
à devenir des citoyens ; on était inscrit au registre des éphèbes à
l'âge de dix-huit ans, on y restait jusqu'à vingt; l'inscription au
nombre des éphèbes donnait la qualité de citoyen; on prêtait serment,
on jouissait de tous les droits civils auxquels cet âge laissait accès.
Les éphèbes avaient dos devoirs envers l'Etat; c'était le service mili-
taire à l'intérieur; il y avait une surveillance sévère pour leur faire
fréquenter assidûment les gymnases où ils se livraient aux exercices
qui assouplissent et fortifient le corps ; pour les faire profiter des
leçonsdes écolesetdes philosophes, pour leur donner des connaissances
solides dans la littérature et les beaux -arts. Ils avaient à accomplir
des devoirs religieux multipliés, car la piété, à Athènes, était une
vertu civique ; M. Dumont, à ce sujet, consacre quelques pages très-
curieuses, à l'esprit religieux des Athéniens et de la race grecque.
L'éphébie existait certainement antérieurement à 292 avant Jésus-
Christ, date des monuments les plus anciens qui en parlent ; elle durait
encore au milieu du troisième siècle de l'ère chrétienne ; mais, sous
la domination romaine, elle avait subi de grandes modifications ; ce
n'était plus guère qu'un collège religieux et gymnastique, dans lequel
les exercices militaires n'occupaient plus qu'une place très-secondaire.
A la tête de l'éphébie était un nombreux personnel de professeurs
et de fonctionnaires, sous la direction du cosmète, magistrat d'un ordre
- 38 —
élevé ; parmi les éphèbes, il y avait toute une hiérarchie calquée sur
celle de la cité elle-même. Grâce aux textes épigraphiques, M. Du-
mont donne sur cette organisation les détails les plus précis.
Le second volume forme un véritable corpus des inscriptions rela-
tives à réphébie attique ; aux textes déjà publiés, M. Dumont en
ajoute un certain nombre qui sont édités ici pour la première fois. Ce
volume commence par une longue étude sur la chronologie des
archontes athéniens postérieurs à la cent vingt-deuxième olympiade,
parmi lesquels on en remarque plus de cent, connus par les inscrip-
tions éphébiques et qui ne figuraient pas jusque-là dans les listes.
Huit tableaux résument le travail général en donnant la chronologie
comparée des archontes et des magistrats et dignitaires de Téphébie.
On voit que cet ouvrage considérable contient une ample collection
de documents sur l'histoire intérieure d'Athènes, et sur les familles de
la république ; il offre aussi un intérêt particulier pour les pays étran-
gers à l'Attique, mais faisant partie du monde hellénique, dont les
jeunes gens étaient admis dans l'éphébie sous le titre d'étrangers, et
pouvaient arriver à quelques-unes des dignités éphébiques.
A. DE B.
Dodone et ses ruines, par Constantin Carapanos. Paris, Ha-
chette, 1878. \ vol. de texte, in-4 de 242 p. et un vol. de 63 pi. gravées.
— Prix : 75 fr.
L'une des découvertes importantes de notre époque est celle de
l'emplacement de Dodone, le temple le plus ancien de la Grèce, où,
dès les temps héroïques, on venait consulter l'oracle de Zeus Maïos et
de Dioné. Homère, Eschyle, Sophocle, Pausanias, Euripide, presque
tous les anciens poètes et prosateurs nous ont laissé de nombreux
témoignages de la vénération attachée à l'oracle de Dodone dès les
temps pélagiques, et ensuite aux temps historiques. Ruiné plusieurs
fois, au troisième siècle avant l'ère chrétienne, par les Etoliens, au
deuxième, par les Romains, au premier par les Thraces, l'oracle de
Dodone resta abandonné jusqu'au second siècle après Jésus-Christ,
époque à laquelle Pausanias en parle de manière à faire connaître
que les fidèles venaient de nouveau le consulter : au commencement
du quatrième siècle, Dodone était le siège d'un évêché chrétien. Au
milieu de tous ces bouleversements, l'emplacement même de Dodone
était devenu un problème auquel les archéologues attribuaient les
solutions les plus conjecturales. A la suite des fouilles pratiquées
avec méthode sur une grande échelle, M. C. Carapanos a fini par faire
cesser toute incertitude, et à placer Dodone dans la vallée de Tchara-
covista, à 10 kilomètres au sud-ouest de Janina, au milieu de ruines
— 3!l —
qui avaient déjà attiré un moment l'attention de MM. Hahn et de
Claubry.
Les fouilles ont permis de reconnaître Tenceinte d'une ville, un
théâtre et une vaste enceinte sacrée. — C'est dans cette enceinte
que M. Carapanos a recueilli une riche collection de statuettes, de
plaques eu bronze couvertes d'inscriptions, d'ex-voto, enfin une mul-
titude de fragments de vases, d'armes, d'objets usuels en bronze et
en fer qui ont un intérêt tout particulier, puisqu'ils donnent une idée
exacte de l'art grec dès le septième siècle avant l'ère chrétienne.
Cette collection est une des plus curieuses que l'on puisse étudier à
l'Exposition universelle de 1878.
Parmi les inscriptions, nous signalerons la plaque en bronze men-
tionnant l'offrande à Jupiter de Dodone d'Agathen rappelant ses an-
cêtres depuis trente générations à partir de la guerre de Troie, ce
qui permet de la dater de l'an 370 environ avant notre ère; des actes
d'achat d'esclaves; des actes d'affranchissement; des questions posées
à l'oracle par des villes ou par des particuliers. Parmi ces dernières,
nous remarquons la confiance avec laquelle on consulte sur des réso-
lutions à prendre, sur le sacrifice à faire pour guérir des maladies;
l'un demande si ses couvertures et oreillers disparus ont été volés ou
égarés; un autre, si l'enfant qui va naître est bien de lui, etc. En
parcourant ces plaques, on se trouve transporté en pleine foi païenne,
avec la curiosité naïve des dévots et les réponses ambiguës de l'o-
racle.
Les fouilles entreprises par M. Carapanos ont un résultat impor-
tant; ce sont elles qui ont, pour la première fois, fourni une collec-
tion de très-nombreux objets fabriqués par des Grecs, depuis les
temps voisins des origines de l'art jusqu'à l'époque macédonienne;
les planches nombreuses et parfaitement exécutées donnent une idée
exacte des trépieds, des bassins, vases et patères, des anses de vases,
des fragments de couronnes et d'ornements de cuirasses; de mille
objets usuels, tels que bracelets, bagues, boucles d'oreilles, aiguilles à
cheveux, éperons, mors de chevaux, serrures, etc. — Il y a là des
observations curieuses à faire, par exemple^ la prédominance des
armes en fer; celles de bronze y sont presque exceptionnelles; la va-
riété de forme des vases. — L'ouvrage est terminé par trois com-
mentaires dus à M. le baron de Witte, Egger et Heuzev, qui ont
ainsi complété les descriptions et les explications données par
M. Carapanos, au triple point de vue mythologique, épigraphique et
archéologique.
N'oublions pas. à propos de cette magnifique publication^ que l'oracle
de Dodone n'est pas étranger à l'histoire antique des populations
occidentales. Lorsque les Hvperboréens venaient apporter leurs
40 —
offrandes à Délos, ils offraient d'abord à Dodone une partie des objets
qu'ils envoyaient enveloppés de paille de froment.
ILsi. Monnaîe dans l'antîtguîté, leçons professées dans la chaire d'ar-
chéologie près la Bibliothèquu nationale, en 187."J-1877, par François Lk-
xoRMA.NT. To;nes 1"^ et il. Paris, A. Lévy et Maisonneuve, 1878, in-8 de 280
ot 4i6p — Prix : 7 fr. oO le vol.
M. Fr. Lenormant a eu la bonne pensée de publier les leçons pro-
fessées par lai à la Bibliothèque nationale; c'est un service rendu aux
nombreux archéologues qui n'ont pu aller l'écouter et à qui il sera
facile, désormais, de profiter de cet indispensable enseignement.
C'est la première fois que la numismatique antique fait le sujet d'un
cours public et officiel ; faisons des vœux pour qu'un jour on songe à
en agir de même pour la numismatique du moyen âge. Nous sommes
arrivés à une époque où les nombreux travaux éparpillés des numis-
matistes, doivent servir à former un corpus mis à la disposition des
historiens, ainsi que des économistes; n'oublions pas que la numis-
matique peut fournir des matériaux aussi sûrs et aussi multipliés
que l'épigraphie ; j'ajouterai qu'au point de vue de la variété et de
l'art, l'étude des monnaies antiques est peut-être plus attrayante
que celle des inscriptions.
L'ouvrage est divisé en huit livres dont les trois premiers forment
seuls les deux premiers volumes qui sont publiés en ce moment.
Ceux-ci comprennent : des prolégomènes consacrés aux monuments
numismatiques qui n'étaient pas des monnaies officielles; des chapitres
sur les noms génériques de la monnaie antique, sur l'origine et la
propagation de celle-ci; sur la matière et les procédés de fabrication.
Le livre III, sous le titre de la Loi dans les monnaies antiques, traitera
du droit et des unions monétaires de peuple à peuple, des magistrats
préposés au monnayage et de l'organisation des ateliers. Le premier
seul de ces trois chapitres occupe le tome II.
Il y a trois quarts de siècle, Eckhel, dans son Doctrinanummorumve-
terum, avait établi les bases de la numismatique antique; il l'avait si
bien fait que, malgré plusieurs tentatives rêvées, on a reconnu l'impos-
sibilité de donner une nouvelle édition mise au courant des décou-
vertes postérieures. C'est que Eckhel a inauguré une méthode parfaite,
que l'on doit suivre exactement et qu'il n'est pas possible d'améliorer.
Les additions à faire au Doctrina, sans toucher à son système de classi-
fication, nécessiteraient un travail qui doublerait au moins le livre
original ; mieux vaut le laisser tel qu'il est, et le faire suivre d'un
autre ouvrage distinct qui, sans répéter tout ce ([ue Eckhel a dit de
bon, fait connaître les progrès de la science, les conquêtes dues à
des découvertes nouvelles, les précieuses indications dues aux prove-
I
— ï-1 —
nnnces, aux pesées, à l'étude critique des types, tous éléments d'études
auxquels on ne pouvait penser lorsque l'on cherchait presque
exclusivement à emprunter aux textes tout ce qui était de nature à
éclairer la science des monnaies. C'est ce qu'a compris M. Lenormant;
après s'être pénétré du Doclrina d'Eckhel, il faut lire le livre dont
nous nous occupons en ce moment; il n'est pas permis à un érudit ou
à un simple collectionneur de négliger cette étude préparatoire.
Les Prolégomènes sont d'une lecture très-intéressante; le premier cha-
pitre sur les médaillons, les pièces d'offrandes religieuses, les bijoux
monétiformes, les toniers, les jetons, forment une étude aussi nou-
velle qu'originale. Je souligne ce mot jeton, parce que, jusqu'ici, on
s'était peu douté que, dans le monde antique, il y ait eu des pièces
qui étaient parfaitement analogues à nos jetons et à nos méreaux du
moyen âge. — Dans le troisième chapitre, l'auteur aborde la question
de l'origine de la monnaie, après avoir consacré plusieurs pages très-
savantes et très-concluantes sur le système d'échange, par lingots
métalliques, employé chez tous les peuples avant l'établissement delà
monnaie proprement dite; disons en passant qu'à ce moment, M. Le-
normant constate en Egypte l'existence de petits monuments en terre
cuite dont les inscriptions sont de véritables obligations, représen-
tations fiduciaires de valeurs métalliques. Quant aux inventeurs de la
monnaie, il se déclare sans réserve pour les Lydiens d'Asie Mineure,
au septième siècle avant notre ère; de Lydie, l'usage de la monnaie
se répandit promptement dans le monde grec, par Egine.
Les bornes d'un simple compte rendu ne nous permettent pas
d'aborder toutes les questions importantes dont ces deux volumes
sont bourrés; nous ne pouvons guère que nous borner au rôle un peu
ingrat d'énumérateur. A tous ceux qui s'occupent infatigablement de
la question du double étalon, nous recommandons de lire ce que
M. Lenormant expose si clairement et si abondamment sur les rap-
ports de valeur de l'or, de l'argent et du cuivre, sur le choix du métal
étalon aux diverses époques, sur l'alliage des métaux. L'expérience
des anciens permet, je crois, de se faire une opinion, et, parmi nos
économistes modernes, il en est certainement qui, dans les études de
numismatistes tels que M. Lenormant, trouveraient de précieuses
données. — La monnaie fiduciaire, sans valeur intrinsèque, dans
l'antiquité, est aussi un sujet nouveau; l'altération des pièces offi-
cielles sous la République romaine, comme sous l'Empire, à Athènes,
à Milet, fait croire que, dans les temps antiques, la mauvaise foi des
gouvernants, sénat, empereur, tyran ou archontes, avait de bien
plus graves conséquences que les malversations des agents de Phi-
lippe le Bel, par exemple, dont on a tant médit. A aucune époque,
en France, on n'a vu émettre de«! pièces d'orformées d'un flan de plomb
recouvert d'une pellicule d'or. — Parmi les monnaies fiduciaire?,
M. Lenormant étudie des pièces de bronze frappées sous les Antonins,
qu'il croit, très-judicieusement, avoir été destinées à courir dans des
exploitations minières entre le Danube et l'Adriatique; ceci est une
opinion nouvelle et qui fait penser à certaines monnaies carolin-
giennes qui, à l'instar des bronzes romains, portent le mot metallvm.
Le tome second, comme nous l'avons dit, ne contient que le pre-
m.ier chapitre du livre III. Dans un premier paragraphe, qui tient le
quart du volume, M. Lenormant étudie avec grands détails le droit
de monnayage grec et asiatique jusqu'à la conquête romaine; le reste
du volume est consacré au monnayage romain, République et Empire.
Il nous apprend avec une grande lucidité le système établi dans la
monarchie persane, les modifications apportées par Alexandre le Grand;
les concessions faites aux satrapes en certaines circonstances, aux
villes; les unions monétaires et les monnaies fédérales chez les
Grecs.
Dans le monde romain, il commence parles provinces sous la Répu-
blique, puis sous l'Empire, presque exclusivement en Orient; celui des
colonies. C'est la transition pour arriver à la monnaie d'Etat de la
République, à celle des généraux d'armée en campagne, puis enfin à
celle des empereurs qui nous conduit jusqu'aux rois barbares.
J. DE M.
IVtimismatîque antique. — Les Médaillons de l'Empire romain depuis
le règne d' Auguste jusqu'à Priscus Altale, par W. Frœhner, ancien conser-
vateur du Louvre. Paris, J. Rothschild, 1878, in-4 de 3!<6 p., avec 1,310 gra-
vures intercalées. — Prix : 40 fr.
Il est difficile de trouver un livre plus instructif et plus intéressant
que celui que M. Frœhner vient de publier sur les médaillons romains;
les gravures qui accompagnent le texte sont exécutées avec une
grande fidélité et donnent une idée exacte de ces types remarquables
au point de vue de l'art. M. Frœhner a donné là un ouvrage qui est
de nature à intéresser les personnes les moins convaincues de l'utilité
de la numismatique ; ses interprétations ne laissent rien à désirer ;
elles sont riches en aperçus nouveaux, en rapprochements heureux ;
l'érudition ne nuit pas à la lecture ; c'est un ensemble de documents
nombreux sur l'histoire et l'art des Romains. J'ajouterai que la grande
rareté de ces monuments fait que peu de personnes sont en mesure
d'en voir un certain nombre. Les 1,310 types reproduits dans ce livre
vulgarisent toute cette série numismatique.
Un détail singulier, c'est que l'on ne connaît pas de textes rappelant
l'usage des médaillons, pas plus que le nom qu'ils portaient dans l'an-
tiquité, principalement ceux de bronze. Lampride nous laisse deviner
— 43 —
que les pièces de ce genre, frappées en or et en argent, étaient des-
tinées aux libéralités du souverain ; ce fait est confirmé par Grégoire
de Tours. Mais, au sujet des médaillons de bronze, il y a un silence
complet. Lebeau et l'abbé Barthélémy supposent qu'il y en avait un
certain nombre qui, encartés, étaient destinés à être suspendus aux
enseignes militaires; Eckhel pense que les médaillons étaient frappés
par l'ordre du Sénat, lorsqu'il émettait des vœux pour l'empereur.
M. Frœhner, qui a si bien étudié la colonne Trajanne, n'admet pas la
conjecture des deux premiers savants ; en acceptant l'interprétation
donnée par Eckhel pour certaines pièces qui parlent elles-mêmes, il
conclut très-prudemment que, pour le plus grand nombre, «nous igno-
rons absolument par qui ils ont été frappés et distribués. »
Il ressort des types donnés dans le beau livre que nous avons sous
les yeux que les médaillons représentent les produits les plus parfaits
de l'art du monnayage chez les Romains ; sous Hadrien et Antonin,
M. Frœhner donne deux médaillons offerts à ces princes parle Sénat,
à l'occasion du renouvellement de l'année, pour leur souhaiter rtn?2?^77?
novum faustum felicem. N'y aurait-il pas lieu de donner une certaine
extension à cette idée et de considérer ceux des médaillons qui ne
paraissent pas avoir une destination officielle comme ayant été em-
ployés aux strense kalendarix que chacun se faisait pour célébrer le
nouvel an? L'auteur rappelle lui-même qu'à cette époque le cadeau le
mieux vu était un de ces grands as coulés du temps des Décemvirs, ou
une monnaie qui n'avait plus cours. A dater de Domitien, et surtout
sous Hadrien, règne sous lequel la fabrication des médaillons prend
un grand développement, les riches Romains se seraient offert en
étrennes, de même que le Sénat à l'empereur, ces magnifiques pièces
qui rappelaient l'histoire antique, les croyances et les fêtes religieuses,
ainsi que les saisons. Il ne faut pas oublier que l'histoire contempo-
raine était retracée sur la monnaie courante. — Les médaillons au-
raient joué un rôle analogue à celui de nos modestes jetons d'argert
que jadis on offrait, à titre d'étrennes, renfermés dans une bourse.
Une table alphabétique forme un catalogue analytique et descriptif
de toutes les pièces décrites et expliquées par M. Frœhner; l'auteur
y a intercalé un certain nombre de types qui n'auraient pas trouvé
place dans le corps de l'ouvrage. Une seconde table, mentionnant les
sujets historiques et mythologiques, permet de recourir à chaque page
du livre. — Nous espérons que cette rapide appréciation donnera à
tous les hommes de goût le désir de lire cet excellent ouvrage qui,
pour notre part, nous a singulièrement intéressé en nous apprenant
beaucoup de choses. A. de B.
_ /J.J. _
Mémoires de René-l*îei*t*iî IVepveu de la Manouillère, cha-
noine de l'église du Mans, publiés et annotés par l'abbé Gcstave Esnault.
Tome II (1781-1807). Le Mans, Pellecliat, 1878, in-8 de 436 ip. — Prix :
G fr. — (Publication de la Société bistoriijue et archéologique du Maine.)
Le Polyblion a rendu compte (t. XIX, p. 158) du premier volume de
cette intéressante publication. Tout ce que nous disions de la pre-
mière partie de ces mémoires peut s'appliquer à la seconde. — L'abbé
de la Manouillère, ayant à parler delà Révolution, s'attache bien plus
à raconter les faits qu'à les expliquer; les faits les plus importants,
ceux qui ont un intérêt général ne sont pas toujours ceux qui le frap-
pent le plus et dont il prend note. — Cependant la lecture de son
récit et de ses observations est attachante et pleine d'enseignements.
Le digne chanoine juge les hommes et les choses de la Révolution
avec une rectitude qui étonne de la part d'une intelligence aussi
simple. Il résiste aux entraînements de cette époque et à la réelle
séduction des idées nouvelles, il reste fermement attaché à la vérité,
alors que tant d'esprits supérieurs hésitaient où la trouver. Remar-
quable exemple de la force des principes et des lumières que donne
la foi !
Dans les dernières pages consacrées aux années qui ont suivi la Ré-
volution, on trouvera des observations vraiment 'curieuses. Elles per-
mettent de se rendre compte des impressions ressenties par un homme
de l'ancien régime à la vue des modifications profondes que les insti-
tutions et les mœurs ont eu à subir, u Ce n'est plus comme autrefois, »
s'écrie souvent le chanoine; et on sent dans cette exclamation une
certaine amertume, assez bien justifiée parfois. En effet, combien de
traditions respectables, combien de vieux usages locaux, combien de
grands souvenirs l'ordre de choses nouveau a fait disparaître pour
toujours !
Comme dans le premier volume, les notes sont nombreuses et font
le plus grand honneur au savoir et au tact de M. l'abbé Esnault ; par-
ticulièrement en ce qui concerne l'histoire généalogique, elles complè-
tent très-heureusement le texte des mémoires.
Lorsqu'une table alphabétique soigneusement faite (on en annonce
une) sera venue s'ajouter à cet ouvrage, les anciennes familles qui
tiennent par un lien quelconque au Maine auront sous la main un
véritable répertoire généalogique, très-commode à consulter, rempli
de renseignements utiles et curieux. A ce point de vue, la publication
de M. l'abbé Esnault est appelée, croyons-nous, à rendre les plus
grands services. A. M. J.
Les Convulsions de I»aris, par Maximk dc Cami'. Tome l". Les Pri-
sons pendant la Terreur. Paris, Hachette, 1878, gr. in-S de iv-oio p. —
Prix : 7 fr. 30.
Nous venons bien tard parler de cet ouvrage à nos lecteurs, et nous
les prions, ainsi que Tauteur, de vouloir bien nous excuser, dans l'es-
poir que la diflusion d'un livre de cette valeur n'aura point souffert
de répoque tardive où nous le signalons. Il est, en effet, pouvons-nous
dire, de ces volumes qui font leur chemin tout seuls dans le monde et
qui ont, moins que tout autre, besoin de recommandation. Il suffît que
l'on sache qu'ils ont vu le jour et quel en est Fauteur. M. Maxime du
Camp complète aujourd'hui ses six volumes si remplis sur Paris, ses
organes et sa vie dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. L'on
retrouve, dans les Convulsions de Paiis, les mêmes recherches pro-
fondes, les mêmes études sérieuses, la même critique impartiale, qui
ont fait le succès du précédent ouvrage. Seulement, celui-ci est, par
rapport à celui-là, comme le revers terrible d'une belle médaille.
Après s'être fait l'historien du Paris, grand, riche, actif, admirable-
ment organisé, il se fait celui du Paris révolutionnaire et révolu-
tionné, du Paris barbare et sanglant... Le tableau, tout triste et
humiliant qu'il soit, est traité de main de maître. C'est une œuvre qui
restera avec la marque — d'une supériorité incontestable — d'un
grand talent d'écrivain, d'une grande patience de recherches, d'une
honnêteté sincère. M. Maxime du Camp, et ce sera son honneur, n'a
pas cru, en effet, qu'on avait tout dit et tout expliqué en traitant la
Commune comme un cas particulier de je ne sais quelle maladie épi-
démique, telle que la folie furieuse ou quelque autre accès patholo-
gique. Il n'est pas l'homme des conclusions matérialistes, et, loin
d'atténuer, par la considération des bosses ou des appétits naturels
plus ou moins violents, surexcités et inassouvis, les crimes atroces
commis contre Dieu, la société, la propriété, il les flétrit énergique-
ment au nom de la morale et du droit. De tout son livre ressort,
comme conclusion, la vérité du mot connu : « la Révolution est sata-
nique.» Il est vrai que le peuple en masse a encore, cette fois, été plus
trompé que coupable, plus entraîné que volontairement scélérat. Mais
je ne parle ici que de la masse : car, pour les chefs, pour les héros de ces
sinistres saturnales, l'odieux est sans excuses, la culpabilité absolu-
ment complète et la flétrissure à peine égale au crime. A côté des
actes sanglants que tout le monde connaît, et que l'auteur retrace en
tableaux si frappants de vérité et d'indignation, les victimes, les
martyrs apparaissent dans toute la grandeur de leur vertu et de leur
héroïsme. Assurément, l'auteur n'a pu tout dire sur les bourreaux, ni
sur les otages, et nous savons que le respect de ses lecteurs l'a con-
damné à garder maints documents dans ses portefeuilles ; mais tel qu'il
— 46 —
est, son livre est complet néanmoins, et suffit pour peindre cette
époque douloureuse, avec les fureurs des uns et le courage des
autres. Il aura ainsi servi à la fois la vérité historique et la vérité
politique, comme la vérité religieuse, et tout homme de bien Ten
remerciera comme d'un témoignage d'un prix et d'un poids inesti-
mables, F. DE ROQUEFEUIL.
Le Comté de Clermont en lîeauvai^is, par le comte de Luçay.
Paris, DuMOL'LiN, 1870, gr. in-8, avec carte, de 331 p. Prix: 6 fr.
Voici une excellente monographie provinciale, qui fait complète-
ment connaître une partie intéressante du Beauvaisis, et fournit, en
même temps, les détails les plus curieux sur l'organisation féodale au
quatorzième siècle,
M. le comte de Luçaj s'occupe tout d'abord des origines du comté
de Clermont, en regrettant de ne pouvoir fournir à ce sujet d'éclair-
cissements décisifs, ce comté ne semblant pas, en effet, avoir, comme
d'autres grands fiefs voisins, correspondu à une division naturelle
ou politique antérieure; du moins rassemble t-il tous les documents
qui peuvent apporter quelque lumière sur cette question. Puis, il fait
connaître l'histoire du comté, depuis Gildoin de Breteuil, qui paraît
le premier, au onzième siècle. En 1218, Philippe-Auguste, à l'extinction
de la descendance mâle de ces puissants feudataires, acheta le comté,
et nous suivons dés lors, avec M. de Luçay, la succession des comtes
apanagistes jusqu'à la mort de Louis II de Bourbon, au mois d'août
1410.
La seconde partie de ce travail comprend le « Livre des hommages
du comté de Clermont, en 1379. » C'est un document inédit et vérita-
blement d'une grande importance. M. de Luçay le reproduit, à
l'aide d'une analyse très-détaillée et très-complète, donnant le nom
de chaque fief avec celui du possesseur et la description de ses armes,
et le titre des arrière-fiefs. Les notes très-considérables commentent
et éclaircissent ces textes. Quelques documents inédits et des tables
très-détaillées complètent ce volume en rendant les recherches très-
faciles. N'oublions pas une bonne carte, reproduction de celle de Guil-
laume de Lisle.
Nous félicitons sans réserve M. le comte de Luçay, et nous ne
croyons rien exagérer en affirmant que son travail est un des meil-
leurs qui aient, depuis longtemps, été consacrés àl'histoire provinciale.
M. de Luçay y fait preuve d'une sérieuse érudition, d'une grande
sagacité et d'une connaissance approfondie du pays dont il s'est
constitué l'historien. E. de Barthélémy.
I
Collection rtes princSpaux cartulaîres «lu diocèse <le
Troyes. Tome II, Cartulaires de l'abbaye du Pamclet. — Tome III, Car-
tulaircs de V abbaye de Basse- Fontaine; Chartes de Beauvoir, chef-lieu de
l'ordre Toutonique en France, par M. l'abbé Lalore, ancien professeui' de
théologie. Paris, Thoria, 1878, 2 vol. in-8 de xxxvni-364 et 41-289. —
Prix : 9 fr.
M. l'abbé Lalore poursuit avec un zèle infatigable la publication
des cartulaires du diocèse de Troyes; nos lecteurs n'ont pas oublié
cslui de Saint-Loup de Troyes, édité en 1875, qui forme le premier
volume de la collection. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir
cet érudit ecclésiastique consacrer sa fortune et son temps à nous
fournir, à lui seul, une aussi riche moisson de textes si utiles à This-
toire de la province, ainsi qu'à l'étude du moyen âge. Chaque volume
contient une introduction dans laquelle M. Lalore retrace succincte-
ment l'histoire de l'abbaye, et fait connaître les sources auxquelles il
a puisé ; nous nous étonnons qu'il n'ait pas cru devoir donner une liste
chronologique des abbés et abbesses, et reproduire les obituaires,
quand il avait la bonne fortune de les rencontrer. Du reste, il nous
annonce son intention, lorsque la collection sera complète, de faire un
travail d'ensemble sur tout ce que les pièces publiées par lui peuvent
fournir à l'histoire provinciale et à l'histoire générale.
Après l'introduction, viennent les textes transcrits avec soin, autant
que nous avons pu en juger, et deux tables, l'une des noms de lieux,
l'autre des noms de personnes. Ces tables paraissent complètes ; nous
aurions peut-être préféré qu'elles fussent rédigées en français; on
aurait ainsi évité quelques petites imperfections, par exemple, de se
servir des mots civilas Provint (t. II, p. 364) pour indiquer la ville de
Provins. Mais, dans un pareil labeur, exécuté avec tant de soin par
une seule personne, nous ne chercherons pas les fautes légères, les
quelques incorrections typographiques. Quel est celui d'entre nous,
même parmi les plus méticuleux, qui ne laisserait pas prise à un cri-
tique cherchant à la loupe ?
Le cartulaire du Paraclet, de l'ordre de Saint-Benoît, donne 80 actes
du douzième siècle, 122 du treizième, 34 du quatorzième; un grand
nombre;'d'entre eux se rapportent àlacélèbre Héloyse, d'abord prieure,
puis abbesse du Paraclet. — L'abbaye de Basse-Fontaine, de l'ordre
des Prémontrés, fondation des comtes de Brienne, fournit 42 chartes du
douzième siècle et 77 du treizième . — Quant à la commanderie de
Beauvoir, les archives de l'Aube ont fourni à M. l'abbé Lalore 167
actes compris entre les années 1143 et 1503.
Nous signalerons ce recueil de chartes qui touche à un point peu
connu de l'histoire des ordres religieux et militaires en France ; il
appartenait à M. l'abbé Lalore de le mettre en évidence, puisque la
commanderie de Beauvoir, chef-lieu des autres membres des Teuto-
— 48 —
niques en France, Saint-Michel de THermitage (Eure-et-Loir),
Orbec (Nièvre), Vaudeville (Meuse), et peut-être Saint- Thomas de
Montpellier, était situé dans le diocèse de Trojes. Dans rintroduc-
tion, le savant éditeur résume clairement l'histoire de nos comman-
deries teutoniques depuis Torigine, due presque exclusivement à la
reconnaissance de chevaliers croisés, jusqu'à la vente de Beauvoir
faite à l'abbaye de Clairvaux, moyennant 16,100 florins du Rhin ; cette
commanderie, du reste, depuis 1491, était en pleine décadence : à cette
date, le commandeur était un laïque marié qui, ainsi que sa femme
Jeannette, avait donné tous ses biens à l'ordre, et s'y était fait
admettre.
M. l'abbé Lalore a encore trois cartulaires sous presse, ou prêts à
être imprimés; nous les attendons avec curiosité, ainsi que l'histoire
du diocèse de Troyes, que nul mieux que lui ne peut entreprendre.
A DE. B.
Uistory or the EInglisli peopIe,byJoHN Richard Green. Tomes I" et II-
London, Macmillan and Co, 2 vol. in-8 de ix-b76 et 300 p. — Prix : 30 fr.
La nouvelle édition du livre de M. Green nous donne le prétexte de
revenir sur son ouvrage, qui a été un des grands succès de l'année
dernière. Le premier volume, illustré de huit cartes, nous conduit
jusqu'à la fin de la guerre des Roses et à l'avènement de la maison
d'York. Ce qui fait le charme de cette histoire d'Angleterre, c'est, à
coup sûr, le style et le talent avec lequel les matériaux sont mis en
œuvre. M. Green ne prétend pas nous donner rien de bien neuf;
il n'a ni théories préconçues à soutenir ni cause politique à défendre;
au frontispice de son monument, il a gravé les noms d'Edouard Freeman
et de William Stubbs, — c'est-à-dire la science approfondie et cons-
ciencieuse, la patience bénédictine et l'exactitude poussée jusqu'au
scrupule. Il importait de faire honneur à de tels parrains, et c'est ce
que M. Green n'a pas oublié, s'estimant obligé, en même temps, de ne
pas négliger le côté littéraire. Chaque livre est précédé d'un résumé
très-exact et suffisamment complet des sources, et notre auteur, en
indiquant les travaux à consulter pour l'histoire des temps primitifs,
ne manque pas de faire ressortir le peu de renseignements sérieux que
nous avons jusqu'ici pour ce qui concerne l'Irlande et le pays de Galles.
Le recueil de lois qui régissaient la principauté, publié parle gouver-
nement anglais, est une compilation de la plus grande importance ;
mais, pour en tirer tout le parti désirable, il faut attendre que le code
de l'ancienne législation irlandaise [Brchon laws) soit entièrement
édité, afin d'étudier comparativement deux monuments dont la rédac-
tion primitive remonte à une antiquité très-reculée.
Le second livre, intitulé l'Aïujlelerre sous les rois étrangers, nous inté-
— 4!l —
resse particulièrement ; les rois Normands la dynastie angevine
appartiennent à la France tout autant qu'à la Grande-Bretagne, et,
parmi les sources à consulter, se trouvent quelques-uns des monuments
les plus remarquables de notre ancienne littérature. Ici, on peut se
former une idée des services rendus par le garde des archives en
ordonnant la publication des chroniques nationales de nos voisins ; la
série des annalistes de saint Albans est, pour cette époque, une mine
intarissable, et, pour le tableau de la société féodale aussi bien que
pour l'histoire politique proproment dite, il n'existe pas de pièces jus-
tificatives plus dignes d'être prises en considération.
La grande charte forme le sujet du livre troisième. M. Green s'arrête
un instant, au milieu de son récit des événements, pour nous décrire la
société anglaise telle que la conquête normande l'avait reconstituée :
relations entre le roi et les barons, entre la noblesse et les vilains;
commerce, industrie, questions ecclésiastiques, mouvement littéraire
et philosophique. Ce tableau est tracé avec précision et les points les
plus importants sont soigneusement indiqués. La partie relative à l'É-
glise et aux rapports qui unissaient l'Angleterre au Saint-Siège donne
prise, on se l'imagine sans peine, à la critique; mais M. Green est, en
somme, très-dépourvu de préjugés, et il fait son possible pour
conserver la plus stricte impartialité. Le second et le troisième cha-
pitres de ce livre contiennent quelques-uns des morceaux les plus
remarquables de l'ouvrage, ainsi le portrait de Roger Bacon, celui de
Mathieu Paris, et l'appréciation de la philosophie scolastique. Les
historiens de l'ancienne école protestante ont écrit, sur ce dernier
sujet, tant de sottises, et vulgarisé tant de faussetés, qu'il était temps
qu'un savant de la trempe de M. Green vînt replacer les choses dans
leur véritable jour; c'est ce qu'il a fait, notamment en ce qui concerne
la scolastique. Pour l'étude des détails sur le commerce et l'industrie,
il a consulté les Ordonnances des Giiildes anglaises, ouYra.ge dont j'ai
parlé en rendant compte des publications de VEarly cnglish tcxt
Society.
Les règnes d'Edouard II et de Richard II, les premiers symptômes
de la révolution religieuse, les Lollards et les tentatives d'insurrection
politique et sociale défrayent le quatrième livre. Il est passablement
surprenant de voir Froissart dénoncé comme écrivain de peit de valeur
historique; la liste des sources à consulter est fort incomplète, et
M. Green ne fait aucune mention des travaux si remarquables de
M. Wallon, qu'il eût fallu au moins nommer, encore qu'on ne partageât
pas ses vues sur Richard II et Jeanne d'Arc.
I Le second volume de VHistonj of the English people ne contient que
deux livres, le cinquième et le sixième; celui-là traite du gouvernement
de la maison d'York; celui-ci nous raconte le règne d'Elisabeth.
Jlillet 1878. T. XXIII. :j.
— 50 —
M. Green est un admirateur décidé de la brillante étoile de l'Occident;
il nous la représente comme essentiellement Anglaise, et il attribue la
loyauté de ses sujets, l'enthousiasme qu'elle leur inspirait, à la cir-
constance qu'elle savait, d'une manière vraiment merveilleuse, toucher
la fibre nationale. Le passage suivant, qui a trait à la question reli-
gieuse, mérite d^être cité. «La majorité des Anglais restèrent fidèles à
l'ancienne foi, tout en se conformant au nouveau culte; il leur répugnait
de se mettre en opposition ouverte au gouvernement ; il leur répu-
gnait de rallumer les haines religieuses, de provoquer le retour des
scènes de Smithfield. Ils voyaient, au point de vue de la doctrine, peu
de différence entre les prières anciennes et les nouvelles. Ils espéraient
surtout que la patience viendrait à leur aide. Ils avaient vu trop de
révolutions religieuses pour penser que celle-ci serait durable; ils
croyaient que les innovations disparaîtraient comme elles avaient
disparu jadis; Elisabeth, se disaient-ils, avait eu la main forcée, et ses
véritables sentiments étaient en faveur du catholicisme ; ils comptaient
sur l'influence de Philippe, sur un mariage autrichien, sur la répu-
gnance qu'éprouvait la reine à se brouiller avec la cour de Rome, sur
la pression qu'exerçait Marie Stuart. Cependant, les années s'écou-
laient, les souvenirs du passé devenaient de plus en plus vagues, l'ha-
bitude exerçait une autorité toujours croissante, enfin une nouvelle
génération s'éleva qui n'avait jamais connu la puissance magique du
catholicisme, et l'Angleterre, emportée loin des anciennes traditions,
devint protestante à son corps défendant. » Je ne pousserai pas plus
loin ce compte rendu ; le dernier chapitre du second volume, traitant
du mouvement littéraire_, est très-intéressant, et M. Green y explique
fort bien, entre autres choses, le caractère essentiellement national du
drame anglais. Les pièces de Marlowe, de Beaumont et Fletcher, de
Green, de Shakespeare, ne s'adressaient pas seulement aux hommes de
goût, aux esprits cultivés ; c'étaient des ouvrages populaires dans
toute la force du terme ; le théâtre pouvait passer pour une mani-
festation de la vie du pays, et conséquemment le succès lui était
assuré.
Il faut espérer que le troisième volume du livre dont je viens de
parler ne se fera pas longtemps attendre. A mesure que nous avance-
rons, nous verrons les changements se multiplier et les développements
prendre de plus amples proportions, parce que, dans l'édition origi-
nale, la partie moderne est précisément celle que M. Green avait
négligée. Gustave Masson.
— 51 —
La I^rlnceeae d'Eboll, par Gaspar Muro. Précédée d'une lettre-préface
de M. Can'ovas del Castillo. Traduit de l'espagnol par Alfred W'eil. Pa-
ris, Charpentier, 1878, in-8 de l-296 p. — Prix : 7 fr. 50.
Il est peu de questions historiques de second ordre aussi controver-
sées que celle du rôle joué par Philippe II vis-à-vis de la princesse
d'Eboli. Que l'austère fils de Cbarles-Quint, malgré les quatre femmes
légitimes qu'il épousa successivement, ait mené toute sa vie la conduite
morale la moins scrupuleuse ; et que, d'autre part, la belle Anne de
Mendoza se soit rendue coupable de plus d'une légèreté, particulière-
ment avec le célèbre Antonio Ferez, ce sont là des faits complètement
acquis à l'histoire, et confirmés par les plus véridiques témoignages.
Mais Philippe II fut-il mu par un vil sentiment de jalousie, dans les
cruelles condamnations qu'il infligea à la princesse et à son amant?
C'est ce que M. Gaspar Muro s'est appliqué à infirmer par une dé-
monstration très-complète et très-intéressante, dans le volume entier
qu'il vient de consacrer à une cause qui ne paraissait pas tout d'abord
susceptible d'aussi longs développements.
L'argumentation du savant auteur est-elle absolument sans réplique?
M. Canovas del Castillo, le grand ministre espagnol, ne l'a pas pensé,
puisque, dans la préface remarquable qu'il a placée en tête du livre de
son ami, il expose encore ses doutes, lesquels se résument dans un
adage aussi espagnol que français : «Il n'y a pas de fumée sans feu. »
Au fond, la plaidoierie est plus curieuse que la cause elle-même. Elle
fournit une occasion d'éclairer d'un jour nouveau la figure, toujours
obscure en quelques points, du sombre monarque de l'Escurial. On
rencontre, en efi'et, dans cette consciencieuse étude, des documents
inédits assez importants, des détails dignes de remarque, de fines
observations sur la cour, la société, le gouvernement au temps de
Philippe II. C'est un ouvrage qu'il faudra désormais joindre aux nom-
breuses publications qui ont paru, depuis quelques années, en France,
en Espagne et en Belgique, sur les émouvants épisodes de cette partie
du seizième siècle. G. Bagubnault de Puchesse.
Histoire de la Russie depuis les ori§;ine» jusqu^à l'année
18», par Alfred Rambaud, professeur à la faculté des lettres de Nancy,
membre correspondant de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg.
Paris, Hachette, 1878, gr. in- 18 de 727 p. avec 4 cartes. — Prix : 4 fr.
L'ouvrage de M. Rambaud a déjà recueilli les sufî'rages les plus
flatteurs, et nous croyons que ces sufî'rages sont mérités. Il n'était
guère possible de mettre plus de talent à résumer, avec un juste sen-
timent des proportions, ce que contiennent les travaux de plus longue
haleine; et, à toute personne qui veut avoir une idée de l'histoire de
Russie, on ne peut conseiller un meilleur ouvrage.
Il faut cependani ajouter que cette histoire a été écrite jusqu'ici, par
les écrivains russes, sous Tcmpire de préjugés nationaux et religieux
et de doctrines politiques qui ont singulièrement faussé les jugements
et ont altéré bien des faits. Un vaste champ est ouvert à la critique.
Ce travail ne peut tarder à se faire. D'un côté, les écrivains russes,
avec un zèle qui leur fait honneur, publient une masse de documents et
de témoignages qui jusqu'ici n'avaient pas vu le jour. D'un autre côté,
si l'on est encore loin de s'être affranchi de tous les préjugés, il y a
cependant une tendance, qu'il ne faut pas méconnaître, à juger les
événements et les hommes avec une plus grande impartialité. On peut
donc espérer que le jour est proche où la critique soumettra à son
contrôle sévère toute l'histoire de Russie et modifiera bien des appré-
ciations.
Quand ce travail sera fait, le livre de M. Rambaud ne répondra plus
aux justes exigences du public; mais, dans l'état actuel des choses,
nous pensons qu'il n'était guère possible de mieux faire. Il faut même
ajouter que, si le professeur de la faculté des lettres de Nancy évite
avec soin de froisser les opinions courantes, il montre en plus d'un
endroit qu'il ne les partage pas, et qu'il garde par devers lui la liberté
de ses jugements. J. G.
^Numismatique de l'Orient latin, par Gustave Schlumberger.
Paris, E. Leroux, 1878, in-4 de oOO p. et 10 planches gravées. —
Prix : 7 a fr.
Ce livre, fait pour les numismatistes, se recommande aussi aux
personnes qui, sans s'occuper spécialement de monnaies, s'intéressent
à tout ce qui touche à l'histoire des Francs en Orient. L'auteur, vou-
lant réunir tout ce qui peut aider les érudits et les collectionneurs à
étudier et à classer les monnaies fi^anques, adonné un résumé histo-
rique de chaque grande baronnie, de chaque fief, résumé qui est d'une
utilité évidente. Il y a une foule de faits et do dates qui se trouvent
là, et que l'on auraitdû, jadis, si on en avait eu besoin, chercher dans
une multitude de livres, peu répandus, et rédigés en allemand ou en
grec. M, Schlumbergor a si bien réussi à résumer l'histoire des
latins en Orient, que j'ai entendu certaines personnes lui reprocher
d'avoir donné, dans son livre, une part trop large à l'histoire.
Au point de vue numismatique, le livre de M. Schlumberger est
aussi complet que possible: il a cherché, dans toutes les grandes col-
lections de la France et de l'étranger, les éléments de son travail; il a
voyagé en Orient, en Italie, en Allemagne pour étudier et dessiner
les monnaies; il a lu tout ce qui avait été publié jusqu'à ce jour sur
cette matière. L'auteur s'est si bien approprié son sujet, que personne,
— o3 ~
de longtemps, ne pourra l'aborder, et que lui seul sera à même de le
compléter plus tard par les suppléments que des trouvailles nécessi-
teront. J. DE M.
Histoire du Orésil franç'aîs au seizième ei<>cle, par M. P.
Gaffarel, professeur à la faculté de Dijon. Paris, Maisonneuve, 1878, in-8
de 512 p., avec 2 planches. — Prix : 8 fr.
L'histoire de la colonisation française dans le Nouveau Monde est,
depuis plusieurs années, le sujet spécial des investigations de M. Gaf-
farel. Les lecteurs du PolyblbUon connaissent l'intéressant ouvrage
par lui consacré au récit des tentatives faites par les réformés fran-
çais pour s'établir dans la Floride. Le présent livre n'est, à coup sûr,
inférieur en rien au précédent; nous pourrions même dire qu'il offre
le mérite de soulever une des questions les plus intéressantes au point
de vue de notre amour-propre national.
Voici plusieurs années déjà que certains indices ont été relevés,
tendant à établir que la découverte du Nouveau Monde serait réelle-
ment due à des Français.
Un Dieppois, du nom de Jean Cousin, se serait, plusieurs années
avant les voyages de Colomb, trouvé jeté dans une terre inconnue,
peut-être bien identique au Brésil, et près de l'embouchure d'un fleuve
immense dans lequel on semblerait fondé à reconnaître l'Amazone.
C'est son lieutenant, Vincent Pinçon, qui, ayant par la suite passé
au service du navigateur génois, lui aurait indiqué le chemin de l'A-
mérique, Quoi qu'il en soit de cette opinion, on ne saurait nier que,
de très-bonne heure, nos marins normands n'aient visité la côte bré-
silienne. Chaque jour les documents déterrés dans nos bibliothèques
viennent en fournir de nouvelles preuves. Au nombre de ces hardis ex-
plorateurs, il convient de citer le seigneur de Gonneville. Ayant amené
en France Esomeric, fils d'un prince indigène, que, malgré sa pro-
messe, il ne piît rapatrier, Gonneville l'éleva comme son propre
enfant et le maria à sa fille Suzanne.
L'auteur nous trace un tableau fort pathétique des aventures des
frères Ango. Les richesses immenses qu'ils avaient acquises, par leur
commerce dans l'Amérique du Sud, leur permirent d'arriver à une
haute position politique. Après avoir été l'ami particulier de Fran-
çois P'', qui l'anoblit et le nomma commandant de la ville de Dieppe,
Jean Ango vit l'infortune s'appesantir sur lui; il mourut presque dans
la misère, misère due en grande partie à ses folles prodigalités et à
ses habitudes de faste.
Nous ne pouvons nous étendre sur les faits et gestes des autres
explorateurs. Aussi bien, l'histoire du Brésil français et de sa colo-
nisation se résume-t-elle, pour ainsi dire, dansle nom deVillegaignon.
Ce vaillant homme de guerre, qui fut également un intrépide contro-
versiste, avait conçu le projet d'arracher au Portugal l'empire des
mers et de fonder une nouvelle France sur les rives du Brésil.
Fort du consentement de Henri II, roi de France, et surtout de
l'amiral de Coligny, Villegaignon s'occupe d'organiser son expédi-
tion. Non-seulement les catholiques, mais même les huguenots, sont
appelés à en faire partie. Bien qu'il s'en soit fort défendu par la suite,
et se soit montré un ennemi irréconciliable des protestants, il serait
difficile de ne pas admettre que Villegaignon ait, à cette époque, in-
cliné vers les doctrines de la réforme. Enfin, il met à la voile, le
12 juillet 1555. Après avoir commis, en route, plusieurs actes de pi-
raterie, autorisés par les mœurs du temps, les colons arrivent dans
la baie de Ganabara (Rio Janerio), le 19 novembre. Nos colons furent
favorablement reçus des Indiens, profondément irrités de la cruauté
des Portugais. Le fort de Coligny est fondé, et tout semble présager
un très-heureux succès pour la colonisation.
Néanmoins, l'ardeur des premiers jours ne tarde pas à s'affaiblir, et
Villegaignon indispose son monde par un excès de sévérité. Après
avoir poussé la condescendance jusqu'au point incroyable d'assister à
l'office et à la cène des réformés, Villegaignon se réveille pour ainsi
dire de sa torpeur, et sent s'allumer dans son cœur un zèle plus ardent
qu'éclairé pour les intérêts du catholicisme. Il débute tout d'abord
par d'aigres discussions théologiques avec les pasteurs d'origine gé-
noise, puis en arrive à jouer le rôle de persécuteur ; il punit de mort,
en qualité d'hérétiques, plusieurs réformés, qu'il n'avait cependant
attirés au Brésil qu'en leur promettant le libre exercice de leur
culte.
Cependant les colons, découragés par les privations qu'ils ont à
subir et las d'obéir à un chef doué plutôt des qualités d'un homme de
guerre que de celles d'un administrateur, ne forment plus qu'un vœu,
celui de retourner en Europe. Villegaignon lui-même, dégoûté de
l'exercice d'un pouvoir dont il n'a su user ni avec assez de prudence
ni avec assez de modération, se décide à quitter la colonie. Cet acte
porte un coup irrémédiable aux tentatives d'établissements français
sur la côte du Brésil.
Les Portugais trouvent un puissant appui dans les néophytes
indiens, élèves des jésuites portugais. Ces derniers, en eff'et, voyant
dans nos compatriotes autant d'ennemis de leur pays et de leur reli-
gion, puisqu'un certain nombre des colons étaient huguenots, ne
demandent pas mieux que de lancer contre nos établissements les sau-
vages qu'ils avaient convertis. Aussi, malgré des prodiges de bravoure,
les Français voient leurs établissements tomber aux mains de l'ennemi.
Villegaignon, de son côté, tout occupé aux guerres de religion, ne songe
— 55 —
guère ni à les secourir, ni à les venger. Le gouvernement français
a trop à faire chez lui pour prendre en main les intérêts d'aussi loin-
taines colonies; et la couronne de Portugal domine sans rivale dans
ces régions où nos compatriotes avaient rêvé l'établissement d'une
nouvelle France.
Nous ne dirons que peu de mots des dernières années de Villegai-
gnon, A peine de retour dans sa patrie, il commence par faire une
guerre de pamphlets aux réformés, qui, du reste, ne le ménagent
guère, ni dans leurs discours, ni dans leurs écrits, en attendant qu'il
ait à les combattre les armes à la main.
Enfin, épuisé par les fatigues d'une vie aventureuse, Villegaignon
meurt de maladie, pendant le cours de ces luttes religieuses aux-
quelles il prenait une part active. Quelle que soit la justesse de certains
des reproches adressés par les écrivains protestants à Villegaignon,
on ne saurait s'empêcher de reconnaître en lui un homme éminent à
bien des égards. S'il se montre parfois violent, injuste, administra-
teur médiocre, pendant son séjour au Brésil, nous devons rendre
hommage à ses talents de capitaine, à son érudition profonde et
variée, et surtout à son parfait désintéressement.
On voit, par ce rapide compte rendu, tout l'intérêt qu'offre la lec-
ture du nouveau livre de M. Gaffarel. Aucun de ceux qui s'occupent
de l'histoire extérieure de notre pajs ne songera sans doute à nous
contredire. H. de Charencey.
Une colonie féotlale en A.mérique. L'Acadie, 1604-1710, par
M. Rameau. Paris, Didier, 1877, ia-12 de liv-367 p. — Prix : 3 fr. 50.
L'auteur s'est occupé, depuis plusieurs années, de nos colonies
françaises. Après avoir fait paraître, en 1859, la France aux colonies,
il nous donne aujourd'hui une étude fort intéressante sur TAcadie, où
il prend patriotiquement en main la cause de la vérité et de la jus-
tice, pour combattre des idées généralement reçues sur les causes
réeUes du succès final des Anglo-Américains. Une longue nomen-
clature des sources qui ont servi à cet ouvrage prouve qu'il est le
fruit de recherches aussi consciencieuses que persévérantes. L'in-
troduction est un résumé très-substantiel du caractère de cette colo-
nisation, qui fixe aussi actuellement l'attention de plusieurs hommes
d'État éminents en Amérique. Les faits étant exposés dans leur ordre
chronologique, il eût été préférable, pour éviter quelques longueurs
dans la dernière partie, de reporter à la fin le chapitre des considé-
rations politiques, économiques et sociales.
Rechercher quels furent les idées, le but, la manière d'être de ce
premier flot d'émigrants qui, pendant le dix-septième siècle, quit-
tèrent leur patrie pour aller se fixer dans les régions sauvages de
l'Amérique du Nord, tel est le point de départ de ce travail; et ce qui
lui donne, pour nous Français, un prix particulier, c'est que nous
avons été dans cette œuvre les premiers en date, et que nous avons
rempli autrefois un rôle prépondérant dans le Nouveau Monde. En
fondant ces colonies, nos compatriotes voulaient assurer des fiefs et
une fortune à ceux qui ne pouvaient espérer autant de la mère patrie ;
leur but était de propager la foi catholique, de fonder et de continuer
une nouvelle France par-delà les mers. Ils s'exportaient avec l'orga-
nisation féodale telle qu'elle existait alors, et ils maintinrent long-
temps ce régime parmi eux, sans modifications notables. Ces colons,
que nous avons délaissés, ne se sont point abandonnés eux-mêmes :
après deux siècles d'un labeur obscur et patient, ils nous font savoir,
par le dénombrement de 1870, qu'il y a maintenant 1,600,000 Fran-
çais groupés dans le bassin inférieur du fleuve Saint-Laurent et sur
les côtes du golfe de ce nom. M. Rameau nous prouve péremptoire-
ment que, contrairement à l'opinion commune, leurs ancêtres étaient
plus vigoureux de corps, plus énergiques d'esprit, plus ingénieux et
plus intelligents que les Anglo-Américains, et que leur société était plus
virile. 11 fallut, en effet, à la suite de cent cinquante années de luttes
continuelles, que les Anglais devinssent vingt fois plus nombreux que
leurs adversaires pour les vaincre. Français, nous nous séparerons
encore de Voltaire, pour regretter la perte de cette colonie que notre
patrie abandonna sous l'empire de préoccupations trop exclusivement
européennes. E. L. M.
China. A hiistory or the la^'s, mannera nnd customs oF the
people, by John Henry Gray, LL. D. archdeacon of Hong-Kong. London,
Macmillan, 1878, 2 vol. in-8. — Prix : 20 fr.
Nous ne pouvons échapper à la question d'Orient ; mais il y a
fagots et fagots, comme on sait, et l'Orient est heureusement assez
vaste pour comprendre d'autres pays que les Indes, la Perse etl'Asie-
Mineure ; passons jusqu'en Chine. La littérature anglaise fourmille
d'ouvrages sur l'Empire du Milieu; les deux plus remarquables étaient
ceux de sir John Davis {Chine) et du D"" William {the.Middle Empire);
en voici un troisième, également digne de l'attention du public, et qui
complète à merveille ses prédécesseurs. Voulez-vous savoir ce qui
concerne la littérature, la philosophie et la religion chinoises? Voulez-
vous des renseignements exacts sur l'histoire de la Chine et ses an-
ciennes institutions? Lisez sir .Tohn Davis. Préférez-vous, au contraire,
connaître la Chine d'aujourd'hui et vous rendre compte de la civilisa-
tion mandarine au dix-neuvième siècle? étudiez les deux volumes de
M. l'archidiacre Gray. Etabli à Hong-Kong depuis près de vingt-cinq
ans, l'auteur est familiarisé avec les mœurs et les coutumes
des Chinois ; il a visité leurs temples, assisté à leurs cérémonies fu-
nèbres et à leurs repas de noces ; bref^il serait impossible de citer un
voyageur plus au fait de ce qu'il se propose de nous raconter. Ajou-
tons que le tableau n'est pas flatteur, il s'en faut de beaucoup.
L'administration de la justice, au dire du docteur Gray, est exé-
crable, et il ne lui est jamais arrivé de rencontrer qu'un honnête
mandarin ; aussi, les malheureux Chinois sont-ils sans cesse exposés
à tous les abus d'un pouvoir despotique, et, ce qu'il y a de plus regret-
table, c'est que le spectacle constant d'iniquités commises ou du moins
sanctionnées par les agents de l'autorité, encourage dans la population
un mépris systématique pour les notions les plus élémentaires du juste
et de l'injuste. Les prêtres bouddhistes ne semblent pas meilleurs que
les mandarins, et les préceptes de la vie religieuse sont violés à chaque
instant par ceux mêmes qui devraient donner l'exemple du respect
pour les institutions de Sakyamouni .
Je recommande avec beaucoup de plaisir l'ouvrage de M. l'archi-
diacre Gray aux lecteurs qui désirent faire connaître ce qui se passe
à l'extrême Orient. Ils y trouveront non-seulement un tableau très-
intéressant de la société chinoise, mais des détails curieux sur les
anciennes légendes et les récits mythologiques du pays. Ces tradi-
tions méritent d'être étudiées sérieusement, parce qu'elles remontent
à une époque fort reculée, et la Chine est, sans contredit, la nation
où les cérémonies populaires se sont conservées avec le plus de fidé-
lité. En recueillant ces matériaux, notre auteur a rendu un service
signalé à la science des religions. Gustave Masson.
Memoirs of tlic Right Honourable William, second vis-
count Melbourne, by W. M. Torrens, M. P. London, Macmillan and
C°, 1878, 2 vol. in-8, ans. de 880 p. — Prix : 30 fr.
La biographie de lord Melbourne n'avait pas encore été racontée
comme elle méritait de l'être, et il faut remercier M. M'Cullagh
Torrens des deux excellents volumes, si intéressants, qu'il vient depu-
blier sur cet homme d'État. Il y a, dans la carrière du noble lord, deux
cotés essentiellement distincts l'un de l'autre ; si ses actes politiques
appartiennent à la nation et invitent l'examen, personne n'a le droit
d'exiger que l'on soulève le voile derrière lequel se cachait sa vie
privée. C'est pourtant là ce que bien des gens ne comprennent pas;
aussi les amateurs d'histoires scandaleuses ont-ils été désappointés
- 58 —
de trouver dans l'ouvrage de M. Torrens fort peu de détails sur l'épi-
sode de Mistriss Norton et sur d'autres incidents semblables.
On sait que lord Melbourne fut un des membres les plus éminents
du parti whig, et qu'il joua un grand rôle dans le gouvernement de
l'Angleterre à la fin du règne de Guillaume IV, et pendant les pre-
mières années du règne actuel. Nonchalant par caractère et ayant les
goûts d'un épicurien, il était disposé à faire tous les sacrifices imagi-
nables plutôt que de subir les ennuis d'une dispute, même si la vic-
toire semblait évidemment de son côté. Obligé à travailler avec des
collègues dont l'humeur n'était pas toujours très-facile, et qui souvent
ne s'entendaient pas les uns les autres, il ne manquait jamais à son
rôle de pacificateur, et il se faisait un point d'honneur, comme le dit
spirituellement son biographe, de construire souvent avec les maté-
riaux les plus fragiles des voies de communication entre deux amitiés
devenues très-problématiques. Les affaires étrangères, confiées à lord
Palmerston, lui donnaient particulièrement de l'embarras; en effet, fier
de ses éclatants succès, Palmerston le prenait souvent, au conseil des
ministres, de fort haut avec les autres membres du cabinet, et les re-
présentants des puissances étrangères se plaignaient à juste titre de
ses manières rogues et peu conciliantes. Ce qu'il y avait de plus pé-
nible, c'est que les doléances arrivaient toujours à lord Melbourne, en
sa qualité de premier ministre, et, commetel, il était forcé de ramener
la paix entre les intransigeants qui se croyaient mortellement offensés.
Autre complication : Palmerston avait presque toujours raison, et
malheureusement il n'en était que d'autant plus difficile à manier; lui
arracher un mot d'excuse, une politesse banale, une réparation, une
explication même, passait pour un problème insoluble, et c'était lord
Melbourne qui avait à subir la responsabilité de toutes ces entre-
mangeries diplomatiques. En 1840, dit M. Torrens, le ministère fut sur
le point de se dissoudre, à propos de la question d'Orient, et il est
probable que si le président du conseil n'avait pas été lord Melbourne,
le traité de paix aurait fait naufrage presque en vue du port. Grâce à
la sagacité et à la résolution du premier ministre, ni Palmerston, ni
Hollandnese retirèrent du cabinet, et, lorsque la crise fut passée, Hol-
land reconnut très-généreusement que les torts étaient de son côté.
L'ouvrage de M. M'Cullagh Torrens est fait avec beaucoup de soin,
et peut être considéré comme un excellent modèle de ce que de-
vraient etretouteslesbiographies.il est évident que, pour qu'untravail
de ce genre soit satisfaisant, il faut que l'auteur ait vécu dans l'inti-
mité de son personnage, qu'il ait étudié sa vie sous tous ses points de
vue, et qu'il connaisse à fond ses sympathies politiques. On dira que
l'impartialité alors est bien difficile, soit; mais quand il s'agit d'un
homme aussi connu que lord Melbourne, d'un homme dont les moindres
actions ont été contradictoirement discuté':s par tous les journaux, le
biographe le plus enthousiaste ne se risquerait pas à émettre des pa-
radoxes qui seraient relevés sur-le-champ. Je terminerai cette notice
en indiquant que le premier volume de la vie de lord Melbourne nous
conduit jusqu'en 1834; c'est dans le second que Ton trouvera les très-
courts passages où il est fait allusion à la France et à la politique de
Louis-Philippe; il s'agit de l'échec essuyé par le cabinet de M. Thiers.
lorsque le traité du 14 juillet,signé presque sous les yeux de M. Guizot,
alors ambassadeur à Londres, humilia pour un moment notre pays vis-
à-vis des autres puissances européennes. G-ustave Masson.
Le Pénitent breton, Pierre de Keriolet, par Hippolyte Le Gon-
VELLo. Paris, Bray et Retaux, 1878, gr. in-18 de 410 p. — Prix: 3 fr. 50.
La première moitié du dix-septième siècle a été féconde en figures
originales et très-accentuées; c'est une époque de transformation géné-
rale en France ; et, dans l'ordre littéraire comme dansl'ordre politique,
elle nous offre des physionomies accidentées qu'on rencontre plus
rarement pendant les périodes calmes et affermies. Le Breton Pierre
Le Gouvello de Keriolet fut un de ces hommes étranges dont la
vie présente tous les contrastes imaginables, vie de dérèglement et
de scandale d'abord, de mortification et d'austère pénitence ensuite.
Son nom est très-populaire en Bretagne ; les autres parties de la
France doivent au moins le connaître, car il a été l'objet, depuis deux
siècles, de nombreuses biographies. Dès l'année 1663, le Père carme
Dominique en publiait une qui eut un succès considérable, sous ce
titre un peu trop long : Le grand pécheur converti, représenté dans les
deux états de la vie de M. de Quérlolet, prêtre, conseiller au Parlement
de Bretagne. Il n'est pas de vieille famille bretonne qui n'en possède
une édition dans sa bibliothèque, et qui n'ait bercé ses jeunes généra-
tions au récit merveilleux des aventures du grand pécheur. Les apos-
trophes du diable à Keriolet, pendant une séance d'exorcisme, à
laquelle il venait assister en curieux, sont gravées dans nos souvenirs
d'enfance les plus anciens et les plus profonds. M. Hippoljte Le
Gouvello, le sympathique auteur de l'histoire de la paroisse de
Sévérac, vient de les raviver en reprenant à fond la biographie du
serviteur de Dieu, dont sa famille se montre le plus justement fier, et
en puisant dans ses propres archives des documents nouveaux que
n'avaient pas connus ses devanciers. Son livre est précédé d'une lettre
de M^' l'évêque de Vannes, dont nous citerons ce passage : « Après
vous avoir encouragé, Monsieur, dans votre louable entreprise, je
peux, dés aujourd'hui, vous féliciter de l'avoir si bien conduite. Vos
recherches ont été fructueuses. Les sources auxquelles vous avez puisé
sotit pures et abondantes. Vous n'avez pas la prétention de dire le
— fiO —
dernier mot sur le personnage en question. Vous aurez, du moins,
contribué largement à mettre en lumière cette figure originale et
très-attachante. Le récit de ses chutes et de sa régénération, des ter-
ribles assauts qu'il eut à soutenir, après son retour à Dieu, contre le
démon, de ses moyens de résistance et de persévérance, vos réflexions
personnelles et les conclusions que vous en tirez, tout, dans ces pages,
dont la forme est aussi attrayante que le fond, tient en haleine et
instruit le lecteur. Le surnaturel divin et le surnaturel diabolique y
jouent tour à tour un rôle saisissant. Que nos libres-penseurs s'ingé-
nient à expliquer d'après leurs courtes vues les péripéties extraordi-
naires de cette existence tourmentée, qui nous montre le bien et le
mal aux prises et se portant mutuellement des coups mortels ! Ne
serait-ce point le cas de chanter avec l'Eglise
Mors el vita duello
ConjUxere mirando !
Finalement, la victoire reste à la vérité et à la justice... »
Un sujet délicat à traiter était celui de la possession des reli-
gieuses de Loudun,qui occasionna la conversion éclatante de Keriolet.
M. Le Gouvello s'est arrêté un peu complaisamment à l'histoire com-
plète des victimes de l'infâme Urbain Grandier : la digression est
longue, mais elle est intéressante et consciencieuse ; et nous devons
féliciter l'auteur d'avoir suivi comme guide l'étude fort bien faite de
M. l'abbé Leriche. On a beaucoup écrit depuis vingt ans sur cette
page mystérieuse du règne de Louis XIII: matérialistes et catholiques
se sont donné carrière dans les deux sens, et la question nous paraît
bien catégoriquement résolue par M. l'abbé Leriche, contre l'auteur
du traité sur le célibat des prêtres : mais nous regrettons qu'on n'ait
pas fait plus d'usage d'un livre fort curieux publié sur cette affaire
délicate par un contemporain, le Loudunais Jules Pillet de la Mesnar-
dière, qui fut médecin de M"'" de Sablé et membre de l'Académie
française : c'est l'ouvrage d'un spécialiste, témoin oculaire ; et ses
conclusions sont formelles pour la constatation de phénomènes que la
médecine est impuissante à expliquer. Si M, Le Gouvello veut appro-
fondir ce sujet au point de vue de la science du temps, il trouvera
l'un des rares exemplaires du traité de Pillet à la Bibliothèque de
l'Arsenal.
De nombreuses pièces justificatives complètent le volume. Nous
pourrions, avec M. l'abbé Chauffier, censeur du livre, faire quelques
réserves au sujet de quelques faits prodigieux rapportés par l'auteur ;
mais nous préférons déclarer, sans les accentuer davantage, que, parla
facilité du style, la variété des épisodes, le contraste des situations et
l'excellence des sentiments, la vie de Pierre de Keriolet offre une lec-
ture attachante, réunissant le double mérite d'allier l'intérêt le plus
vif aux leçons les plus directes et les plus chrétiennes.
René Kerviler.
— (Il —
Xi*ansaetîons aad proccetlîngs of ihe conférence ot* EjÎ-
brarians, hcld in hondon, ociober 1877, edited by Ibe secretaries of Ihe
conférence, Edward B. Niciiolson and Henry R. Tedder. London,
Printed at the Chiswlck press, by Charles Whiltingham, 1878, in-S de
276 p.
Les secrétaires de la Conférence des bibliothécaires, tenue à Lon-
dres, pendant l'automne dernier, et dont nous avons parlé à diverses
reprises, viennent de publier, en un beau volume, imprimé en carac-
tères elzéviriens, le compte rendu des travaux de cette réunion.
Cet ouvrage, divisé en deux parties, comprend d'abord les mé-
moires lus au Congrès et les procès-verbaux de ses séances; un
appendice réunit ensuite une série de modèles, de catalogues et
d'inventaires, ainsi qu'une notice sommaire sur toutes les biblio-
thèques de Londres visitées par la conférence.
Les renseignements déjà donnés précédemment dans le Polijbiblion
sur la Conférence des bibliothécaires nous dispensent de nous étendre
plus longuement sur ce volume, qui sera consulté avec fruit, mais
nous ne le quitterons pas cependant sans citer les reproductions pho-
tographiques de titres de livres qui accompagnent le projet de
Photobib Ho graphie proposé par M. Henry Stevens.
Ajoutons que M. l'abbé Mondino, sous-bibliothécaire de Palerme,
a publié, en une brochure in-8, un intéressant rapport sur cette réu-
nion. (Palerme 1878.) Cte de M.
Manuel du libraire et de l'amateur de livres; supplément au
dictionnaire bibliographique de M.J.-Ch. Drunet, avec table raisonnce des
articles, au nombre d'environ 10,000, décrits dans le présent supplément, par
P. Deschamps et G. Brunet, Tome P', A. -.M. Paris, Firmin-Didot et C'^,
gr. in-8 de xv p. et 1138 col. — Prix : 20 fr., et en grand papier, 40 fr.
he Manuel du libraire de M. J.-Ch. Brunet jouit d'une célébrité
universelle ; cinq éditions successives, toutes refondues et fort aug-
mentées, en attestent le succès; mais, depuis l'apparition de la der-
nière (1860-1865), la science des livres s'est transformée; les
recherches persévérantes de bibliographie, de plus en plus nom-
breuses, ont révélé l'existence de bien des volumes qui étaient restés
inconnus. Tandis que la valeur des livres vraiment rares et curieux
augmentait dans une proportion véritablement extraordinaire, sur-
tout pour certains genres d'ouvrages que la mode a pris sous sa pro-
tection toute puissante (les éditions originales de nos classiques et
les livres illustrés par d'éminents artistes du dix-huitième siècle, tels
qu'Eisen et Moreau), le Manuel, était devenu forcément arriéré ; il ne
répondait plus à la situation des choses; un supplément était indis-
pensable; il a été entrepris, et son premier volume vient de paraître.
Nous nous bornerons aujourd'hui à le signaler; il doit être nécessai-
— 62 —
rement consulté sans cesse par quiconque veut ou acheter des livres
ou en vendre.
Parmi les articles qui ont exigé de bien patientes, de bien tenaces
investigations, on peut signaler ceux de Corneille (col. 301-316) et de
Molière (col. 1046-1085). Comme exemple des prix insensés (il faut
bien les qualifier ainsi), nous mentionnerons Le Temple de Gnide, de
Montesquieu, 1772, huitième édition médiocre, mais que recomman-
dent aux amateurs dix figures d'après Eisen; un exemplaire, ancienne
reliure, a été adjugé à 7,900 francs en 1877; un autre, avec lesdessins
originaux, a été, dans ces derniers temps, cédé à l'amiable au prix de
10,000 francs; l'un et l'autre avaient des figures dans un état excep-
tionnel. X.
BULLETIN
Lia Condiziuue rîsolutiva sottintesa nei contratti bila-
téral!. {La Condition résolutoire sous-entendue dans les contrats bilaté-
raux), par l'avocat Ldigi Gallavresi. Milan, Lombarda, 1878, in-8 de
128 p. —Prix : 2 fr.
S'il est dans la science du droit une partie qui paraisse devoir rester im-
muable, c'est à coup sur la théorie des contrats. Tandis que l'organisation
de la famille et de la propriété, l'ordre des successions, la forme des actes,
subissent en raison des milieux de nombreuses modifications, dans les con-
trats toutes les règles se déduisent de principes invariables de logique et
d'équité. Toutefois, même dans cette théorie, certains éléments ont changé :
la condition résolutoire, sous-entendue dans les contrats bilatéraux par les
art. 1184 du Code Napoléon, et 1163 du Code civil italien, n'est pas moins
qu'un principe nouveau, triomphe de l'équité sur l'inflexible rigueur du
droit romain primitif. Il est curieux d'étudier les étapes de ce progrès, et
de voir, dans une législation voisine de la nôtre, les applications de la
jurisprudence. C'est à ce double intérêt que répond le travail de l'avocat
Gallavresi ; peu étendu, mais substantiel, il a paru d'abord dans le Monitore
dei tribunali, et à peine avions-nous eu le temps d'examiner la première
édition, que la seconde nous parvenait. Il est regrettable que le cadre du
Polybiblion soit trop général pour permettre de donner sur un sujet aussi
spécial de plus longs développements. J.-A. de Bernon.
L'CMEuvre de l'exposition et de l'adoration nocturne du
très-saint Sacrement en France et à l'étranger. Paris,
Poussielgue, 1877 [sic], in-12 de 416 p. — Prix : 3 fr.
11 y a dans ce livre de l'histoire et de la piété, de l'intérêt et de l'édifica-
tion. La partie historique, étroitement unie à l'autre, consiste dans des
recheixhes historiques sur l'adoration du Saint-Sacrement pendant la nuit,
dans le récit de la fondation et des développements d'une œuvre spéciale, née
à Paris en 1848, dans un moment critique pour la France et pour l'Eglise,
à l'heure môme où Pie IX était forcé de quitter Rome; dans l'exposé de sa
marche pendant les tristes jours du siège de Paris et de la Commune, et du
— 63 —
mouvement progressif de la dévotion envers le Saint-Sacrement, tant en
France qu'à l'étranger, mouvement marqué par la création d'un grand
nombre d'œuvres d'adoration. Il y a là des pages dont un Français et un
chrétien peuvent être légitimement fiers. A. la partie pieuse se rattachent
le but du livre, qui est de propager la dévotion au Saint-Sacrement, de faire
connaître l'œuvre de l'adoration nocturne et de donner toutes les indica-
tions pratiques pour l'organiser; les considérations qui accompagnent les
faits, la nécrologie des membres de l'œuvre, qui renfei'me des traits admi-
rables ; l'explication détaillée du règlement, l'instruction pour l'établisse-
ment de l'œuvre et les formules en usage dans l'œuvre de Paris, qui lui
donnent le caractère d'un manuel. Cette courte analyse suffit pour faire
apprécier l'utilité de cet ouvrage. Il parait sous le patronage de Mgr de la
Bouillerie, qui est une garantie de son mérite au point de vue ascé-
tique et doctrinal. Il laissera la plus salutaire impression à tous ceux qui
le liront. V. M.
Résurrection merveilleuse, en ISYT, de Michel de l\îotre-
Dame, mort en 1S66. Ouvrage dédié à tous les savants de France
et de Navarre, à tous les amis du surnaturel. Nantes, libraire catholique
de Libaros, 1877, in-8 de 140 p.
Voici un nouveau commentateur de Nostradamus. Après M. Anatole Le
Pelletier, après M. Torné-Chavigny (pour ne parler que des commentateurs
de notre époque), on pouvait croire qu'il n'y avait plus l'ien à découvrir
dans les Centuries du prophète de Salon. M. Monnier, l'auteur de l'opus-
cule dont nous venons de donner le titre, nous prouve le contraire. Il
trouve dans les Centuries les choses les plus extraordinaires du monde : les
secrets du ciel et de la terre, les mystères de la cabale et de la philosophie
hermétique, la science des nombres et la science des étymologies, le sacré
et le profane, le grand pape et le grand roi, le régénérateur de la France
et de l'Église, par l'intermédiaire de Henri V, suleil-lune, la pierre philo-
sophale, l'élixirdes sages, la fin de la Révolution, etc., etc. Mais la cbose la
plus extraordinaire trouvée par M. Monnier dans les Centuries, c'est qu'il
n'est, lui, Monnier de Notre-Dame du Frêne, de Montrelais-les-Ingrandes,
sur les rives de la Loire, que le continuateur, Valter ego, l'identification de
Michel de Notre-Dame de Salon. On comprend qu'en ces sortes de matières,
il n'y ait pas à critiquer. Il suffit de constater les faits. Le lecteur en pense
ce qu'il veut. Pour ce qui nous concerne, nous estimons que les commen-
taires de M. Monnier sont fort curieux, fort étranges, quelquefois fort sa-
vants ; mais qu'ils ne tirent pas autrement à conséquence. L'ouvrage, d'ail-
leurs,doit avoir cinq fascicules. Le premier seul a paru. Pour mieux juger
le livre, attendons les autres. F, B.
I^e» Massacres de Septembre, par Georges de Cadoudal. Paris,
librairie de la Société Bibliographique, 1878, gr. in-18 de 33 p. {Brochures
sur la Révolution fra7içaise). — Prix : 20 c.
Les suites du 10 août, les préliminaires des massacres, l'Abbaye, les
Carmes, la Conciergerie et la Force, la princesse de Lamballe, les massacres
— 64 —
en province, les responsaLilitôs, telles sont les principales divisions de cet
écrit populaire, consacré à rappeler un des pins sanglants souvenirs de la
Révolution, qui inscrit sur son drapeau : égalité, fraternité. Les épisodes
comme ceux de M"^ de Sombreuil et de Mue Cazotte, les détails sur les sup-
plices infligés à la princesse de Lamballe et à MS"^ du Lau, archevêque
d'Ai'les, tirent les larmes. Tous les faits sont présentés vivement et avec émo-
tion par M. de Cadoudal. qui n'aura pas peu contribué à faire apprécier,
comme ils le méritent, les tristes héros de ces massacres. V.
Lettres d'un rural, par le vicomte de Sarcl's. Dijon, imprimerie Da-
rantière, in- 12 de 142 p. — Prix : 2 fr.
Le livre de M. le vicomte de Sarcus contient vingt-cinq chapitres, qui
tous portent la date du jour où ils ont été écrits, sous l'inspiration des évé-
nements politiques du moment. Le premier est du 29 janvier 1877, le der-
nier du 22 décembre; c'est donc l'année 1877 tout entière qui se trouve
ainsi mise en lumière, par un homme qui voit les dangers de ce qu'il
nomme la maladie politique dont nous mourons. M. de Sarcus n'admet les
compromis ni avec les intérêts, ni avec les ambitions. Voici les titres des
principaux chapitres : la Racine du mal. Elle est, d'après l'auteur, dans
l'oubli des grandes lois morales. — Nous nous lavons les mains. Beaucoup de
gens, par pusillanimité ou par apathie, ne s'opposent pas au mal, et, quand il
est arrivé, rejettent sur les autres les conséquences Je leurs propres fautes.
— Us émargent. Ici M. de Sarcus rappelle les pai'oles de M. de Bismarck
à M. d'Arnim : « Il faut à l'Allemagne une France faible, et la France ne
saurait être plus faible que sous le régime républicain. » Il les commente
ensuite; Puis, après avoir traité de la liberté radicale et de la guerre sociale,
l'auteur se trouve à la date du 16 mai, et, sous ces divers titres : la Trêve
des partis, le Journal des démentis, Toute la nation, il cite tout ce que la
presse radicale répéta à cette époque : ruine du commerce, guerre exté-
rieure et le reste... Dans le chapitre intitulé -.Politique rurale, \\ donne
d'excellents conseils. Le mois d'octobre arrive; il juge les élections.
Vertige! s'écrie-t-il dans le xxiv'' chapitre. Et, jetant un regard vers Paris,
M. de Sai'cus termine par des paroles qui sont la triste peinture de notre
temps et le cri indigné du moraliste. A. de Besancenet.
La Kabylîe et le peuple kabyle^ par le R. P. Joseph Dugas, de la
Compagnie de Jésus. Paris, Lecofïre, 1877, in-12 de 266 p. avec gravures.
— Prix :3 fr.
Le R. P. Dugas, dont la perte récente a été un deuil pour tous ceux qui
l'ont connu, avait été envoyé par ses supérieurs en Algérie, dans l'espoir
que la douceur du climat serait un remède efficace au mal qui l'avait
frappé. Les heures de cette espèce de villégiature furent mises à profit par
le savant et pieux religieux, et le présent volume restera un des meilleurs
ouvrages qui aient été publiés sur les Kabyles et leur intéressant pays. Ces
montagnards, si longtemps rebelles à la domination française et qui dif-
fèrent si profondément des tribus arabes environnantes, méritaient de
trouver enfin un historien aussi consciencieux, aussi bien informé, aussi
— 65 —
dégagé de ce fatal et mesquin préjugé qui a empêché tant d'écrivains ou
d'hommes politiques de donner à la question religieuse sa part légitime
dans leurs études ou leur moyen de gouvernement. Rien de plus intéres-
sant que les chapitres où l'auteur, après s'être demandé si les Kabyles ont
jamais été chrétiens, et exposé l'histoire de leur apostasie, étudie les
vestiges de christianisme qu'on retrouve chez eux à l'état de vagues
superstitions. La constitution politique, l'état social, la vie domestique des
Kabyles, les réformes introduites chez eux par la France ont aussi donné
matière à des pages empreintes d'un vif patriotisme, éclairées par la
lumière catholique et s'appuyant sur les sources d'information les plus nom-
breuses et les plus exactes. Citons enfin les détails qu'un séjour personnel
parmi ces peiiplades a permis au P. Dugas de donner, en pleine connais-
sance de cause, sur les missions et les écoles françaises, établies au milieu
d'elles, et nous aurons, sinon rendu compte de ce livre d'une manière pro-
portionnée à son méi'ite et à son charme, au moins, croyons-nous, inspiré
le désir de le parcourir à quiconque prétend ne point rester étranger aux
effets de l'influence catholique et de l'influence française dans la plus belle
de nos colonies. R.
Etude sur la loi du ^B iiiaî 1 Syy, relative aus. Brevets
d'invention dans l'empire d'A^llema^ne, par Lyon-Caen, pro-
fesseur agrégé à la faculté de Droit de Paris. Paris, Cotillon, 1878, gr. in-8
de 31 p. (extrait du Bull, de la Soc. de Lég. comp.)
Cette intéressante brochure contient un court historique de la législation
allemande avant la nouvelle loi. Elle montre les eilbrts des partisans delà
suppression des brevets ; l'appui très-remarquable qu'ils trouvaient dans
le Gouvernement lui-même (celui-ci n'a proposé un régime de protection
que pai'ce que l'Allemagae ne pouvait,sans dommage. rester isolée au milieu
des grandes nations qui protègent les brevets); le système de protection
très-mitigée qui en a été la conséquence, et qui se distingue spécialement
par l'institution de Voffice des brevets; l'examen préalahle qu'il fait des de-
mandes de brevets; lu procédure provocatoire (\n.\ n\Qi \q?, tiers à même de
s'opposer à leur délivrance; la taxe proijressive et élevée à payer à l'État, le
système des licences obligatoires qui force le breveté à consentir, dans cer-
tains cas, l'exploitation de son brevet par des tiers, contre une rémunéra-
tion suffisante. Enfin, l'auteur a su par de judicieuses comparaisons avec
la loi française, mettre en lumière les avantages et les inconvénients de la
nouvelle loi allemande, qu'il considère, en somme, comme une des meil-
leures qui aient été faites sur la matière. A.-R.
'Vieilles maisons et jeunes souvenirs, par Henry d'Ideville,
Paris, Charpentier, 1878, in-12 de 39l p. — Prix : 3 fr. oO.
Ce livre est écrit sans prétention et c'est là surtout ce qui fait son charme.
L'auteur, honorablement connu déjà par plusieurs volumes de souvenirs, a
voulu revenir en arrière et parcourir encore une fois les trois principales
étapes de sa jeunesse, le collège, l'école de droit, le ministère des bffaires étran-
gères.La troisième est incontestablement la plu s intéressante, celle à laquelle le
lecteur s'arrêtera le plus volontiers. Les grandes personnalités de la diplo-
matie française sous le second Linpire ont chacune leur portrait dans ses
pages purement écrites, et l'on aime à faire la connaissance plus intime de
ces personnages divers qui ont tour à tour exercé une influence heureuse ou
malheureuse sur les destinées de notre pays. Les souvenirs de collège sont
Juillet 1878. T. XXIII, 5.
— 66 —
pleins de délicatesse et de charme. Quant à ceux de l'École de droit, je
trouve que M. d'Ideville y brûle vraiment beaucoup trop d'encens en j'hon-
nenr do tous pes am's.dont quelques-uns ne méritent â aucun puint de vue
d'être tant vantés. Un auteur de mémoires doit, surtout arrivé à un âge où
les illusions de la jeunesse se sont dissipées, se j.arder de prodiguera tort
et .i travers des louanges sans mesuie : autiement, on finirait par ne plus
le croire, et vraiment ce n'est pas M. d'Ideville, qui, soit par son esprit, soit
par son caractère. pourra méiiter jamais un pareil alfront. E. de l\ D.
Histoire des uns et des autres, par M. Eue Berthet. Paris, Dentu,
1878, in-12 de 348 p. — Prix : 3 fr.
Il s'ag t, dans ces Histoires des uns et des autres^ des souvenirs personnels
de l'auteur et d'anecdotes inédites et j iquautes sur les choses et les hommes
de ce siècle. C'est un kaléidos npe littéraire, dans lequel nous voyons passer
successivement Méry et l.é<m (jozlan, Merle et M°* Doival, les habitués de
l'hôtel Aguado, les rédacteurs de la Quotidienne et du Siècle, M. Tliiers,
M. Cliambolle, M. de Rianccy, le générai Cavai^nac, Henri .Momiier et Balzac,
le bai on Taylo-, Louis-Philippe, M. Sauzet et Lamartine, Ponson du Ter-
rail et Jules Janin. Le tout est suivi d'une demi-douzaine de Nouvelles
qui out pour sujet quelques historiettes se rattachant à la littérature con-
temporaine. C'est finement ei «[liritueilement raconlé, et cela intéresse
d'autant plus que les personnages évoqués par M. Élie Berthet, ayant vécu
sous la Restauratinn ou le Gouvernement de Juillet, ont déjà fait place à une
géni-ration dont les préoccupations sont tout autres. La plupart des Histoires
et Souvenirs de M. Élie Berthet avant d'être publiées en volumes, avaient
paru dans la Revue de France. M. Élie Berthet a écrit une fou!e de romans
qui, comme fond et comme forme, ne valent pas ces piquants Souvenirs.
F. B.
•loscph de Cissey, né le 15 juin 1852, mort le 15 mai 1874. Lyon, typ.
et liti ographie J. Gallet, 1878, in-8 de 123 p. (N'est pas dans le com-
merce.)
Pieux et paternel liommoge rendu à im jeune homme, dont le Polybiblion
are.L^retté la perte (Xi, 342) : nature d'élite, intelligence supérieure, cœur
arJeut qui donnait aux catholiques les pins grandes espérances. Les
notes biographiques réunies dans ce volume font connaître son caractère, sa
volonté d èlre utile, son travail, son étieri:ie et sa persévérance : elles le
présentent comme un modèle et un encouragement à la jeune-se de notre
époque. Quelques-unes de ses lettres sont fort belles. On y a joint la repro-
duction d'une brochure qu'il avait [)ubliée en 1«71 sous le titre de Ce qu'il
faut à la France, et quelques-uns de ces meilleurs articles dans la Décentra-
lisation, où il avait fait ses premières armes avec un grand succès. R.
VARIETES.
L
LES BIBLIOTHÈQUES AUX ETATS-'UNIS
(Fin.)
Outre le cata'nguc indisponsnb e aux lecte"rs i our avoir une i 'ée à peu
près CAUCe de ce que- cui.ticut une bibliothèque, le rapport récla;i.e pour
eux un manuel de bibliothèque qui traiterait des plus importants sujets dé
recherches et des princijiales branches du savoir humain, sans discussion et
par simple exposé de prim ipes avec renvoi aux d"Ciments et d ns des
articles rangés par ordre alphabétique, comme ceux d'un dictionnaire. Ces
aiticles seraient rédigés par des spécialistes croupes fous la direction d'un
éditeur, et seraient destinés surtout au commun des lecteurs; les hommes
d'étude ont en général leur bibliographie toute prête pour le sujet propre
de leur recherches.
Mais, malgré les immenses services que peut rendre un catalogue bien
fait, un contât timmédiit avec les livres, quand il est possible, est toujours
plus profit'ible au lecteur. Tel est le cas notamment pour les bibliotlièques
existant dans les établissements d'instruction. Ce te facilité laissée aux
élèves de faire eux-mêmes leurs recherches sur les rayons peut seule, de
l'avis du rapporteur, leur inspirer le désir de lire les bons ouvrages, au
lieu de s'en rapporter à un compte rendu, ou aux seules appréc ations de
leurs n aitres : c'e^t le meilleur moyen pour eux de s-- faire une opinion
personnelle et un style oriL-inal. Le rapport demande qu'à certains jours et à
certaines heures le professeur conduise ses élèves à la bibliothèque, et
qu'ofj leur fasse considérer cette adms^ion comme une faveur dont ils
peuvent être, privés le jour ou ils cessent d'en être dignes. Dans la plupart
des écoles, malheureusement, les élèves ne sont en communication avec les
livres que p ir le^cat ilouue et un ouverture aussi étroite que celle d'un gui-
chet de chemin de fer. Aussi arrive-t-il que l.i leiture la plus recherchée est
celle du journal, c'est-i-dire celle qui convient le moins à déjeunes intelli-
gences et que l'on s'étonne un peu de voir figurer dans une bib iothèque sco-
laire. Mais cette liberté, que le rapport ré.-lame pour lu jeunesse studieuse, a
pour corollaire indispensable, le cho x le plus sévère des livres. Sans parier
des livres contre la moiale qui doivent être absolument écartés, le [irofes-
seur ne doit a^lmettre sur les rayons, que, les ouvrages véritablement capa-
bles de contribuer aux progrès de ses élèves, car c'est lui qui est ici tout
désigné pour en faire le choix; la division des cours doit, autant que l'ossi-
ble servir de base à celle de la bibliothèque, chaque professeur connaîtra
mieux ainsi ce qu'il lui faut aeheter. La bibliothèque devant satisfaire à des
besoins très-variés, elle ne doit renfermer pour chaque science que les meik
leurs ouvrages; dix bons nouveaux livres qui en résument les progrès
actuels feront plus que des centaines de volumes qui ne sont plus au cou-
rant. Les brochures sont désii^nées aussi à l'attenlion des professeurs, quand
elles sont le résumé substant el de longues années d éludes.
Un cattlogue aussi imp riant; que celui des livres, c'est celui des lectures
Pour arriver à «e rendre compte le mieux possible de ce qu'elles sont, la
bibliothèque de Boston a recours à petit appareil, qui consiste en une boite
de fer blanc lon^nie de 16 p luces de large et haute de 3, divisée en 8 compar-^
timents dont 7 sont recouverts chacun par une espèce d'en'onnoir, le
huitième est ouvert et contient de petites boules ; chacun des compartiments
fermés correspond à l'issue des divisions de la bibliothèque et en porte le
titre : Actions et ouvrages pour la jeunesse, histoire et biographie, voyages,-
sciences et arts, poèmes et drames, littératuiefiançaise,l ttérature allemande,
mélanges. A chaque demande de livre, on laissn; tomber une petite b -ule
dans laças-" correspondante; les compartiments sont ouverts à la fin de la
journée, on fait le total de chacun d'eux, le résuliat est consigné sur des
registres. Nous avons dit déjà que la (endance du public est plutôt pour le»
ouvrages d'imagination; ma;s, sans vouloir proscrire les romans do peur de
— 68 —
détourner de la bibliothèque des lecteurs qui ne voudront d'abord y cher-
cher que cela, il faut chercher à en détourner le goût du public, ne pas
surtout les désigner spécialement à son attention par des catalogues com-
posés de telle façon que le lecteur les trouve tous à un seul endroit sans
qu'il soit forcé d'arrêter son regard sur des ouvrages plus sérieux, c'est la
vraiment cette tâche de professor of hroohs que doit se proposer le biblio-
thécaire.
Un annexe des plus utiles pour la bibliothèque, c'est le musée; il oilre à
l'industrie nationale et aux ouvriers qui s'y livrent les modèles dont ils ont
besoin pour se perfectionner, et certaines industries, certains arts en Améri-
que, l'architecture entre autres, ne peuvent se passer de ce secours. « Quand
les constructions de nos architectes ne tombent pas sur nos tètes, a la fran-
chise d'écrire M. Fraze, elles choquent trop souvent nos regards par leur
aspect disgracieux. Le remède à cette inféiiorité est dans une bonne éducation
artistique, dans l'habitude donnée au peufile de voir de belles choses et de les
apprécier, et les musées sont à ce point de vue de la plus grande u-ililé ; ils
rendront plus diiticile un public qui n'exige rien aujourd'hui de ses archi-
tectes, faute de rien entendre à leur art. On consacre de grosses sommes à
la création de jardins où l'on vise surtout à tlatter le regard par des paysages
gracieux, mais la }>opulation eu est privée pendant toute la mauvai?e saison,
les musées sont une ressource à ce moment. Comme moyen de réaliser celte
)dée, l'auteur du raj'port, à défaut des oeuvres originales des grands maîtres,
dont l'Amérique ne possède qu'un très-petit nombre, demande la ci'éation de
musées de copies, comme la France et l'Allemagne n'ont pas dédaigné d'en
former. Une légère augmentation de la taxe s.îolaire suffirait pour une créa-
tion de ce genre, qui attirerait bien vite à elle les legs et les libéralités privées.
Au besoin mêmes des associations pourraient fonder des musées de ce genre.
Ainsi serait comblée une lacune, qui rend pour les voyageurs les villes amé-
ricaines bien moins intéressantes que beaucoup de villes de l'Europe.
Nous ne pouvons terminer sans dire quelques mots de deux institu-
tions qui fonctionnent auprès de deux grandes bibliothèques du gouverne-
ment, celle du Congrès et celle du iMinislère de l'Intérieur, le dépôt
légal et celui des brevets d'invention. Le dépôt légal qui remonte aux États-
Unis à l'année 1790, et dont la bibliothèque du Congrès a le privilège, n'est
pas comme chez nous une meîure destinée simplement à enrichir la
Bibliothèque nationale et trop souvent dépourvue de sanction; c'est une con-
dition indispensable à remplir pour quiconque veut s'assurer [&5 droits de la
propriété littéraire; aussi certains ouvrages, pour lesquels cette propriété est
sans valeur, ne sont-ils jamais déposés. La bibliothèque du Congrès reçoit le
livre et de plus louche un droit d'un dollar par volume ; c'est là pour elle un
moyen d'accroissements et une source de revenus très-sensibles. Cette recette
s'élevait, en 1877, à 13.076 dollars ou 656,380 fr., so)t526 dollars déplus qu'en
1876. Grâce au dépôt, grâce aux riches annexions qui y ont été faites, ( 'elle
de la bibliothèque de l'Institut Smithsonien lui a apporté, en 'i 866, 40,000 vo-
lumes de sciences sans bourse délier:) elle a acquis auprixde 100,000 dollars
les 00,000 articles deli bibliothèque Peter Force, tous consacrés à l'histoire
américaine. La bibliothèque du Congrès occupe dignement le rang suprême
auquel elle a été placée. Son accroissement est des plus rapides; du chiifre de
311,097 volumes et, 60,000 brochures qu'elle comptait au I''"' janvier 1877,
elle s'est élevée à la fin de celte même année à celui de 331,118 volumes et
de 110,000 brochures.
On peut rapprocher du dépôt légal qui assure la propriété littéraire,
— Tift —
celui qui assure la propriété industrielle, celui des brevets d'invention; il a
donné naissance au Patent Office, bureau constitué par acte du Congrès du
3 mar.-i 1839, qui compte aiijourd'bui 23,000 volumes. Un autre acte de 1871
décida que loO exemplaires de la description des brevets d'invention avec
dessins seraient désormns adressés à chaque Etat pour être m s à la dispo-
sition du public, au Capitole de cet État, et de plus qu'un exemplaire serait
fourni gratuitement à touie bibliothèque qui consentirait à se charger des
frais de transport et de reliure. Enfin liuit exemplaires de la Gazelle officielle
où se publie, si nous ne nous trompons, la liste des brevet? nouveaux pris au
Patent Office, sont donnés à chaque représentant, avec faculté de répartir ces
exemplaires entre les bibliothèques qu'ils veulent; favoriser.
Tel est, au tiout de cent ans d'existence, le bilan des efforts faits par les
Américains pour le développement intellectuel de leur pays. Les résultats
sont gratins et ils ont été obtenus dins des conditions qui font honneur aux
ouvriers de cette grande œuvre. Pour elle, en eifet, comme pour le rapport
qui lui est consacré, tout a été fait par l'initiative privée ; dans le plus humble
village, comme dans la plus grande ville de l'Union, une bibliothèque n'est
née que le jour oii des citoyens, désireux de s'instruire, ont pensé que la
chose valait bien la peine de faire quelques sacrifices pécuniaires; le rôle de
l'État a été tout passif; il n'a fait qu'autoriser des levées de taxes qu'il ne
payait pas ; ks libéralités des riches ont achevé ce que l'impôt avait com-
mencé, elles y ont suppléé parfois, les bibliothèques existent partout aujour-
d'hui, elles sont riches, bien dotées, souvent beaucoup mieux logées que
dans nos États européens, et dans des bâtiments faits pour elks; et chaque
jour, à mesure que la population s'avance vers l'Ouest, il s'en fonde de nou-
velles ; tous y sont admis, et si l'on peut reprocher sous ce rapport quelque
chose aux Américains, ce n'est pas de fermer la porte aux lecteurs, c'est
plutôt de l'ouvrir trop large. Que cette liberté presque illimitée de lecture
produise de meilleurs résultats que la liberté politique absolue dont on jouit
aux États-Unis et dont elle est la conséquence naturelle, c'est ce qu'il est
permis de mettre en doute. Je compterais plus pour améliorer l'esprit de la
population américaine sur ces bibliothèques de sociétés scientifiques ouvertes
seulement à im public sérieux et désireux de s'instruire, sur celles des écoles
soumises à un choix sévère et à une surveillance, que sur ces bibliothèques
par trop publiques et ouvertes à tout venant. Le rapport vante, et avec raison,
les services rendus par les bibliothèques des prisons; il constate, autant qu'il
est possible, les résultats probables ou déjà obtenus dans les bibliothèques
ayant à quelque degré un caractère privé. 11 fait connaître dans leurs moin-
dres détiiils les grandes bibliothèques publiques, leur organisation, leur
confortable, tout ce qui peut y attirer et y retenir les lecteurs, il nous dit
comment un certain nombre d'entre eux, le plus grand nombre, nous voulons
l'espérer, apprennent à goûter peu à peu les lectures sérieuses; reste encore
à savoir quelle intluence morale peut exercer sur un peuple la lecture prise
à si fortes doses. C'est de la solution de cette question, que le rapport n'a pu
trouver encore, que dépend, en somme, l'avenir des bildiotlièques publiques
aux États-Unis etdans tous lesp.iys qui leur emprunteraientcetle organisation.
J. Vaesen.
II
M. BERTRAND ET L'ASSOCIATION SCIENTIFIQUE DE FRANCE
A l'occasion du concours des sociétés savantes des départements,
l'Association scientifique de France avait remis au jeudi 2o avril dernier
— 70 —
sa séance annuelle; offrant ainsi aux délégués de la province l'occasion
d'assister à la conférence que devait donner à la Sorbonne M. Alexandre
Bertrand. Devant ce public d'élite, le succès du savant conservateur du
musée de Saint-Germain a été complet. Ses auditeurs ont été vivement im-
pressionnas par la nouveauté des aperçus, la largeur de vues, l'élévation
d'idée qui ont présidé aux développements dans lesquels il est entré sur
les populalions priniiiives de l'Europe centrale et occidenlale aux environs du
quatrième siècle avant notre ère.
(je sujet, objet de ses étude> favorites, M. A. Bertrani l'avait déjà traité
dans son d-rnier livre qui a obtenu un si légitime succès, mais il ne l'avait
pas encore résumé avec au'aut d'autorité et de précision.
Remontant par l'archéologie à l'histoire, comblant par les découvertes les
lacunes profondes que présentent les textes, l'orateur a démon'ré qu'il étiit
possible, p ir d'ingénieuses inductions tiré' s des antiijuités exhumées des
sépulturt^s, de suppU-er dans une certaint; mesure à l'i^Miorance où, de leur
aveu même, les auteurs anciens étaient restés, jusqu'à C"sar sur l'état inté-
rieur de la Gaule et de la Germanie. Cette thèse peut soulever ilans ses dé-
tails quelques citiques ; mais, dans son ensemble, elle repose sur des
faits observés et comparés scientiliquement.
Letabeau tracé par M. A. Bertrand, avec le secours de l'archéologie, de
la Gaule, a^ant la conquête, parait donc devoir être ac.;uis à Thisloire.
Le conférencier avait ajouté à l'intérêt de sa par.ile l'attrait des représen-
tations, par projections lumineuses, d'abord d'une carte nrchéologique,
puis d'un grand dolniea, d' .n tumulus et de différentes antiquités.
M. A. Bertrand divise, ou le sait, sa carte de l'Europe occidentale et cen-
trale en deux zones, d^nt une ligne partant de la Méditerranée vers Mar-
seille, pour s'élever, en les contournant, jusque dans les pays du Nord,
indique la séparation. A l'ouest et au nord la région des dolmens, à l'est
et au sud la rét^iondes tumulus.
Les constructions mégalithiques de l'ouest caractérisent la plus ancienne
civilisation de la Gaule; nous pouvons dire la ]iremière, en ce qu'ils té-
moignent éloquemment d'une or>;anisation sociale dont aucun monument
antérieur ne peut laisser soupçonner l'existence. Sur celte civilisation,
Tantiquité garde la silence, aussi M. A. Bertiand en fait-il honneur à des
peuples innoinis. Si pendant une période plus ou moins longue, cette civili-
sation n'a disposé que d'instruments en pierre polie, elle a vu l'introduction
des métaux, elle en a développé les applications, surtout par l'emploi
presque exclusif du bronze. A ces populations en possession de cette première
civilisatii'n,on peut, à notre avis, doiiuer un nom. le nom le plus ancien que
nous aient transmis les textes, celui de Celtes. Dénomination ethnique et
géographique qui existait en ore au temps de Céser, et qui s'accorde en
plus a^ec les données anthropologiques.
Il y a donc eu en Gaule une première époque celtique.
Plus tari, l'arcliéoiogie fait apparaître une autre civilisation, dont les tu-
mulus, répandus sur la carte à l'est de la ligne de démarcation, affirment
l'existence; elle constitue une seconde phase, l'époque proprement dite
gauloise. Les éléments de cette civ.lisation, apportés selon toute vraisem-
blance par une conquête, ont plutôt pénétré l'élé lient celtique qu'ils ne
l'ont absorbé.
Les tumulus s'échelonnent en France et en Allemagne sur les deux rives
du Rliio, sur les b^rds du Danube, surtriut au sud; leur direction est de l'est
à l'çuest, la route des courants civilisateurs partis de l'Orient. Une proieç-
— 71 —
tion montre, en effet, aux auditeurs un vase sorti d'un tumulus, dont le style
absolument archaïque trahit une influence asiatique.
L'anilogie des antiquités qu'ont livrées les tumulus des deux contrées est
complète; en Allemagne même, on leur reconnaît si peu un caractère ger-
manique, que M. A. Bertrand a constaté que, dans les musées d'uutre-Rhiu
q l'il a visités avec tant de soin, elles sont désignées sous le nom d'anti-
quités celtiques ou gauloises.
Si, au point de vue de h chronologie générale, nous pensons que l'é-
poque celtique rentre dans l'évolution historique, avec l'époque gauloise,
caractérisée par les tumulus, nous sommes, sans contredit, en pleine his-
toii'e, en présence des Gaulois ou Gâtâtes des grandes invasions, affirme
M. A. Bertrand, des bandes guerrières qui descendirent en Italie, eu Gièce,
prirent Rome, pillèrent Delphes. Avec la grande épée eu fer, à pointe
mousse, qui ne frap[iait que de taille, mentionnée plusieurs fois dans les
textes, que trouve-t-on dans certains tumulus? Les fruits du butin, des
vases en bronze de travail étriisque, des vases peints dont les archéologues
compétents peuvent fixer la date.
bans la région de l'Est, il convient d'associer aux tumulus les nombreux
cimetières gaulois de la Champagne, d'une époque postérieure, que l'ar-
chéologie peut encore fixer approximativement. Les dépôts funéraires, 'l'une
signification toute guerrière, nous montrent aussi des trophées de victiires;
mais à la ])lace de la grande épée de Halstatt, une arme plus courte à pointe
aiguë, l'épée ibérique, adoptée, nous ajiprend encore l'histoire, par les Gau-
lois pendant les gu<'rres puniques.
Fidèle à notre système d'assimilation historique, nous attribuons ces sé-
pultures aux Rèmes et aux Suessions, ce qui ne veut pas dire qu'elles soient
nécessairement conlempoi-aines de César. Quelle que soii leur date, .V. A. Ber-
trand est le premier, que nous sachions, qui ait tiré de l'élude de ces cime-
tières des présomptions nouvelles et très-vraisemblables sur l'état des
envahisseurs galates, lorsqu'il l'a comparé à l'établissement des Francs, bien
des siècles plus tard. Tribus guerrières, conservant leur homogénéité, leurs
rites funéraires; nous les voyons d abord cantonnées militairement dans
certaines parties de la Gaule. Mais leur domination ne s'en étendait pas
moins surtout le pays, ainsi que de récentes découvertes sur les côles de
l'Océan tendent à le prouver; elles avaient même substitué, lors de l'arrivée
des Romains, l'influence des Equités à celle de la caste sacerdotale des
Druides.
Il fut un temps oîi l'on ignorait qu'avant ces époques, que nous appelons
celtique et gauloise, la Gaule était hal;itée. Pressé par l'heure, M. A. Ber-
trand n'a pu s'étendre autant qu'il aurait désiré sur l'âge de la pierre. Il
est loin d'en méconnaître l'importance; de même qu'il s'était appuyé sur
les dérouvertes et les ti avaux du D'' Kellep,il aurait voulu faire ressortir ave3
plus d'éclat ceux de Boucher de Perthes. de Larlet et de tant d'hommes
distingués qui ont étendu le domaine de la science et reculé le puinl de
départ de l'archéologie nationale.
Si, dans son opinion, le tmips où l'homme des cavernes vivait au milieu
des rennes est peut-être nions éloigné de nous que ne le pensent les pa-
léoethnologues, il a fait une large part à l'antiquité de l'homme contem-
porain des grandes espèces animales disparues.
Pour l'étude de ret âge perdu dans une obscurité si lointaine, la gé dogie,
la paléontologie, l'anthropologie sont nus seuls guides. Ces sciences nous
montrent la Gaule parcourue par des nomades, dont la condition, les mœurs,
Jes iustincts élaienl ceux des sauvages actuels, et qui, par conséquent, ne
doivent pas tenir plus de place dans la marche de nutre civilisation que ces
derniers n'en occupent dans le développement humanitaire générai. Aussi,
est-ce aux applaudissements de l'assemhlée que le conservateur du Musée
de Saint-Germain a terminé sa belle conférence par cette affirmation: «Que
les études préhistoriques ne changent rien aux conditions de l'histoire,
telles que les ont comprises un Polybe, un Tacite, un Montesquieu. »
H. -A. Mazard.
CHRONIQUE
Nécrologie. — M. Claude-Denis-Auguste VALETTt:,quiest mortle 11 mai 1878,
à Paris, était né à Salins (Jura), le lo mars 180o.Ce ne fut pas sa vocation de
jurisconsulte qui se manifesta la première; à neuf ans, il était reçu élève du
Conservatoire, et se montrait doué d'une faculté de musicien qu'il continua
d'ailleurs de cul liver. 11 fit ses études au lycée de Versailles, son droit à Paris,
y obtint la licence en 1827 et le diplôme de docteur en 1830. En 1831,
M. Valette publiait un factum assez rude contre la pairie héréditaire, en y
indiquant un mode nouveau de nomination d'une seconde Chambre.
Suppléant d'une chaire en 1833, titulaire de la chaire de droit civil dès
1837, il l'a occupée pendant quarante années; en 184o, il devint l'un des
diiecteurs, comme il était l'un des plus actifs collaborateurs, de la /îevue
de droit français et étranger. Les électeurs du Jura l'envoyèrent, après 1848,
aux deux Assemblées nationales. Il y fut chargé de faire les Rapports
tendant à repousser l'aboliiion immédiate des majorais; à s'opposer à la
suppression de la quotité disponible, à demander la publicité des contrats
de mariage et la suppression légale du travail les dimanches. Il y fut
chargé aussi des Rapports sur les journées de juin, sur les coalitions, sur
le duel, sur la contrainte par corps, sur la révision des procès criminels,
sur la réhabilitation. M. Valette prit surtout une part prépondérante à la
réforme hypothécaire, à laquelle il travaillait depuis 1845, comme membre
attaché à la commission, par décision ministérielle, et comme délégué de
la faculté de droit de Paris. Après 18o2, il reprit ses fonctions de pro-
fesseur qu'il n'a plus quittées jusqu'à la fin. On lui doit des ouvrages théo-
riques de premier ordre: en voici la liste chronologique : Notes au Traité
de l'état des personnes de Proudhon (1842-i3, 2 vol. in-8); — l)e l'effet ordi-
naire de l'inscription en matière de privilège sur les immeubles (1842-43, in-8);
— Jurisprudence en matière d'enregistrement (1843, in-8); — Traité des hypo-
thèques (I8i6, in-8, vol. I); — Explication du Livre I du Code Napoléon (185!),
in-8); — Cours de codecivil (1872,in-12, vol. I). M. Valette avaitélé élu membre
de l'Académie des sciences morales et politique, le 8 juin 1869, en rempla-
cement de M. Troplong. Il était président de la Société protectrice des
animaux.
— M. Pierre-Noël Martin-Doisy, mort à Paris le 19 mai, était né à
Pithiviers (Loiret), en 1794. Avoué près la Cour d'appel d'Orléans, il vint
s'établir à Paris comme avocat, en 183 4, et là s'occupa de littérature, de
politique, et surtout d'économie sociale. Il appartenait à ce groupe d'intel-
ligences actives qui joignaient la pratique à la théorie et aux études des
questions qui touchent à l'amélioration morale et matérielle de la situation
des classes ouvrières. Il fut un des fondateurs de la Société d'économie
charitable, avec son président, M- le vicomte Armand de Melun. Il prit
une part active à tous ses travaux. Il était membre du Conseil de la
Société des publications populaires dont il s'est retiré cette année à cause
de son grand âge. On était sûr de le rencontrer dans toutes les réunions
de bonnes œuvres. 11 fut nommé, en 1841, inspecteur général des étab!i-se-
ments de bienfaisance du royaume, et occupa ces fonctions jusqu'en 1870.
Parmi ces ouvrages, nous cileroDS : Coup d'œil sur la vie politique de
M. Guizot (1836, in-12); — Manuscrit de Louis XVII I^ précédé d'un coup
d'œil sur sa vie publique (1839, in-8); — Origines et fondements de la liberté,
de l'égalité et de la fraternité parmi les hommes, ou histoire de la charité
pendant les quatre premiers siècles de l'ère chrétienne, pour servir d'introduc-
tion à l'histoire des secours publics dans les sociétés modernes (1848, in-8);
— Travaux du comité d'extinction de la mendicité à la première Assemblée
constituante (1849); — Assistance comparée clans l'ère chrétienne et l'ère
païenne {lSo3); — Dictionnaire d'économie charitable {\S^6'^-i%o^, i \ol. in-8,
t. V-VIII de la troisième et dernière encyclopédie théologique, publiée
par M. l'abbé Migne); — L' Italie après la guerre, par M. Jean Fabrizi, traduit
de l'italien, et précédé d'une int'oduclion et d'un mot de réponse à M. About
(18o9, in-8) ; — L'Italie, l'Allemagne et le Congres (1860, broch. in-8) ; — Solution
de la Question romaine ri 867, broch. i-n-8); — Appela un concile acuméniqm :
Appel au Gouvernement de la Défense nationale (1870);— La Turquie à l'heure
présente (1877). — 11 a écrit dans plusieurs journaux et revues; dans le Garde
national du Loiret, des articles de politique et littérature (1830-34); dans la
Presse, lors de sa fondation par M. Emile de Girardin, des articles divers.
Il est l'auteur d'une correspondance politique adressée au journal belge
l'Émancipation, années 1848-ol. articles signés P. N. Il a écrit dans la
'Revue du dix-neuvième siècle (1833-37), des articles de politique, de littéra-
ture et de géographie; dans la Revue de Paris (1868-69) des articles de
voyage ; il a fondé avec M.Rossi la Revue française qui n'a eu qu'une existence
éphémère. A diverses époques, il a collaboré aux Annales de la charité et
il a donné, dans le Contemporain, revue d'économie chrétienne : La Charité
à Athènes [t. VIII, ioO); La Charité en Algérie (IX, 502); La Bretagne
^X, 413,702); Un dépôt de mendicité modèle à Montreuil-sous-Laon 'XU\, 348). Il
laisse en manuscrit, prêts à être publié : une traduction en vers de l'Arioste ;
une traduction en vers de diverses pièces de Shakespeare; des voyages, des
romans et ime Histoire du journalisme, 'mi^Yvom^no. par la mort.
— Le R. P. Eugène Desjardins, né le 12 décembre 1820, à Toulouse, reçu
le 21 octobre 1842 dans la Compagnie de Jésus, est mort le 6 juin. Nous
empruntons aux PP. de Backer et Sommervogel la liste considérable de ses
publications : — Le Cœur de Jésus, ascétisme et littérature (1853), Paris, Julien
/ Lanier, in-8 de a'i-o96 : cet ouvrage contient l'iconographie et la bib io-
graphie française du Sacré-Cœur. — A Notre-Dame du Mont-Roland; bouquet
spirituel offert par les enfants de Marie à leur tendre mère (1838.) Limoues,
Barbou, in-32, 64 p.); — Le Cœur de /é5!«, principe et modèle de la perfection
chrétienne, (deuxième édition, Mois du Sacré-Cœur, 1839, Paris, Lecolfre,
in-18 de xxiv-266 p.; troisième édition. Mois du Sacré-Cœur, 1869, Paris,
Palmé, de xxiv-300p.; — Rouquet spirituel offert par lésâmes pieuses au
Sacré-Cœur de Jésus (1836, 1'^ édition, sans date ni 1 eu; 2'' édition, 1837.
Limoges, Barbou, in-32, 6i p. ; 14» édition, Bruxelles, Goemaere, 1836. a
été traduit en allemand par P. E. Dosembach, en anglais et en flamand).
— Rouquet spirituel offert par les enfants de Marie à leur tendre mère,
1860. (Limoges, Barbou, in-32 de 64 p., 1'° édition, 1836, 14' édition, 1866,
Bruxelles, Goemaere); — Les douze mois de l'enfant de Marie, ou chaque mois
— 74 -
de l'année sanctifié par une dévotion spéciale (1861, Limoges, Barbou,
in-32 de 6i p., sixième édition, 1866, Bruxelles. H. Goemaere) ; — La Semaine
sanctifiée par la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, A. M. D. G. (41^ édition,
1866, Bruxelles, H. Goemaere, est firrivée aujourd'iiui à sa so xantième édi-
tion; a été traduit en quinze langues, en chinois, par le P. Brueyie); —
Les Images du Sacré-Cœur de Jésxis dans le Messager du Sacré-Cœur (1864,
t. V. p. 71, 195, 301; 1865, t. VI, p. 102); — Un chapitre de la vie de
Mgr Rendu, dans la Revue des sciences ecclésiastiques (1807, p. 364-373);
— L'Épiscopat et les lois confessionnelles en Autriche (1869, p. 229-24 i); — ;
Compte rendu de la vie de saint Stanislas, par le P. Pouget, dans l'Ami de la
Religion (t. CLXXU, p. 733-736) ; — Du beau, élude mclaphysiqve, danslesi'fwdes
religieuses, philosophiques, historiques et littéraires (1860, p. 372-402); — Le
Christianisme et le philosophisme païen (1861, p. 177-208) ; — UÉcole d'Alexan-
drie et sa lutte contre le christianisme ^1861, p. o37-1j7o); — L'Église et les
écoles ou étude historique sur une restauration des écoles au moyen âge (t. l^""^
p. 36i-404]; —De V unité italienne (p. 801-829, t. II., p. 70-80); —France et
Turquie, 1877, dans la Revue du Monde catholique, t. XXX, page 5-22; —
Encore Galilée! Polémique, Histoire, Philosophie, (1877, Pau, in-8 de 104 p,
(anonyme), 2^ édition signée, 1877, Paris, Gaume, tn-32 de 178 p.).
— M. Edouard Tricotel t^st mort à Paris le 3 décembre dernier ; il y était
oé le 20 décembre 1828. Avant d'avoir quille lei bancs de l'institution Ver-
dot, il s'es-ayait à des traductions de poésies latines, et publiait bi>-n1ôt après
de petits poëmes île sa f.)Çon. Il suivit ensuite les cours de l'école de droit,
dont sa passion piur les livres le déuuirtia quelquefois. Ce n'est qu'en 1836
qu'il obtint le diplôme de licencié en droit, et, l'année suivante, il achetait
une cliarge d'avoué dont il se démit, dix ans plas tard, pour se donner tout
entier à la littérature. On lui doit quel pies volumes de puésie, de nombreux
recueils manuscrits fruits de ses lectures, des éditions nouvelles d'ouvrages
rares et en vers, et une foule d'articles dans divers recueils. Voici l'énumé-
ration aussi exacte que possible de ses publications, qui dénotent l'ama-
teur à la recherche de la curiosité plus que de la science saine et utile.
Tableau et Gtorges, poëmes publiés dans le Mousquetaire. d'Alexandre
Dumas (21 et 2i décembre 1854) ; — Les Heures de poésie (1837); — Mariage
de Colomhine, jioésie (1868). 11 a édité Sandrin (Bruxelles, Gay, 1863); — la
traiiuction du livre de Matheolus (1864) ; — les Sati7'es de Dulorens (1868). Il a
collaboré à la publication îles trois premiers volumes des Mémoires de l'Estoile,
de la satire du Tigre, donnée par M Cb. R-^ad (Paris, Jou^uit). 11 a donné
le premier volume d'une nouvelle édition de la Saii're Mciiyppée (1877, Pdris,
Lemerre), et achevait, au mimant de sa mort, les note> sur les œuvres dQ
Chulière-, destinées à la colleclion des conteu'S de L. Jouaust. Il était le
principal collaborateur de la Bibliothèque det pièces rares, curiosités et singula-
rités historiques et littéraires, principalement des seizième et dix-septième siècles,
que lioit publier lé liteur A. CUuiinet pour laquelle il avait préparé [dusieurs
pièces. Li'S lecueils périodiques auxquels il a collaboré sont ; le Bulletin du
bibliophile, l'Amateur d'autographes, Y Ami des livres, l'Intermédiaire des cher-
cheurs et curieux, le Chasseur bibliographvjue, l-^s Archives du bibliophile, la
Gazette bibliographique, le Bulletinde li Société de l histoiredii protesiantisme.Une
partie de ses article^ a été réunie en un vol.ime : Variétés bibliographiques
(1863, Pnris, Gay). Ses recueils niinuscrils contiennent d>s Notes et études sur
les poètes français, depuis les premiers temps, jusque et y compris le dix-neuvième
siècle (4 Vol.). Ou y trouve la liste des poètes f.ançus dont Cdletet avait écrit
la vie dans le manuscrit de la bibliothèque incendiée du Louvre. — Mar^us-
1
— 75 —
çritf de la Bibliothèque nationale. Poésies, inventaire et dépouillement des
piè:es de poéues contenues d-ms les recueils manuscrits des diver;» fonds de
la Bibliothèque ualioa-ile. — Rec-ueil de poésies historiques et satiriques, prin-
cipalement des quinzième, seiz è ne et dix-septième siècles, copiées par
M. Tricote! sur les manus:rits et imprimés rare^ des colle :1iins publiques et
jiarliculièrfs, 22 vol. in-4, conienant près de cinq mille pièce?, tirées des
recueils des tiiblioibèques de l'Arst^nal, Mazirine et iN'alionale. — Notes sur les
poêles français des seizième et dix-seplième siècles; mîtes classées par ordre
alpbaliéiique tt par personuage3,avec l'indicalion (tes sources àconsulter,une
aniliologie des poëes français des seizième et dix-septième sièJr;s, le dépouil-
lement des poésies iudiipiées dans la Bililiothèque française de li Crois de
Maine et du Verdii^r, li liste des vies écdte^ par Colletet et la copie de quel-
ques-unes. — Étudessur les poètes du temps de Louis KHI, traviil inachevé. —
Mélanges (7 vol. in-4), analyses, extraits de copies de pièces rares et notam-
ment de plusieurs Vies des poètes français de Colletet. — Noies et études sur
les prosateurs français et les écrivains étrangers (2 vol. in-i). — Une biblio-
graphie de-i livres relatifs à la galanterie. — Une bibliographie curieuse (14 vol.
in-4), relative à ])lus d- 20,000 ouvrages. Tous ces recueils ont éié adjugés
aux eucbères, dans la venle de se^ livres qui a eu lieu les 20-24 mai, à des
amateurs qui sauront les conserver et même en tirer parti jiour la science.
— M. Fiédéric André Ahnaud (de l'Ariège), né à Saint Girons (Ai iège), le
§ avril 1819, est mort h Versailles le 3.) mai 1878. Avocat à Paris, au moment
de la Révolution de février, il entra à cette époque dans la carrière politique
et fit part e de la Cimstitiiante et de l'Assemblé- lègslative. Rentré dans la
ie privée après le coup d'État, il reparut sir la scène quand l'Empire eut
disparu, et fut meriibre de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il était un des
ares représentants de ce qu'on pourrait appeler la démocratie catholique,
a écrit : Programme poUlique. A ses conciloyens deVAriège (181:9, in-8 ); —
l'Indépendance du Pape et les droils des peuples (1860, in 8) ; —La Papauté iem-
orelle el la nationalité italienne (1860, broch. in-8); —L' Italie (1864, 2 vol.
n-8); — La Révolution et l'Église (1860, 2 vol. in-8); — La Révolution de
1869 (1869, broch. in-12). — Il a traduit de l'itilien les Mémoires sur l'Italie,
de Josepti M.mtanelli. 11 avait collaboré à YÈre nouvelle de Lamennais.
—M. Henri Cantel est mort à Saint-Oiien (Seine), dans le mois de juin, à
'âge de cinquante-trois ans. Il était né à Paris en 1825.11 avait donné, dans
la Revue des Deux Mondes, pksieurs poésies : Stances à M. Alfred de Musset
(1" août 18o4); — L'Amour el la Mort d^'' juin 1860); — La Nuit des Morts
(15 décembre 18Hj); — Nuits d'Orient {l" oc obre 1862); et deux nouve.les :
Le Prince Domenli, scènes de la vie géorgienne[[ " août 1 862), — et Héraclé (1 5 juil-
et 1863).— Dans le Correspondant : Émeraude, scènes de la vie géorgienne, nou-
velle (2o février 1867). — 11 a aussi collaboré au Moniteur universel. On lui
doit, en outre : Impressions et visions, poésies (1839, in-12); — 5on Mouchoir,
poème galant (18118), et les Poèmes du souvenir (1876).
— M. Gustave Drouineau, né à la R ichelle en 1800, vient de mourir au
mois d'aviil dans une maison de santé de la Charente-Inférieure, où il
était enfe.mé depuis quarante-trois ans, c-i qui explique que certains dic-
tionnaires biographiques l'aient fait mourir depuis 1835. Il embrassa
d'abord la carrière de l'enseignement; il a été firofesseur au collège de
Çivray (Vienne). Puis il vint à Paris où l'attirait son goût pour la 1 ttéra-
ture; il fut entraîné itans le mouvement politiq le, et prit une part active
à la Révolution de 1830. C'est de cette ép que que datent les premiers
symptômes d'aliénatipn meutale qui inquiétèrent ses amis. 11 se crut
appelé à régénérer le monde et fonda une secte qui n'eut qu'une courte
existence. I.e coup fatil lui fut porté par l'insuccès de son Don Jaan d'Au-
triclie à la Comédie-Française (1834). Il avait débuté par une Épître à Casimir
Delavigne ( ! 823) ; — Épflres à quelques po'ètcs panégyristes (1 82i) ; — Trois nuih
de Napoléon (1826); — Rianzy, Iragédie (182G); — L'Écrivain public, drame
(1828); — V Espion, drame (1829); — Erncsl, roman (1829); —Le Soleil de la
liberlc, stances (1830); — Françoise de Hiini ni, dvame (1830); — Le Mamis-
crtï re/'f, roman (1831); — Résignée, roman (1833); — Les Ombrages, contes
(1833); — L'Ironie (1833); —Confessions poétiques (183.3).
— M. l'abbé F.-J.-F. Fortin, arcliiprêtre de la cathédrale d'Auxerre, est
mort à rage de quaire-vingt-douze ans. Il était l'auteur d'Homélies sur les
évangiles de tous les dimanches de Vannée (18o2, 2 vol. in-12) ; — Sermons
de paroisse pour les différents temps de l'an7iée{18ô'6, 2 vol. in-12); — Souve-
ve7iirs (l86o, in-12); — Souvenirs, 2^ partie (1867).
— M. Pierre-Marie-Philippe-Aristide DRNFERT-RocHERF.AU,néà Saint-Maixent
(Deux-Sèvres), le H avril 1823, est mort à Versailles le 11 mai. Ancien élève
de l'École polytechnique, colonel du génie, membre de l'Assemblée nationale
en 1871, puis député, il doit sa renommée à la défense de Belfurt pendant
la gueiTe. C'est sous son contrôle que l'histoire en a été écrite en 1871, par
MM. Ed.Thiers et S. de La Laurentie : Histoire de la défense de Bel fort, écrite-
sous Iccontrôle du colonel D en fer l- Rocher eau, avec cartes et plans (1871, in-8.
Le Chevaliei^). 11 a publié, dans la Revue d'architecture, un Mémoire sur les
voiites en berceaux (!8o9). Il a donné à la Revue politique ci littéraire : Droits
politiques des militaires (13 déc. 1873); — La Liberté d'écrire dans l'armée
(2 mai 1874).
— M. Jacques Maisstat, né à Nantua le 23 mars 1805, est mort dans sa
ville natale, au mois de mars. Il était conservateur des collections de la
faculté de médecine de Paris, et avait représenté le département de l'Ain
à la Constituante et à la Législative. Élève du collège de Nantua et des
écoles de Lyon. Montpellier et Paris, il fut reçu docteur en médecine en 1838,
et fut appelé à la faculté de médecine de Paris parOrfila, en 1847, comme
conservateur adjoint des cabinets de la faculté : il obtint, en 18o2,le titre de
conservateur en chef. On a de lui : Eludes de physique animale, (1843); —
Lois générales de V optique ({'è'i^); — Notions statistiques sur la Bresse et
la Dombe (ISol); — Recherches historiques sur les guerres des Gaulois contre
les Romiains : tome I" Annibal en Gaule; t. II et suivant, Jules-César en
Gaule (1866-1878, 4 volumes in-8).
— Lord John Rdssel, célèbre homme d'État anglais, est mort à Londres
le 28 mai. Il était né le 18 avril 1792, et était le troisième fils du duc
de Bedford. 11 fit ses études au collège de Sunbury et à l'Université d'E-
dimbourg,où il eut pour maître Dugaid-Siewart. Aussitôt après, il voyagea
sur le continent et revint en Angleterre à sa majorité pour siéger au par-
lement en 18)3. En 1833, il eut un portefeuille de ministre, et depuis il a
été souvent appelé à une paît active dans la direction de la politique
anglaise. Son nom restera attaché à la réforme électorale Reform bili, voté en
1832 et au traité de commerce avec la France en 1860.11 ne nous appartient
pas ici d'apprécier snn rôle. Nous avons à signaler de lui: La Nonne d' Arronca,
roman; — Don Carlos, drame représenté en 1822; — Lofeof Williams, lord
Ritssel {Vie de William Russcl) (London, 1813) ; — Shelches, by a gentelman
{Esquisses); — Essay on the brilish constitution traduit en français par
Charles Bernard-Derosne (1863, Denlu, in-8) ; — Memoirs on the affairs of
Europe from the peace of Utrech (1824-1823); — Establishment of the Turhs in
Europe (1827); — The causes uf the frencli Revolulion (1832); — Sélections from
Ihecorrcsponclcnceof John Dul<e of Dcdford (1843-1846); — Memorials and cor-
respondence of Charles Fox (18i)o) ; — The lifc and Urnes of Charles James Fox
3 vol. (1859-1866); — Mémoires, journal and cor respondence of Ihe Th. Moore,
8 vol. (18b4). — Il a écrit anssi àes Esquisses de mœurs ; LcUrcs ccriles jwur
la posle et non pour la presse, correspondance politique fictive datée de 1820.
Il a publié beaucoup de volumes de circonstance dans les dernières années
de Si vie, et réuni en deux volumes uu choix de ses discours. Il a fait pa-
raître, en 1875, les Souvenirs de 1813 à i873, dont la préface est datée de
1874 : Recollcctions and suggestions, traduites en français, en 1876, par
M. Bernard-Derosne (in-8. Dentu).
— Le comte Julien-Xavier Struty.xski, mort à Saint-Pétersbourg, le23 avril,
a eu une existence agitée, comme beaucoup de Polonais de sa génération.
Appartenant par sa naissance aux premières familles du jrays (sa mère était
née princesse Lubomirska), ses parents le destinaient à une carrière diplo-
matique, mais par goût il embrassa de bonne heure l'état militaire, et fit
la guerre au (Caucase comme aide-de-camp du général Naihaidt. Après des
années, il se trouva attaché comme aide-de-camp au gouverneur général
de Ivieff, le comte Bibikov. C'est alors qu'il publia un volume de poésies,
intitulé : les Nuages de Vavenir (Vilna, 1838) et quelcjues essais en français,
comme : Lydin, les Destins et les inspirations spirilualistes, etc. Vinrent en-
suite : Winltopellc, prince de Pomcranie, roman (Pétersbourg, 1840), et
Études historiques et géologiques sur le Caucase (Berlin, 18571. Les événe-
ments de 1863 le forcèrent d'émigrer, ses biens furent confisqués, il se
réfugia en Galicie, et finit par se fixer à Cracovie. — ■ C'est là qu'il se fit
connaître, sous le nom de Berlioz Sas, comme écrivain de beaucoup de
verve et de talent oiiginal. Il appartient à I école du comte Henri Rzewnski,
dont les écrits, très-populaires en Pologne, tiennent, pour ainsi dire,|le
milieu entre le roman historique et le mémoire. Ses principaux ouvrages
sont : La Castillane de Froki, Moscou, Causeries, Les deux grand'mamans,
le Caucase, la Volhynie, V Ukraine et la Podolie; Scènes de la vie d'un chasseur,
le Caléidoscope, Une page de souvenirs, Deux évécpues, Messire Jéremie (manus-
crit), etc., etc. Ayant obtenu la permission de se rendre en Russie, pour y
revendiquer une succession, il succomba à un mal de cœur c|ui le rongeait
depuis longtemps. Il était âgé de soixante-huit ans. La dernière pièce de
poésie cjuil envoya à ses amis contenait cette pensée que, chez lui, l'ànie a
brisé le corps, la lame a usé le fourreau.
— i(I. le pasteur Napoléon Roussel, qui joua un rôle dans l'histoire des
récentes variations des Églises pi'otestantes françaises, il y a cjiielques
années, vient de mourir à Genève. 11 était né à Sauve (Gard\ en 1805,
et fut successivement pasteur à l'église calviniste de Saint-Etienne, à
.Marseille, en Algérie, à Lyon, et antérieurement à cette résidence, à Paris,
où il rédigea pendant deux ans le journal VEspcrance. Controversiste
fécond et de tempérament ardent, il avait parcouru et « apostolisé » le
Limousin, et fondé, dans la Haute-Vienne, douze églises protestantes et
autant d'écoles qui lui ont d'ailleurs survécu. 11 est rentré dans la vie
privée en 1868, après avoir exercé alternativement sa prédication à Cannes
et de nouveau à Paris. — Nous citerons, de la très-longue liste de ses publi-
cations, les ouvrages suivants : Prédications chrétiennes (1835, in-8); —
Scènes évangeliques (.1840, in-8); — Mémoires d'un écolier (1841, in- 18, avec
vi,c;n.); — A mes enfants (l&4l'-1844, 3 vol. in-16); — Le Culte domestique
(1843, o vol. in-lti); — Mon (oui- du lac Léman (1843, iu-12); — Élans de
— 78 —
l'âme vers Dieu (1852, gr. in-8); — Trois mois en Irlande (1853, iû-18)-, —
Les Nations catholiques et les nations protestantes comparées sous le triple
rapport du bien-être, des lumières et de la moralité (185t, 2 vol. in-8); —
Notes explicatives et pratiques sur les Évangiles (i82o, 2 vol. in-8); — Le
Culte du dimanche (18oo, 2 vol. gr. in-8); — Les Animaux (18G2, in-8): —
L'Arc en ciel, récils et gravures de toutes les couleurs (lxG2, in-8, avec 5 pi.);
— Plus de surnaturel, donc plus de Dieu (1864, iQ-32); — A l'école des fourmis
(1864, in 12); — Les deux Jésus, celui de M. Renan et celui de l'Évangile (186i,
ia-32); — Aux libres penseurs (1865, in-32); — Vautre monde (1866, in-32i;
— Dieu dans l'univers. Les Abeilles {\Sf)l, iri-l2); — A mes grands-enfants.
A mes petits-enfants (1869, 2 vol. ia-12); — Mémoires intimes d'une jeune
fille (1869, in- 18); — Petit théâtre de V enfance ou leçons de morale en
action (1869, 3 vol. in-18); — Dieu, Conscience, Avenir (1872, in-i8).
— Le poète américain William-CuHen Bryant vient de mourir à l'âge de
quaire-vingt-quatre ans, à Rosljn, près de New Yoik, où il demeurait. Bryant
était né dans lu Massachusetts, en 1794, et sa précocité poétique fut telle qu'à
moins de quatorze ans, en 1808, il avait fait imprimer L'Em Targo, et la Révo-
lution espagnole, deux poëmes, dont, le premier, une satire, eut une deuxième
édition 11 étudia le droit, en sortant du collège, et. vers 1813, il se fit inscrire
an barreau; pendant dix an«, il plaida, à Plainfield et à Great Barrington. Il
n'en donnait pas moins, en 1816, dans la « North American Review, » un
poème tn vers blancs, dont on a loué l'élégance et l'haroionie, Thanatopsis,
suivi, en 1821, de celui de Phi, Bêla, Kappa, et d'une allégorie des Siècles,
célébrant l'alliance de la liberté et de la civilisation. — Le poêle était allé
s'f tabUr, en 1823, à New York, et y fonder un Magazine, réuni presque
aussitôt, au bout d'une année, à VUnited States Review and lilterary
Gazette; là parurent ses meilleures pièces : la Mort des fleurs, le Guerrier
déterré, etc. 11 fut depuis successivement rédacteur de la Monthhj Review,
et du journal quotidien VEvening Post, qu'il dirigea seul de 1836 à 1830,
et à laquelle il n'avait pas cessé de collaborer, en même temps qu'à d'autres
recueils périodiques; trois années durant, il avait publié, en outre, un
annuaire littéraire, le Talisman, avec Sands (1827-1829, 3 vol.). — Ses
poésies ont été recueillies en volumes en une première fois en 1829; en un
deuxième volume en 1832; un troisième parut en 18i3; enfin une édition
complète de ses travaux poétiques en 18o8, New York, in-8. Plus récemment,
Bryant traduisait V Iliade. — Bryant avait visité l'Angleterre (1834;, la
France, l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, la Terre-Sainte '1833); il avait
conservé et fait paraître les notes de ses excursions sous le titre de : Lettres
d'un voyageur en Europe et en Amérique.
— On annonce encore la mort, à Constantinople, du célèbre voyageur M.\c
Gahan, l'émule de Stanley, comme lui longtemps corresnondant du New
York Herald, qui fit toute la campagne russo-turque comme correspondant
du Daily-News ; — de M. Eugène RoLLAi\n, rédacteur en chef du Messa-
ger de Paris, mort le 13 juin; — de M. de Moxforaxd, rédacteur en chef dé
L'Appel au peuple, ^onmal du Gers; — de M"« Fanny Thibault de la Guichar-
DlÈRE, auteur des Essais d'une lyre bretonne et de Fleurs d' Ar modique, à
Dinan, à l'âge de quatre-vingt-huit ans, dans le mois de juin; — de M. le
général Charetox, ancien député de la Drôme à l'Assemblée nationale, séna-
teur inamovible et président du comité des fortifie lions, né à Moniélimar,
le 8 juillet en 1813, moit à Paris le 13 juin, auteur d'un Projet motivé de
réorganisation de Vétat militaire de la France (1871, in-12, l'lon\ écrit pen-
dant Sun internement à Wiesbaden; — de M. Paul Buculle, avocat, rédac-
• — 79 —
teu^ de \a. Démocratie francomtoise, mort à Besançon; — de M. Paul Duplan,
ancien représentant du peufile, né à Bourges en 1807, qui avait publié, en
IS(J2. Défense générale de la France, Établi ssemenls mililaires à Bourges ; —
de M. le bjron Malouet, conseiller à la Cour des com[)tt>s, mort à Paris
au mo s de mai, qui a publié les mémoires de son grand-|ière : Mémoires de
Malouet publiés par son petit-fils le baron Malouet (1868, 2 vol. in-8).
Institut. — Académie française. — Dans sa séance du 13 juin, l'Académie
française a procédé à l'élection de deux membres en remplacement de
M. Thiers et de M. Claude Bernard, décédés. M. Henri Martin a été élu par
18 voix, contre 15 accordées à M. Taine et 1 à M. Wallon, pour le fauteuil de
5f. Thiers. M. Ernest Renan a été élu par 19 voix, contre 15 accordées à
M. Wallon, pour le fauteuil de M. Claule Bernard.
— Dans sa séance du 27 juin, l'Acidémie a renouvnlé son bureau, qui se
trouve ainsi composé pour le troisième ttimestre: M. Victor Hugo, directeur;
M. Victorien Sardou, chancelier.
Académie des sciences. — Dans sa séance du 10 juin, l'Académie a élu cor-
respondant dans la section de chimie, M. Lecoq de Doisbiudi-an,en rempla-
cement de M. Malaguti, décédé.
Dans sa séance du 3 juin, l'Académie a nommé membre, dans la section
de phy-ique, en remplacement de M. Antoine Becquerel, décédé, M. Cornut,
professeur de physique à l'École polytechnique, par 37 voix, contre 11
données à M. Mascart, 6 à M. Leroux et 2 à M. Quet.
L'Académie des sciences, dans sa séance du lundi l^r juillet, a élu
M. Friedel, ingénieur des mines, membre de la section de chimie, à la place
de M. Regnault, décédé. Au premier tour de scrutin, les suffrages ont été
ainsi répartis : M. Friedel, 25; M. Cloëz, 18; M. Troost, 14. Au second,
M. Fiiedel,30; M. Troost, 14; M. Cloëz, 13.
Académie des beaux-arts. — L'Académie des beaux-arts, dans sa séance du
27 avril, a décerné le prix d'arciiitecture Duc à M. François Boitte, auteur du
tombeau du général de Lamoricière.
Observatoire de Paris. — Par décret du 27 juin, M. le commandant
Mouchez, membre de l'Académie des sciences et du Bureau des longitudes, a
été nommé pour cinq ans directeur de l'Observatoire en remplacement dô
M. Le Verrier, décédé.
M. Lœwy, me:nbre de l'Académie des sciences et du Bureau des longitudes
a été nommé sous-directeur.
Faculté des lettres. — .M. Ernest Denis, ancien é!ève de l'École normale
supérieure, agrégé d hi-toire, a soutenu, le7juin, devant la facullé drs lettres
de Paris, ses deux thèses pour le doctorat. Les sujets étaient: Antonio Marini;
— lluss et la guerre des Hussiles.
— M. Raymond Dumas, anc en élève de l'École normale, a soutenu à Paris le
22 juin, sts thèses pour le doctorat es lettres. Les sujets étaient : Scipio Mof-
feius; — Marini, sa vie, son temps.
—M. l'abbé Montant, ancien élève de l'École des Carmes, professeur au petit
séminaire de Paris, a soutenu, le 3 juillet, à Paris, ses thèses pour le doctorat
es lettres. Les sujets étaient ; i)e ratione qua chrisliani theologi linguani
grsecjrum philosopkorum susb philosophiée accommodarinl; — Revue critique de
quelques questions historiques se rapportant à saint Grégoire de Nazianze et à
son siècle.
Congrès. — L'Asspmblée générale de l'œuvre des Cercles catholiques d'ou-
vriers s'est tenue à Paris, les o-9 juin. De nombreux membies de l'œure
étaient venus de tous les i>oints de la France apporter leur part de rensei-
— 8U —
gnements, demander des avis, exposer ce qu'ils ont fait.et ranimer leur zèle au
contact de celui de leurs confrères. Lesquestions qui ont le plus occupé l'assem-
blée sont celles qui touchent directement aux cercles, leur création, leur exten-
sion,aux commentaires des règlements. D'autres questions plus générales ont
été l'objet de discussions intéressantes, notamment celle des associations profes-
sionnelles devant tenir dans notre société moderne la place de l'aucienne cor-
poration..\ous pouvons ajouter qu'une part a été donnée à la Société Biblio ■
graphique et à ses publications. Un admirable discours de M. le comte Albert
de Mun, très-net et très-ferme dans ses déclarations, a terminé la réunion.
— L'Assemblée des catholiques s'est tenue la semaine suivante 1! -la juin,
sous la présidence de M. Chesnelong. Ses travaux ont été répartis comme de
coutume entre un certain nombre de commissions : Œuvres de prières, Œu-
vres pontificales, Enseignement, Œuvres en général. Économie sociale, Presse,
Art chrétien, etc. Le compte rendu devant être publié, nous n'anal3'serons
pas ses travaux. Nousciteronsseulementquelques-unsdesrapportsquiont été
produilseu séance publique : de M. Baudon, sur les universités catholiques; de
M.Maurice Aubry. sur les écoles professionnelles; de M. de Ribbe, sur les
livres de raison ; de M. Carron, sur l'aumônerie militaire ; de M. le comte
Yvert, sur le denier de saint Pierre ; de M. L. Gossin, sur l'enseignement
agricole. La Commission de la presse, présidée par M. de Beaucourt,
a appelé l'attention des catholiques sur des ouvrages importants par leur
intluence; M. l'abbé Duchesne a fait un rapport sur le troisième volume de
la Roma sotleranca cristiana de M. de Rossi; M. l'abbé Variot, sur la Bible et
les découvertes modernes en Égyple et en Assyrie, par M. l'abbé Vigourou ;
M. Max. de la Rocheterie, sur le deuxième volume de M. Taine, des Origines
de la France moderne ; M. le baron de Chamborant sur les Convulsions
de Paris, de M. Maxime Du Camp. Signalons aussi des discussions sur les
questions suivantes : des journaux, des almanachs, d'une agence télégraphique
catholique; des rapports sur la nécessité de s'inspirer des enseignements
pontificaux tant dans la vie sociale, que dans les écrits que l'on publie, sur
l'importance pour les catholiques de posséder soit pour eux, soitpour répandre
et faire connaître autour d'eux, les ouvrages doctrinaux émanant tant du
Saint-Siège que de nos seigneurs les évêques, documents que l'on parcourt
dans les journaux, mais qu'on lit peu et qu'im ne retrouve pas quand on en
a besoin.
— Le Congrès Bibliographique international, organisé sons les auspices de
la Société Bibliographique, a tenu ses séances du 1^'' au 4 juillet. Ouvert par
son président, M. le comte de Champagny, le lundi matin i", il a terminé
ses travaux le jeudi 4 au soir, par une séance solennelle où. après une allo-
cution de réminent académicien, d'éloquents discours ont été prononcés par
MM. de Lapparent, professeur à l'Université catholique, et Léon Gautier.
Dans l'impossibilité où nous sommes de passer en revue tous les travaux du
Congrès, lesquels seront réunis en un volume, nous donnons ici l'indication
des travaux communiqués aux première et troisième sections.
Première section, — Mouvement scientifique et littéraire. — Droit : M. B.
Terrât, professeur à l'Université catholique de Paris. — Philosophie et
morale : le R. P. Tondini. barnabite, et M. Antonin Rondelet, prolesseur à
l'Université catholique de Paris. — Science sociale : M. Claudio Jannet, pro-
fesseur à l'Université catholique de Paris. — Géologie : M. de Lapparent,
professpur à 1 Université catholique de Paris. — Anihropologie et études
préhistoriques : M.Adrien Arcelin, archiviste-paléographe. — Linguistique
et philologie : M. d'Arbois de Jubainville, correspondant de l'Institut. —
— 81 —
Liltéralure ancienno : M. Charles Huit, professeur à l'Université catholique
de Paris. — Littérature française du moyen âge en général : M. Marius
Sepet. — Littérature épique du moyen âge : SI. Léon (iautier. — Littératures
du Midi : M. le comte de Puymaigre. — Littératures Scandinaves : M. Beau-
vois. — Littératures slaves : le Pi. P. Martinov, de la Compagnie de Jésus. —
Littérature franco-canadienne : M. Hameau. — Géographie et voyages :
M. Alexis Delaire, ancien élève de l'École polytechnique. — Antiquités
chrétiennes des premiers siècles: M. l'abbé Duchesne, professeur à l'Uni-
versité catholique de Paris. — Sources de l'Histoire de France : M. J. Yaescn,
archiviste-paléographe. — Histoire de la Révolution française : M. Maxime
de la Rocheterie. — Histoire de l'instruction primaire en France : M. l'abbé
Allain. — Épigraphie : le R. P. Thevenat, de l'Oratoire. — Hittoirc des con-
grès : M. le comte de Marsy.
Périodiques français et des pays de langue française : M. J. de Bcrnon. — ■
Périodiques anglais : M. Gnst;jve Masson. — Périodiques italiens et espa-
gnols : M. le comte de Puymaigre. — Périodiques russes : le |{. P. Martinov,
— Périodiques polonais : M. Bronislas Zaleski. — La Presse en Angleterre :
M. de Bcrnhardt. — La Presse en Allemagne : M. Reichembach.
Troisième section. — Bibliographie proprement dite. — Bibliologie, Sys-
tèmes de classement, Bibliographies générales collectives : M. F. Escard. —
Bibliographies périodiques nationales contemporaines : M. (1. Pawlo^vski. —
Bibliographies nationales collectives : M. l'abbé U. Chevalier. — J5ibliogra-
phies générales ou nationales par spécialités. (Bibliographie des Beaux-Arts,
Bibliographie de la Gaule, Répertoire de l'abbé Chevalier, etc.) : M. G.
PawJowski. — Revues critiques de bibliographie : M. Ch. Dejace. — L'Indi-
cateur de la Presse en Russie : M. Léouzon le Duc. — Monographies biblio-
graphiques individuelles, (Bibl. moliéresque, cornélienne, dantesque, etc.):
M.G.Pawlowski. — Mouvement de la production depuis dix ans dans les dif-
férents pays : M. E. Babelon. — La conférence des bibliothécaires de Londres,
en H77 : M. le comte de Marsy.
Concours. — L'Académie do législation de Toulouse, dans ?a séance du
"26 mai, a décerné à M. Antony Roulliet, avocat, a Paris, lauréat de l'Institut,
ancien conseiller de préfecture, une médaille de 100 francs, prise sur le prix
de oOO francs donné par la ville; le sujet, mis au concours était : Étude sur
la vie et les travaux de M. Ortolan, criminaliste fiançais; — Elle a pnrtagé
le prix du conseil général entre MM. Pérouze, avocat, à Lyon tt Léon Smith,
de Paris. Le sujet était : une étude théorique et pratique sur le principe et le
fonctionnement des juridictions administratives. — Le yirix de l'Académie
pour le concours spécial des lauréats universitaires a été décerné à M. Darbon,
docteur en droit, av^ cat du barreau de Toulouse, récemment décédé, pour
Fon mémoire sur les dernières années du Parlement de T.)ulouse. — Le prix
fondé par le ministre de l'Iastruction publique (300 fr.) a été décerné à
M. Fournier, lauréatde la faculté d(! droit de Paris, pour l'année 1876, pour son
mémoire sur les droit des auteurs, de leur:; héritiers ou ayanls-causc.
— La Société Bibliograghique, dan-; son assemblée générale du 27 mai, a
décerné à M. Hippolytc Blanc le prix de 1,500 francs pour le concours qu'elle
avait ouvert en 1876 sur cettequestion: « Établir la bibliographie complète, le
catalogue raisonné de tous les documents, livres ou pièces d'archives, relatifs
à l'histoire des corporations ou confréries ouvrières (lepuis leur origine jus-
qu'à 1789. »
— La Socicta Realc di Napoli (Académie des sciences morales et poliliques)
a mis au concours un prix de 700 franc, qui sera décerné à l'auteur du
Juillet 1878. T. XXIIL G.
— 82
meilleur mémoire sur le sujet s-ivant : <' Le mouvement de l'esprit philoso
phique najolilain dans ses principes et ses application', du seizième au dix-
neuvième siècle, depuis Tolesio, Bruno et Campanella, jusqu'à la publication
de la Scienza nuova. » Le concours est ouvert aux écrivains de toutes nations;
les mémoires devront être rédigés en italien, en latin ou en français.
Société Bibliographique. — La Société Bibliographique a tenu son assem-
blée générale annuelle, le 27 mai, sous la présidence de M?'' Isoard, auditeur
de Rote, membre de la Société. La sénnc; a été occupée par un rapport de
M. de Beaiicourt sur les travaux de la Société et ses développements, par
un rapport fiiiancier de M. Nœtinger, par un rapport de M. Léon Gautier sur
le concours ouvert en 1876, et par une allocution du président. M. de Beau-
court a constaté que la Société, commencée avec 27 membres titulaires et
53 associés-correspondanis, compte aujourd'hui trois mille deux cents socié-
taires. Il a fait connaître les différentes publications qui sont venues augmen-
ter ses collections et surtout le développement pris par les tracts à l'occasion
du centenaire de Voltaire. Dans fon allocution, i'sr Isoard a fait ressortir
l'importance de la presse à notre époque et les services qu'elle peut rendre
à la cause de la vérité et de la religion.
Société de l'Orient latin. — La Société de l'Orient latin a tenu, le 22 mai,
sa quatrième séance générale, sous la présidence de M. Eugène de Rozière.
Après avoir entendu le rapport annuel de M. le comte Riant, elle a décidé
que, celte année, seraient distribués les volumes suivants : Binera latina I.
ILVBelli sacri scrii)tores minores I, et que quatre nouveaux volumes seraient
mis sous presse dans le courant de l'année : Itinera latina III, éd. M. le D'
Thomas-, Itinéraires français I sacri scriptores, 1187-1291, éd. M. Miciielant;
V Belli sacri scriptores minores II, éd. le D' R. Rohricht; Récit vei^sifié de la
i'' croisade d'après Baudry de Dsl. , éd. M. Paul Meyer. — Elle a procédé ensuite
au renouvellement de son Comité de direction et réélu M. le marquis de
Vogiié, président; M. Ch. Schefer, vice-présideui; M. le comte Riant, secré-
taire; M. le comte de Marsy, secrétaire adjoint; MM. de Barthélémy, Egger,
comte de Mas Latrie et Eugène de Rozière, commissaires.
Lectures faites a l'Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans la
séance du 7 juin, M. E. Renan a f^it une communication sur les papyrus
araméens provenant d'Egypte, que posi^èJe la Bibliothèque nationale.
M. Léopold Delisle a communiqué une note sur les monuments wisigothiques
de la Bibliothèque nationale. — Dans la séance du 14, M. de Wailly a lu une
note à l'occasion de l.i découverte par M. Miller d'un texte du treizième siècle
relatif à diverses susceptions des reliques de la Passion. M. Wallon a donné
lectuie d'un mémoire de M. Th. -H. Marlia sur le système astronomique de Pto-
lemée. M. François Lenormant a continué la lecture de sonmémoiremr les ma-
gistrats monétaires chez les Grecs. — Dans la séance du 21, M. Léon Renier a fait
une communication au sujet d'une inscription trouvée à Philippeville et dont
M. Cherbonneau avait envoyé l'estampage. M. Renan a présenté une note de
M. Clermont-Ganneau sur une insciiplion de Bosra. M. de Rozière a lu un
nouveau mémoire de M. Finot sur la Bourgogne cis-juranne. — Dans la
séance du 28, M. Edmond Le Blant a fait une communication sur une coupe
en bronze étamô encore inédite. M. Léopold Delisle a fait connaître que la
Bibliothèque nationale venait de s'enrichir d'un exemplaire complet de la
collée ion chinoise den livr^ s canoniques boudhiques composée de 1,612 vo-
lumes et de plusieurs acquisitions faites à la vente Firmin-Dilot. M. Erne-t
Desjardii salu, au nom de M. Tissot, ministre de Fiance à Athènes, un mémoire
— 83 —
relatif à une inscription militaire, découverte en Tunisie par M. Duveyrier en
1860.
Lectures faites a l' Académie des sciences morales et politiques. — Dans la
séance 1'='' juin, M. Levasseur a présenté des observations sur le rétablissement
des tours. — M. Hippolyte Passy a lu, dans les séances des l^^^ 22 et 29, un
mémoire sur l'histoire dans ses rapports avec les sciences sociales et poli-
tiques. — Dans la séance du 8, M. Henri Martin, M. Nourisson et M. Levasseur
ont présenté des observations au sujet du rétablissement des tours. — Dans la
séance du lèJ, M. Victor Bonnet a lu un travail sur les imiiôts sur les actes,
— Dans la séance du 20, M. Drouyn de Lhuis a communiqué une note com-
plémentaire à celle qu'il avait donnée sur la Maison de refuge et la Société
des prisons de Philadelphie.
Le Musée des archives départemeistales. — Le Ministère de l'Intérieur va
publier, chez Alphonse Picard, rue Bonaparte, 82, en vue de l'Exposition uni-
verselle, sous le titre de Musée des Archives départementales, un recueil de fac
simile des documents les plus intéressants antérieurs à 1790, choisis dans
les dépôts des préfectures, des mairies et des hospices. Cet ouvrage, destiné
à donner une idée des richesses historiques Je la France provinciale, c >m-
prendra un album in-folio d'environ cinquante planches, de format grand
soleil, exécutées d'après les procédés de l'héliogravure, et un volume petit
in-folio de texte imprimé sur papier vergé à l'imprimerie nationale, con-
tenant un rapport au Ministre sur l'ensemble du service des archives et la
transcription des spécimens reproduits.
On trouvera dans ce recueil des titres de tous les genres et de toutes les
époques, du vu' au xviu^ siècle : bulles de papes, diplômes de souverains,
chartes d"évêques, d'abbés, de seigneurs; — traités de paix, d'alliance et de
commerce; — procès-verbaux de délibérations municipales, minutes de no-
taires, comptes, contrats de nolisation, actes de l'état civil les plus anciens;
— premiers titres en langue vulguaire, connus dans chaque province; —
curieux documents relatifs aux universités et à l'instruction primaire ; —
inventaires de trésors de cathédrale et d'abbayes; — marchés passés avec des
architectrs etJes orfèvres, plans àl'appui; — rouleaux de morts; — cartulaires;
— tablettes de cire; — autographes de personnages célèbres, etc. Les tex'es^
seront publiés de manière à servir de modèles pour l'étude de la paléographie
Le choix des pièces a été fait par l'adoninistratiori, sur l'avis de la commis-
sion des archives départementales, communales et hospitalières, qui a dé-
légué, pour concourir à ce travail, une sous-commission, composée de
MM. Ndtalis de Wailly, Lér-pold Delisle et Jules Quicherat.
Bibliothèques, musées, etc., en Grèce. — La Bibliothèque nationale, réunie
avec celle de l'Université, comprend environ 120,000 volumes, correspondant
à 47,000 ouvrages. Son budget annuel est d'environ 34,000 drachmes (près de
34,000 francs). La Bibliothèque de l'Asseniblée nationale comprend de 23,000
à 24,000 volumes. On y conserve les archives de la guerre de l'indépendance.
La Bibliothèque de l'école Bizari possède 4,000 volumes; celle de l'Académie
de Corfou, 35,000; celle d'Audritzenè, 6,000; celle de Demitzané, 2,500. Les
gymnases ont aussi des bibliothèques; la plus importante, celle du gymnase
de Syra, comprend 5,000 volumes.
Les musées sont : le musée archéologique, situé sur l'Acropole ; celui du
lycée Varvakeion, appartenant à la Société archéologique ; celui des anti-
quités de Mycônes, vt à Spata, au Polytechneion, le musée piivé dit Bernar-
dakeion, et la section archéologique du ministère de l'instruction. En pro-
— 84 —
vincc, les musée du Pircc, de Tlièhes, de Tanagre, de Mycon, de Sparic et
d'Olympie ; le cabinet des médailles, à la bibliothèque nationale, compre-
nant aussi la collection appartenant à l'Université et contenant les monnaies
des îles Ioniennes, ancienne collection de M. P. Lambros ; le musée physio-
graphique comprenant des collections paléontologiques, géologiques et zoolo-
giques. Le jardin botanique renferme une collection très-complète de la
llore grecque; on y a fait entrer la très-riche collection de M. Th. Orpha-
nidès, vendue par M. M. Rodocanaki, le musée anatomique, le musée pa-
thologique, le cabinet d'histoire naturelle et tous les établissements parfaite-
ment installés dans l'Université et dans ses annexes.
On compte en Grèce d04 imprimeries, SO librairies. Il a été publié, en 1877,
57 journaux, 17 recueils périodiques. De 1868 à 1872, on a fait paraître 67o
ouvrages, et de 1873 à 1877, environ 804. (Extrait du livre intitulé : La
Grèce à V Exposition universelle de 1878, par M. A. Mansolas.)
La BiBLioTHÈgUE de Voltaire. — On s'est beaucoup occupé de Voltaire,
cette année; nous nous bornerons, en ce moment à parler de sa bibliothè-
que; achetée en bloc par l'impératrice Catherine, elle est conservée au palais
de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg; elle a été l'objet d'une intéressante notice
de M. Léouzon Leduc, insérée dans les Archives des Missions scientifiques et
liltéraires ( in-8,/mp. nationale, 1850, 1. 1, p. 39-o4); mais ce recueil important
pour les travailleurs, est sans doute fort peu connu du gros du public; quel-
ques détails auront ainsi le mérite de la nouveauté.
La bibliothèque de Voltaire se compose d'environ 7,o00 volumes ; elle
n'olfre par elle-même d'autre intérêt spécial que celui d'avoir été la propriété
d'un homme célèbre. Plusieurs volumes portent des notes marginales auto-
graphes, mais la plupart d'entre elles sont trop insignifiantes ou trop
indignes de leur autem* pour qu'on les retire de l'oubli. Les manuscrits offrent
bien plus d'intérêt ; ils se divisent en deux catégories; la première, cinq
portefeuilles concernant l'histoire de Russie sous Pierre le Grand; la seconde,
treize portefeuilles, papiers sur des objets de tout genre; on y trouve de
nombreux documents historiques, les premiers essais, couverts de corrections
et de ratures, de diverses tragédies, des lettre?, une foule de poésies ; madri-
guax, odes, épîtres, chansons ; tout cela en grande partie inédit.
Parmi ces manuscrits, il en est un grand nombre « dont la licence dépasse
toute imagination.» Ainsi s'exprime Al. Léouzon-Leduc, et cela ne surprendra
nullement les personnes qui savent fort bien que, si Voltaire, tout comme
Déranger, a recueilli tant d'hommages, s'il conserve tant d'admirateurs fana-
tiques, c'est que, flattant les plus détestables, les plus vils penchants de la nature
humaine, il a spéculé à outrance sur l'impiété et sur l'obscénité. Du reste,
en vertu d'un ordre suprême, ces vers infâmes, où se révèle si bien la pensée
intime de leur auteur, sont condamnés à ne jamais sortir des ténèbres qui
les recouvrent.
Une ueureuse trouvaille. — Un de nos plus habiles chercheurs, M. J. Du-
kas, a rencontré dernièrement, dans un lot de cinq volumes qu'il a achetés à
une des ventes du soir de la salle Silvestre, pour un prix fort modique, un
livre des plus précieux. C'est un recueil d'opuscules grecs, imprimés chez
Frédéric Morel, en 1583 et 1584, qui porte sur la première page la signature
aCl. Christiani. Q. Sept. Flor. f. » et qui, par conséquent, a appartenu à
Claude Chrestien,fils du poète érudit bien connu dont Henri IV fut l'élève. A
la fin du volume, Morel a réimprimé une pièce d'environ 400 vers héroïques
intitulée : Pro felici inauguratione Henrici III régis christianiss. Vota. Remis
Idib. Fcb. MDLXXIJ (sic). Ce morceau, sous un titre un peu différent, et
— 8:; —
aussi avec une erreur dans la date, est attribué, par le P. Lelong (N* 18310)
à Jacques Amyot; mais les biographes de cet illustre prélat, et notamment
Arth. de Blignières, n'ont pas su qu'elle existe. Elle fissure cependant au
Catalogue de lldstoire de France de la Bibliothèque nationale, sous la cote
Lb^'', 109; ce n'est pas non plus l'édition originale de cette pièce rare.
M, Dukas compte en donner prochainement l'analyse que M. Êgger vou-
drait faire insérer, à défaut du poëme entier, dans l'/l n?umire de l'Association
pour l'encouragement des éludes grecques cnFrante. Mais le plus beau bijou
de récria est ailleurs.
Entre le second opuscule la traduction latine de ïurnèbe, à la suite du
texte de Lapidibus de Théophraste) et le dernier (les Exhortations de l'empe-
reur Basile le Macédonien à son fils Léon le Philosophe, édition princeps
en grec et en latin), se trouvent quatorze feuillets imprimés à Venise,
en Voii, chez Barthélémy leCalligraphe. C'est la traduction en grec vulgaire
du traité do Plutarque sur l'é lucation des enfants, par Nicolas Sophianos.
Or, en 1874, M. Emile Legrand, — le même dont le rapportsur sa mission
littéraire en Grèce vient d'être publié — a édité chez Maisonneuve, d'après
unms. de la Nationale, un second tirage à 100 exemplaires d'une grammaire
romaïque de Sophianos, et il y a joint une réimpression du natoaYwy6;. Cette
réimpression a été l'objet de soins tout exceptionnels, le prince Démé-
trius Rodocanachis ayant envoy-é à l'éditeur des photographies, page pour
page, de l'exemplaire unique qui se trouve à la bibliothèque Bodléienne
d'Oxfor d .
Aujourd'hui, cet exemplaire n'est plus le seul : il en existe un second, et
c'est M. Dukas qui en est l'heureux possesseur. — T. de L.
Les Œuvres poétiques de Marie de Romieu. — M. Prosper Blanchemain vient
de publier, dans le Cabinet du bibliophile (Paris, Jouaust), \in délicieux petit
volume (tiré à 350 exemplaires) renfermant les oîuvres poétiques de Marie de
Romieu avec une préface et des notps. Nous devons de doubles remercîments
à M. Blanchemain, d'abord parce que les œuvres de la sœur du poète Jacques
de Romieu sont devenues d'une excessive rareté, ensuite parce que ces œuvres
ont paru à un juge tel que feu Violiet-le-Duc, remplies d'esprit, de grâce et de
naturel, à un juge tel que feu Léoa Feugère, remarquables par le mouvement
et la verve. Tout le monde voudra se délecter à lire ce volume, auquel rien ne
manque de ce qui, aux yeux des bibliophiles les plus exigeants, conslilue,
selon le mot consacré, un véritable bijou. — T. de L.
L'Acte de décès de La Graxge-Ciuncel. — On a réimprimé, dans les Éphé-
mérides de Périgueux de mai-juin 1878 (p. 09), le document suivant, qui avait
été publié déjà dans le Bulletin de la Semaine, de la même ville, le 29 novembi'e
1863, mais qui ne parait pas avoir été remarqué : « Le 29 décembre 1758, est
décédé, au château d'Antoniat, messire François-Joseph de Sansel (sic), âgé de
87 ans ou environ, et a été inhumé dans l'église de Razac. » Cet extrait des
registres mortuaires de la paroisse de Razac, déposés aux archives du greffe
du tribunal civil de Périgueux, permet de rectifier l'erreur de ia plupart des
biographes, y compris les biographes périgourdins, lels que M. de Lescure,
Mémoires historiques et littéraires sur La Grange-Chancel (en tête des Philip-
piques, Paris, 1858, p. 186), lesquels font mourir le virulent pamphlétaire
trois jours trop tôt, le 26 décembre. Mais le rédacteur de l'acte de décès s'est
trompé en faisant mourir son paroissien à 87 ans ou environ : La Grange-
Chancel, né le 1" janvier 1677 dans ce même château d'Antoniat, où il devait
rendre le dernier soupir, avait seulement quatre-vingt-un ans quand le bon
curé de Razac lui en attribu'^it quatre-vingt-sept. — T. de L.
— 86 —
La Revue historique et la Société Bibliogiiaphique. — Les succès croissants
obtenus par laSociété Bibliographique semblent émouvoir ]Si Revue historique.
Dans sa dernière livraison, après avoir annoncé la publication du deuxième
fascicule du Rrpertoire des sources historiques du moyen âge, de notre éminent
collaborateur M. l'abbé Chevalier, elle ajoute : « Cette même Société Biblio-
graphique, qui a le tort de consacrer la plus grande partie de ses ressources
à des écrits de propagande et de polémique dont le caractère passionné et
violent jette du discrédit sur ses publications sérieuses, vient de faire pa-
raître une œuvre d'histoire intéressante, etc.» (il s'agit du livre de M. le mar-
quis de Loray sur Jeande Vienne). Que veut dire la Revue historique? En quoi
la publication de la Bibliothèque à 25 centimes, des Brochures sur la Révolution
(d'un caractère si sévèrement historique), et même des Lettres de M^f l'évê-
que d'Orléans sur le Centenaire (tirées à quatre-vingt mille exemplaires), ou
des irac<5 sur Voltaire (tirés à huit cent mille exemplaires), peut-elle «jeter
du discrédit » sur le Répertoire de l'abbé Chevalier et le Jean de Vienne de
M. de Loray? Nous voudrions le savoir. Et si notre curiosité n'est pas in-
discrète, nous lui demanderons, parmi les publications de la Société Biblio-
graphique, de citer celles qui, d'après elle, ont un «caractère passionné et vio-
lent. » Dans une revue qui prétend à « l'impartialité scientifique, » et qui
a déclaré hautement, à ses débuts (t. 1er, p. 2), que « chaque affirmation
serait accompagnée de preuves, » il est assez étrange de trouver de telles
attaques et de telles insinuations.
Le Catalogue de la Bibliothèque de Troyes. — Nous avons déjà eu l'occa-
sion d'insister sur les services que rend à la bibliographie la publication
des catalogues des bibliothèques publiques ; celui que nous avons sous les
yeux donne une idée fort satisfaisante de ce que possède la ville de Troyes ;
les deux volumes que nous venons d'examiner (xi-547, ol6 pages) ne con-
cernent qu'une partie de la section historique : chronologie, géographie,
voyages, histoire ancienne, histoire religieuse, histoire de France) en s'arrê-
tant à l'an 1635; ils enregistrent 3,667 articles divers, auxquels il faut
joindre une multitude d'opuscules formant des recueils factices dont le con-
tenu est enregistré en détail; du reste, pas une seule note.
La bibliothèque de Troyes possède de nombreux et bons ouvrages des
siècles passés, mais elle est bien pauvre en fait de livres modernes;
il en est ainsi de toutes les villes de province, le chapitre du crédit que leur
allouent les divers conseils municipaux est d'une modicité affligeante.
l'arnii b's livres rares, parmi les éditions du quinzième siècle, nous pouvons
indiquer l'Hisiorm Alexandri Magni, de preîiis, Argentine, 1486, in-fol. (His-
toire fnbuleuse des conquêtes du roi de Macédoine); Sallustius, De bcllo
Jugurthe, de Catilineconjuratione, Parisiis per Udabricum Gering, s. d. (vers
1474, in-4,undes plus anciens produits de la typographie parisienne); Sueto-
nms, Venetiis, per Simonem Bevilaqua, 1496, in-fol.; Boccacius, Genea/o^'m
deorum, Venetiis, 1492 et {sine loco) 1481. — Eu fait d'anciens livres fran-
çais, les Chroniques de Froissart, Paris, A. Verard (s. d.. mais après 15.00),
in-fol. (un bel exempl. de cette édition fort rare a été adjugé à 4,500 fr. à la
vente des livres de M. Léopold Double); Monstrelet, A. Verard (s. d., après
1500), in-fol.; — Un exemplaire sur peau vélin des Grandes Chroniques des
rois de F ratice, composées par Pierre Gaguin (Paris, Poucet le Preux, 1554,
in-fol ), mériterait d'èlre mis aurang des livres précieux; malheureusement,
il y manque 37 feuillets.
Nous pouvons signaler encore, comme ouvrages d'une hauttî valeur, un
exemplaire de l'une des éditions du curieux voyage du Bolonais Lud ivico
— 87 —
Vartheraaen Orient (publié pour la première fois àRome en loi ) et le Pre-
mier (le seul) volume contenant 40 tableaux en histoires diverses qui sont mimo-
rahles touchant les guerres^ massacres et troubles advenus en France (ioo9-io70),
par J. Perritissinet J. Tortorel, recueil des plus intéressants sous le triple rap-
port de l'histoire, de l'art et du costume; il a été l'objet d'intéressantes
études de la part des monographt-s les mieux autorisés.
Il est impossible que, dans un catalogue considérable, quelques erreurs de
classement ne viennent pas à se produire, car il n'y a pas moyen de tout lire,
et parfois on s'en rapporte à un titre qui prête à l'équivoque. Indiquons
deux méprises de ce genre, que nous avons observées : le Voyage de Jacques
Sadeur autour du monde (n° 414) est un voyage imaginaire, une fiction sati-
rique et allégorique, dans le genre des Voyages de Gulliver; le Violier des
histoires romaines (W 3866) est un recueil de légendes, de contes, de
rétlexions morales où il n'y a absolument rien d'historique; il n'a de romain
que les noms des personnages; il doit être placé dans la classe des fictions.
La Librairie américaine. — Le catalogue que la Commission des éditeurs
américains vient de publier à l'occasion de l'Exposition universelle nous
donne de curieux renseignements sur l'industrie du livre de l'autre côté de
l'Atlantique ; notons-en ici quelques-uns sur la production croissante des
ouvrages indigènes, sur le nombre et les catégories des éditeurs eux-mêmes,
sur les prix faits aux auteurs, sur les bibliothèques, sur la reliure, et sur un
procédé de vente à l'encan des livres nouveaux qui est biea la caractéristique
de ces populations pour qui les affaires sont la chose capitale.
En ce qui regarde la production des livres d'origine américaine, la pro-
portion n'a cessé de croître considérablement jusqu'à nos jours, depuis la
fondation de la plus vieille maison de librairie connue d'Amérique, celle de
Sower, Potts et G", dont le premier titulaire, Christophe Sauer, établi près de
Philadelphie en 1740 (à Germantown), éditait des almanachs et des Bibles
en langue allemnade : en 1820. sur une vente de 2,300,000 dollars, la part
des ouvrages originaux américains était de 30 pour cent ; en 1830, elle s'éle-
vait à une proportion de 40 pour cent, sur 3,000,000 de dollars de vente ;
12,000,000 de volumes, en 1840, fournissaient une proportion de 85 pour
cent américains ; en 1856, elle était de 80 pour cent, sur 16,000,000 de volumes.
D'après l'encyclopédie d'Appleton. il a été publié, en 1871, pour 40,000,000
de dollars de livres, aux Etats-Unis. Le nombre des ouvrages originaux, en
1877, a été de 4,476.
C'est pourtant entre une cinquantaine d'éditeurs seulement que se trouvent
partagés les 9/10 des ouvrages qui se publient en Amérique; la librairie
proprement dite comprend environ 3,000 marchands dont 800 sont considé-
rés comme éditeurs intermittents; une dizaine de mille négociants adjoignent
à d'autres spécialités la vente des livres, revues et journaux ; en-dehors de la
vente par entremise des libraires, les éditeurs d'ouvrages par souscription en
font le placement exclusivement par colporteurs, envoyés dans des régions
déterminées pour solliciter les ordres de maison en maison; en outre, un type
tout à fait particulier le « Jobber, » commissionne à un éditeur de grandes
quantités d'un ouvrage, parfois 1,000 exemplaires à la fois, à ses risques et
périls, puis les place comme il peut chez les petits détaillants de tout le
pays.^
A l'écoulement du stock de librairie annuelle par des canaux si divers,
vient s'ajouter la vente à l'encan, de New York : deux lois par an, au prin-
temps et à l'automme, les éditeurs y envoient leurs nouveaux ouvrages, et
leurs livres de fonds; de tous les États de l'Union accourent les libraires,
— 88 —
et la cession leur on est faite au plus oflVant et dernier enchérisseur, — En-
dehors de cette vente en hloc. les « Dollar Stores, o magasins à prix fixe où
l'on vend de tout au taux unique d'un dollar, ofirent à leur clientèle des
ouvrages pour ce prix.
Cependant, les formats adoptés aux Etats-Unis, ]'in-12 pour romans et
poésies, riu-8 pour tes ouvrages scientifiques, par exemple, sont côtés plus
haut ordinairement : le premier format se paye \ dot. 50, le second 2 d. [JO.
Il est vrai de dire aussi, que deux formats nouveaux plus petits, rin-24 cari'é,
très-en vogue sous le nom de « The Little Classic, » et le « Vest-Pocket Size^ »
tout récent, sont d'un prix moins élevé.
Les éditeurs américains emploient le papier teinté de préférence au papier
hlanc ; la plupart de leurs ouvrages sont mis en vente dans un style uniforme
de cartonnage toile, plus ou moins ornementé de dorures; enfin, par appli-
cation d'une récente invention, ils hrochent leurs livres par une couture
de fil de laiton qu'un mécanisme rapide vient river sur les parties assemblées.
La partie matérielle du livre ainsi réglée, les auteurs reçoivent un droit
do 10 pour cent sur toutes les ventes; s'ils ont écrit leurs ouvrages sur la
demande des éditeurs, ceux-ci leur allouent une somme en sus de cette con-
vention d'usage; elle est moindre, au coatraire, o pour cent, s'il s'agit d'ou-
vrages par souscription, ceux-ci produisant des ventes plus élevées.
Les prix sont calculés, en Amérique, de façon à pouvoir allouer de 25 à
40 pour cent d'escompte aux libraires; les « Jobbers » reçoivent générale-
ment S pour cent en plus (45 pour cent); l'escompte atteint quelquefois
50 pour cent pour les livres d'enfants.
On voit quel développement a déjà la librairie au-delà de l'Atlantique;
combien on y recherche la lecture généralement. — Terminons ces relevés
par quelques indications relatives à l'une des principales bibliothèques des
Ltats-Unis, dont tous les habitants ont le droit d'utiliser les collections en
em[)ortant les livres chez eux, sous certains conditions. — La « Boston Public
Library » contient, en deux parties distinctes, o.ïO, 000 vol. d'une part, 250, COO
de l'autre. Elle a huit succursales dans la ville et aux environs, et, en outre,
des ac^enc^s chargées de la distribution des livres; la salle de lecture en est
ouverte toute l'année de 9 heures du matin à 10 heures du soir; l'année
dernière, le chiffre de la circulation a été de 140,572 volumes, dont 129 seule-
ment ont été perdus. Ainsi, les Américains aiment les livres, comme une
affaire, comme un délassement; puissent-ils bientôt, grâce à une vulgarisa-
tion de plus en plus considérable, les aimer aussi, plus généralement, coaame
un besoin élevé du cœur et de l'esprit. — F, Esc.mn.
La Ventic de la liiiiLioTHÈQCE DE M. Amcroise Firuin-Didot. — Cette vente
quia eu lieu du 0 au 15 juin, restera célèbre dans les fastes de la bibliophilie;
c'est la plus importante qu'on ait jamais vue en France; elle a produitpour
715 articles, la somme énorme de 857,204 fr., allant ainsi au-delà du double
de ce qu'à des époques déjà éloignées avaient rendu deux collections célè-
bres; celle du duc de la V£\,llière, en 1784(404,677 fr.), et celle du comte de
Mac Carthy, en 1816 (40'i,746 fr.).
C'est avoc une véritable frénésie que les amateurs se sont disputé ces
beaux livres, si rares et somptueusement reliés, ces exemplaires
uniques ({ue M. A.F.-Didot avait eu le bonheur de rencontrer danslecours
de sa longue carrière; indiquons les prix auxquels sont arrivés les articles
les plus dignes d'attention, et pour quelques-uns d'entre eux nous mention-
nerons ce qu'ils avaient été payés dans des ventes précédentes; c'est une
constatation éi.'latante de la housse qui, depuis vingt-cinq ou trente ans,
— 89 —
s'est déclarée sur certains genres de livres. — Janua ( Joli, de) CaloUcon
(volume imprimé à Mayence, daté de liOO et attribué aux presses de Gutem-
berg), 7,900 fr. — Bossuet, Oraison funèbre d'Henriette de France, reine
d'Angleterre, J660 — de la duchesse d'Orléans, 1670, in-i, 5,000 fr. — Oraison
funèbre du prince de Condé, 1087, 3,100 fr. (exemplaire avec envoi auto-
graphe). BiON ET Mosciius, Idylles, 1G86, in-8, 10,900 fr. Prix énorme venant
de ce que ce volume (qui, en condition ordinaire, ne vaudrait que quelques
francs) était revêtu d'une fort belle reliure aux insignes du traducteur
de Longepierre; payé 1,;»00 fr. à la vente de M. le baron J. Picbon.
Sannazarii Opéra, 1533, in-8, exempt. Grolier, o,800 fr. (volume successive-
ment adjugé 13 1, st., à Londres, en 1827, et 2,050 fr., à Paris, en mars 1863).
— Le roman de la Rose (première édition, Lyon, vers 1485), in-fol. 5,500 fr.
— Une autre édition du même ouvrage (Paiis, vers 1496), exeaipl. sur vélin,
8,000 fr. — Franc (Martin). l/Estrifde forttuie (volume sans lieu ni date,
imprimé à Bruges par Colard Mansion, vers 1477), 21,500 fr. (On ne can-
nait que deux exempl. ; l'un est à la bibliothèque Sainte-Geueviève , celui-ci
fut adjugé 7,000 fr. à la vente Yemeniz eu 1807. — Villox, OEuvres,
Paris, 1533, pet. in-8, 2,000 fr. — Grinrjore, Heures de Nostre-Dame, Vavis. s. d.
(vers 1530) 2,200 fr. — Le Chevalier aux dames (en vers) Metz, 1516 in 4,
1 1 ,100 fr.Payé 2,07;)fr. vente Yemeniz. ^ALvrut, V Adolescence clémentine, Lyon,
3,200 fr. (1,800 fr., Yemeniz). — Vauqi'eijx di: la Fres.nave, diverses poésies,
Caen, 1012, 1,200 fr.— L.v Fontai.ne, Fables, 1755, fig. d'Oudry, 4 voL in-fol.
3,530 — Airs de cour, Paris, 1G12-1G28, 10 parties en un volume in-8 oblong
(exempl. de dédicace à Louis XIH) 2,550 fr. — La Borde, Choix de chansons,
i773, 4 vol. in-8, 2,550 fr. (vers trés-médiocres, mais de jolies estampes d'a-
près les dessins de Moreau et autres, donnent une grande valeur à ce recueil).
— yLi-LhET, La Destruction de Troyes, 1498, in-fol., 1,400 l'r. (Payé 290 fr.,
vente Soleime en 1844.)
Mystère de la passion iouée à Paris et Angier (Paris avant, 1490) in-fol.,
1,600 fr. — Gresban, le Triomphant mystère des actes des apostres, Paris 1537,
ia-fol. 4,000 fr. — Maistre Pierre Pathelin (Paris, vers 1500), in-4 5,100 fr.
— Corneille, OEuvres 1644-1052, 3 vol. in-12, 5,050 fr. (première édition
cjlleclive très-rare, le premier volume surtout qui contient les huit pièces
anlèrienres au Cid. Quel que soit l'empressement fort légitime avec lequel
les éditions originales de nos classiques, longtemps dédaignées, sont recher-
chées aujourd'hui, on ne peut s'empêcher de regarder ce prix comme fort
élevé.
Corneille, Théâtre, et Thomas Corneille, OEuvres dramatiques, 1664-1666, 0
voL in-8,1 4,400 fr. (ex. psyé 140 fr. vente Rertiu, et 487 fr., S^lar, en 1860).il/o/-
/îV?'e, OEuvres, Paris 1666,2 vol. in-12 (première édition avec une pagination
suivie) 1,950 fr.— Autre édition, 1674-75, 6 vol. in-12, 2.000 fr. — Les éditions
originales du M santhrope, Paris 16G7 et Tartuffe, Paris 1669, <300etl,8oO fr.,
les Plaisirs de l'Ile enchantée, 1664, in-fol. (comprenant la première éditionde
la Princesse d'Élide), exempl. de Colbert. 4,500 fr. — Racine, OEuives, Paris,
1676, 3 vol. in-12, 2,040 fr. (édition originale collective des neuf pièces repré-
sentées jusqu'à cette date). — Esther etAthalie, in-4, 1689 et 1691; éditions
jriginales de cette date, 1.600 fr.
Passons à ces vieux romans de chevalerie dont le? anciennes éditions sont
lovenues si rares et dont les exemplaires se couvrent de pièces d'or, M. Didni
ivait, en ce genre, réuni des volumes du plus grand prix ; nous mention-
lerons :
Fler-n-hras, Lyon, 1480, 3,000 fr. (payé 855 fr., vente Bourdiîlon en 1830,
— 90 —
et d,700 fr. en 18fi7), Ogier le Danois, 1325, 2,800 fi'. Les Quatre fils Aymon
1306, 2,9G0 fr.; Mabrian, 1325, 2,900 fr, ; le Saintgreccal,\o2'i (exempl. aux
armes de Louis XII, 2/300 payé 4,930 fr., vente Techener, en 1863. Lancelol
(lie lac, 1464, 6,800 fr. (4,400 fr., vente Yemeniz); Perceval, le Galloys,
2,800 fr.; Cleriadus, 1493, exempl. sur velia, le seul connu, 19,100 fr. (payé
10,000 fr. par M. Didol à la vente Yemeniz); Olivier de Castille [s. l. n. d.,
mais imprimé à Genève, vers 1492), seul exeoifil. connu, 20,000 fr. ; les Sept
Sages de Rome, Genève, 1494 (un des deux exempl. connus, l'autre est à la
hibliothèque de l'Arsenal), 3,330 fr. ; les Neuf preux, Abbeville, 1487, 3,960 fr.;
Robert le diable, Ly.m, 1343, 2,610 fr. ; Mélusine (en allemand), Augsbourg
1480,2,300 ff.); Beaudoimi de Flandre, Lyon, 1478, 6,000 fr.; Guerin Mes-
quin, Lyon 1330, 4,000 fr.; l'Histoire du petit Jehan de Saintré, Paris, 1317,
3,500 fr.
Une édition des deux premiers livres de Rabelais, Lyon, 1542, 2,600 fr.
(exempl. payé 603 fr., vente Solar, et 1,108 fr., L. Double). En fait de livres
espagnols, n'oublions pas ua roman de chevalerie d'une extrême rareté :
Eisioria de l'inucncible cavallero don Po^mdo, To'edo, 1526, in-4, 2,990 fr.;Un
exempl. de Don Ouixote, 1608-16i3, 2^ édition de la première partie et édi-
tion originale de la seconde) 2,500 fr. Un exempl. d'un Plutarque latin ayant
appartenu à la reine Marguerite, 2,100 fr.
Dans la classe de l'histoire nous rencontrons, les Chroniques de Saint-Denis,
1517,4 vol.ia-fol., 3,000 fr.;pAULUS Jovius, Vita Leonis decimi, 1549, exempl.,
Grolier, 3,830 fr. ; Xenophontis Opéra, graece, 1381, in-fol. exemple de dédicace
au roi d'Angleterre Jacques P', 6,000 fr. (à cause d'une fort belle reliure du
temps; ce volume en condition ordinaire, a fort peu de valeur); Procopius
de Bello persico, 1309, in-4, 6,000 fr. (à cause d'une belle reliure aux insi-
gnes de Thomas Maioli, bibliophil»^ italien); Froissart (?ans date, 3 vol. in-foI.
première édition), 3,300 fr.; Monstrelet (vers 1310, 2 vol. in-fol., exempl. sur
peau vélin avec 6 grandes et 159 petites miniature-) très-riche reliure
30,300 fr. (M. Didot avait, en 1862, acheté cet exempl. 18,000 fr. au libraire
Techener); Valerius Maximus, Mayence, 1471, 2,930 fr. exempl. sur vélin.
Indépendamment de ces livres imprimés, le catalogue que nous parcou-
rons énumère 70 manu>crits qui ont obtenu de leur côté des prix fort élt^vés;
les Chroniques de Normandie, xv« siècle, 13 grandes et belles miniatures,
51,000 fr., les Chroniques de Bourgogne, fin du xve siècle, 15 miniatures
seulement, 20,300 fr.
La vente qui vient de se termieer ne contient d'ailleurs qu'une portion
des trésors réunis par M Didot; tous les ouvrages relatifs à la théologie, à
la jurisprudence, aux ;-ciences et arts ont été réservés; leur tour viendra
plus tard ; on trouvera là, parmi les ouvrages liturgiques et parmi les livres
ornés de figures sur b lis (un des objets spéciaux des é'udes de M. Didol),
des raretés qui exciteront iiien des convoitises.
La Bibliothèque du comte Dzialynski. — Un journal allemand, con-
sacré à l'érudition, le Philologus, publié à Gœttingue, nous apprend que
cette bibliothèque est conservée dans la petite ville de Kurnik (grand-
duché de Posen); elle est fort digne d'attention. On y trouve une réunion
importante d'ouvrages relatifs à la Pologne et à son histoire, ainsi qu'une
collection des classiques grecs et latins sortis des pi-esses polonaises; il y a
aussi des manuscrits, entre autres, un de Juvénal, transcrit à Florence
en 1441 et offrant parfois des leçons différentes de celles des textes impri-
més. Fort peu explorée, ce nous semble, jusqu'à ce jour, la bibliothèque
— 91 —
Dzialynski mériterait de devenir l'objet d'un examen atientif de la part de
quelque érudit de Berlin ou de Varsovie.
La Presse PARisiENxNE. — On estime à 110 en moyenne le nombre des
journaux qui naissent annuellement à Paris, et à un cbiffre légèrement
inférieur celui des morts. La première feuille quotidienne a été le Journal
de Paris, fondé en 1777. De 1789 à 1799, il en surgit à Paris plus de 600.
Napoléon l" réduisit le nombre des journaux politiques à 13; Napoléon III
en tolérait 14, en 18o3. (Il n'est question ici que de la presse parisienne.)
En 1877, Paris possédait 830 journaux et revues, ainsi distribués : 51 jour-
naux et 14 revues politiques ; 49 journaux ou revues ayant un caractère
religieux et d'histoire; 74 consacrés aux belles-lettres; 20 de pédagogie;
66 de droit; 8o d'économie politique; 20 de géographie; 52 de littérature;
15 d'art; 3 de photographie; 9 d'architecture; 4 d'archéologie; 8 de mu-
sique; 7 de théâtre; 68 de modes; 77 de technologie; 74 de médecine et
de pharmacie; 43 de science; 22 sur l'armée et l'art militaire; 31 d'agricul-
ture; 16 sur les chevaux et 17 divers.
Les journaux politiques se divisent, quant à la couleur, ainsi qu'il suit :
22 républicains; 7 bonapartistes; 6 légitimistes; 5 orléanistes; le reste offi-
ciel ou indécis. Les journaux républicains ont 1,100,000 abonnés; les
orléanistes 230,000; les bonapartistes 90,000; les légitimistes 24,000; les
incolores 180,000. Aux deux extrémités de l'échelle des prix, sont placés
VArt, qui coûte 120 fr. par an, et la Bonne pensée, journal d'édification qui
demande à ses abonnés la modeste somme de 60 cent, par an. {Revue poli-
tique et littéraire.)
— Notre collaborateur, M. Muïse Schwab, de la Bibliothèque nationale,
vient de publier, à la librairie Maisonneuve, le tome second de sa traduction
du Tahnud de Jérusalem. Ce second volume comprend les traités Péa, Demaï,
Kilaïm et Schchiith.
— M. Milà y Fontanals a donné, dans la belle revue de Madrid, la Aca-
demia, un article fort détaillé et très-favorable sur la nouvelle édition des
Épopées françaises de M. Léon Gautier.
— L'intéressante revue catalane, le Gay Saber, a publié, dans son dernier
numéro, un examen du Petit romancero du comte de Puymaigre. Dans cet
article très-bienveillant, on regrette que le traducteir n'ait pas donné le
texte des chants catalans dont on reconnaît d'ailleurs que lu traduction est
très-fidèle. Les cinditions dans lesquelles a été publié le Petit romancero ne
permettaient pas cette augmentation de texte. Nous croyons savoir, du reste,
que notre collaborateur se propose de donner tout un volume de romances
catalans traduits avec le texte en ivgard.
— Le catalogue de la bibliothèque espagnole de don José Miro (vente
17-20 juin, A. Lecat, successeur de Bacheiin-Detlorenne, in-8, de xvi-180 p.),
imprimé avec soin, est très-digne de l'attention des bibliographe- ; il se
compose exclusivement de livres en langue espagnole, publiés aux quin-
zième, seizième et dix-septième siècles; tous sont plus ou moins rares, et,
parmi les 651 articles énumérés, il en est beaucoup qui étaient restés
inconnus jusqu'ici aux bibliographes. Nous citerons, entre autres, l'édition
donnée à Burgos,en 1562, par Phelippe de Junta, d'un de ces romans de che-
valerie que dévorait Don Quichotte : la Historia del muy valienie y e/forcado
cavallero Clamcules, hijo de Marcuditas, rey de CastiUa {n° 355); nous signa-
lerons aussi l'étrange production d'Alvaro Guttierez de Torres : El Sumario
delas maravillosas y espantublcs cosas que en el mundo han aconlescidos,
Toledo, Remon de Petras, 152i, in-4 (n°45i).
— 92 -
— Lapresse socialiste en Allemagnene compte pas moins de soixante-quinze
puiilications diverses, journaux ou revues, avec un chiffre total d'abonnés
de 13;j,000. L'année dernière, le nombre de ces publications n'était que
de cinquante-sept.
— Voici un nouvel ouvrage a ajouter à toutes les publicaiions de M. le
comte Riant, sur l'Orient et les croisades. Ce sont les Exuvix sacrx Conslan-
tinopolitanx, recueil de deux volumes de tous les renseignements qui se
rattachent aux reliques dont les croisés s'emparèrent après la prise de
Conslantioople (1204) et qui furent ensuite transportés en Occident.
— Encore un catalogue qui mérite d'être conservé; c'est le Catalogue de
la bibliothèque de feu le marquis de Morante (Paris, ancienne librairie Bache-
lin-Dellorenne, 1878, in-8 de vi-4i7, 3, Îi9i numéros); il ne signale point quel-
ques-unes de ces raretés qu'on paye au poids de l'or; on y chercherait inu-
tilement ces Dorât, ces Chansons de Laborde et autres livres du même
genre qu'un caprice de la mode vient de porter à des prix insensés. Non,
M. de Morante, savant laborieux et sévère, n'admettait dans sa vaste collec-
tion que des livres d'étude ; les auteurs grecs et latins, la philologie, l'his-
toire étaient l'objet de ses prédilections, mais, en ce genre, il recherchait
avec passion les bons livres peu communs, et il voulait les posséder en con-
ditions irréprochables. Pareils bibliophiles sont rares aujourd'hui; en vérité,
c'est dommage.
Le catalogue dont il s'agit s'écarte de la méthode habituellement suivie
en France, il abandonne la classiûcation par ordre de matière ; les livres
sont rangés dans l'ordre alphabétique des noms des auteurs ou des titres
lorsqu'il s'agit d'anonymes; ce système ne semble pas le meilleur. Supposé
qu'un travailleur veuille coimaitre quels sont les ouvrages relatifs, par
exemple, à l'histoire de Krancc, qu'on va mettre en vente; pour se rensei-
gner exactement à cet égard, il faudra qu'il parcoure en entier le catalogue;
ce sera long et fatigant.
— La Rivista di letlcretura popolare, publiée à Rome sous la direction de
MM. G. Pitre et Sabatini, a fait paraître sa seconde livraison. Elle dé-
bute par des contes que M. de Gubernatis a appris d'ime jeune paysanne
de Santo Stefano di Celcinaia. Ils sont suivis de chants populaires romains
rassemblés par M. Sabatini, d'un travail de Pitre sur la fête du mois d'août
en Sicile, de chants populaires que le pays messin a fournis à M. de Puy-
maigre, d'un article de M. Braga sur les contes populaires portugais, d'un
essai sur les jeux enfantins des Marches et de nombreux mélanges. Ce nu-
méro nous semble devoir être indiqué aux amis de la littérature populaire,
comme très-intéressant et comme donnant bonne opinion de l'avenir de
cette publication.
— On annonce la publication du premier fascicule d'une Iconographie
Voltairienne, histoire et description de tout ce quia été publié sur Voltaire par
fart contemporain, par M. Gustave Desnoiresterres; il y aura en tout quatre
fascicules,
— Une société vient de ce former aux États-Unis pour combattre les pro-
grés du catholicisme.
— 11 vient de se fonder à Paris une société du Sou des écoles laïques, pour
faire concurrence aux œuvres cléricales.
Publications nouvelles. — L' Imitation de Jésus-Christ, traduit de Michel
de Marillac (in-8, Quantin). — Conférences sur l'Église prêchées à Sainte-
Croix de Nantes, TpaiT le P. V. Guibé (in-12, Angers, Lachèse-Dolbeau). —
Le Socialisme devant la Société, parle R. P. Félix, S. J. (in-8^ Roger et
— '13 —
Chernoviz). — Coup d'œil historique sur la géologie et sur les travaux d'Élie
de Beaumont. par Sainte-Claire Deville (in-8, Masson). — Leçons sur la pro-
tection des aniviaux . Les Quadrupèdes, par>'. Claudon (in-12, Paul Dupont).
— Droit familier. Nos petits procès, par A. Cai'ré (in-18, Bibliothèque du
Magasin des Demoiselles). — Coutumes et institutions de l'Anjou et du
Maine, par C-J. Beaulemps- Beaupré (l'e partie, t. II, in-8, Durand). —
Assemblées du diocèse de Castres, par E. A. Rossignol (in-8, Toulouse,
A. Chauvin). — Le bon sens dans les doctrines morales et politiques, par
Amb;oise Clément (2 vol.; Guillaumin). — Actualités ou réponses aux
objections de la science antichrétienne, par l'abbé Victor Aubin (in-18. Palmé).
— L'Année liturgique : Temps après la Pentecôte (t. I, in-12, Oudin). —
Somme ascétique de saint François de Sales, par l'abbé N. Albert (iii-12,
Oudin). — Révélations de sainte Gertrudc (2 vol. in-12, Oudin). — Manuel de
l'art chrétien, parle comte Grimouard de Saint-Lauront (in-8, Oudin). —
La Tunisie chrétienne, par E. de Sainte-Marie (iu-8, Bureaux des Missions
catholiques). — La Hollande pittoresque, le Cœur du pays, par Henry Ilavard
(in-i8. Pion). — Rome et Dcmétrius,\)diV le P. Pierling, S. J.^in-8, Leroux). —
Histoire du luxe privé et public depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, par H.
Baudrillart (t. I, in 8, Hachette). — Le Comte de Fersen et la cour de France,
par le baron U. M. de Klinckowstrom (2 vol. in-8, Didot). — La Philosophie
de l'histoire en Allemagne, par H. Flint tin-8, Gerraer-Baillière). — La
Découverte du livre de la loi et de la théorie du coup d'Etat, par l'abbé A.
Deschamps (in-8. Palmé). — Histoire de sainte Solange, vierge et martyre
patronne du Berry, par l'abbé J. Bernard (in-12, Palmé). — Barnave, par
Jules Janin (2 vol. in-]8, librairie des Bibliophiles). — Dictionnaire histo-
rique d'argot, par Lorédau Larchey i,in-18, Dentu). — Catalogue de l'expo-
sition du Ministère de l'Instruction publique de Russie (in-8, Hachetle). —
Madame Elisabeth devant le tribunal révolutionnaire, par Maxime de la
UocHETEniE (ia-18, librairie de la Société Bibliographique). Vise.not.
QUESTIONS ET RÉPONSES
QUESTIONS. (mentionné pour la première fois
dans le Grand Alcibiadc de Platon),
Quel est ïe plus fécond de ni l'époque où il a vécu (o,000 ans
tous les poètes*.» — Ce titre ap- avant la guerre de Troie, selon
partieudraitde droit, ce semble, à Zo- Diogène Laerce : chiffre fabuleux); et
roastre, du moins s'il faut s'en rappor- dans les ouvrages qui lui sont attri-
ter à Pline le Naturahste, qui nous bues, il y a bien des interpolations
apprend dans son Htstoirc naturcUc et des remaniements plus modernes,
(hv. X\X, ch. II) qu'Hermippe, de Disons aussi que M. C. de Harlez,
bmyrne (2Ô0 ans avant l'ère chré- professeur à l'Université de Louvain,
tienne), avait commenté les deux mil- a publié, en 187o-76 (Liège, 2 vol.
lions de vers laissés par Zoroastre, et gr. in-8), une traduction de YAvesta,
({u il avait fait des tables aux ouvrages la^re sacré des sectateurs de Zoroastre,
de cet immense recueil, afin de facili- travail important auquel M. Barthé-
ter de bien pembles recherches. Ce jeniy Saint-Hilaire vient de consacrer
rhillre de deux millions est une de ces deux articles dans le Jour?ial des
exagérations que l'absence de critique Savafils (janvier, février 1878). Ecar-
chez les écrivains de l'antiquité fai- tons Zoroastre, et, sans prétendre
sait admettre sans examen. Obser- déterminer du premier coup quel est
vons en passant qu on ne sait pas au l'écrivain qui a tracé le plus grand
juste m le nom véritable de Zoroastre nombre de vers, mentionnons, comme
— Oi —
ayant quelques droits à cet honneur,
Lope de Vega, dont les compositions
dramatiques atteignirent, au dire de
son ami Montalvan, le chiffre de deux
mille deux cents (1,800 comedias et
400 autos) ; il n'a été imprimé que
cinq cents de ces pièces : c'est déjà
quelque chose; et il faut y joindre
di's poèmes, des pastorales, des
satires, etc. A. P.
Oollection§« sur la Itévolu-
tion française. — Que sont de-
venues les importantes colle, tiens de
journaux, pièces et documetits (im-
primés (lU inaniiscrit>«) de Dtschiens
et de La Bédoyèiô, sur la Révolution
franç.iiee? Ces collections ont-elles
éié dispersées dans les ventes publi-
ques, ou se trouvent-elles dans quel-
qu'ur e de rjos Bib iolhèques na-
tionales? F. B.
CongréjBfatîon du Três-
S^aiiit Sacrement. — Il existait,
au siècle dernier, un ordre ensei-
gnant, connu ?ous le nom de Congré-
gation du TièsSaint Sacrement, de
Sarramentaires, qui dirigeaient nn
certain nombre de collèges, notrim-
ment ceux de Thiers et de Brioude,
en Al vergne, de Chabeui!, en Dau-
phiué, etc Où pourrait-ou trouver
des rt^nseignements si;r cet ordre qui
semb'e être une léf Tme de celui des
Prêtres de la Do trine. A. V.
Sur l'article IPaydit de
la Oîograpliie universelle.
— Dans la livraison d' vril de la
Revue des questions historiques, j'ui
cité {De l'emprisonnement de l'abbé
Faydit. Notes et documents inédits,
p. 581, no e 2), en l'atinbuant à
Charte- Nodier, l'article Faydit de la
Biographie universelle. Un s ;vant b'-
blingraphe, que nous avi'us la joie
d^' compter parir)] nosroUiiborateurs,
m'a écr t pour me fai' e o' servir que
Nodier n'a pas écrit cet arti-de. Js- ne
demande pas mieux que de ni'incl'-
ner devant l'autorité ''e ceux qui sont
mes maîtres, mais pourtant, av nt dd
répéter le Magisler dixit du bon vieux
temps, je désireras connaître la vé-
ritable traduction des lettres N-R,
imprimées 'ous l'article Faydit. Je le
désire d'autant plus que les éditeurs
mêmes du recueil m'apprennent
[signatures des auteurs du treizième
volume, à la fin dudit volume), que
N-R itoit se lire Charles Nodier,ei(i\iP.,
entre ces éditeurs qui s .nt, il faut le
supposer, des gens bien informés et
le très-consid rable érudit qui me
conseille de n'en rien croire, je suis
dans la situation de l'âne célèbre
qu'av it si ingénieusement imaginé
Buridan, T. he L.
©ur le prieuré de Cassan.
— Tallemaut des Réaux {Historiettes,
3' édition, tome VII, lS;o8, p. ioS)
nous apprend que « Hullon tivoit un
bon prieuré de buict mide livres de
renie, en Languedoc, nomn é Cas-
san. » En quelle partie du Languedoc
faut- il chercher ce prieuré? L'éiliteur,
dans une note marginale, l'étaldit à
deux heures d'Agen, mais les plus
doctes Àgennis ne connai?sent pas
du tout un prieuré qui aurait été si
voisin d'eux. xVucune localité du nom
de Cass.n n'est indiquée dans le Dic-
tionnaire J lantie. A Messieurs les
Languedocien? à m'éclairer!
Ux CURIEUX DE PROVINCE.
Lies Laqueuille députés
aux^ Ktats généraux de
IT89. — Deux membres de la
famille de Laqueuille fur nt députés
aux Eta's généraux. Le premier des
sénéchaus ées de Tulle, Brives et
Uzerches, la second '!e la séné-
ciiaussée de Riom. Quels étaient, au
just^^, les rapports de parenté de ces
deux pers mnage."? Dans un curieux
mémoire sur rémit,ratiou, le mar-
quis deM'.rcillac parle souvent de
son onde le marquis de L'iqueuille.
C'est très-ceitaii ement du député de
la sénéchaussée de Riom dont il est
question. Une de «es sœurs avait dû
épouser le père du marquis de M ir-
cil'ac. Pourrait-on avoir les noms et
prénoms et la date du mariage de
cette dame? Pourrait-on également
dire quels liens de parenté exis-
taient entre le- Laqueuille el M. delà
Rouzière, lui au?si député de la sé-
néchaussée d'Auvergne aux mêmes
Etals généraux. A. V.
RÉPONSES.
La Collection des manus-
crits du marquis de Cambis
(XXII, oit"). — VI. Paul Meyer a établi
que cette collection forme en grande
partie le fonls du cabinet des ma-
nuscrils rie la Bibliothèque nationale
de Madrid.
Croisade de l^SO (XXII, 5 j9).
— Les documents s;ir cett^ croisade
sont extrêmemeTit nombrenx. Le
principal est ÏErades {Ilist. occid. des
Croisades, t. II) ; les textes des chro-
niqueurs sont prasquH tous dans le
Recueil des Historiens de la France. M.
de G. fera bien de consulter ensuite:
Ma- Laine, Histoire de Chypre; d'Ar-
liois de J'tbainvil!e,7/i5ioire des comtes
de Champagne, ai Y Index des écrivains
du dix-huitième siècle, dnns l'Histoire
littéraire de la France au mot Croi-
sades ; et aussi de dépouiller, — bien
qu'avec précaution, — les trois pre-
miers volumt^s de la Bibliothèque des
Croisades de Michaud , R .
La mort de Loiii» X."VI
fait-elle votée par la majo-
rité de la Convention (XXII,
557). — Le livre de M. R. est de M.
J.-B. Magloiic Roberi. Le titre exact,
avec une note csmcernant le fait de lu
condamnation de Louis XVI, se trouve
dansŒttinger, Bibliographie biogra-
phique (Bruxelles, 1834), p. 2039. On
peut aussi consulter la note de Qiié-
rard, France littêïaire,^\\\,l'i. Le li-
vre n'est pas rare et vaut au plus 10
à 12 fr. S. Calvaky (de Beriin).
La On du Vengeur (XXII, 578).
— M. R. S. trouvera d'excellents
éclaircissements sur cette question
dans un article du Dictionnaire cri-
tique de biographie et d'histoire, de M.
A. Jal, ancien historiographe et ar-
chiviste de la marine, article intitulé
Le Vengeur du peuple (p. 1243-1230
de la !■■« édition, Paris, 1867).
T. DE L.
Xroîs portraits à retrou-
ver (XXII, 499). — Le portrait de
Gault de Saint-Germain a été littio-
graphié vers 1840 par Alluys, pein-
tre auvergnat, d'après une peinture
faite par Gault lui-même, devant un
miroir. A. V.
Un sol marqué (XXII, 283,
384). — En répondant à une ques-
tion sur le sou marque, l'un des cor-
respondants du Polybiblion a com-
jmis plusieurs erreurs. Cette petite
'monnaie valait, non pas deux sous
et demi (ce qu'on appelait alors six
blancs), mais un sou et demi, ou dix-
huit deniers. Plate comme une feuille
de papier, elle n'était point « tordue
avec une pince et relevée d'un côté, ■>•>
et pouvait parfaitement se « tenir en
pile; » c'est même pour cela, afin
d'alléger le poids delà monnaie, ren-
fermée dans les bourses de cuir des
marchands, qu'elle avait été inven-
tée. On en faisait un très-grand
usage dans tout l'Ouest de la France.
Si l'on en a vu des spédmens tordus
et employés comme ràcloirs, c'était
le fait de quelques industriels pour
leur usage propre ; mais le sou mar-
qué était absolument plat et régu-
lier. On s'en servait encore en 1840.
V. P.
l^ïartyrs de Ja Révolution
(XXII, 286,479). — Voyage à Cayennc,
dans les deux Amériques et chez les
Anthropop)hages. Ouyrage orné lie gra-
vures; contenant le tableau général
des déportés, etc., par L.-A. Pitou,
déporté à Cayenne en 1797. Paris,
chez L.-A. Pitou, 1807, 2 vol. in-8.
(A la fin du deuxième volume, on
trouve la liste des morts à Cayenne
et dans les cantons; la liste des éva-
dés et des rappelés; celle des dépor-
tés établis à Cayenne; de ceux reve-
nus eu France par la Martinique, et
enfin de ceux pris par les Anglais
en revenant par le Canada.)
Dans les indications fournies pré-
cédemment par moi et insérées
pages 47') et 480 du tome XXII, on a
imprimé : page 480, ligne 28, Barbet
au lieu de Barbât, et ligne 30, Mas-
sart au lieu de Mussart. B. de F.
Les Sociétés de bîblio-
pliiles en France (XXII, 537). —
Un travail spécial sur les publications
Ile ces sociétés serait, à coup sîir,
chose utile et intéressante; en atten-
datit qu'il s'effectue, nous tenterons
du moins de fournir quelques indi-
cations. La Société des bibliophiles de
Guyenne a mis au jour des o.ivrages
fort dignes d'attention. La Relation
de la Floride, par Dominique de Cour-
gues (édition revue par M. T. mizey
de Larroque et bien supérieure à
toutes les çrécédenes) ; \es Remarques
et corrections d'Elienne de la Boeiie
sur Plutarque publiées par R. De-
zeymerii-), les Mémoires inédits de J.
'.10 —
do Fubasi]iubliésiiat II.Barckhausen),
etc. N oublions pas<1eux publications
•iniportanU'S : le? Essais de Montaigne,
lextc original de lo80, avec les va-
rianles des éditions de lo82 et de
I088 (publiés par R. Dezeymeris et
H. Biirckhausen),et la Chronique bor-
delaise de J. de Gaufreteau (mise au
jour par J. Delpii), importante pour
l'histoire de la Guyenne pendant le
seizième siècle. — Parmi les travaux
de la Sociiic des bibliophiles 7îormands,
on remarque la réimpression (avec
une inlro'iiictioii par M. André Po-
tier) de \d. Friquassve crotestyllonce des
antiques modernes chansons (1864,
iD-8, XVI, 82 p.), li're dont l'impres-
sion originale, 1012, était devenue
introuval)ie, et qui, au point de vue
du langage et des usages rouennais
à celte époque, présente un intérêt
très-vif. — La. Sociiic des bibliophiles
de Toiiraine a fait preuve d'un zèle
actif et éclairé; nous mentionnerons
seulement : la Vie de Monseigneur
Sainl-MaiHin de Toitrs (en vers), par
Peau Gatineau, poëte du treizième
siècle, publiée d'après un manuscrit
par M. r;<bbé J.-J. Bourassé, Tours,
1860, pet. in-i à ISO exempl. La So-
ciHc des bibliophiles lyonnais, due à
l'initiative zélée de M. J.-B. Monfal-
con, a donné des réimpressions d'ou-
yrages devenus fort i-are; nous croyons
qu'elle a cessé de ''onner signe de
vie. Li Socictc des bibliophiles bretons,
dont l'origim; <■^t récente, vient de
donner une 'rès-bonn'^, édition des
OEurres françaises d'O ivier Maillard,
sermons 1 1 p 'ési* s, d'après les ma-
nuscrits et les éditions oiiginales,
avec introducli -u et notes par iM.
Arthur de la B^rderie; elle fournit
les élément? d'ui^e afipréciation exacte
de ce prédicateur célèbre jugé avec
boaucjup trop de légèreté par des
écrivains superficiels. É. T.
IVotre-Danie de Garalson
(XXII, 191). — Vo'ciles titres .les publi-
cations que nous connaissons à ce
sujet : 1° Les Conjurations faites à
un dcmon possédant le coj'ps d'une
grande dame. Ensemble, les étranges
léponcs [iir lui faites aux saints
exorcisme» en la chapelle de No'rc-
Dame "le la Guaraison, au diocèse
d'Auche, le 19 novembre 1G18. Paris,
L Mesnier. in-8 pièce. — 2° Le Lis du
Val de Guaraison, où il est traité en
générW de tous les points qui con-
cernent la dévotion des chapelles
votives de la Vierge, en particuht-r
de l'origine et des mu acles de la cha-
pelle de Guarnisoii, par E. Molinier.
Toulouse, R. Colomiez, 1030, in-12-,
2» éd. Auch, in-8 s. d., (1640) ; 3' éd.
ib., 1700; 4« é I., Garaison, 1847,
in-16. — 3' les Mcneilles de Guarai-
son, par M"' Alabert. Toulouse, s. d.
(1694), in-12. — 4- Histoire de la cha-
pelle de Garaison, par M. Suberviile
et M. Duchein. Toulouse, 18'!0,
in- 18. — 0° Histoire abrégée de la
chapelle de Garaison (anonj-mpj.
Lyun, 1839, in-18. — 0* l'ne notice
dé 8 p. dans le gr.nnd ouvrage du
curé de Saint-Suipice : yotre-Dame
de Frame, t. IV, p. 4o0-57. — Sch.
Lorsqu'il subsiste des traces de la
langue des Indiens,qui disparaît tous
1. s jours, il importe de leï consi-
gner bien vite, de crainte de les voir
s'échapper. A ce propos, notons le
titre d'un livre bien rare que vient
d'acquérir la Bibliothèque nationale:
« Lecciones espirituales para las tan-
a das de ejercicios de S. Ignacio, da-
« dai a los lodios en el idioraa
« mexicano. Compuesta por un sa-
<c cerdote del Obispado de la Puebla
8 de los Angele-. Puebla, imprenta
0 antigua, 1841. » Malgré cette dite,
cette version d'une œuvre de saint
Ignace remonte à 1835, selon la date
que portent la dédicice et l'autori-
sation ecclésisstique d'imprimer, ré-
digées en espagnol. Grâce au travail
de ce prêtre anonyme, on a des res-
sources suffisantes pour reconstituer
un vocabulaire respectable de la
langue quichua. en prenant le texte
original de saint Ignace que l'on
confronterait avec la traduction pla-
cée sous nos veux. — Sch.
Le Gérant : L. Sa^dret.
Saint-Onentiu. — Iiiip. Jule? Moukeav.
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
PUBLICATIONS RÉCENTES SUR L'HISTOIRE
DE LA PHILOSOPHIE.
Dictionnaire des sciences philosophiques, par une Société de professeurs et de savants,
sous la direction de M. Ad. Franck, membre de l'Institut. 2" édition. Paris, Ha-
cliette, gr. in-8 de xii-lSO») p. ;i 2 col. Prix : 30 fr. — Etudes historiques et critiques
sur le rationalisme contemporain, par Hyac. DE ValrouER, prêtre del'Ûratoire. 2* édi-
tion, augmentée de divers opuscules du P. H. de V. et publiée par P. de Valroger,
prêtre de Saint-Sulpice. Paris, LecotVre, 1878, in-8 de XXlV-i>)6 p. Prix : 6 fr. — Histoire
de la philosophie, par Joseph Fabre. Première partie : Antiquité et moyen âge. Paris,
Germer-Ballliére,1878. in-8 de Vli-474 p. Prix : 3 fr. 50. — Sancti Thomœ de Origine
idearum, doctrina, qualis quum ab ipso proposita tum a Liberatore defensa fuit, breviter
recensetur et dijudicatur [a] D. Delal.nav. Lutetiœ Paris.. Ern. Thorin, 1876, in-8
de 103 p. — S. Thomas d'Aquin et l'idéologie. Discours lu dans une séance de l'Aca-
démie de la Helinjion catholique ii Home, le 18 août 1870, par M;-'i- Pierre-Marie
Ferré, évèque de Casale-Monferrato. 1' édition, suivie de documents relatifs aux
œuvres de Rosmini. Paris. Douniol. 1877, gr. in-8 de 53 p. — Documents inédits
sur Gassendi, par Pu. Ta.mi/.ey de Larroqce. Paris, V. Palmé. 1877, gr. in-8 de
30 p. (Extrait de la /{«i-ue rfe? questions historiques.) — Dieu, Vhomme et la béa-
titude, par Spinoza, traduit pour la première fois en français et précédé d'une
introduction par Paul Janet. Paris. Germer-Baillière, 1878, in-IS de 1,11-130 p.
{Bibliothifqne de philosophie ronlemporaine .) Vnyi : 2 fr. 50. — Kantii theologia ex lege
morali ducta expenditur, a Ferd. Dcçiesnot, presb. Paris, •'. Delagrave, s. d., in-8
de 111 p. Prix : 2 fr.50. — Etude sur la philosophie en France au dix-neuvième siècle.
Le Socialisme, le naturalisme et le positivisme, par M. Ferraz, professeur de philoso-
phie il la faculté des lettres de Lyon. 1' édition. "Paris, Didier, 1877. in-18 de
XXXi-482 p. Pri.x : 4 fr. — Saint-Simon et le sainl-simonisme, par Paul .IaNET. Paris,
Germer-HaïUière, 1878, in-18 de 171 p. {Bibliothèque de philosophie contemporaine.)
Prix : 2 fr. 50. — Notice sur Laromiguière, par M Gabriel Compayré. Toulouse,
imp. Douladoure, in-8 di^ l'J p. (Extrait des Mémoires de l'Académie des sciences de
Toulouse.) — Les Logiciens anglais contemporains, par l.ocis LiARn, professeur de phi-
losophie il la faculté des lettres de Bordeaux. Paris, Germer-Baillière, 1878, in-18
de 179 p. (Bibliothèque de philosophie contemporaine.) Prix : 2 fr. 50.
Le PohjbibUon est bien en retard avec l'une des plus importantes
publications de la librairie Hachette, la nouvelle édition (succédant
après un quart de siècle à la première) du Diclioimaire des sciences
philosophiques. Aux six volumes achevés de publier en 1852, on
a substitué un seul gros volume, d'une masse énorme et d'une
impression fort compacte, mais qui, par là même, paraîtra peut-être
d'un usage plus commode à certains travailleurs, et, en tout cas,
assortira mieux la collection de répertoires alphabétiques où ce pré-
cieux recueil vient prendre une des meilleures places. A ce change-
ment matériel devait coïncider un remaniement plus difficile et plus
important dans le fond même de l'ouvrage. Il fallait mettre au
courant, soit de l'histoire de la philosophie, qui a fait dans les années
écoulées tant d'acquisitions et de pertes considérables, soit des doc-
trines elles-mêmes, si renouvelées sur plusieurs points, ce monument
Août 1878. T. X\III, 7.
— 98 —
élevé par une société de philosophes de la même école, à une époque
où l'enseignement officiel en France avait son programme et ses
mots d'ordre, que cette école respectait très-sincèrement sans doute,
mais avec une singulière unanimité . L'impression générale a été la
nôtre : quoique les besoins aient singulièrement changé, on nous
offre, à très-peu près, en 1876, la même denrée qu'en 1850; et c'est
pourquoi, sans vouloir nuire au succès parfaitement légitime d'un
recueil indispensable aux professeurs, nous ne sentions pas la nécessité
de le juger à nouveau. N''avait-il pas été jugé suffisamment à tous
les points de vue par des critiques compétents dès sa première appa-
rition ? Nous citerons, en particulier, en ce qui touche l'esprit reli-
gieux de cette vaste entreprise, les articles du regretté P. de Val-
roger dans le Correspondant de décembre 1844.
Toutefois, les parties modifiées ou tout à fait nouvelles de cette
seconde édition forment une masse considérable. Nous l'avons reconnu
par un usage fréquent et par une comparaison soigneuse. De plus,
nous avons été frappé de ces paroles du nouvel avertissement de
M. Ad. Franck : « Nous avons fait ce qui était en notre pouvoir pour
ne rien omettre d'important et ne rien laisser subsister de trop
défectueux. La partie ancienne aussi bien que la partie nouvelle de
ce Biclionnaire^ a été soumise à un contrôle attentif ; mais, bien loin de
nous croire à l'abri des observations de la critique, nous les attendons
et même nous les sollicitons. Quelque sévères qu'elles puissent être,
pourvu qu'elles soient justes, elles peuvent compter sur notre recon-
naissance. » C'est donc un devoir pour nous, dette de reconnaissance
et service à rendre à la vérité, d'offrir au savant éditeur de ce Diction-
naire quelques-unes de nos remarques sur la révision qu'il lui
a fait subir. Commençons par la partie historique, de beaucoup la
plus remarquable et la plus considérable, et à laquelle est réellement
surbordonnée ici, comme dans la plupart des meilleurs travaux inspirés
par l'éclectisme français, la partie doctrinale.
L'histoire de la philosophie n'a pas été bien sérieusement revue ;
on l'a mise à jour, soit en complétant la bibliographie annexée à
quelques articles (encore ce point laisse-t-il beaucoup à désiser), soit
en ajoutant ou en retranchant quelques alinéas dans d'anciens articles,
soit surtout en composant des notices sur quelques auteurs autrefois
omis ou morts depuis la première publication; mais la révision minu-
tieuse des articles même peu importants , d'après les sources authentiques,
ne paraît pas avoir été tentée. En voici une preuve frappante. Dès la
première livraison, on lit à l'art. Ac/iillini{p. 9) : «... Il mourat en 1512,
sans avoir laissé aucun écrit qui soit parvenu jusqu'à nous. » Exactement
ce qu'on lisait dans la première édition. Or, tous les hommes studieux
pouvaient dès lors corriger cette erreur, en consultant le dictionnaire
— 99 —
historique où la liste des ouvrages et des éditions d'Achillini tient une
assez large place, et, de plus, cette erreur avait été signalée comme
surprenante dans un livre qui n'aurait pas dû échapper à Tattentionde
M. Franck; je veux parler de r.4rerro('.y de M. Renan. (Voyez la 2^ édit.,
1861, p. 362.)
Les philosophies orientales n'ont pas subi de changement ou d'ad-
dition notable; seule, la philosophie juive a exigé un article nouveau,
grâce aux recherches qui ont fini par résoudre une des énigmes de
l'histoire des ancêtres de la scolastique ; nous voulons parler de l'au-
teur du Fons vitx, Avicebron, auquel un des hommes qui ont le plus
et le mieux contribué à l'enrichissement de cette édition du Diction-
naire des sciences philosophiques, M. Em. Charles, a consacré un article
remarquable (p. 127-131). — Dans la philosophie grecque et latine,
l'amélioration la plus importante concerne raristotélisme.M.B.Saint-
HiJaire a complété son article Arislotc, où la partie doctrinale était
restée notablement imparfaite, et par surcroît M. Ch.Levêque a fourni
une bonne étude sur le péripatétisme. Il y a de petits articles neufs sur
Hippocrate, Eschine d'Athènes (il faut supprimer comme faisant double
emploi l'art. Eschine, p. 12), ApoUophanc, Eudoxe, Eurytus, Socrate
le Jeune, et des retouches à Phérécyde, aux divers Ammonius... Mais
n'y avait-il pas quelques modifications plus importantes à introduire
dans d'autres morceaux, pour les mettre au courant de la critique
philosophique ? Ne serait-il pas bon qu'on trouvât ici quelque chose des
points de vue nouveaux qu'elle a ouverts, par exemple sur la doctrine
de la liberté dans Épicure et dans Platon ? — Un singulier oubli (car
c'est un pur oubli, sans doute, puisque le nom se trouve à la Table
synthétique qui termine l'ouvrage), c'est celui du grand poète de l'épi-
curisme, Lucrèce.
La philosophie chrétienne des Pères et des scolastiques pouvait être
bien améliorée, soit quant à l'esprit, soit quant au nombre et à l'expo-
sition des faits : mais il n'a été presque rien fait dans ce sens ; et il
faut bien se dire qu'on ne nous offre toujours que des fragments, en
marge desquels il conviendrait très-souvent d'écrire le caute lege des
anciens censeurs de livres. La plupart des maîtres du moyen âge, en
particulier, ont été interprétés par des hommes trop étrangers à leur
foi et même à leur science. Que dire (pour ne citer qu'un exemple)
d'un article sur Durand, où l'on n'apprend rien de sa double négation
capitale, à divers points de vue, de l'intellect agent et du concours
divin? N'était Tarticle très-fouillé de M. Em. Charles sur Roger
Bacon, substitué à une esquisse insuffisante de M. Ch. Jourdain, le
Dictionnaire ferait croire que l'étude de la philosophie du moyen âge
n'a pas fait un pas en France depuis 1850 et qu'à cette époque elle y
était à peine ébauchée.
La philosophie moderne était bien plus exactement exposée dans ce
recueil; aussi n'a-t-on jugé à propos d'y faire aucun changement
important, aucune addition bien frappante, sauf un article de premier
ordre qui vient combler une lacune des plus caractéristiques. Le nom
de Galilée manquait dans la première édition ! Nul ne se plaindra de
la longueur exceptionnelle (une trentaine de colonnes) du travail
consacré par M. Th.-Henri Martin au véritable père de la philosophie
naturelle dans les temps modernes, et M. Franck pouvait se dispenser,
dans son avertissement, de chercher des motifs ou des excuses pour
laisser au savant doyen de Rennes « Tespace et la liberté dont il avait
besoin » pour cette étude capitale. Des lacunes moins graves, mais
encore fâcheuses, auraient dû être comblées aussi : Martinez à un
article ; pourquoi son disciple plus célèbre que lui, Saint-Martin, n'en
a-t-il aucun ? On a peut-être trop parlé dans ses derniers temps de la
philosophie de Gœthe ; était-ce une raison de ne pas lui accorder ici
au moins une ou deux colonnes ?
C'est dans le domaine de la philosophie contemporaine que la mort,
mettant les rédacteurs en possession d'une foule de noms plus ou
moins illustres, a fait la plus consibérable part de la nouveauté dans
ce gros volume. Indiquons les principaux articles, en commençant par
la France. — .l/y/j^è/r (André-Marie), longue et importante étude de
M. Th.-Iienri Martin. — Cousin, article de M. Franck, vraiment par
trop officieux ; dans cette apologie, qui roule principalement sur la
théorie de la raison impersonnelle et sur la classification générale des
systèmes philosophiques, fallait-il oublier la philosophie de l'histoire
et l'apothéose du succès? — Bautain, article fort sévère du même
auteur ; j'ai cru y reconnaître une pure et simple réduction d'une
vieille critique publiée dans la Revue de r instruction publique de 1842;
mais il n'aurait été que juste d'accorder une mention aux travaux
postérieurs de l'abbé Bautain, qui ne gardent guère plus trace des
excentricités de ses débuts. — Gratry, étude sympathique, assez
étendue, de M. Em. Charles. — Pierre Leroux, Jean Reynaud, notices
fermes et compétentes de M. Franck. — Bordas-Demoulin, Bûchez,
Lamennais, articles consciencieux, mais peut-être insuffisants quant
à la critique, par M. Em. Charles. — C'est encore ce même écrivain
élégant et judicieux, qui a très-convenablement enseveli ces maîtres
de son école, Ad. Garnier etEm. Saisset. Nous pourrions signaler ici
les articles consacrés à un certain nombre de professeurs français de
moindre valeur et qui auraient pu, quelques-uns du moins, être omis
sans inconvénient. Mais fallait-il omettre Proudhon, et, à un degré
inférieur, M. Fréd. Morin ? — Parmi les noms appartenant à la phi-
losophie étrangère, citons: fia/'/Jici", article favorable, mais gâté par
le rationalisme de M. Em. Beaussire [Donoso Cartes est prorais dans
— 101 —
YAvertissemrnl, mais oublié dans le livre). — M. Beaiissire est encore
l'auteur de deux bons articles sur Galluppi et Miceli; ce dernier ap-
partient au dix-huitième siècle, mais il a été, pour ainsi dire, révélé
de nos jours par M. di Giovanni, — Les notices do M. Em. Charles
sur Gioberti et sur Rosmiiii sont rédigées avec conscience et talent :
mais elles n'ont paru aux critiques italiens, même les plus étrangers
aux deux systèmes rivaux, ni complètes ni parfaitement équitables. —
Ikwnlton, Slitart Mlll, Schopeuhauer, trois morceaux très-estimables
du même critique.
Quant à la doctrine^ la nouvelle édition du Dictionnaire des sciences
philosophiques vaut à peu près exactement l'ancienne, vu le parti pris
de ne rien changer au fond, vu surtout le peu d'importance de la
plupart des modifications et des additions, parmi lesquelles il y en a
de trop insignifiantes, comme les noms techniques des modes de syl-
logisme, mis à leur ordre alphabétique, y compris un mode Barbari,
dont j'ignore l'état civil. Il faut cependant saluer quelques bonnes
contributions à la psychologie expérimentale, par feu M . Alb. Lemoine,
et surtout son article Insliuci. 11 faut remarquer aussi l'article Devoir
de M. P. Janet, incomparablement supérieur à celui de Charma qu'il a
remplacé. Notons en passant que tous les autres articles de ce
pauvre Charma ont également disparu; sans les regretter, ne peut-on
pas soupçonner qu'ils ont un peu porté la peine de la dernière évolu-
tion morale et politique de l'auteur? La nouvelle édition vaut donc
juste l'ancienne au point de vue doctrinal. Peut-être cependant
quelques-uns, parmi les critiques religieux, lui feront-ils meilleur
visage : le déisme correct de l'école de Cousin et son respect officiel
pour l'Eglise, justement suspects à la génération précédente, pour-
ront paraître de bon exemple en face d'une hostilité aujourd'hui plus
profonde et moins tempérée par le sentiment des convenances et des
nécessités sociales. A un autre point de vue, on pourrait, au contraire,
se plaindre que la nouvelle édition ne soit pas, comme l'ancienne l'était
à son heure, suffisamment munie contre les hérésies philosophiques
du moment. Il aurait été possible à M. Franck et à ses collaborateurs,
restés étrangers, nous aimons à le reconnaître, aux graves erreurs de
notre temps dans le domaine de la pure philosophie et de la religion
naturelle, de battre en brèche des systèmes qui, outre le charme de
la nouveauté, ont l'avantage de tenir aujourd'hui la plus grande
place dans la presse, et môme, ou peu s'en faut, dans l'enseignement.
Sans doute ils n'avaient pas à rédiger des articles Vacherol,, Renan,
Renoiivier, Taine, Fouillée, etc. Mais en augmentant de quelques
considérations nouvelles d'anciens articles dont le fond subsiste, en
ajoutant quelques articles nouveaux, ils pouvaient atteindre les
— 102 —
principales formes nouvelles de l'erreur, sans s'attaquer directement
aux personnes vivantes .
Quoi qu'il en soit, l'inspiration constante d'un spiritualisme éclairé,
l'abondance des renseignements, le mérite habituel de la rédaction,
la commodité de la forme , recommandent assez ce répertoire indis-
pensable à un grand nombre de travailleurs. Il faut d'autant plus
regretter que le rationalisme discret et poli, mais d'autant plus dan-
gereux, en gâte, non pas (bien s'en faut) tous les articles, mais un
grand nombre, surtout de ceux qui touchent à l'histoire et aux dé-
fenseurs de l'Eglise catholique. On s'est même étonné que le seul
progrès des études critiques n'eût pas amené quelques modifications
sur ces points. Il n'y a rien littérairement de plus agréable, mais en
même temps de plus contestable historiquement, et moralement de
plus suspect, que la leçon de M. Cousin sur le Mysticisme. Et on la
laisse tout entière à son rang alphabétique, par un privilège qui était
déjà étrange il y a vingt-cinq ans, comme si elle représentait le
dernier mot de la science ? On oublie qu'un juge, que personne n'ac-
cusera ni d'incompétence en philosophie, ni de fanatisme en religion,
M. Ravaisson, a porté cet arrêt [La Philosophie en France au dix-neu-
vième siècle, p . 19) : Le mysticisme exposé et combattu par Cousin
embrasse « évidemment toute la théologie chrétienne. »
— Parmi les travaux opposés par l'apologétique chrétienne à ce
rationalisme qui subsiste trop dans le Dictionnaire des sciences philo-
sophiques, il n'y en a pas eu de plus solide, de plus modéré, de plus
complet, sous de modestes proportions, qu'un livre du vénérable
P. do Valroger publié dès 1846, épuisé bientôt après, et dont nous
réclamions depuis longtemps une édition nouvelle. Cette édition, à la
fois diminuée et augmentée, un prêtre de Saint-Sulpice, frère du
regrettable oratorien, nous l'offre aujourd'hui, et tous les lecteurs
chrétiens lui doivent un accueil empressé. Ne fussent-elles qu'un
travail instructif sur une école de philosophie dont la grande vogue
est passée^ mais dont les œuvres et l'influence ne périrent pas si tôt,
les Études historiques et critiques sur le rationalisme contemporain ont
leur placemarquée dans toute bibliothèque philosophique et religieuse.
Mais elles renferment, sous une forme remarquable de précision et de
netteté, une forte somme de considérations et d'arguments qui seront
toujours utiles à l'apologétique historique, objet constant des efforts
de Téminent auteur. Le livre est dégagé aujourd'hui de tout ce qui
paraissait tenir principalement aux préoccupations particulières des
années qui précédèrent la révolution de 1848 ; il reste, dans la pre-
mière partie, une critique, à mon avis trop peu complète, mais, certes
très-décisive, du syncrétisme de M. Cousin, au double point de vue
de la philosophie et de la religion ; et, dans la seconde partie, qui
— 103 —
l'emporte de beaucoup en variété et en étendue, un examen non
moins judicieux de son histoire de la philosophie et de sa philosophie
de l'histoire, surtout en ce qui concerne le christianisme et les fausses
religions. Les idées de M. Cousin et de Jouffroy, sur les origines,
l'influence et l'avenir de la religion chrétienne, ces idées dominantes
encore parmi beaucoup d'esprits qui se regardent comme impartiaux,
respectueux et conservateurs, n'ont jamais été soumises à une critique
plus calme et plus concluante. Au reste, un des tenants de l'école si
bien combattue par l'abbé de Valroger, M. Em. Saisset, ne put
s'empêcher de saluer en lui, dans la Revue des Deux Mondes (15 sept.
1847), « un prêtre éclairé, un adversaire très-habile et très-courtois,
un homme parfaitement renseigné sur tous les écrits de la philosophie
contemporaine, et qui connaît les hommes et les choses. »
Parmi les additions qui occupent plus du tiers de cet élégant volume
et qui n'ajoutent pas peu à sa valeur déjà si considérable, nous cite-
rons : la préface du nouvel éditeur, qui fait l'histoire du livre et justifie
les modifications qu'il lui a fait subir, sans jamais altérer le texte de
l'auteur; une excellente notice sur ce dernier, par le P. Largent, de
l'Oratoire, notice déjà remarquée dans la Reviie des questions histO"
riques; des Noies inédites du P. de Valroger sur M. Cousin, qui conti-
nuent et achèvent l'appréciation du maître commencée dans l'ouvrage;
l'importante étude sur Spinoza et la jeune école éclectique, publiée dans
le Correspondant de 1845; une Leçon au collège de France en 2547, spi-
rituelle et judicieuse critique du mythisme de Strauss, ajoutée en 1847
à la fin d'une traduction de Tholuck, mais que tous les lecteurs des
présentes Etudes seront ravis de lire et de relire à cette place ; enfin
et surtout un Choix de pensées philosophiques et religieuses inédites^ qui
pourraient, selon la pensée du pieux éditeur qui les a recueillies et
coordonnées avec tant de soin et de succès, être intitulées : « Le P,
de Valroger peint par lui-même. » Elles offrent, d'ailleurs, sur les
rapports de l'enseignement philosophique et de la foi, du rationalisme
et de lareligion, soit naturelle, soit révélée, de la science, des sciences
et de la philosophie, et sur la nécessité et les conditions de l'accord
entre la science sacrée et les sciences profanes, beaucoup de données
précises, solides, fécondes, également fermes et modérées. Je n'en
détache qu'une, qui en montre bien l'esprit général, aussi scientifique
que religieux : « A mesure qu'on cesse de croire à la révélation chré-
tienne, les révélateurs et les prophètes deviennent plus nombreux. Le
doute méthodique et l'ironie socratique sont chaque jour plus néces-
saires pour défendre la raison et la foi contre cette invasion d'illumi-
nés hautains et fougueux. »
— M. Joseph Fabre a bien raison de dire, dans la courte préface de
son Histoire de la philosophie, que son livre n'est pas un manuel, quoi-
— 104 —
qu'il en ait la brièveté. Il y manque la proportion et la méthode. Je
comprends que l'auteur se soit promis, comme pour compléter l'ensei-
gnement scolaire, d'être succinct sur les points très-connus et d'ac-
corder (( unelarge place aux périodes de transition et d'enfantement.»
Mais il ne me paraît pas qu'il ait sérieusement rempli ce programme
difficile, quoiqu'il ait fait un livre où ne manquent ni l'intérêt ni le
talent. Ce qui frappe le plus dans la lecture, très-attrayante (je
l'avoue) de ce volume sur la philosophie de l'antiquité et du moyen
âge, ce sont les préoccupations morales, politiques et sociales de
l'auteur. Il raconte en courant, avec un très-mince souci du fait his-
torique et des textes précis. Mais, à tout propos, ses prédilections lui
font quitter les voies battues, et surtout l'engagent en des prédica-
tions passionnées, honnêtes d'intention sans doute, mais presque
toujours sentant plus ou moins le fagot.
Dès les premières pages, par exemple, nous lisons une diatribe
fougueuse contre ceux qui confondent l'histoire universelle avec un
petit coin d'histoire particulière, allusion trop évidente à ce pauvre
Bossuet qui n'avait lu ni Confucius ni les Védas. Mais qui donc, ô
trop bouillant discoureur, qui donc amis hors de l'histoire ces peuples
longtemps inconnus qui vous tiennent au cœur? Qui a seulement
insinué qu'ils fussent étrangers à la lumière morale qui éclaire tout
homme venant en ce monde ? Excessive et déplacée, cette tirade a
d'ailleurs l'inconvénient de faire attendre une histoire approfondie, et
nous n'avons ici, sur les Egyptiens, les Hébreux, les Perses, que des
aperçus très -fugitifs et qui sont loin de suppléer à l'étendue par la
précision et la sûreté. Les Indiens sont un peu mieux étudiés dans
ces trois évolutions de leur pensée religieuse : les Védas, Brahma, le
bouddhisme. INI. Fabre n'est pas loin d'adorer Çakia-Mouni; quanta la
philosophie proprement dite de l'Inde, avec ses diverses écoles révélées
par Colebrooke, il n'en dit pas un mot! Évidemment le titre du livre
est fautif. Nous avons une histoire, ou plutôt un tableau éloquent des
idées morales et religieuses de l'humanité, et non pas une histoire de
la philosophie. En Chine, Confucius et Mencius, ayant une tendance
exclusivement pratique, ont obtenu l'attention et les sympathies de
l'auteur; mais en Grèce, la philosophie antisocratique est traitée à
vol d'oiseau; Socrate lui-même est à peine indiqué : Platon et Aristote
ont trois ou quatre pages chacun, M. Fabre dira qu'il s'agit « de
systèmes très-connus. » Mais, hélas! c'est tout le contraire; et,
parmi ses lecteurs, y compris ses anciens auditeurs de la faculté des
lettres de Bordeaux et ses anciens élèves de divers collèges et lycées,
et en dernier lieu du lycée de Louis-le-Grand, on peut parier que la
plupart seraient beaucoup plus empêchés d'exposer la dialectique
platonicienne ou la métaphysique du Lycée que la morale du Portique,
— iOo -
à laquelle M. Fabre ne craint pas d'accorder de si longues pages.
Encore une fois, ces disproportions sont inconciliables avec Tordre et
l'unité de l'œuvre; mais elles s'expliquent toujours par des tendances
et des idées personnelles. Pour l'auteur, « le stoïcisme représente le
plus noble effort de la philosophie ancienne pour le gouvernement
des âmes, » et il l'annonce d'avance comme devant reparaître avec
Kant au point de vue culminant de la philosophie moderne (p. 251).
Le morceau le plus considérable, après l'étude sur le stoïcisme ro-
main, c'est, non pas la philosophie alexandrine, qui est d'ailleurs
exposée nettement dans son rôle actif plutôt que dans ses spécula-
tions, mais le chapitre sur la philosophie chrétienne. Il y a là de
chaudes effusions de sympathie pour l'Evangile et son divin héros,
pour les grandes idées religieuses de l'Eglise primitive et de ses
docteurs. Mais on y trouverait, dans des assertions ou des insinua-
tions rapides qui échappent à toute discussion, quelques-uns des pré-
jugés rationalistes sur l'origine du christianisme et sur les prétendues
lacunes de la morale chrétienne. Platonisme originel de l'Eglise, ab-
solutisme politique et ascétisme exagéré favorisés par les Pères,
telles sont les taches principales de ce tableau, dont plusieurs traits
sont d'ailleurs moins répréhensibles que beaucoup de détails jetés à
tort et à travers, en façon d'allusion, dans les pages consacrées à
l'antiquité païenne .
Dans la philosophie du moyen âge, malgré les allures peu scientifi-
ques de la rédaction, M. Fabre a plus d'exactitude que tel auteur,
moins suspect de fantaisie. M, Fouillée, par exemple. Beaucoup de
parties sont bien senties et bien rendues, et, à travers maintes notes
fausses ou suspectes, le ton général reste assez favorable aux scolas-
tiques, aux grands mystiques du moyen âge, jusqu'à la conclusion
exclusivement. Là se trouvent amassés, en deux pages, tous les pré-
jugés, tous les malentendus, toutes les calomnies contre le gouver-
nement moral de rÉglise à cette grande époque. L'or est rare et le
fumier épais. . . La science est une espèce de sacrilège... La nature
est maudite. . . La grâce d'en haut appelle l'arbitraire d'en bas...
L'oppression, la misère et l'ignorance sont d'institution divine... Pour
appuyer des sottises on commet des atrocités ... La raison peut ù
peine lever la tête sous une pluie de sang et d'anathèmes. — On a une
idée à peine de cette invective à fond contre l'inspiration religieuse
du moyen âge. Au reste, ces préjugés percent en mille endroits du
livre, même à propos de Bouddha ou de Confucius. D'autant mieux
que l'auteur n'a pas de règle sûre pour gouverner sa pensée et que
toute place à peu prés lui paraît bonne pour décharger son cœur. En
vérité, plus de méthode et moins de sentiment vaudraient mieux,
même au seul point de vue d^^ la composition et de l'ordre. C'est un
— 106 —
horsi-d'œuvre risible, à propos des sophistes d'Athènes, qu'une longue
sortie (122-124) contre les sophistes de toute couleur d'autres pays et
en particulier du nôtre. A propos des impostures attribuées à Pytha-
gore, il y a une tirade contre le mensonge bien intentionné (p. 108),
qui n'existerait pas sans une réflexion saugrenue d'un manuel fort ou-
blié de M. Charma. Ailleurs l'apostrophe du nom de Jeanne d'Arc est
éliminée d'autorité^ parce que l'héroïne était plébéienne, ce qui est
une pure niaiserie, comme le savent tous les paléographes. Mais
cette erreur est en-dehors de la philosophie. Sur son domaine propre,
nous croyons M. Fabre plus solide, quoique la rapidité de sa rédaction
et le peu de sévérité de sa méthode l'exposent à faire mal juger de sa
science, réelle au fond. Ce qui ne peut guère être corrigé dans son
livre, c'est cet esprit de libéralisme radical qui paraît à l'auteur
l'essence même de la morale et qui, à nos yeux, en est très-réellement
la négation absolue quoique inconsciente. — Au reste, si, contre notre
habitude, nous avons beaucoup plus jugé qu'exposé dans cet examen,
c'est un tort dont l'auteur est le premier responsable ; nous lui avons
emprunté, sans le vouloir, une partie de sa méthode. Mais nous es-
pérons réparer ce défaut dans l'examen du volume qu'il doit publier
très-prochainement pour compléter celui-ci, et qui traitera de la re-
naissance et de l'époque moderne.
— La scolastique n'est plus seulement objet de recherches curieuses
et d'appréciations purement historiques; elle renaît. Que dis-je? elle
a pris en quelques années un vaste développement, et, comme toute
philosophie vivante, elle donne lieu (nous le verrons dans une pro-
chaine étude) à des discussions, soit intérieures, soit extérieures. Ces
dernières sont pourtant assez peu communes. Beaucoup d'écrivains
paraissent ignorer, méconnaître, mépriser la nouvelle scolastique,
bien qu'un peu d'attention suffise pour constater qu'elle a déjà en
Espagne, en Italie, en Allemagne des représentants d'une haute valeur
personnelle. Mais peu l'attaquent de front. Nous produirons cependant
bientôt un adversaire déclaré de la théorie thomiste, de la connais-
sance sensible, M. l'abbé Duquesnoy. Voici un précurseur de ce
maître, qui s'attaque, dans une thèse latine dont les intentions graves,
conservatrices, religieuses, ne méritent que le respect, à la doctrine
de saint Thomas sur l'origine des idées. D'après le titre même de son
travail, M. Delaunay combat cette théorie, en la prenant soit dans le
saint docteur lui-même, soit dans le plus connu de ses vulgarisateurs
contemporains, le P. Liberatore. Mais, à la lecture, on ne retrouve
guère plus que des citations de saint Thomas. La vérité est que le
critique est remonté de son mieux à la source, mais qu'il a pourtant
suivi en tout comme guide le respectable auteur du traité de la con-
naissance intellectuelle. C'est déjà fâcheux; car, enfin, quelque con-
— 107 —
fiance que mérite ce savant interprète de saint Thomas, certains
thomistes contemporains d'un grand mérite lui reprochent d'avoir
altéré la théorie scolastique de l'origine des idées sur tel point essen-
tiel. Quoi qu'il en soit, M. Delaunay lui-même ne satisfera, je crois,
ni dans son exposition les vrais connaisseurs en scolastique, ni dans
sa discussion les esprits vraiment larges et impartiaux. La plus grande
partie de sa thèse attaque les préliminaires métaphysiques de la
théorie : pourquoi, dit-il, partir de données ontologiques dans une
question de science expérimentale ? Ici, M. Delaunay peut abonder
dans son sens; la scolastique ne perdra pas pour cela la partie. C'est
affaire de substituer l'analyse à la synthèse. L'aristotélisme ne passe
pas pour tellement opposé à l'expérience qu'il doive redouter cette
épreuve; et beaucoup de thomistes de ma connaissance partiront,
juste comme M. Delaunay, de la conscience et des faits intérieurs pour
arriver à cette ontologie qui lui répugne. Mais ce sont surtout ses
paragraphes, les seuls essentiels, sur les opérations intellectuelles et
sur la formation des universaux (10, 11, 12), qui sont loin de repré-
senter complètement les théories de saint Thomas. Et ce qu'il y a de
plus curieux, c'est que l'auteur, rejetant l'ontologisme et sans doute
les idées actuelles innées, no peut guère enseigner, quoi qu'il pense,
qu'une théorie de la connaissance à peu près identique au fond à celle
des seolastiques. Pour peu même qu'il admette, avec le commun des
professeurs de ce temps, que l'expérience est la loi de la raison, voilà
cette doctrine des idées rationnelles obtenues par l'abstraction, doc-
trine qui lui paraît si peu logique dan*: saint Thomas, la voilà devenue
la sienne. Car il dira, sans doute, que la raison dégage l'élément
rationnel des données expérimentales dans lesquelles il est primitive-
ment enveloppé; et un thomiste dira que l'intellect agent dégage
l'universel des fantômes ou des éléments sensibles et par cette abstrac-
tion le rend intelligible. 11 est vrai qu'on pourra demander au thomiste
en quoi consiste précisément cette force propre à l'intellect agent
ûHlluminer les fantômes, de faire du sensible l'intelligible, et je ne
garantis pas que sa réponse soit parfaitement claire. Mais, ô psycho-
logues de routine, rhabilleurs de manuels universitaires, ne voyez-vous
pas que cette question se pose aussi devant vous et que vous n'y ré-
pondez rien?
— Si M. Delaunay est un adversaire de l'idéologie transmise,
Mgi' Ferré en est l'admirateur le plus prononcé. De plus, tandis que
le professeur français s'en tient trop aux surfaces, le prélat piémon-
tais va au fond, complète même par des rapprochements ingénieux et
des raisonnements subsidiaires, les parties flottantes ou douteuses de
la doctrine. Mais c'est ici que l'ami de saint Thomas a mécontenté,
plus qu'un adversaire déclaré n'aurait pu le faire, les partisans de la
— lOS —
théorie thomiste. Tranchons le mot, Ms'' Ferré leur a paru défigurer
gravement cette théorie, ou plutôt y substituer une théorie absolument
différente, en aggravant ses torts par des finesses de commentateur
qui font souvent dire à saint Thomas le contraire de sa pensée.
Më'' Ferré, en effet, est rosminien pur. Sa théorie de la connaissance
consiste à professer avec le philosophe de Rovereto qu'une seule idée
innée, celle de l'être possible, s'unissant à l'expérience, suffit à ex-
pliquer l'origine de toutes nos connaissances. Il est certain que ce
n'est pas là la théorie scolastique. M?'' Ferré ne peut guère avoir de
doute sur ce point; mais il peut croire avec son maître que cette
théorie sauve toutes les parties constitutives de l'idéologie thomiste en
la complétant sur le point le plus central. Voici comme parle sur cette
question un des meilleurs thomistes de notre siècle : « Rosmini en-
seigne que Y illumina lion des imagos, sensibles, admise par saint Tho-
mas, consiste en ce que l'intellect agent applique et accommode l'idée
de l'être possible, qui lui est innée, à ces représentations de l'imagi-
nation, et les rend ainsi universelles et actuellement intelligibles.
Cette explication est ingénieuse assurémenl, mais elle est gratuite,
s'appujant sur l'hypothèse, rejetée par saint Thomas, de l'idée innée
de l'être possible. » Ce dernier point nous paraît incontestsble. Ms^
Ferré pouvait plaider pour Rosmini, modifiant et complétant la théo-
rie thomiste. Il a préféré faire dire de force à saint Thomas ce que dit
Rosmini lui-même, sans nommer seulement ce dernier. Le procédé
n'était ni légitime ni prudent. Un critique anonyme très-compétent
(Ms^" Sauvé?) a relevé, dans la Revue des sciences, ecelèsiasliriues de
février 1877 de nombreuses altérations de la pensée de saint Thomas
dans l'exposition du savant évêque de Casale-Monferrato ; il est diffi-
cile de ne pas lui donner raison sur la plupart des points. Mais on
pourra le trouver un peu trop rigoureux pour l'illustre Rosmini, dont
les ouvrages philosophiques restent à l'abri de toute censure doctri-
nale,comme le rappellent, à l'encontre d'attaques injustes et injurieuses,
diverses pièces romaines officielles qui ont été annexées au travail
sVn ^°' Ferré, dans cette traduction française inspirée par le supé-
maitré^®^ Pères rosminiens de Londres.
conservatT^ Gassendi fut appelé de son temps le plus savant des phi-
de saint Thù^^ P^^^ philosophe des savants. La postérité ne lui a con-
travail M. D V^^^ ^l^e la première moitié de cette qualification trop
saint docteur 1^ ^'^^t assez, avec le rôle important qu'a joué le doyen
contemporains,^^ mouvement littéraire et scientifique de son époque,
guère plus que dô^s les esprits curieux aux événements de sa vie. On
critique est remon^ <^6tte vie était surabondamment connue par les
suivi en tout commtconsacrées autrefois et de nos jours encore à l'au-
naissance intellectue'"^o-'^'^P^'> epicure.v, et surtout par l'ouvrage assez
— Kl!) —
considérable du P. Bougerei {Vie de Pierre Liassciidi. Paris, 17o7).
Mais voici des documents très-neufs et très-instructifs qui ajoutent
par eux-mêmes à ce qu'on savait du philosophe provençal, et qui sont
encore enrichis d'un commentaire plus long que le texte, sans renfer-
mer pourtant rien d'utile, par le plus infatigable et le plus érudit des
chercheurs contemporains ; nous avons nommé notre excellent colla-
borateur M. Tamizey de Larroque. Il a raison de croire et d'affirmer
que M. Cousin, s'il avait eu la bonne fortune de mettre la main sur ce
recueil, aux manuscrits de la Bibliothèque nationale, « aurait été ravi
de la longue et curieuse lettre autographe adressée(par Gassendi) aux
consuls de Digne, le 29 mars 1650, et surtout des notes sur la vie de
réminent critique rédigées, sous la forme d'un journal, par quelqu'un
qui l'avait parfaitement connu, puisque c'était un de ses meilleurs
amis, son secrétaire Antoine de la Poterie, dont le travail, transcrit
et sur certains points retouché par un neveu de Gassendi, acquiert
ainsi toute l'autorité d'un mémorial de famille. » Ce journal, en effet,
dont on ne séparera pas les notes plantureuses de rcditeur_, nous fait
parcourir, avec des détails familiers et naïfs, mais d'autant plus pré-
cieux, toute la carrière de Gassendi ; et, dans ses dernières pages sur
sa K piété, sa façon d'étudier, sa façon d'observer, particularités
diverses, » il restitue et remet dans son vrai jour cette bonne et véné-
rable figure du savant, qui fut malheureusement pur sensualiste en
philosophie, ce que l'éditeur de ces documents paraît à tort mettre en
doute (p. 4), mais en même temps homme admirable dans tout le cours
de sa vie par sa foi et ses vertus chrétiennes et sacerdotales. M. Th.-
Henri Martin l'a bien jugé en deux lignes : « Philosophe médiocre,
mais honnête et calomnié, chrétien sincère, excellent prêtre et savant
distingué {Galilée, p. 249). » M. Tamizey de Larroque, par cette publi-
cation érudite et curieuse, aura apporté une excellente contribution,
non à la philosophie gassendiste, mais à la biographie de Gassendi.
— C'est, au contraire, au seul point de vue de l'histoire des idées de
Spinoza que l'on consultera le petit livre publié par M. Paul Janet
avec cet avant-titre : Supplérnent aux œuvres de Spinoza. Assurément
la métaphysique et la morale n'ont rien à gagner à ces pages sur Dieu,
l'homme et sa bcalilude, dont le plus clair est passé dans l'Éthique avec
plus de clarté et de précision et avec des développements nouveaux.
Mais il est curienx, pour ceux qui s'occupent de l'histoire des systèmes
et particulièrement du travail d'élaboration qui en précède l'éclosion
définitive, d'étudier le spinozisme dans sa première forme. Or, c'est
précisément cette forme que nous offre l'opuscule traduit en français
pour la première fois.
L'édition princeps du texte hollandais, avec une médiocre tra-
duction latine, a paru à Amsterdam (Fr. Mueller), en 1862, et une
— HO —
édition plus correcte, d'après un autre manuscrit, dans la même ville
en 1869. Depuis, l'ouvrage a donné lieu à beaucoup de discussions
critiques dont il résulte : 1° qu'il est bien de Spinoza lui-même, qui l'a
composé en latin et dont le texte est perdu ; 2° que les notes qui l'ac-
comgnent peuvent être, quelques-unes du moins, d'une autre main, et
d'une main chrétienne ; 3° que cette ébauche du système métaphy-
sique de Spinoza n'est pas postérieure, et probablement est antérieure
à Tannée 1661.
Pour l'analyse de ce traité, nous renvoyons à l'introduction trés-
soignée et très- judicieuse du traducteur français. 11 suffira de remar-
quer ici: que, dans cette première conception de son système, Spinoza
ne part pas de la définition cartésienne de la substance, mais des
preuves de l'existence dç Dieu et, avant tout, de l'argument a
priori de saint Anselme ;
Qu'en établissant déjà sa distinction célèbre entre la nature natu-
rante et la nature naturée, le philosophe sauve encore un peu mieux
que dans l'Éthique l'intelligence divine accompagnée de conscience,
puisqu'il en fait le moyen d'une félicité parfaite ;
Qu'enfin, la théorie des passions est ici empruntée à Des-
cartes, et part de Vadmiration, tandis que plus tard Spinoza se fit,
comme on sait, une théorie différente dont le désir est le premier
élément.
Le traducteur ne s'est pas occupé de réfuter le .«pinozisme ; tou-
tefois, il a marqué très-judicieusement le caractère purement hypo-
thétique des propositions sur l'essence de Dieu, qui sont le fondement
de la doctrine de Spinoza sous sa première forme (p. xiv). Ses rares
annotations sont purement exégétiques. Il a, du reste, rendu très-lisible
le traité parfois assez informe du juif d'Amsterdam, où l'on passe, un
peu brusquement, de démonstrations subtiles à des pages plus litté-
raires, par exemple à deux dialogues, l'un entre' des êtres de raison,
l'autre entre des personnages fictifs sur les principes de la théodicée
(p. 19-28). La conclusion (p. 125) montre que cet écrit avait un ca-
ractère confidentiel et ésotérique, la prudence obligeant l'auteur de
prendre pour lui-même et à recommander à ses disciples de grandes
précautions dans la manifestation de ces idées subversives de toute
religion. Au seul point de vue de l'intérêt littéraire, rien n'empêche
d'adopter le jugement final de M. Janet sur le De Deo et homine :
« ... L'ouvrage est intéressant, puisqu'il nous montre le premier degré
d'où Spinoza est parti pour s'élever jusqu'à V Éthique. Le fond de la
pensée est le même ; mais le développement n'est encore qu'ébauché.
On y trouve à la fois richesse et difl'usion : ce sont les premières lignes
d'un grand tableau. Ce travail ne nous apprendra rien de nouveau sur
la philosophie de Spinoza ; mais il nous instruira utilement sur l'histoire
— m —
de son génie. » A ce titre, il prendra sa place, avec l'excellente intro-
duction de M. Janet, à côté de l'édition française des œuvres de Spi-
noza avec l'excellente introduction de M. Em. Saisset, dans ces bi-
bliothèques philosophiques où doivent se trouver non-seulement
les trésors de la vraie sagesse recommandés à tous les esprits stu-
dieux, mais encore les mélanges suspects et les poisons mortels, utiles
à ceux qu'une vocation spéciale oblige à étudier les lois et l'histoire
de l'erreur.
— M, l'abbé Duquesnoj, dont j'ai eu l'occasion de signaler tout à
l'heure la thèse française contre la théorie thomiste de la connais-
sance sensible, a publié en même temps une thèse latine d'un intérêt
moins actuel, mais d'un mérite sérieux, sur la Théodicée de Kant dé-
duite de la loi morale. Ce travail se fait remarquer d'abord par un
style latin d'une pureté relative et d'une clarté absolue, également
rares dans les publications de ce genre. Le latin manié par l'auteur a
gardé sa saveur propre, son allure synthétique, et cependant il a toute
la netteté, toute la précision du français de Condillac ou de La Romi-
guiére. C'est dire que la composition de M. Duquesnoy brille elle-même
par la méthode et par l'ordre le plus lumineux. L'objet de cette thèse
est de bien définir et de juger la théodicée kantienne. Tout le monde
sait que le philosophe de Kœnigsberg a voulu relever dans la Critique
de la raison pratique, la théologie naturelle abattue dans la CritiqtM
de la raison pure. Mais le scepticisme de l'une est-il éliminé par
le dogmatisme de l'autre ? C'est ce que l'on n'ose communément dé-
cider. Après l'enquête minutieuse à laquelle se livre M. Duquesnoy,
il paraît évident que Kant pouvait dire, à la fin comme au début de sa
carrière, la phrase de Protagoras : De Diis neque ut sint neque ut non
sint habeo dicere. La pensée de Kant est poursuivie dans les évolutions
de ses écrits successifs, et la portée purement pratique du seul argu-
ment qu'il admette pour démontrer l'existence et les attributs de Dieu
ne suffit, ni dans la vérité des choses, ni dans l'intention même de
l'auteur à exclure l'inguérissable scepticisme religieux de sa première
critique, toujours maintenue par le philosophe prussien. Il est difficile
de ne pas donner raison dans cette polémique à M. Duquesnoy, d'autant
mieux que le criticisme actuel paraît avoir interprété dans ce sens la
pensée de son maître. Ce n'est pas que sur quelques points de détail
on ne pût défendre Kant ; par exemple, quand il donne surtout une
valeur personnelle à l'argument moral, il a saisi, en grand moraliste
qu'il était, l'importance de la préparation vertueuse, la part de la vo-
lonté dans le procédé de la raison s'élevant à Dieu. Sur la doctrine
que M. Duquesnoy a jugé à propos de mêler à la discussion, nous au-
rions d'autres réserves à faire. Qu'il rejette tel et tel argument méta-
physique de l'existence de Dieu, c'est son droit et nous sommes
heureux de nous rencontrer avec lui. Mais qu'il réduise toute démons-
tration divine à trois propositions essentielles dont la seconde a bien
l'air de ne s'appuyer que sur une prétendue tendance naturelle de
l'esprit constatée par M. Ad. Garnier (le plus faible métaphysicien de
son école, et pour lequel l'auteur professe une admiration très-exa-
gérée), c'est ce qui nous paraît faire tache dans un si estimable
travail.
— L'étude de M. Ferraz Sur lu philosophie en Frajice au dix-neu-
vième siècle est loin d'embrasser toute l'étendue de ce grand sujet. Le
sous-titre le réduit à trois systèmes : le sociulisme, le naturalisme et
le positivisme, dont l'ensemble constituerait à peine le tiers d'une his-
toire de la philosophie française contemporaine, comme l'auteur lui-
même la comprend. En effet, dans son introduction, à côté de cette
école matérialiste qui poursuit la réhabilitation de la chair, et qui, par
ses tendances, se rattache si bien au dix-huitième siècle dont elle veut
pourtant se détacher, M. Ferraz montre deux autres grandes écoles :
le traditionalisme, représenté à divers degrés par J. de Maistre, Bo-
nald et La Mennais ; le rationalisme, qui remplace par des analyses
plus sévères et plus profondes l'analyse empirique de Condillac et des
idéologues, et qui, parti de Maine de Biran et de Cousin, se poursuit
jusqu'aux travaux, également remarquables avec des « tendances dif-
férentes, » de MM. Ravaisson, Janet et Vacherot. «Nous voudrions,
dit M. Ferraz, pouvoir écrire en détail l'histoire de ces trois écoles...
Mais comme nous ne savons pas si nous réaliserons jamais une aussi
grande entreprise, nous offrons, en attendant, au public, un essai sur
l'école socialiste qui peut se lire à part et qui constitue une œuvre
indépendante (p. xvii). » Nous l'avons lue, en effet, avec intérêt, et
nous croyons que les amis de la philosophie et de l'histoire littéraire
remercieront, comme nous, le savant professeur de Lyon de cette con-
tribution à l'étude des écoles qui ont exercé tour à tour leur influence j
sur les esprits et sur les faits, à notre époque, dans notre patrie, j
Nous le félicitons aussi d'avoir établi un lien sérieux, une certaine f
unité entre les études qui remplissent ce volume. Toutefois, il y avait |
peut-être quelque chose de mieux à faire à cet égard. Le saint-simo- i
nisme a des liens étroits avec le sensualisme, mais il s'en distingue p
aussi pourtant, et Gall et Broussais appartiennent à une tout autre f,
province du domaine philosophique. Pour faire une œuvre vraiment
une et bien liée, il nous semble que M. Ferraz devait ou s'en tenir aux
systèmes socialistes, ou embrasser en son entier l'école sensiste du
dix-neuvième siècle, depuis Volney et Tracy jusqu'à M. Littré.
Quoi qu'il en soit de cette critique, relative à la disposition de
l'œuvre et non à son fond, M. Ferraz étudie dans ce volume sept
écoles plus ou moins importantes, dans autant de chapitres, divisés au
Ijcsùiii en seclious et paragraphes munis do sommaires qui ne sont pas
à dédaigner dans la lecture de pages si sérieuses. Sur chacune de ces
écoles, il fournit, avec assez de détails, les notions historicjues, bio-
graphiques, bibliographiques utiles, ce qui ojoute toujours à rintérêt,
tout en éclairant plus d'une fois Texposition. Il analyse soigneusement
les doctrines et les critiques, avec une extrême modération, mais sans
se refuser les développements utiles pour la défense de ce qui lui
paraît la vérité. Il juge aussi les hommes, mais avec une facilité cons-
tante à trouver quelque sujet de louange dans ces maîtres d'erreur
qui Tont seuls occupé dans ce long travail. Maîtres d'erreur, en effet,
que Saint-Simon et les saints-simoniens (ch. i) ; Ch. Fourier avec son
attraction passionnelle (ch. ii) ; Cabet et son communisme icarien (m);
Pierre Leroux et Jean Rejnaud, que M. Ferraz unit sous le titre do
seml-saint-simonis>ne {i\); Gall et Broussais, qui sont rangés sous le
nom, peut-être mal choisi, de naluralisnie (v); Auguste Comte ou le
positivisme (vi); enfin Proudhon ou le socialisme semi-rationaliste (vu) :
dénomination, pour le dire en passant, assez malheureuse ; car
M. Ferra/, a voulu dire sans doute que Proudhon avait au moins
un principe rationnel qu'il établit fort incomplètement, celui du respect
de la liberté, mais c'est ce que le mot seml-ratlonallsle ne fait guère
entendre.
Nous ne dirons rien des études sur Saint-Simon, Fourier, Cabet,
Pierre Leroux, qui nous ont fait revenir avec agrément et utilité sur
des sujets si bien vulgarisés, il y a tantôt trente ans, par M. Louis
Reybaud et d'autres écrivains, préoccupés de politique, il est vrai,
plus que de philosophie. A propos de Jean Reynaud, il est permis de
regretter qu'en rejetant les arguments trop poétiques de l'auteur de
Terre et Ciel, le savant professeur ne soit pas toujours assez explicite
sur le fond môme de la doctrine, par exemple, sur la prétendue infinité
de l'univers dans le temps et dans l'espace, et aussi qu'il ait l'air de
reprocher une excessive sévérité à l'éminent adversaire de Jean
Reynaud, M. Th. -Henri Martin, de Rennes (p. 23(5). En se plaçant
u au point de vue de la stricte orthodoxie, » ce dernier était d'autant
plus dans son droit et dans son devoir, que Jean Reynaud (M. Fevraz
Ta-t-il oublié?) se prétendait rinterprote fidèle de la doctrine chré-
tienne. Cette réserve essentielle peut bien modifier le jugement final
d'un lecteur sérieux et l'empêcher de souscrire à ces phrases indul-
gentes de M. Ferraz sur l'œuvre étrange de Jean Reynaud : « Si son
livre nous arrivait en droite ligne de l'Inde ou de la Grèce, ou mémo
simplement de l'Allemagne, nous n'hésiterions pas à lui faire bon
accueil et à. rendre justice aux idées ingénieuses, ainsi qu'aux géné-
reux sentiments qu'il contient. Nous ne devons pas, à ce qu'il me
semble, être plus sévère pour lui parce qu'il est né à notre époque et
AoL-T 187S. T. XXllI, 8.
— 114 —
dans notre pays. » — Sur le docteur Gall, M. Ferraz, sans repousser
absolument l'opinion de beaucoup de .phrénologistes et môme de spi-
ritualistes non suspects, comme M. Janet, qui ne le croient ni maté-
rialiste, ni fataliste, montre que Fauteur des Fondions du cerveau a
surabondamment prêté le flanc à ce double reproche. Quant à Brous-
sais, son matérialisme formel et raisonné donne lieu au critique de
rappeler, avec une insistance dont nous le remercions, les arguments
pour la spiritualité de Tâme empruntés à l'identité, à Tunité, à la cau-
salité consciente du moi (p. 295-304). — L'étude sur Comte et le posi-
tivisme est peut-être la plus nette et la plus intéressante du volume.
Des remarques judicieuses, démêlant une part de vérité à travers
l'exagération et l'absurde, aident à juger la théorie des trois états
(empruntée à Saint-Simon et à Turgot), la classification des sciences,
la physiologie cérébrale, la sociologie de Comte. Un examen non
moins attentif et qui fait admirer Timperturbable sang-froid du cri-
tique en face de vraies folies, est consacré au jwsUivlsme mystique, où
M. Littré n'a pas voulu suivre Aug. Comte, mais qui est toujours la
foi d'un groupe assez nombreux en Angleterre et en France. — Nous
pouvons également recommander, particulièrement aux personnes qui
regrettent l'absence de l'article Proudhon dans le Dictionnaire des
sciences philosophiques, le dernier chapitre du livre de M. Ferraz, où
l'économie antinomique, l'anarchie, l'antithéisme, la morale indépen-
dante sont l'objet de bonnes réflexions. Partout, en un mot, fidélité
louable aux doctrines spiritualistes, mais parfois défaut de fermeté et
de décision, qui se reflète jusque sur la forme un peu lâche du style.
— Au contraire, rien n'est écrit avec plus de vigueur, de précision
et de netteté que le petit livre où M. Paul Janet a, pour ainsi dire,
refait le premier chapitre de l'ouvrage que nous venons d'examiner.
Rencontre fortuite d'ailleurs : chacun des auteurs a travaillé de son
côté, presque en même temps, et M. Ferraz n'a pu que citer en note
le premier article publié sur Saint-Simon, dans la Revue des Deux
Mondes du 15 avril, par son éminent collègue de la Sorbonne. De la
Revueiï était naturel que le travail de M. Janet passât chez le libraire,
sous forme de volume. Saint-Simon et le saint-simonisme reproduit, ou
peu s'en faut, dans le même ordre, les principales divisions du cha-
pitre correspondant de M. Ferraz. Avant d'être un article et un livre,
l'exposition du professeur de Paris, comme celle du professeur de
Lyon, a été un cours, mais non un cours de faculté : il a été professé
à l'École des sciences politiques, fondée, en 1871, par M. Em. Boutmy.
M. Janet, appelé à y faire « un cours sur les grandes théories sociales
de notre époque, en d'autres termes sur l'histoire du socialisme (p. 6], »
consacra trois années (1872-1874) à cet enseignement, qui lui agréait
fort. Car, dit-il lui-même, « nous étions, sinon préparé, du moins na-
— 115 —
turellement amené à ce sujet, d'une part, par nos études antérieures
sur l'histoire des théories politiques, de l'autre, par l'enquête que nous
nous étions proposé de faire sur toutes les grandes écoles contempo-
raines. (Nouvelle rencontre avec M. Ferraz!) Enfin, ayant vu par
nous-méme, en 1848, le naufrage de ces célèbres utopies, nous étions
bien aise de nous en faire une idée fidèle : ce qui, disons-le, n'est pas
toujours le fait de ceux qui en parlent. » C'est pour cela, sans doute,
sans compter d'autres motifs, que peu de professeurs savent intéresser
l'auditeur ou le lecteur à leurs expositions aussi bien que M. Janet a
su le faire dans ce livre, qui ne représente qu'une année d'enseigne-
ment sur trois. Qu'il nous soit permis, à ce sujet, d'espérer la publi-
cation des deux autres fractions de cette histoire complète du socia-
lisme, à laquelle M. Janet voudra sans doute attacher son nom.
Ce travail, quoique fort court, embrasse deux livres : un sur
Saint-Simon lui-même, si oublié, si elfacé par ses disciples et surtout
par Enfantin; un autre sur l'école saint-simonienne. Dans le premier,
qui aurait été bien difiîcile à faire sans la publication récente des
oeuvres volumineuses de l'inventeur du socialisme industriel, M. Janet
étudie avec une finesse judicieuse l'esprit général du socialisme do
Saint-Simon, analyse ses trois plans successifs d'organisation sociale,
poursuit avec une patience et une clarté constante les variations de
son industrialisme et de sa religion, et termine par un portrait dont
voici les dernières lignes : « Utopiste et positif à la fois, un pied dans
la réalité, l'autre dans la chimère, comptant sur Louis XVIII et
M. Lafîitte pour en faire les apôtres d'un nouveau christianisme;
homme d'esprit, d'ailleurs, quand il lui plaisait, ce qui donne à penser
qu'il a pu quelquefois se moquer du monde ; médiocre écrivain, pauvre
philosophe, savant frelaté, apprenti économiste, historien par cette
occasion, amateur en tout, et avec cela ayant entraîné l'espèce hu-
maine dans une voie nouvelle ; type étrange, supérieur même dans sa
bassesse, et qui ne pourrait être peint dans toute sa vérité que par un
autre Saint-Simon (p. 72). »
Le second livre n'a garde de faire double emploi avec le premier.
L'école saint-simonienne est loin d'avoir exactement reproduit les
idées de son fondateur; elle l'a dépassé de beaucoup sur trois points
qui sont, dit très-bien, M. Janet, les bases essentielles de toute so-
ciété : la propriété, la religion, la famille. Dans autant de chapitres,
toujours brillants d'ordre et de clarté, l'auteur nous montre cette secte
aventureuse cherchant la destruction du prolétariat dans un vaste sys-
tème communiste, la rénovation religieuse dans une sorte de pan-
théisme stoïcien et dans la morale de la réhabilitation de la chair,
enfin la solution du problème de l'amour dans les plus honteuses et
les plus ridicules utopies. Aussi, après avoir exposé à peu près cons-
— IKÎ —
tamment sans critiquer ex profcsso, M. Janet n'a-t-il pas à craiudre de
trouver dans un seul lecteur sérieux la moindre opposition à ce juge-
ment sommaire touchant les saint-simoniens, qui termine son livre :
« 11 est à regretter que, de leur système, il soit reste si peu d'idées
pratiques, quoi qu'il fussent personnellement doués à un haut degré
de facultés pratiques. 11 faut regretter qu'ils aient poussé l'opinion
démocratique dans un sens où elle n'avait que trop do penchant, à
savoir l'absorption de l'individu par l'État. Ils ont eu par là leur part
de responsabilité dans l'établissement de l'Empire avec lequel ils ont,
en général, trop complaisamment sympathisé, mais surtout ou repro-
chera à cette école, et en particulier à son dernier chef, qu'elle appe-
lait le Père, de s'être laissé glisser sur la pente dangereuse d'une des
doctrines les plus énervantes et les plus honteuses, le mysticisme
sensuel et voluptueux (p. 151). »
Le rationalisme de l'éloquent professeur se laisse soupçonner çà et
là dans quelques mots suspects touchant l'Eglise ou ses institutions;
mais il n'y a pas d'attaque directe, et, somme toute, nous pouvons louer
et recommander cette lumineuse exposition du premier système so-
cialiste de notre siècle. On a vu qu'à la différence de M. Ferraz,
M. Janet ne discute, ne réfute pas; mais il a su presque toujours
souffler aux faits qu'il laisse parler le langage le plus propre à les faire
bien juger. Il raconte aussi beaucoup moins que M. Ferraz; mais
cette lacune est en partie comblée par le premier des deux appen-
dices qui complètent ce petit volume : Notice biographique sur Saint-
Simon (p. 155-104). Le second est une Notice bibliographique fort
utile pour les nombreux lecteurs qui n'aborderont jamais les quarante
volumes des OEuvres (incomplètes) de Sainl-Simon et d'Enfantin^ pu-
bliées par feu Laurent de l'Ardèche.
— Il a paru, l'an dernier, un cours de philosophie en quatre volumes,
œuvre posthume d'un prêtre d'Albi, curieuse par ce singulier anachro-
misme d'une réfutation minutieuse de Cousin et d'une pure et simple
réédition de l'empirisme de La Romiguière en 1877. Or, l'auteur de
cet ouvrage, à plusieurs égards estimable, avait été en correspon-
dance avec le célèbre professeur que je viens dénommer. Son éditeur
et exécuteur testamentaire a communiqué à M. Compayré, professeur
à la faculté de Toulouse, les quelques lettres de La Romiguière à
l'abbé Roques; et M. Compayré les a étudiées avec d'autant plus d'in-
térêt que le recueil des manuscrits et de la correspondance de ce phi-
losophe, longtemps promis aux nombreux admirateurs de son talent
d'analyste et d'écrivain, est destiné, par la volonté suprême du
dernier possesseur, à être brûlé. 11 ne faut pas exagérer pour cela
l'importance des révélations qu'ont apportées les lettres de La Ro-
miguière. Traits de caractère, qui font aimer l'homme modeste, affec-
tueux, complaisant; mêmes détails de discussion^ qui portent habi-
tuellement sur des points secondaires plutôt que sur les hautes
parties de la doctrine (on remarquera pourtant Topposition absolue
du maître à ce qu'on a nommé depuis morale indépendante (p. 13) :
c'est ce que M. Compayré expose agréablement, sans la moindre illu-
sion d'éditeur, dans ses deux premiers paragraphes. Un troisième,
bon à consulter pour quelques points de la biographie et surtout de la
bibliographie de La Romiguière, roule sur la correspondance épisto-
laire qui dura de longues années entre ce bon abbé Roques et un autre
admirateur du maître, feu M. Chabrier, le même qui, pour des raisons
restées inconnues, a voué au feu le trésor si longtemps choyé des
œuvres inédites de son idole, ce n'est pas trop dire : car si le culte
de l'abbé Roques pour La Romiguière fut excessif, celui de Chabrier
dépassa toutes les limites. En rapporteur sympathique et respectueux,
M. Compayré se contente do sourire discrètement de ces exagéra-
tions d'un sentiment louable dans de si zélés serviteurs de la science.
Son petit mémoire intéresse même, surtout par cette singularité d'un
excellent prêtre s'adressant avec une confiance absolue à un homme
qui paraissait bien avoir oublié qu'il avait lui-même dit la messe, — une
seule fois, il est vrai, au collège de l'Esquille, et un témoin oculaire
atteste « qu'il eut toutes les peines du monde de s'en tirer. » — C'est
au prêtre que La Romiguière citait un texte de saint Paul, un peu dé-
figuré dans ce mémoire où le nom à' Appelle a été substitué à celui
d'Apollon (p. 10, cf. I Cor., i, 12). M. Compajré n'a pas jugé à
propos de toucher à cette particularité délicate; sa notice n'en est pas
moins un excellent complément de tout ce que nous avons déjà sur
La Romiguière : petits discours de Cousin, notices d'A. Marrast et de
Daunou, mémoires de Saphary et de Mallet, surtout étude très-
curieuse de M. Paul Janet dans la Liberté de penser de 1848, et
fragments épistolaires publiés, il y a quelques années, si j'ai bonne
mémoire, par M. Gatien-Arnoult dans la Bévue de Toulouse.
— Un livre important, dont M. Compayré a publié une excellente
traduction française, nous a déjà fourni l'occasion d'indiquer les tra-
vaux considérables par lesquels l'école anglaise contemporaine a pré-
tendu enrichir et renouveler la logique. Dans un résumé substantiel et
rapide, un autre professeur de faculté, M. L. Liard, nous présente
sous le même coup d'œil ces travaux dont on ne peut nier l'intérêt et
la nouveauté. — Les deux premiers chapitres des Logiciens anglais
contemporains sont consacrés aux études qui ont eu pour objet la
logique inductive, soit en elle-même, soit comparée au syllogisme. Le
nom de Stuart Mill domine ici sans contestation. Herschell, plutôt
savant que dialecticien, avait déjà déterminé, avec une remarquable
précision analytique, les conditions normales des groupes requis
— il8 —
pour l'application du raisonnement inductif ; Whewell avait défini et
analysé l'induction elle-même et décrit les diverses méthodes qui per-
mettent souvent de lui donner une expression numérique. Mais Stuart
Mill, creusant plus profondément le même sujet, a dressé une vaste
législation inductive_, qu'on peut apprécier favorablement sans accepter
Tempirisme exclusif qui gâte toute la logique et en particulier l'idée
du syllogisme dans cet auteur, ainsi que dans son continuateur, à ce
point de vue, M. Herbert Spencer. — Le reste de ce petit volume est
rempli par les travaux des logiciens anglais relatifs à la logique for-
melle ou déductive. C'est ici que les maîtres trop sévères ou trop
indulgents, qui supprimaient si volontiers le syllogisme, ou du moins
ses modes et ses figures, sont loin de leur compte. Loin d'être un sys-
tème trop vaste et trop lourd pour l'esprit humain, il va se trouver que
VOrganon d'Aristote requiert des suppléments fort considérables;
et, après les cercles d'Euler et la rose syllogistique du P. Gratry,nous
aurons les équations de Boole et les claviers mécaniques de Stanley
Jevons. Il est inutile d'énumérer ici tout cela : les hommes spéciaux
consulteront l'exposition très-compétente de M. Liard. On nous per-
mettra seulement une remarque en passant. Le premier révolution-
naire du syllogisme est Hamilton, qui a plus que triplé le nombre des
modes admis. On a trouvé un antécédent à sa théorie dans une page
de Bentham. Mais, au fond, il faut aller plus loin : la quantité de Fat-
tribut avait été considérée avant ces philosophes, et l'on savait bien
que dans toute proposition affirmative où l'attribut est exclusivement
propre au sujet, cet attribut est un terme universel, de sorte que cer-
tains modes rejetés comme inutiles par eux-mêmes deviennent utiles
dans ces cas particuliers. Hamilton s'est donné la peine d'étudier ces
cas en détail, et il a eu le mérite d'en tirer un supplément, plus curieux
qu'utile, mais certes digne d'attention, à la logique d'Aristote. Il faut
en dire autant des recherches simplificatives du mathématicien Morgan
sur le mécanisme de la proposition et du syllogisme. Quant à l'algèbre
logique de Boole, qui a au moins le défaut de briser le moule naturel
et ordinaire du raisonnement déductif ; quant à la machine logique de
M. Stanley Jevons, qui a au moins le mérite d'une invention ingénieuse,
il ne peut s'agir ici ni de les juger, ni seulement de les exposer.
M. Liard s'est acquitté fort bien de ce dernier soin, non sans le secours
de M. Jevons lui-même, à qui est dédié son travail; mais il n'a pas
voulu mettre de critique dans ce petit livre, qui mérite de prendre
place, dans les collections d'histoire de la philosophie, à côté du tra-
vail de M. de Rémusat sur la philosophie anglaise et du livre spécial
de M. Th. Ribot sur la psychologie anglaise contemporaine.
LÉONCE Couture.
— Ilfl —
THÉOLOGIE
La sainte Bible, texte de la Vulgate, traduction française et commen-^
taircs. — Les Juges et Ruth, introduction critique et commentaires, par
M. l'abbé Cl.\ir, traduction française par M. l'abbé Bayle. Paris, Letbiel-
leux, 1878, 182 p. — Prix : 3 fr. 60.
L'éditeur Lethielleux poursuit ayec persévérance la difficile tache
commencée, il j a quelques années, d'une manière si brillante par
M. l'abbé Drach. Un nouveau commentaire biblique s'ajoute à ceux
qui ont déjà été publiés. Il est dû au savant abbé Clair qui, après avoir
interprété le livre de Josué, étudie celui des Juges et le livre de Ruth.
Le livre des Juges raconte l'histoire des Israélites depuis la mort
de Josué jusqu'au prophète Samuel. Il en est peu qui aient exercé
davantage la sagacité des exégètes. Il embrasse une période de
300 années environ, durant lesquelles le peuple hébreu continue la
lutte contre les Chananéens, et tantôt remporte la victoire, tantôt
essuie de grandes défaites, selon qu'il est fidèle ou infidèle à la loi de
Dieu. M. Clair expose d'abord le but et le sujet du livre ; il en défend
ensuite l'authenticité, l'intégrité et la véracité; il résout enfin les
principales difficultés proposées par les incrédules. On trouvera, dans
ces pages, le résumé consciencieux des travaux modernes, surla chro-
nologie des Israélites durant cette longue période. Peut-être n'adop-
tera-t-on aucun des systèmes qui y sont énumérés : du moins on res-
tera convaincu que les objections des rationalistes sur ce sujet ne
subsistent pas devant une étude approfondie. M. Clair a écrit quelques
excellentes pages sur l'histoire de Gédéon, celle de Jephté et celle de
Samson. Ces trois épisodes forment une partie considérable du livre
des Juges; le merveilleux s'y trouve tellement mêlé aux faits humains,
que plusieurs s'en étonnent et que les Allemands prétendent, voir, en
ces récits historiques, des mythes évidents. Notre auteur est loin de
nier l'élément divin et l'intervention surnaturelle; cependant, toutes
les fois que cela est possible, il explique les faits d'une manière natu-
relle.
Le livre de Ruth est un des plus courts de la Bible. Il a cependant
une importance capitale, puisqu'il donne les origines de la maison de
David. Rien de plus gracieux, de plus vivant, de plus chaste que cette
histoire de Ruth la Moabite, qui, en épousant Booz, devient l'une des
ancêtres du Messie. Il semble qu'un tel livre défie les attaques de la
critique rationaliste : n'a-t-il pas les caractères les plus évidents de
vérité? Est-ce ainsi que l'on invente? Quelques-uns cependant y ont
vu un roman moral. M. Clair fait justice de ces doctes rêveries : il
relève sans peine les traits inimitables de vérité que l'on trouve près-
qu'à chaque ligne dans ce charmant récit.
— 120
La traduction de M. l'abbé Bayle est facile, exacte et serre de près
la Vulgate. Nous avons cependant regretté que le commentaire et la
traduction ne fussent pas du même auteur. Il arrive çà et là que l'un
rende d'une façonle texte latin, lorsque l'autre déclare qu'il faut expri-
mer d'une autre manière la phrase de la Yulgato. E. Pousset.
tt'^ttid© star !'hîstoîi*e lîtl,éi*aîî*t», ïî» fornio pyîiiiîtive et It^s
Si':insroir*inî.iïîons «les K^'Mngàîes apocryphes, par M. l'abbé
.lûsEPii Vaiuot, ancien élève de l'École des Cannes. Paris, Berche et
Tralin, 1878, in-8 de xiii-jOO p. — Prix : C fr.
Il j a plus de trois siècles que les savants étudient les Apocryphes
et recherchent l'origine do ces écrits étranges qui ont prétendu vivre
à côté des livres inspirés et obtenir parmi le peuple chrétien une
autorité égale à celle des Evangiles et des Epîtres. L'exégèse rationa-
liste a longtemps voulu trouver dans ces documents une arme puis-
sante contre les livres canoniques : l'invention humaine, la légende
populaire, le mythe en un mot paraissaient d'une manière si évidente
dans les Apocryphes ; on y voyait si bien, à côté des plus sublimes
enseignements du dogme et de la morale, les fictions naïves de l'ima-
gination^ qu'il suffisait, au dire des critiques, de comparer les Évan-
giles aux Apocryphes pour reconnaître l'entière similitude des uns et
des autres et établir la théorie du mythe. Mais ici encore le résultat
définitif a été contraire à tout ce qui avait été annoncé: cette compa-
raison, poursuivie pendant trois cents ans par les hommes les plus
doctes et les moins favorables à la révélation évangélique, a démontré
qu'entre les Evangiles et les livres dont nous parlons, il y a la dif-
férence absolue qui sépare les œuvres humaines des œuvres divines.
M. l'abbé Variot publie sur les Evangiles apocryphes une étude
magistrale qui lui a mérité les honneurs du doctorat es lettres. Non-
seulement il résume avec un rare bonheur tout ce qu'ont dit les
nébuleux savants d'Allemagne, non-seulement il montre le vide de
tous leurs systèmes et les incohérences de leurs théories créées de toutes
pièces, mais il tire des Apocryphes un argument invincible en faveur
de nos Évangiles. Il fait d'abord l'histoire littéraire des Évangiles
apocryphes, et, par un savant travail d'élimination, il dégage quatre
rédactions principales, qui ont servi de point de départ à toutes les
autres compositions; ce sont: le Protéoaugile dr Jacques, les Récits
de Thomas risraêlitc, les Aclcs de Pilate^ la Desrente de Jésus-Christ
aux enfers. Mais quelle est la forme primitive de ces Évangiles?
Comment et pourquoi ont-ils été composés? On se plaisait, au dix-
septième et au dix-huitième siècles, avoir en eux une sorte de contre-
façon malhabile que les hérétiques opposaient aux livres canoniques;
M. Variot, sans nier que la main des hérétiques n'ait travaillé à la
composition de plusieurs de ces documents, aime mieux y voir une
tentative du peuple chrétien s'efforçant de peindre et de se repré-
senter à lui-même la figure de Jésus-Christ^ brodant sur la trame des
Evangiles canoniques une image dont tous les contours fussent accu-
sés, une histoire qui ne laissât aucune lacune, un Christ enfin Dieu et
homme, tel que se le représentait Tàme ardente des chrétiens.
M. Variot examine tour à tour les quatre principales compositions
qu'il a choisies entre toutes les autres. Une dernière partie expose
la propagation et le développement des Évangiles apocryphes. Une
place considérable est donnée à ÏKcangile des Hébreux, qui eut une
autorité si considérable auprès de plusieurs des anciens Pères, et qu'ils
regardèrent même comme le texte original de TEvangile de saint
Matthieu. Notre auteur démontre d'une façon victorieuse que ce docu-
ment est, au contraire, dans la forme actuelle, postérieur au premier
des Evangiles. Si les deux textes sont identiques pour le fond des
choses, celui qui porte le nom d'Evangile des Hébreux contient des
interpolations et des additions qui ont défiguré l'œuvre primitive de
saint Matthieu et ont mérité à cette composition d'être rangée parmi
les Apocryphes.
Félicitons M. Tabbé Variot de son docte et intéressant travail. S'il
a bien mérité des lettres, il a mieux mérité encore de l'apologétique
chrétienne et de l'exégèse évangélique.Son livre est digne de prendre
place parmi les bons travaux de notre temps. E. Pousset.
Patrwm apostolîcorum Opéra. Texlum ad fidcm codicum et grx-
corum et latinorum adhibilis jv^staritissimis cdiiionibus rcceiisucnoit,
cormnentario cxegetico et historico Uluslraverxint. apparaiio critico, ver-
sione latina passim correcta, protegomenis, indicihus instruxerxint Osc.vn df.
Gebhardt, AnoLKUs Harnach, TiiEODORrs Zau.n. Editio post Dresselianam alte-
ram tertia. Fasciculi primi partis secunda? editio altéra. — Oarnabte
Epistula gr.'cce et latine rccensuentnt et iUustraverunt, Papiœ qii<r supcrsunt,
presbyterorum reliquias ab Ircnœo servatos, vêtus EceJcsix romanx Symbo-
lum, Epistulam ad Diognetum adjecerunt Oscar de Gebuardt, Adolfus
H.uiNACH. LipsicC, Hinrichs, 1878, in-8 de lxxix-172 p.
La librairie Hinrichs, de Leipzig, vient de compléter, par la publi-
cation de la seconde partie du premier fascicule, sa nouvelle édition
des Pères apostoliques. Les éditeurs avaient déjà publié, en 1875,
l'Êpître de saint Barnabe. Hs n'ont pas hésité à la publier de nouveau
pour mettre à profit les leocns fournies par le manuscrit de Constan-
tinople, de Brjennios, et par trois autres manuscrits grecs, jusqu'ici
non collationnés, de la bibliothèque Bourbonnienne de Naples, de la
bibliothèque Nationale de Paris, et de la bibliothèque de l'Université
de Liège. Le texte de cette édition est d'ailleurs le même que celui
de Vedilio rninor dont nous avon? rendu compte précédemment.
• 4 22
Le Codex Sinaiticus^ découvert par Tischendorf, et le Codex Coiv-
stantinopolitanus, découvert par le métropolite de Sères, Bryennios,
contiennent le texte grec complet de TEpître de saint Barnabe. Tous
les autres manuscrits grecs sont tronqués et n'ont pas le commence-
ment de la lettre, de sorte qu'avant que Volkmar eût publié l'épître
en 1864, d'après le Codex Slnâiticus, on n'en connaissait les cinq
premiers chapitres que par une traduction latine. M. Hilgenfeld, qui
a publié la lettre de saint Barnabe, d'après les deux manuscrits grecs,
préfère celui de Constantinople à celui du Sinaï; M. de Gebhardt fait
avec raison le contraire, et il justifie invinciblement sa préférence
dans les Prolégomènes, dans son étude critique du texte, de la version
latine et des diverses éditions. Dans les mêmes Prolégomènes, M. Har-
nack établit l'intégrité de l'Epître de saint Barnabe ; il pense qu'elle
ne peut pas avoir été composée après 120-125. Quant à l'auteur, dans
l'impossibilité où est la critique de le découvrir, il n'examine même
pas la question ; il se borne à émettre Ta vis que c'était un païen
converti. Le texte grec et la traduction latine de l'Epître sont
reproduits ensuite d'une manière très-correcte, avec les variantes
et des notes critiques, comme dans les autres parties de cette sa-
vante édition des Pères apostoliques. Un appendice renferme les
Fragments de Papias, les Presbijtcrorum reliquix, le Symbole de
l'Eglise romaine et l'Epître à Diognète, le tout sans traduction. Le
texte du Symbole de l'Eglise romaine (ou des Apôtres) est accompa-
gné d'un travail important, celui de la collection de tous les textes
des premiers auteurs ecclésiastiques qui confirment ce symbole. On
regrette seulement d'y lire, page 138, que les paroles de saint Luc,
XXIV, 51, addimenta sunt. L'Epître à Diognète est reproduite seule-
ment en grec. Il n'en existait qu'un manuscrit ancien qui a péri en
1870 dans lïncendie de la bibliothèque de Strasbourg. Les nouveaux
éditeurs ont pris pour base ce manuscrit, tel qu'il avait été colla-
tionné par Cunitz. Ils nient que l'épître soit de saint Justin et se dé-
clarent incapables de fixer le lieu et la date de sa composition, se
bornant à dire qu'elle a été écrite entre 170-300. G. K.
Reinedio aile dispute de' eattolîeî in Francia, proposto
nel MOCltH, da S. Francesco di Sales, e commentato dal sacerdote
Santé PiERALisi, bibliothecario délia Bsrberiniana, aggiunte tre lettere del
medesimo santo. Roma, topografia délia Propaganda, in-fol. de 47 p.
La bibliothèque Barberini, depuis des siècles propriété d'une des
plus illustres familles de la noblesse romaine, a pour conservateur le
R. don Santé Pieralisi, chanoine de la basilique de Sainte-Marie-in-
Trastevere, qui vient d'y découvrir l'original d'une lettre de saint
— 123 —
François de Sales, reproduite, mais bien imparfaitement, dans les
éditions de Migne et de Vives. Elle fait partie d'un dossier se rappor-
tant à cette année 1612 qui vit les premières luttes de ceux que l'on
a appelés plus tard gallicans et ultramoutains, et qui vit la condam-
nation d'Edmond Richer.
Ce téméraire théologien avait soutenu, on le sait, que l'Eglise a
reçu immédiatement les clefs, en sorte que le pape et les évoques ne
sont que ses ministres, et doivent subir, comme l'on dit de nos jours,
la loi du suflrage universel. C'était la négation virtuelle de l'infailli-
bilité pontificale.
Ce fut au plus fort des vives disputes excitées en France et en Italie
par ces questions ardues, que saint François de Sales écrivit une
longue lettre italienne au pape Paul V, par l'intermédiaire de l'arche-
vêque de Tarentaise, M^"" Germonio. Il proposait, pour de graves rai-
sons, déduites très-longuement, d'imposer silence aux deux partis.
C'est cette lettre que le chanoine Pieralisi reproduit en un beau fac-
simile, sous le titre significatif, que lui donna M^'' Germonio, de
Remède aux disputes des catholiques en France, l'an 1612. On y verra
que le saini évêque de Genève savait allier la plus sage prudence à la
fermeté des vues et à une très-rare perspicacité.
Le long et savant commentaire dont le bibliothécaire de la Barberini
a entouré cette lettre, les détails qu'il fournit sur tous les personnages
engagés dans les polémiques dangereuses du moment, les pièces nou-
velles qu'il apporte dans le débat, et qui viennent toutes du dépôt
confié à sa garde, donnent à cette œuvre, imprimée avec un luxe de
papier et de caractères vraiment princier, une grande valeur et une
place à part dans les publications théologiques de cette année.
Les éditeurs des œuvres du nouveau docteur de l'Église, comme ses
futurs biographes, consulteront avec fruit cette dissertation savante,
aussi bien que ceux qui étudient l'histoire du dix-septième siècle. Le
chanoine Pieralisi y a joint, en appendice, trois lettres peu connues
du même saint sur le chapitre général des moines feuillants d'Italie,
qu'il fut chargé de présider en 1622.
D. Théophile Bérengier.
A.nanie ou Guide de lliomme dans son retour à Dieu, par Je R. P.
Caussette, vicaire général de Toulouse.— Paris, Palmé, 1878, 2 vol. in-18 j.
de vi-380-485 p. — Prix : 6 fr.
Saint Paul, se relevant sur le chemin de Damas, trouva dans
Ananie le guide appelé à faire de l'aveugle un sublime voyant : le P.
Caussette, en écrivant Ananie, s'est proposé de donner un guide aux
égarés. « Dans ce but, dit-il, nous offrons aux sceptiques et aux in-
difi'érents un livre de religion qu'ils pourront accepter sans respect
- 12i —
humain, lire sans répugnance, et peut-être relire avec utilité. » Et il
explique que les grands traités religieux ne sont plus à la mesure de
l'attention et du loisir des lecteurs contemporains. Il faut un ouvrage
portatif, facile à manier comme à comprendre, tenant le milieu entre
le livre de lecture et le manuel de prière : ce livre s'attachera à réduire
â néant les préjugés de rincroyance, à mettre devant ses yeux les
divines clartés, et de partir de cette illumination pour réformer la
vie troublée et faussée. Le vénérable auteur s'appuie sur trois idées
fondamentales : 1^ les motifs de croire envisagés principalement dans
leurs rapports avec la situation, les besoins et les obstacles actuels;
2" les raisons d'agir désormais d'une manière conforme à cette
croyance ; S» les devoirs essentiels dans lesquels vient se réduire une
existence ainsi reconstituée. En d'autres termes, les bases de la foi,
l'action qu'elle commande, les pratiques qui en sont l'expression lé-
gitime et nécessaire : telle est la substance de ce beau, éloquent et
intéressant travail. Et par là, observe le P. Caussette, les trois ten-
dances les moins religieuses de notre nature se redressent dans un sens
contraire à leur pente, par des correctifs appropriés : les scepticismes
sans cesse renaissants de l'esprit disparaissent devant les preuves de
la foi; les découragements de la volonté se corrigent par la vertu
fortifiante qu'exhalent tant de motifs de ne point rester chrétien in-
conséquent, croyant platonique, en face de dangers si graves et d'en-
nemis toujours éveillés; enfin, les incertitudes pratiques cessent par
la claire détermination des actes qui constituent le devoir chré-
tien.
Voilà certainement un très-magnifique cadre, où rien ne manque
quant à l'objet poursuivi. L'auteur a du mouvement, du style, une
logique serrée, il sait aborder tour à tour le cœur et l'intelligence,
faire agir les meilleurs sentiments, écarter de la main les autres, et
réhabiliter à ses propres yeux le lecteur que l'expérience d'hier fait
souvent douter de lui-même. Nous pensons que plus d'une conversion
est en germe dans ces deux volumes ; nous sommes sûr, en tout cas,
que bien des fidèles y puiseront une nouvelle ardeur pour la vérité
qu'ils possèdent, un nouveau zèle pour la vertu qu'ils aiment.
Dans la première partie, Motifs de croire, après avoir montré l'im-
portance de la question, l'auteur s'étend sur ces idées : que la reli-
gion est le caractère essentiel de notre espèce, l'irréligion son amoin-
drissement; que l'objet de la religion n'est point du tout imaginaire;
qu'il est absurde, du reste, de vouloir se composera soi-même sa re-
ligion, comme si on était le seul facteur en un tel problème; que la
religion, dans sa notion première, est essentiellement surnaturelle,
c'est-à-dire doit venir du ciel puisqu'elle enseigne à nous relever
de ce côté; que ce surnaturel ne peut exister sans des faits du même
ordre, et que, au résuiuc, ces faits se rencontrent dans le seul christia-
nisme : d'où il suit que le christianisme est certainement divin, et par
conséquent absolument vrai en lui-même. Les objections de détail
disparaissent d'elles-mêmes devant une thèse ainsi construite. — La
seconde partie, Motifs de }watiquei\ est traitée avec le même succès.
Il y a du neuf quant à l'ordre des arguments puisés dans le devoir et
l'intérêt de la société, de la famille et de l'individu, et dans l'inanité
des prétextes pour s'en dispenser. — En troisième lieu, Ce qu'il faut
pratique)- amène à parler des sacrements, et spécialement de la Pé-
nitence et de l'Eucharistie, au point de vue philosophique, tliéolo-
gique, social, etc. Et puis viennent les commandements de Dieu et
ceux de la sainte Eglise, présentés dans leurs grandes lignes, sous
leur jour pratique. C'est donc quelque chose de bien complet.
V. POSTEL.
lie Dîrecteui* des catéchismes <le pi'cmîèi'e communion
et de persévéï-ance, par M. l'abbé Turca.\, chanoine honoraire
directeur au grand séminaire de Séez. Paris, Bray et Retaux, 1878,
3 vol. in-12 de xvii-45i, 421, 4G7 p. — Prix : 12 fr.
La plupart des méthodes do catéchisme exposent les vérités chré-
tiennes et n'enseignent point assez les vertus et la piété ; elles parlent
beaucoup à l'esprit et peu au cœur. M. Turcan, dans le remarquable
livre qu'il publie, mêle heureusement aux instructions dogmatiques les
paroles de l'exhortation morale : il embrasse donc toute la formation
religieuse des enfants. Chacune des leçons est divisée en six parties .
de longueur et d'importance fort diverses. L'auteur commence par
des avis pratiques qu'il adresse au catéchiste ; il indique ce qu'il y a de
principal dans le chapitre ; il suggère les dispositions dans lesquelles
doit entrer le prêtre pour parler aux enfants, le but supérieur qu'il
faut se proposer. Le bon-point, — fort connu de ceux qui ont fait leurs
études théologiques au séminaire Saint-Sulpice, — consiste en une
discussion animée entre le chef du catéchisme et quelques enfants^
sur l'instruction qui a été faite huit jours auparavant : un bon-
point récompense celui qui a répondu d'une façon satisfaisante. Le
mérite de cette conversation est en la vivacité de l'interrogation, en
l'à-propos des remarques ; il faut présenter la même vérité sous plu-
sieurs formes, profiter des réponses, piquer la curiosité, ramener
sans cesse à la question les esprits prompts à s'échapper. Notre auteur
indique les idées principales, la marche à suivre dans cet utile exer-
cice ; c'est au catéchiste de trouver la mise en œuvre.
La troisième partie est l'instruction. M. Turcan y procède par
demandes et par réponses. Nous croyons avec lui qu'un discours de
longue haleine ne peut captiver l'attention d'un auditoire enfantin ;
— 120 —
cependant nous pensons que des questions trop répétées ont le tort
de ne pas laisser voir avec assez d'évidence Fenchaînement des
pensées. L'expérience que donnent les catéchismes de Paris nous a
laissé la persuasion que l'instruction ne doit pas être trop morcelée;
que s'il faut la varier par des questions et tenir toujours en alerte
Tesprit des enfants, il est utile de développer, d'exposer avec éten-
due, en un mot de parler plus encore qu'on ne fait parler l'auditoire.
Le catéchisme de M. Turcan est enrichi d'un nombre très-considé-
rable d'histoires empruntées à l'Ecriture sainte ou à la vie des saints.
Le fait est seulement rappelé en quelques lignes. C'est au catéchiste
qu'il appartient de choisir le trait historique, de donner les dévelop-
pements et la mise en scène qui sont indispensables s'il veut intéresser
les enfants.
Les deux dernières parties sont les pratiques et les prières. A la
fin de chaque chapitre, l'auteur propose quelques résolutions en rap-
port avec le sujet qui vient d'être traité ; il conseille avec raison de
demander aux enfants, durant la réunion suivante, s'ils ont fidèle-
lement observé la pratique qu'on leur avait indiquée. «Pourvu,» dit-il,
« que vous fassiez cette question à deux ou trois, vous pouvez être
sûr que la plupart feront ce que vous leur aurez dit. » Avec les pra-
tiques, les prières forment l'âme à la vie et aux habitudes chré-
tiennes. Ce sont de rapides élévations du cœur vers Dieu à faire
durant le catéchisme. Nous voulons citer les paroles si touchantes et
si sacerdotales de l'auteur : « Après avoir exposé une vérité saisis-
sante, on dit aux enfants : a Maintenant, chers petits, vous allez
« demander à Dieu telle grâce. Soyez bien attentifs. Je vais vous
« suggérer tout haut ce que vous devez dire tout bas au fond de votre
« cœur. » Puis on se recueille profondément, et l'on fait la petite
prière. Les enfants ne manquent jamais de vous imiter. Rien n'est
beau comme ce petit exercice. Les résultats en sont admirables...
J'en ai fait l'expérience bien des fois : c'était pour moi le moment le
plus doux de ces douces réunions, n
Tel est, en résumé, cet excellent livre, un des meilleurs assurément
et des plus complets qui aient été publiés sur ce sujet. Il contribuera
à relever encore l'enseignement du catéchisme, déjà fort en honneur
dans notre pays : utile à tous, il deviendra le manuel nécessaire des
jeunes prêtres, des parents chrétiens, des maîtres- et maîtresses
d'école qui, dociles à la voix de l'Eglise, ne séparent pointTwstruc-
tion religieuse de l'instruction profane. E. Pousset.
— 127 —
Manuel pour le e.lioîx d'un état de vie. Ouvrage destiné au
clergé, à la jeunesse, aux parents chrétiens, aux maîtres et aux mai-
tresses de pension, par le P. Auguste Dama?<et, S. J. Tournai et Paris,
Casterman, in- 12 de 378 p. — Prix : 2 fr.
Un homme de grande expérience, habile dans la direction des âmes,
le R. P. Damanet, de la Compagnie de Jésus, a publié, en 1862, un
ouvrage dont nous recommandons aujourd'hui la seconde édition. Cet
ouvrage, comme le portait dès lors l'approbation de l'évêché de
Tournai, se recommande far la pureté de doctrine^ la sagesse^ la clarté
et la méthode des conseils, et par là a paru particulièrement utile aux
directeurs des consciences et à la jeunesse chrétienne qui veut faire choix
d'un état de vie.
L'auteur procède avec un ordre et une logique sévères, puisant ses
principes aux sources les plus pures, dans les ouvrages des Pères de
l'Eglise, des princes de la théologie et des meilleurs ascètes, saint
Augustin, saint Thomas d'Aquin, saint Bernard, sainte Thérèse, saint
François de Sales, le vénérable Louis Dupont, Suarez, Lessius, Bos-
suet, Bourdaloue, etc., etc. Il élucide leur doctrine par des exemples
choisis et des applications heureuses, toujours empreintes d'une rare
modération, menant pas à pas_,à la double lumière de la théorie et de
l'expérience, l'âme indécise jusqu'à une parfaite et claire décision.
La méthode aussi ne laisse rien à désirer : l'auteur fait d'abord com-
prendre à l'âme la nécessité d'examiner sa vocation et de choisir
l'état de vie marqué par la Providence divine : il la met ensuite en
présence des vérités fondamentales de la fin de l'homme et des
créatures; il insiste sur le devoir d'arrêter son choix sous l'œil de
Dieu et aux seules lumières de la raison et de la foi. Les différentes
carrières, l'état de mariage et de célibat, l'état ecclésiastique et l'état
religieux sont tour à tour étudiés avec profondeur, justesse et préci-
sion dans leur nature, leurs devoirs, leurs avantages. L'homme a ré-
fléchi, il a prié, il est appelé à faire son élection, le choix d'un de ces
états; ici l'auteur indique la marche à suivre dans cette grave déter-
mination, empruntée au livre des exercices de saint Ignace et qui doit
emporter le suffrage de tout homme raisonnable. Ensuite, après avoir
développé magistralement les enseignements de l'Eglise et des Pères
sur les conseils évangéliques, le savant auteur donne les motifs et les
caractères distinctifs d'une vocation religieuse véritable et des règles
sages et prudentes pour le choix d'un ordre religieux en particulier;
enfin l'auteur aborde la question des difficultés qui surgissent à l'oc-
casion d'une vocation religieuse, et traite d'une manière sûre, sage,
prudente, mais ferme, la conduite à garder en présence de l'opposi-
tion des parents ou des prétextes allégués pour arrêter ou retarder
l'entrée en religion.
Co résumé succinct fait comprendL-c l'importance des matières trai-
tées dans cet ouvrage. Le style de l'auteur, simple, grave, tel qu'il
convient à ce sujet, toujours clair, correct et châtié, rend la lecture
de ce livre aussi attrayante qu'utile.
Depuis sa première apparition, l'ouvrage du P. Damanet a été
traduit en allemand, en italien, en anglais, etc., et nous ne doutons
pas que cette seconde édition, soigneusement revue et augmentée, ne
soit reçue avec plus de sympathie et d'empressement encore que la
première. X.
JURISPRUDENCE.
M>e8 Actes inexistante et des effets de l'erreur, par Fer-
.NAND TiiiRY. Liège, Léon de Thicr, 1878, in-8 de 221 p.
La loi, la jurisprudence et la doctrine confondaient à tout instant
la nullité avec VaiinulabiliU, lorsque Zachariœ publia, en 1837. son
remarquable ouvrage, dans lequel il distingua,it nettement entre les
deux nullités. Nous ne connaissons personne, qui ait plus approfondi
après lui cette délicate question que M. Laurent, dans son travail sur
les principes du droit civil.
Mais cette distinction est-elle fondée en droit et en raison? —
M. Thiry s'eiforoe de le prouver dans la première partie de son
étude, et il expose successivement les systèmes du droit romain, du
droit coutumier et du droit civil. L'exposition du droit coutumier
mérite particulièrement notre attention; elle est originale, neuve et
intéressante. Mais elle est loin d'avoir dissipé tous nos doutes, et
nous ne comprenons pas comment des coutumes qui admettent
l'inexistence peuvent parler, quelques lignes plus loin, de la ratiftca-
llon de semblables nullités (Bruges, p. 20, n. 1) ou de leur validité
dans certaines circonstances déterminées (Ostende, p. 20).
Domat ne nous paraît pas non plus avoir saisi la distinction mo-
derne, puisqu'il appelle nulles dès l'origine des conventions que nous
considérons, les unes comme absolument nulles, les autres comme
annulables, et qu'il accorde, dans tous les cas, une véritable action en
annulation, quoi qu'en dise M. Thiry, ainsi qu'il ressort du texte de
la loi 1, C. 4-44, cité en note, et du renvoi à deux sections où il s'agit
évidemment de l'annulabilité. Quant à Pothier, la question est plus
que douteuse, et la comparaison du passage donné comme décisif
à la page 39, avec celui qui est cité à la page 35, enlève absolument
toute force à l'argument tiré du premier.
Quelle que que soit l'opinion admise sur nos anciens auteurs, on ne
peut refuser au travail de M. Thiry le mérite d'une grande érudition
et d'une profonde sincérité dans la recherche de la vérité. Mais nous
— 129 —
aurions désiré de l'auteur une étude historique sur la fameuse dis-
tinction de Cujas et de Pothier en choses qui sont de l'essence du con-
trat, et choses qui lui sont accidentelles. Peut-être aurait-il pu trouver
dans cette voie quelques renseignements nouveaux qui auraient jeté
une vive lumière sur la question de l'inexistence.
Dans la seconde partie de son livre, l'auteur applique ses principes
à la théorie de l'erreur. Il ne reconnaît dans cette matière qu'une
règle fondamentale. « L'erreur Jaisse-t-elle subsister le consente-
ment? la convention est parfaitement véritable; l'erreur anéantit-
elle le consentement la convention n'existe pas. » Que l'erreur porte
sur l'objet, sur la substance, sur la personne, sur les motifs, rien
n'y fait, le principe est toujours le même. Et cette règle n'est
pas seulement vraie dans les conventions, elle l'est aussi dans le
mariage. Assurément, les controverses de nos législateurs sur l'ar-
ticle 146 furent longues, diffuses, pleines d'équivoques et de malen-
tendus, mais ne s'est-on pas rallié enfin, suivant toute probabilité, à
l'opinion du président Tronchet? Le résumé le plus net de ce long
débat nous est donné par Bouteville, disant au Corps législatif : « Le
plus grand acte du législateur est de s'en remettre à la justice des
tribunaux. » Aussi le code se contente de poser le principe dans l'ar-
ticle 146. « L'article 180 n'est que le développement et la conséquence
de cette opinion. « Notre législation ne procède donc pas en cette
matière, de l'enseignement étroit de Pothier, mais des vues saines et
rationnelles du droit canonique, dont on ne peut nier l'immense in-
fluence sous l'ancien régime.
Dans les efi"ets de l'erreur, M. Thirj" n'admet pas non plus de
distinction. A la différence du dol ou de la violence, l'erreur ne peut
qu'anéantir ou laisser subsister la convention, suivant, qu'elle est
essentielle ou non. C'était là l'opinion de Pothier, et notre code a eu
le tort de déroger à ces sages principes. Puis vient une longue con-
troverse (p. 70-81) dans laquelle l'auteur soutient, contrairement à
M. Laurent, que Pothier n'a jamais reconnu de contrats annulables
pour erreur, qu'il les regardait comme n'existant pas ou comme va-
lables. Nous ne pouvons nous rallier à ce système, et nous en appe-
lons à Pothier lui-même, dans un passage qui a échappé, nous ne
savons comment, à la perspicacité de M. Thiry, et qui nous paraît
formel : « A l'égard de l'erreur sur la cause^ dit le grand juriscon-
sulte d'Orléans, elle détruit la convention, non pas de plein droit,
mais elle donne lieu à la rescision de l'engagement.... L'erreur sur
la qualité des choses peut aussi donnerlieu à la rescision. •>y {Procédure
civ., p. 4, ch. II, sect. 13, art. 3, § 4.) J. Vanbexheuvel.
AoL-T 1878. T. XXIII, 9.
— d30 -
SCIENCES ET ARTS
t.e Socialisme devant la société. Conférences ■prononcées à Notre-
Dame de Grenoble dans le carême de 1878, par le R. P. Félix, de la Com-
pagnie de Jésus. Paris, Ruger et Chernovicz, 1878, in-8 de xii-313 p. —
— Prix : 5 fr.
Ce nouveau volume continue et complète, d'une façon très-appropriée
aux besoins de l'heure présente, l'enseignement religieux et social
que l'éminent orateur donnait il y a quelques années dans la chaire
de Notre-Dame, avec tant d'autorité doctrinale et de précision scien-
tifique.
En vain Vopportunisme prétend-il nier le péril social; le socialisme
affirme tous les jours, avec plus de netteté et plus de confiance, son
existence et ses revendications. Minorité encore aujourd'hui, si l'on
veut, il a tous les caractères qui, en temps de révolution^ assurent à
une minorité audacieuse un prochain triomphe. Aussi est-ce avec une
haute perspicacité que le R. P. Félix a voulu, à la veille d^une nou-
velle explosion, signaler Vidée-mere du socialisme, — les caractères
de passion populaire et de conspiration universelle qu'il revêt de notre
temps, — son erreur fondamentale sur le siège du mal qu'il fait re-
poser dans la société au lieu de le chercher dans l'homme déchu, son
hallucination d'un pai^adis sur la terre, et enfin son origine dans les
concupiscences humaines, sa généalogie contemporaine dans la triple
révolte contre l'autorité de l'Église, contre le gouvernement des
choses humaines par Dieu et contre la légitimité politique.Voilà bien le
socialisme tout entier, et ces larges aperçus contiennent toute sa ge-
nèse, tous ses développements. Le P. Félix s'est à dessein abstenu
de pénétrer dans le détail des écoles socialistes, aussi nombreuses et
aussi contradictoires entre elles que le sont en toutes choses les mani-
festations de l'erreur. C'est là un travail qui appartient aux écono-
mistes, et ils ont beau jeu à faire à leur tour la critique de tous ces
plans de transformation de la société. Mais cette critique elle-même
est insuffisante, et il appartient aux représentants de cette science
sociale qui fait partie de l'enseignement moral de l'Église de ramener
les luttes scientifiques des économistes et des socialistes au point de
vue vraiment dominant, à celui de la vérité complète et totale.
La notion de la vie future, la pratique des préceptes de la religion,
l'amour de Dieu commun à tous les hommes^ quelle que soit leur con-
dition sociale, tels sont les fondements essentiels de la réfutatiun du
socialisme. Combattre Proudhon ou Karl Marx, en se plaçant uni-
quement à leur point de vue d'une fin terrestre pour l'humanité, c'est
sinon leur donner d'avance raison, au moins perdre la plupart des
- 131 —
avantages de sa position et, en tout cas, s'enlevertousmoyens de per-
suasion efficaces sur le grand nombre des hommes souifrants et
déshérités. Voilà ce que les écrivains qui veulent réfuter les erreurs
sociales modernes perdent trop souvent de vue. L'œuvre magistrale
du P. Félix contribuera puissamment à replacer le débat sur son
véritable terrain. Qu'on nous permette de signaler particulièrement
les admirables développements qu'il donne aux notions de Yharmonie
sociale, dont le vrai fondement est l'union des hommes dans l'amour
du même Dieu et de la paix sociale, dont la seule base est le combat
de chaque homme contre ses passions intérieures.
On retrouve, dans cette nouvelle série de conférences, la puissance
de raisonnement, la précision philosophique, la large érudition histo-
rique et surtout ce sens si juste des vérités sociales qui assurent une
place à part au P. Félix parmi les orateurs chrétiens contem-
porains et font de ses volumes des livres dans toute l'acception du
mot, c'est-à-dire des œuvres destinées à être étudiées et méditées avec
le plus grand fruit. Claudio Jannet.
L.a tilberté de penser, fin du pouvoir spirituel , par Victor
GuicHARD, député. Deuxième édition. Paris, Germer Baillière, 1878, inl2,
de vi-560 p. — Prix : 3 fr. 50
Trop volumineux pour s'appeler un pamphlet, trop passionné pour
être un livre d'histoire, ce volume rentre dans la catégorie des ou-
vrages qu'on lit pour se divertir aux dépens de l'auteur. M. Guichard
a voulu écrire l'histoire du pouvoir spirituel : on va juger de sa sûreté
de critique.
Pour lui, les croisés ne sont que « d'exécrables brigands (p. 128) »
qui voulaient enlever aux musulmans la liberté de penser ; aussi, « les
croisades qui se succédèrent pendant près de deux siècles, de 1090 à
1270, n'offrent-elles qu'une succession non interrompue d'atrocités
(p. 129). » Pendant tout le moyen âge, pour étouffer la liberté de
penser, l'Eglise a recours à l'emprisonnement et au meurtre, et, a les
hérétiques vivants n'offrant plus une proie suffisante, le pouvoir spi-
rituel déterre les morts, promène les cadavres et dispute aux vers
leur affreuse pâture (p. 200). » — « Au treizième siècle, comme plus
tard aux seizième, dix-septième et dix-huitième siècles, la royauté,
protectrice du peuple, selon ses historiographes, livra ses sujets à la
fureur exterminatrice de l'Église romaine (p. 201). » Décidément, il
est bien vrai que les rois et les papes étaient anthropophages au
moyen âge. « Les cruels persécuteurs faisaient écorcher les Vaudois;
après quoi on les attachait à des poteaux dans des lieux remplis de
frlons, de guêpes et d'abeilles, qui les tourmentaient nuit et jour,
— i32 —
jusqu'à ce qu'ils expirassent (p. 350). » Voici encore un point de vue
nouveau, et que les historiens protestants eux-mêmes n'avaient pas
soupçonné: « La Saint-Barthélémy et toutes ses horreurs n'ont été
que l'exécution des décrets rendus par les conciles contre les héréti-
ques, exécution sollicitée, exigée par le pape Pie V. Aussi Pie V
a-t-il été mis au nombre des saints par l'Eglise (p. 429). » — « La
terreur révolutionnaire a duré quatorze mois, la terreur de l'Eglise
romaine quinze siècles, etc., etc. (p. 545). »
M. Guichard a pourtant l'âme tendre et généreuse. Il me semble
même bien indulgent pour ceux qui ordonnaient et exécutaient toutes
les atrocités qu'il révèle : « La réunion des biens du clergé au do-
maine de l'Etat, dit-il, parfaitement légitime (la propriété, c'est le vol),
n'en faisait pas moins aux ecclésiastiques une position tout à fait digne
(Tintérct (p. 498). » Mais ce n'est pas tout : « Si nous fouillons dans
le passé, dit-il encore^ ce n'est pas pour en exhumer des souvenirs
de haine; c'est pour y puiser des motifs de concorde (p. 233). »
Je m'en étais douté, et il faut voir avec quelle éloquence indignée
M. Guichard repousse l'accusation d'outrage à la religion catholique
(p. 235].
Enfin, voici la conclusion du volume: « Aujourd'hui, dit l'auteur, le
pouvoir spirituel ne renie aucun de ses décrets, aucun de ses actes
d'extermination. Sans doute le temps des bûchers et des massacres
religieux est passé ; mais le pouvoir spirituel est là, qui veille inces-
samment,pour envenimer toutes les questions qui agitent notre époque.
Il agite les nations contre les nations, les gouvernements arriérés contre
les progrès des peuples, les peuples ignorants contre les gouvernements
éclairés ; il divise les familles, il enseigne à la jeunesse à mépriser ses
pères, les lois, les institutions, la gloire de la patrie; il empoisonne à
sa source la vie morale des générations futures; ne pouvant ressus-
citer le passé, il s'eff'orce de tuer le présent et l'avenir; la société se
remettra sous son joug ou périra. Voilà Son plan, œuvre d'orgueil et
d'anarchie. »
Affamé de liberté de penser, l'esprit de M. Guichard en a étran-
gement" abusé; il a produit un livre qui ne relève certainement pas de
la critique. E. B.
I-.0 Mal et le lîicn. — H. Les Siècles chrétiens, par Eugène Loudcx.
Paris, Société générale de librairie catholique, 1878, in-8 de xvi-340 p. —
Prix : 7 fr.
M. Loudun poursuit courageusement la grande œuvre qu'il a entre-
prise. Après l'antiquité^ ses gloires apparentes, ses misères secrètes
et sa publique dégradation, voici les siècles chrétiens avec leur fé-
conde et incessante floraison de vertus. Tout n'y est point parfait
— 133 —
sans doute, mais si Ton y voit des chutes lamentables^ on y assiste à
des relèvements superbes. Le savoir de l'auteur s'allie à la plus
louable modestie, u On ne prétend pas, écrit-il dans son Introduc-
tion, présenter ici le tableau complet de la société chrétienne, la vie
d'un homme n'y suffirait pas : ce travail a d'ailleurs été fait en grande
partie par les écrivains les plus éminents. Ce qu'on se propose, c'est
de montrer le principe qui animait cette société et quelques-unes de
ses plus importantes applications. » Nul n'ignore les efforts déses-
pérés tentés de divers côtés par l'incrédulité moderne pour révoquer
en doute les origines divines du christianisme. Tout esprit sincère qui,
sur les pas de M. Loudun, consentira à approfondir l'histoire, sera
involontairement amené à s'écrier : a Oui, le doigt de Dieu est là. »
Le moyen âge a été témoin d'un admirable épanouissement de la
pensée chrétienne : c'en était assez pour lui attirer l'enthousiasme
parfois excessif des uns, et surtout les calomnies passionnées des
autres. Certes on ne fera pas à M. Loudun le reproche de nous pré-
senter un moyen âge de convention. S'il n'a aucun penchant à flatter
l'humanité en général, il se montre bien sévère pour les barbares qui
n'avaient, dit-il, que des ruines et des vices à mettre en commun
avec les débris du vieux monde vaincu. En racontant mainte scène
d'alors, il nous fait assister « aux soubresauts gigantesques de la bar-
barie oicore indomptée. » Il va même jusqu'à emprunter à saint
Bernard et à sainte Catherine de Sienne leurs apostrophes éloquentes
contre les scandales de leur temps. Pourquoi cette rigueur inexo-
rable? Afin de mettre dans tout son jour et de faire mieux comprendre
l'action civilisatrice de l'Eglise, aux prises avec des éléments aussi
rebelles. » Pour que le christianisme changeât le monde, il fallait
qu'il eût des moyens énergiques, d'immenses ressources, une force
puissante. » Et quelle était cette force? D'une part, l'amour de Dieu,
avec les merveilles de grandeur et d'inspiration dont il est l'âme, de
l'autre, l'amour du prochain, et plus particulièrement des faibles et
des déshérités^ avec les prodiges de tendresse et de dévouement dont
il contient le secret.
« Un peuple est toujours en révolution, quand il n'est pas conduit. »
La même maxime s'applique au gouvernement moral de chacun de
nous. Aussi le christianisme n'a-t-il rien négligé pour abattre l'or-
gueil de l'homme et le convaincre de sa faiblesse; il a édifié ou raf-
fermi l'autorité dans les croyances, dans la morale, dans l'Etat et
dans la famille. D'une extrémité à l'autre, la hiérarchie sociale tout
entière a été régénérée par la justice et par la charité.
Le plan de l'ouvrage pourrait-il être plus méthodique, Tenchaîne-
ment plus serré? Les anecdotes et les événements cités par l'auteur
avec une érudition inépuisable vont-ils toujours droit au but? Cer-
— 134 —
taines conclusions ne sont-elles pas de nature à soulever des objec-
tions ou tout au moins à éveiller des susceptibilités? Je laisse la ré-
ponse au lecteur : ce qui est certain, c'est que, sous la plume de
M. Loudun, la philosophie ne cesse pas d'élever l'histoire, et l'his-
toire, d'animer et de soutenir la philosophie. Lorsque, par exemple, il
entreprend sur les pas de Pascal, d'analyser la profonde inquiétude
innée au cœur de l'homme, il est digne de son modèle et marque sa
place parmi nos premiers moralistes.
Le style, parfois étrange à force d'originalité, poétique par l'abon-
dance des métaphores et des images, contribue pour sa part au charme
du livre. M. Loudun n'est pas un écrivain ordinaire, et il faut lui
souhaiter d'achever bientôt le monument qu'il construit à l'hon-
neur et pour la défense de la foi catholique. C. Huit.
L>a Femme romaine, élude de la vie antiqup, par M"e Clarisse Bader.
Paris, Didier, 1878, in-8 ai xv-502 p. — Prix : 7 fr.
M''^ Bader, qui a entrepris et qui continue si vaillamment l'histoire
complète de son sexe, n'est point une inconnue pour les lecteurs du
Polijbiblion. La Femme romaine, à laquelle succédera bientôt, nous
l'espérons, la Femme chrétienne, vient se ranger dignement à côté de
ses aînées, la Femme biblique, Isi Femme dans l'Inde antique^ eilsiFemme
grecque.
Au point de vue moral, les annales de la Rome païenne se divisent
en deux périodes, séparées par la chute de Carthage : l'une où brillent
les robustes vertus et les vieilles traditions: l'autre, où s'étale, à la
suite d'une fastueuse décadence, la plus effrayante des corruptions.
Nous ne dirons rien de cette dernière : la transition y est trop rapide
des peintures licencieuses d'Ovide aux hideux tableaux de Juvénal.
Sous le règne des Néron et des Domitien, la superstition et la
cruauté se joignent aux vices les plus impurs pour flétrir la matrone
romaine, dont le nom était jadis synonyme de noblesse et d'honneur.
A l'origine, au contraire, la famille romaine se présente à nous avec
le même caractère de grandeur que Rome elle-même. La femme, asso-
ciée aux fonctions religieuses du chef de famille, est vraiment la gar-
dienne du foyer. Le patriotisme, dont elle donne à ses fils tout à la fois
le précepte et l'exemple, n'étouffe pas ses affections domestiques, et
par l'institution des vestales, elle touche au côté le plus profond et le
plus mystérieux du culte national.
Sans doute les lois romaines se montraient sévères pour la femme :
mais les mœurs tempéraient l'âpreté des lois : on en a la preuve dans
les pages consacrées par M-^® Bader à quelques-unes des Romaines les
plus célèbres dans l'histoire des lettres ou de la politique. L'érudity
— 13b —
trouvera des renseignements curieux, le moraliste une source inépui-
sable d'observations.
A considérer l'ouvrage dans son ensemble, on peut y regretter cer-
taines longueurs, et, au point de vue juridique, certaines inexactitudes.
Mais ces légers défauts sont rachetés par un incontestable talent
d'écrivain; c'est ainsi qu'est raconté en traits émouvants le supplice
des Vestales infidèles, a la plus épouvantable torture que puisse rêver
une imagination en délire.» Il est vrai que, pour plaire à ses lecteurs,
l'auteur n'avait qu'à suivre pas à pas les narrations si dramatiques de
Tite-Live et de Denys d'Halicarnasse; qui voudrait lui reprocher
d'avoir répété avec trop de confiance ces antiques légendes dont la
portée morale est rehaussée par le tour gracieux du récit; ou même
d'avoir commenté avec tant d'esprit les coutumes allégoriques et les
cérémonies traditionnelles en usage dans le mariage et les funé-
railles ?
Ajoutons que la pensée chrétienne répand ici partout sa douce
lumière : et, tandis que la Romaine des premiers âges fait songer à
des vertus encore plus hautes, la Romaine de la décadence montre ce
que serait la femme, si le christianisme ae l'avait relevée de sa lamen-
table déchéance. C. Huit.
I^es diPants assistés, par M. Ouer Sarract. (Cet ouvrage a obtenu le
prix unique de 2,000 fr. dans le Concours ouvert par le Conseil général
du Rhùne en 1874.) Lyon, 1877, in-8 de xxviii-383 p.
Cet ouvrage, après quelques considérations en forme d'introduction,
renferme 1 histoire de la condition des enfants trouvés depuis les Ro-
mains, — le tableau de leur situation à l'étranger, notamment en Bel-
gique en Allemagne, en Italie et en Chine, — l'organisation actuelle
et administrative de ce service; là se placent les questions de la mor-
talité des enfants, du tour, du placement des enfants, des orphelinats
agricoles, et les conclusions de l'auteur, avec diverses réflexions sur
la population, la condition et le travail des femmes, le divorce, etc.
L'objet principal de l'auteur paraît avoir été de prouver que la religion
catholique a toujours fait le malheur de l'humanité ; — on y voit que le
servage, remplaçant l'esclavage, n'a été qu'une aggravation de misère
— que, depuis les Pères de l'Eglise, éncrgiimènes atteints du delirium
tremens, jusqu'à saint Vincent de Paul, intrigant et homme de parti,
l'histoire, dans les officines jésuitiques, a été systématiquement falsifiée,
au profit du rôle prétendu civilisateur du au christianisme, — qu'encore
aujourd'hui, le cléricalisme nous rend nos orphelins complètement per-
vertis, etc. — Nous ne dirons pas qu'on ne trouve dans ce livre des
renseignements intéressants sur divers points de législation et de
statistique, mais sa principale utilité sera certainement de provoquer
— 136 —
quelque esprit de bonne volonté, soucieux de la vérité historique et
de la vérité sociale, à réfuter les innombrables erreurs dont ce travail
est rempli. R. de L. S.
Êlénieiits de géologie, par A. Leymerie, membre de l'Institut. 3^ édi-
tion, illustrée. Toulouse, Privât, 1878. in-8 — Pris : 7 fr.
Éléments de minéralogie et de lithologie, par le MÊME. Tou-
louse, Paul Privât, 1878, ^ vol. in-12. —Prix : 3 fr.
Pour condenser les notions complexes et parfois assez abstraites
de la géologie, et les présenter au lecteur sans le rebuter, il est
nécessaire de posséder à fond les diverses branches du sujet et
d'avoir acquis une longue expérience de l'enseignement public. Nul
mieux que M. Leymerie, Téminent professeur de la faculté de Tou-
louse, ne pouvait remplir dans toute leur étendue ces conditions.
Aussi ses Éléments de minéralogie et de géologie sont-ils un des bons
ouvrages dont on puisse conseiller la lecture à un homme du monde
voulant connaître les grandes lignes de la science. Il y trouvera, réuni
en moins de neuf cents pages, tout un monde de faits, de principes et
de théories exposés avec une grande clarté de méthode et de style. Il
y constatera avec plaisir l'absence de ces discussions aujourd'hui de
mode, où la science est absolument incompétente. Il y remarquera le
sage éclectisme adopté par l'auteur au milieu de la multiplicité des
systèmes en lutte.
L'ouvrage que nous signalons est certainement trop connu pour
qu'il soit utile d'en donner l'analyse. Disons seulement que l'édition
nouvelle diffère assez notablement de celles qui l'ont 'précédée. Les
Éléments de géologie, séparés aujourd'hui des Éléments de minéra-
logie, ont reçu diverses additions importantes, notamment en ce qui
touche la description des terrains crétacés du Midi de la France et
l'étude de ce qu'on est convenu d'appeler les temps préhistoriques.
Le nombre des illustrations, choisies avec un sens pratique qu'on ne
saurait trop louer, s'est accru de plusieurs gravures de fossiles et de
deux planches hors texte.
On peut regretter que M. Leymerie n'ait pas développé, dans cette
nouvelle édition, la partie trop brève consacrée à l'analyse chimique
des minéraux, aujourd'hui en si grand honneur. Il eût été bon de
donner aussi des aperçus moins succincts sur les caractères des faunes
et des flores qui se sont succédé à la surface du globe. G. M.
La neliure ancienne et moderne, recueil de 116 planches,
reliures artistiques des seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neu-
vième siècles ayant appartenu à Grolier, Henri II, François Ire, Diane
de Poitiers, Marguerite de Valois, Louis XIII. Mazarin, etc., et exécutées
par Le Gascon, Clovis et Nicolas Eve, Hardy-Mennil, Bauzonnet, Nelz-
— 137 --
Niedrée, etc. Introduction par Gustave Brunet, accompagnée d'une table
explicative avec notice descriptive de 30 reliures des plus remarquables.
Paris, Paul Daffis, 1878, in-4 de viii p., 106 planches en couleur et 8 p. —
Prix : oO fr., et 3 fr. avec les cartons (27 fr. le petit format).
Les belles reliures anciennes ont toujours été l'objet des désirs des
bibliophiles; mais, depuis quelques années surtout, ce goût est devenu
une passion ; on ne recale devant aucun sacrifice pour se procurer
des volumes ayant appartenu aux amateurs célèbres du seizième
siècle, tels que Grolier, Maioli, le président de Thou ; les livres que
décorent les emblèmes de François I" ou de Diane de Poitiers sont
hors de prix; on s'arrache les in-octavo qu'ont habillés, au siècle
dernier, Boyet, De Seuil, Padeloup etDerome ; on se dispute à coups
de billets de 1,000 fr, des volumes qui n'ont d'autre mérite que celui
de porterie blason de quelque amateur, objet de la vénération profonde
des bibliophiles.
C'est ainsi que la Toison d'Or, insigne adopté par Longepierre,
auteur d'une tragédie fort oubliée de Médée, a récemment fait
monter à dix mille neuf cents francs, à la vente A. F.-Didot, un vo-
volume qui, sans cette circonstance, n'aurait obtenu qu'un prix des
plus modestes.
Nous n'osons pas blâmer avec vicacité cet engouement, où se mêle
sans doute l'exagération; nous constatons un fait, et nous en tirons
une conséquence fort naturelle, c'est qu'à moins d'appartenir aux som-
mités de la finance ou de la propriété territoriale, il est impossible de
devenir possesseur de ces joyaux si convoités ; il n'est pas facile d'avoir
du moins la satisfaction de les contempler, car ils sont déposés dans
des cabinets souvent inaccessibles.
Réunir des reproductions fidèles des chefs-d'œuvre de la reliure
ancienne et moderne, les offrir aux amateurs à des conditions fort mo-
dérées, telle est l'idée heureuse qui s'est offerte à un éditeur intel-
ligent et qu'il a exécutée avec succès. Des spécimens de reliure, au
nombre de 106, avaient successivement vu le jour dans une publication
périodique qui a cessé d'exister ; les dégager des éléments divers dans
lesquels ils étaient plongés, les faire paraître séparément, en former
un album disposé avec élégance, tel a été le but que s'est proposé
M. Daffis ; nous aimons à croire que tous les amis des livres lui en
sauront gré.
La plupart des reliures dont nous avons la reproduction sous les
yeux, appartiennent à la bibliothèque Mazarine ou à la riche col-
lection de M. Ambroise Firmin-Didot, dont nous avons déjà parlé.
C'est de là que sort ce volume isolé de Vincent de Eeauvais, qu'une
reliure aux armes, chiffre et devise {Force m'est trop) du comte de
Mansfeld, a porté au prix de 1,400 fr.
— 138 —
Henri II et Diane de Poitiers figurent onze fois dans VAlbum dont
nous parlons; Grolier s'y montre quatre fois ; plusieurs planches donnent
des échantillons du faire de Le Gascon qui travaillait à l'époque de
Louis XIII ; on remarquera la planche?; c'est un in-4 habillé par cet
artiste, qui a eu des rivaux dignes de lui, mais qui n'a pas trouvé de
vainqueurs. La tranche est dorée avec des fleurs peintes en rouge et
en vert ; le fond est en maroquin rouge, relevé par des médaillons en
maroquin de couleurs différentes, vert, citron et brun. « Le Gascon
atteignit la perfection absolue de la dorure, et jamais son secret ne
fut retrouvé. C'est une netteté, une finesse qui découragent les mains
des plus illustres et des plus habiles. » (Ainsi s'exprimait M.Fejdeau,
dans la Presse.)
L'ouvrage que nous signalons est, en quelque sorte, l'histoire de la
reliure par la reliure elle-même ; il complète le volume fort intéressant,
mais trop peu étendu, que M. Fournier a fait paraître en 1864, volume
dont le savant auteur devrait bien donner une édition nouvelle et con-
sidérablement augmentée.
Bien des amateurs penseront sans doute que la publication dont il
s'agit réclamerait une continuation ; on aimerait à voir reproduire
les insignes de quelques bibliophiles célèbres du siècle dernier, le
comte d'Hoym et Girardot de Préfond, entre autres; on serait heu-
reux de posséder des reproductions des travaux de De Seuil, deBojet,
de Derome (notamment ces deux volumes de La Fontaine qui, grâce
aune reliure en maroquin fauve, avec compartiments rouges et verts,
ont atteint, à la chaleur des enchères, les prix énormes de 7,000 fr.
d'abord, de 11,000 ensuite); des spécimens du faire de M. Trautz-
Bauzonnet, le plus illustre des relieurs contemporains, seraient ac-
cueillis avec plaisir. Nous recommandons à M. Daffis l'idée de cette
série nouvelle. X.
Lias Bibliotecas europeas y algunas delà America latina,
por ViCENTE G. QuESADA. Tome I". Buenos Ayres, 1877, in-4 de 630 p.
M. Vicente Quesada a entrepris une grande œuvre sur les biblio-
thèques de l'Europe et quelques-unes de l'Amérique latine. Le pre-
mier volume de cet important travail est sous nos jeux; il comprend
la bibliothèque nationale de Paris, la bibliothèque du Musée britan-
nique, la bibliothèque royale de Munich; celles de Berlin. Dresde,
Vienne, Bruxelles, Madrid, Milan, Turin, Florence, Bologne, Rome
arrêtent ensuite l'auteur dans leurs plus importantes collections de
livres. Les détails réunis par M. Quesada nous ont paru en général
exacts. Nous lui signalerons toutefois une erreur de nom : Morel
Tatio au lieu de Morel Fatio (p. 109). M. Quesada, qui s'est, en pre-
— 139 —
mière ligne, occupé de Paris, ne cache pas les sympathies que lui
inspire cette ville : « On ne réside point, dit-il, pendant quelque
temps dans cette capitale sans se la rappeler toujours. C'est avec une
juste raison qu'on l'appelle la capitale du monde entier... A Paris, le
temps manque, les heures volent, la vie errante du voyageur ne peut
suffire pour les patientes recherches... » Peu d'établissements ont ins-
piré à M. Quesada autant d'intérêt que notre bibliothèque tour à tour
royale, impériale et nationale (p. 74). Aussi lui consacre-t-il une
longue étude. Ses travaux comprennent ce qu'il appelle la bibliothé-
conomie et la bibliothécographie. Il a examiné l'installation, l'orga-
nisation de ces établissements dans la vue d'apporter d'utiles ensei-
gnements au projet de réorganisation de la bibliothèque de Buenos
Ayres, et nous croyons que les détails rassemblés par lui auront pour
son pays d'heureux résultats. X.
BELLES-LETTRES
Dictionnaire de l'Académie française. Septième éiition, dans
laquelle on a reproduit pour la première fois les préfaces des six éditions
précédentes. Paris, Firmin-Didot, 1878, 2 vol. in-4 de lxi-903 et 967 p. —
Prix : 36 fr.
Entrer dans un examen détaillé de la nouvelle édition du Diction-
naire de l'Académie française, ce serait entreprendre une étude
philologique qui demanderait trop de temps et trop d'espace. Il suffira
de dire brièvement en quoi cette édition diffère de la précédente, pu-
bliée en 1835.
L'Académie y a introduit deux mille deux cents mots nouveaux, les
uns appartenant à l'usage ordinaire, les autres qui sont des termes de
philosophie, d'archéologie, de philologie, ou des expressions emprun-
tées à l'économie politique, à l'industrie, à l'agriculture. La politique
en a fourni un bon nombre, ainsi que les sciences proprement dites
et les inventions nouvelles : chemins de fer, navigation à vapeur, té-
légraphie électrique, etc. Des articles ont été remaniés, ceux, par
exemple, qui ont trait aux prépositions à et de ; des définitions amélio-
rées, notamment celles des mots de science. Trois cents mots environ
ont été supprimés, comme décidément vieillis.
Pour l'orthographe, les changements sont en petit nombre. L'accent
grave a été substitué à l'accent aigu dans les mots comme piège, siège,
collège. Quelques lettres doubles ont été supprimées : consonnance, i^a,r
exemple, est écrit consonance. Dans certains mots tirés du grec, une
des lettres étymologiques a été enlevée : phtisie, rythme au lieu de
phthisie, rhythme. L'accent grave a pris la place du tréma dans
— 140 —
poème, poète, etc. Le trait d'union a disparu de beaucoup de mots
composés.
L'Académie a eu l'heureuse idée de réunir, dans cette nouvelle édi-
tion, toutes les préfaces des éditions précédentes. On y pourra
utilement étudier les changements de l'art d'écrire. La préface de l'é-
dition de 1835 était de M. Villemain. Celle de l'édition de 1877 est
due à la plume de M. S. de Sacy, qui, à la vérité, heureusement pour
elle, ne représente guère le style ordinaire de nos jours. Nous y avons
noté avec peine (p. iv, 1. 22) l'expression sous ce rapport.
ViSENOT.
Oîctîonnaîre liîstorîque d'argot, par Lorédan Larchey. Septième
édition. Paris, Dentu, 1878, in-18 de xlii-377 p. — Prix: 5 fr.
Au-dessous de la langue littéraire, il y a la langue populaire; c'est
même de la langue populaire latine qu'est né, en grande partie, notre
idiome. Ainsi, tandis que les lettrés disaient iter, os, ignls, eqiius, pugna,
le peuple disait viaticum, bucca, fociis, cabaUus, battalia, dont nos
aïeux ont fait : voyage, bouche, feu, cheval, bataille... Nous citons ces
exemples d'emprunts et de transformations — ils pourraient être
multipliés — pour que ceux de nos lecteurs auxquels notre langue
populaire actuelle inspire trop de dédain, veuillent bien comprendre
qu'elle a son importance, et que le livre de M. Larchey offre un réel
intérêt. Le public, du reste, en a jugé ainsi, puisque le Dictionnaire
historique d'argot est, en peu de temps, arrivé à sa septième édition.
Ce titre est-il d'ailleurs parfaitement exact? Il y a plus et mieux que de
l'argot dans l'ouvrage de M. Larchey ; il y a un idiome auquel tous, plus
ou moins, nous empruntons des expressions que n'a pas encore accueil-
lies le Dictionnaire de V Académie, mais dont quelques-unes peut-être
ont déjà trouvé place dans le supplément de M. Littré. ^ Bien des
termes admis par M. Larchey n'appartiennent pas en effet à l'argot :
Highlife, intransigeant; beaucoup d'autres mots sont de la langue des
journalistes, — argot spécial : — Yhomme malade, dont parlait un
ministre anglais à propos de la Turquie, l'adage tant de fois répété!
aléa jacta est — mis à la mode par un discours de Lamartine, — touteâi
ces manières de dire, rigoureusement, n'auraient pas dû figurer dans
le dictionnaire de M. Larchey; mais il faut se rappeler que ce diction-
naire s'est appelé d'abord les Excentricités du langage. C'est l'argot^
après tout qui a été le point de départ du livre, et M. Larchey, dans
une introduction très-bien faite où il a mis autant de soin à déguiserl
une vraie érudition que d'autres en mettent à en afficher une douteuse,]
a parfaitement indiqué quels ont été les divers éléments de la' langue!
vivace, imagée, dont il a fait une longue étude. Les termes anciens'
- 141 —
y ont une bonne part, et, à leur sujet, l'auteur a cité avec beaucoup
d"à-propo3 un livre de Caillères, les Mots à la mode. Que M. Larchej
nie permette de lui rappeler que Boursault a, sous le même titre, écrit
une comédie qui pourrait, pour une nouvelle édition, lui offrir
quelques révélations, et qui, en tous cas, l'amusera certainement.
Pour composer son volume, M. Larchey a dû lire énormément
d'ouvrages, de journaux, de documents de toute espèce. — A propos
du mot célèbre attribué à Cambronne, il a toutefois oublié un passage
de l'Esprit dcins rhistoirc, de M. Ed. Fournier. — Le Dictionnaire de
Varr/ot, on ]e voit, n'est pas du tout un livre futile, comme quelques
personnes le supposent peut-être, ce n'est pas certainement une œuvre
que les jeunes filles consulteraient avec fruit ; mais, au Irain dont va
notre langue, ce sera bientôt, malheureusement, un glossaire indis-
pensable, une bonne partie du Dictionnaire de l'Académie de l'avenir.
Th. de Puymaigre.
Nouvelles études siu* la littérature grecque moderne,
par M. Ch. Gidel, professeur de rhétorique au Ivcée de Fontanes. Paris,
Maisonneuve, 1S78, in-8 de 613 p. — Prix : 10 fr.
En 1866, M. Gidel publia un volume sur la littérature grecque mo-
derne. Il y recherchait quelles traces avaient pu laisser dans cette
littérature nos anciens poëmes français et en retrouvait d'assez nom-
breuses; ce qui n'a rien de surprenant, car, à Athènes et dans la
Morée, on parlait, suivant Rajmon Muntaner, un aussi bon français
qu'à Paris : « E parlaven' axi bell fraccs com dins en Paris. » M. Gidel
continue aujourd'hui l'œuvre commencée, et, après nous avoir montré
l'influence que nos vieux écrivains exercèrent en Grèce, il nous
prouve que la langue de ce pays ne fut jamais aussi abandonnée
en France et chez les peuples voisins qu'on a pu le supposer. La pre-
mière et la plus importante partie de son livre est consacrée à cette
démonstration assez curieuse. Il y examine quelles furent les études
grecques en Europe depuis le quatrième siècle jusqu'en 1453. II cons-
tate que l'Europe n'ignora jamais complètement le grec, et qu'en
France il jouit d'une véritable faveur, à trois époques surtout : l'éta-
blissement du monastère de Lérins, le règne de Charlemagne et le
treizième siècle. M. Gidel fait voir que rien n'est plus faux que
Tassertion exprimée dans une phrase trop répétée par d'ignorants
écrivains : Grxcum est, non legitur. C'est ainsi que, chaque jour et de
tous côtés, arrivent des lumières nouvelles sur cette époque du moyen
âge, si longtemps mal étudiée et mal connue. Toute cette partie du
travail de M. Gidel offre des renseignements souvent nouveaux. En
effet, on s'était, jusqu'ici, très-peu occupé de l'action exercée par les
lettres grecques; cette action, on ne l'avait guère entrevue qu'avec
— 142 —
la renaissance, et nous ne savons même si, avant le livre de Villori,
on avait soupçonné tous les emprunts faits par Machiavel aux écri-
vains grecs.
La suite du livre de M. Gidel est composée de travaux isolés sur
diverses productions grecques, auxquelles il a souvent l'occasion de
rechercher des analogies dans notre ancienne littérature. Il s'occupe
longuement de la légende d'Aristote, mais peut-être en laissant trop de
côté ce que les Arabes ont dit du philosophe, devenu quelquefois pour
eux le sage Kender, et de son glorieux élève. Parmi les poëmes exami-
nés par M. Gidel, un des plus intéressants est la dramatique Chanson
d'Arodaphnousa. Le Physiologus, qui n'est pas sans quelque ressem-
blance avec nos vieux Bestiaires et volucmires^ nous donne sur la tour-
terelle un détail que nous voyons assez singulièrement apparaître dans
certaines poésies populaires : « Si elle perd son tourtereau, elle ne
s'unit plus à aucun autre ; elle le pleure sans retour ; elle ne boit plus
sans troubler l'eau qu'elle doit boire. » Ce dernier trait, qui figure
aussi dans un chant populaire grec recueilli par Tommaseo, mais où
une biche remplace la tourterelle, a été reproduit dans la jolie ro-
mance castillane, Fonte frida, où le rôle principal est rendu au tendre
oiseau :
Que si el a,2;ua hallo clara,
Turbia la bebia yo.
D'autres petits rapprochements de ce genre ont pu échapper à
M. Gidel. Quant au Physiologus, dont il croyait avoir découvert les
manuscrits à la Bibliothèque nationale, il avait été précédé, comme
il le reconnaît lui-même dans une note (p. 442), par le P. Cahier. Le
style n'est pas toujours, dans ces nouvelles études, aussi pur qu'on est
en droit de l'exiger d'un professeur de rhétorique au lycée Fontanes.
Il y a de l'amphibologie dans une phrase de la page 362, où l'on ne
sait d'abord s'il est parlé de Virgile ou de Comparetti, l'auteur du beau
livre Virgilio ncl medio evo. Ailleurs (p. 410), nous voyons plusieurs
mots au singulier précédés d'un adjectif au pluriel. C'est une manière
de dire très-fréquente aujourd'hui, mais que les grammaires les plus
élémentaires condamnent.
Ce sont là de très-petites chicanes ; elles n'empêcheront pas l'ouvrage
de M. Gidel d'être accueilli avec intérêt par les lecteurs qui s'occu-
pent un peu sérieusement de l'étude du moyen âge.
Th. p.
JLa Princesse de Clèves, par M™^ de La Fayette, préface de H. TaineJ
Eaux-fortes de Masson. Paris, Quantin 1878, pet. in-8, de 302p. — Prix: 10fr«
Il est quelques anciens et beaux romans que Ton s'est un peu, et biel
à tort, déshabitué de lire. Tel est le délicieux livre de M'"* de La
— 143 —
Fayette, la Princesse de Clèves. Ce volume a fait une révolution dans
notre littérature. Son succès a été la condamnation et la fin des inter-
minables fictions de M"e de Scudéry et de la Calprenède ; il a été une
peinture de la vie réelle substituée aux fatigantes intrigues que les
romanciers se plaisaient à enchevêtrer. En recevant le beau volume
que la librairie Quantin vient d'éditer, et qui suit Paul et Virginie et
Adolphe, charmé de retrouver une fiction qui jadis m'avait tant inté-
ressé et ému, je me proposais d'entrer dans quelques considérations
sur le chef-d'œuvre de M"'' de La Fayette. C'est une pensée auda-
cieuse à laquelle j'ai bien vite renoncé, en lisant la notice de M. Taine
dont on a fait précéder la nouvelle édition. Il est impossible d'expri-
mer plus brillamment des aperçus plus justes ! M. Taine fait admira-
rablement comprendre ce qu'était cette société du dix-septième siècle,
si différente de la nôtre. Cette notice, je l'ai lue et relue, et j'en ai
recueilli bien des passages dans mes notes. Le roman de M""^ de La
Fayette ne pouvait être précédé d'une étude mieux écrite, mieux
pensée; il ne pouvait non plus être publié avec plus de soin et
d'élégance : il est orné d'un beau portrait de l'amie de M™^ de Sévigné,
d'eaux-fortes de Masson et d'un fac-similé de l'écriture de l'auteur.
A la fin du volume, se trouvent les variantes et une bibliographie de
la. Princesse de Clèves. — M. Quantin, en entreprenant cette splendide
collection de nos meilleurs romans, a mérité toute la reconnaissance
des lettrés et des bibliophiles. En 1878, la Princesse de Clcves reiro\i\era,
le succès qui l'accueillit, il y a juste deux cents ans, en 1678; voilà
de bons centenaires! Th. P.
HISTOIRE
Les Ages de la pierre; instruments, armes et ornements de la Grande-
Bretagne, par John Eva.ns. Traduit de l'anglais par E. Barbier. Paris,
Germer Baillière, 1878, gr. in-8 de 603 p. et 476 fig. s. pi. — Prix : 12 fr.
Poursuivant une tâche utile aux études préhistoriques, M. E. Bar-
bier, auquel on doit déjà la traduction de deux ouvrages de John
Lubbock, a donné cette année une édition française du livre de
M. John Evans: The ancient stone; implements, iveapons,and ornaments
of Great Britain, paru en 1872, édition revue et corrigée par l'auteur.
Ce livre volumineux, malgré un titre qui semblerait restreindre sa
spécialité à l'Angleterre, est, par le fait, un traité complet sur l'in-
dustrie des âges de la pierre. M. J. Evans ne s'est pas contenté d'y
décrire avec un soin minutieux, trop minutieux même, les nombreux
instruments trouvés dans son pays, mais il les a rapprochés de tous
ceux des autres contrées, pour faire ressortir la ressemblance ou la
diasemblauce des types.
Sans manquer à la déférence qu'impose l'autorité scientifique de
l'auteur, nous nous permettrons d'abord une critique d'ensemble sur
la profusion de descriptions qui surchargent son remarquable travail.
Cette méthode, empruntée aux sciences naturelles, auxquelles elle est
nécessaire, et dont on prétendrait étendre l'application à l'archéo-
logie, entraîne à des répétitions constantes, fatigantes même, à des
distinctions subtiles, pour aboutir à des classements ingénieux, mais
dont la valeur et l'utilité sont contestables.
Il faut le reconnaître : l'archéologie préhistorique, qu'il n'est pas
indispensable de confondre avec l'anthropologie — le livre que nous
avons sous les jeux le prouve — est bornée par son défaut de variété,
surtout aux époques de la pierre, les seules, qu'à vrai dire, elle soit
en droit de revendiquer. L'intérêt qu'elle a soulevé a été grand ;
mais, en somme, les antiquités dont elle traite se réduisent à un
nombre de types très-restreint, qui ne présentent plus, dans chaque
classe d'instruments, que des différences insignifiantes.
M. J. Evans divise ainsi son traité en deux parties, répondant à
deux phases successives de l'industrie de la pierre : l'époque paléo-
lithique ou de la pierre simplement taillée; l'époque néolithique, ou de
la pierre taillée et polie. Les spécimens de la seconde époque étant de
beaucoup les plus nombreux en Angleterre, c'est par elle, après une
courte introduction, que commence le livre. Nous eussions passé
sur cette introduction où l'auteur se montre partisan de la suc-
cession, dans l'Europe occidentale, des trois âges de la pierre,
du bronze et du fer, s'il n'y affirmait, avec raison, et à plusieurs
reprises, que cette théorie, étendue aux divers pays, n'impli-
quait aucun synchronisme, ni que la connaissance d^une matière
supérieure sous forme de métal ait fait disparaître l'emploi de la
pierre.
Après des détails curieux sur les anciens puits d'extraction des
silex, de la craie, la fabrication des instruments, les ateliers, M. J.
Evans passe en revue, en les décrivant avec la plus scrupuleuse exac-
titude, tous les différents types d'outils et d'armes, en usage à
l'époque néolithique. Haches ou celts, lames, grattoirs, pointes de
flèches et de lances, etc., jusqu'aux simples éclats, pièces obtenues
par le choc et terminées par la retaille, et qui, dans leur ensemble,
présentent peu de différence avec le travail de l'époque anté-
rieure.
Le progrès réalisé consiste dans la pratique d'un mode de fabri-
cation nouveau, le polissage, permettant d'utiliser les roches qui ne
se clivent pas ou se clivent mal.
Jusqu'à quel point le polissage des instruments, la présence de
celts en jadeïte, matière dont le gisement est encore inconnu en
Occident, viennent-ils, en corélation avec d'autres faits, appuyer
la présomption d'une origine extra-européenne de la civilisation néo-
lithique? C'est ce que nous n'examinerons pas ici. En tout cas, la mise
en œuvre de roches non utilisées jusqu'alors augmente notablement
l'outillage et répond à des besoins plus nombreux, amenés, sans nul
doute_, par le développement des populations.
La partie du livre consacrée aux instruments en pierre polie est
très-étendue; tous les spécimens trouvés dans la Grande-Bretagne
y figurent; aucun détail de forme, de dimension, de matière, de
provenance n'est négligé. D'ingénieuses comparaisons avec les ins-
truments en usage chez les sauvages actuels en font comprendre l'uti-
lisation.
De nombreuses planches dans le texte font une diversion nécessaire
au côté par trop technique de ces descriptions. Privée de leur secours,
une énumération même succincte, serait beaucoup trop aride, et,
d'autre part, nous ne pouvons suivre le savant archéologue dans ses
développements sur les haches avec ou sans perforation, les pics, les
ciseaux, les gouges, les couteaux, les pointes de flèches, etc., etc.
La seconde partie de l'ouvrage traite de l'industrie paléolithique ;
de celle qui, par son association avec les restes d'une faune disparue,
révèle, dans les terrains quaternaires, les traces les plus anciennes
de la présence de l'homme dans nos contrées.
M. J. Evans ne remonte pas plus loin dans les temps primitifs; en ce
qui concerne l'être humain ; il déclare absolument insuffisantes les
preuves qu'on a prétendu donner de son existence dans des couches
plus profondes. Nous ajouterons que ces preuves perdent chaque jour
de leur crédit.
Dans ses derniers chapitres, l'auteur, plus sobre de définitions
techniques, entre dans des considérations géologiques sur la forma-
tion des cavernes, leur remplissage et sur les dépôts du gravier des
rivières. L'horizon s'élargit, et ces pages présentent, à notre avis, un
intérêt plus élevé que celles où l'abus des détails descriptifs rend
parfois bien laborieuse la lecture d'un traité remarquable à tant de
titres.
L'Angleterre possède peu de cavernes ; toutes sont dans le sud, et les
instruments qu'on y a rencontrés rappellent ceux du type du Moustier
en France. Quant aux instruments recueillis un peu partout, dans les
graviers des rivières, principalement dans le bassin de la Tamise et
de ses affluents, ils appartiennent en général au type de Saint-Acheul.
La haute antiquité de certains d'entre eux ressort des restes de Vélé-
phas anliquus et de Vliippopotamus major que contenaient les dépôts
fluviatiles où ils ont été trouvés.
Ce compte rendu du livre de M. J. Evans resterait incomplet, si
.\0LT 187R. T. XXIII, 10.
— I4(i —
nous ne terminions comme nous avons commencé, en rendant justice
au traducteur, M. E. Barbier qui, unissant la lucidité à la correction,
a très-heureusement triomphé des obscurités qui pouvaient naître
de la technologie de cette sorte d'ouvrages. Nous ne pouvons que le
féliciter d'avoir, par une traduction exacte, dénotant un auteur très-
versé dans les connaissances préhistoriques, mis à la portée des lec-
teurs peu familiers avec la langue anglaise un traité indispensable
à tous ceux qui étudient spécialement cette préface de l'archéologie
générale : Tâge de la pierre. H. A. Mazard.
Des lieux cuusacrés à l'admiuistration du baptême (cours
d'eau, baptistères, églises baptismales, fonis baptismaux, lieux exception-
nels), par l'abbé J. CoRBLET. Paris, Baur, 1878, grand ia-8 de 151 p. —
Prix ; 0 fr. (Extrait de la Jlewue de l'art chrétien.)
Ce travail de M. l'abbé Corblet mérite d'être signalé aux théolo-
giens, aux archéologues et aux membres du clergé paroissial. Il y
a ici de l'archéologie, du symbolisme, de la liturgie, du droit cano-
nique, de l'histoire de l'art. Au point de vue de la science spéculative,
je signalerai deux longs catalogues : Tun de tous les baptistères,
l'autre de toutes les cuves baptismales antiques ou du moyen âge,
dont l'auteur a pu recueillir ou tracer lui-même la description. Je ne
dis pas qu'un aussi vaste dépouillement ait été partout également
précis et minutieux ; une archéologie d'un champ si vaste et de
tendances aussi pratiques ne saurait être toujours d'une rigueur
absolue. Ainsi, les baptistères du mont Athos pourraient être effacés
du catalogue. Des baptistères au mont Athos ! et pour qui, grand Dieu ?
M. Corblet, ou plutôt M. Didron, qu'il paraît avoir suivi sur ce point,
a-t-il donc oublié que, dans la sainte montagne, nul ne naît que les
oiseaux des bois? On a pris les fontaines claustrales pour des baptis-
tères.
Au point de vue pratique, on trouvera dans cette dissertation de
très-intéressants renseignements sur le rite baptismal primitif, et sur
ses modifications à travers les siècles et suivant les pays.
L'auteur traite aussi, avec la compétence que le monde savant lui
connaît depuis longtemps, du mobilier des baptistères, des prescrip-
tions liturgiques relatives aux fonts, des conditions requises pour
qu'une église soit canoniquement en droit d'en posséder, de l'adminis-
tration du baptême dans les missions,dans les maisons particulières, etc.,
en un mot de toute la législation ecclésiastique relative au pre-
mier de nos sacrements. Je pourrais citer mille détails curieux et
instructifs; j'aime mieux me borner à transcrire une phrase où le
prêtre, plus encore que l'archéologue, a déposé un regret trop légi-
— 147 —
time : « Nous devons regretter la vulgarité de certaines chapelles
(baptismales), où rien ne rappelle leur sublime destinalion et l'in-
curie qui les métamorphose parfois en magasins de débarras, comme
aussi l'ignorance et la négligence de certains architectes modernes
qui ne songent point, dans leurs plans, à ménager une place hono-
rable pour les fonts, et qui les accolent après coup contre un mur ou
contre un pilier, comme un simple bénitier (p. 103). » Hélas 1 il
n'est que trop vrai, et le cœur saigne quand on voit, dans certaines
paroisses de campagne, la cuve baptismale remplacée par une sou-
pière, et la chapelle des fonts transformée en magasin à balais. Le
livre de M. Corblet, en faisant passer sous nos yeux les témoignages
du respect de nos pères envers les édifices et les objets qui servaient à
ces mystères augustes, ne peut manquer de contribuer à la correction
d'abus véritablement condamnables, et pour lesquels la pauvreté
même n'est qu'une excuse insuffisante.
L. DUCHESNB.
Topographie des voies romaines de la Belgique. Statis-
tique archéologique et bibliographie, par Camille Van Desse::., membre cor-
respondant de l'Académie d'archéologie de Belgique. Avec une carte,
Braxelles, Muquardt, 1S77, in-8, xi-2o8 p. — Prix : 8 fr.
L'archéologie romaine, étudiée principalement sur le sol même,
au moyen de fouilles et de recherches locales, a toujours eu le pri-
vilège de passionner un bon nombre d'esprits en Belgique. Il n'est
pas de province qui n'ait une ou plusieurs sociétés dont l'activité est
en grande partie dirigée de ce côté, et Ton pourrait citer dans chaque
ville un peu importante au moins un érudit qui s'est acquis un nom
des plus estimables dans ces intéressantes études. Mais les résultats
de ces nombreuses recherches, disséminés dans une multitude de re-
vues et de publications peu répandues, ont souvent besoin d'être
recueillis et résumés à l'usage des travailleurs, qui, autrement, pour-
raient bien des fois en ignorer l'existence. Il y a déjà longtemps qu'un
érudit belge, M. Schayes, avait pourvu à ce besoin par un grand tra-
vail d'ensemble, où il avait tracé le tableau delà civilisation romaine
en Belgique, et dressé la statistique de toutes les découvertes faites
dans nos provinces. C'est en 1838 qu'il publia son important ouvrage
intitulé : La Belgique avant cl pendant la domination romaine, dont il
donna, en 1858, une seconde édition considérablement augmentée. Sur-
pris par la mort, Schayes ne put achever son travail, dont le troisième
volume parut en 1859, sous les auspices de M. Charles Piot. Ce livre,
riche en renseignements et à peu près complet de son temps, avait
subi la destinée commune à tous les ouvrages de cette espèce : grâce
aux nombreux progrès de la science archéologique depuis une vingtaine
d'années, il avait cessé de pouvoir être utile à ceux qui désirent se
tenir au courant de cette étude essentiellement mobile et changeante,
puisque chaque jour vient augmenter le nombre des matériaux.
M. Van Dessel a donc été heureusement inspiré en publiant son tra-
vail, dont, avec beaucoup de modestie, il n'a voulu faire qu'une conti-
nuation de celui de Schayes, un quatrième volume de l'œuvre de son
prédécesseur. Un des meilleurs connaisseurs de l'antiquité romaine en
Belgique, M. le conseiller Schuermans, a enrichi le livre d'une excel-
lente introduction, à laquelle je ne reprocherai que d'être trop
courte : ce patronage et le nom même du jeune érudit, déjà fort
avantageusement connu dans le monde scientifique par ses recherches
personnelles, sont faits pour gagner d'avance la confiance du lec-
teur.
Les trente premières pages sont consacrées à la Topographie des
voies romaines €71 Belgique. C'est un relevé aussi complet que possible
des nombreux chemins qui, dans les premiers siècles de notre ère,
sillonnaient en tous sens le territoire belge, et dont on a retrouvé des
traces plus ou moins considérables. M. Van Dessel avait été précédé
ici par un remarquable mémoire de M. Van der Rit, publié en 1852
dans le Journal dr l'architecture, et trop peu apprécié dans notre pays,
comme M. Van Dessel en convient lui-même. Il va sans dire que
M. Van Dessel est beaucoup plus complet et plus exact : on peut re-
gretter seulement qu'il ait jugé convenable d'être si succinct dans
l'exposition du tracé de chaque voie : il ne donne guère que les points
de départ et d'aboutissement avec les localités actuelles qu'elles tra-
versent : je ne connais qu'une exception pour la route militaire de
Heims à Cologne, que l'auteur, avec tous les érudits belges, fait partir
à Carignan (Epoissiis) de la voie qui allait de Reims à Trêves, tandis
que les archéologues français admettent deux voies qui se bifurquent
à partir de Reims môme.
La deuxième partie, beaucoup plus considérable que la première,
forme à elle seule en quelque sorte le corps de l'ouvrage. Comme le
fait deviner son titre de Statistique archéologique, c'estl&Usie ^ar ordre
alphabétique de tous les endroits dans lesquels on a retrouvé des an-
tiquités, avec l'indication de la nature et de l'importance de ces
découvertes et des ouvrages où elles sont signalées. Ce travail avait
déjà été fait par Schayes, mais il constituait précisément la partie de
son livre qui avait le plus vieilli, et le lecteur aura une idée de l'im-
portance de l'ouvrage que nous avons sous les yeux, quand il saura
que M. Van Dessel a triplé la liste de son prédécesseur.
La troisième partie contient une riche et abondante bibliographie.
Enfin, ce qui donne au livre sa principale valeur, c'est la carte qui y
— IV'. I —
est annexée, et qui met sous les jeux, avec le tracé des voies, toutes
les localités où on a fait des découvertes; des signes particuliers en
indiquent l'espèce, selon que ce sont des substructions,des autels, des
tumulus, des débris de poteries, des monnaies, etc. Il est inutile
d'ajouter que les antiquités barbares de cette période rentrent dans
le cadre de ce travail, et qu'elles y sont indiquées avec la même pré-
cision.
Cette carte, si je puis m'exprimer ainsi, est une carte parlante. Il
suffit d'y jeter un coup d'œil pour se rendre compte de l'état actuel
de nos connaissances relativement à l'époque romaine de notre his-
toire. De vastes parties y sont laissées en blanc; d'autres, au con-
traire, y paraissent à peu prés aussi remplies qu'une carte du pays
actuel pourrait l'être. C'est ainsi qu'entre Bavay et Maestricht, de
même qu'entre Arlon et Tongres, on voit se presser et se multiplier
les traces de l'antiquité romaine, tandis que la partie septentrionale
de notre pays semble presque entièrement inexplorée, et qu'on ne
signale pas une seule voie romaine dans toute la Campine. L'état de
la science n'est pas encore assez avancé pour qu'on puisse tirer une
conclusion de ces faits : il suffit de les constater, et, grâce à la carte
de M. Van Dessel, les antiquaires se trouveront à même de choisir le
terrain qui leur promet les découvertes les plus abondantes.
Naturellement, un travail comme celui-ci peut moins que tout
autre avoir la prétention d'être complet. Celui de Schayes ne l'a pas
été tout à fait de son temps'; celui de M. Van Dessel ne l'est pas da-
vantage aujourd'hui. Cela est d'ailleurs impossible. Pendant que le
travailleur s'arrête pour mesurer le chemin parcouru, la science à la
suite de laquelle il se trouve, continue sa marche lente mais inces-
sante, et le livre a déjà- vieilli sous certains rapports avant d'être im-
primé. Pour ne parler ici que d'une province que je connais particu-
lièrement, M. VanDessel auraitpu ajouter à sa statistique les indications
suivantes, dont je puise les éléments dans le Lucillburgum Romanum
du Père Wiltheim, dans les Publications de l'Institut d' Arlon, et en
partie dans des observations personnelles :
Bleid. Vastes substructions, poteries, sépulture ; nombreux indices
d'antiquités encore inexplorées au champ des Sarrazins. — durbuy.
Statuette romaine de Constantin. — Ethe. Bas-relief romain au cime-
tière. — A Hamavé, sépultures barbares. — A Delmont, urne et pa-
telles. — Flamizoul. Substructions. — Forrières. Les pieiTes du diable
(dolmens). — Freykinge. Monnaies, tombes, poteries. — Habay-la-Vieilkj
Substructions, hypocauste, monnaies. — Marche. Monnaies, tombes
romaines. — Melreux. Belles poteries, tombes romaines et franques.
— Pellt Han. Tombe romaine. — Poncel. Urnes, poteries grossières.
— Salm-Châtpau. Tombes romaines, pierres meulières. — Sprimont
— loO —
près Amberloux. Tombes barbares. — Sterpenich. Nombreuses mon-
naies de Vespasien à Galiien et à Posthumus.
Il serait facile, sans doute, de grossir cette liste pour les autres
provinces; mais le livre de M. Van Dessel est de ceux qui doivent être
complétés au jour le jour par les érudits auxquels il est destiné. Les
observations qui précèdent n'enlèveront donc rien à la valeur du tra-
vail, qui est excellent, et digne de tous les éloges. On ne peut que féli-
citer l'auteur de s'être soumis à une tâche pénible et ingrate, dont
tout le profit est pour le lecteur, et l'on peut espérer qu'armé d'une
érudition aussi solide, il ne tardera pas à justifier par des travaux
originaux la confiance du public savant. Godefroid Kurth.
Itome et Oémétrîus, d'après des documents nouveaux, avec pièces
justificatives et fac-simile, p^r le P. Pierling, S. J. Paris, Leroux, 1878,
gr. in-8 de xxvi-224 p. — Prix : 7 fr. 50
Il s'agit du mystérieux personnage plus connu dans l'histoire sous
le nom de Faux Démétrius — nom consacré parla tradition de plus de
deux siècles et demi, — et que toutes les investigations de la critique
moderne ne parviennent pas à modifier, tant est profond le mystère
qui enveloppe les origines de l'étrange individu! tant il est difficile
d'apporter une solution définitive aux questions qui s'y rattachent !
Était-il le vrai fils d'Ivan IV et a-t-il réellement échappé à la main
des meutriers? Qui fut l'auteur du meurtre accompli à Ouglitch?
Est-ce Boris Godounov? est-ce son parti agissant à l'insu du maître ?
Le tsar éphémère qui régna en 1605 sous le nom de Démétrius est-il
identique avec le moine défroqué Grichka Otrépiev? Si non, était-il
de bonne foi, pouvait-il l'être? Faut-il voir en lui l'instrument du roi
de Pologne, du pape ou des jésuites, méditant la conquête politique
et religieuse de laMoscovie ? Autant de questions, autant d'opinions,
dont chacune a ses défenseurs et ses contradicteurs, et qui, presque
toutes, restent encore ouvertes.
Le travail que nous annonçons se borne à l'examen de la dernière
de ces questions, c'est-à-dire de la part que le Saint-Siège et les
jésuites ont prise dans l'afi^aire de Démétrius, des rapports qu'ils ont
eus avec ce prétendant au trône des Rurik. La question n'est point
oiseuse; bien des auteurs tombent, en la traitant, dans des erreurs
plus ou moins graves, qui passent de livre en livre et acquièrent
ainsi le droit de cité. — Tout récemment encore, M. Rambaud les a
reproduites dans son Histoire de la Russie, en donnant pour certain ce
qui est controversé, quand ce n'est pas entièrement dénué du vrai.
(V. p. 280 et suiv.). A son exemple, d'autres vont répéter les mêmes
erreurs, sans avoir l'excuse de celui qu'ils copieront, et qui aura pu
igrnorer le travail sur Rome et Démétrius.
— loi —
Le livre du R. P. Pierling ne manque donc pas d'opportunité, et
c'est un de ses moindres mérites. Le mérite principal de son ouvrage,
celui qui le fera rechercher par quiconque s'intéresse à la question,
ce sont les nombreux documents qui y sont produits pour la première
fois, et dont on ne saurait nier l'importance historique. C'est appuyé
sur ces irréfragables preuves que l'auteur retrace les rapports de
Démétrias avec Rome, le nonce Rangoni, les jésuites, et répond aux
historiens qui les accusent d'avoir soudoyé un vil usurpateur en vue de
subjuguer la Russie. D'autres, avant lui, ont répondu dans le même
sens; personne cependant ne l'a fait avec autant de force, ni traité le
sujet d'une manière plus complète, plus approfondie que lui.
Dans l'introduction, le lecteur est mis au courant de l'état de la
question, de la catastrophe d'Ouglitch (1591), et des diverses opinions
sur le Faux Démétriiis, résumées à grands traits. Le tableau
chronologique de la correspondance de Démétrius avec Rome
et les jésuites donne un aperru sommaire du principal sujet du
livre. Les documents mentionnés dans ce tableau, et encore inédits,
figurent à la fin du volume, parmi les pièces justificatives; pour
la plupart ils proviennent des archives du prince Borghèse. Les
conclusions auxquelles l'auteur est arrivé, à la lumière de ces précieux
documents, et qui résument son travail, peuvent être formulées ainsi :
L'opinion d'après laquelle Démétrius aurait été soudoyé, soit par le
pape, soit par son nonce en Pologne, soit par les jésuites, n'a aucun
fondement historique sérieux. Le Saint-Siège et les jésuites ne sont
entrés en rapport avec Démétrius qu'en 1604, au mois de mars, lors-
qu'il passait déjà à la cour de Pologne pour le vrai fils de Jean IV et
était entouré de ses compatriotes. Ils ont fait ce qui dépendait d'eux
pour découvrir la vérité touchant la personne du prétendant, et en le
secondant discrètement dans son entreprise, ils ont agi de bonne foi,
d'autant plus que Démétrius a réellement abjuré le schisme grec,
embrassé la foi catholique entre les mains du nonce, et promis d'en
favoriser la propagation parmi ses futurs sujets. L'auteur croit que
cette conversion fut sincère, quoiqu'elle ait été démentie ensuite par
la conduite désordonnée de Démétrius, qui ne tint aucune de ses pro-
messes (p. 118).
Ces conclusions, déduites avec une stricte impartialité, sont déve-
loppées dans le corps de l'ouvrage avec beauconp de clarté et de
méthode. En général, le livre se lit avec intérêt, et les preuves de
l'auteur portent la conviction dans l'esprit du lecteur. Ce qui ressort
avec évidence de cette étude, c'est l'injustice de ceux qui accusent
le Siège apostolique et ses ministres dévoués d'avoir manqué de bonne
foi en se servant, pour l'accomplissement d'une sainte cause, d'un
personnage dont la fausseté n'était alors rien moins que démontrée,
ei sur le caractère historique duquel les auteurs ne parviennent pas
à tomber d'accord, après des débats de deux siècles.
Ces mêmes historiens assurent cependant que, par exemple, le
métropolitain de Kiev, Job Boretski, a agi de bonne foi en accor-
dant toute sa confiance à l'aventurier Ahia ou Alexandre Ottomanus
qui se donnait pour fils légitime de Mahomet III, en le prenant sous
sa protection et en le recommandant chaudement au tsar Michel
Romanov (1626). Eh bien, s'ils veulent être conséquents, ils devraient
appliquer la même règle à la conduite du Saint-Siège et des jésuites
à l'égard de Démétrius. Le travail du R. P. Pierling est de nature
à concilier les esprits les plus prévenus. A la lueur des documents
réunis dans ce beau volume, tout esprit impartial pourra apprécier la
sagesse du Saint-Siège, et réduire à néant les calomnies élevées contre
lui. Désormais la part que les papes ont prise dans l'afl'aire de
Démétrius cessera d'être un grief historique contre Rome.
J. M.
A.necclote8 historiques, légendes et apologues tirés du recueil
inédit d'Etienne de Bourbon, dominicain du treizième siècle, publiés pour
la Société de l'Histoire de Frauce, par A. Lecoy de La Marche, Paris, Re-
nouard (Henri Loones, successeur), 1877, gr. in-8 de xLviii-4r66 p. — Prix ;
9 fr.
La Société de l'Histoire de France a publié peu de chroniques aussi
intéressantes que le recueil dont nous allons donner un aperça som-
maire. Les anecdotes d'Etienne de Bourbon nous font pénétrer dans
la vie intime du treizième siècle, et elles nous révèlent tout un côté
de la société du moyen âge que, jusqu'à présent, l'érudition moderne
n'avait pas suffisamment mis en lumière. M. Lecoy de La Marche était
préparé mieux que tout autre à éditer un texte semblable : son étude
si remarquable sur la Chaire franraise au moyen âge et ses longues
recherches sur la vie privée au treizième siècle l'avaient désigné
d'avance pour cette publication.
Etienne de Bourbon, dominicain, mort vers l'an 1261, était peu
connu jusqu'à ce jour; M. Lecoy de La Marche essaye de tracer sa
biographie, puis il critique son œuvre.Prédicateur avant tout, Etienne
de Bourbon, en composant son recueil d'anecdotes, n'a eu d'autre but
que d'être utile aux prédicateurs en leur ofl'rant des exemples à l'appui
de tous les sermons qu'ils pourraient avoir à prononcer. Il a donc
rassemblé tous les traits historiques ou légendaires, tous les récits
moraux qu'il a pu rencontrer, et, suivant le mot de son savant éditeur,
« son livre est, pour ainsi dire, une morale en action. » Nous pouvons
ajouter que le recueil d'Etienne de Bourbon est, jusqu'à un certain
point, le complément de Joinville, car il nous montre la société sous
— io:^ —
un aspect différent ; il est seulement :\ regrette i- qu'Etienne de
Bourbon ait préféré écrire dans un mauvais latin plutôt qu'employer
la langue naïve du bon sénéchal. Pour composer son œuvre, il a puisé
à deux sources principales. En premier lieu, les auteurs sacrés ou
profanes, les traditions populaires, les vies de saints, etc. ; en second
lieu, les événements contemporains, les faits qui se passaient sous ses
yeux. Afin de donner un aperçu de la science d'Etienne de Bourbon,
M. Lecoy de La Marche a dressé la liste des ouvrages utilisés par le
dominicain : on voit, par là, que l'antiquité sacrée et l'antiquité pro-
fane étaient largement représentées dans l'enseignement des monas-
tères au moyen âge. Quant aux anecdotes empruntées aux événements
contemporains, elles sont importantes pour Thistoire, bien qu'une
grande part doive être faite à la légende par la critique moderne. Les
traits se rapportant à Philippe-Auguste, aux Albigeois, à saint Louis,
à l'évêque de Paris Guillaume d'Auvergne sont particulièrement inté-
ressants ; nous signalerons encore de curieux détails sur les danses,
les sorciers, le luxe des femmes, etc.
Etienne de Bourbon a suivi, pour la distribution de ses anecdotes,
un plan bizarre, mais qui ne surprendra point ceux qui s'adon-
nent à l'étude du moyen âge. Il a réparti sa collection entre les sept
dons du Saint-Esprit ; chacune de ces sept parties est divisée elle-
même en tiluli, subdivisés, à leur tour, en chapitres. Mais cet ordre
n'était pas très-clair pour l'auteur lui-même, car illui arrive quel-
quefois de raconter la même anecdote à trois ou quatre reprises.
De plus, Etienne de Bourbon n'a pas achevé son travail, et nous
n'avons que ce qui regarde les dons de Crainte, de Piété, de Science,
de Force et de Conseil ; manquent les dons d'Intelligence et de Sa-
gesse.
M. Lecoy de La Marche a respecté la division d'Etienne de Bourbon;
mais il n'a pas donné le texte intégral de tout le volumineux manus-
crit du dominicain; il s'est contenté de recueillir tout ce qui pouvait
intéresser l'histoire, laissant de côté les réflexions morales, les pas-
sages de la sainte Ecriture, les commentaires théologiques. Enfin,
pour rendre plus clair et plus facile à consulter le livre d'Etienne de
Bourbon, il a placé en tête un sommaire détaillé des cinq parties de
l'ouvrage, où chaque anecdote est brièvement analysée. Il eût été
difficile d'établir ce texte avec plus de soin et plus d'érudition.
Ernest Babelon.
Actes et correspondance du coauétal>le de L<esdi§^uière9,
publiés sur les manuscrits originaux, par le comte Douglas et J. Roman.
Tome 1". Palis, Alph. Picard et J.-B. Dumoulin, 1878, in-4 de lxxi et
596 p. — Pris : 20 fr.
La correspondance de Lesdiguières est, sans contredit. Tune des
— loi —
sources les plus abondantes de renseignements sur l'histoire de France
et sur l'histoire du protestantisme pendant la seconde moitié du sei-
zième et la première moitié du dix-septième siècles. A plusieurs
reprises déjà, l'intérêt incontestable de ces documents avait attiré
l'attention des curieux, mais il semble que l'abandance même des maté-
riaux avait effrayé les plus patients. MM. Douglas et Roman, plus
intrépides, ontenfin entrepris ce rude labeur. Ils ont cherché et récolté
partout ; dans les dépôts publics comme dans les archives particulières,
en France et à l'étranger. Le premier volume, qui vient de paraître,
— l'ouvrage doit en avoir trois — comprend 486 pièces, allant de Tan-
née 1575 à l'année 1610.
Dans une introduction écrite avec impartialité et sobriété, les édi-
teurs ont résumé la vie du connétable ; ils font connaître ses grandes
qualités et ses défauts; ils apprécient avec calme et équité le carac-
tère de cet homme éminent qui, parti d'une position modeste, arriva au
plus haut degré de la hiérarchie, sans charger sa conscience de mé-
faits aussi graves et aussi nombreux que la plupart de ses contempo-
rains. Autoritaire, ambitieux et fidèle à son souverain, sans défaillances,
Lesdiguières est un type complet du politique, aussi expérimenté à la
guerre que bon administrate'ur, qui aspirait à monter aussi haut que
possible sans cesser d'être sujet du roi de France, sans oublier un
moment les intérêts de sa province où il était presque souverain.
Trois indices complètent ce premier volume. L'un énumère les des-
tinataires des documents publiés ; le second les dépôts où MM. Douglas
et Roman ont puisé ; enfin le troisième donné les noms d'hommes etde
lieux mentionnés. Dans le premier index, les éditeurs ont eu l'heu-
reuse idée de consacrer à chaque personnage quelques lignes indispen-
sables pour les faire connaître. — • En terminant cet article, nous
croyonsdevoir insister sur un point. C'estque lapublicationdeMM. Dou-
glas et Roman, indiquée modestement comme recueil de Docume7its
inédits pour servir à l'histoire du Dauphiné, a, par le fait, un intérêt
général. Un ouvrage de ce genre, par la valeur des pièces publiées,
par le soin apporté à la transcription et à l'annotation, eût été digne
de figurer parmi les Documents inédits, édités par le Ministère de
l'Instruction publique, pour servir à l'histoire de France.
A. DE 6.
Histoire de l'enseignement primaire avant ITS© dans les
eommunes tful ont formé le département du IVord, par
le comte de Fontaine de Resbecq, membre de la commission historique du
Nord. Lille, Quarré; Paris, H. Champion, 1878,iQ-8 de iv-426 p. — Prix: 6 fr.
Voici un nouvel, et nous pouvons ajouter tout de suite, un excellent
ouvrage à ajouter à tous ceux qu'a provoqués l'enquête entreprise
— 15.) —
sur l'instruction populaire avant 1789. C'est une étude très-claire,
reposant sur des documents sérieux et locaux, dégagée par un choix
fort intelligent de l'accumulation souvent fatiguante des preuves et
des faits que l'on trouve en détail dans les documents statistiques et
les pièces justificatives.
M. de Resbecq consacre son travail à l'histoire de l'instruction
primaire, au régime des écoles, aux maîtres, à l'enseignement et
à l'état de l'instruction primaire en 1789. Il établit la lutte persistante
de l'Église et du clergé contre l'ignorance, l'élan donné à l'instruction
du peuple par le mouvement communal et par la réforme. L'établis-
sement des communes produisit une heureuse émulation entre le
clergé qui voulait maintenir ses droits et sa réputation et les pouvoirs
municipaux qui veulent justifier leur ambition. Grâce à elle, Gand
jouit de la liberté d'enseignement de 1192 à 1235, et, à Ypres, il est
reconnu au treizième siècle que le droit d'enseigner est libre pour les
écoles inférieures, et certainement plus d'un laïque en a usé. L'appari-
tion de la réforme fit sentir plus vivement aux catholiques la nécessité
de prémunir les âmes par l'instruction contre les séductions de l'er-
reur. De là une vive impulsion qui releva l'instruction et fit multiplier
les écoles. Les provinces du Nord ont vu naître le premier ordre,
sans doute, créé pour tenir des écoles élémentaires, celui des jéro-
mites, fondé au quatorzième siècle par Gérard van Groot, et approuvé,
en 137(3, par Grégoire XL On peut aussi leur attribuer la première
organisation régulière des écoles dominicales.
Pour les écoles, il est facile de constater leur nombre considérable dû
au zèle de l'épiscopat, excité par les souverains-pontifes et les conciles,
et soutenu par l'autorité civile. Malgré leur caractère et leur but
essentiellement religieux, elles ne sont point de simples catéchismes.
On trouve, au contraire, sur le temps consacré à l'enseignement
religieux, comme sur la séparation des sexes, sur les écoles d'adultes,
sur les heures de classes,. les prières delà fin et du commencement,
l'hjgiène et la propreté, la surveillance et l'inspection, beaucoup de
prescriptions que nos règlements nouveaux n'ont eu qu'à renouveler.
Pour les punitions et les récompenses, nos ancêtres montraient à la fois
plus de sévérité et de largeur. D'intéressants et curieux renseigne-
ments sont fournis sur la nomination des « magisters, » « recordeurs, »
dont le nom d' « instituteurs » ne remonte qu'à 1792, sur les conditions
exigées d'eux, sur leur traitement, sur les fonctions qu'ils pouvaient
cumuler, sur leur costume, leurs associations et leurs conférences.
Dès la fin du seizième siècle, on voit poindre l'idée d'école normale
pour préparer à l'enseignement.
La gratuité, générale d'abord, fut réduite aux pauvres ; l'obligation
était reconnue par les conciles et les synodes et par les ordonnances
municipales. Lille et Valenciennes avaient des sergents chargés de
rechercher les enfants qui n'allaient pas à l'école. On apprenait, avec
la religion, la lecture et l'écriture, souvent le grammaire, l'histoire
sainte et l'arithmétique. L'enseignement professionnel existait ; ainsi, à
Cambrai, en 1G33, les jeunes filles apprenaient à « coudre, soit en drap
ou en linge ; à filer, faire dentelles et semblables ouvrages les
ouvrages qui sont à faire dans un ménage, comme laver, faire le pain,
cuisiner. » L'horticulture était également enseignée. Signalons aussi
quelques renseignements sur les méthodes et les livres en usage, et un
très-remarquable règlement de MS'' de Bruyères-Chalabre, évêque de
Saint-Omer (1781).
Dans le chapitre sur la « situation de l'enseignement primaire en
1789, » nous relevons une demande d'enquête faite par Chaptal en
l'an IX et qui ne paraît pas avoir abouti, les vœux des trois ordres
demandant que l'instruction soit confiée aux ordres religieux, puis la
décadence constatée par tous les documents officiels.
Dans ses notes sur l'organisation scolaire dans les communes avant
1789, M. de Resbecq a relevé, par arrondissements et par communes,
tous les renseignements qu'il a pu recueillir : noms des maîtres,
contrats passés par eux, fondations, etc. Il ajoute la statistique des
conjoints et conjointes signant leur acte de mariage de 1750 à 1790
et en 1789. Les pièces justificatives, au nombre de cinquante-neuf
donnent des règlements, des instructions et des contrats qui seront
consultés avec intérêt. René de Saint-Mauris.
Irréels d'iiistoire natSonale de Mgr A..-«f. rVamèche, recteur
de l'Université catholique de Louvain, disposé pour l'enseignement moyen,
par J,-J. D. SwoLFS, professeur d'histoire au petit séminaire de Malines.
'2' édition, revue avec soin, ornée de deux cartes coloriées et augmentée
d'un tableau synchronique pour les temps féodaux. Louvain, Charles
Fonteyn, 1878,"in-12 de 340 p. — Prix : 3 fr.
Le légitime succès de cet ouvrage, tiré à 3,000 exemplaires et
épuisé en moins de trois ans_, ne fera pas défaut à la seconde édition.
Le Cours d'histoire nationale de M^^' Namèche, publié en huit vo-
lumes in-8 demandait à être restreint aux proportions d'un livre
classique, propre à servir de base à l'enseignement des collèges en
Belgique, Ce travail, quelque peu ingrat, a été entrepris avec bon-
heur par M. Swolfs : son manuel est méthodique, précis, complet.
La clarté de l'exposition, la disposition de l'ensemble s'y rencontrent
peut-être à un moindre degré; mais était- il possible à l'auteur de
faire mieux? Comment, à travers l'inextricable dédale de la pre-
mière époque féodale, retrouver ce qui se rattache uniquement aux
provinces qui constituent la Belgique actuelle? Et, dans l'histoire
municipale du treizième siècle et des siècles suivants, quand chaque
ville a son autonomie propre, sa vie individuelle, lorsque chaque cité^
chaque bourg forme à lui seul un Etat, comment retrouver le fil
conducteur qui doit mener à la formation du petit royaume moderne?
Il résulte nécessairement de toutes ces difficultés une complication
extrême, qui est l'argument le plus solide de M. Swolfs contre ceux
qui lui reprocheraient l'absence de synthèse et de généralisation.
Si son livre n'est pas un drame, mais une série de tableaux, ce n'est
pas tout à fait sa faute. Il a fait son possible pour composer son his-
toire nationale de la Belgique avec l'histoire des Francs sous les
deux premières races, l'histoire du comté de Flandre, de la Lotha-
ringie, du Hainaut, du comté de Namur, des duchés du Luxembourg,
de Lunebourg, de Brabant, de la principauté de Liège, pays tantôt
vassaux de la France, tantôt rattachés à l'Empire d'Allemagne. Pour
les temps plus rapprochés de nous, M. Swolfs a été obligé de passer
en revue la domination bourguignonne dans les Pays-Bas (1384-
1482), la domination austro-espagnole, jusqu'à la révolution bra-
bançonne et à la soumission de la Belgique à la France (1791-1794).
Ce n'est qu'en 1830, comme on le sait, que commence véritablement,
pour la Belgique, la période de l'indépendance nationale, et que son
histoire devient d'une synthèse facile .
Il n'y avait pour M. Swolfs qu'un moyen de lutter contre cet épar-
pillement de l'histoire des pays qui forment la Belgique : c'était la
précision des faits et surtout des dates ; il s'en est généralement bien
acquitté. En même temps qu'il a rectifié quelques erreurs chronolo-
giques qui lui ont été signalées dans la première édition, il a ajouté
en appendice à son ouvrage, un tableau synchronique pour les temps
féodaux; de plus, il ne cite par un fait sans l'accompagner de sa date.
Grâce à cette excellente méthode , son livre seramis non-seulement entre
les mains des élèves des collèges de Belgique, mais qu'il sera aussi
consulté avec fruit par les érudits qui, à l'appui de leurs travaux,
cherchent une date, un personnage, un point de repère souvent diffi-
cile à retrouver dans les histoires longues et détaillées.
Ernest Babelon.
Histoire de la claarîté à IS.oiue, par Leon L ALLEMAND. Paris,
Poussielgue, 1878, ia-8 de vii-o84p. — Pi'ix : 7 fr.
L'introduction de ce livre nous présente l'organisation des œuvres
charitables de la ville de Rome avant 1870, et les profonds change-
ments qu'y a apportés le nouveau gouvernement. 11 passe ensuite en
revue les oeuvres eu faveur des pauvres — des malades — de l'en-
fance et de la jeunesse — des prisonniers. Il fait connaître la condition
économique du peuple romain, la situation des indigents, les diverses
— i.'iH —
institutions pour leur procurer des secours à domicile, du travail, un
asile, le mont-de-piété, les caisses d'épargnes ; — l'histoire, l'origine
et l'organisation des hôpitaux romains ; — les hospices et asiles pour
les enfants, et notamment l'Hospice « Tata Giovanni » qui a eu Pie IX
pour aumônier, les oeuvres pour les orphelins, pour la dotation des
jeunes filles, pour les aveugles et les sourds-muets, pour l'instruction
du peuple ; — la législation du système pénitencier, le régime adopté
à Rome, les confréries pour la visite des prisonniers, les maisons de
refuge et les établissements de correction. Il termine par des pièces
justificatives et un index bibliographique des ouvrages consultés, qui
n'occupe pas moins de onze pages.
Le tableau des institutions charitables d'une grande ville est tou-
jours un intéressant sujet d'études ; mais la portée du livre de M. Lal-
lemand est plus haute : il nous fait connaître, par des faits, par des
chiffres, par des statistiques, par des renseignements précis, ce
qu'étaient et ce gouvernement tant de fois calomnié, et cette nation à
qui on a si souvent témoigné une hypocrite compassion. On apprend
dans ce tableau, sérieusement et complètement tracé par un homme
compétent, en raison de ses fonctions et de ses longs séjours à
Rome, ce qu'il faut penser de la prétendue ignorance et indigence de
ce peuple que plusieurs se représenteraient volontiers comme une
nation de mendiants : qu'on lise, par exemple, les chapitres consacrés
aux écoles pontificales et aux écoles révolutionnaires, — à l'hygiène
dans les hôpitaux romains, — aux asiles d'aliénés, — aux prisons
avant et après 1870. Pour chacune des branches d'assistance qu'il
passe en revue, l'auteur en retrace l'histoire ; il nous fait pénétrer
dans les détails d'organisation, dans la vie intérieure des oeuvres;
puis il indique ce que l'école révolutionnaire, à Rome comme ailleurs,
par ses procédés constants, et, hélas ! trop connus, a fait de tant
d'antiques institutions, de tant de fondations utiles et respectables.
Nous ne dirons pas seulement que ce livre fait honneur à son auteur,
mais encore qu'il fait honneur à la ville de Rome et rend service à la
cause de l'Eglise. R. de L. S.
BULLETIN
Manuale pastoruni, in qiio omnigenm pietatis et, ecclesiasticx perfeclionis
elucescunt monita, accurante V. Postel. Paris Lethielleux, 1878, in-32
de 480 p. — Prix : 3 fr.
Dans ce petit volume, M. l'abbé Postel a réuni et mis en ordre les meil-
leures pages des Pères et des écrivains ascétiques sur la sainteté sacerlotale.
Nous avions déjà le Paradisus animœ christianas, Je Cœleste palmeîicm, le
Memoriale vitw sacerdolalis, et, avant tous les autres livres, le Pastoral de
saint Grégoire le Grand. Mais on pouvait reprocher à ces délicieux écrits
— lo9 —
quelques longueurs, des répétitions fréquentes; on pouvait désirer un ordre
meilleur : M. Postel a corrigé ces défauts. Son livre est l'un de ceux que l'on
doit conseiller aux nouveaux prêtres. Ils y trouveront, condensés en peu de
paroles, les meilleurs enseignements ; ils pourront, après une journée de
fatigue, durant laquelle ils auront à peine eu le temps nécessaire pour
réciter l'office divin et accomplir les devoirs essentiels de la piété, ouvrir ce
petit livre et y rencontre:-, comme dans V Imitation, les paroles qui parlent
à l'âme, qui relèvent et la reposent. Eug. Poussf.t.
Courtes méditations « I*iisage de l'enfance suivies de
quelques visites au Saint-Sacrement, par le P. H.-C Fourxel,
de la Congrégation de Notre-Sauveur. Benoite-Vaiix, par Souilly (Meu?e),
chez les religieux du B. Pierre FouriC, 1878, in-32 de 334 p. — Prix :
1 fr.
Le petit livre duR. P. Fournel est revêtu de Vimprimatur de MerFévêque
de Verdun : on peut donc le mettre de confiance entre les mains des jeunes
enfants; il ne leur fera que du bien. La manière dont il est conçu, la sim-
plicité du style, la disposition des matières nous semblent le rendre très-
propre à atteindre le but modeste et pourtant difficile que l'auteur a visé.
Les méditations se divisent en quatre séries bien distinctes, qui forment le?
quatre parties de ce petit livre : d'abord les Méditations préparatoires, on sont
exposées brièvement et simplement les vérités et les pratiques fondamen-
tales de la religion; les méditations pour le jeudi et le dimanche de chaque
semaine, ainsi que pour les principales fêtes des saints; les méditations sur
le Fruit de vie, où se trouvent indiqués le caractère et les effets de la mission
du Rédempteur, avec deux méditations préparatoires à la première commu-
nion; enfin les visites au Saint-Sacrewenl, an nombre de douze, qui peuvent
servir d'aliment à la piété des enfants dans leurs visites à l'église. Nous
recommandons spécialement ce petit livre aux directeurs d'œuvres et aux
ecclésiastiques chargés plus particulièrement des catéchismes : il leur appar-
tient d'expérimenter par une pratique quotidienne si cet opuscule mérite
vraiment le bien que nous en avons dit. F. de la D.
Oiblloteca délia Gioventù italiana. Torino, typografia e libreria
Salesiana, 1878 ; Paris Lethielleux. — Prose di Michel Colombo. 3 vol. de
247, 139 et 188 p. — Rime Scelte di Rerni. 1 vol. de 272 p. — L'Uomo di
lettere, del Padre Bartoli. 1 vol. de 332 p. — Lettere di G. Pergamino.
I vol. de 3b9 p. — Saggio di alcune voci Toscane. 1 vol. de 136 p. — Prose
letterarie di Cesa i. 1 vol. de 269 p. — Novelle di Franxesco Soave. 1 vol.
de 302 p. — La Gerusalemme liberata. 2^ edit., 1 vol. de o78 p.
II y a quelque temps que nous n'avons parlé de la collection si estimable
qui paraît sous ce titre : Biblioteca délia Gioventù italiana. Mettons-nous au
courant. Les livraisons d'octobre, novembre et décembre 1877 ont été
fournies par le? Prose de Michel Colombo, que nous connaissons trop peu
en France, qui renferment d'excellents préceptes de style et de goût, et qui
offrent une lecture très-variée. Francesco Berni, le créateur d'un genre, le
poète qui refit VOrlando innamorato, a laissé des poésies fort originales; un
bon choix en a été fait par M. Celestin Durando, car toutes n'étaient pas
à mettre sous les yeux des jeunes lecteurs. Un livre didactique d'un écrivain
du dernier siècle, l'Homme de lettres du P. Bartoli, a ensuite été publié;
puis sont venues les Lettere de Giacomo Pergamino, le Saggio di alcune voci to^'
cane de Bresciani^ un bon volume tiré des oeuvres de Cesari, et les
— 1(10 —
classiques nouvelles de Soave . Le succès obtenu par la Bibliolcca délia
Gioventn a nécessité la réimpression de certains ouvTages publiés dans cette
collecliou et vite épuisés ; c'est ainsi qu'on s'est vu obligé de donner une
nouvelle édition de ]s. Jérusalem. On se ra.[)\)e\\e ce que Boileau a dit du
Tasse :
H n'eut point de son livre illustré l'Italie,
Si son sage héros, toujours en oraison,
N'eût fait que mettre enfin Satan ii la raison,
Et si Renaud, Argant, ïancrède et sa maîtresse,
N'eussent de son sujet égayé la tristesse.
Les éditeurs ont été moins indulgents que Deppréaux, et onfait disparaître
quelques octaves qui se ressentent un peu trop de l'esprit de la renaissance.
Grâce à ces suppressions, d'ailleurs en petit nombre, \a Jérusalem peut être
mise sous les yeux les plus timorés. Quand on réimprimera cette édition, on
devra corriger, dans la vie du Tasse, page '6, un lapsus qui a substitué
Charles MI à Charles IX. P.
Dos principes qui président à l'exercice du droit de
punii% par J. Thiry. Liège, Léon de Thier, 1878. in-8 de 28 p.
Esquisser rapidementles divers principes qui ont servi de base aux anciennes
législations pénales, exposer et critiquer les théories de Beccaria et de
Bentham, de Kant et de Rossi, puis formuler comme conclusion le véritable
fondement du droit de punir, tel est le plan de cette petite brochure. Mais
nous regrettons que l'auteur ait insisté sur la partie historique au détriment
de la partie moderne, qu'il se soit borné à citer la théorie delà correction ou
de l'amélioration du coupable, la théorie en vogue du dix-neuvième sièc'e,
sans discuter aucun de ces arguments, et qull n'ait point parlé du système
dialectique de Hegel ou de la tutela giuridica du savant Carrara. Nous ne
pouvons enfin adopter son opinion et admettre la nécessité comme base de
notre dràt pénal, car l'utilité, à n'importe quel degré on la considère, ne
peut jamais donner naissance à un droit et surtout au droit pénal, droit sui
generis, qui prive l'homme de sa liberté. D'ailleurs la conséquence fo^-cée de
cette doctrine, c'est la théorie d'intimidation, telle que la formulait logique-
ment Feuerbach, et M. Thiry lui-même repousse de toutes ses forces un
système aussi odieux et aussi immoral (p. 15). J. Vamdenheuvel.
flistoirc nouvelle des arts et des sciences, par Alphonse
REXALn. Paris, Charpentier, 1878, in-i2 de iv-401 p. — Prix : 3 fr, ^0.
Cet ouvrage est meilleur dans son but que dans son exécution. « .J'ai
cherché, nous dit l'auteur, à présenter l'histoire sous une forme nouvelle,
comme la louange de la divinité. Il sera facile as-urément de trouver,
dans cette série de tableaux, des inexactitudes et des omissions; mais il
sera facile aussi de corriger ces défauts. Puis, qu'importent les noms et les
chiffres? Ou changera des mois, on eu ajoutera, on en retranchera : mais
l'idée restera-t-elle ? »
M. Renaud fait, dans quatre chapitres, l'histoire des «arts utiles» (alimen-
tation, chauffage mécanique, médecine, éclairage) ; — des a beaux-arts »
(a't culinaire, parfumerie, arts décoratifs, musique, divertissements); — des
« sciences spéculatives » (sciences naturelles, géographiques, astronomiques,
historiques, philosophiques); — et des « sciences politiques » (moraJe,
justice, commerce, charité, unité). Sous ces divers titres et beaucoup
— 1(31 —
d'autres qui en dérivenl, il accumule les faits, les citations et les renvois
aux auteurs qu'il a consultés. Une table a'phaLétique permet heureusement
de trouver sans trop de difficulté les renseignements que l'on peut désirer.
C'est une compilation qui n'est point suffisamment digérée, où il y a beau-
coup de superlluités et de lacunes qui sont des fautes.
Les divisions et subdivisions peuvent exercer la critique. On se deman-
dera ce que c'est que 1' « histoire de l'Unité. » L'unité, pour M. Renaud,
est un des fondements de l'union des hommes; sous ce titre, il range
l'histoire du langage, de l'écriture, des insignes et des unités. Nous espérions
trouver dans l'histoire de la charité quelques notes sur des œuvres de bien-
faisance, tand's qu'il ne s'agit que de l'organisat'on de la famille et des
institutions sociales. L'auteur fait vivre les premiers hommes sans société
(no 2il) et attribue l'inslitution du mariage à des Chinois, à des Égyptiens, à
des Grecs, sans parler des Hébreux, et tout en disant une ligne plus bas que
r « amour conjugal fut le premier amour terresti'e » (ri" 242). «Les premiers
hommes n'avaient aucune idée de religion ■> (,n° 112). « Pour nous, la vérité
n'est que la résultante des opinions» (n.° 110). Iln'estpas besoin d'un grand
luxe de citations pour établir que les hommes étaient primitivement nus
ji" 10) ; comment auraient-ils été autrement? Si les honmies ont commencé
par se couvrir de feuilles et qu'Ailam, i-éalisant un progrès, se soit couvert
de peaux, en résulterait-il qu'il ne soit pas le premier homme?
R. S. M.
E^seenas de la vida pag^esa, per Jo.vQUiM Rii:ra y Bertran. Barcelone,
les principales librairies, 1878, in-12 de 203 p. — Pris : 2 réaux.
Sous le titre de Scènes de la vie rustique, M. Joaquim Riera y Bertran a
publié, en langue catalane, un volume qui contient vingt petites nouvelles,
dontplusieurs sont des contes populaires. FcrnanCaballero a donné l'exemple
d'o?uvres de ce genre, dans ses jolis Cuadros de costumbrcs, et l'on ne peut
qu'encourager M. Riera y Bertran à suivre les traces de l'illustre romancière;
il raconte bien, met ses personnages en scène avec vérité, et prouve, après
beaucoup d'autres, que l'idiome dans lequel il écrit, et qu'on a parfois traité
de dialecte, est uue langue en même temps énergique et souple, fort propre
à expriuier toutes choses et tous sentiments. L'auteur n'en est pas à ses
débuts, du reste, et la couverture des Esccnas de la vida pagcsa nous donne
les titres des ouvrages nombreux dont il les a fait précéder. Th. P.
Une gerbe : Fleurs cueillies dans les œuvres de ^i. I^ouia
Veuillot. Paris. Société générale de librairie catholique, in-8 de
vn-232 p. — Prii : 2 fr.
Ls. Gerbe est l'œuvre d'un disciple de J.-B. de la Salle, qui nous cache
modestement son nom, mais au goût duquel nous nous faisons un devoir de
rendre hooamage. L'introduction, formée de quelques pages cl;armantes, que '
les lecteurs de Rome et Lorette n'ont pas oubliée, est tout entière exquise :
c'est l'histoire d'un humble enfant du peuple qui, des bas-fonds de l'igno-
rance et des préjugés, s'élève, avec la gràcede Dieu, jusqu'aux radieux som-
mets delà foi et de l'espérance chrétiennes. Les extraits sont ensuite grou-
pés autour de sept chefs : Religion; l'Église, Rome et le Pape; Clergé et
religion; Descriptions et voyages; Histoires, légendes et contes ; Histoire, philoso-
phie, sciences et arts; Saints personnages et célébrités contemporaines ; Conclu-
sion. Ces détails sommaires laissent deviner l'intérêt et le charme que la lec-
ture d'un tel livre dnit faire éprouver. I! offre au suprême degré deux
AOUT 1878. T. XXIII 11.
— 162 —
qualités qu'il est, hélas! trop rare de trouver réunies : éminemment popu-
laire de ton, il est tout entier é^rit d'un siyle qui doit satisfaire le plus diffi-
ciles et contenter les plus délicats, A lire ce livre, on trouvera donc un
double avantage, celui de s'édifier et d'apprendre en même temps à parler
français. E. de la D.
Dix-huit mois dans Fi%.iiiérique du Sud, le Brésil,
l'Uruguay, la République il.rgentine, les Pampas, et
Voyage au Chili, par la Cordillère des ^ndes, par le comte
Eugène de Robiano. Paris, Ploo, 2878, in-12de 372 p. —Prix : 4 fr.
C'est un pays généralement peu connu que l'Amérique du Sud : la grande
chaleur qui y règne, la fièvre jaune qui la désole, et les révolutions pério-
ques, non moins meurtrières que la fièvre jaune, font reculer la plupart
les voyageurs. Elles n'ont point effrayé cependant le comte Eugène de
Robiano. Parti avec un ami, secrétaire de l'ambassade belge au Brésil, il a
exploré l'Amérique du Sud de part en part, de l'Atlantique au Pacifique.
Il a visité successivement le Brésil, l'Uruguay, la République Argentine,
pour gagner le Chili à travers les Pampas et la Cordillère des Andes. Il a vu
beaucoup et il a bien vu. Il a habité les fazendas du Brésil et les estancias
de l'Uruguay ; il a accepté la large hospitalité des fazenderos, et vécu de la
vie des gauchos, à cheval, le fusil à la main, parcourant les p'antations de
café des environs de Rio Janeiro, les forêts vierges de l'intérieur, les
prairies à perte de vue des Pampas, chassant les singes hurleurs, les
autruches et les carpinchos. C'éiait la vie libre, au grand air, sous un ciel
brûlant, mais admirable, avec des horizons sans bornes, des émotions et des
surprises sans cesse renouvelées. Il semble que cette existence des champs
ait plus séduit le comte de Robiano que celle des villes; au moins la décrit-il
avec plus de complaisance. Ses descriptions sont neuves, colorées, intéres-
santes; il aime la nature et la peint bien. Ce n'est pas qu'il soit indifférent
aux entreprises utiles ci aux merveilles de l'industrie; les détails qu'il donne
sur la grande usine Liebig sont des plus curieux. Mais, sauf au Brésil, où
l'initiative habile du souverain donne au progrès une vive impulsion, les
merveilles de l'industrie sont rares dans l'Amérique du Sud ; la nature y
est plus riche et plus généreuse que les hommes; la race espagnole, trans-
portée dans ce climat torride, y a perdu sa vigueur, et la race indienne,
reléguée à l'intérieur, est retombée à l'état sauvage d'où les jésuites l'avaient
tirée pendant deux siècles au Paraguay. Le sentiment religieux lui-même
a en grande partie disparu, ou a dégénéré en superstition : tout pour les
yeux, peu pour l'àme et le cœur. Le Chili est-il, sous tous ces rapports,
dans une voie meilleure que les républiques de l'Est? C'est ce que M. de Ro-
biano nous apprendra dans un second volume, dont nous souhaitons vive-
ment la prochaine publication, M. dé la R.
Une question d'Orient au moyen âge. Documents inédits et notes
pour servir à l'histoire du commerce de la Flandre avec le Levant, par
Emile Vanden Bussche. Bruges. Daveluy, 1878, gr. in-8 de 48 p.
Sous ce titre piquant, l'auteur a réuni en brochure quelques articles pu-
bliés dans la revue la Flayidre, et ayant pour objet l'histoire du commerce
entre Bruges et le Levant. Tous les écrivains qui se sont occupés de l'his-
toire de Bruges ont signalé les importantes relations commerciales de la
« Venise du Nord « avec les pays du midi de l'Europe et de l'Orient, mais
I
— J63 —
fort peu nous disent en quoi ce trafic consistait, et quelles étaient les cités
avec lesquelles Bruges se trouvait en rapports suivis avant le seizième siècle.
M. Vanden Bussche publie aujourd'hui certaines pièces inédites, destinées
à jeter quelque lumière sur ce point obscur. De l'ensemble de ces pièces, il
résulte qu'au début du quatorzième siècle, les Flamands, quant au c immerce
avec le Levant, étaient tributaires des Orientaux; ceux-ci se procuraient les
produits levantins par l'entremise des Génois et des Vénitiens qui les
tiraient de Trébizonde. Plus tard, les traficants orientaux organisèrent des
comptoirs à Bruges même, et furent bientôt imités par les Brugeois, qui
établirent à leur tour des bureaux de négoce dans les pays les plus éloignés.
Ne jouissant point toutefois de privilèges suftisants dans ces pays, les Fla-
mands renoncèrent à leurs établissements et se contentèrent d'opérer les
échanges sur la place même de Bruges. De leur côté, les Levantins, devenus
mahométans à la su.te de la prise de Constantinople, furent dès lors honnis
en raison de leurs opinions religieuses ; troublés par les projets de croisade
de Philippe le Bon contre les Turcs, ils partirent vers le commencement du
seizième siècle pour des parages plus hospitaliers, et l'on en revint aux
anciens usages du commerce par l'intermédiaire des Génois et des Véni-
tiens. Ch. D.
lL<e Pajrs. — Polignan et Comminges, leur passé, leur pré*
sent, parD.DuFOR, ancien missionnaire et professeur d'humanités. Tou-
louse, Edouard Privât; Paris, Victor Palmé, 1878, in-12 de xn-379 p. —
Prix : 3 fr.
Ce livre porte un titre dont les promesses ne sont pas suffisamment tenues.
Ce n'est pas une histoire locale, pleine d'érudition et de recherches, que nous
offre M. Dufor, et l'histoire générale ne saurait tirer un gi'and profit des
trente courtes pages qu'il consacre aux origines de Polignan, depuis l'époque
des Barbares jusqu'en l'an de grâce 182i. Qu'il change donc son titre, ou
qu'il s'applique à le rendre exact et nous n'aurons plus à lui faire que des
compliments. Ses souvenirs de collège sont, en effet, charmants, etc'estainsi,
croyons-nous, que ce genre de livres doit être compris. L'auteur ne s'attarde
pas aux enfantillages de la vie de collège : exposer les méthodes pédago-
giques, entre lesquelles il en est plusieurs qui mériteraient d'être signa-
lées, retracer la physionomie des directeurs et des professeurs les plus mar-
quants, rappeler par quels moyens des maîtres ingénieux et dévoués peuvent
faire aimer le collège et rendre fécondes et joyeuses les longues années que
l'on passe sur ses bancs : tel est le but de M. Dufor, et nous ne serons pas
flatteurs en disant qu'il l'a pleinement atteint. Ses portraits sont vivants et
tous ses récits pleins d'entrain. Polignan peut être fier de son élève d'autre-
fois et de son professeur d'aujourd'hui, et rien ne justifie mieux le choix
qu'on a fait de M. Dufor pour professer la littérature au petit séminaire de
Polignac, que les pages aimables et brillantes qu'il lui a consacrées.
E. DE LA D.
ties Désordres du lundi, par l'abbé F. J. d'Ézerville. Paris, René
Haton, 1878, in-32 de 59 p. — Prix : 15 cent,
Les Bienfaits du diiuanelie, par LE MÊME, in-32 de 85 p. —
Prix : 20 cent .
Deux excellentes brochures de propagande qui traitent à nouveau la
question du travail du dimanche. L'auteur ne se place pas au point de vue
— lui —
exclusivement religieux. Il s'adresse à la libre sensible, celle de l'intérêt. Il
montre que le chômage du lundi fait perdre plus de temps que la cessation
du travail le dimanche ; qu'il n'est pas le repos, mais l'oisiveti^, d'où naissent
tous les vices, et qui a pour compagne inséparable l'ivrognerie. Dans la
question du dimanche, il établit que le travail du dimanche n'a jamais en-
richi personne; que l'observation du précepte n'a jamais appauvri personne,
qu'il est indispensable à la santé de l'ouvrier, favorable à son instruction,
sauvegarde de la famille. Ce sont Ik de grandes et pratiques vérités qu'on
ne saurait trop répéter. V. M.
Les Opérations maritimes commerciales et industrielles
cle Alarseiilc. Comparaisons statistiques. Résultat éco-
nomiffue, par S. JoniAii. Paris, Amyot; Marseille, Bérarl, {878, in-12
de 3i2 p. — Prix : 2 fr.
Cet ouvrage est le second des frois qui se ?ont partagé?, pour le concours
de 1877, le prix de 25,000 fr. établi par le baron Félix de Bonjour pour
des ouvrages relatifs au commerce de Marseille. Par sa spécialité même,
il se refuse à l'analyse dans cette Revue et se recommande en même temps
aux hommes qui se consacrent à l'étude des questions commerciales et
industrielles. C'est l'histoire par la statistique des quinze dernières années
du mouvement de notre grand poit de Marseille, avec des considérations
souvent très-justes et bien exprimées, et l'indication des mesures à prendre
pour donner plus d'essor au commerce. La première partie est consacrée
à la navigation. Nous recommandons particulièrement le chapitre sur les
<( relations maritimes avec l'Algérie, » dont l'auteur fait ressortir l'importance
pour la prospérité de la colonie, qui se rattache si directement à la
prospérité de Marseille. Dans la seconde sont étudiés, article par article,
les différents objets du commerce et de l'industrie (voyageurs, blé, sucre,
vins, café, etc.). Le troisième traite de questions diverses, et spécialement
de réformes à introduire : notons ce qui concerne la marine, les tarifs des
chemins de fer et les t formalités administratives, » ainsi que les encoura-
gements à donner aux établissements d'instruction. «Tout ce qui favorisera
la littérature et les arts rejaillira utilement sur le commerce. »
M. Jouham constate une diminution consiérable dans le nombre des voya-
geurs (111, o9d en 187'.>, au lieu de 189,801 en 1870),attrib ée à la concur-
rence des chemins de fer italiens et espagnols. Il redoute aussi la concur-
rence des navires italiens pour les l'elations avec Tunis, du moment où ils
auront une marche supérieure aux nôtres. Le résultat ser it le même,
ajoute-t-il, « notre influence politique venant à baisser dans l'administration
dubey et du territoire de la Régence. Nous voudrions voir aussi les maisons
françaises s'y établir en plus grand nombre. La colonie française de Tunis
tend à y être absorbée par la population italienne, el les relations dii'cctes du
gouvernement du bey avec celui de Victor-Emmanuel se multiplient ; il y
a là, croyons-nous un sujet sérieux de préoccupation. » Ces réflexions, qui
datent sans doute de 187(3, ront à citer au lendemain du congrès de Berlin.
R.
— lOo —
CHRONIQUE
Nécrologie. — M. l'abbé Louis Bourgeois, né en 1819,àArtins (Loir-et-Cher),
est mort le 20 juin à l'École de Pontlevoy, dont il était directeur. Il a pour-
suivi avec un égal succès deux nobles cari'ières : celle de l'enseignement et
celle de la science. C'est dans un modeste presbytère qu'il commença ses
études, achevées au petit séminaire de Blois. Dès l'Age de vingt et un ans,
il fut capable d'enseigner la philosophie au grand séminaire. Il n'abandonna
sa chaire que quatorze ans plus tard, lorsque cet établissement ne fut plus
dirigé par les prêtres du diocèse. Le petit séminaire Saint-François de Sales
en profita : il y fut professeur d'histoire. Eu 18oi, il entra à Pontlevoy
comme professeur d'histoire naturelle et chargé des conférences religieuses
pour la division supérieure; il l'evint à l'enseignement de la philosophie
de 1854 à 1808, et, en 1867, il fut appelé à la direction de l'École. Il
était membre du Conseil supérieur de l'instruction publique. Ses travaux
scientifiques ont eu plus de relief et lui ont valu une plus grande renommée.
Les questions spéculatives qui passionnèrent son esprit ne purent point
diminuer l'attrait qu'il éprouvait pour l'élude de la nature. Dès 1840, nous le
voyons consacrer les lo'sirs que lui laisse l'enseignement à explorer la
vallée du Loir et les coteaux du Cher, recueillant des matériaux, collection-
nant des fossilles : c'est ainsi qu'il put prêter un utile concours à Alcide
d'Oibigny pour son Histoire naturelle et pour fixer la constitution géologique
du département. Vers 1862, il est entraîné sur le terrain brûlant do l'ar-
chéologie préhistorique à la suite de M. Boucher de Perthe?, qui vient de
découvrir la mâchoire du Moulin-Quignon, et, en compagnie de son voisin,
le marquis de Vibraye, il poursuivit ses recherches dans les grottes de la
Charente, plus riches incomparablement en silex que Pontlevoy et ses en-
virons. Ses connaissances géologiques lui servaient à contrôler des décou-
vertes qui soulevaient beaucoup d'objections et de contradictions, conme
toutes les nouveautés. La Sorbonne, le Muséum, l'École des mines s'éle-
vèrent contre lui; on l'accusa de contredire le récit de l'Écriture sainte,
de prêter des armes à la libre pensée, de reculer à des milliards d'années
la création de l'homme. Et, loin de s'étonner qu'on pût craindre de voir la
parole de Dieu entamée par un fait : « Ce sont les théories géologiques qui
changent, « disait-il. Il est un fait trop à son honneur de savant pour que
nous ne le citions pas : la simplicité charmante avec laquelle il reconnut,
au congrès scientifique de Bruxelles, dans une séance solennelle, une
erreur qu'il avait commise. Quoiqu'il ait peu écrit, il a tracé un profond
sillon : » Son esprit sérieux, dit un de ses collaborateurs, M. l'ablié De-
launay, ne voulait dire quelque chose qu'avec la certitude de le bien dire,
perôuadé qu'il ferait tort au vrai, s'il n'en était pas l'interprète accompli. ->
Le R. P. C-irbonnelle s'empressa de rechercher sa collaboration, lors-
qu'il fonda la Revue des questions scientifiques. Mais si l'abbé Bourgeois laisse
peu d'écrits, il laisse des idées, des découvertes, des disciples et un ad-
mirable monument dans sa remarquable collection, classée avec le plus
grand soin et fruit de quarante années de recherches. Nous ne savons quel
sort est réservé à cette collection, ni quelles seront pour elle les conséquences
de la mort de son auteur. Mais nous faisons des vœux pour qu'elle ne sorte
pas de France, et qu'un généreux ami des sciences en enrichisse quelqu'une
de nos universités catholiques, si elle ne doit pas rester à Pontlevoy.
Voici la liste aussi complète que possible des divers mémoires dus à la plume
— 166 —
de M. l'abbé Bourgeois : Distribution des espèces dans les terrains crétacés du
Loir-et-Cher, Bulletin de la Société géologique de France, t. XIX, mars 1862;
— Essai de détermination des caractères propres à distinguer les instruments
en silex des diverses époques; — Notice sur l'âge des instruments de 'pierre du
Grand-Pressigmj ; — Note sur des silex travaillés, trouvés dans une brèche os-
seuse à Vallière (Loir-et-Cher), extraits du Bulletin de la Société géologique
de France, t. XX, 1863; — Note sur le Diluvium de Vendôme, extrait du
Bulletin de la Société archéologique du Veudômois (1865); — Étude sur les
silex travaillés, extrait des comptes rendus du Congrès international, 1867;
— Nouvelle affirmation de l'homme tertiaire, Matériaux pour servir à l'his-
toire primitive de l'homme, mai -juin, 1869; — Sur les silex considérés
comme portant les marques d'un travail humain découverts dans le terrain
miocène de Thenoy, extrait du compte rendu du Congrès international d'an-
thropologie et d'archéologie préhistoriques, 1872, Bruxelles ; — Note sur
l'Amphimoschus Pont-Leviensis, extrait du journal de zoologie Gervais, t. II,
1873; — Grotte de la Roche-Berthier (Charente), avec M. G. Delaunay, Maté-
riaux pour servir à l'histoire primitive de l'homme, avril, 1875 ; — Une
sépulture de l'âge de bronze dans le département de Loir-et-Cher, extrait de
la Revue archéologique, 1875; — La Question de l'homme tertiaire, extrait
de la Revue des questions scientifiques, 1877, Louvain. On lui doit aussi :
Grotte sépulcrale de Vilhonneur (Charente), dans les Matériaux pour servir
à l'hi-toire de l'homme. Il laisse également des travaux inédits : un cours
de philosophie, des conférences religieuses, des sermons, des notes sur la
géologie et sur le magnétisme. Ils sont entre les mains de son ami et col-
laborateur, M. l'abbé G. Delaunay, qui est plus que tout autre capable d'en
tirer ce qui peut servir à la cause de la vérité et de la science.
— M. Guillaume -Marie-Paul-Louis Hdrault, marquis de Vibraye, né le
28 juillet 1809, est mort à Paris, le 14 juillet 1878. On l'a parfaitement
caractérisé lorsqu'on a dit de lui qu'il était « un homme de bien, un chrétien
fervent, un grand seigneur qui ne regardait jamais à sa peine pour cultiver
tout ce qu'il y avait de beau, de vrai et d'utile. » Devoirs de famille,
devoirs de société, devoirs de grand propriétaire, dont il s'acquittait scrupu-
leusement, ne l'empêchèrent pas de devenir un savant distingué. Joignant la
pratique à la théorie, il a transformé la belle terre de Chevei'ny (Loir-et-Cher),
héritage paternel, et il y a réuni, parmi beaucoup d'autres richesses, une des
plus considérables et des plus précieuses collections géologiques, minéralogi-
ques et d'objets préhistoriques; on en peut admirer un magnifique échantillon
l'exposition rétrospective du Trocadéro, et l'Université catholique de Paris en
a plusieurs fois bénéficié. M. de Vibraye peut être considéré comme un des
prumoteurs des recherches préhistoriques. Il a particulièrement exploré
les grottes d'Arcy-sur-Cure (Yonne) et les stations de l'Augeris (Dordogne),
et ne fut point étranger à la vocation de M. l'abbé Bourgeois, qui l'a
précédé de quelques semaines dans la tombe. On peut bien citer ici,
comme un de ses meilleurs titres, l'initiative qu'il prit, avec le prince de
Chalais, pour sauver l'École de Pontlevoy, en s'en rendant propriétaire,
pour la remettre, restaurée, entre les mains de Mer l'évêque de Blois.
M. le marquis de Vibraye était correspondant de l'Institut. Il fut élu,
le 23 février 1863, en renplacement de Bracy-Clark, dans la section d'écono-
mie rurale. Le 17 avril 1867, il avait été appelé à remplacer le duc Decazes,
comme associé ordinaire de la Société centrale d'agriculture de France,
dans la section de grande culture. Voici la liste de ses publications :
Quelques notes sur la découverte d'une nouvelle fontaine et sur les chances,
— 167 —
de trouver de l'eau jaillissante daiis le département de Loir-et-Cher, mémoire
lu à la séance publique de la Société royale d'agriculture du département
de Loir-et-Cher, 1834; — Communication sur la géologie du département
de Loir-et-Cher, faite au Congrès scientificjue de France tenu à Blois en
septembre 1836; — Études géologiques, méaioire lu à l'Institut catholique
dans la séance générale du 2 février 1843; — Rapport sur les travaux agrono-
miques et sylvicoles de la terre de Cheverny^ extr. du Bulletin de la Société
d'agriculture de Loir-et-Cher (1844); — Rapport au Congrès central d'agri-
culture sur le reboisement des montagnes et des terrains en pentes, l'^ session
{1845); 2* session (1846/; — Observations sur la pisciculture, extr. du
Bulletin de la Société d'acclimatation, 8 octobre 1834; — Sur la découverte
d'un nouveau gisement de vertébrés à Chilenay [Loir-et-Cher)^ extr. du
Bulletin de la Société géologique de France, séance du 5 mars 1860; —
Note sur les ossements fossiles accoynpagnés d'une mâchoire humaine trouvés
dans les grottes d'Arcy-sur-Cure, extr. du Bulletin de la Société géologique
de France, séance du 16 avril 1800; — Quelques observations sur un article
de la <( Sentinelle du Jura, » le Monde, 21 novembre 1861; — Note en
réponse à un article de M. Hoefer attribuant aux castors la construction des
habitations lacustres de la Suisse, le Monde, 1" octobre 1863; — Travaux
agricoles étrangers à la sylviculture exécutés par le marquis de Vibraye (1863);
— Les Silex ouvrés dans le Diluvium de Loir-et-Cher, extr. des Comptes
rendus de l'Académie des sciences, séance du 30 uiars 1863. — • Note sur de
nouvelles preuves de l'existence de l'homme dans le centre de la France à une
époque où s'y trouvaient aussi divers animaux qui, de nos Jours, n'habitent pas
cette contrée, extr. des comptes rendus de l'Académie d^^s sciences, séance
du 29 février 1864; — Sur la reproduction en bois de renne d'une tête
(présumée) de mammouth et sur quelques morceaux d'ivoire travaillé provenant
plus particulièrement des stations du Périgord, extr. des Comptes rendus
de l'Académie des sciences, séance du 4 septembre 1863; — La Terre de
Chevermj [Loir-et-Cher). Ses améliorations de 1829 à 1866, concours pour la
prime d'honneur à décerner dans le département de Loir-et-Cher en 1867;
— Notice historique et biographique sur Achille Valenciennes, extr. de la
Société impériale et centrale d'agriculture (1868); — Notice historique sur
M. Valenciennes, extr. du «Journal de l'Agriculture» (18m8); — La Prime
d'honneur du Loiret (1868) ; — Rapport de M. le marquis de Vibraye sur le trans-
port de la marne, de la chaux et de la pierre à chaux, extr. des Annales du
Comité central de Sologne, n° 18 (1870); — Sur l'apparition spontanée en
France de plantes fourragères exotiques à la suite du séjour des armées belligé-
rantes en 1870 et 1871, extr. des Comptes rendus de l'Académie des sciences,
séance du 27 mai 1872. — Il faut ajouter à cette liste les discours pro-
noncés par M. le marquis de Vibraye aux comices acricoles de l'arrondisse-
ment de Blois, depuis 1839, et qui constitu^^nt un véritable cours d'agri-
culture, spécialement applicable à la Sologne et à la Beauce.
— M. Eugène-François-Joseph Taillard est mort là 6 juillet à Douai,
où il avait vu le jour le 7 avril 180"^. C'est là qu'il fit ses éludes, com-
plétées à l'École de droit de Paris, d'où il revint avocat en 1824. En 1827, il
entra dans la magistrature, qu'il ne quitta qu'à l'heure de la retraite comme
président à la Cour de Douai. Il jouissait |iarmi ces concitoyens de cette
estime universelle qui accompagne les hommes à la fois modestes et émi-
nents dont les vertus et les talents ne peuvent être contestés par personne.
Chrétien fervent, il était aussi un savant distingué. Dès 1826, il entrait dans
la Société d'agriculture, sciences et arts, à laquelle il fut peu d'années
- 108 —
sans dofiiier quelques travaux considérables. H a abiirJé, eu histoire, les
questions les plus importantes, coimne celles des origines communales et de
Tapostolicité des Églises de France, et c'est toujours aux sources qu'il allait
chercher les documents. Voici une liste, malheureusement incomplète, de
ses productions : U Affranchissement des communes dans le nord de la France
(1837); — Recueil d'actes des onzième et treizième siècles en langue romano-
wallone du nord de la France avec une introduction et des notes (i8i9, in-8);
— Essai sur l'histoirij des institutions du nord de la France : ère celtique
(i8o2, 2* édition, tSOl , in-8) ; — Le Livre des usavjes el anciennes coustumes de
la comté de Guijsnes, avec une introduction et des notes (t8o6. in-8): — Ori-
ijine des communes du nord de la France (18o8, in-8); — Essais sur l'histoire
des institutions (18o9, in-8); — .\otice sur l'origine cl la formation des vil-
lages du nord de la France (1863, in-8); — Les Lois de Dieu dans l'histoire, nu
essai sur les lois providentiell-.s qui régissent les nations et le genre humain
(1867, grand in-8j; — Essais sur les origines elles développements du christia-
nisme dans 1rs Gaules (1868, in-8) ; — Apostolat de saint Dengs dans les Gaules
en 250 (1869, in-8); — Études sur les institutions dans leurs rapports avec les
monuments. Deuxième étude. Domination romaine, période antérieure à Vavé'
nement de Dioctétien en 284 (1869, in-8); — La Féodalité en Picardie, frag-
ment d'un cartulaire de Philippe-Auguste (1869, in-8); — Fragment d'une
étude sur les Gaulois au temps de Jules-César (1871, in-8) ; — Défense du terri-
toire des Gaules au cinquième siècle, villes de guerre et places fortes (1875, in-8) ;
— Chroniques de Douai, recueillies et mises en ordre par M. le président Taillard
(I87;i-1877, 3 vol. in-8i.
— M. le Dr Achille-Louis de Foville, mort à Toulouse, le 22 juillet 1878, à
l'tige de soixanle-dis-neuf ans, était Rouonnais d'origine, mais né à Fontoise, le
0 août 1799, Il lit à Paris ses études médicilcs, et se distingua dès lors par des
recherches originales sur l'aliénation mentale et sur l'anatomie tant normale
que pathologique du système nerveux. En 182o, sur la recommandation d'Es-
quirol,il fut nommé médecin en chef de l'asile de Saint- Yvon, qu'on ouvrait
à cette époque, au faubourg Saint-Sever de Rouen. Il occupa cette place
jusqu'en 183i, et fut aussi professeur de physiologie ù 1 École de médecine de
la même ville. L'altératioa de sa s mté l'obligeant à rechercher le climat du
Midi, il séjourna de 1834 à 1837, tantôt à Toulouse et tantôt dans les Pyré-
nées; mais il ne se rétablit complètement que dans un voyage de long cours
(1837-38), où il accompagna, comme naturaliste, le prince de Joinville, en
Afrique, au Brésil et aux États-Unis. Fixé à Paris depuis son retour, il succéda
à son maitre Esquirol comme médecin en chef de la maison de Charenton.
Destitué en 1848, il ne vécut que pour sa clientèle et pour sa famille.
C'est au sein de celle-ci qu'il viat prendre à Toulouse, à partir de 1869,
une retraite encore active, comme médecin d'une importante maison de santé,
fondée depuis quarante ans, au faubourg Saint-Cyprien, par son ancien col-
lègue et ami le D' Délaye. C'est à cette maison que le D' Foville a consacré
les six dernières année; de sa vie médicale. Les travaux qu'il a laissés sont :
Un mémoire fait en commun avec son collègue Délaye, Sur les causes et le
siège des maladies meniales{iS-2ù]. Ce mémoire, qui obtint le prix du concours
Esquirol, ne fut pas imprimé. Mais la substance en est reproduite dans le
Traité du ramollissement du cerveau de Rostan et dans l'article Folie de Geor-
get, inséré dans le Dictionnaire de médecine rédigé par MM. Adelon, Bèclard.
— En collaboration avec son collègue Paul Grai.cliamp, il écrivit un
mémoire relatif f ux FonctiG?is des coudics optiques, des corps striés et
du cervelet .1822^-, — Observai ions clini^^ues propres n éclairer certaines
- 160 —
questions relatives à V aliénation mentale. Thèse de doctorat (182i-); —
VAnatomie, la physiologie et la pathologie du système nerveux cérébro-spinal^
mémoire couronné par l'Académie de médecine (182o); — Mémoire sur
l'encéphale (1826), adre-sé à l'Académie des sciences, où il fut l'objet
d'an rapport de M. de Blainvi.le; — Plusieurs articles spéciaux du
Dictionnaire de médecine et de ehiruryie pratique (1828); — La Défor-
mation du crâne par l'usage de certaines coiffures employées pour les nou-
veaux-nés (brochure, 1833); — Mémoire sur le système cérébro-spinal et
spécialement sur les connexions de la moelle avec le cerveau et sur les rapports
entre le cerveau et le crâne (1839). L'Académie des sciences et l'Académie de
médecine ordonnèrent l'impression de ce mémoire dans leurs recueils, sur
les rapports de M. de Blainville et du Dr Blaudin. — Trois autres mémoires
adressés à l'Académie de médecine (1841-1842); — L' Anatomie du système
nerveux cérébro-spinal (1844), avec un atlas. Ce volume devait être suivi de
deux autres sur la physiologie et la pathologie du même système. Les
manuscrits en sont restés inachevés et ont péri dans l'inondation de Tou-
louse en 1875. Parmi les idées neuves contenues dans ces divers ouvrages,
l'une des plus importantes et des mieux confirmées par les progrès ulté-
rieurs de la science est celle qui fait regarder la substance corticale du
cerveau comme l'organe des manifestations intellectuelles.
Un spiritualisme élevé préside à lous les travaux du l)"" Foville sur les
fonctions du système nerveux. Ce savant était d'ailleurs un chrétien pratique,
et est mort entouré de tous les secours de la religion.
— M. François-Emmanuel-Joseph Bazin, membre de l'Institut, est mort
subitement à Paris le 2 juillet, enseveli fn quel'iue sorte dans le triomphe
qu'il venait de rempoi'ter au concert des orphéons dirigé par lui. Il était
né à Marseille le 4 septembre 18IG. Fa 1840, il obtint le prix de Rome
pour sa cantate L'«ys3 de Mnitfort. 11 était j rofes^eur au Conservatoire,
et avait succédé à M. Gounol comme directeur de l'Orphéon municipal de
Paris. En 1872, il entra à l'Institut, en remplacement de Carafa . Pormi
ses œuvres musicales, nous citerons le Trompette de M. le Prince (1846);
— Le Voyage en Chine {ISC)6); — L'Ours et le Pacha [[S(>d). l\ a publié il y
a vingt ans, un traité d'harmonie.
— .M. Jules-Romain Barni, ancien membre de l'Assemblée nationale (1871)
et ancien dèputé(l876), est mr.rt àMer= (Somme), le i- juillet. Il était néàLille,
]e T'juin 1818. Il entra à l'École normale en 1837, obtint le diplôme de
docteur, et enseigna la philosophie à Reims, à Paris^ puis à Rouen, où il
était au moment du Coup d'État. Il donna alors sa démission, se retira à
Genève, où il continua son enseignement pliilo--ophique dans une chaire
d'histoire de la philosophie à l'Académie de cttte ville. Ce n'est qu'après le
4 septembre 1870 qu'il rentra en France, pour bénéficier de la situation que
lui avait faite son opposition au gouvernement tombé. Après avoir travaillé
à vulgariser par des traductions et des commentaires la fimeste doctrine de
Kant, il se voua à la propagation des idées républicaines, dans ce qu'elles
ont de plus contraire à la religion. 11 fondi la Société d'instruction républi-
caine, et donna son pat(onage à toutes les sociétés inspirées de la même
pensée. 11 fut nommé à ladéputation en 1871 et en 1876. Voici la liste de ses
ouvrages: Critique du Jugement, suivie des observations sur le sentiment du
beau et du sublime, traduction de l'allemand (Paris, 1840, 2 vol. in-8); —
Critique de la raison pfatique, précédée des fondements de la métaphysique des
mœurs, traduction de l'allemand (1848, in-8);— Philosopiiie de Kant,
examen de ta critique du jiuirmrnt ^ISoO, ia-8) : — Philosophie de Kant.
— 170 —
examen des fondements de la métaphysique des mœurs et de la critique de la
raison 2)ratique (ib^i , in-8) ; — Éléments métaphysiques de la doctrine de la
vertu suivis d'un essai philosojjJiique sur la paix perpétuelle, d'un traité de
pédagogie et de divers opuscules relatifs au droit naturel et à la morale, trad. de
l'allemand de Kant (1853-1855) ; — Les Martyrs de la libre pensée, cours pro-
fessé à Genève (1862, in-12); — Napoléon et son historien M. TAiers (1865,
in-12); — Histoire des idées morales et politiques (1865-1866, 2 vol. in-12);
— La Morale dans la démocratie (1868, in-8); — Critique de la raison pure,
traduit de l'allemand (1869, 2 vol. in-8); — Napoléon 1" (1870, in-12) ; —
Manuel républicain (1872, in-12); — Les Priticipes et les mœurs de la République
(1873, broch. in-18) ; — Les Moralistes français au dix-huitième siècle (1874,
in-12). — De 1847 à 1851, M. Barni avait collaboré à la Liberté de penser jus-
qu'en 1855; à l'Avenir, à la Revue de Paris, entre les dates 1854-1857, et à
d'autres recueils philosophiques, politiques ou littéraires. Il avadt été, en 1841,
secrétaire de M. Cousin, et inspecteur général de l'instruction publique.
— La Belgique vient de perire, en M. Barthélémy-Charles Duuortier, un
citoyen émineut et dévoué, un vaillant champion de sa liberté et de son
indépendance, et le catholicisme un énergique et infatigable défenseur. Né
à Tournai, le 3 avril 1797, il est mort dans sa ville natale, le 9 juillet der-
nier. C'est à Tournai également qu'il fit ses études, qu'il vint compléter à
Paris. Dès 1828, il est à la tète du mouvement politique dans son pays, et
organise un vaste pétitionnement contre les abus du gouvernement hollan-
dais. En 1830, il est des premiers sur la brèche, les armes à la main. Aussi
fut-il nommé député suppléant au Congrès national, et, en 18J1, il entra au
Parlement et fut plus tard ministre d'État. Il a joui d'une popularité
immense. Nous ne le suivrons, dans sa carrière politique, que pour rappeler
ses discours, parmi ses titres littéraires; ses rapports, notamment le rapport
sur l'organisation communale; des écrits politiques comme la Belgique et les
vingt-quatre articles, et le mainlien, dû à ses efforts, de la bibliothèque de
Bourgogne, de l'Académie et de l'Observatoire, que la section centrale de la
Chambre voulait supprimer en 1830. En même temps qu'un homme politique,
lîl. Dumoitier était un ;im:)teur passionné des ar's, un littérateur distingué et
un botaniste instruit. II fut le correspondant du Journal des beaux-arts et de la
littérature de Belgique; il prit part à la discussion sur la naissance de Rubens,
qu'il plaçait à Anvers. Iléiait 'membre de l'Académie royale des sciences des
lettres et des arts, et président des sociétés royales de botanique de Bel-
gique et d'horticulture dt Tournai. 'Voici la liste de quelques-unes de ses
publications scii-ntifiques : Analyse des familles des plantes, avec l'indication
des principaux genres qui s'y rattachent (1842, in-8. Tournai, Casterman) ; —
Bryozoaires fluviatiles. Histoire naturelle des polypes composés d'eau douce
(1850, in-4 avec 6 pi. coloriées, Tournai, Casteraian); — Pomone tournai-
sienne (1870, in-8, Tournai, Casterman) ; — Opuscules de botanique: 1862-73
1873, in-8. F. Savy).
— M. le D' Louis Laussedat, né à Moulins (Allier), le 30 juillet 1809, vient
de mourir dans cette ville le 27 juillet dernier. Il a fait, par intermittence, de
la médecine et de la politique. Comme homme politique, il rédigea le Pa-
triote de Moulins, fit de l'opposition sous la monarchie de Juillet, fut nommé
représentanl du peuple en 1848, exilé après le coup d'État, puis, à son retour
de Belgique, en 1870, devint député de l'Allier. Comme médecin, on lui doit
Une cure au Mont-d'Or, La Bour boule et Saint-Nectaire (1868, Bruxelles et
Paris); — Les Villes d'eaux et l'hydrologie médicale de la Belgique; — La
Suisse, études médicales et spéciales; — Les Stations sanitaires de la Suisse. Il a
— m —
fondé et dirigé VAri médical, en Belgique. Il était membre honoraire de
l'Académie de médecine de Belgique et, depuis peu, correspondant de l'Aca-
démie de médecine.
— M. Henri-François Gaultier de Claubry est mort à Paris le 4 juillet. 11
était né à Paris en 1792. La position de son père, médecin du comte d'Artois,
lui fit quitter dans son enfance la capitale où sa famille était menacée; mais
il y rentra bientôt pour y faire ses études et y passer toute sa carrière. Il
alla de l'étude de la pharmacie à celle de la chimie, enseigna les sciences,
dès l'âge de dix-huit ans, à la Société des Bonnes Études et au Collège Sta-
nislas, fut préparateur du baron Thénard, répétiteur de chimie à l'École
polytechnique, professeur de chimie et de toxicologie à l'École de pharmacie
H.825) et membre de l'Académie de mé 'ecine (1848). Il s"est signalé par son
dévouement dans l'épidémie du choléra en 1849 et dans les ambulances
de 1870; à ses occupations scientifiques et professionnelles, il joignit
toujours la pratique des bonnes œuvres : les œuvres de la propagation de
la foi, des pèlerinages en Terre-Sainte et de Saint-François-Xavier ont eu
une grande part dans son existeuce.
M. Gaultier de Claubry a traduit, en 1812, les Élémenls de chimie expéri-
mentale de H. Willam et publié le Cours de chimie, de Gay-Lussac, en 1828,
dont il avait recueilli les leçons ; le Répertoire de chimie scientifique et indus-
trielle (1837, 5 vol. in-8), avec MM. Charles Martin et F.-L. Hoffmann. — On lui
diot : un rapport sur la Panification par le pétrissage à bras et par les machines
(1838, in-8) ; — Des nouveaux perfectionnements apportés à la vidatige des fosses
d'aisance et des résultats qui en sont la conséquence (18ol, in-8); — Du système
d'égout de l'Angleterre et en particulier de la ville de Londres, et des modifi-
cations qu'il convient de lui faire subir (1857, in-8). — Il a revu la septième
édition du Manuel complet de médecine légale des docteurs Briand et Chaude,
et l'a augmentée d'un Traité de chimie légale (1863, in-8). Il a traduit 1'^-
tude chimique sur Vair atmosphérique de Madrid, de don Ramon de Lunay,
et a collaboré aux Annales d'hygiène publique, au Dictionnaire de l'industrie
manufacturière, et à Y Encyclopédie du dix -neuvième siècle .
— M. Henri Léo, historien allemand, est mort au mois de mai dernier;
il était né le 19 mars 1799, à Rudolstadt, où il commença ses études qu'il
acheva à l'universiié de Breslau. 11 se destinait à la médecine, qu'il aban-
donna, pour se livrer à la carrière de l'enseignement; il s'y prépara à léna
où il fut reçu docteur en 1820; à Gœttingue, à Berlin, où il suivit les cours
de Hegel, et en Italie, où il recueillit des matériaux importants pour ses
études. Vers 1824, il fut nommé professeur adjoint; en 1826, employé à la
bibliothèque de Berlin; de 1823 à 1830, où il fut nommé professeur d'his-
toire à Halle, il occupa divers positions dans renseignement. Il avait été
nommé, en 1863, membre à vie de la Chambre des seigneurs. Disciple fer-
vent d'Hegel au début de sa carrière, il revint aux idées conservatrices et
orthodoxes ; tandis que ?a chute lui eût obtenu des applaudissements et
une plus grande renommée, sa convei'sion fit faire autour de lui un silence
qu'il ne méritait pas. Voici les titres de quelques-uns de ses ouvrages : Sur
la constitution des villes lombardes (1820); — Sur le culte d'Odin en Allemagne
(1822); — Développement de la constitution des villes lombardes (182i); —
Guide pour servir à l'enseignement de l'histoire universelle (1828-1840, 4 vol);
— Les Preuves de la langue des anciens Saxons et des Anglo-Saxons (1829); —
Histoire des États italiens (1829-1830, S vol.); — Maiiuel de l'histoire du moyen
âge (1830); — Rectitudines singularum. personnarum (1831); — Douze livres de
— 17-2 —
rhisloire des Pays-Bas (1832-1831;, 2 vol.); — M. le dodeur Dieslenvcg el les
universités alle^nandes (1836);— Lettres à Goerrci (1838); — Les Hégéliens
(1838); — Éludes et esquisses sur l'histoire naturelle du gouvernement (1839);
— Beowulf, poëme en dialecte anglo-saxon (1840); — Leçons sur l'histoire
du peuple et de VEmpire allemand (1854-1856). Son Histoire des États italiens
a été traduite en français par M. Docliez (1838-18iO, 3 vo). gr. in-8).
— M"' Marie Pape Caupe.ntier, inspectrice générale des salles d'asile, vient
de mourir à Paris, le 1" août. Elle était née à la Flèche, le 10 septembre 1815.
Le travail des mains, nécessaire au début de sa carrière pour pourvoir aux
premiei's besoins de la vie, ne l'empêchait pas de tourner son esprit vers la
poésie. Elle lui donna plus tard une direction plus pratique : appelée, avec
sa mère, à organiser à la Flèche la première salle d'asile, elle compléta son
instructiun et prit goût aux questions pédagogiques. En 1848, elle fut mise
à la tète de l'École normale maternelle, et, depuis, elle a été nommée ins-
pectrice générale des salles d'asile. Elle est auteur d'un grand nombre d'ou-
vrages pédagogiques, souvent réédités, en général excellents, mais où la
peuîée religieuse ne se dégage pas assez ne.tement. Elle a beaucoup con-
tribué à l'importation allemaniJe dd ce procédé qu'on appelle « Leçons des
choses. » Voici la liste de ses principales publications : Préludes^ poésies, avec
préface de M"' Amab'e ïastu (IS'tl, iu-12); — Conseils sur la direction des
salles d'asile, couronné par l'Académie française (18i7, in-18); — Histoire
des leçons et des choses pour les enfants (1858, in-12); — Enseignement 'pra-
tique dans les salles d'asile, ou premières leçons à donner aux petits enfants,
suiv;es de Chansons et de jeux pour les récréations de l'enfance, couronné par
lAcadémie française (1859) ; — Jeux gymnastiques pour les enfants avec chants
notés (1863, in-8); — Petites lectures variées, avec commentaires, à l'usage des
enfants (1863, iu-lS); — Le Secret des grains de sable, et géométrie de la na-
ture, suivi d'un appeadice pour la théorie et l'exécution des figures géo-
métriques (1803, in-12); — Conférences sur l'introduction de la méthode des
salles d'asile dans l'enseignement primaire, faites aux instituteurs réunis à la
Sorbonne à l'occasion de lExposilion universelle de 1867 '1868, in-12); —
Cours d'éducation et d'instruction primaire (1869-1875); — Enseignement par
les yeux. Nouvelles images en chromolithographie à l'usage des salles d'asile et
des écoles primaires, accompagné d'histoire et lectures explicatives (1869-1875) ; —
Les Animaux sauvages, illustré de 12 planches en chromolithographie (1870,
in-4) ; — Les Animaux domestiques (1872, in-4); — Histoire du blé (1873,
in-18); — Lecture et travail pour les enfants et les mères {iSl S, in-12); — Ma-
nuel des maîtres, comprenant le dévelop;)ement des principes pédagogiques
et le guide pratique de la période élémentaire (1876, in-12); — Notice sur
l'éducation des sens et quelques instruments pédagogiques (1878, broch. in-12).
— M. Pierre-Marie-Alfred Desvignes dk Slrigny est mort à Prisse (Saône-
et-Loire\ le 26 juin. Né à Mâcon, le 10 féaier 1805, il fit ses éludes à Cluny
et à Saint-Acheul. Il puisa, dans ses traditions de famille et l'éducation
qu'il reçu', les principes qui ont fait l'honneur de sa vie. Chrétien fervent,
royaliste convaincu, il cultivait les lettres, l'archéologie et les arts avec
amoiir et succès. Les nombreuses sociétés savantes dont il était membre
ont inséré ses communications dans leurs Mémoires; il a exécuté de belles
peintures murales dans son église de Prisse, et afait quantité de dessins pour
la restauration des églises de son pays, dessins qu'il accompagnait de
conseils éclairés, il était, depuis 1833, membre de l'Académie de Màcon, qu'il
présida en 1855, de l'Institut des provincesdeM. deCaumonf, correspondant
de la Saciété archéologique de Chaion-sur-Saùne, de la Société édueniie, de
la Société d'Arundel. 11 a publié, dans les Annales de l' Académie de Mdcon :
Analyse raisonnce à propos d'une « Histoire de Notre-Dame de Relleville »
par Chambeyron (18ii); — Compte rendu de « l'Analyse critique du fourié-
risme, » par Gaspard Belin (I8±3) ; — Rapport sur la question mise au con-
cours pour l'année ISoO : « Rechercher quel fut, au onzième siècle, linlluenre
de l'abbaye de Cluny sur le mouvement de ce siècle, sous le triple rapport
religieux, intellectuel et politique. » (Le 1" pris fut décerné à l'abbé Cuchc-
rat, et une mention d honneur à Th. Chavot) (I80O); — Noie relative au grand
candélabre de Vahhaye de Cluny, au sujet de l'ouvrage fait par M. Cucherat
(Bibliothcca Cluniacensis) ; — Rapport sur un ouvrage intitulé « des Libertés de
la Bourgogne, » par Rossignol ; — Réponse au discours de réception de M. Cam-
peaux, professeur de rhétoriqutî au lycée deMàcon; — Réponse au discours
de l'abbé Martigny; — Communication concernant le k Cartulaire de Sa nt- Vin-
cent de Màcon, » publié par l'Académie en ISoC; — Rapport sur la question
mise au concours pour l'année iSciS, <' Greuze et Prudhon; » — Rapport suv
la «Numismatique bourbonnaise» de M. Georges de Soultrait (1839). — Huit
jours à Aix-la-Chapelle. Lettre à M. de Caumont {\8Q\)]. — Dans les Annaks
archéologiques de Didrou : Le Tabernacle et la Vierge par Orcagna, dans
l'église d'Or-San-Michcle à Florence, décrit par Alfred de Su rign y {[8(j9, in-8,
vol. XXVI).— Dans les Mémoires de la Soci-Hé d'archéologie de Chalon-sur-
Saône, entre autres : Xoticc sur deux peintures murales de Saint-Vincent de
Mdcon (avec gravures); — Deux mots sur le tombeau de Pierre le Vénérable
(1802). Il laisse de nombreuses notes sur les mosa'iques chrétiennes, sur les
manuscrits grecs de la Bibliothèque Vaticane à Rnme, des études sur l'art
chrétien, etc.
— M. Alexandre Moreau de Joxnès, fils du célèbre stalisticlen français qui
dirigea la Statistique générale de la France, entreprise par le gouvernement
c'e la Restauration, est mort à la fin de juillet. Il était né en 1808 à la Marti-
nique. Chef de bureau au ministère des Finances, puis chef de. cibinet du
môme ministère, sous la présidence de Louis-Napoléon, il avait débuté par
la traduction d'un ouvrage allemand : La Prusse, son progrés politique et so-
cial, suivi d'un Exposé économicpie statistique des réformes opérées depuis 180G
jusqu'éi répoque actuelle (1848, in-8). Continuant ses éludes sur les peuples, il
avait fait paraître, en 1861, une Ethnogénie caucasienne, recherches sur la for-
mation et le lieu cVorigine des peuples éthiopiens, chaldéens, syriens, hindous,
perses, hébreux, grecs, celtes, arabes, etc. (in-8, Cherbuliez), dont semble sorti
son onvrage le plus connu : L'Océan des anciens et les peuples préhistoriques
(1873, in-1'2), sorte d'hypothèse érudite qui tend à faire commencer aux bords
de la mer Noire l'histoire de tous les grands peupUs de l'antiqui'é.
— M. Josoph-Adrien-Félix Lavali.é, né à Paris, le 8 août 1801, est mort
récemment dans le département de l'Allier. Il fut le fondateur du Journal des
Chasseurs; licencié en drrif, a écrit dans la Gazette des Tribunaux^ ainsi que
dans une foule de revues et magazines sur les question? cynégétiques. On lui
doit aussi des livre; d'histoire et des tra ludions. La cécité dont il était atteint
l'avait condamné au repos. Il a publ é l'Espagne, dans l'Univers pittoresque,
édité par Didot, collaboration avec Adolphe Guéroult (1844-1847, 2 vol). —
La Chasse de Gaston Phœbus, comte de Foix, erivoyée par lui à messire Philippe de
France., duc de Rourgorjne. collationnée sur un manuscrit ayant appavleau à
Jean 1" de Foix avec des notes et la vie de Gaston Phuîbus (1834, in-8) ; — La
Chasse à tir en France {\8'6i, in-IO; 2* édition, 1800); — La Chasse à courre en
— 174 —
France {IS^Q, in-12); — Les Récits d'un vieux chasseur (1838); — Zurga le Chas-
seur (1860). — Il a traduit un conte espagnol : Le Mari qui se fait garçon, et
a travail'é avec M. L. Bertrand au Code des chasseurs (1841).
— M.Henri Guys, ancif^n consul de France en Orient, vient de mourir à Mar-
seille, à l'âge de qua1re-vingt-onze ans. Pendant sa long le carrière, il ne
cessa d'être en Orient le défenseur de nos intérêts religieux, et il y conquit
d'illustres amiiiés, comme celle de Lamartine. Les dernières années de sa
vie ont été données aux bonnes œuvies. lia écrit : Relation d'un séjour
de plusieurs années à Beyrouth et dans le Liban, précédé d'une lettre de
M. Povjoulat (1847, 2 vol. in-8) ; — Un derviche algérien en Syrie. Peinture
des mœurs musulmanes chrétiennes et israélites, confirmée par un séjour de
trente-six années dans cette partie de l'Asie (1853, in-8) ; — Voyage en Syrie; —
Statistique du pachalic d' Alep (18oo, in-8); — Esquisse de l'état politique et
commercial delà Syrie (1862, iii-16); — Théogonie des Druses, ou abrégé de
leur système religieux, traduit de l'arabe (1863, in-8;; — La Nation druse,
son histoire, sa religion, ses mœurs et son état politique (1864, in-8); — De la
condition des femmes en Turquie {[SQb, in- 18) ; — Étude sur les mœurs des Arabes
et sur les moyens d'amener ceu-t de l' Algérie à la civilisation (1863, in-8); —
Recherches sur la destruction du chnstianisme dans l'Afrique septentrionale
et sur les causes qui ont retardé la colonisation française en Algérie (1863, br.
in-8).
— M. René-Louis Gobillon, né à Montgaudri (Orne), le 23 octobre 1828, est
mort à Chartres le 27 avril dernier. Élevé à Técole primaire de son village,
c'est par son travail persévérant qu'il arriva à se faire une position. A
vingt ans, clerc de notaire, il subit la loi du sort, qui l'appelait sous les dra-
peaux, où il resta jusqu'en 1863. Il fut ensuite greflier de la justice de paix
de Tiron-Gardais (Eure-et-Loir), conseiller d'arron^isssement de ce canton,
puis directeur d'une compagni-^ d'assurances, à Chartres. Il aimait et cul-
tivait les lettres. On lui doit un bon livre populaire : Mémoires du troupier
Chapusot; scènes de la vie militaire (1869, in-12, Daupley, à Morlagne), et,
pendant treize ans, il a rédigé l'Ami du foyer, almanach du Perche et du
Saonnois, conçu dans un bon esprit et sur un bon plan, où l'on remarquait
des récits pleins de verve en patois de la B^auce. Plusieurs journaux de
Paris ont publié des articles de lui, ainsi que le Courrier d'Eure-et-Loir.
— M. Maurice Joly, né à Neublans (Jura), en 1837, vient de mettre misé-
rablement fin à ses jours, à Paris, le 16 juillet. Avocat depuis 183G, il fut
tenté par l'ambition, voulut arriver vite à une situation, jouer un rôle poli-
tique, et ne trouva guère que des déceptions, auxquelles il crut mettre fin
par un suicide. Il fit du bruit sous l'Empire, par des brochures d'opposition
violente ; il chercha à marquer sous la Commune ; il essaya plus tard de
suivre une voie moins scabreuse, et écrivit, en 1873, des lettres signées « Ju-
nius, )) dans Paris- Journal. Mais le succès qu'il recherchait ne lui vint pas.
On lui attribue des Recherches sur Vart de parvenir, qui remonteraient à 1868,
et un roman, les Déclassés, qui aurait été sa dernière œuvre et son propre
portrait. Mais ce que nous pouvons lui attribuer, ce sont les ouvrages sui-
vants : Sur l'adresse du Corps législatif {[861, in-S, Dumineray) ; — La Question
bridante, par J***, anonyme (1861, in-8, Dumineray); — Le Barreau de Paris,
études politiques et littéraires (1863, in-12) ; — Dialogue aux enfers entre Ma-
chiavel et Montesquieu, ou la politique de Machiavel au dix-neuvième siècle, par
un contemporain (1864, in-12, Bruxelles, Mertens), qui valut à l'auteur une
condamnation; — César (1863, br. in-32} ; — Les Principes de 89 (1863, br.
— 175 —
ia-8) ; — Maurice Joly^ son passé, son programme, par lui-même (1870, in-8,
Lacroix) ; — Les Affamés, études de mœurs contemporaines (1876, in-iS).
— M. Aleardo Aleardi est mort à Vérone, le 18 juillel, à soixante-huit
ans. Poëte comme Manzoni,dont il était le disciple, il chercha surtout à faire
vibrer la fibre patriotique. Ses opinions républicaines, qui le firent expulser
de Venise par les Autrichiens, en 1849, et plus tard, lorsqu'il revint de France,
jeter dans les cachots de la forteresse de Josephstadt, en Bohème, lui valu-
rent, dans ses dernières années, un siège au sénat italien. On lui doit : Ugo,
le Mariage, Arnoldi di Rocca, le Citta italiane, Un' ora de giovinezza, i selte
soldati littere, — Maria, Raffacle e la Fornarina, Monte Circello.
Institut. — Académie française. — Le jeudi 1er août a eu lieu la séance pu-
blique annuelle de l'Académie française, sous la présidence de M. J.-B. Dumas,
directeur. Elle a été remplie par le rapport de M. Camille Doucet, secrétaire
perpétuel, sur les concours de Tannée, — par des lectures de fragments des
discours couronnés, faites par M Legouvé, — et par le discours de M. Dumas
sur les prix de vertu. \ oici les listes des prix décernés :
Prix d'éloquence. — L'Académie avaft proposé pour sujet du prix d'élo-
quence à décerner en 1878 : Éloge de Buffon. Deux prix égaux, de deux mille
fran s chacun, sont décernés à feu M. Narcisse Michaut, licencié en druit,
docteur es lettres, mori à Nancy, à l'âge de trente-deux ans, et à M. Félix
Hémon, agrégé des lettre?, professeur de seconde au lycée de Rennes.
Prix Montyon destiné aux ouvrages les plus utiles aux mœurs. — L'Académie
française a décerné trois prix de deux mille francs : A M. le marijuis Costa
de Beauregard, auteur d'un ouvrage intitulé : Un homme d'autrefois, 1 vol.
in-8; — A .M. Ch. de Bjnnechose, auteur d'un ouvrage intitulé : Montcahn
et le Canada français, 1 vol. in-12; — A M^e Henry Gi'évillc, auteur d'un
ouvrage intitulé : Dosia, 1 vol. in-12. — Cinq prix de quinze cents francs :
A M. Octave Noël, auteur d'un ouvrage intitulé : Aulour du foyer, i vol,
iu-12; — A M. Gustave Levavasseur, auteur d'un ouvrage intitulé : Dans les
herbages, 1 vol. in-12; — A M. Prosper Blanchemaiu, auteur d'un ouvrage
intitulé : Poèmes et poésies, 1 vol. in-12; — A M Emile Gossot, auteur d'un
ouvrage intitulé : Mademoiselle Servan, i vol. in-12; — A M. Charles Durier,
auteur d'ua ouvrage intitulé : le Mont-Blanc, I vol. in-8; — Trois prix de mille
francs : A M. Arthur Rhoné, auteur d'un ouvrage intitulé : l'Egypte à petites
journées, 1 vol. in-8; — A M. Lucien Dubo.s, auteur d'un ouvrage intitulé : le
Pôle et l'Equateur, 2 vol. in-12; — A M. A. Bougot, auteur d'un ouvrage inti-
tulé : Essai sur la critique d'art, 1 vol. in-8.
Prix fondé par M. le baron Gobert. — L'Académie a décerné le grand prix
de la fondation Gobert à M. Chantelauze, pour son ouvrage intitulé : le Ca?--
dinal de Retz et l'Affaire du chapeau, 2 vul. in-8, et le second luùx de la même
fondation à M. L. Pingaud, pour ses deux volumes intitulés : l'un, les Saulx-
Tavannes, 1 vol. in-8 ; l'autre, Correspondance des Saulx-Tavanncs au seizième
siècle, I vol. in-8.
Prix Maillé Latour-Landry. — Le prix institué par feu M. le comte de
Maillé;Latour-Landry, en faveur d'un écrivain ou d'un artiste, a été partagé
également entre M. Gustave Toudouze et Emile An Irieu.
Prix Lambert. — L'Académie a décidé que la récompense honorifique
fondée par feu M Lambert serait attribuée à M. Xavier Aubryet.
Prix Bordin. — Le prix de trois mille fi'ancs a été ainsi réparti : 1° Un
prix de deux mille francs, à M. Gustave Merlet, pour son ouvrage inUtulé :
Tableau de la littérature française, de 1800 à 1813, 1 vol. in-8; — 2° Un prix
de mille franc?, à M. le comte de Gobineau pour son livre intitulé : la Re-
naissance, { vol. in-12.
Vrix detradiiclionjfondèparfeuM. Lamjluis. — Le prix de la fondation Lan-
glois a été décerné à M. Henri Bellanger, pour sa traduction de l'ouvrage
anglais intitulé : la Russie, le pays, les institutions, les mœurs, par M. Mac-
kensie-Wallace, 2 vol. in-8.
Prix Halphen. — Ce prix a été décerné à M. le général comte Pajol, pour
deux ouvrages intitulés : Pajol, 1772 à 1796, 3 vol. in-8, avec atlas ; Kléber,
sa vie, sa correspondance, 1 vol. in-8.
Prix Tliirouannc. — L'Académie a décidé que le prix de la fondation Thé-
rouanne, pour l'encouragement des travaux liist' riques serjit ainsi réparti :
1" Un prix de mille francs à M. H. Forneron, pour son ouvrage intitulé : les
Ducs de Guise et leur époque, 2 vol. ia-8.— 1° Deux prix de mille francs chacun :
à M. Debidour pour son ouvrage intitulé : la Fronde angevine, \ vol. in-8,
et à M. A. Luchaire, pour son ouvrage intitulé : Alain le Grand, 1 vol in-8.
Prix Guizot. — Le prix triennal de trois mille francs, f-ndé par M. Guizot,
est décerné à M, Louis Vian, pour son ouvrage intitulé : Histoire de Mon-
tesquieu, [ vol. in-8.
Prix Marcelin Guérin. — ■ .Sur cette fondation, l'Académie a accordé : Un
prix de deux mille francs à M. Alfred Rambaud, pour son ouvrage intitulé :
la Russie, I vol. in-12. — Trois prix de mille francs chacun: A M.Hippeau,
pour son ouvrage intitulé : Vlnsiruclion publique dans les Étals du Nord, 1
vol. in-12. — A M. II. Jouin, pour son ouvrage intitulé : David d'Angers,
2 vol. gr. in-8; — A M. Rambosson, pour son ouvrage intitulé : les Har-
monies du son et les instruments de musique, 1 vol. gr. in-8.
Prix fondé en 1873 par un ancien membre de l'Académie, pour être dé-
cerné dans l'intérêt des lettres . — L'Académie a partagé également ce prix,
de la valeur de cinq mille sept cent cinquante francs, entre M. Edouard
Grenier et M. Joséphin Soulary.
Prix Archon-Despcrouses . — Ce prix annuel, de la valeur de quatre mille
francs, afiecté à la philologie française et à des ouvrages ayant pour objet
l'étude de notre langue et de ses monuments de tout âge, a été ainsi dé-
cerné: Un (irix de deux mille cinq cents francs, à M. Charles Marty-Laveaux.
— Un prix de quinze cents francs, à M. Arsène Darmesteter.
Prix à décerner :
Prix de poésie à décerner en 1879. — L'Académie propose pour sujet du
prix de poésie à décerner en 1879 : La poésie de la science. La limite de
trois cents vers ne peut pas être dépassée par les concurrents,
Prix d'éloquence à décerner en 1880. — L'Académie propose pour sujet du
prix d'éloquence à décerner en 1880 : Éloge de Marivaux. Nous nous con-
tentons d'énumérer les autres pi'ix :
Prix Gobert, pour les ouvrages nouveiux sur l'histoire de France, qui
auront paru depuis le 1" janvier 1878. Les concurrents devront déposer au
secrétariat de l'in titut trois exemplaires de leur oivrage avant le 31 dé-
cembre 1878.
Prix Maillé-Laiour-Landry, en faveur d'un écrivain ou d'un artiste sera,
dans les conditions de la fondation, décerné par l'Académie, en 1880, • à
un jeune écrivain dont le tilent, déjà remarquable, parald'a mériter d'être
encouragé à poursuivre sa carrière dans les lettres. »
Prix Rordin.
Prix Lambert.
Prix Langlois, — Ce prix sera, d'après les termes du testament, décerné
en 1879, à l'auteur de la meilleure traduction en vers ou en prose d'un ou-
vrage grec, latin ou étranger publi'''c dans le cours des années 1877 et 1878.
Prix Halphen sera décerné à l'auteur de l'ouvrage que « l'Académie ju-
gera à la fois le plus remarquable au point de vue littéraire ou historique,'
et le plus digne au point de vue moral. »
Prix Tliiers, sera décerné en 1880 (de trois mille francs), à l'ouvrage d'his-
toire, publié dans les trois années antérieures au l" Janvier 1880, que l'A-
cadémie jugerait le plus digne de cette distinction.
Prix Thérouanne.
Prix Guizot, sera décerné en 1881 (3,000 francs) au meilleur ouvrage, pu-
blié dans les trois années précédentes, « soit sur l'une des gr.jnde3 époques
de la littérature fr.inçaise depuis sa naissance jusqu'à nos jours, soit sur la
vie et les œuvres des grands écrivains français, prosateurs ou poètes, philo-
sophes, historiens, orateurs ou critiques érudits. «
Prix Marcelin-Guérin (5,000 francs).
Prix de Joiiy, de la valeur de quinze cen's francs, sera décerné en 1879, à
l'ouvrage publié dans le cours des années 1877 et 1878.
Prix fondé en 1873 pai un ancien membre de l'Académie, pour être dé-
cerné dans l'intérêt des lettres.
Prix A rchofi-Despérouses.
Prix Botta, sera décerné pour la première fois, en 1881, au meilleur ou-
vrage publié en français dans les cinq années précédentes « sur la condition
des femmes. »
Prix Monbimie (3,000 francs).
Prix de M. Jules Janin (3,000 francs), sera décerné à la meilleure traduc-
tion d'un ouvrage latin.
Académie des inscriptions et belles-lettres. — M. Wallon, secrétaire per-
pétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres a lu, le 19 juillet,
un rapport sur l'état des publications de l'Académie. Le texte du tome XXIV
du Recueil des historiens de France est prêt pour l'impression ; les anno-
tations seules sont à terminer; on ne peut les espérer avant la fin de
l'année. La transcription des matériaux qui doivent composer la seconde
partie est faite, et les anDotations sont commencées. Pour le Recueil des
historiens des croisades, le tome IV des Historiens occidentaux est en partie
tiré et toute la copie remise à l'imprimeur. Les Historiens grecs (t. Il) et les
Historiens arabes (t. 111), avancent lentement. Le recueil des chartes et di-
plômes relatifs à l'histoire de France antérieurs à Philippe-Auguste est tou-
jours en préparation. Le tome XXVIII de V Histoire littéraire de la France est
à la veille d'être mis sous presse. L'impression du Corpus inscriptionum scmiti-
carum, entravée par les retards apportés au budget de 1878, commencera
dès que l'Académie aura prononcé sur les moyens d'exécution qui lui seront
soumis.
Académie des beaux-arts. — L'Académie des beaux-arts vient de juger,
le 20 juillet, le concours du prix Bordin pour l'année 1878. Le sujet était
« Rechercher les différences théoriques et pratiques qui existent entre les
corps des ingénieurs et celui des architectes. Se rendre compte des avan-
tages et des inconvénients de la division entre les deux professions, et dé-
duire de celte étude ce qui devrait être fait dans l'intérêt de l'art, soit une
division absolument marquée, soit, au contraire, une fusion complète. « Sept
mémoires ont été adressés à l'Acidémie, M. Davioud, architecte au Troci-
déro, a obtenu le prix, à l'unanimité.
— L'Académie des beaux-art?, qui vient d'être mise en possession delà
Tente de 6,000 francs léguée par Rossini, a, conformément au vœ » d i testateur,
pris la décision suivante : un concours entre les artistes français e.-t ouvert pour
AOUT 1878. T. XXIII, 12.
]a production dune œuvre pocMi'iue destinée à ê re misi; eu musique et dans
les conditions in'ii^juées par le testateur. L'auteur de la composition de mu-
sique lyrique et religieuse devra s'attacher principalement à la mélodie.
L'auteur des paroi s .-ur Itsquelles devra s'ap[iliquir la musiquf, et y être
pnrfaitemenl appropriée, devra oViseiver les lois de la morale.
Les manuscrits devront être déposés au seciélari4 de l'Institu', avat^t le
30 novembre 1878. Le jugement S' ra rendu le 3.1 décembre suivant. L'auteur
de l'œuvre [loélique jugée la meilleure et la plus conforme aux conditions du
concour?, recevi'a nn [trix do 3,f)00 francs.
— L'Académie, dans sa séance du samedi 20 juillet, a nommé Ci^rrespon-
dant, M. Scholonder, architecte du roi, à Stockholm.
Académie des sciences morales et politiques. — Dans sa séance du 6 juillet,
l'Académie a élu membre de la section d'histoire générale et de philosophie,
en remplacement de M. Thiers, décédé, M. Georges Picot, juge au tribunal
de la Seine, par 21 sufi'rages, contre 8 à M. F. T. Perrens; — Membre de la
S' ction d'économie politique, en remplacement de M. d'Audiffret. décédé,
M. Paul Leroy-Beaulieu, par 20 voix contre 9 à, M. Maurice Blor'.c; — Membre
de la section de législation et de jurisprudence, en remplacement de M. Va-
lett'^, décédé, M. Rodolphe Dareste de la Chavanne, avocat au Conseil d'État,
par 20 voix contre 10 à M. Laronibière et 1 à M. Gide.
— L'Académie des sciences morales et po'iliques, dans sa f-éance du 27 juillet,
a rendu son jugement dani le concours Morogues, relatif au paupé isme et
au moyen d'y remédier. L'Académie n'a pas déccné de prix, mais elle a ac-
cordé deux mentions honurdb'es de la valeur de 1,000 francs chacune, l'une
à M. Jules Siegfried, pour son ouvrage intitu'é : la Misère, son Jiistoire, ses
causes^ses remèdes; l'autre à M. de La Landelle, pour son ouvrage ayant pour
titre : Pauvres et mendiants^ roman des questions sociales.
Concours. — La Société des études historiques met les sujets suivants au
concours pour le prix de la fondation Raymond. Concours de 1879 : un
pi'ix de mille francs à l'auteur du meilleur mémoire sur l'histoire des pro-
vinces danubiennes, depuis l'invasion des Turcs jusqu'au traité dUnkiar
Skelessi. — Concours de 1880 : Histoire des origines de la langue française
et de son développement jusqu'à la fin du dix-'eptième siècle, un prix de
1,000 fr.mcs. — Concours de 1881 : Histoire des institutions de prévoyance
en France. — Un premier prix de 1,500 fr.; un deuxième prix de 500 fr.
— Les mémoires manuscrits devront être adressés à l'administrateur, M. le
comte de Bussy, rue Gay-Lussac, 40, à Pari-, avant le !«'' jauvier de l'année
du concours. Ils devront être inédits et n'avoir pas été présentés à d'au'res
concours.
— La Société académique de Saint-Quentin met au concours pour 1879 :
1° Poésie. Le sujet est laissé au choix des concurrents;
2o Litléralure. Étude sur le théâtre contemporain en France;
3° Raconter la vie et apprécier les travaux d'un personnage célèbre du
département de l'Aisne.
Les travaux des concurrents devront êtte envoyés avant le 1er mars 1879
au président de la Société académique, à Saint-Quentin.
Société des anciens textes français. — La Société des anciens textes fran-
çais, fondée on 1875 pour publier les monuments de notre ancienne langie
et de notre ancienne littérature, a donné en 1877 : Aiol., chanson de geste,
publié par MM. J. Normand et G. Rnynaud, et Les Miracles de Xostre Dame,
par perso}i7iages, puhliés par- MM. G. Paris et U. Robert, t. IL Elle a sous
— 179 —
presse : Le Débat des ht'raiils de France et d'Angleterre, suivi de The Debate
between the Heraldes of Englande and Fraunce, compiled bij Johne Coke, édi-
tion commencée par L. Pannier, et achevée par M. P. Meyer. — La Vie de
saint Gilles^ en vers, par Gnill. de Berneville, publiée par MM. A. Bos et
G. Paris. — Les Œuvres d'Eustache Deschamps, publiées par M. le marquis
de Queux de Saint-Hilaire. — L'Evangile de Nicodème, trois versions en
vers, publiées par MM. G. Paris et A. Bos. — Le Voyage à Jérusalem du sei-
gneur d'Anglure. publié par MM. F. Bonnardot et A. Longnon. — Un de ses
membres, M. le baron James E. de Rothschild, fait actuellement imprimer à
ses frais une nouvelle édition du Mystère du vieil Testament, avec commen-
taires et glossaire. Cette édition, qui ne formera pas moins de six ou sept
volumes in 8, sera d stribuée gratuitement aux membres de la Société.
Lectures faites a l'Acadkmie des inscriptions et belles-lettres. — Dans la
séance du o juillet, M. Miller a communiqué une note sur un Glossarium
greco-latinum, manuscrit de la bibliothèque de Laon. M. Ernest Desjardins a
communiqué une lettre de M.Ro! ert Mowat au sujet il'une inscription de sar-
cophage découvert pjr M. l'abbé Htmard, à Hermès (Oisf). M. Schlieraann a
communiqué des observations sur les antiquités qu'il a recueillies à Mycènes.
— Dans la séance du 12, M. Ernest Desjaniins a achevé la lecture du mémoire
de M. Tissot, min stre de France en Grèce, sur une in-cription militaire dé-
couverte en Tunisie par M. Duveyrier en 18G0. — Dans la séance du 19,
M. Carapanos a communiqué le texte d'une inscription inédite provenant de
ses fouilles de Dodone. M. Albert Dunioiit a fait connaitie. dans une lettre,
le résultat des fouilles entreprise, à Délos par un membre de l'École française
de Rome ; elles permettront de restituer l'architecture intérieure du temple
d'Apollon. — Dins la séance du 26, M. Michel Bréal a fait une communication
sur une inscription de l'ile de Ciète, conservée au Louvre et rapportée
en 1837 par M. l'abbé Thenon. M. Paillard a lu une étude sur le voyage de
Charles-Quint en Franci*, en lo39 et lo4().
Lectures faites a l'Académie des sciences morales et politiques. — Dans
la séance du 6 juillet, ?«1. Hippolyte Passy a achevé la lecture de son mémoire
sur l'histoire dans ses rapports avec les sciences politiques et sociales. —
Dans la séance du 13, M. Barthélémy Saiut-Hilaire a lu un mémoire siir la
composition de la Métaphysique d'Aristote. — Dans les séances du 20 et du 27,
M. 0. Gréard a commencé la lecture d'un mémoire sur les résultats de l'en-
seignement primaire à Paris, de 1807 à 1878, au sujet duquel MM. Frédéric
Passy et Jules Simon ont présenté des observations.
Exposition de la Bibliothèque Sainte-Geneviève. — Nous empruntons au
Journal Officiel les détails suivants sur l'exposition qui vient de s'ouvrir à
la bibliothèque Sainte-Geneviève. On sait que le ministre de l'Instruction
publique ayant décidé que les richesses des dilférentes bibliothèques ne
soi tiraient pas de ces établissements, chaque bibliothèque fera son exposi-
tion particulière, laquelle sera comme une annexe de l'exposition rétrospec-
tive au Trocadéro.
La bibliothèque Sainte-Geneviève continue celle qui avait été formée dans
l'ancienne abbaye Sainte-Geneviève. Des bustes décoraient les galeries de
la bibliothèque du célèbre couvent ; on les retrouve disséminés dans les
salles actuelles.
D'après un inventaire de 1790, ces bustes étaient au nombre de 106; il
n'en reste plus que 94 Quelques-uns sont fort beaux ; ils sont de Girardon.
Coysevox, Coustou, Caffleri, etc. Nous signalerons entre autres ceux de Michel
Le Tellier, chancelier de France, de Jules Hardouin, Mansart, de Robert de
— 180 —
Cotte, d'Antoine Arnauld ou le grand Arnauld, le célèbre janséniste, etc.
Le buste, en marbre, de ce dernier est un des plus vivants qui soient sortis
des mains de Gii'ardon.
N'oublions pas non plus ceux du cardinal François de la Rochefoucand, et
de Charles-Maurice Le Teliier, archevêque de Reims. Ces deux personnages
ont été les bienfaiteurs de la bibliotlièque de la communauté. Le premier
en est le fmdateur, le second lui légua une collection de 10,000 volume?, la
plupart reliés en maroquin rouge, à ses armes.
Une autfe collection intéressante est celle des poi traits des rois de France,
paslels dont on ignore l'auteur et qui furent exécutés de 1680 à 1682. Mais
un détail qu'on ne connaissait pas et qui vient seulement d'êlre révélé lurs
du nettoyage des cadres, c'et la provenance de ces vingt-deux portraits
comprenant la série des rois de France depuis Louis IX jusqu'à Louis XIV.
Une note que nous recommandons aux amateurs indique aujourd'hui cette
pi'ovenance. Ainsi, l'effigie de saint Louis — pour ne parler que de celle-là
— a été faite d'après l'original en ronde-bosse qui ornait le portail de l'an-
cienne église des Cordeliers, à Paris. D'autres ont été reproduites d'après
les tombeaux de Saint-Denis.
A côté, il faut adminer des épreuves de choix, supérieurement conservées,
de gravures d'Edelinck, de Van Schuppen, de Drevet, de Vermeulen, etc.
L'exposition a lieu dans les salles du rez-de-chaussée, au milieu du dépar-
tement de la Reserve, là où sont renfermés, dans des ai'moires vitrées, la
collection entière des manuscrits, ainsi qu'un choix des livres les plus pré-
cieux et les plus lares que possède la bibliothèque. La section dont il s'agit
est arrangée avec un goût parfait, et celte installation fait honneur à l'ad-
minisl ration ainsi qu'au personnel de l'établissement. On est étonné d'ap-
prendre que le nombre des ouvrages qui y sont contenus, incunables,
éditions princeps, livres à gravures, à reliure de luxe, etc., dépasse 13,000,
sans comptei" les 3,000 manuscrits.
Ce qui frappe, dans une promenade à travers ces galeries, c'est que la
bibliothèqur- Sainte-Geneviève vous apparaît sous un jour tout autre et avec
un caractère bien différent de celui qu'on est habitué à lui accorder. Cette
bibliothèque, à l'usage surtout des collégiens et des étudiants, est, il faut
bien le reconnaître une bibliothèque de curiosités et de raretés.
Un coup d'œil jeté sur les vitrines de l'exposition de la bibliothèque prou-
vera la vérité de ce que nous avançons. Voici un trésor : la Cité de Dieu, de
saint Augustin, manuscrit de la tin du quatorzième siècle; quelles plus
belles miniatures peut on voir que celles dont il est orné? Plus loin, un
Tite-Live, du quariozième siècle, traduit pf>ur le roi Jean le Bon, ayant
appartenu au duc de Bedford, qui le donna en 1527, à son beau-frère, le duc
de G'ocester. Bien d'autres manuscrits d'écrivains classiques, manuscrits
provenant de la bibliothèque du pape Pie VI, auraient pu également être
exposés; car la bibliothèque en possède, croyons-nou«, un bon nombre.
Citons encore un Évdngéliaire du neuvième siècle; une Bible anglo-nor-
mande, du treizième siècle, en trois volumes; des Heures, des Chroniques
de S int-Deni-!, où l'on voit dans une des majus ules un poitrail de saint
Denis, qu'on dit authentique, etc.
Plu> loin, soui d'autres vitrines, consacrées aux livres imprimés : VEstrif
de fortune, dont on ne connaît que trois exemp'aires (l'un d'eux vient d'être
adjugé 21,000 fc à la ven'e Didot); un chois de reliures, à partir du
quinzième siècle, reliures françaises et italiennes, des Grolier, des Ma-
joli, etc.
— 181 -
Hecceil de poésies françaises des quinzième et seizième siècles. — La li-
brairie Paul Daffis vient de mettre au jour ua nouveau volume de la 7?;-
bliothèque elzcvirienne, entrepris il y a vingt ans environ, par un laborieux
et intelligent éditeur (qui était en même temps doué d'une rare instruction),
P, Jannet, mort au mois de novembre 1870. Cette Bibliothèque, qui a lemis
en circulation bien des ouvrages curieux et devenus fort rares, a reçu l'ac-
cueil dont elle était digne; elle s'enrichit aujourd'hui du treizième volume
annoncé comme le dernier du Recueil des poésies françaises des quinzième et
seizième siècles, recueillies et annotées par MM. Anatole de Monlaiglon et Ja)nes
de Rothschild, in- 18, 432 pages (prix : 5 fr.). Vingt-six pièces forment le
volume en question, ce qui porte à 300 la totalité de celles dont se composent
les treize volumes du Recueil; toutes sont extrêmement rares, on ne connaît
de la plupart d'entre elles qu'un seul exemplaire; un opuscule du docteur
Adonville : le Bannissement de malheur^ en donnant à Bon Temps faveur (Paris,
vers loOO) était resté inconnu à tous les bibli grapbesj'son titre même n'a-
vait jamais été cité; cette plaquette s'est r/'.ncoiitrée dans la bibliothèque
Méjanè«, riche collection léguée à la ville d'Ais pnr un fervent bibliopbile
qui, vers les dernières années du règne de Louis XVI, avait fait, aux ventes
parisiennes (notamment à celle du duc de la Vallière), d'importantes et
heureuses acquisitions en obtenant à 5 ou 10 francs ce qu'un payerait au-
jourd'hui de 300 à oOO francs. — La bibliothèque municipale de Versailles
a, de son côté, fourni quelques pièces qu'on ne trouve pas ailleurs : la
Complainte du temps passé par le commun du temps présent (écho des souf-
frances du peuple pendant les guerres incessantes qui désolèrent le règne
de François I'^''; le Credo du commun peuple selon le temps qui court (fin du
quinzième siècle), était resté inconnu à tous les bibliographes; un exem-
plaire, qu'on peut regarder cjmme unique, fait partie de bi ricbe collection
de feu M. Ambroise Fii'min-Didot. On ne c muait également qu'un seul
exemplaire (il appartient à M. de LigneroUes) des Erreurs du pcuplecommun
qui pronostiquent la famine (pièce écrite à l'occasion de la disette qui frappa
la P'rance en lo2n. Il existe diverses éditions du Giroufflier aulx Dames, mais
elles sont introuvables, et ce poëme est curieux à plus d'un titre; le giro-
flier dans notre ancienne langue, désignait une sorte d'œillet; Raison s'en
élance afin de défendre le beau sexe contre les traits malins que décocbe
sans cesse le célèbre Roman de la Rose. Nous n'émuinérerons pas les autres
pièces reproduites dans le treizième volume; toutes sont dignes d'attention
au point de vue de l'histoire et à celui de l'étude des mœurs de nos ancêtres;
nous dirons seulement que, loin de se bornera un système de réimiiression,
les savants éditeurs ont multijdié des notes fort instructives, attestant de
vastes et judicieuses lectures; nous mentionnerons seulement, au hasard,
celles relatives au fou Triboulet, page 2; au Sec arbre (ou Arbre sech), dont
une rue de Paris a conservé le nom depuis plusieurs siècles, page 157; aux
livres sibyllins, pages 242.
N'oublions pas le sixième volume du Branthôme publié tout récemment
et faisaut partie de la Bibliothèque elzéviricnne (312 pages); il contient la
suite 'ies Vies des grands capitaines; le texte augmenté de fragments inédits
et de nombreuses varian'es, est accompagné de notes nombreuses de
Prosper Mérimée et de M. Louis Lacour; il serait inutile d'insister sur l'in-
térêt qu'elles présentent.
Un opuscl'le de Charles de Neqfchaises. — M. L. Pingaud, dans son
ouvrage sur les Saulx-Tavannes, signale l'excessive rareté (Introduction à la
correspondance, \i. vi) de l'opuscule que M.Henri Chevreul vient de faire
— 182 —
réimprimer à 205 exemplaires sous ce titre : Inslruction et devis d'un vray
chef de guerre ou gênerai d'armée; Hecuilly des Mémoires de feu messire Gaspard
de Saulx, sieur de Tavannes, et mareschal de France, par Charles de Neuf-
cuAisES, sieur des Francs et neveu dudict sieur de Tavannts, gentilhomme ordi-
naire de la Chambre du Roy et escuyer d'escurie de Monseigneur le Duc, frère de
Sa Majesté^ nouvelle édition, précédée d'une introduction (Paris, Aubry,
4878, in-8 de xiv-128 p.)- L'Instruction parut en 1574 chez Jean Hulpeau et
de la Noue, à Paris, une année après la mort de Gaspard de Saulx-Tavannes,
vingt-six ans avant les Mémoires qu'on lui attribue. C'est cette Instruction
qui, selon le savant éditeur, a servi de point de départ à Jean de Tavannes
pour la rédaction de ces mémoires apocryphes, le maréchal n'ayant laissé
qu'une correspondance et quelques avis adressés au roi ou à Catherine de
Médicis, dont six figurent dans l'œuvre de Jean et quatre dans les Mémoires
de Guillaume, son frère. M. A. Chevreul a eu raison de penser « qu'à une
époque où l'on s'occupe avec tant de zèle de notre histoire militaire, il y
aurait quelque inférùt à remettre au jour les opinions d'un maiéchal de
France qui fut un des plus grands hommes de guerre de son temps. »
Ajoulons qu'il a été admirablement secondé par l'habile imprimeur de
Dijon, M. Darantière, et que rien vraiment n'a meilleure mine que leur
édition en si ntts caractères et en si beau papier, du curieux travail de
Charles de Ntufchaises. — T. de L.
La Bibliographie des Sociétés savantes de Fr.\nce, — M. Ulysse Robert
a été chargé par le Comité des travaux his'oriques de coordonner tous les
renseignements transmis au ministère de l'Instruction publique par les
prés dt^nts de nos diverses sociétés savantes, au sujet d'un relevé général
des morceaux contenus dans les recueils de ces sociétés. Le travail était
immense. Ces milliers de renseignements, venus de tous les points de l'ho-
rizon; il a fallu les vérifier, parfois les compléter. M. Robert a tant et si
bien fouillé les collections de la Bibliothèque nationale et de la Bibliothèque
des Sociétés sav.intes, que bien peu de lacunes pourront être remarquées
dans la Bibliographie des Sociétés savantes de la France. Première partie. Dé-
partements (Pais, Imprimerie nationale, 1878, gr. in-8 de 83 p.). Toutes
nos Sociétés sont là, rangées par ordre alphabétique, à'Agen à Vesoul, avec
l'indication précise de l'année de leur fondation, de la dite et du nombi'e
des volumes qu'elles ont mis au jour. Cet inventaire, aussi clairement
qu'exactement dressé, est de l'usage le plus facile, et il rendra à tous les
travailleurs des services sans nombre, en attendant le jour où nous aurons
la liste complète et détaillée des mémoires contenus dans chacun des VO'
lûmes qu'il a fallu, cette fois, îe contenter d'énumérer. — T. de L.
Deux résurrections littéraires : Claude Mermet et René Macé. — J'aime à
rapprocher, comme b^s lecteurs sans doute aimeront à le faire aussi, les
deux attrayantes et excellentes notices qui viennent d'être publiées en même
temps, sous les titres que voici : Un poète oublié. Claude Mermet de Saint-
Rambcrt en Bugey, notice lue à la Société nationale d'éducation, le 8 no-
vembre 1877, par Aimé Vixgtrinier (Lyon, Glairon-Mondei, 1878, gr. in-8
de 32 p.); — Notice sur René Macé et ses œuvres, par Gaston Raynaud (Parie,
Alphonse Picard, 1878, in-8 de lo p.). Lî brochure de lancien président de
la Société littéraire de Lyon ne nous fait pas seulement très bien connaître
la vie et les livres de Claude Mermet, mais encore tous les hommes, plus ou
moins célèbres, nés à Saint-Rambert en Bugey, dont la charmante descrip-
tion occupe les deux premières pages de la notice, laquelle est, de plus,
I
— 183 —
ornée d'un^ ea'i-forte représentant la pittorresque petite vil'e où l'nuteur
de la Pratique de l' orthographe française et du Temps passé exerça si long-
temps et si paisiblement les fonctions de notaire ducal. — La brochure de
M. Gaston Raynaud, extraite du Cabinet historique, n'a été tirée qu'à
43 exemplaires. Il n'était pas besoia de cela pour donner un grand prix à
un travail excessivement bien fait. Tout ce que l'on pouvait trouver de
nouveau à dire sur René Macé, « un des poi'tes les plus oubliés du seizième
siècle, » le jeune érudit l'a dit. Il nous apprend notamment que l'historio-
graphe de François I"' obtint an prieuré bénédictin, le prieuré de Meaurain,
dépendant de la grande abbaye de Mai'moutiers, L'habile élève de l'École
des chartes signale tous les manuscrits latins ou français que l'on possède
du chroniqueur surnommé le Petit-Moine, et il n'oublie même pas le
poème en l'honneur de la ville d'Angers, dédié à Louise de Savoie, qui
est conservé dans la bibliothèque de Gotha. M. Raynaud nous annonce qu'il
publiera prochainenii-nt le meilleur de tous les ouvrages de R. Macé, le
Voyage de Charles- Quint par la France. C'est une heureuse nouvelle, car le
poème renferme d'abondants détails sur la plupart des personnages histo-
riquf's du temps, ^otre joie serait complète si, de son côté, M. Vingtrinier
nous donnait un choix des plus jolis vers de Claude Mermet. — T. de L.
La Chronique bordelaise. — La Chronique bordelaise, par Jean de Gau-
FRETEAU, ci-devant conseiller au parlement de Bordeaux, commissaire des
requêtes au palais, dont le manuscrit se trouve aux Archives du chùtean de
la Brède, où naquit l'illustre Montesquieu, vient d'être publiée pour la pre-
mière fois par les suins delà Socielc des Bibliophiles de la Guyenne (Bordeaux,
Société des Bibliophiles de Guyenne, 1878, 2 vol. in-8). Commencée vers
la fin du seizième siècle, elle donne de curieux renseignements sur de
nombreux faits qui se sont passés dnns un pays des plus importants du
royau^iie de France. Le mérite historique de cette chronique ne saurait
être contesté. Ce qui concerne l'histoire locale y tient une grande place;
pourtant elle offre par les faits qu'elle révèle, un sérieux intérêt pour celui
qui désire étudier les usages de nos anciennes provinces. Jean de Gaufre-
leau, nous fait connaître ce (jui se passait du temps des guerres civiles. Or,
comme on l'a dit, à chaque instant les assemblées du parlement « faisaient
de l'histoire. )> On y trouve aussi de nombreuses anecdotes qui circulaient
en ville et au palais; elles donnent du piquant et de l'attrait à cette chro-
nique, écrite dans un style original. — A. de Brezetz.
Chorographie de Provence. — Les secondes additions de Bouche à sa
Chorographie ou description de Provence manquent dans presque tous les
exemplaires. Brunet note cette circonstance, mais il en a ignoré le motif.
Mazaugues, président au parlement de Provence, nous en donne la raison
dans une lettre adressée au président Bouhier, le 6 juillet 1828. (Ms. de
la Bibliothèque nationale, Fr. n° 24416). a Les secondes additions de
Bouche sont presque introuvables. Mon père ne les avoit point. J'ai esté à
les chercher jusques à l'année passée. Je fus mesme obligé, pour les avoir,
d'achetter uue histoire de Bouche en entier. On compte ici les exemplaires
où elles se trouvent. La cause de cette grande rareté vient de ce que le fils
du libraire qui a imprimé ce'te histoire vendit à des épissiers ces 2des addi-
tions, croyant que c'estoient la mesme chose que les premières dont il estoit
desjà tissez fourny. » Comme on le voit, les épiciers jouent un certain rôle
dans la littérature; une des victimes de Boileau en savait, parait-il, quelque
chose. — J. Bauquier.
- 184 —
Livres saisis par la police, dans les Hautes-Pyrénées de 1809 a 1820. —
On trouve, dans les archives des Hautes-Pyrénées un dossier de lettres du
directeur général de la police au préfet des Hautes- Pyrénées, ordonnant la
saisie de ditférents livres et brochures dont voici la liste :
Correspondance aiitlieiiLique de la cour de Rome avec la France, in-8 de 87
pages. (Lettre du 15 septembre 1809.) — Réfutation des calomnies contre le
général Charctle, commandant en chef des armées catholiques et royales dans la
Vendée. (18 décembre 1809.) — Doléances des peuples du contiiient de V Europe
au sujet de l'interruption de leur commerce, adressées à tous les princes de cette
partie du monde. (7 lévrier 1810.) — Procès des Bourbons (probablement im-
primé à Hambourg). (19 mars 1810.) — La Campagne du Portugal de 1810 et
1811. (2i juillet 1811.) — Attention! (Imp. de la dame Jeunehomme.) (22
mai 1820.) — Encore une brochure! (Même imp. (27 mai 1820.) — Examen
impartial d'un article extrait de la brochure intitulée : Apperçus historiques .
Imp. de Lanoé.) (8 juin 1820.) — Avis aux citoyens (Imp. de la veuve Jeuue-
homme. (13 juin 1820.) — Lisez ! (Même imp.) (lo juin 1820.) — IJisloire de
la première quinzaine de juin 1820, par M. Raymondin de Cex. (21 juin 1820.)
— Lettre adressée aux membres du club Lorencini,ù Madrid. (9 juillet 1820.) —
Biographie pittoresque des députés (18 juillet 1820). — Bon à savoir. (Imp. de
Lanoé Abel.) (2 août 1820.) — Prenez-y garnie. (Môme imp.) (2 août 1820.) —
Les deux cloches ou Us accusateurs en regard. (Même imp.) (2 aoîit 1820.) C. D.
Bibliothèque médicale de Washington. — Aux États-Unis, un projet est
actuellement soumis au Cmgrès, projet qui intéresse la science médicale.
A Washington, il existe une bibliothèque médicale fort complète, laquelle
dépend du bureau du chirurgien en chef de l'armée (Surgeon's gênerai
office). Cette bibliothèque est naturellement à l'usage presque exclusif des
médecins qui y trouvent tous les ouvrages dont ils ont besoin^ relatifs à la
médecine et aux sciences qui s'y rattachent.
Les directeurs de l'établissement ont fait la remarque que ce dont les
médecins qui viennent travailler là ont surtout besoin, c'est la statistique
aussi complète que possible d'une maladie, d'une opération ou d'un remède
donnés. Or, les éléments de cette statistique sont, ] our la plus grande
partie, contenus dans les journaux de médecine et dans les mémoires ou
transactions des sociélés médicales. Pour rendre ces renseignements acces-
sibles au public spécial qui a b.^soin de les consulter, il a été dressé un ca-
talogue, sur cartes, de tous les mémoires importants publiés dans les jour-
naux et transactions.
Pendant les quatre dernières années surtout, les achats de l'établissement
se sont portés principalement sur les périodiques de médecine, et la biblio-
thèque en possède aujourd'hui la collection la plus considérable, composée
de 8 à 9,000 volumes, ou plus de 75 p. 100 de tous les recueils de ce genre
publiés jusqu'à ce jour. Tout journal médical un peu important actuelle-
ment en cours de publication sur le globe est acheté par la bibliothèque
dont nous parlons, et les mémoires originaux contenus dans chaque livrai-
son de ces recueils sont relevés et cat ilogués, dans l'espace des trois jours
qui suivent leur réception à la bibliotlièque. Les relevés des livres, bro-
chures et articles périodiques relatifs à la médecine, se montent actuelle-
ment à 400,000 titres.
. Le chirurgien ea chef à soumis au congrès une proposition tendant à ce
que l'impression de cet immense répertoire se fasse aux frais de l'État. On
calcule que ce catalogue formera 7 volumes d'un format grand in-octavo,
— 185 —
de 1.000 pages chaque. En y joiguant le catalogue-alphabétique par noms
d'auteurs, ce seront 3 volumes de plus, total : 10.
L'impression de l'ouvrage, à 3,000 exemplaires, en y comprenant la re-
liure, coûterait, d'après les évaluati ms du projet, 12,500 dollars par volume
(le dollai- vaut5fr.); il serait publié, dit le Libranj parîial, 2 Yolumes
par an.
Nouvelle interprétation d'un fragment d'Ulpien. — M. le professeur Sera-
tini publie, dans VArchivio guiiHdicOjdei études exégé tiques sur les Pandectes;
nous les avons sigualéesplusieursfoisdéjà àl'attention des romanislesfrançais.
Il vient de donner dans ce recueil [Archivio, XX, 403-426) une nouvelle interpré-
tation du célèbre fragment d'Ulpien (Loi 25 § 17, De hered. petit. D. V.,3),oà
les mots Nisi emplores regressum ad bonœ fiâti possessorem hahent ont fait le
désespoir des commentateurs. Rejetant les explications et les corrections
proposées jusqu'à ce jour, il admet le texte tel qu'il existe dans tous les ma-
nuscrits et dans la version grecque des Basiliques {d ar] apa à àywpajTT^ç
TO'jto'j yivoijLÉvou ôûvaiai Évayîiv Tto-paTr,, XLIF, I, 25), mais il donne à nisi le
sens de sed,sedta7nen,verumtamen, qu'il prouve par de nombreux exemples:
Plante, Térence, Cicéron {Ad Atlicum xi, 23, etc.; Pro Roscio Amer., xxxv, 99 )
C^sar, Salluste, Aulu-Gelle, Apulée, Suétone. On conçoit l'importance juri-
dique et philologique d'un tel travail. Deux observations toutefois nous pa-
raissent nécessaires : d'une part, pour que la démonstration fût comjilèle, il
faudrait prouver qu'en grec £t' ,u.r) est synonyme de àXXà; d'autre part l'iuter-
prétalion n'a-t-elle pas été déjà donnée en France? C'est un problème biblio-
graphique que nous n'avons pas actuellement le loisir de résoudre. — J.-A. B.
Une errf.ur de M. Littré. — Le Dictionnaire de la langue française, publié
par M. Littré, est un très-savant, très-utile travail; toutefois, il ne serait pas
difficile d'y rt lever quelques erreurs, inévitables d'ailleurs dans une œuvre
aussi considérable; en voici une que nous avons remarquée. Au mot maca-
ronique, le laborieux lexicographe s'exprime ainsi ; « Le latin macoronique
fut inventé, dit-on, par Merlin Couaic (pseudonyme de Théophile Folengu),
pour se venger des dominicains. »
Assez longtemps avant la première édition (Venise, Alexandre Paganini,
■1517) du Merlini Coccaii macaronices, plusieurs Italiens s'étaient exercés dans
le même genre; un peu avant l'année 1490, Tifi OJassi (en latin Typhus
Odaxius) avait mis au jour un Macharonea in-4 (10 f.)qui a étéplusieurs fois
réimprimé (voir le Manuel du libraire, oe édition, t. IV, 156). D'autres p;o-
ductions macaroniques devancèrent le poëme de Jolengo. Voir les ouvrages
spéciaux de MM. F.-W. Gi'nlhe, Geschichte der rnacaro7iischenPoesie, Halle, 1820,
in-8 (livre curieux auquel M. Raynouard a consacré xm article dans le Jowr-
nal des savants, décembre 1831), et Oct. Delepierre : Macaroncena, Paris, 1852,
in-8. — B.
Collection lyonnaise. — La Revue du Lyonnais nous annonce la publi-
cation, faite par la librairie Mongin-Rusand, à Lyon, d'une Collection lyon-
naise, dans le format in-18, entreprise sous la direction de M. Guigne, le
savant archiviste de la préfecture. Le ri" 1 reproduit, d'après un témoin
oculaire, une relatioii du Supplice de Cinq-Mars et de Thou, décapités à Lyon
sur la place des Terreaux, le 12 septembre 1642. Le n» 2, qui vient de pa-
raître, est intitulé : Destruction de l'église de Saint-Just, du cloître et d'une
partie du faubourg, par les protestants en 1562. Enquête et procès-verbaux. Le
troisième, qui paraîtra bientôt, nous donnera l'Histoire de l'abbaye de Saini-
Pierre. s Ces charmantes petites plaquettes, tirées à petit nombre, dit la
— 186 —
Revue du Lyonnais, sont dignes de figurer à c6t-! des œuvres raris-imes
publiées il y a quelques années, par la Société des Bibliophiles lyonnais. »
Bibliographie de l.v Ch.vnson de Roland. — M. Joseph Biuquier a publié
(Heilbronns, llenninger frères; F. Vieweg, 1877, in-8 de 24 p.), une Biblio-
graphie de la Chanson de Roland qwt nous venons de recevoir. Cet utile
travail est ainsi divisé : I. Manuscrits. II. Éditions et traductions III. Dis-
sertations et notes diverses. IV. Index alphabétique. M. Banquier a com-
pris — et nous l'en remercions — parmi les travaux classés dans la qua-
trième division, la dissertation sur le Drapeau de la France insérée dans la
Revue des questions historiques et où il est, en eftet, question de la Chanson de
Roland (1871, t. X, p. idG-63), mais c'est surtout dans uoe seconde disser-
tation sur le même sujet, publiée dans le même recueil (187o, p. 506 et sui-
vantes), que diverses obervations ont été faites, dont on pourrait peut-êlre
tirer parti dans l'étude critique de notre ancien poome. — M. S.
i.iTERARisciiE RcNDSCHAU. — Fondé à Padcrboru (Westphalie), par des
catholiques, ce recueil est à la fois critique et littéraire. Grâce à la collabo-
ration des savant, les plus distingués de l'Allem gne catholique, il gagne de
jour en jour du terrain et tient di.;nement sa place dans la presse ortho-
doxe. — J. A. B.
La Gœrresgesellschaft, — Al'occision du centenaire de Gcerre?, il s'est
fondé en Allemagne une société destinée à favoriser le développ-^ment de la
science dans l'Allemagie catholique. C^^tte société est intitulée : Gœrres-
gesellschaft ziir Fflege der Wisscnschaft im Katholischen Deutschland. Elle doit
sa niissance à M. le baron von Hertling, qui, aujourd'hui encore, se trouve
à la tête du conseil d'ad ninistntion. Elle compte quatre sections : philo-
sophie, sciences naturelles, histoire et droit. Afin d'encourager l'activité de
ses membres, la société organise de sérieux concours et accor Je des bourses
de voyage aux jeunes gens catholiques, pour les mettre à même de pour-
suivre leurs travaux avec plus de succès. A la fin de l'année 1877, la société
comptait mille qiatre vingt-onze membres (10 marks par an, ou 200 marks
en une fois), quatre cent quatre-vingt neuf correspondants [3 marks par an)
et douze membres honoraires. Elle a e-itrepris la publication d'un répertoire
catholique de la science politique.
Revue univrrselle de la presse catholique. — Cet annuaire, publié par
Léo Wœrl à Wurzbourg, est déjà connu de nos lecteurs. Les renseigne-
ments statistiques et les appréciations critiques qu'il renferme se distin-
guent par l'exactitude, la précision et la clarté. C'est avec plaisir que nous
apprenons le développement qu'il prendra l'année prochaine : il parlera
non-seulement des périodiques catholiques, mais des périodiques neutres ou
hostiles. — J. A. B.
Journaux en ixdien. — C'est en 1819 que parurent à Calcutta les premiers
journaux rédigés en indien. En 18(i7, ils étaient au nombre de 140. Depu's
1873, ils se sont multipl es très-rapidement; on en comptait 373 en 1873, et,
deux ans après, l'Inde possédait 6i4 feuilles imprimées en langue nationale.
Bibliographie hongroise. — L'Acadérnie des sciences hongroise s'est chargée
d'éditer l'ouvrage du professeur Karl Szabo sur la bibliographie de l'annenne
Hongrie, ouvrage abondant en renseignements inédits. On y voit que le
premier en date des livres imprimés en langue magyare est du quinzième
siècle; il sorlit. en 148't, d'une presse de Nuremberg, et il existait encore des
exemplaires de l'édition princeps à la fin du dix-huitième siècle Le premier
— 187 —
livre qui ait été imprimé en Hongrie même est dii 1531 ; c'est le Puerilium
colloquiorum formulée, de Sebaldus Ileyden, avec texte latin, allemand,
polonais et magyare. 11 fut suivi, dans le courant du même siècle, de 369
autres ouvrages en langue magyare, dont 48 ne nous sont connus que par
leurs titres et dont un certain nombre ne sont plus repré.-en'és que par un
seul exemplaire. Sur ces 370 ouvrages, 323 ont été écrits par des protest mts, 33
par des citholique'^, 9 par d^-s unitaiies; le dernier sortait de la plume d'un
anabaptiste; 141 étaient t-n ves ; un grand nombre consistaient eu traductions
du latin (Cicéron, Quinte-Curce, Ovide, Salluste, Pline), du grec (Ésope,
Josèphe, Plutir.jue, Sophocle, Xénophoîi), de l'itdien (Boecace), de 1 espa-
gnol, du polonais, de l'.ileaaand, de l'hébreu. Il y arait 16 traductions de la
Bible, tant catholiques que protestantes, 4 pièces de théâtre, 37 chroniques
en vers sur des sujets tirés de l'histoire de Hongrie, 39 sur l'histoire des pays
étrangers et 46 sur l'histoire biblique. Enfin, les imprimeurs magyares étaient
au nombre de 31 [Revue politique et littéraire.)
La Stampa in Ancona. — S ms ce titre, M. Ottino a publié, avec un grand luxe
typographique, une toute petite biochiire, tirée seulement à 60 exemplaires.
C'est une lectiflcalioti de ce qui a été dit. par les bibliog-aphes sur le premier
ouvrage imprimé à Ancône. Ce livie, iutilu é II perché, et qu'il ne fiut pas
confondre avec le Libro del Perché ouvrage tiè^-libre de l'Arétin, a pour
auteur (îirolemo Manfredi, et date de lol2, et non de 1314. La rect'fication
n'a pas une importance cipitale, ma s le Polyhiblion ne devait pas la négliger.
— Voici deux nouveaux ouvrages intéressant l'histoire de la profession
médicale; l'un est du docteur Reué Brian, bibliothécaire de l'Académie de
médecine et auteur d'un grand nombre de trav.iux historiques sur le même
sujet: il a pour titre V Archiatrie romaine ou médecins officiels dans V Empire
romain. (Paris, Masson, br. in-8); l'autie est une thèse de droit romain pour
le doctorat, soutenue par M. Jules Jaquey, devant la faculté de droit de Nancy :
tion juiidiqne de< m-^decins privés et de médecins officiels ou archiatre?.
Condition juridique des médecins privés et dis médecins officiels ou archiatres.
— M. .\iarchegiy vient de publier le Cartulaire du Bas-Poitou, comprenant
des chartes du onzième, du douzième et du treizième siècles, dont les plus
importantes sont tirées des archives de Saint-Fl nent, de Saumur, de Mar-
moutier et de Bois-Grolland.
— La bibliothèque du roi Victor-E nmanuel possédait un certain nombre
de livres rares, parmi lesquels vingt-sept incunables inconnus des biblio-
graphes. M. Castellani les décrit dans sa Notizia di alcune edizioni del secolo
IV°, non conosciute dei hihliographi .
— M. le comte de Villafranca aréuniune très-rennrquable collection d'anciens
livres liturgiques. La partie la plus curieuse et la plus ancienne de son trésor
est révélée au public par les Descriptions des livres de liturgie imprimés aux
quinzième et seizième siècles, faisant partie de la bibliothèque du comte de
Villafranca, que M. Anatole Aies a été charjjé par lui de rédiger. Les notices
décrivent avec exactitude beaucoup d'ouvrages inconnus ou non encore
décrits et donnent uq relevé complet des gravures des livres d'heures.
— M. Em. Picot, qui fait depuis longtemps des recherches sur les origines
du théâtre français, a réuni un Irès-gran ( nombre de documents. Il s'est
particulièrement occupé des sotties, qui sont pour lui l'i ccasion d'un premier
ouvrage : La Sottie en France. Fragment d'un répertoire historiques et biblio-
graphiciue de l'ancien théâtre français. Les pièces qu'il a pu recueillir sont
rangées dans un ordre méthodique, chronologique a':tant que possible, et
se rapportent aux quinzièuie et seizième siècle-. (1440-1330).
— 188 —
— M. François Drnjoi vient de publier un-, nouvelle édition, considt'ra-
blement augmentée et suivie de lu table des noms d'auteurs et d'éditeuis, et
accompagnée de no'es bibliographiques et analytiques, do son Catalogue des
ouvrages écrits et dessins de toute nature, poursuivis, supprimés ou condamnés,
depuis le 21 octobre 1874 jusqu'au 31 juillet 1877. Ce citalogue formera
un beau et fort volume^ gr. in-8, de plus do 4o0 pages et sera publié en
cinq livraisons.
■ — Le Bulletin de la commissio?i archéologique et littéraire de l'arrondissement
de Narbonno pour l'année 1876-1877, qui a paru récemment, renferme un
certain nombre de dissertations importantes. Nous citerons particulièrement
une étude de M. E. Cauvet sur le Mariage des serfs au moyen âge. L'auteur
commente deux traités de parcjuis passés, l'un entre le vicomte de Nar-
bonne et sfs feudatàires, l'autre entre le chapitre d^ Sainl-Just et le cha-
pitre de Saint-Paul de Narbonne. Nous trouvons ensuite le texte complet du
Carlulairc de la seigneurie de Fontjomouse, publié par M. Mougnès, archiviste
de l'Aude; les (îocuraents renfermés ilans ce cartulaire remontent jusqu'aux
temps carolingiens et ne s'arrêtent qu'au dix-septième siècle. Knfin,
M. Cauvet a encore publié, dans le même recueil, une Élude historiquesur l'éta-
blissement des Esrpagnols dans la Seplimanie aux huitième et neuvième siècles,
et sur la fondation de Fontjoncouse par l'Espagnol Jeaa, au huitième siècle.
Ces trois longs mémoires contribueront, dans une large mesure, à éclairer l'his-
toire du diocèse de Nai-bonne au moyen âge.
Publications nouvelles. — Les Prophéties contenues dans les deux premiers
livres des Rois, par M^"" Meignan (in-8, Palmé). — La sainte Bible : Évangiles
selon saint Mathieu, par l'abbé Cl. Fillion, trad. de l'abbé Bayle (ia-8, Lelhiel-
leux). — Catéchisme de la famille chrétienne, par Mst" Mirliu (in-18, Lyon,
Ville et Lutrin). — Le Guide des délégués cantonaux, par E. d'Ollendoa
(in-J2, Ch. Delagrave). — Cours élémentaire de droit criminel, par E. Trébu-
lien. T. L Droit pénal (in-8, Lahure). — Essai sur le droit de chasse, par
Auguste Me.iche de Loi-ne (in-8, Marescq). — Du rôle social des idées chré-
tiennes, par Paul Hibot. T. I (in 8, Pion). — LÉijlise et l'État ou les deux
puissances, par L; chanoiue J. Moulart (iu-8, Louvain, Peelers). — Diction-
naire général d'administration, publié sous la direction d'Alf. Blanche (l^"" fasc,
in-8, P. Dupont). — La Question sociale, p^r E. Fauconnier (in-18, Germer
Eaillière). — La Pratique de l'éducation chrétienne, par le P. A. Montât (in-18,
Bray et Retaux). — La Méthode graphique dans les sciences expérimentales, par
E. J. Marey (in 8, (î. Masson). — Cinq chapitres d'une philosophie pour tous;
essais sur le gouvernement de ta vie (in-32, Puiliers, Oudin). — LiS Méthodes de
guerre actuelles et vers la fin du dix-neuviéme siècle, par le lieutenaut-colonel
Pierron (2 vol. in-18, Dumaine). — Les Récits et les élégies, par François
Coppée (in- 18, Lomerre). — Les Sonnets de Maurice Du Mazel (in-8, Dentu).
— Le Livre final de l'épopée des âges, par le chevalier de Maynard (in-12,
Halon). — Feuilles volantes, par Ch. Louvet (in-8, Didier). — Contes et
Légendes de l'Inde ancienne, par Mary Summer (in-12, Leroux). — Le Secret
du pôle, par A. de Lamothe (in-18, Blériot). — Le Cap aux ours, par A. de
Lîmotlie (in-i8, Blériot). — Les Errantes, par Alex. Hepp (in- 12, Sandoz et
Fischbacher). — Kermadiou, par Léun Noble (in-12, Téijui). — Les Fiancés de
Danemark, par Marie-Anne Catheiine (ia-ii, Téqui). — Primavera, par
Maryan (in-12, Bray el Retaux). — Le grand vaincu, par H. Cauvaiu (2 vol.
in-12, Lecoll're). — Les Récits du capitaine Paul, par Lucien Thonin
(in-i2, Téq i). — Géographie militaire : France, (1" et 2« fasc, in-12,
Dumaine). — Le Pôle et l'équateur, par L. Dubois (2 vol. in-12, LecofFre).
— 189 —
— Fontainebleau, par Ad. Joanne (in-lS, Hachelte). — Pékin et l'inté-
rieur de la Chine, par le comte J, de RocUechoiiart (in-18, Pion). — Les
Opérations maritimes, commerciales et industrielles à Marseille. Comparaisons
statistiques, résultats économiques, par Jouham (in-12, Paris Amyot). —
Sainte Jeanne de Valois et l'ordre de l'Annonciade, par l'abbé Hèbrand
(in-18, Poussitîlf^ue). — La Vie admirable du bienheureux mendiant et pèlerin
Benoit Joseph Labre, par Léon Aubineau. 4^ éiiition (in-12, Pilmé). — M. Léon
Hubert, docteur en médecine, séminariste et prêtre de Saint-Sulpice. 'Notice bio-
graphique par un prclre de Saint-Sulpice (in-12, Vie). — La Papesse Jeanne,
ré(ioase à M. Emnnnuel Rliuïlès, pn' Cli. Buet (ia-I2, Palmé). — Les Albi-
geois devant Vhistoire, par Mathieu Witche (in-12, libr. de la France illustrée).
— Pevue critique de quelques questions historiques, par l'abbé Louis Montant
(in-8, Tiiorin). — Actes et Correspondance du connétable de Lesdiguières, par le
comte Douglas et J. Roman (t. I, in-4, Picard). — Scènes et portraits de la
dévolution en Bas-Limousin, par le comte V. de Seilhac (in-8, Libr. générale).
— Danton, par G. Lennos. (in-12, Sandoz et Fischbacher). — Albert Dilrer, sa
vie et ses œuvres, par Moriz Tliausing (in-4, Didoi). — Louise Lateau, la stig-
matisée de Bois-d Haine {Belgique) (in-32, Lyon, Josserand). — Notice biogra-
phique sur JV. S. P. le P. Léon XIII (in-18, Poitiers, Dupré). — Histoires
d'enfants, par G. Théodore (in-18, Hachette). Visenot.
QUESTIOiNS ET RÉPONSES
QUESTIONS.
Les Catalogues des biblio-
thèques des -villes de pro-
vince. — Il serait intéressant à
connaître quelles sont, hors de Paris,
les villes en France qui ont publié
les catalogues des livres qu'elles
possèdent.
En fait d'imprimés, nous pouvons
nommer Amiens, Bordeaux, Boii-
logne-sur-Mer, Clermont-Ferrand ,
Grenoble, la R clielle, Libourne,
Lille, Limoges, Lyon (rédigé par
Delandine,in-4 et in-8,et iiien arriéré
aujourd'hui; il existe aussi un inven-
taire en 2 vol., rédigé avec beaucoup
de soin, de la bibliothèque spécia-
lement lyonnaise de M. Coste, ac-
quise par la ville), Marseille (en cjurs
de publication), Montpellier, Nan'es,
(5 gros volumes, travail des plus
remarquables) , Napoléon-Vendée ,
Reims, Rouen (Belles-lettres, 1830,
in-8 ; le catalogue de la bibliothèque
Leber, acquise par la ville de Rouen
a été publié par le i'ropriétaiie\
Strasbourg (détruit par l'incendie),
Yesoul.
11 en existe sans doute d'autres,
mais je ne crois pas qu'il ait rien été
mis au jour à l'égard de villes im-
portantes, telles que Toulouse, Pau,
etc. C'est une l.cune qu'il serait
bien désirable de voir combler.
Les catalogues des manuscrits sont
encore plus dignes d'attention que
ceux des imprimés, et leur rédaction
réclame des connaissances étendues.
On possède en ce genre ce qui con-
cernelesdépùtid'Angers, de Bourges,
de Carpentras, de Lyon (rédigé par
Delandine, 1812, 3 vol. in-8), d'Or-
léans (1820, in-8), de Rennes, de
Valenciennes.
Le catalogue des manuscrits ap-
partenant à la ville de Bordeaux,
dont l'impression est commencée de-
puis assez longlemps, n'est pas en-
core achevé.
Une publication entrepri-e en
1857, parorde du gouvernem-^nt et
à laquelle ont pris pari divers éru-
dils (MM. J. V. Le Clerc, Libri et Ra-
Vcti-soo, entre autres), concerne les
manuscrits de diverses bibliothèques
éparses dans les départements
(Laon, Montpellier, Alby, Troyes);
elle ne se borne pas à donner un
inventaire, même fort détaillé ; elle
entre, à l'égard de certains manus-
crits dans des développements très-
étendus, accompagnés de longs ex-
traits. Un catalogue e.itrepris d'après
190
CH'ystème réclamerait, s'il s'étendait
àlaFiauce entière, une centaine de
volumes, tout au moins.
B.C.
La Dibliothècfue du sultan
à Constantinople. — A-t-il été
donné à quelque savant d^ l'examiner
d'une façon s^rieu-e, de se rendre
un comp e exact des richesses qu'elle
peut conte-iir? Un document à cet
égard (et bien peu de pers mnfs en
France en connaissent l'existence) se
trwuve dans une publication alle-
mande : Pfiilologus, Zcitschriftfur clas
Klassische AUcrVmm, Goettitigen,
18b4, t. tX, p. 582-584. C'est une
lii-te dressée par M. Mordtmann ; elle
enumère 46 manuscrits: 22 en grec.
(Homère avec les scholies d'Eusatlie,
Diogène L^erce, Hésiod^*, Pindare);
19 manuscrits latins (Cicér.m, Ji.les-
César), un très-curieux tiaité de chi-
jurgie avec de nombreuses figures,
un recueil d'hymnes ; il offrirait
peut-êtie un utile complémpnt au
Thésaurus Itymnologicus de H. E.
Daniel, Ilalis, 1841-1856, 5 vol, in-8.
Deux manuscrits slaves (es quatre
Evangibs, les légendes des saints);
en italien, Dante avec des figures; en
langue catalane, un traité sur la na-
vigation de la Méditerranée, une
description des iles de l'Archipel,
signalée comme sehr merkivïtrdig
(très-remarquable).
Le sultan a, pour le moir.ent, à
s'occuper de tout autre > hose que de
sa bibliothèque, et il ne serait peut-
être pas difticile à un érudit appuyé
par quelque diplomate, de savoir
à quoi s'en tenir ^ur le mérite des
manuscrits qu'indique M. Mordtmann.
B. C.
I*ortraîtïii rares. — Quel-
qu'un pourrait-il dire si le portrait
gravé de Baudclot de Dah'val, iamen'n
antiquaire, qui ne se trouve pas dans
la collection de la Bibliothèque na-
tionale, mais qui est mentionné dans
la liste du Père Le Long, existe ail-
leurs ? On pense que ce portrait
n'existe pas. Voici, de plus, une liste
de portraits rares signalés aux ico-
nophiles et iconographes. Prière
d'indiquer, dans la réponse, si ces
portraits figurent dans certains ou-
vrages ou recueils : Carcel, horloger,
mort en 1812; Carmontelle. graveur
(lithographie) ; Dcvéria [Achille), cé-
lèbre dessinateur, mort en 1857 ;
Christophe Justd, généalogiste, mjrt
en 16i9 ; le marquis de Jaucourt^ mi-
nistre, mort en 1852 ; dom Mariner,
bénédictin, moii en 1644, par Mon-
cornct; Jacques II de Sanlecque, im-
primeur, mort en i 660; Vestris Lis,
danseur, par Prudhon. Soit dit en
passant, la Bibliothèque nationale
possède (section des estampes) la
plus importante collection de por-
traits g avés ou lithographies qui
existe en Europe. Cette collection
comprenl 120,000 portraits, classés
alphabétiquement dans 14,000 vo-
lumes. Il est, toutefois, regrettable
qu'un grand nombre de portraits
d'hommes célèbres ne figurent pas
dans cette collection. Un travail des
plus nécessaires serait le catalogue
imprimé des 120,000 portraits de la
Bibliothèque. Il rendrait un service
réel aux chercheurs, aux érudits. Es-
pérons qu'il paraîtra un jour. X.
RÉPONSES
Les Hlîirtyrs cle la Révo-
lution (XXII, 286, 479). — Journal
de la dcportation des ecclésiastiques du
département de la Meurthe dans la rade
de l'île d'Aix,près Rochefort, en 1794
et 1795, par un de ces déportés, sans
date, ni nom d'imprimeur, mais à
Bruyères, chez la veuve Vivot, 1796,
in-8. La seconde édition De cet ou-
vrage a paru à Nancy en 1840, 1 vol.
in- 12. L'auteur est feu ,M, le chanoine
Michel, curé de la cathédrale de
Nancy. — La Semaine religieuse, his-
torique et littéraire de la Lorraine
(Nancy, in-8, 1867, livraisons du 14
avril au 16 juin) : Le martyrologe lor-
rain, ou noms des prêtres lorrains qui,
pendant les troubles de la Révolution,
ont généreusement confessé la foi dans
les prisons, dans l'exil ou sur Vécha-
faud, par M. le chanoine Guillaume.
— Histoire eccléciastique et civile de
Verdu7i avec le Fouillé... psiT}i..Ronssel.
Edition revue et annotée. Verdun,
1863, in-4. t. II, p. 102-109 : Nécrologe
des prêtres du département de la Meuse
qui sont morts pour la foi pendant (a
Révolution française. — On trouvera
des renseignements très-intéressants
pour le Val d'Orbey, dans la Vie de
l'abbé Moye, fondateur des sœurs de
la Providence en Lorraine, par M.
l'abbé Marchai. Paris, Bray. et Re-
taux, 1872, in-8. A. B.
191
Le Martirolo(]e ou l'histoire des
Martyrs de la Révolution. A. Co-
blentz, et se trouve à Paris, chez
Artaud, 1792, in-8. Volume attri-
bué par Barbier {Dictionnaim des
anonymes) à J. G. Peltier, auteur des
Actes des apôtres. Livre utile à con-
sulter sur la persécution contre la
religion et ses ministre?, au début
de II Révolution ; il est orné de trois
c rieuses gravures, linement gra-
vées el représentant : la France
éplorée à la vue des meurtres et des
incendies, la nuit du a au 6 octobre
1789 el les ténèbr. s constitution-
nelles.— Tahleaudu massacre des mi-
nistres catholiques et des martyrs de
l'honneur exécutes dans le couvent des
Carmes et à l'abbaye de Saint-Oer-
main le 2 et i septembre 1792 : suivi
d'une histoire parordre alphabétique
desdéi'Utés qui ont voté pour le
jugement de Louis XVI, par Jean-
Gabriel Peltier. Lyon, 1797, in-12. —
Les Héros chrétiens ou les martyrs du
sacerdoce, par feu l'abbé Dubois avec
les noms et les qualités de la ma-
jeure partie de ces respectables
victimes. Paris, Gerniain-Mathiut,
1822, 1 vol. in-8, orné d'un frontis-
pice représentant la mort de l'arche-
vêque d'Arles aux Carmes de la rue de
Vaugirard. — Histoire delà Déporta-
tion à Cayenne, de M. l'abbé Âubert,
curé de Fromentières, suivie de la
liste de tous les prêtres déportés à
Cayenne, éditée par l'abbé Boitel,
chanoine à Châlons-sur-Varne. Clià-
lons-sur-Mai ne, Le Roy, 1868, in-8 de
136 p. B. DE F.
— Souvenirs de la persécution souf-
ferte par le clergé du diocèse de Mau-
rienne pendant la période révolution-
naire de 1792 à 1802. Fragments
extraits d'un mémoire é^ rit pendant
cette période, par l'abbé Molain.
Chambéry, in-8, 1069. R.
— Résultat d'une conférence ecclé-
siastique du diocèse du Puy, tenue en
l'année 184i, sur les Martyrs du
diocèse du Puy, pendant la Révolution
française, imprimé par ordre de
Mgr J Darcimole^, évêque du Puy.
Le Puy, 1845. La l""* partie seule a
paru par les soins de M. A. Péala,
supéritur du qrand séminaire, (Ta-
bleau du diocèse du Puy pendant les
différentes phases de la Révolution.)
Lt 2= pa^le devait se composer de
la biographie des prêtres et fidèles
immolés à celte époque.
G. Arsac.
Un Livre <lii I*. Coyssard
(XXII, 9o, 384). — Une demande a eu
lieu au sujet d'un raiissime ouvrage
du célèbre jésuite auvergnat Michel
Coyssard, né à Besse, près du Mont-
Dorc. Nous donnons quelques nou-
veaux détails et supplément à la ré-
ponse qui a été adressée. Le précieux
volume en quesiion porte ce titre :
Abrégé de l'histoire et miracles très-
bien avérez de Notre-Dame de Vassi-
vières, 2^>'ès du grand Mont-Dore, en
Auvergne, à une lieue de Besse Ae tout
fidèlemenl. tiré dos Mémoires authen-
tiques de M. Jean Cladiere, notaire
juré en l'offic alité de Clerinont, en-
voyez à Ly.m au R. P. Michel Coys-
sard, lésuite ; à Ly^ n, chez Loras
Muguet, 1615. petit in-12 de 92 pages.
Le premier feuillet porte, au-dessous
du titre de l'ouvi'age, une curieuse
gravure sur cuivre, représentant No-
tre-Dame de Vassivières, placée dans
une niche et sur un autel en style
renaissance. Derrière lautel, l'en-
semble des montagnes du Mont-
Dore; la ville de Besse, entourée d'un
mur d'enceinte; la chapelle de Vas-
sivières, un chemin escarpé à travers
dujuel pa-se une procession .'•e diri-
geant, croix en tète, à sa chapelle ;
des pèlerins h cheval ; plus loin, des
chiens de ch;!sse qui poursuivent un
sanglier. Au-dessous de la statue de
la Vierge, on lit ce quatrain :
Mère de nostre rédempteur,
Qui d'habiter ne te desdaignes,
D'Auvergne aux plus haultes montaignes,
Avec ton tils, loge en mon cœur.
Un de nos collègues, bibliophile
et iconophile, possède l'unique exem-
plaire de ce très-précieux ouvrage,
que l'on ne trouve ni à la Biblio-
thèque nationale, ni à la bibliothèque
de Clermout-Ferrand, et que l'i^n ne
rencontre dans aucune collection
privée. Cet exemplaire a, certaine-
ment, une grande valeur dans un
temps oii ces livres rart-s sont cotés
des prix très-é'evés, ainsi quelecons-
taîent les veutei publiques. X.
Xnoîs portraits à trouver.
Le peintre Alluys (XXII. 479,
bo8, XXIII, 95). Le portrait litLogra-
— 192 —
phié du pein're Gault de Saint-Ger-
main (né à Paris en d75i, mort en
1842) n'est pas commun. Nous en
avons vu un exemplaire chezunicono-
phile d'Auvergne, E . François Boyer.
Le pein're Alluys, qui a dessiné
ce porirait, était Auvergnat, d'après
notre collègue A. V. Cela est pos-
sible : Gault de Saint-Germain a
exercé les fonctions de professeur à
l'école centrale de Clermont-Ferrand,
à la !in du dix-huitième siècle. Il a
publié, avec Rabany Beaurcgard, un
volume in-8 des plus in'éiessantsavec
planches, concernant les antiquités
de 1 Auvergne. Toutefois, nous n'a-
vons jamais rencontré le nom d'Al-
luys en Auvegne. Tardieu.
La Fin du "Vengeur (XXII,
478). — La Biographie moderne (Pa-
ris, 1816) rapporte que les opéra-
tions militaires sont toujours déna-
turées dans les rapports de Barrère,
au point que Saint-Just lui-même lui
dit un jour : / Tu fais trop mousser
nos victoires. » C'est aussi de là qu3
ses rapports ont été appelés Carma-
gnoles. Kugène Lepoitevin envoya,
en 1830, à l'Exposition de peinture,
une toile représentant la « Glorieuse
fin du vaisseau le Vengeur ■>•> (n" 1226).
Le livret donne 27 lignes de texte,
sans citer aucune source. Le Magasin
Tpiltoresque (même année, p. 81),
reproduit un épisode du tableau,
accompagné du rapport de Barrère,
de l'ode de Lebrun et du décret de
la Convention. Mais ce ne sont pas
là des preuves. On peut lire, dans la
France militaire (Paris, 1837, t. I,
p. 257), un récit très-impartial de
l'héroïque combat du 13 prairial.
Abei Hugo s'étpnne que les peintres
et les sculpteurs n'aient pas encore
mis le Vengeur sous la consécration
de leurstalents.il cite l'ode deLebnm
et une strophe du Chant des vicloires
de Chénier. Bien entendu que le rap-
port de Villaret ne figure pas dans
la France militaire; encore moins
dans VHistoire de la Révolution fran-
çaise de M. Thiers : « Le vaisseau le
Vengeur, démâté, à moitié détruit,
refusa d'amener son pavillon, aimant
mieux s'abimer fous les eaux que de
se rendre. Les Anglais se retirèrent,
étonnés de notre résistance... L'ami-
ral .lean •• Bon - Saint - André, s'op-
posant à un nouveau combat, ils
purent regagner tranquillement
leurs ports... )^ Jean-Bon-Saint-André
était pasteur réformé et conventionnel
en mission et non amiral. Les marins
eurent de cette affaire une bien plus
triste opinion de lui. L'historien
anglais, Ch. Coote, qui continua
Goldsmitli, s'exprime ainsi : « Un
vaisseau de ligne, appartenant aux
Français, coula à fond, après avoir
été pris, et 300 hommes de l'équipage
furent noyés ; il en aurait péri un
plus grand nombre, si les vainqueurs
n'avaient exercé en cette circonstance
leur humanité ordinaire (?), en sau-
vant l'ennemi du péril qui le mena-
çait [Hist. d'Angleterre, traduction de
M"^* Alexandrine Aragon, Paris, 1837,
t. m, p. 233). Le Vengeur succomba
donc ;;lorieusement devant l'ennemi;
mais où se trouve le rapport de l'a-
miral Villaret? A. B.
Traductions de la Bible
(XXII, 286, 384). — M. B. C, après
avoir cité la traduction Genoude, plus
brillante qu'exacte, celle de M. l'abbé
Delnmay, etc., regrette qu'im com-
mentaire n'e.xisle pas pour mettre à
profit les immenses travaux accomplis
à l'étranger. Il me semble que ce
commentaire magistral nous l'avons,
ou plus exactement nous en avons le
commencement. La maison Lethiel-
leux, de Paris, ne donne-t-elle pas
depuis plusieurs années, avec ime
louable exactitude, une traduction
enrichie d'un commentaire de nature
à satisfaire les plus difficiles ? Le
digne héritier de la science du célèbre
chevalier Drach, M. l'abbé Drach,
curé de Sceaux, groupe autour de lui
une réunion de savants ecclésiasti-
que-^. Lfî traJucteur à été M. l'abbé
Bayle, dt; la fa uUé d'Aix, dont on
regrette la perte. Josué, les juge?,
Riith ont eu pour commenta' eur M.
l'abbé Clair, du diocèse d'Autun;
l'Ecclésiaste, M. l'abbé Motais, du dio-
cèse de Rennes; Isaïe, M. l'abbé Tro-
chon, du diocè e de Coutanc s; enfin
Siint Paul, les Épîtres catholiques,
l'Apocalypse, M. l'abbé Drach. L'or-
Iholoxie est garantie par Vimprima-
tur du vénéré archevêque de Paris et
pnr un br f de Ko. IX, de sainte raé-
rno're. A. T.
Le Gérant : L. Sandret.
Saint-Quentin. Inijirimerie Jules Moureau,
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
POÉSIE
Le Pape, par Victor Hugo. Paris, .Caïman, 1878, gr. in-18 de 140 p. Prix : 1 fr. — '
Les Récita tt les élégies, par F; Coppée, Paris, Lemerre, 1878, gr. in-18 de 198 p.
Prix ; 3 fr. — Edel, par P. Bourget. Paris, Lemerre, 1878, gr. in-18 de 166 j). Prix 3 fr.
— La Justice, poème, par Sully-Prudeomme. Paris, Lemerre, 1878, gr. in-18 de
216 p, Prix : 3 fr. — La Cité divine, poèwe de la religion, par A. Fayet, chanoine
honoraire du diocèse de Moulins. Paris, H. Allard, gr. in-18 de Vl-461 p. Prix : 3 fr.-
— Œuvres poéti(ntes de Louis Veuillot. Paris, Palmé, 1878, gr. in-8 de 443 p.
Prix : 4 fr. — Le Roland de l'Arioste, raconté en vers français, par MarC-Monnieu.
Paris, Sandoz & Fischbacher, 1878, gr. in-18 de iii-242 p. Prix : 3 fr. — La Patrie
en danger, par Albéric d'Antully. Paris, Denta, 1878, gr. in-18 de 224 p. Prix 3 fr.
— Prométhée, drame antique, par Gii. GraND.mongin. Paris, Sandoz, 1878, gr. in-18 de
64 p. Prix : 2 fr. — Les Noces d'or de Jupiter, par Jean LoySeau. Paris, Blériot, 1878,
gr. in-18 de 96 p. Prix : 1 fr, — Les Errantes, par Al. Hepp. Paris, Sandoz, 1878,
gr. in-18 de 138 p. Prix : 3 fr. — Ebauches el reflets, par Paul Réyoil. Paris, Lemerre,
1878, gr. in-18 de 104 p. Prix : 2 fr. — Les Ephémères, par He.nry Chautard.
Paris, Librairie des bibliophiles, gr. in-18 de 1.t9 p. Prix : 3 fr. — Les Gallo-Fran-
ques, par J. Larchet. Paris, Librairie des bibliophiles. !878, gr. in-18 de 80 p.
Prix : 2 fr. — Deux ans de jeunesse, par LÉ0.\ Bonadier. Paris, A. Ghio, 1878,
in-18 de 152 p. Prix 2 fr. 50. — Premières embauches, par E. ViON. Paris, Sandoz,
1878, gr. in-18 de 118 p. Prix 2 fr. — France et Lorraine, par A. ChaRRAUX. iMont-
de-Marsan, Leclercq, 1876, in-18 de 101 p. Paris, 2 fr. — Strophes et sonnets, par
F. Pilate. Paris, Sandoz, 1878, gr. in-18 de 107 p. Prix : 1 fr. — Les Soinets de
Maurice du Moncel, illustrés à l'eau-forte par G. du Kegy. Paris, Dentu, 1878, i'n-8
de 67 p. Prix : 5 fr. — Les Vibrations, par L. Vébé. Paris, Librairie des bibliophiles,
1878, gr. in-18 de 164 p. Prix : 3 fr. 50. — Du grave au doux, par P. Collin.
Paris, Hachette, 1878, gr. in-18 de 198 p. Prix : 3 fr. — Les Aspirations au travail;
études politiques et critiques sur les antithèses sociales, par E. .lOUHAM. Paris, Amyot,
1878, gr. in-18 de 228 p. Prix : 2 fr.— Libres et pures, par E. Gauthier. Paris, Le-
merre, 1878, in-8 de 147 p. Prix : 3 fr. — De Bruxelles à Tervueren, par J. Bailly.
Paris, Quantin, 1878, in-8 de 16 p. — Au jardin d'acclimatation, par le mè.me. Paris,
Quantin, 1878, in-8 de 1 1 p. — L'Egide, par Al. Cheteau. Paris, Ghio, 1878, gr.
in-18 de 23 p. Prix : 1 fr. — Poésies posthumes de PhilOTHÉe O'Neddy. Paris, Char-
pentier, 1878, gr. in-18 de 494 p. Prix : 3 fr. 50.
Il ne s'est pas fait autant de bruit que de coutume autour du der-
nier ouvrage de M. V. Hugo. La conception de ce poème, qui a pu
sembler obscur à certains lecteurs, a dû aider à cette indifférence. Il
se peut même fort bien que, parmi les nouveaux amis de M. Hugo,
il s'en soit trouvé qui n'aient point parfaitement compris l'idée
satirique du livre ^ qui se soient scandalisés de voir un pape parler
souvent un trop noble langage. Un hémistiche à la première page, une
fin de vers à la dernière, donnent seuls à ce langage le sens que
M. Hugo a voulu lui prêter. Cet hémistiche de la première page est
plus que bizarre. Le Pape estreprésenté au Vatican, dans sa chambre,
dans son lit, et il s'écrie : '
Ah 1 je m'endors enfin.
Ce qui serait un excellent moyen de chasser le sommeil sur le
Septembre 1878. T. .\\III, 13.
— 194 —
point d'arriver et ce qu'on trouverait fort ridicule ailleurs que dans
un livre de M. Hugo. Tout ce qui suit n'est qu'un songe où le person-
nage mis en scène par le poète est un pape idéal, dont la conduite, les
propos sont destinés à faire le procès du pape réel. Mais, en dépit des
intentions du poète, son pape modèle, dans ce qu'il a de grand, de bon,
de juste, n'est souvent pas aussi dissemblable de plusieurs des souve-
rains-pontifes véritables que le poète l'eût bien voulu. Il a souvent de
belles paroles de charité, de mansuétude, d'abnégation, d'équité,
mais il a aussi des discours étrangement impies (p. 57). 11 fallait bien
que, de temps en temps, le poète se donnât la satisfaction d'apparaître
lui-même. Dans une succession de rapides chapitres, le pape du rêve
est mis en rapport avec les rois, avec les peuples, avec les combat-
tants, avec les insurgés, — M. Hugo a un faible peureux, — avec une
nourrice, avec un archevêque bâtissant une église, etc., etc. Le pape
tient, dans toutes ces circonstances, des discours qui, je le répète, sont
fréquemment beaux et chrétiens; mais, in cûuda venenum, le vrai pape
se réveille, le rôle qu'il a joué dans le songe lui semble horrible et il
s'écrie :
Quel rêve affreux je viens de faire!
C'est indiquer l'antithèse entre le pape tel qu'il devrait être et tel
qu'il est suivant M. Hugo, c'est la pointe de cette longue épigramme.
Une autre cause du succès médiocre de ce poème, c'est que l'on se
fatigue d'un style qui est toujours le même, de ce mélange de belles
pensées et d'incohérences, de vers merveilleusement frappés et devers
grotesques, d'images colossales et de vulgarités, de ce cliquetis d'an-
tithèses. On retrouve là ce qu'on a trouvé dans toutes les dernières
œuvres du poète. Ce sont toujours les mêmes procédés, le même stjle;
c'était trop de publier coup sur coup les deux derniers volumes de la
Légende des siècles, V Art, d'être grand-père et le Pape, il fallait laisser un
peu d'espace entre tous ces livres, il fallait laisser au lecteur fatigué
le temps d'oublier un peu. M. Hugo a, jadis, appelé l'un de ses
meilleurs volumes les Rayons et les Ombres. Ce titre caractérise par-
faitement tout ce qu'il fait; seulement les rayons diminuent et les
ombres grandissent : on sent bien qu'on est au soir et près de la nuit.
Majoresque cadunt altis de montibus umbrœ.
— M. Hugo, dans plusieurs de ses livres, dans la Légende des siècles,
notamment, a manié, avec un admirable talent, le vers narratif qui
semblait d'un usage si difficile dans notre langue. Il l'a dégagé des
épithètes oiseuses qui aidaient à le façonner, il lui a donné une
fermeté de bas-relief. M. Coppée se rattache à son école, il a aussi
l'art de bien faire le vers épique, mais sa manière diffère toutefois en
divers points de celle de M. Hugo. Il a moins d'ampleur, moins
— 19o —
d'images, plus de précision. Ceux qui ne sont pas quelque peu du mé-
tier ne comprendront pas aisément toutes les difficultés de cette
poésie qui a par moment la simplicité de la prose, mais qui a aussi
une vigueur, une netteté que la prose ne saurait posséder. Qu'on lise
avec attentioQ les récits de M. Coppée, on sera frappé du très-petit
nombre d'épithètes qu'ils renferment, et ce sont les épithètes, si com-
modes pour allonger un alexandrin trop court ou pour fournir une
rime, qui affadissent le stjle. Dante était très-économe d'épithètes :
dans les douze vers qui terminent l'épisode de Françoise de Rimini,
on n'en trouve qu'une et celle-là admirablement placée.
M. Coppée, dans les Récils et les Élégies, s'est plu à raconter, avec les
éminentes qualités que nous venons d'indiquer, divers épisodes, les
uns ayant un fond réel^ les autres d'invention. Tous les pays, tous les
temps, ont fourni des scènes au poète. Son premier tableau plein de
grâce et de couleur, les Yeux de la femme, nous transporte dans
l'Eden, à la création d'Eve. Nous voudrions avoir l'espace suffisant
pour parler de plusieurs de ces beaux petits poèmes : du Jugement de
l'Épée, du Liseron, de la Tête de la sultane où, tour à tour, nous appa-
raissent les hommes du moyen âge et de l'Orient. Le récit intitulé
rUn ou l'Autre, emi^rnnté kVÉpoque ré iwlutio7inaire, est fort dvsimsi-
tique; le poème : la Veillée, inspiré par notre dernière guerre, offre
une situation poignante, et, dans quelques pages, l'émotion arrive
à son comble. Il y a une grande variété dans ces narrations, et c'est
avec un empressement que les volumes de poésies ont rarement le don
de provoquer, que l'on passe d'un récit à Tautre. Tous ces petits
poèmes n'ont pas cependant la même valeur : la donnée de quelques-
uns n'est pas suffisamment intéressante, l'espèce de légende intitulée
la Honte aurait pu rester dans les cartons de l'auteur. Si la Moisson
d'Épées, où Jeanne d'Arc a un rôle, n'est, comme je le crois, empruntée
à aucune chronique, à aucune tradition, on peut regretter que
M. Coppée n'ait pas cherché un épisode réel dans la vie de laPucelle
pour le redire avec cette simplicité et à la fois cette énergie qui
donnent à son talent un caractère original.
Les Récits épiques sont suivis, sous ce titre l'Exilée, de pièces de
rhytmes différents, dont quelques-unes fort gracieuses, de morceaux
de courte haleine sur les douze mois, et, sous l'intitulé : Jeunes Filles,
de six compositions : dont les sujets sont empruntés à notre époque,
et qui pâlissent un peu quand on les compare aux Récits épiques.
— J?de^, deM.Paul Bourget, dontle nom apparaît en tête de l'une des
poésies de M. Coppée, appartient à l'école de ce dernier. C'est l'écolier
auprès du maître. M. Bourget, dans sa préface, entrevoit pourtant un
genre nouveau. Entre la poésie historique représentée par M. Leconte
de Lisle et la poésie romantique de M. Hugo et de ses disciples, il
— 196 —
croit comprendre ce qu'il faudrait pour que cette poésie fût créée,
et il ajoute cette pensée, aussi peu neuve que peu consolante : a Hélas !
il me suffit de relire Edel pour constater une fois de plus que, dans la
littérature comme dans la vie, l'homme réalise malaisément ses
rêves. »
En effet, Edcl n'est pas appelé à faire une révolution dans la répu-
blique des lettres. C'est une histoire d'amour, se passant de nos jours
à Paris, et, pour raconter les détails de la petite vie intime, Fauteur
s'efforce — et n'y réussit que trop — de donner à la poésie toutes les
allures de la prose. Mais ce n'est pas là le style net et ferme de
M. Coppée. La langue, dans ce poème, n'est pas toujours trés-res-
pectée. On y lit, par exemple :
Ce fut l'étincelle
Qui fit sauter la mine et mou bonheur avec.
Les néologismes abondent; et parfois, sans doute, parce qu'il écrit
trop vite, le poète ne voit pas qu'il se contredit ; c'est ainsi qu''il parle
de cheveux bruns qui blondissent autour d'un front. Il pense faire grand
éloge de beaux yeux en les qualifiant de noyés, ce qui, du reste, ne
les empêche pas d'avoir une flamme intense. Trop de vers à la césure
dédaignée manquent complètement d'harmonie. A côté de cela^ à côté
de pensées vulgaires comme celle-ci :
Le temps qui guérit tout, le temps que rien n'arrête...
il y a, dans Edel, quelques pages assez brillamment écrites, des des-
criptions réussies, des analyses de sentiments bien faites. Les morceaux
lyriques, qui coupent de temps en temps la trame des alexandrins, sont
très-faibles. M. V. Bourget est privé d'une source féconde d'inspi-
ration : il est sceptique, et met le plus grand soin à le répéter.
— Depuis longtemps, M. SuUy-Prudhomme occupe une place glo-
rieuse parmi nos poètes contemporains. Son nouveau livre, la Justice,
est une œuvre grave, pleine de hautes pensées, mais ne s'adresse pas
à ceux qui croient que la poésie est faite seulement pour charmer
et distraire. La Justice s'adresse plutôt à des esprits anxieux et
préoccupés de grands problèmes qu'il semblerait que la prose soit plus
que la poésie apte à résoudre. Les catastrophes dont nous avons ré-
cemment été témoins et victimes ont profondément ému et troublé le
poète ; il en est venu à se demander ce qu'est la Justice, et à ne plus y
croire. Puis, à ce découragement, ont succédé la recherche, et enfin
l'apaisement. Le poème renferme dix chants, ou veilles; les sept pre-
miers se composent de l'expression des doutes du chercheur — con-
centrés dans le cadre du sonnet si habilement manié par M. Sully-
Prudhomme — et par la réponse d'une voix mystérieuse, réponse qui
provoque une observation sceptique du chercheur. Cette invariable
I
— 197 —
forme de discussion, il faut bien le reconnaître, a de la monotonie, et
la riposte ironique par laquelle se termine chaque veillée, riposte de
deux vers seulement, a quelque chose de sec et quelquefois de singu-
lièrement prosaïque. C'est sans doute un contraste cherché, mais il
n'est pas toujours d'un effet heureux.
Dans la huitième veille, le poète résume les phases de la crise qu'il a
traversée. Repoussé par le monde extérieur, qu'il a vainement inter-
rogé sur la Justice, il en revient au témoignage de sa conscience. Je
copie exactement l'argument de la neuvième veille : « Une série
d'êtres, successivement apparus sous des formes de plus en plus com-
plexes, animés d'une vie de plus en plus riche et consciente, rattache
l'atome dans la nébuleuse à l'homme sur la terre. Les révélations de
la conscience humaine semblent concorder avec cette loi d'évolution,
et il en peut sortir une définition de la dignité et de la justice. »
L'idée du dernier chant n'est pas moins abstraite : « 11 n'j a pas de
justice hors de la sympathie, et c'est la conscience et la science qui
développent la sympathie. Le progrès de la justice est lié à celui des
connaissances et s'opère à travers toutes les vicissitudes politiques. »
Voilà quel est le sujet du poème de M. Sully-Prudhomme, sujet tout
métaphysique, et que l'auteur a du aborder en songeant à Dante.
Mais Dante trouvait, dans la manière dont il avait compris son œuvre,
des ressources que n'a pas eues M. Sully-Prudhomme. Quelque étrange
que soit le monde où Dante nous transporte, il y a, dans ses créations,
une vraisemblance relative, nécessaire à toutes les productions, même
à celles où l'imagination se développe avec le plus de liberté. Il y a,
dans la Divine comédie, une unité due à la présence du poète, constam-
ment en scène ; il y a un mouvement produit par tous les personnages
qui sans cesse s'}^ succèdent, par les épisodes qu'invente le poète ; les
dissertations y sont subtiles ou profondes, mais sont amenées d'une
manière pour ainsi dire dramatique. Il faut le reconnaître, il n'en est
pas ainsi dans la Justice; cependant M. Sully-Prudhomme y est resté
poète en devenant philosophe, et poète il faut qu'il soit à un degré
éminent pour conserver ses lecteurs jusqu'au bout d'une œuvre si
sévère. Une langue harmonieuse, l'éclat des images, font oublier
l'austère obscurité de la donnée générale. Charmé par la douce musique
des vers, souvent on s'y tient à peu près et sans chercher à sonder bien
profondément les pensées qui peuvent se trouver au delà. M. Sully-
Prudhomme a fait une tentative hardie, dont la difficulté ne l'a pas
vaincu, mais il serait fâcheux qu'il eût des imitateurs, et dangereux
peut-être pour lui-même qu'il persévérât dans cette voie nouvelle.
— C'est une grande entreprise qu'a tentée M. Fayet en écrivant la
Cité divine. Le sujet de son poème est, comme il le reconnaît, aussi
vaste que l'univers. C'est l'histoire de la religion depuis la création
— 198 —
jusqu'à des époques qui pour nous sont l'avenir, que nous ne connais-
sons que par les prophéties, jusqu'à la fin du monde, jusqu'à la résur-
rection, jusqu'au jugement dernier. Que de siècles, d'événements, de
transformations, de révolutions, le poète passe en revue dans cette
longue œuvre à travers les âges ! Il traverse l'Ancien et le Nouveau
Testament, les temps barbares, le moyen âge, la renaissance, les
temps modernes, peignant tour à tour les hommes qui exercèrent le plus
d'action sur leur époque, d'abord les personnages de la Bible, puis
ceux de l'histoire. M. Fayet ne voulait rien inventer; son imagina-
tion se trouvait nécessairement contenue dans des limites infran-
chissables ; mais s'il ne lui était pas permis de l'employer à créer des
épisodes, il ne lui était pas défendu de lui demander le coloris qui
donne de l'intérêt, de l'éclat à une œuvre de poète. C'est ce que
M. Fayet a fait trop de fois pour que je les puisse indiquer. Plusieurs
des nombreux portraits qu'il a été^amené à tracer sont habilement
peints. Après avoir nommé Clovis, M. Fayet a un beau mouvement,
dans lequel il retrace les grandeurs futures de la France.
Quelquefois en voulant trop grouper les événements et les hommes,
M. Fayet produit un peu de confusion, comme dans ce passage, qui
termine son beau tableau des arts au moyen âge :
Ainsi que l'art bientôt, tout renaît tout grandit^
La langue par degré s'épure et s'enhardit.
Comme les gais oiseaux, dans la Provence en fêtes
Sous les orangers d'or gazouillent les poètes.
Colomb vers l'Occident a lancé ses vaisseaux :
Gimabue déjà prépare ses pinceaux
Pétrarque va chanter, et, de son aile ardente,
La Muse avait touché le front sombre de Dante.
Inutile de rappeler que Cimabue est antérieur à Colomb, qui semble
là le contemporain des troubadours et que Ton paraît vouloir faire
vivre avec Pétrarque. Ces vers, du reste, peuvent donner une idée du
style de l'auteur, style un peu classique, un peu ralenti par les épi-
thètes, mais pur et harmonieux. Si nous disions à l'auteur que la
critique n'aurait rien à reprocher à son livre, qu'elle ne pourrait lui
signaler quelques défauts de proportions, quelques vers négligés ou
prosaïques, quelques défaillances, si nous ajoutions qu'ayant à refaire
des tableaux exécutés déjà dans le Paradis perdu et la Messiade, il n'a
rien eu à craindre de la concurrence de Milton et de Klopstock,
certes le poète ne nous croirait pas ; mais enfin il a fait un3 œuvre
qu'il est glorieux d'avoir entreprise et que Dante lui-même n'aurait
sans doute pas complètement réussie, tant le sujet est immense.
— M. Veuillot, il y a quelques années, a fait paraître ses premiers
vers. Voici toutes ses poésies réunies en un volume, qui suffirait cer-
_ 190 —
tainement à faire la réputation d'iin poète, mais qui souffre peut-être
de la réputation plus grande du prosateur. M, Veuillot a toutefois
conservé, dans cette transformation, beaucoup des éminentes qualités
qui l'ont placé si haut et ne semble aucunement gêné par les entraves
du rhjtme, il manie tous les genres, de la satire au sonnet, de l'ode
à l'épigramme avec une remarquable facilité. Cette diversité de ton
donne un grand attrait à la lecture de son livre, dont Tensemble offre
un aspect tout à fait à part. La verve n'y languit pas, dans ce livre,
et la satire j a une large place. Il j a du Boileau, du Régnier, du
Juvénal dans beaucoup de ses pages : qu'on lise Rimes et Raisons,
Lanterne, r Art poétique, le Crevé. Certains sonnets sont excellents, tel
est celui qui a déjà paru dans les Odeurs de Paris, et qui est intitulé
Nos païens. Le trait qui le termine est tout gaulois. Bien des pièces de
M. Veuillot pourraient sembler écrites par nos meilleurs épigramma-
tistes du dix-huitième siècle. Quelquefois elles les rappellent même un
peu trop par la crudité de la pensée et de l'expression, comme dans Une
mort subite{^. 250), Un réformateur (ç. 2^5), De ceux qu'on laisse passer
(p. 259). Peut-être, dans la partie satirique du livre, sera-t-on tenté de
trouver M. Veuillot peu charitable à l'égard de ses adversaires et de
regretter de les voir désignés si clairement ou même souvent nommés
en toutes lettres. Mais ces adversaires personnifiant, aux yeux de
M. Veuillot, Terreur, les mauvaises doctrines, le poète croit accomplir
un devoir en leur portant de rudes coups ; d'ailleurs ces adversaires
eux-mêmes l'ont attaqué souvent avec des armes du même genre — mais
moins bonnes — et il peut se croire dans le cas de légitime défense.
A côté de ces vers mordants, parfois — pourquoi n'en pas convenir?
— d'une expression un peu triviale, M. Veuillot se livre aux inspira-
tions les plus élevées, comme, par exemple, quand il traduit des pas-
sages des livres saints. La fin du volume est remplie par des vers
écrits pendant ou depuis nos désastres. Le Rêve d'un assiégé, composé
de stances de trois vers à rimes masculines et ayant pour refrain
Alléluia, les Rapports de l'espion, la Chanson pour les enfants, qui
semblent avoir emprunté quelque chose à la poésie populaire, nous
paraissent devoir être loués tout particulièrement. Obligé de quitter
ce recueil, nous nous reprochons de ne pas en avoir donné une idée
suffisante. Ceux de nos lecteurs qui aiment les poètes voudront le lire
d'un bout à l'autre ; ils pourront penser que plus mince le volume eût
été meilleur, et cependant ils ne le trouveront pas trop long. Ils en ,
retiendront bien des traits excellents. M. Veuillot a dit qu'il aime :
Un vers que la raison impose à la mémoire,
et, des vers de ce genre, il y en a beaucoup dans ses Œuvres poétiques.
— Traduire Roland furieux en vers est une entreprise difficile, qui a
— 200 --
tenté plus d'un audacieux. Dès 1555, Jean Fournier en faisait pa-
raître les quinze premiers chants en rime française . En 1580, Jean de
Boessières recommençait le même travail, mais le limitait à douze
chants. De nombreux fragments furent ensuite imités par plusieurs de
nos vieux poètes en renom. De nos jours, M. de Frenilly et M. Daran
de Chavagne ont, chacun de son côté, composé en vers une traduction
complète de VOrlando. Plus récemment, M. Ragon en a donné une
traduction partielle dans de longs fragments reliés par une analyse
rapide en prose. Voici enfin M. Marc-Monnier qui entre en lice. Il
n'a pas voulu nous donner tout le Roland. Il s'est borné à recueillir
dans le poème italien ce qui concerne ce personnage et n'a traduit
littéralement que les passages où le paladin est en scène. Mais, on le
sait, ses aventures s'enchevêtrent avec d'autres ; une foule de che-
valiers, de damoiselles, qui se rattachent plus ou moins à l'histoire de
Roland, qui, par conséquent, ne pouvaient entièrement être laissés
de côté, apparaissent ici dans de si rapides analyses que l'intérêt n'a
pas le temps de naître pour ces créations épisodiques et qu'une cer-
taine confusion se produit. On se prend à regretter alors les détails du
poème italien, toutes les aventures quel'Arioste mêlait si habilement,
les charmants débuts de ses chants. Cette critique exprimée, il ne reste
qu'à féliciter M. Marc-Monnier de la manière dont il a rendu les vers
de l'original. Il n'a pu en calquer exactement le rhytme, — l'octave avec
ses six premiers vers sur deux rimes croisées, serait impraticable dans
uneproductionfrançaise de longue haleine; mais le traducteura combiné
une stance qui reproduit, autant que possible, l'harmonie et l'aspect de
l'octave italienne. Sa stance commence par deux rimes plates, puis le
troisième vers rime avec le cinquième, le quatrième avec le sixième,
et enfin les deux derniers, comme dans l'octave, ont la même conson-
nance. M. Marc-Monnier a choisi le vers dissyllabique, qui répond
bien à Vindecassillabo, en plaçant la césure après le quatrième pied et
quelquefois après le sixième. Cette dernière combinaison, employée
dans quelques vers de nos vieux poèmes, dans le roman à'Aiol, par
exemple, est d'ailleurs peu harmonieuse. Je le répète, la stance de
M. Marc-Monnier donne bien une idée du texte ; le style de l'Arioste
a été aussi soigneusement étudié et souvent heureusement imité. Il
me serait facile d'en donner de nombreuses preuves, et je n'aurais
garde d'oublier la traduction de l'octave xlii et de l'octave xliii du
premier chant, des vers si jolis et si connus :
La Yirginella e simile alla rosa.....
Le traducteur les a fait très-habilement passer dans notre langue
et, en le voyant se tirer si bien d'affaire, on est tenté de regretter qu'il
n'ait pas voulu aborder la traduction complète de Roland. Tel qu'il
— 201 --
est, du reste, son livre forme un petit poème presque régulier, il inté-
ressera et amusera, et, il faut bien en convenir, trouvera plus facile-
ment des lecteurs que s'il eût oifert une traduction des quarante-six
chants, des cinquante mille vers environ de VOrlando furioso.
— Dans la Patrie en danger, M. Albérie d'Antullj — est-ce un
pseudonyme ? — a reproduit deux phases de nos désastres : les hor-
reurs de l'invasion et celles de la Commune. M. d'Antullj a le talent
du vers dramatique, ses tirades sont, en général, fermement écrites,
son dialogue est énergique et bien coupé. Il pourra aborder le théâtre
quand il aura trouvé un sujet propre à la scène. Dans les deux œuvi^es
qu'a réunies ce volume, outre certaines inexpériences, les données
sont trop rapprochées de nous pour qu'on ose les risquer sur un
théâtre. Il y a, dans les deux drames, une grande ressemblance de
situation ; le dénoûment du premier VEnnemi, est à peu près
le même que celui du second, le Peuple. — Pourquoi aussi avoir donné
le nom gascon de Goyac à un propriétaire des environs de Mézières et
le nom par trop romantique de Sylvane à sa fille ? Les plus petits
détails ont leur importance, dans une œuvre dramatique surtout, où
tout doit concourir à une ressemblance relative... Mais nous tenons à
le répéter, ces deux essais ne sont pas dépourvus détalent; ils offrent
de belles scènes, de beaux passages. La tirade du communard Jean,
dans le dernier, est d'une sauvage énergie. M. d'Antully ne s'en
tiendra pas à ce volume, son coup d'essai, nous le croyons, il a
évidemment le style dramatique .
— Prométhée, de M. Grandmongin, est la glorification de la révolte
de l'homme contre le ciel et de l'anéantissement de la divinité. Un
chant, qui suit la délivrance de Prométhée, étale sans réticence la
néfaste pensée du poète :
Rien ne reste de nous dans les cieux dépeuplés
Ne cherchons plus là haut de maîtres inutiles.
Et, marchant librement dans les pleines fertiles,
Vers un même idéal, unissons nos efforts.
Adorons la splendeur des êtres et des choses,
La grâce de la femme et le parfum des roses,
Hommes, vivons enfin, puisque les dieux sont morts,
M. Grandmongin a du talent, et il est triste de le lui voir employer
à exprimer des idées d'athéisme qui. lors de la première révolution,
envoyaient Anacharsis Clootz à l'échafaud et que combattait Robes-
pierre. — Que de progrès nous avons faits !
— Voici encore un poème mythologique, mais d'un tout autre genre ;
c'est de la mythologie burlesque, à ia façon de celle d'Orphée aux
enfers, sauf toutefois toutes les questions de convenance observées
par l'auteur. Nous n'aimons pas beaucoup cette espèce de comique
- 202 —
produit par des anachronismes, et qui consiste à transporter dans
l'Olympe les idées, les mœurs et les usages de la vie parisienne, à
faire de Jupin un bon bourgeois; ce sont des plaisanteries dont on se
lasse vite et d'un accès facile. Une fois le genre admis, il faut recon-
naître que Jean Loyseau a spirituellement écrit son petit poème, et
que les vers n'ont nullement gêné cet esprit à la fois juste et piquant.
Jupiter, après avoir célébré ses noces d'or avec Junon, a juré par le
Styx de ne rien refuser de ce qu'on viendrait lui demander dans ce
grand jour. Il se voit, par son serment, obligé d'exaucer les vœux
d'une députation qui le prie de marier le jour et la nuit. De cette
union funeste naissent une foule de maux et tous les désordres ima-
ginables... On voit d'ici l'idée allégorique de l'œuvre; le poète,
d'ailleurs, l'expose dans un épilogue, où l'on remarque des vers bien
frappés, celui-ci entre autres :
Où tout est respecté rien n'est plus respectable.
Le poète ne veut pas qu'on cherche à unir des choses incompa-
tibles :
Le faux avec le vrai, le saint avec l'immonde.,.
Le Christ et Bélial, et le jour et la nuit.
La langue de Jean Loyseau est bonne; nous signalerons cependant,
page 92, l'adverbe de suite employé au lieu de tout de suite, dont le
sens est fort différent.
— Si, dans quelques années, M. Al. Hesp continue à faire des vers,
comme cela est probable, car son volume semble indiquer une vocation
réelle, et s'il relit les Errantes, il trouvera sans doute qu'il s'est trop
pressé de le publier. A côté de pièces assez réussies, il en est d'autres
faibles, et sur lesquelles les reflets de Musset sont visibles. Quand l'âge
plus mûr sera venu, l'auteur pourra trouver encore qu'il a fait au
public bien des confidences d'un médiocre intérêt; enfin, devenu plus
sévère sur la langue, il se reprochera d'avoir parlé d'un aigle fixant le
soleil (p. 6), et d'avoir, par besoin d'une rime, inoculé le mot gazouillis
(p. 18). Mais reconnaissons-le aussi, il est beaucoup de vers bien
frappés, harmonieux, faciles, rimes richement, qui provoqueroKtun
très-légitime sourire de satisfaction sur les lèvres devenues plus sé-
rieuses du poète.
— Ébauches et reflets: En appelant ainsi son volume, M. Paul Revoil
Ta bien caractérisé. Ses vers sont, en efl'et,des esquisses, des essais, et
les reflets n'y manquent pas. Le livre se termine par une sorte de petit
conte : le Plateau, que l'auteur aurait pu, sans risque, laisser au fond de
son tiroir. A l'exemple de deux ou trois vieux poètes espagnols, imités
par Orante, M. Revoil fait assez bizarrement désespérer l'espérance
(page 39).
— 203 —
— Nous espérons ne pas être indiscret en nous arrêtant un instant
devant un volume qui. n'a pas été mis en vente, les Éphémères. Nous
nous arrêtons devant ce volume avec les mêmes sentiments que
devant une tombe. M. Henri Chautard est mort le 19 janvier 1876, à
trente-un ans. Des mains pieuses ont recueilli les vers assez nombreux
qu'il a laissés, et qui inspirent de si vives sympathies pour leur jeune
auteur. M. Henri Chautard était à bonne école ; on doit à son père
une très-remarquable traduction en vers des œuvres d'Horace, Il en a
été parlé dans cette Revue.
— Il y a une certaine verve, mais aussi un peu de décousu dans
les Gallo-Franques de M. Jean Larchet. Le livre débute par des
stances où l'imitation de Musset est visible. La pièce intitulée Blanche,
dont la fin ne me plaît pas beaucoup, offre un touchant portrait d'une
jeune fille mourante. Des fragments d'un poème sur lord Byron sont
peut-être la meilleure partie du volume. Je n'aime pas l'Empire, mais
je n'aime pas non plus une sorte d'ode d'un stjle étrange, adressée à
Napoléon IV. Innocent des fautes de sa race, exilé, le prince a droit
à des égards trop oubliés par le poète.
— M. Léon Bonardier a chanté Deux ans de jeunesse. Comme on
peut le penser, l'amour a un grand rôle dans ce livre, ainsi que les
découragements qu'à cet âge il est un peu trop de mode d'afficher.
En résumé, vers assez faciles, sans rien de saillant.
— M. Ernest Vion, dans ses Premières ébauches, ne manque ni de
verve, ni d'originalité. 11 a souvent l'image imprévue et vraie, mais
le goût, le tact, font fréquemment défaut dans ces essais, et l'auteur
tombe aisément dans l'étrangeté. M. Vion dédie son livre à Mistral,
mais il est républicain, et a soin d'écrire le Roi avec un y; il est de
plus impie, ce qu'il proclame dans une épître à M. Veuillot, épître où,
malgré ses opinions, il avoue son admiration pour le grand prosateur.
M. Vion n'est pourtant pas du côté de la république aimable ; il nous
promet du sang (p. 8) :
î_e sang nous rougira comme une sorbe mûre,
Quand nous nous prendrons corps à corps.
Belle perspective ! On peut se demander si, au fond des opinions de
M. Vion, il n'j a pas quelque chose de ce sentiment qui fait dire au
personnage d'une comédie : « Soyons tous grands seigneurs, c'est
comme cela que j'ai toujours compris l'égalité ! » — Dans une pièce
à Mistral, le poète s'écrie que :
si comme l'argent cela pouvait se prendre,
il n'hésiterait pas, plein d'une convoitise folle et le poignard à la main,
à voler le génie de celui à qui il s'adresse, et à devenir assassin.
— 20i —
L'aimable Lomme ! et que l'illustre félibre doit être flatté de ce com-
pliment singulier. Je l'ai dit, et on le voit, M. Vion a des idées
bizarres ; il voudrait avoir pour encrier le creux de la main d'une
femme. Alors, il en est certain, il ne tracerait plus que des vers ad-
mirables. Souhaitons-lui cette gracieuse ccritoire.
— M. Franck Pilate est républicain aussi, et, de plus, fort irré-
ligieux ; il attaque ce que je vénère, il écrit en italien un mauvais
sonnet sur le B. Labre ; cela ne doit pas m'empêcher de reconnaître
qu'il y a dans son livre des vers bien faits. Son petit poème sur
Geoffroy Rudel n'est pas mal narré ; seulement Geoffroy Rudel, trou-
badour, n'était nullement un ménestrel des comtes de Bretagne.
Le Fils de Ganelon, inspiré par un drame célèbre et écrit la Légende
des siècles sous les yeux, a de bonnes stances; mais M. Pilate a eu tort
de mêler des créations des poètes italiens, Marphise, Bradamante,
aux guerriers chantés par les trouvères.
— Les sonnets de M. Maurice du Moncel ne manquent pas d'origi-
nalité. L'auteur a son franc parler sur la politique — il aime peu celle
qui se fait aujourd'hui — et sur les grands personnages du jour, dont il
n'est pas du tout le courtisan. Les peintures réalistes n'effrayent pas
— pas assez peut-être — M. du Moncel. Il n'est pas, lui, un poète lan-
goureux, et ne craint pas de célébrer, à l'exemple de nos pères, les
crîis de Champagne et de Bourgogne. Il crayonne aussi des impres-
sions de voyage ; les voyages, il les aime, surtout pour avoir le plaisir
de revenir à Paris.
— La moue de lord Byron a fait grimacer bien des innocents
visages, disait A. de Vigny. On peut maintenant remplacer dans cette
phrase Bj^ron par Musset. Voici un livre de plus qui le prouve ; mais
ce n'est pas du tout être original que d'imiter l'originalité d'un autre
et les Vibrations sont surtout des réverbérations. Nous avons peu de
chose à dire de ce volume, orné d'une préface cavalière qui prévient
peu en sa faveur, parsemée d'expressions vulgaires, gavé par exemple,
et émaillé de stances dans le goût de celle-ci :
Te souviens-tu de ma voix rauque
Quand je t'ai dit : Madame, et puis.
Après un long soupir baroque
« Il fait bien chaud! » Ah ! ah! j'en ris,
Le livre de M. Vébé n'est tiré qu'à cent exemplaires ; c'est, au point
de vue typographique, un charmant volume.
— C'est en 187G que M. A. Charra-ux a. \mh\ié France et Lorraine ;
par sa date, ce livre n'a plus droit à figurer dans cette revue. Nous
croyons que l'on nous permettra de faire une exception en sa faveur.
Nous aurions un vif regret de ne pouvoir signaler des vers où les plus
nobles sentiments de foi, de patriotisme, de dévouement sont exprimés
— 20o —
avec un talent réel. M. Charraux est Lorrain; il a cruellement souffert
du triste sort réservé à son pays; mais aux douleurs se mêle l'espérance.
Ce qui domine dans tout ce livre, c'est une inspiration vraie; le poète
ne s'est pas mis en quête de sentiments à rimer ; il a fait des vers pour
rendre ce qu'il éprouvait. Nous voudrions voir une nouvelle édition
de France et Lorraine un peu plus soignée typograpliiquement,
émondée de quelques pièces inférieures, et corrigée de quelques
négligences.
— Plusieurs des poésies qui composent le volume de M. Paul
Collin : Du grave audoux, ont para dans diverses revues parisiennes.
Elles ont reçu du public un accueil qui est de favorable augure pour le
volume où elles se présentent de nouveau. L'inspiration sous laquelle
il a été composé ne cesse d'être élevée et pure. Ce sont de nobles et
bons sentiments que M. Collin se plaît à exprimer, et qu'il exprime
parfaitement, que ses productions soient graves ou douces. M. Collin
a plusieurs fois repris la forme du rondel, non du rondeau dont Voi-
ture définissait les règles :
Ma foi, c'est fait de moi, car Isabeau
M'a conjuré de lui faire un rondeau...
Mais du rondel primitif, antérieur à Marot, tel que l'écrivait Charles
d'Orléans. Pourquoi ne citerions-nous pas un des rondels de M. Collin,
pris au hasard, car ils sont tous jolis.
Las ! c'est fini, nulle clarté
Aux cieux blêmis plus ne rayonne
Le vent effeuille la couronne
Du doux printemps, du bel été,
Et devient Fbiver redouté ;
Bientôt aussi fuira l'automne
Las ! c'est fini, nulle clarté
Aux cieux blêmis plus ne rayonne.
Avec même rapidité
Le plaisir qu'un matin nous donne
Dès avant le soir abandonne
Notre pauvre cœur attristé,
Las! c'est fini, nulle clarté
Aux cieux blêmis plus ne rayonne.
M. Collin affectionne aussi le sonnet, et d'ordinaire le réussit bien...
Peut-être quelquefois le poète ne respecte-t-il pas assez la césure?
Il n'est cependant point partisan de récentes innovations, et a môme
spirituellement protesté contre elles dans le morceau intitulé Nou-
velle école. Nous nous attarderions volontiers devant ce bon et joli
volume, et ne nous consolons de le quitter sitôt que par la pensée
que nous avons inspiré à nos lecteurs le désir de le connaître dans
son entier.
— 206 —
— Les Aspirations du travail, études politiques et critiques sur les
antithèses sociales : le lecteur va certainement croire que ce titre
s'est fourvoyé au milieu de mon article, qu'il s'agit d'un livre dont
l'examen doit appartenir à une autre partie de cette Revue. Non, il
n'y a pas d'erreur, ce titre est celui d'un recueil de vers, et il abrite
peut-être plus de poésie vraie que beaucoup de sémillantes couver-
tures roses que nous avons eu à soulever. Il abrite, en tout cas, de gé-
néreux sentiments : la religion, la résignation, l'amour du travail ont
bien inspiré M. Jouham ; ses vers, qui semblent surtout destinés aux
classes laborieuses, offrent une lecture saine, fortifiante, consolante.
Tous ne sont pas excellents, mais toutes les pensées qu'ils expriment
sont bonnes, et très-souvent elles sont rendues avec originalité, avec
verve, avec gaîté même, comme dans la pièce intitulée le Luxe, où
chaque stance amène ce refrain :
... Que de choses
Dont je n'aurai besoin jamais.
Nous croyons qu'il y aurait à extraire de ce volume un choix de
poésies qui recevrait un bon accueil des ouvriers honnêtes.
— Rien de très-nouveau ni de très-original dans Libres et pures de
M. E. Gauthier. Quelques paysages assez bien réussis, des souvenirs,
des espérances, de l'amour, un peu de politique, pas trop pourtant,
mais assez pour que le poète coiffe un archange du bonnet phrygien
(p. 51), rien qui puisse faire promettre au poète un avenir éclatant,
rien non plus qui autorise à l'engager à renoncer aux vers, tels sont
les souvenirs que laisse la lecture de ce volume.
— Sila plupart des poètes modernes se plaisent à réunir leurs œuvres
en charmants volumes, d'autres n'ont pas la patience d'attendre que
le volume puisse être complet, et nous donnent leurs vers au fur et à
mesure qu'ils les composent; c'est ainsi que M. Jules Bailly a publié
la relation d'un voyage de Bruxelles à Tervueren, relation facile et
souvent harmonieusement écrite ; c'est ainsi encore qu''il fait paraître
un petit poème sur le Jardin d'acclimation.
— L'Égide de M. Albert Chanteau est aussi une brochure, et cette
brochure est un proverbe. Est-ce que M. Emile Augier, il y a une
trentaine d'années, en écrivant Ga6r<e//e, n'aurait pas pris à M. Chan-
teau l'idée de sa petite pièce ?
— Un mot pour finir sur un poète qui a eu son rôle il y a une quaran-
taine d'années, et que l'on tire de l'oubli. Ceux de nos lecteurs
qui vivaient déjà au temps des enthousiasmes romantiques se rappel-
leront sans doute le nom de Philothée O'Neddy, anagrame qui cachait
le nom plus vulgaire de Théophile Dondey. Dondey n'a point passé
inaperçu au milieu de cette grande effervescence littéraire. Son livre
— 207 —
Feu et Flamme, oflfre des qualités poétiques qui frappèrent Chateau-
briand, Béranger et M. V. Hugo, alors moins prodigue qu'aujour-
d'hui de brevets de génie. Les oeuvres posthumes de Dondey ont été
récemment publiées; elles méritaient de l'être, tant, — malgré bien des
exagérations et des défauts de goiit, — à cause d'un talent dont elles
révélaient quelques traces, que parce qu'elles caractérisent bien une
période de notre histoire littéraire. Ces œuvres posthumes sont pré-
cédées d'une étude détaillée de M.Ernest Havet.Une petite remarque:
malgré son républicanisme, M. Dondej semble avoir eu un faible
pour les noms à apparence aristocratique; non content de son pseu-
donyme de Philothée O'Neddy, il y avait ajouté, sur le manuscrit pu-
blié aujourd'hui, le titre de vidame deThyannes; en tête d'une nou-
velle parue en 1842, il avait déjà fait suivre son nom véritable de
celui de Santeny. Nous n'avons pas, dans cet article, destiné à des
œuvres contemporaines, à examiner avec détail des poésies remontant
à de lointaines années; mais nous tenons à constater leur apparition;
elles doivent avoir leur place sur le rayon que, dans toute biblio-
thèque un peu complète, on réserve aux romantiques.
Jean de Villemaury.
THEOLOGIE
L.'^Binitatioa de •lésus-Chrîst. Traduction de iMichel de Marillac,
garde des sceaux de France. Compositions par J.-P. Laurens, gravées à
l'eati-fortepar LéupoldFlamong. Paris, A. Quantin, 1878, ia-8 de xix-407p.
— Prix : 25 fr.
Ceci est plutôt un livre d'amateur qu'un livre de dévot. La traduc-
tion de Michel de Marillac a été réimprimée plusieurs fois de nos
jours, et en particulier en un joli volume faisant partie de la Bi-
bliothèque spirituelle de M. S. de Sacy (Paris, Techener, 1853). Cette
nouvelle édition se distingue par le luxe de l'impression, exécutée,
avec le soin qui caractérise les publications de M. A. Quantin, sur
papier Turkey-Mill, et encadrée de filets rouges, et par dix compo-
sitions de J.-P. Laurens, un peu fantaisistes, mais fort bien gravées à
l'eau-forte par Léopold Flameng, qui constituent l'originalité du
livre. Mais pourquoi n'avoir pas mis au courant de la science la pré-
face, signée du nom de M. A.-J. Pons? Est-il permis de ne parler que
de MM. J. J. Ampère et Michelet, comme partisans « du moine al-
lemand A. Kempis {sic), et de M. Eraest Renan, « expert, lui aussi,
en ces matières, » comme partisan de « l'abbé de Gersen? » Il nous
semble que la controverse a été assez prolongée et assez retentissante
pour qu'on n'en soit pas encore à ce qu'on appelle « des autorités si
— 208 —
imposantes. » En vain veut-on introduire dans le débat un nouvel
auteur, Thomas de Gerson, neveu du célèbre chancelier de l'Univer-
sité de Paris, et faire sortir le De imiiationc Christi « d'une plume
excommuniée. » Il j aurait bien d'autres choses à reprendre dans ces
dix-neuf pages de préface, qui accusent une plume peu exercée en pa-
reille matière et en tout cas fort peu orthodoxe. A tant faire que de
nous donner une édition nouvelle de la remarquable traduction de
Michel de Marillac, au moins fallait-il apporter plus de circonspection
et d'érudition dans le commentaire qu'on lui donne, et qui n'est digne
ni du sujet, ni de la critique contemporaine. Nous le répétons donc :
c'est aux curieux et aux mondains que s'adresse cette jolie publica-
tion, dont le mérite est purement arllslique. E. d'A.
2^e Koran analvsé, par Jules La Beaume. Paris, Maisonneuve, 1878;
in-4 de 793 p. — Prix :/^0 fr.
Le Koran a six mille cent soixante-six versets, qui sont répartis de
la manière suivante par les docteurs musulmans : mille versets ren-
ferment des commandements; mille, des défenses ; mille, des pro-
messes de félicité ; mille, des menaces terribles; mille, des préceptes
de pratiques religieuses; mille, des récits et histoires ; cinq cents, les
principes du bien et du mal; cent, des invocations et la glorification
du nom et des attributs de Dieu; soixante-six, des décrets annulant
d'autres décrets antérieurs à la constitution de la loi, et qui ont dû
être abrogés par de nouvelles dispositions. On divise le Koran, pour
l'usage ordinaire des lectures en public, soit dans la mosquée, soit
dans les écoles, en trente sections. Chacune de ces parties est divisée
en deux haz'ô, et chaque hazb se partage en quatre coupures. Nous
empruntons ce renseignement à la traduction du Précis de Sidi-Khelijl
par le docteur Perron.
Mais cette manière de scinder la substance du livre ne se rapporte
en aucune façon à nos habitudes de travail. Ce qu'il nous faut, en effet,
pour connaître un ouvrage et le consulter avec frait, c'est une table
raisonnée, où les matières soient rangées par ordre, et détaillées, avec
l'indication des chapitres, des pages, des alinéas ; en un mot, un index
méthodique servant à faire trouver facilement les phrases et les mots
qui y sont contenus. Or, la rédaction du Koran se présente à nous avec
des caractères tout à fait particuliers et dont on ne rencontre l'ana-
logue dans aucune littérature. Ce n'est, dit l'auteur de l'Histoire des
langues sémitiques, ni le livre écrit avec suite, ni le texte vague et
indéterminé arrivant peu à peu à une leçon définitive, ni la mise en
oeuvre des enseignements du maître d'après les souvenirs de ses dis-
ciples ; c'est le recueil des prédications, des avertissements, des ordres
— 2(1!) —
du jour de Mohammed, portant encore la date du lieu où ils parurent
et la trace de la circonstance qui les provoqua. Chacune de ces pièces
était écrite, après la récitation du Prophète, sur des peaux, sur des
omoplates de mouton, des pierres lisses, des branches de palmier.
Quelques parties même du Koran n'avaient point été fixées par l'écri-
ture^ et n'existaient que dans la mémoire des principaux disciples,,
que l'on appelait « porteurs du Koran. » La perte de ces pieux com-
pagnons du Prophète, tués à la journée d'Acrabâ, fit sentir au khalife
Abou-Bekr la nécessité de réunir les Recitations sacrées en un corps
d'ouvrage, afin que le dépôt de la loi musulmane, laissé par Mohammed
à ses contemporains, put être transmis dans son intégrité aux géné-
rations suivantes. Une commission composée des disciples survivants
et des sectateurs les plus instruits, fut chargée de mettre bout à bout
les fragments épars et souvent contradictoires des discours de l'apôtre
de Dieu. On en fit une compilation, on en forma un ensemble, et
l'exemplaire type, à la rédaction duquel avait présidé Zeyd-ben-
Thabet fut confié à la garde de Hafsa, fille d'Omar, l'une des veuves
de Mohammed.
Mais il convient de remarquer qu'aucun travail de coordination ou
de conciliation ne fut tenté ; on se borna à mettre en tète les plus
longs morceaux ; on réunit à la fin les plus courtes sourates, en sorte
que le Mémorial, descendu du ciel, se prête difficilement à l'analyse,
dans l'état de désordre où les idées s'y amalgament, avec les contra-
dictions flagrantes qui l'obscurcissent. Que nous importe cette élé-
gance inimitable du style, ce langage pénétrant, qui ne peut toucher
que les Arabes? Les recherches des érudits ne s'arrêtent point à la
magie des paroles. Aujourd'hui, l'on se préoccupe de l'e spritdu Koran;
on veut pouvoir apprécier sainement la pensée de Mahomet, ce réfor-
mateur dont l'imagination était trop vive pour être réglée.
C'est pour satisfaire un besoin de cette nature que J. La Beaume a
consacré ses méditations à l'étude du Koran, et qu'il a entrepris de
dégager les différents éléments qui entrent dans cet alliage dogmatico-
législatif. On lui saura d'autant plus gré de l'effort réalisé, que les
orientalistes eux-mêmes ne l'avaient point tenté. Mais on reconnaît
que le système adopté par lui n'a pas été combiné du premier coup. La
couleur de prédication, répandue également sur toute l'œuvre de
Mahomet, et qui en pénètre les moindres parties, rendait la tâche
ardue, en empêchant de distinguer l'idée principale qu'il s'agit dô
mettre en relief. Ainsi, pour ne citer qu'un passage pris au hasard,
nous sommes forcé de nous séparer de l'opinion de J. La Beaume^
lorsqu'il écrit dans l'Litroduction, p. 13 : « Il a été tenu compte de es
que le Koran contient de promesses et de conditions quant au pro-
grès. » Ne pouvant pas traiter ici longuement une thèse qui a sou-
Sei'te.mbue 1878. T. XXIII, 14.
— 210 -
levé tant de discussions, nous opposerons aux paroles de J. Le Beaume,
la déclaration formelle d'un arabisant justement renommé, le docteur
Perron. En voici les termes : « Mahomet n'a pas reconnu la loi du
progrès incessant, ou bien il a cru pouvoir clouer sur place l'huma-
nité; il a fait de rislamisme un cercle de fer, au lieu d'en faire une
voie droite, vivante, prolongeable ; et il a dit au monde : « Tu n'iras
pas plus loin! » [L'islamisme, son institution, etc., p. 5. Paris, 1877.)
A part cette appréciation et quelques autres du même genre, qui
ne laisseront pas de provoquer la critique, le Koran analysé doit être
considéré comme un livre très-utile, en ce sens qu'il rend les re-
cherches plus commodes, par suite de la disposition logique de la
plupart des matières. L'index placé à la fin du volume range sous nos
yeux toute la substance du Guide sacré des Arabes, des Turcs et des
Persans, le Guide des vrais voyants.
Une biographie de Mahomet, jugé au point de vue politique (p. 6-26),
précède le catalogue raisonné de ses prédications, et en forme, pour
ainsi parler, le préliminaire indispensable. C'est une notice très-
substantielle, qui aide, à la fois, à comprendre la portée du prédica-
teur, et à étudier la matière qu'il avait à remuer. On y embrasse,
comme dans un tableau synoptique, les troubles considérables qui
régnaient dans le monde, au sixième siècle de l'ère chrétienne. Et, ce
début, qui n'est ni une réfutation amère, ni une apologie emphatique,
se rapproche effectivement de la vérité, par une tendance visible à
l'impartialité. Mahomet se détache de la légende et se peint dans ces
quelques pages, avec ses aspirations, son enthousiasme et ses luttes.
Les eff'orts qu'il fait, pendant dix ans, pour imposer le culte du Dieu
unique à un peuple plongé dans l'idolâtrie et désuni, sortent de la
pénombre, sont motivés, et reçoivent là leur légitimation. On ne peut
s'empêcher de reconnaître qu'il est supérieur, sous le rapport de la
morale, à tous ceux qui l'entouraient. Le trait qui nous charme, dans
cette nature énergique, c'est la recommandation adressée aux jeunes
garçons en des termes dont la tendresse égale la simplicité : « Un fils
gagne le paradis aux pieds de sa mère (p. 601). »
Nous ne saurions donner une meilleure idée de l'utilité qui ressort
du répertoire analytique de J. La Baume, qu'en examinant, par exem-
ple, la série de versets relatifs à l'état social de la femme chez les
musulmans. C'est là qu'on voit combien il a fallu de pénétration pour
saisir la plausibilité du sens, à travers les teintes vagues et les données
fuyantes du langage prophétique. Les soixante-quinze versets, qui
ont été rapprochés dans le chapitre des Femmes (p. 573-603), sont tirés
d'une quarantaine de sourates ; en sorte que l'on en vient à se deman-
der, comment un écrivain qui veut disserter sur le sujet, s'astreindrait
à chercher lui-même les éléments, si disséminés, et si éloignés les
- 211 —
uns des autres par le hasard de la prédication. La patience lui man-
querait assurément, parce que la lecture du Koran, tel qu'il se pré-
sente, est insoutenable. Bien des gens en ont fait l'expérience, sans
pouvoir atteindre à la dixième page. Quel est l'orientaliste qui n'a
pas eu besoin, cent fois, de feuilleter le compendium de l'idée moham-
medienne pour y puiser un argument, une déclaration, se rapportant
à l'objet de ses études ? Est-ce qu'en Algérie, il n'arrive pas, chaque
jour, à un magistrat de recourir au Koran, en vue de s'éclairer sur le
statut personnel? Eh bien ! qu'il entreprenne seulement de découvrir
la recommandation adressée aux polygames ! Si son astre, en naissant,
ne l'a doué d'une persévérance à toute épreuve, il lui semblera bien
fastidieux de se voir réduit à lire scrupuleusement toutes les pages et
tous les alinéas, au moins cinquante feuillets, depuis le commencement
de la traduction française, jusqu'à tel ou tel passage de la sourate iv,
où figurent les versets 3 et 123, ainsi conçus :
« Si vous craignez de ne pas être équitables envers les orphelins,
n'épousez, parmi les femmes qui vous plaisent, que deux, trois ou
quatre. Si vous craignez encore d'être injustes, n'en épousez qu'une
seule ou bornez-vous à une esclave. . . »
(( Vous ne pouvez jamais traiter également toutes vos épouses,
quand même vous le désireriez ardemment. Gardez-vous de suivre
entièrement la pente, et d'en laisser une comme en suspens... »
Le temps consacré aux recherches dans de pareilles conditions est
une valeur perdue. Tandis que, si l'on prend le Koran analysé, on
trouve immédiatement et Sans peine les versets sus-mentionnés, dans
le chapitre qui concerne les femmes (p. 599). C'est donc ce classement
philosophique qui devait porter remède à la situation, et nous mettre
en main le fil conducteur. Explorons nous-mêmes le Koran, et lan-
çons-nous à la poursuite des 265 articles qui prescrivent la « guerre
sainte. » La question en vaut la peine, ayant failli nous séparer des
musulmans. Mais quel espace à parcourir, bon Dieu ! Les 265 articles
vont de la sourate ii à la sourate lxi, c'est-à-dire d'une extrémité
du livre à l'autre extrémité. Lecteur, avez vous une journée à perdre?
Vous sentez-vous le courage d'étudier, la plume à la main, quatre
cents pages ? Il y a lieu d'en douter. Vous seriez rebuté, avant d'avoir
fini votre enquête dans les premières sourates, et, de guerre lasse,
vous aimeriez encore mieux rester sous l'impression des préjugés qui
courent ; en d'autres termes, vous continueriez à croire que le Koran
contient un appel aux armes, officiel, sanctionné par l'inspiration
divine, ainsi que le supposent la plupart des Européens. Prenons de
nouveau le Koran analysé, et consultons le § 37, intitulé : Appel aux
armes. Tous les versets concernant la guerre sont venus s'y ranger,
comme pour permettre d'envelopper d'un seul coup d'œilles fragmente
épars de la perpétuelle proclamation de Mahomet contre ses ennemis,
les ennemis de sa doctrine naissante. Plus d'équivoque, plus de fausse
interprétation. Les textes entrent en pleine lumière et parlent avec
précision. Ainsi le verset 13 de la sourate ix (voir la p. 650, 1. 20),
nous initie à la politique du Prophète arabe : « Ne combattez-vous pas
contre un peuple qui a violé ses serments, qui s'efforce de chasser
votre prophète ? Ce sont eux qui ont été les agresseurs. Les craindrez-
vous? Dieu mérite bien plus que vous le craigniez, si vous êtes croyants.»
Quant aux principes militaires de Mahomet, ils sont expliqués par le
verset 186 de la sourate ii, que Ton trouve à la page 645 : « Combattez
dans la voie de Dieu, contre ceux qui vous feront la guerre ; mais ne
commettez point d'injustice en les attaquant les premiers, car Dieu
n'aime pas les hommes injustes. »
Le lecteur voit qu'en un instant, à l'aide du répertoire logique du
Koran, dont nous devons la publication posthume à une tendre affec-
tion, il devient facile de comparer et d'apprécier les idées, décousues
en apparence, de la guerre sainte. On acquiert en même temps cette
notion positive que, dans le principe, l'islamisme n'eut pas d'autre
tactique que de vaincre par le tranchant du sabre des peuplades
acharnées contre ses débuts.
A elle seule, la conception de ce travail scabreux, où les Arabes
seront bien surpris de rencontrer un chapitre consacré à la démocratie,
fait honneur à J. La Beaume, et demeurera comme un témoignage
durable de son dévouement à la science.
Auguste Cherbonneau.
JURISPRUDENCE.
EIncycIopadie der ïteelits-wissenschafY, hrg. V. Fr. voN Holt-
ZENDORFF. — ErstcT systcmalischer Theil, 3^ Anll. Leipzig, Duncker, 1877,
in-8 de 1240 p. — Prix : 2o fr. — Zweiter Theil : Rechtslexikon, 2« Aufl.
Leipzig, Duncker, 1873-76, 2 vol. in-8 de 846 et de 1012 p. —
Prix ; 33 Ir.
L'Allemagne possède depuis longtemps d'excellents dictionnaires
de droit. Ce ne sont pas des recueils pratiques où les hommes d'af-
faires viennent chercher à la hâte la solution de la jurisprudence ou
le résumé de la doctrine, mais plutôt des ouvrages de théorie, com-
posés dans un but purement scientifique et où l'histoire du droit
occupe, comme partout en Allemagne, une des places les plus impor-
tantes.
Le volumineux Rechts-Lexikoii de Weiske, Arndts et Gans, publié
de 1842 à 1802, et qui ne comprend pas moins de quinze volumes de
texte et d'un volume de tables, quoique très-utile encore aujourd'hui,
— 213 —
n'offrait cependant plus un tableau exact de la législation et de la
doctrine. On désirait une œuvre moins vaste et au courant des pro-
grès de la science.
L'infatigable professeur de Munich, M. von Holtzendorflf, a cru ré-
pondre à ce désir en publiant une nouvelle Eneyclopédie en trois
volumes grand in-octavo. Il s'est écarté du plan généralement suivi
par ses devanciers, et il a divisé son travail en deux parties, l'une
systématique, l'autre alphabétique. De sorte que le possesseur de
cette encyclopédie trouve une savante synthèse dans le premier vo-
lume et un dictionnaire de droit dans les deux autres.
L'exécution de ce grand ouvrage a été confiée à des professeurs
éminents qui ont traité chacun leur partie spéciale. Ainsi, nous avons,
dans la partie systématique, un résumé de droit naturel écrit et revu
par Ahrens peu de jours avant sa mort, une histoire et un exposé du
droit romain par Bruns, une histoire et un précis de droit canonique
par Hinschius, une histoire du droit allemand et des sources du droit
■français et anglais par Brunner, quelques notions sur le droit privé
allemand par Behrend, sur le droit commercial par Endemann, sur le
droit français par Rivier (de Bruxelles.) — La procédure civile et
pénale, le droit criminel, constitutionnel, administratif, international,
ont chacun leur petit traité de quatre-vingts à cent pages, dû à la
plume des von Holtzendorff, Geyer, John, Meyer. Le premier volume
se termine par un aperçu des plus intéressants sur les différences du
droit privé allemand dans les divers pays de l'empire, en Mecklem-
bourg, en Bavière, en Prusse, etc.
La partie la plus remarquable de cette Encyclopédie me paraît être
le travail de Bruns, le savant professeur de l'université de Berlin. Les
deux cents pages dans lesquelles il expose le droit romain sont
écrites avec une clarté, une profondeur et une érudition dignes des
plus grands éloges. Je voudrais vivement les voir traduites en fran-
çais ; elles formeraient un excellent précis de droit romain, dans
lequel l'élève trouverait un guide sûr et éclairé et qui pourrait servir
de base au professeur pour une exposition plus détaillée. L'esquisse
historique de Brunner est un autre modèle de concision et de netteté,
dans lequel les derniers résultats des patientes investigations de
l'école de Savigny et de Eichhorn sont exposées avec la plus minu-
tieuse précision.
Le droit français n'a trouvé place, dans le recueil de M. von Holt-
zendorff, que d'une manière tout à fait accessoire, parce qu'il était
encore en vigueur dans certains pays de l'Allemagne et que son his-
toire était indispensable à l'intelligence du droit germanique. C'est
ce qui explique pourquoi les deux travaux qui lui sont consacrés ne
sont que des ouvrages de seconde main. Le précis des sources du
— 214 —
droit français est un résumé du premier volume de Warnkoenig et la
trop courte synthèse de M. Rivier un abrégé du cours belge de
M. Arntz.
La seconde partie de Y Encyclopédie forme un dictionnaire de droit
qui comprend environ deux mille articles. Son auteur rencontra tout
d'abord un obstacle très-sérieux dans le plan même qu'il avait adopté
pour l'ensemble de son ouvrage. Le premier volume, qui embrassait
toute la science du droit dans une synthèse générale, n'examinait-il
pas les mêmes questions, les mêmes difficultés que celles d'un dic-
tionnaire ? Comment éviter les redites, les contradictions? M. von
Holtzendorif, crut échapper à cet^inconvénient en ne traitant dans sa
partie alphabétique que les détails et les applications de la loi posi-
tive, dont les dispositions générales, les principes seraient exposés
dans le premier volume. Qu'il soit parvenu, grâce à ce moyen, à atté-
nuer considérablement les périls et les défauts de sa division princi-
pale, nous ne le nions pas, mais nous sommes obligé de constater
qu'il n'y a point réussi d'une manière complète, notamment dans les
matières traitées par des professeurs différents pour la première et
pour la seconde partie, ainsi, par exemple, dans le droit romain et dans
le droit commercial. Nous trouvons aussi étrange que, le droit naturel
ait été absolument écarté du dictionnaire, et que, dans un ouvrage de
cette valeur, on ne trouve pas la moindre ligne sur les mots les plus
importants du langage juridique, ainsi les mots : droit, loi, chose,
liberté, fortune, etc.
Les articles les plus remarquables de cette seconde partie sont ceux
de Gneist {Armengesetsgebung, Venraltiingsjustiz, etc.), de Glaser, le
savant ministre autrichien (les articles sur la procédure criminelle),
de Gierke, l'historien si connu des anciennes corporations (Ge?nem(Ze,
juristische Persoun, Corporation, etc.), puis ceux de Schûtze, de AVahl-
berg, de Brunner et de Lewis.
M. Teichmann, professeur de droit pénal à l'université de Bâle,
s'est chargé de tous les articles biographiques. C'était une besogne
pénible et aride, dont il s'est parfaitement acquitté. Nous nous per-
mettrons cependant de relever un détail et de lui reprocher de ne
pas avoir indiqué, à propos de chaque auteur, le nombre de volumes
que comprennent leurs ouvrages. Nous avons aussi regretté l'absence
de plusieurs noms illustres, parmi lesquels nous citerons entre autres :
Delvincourt, Duranton, Guizot, Laferrière, Proudhon, Raepsaet,
Rosmini.
Nous avons, en France, de bons dictionnaires de philosophie, d'éco-
nomie politique^ d'administration, mais nous n'avons aucun bon dic-
tionnaire de droit. Il est à souhaiter que cette lacune soit bientôt
comblée et que nous puissions comme nos voisins d'Outre-Rhin, mon-
— 21o —
trer une encyclopédie où se trouvent réunis tous les grands principes
de la science juridique, exposés avec clarté et précision, et où l'on
trouve, dans une riche bibliographie, l'indication des sources qui sont
nécessaires à des études sérieuses et approfondies. Qu'un esprit de
sagesse et de modération chrétienne préside à cette œuvre et qu'on
n'y rencontre aucune assertion contraire au catholicisme, telles qu'on
en trouve malheureusement quelques-unes dans l'encyclopédie d'Holt-
zendorff, notamment dans les articles d'Hinschius [Elie Episcopat).
Notre législation est bien moins compliquée que la législation de
l'empire allemand, grand avantage dont nous devrions profiter, afin
d'être encore plus nets et plus concis. Pourquoi les professeurs d'une
université catholique ne se chargeraient-ils pas d'une pareille entre-
prise? Ce serait un immense service rendu à la science et à la jeunesse,
et, dans ces temps malheureux où l'on veut nous effacer, une preuve
manifeste d'érudition et d'activité, à laquelle les plus malveillants
seraient obligés de rendre hommage. .J. Van den Heuvel
SCIENCES ET ARTS
encyclopédie populaire, par Pierri-^ (Ionil. Paris, Poussielgue frères,
1877-78, gr. in-8 j. (En cours de publication.)
Cette encyclopédie contient, comme nous l'annonce le sous-titre
du recueil: Dictionnaire français avec tous les mots nouveaux créés
depuis quelques années par l'industrie, la science, la politique. —
Biographie ancienne et contemporaine jusqu'à l'heure présente. —
Histoire ^usq\ïk l'événement de la veille. — Géographie physique et
commerciale (cette partie du livre contient un très-grand nombre de
noms nouveaux dus aux relations des grands voyageurs français,
anglais, allemands, russes, italiens, portugais, etc.). — Mythologie. —
Antiquités. — Description des grandes oeuvres de la peinture et de la
sculpture. — Architecture. — Technologie, dont les procédés récents
sontlonguement développés, afin de donner satisfaction aux ingénieurs
comme aux ouvriers. — Inventions. — Physique. — Chimie. — Méca-
nique. — Astronomie. — Topographie (lecture des cartes). — Cos-
mographie, — Arithmétique . — Algèbre. — Hygiène. — Médecine
usuelle. — Zoologie. — Botanique. — Agriculture. — Économie poli-
tique. — Jurisprudence usuelle. — Droit administratif nsnel. — Dic-
tionnaire militaire et maritime très-complet. — Histoire (inédite) des
vaisseaux célèbres. — Dictionnaires spéciaux de la Presse, de la
Musique, du Sport. Résumé de toutes les œuvres littéraires demandées
pour le baccalauréat es lettres, etc.
^'Encyclopédie populaire formera un volume de 1600 pages environ.
_ 216 —
J'en ai sous les yeux les 480 premières pages (A-Constantin X). Le
recueil est généralement bien fait, et l'on doit beaucoup d'éloges à
M. Pierre Conil et à ses collaborateurs, parmi lesquels on re-
marque des spécialistes justement renommés. Le style est sobre
et net; les idées sont excellentes; les renseignements souvent nou-
veaux, notamment dans les articles géographiques et tout particuliè-
rement dans Tarticle Afrique, sont presque toujours exacts. Amélioré
dans de successives éditions, le recueil deviendra digne d'être mis
entre toutes les mains, et tiendra lieu de toute une bibliothèque.
Je vais rapidement indiquer quelques-uns des articles qui gagne-
raient à être modifiés. — Aagesen nous est présenté comme le premier
des historiens danois. C'est une erreur que l'on a eu la maladresse
d'emprunter à la Nouvelle biographie générale. Aagesen est si peu le
premier en date des historiens du Danemark, que son livre {Compen-
diosa hisloria regitm Daniœ) n'est autre chose qu'un court et sec abrégé
du grand ouvrage de Saxo Grammaticus, le véritable père, celui-là, de
l'histoire danoise. — Aaron, le frère de Moïse, était âgé de cent vingt-
trois ans, quand il mourut, et non de cent-vingt-deux, chiffre que
l'on a encore eu le tort d'aller prendre, les yeux fermés, dans la Nou-
velle biographie générale. — Aaron d' Alexandrie n'a pas écrit vers 1530
(faute d'impression pour 630), un ouvrage sur la petite vérole, mais
bien un ouvrage dans lequel il décrit la petite vérole, maladie déjà
mentionnée, au siècle précédent, dans la chronique de Marins, évêque
d'Avenches. — Je voudrais que l'on supprimât (article Abailard) la sin-
gulière petite phrase sur les amours mystiques avec Héloïse. Notons, de
plus, qu'Abailard n'est pas né à Palais, mais au Palais ou Palet. — Peut-
être n'était-ce pas bien le cas de parler (article Abdication) de l'abdi-
cation de M. Thiers (1873). Le mot démission suffisait, ce me semble.
— Pourquoi prendre la peine de citer, sous le mot Abatage, l'opinion
de deux lexicographes tels que Landais et Bescherelle ? Leurs com-
pilations ont été trop dépassées par le Dictionnaire de M. Littré,
pour que l'on puisse continuer à s'en servir. Leur fort contestable
autorité d'autrefois n'est à peu près plus rien aujourd'hui. — Trop
d'importance a été donnée à M. Edmond About, lequel a obtenu un
article de 18 lignes, alors que sept ou huit lignes à peine ont été ac-
cordées à des hommes comme i'Aguesseau, Ampère et Du Cange. J'en
dirai autant de l'article consacré à M. Jules Amigues : on souffre de
voir la disproportion qui règne entre les notices sur ces petites et
éphémères célébrités du journalisme, et les notices sur nos plus
grandes et nos plus durables illustrations. Il y a là une question de
mesure sur laquelle je crois devoir appeler l'attention des éditeurs de
V Encyclopédie populaire. — S'il est vrai que Bernard Palissy est
contesté à la ville même d'Agen, il n'est pas moins vrai que le grand
— 217 —
artiste est né, d'après les témoignages de deux de ses contemporains
dans le diocèse d'Agen. — Agnrs Sorcl ne contribua ^&,s puissaynment
à pousser Charles VII à guerroyer contre les Anglais et à recon-
quérir son royaume : M. de Beaucourt a parfaitement prouvé que c'est
là une légende du seizième siècle qui a trop longtemps été admise
dans nos livres les plus sérieux. — Gabriel à'Aramon était seigneur
de Liiet::, non de Siiets. Ceci doit être une faute d'impression,
comme le nom de Hiré (pour Lire), donné au berceau de Joachim du
Bellay. — Les séances de V Aréopage ne se tenaient pas pendant la nuit :
c'est Lucien qui a imaginé cette particularité, comme c'est le Gas-
con Bernard du Haillan qui a imaginé de transformer Agnès Sorel en
une héroïque conseillère de Charles VII. — Arnauld de Villeneuve
n'a jamais été « médecin languedocien;» il faut l'appeler médecin
espagnol, car il nous apprend lui-même, dans un Traité de géométrie
pratique dont j'ai vu tout récemment le manuscrit à la bibliothèque
de Carpentras (n° 323), qu'il est né en Catalogne. — Balzac (J.-L.
Guez de) n'est pas né en 1588, car, comme le prouve un document
irrécusable, il fut baptisé le l"juin 1597. — Barreaux (J. Vallée des)
n'est pas un enfant de Paris : il vit le jour à Chàteauneuf-sur-Loire
(Loiret), d'après les registres de la paroisse de Saint-Martial de
Châteauneuf. Ces mêmes registres nous apprennent qu'il est venu au
monde en novembre 1599 et non en 1602. — En revanche, il faut
restituer à la ville de Paris, Savinien Cyrano de Bergerac, lequel n'a
jamais été un Périgourdin_, comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler
plus d'une fois, en m'appuyant sur des témoignages de la plus haute
valeur. — Remercions, en passant, les éditeurs de VEnryclopcdie po-
pulaire d'avoir bien voulu (p. 252) déclarer que le Pohjhiblion est un
des meilleurs journaux de bibliographie, mais reprochons-leur, sans
nous laisser attendrir par leurs compliments, d'avoir donné tout juste
autant de lignes à la notice sur M. Aristide Boucicaut, le fondateur
de la maison du Bon Marché, qu'à la notice sur le grand homme de
guerre que Ton appelle le maréchal de Boucicaut. — A l'article
Caballero (Fernan), on a oublié de mentionner la mort du charmant
écrivain.— Il n'est pas prouvé que Cambronne, u sommé de se rendre,
répondit le mot cité par Victor Hugo dans les Misérables, et traduit
ordinairement par la phrase célèbre : la garde meurt et ne se rend
;jfl5. » Voir diverses notes à ce sujet publiées dans nos Questions et
Réponses. — Le maréchal Canrobert, cet autre Cambronne, appar-
tient-il par sa naissance au département du Gers? J'avoue que j'ai
toujours cru et que je crois encore qu'il est originaire du département
du Lot. — La ville de Caumont (Vaucluse), a été confondue avec la
ville de Caumont (Lot-et-Garonne) dans cette phrase : « berceau de
la famille de ce nom ; ancienne place forte prise par les huguenots
— 218 —
•1' en 1029 [ce fut en 1621], et reprise par Mayenne. » — On a mis un G
i* devant le nom de Chapelain : l'auteur de la Pucellc portait le prénom
de Jean. — Alain Chartier est né à Ba3^eux, non en 1386, mais vers
1395, comme M. de Beaucourt l'a établi dans ses Recherches sur
Guillaume, Alain et Jean Chartier (1869, in-4). Quant au fameux baiser
que les rédacteurs de Y EncijclopccUe populaire font donner a.n poëte
par Marguerite d'Ecosse, M. de Beaucourt (îb/c?., p. 35) a signalé les
dovtes sérieux exprimés jadis à ce sujet par moi, doutes dans lesquels
je persiste plus que jamais. Je suis persuadé que l'historiette du baiser
de la Dauphine a la même authenticité que l'historiette de l'aspic par
lequel, selon l'auteur de l'article Cléopâtre, cette reine d'Egjpte « se
fit piquer, » expression malheureuse qui semble attribuer un aiguillon
au serpent. J'aurais encore d'autres observations à soumettre aux
éditeurs de Y Encyclopédie populaire (sur Clémence Isaure, sur l'étjmo-
logie de Cocagne, sur le Colosse de Rhodes, etc.), mais mon article est
déjà bien long, et je ne veux pas que mes lecteurs, en frémissant à son
aspect, s'écrient, comme dans l'épigramme : « rendons le court en ne
le lisant point. » T. de L.
l>e bon sens dans les doctrines morales et politiques, ou
application de la méthode expérimentale à la philosophie, d la inorale, à l'é-
conomie politique et à la politique, par Ambroise Clément, correspondant de
l'Institut. Pans, Guiilauniin, 1878, 2 vol. in-8 de xix-d50 et 630 p. — Prix :
16 fr.
« L'étude de la conduite humaine ne doit constituer qu'une même
science générale... Si, sans nous écarter du domaine incontestable
de l'économie politique, nous avons pu saisir un grand nombre de
vérités principales se rattachant à la morale ou à la politique, n'est-ce
point parce que toutes les parties de notre conduite sont inévitable-
ment liées entre elles? Souvent elles le sont si intimement que,
nonobstant la convenance d'appliquer autant que possible à leur étude
la division du travail scientifique, on ne saurait manquer de s'égarer
en persistant dans la pensée que l'on peut avec fruit les examiner
séparément sans tenir nul compte de leurs relations et dépendances
mutuelles. C'est ce qui nous a déterminé à comprendre dans un même
ouvrage les quatre divisions principales qui formeront un jour la
science de la conduite humaine : — Philosophie, — économie poli-
tique, — morale, — politique. » — Nous avons voulu citer en entier
cette page, parce qu'elle est la seule de ces deux volumes compactes
qui ait une valeur réelle. En effet, si M. Ambroise Clément se fait une
idée juste de l'ensemble de la science sociale et proteste à bon droit
contre Yautonomie, V indépendance que certains écrivains revendiquent
pour l'économie politique, son insuffisance au point de vue philoso-
— 210 —
phique et les préjugés dans lesquels il est cristallisé lui ont fait très-
.^al remplir le cadre qu'il s'est tracé.
La partie consacrée à la philosophie est employée à combattre le
spiritualisme et à exalter l'école sensualiste de Locke_ et de Con-
dillac. M. Ambroise Clément, tout en repoussant le témoignage
de la conscience à l'égal de la révélation, déduit de sa méthode expé-
rimentale l'existence de Dieu et d'une autre vie. Quant à la morale,
il lui donne pour critérium le perfectionnement de nos facultés phy-
siques, intellectuelles et morales généralisé le plus possible dans toutes
les classes de la population et caractérisé lui-même par l'accroissement
de la puissance utile ou bienfaisante de ces facilités. C'est à peu près
celui des positivistes et des socialistes contemporains; nous ne voyons
pas comment notre représentant du bon sens se tirerait d'une discus-
sion à fond avec eux, étant données ces bases philosophiques. La
majeure partie de ces deux volumes est remplie de déclamations
contre le socialisme sacerdotal romain et le 16 mai!!! N'était cette
date, on croirait vraiment que l'auteur en est resté à la lecture du
journal le Siècle en 1856. La supposition serait d'autant plus vraisem-
blable qu'en fait de socialisme révolutionnaire, il cite seulement
l'ouvrage de M. Vacherot sur la Démocratie, publié en 1860, et paraît
ignorer complètement les travaux des écoles collectivistes, mutuel-
listes et communistes actuelles.
La partie consacrée à l'économie politique est la plus considérable
et la meilleure. Là M. Ambroise Clément est sur son terrain. Quoi
qu'il se borne à reproduire les idées du livre de M. Dunoyer sur la
Liberté du travail, il a cependant quelques chapitres intéressants pour
les personnes qui s'occupent spécialement de cette science, tels sont
les définitions des termes usités en économie politique, le chapitre
critique sur les nouveaux principes affirmés par Bastiat, le chapitre
sur les industries commerciales, celui sur les mines. L. A.
La Genèse du septîeisme érudit chez Bayle, par A Deschamps.
Liège, Vaiilant-Carmanne, 1878, in-8 de 235 p.
S'occupant depuis plusieurs années de l'étude de tout ce qui touche
à la vie et aux doctrines de Bayle, M. A. Deschamps à choisi,
pour sa thèse du doctorat spécial en sciences philosophiques, l'une
des nombreuses questions qu'il a rencontrées dans ses recherches:
comment Bayle est-il devenu sceptique. M. Deschamps consacre deux
chapitres à retracer le mouvement sceptique depuis la Renaissance et
à établir les rapports généraux du dix-septième siècle avec l'auteur
du Dictionnaire historique et critique : c'étaient là des questions
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— 222 —
a résumé les coutumes des familles et des ateliers prospères reposent
elles-mêmes sur la pratique de la vérité religieuse : c'est donc
rÉglise qui possède seule le secret de la réforme et de la reconstitu-
tion réclamée par la société contemporaine en détresse. Nous avons
une vraie satisfaction à signaler particulièrement les pages dans les-
quelles M. Ribot apprécie les tentatives de réorganisation écono-
mique faites dans ces derniers temps par les œuvres catholiques,
notamment par les cercles d'ouvriers ; elles abondent en observations
judicieuses qui témoignent d'un esprit très-éclairé.
Quelques phrases relatives à l'ordre politique nous ont paru, au milieu
d'une affirmation très-nette des principes généraux, susceptibles
d'une interprétation qui, sans doute, rendrait mal la pensée de l'au-
teur. Nous ne doutons pas que le second volume ne dissipe cette
impression, et ce nous est une raison de plus pour souhaiter sa
prompte publication. C. J.
t.a Liberté dans l'ordre intellectuel et moral. Études de droit na-
turel, par Emile Beaussire, ancien député, professeur honoraire de faculté.
Ouvrage couronné par l'Académie française. 2'" édition, revue et corri-
gée. Paris, Didier 1878, in- 12 de xlyiii-436 p. — Prix : 3 fr. 50.
En refaisant cet ouvrage, publié pour la première fois en 1866, l'an-
cien député a concentré ses efforts sur quatre libertés particulières,
qui sont plus ou moins l'objet de conflits législatifs : la liberté d'ensei-
gnement, — la liberté de conscience, — la liberté de la presse, — la li-
berté d'association.
Dans une introduction fort élégamment écrite, il a exposé quelques
vues historiques ingénieuses sur les causes qui ont assuré la liberté de
la vie privée chez les modernes, tandis que le développement de la
vie publique l'étouffait presque complètement chez les anciens. Mais
nulle part M. Beaussire ne précise nettement le principe générateur
de la liberté. D'où vient l'homme ? — Quelle est sa fin et celle de la
société ? — Dieu a-t-il donné aux hommes le moyen assuré de con-
naître la vérité et leur en a-t-il constitué une règle infaillible? — Ce
sont tout autant de questions préjudicielles dont le professeur de fa-
culté ne s'est pas préoccupé, ou qu'au moins il a résolues in petto, soit
par une négation, soit par doute absolu. La liberté de l'individu lui
paraît à la fois le commencement et la fin de tout l'ordre des choses.
Cette donnée première supposée, il en tire les conséquences avec une
logique qui parut jadis'au spirituel rapporteur del'Académie, M. Ville-
main, de la candeur. Ainsi il réclame avec persévérance la liberté
absolue de propager des écrits obscènes et d'enseigner des théories
immorales dans les écoles. L'État et les tribunaux lui semblent radi-
— 223 —
calement incompétents pour réprimer ces faits, et il compte sur l'in-
fluence contraire des gens vertueux pour en neutraliser les mauvaises
conséquences.
Voilà, certes, un auteur conséquent avec lui-même. Nous relevons
ce point pour bien faire juger le système; mais nous avons hâte d'ajou-
ter qu'à en juger parle ton du livre, M. Beaussire paraît être un fort
honnête homme, bon père, bon époux, etc. Il revendique, d'ailleurs,
avec une fermeté honorable, même pour l'Eglise catholique le droit
de vivre de sa vie propre, à enseigner, à exercer librement sa disci-
pline vis-à-vis de ses membres. Ce sont là pour lui des droits impres-
criptibles de l'individu, qu'il peut faire valoir par l'association et
qu'aucune majorité ne peut supprimer.
Même en admettant son point de départ, ce qui manque à cet ou-
vrage, c'est le sens pratique et historique. Ainsi, en traitant de la li-
berté d'association, il passe à peu près complètement sous silence la
question de la liberté des fondations et celle de la propriété corpora-
tive. Cependant toute la fécondité du droit d'association dépend de
ces deux libertés pratiques : sans elles on n'a que des clubs ou des so-
ciétés secrètes.
La même remarque s'appliquerait au chapitre sur la liberté de l'en-
seignement. M. Beaussire la défend avec beaucoup de zèle, mais il
veut réserver à l'État le monopole absolu de la collation des grades,
et ces grades sont, dans son système, nécessaires pourla grande majo-
rité des carrières libérales. Il n'a pas aperçu la contradiction qu'il y a
à proclamer la liberté d'enseignement, alors que l'Etat entretient des
institutions d'enseignement avec les fonds du budget et transforme
ses professeurs en examinateurs. Les économistes, que M. Beaussire
traite si dédaigneusement dans son introduction, lui auraient appris
ce qu'est une liberté dans de pareilles conditions.
Malgré la fausseté du système et le côté légèrement chimérique de
certaines de ces solutions, ce livre contient en grand nombre des aper-
çus intéressants et des pages très-littéraires. Le mouvement des faits
se produit de plus en plus dans un sens absolument opposé à la thèse
libérale de l'auteur; mais cette thèse exerce encore, dans certaines
régions de l'opinion, une influence incontestable, quoiqu'intermittente
et traversée par bien des inconséquences. Il peut donc y avoir de
l'intérêt à en trouver un exposé aussi franc, aussi sincère, aussi can-
dide, si l'on veut. C. J.
Précis de l'histoire des beaux-arts, par Lubre, traduit de
l'allemand, par E. Molle. Bruxelles, Muquardt, 1877, in-12 de 271 p.,
avec 100 gravures. — Prix : 5 fr.
Si l'on possède, dans la Grammaire des arts du dessin de M. Ch.
— 224 —
Blanc, un excellent travail théorique, il n'existe aucune histoire
simple et claire où l'on puisse, clans un court aperçu, étudier les
grandes phases de la peinture, de l'architecture et de la sculpture.
Depuis nombre d'années, cette lacune est remplie en Allemagne. On
y trouve dans toutes les bibliothèques les beaux ouvrages de Kugler
et de Liibke. M. Molle nous donne, dans son précis, un rapide résumé
du travail de Lûbke. L'idée de l'auteur est très-bonne. Mais pourquoi
faire un livre pour les écoles (Lcitfaden), alors que les jeunes gens,
les hommes faits ne savent où puiser un enseignement exact et mé-
thodique sur l'histoire de l'art? Pourquoi ne pas traduire le grand
ouvrage en deux volumes du professeur de Stuttgard, en s'attachant à
développer particulièrement la partie française de l'ouvrage. C'eût
été une œuvre d'autant plus utile qu'on eût pu l'accompagner sans
grande difficulté d'une publication française des grands monuments
de Vs-vt, Denkmxlc)- der Kunst, dont envient de commencer la troi-
sième édition en Allemagne. Quoi qu'il en soit, nous remercions
M. Molle de son livre, et nous formons le vœu de le voir entreprendre
bientôt une .publication plus étendue, plus intéressante, et qui ob-
tiendra, nous n'en doutons pas, le plus légitime succès.
J. Van den Heuvel.
Les Ûilitions illustrées de Racine, par A.-J. PoNS. Deux portraits
à l'eau-forte. Paris, Quentin, 1878, in-8 de 80 p. — Prix : 10 fr. (Bi-
bliothcqiic de l'art et de la curiosité.)
On attribue à M"'^ de Sévigné un mot sur Racine que je n'ai jamais
pu découvrir dans ses lettres. On peut donc croire qu'elle ne l'a pas
dit. En tout cas, la prophétie aurait était complètement fausse ; c'est ce
que prouverait à lui seul le beau volume de M. A-J. Pons. Racine n'a
jamais été oublié. Quelle longue liste des éditions illustrées du poète! Et
cela à partir de son vivant, à partir de l'édition donnée en 1675, avec les
figures de Chauveau et de Sébastien Le Clerc, d'aprèsLe Brun, jusqu'aux
deux admirables volumes édités par M. Mame en 1876-1877. Deux
siècles se sont écoulés entre ces deux publications, et ils ont été rem-
plis par de fréquentes réimpressions des œuvres de Racine, réim-
pressions auxquelles d'éminents artistes n'ont cessé de prêter leur
concours. Les recherches de M. A.-J. Pons sur ce sujet sont curieuses
et bien faites. Le volume commence par une bonne étude sur Racine
et sur Le Brun ; vient ensuite la nomenclature des éditions illustrées
par ce peintre ou d'après lui. Après un chapitre plein de judicieux
aperçus sur les dessinateurs du dix-huitième siècle, notamment sur le
contraste fâcheux qui existait entre leurs mignardises hors de propos
et les conceptions du poète, on arrive à la description de l'édition de
1743 et à une révélation sur l'exemplaire de Nodier qui figure aujour-
d'iiui dans le catalogue de M. A. Fontaine, où il est coté 350 francs ;
puis la nomenclature reprend, et se termine par Tindication des oeuvres
de Racine imprimées chez Didot en 1796. Des remarques sur l'école
de David précèdent la série des éditions appartenant à notre siècle.
Celles qui ne contiennent qu'un portrait ont ensuite leur tour.
M. A.-J. Pons donne encore des détails sur diverses éditions remar-
quables, mais non illustrées, les titres des traductions du poète faites
en différentes langues, et, enfin, des renseignements sur les tableaux
et dessins où figure Racine, et sur les bustes et statues que Ton con-
naît de lui. Ce beau volume est orné de deux magnifiques eaux-fortes :
l'une nous offre le portrait dont l'original appartient au musée de
Langres; l'autre un tableau de R. Tournières, Chapelle cl Racine,
qu'on voit au musée de Caen. Le portrait emprunté au musée de
Langres est accompagné d'une notice due à M. Jullien de La Boulloye,
archiviste de cette ville. Cette notice contient une généalogie, où nous
voyons que la postérité du poète subsiste encore dans la Haute-Marne.
Le volume de M. A.-J. Pons, si splendidement édité par Quantin,
n'a été tiré qu'à trois cents exemplaires numérotés. Combien de biblio-
philes seront désolés de ne pouvoir le placer à côté de leur plus beau
Racine! Th. P.
BELLES-LETTRES
Homaii et patois, par Louis de CoiiBETTES-LABOURELiK, oflicier d'Aca-
démie. Gaillac, P. Ducourg, 1878, in-8 de xvii-149 p.
M. de Combettes-Labourelie a composé son livre de deux parties :
la première contient le texte et la traduction" en vers d'un assez grand
nombre de pièces dues aux troubadours les plus en renom, à dater du
comte de Poitiers, le plus ancien d'entre eux. La seconde est formée
d'une série de proverbes en patois provençal, qui est l'héritier du
roman ou langue d'oc, dont l'auteur a précédemment donné de nom-
breux échantillons; et ainsi se trouve expliqué le titre de ce volume.
Reproduire dans notre langue les rhytmes, souvent fort compliqués^
des troubadours, et dans lesquels les mêmes rimes se répondent avec
une fréquence possible seulement dans les idiomes méridionaux, était
une œuvre impraticable et que l'auteur n'a pas tentée. Mais, sans
essayer un calque inexécutable, par la disposition, la coupe de ses
vers, il a parfois reproduit quelque chose de l'aspect des chants ori-
ginaux, notamment dans une aubade (p. 105) et dans une ballade (p. 110).
Peut-être M. de Combettes-Labourelie aurait-il dû s'efforcer de rendre
de môme d'autres morceaux, où les alexandrins ne remplacent pas
avantageusement les allures lyriques du texte.
Les proverbes réunis par M. de Combettes-Labourelie me semblent,
Septembre 1878. T. XXIII, 15.
— 226 —
pour la plupart, beaucoup plus originaux que ne le sont d'ordinaire
les adages de ce genre. En effet, j'ai eu Toccasion de remarquer, à
propos des proverbes siciliens recueillis par MM. di Giovanni et Pitre,
que, de même que les contes et les poésies populaires, les proverbes
sont très-fréquemment semblables dans des pays fort éloignés les uns
des autres, et je constate que les dictons provençaux ont, bien plus
souvent que ceux des autres contrées, un caractère particulier.
Une étude, qui a été lue en partie au congrès archéologique tenu à
Toulouse en 1874, sert d'introduction au livre de M. de Combettes-
Labourelie. J'y remarque une petite erreur : page xiii, l'auteur place
le Catalan Jordi parmi les poètes italiens. Un autre passage de cette
introduction me semble peut-être en contradiction avec ce qui a été
généralement admis sur la langue des troubadours ; celle-ci, la dreita
parladura, était, on le prétend, une langue de choix, une langue lit-
téraire qui n'appartenait en propre à aucune province, et M. de
Combettes-Labourelie dit (p. vm) que le patois est l'idiome que par-
lèrent les troubadours. Par son origine, par ses études, l'auteur a sur
ce sujet une compétence que je ne puis posséder; aussi n'ai-je nulle-
ment l'intention de donner à ma simple remarque le caractère d'une
critique. Th. P.
Oas Steinbuch. Ein altdeutsches gedicht von Volmar, mit einleitung,
anmerkungen und einem Anhanpe, herausgegeben von Hans Lambel.
Heilbronn, Gebr. Henninger, 1877, in-12 de xxxiii-173 p.
Ce poème de haut-allemand, que M. Hans Lambel intitule Le Lapi-
daire ou livre des pierres^ d'après le titre de l'un des plus anciens ma-
nuscrits qui le renferme, est une sorte de définition et de commen-
taire en vers des pierres précieuses connues au moyen âge. Les
manuscrits que l'éditeur a dû consulter pour l'établissement du texte
sont au nombre de dix, répartis entre les grandes bibliothèques de
l'Europe : Vienne, Hambourg, Dresde, Saint-Gall, Londres, etc. Le
poème, qui contient un peu plus de mille vers, a déjà été publié une
fois, en 1498, mais d'après un seul des manuscrits que nous venons
d'indiquer.
A chacune des pierres précieuses est consacrée une laisse ou cou-
plet, dans lequel Volmar en célèbre la couleur et l'éclat. Son œuvre
aurait un intérêt historique et artistique réel, si le poète avait décrit
quelques-uns des beaux camées ou des intailles de l'antiquité, que le
moyen âge conservait dans ses reliquaires en les transformant en ob-
jets de piété, ou bien qu'il faisait servir à la décoration des châsses
renfermant les corps saints. Mais Volmar ne cite pas un seul de
ces bijoux qui font aujourd'hui l'ornement de nos musées; il se con-
tente d'un dithyrambe philosophique, d'un goût souvent risqué, en
— 227 —
riionneur d'une améthyste, d'un rubis ou d'une topaze. Aussi, son
œuvre n'offre-t-elle qu'un intérêt purement philologique, et c'est à ce
point de vue que l'a envisagée M. Hans Lambel.
L'érudit allemand a étudié avec le plus grand soin les sources
signalées plus haut. Il a consacré son introduction au classement des
manuscrits par ordre d'ancienneté et par familles; il a aussi fait de
nombreuses remarques philologiques et littéraires sur la langue de
Volmar. Le poème, d'après M. Hans Lambel, aété composé vers le mi-
lieu du treizième siècle, mais on ne saitrien,ouplutôt, l'éditeurnenous
apprend rien sur la vie de Volmar. Il a fait suivre sa publication
d'un appendice considérable, qui renferme un autre lapidaire tiré d'un
manuscrit de Saint-Florien de Linz; ce nouveau poème, qui a beau-
coup d'analogie avec l'œuvre de Volmar, ne remonte pas au-delà du
quinzième siècle. Lapublication de M. Hans Lambel est importante pour
l'étude du haut allemand du moyen âge. Er. B.
OEuvres poétiques complètes de Nicolas Defrechedx. Liège,
Gothier, décembre 1877, in- 12 de 287 p.
L'existence de la petite principauté de Liège, maintenant de longs
siècles son indépendance au milieu d'un pays presque toujours sou-
mis à la domination étrangère, constitue l'un des phénomènes les plus
intéressants de l'histoire de Belgique. Si depuis la révolution fran-
çaise, Liège a perdu son autonomie et suivi le sort des autres pro-
vinces belges, ce grave événement politique n'a pu ni changer les
mœurs de sa population, ni briser la chaîne des traditions locales, ni
arrêter dans son essor le développement de la littérature nationale.
L'emploi de ce terme ambitieux, « littérature nationale, » amènera
sans doute un sourire sur les lèvres de plus d'un des lecteurs de cette
Revue qui ignorent l'existence et la vitalité de l'idiome liégeois ; et
cependant ce terme, je le crois exact, et le poète dont je désirerais
faire connaître l'œuvre est un poète dans toute la grande et noble
acception du mot.
Le peuple liégeois a à sa disposition deux langues ; l'une, le fran-
çais, d'importation étrangère; l'autre, le wallon, idiome naïf et origi-
nal, antique forme du roman ou vieux français. Cet idiome, qui joint
à une précision et à une clarté toute gauloises la richesse des images
et une énergie pittoresque, est celui dont s'est servi Defrecheux, le
dernier venu parmi les poètes populaires dont s'honore la vieille cité
de saint Lambert et de Notger. Liège avait eu avant lui son Molière,
dans la personne du tréfoncier de Harlez, l'auteur du théâtre lié-
geois ; les improvisateurs de la « place du Marché » cultivaient avec
succès, depuis nombre d'années, le genre épigrammatique. Li Côparéi^
— 21H —
(le coup pareil) de Simenon et Li K'ktpc mancgc (le ménage en dé-
sordre) de Forir avaient révélé chez l'un un génie lyrique de pre-
mier ordre, chez l'autre un véritable talent d'observation. Dans les
temps plus rapprochés, la Société liégeoise de littérature wallonne
donna une impulsion plus vive encore au mouvement, et les palmes
qu'elle décerna provoquèrent l'émulation des littérateurs les plus
distingués du pays.
Avec Defrecheux, la muse wallonne trouva son poète élégiaque ;
ce n'est point que la plume de notre poète ne se soit exercée avec
succès dans des genres différents. Sa lyre a tour à tour chanté les
grands faits de la patrie, célébré ce vieux nom liégeois qui vâi
tiV di noblesse (qui vaut titre de noblesse), remémoré les poétiques
légendes du pays ou même abordé la satire et les scènes de mœurs ;
mais son talent se manifeste avec bien plus de charme et de grâce
dans la peinture des sentiments les plus délicats et les plus tendres
du cœur humain. Chaque fois qu'il s'agit, soit d'évoquer des souvenirs
d'enfance comme dans la poésie Li rlour a pays, soit de peindre les
joies, du foyer, comme dans cette berceuse adorable. Tôt hossant (en
berçant), ou de remuer les fibres de la mélancolie et de la pitié,
Defrecheux trouva des accents d'une fraîcheur et d'une délicatesse
exquises.
Que de grâce naïve, que d'émotion dans cette ravissante idylle :
L'avez-vc veyou passer! Chaque année, elle obtient un nouveau
succès d'enthousiasme dans les fameux crâmignons ou rondes popu-
laires des fêtes paroissiales de Liège.
Quels accents touchants, quelle sensibilité profonde dans cette
autre pièce : Leyiz- ou' plorer! (laissez- moi pleurer), ou bien dans les
Orphilins.
Il faudrait tout citer dans ce charmant recueil, et nous regrettons
de devoir nous borner et surtout de ne pouvoir, par quelques extraits,
mettre le lecteur à même d'apprécier la saveur de l'idiome liégsois,
et le mérite d'un de ses plus grands et de ses plus doux poètes.
« Si quelque jour, répéterons-nous avec l'un des critiques les plus
éminents en cette matière (Alph. Le Roy, Palria Belgica, t. III,
p. 555), on a l'heureuse idée de publier une anthologie wallonne,
Defrecheux y figurera au premier rang. » Ch. D.
l<ibre d»Or de la poesîa moderua catelana. — La Reneixeiisd\
1878, in-8 de 306 p.
Il paraît que les Castillans ont quelque peine à admettre que h
langue catalane, qui, pendant, si longtemps, a marché de pair avec h
leur, qui a produit tant de poètes, soit autre chose qu'un dialecte. Del
— 220 —
nombreuses revues, des œuvres de genres divers, le beau poème de
VAUantide devraient suffire pour prouver que l'idiome d'Auzias Mareh
de Jordi et de Febrer est apte à peindre tous les sentiments et à
traiter tous les sujets. De cette faculté, voici une preuve nouvelle, c'est
un recueil de vers publiée par la rédaction de la Renalxensa. Il ne
contient pas moins de soixante-sept pièces toutes d'auteurs difi'érents,
chaque poète n'a dû j figurer qu'une fois. De cette variété de col-
laboration est née tout naturellement une variété non moins grande
dans la manière dont le livre est composé. Les ballades, les odes,
les élégies, les idées, les rhytmes les plus difi'érents s'y succèdent.
Nous trouvons là les noms d'Antoni de Bofarull, de Manuel Milà y
Fontanals, de Pelay Briz, de Joaquim Rubio y Ors, de Jacinto Verda-
guer. Evidemment toutes les pages qui composent ce livre n'ont pas
une valeur égale, mais cette collection présente un ensemble fort
remarquable, et qui indique un complet réveil de la littérature ca-
talane. Th. p.
Un poète latin du onzième siècle. Oaudri, abbé de Bour-
^ueil, arclievèqae «le Ool, (1040-1130), d'après des documents
inédits, par l'abbé Henri Pasquier, chanoine honoraire, directeur de l'école
Saint-Aubin d'Angers, docteur es lettres. Paris, Ernest Tliorin ; Angers,
Lachèse et Dolbeau, 1878, in-8 de 29o p. — Prix : .o fr.
Le onzième siècle, qu'on a appelé l'âge de fer du moyen âge, est
encore assez mal connu aujourd'hui, malgré d'excellents travaux pu-
bliés sur cette époque par les érudits contemporains. On constate
cependant qu'il fut témoin d'une véritable renaissance dans les lettres
et dans les arts. L'architecture se dégage de la barbarie dans laquelle
vint sombrer l'empire carolingien ; elle se développe et prend son
essor, non point par une servile imitation des monuments romains qui
couvraient encore la Gaule, mais elle devient originale, elle invente
la voûte. De cet élément primordial, lourd, massif, sortiront un peu
plus tard les arcs d'ogive et l'élégante silhouette des cathédrales
gothiques. Dans les belles -lettres, il en est de même : la littérature
populaire s'affranchit de l'étreinte du latin; les langues romanes se
forment, et déjà apparaissent les premiers poèmes épiques français, les
chansons de geste. La littérature latine essaye aussi de renaître. Elle
a des poètes comme Baudri de Bourgueil, qui lui donnent quelque
temps une vie factice; mais, pour employer une expression de M. l'abbé
Pasquier, « ce ne fut qu'une floraison tardive d'un arbre qui a donné
ses meilleurs fruits. » La poésie latine était une plante exotique trans-
portée chez des peuples pour qui elle n'était pas faite : elle dut faire
place à la poésie romane.
Quoi qu'il en soit, les poètes latins forent nombreux ù la fin du
— 230 —
onzième siècle : chaque école épiscopale ou monastique avait les siens
et la littérature latine de cette époque ne fut pas sans gloire, Baudri
de Bourgueil en est peut-être le plus illustre représentant. Elève de
Fécole de Meung-sur-Loire, fondée à la demande de Charlemagne par
l'évêque Théodulfe^ il eut pour maître Hubert, peut-être disciple de
Fulbert de Chartres. Il j apprit la grammaire et passa ensuite à l'école
d'Angers, alors célèbre par le bruit qui se faisait autour de l'hérésiarque
Bérenger, et où il fut condisciple de Hildebert du Mans, de Geoffroy
de Vendôme, de Marbeuf de Rennes : avec ses illustres amis, Baudri
s'initia aux éléments de la versification latine.
Emporté par cet irrésistible élan religieux qui caractérisa le onzième
siècle et qui vit naître presque tous les ordres monastiques, Baudri se
fit moine à Saint-Pierre de Bourgueil, sur les confins de l'Anjou et de
la Touraine : le 25 décembre 1089, il fut élu abbé du monastère. Ce fut
alors qu'il s'adonna à son goût pour les vers latins. Il les répand à
profusion, à tout propos; il n'écrit qu'en vers à ses amis. « Baudri,
dit son savant biographe, abusait de cette facilité à revêtir sa pensée
de la forme du vers latin. Il l'emploie pour faire part de ses joies ou
de ses tristesses, pour inviter à venir le voir, à partager son dîner.
A-t-il été frappé d'une chose extraordinaire ? il la décrit en vers
latins... Il n'est pas jusqu'à ses cauchemars qu'il ne raconte en vers.»
Poète didactique à ses heures, Baudri entreprit d'exposer, dans un
long traité, tout le cycle des études monastiques ; il ébaucha aussi un
poème épique sur la conquête de l'Angleterre, dans lequel il prodigue
surtout les leçons d'astrologie et de géographie. Enfin, poète élégiaque,
parmi les nombreuses pièces de vers inscrites sur les Rouleaux des
morts, il n'en est pas de "plus remarquables que celles de Baudri.
M. l'abbé Pasquier étudie avec érudition la grammaire et la versifi-
cation du poète ; il passe en revue les principales particularités du
vocabulaire et de la syntaxe de Qa langue ecclésiastique au onzième
siècle ; les jeux poétiques fort en honneur au temps de Baudri sont
aussi l'objet de judicieuses remarques. Cette manie des jeux poétiques
qu'on retrouve à toutes les époques de barbarie littéraire, fut le fléau
de la poésie latine au siècle qui nous occupe. Cependant, selon M. l'abbé
Pasquier, « Baudri mérite que nous le placions parmi ces hommes d'un
jugement plus droit, qui ne sacrifient à l'engouement de leur époque
que bien rarement, en se jouant et comme pour s'en moquer. »
Jusqu'en 1872, on ne connaissait des œuvres de Baudri de Bourgueil
que ses ouvrages en prose, comme VHistoria Hierosolymitana, et ses
poésies pouvant off'rir quelque intérêt historique. C'est M. Léopold
Delisle qui, à cette époque, publia dans la Romania une description
détaillée d'un manuscrit du Vatican qui contient les autres oeuvres du
poète angevin. D'après les données imparfaites qu'ils possédaient, les
— 231 —
bénédictins avaient jugé Baudri assez sévèrement. Ils l'accusèrent
d'avoir eu peu de zèle pour la discipline ecclésiastique et lui repro-
chèrent d'être mauvais poète. L'abbé Le Bœuf, de son côté, écrivit
que les œuvres de Baudri étaient singulièrement gâtées par l'exagé-
ration et l'emphase. « Baudri, dit son nouvel historien, était mal
connu. On avait eu la pensée de le juger sur ses poésies historiques,
sur des vers faits pour la publicité. Or, Baudri est un causeur aimable
qui, dans une conversation en vers aussi rapprochée que possible de
la prose, s'épanche librement avec ses amis. On l'avait donc jugé sans
le connaître, puisqu'on avait fait sa vie sans avoir sous les jeux les
documents où elle est le plus fidèlement racontée. » Grâce à l'éru-
dition de M. l'abbé Pasquier, Baudri de Bourgueil prendra désormais
le rang auquel il a droit dans la renaissance littéraire du onzième
siècle. Néanmoins, on pourrait craindre peut-être que cette réhabi-
litation n'eût le caractère d'un panégyrique. Mabillon, l'abbé Le Bœuf,
et les auteurs de VHistoire littéraire se sont montrés trop sévères pour
Baudri ; M. l'abbé Pasquier n'est-il point à son tour trop enthousiaste
pour son héros? Les bénédictins, ces géants de l'érudition, se sont
trompés quelquefois, mais rarement, et sur des points de détail.
Baudri de Bourgueil fût-il le plus grand poète latin du onzième
siècle, restera toujours, croyons-nous, un médiocre poète.
Ernest Babelon.
Hainlet le Danois, par Alexandre Buchxer, professeur de littérature
étrangère à la Faculté des lettres de Caen. Paris, Hachette, 1878, in-8 de
x-220 p. — Prix : 3 fr. 50.
Partant de cette idée qu'il j a dans l'examen de toute œuvre dra-
matique deux parts à faire, celle du talent de l'auteur et celle des
circonstances où s'est exercé ce talent ainsi que de la matière qui a
reçu son empreinte, M. Bùchner s'est proposé de rechercher les
causes historiques des anomalies que l'on remarque dans VHamlet de
Shakespeare. Il a pensé qu'il serait plus aisé de les expliquer ainsi que
par les considérations de psychologie transcendante auxquelles de
nombreux interprètes se sont trop facilement abandonnés, en prêtant
au poète leurs propres quintessences. Il a passé en revue les sources
présumées de VHamlet: la chronique de Saxo Grammaticus, la version
de Belleforest, la traduction anglaise de cette version et la chronique
rimée danoise, où se trouve un abrégé de la même histoire, d'après
Saxo. Il a recueilli les mentions d'où l'on peut conclure qu'il a existé
sur le théâtre anglais uuEamlet antérieure celui de Shakespeare, noté
les ressemblances que diverses autres pièces de ce vieux théâtre, et
notamment la Tragédie espagnole de Thomas Kyd, offrent avec le cé-
lèbre drame, et rappelé les conventions auxquelles les auteurs des
232
tragédies d'alors ne pouvaient pas se soustraire. Il a ensuite rapporté
la plupart des systèmes soutenus, notamment en Allemagne, pour
expliquer VHumlel et examiné les pièces sur le môme sujet, écrites
depuis Shakespeare. Il a enfin conclu que les anomalies du drame
s'expliquent par ce fait que le grand poète, remaniant un drame
antérieur dont il n'a pas pu ou dont il n'a pas voulu entièrement changer
la structure et les caractères, a mélangé dans la personne de son
Hamlet deux types contradictoires : le type traditionnel et celui que
son génie avait conçu. Cette conclusion est ingénieuse et l'idée gé-
nérale du livre de M. Biichner, dirigé surtout contre les admirateurs
exagérés de Shakespeare, qui en veulent faire un poète infaillible et
trouver des raisons profondes à toutes ses étrangetés, dont beaucoup
sont purement accidentelles, cette idée nous paraît fort juste et elle
serait d'une application féconde. Mais nous reprocherons à l'auteur
des défauts, tenant peut-être aux circonstances de son travail, qui a
l'air d'une thèse de doctorat: un peu de diffusion dans le développement
desa pensée, un déploiement exagéré d'érudition qui ne va pas toujours
au but, la tendance à prouver longuement ce que tout le monde sait:
par exemple, que Shakespeare a donné à son Hamlet les mœurs du sei-
zième siècle; des rapprochements d'une critique douteuse : par exem-
ple, cette assertion que le passage de Virgile relatif au premier
époux de Didon a donné l'idée du fameux spectre ; enfin nous lui
reprocherons la réflexion enfantine de la page 22, à propos du combat
singulier des princes Collerus et Horwendillus. « Pourquoi, dit en
note M. Biichner, les princes de nos jours n'en font-ils pas autant? »
Parce que cela ne servirait à rien. Marius Sepet.
Délia vîta e délie opéra dl i%ntonio Urceo dette Codro,
Studi e ricerclie di Cablu Malagola, Bologae, Fava et Garagnani, 187S,
in-8 de xx-597 p.
L'Italie rompit moins qu'aucun autre peuple avec les souvenirs de
l'antiquité, et produisit, dèsle moyen âge, et au quinzième siècle sur-
tout, une grande quantité d'hommes profondément érudits. L'un des
plus remarquables de ces savants fut Antonio Urceo, plus connu sous le
nom de Codro, né en 1446 et mort en 1500. Ce docte personnage a
semblé à M. Malagola digne d'une étude détaillée, et a inspiré un
gros volume où se reproduit une période fort intéressante de l'histoire
littéraire de l'Italie. L'auteur débute par un chapitre sur l'étude des
lettres grecques et latines au quinzième siècle, et par un chapitre sur
riiellénisme à Bologne jusqu'à la moitié du seizième siècle. Ce n'est
qu'après ces préliminaires, qui occupent plus de cent pages, que
M. Malagola nous parle de la famille, delà naissance et de l'éducation
— 233 —
d'Urceo. Quelques feuillets, une trentaine, suffisent ensuite pour ra-
conter la vie peu accidentée du savant,, qui mourut à l'âge de cinquante-
quatre ans, d'une manière plus édifiante, parait-il, qu'on n'aurait pu
l'attendre d'un homme qui, tant de fois, avait affecté le septicisme.
M.Malagola déclare pourtant n'avoir pas la certitude que le testament
attribué àUrceo par son disciple et son premier biographe, Bianchini,
soit d''une incontestable authenticité (p. 188 et 502). Malgré son incrédu-
lité, Urceo avait les plus ridicules superstitions, et c'est une faiblesse
que ne dissimule pas son historien . La vie d'un savant est ordinairement
plus dans ses travaux et dans ses relations que dans des événements
exceptionnels; aussi M. Malagola est-il entré dans beaucoup de détails
sur ces points, dont il s'occupe après avoir raconté la mort d'Urceo.
De nombreux appendices complètent ce volume. Th. P.
Feuilles volnnies^, par Ch. Louvet. Paris, Didier, 1877, in-8 de
•298 p. — Prix : o fr.
Ayant toujours eu l'habitude de consigner par écrit les pensées qui
lui étaient suggérées soit par ses lectures, soit par les conversations
auxquelles il assistait, soit par les événements qui se produisaient
autour de lui, M. Louvet n'a eu qu'à choisir pour former un volume
auquel nous sommes heureux d'accorder des louanges qu'aucune
réserve n'affaiblira. La vie de famille, ses tristesses et ses joies, les
douceurs de l'amitié, les fluctuations de la politique, les spectacles
variés d'un monde qui change à chaque instant sans cesser de se res-
sembler toujours, les grandes vérités morales et religieuses, ont servi
tour à tour de thème à ces pensées, souvent charmantes et toujours
justes. L'ensemble du livre respire d'ailleurs une foi profonde, et laisse
deviner un homme qui, par sa situation, a acquis le droit de juger les
autres, et conserve à l'endroit des faiblesses et des contradictions dont
il a été le témoin, une pitié sincère, tempérée par beaucoup d'indul-
gence. Le lecteur se sent tout de suite en face d'un vieillard que son
âge préserve des illusions et que ses vertus empêchent d'être grondeur
et morose. Entre tous les livres de ce genre, celui de M. Louvet est
certainement l'un des meilleurs que nous ayons jamais lus. Point de
paradoxe, mais du:bon sens, une observation fine, un style juste, une
inspiration constamment chrétienne, ce sont là des qualités trop
sérieuses pour que les Feuilles volantes de M. Louvet aient besoin
d'être recommandées davantage. Elles bénéficieront, d'ailleurs, de la
mémoire du vénéré Ms'' Fruchard et de l'illustre Dom Guéranger,
sous le patronage desquels l'auteur les a modestement placées. Ces
deux noms amèneront bien des gens à ouvrir ce livre : le charme qui
s'en exhale suffira pour les engager à ne pas le fermer sans l'avoir lu.
E, DE LA D.
- 234 —
HISTOIRE
Le I*ôle et l'Equateur, Études sur les dernières explorations du globe,
par Lucien Dubois, des sociétés géographiques de Paris et de Berlin. —
Nouvelle édition mise au courant des plus récentes découvertes. Paris,
J. Lecoffre, 1877, 2 vol. in-12 de xi-306 et 328 p. — Prix : 4 fr.
La première édition de cet ouvrage a paru en 1863, elle ne for-
mait qu'un volume de 478 pages, avec une seule carte. — L'auteur a
eu à cœur de tenir son œuvre au courant des plus récentes décou-
vertes, et pour dire tout d'abord combien il y a réussi, nous rap-
pellerons que la Société libre d'instruction et d'éducation, et la Société
nationale d'encouragement au bien, lui ont décerné chacune une
médaille d'honneur, et que l'Institut, dans sa séance solennelle du
P' août dernier, lui a accordé le second des trois prix Monthyon de
1,000 francs. Ces distinctions nous dispensent d'un plus long éloge, et
sont par elles-mêmes une recommandation parfaitement justifiée, tant
de la part des sociétés savantes que de celle de Fauteur qui en est
l'objet.
Cet ouvrage de vulgarisation scientifique, en ce qui concerne les
découvertes géographiques et l'ethnographie, est un de ceux qui rem-
plissent le mieux leur but. D'une exposition parfaitement méthodique
et claire, son premier volume est consacré à Vextrême froid, et comprend
deux parties d'égale importance : un résumé succinct des expéditions
à la recherche du passage du Nord Ouest et de la mer libre depuis
^infortuné Franklin, et une exposition remarquable dans sa simplicité
de la météorologie des régions polaires (courants de l'atmosphère et
courants de l'Océan). Un appendice relatif aux expéditions américaine
et suédoise, aux voyages du Tegcthoff et du Challenger, montre que
l'auteur a poussé ses études jusqu'à ces derniers temps. Tandis que
la première partie n'offre dans cette nouvelle édition qu'un chapitre
de plus que dans la première, la seconde partie a été plus que doublée :
l'étude des courants, si importante à tant de points de vue, a fourni,
en efi'et, depuis quelques années, une masse considérable de données
nouvelles présentant le plus vif intérêt, même pour les profanes qui
n'auront peut-être jamais à en poursuivre l'application pratique.
Le second volume, conduisant le lecteur aux régions de l'extrême
chaleur, a une portée plus haute encore que le premier, en raison des
questions ethnographiques qui s'y trouvent traitées après un résumé
des explorations de l'Afrique centrale dans leurs grandes lignes. Nous
recommandons surtout aux hommes de bonne foi les trois derniers
chapitres où l'auteur a tracé une esquisse rapide des principales races
africaines au double point de vue de l'anthropologie et de la linguis-
tique, et fait ressortir leur parenté originelle avec les autres branches
— 23b -
du règne humain ; sans être l'objet d'une étude ex professa, le chapitre
des langues est particulièrement intéressant.
Au mérite scientifique et populaire, l'œuvre de M. Dubois ajoute
celui, trop rare aujourd'hui, d'avoir non-seulement respecté, mais
justifié les traditions et l'enseignement catholique, au lieu de s'être
mis à la remorque des théories spécieuses et décevantes du matéria-
lisme et du darwinisme. De Roquefeuil.
Itinéraire descriptif, liistorîque et arcliéologiciue de
l'Orient, par le docteur Emile Isambert, professeur agrégé à l'École
de médecine de Paris, membre de la Société de géographie. Deuxième
partie : Malte^ Egypte, Nubie, Abyssinie, Sinaî. — Deuxième édition, avec
6 cartes, 19 plans et 4 gravures. Paris, Hachette, 1878, in-8 de 771 p.
— Prix : 00 fr.
Ce nouveau guide, fruit de longues et de consciencieuses recher-
ches, résume, sur les divers pays qui y sont décrits, des renseigne-
ments très-précis et une foule de données puisées aux meilleures
sources et embrassant à la fois l'état passé et la situation présente de
ces régions célèbres. L'auteur a été malheureusement arrêté par la
mort, avant d'avoir eu le temps d'achever son ouvrage ; mais de
savants collaborateurs, voyageurs eux-mêmes, ont corrigé et com-
plété son travail; en outre, il avait, de son vivant, recouru aux
lumières de tous ceux qui pouvaient l'éclairer sur les contrées à
travers lesquelles il conduit son lecteur. Ce qui concerne l'Egypte
notamment est traité avec beaucoup de netteté et de méthode, et
nous possédons là, sur les principaux monuments, soit en partie ren-
versés, soit encore debout, qui parsèment le Delta et la vallée du Nil,
des indications très-précieuses, empruntées aux égyptologues les plus
compétents, parmi lesquelles il convient de signaler en première ligne
M. Mariette-bey, auteur de tant d'importantes découvertes qui ont
justement honoré son nom.
Le paragraphe des divinités égyptiennes, remanié d'après les
travaux récents de M. Maspéro, a été illustré des figures des dieux
qui composent le panthéon égyptien. Des paragraphes nouveaux ont
été consacrés à la civilisation et aux moeurs des anciens habitants de
l'Egypte. L'architecture arabe a été l'objet d'une section spéciale ;
des plans insérés dans le texte ont permis de mettre sous les yeux des
lecteurs les types les plus remarquables des mosquées, étudiés et
expliqués d'après les travaux de Pascal Coste, de Bourgeois et de
M. Charles Blanc.
Les routes de la Haute-Nubie jusqu'à Khartoum ont été décrites
sommairement, au moyen des renseignements fournis par Caillaud et
par Lepsius.
— 23G —
Le Soudan et les contrées du Haut-Nil forment un chapitre nouveau
et le lecteur jieut ainsi remonter ce grand fleuve qui fait la vie de
l'Egypte jusqu'aux régions lointaines, encore imparfaitement connues,
d'où il descend.
L'Abyssinie a fourni une partie spéciale, et, sur ce point, comme
ailleurs, nous avons une excellente anal^'se des ouvrages les plus
sérieux qui aient été composés sur cette contrée.
Enfin, comme le voyage du Sinaï est, pour un certain nombre de
touristes, le complément de celui de FEgypte, un appendice court,
mais substantiel, est consacré à la description de la route qui conduit
à cette montagne fameuse. Y. G.
Mémoires de Charles Perrault, précédés d'une notice, par Paul
Lacroix. Paris, librairie des bibliophiles, J878, gr. in-18 de xxxri-la2p.
— Prix : 4 fr.
M. Paul Lacroix a fait précéder ces il/éw?o/re5 d'une notice écrite
avec soin et pleine de compétence, mais qui peut leur faire supposer
plus d'importance qu'ils n'en ont en eifet. Nous ne voulons pas dire,
de reste, qu'ils soient sans valeur, ni qu'ils n'aident pas à éclairer
certaines parties du règne de Louis XIV, ni qu'en dépit de longueurs
à propos des jansénistes et des questions relatives à l'architecture, ils
n'offrent pas une lecture agréable. Le Perrault" qui les a écrits, était
un littérateur éminent, un érudit ; mais c'est un recueil de contes de
fées, que nous avons tous lus dans notre enfance, qui lui a donné la
célébrité: quant à ses Mémoires, il ne les destinait, paraît-il, qu'à sa
famille: aussi ne se gêne-t-il pas pour parler avec une satisfaction
naïve de tout ce qu'il fait, vers ou prose. Cette satisfaction s'affiche
dès le début du volume, à propos d'une parodie du vi* livre de
l'Énéidr, parodie entreprise avec son frère. C'est là que se trouvent
deux vers vraiment plaisants, dont on ne manque pas de faire
toujours honneur à Scarron. C'est là qu'il est parlé de l'ombre d'un
cocher
*Jui tenant l'ombre d'une brosse
Nettoyait l'ombre d'un carrosse.
Il serait facile de citer plus d'une jolie page, dans ces Mémoires
de Perrault ; il ne faudrait pas oublier celle où il raconte comment il
alla à Orléans, prendre, à dix heures du soir, ses licences, en com-
pagnie de deux de ses amis. Les bons docteurs, avec leurs bonnets dej
nuit, sous leurs bonnetscarrés, sontpeints d'une manière très-amusante. j
Fort en faveur près de Colbert, Perrault parle beaucoup de ce ministre
et de l'Académie française. Elle lui doit plusieurs pratiques encore en
usage aujourd'hui, notamment l'invention des jetons de présence. On a
dans ces Mémoires un complet récit du séjour en France du fameux
cavalier Bernier, dont Perrault fut loin d'être l'admirateur ; on y
rencontre aussi des détails sur d'autres personnages remarquables de
l'époque, sur Louis XIV lui-même, et tout cela est dit dans cette belle
langue du dix-septième siècle que Perrault maniait avec beaucoup
d'élégance, quoique, nous le répétons, M. Lacroix ait peut-être exa-
géré le mérite du livre qu'il publiait. Ce livre qui, depuis 1750, n'avait
été imprimé que trois fois, était fort digne d'être remis sous presse
par M. Jouaust, qui nous en a donné une charmante édition.
Th. p.
Les Évè<iues et archevêques de Paris, par le vicomte G. d'A-
VENEL. Paris, Casterman, 1878, 2 vol. gr. in-8, de 439 et 429 p. —
Prix : 12 fr.
Nous arrivons un peu tard pour parler de cet ouvrage, publié déjà
depuis quelques mois, et jugé diversement par la presse. Les uns ne
lui épargnent pas les éloges, les autres le traitent avec rudesse ; d'un
côté comme de l'autre, il y a de l'exagération. M. d'Avenel est un
catholique convaincu, qui s'est efforcé de remettre sous les yeux des
Parisiens de nos jours, oublieux et peu religieux, les gloires et les
services rendus à leur cité par les évêques et archevêques de Paris.
Il a apporté à son travail une ardeur qui respire dans toutes les
pages. Mais cette piété filiale n'absout pas les défauts de l'écrivain.
L'imagination de l'auteur est peu réglée; elle l'emporte parfois à
travers des tableaux, des descriptions, des épisodes, deshors-d'œuvre,
des discussions théologiques. Le style est léger, diffus^ romanesque^
parfois emphatique, cherchant puérilement l'effet, obscurément sen-
tencieux, en un mot éloigné de la gravité, de la dignité et de l'élé-
vation qu'un pareil sujet impose. Ajoutons qu'aux incorrections gram-
maticales dont le livre est parsemé çà et là, se joignent quelques
inexactitudes historiques. Citons comme exemple que « les chrétiens,
à l'instigation de Sainte-Geneviève, élevèrent la magnifique église
de Saint-Denis, que l'on admire encore aujourd'hui (p. 57); » que
« saint Mellon, successeur de saint Denis, venait de Rouen, (p. 59) :»
saint Mellon n'a jamais quitté son diocèse, où il mourut en 314;
que « Goiovefa, Geneviève, signifie fille du ciel en celtique ; » que
«Jean du Bellay n'a pas pris assez de part à la défense de l'unité reli-
gieuse au seizième siècle : » c'est le contraire qui est vrai, et si le rôle
diplomatique de l'évêque de Paris eût été mieux connu de l'auteur,
il aurait plus justement apprécié les efforts vaillants de ce champion
de l'unité religieuse, surtout dans l'affaire du schisme d'Angle-
terre, etc.
Nous ne prolongerons pas nos citations. Un auteur catholique ne
— 238 —
peut trop se garder de ces lapsus, dont les ennemis de la religion font
leur profit.
Le lecteur, une fois accoutumé à la manière de l'auteur, lit avec
intérêt ces pages où l'anecdote foisonne, où la curiosité des citations
fait pardonner leur longueur, où le piquant des récits amuse. Il faut un
peu oublier le titre sérieux du livre, et Ton suit l'auteur avec agrément
dans sa promenade à travers cette galerie de portraits, plus ou moins
ressemblants, mais étincelants de couleur. Le second volume surtout,
commençant au dix-huitième siècle, renferme des notices détaillées,
des anecdotes peu connues, des documents inédits, depuis M.e'^ de
Vintimille (1729) jusqu'àMë'"Darboy(1871), qui permettent à l'ouvrage,
malgré son imperfection, d'espérer une place à côté des sources de
l'histoire de l'Église de Paris. L. Sandret.
Histoire des corporations françaises d'arts et métiers,
avec préface historique et conclusion pratique, par J.-P. Mazaeoz. 2" édition,
Paris, Germer-Baillière, 1878, in-8 de 485 p. — Prix : o fr.
M. Mazaroz est un partisan déclaré de la forme corporative ; il
estime que les anciennes corporations ont rendu à la société d'inappré-
ciables services, qu'elles devaient être réformées, non détruites, et
que Turgot n'a tué le mal qu'en tuant aussi le malade ; il pense que
le principe des corporations est appelé à revivre, et que ce sont les
chambres syndicales qui lui donneront la forme appropriée à notre
époque. Du reste, le livre est moins une histoire des corporations
qu'un recueil des documents relatifs à cette histoire, depuis la préface
du (c Livre des Métiers » d'Etienne Boileau, jusqu'au réquisitoire de
l'avocat général Séguier en 1776, et aux débats de l'Assemblée cons-
tituante en 1791. On y trouve aussi plusieurs ordonnances relatives
au rôle des corporations dans nos guerres civiles de diverses époques.
Malheureusement, l'ouvrage est précédé d'une préface et terminé par
une conclusion, deux morceaux fort nébuleux, pour ne pas dire da-
vantage, où il est parlé, entre autres choses, de la lutte incessante du
droit romain et du droit celto-gaulois ; on y voit que si l'auteur ne
croit pas en un Dica individu, en revanche il déteste Voltaire, So-
crate, les lois de 1791, et surtout le droit romain, source de tous nos
maux. Nous doutons que ces considérations ajoutent beaucoup à Pin-
térêt des documents historiques reproduits dans cet ouvrage.
R. L. S.
Études sisr l'industrie et la classe industrielle à Paris
au treizième et au quatorzième siècles, par Gustave Fagmez.
Paris, Vieweg, 1877, iii-8 de 426 p. — Prix : 12 fr.
Voici un livre composé avec le luxe de recherches et la critique •
— 2\\) —
dont l'enseignement de l'Ecole des chartes apprend à faire usage. Ce
n'est pas la première fois que l'École pratique des hautes études a la
bonne chance de prendre sous son patronage et de publier des ouvrages
élaborés par d'anciens élèves de l'Ecole des chartes. MM. Girj,
Robert de Lasteyrie ont trouvé à la Sorbonne, comme M. Fagniez, de
généreux éditeurs des travaux qu'ils avaient faits comme paléographes,
quelquefois même à titre de thèses pour obtenir le diplôme d'archiviste.
Le volume que nous signalons en ce moment à l'attention de nos
lecteurs est divisé en deux livres. Dans le premier, l'auteur étudie
l'organisation civile, religieuse et économique de la classe industrielle ;
on y trouve tout ce que l'on peut dire sur l'histoire des apprentis, des
ouvriers, des maîtres et des chefs d'industrie, sur les gardes jurés et
la juridiction industrielle. Dans le second livre, M. Fagniez fait la
monographie des principales industries : les meuniers et les boulan-
gers, les bouchers, les maçons et charpentiers, les industries textiles,
la teinturerie, la confection des vêtements tissés, les orfèvres. Dans
un appendice, on trouve soixante et un documents inédits qui viennent
à l'appui de tout ce qui est exposé par l'auteur et de ses conclusions ;
des tables détaillées permettent de trouver facilement les mille détails
intéressants qu'il serait parfois très-long de chercher, page à page,
dans un volume bourré de citations et de faits.
Le livre de M. Fagniez est très-important^, parce qu'il ne satisfait
pas seulement la curiosité de ceux qui recherchent tout ce qui touche
à la vie du moyen âge ; il donne en outre une idée exacte de l'histoire
du commerce et de l'industrie à Paris ; il fait connaître ce que l'on
doit penser des corporations de métiers, dont les uns disent tant de
mal, dont les autres disent tant de bien qu'ils seraient presque tentés
d'en souhaiter le retour. M. Fagniez établit parfaitement que
l'organisation de l'industrie, aux treizième et quatorzième siècles,
garantissait aussi solidement que possible le sérieux, la perfection et
la sincérité du travail, en même temps qu'elle établissait entre les
artisans, maîtres et ouvriers, une solidarité salutaire au double point
de vue de la moralité et des intérêts de chacun. Mais il reconnaît,
très-judicieusement, que cette organisation, admirablement conçue
pour la société à laquelle elle était adaptée, serait, aujourd'hui, par-
faitement inapplicable. Les institutions humaines sont faites pour
certaines époques et certains milieux ; les rapports sociaux changent,
les institutions antérieures deviennent incomplètes, quelquefois même
dangereuses. Ce ne sont pas les corporations qui, de nos jours, por-
teraient remède aux imperfections calculées du commerce moderne,
à ses falsifications, à son charlatanisme, et aux exigences des ouvriers,
à celles des patrons. Là, il y a quelque chose qui est encore à trouver.
Les Etudes sur Vindustrie et la classe industrielle à Paris consti-
— 240 —
tuent un livre qui restera et qui ne vieillira pas ; il appartient à ce
genre de recherches dont M. L. Delisle a donné un excellent modèle
dans ses Éludes sur ta condition de la classe agricole en Normandie.
A. DE B.
BLiCS Oues (le Savoie aux quinzième et seizième siècles9
par Charles Bl'eï. Tours, Alfred Manie et fils, 1878, gr. in-8, de 360 p —
Prix : 3 fr. 2u.
En inscrivant au frontispice de sa préface cet axiome de Pascal:
(( Il y a des gens qui voudraient qu'un auteur ne parlât jamais des
choses dont les autres ont parlé : autrement on l'accuse de ne rien
dire de nouveau, » M. Charles Buet nous fait connaître le caractère
de son livre : nous ne devons pas y chercher l'érudition. L'auteur
nous apprend encore, quelques pages plus loin, que son ouvrage
« n'est pas une œuvre absolument personnelle. Nous avons, dit-il,
puisé largement dans tous les auteurs que nous avons consultés; mais, au
lieu d'indiquer par des guillemets les emprunts que nous avons faits, nous
nous sommes borné à indiquer en note les ouvrages, qui sont presque
toujours ou textuellement cités, ou interprétés, ou résumés, selon les
besoins de notre cadre. C'est donc une mosaïque que nous avons
composée, ne nous réservant que le choix des matériaux, leur agen-
cement, leur mélange. » Je ne sais si un livre fait avec un pareil pro-
cédé de compilation rentre dans le domaine de la critique. On n'est
pas en présence de l'œuvre de M. Charles Buet, puisqu'il nous dit
lui-même que son livre peut être renfermé entre deux guillemets.
Ces réserves faites, je n'éprouve aucune difficulté d'ajouter que,
contrairement à toutes les compilations, celle de M. Charles Buet est
d'une lecture facile et agréable. C'est ce qu'on était en droit d'exiger
d'un romancier de renom. Au reste, le rôle que les ducs de Savoie ont
rempli au quinzième et au seizième siècle est si intéress-^ut par lui-
même ! C'est Amédée IX et ses rapports avec l'astucieux Louis XI ;
ce sont les intrigues et les mœurs bizarres de la duchesse Yolande
qui, sous plus d'un rapport, ressemblait à son frère le roi de France.
Viennent ensuite le duc Charles P"" qui reçut Bayard à sa cour, et^
plus tard, Charles III qui dut réprimer les troubles de Genève et les
premières tentatives de révolte des calvinistes. Il y a là des épisodes
dignes de la plume d'un romancier et même d'un poète. Le livre de
M. Charles Buet pourra servir de prix dans les écoles primaires,
récréer et instruire de jeunes oisifs pendant leurs vacances.
Er. B.
Cronieque contenant l'estat ancien et moderne du pays et*
conté de iVamur, la vie et les gestes des seig7ieurs, contes et marquis ^
d'iccluy, par Paul de Croonendael, greffier des finances du roy, publiée inté-
— J-il —
gralement pour la première fois et annotée par le comte de Limminghe.
Première partie, comprenant depuis les origines jusqu'à la mort de Phi-
lippe le Noble (1212). Bruxelles, J. Olivier, 1878, in-4 de xvi-36o p., car-
tonné.
Les annales du comté deNamur n'intéressent pas seulement la Bel-
gique et les pays qui formaient le comté de Flandre au moyen âge.
Par sa position topographique, la ville de Namur, placée entre les
duchés de Liège, de Brabant et de Luxembourg, non loin des fron-
tières de la France et de l'Allemagne, servit souvent de champ de
bataille aux armées des pays voisins, et les plus grands drames histo-
riques se déroulèrent sous ses murs. N'est-ce pas, en effet, près de
Namur que César dompta les dernières tribus insoumises des Belgii ;
que les Francs livrèrent leurs premiers combats aux légions romaines?
A partir du quatorzième siècle, Namur vit les luttes des rois de
France contre les Flamands ou contre les empereurs d'AUemagne; et
pour nous rapprocher davantage des temps modernes, n'est-ce pas
dans les plaines de Namur que Louis XIV remporta ses plus grandes
victoires, qu'il essuya ses plus sanglants revers? Malgré l'importance
de ses souvenirs historiques, le comté de Namur n'avait pas d'histoire,
et l'on n'avait pas encore publié une longue chronique qui en contînt
les annales. Écrite au seizième siècle par Paul de Croonendael, gen-
tilhomme commis des finances du roi, cette chronique avait été signalée
par les savants dès le dix-septième siècle, en raison de son importance,
mais on avait toujours reculé devant les difficultés de la publication.
Aujourd'hui, le comté de Namur se trouve dédommagé. M. le comte
de Limminghe, dans l'édition qu'il livre au public, a fait preuve non-
seulement d'une grande érudition dans l'établissement du texte et
dans les notes qui l'accompagnent, mais il a témoigné aussi d'un goût
exquis et d'une générosité rare : son édition, tant par la beauté du
papier et des caractères que par le luxe des gravures, des blasons et
des sceaux, peut passer pour une belle œuvre de typographie.
Au point de vue historique, la Chronique du pays et comté de Namur
comble donc une lacune, puisqu'on ne connaissait l'histoire deNamur
que par des fragments de chroniques étrangères au pays namuroia ,
Quelle en est donc la valeur ? Voici comment l'apprécie M. le comte
de Limminghe ; « Nous devons l'avouer, dit-il, et les notes que nous
ajoutons au texte en sont l'indice, le chroniqueur recourt parfois à
des sources historiques peu dignes de foi (ainsi : de Rosières, R. de
Wassebourg). Cependant ses recherches ont dû être immenses; nous
qui l'avons relu, nous devons dire que rien n'approche de ce travail
accompli avec une persévérance que, de nos jours, l'on ne rencontre
guère. Depuis Jean d'Outremeuse jusqu'au poème flamand sur la guerre
de Grimberghe, depuis Lambert d'Aschaffenbourg jusqu'au continua-
Septembre 1878. T. XXIII, 16.
— 242 —
. teur de Sigebert de Gembloux, rien n'avait échappé à P. de Croonen-
dael.. . Le treizième siècle passé, notre cLroniqueur, bien que s'ins-
pirant de Froissart, de Monstrelet et des autres écrivains de l'époque,
prend sa place comme historien. Le premier, il nous révèle les
comptes de la ville de Namur : c'est là que nous reconnaissons son
allure plus libre ; il a sous les yeux tous les documents, son œuvre à lui
commence, et il^nous mène à travers les faits, les narrant simplement,
jusqu'au jour où Jean III signait l'acte de vente du comté de Na-
mur, dont il se dépossédait en faveur de Philippe le Bon, duc de
Bourgogne. »
Nous ne pouvons apprécier cette dernière partie de l'œuvre de Paul
de Croonendael et qui semble la plus originale, puisque le premier
volume de M. le comte de Limminghe, que nous avons seul sous les
yeux, s'arrête en 1212. Mais, pour tout ce qui précède cette date, on
peut dire que le chroniqueur fait généralement preuve d'une critique
mieux inspirée que les auteurs du moyen âge et même que les histo-
riens du seizième siècle. Ainsi^ par exemple, il re jette les légendes
qui avaient cours à son époque sur l'origine et l'antiquité de Namur :
« Nous ne pouvons avec raisons, dit-il, rechercher aucune chose du
pays et conté de Namur devant que Cœsar vînt en la Gaule-Belgique ;
tout ce que on dict du pays devant, ne sont que fables monstrueuses ou
comptes faicts à plaisir. » A plusieurs reprises, il repousse ainsi des
traditions universellement accréditées de son temps. Mais il a aussi
donné droit de cité à un grand nombre d'erreurs. Parlant des villes
closes du comté de Namur, il attribue la fondation du château de Sam
son, « à Albericq, second lils de Clodion le Chevelu, régnant es lisières
de la Gaule-Belgique vers Tan 451, et par lui appelé Temple de Mercure. y>
De même, il copie servilement d'anciennes chroniques où il est écrit
qu'un fils de Charles Martel appelé Grifon fut archevêque de Reims.
Ses tableaux généalogiques des comtes de Namur, bien que fournissant
des renseignements utiles, sont souvent invraisemblables. Enfin, pour
le douzième siècle, Paul de Croonendael n'a guère fait que copier les
chroniqueurs contemporains, tels que Bigord, Guillaume le Breton et
la chronique de Gislebert.
Malgré ces critiques, l'œuvre du compilateur namurois est impor-
tante. On y rencontre fréquemment des textes de chartes d'une au-
thenticité incontestable et qui révèlent des faits nouveaux. Pour ne
pas trop scinder le récit, le savant éditeur les a réunies, en les anno-
tant, à la fin de sa publication, sous le titre de Codex diplomaticus. Enfin
dans le récit historique des faits, depuis la conquête de César jusqu'en
1212, il en est un grand nombre que Paul de Croonendael nous a con-
servés seul, et qu'il a recueillis dans des chroniques qui semblent
aujourd'hui perdues. Nous reviendrons sur cette grande publication
— 243
lorsque M. le comte de Limminghe nous aura livré la seconde partie
de son œuvre: il nous sera alors permis de mieux apprécier dans son
ensemble la chronique de Paul de Croonendael et le mérite de son
savant éditeur, Ernest Babelon.
Cartas de îndias, publicadas por la primera vez por el Ministerio de
Fomenio. Madrid, imp. de Manuel G. Hernandez, 1877, in-folio de xvi-
877 p., avec fac-similé, planches et cartes.
Le gouvernement espagnol vient de publier, en un magnifique vo-
lume in-folio, un choix de lettres inédites (au nombre de 108), écrites
des Indes occidentales ou relatives aux Indes occidentales, pendant
le seizième siècle. Les auteurs de ces lettres portent les noms illustres
de Christophe Colomb, d'Améric Vespuce, de Barthélémy de las
Casas, de Bernai Diaz del Castillo, de Pierre de la Gasca, de Mar-
tinez de Irala, etc. Elles racontent les faits les plus remarquables de
la découverte, de l'histoire, de l'administration première des pro-
vinces de la Nouvelle-Espagne ou'^Mexique, de l'Amérique centrale,
du Pérou et de la Plata. Ce simple énoncé indique suffisamment la
haute valeur de ces documents. Le gouvernement espagnol a rendu,
par cette publication, un service inappréciable à l'histoire de l'Amé-
rique, en même temps qu'il met en lumière des pièces authentiques
pouvant servira présenter, sous un jour plus favorable à l'Espagne,
les actes des premiers explorateurs du Nouveau Monde, des vain-
queurs et des gouverneurs de ces contrées.
La commission, nommée par le ministre pour préparer et diriger
cette édition, n'y a admis que des lettres autographes, dont elle a
reproduit en fac-similé les principales, se contentant, pour les pièces
et les auteurs d'une moindre importance, du fac-similé des signatures.
Le recueil est suivi de notes historiques servant d'éclaircissement aux
lettres, d'un vocabulaire géographique, de notices biographiques très-
complètes touchant les personnages auteurs des lettres ou cités dans
les lettres, d'un glossaire des vieux mots de la langue tombés aujour-
d hui en désuétude. Viennent ensuite de nombreuses planches de fac-
similé et les cartes de plusieurs contrées du Nouveau Monde, dressées
au seizième siècle par des navigateurs espagnols.
Espérons que le gouvernement de ce pays, et en particulier M. le
comte deToreno, le ministre éclairé sous l'impulsion duquel a été en-
treprise cette remarquable publication, ne s'arrêteront pas dans cette
voie, et qu'ils continueront à faire part au monde savant des trésors
de leurs archives nationales, si riches en documents pour l'histoire
des deux mondes.
Ajoutons que cette édition est splendide : papier, impression, gra-
vure, tout est espagnol, et n'en est pas moins digne d'être présenté
comme un modèle aux éditeurs de grandes publications,
L. Sandret.
S^tude sur IVicoIas de Grouchy et son fils T'imothée de
Groucliy, S'' de la Rivière, par le vicomte DE Grouchy et Emile
Travers. Paris, H. Champion; Caen, Le Blanc-IIardel, 1878, in-8 de 230 p.
— Prix : .■) fr,
M. le vicomte de Grouchy, secrétaire d'ambassade, voulant faire
connaître un personnage de sa famille qui a le droit de ne pas être
oublié, s'est adjoint un ancien élève de l'Ecole des chartes, son ami,
pour publier le joli volume dont je viens de transcrire le titre.
Nicolas de Grouchy, en sa qualité de puîné, dut chercher à se faire
une carrière ; ses goûts le portèrent vers le professorat, et il com-
mença par occuper une chaire à Sainte-Barbe ; puis il vint professer à
Bordeaux, au collège de Guyenne, à Coïmbre, en Portugal; il mourut
au moment où il était appelé au collège protestant de la Rochelle. Il
édita plusieurs ouvrages qui lui donnèrent une grande réputation de
savant parmi ses contemporains. Bien différent fut son fils, catholique
ardent, homme de guerre, qui, lorsqu'il laissa reposer son épée, s'es-
crima de la plume et fut un zélé adversaire des réformés du pays de
Caux. Autant le père avait été un huguenot calme, autant le fils se
montra catholique militant. Cette étude, consciencieusement faite et
agréablement écrite, offre un véritable intérêt; les recherches bio-
graphiques et bibliographiques sont très-complètes ; les pages rela-
tives au collège de Guyenne et à la tentative malheureuse d'établir
des professeurs étrangers en Portugal fournissent des détails inédits
ou peu connus sur l'histoire du haut enseignement au seizième siècle.
Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur ce livre, dans lequel ils
trouveront autre chose que la simple biographie d'un savant.
A. DE B.
jVouveaux éloges historiques, par M. Migxet, de l'Académie fran-
çaise, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques.
2"' édition. Paris, Didier, 1878, in-8 de 333 p. — Prix: 6 fr.
Cette nouvelle série d'éloges comprend les biographies de MM. de
Savigny, Alexis de Tocqueville, Victor Cousin, lord Brougham,
Charles Dunoyer, Victor de Broglie et Amédée Thierry. Ils ont
été prononcés en séance publique de l'Académie des sciences morales
et politiques, et M. Mignet a eu surtout pour but « d'honorer les vies
généreuses de savants amis du bien, et de célébrer les mémorables
travaux d'utiles serviteurs de l'esprit humain. » M. Mignet est un
maître dans l'art de bien dire, et nous ne nous attarderons pas ici à
faire l'éloge de son style académique ; mais dit-il toujours d'excel-
I
lentes choses ? La mission qu'il s'est imposée de retracer la vie et
d'apprécier les œuvres des savants que nous avons cités plus haut,
était délicate. Ces philosophes, ces moralistes^ ces jurisconsultes, ces
économistes, ces historiens ont été mêlés au mouvement intellectuel
et politique de notre siècle ; plusieurs d'entre eux ont même joué un
rôle considérable dans la marche des idées et des événements, et dès
lors, il devenait difficile de juger d'une manière impartiale leurs
travaux et leurs actes. Aussi, on peut dire que le jugement que porte
sur eux M. Mignet ne sera pas toujours ratifié par l'histoire : il a
prononcé devant l'Académie des panégyriques. Et puis, l'esprit ré-
volutionnaire de l'auteur se laisse entrevoir en maints endroits. Dans
l'éloge du grand jurisconsulte allemand, M. de Savigny, par exemple,
nous ne voyons pas bien les raisons qui font que ^I. Mignet appelle
la révolution « un grand jurisconsulte (p. 57). « Jetant un regard sur
les destinées du droit et de la science juridique en Allemagne et en
France, il trouve la cause de l'infériorité prétendue de nos voisins
d'Outre-Rhin dans leur respect des traditions nationales, tandis
que la France, au contraire, est le pays du progrès. Ces lignes étaient
écrites en 1864 ; les événements survenus depuis cette époque ont
dû modifier sur ce point les idées de M. Mignet. Nous pourrions faire
des réserves analogues sur l'appréciation de la philosophie de Victor
Cousin et des théories libérales de Charles Dunoyer. Il nous suffit de
les signaler, en regrettant que les sophismes révolutionnaires trouvent
ainsi leur place dans un recueil qui intéresse à un haut degré l'histoire
contemporaine. Er. B.
Bibliothèque liturgique. Description des livres de liturgie imprimés aux
quinzième et seizième siècles, faisant partie delà bibliothèque de S. A. R.
Monseigneur Charles-Louis de 5owr&07i (comte de Villafranca), par Anatole
Alès. Paris, typographie A. Hcnnuyer, 1878, gr. in-8, vi-oo8 p. (Non
destiné au commerce.)
M. le comte de Villafranca a réuni une collection unique d'anciens
livres liturgiques; M. Anatole Alès en fait connaître les richesses les
plus remarquables dans un magnifique catalogue, tiré à cent cinquante
exemplaires, tous sur papier de Hollande.
Il décrit, avec une minutieuse exactitude, trois cent trente-huit
volumes liturgiques à l'usage de trente-huit couvents et d'une
centaine de diocèses, parmi lesquels plusieurs n'existent plus (tels
que ceux d'Agde, d'Apt, de Die, de Lisieux, de Màcon, de Saint-
Malo, etc.).
Les livres d'Heures publiés à Paris, vers la fin du quinzième siècle,
par Yérard, par Simon Yostre, par Hardouyn, par Kerver (l'intro-
ducteur en France du caractère italique, inventé par le Vénitien
Aide Manuce), sont d'autant plus recherchés qu'ils sont ornés d'un
— 246 —
grand nombre de figures sur bois, où se révèle souvent un talent très-
réel.
Ces illustrations sont fréquemment les mêmes dans les productions
des divers libraires ; M. Aies a dressé un tableau offrant, pour soixante-
dix livres d'Heures différents, le nombre, le sujet etla distribution des
planches dont ils sont ornés ; c'est la première fois que la lumière est
portée dans cette portion de l'iconographie.
Parmi les ouvrages qu'a décrits M. Alés^ il s'en trouve qui ont
échappé aux recherches de l'auteur du Manuel du Libraire, et c'est là
un témoignage éclatant de leur rareté. Nous indiquerons en ce genre
les Heures à lusaige de Lengres, 1542 (n° 70) ; les Heures à lusaige de
Paris, Jehan de Brie, 1509 (n" 112); les Hore beale Marie virginis,
Thielman Kerver, 1502, sur vélin (n° 180), etc.
M. Aies ne s'est pas contenté de dresser une nomenclature forcé-
ment quelque peu aride ; il a eu le soin d'j faire entrer certains dé-
tails qui ont de l'intérêt. Les vieux livres d'//^(«re5 renferment souvent
des compositions poétiques plus ou moins étendues; il en a cité des
extraits : voir page 151 des quatrains sur chacun des douze mois de
l'année; page 185 diverses oraisons; page 321, un spécimen d'une
traduction des vers sibyllins; un extrait du dialogue des Trois morts
et des Trois vifs, sujet fort goûté à cette époque, se trouve page 474.
La belle collection dont M. Aies nous donne le catalogue, n'est
d'ailleurs qu'une portion (la plus précieuse, il est vrai), de la bi-
bliothèque formée par M, le comte de Villafranca, laquelle, résultat
de quarante années de recherches, comprend cinq mille cinq cents
ouvrages (18,000 volumes environ), dont les deux tiers relatifs à la
liturgie et à l'histoire religieuse. Il convient d'y joindre cinquante
manuscrits. Unenote (page 116-119), donne la liste d'une réunion presque
complète des missels et des bréviaires gallicans (au nombre de 81),
imprimés pendant le siècle dernier, et concernant quarante -sept dio-
cèses.
Les livres catalogués par M. Aies sont revêtus de fort belles re-
liures, sorties des habiles mains de M. Lortic ; il n'y a d'autres excep-
tions que celles qui résultent du respect dû à d'anciennes couvertures
bien conservées.
Des tables, rédigées avec beaucoup de soin (diocèses et ordres reli-
gieux, imprimeurs etlibraires), rendent les recherches très-faciles. A tous
les points de vue, rien ne manque pour faire du catalogue rédigé par
M. Aies, un volume des plus remarquables et complètement digne de
la riche collection dont il fait connaître les trésors ; ajoutons que son
rédacteur avait déjà donné une preuve de l'étendue de ses connais-
sances bibliographiques dans une intéressante étude sur les Moines im-
primeurs (Paris, Techener, 1872). B.
— 24-;
BULLETIN
Conférences sur l*É:9lise, prêchées àSainfe-Croix de Nantes, pen-
dant le carême de 1878, par le R. P. Guibé. de la Compagnie de Jésus,
offertes aux œuvres catholiques. Angers, imprimerie Laclièse et Dolebau,
1878, in- 18 de ii-15d p. — Prix : 50 cent.
L'Église, copie fidèle de Jésus-Christ, ou vue d'ensemble sur l'Église, l'unité
de foi dans l'Église catholique et le dogme de l'infaillibilité pontificale, l'Église
et la science^ l'Église et l'intolérance, tels sont les sujets traités par le R. P.
Guibé dans les quatre conférences prèchées à Sainte-Croix de Nantes, et
réunies aujourd'hui en un petit volume destiné à devenir un excellent
opuscule de propagande. Le format est en effet commode, le prix peu élevé,
le sujet éminemment actuel et le ton tout à fait populaire. Montrer que
l'Église est la copie vivante de Jésus-Christ dans sa constitution, dans sa
mission, dans sa vie, dans ses luttes, dans ses triomphes, et déduire de ces
considérations les devoirs que nous sommes tenus de remplir envers elle;
prouver la permanence de l'unité de foi dans l'Église, sans que cette unité
soit exclusive de la proclamation de dogmes nouveaux ; démontrer, par les
raisonnements et par les faits, que l'Église complète, conserve, suscite et
propage la science ; établir que l'intolérance de l'Église est purement doc-
trinale, et qu'en fait jamais autorité ne fut plus douce et plus bénigne que
la sienne, c'est ce que fait très-bien le P. Guibé. Sans doute, ces questions
si graves pourraient être approfondies davantage ; mais un livre plus sé-
rieux sur ces matières effrayerait peut-être plus d'un lecteur. Telles qu'elles
sont, les Conférences que nous annonçons produiront un très-grand bien
et dissiperont bien des préjugés. E. de la D.
La Question sociale. Reiitc, intérêt, société de l'avenir, par E. Fau-
connier, docteur en droit. Paris, Germer-Baillière, 1878, in- 12 de 329 p.
— Prix : 3 fr. 30.
Des quatre chapitres que comprend ce petit volume, les deux premiers
répètent tous les lieux communs socialistes contre la propriété foncière et la
productivité du capital, le troisième esquisse le plan d'une société telle que
la rêve M. Fauconnier, où la terre serait la propriété collective des communes,
comme en Russie, et où l'État, devenu le grand directeur de l'industrie,
ferait vivre ou mourir à son gré les entreprises, en leur donnant ou en leur
refusant le crédit gratuit dont il s-erait le souverain dispensateur. Le qua-
trième et dernier chapitre, consacré aux voies et moyens, place au premier
rang la guerre aux congrégations religieuses et particulièrement aux jésuites,
contre lesquels t utes les vieilles calomnies du Constitutionnel de la Restau-
ration sont rééditées. Dans ces trois cents pages, on ne trouve pas un seul
élément nouveau de di'cussion. En revanche, les citations de l'antiquité clas-
sique et des écrivains modernes y abondent ; c'est une sorte de Recueil de mor-
ceaux choisis, à l'usage des socialistes, et, comme dans toutes les compilations
de ce genre, ces morceaux sont tronqués à plaisir. Telles sont, notamment,
les citations de quelques Pères de l'Église qui, replacées dans l'ensemble des
œuvres dont elles sont extraites, ont un tout autre sens : mais c'est là un
procédé connu depuis longtemps.
L'auteur nous apprend, sur la couverture, qu'il est docteur en droit. Il est
— 248 --
nécessairement bachelier es lettres, et son mince volume pourrait, s'il était
besoin, servir de nou\e\le illustration au spirituel pamphlet de Bastiat: Bac-
calauréat et socialisme . C. J.
Droit familier. IVoa petits procès, par A. Carré, juge de paix du
I" arrondissement de Paris. Paris, Bibliothèque du Magasin des demoi-
selles, 1878, in-i2 de vi-i46 p. — Prix : 3 fr. 50.
M. Carré est l'auteur de plusieurs ouvrages sérieux : Code annoté des juges
de paix, compétence judiciaire des juges de paix en matière civile et pénale,
Manuel encyclopédique d'Alain. Son nouveau livre fait partie d'une collection
à l'usage des jeunes filles, et [prend rang entre le Magasin des demoiselles,
l'Histoire de la mode et la Lecture en famille ; il est dédié à la famille de
l'auteur. Dédier un livre de droit à une jeune fille, avoue M. Carré, est une
de ces idées étranges qu'un père seul peut avoir. Pas un mot de Vantichrèse,
de l'anatocisme,de la réintégrandc, des hypothèques, des c/M>og'rap/ifli>e5, de la
paraphernalitc. Mais on y trouve, après quelques détails sur l'organisation
judiciaire, des règles, entremêlées d'anecdotes, sur les rapports entre maîtres
et domestiques, propriétaires et locataires, assureurs et assurés, hôteliers,
voituriers et voyageurs, cafetiers, restaurateurs et consommateurs, marchands
et acheteurs, fournisseurs et clients. Ce n'est pas un traité, ce sont des notes,
« griffonnées au coin du feu, dit l'auteur à sa petite Lily, pendant que ton
crayon moqueur me croquait irrévérencieusement de profil et de trois
quarts.» On voit quel ton d'enjouement règne partout dans ces pages:
mais, en même temps, les renseignements qu'elles donnent sont exacts et
précis. C'est beaucoup dans un tel genre: aussi suis-je prêt à penser, comme
M. Carré, que son travail pourra servir à d'autres qu'aux jeunes filles.
J.-A. DE Bernon.
Le Droit et les bômmes de loi dans les œuvres de Mo-
lière. Discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences des
avocats de Bordeaux, le 7 janvier 1878, par Louis Barde, avocat. Bor-
deaux, in-8 de 60 p.
Le discours de M. Barde est une œuvre ingénieuse et patiente, où sont
relevés avec soin les passages des comédies de Molière relatifs au droit et
aux hommes de loi. Cette étude fait le plus grand honneur à l'auteur et ré-
vèle chez lui une connaissance approfondie de notre ancienne législation.
Toutes ces formalités de procédure civile ou criminelle si minutieusement
décrites par le grand comique, tous ces détails précis donnés sur les testa-
ments et les contrats de mariage et autres points de droit fort délicats
semblent des raisons suffisantes à M. Barde pour l'amener à conclure que
Molière a fait son droit. Je n'y contredis pas. J'avouerai cependant que je
ne suis pas convaincu, et j'attends, pour me prononcer sur cette question,
assez indifférente en somme, à mon avis (il est vrai que je ne suis pas avo-
catj, que l'on puisse s'autoriser dedonaées moins incertaines et de documents
plus précis. Adhuc sub judice lis est, E. de la D.
l^etites lectures du foyer clirétien. La vérité sur Voltaire, par
H. G. (de VEspérance du Peuple). Nantes, Libaros, 1878, in-32 de
Le Centenaire de Voltaire. (Extrait de la Sentinelle du Midi). Tou-
louse, imprimerie Castel, 1878, in.32 de 31 p.
Nous dirons peu de choses du premier de ces deux opuscules : la raison
— 249 —
en est qu'ayant analysé ici même un petit livre sur Voltai^'e, signé Armel
de Kervan, nous n'apprendrions rien au lecteur en résumant un opuscule qui
n'est que la reproduction textuelle de quatre-vingt dix pages coupées çà et
là dans ce livre, et rattachées avec un fil qui, malheureusement, ne dissimule
pas les coutures. Le ciseau seul a travaillé : c'est donc à lui que nous ren-
voyons tous nos compliments. Il nous semble, d'ailleurs, avoir été tenu par
une main assez adroite pour qu'à l'occasion la propagande puisse tirer
profit de cette compilation.
Le second opuscule, plus court que le premier, s'attache surtout à mettre
en relief, par une série de citations bien choisies, les vices hideux de Vol-
taire. Il n'est pas difficile à l'auteur de montrer que Voltaire est le dernier
homme à qui le peuple de France devrait décerner les honneurs d'une apo-
théose : car il détesta son pays, méprisa le peuple, insulta Jeanne d'Arc,
flatta toutes les puissances, même les plus méprisables et les plus viles, et fit
étalage de tant de vices, que les apologies, même les plus habiles, même les
plus impudentes, ne parviendront pas à redorer cette gloire à jamais ternie.
Voltaire restera, quoi qu'on fasse, le dernier des hommes par le cœur.
E. DE LA D.
Voltaire à l'Exposition universelle. Lialogues entre Candide el
Philalète. Montpellier, imprimerie Grollier, mai 1878. in- 32 de 82 p.
Encore une nouvelle brochure contre Voltaire ! L'intention de l'auteur
est trop bonne pour que je dise du mal de lui; mais enfin mon humble avis
est qu'il vaudrait beaucoup mieux répandre et faire lire les excellents opus-
cules de propagande écrits sur le même sujet, que d'en faire d'autres qui
ne les valent pas, à beaucoup près. Les dialogues de M. C, R... ne font
guère que répéter, sous une forme moins claire, moins vive, moins popu-
laire, par conséquent, les diverses appréciations sur Voltaire que nous avons
lues ailleurs. Irai-je jusqu'à dire que c'est ennuyeux, mal écrit? non ! Seu-
lement tous ces dialogues fictifs, entre personnages auxquels le lecteur ne
s'intéresse guère, me paraissent peu favorables à la propagande. Sortons un
peu de la convention pour rentrer dans le naturel et la vérité : à ce prix seul
on se fera lire. Et puis, que vient faire ici l'Exposition universelle ? Je
cherche et je ne trouve pas : puisse le lecteur être plus heureux !
E. DE L\ D.
Petits portraits, par Théophile d'Antimorre. Paris, Palmé. 1878, in- 12
de 279 p. — Prix: 3 fr.
Rendons justice à M. d'Antimorre : il y a du savoir faire, de la verve, de
l'esprit dans ses portraits. Mais, en général, il faut bien le dire, les person-
nages sont peints en laid, et l'artiste ne se montre pas toujours observateur
suffisamment exact. C'est un premier défaut. Il y en a d'autres : les portraits
sont, en général, beaucoup trop longs, trop prodigues de ces petits détails
qui n'ajoutent absolument rien à une physionomie et empêchent plutôt d'en
j discerner le vrai caractère. Que l'auteur s'attache à mieux observer, qu'il
s'étudie à devenir plus naturel et plus concis et ses portraits, déjà pleins
d'humour, seront excellents. D'aillewrs, tel qu'il est, le livre de M. d'Anti-
morre est un bon livre. Le vice y est llagellé, le ridicule persiffié; la chanté,
d'ailleurs, n'en est pas un moment absente; elle adoucit la critique et faci-
— 250 —
lite à ceut qui se reconnaîtront dans ces portraits l'accès des Térités qui
les rendront meilleurs. E. de la U.
Lieeturoa extralto» do «livei*M auteur», à l'usage de la Société de
Sainl-V incent-dc-Paul et utiles à tous les fidèles, par F.-B. Gallon, officier
supérieur des services de la Marine en retraite, ancien vice-président da
Conseil des conférences de Marseille. Paris, Victor Sarlit, 1877, in-8 de
3'2t p.— Prix :3 fr.
Cédant aux conseils d'hommes autorisas, M. Gallon vient de publier un
choix de lectures qui, apn''s avoir alimenté la piété des membres des con-
férences de Saint-Vincent-de-Paul de Toulon et de Marseille, va maintenant
édifier les fidèles et leur fournir, suivant la parole de Mrr de Mazenod, les
moyens d'avancer dans la perfection. Ces lectures, au nombre de cinquante,
ont été très-judicieusement choisies dans les auteurs les plus éminents et
me semblent parfaitement appropriées aux diverses nécessités de la vie chré-
tienne. F. a charité, l'aumône, la prière, l'espérance, le péché, la sainteté,
l'humilité, la pauvreté, tels sont, pris au hasard, quelques-uns des sujets
traités dans ces pages : les auteurs se nomment Bourdaloue, Massillon, de
la Luzerne, Ralmùs, cardinal Giraud, Lacordaire, Ravignin, Félix, Louis
Venillot, Auguste Nicolas, Ozanam, tous noms familiers aux amis de la grande
littérature religieuse. C'est donc aux sources les plus pures que M. Gallon a
puisé. Noiis ne lui ferons qu'un seul reproche, celui de n'avoir pas indiqué
exactement les livres auxquels il a emprunté ses extraits. En réparant cette
lacune, il nous fournira le moyen de recourir aux sources et de nous édifier
en lisant dans leur entier certains passages qui doivent avoir été nécessai-
rement écourtés. C'est le seul desideratum que nous ayons relevé dans ce
livre modeste, appelé, croyons-nous, à faire peu de bruit mais beaucoup de
bien. E. de la D.
Méthoilo nou\'cllo pour apprendre la langue allemande,
par MM. II. et W. Weil. Paris, Ghio, 3 vol. in-8 de viii-163, viii-194 et
viii-222 p. — Prix : 7 fr. 50.
On ne peut apprécier une méthode d'instruction, surtout pour les langues,
quand on ne l'a pas vue fonctionner. Aussi me bornerai-je. pour l'ouvrage
de iVlM. Weil, à en faire connaître le mécanisme, sans recommandation
spéciale. Leur méthode part de deui'principes pédagogiques fort en honneur
de l'autre côté du Rhin : l'enseignement par l'aspect, la concen'ration de
l'étude des langues et des sciences. On montre à l'élève chacun des objets
dont il est question; on lui donne, dans la langue qu'il doit apprendre, les
notions relatives aux autres parties do l'enseignement. Ceux qui n'ont pas
vu pratiquer ce système seront tentés de le trouver un peu transcendantal,
ce qui est un défaut. La méthode OUendorlf, à laquelle .M.M. Weil reprochent
de s'en tenir au langage usuel et de négliger le langage élevé, a du moios
l'avantage d'une simplicité plus grande. Ceux qui auront eu la patience de
la suivre pendant six mois, conformément au programme, pourront ensuite
passer à la méthoie Weil : ils apprendront, sans le secours de la traiuc-
lion mise en regar 1, l'histoire sainte, la gymnastique, l'histoire naturelle,
la géographie, l'histoire, réduites à quelques centaines de pages et accom-
pagnées de dialogues, de fables, de contes et de poésie.
J.-A. DE Berno?(.
IVouvelle bibliothèque classique. Xhéàtre de Corneille,
publié en cinq volumes et précédé d'une préface, par V. Folrnel. Paris,
librairie des Bibliophiles, 1878, trois vol. in- 18 de Lin-261 3-37-388 p.
— Prix du vo'. : 3 fr.
Œuvres choisies de D. Diderot, publiées en quatre volumes et
précédées d'une introduction, par Paul Albert. Même librairie, 1878,
t. I et II, 2 vol. in-18 de xxxi-281 et 37j- p. —Prix du vol. : 3 fr.
Quoique le Corneille publié par la librairie des Bibliophiles ne soit pas
terminé, nous ne voulons pas tarder davantage à en parler aux amis des
bons et des beaux livres. Cette nouvelle édition ne se recommande pas seu-
lement par son élégancettypographique ; elle olfre un recueil plus complet
que d'habitude des œuvres du grand poète. On a été trop accoutumé à ne
lire que quelques pièces de Corneille; on en a trop oublié ou méprisé
d'autres dans lesquelles, comme le remarque M. Fournel, Corneille apparaît
encore ça et là, « en un acte, en une scène, en une tirade que lui seul pou-
vait faire. » Aux douze pièces qui, d'ordinaire, composent les œuvres
choisies du père de notre théâtre, M. Fournel en a ajouté cinq autres :
Mcdée, i Illusion perdue, Andromède, OEdipe el Pulctu^rie. Peut-être aurait- on
bien fait, pour montrer le point de départ, d'y joindre encore Milite et môme
Clitandre. L'introduction de M. Fournel est intéressante; il semblait pour-
tant difficile de parkr de nouveau d'un poète qui déjà, tant de fois, a été
examiné et commenté. M Fournel a fait ressortir la hardiesse avec laquelle,
sur bien des points, le poète a dénoncé les théories modernes; mais il
regrette qu'il n'ait pas vu tout ce que pouvait lui donner l'histoire de notre
pays. Hemarquons-le, chose étrange et désolante, au dix-septième siècle, ce
furent nos mauvais poètes, La Mesnardière, Scudéry, Chapelain, le Père
Le Moyne, qui comprirent seuls quel intérêt et que de ressources pouvaient
présenter des faits nationaux. Les autres poètes, les grands, en furent em-
pêchés par des préjugés classiques. Kt avant eux, cependant, au siècle pré-
cédent, on avait deviné déjà le parti qu'il y avait à tirer de certaines
phases de notre histoire. Le Père Duduc avait fait si tragédie de la Pucelle,
Nicolas Crétien, — de Houen comme Corneille, — avait mis Jeanne d'Arc en
scène dans une œuvre étrange où apparaissaient aussi Clovis, Charlemagne,
Godefroy de Bouillon et saint Louis. — M. Fournel le dit très-bien, il n'a
manqué à Corneille « que de puiser [dans les entrailles de notre histoire, de
transporter sur la scène les grands épisodes de nos vieilles annales reli-
gieuses et patriotiques, alors trop peu connues ou dédaignées, pour revêtir
cette physionomie presque sacerdotale qu'Eschyle a conservée dans l'histoire
du théâtre grec. »
Ce n'était pas trop d'avoir, dans la Nouvelle bibliothèque classique, donné cinq
volumes à Corneille. Était-il nécessaire d'en accorder quatre à Diderot?
Attendons, pour en juger, que ses OEuvres choisies, dont il n'a paru jusqu'ici
que deux tomes, soient complètement publiées. Ta. P.
La Hollande pittoresque, le Cœur du pays. A'oyage dans
la Hollande méridionale, la Zélande et le Brabant, par
H. Havard. Paris, Plou, 1878, in-12 de 435 p., avec 1 carte et 8 gravures.
— Prix : 4 fr .
Dernière partie d'une trilogie qui présente, avec un charme et un intérêt
toujours croissant, l'histoire artistique, héroïque, populaire d'un pays trop
peu connu. M. H. Havard a réalisé, à notre sens, le guide le plus complet
du voyageur en Hollande; les renseignements techniques s'y trouvent, mais
- 252 —
dépouillés de la sécheresse et de la minutie ordinaires, et animés du souffle
littéraire et historique qui rendent vivantes ' pour le lecteur les villes et
les campagnes, les musées et les monuments. Les vieilles chroniques sont
mises à contribution et rajeunies, et les descriptions d'œuvres d'art révè-
lent un artiste véritable, non moins que celles de la campagne, de la mer,
des canaux, des ruines. Joanne est dépassé, soit dit sans lui faire tort, et
tout en reconnaissant d'ailleurs son mérite et sa nécessité... pour les heures
des trains et les prix des hôtels. Que de souvenirs évoqués ! Dordrecht,
Berg-op-Zoom, Veere, Flessingue, Aliddlebourg, Breda, etc.. Ce volume
est-il donc sans tache? Hélas ! non, et nous sommes obligé d'y relever çà et
là quelques indices de tendances libres-pejiseiises. un peu trop accusées pour
les lecteurs catholiques. Ils ont droit, eux'^aussi, de bénéticier du fameux
principe de la liberté de conscience, et de réclamer le respect et la justice
pour leurs croyances et leurs traditions. Une fois faite cette réserve néces-
saire, nous n'éprouvons aucun embarras à accorder un juste éloge à ce
troisième volume, complétant fort heureusement, par ailleurs, les Villes
mortes et les Frontières menacées. Roquefedil.
Le I^îvre final de l'épopée des Ag:es ou la Démocratie socialiste et
le dernier des despotes, par le chevalier de Maynabd, ex-conseiller de pré-
fecture, membre de l'Institut des provinces. Paris, René Haton, 1878,
in-12 de 95 p. — Prix : t fr. 30.
Cet opuscule a trait à la « fin du monde. » C'est le résumé de deux pu-
blications faites sur cette question par M. de Maynard, en \8'61 et en 1873.
L'auteur passe d'abord en revue les croyances et les traditions des divers
peuples sur la grande catastrophe de la fin des âges. Il examine ensuite les
diverses théories émises par des écrivains de nos jours sur le cataclysme
final. Puis, il pose ses conclusions. M. de Maynard, avec tous les catholiques,
est d'avis que nul ne peut pénétrer l'époque précise de ce cataclysme. Mais
il estime qu'en étudiant avec attention certains signes précurseurs, on peut
en pressentir l'approche plus ou moins éloignée. Nous ne suivrons pas
M. de Maynard dans ses conjectures. Elles sont très ingénieuses, fort inté-
ressantes. Toutefois, ce ne sont que des conjectures, et, en pareille matière,
d'ailleurs, on ne saurait arriver à autre chose. Par exemple, là où M. de
Maynard est aussi éloquent qu'irréfutable, c'est dans la peinture qu'il trace
de l'invasion et des effrayants progrès des idées socialistes, nihilistes et dé-
magogiques. 11 nous donne l'Internationale comme le précurseur direct de
l'Antéchrist. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'Internationale est l'anli-
christianisme dans toute sa laideur, l'athéisme organisé. Toute cette partie
de l'opu'^cule de M. de Maynard est à lire et elle peut donner lieu à de sé-
rieuses et utiles réflexions. F. B.
VARIETES
I
l'état actuel de la presse anglaise (1)
Il est écrit, [quelque part dans les Lettres de Junius^ que « la liberté de la
presse est le palladium de l'indépendance des États. » Cet aphori me a
{)) Ce travail a été communiqué au Gnngrès Bibliograpliique international, et
paraîtra dans le recueil des travaux du Congrès.
tellement fait son chemin dans toutes les parties de l'empire Britdnnique
qu'un journal microscopique, qui se publie dans l'Ile de Saint- Christophe,
une des petites Antilles, l'imprime fièrement dans chaque numéro en tête
de ses colonnes, — lesquelles, du reste, sont exclusivement consacrées à
annoncer les pilules de HoUoway, la Revalescière Du Barry et autres pa-
nacées analogues. Mais il s'en faut de beaucoup que les autres journaux de
l'empire Britannique, surtout ceux qui s'impriment dans le Royaume-Uni,
revendiquent la liberté de la presse pour en faire ensuite un usage aussi
modeste. Ils s'en sont servis comme d'une arme redoutable pour livrer des
combats sérieux, vifs, incessants, et c'est ainsi qu'ils ont conquis pour le
journalisme le titre pompeux, mais justifié, de a quatrième pouvoir de
l'Etat. » Les trois autres sont la Reine, les Lords et les Communes.
Hàtons-nous de le déclarer, la presse anglaise se montre généralement
digne de la haute position qu'elle occupe. Si elle est jalouse de sa liberté,
elle ne donne jamais dans la licence ; si elle est universellement respectée,
c'est qu'elle a commencé par se respecter elle-même. Des accusations de vé-
nalité se sont rarement élevées contre elle et ont été justifiées plus rare-
ment encore. Le ton de sa polémique est d'ordinaire convenable ; elle évite
les personnalités et ne donne jamais dans ce travers des feuilles du conti-
nent, — les querelles de journal ajournai, lesquelles sont aussi stériles que
peu édifiantes. Grâce à sa richesse, elle peut rémunérer largement ses écri-
vains, et elle s'assure ainsi la collaboration d'hommes doués d'un vrai mé-
rite littéraire : les ariicles de fond de certains journaux sont de véritables
essais dont la pensée et le style sont également dignes d'admiration. Nous
nous hâtons d'écrire tout ceci, dans la crainte que ce qui était vrai hier ne
cesse de l'être demain : certains indices donnent à croire que, sous le rap-
port de la dignité du moins, les journalistes anglais commencent à se lasser
de l'ordre de choses actuel. Peut-être ne sont-ce que des défaillances; c'est
dans l'espoir qu'il en est ainsi, que nous ne voulons pas nous appesantir
sur ce point. En même temps il y a beaucoup de réserves à faire sur ces
correspondances, — non de l'étranger, mais de l'intérieur, — que les jour-
naux d'Outre-Manche publient avec une facilité regrettable. Le barbier d'un
fameux souverain de la Phrygie ayant observé que son auguste client avait
été contraint d'adopter un genre de coiffure. . . insolite, ne put garder son
secret pour lui et alla le confier aux roseaux qui, agités par le vent, ap-
prirent à tout venant que « .Midas, le roi Midas avait des oreilles d'âne. «
Les journaux anglais remplacent avec avantage les roseaux de la Phrygie.
Tout citoyen britannique dont le beefsteack était trop cuit ou pas suffisam-
ment cuit, qui a manqué le train ou qui n'a pas obtenu l'impossible d'un
employé du gouvernement, s'empresse aussitôt d'écrire à son journal. Ce-
lui-ci accueille dans ses colonnes la lettre du plaignant, et livre à l'exécration
publique le restaurateur, le chef de gare ou le commis. — sans se préoccu-
per de savoir si la plainte était fondée ou non.
Sous le rapport de l'administration, les journaux anglais diffèrent de
ceux du continent et, en particulier, de ceux de France, en ce sens qu'ils
n'ont pas de feuilles d'abonnements. Chacun achète soi-même son journal.
Les personnes qui veulent s'épargner cette légère fatigue traitent à forfait
avec l'un des innombrables marchands de journaux, libraires, papetiers,
débitants de tabac, à la porte desquels on voit s'étaler de larges affiches
contenant en termes affriolants le menu du jour, les nouvelles à sensation
et le dernier scandale. Du reste, à Londres, la difficulté consiste moins à se
procurer un journal qu'à se soustraire à l'importunité de cette nuée d'in-
— 254 —
dustiiels qui viennent offrir les feuilles publiques à tous les coins de rue et
escaladent les marchepieds des omnibus. L'administration des journaux
accorde, en général, une remise de 2o 0/0 à tous les vendeurs.
Le nombre des journaux qui se publient dans le Royaume-Uni est
de 1,040, sur lesquels 342 paraissent à Londres. Parmi ces derniers, 19 seu-
lement sont quotidiens, à savoir quatorze du matin et cinq du soir.
Notre intention, dans cette courte note, est, de nous occuper exclusivement
de la presse politique. Nous laisserons donc de côté les feuilles purement
commerciales comme le Daily Index, moniteur des commissaires-priseurs ;
le Daily Recorder of Commerce, représentant de tous les intérêts mercantiles,
maritimes et industriels du royaume; le Financier, dont le nom indique
suffisamment l'objet ; le Public Ledger, organe de tous ceux qui ont à vendre
ou à acheter. Nous ne nous occuperons pas davantage de la feuille intitulée
Lloyd's List, fondée en 1726, qui fournit chaque matin de précieux rensei-
gnements sur l'état de la navigation dans toutes les parties du globe; ni
du Sporisman, consacré à toutes les phases de cette chose intraduisible
qu'on appelle le « Sport » et qui comprend tous les exercices imaginables,
depuis la chasse au tigre jusqu'à la pêche à la ligne, en passant par les
vélocipèdes.
A tout seigneur tout honneur : commençons par le Times notre rapide
revue des journaux politiques du matin. Cette feuille, fondée en 1788, est
aujourd'hui la propriété de M. Walter, membre du Parlement : son rédacteur
en chef est M. Chinnery. Elle se publie dans Printing-House Square, dans la
cité de Londres, et son tirage quotidien est d'environ 30,000 numéros.
En cas de nouvelles extraordinaires, elle publie une seconde édition, et
parfois même une troisième. Les annonces forment une propriété indépen-
dante du reste du journal, et la colonne des naissances, mariages et décès
appartient à deux vieilles demoiselles à qui elle rapporte une véritable
fortune. Une autre particularité, c'est la seconde colonne de ce journal, dite
Agony column, dans laquelle les amants séparés par un sort cruel corres-
pondent en chiffres connus ou en signes hiéroglyphiques, tandis que les
Arianes abandonnées réclament leurs Thésées, — et réciproquement. Sous
le rapport religieux, le Times défend les doctrines de l'Église d'Angletei're
(plus aisées, soit dit en passant, à défendre qu'à définir) ; — en matière
commerciale, il soutieri.t le iibi'e échange. Quant aux principes politiques, il
est à peu près impossible de dire quels sont ceux du Times. Fidèle à son
titre, il change selon « les temps. » Ce prétendu guide de l'opinion publique
a pu prendre à son compte en plus d'une circonstance le mot fameux de
Ledru-Rollin : « Il faut bien que je les suive, puisque je suis leur chef. »
Il a fatigué le mépris public par ses palinodies. Le dernier exemple qu'il a
donné de ces contradict ons avec lui-même est tout récent. Il avait embrassé
le parti de la Russie dans la question d'Orient avec une chaleur telle que
certaines gens ont pensé que son zèle n'était pas désintéressé. Il attaquait
le ministère et Lord Beaconsfield avec autant de violence que le Golos lui-
même ; et un jour les agents de change de Londres, irrités de cette attitude
antipatriotique, brûlèrent publiquement un de ses numéros en pleine
Bourse. Le Times se serait facilement consolé de cet affront; mais, son tirage
diminuant rapidement, il jugea que le moment était venu d'effectuer un
changement de front. Il le fit complètement. Aujourd'hui il s'incline devant
lord Beaconsfield aussi bas que le Daily \Telegraph. Malgré ces défaillances,
tout le monde lit le Times. Ses correspondant^ lui ont conquis une renom-
mée européenne. Non-seulement il entretient dans les principales capitales
— 253 —
des rédacteurs qui le tiennent au courant de tout ce qui se passe d'intéres-
sant, par des lettres quotidiennes, aujourd'hui transmises par voie télégraphi-
que, — mais, sur quelque point du globe que survienne un événement
important, que s'organise une expédition, le Times y dépèche un corres-
pondant. On se rappelle la sensation profonde causée en Angleterre par
les lettres de Crimée du D' Russell. Le Times ne recule devant aucune
dépense pour se procurer des informations : il est vrai que, lorsqu'il peut les
avoir sans bourse délier, il ne se laisse pas arrêter par les scrupules d'une
délicatesse exagérée. Du reste, même sous le rapport des correspondances, le
Times vit aujourd'hui de sa réputation passée. La révolution cosmopolite a
poussé en Auglett'rre, depuis vingt-cinq ans, un grand nombre d'hommes
intelligents qui ont vite appris la langue anglaise, si facile à écrire. Ces
individus, parfaitement au courant des choses du continent, entreprennent
volontiers les fonctions de correspondants : c'est ainsi que MM. Gallenga,
Arrivabene, de Blowitz, Karl Blind, et beaucoup d'autres, ont otl'ert leurs
services au Times, qui les a acceptés. Il en est résulté pour le journal une
véritable détérioration sous le triple iMpport des sentiments conservateurs,
du patriotisme et du style. Ceci s'applique à la plupart des autres feuilles
de Londres, chez lesquelles l'élément étranger (pas toujours très-recom-
mandable sous le rapj-ort de la qualité) tend chaque jour à se développer
davantage.
Le piix du numéro du Times est de 3 pences (30 c). Depuis le mois de
janvier 1877, le Times publie tous les vendredis une édition hebdomadaire
qui contient les articles de fon 1 de la semaine, avec la plupart des corres-
pondances étrangères et les articles les plus intéressants.
Le Times ne donne pas dans ses colonnes une grande place à la littéra-
ture, aux théâtres, ni aux arts; mais les articles de critique qu'il contient se
recommandent par le style, sinon par une impartialité et un goût parfaits.
En matière de finances, il fait autorité.
Le Morning Post esi peut-être le plus ancien des journaux politiques de
Londies, puisqu'il date de 1772. Il se vend à raison de 3 pences (30 centimes
le numéro). Quant à son tirage, il est difficile d'eu donner le chitfre, mais il
ne doit pas dépasser 10,000, si tant est qu'il s'é'ève jusque là. En religion, il
est du parti de la Haute-Église ; en politique, il était naguère whig; mais,
comme beaucoup de gens appartenant à ce parti, etfiayé des tendances et
de la pré[iondérance croissante d' s radicaux, il s'est rapproché des conserva-
teurs. Le propiiétaire et le directeur du journal est M. Borthv/ick, qui aime
beaucoup la France, à telles enseignes qu'il vint s'enfermer avec sa femme
dans Paris pendant le siège. Organe naguère de Lord Palmerston, qui ne
dédaignait pas d'y prendre la plume, le Morning Post est resté fidèle à sa
mémoire, et se;r.ble encore inspiré par l'ombre de l'dlustie homme d'État.
Dans la question d'Oritnt, il n'a cessé de défendre la politique traditionnelle
de l'Angleterre et a vigoureusem>'nt appuyé Lord Beaconsfield. Le Morning
Post rachète le nombre comparativement faible de ses abonnés par la qualité
de ses lecteurs: c'est le journal de l'aristocratie et le chroniqueur du beau
monde. 11 ne se passe aucun événement dan^ les hautes régions de la so-
ciété qui ne soit rapporté dans ses colonnes: c'est le Dangeau de la cour
anglaise. Le Morning Post ne s'est pas laissé envahir par l'élément étranger;
il est Anglais pour la forme comme pour le fond. Il a de nombreux corres-
pondants, suitout dans les colonies ; et ces derniers paraissent toujours
admirablement renseignés. Ses articles de critique en matière de littérature,
de science et d'art, sont hautement estimé=. Nous avons dit que le Morning
— 2;i(i
Post se faisait l'avocat des principes de la Haute-Église en tant que ceux-ci
fe distinguent des tendances calvinistes du a parti évangélique, » autrement
appelé Basse-Église ; mais il n'est pas favorable aux Ritualistes. On assure
que la nymphe Égérie, sous les traits de M. Montagu Coray, l'aimable se-
crétaire de Lord Beaconsfield, apparaît parfois au Numa du Morning Post.
Le Daily Telegraph, fondé le 29 juin 18b5, prix: un penny (10 centimes).
Voilà bien la Briarée de la presse anglaise, seulement il a plus de cent bras,
il tire chaque jour à 170,000 exemplaires et revendique le privilège d'avoir
« la plus grande circulation du monde. » Le Daily Telegraph est la propriété
d'un Israélite, M. Lévy, qui, avec l'instinct commercial de sa race, a compris
l'avenir auquel était appelée, dans un pays comme l'Angleterre, la presse à
bon marché. 11 a fondé le premier journal à un penny et le succès a dépassé
ses espérances. Écrit pour le peuple, le Daily Telegraph est, en général, rédigé
dans un style ampoulé et de mauvais goût ; son patriotisme est du chauvi-
nisme, et tous ses sentiments sont également faux et exagérés. En même
temps il vise à « faire grand » et à rivaliser d'entreprise avec le journalisme
américain : témoin l'expédition de M. Stanley en Afrique, faite à compte et
demi avec le JVei^ York Herald, et celle de M. George Smith que l'administra-
lion du Daily Telegraph avait préalablement envoyé explorer les ruines de
l'Assyrie. On ne saurait nier que ces deux entreprises aient rendu service à
la science, et que le journal déploie un grand zèle pour tenir ses lecteurs au
courant de tout ce qui arrive d'intéressant sur la surface du globe. Quant à
ses principes politiques et autres, il n'affecte pas à cet égard un rigorisme
exagéré. Fondé ostensiblement pour soutenir les doctrines libérales, il a jugé
depuis qu'il valait mieux soutenir le gouvernement, quel qu'il fût, et, à
l'instar du Meunier ? de Sans-Souci,
De quelque côté vînt à souffler le vent,
Il y tournait son aile et s'endormait content.
Après avoir naguère adulé M. Gladstone, qu'il avait surnomaié «le William
du peuple, » il a brûlé son idole avec une désinvolture charmante, et il
encense à tour de bras le comte de Beaconsfield. Il gagne à ce petit manège
des communications précieuses, et puisque ses lecteurs en profilent, ils au-
raient tort de se plaindre. Du reste, son attitude dans la question d'Orient
a éié fort correcte, les intérêts anglais s'étant trouvés, fort heureusement
pour eux, du même côté que les intérêts du Daily Telegraph. En matière re-
ligieuse, ce journal affecte également une grande latitude. Toutefois, quand
les libres-penseurs parisiens se réunirent dans un ignoble banquet pour
manger de la charcuterie le jour du Vendredi-Saint, le Daily Telegraph pro-
testa contre ces saturnales dans un article indigné. Les ancêtres de M. Lévy
ont pu s'oublier au point de danser autour du veau d'or ; mais, quant à lui, il
ne veut pas qu'on adore le cochon. Et il a raison.
Le Standard est l'heureux rival du Daily Telegraph. Ce dernier se vantait
«d'avoir la plus grande circulation du monde; » le Standard a voulu se glo-
rifier (( d'avoir le plus grand format, » — et il y a réussi. Du reste, sa
publicité égale aujourd'hui celle de son émule. Créé en 1827 pour soutenir
les doctrines du parti conservateur, le Standard était d'abord une édition
du soir du Morning Herald, mais il a fini par se substituer entièrement
à ce journal. Il est rédigé dans un style plus sobre, plus sérieux
et surtout plus digne que le Daily Telegraph; on y rencontre souvent
des articles très-remarquables. Quoiqu'il soit l'organe attitré des conserva-
teurs, le Standard conserve, à l'égard des chefs de son parti, une grande
indépendance, et leur dit parfois des vérités un peu dures. Sous le rapport
religieux, il s'ellbrce de coucilier entre elles les trois sections de TËglise
anglicane, — la Haute-Église, la Basse-Église et l'Église L rgc ; — nous re-
connai-sons volontiers que la tâche n'est pas facile. Pendant la guerre dé-
sastreuse de 1870-71, seul à peu près parmi les journaux anglais, le Stan-
dard prit généreusement parti pour la France, dont il soutint la cause avec
un talent et un enthousiasme extraordinaires. Il fut récompensé de cette
noble attitude par une vente inouïe : la majorité de la nation anglaise sym-
pathisant avec la France, tout le monde achetait le Standard, dont plus'eurs
éditions étaient rapidement enlevées chaque matin. De cette façon, les prin-
cipes conservateurs dont ce journal était l'organe se répandaient partout,
— comme le pollen des Heurs porté sur l'aile des vents. Bientôt une con-
naissance plus approfondie de la doctrine des tories, joinie au mépris qu'ins-
pirait l'attitude du gouvernement de M. Gladstone vis-à-vis de la France, et
sa politique étrangère complètement effacée, amenèrent la réaction de 1873.
Le Standard est le seul journal qui ait une édition du soir.
Le Daily Ncivs a été fondé le 21 janvier 1846, si nous ne nous trompons,
sous l'inspiration et par l'influtnce du comte Russell, — alors Lord John
Rnssell. Aujourd'hui, il est la propriété de M. Labouchère, et il a pris rang
dans la presse à un penny. Les doctrines qu'il défend sont celles du libéra-
lisme avancé. Bien que rédigé avec un talent incontestable, ce journal vé-
gète aujourd'hui, et peut-être avant peu finira-t-il par dispai'aitre. C'est qu'il
a fait deux fois fausse route. Pendant la guerre franco-allemande, il a pris
parti avec acharnement contre la France, et, malgré le talent de ses corres-
pondants particuliers, notamment MM. F'orbes et Reay, le public anglais lui
a prouvé qu'il avait peu de goût pour la cause qu'il soutenait. En 1873, â"
l'époque de la grève des laboureurs du Statïordshire, le Daily News eut un
regain de popularité, grâce au même M. Forbes, qui explora en personne
les districts habités par les grévistes et fit connaître au peuple anglais, qui
ne la soupçonnait pas, la misère affreuse des travailleurs des campagnes.
Les lettres de M. Forbes, écrites d'un style à la fo's sobre et imagé, et avec
une émotion sincère, obtinrent un vif succès. Malheureusement pour le
Daily News, la question d'Orient surgit. Cejournal prit fait et cause pour les
Russes, avec autant de passion qu'il l'avait fait naguère pour les Allemands,
et le résultat de cette campagne, c'est qu'on voit aujourd'h «i le Daily News
s'empiler sur le comptoir desmirchands de journaux ou pendre mélanco-
liquement sous le bras de> industriels qui vendent les feuilles publiques
dans les rues : personne ne l'achète plus. Il est juste d'ajouter que, de-
puis 1873, les idées libérales avancées ne sont plus en faveur en Angleterre.
Le Morning Advertiser remonte à l'année 1794, et se vend 3 pences.
Néanmoins nous avons cru devoir ne pai 1er de lui qu'après les journaux
qui précèdent, parce qu'il leur cède de beaucoup en influence et en publi-
cité. D'après son programme, cet'e feuille serait libérale, indépendante et
constitutionnelle; mais elle est l'organe reconnu des cabaretiers, ce qui
revient à dire qu'elle attaque ou défend le gouvernement, selon que les ca-
barets sont ou ne sont pas contents de lui. Elle se distingue aus-i par sou
animoMté contre le catholicsme, ce qui s'explique parfaitement, attendu
que la doctrine catholique ne pousse pas préiiisément les gens à fréquenter
les tavernes. Du reste, le Morning Advertiser a mérité récemment un bon
point; il a refusé de publier le projet de mémorandum que le copiste Charles
Marvin offrait de lui livrer.
Nous ne citerons que pour mémoire le Daily Chronicle, fondé en 18do, et
dont le coût est un penny, car ce champion du libéralisme ne jouit pas d'une
Septkmbbe 1878. T. XXÏIf. 17,
— 2o8 —
grande influence; — et les Corning Events, datant de 1877, dont la clientèle
et le succès sont relégués dans l'avenir comme les événements dont s'oc-
cupe ce journal. Nous arrivons maintenant aux journaux du soir qui, à
Londres, sont au nombre de cinq. Lai^;sant de côlé la Shipping and Mercan-
tile Gazette, qni s'occape exclusivement des inléiêts du commerce et delà
navigation, nous parlerons d'abord du principal journal du soir, qui tend
à devenir l'un des plus imporlants du Royaume-Uni, — la F ail Mail Gazette.
Cette feuille olfre un grand avantage qui la recommande tout d'abord aux
lecteurs: elle a un format commode; elle se compose d'un fascicule d'en-
viron 16 pages in-oclavo. Mais ce n'est là que le moindre de ses mérites:
elle est rédigée avec un rare talent, et évidemment destinée à la partie cul-
tivée, de la population. On pourrait lui reprocher un léger pédantisœe en
politique coaime en littérature. Da reste, elle est d'une indépendance
parfaite et pourrait prendre pour épigraphe ce vers d'Horace :
Nullius addiclus jurare in verba magislri,
Dans le f-iit, ce sont leslbéraux qui reçoivent la meilleure part des coups
de boutoir que cet organe du libéralisme distribue avec impartialité à
droite et à gauche. En religion, li Pall Mail Gazette aiîecie de soutenir
l'Église établie d'Angleterre; mais elle rappelle en cela « l'ombre du cocher
frottant l'ombre d'an carrosse avec l'ombre d'une brosse.» Son christianisme
est des plus nébuleux et ressemble à celui de M. Renan. La Pall Mail Gazette,
comme ou le voit, est le Journal des Débats de Londres ; elle se rapproche
également de cette feuille, qu'elle semble avoir pris pour modèle, par la
large place qu'elle donne aux sujets littéraires. Ceci s'explique parle fait que
la Pall Mail Gazette est la propriété de MM. Smith, Elder et C°, qui sont à
la tête d'une des principales maisons de librairie de Londres. Ces négociants
sont aussi en relations d'affaires avec l'Inde. C'est pour cette raison que leur
journal s'occupe beaucoup des intérêts iudien=, et sout ent, en Orient, la po-
litique traditionnelle de l'Angleterre. La Pall Mail Gazette publie, en général,
trois éditions, et se vend 2 pences (20 c-^ntimes). A l'instar du Times, elle
donne tous les samedis, sous le titre de Pall Mail Budget, une compilation de
ses principaux articles da la semaine.
La Pall Mail Gazette s'est constituée le zoïle du Times, et semble avoir
pour programme de prendre, sur chaque question, le contre-pied du journal
de la Cité.
L' Euemng Sfawdarci appartient à la même administration que le journal
du matin du même nom : il professe donc en tout les mêmes doctrines.
Le Globe, qui date de 1803, soutient la cause du parti constitutionnel et
conservateur. 11 est la propriété de M. Cubitt, membre du Parlement. Ce
journal a toujours demandé l'extension de suffrage et l'application de toutes
les réformes constitutionnelles. L'administration fait preuve d'une grande
• énergie pour se procurer les dernières nouvelles, — trop grande peut-être,
car elle a accueilli les i-fTres de Marvin au sujet du mémorandum anglo-
russe, après que le Morning Advertiser les avait rejetées. L'opinion pu-
blique a été également étonnée de ce double fait. Le prix du Globe est de 1
peuny, son format est celui de la Pall Mail Gazette, et il s'imprime sur un
papier teinté de rose.
VEcho, fondé en 1865, est le plus petit des journaux de Londres; c'est
aussi le moins cher puisqu'il ne coûte qu'un demi-penny, un sou. Il donne
toutes les nouvelles du jour et aussi un résumé des principaux articles des
journaux du matin. Du rele, celte petite feuille est fort t rne : elle appelle
cela être in^iépendante. Mais, si nous en croyons certains bruits, l'adminis-
tration ne fait pas de brillantes affaires.
— 2b9 —
Parmi les autres journaux de Londres, quatre paraissent trois fois par
semaine, et onze deux fois. Au nombre de ces derniers, il faut compter la
London Gazette, qui est à l'Angleterre ce que le Journal officiel est à la France.
Trente-sept autres publications sont mensuelles ou bi-mensuelles. Tout le
reste se compose des journaux hebdomadaires, dont l'immense majorité sont
des feuilles locales ou vouées aux intérêts particuliers d'une secte, d'une
science, d'un commerce ou d'une industrie. Tous les métiers, l'épicfrie, la
boulangerie, la cordoimerie, ont chacun leur organe spéc'al ; quelques-uns
en ont deux. Cependant plusieurs des journaux hebdomadaires sont aussi
politiques, et parmi ceux-là on en distingue quatre dont nous croyons devoir
dire quelques mots.
L'Examiner, fondé en 1808, et qui paraît le samedi, au prix de G pences
(60 centimes), est consacré à la défense de^ doctrines radicales. Cependant, il
est rédigé avec un talent et surtout avec un sentiment d'équité qu'on n'est
pas habitué à associer, sur le conlinent. avec l'idée du radicalisme.
UObserver, établi en 1794, ofi're cette particularilé qu'il est le seul journal
qui publie le dimanche matin les dernières nouvelles de l'intérieur ou de
l'étranger. C'est dans ses colonnes qu'on cherche invariablement la dernière
rumeur politique, le dernier « on dit. » Ajoutons qu'il est souvent favorisé
de communications oflicieuses, sinon officielles. Pendant la guerre de 1870-71,
il publiait chaque dimanche plusieurs éditions, qu'on s'arrachait dans les
rues. Ses critiques théâtrales jouissent d'une grande autorité. Le prix est de
4 pences (40 c).
La Saliirday Review n'est pas un journal proprement dit. Elle ne donne
pas de nouvelles, elle commente celles de la semaine. Dès son apparition,
en 1855, cette publicatiun attira l'attention par le caractère acerbe de ses
critiques et par le mystère légèrement théâtral dans leqnel ses rédacteurs
cherchaient à s'envelopper. On a pu les comparer à une troupe d'écoliers
mutins se cachant derrière un mur pour arroser les passants d'eau sale.
Le Spectator (qui date de 1828) publie, entête de ses colonnes, un résumé
des nouvelles de la semaine, rédigé dans un style fort original, avec une
pointe de ce que les Anglais appellent « Dry humour. » laquelle est à l'es-
prit ce que le Champagne sec est au vin mousseux. On peut ne pas parta-
ger les idées du Spectator, on ne saurait trouver à redire à la manière dont
il les expose. C'est un journal essentiellement littéraire et artistique, dont
les jugements s'éloignent également d'une louange fastidieuse et d'un dé-
nigrement systématique. Comme la Saiurday Reviciv, le Spectator coûte
6 pences (60 c).
Un journal hebdomadaire financier, The Economiste fondé en 1843, publie
aussi (les articles politiques, lesquels étaient fort remarqués quand le célèbre
M. Bagehot dirigeait cette publication, qui est aujourd'hui un peu déchue
de son ancienne splendeur. Une nouvelle feuille financière, The Statist,
s'élève en ce moment à côté d'elle, et le premier résultat de cette concur-
rence sera probablement de faire baisser le prix de V Economiste lequel est
de 8 pences (80 c).
Nous hésitons à mentionner ici un nouveau journal heblomadaire, qui
s'est fon !é en 1874, sous ce titre : The Englishman. On regrette les quatre
sous qu'on donne pour cette feuille, véritable Père Puchène biitannique, —
moins la verve du vieux jacobin. Le bon sens et l'honnêteté du peuple
anglais font bunne justice de cette publication, qui est en train de mourir
d'inanition. Encore quelques jours, et elle aura vécu.
C'est dans la presse hebdomadaire qu'il faut chercher en Angleterre
— 200 —
les organes du catholicisme. Certes dans un pays comme celui-ci, où la
pressa quotidienne joue un rôle si important; où chaque malin l'Anglais dé-
ploie, entre sa tasse de thé et sa tartine beurrée, son journal qui fait partie
intégrante de son déjeuner, il eût été à souhaiter que les catholiques possé-
dassent une feuille à eux, jouissant d'une influence égale à leur m mbre et
à leur importance politique. Un publiscite éminent, M. Kent, l'avait com-
pris; et quand, par suite de la retraite de son beau père, le Sun passa
entre ses mains, — il s'efforça d'en faire un journal catholique. Malheu-
reusement, il fut faiblement soutenu par l'épiscopat, et point du tout par les
laïques, — de telle sorte que le Sun ne tarda pas à disparaître.
M. Capel no voulut pas que les talents de M. Kent, qui est non-seulement
un journaliste éminent, mais un poète distingué, fussent perdus pour la
cause catholique, et, quand il fonda le WeeJdy Register. — sorte de phénix, né
des cendres du Caiholic Standard, avec lequel il se confond aujourd'hui, —
il mit ce piibliciste à la tète de son oeuvre. Sous cette habile direction, le
Wcchly Reglsler ne tarda pas à devenir une publication importante, qui ne
coûte que 4 pences. Il forme im gros fascicule d'environ vingt-quatre
pages de text-^, dans lequel on trouve, non-seulement toutes les nouvelles
importantes politiques et religieuses, mais une foule de détails intéressants,
d'anecdotes piquantes et des revues littéraires et artistiques d'un vrai mérite.
Le style du Weekly Register rappelle celui du Spectator. Ce qui fait le
charme de ce journal, c'est qu'il est animé d'un véritable esprit catholique
et que, sans rien sacrifier de son pati'iolisme, il tend la main à toutes les
nations qui partagent sa foi, et qu'il professe en particulier, pour la fille
aînée de l'Église, une sympathie qui va jusqu'à l'admiration.
Le Tablet, qui est le second journal catholique, se distingue par un esprit
opposé. Il semblerait qu'il ait pris à tâche de renverser le mot célèbre du
comt-^ de Denbigh, et qu'il dise : « Je suis Anglais d'abord et catholique
ensuite, si vous le voulez bien. » Hâtons nous de dire que nous ne voulons
nullement porter at:einte à la parfaite orthodoxie de ce journal qui, sous
le rapport du dogme et de la morale, est en communion complète avec
l'Église. Nous vouluns seulement dire qu'il ne manifeste pas, à l'égard des
autres nations catholiques, ces sentiments de fraterniié, ces effusions de
charité qui semblent dans l'essence de notre foi. De là une certaine raideur
de style, une certaine sécheresse de rédaction, qui rendent la lecture du Tablet
moins attrayante qu'elle pourrait l'être. Mais nous devons rendre hommage
à la persévérance consciencieuse avec laquelle ce journal défend tous les
intérêts et to .s les droits des catholiques anglais. Le Tablet se vend
a pences.
La Westminster Gazette, qui parait le vendredi (prix 4 pence), a été
fondée en 1866, sous l'influence, dit-on, de S. Em. le cardinal Manning.
Ce t un journal sérieux, bien rédigé.
Wniverse coûte 1 penny. C'est le jourml des Irlandais de Londres. Sous
le rapport de l'orthodoxie religieuse, il est irréprochable ; mais, aupoint de
vue politique, nous le soupçonnons d'être entaché de féuiani:=me.
On parle d'un nouveau journal catholique, qui paraîtrait le mercredi, et
qui serait destiné à défendre la cause libérale, — car les autres feuilles
catholiques (à l'exception de VUniverse) sont conservatrices. Nous avons vu
le premier numéro de ce journal, mais nous ne savons s'il en a eu un
second : en tout cas, étant donnée sans opinion, il est probable qu'il n'aura
pas une longue existence. F. de Bkrnhardt.
— 2«1 —
II
PETIT SUPPLÉMENT A LA. BIBLIOGRAPHIE MOLIÉRESQUE
DE M. PAUL LACROIX (BIBLIOPHILE JACOB).
Molière est de plus en plus à la mode, el il ne se passe guère de mois
que l'on ne publie ou x'éédite quelque ouvrage x'elalif à noire grand poète
comique. Nous avons donc pensé que les lecteurs du Polyhihlion accueil-
leraient avec intérêt un supplément à la Bibliographie moliéresque de M. P.
Lacroix. Nous laissons de côté les productions de la librairie française pos-
térieures à 1875.
Notre supplément se compose principalement de dissertations et d'édi-
tions étrangères : quelques- '.mes sont postérieures à !a publication du
travail de M. P. Lacroix, mais il n'y a nul inconvénient à les admettre ici,
puisque les Français ignorent trop généralement, et la littérature nationale
des étrangers et ce que les étrangers disent de nous.
r. Dissertations,
Alexandre : Molière et les Médecins.
M. Lacroix, no 1472, n'indique pas que cet ouvrag-e est extrait des Mé-
moires de l'Académie d'Amiens, t. IX, p. 503,
F. -M. Baudouin : Les Femmes dans Molière.
Il fallait indiquer, no 1488, que cet ouvrage est extrait de la {(ecu9 de
Normandie, t. V. 1865, p. 7-21-38.
Brindel : Zur Geschichte der dramatischen Werke Molière's. Hamm,1875,
in-4, 13 p. (Programme.)
Brocchoud : Notice sur les origines du théâtre de Lyon, mystères, farces et
tragédies, troupes ambulantes. — Molière. (Mémoires lus à la Sorbonnc, i86a.
Histoire, philologie et sciences morales, p. 249 -o-i.)
M. Lacroix, n" 1103, n'indique pas cette première édition.
C. BuRGTORF : Étude critique, esthétique sur le Festiti de Fiente (ou Don
Juan), comédie de Molière. Gœttingue, 1874, in-8, 40 p. (Dissertation pré-
sentée à l'Université de Rostock.)
Das Urteil des Hernn vo7i Schack i'cber Molière's. Femincs savantes. (Arch.
de Herrig, t. XXIil, 1838, p. 63-90.)
H. Fritsche : Molière-Studien.
M. Lacroix n'indique pas les comptes rendus de Brandstater, dans les
Archives de Herrig, t. XLIII, 1868, p. 205-12, et de Karl Bartsch dans le
Centralblalt de 1868, n" 21.
II. Fritsche : Zuswtze und Verbesserungen z-u den Molière-Studien. {Arch.
de Herrig, t. LUI. 1874, p. 381-8.)
E. GossELiN :
11 fallait indiquer, n» 1065. que l'acte authentique constatant la présence
de Molière à Rouen en 1643, avait déjà été irablié avec un fac-similé
dans la Revue de Normandie du 30 avril 1870, p. 239-40.
Groon : Comparaison entre l'Avare de Molière et l'Aululairc de PI vite.
Verden, 187o, in-4, 32 p.
— 262 —
B. VAN HoLLEBF.KE : Étude sur Molière. Molière et ses contemporains dans
le Misanthrope. Bruxelles, Decq, 1862, in-8, 12 p.
B. VAN IIoLLEBEKE : MoUéve et ses contemporains dans le Misanthrope.
2* édition. Louvain, Foateyn, 1864, in-8, 32 p.
A. HoppE : Die Sprache Moliere's. {Archiv de Ilenig, t. XXXVI, 1864,
p. 159-74.)
C. IluMBERT : Moliere's Avare" und Plautus' Aidularia. {Archiv de Herrig,
t. XVIII, 185o, p. 376-410.)
C. IIuMBERT : Molière und seine Gegner in Deutschland. {Archiv de Herrig,
t. XX, p. 83-100.)
C. HuMBERT : Molière und der conventionelle Standpunht seiner Zeil. [Archiv
de Herrig, t. XXIIl, 18b8. p. 10040.)
Cfr. Adolf Laun, Archiv de Herrig, t. XXIV, 1858, p. 221-2.
C. HuMBERT : Le Phormion de Térence et les Fourberies de Scapin de Molière.
Programm der Realscbule zu Elberfeld, 18o9.
C. IIuMBfcRT : Molière in England. Bielefeld, 1874, in-4, 22 p. (Pro-
gramme.)
JosuPEiT : CharaJitere ans Molière {Archiv. de Herrig, t. LIV, 1875, p. 331 6.)
W. Klingelhœffer : Plante imité par Molière et Shakespeare. Berlin, Cal-
vary, 1874.
Machart père : Du rire et, incidemment, du comique dans Molière. {Mé-
moires de V Académie d'Amiens^ t. IX, p. 30o.)
R. Mahrenholtz : Molière und die ra'mische Komœdie {Archiv de Herrig,
t. rVI, 1876, p. 241-64.)
Karl Vjtus Meurer : Larivetfs Les Esprits als Quelle zu Moliere's Avare,
tinter Beriicksichtigung der Aidularia des Plautus. Coblenz, 1873, in 8, 3o p.
(Disserlation présentée à l'Université d'Iéna.)
Ch. Monselet : Les Souliers de Sterne. Paris, Michel Lévy, 1874.
Contient, p. 145-8, un chapitre relatif aux voyages de Molière à Bordeaux.
M.-V. : Biclionnaire de morale et de littérature par Molière. (Revue du
Nord, 2= série, t. II, 1837, p. 289-97.)
A. Reissig : Jean-Baptiste Moliere's Leben und Schriften und sein Don Juan.
Leipzig, Siegismund und Volkening, 1876, in-8, 88 p.
Reynaud : Les Médecins au temps de Molière.
Il fallait indiquer, no 1474, que l'analyse de ce livre par Alexandre est
extraite des Mémoires de V Académie d'Amiens, 2e série, t. IV, p. 259.
Casimir Richter : Sur le Tartuffe de Molière. Recklinghausen, 1874, in-4,
24 p. (Programme.)
RoBOLSKY : Moliere's Sprache. {Archiv de Herrig, t. XXIV, 18o8, p. 385-400.)
Engei.bert Saegelken : De Mollerii fabula Avari nomine inscripta. Dispu-
tatio. Brema^, Geisler, 1856, in-4, 24 p.
G. TiBURTifs : Molière und das Precieusenthum. Jena, Deistung, 1875
in-8, 42 p. (Dissertation présentée à l'Université de d'Iéna.)
X. Z. Révélation de relations amicales entre Molière et Rotrou {Revue de la
Normandie, t. VII, 1867, p. 437-9.)
2" ÉDITIONS ET TRADUCTIONS.
K. Brunnemann : Moliere's aasgeivselte Lustspiele. Berlin, Weidmann, 1877-
1878, in-8. — IjC Misanthrope. — Le Tartuffe, xvi-88 p. — L'Avare, xxiv-9o p.
— Le Bourgeois gentilhomme, xvi-105 p. — Les Précieuses ridicules, 58 p. —
Les Femmes savantes, 106 p. — Les Fâcheux. Erklxrt von H. Fritsche, 70 p.
— 263 —
Oreste Bruxi : // Misantropo, commedia in o atti di Molière, iradolta in
rersi martelliani con prologo originale. Parma, Aiioroi, Tyh., 1878, in-8,
Jules Bue : Molière. Le Tartuffe, comédie, with grammatical and expla-
natory Notes. London, Hachette, 1874,. in-12.
H. J. V. DE Candole : Molière. Les Fourberies de Scapin, with gramma-
tical and explanatory Notes. London, Hachette, 1874, in-12, 72 p.
Chefs-d'œuvre des classiques français avec un choix des meilleurs com-
mentaires français et des remarques, par 0. Fiebing et Leporiier
Dresden, Ehlermann ; — N" 16. V Étourdi ou les Contre-Temps, comédie par
Molière. 1868, vi-130 p.; — X" 19. Les Fourberies de Scapin, comédie par
Molière. 1873,64 p.; — N° 20. Les Femmes 5arrtnk'5, comédie de Molière
1873,88 p.; — N» 11. L'/l rare, comédie de Molière. 2« édition. 1870, 139 p.
Collection d'auteurs français. Sammlung franzœsischer Schriftsteller. . .
Von D'' G. van Muyden undOberlehr, Ludwig Rudolph. Altenburg, Pierer,
in-8. — {'• série, n°2. Le Misanthrope, comédie en cinq actes, par J.-B. Po-
quelin de Molière. 1867, 104 p. — 3* série, n" 1, 2. L'Avare, comédie en
cinq actes, par J.-B. Poquelin de Mjlière, 1864, 148 p.
Alexandre Dupuis : Les Précieuses ridicules, comédie en un acte. With bio-
graphical memoir, and grammatical and explanatory notes. London, Hachette,
1876, ia-12.
Gombert's French Drama. New éditim. London, Bell, in-18 : Le Tartuffe ou
l'Imposteur. With arguments in English at te head of each scène, and notes
critical and explanatory . Carefally revised, witli a tdilional notes by, F. E. A.
Gasc. and Rev. W. Holmes. 1875, 104 p.
Gombert's Le Misanthrope, With arguments in English, and notes, etc.
Revised by F. E. A. Gasc and Rev. W. Hjlmes. 1875, 90 p. — Le Bourgeois
gentilhomme. With arguments, etc. 1875, 106 p. — Le Médecin malgré lui.
With, etc. Revised by F. E. A. Gasc. 1875, 56 p,— L'École des femmes, etc.
1876, 98 p. — L'École des Maris, etc. 1876, 64 p. — Le Malade imaginaire, etc.
1876. — Les Précieuses ridicules, etc. 1876. — Les Femmes savantes, etc.
187e. — Les Fourberies de Scapin, etc. 1876.
Edward S. Joynes : Le Misanthrope. A comedy, edited loith explanatory Notes
forthe use ofstudents. New York, Holt et Williams, 1872, ia-12, 130 p.
B. Arnesen Kall : Molieres Lystspiloversatte. Kjubenhavn, HOst, 1870-1871,
in-8.
A. Korell: Le Bourgeois gentilhomme, comédie de Molière. Texte revu et
accompagné de 7xombreuses remarques en français, en allemand et en anglais.
Leipzig, Teubner, 1877, in-8.
V, KouTouzoF : Molière. Les Femmes savantes, comédie. Vedenie i primietchanial
Leipzig, Haessel, 1872, in-8, iv-156 p.
H. Lallemand : Molière. Le Médecin malgré lui, comédie. With grammatica
and explanatory Notes. London, Hachette, 1874, in-12, 60 p.
Adolf Laun :
M. Lacroix, n" 493, a mal lu l'abréviation du prénom de M. Laun : il
écrit Eldf. au lieu de Adf.; il n'indique pas les comptes rendus
publiés dans la Revue critique, par MM. Ch. Joret et H. Schucbardt.
Cette édition est encore en cours de publication.
Henri van Laun : Molieres dramatic Jf'orhs rcndered into English. With a
prefatory memoir, introductory notices, appendices and notes. Edinburgh,
Paterson, Sirajikin, in-8.
En cours de publication depuis 1874,
— 2(>4 —
Le Médecin malgré lui, comédie en trois actes, réduite â l'usage de la jeu-
nesse. Como, Franchi, imprimeur, 1875, in-I6, 48 p.
C. Th. Lïon : Les Femmes savantes, comédie, mit einer Einleilung und
erkldrenden Anmerkungen. Leipzig, Tenbner, 1871, in-S, iv-144 p. Cfr.
Lacruix, n» 1623. — Le Tartuffe, etc. 1872, iv-182 p.
Le Misanthrope, etc., 1877, 144 p.
A. Malmstrôm : Molieres Lustsinel i svensk cefversœttning af sigge Sparre med
teckningar. Christiaustad, MôUer, 1870.
Gustave Masson : Molière. L'Avare, comédie. With grammatical and explana-
tory Notes. London, Hachette, in-12, vi-90 p.
E. Perkéaz : Les Frècieuses ridicules. 2^ édition revue avec soin. Schalïhouse,
C. Baader, 1873, in-8, xx-145 p. Cfr. Lacroix, n» 81.
Ant. Roche: Molière. Les Femmes savantes. With grammatical andexplana-
tory Notes. Londjn, Hachette, 1871, ia-12, iv-94 p.
Chr. Sick : Les Précieuses ridicules. Komedie i een Act med Anmaerkninger .
Kjobenhavn, Host et Son, 1874, in-8, 68 p.
Chr. Sick : Le Misanthrope. Komedie, par Vers i fem Acter, med Anmaerk-
ninger. KjobeDhavn, Huit et SoQ, 1875, in-8, 108 p.
Tacj : De ingeheelde zicke. Blijspel in drie bedrijven. Vertaling naar het
Fransch. Zutphen, Plantenga, 1872, in-8, 75 p.
Framcis Tarver : Molière. Le Bourgeois gentilhomme . With grammatical
notes, and a French and English vocabulary. Loiidon, Hachette, 1871, in-8,
iv-108 p.
Théâtre français publié par C. Schûtz, Biolefeld, -Velhagen et Klassing,
in-16. — xviu'= série, 8' Vivr. L'École des maris, corné jie en trois actes et en
vers par Mdière 1874, 63 p.
Charles Héron Wall ; Moliere's dramatic Works translated into english
prose, loith short introductions and explanatory noies. London, Bell et Sons,
187(1-1877, 3 vol. in-12.
W. J. VAN Zeggeiîn : Tartuuf{le Tartuffe). Blijspel in vijf bedrijven . Naar het
Fransch. Haarlera, Kruseinan en Tjeenk Willink, 187o, in-8, vin-98 p.
Nota. Ce supplément est composé depuis assez longtemps déjà, et nous
n'avons pu y faire entrer sur épreuves tous les ouvrages dont nous avons eu
connaissance ces derniers mois. J. Bauquier.
III
LA LITTÉRATURE FRANÇAISE EN ESPAGNE
(1874-1878)
H est inléresTant de se rendre compte de l'inlluence que notre littérature
exerce dans les pays étrangers. Quels sont les ouvi âges français qui sont
surtout recherchés au-delà de nos frontières? Ce sont évidemment ceux qui
ont l'honneur d'être traduits en langues étrangères. Nous avons étudié cette
question pour l'Lspagne, au moyen du Boletin de la libreria Obras antiguas
y mod'>rnas, qui parait d»^puis cinq ans à Madrid, à la librairie Murillo. Cet'e
Bibliographie espagnole est-elle aussi complète que notre Journal de la
librairie? Nous ne le pensons pas. Quoi qu'il en soit, elle l'est assez pour
nous permettre de constater le goût du pays relativement à notre littérature.
Le lecteur sera frappé, comme nous l'avons été, de ce fait : on traduit en
- 263 —
espagnol surtout les romans — et les moins bons — et les ouvrages de
médecine. Cependant nous avons remarqué que, dans ces derniers mois,
quelques livres religieux ont été traduits ; ce qui semble indiquer un réveil
bien désii'abJe en ce sens. Certes, ce n'est pas la littérature légèie, — et
les romans de Paul et Henri de Kock en particulier, — qui peut donner, de
l'autre côté des Pyrénées, une idée bien juste de nos productions littéraires.
Ajoutons que souvent les titres des ouvrages français sont, dans les traduc-
tions, modifiés assez sensiblement pour qu'il soit difficile de les retrouver
dans la bibliographie de tel ou tel écrivain. Cette observation s'applique
principalement aux nouvelles et romans.
About (Edmond). Ro7ne contemporaine. Trad. par Juan Belza. i87o, in-8.
AiMARD (Gustave). Carmela. 3^ partie des Trappeurs de l'Arkinsas. Trad. par
J. V. y Caravantes. Édition illustrée, 1874, in-fol. à 2 col. — Le Destructeur
blanc. 4* partie. IbiJ^ 1874, in-fol. à 2 col. — Balle franche. Trad. par Juan
Sala. 1875, in-fol, à 2 col. — L'Explorateur. Trad. pai' M. F. Cuesta. 1875,
in-fol. à 2 col. — Les deux rivaux. Épisode de la révolution du Mexique en 1860.
Trad. par Franc. Nacente. 187o, iu-fol. à 2 col. — Les Flibustiers. Ibid,, 187o,
in-fol. à 2 col, — Les Outlaios du Missouri. Trad, par Juan Sala, 1870,
in-4 à 2 col. — Le Fils du soleil. Trad, par N. F. Cuesta. 1876, in-i à 2 col.
— Les Côtes de Maracaibo. Trad, par M. T. del Real. 1876, in-4 à 2 col.
Archambault, Leçons sur les maladies des enfants, trad, de l'anglais de
G. West et annotées. Trad. par J. G, Hidalgo. 1876, 2 Vul. in-4.
Assolant (Alfred). Aventures du capitaine Corcoran. Trad. par Fi-anc. Na-
cente. 1875, in-fol. à 2 col.
At (le R, P.), Le Vrai et le faux enmaticre d'autorité et de libcrté.lvàd. par J,
S, y G., modifié et annoté par le censeur ecclésiastique D, Salvador Casanas.
1878, 2 vol. in-8.
A UBER (Edouard). Physiologie de la médecine. Trad. par Gaudencio Ares.
1877, in-8,
Balzac (Honoré). Le Contrat de mariage et la Bourse. Trad. par Victoriano
Victoria. 1875, in-8, — Une fille d'Eve. 187o, in-8. — La Peau de chagrin.
Trad. par Ramon Ortega y Frias. 1876, in-8, — Le Centenaire. Trad. par
E. Roger Bofarull. 1876, 2 vol. in-8. — La Femme de trente ans. Trad. par
AngelRomeral. 1876, in-8. — Le Lysdan.t la vallée. Tvâà. parEstebanHernandez
y Fernandez, 1876, 2 vol. in-8. — Contes fantastiques. 1877, in-8. — Le
Cœur d'un père. Trad, par Ramon Ortega y Frias. 1877, in-8. — Les
Bivalités. Le Célibataire. Trad. par Angel Romeral.' 1877, in-8, — La Femme
abandonnée. Le Bal de Sceaux. La Bourse. Trad. par Angel Romeral. 1877,
in-8. — Honorine. Maître Cornélius. Trad. par Juan Gimeno. 1877, in-8, —
Écueils de la vie. Trad. par Angel Romeral, 1877, in-8,
Barni (J.). Critique du jugement, par Kant, avec une introducti ^n, Trad.
par Alejo Garcia Moreno et Juan Ruvira, 187o, 2 vol. in-8.
Baudrillart (Henri), Manuel d' économie politique Trad. parB. Estasen y C.
1877, in-8.
Beal'graxd (E.). La Médecine et la pharmacie domestiques. 1877, in-8.
Beaunis (H.) et Bouchard (A.). Manuel d'anatomie et de dissection. Trad.
par Gerardo F, Jeremias y Devesa. 1877, in-8.
Belhomue (L.) et Martin (Aimé). Traité pratique et élémentaire de patholo-
gie siphilitique. Trad. par Enrique Simancas y Larsé. 2* édit., 187.T, in-4.
Belot (Adolphe) et Daudet (Ernest). La Vénus de Gordes. Trad. par A de
Oteiza v Barinaga, 187'i-, in-4.
— 266 —
Brlot (Adolphe). La Femme de feu. Trâd. par José Bustillo. 1874, in-8, —
Trad. libre, par Amancio Perantoner, 1876, in-8.
BiART (Lucien). La Terre chaude. Scènes de mœurs mexicaines. 1876, in-8.
BiLLAUDEL (Ernest). Les Scrupules de Christine. Trad. par José Maria Almato.
1877, in-8.
Blanc (Charles). Grammaire des arts. Trad. par Justo Zapaler y Jareiïo,
1876, in-4.
Blot (le P.). Au ciel on se reconnaît. Trad. par Trinidad. 1877, in-8.
Bouchot (E.). Traité dei maladies nerveuses. Trad. par Augustin Talens.
1877, in-4.
BouGAUD (l'abbé). Histoire de sainte Monique. Trad. par *** et revue par
l'abbé G. V. 1878, in-8.
BoDRGEois (X.). Les Passions au point de vue de la santé et des maladies.
Trad. par J. Saenz y Criado. 3« édit. 1878, in-8.
Butler (Joséphine). Morale publique. Une voix dans le désert. 1877, in-4.
Capefigue (M.). Les Déesses de la liberté. Les Femmes de la Convention et
du Directoire. Trad. par Fduardo Blasco. 1876, in-8.
Caro (E,). Le Pessimisme au dix-neuvième siècle. — Un précurseur de Scho-
penhaiier, Leopardi. Trad. par Armando Palacio Valdès. 1878, in-8.
Caussette (le R. P.). Le bon se7is de la foi. Trad. parCayetano Vidal y de
Valenciano. Avec prologue de l'abbé Buenaventura Privas y Quintana. 1878,
in-é.
Chevalier (Emile). Drames du nouveau monde. Le Dompteur de buffles. Trad.
et arrangé par Telesforo Corada. 1877, in-8. — Peaux rouges et peaux
6/anc/ies, par le même. 1878, in-8.
Conscience (Henri), Belge. Le Chemin de la fortune. Trad. par J. A. P., 1874,
in 8. — Le Co7iscrit. 187o, in-8. — Le Martyre d'une mère. Trad. par E. H.
y F. 1876, in-8. — Les deux ouvriers. Trad. par Angel Romeral. 1877,
in-8. — La Tombe de fer. Trad. par Aguilar y Lara. 1877, in-8.
CoppÉE (François). L'Amour qui passe. Idylle en deux scènes. Trad. en vers,
par Fr. Luis de Retes et Franc. Perez Echevarria. 1873, in-4.
CoRLiEu (A.). Mémorandum de médecine. Trad. par José Saenz y Criado.
1876, in-4.
CoRMENiN. Livre des orateurs, par Timon. Trad. par S. Saenz de Romero.
1876, 2 vol. in-8.
Craven (M"). Fleurange. Trad. par Telesforo Corada. 1875, in-fol. à
2 colonnes.
DEBA.Y (A.). Les Mystères du sommeil et du magnétisme. Trad. sur la 7e édit.,
par Manuel Aranda y Sanjuan. 1874, in-8. — Hygiène, physiologie et philoso-
phie du mariage. Trad. par A. Blanco. Nouv. édit. 1874, in-8. — Histoire
naturelle dé l'homme et de la femme. 1874, in-8; — 2^ édit., 1877, in-8. — La
Vénus féconde et calHpédique. Trad. par R.B. Moraton. 1875, in-8. — Hygiène
et perfectionnement de la beauté humaine. Trad. par Manuel Aranda y San
Juaa. 187o, in-8. — Description physiologique des trente beautés de la femme.
Trad. par Marino Blanch. 1873, in-4.
Depping (Guill.). La Force et l'adresse de l'homme, d'après les œuvres de
Depping. Trad. par G. R. y M. 1877, in-8.
Descartes. Œuvres philosophiques. Trad. par Manuel de la Revilla. 1878.
2 vol. in-4.
Descuret (F.-B.). LaMédecine des passions. Tral. par Pedro Felipe Monlau.
4e édit., 1874, in-8.
— 267 —
Deslys (Charles). La Vendeuse de plaisirs. Trad, par Eusehio A. Escobar.
1877, in-8.
DoMET DE VoRGES (A.). Le RoyauTtie humain. Trad. par R. de M. 1878, in-8.
DozY (R.). Histoire des musulmans d'Espagne. Trad. et annoté par F. de
Castro. 1877, 3 vol. in-8; — 2^ édit., 1878.
DuBARRY (Armand). La Belle-Sœur d'un pape. ViedeDona Olympia. Trad.
par J. Orlega y Garcia. 1878, in-8.
Du Bois (J.). La Comtesse de Monte Cristo. Trad. par José de Palma y Rico.
2e édit., 1875, 2 vol. in-8.
DuBRUEiL (A.). Éléments de médecine opérativs. Trad. et augmenté par
P. Ossorio y Bernaldo et M. Gomez Pamo. 1873, in-4.
Dumas (Alexandre) lils. La Dame aux camélias. Trad. par le vicomte de
San Javier. 1877, in-8,
DupANLoup (MsO. Étude sur la franc-maçonnerie. 1875, in-8. — Femmes
sages et femmes studieuses. Trad. par Maria de la Peîia. 1876, in-8. — Le
Mariage chrétien. Trad. par M™^ de! Castillo. 1876, in-8. — Où allons-nous ?
1877, in-8. — Le Centenaire de Voltaire. Lettres aux conseillers municipaux de
Paris, 1878, in-8.
DuvAL (*Mathias) et Lereboullet (Léon). Manuel du microscope et ses appli-
cations au diagnostic et à la clinique. Trad. par Marcelino Gesta y Leceta.
187o, in-4. — Voir Kûss.
Enault (Etienne). Le dernier amour. Trad. par M. M. A. 1876, in-8.
Erckmaxn-Chatrian. Hugues le loup. 1876, in- 12. — Fritz le garde-
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Méry. Les Nuits espagnoles. Trad. par Ricardo Palanta y Lita. 1877, in-8.
Meunikr (Victor). Les grandes chasses. Trad. par G. R. y M. 187o, in-8. —
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Nicolas (Auguste). Jésus-Christ, introduction à l'Évangile. Trad. par José
Vicente. Caravantes 1875, in-4.
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— La Mère. Trad. par Mariano Blanch. 1875, in-8. — La Naissance d'un
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française. Trad. libre par Amancio Perantouer. 1877, in-8.
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Trad. par V. F. y V. 187b, in-8.
CHRONIQUE
Nécrologie, — M. Augustin-Charles Renouard, sénateur et membre de ITns-
titut, né à Paris le 22 octobre 1794, est n ort dans son château de Stors, près
de Paris, le 17 août. Fils d'un libraire, il entra à l'École normale en 1817, fut
répétiteur de la conférence de philosophie, puis aborda le barreau, et eut une
Carrière brillante dans l'administration, la magisti'ature et la politique. 11 fut
conseiller d'État en 1830, secrétaire général du ministère de la justice, député,
conseiller à la Cour de cassation, pair de France, et, malgré son grand âge, il
accepta, en 1871, les fonctions de pi ocureur général près la Cour de cassation,
et en 1877, le mandat de sénateur inamovible. Il était depuis 1861 membre de
l'Académie des sciences morales et politiques, où il remplaça Laferrière, et l'un
des présidents de la Société d'économie politique. Il laisse un grand nombre
d'ouvrages : Sur le style des prophètes hébreux et De idoititate personali (I8[i);
— Projet de quelques améliorations dans V éducation publique (1815, in 8) ; —
Éléments de la morale{\8\S) ; — Considérations sur les lacunes de l'éducatioii
secondaire en France (1824, in-8); — Mélanges de morale, d'économie et de
politique, extraits des ouvrages de B. Franklin (1824, 2 vol. in-8); — Traité
des brevets d'invention (1825); — Examen du projet de loi contre la presse ;
Aide-toi le ciel V aidera; Il faut semer pour recueillir (1827, brochures in-8); —
V Éducation doit-elle être libre? (1828); — Mémoire sur la statistique de la jus-
tice civile en France (1834) ; — Traité des droits des auteurs dans la littérature ,
les sciences et les beaux-arts (1838-1839, 2 vol. in 8; ; — Traité des faillites et
banqueroutes (1842, 2 vol. in-8, 3^ édit., 1857, 2 vol. in-8); — Du droit in-
dustriel dans ses rapports avec les principes du droit civil sur les personnes cl
sur les choses (1860, in-8); — Tableaux de la composition personnelle delà Cour
de cassation depuis son origine jusqu'à la Constitution de Van Vlll (1861, in-8).
— M. Renouard a écrit, en outre, beaucoup de lettres, notices eirapports sur
des questions politiques et littéraires, et a collaboré au Dictionnaire d'éco-
nomie politique (1819-1859), à la Thémis, à la Revue encyclopédique, au Globe,
à la Revue de Législation, au Journal des économistes, où il a donné sur le
travail du dimanche un article qui ne faisait pas pressentir le sénateur de la
gauche .
— M. Joseph Naudet est mori; à Paris le 16 août; il y était né le 8 dé-
cembre 1786. H remporta deux prix d'honneur au Lycée Napoléon, où il fit
ses études et où il occupa ensuite des chaires de professeur. En 1816, il
était maître de conférences à l'École normale, et en 1817 l'Académie des
inscriptions et belles-lettres lui ouvrit ses portes pour remplacer M. Garran
de Coulon. A partir de cette époque, il suppléa M. de Pastoret au Collège de
France, comme professeur de droit naturel, et, en 1821, il occupa la chaire
de poésie latine après M. Tissot. En 1822, il entra à l 'Académie d-s
fciences niora'es et politiques, lors de sa reconstitution, et, de 1850 à 1862,
il fut secrétaire perpétuel de l'Académie de? inscriptions et b-lles-lettres. Il
était président de la commission des travaux littéraires, et il a fait encore
cette année une leclure sur l'administration romaine. Il a été inspecteur
général des études de 1830 à 1840, et de I8i0 à 18i8 directeur de la Biblio-
thèque royale. En faisant son éloge funèbre, M. Vacherot l'a ainsi apprécié :
« Joseph Naudet fut un brillant élève, un professeur élégant, aussi goûté
qu'aimé de la jeunesse, dont il fut plutôt l'ami que le maître, un érudit plein
de finesse, de goût et d'esprit. Il ne le céda à personne pour l'érudiiion et
le goût ; il n'eut de supérieur, en esprit et en talent, que les écrivains qui
ont illustré ce siècle ; mais on peut dire que nul n'a réuni dans une aussi
parfaite proportion tout ce que d'autres ont pu posséder dans une plus
éclatante mesure. Histoire ancienne et moderne, littérature, rUélorique,
politique, législation, administration dans toutes ses part es, le droit civil,
la police, l'armée, les finances, etc., il a touché à tout, en laissant sur tout
objet de son étude la marque d'une érudition choisie, d'une critique
judicieuse, d'un goût exquis. »
M. Naudet était auteur des ouvrag's suivants: Histoire de la guerre des
esclaves en Sicile sous les Romains, traduit de Scrofoni (1807, in-8) ; — His-
toire de Vélablisseinent, des progix's et de la décade)ice de la monarchie des Goths
en Italie (1811, in-8), couronné par l'Institut ; — Essai de rhétorique (1813) ;
— Conjuration d'Etienne Marcel contre l'autorité royale (1815, in-8); — His-
toire des changements opérés dans toutes les parties de V administration de l'Em-
pire RomaiJi depuis D iodé lien jusqu'à Julien (1817, 2 vol. in 8\ courimnépar
l'Institut; — Dans la bibliothèque Lemaire, traduction de Tacite (1821), de
Catulle (1825) ; — Dans la Bibliothèque Panckoucke, traduction des Odes d'Ho-
race (\S3i-\S38, 2 vol. in-8) et de Plaute (1836) ; — Rapport sur la situation
du catalogue des imprimés (1847); — Lettre à M. Libri (1849); — De l'adminis-
tration des postes chez les Romains (1863, in-4) ; — De la noblesse et des récom-
penses d'honneur chez les Romains (1863, in-8); — Tableau historique de
l'Académie des inscriptions cl bclles-lellres (1863, in-4); — Notices sur le baron
Walckenaèf- (iS^'i) ; sur Burnouf. père et lils (1854); sur Pardessus (185 5) ; sur
Guérard (1857); sur Boissonade (1858). — Nous citerons encore ses travaux
sur VÉtat des personnes en France sous les rois de la première race, sur les
Secours publics chez les Romains, sur VInstruction publique chez les anciens,
sur la Police chez les Romains, et d'autres encore qui ont paru dans les
recueils de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et de l'Académie des
sciences morales et politiques, ainsi que dans le Journal des savants, la
Revue encyclopédique, etc. — M. Naudet adonné, en outre, des articles à la Bio-
graphie universelle de Michaud et à l'Encyclopédie des gens du monde.
— M. l'abbé Robert-Auguste Latouche, né à Avranches le 12 avril 1783, est
mort à Paris, le 8 août, dans sa quatre-vingt-seizième année. Ordonné prêtre en
1808, il professa la rhétorique au collège d'Avranches et prit une part active
aux missions données sous la Restauration dans les diocèses de Coutances et
d'Avranches. Son zèle, auquel se joignait un talent remarquable, obtint de
très-grands succès. 11 devint ensuite aumônier du collège royal de Strasboug,
puis principal du collège de Colmar. Il y resta peu de temps, et quitta l'Uni-
versité pour se consacrer à la prédication et à l'étude de l'hébreu. On lui
doit : Psaumes de David, traduction tîdèle d'après le texte hébreu (Liège,
1849, in-12, et Rennes, 1845, in-12} ; — Philosophie des langues et introduc-
tion par l'hébreu à la connaissance élémentaire des racines et des formes de
— 273 —
touks h's langues (Rennes, 186o, gr. in-8) ; — Biclionnairc licbreu raisonné,
initiant à la contiaissancc de toutes les langues (Rennes, 1843, in-8); — Chres-
tomathic hébraïque raisonnéc et comparée, renfermant la Création, le Meurtre
d'Abel, le Déluge, la Tour de Babel, avec dts réflexions scientifiques pour la
just fication des livres sacrés (Paris, 1840, in-8) ; — Controverse a)nicale erdrc
un ministre prolestant et un ministre catholique sur le culte de Marie (1849,
ia-18); — Dictionnaire idéo-étymologique hébreu et dictionnaire grec-hébreu
(1855, in-8); — Bacines grecques, ramenées aux langues orientales et occiden-
tales, raisonnées et rcduilcs à un petit nombre, apprises facilement et retenues
pourtouJoii,rs{[8'6(J, in-12) ; — Conciliation de la cosmogonie mosaïque avec les
données des sciences naturelles (1838, in-i2).
— M. Jean-Pierre Charpentier, né à Saint-Priest (Eure-et-Loir), le 20 juin
1797, est mort à Chantilly en août 1878. Ancien élève du Lj'cée Louis-le-
(irnn 1, il y professa la rliéiorique. Aprè;s avoir obtenu le titre d'agrégé de la
Faculté de Paris, il suppléa Ch.-J.-V. Leclerc à la Soibonne, dans la chaire
d'éloquence latine (1833-1844). En 1843, il fut nommé inspecteur de l'aca-
démie de Paris ; il a rempli cei fonctions pendant dix ans. Voici ses princi-
paux ouvrages : A laquelle des deux littératures, greccjuc ou latine, la litlératurc
française est-elle le plus redevable (1 828, in-8), mémoire couronné par l'institut ;
— Éludes morales et historiques sur la liltvraturc romaine {\S2d, in-8); — Essai
sur r histoire littéraire du moyen âge (1833, in-S) ; — Tableau historique de la
littérature française aux quinzième et seizième siècles (I83J, in-8; ; — Cahiers
d'histoire littéraire ancienne et moderne (1836-1838) ; — Abrégé de lliistoirc de
la littérature grecque (1837, in- 12) ; — Histoire de la renaissance des lettres en
Eurupe au quinzième siècle (1843, 2 vol. ia-8) ; — Tertullien et Ajmlée (1830,
in 8); — Études sur les Pères de l'Église, 2 vol. in-8, tome I, Église latine;
tome H, Église grecque (f8o3); — Les Ecrivains latins de l'Empire (1838,
in-12); — La Littérature française au quatorzième siècle (1875, iu-12).
— M. Dallet, prêtre des Missions étrangères, est mort récemment au
Tong-King. 11 é'.ait né à Langres, en 1829, et après avoir fait ses études
au petit séminaire de cette ville, il était rentré au séminaire des Missions
étrangères où il reçut les ordres sacrés en même temps que deux de
ses amis, le P. Théophane Vénard et Mgr Theuzel, évoque d'Acanthe.
Désigné po ir le Tong-King, le P. Dallet, qui avait appris la profession de
compositeur d'imprimerie dans la maison Didot, fonda à Bangalore une
imprimerie puur la mission catholique de cette contrée, et publia A contro-
versist catechism or short answcrs to the objections of protestants against the
true religion, dont il donna, en 186-i, une nouvelle édition considérablement
augmentée, et dont a on imprimé une é lition française. Il a publié éga-
lement : 1" Vie et correspondance de Théophane Vénard, prêtre de la société
des missions étrangères, décapité pour la foi au Tong-King, le 2 février
1861, avec portrait et fac-similé de son écriture (Poitiers, 1863, in- 18); —
2» Histoire de l'église de Corée, précédée d'une introduction sur l'histoire, les
institutions, la langue, les mœurs et coutumes coréennes, avec cartes et
planches (1868, 2 vol. in-8]; — 3° Cantique pour l'anniversaire des martyrs
{Missions étrangères), musique de Ch. Gounod. 11 a fait en o tre graver, en
1863, par M. Bertrand Lœuillet, des caractères télégous et canaras, des
caractères lamouls qui se trouvent à l'imprimerie nationale. M. Dallet
emporta aux Indes une police de ces deux types, et fit imprimer un dic-
tionnaire tamoul et un dictionnaire canara. C'est également M. Dallet
Septembre 1878. T. XXIII, 18.
— 274 —
qui a édité Les sauvages Ba-Hnars (Cochinchinc orientale) souvenirs d'un
missionnaire, par M. l'abbé 0. Dourisboure (Paris, 1873, in-12).
Rentré en France, en raison de son état de santé, il adressa, le ."^O décem-
bre 1876, une lettre circulaire à Mcsseigneurs les vicaires apostoliques et
MM, les missionnaires de la Société des missions étrangères (48 p., gr. in-8).
Il se proposait d'écrire l'histoire des missions, et avait, en conséquence,
dressé un questionnaire concernant les missions et missionnaires : 1° géo-
graphie, ethnographie, histoire, état actuel de la mission, constitutions, scliis-
matiques et hérétiques; 2o les croyances, le culte, les pratijues, l'organisa-
tion, les juifs et mahométans; ?,oy état social : cooslitution, classes du peuple,
propriété, famille, mœurs et coutumes, arts et métiers, beaux-arts, belles-
lettres, sciences, commerce, voies de communication ; 4o enfin les Institu-
tions: gouvernement, administration, justice, finances, armée. Un appendice
concerne les légendes. On doit aussi à M. Dallet la traduction de l'anglais,
commencée par M. l'abbé Godard, et achevée par lui, de l'ouvrage du Père
Dalgairns sur la Communion (Paris, Bray). — J. Cabnandet.
On annonc'i encore la mort de M. Jean-Mirie Gctiehrez, professeur et
reclenr de l'iniversité de la Républiq le Argentine, auteur de travaux sur les
origincii de l'art de l'imprimerie dans l'Amérique espagno'e, de poèmes de
biographies des hommes île son pays ; — de M. Hart, membre de l'Univer-
sité de Rio Janeiro, auteur de travaux géologiques et de mémoires sur les
langues et les races de l'Amérique du Sud; — de sir Thomas Diffus-Hardy,
f^arde adjoint des archives, à Londres; — de M. O'Quin, ancien député, tréso-
rier-payeur général des Hautes-Pyrénées, ancien rédacteur du Mémorial des
Pyrénées ; — de M. IMartin-Dal'ssigny, directeur des musées de Lyon; — de
M. Decoive-DenUiNCQUEs, journaliste, ancien préfet, mort à Compiègne, âgé de
soixante-huit ans, le 5 mai ; — de M. Hermann, de Strasbourg, correspondant
de l'Académie dans la section de médecine, ancien doyen de la faculté de
Strasbourg; — de M. Groi-hel, directeur du Journal du Morbihan, mort le
1" août; — de M. Octave Gastineau, ancien rédacteur au Corps législatif;
de M. Maxime DE Ferry, mort àPari^,le 14 juillet, collaborateur àelaGazette
de Nîmes, dont il a été le co resp mdant à Rome ; — de M. Ch. Rokitanski,
professeur d'anatomie pathologique à l'Université de Vienne; — de M. Bar-
thélémy PocQUET, rédacteur du Journal de Rennes ; — de M. Raoul-Hen"ri Le-
lièvre, rédacteur de l'Estafette, mort à Bagnères-de-Luchon, à dix-neuf ans ;
de M. V. de Saint-Albin, mort à Paris, le 29 aoùf, à soixante-douze ans,
ancien diiecteur du Journal des Earas, de la Patrie, e<. proiiriétaire du Sport.
Institct.. — Académie française. — L'Académie française vient d'être au-
toris e à accepter le legs de 40,000 francs laissé par M. Lelevain, pour être
employé à la fondation d'un prix annuel de sagesse, de vertu et de probité.
Académie des inscriptioyis et belles-lettres. — L'Académie des inscriptions et
belles-lettres, dans sa séance du 12 juillet, a décerné le premier prix Gobert
à notre collaborateur, M. Auguste Longuon, pour sa Géographie de la Gaule
au onzième siècle : \e second à M. Giry, pour son Histoire municipale de
Saint-Omer .
Le pi'ix annuel de numismatique, destiné au meilleur ouvrage de numis-
matique ancienne, a été décerné à M. Gustave Schlumberger.
Dans sa séance du 26 juillet, l'Académie a rendu son jugement dans le
concours relalif à V Histoire du Sénat romain. Elle a décidé qu'il n'y avait
pas lieu de décerner le prix, mais seulement un encouragement de 1,500 fr.
à M. Mispoulet.
— 275 —
La commission chargée de juger les ouvrages adressés au concours des
antiquités nationales a réparti a nsi les récompenses :
Quatre médailles ont été décernées: 1° à M. Fagniez, pour ees Études sur
l'industrie et la classe industrielle à Paris aux treizième et quatorzième
siècles; 2° à M. Corroyer, pour sa Description de l'ahbaye du mont Saint-
Michel; 3* à M. Julien Havet, pour son ouvrage sur les Cours royales des îles
normandes (1200-1677), et ses recherches relatives à la Série chronologique des
gardiens et seigneurs des îles normandes (1198-1661) ; 4° à M. l'abbé Hanauer,
pour ses Études économiques sur l'Alsace ancienne et moderne. — Six men-
tions honorables ont été, en outre, accordées à : M. Marins Sepet pour les
Prophètes du Christ et le Drame chrétien au moyen âge; à M. Aurès, pour sa
Monographie des bornes militaires du département du Gard; à M. Le Alen,
pour sa Monographie de la cathédrale de Quimper; à M. l'abbé Dacheux,
pour Un ir formateur catholique à la fin du quinzième siècle, Geiler de Kaysers-
berg ; à M. Guibert, pour son Histoire de la destruction de Vordrc de Grand-
mont ; à M. Luchaire, pour les Origines linguistiques de l'Aquitaine.
Académie des sciences. — Dans sa séance du 29 jui let, l'Académie a élu
M. Azah Gray, correspondant, pour remplir la place vacante dans la section
de botanique, par suite du décès de M. Braun, de Berlin, par 32 voix, contre
5 à M. Ch. Darwin, 2 à M. Henri, et 1 à M. Gœppert.
Dans sa séance du 3 août, l'Académie a élu M. Darwin coi'respondant pour
remplir la place vacante dans la section de botanique, par suite du décès de
M. Weddal, de Poitiers, par 26 voix, contre 4 à M. de Bari,2 à M. Nœgeli, 1 à
M. Herr, 1 à M. Gœppert, et o bulletins blancs.
L'Académie vient d'être autorisée à accepter le legs de 20,000 fr. que lui
a fait le dernier des commandeurs, Da Gama Machado.
Académie des beaux- arts. — L'Académie des beaux-arts, dans sa séance
du 20 juillet, a nommé correspondant M. Schohonder, architecte du roi à
Stockholm,
Dans sa séance du 27, l'Académie des beaux-arts a élu correspondant libre
sir Richard Wallace.
Académie des sciences morales et politiques. — L'Académie des sciences mo-
ralesetpolitiques, dans sa séance du 27 juillet, a rendu son jugement dans le
concours Morogue, relalif au paupérisme.
— L'Académie des sciences morales et politiques vient d'être autorisée à
accepter le legs de M. Wolowski, pour la fondation d'un prix triennal de
3,000 fr., qui prendra le nom de prix Wolowski.
Collège de Fkaxce. — Par décret du 3 août, M. Charles-Edmond Browu-
Sequard a été nommé pi'ofesseur titulaire de la chaire de médecine au Col-
lège de France, en remplacement de AJ. Claude Bernard, décédé.
Facl'lté des lettres. — M. Raoul Baret, licencié de la faculté des lettres
de Paris, a soutenu ses thèses pour le doctorat es lettres. Les sujets
étaient : De jure apud Terentium. — Essai historique sur la prononciation
du grec.
M. L. Massebieau, maitre de conférences à la faculté de théolosie
protestante de Paris, a soutenu le 17 juin ses thèses pour le doctorat es
lettres devant la faculté des lettres de Paris. Les sujets étaient ; De Ravisii
Textoris comœdiis seu de comœdiis collegiorum in Gallia, prœsertim ineunte
sexto decimo seculo. — Les Collociues scolaires du seizième siècle et leurs ardeurs.
(1470-1570).
Bureau des Lo.ngitcdes.— M. d'Abbadie, membre de l'Institut, a été nommé,
— 276 —
par décret du fl ao\it, membre titulaire du Bureau des longitudes, dans la
section de Géographie.
M. Arinind-Hippolyte-Louis Fizeau, membre de l'InsUtut, a clé nommé,
])ardéc;etdu 31 août, membre titulaire du Bureau des longitudes, dans la
section d'Astronomie, en remplacement de M. Le Verrier, décédé.
ÉcoLK DE Dnorr — Le '2 août, a eu lieu, à l'Egale de droit de Paris, sous la
présidence de M. de Valroger, la distribution des prix pour le concours
établi entre les docteurs et entre les licenciés. Le sujet, pour les docteurs,
était de rechercher les actes de l'administration qui peuvent être attaqués
par la voie contentieuse. Les lauréats ont été M. Paul-Louis Lucas, de
Reims (médaille d'or"», et M. Georges Jules-Antoine Piganiol, de Figeac
(mention honorable).
Concours. — La Société des sciences, des arts et des lettres de Hainaut
jiict au concours les questions suivantes :
Biogra[ihie d'un homme remarquable par ses talents ou par les services
qu'il a rendus et appartenant au Hainaut. — Établir, au moyen de preuves,
la chronologie des comtes de Hainaut. — Écrire l'histoire d'une des an-
ciennes villes du Hainaut, excepté Soignies, Péruwelz, Saint-Ghislain,
Enghien, Beaumont et Fontaine-l'Évêquo. — Faire l'histoire de l'art typo-
graphique dans le Hainaut. Les mémoires doivent être adress.;s, avant
le 31 décembre 1878, à M. le président de la Société, rue des Compagnons
H, à Mons.
La Société de géographie de Paris, dans sa séance du "20 juin, a décerné,
une grande médaille d'or à l'illustre voyageur Henri Stanley, une seconde
médaille à Jl. Vivien de Saint-Martin pour ses travaux géographiques; et le
]U'ix Logerot, donné pour la première fois, à M. le D' J. Harmand, mé-
decin de la marine pour ses voyages à travers le Cambodge et le Laos.
Le prix annuel de 2;i,000 fr., institué par le roi des Belges, vient
d'èlrc décerné pour le concours de 1878, à M. Alphonse Wauters, archi-
viste de la ville de Bruxelles, membre de l'Académie royale de Belgique,
pour son ouvrage sur les Libertés communales, essai sur leur origine cl leurs
•premiers cléveloppemenls en Belgique, dans le nord de la France et sur les bords
du Rhin (2 vol. in-8).
CoxGRKs. — L'Association bretonne a tenu son congrès annuel à Auray,
du 26 août au l*^"" septembre dernier. M. le sénateur Audren de Kerdrel a
été élu président général du congrès et président delà section d'agriculture ;
M. de la Borderie, président de la section d'archéologie. Les lectures et
méinoires les plus remarqués ont été les suivants: 1' dinsla section d'agri-
culture : Etude d'économie rurale, par M. Simon; Des engrais chimiques, par
M. Georges Ville ; De V ostréiculture, par M. Gressy ; De l'udomélrie depuis
les Égyptiens jusqu'à nos jours, par M.de la Rochemacé ; Des maladies conta-
gieuses, par M. Abadie ; Des reboisements en Bretagne, par M. de Quéné-
tain, etc. — 2" dans la section d'archéologie : Guidel et ses antiquités, par
M. l'abbé Euzenot; Une conspiration en Bretagne à la /in du quinzième siècle,
documents inédits par M. A. de la Borderie ; La Hache celtique emmanchée,
de Saint-Nazaire, par M. René Kerviler; De l'usage des cellx en inerre polie,
par MM. Lallemant, de la Villemarqué, Kervibr et Euzenot; sur la Choré-
graphie bretonne, par M. Du Laurens de la Barre ; Origines de l'imprimerie en
Bretagne, parM.de la Borderie ; Du patronage de Saint- Corneille sur les
vaches ci les bœufs, par M. Lallemant ; Légendes de la sainte Vierge chez les
Bretons aux premiers siècles, par M. de la Villemarqué; Quelle part peut-on
— 277 —
attribuer aux Bretons dans la civilisation en France et dans la consiilulion de
la nationalité française, par M. de Kerdrel.
Le vendredi 30 août, une excursion a eu lieu aux monuments mégali-
thiques de Carnac. On pense que la prochaine ses-ion se tiendra à Saint-
Brieuc. — R. K.
Lectures faites a l'Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans
la séance du 2 août, M. Paillard a communiqué an mémoire concernant ses
rechei'ches sur les négociations relatives au v yage de CharUs-Quint en
France (1539). — Dans la séance du 9, il a été communiqué une note de
M. Dumont sur les fouilles exécutées à Délos par M. HomoUe. M. Chrmont-
Ganneau a lu un mémoire sur l'interpréta' ion des scènes figurées de la
coupe découverte en '1876 sur l'emplacement de Préneste. — Dans les séances
des 23 et 30 août, M. Victor Duruy a lu un chapitre inédit de son Histoire
romaine sur l'Emiiire au milieu du troisième siècle.
Lectures faites a l'Ac4démie des sciences morales et politiques. — Dans
la séance du 3 aoiif, M. E. Caro a lu une notice sur Montesquieu, d'après
l'histoire de Montesquieu que vient de publier M. Vian. — Dans la séanco
du 10 août, M. Garo a lu un travail de M. Guyau, professeur de philosophie,
sur la doctrine morale d'Épicure. M. Charles Vergé a lu un mémoire de
M. du Chàtellier sur l'Église pendant la Révolution. — Dans les séances des
24 et 31 août, M. Guillaume Depping, de la Bibliothèque Sainte-Gene-
viève, a donné lecture d'un mémoire sur Barthélémy Herwcirt, contrù-
leur général des finances sous Louis XIV. — Dans la séance du 31 août,
M. Giraud a commencé la lecture d'un mémoire, de M. J.-J. Thouissen,
correspondant de l'Académie, sur le Droit de vengeance dans la législation
mérovingienne.
Manuscrits de la bibliothèque de Salins. — La petite ville de Salins
(Jura) possède une bibliothèque riche d'ouvrages manuscrits et imprimés
sur la Franche-Comté. Le catalogue n'en est point encore réiligé, mais on
y travaille. En attendant c|u'il soit mis à la disposition des hommes d'étude,
M. Bernard Prost donne un inventaire sommaire des nijnuscrits les plus
intéressants. (Catalogue dts manuscrits de la bibliothèque de la ville de Salins.
Paris, Picard, 1878, in-8 de 35 p. extrait du Cabinet historique.) Il inJique
la provenance des manuscrits, donne une place spéciale à ceux qui concer-
nent l'histoire de la Franche-Comté, et termine par une table des noms
d'auteurs. Nous remarquons plusieurs manuscrits du treizième, du qua-
torzième et du quinzième siècles sur la théologie. Dans l'un d'eux, se trouvent
intercalées plusieurs recettes dont l'une mérite d'être citée. « Pour faire
venir les cheveulx ea la leste, prenez miel crud et huille roset, et faictes
Dignement, puis en frotez la teste, et ses cheveulx lui reviendront. Proha-
tum est. » — Des fi*agments de comptes en latin et en provençal du qua-
torzième siècle; — Un dictionnaire latin-français et des éléments de gram-
maire latine et fra- çaise du treizième siôle; — Des recueils de receltes
médicales; — Des recueils de lettres des dix-septième et dix-huilième
siècles où l'on pourra peut-être trouver des pièces inédites; — et, sur la
Franche-Comté, de nombreux documents sur le parlement de la Franche-
Comté, recueils d'arrêts, de délibérations, sur les états de la province^, des
armoriaux, des nobiliaii'es^des cjpes de pièces introuvables et des niémoii^es
du président Boquet de Cornbouzon, de dom Grappio, de dom Sornet, de
dom Berthod, etc. M. Prost en inventorie 17i.
AssEMBLÉr^js DU DIOCÈSE DE Castres, — Sous OC titre, M. Elie-A. Rossignol a
— 278 —
publié (Toulouse, Chauvin, i878) un travail excellent et nouveau en grande
partie, travail dont les principaux éléments ont été puisés dans les archives
départementales du Tarn. On trouvera là les détails les plus précis sur le
rôle joué, pendant plus de ceux cents ans, par les assemblées du diocèse
de Castres, et sur l'histoire des guerres civiles et religieuses des seizième et
dix-septième siècles, d'après les procès-verbaux de ces assemblées. Le livre
de M. Rossignol sera utilement consulté, dans ses premières pages, par ceux
qui s'occupent surtout d'économie poliiique, et, dans ses dernières pages,
par ceux qui s'occupent surtout d'histoire provinciale. — T. de L.
Discours véritable du siège de Montbard. — Nous annoncions ici tout ré-
cemment la réimpression, par les soins de M. Henri Chevreul.d'un opuscule
rarissime. Le même bibliophile nous donne aujourd'hui une nouvelle édi-
tion (tirée à cent exemplaires, sur papier de Hollande, le 25 juillet 1878,
par Darantière, à Dijon) d'un livret imprimé à Paris (chez Denis Binet),en
1590 et que l'on ne trouve presque dans aucune des plus riches collections :
Discours vcritable du siège mis devant la ville de Montbard en Bourgongne par
le sieur de Tavane associé des Rcistres du Biarnois, avec la résistance et deffaicte
des dicts Reistres, par les habitans de la dicte ville (15 p., in-16). .M. Che-
vreul nous apprend que, si cette publication a quelque succès, il la fera
suivre d'une série de pièces intéressantes et l'ares sur la ligue en Bourgogne.
Comme la réimpression du Discours véritable du siège de Montbard ne peut
qu'être parfaitement accueillie, nous saluons d'avance avec joie la série de
curieuses brochures qui nous est conditionnellement promise par le plus
zélé de tous les bibliophiles bourguignons. — T. de L.
Les Livres cartonnés. — Un bibliographe d i plus grand mérite, qui est
un de nos plus actifs collaborateurs, a fait paraître, ces jouis derniers, un
recueil excessivement curieux dont voici le titre : les Livres cartonnés, essais
bibliographiques, par Philomneste Junior (Bruxelles, Gay et Douce, 1878, in-8,
de 101 p.). On trouve des milliers de piquants renseignements dans ce
recueil où sont mentionnés les ouvrages les plus variés : le De incertitudine
et vanitatc acientiarum d'Agrippa, à côté de Vllistoria de vitis romanorum
pontificum d'Anastase ]eBihlioihéca.ire;l' Histoire généalogique du P. Anselme,
à côté de V Apologie des femmes; les OEuvres de Bacon, à côté de celles de
Bayle ; le Décameron de Boccace, à côté du Don Juan de Lord Byron ; la
Sagesse de Charron, à côté du Voyage eyi Grèce de Choiseul-Gouffier; le
Choix des Mazarinades de M. Moreau,à côté de la Cymiade de G. Colletet,etc.
Ce n'est fias seulement dans le texte, c'est encore dans les notes que Phi-
lomneste Junior répand à pleines mains son inépuisable érudition, et je
recomrnande aux friands lecteurs les notes sur la Bibliothèque curieuse de
David Clément, sur le Catalogue des livres de M. Cigongne, sur le remar-
quable archéologue Edelestand du Méril, sur les éditions diverses du cé-
lèbre traité de Charron, sur le chevalier de Jant, sur le Catalogue Leber, etc.
Le précieux petit volume est complété par un chapitre sur les Livres à re-
tranchements (p. 8i-!)8), et par des indications diverses, parvenues pendant
l'imj ression, la plupart communiquées par un bibliographe dont la réputa-
tion est aussi étendue que méritée, M. le baron Jérôme Pichon. — T. de L.
L'Auteur du Combat spirituel. — Le Combat spir-ituel est uu des livres de
piété les plus répandus tt le-, plus goûtés : on porte jusqu'à quatre cents le
nombre des éditions qui eu ont été faites. Souvent il a été publié .'■ons le nom
du P. Scu[ioli, de l'ordre des théatins.
Nous croyons voir ici une erreur, ou du moins xive confusion. La Lucha o
oombate espiritual del aima ron sus afectos desordenados (Lutte ou combat spiri-
1
— 279 —
tuel de î'àmeavec ses affections désordonnées), qui est le titre priuiitit de l'ou-
vrage, a été écrit en espacifnol par le savant et saint bénédictin espagnol du
Monastère de Oaa daos la Vieille-Castille, le vénérable Père Juan de Castaîiiza,
prédicateur du rui Philippe il, mort à Salamanque le 18 octobre 1599. L'il-
lustre théatin italien, le P. Scupoli, la traduisit dans cette langue sans nom
d'auteur, et, en vue du î-uccès qu'elle obtint, il la publia encore", additionnée
et augmentée, de sur>e qu'il vint à former comme un nouveau livre qui,
depuis lors, a été toujoarà intitulé Combat spirituel, dont on a fait, dont on con-
tinue à faire de nombreuses éditions dans toutes les langues, et auxquelles
on ajoute u'ordinaire le traité du même auteur, la Paix intérieure. Voici d'où
vient l'opinion, généralement reçue et soutenue, qui attribue cet ouvrage au
P. Scupoli, opinion contre laquelle on peut citer et consulter la Bibliotheca
hispana de M. Nicolas Antonio, Mabillon dins ses Annales, et Moiéri dans son
Dictionnaire. Le livre du père Castaniza, traduit en llamand par le R. P. jé-
suite Zoes, fut publié en l'année 1618, à Matines : il le tut aussi à Paris, mis en
latin par Loricbius, en lGi4. Dans cette même ville, le libraire Bertliier en
publia en 167o, la traduction française, pour laquelle il se servit d'une copie
très-soign» usement piise sur le manuscrit uriginal de Ona. On l'avait d'ail-
leurs publ.é en Espagne, sous le titre de Perfeccion de la vida cristiana
(Perfection de la vie chiétitrine), au lieu de Lucha,Batalla (on lui donne aussi
ce nom) ou Combat spirituel.
Les citilions que saint Frai.çois de Sales tait de cet ouvrage, qu'il porta
dans sa pochr, dit on, plus de trente ans, s-e rapportent sans aucun doute à ce
petit livre et non au livre augmenté par le P. Scupoli (qui, dans presque toutes
les éditions espagnoles, est de deux vohinii^s in-8). On peut remarquer la
correspondance exacte dans les renvois qu'il y fait lor.-qu'il conseille la lecture
des chapitres xv, xvi et xvii, dans sa lettre liv à l'abbesse du Puits-d'Orbe.
L'édition primitive n'ayant pas été réimprimée en Espagne depuis le dix-
septième siècle, c'est ce qui a fdit oublier l'auteur de ce livre; car, depuis lors,
nous ne sachons qu'on ait fait aucune réimpression juiqu'à 18o7. Cette année-là,
on publia à Burgos une «nouvelle édition, considérablement corrigée et aug-
mentée, avec la biographie de l'auteur, par C. 11. R., docteur en théologie, »
que nous croyons être le digne évêque d'Orenîe, M?'' Cesareo Rodrigo. La
« Librairie religieuse » en fil une reproduction en 186o, dansun volume in-16
qui se \end à liU prix m'uinie.
Vers la moitié du siècle dernier, un Rapport historique sur l'origine du
Combat spirituel a été publié sans le nom imaginaire de D. Jaime Eipidio
(Cajetano de Thiennel; mais nous n'avons pu le tr.puver, à notre grand
regret, car il aurait pu nous fuurnir d'iniéressants renseigaements pour
éclairer ce point de critique bibliographique.
Le vénérable bénédiclin espagnol publia aus^i la Vie de saint Benoit,
qui est une traduction__de celle de sa nt Grégoire le Grand, en y ajoutant celés
de saint Maur et de saint Placide, Il publia aussi ['Approbation et Règles de
saint Benoit, avec le catalogue ('es princes, docteurs et saints qui ont illustré
l'ordre de Saint-Benc it. Toutes deux ont été imprimées à Salaïuanque, en 1523.
Il écrivit enfin l'Histoire de saint Romuakl le Camaldule, imprimée à Madrid,
en 1597; la Déclaration du Pater nosttr, des sermons et d'autres ouvrages.
— M. SiLVAs, de Madrid.
— Henri Marchand et le globe terrestre dk la bibliothèque de Lyon. —
Sous ce titre, M. Aimé Vingtrinier publie une très-intéressante, mais trop
courte biographie d'un illustre Lyonnais, dont la gloire était jusqu'ici restée
trop longtemps dans l'ombie. Henri Marchand (né en 1674), en religion le
— 280 —
P. Grégoire, est l'auteur d'un magnifique globe terrestre où l'on a été tout
étonné de voir retracées avec une l'emarquable exactitude, ces régions cen-
trales de l'Afrique, ces mers intérieures de l'Asie, ces chaînes de montngnes,
ces îles, ces lacs, que les Grant, les Baker, les Speke, les Livingstone, les
Stanley croyaient sincèrement avoir découverts. Renaercions M. Vingtrinier
de s'être fait le promoteur d'une justice un peu tardive et d'avoir sauvé un
nom illustre de l'oubli. Sa note est toute à la gloire de l'Église catholique.
Car elle montre que les franciscains, les dominicains, les jésuites ont pré-
cédé nos savants modernes dans la voie du progrès. Notre société, si fière
d'elle-même, peut pousser l'injustice jusqu'à méconnaître les vertus de ces
saints religieux, mais il ne lui est pas permis d'être ingrate au point d'ou-
blier que c'est d'eux qu'elle a l'cçu ce splendide héritage scientifique dont
elle a su d'ailleurs si bien tirer profit. — E. de la D.
Plaquettes gontaudaises. — Notre érudit et infatigable collaborateur,
M. Tamizey de Larroque, vient de commencer une série nouvelle de publi-
cations, sous le titre de Plaquettes gontaudaises. Il y traite de particularités
peu connues de notre histoire liltéraire. Nous avons sous les yeux les n"
1 et 2.
Dans le n" 1 (petit in-8 de 49 p.), il est question d'un poète presque
ignoré aujourd'hui, E'istorg de Beaulieii, dont la vie ne fut pas plus édifiante
que ne le sont ses poésies. Après avoir reproduit sa vie par Guillaume Col-
letet, le savant éditeur se livre à une foule de remarques philologiques et
littéraires fort intéressantes, et donne, en appendice, un aperça de deux dos
productions d'Eustorg de Beaulieu : les hivers rapports et la Chrestieiine
re:ijoui/ssancc.
Dans le no 2 : Quelques lettres inédites d'Isaac de La Peyrère ù Bouilliau, pu-
bliées avec une notice, des notes et un appendice (petit in-8 de iiO p.), M.Tumi-
zey de I.arroqae étudie ïsaac La Peyrère, écrivain paradoxal, né à Bordeaux
en lo94, mort en i()78, qui, en 16o5, fit paraître un gros volume latin: Prœa-
'iamiYc'/', dans lequel il s'eiForçait d'établir qu'il avait exis'.é des hommes avant
Adam. M. T. de L., a dtcouvert trois lettres que cet excentrique personnage
adressait à Ismael Bouilliau, savant distingué que les rédacteurs du Moréri
de 1759 [U'oelamcnl « l'un des génies les plus universels de son temps, >■> mais
qui est oublié aujourd'hui, faute d'une élude sérieuse dont il devrait être le
sujet et qui mantpio encore; ces trois lettres sont accompagnées de noies f -rt
érudit s-, el'es épuisent ce que Guy Palin, Richard Simon, le Menagiana, et les
écrits de l'époque renferment au sujet de La Peyrère qui, ^e plai-ant toujours
à traiter de questions singulières, mit au jour, en 1657, un livre intitulé :
Bu rappel des Juifs, volume qui lit moins de bruit que les Prœadamilœ;
qiioique frapi.é d'une conlamnation, il n'attira les regards de personne.
Abordant des questions moins sujettes à controverse, La Peyrère profita d'un
voyage en Scandinavie pour écrire une Relation du Groenland, 1644, et une
Ilelation de l'Islande qui ne parut qu'en 1003; il accompagna le prince de
Coudé dans qu» Iques-unes de s-is campa^çne?, ce qiii lui fournit l'occasion
d'écrire un récit de la bataille de Lens ; trois éditions ie succédèrent rapi-
dement; nue seule porte le no n de l'auteur; la dé licace, adressée à la reine
Christine, méritait l'honneur d'uuo repro luction ; elle l'a obtenue.
Les Plaquettes gontaudaises sont tirées h. cent exemplaires et publiées à
Paris, chez H. Champion, et à Cordeaux, chez Ch. LefeLvre.
Les BiBLiOTufcguES publiql'es a Londres, — il est question de fonder à Lon-
dres to'it un gr. upe de bibliothèques métropolitaine'^, du genre de celles
— 281 —
qu'on appellerait en France communales ou municipales, et qui font toat à
fait défaut dans une ville aussi vaste et aussi peuplée que Londres.
Londres compte plus de trois millions d'habitants, et la principale biblio-
thèque, celle qui ressemble le plus à la bibliothèque nationale de Paris, le
British Muséum, n'admet les lecteurs qu'à l'âge de vingt et un ans ; en oulre,
elle ferme ses portes à quatre, cinq ou six heures du soir, suivant les saisons,
et elle ne prête point ses livres au dehors. Les autres bibliothèques de Lon-
dres ne peuvent soutenir la comparaison avec cet établissement, connu dans
le monde entier, et pour le développement duquel les Anglais font les plus
grands sacrifices.
Il s'agirait donc de créer dans la métropole des bibliothèques plus à la
portée de li masse de la population, et cela sous le bénéfice de la loi de
Î8oO. Il est assez singulier que Londres n'ait pas tiré jusqu'à présent un
meilleiir parti de celte loi sur les bibliothèques publiques, dont les villes de
province se sont emparées avec empressement, et qui a produit de mer-
veilleux résultats.
Ce qui le prouve, c'est le succès des bibliothèques municipales, fondées
depuis celte époque à Birmingham, à Loed'?, à Liverpool, à Manchester, à
Rochdale, à Westminster, et ailleurs. Les chifiVes qui viciment d'être publiés
par le comité pour l'organisation des bibliothèques de même genx'e :\ Lon-
dres sont vraiment remarquables.
A Leeds, par exemple, la bibliothèque municipale, fo:idée en 1871 seule-
ment, contient déjà 72,177 volumes, et elle n'a pa5 moins de quatorze suc-
cursales en ville. Et pourtant, Leeds a treize fois moins d'habitants que la
capitale. La circulation des volumes, dans cette bibliothèque municipale est
de 449,963 par an. On peut observer les mêmes faits dans les bibliuthèques
municipa'es de Birmingham, de Liverpool, de Manchester et autres.
L'organisation de ces bibliothèques municipales anglaises est assez
curieuse : il y a d'abord un établissement central composé de trois sections :
l" une collection fixe, dont les libres ne sont point prêtés en dehors ; 2" une
bibliothèque de prêt, Lending department; 3" une salle pour la lecture des
publications périodiques et même des journaux.
L'établissement principal, situé aul'.nt que possible au centre de la ville,
établit ensuite, dans les diflerents quartiers, au fur et à mesure des besoins,
des succursales, organisées sur le même modèle, mais dont le but principal
est de prêter des livres moraux, utiles et instructi's aux classes peu aisées.
Des statistiques, jointes au document publié par le comité dont nous avons
parlé, prouvent combien les petits artisans tt les ouvriers des deux sexes
usent de la facilité qui leur est olferte. 11 en sera s-.ns doute de même à Lon-
dres, quand la ville présentera les mêmes avantages.
La Presse périodique dans la Grande-Bretagne. — Il paraît actuellement,
dans la Grande-Bretagne, I,8So journaux et 818 recueils périodiques. Ajou-
tez-y 50 recueils servant d'organes à des sociétés savant, s et aures, tt vous
aurez le chiffre exact de h presse totale, dans la Grande-Bretagne, soit 2,759
feuille.-.
Dans ce nombre, Londres figure pour un contingent de 486 Newspapers ou
journaux, et 598 revues ou recueils périodiques, Periodicals.
Les feuilles de la catégorie des journaux s'occupent, pour la plupart, de
malièes politiques : 5i2 sont libérales, 331 onservatrices, 71 coiiserva-
Irices -libérales ; 941 sont neutres.
Parmi les revu- s, 308 ne traitent 'jne les questions religieuses.
— 282 —
Un fait qui ressort de celte statistique, c'est le nombre toujours froissant
des journaux illustrés; on en compie présentement 287, dont 33 avec illus-
trations coloriées.
Les questions ouvrières sont traitées par 14 jour//aux, sans compter 104
feuilles qui sont les organes de sociétés de métiers. — (Journal officiel.)
— La librairie Docher met en souscription le Journal d'un bourgeois de
Gisors, relation bistcrique c( ncernant les événements accomplis à Paris et
dans les environs, et notimment d-ins et entre les villes de RoU' n, Amiens,
Beauvais, Pootoise (1.Ï88-I617), publié pour la première fois, et en entier,
d'après le manuscrit de la Bibliotbèque nationale, par .MM. H. Le Charpi-n-
tier, archiviste-bibliothécaire de la Société historique • e Pontoise, et AÎf ed
Filan, membre de la Société historique et arehéoligique du Vexin. — Cet
ouvrage, précédé d'une introduction, d'une étude sur le Dianuscrit, accom-
pagné de nombreu>es notes et duu index alphabétique, sera orné d'un
magnifique portrait du duc de Longueville, gouverneur de Xormandie et de
Picardie, d'une carte géngraphique gravée, ia-4, montée sur onglet, et de
plusieurs fac-similé: il formera un beau volume in-8 raisin, imprimé en
caractères elzéviriens, tiré sur p.tpier vergé de choix, titre rouge et noir, du
prix de 8 francs.
L'auteur du Journal d'un bourgeois de Gisors, contemporain, et Irès-souvent
témoin oîulaire d^-s événements si variés et si dramalifues qu'il relate, nous
a transmis les plus curieux défais sur l'iuléressanle période des guerres de,
la Ligue et sur l'état de nos provinces pendant cette lin si troublée du sei-
zième siècle ; son récit embra^"se même le corumencemeut du règne de
Louis XIII. Le manuscrit <^e la Bibliothèque nationale, d'apiès lequel on
a transcrit en entier celte chronique, ne comprend pas moins de 518 pages
(259 feuillet'-) ; l'édition à laquelle M.\!. Le Charpentier et Fitan ont apporté
leurs soins e,>t encore anguientée de notices, de trè-;-nombreu-es notes,
de commentaires historique-, d'un index contenant près de 700 noms de
personnes 1 1 de lieux; elle comprend aussi des extraits de divers autres do-
cuments de l'époque, inédits ou non réimpiirnès.
— L'imprimerie Émilienne de Venise fait apptl aux souscripteurs pour
pouvoir éditer la table générale du grand Uizionario di erudizione storico-
icclesiasdca, ouvrage du chevalier G. Caïetan Moroni, travail considérable,
véritable encyclopédie caiholique, où les recherches n'étaient pas sans diffi-
culté en l'absence d'une table analytique. Cette table comprendra six
volumes de ol2 pages, du même format que le Dictionnaire, qui paraîtront
de quatre mois en quatre mois, au pris i^e 8 fr.40 pour Tltalie.et de 9 francs
pour les autres pays de l'Europe. Le premier volume est publié.
— On annonce, â Assise, l'apparition du premier numéro d'une revue
fiériodique pour le 2(3 de chaque mois : Il settimo centenario délia nascita di
S. Francesco d'Assist, periodico publicato per cura del comitato promotore.
Assisi, tipografia Sensi, à l'occasion du septième anniversaire du centenaire
de la naissance de saint Fr.iuçois d'Assise, qui aura lieu en 1882.
Ce premier numéro, de 24 pages, renferme, entre autres articles, la première
vie de saint François, par Celano ; S. François et le Datite; Dopo Gesà Cristo e la
Madonna, il santo piu caro a Dante fa S. Francesco. Abonnement ordinaire,
4 francs, illustré 8 francs. Pour l'étranger, le port en sus.
— Le quatrième volume ilalien des discours de Pie L\ a paru chez Paravia,
à Rome, suivi d'un volume comme si pplément.
— Don Ber-nardino Negroni a publié, à Bologne (t pogralia dei composi-
tori), un ouvrage en G volumes in-1 2. intitulé : Storia passata, présente e futura
— 283 —
délia setta anticristiana ed antisociale, ora Massoneria, où il étudie le dévelop-
pement du « Mystère de l'iniquité » depuis le commeacement jusqu'à la fin
des temps, c'est-à-dire au règne de l'Antéchrist.
— M. Ad. Delvigne, curé de Notre-Dame au Sablon, publie pour la Société
des bibliophiles de Belgique une intéressante étude littéraire et bibliogra-
phique, ayant pour titre : l'Oraison funèbre de quelques souverains des Pays-
Bas au seizième siècle. On y trouve l'a^ialyse el les passages les plus remar-
quables des oraisons funèbres prononcées sur Ferdinand le Catholique, par
Michel Davye; sur Marguerite d'Autriche, par Jean Fabri; sur Charles-Quint,
Mai'iede Hongrie et la reine Marie d'Angleterre, par François Richardot; sur
Philippe II, par Jean Buucher et Jacques Blasacus.
— L'Université de Tûbingue a compté, pour le semestre courant d'été,
1,144 étudiants, chiffre qui n'avait jamais été atteint. Celle de Berne n'est
pas aussi prospère. Elle a perdu un certain nombre d'étudiants. La plus
grande diminution s'est fait sentir dans la partie féminine de l'Université,
qui ne compte plus que seize représentantes, dunt quinze pour la médecine
et une p jur la philosophie.
— The Academy annonce que la troisième partie du Lapidarium Wallise,
publié par le professeur Westwood pour la Société cambrienne d'archéologie,
va paraître. Elle est consacrée aux pierres couvertes d'inscriptions et de
sculptures du pays de Galles, antérieures à la période gothique. L'auteur y
donne la description et le dessin d'une centdne de ces anciens monuments,
dont un grand nombre présente des inscriptions bilingues tracées en carac-
tères romaids et celtiques.
— Laseconle édition du savant ouvrage du regretté Ad. Pictet, les Ori-
yines indo-européennes ou les Aryas primitifs, vient de paraître. Elle avait
été revue par l'auteur avant sa mort, et enrichie par lui d'une préface nou-
velle et de nombreuses notes. Cette édition forme trois volumes.
— Par un décret en date du 211 juillet 1878, la S. Congrégation de V Index
a interdit la lecture des ouvrages suivants ;
Jesualdus (P.) a Broute Ord. Cappuciiiorum. Consecrator christiani matri-
monii in verum et proprium Sacramentuni Novœ Legis. Secunda editio.
Catana?, 1876. lJ"cr. S. Off. Fer. IV die 17 juUi 1878. Auclor laudabiliter se
subjecit et opus reprobavit. — Lazz.\retti (David). Opuscula omnia quocumque
idiomate édita, id est : Rescritti profetici,o il Risveglio dei popoli, prcyhiere,
profeziv,sentenze e discorsi morali e famigliari, dedicati ai miei fratelii italiani.
Arcidosso, 1870. Decr. S. Off. Feria IV die 24 julii 1878; — Regole del Pio
Instituto degli eremiti peniienzieri e penitenti. Montetiascone, tip. del Seminario,
1871. Eod. Decr. — Avrtst e predizioni di un incognito prof eta . Pralo, 187i.
Eod. Decr. — Lettera diretta ai parrochi. Arcidosso. tip. Gorgoni, [SI 3. Eod.
Decr. — Lettera anonima di profetici avvenimenti diretta a tutti i miei fratelii
in Cristo. Arcidosso, 1873. Eod. Decr. — Lettere profetiche di San Francesco di
Paola, re'ative al gran Monurca ed ail' Ordine dei Santi Crociferi di Gesu Christo,
lettere ai Romani e popoli d'Italia, avvisi allé Nazioni e Monarchi di Earopa.
INapoli, 1873. Eod. Decr. — Sogni e visioni. Prato. Eod. Decr. — Cristo duce e
giudice. Compléta redenzione degli uomini. La mia lotta cou Dio, ossia lihro de
sette sigilti, descrizione e natura délie sette città eternali. Bourg, lip. Ville-
franche. Eod. Decr. — Le livre des fleurs célestes. Lyon, Pitrat. Eod. Decr. —
Manifeste aux peuples et aux princes chrétiens, suivi d'opuscules inédits du même
auteur, et de quelques documents justificatifs relatifs à son procès. Lyon, Pitrat.
Eod. Decr.
— L'.4thenxum nous apprend que la Société paléographique de Londres
— 28i —
va faire parùitre la troisième partie de la série orientale de fac-similé.
Cette livraison contiendra une remarquaLle colleclion de textes en sanscrit,
arabe, syriaque, hébreu et copte : trois planches pour le sanscrit; cinq
four l'arabe; une pour le syriaque; deux pour l'hébreu et une pour le
copte. L'activité que la Société paléographique apporte à ses travaux, lui
permet d'affirmer que les publications qu'elle a entreprises seront achevées
dans cinq ar s au plus,
— La Société genevoise des Bibliothèques populaires, issue elle-même de
la Société genevoise d'utillité publique, a chargé un comité spécial de
publier, à partir du l"' avril de cette année, un bulletin bibliographique
mensuel, sous le litre de la Lcclure. Ce bulletin est destiné à venir en aide
aux directeurs de bibliothèques, aux pasteurs, aux instituteurs et aux
parents dans le choix des livres qu'ils sont appelés û fouruir à une classe
nombreuse de lecteurs.
— L'ouvrage la Vie et les verlus de saint Louis, publié par M. de L'Espi-
nasse, et faisant partie de la collection de Petits mémoires sur l'histoire de
Fran e publiée par la Société Bibliographique, a été adopté par la commis-
sion des Biblio'hèques scolaires, dans sa séance du 27 juin.
— Ou sait de qdel intérêt peuvent être pour la connaissance du passé les an-
ciens inventaires. C'est un document de ce genre que M. A. Menno a pu-
blié, avicl)eaucoup de soin, en le faisant précéder d'une introduction détaillée
et suivre d'un glossaire : Arredi ed Anni de Sinibaldo,Fieschi (Gênes, impri-
merie de rifistitut des Sourds-Muets, gr. in-8 de 68 pages). (îràce à ce
document fort curieux, nous pouvons nous faire une idée de la richesse et
du luxe qui régnaient chez les Génois du seizième siècle. Ces inventaires
nous font connaître que's étaient les meubles, les effets, les armes de Si-
nibaldo Fieschi, et aussi les objets appartenant ii sa femme.
— Le Journal des beaux-arts et de la littérature de Bruxelles propose une
étude de littérature comparée, qui aurait le plus grand intérêt, à propos des
oraisons funèbres qui ont été prononcées sur Pie IX daos le monde entier.
Pour parfaire ce travail, il faudrait la réunion de plusieurs littérateurs,
les uns résumaiit les panégyriques de l'Orient, les autres analysant ceux de
l'Europe et desdeux Amériques , et, sur l'un comme sur l'autre des deux hé-
misphères, on trouverait d'admirables sentiments et des pensées véritaMe-
ment sublimes, émanant toujours d'un seul et unique sujet. Rarement
riiisto're des littératu'es comparées aurait offert un plus curieux sujet de
réflexions.
— Les traditions helvétiques ont trouvé un nouveau défenseur dans M. le
colonel Cliarles-Léun .Muller, d'Altalorf qui, à l'âge de plus de quatre-\iugt-
deux ans, vient de publier un mémoire intitulé : Critique et preuves de l'au-
Ihenlicilé d'un document de 1387 prouvant l'existence historique de Guillaume
Tell conformément à la tradition (50 p.). Ce document et une décision
de la Langdesgemeinde.
— Voici un ouvrage nouveau à signaler sur l'histoire de la période révo-
lutionna're ; c'est la Terreur dans la Manche, les habitants de la Manche
devant le Tribunal nvolulionnaire de Paris, par E. Sarot.
— M. Sigismond Ropartz, savant distingué et laborieux, do:it notre
dernière livraison a enregistré la perte, se proposait de réunir, sous le litre
de Musa Dritanno-Armoricana, toutes les pièces de poésie (antiennes,
i-épons, hymnes, légendes], composées pendant le moyen âge à la louange
des suints de la lîretagne. Il devait accompagner une partie des textes
latins dune traduction en vers français de sa composition et même y
— 28o —
joindre la notation ancienne du chant au moins pour les principales. Noms
espérons que ce projet, dont l'exécution reste inachevée, sera poursuivi par
rpielque savant breton.
— On annonce la publication d'un savant travail du R. P. J. Brucker,
qui établit que les voyageurs anciens, depuis des siècles, connaissaient la
source du Zaïre, du Zambèze et du Nil ; il porte ce titre : Découvreurs et
Missionnaires dans l'Afrique centrale (Lyon, Pitrat, in-8).
Publications nouvelles. — Lettres de Mgr Czacki et le Thomisme, réponse à
lin récent opuscule, et les Constitutions de la Compagnie de Jésus et le Tho-
misme, par R. P. Paul Bottalla (in-8, Oudin). — Méditations sur ie Pater
Noster et l'Ave Maria, par Adam Franz Lenniq, trad. de l'abbé Mabire (in-iO,
Caen Chéuel). — DemoJislratio catholica sive tractatus de Ecclesia vera Christi
et de romano pontifici, auctore 11. P. Raphaële Cercia, S. J. (2 vol. in-18,
Lelhielleux). — Antico e Nuovo Testamento, par Mgr de Nardis (in-18, Torino,
P. Rlarictti). — S. Aurelii Augustini Confessionum, cum notis, R. P. H.
Waugneruk. S. J (in- 12, Torino P. Marielti). — Meditationes brevissimx, del
A. P. Michaele Cuveihier (ia-12, Torino, P. Marietti). — Ave Maria, d 1
Sac. Séverine Ferreà (in-i2, Torino P. Marietti). — Rptgionamcnli sacri, del
P. Antonis da Torino (in-i2, Torino, P. Mariât i). — Mélanges philoso-
phiques^ par Dupont Whitc (in-8, Guillaurain). — Le Congrès en miniature,
par un diplomate (in-8, OUcn'iorlf). — L'Union des peuples (in-8, Pion). —
Le Travail humain, par Méliton-Martin (in-18, (juillaumin). — Bastial et le
libre-échange, par A. Bouchié de Belle (in-8, Guillaumin). — Histoire des
corporations françaises d'arts et métiers avec préface historique et conclusion
pratique, par J. P. Mazaroz (in-8, Germer-Bail lière). — Législation et Juris-
prudence concernant les instituteurs communaux, par Auzias (in-8, Oudin). —
L'Enfant né hors le mariage, par E. Acollas (in~i2, Marescq). — Des Sociétés
commerciales françaises et étrangères, par R. Rousseau (2 vol. in-8, Marescq
aîné). — Traité de droit commercial maritime, par A. Desjardins (t. I^"", in-8,
Durand). — Les Éditions illustrées de Racine, par Pons (in-8, Quentin). —
Recueil de morceaux choisis en vieux français, par Eugène Ritter (in-12,
Genève, H. Georg). — Une douzaine de sonnets, par A. Weil Cin-16, lib. des
Bibliophiles). — Fleurs aimées, poésies, par Ernest A 'rjeline (in-i8, lib. des
Bibliophiles). — Las Mocedades del Cid de D. Guilleni de Castro (in- 10,
Bonn, Ed. Weber). — Éloge de Buffon, par N. Michaut (in-18, Hachette). —
OEuvres de Synésius, par H. Druon (in-8, Hachette). — Essai historique sur
la cathédrale et le chapitre de Séez, par H. Marais et H, Beaudouin (in-8,
Alençon, Ch. Tiioraas). — Les grands ports de commerce de la France, par
L. Simonin (in-18. Hachette). — Histoire de l'instrumentation, par H. Lavoix
fils (in-8, Didot). — Le Patriotisme en France, par Ed. Goepp et G. Ducou-
dray (iu-12, Hachette). — Vie intime et édifiante de Pie IX le bien-aimé, par le
R. P. Huguet (in-8, Casîermao). — Saint Biaise, son histoire, son culte et son
insigne relique dans la basilique du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial, par
l'abbé L. Gauthey (in-12, Paray-le-Monial, V. Lamberot). — Vie de saint
Anthelme, par l'abbé A. Marchai (in-8, Lecofïre). — Philibert Simon, mis-
sionnaire en Mandchouric, par l'abbé E. Briand (ia-12, Oudin). — Pascarel,
par Ouida (ia-18. Hachette). — L'Impôt du sang de J. François d'Hozier,
publié par M. Louis Paris. T. IH. !''« partie (in 8, H. Champion). — Histoire
du protestantisme et de la Ligue en Bourgogne, par M. Baudoin. Introduction
(in-8, Vosgien et Thomes, Auxerre). — Enfermé dans Paris. Journal du siège,
par M. Shcppard; trad. par M. C, B. (in-r2, Dentu). Visenot.
286 —
QUESTIONS ET RÉPONSES
QUESTIONS.
Bui* Madame <le Flamyii.
— Que pourra-t-on m'apprendre sur
la dame de Flamyn dont il est ques-
tion dans le document suivant, que
je crois inédit, et que je tire d'un ma-
nuscrit de la Bibliothèque nationale
(F. F. 6618. fo 20)?
Lettre à la reine Catherine
de Médicis.
a. Madame, je rereuz cejourd'liier
aune heure de relevée voz lettres
du XXVI de ce moys lesquelles re-
ceues à l'instant me transporté au
lieu où estoient les coffres et bahutz
■ de la feue dame de Flamyn, lesquelz
ay veuz et visitez et en iceulx trouvé
les lettres et mémoires que je vous
envoyé avecq nostre procès verbal
sur ce faict par ce présent porteur
greffierduChasteletde Paris, et pro-
ceddant par nous à la recherche des
pappiers, les Escossois serviteurs de
la feue dame de Flamyn nous appor-
tèrent une lettre du Roy pour leur
faire délivrance des biens délaissés
par le trespas de la dicte dame, les-
quelz nous importunent de quart
d'heure en quart d'heure de ce fere,
disans que ne voulions satistt'ere à
ce qu'il a pieu au Roy me comman-
der, ce que differeray toutesfois le
plus qu'il me sera possible ainsi que
par vos dictes lettres m'avès mandé
et jusques à ce que sur ce aye sceu
plus amplement vostre volonté.
« Madame, nous prierons le Sei-
gneur Dieu qu'il vous donne en sa
grâce et paix heureuse et longue
vie.
« A Paris, ce xxvii novembre 1d61.
« Vostre très humble et très obéis-
sant serviteur le lieutenant civil de
la prevosté et vicomte de Paris.
« HUILLIER. »
Ou a rédigé pour ce document un
sommaire ainsi conçu : ■< Lettre fort
curieuse, écrite le 27 novembre Ibol
par le lieutenant civil de la prévôté
de Paris à la Reyne mère, touchant
l'ouverture de la succession de la
feue dame de Flamyn. Signé Mor-
viUier. » Au sommet de la page, on
a écrit Zuillier. MorvjUier et Zuillier
sont d'évidentes fautes de lecture
que condamnent à la fois l'histoire
et la paléographie. T. de L.
Pouvoir temporel des
Papes. — Quels sont les ouvrages
imprimés et les recueils manuscrits
qui ont traité des origines et des
vicissitudes du pouvoir temporel des
Papes d'après les documents origi-
naux ?
Quelles sont les histoires spéciales
publiées sur ce sujet, en France
et à l'étranger? V. de St-G.
Xraductîon de Xennyson.
— Quels sont les ouvrages à' Alfred
Tennyson qui ont été traduits en
français ? G. K.
IVotre-Dame de la Guillo-
tine. — M. Achille Chereau, doc-
teur en médecine, nous apprend
qu'en 1793, un libraire facétieux de
ia rue Saint-Jacques, choisit, pour
attirer les chalands, cette magnifique
enseigne :
A Notre-Dame de la Guillotine
(Guillotinet la Guillotine Paris, 1870,
in-8. p. 4-2). Cette facétie dispense de
tout commentaire; elle donne une
idée exacte de cette époque.
Je m'occupe de réunir les maté-
riaux d'une histoire de la librairie
parisienne, et je désirerais bien con-
naître, s'il était possible, le nom du
libraire de la rue Jacques dont il
s'agit, E. M.
Les Asturlea, — Quels ou-
vrages consulter sur l'histoire,^ la
géographie, le commerce et l'in-
dustrie, etc., des Asturies G. S.
A.ntoiiie de Fénelon de Sa-
lignae. — Bxistait-il un lien de
j>arenté entre J.-B. de Fénelon de
Salignac, fondateur de l'œuvre des
Petits-SavayarJs.el Antoine de Féne-
lon de Salignac, chanoine, c imîe du
chapitre de Brioude? Serait-il pos-
sible d'avoir quelques détails sur
la vie de ce der.iier personnage?
M. P.
I^a reine Edith, veuve
d'Edouard le Confesseur . —
Comment l'histoire explique-t-elle
le séjour et la reine Edith, v^uve
d'Edouard le Confess.iur, r li d'An-
gleterre, à la Chaise-Dieu? Se fon-
dant sur le témoignage d'Augiistin
Thierry (dans son Histoire de la con-
quête d'Angleterre parles Norma7ids),
mais dont les preuves sont battues
en brèche par d'autres témoignages
contemporains, tous les auteurs qui
ont écrit sur celte abbaye auver-
gnate disent qu'elle y mourut en
exil. Cependant, GuillauQie le Con-
quérant dut traiter avec tons les
égards la sœur de son injuste com-
pétiteur, Hrirold, devenue la sîinte
compagne du roi, qui, en m «urant,
le désigna pour soa successeur au
trône d'Angleterre. G. B.
I^ettres de Voltaire sur le
chevalier d'A^ssas. — A-t-on
connaissance de trois lettres de Vol-
taire ayant trait à l'acte héroïque
de d'Assas dont le récit avait été
fait inexactement da is le siècle de
Louis XIV, ce qui valut à son auteur
une lett e du chevjlier de Lorry
alors lieutenant-co'onel des garde--
françji es? Comte de L.
Heures de Metz^ 14ÎT8. —
Quelq le bibliophile aurait-il re i-
co itré un volume richement relié
des Heures de Metz, 1478. Il a dispiru
de ma bibliothèq le lor- du pa^«age
des Prussins, en 1870. Ce volume
a dû être relié chez Engelman, et la
date é!ait au dos, chagrin vert avec
cuivre. C'^mte be L.
Culte de saint Verniel. —
Existe-t-il des documetits sur le
culte de saint Verniel ou Verny, en
Auvergne, en Bourgogne, à Auxerre?
Abbé B. Y.
Enfance de sainte do-
tilde? — Quels sont les docu:nents
à consulter s ir l'enf-tnce de sainte
C'otiMe, épouse de Clovis, et sur son
séjour à la cour de Gondebaud, en-
deliori de l'histoire de Dom Plan-
clier? Abbé B, Y.
Sixte HV et les I*azzî. —
Qut'ls sont b's documents à consulter
sur les rappoits di pape Sixte IV
avec les Pazzi? X.
Collections sur la I\évolu-
tion Trançaise. — Que sont de-
venues les importantes coUectio is de
j Hiraaux, pièces et documents (im-
primés ou manuscrits) de Deschiens
et de La Bédoyère, sur la Révolution
française? Ces c illections ont-elies
été dispersées dans des ventes publi-
ques ou se trouveiit-elles dans quel-
qi l'une de nos Bibliothèques na-
tionales? D. B.
Congrégation du Xrès-
Saint-Sacrenient. — Ilexistiit,
au siècle dernier, un ordre ensei-
gnant, connu soa-> le nom d^ Congré-
gUion du Tiès-Sai it-S .cremeut, de
Sacramentaires, qui dirigeaient un
certain nombre de collèges^ notam-
ment Ceux de Thiers et de Brioude
en Auvergne, de Chabeuil en Dau-
phiné, etc.... Où pourrait-on trouver
des ren eign^ments sur cet ordre qui
s mble è re une réforme de celui des
Prêtres de la Doctrine. A. V.
Le Eivre des Etats, empires
et principautés du monde. —
Un des lec'eurs du Polybiblion pour-
rait-il donn T d.-s renseignements
sur un ouvrage intitulé : Le Livre des
Etats, empires et principautés du
monde? Ce livre a é é cité a i siècle
dernier, par l'abbé Travers, dans son
Histoire de la ville et comté de Nantes,
à projtoà d'un évèqiie de Nantes,
nommé Salvius. X.
Ouvrages relatifs à l'île
de Chypre. — Cette île, à peu
près oubliée depuis longtemps, attire
les regards de l'Europe entière de-
puis qu'elle a passé sous la domina-
tion de la Grande-Bretagne. Existe-
t-il quelques ouvrages spéciaux la
concernant ? Je connais déjà le
— 288 -
Voi/ar/c en Chypre (Paris, 1791, 2 vul.
in-8 ; Ncuwied, 1791 , 2 vol. pet. in-8)
traduit de ritjlien, de l'abbé Mariti,
et je possède le très-e?tiniablc tra-
vail de M. de Mas Latrie, //îiioù'c de
Vile de Chypre sous la dominalion
des musulmans, 18oi-62, 3 vol, in-8.
S. D.
Un ouvrage peu eoiinu du
tliéosoplic ISaint-Murtin. —
Louis-Claude de Saint-Martin , le
philosophe inconnu (nom qu'il avait
adopté) , est l'auteur d'un livre
pi'esque ignoré, je crois, et que je
n'ai jamais pu léussir à me procu-
rer : le Crocodile, ou larjucrre du bien
cl du mal, arrivée sous le ràjne de
Louis XV, poème épiquo-magique en
102 chants. Œuvre posthunii d'un
amateur des choses cachées. Paris,
impr. du Cercle social, an VII, 2 vol.
in-8.
Ce titre bizarre a piqué ma cu-
riosité ; cent deux chants! C'est
effrayant; mais il faut qu'ils n'aient
chacun que i à o paye?, puisque le
volume ne dépasse pas 400 pages.
Observons d'ailleurs que Saint-Mar-
tin étant mort au mois d'octobre
1803, les mots ouvrage posthume
constituent une innocente super-
cherie.
Quelques informations sur le Cro-
codile seront reçues avec reconnais-
sance. T. G.
RÉPONSES.
Mélusiue (XX, 191). — Ce n'est
posdanslhistoire du paradis terrestre
qu'il faut chercher la clef de la lé-
gende de Mvlusine, qui est loin d'être
unique en son genre. Ce fait et ceux
analogues n'ont-ilsaucuu fondement?
Il serait peut-être téméraire de l'af-
lirmer. A mon avis, les femmes chan-
r/ces en dragons de l'antiquité et du
moj'en Age, comme aussi les Faunes,
ies Syrénes, les .Erjypans, les Sylvains,
etc., appartiennent à la catégorie
des apparitions d'origine satanique
spectres, revenants, fé s, dames
blanches, chasseurs noirs, etc.) ou
encore à celle des métamorphoses
ayant la même origine et qui forment
une des branches des sciences oc-
cultes. — On peut co .sulter à ce
sujet l'ouvrage de Bézouard : Des
rapports de l'homme avec le démon
(t. II, paue 90 et t. I", page lo7)-,
celui de M. Gougenotdes Mous'^eaux;
La magie au dix-neuvième sciclc ;
M. Albert de Ri'sie, Traité des
sciences occultes^ etc.
A ce propos, je me permettrai de
faire observer que beaucoup d'écri-
vains, même sincèrement religieux,
tournent en ridicule les fiits de ce
genre, quand ils se rencontrent sous
leur plume ; en quoi il? ont double-
ment tort; d'iibord parce que, en
général, ces faits sont réels, au-si
réels que n'importe quels faits his-
toriques ; en second lieu, parce qu'ils
ébranlent par là la croyance due aux
faits surnaturels divins. Ln tournant
en dérision les uns, ils enseignent à
mépriser les autres. Je ne parle,
bien entendu, que de ceux qui sont
solidement étayés par des témoi-
gnages et des preuves irrécusables,
— et il y en a beaucoup.
ERRATA. — La note sur le Recueil do poésies françaises qui se trouve à la
p. 181, ayant été insérée par l'imprimerie sans les corrections d'auteur,
contient quelques erreurs qui doivent être rectifiées : à la ligne 3, il faut
lire entreprise et non entrepris ; à la ligne 13, il s'agit du poète DadonviUe et
non du docteur Adonville; à la ligne 35, on a imprimé émumcrerons pour
émimcrerons! — Page 79, ligne 40, Parini, au lieu de Marini.
Le Gérant : L. Sandret.
Saint-ijwentin. — Imprimerie Jules Moureau.
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
ROMANS, CONTES ET NOUVELLES
Le Journal d'une femme, par M. Octave Feuillkt, de l'Académie française. Paris,
Calmann-Lévv, 1878. in-18J. de 343 p. 3 fr. — Un scandale en province: un Mari, par
PiERHE L'ESTOILE. Paris, Calmann-Lévy, 1878, in-18 j. de 368 p. 3 fr. 50. —
Ariadne, par Henry Grévili.e. Paris, E. Pion, 1878. in-18 j. de 315 p. 3 fr, 50. —
La Bague d'opale, par Edouard Didier. Paris, Caïman n-Lévj-, 1878, in-18 j. de
302 p. 3 fr. 50. — Les deux berceaux, par Emile Richebourg. Paris, Dentu, 1878,
2 vol. in-18 j. de 382 p. 6 fr. — Les deux amies, par Xavier de Momépin. Paris,
E. Dentu, 1878, in-18 j. de 310 p. S fr. — Jean Canada, par Raoul de Navery.
Paris, Gh. Blériot, 1878, in-12 de 328 p. 3 fr. — Le Juif Ephraïm, par Raodl de
Navery. Paris, Gh. Blériot, 1878, in-12 de 338 p. 3 fr. — Le double louis d'or, par
Auguste de Barthélémy. Paris, librairie Fénelon, 1878, in-18 de 262 p. 2 fr. 50.
— Jules Darbelle, par J, d'Ar?ac. Paris et Tournai, veuve Gasterman, 1878, in-12
de 246 p. 2 fr. — La Pupille d'Hilarion, par M"e Marie Maréchal. Paris,
Ch. Blériot, 1878, in-12 de 302 p. 3 fr. — Histoire d'une corbeille de noces, par
Etienne Marcel. Paris, Didier, 1878, in-12 de 318 p. 3 fr. — Le Chemin de Damas,
par le général Ambert. Paris, V. Palmé, 1878, in-12 de 457 p. 4 fr. — Les Contes
d'Auteuil; les Lis rouges, par Charles Dubois. Paris-Auteuil, librairie de la France
illustrée, 2 vol. in-12 de 181 et 195 p. 2 fr.
Le Journal d'une femme n'ajoutera rien à la gloire littéraire de
M. Octave Feuillet. L'action de ce roman n'égale pas, en effet, l'inté-
rêt du Roman d'un jeune homme pauvre, et Julia de Trécœur lui est
supérieur par le style. Il n'en vaudra pas moins à celui qu'on a ridi-
culement surnommé le « Musset des familles » les sympathies des
femmes du monde, qui aiment, dans les œuvres d'imagination, la ré-
serve et l'élégance, la distinction et Thonnêteté, le décorum et le
savoir-vivre. M. Octave Feuillet met en scène les passions multiples
qui tourmentent le cœur humain. Mais, en-dehors de deux ou trois
expressions assez risquées, nous devons reconnaître que jamais l'auteur
de Monsieur de Camors n'avait peint les passions d'une plume plus sobre
et plus décente. Par exemple, nous ne jurerions pas que la peinture
y gagne en force et en vérité; mais là n'est pas la question. La ques-
tion est celle-ci : étant donnée une jeune fille très-romanesque et très-
passionnée, en faire une femme qui ne manque jamais à son devoir, et
dont la vie soit une perpétuelle série de sacrifices. Charlotte d'Erraré-
soud ce difficile problème. Elle aime «passionnément» le commandant
d'Eblis, et elle sacrifie son amour à l'amitié, favorisant, autant qu'il
est en son pouvoir, le mariage. du commandant avec Cécile de Stèle.
Parmi les soupirants qui font la cour à Charlotte, se trouve un tronçon
d'homme, un mutilé, Roger de Louvercy, à qui, dans la dernière
guerre, un obus a enlevé la jambe droite et cassé le bras gauche :
Octobre 1878. T. XXIII, 19.
— 290 —
c'est Roger que Charlotte épouse, se constituant volontairement et
« passionnément » sa sœur de charité, son ange gardien. L'influence sa-
lutaire de ce dévouement ramène à Dieu Roger de Louvercy. Le
pauvre mutilé meurt avec regret, mais sans désespoir. Charlotte est
libre; le prince Vivane lui adresse ses hommages, hommages de
libertin et d'hypocrite ; il est repoussé dans ses avances, sur un tel ton,
qu'il n'a plus envie de recommencer le jeu; Charlotte préfère le veu-
vage à un mariage de ce genre, quelque brillante que fût la fortune
du prince. Cependant l'union du commandant d'Eblis avec Cécile de
Stèle n'est pas heureuse ; le commandant aime le travail, le foyer, la
famille; Cécile n'a du goût que pour les bals, les fêtes, les distrac-
tions, les dissipations : dans une heure d'affolement, ce cœur dévoyé
devient infidèle, et, comme Cécile n'a jamais eu la notion vraie du
devoir, elle va ensevelir sa honte et son remords en s'enterrant elle-
même toute vivante dans la neige. Le commandant d'Eblis est libre,
lui aussi. Cette fois, Charlotte pourrait parler. — Un mot, et elle se-
rait la femme du commandant, et ce serait pour elle le bonheur. Mais
les péripéties du roman mettent Charlotte dans cette cruelle nécessité
qu^en déclarant son amour, il faudrait dévoiler au commandant la
cause du suicide de Cécile. L^infamie pour la mémoire de la morte!
Jamais! Charlotte préfère se taire et souffrir. Le commandant d'Eblis
part pour la Russie en qualité d'attaché d'ambassade. Que reste-t-il à
la (( romanesque et passionnée » Charlotte? Il lui reste une compen-
sation inappréciable. Dieu lui a donné, de son mariage avec Roger de
Louvercy, une charmante petite fille, qui sera (car une mère qui a de
tels principes ne peut que les inculquer à ses enfants) la joie de sa
maturité et l'orgueil et l'honneur de sa vieillesse. Il y a beaucoup de
femmes dans le roman de M. Octave Feuillet. A vrai dire, comme type,
un seul caractère est réellement accusé, celui de- Charlotte : les
autres défilent, vagues et faiblement dessinés, mais néanmoins fort
sympathiques. Du côté des hommes : mômes défauts et mêmes qualités.
Le Journal cVune femme serait_, paraît-il, une autobiographie, et nous
n'aurions en M. Octave Feuillet qu'un éditeur. Il le déclare du moins
dans une préface de quelques lignes. Mais il ne faudrait pas prendre
ceci trop au pied de la lettre. Coquetterie d'artiste! voilà tout. Qu'im-
porte d'ailleurs, si l'œuvre est intéressante, et elle l'est! Nous ne re-
procherons à l'auteur que deux choses : avoir poétisé le suicide et
avoir méconnu le dévouement de la religieuse qui se consacre à l'ins-
truction des enfants. M. Octave Feuillet, à propos du mariage de
Roger de Louvrecy avec Charlotte d'Erra, met dans la bouche de la
jeune fiancée ces regrettables paroles : « Dévouement pour dévoue-
ment, celui dont l'occasion se présente à moi n'a-t-il pas un caractère
'plus élevé, plus pieux, plus attachant, moins égoïste enfin que le simple
— 291 —
renoncement au monde et l'abnégation un peu banale de l'institu-
trice ? » Nullement, mademoiselle : votre dévouement est admirable,
sublime, surhumain, tout ce que vous voudrez; mais il n'est ni plus
élevé, ni plus pieux, ni moins égoïste, ni plus attachant que le dé-
vouement de l'institutrice. Ce sont deux dévouements d'un genre dif-
férent, et vous avez tort de les mettre en parallèle et de déprécier
celui que vous n'êtes pas dans les conditions de pratiquer. Par
exemple, nous sommes tout à fait d'accord avec M. Octave Feuillet
quand il blâme les esprits étroits qui opposent sans cesse la passion
au devoir, comme si l'un était nécessairement le contraire de l'autre.
On peut très-bien mettre de la passion dans le devoir — qui alors de-
vient l'héroïsme. Certes, la génération présente ne périt pas par
l'enthousiasme; elle périt par la platitude. Aussi n'en voulons-nous
pas trop à la grand'mére de Charlotte de ce conseil : u Mesdames et
mesdemoiselles, tâchez d'avoir un grain de poésie dans la tête; vous
en serez plus facilement honnêtes et plus sûrement heureuses. Le
sentiment poétique, au foyer d'une femme, c'est la musique et l'encens
dans une église, c'est le charme dans le bien.» En résumé, M. Octave
Feuillet tend à se séparer de plus en plus de l'école malsaine à laquelle,
dans ces dernières années, il avait malheureusement donné quelques
gages.
— Voici un nom nouveau, Pierre l'Estoile, qui pourrait bien, sous
peu de temps, devenir un nom célèbre. Nous dévoilerons plus loin le
secret de ce pseudonyme. Disons, en attendant, que le début de Pierre
l'Estoile est d'un maître. Pierre l'Estoile procède à la fois de Balzac
et de Mérimée : il procède de Mérimée par le style vigoureux et
sobre; de Balzac par l'esprit d'analyse et l'observation pénétrante.
Un scandale en prooince et Un mari sont deux romans psychologiques.
Le thème du premier de ces romans est vieux, usé, rebattu. Il s'agit
d'une histoire d'adultère, l'éternelle histoire du mari trompé et de la
femme coupable. Mais les détails sont nouveaux, les scènes sont vi-
vantes, les types sont vrais, — et le dénoûment est aussi imprévu
que terrible. Le mari trompé, le vieux et brave général Labassère, a
fait la folie, en prenant sa retraite, d'épouser la trop jeune et très-
frivole Régine de Reigny. R arriva ce qui arrive souvent quand des
principes sérieux de religion font défaut : le beau capitaine Guy de
Mauzac, fils adoptif et commensal du confiant général, induisit en
tentation la comtesse Régine, et la comtesse Régine eut l'impardon-
nable faiblesse d'écouter Guy de Mauzac, Vous le voyez, outre que
l'histoire en elle-même n'a aucune des qualités requises pour figurer
dans la Morale en action, c'est, comme invention et comme sujet, peu
intéressant. Où donc est l'intérêt? H est dans les intrigues vérita-
blement infernales qui s'agitent entre des méchants, des envieux, des
orgueilleux, des imbéciles et des grotesques, pour éclairer, non par
sympathie pour lui, mais pour des motifs inavouables, le général La-
bassère, sur l'infidélité de sa femme. Ici, dans la peinture des carac-
tères et des personnages, dans les vils mobiles qui les poussent, dans
leurs combinaisons méphistophéliques^ le talent de Pierre l'Estoile
s'affirme. Il pose franchement ses types : Laruelle le percepteui%
c'est la platitude haineuse ; les dames Robin et Desrivières incarnent
Tenvie vulgaire, à l'œil fauve et louche; dans Herminie deLabassère,
nous avons l'orgueil de famille poussé jusqu'à la sottise, et dans les
vieilles filles qui fréquentent la sœur du général, l'esprit de commé-
rage à la plus haute puissance ; quant aux deux gommeiix de Péronne,
Fauconpret et Bruneau, ce sont deux imbéciles. Mais tout ce monde-
là forme un tout et a un lien commun, ce qu'on pourrait appeler la
franc-maçonnerie de la lâcheté, de la jalousie et de la haine. Le résultat
de ces multiples passions est celui-ci : le général meurt de la faute
de sa femme; Guy de Mauzac, ne pouvant survivre à la honte d'avoir
trompé la confiance de son père adoptif, se suicide, et la comtesse
Régine se condamne à expier, toute sa vie durant, dans un couvent
de règle austère, son ingratitude et son coupable amour. Dénoûment
cruel! Mais peut-être était-il nécessaire à la moralité de l'œuvre, —
quoique, à notre avis et au point de vue chrétien, le suicide soit
toujours blâmable et ne puisse jamais être une expiation. Aussi,
préférons-nous Un mari. Nous trouvons cette seconde production
plus morale, au fond, sinon dans les détails, que la première. Qu'on
en juge : M. Rabutel, un médecin qui jouit à Amiens d'une belle
clientèle et qui est tout à sa profession, s'aperçoit, un jour, de cer-
tains changements dans le caractère et les habitudes de sa femme.
Hélène Rabutel n'est pas une personne vicieuse ; elle a d'excellentes
qualités; mais elle est fille d'Eve; elle se sent entraînée vers le mal
par la curiosité, par le vague de Tâme, par l'inquiétude de l'esprit
(ici encore, absence de ces sentiments religieux que, chez la femme
surtout, rien ne remplace). Dès lors, il n'est pas de prévenance, d'in-
dulgence et de bonté que le docteur Rabutel n'emploie pour retenir
dans le devoir son inconséquente moitié. Néanmoins, Hélène Rabutel
glisse peu à peu sur la pente de la chute morale, aussi rapide
que celle du radicalisme, et elle tomberait infailliblement dans
le précipice si, par un trait de courage, de bon sens et d'esprit qui
est en même temps un trait de génie, son honnête homme de mari ne
la sauvait une dernière fois et ne lui rendait enfin pour toujours, avec
le calme d'une conscience tranquille, l'amour pur et sincère du mé-
nage. Mais, avant de rentrer dans le droit chemin, Dieu du ciel! que
de heurts, que de secousses, que d'hésitations, que de luttes, que de
fluctuations, que de volontés contraires dans cette imagination éner-
— 29:] —
vée! Ces fluctuations, ces ballottements et ces angoisses sont décrits
par Pierre l'Estoile d'une main sûre et d'une plume habile. Les scènes
d'Un mari et d'Un scandale nous initient d'ailleurs, complètement et
à fond, aux mœurs d'une certaine bourgeoisie de province. Ce n'est
point la province rurale, primitive, presque sauvage ; c'est une pro-
vince spéciale, tenant le milieu entre le hameau et la capitale, province
moitié civile, moitié militaire, que l'on retrouve dans tous les chefs-
lieux d'arrondissement pourvus d'une garnison. Pierre l'Estoile met
en présence des officiers et des bourgeois. Sauf le docteur Rabutel,
qui est un maître homme, ses bourgeois sont généralement vulgaires;
ses officiers, au contraire, sauf Gontran de Villenoy qui est un fat,
ont les plus aimables qualités. Evidemment, Pierre l'Estoile a un
faible pour les officiers. Nous ne lui en faisons pas un crime. Mainte-
nant, qui est Pierre l'Estoile? Notre ami Dancourt, dans un de ses
spirituels et substantiels Courriers parisiens de la Gazette de France,Y&
nous le dire. Sous Pierre l'Estoile se cachent deux jeunes écrivains
du meilleur monde, poussés vers la carrière des lettres par une voca-
tion irrésistible. Le fait est qu'Un scandale en province et Un mari se
distinguent par ces traits saillants : une connaissance vraie des
usages de la vie aristocratique, un langage de bonne compagnie. Les
romanciers en collaboration ne rejettent pas les situations scabreuses;
mais il est juste de dire qu'ils n'imitent en rien les Goncourt : ils
traitent ces situations avec honnêteté, tact et réserve. Il est néan-
moins essentiel d'ajouter que Pierre l'Estoile n'écrit pas pour les
jeunes filles.
— Mme Henry Gré ville continue la série de ses romans russes. On
dit qu'en France tout passe, tout casse, tout lasse. Dans l'espèce, le
proverbe est en défaut. L'étude des mœurs de la société slave est en-
core chez nous un élément de succès et forme même une branche rela-
tivement importante de notre littérature. Cette fois, M™'= Henry Gré-
ville consacre la majeure partie de son nouveau roman à la peinture
des instituts dans lesquels on élève les jeunes filles riches de Saint-
Pétersbourg. Une orpheline pauvre, Ariadne, grâce à de puissantes
protections, est recueillie dans un de ces instituts. Ariadne a reçu du
ciel r « influence secrète » dont parle notre classique Boileau. Elle
est poète, elle est musicienne, elle est artiste. Elle chante malgré
elle comme le rossignol, parce qu'il est dans sa nature de chanter.
Expulsée de l'institut pour une faute qu'elle n'avait point commise,
Ariadne embrasse la carrière théâtrale. Elle obtient dans le Prophète
un triomphe inespéré. Les dilettantes saluent en elle une nouvelle
étoile — quand Ariadne disparaît tout à coup. C'est une étoile filante.
Qu'est-elle devenue? On ne l'apprend que par les journaux français :
Ariadne, par désespoir d'amour, s'est noyée sur la plage d'Etrétat. Lu
— 294 —
critique superficielle a fait les plus grands éloges de la dernière pro-
duction de M°"^ Henrj Gréville. On nous permettra de ne pas par-
tager de tels engouements. Ce froufrou, ce remuement, ce papillotage
de pensionnaires recevant dans l'intérieur d'un institut russe de
petits jeunes gens qui viennent avec elles manger des confitures et
nouer des intrigues dont Tenfantillage ne détruit pas le danger; ce
romantisme faux qui consiste à vouloir nous intéresser à une canta-
trice assez mijaurée pour sacrifier l'art à des prétentions irréali-
sables ; ces berquinades sentimentales enfin qui enferment l'esprit
dans les boudoirs capitonnés de la vie factice et dans les serres
chaudes des vagues rêveries, tout cela a quelque chose d'énervant,
d'agaçant et de malsain. Comme caractères réellement observés, il
n'y a guère à noter que ceux de la Grubinof (une sous-maîtresse), du
brave professeur Morini et de la supérieure de l'institut. Mais que
nous sommes loin de YExpiation de Saveli ! C'était là véritablement
une œuvre, originale, colorée, bien rendue, la seule peut-être qui
restera des innombrables productions de M™* Henry Gréville.
— Naguère, avec la Rose d'Antibes, M. Edouard Didier nous prou-
vait qu'il excelle dans l'analyse et l'observation du cœur humain. A
ces qualités, il unit dans la Bogue d'opale un intérêt dramatique des
plus saisissants. Pour un motif des plus futiles, Charles Lecomte,
jeune ingénieur français, se bat en duel avec Wilkie Robertson, le
plus excentrique indigène de l'excentrique Angleterre. Ce duel fait
de Lecomte et de Robertson deux amis inséparables. Ils ne se
quittent plus et partent ensemble pour la Louisiane où l'ingénieur
français est appelé par un planteur irlandais, possesseur de riches
minières. Mac Dowel, tel est son nom. C'est encore un excentrique
des mieux réussis, et les trois font plus que la paire. Mac Dowel s'est
mis dans la tête de donner sa fille Nancy en mariage à l'ingénieur
Lecomte — non parce qu'il est ingénieur, mais parce que le bon-
homme croit voir dans Lecomte un descendant des Rohan ou des
Montmorency. Il ne se trompe pas autant que l'on pourrait le croire.
Tant il y a que mademoiselle Nancy se prend de belle amitié
pour le prince charmant déguisé et lui donne, en guise de souvenir,
une bague d'opale d'un grand prix qu'un joaillier de New York dit
être l'Iris des anciens Hellènes. Hélas! la bague d'opale s'égare et
mille obstacles surgissent pour empêcher le mariage. Nous ne sui-
vrons pas M. Edouard Didier dans le dédale de péripéties, d'événe-
ments et d'aventures où il promène ses héros. Qu'il nous suffise de
dire que tous — même la bague — se retrouvent au bon moment, que
Charles Lecomte qui a pris part à la guerre de la sécession réappa-
raît avec les épaulettes de général de division, et que Nancy devient
madame la générale comtesse de Renneville. Il y a, dans la Bague
— 29o —
d'opale, des descriptions fort pittoresques des pittoresques contrées
de la Louisiane.
— M. Edouard Didier suit les traditions de Fenimore Cooper ;
M. Emile Richebourg, lui, s'inspire d'Eugène Sue, non certes de
l'Eugène Sue libre penseur et socialiste, mais du peintre à l'eau-forte
de la « pègre parisienne.» Les Z)eui;5frcmz/J7 nous transportent dans un
monde, où les « chourineurs » et les « escarpes » font la loi. Il j a
là un certain Ramoneau qui, pour le cynisme du vice et le sang-froid,
est bien le frère cadet du fameux Maître d'Ecole des Mystères de Paris.
Mais il n'y a pas que des criminels et des bandits dans le roman de
M. Emile Richebourg; il s'y trouve aussi de bien braves gens: le
comte et la comtesse de LuceroUe, Louise Verdier, l'ouvrier Pierre
Ricard, la famille Blanchard. En deux mots, le sujet est celui-ci :
Louise Verdier, une honnête Lorraine, de la patrie de Jeanne d'Arc,
a épousé un mauvais ouvrier, brutal, ivrogne et libertin. Abandonnée
par Ricard (c'est le nom de son mari), Louise Verdier, un enfant sur
les bras, se retire dans son village. Là, par l'intervention du docteur
Gervais, elle trouve à nourrir le fils du comte et de la comtesse de
Lucerolle. Entre deux berceaux, l'épouse délaissée bénit encore la
Providence. Mais voilà qu'un soir Ricard, ivre, arrive de Paris,
s'introduit furtivement dans la chaumière de Louise, et, entendant
pleurer un enfant, s'en empare, croyant emporter son fils. Il s''était
trompé de berceau et avait ravi Léon de Lucerolle. Réveillée par le
bruit de l'effraction, Louise s'aperçoit (trop tard) du rapt et de la
méprise. Qu'avait-elle à faire? Tout déclarer à la comtesse de Luce-
rolle. La pauvre femme n'en eut pas le courage. Il en résulta que le
fils de l'ouvrier Ricard fut élevé comme le fils du comte de Lucerolle
et que le vrai Léon de Lucerolle devint serrurier sous le nom de
Pierre Ricard. Or, et nous félicitons à ce propos M. Richebourg de
n'avoir pas méconnu cette grande loi de l'hérédité qui — générale-
ment parlant, car il y a des exceptions — se rattache au dogme de la
chute originelle, le faux Léon de Lucerolle a absolument tous les
vices de son triste père, le crapuleux Ricard. Il est débauché, il est
grossier, il est insolent, il a tous les mauvais instincts — et l'éduca-
tion soignée qu'on lui donne sert tout simplement de dorure à ses
ignobles penchants. Le faux Pierre Ricard, le vrai Lucerolle, au
contraire, enfant perdu, laissé sur la voie publique par celui qu'il
croit être son père, élevé par d'humbles concierges, est un ouvrier
comme il en faudrait beaucoup ; il a des goûts distingués; il aime à la
fois le travail manuel et le travail intellectuel ; il a la passion du bien;
il ne va jamais au cabaret; il consacre la moitié de ses épargnes au
soulagement de ses camarades dans le besoin ou dans la misère ; on
le cite dans l'atelier comme le travailleur modèle, si bien que les ou-
— 29G -
vriers fainéants, ceux qui font du socialisme au lieu de faire des ser-
rures, ceux qu'un des leurs a si pittoresquement appelés « les Su-
blimes, » se liguent contre Pierre, le calomnient^ l'insultent et
trempent dans le plus odieux complot contre sa personne. Le chef de
ce complot n'est autre que le faux Léon de LuceroUe. Bourrelée de
remords et s'apercevant que Tinconduite de son fils abrège la vie du
comte et de la comtesse de Lucerolle, ses bienfaiteurs, Louise Yerdier
n'y tient plus: elle dévoile à ce jeune sacripant le mystère de sa
naissance, la substitution qui s'est opérée en sa faveur, le nom maudit
de l'auteur de ses jours, et l'existence du véritable héritier d'un titre
dont il n'est lui, l'enfant substitué, que l'usurpateur. A cette révéla-
tion, le faux Léon de Lucerolle forme un projet : celui de faire dispa-
raître l'ouvrier Pierre Ricard. Pour ce, il s'affilie à des bandits de la
pire espèce dont le chef, Ramoneau, n'est autre que son vrai père. Les
méfaits de Pticard père l'ont mené au bagne, et, à l'expiration de sa
peine, il s'est payé tout naturellement le luxe d'un pseudonyme. Un
guet-apens s'organise donc contre le jeune ouvrier Pierre Ricard, et
il est exécuté avec une infernale habileté. Mais Louise Verdier, à
qui ses remords ont rendu le sentiment du devoir, veille. Elle sauve à
la fois Pierre Ricard de l'assassinat et de Tèchafaud ; elle fait plus :
elle dévoile à la justice les crimes odieux de Ramoneau, qui couronne
sa vie d'horreurs par le meurtre de son propre fils, le faux Léon de
Lucerolle. Le vrai Lucerolle, l'ouvrier Pierre Ricard, est amené par
Louise Yerdier elle-même en présence de son père e.t de sa mère.
L'ancienne nourrice raconte alors en détail la scène de la substitution ,
Tout s'explique, et une grande iniquité se répare. C'est un peu com-
pliqué, mais c'est très'émouvant et très-pathétique. On nous dit que
le roman de M. Richebourg a paru en feuilleton dans un journal ré-
publicain : c'est possible. Dans tous les cas, sauf quelques détails de
mœurs trop libres, on ne trouve, dans les i)e?<x5erce«Ma7, pas la moindre
déclamation contre les riches, pas la moindre tirade contre les prêtres
et pas la moindre flatterie à l'adresse des a nouvelles couches. » Le
plus beau rôle est, sans doute, donné à un ouvrier, Pierre Ricard ;
mais cet ouvrier a du sang aristocratique dans les veines ; il est issu
d'une des plus anciennes et des plus respectables familles de l'est de
la France. Il apporte logiquement dans sa modeste condition les qua-
lités natives de sa race >— et le roman de M. Richebourg donne rai-
son au vieux proverbe : « Bon sang ne peut mentir. » Evidemment, le
directeur du journal républicain qui a accueilli cette œuvre a été vic-
time d'une singulière distraction.
— Les principales scènes des Deux Berceaux se passent dans le
monde des coquins. Toute l'action des Deux Amies, de M. Xavier de
Montépin, se concentre dans le monde des coquines. Les deux amies
— 297 —
en question, filles d'anciens officiers sans fortune, ont été élevées à
Saint -Denis. Elles se destinent au théâtre et toutes les deux tournent
mal, mais avec des nuances. Blanche Courtenay devient une drolesse
fieffée. Elle accapare un vieux célibataire à qui elle essaye d'enlever
sa fortune parles moyens les plus criminels. Miranda Sidney est une
Madeleine, une vierge-folle ; elle se livre à toutes les excentricités,
sans jamais cependant se rendre coupable de ce que les gens dont le
seul code est l'honneur appellent une indélicatesse. Eu égard à la dé-
moralisation profonde qui règne en souveraine absolue dans le per-
sonnel des théâtres, Miranda Sidnej' pouvait passer pour relativement
honnête, en ce sens qu'elle était serviable, .charitable, dévouée,
pleine d'excellentes intentions, en résumé, pour nous servir d'un
terme de l'argot des comédiens, une bonne fille. A l'exception de
Lionel de Cadignan et de sa sainte mère, les Deux Amies ne nous font
faire connaissance qu'avec des gandins et des actrices. Lionel, lui-
même, n'est vertueux que dans la pauvreté ; quand il devient riche, il
écoute, comme les autres, la voix des charmeuses et des sirènes. Voici
le portrait du gandin; il est curieux et pris sur le vif : « Au physique,
chapeau de forme anglaise trop petit pour la tête et placé sur une
chevelure séparée en deux parties égales par une raie allant du front
à la nuque ; moustaches en crocs; favoris en tire-bouchons ; beaucoup
de poudre de riz sur le visage ; monocle dans l'arcade sourcilière ou
pince-nez; col de chemise empesé à trois empois; ruban noir ou bleu
au lieu de cravate ; gilet fantastique ; paletot prodigieux à manches à
gigot ; pantalon également à gigot et se rétrécissant sur le cou- du
pied ; bottines de femme ; gants de peau de chien à la capucine ; stick
à la main; aux courses, voile vert sur le chapeau et lorgnette-jumelle
en bandoulière. Quant au moral — le moral du gandin, grand Dieu,
qu'allais-je dire? Le gandin est forcément idiot; s'il n'était pas idiot,
il ne serait pas gandin. » Lecteur, que vous en semble? C'est bien
cela.
— Les romans que nous venons d'analyser, le dernier surtout, ne
sont pas, moralement parlant, irréprochables. Il en va différemment
des romans et des nouvelles dont il nous reste à rendre compte, et
dont voici les titres : Jean Canada, par Raoul de Navery ; le Juif
Ephraîm, par le même auteur; le Double louis d'or, par Auguste de
Barthélémy ; Jules Darbelle, par J. d'Arsac ; la Pupille d'Hilarion, par
M"*^ Marie Maréchal ; Histoire d'une corbeille de noces, par Etienne
Marcel ; le Chemin de Damas, parle général Ambert ; les Contes d'Au-
teuil et les 1/5 rouges^ par Charles Dubois. Ceux-ci n'ont pas tous une
égale valeur littéraire; mais tous peuvent enrichir les bibliothèques
paroissiales, et la mère en peut permettre
la lecture à ses filles.
— 298 —
— Commençons par Jean Canada. Ce roman forme la suite de
Pâtira et du Trésor de f abbaye, dont nous avons, en leur temps, donné
l'analyse. Les péripéties de Jean Canada se déroulent dans cette belle
colonie que le vaillant Montcalm avait si bravement essayé de con-
server à la France et qui est devenue la proie de l'Angleterre sans
cesser d'être française de cœur, de mœurs et de langage. Après l'in-
cendie du château de Coetquem par les révolutionnaires, le marquis
de Tanguy, son fils Hervé, son beau-père Halgan et Pâtira, leur
sauveur à tous, se réfugient en Amérique. Ils aident Jean Canada,
Tun des derniers survivants indigènes des compagnons de Montcalm,
à secouer le joug étranger. Mais la trahison rend impuissante leur
tentative. Si les Abénakis sont pour la France, les Hurons sont pour
l'Angleterre. Jean Canada, un type homérique, arbore vainement le
drapeau de l'indépendance. Il meurt dans sa foi et dans sa gloire —
comme aussi dans le regret de voir sa patrie retomber sous la domi-
nation anglaise. Tanguy, Hervé, Halgan et Pâtira retournent en
Bretagne. Le Premier Consul a fait rentrer les jacobins sous terre ;
— quelques-uns, les églises étant réouvertes, vont même à la messe.
Les proscrits pardonnent à leurs féroces persécuteurs. Ils retrouvent
aussi à Coetquem, Claudie, la femme souffre -douleur de l'horrible
Jean Lenclume, et Jeanne la Fileuse, qui prophétise toujours.
Pâtira a ramené en France une jeune Canadienne, la Non-Pareille. Il
la prend, devant Dieu et devant la loi, d'autant plus volontiers pour
femme que cette fille des Abénakis a sauvé Hervé de la mort; ils
seront ainsi deux à aimer l'enfant de Blanche Halgan, la martyre du
devoir conjugal et de l'amour maternel. En apercevant le marquis
Tanguy, Jeanne la Fileuse, qui est comme la sybille des vieilles tradi-
tions, s'écrie à la barbe de tous les enrichis de la Révolution: « Sois
le bienvenu, Tanguy de Coetquem, dans cette terre qui est la tienne. »
Hélas ! de cette terre, autrefois si puissante, il ne reste que quelques
arpents de guérets et de fougères — et l'antique château n'est qu'un
amas de décombres. Mais (ce qui vaut peut-être mieux) il reste aux
derniers des Coetquem l'amour de tous les braves gens en qui les
« idées nouvelles » n'ont pas éteint la mémoire du cœur ni étouffé les
sentiments de reconnaissance. Telle est la fin de cette trilogie:
Pâtira, le Trésor de l'abbaye, Jean Canada. Quant au Juif Éphraïm,
il appartient à un tout autre ordre d'idées : c'est également une suite,
la suite des Héritiers de Judas. Nous y retrouvons Jude Malœuvre
qui s'acharne toujours après les héritiers de M. de Pontjoubert;
Marie-Ange, sauvée parle bon nègre Pampy ; Cyrille que Malœuvre fait
enfermer comme fou; le chien Morse, un chien au cou duquel le ruban
de la Légion d'honneur serait mieux placé que sur la poitrine de
certains hommes; l'honnête Parasol; Lucien Lavergne, l'ancien
— 299 —
précepteur; enfin, le juif Éphraïm. Celui-ci est parti pour la Terre-
Sainte, avec la mission sacrilège de faire mentir le Christ et de
rebâtir le Temple. Mais si les fils d'Israël proposent, Dieu dispose.
Grâce aux admirables exhortations de Lucien Lavergne, et sans
doute sous l'influence des Lieux-Saints, Ephraïm voit se renouveler
en sa personne le miracle de saint Paul. De persécuteur qu'il
était parti pour la Palestine, Ephraïm revient catholique et fran-
ciscain. Ce roman, au point de vue dramatique^ n'a pas d'intérêt.
Mais il vaut par le cadre — et l'on aime à parcourir, avec l'au-
teur, ces terres d'Orient d'où nous vient la lumière physique et d'où
nous vient la lumière morale : d'abord, l'Egypte, le pays où des
sphinx mystérieux gardent le seuil des temples ; les lieux amers de
la captivité ; le Nil, qui vit surnager le berceau de Moïse arraché au
courant des eaux par les papyrus du rivage ; la masse imposante des
orgueilleuses pyramides; puis, la Syrie, la Palmyrène, le Mont-
Liban; enfin, le sol sacré ■ — la vallée des Térébinthes; Ramatha,
patrie de Samuel, ce prophète qui sacrait rois les bergers; Jérusalem,
la ville déicide ; les restes du palais de David; la fontaine de Siloé,
le torrent de Cédron, le Jardin des Oliviers, le champ du sang,
Gethsémani, la Voie douloureuse, et, couronnant le tout, ce mont
Golgotha où fut prononcé et réalisé le Consummatvm est qui a racheté
le monde. M™" Raoul de Navery n'oublie rien. On voit qu'elle n'a
pas lu en étourdie Vltinéraire de Chateaubriand.
— Revenons à Paris. M. Auguste de Barthélémy, sans crier gare,
nous mène dans la rue de Nevers, une des rues les plus étroites et les
plus infectes de la ville que M. Prudhomme nomme avec conviction
— et il n'a pas tout à fait tort — la Babylone moderne. Rue de
Nevers, habite^ ou plutôt perche Ledray, un avare qui en remontre-
rait à Harpagon et au père d'Eugénie Grandet. Si Ledray n'était
qu'avare ! Mais c'est un afi'reux gredin qui s'est trouvé mêlé aux
Massacres de Septembre et a ruiné de fond en comble la famille
d'Oberval. Le locataire de Ledray est un charmant garçon, Raoul de
Bizanceuil, qui n'a pour toute fortune que de bons sentiments, une
solide instruction, des jarrets d'acier et un double louis d'or. « Tiens,
lui dit sa mère en lui donnant ce double louis le soir de son départ
pour la capitale ; tu sais d'où il nous vient, il te portera bonheur. »
Le double louis d'or avait fait partie du douzain donné à la grand'
mère de Raoul, le jour du mariage de la vénérable aïeule, et il devint
effectivement un talisman pour le petit-fils. S'il tenait à son double
louis, Raoul de Bizanceuil, je vous le laisse à penser. Et cependant,
voilà qu'un dimanche, au sortir de la messe de Saint-Sulpice, il offre
gaîment et délicatement l'amulette tant caressée à une jeune femme
de ses voisines dont il connaissait le dénûment et la misère. Or. cette
— 30O —
jeune femme, cela se devine, n'est autre qu'une d'Orbeval. Dès lors,
le dénoûment est indiqué de lui-même. M"" d'Orbeval devient
M"" de Bizanceuil, et Raoul fait rendre gorge à l'ancien coupe-tête.
Le Double louis d'or est une œuvre bien écrite. Elle ne vaut pas Pierre
le Peillarot, mais elle est, à notre avis, de beaucoup supérieure à
l'Affiquet de la marquise.
— Dans Jules Darbelle, M. d'Arsac nous raconte l'émouvante et
édifiante histoire du fils d'un professeur au lycée Saint-Louis. Élevé
à la fois très-chrétiennement et très-solidement, Jules Darbelle
remporte les plus brillants succès universitaires. Il sort le premier de
l'Ecole des chartes, il est nommé archiviste à Orléans, lorsque la
guerre de 1870 éclate. Jules Darbelle n'hésite pas : il se range sous
le drapeau de Charrette, et y trouve la mort, une mort glorieuse,
héroïque, sainte, enviable. Cela donne occasion à M. d'Arsac de
raconter la résistance héroïque de Loigny et la charge désormais
légendaire de Patay. C'est un sujet qui ne vieillira jamais et qu'on
relira toujours avec émotion. Ça et là, M. d'Arsac entremêle son
récit de réflexions fort judicieuses sur l'éducation (il doit être,
comme on dit, du métier). Nous ne résistons pas au plaisir de repro-
duire les lignes suivantes: « L'externat est le type parfait; ce système
honore la famille en lui faisant accomplir par elle-même la partie la
plus importante de l'œuvre de l'éducation, et il ennoblit la jeunesse
en lui accordant plus de confiance, plus de tendresse, plus de liberté,
plus d'inititiave personnelle. L'apprentissage de la vie est doux, le
devoir est facile pour l'enfant qu'abrite l'ombre protectrice de la
famille. Malheur à la nation assez insensée pour méconnaître la
salutaire infiuence de la famille sur l'éducation ! En poursuivant une
chimère, elle se briserait contre un écueil, car la famille, c'est la
force, c'est l'union, c'est le sanctuaire où se conservent et se trans-
mettent les traditions de l'ordre moral, principe vital, héritage sacré
que de vains paradoxes osent parfois attaquer pendant les jours
d'orage ! » M. d'Arsac n'a que trop raison. Malheureusement, en la
plupart des cas, son système, qui est le meilleur, est impraticable.
Dans cette conjoncture, qu'ont à faire les parents? Confier leurs
enfants à des maîtres dont ils soient sûrs et qui les élèveront dans les
principes de religion et de respect qu'ils auraient inculqués eux-
mêmes à ces jeunes et malléables intelligences. Bien choisir, tout
est là.
— Avez-vous lu la description du château de la Misère dans lel
Capitaine Fracasse, de Théophile Gautier ? C'est ce qu'on appelle
décrire. Ut pictura poesis. La plume même a cette fois surpassé le
pinceau. Elle ressuscite, elle évoque, elle réalise, elle fait tout voir,
tout comprendre. Incontestablement, c'est le dernier mot de la des-
- 301 —
cription — et le tableau que nous donne M'"^ Marie Maréchal du
château d'Apremont n'est à comparer en rien avec celui que nous
a donné Théophile Gautier delà gentilhommière délabrée du baron de
Sigognac. Et cependant, quand il s'agit de la nature, voyez ce que
c'est de ne pas s'en tenir au poncif, au convenu, au factice, et de faire
vivre les choses. Ce château d'Apremont, perché sur un volcan d'Au-
vergne, est esquissé en quelques lignes ; les étranges personnages
qui l'habitent sont présentés à la diable ; les accessoires sont à peine
indiqués. N'importe ! Tout cela forme un ensemble saisissant qui
force l'attention et se grave dans la mémoire. Pourquoi ? Parce que
l'auteur de la Pupille d'Hilarion s'est attachée à être vraie. Très-
certainement, M'"' Marie Maréchal a vu, sinon habité, un château
d'Apremont quelconque. Par exemple, un type qui doit être de son
invention, c'est cette incomparable Corisandre Polym nie de Barben-
tane, chanoinesse de Munich, héritière d'une race guerrière qui
remonte à l'invasion des Barbares. Il y a bien un autre rejeton, mais
pas mâle. Est arrivée d'Amérique une amour de fillette, née d'un
Barbentane et d'une Yankee: on l'a baptisée la Frileuse. Quant la
mort frappe la terrible chanoinesse, la Frileuse représente seule ce
grand nom de Barbentane qui faisait fuir Alaric. Pauvre petite!
Qu'elle est à plaindre dans ce manoir aux salles froides, aux corri-
dors sombres, aux tourelles silencieuses, entre le grave intendant
Hilarion et sa non moins grave sœur, dame Vénérande ! C'est la vie
à cote de la mort, l'imprévu à coté de l'étiquette, la pétulance à côté
du glacial décorum. Comme elle s'ennuie, la Frileuse! Ma foi, il ne
faut pas trop lui en vouloir. A sa place, nous ne serions pas plus
joyeux. Remémorez-vous les premières pages des Mémoires (VOuire-
Tombe. Heureusement, il y a la Chataigneraye. La Chataigneraye,
malgré sa première syllabe, est loin d'être un château. C'est une
maisonnette, humble, modeste, discrète comme la violette. Mais
comme elle est riante, vivante, animée ! Comme les vertes pelouses
qui l'entourent sont attrayantes ! Comme ses volets verts ont des
charmes! Là habitent les bons amis de Frileuse, M. Salvage, un
ancien notaire peu fortuné, Jacques, son fils aîné, Francine sa fille,
et Mauve, une orpheline qu'on a recueillie et qui s'improvise ins-
titutrice volontaire de M"'^ Frileuse de Barbentane. L'institu-
trice se fait tellement aimer de son élève que celle-ci, montée sur
Brown, un poney passablement ardent, descend à grand galop, au
risque d'être vingt fois désarçonnée, le chemin capricant et rapide
qui sépare son nid d'aigle, Apremont, de son nid de fauvette, la
Chataigneraye ! Hilarion a beau adresser à sa pupille de très-respec-
tueuses remontrances, la pupille n'en a cure. Fantasque, bizarre,
folâtre, un vrai moineau franc, Frileuse n'agit qu'à sa tête. Heureu-
— 302 —
sèment, elle a un cœur d'or. Hilarion ne s'en doute pas. Aussi, perd-il
son patois à vouloir corriger M"® de Barbentane. Il en est tout
autrement à la Chataigneraye. On connaît Frileuse et on manœuvre
en conséquence. Mauve la conseille et l'instruit; Jacques lui donne des
leçons de savoir-vivre, mortifie sa jeune vanité, détruit ses mauvais
penchants. Mauve lui enseigne la musique ; Jacques l'initie aux
beautés littéraires de Corneille, de Schiller et de Shakespeare. Et
tout cela, en riant, en se jouant, sans prétentions et sans pédantisme!
Frileuse prend si bien goût aux enseignements des Mentors de la
Chataigneraye qu'on ne la voit plus à Apremont. Ce qui scandalise
fort dame Vénérande ! Préférer une bicoque à un château qui « compte
quarante chambres de maîtres et est inscrit sur les registres des con-
tributions pour quatre cents portes ou fenêtres, » seriez-vous une
petite jacobine, mademoiselle de Barbentane? Tout doux, dame
Vénérande. C'est parce qu'il y a, à Apremont, trop de chambres et pas
assez d'habitants, trop de portes et pas assez de liberté, trop de
fenêtres et pas assez de vie, que Frileuse préfère la bicoque. Elle a
vraiment raison. Vous l'élevez là haut en serre-chaude, vous lui parlez
comme à une sainte dans sa niche, vous lui faites un crime de la
moindre infraction à l'étiquette — l'étiquette, cet affreux boulet de
plomb quia abrégé les jours de tant de reines d'Espagne, belles,
gracieuses, spirituelles, aimables. Là-bas, au contraire, on la corrige,
mais on l'aime; on l'instruit, mais on lui pardonne ses frasques
enfantines, ses vivacités juvéniles; on la redresse, mais on la laisse
vivre. Et le procédé ne doit pas être mauvais, car, dans quelques
années. Frileuse de Barbentane, amendée, modifiée, bonne et douce
à tous, instruite, bien élevée, sérieuse, demande en mariage celui
qui a fait d'elle la femme forte dont parlent les Proverbes.
Hilarion et Vénérande jettent d'abord les hauts cris : les Barben-
tane s'allier avec les Salvage, mais c'est la fin du monde ! Leur
mauvaise humeur ne tarde pas à s'apaiser. L'héritière des Barbentane
ne veut que des heureux auprès d'elle. Ce roman commence et se ter-
mine comme un conte de fées. Une leçon très-utile s'en dégage
pourtant: c'est qu'il y a divers systèmes d'éducation, et que ce n^est
point (nous recommandons ceci à certains pédagogues) en roulant
des yeux sévères, en interdisant toute distraction, en ne pardonnant
pas la moindre espièglerie, en rendant l'étude antipathique et repous-
sante, que l'on a raison des caractères amoureux de l'indépendance,
pour ne pas dire de l'indiscipline. On désirerait, dans la Pupille
d'Hilarion^ une forme plus châtiée, un style moins négligé, un récit
moins diffus. Le début et le dénoûment sont parfaits. Mais, dans les
détails, que d'inutilités, que de longueurs !
— Ces reproches ne s'adressent pas à M""* Etienne Marcel. Son
— 303 —
Histoire d'une corbeille de noces est un modèle de sobre élégance.
Emmeline Duval sort du couvent, et ses parents vont la marier à un
jeune homme des mieux doués. Rajmond Lagrange,
selon l'usage antique et solennel,
offre à sa fiancée une corbeille de noces de vingt mille francs.
On consulte Emmeline sur ses goûts : diamants, dentelles, cache-
mires, que désire Mademoiselle? Horreur! Mademoiselle désire
que l'on convertisse les vingt mille francs en actions de chemins de
fer et qu'on les lui donne. Stupéfaction générale. Quoi! cette enfant
rieuse, poète, artiste, aime l'argent... Fi ! Pour un peu, le mariage
va se rompre. Pas si vite, jeune homme. Vous méconnaissez Emme-
line. Emmeline n'est ni avare, ni thésauriseuse ; Emmeline est adora-
blement charitable. Savez- vous ce qu'elle veut faire de vos vingt
mille francs? Elle veut en constituer une dot pour son amie de
pension, Emma Verner, dont le père, autrefois riche à millions, vient
de tomber dans la misère. Cela n'empêcha pas les envieuses et les
mauvaises langues de dire, en chuchotant, le jour des noces d'Emme-
line : « Vous voyez cette belle mariée, eh bien, elle a un chiffre à la
place du cœur ! » Mais ceux qu'elle aime, son père, sa mère, son
mari, Emma Verner et le bon Dieu savent le contraire. Cela suffit à
Emmeline. — L'Histoire d'une corbeille de noces est suivie de deux
autres Nouvelles: Entre voisins, et le Roman de deux jeunes filles. Ces
deux récits n'offrent pas le même intérêt que la Corbeille de noces. Ils
sont littérairement insignifiants, et — malgré leur valeur morale —
font tache au premier tableau. Que ne publiait-on seule la Corbeille de
noces ?
— Par exemple, un recueil de Nouvelles dont il ne faut abso-
lument rien retrancher, c'est celui que nous devons au général
Ambert, sous ce titre : le Chemin de Damas. Il y a là une vingtaine
de récits dont chacun, fond et forme, constitue un petit chef-d'œuvre.
Le général Ambert manie aussi bien la plume qu'il a autrefois bien
manié l'épée. La plume du général Ambert est avant tout chrétienne
et française. Dans le Capitaine de la garde royale, la Croix de Saint-
Louis, l'Histoire d'un soldat, l'Aumônier militaire, l'auteur se plaît à
relater les traits d'héroïsme et de dévouement dont nos armées ont
été si souvent prodigues. Aujourd'hui, la Révolution dit: « La reli-
gion n'est pas nécessaire au soldat; » le général Ambert répond, et il
le prouve: « Le christianisme donne le vrai courage; les soldats qui
se battent le mieux, qui font le mieux leur devoir, sont les soldats
qui croient, qui ont la foi, non une foi de routine, mais une foi
sérieuse et qui en font les œuvres. » Citons encore : Rois et Commis,
où Louis XIV est mis en scène avec ses grands ministres ; le Tambour
Mathieu, qui, de simple paysan, devient, sans quitter le régiment^
— 30i —
bachelier es lettres ot bachelier es sciences; Poî^r 7J/r/', naïve his-
toire d'un pioupiou de la Dordogne qui se croit tenu à venir une
fois par semaine, monter une faction volontaire d'une heure dans la
cathédrale de la ville où il est en garnison; le Faclionnaire de Pompéï,
martyr de la consigne et de la discipline ; enfin le Père et le Fils, tout
un drame. C'est évidemment la meilleure page du livre — une page
que Paul de Molènes eût signée avec bonheur. Connaissez-vous ce
type militaire qu'on appelle YeiHrahieur? C'est celui qui allume le
régiment pour l'escarmouche ou pour la bataille. N'est pas entraîneur
qui veut. Le courage n'y suffit pas. Il faut autre chose ; il faut s'em-
parer par un mot, par un geste, par un regard, par ce nescio qiiid que
César trouvait seulement dans la légion qu'il avait formée de recrues
gauloises et qu'il avait surnommée i/oi/ia; l'Alouette. L'entraîneur
est un poète en action. Tel était le capitaine Roumajoux — un dur
à cuire, n'aimant guère « la calotte » comme le Robert de V Aumônier
du régiment, mais bon au fond et susceptible de mieux. Il finit par se
marier. Sa femme meurt en lui laissant un fils. Ce fils, plus tard, devient
un brillant officier et un officier chrétien ; il convertit son père.
Roumajoux est heureux. Dieu soumet sa foi à la plus terrible des
épreuves. Son fils est tué dans une expédition contre les Arabes — et
le vieux capitaine, qui eût blasphémé naguère à faire trembler le ciel
s'incline en pleurant, comme le patriarche de la terre de Hus, devant
les volontés de la Providence. — Il est facile de s'apercevoir que,
dans le Chemin de Damas, tout est portrait. Le général Ambert n'a
point inventé les figures : elles ont posé devant lui, et il les a mises
dans le cadre le plus attrayant, en pleine lumière. Excellent livre
qu'on ne saurait trop propager, surtout dans les bibliothèques mili-
taires.
— Pareillement, ce sont deux recueils d'utile et catholique pro-
pagande que les Contes d'Auteuil et les Lis ronges de M. Charles
Dubois. Le conteur n'en est pas à son coup d'essai: il a déjà publié
Sophie, Madame Agnès, les Récits d'un Alsacien, Foui et Cécile, Maître
Olivier, la Vierge de la Creuse, toutes œuvres qui placent M. Charles
Dubois parmi nos meilleurs conteurs religieux. Les Lis rouges et les
Contes d'Auteuil ne le feront pas déchoir d'un rang qu'il occupe avec
talent et distinction : au contraire! Ces deux opuscules sortent des
presses de l'admirable Orphelinat de l'abbé Roussel, dont le Figaro a
su parler avec tant d'éloquence et de conviction qu'il en est résulté
la plus belle souscription charitable qu'ait jamais enregistrée la presse
fv&nçaiise. Les Lis rouges et les Contes d'Auteuil se vendent, croyons-
nous, au profit de la même œuvre. Ils ne produiront certes pas
400,000 francs. Mais la modeste obole qu'ils représentent est d'autant
moins à dédaigner que, pour cette obole, le lecteur fait provision
I
d'histoires édifiantes, de pensées utiles et de réâexioiis chrétiennes.
Ce stock-là en vaut bien un autre. Dans les Lis rouges, M. Charles
Dubois nous transporte en Alsace, sa chère Alsace, à l'époque où le
protestantisme luthérien — l'opportunisme de ces temps-là — se
sentit débordé par les anabaptistes de Munster. C'est un roman his-
torique . On y voit aux prises la féodalité favorable à Luther et la
féodalité fidèle à l'Église. Celle-ci est représentée par Thierry,
comte de Kœnigsheim, qui n'hésite pas à donner sa vie pour sa foi.
Une légende se forma sur sa tombe : les lis blancs qui entouraient la
tête ensanglantée du héros devinrent rouges et ne se fanèrent plus.
Le roman intéresse ; mais il eût gagné à être moins concis, — Sauf une
légende qui se rapporte aux luttes que soutinrent, au seizième siècle,
les bourgeois de Strasbourg pour leurs franchises municipales, les
Contes d'Auteuil sont tous empruntés à la vie moderne. Deux d'entre
eux : la Fille d'un millionnaire et Pauvre enfant, pauvre mère, ont
pour but de nous intéresser plus spécialement aux orphelins. Sauvés
par l'épreuve est une poignante histoire, d'où il résulte que la religion
reste encore et restera toujours, dans les plus terribles souffrances,
la grande Consolatrice. Marie-Edmée est un résumé fort bien fait
de l'autobiographie de Marie-Edmée Pau, cette admirable jeune fille
qui mourut, il y a quelques années àpeine, des douleurs de la patrie,
qui fut à la fois une âme d'élite et un esprit supérieur, et qui nous a
laissé ce touchant récit : Vie de notre petite sœur Jeanne d'Arc.
M. Charles Dubois fait revivre, en quelques lignes émues, cette sym-
pathique figure. FiRMiN BoissiN.
HAGIOLOGIE ET BIOGRAPHIE RELIGIEUSE
SURius. Historiœ seu vitœ sanctorutn, Juxta optimam Coloniensem editionem nunc
vero ex recentioribus et probatiss. monumentîs numéro auctae, mendis expiir-
gatœ et notis exornatœ, quibus accedit romanum Martyrologium breviter illustra-
tum. Taurin, presbytero e congr. Glerr. Regg. S. Pauli curante. Vol. VIII. Augustus.
Augustœ Taurinorum, ex tip. Eq. Pétri Marietti, MDGCGLXXVIII, in-8, de 783 et
687*-784* p. Prix : 10 fr. 50. — Saint Biaise. Son histoire, son culte et son insigne relique
dans la basilique du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial, par l'abbé L. Gauthey, chape-
lain de la même basilique. Paray-le-XIonial, V= Lambordot, 1878, in-18 de 142 p.
avec 1 photogr. Prix : 1 fr. — Sainte Monique, modèle et patronne des mères chre'-
tiennes, 'jtar l'abbé Adolphe Legoupils, œuvre posthume publiée par l'abbé Eugène
SoYER. Tours, Cattier; Paris, Larcher, in-12 de 2(32 p. Prix : 1 fr. 50. — Saint
Patient, évéque de Lyon et l'Egliie de Lyon à la fin de la domination romaine dans la
province Lyonnaise, par l'abbé L. S. Tatu. Lyon, Brlday, 1877, in-8 de vn-i;]2 p.
Prix : 2 IV. — Histoire de sainte Geneviève, vierge et patronne de Paris et de son
culte, précédée d'une introduction sur l'apostolat des vierges chrétiennes dans
l'Eglise catholique, par un serviteur de Marie. Paris, Pion, 1878, in-8 de 535 p.
Prix : 7 fr. — Sainte Radegonde à Saix, pages d'histoire locale, suivies d'une neu-
vaine de prières préparatoires à la fête de sainte iladegonde pour la paroisse de
Saix, par l'abbé D. Leroux. Poitiers, Oudio, 1877, in-12 de iv-211 p. avec un
cantique annoté 6 p. Prix : 2 fr. — Saint Hubert, sa légende, son histoire, par
Joseph Demarteau. Liège, impr. Demarteau, 1877, in-12 de 64 p. avec 1 pi. Prix :
1 fr. — Histoire de sainte Solange, vierge et martyre, patronne du Berry, par l'abbé
Octobre, 1878. T. X.XIIi, 20.
— 30(i —
Joseph Bernard, de Montmélian. Paris, Palmé, 1878, in-12 de xni-383 p. Prix :
3 fr. — Vie intime de saint Anselme-au-Bec, ou Etude historique et psychologique sur
saint Anselme, considéré comme le représentant le plus accompli de la vie intime du
cloître, au onzième siècle, par le R. P. Ragey, mariste, professeur de théologie au
grand séminaire d'Agen. Paris, Téqui, 1877, in-12 de vii-XXI-2.j9 p. Prix : 2 fr. —
Reliques des trois tombeaux de saint Bernard, de saint Malachie, de saint Eutrope et
autres martyrs, reconnues et transférées solennellement à Ville-sous-la-Ferté (Aube),
par M. l'abbé Charles Lalcjre, ancien professeur de théologie au grand séminaire
de ïroyes. Troyes, inipr. Brunard, 1877. in-8 de 80-lxxx p. Prix : 2 fr. — Vie
de saint Anthetme, septième prieur de la Grande-Chartreuse, premier général de Cordre,
évêque de Belley, par M. l'abbé A. Marcual, vicaire général de Belley. Paris et Lyon,
Lecoffre, in-8 de xvi-322 p avec 1 portr. Prix : 5 fr. — Vie de saint François
d'Assise (1182-1226), par l'abbé H. Gazalis, curé d'Auzon. Paris, Baltenweck, 1877,
in-r2 de xvn-463 p. Prix : 3 fr. — Saint Vincent Ferrier à Lyon, étude historique et
biographique, par l'abbé M. Bernard. Lyon. P. Pitrat, 1877, in-8 de 27 p.
Prix : 50 cent. — Sainte Jeanne de Valois et l'ordre de l'Annonciade, précédée d'une
introduction sur la vie religieuse, par M. l'abbé Hébrard, chanoine de la cathé-
drale d'Agen. Paris, Poussielgue, 1878, in-12 de 475 p. Prix: 4 fr. — Les Domini-
cains en Amérique, ou aperçu historique sur la fondation des diverses provinces de
Vordre des frères prêcheurs dans le Nouveau Monde, par le R. P. Marie-AuGUSTIN
RozE, du même ordre. Paris, Poussielgue, 1878, in-12 de xi-492 p. Prix : 4 fr.
— Un nouveau docteur de l'Eglise. Saint François de Sales, évêque et prince de
Genève, par un ecclésiastique, membre de plusieurs sociétés savantes. Lyon, Josse-
rand; Paris, Jules 'Vie, 1878, in-8 de xxiv-490 p., avec 1 grav. Prix : 7 fr. — La
Philothée de saint François de Sales. Vie de Madame de Charmoisy, par Jules 'Vuy.
Paris, Palmé, 1878, in-r2 de XViii-392 p. Prix : 3 fr. — Histoire des capucines de
Flandre, écrite au dix-huitième siècle, par un religieux de cet ordre. Tome I". Paris,
Poussielgue, 1878, in-8 de xv-559 p avec 1 portr. Prix : 10 fr. — Vie du vénérable
Gérard-Marie Majella, frère servant de la Congrégation du Très-Saint Rédempteur, par
un Père rédemptoriste. Paris, Leipzig et Tournai, Casterman, 1878, in-12 de xvi-
526 p. Prix : 4 fr. 50. — La Vie admirable du bienheureux mendiant et pèlerin Benoit-
Joseph Labre, par LÉON Aubineau. 4e édition, Paris, Palmé, 1878, in-12 de xii-
552 p. Prix : 3 fr. 50. — Notice sur M, l'abbé Charles Jouguet, vicaire de Chênes,
martj'risé à Cluses, le 14 août 1794, par M, Fleory, vicaire général. Genève,
Grosset et Trembley, 1877, in-12 de vni-75 p. Prix : 80 cent. — Histoire de Ma-
dame Barat, fondatrice de la Société du Sacré-Cœur de Jésus, par M. l'abbé BaDNARD.
3<= édition. Paris, Poussielgue, 1878, 2 vol. in-8, de xxiv-568 et 668 p. Prix : 10 fr. 50.
— Histoire de Madame Duchesne, religieuse de la Société du Sacré-Cœur de Jésus, et
fondatrice des premières maisons de cette société en Amérique, par le même. Paris,
Poussielgue, 1878, in-8 de xxxii-563 p. Prix : 6 fr. 25. — Vie de M. P. Fr. Néron,
prêtre de la Société des missions étrangères, né à Bornay, au diocèse de Saint-Claude,
décapité pour la foi*au Tonkin. le 3 novembre 1860, par M. l'abbé Chère, direc-
teur au séminaire diocésain de Saint-Claude. Lons-le-Saunier, Gauthier, 1877, in-12
de xii-351 p. avec portr., fac-similé et carte. Prix : 2 fr. — Vie de M. Pierre Aumattre,
prêtre du diocèse d'jingouléme, dt la Société des missions étrangères, mort pour la foi
en Corée, le 30 mars 1866, par M. Léand're Poitou, curé-doyen de la Rochefoucauld,
La Rochefoucauld, chez l'auteur, 1877, in-12 de xni-339 p. Prix : 3 fr. — Philibert
Simon, missionnaire en Manichourie, mort le 13 décembre {81 i, sa vie, sa correspondance,
ses œuvres, par l'abbé Emile Briand, curé de Saint-Benoît-de-Quinçay. Poitiers et
Paris, Oudin, 1878, in-12 de XiX-334 p. Prix : 2 fr. 75. — 3f. Léon' Hubert, docteur
en médecine, séminariste et prêtre de Sainl-Sutpice, Notice biographique, par un prêtre
de Saint-Sulpice. Paris, Jules Vie, 1878, in-12 de xi-316 p. Prix : 2 fr. 50.
Nous continuons à grouper sous ce titre tous les ouvrages qui n'ont
pas eu ou qui ne pourraient avoir un compte rendu spécial et qui re-
tracent soit desvies de saints, soit des vies de pieux personnages. Les
uns visent surtout l'édification, les autres donnent, sans négliger ce
but, une large part à la critique historique et apportent, soit des faits,
soit des documents nouveaux. C'est encore par Surius que nous débu-
terons : nous n'en avons qu'un nouveau volume, le huitième, consacré
au mois d'août. C'est le mois de saint Alphonse de Liguori, de saint
Dominique, de saint Gaétan, fondateur des théatins, de saint Lau-
— 307 —
rent, de sainte Claire, de sainte Radegonde, de saint Bernard, de
sainte Françoise de Chantai, de saint Ouen, de saint Louis, de saint
Yriex, de saint Césaire, de saint Joseph Calasanz, de saint Augustin,
de sainte Rose de Lima, pour ne parler que des plus connus, que de ceux
qui occupent une place plus considérable dans le volume et présentent
le plus d'intérêt. La vie de saint Dominique est de Théodoric d'Appol-
dia; celle de saint Laurent est tirée de saint Ambroise; Fortunat et
l'abbesse Bandomine ont été mis à contribution pour sainte Rade-
gonde; pour saint Bernard, il en est donné trois vies différentes
(436-557); la vie de saint Ouen est de Frédégod, diacre de saint
Odon; celle de saint Louis, de Geoffroy de Beaulieu, son confes-
seur; celles de saint Césaire, de Cjprien, son disciple ; celle de saint
Augustin, de Possidius. Parmi les vies nouvelles, nous n'en voyons
qu'une Ijui soit originale, celle de saint Alphonse de Liguori, écrite
pour cette nouvelle édition par un Père rédemptoriste anonyme ; les
bulles de canonisation sont le fond des notices sur sainte Françoise
de Chantai, saint Gaétan, saint Joseph Calasanz et sainte Rose de
Lima. L'éditeur est toujours sobre de notes; il les consacre
en grande partie à des éclaircissements géographiques. Cherchant
l'utilité du commun des lecteurs qui possèdent le latin et ne faisant
point œuvre d'érudition à l'usage des savants, il a eu une heureuse
pensée en traduisant souvent dans la langue du pays, — soit dans des
notes, soit entre parenthèses, — certains noms propres de personnes
et de lieux qui s'éloignent beaucoup du latin. Il rend service à une
infinité de lecteurs en leur apprenant que Odocnus est Ouen en fran-
çais; i4rec?n/5. Yriex; Caàilio, Châlou-sur-Saône ; Cenlumccllum, en
italien, Civita Vecchia. C'est en vue du même public que nous vou-
drions une indication bien nette, dans le corps de l'ouvrage et dans la
table, pour les additions au texte primitif. La date de la vie des saints
et des documents publiés sur eux peut suffire pour les travailleurs;
mais, outre qu'on peut avoir à insérer des textes omis par Surius, par
conséquent antérieurs à lui, combien peu de lecteurs savent exaî-
tement la date essentielle, celle de la publication de Surius ei pourront
être entraînés à des recherches que le moindre signe de convention
eiit évitées. Nous devons signaler dans la table une place particulière
pour les instructions sur les fêtes de l'Eglise, comme la Transfigura-
tion, l'Assomption, la Décollation de saint Jean-Baptiste. La partie du
Martyrologium romanum Ulustratum annexée à ce volume ne concerne
que le mois d'août. Nous n'avons qu'à louer l'éditeur de sa persé-
vérance et à faire des vœux pour le prompt achèvement de l'œuvre
utile qu'il a entreprise.
— A propos des fêtes de la translation de la relique de saint Biaise,
évêque de Sébaste et martyr, à Paray-le-Monial, fêtes qui ont eu lieu
— 30» —
le 29 juillet sous la présidence de NN. SS. les évêques d'Autun et de
N evers, M. l'abbé Gauthey a publié sur ce saint une notice capable
d'éclairer la dévotion que les fidèles ont pour lui et d'augmenter leur
piété, en leur faisant connaître sa vie sainte, sa mort glorieuse, et sa
puissante intercession attestée par des miracles. Il entre en matière
par un coup d'œil historique sur l'histoire de l'Église à la fin du troi-
sième siècle ; il fixe la date du martyre du saint à l'an 320, contre
l'opinion des Bollandistes et de Baronius qui la rapportent à l'an 316,
et cela pour ce motif qu'à cette époque il n'y avait pas de persécu-
tion ; il raconte la vie de saint Biaise d'après les actes donnés par les
Bollandistes au 3 février, les commentant et les amplifiant avec un
poème composé en son honneur par Baptiste de Mantoue, carme du
seizième siècle, dont un exemplaire, imprimé à Lyon, en 1516, se trouve
à la bibliothèque du grand séminaire d'Autun. Il termine par des dé-
tails sur le culte de saint Biaise, les églises qui lui sont consacrées,
ses reliques, ses panégyriques, les prières en son honneur, et spécia-
lement à Rome et dans les diocèses d'Autun, de Moulins et de Dijon
où il est particulièrement invoqué pour les enfants et pour les maux de
gorge. Le dernier chapitre est consacré à la relique de Paray,qui
vient de l'ancienne abbaye des bénédictins. Nous relèverons à la
page 48 un lapsus de l'auteur, qui renvoie au volume du 13 décembre
des Bollandistes, volume dont bien peu d'entre nous verront la publi-
cation .
— La Sainte Monique de M. l'abbé Adolphe Legoupils n'est pas, à
proprement parler, une vie de saint. La narration des faits cède le
pas aux considérations et aux instructions adressées aux mères
chrétiennes. Il fait passer sous nos yeux Monique dans toutes
les phases de la vie, et la présente comme modèle : jeune fille,
maîtresse de maison, épouse, mère et veuve ; il fait ressortir,
de ses défauts mêmes, d'utiles leçons. Ce qui ne l'empêche pas
de donner les détails essentiels sur sa vie et de faire quel-
ques excursions intéressantes dans le domaine de l'histoire sur
l'éducation au quatrième siècle, sur la discipline de l'Église relati-
vement à l'administration du baptême, sur la condition des esclaves.
Jeune fille, Monique reçoit une éducation chrétienne, subit l'heu-
reuse influence d'une bonne domestique qui la corrige de quelques
défauts, et se soumet à ses parents pour son mariage. Maîtresse
de maison, elle sait diriger, surveiller ceux qui lui sont soumis,
gagner l'affection de sa belle-mère et se faire aimer, par sa
douceur, de tous ceux avec qui elle est en rapports. Obéissante
et respectueuse envers son mari, elle supporte tout patiemment, et
obtient sa conversion au christianisme. Dans la manière dont est
exposé son rôle de mère, on voit ce qu'il faut faire et ce qu'il faut
— 309 —
éviter dans réducation des enfants ; veuve, son exemple servira à
beaucoup de mères cruellement éprouvées par la conduite de leurs
enfants. C'est un bon livre, qui aurait mérité une forme plus soi-
gnée.
— Nous avons une véritable étude historique dans le travail de
M. l'abbé Tatu sur saint Patient, travail qui lui a valu le grade de
docteur en théologie à la faculté de Lyon. Evêque de Lyon au
cinquième siècle, saint Patient a joué un grand rôle dans son temps;
mais les traces en sont peu considérables ; comme œuvres littéraires,
il laisse deux homélies dont l'authenticité, pour l'une au moins,
n'est pas absolument incontestable ; comme création, la fondation des
basiliques de saint Juste et de saint Irénée ; peu de chose dans les
historiens. Aussi, si M. Tatu n'a pu le faire revivre tel qu'il a vécu,
en l'absence de documents suffisants, du moins il a pu faire revivre la
société que le saint a édifiée de ses vertus, dirigée par ses exemples et
ses instructions. L'auteur nous montre ce qu'était Lyon au cinquième
siècle, sa population, l'état de la religion ; il nous initie aux règles et
aux cérémonies pour l'élection des évêques, la consécration des églises.
Nous voyons saintPatient au milieu des Burgondes, infestés de l'aria-
nisme et contre lesquels il défend la foi et la discipline de l'Eglise. Les
écoles de Lyon sont le sujet d'une étude dont nous regrettons la briè-
veté et pour laquelle l'auteur aurait pu consulter les travaux mo-
dernes. Un appendice donne le texte des deux homélies attribuées au
saint évêque.
— C'est une œuvre de foi, de science et de charité qu'un écrivain,
caché sous le titre modeste d' « un serviteur de Marie, » vient de
produire en l'honneur de l'humble bergère, patronne de la grande
cité parisienne. Sa foi paraît dans l'inspiration et dans l'introduction
sur l'apostolat des vierges chrétiennes dans l'Eglise catholique : il les
montre perpétuant le type rédempteur de Jésus-Christ, qui nous a
rachetés et qui a relevé l'homme de la dégradation où le paganisme
l'avait entraîné ; faites à la ressemblance du Sauveur, vierges, apôtres
et victimes; à la ressemblance de Marie par leur pureté, leur humilité
et leur amour de Dieu et des hommes. Lat science a réuni et mis en
œuvre tous les matériaux dont se compose ce volume ; la charité con-
sacre une partie du prix de la vente au soulagement des prêtres suisses
persécutés. Nous venons de dire de l'introduction (1-80) un mot qui
suffit à la caractériser. Une seconde partie donne la vie de la sainte
(81-221) ; une troisième l'histoire du culte et de l'abbaye (221-493).
Enfin, dans un appendice, se trouvent un extrait du poème du moine
Héric, relatif à sainte Geneviève et écrit au neuvième siècle ; le poème
d'Erasme, en action de grâces de sa guérison en 1496, et différentes
pièces liturgiques. Le biographe anonyme n'apprend rien de nouveau
— 310 —
sur la sainte ; mais il raconte bien et il discute les faits. Nous vou-
drions voir ses indications de sources plus fréquentes et plus précises, et
nous aurions aimé qu'un travail aussi considérable fût précédé d'une
étude sur la valeur des textes les plus importants, comme les vies de
lasainte.Toutle monde connaît les lignes principales de cette existence;
on la trouvera ici dans tous ses détails les plus circonstanciés, et bien
faits pour inspirer confiance et dévotion envers Le faible instrument
dont Dieu se servit, à une époque plus troublée encore que la nôtre,
pour sauver Paris. Ce n'est plus seulement une petite bergère, une
jeune fille contemplative; c'est une héroïne agissant pour le salut du
peuple, allant lui chercher des vivres pendant la famine, distribuant
elle-même les aumônes qu'elle a recueillies, et soufïrant persécution.
La critique aurait peut-être à faire quelques réserves : ainsi nous ne
sommes point convaincu par ce que dit notre auteur sur la fondation
attribuée à sainte Geneviève de la basilique de Saint-Denis.
Son culte prit naissance sur son tombeau, placé à côté de ceux de
sainte Clotiide et de Clovis, dans l'église Saint-Pierre et Saint-Paul,
dont les fondements furent jetés par notre premier roi chrétien. On
vint se placer sous sa protection : il y eut bientôt autour de la basi-
lique une agglomération de population qui fit sortir Paris de l'enceinte
de la Cité et où l'université vint s'établir ; une abbaye fut construite
pour le service de la basilique ; une nouvelle église s'éleva sur le mont
au treizième siècle, puis Louis XV fit construire l'édifice grec que la
Révolution a appelé du nom de Panthéon et dont elle expulse la pa-
tronne de Paris toutes les fois qu'elle vient à triompher. Il n'y a pas
un grand événement, pas une calamité qui n'ait son écho au pied du
tombeau de sainte Geneviève; la Providence encourage celte confiance
en son humble servante par de nombreux miracles. Malgré les révo-
lutions, malgré les tentatives de l'impiété, la confiance persiste, comme
l'atteste l'immense concours de pèlerins à l'époque de la neuvaine. Ce
sont tous ces faits qui occupent la troisième partie, la plus neuve peut-
être et la plus intéressante. Elle fait^également connaître les alterna-
tives de gloire et de décadence de l'abbaje, dont le souvenir se per-
pétue dans la bibliothèqijjp Sainte-Geneviève qui conserve une partie
de ses trésors. Nous n'avons pas été surpris d'j trouver à une place
d'honneur, dans l'exposition de ses richesses, ce bel ouvrage rehaussé
d'une remarquable reliure.
— Quand Clotaire répudia Radegonde, il lui donna comme résidence
sa villa de Saix {Susedas) en Poitou. C'est ce souvenir que M. Leroux,
curé de Saix, a voulu rappeler aux habitants de sa paroisse pour ranimer
leur foi, en racontant la vie de la sainte reine qui a sanctifié ces lieux
par son séjour, et en donnant des formules de prières pour implorer son
intercession. Le récit de la vie de sainte Radegonde est animé, intéres-
— ;<ii —
sant; on y trouve des considérations pieuses, et il est terminé par un
historique du village de Saix, de sa belle église du onzième siècle, élevée
sur remplacement de celle où la sainte reine venait s'agenouiller, des
relations avec le monastère de Sainte-Croix de Poitiers et l'abbaye
de Fontevrault. Tout respire la piété dans ce livre où Ton voit une
esclave devenir reine, puis se consacrer au service des pauvres et
mériter d'être proposée comme modèle à tous les chrétiens; il est en
même temps une page instructive de notre histoire sous la dynastie
des Mérovingiens.
— Il y a beaucoup à louer dans l'étude de M. Joseph Demarteau
sur saint Hubert. Ce n'est qu'une conférence faite au Cercle catholique
de l'Est, à Liège ; elle a l'élégance de la forme qui convient à ce genre
de composition; on ny voit aucune des aspérités de l'érudition, et
cependant il y a au fond beaucoup de critique et beaucoup de science;
il en fallait pour un pareil sujet. Saint Hubert, fondateur de Liège,
patron des chasseurs, successeur de saint Lambert sur le siège de
Tongres au commencement du neuvième siècle, providentiel instru-
ment d'un miracle de guérison qui se perpétue à Liège, a eu, en rai-
son même du culte populaire dont il est l'objet, une biographie semée
de légendes ajoutées par chacun de ses historiens. Comment démêler
la vérité? M. Demarteau a pris la bonne méthode en appréciant la
valeur des témoignages d'après le caractère du personnage et l'époque
plus ou moins rapprochée du saint où ils ont été produits. On voit»
par la bibliographie mise en tête de sa brochure, qu'il a puisé aux
bonnes sources, notamment à la vie de saint Hubert, écrite par un des
disciples du saint et revue par Jonas, évêque d'Orléans au neuvième
siècle, dont le texte primitif, retrouvé à Valeuciennes, en 1874, et
plus récemment à Namur, vient d'être publié. Nous devons dire que
l'histoire si connue de l'apparition du cerf ne trouve pas grâce devant
M. Demarteau.
— n n'existe point d'actes contemporains de sainte Solange. Les deux
vies données au 10 mai par les Bollandistes sont tirées des leçons de
l'office, qui ne font que se conformer à la tradition. C'est sur ces docu-
ments qu'ont été écrites toutes les biographies de la sainte, dont la
plupart ne font que les commenter et les amplifier, sans chercher à en
contrôler les assertions par la critique. M. l'abbé Bernard n'a pas
négligé le côté historique ; il a beaucoup vu et consulté ; mais il n'a
pu trouver ce qui n'existait pas. Aussi, pour composer un volume res-
pectable, ne s'est-il pas borné au simple récit de la vie de la patronne
du Berry, humble bergère comme sainte Geneviève ; il l'a gracieuse-
ment encadré dans des descriptions du pays qu'elle a édifié et du
temps au milieu duquel elle a vécu. Puis, il raconte les miracles
obtenus par son intercession, le concours des fidèles à son tombeau,
— 312 —
le pèlerinage annuel du lundi de la Pentecôte, et il ne peut que faire
pressentir les solennités du millénaire qui ont été célébrées cette
année. Solange était née de parents pauvres et se livrait aux travaux
des champs; pieuse et pleine de vertus, elle avait consacré son cœur
à Dieu. La beauté de son âme se reflétait sur son visage, qui séduisit
un jeune seigneur; celui-ci, entraîné par sa passion, lui demanda de
l'épouser; comme elle résista à toutes ces instances, il lui trancha la
tête. Tel est, en deux mots, l'histoire de la sainte si populaire du Berry.
Les moindres faits recueillis par la tradition sont consciencieuse-
ment rapportés par le nouvel historien, qui y joint beaucoup d'édi-
fiantes réflexions pour en faire ressortir la valeur. Il y a deux intéres-
sants tableaux, celui du neuvième siècle et celui de la cour des
comtes de Bourges, une dissertation pour établir quel fut le meurtrier,
et quelques pièces justificatives. Mais l'accessoire n'absorbe-t-il pas
un peu le principal? et, puisque nous nous permettons de critiquer,
ne peut-on pas reprocher à l'auteur de grossir outre mesure la liste
des sources à consulter en citant des ouvrages dont il a pu tirer parti
pour l'ensemble de son travail, mais tout à fait étrangers à sainte
Solange ?
— Le nom de saint Anselme évoque naturellement la pensée d'un sa-
vant illustre, d'un grand philosophe, qui fut, pour son siècle et les siècles
suivants, une lumière dont l'origine monastique n'a point afl'aibli l'éclat.
Mais présentez sa biographie à un homme du monde, vous recevrez la
plupart du temps cette réponse : c'est beaucoup trop savant pour moi.
En efi"et,la plupart des travaux consacrés à saint Anselme, — nous en
trouvons une assez longue nomenclature au commencement de cet
ouvrage, — négligent presque complètement le saint, l'homme. Le
P. Ragey, qui l'a beaucoup étudié par profession, a découvert en lui
autre chose que le père de la scolastique; il nous le fait aimer autant
qu'admirer en nous introduisant dans son intimité, au milieu de sa
famille et dans le cloître. C'est le but de cet ouvrage, qui s'arrête à
l'élévation du saint àladignité d'abbé duBec(1078), etfait présager une
vie complète. Il justifie cette parole de M. de Montalembert : «L'his-
toire des peuples est une grande chose... Mais combien l'histoire des
âmes n'est-elle pas plus rare et plus féconde encore. » Les documents
ne manquent pas, et ils sont aussi authentiques que nombreux : outre
quatre vies écrites par des contemporains, il en est une, écrite par le se-
crétaire du saint, le moine Eadmer, dont les nombreux extraits forment,
par leur touchante simplicité et leur naïveté, les pages les plus atta-
chantes de cette histoire. Né au milieu du onzième siècle, dans le pit-
toresque pays d'Aoste, en Savoie, Anselme fut élevé par sa mère
Ermenberge,qui peut être appelée une nouvelle Monique. C'est à elle
qu'il doit les principes qui survivent à une jeunesse orageuse; ce sont
— 313 —
sans doute ses prières et celles de sa fille Richera qui l'ont conduit du
monde, dont les plaisirs l'enivrèrent, à la célèbre école du Bec, où
le goût de l'étude le retint jusqu'à ce que l'amour de Dieu revînt
dans son cœur et lui fit embrasser la vie monastique. Sa précoce piété,
qu'éteignit un instant l'orage des passions, sa tendresse pour tous les
siens, le constant intérêt qu'il porta à ceux qui lui tenaient par les
liens du sang, les touchantes amitiés qu'il noua dans le cloître, sa
douceur et sa charité, le charmant épisode du jeune moine rebelle,
Osbern, gagné par la douceur, font oublier l'auteur du Monologium
pour ne montrer que le saint auquel on s'attache et que l'on voudrait
imiter. Avec lui, on apprend à connaître la société au milieu de la-
quelle il vécut, les institutions de cette époque si décriée de nos jours,
le cloître où les aveugles s'obstinent à ne voir qu'une prison et
un fojer d'ignorance. On lira avec un particulier intérêt le tableau
du mouvement intellectuel du onzième siècle, les détails donnés sur
les écoles dont celle du Bec était la plus renommée, les aperçus sur la
vie monastique telle qu'elle était alors, et sur l'institution des oblats,
renouvelée de nos jours dans les petits noviciats que fondent un grand
nombre de congrégations religieuses. Quant à ceux qui recherchent
avant tout les douces émotions, ils trouveront satisfaction dans les
deux chapitres sur l'amitié dans le cloître.
— Il suffira aux lecteurs du Polybiblion de voir le nom de M. l'abbé
Lalore pour être assurés qu'il s'agit ici d'une œuvre scientifique où la
critique et l'érudition ont une égale part. En effet, nous avons sous
les yeux un mémoire, rédigé à la demande de Ms^" de Troyes, sur
l'authenticité des reliques des trois tombeaux de l'abbaye de Clairvaux^
dont l'un gtait celui de saint Bernard. Ces tombeaux furent ouverts
en 1793, etl|s ossements furent transportés àVille-sous-la-Ferté. C'est
là qu'ils se trouvaient encore en 1872, dans la sacristie de l'église, dans
un triste et déplorable abandon ; qu'ils furent solennellement reconnus
en 1874 après une étude dont ce travail donne la substance, et placés
dans une châsse le 12 juin 1875. L'inhumation des saints dans leurs
tombeaux, le culte dont ils ont été l'objet jusqu'à la Révolution, l'ou-
verture des tombeaux en 1793, le transfert des ossements à Ville, ce
qu'ils sont devenus jusqu'en 1872, époque où ont commencé les
études qui devaient amener leur reconnaissance, la translation des
reliques, telles sont les principales divisions de ce mémoire, auquel
sont jointes treize pièces justificatives, documents liturgiques sur
saint Bernard, procès-verbal d'examen, arrêté du Directoire, catalogue
des reliques détachées du corps de saint Bernard, etc.
— La ville et le diocèse de Belley, ont célébré cette année le sept
centième anniversaire de la mort d'un de leurs plus grands évêques, saint
Anthelme. Cette circonstance n'a pas été sans influence sur la composi-
— r^l4 —
tion de la nouvelle vie du saint, par M. l'abbé Marchai, vicaire général
de Belley. C'était une excellente occasion de rappeler les titres de ce
grand saint à la vénération des fidèles. M. Marchai l'a heureusement
saisie, et a très-habilement conduit l'exécution de son dessein. La vie
de saint Anthelme par un de ses contemporains est le principal élé-
ment de son travail; mais il j a ajouté beaucoup de recherches pour
faire connaître la famille et Fenfance du saint qui était d'illustre race,
pour ressusciter les personnages et la société au milieu de laquelle
s'écoula sa vie ; et on lui saura tout particulièrement gré d'avoir un
instant supprimé la sévère clôture de la Chartreuse pour nous faire pé-
nétrer dans l'intérieur du couvent et nous faire vivre de la vie intime
des austères moines. Du reste, par elle-même, la vie de saint Anthelme
ne manque pas d'intérêt, et cet intérêt redouble quand elle est bien
racontée comme dans ce livre. Le saint a joué un rôle important
au douzième siècle. Ses premières années chez ses parents, au châ-
teau de Chignin, en Savoie, ses premiers pas dans la cléricature
à Belley, son entrée à la chartreuse de Portes, son séjour à la grande
Chartreuse, où il remplit les charges de procureur et de prieur,
sa nomination comme premier général de l'ordre, son retour à Portes
comme prieur, et son élévation au siège épiscopal de Belley ne
sont qu'un côté de sa vie extérieure; il faut le voir encore à l'œuvre
dans son administration, soutenant le pape Alexandre III contre le
cardinal Octavien, proclamé par Frédéric Barberousse, et contribuant
puissamment à préserver la France du schisme, servant d'arbitre dans
les querelles des rois, sévère mainteneur de la discipline, vigilant
défenseur des droits de l'Eglise. Deux chapitres sont consacrés aux
miracles opérés par son intercession et à son culte, et quelques pièces
et notes justificatives terminent ce volume, dont nous n'ajirons point
à nous repentir d'avoir recommandé la lecture.
— Quand on a des loisirs, il n'y a pas de plus douce jouissance
pour un homme sérieux que de les consacrer au travail. C'est le
légitime plaisir que vient de se procurer à notre profit un curé
d'une petite paroisse des Cévennes, en écrivant une nouvelle vie
de saint François d'Assise. Ce saint admirable, le plus étonnant peut-
être que l'Église propose à notre vénération, est trop connu pour
qu'il y ait la moindre utilité à rappeler ici les principaux événements
de sa vie. Il n'y a rien de nouveau à apprendre sur lui. M. l'abbé
Cazalis ne s'est point aventuré dans des recherches qui n'eussent pas
abouti; il a étudié le saint dans ses œuvres et d'après ses biographes
contemporains et dignes de foi. Il a réussi à faire un livre où l'in-
térêt et l'exactitude se concilient avec l'édification des âmes. On
se demande vraiment comment on pourrait écrire une vie de saint
François, si sèche qu'elle soit, sans édifier le lecteur. L'auteur suit
— 315 —
généralement l'ordre chronologique ; il a cru devoir cependant, et
nous ne saurions l'en blâmer, réunir tous les faits relatifs aux.
stigmates, et il interronapt le récit pour s'arrêter, au livre IV, à la
contemplation des vertus du saint. Nous signalerons un point par-
ticulièrement iniéressant, celui de l'indulgence de la Portioncule,
que gagnent beaucoup de fidèles sans en connaître l'origine.
— C'est une page d'histoire lyonnaise que nous donne M. l'abbé
Bernard, en reproduisant, sous forme de brochure, des articles publiés
dans la Semaine catholique de Lyon sur saint Vincent Ferrier. Ayant
découvert, dans les Actes consulaires de la ville, quelques rensei-
gnements sur les différents passages du grand thaumaturge dans cette
ville, il les a groupés et les a commentés, à l'aide surtout de la vie du
saint par M. l'abbé Bayle, et n'y a trouvé que la confirmation de ce
que rapportent les historiens sur la méthode de l'infatigable mission-
naire. Ses prédications ont laissé des traces dont M. Bernard
trouve un témoignage dans les nombreuses éditions de ses œuvres
faites à Lyon : cette curieuse étude bibliographique n'est faite que
pour le quinzième siècle.
— I/ordre de l'Annonciade et la vie religieuse occupent plus de
place dans l'ouvrage de M. l'abbé Hebrard que la vie de la sainte
fille de Louis XI. Son but était de rappeler à l'amour et à l'admiration
des fidèles cet ordre si florissant autrefois dans le Nord, la Belgique et
la Franche-Comté, et qui ne possède plu:*, depuis la Révolution, que
trois maisons ; celle qui a pu seule conserver, dans sa pureté et son
intégrité, l'esprit et la règle de Jeanne de Valois, est à Villeneuve-
sur Lot, dans le diocèse auquel l'auteur appartient. De là une glori-
fication de la vie religieuse, étudiée d'après l'Evangile, et de longs
développements sur la règle. Nous n'avons pas à apprécier cette pre-
mière partie, œuvre de théologie mystique presque exclusivement
composée de textes et de commentaires de l'Écriture sainte, et
nous n'avons qu'à nous abriter sous l'autorité de M^^ d'Agen qui nous
garantit la solidité de la doctrine. La vie de la sainte fondatrice
n'occupe guère que cinquante pages, et est, en grande partie,
tirée de son histoire par Louis Dony d'Attichy, évoque de Riez, et de
la chronique manuscrite de l'Annonciade, conservée aux archives de
Bourges. Avec toutes les épreuves que Jeanne eut à subir de la part
de son père, Louis XI, on voit sa constante piété, sa vie retirée à
Bourges, après le prononcé du jugement qui déclarait nul son mariage
avec le duc d'Orléans, les faveurs divines dont elle fut honorée,
les révélations qu'elle reçut de la sainte Vierge et la laborieuse
fondation d'un ordre en l'honneur de la Vierge, et du mystère de
l'Annonciation. Son confesseur, qui eut une si grande part dans cette
œuvre, le Père Gilbert Nicolas, de l'ordre de Saint-François, — auquel
— 310 —
Léon X donna le nom de Gabriel-Maria, nom sous lequel il est connu et
qui répondait bien aux sentiments de son cœur, — a aussi une grande
part dans ce livre, moins pour les détails de sa vie que pour sa
coopération à la fondation de l'ordre, dont il rédigea les règles et dont
il fut le premier supérieur général. L'auteur fait connaître l'esprit
et le but de l'ordre, les trois ordres dont il fut composé, les nombreux
privilèges dont il fut enrichi par les souverains-pontifes, et trace son
histoire jusqu'à notre époque enpassantparla période révolutionnaire
où il fut supprimé comme tous les autres. Ce n'est que sous la Res-
tauration que l'Annonciade put reprendre vie : une communauté
se fonda à Tirlemont, en Belgique, qui, en 1823, poussait un rejeton
à Gheel; une autre à Boulogne-sur-Mer, en 1828; toutes deux se
vouent à l'enseignement, accommodant ainsi la règle aux nécessités
du temps; une troisième, celle de Villeneuve-sur-Lot, est uniquement
adonnée à l'oraison. Si l'auteur a eu en vue les gens du monde, nous
croyons que le ton général de son livre est trop mystique.
— Tandis que l'impiété s'allie à l'ignorance et à la mauvaise foi
pour nier les services qu'ont rendus et que rendent tous les jours les
ordres religieux à la cause de l'instruction, de la civilisation et dui
progrès, voici qu'un fils de saint Dominique, le R. P. Roze, pensant
sans doute que ceux qui nient ce qu'ils voient accepteront plus
volontiers ce qui leur vient des pays lointains, entreprend de nous
raconter les travaux de ses frères dans le Nouveau Monde. Fera-t-il
ouvrir les yeux à ceux qui ne veulent point voir? nous n'en pouvons
répondre; mais il intéressera certainement tous les lecteurs qui
cherchent à s'instruire, et si nous parlons ici de son livre, c'est que la
vie des dominicains en Amérique est une vie d'apôtres et quelquefois
de martyrs. Sur les questions d'histoire, de mœurs et coutumes, de
géographie, on trouve beaucoup de pages curieuses. Si l'auteur avait
cherché surtout les suffrages du grand public, nous lui aurions
reproché de trop s'arrêter à des détails techniques sur les questions
d'organisation et de création de nouvelles provinces, importantes, pour
l'ordre et ses membres, mais qui toucheront peu la masse des lec-
teurs. Il est inutile d'insister; autant vaudrait comdamner les in-
tentions de l'auteur, qui écrit surtout pour ses frères en saint
Dominique, et espère même que l'ébauche qu'il donne aujourd'hui, sur
des renseignements rapportés de ses voyages en Amérique, donnera à
quelques-uns la pensée de retracer les annales de leur maison. Il ne
faudrait pas s'attendre à trouver là l'histoire complète des missions
dominicaines en Amérique ; ce n'est qu'un essai, mais bien suffisant
pour exciter l'admiration en faveur de ces fils de l'Eglise catholique,
marchant derrière les conquérants pour corriger les excès de la
victoire, en apportant les lumières de la foi et en prêchant les règles
— 317 —
de la morale. Sans cesse les dominicains se sont montrés les in-
trépides défenseurs des Indiens contre la rapacité et la cruauté des
conquérants, auxquels la soif de l'or fit trop souvent perdre tous
sentiments de justice et d'humanité. Ils ne reculent devant aucune
démarche, aucun voyage en Espagne, à Rome, pour obtenir que les
Indiens soient traités comme des créatures de Dieu ; ils ne craignent
pas d'affronter la colère des cupides colons, et plusieurs sont victimes
de leur dévouement. Ils élèvent des hôpitaux, construisent des écoles,
impriment des ouvrages_, fondent des universités à Hispanola, Mexico,
Lima, Quito, Santiago ; partout ils sont à la suite des conquérants et
des explorateurs, l'Evangile et la Croix à la main, et, parmi eux,
nous voyons Pierre de Cordoue, l'immortel Barthélémy de Las Cases,
le bienheureux Martin de Porrez, Jérôme de Loaysa, Réginald de
Lizarraga, et nous les suivons à Saint-Domingue, au Mexique, au
Pérou, au Chili et à la Plata. Nous devons ajouter à ces noms celui
du P. Diego de Deza, professeur à l'Université de Salamanque, pré-
cepteur d'un des enfants de la famille royale, ami de Christophe
Colomb, qui contribua plus que tout autre à dissiper les préventions
du roi e ta lui faire patronner son entreprise.
— Par un décret du 7 juillet 1877, Pie IX a décerné à saint Fran-
çois de Sales le titre de docteur de l'Eglise : c'était le dix-neuvième
saint auquel un tel honneur était accordé. La ville de Lyon, à la-
quelle le nouveau docteur tenait par tant de liens, a été la première
à témoigner sa joie par des solennités religieuses, célébrées les 26-28
décembre. Un prêtre de Lyon a voulu s'associer à ces pieuses mani-
festatioi^s, et comme les justifier, en faisant imprimer dans cette
même ville, sous le voile de l'anonyme, un ouvrage destiné à faire
ressortir les titres de l'évêque de Genève au suprême doctorat. Nous
sommes obligé de constater que c'est une œuvre de circonstance,
rédigée à la hâte, point suffisamment mûrie, allourdie par de nom-
breuses digressions et n'apprenant rien de nouveau sur le saint.
Parmi ses autorités, l'auteur cite l'abbé Migne, faisant allusion sans
doute aux ouvrages qu'il a édités mais non écrits, et madame de
Menton [sic). Le contingent fourni par les sources nouvelles n'est
pas considérable ; il faut relever quelques rectifications aux travaux
des précédents biographes, et quelques lettres inédites. Parmi les
pièces justificatives, ou plutôt les documents, au nombre de 26, nous
mentionnerons un extrait du procès du doctorat et le texte du décret
du Saint-Siège : ce sera pour nous l'occasion de louer l'éditeur d'avoir
donné le tableau de toutes les pièces.
Malgré les critiques que nous venons de formuler, ce livre
aura une place utile. Ecrit avec facilité, se lisant avec plaisir, il
communiquera aux lecteurs l'admiration de l'auteur pour saint Fran-
-- :5I8 —
çois de Sales, et le désir de mettre en pratique les leçons que donne
sa vie. Il expliquera, en outre, comment celui qu'on a souvent appelé le
plus aimable des saints, mérite aussi d'être appelé docteur. Une pre-
mière partie est consacrée à saint François de Sales apôtre ; c'est la
plus intéressante par le récit, mais aussi la moins neuve : on trouve
dans toutes les biographies le détail des travaux de saint François
pour la conversion du Chablais ; la seconde considère saint François
comme docteur. Ses ouvrages sont classés sous quatre chefs : con-
troverse, ascétisme, dogme, polémique. Sous le premier titre, nous
trouvons une étude du livre de» Controverses et le récit des entre-
vues avec Bèze. L'ascétisme est représenté par l'Introduction à la vie
dévote^ le Traité de l'amour de Dieu et la direction où excellait l'évêque
de Genève, Comme dogmatiste, nous le voyons préparer les décisions
relatives aux dogme de l'Immaculée Conception et de l'Infaillibilité du
Pape, et l'expansion de la dévotion au Sacré-Cœur. Quant aux deux
chapitres sur le polémiste, ils servent de prétexte à de très-solides
et de très-justes observations sur les ravages faits par la presse im-
pie et la nécessité pour les catholiques de s'unir et lutter sous le
patronage du nouveau docteur de l'Église. Nous serions ingrats si
nous ne remerciions pas l'auteur d'avoir constaté les efforts faits en
ce sens par quelques-uns de ceux qui dirigent ce recueil.
— 11 n'est pas possible de séparer saint François de Sales de sa
Philotliée, dont il se proposait d'écrire lui-même la vie. Son projet n'a
pas été réalisé, et c'est M. Jules Vuy qui entreprend aujourd'hui
de le suppléer, et qui, après nous avoir montré que Philothée était
un personnage réel, nous donne la vie de M"^ de Charmoisy, avec la
promesse de publier un second volume composé de documents la
plupart inédits : on y trouvera certainement une partie de la cor-
respondance qui est entre ses mains, et qui a servi de base à son
travail. Nous avons ici une œuvre originale, un sujet neuf. On sa-
vait généralement que c'était à M™* de Charmoisy qu'avaient été
adressées ces instructions qui, soigneusement gardées et même,
paraît-il, mises en ordre par elle, sont devenues l'incomparable
Introduction à la vie dévote. C'était tout, et encore était-ce la part des
lettrés ; tandis qu'aujourd'hui nous apprenons que M™® de Char-
moisy appartenait à cette race de grandes et nobles chrétiennes qui
ont eu une si bonne influence sur la société du grand siècle, dont elles
étaient l'ornement, et qu'elle n'était point indigne des conseils que lui
donnait saint François de Sales; on retrouve le saint à chaque page,
et ce n'est pas un des moindres charmes de ce livre. Nous voyons là
un côté peu connu de sa vie, qui ne pouvait servir qu'à le faire aimer
davantage.
Une large place n'en est pas moins réservée à M. et M"' de
— 3)0 —
Charmoisy, dont tout le mérite n'est pas d'avoir été connus et aimés
du saint évêquede Genève. M. de Charmoisy nous introduit dans la
société de la Savoie, dans la petite cour du duc de Nemours, qui, pas
plus que les grandes, n'était exempte d'orages. Il en ressentit les
effets ; tombé en disgrâce, il fut iniquement arrêté. Il mourut jeune
encore, au moment où la faveur revenait à lui. M"'" de Char-
moisy appartenait à une famille de Normandie; c'est à la cour
de France qu'elle connut son mari, dont la famille était unie à
celle des Sales. Son rôle est plus modeste, mais non moins glorieux;
c'est l'épouse fidèle qui soutient son mari dans l'adversité et re-
nonce à tout pour lui ; c'est la mère dévouée, à laquelle rien
ne coûte quand il s'agit de ses enfants, et qui se donne tout en-
tière à leur éducation ; veuve, elle administre leurs bieus comme si
c'eût été sa vocation, elle les établit, et supporte avec une courageuse
résignation tous les chagrins que lui cause son fils aîné. Nous aimons
à voir, dans cet intérieur, une de ces bonnes et attachantes figures de
vieux et dévoués serviteurs ; nous nous plaisons aussi à signaler,pour
montrer que les choses en apparence insignifiantes ont bien souvent
leur importance, que c'est par le livre de comptes du fermier que nous
connaissons la date de la mort de ^I"* de Charmoisy. Dans sa société,
nous trouvons fréquemment le président Favre, qui se fait connaître
tout à son avantage ; M"* de Chantai, qui entretenait avec Philothée
une correspondance suivie, laquelle n'est peut-être point perdue et
serait fort intéressante à connaître. Si nous n'avions lu ce livre que
pour nous, nous ne nous serions sans doute pas aperçu de quelques
défauts quul est de notre devoir de signaler. Nous aurions voulu plus
d'ordre; M. Vuy s'égare quelquefois dans des citations inutiles, dans
des digressions oiseuses et des considérations qui allourdissent le ré-
cit : ainsi on a peine à se rendre compte de la mort de M. de Char-
moisy;puis est-ilbien nécessaire de prévenirqu'on estobligé d'abréger,
de passer rapidement? Le lecteur demande tout ce qui peut l'intéres-
ser; pour le reste, il ne s'en soucie guère.
— L'éditeur de VHistoire des capucines de Flandre est si modeste
qu'il s'en est fallu de peu qu'il ne demeurât ignoré. Cependant le nom
du Frère Apollinaire de Valence se trouve au bas d'une note qui ter-
mine la préface. Mais, pour faire la part de la critique, nous expri-
merons le regret quïl se soit contenté de nous renseigner sur le
manuscrit qu'il publie, en mettant sur la couverture : « écrit au dix-
huitième siècle, » et en reproduisant les quelques détails fournis par
l'auteur anonyme dans sa préface. L'éditeur y a ajouté des notes sur des
personnages cités dans ce premier volume et un travail assez considé-
rable sur l'établissement des capucins en Belgique et dans les provinces
du Nord. La religieuse à qui nous devons cette histoire a écrit en vue de
— 320 —
cette obéissance « qui est le caractère et la règle des âmes religieuses, »
assurée que « n'ayant point recherché ce commandement, elle serait
aidée du divin secours. » Cette humilité et cette simplicité prédis-
posent en sa faveur, et nous pourrions dire que c'était superflu, car ces
mêmes qualités se reproduisent dans son style. Ce volume donne la vie
de Françoise de Saint-Omer, dont le nom dans le monde était Taffin, et
qui établit le premier couvent de la réforme de l'ordre de Saint-François
àBourbourg; raconte sa naissance, son éducation, sa vie pieuse et les
nombreuses fondations qui suivirent, au dix-septième siècle, celles de
Bourbourg : Bergues, Saint-Omer, Aire, Liège, Lille, Courtrai, Douai
et Saint-Trond ; on peut ajouter à cette liste les couvents de Cologne,
de Paderborn et de Bonn^ qui s'unirent à ceux de la réforme. Aux
détails de ses travaux, est joint le tableau des vertus qui brillaient
en elle dans le cloître. Déjà elle avait édifié le monde avant de se con-
sacrer à Dieu. Elle avait été une épouse modèle, et Dieu la récompensa
en faisant de ses filles des auxiliaires dévouées. Dans ce récit, les faits
parlent d'eux-mêmes ; mais l'auteur édifie aussi par sa naïve candeur,
qui contraste avec le genre de son siècle.
— Gérard-Marie Majella, delilaré vénérable en 1847 par Pie IX, qui,
par un décret promulgué le 8 juin 1877, a proclamé l'héroïcité de ses
vertus, n'est guère connu en France. Nous devons savoir gré au Père
rédemptoriste qui vient de nous donner sa vie, toute remplie de surna-
turel, et écrite sur les documents les plus authentiques. Né dans le
royaume de Naples en 172G, mort en 1755^ entouré de la vénération
publique, Majella se rapproche, par plus d'un côté, de ces saints que
nous connaissons par les naïves légendes du moyen âge, de saint Fran-
çois d'Assise et même du curé d'Ars. Ses luttes avec le démon, ses
saintes extravagances, son zèle pour le salut des âmes, son dévoue-
ment au milieu des épidémies, sa charité sans bornes qui lui valut le nom
de père des pauvres, les faveurs célestes dont il fut honoré, les gué-
risons qu'il opéra^ les miracles dont il fut l'instrument sont une mani-
festation perpétuelle de la puissance divine, une louange incessante
en son honneur, et réveillent la confiance en Dieu en montrant com-
ment elle est récompensée. L'auteur n'a rien caché des merveilles
qui éclatent partout, et son œuvre est destinée, comme le dit Ms'' Mer-
millod, « à donner aux âmes une leçon et un exemple fortifiant. »
— Nous n'accorderons qu'une mention à la quatrième édition de la
vie du bienheureux Labre, par M. Aubineau. Cet ouvrage a déjà été
signalé plusieurs fois (t. X, p. 143; t. XIV, p. 103) par le Polybi-
blion. Nous n'avons qu'à nous applaudir d'un succès qui témoigne que
le goût des bonnes et saines lectures n'est pas perdu. Quelle vie
plus en opposition avec nos mœurs raffinées que celle de ce mendiant,
blessant notre délicatesse par le mépris que lui impose l'amour de
— 321 —
Dieu, pour son corps et pour tous ces soins dont nous serions tentés
de nous faire des devoirs d'obligation ! La bienvenue à cette nouvelle
édition, qui d'ailleurs ne nous paraît être que la reproduction de la
précédente.
— La courte notice de M. l'abbé Fleury sur un de ses prédéces-
seurs, M. l'abbé Joguet, vicaire de Chênes, est du plus émouvant
intérêt. Ce saint prêtre avait d'abord fui la persécution, avec son curé,
en allant demander asile à l'Italie. Mais, pris d'un ardent amour des
âmes, il demanda à son évêque la permission de venir reprendre les
charges de son ministère au milieu de tous les périls qui menaçaient
les prêtres fidèles. Sa présence, révélée par un dénonciateur avide de
recevoir la prime promise par le gouvernement, amena son arrestation.
Les agents révolutionnaires vont commettre un sacrilège en profa-
nant les hosties consacrées; Use jette à leurs pieds pour leur demander
d'éviter un si grand crime. « Chacun a ses opinions, répond le chef de
la bande ; laissons-lui ce qu'il demande. » Et il put consommer les
saintes espèces qui lui servirent de viatique. Traduit devant le conseil
de guerre, il ne voulut pas se sauver par un mensonge, et mourut
fusillé. Son corps fut retrouvé intact au bout de dix-sept ans, pré-
servé de la corruption par une grâce particulière de Dieu : il a été
transféré solennellement dans l'église de Cluses en 1857. Tous ces faits
sont rapportés d'après la narration d'un ami, et tirés en grande partie
d'un mémoire présenté par l'auteur à la Société florimontane d'Annecy
sur l'histoire du diocèse de Genève durant la période révolutionnaire,
de 1792 à 1800 : nous attendons avec impatience la publication de ce
mémoire.
— En parlant aujourd'hui de VHistoîrc de Madame Barat, nous
n'avons plus qu'à constater le mérite et l'intérêt de cet ouvrage,
dont l'étendue et le caractère sérieux n'ont pas été, par excep-
tion, un obstacle à une prompte et large diffusion. Il a rapide-
ment atteint sa troisième édition; ce succès ne nous étonne pas : l'au-
teur le méritait, et le sujet plus encore. Il nous donne le portrait
d'une belle âme et d'un grand caractère : il fournit une page pleine d'in-
térêt à l'histoire de notre temps et traite, par son côté pratique, un des
sujets actuels, objet de nos plus vives et légitimes préoccupations:
l'éducation et l'instruction religieuse de la jeunesse. Nous venons
trop tard pour avoir à donner utilement un'apercu de la vie féconde et
active de la fondatrice de la Société du Sacré-Cœur de Jésus, qui
occupe aujourd'hui un rang si élevé parmi les congrégations vouées à
l'enseignement, pour raconter ses incessantes pérégrinations en France
et en Italie pour établir des maisons nouvelles, nous arrêter à l'étude
des constitutions, apprécier le bien qu'elle a produit, faire revivre
tous les personnages qui l'ont secondée dans ses œuvres et dont nous
Octobre 1878. T. XXIII, 21,
322
ne citerons qu'un seul^ le P. Varin. Nous craindrions, en insistant, de
nous attirer de la part de nos lecteurs le reproche de parler de choses
qu'ils connaissent déjà et mieux que nous.
— Aussi ne chercherons-nous pas de transition pour passer à l'i/is-
toi7'e de Madame Duchesne, parue cette année, et qui n'est dans l'esprit
de l'auteur, que « le complément de celle de M™^ Barat. » Ce que
celle-ci fait en Europe, l'autre Ta réalisé en Amérique ; elle est morte
laissant comme semence dans le Nouveau Monde trente et un établis-
sements, mille deux cents religieuses, trois mille pensionnaires et
quatre mille cinq cents enfants dans les écoles gratuites. Déjà nous
avions fait connaissance avec M"'^Duchesne dans la vie de M™^ Barat;
c'est avec elle qu'elle fonda la seconde maison à Grenoble ; c'est d'elle
que le P. Varin écrivait : « Vous trouverez là des compagnes qui vous
seconderont, mais une surtout ! N'y eùt-il que celle-là, il faudrait
aller la chercher au bout du monde, »
Née en 1769, morte en 1852, Philippine Duchesne tenait de près à
deux familles qui ont marqué, par quelques-uns de leurs membres du
moins, d'une façon toute différente. Sa mère était une Périer, sa
grand'mère une Enfantin. Chrétiennement élevée dans sa famille et chez
les visitandines de Sainte-Marie d'en-Haut, elle se sentit, dès l'âge de
huit ans, un attrait pour les missions auquel elle ne put céder que
beaucoup plus tard. Sortie du couvent a cause de la Révolution,
en 1791, elle s'occupa pendant cette douloureuse époque de
procurer des secours aux confesseurs de la foi, et d'instruire les
pauvres. Elle racheta Saint-Marie d'en-Haut, avec l'intention d'y rap-
peler ses anciennes maîtresses, sans prévoir qu'elle avait préparé
un asile à la société naissante dont elle devait être une des plus
fécondes ouvrières. Dans un voyage à Paris, elle fut mise en relations
avec M^'' Dubourg, évêque de la Louisiane. Il fut question d'une
fondation en Amérique; promesse fut donnée, et, en 1818, M™'
Duchesne s'embarquait pour l'accomplir. On connaît son succès; on
lira avec le plus vif intérêt les travaux et les sacrifices qu'il coûta. Ce
n'était point assez pour l'ardeur de son zèle : elle voulait évangéliser les
sauvages ; pendant un an, elle vécut au milieu des Potowatomies, les
prêchant par ses exemples et par ses prières. Nous retrouvons ici bien
des personnages que nous avions déjà rencontrés avec M™" Barat; mais
M. Baunard sait les présenter de façon à ce que le lecteur soit charmé
de les revoir ; il j a une variété de situations, d'œuvres, de travaux,
de caractères et de milieux qui préservent de la monotonie. Nous repro-
cherions volontiers à l'auteur un peu de recherche et d'apprêt, et nous
croyons que les faits parlent assez d'eux-même pour rendre superflues
beaucoup de citations, de textes et de considérations dont le lecteur
pourrait se fatiguer. Une carte aurait été utilement placée dans ce vo-
- 323 - V
lume, où l'on regrette de ne pas trouver le portrait de M""' Duchesne.
— Singulier nom pour un martyr de la foi que celui de Néron ! Le
missionnaire dontM. l'abbé Chère raconte la vie avait été son condis-
ciple au petit séminaire de Vaux, dans le diocèse de Saint-Claude.
Né en 1818, dans les rangs les plus infimes de la société, il n'entr.i
qu'à dix-neuf ans au séminaire pour faire ses études littéraires. Le
travail est divisé en quatre parties : la vocation, la préparation,
(les études et le séjour au presbytère, au petit et au grand séminaires
et au séminaire des Missions étrangères) ; la vie apostolique (les
voyages et les travaux des missionnaires au Tonkin) ; la consomma-
tion par le martyr (relation émouvante rédigée par M^'' Theurel,
coadjuteur de M.^' Retord, sur le récit du diacre Nhat, témoin ocu-
laire). 11 serait difficile d'analyser cette vie ; mais nous aimons à in-
diquer, en-dehors de l'étude du saint prêtre, des détails très-intéres-
sants sur le séminaire des Missions étrangères, sur la religion dans
l'empire d'Annam, et sur les missions du Tonkin. La correspondance
de M. Néron sera aussi un des souvenirs que l'on gardera de ce livre.
Sur la terre qu'il arrosa de ses sueurs en attendant qu'il l'arrose de son
sang, il n'oublie point sa patrie et sa famille. On y trouve sans cesse
cette pensée qu'il exprima ainsi une fois à ses parents : « Mettez-moi
tous les petits détails de famille ; rien ne m'intéresse et ne me fait
plaisir autant que ces détails. Tout ce qui a rapport au pays est poui-
moi comme un mets délicieux. — Se figurent-ils donc, écrit-il une autre
fois, que parce que j'ai quitté le pays pour venir chercher les âmes
dans ces contrées lointaines, je suis insensible à tout ce qui part d'un
cœur humain, d'un cœur de compatriote et d'ami? »
—•Pierre Aumaître, qui fut martyr en Corée, était né à Aizecy, dans
le département de la Charente, de parents pauvres et bons chrétiens.
Il entra au séminaire île Richement, et commença au grand séminaire
d'Angoulême ses études théologiques, qu'il vint terminer à Paris au sé-
minaire des Missions étrangères. 11 cédait à l'attrait d'une vocation
qu'il avait ressentie dès son bas âge, et dont sa mère avait eu comme
une révélation avant sa naissance. Ordonné prêtre en juin 18(32,11 s'em-
barqua en août, à Marseille, pour la Corée. Au milieu de la persécution
qui sévit en 1866 contre les chrétiens, Pierre Aumaitre fut décapité, le
30 mars, avec M^"" Daveluy, M^' Berneux et cinq autres missionnaires.
C'est cette courte existence, terminée par une mort cruelle et sublime,
qu'a racontée M. Léandre Poitou, curé-doyen de la Rochefoucauld
et membre de la Société archéologique de la Charente. Condisciple
et ami de Pierre Aumaître au petit et au grand séminaires, il était
mieux placé que personne pour faire connaître le jeune missionnaire.
Il a recueilli la correspondance de son ami avec ses parents, ses
condisciples, M'^" de Saluces, M"^ Dexier de Chenon. Il transcrit
un grand nombre de ses lettres. Quelle foi ! quelle ardeur ! Comment
ce paysan charentais a-t-il pu aspirer ainsi au martyre? où a-t-il
puisé cette soif de souffrances, cet amour du Christ, et cette élévation
de pensées? Il faut lire ces pages, dont quelques-unes sont vraiment re-
marquables. M. Poitou a bien fait de les iftsérer dans le récit. Elles
sont un des attraits de son livre. On trouvera aussi dans ce volume
des détails intéressants sur la Corée, ses mœurs, ses habitants, et aussi
une description émouvante des supplices du martyre. Tout cela est écrit
avec beaucoup de simplicité et de charme. Ce sont les faits qui louent.
M. Poitou s'est contenté de laisser parler et agir son héros. Il a fait
ainsi un livre excellent.
— M. Philibert Simon est aussi un missionnaire ; celui-là n'a pas
eu le bonheur d'obtenir la couronne du martyre, mais a eu du moins
l'honneur de mourir au service de Dieu, enlevé par la fièvre chaude, à
l'âge de trente-deux ans, dans le pays qu'il évangélisait. Ami de
M. Simon, Poitevin comme lui, M. l'abbé Briand connaissait bien son
héros. Il s'applique à nous le faire connaître plus encore que ses œuvres,
peu nombreuses naturellement, puisqu'il est mort si jeune. L'auteur a
un style noble, élégant et vif; son admiration pour son saint ami lui
communique de la chaleur, et il a trouvé une précieuse ressource, pour
colorer et animer le récit, dans la correspondance du missionnaire.
M. Simon avait l'âme aussi poétique que le cœur généreux ; son esprit
fin brillait dans ses lettres, à côté de ses sentiments délicats et de la
sublimité de ses aspirations, avec un laisser-aller et un abandon qui
rendent la lecture de cette correspondance pleine de charmes. Sa pre-
mière conquête est celle d'un vieillard : « Un premier-né de soixante-
quinze ans, » écrit-il, « ne trouvez-vous pas que c'est un joli début? »
Quand il apprend qu'il est envoyé en Mandchourie : c( M^"" Berneux a
évangélisé, dit-on, la Mandchourie avant d'aller cueillir en Corée la
palme du martyre : Jésus pourrait bien me réserver la même faveur î n
Il entre dans d'intéressants détails sur les lieux, sur les personnes, sur
les usages. A ce point de vue, sa vie peut être considérée comme un
piquant et curieux récit de voyage en Mandchourie ; son biographe l'a
complétée sur plusieurs points, en recourant au livre de M. l'abbé Du-
rand sur les missions catholiques. Nous voyons apparaître des figures
attachantes, comme celles des carmélites 'de Poitiers — parmi les-
quelles Xavérine de Maistre, la Mère Marie-Thérèse de Jésus, sœur du
brave général de Sonis. Avec quel intérêt M. Simon, suit de loin toutes
les périodes de la guerre, pensant à son pays, à son frère qui porte les
armes et va trouver la mort sur le champ de bataille, à sa bonne mère
qui meurt seule, mais avec une foi digne de lui. Bien des pages font
couler les larmes et toutes produisent une douce émotion qui ré-
chauffe et fortifie le cœur.
— :32:j —
— Si modeste pour ses membres vivants, la communauté de Saint-
Sulpice ne craint pas de présenter au public ceux de ses prêtres
défunts dont la vie peut servir à l'édification des fidèles. Après les
biographies récentes de M. MoUevaut, de M. Faillon et de M. Hamon,
voici celle d'un jeune prêtre, portant un nom bien connu dans le
monde scientifique, écrite par un ami sans doute, peut-être un con-
disciple qui n'aura pas voulu laisser ignorés les trésors qu'il avait pu
découvrir dans cette âme d'élite. Nous n'avons pas ici un récit com-
plet : dans cette vie d'à peine trente ans, les faits sont peu nombreux;
l'étude de l'âme occupe la plus grande place. M. Léon Hubert-
Valleroux, fils du docteur de ce nom, se livra d'abord à l'étude de
la médecine, concourut pour l'internat, brigua et obtint le grade
de docteur, bien que depuis longtemps il entendît la voix secrète qui
l'appelait au sacerdoce. Mais il attendait avec confiance le moment de
répondre à l'appel divin, travaillant comme un homme qui remplit un
devoir, édifiant ses camarades d'étude, dont il était aussi aimé que res-
pecté, et apportant la gaîté et la joie au sein de sa famille. Il gardait pour
lui le secret de sa vocation qui surprit tout le monde, et pratiquait déjà
la mortification à un degré qui provoque l'admiration malgré tout ce
qu'on peut y trouver d'excessif. C'est un point que l'auteur étudie en
directeur et en théologien, et sur lequel nous appelons l'attention. Nous
ne pouvons raconter la vie du saint jeune homme au séminaire, mettre
en relief toutes les vertus qu'il pratiqua, les qualités par lesquelles il se
distingua, ni relever les pages remarquables dues à son ami anonyme.
Nous nous bornons à transcrire les titres des chapitres : le Séminaire
d'Issy, le Séminaire de Saint-Sidpice, la Solitude, le Séminaire à Dijon,
où il fut trois mois comme directeur, Dernier hiver à Paris^ Dernière
maladie à Bellevue. Nous no pouvons mieux prendre congé de nos
lecteurs qu'avec cette touchante biographie, qui contient de si pré-
cieux enseignements. Victor Moryat.
THÉOLOGIE
CJommentarîus in Evangelium S. «Joannis, quem in usum pro-
lectionum scripsit, P. Josephus Corluy, S. J., in coUegio theologico Socia-
tatis Jesu Lovaniensi, Sacrae Scripturee professer. Gandavi, excudebat
C. Poelman, 1878, in-8 de 457 p.
Ce commentaire, un des plus remarquables^ sans contredit, qui ait
paru de nos jours, est l'œuvre d'un savant professeur de Louvain, le
P. Corluy. Le dessein de l'auteur a été de déterminer le sens littéral
de saint Jean. Quelques mots précis et lumineux luisufiisent habituel-
lement pour expliquer la parole sainte, marquer l'ordre des faits et la
suite des idées. Il n'en est pas de même des passages difficiles et con-
— 32r. —
troversés : le P. Corluy fait de chacun d'eux une étude approfondie,
expose les opinions des exégètes, et prononce entre eux avec une
sûreté de jugement qui ne se dément jamais. Quand nulle interpréta-
tion ne le satisfait, il le déclare avec la loyauté qui est le propre des
vrais savants, et laisse à d'autres le soin déporter dans le texte sacré
une lumière définitive. On sent le prix d'une pareille méthode, et com-
ment le lecteur, rapidement guidé dans les parties du récit qui s'en-
tendent d'elles-mêmes, s'arrête volontiers aux endroits difficiles, et,
les trouvant mis en relief, apporte une attention plus soutenue à les
comprendre.
Si concise que soit l'interprétation du P. Corluy, elle n'échappe
pas au désavantage de tout commentaire, à savoir que l'esprit, ap-
pliqué aux détails, perd bientôt de vue l'euscmble. Pour parer à cet
inconvénient, l'habile professeur fait suivre chaque chapitre d'une
paraphrase, où le lecteur retrouve, avec la suite des faits, les solutions
données aux principales difficultés. Par une innovation non moins
heureuse, il résume, dans des scolies dogmatiques, les nombreuses
conclusions que la théologie a tirées de l'évangile de saint Jean. Rien
ne fait mieux voir que toute la substance du dogme se trouve comme
ramassée dans ces pages saintes, et qu'il y a là, selon la parole de
Bossuet, des profondeurs à faire trembler.
Nous ne pouvons nous étendre sur chacune des dissertations insé-
rées dans ce commentaire : plusieurs d'entre elles, publiées dans les
Études relir/icusps, sont connues déjà et justement appréciées. Nous
nous contenterons de distinguer enlre toutes la savante discussion où
le P. Corluy établit que la pécheresse de saint Luc (vu, 37), Made-
leine, et Marie, sœur de Lazare, ne sont qu'une même femme. On sait
avec quel dédain les critiques du dix-septième siècle rejetèrent cette
tradition ; leur opinion prit une telle autorité que les bréviaires galli-
cans modifièrent la légende du bréviaire romain. L'antique senti-
ment de rÉglise, cependant, garda toujours d'illustres défenseurs
(Baronius, les BoUandistes, Maldonat, Lightfoot, et, de nos jours,
Schegg, Sepp, Pusey, Farrar, dans sa belle Vie de Jésus). Le P.
Corluy résume et complète les travaux de ses devanciers. C'est avec
bonheur que nous voyons la science la plus exacte rendre à la piété
et à l'art chrétien, l'unique Madeleine dont tant de chefs-d'œuvre ont
immortalisé la touchante histoire.
Le seul regret que nous nous permettrons d'exprimer, c'est que le
savant commentateur ait peut-être trop sacrifié au désir d'être
concis. Une étude, dans les prolégomènes, sur le style de saint Jean,
une comparciison entre sa manière de narrer et celle des synoptiques,
quelques détails archéologiques sur la fête des Tabernacles et de la
Dédicace, une peinture rapide des lieux que parcourut le Sau-
— 327 —
veur ajouteraient certainement à l'intérêt déjà si vif de ce commen-
taire .
Tel qu'il est, du reste, l'ouvrage nous semble bien près de sa perfec-
tion, et nous ne pouvons trop le recommander aux facultés de théo-
logie et aux séminaires. Il ne sera pas moins utile à tous les esprits
sérieux qui aiment à méditer les paroles de la vie éternelle. Les
nombreux lecteurs qu'effraj. nt les in-folio de Maldonat, de Jansénius,
de Cornélius, trouveront, dans le P. Corluy, la science profonde de
ces interprètes, dégagée de toute longueur et présentée sous une
forme vive et élégante.
Il ne nous reste qu'un vœu à exprimer, c'est que le savant jésuite
joigne au commentaire de saint Jean celui des trois synoptiques,
et achève ainsi l'œuvre qu'il a si heureusement entreprise.
C. FOUARD.
Oer hl. Cyprîan. Sei7i Lehen xind seine Lehre (Sahit Cyprien, sa vie et ses
travaux). Dargestellt von Lie. Behnhard Ffxhtrup. Pocent an der Aca-
démie zur Mûnsler. I. Cypriam Lehen. Munster, Theissing, 1878, in-8 de
VIII et 264 p.
Les études patrologiques attirent de plus en plus les savants catho-
liques, et l'on ne saurait trop s'en applaudir, car rien n'est plus propre
à nous faire connaître et à nous faire aimer le christianisme que de le
considérer à sa source et dans ses origines. Saint Cyprien en particu-
lier exerce, sur qui le connaît, un attrait irrésistible. Quels enseigne-
ments dans la vie de ce païen converti à la vraie religion par la pu-
reté de sa morale et la beauté de sa doctrine, écrivant, sur le siège
épiscopal de Carthage, de si admirables pages et scellant sa foi par
son sangl M. Fechtrup a très-bien raconté cette vie dans le premier
volume de son Saint Cyprien, en attendant qu'il étudie ses écrits dans
un second, et en fasse connaître l'importance dogmatique. Cette divi-
sion de son travail ne sera peut être pas du goût de tous les lecteurs.
Quelques-uns trouveront sans doute qu'il eût été plus naturel de ne
pas séparer dans l'exposition ce qui avait été uni dans la réalité, et
qu'il eût mieux valu, par conséquent, étudier les écrits du saint doc-
teur au fur et à mesure de leur publication, àleurdate chronologique.
Cependant le plan adopté par l'auteur, quoiqu'il paraisse en soi
moins logique, est préférable au point de vue scientifique. Quoi qu'il
en soit, le volume que nous avons sous les yeux est très intéressant et
la lecture en est édifiante en même temps qu'instructive. La narration
est simple, sobre, claire; la critique sage et modérée. M. Fechtrup
rejette, cela va sans dire, l'opinion de Tizzani, qui a nié la réalité de
la célèbre contestation entre le pape saint Etienne et l'évêque de
Carthage, et il reconnaît l'erreur de saint Cyprien en cette circons-
— 328 —
tance, tout en en expliquant les causes. Puisse l'érudit professeurde l'A-
cadémie de Munster nous donner bientôt la seconde partie de son
travail! G. K.
lue Sacerdoce, conférences prêchées à VOraloire, par Mgi" Isoard, audi-
teur de Rote pour la France. Paris, Victor Palmé, 1878, 2 vol. in-12 de
479 etoOl p. — Prix :7 fr.
Mgr Isoard a réuni, dans ces deux volumes, les conférences qu'il a
prêchées à Paris durant trois années consécutives. Ces conférences
s'adressent surtout aux laïques; c'est à eux que l'éminent orateur a
voulu faire connaître les divers ordres qui composent la hiérarchie
catholique, les fonctions, les droits, les devoirs de ces ordres, les
relations que tout chrétien sérieux doit avoir avec ceux qui, à quel-
que titre que ce soit, font partie du clergé. Nul ne transige moins avec
la loi, nul n'accepte moins les relâchements et les adoucissements, les
compromis et les dissimulations. L'auteur établit fortement et répète
presqu'à chaque page le principe fondamental que le prêtre est l'in-
termédiaire institué par Jésus-Christ entre Dieu et les hommes ; il
veut que le prêtre agisse toujours comme le demande une telle di-
gnité ; il entend bien que les chrétiens se souviennent sans cesse de
cette dignité et aident le prêtre à la montrer dans un éclat divin. Le
lecteur trouvera peut-être que telle remarque de détail est quelque
peu sévère, que telle condamnation l'atteint directement et frappe
bien fort l'humaine faiblesse ; mais il ne fermera pas le livre sans
avoir une très-grande idée du sacerdoce catholique et des actes que
le prêtre doit accomplir parmi les fidèles. Le style est incisif, admi-
rable d'entrain et de vie : rien ne ressemble moins à ce que l'on ap-
pelle un sermon que ces conférences animées, dans lesquelles l'orateur
présente une suite de tableaux, montre à l'œuvre, avec leurs défauts,
les chrétiens de tout rang et de tout âge, et leur rappelle impitoya-
blement la loi et la pratique des siècles de foi. E. Pousset.
j%.veeta, livre sacré des sectateur» de Zoroastre, iraduii
du texte zend, par E. de H.\rlez. Tome III. Paris, Maisonneuve; Liège, Grand-
mont-Donders, 1877, iu-i de vi et 137 p. — Prix : '6 fr.
M. de Harlez a mené à bonne fin la difficile entreprise de la traduc-
tion de l'Avesta. Avec ce troisième volume se terminent l'Avesta et
tout ce qui nous est resté des monuments de la littérature zende . Il
contient les onze derniers Yeshts, diverses prières du rituel mazdéen,
afrîns, nyâyishs, gahs, sîrozah, et divers fragments. On y trouve,
entre autres, la Vistaçp Yesht, dont personne jusqu'ici n'avait osé en-
treprendre la traduction.
— 320 —
Le volume, après quelques mots de préface, s'ouvre par des notions
sur les antiquités éraniennes, notions nécessaires pour l'intelligence
des Yeshts. Comme dans les deux volumes précédents, des notes
courantes, au bas des pages, expliquent le texte ou les difficultés de
détail et justifient, en certains cas, le sens adopté par le traducteur.
L'ouvrage doit être complété par des tables, rédigées par M. le doc-
teur Charles Michel; elles n'ont pas encore paru.
En terminant cette œuvre si laborieuse et si difficile de la traduc-
tion d'un livre rempli d'allusions obscures, écrit dans un courant
d'idées tout à fait différentes des nôtres et en une langue bien peu
connue, M. de Harlez pourrait bien dire : Exegi monumentum. Toute
l'Europe savante a été unanime à reconnaître le mérite et la valeur
de son travail, pris dans son ensemble. A une époque où l'étude com-
parée des religions tend à se faire une place de plus en plus large, on
ne saurait trop remercier le savant professeur de Louvain d'avoir mis
à la portée de tous le livre sacré de Zoroastre, traduit, non pas d'a-
près les faux principes d'une critique aventureuse qui met ses propres
pensées dans les œuvres des temps primitifs, mais d'après la méthode
exacte et irréprochable d'P^ugène Burnouf et de Spiegel. Tous ceux
qui voudront s'occuper désormais parmi nous du zoroastrisme ne de-
vront plus se fier à la version trop imparfaite de l'Avesta par Anquetil-
Duperron, et, s'ils peuvent consulter encore celle de Spiegel, ils
devront du moins prendre, pour base fondamentale de leurs études,
celle de M. le chanoine de Harlez. J. K.
l<a Oogmatîque, par le Dr M. J. Scheeben, professeur au séminaire ar-
chiépiscopal de Cologne. T. I". Paris, Victor Palmé ; Bruxelles, Lebroc-
quy, 1877, in«8 de 728 p. — Prix : 7 fi". bO, et 6 fr. pour les sous-
cripteurs aux 25 volumes. (Bibliothèque théologique du dix-neuvième siècle,
rédigée par les principaux docteurs des universités catholiques. Tome II.
Traduction de l'abbé P. Belet.)
M. le docteur Scheeben, professeur au grand séminaire de Cologne,
a commencé à publier, en 1873, dans la Bibliothèque théologique édi-
tée par M. Herder, à Fribourg-en-Brisgau, une théologie dogmatique
fort remarquable. La librairie catholique de M. Palmé qui, comme le
Polybiblion a eu déjà l'occasion de l'annoncer, a entrepris de nous
donner la traduction de cette Bibliothèque théologique, vient de
mettre en vente le premier volume de l'œuvre de M. Scheeben. Il
contient le livre premier, qui expose la Théorie de la connaissance théo-
logique. Le premier volume de l'édition allemande contient en plus le
livre second, mais il est d'une grosseur démesurée, et les éditeurs
français ont été bien inspirés en le divisant.
Le livre premier est partagé en deux parties : Principes objectifs
— 330 —
de la connaissance théologique, et la connaissance théologique consi-
dérée en elle-même. L'auteur étudie successivement la révélation,
l'Écriture sainte, la tradition et l'autorité enseignante de l'Eglise
dans la première partie. Après avoir ainsi exposé les principes de la
science théologique, il s'occupe, dans la seconde partie, de la foi con-
sidérr'c sous tous ses divers aspects.
Ce premier volume se termine par une histoire abrégée de la théo-
logie, qui n'est pas la partie la moins importante de ce travail : elle
mérite d'être tout spécialement recommandée aux théologiens. C'est
une œuvre neuve et presque sans antécédents, qui est le fruit de re-
cherches personnelles (p. 648). Elle s'étend depuis l'origine du chris-
tianisme jusqu'à nos jours (p. 648-720).
Du reste, toute cette théologie dogmatique est une production
digne des plus grands éloges. Elle n'est point, comme un grand nom-
bre d'autres ouvrages de ce genre, une compilation plus ou moins
heureuse des manuels antérieurs, c'est une exposition nouvelle de la
doctrine catholique qui joint au mérite de la sûreté de la doctrine et
de la solidité des preuves, celui d'une grande érudition et de la réfu-
taiiou péremptoire des erreurs contemporaines. M. Scheeben est fa-
miliarisé avec les écrits des théologiens de tous les siècles, et l'on
trouve dans sa Dogmatique des passages importants de leurs œuvres
qui, jusqu'ici, étaient demeurés à peu près inconnus. Nous ne possé-
dons pas en France de iheologie composée sur ce plan. On ne saurait
donc trop en recommander la lecture ou plutôt l'étude parmi nous. La
manière de penser et d'exposer de l'auteur n'est pas, il est vrai, tout à
fait confirme à nos habitudes, mais il est facile de s'accoutumer à sa
méthode et à ses procédés, et l'on sera, en peu de temps, amplement
dédommagé de la peine qu'on aura prise d'ahord pour le comprendre.
L. M.
JURISPRUDENCE.
Essai historique et critique sur I» Iégîsl»tioa des sociétés
commerciales en France et à l'étranger, parC. I.escœor,
doctfur en dr.ùt, professeur à l'Université catholique de Paris. Mémoire
couronné par la faruUé de droit de Paris. (Concours de 1873-74. Médaille
d'or.) I*aris, Mirescq, 1878, in-8 de 3oO p. — Prix : 6 fr.
On ne peut reprocher aux universités catholiques d'avoir un
personnel enseignant au-dessous de la tâche qui leur est im-
posée. En tous cas, il serait mal venu à l'université de l'État de
formuler cette critique, car c'est devant elle que les docteurs pouvant
enseigner ont jusqu'ici pu prendre leurs grades; plusieurs ont
même reçu si\s suffrages. Dans un concours ouvert devant la faculté
— 33f —
de FEtat à Paris, on proclamait, en 1874, le lauréat qui avait la
première médaille d'or : c'était l'auteur du présent mémoire sur la
législation des sociétés commerciales en France et à l'étranger.
Depuis M. Lescœur occupe une chaire à la faculté catholique.
Au point de vue juridique, la valeur de l'ouvrage est surabondamment
attestée par les juges du concours qui lui ont conféré la distinction
qu'il a obtenuf^. C'est, disent les rapporteurs, <( une œuvre de très-
grand mérite, une œuvre tout à fait hors ligne. » Il est donc inutile
de revenir sur ce point qui serait plutôt affaibli partout ce que nous
pourrions dire. Nous devons seulement faire connaître l'ensemble de
l'ouvrage et les matières qui y sont développées.
Le but indiqué par le programme était d'exposer les réformes
opérées dans la législation des sociétés commerciales depuis le Code
de commerce de 1807, et d'en apprécier les résultats. Les soixante-dix
ans qui se sont écoulés depuis lors ont laissé peu de chose de la loi
de cette époque.
Pour bien asseoir le terrain, il était nécessaire de constater d'abord
l'état des mœurs et des habitudes commerciales à l'époque du premier
Empire. On a d'ailleurs alors moins innové en beaucoup de choses qu'on
ne le suppose, et le tableau de la législation antérieure n'est pas inutile
à ce point de vue. C'est donc l'objet d'un chapitre plein de détails. Mais,
depuis, les progrès industriels ont modifié les conditions économiques
et, par conséquent, nécessité bien des changements dans les habitudes
et les usages commerciaux. Peu d^^ sujets sont, en eff'et, aussi sensibles
que celui dont il s'agit aux besoins et aux nécessités des aff'aires-
Les temps modernes en sont une preuve, et les époques qui ont suivi la
confection du Code de commerce, jusqu'à nos jours, témoignent des
oscillations, en sens souvent divers, d'une législation dont les idéSs
courantes réclament la révision.
On n'attend pas de ce compte rendu qu'il les expose, ou même les
résume. Il suffira de dire qu'àmesure"que les réformes s'opèrent, l'au-
teur les suit et les commente. Il en fait l'historique et la critique
judicieuse en même temps, montrant impartialement à quelle nécessité
on a voulu répondre, quels avantages on pensait retirer, comme aussi
quels inconvénients ont pu se présenter et se présentent encore
aujourd'hui dans l'état actuel de la législation.
Chemin faisant, une excursion est faite à l'étranger, en Angle-
terre, en Allemagne, dans d'autres pajs encore, pour faire connaître
les lois qui régissent la même matière. Ici les détails sont moins
nombreux; c'est moin^ une discussion qu'un résumé sobre et concis.
Enfin l'ouvrage se termine, en manière de conclusion, par un chapitre
consacré à la législation française à l'époque actuelle. M. Lescœur
en expose l'état un peu précaiie; il prédit des modifications nouvelles.
— 332 —
qui, depuis la composition de son mémoire, ont déjà reçu un commen-
cement d'exécution. G. S.
SCIENCES ET ARTS
Histoire des philosophes et des tiiéologiens musulmans,
par Gustave Dugat. Paris, Maisonneuve, 1878, ia-8 de 38o p. — Prix : 7 fr. oO.
Dans une introduction, pleine d'aperçus intéressants, M. G. Dugat
annonce qu'après le concours de 1874, demeuré sans résultat, il s'est
décidé à publier en volume le Mémoire qui contient le fruit de ses
recherches sur les questions posées par l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, et dont voici le texte :
« I. Faire l'histoire de la lutte entre les écoles philosophiques et
les écoles théologiques sous les Abassides ; montrer cette lutte com-
mençant dès les premiers temps de l'islamisme avec les motazélites,
se continuant entre les acharites et les philosophes, et se terminant
par la victoire complète de la théologie musulmane. — II. Exposer
les méthodes dont se servaient les deux écoles, et la manière dont les
théologiens ont emprunté les procédés de leurs adversaires. — III.
Montrer l'influence que le soufisme a exercée à plusieurs reprises sur
ces luttes. — IV. Mettre en lumière les circonstances principales qui
ont pu contribuer à la ruine de la philosophie dans le khalifat d'O-
rient. »
Si l'on ne veut pas voir clairement, dans ce programme,, l'histoire
de la pensée arabe depuis ses débuts, il faut au moins comprendre
que TAcadémie désirait l'exposé des luttes qui, sous les Abassides,
ont été livrées aux stationnaires par les hommes de progrès,
en d'autres termes le développement des efforts de l'esprit d'amé-
lioration et de perfectionnement contre le rigorisme de l'ortho-
doxie. Et d'abord, il serait plus juste de dire pensée musulmane, cav,
à l'exception de quelques philosophes, tels que El-Kendi, la plupart,
à cette époque, étaient d'origine persane, turque ou espagnole. El-
Farabi était Syrien, et Ibn-Sinâ (Avicenne) naquit près de Bokhara.
D'un autre côté, on sait que tout ce que l'Orient sémitique eut de
philosophie, il le tenait de la Grèce.
Voilà donc le sujet que M. G. Dugat avait à traiter. A-t-il adopté
la méthode naturelle tracée par le programme ? Son érudition, dontlo
fonds est aussi riche que varié, lui a-t-elle fourni les éléments néces-
saires pour un développement logique où il soit facile de suivre les
différentes phases de cette tentative de réforme qui passionna un
monde où la pensée était le plus comprimée ? Enfin, le livre que
nous avons sous les yeux contient- il la réponse aux questions posées
par l'Académie? M. G. Dugat déclare, avec une réserve qui lui fait
— 333 —
honneur, que, s'il a publié son ébauche, c'est parce qu'il attache un
grand prix à la décision future du problème ; il espère cependant que,
malgré ses imperfections, son travail attirera l'attention des jeunes
orientalistes (pourquoi plutôt les jeunes ?j sur ces sujets difficiles. Nos
études sur la philosophie et la théologie des musulmans ne lui parais-
sent pas assez avancées pour permettre de présenter une solution sa-
tisfaisante. A cela nous nous hâtons de répondre qu'il est douteux
que les bibliothèques de l'Asie et de lAfrique nous réservent de
grandes surprises, tant la dévotion mahométane a mis de zèle à
anéantir les ouvrages propres à la scandaliser. Il n'y a plus rien à
apprendre de ce côté, dût la ville de Fez offrir à nos investigations les
mystérieuses richesses de ses manuscrits. Pourquoi alors ouvrir de-
A-ant nos yeux de pareilles perspectives, en disant, au sujet des livres
d'Ibn-Sinâ, qu'en-dehors de ceux que nous avons lus, d'autres se trou-
vent dispersés un peu partout en Europe et en Orient (p. 205) ?
Si l'on prend la peine de remonter à l'origine des controverses qui
ont bouleversé la société constituée par le prophète Mahomet, on
reconnaîtra que la première impulsion émane des motazélites, gens
d'affaires et de travail, auxquels il fallait des horizons plus larges.
Ils avaient étudié les traités grecs, et c'est là qu'ils avaient puisé
leur doctrine négative des attributs de Dieu, Ce fut l'un d'eux, El-
Mozdar ou El-Mozar, qui osa établir le dogme de la création du
Koran, premier brandon de discorde. Au sein de leurs sectes nom-
breuses, brillaient des hommes aux conceptions hardies, tels queWâcil,
El-Allaf, Bichr, En-Radhâm et El-Djahid. Mais aucun de ces éner-
giques penseurs ne s'est dégagé complètement de la religion officielle.
Toutefois, la lutte devint encore plus intéressante, lorsque les acha-
rites firent disparaître de l'arène les champions du motazélisme.
El-Achari, fondateur du système qui porte son nom, florissait vers la
fin du neuvième siècle, et mourut au milieu du dixième. Il proclama,
dans la grande mosquée de Basra, sa croyance à la préexistence du
Koran, aux attributs de Dieu et à la prédestination des actions hu-
maines. Avec ce docteur^ commence le second âge de la théologie
scolastique. Ses adhérents furent nombreux ; on compte, parmi les
propagateurs de ses principes, El-Bakillani, que les Arabes mettent
au rang de leurs saints ; Aboul-Maali, auteur du Kitab El-irchdd, et
Chahrastani, qui fut l'historien des doctrines religieuses et philoso-
phiques de l'islamisme.
Le troisième âge de la scolastique arabe est représenté par le cé-
lèbre Ghazzali, qui appartenait à l'école acharite. A l'exemple des
autres motekallemin, il supprima toute causalité autre que la volonté
divine; il combattit le système des atomes et du vide; il rejeta le
principe admis par El-Bakiilani, à savoir que la nullité de la preuve
— ;j34 —
impliquait ccllo delacliosG qu'on croyait avoir prouvée. Ce système,
d'où émergent tant de points de différence avec l'ancien, fut désigné
sous le nom de système des modernes.
Le quatrième âge de la scolastique comprend les théologiens, tels
que El-Beidhawi et Er-Razi, qui, confondant les problèmes de la dog-
matique avec ceux de la philosophie, virent échouer leurs pénibles
recherches sur les substances, les accidents et leurs lois. Le motif
qui décide M. G. Dugat à ne pas s'étendre sur la notice des mokkal-
leniui, c'est que tous les éclaircissements relatifs, soit à leurs idées,
soit aux preuves qu'ils donnent de la nouveauté du monde, de l'unité
et de l'immatérialité de Dieu, sont consignés dans le Guide des égarés
de Maimonide.
Entre les années 970 et 980 de Jésus- Christ, on vit s'établir à Baara,
foyer des lumières, une société philosophique, sous le nom de Frères
de la pureté « ikhoiùin es-safa. » Les membres de cette associa-
tion composèrent une encyclopédie, .dont il existe une traduction
hébraïque, faite par le rabbin Kalonymos. Cet ouvrage, demeuré
anonyme, contient cinquante traités didactiques sur les sciences ma-
thématiques, la philosophie naturelle, et la vie spirituelle. Mais, selon
le sentiment de Munk, il n'eut pas grand accueil auprès des véritables
philosophes, moins à cause du mélange des opinions qui s'y ren-
contrent, que parce qu'on n'y voit point de système arrêté. En ce
temps-là, naquit Ibn-Sinâ. On peut dire que le dernier effort de la
pensée libre dans l'Orient musulman date de ce docteur, auquel la
Providence avait accordé une vaste intelligence, avec le talent de la
faire rayonner sur son époque. Ibn-Sinâ a beaucoup écrit; on lui
attribue cent sept ouvrages, grands, moyens ou petits, sans compter
diverses compositions qui ne peuvent être rigoureusement classées.
Mais ce que ses œuvres gagnent en étendue, elles le perdent en pro-
fondeur. Séduit par les idées péripatéticiennes, il parcourut le cercle
du savoir humain; il étudia avec succès la Métaphysique^ les Analy-
tiques et YUistoire naturelle d'Aristote, dont la traduction arabe avait
été introduite dans ses Etats par le khalife EI-Mamoun ; il en fit un
commentaire, où l'originalité de ses conceptions a beaucoup de peine
à se faire jour à travers les idées grecques. Nous ne voyons pas qu'il
y ait la moindre imprudence (p. 208) à porter actuellement un juge-
ment sur ce philosophe, puisqu'il est constant que la partie essentielle
de ses travaux a été examinée et reproduite. Si Ibn-Sinâ avait ajouté
une seule pierre à l'édifice du Slagirite, si son esprit avait enfanté
une seule pensée de valeur positive, en matière de métaphysique, la
postérité ne l'aurait point illustré seulement comme médecin. C'est
qu'il n'y a rien dans ses travaux qui ne soit le reflet de son modèle.
L'influence qu'il a exercée sur ses contemporains légitime donc
— XVi —
jusqu'à un certain point l'enthousiasme un peu exagéré de M. G. Dii-
gat; c'est même cette considération qui l'empêche de confesser qu'Ibn-
Sinâ fit souvent des concessions aux théologiens, en raison de son
attachement à la religion officielle. Mais M. G. Dugat hésite encore,
puisqu'il dit (p. 207) : « Notre philosophe ne vivait pas dans un temps
de libre examen. »
Quoi qu'il en soit, c'est ici qu'aurait dû se placer une dissertation
solide sur les controverses soutenues par lui contre ses adversaires
acharnés, sur les eff'orts inutiles qu'il a déployés incessamment pour
purifier et perfectionner l'islamisme, dont il comprenait si bien les
défauts. Il convenait de prendre texte de l'insuccès d'Ibn-Sinà, pour
nous expliquer que l'avortement de la philosophie provient de l'imper-
fection même de ces nouvelles doctrines, qui n'étaient pas acceptables
pour les peuples musulmans, au moment de leur manifestation. Nous
aurions voulu, d'un autre côté, que le plan fût suivi tel qu'il a été
marqué ; que l'histoire des khalifes servît de cadre pour le dévelop-
pement successif de ces grandes disputes ; que les progrès et les échecs
alternatifs de la philosophie, dans ce milieu réfractaire, fussent indi-
qués d'une façon large, en un style grave et soutenu, sans trop d'a-
necrlotes, afin que l'œil ne perdît pas un instant les évolutions du
sujet. Les faits n'ont d'importance qu'en raison des résultats qu'ils
amènent. Les ennemis les plus redoutables du philosophisme musul-
man ne furent pas, comme on le suppose, les khalifes piétistes, ce
furent, au contraire, les docteurs Abou-Hanifa, Mâlek, Ech-Chaféi et
Ibn-Hanbal, qui ont fondé les quatre écoles de théologie pratique.
M, G. Dugat ne s'y est pas trompé, et, en nous les montrant sous un
jour nouveau, il a fait preuve de sagacité. Il a vu, dans cet appareil
doctrinal, la ruine de l'esprit nouveau. Là où siégeaient les quatre
docteurs, le combat a été conduit avec une ténacité qui égalait l'ha-
bileté de la tactique. Chacun d'eux, comme une âme qui se répand
sur les organes de la nation, a opéré une réaction lente, mais efficace,
en vue de vivifier la soumission passive au Koran et à la Sonna. Qu'on
ne cherche donc pas ailleurs la cause de la défaite des motazélites et
de leurs successeurs. L'islamisme a pour rempart un cercle de fer,
que le progrès essayerait en vain de briser.
Est-ce à dire que l'ensemble de cette ébauche (l'expression appar-
tient à l'auteur) soit invulnérable à la critique? Non : car celle-ci a
prise sur les défauts d'une composition, où l'on voudrait trouver plus
d'unité_, plus d'uniformité, un enchaînement plus naturel de causes et
d'eff'ets, enfin une dissertation à peu près afl'ranchie des pompes de
l'érudition. Entraîné par une facilité naturelle, trop prompt aussi à
se dépenser en étincelles, M. G. Dugat semble préférer le procédé de
l'analyse à celui de la synthèse. Au lieu d'observer strictement la
— :j3ti —
continuité d'un récit complexe, il s'est borné à faire une sorte de
galerie de tableaux. On se demande, par exemple, dans quel but il a
divisé sa matière par groupes distincts de faits homogènes, décrivant
d'abord tous les règnes des khalifes, puis la notice des philosophes,
puis l'histoire des théologiens, puis les méthodes dont se servaient les
deux écoles, puis l'influence du soufisme sur ces luttes, et en dernier
lieu les circonstances qui ont contribué à la ruine de la philosophie
sous le khalifat d'Orient. Une ordonnance plus méthodique exigeait
que M. G. Dugat distribuât selon l'ordre chronologique les documents
qui se rapportent à sa thèse, et en fît sortir le commentaire du milieu
où ils auraient été replacés. Nous avons encore un reproche à adresser
à l'auteur. Qu'il se mette en garde contre les hypothèses séduisantes 1
Celle qui tend à faire admettre que le poète Ibn-er-Roumi aurait
exercé une certaine action sur la direction métaphysique d'Ibn-Sinâ
(p. 133) est d'autant moins plausible, que le goût de ce dernier pour
les écrits d'Aristote fut en réalité le prélude de sa vocation scientifique.
Venons maintenant aux censures décochées contre plusieurs de nos
orientalistes émérites. Ont-elles la portée que leur suppose M. G. Du-
gat? Nous sommes loin de le croire. La traduction écrite par M. Barbier
de Meynard (p. 80, n.) répond parfaitement à celle que propose son
contradicteur : proclamer l'absence ou l'existence des attributs en
Dieu, c'est la même chose que maintenir la négation et l'affirmation
d'attributs en Dieu. Les subtilités de ce genre ne prouvent rien. Dans
un même ordre d'idées^ nous aurions souhaité ne pas lire ici, dans un
livre soumis à l'appréciation de l'Académie, cette remarque blessante
pour la mémoire d'un de ses membres les plus regrettés : « Tout en
louant la manière large et libérale avec laquelle M. Mohl traitait les
questions philosophiques et religieuses, qu'il me soit permis de dire
qu'il a parlé quelquefois des doctrines musulmanes avec bien peu de
maturité (p. 161). »
Une réflexion avant de finir. Si les sectateurs de Mahomet, moins
préoccupés des jouissances du paradis et des peines de l'enfer, s'é-
taient efforcés de comprendre l'immortalité de l'âme, seule sanction
possible d'une religion pure, ils auraient échappé à l'abrutissement
systématique où nous les voyons végéter en face de la civilisation
moderne.
Je dois reconnaître, en terminant, que la matière qu'avait à traiter
M. G. Dugat était d'une difficulté extrême, et qu'aucun orientaliste
n'avait osé l'aborder. Cette tentative honore M. G. Dugat. Depuis
Vlntroduction à l'exposé de la religion des Druscs^ par S. de Sacy, au-
cun livre n'a jeté autant de lumières que le sien sur les sectes musul-
lûanes. Aug. Cherbonnè.\U4
— 337 —
Mélunges £»liilosopIiiques, par M. Dci'ONT-Wiuïe, Paris, (iuillaumin,
1878, in-8 de xxiii-406 p. — Prix : G fr.
Ce volume est formé par quatre séries d'articles^ qui ont paru, de
18G5 à 1877, dans la Revue des Deux Mondes et dans la Revue de France.
Dans la première qui a pour titre : Impuissance polUiquc de la religion
ri de la philosophie, M. Dupont-White prétend que les religions, et
particulièrement le christianisme, ne peuvent plus inspirer la vie
sociale, maintenant que Thumanité est parvenue à une époque de
critique et de souveraineté. Cette mission appartient à la philosophie;
malheureusement les philosophes jusqu'ici n'ont pas su ou n'ont pas
voulu s'en charger. Cent vingt-deux pages sont employées à réfuter
leurs scrupules ou leurs objections; mais M. Dupont-White s'arrête
là, sans nous dire quelle direction la philosophie, dans l'avenir, devra
donner à la société.
Il faudrait pour cela, qu'il fût lui-même plus assuré de sa philoso-'
phie. Or, les essais suivants sur le positivisuie, le malèrialisnie et le
spiritualisme, nous montrent à combien peu se réduisent les données
dont notre auteur se croit certain. Il y a un Dieu et une substance
spirituelle dans l'homme. L'instinct universel est une preuve que
cette substance survit à la destruction du corps ; mais survit-elle in-
déliniment, quelle est sa destinée? Umbrarum hic locus est, répète
mélancoliquement M. Dupont-White. Cette citation, à laquelle il
revient à plusieurs reprises, pourrait servir d'épigraphe à son livre,
et au moins personne ne serait tenté d'aller lui demander la lu-
mière.
La meilleure partie de ce volume est un essai sur l'état actuel de
la philosophie anglaise, où sont analysées quelques-unes des œuvres de
Buckle et d'Herbert Spencer. X.
Sastiat et le libre-échange, par A. Bouché de Belle, avocat à la Cour
d'appel de Paris. Ouvrage couronné par la Chambre de commei'ce de Bor-
deaux. Paris, Guillaumin, 1878, in-8 de 329 p. — Prix : o fr.
L'oeuvre de Bastiat, dans sa lutte pour le libre-échange contre le
système protectionniste, dans sa vive polémique avec Proudhon, et
enfin dans sa tentative pour rectifier certaines notions de la science
économique, est très-bien analysée dans le mémoire de M. Bouché de
Belle. Il formera une introduction d'autant plus utile à l'étude des
œuvres du grand économiste, que sa doctrine sur certains points se
trouve disséminée dans de nombreux opuscules, qu'une mort précoce
ne lui a pas permis de condenser. M. Bouché de Belle termine son mé-
moire par une étude sur les résultats du nouveau régime inauguré en
France en 1860, et qui est venu réaliser en partie la thèse de Bastiat.
Octobre 1878. T. XXIII, Ji.
— 338 —
Cotte étude est puisée aux documents les plus sûr^ et nous paraît fort
judicieuse, sauf le chapitre consacré à la marine marchande, qui nous
semble entaché d'un optimisme par trop confiant. En se consolant de
la diminution de notre marine à voile par le développement de notre
navigation à vapeur, M. Bouché de Belle oublie que cette dernière est
en grande partie subventionnée par l'État. C'est une raison de plus
pour accorder à la navigation libre ces dix millions de primes par an
que réclament si impérieusement des intérêts nationaux supérieurs, et
que, depuis deux ans, la majorité de la Chambre des députés lui refuse.
Le mémoire couronné au concours est précédé d'un rapport dû à
M. Marc Maurel, membre de la Chambre de commerce de Bordeaux,
qui ne comprend pas moins de 76 pages de petit texte. L'historique de
ce rapport a bien son prix, et nous fait voir la Chambre de commerce
de Bordeaux confiant l'examen du concours ouvert par elle à des
légistes officiels, puis bientôt amenée à le leur retirer, par suite de
dissidences d'opinions à peine indiquées dans le rapport, mais fort
curieuses, ce nous semble.
En tout cas, le public est loin d'y avoir perdu; car le travail de
M. Marc Maurel est l'œuvre d'un véritable économiste. Il met en
lumière d'une façon fort remarquable les quelques notions scientifiques
que Bastiat a cherché à rectifier (celles de la valeur, de l'utilUc gratuite
de la voile, de la population notamment). — Quoique la tentative de
Bastiat ne nous paraisse pas avoir eu d'autre résultat qu'une améliora-
tion dans la terminologie, nous rendons volontiers hommage à des dis-
ciples aussi habiles et aussi convaincus. D'ailleurs, il y a dans le rap-
port de M. Marc Maurel des passages qui ont un mérite propre, par
exemple, celui où il traite d'une façon originale, et avec toute la com-
pétence d'une longue pratique des affaires, la question de savoir si le
régime protecteur est vraiment nécessaire aux pays neufs, comme on
l'a prétendu. En finissant, il signale l'infériorité que crée à la France
le régime du partage forcé des successions. C. J.
Les grand» ports de commeree de la France, par L. Simonin.
Paris, Hachette, 1878, gr. in-18 de iv-360 p. — Prix: 3 fr. oO.
Marseille, le Havre, Bordeaux, Nantes et son annexe de Saint-Na-
zaire, forment ce qu'on peut appeler le quadrilatère maritime, les
quatre grands ports de commerce de la France. C'est à l'étude de leur
situation topographique, économique et commerciale, que M. Simonin
consacre aujourd'hui ce volume, dédié à M. Krantz, et composé de
notices publiées dans la Revue des Deux Mondes. Ses précédents ou-
vrages sur la constitution terrestre et sur le développement industriel
du continent américain, l'avaient depuis longtemps préparé à cet
— 33'J —
examen de nos industries maritimes, dont l'actualité oflVe un intérêt
tout spécial, au moment où tant de gémissements s'élèvent sur le dé-
périssement de notre marine marchande, où de grands travaux s'achè-
vent dans un grand nombre de nos ports, et où de gigantesques projets
s'élaborent pour leur donner un puissant outillage, en harmonie avec
l'augmentation continue du mouvement commercial.
M. Simonin a su augmenter encore cet intérêt pour les gens du
monde, en écartant de son livre tout ce qui aurait pu paraître trop
didactique. Les chiffres cités sont amenés si naturellement qu'on n''y
sent point la recherche, et que jamais ils ne fatiguent. Qui ne serait
pas attiré, du reste, par les importantes questions de toutes sortes
que soulève l'étude de chacun de nos grands ports? Marseille, c'est le
point où viennent nécessairement aboutir toutes nos relations avec
la Méditerranée, l'Inde et l'extrême Orient. Le Havre, c'est notre
principal port d'attache avec l'Amérique septentrionale et les diverses
places du nord de l'Europe. Bordeaux et Nantes, disposés comme en
façade sur l'Atlantique, sont une des clefs de nos communications
avec l'Amérique du Sud, l'Océan Indien, l'Afrique occidentale, les
places de la mer du Nord et de la Baltique, sans toutefois qu'elles ra-
vissent à Marseille ou au Havre la prépondérance sur la plupart de
ces divers marchés. Comme fret de sortie, Bordeaux a ses vins qu'elle
expédie sur tout le globe ; enfin, par les fleuves sur lesquels elles sont
assises assez loin de l'embouchure, Bordeaux et Nantes pourraient
distribuer jusqu'au cœur du paj^sles denrées exotiques plus facilement
et plus économiquement que Marseille et le Havre.
Il nous est impossible de nous arrêter ici sur tous les problèmes
d'économie commerciale ou d'aménagement de régime des fleuves,
discutés et souvent heureusement résolus dans ce livre. M. Simonin
combat toutes les routines : ayant visité les merveilleux appareils de
chargement et de déchargement en usage en Angleterre et aux Etats.
Unis, il voudrait en voir doter tous nos ports, et il réclame une éner-
gique intervention du gouvernement, pour leur donner une longueur
de quais ou de bassins en rapport avec le tonnage déchargé et avec
les améliorations des ports étrangers : dans cet ordre d'idées, tout
stationnement devient un recul ; car les autres marchent pendant
qu'on s'arrête; et il suffit souvent d'un outil qui manque dans un port,
pour occasionner un déplacement de mouvement commercial à son
détriment. M. Simonin s'oppose aussi aux entraves à la circulation
générale par les impôts de transport et par la douane : il a raison sous
bien des points de vue ; mais il ne nous dit pas suffisamment par
quels autres impôts on pourrait remplacer ceux dont il demande la
suppression : il faut des recettes quelconques pour combler le goufi're
des dépenses, et bien difficile est le problème à résoudre pour trouver
— 340 —
l'impôt qui serait le moins onéreux pour l'économie générale. La
question des canaux le préoccupe aussi à très-juste titre : que de ma-
tières pourraient être transportées à 0 fr. 05 par tonne et par kilo-
mètre, quand on dépense pour elles 0 fr. 25 en véhicule terrestre et
0 fr. 10 en chemin de fer ! Mais ne va-t-il pas un peu loin en deman-
dant de doubler certaines de nos lignes ferrées? La France, dit-il,
est comme un isthme à l'occident de l'Europe. Sur la Méditerranée,
Marseille occupe la tête de cet isl^Jime : sur la Manche, c'est Calais,
Boulogne, le Havre. L'isthme français évite aux voyageurs et aux
marchandises qui se rendent dans la Grande-Bretagne, ce centre
commercial vers lequel tout converge et duquel tout part, le détour
par Gibraltar ou par l'Europe orientale ou centrale, par le Danube
ou par les Alpes helvétiques. 11 faut donc percer en quelque sorte
notre isthme par la voie la plus courte, la plus accélérée, la moins
coûteuse, par un chemin de fer direct de Marseille à Calais... On sait
la résistance que pareil projet a éprouvée en 1872 de la part des
grandes compagnies. Sans adopter la mesure radicale de la construc-
tion d'une ligne complète isolée, nous pensons qu'il y aurait cepen-
dant quelque chose à faire pour les dégagements directs de Mar-
seille.
Le mouvement total de marchandises importées et exportées par
l'intermédiaire de nos ports de commerce a été, en 1877, de plus de
14 millions de tonnes sur 23 millions, chiffre total du mouvement qui
comprend les frontières. Sur ces 1 i millions, Marseille en absorbe
deux et demi, le Havre et Bordeaux chacun un et demi : viennent
ensuite Dunkerque et le groupe de Nantes et Saint-Nazaire,avec près
d'un million pour chacun. A ce dernier propos, nous ferons une
observation au sujet de quelques-uns des chiffres cités par M. Simo-
nin. Il remarque dans une note que le mouvement de tonnage des
navires entrés et sortis pour le port du Havre, est plus élevé dans les
statistiques de l'ingénieur du port que dans le tableau général du
commerce de la France. Nous citerons quelque chose d'analogue pour
Saint-Nazaire. Le mouvement commercial des ports de la Loire ma-
ritime, Nantes, Paimbœuf et Saint-Nazaire, a été, en 1876, dit M. Si-
monin, d'un peu moins de 1,200,000 tonneaux de navires entrés ou
sortis : or, nous relevons à peu près ce chiffre, pour le seul Saint-Na-
zaire, dans les registres du port. Les causes de cette divergence nous
échappent.
Quoi qu'il en soit, nous recommandons le livre de M. Simonin à
tous ceux qui s'intéressent au développement de notre commerce
extérieur. René Kerviler.
— 3 il
BELLES-LETTRES
Remarques sur quelques expressions usitées en I\'or-
niandie, leur emploi par certains auteurs, leur origine, leur élymologie,
par M. GrsTAVE Levavasseur. Caen, Leblanc-Hardel, 1878, in-8 de
106 p.
Malgré ses modestes dimensions, ce petit ouvrage ne manquera
pas, nous en sommes certain, de piquer vivement la curiosité du
littérateur de profession, et de tous ceux qui s'intéressent à l'étude
de notre vieil idiome français. Il ne pouvait, du reste, être entrepris
par un maître plus compétent. M. G. Levavasseur, dont les titres lit-
téraires sont déjà bien' connus des lecteurs de ce recueil, a fait une
étude toute spéciale du dialecte de son pays, du patois normand. Son
but, en écrivant ce livre, a été non-seulement de satisfaire la curio-
sité des érudits, mais encore d'appeler l'attention sur un certain
nombre d'expressions patoises sans équivalents dans la langue litté-
raire, et que celle-ci aurait tout intérêt à reprendre. On sait, en effet,
quel heureux parti Georges Sand a su, dans plusieurs de ses
romans, tirer de termes spéciaux au parler des paysans berrichons.
Quoi de plus gracieux, de plus expressif, que les vocables normands
amainhonir (gérer en bon père de famille, tenir en bonne main);
alosé (loué, célébré); ahanner (être essouflé par le travail), etc. Pour
en rendre la force et le sens, notre français académique est obligé de
se servir de longues périphrases qui ne peuvent, pour ainsi dire, que
fatiguer et allonger le discours. La perte des deux mots amont et aval
nous semble, comme à l'auteur, tout particulièrement regrettable.
Anuy, annuit n'est-il pas dix fois plus vif, plus joli que son synonyme
aujourd'hui, et n'a-t-il pas, de plus, le mérite de nous rappeler les
croyances de nos anciens aïeux les Gaulois? César nous apprend
qu'ils comptaient par nuits, non par jour, en l'honneur de leur père
Pluton (sans doute Tentâtes], dieu des ténèbres infernales. On ne voit
pas trop pourquoi nous avons remplacé bliaud, bkinde (sans doute
d'origine gauloise) par blouse, qui signifiait à l'origine, soit la
pochette du billard où tombent les billes, soit une terre emblavée.
Bigne n'est-il pas autrement alerte que son équivalent littéraire
bosse au fronl ? Le terme anglais dans le sens de créancier a quelque
chose de réellement plaisant; c'est un souvenir des vieilles luttes que
nos pères eurent à soutenir contre les hommes d'outre-Manche. Le
mot manichéen, employé par les étudiants allemands, avec une valeur
identique, semble moins gracieux et sent trop son origine théolo-
gique.
Nous pourrions multiplier les exemples à l'infini; mais il faut savoir
— 342 --
se borner. Nous n'oserions, sans crainte de nous montrer injuste,
reprocher à M. Levavasseur l'omission de quelques expressions nor-
mandes encore usitées dans nos campagnes, mais qui peut-être n'ont
jamais été en crédit auprès des écrivains. De halbis, cidre moitié
pommé, moitié poiré, il eiit pu rapprocher boubic, employé, dans l'ar-
rondissement de Mortagne, avec le même sens, et qui semble avoir une
étjmologie à peu près identique. L'anglais travel, existe encore aux
environs d'Aleneon, sous la forme Iraveler, c'est-à-dire voyager. Le
paysan percheron dira rucher pour « lancer, » ouUe et oue pour « elle, »
un bestial pour « une tête de bétail, n En raison de son habitude de
transformer le*oi français en c, il prononce dret pour « droit, » fcré
pour (( je crois; » d'autres fois, cette même diphthongue deviendra
oué, et l'on aura roué pour « roi, » ouésiau pour « oiseau. » L'r final
tombe d'ordinaire en patois percheron, et four y devient fou,
« quelque part » se change en queuque pa. C'est par une corruption,
soit dans la forme du mot, soit dans la signification, que le Rouennais
prononce déchiffrer pour u défricher, » qu'une maison en ruines est
dite par lui « en démence, » etc., etc.
Somme toute, nous sommes bien loin du purisnie dédaigneux des
académiciens du dix-septième siècle, auxquels La Bruyère reprochait
leur manie d'exclusivisme à l'égard de bon nombre de mots du voca-
bulaire, et qui, suivant l'expression de M"*" de Scudéry, tendaient à
faire de la langue française « un bouillon d'eau claire, sans impureté,
mais sans saveur. » Les tendances démocratiques de la société actuelle,
si elles menacent de produire certaines conséquences fâcheuses au
point de vue de la perfection littéraire, ont eu, du moins, ce bon résul-
tat de remettre en honneur plusieurs formes du langage populaire.
Il nous semble même que maints écrivains sont allés trop loin en
voulant réhabiliter jusqu'à l'argot. Tenons-nous dans un sage milieu;
prenons, dans le parler de nos paysans, ce qu'il peut y avoir de sain,
de gracieux, de naïf; mais ne donnons pas dans le trivial et l'ignoble.
A coup sûr, si l'ouvrage de M. Levavasseur contribue à pousser notre
public dans cette voie, il aura, comme disaient nos grands-pèpes,
assez mérité des muses, et l'auteur se trouvera dignement récompensé
de sa peine. H. de Charencey.
Eloge de BuflTon, par jNarcisse Michaux. Ouvrage couronné par l'Aca-
démie française, précédé d'une notico par M. Emile Gebhart, professeur à
la faculté des lettres de Nancy. Pari=!, Hachette, gr. in-18 de xxxii-236 p.
— Prix: 3 fr. 50.
Lorsque l'Académie française, nous apprend M. Gebhart, entreprit
de décerner le prix du dernier concours d'éloquence, dont le sujet
était l'éloge de Buffon, deux mémoires parurent se distinguer de tous
les autres par des qualités si rares, que l'illustre compagnie du
prendre une résolution extraordinaire : elle décida que le prix serait,
non point partagé, mais attribué également tout entier à chacun des
deux ouvrages. Ij'un d'eux, qui s'était fait particulièrement remarquer
par la sûreté des connaissances scientifiques et par la gravité du lan-
gage, portait une double devise: Majcstfiti natitrœ par ingrjihim, et:
Pendent opéra interrupta. La première de ces maximes répondait
bien à l'idée noble que Tauteur s'était faite de Buffon; l'autre pou-
vait sembler d'abord comme un aveu de ce qui manquait encore au
complet achèvement de l'œuvre. En réalité, ce mot de Virgile cachait
une révélation douloureuse. Le bulletin fut ouvert, et l'Académie y
lut avec émotion cette note : « Narcisse Michaut, docteur es lettres,
mort à Nancy le li juin 1877. » Né dans la Meuse, à Robert-Espagne,
le 5 mai 1846, professeur au collège de Vitry-le-Franeais, puis cloué
à Nancy par une maladie mortelle contre laquelle il lutta six années,
Narcisse Michaut avait écrit au crayon les pages de son livre sur le
lit d'agonie de son dernier hiver. Quand les forces manquèrent à sa
main défaillante, il s'était arrêté. Après sa mort, sa mère recueillit
pieusement et recopia elle-même ces feuillets épars, auxquels l'Aca-
démie a décerné, sans le savoir, une couronne posthume.
Il est assurément regrettable qu'une mort prématurée ait arrêté
la plume de Narcisse Michaut, car il nous a donné, dans ce fragment
d'éloge, une remarquable étude sur le génie philosophique des travaux
de Buffon, étude qui, sur certains points, eût encore gagné plus de
relief dans la dernière révision, et qui malheureusement n'est pas
complétée par l'étude de l'écrivain : nous ne voyons ici que le savant
et le philosophe, échappant aux préjugés de son siècle et s'attachant
à découvrir de solides méthodes de synthèse pour élever un impéris-
sable monument à l'histoire naturelle. De la biographie même de
Buffon, de son style, de son caractère intime, il est peu question :
mais, en revanche, nous possédons la plus complète analyse qui ait
encore été faite de son génie scientifique, et de la philosophie de son
œuvre gigantesque.
Un grand nombre de réflexions judicieuses et d'aperçus pleins de
finesse accompagnent les remarques sur les théories et les procédés
du grand naturaliste. Il est aisé de dédaigner les off'enses, dit par
exemple M. Michaut, lorsqu'elles n'altèrent pas la bonne opinion que
nous avons conçue de nous-mêmes : « Prenons-y garde, en eff'et; la
colère que les critiques nous inspirent vient d'une crainte secrète
qu'elles ne soient fondées, d'une sorte de complicité involontaire qui
nous met du parti de nos agresseurs. » Et ailleurs : « Nulle vérité ne
saurait en contredire une autre, et si les savants se querellent souvent,
les sciences sont toujours d'accord. •» Il y aurait bien quelques réserves
— 34i —
;i faire sur le caractère de la morale épicurienne adoptée par Buffon
dans son étude sur Thomme : en particulier au sujet de son attitude à
l'égard du grand problème de la mort. Si l'on trouve ces consolations
insuffisantes, dit M. Micliaut, il faut songer que ce sont les seules
qu'il soit permis de demander à la philosophie que Buffon avait
adoptée : « Elles ne sont point d'un ordre très- élevé, mais peut-être,
par là même, conviennent-elles mieux au commun des hommes, qui
resterait insensible aux nobles consolations qu'une doctrine plus pro-
fonde et plus religieuse saurait sans doute lui offrir. En tout cas, il
était difficile d'en trouver qui fussent mieux appropriées à l'esprit du
dix-huitième siècle ; car le plus sage est de faire oublier la mort,
lorsqu'on n'ose rien promettre au delà. » Cette observation finit mal
un chapitre et l'auteur nous avait paru mieux inspiré lorsqu'il avait
dit un peu plus haut : « Ceux-là seuls échappent à ce découragement,
qui n'ont pas fait du bonheur le but de leur existence, ou qui ont placé
assez haut leurs espérances pour que l'expérience de la vie ne puisse
les atteindre : mais Buffon ne s'élève pas jusqu'à ce suprême degré de
sagesse. » A la bonne heure ; voilà de la critique fortifiante : mais
nous n'avons pas le courage de pousser plus loin nos regrets dans
certaine coordination de cette puissante étude. La mort a empêché
l'auteur de lui donner le dernier poli. Nous n'avons qu'une ébauche;
mais comme ces statues inachevées de Michel-Ange qui captivent
l'attention et vous rendent songeur, bien que l'artiste n'ait pu les
mettre au point, l'éloge de Buffon par M. Michaut restera, tout
incomplet qu'il est, comme l'un des plus beaux monuments élevés à la
mémoire du grand écrivain, René Kerviler.
Histoire fie Montesquieu, sa vie et ses enivres d'après des documents
nouveaux et inédits, par Louis Vian, avocat à la Cour de Paris, précédée
d'une préface par Ed. Laboulaye, de l'Institut. Paris, Didier, 1878, in-8
de XX- 41 2 p. — Prix : 7 fr. 50.
Une propension naturelle nous porte à étudier de prés la vie in-
time des grands hommes, à rechercher s'ils sont réellement au-dessus
des conditions ordinaires de l'existence humaine, à découvrir les
secrets motifs qui ont dicté leurs actions, à scruter leurs faiblesses et
à les surprendre dans le déshabillé des simples mortels. Il semble
qu'en les examinant ainsi, dépouillés de l'auréole lumineuse qui cache
leurs défauts et dont les a décorés la légende, nous cherchions à nous
élever nous-mêmes de toute la hauteur dont nous les faisons des-
cendre de leur piédestal : on est presque heureux de parvenir à dé-
couvrir en eux des taches jusqu'alors inconnues, et de reconnaître
enfin que ce ne sont pas des sortes de demi-dieux, mais des hommes.
C'est sans doute cette espèce de jalousie instinctive à l'égard des
grands noms de tout ordre, qui, depuis Ja renaissance des travaux
historiques, a mis en faveur auprès du public les biographies si nom-
breuses et si variées, dont notre période littéraire gardera l'empreinte
caractéristiq.ie. Une vogue incontestable s'attache à ce genre de
travaux, et nous aurions mauvaise grâce à nous en plaindre, puisque
depuis plusieurs années nous nous attachons nous-même à, la suivre
en restituant la physionomie des vieux académiciens du dix-septième
siècle : il y a lieu cependant de se demander à qui revient le profit
de ces études : au lecteur, sans doute; qui trouve en les savourant
des éléments d'instruction et de plaisir : ensuite aux personnages ex-
humés, si la postérité n'a consenti à leur accorder jusqu'ici qu'un
faible souvenir, mais nous doutons que la mémoire des réputations de
premier ordre y trouve un grand avantage, et nous avons fait cette
réflexion amère en achevant la lecture de l'histoire impartiale et
complète consacrée par M. Louis Yian à Montesquieu, que bien petit
, est le nombre des hommes vraiment grands dont le puissant génie
peut tenir en bride les misérables passions attachées à notre pauvre
nature. Ceux qui ne prennent pas Dieu pour guide, seront toujours
des génies incomplets.
Plus on étudie les écrits de Montesquieu, dit M. Laboulaye, plus
on est frappé de la profondeur et de la justesse de ses vues. Je ne
crois pas, ajoute-t-il, que depuis Aristote le monde ait connu un
politique de cette trempe. En revanche, il ignora complètement les
charmes de la vie de famille : et s'il se maria, ce fut en vrai sceptique,
avec une protestante et pour la fiénéalogie. Voyageur, grand pro-
priétaire, vigneron fanatique, ami du grand monde et des salons,
sorte de lord, instruit, libéral et non moins curieux d'étudier les
hommes que les livres, prêt à obliger tous ceux qui avaient besoin
de lui, il fut bon pour tout le monde, excepté.... pour sa femme.
C'est une lacune que nous ne pouvons consentir à lui pardonner. Il y
en eut d'autres encore dans cette existence assez épicurienne, mais
nous voulons laisser aux lecteurs de M. Vian le plaisir de la surprise;
et ceux qui n'ont pas déjà parcouru les principaux chapitres de cette
intéressante monographie dans le Correspondant, en rencontreront
beaucoup dans leur pérégrination à la suite de l'éditeur de tant
d'œuvres anonymes et piquantes. On sait, en effet, que Montesquieu
n'a jamais mis son nom au bas de ses ouvrages, tous publiés hors de
France : or, les Lrttres Persanes eurent pour prote un abbé, la Gran-
deur des Ro7nains, un jésuite, et l'Esprit, des lois, un pasteur protes-
tant!
M. Vian a travaillé pendant quinze années consécutives à cette
biographie, rassemblant toutes les éditions primitives des œuvres
de Montesquieu, visitant toutes ses demeures, recueillant tous ses
— 346 —
portraits et suivant ses moindres traces sur tous les points de l'Eu-
rope. Quand on a cette persévérance, on est certain de faire çà et là
de véritables découvertes ; et M. Vian a eu la main fort heureuse :
quantité de lettres et de documents inédits lui ont permis d'éclaircir
une foule de points obscurs de la vie de son héros, et donnent à son
récit un intérêt de premier ordre. On remarquera surtout l'acte de ma-
riage, jusqu'ici inconnu, de Montesquieu et ses conséquences, l'histoire
de ses candidatures académiques, celle des éditions de ses ouvrages et
de leurs procès en Sorbonne et à Rome, sa biographie par son petit-
fils, et la bibliographie complète non-seulement de son œuvre mais de
tout ce qui la concerne. L'Académie française, en décernant kVHistoirr
de Monlesquieu l'un de ses prix les plus importants, vient, du reste,
de montrer publiquement à quel taux elle a jugé le livre et l'écrivain.
Nous ne quitterons cependant pas M. Vian sans lui adresser quelques
critiques. Il reproclie plusieurs fois à Montesquieu d'avoir trop pro-
digué les divisions dans VEsprit des Lois : nous ne dirons pas qu'il l'a
trop imité sur ce point, mais il n'a pas mis assez de variété dans les
transitions qui lui servent à relier ses nombreux chapitres; cela re-
froidit un peu un récit, du reste très-animé. Qu'il évite aussi quelques
rares trivialités de stjle : il j en a une, entre autres, sur les gasco-
nismes de Montesquieu, qu'il a cru pouvoir autoriser, sans doute, par
les libertés de langage du rival de Montaigne, mais qu'il fera bien de
faire disparaître dans une nouvelle édition. Ce livre est de ceux aux-
quels on a le droit de demander d'être parfaits.
M. Vian a bien apprécié l'œuvre de Montesquieu, en montrant que
si, dans ses plus grands écarts, il n'a jamais médit du christianisme
directement, il a donné l'indifférence en religion pour base commune
aux lois de tous les peuples, négligé les idées chrétiennes sur l'ori-
gine et la mission du pouvoir, et fait dériver l'ordre social de l'in-
fluence des climats. Aussi l'infériorité de ses écrits vient-elle de ce
qu'ils ne procèdent que de l'intelligence et ne s'adressent qu'à elle,
sans passionner notre cœur ni enthousiasmer notre âme sensible aux
grandes choses. Le souffle divin est absent. René Kerviler.
JTours de solitude, par Octave Pirmez. 3e édit. Paris, Jouaust ; G^nftVe,
Sandoz, in-8 de 311 p. — Prix : 6 fr.
Voici un livre dont le Polybiblion a laissé passer les deux premières
éditions sans compte rendu; réparons aujourd'hui cette omission. Il
est vrai qu'il ne porte point de date ni au titre ni dans le texte, et que
le sujet bien indéfini qu'il traite n'a rien à voir avec l'actualité. Ce
n'est pas une relation de voyage, ce n'est pas un recueil de médi-
tations, mais c'est quelque chose qui tient de l'un et de l'autre : des
— 347 —
feuilles volantes, écrites un peu partout, au jour le jour, pleines des
impressions, des pensées et des souvenirs les plus intimes de l'auteur.
On part avec lui de Vaucluse, sans savoir pour quelle cause, ni pour
quel objet; il vous promène au hasard à travers l'Italie, la Suisse et l'Al-
lemagne. Il ne semble pas s'attacher à l'étude des monuments, des pro-
ductions ni des mœurs; il a déjà vu tout cela, il le revoit, il rêve et voilà
tout : « Mes journées, dit-il, s'écoulent à contempler. .» De ces contem-
plations, il est resté des tableaux tour à tour gracieux et sauvages,
des réflexions sérieuses, élevées et souvent mélancoliques. Les pages
animées d'un grand souffle de poésie, d'éloquence ou de haute philo-
sophie, abondent. La forme est soignée avec un goût amoureux;
jamais de défaillance ni la moindre vulgarité : un sourire discret, à
de rares intervalles, est la plus grande licence que se permette l'au-
teur. Mais cette extrême recherche, cette élégance immaculée, cette
exquise délicatesse n'effleurent-elles pas parfois la préciosité? Que de
détours, que de périphrases pour éviter un mot malsonnant! M. Pirmez
ne dira pas qu'il a rencontré à Marseille des décrotteurs auvergnats.
Fi donc! « De pauvres enfants, venus des montagnes de l'Auvergne,
se pressaient sur les pas des promeneurs pour essuyer la poussière de
leurs pieds. » Il appellera le nord, .S^/iïen^rc'o/?, et l'Allemagne, Ger-
manie. Il oublie si complètement qu'il ne parle pas envers que sa prose
s'émaille d'épithètes étrangement placées. « J'ai longé les murs d'en-
ceinte... m'arrêtant volontiers aux inscriptions profondes. Je me suis
aventuré hors la ville, à la chanson d'un oiseau qui chantait un air
^/r/'dansles jardins abandonnés. Des collégiens, vètusde robes longues,
marchaient sur les chemins verts... » Mais souvent aussi cette belle
mélopée, artistement cadencée, tient le lecteur sous le charme ; elle
produit même à la longue une sorte d'enchantement que je ne saurais
mieux comparer qu'aux effets de la musique. Tandis que l'artiste
exécute ses fantaisies les plus éblouissantes, ses modulations les plus
suaves, le lecteur se prend à rêver de son côté, au bruit de ces phrases
mélodieuses dont il perd le sens strict, et tout bas s'éveille en lui le
chœur confus des plus lointains et des plus intimes souvenirs, des
rêves autrefois caressés, des visions jadis entrevues, des émotions
depuis longtemps oubliées. Tout cela chante en sourdine, comme une
résonnance naturelle, et l'on est tout étonné de se retrouver tout à
coup au milieu d'un paysage napolitain ou d'une méditation sur les
misères de l'humanité.
Je me permettrai cependant une critique grave : ces méditations ou
contemplations sont fortement imprégnées d'effluves de far niente. On
y reconnaît sans peine le jeune homme riche, qui promène au hasard
sou inactivité de bon ton, ses langueurs et ses ennuis poétiques, son
dégoût élégant de la vie. M. Pirmez le remarque lui-même à chaque
— :Vf8 —
instant et le déplore : « J'oublie la perte irréparable de mes jours.. .
u Aurais-je atteint ma vingt-sixième année pour ne produire que de
l'ombre?... .Te ne me rassure qu'en me disant que mes sentiments se
sont formulés par la seule force de ma vie, qu'ils sont en consonance
avec les phénomènes extérieurs qui éveillèrent mon imagination...
Celui qui eût voulu sommeiller dans les songes, par-dessus une terre
muette qui ne le réveillât jamais, doit un jour se tourner vers les luttes
de la vie... Il va ainsi de la fleur à la plaie, et de la plaie à la fleur,
hésitant entre la contemplation de la beauté et la compassion des
infortunes. » Les efforts qu'il fait pour secouer cette indolence mo-
rose ne sont pas, on le voit, bien énergiques. Parfois il en prend son
parti : « Vivons, profondément sereins, laborieux au fond de notre
âme. » D'autres fois, après s'être excité à sortir de sa torpeur, il
finit par maudire « tous les malfaiteurs et tous les sinistres ouvriers
du néant. » Et il s'en tient là. Ce qui lui manque pour être parfaite-
ment heureux — et sa philosophie aurait déjà dû le lui faire dé-
couvrir — est une chose essentielle à la vie de l'homme sur cette terre,
du riche comme du pauvre, l'obligation du travail. Iti sudore vultua
lui veserris pave. Emm. de Saint-Albin.
HISTOIRE
Oéographie militaipe. France l^^ et 2*" fascicules. Paris, Dumaine,
1878, 2 volumes in-12 de 109 et de 264 p. — Prix de chaque fascicule :
2fr. 30.
L'ouvrage que nous avons sous les yeux ne porte pas de nom d'au-
teur; mais il n'est pas téméraire, croyons-nous, d'en attribuer la
paternité à l'infatigable auteur de travaux historiques et géogra-
phiques déjà fort remarqués, M. le capitaine d'état-major Niox,
professeur de géographie àl'Ecole supérieure de guerre. Déjà, en 1876
ou 1877, M. le capitaine Nioxa publié, sous le titre : Géographie mili-
taire, — première partie, Notions de géologie — un volume qui semble
l'introduction naturelle de ceux dont nous nous occupons aujourd'hui.
D'ailleurs, dans le texte de ces nouveaux fascicules, on renvoie fré-
quemment à ces Notions de géologie.
Ceux qui ont lu ce dernier opuscule ne seront pas surpris de voir
l'auteur commencer sa Géographie militaire de la France par une
étude géologique de notre pays. « Avant de commencer la description
des accidents superficiels d'un pays, il est utile de faire connaître
quelle est la nature du sol qui le constitue. Avant d'entrer dans les
détails de construction d'un édifice, ne commenee-t-on pas par indiquer
s'il est en marbre, en pierre on en briques, et cette indication ne
— 340 —
donne-t-elle pas tout d'abord une première notion approximative des
proportions de l'architecture et parfois de la destination même du
monument ? Ainsi doit-on procéder dans toute description géogra-
phique. » Suivant cette méthode, le capitaine Nîox divise la France,
d'après Texamen de la carte géologique, en un petit nombre de
grandes régions bien caractérisées :
1° Deux massifs de terrains cristallisés : le Plateau central et la
Bretagne; 2° Trois grands bassins géologiques: le Bassin parisien ou
(la Nord, le Bassin de la Garonne ou da sud-ouest, le Bassin du Rhdne
ou du sud-est, qui se subdivise en étage supérieur et étage inférieur;
3" Cinq pays de soulèvements, formant la ceinture de la région gau-
loise :les Pyrénées, \q^ Alpes, le Ju/'rt,les Vosges et le massif Hunsrilck-
Ardennes.
Si notre auteur faisait de la géographie agricole ou climatologique,
peut-être se conformerait-il jusqu'au bout à ces divisions géologiques,
mais il s'agit de géographie militaire, et « si l'on veut comparer la
France à une vaste forteresse hexagonale » on trouve a six
théâtres d'opérations bien distincts, quoique n'ayant pas de limites
absolument définies, correspondant à peu près à chacun des fronts de
l'hexagone, et une septième région, celle-ci surtout montagneuse, et
pouvant offrir un dernier refuge aux débris des armées obligées
d'abandonner les grandes vallées. — Ce sont :
V Le front Nord ou de la frontière belge, compris entre l'Oise, la
Seine et la mer ;
2° Le front Nord-Est ou de la frontière allemande, lo plus impor-
tant de tous ;
3° Le front de l'Est ou de la frontière du Jura ;
A" Le front Sud-Est ou des Alpes et de la Méditerranée ;
5° La Bretagne ;
6" Le front Sud-Ouest ou de la frontière des Pyrénées et du golfe
de Gascogne ;
7° La région du Plateau central.
On le voit, il n'est plus ici question des « matériaux qui. entrent
dans la construction de l'édifice, » mais bien des difterentes expositions
des façades et pignons du dit édifice, — ce qui présente bien aussi, ce
semble, quelque intérêt au point de vue de Thabitation. Le change-
ment de méthode est donc complet ; c'est qu'en effet la géologie est
pour la géographie militaire un auxiliaire incontestablement utile ;
elle ne saurait, seule, lui servir de guide.
Ce sont donc les six « fronts » de la France que le capitaine Niox
étudie successivement, en s'attachant surtout aux grandes lignes et
aux traits généraux des régions qu'il examine, et en élucidant, par des
exemples tirés des guerres anciennes et de la campagne 1870-71, le
— 3oO —
rôle que sont susceptibles de jouer les obstacles naturels, aussi bien
que les fortifications récemment élevées et les lignes ferrées existantes
ou en construction. — Disons avec regret qu'au point de vue de la
facilité des concentrations par chemins de fer, nous paraissons être
encore vis-à-vis des Allemands dans un état réel d'infériorité. — On
reconnaît bientôt, à la lecture de la description de la France, qu'on a
affaire non-seulement à un géographe, mais encore à un professeur,
en ce sens que, divisant sa tâche autant qu'il convient, l'auteur
partage ses diiférents fronU en régions on en massfs dont il décrit
tour à tour riiydrographie, l'orographie, les propriétés militaires. Le
procédé n'est pas exempt de sécheresse ; mais il aide singulièrement
la mémoire .
Les dénominations géographiques, l'orthographe des noms de lieux,
de rivières, de chaînes de montagnes, sont généralement celles des
meilleurs auteurs, en particulier celles de Stieler. Toutefois nous ne
savons pourquoi le capitaine Niox écrit Conzarbruck pour Conz-
Saarbruck, et surtout le Spircbach pour le Speyerbach ou le ruisseau de
Spire. Nous disons bien Spire, Mayence^ Cologne, etc, pour Speyer^
Maiiiz, K'oln, mais on ne peut franciser un mot à moitié. Ce procédé
appliqué aux. mots tels que Obcrland^ Schwarzœald aurait des consé-
quences bizarres. On voit de combien peu d'importance sont les plus
graves critiques que nous ayons à adresser à l'auteur.
Avec le deuxième fascicule se termine l'étude du quatrième front
(frontière sud-est), la suite de l'ouvrage, nous l'espérons, ne tardera
pas à paraître. J. Gouethal,
Géographie de l'Algérie, pai' 0. NiEL. Bônc, Legeudre, 187G, 2 vol.
in 12 de 333 el 342 p. — Prix : 10 fr.
L'auteur, professeur d'histoire et de géographie au collège de
Bône, a pu recueillir sur place une quantité de renseignements qu'on
chercherait vainement dans les autres ouvrages de ce genre ; en outre,
une connaissance approfondie du pays qu'il décrit le met à même de
rectifier bien des erreurs commises par ses devanciers. Le premier
volume est consacré à la géographie physique, agricole, industrielle
et commerciale. Rien n'est plus intéressant à lire. Au milieu de ses
descriptions de montagnes, de rivières ou de côtes, il a su faire
entrer avec art mille détails attachants : ici une anecdote, là une
légende, plus loin un renseignement historique. Tout, dans son livre,
repose le lecteur et excite en même temps sa curiosité. Les gens qui
s'imaginent que l'Aurès est près d'Alger, que les montagnes de sel
n'existent que dans l'imagination des romanciers, ou que le Sahara
est une contrée maudite, sans végétation, sans eau, où l'on peut
tomber sous la dent féroce d'un lion (comme on l'écrit encore dans
certaines revues sérieuse>). seront heureux de trouver, dans l'ouvrage
de M, Niel, un supplément d'informations auxquelles ils peuvent
ajouter une entière confiance. Les ressources de l'Algérie y sont
exposées d'une façon précise, nette et claire. Sans parler des pro-
ductions naturelles de ce sol merveilleusement fertile, il est bon de
constater les résultats donnés par certaines cultures nouvelles, au
nombre desquelles on peut bien faire entrer la vigne, si peu en hon-
neur avant la conquête, ou Vcuralyptiis récemment acclimaté, et qui
est appelé à jouer le plus grand rôle dans le reboisement de notre
grande colonie, à cause du revenu certain et élevé qu'il donne si rapi-
dement.
Dans un autre ordre d'idées^ une des richesses de l'Algérie est, sans
contredit, l'industrie minière, qui y a pris un développement toujours
croissant. M. Niel lui a consacré un excellent chapitre, dans lequel ou
trouvera la liste de tous les gisements minéralogiques connus. Qui
pourrait dire combien sont encore ignorés ? Tous cependant ne sont
pas en exploitation, mais le temps approche où le développement des
chemins de fer et des routes permettra de créer de nouveaux centres
et facilitera aux cuncessionnaires la jouissance de ces capitaux qui
dorment depuis tant de siècles! — Le second volume comprend la
géographie politiiiue. Il est divisé en trois parties correspondant à
chacune des provinces de l'Algérie. C'est un véritable itinéraire
indispensable à tous les voyageurs qui veulent visiter le nord de
l'Afrique : ils j trouveront, avec les cartes des étapes, mille rensei-
gnements agréables et utiles, non-seulement au point de vue du com-
merce et de l'industrie^ mais encore sous le rapport de l'histoire de
chaque localité, depuis l'époque de la domination romaine jusqu'à nos
jours. Aussi la publication de cet ouvrage mérite-t-elle d'être vive-
ment encouragée.
L'auteur est de ceux qui aiment l'Algérie et qui la connaissent.
Il se considérerait comme largement payé de ses peines, si la lecture
de son livre faisait naître dans le coeur de quelques bons P'rançais, les
mêmes sentiments qui agitent le sien. Il est si facile aujourd'hui de
passer en Afrique et d'y séjourner un mois ou deux, qu'on ne
s'explique pas l'indifférence de nos compatriotes. Tous ceux qui ont
vu l'Algérie y retournent avec passion et s'intéressent à son avenir.
Pourquoi faut-il constater que, parmi les touristes intelligents qui
parcourent ce merveilleux pays, les Anglais, les Russes, les Autri-
chiens ou les Allemands sont plus nombreux que les Français? Souhai-
tons que le livre de M. 0. Niel, en faisant mieux connaître notre belle
colonie, détermine chez nous un mouvement sérieux en sa faveur.
AXÏ. HÉROX DE ViLLEFOSSE.
— Xrl —
lia la eunteliiution et des uia{i;ii!>ir»turei9 roniuiiies hous la
I&épultlitaue, par Albert Dupo.nd, docteur es lettres. Paris, Laluue,
1877, in-12 de 337 p. — Prix : 3 fr.
l^^ssaî sui- ratliiliniigti'atgoEt «les provincei^ rouiainei?» »ou»
la Républitjiuo, par E. Pkrso.n, dooteur es lettres. Pari^, E. Thorin,
1878, iu-S de 388 p. — Prix • 8 fr.
Le Sénat (Se la I4éir»uB>SB(iiue romaine, par P. Willeus, professeur
àl'universitéde Louvain. T 1". La Composition du Sénat. Paris, A. Du-
rand et Pedone-Lauriel, 1878, iu-8 de 038 p. — Prix : !6fr.
Le livre de M. Dupond est un manuel destiné à faciliter l'intelli-
gence de Thistoire romaine en faisant connaître rapidement les rouages
de la constitution ; je dis l'ajndemeJit, car on comprend qu'il faut sa-
voir se tenir dans des limites assez étroites pour traiter un aussi vaste
sujet en 250 pages. Les travaux de MM. Duruy et Mommsen, les ma-
gnifiques recueils épigrapliiques publiés depuis quelques années n'ont
pas peu contribué à mettre en faveur les recherches sur la constitu-
tion politique de Rome et sur le mécanisme de son administration.
L'archéologie est venue en aide à Thistoire et, à elle seule^ a fourni
une inépuisable collection de documents, nouvellement mis en lumière,
qui complètent le laconisme des auteurs.
Après avoir rappelé la constitution primitive de Rome, essentielle-
ment aristocratique, maintenue jusqu'à la réforme de Servius Tullius,
qui substitua le privilège de la fortune au privilège de la naissance,
M. Dupond parle du droit de cité ; ensuite des comices, du sénat, des
magistratures ordinaires (consulat^ prêtrise, censure, questure); des
magistratures extraordinaires (dictature, maîtrise de la cavalerie,
décemvirat, tribunat consulaire, interroyauté, préfecture de la ville);
des magistratures plébéiennes (tribunat, édilité). Un appendice con-
tient trois chapitres relatifs aux chevaliers, aux affranchis et aux
fastes consulaires. Le résumé de M. Dupond est utile à consulter,
amant meminisse periti; ceux qui abordent ces questions pour la pre-
mière fois ne doivent le lire qu'avec une certaine prudence; l'auteur, en
effet, avance, sans restriction, certaines opinions qui sont encore
contestées. Par exemple, il voit dans les plébéiens les habitants des
villes voisines de Rome assujetties à sa domination, ainsi que les
clients laissés sans patron par suite de l'extinction des familles qui
les avaient sous leur patronage ; il semble très-probable que ces der-
niers seuls formèrent la plèbe. Ailleurs, dans la dénomination de
Paires consciipii donnée aux sénateurs, M. Dupond, comprenant Paires
ctconscriptl, y voit la différence des sénateurs patriciens et des séna-
teurs plébéiens; cette interprétation, admise par plusieurs auteurs
sérieux, peut être combattue, et la formule traduite littéralement peut
simplement signifier u les Pères inscrits sur la liste (du Sénat). »
Cette distinction, peu importante au premier abord, mérite cependant
— oo3 —
de fixer l'attention, puisque, suivant que l'on adopte l'une ou l'autre
opinion, on est amené à affirmer ou à nier l'admission des plébéiens
au Sénat dès les premiers temps de la République, voire dès l'époque
des rois.
— Si M. Dupond s'occupe de Rome même, M. Person n'a d'autre but
que de rechercher ce que l'on sait de l'administration des provinces.
Tous deux s'accordent à juger les Romains avec une sévérité justi-
fiée. Celui-ci avoue que le peuple romain fut nécessairement amené
à se livrer à Auguste, qui lui assurait la sécurité et l'ordre. Le pre-
mier de ces auteurs dit quelque part que les Romains finirent par
avoir le seul gouvernement que leurs fautes et leurs crimes avaient
rendu possible : Vimperium d'un seul. C'est la plus amère critique
que l'on puisse faire d'une grande nation livrée à une aristocratie dé-
générée et à une démocratie avide et corrompue.
Le livre de M. Person traite de la formation chronologique des
provinces et de leur organisation ; des différents types provinciaux
(colonies, villes latines, municipes, etc.); des charges et tributs qui
devaient être payés à Rome et des modes de perception ; des gou-
verneurs, sans omettre le personnel qui les accompagnait, la prise de
possession et la transmission des pouvoirs; de leur juridiction admi-
nistrative, militaire et judiciaire; de leur reddition de comptes et de
leurs émoluments. — J'estime que, tout en rendant justice au génie
d'organisation administrative des Romains, M. Person a un peu as-
sombri son tableau. Loin de moi la prétention de contester l'égoïsme
âpre du peuple romain, les concussions des proconsuls, l'impunité de
ceux qui s'enrichissaient scandaleusement aux dépens des provinces.
Cependant il faut reconnaître que celles-ci, à en juger par la docilité
avec laquelle elles arrivaient toutes à se laisser absorber, devaient y
trouver quelques avantages. Jetons seulement un coup d'œil sur la
Gaule, et remarquons avec quel empressement cette grande fédéra-
tion de peuples divers se romanisa.
— L'ouvrage de M. AVillems, intitulé : Le Sénat romain sous la Répu-
blique, est un véritable traité sur la matière; il est composé avec une
érudition et une critique dignes du nom de l'auteur. Ce livre est conçu
de telle façon qu'en le lisant, on oublie complètement certaines tour-
nures de style qui laissent deviner que l'auteur est étranger. Ces
incorrections mêmes ne laissent pas que d'avoir une certaine origina-
lité. M. Willems passe successivement en revue la composition du
sénat pendant la période royale; ensuite depuis le commencement de
la République jusqu'à Tadmission des plébéiens, à la fin du cinquième
siècle, lorsque le tribunat consulaire fut accessible à la plèbe ; puis il
passe à la constitution du sénat modifiée par la loi Ovinia, vers
318 ou 312 avant l'ère chrétienne, qui conféra aux censeurs la com-
OcTOBRE 1878. T. XXIII, 23.
— 354 —
position quinquennale de ce corps jusque là confiée aux consuls; il
examine ensuite ces lectloncs senatus jusqu'à l'an 50, donnant, sur les
radiations et les nouvelles promotions, mille détails curieux. Il termine
par un coup d'œil sur le recrutement et la composition du sénat de-
puis la dictature de César jusqu'au principat d'Auguste. A ce moment,
le sénat était devenu, selon le témoignage de Suétone, deformis el
incondila turba. Les triumvirs avaient multiplié sans contrôle les
fonctions qui donnaient accès au sénat, dont les membres étaient au
nombre de plus de mille; des esclaves même s'y étaient glissés.
On est étonné de l'érudition patiente avec laquelle M. WillemS
met ses lecteurs au courant de la société romaine; il a colligé tous
les textes, il a consulté toutes les inscriptions antiques récemment
publiées, de manière à connaître les familles patriciennes et les fa-
milles plébéiennes ; un certain nombre ont le même gentilice, il fait
distinguer clairement les membres de chacune qui appartenaient au
patriciat ou à la plèbe. — Nous signalerons particulièrement les cha-
pitres XI et XV qui ont dû coûter à l'auteur un travail de nature à
décourager les plus zélés chercheurs. Dans le premier, M. Willems
reconstitue le sénat de l'an 179, dans le second, le sénat de l'an 55.
Des tableaux détaillés énumèrent les noms de chacun des sénateurs
dont le souvenir s'est conservé, avec une courte notice sur leur car-
rière, appuyée sur l'indication consciencieuse des sources.
Lorsque la dictature perpétuelle eût été conférée à César, celui-ci
profita de ses pleins pouvoirs pour reviser et compléter le sénat, qui
n'avait plus alors ni crédit ni autorité; la majorité était composée
d'avocats, de politiciens et de légistes {p. 556), chez lesquels la soif
des richesses et du pouvoir éteignait le patriotisme. Comme M. Du-
pond, comme M. Person, M. Willems laisse voir que la République
romaine était arrivée à un tel état de désorganisation, que l'arrivée
d'Auguste au pouvoir fut le salut de la ville éternelle et des provinces.
A. DE B,
I>*un siècle à l'autre, correspondances inédites entre gens connus et
inconnus du dix-huilième et du dix-neuvième siècle, par J.-B.-G. Galiffe,
membre honoraire O'i ordinaire des principales sociétés historiques et
archéologiques suisses, etc. Deuxième partie (de 1798 jusqu'après la
Restauration). Genève pendant sa réunion à la France, sous le Directoire, le
Consulat et V Empire. Restauration de la Ripublique et son incor^poration à
la Suisse. Genève, Paris et Neufchâtel, Sandoz, 1878, in-8 de vi-SOO p. —
Prix : 8 fr. 50
L'année dernière, je rendais compte, ici même, du premier volume
de l'ouvrage de M. GalifFe. Je pourrais aujourd'hui, à propos du se-
cond volume qui vient d'être publié, répéter ma critique d'alors : le
cadet reproduit fidèlement les traits caractéristiques de son aîné.
L'accueil fait à celui-ci par le public a, paraît-il, tellement surpassé
— 335 —
l'attente de son auteur, que, dans un court avant-propos, M. Galiffe
s'engage auprès de ses admirateurs à leur donner un troisième vo-
lume. Je le félicite de ce succès que je ne prévoyais pas plus que lui.
En attendant, ce second volume comprend Thistoire de Genève à
l'époque de sa réunion à la France, pendant le Directoire, le Consu-
lat et l'Empire. Signé d'un Genevois et publié à Genève, ce livre
s'adresse plus particulièrement aux lecteurs genevois, mais l'histoire
de Genève pendant cette période se trouve tellement dépendante de
l'histoire de l'Europe entière, alors bouleversée par Napoléon, que les
incidents purement genevois y disparaissent dans le grand drame
européen. Les archives de la famille Galifle fournissent les princi-
paux documents. Peu de lettres cependant sont datées de Genève.
Tandis que le père et la mère restaient au pays, une fille se mariait
en Savoie ; l'un des fils, au service de l'Angleterre, faisait la cam-
pagne d'Espagne ; un autre était l'homme de confiance du banquier
delà cour de Russie; un troisième, d'abord officier dans l'armée prus-
sienne, se voyait obligé de demander à la France de nouvelles épau-
lettes. La campagne de Prusse, en 1806, la guerre d'Espagne, la
campagne de Russie, les succès de la coalition, en 1814 et 1815, se
trouvent ainsi racontés par des témoins oculaires ; les bruits qui
couraient partout sont soigneusement recueillis ; les mouvements
de crainte ou d'espoir qui passionnaient l'opinion publique se
montrent dans toute leur vivacité. A cette correspondance de famille
viennent se mêler des lettres inédites de M™® de Staël, de lord Brou-
gham, de Pictet de Rochemont, nommé par la coalition « secrétaire
général pour l'administration des provinces conquises ou à con-
quérir, » et d'autres de personnages plus ou moins connus. Il y en a
en anglais, et la correction du texte laisse parfois à désirer ; il y en
a deux ou trois en allemand. L'auteur reproduit aussi un certain
nombre de documents officiels, proclamations, décrets, arrêtés ou
circulaires ministérielles, etc., et, parmi eux, il en est de curieux. Ainsi
l'administration municipale de Genève supprime, faute de ressources,
l'éclairage, les patrouilles nocturnes, les réparations aux pavés, aux
fontaines, à la maison communale, et informe l'administration cen-
trale du département qu'elle n'a pu payer aux commissaires de police,
aux appariteurs et aux employés leur traitement mensuel (avril 1799).
Et le même dénuement persiste jusqu'à la fin de l'Empire : pendant
tout cet heureux temps, il n'est question d'éclairage public que pour
les illuminations forcées en l'honneur des fêtes impériales.
Il faut louer M. Galiffe du commentaire érudit qui accompagne ses
textes, de la modération dont il fait preuve dans ses jugements, de sa
précision et de son exactitude. Je regrette seulement, comme je l'ai
déjà fait pour le premier volume, que la langue dont il se sert ait
— 3;;n -
une teinte par trop genevoise et que le choix des lettres ne soit pas
plus sévère : beaucoup d'entre elles auraient pu, je crois, sans que le
public eût à les regretter, rester dans les archives de la famille
Galiffe . Emm. de Saint-Albin.
BULLETIN
Choix de prières, d'après les manuscrits du neuvième au dix-septième
siècle, par Li';o.\ Gautier. Edition populaire. Paris, Palmé, 1878, ia-32 de
xvi-a74 p. — Prix : 2 fr.
Nous n'avons qu'à annoncer celte nouvelle édition, à plus bas prix, d'un
ouvrage que la plupart de nos lecteurs ont depuis longtemps entre les mains.
Fruit de l'alliance de la piété dans le choix, et de la science dans les recher-
ches, il contraste avec beaucoup d'ouvrages du même genre. Nous avons
ici comme la quintessence des prières dont nos pères réchauiïaient leurs
âmes aux siècles de foi. La solidité delà doctrine, l'inspiration surnaturelle,
la naïveté et la grâce du style, un suave parfum de piété en sont les carac-
tères essentiels. L'esprit s'y repose; le ca:'ur s'y nourrit et s'y console. Ce
recueil embrasse toutes les situations et toutes les circonstances de la vie; il
donne des prières pour tous les actes de la journée chrétienne, poui tous les
jours de la semaine, pour les fêtes de l'année, et pour tous les besoins de la
vie chrétienne, il est terminé par les textes liturgiques pour la messe et les
vêpres. L'indication de l'origine est presque toujours donnée. R. S.
Les Bienséances sociales, ou traité de politesse, par le R. P. Cuampkal',
supérieur de Notre-Dame de Sainte-Croix, i* édition. Paris, Pahné, 1877,
in-12 de vii-244 p. — Prix : 3 fr,
La politesse n'est, en réalité, que l'application des préceptes évangéliques
dans les relations avec le monde : elle a pour base le respect et la charité.
Une partie des règles qu'elle impose est générale et fixe; l'autre dépend des
usages. Dans cette quatrième édition d'un ouvrage qui remonte au moins à
18b8, le R. P. Champeau aborde en même temps les deux aspects de la
question ; son livre a d'autant plus d'importance et d'attrait qu'il a, tout en-
semble, le mérite d'un ouvrage de morale, d'une étude de mœurs et l'utilité
pratique d'un code de civilité. Il y a beaucoup de finesse et d'observation
dans le tableau des défauts à éviter, des devoirs à pratiquer envers Dieu, les
supérieurs, les amis, les étrangers, enfin envers soi-même et envers le
monde. C'est avec intérêt et profit qu'on lira cet ouvrage. V. M.
La parole est à «leanne d'Are, inspirée, secondée, condamnée, glori^
fice^ canonisée. Paris, Féchoz, 1878, in-i2 de oO p, — Prix : bO cent., par
la poste, 60 cent,; la douzaine;, 4 fr,; par la poste, 4 fr. 50.
Voici une vraie brochure de propagande, vive, alerte, pleine de feu et
d'entrain. L'auteur, dont malheureusement il ne nous est pas permis de
citer le nom, a voulu, si nous osons nous servir de cette expression, tirer, à
tous les points de vue, la moralité de Jeanne d'Arc, mais il s'est attaché sur-
tout au point de vue du droit national. Il nous montre l'héroïne lorraine
directement chargée par Dieu de sauver le pays en le ramenant au respect
de la véritable tradition française. Impossible de parcourir les éloquentes
pages de cette brochure sans se sentir plus d'espérance au cœur, plus de
confiance dans les destinées de la France. H. de Charencev.
— ;3o7 —
ï^a Xarentalse historique, monumentale, •pittoresque, géologique,
orographique, avec la flore, la station des fiantes, le mois où elles se récol-
tent, par l'abbé Pont, chanoine. Nouvelle édition. Paris, Bray et Retaux,
1878, in-12 de 139 p. — Prix : 2 fr.
Le titre si développé de ce petit livre dit à peu près ce qu'il contient.
C'est un guide pour les touristes qui s'engagent dans cette partie si
pittoresque et si peu fréquentée de la Savoie qu'on appelle la Tarentaise. 11
est fait par un écrivain qui connaît et aime son pays, et veut le faire con-
naître et aimer. Il donne, sur chaque centre de population, les détails histo-
riques que lui ont fourni les auteurs, et sur leur situation actuelle, ce qu'il
a pu en apprendre par lui-même. Il y a de tout : à côté des indications pra-
tiques pour le voyageur, des renseignements historiques, statistiques, archéo-
logiques, scientifiques, commerciaux, etc., etc. Une note sur l'origine du
gâteau de Savoie à côté d'une page sur le passage des Alpes par Annibal.
En-dehors des notices consacrées à chaque localité, il y a des chapitres spé-
ciaux pour l'orographie, la géologie et la tlore. V. M.
Madame Elisabeth devant le XplbunnI révolutlonnaii*e
(10 mars 1794), par Maxime de lv Rocheterie. Paris, librairie de la Société
Bibliographique, 1878, in-I8 de 3G p. — Prix :20 cent. (.N" 18 des Brochures
sur la Révolution française .)
Parmi les victimes illustres de la Révolution française, nous ne croyons
pas qu'il en est une sur laquelle la fureur sanguinaire eut moins de raison de
s'assouvir que sur Madame Elisabeth. L' « Ange de la famille royale, »
comme on l'appelait, n'avait contre elle que sa vertu et sa qualité de sœur de
rinfortuné Louis XVI. C'est un crime sans excuse. Pour montrer tout ce
qu'il a d'odieux, M. de la Rocheterie n'a eu qu'à emprunter aux documents
historiques,- — les frais de mise en scène seraient ici superflus, — quelques
traits sur le caractère de la vertueuse princesse, sur sa comparution devant le
Tribunal révolutionnaire, son interrogatoire, son jugement, sa condamnation
et les scènes émouvantes de sou exécution. Voilà des pages qu'il faut lire
et faire lire. R. S.
Fouquîer-Xînvîlle, par Louis Teste. Paris, librairie de la Société Bi-
bliographique, 1878, in-i8 de 30 p. — Prix : 20 cent. (N° 17 des Brochures
sur la Révolution française,)
Après la sainte victime, voici le hideux bourreau. Ce n'est point une bio-
graphie du « pourvoyeur de la guillotine » que nous donne M. Teste : c'est
un portrait d'après nature, dont tous les trails sont empruntés à l'histoire.
Quel personnage que ce fils de cultivaieur, devenu pr()cureur, s'affublant
d'une particule, tournant des vers à riionuenr du roi, finissant comme accu-
sateur public du Tribunal criminel révolutionnaire, jusqu'à ce que la Révo-
lution le sacrifie comme les autres. Il n'est pas d'imagination assez féconde
pour charger un homme d'autant de crimes que ceux dont il s'est rendu
coupable pendant les dix-sept mois qu'il exerça ses fonctions. Il plaisante
avec les accusés, que disons-nous, les condamnés, car, pour lui, c'est tout un.
Il ne respecte ni l'innocence, ni l'amitié ; il accepte de l'argent et fait con-
damner ceux dont il l'a accepté. Des tètes, de? tètes, il ne demande que
— .3o8 —
cela. L'indignation, laolère vous saisissent en iiiant ces pages. Comment, en
pleine civilisation, de tt^lsacte? de barbarie ont-ils pu se curamettre, comment
Ja France et Paris ont-ils pu subir si longtemps le joug honteux? Voilà où
l'ambition conduit les hommes, quand la religion n'est pas là pour mettre
un frein à leurs passions! Voilà ce que deviennent la migislrature et la
justice soumises aux caprices du premier venu! R. S.
Au-x. /kntillee, par Victor Weignan. Ouvrage enrichi de huit gravures;
par Breton, d'après des photographies et des croquis de l'auteur. Paris,
Pion, 1878, in-12 de xvi-344 p. — Prix : 4 fr.
Ce n'est pas seulement en simple touriste que voyage M. Victor Meianan,
c'est en observateur et en pliilosophe. Il admire sans doute les splendeurs
de la nature, et il décrit avec enthousiasme, dans un style attrayant, les
richesses d»-s forêts vierges et les féeries des nuits tropicales ; mais il tient
avant tout à étudier les mœurs du pays et à en analyser l'état social. De ce
travail résultent d'-s conclusions bien tristes pour nos deux îles de la Marti-
nique et de la. Guadeloupe, ces deux derniers débris de notre riche cou-
ronne coloniale. Les réformes irréiléchies lie la première et de la seconde
république ont porté un coup mortel à la prospérité de ces belles contrées,
si richement douées par la nature. La Convention, en supprimant le code
noir, cette sage et humaine réglementation de l'esclavage par nos rois, a
amené des abus qui ont conduit les législateurs de 184S à abolir brusque-
ment l'esclavage ; et celte abolition subite, mal étudiée et nullement préparée,
a été la ruine de nos colonies. Aujourd'hui, l'ancienne organisation du travail
a été remplacée par les engagements volontaire*, qui ne soiit qu'un esclavage
déguisé, esclavage même sans les garanties et les compensations qu'assurait
le code noir. La population blanche a émigré; la population noire reste
inactive; tout est abandonné à la population de couleur, race sans moralité
et sans principes, la pire ennemie de la France dont elle ne rêve que de
secouer la domination, dit M. xMeignan, C'est à cette race que le suffrage
universel a livré l'avenir de nos colonies; les blancs, se sentant les plus fai-
bles, s'abstiennent; les noirs ne votent pas, par insouciance; les mulâtres
seuls prennent part au vote, et l'on a vu des élections faites par sept voix.
Or, ce que devient la population de couleur livrée à elle-même, on le sait :
elle retourne forcément au noir; ce qu'elle est capable de faire au point de
vue politique, on le sait aussi par ce qui se passe à notre ancienne colonie
de Saint-Domingue. Florissante sous le gouvernement de la France, la mal-
heureuse île est devenue, depuis que les noirs et les mulâtres y sont maîtres,
le type effrayant de l'anarchie et de la décadence. Il faut lire le récit de ces
misères dans le livre de M. Meignan : — ce fort dont la porte vermoulue est
renversée d'un coup de pied, cette armée de dix-neuf mille hommes qui ne
compte pas moins de onze mille généraux, ces rues qui sont des cloaques,etc.
Y a-t-il pour nos colonies un moyen d'éviter de pareils désastres? Oui, dit
M. Meignan ; il faut réduire la race de couleur à l'état d'infériorité pour
lequel elle est née et dont elle n'eût jamais dû sortir, et appliquer le ré-
gime colonial anglais. Ces réformes, les opérera-t-on, et la troisième répu-
blique cherchera-t-elle à réparer aux Antilles le mal fait par les deux pre-
mières? Hélas! qui oserait l'espérer? M. de la Rocheterie.
— 359 —
E^nrermé dans Paris. «Tournai du siège, du 9 septembre
l»YO au «8 janvier ISTl, par M. N. Sheppard. Dijon, impri-
merie Darantière ; Paris, Dentu, 1877, in- 12 de 411 p. — Prix : 3 fr. 50.
Ce livre viendrait bien tard s'il pai'aissait avec la prétention de fournir des
détails nouveaux sur le siège de Paris : que de témoins oculaires ont écrit
leur récit ! Son mérite est de venir d'un étranger, citoyen de la grande répu-
blique américaine, et de donner, avec une franchise un peu rude quelque-
fois, ses appréciations sur nous autres Français et néo-républicains : ses con-
citoyens et lui nous ont témoigné assez de sympathies, par leur générosité à
cette triste et douloureuse époque du siège, pour que la liberté de son lan-
gage mérite notre indulgence. Ce sont, à tout prendre, de fort bonnes leçons
données sous la forme attrayante d'un journal écrit au jour le jour. Publié
en anglais, l'ouvrage a été traduit par une étrangère qui manie bien noire
langue, et s'abrite sous les trois lettres M. C. B. — C'est assez dire qu'il ne
faut y chercher que des appréciations ; il y a bien quelques faits :
M. Gambetta ayant une fi'ayeur horrible du voyage en ballon (99) ;
M. Laboulaye faisant partie d'un cortège de Victor Hugo (40) ; des traits
piquants sur tous les grands hommes du temps, des anecdotes, des dé-
tails de mœurs, des documents comme ceux qui font connaître le prix
des denrées, le cours de la Bourse semaine par semaine, etc. Mais, ce qui
fait l'intérêt principal du livre, ce sont les jugements sur la France et ses
institutions. S. M.
Mer de L.adoue, évêque de IVevers, esquisse biographique, par
M^'"ToLJiA DE Bordas, prélat de la Maison de Sa Sainteté Léon XIH, suivie
du résumé des conférences centrales de Nevers surle libéralisme catholique.
Paris, Tolra, 1878, in-8 de 187 p. — Prix : 3 fr.
Ami intime du regretté évêque de Nevers, Msi" Tolra de Bordas a pu, mieux
que tout autre, faire ressortir ses hautes vertus, son humilité, sa charité, sa
fermeté, son zèle pastoral, son amour de la vérité. Il nous raconte les pre-
mières années de son enfance; ses débuts dais le sacerdoce, son passage à
Amiens, où il est appelé, dès l'âge de trente-deux ans, à remplir les fonctions
de vicaire général; sa retraite ensuite; ses travaux dans la solitude; son rôle
au concile; son avénementau trône épiscopal de Nevers. L'auteur s'arrête sur-
tout sur le rôle que joua Ms^ de Ladoue depuis 1873 jusqu'à sa mort. La bio-
graphie si intéressante du prélat est accompagnée d'un appendice contenant
le résumé des conférences centrales du diocèse de Nevers sur le libéralisme
catholique. Eugène Menu.
VARIÉTÉS
l'exposition de la BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
Parmi les expositions spéciales organisées à l'occasion de l'Exposition uni-
verselle, l'une des plus curieuses et en même temps des plus instructives
est assurément celle de la Bibliothèque nationale. Elle se partage, au point
de vue des locaux qui y ont été affectés, en trois grandes sections. L'exposition
géographique, disf>osée dans l'ancienne salle dite des Globes et les salles
avoisinantes, existe depuis le Congrès international de géographie tenu il y
— 3flO —
a deux ans. L'exposition dn département des estampes est, depuis plus
longtemps encore, établie d'une façon permanente dans la salle d'entrée et
la galerie de travail de ce déparlement. L'exposition du département des
imprimés a été réunie ajuste titre à celle du département des manuscrits,
les plus anciens imprimé?, qui sont les objets dont surtout elle se compose,
n'étant que la reproduction, aussi exacte que possible, des manuscrits de la
même époque. L'éminent directeur de la Bibliothèque, M. Léopold Delisle, a
donné personnellement tous ses soins à cette double exposition, assisté de
MM. Micbelant et Wescher, et de M. Thierry-Poux. Elle est établie dans la
galerie appelée Galerie Mazarine, le plus important morceau qi:i subsiste du
palais du cardinal Mazarin, Les peintures mythologiques delà voûte sont
l'œuvre de Romanelli.
Le centre de cette galerie est occupé par le Parnasse français, monument
en bronze de l'année 1718, qu'Evrard Titon du Tillet fit exécuter par le
sculpteur Louis Garnier, pour honorer la mémoire de Louis XIV et des il-
lustres poètes et musiciens français.
Les objets dont se compose l'exposition du département des manuscrits
peuvent se rattacher à onze groupes :
i° Origine de la Bibliothèque. Débris des collections qu'avaient formées,
au quatorzième et au quinzième siècle, le roi Jean et les princes de sa fa-
mille : Charles V, Jean, duc de Berry, les ducs d'Orléans, les comtes d'An-
goulème et les ducs de Bourgogne (.irmoire X);
2° Manuscrits et xylographes orientaux et américains (Armoire XV) ;
.3» Manuscrits grecs (Armoire XVII) ;
4° Paléographie latine, depuis Tantiquité jusqu'à l'époque carlovingienne
(Armoire XIU) ;
■)0 Paléographie de l'Ilalie, de l'Espagne, de l'Angleterre et de l'Alle-
magne, depuis Charle;; agne jusqu'à la lin du moyen âge (Armoire XII) ;
n» Paléographie de la France, depuis Charlemagne jusqu'à la fin du
moyen âge (Armoire XI) ;
7" Peintures des manuscrits (Armoire XIX);
8° Manuscrits des rois et des reines de France (Armoire XX) ;
9° Reliure des manuscrits, principalement formées d'ivoires, de plaques
d'orfévz-erie, etc. (Vitrines XXX et XXXI) ;
10" Documents divers et pièces autographes (Vitrines XVI, XVIII et XXXII);
M° Documents diplomatiques et pièces diverses sur papyrus et sur par-
chemin. Cadres accrochés au mur méridional de la galerie annexe.
Dans la galerie Mazarine, les armoires et les vitrines numérotées X-XIII,
XV-XX et XXI-XXXII sont consacrées à l'exposition des manuscrits ; le com-
plément de cette exposition se trouve dans la galerie de bois, dite Galerie des
Charles, qui unit les anciens bâtiments du palais Mazarin aux nouvelles
conslructioas donnant sur la rue Richelieu.
Parmi les objets exposés dans les diverses armoires ou vitrines, nous si-
gnali-rons particulièrement les suivants :
Portrait du roi Jean. Peinture sur bois du quatorzième siècle, donnée à la
Bibliothèque par Roger de Gaignières.
Rouleau contenant le plus ancien catalogue de la librairie du Louvre. Il est
intitulé : « Cy après en ces rouliez sunt escrips les livres de très-souverain
et très-excellent prince Charles le quint de son nom, par la grâce de Dieu
royde France, lesquielx estoient en son chastel du Louvre, en trois cham-
bres, l'une sus l'autre, l'an de grâce mil CGC soissante et treze, enregistrés
de son commandement par moy Gilet Malet. » (Chartes de Baluze, n° 703,) —
— 361 —
Un estampage de la dalle tumulaire de (iille? Malet, premier garde de la
librairie du Louvre, mort en janvier 1411, se voit appendu au mur de la
salle qui précède la galerie Mazerine.
Rational des divins offices, dont le frontispice nous offre les portraits de
Charles V, de Jeanne de Bourbon et de leurs enfants. — Au bas du fol. 403, note
autographe du roi Charles V, ainsi conçue : « Cest livre nommé Rasional des
divins offises, est à nous Charles le V« de notre nom, et le finies tranlater,
escrire et tout parfere, l'an MCCCLXXIIII. » Porté en Angleterre après la
mort de Charles VI, ce manuscrit fut acheté à Londres en 14il par Jean,
comte d'Angoulême. (Français 437.)
Divers traités de dévotion. Manuscrit du quatorzième siècle, à la fm duquel
les deux frères Charles, duc d'Orléans, et Jem le Bon, comte d'Angoulême
(1407-1467), ont mis leurs signatures. (Français 180'2.)
La belle Bible historiée de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Ce vo-
lume, que le mariage d'Agnès de Bourgogne fit passer de la librairie de
Bruges dans celle de Moulins, renferme pTus de o,000 tableaux, qui paraissent
avoir été commencés en 1401 par les enlumineurs Polequin Manuel et Jane-
quin Manuel. (Français 167.)
Les Comédies de Térence, avec dessins imités de l'antique. Ce manuscrit,
du neuvième ou du dixième siècle, qui fut longtemps conservé dans l'abbaye
de Saint-Denis, est relié aux armes et au chiffre de Charles IX. (Latin 7899.)
Commentaire de saint Jérôme sur les Psaumes. Manuscrit de l'année 1488,
exécuté pour Mathias Corvin, roi de Hongrie. L'écriture est de la main de
« Antonius Sinibaldus Florenlinus ; » les peintures sont signées par Atta-
vante. (Latin 16839. De la bibliothèque du duc de La Vallière.)
Pontifical de l'église de Scherbourne, connu sous le nom de Pontifical de
saint Dunstan. Manuscrit de la fin du dixième siècle, contenant quelques
morceaux en anglo-saxon et orné de dessins au trait. (Latin 943. De la bi-
bliotbèque d'Antoine Faure.)
Pontifical d'Egbert, archevêque d'York. Écriture saxonne du dixième ou
du onzième siècle. Il y a, entre les feuillets 157 et 138, une formule d'abso-
lution en anglo-saxon. (Latin 10575. De la bibliothèque du chapitre
d'Évreux.)
Polyptyque de l'abbé Irminon, contenant l'état des biens de l'abbaye de
Saint-Germain des Prés au commencement du neuvième siècle. Document
auquel les travaux de Benjamin Guérard ont donné une grande célébrité.
(Latin 12832.)
Lois des Wisigoths. Écriture wisigothique, du huitième ou du neuvième
siècle. (Latin 4667.)
Procès des Templiers en 1309. Manuscrit original sur papier, qui avait été
déposé au trésor de Notre-Dame de Paris, et qui, dans les temps modernes, a
successivement appartenu au président Brisson, à l'avocat général Servin et
au président de Harlay. (Latin 11796.)
Psautier en lettres semi-onciales, de la fin du huitième siècle. Les invoca-
tions qui suivent le psautier contiennent la mention du pape Léon III et de
Charles, roi des Francs et des Lombards et patrice des Romains, ce qui cor-
respond à la période comprise entre les années 795 et 800. (Latin 13159. De
la bibliothèque de Harlay.)
Procès de condamnation et procès de justification de Jeanne d'Arc. Exem-
plaire du quinzième et du seizième siècle, ayant fait partie de la biblio-
thèque de Claude d'Urfé. (Latin 8838.)
Emblèmes bibliques. Manuscrit exécuté en France, au treizième siècle, et
— 362 —
dont chaque page est ornée de huit médaillons renfermant des peintures.
(Latin lloCO. De la bibliothèque du chancelier Séguier.)
Vie de saint Louis, par le confesseur de la reine Marguerite. Volume écrit
au quatorzième siècle, orné de beaucoup de peintures et ayant fait partie de
la librairie de Charles V. (Français o7i6.)
La Passion et Résurrection de Notre Sauveur et Rédempteur Jésus-Christ,
ainsi qu'elle fut jouée en Valenciennes, en l'an 1547. Manuscrit orné de
peintures exécutées par Hubert Cailleau. (Français 12o36. Acquis en 1855.)
Psautier avec peintures, de la fin du douzième siècle, paraissant avoir été
fait dans la province de Cologne. (Latin 17961. De la bibliothèque de l'Ora-
toire.)
Evangéliaire de Charlemagne, écrit sur parchemin pourpré, en lettres
onciales d'or. Il a été exécuté, en l'année 781, par Gode-scalc. Conservé jus-
qu'à la Révolution dans l'abbaye de Saint-Sernin de Toulouse ; donné par
la ville de Toulouse à Napoléon 1"; déposé successivement à la bibliothèque
du Louvre et au Musée des Souverains; attribué en 1872 à la Bibliothèque
Nationale. (Nou?. acq. lat. lO'JS.)
Bible latine, offerte à Charles le Chauve par Vivien, abbé de Saint-Martin
de Tours, et qui, après avoir été longtemps conservée au trésor de la cathédrale
de iMetz, fut olferle à Colbert, en 1(575, par le chapitre de cette église. Les
bénédictins ont supposé que cette bible a pu être faite à Saint-Martin de
Tours, par les soins d'Alcuin, pour Charlemagne, et que, la présentation à
Charlemagne n'ayant pas eu lieu, le livre fut offert à Charles le Chauve par
l'abbé Vivien. La ressemblance de cette Bible avec le manuscrit du Musée
britannique, attribué à Alcuin, donne beaucoup de vraisemblance à la con-
jecture des bénédictins. (Latin 1.)
Bible de Blanche de Castiile, reine de France, qui la donna à l'abbaye de
Saint-Victor de Paris. Manuscrit de la première moitié du treizième siècle.
(Latin 14397.)
Psautier de saint Louis, copié et peint après le retour de la première
croisade. En tête (fol. A v°), on lit cette note : «Cest Psaultier fu saint Loys,
et le donna la royne Jebanne d'Evreux au roy Charles filz du roy Jehan. l'an
de Nostre Seigneur mil troys cens soissante et nuef, et le roi Charles présent
filz du dit roy Charl-'s le donna à madame Marie de France, sa fille, reli-
gieuse à Poyssi, le jour Snnt-Michel, l'an mil IllI". » (Latin 10525.)
Commémoration et avertissement de la mort de la reine Anne de Bretagne,
par le hérault Bretaigne. Exemplaire exécuté pour Louise de Savoie. (Fran-
çais 5094.)
Les Campagnes de Louis XIV. Volume se rapportant à l'année 1676. (Fran-
çais 7892.)
Heures de Louis le Grand faites dans l'hôtel royal des Invalides. 1 693. (Latin
9477.)
Le Livre des quatre Évangiles, copié en lettres d'or au commencement du
onzième siècle, probablement entre les années 1002 et 1014, dans une église
soumise à l'Empire. Ce beau volume, que Charles V donna à la Sainte-Cha-
pelle en 1379, y était connu sous le nom de VApocalice, L'un des plats, exé-
cuté à la fin du treizième ou au commencement du quatorzième siècle,
représente Jésus en croix, et a conservé une partie des perles et des pierres
dont il était orné et dont nous avons les détails dans un inventaire de
l'année 1480. L'autre plat offre l'image de saint Jean, gravée d'après celle
qui est peinte à l'intérieur du volume, au folio 115 v°. L'exécution du second
plat date du règne de Charles V; la donation du roi y est rappelée par une
— 363 —
inscription ainsi conçue : « Ce livre bailla à la Sainte-Chapele du palais
Charles le V' de ce nom, roi de France, qui fu filz du roi Jehan, l'an mil
troiz cens LXXIX. « (I.atin 880 i.)
Missel de l'abbaye de Saint-Denis, avec notation musicale en neumes. Écri-
ture du onzième siècle. Le premier plat de la reliure était orné d'une repré-
sentation du crucifiement, dont il ne reste plus que les petites statuettes de
la sainte Vierge et de saint Jean, en ivoire; tout autour, sur des bandes de
métal repoussé, se voient les bustes de plusieurs patriarches et prophètes,
les symboles des évangélistes et deux grands séraphins; la plupart des
figures sont accompagnées d'inscriptions; les bandes de métal sont bordées
de perles et de pierres. L'ensemble de celte décoration doit remonter au
onzième ou douzième siècle. L'autre plat, refait à une époque moderne, est
recouvert d'une plaque de cuivre du quinzième siècle, sur laquelle est gravée
l'image d'un martyr, en pied. (Latin 9i3fi.)
Diptyque consulaire de l'année 517. Les deux feuilles de ce dyptique, sur
lesquelles sont représentés les jeux du cirque, ont été, au moyen âi;e, em-
ployées à couvrir le catalogue des archevêques de Bourges. Sur le revers des
plaques d'ivoires, plusieurs mains du douzième et du treizième siècle ont
aussi inscrit les noms des archevêques, avec la durée du pontificat de chacun
d'eux. (Latin 0861.)
Les quatre Évangiles, en lettres onciales d'argent, sur parchemin pour-
pré, du onzième siècle. Les plats du volume sont formés de plaques d'ivoire
très-anciennes, peut-être du cinquième siècle, sur lesquelles sont sculptées
des scènes de l'Évangile. Ce manuscrit vient de l'église de S:unt-Lupicin
(Jura, arrondissement et canton de Saint-Claude), où il était connu sous le
titre de l'Apocalyps-^ de Saint-Lupicin. Le conseil municipal de Laucone
l'envoya à la Bibliothèque le 21 août 1794. (Latin 9384.)
Les quatre Évangiles, à l'usage de l'église de Metz. Écriture du onzième
siècle. Ivoire carlovingien, sur lequel sont sculptées à jour trois scènes du
Nouveau Testament. (Latin 9393. Envoyé de Metz à la Bibliothèque en 1802.)
Lettre de Jean, sire de Joinville, au roi Louis X, en 1315. Sur papier.
Lettre du roi Jean, datée de Londres, le 19 juillet 1337 ou 1358, avec la
signature autographe du roi.
Lettre du roi Charles V, pour Henri de Colombières, chevalier normand.
4 décembre 1364, Signature et post-scriptum autographe du roi.
Quittance de Bertran du Guesclin, datée de Pontorson, le 23 novembre
1374, avec signature autographe.
Quittance d'Agnès Sorel, du 18 avril 1448, avec signature autographe.
Lettre de Marie Stuart, datée de Lislebourc, le 26 octobre.
Lettre de saint François de Sales, du 17 mai 1611.
Quittance de saint Vincent de Paul, du 12 octobre 1634.
Lettre de Henri IV au duc de Sully. (Français 4047, — Don de l'abbé de
Louvois.)
Lettre de Malherbe à Peiresc. (Français 9333.)
Les deux premiers actes de la tragédie d'Achille ; manuscrit autographe
de La Fontaine. (Français 12704. Volume donné en 1740 par l'abbé
d'Olivet.)
Les Pensées de Pascal, manuscrit original. (Français 9202.)
Premier volume des Mémoires du Cardinal de Retz. (Français 10323.)
Sermons de Bossuet. manuscrit autographe. (Français 12821.)
Les Aventures de Télémaque, manuscrit autographe de Fénelon. (Fran-
çais 14944.)
- Wi- —
Premier volume dos Mémoires de Louis XIV, écrit de la main du Roi.
(Français 10329.)
Lettre de Pierre Corneille à M. d'Argenson.
Lettre de Thomas Corneille,
Quittance de Molière, du 2ti juin 1608.
Lettre de Boileau à Racine.
Lettre de Racine à Boileau.
Lettre de Turenne à la marquise d'Uzès.
Lettre de M»iede Sévigné ù M"^ de Grignan.
Lettre de M™" de Maiiitenon au roi d'Espagne,
Lettre de La Bruyère à Phelypeaux, du Ifi juillet 1695.
Partie d'un exemplaire du Livre des morts, en caractères hiéroglyphiques,
au nom del'Osiris Amen-em-ua. (Papyrus égyptien 33.)
Fragment de compte relatif à un deuil de Mnévis, l'an 159 avant Jésus-
Christ, (Supplément grec l'>96; n° 3o bis au. recueil de Letronne.)
Notes de dépenses. (Supplément grec 59o; n^ 66 bis du recueil de Le-
tronne,)
Actes d'ouverture de testaments devant le magistrat de Ravenne. Le rou-
leau de papyrus dont ces actes ont fait partie a été écrit en oo2. (Latin 8842.
Acquis en 1750.)
Diplôme du roi Cbildeberl IH pour le monastère d'Argenteuil , 3 avril 69G,
(Latin 9007).
Instructions données par Charlemagne aux députés qu'il envoyait en
Italie. 785 . (Latin 9008.)
Traité conclu à Arras, le 21 septembre 1435, entre Charles VII et Philippe
le Bon, duc de Bjurgogne. Exemplaire original, signé et scellé par les am-
bassadeurs du roi Charles VU, savoir : Charles, duc de Bourbonnais; le con-
nétable Artur, comte de Richemont ; Louis de Bourbon, comte de Vendôme;
le chancelier Renaud de Chartre-, archevêque de Reims; Christophe de Har-
court; le maréchal Gilbert de La Fayette; Adam de Cambrai, premier président
du Parlement; Jean Tudert, doyen de Paris; Guillaume Charretier; Etienne
Moreau; Jean Chastenier et Robert Mallière. (Chartes de Colbert, n» 203.)
Original du traité de Cambrai, conclu entre les ambassadeurs de Fran-
çois P"" et ceux de l'empereur Maximilien et de Charles, roi d'Espagne.
Aoiit 1510. Signatures et sceaux des ambassadeurs. (Chartes de Colbert,
n»295,)
Bulle sur papyrus, du pape Silvestre II, pour Théotard, évêque du Puy,
23 novembre 999, Au bas est une signature en notes tironienes, qui parait
devoir être lue : « Silvester qui et Gerbertus papa, w (Nouv. acq. lat, 2507.
Acquis en 1875.)
B(i!b; du pape Léon IX pour l'abbaye de Brauveiler, au diocèse de Cologne,
7 mai 1052. Avec la bulle du pape. (Collectiou de Lorraine, vol, 981.)
Lettre dTanocent III relative au mariage de Baudouin d'Avesnes et de Mar-
guerite de Fl^.ndre. 20 février 1215. Bulle du pape. (Chartes de Colbert,
no 406.)
Constitutions promulguées par Grégoire X au concile de Lyon, i" no-
vembre 1274. Bulle du pape. ((Chartes de Colbert.)
Donation faite par Alphonse \I, l'oi de Léon et de Castille, à l'abbaye de
Cluni. d'un monastère situé en Castille, 22 mai 1077. (Chartes de Cluni,
no 134.)
Donation de l'église de Saint-Pancrace en Angleterre, faite à l'abbaye de
— :>(;;; —
Cluni par Guillaume de Varenne. Au bas de l'acte sont les signes de (iuil-
laume le Conquérant, de la reine Mathilde et de Guillaume leur fils. Vers
l'année 1080. (Chartes de Cluni, Uo 121.)
Lettre adressée par le doge de Venise à l'ambassadeur de la République
près de Charles le Téméraire, au sujet des affaires de l'Orient. 19 juillet 1473.
Bulle du doge en plomb. (Chartes de Colbert, n° 695.)
Pouvoirs donnés à des procureurs par Christiern,élu roi de Danemark, pour
traiter de son mariage avec Isabelle, nièce de l'empereur Maximilien. !•' jan-
vier 1514:. Sceau de Christiern. (Chartes de Colbert, no 747.)
L'exposition de la Bibliothèque a donné lieu à la rédaction de plusieurs
notices^ dont deux sont sous nos yeux. La Notice des objets exposés du
département des Estampes est l'œuvre de M. le vicomte Henri Delaborde
(Paris, Champion, 1878, in-8 de 38 pages); la Notice des objets exposés du.
déparlement des Manuscrits est due à M. Léopold Delisle [Ibid., in-8 de
78 pages). M. S.
CHRONIQUE
Nécrologie. — M. William Mac Gockin, baron de Sla.xe, membre de l'Ias-
titut, est mort à Paris le 4 août. Il était né en Irlande, à Belfast, le 12 août
1801, "et avait obtenu, en France, des lettres de grande naturalisation. Il y
vint vers 1830, et suivit h Paris le cours d'arabe de Sylvestre de Sacy, dont
il devint un des plus habiles élèves. 11 possédait parfaitement l'arabe et le
turc : le Mobacher l'a compté parmi ses collaborateurs. Il a été interprète à
l'armée d'Afrique, après une mission en Algérie et à Constantinople, dont il
s'acquitta en 1843-1845. Il était professeur de langue arabe à l'École des
langues orientales vivantes, et fut chargé, en 1849, du cours de turc à la
même école ; il succéda à M. Charles Magnin à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres en 1862. Cliargé du catalogue des manuscrits arabes de la
Bibliothèque nationale, il n'a cessé de donner des preuves de son vaste sa-
voir, et l'on peut dire qu'il a été un de nos premiers arabisants. Outre
de nombreux articles au Journal asiatique, on lui doit : Notice sur
Cadama et ses écrits (Paris, 1862, in-8, pièce); — Divan d'Amrolkaisy
texte, traduction et notes (Paris, 1837, in-4); — Description de V Afrique sep-
tentrionale par El-Berri, texte et traduction parM.de S. (Paris, 1857-59, 2 vol.
in-8); — Ibn-Batuta, texte arabe de l'Histoire des Berbères (2 vol. in-4, Alger,
1847-51) ; — Voyages dans le Soudan, traduits sur les manuscrits de la Biblio-
thèque nationale (1843, in-8); — Ibn-Khaldoun , Histoire des Berbères ci des
dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionale (Alger, 1852-56, 4 vol. in-8),
(par ordre du ministre de la guerre) ; — Les Prolégomènes d' Ibn-Khaldoun, tra-
duits en français et commentés par M. de S., publiés dans : Notices et Extraits
des manuscrits de la Bibliothèque (2 parties in-4, Paris, 1863-65) ; le
texte arabe, publié par Quatremère, a été soumis à de nombreuses cor-
rections par M. de S.; ouvrage hérissé de diflicultés. — Géographie
d'Aboulféda, texte arabe et traduction par Reinaud et de Slane (1840-42,
— 366 —
in-4). — C'est sous sa direction encore qu'ont paru : la traduction d'/fcn-
Deïthar, par le D"" Leclercq; Wopke, Trois Traités sur le compas parfait
{Not. etExtr., t. XXII et XXIII) ; Ibn-Khallican, Kitah Wafayat al-Aiyan
(Vie des hommes illustres de l'islamisme), en arabe, publiée d'après les
manuscrits de la Bibliothèque^ la traduction a paru à Paris, 1842-71, en
4 vol. in-i, pour la société Oriental translation fund, en anglais). — Enfin,
il a publié, pour l'Académie, le Recueil des historiens des a'oisades, section des
historiens orientaux, t. I'"' (Paris, 1872,in-foI., texte, et Irad.; t. II, 2* partie;
t, III, dont plus de la moitié est tirée); celte publication remonte, pour les
premiers soins, à Dom Beithereau; elle a été continuée par Reinaud, mais
entièrement l'eprise par M. de Siane.
— M. Joseph-Héliodore-Sagesse- Vertu Garcin de Tassy, néàMai'seille le 20jan-
vier I79i, est moi't k Paris le 2 septembre. Au retour d'une mission diploma-
tique, il vint à Paris, en 1817, pour s'y livrer à l'étude des lanoues orientales
sous la direction de Sylvestre dn; Sicy ; à si bonne école, il acquit une connais-
sance parfaite de l'Orient, qui a été l'objet de tous ses travaux. 11 était très-
recherché de tous ceux qui s'occupent de l'Orient. « Dans l'Inde même, on
attachait un grand prix à ses jugements, dit M. Laboulaye; aussi son nom
était-il plus populaire là-bas qu'en France. Les journaux indiens reprodui-
saient son portrait, et chantaient en prose et en vers le célèbre critique
d'Occident. Chrétien sincère et pratiquant^ tout dévoué k la religion de ses
pères, il est mort avec autant de résignation que de fermeté. » II était, depuis
1836, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, où il avait suc-
cédé à M. deTalleyrand ; il était en outre professeur d'hindoustani à l'École des
langues orientales vivantes, fondateur et président de la Société asiatique de
Paris, membre de la Société asiatique de Londres, membre du conseil de la
Société académique indo-chinoise, etc. ,
lia écx'it : Les Oiseaux et les fleurs, texte arabe et trad. (Paris, 1821, in-8); —
Notice sur l'Akhlak-i-Muhsini [Paris, 1 837, in-8) ; —Grammaire persane, traduite
de Jones (1845,in-12); — Los Auteurs hindoustanis et leurs ouvr âges (Paris, 18o3,
in-8}; — Cours d'hindoustani. Discours d'ouverture (Revues annuelles de cette
littérature, dont l'une, en janvier 1871, a paru à Caen; ces revues annuelles
sont le répertoire le plus précieux et le plus complet de l'Inde moderne; la
première a paru en 1833); — Les Femmes poètes dans l'Inde [Paris, 1834, in-8);
— Mémoire sur des particularités de la religion musulmane dans l'Inde {Pa-
ris, 1831, in-8); — Mémoire sur les noms propres et les titres musulmans
(Paris, 1854, in-8) ; — Notice des biographies originales des auteurs qui ont écrit
en langue indienne ou hindoustanie (Paris, 1836, in-8). — 11 a traduit: Abbas
Khan surwdni Ahmâdi : Un chapitre de l'histoire de l'Inde musulmane ^Paris,
1863); — Miskin mir Abdullah, Elegia (Paris, 1845, in-8) ; — Mohammed ben
Pir Ali El-Berkevi, Expositiofi de la foi musulmane (Paris, 1822, suivi du
Pend-Nameh, de Saadi; — Les Animaux, extrait du Tuhfat .Ikhivan TJssafa
[Cadeau des frères de la pureté), traduit d'après la version hindoustanie (Paris,
186i, in-8, extrait de la Revue de l'Orient, des colonies et de V Algérie) ; —
Chrestomathie kindie et hindouie, à l'usage des élèves de l'École des langues
orientales vivantes (Paris, 1849, in-8); — Description des monuments de Delhi
en 1832, d'après le texte hindoustani de Sagid Ahmed Khan (Paris, 1861,
in-8); — Doctrines et devoirs de la religion musulmane, tirés du Coran, suivis
de VEucologe musulman, traduit de l'arabe (Paris, 1827, in-8; 2« éd., 1840); —
Ristoire de la littérature hindouie et hindoustanie (Paris, 1839-47, 2 vol. in-8;
t. I". Biographie et bibliographie; t. II. Extraits et analyses; 2^ éd., 3 vol.
in-85 1871);— La Poésie philosophique et religieuse chez les Persans, d'après le
— 367 —
Nantie uttair, ou le langage des oiseaux de Farid-Uddin, Attar et pour servir
d'introduction à cet ouvrage (Paris, 1856, iii-8; 4« éd. 1864, gr. in-8); le texte
persan publié par lui (Paris, 18o7, in-8); — Rudiments de la langue hindouie
(Paris, 1847, in-8); — Mémoire sur le système métrique des Arabes appliqué à
Vhindoustani (Paris, 1832, in-8); — Chrest. hindousla7iie {Pa.Tis, 1847, in-8);
— Manuel de Vaudileur du cours d'hindousta7ii {Paris, 1836, in-8; — Les
OEuvresde Wfl?i',texte hindoustani ettrad. (Paris, 1834-36, in-8); —Rudiment
de la langue Mndoustanie, à l'usage des élèves de l'École des langues orien-
tales (Paris, 1" édit., 1829, in-4; 2^ édit. adaptée aux dialectes indu et
dakhni, Paris, 1863, in-8); — Rhélorique et prosodie des langues de l'Orient
musulman, à l'usage des élèves de l'École des langues orientales (Paris,
1848, in-8; 2« éd. 1873, in-8); — Science des religions. L'Islamisme d'après le
Coran^ l'enseignement doctrinal et la pratique (3° éd., Paris, 1874, in-8); —
La Doctrine de l'amour, ou Taj ul-Muluk et Rakawali (Paris, 1858, in-8); —
Les Avcntiaxs de Kamrup, texte hindoustani ettrad. (Paris, 1835-36, in-8); —
Bag-o-bahar (le Jardin et le printemps), roman hindoust., traduit en français
(Paris, 1878, in-8).
— Mgr Michel HoRWATH, évèque inpartibus de Trébigne, en Bosnie, est mort
à Carlsbad, le 19 août, à l'âge de soixante-neuf ans. Mgr Horwath était né le
30 octobre 1809 à Szentes. En 1841, le gouvernement autrichien lui avait
confié la chaire de littérature hongroise au gymnase de Marie-Thérèse, à
Vienne; il était évéque de Czanad et membre de la Chambre haute, après
avoir rempli les fonctions d'aumônier d'un corps des troupes impériales,
lorsque la révolution de 1848 vint le porter au ministère des cultes. Après
la guerre de 1866, l'empire autrichien, réorganisé, se rouvrit devant lui;
il fut ministre de la justice pour la Hongrie; l'unanimité des suffrages
l'avait élu au Parlement hongrois de 1869. — Mgr Horwath avait écrit, en
allemand, une Histoire du commerce et de l'industrie en Hongrie pendant les
trois derniers siècles (1840, Ofen); — une Histoire de la Hongrie, en hongrois
Papa, 1842-1846, (4 vol.), traduite en allemand en 18o0-18o2, et publiée à
Pesth; — Monumenta Hungariw historica (1857 et suiv., 4 vol. Pesth); —
Vingt-cinq ans de l'histoire de Hongrie, en hongrois (1863, Genève, 2 vol.),
puis en allemand (1866, Leipzig); — une Histoire de l'indépendance de la
Hongrie en 1848-1849, publiée en 1865 (Genève, 3 vol.). Mgr Horwath a été
le collaborateur de M. Le Play pour l'intéressante monographie consacrée
aux lobajjy ou Paysans à corvées des plaines de la Tlieiss, dans les Ouvriers
européens.
— M. l'abbé Guthll\, chanoine et vicaire général d'Orléans, a été en-
levé subitement, le 20 août, au château de Lacombe, près de Grenoble.
Avant que M?"" Dupanloup l'attirât dans son diocèse, il professait la philo-
sophie au collège de Colmar. Au moment où il a été frappé, il réunissait
des documents pour écrire la vie deM. Hestch, ancien supérieur du petit
séminaire de la Chapelle, et préparait un ouvrage important. Il avait
déjà publié : La Pologne et la diplomatie (in-18, 1863, Strasbourg); — La Ré-
ponse du prince Gortschakoff (in-18, 1863, Strasbourg); — Le Réveil de la
Pologne (in-18, 1863, Paris); — Les Doctrines positivistes en France, étude sur
les œuvres philosophiques de MM. Littré, Renan, Taine, About (in-8, 1863,
Paris), ouvrage qui a eu de nouvelles éditions en 1873.
— Le R. P. Gabriel Palatre, né à Châteaugiron (Hle-et- Vilaine), le
2 juillet 1830, entré dans la Compagnie de Jésus le 27 septembre 1853,
parti pour la Chine en 1863, y est mort, à Chang-Hai, le 13 août 1878. U
a écrit des lettres dans les Annales de la propagation de la foi, t. XLV,
— 3(18 —
p. 400-428; — dans les Annales de la sainte-enfance, 18(m, p. !)2-100 et
1867, p. 3i-3o; dans les Missions catholiques, i869, p. 386, 393 et40b,et 1873,
p. 14-19. Il a publié : Le Pèlerinage de Notre-Dame Auxiliatrice à Zo-sè, dans le
vicariat apostolique de Nankin (Chang-Hai, imprimerie de la Mission catho-
lique, à l'orphelinat de Tou-sai-vai, 1873, in-8, xii-147 p.); — Relation de la
mission de Nankin confiée aux religieux de la Compagnie de Jésus. I (1873-
1874) (Anonyme). Chang-Hai, imprimerie de la Mission catholique à l'or-
phelinat de Tou-sai-vai, 1875, in-8, x-133 p. ■— II. (1874-1873). Ibid., 1876,
in-8, 260 p.
— Le R. P. Félix Poirré, né à Paris, le 8 juillet 1837, est mort à
Lille, le 20 août 1878. Il était entré dans la Compagnie de Jésus le l*'' oc-
tobre 1863, et avait professé les belles-lettres et la rhétorique. Il a écrit
Sainte Cécile, dans les Études religieuses, IV' série, t. II, p. 620-641. — Les
deux orphelins. Scène contemporaine en un acte et en vers, représentée à
l'école libre Saint-François-Xavier (Vannes), le 31 janvier 1869 (Vannes, imp.
Lamarzelle) (Anonyme), 1869, in-12, 29 p.); — insérée dans le Messager du
Sacré-Cœur, 1869, t. XVI, p. 9-23; — Saint Pierre chez Néron. Drame en
3 actes, envers (Vannes, imp. Galles, 1870, in-8, 13 p.); — Saint Pierre
aux liens. Drame en un acte; — dans le Messager du Sacré Cœur, 1874,
t. XXVI, p. 19-43; — La Frivolité. Discours prononcé le 2 août 1873 à la
distribution des pi'ix du collège Saint-Joseph de Poitiers (Poitiers, Oudin,
1873, ia-8, 13p.); — Le Concile et Virgini pariturx, insérés dans le Mes-
sager du Sacré Cœur (1869, p. 339, 363 et 1872, t. XXII, p. 172. 173).
— Le R. P. Régis Terret, né à Lyon, le 28 juin 1824, est mort à Mar-
seille, le 21 août 1878.11 entra dans la Compagnie de Jésus, le 13 mars
1844, et passa toute sa vie dans les collèges. Il a écrit: Mes élèves en Suisse,
Vacances de 1862 (Villefranchc, imprimerie de Léon Pinet, in-8, 569. p.,
lithographie); — derniers jours du R. P. Charles Rion, mort à Mongré,
le Q jui7i 1874. (Anonyme, Trévoux, typogr. Jeannin, 1874, in-8, 23 p.).
— M, Henri Lot, archiviste aux Archives nationales, est mort le 30 asTil
dernier. Il était né à Pai'is, en mai 1834. Ses humanités terminées au lycée
Saint-Louis, il avait simultanément suivi les cours de droit et ceux de
l'École des chartes. Une place d'auxiliaire lui fut donnée aux Archives na-
tionales, au mois de mai 1860, et il s'y vit attaché à la section judiciaire,
qu'il n'a plus quittée, et où l'appelait naturellement sa thèse soutenue à
l'École des chartes sur V Histoire et l'organisation du greffe du Parlement de
Paris, dont un fragment a été publié en 1863 : Essai sur Vaulhenticiié et le
caractère officiel des 0/i»i(in-12,Gay) ; — une étude biographique consacrée à
son grand-oncle, le Président Berlhereau (in-8, 1863), suivit de près, et, deux
ans plus tard, une brochure sur la Liberté de la presse (anonyme avec
M. J. Guiffrey) ; signalons aussi, pour cette période, une série d'articles sur
(( l'enseignement populaire » publiée dans le journal VÉcole pendant le
ministère de M. Duruy. — Guillaume Dubreuil. Les Frais de Justice au quator-
zième siècle, et le Style du Parlement, publié peu avant sa mort, forment,
pour l'ancien droit français, une série d'œuvres qu'il sera longtemps profi-
table de consulter. La Bibliothèque de l'École des chartes, la Revue historique
et la Revue critique ont reçu les meilleurs de ses travaux historiques, sous
forme d'articles séparés de critique. M. Henri Lot préparait une Correspon-
dance de Dumouriez, et un recueil de Testaments du quatorzième siècle.
— M. le D"^ Herman Lebert, né à Breslaw, le 9 juin 1813, vient de
mourir dans cette ville à l'âge de soixante ans. Il avait fait à Berlin ses études
classiques; i! fut reçu docteur en médecine à Zurich, en 1834, et y prit pour
à
— o6'c) —
sujet de thèse les Gmiianes de la Suisse; il avait suivi ensuite les cliuiques
des hôpitaux de Paris. En 1836, il était médecin à Bex, canton de Vaud
(Suisse), et en 1838, médecin des bains de Lavey. 11 avait passé tous ses
hivers à Paris, depuis 1842. en coopération d'étude avec les praticiens les plus
éminents. 11 fut chargé par Orfila d'aller, avec M. Ch. Robin, recueillir en
Normandie et en Bretagne les objets d'histoire naturelle qui font aujour-
d'hui partie du Musée d'anatomie comparée de la faculté de médecine de
Paris; il obtint l'autorisation de se fixer et d'exercer à Paris; il accepta ce-
pendant, en 18o3, les places de professeur de clinique méiiicale de l'Univer-
sité de Zurich et de médecin de rhù;iital cantonal; enfin, il fut appelé, en
1839, aux mêmes titres, à Breslaw, sa ville natale. — M. Leberi, a publié
presque tous ses travaux dans notre langue. Nous devons citer : Mémoires
sur les eaux minérales de Lavey (1839-1842); — Mémoire sur la formation des
organes, de la circulation et du sang 'avec M. Prévost, de Genève); — Physio-
logie pathologique ou recherches cliniques expérimentales sur V inflammation,
la tuherculisation (Paris, '1845, 2 vol. in-8 avec 22 pi.); — Mémoires sur les
maladies des os que l'on observe chez les scrofuleux (couronné par l'Académie
de médecine); — Traité pratique des maladies scrofuleuses et tuberculeuses
(1849, in-8); — Traité pratique des maladies cancéreuses (1831, in-8); —
Traité d'anatomie pathologique générale et spéciale (1833-1860, 4 vol. in-4, dont
2 vol de pi. coloriées); — Mémoires sut les maladies des vers à soie (1839, Zu-
rich, in-8 avec planches) ; — Traitement de l'angine couenneuse par la glace,
suivi d'un appendice sur le meilleur moyen de se procurer cette substance en
toute saison (1873, in-8, Delahaye). — Les deux ouvrages suivants ont été
publiés en allemand : Mémoires de chirurgie et de physiologie (Berlin, 1848,
in-8); — Manuel de médecine pratique (Tnbingue, 2 vol in-8). M. Lebert,
qui était membre correspondant de l'Académie des sciences, de-; sociétés
anatomique, de biologie, de chirurgie médicale, a publié, en-dehors de
leurs recueils, de nombreuses études dans \es Annales des sciences naturelles,
dans les i4rc/ifre5 de physiologie de J. Muller, dans les Archives générales de
médecine et dans le Bulletin de la Société anatomique.
— M. André-Alexandre JàcoB, connu sous le nom d'EnDAN'T. vient de mourir
à Frascati (Italie), le 23 septembre. Correspondant des journaux le Temps et
le Siècle, il était ancien séminariste et a retrouvé à ses derniers moments
les lumières de la foi avec les consolations de la religion. Né à Angles
(Vienne), il avait fait ses humanités à Poitiers, passé par le petit séminaire
de Montmorillon et le séminaire de Siint-Sulpice, d'où il sortit en 1848. Il
entra aussitôt dans le journalisme, écrivit dans le Temps, l'Événement dont il
fut gérant (1830), le Courrier du Dimanche, la Presse, qu'il quitta avec
M. Neftzer, lorsque celui-ci fonda le Temps, et où ses correspondances ita-
liennes étaient remarquées par la sûreté de leurs informations, leur modé-
ration et l'impartialité de leurs jugements. Après une condamnation que lui
valut un ouvrage contraire à la religion, il passa en Belgique d'où il se fit
expulser, en Suisse et en Italie, où il est mort. Il a écrit : Petites lettres d'un
républicain rose (1849); — le* Révolutionnaires de l'A B C (1854); — Lettres
concernant Hoéné Wronski (1834); — La France mystique, ou tableau des excen-
tricités religieuses de ce femps (1832), pour lequel il fut condamné, et dont la
première édition fut imprimée avec une application partielle de son système
d'orthographe, la « fonographie, » — écriture où les mots sont écrits comme
ils sont prononcés.
— Le colonel Guillaume Rustow, écrivain militaire allemand, jadis atta-
ché avec le titre de chef d'état-major général à l'expédition de Garibaldi en
Octobre 1878. T. XXIII, 24.
— 370 —
Sicile et eu Italie, s'est donné volontairement la mort. 11 était né dans le
Brandebourg, le 2o mai 1821. Soldat à dix-sept ans, officier du gt^nie hu 1830,
il avait été poursuivi, à celte dernière date, pour un écrit publié dans sa
langue sur V Organisation militaire allemande avant et pendant la Révolution
(1830, Zurich). Il se réfugia en Suisse, y professa la science militaire, et
reçut dans la petite ville de Bauma, piès île Zurich, le droit de cité; là, il
fut nommé major dans l'état-major du génie. Après avoir participé à l'ex-
pédition contre le royaume de Naples, en 18(51; il rentra en Suisse et s'oc-
cupa de ses travaux d'écrivain. — Il a |»ublié : Histoire de la guerre chez les
Grecs (1852. Afirau); — L'Armée et les expéditions de César (1832, Gotha); —
Commentaire de l histoire de César de Napoléon ] II {\ii&l, Stuttgart); — une
collectioij des Écrivains militaires grecs, avec M. Kœckly (1 834-35, 2 vol.
Zurich); — La Guerre de 1803, en Allemagne et en Italie (1834, Frauenfeld);
— Première cainpagne de Bonaparte en Italie et en Allemagne (1867, Zurich);
— puis une série de relations des guerres contemporaines en Russie, en
Italie, en Hongrie, en Danemark, en Allemagne; — Le Commandement mi-
litaire au quatorzième siècle (1837, Zurich); — Histoire de l'infanterie (1837-
1858, 2 vol.); — Tactique générale (1838, Zurich); — La nouvelle guerre de
places (1860, 2 vol. in-4, Leipzig); — La Guerre italienne (1871, 2 vol. gr.
in-8, Zurich), traduite en français, par Vivien (1861, iii-8, Genève); —
L'Enseignement de la petite guerre (1864, gr. in-8, Zurich); — La Guerre de
1866 (1867, gr. in-8, Zurich); — La Guerre du Rhin de 1870 (1871, gr. in-8,
Zurich), traduite en français par Savin de Lasciause (1873, in-8); — des
biographies militaires, et un Dictionnaire de Vo.rt militaire (1839, in-8,
2 vol).
— M. DE TouNENS, ancien avoué à Périgueux, connu sous le nom d'Orllie-
Antoine I", roi d'Araucanie et de Patagonie, né vers 1820 à Thourgnac
(Dordogne), est mort au mois de septembre, à Tourtoirac (Doi dogue),
sinon avec la grandeur d'un roi, au m.uins avec la foi et la confiduce d'un
ch étien. Voyageur en Amérique, il acquit une grande influence sur les
Araucans qui le nommèrent roi. 11 les or,:anisait déjà à l'européenne, lors-
qu'il fut renversé de son trône, jeté en prison, puis libéré par l'inierven-
tion française. Il a raconté ses aventures et exposé ses druits dans un grand
nombre de brochures et de conférences : Orllie-Antoine I", roi d'Araucanie et
de Patagonie, so)i avènement au trône et sa captivité au Chili, relation écrite
par lui-même (1863, in-8), Qi àdiW?, Historique; appel à la 7iation française, par
Orllie-Antoine l*'"' (1863, in-8); — Manifeste d' Orllie-Antoine /", roi d'Arau-
canie et de Patagonie (1864, in-8) ; — Une page d'histoire; Pétition adressée au
Sénat français (1867, in-8); — Orllie-Antoine 1^'', roi d'Araucanie et de Pata^
gonie. Lettre à MM. les députés français par M. le prince de Tounens (1868,
in-8); — Aujjeuple français. Retour en France du roi d'Araucanie et de Pata-
gonie ou Nouvelle- France. Invention de neutralisation des projectiles lancés par
des armes à feu, par le prince O.-A. de Tounens, roi d' Araucanie et de Pata-
gonie (1871, in-8, Marseille), et, enfin. Le Royaume d' Araucanie et leChili. Mé-
morandum de S. M. Orllie-Antoine P^, sous forme de lettre, en réponse aux
attaques du consul général du Chili à Paris i\8~3, in-12, Paris, Lachaud).
— M. Dabas, ancien professeur de littéralurr; ancienne à la faculté des
lettres de Bjrdeaux, ancien recteur de l'Académie de celte ville, a été enlevé
par une mort subite, le 19 septembre, à Bordeaux. Chrétien fervent, savant
des plus distingués, il était l'objel des sympathies universelles et.de i'eiti[î:e
la mieux justiliée. Il est à regretter que sa modestie l'ait empêché de publier
les résultats de ses profondes études sur k littérature classique; il a iniéré
plusieurs mémoirfs dans le recueil des Actes de l'Académie des sciences, belles-
lettres et arts de. Bordeaux.
— M. Joseph Yves Pageot, né au Cnp, à Saint-Domingue, en 1803, qui eut
une brillante carrière dans la diplomatie, jusqu'à ce ^ue U Révolution
de février 18i8 lui fit Honn r sa démis-ion d'envoyé extraordinaire et mi-
nistre plénipotentiaire à Washington, est mort à Paris le 1«' août. Il a écrit,
durant les dernières années de sa vie plusieurs articles fort remarqués daiis
plusieurs journaux, notamment dans l'Union. Il laisse une correspondance
diplomatique que l'on dit intéressante et où l'on pourra trouver des documents
sur les événements et les négociations auxquels il a été mêlé en Espagne,
où il était premi^^r secrétaire d'ambassade sous M. de Salvandy.
— M. Clément Laurier, né à Sainte-Radegonde (Indre-et-Loire), le 3 fé-
vrier 1832, est mort subitement à Marseille le 20 septembre. Avocat, ancien
secrétaire de M. Crémieux, il s'était fait sous l'E'upire une réputation dans les
procès politiques de V^rmorel, Baudin, Victor N^r et de rinternaliouale. Ce
n'est qu'au 4 septembre qu'il trouva sa place dans la vie politique ; il fut direc-
teur du ministère de l'intérieur à la déléga ion de Tours, député du Var, puis
de rimlre, et de ra'liial il devint conservateur. Ou lui doit un ouvrage inti-
tulé : De la liberté de l'argent (1838).
IxariTUT. Académie française. — L'Académie a renouvelé son bureau, qui
se trouve ainsi composé pour le dernier trimestre de 1878 :M. John Lemoine,
directeur; M. Saint-Hené Taillandier, chancelier.
Le Congrès géologique international. — Pour la première fois, les représen-
tants les plus autorisés de la science de laterre se réunissaient pour résoudre
en commun quel jues questions générales qui intéressent au plus haut degré
le progrès de leurs études. Le congrès a surtout porté son attention sur la
nécessité d'établir, en tous pays, une uniformité méthodique dans le figuré
des cartes géoloiiiques et dans la nomenclature des terrains. Dans une
courte session (29 août - 4 septembre], des problèmes aussi délicats
peuvt-nt seulemen! être préparés : c'est déjà beaucoup de les avoir bien
posés et d'avoir ébauché la tâche des commissions internationales qui en
poursuivront la solution. Le Congrès, sur la prO( osition d'un émiuent géo-
logue italieu. M. Capellini, s'est ajourné à Bologne en 1881, et a chaleu-
reusement acclamé, pour [.résident d'honneur de sa future ses-ion, M. Sella,
ancien ministre des travaux publics à Rome. Le gonvernement italien et
la munie palité de B dogn^ ont immédiatement transmis, par télégrammes,
les promesses les plus bienveillantes de patronage et de concours. Tout
semble donc prés iger que l'œuvre commencée à Paris en 1838 aura d'heureuses
conséquences pour le progrès de la science.
Le Congrès provincial des orientalistes a Lyon.— Les Congrès sont si nom-
bre X cette année, que les pages du Polybiblion ne suftiraient pas à donner une
analyse, même somniairr-, de charun d'eux. Partout dans Paris, au Trocadéro,
aux Tuileries, à la Société d'Encouragement, les personnes qui s'occupent
des mêmes études profitent de l'Exposition pour se réunir et traiter en
commun les questions qui les intéressent. Nous ai corderons quelques
lignes à un congrès qui vient d'avoir lieu en province, à Lyon.
Tous les arch'^ologues et les artistes ont pu vo r, dans les galeries du Troca-
déro, les mei veilles rapporté^'S [a.' M. Emile Guimet,du voyage- scientifique
qu'il a eut repris U y a deux an-, sous les auspices du gouvernement français,
et dans lequel il a particulièrement étudié, .u point de vue de leur- doctrines
religieuses et de leurs usages, les Indes, la Chine et le Japon. Mais, ce que
— 372 —
nous trouvons au Trocadéro n'est qu'une faible partie des collections que
M. Guimet s'est proposé de réunir dans un musée spécial qu'il a fait
construire à Lyon, près du parc de la Tête-d'Or. Pensant que le meilleur
moyen d'inaugurer cette fondation, qui doit êlre en même temps le centre
d'une école orientale pratique, pour laquelle il a appelé à Lyon des jeunes
gens venus de diverses conti'ées de rExtrême-Orient, M. Guimet a accepté
d'organiser dans sa ville natale le troisième congrès provincial des orien-
talistes, et, malgré les nombreuses difficultés que présentait ce projet, nous
devons déclarer qu'il y a très-heureusement réussi. Afin de rendre plus
fructueux les résultats de cette réunion, les questions posées étaient peu
nombreuses et se rapportaient pi'esqiie toutes à l'étude des doctrines reli-
gieuses de l'Orient. Quelques questions pratiques, commerciales et indus-
trielles, avaient été joiutes au programme, atin de permettre aux habitants
de Lyon d'apporter au congrès un concours efficace, et, de ce coté aussi, le
succès a été réel. Un assez grand nombre de négociants lyonnais, ayant
parcouru la Chine et le Japon, ou y possédant des comptoirs, ont pris, en
même temps qu'un délégué du gouvernement chitiois, M. Cordier, une part
active k ces discussions. Et puis, hàtons-nous de le reconnaitre avec M. Gui-
met, en Orient, tout se rattache aux idées religieuses, et lorsque l'ont voit
les Cliiuois laisser les parasites dévorer les larves de vers-à-soie, il faut se
rappeler qu'en agissant autrement, ils craindraient d'enfreindre les lois
religieuses qui leur défendent d'ùter la vie à un être an^mé.
Les séances, tenues dans la grande salle de l'hôtel de ville de Lyon, ont
été successivement consacrées à l'étude des dogmes religieux des Égyptiens,
des Arabes, de-: Perses, des Assyriens, des Indous, des Japonais et des
Chinois. Une grande question, qui s'est re[iroduite sous des formes diverses
et a toujours occupé la place la plus importante dans toutes les discussions,
est celle de savoir quelles ont été à différentes époi|ues et quelles sont
encore aujourd'hui les croyances des Orientaux relativement à l'immortalité
de l'âme, ou, pour parler plus exactement, au sort réservé à l'homme après
sa mort.
WM. Maspéi'o et Naville, Guimet et le baron Textor de Ravisi; M.CailIemer,
doyen de la faculté de droit; M. l'abbé Guinand, doyen de la faculté de
théologie ; M. le grand-rabbin Weinberg ; MM. Cordier, Hignard, le duc
Lancia «ie Brolo, R. Cust, l'abbé de Meissas, du Mazet, le Rév. Long, le
comte de Mar-y, M\I. Bro-?ard, Berhend, Pélagaud, labbé Favre, et beau-
coup d'autres, dont le manque d'espace ne nous permet pas de citer les
noms, ont pris, ainsi que MM. Picquet et Chantre, secrétaires du Congrès,
une paît active à ces discussions. En même temps, les jeunes Japonais
Imaidzoumi, Tumii et Haurada, et les Singhalais da Silva et Panditilèke ont
présenté des trtductions de textes japonais et indiens et des résumés
originaux, qui laissent entrevoir dès aujourd'hui les résultats que donnera
dans peu d'années l'utile fondation de M Guimet.
Rien n'avait été négligé pour rendre aussi attrayant que possible, pour les
étrangers, le séjour delà ville de Lyon. Dès le premier jour, M. Guimet
réunissait dans un banquet, à sa propriété de Neuville, sur les bords de la
Saône, tous les membres du Congrès, et, les jours suivants, les soirées étaient
occupées par des conférences accompagnées de projections, des concerts de
musique orientale, et aussi par ces conférences en dessin improvisées par
M. Régamey, l'artiste de talent, compagnon de voyage de M. Guimet, qui s'est
acquis dans ce genre original une célébrité bien justifiée. Des visites aux
musées de Lyon ont achevé d'employer le temps, et MM. Maspéro et Naville
— 373 —
ont su notamment donner un attrait tout particulier à la matinée consacrée
à la visite de la collection égyptienne du Palais-des-Arts.
Dans deux ans, U quatrième congrès se réunira à Nancy, et, en attendant
celte réunion, la plupart des membres du Congrès ont pris la route de
Florence, pour assister au congrès international des orientalistes, organisé
dans la ville des Médicis, sous la présidence du séuciteur Amari.
Assemblée générale de la Gœrres-Gesellschaft.— La GœrresGesellschaft,
société destinée à réveiller et à répandre la vie scientifique dans l'Alle-
magne catholique, a t^nu cette année sa troisième assemblée générale à
Cologne, If^s 27, 28 et 29 août. Cette société, jenne eni^ore, et s'inspirant des
mêmes principes que la Société Bibliographique, compte aujourd'hui au-delà
de 2,000 meiiibres. Elle a à sa tèt>; !e baron von Hertl ng, député catholique
au Reichsta?. Des quatre sections que doit compter la société, deux sont
c instituées depuis le début, celle de philosophie et celle de droit et d'éco-
nomie sociale. La section historique a été organisée dans la session actuelle,
et possédera bientôt comme organe une revue trimestrielle. Quant à la
quatrième section, celle des sciences naturelles, tout fait espérer que l'on
aura réuni sous peu les éléments nécessaires à sa création. Une messe so-
lennelle, célébrée au Dôme, a précédé les travaux de l'assemblée. Immédia-
tement après la cérémonie, les membres se sont rendus au Pius-Bau, à l'effet
d'entendre la lecture des différents rapports de la commission administra-
tive, ainsi que des travaux des sections.
Ces rapports constatent l'état prospère de la société et l'extension qu'elle
prend : ils mentionnent spécialement les relations qui se sont engaçjées
avec la Société Bibliographique, à l'occasion du Congrès international du
l" juillet.
Les travaux de la section philosophique ont été parliculièrement actifs;
plusieurs discours ont été prononcés, entre autres par le baron von Hertling,
sur le problème de la matière; cette question ardue a été traitée d'une façon
magistrale par le savant philosophe.
La section des études juridiques et sociales a discuté le plan d'un dic-
tionnaire complet des sciences politiques et juridiques; ce dictionnaire,
s'inspirant des principes catholiques, se composerait de trois volumes, com-
prenant chacun huit cents pages environ de texte, et serait publié sons les
auspices de la société.
Nous avons déjà dit que la section historique avait été constituée dans
cette assemblée; elle a appelé à la présidence le D"" Janssen,de Francf rt.
Outre les séances de sections, la Gœrres-Gesellschaft a tenu deux séances
plénières. Dans l'une, elle a entendu un travail fort instructif du D'' Heuffer
sur les principaux édifices religieux de Cologne, et un discours du D' Mosler
sur la littérature dramatique aux débuts de l'ère moderne; dans l'autre,
M. Haffner, membre du chapitre métropolitain de .Mayence, a esquissé, dans
une brillante causerie, la vie et les doctrines du philosophe de l'identité,
Schelling. Dans cette même séance, le président a- annoncé que la société
mettait au concours pour l'année 1881 une nouvelle question : « L'histoire
critique de l'école de Manchester en Allemagne. » Le l^"" prix sera de
1,500 marks, le second de 800. — Ch. D.
Concours. — L'Académie royale des sciences, des helles-lettres et des beaux-
arts de Belgique met au concours pour 1880 les questions suivantes :
Esquisser à grands traits l'histoire littéraire de l'ancien comté de Hainaut.
Prix : 600 francs. — Une étude sur l'organisation des institutions chari-
— 374 —
tables en Belgique au moyen âge, jusqu'au commencement du quatorzième
siècle. On adoptera, comme point de départ, les modifications introduites
dans la société à léioque de 1 abolition presque générale du servage, au
douzième et au treizième siècle. Les auteurs des mémoires feront pré-
céder leur travail d'une introduction traitant sommairement de l'organisa-
tion de la charité dans les temps antérieurs. Prix : 600 fraacs. — Faire
connaître les règles de la poétique et de la versification suivies par les
Rederykers, au quinzième et au seizième siècle. Prix : 1,000 francs. —
Écrire l'histoire de la réunion aux Pays-Bas des provinces fie Gueldre,
d'Utrecht, de Frise et de Groningue. Prix : 1,000 francs. — Faire l'histoire
des classes rurales de la Belgique jusqu'à la fin du dix-septième siècle.
Étudier leur manière de vivre et déterminer quelle était dans les cam-
pagnes, la constitution de la famille et de la propriété. Prix : 1,000 francs.
Lectures faites a l'Académie dks inscriptions et belles-lettres. — Dans
les séances des 6 et 13 septembre, M. Victor Duruy a continué la lecture de
son travail sur l'empire lomain au milieu du troisième siècle. — Dans la séance
du 6, M. Egger a fait une communication au sujet d'un volume tissé avec
des fils de soie et que M. Hcfuy, de l.yon, a présenté à 1 Exposition. M. De-
loclie. fait une communi' ation au sujet «l'un sou royal de Da^iobert, décou-
vert à Merton, en Angleterre.— Dms la séance du 13, M. le secrétaire perpé-
tuel a donné lecture de la suite du mémoire de M. Th. H. Martin sur
l'hypothèse astronomique de Platon; M. de Lnngpérier a lu une note sur le
méreau de saint Paul, à Saint-Den's en Fiance. — D^ns la séance du 20,
M. Curtius a sonmis à l'Académie des photugraphies de sculptures trouvées
dans les fouilles d'Olympie; M. (icffroy a fait une communication au sujet
du recueil des inscrijition^doliaires latinesentrepri> par M. Charles Des';emet,
archiviste Idbliotliécaire de l'École française de Rome. M. Gei'main a lu une
notice sur Arnould de Verdale, évêque de Maguelone, destinée à servir d'in-
troduction à l'édition qu'il prépare de la chronique de cet auteur. — Dans la
séance du 27, M. Derenbourg a lu une note sur un cachet en cristal trouvé
en Mésopotamie ; M. de Saulcy a lu une note sur une sterce monétaire;
M. Halévy a commencé la lecture d'un mémoire sur l'hiérographie assy-
rienne.
Lectures faites a l'Académie des sciences morales et politiques. — Dans
la se nce du 7 septembre, M. Giraud a achevé la lecture du mémoire de
M. Thonissen sur le droit de vengeance dans la législation mérovingienne ;
M. le baron de Czœrnig, correspi-ndant, a lu une note sur l'emplacement
d'une ville gauloise mentionnée par Tite-Live, dans le FriouL — Dans les
séances des 7 et 21, M. Ch. Vergéalu la suite du mémoire deM. duChâtellier
sur l'Église pendant la Révolution. — Dans la -éance du 14, M Ch. Giraud a
lu une notice sur un ouvrage de M. Alex. Eyssète, consacré à la jurispru-
dence de Pondichéry en matière de droit indou et de d'oit musulman:
M Martha a lu une notice de M. d'Olivecrona sur h colonie d'essai de Val
d'Yèvre et la théorie de l'amendement de l'enfant par la terre et de la terre
par l'enfant ; M. Vacherot a commencé la lecture d'un mémoire de M. Magy
sur les pouvoirs. — Dans la séance du 21, M. R. Dareste a lu un mémoire sur
la législation et la pr"cédure en matière criminelle à Athènes. — Dans la
séance du 28, M. Geffroy a lu une note bibliograph que sur le Corpus juris
Sueo-Gotorum antiqui. en treize volumes que pO'^sède la bibliothè :ue de
l'Institut: .M, Ch. Giraud a commencé la lecture d'un mémoiie sur les é'.o-
lutions du droit civil dms la Bretagne armoricaine; M. Worms a lu un tra-
vail sur l'économie politique devant les congrès de la p<<ix.
— 378 —
— Le Maréchal de Bellefonds et le Père Le Valois. — Le R. P. Sommer-
vogel a naguère raconté la noble vie du maréchal de Bellefonds, dans un
livre des plus intéressants consacré à deux héros {Comme on servait au-
trefois : le Marquis de Montcalm: le Maréchal de Be??e/bnds, Paris, 1872, in-18).
Mais bien des détails lui avaient échappé, « qui auraient, sans doute, con-
tribué à faire mieux ressortir la haute vertu de ce courtisan chrétien. » Par
exemple, au nombre des plus belles qualités de Charles-Bernardin de Belle-
fonds, le R. P. Sommervogel avait, faute de documents, négligé de signaler
sa bienfaisance. Il a heureusement mis la main sur de rares plaquettes qui
lui ont permis de montrer combien fut grande la charité de l'ami de Bossuet
envers les malheureux. Et il nous donne, dans un opuscule extrait des AYuc^es
religieuses (gr. in-8 de 25 p.), d^s détails fort curieux, tant sur les généro-
sités particulières du maréchal, que sur les secours donnés aux pauvres, en
France, dans la seconde moitié du dix- septième siècle. Il a retrouvé aussi
une lettre autographe du Père Louis Le Valois à son pénitent, du 18 mai 1686,
laquelle fait bien saisir la nature des relations qui existèrent entre le maré-
chal et le religieux. Autour de ce document inédit, le R. P. Sommervogel a
réuni, soit dans le texte, soit dans les notes de la brochure, un grand nombre
de renseignements aussi variés qu'instructifs. Il est piquant de voir (p. 23,
note 1), un membre de la Compagnie de Jésus faire cadeau à la France pro-
testante du nom d'un ministre (M Sion), qui manque même à la liste des
pasteurs du Hauphiné donnée par M. le pasteur Arnaud dans le tome XXII de
son Histoire des prolestants du Daupliiné. Relevons cette observation de la
page 1 1 (note 6) : « A propos de cet évêché de Saint-Pons de Tomières, on
peut, une fois de plus, constater les inexactitudes des dictionnaires histo-
riques les plus répandus. L'abbé Glaire ne le cite pas dans son Dictionnaire des
sciences ecclésiastiques Bouillet ^t rtezobry disent que cet évêché a été supprimé
en 1611, tandis qu'il ne l'a été qu'en 1760. » La notice du R. P. Sommervogel
serait irréprochable si, trompé par notre mauvaise écriture, il n'avait mal lu
quelques lignes que nous-même avons eu l'honneur de lui communiquer, et
n'avait plicé(p. 21, note 2), dans les Basses-Pyrénées et sur une petite rivière
qui se jette dans le Gave de Pau, la ville de Trie, qui appartient aux Hautes-
Pyrénées, et qu'arrose une rivière qui se jette dans la Garonne, et qui porte
le même nom que son humble rivale. — Quant au mot de M°° de Sévigué
sur Pellis«on (p. 8, note 3) : « 11 est bien laid, mais qu'on le dédouble, et
l'on trouvera une belleâme, » nous ne croyons pas, malgré l'autorité de la
Nouvelle biographie générale, que la spirituelle marquise l'ait jamais écrit,
et nous nous demandons même si elle l'ajamaisdit. Ce qui est plus sûr, c'est
qu'elle a répété l'épigramme de Guilleragnes : Pellisson abuse de la permission
qu'ont les hommes d'être laids. — T. de L.
Poésies inédites de l'adtedr des Philippiqces. — M. Jules Delpit possède,
parmi les inappréciables trésors de sa bibliothèque, un recueil excessivement
curieux, qu'il vient de publier sous ce titre : Poésies inédites de F. J . de
Chancel-Lagra7ige {Par\s, Ed. Rouveire ; Sauveterre, Chollet, 1878, in-8 de
79 p.). Le volume, tiré sur fort papier à 474 exemplaires, et très-soigneuse-
mentimprimé, est orné d'un beau portrait à l'eau-forte du poète périgourdin,
œuvre de P. Teyssonnières. Le savant et habile éditeur a eu raison de dire
{Introduction, p. 1 et 2) que la verve de l'auteur des Philippiques, deveuu
septuagénaire, n'était pas refroidie, et que sa muse distillait dans sa vieillesse
contre ses ennemis personnels le même genre de fiel qu'elle avait distillé
dans sa jeunesse contre le Régent. Fraiçois-Joseph de Chancel, seigneur de
Lagrange, avait soixante-neuf ans, en 1746, quand il composa ces poésies iné-
— 376 —
dites contre son lils Charles-François- Victor de Chancel, seigneur de Nizor, con-
tre la femme de son fils (Marie Martin, de Nantiac, près de Limoges), et enfin
cootreles magistrats qui avaient refusé d'invalider le contrat de mariage signé
malgré l'autorité paternelle. O'i lira avec un grand intérêt les sfiirituelles
pages tracées d'une plume aussi facile qu'acérée parle seigneur de Lagrang'^,
Antoniat et autres lieux. Si quelques-unes de ces pages {Mémoires, requêtes,
placets, etc., publiés envers dans le procès en nullité de contrat de mariage
intenté devant le Parlement de Bordeaux) avaient été déjà imprimées, personne
ne connaissait la longue pièce intitulée : La Lcmovicade ou le mariage de
l'amour et de la pauvreté, poème héroïque en /y chants, avec cette épigra-
phe : Facit indignatio versum, M. Dvlpit, à la suite de ce poème où pétillent
les plusvives saillies, où flamboient les plus terribles épigrammes,a reproduit,
d'après un recueil factice de la bibliothèque publique de Bordeaux qui lui
H été indiqué par un bibliojibile dont l'obligeance, dit-il, égale le savoir,
M. l'abbé Louis Bertrand, une pièce de vers adressée à M. de Touruy,
l'illustre iotendant de Guyenne; et, d'après les autographes conservés aux
Archives départementales de la Gironde, des lettres en prose et des placets
en vers adressés au ministre des finances, et au Roi lui-même (ce dernier
morceau est particulièrement remarquable), pour obtenir le dégrèvement de
quelques impôls. Tout cela, animé par une verve endiablée, assaisonné de
notes excellentes, est digne de l'attention de tous les bibliophiles.
Du reste, Lagrange-Chancel (je demande à M. Delpitla permission de con-
tinuer à donner au poète le nom qu'il prenait lui-même dans sa signature,
le nom sous lequel tout le monde le connaît et le désigne) a du bonheur en
ce momemt. M. A. Dujarric-Descombes, quelques semaines seulement avant
l'apparition des Poésies inédites, a donné une édition meilleure qu'aucune
autre des Philippiques, d'après le manuscrit et les annotations de l'auteur,
avec une attachuile préface (Périgui^ux, Dupont, in-i8), et il promet de
publier incessamment, d'après des docnmms inédits et autographes, une
étude historique et littéraire sur Xa^an^e-C/iflnce^, sa vie, ses œuvres et son
temps, ouvrage auquel il a, dit-il, cunsacré de longues et laborieu>es recher-
ches. D'un autre côté, un écrivain de beaucoup de goût et de beaucoup de
talent, M. Gustave Mouravif, l'heureux auteur du Livre, prépare une publi-
cation qui ne laisst-ra plus rien à dire sur a poète, lequel restera une des
physionomies les plus originales du dix-huitième siècle.— T. de L.
Prix payés a des auteurs pour leurs ouvrages. — Aux informations qu'on
trouve disséminées en divers endroits, sur ce point curieux de Thistoire litté-
raire, nous ajouterons quelques faits q^^e nous fournit le catalogue de la
belle coiledion d'autographes de M. B. Fillon livrée récemment aux enchères
(juillet 1878). Un catalogue d'autographes reste fort inconnu du gros du public;
il ne circule que dans un cercle d'amateurs ; les détails que nous relevons
auront ainsi le mérite d'une noufeauté presque complète. Par un acte en
date du 10 juillet 1811, Delille céda à l'éditeur Michaud le droit de donner
une première édition du poème delà Conversation, ei une seconde édition
de la traduction de l'Enéide et du poème de Y Imagination, moyennant la
somme de douze mille francs. Un traité passé avec l'éditeur Maradon (5 mai
1802) constate que M""^ de Staël céda le roman de Delphine au prix de 3,000
francs. En 1825, le libraire Wurtz, voulant donner une édition des OEuvres de
Duplessis-Mornay, s'adres-a à M. Guizot, filin d'avoir une notice biographi-
quHsurcet h niime d'État. Le futur ministre des affaires étrangères répondit
que, si cette notice ne dépassait pas six feuilles, elle devrait lui être payée
1,000 fr., et 1,300 fr., si elle arrivait à huit feuilles,
- 377 —
Observons d'ailieurè que le catalogue de lavente Fillon est très-digne d'être
recherché ; il contient des fac-similé nombreux de signatures ou de passages
autographes; il reproduit tout au long diverse? lettres fort intéressantes ; il
donne des extraits de bien d'autres.
Indiquiius à quels prix ont été adjugées quelques pièces d'un mérite
spécial, objet de luties acharnées: une lettre d'Améric Vespuce en latin,
Florence, 18 octobre 1476 (peut-être unique dans les collections particu-
lières), 2,600 fr. Une lettre d'André Chénier, Londres, 24 novembre 1789
(elles sont, d'une rareté excessive) signée : Clienier de Saint-André, 700 fr.
Rabelais : lelti'e à Geoffroy d'Estissac, évêque de Maillezais. Rome, 28 janvier
1536, 1.000 fr. (publiée, mais d'une façon peu exacte). Une lettre de Newton
500 fr. Une lettre du Tasse écrite de Ferrare à son ami G. Vinelii et toute
relative à la Jérusalem délivrée, 6U0 fr. Trnis lignes avec la signature de
Cervantes, 600 fr. Une préface de Lope de Véga pour une de ses comédies,
399 fr.
On remarque dans le catalogue Fillon, n° 1424, une lettre delà princesse
Christine de Belgiojoso (12 aoiît 1848) qui, se fâchant tout rouge contre des
journaux français, revendique très-hautement pour les meilleurs patriotes
milanais d'avoir mis le feu à quelques palais de Milan. Le projet de brûler
la ville était arrêté depuis longtemps ; mais il ne put être effectué com-
plètement, lorsque les Piémontai? battus à Goito, évacuèrent la capitale
de la Lombardie; quelques jours après, ils devaient éprouver de nouvelles
défaites à Novarre. S'il reste de Milan autre chose qu'un tas de cendres, ce
n'est la faute ni de la princesse Belgiojoso, ni de ses amis. On n'avait pas
besoin de l'assertion de cette dame (aujourd'hui plus que septuagénaire)
pour savoir que l'incendie est le procédé favori du parti révolutionnaire;
l'usage l'autorise : Paris en sait quelque chose. — E. D.
Histoire de la Bibliothèque nationale. — M. E. Mortreuil, secrétaire de la
Bibliothèque nationale, vient de publier, à la librairie Chauipion, iine
Notice historique intitulée : La Bibliothèque nationale, son origine et ses ac-
croissements jusqu'à nos jours (in-8 de 174 p.). Cette notice, comme le déclare
l'auteur dans son Avertisscmeiit, s'apfmie princi[»alement sur l'jEssai publié
en 1782, par Le Prince, et dont une seconde édition avait été donnée, en 1836,
par M. Louis Paris. M. Morlreuil a pu enrichir sa notice de larges emprunts
faits à la récente putilication de M. le vicomte Delaborde sur le département
des Estampes, et surtout au savant ouvrage de M. Léopold Delisle, intitulé :
Le Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque nationale. Il a aussi utilisé les
documents conservés dans les archives «^e la Bibliothèque. La Notice se
termine par une liste des Gardes, directeurs et conservateurs de la Bibliothèque,
depuis son origine jusqu'à nos jours.
— M. Paul de Fleury, archiviste de la Charente, prépare une publication,
mise en souscription, qui serait certainement bien accueillie de tous les tra-
vailleurs. C'est une table du Gallia Christiana, donnant, par ordre alpha-
bétique, les noms des abbayes, avec la congrégation et le diocèse auxquels
elles appartenaient, l'indication du volume et la page. Il y aura deux édi-
tions : une in-folio (5 fr.), et une in-8 (3 fr,).
— M. P. M. Baudoin, d'Avallon, prépare une Histoire du Protestantisme
et de la Ligue en Bourgogne. Elle paraîti'a en 2 volumes in-8, terminés par des
pièces jiistilicatives et des tabb s de noms ^t de lieux. L'introduction vient de
paraître (Auxerre, Vosgien et Thomas 1878, in-8 de lxxxiv p.) : elle donne
un résumé de l'histoire de l'étabiissement du protestantisme.
— M. l'abbé Charles Bellet, de Tain, commence la publication d'une
— 378 -
Histoire religieuse du Dauphiné depuis les temps les plus reculés jusqu'au Concor-
dat de 180i.'>t ouvrage aura 2 vol. in-8 : le premier d'>it paraître sous peu.
— Parmi li's discours de distrihiitinns de prix, il nous en fSt parvenu un
qui métit'- d'être siLmalé, mêineàrépo ue «le la rentrée, parce qu'il restera
comme un travail d'hi-toire. C'est celui qu'a prononcé M. l'abt é Poquelle
de, F((lleriay, à la di-tribution des prix de la maîtrise métropolitaine de Paris :
JSotice historique sur VÉcole épiscopale de Notre-Dame de Paris (Paris, de
Soye, d878, iti-8 de 56 p.). Après un historique rapide d-^ l'É oie de Notre-
Dame, d'où sont, sorties toutes les écoles de Parrs, on y trouve d'intéressantes
éludes sur son emplacement, snn notn, ses constitutions, ses usages litur-
giques, les élu les le costume, les maîtres et élèvts célèbres.
— La puh icaiion de VIm^^ôt du sang, ou la noblesse de France sur le champ
de bataille, s<' poursuit sous la dircion de M. Louis P.iri*. Le changement d'é-
diteur a amené un retard dont l'activité de M. H. Champion (le nouvel éiliteur,
15, quni Miiaipi lis) dédommiuera ceriainement les souscri[(teurs. Iln'a encore
donné que la première p irtie du t. III (in-8 de 198 p.) qui comprend les
lettres de N à Q, où l'on trouve, parmi les noms connus, les Noailles, les
d'Orléans, les Poli^^nac, les Quatrebarbes. les Quelen, les du Quesne. M. Louis
Paris n'a rien ajouté au manuscrit de d'Huzif^r : nous signalons, à la page 182,
un nom que non* croyons mal écrit : Puech de Coneiros, qui es-t, croyons-
nous. Puecb de Conieiros.
— M B. de Fouchères achetait, il y a peu de temps, à vil prix, chez un
broc^nteur,une liasse de vieux papiers. Il ne fut pas neu surpris d y trouver
la correspondance intime de Ms'' de l'rilly, mort en 1860, évêque de Cliàlons-
sur-Marue, avec une f mille amie. Il en détache aujourd hui -ix lettres [Six
lettres de Mgr M. J. F. V. Monycr de Pn'lly, cvéque de Châlons-sur-Marne,
tirées d'un cabinet champenois 1823-1849. Pans, Jules Martin, successeur
d'Aug. Aubry; Châl ns-sur-.Varne, imp. T. Martin, 1878, in-18 de 27 p.),
dont il a fait di-pa-aitre tou ce qui pourrait donner prétexte à une indis-
crétion : elles font le jiius ^rand lionneur au caractère, à l'esprit, au cœur
et au jugement du vénérable prélat.
— La librairie Didier annonce comme étant sous presse les publications
suivantes : Lettres intiînes de Mlle de Coudé à M. de la Gervaisais, publiées
avec une int oduction et es notes, — Camoens et les Lusiades,paT M. Glovis
Lamarre. — La Duchesse d' Aiguillon, nièce du cardinal Richelieu, par M. Bon-
neau Avenant; — Réminiscences : Souvenirs d'Angleterre, par M°' Craven.
Publications nouvelles. — Manuel pour le choix d'un état de vie, par le
P. Auguste Oamanet (in-18, Casterman). — Les Enseignements de Notre-Dame
de Lourdes, par l'ybbé Ginestet (t. I, in-18, Palmé) — Le Travail^ sa dignité
et ses droits, pir J. A. de Conny (iri-12, Pous-ielgiie). — Le Téléphone^ le
microphone et le phonographe, par le comte du Moncel (in 18, H ichette). —
Lettres de Mademoiselle Aïssé à Madame Calandrini, avec préface, par A.
Piedagnel (in-12, Lit.r. des Bildiophiles). — Valérie, par M'"^ de Krûdener
(in-8, U'iantm). — L'Llée de Jean Téterol, par V. Cherbuliez (m-18, Hachette).
— Mond". et solitude, par M'" Jenny Maria (in-18, Reichel). — Fables com-
plètes, ytav \e marq'ns de Ségiir (iu-18, Bray et R taux). — Petite histoire
a-ncienne des peuples de rOrient, par Van den B rg (in-12, Hicheite). — Saint
Julien et les origines de l'Église du Mans, par 1' .bué de Meis^as (in-8, Sauton).
— Histoire de la guerre de Trente uns, par E. Chai veriat (2 vol m-8, Pion). —
Lord Palmerstun, par Ans. Craven (in-8. D.dier^. — Léopold I" et Léopold II,
rois des Belges, leur vie et leur régne, par Th. Juste (in-8, Bruxelles, C. M.i-
quardt). — CoJistantinople, par Ed. de Amicis (in-18, Hachette).
ViSENOT.
379 —
QUESTIONS ET RÉPONSES
QUESTIONS
Bévues historiques. — A
l'époque des premiers troubles de
l'Ouest, l'émotion fut grande à An-
gers, et, parmi les innombrables im-
j. rimes de circonstance, parut la
relation d'une prétendue assemblée
des femmes an-evines. tenue le 6 fé-
vriei- 1789 dans la grande salle de
l'hôtel Liberias; 1h vote de c-tte as-
se bl^e se résume ^n cette phrase
fonore : « Nous pé irons plutôt que
d'ab I iidonner nos amants nos époux,
nos fils tt nos fières, i référant la
gloire d-- partager leurs dangers à la
sécuiité 'l'une honteuse inaction, »
Il -uffi de lire les ruims des oratrices
pour savoir à <|Uoi s'en tenir sur le
séiieux de ce' Oi'uscule; c'vs' M°*Kc5-
publica qui, la première, prend la pa-
role ; M"" t'rœcipitatio r-'pond: maî-
tresse Proverbia répViq^ae: Prudcniia,
la vieiil-' Timor et M"" Fmna s'élan-
cent tour à tour à la tribune.
Cetie f cétie est citée par de
graves écrivnins comm ■ relatmt un
fait rpel, comme un ti-moignage au-
then ique du patriotism • des feuimes
angevines.
Llleest pompeusement mentionnée
par F. Huau Granaville dans son
Introduction au Moniteur universel
(édit.in-fol.,p. 207; m-4,t.I. p. o41) ;
M. Amédée Rénf-e, le continua eur
de Y Histoire des Français 'eSismon li,
mentionne cet arrêté fameux X- XXX,
p. 441) ; ce qu il y a d^ plusétrang-,
cestque M. B >r ^i^'r-l.angll)i-, auteur
dïAngers sous le régime révolution-
naire lare^arHe comme un document
P'isitif, u I pacte sacrp. Redite par de
prêt nius historieris q .i copient l^^urs
devanciers cette f ble s'est imposée
comme article de foi; person'l^- n'a
pris la p in^^ de remonter au texte on-
ginal, dont la bouffonn-r e saut^ mix
yeux. V. ir, enfin autres, la kyrielle
de pioverbi^s que détùte \l^'* Prover-
bia : n II ne faut pas dormi les U"S
sans les autres; le meilleur moyen
de ne pas se quitter est d'aller e i-
semble; réflAc ir chez les f. inmes est
le moyen de mal dgir; il ne faut pas
tant de be irre pour faire un quar-
teron » etc.
M. F. Grille, biblo héca re de la
ville d'Ani^ers, écrivain féconde < ri-
ginal, a signalé cette étrange bévue
dans nn^" let re a ressée au bitilio-
graphe Qu^^rar i, et imp iraée à An-
fiers en 1845. chez Cosnier et La-
chaise (in-8, 14 l'ages).
N'y a-t-il pas nomlire de so'tises
pareilles 'tans es écrits des histor ens
qui ont ce ébré les gloir s de la Re-
vo'u ion? Ne serait-il pas cuiieux
deu relever quelju. s unes? A. M.
Camille Selden. — Un pseu-
donyme à découvrir. — U
existe divers ouvrages publiés dans
les dernières années du second em-
pire avec lasignat'ire : Camille Selden
(Esprit des femmes de notre temps;
portraits de femmes, etc.). C'e-t sans
doute un psiui' nyme; il ne igure
p. s dans la seconde édition des 5m-
percheries littéraires de Qu^rard, pu-
bliée par MM. P. Jannet et G. Brunet,
ouvra;:e fort utile ^t fort intéressant,
mais qui , résente de nombreuses li-
cun s Que lu'un l'O rr lit-ii nous
faire c nnaitre le vé itable n m de
t amille Selden? F. B.
Frédéric A.ugustel^r,petit-
nis de Louis X.IV. — On lit
dans les Souvenirs et Mélanges de
M. le comte d'Haussonville (p, 209),
que Frédéric-Angu-te I*"-, roi d»- Saxe,
était, <omue Louis XVllI, petit-fils de
Louis XIV, et que, par ce motif, il
trouva dans le eprésentant de la
France au congrès e Vienne un dé-
fens- ur de ses mtérèts? Comment
étaldir sa descendance du grand Roi,
Comte DE LA S.
La Ciguë employée comme
instrument de supplice. —
A quHJle époqu-^ l'usage de la ciguë
pour donner la uiort aux C'odamnés
>'in rodni it il à Athènes? Q and
est-c que l'emploi de ce poison fut
abandonné? tonnait - on que'que
autre p rsonn ge que So rate, qui ait
p ri de cette ma ièr ? La >• guë
était-elle également en u^age d.ins
d'auues cites grecques ? V. D.
- 380
Jleucly-Dugoui*. — Homme de
lettres et libraire à Paris. Jeudy-
Dugour, né en Auvergne, fil ses
é udes à Riom chez les <>r.itorieas et
devint professeur d« belleslelt'Bs au
collège des doctrinaires de la Flèche.
Lors de la mise en jugement de
Louis XVI, Judy prit la défense de
ce malheiireux roi, dans un M/moire
en réponse à l'acte d'accusation qui lui
avait été lu le i\ décembre 1*92
(Pa is, 1793, in-8.) Après le 9 Ther-
midor, il publia nne Hisloire de
Cromwell où il démontrait l'inconsé-
quetice dfs communes d'Angleterre
qui, au moment où elif^s pouvaient
établir leur indépendance, se lais-
sèrent as-ervir en substituant au des-
potisme de la royauté celui du pro-
tec'orat. Enfin, lors de la création
des écoles ( entrales, il fut nommé
professeur d'histoire près de l'école
du département du Puy-de-Dôme ;
mais, ayant acquis vers la même épo-
que le fonds du 1 braire Cuchet, il
n'accepa pas cette cliaire et alla se
fixer à Paris, où il publia comme
éditeur un grand nombre d'ouvrages,
entre autres le tome X du Cours com-
plet d'agriculture de l'abbé Rozier
(1800, in-4).
Pourrait-on me donner des ren-
seignements bioiïraphi ijues sur cet
écrivaia et m'indiquer surtout les
lieux et les dates de sa naissance et
de sa mort? A. V.
tl'ingénieur Génuyt — Ne
ser<jit-il ras possible de savoir de
quelle province était originaire Gé-
niiytjingénieur du roi, qui construisit,
vers 1641, plusieurs ponts dans la
province d'Auvergne? Appartenait-il
à la famille Sinet de Génnyt? N'é-
tait-il pns Champeaois? Existe-t-il
enrore en France des f.imilles de ce
nom? DocTROvÉE.
Un livre de «Iules 'Vallèn.
Le catalogue des livres et des auto-
graphes formant la bibliothèque de
M. Poulet-M^ilassis indique une let-
tre de Jule- Vallès, dans laquelle il
annonce qu'il travaille à un-- Histoire
des journées de juin : « J'y travai le
avec passion, et j'espère venger les
vaincus. » Cet ouvrage a-t-ii paru?
S. G.
RÉPONSES
Le Pays d'Andorre (XXII,
384). —Voir sur le pays d'Andorre :
La Vallée d'Ariège et la république
d'Andorre, par Michel Chevalier
(dans la Revue des Deux Mondes,
1" décembre 1837). — Notice sur
l'Andorre, par Rocssillox, ancien
viguier d'Andorre. — De l'Andorre.
(Anonyme, 1828 in-8). — Lettre d'un
voyageur écossais sur l'histoire d'An-
dorre ( Anonyme, Gazette littéraire,
2 octobre 1830, t. II, p. 11-29).—
Ariège, Andorre et Catalogne, guide
historique, pittoresque et descriptif
aux bains d'Ussat et d'Ax, par L.
BoucoiRAN (Paris, Giraud, 18b4, in-8).
F. E.
— On peut aussi consulter un
manuscrit mis à la disposition du
public à l'Exposition universelle,
section de la République d'Andorre,
et faisant connaître le mode d'admi-
nistration du pays. B.
Sur le prieuré de Cassan
(XXIII. 94). — Le prieuré de Cassan,
dont parle Tallemant des Réaux,
était un bénéfice simple, dépendant
de l'église de Béziers. Il est question
du prieuré royal de Notre-Dame de
Cassan [Beala Maria de Cassiano. de
Carsano de Cazano, de Caisano) dans
le Gallia christiana, t. VI, inst., c. 151 ,
417. Le nécrologe de ce prieuré,
manuscrit du treizième siècle, est
conservé aux archives de Roujan;
c'est de cette commune (arro idisse-
mentde Pézénas) que dépend aujour-
d'hui Cassan. J. C.
Une épigramme dirigée
contre IVapoléon (XXII. 470j. —
VAcanthologie par Fayolle (Paris,
1817) cite l'épigramme sans don-
ner le nom de l'auteur. On trouve,
dans ce petit livre, dix-huit épi-
grammes contre « Biionaparte.» Qua-
tre sont signées par Lebrun, une
par Guichard, et une par Parceval
Deschênes, A. B.
lllentez, mentez, il en res-
tera toujours quelque chose
(XXII, 478). — On d^-mande où et
sous quelle forme Voltaire a dit
quelque chose qui puisse passer
pour l'original du mot traditionnel :
« Meotez, mentez; il en restera tou-
jours quelque chose. »
— 381 —
Le voici, je crois; et quoique ce
ne doive plus être une nouveauté à
riieure qu'il est, à cause de tout ce
qui a été cité de Vollaire dans ces
derniers lemps, je vous l'envoie ad
abundantiam juris. C'est dans sa
lettre du 21 octobre 1736, à Tliériot,
à propos de la mauvaise comédie de
V Enfant prodigue, qu'il tenait abso-
lument à faire démentir, conime on
le voit par plusieurs autres lettres
du même volume (t. LU de l'édition
Beuchot; celle-ci s'y trouve p. 426).
« Le men-onge n'est un vice que
quand il fait du mal; c'est une très-
grande vertu quand il f^iit du tien.
Soyez donc plus vertueux que jamais.
Il faut mt'niir comme un diab e, non
pas timidement, non pas pour un
temps, mais hardiment et toujours.»
Suivent des recommandations spé-
ciales pour chacun de ses amis : le
tout ainsi conclu : « Mentez, mes
amis, mentez ; je vous le rendrai
dans ^occa^ion. » L. B.
Un ouvrage peu connu
du théosoplie fi^aint-Martin
(XXIIl, 288). — Le p-ème du Cro-
codile se trouve dans les bibliothèques
bien montées. M. T. G. le trouvera
facilement à P.iris, où on pourra le
mettre à sa di positi(jn, sins donner
ici des infurmdtiûfis qui intéresse-
raient peu. M.
I*ouvoîr temporel des Pa-
pes (XXIIl, 286). — On peut con-
sulter : De la puissance temporelle des
Papes, par J. Ga inet, avocat. Paris,
Béchet, mars 1818, in-8. — Les vrais
principes de l'Église catholique touchant
l'autorité du Pape, pai F. J. Cadart,
chanoine de CI âulns-sur-Ma ne. Châ-
lons-sur-Marne,Bouiez-Lambert,l834,
in-8.
Collections sur la Révo-
lution française (XXIII, 287K —
La bibliothèque La Bédoyère, conte-
nant les bibliothèques Deschiens,
Maurice, et une foule d'autres riches-
ses, a été achetée, à la mort de M. de
la Bédoyère, par la bibliothèque na-
tionale. L. DE P-
Sixte IV et les Pazzi (XXIII
287). — Dans les Négociations diploma-
tiques de la France avec la Toscane, pu-
bliées en 1839 par MM. Canostrini et
Desjardins {Collect. des documents inc-
dilssur l'histoirede France), il y a, p. 1 69
et suivantes, un certain nombre de
pièces importantes qui s-e rattachent
à la conjur.uion desPazzi. — J'ai vu
à Rome les dé|.ê hes de la légation
d'Alamanno Rinuccini (1475-1 i76)
qui sont insérées dans Memorie di
casa Rinuccini, publiés à Florence en
1844 ; il s'y trouve des renseigne-
ments sur la conspiration. — Fa-
broni, à la s àte de sa Vita Laurentii
de Medicis, a donné des Monumenta
parmi lesquels plusiemsse rappor-
tent à cet épis ide. — En 18o6, on a
publié à Florence un petit volume
in-12 : Congiura de' Pazzi da Agnolo
Polizi^no. On a tra luit en italien le
tex e lat n de Poliz ano. Mais il y a
des notes de Bonucci qui contiennent
plusieu' s documents importants, dont
un est à rpprocher a'une huile de
Sixte IV qui est dans le t. IV du
Codex Ilalix diplomaticus d-- Lunig. —
Le texte latiu de Poliziano est dans
l'ouvrage d'Ademari, qu'il faut voir.
— La Civiltà cattolica du 20 juin 1868
a un article sur Sixte IV, où il y a
des détails intéressants sur ses ne-
veux ; enfin les Archives théologiques
(avril 1 857) ont un article (mais faiblef
de labbé Laubeau sur Sixte IV et les
Pazzi, en réponse à un article des
Archives ecclésiastiques. IL de L'E.
Les i%sturies (XXIII, 286). —Il
existe, je crois, peu d'ouvrages spé-
ciaux relatifs à l'iîistoire de cette pro-
vince de l'Espagne ; citons, du moins,
un in-folio publié à Madii i en 1695 :
Anlii^uedades y casas mémorables del
principado de Asturies, par L. Alph.
de Carvalho. A. F.
A.-t-il été publié à l'époque
du premier Empire des édi-
tions d'auteurs classiques
mutilées par la censure (XXII,
557.) — En 1810, un libraire intelli-
gent et actif, bibliuphile très-
zélé, bibliographe distingué, A. A.
Renouard, publia une belle et bonne
édition de Massillon en 13 vol. in-8;
on dit, on écrivit, on imprima que
cette édition était mutilée, que la
censure impériale y avait fait de
nombreux changements, de scanda-
leuses altérations. Renouard démenti!
formellement c 'tte allégation, même
sous le régime impérial ; elle reparu)
toutefois ea 1817 dans le Journal de
Paris, qui siga la l'Hd ti 'n à<^ Mas-
siliou comme diminuée à l'usaqe des
sujets des conqw'ranls. Renouard ré-
pliqua en publiant qu'il .tiran diï
louis, n)n-st) ilem nt pour tout pas-
sitj;e, mai^ eiCDie (lour i ute ex. res-
jion supprimer-, cha igée, allé ée,
adoucie, et non conforaie à l'é litioa
de 17i."), qu'on pourrait lui repré-
senter diiis son Massi Ion. (Voirie
Calaloijne de la bibliothèque d'un ama-
teur, 1819, 4 vol. in-8, t. I, |.. 89.)
Nul e récla nation ne se piod isit.
T. B.
L,e Peintre /klluys (XXU. 479,
5o8 ; XXIII, 9,-î, 191).— Nous p tisons
que .M. Tar I eu appondra avec idni-
sir'la date de la naissance d'Alluys.
Ce peintre st né à Biioud^, ^n Au-
vergne, le 6 gntiin 1 an XI, é oque
à laquelle sa fam lie compt it encore
d^ns cete vihe pi .s euro représen-
tants.
Lor-^que nous d «nn >ns un r n-ei-
gneiueiii au Polybihlion, u 'US teno s
à iionnea' 'lu'ii s^oit de la plus en-
tière exactitude. Le même aniou 'le
la vériiè nous engage à fair^ remar-
quer à notre c >nfi ère, pour la s^^-
conde édiu-n d'' son giani Diction-
naire biographique, que Rabany-
Beauregard n^sl pas né à Guéret,
mais qu'il a vu le jour le 23 ma' s
1765 à Rri lude, où il est dé éd- le
22 oct bre 1843. Il existai de 1 i un
portrait lithographe par Delorieux.
A. V.
I-.'Ophîr signalé dans Tliis-
toîre de Saloiuon (XXII, 191).
— L'Ophir est placé par le- uns d ms
l'Inde, par les autres dans l'Arabie.
Pour l'Inde se sont déclarés Vitriuga
[Geogr. s. p., 114), Varerius * De
Ophira in Criticis sacris VI, 439),
Lipenius {Diss. de Ophir in fasc. diss.,
1678, n*3), Reland (Z>j.ss. misceUan., '
I, 4). (;es auteurs s'appuient sur des
autorités considérables et sur des
raisons tirées de la nature d'-s choses.
L'autorité la l'ius ancienne est four-
nie par la Bible des Se;itante, où l'on
tro ive les transcriptions 2oj-ir,'o,
Sou-f Et'p, i^wft'p, Swyapx, Sco^rjpi. ' Or,
d'après les lexicographes 'coptes,
Sophir est le nom copte de l'Inde,
(voy. Kirclieri, Lex copt.. p. 210;
ChampoUion, L'Egypte sous les Pha-
382 —
raons, F, 68). Les Septante ont été
suivis par Josèphe [ArchxoL, VIII, 6,
Si).
Les raisons intrinsèques qui con-
firment cette opinion so t : I* que
tous les produits venant d'Ophir
appartiennent à l'Inde, alors que
l'ébène et le bois de sandal ne se
rencontrent pas en Arabie; de plus,
certains de ces produits portent en
hébreu des noms indiens : le singe,
en hébreu koph, s'appelle en sans-
crit et e I malabar kapi, en réalité
Yaqile, d'où vient le grec k/j-o;,
Krjèo;, qui s'applique principalemeut
aux singes à queue. Le paon s'ap-
pelle en sanscrit sikhi, le bois de
sandal mocha. 2° La d irée de la m-
vigati')n (t ois ans) suppos • un but
plu- lointai'i qu'un port arabiq e,
où les (produits le l'Inle ne serai^^nt
arrivés que par le commerce d'en-
trepôt 3° Dans llnde, sur la côte d-.
Malibar, se trouve un anci.^n port
au nom indigène duquel se r ttache
facilement le nom hébieu d'Ophir,
de même que 1-- nom o[rec de Sophir;
nou^ voulons parler du Soj-ipa de
Ptolémée, de lO^r.r.ocpx d'Arrien, du
Sofdla (i'Ai)i>nl-Féda. aujourd'hui
Sef-r, dans le v isinage de Goa.
Voici le passage d'A oul-Féda :
« L'Inde a un Sofàla comm • li Ni-
gri'ie. D'après Edrisi. Sufàra est une
ville liche en maisons et en habi-
tants, avec des marcliés et d'-s ca-
naux. Elle a un port sur la mer
Indienne, avec pêcheries de [>oi-sons
et de perles. Entre elle t Sindan,
il y a cinq jours de marche. » La
vraie forme est Sofâra, la forme
Sofàla est antique.
Les savants qui tiennent pour l'A-
rabie sont : Michaelis 'Spicileg., I(,
184); Vincent, sur Néarque (lï, 237);
Bre ow {Hist. Untersucliungen, II,
253); Tychsen (Comment, Soc. Gott.,
X"VI, loO ; Seetzen [Uber Ophir, dans
Zach, Correspondenz (XIX, 331); Vol-
ney [Ruines, notes).
Leurs raisons principales sont :
1° dans Moïse (1, 10, 29), Ophir est
placé parmi des peuples el des ;iro-
vinces de^ loktanites. qui tous sont
situés dans l'Arabie du sud, et, en
par iculier. entre deux pays a'iri-
fères, Seba et Chavila, d ni le pre-
mier est certainement à chercher en
Arabie, 2" Des produits cités plus
— 383
haut, il n'y a d'affectables à l'Arabie
qtie les pierres précieuses t-t les
singes; l'Arabie n'offre actuellenie^nt
point d'or. Mais l'Ancien Testament
n'est pas seul à attribu- r l'or à cer-
taines peuplades arabiques (Moïse,
4.31; Juges, 8. 24). liiodure (11, .50;
III, 441; Agatharchide, dans Photius
(Cod. 230 ; Artémidore, dans Strabon
(XVI. 4,322); Pline (VI, 28, 32), men-
tionnent dans le voisinage de Saba
la présence de l'or sous forme de
masses grandes comme d^s châtai-
gnes. 3° L'Arabie offre aussi des
noms qui se rapi rochent de celui
d'Ophir. Dans un fraiiment d'Eupo-
lemus chez Eusèbe iPrep. évang.,
IX, .30). un lit : « David (il parait mis
à la place de Salomon) envoya des
mineur.'^ dans l'ile à'Urphe (Ôùff^i,
île riche en mines d'or, située ans
la mer Rouge, d'où ils portèr.nt l'or
en Judée. » Seetzen a signalé un
lieu El Ophir dans le pays d'Oman,
quatre lieues sud de la ville de
Sohar. — Gesenius a résumé ces di-
verses opinions sans prendre pjiti :
nous avons fait comme lui
RiSTELHUBER.
Ouvrages relatifs à l'île
de Chypre (XXII, 287). — Lusi-
Gx\N (le P. E-tienne de), de la maison
royale de Chjp\ e.Chorograffia e brève
historia universale dell' isola di Cipro^
principiando al tempo di Nue. ins no
al 1372, per il R. P. Stefl'ano Lusi-
gnano di Cipro. Bologna, Al. Benac-
cio, 1373, in-4; traduite en français
sous ce litre : Description de toute
l'isle de Cypre et des roys, princes et
seigneurs qui ont commandé en icelle,
ju.^qu'en l'an 1372, compo.^ée pre-
mièrement en it4ien et imprmiée à
Bolog e-la-Gras^e, et ma nteuant
aiij^mentée et iradu te en françois.
Paris, Guillauiue Chaudière, 138 1,
in-4.
Du MÊME. Histoire contenant une
sommaire description des généalogies,
alliances et gestes de tous les princes et
grans seigneurs " dont la pluspart es-
toient François, qui ont jadis com-
mandé es royaumes de Hierusalem,
Cypre, Arménie et lieux circonvoisins.
Paiis, Chaudière, 1379, in-4.
GiBLET. Histoire des rois de Chypre
de la maison de Lusignan, et des dif-
férentes guerres qu'ils ont eues, traduite
de l'italien du chevalier Henri Giblet,
cypriot. I^'aris, Cailleau, 1732, 2 vol.
in-12. (Voir sur ct' livre: Mercurede
France février 1732.)
Jau.n'a. Histoire générale des royau-
mes de Chypre, de Jérusalem, etc , cohi-
prenant les croisades par D. Jauna).
Leide et Fraiicker, 1783, 2 vol. in-4,
Mas Latrie (comte Louis de). Eis-
toire de Chypre sous le règne des prin-
ces de la maison de Lusignan. Paris,
Imi'. imp., 3 vol. in-8.
Du MÊME. Nouvelles preuves de l'his-
toire de Chypre sous le règne des prin-
ces de la maison de Lusignan, fe li-
vaison, Pars, Bauf, 1873. (Ext. de
la Bibl. de l'Ecole des char.es, t. XXXllI
et XXXIV).— Carte de l'ile de Chypre (à,
1/250,000) et non e sur la construc-
tion de la carte. Pari-, 1862 {Id ;
t. XXV). — Mémoire sur les relations
politiques et commerciales de l'Asie-
Minture avec l'île de Chypre au moyen
âge. 18i4 -id.; t. II). —Notes d'un
voyage archéologique en Orient ; his-
criptions du moyen âge à Chypre dd.;
t. U, et Magasin pittoresque). —Notice
sur l'état actuel de t'îl^ de Chypre,
1847, in-8. — Description des églises
et des châteaux de construction fran-
çaise dans l'ile de Chypre, 1830, in-8.
(Arch. des Miss, sci^-ntif., 1. 1, l '^ série).
— Nicosie, ses souvenirs historiques et
sa situation présente, 1846, in-8. —
Notice sur les monnaies et l>r'S sceaux
des rois de Chypre de la maison de
Lusignan. {Dibl. de l'Ecole des chartes;
t. V.)
RoziÈRE (Eug. de) Monnaies des
rois de Chypre (à la suite de 1 « Nu-
mismatique des croisades, de M. de
S 'ulcy. in-4).
ScHLUMBERGER (G.). Numismatîque
de l'Orient latin. 'Pad:^, Leroux, 1878,
in-4.
Du Cange. Les Familles d'Outre-Mer,
de Du Gange, {lublii^es par M. E. G.
Eey. Pari, Imp. imp., 1X69, in-4.
{Les Rois de Chypre, p. 49-103; les
grands officiers, 663-693; les Arche-
vêques et évêquts 843-868).
Machaut : La Prise d'Alexandrie, ou
chronique du roi Pierre /«"■ de Lusi-
gnan, lar Guillaume de Mac aut, pu-
bliée pour la Société de l'O ient
latin, par L. de Mhs La rie Genève,
1877, in-8. — L'excellente préface da
— 384 —
comte de M. L. nous dispense de ren-
voyer aux travaux antérieurs dont
cet ouvrage avait été l'objet et no-
tamment à la dissertation de Gaylus.
(Mém. de l'Acad. des inscriptions,
t. XX.)
Sathas. Dibliotheca grceca medii
xvi. Paris, Maisonneuve, i872, in-8,
3 vol. Le deuxième volume de cette
collection est composé de pièces et de
récits relatifs pour la plupart au
royaume de Chypre.
Sereno (Birtli.). Commentari délia
guerra di Cipro e délia lega dei prin-
cipi crisliani conlro il lurco, di Bar-
tolomeo Sereno, ora per la prima
volta pubblicati da ms. autografo,
con note e documenti, per cura de
M «naci délia Badia Cassinese. Tip.
de Monte Cassino. 1843, in-8.
Pie II. De Bello Cxjprio (Historiai
rerumubiqiie gestarumin Asia.C.97).
Galérien (Ange). Discours sur la
prinse de Nicosie et sur la prinse de
Famagousle (à la suite de VHisloire
du P. de Lusignaa).
Vogué (mirquis Melchior de). Coup
d'œil sur les monuments de Chypre et
de Rhodes (Les Eglises de la Terre-
Sainte. P.iris, Didron, 1860, in-4, fig.,
p. 376-389.) — Depuis, M. de Vogué
a relevé avec M. Duthoit les plans et
dessins de l'abbaye de Lapais et dfi
la caihé.lrale de Nicosie. (,Exp. géo-
graph., 1875.)
Rey (Guillaume). Châteaux de Chy-
pre. (Éludes sur les monuments de
l'archileclurc militaire des croises en
Syrie. [P^n^, Imp. Nat., 1871, in-4,
p. 229-23 2.)
Gaudry (Albert). Vile de Chypre,
souvenirs d'une mission scientifique.
(Revue des Deux Mondes, l*"" novembre
1861.) M. Gaudry a entrepis la pu-
blication d'un grand travail géolo-
gique et paléontologique sur l'ile de
Chypre.
Louis Salvator d'Autriche (S. A.
l'archiduc). Leukosia, die Rauptstadl
vonCypren.Prdig, Heiar. Mercy, 1873,
in-4, lig.
Orgeï (G. d') : Chypre. Une des gué-
rites de risthme de Suez. (Revue bri-
tannique, sept. 1877 et supplément
an Soleil, 9 octobre 1877.)
A ces indications historiques ou
géographiques, il faut ajouter la
mention des historiens des croisades,
et pour la période postérieure celle
lies auteurs qui ont écrit sur l'his-
toire de Venise.
Quant aux voyageurs, presque tous
les voyngeurs et les pèlerins q'ii se
rendaient en Terre-Sainte, au tnoyen
âg-- et jusqu'à nos jours s'arrêtaient
à Chypre. Il serait trop l"ng de ciier
tous leurs noms, et le mieux est de
renvoyer à la Ribliographia geogra-
phica Palestine de Tobler (Leipzig,
1867) et aux ouvrages de Boucher de
la Hicharderi'^ et de Ternaui-Gum-
pans. Cependant, on peut indiquer
particulièrement. B. de Brevdenbach
(1483), Villamont (1388), Henri de
B-auvau (1604), Sandys (1610), Le
Brun (1681), Pococke (1738), Mariti
(1767) (voici le tiire de l'édition
italienne : Viaggiper l'isole di Cipro e
per la Soria e Palestina fatti da Giov.
Mariti Fiorentino, delV anno 1760 al
1768, Luccae Firenze, 1769-76,9 vol.
in-8); Henry Light (1814), Wilde
(1838), et le marquis deVogûé (1833-61)
Le numéro d'août du Geographical
Magazine renferme une notice sur
Chypre, accompagnée d'une carte.
Il existe aussi sur les antiquités de
l'île de Chypre un certain no nbre de
travaux de M. Colonna-Ceccaldi, du
général Cesnola, etc., mais il ne m'est
pas possible d'en donner l'indication
précise. (Voir Revue archéologique.
Comptes rendus de l'Académie des ins-
cj'iptions, etc.) Comte de Marsy.
Le Gérant : L. Sandret.
Saint-Quontin. — Imp. .Iules Moureau.
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REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
•PSYCHOLOCHE (»
La Vie, éludes et jn-oblèmes de biologie générale, par E. Chalfiard, professeur h la
Faculté de médeciue de Paris, etc. Paris, J.-B. Baillière, 1878, in-8 de J25 p.
Prix : 7 fr. 50. — La Vie dans l'esprit et da7is la matière, par E. MÉRic, professeur ii
la Faculté de théologie en Sorbonne. 3' édition. Paris, E. Baltenweck, 1877, ^r.
iii-18 de 524 p. Prix : 3 fr. 50. — Essai sur la iransmifsion de l'âme, par le baron
DE Lambert. Paris, Douniol, 1877, gr. in-18 de 185 p. Vt\x : I fr. 50. — Le Lende-
main de la mort, ou la vie future selon la science, par L. Figuier. 7^ édition, revue
et corrioée. Paris, Hachette, 1878, gr. in-iS de 472 p. Prix\ 3 fr. 50. — Psychologie
comparée, L'Homme et l'animal, par H. Joly, professeur à la Faculté des lettres de
Dijon. Ouvrage couronné par l'Académie des sciences morales -et politiques. Paris.
Hachette, 1877, in-8 de 436 p. Prix : 7 fr. 50. — Essai de psychologie. La Bête et
l'homme, par le D' Ed. Fournie, médecin à l'Institution nationale des sourds-
muets. Paris, Didier, 1877, in-S de xvi-566 p. Prix : 7 fr. 50. — La Raison et l'âme,
principes du spiritualisme, par F. Magy, agrégé de philosophie. Paris, Durand et
Pedone-Lauriel, 1877, in-8 de iii-423 p. Prix : 7 fr. 50. — Psychologie de Hume. Traité
de la nature humaine (livre premier ou de l'entendement), traduit pour la première
fois par MM. Cn. Renolvier et F. PillOX, et Essais philosopliiques sur l'entendement,
traduction de Mérian, corrigée, avec une introduction par M. F. Pillox. Paris,
Leroux, gr. iu-18 de xxi-581 p. Pri.x : 6 fr. — La Perception des sens, opération
exclusive de l'âme, par l'abbé F. Duquesnoy, docteur es lettres. Paris, Delagrave,
1877, 2 vol. petit in-8 de 404 et 280 p. Prix : 5 fr. 50. — L' Imagination, étude psy-
chologique, par H. Joly, professeur à la Faculté des lettres de Dijon. Pams, Hachette,
1877, gr. in-18 de 264 p. [Bibliothèque des merveilles). Prix : 2 fr. 25. — Du plaisir
et de la douleur, par Fr. Bouillier, membre de l'Institut. 2" édition, revue et cor-
rigée. Paris, Hachette, 1877, gr. in-18 de xii-o65 p. Prix : 3 fr. 50.
Les études réunies sous ce titre : la Vie, par l'éminent professeur
de pathologie générale à la Faculté de médecine de Paris, sont avant
tout physiologiques ; mais elles touchent aussi à la psychologie et,
comme l'auteur le déclare lui-même (p. 7), à toutes les questions phi-
losophiques : elles « s'y mêlent, les pénètrent et leur communiquent
ainsi un caractère substantiel que l'abstraction métaphysique ne four-
nit pas toujours suffisamment. » Elles constituent, d'ailleurs, malgré
(1) Je dois prévenir ici que, dans mon dernier article d'ensemble (f/tsioirerfe la philosophie,
p. 97 du présent tome), il est resté bon nombre de fautes, dont quelques-unes altèrent
ou détruisent le sens. Ainsi, les derniers mots de la p. 98 et le premier de la p. 99
doivent être lus : les diction7iaires historiques, — P. 105, 1. 7, au lieu de point de vue
culminant, lisez point culminant. — P. 107, première ligne de l'alinéa, au lieu de
l'idéologie transmise, lisez l'idéologie thomiste, — P. 109, 1. 5, au lieu de rien d'utile,
UsQZ rien d'inutile. — P. 113, 1. 6, les doctrines et les critiques, avec une extrême modé-
ration; lisez : les doctrines, et les critique avec. — P. 117, 1" ligne : mêmes détails,
lisez menus détails, — De plus, les compositeurs ayant négligé des additions essen-
tielles placées en marge ou eu interligne, je dois noter quelques omissions impor-
tantes. Page 100, premier alinéa, je signalais, l'art. Lamarck de M. A. Lemoine; et
p. 101, 1. 18, son art. Animisme, et, à la dernière ligne de la même page, après ces
mots articles nouveaux, l'art. Positivisme de M. Em. Charles. P. 117, fin du premier
alinéa, je n'avais pas manqué de citer, parmi les travaux consacrés à Laromiguière,
la notice de M. Mignet, — Revenant sur ce que j'ai dit, p. 101, 1. 15, du mode
Bartari. je m'empresse de reconnaître qu'il vient de Port-Royal.
.Novembre 1878. T. XXIII, '2'à.
— 380 —
leur état fragmentaire, un traité presque complet de biologie, d'au-
tant plus précieux que M. le D" Chauffard, attaché aux meilleures
traditions philosophiques et religieuses, est en même temps attentif
et dévoué aux progrès de la science contemporaine. Il connaît, il dé-
plore les contradictions, les confusions, les témérités affirmatives et
négatives de beaucoup de ses collègues, et non des moins fameux;
mais il ne s'en émeut pas plus que de l'impopularité qui semble
éteindre et annuler son enseignement, courageusement conforme aux
saines doctrines. « On est écouté, quoique contredit, écrit-il lui-
même; quelques paroles recueillies demeurent et germent au fond des
esprits ; elles accomplissent leur travail mystérieux; et, quand la
fougue des années bruyantes et vouées à la vaine acclamation des
systèmes est passée, ces paroles se font entendre de nouveau et
retrouvent peu à peu l'autorité qu'on leur avait déniée (p. 17). »
Il suffira d'indiquer ici (car une analyse exacte irait beaucoup trop
loin) l'idée principale des quatre grands morceaux placés vers le mi-
lieu de ce volume et qui constituent cette sorte de traité que nous
indiquions tout à l'heure. — I. Le moi et l'unité vivante. Malgré les
explications monistes de M. Taine, que l'auteur qualifie, avec une
juste sévérité, d'absolu non-sens^ la vie n'est pas un amas de faits,
mais une force vraiment une, dont il ne faut pas chercher à propre-
ment parler le siège, puisqu'elle domine et informe tous les éléments
organiques. Unité vraie, elle n'exclut pas la multiplicité, mais la con-
tient et la domine, devenant ainsi une hiérarchie. A cette vue, justi-
fiée par l'observation directe, par l'histoire des systèmes, par les
aveux forcés de l'organicisme qui prétend éliminer l'unité vitale,
M. Chauffard ajoute une pénétrante discussion des difficultés accu-
mulées à rencontre : on remarquera surtout la réponse faite à l'ob-
jection tirée des segmentations par lesquelles d'un seul animal on
fait deux ou trois animaux. Ce fait est ramené avec raison à la scissi-
parité : diviser, dans ce cas, c'est engendrer. — II. La spontanéité vi-
vante et le mouvement. Après avoir nié l'unité vitale, la fausse
science veut exclure aussi l'autonomie de la vie par la théorie méca-
niste des mouvements réfiexes. Cette théorie est profondément discu-
tée par l'auteur, qui, en acceptant la doctrine de la conservation et de
la transformation des forces physiques, démontre en même temps que
l'impression extérieure est absolument irréductible aux actes vitaux,
ainsi qu'aux sensations, aux pensées et aux volitions. — III. de la
finalité dans les êtres vivants et de la doctrine de l'évolution. Excellent
développement de ce mot de Cl. Bernard : « La vie est une idée direc-
trice, » que l'auteur traduit encore plus énergiquement en disant
« une idée finale. » Étudiant d'abord le germe où réside, quoique par-
faitement inaccessible à l'observation, la vie propre et spécifique,
— 387 —
parcourant ensuite la période de croissance où elle élabore l'orga-
nisme (cet organisme dont une science mjope Ta crue le résultat),
aboutissant avec elle au moment du déclin et de la mort, M. le D""
Chauffard n'a pas de peine à juger de haut certaines doctrines fort
acclamées aujourd'hui. L'évolution, sainement comprise, peut garder
sa valeur, mais en s'adaptant à ces deux évidences niées par
l'athéisme scientifique : comme point de départ, l'acte créateur;
comme terme, le but final assigné par une cause intelligente. —
IV. De la puissance génératrice clans l'âme et dans la vie. C'est le fond
même de la doctrine de l'éminent professeur, et l'on y admirera plus
qu'ailleurs sa puissance d'intuition, tout en réclamant peut-être un
surcroît d'explications et de preuves en matière si difficile. Aux
yeux de M. Chauffard, l'activité génératrice est le caractère essentiel
de la force unique qui est à la fois principe de vie et principe pensant.
Avant ces quatre morceaux (p. 167-449), l'auteur a placé une
inl7vduction dont nous avons donné quelque idée au début de cet
article; plus trois études critiques : la première sur l'Ame et la vie, à
propos de l'animisme renaissant dans les travaux universitaires de
MM. Tissot et Bouillier ; la seconde, De l'idée de vie dans la 'physio-
logie contemporaine, sur la réfutation du matérialisme par MM. Caro
et Janet, et du darwinisme par M. E. Faivre, de la faculté des
sciences de Lyon [Considérations sur la variabilité de l'espèce cl sur ses
^t?7u7f6-, 1864) ; la troisième, après une discussion des théories vita-
listes de Virchow et de Cl. Bernard, tend surtout à établir l'unité
substantielle de l'âme et de la vie, brisée par le spiritualisme carté-
sien. — A la fin du volume, on lira avec un vif intérêt un morceau
remarquable sur le patriotisme et la science allemande, écrit en 1872,
avec post-scriptum de 1877, ainsi qu'une leçon sur les vérités tradi-
tionnelles en médecine, où la tradition se présente comme la base et
l'un des facteurs essentiels du progrès scientifique.
A cette rapide esquisse, nous n'avons pu mêler aucune critique
doctrinale. Acceptant d'ailleurs le fond des principes que M. Chauffard
défend avec tant de talent et d'autorité, nous n'en avons aucune à
exposer ici. Tout au plus, à titre de doute sur des points qui nous ont
paru obscurs ou contestables dans son livre, lui adresserions-nous
deux questions : La vie animale se multiplie par la génération ; mais
l'âme spirituelle ? — Nier la spontanéité de la vie végétative, est-ce
vraiment et nécessairement « nier la spontanéité pleine et achevée
de l'homme, nier sa liberté et par suite sa responsabilité morale
(p. 314)?»
— La vie physiologique, si profondément étudiée par M. le
D'' Chauffard, n'est l'objet que de la seconde partie, la moins étendue
(p. 355-518), du livre de M. l'abbé Elle Méric, dont nous ne pouvons
— 388 - •
parler qu'en courant, puisque la troisième édition, qui est sous nos
yeux, ne diffère pas de là première, analysée ici en 1873 par M. G. Ba-
guenault de Puchesse (t. IX, p. 105). Cette exposition biologique
est remarquable par la largeur des idées et par l'accent d'une âme
naturellement élevée, qui rencontre, sans la chercher, la véritable
éloquence. Mais on pourra trouver que les problèmes relatifs à la vie
non-seulement restent encore discutables, ce que le modeste auteur
déclare lui-même, mais sur quelques points ne sont pas posés avec
toute la netteté désirable en si délicate matière. L'animisme stahlien
est-il le « complément » du système aristotélicien et scolastique ?
Peut-on condamner la duplicité des principes dans l'homme, sans tou-
cher au vitalisme de Montpellier ? Faut-il même demander si la ma-
tière du corps est (mimée (p. 504) avant l'infusion de l'âme? Mais
peut-être quelques négligences de rédaction sont-elles la seule cause
de nos scrupules ; au fond, la théorie biologique de l'auteur nous
paraît analogue à celle de M. Henri Martin (de Rennes) et au scotisme
complété par la physiologie moderne, et par là même, nous croyons
que, sans répondre à toutes les difficultés, elle échappe à tout l'e-
proche doctrinal.
Mais nous mettons au-dessus de ce second livre, pour la valeur
comme pour l'importance de la discussion, le premier, qui est con-
sacré à prouver et à défendre l'immatérialité du principe pensant. Au
début, l'auteur trace un tableau frappant de la décadence philoso-
phique de ce temps et insiste avec une mâle éloquence sur la néces-
sité de relever l'enseignement spiritualiste ; on pourra lui reprocher
de s'appuyer trop exclusivement sur la tradition platonicienne, y
compris Malebranche, a le plus grand des métaphysiciens (?). » Mais
comme ailleurs il exprime sa haute admiration pour saint Thomas,
nous croyons qu'il n'y a là qu'une certaine exagération de langage à
corriger. C'est sans réserve aucune que nous recommandons l'exposi-
tion et la réfutation de Moleschott et de Biichner et du positivisme
français, en ce qui touche soit l'éternité de la matière, soit l'explica-
tion matérialiste de la vie, de la liberté et de la pensée. L'argumen-
tation contre ces vieilles erreurs, rajeunies par un certain appareil
scientifique, est menée avec vigueur ; elle repose, aussi bien que les
preuves directes fournies par M. Méric en faveur du spiritualisme, sur
un fond doctrinal souvent exploité, mais elle n'est pas moins solide
pour cela, et l'auteur y a mis du sien l'intérêt d'une analyse péné-
trante et la chaleur d'une vive conviction. Son livre a vraiment le
double mérite que lui reconnaît, dans une lettre placée en tête, l'é-
vêque d'Orléans : d'abord celui d'une exposition nette et claire. « Ce
point, remarque M^"" Dupanloup, est d'une importance capitale; car
exposer et mettre à nu de telles erreurs'; c'est déjà les avoir refutées.
— 380 —
— A ce préambule nécessaire, poursuit réminent prélat, vous avez
fait succéder une argumentation forte et lumineuse, dans laquelle,
vous plaçant sur le terrain même de vos adversaires, empruntant leur
langage, vous appuyant de leurs assertions et de leurs aveux, vous
faites toucher au doigt les contradictions où ils tombent et l'inanité
de leurs prétendues démonstrations. »
— Dans son Essai sur lu transinission de l'âme, M. le baron de Lam-
bert aborde un problème psychologique insoluble peut-être à la
science humaine. Présenté par l'auteur avec une grande défiance de
lui-même (p. 28), un zèle prononcé pour la saine philosophie et pour
la vraie religion, et de plus avec une connaissance assez étendue des
derniers travaux biologiques, ce petit volume n'en est pas moins dé-
pourvu (nous le disons à regret) de toute valeur sérieuse. M. de Lam-
bert soutient un système bien connu et qui n'a pu garder sa place
dans l'enseignement orthodoxe, le génêratianismc; et, dans ce plai-
doyer tardif, ce système ne s'appuie que sur de vagues et contestables
probabilités, et donne lieu à plus d'un reproche d'incohérence et de
contradiction. Franc spiritualiste, l'auteur admet pourtant que Tâme
est divisible . D'après lui, l'âme passe de la mère seule à l'enfant,
avant la fécondation, de sorte que des milliards d'âmes sont mises à
chaque instant en-dehors des conditions de leur développement. L'âme
de l'enfant ne se distingue pourtant et ne se sépare de celle de la
mère qu'assez tard, peut-être seulement au moment de la naissance.
L'âme se transmet, mais ne s'engendre pas : elle a aujourd'hui, en
chacun de nous, quelque six mille ans, etc., etc. — A la faiblesse du
raisonnement et à l'inconsistance de la doctrine, s'ajoutent, pour faire
rejeter cet essai, malgré les excellentes intentions de l'auteur, des
inexactitudes théologiques assez graves et une rédaction presque
partout trop négligée.
— Nous n'avons ni à rétracter ni à modifier le jugement que nous por-
tions en 1874 (p. XII, 1. 13) sur le Lendemain de la mort, de M. Figuier.
Les menus changements faits à la septième édition, que nous venons
de comparer à la troisième, ne nous obligent pas à de nouvelles ex-
plications. Ce ne sont que des retouches ou des additions fort acces-
soires, par exemple (à la p. 424) ce mot de Luther à propos des habi-
tants d'un cimetière : Beati siint quia rcquicscunt, cité avec deux
grosses fautes d'impression ; car la charité nous porte à imputer ces
erreurs aux seuls typographes. Mais c'est toujours, dans l'ensemble de
ce travail, la même nullité scientifique . Partant d'un duodynamisme
aujourd'hui abandonné partout, l'auteur n'élève son système de psy-
chologie solaire que sur un lourd échafaudage d'hypothèses phy-
siques et cosmologiques, dont le moindre défaut est d'être absolument
invérifiables. Pourtant un détail nous touche dans ce mémoire, qui
— 390 —
n'a rien à démêler avec la philosophie ni avec la science : « Pendant
la plus grande partie de sa vie, l'auteur avait cru, comme tout le
monde (?!), que le problème de la vie future est hors de notre portée
et qu'il était sage de ne point en embarrasser notre esprit. Mais un
jour, jour funeste, un coup de tonnerre l'a frappé. Il a perdu le fils
adoré en qui se résumaient tout l'espoir et toutes les ambitions de sa
vie. Alors et dans l'amertume de sa douleur, il a longuement réflé-
chi... (p. 3). » Mais quoi! chrétien, ne connaissait-il pas Celui qui a
les paroles delà vie éternelle? savant, n'avait-il pas ouï parler de tel
savant de premier ordre qui a écrit précisément de la vie future sui-
vant la foi et suivant la raison ? et ne voyait-il pas que la méthode
scientifique et le simple bon sens lui défendaient de confondre la
psychologie avec la physique ou l'astronomie, et de mettre partout
l'imagination à la place du raisonnement?
— M.Henri Joly, vainqueur au concours ouvert par l'Académie des
sciences morales et politiques sur la grave question de la psychologie
comparée de l'homme et de l'animal, mérite d'obtenir auprès du pu-
blic philosophique tout entier un succès pareil. Son mémoire est un
livre remarquable par le talent de l'écrivain comme par la sagacité
du psychologue. L'introduction venge la nécessaire, l'éternelle mé-
thode psychologique, l'observation par la conscience, des reproches
contradictoires do certains positivistes ; en ce qui concerne la psycho-
logie comparée, le psychologue doit encore observer, étudier les ma-
nifestations extérieures, les effets de nos facultés, en les comparant
aux faits analogues des bêtes, de façon à constituer une synthèse de
l'animal qu'une vérification assidue peut rendre pleinement scienti-
fique. Cette méthode, dictée par le bon sens, est très-bien suivie dans
l'ouvrage entier de M. Joly, dont voici le plan, qui est des plus heu-
reux, unissant la simplicité à la largeur : éléments essentiels de la vie
animale; — déterminations, activité extérieure de cette vie, ou ins-
tinct; — évolution psychologique de l'homme; — principe de la vie
et de la pensée. Une cinquième partie est purement historique et
critique.
Les deux premières parties constituent une psychologie animale
complète. La vie de l'animal se réduit à ces éléments coordonnés :
activité organique, sensation, image (qui est le renouvellement spon-
tané de la sensation), désir, action. De là, une étude de l'instinct, oîi
M. Joly, ne changeant rien à la théorie qu'il a développée dans son
beau livre sur ce sujet, a su l'exposer avec une rigueur et une luci-
dité encore plus remarquables^ en un cadre plus resserré, non sans
l'appuyer sur des observations nouvelles : nous avons noté spéciale-
ment un emprunt fait aux recherches sur la Bête du P. de Bonniot.
— Quant à la psychologie humaine, objet de la troisième partie de
— 391 —
l'ouvrage, elle tend, par une analyse rigoureusement exacte, à mar-
quer dans l'intelligence un caractère absolument irréductible à l'acti-
vité animale étudiée précédemment. Le langage fournit à l'auteur un
excellent point de départ : il dérive, en effet, d'une association d'idées
qui n'est pas une pure accumulation de sensations ou d'images, mais
qui implique la raison; celle-ci à son tour suppose la conscience, non
pas purement passive, mais réfléchie, laquelle nous donne l'activité
simple, le moi! — La quatrième partie satisfera probablement un peu
moins que la précédente, parce qu'il n'y règne ni la même netteté de
doctrine, ni la même sévérité d'exposition. Il est vrai que la question
du principe de la vie et de la pensée, confinant à la métaphysique,
n'offre pas la même prise à un esprit que distinguent surtout la saga-
cité de l'observation et la finesse de l'analyse. La théorie de l'auteur
est désignée par lui-même du nom assez mal fait de polyvitaltsme^
nom plus adouci, relativement à la multiplicité vitale, que celui de
]jo/?/ro'i5m(', employé par M. Durand de Gros; cette théorie consiste
surtout à expliquer l'unité de l'animal, qui domine la multiplicité des
éléments vivants et réalise ainsi Vidée directrice de Cl. Bernard, par
une monade centrale. Ainsi la vie est multiple, bien que l'âme soit
simple et une, même dans l'animal. On ne peut s'empêcher, après
avoir lu les pages ingénieuses ot. se développe cette doctrine, de se
rappeler celle de M. le D'" Chauffard que nous résumions tout à
l'heure. A notre humble avis, M. Joly montre bien ce que l'éminent
professeur de la Faculté de médecine de Paris étudiait moins spécia-
lement : l'unité profonde et incommunicable du moi conscient et per-
sonnel; mais il explique moins bien, et, pour parler franchement, il
détruit sans le vouloir l'unité de la vie animale^ que sa piquante com-
paraison du chef d'orchestre dirigeant une troupe de chanteurs est
loin d'atteindre dans sa réalité. Au reste, nous recommandons aux
vrais juges l'examen de cette quatrième partie, ou seulement de la lettre
de M. Naudin, membre de l'Institut, à M. Joly, et de la réponse de
celui-ci. Ces deux morceaux fort curieux, qui ont établi une entente
à peu près complète entre la science quasi matérialiste de M. Nau-
din et le spiritualisme prononcé de M. Joly, forment un appendice
instructif (p. 322 et ss.) de la partie la plus délicate et la plus contes-
table du travail de ce dernier.
Les dernières pages du livre, consacrées à la critique des systèmes
antérieurs, ne seront pas lues avec moins d'intérêt. L'auteur a su
distinguer dans la masse des faits ceux qui comptent sérieusement
pour le progrès de la vraie doctrine sur l'animal. Aristote en offre
déjà un essai incomplet, mais profond; en distinguant l'homme par le
caractère universel de son intelligence, il a fixé le point essentiel que
trop de savants ont méconnu depuis. La scolastique a perfectionné
- 392 —
encore la psychologie animale : l'auteur ne lui fait guère d'autre re-
proche que de n'avoir pas su rattacher à la sensation la faculté esti-
mative, par laquelle les docteurs du moyen âge expliquent les faits
les plus frappants de l'instinct de la brute. Il reprend Bossuet, admi-
rable dans sa partie réfutative, pour sa faiblesse à l'égard de l'auto-
matisme cartésien qu'il accepte au fond, tout en l'associant à la doc-
trine de la sensibilité animale. Au dix-huitième siècle, Buffon pro-
fesse encore plus expressément cette doctrine, mais il sacrifie aussi
à l'automatisme, qui trouve son expression la plus absolue dans La
Mettrie ; tandis qu'un autre matérialiste français, Lamarck, pose les
fondements de la théorie de l'évolution, développée par le darwinisme
contemporain. Ce dernier système obtient ici les honneurs, non d'une
réfutation en règle, mais d'une exposition discrètement hostile, qui
suffit et au-delà pour quiconque aura su lire les meilleures pages de ce
remarquable travail sur l'autonomie de la vie animale, d'une part, et
de la raison humaine de l'autre.
— M. le D"" Ed. Fournie, dans la Bête et l'homme, a traité le même
sujet que M. H. Joly dans l'Homme et l'animal, et il l'a traité avec
le même attachement au spiritualisme ; il a même, semble-t-il, plus
d'aversion que lui pour les doctrines évolutionnistes, et cependant il
satisfera beaucoup moins les amis de la philosophie traditionnelle. On
ne saurait pourtant lui refuser une certaine attention, précisément
parce que, dans des questions où la physiologie et la psychologie sont
intéressées à la fois et qui n'ont guère été traitées que par des psy-
chologues exclusifs, il représente plutôt, par ses études précédentes,
l'anthropologie physique. Il est d'ailleurs préservé, par ses préoccu-
pations spéciales et par ses ouvrages sérieux sur les sourds-muets,
du danger qui menace les physiologistes purs sur le terrain de l'étude
de l'homme moral; il a observé^ étudié, surpris, dans les plus piquants
détails de leur activité intellectuelle, les âmes de ses jeunes clients.
Mais il n'a pourtant pas su échapper à tout péril de ce côté, comme
le démontrent, dès l'ouverture de son livre, les quelques pages inti-
tulées Vocabulaire psychologique (p. vii-xvi).Il a été frappé de ce grave
défaut de notre littérature philosophique contemporaine : a il est rare
que de nos jours deux intelligences emploient le même mot dans un
sens identique. » Quel moyen d'y remédier? « Ramener chacune des
expressions psychologiques à son phénomène physiologique corres-
pondant. » Tout psychologue éclairé répondra : 1° que cela est plus
d'une fois absolument impossible ; 2'= que c'est toujours dangereux.
Au reste le D'' Fournie a été conduit par ce système à exagérer au-
tant que possible le rôle de l'organisme dans la vie psychique : à
moins que cette persuasion préexistante ne l'ait amené précisément à
ce système abusif de langage. On comprend d'ailleurs les difficultés
- 393 —
que prépare à tout lecteur de son livre cette effrayante néologie.
Il offre d'abord une nouvelle division des facultés de Tâme, division
que l'on pourrait laisser passer après tant d'autres, sauf le double tort
qu'elle a de condamner les précédentes et d'être incomplète : 1° Per-
ception, soit sensible, soit intellectuelle ; 2° pouvoir moteur; 3° con-
servation des connaissances ou acquisitions cérébrales. Ce qu'on a
nommé facultés, en-dehors de ces trois, constitue simplement des
modes d'activité : ainsi la conscience est le sentiment de l'activité
cérébrale, etc. — Ce n'est pas à dire qu'on puisse révoquer en doute
le spiritualisme du respectable auteur. Quelque défectueux à cet
égard que nous paraissent les divers chapitres de sa première partie,
relative aux phénomènes de perception qui proviennent de la vie orga-
nique et fonctionnelle, ils n'ont pas un sens matérialiste ; et dans la
seconde, s,\xvVactiviU'' fondamentale de l'âme, 'M.. Fournie fait la part
du principe actif de la vie et de la pensée, là où tant d'autre physio-
logistes de nos jours ne veulent voir que des mouvements réflexes. Un
schème détaillé (p. 217-219) met, de plus, en face les uns des autres les
caractères spéciaux de la vie sensible et ceux de la vie intellectuelle.
Tout en y reprenant les termes inexacts à'examen, de motif, de juge-
mejit, appliqués à la psychologie animale, on y reconnaîtra l'idée ra-
tionnelle attribuée exclusivement à l'homme dans les divers degrés de
son activité : notion, souvenir, raisonnement, libre direction du mou-
vement, habitudes actives. Dans le développement de cette phase de
la psychologie humaine, le D' Fournie est d'ailleurs loin de nous
satisfaire entièrement. Ainsi sa théorie du langage, qui se rapproche
par la base de celle de M. Garnier, admettant comme irréductible la
faculté du signe ou de Vinter prétalion, s'égare dans d'évidentes exagé-
rations lorsque, non content d'enseigner que l'intelligence ne peut se
développer sans le secours du langage, soit mimique, soit phoné-
tique, il reproche comme une erreur à M. H. Joly d'avoir dit que
«l'animal ne parle pas parce qu'il ne pense pas. » Etait-il d'ailleurs
utile de répéter ici une théorie sur l'instruction des sourds-muets, que
l'auteur pouvait laisser dans l'étude spéciale qu'il a publiée en 1866?
— Dans la troisième partie. Modes supérieurs de l'activité, conscience,
volonté, raison, unité du moi, il n'arrive jamais à dégager suffisam-
ment de l'organisme le principe psychique dont il défend les droits;
nous croyons, par exemple, qu'en affirmant la liberté, il en donne
une explication qui la supprime ou qui ne l'atteint pas. A côté de cette
exagération du rôle de l'organisme, se place d'ordinaire, dans ses
pages, l'exagération de la nécessité du langage. Le tout se résume
assez bien dans cette double formule (p. 440) : « 1° La matière fonc-
tionnelle cérébro-motrice fournit à la pensée son aliment; 2° la fonc-
tion-langage lui fournit le mouvement indispensable à ses opéra-
— 395- -
tions. » — Le même esprit systématique gâte le résumé, d'ailleurs
savant et curieux, qui constitue le premier chapitre de la quatrième
partie, l'Ame au point de vue histoi'ique et critique, où Bichat tient
plus de place que saint Thomas, d'ailleurs sérieusement analysé et
fort admiré par l'auteur. Quant à l'autre chapitre, Constitution de
l'âme, il n'aboutit qu'à remettre en relief la seule idée assez bien dé-
mêlée dans ce gros volume si incomplet, savoir la distinction essen-
tielle de la notion sensible et de la notion intelligente .
— La Raison et l'âme de M. F. Magy, travail achevé par le fond
et parla forme, termine l'exposition de sa métaphysique, commencée
dans un livre publié en 1865 sous ce titre : De la science et de la
nature, essai de philosophie première. M. Magy n'a pas fait grand bruit
dans le monde des journaux et des cercles littéraires; son influence
n'a même pas été bien sensible dans l'Université ni dans la presse
savante. Il n'en est pas moins, aux yeux de plus d'un juge compétent,
le plus profond métaphysicien que la France ait produit depuis
Bordas-Demoulin. M. Ravaisson l'a rattaché, non sans motif, à ce
dernier, mais en marquant la différence essentielle qui les distingue et
qui, d'après lui, assurerait une haute supériorité au dernier sur le
premier : Bordas étant physicien en métaphysique parce qu'il juge
l'étendue inséparable de la force, et Magy seul vrai métaphysicien,
parce qu'il professe l'indépendance du principe supérieur. Ce jugement
ne serait pas le nôtre, pour plusieurs raisons, mais surtout à cause
du dynamisme absolu de M. Magy, qui ne nous paraît pas nettement
démontré par ce profond dialecticien. Mais, sans entrer ici dans la
discussion, donnons une idée de chacune des deux parties qui forment
les Principes du spiritualisme exposés par l'éminent philosophe.
Il offre d'abord une Théorie de la raison humaine., puis un Essai
sur la nature de l' âme humaine. La théorie de la raison traite, en
deux chapitres, de sa loi fondamentale et de son essence. — La loi fon-
damentale de la raison se déduit de l'analyse exacte de ses fonctions.
Or, ces fonctions, faciles à démêler quand on a bien distingué la rai-
son des autres facultés intellectuelles dont elle accompagne l'exercice
et qui sont la conscience, la perception sensible, l'imagination (fa-
culté d'invention) et la mémoire, — ces fonctions, dis-je, sont au
nombre de six, que M. Magy établit et définit très-scientifiquement
l'une après l'autre, en les vengeant aii besoin des interprétations pu-
rement empiriques des positivistes et surtout de Stuart-Mill. Voici
un résumé de ces fonctions fourni par l'auteur lui-même (p. 95) : " La
raison (1) assigne et spécifie les divers objets de la science; elle dis-
tingue et met en évidence telle ou telle détermination, telle ou telle
propriété qu'elle isole et définit, pour l'étudier en soi et dans ses
rapports avec les autres déterminations ou propriétés, soit analogues.
— 393 —
soit différentes; (2) elle affirme à priori, que toutes ces relations sont
régies par des lois générales; (3) elle suscite et impose à toutes les
sciences les axiomes qui les dirigent; (4) elle contraint l'esprit hu-
main, quel que soit l'objet qu'il étudie et à quelque point de vue qu^il
l'envisage, à s'enquérir des principes et des causes ; (5) elle conçoit
au-dessus du monde sensible un monde idéal dont le premier n'est
que la dérivation et l'image; (6) elle aspire sans cesse non-seulement
à l'inconditionné relatif, qui rend raison de telle ou telle classe d'êtres
ou de phénomènes, mais encore à l'inconditionné absolu, raison suffi-
sante et universelle de tout ce que l'intelligence constate ou ima-
gine. » Or, ces diverses fonctions, soigneusement analysées et com-
parées, suggèrent cette formule de la loi de la raison : « Tout objet
de la pensée est conçu par la raison comme une pluralité d'éléments
homogènes et harmoniques, ou comme la raison suffisante d'un sys-
tème qui lui-même satisfait à ces trois conditions de pluralité, d'ho-
mogénéité et d'harmonie. » — Notons en passant dans ce terme, cher
à l'auteur, V homogénéité, un des points où ses adversaires viseront le
plus volontiers : V homogénéité T^ou.Ya,nt s'étendre jusqu'au panthéisme,
que M. Magy réprouve avec tant de vigueur, et la distinction qu'il
admet pouvant s'étendre jusqu'à l'existence objective et simultanée
du simple et de l'étendu, qu'il rejette. — Nous ne dirons rien de l'é-
preuve que fait l'auteur de sa formule en l'appliquant aux principales
sciences où la raison s'exerce; il est difficile de trouver des pages
d'une méthode plus ferme et d'une pensée plus fortement nourrie.
Passons au chapitre de l'Essence de la raison. Cette essence se dé-
gage des caractères essentiels suivants que l'analyse assigne à la
faculté rationnelle : elle unifie; — elle juge synthétiquement a priori
(au sens de Kant); — elle prononce que l'ordre est nécessaire, non
pas d'une nécessité fatale, mais d'une nécessité de convenance, qui
suppose l'intelligence de la cause première : ici, longue digression
(car, à notre sens, c'est une digression et non une dépendance essen-
tielle de la thèse) contre le mécanisme ; le P. Secchi est accusé d'in-
conséquence, et les belles expériences de Millier sur les impression^
des sens sont données comme une démonstration de la pure subjecti-
vité de l'étendue matérielle ; — les lois affirmées par la raison sont
vérifiées dans l'expérience (passage remarquable sur l'antinomie mo-
rale de l'homme porté au mal); — elles sont universelles; —elles ont
la portée de vrais axiomes ; — elles ne peuvent être conçues et prati-
quées que par un être simple (examen du spiritualisme de Descartes
et de Maine de Biran). — Ces caractères étant donnés, voyons si les
hypothèses émises jusqu'ici sur l'essence de l'âme peuvent s'y adapter.
A cette épreuve ne saurait résister : 1° ni l'empirisme de Stuart-Mill,
amené à déclarer qu'il peut y avoir des efi'ets sans cause, que la pro-
— 306 —
position 2 -f- 2 — 5 est possible, que de deux propositions particu-
lières on peut tirer une conclusion légitime ; 2° ni l'instinct rationnel
de Reid ou l'apriorisme subjectif de Kant; ce dernier supprimant la
connaissance rationnelle « par des subtilités inadmissibles dont il a,
pour ainsi dire, jonché le sol de la philosophie, » et prêtant à la raison
de prétendues antinomies, a qui ne sont que des conséquences de son
hypothèse et de vains artifices pour la confirmer; » 3° le matérialisme,
auquel l'auteur fait la part aussi belle que possible en montrant, ce
que ses partisans n'ont guère vu, qu'il n'exclut point Tinnéité de la loi
fondamentale de la raison, mais qui n'en est pas moins dans l'impos-
sibilité absolue, avouée par ses meilleurs défenseurs, d'expliquer soit
la conscience, soit la pensée dans sa portée générale; 4" ni le pan-
théisme, qui, dans ses diverses formes_, dans Hegel comme dans
Spinoza, contredit l'expérience des sens et de la conscience en affir-
mant l'unité de substance, et par là même, contredit aussi l'entende-
ment, qui ne saisit et n'affirme l'ordre qu'en admettant la pluralité des
êtres. — Reste l'hypothèse spiritualiste dynamique exposée, comme
satisfaisant seule aux conditions du problème, dans des pages que
nous n'analyserons pas.
Nous nous contentons encore, pour abréger, d'une simple indica-
tion touchant les deux chapitres de la seconde partie : Essai sur la
nature de l'âme humaine. — I. « L'âme est une force simple et hyper-
organique. » C'est au point de vue dynamiste pur que l'auteur dé-
montre cette proposition ; et ses preuves très-vigoureuses s'appuient
sur ces deux faits généraux : que l'âme est en lutte avec l'objet de son
action, et qu'elle est soumise à une règle. Il répond ensuite aux objec-
tions fondées sur l'hétérogénéité des deux substances unies dans la
nature humaine, sur la corrélation constante du physique et du moral,
sur la génération, sur le principe de l'invariabilité de la force vive. —
II. Caractères spécifiques de l'âme humaine. Ces caractères sont savam-
ment déduits des deux lois de la lutte et de la règle, ainsi que de
l'existence d'une cause créatrice. En définitive, notre âme diffère
profondément : 1° de la matière, parce que les éléments dynamiques
qui forment celle-ci ignorent et leur propre loi et l'ordre universel
dont ils font partie; 2° de l'âme des bêtes, à laquelle M. Magy accorde
beaucoup trop à notre avis, mais qui ne saurait s'élever à la conception
de la loi générale de l'ordre. Elle peut se définir « une force libre sous
la souveraineté de Dieu. » Citons, pour finir, quelques lignes de
M. Magy : « Pascal a dit de l'homme que quand l'univers l'écraserait,
il serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il
meurt et que l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien.
Mais il est un sort plus beau que de mourir écrasé par l'univers, même
avec la conscience de la douleur et de la mort. C'est de vivre libre
— 3'.>7 —
SOUS la loi de l'être cibsolument parfait; et cette condition est précisé-
ment la nôtre, la condition naturelle et propre de l'âme humaine
(p. 403). »
Plus d'un point amènerait quelque objection dans ce savant traité,
outre l'idée systématique déjà signalée; mais ce n'est pas ici le lieu
d'un tel examen. Les vrais juges doivent étudier par eux-mêmes et de
près ce beau volume qui, avec le précédent publié par le même auteur,
a sa place marquée dans la collection des principales œuvres philoso-
phiques du dix-neuvième siècle.
— C'est une œuvre psychologique assez importante du siècle passé
que nous offrent MM. Renouvier et Pillon, en traduisant pour la
première fois en français le Traité de la nature humaine de Hume. On
peut s'étonner que ce livre n'ait pas trouvé plus tôt un interprète parmi
nous, d'autant plus que Fauteur a obtenu de bonne heure en France
une renommée et une influence considérables. Mais, d'abord, le système
psychologique de Hume se trouve aussi bien, et môme avec un agré-
ment de forme supérieur qui compense passablement l'absence de
rigueur méthodique, dans ses Essais philosophiques sur VoUendemcnt,
traduits dès le dernier siècle par Mérian, dont les nouveaux éditeurs
nous rendent le travail soigneusement revu, dans le dernier tiers de
ce volume. De plus, le succès avait manqué, même en Angleterre, au
premier livre de Hume : « Jamais, dit-il lui-même, il n'y eut d'entre-
prise littéraire plus malheureuse que mon Traité de la nature humaine;
il mourut en naissant... » Nous croyons cependant, avec M. Pillon,
que la lecture de ce traité est loin d'être inutile à qui veut étudier à
même l'évolution philosophique de Hume, et qu^il forme le point de
départ des systèmes encore vivants qui portent les noms d'associatio-
nisme et de criticisme. M. Pillon rend d'ailleurs pleine justice à l'ex-
position, sinon à la critique, de ce Traité, faites en 1873 par M. Com-
payré dans un travail dont nous avons parlé avec de justes éloges.
L'étude qu'en donne à son tour le fidèle disciple de M. Renouvier, dans
V Introduction de ce volume, est entièrement conçue au point de vue
des doctrines particulières de la Critique philosophique. Elle a du
. moins le mérite de souligner avec intelligence les points les plus carac-
téristiques du Traité, par exemple, l'explication, « si admirablement
ingénieuse, » de la façon dont l'esprit, ayant passé du fait de l'asso-
ciation aux liaisons causales, en vient à affirmer le monde extérieur;
cette explication, qui ne se trouve pas dans les Essais, est d'ailleurs
loin, d'après M. Pillon lui-même, d'être aussi solide qu'ingénieuse. Mais,
à son jugement, la gloire de Hume est d'avoir fait une critique de
l'entendement plus profonde à quelques égards que celle de Kant; et
le progrès essentiel de la philosophie, accompli dans ce siècle par
M. Renouvier, a été d'unir le phénoménisme de Hume à l'apriorisme
— 398 —
de Kant. Les dernières pages de cette Introduction sont un frappant
exemple d'idolâtrie philosophique. Mais la traduction du livre de Hume
nous a paru très-réussie. Ce livre, qui constitue tout un système de
phénoménologie empirique et sceptique de l'esprit, traite, en quatre
parties que nous n'analyserons point : des idées en général, des idées
d'espace et de temps, de la connaissance et de la probabilité, du sys-
tème sceptique et des autres systèmes de philosophie. — Quant aux
Essais, qui approfondissent moins les mêmes théories et touchent à
d'autres applications, ils sont au nombre de douze, et voici les titres de
quelques-uns : sur l'origine des idées, sur l'association des idées, de
l'idée de connexion nécessaire, de la liberté et de la nécessité, des
miracles, d'une providence particulière et d'un état à venir, etc. Il
n'est pas besoin de prévenir les lecteurs des visées impies, sous la
forme respectueuse d'une foi non fondée sur la raison, qui caracté-
risent ces derniers essais.
— La perception des sens, point de départ du scepticisme de Hume,
a été naturellement reprise et étudiée à nouveau par les philosophes
qui ont essayé depuis d'établir la connaissance du monde extérieur sur
un fondement solide. Reid ni Cousin n'ont complètement réussi a bien
appuyer l'objectivité de la perception soit sur un instinct spécial, soit
sur le principe abstrait de causalité. M. l'abbé Duquesnoy, observateur
exact, dialecticien rigide, sévère et lucide écrivain, a très-bien fait de
s'appliquer à son tour à l'étude psychologique des sens. H est peut-être
fâcheux qu'il ait commencé cette étude par le côté métaphysique, en
montrant que la perception sensible est un fait de l'âme et non du
corps. Nous sommes persuadés que sa Perception des sens, opération
exclusive de l'âme, aurait gagné beaucoup à être précédée d'un ou-
vrage qu'il a en préparation et dont certaine page trop courte du
présent livre (I, 242) permet de concevoir une idée avantageuse : la
Description de la perception des sens.
Le but de son travail actuel est donc de montrer que le sujet qui
perçoit par les sens le monde physique (ou plutôt quelques objets phy-
siques) est non le corps, ou tel ou tel organe corporel, ni non plus le
composé qui résulte de l'union de l'âme et du corps, mais l'âme seule.
Par le premier point, il réfute le matérialisme ; par le second point,
le système scolastique le plus répandu et qui est commun aux tho-
mistes et aux scotistes, mais qui a été rejeté par quelques maîtres, soit
anciens, comme Grégoire de Rimini, soit modernes, comme Arriaga.
— Voici maintenant Téconomie générale de son travail : Première
partie, démonstration. Après un chapitre d'exposition, où la psycho-
logie intellectuelle de l'auteur nous paraît, comme celle deM.Garnier,
son maître de prédilection, plus soucieuse de précision que de profon-
deur, un second chapitre démontre, par le témoignage irrécusable de
— 399 —
la conscience et par divers raisonnements qui le supposent, Timmaté-
rialité du principe percevant, de ce moi, qui est d'ailleurs connu
directement et non objet de démonstration ou de pure croyance. Un
troisième chapitre, qui aurait dû être renvoyé à la deuxième partie,
reproche à la doctrine scolastique qui attribue la connaissance sensible
au composé, de compromettre la démonstration de la spiritualité de
l'âme et d'établir dans l'âme une dualité. Le quatrième chapitre, un
des plus intéressants, roule sur le rôle des organes sensoriels dans le
fait de la perception, dont ils ne sont, d'après l'auteur, ni des instru-
ments, ui des intermédiaires, mais les principaux objets et les excita-
teurs. Les deux chapitres suivants, démontrant que l'âme humaine est
présente dans les diverses parties du corps et qu'elle est, dans le fait
de la perception ainsi que dans la plupart de ses manifestations, à la
fois active et passive, obtiendront probablement, au moins dans leurs
principaux détails, même le suffrage des néo-scolastiques, si peu
agréablement traités dans la plupart des pages de M. l'abbé Duquesnoy .
— Deuxième partie, réfutation. C'est d'abord contre le matérialisme
que l'habile dialecticien dirige son argumentation ; il poursuit l'expli'
cation physiologique de la perception sous ces trois formules, à peine
saisissables ou distinctes : le rapport de l'impression à la sensation est
incompréhensible; la perception est un mouvement; la perception est
une transformation des centres nerveux. Nous ne connaissons rien de
plus patiemment et de plus logiquement démêlé que cette discussion^
où MM. Vogt, Moleschott, G. Pouchet et Luys sont mis avec une
irréprochable équité hors de la philosophie (II, 5-74). Les chapitres
suivants sont dirigés contre la théorie scolastique étudiée dans le
P. Liberatore ; nous regrettons fort que l'auteur s'en soit tenu à ce
défenseur très-estimable, mais sur certains points assez controversé^
des théories de saint Thomas. M. Duquesnoy repousse d'abord ses
preuves de raison, puis ses autorités : ce qui Tamène à faire une his-
toire critique fort intéressante de la théorie de la perception sensible
dans les Pères, les docteurs et les philosophes chrétiens. Le volume
se termine par la réimpression d'une Question tirée du Commentaire de
Grégoire de Rimini sur Pierre Lombard (II, 235-267). M. Duquesnoy
a copié ce texte curieux dans une édition de 1494, et l'a revu sur deux
manuscrits, l'un de la Bibliothèque nationale, l'autre de l'Arsenal; son
travail, attentif et intelligent, est un vrai service rendu aux études,
aujourd'hui en faveur, de philosophie scolastique.
Les partisans de ces études, ou du moins ceux qui adhèrent avec
une rigueur absolue aux théories psychologiques de saint Thomas , au-
ront d'ailleurs bien des pages à combattre dans le livre de l'ancien pro-
fesseur au lycée de Rodez. Nous n'entrons pas dans cette discussion.
Nous ferons remarquer seulement : 1° Qu'on ne saurait guère contester
— ioa —
la justesse de certains reproches faits au P. Liberatore, soit sur
quelques points de critique, comme l'opinion de Descartes sur la per-
ception (II, 211), soit sur des formules doctrinales aussi malheureuses
que celle-ci (I, 151) : « Si le corps tient de l'âme la faculté de sentir,
il faut dire que le corps sent bien qu'il tient cette faculté de l'âme ; »
2° Qu'on peut trouver des raisons plausibles pour défendre contre les
attaques de M. Duquesnoy soit la distinction des facultés d'avec la
substance de l'âme, soit la doctrine sainement entendue qui attribue
la sensation (y compris la connaissance purement sensible et animale)^
au composé et non exclusivement à l'âme; 3° Que, du reste, sa doc-
trine sur ce point ne s'éloigne pas autant qu'il paraît le croire lui-
même de celle des scolastiques, puisqu'il admet la localisation de la
perception dans l'organe et l'inséparabilité de l'excitation active
(organique) et de l'excitation passive (psychologique) qu'il ne dis-
tingue pas de la perception ; 4" Que les scolastiques reprendront
encore plus facilement l'avantage en ce qui concerne le dualité qu'il
leur reproche. Ils ont bien raison de distinguer profondément l'in-
tellect actif (perception rationnelle) de toute faculté dépendant de
l'organisme; et la théorie de la raison dans M. Duquesnoy nous paraît,
au contraire, la partie faible de sa psychologie : c'est au point qu'en
affirmant notre supériorité <( énorme » sur l'animal, il ne connaît pas
la ligne de démarcation de la connaissance animale et de la connais-
•sance intellectuelle (X, 223) ; comme si la perception de runiversel,
privilège de l'homme, si bien indiqué par les scolastiques, n'y suf-
fisait pas !
•— Cette dualité incontestable de la connaissance, en partie subor-
donnée aux sens, en partie les dominant, se déploie dans le judicieux
et agréable livre de M. Joly sur Vlmagination. Par ses deux premiers
chapitres sur la notion de l'imagination instinctive et habituelle, dé-
rivant de la sensation, ce livre se rattache au traité de psychologie
comparée du môme auteur, que nous analysions plus haut. Les pages
suivantes sur le somnambulisme, l'extase et les autres états où l'ima-
gination suspend les fonctions de la vie intellectuelle normale ; sur
l'hallucination, l'idée fixe et autres phénomènes qui renversent l'ordre
des facultés sans les suspendre : sur le rêve, diminutif des états pré-
cédents ; enfin sur des désordres plus légers imputables à l'imagi-
nation, comme imitation irréfléchie, crédulité, rêverie habituelle, etc.;
ces pages, également philosophiques et littéraires, constituent un
petit traité spécial bien lié, bien déduit, où se pressent d'ailleurs des
faits curieux, qui en rendent la lecture fort attrayante. Ce traité se
complète par un chapitre synthétique (vu) où M. Joly a essayé de ra-
mener à des lois précises la double action des sens sur les images et
des images sur les sens. Les sens déterminent, il le montre fort bien,
— iOl —
1° la quantité ; 2° la qualité ; 3° la nature spéciale de beaucoup
d'images. Mais, à leur tour, les images : P produisent une tendance à
exécuter le mouvement qu'elles représentent ; 2° peuvent faire
éprouver la sensation qu'elles rappellent ; S° communiquent les sen-
timents, par l'intermédiaire de tout mouvement expressif, et 4° les
produisent même dans le sujet par la seule idée de ce mouvement ;
5° la seule imagination d'un acte incline à l'exécution de cet acte ;
6° la vue ou l'audition d'actes qui s'imposent à l'imagination poussent
à l'exécution de ces mêmes actes. Ces lois ne nous paraissent pas irré-
ductibles, et il y a quelque chose à faire sur ce point après le travail
de M. Joly. Mais ce travail est en somme fort louable, et sera consulté
avec fruit par tous les psychologues. Il y a autant de charme littéraire
et de saine philosophie dans les derniers chapitres (viii-xi) sur l'ima-
gination gouvernée par l'intelligence, ou plus précisément sur l'ima-
gination esthétique, ou sur l'expression dans la nature et dans l'art
avec ses diverses branches^ ainsi que sur l'influence de l'imagination
poétique dans la science et dans la vie. Mais cette esquisse ingénieuse
est évidemment très-incomplèt3 et, par là, inférieure à la première
partie de l'ouvrage.
Ce n'est pas que cette première partie elle-même soit exempte de
tout reproche. M. Joly a bien vu que son sujet (somnambulisme,
extase, hallucination) côtoyait à tout instant ce que les théologiens
appellent le surnaturel. Il a voulu l'exclure de son cadre, il le déclare
à plusieurs reprises. C'était son droit. A ce titre, il aurait très-bien
fait de demandera ses éditeurs d'arracher de son volume une horrible
représentation de sainte Thérèse en extase, d'autant plus que cette
fâcheuse eau-forte contredit le témoignage de la sainte, cité par
M. Joly lui-même, sur le caractère purement intellectuel de ses visions.
Mais ce qui est plus grave, c'est qu'il suggère çà et là des explications
naturalistes de faits miraculeux, et fournit plus souvent encore de
vagues données qui inclineront les lecteurs peu réfléchis à un natura-
lisme absolu en pareille matière. A propos des stigmatisés, nous le
renverrons à la discussion médicale très-approfondie et très-compé-
tente du D'' Lefebvre sur Louise Lateau; à propos de l'extase et des
phénomènes analogues, aux recherches psychologiques publiées der-
nièrement dans les Études religieuses par un observateur qu'il tient
justement en grande estime, le R. P. de Bonniot.
— Avec le livre de M. Francisque Bouillier, Du plaisir et de la douleur,
nous arrivons, pour finir cet article d'ensemble, qui a touché aux plus
hautes parties de la psychologie intellectuelle et métaphysique, à la
plus humble question de la psychologie expérimentale, celle de la
sensation. Sur ce point, l'esquisse publiée en 1865 par Féminent aca-
démicien semble avoir fait loi dans l'enseignement commun de la
Novembre 1878. T. XXllI, 26.
— 402 —
philosophie ; et, sous la forme plus complète et plus soignée qu'il lui
donne aujourd'hui, amis et adversaires peuvent consulter ce traité
comme l'expression d'une théorie psychologique à peu près reçue dans
l'Université, à cette heure de doctrines très-variées et très-peu arrêtées.
— En voici les points principaux, auxquels nous ne nous refuserons
pas le plaisir d'ajouter, au besoin, quelque critique ou quelque doute.
Les deux premiers chapitres déterminent et caractérisent l'objet du
livre. Admettant comme un progrès nécessaire, quoique tardif, des
études psychologiques, la division trichotomique des facultés (sensi-
bilité, connaissance, volonté), M. Bouillier appelle la première la
faculté de souffrir et de jouir : ce qui paraîtra trop étroit à quiconque
reconnaît des faits purement subjectifs et immanents qui n'ont le carac-
tère ni du plaisir ni de la peine. De plus, en défendant l'autonomie des
faits affectifs contre le système de L. Dumont,qui ne leur reconnaissait
qu'un caractère relatif, il affaiblit peut-être d'avance sa propre théorie
du plaisir, pure efflorescence de l'activité. — Le troisième chapitre, le
plus important de tous, a pour titre : De la cause du plaisir ; il expose
la théorie créée par Aristote [Mor. à Nicom., X, m, iv) et pleinement
développée par W. Hamilton {Lectures on Métaph., ii), qui attribue le
plaisir au développement libre et régulier de l'activité ; ce qui se
vérifie a contrario dans le chapitre iv (qui est plus d'un littérateur
moraliste que d'un psychologue rigoureux) : De la crainte de la mort,
et plus directement dans le v^ : Des diverses sortes de plaisir et dans
le vie : Point de plaisirs passifs. Tout cela est juste au fond, et ici comme
sur bien d'autres points, le psychologisme étroit de notre siècle a bien
fait de revenir aux formules d' Aristote. Mais il faut prendre garde à
l'exagération en sens contraire. Dés que tout fait de l'âme implique
l'activité, la formule en renom sur la cause du plaisir n'a pas une portée
si profonde qu'on croirait de prime abord. Les réponses de M. Bouillier
aux difficultés que Stuart Mill opposait à Hamilton sont parfois con-
testables. Dans les plaisirs de l'ordre moral surtout, la notion d'acti-
vité perd infiniment de son importance, et celle de finalité la domine de
beaucoup. M. Bouillier insiste sur le plaisir du rire, en adoptant sur
la cause de ce phénomène la théorie de L. Dumont (double impulsion
donnée rapidement à l'esprit par deux jugements contradictoires), qui
favorise sa thèse générale, et qui est d'ailleurs assez plausible ; mais il
passe rapidement sur le plaisir esthétique, où le mouvement est moins
facile à constater. Nous signalerons le même embarras dans les cha-
pitres ingénieux du plaisir dans la douleur {vu) et de la sympathie {yiii).
Parmi les explications psychologiques recueillies dans vingt auteurs
par M. Bouillier, et d'ordinaire jugées avec une grande largeur d'esprit,
combien y en a-t-il qui ont leur justesse au moins partielle, et qui ne
sont pas facilement réductibles à l'unique loi de l'activité libre et régu-
- 403 —
liére ! — Tel est le défaut général de cette première moitié du traité,
où d'ailleurs cent passages offriraient matière à de justes éloges et
quelques-uns à des critiques de détail. Citons un de ces derniers. En
rapportant le mot de Lessing : « Si la Providence me montrait
enfermée dans une main la vérité absolue ne laissant plus aucune place
au doute et à la recherche, et, dans l'autre^ la vérité incomplète et
imparfaite qui provoque les recherches et les efforts, je dirais : Garde
celle-là, donne-moi celle-ci, » M. Bouillier aurait dû y montrer
l'empreinte du spinozisme et le rejeter au nom de la vraie notion
du bonheur soit en DieU;, soit dans Tâme humaine. Mais sa formule
l'a trop préoccupé !
Les autres chapitres donnent peut-'être moins de prise à la critique,
tandis qu'ils appellent à tout instant la reconnaissance du lecteur pour
une masse énorme d'excellents matériaux, tantôt empruntés à toute
la littérature philosophique et même extra-philosophique, tantôt plus
ou moins propres à l'auteur, soigneusement agencés et exprimés avec
une grâce sévère et une sagesse pleine de bonhomie. Signalons le cha-
pitre XI : Continuité de la sensibilité, que nous n'admettrions qu'en
étendant la notion de sensibilité à des états affectifs indifférents ;
le xii^, Antériorité du plaisir sur la douleur, fondé sur l'existence d'in-
clinations antérieures aux faits de sensibilité ; le xiii" et le xiv^, apo-
logie ingénieuse et sensée de la douleur au point de vue physique et
moral, où manque l'idée religieuse de la souffrance garantie de l'im-
mortalité. Les derniers chapitres renferment une classification des-
criptive, judicieuse, mais peu originale, des peines et des plaisirs. —
En somme, comme plus d'un autre livre du même auteur, le traité
du plaisir et de la douleur est plein d'excellents détails et mérite d'être
consulté par tous les amateurs de psychologie ; mais c'est une oeuvre
de bonne littérature philosophique plutôt qu'une œuvre de philosophie
profonde et nettement arrêtée. Léonce Couture.
INSTRUCTION CHRÉTIENNE ET PIETE
1. Révélations de sainte Gerlrude, vierge de [ordre de Saint-Benoît, tradmles sur la nouvelle
édition latine des Pères Bénédictins de Solesmes. Paris et Poitiers, Oudin, 1878,
•Z vol. in-12 de lv-364-395 p. Prix ; 5 fr.— 2. Catéchisme de la vénérable Mère Marie
de i Incarnation, fondatrice des Ursulines de Québec, ou Explication familière de la
doctrine chrétienne. Paris et Tournai, Gasterman, 1878;, in-12 de xil-359 p. Prix :
2 fr. — 3. De la venue glorieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et de son règne avant le
jugement dernier, par M. l'abbé Gabriel Gras, curé de Beaulieu (diocèse de Nice).
-Mce, Cauvin, 1878, in-18 Jésus de 270 p. Prix : 1 fr. 75. —i.Cinq chapitres d'une
philosophie pour tous : Essai sur le gouvernement de la vie. Poitiers, Oudin, 1878, in-32
de 64 p. Prix : 50 cent. — 5. Du don de soi-même à Dtew, par le R. P. Gr'ou. Paris,
Vie, 1878, in-32 de 64 p. Prix : 30 cent, — 6. Méditations sur le Pater noster et
l'Ave Maria, traduites de l'allemand, de Fbanz Lennig, vicaire général de Mayence,
par l'abbé M.^bire, vicaire général de Bayeux. Gaen, Chénel; Paris, Heicbel, 1878,
in-18 carré de xiii-194 p, Prix : 2 fr. — 7. La Religion comprise et aimée des petits
— 404 —
enfants, ii&ï M. l'abbé Fourrière, curé d'Oresmaux (Somme). Paris, Sarlit, 1878,
iQ-24 de 107 p. Seconde édition, ornée de gravures. Prix : 40 cent. — 8. Une heure
en paradis, par L. de PlaSMAN. Paris, Olmer, 1878, in-12 de 213 p. Prix: 2 fr. —
9. Le Psautier du pèiertn, par dom Ldigi Tosti, abbé du Mont-Cassin ; traduit, avec la
permission de l'auteur, sur la 10e édition italienne, par Isin. Boucdet, ancien no-
taire. Poitiers et Paris, Oudin, 1878, in-24 de iv-307 p. Prix : 1 fr. 25.— 10. Caté-
chisme de la famille chrélieniie^ par Mgnor Martin, protonotaire apostolique. Lyon,
Vitte et Lutrin, 1878, in-) 2 de vni-373 p. Prix : 3 fr. 50. — 11. ia Vie de Notre-
Seigneur Jésus-Christ, par Louis Veuillot (neuvième édition). Paris, V. Palmé;
Bruxelles. Albanel, 1878, in-12 de 525 p. Prix : 3 fr. 50. — 12. Les Enseignements
de Notre-Dame de Lourdes, et leurs harmonies avec les besoins de notre époque, par
M. l'abbé Ginestet, curé de Noailles. Paris et Bruxelles, V. Palmé, 1878, tome I,
in-12 de 428 p. Prix: 3 l'r. 50. — {o. Somme ascétique de saint François de Sales, ou la
Vie chrétienne étudiée à l'école du Docteur de la piété, par l'abbé N. Albert, aumônier
des Sœurs de Saint-Joseph à Annecy. Poitiers et Paris, Oudin, 1378, in-12 de
XXix-543 p. Prix : 4 fr. — 14. LaParure spirituelle des Enfants de Marie, par le R. P.
Baylot, de la Société de Marie. Paris, Vie, 1878, in-18 oblong de ix-370 p. Prix:
3 fr. — 15. Dieu et son amour pour ses créatures : Elévations philosophiques etreligieuses
par M. l'abbé de Bellune, secrétaire de Mgr l'archevêque de Tours. Tours, Cattier;
Paris, Larcher, 1878, in-18 carré de 352 p. Prix : 3 fr. — 16. Les Pleurs de David. Ma-
nuel de pénitence composé des psaumes traduits et médités, par M. l'abbé A"*,
curé au diocèse de Lj'on. Lyon, Vitte et Lutrin, 1878, in-32 de xx-306 p. Prix :
1 fr. 25. — 17. Meditationes brevissimce, in usum sacerdotum,religiosorum, missionuriorum,
iter agentium, et in totum annum distribut;G, auctore P. Michaele Cuvelhier, So-
cietatis Jesu. Turin, Marietti, 1878, in-18 de 352 p. Prix: 2 fr. — 18. Direction
chrétienne, par Fénelon, avec une préface de Mgr Dupanloup. Paris et Bruxelles,
V. Palmé, 1877, in-18 oblong de Xii-405p. Prix : 3 fr. — 19. Directions spirituelles de
saint François de Sales, recueillies et mises en ordre par .M. l'abbé Chaumont. Paris
et Bruxelles, Palmé, 1877, volumes in-18 carré. Prix : 3 fr. — 20. Mois du Sacré-Cœur
de Jésus, Xvii-409 p. Prix : 3 l'r. — 21. Des Tentations, xiX-316 p. Prix : 3 fr. —
22. De la sainte espérance et de la Simplicité, XXil-393 p. Prix : 3 fr. — 23. Durelour de
l'âme à Dieu, xxx-445 p. Prix : 3 fr. (Bibliothèque de piété des gens du monde.) —
24. La Morale chrétienne, par Bodrdaloce, avec une préface du R. P. Félix. Mêmes
librairies, 1877. Même format, XXI-5G8 p. Prix : 3 fr. — 25. Le Directeur des enfants au
saint tribunal de la Pénitence, par M. l'abbé Tcrcan, in-24 de 32 p. Séez, Mon-
tauzé, 1878. Prix : 25 cent. — 26. Le Verilà catloliche esposte al popolo e otdo«i(nella
spiegazione del Credo) e la moderna incredulità confusa dalle scienze moderne, par
ldg°or Antonio - Mahia Belasio. missionario apostolico, camariere d'onore di
SuaSantità. Turin, librairie salésienne, 1878, in-12 de xvi-392 p. Prix : 2 fr. 50.
— 27. La Missione interiore dello Spirito-Santo, di Mgr Manning, volta in italiano,
sulla 2a edizione inglese, dal sacerdote Andréa Fantoli, parroco di Agrate. Turin,
Marietti, 1878, in-12 de Viii-322 p. Prix: 2 fr. 50. — 28. La Missione temporale
dello Spirito-Santo, ovvero la ragione e la revelazione. per Mgr Mannlng ; versione
dair inglese par Fr. Panfilo da Magliano. 3a edizione, in-12 de xi-283 p. Turin,
Marietti. Prix : 2 fr. 50. — 29. Omelie di Mg^or Aniceto Ferrante, vescovo di
Gallipoli. Turin, P. Marietti, 1878, in-12 de vii-292p. Prix : 2 fr. 50.— iO. RaccoUa
di orazioni sacre inédite di Mg°or Vixo Corallo, vicario générale di Siracusa.
Turin, Marietti, 1878, in-12 de 266 p. Prix : 2 fr. — 31. Fatti di maggior rilievo delV
Antico e Nuovo Testamento, illustrati con 120 incisioni ed analoghe moralità, per
Mgnor Pasquale DE Nardis. Turin, Marietti, 1878 in-12 de 243 p. sur papier
épais. Prix: 3 fr. 50. — 32. Ragionamenti sacri suite feste di Maria Vergine Sanctissima,
e cenni storico-morali su alcuni suoi sanctuari, del P. Antoning da TorinO, mission,
apost., cappuccino. Turin, P. Marietti. 1878, in-12 de vili-436 p, Prix : 2 fr. 50.
— 32. Ave Maria : Traliato popolare sulla divozione à Maria ss., del sacerdote - Severino
Ferreri, da Torino. Turin, Marietti, 1878, in-12 de xiii-310 p. Prix : 1 fr. 50.
1. La lecture des Révélations de sainte Gertrude ne convient, évi-
demment, qu'à une âme profondément chrétienne, habituée à la vie
intérieure et ne s'effrayant point des évolutions et des grandes choses
de la mystique divine. Co livre a toujours été en grande estime dans
l'Eglise catholique, où l'on admet volontiers la réalité des communi-
cations célestes rapportées par la sainte. Elle-même raconte, en ter-
minant sa rédaction, que le Sauveur se lit voir à elle et lui adressa
— i05 —
ces paroles : « Je presse ton livre contre ma poitrine, afin d'en péné-
trer toutes les lettres de la douceur de ma divinité, ainsi qu'un
suave hydromel imprègne une bouchée de pain frais de pure farine
de froment, afin que celui qui pour ma gloire ^ira ces pages avec
une humble dévotion en perçoive un fruit de salut éternel (t, II,
p. 385). » Alors, continue Gertrude, je priai le Seigneur de vouloir
bien préserver le livre de toute erreur. Jésus, étendant sa main ado-
rable, fit sur le volume le signe de la croix en disant : « Ainsi qu'à la
messe j'opère la transsubstantiation du pain et du vin pour le salut
de tous, je sanctifie en ce moment, par ma céleste bénédiction, tout
ce qui est écrit en ce livre, pour le salut de tous ceux qui voudront
y lire avec une humble dévotion, a C'est dans cet esprit, en eff'et,
qu'il faut aborder de tels écrits^ ou ils sont illisibles. Mais aussi, pour
le sincère croyant, ils renferment de précieuses délices. — La
présente traduction est publiée avec un soin que nous devons louer :
biographie de la sainte, appréciation de son œuvre, table analy-
tique, style aisé et précis, rien ne nous paraît y manquer. Le nou-
veau traducteur anonyme a parfaitement résumé le livre : tantôt
remarque-t-il, le Cœur divin apparaît à G-ertrude comme un trésor
où sont renfermées toutes les richesses; tantôt c'est une lyre tou-
chée par l'Esprit-Saint, au son de laquelle se réjouissent la très-
sainte Trinité et la cour céleste, Puis c'est une source abondante, dont
le courant va porter le rafraîchissement aux âmes du purgatoire, les
grâces fortifiantes aux chrétiens vivant encore sur la terre. C'est un
encensoir d'or, d'où s'élèvent autant de parfums différents qu'il y a
de races diverses d'hommes pour qui Notre-Seigneur a souifert. Une
autre fois, c'est un autel sur lequel les fidèles déposent leurs offrandes,
les saints du ciel leurs hommages, les anges leurs respects, et où le
prêtre éternel s'immole lui-même. C'est une lampe suspendue entre
le ciel et la terre, une coupe où s'abreuvent les élus. — On voit ce
qu'est un tel livre, le charme religieux qu'il renferme^ et à qui il s'a-
dresse spécialement.
— 2. Le Catéchhme de la véuérahlc Mère Marie dje f Incarnation est
une œuvre du dix-septième siècle, due aussi à une éminente religieuse,
Marie de l'Incarnation, qui est la seconde gloire de l'ordre célèbre
des Ursulines. C'est elle qui créa le monastère de Québec, maintenu
jusqu'à nos jours; et elle est, ajuste titre, honorée comme l'une des
plus actives coopératrices à la colonisation française du Canada. L'é-
diteur actuel, M. l'abbé Richaudeau, aumônier des ursulines de Blois,
a déjà publié sa Vie. Imprimé pour la première fois en 1084, par les
soins de dom Claude, ce catéchisme a été jugé, par le P. Charlevoix
et parMoréri, l'un des meilleurs que Ton possédât de leur temps. On
a fait sans doute, depuis, des traités du même genre autrement éten-
— 406 —
dus, développés, variés et instructifs 'mais celui-ci demeurera parmi
les plus utiles. A la clarté de Texposition, à l'ordre parfait de la marche,
à la douce piété qui en orne toutes les pages, aux citations nombreuses
de la sainte Écriture, il joint cet avantage non médiocre d'avoir été
écrit par une sainte. La bonne ursuline emploie peu le raisonnement
subtil et froid. Elle expose chaque point de doctrine, de manière à
ne laisser dans l'esprit aucune obscurité, et se contente de cette
exposition, en y ajoutant néanmoins, pour le cœur, le commentaire
pieux qui est comme la moelle de toute instruction religieuse. En un mot,
c'est bien, ainsi que le dit le sous-titre, une « explication familière de
la doctrine chrétienne. » — On n'y procède point par demandes et par
réponses. Le plan se compose de quatre parties, après un chapitre pré-
liminaire sur le Signe de la croix, Dieu, la Trinité, l'Incarnation.
Dans la première, comprenant vingt-trois instructions, on explique,
article par article, le Symbole des Apôtres. La seconde, de quinze
instructions, embrasse la morale ou les commandements de Dieu. La
troisième traite de nos relations directes et volontaires avec Dieu par
la prière, et commente l'Oraison dominicale. A la quatrième a été ré-
servé ce qui concerne les sacrements. — Composé pour les religieuses
et leurs jeunes pensionnaires, l'ouvrage, qui ne suffirait pas pour un
grand catéchisme de persévérance, atteint très-heureusement son but,
et mérite d'être signalé à qui de droit.
— 3. L'enseignement que nous présente M. l'abbé Gabriel Gras,
dans son ouvrage De la venue glorieuse de Notre-Seigneiir, relève ex-
clusivement de la haute théologie. C'est un travail digne de la plus
sérieuse attention, et qui accuse une rare pratique des saints Livres
et des Pères de l'Église. Écartons ce qui regarde la langue : on sent
dans ces pages l'écrivain italien, peu familiarise avec notre idiome et
dominé souvent par la terminologie du sien. C'est là, en pareil sujet,
un inconvénient de second ordre. Tl s'agit de l'une des questions les
plus débattues autrefois, les moins connues aujourd'hui^ et au sujet
desquelles circulent le plus d'idées fausses parmi ceux qui s'occupent
des matières religieuses : le millénarume. Chose remarquable : à peu
près oublié pendant de longs siècles, il retrouve faveur auprès de bon
nombre d'esprits graves, pour qui il paraît démontré que .Jésus-Christ
reviendra sur la terre régner visiblement pendant mille ans avant la
résurrection universelle. Il faut se hâter de dire que cette opinion,
prise dans sa vraie expression, ne fut jamais condamnée par l'Église.
C'est ce que notre savant et logique auteur s'attache à établir avant
tout : car, dit-il, il est prêt à déchirer son livre si le Saint-Siège y
surprend une syllabe offensive du dogme catholique. Nous ne l'y avons
p^às découverte, pour notre part. M. l'abbé Gras a le précieux talent
de poser très-précisément sa thèse, de l'appuyer sur des autorités se-
— 407 —
rieuses, de discuter clairement les nuances, les termes, les objections,
et de n'avancer qu'après avoir montré la solidité du terrain où il s'en-
gage. Il est, en outre, dans tout cet exposé, d'une piété qui parle au
cœur. Quoi qu'on pense de la thèse en elle-même, on est obligé de
convenir qu'elle ne pouvait être discutée avec plus de conviction
personnelle, plus de modération et de discrétion dans la forme, plus
de science et de clarté dans le raisonnement. Pour M. l'abbé Gras,
donc, la venue de Jésus-Christ pour un règne triomphant sur la terre
avant la fin des temps a été la croyance consolante de milliers de
chrétiens depuis l'époque des Apôtres; elle est le principal objet de
l'Apocalypse de saint Jean, et l'adoption de cette croyance par plu-
sieurs saints Pères la rend au moins probable : il ne va plus loin, et
c'est pourquoi nous avons parlé de sa discrétion. Le Seigneur, écrit-
il, revenant ici-bas, glorieux et triomphant, exterminera l'Antéchrist
et son armée; il rappellera à la vie plusieurs saints, principalement
les martyrs, qui, ressuscites et jouissant de la vision béatifique, habi-
teront avec lui la Jérusalem descendue du ciel et transportée sur la
terre, comme la maison de la très-sainte Vierge, où le Verbe fait
chair habita, a été transportée de la Galilée à Lorette. En même
temps Lucifer sera enchaîné ; les guerres seront partout supprimées,
et Notre-Seigneur gouvernera lui-même, religieusement et politique-
ment, tous les hommes. Ce sera un commencement de réparation des
outrages faits à son saint nom par les méchants qui l'ont combattu et
qui ont refusé de le connaître. Les Israélites, devenus chrétiens, ras-
semblés de nouveau en Palestine et dans Jérusalem rebâtie, seront
unis avec tous les peuples de la terre, convertis aussi, et formeront
avec eux un seul bercail régi par le divin pasteur, et cela pendant
bien des siècles; après lesquels aui-a lieu une grande tiédeur qui occa-
sionnera le déchaînement de Satan et une immense révolte d'un grand
nombre de Gentils, révolte qui sera suivie du feu du ciel, de la résur-
rection générale, du jugement dernier et de la sentence finale. Nous
ne nous permettrons certes pas de prononcer nous-même, en telle
matière; mais deux choses frappent dans le volume de M. l'abbé Gras :
le sens presque obvie des textes sacrés qu'il commente, et la quantité
de personnages éminents dans l'Église qui ont été millénaristes en ce
sens. Il nous suffit de provoquer à la lecture de ce livre particuliè-
rement intéressant, malgré les défectuosités de la forme littéraire.
L'auteur annonce, d'ailleurs, qu'il donnera une continuation à son
travail et le complétera, s'il est bien accueilli parmi nous. Il va sans
dire que la grosse question de la succession des âges et de la fin du
monde est abordée par M. l'abbé G. Gras.
— 4. Après avoir rédigé, à l'usage de son fils, une série de conseils
pour le gouvernement de sa vie, ce jeune homme étant venu à mourir,
— 408 —
M. Ducliesne de Saint-Léger a pensé que le travail serait utile à
d'autres, et il se décide à le publier sous le titre de Philosophie pour
tous. De cet ouvrage il a extrait cinq chapitres, qu'il donne dans une
brochure à part, comme prospectus et spécimen précurseur. « Un re-
cueil de ces règles et de ces principes existe-t-il2 Mes recherches ne
m'en ont fait découvrir aucun qui soit suffisamment complet et appré-
ciable à notre époque (p. 4). » Si l'on en juge par les extraits dont
nous parlons, la Philosophie pour tous répondra bien à son titre.
L'auteur écrit avec distinction ; ses citations fréquentes des classiques
font voir en lui le lettré ; l'esprit chrétien forme le fond de sa doctrine.
Non qu'il ait entendu prendre le ton du prédicateur; il est simple,
pratique, homme du monde s'adressant à des personnes qui vivent
dans le monde ; c'est l'honnête homme qu'il veut former, plutôt que
ces âmes héroïques qu'on appelle des saints. Son chapitre sur «la vie»
est tout à fait remarquable.
— 5. Petit livre de propagande pour les catéchismes et les commu-
nautés, que le Don de soi-même à Dieu, du R. P. Grou, réédité par
la librairie Vie. L'éditeur le destine spécialement à ces « étrennes
pieuses » qui se distribuent entre chrétiens. Pensée louable, vraiment,
et qui a présidé à la collection plus étendue dont le Don de soi-même
fait partie. Le P. Grou est du siècle dernier. Chassé de France
par la Révolution spoliatrice et persécutrice, il séjourna plusieurs
années à Londres, et il y fit imprimer, en 1796, ses Méditations sur
Vamour de Dieu, si connues des fidèles, et le Don de soi-même. Ce der-
nier opuscule occupe peu de place dans cette petite brochure, mais il
est encore assez développé, l'édition en étant fort compacte. L'écrit se
termine par des maximes ou pensées résumant en peu de lignes les
principes de la vie selon l'esprit de l'Evangile. Le P. Grou possède la
grâce de parler avec suavité; il est très-solide, et en même temps on
ne se lasse pas de l'écouter, pour l'incomparable douceur de son
langage.
— 6. Les deux principales prières du chrétien sont le Pater et VAve
Maria; elles renferment, pour qui sait les y voir, tous les principes de
renseignement catholique et de l'union à Dieu. L'une est l'œuvre
même de Notre-Seigneur, l'autre est venue en partie du ciel et a été
complétée par l'Eglise. Il n'y a donc point de sujet de méditation plus
riche, plus adapté à nos besoins, plus fécond pour le bon maintien du
cœur. Aussi les commentaires ne manquent-ils pas, depuis celui de
saint Cyprien et des Pères des premiers siècles jusqu'aux nombreux
ouvrages publiés de nos jours. Celui que vient de traduire de l'allemand
M.l'abbé Mabire, vicaire général de Bayeux, se distingue par des qualités
fort louables, et sera pour les fidèles une ressource. L'auteur, M. l'abbé
Franz Lennig, camérier du Pape et vicaire général de Mayence,
— 400 —
l'avait présenté, sous forme de simples allocutions, à un nombre
restreint d'auditeurs ; plus tard, il l'écrivit à la manière des médita-
tions, après avoir constaté combien les fidèles aiment ce genre d'ins-
tructions pratiques. C'est son neveu, le chanoine docteur Moufang,
qui l'a fait imprimer après la mort du vénérable auteur. Les Médita-
tions sont au nombre de quatorze, et suivent l'ordre des demandes.
Les premières pages ont été consacrées à l'auteur de l'oraison domi-
nicale et à l'ensemble de ce qu'elle contient : examen général et préli-
minaire, où nous observons la dignité de cette prière révélée, la vertu
qui y est attachée, les grandes choses qu'en ont dites les saints, le cas
et le perpétuel usage qu'en fait l'Église dans sa liturgie. Tertullien
l'appelle « un abrégé de l'Evangile, breviarium Evangelii. » Chacune
des sept demandes contient le remède, et est en quelque sorte l'an-
tidote d'un des sept péchés capitaux; chacune va directement à dé-
truire l'une de ces racines maudites, ainsi que le démontre en détail
M. l'abbé Lennig. Pensée neuve et très-juste. Le traité tout entier,
du reste, en est rempli. C'est une nourriture solide, un trésor de
doctrine, dont on peut tirer les meilleurs sujets de lecture spiri-
tuelle, et d'abondants matériaux pour la prédication, surtout pour
l'homélie. Le livre eût été cependant, à notre sens, plus intéres-
sant et plus complet si l'on y avait inséré des exemples tirés des
vies des saints : ce qui semble venir tout seul en maint endroit.
Nous n'omettrons pas de dire aussi que ces méditations respirent
une piété tendre et communicative qui en rend la lecture tout à fait
édifiante.
— 7, La Religion comprise et aimée des petits enfants n'est qu'un
catéchisme abrégé, par demandes et par réponses, avec quelques
images : l'enfant aime toujours les images, et retient mieux le texte
qu'elles accompagnent. Ce texte est ici très-bien distribué, très-clair,
et fait voir dans l'auteur un homme habitué à parler à l'enfance et à
se faire comprendre d'elle. Cette édition est la seconde : ce qui
indique le succès de la première. « Votre ouvrage, écrit à l'auteur
M^Me cardinal Donnet, appartient à la famille de ces petits livres que
le zèle multiplie aujourd'hui en faveur de l'enfance, et dont chacun
mérite l'épigraphe : Aiireolus liber, et ad litteram ediscendus. Le vôtre.
Monsieur le Curé, justifie le titre que vous lui donnez. S'il est bien
appris, vous atteindrez le but que vous poursuivez : la religion sera
bien comprise et, par suite, aimée des petits enfants, pour ne rien dire
de plus. »
— 8. Uiie heure en paradis. N'allez pas croire que M. de Plasman
ait eu l'intention de se donner pour plus fort que saint Paul, et nous
ait décrit les joies du ciel au point de vue théologique et mystique. Il
se livre simplement à une fiction. Il voit en songe Socrate arriver
— 410 —
dans un nuage ; le philosophe l'appelle auprès de lui, l'enlève dans les
régions supérieures, et le rend témoin des merveilles de l'autre
monde. C'est assez bien écrit, riche d'imagination, mais trop peuplé
de païens. Mettre à peu près sur le même pied Socrate et saint Pierre,
Platon, Cicéron, Virgile et saint Vincent de Paul, saint Augustin et
le juif Halévj, n'est-ce pas se lancer dans un éclectisme par trop léger ?
Les réc'ompenses éternelles, si elles ont été accordées à Descartes ,
Leibnitz, Corneille, Lesueur, Chérubini, Haydn, Rossini, également
couronnés par M. de Plasman, ne reposent sûrement ni sur leurs
tableaux, ni sur leurs dissertations, ni sur l'harmonie de leurs
compositions musicales, mais bien sur leurs seules vertus et sur
ce qui les a unis à Dieu. En outre, bien des points sont d'une doctrine
très-contestable. Au surplus, cette boutade, qui fournit son titre au
livre, n'en forme qu'une minime partie. Nous avons ensuite, en vers
et prose mêlés, VHlstoire romanesque d'un oiseau spirite. Cet oiseau,
qui fut un corsaire, un mousquetaire, un cardinal, un cheval (il fallait
la rime), est chargé de parcourir ce monde et d'aller en donner au
bon Dien des nouvelles fraîches. Il parle donc, à tort et à travers, de
ce qu'il a vu, et dans une versification où la cheville fait rage, où la
suite des idées se perd en lacunes, et où M. de Plasman assure qu'il
habita autrefois lui-même la planète de Vénus : ce qui amène une
excursion capricieuse au domaine de l'astronomie, d'où l'on retombe
sur le chapitre des femmes et des mœurs échevelées d'un certain
monde. Est-il besoin de dire que tout cela manque d'unité et de va-
leur? Le livre est une macédoine : car voici un troisième morceau,
plus grave, datant de 1869, intitulé : D'où vient rame, et comment se
transmet-elle? Question ardue, qui préoccupa grandement saint Au-
gustin et que l'Église n'a point définie, pas plus que la philosophie
simplement rationnelle n'en a découvert la solution. M. de Plasman
examine, l'un après l'autre, les systèmes divers qui se sont produits,
les repousse, et expose le sien. Il voudrait (p. 128) que ce sujet fût
discuté dans un concile. — Le volume ne se termine pas encore là-
dessus : il contient des réflexions sur la musique d'église, réflexions
justes et fondées, et enfin une exhortation à la charité, sur l'exemple
d'Ozanam.
— 9. Il est peu de réputations littéraires, en Italie, supérieures à celle
de Dom Louis Tosti, abbé du Mont-Cassin; et cette réputation a de-
puis longtemps franchi les monts pour venir jusqu'à nous. Historien,
antiquaire, critique, poète, théologien, le P. Tosti a produit des
œuvres multipliées et considérables, plusieurs fois réimprimées. Le
Psautier du pèlerin nous montre en lui le poète chrétien, déjà connu
pour son Méalech, délicieux poème d'un incomparable parfum d'anti-
quité biblique. Personne ne peint mieux, personne n'abonde davan-
- 4H —
tage en comparaisons et images fraîches et gracieuses, personne ne
sait plus sûrement le chemin et les secrets du cœur. La traduction de
M. Bouchet nous a paru aisée, élégante, agréable. De sorte que ce
Psautier forme un livre d© piété d'un genre à part, et qui sera goûté
des âmes, sensibles au mérite littéraire et à Téclat de l'imagination, se
délectant en Dieu. Les psaumes sont au nombre de cinquante. La place
nous manque pour pouvoir, par des citations, donner au lecteur une
idée de ces gracieuses compositions.
— 10. Le Catéchisme de la famille chrétienne, par M. l'abbé Martin,
mérite une mention à part dans cette galerie. Nous le regardons
comme le trésor des mères. Ce sont elles, au surplus, qui y dialoguent
et dissertent doucement avec leurs petits enfants. Procédé toujours
excellent, et pour l'instruction directe, et pour porter ces jeunes
esprits à lire avec plaisir des leçons dont ils s'imaginent composer
eux-mêmes la bonne moitié : M . l'abbé Martin s'est fait connaître
déjà, et grandement estimer par plusieurs ouvrages qui accusent en
lui une science peu commune et un réel talent d'écrivain. C'est à la
mère surtout, observe-t il à bon droit, qu'incombe le devoir de former
à la religion ces chères créatures que Dieu lui a confiées, et qui l'en-
tourent affectueusement, attendant tout d'elle, pain du corps et pain
de l'âme. Or, la mère commencera dès le premier éveil de la raison à
leur parler des destinées supérieures de l'homme et des devoirs de la
vie. « Prenez et lisez, dit l'auteur. Une lecture de cinq minutes suf-
fira pour allaiter pendant huit jours l'âme de vos enfants. Pour cette
œuvre de première éducation chrétienne, qui prend l'enfant au ber-
ceau, j'ai dû bégayer le langage de l'enfance. Ce n'est pas vous qui
me reprocherez d'être trop simple ,et d'être descendu à des détails
trop familiers. » Më^ Martin, en efiet, n'omet pas une notion utile,
si élémentaire qu'elle soit; en homme habitué à l'éducation, il ne
souffrira pas un nuage, un à peu près, dans l'esprit de son petit dis-
ciple. Ce disciple est, de par son âge, mobile, distrait, avide, curieux,
impressionnable à l'extrême : c'est sagesse et habileté de le prendre
par ses instincts, autant que possible, sans violenter la nature. La"mé-
thode ici adoptée fait du catéchisme un enseignement qui se mêle et
s'associe à tous les événements et à toutes les impressions de l'en-
fant; une suite de légendes et d'histoires qui satisfont sa curiosité et
retiennent son attention. Il faut citer ces belles lignes de dédicace :
— « Mères chrétiennes, l'avenir et le salut de la France sont entre
vos mains. Le berceau de Moïse sur les eaux du Nil portait la déli-
vrance du peuple de Dieu. Les anges ont chanté sur le berceau de
Bethléem : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre
aux hommes de bonne volonté ! L'adorable Trinité dans le ciel et la
sainte famille sur la terre, voilà l'idéal que je mets sous vos yeux. Ne
dites pas qu'il est trop élevé 1 l'Évangile vous répond : Soyez par-
faits comnae notre Père céleste est parfait.» — Le plan comprend les
premiers principes de piété, puis l'histoire de la création, la promesse
et la venue du Messie, les commandements de Dieu, la vie de Notre -
Seigneur et l'explication des principales fêtes. Il y a également, à
chaque chapitre, un avis pour la mère elle-même.
— 11. L'ouvrage de M. Louis Veuillot sur la Vie de Jésus-Chrlsl est
connu de tout le monde ; il est superflu d'en parler. Nous avons sous les
yeux la neuvième édition. On se rappelle que l'auteur n'a pas eu pour
but de faire de la polémique et de la démonstration, mais une exposi-
tion simple et suivie qui parle assez d'elle-même. « Il ne faut pas courir
tant de pays, ramasser tant de langues mortes, tant d'histoire, tant
de physique et de philosophie, pour connaître avec certitude Celui qui
a voulu la foi et l'amour des petits et des ignorants. Le pain de vie
est facile à trouver, comme le pain matériel, aux mêmes conditions
(p. 7). » Du reste, ainsi que l'observe aussi l'auteur, l'Évangile est
toujours jeune, et beaucoup de lecteurs le trouvent encore très-nou-
veau : car chez les incrédules l'ignorance de l'Évangile est ordinaire-
ment complète et totale, et, chez bon nombre de chrétiens, qui se
croient instruits, elle confond ! On sait le texte sacré par cœur
quelquefois, et on ne le connaît pas dans son vrai sens; on ne l'a pas
lu avec suite^ on ne coordonne dans son esprit ni les faits ni les pa-
roles. Un livre tel que celui-ci, consulté sérieusement, comble une
pareille lacune, ouvre les saines et vraies perspectives.
— 12. Nous n'avons entre les mains que le premier volume des En^ei-
gnemenU de Notre-Dame de Lourdes {leurs harmonies avec les bcsoÏJis
de répoque), par M. le curé Ginestet. L'auteur a pour but de dé-
velopper les grandes vérités dogmatiques et morales du catholicisme,
déduites, dans une suite de conférences, des paroles de la sainte
Vierge à Bernadette. C'est là une pensée très-bonne. L'orateur relie son
sujet à la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception de Marie,
dont les apparitions de Lourdes ont été le point de départ providen-
tiel. N'avions-nous pas des besoins nouveaux et pressants, dans cet
orage si grave qui allait être déchaîné contre l'Église, en Italie, en
Allemagne, en France, en Suisse, on pourrait même dire en Bel-
gique? La Reine du ciel intervient de sa personne pour raffermir les
courages, amener les âmes au repentir, et, en guérissant les corps
mêmes, rendre manifeste la vérité des croyances catholiques, ainsi jus-
tifiées comme elles le furent au temps des Apôtres. Cette histoire est
peinte à grands traits par M. Ginestet, dès l'abord de son livre. Le
style est plein de mouvement et de dignité, et les idées se pressent.
Çà et là pourtant, des fautes qu'on ne comprend guère sous une telle
plume. N'en alléguons qu'une (p. 4) : « A ce monde livré sans me-
sure aux plus ignobles instincts, à ce monde voué aux plaisirs éner-
vants, etc., il fallait lui offrir un tableau,... etc. » Un peu plus loin,
c'est le Vatican devenu pour le Pape une servitude. N'insistons pas sur
ces négligences, faciles à effacer, et assez fréquentes pour qu'on pense
à le faire. — Nous avons, naturellement, l'historique des apparitions
dans un autre chapitre préliminaire, afin que le terrain soit bien fixé
pour ces discours ; l'authenticité des apparitions, et tout ce qui rentre
dans cet ordre d'avant-propos. — La première leçon qui ressort du
miracle de Lourdes, c'est le souvenir du ciel, d'où descend Marie et
auquel nous sommes appelés à notre tour. Quel est-il, ce ciel? que
faut-il faire pour l'obtenir? Il y a là tout un tableau de la vie chré-
tienne et des conditions du salut. Mais, par sa présence en pareil cas,
Marie montre encore à quel point elle mérite ce nom de Refuge des
pécheurs que nous aimons à lui donner : elle peut les secourir, et
elle le veut. A la vue des iniquités de la terre, la Vierge divine
s'abandonne à la tristesse ; elle crie à tous : Pénitence ! Pénitence !
Ceci nous amène au dogme de l'expiation, à cette loi fondamentale
devenue étrangère, ou à peu près, à notre siècle, mou, avide de jouis-
sances et de lucre, qui ne fait .rien pour conjurer efficacement la
céleste colère. Et quelle misère en lui de ne songer qu'aux avantages
temporels ! Quels sont-ils ces avantages ? Méritent-ils une telle
poursuite et de tels oublis ? Non : c'est à Jésus-Christ qu'il faut s'at-
tacher. M. l'abbé Ginestet nous entretiendra donc du Sauveur, et il le
fera amplement, en remontant aux prophéties et à l'Ancien Testament.
C'est la vingt-sixième conférence, et le volume se ferme sur elle. —
On conçoit qu'avec un tel procédé, que plusieurs estimeront un peu
forcé, mais qui part d''une idée heureuse, on peut amener successive-
ment, et sans exception, tous les points de l'enseignement chrétien.
Cet ouvrage ne s'adresse pas aux seuls pasteurs comme répertoire
pour la prédication ; il peut servir à tout fidèle pour ses lectures
pieuses.
— 13. M. l'abbé N. Albert, aumônier de Saint-Joseph à Annecy, placé
sur les lieux mêmes où vécut saint François de Sales, s'est occupe de
donner aux fidèles un recueil extrêmement précieux, qu'il intitule
Somme ascétique de saint François de Sales, docteur de l'Église, ou « la
vie chrétienne étudiée à l'école du docteur de la piété. » Il suffit de
peser les termes de ce sous-titre pour savoir ce qu'est le livre. Le
grand évêque de Genève avait eu de tout temps le privilège d'attirer
à lui les âmes pieuses, de les former à une piété plus solide encore, et
de faire autorité dans l'Église ; mais, depuis le 16 novembre 1877, où
Pie IX proclamait docteur saint François, cette autorité s'est fortifiée
de toute la puissance d'un décret apostolique, décret tout à fait expli-
cite. Saint François de Sales fut un savant controversiste, un prédi-
— 414 —
cateur éminent, un théologien profond, mais il fut plus encore un
directeur des âmes. Il avait reçu d'en-haut la triple mission d'opposer
une digue aux dévastations du calvinisme, de briller comme un phare
à la veille des ténébreuses manœuvres du jansénisme, et de préparer
contre les erreurs modernes un arsenal où l'on pût toujours puiser. Il
en eut une quatrième : réduire à leurs plus belles expressions pra-
tiques les règles de la vie intérieure, dé l'ascétisme. « Placé, nous
dit M. l'abbé Albe't't, dans la théologie pratique, à un degré au-des-
sous du mysticisme, mais dans une sphère supérieure à la (simple)
morale, l'ascétisme a pour rôle de conduire les âmes de vertu en
vertu, des confins de la (stricte) morale à ceux du mysticisme,
des ornières d'une vie déjà marquée au sceau d'une certaine régu-
larité, mais encore imparfaite, aux cimes de la sainteté (p. xxiii). »
C'est, au demeurant, l'art des arts. Il avait été de tout temps cultivé
par d'illustres maîtres, sainte Thérèse, saint Ignace de Loyola, sainte
Gertrude; mais il n'était pas encore précisément représenté dans
l'aréopage des docteurs de l'Eglise. Les Mémoires de Trévoux disaient,
en juillet 1736 : « Dieu a choisi le saint évêque de Genève pour être
et l'apôtre des calvinistes et le docteur de la dévotion. » — Pénétré
de ces pensées, notre auteur s'est résolu à parcourir attentivement
toutes les œuvres de saint François, pour en extraire l'ensemble des
principes de la vie chrétienne et parfaite, de la vie que Thomme
puise dans son union avec le Sauveur. Ici donc, dans les pages de ce
volume, sous la plume du saint docteur, nous voyons cette vie se pré-
senter sous toutes ses faces : dans son but, la fin de l'homme et le
ciel ; dans ses devoirs et conditions, vertus communes du chrétien et
obligations respectives de chacun des trois états (séculier, religieux,
sacerdotal) qui se partagent le monde ; dans ses obstacles, le péché, la
tentation, la tristesse ; dans ses secours et moyens, Jésus-Christ et
l'Esprit-Saint, vivant et agissant dans l'homme par la grâce ; dans
ses sources, dans ses exercices, la prière, la messe, les sacrements, la
parole de Dieu, les retraites, la sanctification des fêtes. Dans ces
riches et amples frontières, nous avons partout avec nous l'admi-
rable docteur; tous nos pas se font en sa compagnie. — C'est pour-
quoi nous avons dit que c'est là un ouvrage très-recommandable,
dont les âmes aimeront à faire leur manuel, leur conseil, leur recours
aux heures de la récollection. — M. Albert ajoute parfois, comme
commentaire vivant des principes, les exemples de saint François de
Sales lui-même, d'après son Histoire par M. l'abbé Hamon, Pour le
style, on a eu le bon goût de le conserver dans sa forme naïve, avec
l'orthographe actuelle.
— 14. C'est encore de la vie spirituelle que traite le P. Baylot, ma-
riste, dans la Parure spirituelle des enfants de 3Iarie, volume qui plaît
— 415 —
au premier regard par la beauté de l'exécution typographique. Tout
le monde sait à quel point la jeune fille tient à sa toilette. Fénelon
l'avait observé. « Elles naissent, dit-il, avec un désir violent de
plaire : de là vient qu'elles aspirent tant à la beauté et à toutes les
grâces extérieures, qu'elles sont si passionnées pour les ajuste-
ments, » « Voilà qui est bien, ajoute le P. Baylot; je viens vous en-
gager, mes enfants, à suivre ce goût, à en faire l'objet incessant de
vos préoccupations : seulement, nous stipulerons ensemble les condi-
tions et la forme de vos ajustements. Ainsi que le veut saint Paul,
Revêtez-vous des armes spirituelles ; nous changerons la vanité en
vertu, la personnalité en charité, nous tournerons vers Dieu, seul
digne d'attirer et de fixer les yeux de sa créature, ce « violent désir
« de plaire. » Et le bon Père exhibe aussitôt sa corbeille. Qu'y trouvons-
nous? abondance de fines parures, ornements de premier goût. Exa-
minez, s'il vous plaît : c'est la robe de la grâce sanctifiante blanchie
dans le sang de l'Agneau qui purifie toute chose ; — la ceinture de
l'innocence, qui fait le cœur joyeux, et protège contre toute atteinte
la perle du baptême; — les rubans de la mortification, destinés à
affermir, en l'embellissant, cette ceinture précieuse ; — ce seront la
'montre du bon emploi du temps, l'anneau de la fidélité aux bonnes
résolutions et aux principes de la vie fermement chrétienne, les bra-
celets de la soumission, le collier de la patience, le bouquet de la
ferveur, la chaussure de Timitation du Seigneur, qui porte aux sen-
tiers de la vertu, etc., etc. Reprenant successivement tous ces cha-
pitres, sur cette fiction qui fait penser au genre de saint François de
Sales, notre auteur explique à ses lectrices l'art divin de faire de la
vie, sans illusions, ce qu'elle est pour l'homme : le lieu du combat, le
marchepied du séjour véritable. Ouvrage écrit avec le cœur, digne de
celles à qui il est destiné, et qui leur fera du bien.
— 15. Encore un livre splendidement imprimé, chef-d'œuvre typo-
graphique, que Dieu et son amour pour ses créatures, i^air MA' ahloé de
Bellune. M. l'abbé de Bellune nous a déjà donné de bien touchantes
pages sur la soufî'rance; il sait écrire, il pense, il sent profondément.
En ce nouveau travail, le lecteur attentif, dit M^'' de Tours dans son
approbation, « apprendra à réfléchir sur lui-même, sur le monde visible
et le monde invisible, sur les grandes choses qui l'environnent ici-
bas ou l'attendent par-delà le tombeau. Les conséquences de cette
lecture seront de mieux connaître Dieu, et de sentir plus vivement
à quel point il mérite notre admiration, nos adorations et notre
amour. » Ce sont, ainsi qu'il est marqué au titre, des méditations
philosophiques et religieuses sur l'homme dans ses rapports avec Dieu;
autrement Dieu cherché par la raison, Dieu connu par la foi. — Il est
impossible qu'aucun homme ne se demande parfois d'où il vient, où il
— 416 —
va_, quel est le mot de sa destinée ; les plus grossiers, les plus igno-
rants, ont une heure pour ce retour. C'est, au fond, la première ques-
tion de la raison qui s'éveille ; et nous nous écrions, comme GœtKe et
Michelet mourants : « De la lumière ! de la lumière ! » Mais, au lieu
d'en attendre l'apparition, on se jette les uns sur une vie évaporée,
les autres sur les affaires, ceux-ci sur les sciences ou sur l'ambition,
ceux-là sur les plaisirs, sur la poésie, sur tout ce qui manque de con-
sistance et de fond. Tous ont une âme, et bien peu y songent; une
âme pleine d'énergies latentes, pleine de trésors qui pour le grand
nombre n'en sortiront pas. S'ils en sortaient, le monde serait restauré,
purifié. Et cet oubli arrachait à Pascal les plaintes éloquentes qui sont
dans toutes les mémoires. Or, comme au printemps se renouvelle
la nature, mon âme a senti affluer en elle la vie; elle s'est tournée
vers le ciel, elle y a vu le Créateur, et il s'est trouvé que le Créateur
était pour elle surtout un ami, le maître de la maison, le bienfaiteur
de l'hôte qu'il y a placé. Il n'est rien dans la nature qui ne me parle
de lui et de son amour. « Il y a, disait Virgile, des larmes dans les
choses; » et moi je me dis : « Il y a de l'amour dans les choses, »
l'amour si tendre de Dieu, qui se révèle parles harmonies de la créa-
tion avec tout mon être. Étudions donc l'âme, qui voit cela, qui en jouit,
qui doit l'adorer, qui doit s'y harmoniser. Étudions-la dans la raison
seule, étudions-la dans les clartés de la révélation. — Telle est la
marche de M. l'abbé de Bellune; mais combien de suavité, de doux
recueillement, de réflexions élevées, de sainte conviction, dans ces
nobles pages ! La lecture en est fortifiante; on la sent chargée d'ef-
fluves qui poussent au bien et à Dieu.
— 16. Les Pleurs deDavid forment un manuel de piété d'une nature dif-
férente : c'est la prière, mais la prière sous une rédaction heureuse,
car elle est toute tirée de la sainte Écriture. Le Roi-Prophète peut
aussi justement être appelé le Roi-Pénitent. C'est par son repentir
qu'il a mérité de devenir, dans ses psaumes inspirés, l'instrument de
l'Esprit divin et l'interprète de tout ce qui pleure ses fautes sous le
regard du Dieu prêt à pardonner. Ces sentiments de regret et d'amour
du Seigneur étant mélangés et confondus dans les nombreux psaumes,
l'auteur de ce petit et excellent livre les a recueillis, rangés par groupes
semblables, coordonnés et disposés pour des prières suivies. Du moins,
ayant trouvé ce travail fait anciennement par un religieux, il l'a tra-
duit du latin, retouché, et orné de réflexions destinées à en étendre et
augmenter le fruit. On a joint au volume les prières usuelles du matin
et du soir, de la messe et des vêpres, de la confession, de la commu-
nion et pour les indulgences. Ces quatre-vingt-un psaumes, ainsi
rédigés, sont divisés en trois livres ; dans l'ordre de la vie purgative,
de la vie iliuminative, de la vie unitive. M. l'abbé A... les présente
- ilT —
avec une modestie craintive qui lui fait lionneur. Il peut se rassurer;
car très-certainement ce manuel sera chéri des âmes intérieures, qu'il
édifiera.
— 17. Nous devons, depuis quelque temps, de nombreuses publications
religieuses à la librairie Pierre Marietti de Turin. C'est elle qui nous
donne encore les Meditationes brevisslnuc pour toute Tannée. La langue
dans laquelle elles sont écrites marque assez à qui les avait destinées
le P. Cuvelhier, jésuite. Cette édition est la troisième. Nous avons,
précédemment, fait remarquer combien l'impression italienne des
textes latins est fatigante pour nous, soit par suite d^une ponctuation
absolument illogique, soit pour les a c qu'on ne sait point contracter en
X, soit surtout à cause de la confusion perpétuelle de Yi avec le j, et
encore par la suppression inintelligente des accents d'ablatifs et d'ad-
verbes. L'édition des Meditationes est purgée d'une partie de ces négli-
gences. Nous y avons trouvé, le plus ordinj&irement, le J à sa place, et
une ponctuation moins étrangère à la construction des phrases. Restent
les a e, qu'il serait aisé d'amener à bien ; en quoi M. Marietti aurait
rendu service à la typographie de son pays, que nous ne calomnions
pas en assurant qu'elle en a grand besoin. — Les Meditationes elles-
mêmes sont courtes, claires, pratiques, et conviennent aux ecclésias-
tiques et aux religieux à qui elles sont destinées. Leur petit volume les
rend d'un usage commode en voyage. Il y en a, notamment, une pour
chaque retraite du mois. Les autres, suivant les trois voies indiquées
ci-dessus, parcourent tous les mystères de la religion, les fêtes, les
vertus fondamentales, les fins dernières.
— 18. Que pouvons-nous dire de la Direction chrétienne, extraite des
œuvres de Fénelon ? Le nom de l'auteur suffit à recommander le re-
cueil. Il se recommande aussi par la préface qui l'accompagne, et qui est
de l'illustre et si regretté évêque d'Orléans, M^'' Dupanloup. Fénelon fut
le François de Sales du dix-septième siècle. A l'un comme à l'autre il
appartient de donner aux âmes des règles sûres de direction. Ce vo-
lume-ci fait partie de la Bibliothèque de piété des gens dit monde, dont
nous avons eu plusieurs fois l'occasion d'entretenir nos lecteurs, et qui
est riche déjà. C'est aussi ce qu'on a fait de mieux comme format et
comme luxe d'impression : détail qui n'est jamais iudiiférent au vrai
bibliophile. — La distribution du livre est la suivante : — Pensées de
Fénelon sur la direction des âmes; — Lettre au duc de Bourgogne;
— Lettre de direction à M"'' de Maintenon; — Direction chrétienne
pour les personnes de la cour; — Sujets de méditation pour chaque
jour du mois. C'est Fénelon seul qui parle : quel plus bel éloge attendre
d'un tel ouvrage?
— 19. Et voici, à son tour, dans le même format, si ce n'est dans la
même collection, les Directions spiritueUes de saint François de Sales,
Novembre 1878. T. XXIII, 27.
— 418 —
d'où M. l'abbé H. Chaumont a tiré un Mois du Sacré Cœur de Jésus. Com-
bien le pieux compilateur a raison de le dire ! ce II est si difficile de
parler comme les saints, que le moyen le plus sûr de faire le bien
comme eux consiste à les laisser parler. » On est, Dieu merci, revenu
à ces fortes lectures, où rien n'est de surface, où tout est lumière,
charité, doctrine, profondeur. Honneur aux hommes dévoués qui favo-
risent ce retour par leurs publications! Un point manque pourtant :
l'indication des lieux d'où a été extrait chaque morceau, dans la col-
lection complète des œuvres du saint docteur.
— 20. Le volume des Tentations rentre dans les mêmes Directions de
saint François de Sales, et a pour auteur encore M. l'abbé H. Chau-
mont. Une des plus cruelles, mais la plus inévitable des épreuves de la
vie, c'est cet entraînement au mal qui combat notre volonté du bien,
et qui surgit en nous ou de la nature seule, ou de ce qui nous entoure,
ou des esprits malfaisant4 et maudits attachés à notre perte. Saint
François nous expliquera l'origine et la formation de la tentation en
nous; il nous fera sentir la différence qu'il y a entre la subir et l'ac-
cepter ; il nous enseignera les détails de la conduite à tenir envers elle
quand elle se produit, les remèdes communs à toutes les grandes ten-
tations, puis en particulier ceux qui regardent les tentations de tris-
tesse et d'inquiétude, si amères pour l'âme et parfois si décourageantes.
Ces diverses matières, qui réellement n'en font qu'une, sont étudiées
et présentées avec la sagesse, la clairvoyance, la douceur^ qui font de
saint François de Sales un guide incomparable.
— 21. Guide aussi aimable à entendre sur la sainte Espérance et
sur la Simplicité. La sainte espérance, dont il nous dira la nature, le
fondement, la pratique habituelle et les fruits ; et aussi les vertus
qu'elle fait éclore et entretient dans le cœur : confiance, abandon
filial, parfaite indifférence de la volonté propre; et encore les
épreuves que, comme toute vertu, elle doit subir, pour être un jour
récompensée. La simplicité, qui se résout en intention sans mélange
de plaire à Dieu, et qui est une vertu bien purement chrétienne, la
simplicité est la porte du ciel, on peut l'affirmer; sans elle nul ne
saurait prier comme il faut; en manquer, c'est se rendre victime d'une
foule de troubles. Dieu aime à la rencontrer dans une âme : car elle
donne l'intelligence pratique des choses de l'Évangile, et elle peut
devenir la perfection de toutes les perfections. L'aimable docteur
nous en montre de frappants exemples dans Notre-Seigneur, la sainte
Vierge, saint Joseph, les bergers de Bethléem, saint François d'As-
sise, et une jeune novice dont il raconte' un trait charmant : et en
quel délicat et délicieux langage ! Qui donc se lassera de lire saint
François de Sales?
— 22. Nous le retrouvons au volume du Retour de l'âme à Dieu,
— 410 —
même collection : livre du converti, soit qu'il revienne des extrémités
de Tégarement, soit qu'il se résolve à une fidélité plus complète et
plus généreuse. Or, qui jamais a su le chemin du cœur comme l'é-
vêque de Genève? Bien peu de pécheurs, à notre avis, résisteraient à
la suavité, au parfum céleste de ces exhortations paternelles, à la
claire exposition de ces principes du service de Dieu. Dans le recueil
présent, on traite d'ahord du retour de l'esprit par la foi : ce qui
amène une exposition de cette vertu même de la foi, de sa nécessité,
de ses fondements, de ses huit règles, de son objet précis, de ses
qualités et de ses rapports avec les autres vertus. En second lieu,
c'est la conversion du cœur par le changement de vie. Notre cœur
est évidemment fait pour Dieu : or, le péché arrache notre cœur à
Dieu, et nous avons pour suprême devoir d'arracher nous-mêmes de
notre cœur le péché, désordre souverain. Du reste, à quelque degré
de l'abîme que l'on soit tombé, quelles que soient les plaies reçues,
les blessures mortelles, les conséquences désastreuses déjà acquises,
le retour à Dieu est toujours possible tant qu'on est sur cette terre :
telle est la promesse divine, tel l'enseignement de l'expérience. Et
maintenant, admirons et bénissons cette longanimité de Dieu, en
prenant garde d'en abuser. Ce qui retient, c'est la paralysie spirituelle,
le respect humain, les inclinations mauvaises ; mais que de moyens
surnaturels pour venir à bout de ces obstacles ! On nous les marquera,
et saint François de Sales y joindra le détail des conditions pour le
retour sincère. — Nous venons d'analyser cet excellent volume, cou-
ronné par de belles prières du même saint.
— 23. Nous pouvons lui associer la Morale chrétienne extraite de
Boicrdaloue , autre volume de la « Bibliothèque de piété des gens du
monde. » A quoi bon nous étendre sur le mérite d'un écrivain, d'un
docteur, d'un orateur, d'un convertisseur pareil? Il n'est personne,
dans les choses de la religion, au-dessus de Bourdaloue. Exactitude
de la doctrine, précision et justesse dans l'expression, mouvement,
sentiment, pratique achevée du cœur humain, tout le recommande
aux âmes chrétiennes. « Sa parole, écrit le P. Félix (dans la Pré-
face), sera toujours pour les âmes un aliment salutaire ; la lecture
en est essentiellement substantielle et nutritive. Elle est pour l'âme
à peu près ce que le pain est pour le corps. On se dégoûte vite de
certains auteurs qui offrent un aliment de prime abord plus appé-
tissant : on ne se dégoûte guère de Bourdaloue, quand une fois on a
pu le goûter. » Nous dirons même que cette lecture est de nos
jours plus particulièrement de circonstance : à nos faiblesses inima-
ginables il faut la force d'un Bourdaloue ; en lui les fadeurs litté-
r aires du jour, que nous subissons tous à des degrés divers, trouvent
leur correctif, et l'ignorance religieuse que nous voyons autour de
— 42U —
nous a besoin de cette instruction fondamentale et rocheuse (qu'on
nous pardonne le mot) dont Bourdaloue est le docteur si remar-
quable. — Les extraits qu'on lui emprunte sont disposés, dans ce
livre, en lectures pour les temps distincts de l'année chrétienne :
Avent, Noël, Carême, fêtes de Pâques, etc. C'est un plan simple,
mais très-bon. L'éditeur eiit bien fait d'indiquer en note les sources.
On aimera quelquefois à faire la lecture complète du sujet dans les
œuvres générales de Bourdaloue.
— Nous nous bornerons à indiquer aux ecclésiastiques, pour la
confession des enfants, un parfait petit manuel qui vient de pa-
raître à Seès, le Directeur des enfants au saint tribunal de la Pénite7ice,
par M. l'abbé Turcan. C'est court, complet^ clair, intéressant même à
cause de la forme nouvelle.
— Une défense plus vivante des vérités chrétiennes a surgi des
malheurs du temps. Là même où naguère on vivait dans la tranquille
possession des titres sacrés, on se voit obligé de s'armer, de monter
sur la brèche, et de tenir tête à d'incessantes attaques, plus passionnés
et plus odieuses communément qu'appuyées sur un savoir quelconque.
On fait grand bruit de la science ; les cri^urs la mettent en avant
avec aplomb, et les plus ignorants ne sont pas les moins tapageurs.
La vraie science agit d'autre sorte, et se connaît trop bien pour se
livrer à de telles campagnes. En réalité, tout ce feu est nourri de
paille ; c'est un éblouissement que l'on veut produire, un épouvantail
(Jestiné à la multitude^ et que ses auteurs, au fond, estiment tout
juste comme nous. L'apologétique catholique n'en doit pas moins
parer aux coups, et suivre l'ennemi sur tous les terrains où il lui
plaît de se cantonner. C'est ce qu'a voulu faire pour l'Italie M. l'abbé
Antoine Belasio, missionnaire apostolique, dans ses Verità cattoliche
esposte al popolo c ai dotti. C'est une série de discours sur le Credo,
adressés du haut de la chaire, et se terminant invariablement par
l'exhortation pratique. Il est bon que le peuple entier soit ainsi pré-
muni contre lessophismesetles notoires faussetés qu'une presse hon-
teuse s'ingénie à lui inculquer, et qui sont devenus pour les multitudes
comme une partie de l'air respirable. L'abbé Belasio n'en est point à
son coup d'essai; déjà même il avait publié des Conférences 'pour les
besoins des peuples des temps présents qui témoignaient de sa connais-
sance de la matière, de son talent d'exposition et de l'éloquence da.sa
parole. L'orateur n'a pas peur de la prétendue science : il va droit à
elle, l'entend dérouler ses affirmations, les scrute, les pèse, les divise
selon le mal ou le bien que l'on en tire, et surtout selon leur base
solide ou fragile, et montre que le I)eus scientiarum est glorifié par le
vrai savoir comme par la nature entière. Du reste, il fuit l'étalage de
la phrase. «Nous devons, dit-il (p. ix), dans les instructions sur la
— i2l —
doctrine chrétienne, faire comme si nous étions, avec la dignité
d'un bon père, assis à la table de famille, parlant au nom de ce
Rédempteur qui se fit connaître, à Emmaiis, dans la fraction du
pain. Nous parlerons le langage maternel de la sainte Eglise, cette
tendre mère qui distribue à ses petits enfants les aliments néces-
saires. » Les approbations épiscopales insistent sur ce qu'un pareil
traité oratoire aurait d'utilité dans les séminaires, pour mettre le
jeune clergé au courant des nécessités du moment. — Obligés de nous
restreindre, limitons- nous à un simple aperçu. En suivant les articles
du symbole des apôtres, il établit renseignement chrétien sur chaque
point, et immédiatement après s'occupe des erreurs contraires. La
création l'amène à réfuter les athées, les déistes, les darwinistes, les
inventeurs d'antiquités imaginaires, les géologues de surface; il a
même tout un traité de géologie élémentaire, où, prenant l'œuvre des
six jours, il fait voir la frappante conformité du texte biblique avec
les découvertes modernes et contemporaines. Les aveux des adver-
saires n'y manquent pas plus que les fermes démonstrations. Espé-
rons que le savant auteur achèvera ce travail, qui ici ne dépasse pas
les premières lignes du symbole. Une telle œuvre rie doit pas en
rester là.
— 26, 27. Nous réunissons ces deux ouvrages : La Missione temporale
et La Missione interiore dello Spirito-Santo, qui ne sont que des tra-
ductions du cardinal Manning, l'une sur la seconde édition anglaise. Il
y a environ onze ans que le savant prélat publia la Mission temporelle,
la dédiant aux religieux oblats de Saint-Charles du diocèse de West-
minster. Il avait eu d'abord la pensée d'en faire des sermons, projet
qu'il abandonna ensuite à cause de la difficulté de soumettre aux con-
ditions oratoires une matière aussi élevée, aussi subtile, aussi profonde.
Il y est question des relations de l'Esprit de vérité avec l'Eglise, avec
la raison humaine, avec les Écritures et avec les dogmes de la foi. « Il
m'a semblé aussi impossible de concevoir les rapports de la raison et
de la révélation sans y renfermer la personne et l'action de l'Esprit
de vérité, que de concevoir un cercle dépourvu du centre d'où
sortent les rayons. » Le but du livre est donc d'établir que la
raison de l'homme n'a d'autre alternative, en ce monde, que de se
ranger simplement et humblement à ce qui a été révélé de Dieu, ou
d'oser s'établir juge de Dieu lui-même. L'état normal de la raison est
celui d'un disciple, illuminé, guidé, porté à la vertu et à la perfection,
par l'action du Maître divin. Toute autre attitude envers Dieu est
illégitime et désordonnée ; c'est un faux rationalisme, où ce qui est
sacrifié est précisément l'acte authentique et vivant de la raison
même. Car la raison, par cela seul qu'elle est intelligence et pensée,
doit de toute nécessité se tourner vers son auteur, et agir selon la
— 422 —
volonté de celui qui l'a faite ; autrement, elle est pervertie. C'est
pourquoi Më^ Manning montrera : 1° que croire la révélation est l'acte
le plus élevé de la raison; 2° que croire à la révélation tout entière,
sans distinctions ni réserve, est la perfection de la raison; 3° que se
soumettre à la voix de l'Esprit-Saint dans l'Église est la condition
absolue pour arriver à la parfaite connaissance de la révélation ;
4° que le témoignage divin de TEsprit-Saint dans PÉglise renverse
les prétentions de la seule raison et la domine absolument ici. — Ce
sont, on le voit, de grandes thèses, et magistralement présentées. —
L'idée mère du second volume, La Missione interiore, est que, si la
présence de l'Esprit-Saint dans l'Eglise est la source de son infailli-
bilité, cette même présence dans l'âme est également la source de la
sanctification : car la sainteté n'est que la préservation de l'erreur
en tout genre. Or, ces deux opérations du divin Esprit sont entre
elles dans une entière harmonie. L'auteur, en conséquence, parcourt
les vertus qui sanctifient le chrétien dans leur rapport nécessaire avec
l'Esprit-Saint, et ensuite les dons propres de cet adorable Esprit.
C'est de la pure et très-sublime doctrine. Nous n'en dirons pas da-
vantage, l'ouvrage anglais étant déjà connu de beaucoup de nos
lecteurs.
— 28. Voici les Omelie de M?^ Anicet Ferrante, évêque de Gallipoli,
dont le recueil est dédié à la mémoire du pieux archevêque que Na-
ples perdait naguère, le cardinal Riario-Sforza. Ces homélies ne
forment point une suite d'instructions sur un sujet choisi; elles sont de
circonstance pour la plupart, et assurément fort pieuses, bien nour-
ries d'Ecriture sainte et d'excellentes pensées. Un détail intéresserait
le lecteur, et il a été omis partout, à l'exception de l'Éloge funèbre
de Pie IX prononcé par l'orateur dans l'église collégiale d'Alvito, du
panégyrique de sainte Thérèse, et d'un discours sur le Sacré-Cœur :
nous voulons dire la date de ces discours. Le premier que l'on ren-
contre a été donné dans l'église de Saint-François de Paule, restaurée
et nouvellement rendue au culte : quand? où? S'agit-il de la belle
rotonde de Naples, en face du Palais-Royal, fermée et confisquée par
MM. les Piémontais à la suite de leurs brillants exploits garibaldiens?
Si cela est, on se sentirait doublement heureux en lisant ces pages
substantielles ; de grand cœur, on s'associerait à la joie des Napoli-
tains voyant cesser une des iniquités dont leur pays a souffert.
Ainsi de l'autre homélie pour la réouverture de la chapelle des Ames-
du-Purgat(5ire : encore une fois, où et quand ? — Il y a de la sorte
quatre exhortations pour des réouvertures d'églises. Les autres sujets
sont des fêtes patronales : sainte Thérèse, sainte Claire, sainte Chris-
tine, saint Joseph ; puis des solennités universelles : la Pentecôte,
Noël, l'Epiphanie, la Purification ; puis encore les quatre dimanches
— 423 —
du Carême, des fins d'années, la dévotion à la sainte Vierge, etc. La
prédication des Italiens est assez différente de la nôtre, ainsi que l'a
si justement remarqué le cardinal Maury, qui l^avait longtemps fré-
quentée ; cependant, les discours et homélies de Me"^' Ferrante pour-
raient être, avec grand fruit, prêches parmi nous tels qu'ils sont.
— 29. Nous avons parcouru avec la même satisfaction la /îacco/i:ï
di orazionî sacre inédite de M. l'abbé Vito Corallo, vicaire général de
Syracuse, mort tout récemment. Ce n'est pas lui qui a publié le vo-
lume, ce sont ses anis après qu'il eut disparu de ce monde. Le recueil
se compose de vingt- deux discours, tous panégyriques, et plusieurs
sur le même saint; il y en a quatre pour le martyr saint Vite, trois
pour saint Jean-Baptiste, deux sur saint Joseph. Qu'on y reconnaît
bien la prédication italienne ! Foi ardente, vivante piété, des apos-
trophes, des dialogues, des tableaux, le culte de l'hyperbole, une
étrangeté de langage qui confond nos habitudes du Nord. C'est cette
originalité surtout qui plaît, mais elle se recommanderait peu chez
nous. Le goût français n'est pas plus heureux auprès des Italiens, si
j'en juge par le discours que me tint un jour un prédicateur de renom
de l'autre côté des Alpes : « Vous n'avez point d'orateurs sacrés chez
vous, me dit-il avec quelque fierté : on m'avait conseillé le plus
célèbre, Bourdaluue : je l'ai étudié, mais qu'est-ce qu'il y a là de-
dans? Ni doctrine, ni élégance, ni vie; rien... » Il est sûr qu'entre le
genre de M. l'abbé Corallo et celui deBourdaloue, longue est la route
dissemblables des mérites. Une des péroraisons du premier (p. 72) est
charmante de naïveté : h Heureux de terminer avec vos acclamations
le cours de mes élucubrations laborieuses, je finis en m'écriant :
Vive saint Jean-Bapiiste ! n — La vieille mode de rabaisser quel-
que peu les autres saints en faveur de celui dont on célèbre actuelle-
ment la fête n'a point péri aux chaudes régions de l'Etna. « Que sont
donc les autres saints à côté de saint Joseph (p. 25)? » Suit un léger
dénigrement de saint Pierre et de saint Paul, ce qui n'empêchera pas
(p. 95) de placer carrément sainte Agathe au-dessus de n'importe quel
élu: « 0 Agathe, où chercherais-je ici -bas qui que ce soit qui te
puisse être comparé? » Mais ailleurs saint Biaise, saint Gaétan,
sainte Rosalie, sainte Lucie, saint Jacques, reprennent tous leurs
avantages. — En fait d'exordes,, nous marquerons celui de saint Vite :
« Donc, pour annihiler toutes les forces de l'Enfer, » etc. ; un autre,
de saint Gaétan : a Comment ! il n'y a pas de Providence ! N'allez
pas dire cela, car tout le monde vous démentirait (p. 220)... «
Ce sont, à la lettre, les premiers mots de ces discours, attachants
néanmoins, nous le répétons. La belle ordonnance de nos sermon-
naires endormirait les fidèles de Girgenti, de Catane, de Syracuse, de
Messine et de Païenne, à l'heure où elle ne les scandaliserait pas.
— ^n —
— Les Fntti di mafjglor rilicvo (leU'Antic.o e Nuovo Testamento, iUiis-
trati con 120 incisioni,T^Q.r Pascal de Nardis, forment un gros et beau
volume, parfaitement imprimé, où il faut distinguer texte et gravures.
Le texte se résume dans ces mots de la préface : « Unissant Futile à
l'agréable, l'auteur a voulu attirer la jeunesse, et aussi l'âge adulte,
à l'étude des faits principaux de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment, » C'est donc une série de lectures, chacune de deux pages,
sur les grands événements rapportés par la Bible, depuis la création
jusqu'à la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres. Chaque chapitre
se termine par une réflexion morale, pour le profit de la vie. Certaines
parties de l'histoire sainte ont été omises : ainsi la captivité de Baby-
lone, les Machabées, Esther, Tobie. Ailleurs, c'est la chronologie en
défaut : par exemple, Elie placé avant David. Quant aux gravures,
exécutées à Rome, en forme de médaillons, on en trouve une par lec-
ture, avec les versets latins de l'Ecriture qui énoncent le sujet. C'est
donc une sorte de Bible de Royaumont, qui chez nous deviendrait un
manuel parfait pour initier les enfants à la langue italienne, tout en
leur enseignant l'histoire sainte.
— Le Père capucin Antonin de Turin nous offre un Mois de Marie dans
ses Ragionamenti sacri sulle [este di Maria Vrrf/ine santissima, placées,
comme les volumes précédents, dans la collection Marietti. Ici ce
sont des sujets suivis, une suite de discours formant un tout, et don-
nant la vie entière delà sainte Vierge, de sa naissance à son assomp-
tion ; ce qui conduit au 9 mai; après quoi nous avons l'histoire d'un
certain nombre de sanctuaires élevés à Marie, et des considérations
sur la dévotion des chrétiens pour elle. Ces sermons nous ont paru
vraiment bons et intéressants.
— Enfin, le Trattato popolare sulki divozione a Maria Saiitissima, in-
titulé aussi Ave Maria, renferme d'excellentes leçons. On y a joint un
recueil d'indulgences. La première partie roule sur les grandeurs de
Marie, la seconde sur sa tendresse, la troisième sur le culte qui lui est
rendu. L'auteur mêle le récit et la légende à ses considérations. A la
page 195, il cite et regarde comme authentique la fameuse lettre de
la sainte Vierge aux Messinais, l'an 42 de l'ère chrétienne : rien pour-
tant n'est, aux yeux de la critique, même très-bienveillante, moins
démontré que les titres d'une telle pièce, inconnue, paraît-il, avant
le quinzième siècle, et que sa rédaction seule condamne, — Pourquoi
sommes-nous obligé d'ajouter que le malheureux auteur du Trattato
popolare, connu en Italie pour plusieurs bons ouvrages précédents,
vient de contrister l'Eglise par son apostasie ? Puisse-t-il bientôt ren-
trer dans les régions de la lumière qu'il n'eût dû jamais quitter!
V. POSTEL.
— i2;i -
THÉOLOGIE
L,'Année lîturgîciae, par le R. P. Dom Propper Guèranger, abbé de
Solesmes. Premier volume delà continuation: Letempsapj'ès la Penicade.
Tome K. Poitiers Oudin, 1878, in-12 de vii-olG p. —Prix 3 fr. 75.
Dom Guéranger, Tillustre abbé de Solesmes, est mort, laissant
inachevé son principal ouvrage, rAnnée liturgique. Un des disciples
du docte bénédictin reprend le travail interrompu, et publie un volume
sur le temps après la Pentecôte. Nous avouons que ce n'est pas sans
quelque appréhension que nous avons ouvert le nouveau livre ; com-
ment continuer, nous disions-nous, une oeuvre de cette valeur ? ne
valait-il pas mieux laisser le monument inachevé? Nos craintes se sont
bientôt dissipées. Celui que l'obéissance monastique a appelé à la
lourde tâche de mettre fin à l'Année liturgique était digne de ce
noble labeur. Il a la science de la sainte liturgie, non-seulement de
celle qui est maintenant en usage dans l'Eglise romaine, mais aussi
de celles qui Font précédée en Orient comme en Occident. Il sait mer-
veilleusement interpréter et rehausser, par de doctes citations, les
prières que nous lisons dans le missel et le bréviaire. Il emprunte à
l'Ecriture, aux saints Pères, leur parole imagée pour exposer le
dogme ou la mystique de nos fêtes.
L'auteur parle d'abord eu général du temps après la Pentecôte, il
en fait l'histoire, il dit quel est le travail divin que l'Esprit-Saint pour-
suit, durant ces longues semaines, dans les âmes chrétiennes ; il indique
les formes de prières qui conviennent surtout à ce temps. Une courte
étude est consacrée à la fête de la très-sainte Trinité; instituée en
Belgique dès le commencement du dixième siècle, elle se répand peu à
peu dans toute l'Eglise et est reconnue par le Saint-Siège au quatorzième
siècle.
La Fête-Dieu réclamait une étude plus développée, car le culte du
très-saint Sacrement, sous ses diverses formes^ le sacrifice, la com-
munion, les processions, est le sommet de toute la liturgie. Aussi la
plus grande partie du volume est consacrée à cette fête. Le sublime
office composé par saint Thomas d'Aquin est là tout entier, admira-
blement commenté en peu de paroles; là aussi, on rencontre la théo-
logie eucharistique, non point exposée avec la sécheresse d'un traité,
mais dite en un langage enflammé et vibrant qui part du cœur et pénètre
jusqu'au cœur. La fête du Sacré-Cœur termine le volume, comme elle
est, selon la volonté même de Jésus-Christ, le couronnement de l'octave
du très-saint Sacrement.
Ce beau livre, nous n'en doutons pas, aura le même succès et fera
le même bien que ceux de Dom G-uéranger. Les fidèles connaîtront
chaque jour davantage les cérémonies catholiques, si pleine^ d'ensei-
— 426 —
gnements^ et qui mallieureusement sont pour un grand nombre vides
de sens. Ils aimeront à y assister, à en relever l'éclat par leurs offrandes,
par le chant sacré; ils ne préféreront plus, comme ils le font quelque-
fois, les exercices d'une confrérie ou une messe solitaire aux pompes
de la grand'messe et au chant de l'office du soir. C'est à bon droit
que notre auteur proteste contre cet abus. L'Année liturgique est un
des meilleurs livres de piété que nos chrétiens puissent choisir ; ils y
trouvent, sous une forme vivante, le dogme qui se développe dans les
divers mystères, la morale qui toujours, dans la vie de Jésus-Christ et
des saints, est la conséquence du dogme, le plus haut et le plus suave
mysticisme .
Nous aimerions que Tauteur n'employât pas, çà et là, quelques mots
non usités ; il dirait : pratique de l'ascétisme et non ascèse, religieuse
et non moniale, sans que son livre perdît rien de son prix et de son
charme. E. Pousskt,
Exposition du dogme catholique. Existence et personne de Jésus-
Christ, par le T.-R. P. Monsabré, des Frères Prêcheurs. Carême de 1878.
Deuxième édition. Paris, Ed. Baltenweck, d878, in-12 de 378 p. — Prix : 3 fr.
Dans ses conférences de 1877, le R P. Monsabré avait traité de la
Itréparation de l'Incarnation ; il lui restait, en 1878, à établir l'indé-
niable et indestructible réalité de ce mystère, à ruiner les objections
qui en combattent la possibilité ; à montrer enfin que, pour qui rejette
l'affirmation chrétienne, l'histoire demeure inexplicable, et que les
faux Christs, inventés par le rationalisme, sont impuissants à occuper
la place du Christ véritable, à combler le vide immense que sa dispa-
rition laisserait dans les âmes et dans le monde. Tel est le sujet que
l'éminent dominicain a abordé dans ses conférences de cette année.
Sur le terrain des faits, en présence des adversaires qui essayent
d'obscurcir l'histoire de nos origines, d'en renvoyer le récit au monde
des légendes, d'infirmer le témoignage que ce récit rend à la divinité
de Jésus-Christ, l'argumentation du P. Monsabré est, certes, solide
et vigoureuse; je le dirai cependant, c'est surtout dans la sphère pu-
rement métaphysique et théologique qu'elle déploie toutes ses mer-
veilleuses ressources. La trente-quatrième conférence {la possibilité de
l'Incarnation), et la trente-cinquième (l'Union hypostatique) sont, à mes
yeux, celles où l'éloquent disciple de saint Thomas révèle le mieux la
puissante originalité de son talent. Elles réfutent, avec une clarté qui
ne coûte rien à la profondeur, les erreurs diverses dont le dogme de
rincarnationaété l'objet; j'espère qu'elles préciseront, qu'elles rectifie-
ront, s'il le faut, dans plus d'un esprit sérieux la notion de ce mystère.
Le R. P. Monsabré excelle à nous conduire sur les sommets de la
théologie, et de là à nous découvrir un horizon sans égal. Pourquoi
_ 427 —
donc nous arrache-t-il lui-même de temps en temps à ce spectacle, par
l'emploi d'expressions et d'images qui nous ramènent sur la terre, qui
nous replongent dans les réalités infimes? Ces familiarités de langage
que je rencontre parfois dans les conférences du P. Monsabré, et
aussi dans l'index dogmatique et historique qui les suit, m'apparais-
sent comme des taches dans un manteau de pourpre, et la splendeur
de cette pourpre me fait regretter les taches qui la déparent,
A. Largent.
SCIENCES ET ARTS
Oictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire,
publié fOus la direction de V. Buisson, agrégé de l'Université, ancien
inspecteur de l'enseignement primaire, avec le concours d'un grand
nombre de collaborateurs. Paris, Hachette, 1878, gr.' in-8 à 2 col. Pre-
mière série, première partie, 168 p. Prix: 2 fr. oO ; Seconde partie,
160p. Prix: 2 fr. 50.
Rien n'est commode comme un dictionnaire, mais aussi rien n'est
moins scientifique. Utile à ceux qui savent pour leur rappeler ce qu'ils
ont oublié ou leur mettre sousles yeux des renseignements précis dont
ils ont besoin, le dictionnaire est un instrument détestable pour
apprendre à ceux qui ignorent, et son emploi de plus en plus fréquent
n'est pas sans influence sur l'abaissement du niveau intellectuel ; il
entretient la paresse aussi bien que l'orgueil de l'esprit et contribue à
répandre des notions erronées, parce qu'elles sont incomplètes et sans
liaisons les unes avec les autres.
Cette critique générale peut s'appliquer particulièrement au nouveau
ou plutôt aux nouveaux dictionnaires entrepris par la maison Hachette,
— qui s'est fait une spécialité dans ce genre, — sous la direction de
M. Buisson, spécialiste fort compétent en cette matière. Nous avons
dit « les » dictionnaires, bien qu'il n'y en ait qu'un, parce que deux
parties difi"érentes, deux séries alphabétiques forment bien en réalité
deux dictionnaires : c'est un défaut dont nous ne voyons pas l'excuse :
il exige des renvois de l'un à l'autre, des pertes de temps, une plus
grande division des matières. La première partie, partie générale ou
théorique, comprend la doctrine, la législation et l'histoire de l'ensei-
gnement. La deuxième partie, partie spéciale ou pratique, fait
l'application de ces principes à toutes les branches de l'enseignement
primaire. Cette division, logique dans un traité, n'est ici qu'une anomalie
et une complication.
Nous n'avons sous les yeux que la première série des deux parties,
qui ne comprend pas toute la lettre A. Dans la première partie, nous
relevons les titres de quelques articles : abaque, abécédaire, abréviation,
absentéisme, abstraction (son rôle pédagogique), académie, accentua-
— 428 —
lion, accidrnt, (icr/imataUon {jardin et soririi' d), nclrs de l'état rivil,
actes sous-seing pinvé, etc., etc., sans compter des notices biogra-
phiques et bibliographiques sur tous les personnages qui se sont occupés
de pédagogie, des notices sur les revues et ouvrages pédagogiques,
sur les œuvres et sociétés s'occupant de renseignement primaire ; à
chaque département, une notice historique et statistique sur renseigne-
ment primaire, puis toutes les questions de législation, étudiées au
double point de vue de l'histoire et de la situation actuelle en France
et dans les pays étrangers. Ainsi, pour adultes (instruction primaire
des), nous avons l'état de la législation en Allemagne, en Angleterre,
en Autriche, aux Etats-Unis, et puis, en ce qui concerne la France,
une notice plus développée, où se trouve l'historique, la législation et
l'organisation pédagogique. Dans la seconde partie, nous trouvons
abdication (l'histoire des principales abdications de souverains); abeille
(un traité d'apiculture) ; fl^réi'iaiion.y (nomenclature des abréviations
usuelles); absorption (en physique, en chimie et en histoire naturelle);
abstraction (détinition et exemples) ; académie française ; accentuation
(ses règles et des exercices ; accidents (soins à donner), etc., etc.
Ces exemples nous paraissent suffisants pour donner une idée des
notions et des renseignements intéressants et variés que fournit ce
dictionnaire. La rédaction en est confiée à beaucoup d'écrivains
connus; nous citerons : M. Gervais, de l'Institut, pour l'histoire natu-
relle; M. G. Meissas, pour la géographie; M. Sonnet, pour les mathé-
matiques; M. Maggiolo, pour l'histoire de l'instruction primaire:
M. Compayré, pour la philosophie; M. Barrai, pour l'agriculture;
MM. de Fontaine deResbecq et Armagnac pour les questions d'admi-
nistration et de législation, qui sont étudiées avec un soin parti-
culier ; M. Michel Bréal;M, VioUet-le-Duc, pour l'architecture.
C'est dire qu'il serait difficile de choisir des collaborateurs plus au
courant des questions. Nous n'avons donc pas besoin de louer la
rédaction des notices, généralement nettes, claires, substantielles.
Mais le nom du directeur, M. Buisson, autour duquel assez de bruit
s'est fait il }■ a quelques années, indique l'esprit de la direction. Il n'a
rien d'agressif, mais il est tout ce qu'il y a de moins favorable au
catholicisme : aucune occasion n'est perdue de lui décocher un trait,
d'autant plus dangereux qu'ensemble s'abriter sous le couvert de l'im-
partialité scientifique, et en même temps de faire l'éloge de ses adver-
saires. Vous n'avez qu'à lire l'article Albigeois ; le petit article sur le
P. Aquaviva, à supposer qu'il soit exact, indique la même tendance ;
elle est très-accusée dans l'article Allemagne, où M. Michel Bréal
assigne la Réforme comme une des causes de la supérioritié de nos
voisins d'outre-Rhin en fait d'instruction; d'où la conséquence que
l'infériorité de la France doit être attribuée à sa fidélité au catholi-
— i2U —
cismc. A l'article Anecdote, l'auteur, dans ses applications de l'usage
qu'on peut en faire, a recours à l'histoire ancienne et à l'histoire étran-
gère plus qu'à l'histoire de France, et n'indique pas lamine si féconde
de l'histoire sainte et de l'histoire de l'Eglise. M. Buisson paraît
goûter le système anglais_, qui laisse le plus d'action possible à l'ini-
tiative individuelle (1™ partie, p. 81), tandis que M. Brouard (p. 20)
ne trouve rien de meilleur, en France, que la centralisation adminis-
trative, et ne tient aucun compte, pas plus que la plupart de ses
collaborateurs, de la part due, dans le progrès de l'instruction, aux
institutions libres, aux individus dont les efforts sont sans cesse
entravés par l'État. Voilà ce qu'on appelle être libéral et partisan de
l'égalité ! Ne devrait-on pas, du moins, en tenir un compte plus sérieux
dans les notices historiques des départements ? Relevons, en passant, des
fauies d'impression regrettables : Hagé-le-Chatel, pour Bagé-le-Chalel
(V^ partie, p. 39) ; Sauvigny pour Souvigny, la fameuse abbaye de
l'Allier (/ôùL, p. 54). René de Saint-Mauris.
Les ^i>ts à la cour des papes peudant le quiuziènie et
le seizième siècles. Recueil des documents inédits tirés des Archives et
bibliothèques romaines, par M. Eugène Muntz. Première partie : 1417-
U64. Paris, E. Thorin, 1878, in-8 de 363 p. — Prix : 10 fr.
L'école française de Rome, fondée il y a quelques années à peine,
a déjà témoigné de son utilité et de son importance, et, en marchant
sur les traces de son aînée, l'école d'Athènes, a conquis des droits sé-
rieux à la reconnaissance des savants. Jusqu'à ce jour, les questions
relatives aux beaux-arts avaient paru assez peu préoccuper les jeunes
érudits qui avaient été admis à profiter de cette institution profondé-
ment libérale. Aucun travail sur les arts, pendant la renaissance
proprement dite, n'avait été publié dans la Bibliothèque des écoles fran-
çaises d' Athènes et de Rome; aussi sommes-nous particulièrement heu-
reux de signaler le volume de M. Muntz sur l'Art à la cour des papes.
C'est un livre essentiellement utile et véritablement neuf. Ce qu'il a
nécessité de recherches patientes, de lectures difficiles et de veilles
est incalculable. Les documents sans nombre publiés pour la première
fois par M. Muntz sont «îommentés avec une sûreté de jugement qui
accuse une connaissance approfondie de l'histoire générale de l'I-
talie. Non content de transcrire les extraits des registres officiels
qu'il a dépouillés avec une persévérance que rien ne rebutait,
M. Muntz a voulu se rendre compte de tout, fouiller à fond les ques-
tions les plus compliquées, élucider les côtés les plus obscurs de l'his-
toire de l'art, et il est parvenu à mettre au jour un liv^^e dont ne
pourront plus se passer aucun des historiens qui entreprendront d'écrire
l'histoire des artistes italiens. Souhaitons qu'une table alphabétique
— 430 —
de tous les noms cités vienne, lorsque les trois volumes qui doivent
former cet ouvrage auront paru, permettre aux travailleurs de pro-
fiter amplement et facilement de ce beau et utile travail, qui fait le
plus grand honneur à celui qui a osé l'entreprendre. G. D.
Albert Diirer, sa vîe et ses ceuvres, par MorizThausi.xg. Traduit
de l'allemand avec l'autorisation de l'auteur, par Gustave Grdyer. Paris,
Didot, 1878, gr. ia-8 de x-563 p,, fig. — Prix : 40 fr.
Depuis quelques années, les travauxsur Albert Diirer se multiplient;
les ceuvres du grand maître allemand ont, dans tous les pays à la fois,
été étudiées à nouveau, et, à cet examen plus approfondi, Diirer a
plutôt gagné qu'il n'a perdu. Il en sera toujours ainsi pour les artistes
de race. Le livre de M. Thausing, que M. Gustave Gruyer vient de
traduire avec une conscience au-dessus de tout éloge, résume les tra-
vaux antérieurs et apporte un grand nombre de faits nouveaux ; l'his-
torien a fouillé toutes les archives, interrogé tous les dépôts publics,
profité amplement des recherches de ses devanciers, et, à l'aide de ces
documents puisés aux bonnes sources, il a composé un livre qui lui
fait grand honneur. Sur certains points, on peut différer d'opinion avec
M. Thausing, qui se garde bien toutefois d'avancer un fait sans pro-
duire ses preuves; sur certaines questions de détail, on serait quelque-
fois tenté de réfuter les opinions de l'auteur : il n'est que juste de re-
connaître cependant que la biographie d'Albert Diirer n'est plus à
faire, et que, pour connaître l'artiste à fond, il faut avoir lu le volume
que nous signalons.
La tâche du traducteur était très-difficile. Un grand nombre de
termes techniques, employés par l'historien, exigeaient une connais-
sance approfondie de la langue allemande; des citations empruntées
aux contemporains de Durer nécessitaient, pour être traduites fidèle-
ment, de longues et pénibles recherches. M. Gustave Gruyer n'a re-
culé devant aucune peine pour rendre la traduction digne du travail
qu'il entendait faire connaître à ses compatriotes, et, bien qu'il ait cru
devoir, dans sa préface, remercier publiquement les collaborateurs qu'il
s'était donnés, sa modestie nous pardonnera de dire que les emprunts
faits à autrui sont insignifiants à côté de la peine qu'il se donna lui-
même pour transmettre fidèlement aux lecteurs français le texte de
l'auteur allemand. De nombreuses planches (soixante-quinze) accom-
pagnent ce beau et bon volume, dont la place est marquée dans toutes
les bibliothèques où les ouvrages véritablement sérieux sont seuls
admis. Georges Duplessis.
— 43i —
BELLES-LETTRES.
La Fontaîne's Fabeln, mit Einleitung und dculschcn Commentar
(Fables de La Fontaine, avec introduction et commentaire allemand), von
D"' Adolf Laun, professer. Heilbronn, Henninger; Paris, Vieweg, 1877-78,
2 vol. in-8 de iv-235 et 271 p. — Prix : 6 fr. 70.
Moliere's 'Werke, mit deutschem Commentai^ Einleitungen und Excur^
SOI (OEuvres de Molière, avec commentaire allemand, etc.). Herausgeg.
von D' Adolf Laun, professer. XL George Dandin, Monsieur de Pourceau-
gnac. Leipzig, Oskar Leiner; Paris, Sandoz et Fischbacher, 1878, in-8 de
152 p.
M. le D"" Laun publie une édition des Fables de La Fontaine,
avec une introduction qui contient une vie de La Fontaine, et des
annotations; tout, sauf les fables, est en allemand. Cet érudit éditeur
de nos classiques a déjà donné, sous la même forme, les œuvres de
Racine; il poursuit aussi, depuis des années, la publication des
oeuvres de Molière. J'en ai annoncé ici même les premières livrai-
sons. M. le D"" Laun fail remarquer, dans une courte préface, que
son nouvel ouvrage est la première édition savante de notre grand
fabuliste qu'on publie en Allemagne. Il a compulsé les meilleurs
commentaires et les meilleurs éditions : il ne s'est pourtant pas cru
obligé de rapporter toutes les variantes, et s'est contenté de celles
qui modifiaient le sens. Ses annotations ont surtout pour but l'ex-
plication littérale des mots vieillis et des locutions tombées en désué-
tude. Elles sont fort exactes, en général. Je n'ai relevé, en les par-
courant, qu'une opinion inadmissible. Au lieu de : « un plus savant le
fasse, » le commentateur prétend que l'usage actuel voudrait qu'on
fît précéder cette phrase exclamative de que, ou qu'on la modifiât
ainsi : « fasse-le un plus savant. »
M. le D'' Laun élucide les expressions dont le sens lui semble
offrir quelque difficulté, par des rapprochements avec les vieux au-
teurs français, avec les contemporains de La Fontaine, avec les clas-
siques latins ; il donne des indications biographiques ou géographi-
ques à propos des noms propres, et, « sans imiter les Français dans
leurs continuelles exclamations d'admiration, » fait à l'occasion quel-
ques remarques littéraires. Les sources et les migrations de ces fables
sont soigneusement consignées. Enfin, quoique « La Fontaine soit
plutôt intraduisible qu'inimitable, » il s'est essayé à traduire cinq
ou six fables en vers allemands, et il en a fort bien reproduit le
caractère.
Je m'en voudrais de terminer ce court aperçu sans profiter de l'oc-
casion pour consoler M. le D"" Laun sur un point qui l'afîlige. Il
se plaint que la fable soit morte en Allemagne, tandis qu'elle produit
encore des fleurs magnifiques en France, et il cite Lachambaudie et
Viennet. Pauvre Lachambaudie! infortuné Viennet! ils ont bien
besoin d'admirateurs convaincus : on ne parle guère de leurs fables
que pour donner un exemple de poésies qui ne se lisent pas. Et je
crains bien, sans en être aussi certain, que le sort, envié aussi, des
jolies fables espagnoles de Hartzenbusch, parfois un peu naïves,
parfois un peu longues, ne soit pas mieux fait pour inspirer des
rédexions mélancoliques ni de patriotiques regrets à M. le D''
Laun.
— Mais La Fontaine ne fait pas oublier Molière à notre commentateur
Il vient d'ajouter à son édition George Dandin et Monsieur de Pour-
ceaugnac. Cette édition est un travail tout nouveau pour l'Allemagne,
et ce n'est sans doute pas trop s'avancer que de prédire qu'elle sera
définitive. M. le D' Laun, par sa connaissance approfondie de notre
langue et de notre littérature, par ses travaux sur Molière, ses tra-
ductions des comédies sur Molière, était plus capable que personne de
commencer cette grande entreprise et de la mener à bien.
Emm. de Saint-Albin.
HISTOIRE.
Reise nach cler grossen Oase El Khargeh in der liby-
schen l^iisle, Beschrcibiing Ihrer Denkmaler und wissenschaftlichen
Untersuchungen ubcr das Vorkommen der Oasen in dcn altaegyptischen In-
schriften aicf Stein und Papyrus. ( Voyage à la grande Oasis El Khargch, dans
le désert de Libye, etc). Von Hei.nrich Brugsch-Bey. Leipzig, Hinrichs, 1878,
in-4 de vi et 93 p. — Prix, sans les planches, \o fr.; avec 27 planches li-
thographiées : 72 fr.
M. Brugsch, le savant égyptologue allemand, fut chargé, au com-
mencement de janvier 1875, par le khédive Ismaël-Pacha de servir
de guide au prince Auguste d'Oldenbourg, dans un voyage de la
Haute-Egvpte et de la Nubie. C'est ainsi qu'il put réaliser l'entre-
prise difficile, et même inexécutable pour un voyageur ordinaire,
d'arriver à la grande Oasis El Khargeh, du désert de Libye.
M. Brugsch décrit le désert entre le Nil et l'oasis, l'oasis El Khargeh
elle-même et les ruines environnantes. Il étudie ensuite le temple
de Hib, l'ancienne capitale de la grande oasis, et donne la traduction
de chants de louanges inédits, composés en l'honneur de Darius II, et
importants pour la connaissance de la religion égyptienne. Cette tra-
duction a paru déjà en 1877 dans les Nachrichten der GesellscJiaft der
Wissenschaften zu Gdttmgen, mais elle est améliorée dans le présent
volume. La description du temple de Hib se termine par l'exposé du
mystère d'Osiris, tel qu'il y est représenté. On y remarque en parti-
culier, parmi les listes d'offrande, une curieuse énumération des vins
— 433 —
sacrés réputés les meilleurs par les Egyptiens. Le vin de l'oasis figure
en tête de cette liste.
M. Brugsch nous apprend dans ce livre bien des choses utiles et
intéressantes, soit au point de vue scientifique, religieux et égyptolo-
gique, soit au point de vue géographique et ethnologique. Il est le
premier à faire ressortir toute l'importance historique du temple de
Hib, fondé par Darius I", achevé par Darius II, et restauré par Nec-
tanèbes I". Ce temple a 44 mètres de long sur 19 de large. Il est
construit en grès rouge, transportés, à travers le désert, des carrières
de la Basse-Nubie. La divinité principale qu'on y adorait était
Ammon.
Quant à Toasis elle-même, elle n'a de charme que par contraste
avec le désert qui l'entoure. Elle servait de lieu de bannissement
dans l'antiquité. Les habitants actuels sont au nombre d'environ six
mille. Ils prétendent descendre des Egyptiens, mais M. Brugsch croit
qu'ils sont un mélange de sang égyptien, libyen, éthiopien, phénicien.
Ils parlent arabe et sont la plupart musulmans. Autrefois il y a eu des
chrétiens dans la grande oasis : le savant égyptologue allemand a
trouvé à Nadurah un vieux cimetière chrétien. L. M.
Cartilage antl tïie Cartliagînlans, by R. Bosworth Smith, M. A. as-
sistant master in Harrow School. London, Lougm.in, 1878, in-S de xxvii-
440p. —Prix : 12 fr. 50.
M. Bosworth Smitli, un des professeurs les plus distingués du collège
de Harrow, s'était déjà fait connaître par une histoire de Mahomet et
du mahométisme (V. t. XIII, p. 34) ; aujourd'hui, il aborde une autre
époque : il s'attache à décrire les destinées de Carthage, et, dans un
tableau fort animé, il nous raconte la lutte terrible qui se termina par
la ruine complète de la grande puissance maritime si longtemps la rivale
de Rome. M. Smith n'avait pas, pour ce nouveau travail, la richesse de
matériaux qui lui rendait si facile la rédaction de son premier volume.
Que nous reste-t-il, en effet, de la littérature phénicienne? Deux ou
trois inscriptions, un tarif des prix fixés pour les victimes offertes au
dieu Baal, un petit nombre de statues, quelques textes dont l'interpréta-
tion est encore douteuse. « Les documents historiques, » dit notre au-
teur, « qui auraient pu jeter sur Carthage un jourvéritable, ont disparu
pour jamais. Le Grec Philinus, natif d'Agrigente, avait écrit sur la
première guerre punique une histoire carthaginoise ou quasi- car-
thaginoise; nous ne le connaissons que par quelques passages de Polybe.
Sosilus et Silanus, Grecs comme Philinus, et historiens ainsi que lui,
auraient pu nous donner un journal des conversations d'Annibal aussi
complet que le fameux ouvrage de Boswell sur le D'" Johnson ; ils n'ont
Novembre 1878. T. XXIII, 28.
— 434 —
rien laissé derrière eux; les richesses des bibliothèques carthaginoises,
abandonnées négligemment par les Romains aux chefs numides, —
richesses que Salluste, un siècle plus tard, doit avoir eues entre les
mains, — ont subi une destruction aussi entière que celle qui fit dis-
paraître la bibliothèque d'Alexandrie elle-même. »
M. Bosworth Smith remonte toujours aux sources; il a consulté avec
le soin le plus scrupuleux tous les détails que les écrivains g.'ecs et
latins nous donnent sur la grande colonie phénicienne, et c'est d'après
ces textes qu'il s'est formé une opinion, au lieu d'emprunter, comme
trop de ses confrères, des appréciations toutes faites aux travaux
d'Arnold ou de Niebuhr. Non pas qu'il néglige la lecture attentive des
grand monuments de la critique moderne, mais c'est seulement quand
il s'agit de questions douteuses et de points encore mal éclaircis ; c'est
alors que l'opinion d'un Gesenius, d'un Movers, d'un Mommsen doit
être prise en sérieuse considération, et vérifiée d'après l'étude appro-
fondie des documents originaux.
Il était impossible, dans un volume de quatre cent quarante pages,
de ménager une place aux discussions minutieuses, sur des détails que
l'état actuel de la science ne nous permet pas encore de fixer. Ainsi,
M. Bosworth Smith s'est fait un devoir de lire tout ce qu'on a publié sur
le passage des Alpes par Annibal, sur le champ de bataille de la Trébie
et sur la topographie de Carthage; mais on ne saurait, en bonne jus-
tice, lui demander que le résultat de ses investigations condensé en
cinq ou six lignes, et non vingt ou trente pages d'arguments pour et
contre.
Les deux premiers chapitres du volume contiennent un tableau
général de la civilisation carthaginoise, de son influence et de ses traits
distinctifs : politique, relations commerciales, vie domestique, litté-
rature, religion ; tels sont les points que notre auteur examine succes-
sivement, et sur lesquels il a réuni, avec une patience dont on ne peut
lui savoir trop de gré, toutes les particularités disséminées dans les
ouvrages d'Appien, de Salluste, d'Hérodien, de Diodore de Sicile et
des autres historiens de l'antiquité classique. Doit-on regretter, en
définitive, que les Carthaginois n'aient pas eu l'empire du monde, et
que le rôle joué d'une manière si brillante parla cité aux sept collines
n'ait pas échu à la race phénicienne? Non, sans doute, dit M. Bosworth
Smith, parce que Carthage n'avait pas le don de s'assimiler les peu-
plades qui l'entouraient, de détruire les antipathies nationales et de
fondre dans une puissante unité les éléments divers avec lesquels elle
se trouvait en contact. Un empire carthaginois ne nous aurait jamais
donné une langue et une littérature communes à toute l'Europe ; il
n'aurait pas frayé la route à une civilisation plus avancée, à une
religion infiniment plus pure ; il aurait encore moins fondé ce majes-
— 435 —
tueux système de législation qui sert aujourd'hui de base aux codes
des États de l'Amérique et de l'Europe.
Les chapitres iv-ix traitent de la première guerre punique ; c'est
un sujet que la plupart des historiens, le D"^ Arnold par exemple,
sacrifient avec un peu trop de sans façon, sous prétexte qu'il n'offre
aucun intérêt. M. Bosworth Smith se place à un point de vue diamé-
tralement opposé ; il prétend, et selon nous avec beaucoup de raison,
que si l'on veut se rendre un compte exact de l'énergie et des res-
sources des Carthaginois, c'est Thistoire de la première guerre punique
qu'on doit surtout étudier ; la personnalité d'Annibal remplit la seconde.
D'ailleurs nous pouvons marcher d'un pas sûr, guidés par Polybe, qui,
lui-même, avait pour autorité deux écrivains au moins à peu près
contemporains des événements qu'ils nous racontent. Il faut remarquer,
de plus, que le génie d'Annibal a singulièrement fait tort à la répu-
tation d'Amilcar Barca ; M . Bosworth Smith s'est imposé la tâche de
réhabiliter ce grand homme ; et il nous trace de son héros favori un
portrait écrit d'enthousiasme, et qui rejette un peu au second plan le
vainqueur de Cannes ,
Le temps me manque pour suivre de chapitre en chapitre l'inté-
ressant récit de M. Bosworth Smith; mais il faut que je dise quelques
mots des deux derniers, parce qu'ils traitent de la destruction de Car-
thage et de l'état actuel des ruines de cette cité jadis si puissante. Les
autorités pour l'histoire de la troisième guerre punique sont Appien
et Polybe : ou plutôt Polybe seul, s'il est vrai que cet écrivain célèbre
ait fourni à Appien les matériaux d'après lesquels est composé le récit
de la catastrophe finale. Polybe n'a jamais été mieux jugé que par
notre auteur; l'ami et le commensal des Scipions mérite sans doute la
place que lui assigne M. Smith à côté de Thucydide, et quoiqu'il ait été
jusqu'à un certain point influencé par son illustre entourage, il a tou-
jours su se garder de la tentation si dangereuse et si naturelle à la fois
de fausser la vérité et de se mettre au service de rancunes ou de sym-
pathies personnelles. Le dernier chapitre est, à proprement parler,
une impression de voyage; on y trouvera le récit d'une excursion faite
pendant le mois d'avril 1877 sur la côte septentrionale de l'Afrique ;
les détails d'archéologie abondent, et on s'aperçoit sans peine que
M. Smith a étudié avec le plus grand soin la topographie de Car-
thage.
J'ajouterai, avant de terminer, que le volume dont je viens d'entrete-
nir mes lecteurs, comme celui que l'auteur a consacré à l'islamisme,
avait déjà reçu une certaine publicité sous forme de conférences, et qu'il
est accompagné de onze vignettes, cartes et plans.
Gustave Masson.
— 430 —
HIsiloîre lie l-i'i-aiiee, depuis Les premiers temps jusqu'à nos jours, d'ii])ri:s
les sources et ies travaux récents, par Edmond Démolies, Tomes I et II
Paris, librairie delà Société Bibliographique, 1879, 2 vol, in-12 dexv-410
et 490 p, — Pris : 3 fr. le volume.
L'Histoire de France en quatre volumes, dont M. E. Demolins publie
aujourd'hui les deux premier;?, est conçue d'une façon tout à fait
nouvelle. L'auteur, qui s'adresse à la fois aux hommes du monde et à
la jeunesse, a réuni dans le plan qu'il s'est tracé les avantages de la
méthode philosophique et de la méthode narrative. « Éliminant les
faits qui, malgré leur importance relative, sont restés sans résultat
sur la marche de la société, nous nous sommes attaché, dit-il, à ceux
dontl'influence a été décisive sur le développement social. Après avoir
ainsi séparé les faits généraux des faits particuliers, nous avons
cherché le lien qui unit les premiers, nous les avons classés, moins
d'après leur date que d'après Tordre logique de leur enchaînement.
Devant nous s'est alors développée une chaîne continue qui, partant
des origines do la société française, s'est prolongée à travers les âges
jusqu'à notre époque... Les faits, une fois coordonnés dans leur ordre
logique, d'après la méthode philosophique, nous avons appliqué aux
détails de l'exécution, à l'exposé du récit^ la méthode de l'école nar-
rative. G-râce à l'élimination des faits secondaires, il nous a été pos-
sible de donner aux événements quo nous racontons plus de détails
que dans les histoires d'une étendue considérable. L'action n'est plus
arrêtée à chaque instant par une nomenclature aride de noms, de faits
et de dates. L'intérêt se concentre sur les faits et sur les personnages
principaux qui peuvent être présentés avec toutes les circonstances
propre à leur donner du relief, de la couleur, de l'originalité. Ce ne
sont plus des personnages de théâtre qui passent et repassent sous
les jeux du spectateur, sans se donner la peine de changer de cos-
tume; ce sont les hommes du passé eux-mêmes, avec leurs idées, leurs
passions, leurs faiblesses, qui viennent jouer devant nous, dans tous
ses détails nécessaires, le rôle qu'ils ont joué autrefois sur la scène
du monde. En outre, par le groupement méthodique des faits, nous
obtenons de véritables tableaux; par leur enchaînement logique, un
récit continu. Nous transportons dans l'histoire ce qui fait l'intérêt et
le charme du roman ou du drame, non- seulement sans affaibir la
vérité historique, mais, au contraire, en restituant au passés on véri-
table caractère. »
Les deux volumes publiés conduisent le récit jusqu'à la mort de
Charles VII. En voici les divisions, qui montreront, non plus seule-
ment en théorie, mais en effet, les qualités du plan de M. Demolins,
Livre preûiier : Les Origines de la société française. (Chapitre I. La
Société romaine. IL La Société chrétienne. III. La Société germa-
nique.) — Livre deuxième: Lutte, entre fa société romaine et la société
germanique. Les Méromugiens. Établissement des Francs dans la
Gaule. Clovis et ses fils. II. Rivalité de l'Austrasie et de la Neustrie.
Brunehaut et Frédégonde. III. Prépondérance de l'Austrasie. Les
Maires du palais.) — Livre troisième : Triomphe de la société germa-
nique. Les Carolingiens. (I. L'Empire chrétien et germanique. Cliar-
lemagne. II. Démembrement de l'empire de Charlemagne. Louis le
Débonnaire et ses fils. III. Naissance de la féodalité. Les Ducs de
France.) — Livre quatrième : L'Église et la féodalité. La Chrétienté,
il. Les Guerres féodales. Les premiers Capétiens. II. LaRéforme ecclé-
siastique et sociale. Les Moines et la Papauté. III. La Monarchie de
l'Eglise. Saint Grégoire VII.) — Livre cinquième : La Royauté et la
féodalité. Louis le Gros. Philippe-Auguste. 1108-122,3. (I. Répression
des guerres féodales. Louis VI le Gros. Les communes. II. Afi'ermis-
sement de l'autorité royale. Suger. Saint Bernard. 1139-1180.
III. Suprématie de la royauté sur la féodalité. Philippe-Auguste.
1180-1223.) — Livre sixième : Apogée de la monarchie féodale. Saint
IjOuis 1223-1285. (I. Soumission des grands seigneurs féodaux.
Blanche de Castille. Saint Louis. 1223-1243. II. Le Gouvernement
royal. Saint Louis. 1244-1267. III. Suprématie intellectuelle et morale
de la royauté. Saint Louis, 1229-1285.) — Livre septième : Transfor-
mation de la royauté. Philippe le Bel et ses fils. 1285-1328. (I. Déca-
dence de la féodalité judiciaire. Les Légistes. 1285-1314. II. Déca-
dence de la monarchie de l'Eglise. Boniface VIII. Clément V. 1294-1314.
III. Réaction féodale et légiste. Louis X. Philippe V. 13141328. —
Livre huitième. Décadence de la féodalité militaire. Guerre de Cent ans.
1328-1461. (I. Période de revers. Philippe V. Jean le Bon. 1328-1364.
IL Période de succès. Charles V et Du Guesclin. 1364-L380. IIL Période
de désastres. Les Armagnacs et les Bourguignons. 1380-1422. IV. Pé-
riode de triomphe. Charles VII et Jeanne d'Arc. 1422-1461.)
Mêlant avec raison à la trame des récits de nombreux emprunts aux
chroniques et autres documents originaux, ou s'appuyant pour chaque
période sur les travaux les plus récents, M. Demolins a rempli le cadre
qu'il s'était tracé avec le talent qui lui est habituel et la sûreté de
doctrine que l'on devait attendre d'un ouvrage publié par la Société
Bibliographique. M. S.
"Vie de saint L.ainbert, écrile en vers par Hiicbald de Saint-Amand, et
documents du dixième siècle, par Joseph Demarteau. Liège, Deniarteau, 1878,
in-8 de 138 p.
li'histoire de saint Lambert a toujours été une des plus discutées
par les historiens et les hagiographes, et elle se rattache intimement
à celle de la dynastie carolingienne elle-même. Le Saint a-t-il péri
- 438 —
victime des pillards qui' dévastaient les biens de son église, et qui
voulaient venger quelques-uns de leurs compagnons tués par ses
parents? C'est ce qu'affirme son plus ancien biographe, qui fut son
contemporain, et c'est aussi ce que soutiennent, avec un vrai luxe
d'arguments, les maîtres de la critique historique, les Bollandistes et
les Bénédictins, Henschenius et Mabillon à leur tête. Ou bien sa mort
doit-elle être attribuée au ressentiment delà concubine Alpaïde, irritée
du courage apostolique avec lequel il avait reproché à Pépin d'Herstal
ses relations adultères ? C'est ce que prétendent, dès le commence-
ment du dixième siècle, tous les autres biographes de saint Lambert
et tous les chroniqueurs liégeois, en s'appuyant sur une tradition
immémoriale dont, dès le milieu du neuvième siècle, on retrouve des té-
moignages écrits. Cette discussion, plusieurs fois séculaire, semblait
avoir été tranchée définitivement dans le sens le plus défavorable à la
tradition liégeoise, lorsque, tout récemment, celle-ci a rencontré plu-
sieurs champions nouveaux et déterminés. Celui qui écrit ces lignes
a publié en 1877, dans les Annales de l'Académie d'archéologie de Bel-
gique^ nne Étude critique sur saint Lambert et sur son premier biographe,
où les sources de l'histoire de notre Saint sont examinées en détail, et
la haute antiquité de la tradition liégeoise mise en lumière. Peu après,
le R. P. Desmedt, qui prépare pour le recueil des Bollandistes la vie
de saint Hubert (3 nov.j, était amené par son travail à rechercher la
date de la mort de saint Lambert, et, contrairement aux conclusions
de ses confrères du dix-huitième siècle, qui paraissaient inattaquables,
il établissait d'une manière péremptoire qu'il était impossible défaire
descendre cette date plus bas que 706. Il renversait ainsi l'argument
principal invoqué par les adversaires de la tradition, en écartant les
impossibilités chronologiques invoquées jusqu'à présent contre elle,
Enfin, voici M. Demarteau qui descend à son tour dans l'arène, pour
défendre les chers et glorieux souvenirs de la patrie liégeoise contre
les négations d'une critique abritée sous les plus grands noms de la
science.
M. Demarteau possède une connaissance approfondie de l'histoire
de son pays natal, et, dans la Gazette de Liège, dont il est le rédacteur
en chef, il a publié à diverses reprises des travaux remarquables,
dont plusieurs ont été ensuite édités à part. Tout récemment encore,
la Revue générale (novembre 1877) donnait un article signé de lui,
où l'histoire de saint Hubert était l'objet d'une étude dont l'érudition
n'excluait pas l'élégance de la forme. Le travail dont je dois entre-
tenir aujourd'hui le lecteur a paru d'abord dans le Bulletin de l'Ins-
titut archéologique liégeois.
Les Bollandistes avaient publié, dans le tome V de septembre, des
fragments d'une biographie en vers de saint Lambert, écrite sous les
-- 439 —
auspices de l'évêque Etienne de Liège, dans les premières années du
dixième siècle. Ce qui donnait à cet écrit sa principale valeur, c'est
qu'il mentionnait déjà, comme une tradition fort répandue de son
temps, la version liégeoise sur les causes de la mort du Saint : cir-
constance d'autant plus remarquable qu'Etienne lui-même, à qui
l'œuvre était dédiée, avait remanié la première biographie sans y
parler aucunement de cette tradition populaire Mais le manuscrit
dont s'étaient servis les Bollandistes présentait un grand nombre de
lacunes, et ils durent se contenter de disséminer les fragments du
poème dans leur Commentarius Prxvius. M. Demarteau, en ayant
retrouvé dans la bibliothèque vaticane un manuscrit complet, a pensé
qu'il valait la peine d'être publié intégralement. C'est ce qui lui a
donné l'occasion de discuter plusieurs points très-intéressants, no-
tamment ces deux-ci: Quel est l'auteur vrai de ce poème anonyme?
Que faut-il croire de la tradition sur les causes de la mort de saint
Lambert, telle qu'elle y est rapportée?
C'est à Hucbald de Saint-Amand que M. Demarteau croit pouvoir
attribuer la paternité du poème, et les raisons qu'il invoque à l'appui
de cette conjecture sont si nombreuses, si concluantes, qu''il est
difficile de ne pas se rendre à sa démonstration. L'auteur y montre,
avec une parfaite connaissance des procédés littéraires du dixième
siècle, beaucoup de finesse et de perspicacité dans la critique : cette
partie de son travail, entièrement neuve et originale, peut être con-
sidérée comme une vraie découverte, (p. 40 à 72).
Dans la discussion du second point, qui remplit le reste de l'ouvrage,
M. Demarteau reprend et développe, en les appuyant çà et là de
considérations nouvelles, les arguments présentés par les anciens
défenseurs de la tradition liégeoise. Ici, tout en partageant sa ma-
nière de voir sur le fond de la question, je ne voudrais pas être aussi
aflSrmatif que lui, et je maintiendrais prudemment le point de vue où
je me suis placé dans mon Étude critique. Ce n'est pas le lieu de
discuter ces divergences, inévitables d'ailleurs, dans toutes les re-
. cherches scientifiques; je me contenterai de signaler les points sur
lesquels je crois pouvoir, antérieurement à toute discussion contradic-
toire, me séparer de lui. Il admet encore l'origine aquitanique et
même mérovingienne de saint Hubertde Liège: pour ma part, je crois
qu'après les travaux de MM.Rabanis, en France, et Bonnell, en Alle-
magne, il n'est plus possible de soutenir cette thèse un seul instant.
Il voudrait, pour concilier son point de vue avec les exigences de la
chronologie, placer en 695 la date de la naissance de Charles Martel:
cette supposition me paraît tout à fait inadmissible ; on ne saurait faire
descendre cette date plus bas que 691. C'est sans doute aussi par
suite d'un simple malentendu que M. Demarteau prend la peine de
— 440 -
combattre plusieurs opinions qu'il m'attribue, quoique je ne les aie pas
formulées dans mon Etud/' critique. Selon lui, j'aurais prétendu que la
première biographie de notre Saint venait de Stavelot : j'ai simplement
supposé que la tradition liégeoise, dont cette biographie ne parle pas,
pouvait avoir été conservée et même consignée par écrit à Stavelot,
d'où elle se serait répandue plus tard dans les écrits d'Adon et des
autres. Je n'ai pas prétendu non plus que cette tradition n'a été écrite
qu'au neuvième siècle: il est évident, au contraire, qu'elle doit
l'avoir été avant la fin du huitième; mais, comme je n'en ai aucune
preuve positive, je me contente de la montrer, dès le neuvième,
dans le martyrologe d'Adon, qui l'aura empruntée à une chronique
monastique du pajs de Liège.
M. Demarteau a ajouté à son travail quelques autres documents du
dixième siècle, relatifs à l'histoire de saint Lambert; plusieurs parties
de l'office, composé par Etienne, et des relations de miracles qui eurent
lieu vers l'époque des Normands. Rien de ce qui concerne le patron
du diocèse de Liège ne saurait manquer d'intérêt pour les chercheurs
qui poursuivent avec un soin pieux les moindres traces de sa glorieuse
mémoire. Godefroid Kurth.
Histoire de la jçuerre de Trente ans, 1618-1648, par E. Charvé-
RiAT. Paris, E. Pion, 1878,. 2 vol. in-8 de viii-o84 et 732 p. — Prix : 16 fr.
Nous regrettons de ne pouvoir rendre compte avec tout le déve-
loppement qu'il comporterait de l'important ouvrage publié récem-
ment sur la guerre de Trente ans. C'est un travail d'ensemble consi-
dérable, pour lequel l'auteur est constamment remonté aux sources,
non pas originales, — la vie d'un homme n'y aurait pas suffi, — mais
aux récits et aux témoignages imprimés dans diverses langues, dont
aucun, presque, n'était à notre portée. Une telle œuvre manquait en
France, où l'histoire de la guerre de Trente ans a souvent passé pour
une époque embrouillée et confuse, que nous laissions volontiers
démêler aux cerveaux allemands,
M. Charvériat divise naturellement son sujet en quatre périodes :
les périodes palatine, danoise, suédoise et française. Son 'récit re-
monte même un peu plus haut, et va de la paix d'Augsbourgau traité
de Westphalie. Les causes multiples d'une lutte gigantesque, qui a
ruiné l'Allemagne en voulant l'émanciper, sont exposées avec beau-
coup de clarté et de méthode. Le style est constamment simple et
précis, bien que l'auteur ne s'interdise point les tableaux et les por-
traits, très-propres à distraire un peu le lecteur, auquel on demande
une si longue attention. Les grandes figures de Tilly, Wallenstein,
Mercy, Gustave-Adolphe, Torstenson, Weimar sont éclairées d'une
lumière nouvelle et appréciées en général à leur juste valeur. A côté
— 4il —
des guerriers, les diplomates ont aussi leur place, et nous retrouvons
aux premiers rangs Richelieu, Mazarin, d'Avaux, Oxenstierna.
L'ordre le plus parfait règne dans la disposition de l'ouvrage : des
sommaires détaillés précèdent chaque chapitre et sont reproduits dans
la table des matières avec une pagination spéciale. Une table géné-
rale analytique, très- détaillée, permet en un instant de se reporter à
un fait, à une date, à la "circonstance particulière de la vie du moindre
personnage. Après le travail de la composition, cette mise en œuvre
doublait presque la tâche. On ne peut que féliciter M. Charyériat d'a-
voir mené à si bonne fin une œuvre devant laquelle beaucoup de tra-
vailleurs opiniâtres auraient reculé. Son livre restera donc, et fera
autorité pour l'époque de l'histoire moderne qu'il a su si bien étudier.
Cr. B. DE p.
Scènes et portraits de la Hévolutîon en Oas^lLiniousîn, par
le comte V. de Seilhac. Paris, librairie générale, 1878, in-8 de 719 p.
— Prix : 7 fr. 30.
Il est à désirer que la période révolutionnaire soit dans chaque dé-
partement l'objet d'une étude semblable à celle que M. le comte de
Seilhac vient de faire paraître sur les commencements de la Révolu-
tion et sur la Terreur dans le département de la Corrèze. Il importe
de faire connaître au public que l'esprit révolutionnaire a partout
produit les mêmes maux. On serait tenté de croire que, dans une con-
trée éloignée de Paris, n'ayant aucun centre naturel d'agitation, et
qui ne fut le théâtre d'aucune insurrection, la Révolution n'a dii faire
que fort peu de ravages. Le travail si consciencieux de M. de Seilhac
ne permet point de conserver une pareille illusion. Dans le Bas-Li-
mousin, comme dans le reste de la France, un petit groupe d'intri-
gants et d'hommes pervers a soulevé les plus détestables passions et
opprimé la majorité. Après le 14 juillet, des paysans, affolés par les
contes les plus absurdes, ont pillé et les châteaux et les maisons des
bourgeois ; les révolutionnaires modérés ont invoqué en leur faveur
des excuses aussi ridicules qu'odieuses, et entravé l'action des auto-
rités. L'assassinat de M. de Masset, commis à Tulle, le 10 mai 1791,
mérite, à cause de sa froide préméditation, d'être cité parmi les
crimes les plus atroces de la Révolution.
M. de Seilhac, s'appuyant sur les documents les plus authentiques,
montre les populations du Bas-Limousin réduites à la misère la plus
affreuse par les lois de la Révolution sur les subsistances. Toute
plainte, tout murmure leur était interdits ; et leurs despotes, pour mieux
terrifier, cherchaient systématiquement des victimes dans toutes les
classes de la société : 1,500 suspects, parmi lesquels on ne comptait
que 250 nobles, furent emprisonnés. Le tribunal criminel, jugeant révo-
— 442 —
lutionnairement, promena plusieurs fois la guillotine dans le départe-
ment de la Corrèze. Il vint d'abord à Uzerche, pour faire tomber la
tête d'un vieux mendiant de soixante-cinq ans, coupable seulement d'a-
voir trouvé les temps bien durs, et qui fut condamné à mort pour
propos contre-révolutionnaires. Quelque temps après, à Mej^mac, il
faisait guillotiner un notaire et quatre paysans; ces derniers cou-
pables d'avoir, le jour de la Raison, battu un cheval auquel on fai-
sait traîner dans l'église les ornements sacerdotaux. A Brives et à
Tulle, il lit aussi plusieurs victimes.
L'auteur a donné des détails très-curienx sur les conventionnels et
les tyrans subalternes de la Corrèze; sur Brival qui, procureur du roi,
au début de la Révolution, courut après la popularité, en prenant le
parti des pillards et des insurgés, et en dénonçant et outrageant les
juges; sur les girondins Chambon et Lidon, leur odyssée après le
31 mai, et leur fin tragique. Il est seulement à regretter que le livre
si intéressant de M. de Seilhac ne contienne pas un chapitre complé-
mentaire sur le Directoire et les effets du 18 Fructidor dans le départe-
ment de la Corrèze. Ludovic Sciout.
Histoire «l'Outlenl»ourg,accomj)a^née de pièces justificatives comprenant
le cartulaire de la ville et de nombreux extraits des comptes communaux^ par
E. Feys et D. Van DE Casteele. Bruges, De Zuttere, 1873-78, 2 vol. in-4
de 724 et 548 p. (Publié par la Société d'émulation de Bruges). — Prix : 60 fr.
Y a-t-il, de par le monde, beaucoup de grandes villes qui puissent
se vanter d'avoir la bonne fortune de ce petit bourg de 1,600 âmes,
dans la Flandre-Occidentale? Je n'en connais guère, pour ma part,
qui aient inspiré un travail historique aussi vaste, aussi soigné, aussi
complet sous tous les rapports, dans lequel le passé tout entier
semble revivre jour par jour, sans la moindre solution de conti-
nuité. Il est vrai que les destinées d'Oudenbourg ont été plus
brillantes autrefois qu'aujourd'hui. Quoique, à l'époque de sa plus
grande splendeur, la ville n'ait jamais compté plus de 4 à 5,000 ha-
bitants, c'était, si je puis ainsi parler, un petit monde féodal complet
et se suffisant à lui-même, quelque chose comme une miniature de la
société d'alors, et permettant, grâce à ses petites proportions, d'étudier
celle-ci de près, de la voir fonctionner avec tous ses rouages. Ouden-
bourg, en effet, a contenu dans l'étroite enceinte de ses murailles les
trois éléments essentiels de la vie sociale au moyen âge : une commune
libre, un château avec une seigneurie, et une abbaye. Le rôle modeste
mais actif qu'Oudenbourg a joué, et les nombreux matériaux que les
auteurs ont pu mettre en oeuvre pour le raconter, permettent au
lecteur de suivre de près, à Toccasion de cette monographie, l'histoire
de la Flandre elle-même dans cette partie de ses annales qui échappe
— 443 —
le plus aux travaux d'ensemble : j'entends le fonctionnement des ins-
titutions, le développement de la vie religieuse et surtout cette riche
eftloreseence de coutumes et de traditions, si vivace aujourd'hui encore
sur le noble sol de la Flandre.
L''ouvrage est divisé en cinq parties. La première, qui sert d'in-
troduction, s'étend de l'époque romaine à la fin du onzième siècle, et
comprend toute la partie fabuleuse ou obscure de l'histoire de la
localité, jusqu'au morcent où saint Arnould, l'apôtre delaFlandre, vient
y bâtir un monastère qui deviendra le noyau de l'agglomération habitée.
Et qu'on ne s'étonne pas de la date relativement récente où commence
pour Oudenbourg l'époque historique. Dans cette Flandre-Occidentale,
aujourd'hui si rich3 si populeuse, si chrétienne, le paganisme et la
barbarie ont eu la vie dure, et déjà les seigneurs des bords de la Lys
et de l'Escaut partaient pour les croisades, quand les côtes de la
mer du Nord étaient encore occupés par une population farouche et
brutale. Là vivaient, comme de vrais sauvages, des hommes d'origine
saxonne qui, sous le nom de Karls, se montrèrent dans tous les
troubles intérieurs de la Flandre au moyen âge, et dontles descendants
écrasèrent sous leurs pesantes massues toute la chevalerie française
dans les plaines de Courtrai. Au onzième siècle, quand saint Arnould
évangélisait leurs rivages, il y rencontra des hommes qui se prome-
naient tout nus dans les champs, et qui, aux observations qu'il leur
faisait, répondaient crûment: « Mêlez- vous de vos affaires. » Cepen-
dant Oudenbourg émerge peu à peu, et, dès le douzième siècle, nous
le trouvons constitué complètement. Les auteurs racontent séparé-
ment l'histoire de la seigneurie, de l'abbaye et de la commune, et
leur narration, sous forme de chronique locale, est d'une précision,
d'une minutie telle qu'on la croirait écrite au jour le jour par des
contemporains. On n'en sera pas étonné, quand on saura l'emploi
judicieux et vraiment original qu'ils ont su faire des comptes com-
munaux de la ville, dont ils ont eu entre les mains une longue et
volumineuse série. Tous les mille faits petits et grands qui étaient
consignés dans ces comptes ont été fondus dans leur récit, qui est de-
venu de la sorte une vraie photographie du passé. Sous ce rapport,
leur livre est un exemple fort curieux de l'usage qu'un historien peut
faire de ce genre de documents.
C'est, sans contredit^ la cinquième partie qui est la plus intéressante
pour la majorité des lecteurs. Sous le titre de ; Administration, Us et
Coutume s, les auteurs ont groupé une multitude de détails, bien des
fois ignorés ou imparfaitement connus, sur tout l'ensemble de la vie
publique et privée dans l'ancienne Flandre flamingante; aussi je la
recommande d'une manière spéciale à l'attention du public. Chaque
connaisseur trouvera quelque chose de nouveau à glaner dans les
chapitres désignés par les rubriques suivantes : Adminislration
générale — Justice — Finances — Travaux publics. — Guerre —
Hygiène et assistanée publique. — Instruction — Gkildes. — Fêtes —
Réceptions cl courtoisies — Industrie et commerce. — Église parois-
siale.
Tout le tome I", est consacré aux pièces justificatives. Il seternaine
par une copieuse table onomastique, contenant à elle seule 55 pages
in -4, à deux colonnes. Plusieurs belles gravures, entre autres, un plan
de l'ancien Oudenbourg, sont jointes au texte. L'exécution matérielle
est irréprochable. Cet ouvrage, auquel les deux auteurs ont travaillé
pendant dix ans avec un zèle et un désintéressement patriotiques, est
digne du roi protecteur des lettres auquel il est dédié, et fait honneur
à la Société d'émulation de Bruges, sous les auspices de laquelle il a
vu le jour. Godefroid Kurth.
Listes ties évèquea et «les supérieurs de couvents de
l'Kglîse russe {Spishi irrarhhov i nastoiatélei monastyreï Bossiislioï
tserkvi), faites d'après des documents, par Paul Stroïev. Édition de la
Commission archéographique. Saint-Pétersbourg, 1877, gr. in-8 de x.-
iOVi'o et 68 p. à deux co) . — Prix : 15 fr.
Dans son ouvrage intitulé Nestor ou Aîinales russes en langue sla-
vonne, Schlôzer faisait des vœux pour que quelqu'un, parmi les Russes
savants, écrivît une histoire ecclésiastique de son pays. « Pour com-
mencer, ajoutait-il, on pourrait se contenter d'indiquer exactement
les dates d'érection de chaque évêché et les noms des évêques, ainsi
que l'ordre dans lequel ils se sont suivis : même de simples registres
auraient été non sans importance pour le commentateur des chro-
niques, obligé si souvent de chercher les dates ; ils l'auraient dispensé
d'une rude besogne et préservé de nombreuses fautes. » Le desidera-
tum du célèbre historien, émis il j a trois quarts de siècle environ,
ne fut pas oublié.
L'Église trouva plus d'un historien; la hiérarchie russe fut étudiée à
son tour et inspira au savant évêque Ambroise son important ouvrage,
auquelles travaux postérieurs relatifs au même sujet n'ont point ôté sa
valeur. Mais l'Histoire de la hiérarchie russe ne tarda pas à devenir
fort rare, et surtout incomplète, depuis la publication de tant de do-
cuments demeurés jusque là inconnus au public. — Paul Stroïev
sentait mieux que tout autre l'urgence de combler une si importante
lacune; aussi, pendant quarante ans, il ne cessa de recueillir des maté-
riaux destinés à entrer dans ses listes chronologiques, non-seulement
des évêques, mais encore de tous les supérieurs de couvents, depuis
le dixième siècle jusqu'à nos jours. — On peut lire, dans le beau tra-
vail de M. Barsoukov sur la Vie et les travaux de Paul Stroïev, la
genèse et les destinées de cette publication posthume qui a coûté à
son infatigable auteur tant de labeurs, et par laquelle il a si dignement
couronné sa longue et studieuse existence. Le nombre des documents
qu'il a dû consulter se compte par plusieurs dizaines de milliers; et il
n'a cessé d'en rechercher de nouveaux que lorsque les forces lui
firent complètement défaut.
En publiant les Listes des hiérarques et des supérieurs de couvents,
la Commission archéographique a voulu respecter l'œuvre de leur
auteur; elle les donne telles qu'il les a laissées dans ses papiers, sans
y mêler rien du sien, sans ajouter des notes critiques qui auraient de-
mandé beaucoup de temps et de place. La seule addition qu'elle y fit,
c'est l'index alphabétique de tous les monastères dont il est fait men-
tion dans le texte. On le doit aux soins de M. Semevski, rédacteur
de l'excellente revue historique intitulée Antiquité russe, à qui fut
confiée l'édition du volume.
Le texte original contient parfois des appréciations critiques qui
peignent bien leur auteur. Ainsi, à propos du couvent de Simonov,
on lit à la page 154 : « Tout ce que Karamzine et autres ont écrit à
ce sujet est du pur galimatias. .;> Et ailleurs : « Les savants qui
parlent de ce monastère (il s'agit du couvent de Saint-Nicolas l'An-
cien, à Moscou) sont ridicules^ au lieu d'inventer, ils auraient dû lire
les documents (p. 189). » Peut-être, Stroïev aurait-il retranché les
additions de ce genre, si le volume avait été imprimé de son vivant;
comme aussi, il n^aurait pas manqué d'indiquer partout les sources où
il a puisé ses dates, quoique son exactitude soit reconnue de tous.
Cela eût été d'autant plus à désirer, que ses indications ne s'accordent
pas toujours avec celles des autres écrivains : qu'on compare, par
exemple, sa liste des métropolitains de Kiev avec une liste pareille
que donne l'archimandrite Serge, à la fin de son grand Calendrier
oricnlal.
La Commission archéographique a sagement fait de conserver à
l'œuvre de Stroïev sa physionomie propre, et de ne pas en différer
davantage la publication, attendue depuis si longtemps, et devenue
vraiment indispensable.
11 est curieux d'étudier la statistique des couvents, dont le chiffre
total s'élève à 2.868. Dans ce nombre, plus de 000 sont placés sous la
protection de la Mère de Dieu, dont 177 sous le vocable de l'As-
somption. Notre-Seigneur Jésus-Christ en a 478, dont 127 sous le
vocable du Sauveur, et 122 sous celui de la Transfiguration. En troi-
sième lieu vient la très-sainte Trinité (228 couvents) ; puis Saint-
Nicolas (214). Le reste suit l'échelle descendante suivante : Saint-
Jean-Baptiste (57, sans compter les 15 couvents dédiés à Saint-Jean,
tout court); Saint-Esprit (31), Saiut-Élie (31), Saint-Jean l'Évangé-
— 446 —
liste (30), SS. Boris et Gleb (29), Sainte-Parascéve (24), Saint-
Georges (24), Saint-Pierre et Saint-Paul (21), Saint-Démétrius (16),
Saint-Pierre seul (13). — Tout couvent possède une église, et souvent
plus d'une. On voit combien est grande la dévotion des Russes en-
vers la sainte Vierge et saint Nicolas, mais on est surpris de ne voir
aucun monastère qui porte les noms des saints Cyrille et Méthode,
apôtres des Slaves. J. Martinov, S. J.
Xhe metallic History of the United Htates of i%.inerica,
1776-1876, by J. F. Lodbat. With 170 etchings by Jdles Jacquemart. New
York, published by the Author, 1878, 2 vol. in-4.
Un de nos graveurs les plus distingués, M. Jules Jacquemart, vient
de terminer un ouvrage auquel il travaillait depuis de longues années.
M. Loubat, voulant écrire une histoire métallique des États-Unis d'A-
mérique, eut l'heureuse pensée de faire graver les médailles qu'il en-
tendait commenter et décrire ; il s'adressa à notre compatriote et fit en
cela preuve de bon goût; les cent soixante-dix eaux-fortes qui accompa-
gnent le beau livre que nous annonçons sont exécutées avec cette pré-
cision et ce savoir qui ont valu à M. Jacquemart une renommée eu-
ropéenne. Plusieurs des modèles qui étaient soumis au graveur ne
présentaient pas une valeur d'art égale à la valeur qu'ils présentaient
au point de vue de l'histoire, et souvent l'artiste a dû se faire violence
pour respecter les incorrections qu'il avait le devoir de transporter
sur le métal ; lorsque des médailles exécutées, au contraire, par des
maîtres de l'art lui étaient offertes, se retrouvant sur son terrain, il
savait les rendre avec cette adresse que donne seul un savoir réel, et
nous ne voudrions pas jurer que certaines planches de M. Jacquemart
ne soient mieux dessinées que les originaux qu'elles multiplient. Dans
l'œuvre de l'artiste français, YHistoire métallique des États-Unis d'A-
mérique occupera une place fort honorable, et quiconque voudra dé-
sormais savoir comment il faut traduire par la gravure en taille douce
des médailles devra étudier ce recueil et s'efforcer d'imiter M. Jac-
quemart; il apprendra que l'exactitude n'exclut pas l'art proprement
dit et que la reproduction ne perd rien de sa fidélité à être traitée par
un artiste rompu à toutes les difficultés de son métier. G. D.
Catalogue des incunables de la Bibliothèque de Xoulouse»
rédigé par le D"" Desbarreaux-Bernard. Imprimé aux frais de la ville. Tou-
louse, Paul Privât, 1878, gr. in-8 de lxxiii-266 p.
Le travail de M. le D"^ Desbarreaux-Bernard est un des plus
importants de tous ceux qui ont été consacrés à la science des livres.
On y admire tous les trésors d'une expérience qui, chez le vaillant
— 447 —
octogénaire, est accompagnée de toute la finesse d'un esprit resté des
plus jeunes et des plus vifs. Personne peut-être en notre pays n'était
mieux préparé que M. Desbarreaux-Bernard à rédiger magistralement
un catalogue d'incunables. Dès sa jeunesse, il a aimé les livres, sur-
tout les vieux livres, avec la plus noble ardeur; il ne cesse, depuis
plus de soixante ans, de les étudier, de les comparer, de les décrire.
Bibliographe aussi savant qu'enthousiaste bibliophile, il a consacré,
pour ainsi dire, sa vie entière à résoudre les problèmes qui avaient
lassé la patience et trahi la sagacité des plus célèbres historiens de
l'imprimerie. Aussi ne sera-t-on pas surpris de trouver dans le Cata-
logue des incunables de la Bibliothèque de Toulouse les plus curieuses
observations et même parfois les plus précieuses révélations.
Indiquer le titre des divers chapitres qui constituent V Avant-propos,
ce sera donner, ce me semble, la meilleure idée des richesses qui y
sont réunies dans un ordre parfait. Disons donc qu'après avoir répété
le cri d'alarme poussé par M. Madden, qu'il appelle Véminent biblio-
graphe : « Les incunables s'en vont, » le D'' Desbarreaux-Bernard s'oc-
cupe successivement du signalement de ces épaves typographiques :
des papiers et filigranes, des caractères, des cahiers, du registre, de
la préface et des notes marginales, des réclames, des chiflfres, des si-
gnatures, de la ponctuation, des guillemets, des majuscules, des traits
d'union, de la parenthèse, des formats, des dates curieuses, bizarres ou
énigmatiques de quelques incunables, des marques et monogrammes
d'imprimeur, des errata, des approbations, privilèges et permissions
d'imprimer, enfin de la reliure. U Avant-propos de M. Desbarreaux-
Bernard est un traité complet et destiné à faire loi désormais en la
matière. Tout y est remarquable, mais si l'on me demandait quelles
pages y sont remarquables entre toutes, j'indiquerais celles qui sont
relatives aux papiers et filigranes, aux signatures et réclames, et aux
livres imprimés sur des papiers de différents formats.
La même rigoureuse méthode, le même profond savoir, le même net
et excellent style qui recommandent V Avant-propos, nous les retrou-
vons dans le Catalogue. Ce catalogue comprend 285 articles, où les
descriptions sont si précises, si minutieuses, qu'elles ne laissent rien
à désirer. Quelques-uns des incunables que nous fait si bien connaître
M. Desbarreaux-Bernard sont d'une excessive rareté, tels sont : le
n" 85, probablement unique, et, dans tous les cas, non cité par les
bibliographes; le no 141, resté mystérieux pour tous les chercheurs;
les n°^ 148, 149, 150, 151, plaquettes à peu près introuvables, etc. Aux
descriptions s'ajoutent des notes fort intéressantes. Je mentionnerai
particulièrement celles où sont relevées les erreurs et les lacunes du
Manuel du Libraire (p. 5, 6, 10, 12, 21, 22, 26, 27, 29, 34, 35, 39, 45,
46, 47, 48, 50, 58, 71, 80, 83, 87, 89, 99, 131, 136, 138, 156, 181, 184,
— 4i8 —
187, 196, 198, 205, 206, 207, 216, 217). Dans quelques autres notes
sont discutées et redressées diverses assertions de Gabriel Peignot^
de La Serna Santander, de C. Leber, de A. Pcricaud, surtout de
M. P. Deschamps. Au bas de la p. 171, indiquons un document inédit,
tiré des archives départementales de la Haute-Garonne, et relatif à
rentrée d'Etienne Baluze au collège de Saint-Martial de Toulouse.
A la suite du Catalogue, viennent : 1° Appendice et notes diverses;
2" Table des noms de villes ; 3° Table des noms d'imprimeurs; 4° Table
des auteurs; 5° Table des ouvrages sans nom d'auteur; 6° Table des
filigranes ; 7° 25 planches où sont très-exactement représentés les fili-
granes déjà décrits dans le texte; 8° Diverses autres planches qui nous
montrent la première lettre capitale du psautier, imprimé à Majence,
en 1457, et de la même grandeur, un assez grand nombre de types, de
marques d'imprimeurs et de figures. Toute cette partie du volume est
supérieurement exécutée, et tous les connaisseurs la jugeront digne
de servir de complément et d'éclaircissement à un texte qui ne saurait
être trop loué. T. de L.
BîblioUieea ^mericana. Hntoire, géographie, voyages, archéologie et
linguistique des deux Amériques et des îles PhUij^pincs, rédigée par M. Ch.
Leclerc. Paris, Maisonneuve, 1878, in-8 de xx-737 p. — Prix : lo fr.
Ce livre, imprimé avec luxe, n'est pas, comme son titre pourrait
peut-être le faire croire, une bibliographie générale du nouveau
continent. C'est le catalogue d'une collection d'ouvrages anciens et
modernes qui depuis longues années sont la spécialité très-connue de
la librairie Maisonneuve. L'auteur, M. Charles Leclerc, n'en est pas
à son début dans ce genre de travail; déjà, en 1867, il avait dressé, par
ordre alphabétique de noms d'auteurs, un catalogue de vente de la
même librairie, dans lequell'esprit de recherches se faisait particuliè-
rement remarquer. Le nouveau catalogue, beaucoup plus considérable,
se signale en même temps par plus de méthode, d'exactitude et de cri-
tique. Il forme deux grandes divisions, dont l'une embrasse l'histoire,
la géographie, les voyages, l'archéologie, etc., et renferme six parties :
Amérique en général, îles de VAllantiquc, Amérique septentrionale, An-
tilles, Amérique méridionale et lies Philippines. Ces parties ont elles-
mêmes des subdivisions qui correspondent aux grandes régions géo-
graphiques.
La seconde division se rapporte exclusivement aux travaux de lin-
guistique. Elle groupe d'abord cinquante-cinq recueils qui sont relatifs
aux langues américaines en général, puis classe alphabétiquement par
langue et par noms d'auteurs un assez grand nombre d'ouvrages qui
ne concernent pas moins de quatre-vingt-sept idiomes. Parmi les
I
_ 14! t —
langues comptant le plus d'ouvrages, il faut citer le caraïbe, Tesqui-
mau ou groenlandais, le moya, le nahuall ou mexicain, qui ofl're à
lui seul quarante-trois publications, et enfin le quichua usité parmi
les Indiens du Pérou. Cette partie du livre de M. Leclerc est extrê-
mement intéressante et doit avoir exigé de sa part plus particu-
lièrement des soins et des recherches.
Un supplément de cent quatre-vingts articles renferme l'analyse de
ce qui avait pu, dans une longue élaboration, échapper à l'attention
de l'auteur, ainsi que l'indication des ouvrages acquis pendant Fim-
pression. C'est un total de 2,638 articles.
Enfin, un index général des noms d'auteurs, sur deux colonnes,
termine le volume et renvoie aux numéros d'ordre qui se suivent
sans interruption. Cette table est infiniment commode pour les re-
cherches.
Telle est la Bibliotheca Americana. Remarquable par la précision et la
multiplicité des renseignements très-utiles que ce livre renferme, il
laisse peu de place à la critique. Néanmoins, il y aurait peut-être
lieu de signaler quelques répétitions ; mais elles ne sont nullement
embarrassantes surtout dans un semblable travail; certaines notices
aussi, rendues un peu courtes, manqueraient de clarté ; ainsi, pour
citer un exemple, nous croyons qu'au n*" 2325, le lecteur, s'il ne con-
naît pas déjà le vocabulaire mexicain de Fray Alonso de Molina, aura
de la peine à découvrir que cet ouvrage renferme deux parties : le
dictionnaire espagnol- mexicain et le dictionnaire mexicain espagnol.
On reconnaîtra, du reste, que ces taches sont légères ; si nous les in-
diquons c'est pour remplir exactement et trop scrupuleusement peut-
être notre devoir d'appréciateur.
Nous aurions bien voulu mentionner ici les raretés les plus remar-
quables portées sur ce catalogue ; mais le travail a été fait par M. Le-
clerc lui-même dans son avant-propos, et nous y renvoyons le lecteur,
malgré l'étendue que l'auteur s'est plu à donner à cette partie. Un signe
particulier, tel qu'un astérisque, placé en regard de chaque numéro
important eût peut-être suffisamment rempli l'objet de ce classement.
Nous eussions préféré trouver une classification générale et succincte
des ouvrages par siècles, qui, tout en servant de résumé, aurait guidé
les travailleurs s'occupant plus spécialement de certaines époques .
Quoi qu'il en soit, le livre de M. Leclerc est bon, fait avec soin et
vraiment digne de fixer l'attention des bibliophiles et des érudits. Ils
y puiseront des indications précises qu'il leur serait quelquefois dif-
ficile de se procurer pour certains ouvrages, tellement ils sont rares
et peu connus. R. S.
Novembre 1878. T. XXIII, "29.
- 450 —
BULLETIN
S. iHurelii i%.u$;usf:.ini Coufeesionum libri ^111, cum notis
H. Wangnkbech, s. J. Turai, M aietti, 1878, in-lS de xvi-56o p. — Prix :
Nous n'avons pas à faire ici l'éloge de l'éditiou des Confessions de saint
Augustin, publiée à Cologne en 1630, par le jésuite Wangnerech : des notes
nombreuses et substt-ntielles, des titres clairs et concis, des réflexions pra-
tiques ont valu à cette édition sa juste renommée. C'est celte excellente
édition que reproduit l'éditeur deTurin, M, Pierre Marielti, en comblant une
lacune que l'on regrcitiità bon droit dans le travail du P.Wangnerech. Celui-
ci, en eiTei, s'était arrêté au dixième livre des Confessions, laissant de côté les
trois derniers, qui coatiennent un cjmmeataire du premier chapitre de la
Genèàe, ainsi que des dissersations fort abstraites sur les matières les plus
difficiles de la théologie. Lo tixte de la nauvelle éditioa ejt clair; les notes
et pratiques, imprimées en petit caractère, sont bienvenues; deux tables très-
complètes terminent le volume : c'est donc à la foi-, comme la plupart des
publications de M. Manetti, un liv-e à trèi-basprix et un livre bien exécuté.
E. POUSSPT.
Bi'eve esame «leir opuecolo «lel sac. Clurcî : Il modei*no
dissidio tvtx la Ctiieea e I*Italia, Rome, imprimerie de la Propa-
gande, in-8 de 93 p.
Le silence s'est fait autour du livre publié par l'abbé Curci sur le Démêîé
moderne entre l'Église et l'Italie. Les catholiques ont appris avec joie que
celui qui avait été un des hommes les plu? en vue de la Compagnie de Jésus,
et qui avait le plus vaillamment défendu, durant de longues années, les
droits du Saint-Siège, reconnaissait son erreur, et se soumettait pleinement
à la sentence qui frappait son livre. Cependant la brochure dont nous ren-
dons compte, si elle a perdu quelque peu de son actualité, conserve un grand
intérêt pour tous ceux qui ont connu, au moins par les journaux catholiques,
le livre du P. Curci. Il suffit de remarquer que c'est une réponse officielle,
car elle est signée par wn Padî^e délia Compagnia di Gesù; elle est publiée à
Rome même, avec toutes les permissions, et à l'imprimerie de la sacrée Con-
grégation de la Propagande. L'auteur divise son travail en deux parties à
peu près égales; dans la première, il expose et réfute les idées de l'abbé
Curci ; dans la seconde, il raconte toute la suite des faits qui ont amené la
sortie du religieux de la Compagnie de Jésus, à laquelle il appartenait déjà
depuis cinquante et un ans.
Puisse le retour du P. Curci être imité par tous ceux qui se sont laissé
égarer par les décevantes théories du libéralisme contemporain, et qui visent
encore à une conciliation impossible entre l'erreur et la vérité !
E. POUSSET.
Lia I*ratlque de l'éducation chrétienne, d'après les vrais prin-
cipes. Ouvrage dédié aux maisons d'éducation et aux familles chrétiennes,
par le P. A. Monfat. Paris, Bray et Retaux, 1878, in- 12 de xv-d24 p. —
Prix : 3 fr. 50.
Ce nouvel ouvrage du P. Monfat fait suite à celui qu'il a publié en I8T3
sous ce titre : Les vivais pri?icipes de V éducation chrétienne rappelés aux maîtres
et aux familles, et dont il a été rendu compte dans ce recueil (t. XIV, p. 543).
— 431 —
Après avoir donné les principes, l'auteur expose la pratique, en homme du
métier guidé par la raison et par la foi, et nous pouvons ajouter par l'amour
de la jeunesse et l'amour des âmes. L'introduction est consacrée à la distinc-
tion de l'éducation proprement dite, qui forme le cœur, et de l'enseignement
qui développe l'esprit, distinction essentielle, nécessaire, parce qu'elle repose
surla nature mèmedes choses, que l'on violente tropsouvent,maisjamais impu-
nément. L'éducation n'est guère qu'un mot aujourd'hui ; elle est absorbée
par l'instruction, au point de vue utilitaire, non pas celle qui forme l'esprit,
parallèlement au cœur, mais celle qui mène aux succès dan-, les examens, à
l'entrée dans une carrière, sans souci de la volonté chargée de mettre à pro-
fit les connaissances acquises. Celte distinction solidement établie, appuyée
sur de sages considérations et sur les témoignages les plus autorisés, conduit
à la division du sujet en deux parties. Le P. Monfat réser^'e la pratique de l'en-
seignement pour un autre volume ; celui-ci est tout entier consacré à l'édu-
cation. Il place à la base une bonne discipline, qui, dans son sens propre,
règle les i-apports entre les maîtres et les disciples. Il la définit et en déter-
mine le but; c'est la condition de l'ordre. 11 montre sa nécessité, avant
tout, pour les maîtres qui doivent concourir ensemble à la formation des
âmes, travailler à assouplir les volontés en leur faisant accepter, par l'amour
qu'ils témoignent, un joug salutaire, et rendre le devoir aimable en
prouvant qu'ils l'aiment, autrement dit en pratiquant la vertu. Il leur faut
le désintéressement qui ici est caractérisé par le don de son temps, l'égalité
d'humeur, la condescendaiice à assouplir la règle aux exigences raisonnables.
Tout un chapitre est consacré à l'émulation, au mobile de l'hooneur qu'elle
fait mouvoir, aux récumpenses qui en sont les conséquences. Vient ensuite la
surveillance et la question si délicate, de notre temps surtout, de la répression.
Le P. Monfat insiste pour qu'on punisse au moment favorable, sans passion,
et en laissant toujours espérer le pardon.
Dans une seconde partie, l'auteur étudie les principaux chefs de devoirs
dont il faut donner l'habitude aux élèves, ce qui est le but de l'éducation :
devoirs envers Dieu, envers les parents, envers les maîtres, envers les élèves,
et ces devoirs généraux qui se résument dans la politesse. C'est assez dire
qu'on y trouve traité tout ce qui touche à l'instruction religieuse, aux pi'a-
tiquesdo piété, aux relations avecla famille, à l'obéissance vis-à-vis des maîtres,
à la charité et à la pureté qui doivent régler les rapports entre condisciples,
ecau respect humain qui en est l'écueil. En un mot, c'est un traité complet,
méthodique, clair, où tout est bien déduit et bien pensé. Il sera bien utile
aux maîtres ; mais les parents, qui doivent seconder ceux-ci, ne le liront pas
avec mo-ns de profit. R. de St-M.
Traité pratique «3e 8'éducaîioîi oiaterneSle, précédé d'insir ac-
tions préliminaires sur l'Archiconfrérie des mères chrétiennes, par
Mgi' PicHENOT, archevêque de Chambéry. Nouvelle édition, revue et aug-
mentée d'une seconde partie. Paris, Bray et Retaux, d878, in-i2 de 447 p.
— Prix: 3 fr. 50.
La première édition de cet ouvrage a été signalée en 1809 (t. IV, p. 72).
M. Pichenot était alors vicaire général de Sens. La question qu'il traite,
avec autorité est de celles dont l'importance r.e fait que s'accroître. Il s'agit
de l'éducation religieuse. C'est la mère qui est la première éducatrice; c'est
elle que MS'" Pichenot veut diriger dans l'accomplissement de sa difficile
n:is:ion. Il s'adresse aux mères chrétiennes; il les engage à s'associer pour le
soutenir ei l'encourager, et il leur donne d'abord des instructions sur les
— -io-' —
principales fête-; en honneur dans l'Arebiconlrérie des mères chrétiennes.
Abordant ensuite directement son sujet, il leur expose leurs devoirs, traite
de la : première éducation, du baptême, des parrains, des noms, de l'allai-
tement qui a, au point de vue moral, une non moins grande importance
qu'au point de vue physique. M?r Pichenot passe à la seconde éducation,
alors que l'enfant commence à parier; il montre comment il lui faut inculquer
l'amour de Dieu, développer en lui la piété, l'instruire de la religion, com-
battre ses défauts,lui faire aimer et pratiquer la vertu. Puis vient le catéchisme,
la confession et la première communion, qui conduisent à la jeunesse. C'est
le terme de l'éducation maternelle: h première édition n'allait pas plus
loin. Mais l'influence de la mère ne doit pas cesser de se faire sentir : aussi
Mgr Pichenot a-t-il ajouté, en rééditant fon ouvrage, des instructions sur les
questions principales où la mère doit intervenir : la vocation, le mariage, où,
même dans les familles chrétiennes, les considérations mondaines ont trop
souvent le plus de poids, les rapports entre parents, la perte des enfants, le
veuvage, etc. On ne pouvait aborder une plus grave question, ni la traiter
avec plus d'autox'ilé et de sens pratique. R-
L^KcIueation cléricale eu Kraace, par un ancien missionnaire.
Paris, Ghio, 1877, in-12 de 51 p. — Prix : 50 cent.
L'ancien missionnaire qui a porté cette brochure chez un éditeur dont les
publications ne se distinguent pas généralement par leur caractère religieux,
a eu la pudeur de ne point signer de son nom. C'est la seule chose dont
nous ayons à le louer. On sent un mécontent, peut-être un malheureux,
blessé dans son orgueil, qui ne sait s'en prendre qu'aux autres de ses insuc-
cès, de ses déboires, — devons-nous dire de ses fautes? Il est ridicule dans ses
critiques sur l'éducation dans les grands séminaires, et surtout sur la Société
de Saint-Sulpice, et il est d'une insigne maladresse quand, dans ses obser-
vations sur le droit canonique, il s'appuie de l'autorité de M. Emile OUivier,
« un homme éminent dont le cœur déborde de la lave incandescente d'une
vraie liberté. » R. S. M.
L.'Union des peuples. Paris, Pion, juin 1878, in-8 de 2o p.
L'auteur anonyme de cette brochure propose l'établissement d'un conseil
non politique des nations civilisées formé par les représentants des différents
gouvernements, et qui aurait pour mission de promouvoir les entreprises
intéressant la civilisation tout entière, telles que les grandes voies de com-
munication entre les continents, l'union postale, monétaire et commerciale,
la suppression de la traite et les mesures hygiéniques contre les fléaux,
comme le choléra, etc. Ce conseil devrait s'occuper aussi de la rédaction
du code du droit des gens, et pourrait avec le temps servir à l'arbitrage des
dilférends entre les nations. Notre génération verra-t-elle se réaliser un pa-
reil projet? nous n'avons pas à l'examiner. Qu'il nous suftise de dire que
l'auteur fait une profession très-nette de foi catholique, et que rien dans sa
brochure ne rappelle les projets destructeurs de toutes les nationalités qui
se cachent dans la plupart des congrès et ligues de la paix. X.
— 453 —
IjO Travaiî humain, son analyse, son t'V-oïutîon, par Mkliton
iMartix, ingénieur civil, membre du jury de l'Exposition universelle de
1878. Paris, Guillaumin, 1878, gr. in-18 de xx-vn-368 p. — Prix : 5 fr.
Ce livre est une nouvelle manifestation du besoin de rattacher la science
sociale à la science générale de l'homme et de l'ensciiible des choses, qui
travaille à l'heure présente tous les espiûts ayant une certainr^ firiginalité.
M. Méliton Martin est du nombre ; il est l'auteur, comme nous l'apprend sa
préface, d'un ouvrage en quatre volumes publié en 1863, à Madrid, sous le
titre de Ponos. Le volume que nous avons entre les mains en est heureuse-
ment un résumé très-abrégé.
L'idée fondamentale de M. Martin est que l'homme étant un, il ne faut
jamais séparer en lui les jouissances matérielles des besoins intellectuels et
affectifs : en conséquence, il veut refaire l'économie politique pour y donner,
à la satisfaction des sentiments et des besoins intellectuels, une place que les
économistes ne lui ont pas faite. Il y a du vrai dans sa critique; mais elle
est exagérée et surtout trop générale, car M. Méliton Martin est bien ou-
blieux en écrivant, s'il ne l'a pas été dans ses lectures, en ne mentionnant
point les doctrines sociales qui font partie intégrante de la tradition chré-
tienne, et qui répondent précisément aux desiderata relevés par lui dans
l'économie politique contemporaine.
Mais l'auteur du Po7ios, absorbé par l'effort intellectuel considérable qu'il
à fait individuellement, est tout entier à l'enthousiasme de son eurêka. Le
travail, dit-il, est la grande loi de l'humanité; elle domine l'être collectif,
aussi fatalement que les lois du monde physique, mais en laissant à l'indi-
vidu une élasticité d'action qui constitue la liberté. Le travail amène le
progrès, et le pi'ogrès, à son tour, engendre une morale qui porte l'homme à
dompter ses sentiments par la vue de son intérêt bien entendu : le culte du
devoir se réalise finalement dans les expositions universelles. Nous ne sui-
vrons pas M. Méliton Martin dans les développements qu'il donne à cette
idée et qui remplissent près d'un quart de son volume. On y trouve heu-
reusement autre chose, notamment une analj^se fort judicieuse des conditions
économiques actuelles, des rapports des travailleurs et du capital, de l'utilité
sociale de la richesse. L'homme pratique s'y révèle, et ce n'est pas sans profit
qu'on lira quelques-uns de ses chapitres. X.
Leçons sur la protection des animaux. — Les Quadrupèdes, ani-
maux domestiques, bêtes de somme, animaux carnassiers^ animaux nuisibles,
petits carnassiers et rongeurs, par N. Claddon, instituteur à Vic-sur-Leille
(Lorraine). Paris, P. Dupont, 1878, in-12 de 98 p. — Prix : 1 fr.
Cet ouvrage a été approuvé par la Société protectrice des animaux; il
méritait de l'être. Dans les cent pages dont il se compose, l'auteur, passant
en revue tous les quadrupèdes, d'une façon aussi attrayante qu'instructive,
s'attache à combattre de vieux préjugés, universellement répandus, sur bon
nombre d'entre eux, préjugés qui ont pour résultat de faire disparaître peu à
peu beaucoup d'espèces d'animaux fort utiles. Ce petit traité d'histoire natu-
relle s'adresse aux enfants. Il est fait sous forme de leçons, dans un style
parfaitement approprié au jeune âge. C'est une idée excellente de s'adresser
ainsi à l'enfance. Les fausses notions datent presque toujours de cette époque
de la vie. Il importe donc de dire de bonne heure aux enfants la vérité
sur toutes choses, et de les prémunir contre des erreurs qu'ils entendront
formuler journellement. — Ajoutons que M. Claudou ne manque jamais, en
faisant remarquer les merveilles que l'on découvre dans l'étude de la nature,
de rendre hommage à leur suprême auteur. L. de B.
■ — 4o4 —
Raccolta dî testi latini, tralli daaulori classici cltr istiani. Turin, Ma. -
rietti, 1876 et 1877. — Prix : 60 cent, le volume. — Thom^ Vallaurii
Opem. I, Epitome hùtorix grxcas. 7« édition. Prix : 1 fr. II. Epitome his-
toriieroinanse.Q'' édition. Prix: 1 fr. 50. Augustœ Taurinorum, ex ofiicina
Salesiana, 1878.
A des titres divers, ces opuscules sont un heureux indice de la sollicitude
avec laquelle en Italie, à l'heure présente, les esprits sérieux s'occupent des
questions d'enseignement. Tous ceux qui se rappellent la polémique ar-
dente soulevée, il y a quelque trente ans, par l'emploi des classiques, savent
avec quelle sagesse l'Église, par la liouche du regretté Pie IX, a tranché ce
grand débat : sans enlever aux auteurs de l'antiquité la place qui leur était
assignée depuis plusieurs siècles dans Téducation de la jeunesse, il fallait
leur associer les Pères de l'Église, fréquents modèles d'élégance littéraire, et
en tout cas, sources inépuisables de fortes et religieuses inspirations. L'Italie
catholique n'a pas voulu demeurer sourde à cet appel : de là une série d'é-
ditions, d'un format commode, d'une impression en général irréprochable,
et cependant d'un bon marché surprenant, destinées à répandre tout à la
fois la connaissance des lettres lalims et le goiit de la piété chrétienne.
Les quatre spécimens que j'ai en ce moment sous les yeux se recomman-
dent et par l'habile choix des textes et par d'intelligentes annotations. C'est
tout d'abord une série de récits empruntés aux Actes des martyrs, avec une
assez longue préface sur l'origine, aussi authentique que vénérable, de ce livre
d'or du christianisme naissant; puis des extraits de saint Jérôme, tirés des
Vies de saint Paul, premier ermite, de saint Hilarion, de saint Népotien et
du traité sur les Écrivains ecclésiastiques : ensuite un recueil de morceaux de
saint Cyi^ rien, pris dans ses plus célèbres ou\Tages; enfin, pour montrer
que la religion peut admirablement inspirer la Muse. Juvencus, Lactance,
Victorinus, saint Hilaire, Ausone et saint Paulin ont fourni les éléments
d'un charmant volume de poésies. 11 y a là un modèle et un exemple pour
ceux de nos établissements libres qui ne sont point encore entrés dans cette
voie.
Destinées aux classes élémentaires, les deux compilations de M. Vallauri
ont l'avantage d'offrir aux jeunes élèves un résumé méthodique et complet
de l'histoire grecque et romaine. C'est par ce côté qu'elles l'emportent peut-
être sur deux ouvrages depuis longtemps populaires, le second surtout : je
veux parler de V Epitome de Siret et du De viris illustribits de Lhomond.
Mais pourquoi Fauteur a-t-il complètement négligé l'histoire des lettres, au
moins aussi digne d'attention au collège que celle de la politique ?
C. Huit.
DEstoîre du moyen âge, par le R. P. Padl Mury, S. J. Bruges,
imprimi^rie cla?siqne de Saint-Augustin, 1878, in-16 de iii-379 p.
Tout le monde convient qu'il n'y a rien de plus difficile à faire que de
bons livres classiques. Parmi ces livres, les plus malaisés sont les précis
d'histoire, et, plus que tous les autres, de l'histoire du moyen âge. Comme
on ne peut mettre entre les mains des élèves de gros manuels, aujourd'hui
surtout que leur mémoire est surmenée par les exigences des programmes
universitaires, on est dans la nécessité de se renfermer dans un cadre étroit,
où manquent plus ou moins la clarté, l'ordre et l'intérêt. Or, telles sont pré-
cisément les qualités qui distinguent le livi'e que nous annonçons. En 380
pages d'un modeste format, l'auteur a su exposer, dans un récit simple et
lumineux, plein de vie et de mouvement, l'histoire de onze siècles, « accom-
— 455 —
pagnant les faits, comme il en prend l'ongagement (préface, p. 2), d'un épisode,
d'un trait, d'une parole, et nous ajouterons, d'une citation de grand écri-
vain, qui servent à les graver dans la mémoire des jeunes gens. ï» Cette his-
toire, où rien d'important n'a été omis, est partagée en quatre périodes,
alLint de la dissolution de l'Empire (391), à travers Charlemagne et les croi-
sades, jusqu'à la prise de Constantinople (1453). Nous aurions mieux ainié
que la dernière pério le fût poussée jusqu'à la Réforme -. car là est réelle-
meot la fin du moyen âge. La part de la France, durant toutes ces périodes,
est ce qu'elle doit être dans un ouvrage particulièrement destiné à la jeu-
nesse française. De nombreux tableaux (p. 361-376) donnent la suite chrono-
logique des faits et la succession des souverains en Orient et pn Occident,
d'abord des papes ilont l'autorité domine le moyen âge. Il va sans dire que
le livre, étant sorti de la plume d'un tils de saint Ignace, « a été conçu
dans l'esprit catholique, » et c'est un mérite de plus ajouté à tous les autres.
Aussi les collèges catholiques s'empresseront-ils d'adopter un ouvrage si
propre à faire aimer l'Église et ses institutions : nous ne connaissons pas de
meilleure histoire classique du moyen âge. X.
VARIETES
I
LA LITTÉRATURE FRANÇAISE EN ESPAGNE Cf'n)-
(1874-1878)
PcNsiN (J. N.). Coûtas complet de prestidigitation. Trad. libre par Ricardo
Palenca y Lita, 1874, in-8.
PuNsoN BU Tbrbail. Im, Vengeance (Ï Une femme ouïe pacte de sang. 1876,
in-4. — Un fou de Bedlam. Trad. par Pi-dro Munoz de Quiroga. 1878, 2 vol.
in-8.
Prévost (.l'abbé). Histoire de Manon Lescaut et du chevalier des Grieux.
Trad. par Angel Romeral. 1876, in-8.
Ramière (le P. Henri), S. J. L'Apostolat de la prière. Trad. par le chanoine
José Morgades y Tiili. 3e édit. 1876, in-8.
Rapet (J. J.). Manuel populaire de morale et d" économie politique. Trad. p.r
A. P. Valencia. 1876, in-4.
Raspaii, (F V.). Manuel de la santé, o» édit. 1876, iii-8. — Bibliothèque
de Raspaii ou publication de toutes ses auvrcs médicales et scientifiques. Trad.
sous la direction Je Joaquin Puigferrer. 1877, 'n-4.
Ratisbonne (.Louis). La Comédie enfantine. Trad. par F. Miguel et C. Ba-
rallat. 4' édit. 1877, i..-8.
Raymo.\d (M"* Emeliqe). Une disgrâce à temps. Trad. et arrangée par Ant.
Ca^till i y Guttierez. 1873, in-fol. à 2 col. — L'Héritage de l'oiicle. Trad. et
arrangée par le même. 1875, in-fol. à 2 col. — Ur^ femme élégante. Id., 1875,
in-fol. à 2 col.
Renax (Ernest). Dialogues philosophiques. Trad. par A. R. Chaves. 1876,
in-8. — Fragments philosophiques. Trad. par Chaves y Orgaz. 1877, iu-8.
Revoil (B. Ë.). Drames du nouveau monde. — L'Ange des prairies. Trad. et
arrangé par Telesfoio Corada. 1878, in-8.
Riant (A.). Leçons d'hygiène privée et publique. 2^ édit. 1876, in-4.
— 436 —
RiBOT (Th.). La Psycholoc/ie anglaise contemporaine. Trad. avec appendice
par Mariano Ares. 1877,2 vol. in-8.
Richard. Le Magicien des salons ou le diable couleur de rose. Trad. libre par
Juan Traver de BaviSy. i87y, in-8.
RicHÊT (G.). Les Poisons de l'intelligence. Trad. par Manuel de Tolosa y
Latour. 1878, in-8.
Roger (A.). Voyage sous-marin. Aventures extraordinaires du docteur
Trinitus. Trad, par F. N. Nouvelle édit. 1878, in-8.
Roux-Ferrand (Hippolyte). Ni plus, ni moins. Trad. par Telesforo Corada.
187fi, in-8.
RuLHiKRE (M.). Histoire de la révolution de Russie en 1762. Trad. par Jude.
rias Bender. 1878, in-8.
Saint-Pierre (Camille). Des remèdes incompatibles au point de vue de l'art
des ordonnances. Trad. par Marceline Gesta y Leceta. 1875, in-4.
Saint-Vel (0.) Hygiène des Européens dans les climats tropicaux. Trad. par
J. Jauregiii et J. Saenz Criado. 1877, in-8.
Saint-Vincent (A. C. dej. Nouvelle médecine des familles à la ville et à la
campagne. Trad. par José Saenz y Criado. 1877, in-8.
Sand (George). Le Secrétaire intime. Trad. par le vicomte de San Javier.
1876, in-4. -- La Coupe. 1877, in-8.
ScHERER. Histoire du commerce de toutes les nations. 1874, 2 vol. in-4.
Scribe (Eugène). Maurice. Trad. libre par Natalio R. Padilla. 1877, in-8.
— Le Prix de la vie. 1877, in-8.
Ségur (Mê*" de). Les Merveilles de Lourdes. Trad. par José Sarda. 1874, in-8.
— La grande question du jour. La Liberté. Trad. par A. G. F. 2* édit. 1874.
in-8. — L'Enfer. Tra.d. par Antonio de Valbuena. 1877, in-8. — La foi de-
vant la science moderne. Trad. par F. L. Obiols. 2" édit. 1878, in-8.
Simonin (L.). Le Monde souterrain, d'après L. Simonin. Trad. par Florencio
Janér, avec des notes sur l'Espagne. 1874, in-8.
Sonrel (L.). Le Fond de V Océan, d'après L. Sonrel. Trad. par G. R. y N.
187:;, in-8.
SouBEiRAN (J, L.). Nouveau dictionnaire des falsifications et altérations des
aliments. Trad., augm. et annotée par J. R, Gomez Pamo. 1876, in-4.
Souvestre (Emile). Le Monde tel qu'il sera en l'an 3000. Trad. par F. N.
1876, in-8.
TiBERGHiEN (Guillaume), belge. ^Enseignement obligatoire. Trad. par Her-
ménégilde Ginér. 1874, in-8. — Introduction à la philosophie. Trad. par
Vicente Pino y Vilanova, précédé d'un prologue par Facnndo de los Rios y
Portilla. 187o, in-4. — Les Commandements de V humanité ou la vie morale.
Trad. par Alejo Garcia Moreno. 1875, in-8. — Essai théorique et historique sur
la génération des connaissances humaines. Trad. par A. Garcia Moreno. 1875,
4 vol. in-8. — Études sur la philosophie. Trad. par A. Garcia Moreno,
187S, in-8.
TissoT (J.). Logique de Kant. Trad. par Alejo Garcia Moreno. 1875, in-8. —
Métaphysique de Kant. Trad. par Juan Una. 1876, in-8.
TissoT (Simon-André). L'Onanisme. Trad. avec notes par Manuel M. Car-
reras Sanchis. 1877, in-4.
Torné-Chavigny (l'ab.). Prophéties de Nostradamus selon les commentaires de
H. Thorné-Chavigny . Trad. par Victor Rossello. 1878, in-8.
TouRTODLON (Ch. de). Don Jaime 1" le Conquérant. 2e édit. 1874, 2 v. in-4.
Ulbach (Louis). Les Fils de Vadullère. Trad. par E. H. y F. 1875. in-8.
— 4o7 —
Venette (M.), i'emiiire de l'amour conjugal. Trad. de la 87'' édition par
Demetrio San Martin. 187o, in-8.
Verne (Jules). Le Docteur Ox. Trad. par Vicente Guimerâ. i875, in-4. —
les Excursions aérostatiques, Trad. par Felipe de Burgos. 1875, in-foi. — Le
Tour du monde en huit jours. Trad. par Vicente Guimerâ. 1875, in-4. —
Histoire des grands voyages et des grands voyageurs. 1875, in-8. — Un hiver-
nage au milieu des glaces. Trad. par Vicente Guimerâ. 187o, in-fol. —
Maître Zacharias. — Un drame dans les airs. Trad. par Vicente Guimerâ.
1875, in-fol. à 2 col. — Le Chancellor. Trad. par Manuel Etranda y Sanjuan.
1875, in-fol. à 2 col. — L'Ile mystérieuse. Trad. par F. N. 1875, 2 vol. in-8.
— Michel Strogaff. Trad. par Nemesio Fernandez Cuesta. 1870. in-8. — Le
Pays des cuirs. Trad. par Vicente Guimerâ. 1876, in-4 à 2 col. — Un drame
de l'indépendance du Mexique. \%1Ç>, in-H. — Les Indes noires. Trad. par F,
Picatoste. 1877, in-fol. à 2 col. — Hector Servadac. Trad. par N. F. Cuesta.
1877, in-4. à 2 col.
Véron (Pierre). Le nouvel art d'aimer . Trad. par TelesforoCorada. 1877, in-S.
Vjal (J.). Histoire abrégée des campagnes modernes. Guerres de Bohème et
d'Italie en 1866.1877, in-8. — Guerre franco- allemande de 1870-71. Trad.
avec prologue et notes par Arturo Cotarelo. 1878, in-8.
ViLLEFRANCHE (J. M.). Pie IX, stt vic et son siècle. Trad. par Juan Ant. Almela
et José Tora. 1877, in-4.
Villeneuve (E.). Êpagathus ou les martyrs de Lyon. Trad. par J. J. U.
1877, in-8.
Vincent (Ch.) et David (R. G.). Le Chasseur de bandits. Trad. par E. H. y F.
1875, in-8.
Vivien DE Saint-Martin. Histoire de la géographie. Trad. et annotée par
Manuel Sales y Ferré. 1878, 2 vol. in-8.
Wallut(C.). Grandeur et décadence d'un oasis. Trad. par Fr. Macente.
1875, in-fol. à 2 col; X.
II '
BIBLIOGRAPHIE DES NOELS (1).
L'infatigable Quérard, mort en 1865, a laissé, on le sait, de vastes travaux
consacrés à la science des livres; la France littéraire (1827-1842, 10 vol. ; tomes
XI et XII, 1854-1862); les Supercheries littéraires dévoilées, 1845-53, 5 vol.
in-8 (2\ d'autres publications non achevées, attestent un dévouement qui ne
se démentit jamais; il avait entrepris une œuvre gigantesque, VEncyclopédie
du bibliothécaire; il n'a pu en faire paraître que le prospectus. Conçu sur
un plan trop vaste, cet immense répertoire ne saurait être publié en en-
tier; d'ailleurs, par la force des choses, il devient de plus en plus incomplet.
L'auteur en avait détaché quelques articles {La Roumanie., Maral, Marie-
Antoinette) qu'il a insérés dans un journal auquel il avait donné son nom,
mais dont il n'a paru que deux volumes (1855-1856).
Acquéreur des papiers inédits de Quérard, nous n'avons pas voulu laisser
(1) Ce ti'avail est extrait de VEncyclopédie (inédite) du Bibliothécaire, par M. .1. M. Oué-
rard.
(2) Pne seconde édition, fort augmentée, de ce curieux travail, revu par MM. P. Jau-
net et G. Brunet, a paru à la librairie Daffis. 1869-1871, I! vol. in-8.
— i58 —
perdre en entier les résultats de ses longues recherches; les notes que nous
avons trouvées sur les livres perdus et sur les livres à clef nous ont fourni la
base de deux publications qui ont vu le jour en 1873.
Profitant de l'hospitalité que veut bien nous accorder le Polijbiblion, nous
reproduirons les notes que Quérard avait recueillies sur les Noëls, en les
complétanl sur quelques points; ce travail ne saurait prétendre à être com-
plet; nous espérons cependant qu'il offrira quelque intérêt; c'est la première
fois, ce no is semble, que ce sujet est abordé.
iNous sortirions des limites que nous devons nous prescrire si nous voulions
envisager le noël au point de vue littéraire : disons seulement que, sans pré-
tendre au mérite poétique, il offre souvent une naïveté pleine de charme.
Il h'expj'ime maintes fois en dialecte vulgaire, puisqu'il est surtout ré-
pandu parmi les populations rurales et illettrées; à ce point de vue, il offre de
précieux éléments pour l'étude des patois qui disparaissent de plus en plus et
qui offrent taut de ressources à des recherches sérieuses de linguistique.
Il n'est pas rare de trouver le noël formé du mélange de deux idiomes dif-
férents; empruntons, à cet égard, quelques lignes à im article de M. Ferdi-
nand Denis, inséré dans la Revue de Paris :
a Q ^elquefois, quand le noël était chanté au fond de quelque province
reculée, c'était le patois populaire qui servait à l'expi'ession du langage de
la terre, des pensées des pauvres berger?, tandis que le français des villes se
trouvait être un langage intermédiaire que les anges parlaient aux hommes.
En voici un exemple plein de naïveté, en patois fran :-comtois :
Pauvres pasteurs, quittez vos bergeries,
Et venez voir votre Dieu, votre roi ;
Tous vos moutons paîtront dans ces prairies.
En sûreté, partez et s»ivez-raoi.
Malgré l'envie,
La jalousie,
De Lucifer, il nous appelle à lui,
LES PASTEURS.
Nous ne sçant pas ce que vous nous veut dire,
Les pouvre gens ne vont pas chez leu roi.
Messieurs, messieurs, de nous vous veulez rire,
Et d'y entra nous n'ont pas le pouvoi.
Et nous guenilles
Et nous mandrilles,
Ne peuvent pas lougié desous son toit.
On devine aisément ce que répond l'ange, et avec quel sentiment de reli-
gieuse béatitude les pauvres bergers pénètrent dans l'étable qu'illumine de
sa splendeur le Dieu enfant.
Dès le onzième siècle, on trouve des noëls; d'antiques manuscrits en con-
tiennent, et les compositions latines qui rentrent dans ce genre de composi-
tions ne sont pas rares au moyen âge.
Les recueils de noëls étant destinés à un public qui a peu de soin des livres
qu'il achète, il s'ensuit que toutes les éditions anciennes sont devenues
très rares et d'un grand prix; parmi les impressions du siècle dernier, il en
est qu'on aurait beaucoup de peine à se procurer.
Quérard se proposait de signaler, indépendamment des recueils de noëls,
les auteurs qui ont abordé ce sujet; miis il n'eut pas le temps d'exécuter son
— 4o9 —
intention. Bornons-nous à mentionner le Grand Dictionnaire universel du dix-
neuvième siècle, publié par Larousse (tome XI, 1047; un noël est transcrit avec la
musique notée), et V Intermédiaire, journal des curieux (t. IV, col. 189 et 221).
Il y a quelque temps, M^f Pelletier, chapelain de S. S. et chanoine de
rÉglise d'Orléans, a publié une série d'articles sur la ou les Bibles des noëls.
Ces articles ont paru dans la Semaine du Clergé, recueil publié par l'éditeur
Louis Vives .
Alsenois (le comte d'). Cantiques du iwemier advenement de Jesus-Christ.
Paris, veuve Maurice La Porte, 1353, petit in-8, avec les airs notés. L'auteur
est Nicolas Denisot qui, tout comme Rabelais, Tabourot, Noël du Fail, Guil-
laume des Autelz et bien d'autres, eut recours à l'anagramme, afin de dissi-
muler son nom. Il y a treize cantiques dans ce petit volume, fort rare et re-
cherché; de beaux exemplaires ont été payés 72 fr., vente Nodier; 6 liv. st.
6 sh., Libri en 1862 ; et jusqu'à 200 fr., vente Decq. Une jolie réimpression,
due aux soins de M. de Clinchamps, et tirée à oO exemplaires seulement, a
été imprimée au Mans en 1847, petit in-8. — Ces noéls, parfois obscurs, pré-
sentent çà et là quelques traits heureux, quelques touches fortes ou naïves.
Les airs sont ceux de chansons profanes de l'époque :
iVoé7 sur le chant : Nous irons tousiours,
Coucher sans chandelle, sans lanterne,
Noël sur le chant : Commère il m'y fault,
Ung servant, qui sache bien tout faire.
Andichox (Henri d'), ci-devant curé d'Aucanville. Noëls choisis, corrigés,
augmentés et nouvellement comjyosés sur les airs les plus agréables. Pau, G.
Dagné, s. d., in-12, 1 f^ et 65 pages.
Aneau (Barthélémy). Chant natal C07ïte7iant sept noelz, ung chant pastoural
et ung chant royal aucc ung mystère de la nativité par personnages. Lugduni,
S. Gryphius, in-4, 1339, 16 f'^ — Livret très-rare et fort précieux. Un bel
exemplaire, qui avait été payé 286 francs à la vente Yéméniz en 1869, a été
adjugé à 735 francs à celle de M. L. de M., en 1876.
Amul (J. F.), La Lyre de Judée, ou recueil de nouveaux noëls provençaux et
français. Nyons, L. Gros, 1860, pet. in-8.
Belamy (F.). Recueil de noëls anciens en imtois de Besançon, nouvelle édi-
tion, corrigée et augmentée de notes explicatives et historiques. Besançon,
Bintot, 1849, in-12. Recueil bien fait, contenant les noëls du Père Christin
Prost, capucin, mort en 1696, et ceux de François Gauthier.
BucHON (Max.). Salins-les-Bains , ses eaux minérales et ses oiviroï^s. Lons-le-
Saulnier, Gauthier, 1862, in-12. Un noël en patois de Salins, p. 10-13.
Cantiques de l'âme dévote. Marseille, 1708, in-12^ H y ^^ divers noëls dans ce
recueil, très-souveot réimprimé à Marseille et dans le midi de la France, et qui
est l'œuvre d'un prêtre du diocèse de Toulon, Laurent Durand, lequel vivait
au seizième siècle. Les éditions modernes ont en partie défiguré le texte ori-
ginal, maladroitement retouché ; celle donnée en 1856 {Périsse frères), ne con-
serve nullement la physionomie primitive.
Cantiques de noelz anciens les mieux faicts et les plus requis du commun
peuple. Le Mans, Gervais Olivier, s. d. (fin du seizième siècle), pet. in-8,
goth., 30 p. Un bel exemplaire, 150 fr., vente de M. le baron J. Pichon,
en 1869.
Cantiques sur la naissance de Notre-Seig7ieur Jésus-Christ. Lyon, 1757, in-12.
Chancons joyeuses de Noël très doulces et récréatives. S. 1, n. d. pet. in-8,
goth., 8 f*', 260 fr,, vente de M. le baron J. Pichon.
— im —
Ghantzons sainctes pour vous esbattre,
Elegantement exposées.
Par ung prisonnier composées
Cest an mil cinq cent vingt et quatre.
J. D.(Jeaii Daniel), organiste. S'ensuyvent plusieurs (six) Noélz nouveaulx.
S. 1. n. d. (vers IKOO), pet. ia-8, 8 f'^; 260 fr., même vente.
Chansons spirituelles et autres poésies dédiées à la naissance de Jésus-Christ
et à sa gloire par le plus indigne de ses serviteurs. Lyon, Ant. Molin,
M.DC.LIII, in-8.
Chants de cantiques et no'êls avec la musique notée. Paris, Ballard, 1705,in-8.
Choix de noïis anciens et nouveaux françois et gascons. Bayonne, veuve La-
maignères, s. d., in-12. Réimpression du ren.ueil publié en 1845 sous le
titre de Fleur des noëls (voir ce mot).
Dictionnaire des noëls et des cantiques, Paris, Migne, 1867. grand in-8, vi;
et 1439 colonnes. Ce volume forme le tome LXIII de la troisième Encyclo-
pédie théologique; sa rédaction est due à M. Perennès.
Etcheverry (Jean d'), prêtre. Noëls en langue basque. Voir un article
de J. Vinson, Bulletin du bouquiniste (Paris, Aubry), 15 août 1877.
Etcbeverry vivait au commencement du dix-septième siècle; la première
édition de ces noëls n'a pas été retrouvée; il en existe plusieurs, imprimées
à Bayonne sans date. La plus ancienne qui soit bien connue est celle de
1645, imprimée à Bordeaux [Bordelen, Guillen Milanges), petit in-8, 251 pag.;
Noelai etaberie canta espiritual, etc. Autres éditions : Bayonan., Maffre, 1669,
in-8, 240 pag.; Bayonan, Fauvet, s. d. in-8, 250 p.; Ibid. Id. s. d. 240 p.\ibid.
id. 230 pages. M. Vinson ajoute que le Britisli Muséum est la seule biblio-
thèque qui possède des exemplaires de ce recueil fort rare; sur les six édi-
tions connues, le Muséum en conserve Irois. La riche collection du prince
Louis-Lucien Bonaparte renferme aussi des exemplaires des Noelai.
Fleur (la) des noëls nouveaux (s. /. ni d.), iQ-12 (Cat. de la bibliothèque lyon-
naise de M. Coste).
Grande [la) Bible des noëls vieux et 7iouveaux. Nancy, F. Messin, s. d.,
in-12, 80 et 84 pages.
Grande Bible des noëls. Tours, veuve Poinsot, 1673, in-12.
Grande (la) Bible des noëls de la nativité de Jésus-Christ, augmentée de plu-
sieurs beaux noëls nouveaux. Tours, Mame, s. d., in-12, 179 pages.
Grande (la) Bible des noëls angevins. Angers, 1808, in-12.
Grande Bible renouvelée des noëls nouveaux. Troyes, s. d., 2 tomes ia-12.
Grande [la] Bible d.es noëls tant anciens que nouveaux composés en Vhonneur
de la nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la Vierge Marie, Angers,
1602, in-8, caractères gothiques.
Grands [les) Noelz nouveaulx, composez sur plusieurs chansons tant vieilles
que nouvelles, en françoys, en poytsevin et en escossois. (A la fin : On les vend a
Paris... Jaque Nyverd, s. d., petit in-8, goth. de 24 f*^. 320 francs; vente Pi-
hon, 661 .
Grosjean (P.), organiste de la cathédrale de Saint-Dié. Airs des noëls lor-
rains, recueillis et publiés par — . Sainl-Dié, 1863, in-8,
Hoffmann (Francis), A Christmas Carol on Peko-Tea. London, 1720, in-S,
16 p. L'auteur de cet opuscule, dédié à la reine Caroline, expxnme la pensée
que ces vers auront toute la bonté du thé le plus parfait et qu'ils seront tou-
jours en faveur, d'un jour de noël à l'autre. L'idée est bizarre.
Jouve (L.) Noëls patois anciens et nouveaux, chantés dans la Meurthe et dans
les Vosges, recueillis, publiés etannotéspar — . Paris, Firmin-Didot, 1869, in-12.
— 461 —
Lambert (Babat), curât de Sant-Gervasi. Dctclen. Pouèmo en nouvé prouven-
t'flu. Obro postumo (avec une introduction par le P. G. Bouffier et traduc-
duction littérale}. Avignon, Aubanel, 1872, in-8, xi-643 p.
La Monnoye (Bernard de). Hioei tû novea, ai Dijon chi Jan Resayre, 1701,
in-i2, 90 pages. C'est l'édition originale de ces célèbres noëls en patois bour-
guignon, souvent réimprimés. Nous n'avons pas à nous en occuper puis-
qu'ils sortent du cadre des noëls religieux, les seuls que nous envisageons
ici; on trouvera d'ailleurs d'amples renseignements à leur égard dans le Ma-
nuel du Libraire de J. Ch. Brunet, 5e édit., au mot La Monnoye, et dans
l'Histoire de r idiome bourguignon, par M. Mignard. Voij: aussi Nodier, Mé-
langes extraits d'une petite bibliothèque, 1828, p. i'62 et suiv.
Langardière (de). La Bible des nocls, 1863, in-12. Recueil intéressant.
Le Houx (J.). Noëls virais, publiés pour la première fois avec une introduc-
tion et des notes par Armand Gasté, d'après un manuscrit de la bibliothèque
de Caen. Caen, 1861, in-8, xviii et 73 p.
Le Moigne. S'en suivent plusieurs chansons de noëls. Nouelz nouveaulx, Paris,
1320, pet. iu-8, goth., 63 P. L'auteur était curé de Saint-Georges du Puy-
la-Garde, en Poitou. Ce volume, où se montre une grande naïveté, est d'une
rareté extrême ; un exemplaire fait partie de la belle bibliothèque de M. Ci-
gongne, achetée en bloc par Mgi' le duc d'Aumale (catalogue, n° 1284). La So-
ciété des bibliophiles français en a donné une édition nouvelle (Paris, La-
hure, 1860, in-16, xvi et 172p.); elle n'a été tirée qu'à 36 exemplaires;
on y a joint les noëls composés (vers lo24), par les prisonniers de la Con-
ciergerie et deux autres tirés du Recueil des noëls du plat d'ai'gent.
Leroy (Toussaint), chanoine du Mans. Cantiques de noels nouveaux. Au
Mans, F. Olivier, ]-379, pet. in-8; 1605, pet. in-8. Ces deux éditions sont
devenues d'une extrême rareté.
Lucifar prijn au baytan, par J.-B.-F.-D. L. C. (Foulon de la Chartre, cha-
noine de Saint-Etienne de Dijon, mort en 1663). Ses noëls, imprimés en
1666(5i)'o/!, .7. Grangics), sont devenus extrêmement rares. M. Fertiault en
a reproduit dans son édition des noëls de La Monnoye, p. 232.
Macée (Claude). Pastorale sur la naissancede Jésus-Christ. Saint-Malo, 1805-
1819, in-12. On trouve vingt noëls à la fin de ce volume.
Martin (Nicolas), musicien à Saint-Jean de Maurienne, en Savoie. Noël z et
chansons nouvellement composez tant en vulgaire françoys que savoisien dict
patois. Lyon, Macé-Bonhomme, 1336, pet. in-8, 104 p. Ce petit volume,
d'une rareté extrême, contient la musique notée. Un exemplaire se trouva
dans une vente faite à Paris en 1836, de livres ayant appartenu à un célèbre
bibliophile anglais, Richard Heber(voir \e Ma7iuct du Libraire):, il fut adjugé
à 120 fr.; c'est probablement le môme que celui qui figure au n" 17231
de la Bibliothèque lyonnaise de M. Coste, acquise par la ville de Lyon. Le
catalogue de cette très-importanle collection, rédigé avec le plus grand soin
par M. Vingtrinier, forme un volume grand in-8 de vu et 769 p. à deux
colonnes ; il contient 18,641 articles. Ne serait-il pas bien désirable qu'il
existât dans le même genre des bibliothèques marseillaise, bordelaise, tou-
lousaine ?...
Matthieu, choriste dans la Confrérie des pénitents blancs . Nouveau recueil
de noëls. Avignon, Seguin (vers 1816), in-12.
[A suivi^e). Gustave Bri_x:t.
— i62 —
CHRONIQUE
Nécrologie. — Ms"" Félix-Antoine-Philippe Dupanloup, évêque d'Orléans,
membre du Sénat et de l'Académie française, né le 3 janvier 1802, à Saint-
Félix, en Savoie, est mort le 11 octobre, au château de la Combe de Laneey
(Isère). Il lit ses études littéraires et théologiques à Paris, aux séminaires de
Saint-Nicolas et de Saint-Sulpice. Ordonné prêtre en 1825, il fut attaché à la
paroisse de l'Assomption. Il y Ut des catéchismes où brillèrent les premières
lueurs d'un talent destiné à jeter un si vif éclat. Les dons particuliers qu'il
avait reçus pour l'enseignement se déployèrent ensuite au petit séminaire de
Paris, à la tête duquel il fut placé à deux reprises, comme préfet des études
(1834), et comme supérieur (1837). Ses qualités oratoires se révélaient à la
même époque dans la chaire de Notre-Dame (1834), et dans la chaire de
Saint-Roch (1836 et 1837). Ce fut lui qui, au mois de mai 1838, fut appelé
au lit de mort de M. de Talleyrand. Grand vicaire, puis chanoine titulaire
de l'Église de Paris, il occupa aussi un moment la chaire d'éloquence sacrée
à laSorbonne (1841). Il prit part aux grandes luttes pour la liberté de l'en-
seignement, qu'il contribua singulièrement à faire triompher; pour
l'instruction secondaire, après les événements de 1848, comme membre
de la commission instituée au ministère de Finstruction publique et
par qui fut esquissée la loi du 15 mars 1837. Nommé évêque d'Orléans
le G avril 1849, il fut préconisé à Portici le 28 septembre, et sacré à Paris
le 9 décembre de la même année. Cette situation nouvelle ne l'enleva point
aux luttes d'intérêt général, qui sont plus que jamais, en ce siècle troublé,
la vie de l'Église et l'honneur de ses enfants. Parmi les nombreuses polé-
miques auxquelles il prit part avec un zèle infatigable et un talent d'écri-
vain, dont ses adversaires sentirent rudement l'énergie, il faut citer sur-
tout les combats qu'il livra, sous le second Empire, pour la défense du
pouvoir temporel du Saint-Siège, et contre l'invasion du matérialisme et de
l'athéisme doctrinal, ce tléau des esprits de notre temps. Durant la guerre
de 1870, il tint dans Orléans une conduite vraiment épiscopale et vraiment
française. Envoyé à l'Assemblée nationale par les électeurs du Loiret, il y livra
et y soutint, en 187o, la bataille à jamais mémorable, par laquelle, complétant
le succès de 1850, il conquit la liberté de l'enseigocment supérieur, qu'il
défendit ensuite contre le retour oÛensif des adversaires de cette liberté,
dans la discussion qui eut lieu en 1877 au Sénat, dont il était devenu membre
inamovible. Membre de FAcadémie fi'ançaise depuis le mois de ir,ai 1834, il
donna, lors de l'élection de M. Littré, sa démission, que la compagnie n'accepta
point. Sa dernière bataille, livrée à l'occasion du centenaire de Voltaire, fut la
dernière victoire, et non la moins éclatante, d'une vie si orageuse et si féconde.
Ses principales préoccupations, en-dehors des combats que nous venons de
rappeler, furent les questions théoriques et pratiques d'enseignement se-
condaire et supérieur, pour lesquelles il semblait avoir retrouvé le génie de
Fénelon; et le culte qu'il avait voué à la mémoire de Jeanne d'Arc, dont il
a fait à deux repri-^es l'éloquent panégyrique, et dont il avait entrepris de
faire proclamer la sainteté. Mais rien de ce qui touchait aux choses de
l'esprit, surtout dans leur rapport avec la religion et la société menacées, ne
lui était étranger. Personne n'a compris mieux que loi l'importance des
œuvres de préservation, de propagande, de charité intellectuelle. Aussi
ful-il l'un des premiers et des plus chaleureux; patrons, l'un des amis les
plus efficaces de la Société Bibliographique, qui avait l'honneur de le
— 4B3 —
compter parmi se? membres titulaires Écrivain, orateur, avant tout polé-
miste, capitaine et soldat au service de Jésus-Christ ef de son Église, ayant
cet élan des âmes guerrières, qui parfois enti-aîne à des erreurs, mais qui
est si puissant pour enlever d'assaut le bien, en une époque tourmentée,
Mgr Dupanloup n'était pas sans ressemblance avec quelqu'un de ces grands
évêques du quatrième et du cinquième siècle, qui maintinrent, debou
au milieu des ruines, comme le signe d'un prochain et meilleur avenir, la
Croix, à l'ombre de laquelle allaient se ranger de nouveaux et nombreux
enfants.
Voici la nomenclature, aussi complète que possible, des œuvres de Mg*" l'é-
vêque d'Orléans, que nous avons classées en quatre séries : Livres, Lettres,
Discours, M-andeme.nts.
— LivTiEs : La Chapelle Saint-Hyacinthe, Souvenirs des catéchismes de la
Madeleine, recueillis par un ancien disciple de Mg'' l'évêque d'Orléans, 1825-
1835. Instructions, Homélies, Sermons, etc. (1872, 2 vol. in-18); — Évangiles
choisis pour tous les jours de Vannée, avec notes, etc. (1831 , in-18) ; — Manuel
des catéchismes (1832, in-12; 30« édition en 1858 ); — Exposition des princi-
pales vérités de la foi catholique (1832, 2 vol. in-18), composée d'extraits de
Fénelon (nouv. édit on, 1870, in-8); — Evangiles des dimanches et fêtes de
Vannée il83o, in-18); — La Journée du chrétien, conseils choisis d'après
Bossuet (1838, in-18); — La vraie et solide vie sacerdotale, recueillie des ou-
vrages de Fénelon (1838, in-8); — Méthode générale de catéchisme, recueillie
des ouvrages des Pères et des Docteurs de l'Église,... depuis saint Augustin
jusqu'à nos jours... (1839, 2 vol. in-8; 2' édit., 1861, 3 vol. in-12); — Élé-
ments de rhétorique sacrée, d'après Fénelon (1841, in-12); — Manuel des
petits séminaires et des maisons d'éducation chrétienne (1843, in-18; 13* édi-
tion, 1876); — Le Christianisme présenté aux hommes du monde, d'après
Fénelon (1844, 6 vol. in-8, 8 éditions); — De la pacification religieuse, etc.
(184o, in-8, 2 éditions); — Bu nouveau projet de loi sur la liberté de Vensei-
gnement, etc. (1847, in-12) ; — De laliberté d'enseignement, état de la question
(1847, in-12); — Delà souveraineté temporelle du Pape (1849, in-8 et in-12);
— De Véducation (1830-1857-1862, 3 vol. in-8 et in-12. T. P% De l'édu-
cation; tome II, De l'autorité et du respect dans l'éducation; tome IIF, Les
hommes d'éducation; — De la haute éducation intellectuelle (1855-1857,
3 vol. in-8 et in-12. Tome I„, Les Humanités; tome II, L'Histoire, la Philo-
sophie et les Sciences; tome III, Lettres aux hommes du monde sur les études
qui leur conviennent); — Programme pour les études du clergé (1856, in-8); —
Instruction et règlements sur les études ecclésiastiques (1856, in-12); —
La Souveraineté pontificale, selon le droit catholique et le droit européen
(1860, in-8); — La Brochure, le Pape et le Congrès. Lettre à un catho-
lique (1860, in-8); — Défense de la liberté de VÉglise (1861,2 vol. in-8)
— Les Sociétés de charité, les Francs-Maçons et la circulaire du 16 octobre
1861 (1861, in-8); — Souvenirs de Rome, offerts au clergé de son diocèse
(1862,in-8); — Avertissement à la jeunesse et aux pères de famille sur les attaques
dirigées contre la religion (1863, in-8); — La Charité chrétienne et ses œuvres
(1863, in-8); — Réponse à la prière adressée par M . E. Quinet au clergé catho-
lique en faveur de la Pologne (1863, in-8); — Le Catéchisme chrétien, ou
Exposé de la doctrine de Jésus-Christ offert aux hommes du monde (1865,
in-8); — La Convention du 15 septembre et V Encyclique du 8 décembre
(1863, in-8); — Quelques conseils à un jeune militaire (1865, in-8); — Entre-
tiens sur la prédication populaire (1866, in-8); — L'Athéisme et le Péril
social (1866, in-8); — Femmes savantes et femmes studieuses (1867, in-8); —
— i()i —
Les Alarmes de l'épiscopat jusUfices par les faits, . . (18(38, in-8); — La LiberU:
de renseignement supérieur (18G8, in-8); — L'CEuvre par excellence ou En-
Ircliens sur le calichisme (1809, in-8); — Histoire de N.-S. Jésus-Christ
(1869, in-4, et 4871, in-8); — VEnfant (1869, in-16; 2* édition, 1874); —
Le Mariage chrétien (1869, in-8; 4' édition, 187o); — La Femme studieuse
(1869, in-16; 3^ édition i874) ; — Conseils aux jeunes geyis sur l'étude de
l'histoire; — Idem sur l'étude de la philosophie (1872, in-12); — L'Election de
M. Littré à l'Académie française, suivi d'une réponse au Journal des Débats
(1872, in-8); — Quelques mots sur l'instruction primaire en Prusse (1872,
in-8) ; — Du dimanche (1873, in-12) ; — Etude sur la franc-maçonnerie (1873,
in-8). — Où allons-nous? (1876, in-8 et in-18) ; — Lettres sur l'éducation des
filles et sur les études qui conviennent aux femmes dans le monde^ auxquelles
il mettait la dernière main quand la mort est venue le frapper. (T. 1, in-8;
t. Il, sous presse); — Pensées de Leibniz] — Pensées de Bacon, Kepler,, etc.,
avec une introduction (1870, in-8).
Lettres : Lettres à M. le duc de Broglie, rapporteur du projet de loi relatif
à l'instruction publique (1844, in-8); Seconde lettre à M. te duc de Broglie
(1844, in-8); — Lettres sur l'éducation particulière (18ol, in-8): — Lettre
sur l'emploi des auteurs profanes, grecs et latins, dans l'enseignement clas-
sique ; mandement au sujet des attaques dirigées contre les instruc-
tions relatives au choix des auteurs pour l'enseignement classique dans
les séminaires (1852, in-18); — Lettre à un catholique sur le démembre-
ment dont les États pontificaux sont menacés (1860, in-8) ; — Lettre à M. Grand-
guiïlot, rédacteur en chef du Constitutionnel (1860, in-8) ; — Lettre à M. le
baron Molroguier (1860, in-8); — Lettre à M. le vicomte de la Guéronnicre,
en réponse à la brochure: la France, Rome et l'Italie (1861, in-8); —
Lettre de Mgr l'évéque d'Orléans au clergé de son diocèse, sur l'esclavage (1862,
in-8); — Lettre demandant une quête générale en faveur des pauvres ouvriers
rouennais. (1863, in-8); — Lettre à un membre de l'Académie de Sainte-Croix
sur les études qui peuvent convenir aux loisirs d'un homme du monde (1863,
in-S; — Lettre sur l'étude du droit (1865, in-8); — Lettre pastorale sur les
malhexirs et les signes du temps (1866, in-8); — Lettres sur l'élude de la reli-
gion (1866, in-8); — Lettre à M. Ratazzi, président du conseil des ministres
du roi d'Italie, sur les entreprises de Garibaldi (1867, in-8); — M. Duruy et
l'éducation des filles, lettre k un de ses collègues (1867, in-8) ; — Seconde
lettre sur M. Duruy et sur l'éducation des filles (1867, in-8); — Lettres au
clergé et aux fidèles de son diocèse, à l'occasion des fêtes de Rome et pour
leur annoncer le futur concile œcuménique (1867, in-8); — La Femme chré-
tienne et française. Dernière réponse à M. Duruy, et à ses défenseurs (1868,
in-8); — Lettre sur le futur concile œcuménique (1868, in-8); — Lettre au
clergé de son diocèse relativement à la définition de V infaillibilité au prochain
concile (1869. in-8); — Lettre aux prêtres de son diocèse pour leur donner
communication de son avertissement à M.. Louis Veuillot (1869, in-8) ; — Ré-
ponse à Mgr Manning, archevêque de Westminster (1869, in-8); — Réponse
à Mgr Deschamps, archevêque de Matines (1870, in-8); — Répoiise à Mgr
Spalding (1870, in-8); — Lettre à un homme politique, à propos de la guerre
actuelle (1870, in-8); — Lettre sur les prochaines élections. Du devoir des
honnêtes gens dans les élections (1871, in-8); — Lettre à M. Gambetta
(1872, in-8); — Lettre au clergé de son diocèse relative à la souscription natio-
nale pour la libération du territoire (1872, in-8); — Lettre à son clergé rela-
tive à la collation des grades théologiques dans le diocèse d'Orléans (1872, in-8);
— Lettre (seconde), aux professeurs et supérieurs des petits séminaires sur
la circulaire de M. le Ministre de l'instruction publique, relative à l'enseigne-
ment secondaire (1873, in-8); — Lettre à M. Minghetti, ministre des finances
du roi Victor-Emmanuel, sur la spoliation de l'Église à Rome et en Italie
(1874, in-8) ; — Lettres à un père de famille sur le volontariat d'un an (1874,
in-8); — Lettre sur les élections (1877, in-8); — Le journal le Monde avait
reçu et publié, depuis plusieurs années, des Lettres de l'infatigable évêque,
où l'on retrouvera l'écho de toutes nos agitations contemporaines ; il en in-
dique les sujets en ces termes : Le Péril actuel dit Saint-Siège (1867); — Sur
la mort du cardinal Altieri (1867); — Sur les écoles secondaires de filles
qu'on se propose d'établir {iSQl); — Sur une ligue dite de l'enseignement
(1869); — Sur le ministère pastoral à l'égard des hommes (1869); — Sur
la vie commune dans le clergé séculier^ à l'occasion des établissements de
''Oratoire diocésain (1869); — La gravité des mœurs ecclésiastiques (1869) ; —
ar les projets de l'unitarisme politique en Suisse (1872); — Réponse à la lettre
de M. le pasteur Pressensé (1873); — Sur les prophéties publiées dans ces der-
niers temps (1874) ; — Lettre à V occasion de l'élection de S. S. Léon XIII (1878).
Nous devons ajouter à cette nomenclature : les Lettres à Messieurs les mem-
bres du Conseil municipal de Paris sur le centenaire de Voltaire, qui forment
qu^'tre fascicules in-8 dans l'édition originale, non mise en vente, et que la
Société Bibliographique a eu l'honneur de publier, d'abord en trois bro-
chures gr. in-18, puis en une seule, de 17o pages avec la lettre à M. Victor
Hugo, publiée aussi séparément (in-8 et in-12) ; — le chaleureux Appel à la
France, pour la restauration du monument expiatoire élevé à Jeanne d'Arc,
à Orléans, détruit pendant la Révolution; — et la Lettre sur le Denier de
Saint-Pierre, qui porte le n» 21 du dernier volume, le dixième, des Lettres,
Circulaires et Mandements de Mg"^ Dupanloup.
Discours : Discours... à la distiibution des prix du petit séminaire de Paria
1843, in-8); — /d. (1845, in-8); — Discours sur l'enseignement des lettres,
prononcé à la distribution des prix du petit séminaire de Saint-Mesmin
(1834, in-8); — Discours de réception de Mqr l' évêque d'Orléans à l'Académie fran-
çaise,le 9 novembre 18j4. Réponse à M. le comte de Salvandy, directeur...
(1854, in-8); — Panégyrique de Jeanne d'Arc, prononcé le 2 mai 1833 (1833,
in-8, nouv. édition, 1869); — Discours sur l'utilité des bonnes études littéraires,
prononcé à la distribution des prix du petit séminaii'e (1856, in-8); —
Paroles prononcées aux obsèques du R. P. dcRavignan (1838, in-8); — Discours
sur l'enseignement de l'histoire (1838, iii-8); — Oraison funèbre des volontaires
catholiques de l'armée pontificale morts pour la défense du Saint-Siège,
prononcée le 9 octobre 1860 (1860, in-8); — Discours sur l'Agriculture, pro-
noncé dans la cathédrale de Sainte-Croix, le 9 inai 1861 (1861, in-8); —
Discou7's... en faveur des Pauvres catholiques d'Irlande,... dans l'église
Saint-Roch, le 23 mars 1861 (1861, in-8); — Éloge funèbre de Mgr Menjaud
(1861, in-8) ; — Panégyrique de saint Martin... prononcé àTours, le 16 novembre
1862 ^1862, in-8); — Discours prononcé au Congrès de iMalines, le 31 août
1864, sur l'enseignement populaire (1864,' in-8); — Oraison funèbre du général
de La Moricière, prononcée dans la cathédrale de Nantes, le 19 octobre 1863
(1863, in-8); — Discours prononcé au Congrès de Matines en 1867, sur la Lutte
chrétienne (1868, in-8); — Paroles prononcées aux funérailles de Berrycr,! dé-
cembre 1868 (1868, in-8); —Panégyrique (second) de Jeanne rî'irc (1869, in-8); —
Discours prononcé à l'Assemblée nationale, sur l'Indépendance nécessaire du
Saint-Siège et les calomnies répandues dans ces derniers temps contre le clergé
(1871, in-12); — Discours prononcé à l'Assemblée nationale, dans la séance
du 29 mai 1872, sur la loi militaire (1872, in-8}; — Discours (deuxième et
Novembre, 1878. T. XXIlî, 30.
— 4<i6 —
troisième), prononcés à l'Assemblée naiionale, dans les séances des 21 et 22
juin 187Î, sur la loi militaire (1872, in 8}; — Discours prononcés à l'ou-
verture des cours de l'école libre des hautes études, précédés de la confé-
rence faite au cercle catholique du Luxembourg, le 22 janvier 1874, sur la
haute éducation de la jeunesse (1874, in-8) ; — Allocution prononcée àl'assem-
blée générale de la Société bibliographique (187o, in-8 ;) — Discours prononcés à
l'Assemblée nationale sur l'Organisation de Vaumôncrie militaire (séance du 20
mai 1874) (1874, in-8) ; — Discours prononcés à l'Assemblée nationale dans
les séances des 4 et 5 décembre 1874, pour appuyer le projet de loi présenté
par M. le comte Jaubert sur la liberté de l'enseignement supérieur (1874, in-8);
— Discours prononcés à l'Assemblée nationale, dans les séances des 15 mars,
18 mai, 7, 12, 14 et 16 juin 1875, pour appuyer le projet de loi sur la
liberté de renseignement supérieur (1875, in-8); — Discours prononcés au Sénat,
les 21 22 et 23 décembre 1874, dans la discussion du budget (1876, in-8) ; —
Discours sur la liberté de l'enseignement supérieur, prononcé au Sénat dans la
séance du 19 juillet 1876 (1876, in-8), dont le texte a été publié par la So-
ciété Bibliographique dans ses Questions politiques, religieuses et sociales,
n" 5. Venseignement supérieur (Sénat), (1876, in-18); — Discours prononcé
au Sénat dans la séance du 21 mai 1878 pour interpeller le gouvernement
sur la conduite qu'il se propose de tenir vis-à-vis des fêtes du Centenaire de
Voltaire.
Mandements : Il ne nous reste plus qu'à donner la liste des mandements
de carême de Mgr l'évêque d'Orléans, pendant une période ininterrompue de
vingt-neuf aas ; les titres en sont les suivants : Sur la Loi (1850); — Le
Jubilé (1851); — Nécessité de se convertir (1852 et 1853); — Sur la visite du
diocèse (1854); — L'Immaculée Conception (1855); Les grands devoirs de la vie
chrétienne (1856) ; — La Pénitence (1857); — La Pensée de la mort (1858) ; —
Le Respect humain (1859); — Encyclique de S. S. Vie LY(1860); — Reconnais-
sance que l'Europe doit au christianisme (1861); — La Charité (1862); — Saint
Vincent de Paul et ses œuvres (1863); — Entrelien paternel avec ses diocésains
(1864); — Le Jubilé (1865); — La Charité, à l'occasion des victimes de la Guade-
loupe (1 866) ; — La Providence (1 867); — L'Encyclique (1868); — Sur le Dimanche
(1869); — Quelques avis pour le Carême (1870); — Les Evénements présents et la
réception des Sacrements (1871) ; — Nécessité de la Prière (1872) ; — Les Sociétés
ouvrières chrétiennes et les autres œuvres d'hommes et de jeunes gens d'Orléans
(1873); — Épreuves de l'Église; nos Devoirs envers elle (1874); — Le Jubilé,
son origine; moyen de conversion et de salut (i'^lo); — Le Voyage de Rome {\^1Q);
— Le Retour à Dieu, (1877;) édition publiée par la Société Bibliographique
in-18); — La Prière et les Sacrements (1878).
Une grande partie des œuvres Ms" Dupanloup a été recueillie sous les titres
généraux de : OEuvres choisies (1861, 4 vol. in-8, avec portrait. Paris, Périsse
frères) ; — Nouvelles œuvres choisies. Tome I" à VU (1873-1875. Pion, 7 vol.
in 8); — Tome I". OEuvres oratoires, dans lesquelles on trouve V Oraison funèbre
du P. de Ravignan; — Tome !I. Défense de la religion. — Tome III. Contro-
verse sur l'éducation des filles. — Tome IV. Défense de Rome et du Saint-
Siège. — Tome V, VI, VII. Œuvres pastorales.
Mgr Dupanloup avait encore publié : Le véritable esprit du Jubilé expliqué
par Bossuet, Fénelon (1847, in-18); — Histoire de la B. Marie de l'Incarnation,
par l'abbé Boucher (1854, 2 vol. iD-12); — La vraie et solide piété (1846, 4 vol.
in-18); — Lettre de piété; — Manuel pratique de piété de Fénelon; — Lettre de
Fénelon sur la fréquente communion (1855, in-12); — Direction chrétienne de
Fénelon, avec une préface (1869).
- 467 —
Ou pourra consulter, pour connaître en détailla vie et l'œuvre de l'illustre
prélat : Mgr Diipanloup, par E. de Lavedan (1849, in-8); — La Biographie
que lui a consacrée M. Hippolyte Castille, dans ses « Portraits historiques et
politiques du dix-neuvième siècle, » in-32.avec portr.; — M^r Ihipanloup,^a.v
Pierre et Paul (1860, in-32. Havard, avec portrait et autographe); —
Jtf. Dupanloup devant l'opinion publique (1867, in-8, Dentu); — Deux mots
relatifs à Mgr Dupanloup et à M. Littré, par Ervas (1872, in-12) ; — Mgr Du-
panloup, biographie et souvenirs, par J. Hairdet (1878, in-8).
P. -S. — Nous recevons, au dernier moment, une Liste bibliographique des
écrits de Mgr Dupanloup, pvêque d'Orléans, publiée par M. H. Ilerluison
(Orléans, H. Herluison, 1878, in-8 de 31 p.) qui doit être suivie de la Liste
des mandements et lettres pastorales. Cette bibliographie, sans être absolu-
ment complète, servira de contrôle et de complément à celle que nous don-
nons.
— M. Gabriel Delafosse, membre de l'Institut (Académie des sciences),
est mort le 13 octobre dernier. Il était né en 1796, à Saint-Quentin (Aisne).
Élève de l'École normale en 1813, il y était devenu professeur de minéra-
logie; il continua ensuite son enseignement à la Sorbonne et au Muséum
d'histoire naturelle; et, à la suite de travaux importants sur la cristallo-
graphie, il remplaça M. Elie de Beaumont à l'Institut, en 1857. Ses études,
recueillies en partie dans les comptes rendus de l'Académie des sciences,
ont été le point de départ d'observations fécondes, — M. Delafosse avait
publié aussi plusieurs ouvrages élémentaires, sur l'ensemble de l'histoire na-
turelle, et dont voici la liste, avec celle des études auxquelles il s'était plus
particulièrement attaché : Précis élémentaire d'histoire naturelle {{^Z\ , in-12
avec planches; 10« édition en 1872); — Notions élémentaires d'histoire natu-
relle (1840, 3 vol. in-i8 avec planches; nouvelle édition en 1836, 3 vol. in-12);
— Leçons d'histoire naturelle, dans le « Cours complet d'éducation pour les
filles » (I8o6, gr. in-8; nouvelle édition, 1863); — Nouveau cours de minéra-
logie (1858-1862, 3 vol. in-8 avec atlas); — Rapport sur les progrès de la
minéralogie (1867-1868, in-8); — enfin des Mémoires insérés dans le recueil
de la section de l'Institut à laquelle il appartenait ; nous devons citer, entre
autres : Recherches sur la cristallisation considérée dans les rapports physiques
et mathématiques (1840); — Mémoire sur une relation importante qui se
manifeste dans certains cas entre la composition atomique et la forme cristal-
line (1848 et 1831); — Mémoire sur le plésiomorphisme des espèces minérales
(1831). Il a été publié une « Étude sur les travaux scientifiques de Dela-
fosse » (ISol, in-4).
— M. Hippolyte Babod, né en 1824, à Peyrac (Aude), est mort à Paris, le
18 octobre dernier. Entré de bonne heure dans le journalisme, il avait col-
laboré au Corsaire, au Charivari, à l'Illustration, à la Patrie, à la Revue de
Paris, sous le pseudonyme de Camille Lorrain ; à YAthenseum, à la Revue
française. On lui doit la seconde édition des Mémoires de M" de La Guette,
publiée dans la Bibliothèque elzévirienne (18d6, in-16); — Les Païens in-
nocents. Nouvelles : récits et impressions du Minervois, son pays natal ('l8o8,
in-18); — Lettres d'Italie, du président de Brosses (18o8, 2 vol. in-12); —
Lettres satiriques et excentriques, avec un défi au lecteur (1860, in-12); —
Les Amoui'eux de M'' de Sévigné; les femmes vertueuses dit grand siècle, son
œuvre la plus importante (1862, in-8); — Vive le luxe! La comédie de M. Du-
pignac, réponse à M. Dupin; par une grande dame et une petite dame {d.no-
nyme) (186», in-8); — Montpensier, roi d'Espagne (anonyme) (1868, in-8); —
L'homme à la lanterne, sons le pseudonyme de Jean Sans-Peur (1868, in-18);
— 4(i8 —
— Les liclalions d'un juré, vingt figures contemporaines (187o, in-12). — Un
de ses articles de la Revue française avait été publié à part sous ce titre :
La Vérité sur le cas de M. Champ fleur y (1837, in-8).
— M. Artliur Forgeais, fondateur et président de la Société sphragislique,
né à Paris en 1822, est mort le 22 juillet dernier, 11 avait débuté, dans ses
publications sur la science spéciale à laquelle il avait appliqué son intelli-
gence, par une Notice sur les plombs historiés trouvés dans la Seine et recueil-
lis par Arthur Forgeais (18o8, in-8, avec figures); — une nouvelle publica-
tion sur le même sujet fut couronnée par l'Institut : Collection de plombs
historiés trouvés dans la Seine, ouvrage orné de 800 gravures sur bois ; série
I à IV [\" série : Méreaux des corporations de métiers; 2^ série : Enseignes
de pèlerinages; 3" série : Variétés numismatiques; l^ série : Imagerie reli-
ligieuse] (1862-1863) ; il fut bientôt suivi de son complément : Collection de
plombs historiés trouvés dans la Seine, b« série : Numismatique populaire
(1866, in-8). Dans ces dernières années. M. Forgeais avait renouvelé ces
travaux en un travail définitif, sous ce titre : Numismatique des corporations
parisiennes, métiers, etc., d'après les plombs historiés trouvés dans la Seine
(1874, in-8); en 1877, il avait publié le tome VI de ses études sphragistiques
sous le titre de : Blasons des chevaliers du moyen âge (1 vol. in-8.)
— La presse russe annonce la mort de M. Etienne Gédéonov, conseiller privé,
décédé, après une longue maladie, le 27 septembre 1878. Pendant plusieurs
années, il avait été simultanément directeur de l'Ermitage impérial et des
théâtres. Son nom est également connu aux savants et aux artistes.
L'histoire lui doit un important ouvrage, en 2 volumes, sur les Varégo-Russes,
qui a valu à l'auteur le prix Ouvarov, et a été, en grande partie, publié dans
les Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg. Trente ans auparavant,
Gédéonov avait commencé, avec le concours de Pouclikarev, à publier : La
Description de la Russie au point de vue historique, géographique et statistique,
qui resta inachevée. En 1872, il écrivit une bi'ochure intitulée: VEnfant
porté par un dauphin, et imprimée à un très-petit nombre d'exemplaires.
C'est la description du fameux groupe de marbre qu'on attribue à Raphaël
et qu'on peut voir à l'Ermitage. Parmi les pièces de théâtre composées
par lui, la Mort de Lapounov est celle qui a eu le plus de vogue. Cette
tragédie, écrite il y a trente ans, eut plusieurs représentations. Gédéonov a
collaboré aussi au drame connu d'Ostrovski, intitulé : Vassilissa Mélen-
tievna.
— On annonce encore la mort : à Bône, de M. Marius Nicolas, secrétaire de
la Société scientifique d'Hippone, et ancien maitre-imprimeur, à qui fut
décernée la médaille d'or au premier congrès des orientalistes tenu à Paris
il y a cinq ans; — de M"° Petel, née Marie-Alexandre Dumas, morte reli-
gieuse à Paris, à l'âge d'environ cinquante ans, après avoir obtenu des
succès au salon et composé plusieurs ouvrages, entre auti'es Un lit de mort;
— de MM. Larivière, rédacteur de VUnion de la Sarthe, mort à Almenèche
(Orne), à l'âge de vingt-cinq ans; — de M. Constantin Descat, ancien dé-
puté à l'Assemblée nationale, ancien maire de Roubaix et conseiller gé-
néral, mort à Roubaix, le 14 octobre; — de M. Ménissier, mort à Paris, à l'âge
de quatre-vingt-cinq ans, auteur dramatique et collaborateur de M. de
Saint-Georges, dans ÏÉclair, de Scribe, dans les Malheurs d'un amant peu-
reux, etc. — de M. James Johnstone, à Londres, propriétaire du Standard et
de VEvening Standard; — de M. Cheverondier, membre du Conseil général de
la Loire, président de la Chambre de commerce de Roanne, auteur d'un
Traité sur la culture de la vigne, mort à Roanne ; — de M. Jules de Lamarque,
— 469 —
fondateur de la Société du patronage pour les libérés adultes, mort à Paris
le 28 octobre; — de M. Albert Alerter, dont nos lecteurs ont pu voir quel-
quefois le nom dans nos colonnes, mort à Fleury (Cùte-d'Or), le 29 octobre,
à l'âge de trente-un ans.
IxsTiTUT. — La séance publique annuelle des cinq académies a eu lieu le
25 octobre, sous la présidence de M. Laboulaye. La séance a été remplie
par un discours du président, un rapport de M. Wallon sur le concours
de 1878 pour le prix Volney et la proclamation du pris, et les lectures sui-
vantes : Un directeur des musées (M. de Cailleux), par M. Perrin; les Enfants
et les domestiques, par M. Legouvé; V Empereur Barherousse et le siège de
Milan, par M. Zeller; Progrés de la géographie et de la navigation, par
M. Ferdinand de Lesseps.
Académie des inscriptions et belles-lettres. — L'Académie, dans sa séance
du 23 octobre, a choisi pour sujet des concours de 1880 les questions sui-
vantes : — Prix ordinaire : Étude grammaticale et lexicologique sur la la-
tinité de saint Jérôme. — Prix Bordin : Étude sur les opérations de
change, de crédit et d'assurances pratiquées chez nous par des commer-
çants français ou résidant en France avant le quinzième siècle.
Académie des beaux-arts. — L'Académie des beaux-arts a tenu sa séance
publique annuelle le 19 octobre, sous la présidence de M. Hébert. La séance
a été remplie par l'exécution de deux scènes lyriques qui ont valu les grands
prix à leurs auteurs, M. Clément-Jules Broutin et M. Samuel-Alexandre
Rousseau ; le discours du président, la proclamation et la distribution des
prix, et ia lecture d'une notice sur la vie et les ouvrages de M. Henri La-
bi'ouste, membre de l'Académie, par le vicomte Henri Delaborde.
Collège de France. — Par décret du 13 octobre, M. Paul Albert, docteur
es lettres, maître de conférences à l'École normale supérieure, a été nommé
professeur titulaire de la chaire de langue et de littérature française mo-
derne, en remplacement de M. de Loménie, décédé.
Association dés bibliothécaires anglais a Oxford. — L'Association des
Bibliothécaires anglais, fondée à la suite du Congrès tenu à Londres l'an der-
nier, a eusa première réunion à Oxford, du l"au3 octobre, sous la présidence
du R. D' Coxe, bibliothécaire de la Bodléienne. Les séances ont été remplies
par de nombreuses et intéressantes communications, dont nous donnerons
le résumé dans un de nos prochains numéros. Les membres de la conférence
ont été, en outre, mis à même de visiter en détail les riches et nombreuses
bibliothèques d'Oxford, la Bodléienne, la Radcliffe et son annexe du New
Muséum, la Codrington, etc. L'acceuil le plus cordial a été fait aux savants
réunis dans cette circonstance par MM. le D' Coxe, les professeurs Akland,
Max Muller, Rolleston, Jeweth, etc, ainsi que par les secrétaires et trésoriers
de l'association, MM. Tedder, Thomas et Harrisson. Plusieurs biblio-
graphes étrangers, membres honoraires de l'association, ont pris part aux
travaux de cette session. Le gouvernement français y était officiellement
représenté par deux délégués, M. le baron de Watteville, directeur des
Lettres et Sciences, et M. le comte de Marsy.
La seconde réunion de l'Association aura lieu l'an prochain, à Manchester,
sous la direction du bureau, dont les pouvoirs ont été renouvelés à l'unani-
mité. — En outre, l'Association des Bibliothécaires américains a fait con-
naître son intention de se réunir, en juin 1879, à New York, et a invité les
membres de l'Association anglaise à assister à ce nouveau congrès de biblio-
thécaires. »
— 470 —
Société des vieux textes russes, — Il existe en Russie, depuis 1877,
une société ayant pour but de publier les vieux manuscrits écrits en lai-
gues slavonne ou russe, ou bien de reproduire en fac-similé des anciens livres
imprimés devenus exiiêmement rares. — La jeune société s'annonce favora-
blement, et les publications qu'elle a déjà mises au jour permettent de
lui prédire un grand succès. Elles se partagent eti plusieurs catéf^oiies,
dont chacune a déjà fourni des spécimens, Nous avons sous les yeux le
compte rendu qui vient de paraître sous le titre : Rapport de la Société
des vieux textes pour 1877 (Ottchot Obstchestva lubiteleï drevneï pisinennosti),
avec XVI appendices et 5 fac-similé lithographies. (Saint-Pétersbourg, 1878,
in-8, de 20, 88 et 4 pages).
Après un court exposé du programme de la Société, de l'état Hqancier
et un tribut payé à la mémoire de Georges Tolstoï, un de ses membres
récemmentdécédé,le rapport passe en l'evue les seize publications exécutées
durant l'année 1877, en y ajoutant autant d'appendices qui en donnent une
analyse plus détaillée.
Voici la liste de ces publications : {' Description do douze monastères du
Mont-Athos, fac-similé de l'édition rarissime faite en 1839 à Thessalonique ;
2» Recueil d'anciennes images gravées de la sainte Vierge; elles sont au
nombre de neuf, et forment la première série, qui sera continuée; 3° La re-
quête du Vspolukhov, présentée au tzar Alexis ; 4» Vie du métropolite Alexis,
mort en 1378, remarquable par les Jessins dont le texte est orné ; 5° Qesta
Romanorum ou le Violier des histoires romaines, édité par le prince Paul
Viazemski, qui l'a fait précéder d'une étude fort intéressante et non moins
érudite ; 6° Quatrième Sagesse ou musique, un des nombreux manuscrits
contenant des neumes, qu'on connaît si peu, mais dont l'étude est pourtant
indispensable ; 7° Représentation allégorique de la prise de Kizi-Kirmen,
fac-similé d'un manuscrit dédié au feld-maréchal comte Boris Chérémétev ;
8° Alphabet civil, corrigé de la main de Pierre P', avec échantillons de
cette nouvelle écriture, imprimée pour la première fois ; 9° Invention du
chef de saint Jean-Baptiste; 10° Homélie de Jean-Chrysostome sur la décol-
lation de saint Jean-Bapiiste, où il s'agit aussi de bonnes et de méchantes
femmes; 11° Trois anciens ofiices du même saint précurseur; 12° Homélie de
Jean Damascène sur l'Annonciation, avec le dialogue entre l'Archange et la
Mère de Dieu; 13° L'obituaire du monastère de Dédovsk à Totma, espèce
à'ars moriendi ; 14' L'alphabet slavon ou baukvitsa, chef-d'œuvre de
calligraphie exécuté à la plume sur un rouleau long de douze aunes; 15° Super
fiumina Rabylonis, onze fragments détachés d'un psaytier illustré ; enfin
16° La célèbre légende deStephanite et d'Ikhnilate, commentée par M. Boul-
gakov, secrétaire de la Société et rédacteur du rapport.
La seule énumération des morceaux publiés, montre gsspz l'intérêt qu'ils
offrent à tous ceux qui cultivent la littérature et les atts du moyen âge, sans
parler de ce qu'en pourraient tirer les amis de l'histoire et des lettres
russes. Un de leurs mérites vient de ce qu'ils apportent à la science occi-
dentale de nouveaux éléments, et, sous ce rapport, il faut espérer que la
Société saura rendre ses belles et riches publications accessibles à ceux qui
ignorent la langue du pays.
Plus dune d'entre elles mériterait les honneurs d'une traduction fran-
çaise; de ce nombre sont, par exemple, l'étude du prince Paul Viazemski sur
les Histoires romaines, et celle de M. Boulgakov sur Stéphanite et Ikhnilate.
Toutefois, ce n'est là qu'une minime partie des travaux de la Société. Parmi
ceux qu'elle prépare, ^1 y aura de vrais trésors. Nous en indiquerons seule-
— 471 —
ment deux : la Vie de saint Nicolas, nmnuscrit de 400 pages avec autant de
dessins, du seizième siècle, et le Recueil (Izbornik) de Sviatoslav, de 1073,
orné également de miniatures, mais surtout précieux comme monument
littéraire. — Nous aurons l'occasion de revenir sur les splendides éditions
de la Société, car elles méritent une étude spéciale; le peu que nous en
avons dit suffira pour attirer sur elles l'attention du public français, qui
certainement sera bien aise de les connaître plus en détail.
J. Martinov, s, J.
Lectobes faites a l'Académie des inscriptions et belles-lettres. — Dans
la séance du 4 octobre, M. Egger a communiqué des renseignements sur
l'exploration de M. Scbilemann dans l'Ile d'Ithaque; M. Casati a lu des notes
complémentaires de sa précédente communication sur le musée du château
de Rosenbourg; M. Menant a fait une communication sur les cachets assy-
riens, imprimés sur des tablettes acquises par le British Muséum; M. de
Saulcy a lu une note sur un sesterce; M. Joseph Derenbourg a fait une com-
munication sur un cachet en cristal «le roche trouvé en Mésopotamie. —
Dans les séances des M et 18, M. Victor Duruy a continué la lecture d'un
chapitre inédit de son Histoire romaine. — Dans la séance du 11, M. Halévy
a lu un mémoire sur la prétendue existence d'une langue accadienne ou
sumérienne. — Pans la séance du 23, M. Renan a fait une communication
au sujet d'une inscription latine conservée à Rome et dont il a déjà entre-
tenu l'Académie, M. Léopold Delisle a fait une communication au sujet d'un
manuscrit de la bibliothèque de Lyon qui contient une partie de l'Écriture
sainte en latin et remonte au sixième siècle. M. B. Haureau a achevé la lec-
ture de sa biographie d'Arnaud de Villeneuve.
Lectures faites a l'Académie des sciences morales et politiques. — Dans
la séance du 3 octobre, M. Jules Zeller a lu un fragment inédit de son His-
toire d'Allemagne, relatif à la lutte des cités de la Haute-Italie contre Frér-
déric Barberousse; M. Aucoc a analysé un travail de M. Charles Tranchant
sur les réformes à introduire dans l'enseignement politique et administratif;
M. Getfroy a analysé une dissertation de M. Frédéric Schiem,de l'Université
de Copenhague, surl'origne de quelques traditions ottomanes et particu-
lièrement sur l'emblème du croissant, — Dans les séances du 12 et du 26,
M. Barthélémy Saint-Hilaire a lu une préface de la métaphysique d'Aris-
tote.
Cours d'apologétique a l'Université catholique de Toulouse. — Dès la
première formation de la faculté catholique de droit à Toulouse, les organi-
sateurs de cette institution eurent soin d'y adjoindre, non-seulement les
deux cours si essentiels de droit naturel et de droit canonique, confiés à
deux religieux de la Compagnie de Jésus, mais encore deux cours d'apolo-
gétique, l'un scientifique, l'autre historique. Ces deux cours sont suivis
avec le plus constant empressement, et produisent les plus heureux fruits.
Dès ce moment, on peut se faire une idée de l'un d'eux par deux brochures
publiées à Toulouse (chez Paul Privât', sous la rubrique commune : Université
catholique de Toulouse : Apologie scientifique du christianisme, et sons ces deux
titres particuliers : Discours d'ouverture, décembre 1877 (39 p. in-12), et
Résumé de l'enseignement du •premier semestre, mai 1878 (3o p. in-8). M. le
chanoine Duilhé de Saint-Projet y a déterminé avec une netteté parfaite le
terrain de l'apologétique contemporaine : il s'agit pour elle de faire cesser
l'antagouisme partoul proclamé entre la science et la foi, en démêlant
d'abord les vraies difficultés qu'oppose à nos croyances l'esprit prétendu
— 472 —
scientifique de ce temps, ce qu'on a nommé la « foi nouvelle; » en détruisant
ensuite toutes ces difficultés, sans léser aucun droit, sans diminuer aucune
conquête de la science. — Ce beau programme, l'éloquent professeur l'a
déjà réalisé en partie ; il a montré l'accord de la vraie science avec la vraie
philosophie, et de celle-ci avec la vraie religion, sur les grands problèmes
de l'origine du monde, de la vie, de l'âme raisonnable; il a victorieusement
défendu les dogmes de l'existence de Dieu, de la création, de la Providence,
de la dignité et de la destinée humaines, contre les vaines et avilissantes
théories du monisme et du transformisme matérialistes. L'ordre, la solidité,
l'élocution brillante, qui caractérisent les deux leçons publiées, inspireront
à tous les lecteurs le même désir : que le cours tout entier, sous sa forme
oratoire ou autrement, soit mis à la disposition de toutes les âmes qu'attirent
les funestes mirages de la fausse science. Si l'auteur écoute ce vœu, il aura
rendu à la science et à la foi un service signalé, et enrichi notre littérature
philosophique et religieuse d'une œuvre aussi belle qu'utile. — L. C.
i" Les CATALOGUES DES HiBLioTUÈQUES DES DÉPARTEMENTS . — Le Catalogue de
l'Exposition du ministère de l'instruction publique fournit les indications
suivantes sur les catalogues des villes de province, en réponse à la question
posée dernièrement (t. XXIII, p. 189). — Catalogue général des vianuscrils
des bibliothèques imbliques des départements. Paris, imprimerie nationale,
1849-1872. 4 volumes in-40. Tome I : Séminaire d'Autun. Ville de Laon.
École de médecine de Montpellier. Ville d'Albi. — Tome II : Ville de Troyes.
— Tome m : Villes de Saint-Omer, Épinal, Saint-Dié, Saint-Mihiel, Sche-
lestadt. — Tome IV : Arras, Avranches, Boulogne-sur-Mer. — Angers. Cata-
logue des imprimés de la bibliothèque de la ville (Sciences, arts, belles-
lettres et histoire), par Albert Lemarchand. Angers, Lachèze, 1871-1875,
4 volumes in-4. — Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de la ville,
par Lemarchand, conservateur. Angers, Cosnier, 1863, in-8. — Arras. Ca-
talogue des manuscrits de la bibliothèque de la ville, par Caron, biblio-
thécaire. Arras, Courtin, !8G0, in-8. — Aubenas (Ardèche). Catalogue des
livres contenus dans la bibliothèque de la ville. Aubenas, Cheynet, 1873,
in-8. — AutU7i. Catalogue des manuscrite contenus dans la bibliothèque
du séminaire, par Libri. Paris, imprimerie royale, 1846, in-4. — Auxerre.
Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de la ville (s. n. d. I. n. d.)
in-8. — Besançon. Catalogue des livres imprimés de la bibliothèque de la
ville (histoire, sciences, lettres). Besançon, imprimerie de Sainte -Agathe,
1842-1846-1873, 4 vol. in-4 — Béthune. Catalogue des ouvrages composant
la bibliothèque communale. Béthune, Reybourbon, 1863, ia-8. — Bourgts.
Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de la ville, avec dessins.
Autographié. Paris, Didier, 18b9, in-4 (par le baron de Girardot). — Brest.
Catalogue méthodique de la bibliothèque communale (théologie, juris-
prudence), par E. Fleury; Brest, Gadreau, 1877, in-4. — Cannes et Grasse.
Catalogue de la bibliothèque de la société des sciences naturelles et histo-
riques, des lettres et des beaux-arts. Cannes, Vidal, 1875, in-8. — Carpentras.
Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de^ la bibliothèque de la
ville, par C.-C.-A. Lambert. Carpentras, Rolland, 1862, 3 vol. in-8. — Charn-
ier ij. Catalogue de la bibliothèque publique de la ville, rédigé par B. -A.
Bouchet. Chambéry, Puthod, 1846, in-8. — Chartres. Catalogue des ma-
nuscrits de la bibliothèque de la ville. Chartres, Garnier, 1840, in-8. —
Clermont-Ferrand. Catalogue des livres imprimés et manuscrits de la
bibliothèque de la ville, par Ed. Vimont. Clermont-Ferrand, Mont-Loui?,
— 473 —
1878, in-8. — Bieppe. Catalogue de la bibliothèque de la ville, par A.
Morin, bibliothécaire. Dieppe, Levasseui-, 1857, in-8. — Bôle. Catalogue
des livres imprimés de la bibliothèque de la ville, par Jean-Joseph Fallu.
Dôle, Prudont, 1848, 2 in-8. — Douai. Catalogue méthodique des im-
primés de la bibliothèque publique . (Théologie, droit) . Douai, Dechristé,
1869-1874, 2 vol. in-8. —Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de la
bibliothèque de la ville, par H. -R; Duthillœul. Douai, Carpentier, 1848,3vol.
in-8. — Notice sur la bibliothèque publique de la ville, par l'abbé Dehaisnes,
bibliothécaire adjoint. Douai, Dechristé, 1866, in-8. — Grenoble. Cata-
logue des livres que renferme la bibliothèque publique de la ville, classés
méthodiquement, par Pierre-Antoine-Amédée Ducoin. Grenoble, Baratier,
1831, 2vol. in-8. —Laval. Catalogue des livres de la bibliothèque de la ville.
Laval, Feillé-Grandpré, 1839, in-8. — Limoges. Catalogue méthodique de
la bibliothèque communale de la ville (sciences et arts, belles-lettres, his-
toire), par Ruben, bibliothécaire. Limoges, Chapoulaud, 1838-1863, 3vol. in-8.
— Louviers. Catalogue de la bibliothèque de la ville, par L. Bréauté.
Rouen, Alf. Péron, 1843, in-8. — Lyoïi: Manuscrits de la bibliothèque de
la ville, ou notice sur leur ancienneté, leurs auteurs, par A. -F. Delandine.
Paris, Renouard, 1812, 3 vol. in-8. — Bibliothèque delà ville. Catalogue des
livres (belles-lettres, théâtre, histoire), par A. -F. Delandine. Paris et Lyon,
Renouard, 5 vol. in-8. — Catalogue de la bibliothèque lyonnaise de M. Coste,
par Aimé Vingtrinier. Lyon, Perrin, 1853, in-8. — Mâcon. Catalogue de
la bibliothèque de la ville (s. 1. n.d.), in-8. — Marseille. Catalogue de la
bibliothèque de la ville. (Ouvrages relatifs à la Provence.) '- Essai d'intro-
duction et de classement méthodique, par Lieutaud, Marseille, Gravière,
1877, in-4. — Montbrison. Catalogue de la bibliothèque de la ville. Mont-
brison, Courot, 1860, in-8. — Montpellier. Catalogue de la bibliothèque
de la ville, dite du musée Fabre. Montpellier, Grollier, 1875-1876, 2 vol. in-8.
— Nantes. Catalogue méthodique de la bibliothèque de la ville, par M. Pehant.
Nantes, Forest, 1861-1874, 6 vol. in-8. — JSarbonne. Catalogue de la biblio-
thèque publique de la ville, par E. Roussel. Narbonne, Caillaux, 1867, in-8.
— Niort. Catalogue de la bibliothèque de la ville. Niort, Mercier, 1861-
4863, 5 vol. in-8. — Orléans. Manuscrits de la bibliothèque de la ville, ou no-
tice sur leur ancienneté, leurs auteurs, etc., par A. Septier. Orléans, Rou-
zeau, 1820. (Additions et corrections autographiées, par J. Loiseleur. biblio-
thécaire, 1856-1877.) — Perpignan. Catalogue des livres imprimés et
manuscrits de la bibliothèque de la ville, dressé par A. Fourquet. Perpignan,
Alzine, 1866, in-8. — Pontivy. Catalogue de la bibliothèque communale,
s. n. d. 1. n. d., in-8. — Rennes. Catalogue des livres de la bibliothèque
delà ville, par Maillet. Reunes, Jausions, 1823-1828, 4vol. in-8.— Description,
notice et extraits des manuscrits de la ville. Rennes, MoUin, 1837, in-8. —
Sens. Bibliothèque pédagogique fondée par les instituteurs de l'arron-
dissement. Catalogue, 1877, iri-8. — Torigni-sur-Vire. Catalogue des ou-
vrages composant la bibliothèque de la ville. Saint-Lô, Delamare, 1856, in-4.
— Troyes. Catalogue de la bibliothèque de la ville, par E. Socard. Troyes,
Bertrand, 1875-1878, 4 vol. in-8. — Liste des dons faits à la bibliothèque delà
ville de Troyes, avec les noms des donateurs. Troyes, Dufour, 1864-1876, in-8.
— Règlement de la bibliothèque publique de la ville. Troyes, Brunard,
1862, in-8. — Catalogue d'ouvrages et pièces concernant Troyes, la Cham-
pagne méridionale et le département de l'Aube, provenant du cabinet du
docteur Fr, Carteron et appartenant à la bibliothèque de la ville, par L. Pi-
geotte. Troyes, Bertrand-Hù, 1875, in-8. — Valenciennes. Catalogue des-
— 474 —
criptif et raisonné des manuscrits de la Bibliothèque de la ville, par Man-
Pfeart. Paris, Techener, 4860, in-8. — Versailles. Catalogue de livres de la
bibliothèque relatifs à l'histoire de la ville. Versailles, Aubert, 1875, in-8.—
Catalogue des sciences médicales. Versailles, Aubert, 1865, in-4. — Vesoul.
Catalogua des manuscrits et livres imprimés de la bibliothèque de la ville,
Vesoul, Sunchaux, 1863, in-8.— Règlement de la bibliothèque publique delà
ville. Vesoul, Suchaux, 1878, in-8. — Vienyie. Catalogue des livres de la biblio^
thèque publique de la ville. Vienne, Timon, 1876, in-8.
Nous devons ajouter à cette liste le catalogue des manuscrits de la bi-
bliothèque de la ville de Salins, par M. Bernard Prost, archiviste du Jura.
Paris, Picard, 1878, in-8 de 40 p. (Extrait du Cabinet historique, iome XIV.)
Travaux sur la Réforme et la Ligue. — Nous sommes heureux d'annoncer
la prochaine publication d'une Histoire du protestantisme et delà Ligue en
Bourgogne, par M. Baudouin. L'Introduction a déjà paru à Auxerre, en un
petit fascicule de 80 pages, et l'ouvrage entier formera, paraît-il, deux
volumes. Ce sera donc une étude complète, qui viendra se placer auprès
des travaux similaires qui ont été faits, depuis une vingtaine d'années, sur
beaucoup de nos provinces.
Sans faire une énumération générale, nous pouvons rappeler : La Ligue à
Abbeville, par PrarondjLe.? Guerres de religion dans les Hautes-Alpes, par Char-
bonnet; Le Protestantisme en Alsace, par le vicomte de Bussière; L'Histoire de
la Réforme et de la Ligue à Autun, par Abord ; L'Histoire des Guerres du Cal-
vinisme dans VAuxerrois, par A. Challe; La Ligue à Beauvais^ par M. Dupont-
White ; Les Guerres de religion en Bourbonnais, par Bouchard ; La Ligue en
Bretagne^ par L. Grégoire; L^^^otestantisme en Champagne ; La Réforme et la
Ligue à Reims, par E. Henri ; LaRéformeet lesguerresde religion en Dauphiné ;
Langres petidant la Ligue; Mémoire sur la Ligue dans le Laonnois, par A-
Richart; Le Protestantisme dans le Maçonnais et la Bresse; La Ligue en Nor-
mandie, par le vicomte d'Estaintot ; V Histoire du Protestantisme en Norman-
die, par G. Le Hardy ; ^Histoire des Protestants en Picardie, par L. Rossier ;
La Ligue en Provence, par Legré ; L'Histoire des guerres de religion dans le
Velay ; La Ligue à Pontoise, par M. Le Charpentier, etc.
Comme on le voit, les exemples ne manquent pas. Espérons que M. Bau-
doin aura pris la bonne méthode, celle de l'impartialité la plus rigoureuse,
jointe à l'abondance des documents de première main. Son Introduction a
le tort d'être un peu vague et de présenter un tableau inutile de l'origine
de toutes le.« hérésies modernes. Il nous tarde de le voir entrer dans le vif du
sujet, et nous aurons plaisir à profiter des renseignements, fort intéressants
pour l'histoire générale du seizième siècle, qu'il ne manquera pas de nous
donner. — > G. B. de P.
La Bibliomanie en 1878. — L'infatigable bibliographe dont nous vantions ici,
tout récemment, le travail sur les livres cartonnés, vient de publier un recueil
non moins intéressant intitulé : La Bibliomanie en 1878. Bibliographie ré-
trospective des adjudications les plus remarquables faites cette année et de la
valeur primitive de ces ouvrages par Philomneste Junior (Bruxelles, Gay et
Douce, 1878, petit in-8 de 100 p.).
On y trouve les détails les plus précis sur la vente Turner, la vente Didot, la
vente Pcrkins. Suit dans les trois chapitres consacrés à chacune de ces ventes,
qui resteront à jamais célèbres, soit dans le chapitre qui sert d'introduction
au recueil, le digne émule de Gabriel Peignot (le Philomneste aîné) ne se
contente pas de nous donner les plus abondantes énumérations; il a soin
— 47o —
d'ajouter aux listes des livres précieux vendus en la présente année toutes
sortes de renseig .ements instructifs et curieux. On voit figurer, dans le très-
agréable petit volume imprimé sur beau papier et en beaux caractères, les
notes les plus variées sur les livres relatifs à l'histoire de la bibliophilie,
sur les livres à figures et le guide spécial que l'on doit à M, Henri
Cohen, sur les éditions originales de nos grands écrivains, sur les
Contes de Perrault, sur le chef-d'œuvre de l'abbé Prévost, sur les relieurs
d'autrefois et d'aujourd'hui, sur la bibliothèque de J.-A. de Tuou, sur celle
du cardinal Dubois, sur celle du comte d'Hoym, sur celle du duc de la Val-
lière, du comte de Mac Carthy, sur les gravures d'Holbein (avec citation
d'un piquant passage d'une lettre de M. Léon de Laborde), sur Grolier, le
prince des bibliophiles du seizième siècle, dont M. Gustave Brunet s'était
occupé dans ses Fantaisies bibliographiques (1864), avant que M. Le Roux de
Lincy s'en fût occupé dans un travail spécial (1866); sur Calvin et Servet,
sur Olivier de Maguy, sur M. Armand Cigongne, sur nos anciens romans
de chevalerie, notamment Ogier, les Quatre fils Aymon, le Sai?it-Greaal,
Merlin, etc. Afin de montrer quelle est la lùchesse des indications biblio-
graphiques fournies parle savant auteur de la Bibliomanie en 1878, citons
ces lignes de la page 85 : « Voir sur la légende de Robert le Diable, VHist.
littér. de la France, t. XXH, p. 879-887, une notice de M. Edelestand du
Méril (extrait de lai Revue contemporaine, lo juin 1854), la Nouvelle Bibliothèque
è/ewe, Paris, 1842, p. xviii-xxv. M. Florentin Richomme a inséré un article
sur cette légende dans les Annales de philosophie chrétienne, 3" série, t. II,
p. 149. L'ancienne rédaction anglaise : Life of Robert the Bevyll est insérée
dans le curieux recueil publié par M. J. Ttioms : Early prose romances
London, 1832, 3 vol. in-16). » — T. de L.
L'Exposition du département des imprimés de la Bibliothèque nationale. —
La Notice des objets exposés du département des imprimés a vu le jour depuis
notre dernière livraison. (Champion, in-8 de 130 pages. Prix : 2 fr.). Cette
notice est l'œuvre de M.Thierry-Poux. Elle contient la description de 669 vo-
lumes, répartis en quatorze sections formant les cadres de l'exposition des
imprimés, à savoir : 1° Des impressions xylographiques; 2° Les premières
impressions de Mayence et quelques spécimens des impressions attribuées
aux Pays-Bas avant 1473; 3° Des livres imprimés par Pfister à Bamberg;
4° Des livres imprimés à Mayence par Fust et Schœifer; 5* Des livres impri-
més à Strasbourg ; 6° Des livres imprimés en Italie ; 7° Des livres imprimés
en Espagne: 8° Des livres imprimés en Allemagne, en Bohême et en Hol-
lande; 9° Des livres imprimés en Belgique, en Angleterre, en Suisse et en
Danemark; 10° Des livres imprimés à Paris; H" Des livres imprimés en dif-
férentes villes de France; 12° Des livres à figures; 13° Des livres relatifs à la
découverte de l'Amérique, des livi'es annotés par des personnages célèbres
et quelques monuments de la collection musicale ; 14° Des spécimens des
plus remarquables genres de reliure, du quinzième au dix-huitième siècle.
— M. S.
Découverte d'un écrit contre Bérenger- — L'abbé Uccelli,qui avait déjà
mis au jour plus d'un écrit inédit de saint Thomas, vient de découvrir un
intéressant opuscule, de Veritate corporis Christi, qu'il attribue au B. Gré-
goire Barbarigo, cardinal et évêque de Bergame d'abord (1133-1146), puis
de Padoue. L'upuscule fait partie du recueil publié par l'abbé Uccelli sous
ce titre : Scritti inediti del B. Gregorio Darbarigo, etc. Parma, 1877. Parmi
ceux qui ont pris la défense du dogme catholique contre l'hérésie de Bé-
renger. il en est peu qui l'aient fait avec autant de clarté et de netteté que
— 470 —
le docte et pieux cardinal. Il est aussi un de ceux qui parlent formellement
du nombre septennaire des sacrements institués par ^^otre-Seigneur.
L'IxvENTECR DE LA PHOTOGRAPHIE, — Dans la séauce publique annuelle des
cinq académies qui s'est tenue le 23 octobre, M. Emile Perrin, de l'Académie
des beaux-arts, a lu une notice sur M. de Cailleux, intitulée : Un directeur
de musée. Il débute par une description du tableau de Heim, connu sous le
nom de distribution des récompenses aux artistes, après le Salon de 1824.
Parmi les figures reproduites par l'artiste, est celle de Daguerre, « qui, dit-il,
en étudiant les effets de la lumière, devait arracher un secret de plus à la
nature et doter l'humanité d'une des plus surprenantes découvertes de la
science. « Devrait-on ignorer, à l'Institut, le corps le plus savant de la
France, que l'inventeur de la photographie est Nicéphore Nièpce, auquel
Chalon-sur-Saône, sa ville natale, élève présentement une statue.
Publications dans l'Inde. — On sait qu'une loi passée par le gouvernement
des Indes en 1867 a décidé qu'il serait conservé un certain nombre d'exem-
plaires de tous les livres publiés dans les Indes britanniques et qu'il en se-
rait formé un catalogue. Pendant l'année 1876, — la dernière année dont
on possède la statistique complète, — le nombre des livres réunis et enre-
gistrés aux Indes britanniques était de 4,865, soit un ouvrage par 40,000 ha-
bitants. Près de la moitié de ce nombre consistait en nouvelles éditions et
réimpressions. En examinant ces diverses publications par rapport à leur
sujet, on en trouve 1,216 s'occupant de religion, c'est-à-dire exactement
2o p. iOO. La poésie vient après, avec 801 ouvrages; œuvres d'imagination,
191, et 131 drames; ol8 consacrés à l'étude des langues, 194 au droit, 149 à
la médecine, 147 aux mathématiques et à la mécanique, 133 aux sciences
naturelles et autres, 81 ouvrages d'histoire, 64 de philosophie, 30 de bio-
graphie, 11 de voyages sur terre et sur mer et 4 seulement sur la politique.
Les 1,195 autres ouvrages sont rangés sous le nom de « mélauges. »
Toutes les publications peuvent être aussi classées en 1,180 ouvrages d'é-
ducation et 3,685 étrangers à l'éducation. Quant aux langues dans lesquelles
ces livres ont été écrits, on en compte d6,H en anglais ou autres langues eu-
ropéennes, 3,325 en idiomes du pays, 503 en indien classique et 412 en plu-
sieurs langues. De ces livres, le Bengale avait fourni 1,512; le Punjab,892;
Bombay, 831 ; Madras, 823 ; les provinces du nord-ouest, 387: Oude, 243 ; le
Burmah britannique, 69; Mysore, 68; Assam, 38; Berar et le centre de la
péninsule, seulement 1 chacun. En remarquant que la population des pro-
vinces centrales dépasse 8 millions d'âmes et est égale à environ la moitié
de celle du Punjab, l'énorme différence entre les productions littéraires de
ces deux divisions territoriales de l'Inde britannique est tout à fait surpre-
nante; aussi peut-on soupçonner que les prescriptions de la loi de 1867 n'ont
pas été observées fidèlement dans les provinces centrales. — {Pall Mail Ga-
zette.)
— A l'exemple de l'Angleterre, de l'Autriche et d'autres pays, la Prusse
va commencer la publication des documents liistoriques contenus dans ses
archives d'État. La collection comprendra 60 volumes et paraîtra sous le
titre de : Documents tirés des archives royales de l'Etat prussien.
En même temps la Prusse va faire publier, sous les auspices de l'Académie
des sciences de Berlin, la correspondance politique de Frédéric II.
Cette correspondance remplira une trentaine de volumes. Les journaux
allemands annoncent que les deux premiers volumes de cette collection doi-
vent paraître avant la fin de l'année courante. Ils embrassent la correspon-
dance du roi de Prusse jusqu'à l'an 1743, inclusivement. Déjà, on le sait,
le gouvernement avait fait publier les œuvres de Frédéric II, dans une édi-
tion qui ne comprend pas également moins de trente volumes in-quarto.
— Un compte rendu publié on Italie fait connaître le nombre des lecteurs
dans les trente-deux bibliothèques publiques du royaume. Le total, en 1877,
est de 806,388 lecteurs, La bibliothèque de Turin est la plus fréquentée;
viennent après celles de Naples et de Rome. Palerme compte environ
bO.OOO lecteurs, et Modène seulement 1,292. Les dons et le dépôt des livres
ont procuré, dans le cours de la même année, aux bibliothèques d'Italie,
32,014 ouvrages.
— Le D"^ NYalter Parow, de Berlin, va publier, pour la Société des anciens
textes anglais, la traduction des poésies de Charles, duc d'Orléans, d'après
le manuscrit unique du British Muséum, On croit que l'auteur avait lui-
même traduit en anglais ses poésies durant sa longue captivité en Angleterre
au commencement du quinzième siècle. (Academy.)
— La librairie Longmans, de Londres, vient de publier la seconde partie
des Fac-similé des manuscrits nationaux de l'Irlande. Elle contient les spéci-
mens en couleur des principaux manuscrits relatifs à cette contrée, de 1100
à 1299: entre autres d'un missel irlandais, de poèmes gaéliques, d'une des-
cription topographique illustrée de l'Irlande, de la vie de saint Patrice par
Jocelin, de chartes, lettres, rôles, comptes, cartulaires, etc. La première
partie de cette belle publication est déjà épuisée.
— Les changements survenus en Orient en ont amené un dans l'écriture
de quelques nations. Le gouvernement austro-hongrois a prescrit, pour le
dialecte croato-slave, parlé en Bosnie et en Herzégovine, l'emploi des
caractères romains, au lieu des caractères cyrilliques employés par le gouver-
nement ottoman. L'occupation de la Dobrutja par les Roumains y établira
l'usage des lettres romaines; mais, par compensation, la Bessarabie, en
devenant russe, prendra probablement l'alphabet de ses nouveaux maîtres.
— Une commission, composée d'Espagnols, s'est formée à New York, pour
ouvrir une souscription destinée à élever, dans cette ville, une statue en
l'honneur de Cervantes. Le modèle a été exécuté par D, Fernando Miranda.
La statue est placée sur un piédestal de granit. Cervantes tient de la main
droite une plume, et porte sous le bras gauche son immortel roman. Quatre
médaillons de bronze ornent les quatre faces du piédestal : le premier
représente Don Quichotte monté sur Rossinante, et Sancho sur son grison,
trottant à côté de son maître ; le second renferme une chaise, une table,
quelques livres, une écritoire et des plumes, un manteau, un chapeau, une
épée et des chaînes, emblèmes de la cairière si accidentée de l'illustre écri-
vain ; sur le troisième médaillon se voit la bataille de Lépante; le quatrième,
placé sur la face antérieure du monument, porte le nom et les armes de
Cervantes et, au-dessous, cette inscription : « Au génie immortel de Miguel
Cervantes Saavedra, les Espagnols et Hispano- Américains du Nouveau Monde. »
{Athenxum.)
Publications nouvelles. — Dictionnaire de pédagogie et d'instruction pri-
maire^ publié sous la direction de F. Buisson. Première série. Première et
deuxième parties. Feuilles 1 à 10 (in-8, Hachette). — Le saint homme de
Tours, par Léon Aubineau (in-12, Palmé), — Le Fils de l'ouvrier, par Henri
Baju (in-12, Limoges, Barbier). — Législation et jurisprudence concernant les
instituteurs communaux, par M. Auzias (in-8, Oudin). — Histoires d'enfants
à l'usage des salles d'asile et des écoles, par G. Théodore (in-12, Hachette), —
Annuaire de l'économie, politique et de la statistique pour 1878, par Garnier,
— 478 —
et Maurice Bloch (in- 12, Guiilauinin). — Jeanne d'Arc, poème, par Paul
Blier (in-12, Pion).— La Mare aux chasseurs, par M"' de Stoltz (in-12, Dillet).
— Le Pierrot de cire, par Simon Boubée (in-18, Pion). — Jacqueline Bon-
homme, par Edouard Grenier (in-18, Hachette). — Le Protectorat de Cromwe II.
Armand de Riamboy et la ferme de Cardonnell., par José de Campos (in-12,
Martinon). — Le petit marquis de Carabas^ par M°" de Pitray (in-12, Didot).
— Histoire du mont Blanc et de la vallée de Chamonix, par Stéphen d'Arvo
(in-12, Delagrave). — Vie et voyages du docteur David Livingstone, par A.
Gavard et A. Périer (in-12, Delagrave). — Sainte Marie-Magdeleine et la
France, par l'abbé Martial Sicard (in-12, Lille, Lefort). — La Vénérable Anna-
Maria Taigi., par le R. P. Marie-Antonin (in-12, Tours, Marne). — Le Siège de
Maestricht, par E. Hardy (in-8, Dumaine). — La Question d'Orient au dix-hui-
tième siècle, par Albert Sorel (in-8, Pion). — Le Secret du roi: Correspondance
secrète de Louis XV, etc., par M. le duc de Broglie (2 vol. in-8, Calmann
Lévy). — Mémoires et lettres du cardinal de Bernis, publiés par M. Fréd. Masson
(2 vol. in-8, Didot). — Le Pape Léon XIII, par l'abbé Vidieu (in-12, Pion). —
Monseigneur Dupanloup, biographie et souvenirs, par J. Hairdet (in-8, Bray et
Retaux). — Souvenirs d'un officier de chasseurs à pied, par le R. P. Chauveau
(in-8. Tours, Marne). — Les Soldats français, par le général Ambert (2 vol.
in-12. Tours, Marne). — Les Frères des écoles chr étieJines, i>ar le général
Ambert (in-Ti, Palmé). — Le Palais du Trocadcro (in-12, Morel).
VlSENOT.
QUESTIONS ET RÉPONSES
QUESTIONS.
Ouvrages eui*l'A.nteclirist.
— Quels sont les ouvrages relatifs à
l'Antechrist.sur lequel tantd'opinions
se sont produites ? G. M.
Travaux de M. Xurquety
sur les anciens poètes fran-
çais. — M. Turquety avait formé
une collection fort intéressante des
œuvres des poètes français, notam-
ment de ceux du seizième siècle;
elle fut livrée aux encbères en 1808;
à cette occasion, une publication pé-
riodique qui vécut peu de temps, la
Gazette bibliographique, éditée par
M. Lemerre, annonça que M. Tur-
quety avait laissé, sur l'objet favori
de ses études, des notes nombreuses,
qui étaient aux mains d'un libraire
fort connu, M. Claudin, lecjuel avait
l'intention de les publier. Je n'ai
trouvé nulle trace de celte publica-
tion projetée; si elle n'a pas eu lieu
(ce qui est fort probable), faut-il re-
noncer à tout espoir? 11 serait bien
à dé-irer que M. Claudin fournît à
cet égard quelques explications aux
amis de l'histoire littéraire de la
France? E. V.
RÉPONSES.
Le Pays <l*A.ndorre (XXII,
384; XIII, 380). —On peut ajouter
aux indications données dans le nu-
méro d'octobre : Histoire d'Ax et de
la vallée d'Andorre., par H. Gastillon
(Toulouse, 1851, in-8). — Histoire
d'un peuple qui n'a pas d'histoire,
par Alfred de Bougy [Revue de Paris,
S février 1863, p. 499 à 522). — La
République d'Andorre., ses mœurs, ses
lois et ses coutumes, par Léon Jaybert
(Paris, Durandin, 1865, in-8, 30 p.;
réimprimé dans : Les trois petites
républiques. Saint-Marin — Andorre
— 479 —
— Moresnet, par L. Javbert. Paris,
Durandin, 1873, in-8, 75 p.), — Le
mémoire anonyme : De l'Andorre^
1828, est aussi de M. Roussillou,
auquel, par erreur, ajoute Bougy, les
bibliographes s'obstinent à donner
le nom de Roussillon.
Comte DE Marsy.
Ouvrages sui* l'île de
Chypre (XXIII, 287, 383). — En
passant à Londres, cette semaine,
j'y trouve les publications suivantes,
parues depuis deux mois environ :
Cypriis, its place in Bible History, by
R. J. Thain-Davidson (London, in-12,
1 sch.). — Cyprus, its value and im-
po7HanceloEngland,a.\ecc3iTte{()den.).
— Cyprus and Asiatic Turkey. —
Cyprus, our nciv conquest (in-12). —
Cyprus, liislorical and descriptive
adapted from thc german of Franz,
von Luher, with much additional
matter, by Mrs, A. Batson Joyner
(London, W. Allen).
Comte DE Marsy.
Madame de Flamyn (XXIII,
286). — J'ai formé, il y a bien long-
temps, le projet de publier la Vie et
les poésies de Henri d'Angoulême, et j'ai
déjà réuni un grand nombre de docu-
ments, inédits pour la plupart, sur
ce frère naturel des quatre fils de
Henri II. J'ai même commencé à
mettre ces matériaux en œuvre, mais
j'ai été interrompu; il m'est abso-
lument impossible de prévoir quand
il me sera donné de reprendre un
travail fort attrayant, mais aussi très-
difficile, puisque chaque jour une
découverte peut modifier roidniou
que je m'étais formée de telle ou
telle circonstance de lavie du prince,
qui fut grand-prieur de la langue
de France dans l'Ordre de Saint-Jean
de Jérusalem, et qui mourut à Aix,
en lo86, à l'âge de 33 ans, de la
façon tragique que l'on sait.
La question posée dans le numéro
de septembre du Polybiblion, par un
correspondant sous les initiales du-
quel j'ai facilement reconnu une si-
gnature amie, vient me prouver que
j'ai raison de temporiser ; car la lettre
à l'occasion de laquelle on demande :
Qui est M"* Flamyn? m'apporte une
très-précieuse information. Je mon-
trerai plus tard tout le prix qu'elle
aura eue pour moi. Je veux siuiple-
ment aujourd'hui satisfaire la cu-
riosité du très-aimable questionneur
et des lecteurs, qui prennent certai-
nement autant que moi le plus vif
intérêt à toutes ses communications.
La dame Flamyn qui mourut en
novembre 1361 est justement celle
dont parle Brantôme (Dames gai.,
vi"^ discours, tome il, p. 410 de l'éd.
eu 2 vol. in-8, Paris. R. Sabe, 1848).
Son véritable nom était Jonet ou Jo-
channa Stewart. Elle était fille natu-
relle du roi Jacques IV d'Ecosse et
d'Agnès de Buchan, comtesse de Bo-
thwelL En 1323, elle épousa Malcolm,
troisième lord Fleming, comte de
Wigton, et de ce mariage naquirent
deux fils et quatre filles. L'une de
ces dernières est du nombre des
« Quatre Marie » que M. Mignet a
rendues célèbres. Lord Fleming fut
tué le 10 septembre 1547, à la bataille
de Pinkie (voir les éditions du Pee-
rage of Scotland de Robert Douglas et
de Wood). Sa veuve accompagna en
France, l'année d'après, Marie Stuart
dont elle était la tante et aussi la
gouvernante désignée par le Conseil
de Régence. En 1551, le 18 avril, sir
John Mason, l'ambassadeur anglais,
mande au Conseil privé que « Lady
Fleming a quitté Amboise ayant un
enfant du roi de France. » {Calendar
of State Papers, 1347-1333). Cet en-
fant ïeçut à son baptême le nom de
son père. A seize ans, il fut admis
dans l'Ordre de Malte, ce qui rend
raison du nom de chevalier d'Angou-
lême sous lequel il est désigné par
quelques historiens, dans leurs récits
de la Saiiit-Barthélemy. Il fut élu
grand-prieur l'année suivante, étant
alors commandeur de Saint-Jean de
Latran, en remplacement de Pierre
de La Chapelle. Quand les Lettres de
Catherine de Médiois seront publiées,
on y pourra lire, à la page 39 (dont
la feuille d'épreuve m'a été autrefois
très-obligeamment communiquée),
qu'à la même date, 18 avril 1531, la
reine écrit à la duchesse de Guise :
« La Contese (de Wigton) prynt avent
yer congé de moy mes ay n'a lésé,
pour sella de venir ar souyr coucher
en sete vylle san se montrer au
moyns à Madame de Valantynois ny
a moy...» Lady Fleming se retira en
Ecosse, et je croisqu'il faut renoncer
à apprendre quelle fut sa vie pen-
— .iSU —
danlles neuf années qui suivirent. Au
boutde ce temps, elle revint en France
avec son fils. J'ai la copie, prise au
Public Record Office de Londres, des
pièces authentiques relatives à ce
voyage, que M. Thorpe, dans le Ca-
lendar of State Papers (Scottish Sé-
ries, 1509-1589, tome I, 1858, page
160), a seulement analysées. La de-
mande officielle de sauf-conduit
adressée au nom de la reine d'Ecosse
par les lords du conseil privé à Eli-
sabeth, est libellée en faveur « de
notre cousin lord Harye de Valoys,
fils naturel de. , . notre très-cher père
le roi très-chrétien de digne mé-
moire et Jane lady Fleming sa mère,
avec vingt-quatre personnes qui les
accompagnent et autant de che-
vaux. » ( . . . Our coivsingc lord Ha-
rxje de Valoys sotie naturalh io...
cure derrest fader the maist cristin
king of worthie memorie and Jane
lady Fleming lus moder wîtli xxiiij
personne with thème in companye and
as many horscs). Elle est datée d'E-
dinbourg, 25 août 1560. En admet-
tant que le passeport ait été accordé
sans délai et que le voynge ait eu
lieu avec une extrême promptitude,
il ne di!it guère s'écouler qu'un peu
moins d'une année entre le retour
de lady Fleming et sa mort.
Ce qui précède explique tout na-
turellement quel intérêt avait la
reine-mère à prescrire à Huillier,
lieutenant civil, de minutieuses re-
cherches dans les papiers de « Ma-
dame Flamyn. » Mais les sévérités de
Catherine de Médicis ne s'étendirent
pas jusqu'au iils de celle qui avait été
sa rivale. Tout au contraire, c'est à
elle qu'Henri d'Augoulême dut en
grande partie, d'abord l'éducation,
puis les honneurs et la fortune qu'il
reçut très-libéralement en partage,
il s'en montra d'ailleurs reconnais-
sant. Ses lettres à la reine, écrites
durant son gouvernement de Pro-
vence, sont le témoignage d'une défé-
rence sur laquelle nous en sommes
malheureusement réduits aux suppo-
sitions, puisque cette correspondance
est à Saiat-Pétersbourg. J. D.
Le Gérant : L. Sandret.
SAINT-QUENTIN.
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d'Elàabelh, par JI"^DE Marxignat. 299 p. — 4, Le Secret de Laurent, par M"" de Stolz,
273 p. — 5. La Quarantaine, par M™* de Witt, née GuizOT, 295 p. — 6. Le D' David
LiviNGSTONE : Dernier journal, abrégé d'ajirès la traduction de Mme H. Loreau, par
J. Belix de Laiinay. xxin-306 p.
Vie et voyagcH du D'^ Livingstone, par A. Gavard et A. Périer, ouvrage orné de gra-
vures et précédé d'une lettre par P. Ghaix. Paris, Delagrave, 1878, in-12 de 290 p.
Prix : 3 fr., relié. — Le petit marquii de Carabas, par la vicomtesse de Pitray, née de
SÉGUR. Ouvrage orné de 10 gravures, par Boutel. Paris, Didot. 1878, in-12 de 312 p.
Prix.: 3 fr.
La librairie parisienne offre, pour les étrennes de 1879, de nombreux
et remarquables spécimens de publications illustrées.
La maison Hachette nous donne, avec le splendide Roland furieux
que rehausse le crayon de Gustave Doré, et la Suisse de M. Jules Gour-
dault, un nouveau volume de la Nouvelle (jéographie universelle de
M. Elisée Reclus; les premiers volumes de VHistoire des Romains par
M.Victor Duruj,et de VHistoire de France de 1789 à 1848, par M.Guizot;
deux beaux volumes de Stanlej : A travers le continent mystérieux ;
les Fouilles de Mycènes, d'Henri Schliemann; un ouvrage de M. Louis
Figuier : Connais-toi toi-même^ que nous regrettons de ne pouvoir louer
sans réserve, et, indépendamment des divers séries illustrées dont les
volumes sont énumérés dans notre sommaire, la suite du Tour du
monde et duJournal de la Jeunesse.
La maison Mame se présente avec deux ouvrages magnifiquement
illustrés : le Saint Louis et la Sainte Elisabeth de Hongrie, succédant au
Charlemagne de M. Vétault, honoré, en 1877, du grand prix Gobert
par l'Académie française, et avec le deuxième volume du Théâtre choisi
de Molière, faisant partie de la belle Collection des chefs-d'œuvre de la
langue française au dix-septième siècle.
La maison Didot nous a envoyé les deux remarquables volumes de
M. Alphonse Dantier : les Femmes dans la société chrétienne ; l'His-
toire abrégée des beaux-arts, de M. Félix Clément, et la charmante
Galerie des rues du vieux Paris, par M. Victor Fournel,
La maison Palmé a fait paraître le superbe Christophe Colomb de
M. Roselly de Lorgnes, et deux volumes illustrés qui se recommandent
d'eux-mêmes à nos lecteurs : Au service du pays, par le R. P. Chauveau,
et La Première aventure de Corentin Quimpcr, par M. Paul Féval.
La maison Pion nous donne une nouvelle édition du bel Album de
M. A Magaud : le Génie civilisateur du catholicisme, tableaux histo-
riques; une édition, illustrée de douze eaux-fortes et de nombreuses
gravures d'après le maître, de Sahara et Sahel, d'Eugène Fromentin,
et des Nouvelles historiques de Raoul de Navery, réunies sous le titre
de : Cœurs vaillants, et illustrées de 50 gravures sur bois. Nous re-
grettons d'avoir reçu ces remarquables publications trop tard pour
en parler plus longuement dans la présente livraison. — Il en est de
même pour un ouvrage qui nous arrive à la dernière heure : les Bébés
d'Hélène, imité de J. Habberton, par M. "V\'iIIiam L. Hughes, avec
— 483 —
illustrations de Bertall, publié à la librairie du Magasin des Demoi-
selles.
Enfin nous devons une mention aux belles publications de la librairie
Oudin : les Châteaux historiques de France,dont dix fascicules ont paru,
offrant le^ monographies des châteaux de Sully, de la Rochefou-
cauld, d'Amboise, de Serrant, de Josselin, etc. , et le Manuel de l'art
chrétien, extrait du grand ouvrage si estimé de M. le comte Gri-
mouard de Saint-Laurent.
La présente livraison ne pourrait suffire à présenter, d'une façon ap-
profondie, cet ensemble de travaux remarquables. Nous en passerons
du moins en revue une bonne partie, parmi lesquels le lecteur n'aura
que l'embarras du choix.
— LA propos du tome II du Théâtre choisi de Molière, qui termine
l'édition donnée dans la belle collection de la maison Mame, nous ne
pouvons que répéter les éloges que nous donnions à celui dont il a été
précédé. Le papier est superbe, l'impression est admirable. En tête
non-seulement de chaque pièce, ce qui serait déjà un grand luxe, mais
de chaque acte, une charmante eau-forte de V. Foulquier réjouit le
regard en s'inspirant de la scène principale de cet acte. Nous voyons
ainsi défiler tous cec personnages si vrais, si amusants : Harpagon,
Maître Jacques, M. de Pourceaugnac et ses docteurs, le Bourgeois-
Gentilhomme et le Maître à danser, Scapin, Géronte, la pédante Ara-
minte, le bonhomme Crjsale, Trissotin, Vadius, le Malade imaginaire,
M. Purgon, M. Diafoirus, tout ce monde qui est sorti du génie de Mo-
lière et qui vivra éternellement. Nous n'avons qu'un regret^et nous l'a-
vons déjà exprimé l'année dernière; quelques comédies ontété laissées
de côté : l'Étourdi, l'Amour médecin, la Comt'.'sse d'Escarbagnas, le Ma-
riage forcé, le Sicilien... Ce sont, il est vrai, les productions inférieures
de Molière ; mais, dans chacune d'elles_, il y a des scènes que Molière
seul pouvait trouver. Nous pensions que la proscription aurait au
moins épargné les Fâcheux, où il j a tant de jolis vers, tant de scènes
charmantes. Au reste, cette espèce de critique n'est peut-être pas
très-fondée : toutes les bibliothèques renferment, et à plus d'un exem-
plaire, desMoliéres complets, où l'on pourra toujours relire les pièces
exclues de cette édition ; celle-ci n'est destinée qu'aux chefs-d'oeuvre,
dont elle est si digne à tous égards.
— Nous avons déjà (t. XXII, p. 509) signalé à nos lecteurs la
nouvelle édition illustrée de l'Histoire des Romains de M. Victor Duruy,
publiée par livraisons dans le cours de cette année, et dont le premier
volume vient d'être en entier livré au public. S'aidant de toutes les
ressources que les progrès de la science archéologique ont mises à
leur disposition, les habiles éditeurs ont donné à cette publication une
valeur artistique de premier ordre, et c'est une vraie jouissance que
— ibi —
de feuilleter ces pages, ornées d'environ cinq cents gravures dessinées
sur bois d'après l'antique, de sept planches en couleur, et qu'accom-
pagnent onze cartes géographiques. Nous ne sommes ici qu'au début
de cette grande publication, qui ne comptera pas moins de six à sept
volumes et qui formera comme un véritable musée où la vieille Rome
se révélera tout entière. Nous renouvelons le vœu exprimé il y a six
mois relativement au texte : car il serait profondément regrettable
qu'un si beau livre ne pût être accueilli avec faveur par tous ceux qui
ont le culte du beau et du vrai.
— A côté de VHistoire des Romains, la maison Hachette nous donne
une suite à VHistoire de France de M. Guizot, comprenant la période qui
s'étend de 1789 à 1848, et qui doit former deux volumes. Le premier a
paru ; il contient plus de cent gravures dessinées sur bois par les
meilleurs artistes. Ce n'est pas ici le lieu d'insister sur les quelques
réserves que nous pourrions avoir à formuler ça et là : nous aurons
occasion d'y revenir. Bornons-nous à dire que c'est une œuvre digne
de l'illustre historien et où brillent les qualités de style de M'"*' de
Witt, qui a recueilli avec un soin pieux leis récits et les conver-
sations de son père pour en former le présent ouvrage.
— Nous retrouvons chaque année le Journal de la Jeunesse, parvenu
à ses tomes XI et XII, et chaque année nous n'avons que des éloges à
donner à l'heureux choix des matériaux, à rintJtêt soutenu, à l'abon-
dance et à la bonne exécution des illustrations. La collection de 1878
nous oiïre, comme nouvelles, la seconde partie de Montluc le Rouge,
par M. Alfred Assollant; Cousine Marie, par M"*' Gouraud; l'Héritière
de Vauclain, par M™" Colomb ; les Pilotes d'Ango, par M. Léon Cahun;
le Charmeur de serpents, par M. Louis Rousselet ; Grand Cœur, par
M"^ Zénaïde Fleuriot ; la deuxième partie du Neveu de l'oncle Placide,
par M. Girardin, travaux que nous retrouverons dans la collection illus-
trée à 6 francs ; comme récits de voyages : l'Afrique centrale, la Tra-
versée de V Afrique par Cameron; deux articles de M. Louis Rousselet; —
comme récits d'histoire : Laio et la mer du Sud, par M™^ de Witt ; —
comme mélanges littéraires : des Contes japonais, catalans, tartares, etc.;
les Œufs de Pâques, de M. Aimé Géron, etc.; — comme causeries
scientifiques : des articles sur les Esquimaux, les glaces, les champi-
gnons, l'industrie du papier, les mollusques, le phonographe, le télé-
phone, le ballon captif, le brochet, la carpe, les madrépores, etc. —
M. A. Saint-Paul a continué sa revue intitulée : A travers la France;
l'Exposition de 1878 a fourni le sujet de très-nombreux articles ;
M"*^ Zénaïde Fleuriot a rappelé à grands traits la vie de Pie IX ; M. P.
Vincent a donné une série d'articles sur le Verre. Tel est le cadre,
toujours varié et instructif, de cette publication, dont le succès va
croissant.
— 48o —
— On ne saurait rien imaginer de plus désopilant que les Aventures et
mésaventures du bm-on deMûnchhansen, imitées de l'allemand par M. J.
Levoisin, et si bien illustrées de dix-huit planches en chromolithogra-
phie par M. E. Bichard, C'est un des plus jolis albums de la maison
Hachette, et, soit qu'on contemple le noble baron attachant, unjour de
neige, son cheval à un « petit arbre gelé » qui se trouve être la flèche
d'un clocher; ou enfourchant un boulet, en uniforme de colonel de hus-
sards rouges, pour rejoindre les siens à travers les airs; ou dégringolant
avec une bande de canards, qui l'avaient enlevé, dans la cheminée de
son manoir; ou enfin, enlevant sa voiture sur son dos et ses chevaux
sous ses bras, pour céder le pas à des dames dans un chemin trop étroit,
on ne pourra s'empêcher de rire de ces aventures véritablement fantas-
tiques.
— Les Cent récits d'histoire natiirelle, de M. Ch, Delon, présentent
la disposition suivante : une page est réservée au récit, et, en regard,
on trouve une grande gravure se rapportant au texte, lequel, lui aussi,
contient souvent une ou plusieurs petites gravures. L'ordre suivi est
scrupuleusement scientifique. L'ouvrage qui, d'ailleurs, est bien à la
portée des jeunes lecteurs, s'étend aux espèces éteintes et anté-
diluviennes; conçu dans d'heureuses proportions, il est de nature à
développer le goût de l'histoire naturelle chez les enfants, et à les
porter vers une science qu'ils pourront cultiver amplement plus tard.
— L'album, avec gravures coloriées, publié par la maison Delagrave,
sous ce titre : Nos gloires nationales, a pour but de faire aimer aux
enfants leur pays par l'histoire des événements mémorables dont il a
été témoin, et des grands hommes dont l'exemple peut exciter leur
émulation pour le bien. Il y a vingt-quatre récits, se succédant dans
l'ordre chronologique, depuis les druides jusqu'aux armées de la
République (Vercingétorix, sainte Geneviève, Clovis, Charlemagne,
Godefroy de Bouillon, les Communes, saint Louis, Jeanne d'Arc,
Henri IV, le grand Condé, Mathieu Mole, Louis XIV, les États
généraux de 1789, etc.), occupant une page de texte et accompagnés
d'une grande image coloriée, répétant aux yeux ce que l'esprit vient
de saisir. Ce n'est point parfait au point de vue de l'art, mais c'est
mieux que ce que l'on met souvent aux mains des enfants. Le texte,
s'il n'est point emprunté à M. Hubault, est du moins inspiré par le
même excellent esprit qui recommande ses Histoires de France : il
est catholique et antirévolutionnaire. Nous aurions voulu, toutefois,
quelque chose de plus saisissant pour les enfants, qui devront recourir
aux explications de leurs parents.
II. — La Collection, de biographies nationales entreprise par la
maison Marne, avec tant de succès, s'est enrichie de deux nouveaux
volumes sur Bayart et Turenne. L'Histoire de Pierre Terrail, seigneur
— 486 —
de Bayart, par M. A. Prudhomme, sans être un travail d'érudition,
est pourtant rédigé avec toute la précision et la sûreté de critique
qui distinguent généralement les travaux des anciens élèves de l'Ecole
des chartes. Ce livre n'est donc point une sorte d'imitation ou de
reproduction des nombreuses histoires populaires du Chevalier sans
peur et sans reproche^ qu'on retrouve partout. Il a une physionomie ori-
ginale qui lui crée une plaoe à part. Déplus, dans l'histoire de Bayart,
il fallait surtout viser à reproduire en quelque sorte, l'humeur gaie et
naïve de la chronique, tout en la rajeunissant et en la revêtant du
langage moderne. Tâche délicate qu'on devait nécessairement confier
à des mains habituées à manier les textes du moyen' âge. M. Pru-
dhomme s'en est habilement tiré; comme la chronique, son livre est
divisé en un grand nombre de chapitres courts, ce qui en rend la
lecture facile et lui conserve une partie de la naïveté des récits du
Loyal Serviteur.
— 'L'Histoire de Turenne, de M. L. Armagnac, a été soigneusement
écrite, sur les meilleures sources. L'auteur a pris pour épigraphe ces
paroles de Turenne : « Il ne faut pas qu'il y ait un homme de guerre
en repos en France, tant qu'il y aura un Allemand en-deçà du Rhin
en Alsace. » Son livre ne s'adresse pourtant pas à des hommes de
guerre, mais aux enfants, aux jeunes gens, qui trouveront dans ces
pages, écrites dans un style ardent, d'éloquentes leçons de patriotisme.
Grâce à des renseignements puisés dans les anciens manuscrits,
M. Armagnac a pu ajouter de nouveaux traits à la biographie de
Turenne, tant de fois essayée et toujours imparfaite. Tout en conser-
vant à son livre son caractère de vulgarisation, il a pu corriger plu-
sieurs erreurs de ses devanciers, et arriver à plus de précision sur
différents points. Turenne guerrier, diplomate, homme d'Etat, écri-
vain, est très-judicieusement apprécié, et nous ne pouvons que recom-
mander la lecture de ce livre, qui se termine par cette pensée patrio-
tique : « Que notre jeune génération, appelée tout entière à porter
les armes, imite cette vie de devoir et de dévouement; elle ne peut
se proposer un plus bel exemple. L'illustre et modeste Turenne sut
allier les vertus privées au génie militaire. Ce grand homme fut un
homme de bien. »
— III. Huit volumes de la Nouvelle collection illustrée à l'usage de
la jeunesse ont paru à la librairie Hachette.
— l.Les Pilotes d' Ango nous offrent le récit très-varié d'expéditions
maritimes très-intéressantes, comme on en rencontrait au seizième
siècle, époque où l'auteur s'est transporté. Ce récit est mis dans la
bouche même on plutôt sous la plume de l'un de ces hardis marins
si" bien ressuscites par M. Léon Cahun. C'est René Binot Paulmier
de Gonneville qui nous raconte sa vie accidentée, à laquelle se
— 487 —
mêlent les aventures de nombreux personnages, peints avec beaucoup
de vérité, à commencer par maître de Quercu et par Braguibus. On
voit que M. Cahun a fait une sérieuse étude des temps où il a placé
son récit et une étude très -attentive aussi de notre ancienne langue.
Sans tomber dans des exagérations archaïques, il reproduit très-bien
les allures du charmant français du seizième siècle.
— 2. C'est encore un marin dont M"^ Fleuriot nous parle dans Grand
Cœur, mais un marin de notre temps, et à l'époque de sa vie où elle
nous le présente, il vit retiré dans un petit manoir de la Bretagne.
Il y vit dans lasolitude, car une nièce qu'il avait élevée s'étant mariée
contre son gré, i^ n'a plus voulu la voir. Il a appris qu'elle avait perdu
son mari, qu'elle était malheureuse, presque pauvre. La marquise de
Kernigal a essayé d'amener une réconciliation ; le vieux marin est
resté impitoyable. La guerre de 1870 éclate ; il ne peut se résoudre à
rester inactif; bravement, il s'engage comme volontaire, et se trouve
en fréquents rapports avec un jeune homme, un enfant plutôt, qui
lui sauve la vie et qu'il se prend à aimer tendrement. Il faut lire dans
le livre même par quelle suite d'événements le marin, dans cet enfant,
finit par reconnaître son petit-neveu, et par pardonner à la mère de
celui-ci. Ce récit nous a paru charmant d'un bouta l'autre. M"e Fleuriot,
autour de ses personnages principaux, en agroupé d'autres fort vrais,
fort amusants. Certes le père qui, avant de donner ce volume à son fils,
l'ouvrira lui-même, ne le quittera pas sans le lire jusqu'à la fin.
— 3. La contagion du bien! On est heureux d'en être atteint, quand
elle nous est communiquée par une charmante personne comme
Cousine Marie. Tout se transforme autour d'elle, sous l'influence de sa
solide éducation, de son aimable caractère, de son bon cœur et de son
dévouement. Seule avec «on père, un brave militaire, elle est mise
dans une pension où maîtresses et élèves concourent à développer ses
bonnes qualités. Son père la reprend avec lui, lorsque des blessures le
forcent à se retirer avec une modeste pension et peu de fortune. Marie
Cormery est au comble du bonheur de pouvoir se dévouer à lui ; elle
relève son courage, et, quand les ressources s'épuisent, c'est par son
travail qu'elle les augmente : eUe écrit des livres pour les enfants.
C'est sur les conseils de son ancien professeur d'histoire, M. Delorme,
qu'elle a pris cette détermination : il dirige ses premiers pas dans la
carrière littéraire, et témoigne au père et à la fille un admirable dé-
vouement. Quelles bonnes et attachantes figures que celles de Colette,
la domestique, et de l'ordonnance! Marie recueille son ancienne sous-
maîtresse, M"'' Angélique, que le besoin allait réduire au désespoir,
et dont la compagnie lui devient une précieuse ressource. Elle sera
l'instrument qui ramènera à la vie sérieuse et raisonnable la sœur
et la mère du cousin Paul, M"^ des Tourelles et sa mère, M™' Sola-
— 488 —
ville, tout occupées de frivolités mondaines, de toilettes et de fêtes.
Ces dames n'avaient autrefois que de la pitié pour Marie, pauvre fille
sans fortune et sans élégance. Son cousin Paul seul s'intéressait à
elle et l'amusait les jours de sorties de la pension. Il en est resté, au
fond de leur cœur, une affection discrète, que l'éloignement n'a pas
affaiblie, et qui conduit à un mariage. C'est là un charmant et bon
livre. Toutefois, on pourrait se demander s'il n'est pas fâcheux de faire
entrevoir aux jeunes filles l'horizon de la carrière littéraire ? s'il est
conforme à la vraisemblance que Paul reconduise seul sa petite cou-
sine au pensionnat? s'il n'est pas anormal de proposer à des jeunes
filles des mères frivoles à convertir? et surtout pourquoi, au mépris
de tant de graves considérations religieuses et morales, on nous donne
ici pour dénoûment — comme d'ailleurs, dans une foule d'ouvrages
écrits pour la jeunesse — un mariage entre cousin et cousine?...
— 4. Les aventures de Montluc le Rouge auront, auprès des jeunes
gens, le succès de Cousine Marie auprès des jeunes filles. Ce ne sont
que coups de sabre et coups de canon, expéditions sur terre et sur mer,
morts et blessés, et tout cela pour la France. Il y a là vie et mou-
vement et un sentiment patriotique très-prononcé. On se rappelle
pent-être que, l'année dernière, M. Assollant avait laissé Montluc le
Bouge débarquant d'Amérique chez le curé de Gimel ; il était venu
chercher en France des renforts pour conserverie Canada à la France.
La cour et les ministres ont d'autres soucis ; nous le voyons repartir
avec les seuls auxiliaires qu'il a pu se procurer par lui-même. Ce sont
le brave curé de Gimel, véritable apôtre, prêt à donner sa vie pour la
France et pour la religion; Beaupoil et Marion, la gouvernante chargée
de faire la cuisine à la française et d'égayer la société par ses bou-
tades; le capitaine Gandar, véritable Marseillais de la Canebière.
Comment raconter tous les épisodes de la traversée et de l'abordage,
toutes les ruses stratégiques de Montluc, ses exploits quasi-fabuleux,
comme cette expédition contre les Anglais, dont le héros est le sauvage
et fidèle BufFalo à la tête d'un régiment de serpents à sonnettes qu'il a
charmés et qu'il conduit au combat au son de son instrument. Il faudrait
raconter les déguisements de M. de Kildare, qui, avec son costume de
ministre protestant, pénètre à Boston, laisse soupirer la fille de la
maîtresse d'hôtel, Angelina Porter, surprend les secrets des Anglais,
est reconnu, arrêté, comparaît devant la justice, où il provoque les
scènes les plus comiques, est condamné à la prison et à la mort, et
échappe à tous les dangers. Finalement, la victoire reste aux Montluc,
qui s'emparent de Boston. On voudrait avoir la suite, tant ce récit inté-
resse et excite de nobles et généreux sentiments. Mais la suite serait
la perte du Canada, et il est mieux de rester sur une impression plus
consolante pour notre patriotisme.
— 48;) —
— 5. Le Neveu de l'oncle Placide; A la recherche de l'héritage est aussi
la seconde partie d'un livre dont nous avons parlé l'an dernier (t. XX,
p. 473). Un héritage et une blessure sont venus fondre sur le héros au
moment de nos désastres, en 1870. Comme il s'agit d'un oncle d'A-
mérique, c'est en Améripue que nous sommes transportés. Comment
et à travers quelles aventures? C'est ce que voudront savoir tous
ceux qui ont lu la première partie de YOmlc Placide, et qui con-
naissent le charme des récits de M. Girardin,
— 6. La marquise de Vauclain n'a qu'un fils. Paul, qui s'éprend en
Angleterre d'une jeune institutrice, et l'épouse malgré sa mère. De
là, rupture entre la mère et le fils; celui-ci, désespéré, part pour
l'Australie, et le bruit court qu'il a été dévoré par les sauvages. Sa
femme, sur le point de mourir dans un hôpital de Londres, envoie sa
fille en France en la confiant à la marquise, qui reçoit l'enfant avec
répugnance, puis finit par s'y attacher, car elle reconnaît en elle le
sang de son fils. La mère, cependant n'est pas morte; elle vient
comme institutrice dans un château voisin de Vauclain, puis bientôt
à Vauclain même, où la marquise, qui ne la connaît pas, se prend à
l'aimer. Deux ans, elle reste là, ignorée ; mais elle peut voir son
enfant, la soigner, l'élever. Un jour vient pourtant où le secret se
découvre : lutte terrible entre l'orgueil de la marquise et son cœur,
touché de la douceur et des vertus de la jeune femme. C'est le cœur
qui l'emporte, grâce à l'intervention d'un vieil oncle, excellent homme,
le baron de Thoisay. Pour comble de bonheur, Paul, qu^on croyait
mort, revient d'Australie. Tel est le thème que M™° Colomb a déve-
loppé avec les qualités qui assureront à ce nouvel ouvrage le succès
des précédents.
— 7. En 1857, au moment de la révolte des Cipayes dans l'Inde
anglaise, une factorerie française est saccagée par Nana Sahib. Le
fils du propriétaire, André, sauvé par le nât Mali, le Charmeur de
serpents^ parcourt, à la recherche de son père et de sa sœur Berthe,
toute la péninsule gangétique. Déguisé en mendiant, sous l'escorte de
Mali et d'un jeune mendiant nommé Miana, il pénètre dans les sanc-
tuaires inaccessibles aux Européens, traverse des forêts gigantesques,
n'échappe à un cyclone que pour tomber entre les mains de sauvages
sanguinaires, les I\Ietchis, traverse l'Himalaya, et, après mille péri-
péties émouvantes où toutes les splendeurs de la nature et de la
civilisation indiennes se déroulent devant lui, il finit par retrouver
les siens. M. Louis Rousselet a su répandre dans ce nouvel ouvrage
toutes les ressources de son imagination et de sa profonde con-
naissance de cette contrée.
— 8. L'année dernière, M. Cortambert avait publié un Voyage pit-
toresque à travers le monde. Cette année, il décrit les Mœurs et les ca-
- 4% —
ractercs des peuples. Son travail est, comme le précédent, une com-
pilation : au lieu de parler lui-même, l'auteur réunit ce qu'ont dit les
écrivains les plus compétents : Chateaubriand, Guizot, Thiers, Mon-
tesquieu, Lamartine, M""^ de Staël, parmi les morts ; et, parmi les
vivants, MM. le duc d'Aumale, Taine, Mézières, Elisée Reclus,
Victor Hugo. A la leçon de géographie et d'histoire naturelle, se
joint, pour le jeune lecteur, la leçon de style : double plaisir, double
profit. De jolies gravures, extraites la plupart du Tour du Monde,
éclairent le texte presque à chaque page.
— IV. Dans un volume intitulé Au service du pays, et enrichi d'une
grand nombre d'illustrations, le R. P. Chauveau retrace la vie, et
surtout les derniers moments de dix-huit anciens élèves de l'École
préparatoire, dirigée avec tant de succès depuis un quart de siècle,
par les religieux de la Compagnie de Jésus. Ces jeunes gens,
l'honneur de leurs maîtres, la joie et l'espérance de leurs parents
ont été frappés devant l'ennemi, laissant à leurs proches et à leurs
amis, avec le souvenir d'une brillante jeunesse, pleine de foi, celui
d'un héroïsme piein de simplicité de grandeur, et, aux générations qui
leur succéderont sur les bancs de la même école, l'exemple recon-
fortant de cœurs prêts au sacrifice, parce qu'ils savent prier, et que
Tamour de la patrie est, pour eux, inséparable de l'amour de Dieu
et de la fidélité aux nobles traditions de leurs pères. « Dans nos
écoles, dit le pieux auteur de ces notices si palpitantes d'un doulou-
reux intérêt, dans nos écoles où l'éducation est à la fois catholique
et française, — et elle est vraiment française parce qu'elle est
par-dessus tout catholique, — ils avaient reçu des leçons de patrio-
tisme qu'ils n'oublièrent jamais. Souvent on leur avait dit qu'au jour
des grands périls le jeune homme chrétien doit donner à sa patrie
son temps, sa fortune, ses sueurs, sa vie, tout, excepté sa conscience,
qu'il ne garde inviolable que pour mieux servir son pays et pour
mieux l'aimer. Ce programme de nos écoles si indignement calomniées,
nos jeunes héros l'ont signé de leur sang. » Oui, le sacrifice a été
jusque là!... Les élèves des jésuites sont morts tués à l'ennemi, pour
infliger un démenti sans réplique à certains hommes d'Etat trop en-
clins à croire et à dire que les jésuites étaient incapables de faire un
bon chrétien et un bon Français !... Outragés par des assertions aussi
mensongères qu'ineptes, ils ne répondirent rien; mais, au jour des
grands périls, à l'appel de la patrie et de la religion, ils prirent tranquil-
lement leur chapelet des mains de leurs mères, allèrent se confes-
ser, bouclèrent leur ceinturon, et partirent modestement pour rem-
plir, et en tête de tous, leur devoir sacré de bons chrétiens et de bons
Français ; et ils le remplirent jusqu'au bout, soit que la mort leur vînt
du Prussien ou du garibaldien, soit qu'il leur falhU la recevoir du
— 491 —
communard parisien... Quelques-unes de ces notices, plus longues
que d'autres, — l'auteur aj^anteu plus de renseignements à sa disposi-
tion, — renferment des traits de caractères, des saillies, des portraits,
et surtout des extraits de correspondance qui font de ce livre, malgré
la tristesse bien naturelle qui plane sur toutes ses pages, — une des
lectures les plus attachantes que nous puissions recommander : et
comme cette lecture est en même temps des plus fortifiantes pour le
cœur et pour l'âme, par les exemples qu'elle rappelle, nous n'hésitons
pas à conclure que l'auteur à réalisé l'idéal, qu'il recherchait sans
doute, d'un beau et bon livre d'étrennes joignant, par l'illustration
dont le texte est enrichi, Tutile à l'agréable dans la meilleure acception
du mot
— La première aventure de Corentin Qulmper!... Nous n'avons
donc là qu'un commencement, et ce titre à lui seul est une double pro-
messe, promesse pour ce que contient le présent volume, et promesse
pour les volumes suivants : car l'histoire de Corentin Quimper est plus
qu'une légende, c'est tout une épopée; jugez-en par ce titre complet
que l'auteur rétablit, dès la première page, comme un engagement
pour l'avenir : « Victoires et conquêtes de Quimper (Corentin) de
Saint-Malo, dans le commerce, la marine, l'industrie, les arts, la
noblesse, la politique et tout, avec les aventures de Petit-Guern,
gentilhomme, du cousin Jean Piteux et de la cousine Fanchette Le-
goff, histoire utile et agréable, donnant les moyens de faire fortune
dans Paris comme ailleurs. » Et l'on comprend que le Pohjbiblion
ne va pas déflorer cette histoire — que dis-je! ce chapelet d'histoires
et d'aventures — en en donnant ici une pâle et sèche analyse. D'ail-
leurs, les épisodes s'y multiplient tellement (naufrages, prison,
assauts, incendie, évasions, etc., etc..) que la besogne serait bien
ardue, et de semblables récits ne se résument point : et puis il faut
laisser toute la surprise aux jeunes lecteurs, auxquels nous espérons
bien que de bons parents ou de bons amis donneront ce livre en
souvenir du premier jour de l'an de grâce 1879. Beaucoup de gra-
vures en illustrent le texte qui, vraiment, n'en avait pas si grand
besoin que cela. Car c'est du Féval et du meilleur. Nous nous
bornerons donc à dire de la Première aventure de Corentin Quimper :
« Prenez et lizez,... et puis faites des vœux pour que l'auteur ne nous
fasse pas attendre la suite trop longtemps. »
— V. Nous avons reçu trois volumes de la Bibliothèque des mer-
veilles. L'un est consacré aux 3Iigrations des oiseaux; il est le fruit
d'observations nombreuses et compétentes, faites, non-seulement par
l'auteur, mais encore par des correspondants donnant, sur les contrées
éloignées, des renseignements qui n'auraient pu être receuillis direc-
tement par un seul. Mais pourquoi tant de digressions, et dans un
— 492 —
ouvrage qui devrait avoir un caractère scientifique, un ton qui n'est
point à sa place ? Certaines gravures laissent aussi à désirer comme
exactitude, et déparent un livre qui, sans ce double défaut, tiendrait
dignement et utilement sa place dans la collection.
— 2. Le Voyage aux sept merveilles du monde est un livre d'une
érudition facile et enjouée. La plupart des choses que désignait ainsi
l'antiquité hellénique ont complètement disparu, ou ne laissent que des
ruines, tels le colosse de Rhodes, le temple de Diane à Ephèse, le
Jupiter d'0l3^mpie_, le phare d'Alexandrie, Babylone. Seules, les
Pyramides d'Egypte, bâties près des sables mouvants du désert, ont
bravé les siècles et défient encore l'avenir. Mais partout le cadre reste,
et le cadre, ce sont des contrées dont le nom seul échauffe l'imagi-
nation. M. Lucien Auge de Lassus nous y promène en guide conscien-
cieux : renseignements tirés des écrivains antiques, traditions pri-
mitives ou mythologiques, fables gracieuses ou terribles, souvenirs
historiques, état actuel des lieux et des ruines, rien n'est oublié. Un
tel livre sera pour la jeunesse de nos collèges un excellent commen-
taire des auteurs classiques. Des gravures intelligemment exécutées
par Sidney-Barclay accompagnent le texte : celles qui donnent le
dessin restauré des sept merveilles du monde ont été composées
sur les croquis et d'après les indications de M. Louis Bernier, ar-
chitecte.
— 31 Nous ne ferons que mentionner Touvrage, très-soigné_, à tous
égards, que nous donne M. C. Colomb, sur la Musique, dans la même
collection. Le Polijbiblion doit consacrer, prochainement un article
spécial aux publications relatives à ce sujet, et nous pourrons alors
revenir sur ce volume.
— VL Arrivons aux nouveaux volumes de la Bibliothèque rose.
— 1. Le Fils du maquignon, de M™" la vicomtesse de Pitray, est
une charmante histoire, pleine d'épisodes dramatiques qui tiendront
en éveil l'attention des jeunes lecteurs. Robert Hardy vit honora-
blement dans une ferme en Normandie^ jusqu'à ce qu'il se laisse
débaucher par un ami, qui l'entraîne à de folles dépenses et à des
actes d'improbité ; sa malheureuse femme tombe malade, et le docteur
fait comprendre au mari que c'est lui qui est cause de la maladie.
Robert revient à de meilleurs sentiments ; mais, la santé rendue à
Julienne, lui retourne à ces mauvaises habitudes, si bien qu'un beau
jour on vient saisir le mobilier de la ferme. Sa femme en devient
folle; ils se retirent alors dans un petit bien, au Vallon-Vert, où leur
fils Germain, qui avait été tenu éloigné jusque-là comme un témoin
importun, vient les rejoindre. Robert meurt subitement. Les cris
déchirants de son repentir, à ses derniers moments, font une telle
— i'J3 -
impression sur Julienne qu'elle recouvre l'usage de son esprit. Germain
travaille avec ardeur pour faire vivre sa mère, et tout l'argent qu'il
recueille sert à payer les dettes de son père et à dédommager les
personnes qu'il a trompées. Cette conduite lui attire des sympathies : un
général, auquel il rembourse le prix d'un cheval; le docteur, qui avait
été bien à même de l'apprécier, s'intéressent à son sort. Habile
sculpteur, il fait le buste de la fille du docteur, puis il l'épouse, et
heureux par suite de sa bonne conduite, il fait des heureux autour
de lui.
— 2. La Maison modelé, par Miie Marie Maréchal. — Meltzy de Morey
a passé les premières années de sa vie au sein de l'opulence, et elle
a été singulièrement gâtée. Mais de malheureuses spéculations en-
traînent la ruine de son père ; il faut renoncer à la satisfaction de ses
caprices. M. et M™*" de Morey partent pour l'Amérique, et laissent leur
fille au soin de son oncle, M. de la Bruniére, qui l'accepte volontiers
comme un douzième enfant. Meltzy tombait dans la Maison modèle,
qui était loin de réaliser ses rêves. On était plein d'affection pour
elle ; mais on ne craignait pas de la contrarier; il n'y avait plus cette
large existence qu'elle avait goûtée chez ses parents, et, quant à ses
fantaisies, personne ne se souciait de les satisfaire. Elle était maussade,
désobéissante, et trouvait tout le monde déplaisant. C'était cepen-
dant le meilleur milieu pour la former. Longtemps rebelle, elle finit
par subir l'influence de cette famille où l'on vit unis, heureux de
se rendre service les uns aux autres. Meltzy grandit au milieu de ses
cousins et cousines. Tous prennent une position, plusieurs se marient.
Le tour arrive pour Meltzy lorsque ses parents reviennent d'Amé-
rique avec une honnête fortune : c'est un de ses cousins qu'elle épouse.
Nous reprocherons ce dénoùment à M"" Maréchal ; son imagination
aurait pu en trouver un autre. Du reste Thistoire est fort bien
conduite, d'un intérêt soutenu, et pleine d'utiles enseignements pour
les enfants. C'est assurément ce qu'on peut appeler un bon livre dans
toute l'acception du mot.
— 3. Les Vacances d'Elisabeth, par M"" de Martignat. — Elisabeth
arrive en vacances; elle ne retrouve plus son frère; son grand-père Ta
renvoyé, parce qu'il veut, à toute force, se faire artiste, et il dit à
Elisabeth de ne jamais lui en parler, et de ne jamais lui demander
ce qu'il est devenu. Mais cela ne satisfait pas le cœur de la jeune
fille. Son petit ami Nel, enfant de bohémien recueilli par ses grands-
parents, vient à son aide. Ils réussissent à trouver la trace de Maurice,
qui s'était réfugié au chalet des Genévriers, chez son ami Olivier,
ou plutôt Lord Rutholwan, qui paraît au début de l'histoire. Elisabeth
le ramène à son grand-père, et le réconcilie avec lui; comme le dit
l'auteur, elle avait bien employé ses vacances. Les aventures du
— 494 —
cousin Robert viennent allonger et égayer le récit, et suffiraient
à elles seules pour remplir un livre : c'est un aimable gamin, qui se
fait renvoyer du collège à cause de ses escapades, et joue tous
les tours possibles au général, son tuteur. L'intérêt n'est point pal-
pitant, et l'on ne voit pas bien quelle leçon les enfants pourront tirer
de ce récit.
^ 4. Il y a plus de vie dans le Secret de Laurent, par M™^ de Stolz.
Une jeune et élégante dame sort de chez un papetier avec un
paquet d'enveloppes, qui tombe dans la rue : une petite fille, Marie Du-
breuil, l'aide à les ramasser; en voulant la remercier, elle remarque sur
la figure de Marie les traces de la souffrance; s'inquiète de ce qu^elle
éprouve, et la petite lui expose la misère de sa famille; alors la dame
lui remet quelques-unes de ses enveloppes, en lui recommandant de
s'en servir pour lui écrire quand elle aura besoin de quelque chose. La
marquise répondait toujours par quelques générosités qui tombaient
bien. Elle avait à son service un petit domestique, Laurent, dont la
mère était aussi dans le besoin, et qui allait être poursuivie faute du
payement de cent francs. Laurent trouva un jour une de ces fameuses
enveloppes, contenant la somme qu'il aurait fallu à sa mère; la ten-
tation était forte : il succomba, mais pour se repentir bieutôt, surtout
quand il eut lu la lettre de la petite Marie, à laquelle répondait le billet
volé. Plus tard, la marquise prit Marie à son service. Les deux jeunes
gens ne vécurent pas longtemps sous le même toit sans ressentir une
mutuelle affection, présage d'un mariage que tout le monde approu-
vait. Mais Laurent paraissait triste, ne disait rien et dépérissait.
La cause de son chagrin n'était un mystère pour personne. Pourquoi
ne faisait-il pas l'aveu de son sentiment ? C'était là son secret, que sa
maîtresse réussit à lui arracher. Il se rappelait sa faute ; il ne voulait
pas la faire connaître à Marie, qui l'aurait méprisé et refusé ; d'un
autre côté, il n'aurait pas voulu l'épouser en lui cachant son vol. On
devine que ces difficultés furent levées et qu'ils firent un heureux
ménage. Toutes ces aventures composent un récit intéressant, qui laisse
la meilleure impression.
— 5. En quarantaine, par M""^ de Witt. — La fièvre scarlatine
s'abat simultanément sur tous les enfants de M. et M""^ d'Avrigny, au
moment des vacancesdu jour de l'an. Les bons soins de leurs parents et
de leur grand'mère, M™'' Delbarre, assurent leur rétablissement : mais
il faut mettre ce petit monde en quarantaine pendant la longue con-
valescence : de là le titre du livre. Pour l'occuper et le distraire,
les parents inventent des jeux auxquels nous prenons part — loto-
dauphin, conséquences, bouts rimes, etc., — et racontent des histoires
que nous écout"ns; les unes sont émouvantes, comme celle de la jeune
fille directrice du télégraphe qui se rapporte à la guerre Je 1870, ou
— 49o —
celle du petit mousse, toutes aboutissant à une morale très-nette. Il y
a de la variété, suffisamment d'intérêt, quoiqu'il n'y ait pas d'action;
l'esprit chrétien est très-accusé; des curés sont mis en scène avec un
beau rôle, comme aussi un pasteur protestant qui perd sa femme en
soignant des malades ; c'est le seul fait qui accuse les opinions protes-
tantes de l'auteur. Il y a bien aussi un mot sur la liberté de conscience,
mais c'est pour dire qu'elle est menacée par ceux qui ne croient pas
en Dieu.
— 7. Le PolybibUon a rendu compte (tome XIV, p. 509) du dernier
journaldu D^ Livingstone, publié en 2 volumes in-8par Waller, lorsque
la traduction de M"* H. Loreau en a paru, par les soins de la librairie
Hachette. Aujourd'hui M. J. Belin de Launay donne, dans la Biblio-
thèque rose, un abrégé de ce Dernier journal, qui, assurément, méritait
bien d'être ainsi vulgarisé et mis à la portée de ceux qui ne peuvent
aborder les ouvrages plus considérables. Ce volume complète l'histoire
de la vie et des travaux de l'homme de bien qui a ajouté une si
grande masse de connaissances au trésor scientifique du dix-neuvième
siècle, et restera une des gloires les plus pures et les plus incontes-
tables de l'Angleterre. Nous croyons n'avoir besoin que de signaler cet
abrégé, qui contient tant de récits émouvants, et se termine par les
derniers moments, pleins de grandeur chrétienne, du héros de l'Afrique
centrale ; il est enrichi de seize vignettes sur bois et une carte d'en-
semble, présentant les tracés des grandes cartes antérieurement
publiées. Une introduction de vingt-quatre pages résume à grands
traits toute l'histoire des découvertes de Livingstone, et donne, sur
quelques questions ethnographiques ou d'histoire, de précieuses indi-
cations.
— VII. Terminons par deux publications illustrées qui peuvent se
rattacher aux précédentes.
Résumer en un petit volume, accessible à tous par son prix et
vulgarisant une masse considérable de renseignements et de décou-
vertes, la vie si remplie et les travaux si mémorables du héros de
l'Afrique centrale n'était pas une besogne facile. Plusieurs écrivains
ont dû, croyons-nous, éprouver cette tentation de présenter dans leur
ensemble et leur enchaînement logique une série de voyages, d'aven-
tures, de découvertes scientifiques du plus haut intérêt, renfermés
jusqu'ici dans une dizaine de gros volumes. Nous félicitons MM. Ga-
vard et Perler d'avoir entrepris et mené à bon terme cette délicate
entreprise. Ils ont dû éliminer — et ils l'ont fait avec beaucoup
de tact — une quantité considérable d'anecdotes qui, pour intéres-
santes, curieuses et même instructives qu'elles sont, ne pouvaient
trouver place dans le cadre qu'ils s'étaient proposé de remplir.
- ilil) —
Le choix intelligent qui a présidé à leur travail est déjà un mérite
dont il leur faut tenir compte ; car, dans ce travail, rien d'essentiel
n'a été omis. Il y manque seulement une carte des voyages et
découvertes de l'intrépide explorateur; elle eût remplacé avec
avantage, selon nous, les gravures intercalées dans le texte, et permis
de se rendre plus aisément un compte exact de tout ce que la science
géographique et ethnographique doit au D"" Livingstone. Tel est
notre seul desideratum au sujet de ce petit volume qui, après avoir
retracé à grands traits les premières années et les premières études
de cet homme incomparable, expose, dans une suite de récits clairs et
attachants, les diverses phases de la grande œuvre à laquelle il a
consacré sa vie tout entière avec un dévouement sans bornes.
— C'est un enfant gâté comme il y en a peu que le Petit marquis de
Carabas.llâ perdu d'abord son père, puis sa mère, et reste confié aux
soins d'un grand-père qui va vite en besogne. Il lui raconte qu'il est
très-riche, qu'il possède de nombreuses propriétés; il consent à ce
que, à quatre ans, on l'appelle M. le comte; il lui cède son lit; il lui
donne pour joujou une pendule que h M. le comte i> se plaît à briser.
Le petit-fils va aussi vite en besogne; à mesure qu'il grandit, ses
caprices se développent; il mange beaucoup d'argent en chevaux et en
parties de plaisir, relativement honnêtes; avec des camarades heureux
de s'amuser à ses dépens. Le faible grand-père est bien obligé de lui
déclarer que ce train ne peut continuer, et le force à s'engager sur
un bâtiment. Le petit marquis, d'abord contrit, revient bientôt à ses
plaisirs avec des camarades qui ne le quittent pas, et qui l'entraînent
à déserter. C'est alors qu'il trouve sur son chemin de bons amis qui
lui font comprendre l'énormité de la faute qu'il vient de commettre et
lui font sentir la honte de sa conduite. Il n'est alors d'actes de dévoue-
ment qu'il n'accomplisse pour se réhabiliter : sauvetages au milieu
du feu et au milieu de l'eau ; secours aux cholériques à bord. Il revient
sur le bâtiment, où son dévouement et son repentir font oublier sa
mauvaise conduite. Il revient auprès de son grand-père, se met à la
tête de son exploitation, répare, par son travail courageux, les folies
de sa jeunesse, et prouve que la véritable noblesse consiste à faire le
bien. Il couronne sa nouvelle vie par un mariage selon son cœur, en
épousant sa cousine. Beaucoup d'enfants trouveront là de bonnes et
utiles leçons. Visenot.
— io: —
OUVRAGES SUR LE PAPE PIE IX
1. Histoire de Pie IX, son pontificat et son siècle, par l'abbé A, PoUGEOiS. Deuxième
volume. Paris, Pougeois, 1877. in-8 de 466 p. Prix : 7.50 — 2. La Captivité' de Pie JX,
histoire des huit dernières années de son pontificat, par Alex, de Saint-Albix. Paris,
Palmé. 1878, in-8 de 632 p. Prix : 6 fr. — 3. Histoire de Pie fX le Grand et de son pon-
tificat, par un membre de l'Académie des arcades de Rome. Ouvrage approuvé par
Msr l'évèque de Poitiers et précédé d'une lettre de Mgr Gay. Paris. Ressayre &
Ulmer, 1878, 2 vol. in-1'2 de 512-460 p. Prix : G fr. — 4. Vfe intime et édifiante de
Pie IX le Bien-Aimé, par le R. P. Huguet, S. M. Paris et Tournai, Castermann, 1878,
in-8 de 592 p. Prix : G l'r, — 5. Pie IX. par Louis Veuillot. Paris, Palmé, 1878,
in-12 de 123 p. Prix : 1 fr. — 6. Pie IX avant et pendant son pontificat, pages d'his-
toire contemporaine et récits anecdotiques, par l'abbé Dd.max. Paris, Palmé, 1877,
in-12 de 325 p. Prix : 3 fr. — 7. Le Pape Pie IX et l'empereur Napoléon III, par
M. l'abbé Marty, chanoine honoraire d'Alger. Paris, Douniol, 1878, in-8 de 100 p.
Prix : 1 fr. 50 — 8. Vie du pape Pie IX, ses œuvres et ses douleurs, par S, P. Taedirel,
rédacteur du Canadien et membre du cercle catholique de Québec. Québec, J. N,
Duquet, 1878, iu-S de 121 p,
La douce et grande figure de Pie IX appartient désormais à l'his-
toire ; elle domine dès maintenant, et de très-haut, toutes les per-
sonnalités plus ou moins fameuses et célèbres qui ont fait Tornement,
la gloire, la risée ou le déshonneur des trois premiers quarts de ce
siècle. La postérité sera évidemment un jour en mesure de puiser à
pleines mains dans une foule de documents diplomatiques ou autres
encore inconnus aujourd'hui. Néanmoins les données actuelles sont
telles, que nous ne croyons pas que l'aspect général de cette ferme et
paternelle physionomie soit jamais grandement modifié de ce que
Ta sentie, connue et aimée tout catholique de notre temps. La
sainteté est la note dominante et constante de ce caractère, de
cette âme. C'est celle qui paraît ressortir plus clairement de toutes
les histoires déjà composées en l'honneur de l'immortel Pontife qui a
dépassé les années de Pierre, au milieu de désastres inouïs, avec la
placidité des plus grands héros. La liste des ouvrages que nous venons
d'en donner, outre qu'elle n'est pas actuellement complète, le de-
viendra de moins en moins, car la Vie de Pie IX est faite assurément
pour tenter longtemps encore bien des écrivains.
— 1. Le travail de l'abbé Pougeois embrasse, dans leur ensemble,
tous les aspects de ce vaste sujet : la grande histoire du Pontificat
et du siècle de Pie IX qu'il a entreprise doit avoir dix volumes. Les
deux premiers seuls ont paru. Nous avons, ici même, parlé du premier.
Le second s'applique à une période mémorable entre toutes celles des
premières douleurs (1848-1849). C'est le commencement des épreuves.
Le saint Pontife y est aux prises, pour la deuxième fois, avec la révo-
lution. Une complication d'événements terribles marque cette partie
de l'histoire pontificale, qui comprend trois phases successives : le
triomphe de la démagogie romaine, l'exil du Saint-Père, et l'interven-
tion laborieuse des puissances catholiques pour la délivrance de la
ville éternelle. Le troisième volume doit s'ouvrir par le récit des né-
gociations relatives au retour du Souverain -Pontife dans sa capitale.
DHCK.MHRE 1878. T. .WIII, 32.
— 498 —
Nous doutons que l'auteur puisse le rendre plus intéressant, plus
dramatique que celui dont nous parlons en ce moment. Ce second
volume, en effet, est plein des scènes les plus palpitantes d'émotions.
C'est d'abord le ministère Mamiani et la guerre contre l'Autriche, puis
bientôt la révolution à Rome même, l'assassinat de Rossi préparé et
répété par les sociétés secrètes, la fuite du Pape à Gaëte, les hauts
faits dutriumvivat républicain de Rome, etc., etc. Chaleur de style,
exactitude d'informations, pureté de doctrine, ^tout concourt à rendre
ce volume de M. l'abbé Pougeois le livre obligé de toute bibliothèque
sérieuse.
— 2. J'en dirai autant de la CaptlvUé de Pie IX, par M. de Saint-
Albin, avec cette différence pourtant qu'il s'agit d'époques différentes.
M. de Saint-Albin a voulu donner une suite aux deux remarquables
volumes publiés par lui antérieurement, et qui allaient à peine jusqu'au
Concile. Son dernier travail comprend les douleurs des dernières
années, comme celui de M. l'abbé Pougeois raconte les douleurs du
commencement du pontificat. Car il semble qu'à quelque instant de
sa durée que l'on considère ce règne de trente-deux ans, on ne trouve
toujours que ruines, désastres, invasions. Mais, pour une bataille
matérielle perdue, que de victoires morales et qui un jour apparaîtront
comme le salut du monde ! M. de Saint-Albin ouvre son volume par
un chapitre consacré au Concile et aux négociations politiques et
religieuses y relatives; le dernier chapitre raconte les funérailles du
Pontife. Cette période de huit années est exposée en plus de 600 pages,
avec un grand talent et un esprit élevé qui embrasse les événements
d'un coup d'œil sûr et large, et les résume avec clarté ; beaucoup de
faits, nulle digression : c'est le complément nécessaire de toute his-
toire politique sur cette période du siècle comprise entre 1869 et 1877.
— 3. Avant de passer aux histoires particulières, ou plutôt écrites
à un point de vue spécial, je veux encore signaler une histoire géné-
rale de Pie IX fort bien faite, et qui se présente au public avec
deux recommandations précieuses, celles de M"' Pie et de M^^' Gay,
UHistoire de Pie IX le Grand et de son pontifical a été écrite par un
membre de l'Académie des Arcades à Rome; elle considère surtout
le Souverain-Pontife dans sa lutte gigantesque contre la Révolution.
C'est un véritable livre d'histoire, exact et complet, où les documents
précieux abondent et sont bien mis en relief, et dont l'orthodoxie,
comme doctrine, est garantie par les éminents patrons que je viens de
citer. Il suit l'ordre chronologique et paraît écrit au jour le jour, mais
non pas certes avec la sécheresse ordinaire aux annalistes de métier.
Cet ouvrage tient le milieu entre la grande histoire de M. Pougeois et
celle de M. de Saint Albin, et, en raison même de son volume,
s'adressera à un public plus nombreux que la première. Il n'en présente
— 500 —
point les récits dramatiques, mais on y trouvera les documents publics,
diplomatiques, pontificaux et autres, cités plus souvent et plus in ex-
tenso que dans la seconde.
— 4. Le R. P. Huguet a eu en vue de satisfaire surtout la piété
des fidèles en leur proposant la méditation des vertus éminentes du
Pontife Roi. Il a écrit principalement un livre d'édification qui s'adresse
à rame et au cœur, et le titre qu'il a choisi : Yic intime et édifiante de
Pie IX le Bien-Aimé, répond parfaitement à ce que tout lecteur trouvera
dans ces pages pleines de souvenirs pieux, d'anecdotes parfois char-
mantes, de réparties fines et spirituelles. Est-ce à dire que l'auteur ne
s'élève point parfois aux considérations comme au genre et au style de
la grande liistoire ? Je n'en disconviens pas, et il est telle page que
l'on pourrait citer et qui, à ce point de vue, ne laisse rien à désirer;
mais si c'est la majesté qui a touché surtout le membre de l'Académie
des Arcades dont je parlais tout à l'heure, et qui lui a fait donner à
Pie IX ce titre de grand, refusé par lui de son vivant, et que Fhistoire
confirmera sans doute, on sent parfaitement que c'est la tendresse du
Pontife et sa paternité_, plutôt que sa royauté, qui ont ému le docte
religieux et lui ont mis la plume à la main pour consoler et fortifier
les âmes par le spectacle d'une vertu pleine de charmes et d'onction.
Le R. P. Huguet n'a point négligé pourtant les faits purement maté-
riels, comme ceux de l'usurpation piémontaise et autres, sans l'exposé
desquels toute histoire de cet incomparable pontificat est impossible à
concevoir. Mais il y a tout un ordre défaits auxquels je suis un peu sur-
pris de voirie P. Huguet laisser son lecteur étranger, et je le suis d'au-
tant plus qu'il semble que ces faits rentraient plus dans le cadre qu^il
s'est choisi que dans celui des historiens précédemment cités. Je veux
parler de tout ce qu'a fait le Saint-Père pour les missions étrangères,
non-seulement pour le rétablissement de la hiérarchie catholique en
Angleterre et en Amérique, mais pour la prédication de l'Evangile
dans les immenses contrées de l'Asie, objet, nous le savons, de sa
sollicitude pontificale, et auquel il a imprimé une grande activité. Quel
sujet d'édification et d'instruction ! quelle mine précieuse, à peine
abordée malheureusement ! Il nous faut attendre probablement, pour
être pleinement édifiés sur ce sujet si vaste, la publication dnBuUaiye
de Pie IX, qui suivra, nous l'espérons, celle de ses Discours, laquelle
forme déjà trois volumes.
— 5,6. Les ouvrages, moins considérables que les précédents, consa-
crésà Pie IXpar M.L. Veuillot et M.l'abbéDumax, ne nous donneront
pas, au point de vue des missions, ce que nous regrettions de ne pas
trouver chez le P. Huguet; mais ils ne méritent pas moins nos sincères
éloges. Tout le monde ne peut se procurer ni lire des ouvrages
considérables, et les auteurs chrétiens qui consacrent leur talent à
— ;iOO ~
vulgariser, pour ainsi dire, l'histoire des héros de l'Église ont droit à
toute notre reconnaissance. Le petit volume de M. Veuillot est bien
ce que Ton pouvait attendre de cette plume si littéraire, de ce chrétien
si fervent et si ardent. Ces quelques pages magistrales et tendres, où
Ton sent vivre Tamour du Christ et de son vicaire, où l'on voit resplendir
sa doctrine sûre d'elle-même parce qu'elle repose sur le roc de Finfailli-
bilité catholique, ces pages ont, dansleur simplicité, un charme incompa-
rable, et elles portent avec elles une grande puissance de conviction
et de propagande. — L'abbé Dumax, aussi, offre une lecture entraînante
par les souvenirs et anecdotes dont il compose sa gerbe en l'honneur
du Saint-Père. Son livre nous paraît le livre type destiné aux biblio-
thèques d'œuvres, patronages, cercles, etc., et c'est là, dans notre
esprit, un éloge aussi complet que mérité.
— 7. L'abbé Martj, chanoine honoraire d'Alger, a considéré
Pie IX sous un tout autre aspect. Il a fait une œuvre de polémique, et
a placé résolument la victime en face de son persécuteur : le Pape
vis-à-vis de l'empereur. Hélas! il n'apprend rien à personne. Les
plus aveugles ont été forcés, à la fin, d'ouvrir les yeux à la lumière
et de se rappeler toutes les circonstances^ toutes les duplicités de la
politique napoléonienne, depuis la lettre à Edgar Ney et le « faites
vite » de Chambéry, jusqu'aux « jamais » de M. Rouher. Mais il n'est
pas mauvais, selon nous, de remettre les faits les plus avérés sous les
yeux des contemporains, attendu que, de nos jours, la mémoire est
parfois singulièrement courte à l'endroit des choses les plus sérieuses.
La brochure de l'abbé Marty a donc le mérite de l'actualité quand
même; elle a aussi celui, plus rare qu'on ne pense, de la clarté, de la
sobriété, de la sincérité. L'antithèse est écrasante pour l'un, et fait
de l'autre, tout vaincu qu'il a été pendant trente ans, un victorieux
définitif et sans réserve.
— 8. Terminons cette revue en signalant un petit opuscule qui
nous arrive du Canada : les enfants de l'ancienne France se sont
souvenu que leur mère patrie les avait jadis engendrés fils aînés de
l'Eglise! Beaucoup d'entre eux se sont enrôlés sous la bannière des
zouaves pontificaux et sont venus se ranger sous les ordres de notre
Lamoricière. Quelques-uns, après la bataille, laissant là leur épée
en attendant un nouvel appel, ont pris la plume pour continuer leur
œuvre, et nous sommes heureux d'avoir à présenter à nos lecteurs,
parmi un certain nombre de compositions en l'honneur de la Papauté^
le petit livre de M. Tardivel. C'est une biographie populaire, fort
bien faite, et revêtue de ïimprimaluràe l'archevêque de Québec. Elle
comprend, en quarante chapitres, le résumé complet de ce long et
glorieux pontificat, et se termine par quelques mots sur Léon XIII et
par la liste chronologique de tous les papes depuis saint Pierre.
F. DE ROQUEFEUIL.
— 'M)\ -
JURISPRUDENCE.
Explication sommaire du code civil, par J.-J. Delsol. 3« éd.;
avec le collaboration de Charles Lescœl'r. Paris, Cotillon, 1878, 3 vol.
in-S de vn-583, 736, 730. p. — Prix : 10 fr. le volume.
J'annonçais, il y a six mois (t. XXII, p. 495), la réimpression de
cet ouvrage, dont le premier volume avait paru au commencement de
l'année. Maintenant que la publication est terminée, il n'est pas inutile
de consacrer à l'œuvre entière un coup d'œil d'ensemble. On connaît
les mérites du livre : je les rappellerai brièvement. M. Delsol a long-
temps professé : son travail est uniquement conçu au point de vue de
l'enseignement. Le texte du Code Napoléon est intercalé dans le com-
mentaire, la distribution des matières correspond rigoureusement au
programme de chaque examen : c'est ainsi que le titre de la pres-
cription, le dernier code, est ajouté au second volume, quoique la loi
de 1855 sur la transcription demeure à la fin du troisième. On aurait
pu, engagé dans cette voie, scinder le titre de l'absence : tel avait
été le plan de M. Valette {Coings de code civil, 155, Paris, Marescq,
1873). Les explications sont simples et courtes : en peu de mots, les
systèmes sont exposés, appuyés ou écartés. Les citations d'arrêts ne
sont pas multipliées : mais,sur les grandes questions, on donne toujours
ce que j'appellerai Yarrct type, et, dans un livre élémentaire, il n'en
faut pas davantage. Jusr de Bernon.
SCIENCES ET ARTS.
IL.e Monde des plantes avant l'apparition de l'homme, par
le comte de Saporta, correspondant de l'Institut. Paris, A. Masson, 187'.),
gr. in-8 de il 6 p. avec 13 planches et 118 fig. — Prix : IG fr.
En coordonnant suivant un plan d'ensemble des études parues à de
longs intervalles, éparses dans différents recueils, séparées en ap-
parence par la diversité des sujets, mais reliées en réalité par l'unité
de la pensée, l'éminent auteur n'a pas eu seulement pour but de re-
construire les flores anciennes et de résumer les découvertes récentes
de la paléontologie végétale. Il a visé plus haut. Avec la grande au-
torité que donnent à ses recherches des travaux justement admirés,
il a voulu toucher le phénomène de la vie dans le mystère de ses
origines, dans l'harmonie de sa marche et dans l'histoire de son dé-
veloppement graduel. Delà deux parties dans son oeuvre : l'une con-
sacrée à l'exposé des vues générales que suggère l'examen des êtres
organisés, l'autre retraçant la succession des périodes végétales et
la physionomie des paysages d'autrefois.
La première partie, sous un même titre, les Phènomi-nes et les théo-
— •;02 -
ries, présente trois tableaux : la naissance de la vie, qui a dû quitter
le sein des eaux pour se manifester à l'air libre^ origine commune au
règne végétal et au règne animal, qui en ont Tun et l'autre gardé
l'empreinte, malgré les différences qui ont peu à peu séparé les
règnes, les classes, les familles, par des adaptations de plus en plus
exclusives; — la théorie de l'évolution ou le transformisme, qui, pour
M. de Saporta, comme pour M, Gaudry, dont il cite souvent le der-
nier ouvrage (Polybiblion, t. XXII, p. 322), n'est plus une théorie
mais un fait qu'imposent à la fois l'ensemble des investigations
et l'impossibilité de toute autre explication en face de l'enchaî-
nement continu des êtres; — enfin les anciens climats, avec leurs
nuits transparentes, leurs jours à demi voilés, la tiède température
des contrées polaires, l'extension, puis le retrait de la zone torride,
réunion complexe de phénomènes que la science aujourd'hui est
encore impuissante à expliquer autrement que par d'ingénieuses hy-
pothèses.
Dans la seconde partie, M. de Saporta passe en revue les périodes
végétales, depuis les traces charbonneuses des roches laurcatiennes
ou les bilobites du terrain silurien, jusqu'aux flores si variées des
temps tertiaires, en faisant une large part à la végétation exubérante
de l'âge de la houille. Puis, une vue générale sur l'ensemble des
périodes permet de saisir, au moins par les grandes lignes, les chan-
gements orographiques que TEurope a subis pendent les dernières
époques géologiques, les variations et l'abaissement final du climat,
enfin les modifications du règne végétal en lui-même. En terminant,
M. de Saporta affirme, comme conclusion de ses recherches, « la
continuité de l'ancienne végétation, la solidarité intime de toutes les
parties dont elle se compose, reconnaissable à travers les modes, les
stades et les variétés innombrables que le temps a fait naître et que
les circonstances ont développées, en éveillant les tendances inhérentes
à l'organisme. » En d'autres termes, ce qui frappe M. de Saporta
comme M. Gaudry, dans le tableau de la création, c'est l'enchaîne-
ment des phénomènes soit organiques, soit physiques, et l'unité du
plan divin.
Il n'est pas besoin de dire avec quel charme dans la pensée, quel
bonheur dans l'expression, ce livre est écrit. Ceux-mêmes qui ne se
rendront pas dès l'abord à une argumentation aussi séduisante auront
peine à ne pas en subir au moins la puissante influence. Quanta l'exé-
cution matérielle, elle fait honneur à l'éditeur, qui n'a rien négligé
pour que les planches et les figures soient dignes de l'importance du
livre et de Tautorité de son auteur. A. Delaire.
— ;i03 —
t.e L.inion des plateaux du nord de la France et les silex
travaillés qu'il renferme, par M. E. d'Acy. Paris, F. Savy, 1878,
in-4 de 72 p. avec l car.'e et 10 pi. — Prix : 12 fr.
Ce travail a été l'objet d'une communication au congrès d'anthro-
pologie préhistorique, tenu en août dernier au Trocadéro. L'auteur
ne se dissimulait pas le peu do faveur dont jouit dans cette sorte de
réunion toute étude tendant à établir un accord entre la tradition et
les faits géologiques ; nous le félicitons donc d'avoir exposé ses rigou-
reuses déductions avec une clarté qui a saisi ses auditeurs.
S'appuyant sur l'autorité incontestable de feu M. Belgrand, le
mémoire nous montre une grande masse d'eau sillonnant les plaines
du nord de la France et la Belgique. Ses courants, chargés d'une
forte proportion de matières, ont recouvert d'un manteau l'étendue de
ces contrées, déposant, suivant les lois de la pesanteur, si bien ob-
servées par le savant ingénieur, à la base un limon grossier, à la partie
supérieure un limon fin, la terre à briques, et formant des terrasses
dans les tournants convexes. Un géologue distingué, M. de Mercey,
qui s'est livré à une étude spéciale des alluvions de la Picardie, attribue
l'origine de ces dépôts au transport des boues glaciaires qui auraient,
aux temps quaternaires, envahi tout le nord de notre pays. La réfuta-
tion de cette hypothèse fait en grande partie l'objet du remarquable
travail dont nous rendons compte.
M. D'Acy n'admet pas que l'état fragmentaire des silex à la base du
dépôt soit nécessairement l'effet d'un froid intense; cet éclatement est
d'ailleurs loin, d'après ses observations, d'être général. Les limons,
dit-il encore, n'ont pas coulé à l'état de boue ; ils forment, ainsi
que le montre une photographie d'une coupe de terrains à Saint-
Acheul, une stratification régulière qui ne s'accorde pas avec la
structure des dépôts glaciaires. La terre à briques est régulièrement
séparée des matières grossières, elle les surmonte; tout enfin indique
le résultat d'un seul et même phénomène aqueux.
Quant aux renseignements qu'on voudrait tirer de la paléontologie,
M. D'Acy ne les regarde pas comme assez précis pour en déduire la
preuve d'une température polaire. Ne reconnaît-elle pas, en effet,
l'association dans les mêmes gisements d'animaux qui semblent n'avoir
du vivre que sous des climats opposés, ne les rencontre-t-elle pas
souvent au milieu d'une faune malacologique et d'une flore qui subsiste
encore? M, D'Acy constate, en plus, que cette faune est composée
d'espèces terrestres, qui, dans les formations géologiques dont il
traite, exclut même l'idée d'une origine fluviatile opérant par une
série de crues. Ces crues n'auraient pu atteindre les sommets et auraient
remanié les straies sous jacentes, ce qui n'est pas le cas.
L'origine diluvienne est seule satisfaisante pour expliquer le dépôt
— :;0i —
du limon des plateaux, lequel s'étend en deux couches régulières sur
la formation postpliocène dans laquelle apparaissent les silex travaillés
par l'homme, instruments qu'on rencontre associés aux ossements
d'éléphants, de rhinocéros, etc.
La conséquence de ces constatations géologiques est que le limon
des plateaux, produit d'un cataclysme diluvien, s'est déposé posté-
rieurement à l'apparition de l'homme, alors que les vallées, complè-
tement creusées, avaient pris leur configuration actuelle.
M. D'Acy, qui possède la belle collection d'instruments en pierre
des divers gisements de la Somme qu'on a pu admirer à l'Exposition
universelle, a fait un choix des principaux types pour les planches
dont il a enrichi son mémoire. H. A. Mazard.
L.eH Méthode» de guerre actuelle et vers la fln du dlx-
neuvlènie siècle, par le lieutenant-colonel Pierron. Conférences
faites à l'École supérieure de guerre en 1876-1877. Tomes I et II. Paris,
Dumaine, 1878, 2 vol. in-12 de 809 et 913 p.— Prix : G fr.
L'apparition de l'ouvrage que M. Dumaine vient d'éditer sous le titre
— assez singulier — qui précède, était faite pour exciter la curiosité
des militaires qui lisent. L'Ecole supérieure de guerre est encore à
ses débuts, et tout ce qui se rattache à cet essai de haut enseignement
militaire, encore assez discuté, provoque dans l'armée un vif intérêt.
D'autre part, M. le lieutenant-colonel Pierron, ancien secrétaire,
croyons-nous, de Maximilien, au Mexique, hier encore choisi pour chef
de notre mission militaire en Espagne, passe pour une figure originale,
et l'on sait que ses conférences d'art militaire avaient absolument captivé
l'attention de MM. les officiers élèves, auditoire peu suspect d'un
enthousiasme irréfléchi .
La curiosité ne diminue pas lorsque, en ouvrant le premier volume,
on lit, sous la rubrique Préface^ les deux lignes suivantes : « L'esprit
dans lequel le présent ouvrage a été conçu sera facilement saisi en
lisant les documents ci-après. » Ces documents sont : un extrait du
mémoire de Dupleix, sur son gouvernement dans l'Inde; — cinq lignes
de Condillac ; — un extrait d'une conversation de Napoléon avec le
sénateur Rœderer; — un rapport du maréchal Pélissier, commandant
en chef de l'armée d'Orient, au maréchal Vaillant, ministre de la guerre.
Si nous avons bien « saisi l'esprit dans lequel le livre est conçu, » la
pensée de l'auteur, telle qu'elle se dégage des documents cités, est
celle-ci : il est nécessaire de chercher, par un travail assidu, à s'éclairer
des résultats de l'expérience acquise dans les guerres précédentes
Nous n'y contredirons point.
Telle qu'elle, cette soi-disant « préface » peut donner une idée
exacte, non-seulement de l'esprit dans lequel est conçu l'ouvrage;
mais du procédé à l'aide duquel il a été rédigé. Ce livre est, en eiFet,
une vaste compilation. Hâtons-nous de dire que nous ne prenons point
ce mot dans le sens défavorable où il est quelquefois employé. Pre-
nant son bien partout où il l'a trouvé, M. le colonel Pierron a ras-
semblé une foule de documents, de rapports et de données authen-
tiques que le lecteur doit méditer, parcourir ou s'assimiler. Nous
disons méditer, parcourir ou s'assimiler, cela suivant la gravité et la
provenance des divers documents, dont la profusion est telle qu'on ne
voit pas toujours très-nettement quelle importance il faut attribuer à
chacun. Les auteurs militaires les plus souvent cités dans l'ouvrage
sont — en première ligne, et naturellement, Napoléon — puis Wel-
lington, Frédéric II, Washington, et, parmi les contemporains, le
général Lewal, le général prussien Bronsart von Schellendorf, le
journal d'un officier du 2^ zouaves (le capitaine Pierron) pendant l'ex-
pédition du Mexique. Cela est fort bien, mais beaucoup d'autres
documents, surtout à l'Appendice, consistent simplement dans l'exposé
d'un inconvénient qui s'est présenté ou d'une lacune qui a été signalée
à la guerre ; d'autres sont simplement des avis exprimés par tel ou tel
officier subalterne de médiocre expérience ; d'autres enfin ne pré-
sentent que des renseignements numériques d'une assez grande séche-
resse, tout cela fait de cet appendice un chaos où l'on a quelque peine
à (( se débrouiller. » Assurément, et nous en croyons volontiers nos
camarades de l'École supérieure, aux conférences qui leur étaient
faites, le commentaire lumineux du colonel éclairait ce cahos, et sa
brillante parole portait le mouvement et la vie dans toutes les parties
de ce cours. Mais, pour qui n'a pas entendu la parole du professeur,
cette fin du livre manque un peu de cohésion.
Nous avons dit quelle est la forme de l'ouvrage, disons maintenant
quelle en est la substance. Les deux volumes parus — le troisième
traitera de la tactique des difi"érentes armes sur le champ de bataille
— sont divisés en cinq chapitres d'importance inégale, comme il suit :
Chapitre I. Conditions à remplir pour commander. — Chapitre II. Unité
de commandement . — Chapitre III. Relations du général en chef avec le
ministre de la guerre. — Chapitre IV. Organisation des quartiers gé-
néraux. — Chapitre V. Relations du général en chef avec ses lieu-
tenants.
■ On le voit, tout ici est rapporté au général en chef, de qui, en efi'et,
tout part et tout dépend. Ab Jove principium. C'est là, dans un ouvrage
didactique militaire, une méthode d'exposition nouvelle, qui ne manque
ni d'originalité, ni de logique.
En tête de chaque chapitre sont exposés les Principes généraux qui
résument très-brièvement l'ensemble des documents cités à la suite,
— o06 —
— En campagne, dit l'auteur, il suffira de lire les « Principes géné-
raux. » Il vaudra mieux, pensons-nous, les avoir lus avant d'entrer
en campagne; ou, si on croit réellement utile d'avoir sous la main
cette sorte d'aide-mémoire, que l'auteur nous donne de son livre une
édition réduite, ne ronUnniU qne ces principrsgênérniix. Mais passons.
La cruelle expérience de la guerre de 1870-71 a prouvé que les capi-
tulations ne sauraient être trop rigoureusement proscrites; aussi ne
faut-il pas s'étonner de voir rappeler, dès le premier chapitre, les
sévères prescriptions de Napoléon, aussi bien que de nos lois militaires
actuelles. Mais le commandant en chef ne peut posséder l'énergie
nécessaire que s'il est affranchi de toute autorité latérale ou parallèle;
l'unité du commandement est une condition de sa liberté, partant, de
son activité. C'est ce que démontrent surabondamment les documents
cités au chapitre II. Le IIP chapitre traite des mesures à provoquer
par le général en chef, lors de l'entrée en campagne, près du ministre
de la guerre et aussi des autres ministres, et, en outre, des obliga-
tions du ministre envers l'armée en campagne. Prévoir les besoins do
l'armée, y pourvoir à temps, ne pas oublier que le succès final ne
s'obtient qu'à coups de renouvellements en ressources de toute nature,
telle est sa tâche. Le chapitre IV^ en indique suffisamment l'objet;
l'auteur y donne comme exemples, les méthodes de travail de Napo-
léon et de Vellington. Enfin, le chapitre V, sous un titre très-large,
embrasse tout ce qui concerne, en-dehors du champ de bataille propre-
ment dit, la direction des troupes, les prescriptions à mettre à l'ordre,
les règles de la correspondance, la préparation et l'exécution des
ordres et, spécialement, des ordres de marche. Les travaux récents des
généraux Verdy du Vernois, Lewal, Bronsart, sur cette branche si
importante de l'art militaire, sont ici largement mis à contribution,
sans que l'auteur marque sa préférence pour l'un des dispositifs de
marche proposés.
Le deuxième volume se termine par un appendice composé de do-
cuments entre lesquels, ainsi que nous l'avons dit, il j a un choix
à faire. Nous attendons impatiemment le troisième.
J. GOUETHAL. ■
BELLES-LETTRES
Arioâte t Roland furieux, poèn e héroïque, traduit par A. J. do
Pays, et illustré par Gustave Doré. Paris, Hachette, 1879, in-folio de viii-
608 p., richement cartonné, avec fers spéciaux. — Prix : 150 fr.
IjQ Roland furieux n'a jamais été présenté aux lecteurs sous une
forme plus belle et plus satisfaisante, au triple point de vue littéraire,
— nO? —
artistique et typographique, que dans la splendide édition que nous
avons sous les yeux. M. A. J. du Pays, aidé de M. E. Villetard, a
apporté tous ses soins à faire passer le texte dans notre langue ; il l'a
faitprécéder d'unenotice biographique et littéraire, et l'a accompagné
de notes, rejetées à la fin du volume, où il a donné un utile commen-
taire du poème et reproduit dans leur version originale certains pas-
sages trop libres pour lesquels il a dû reculer denant une traduction
littérale, — ce qui ne veut pas dire que l'édition expurgée puisse être
mise sans réserve entre toutes les mains. M. Gustave Doré a composé,
lui aussi, avec le talent et la fougue qui lui sont habituels, tout un poème,
sur lequel il conviendrait de s'étendre, avec la sérieuse attention que
mérite l'œuvre d'un maître, si nous n'étions à la fois bornés par le
temps etl'espace. Jamais l'imagination de l'artiste ne s'est montrée plus
brillante, plus inépuisable; jamais les ressources d'un crayon auquel
tous les tours de force sont familiers ne s'étaient révélées avec plus
de puissance et d'éclat. Nous craindrions de faire un choix parmi ces
quatre-vingts grandes compositions qui toutes ont leur valeur, dont
plusieurs sont d'une touche vraiment magistrale ; et, s'il fallait entrer
dans l'examen de cette multitude de sujets de moindre importance (il
y en a 550), marqués au coin de l'originalité, de la vigueur, d'une
incomparable verve, d'une liberté d'allures qui va peut-être jusqu'à la
licence, notre embarras serait encore plus grand. Mieux vaut renvoyer
le lecteur à ce magnifique in-folio, qui a sa place marquée dans toute
bibliothèque d'amateur, et qui tient dignement son rang à côté des
autres productions du grand artiste qui a su donner à tant de chefs-
d'œuvre un si merveilleux commentaire. E. d'A.
L.as Mocedades del Cid, de D. Guillem de Castro. Reimpresion
conforme a la edicion original de Valencia. Bonn, Ed. Weber, 1878, in-
12 de viii-214 p. - Prix ; 8 fr.
Tout le monde sait que Corneille s'est inspiré pour le Cid d'une
pièce composée par Guillem de Castro, et qu'ensuite un autre poète
espagnol, Juan Bautista Diamante, fit à son tour de l'œuvre française
une imitation à laquelle Voltaire, envieux de son illustre prédécesseur,
s'efforçait de reconnaître des caractères d'originalité. Il eûtvolontiers
désiré voir dans Corneille un imitateur de Diamante, tandis qu'au con-
traire il fut imité par celui-ci. Mais, on ne peut le nier, si Corneille ne
dut rien à Diamante, il dut à Guillem de Castro l'idée première de ce
combat si pathétique entre le devoir et l'amour qui fait le fond de la
tragédie française, que Guillem n'avait qu'entrevu et que Corneille
éclaira tout entier de son génie, Guillem de Castro a écrit deux pièces
sur le Cid : la première est celle qui a servi de modèle à Corneille ;
— o08 —
la seconde, d'un intérêt beaucoup moindre, est empruntée aune autre
partie de la vie du Campeador. Ce sont ces deux pièces, las Mocedades
dcl Cidy qui viennent d'être publiées par M. Foerster en un élégant
volume édité à Bonn par Ed. Weber. Il en existait trois éditions
seulement; l'édition que nous annonçons a été faite d'après l'exem-
plaire de la bibliothèque de Vienne, et offre un texte meilleur que
celles qui l'ont précédée. Elle se recommande à tous ceux qui s'occu-
pent de la littérature espagnole ou qui sont amenés à faire une
comparaison entre le poète espagnol et le poète français. Des Moce-
dades dcl Cid, il a été fait un tirage in-8 à 400 exemplaires seulement,
sur grand papier, dont 25 sur vélin. Th. P.
La Atlantîtla, poema deMossen Jascinto Verdaguer, ab la traduccio caslel-
lana, par Melcior de Palau. Barcelone, estampa de Jaume Jepus, 1878.
in-S de xxiii-3io p.
Il a été parlé ici avec détails du beau poème qui, si vite, a rendu
célèbre le nom de M. Jascinto Verdaguer, Depuis cette époque, il a
paru une édition de V Atlantide à Buenos Ayres,une autre à Barcelone,
offrant, à côté du texte catalan, une traduction en vers castillans, il
vient enfin d'en être publié, dans la même ville, une édition nouvelle
que nous venons de recevoir, et dans laquelle les beaux vers du poète
ont été rendus, en regard, dans l'excellente prose espagnole de
M. Melcior de Palau, M. Verdaguer a fait à son œuvre divers chan-
gements ; d'après les conseils d'éminents critiques tels que Milà y
Fontanals, Menendez Pelayo, Mariano Aguilo, il a fait subir à son
livre certaines modifications. Cette nouvelle édition est précédée
d'une lettre de Mistral. Ce juge si compétent complète par ses louanges
ce que nous avons déjà dit de l'Atlantide, et nous traduisons quelques
passages de l'épître adressée au jeune poète par l'illustre félibre,
« J'achève de lire attentivement l'Atlantide, et je vous envoie, sans
perdre de temps, l'expression de mon plus ardent enthousiasme. Depuis
Milton (dans son Pamdise lost), depuis Lamartine (dans la Chute
d'un Ange), personne n'avait traité des traditions primitives du monde
avec autant de grandeur et de profondeur. La conception de VAtla7i-
tidc est colossale, et le développement en est resplendissant. On trouve
là, répandues, disposées et rendues à la vie avec une extraordinaire
vraisemblance, les traditions les plus antiques, les plus vénérables de
la terre catalane, et l'imagination, unie à la science, embellit prodigieu-
sement vos superbes descriptions, 0 illustre poète, vous avez, et au
delà, tenu les promesses de votre jeunesse... De tout cœur, je vous
envoie mes félicitations et mes remercîments..,La magnifique épopée
que vous avez élevée sous l'inspiration de l'idéal appartient non-seule-
— :m —
ment à la Catalogne, mais aussi, mais surtout, à la renaissance de
notre langue, etlsi Félibmic entière se glorifie de votre œuvre. »
Nous n'avons rien à ajouter à de pareils éloges, si ce n'est qu'au-
jourd'hui, grâce à la traduction castillane dont elle est accompagnée,
l'œuvre de Verdaguer est devenue accessible à beaucoup plus de lec-
teurs, en attendant qu'une traduction française la popularise encore
davantage. La nouvelle édiiton de l'Atlantide se trouve à Paris même,
à la librairie Maisonneuve. Th. P.
I^ettres de M"e ii.ïssé à Mme Calandrini, précédées d'une notice
par A, PiEDAGNEL. Librairie des bibliophiles, 1 vol. de xviii-183 p. —
Prix : o fr.
Ourika, par M™«= de Duras. Avec une notice par M. de Lescdre. Même
librairie. 1 vol. de xxiii-61 p. — Prix : 2 fr. 50 le volume. (Les petits
chefs-d'œuvre.)
Cela a été une excellente idée de publier les lettres de M"® Aïssé
dans la Collection des petits chefs-d'œuvre. Ces lettres, écrites d'un
style agréable, renferment bien des anecdotes sur le dix-huitième
siècle et aident certainement beaucoup à faire connaître cette époque.
Celle qui a écrit ces lettres intéresse elle-même le lecteur, malgré les
erreurs de sa vie. Achetée, à l'âge de quatre ans, d'un marchand d'es-
claves, par le comte de Ferréol, Aïssé, il faut le reconnaître, eut une
situation assez équivoque dans la maison de son bienfaiteur. Plus tard,
son long attachement pour le chevalier d'Aydie l'a rendue presque esti-
mable aux yeux d'une société profondément corrompue. La fin de la
belle Circassienne fut tout à fait touchante et chrétienne, et, chose
étrange, elle fut aidée dans saconversion par M™« duDefFand et M*"* de
Parabère (p. 162)! — M. Piedagnel a fait précéder cette nouvelle
édition d'une notice très-intéressante.
Ourika, joli roman de M"»® de Duras qui a paru aussi dans la Collec-
tion des petits chefs-d'œuvre, n'est pas sans quelque ressemblance avec
l'histoire de M"'' Aïssé; seulement, ici, c'est une jeune négresse qui a
été achetée, et ce n'est pas un comte de Ferréol, dont les intentions
pouvaient être très-suspectées, qui prend soin de sa jeunesse, c'est une
femme respectable. Ourika n'est pas du tout une Traviata et va pleu-
rer dans un couvent sur un amour qu'elle ne s'avouait d'abord pas.
C'est un récit bien simple que celui de M^^ de Duras, mais il est pro-
fondément attachant. M. de Lescure a écrit, sur l'auteur et sur son
œuvre, d'excellentes pages où il rattache la fiction touchante inventée
par M^^^ de Duras à l'histoire de M"*' Aïssé et à celle d'une jeune né-
gresse élevée par la maréchale de Beauveau. Inutile de dire que ces
deux volumes, publiés par la Librairie des bibliophiles et imprimés
par JouaustjSont tout à fait dignes de ceux sous le patronage desquels
s'est placée cette librairie d'élite. Th. P,
— ;)10 —
CK^uvrcB diverses de «Iiilcs Janiii, publiées sous la direction de
M. DE L.\ FizixiÈRE. L'Ane mort. Vol. in-18 de lviii-218 p. — Mélanges.
2 vol. petit in-8 de 310 et 3!5 p. — Contes et Nouvelles. 2 vol. de 311 et
318 p. — Crilique dramatique. 4 vol. de 317, 316, 318, 314 p. — Corres-
pondance. 1 vol. de 316 p. — Barnave. 2 vol. de 340 et de 308 p. Paris.
Librairie des bibliophiles, 1876-1878. — Chaque vol. 3 fr. aO.
Barnave, ce livre singulier qui, à son apparition, causa une émotion
si vive, le meilleur roman de J. Janin, vient de s'ajouter à la char-
mante collection de ses œuvres diverses et de compléter les douze
volumes annonces par Féditeur. Nous nous sommes déjà occupé des
quatre tomes où, sous ce titre : Crilique dramatique, ont été réunis les
plus brillants articles que le feuilletoniste des Débats ait écrits sur le
théâtre contemporain. Nous avons essayé de faire remarquer combien
était peu fondé ce reproche adressé à J. Janin d'écrire trop souvent à
côté du sujet et de montrer que, quand le sujet en valait la peine, le
critique savait l'apprécier avec goût et érudition. Nous avons entre-
tenu aussi nos lecteurs des lettres, recueil inédit, séduisant, qui nous
montrent Fauteur sous un aspect nouveau, qui nous le font connaître
comme homme et aimer davantage. Mais ces divers livres ont été
précédés de quelques autres dont nous n'avons rien dit et auxquels il
est opportun peut-être de revenir, maintenant que la collection est
complète. Exécutée avec une élégance bien digne du bibliophile dont
elle ravive la renommée, cette collection a débuté par le roman de
VAne mort et la Femme guillotinée^ la première œuvre qui ait appris au
public un nom que, depuis, il devait tant de fois répéter. Sous le titre
de Mékmgcs et Variétés, ont paru ensuite des pages tour à tour char-
mantes ou émouvantes qu'il eût été bien dommage de ne pas tirer des
recueils où elles étaient oubliées. Elles ont été suivies de trois tomes
de Contes et Nouvelles y c'est là qu'on peut relire le Mariage vendéen et
une quantité de petites œuvres qui sont de petits chefs-d'œuvre. Ces
volumes ont précédé ceux que nous avons rappelés tout à l'heure.
Ceux-ci sont-ils bien les derniers de la collection? Nous espérons un
peu qu'ils seront suivis d'autres encore. En effet, on nous laisse entre-
voir une édition nouvelle de cette traduction d'Horace qui a tant et si
longtemps préoccupé l'auteur et qui couronnerait dignement cette
série de charmants volumes. C'est M. de la Fizelière qui a présidé à
leur composition. Il a montré là un goût bien fait pour augmenter
encore les regrets que sa perte récente cause aux amis des lettres. Il
a placé en tète du premier volume, de l'Ane mort, une judicieuse pré-
face où sont exposés les motifs qui ont guidé ses recherches dans tant
d'ouvrages où l'abondance des richesses rendait les choix si diffi-
ciles. Une ample autobiographie, empruntée à J. Janin, lui-même,
met ensuite le lecteur en relation directe et intime avec l'écrivain.
— ;j 1 1 —
Sans doute, sur quelques points, ses idées, ses opinions ne sont pas les
nôtres. A son arrivée à Paris, au moment de son avènement dans la
littérature, Jules Janin, quoiqu'il ait donné des articles à la Quotidienne
et, nous le croyons, à la Mode, avait certains préjugés inspirés par le
vieux libéralisme. Il avait toutefois un esprit droit autant que brillant,
il ne cessa jamais de proclamer les lois du beau et du bien, et la lec-
ture de sa correspondance, notamment, inspire une idée favorable de
son caractère. La jolie édition de ses œuvres choisies est, à tous les
points de vue, digne d'occuper une place dans toute bibliothèque com-
posée avec goût. Il y a grand plaisir à lire ou à relire tant de pages
spirituelles ou éclatantes. Mais, disons-le, c'est un plaisir qu'il faut savoir
prolonger, le style de Janin, à cause même de ses qualités un peu uni-
formes, malgré leur abondance et leur scintillement, ne gagnerait pas
à une lecture trop assidue et trop suivie. Il en est un peu de ce style
comme de ces vins au parfum pénétrant, dont on n'apprécie plus la
saveur, si on le boit à trop amples gorgées. Th. P.
HISTOIRE
La Puisse, éludes et voyages dans les vingt-deux cantons, par Jcles Gour-
DAULT. Paris, Hachette, 1870 gr. ia-i de 800 p., orné de 300 grav. —
Prix: 50 fr.
A la fin de l'année 1876, M. Jules Gourdault faisait paraître un
magnifique volume sur V Italie (voir tome XVII, p. 499). Aux amis
des beaux livres, il offre, pour les étrennes de 1879, un livre non
moins magnifique, inspiré par la Suisse. Nous voyons là se succéder
les grands lacs encadrés de rochers, les pics que les nuages entourent
comme des guirlandes, les sombres vallons où grondent les torrents,
les cascades aux écumes aussi blanches que les neiges des hautes
montagnes, les jolis chalets sous les sapins; des villes, des villages,
des costumes... toute la Suisse enfin. Près de huit cents gravures
nous la représentent ainsi sous tous ses aspects, dans tous ses détails.
La plupart sont d'une excellente exécution. Les dessins que nous
aimons le moins sont ceux (en petit nombre d'ailleurs) qui n'ont
pas pour sujets des vues ou des scènes vraiment helvétiques. Une
grande page consacrée à la mort de Calvin nous semble un peu
tourner à Vimage. Le personnage, d'ailleurs, n'était guère digne de ce
souvenir. — A côté de ces gravures fort belles, en général, nous le
répétons, la plume vient, dans des pages animées, compléter l'œuvre du
crayon. M. Gourdault, cette fois, a mêlé les impressions du voyageur
aux enthousiasmes de l'artiste, ce qui donne quelquefois plus de mouve-
ment à son nouveau livre. Il y a, de plus, fait une place assez large à
l'histoire, et avec raison, car le passé de la Suisse ne nous est qu'impar-
faitement connu, il se présente à nous avec une certaine confusion
causée par le morcellement de petits cantons, différents par la langue,
par l'esprit, par l'aspect. Études et voyages laisse à l'auteur une lati-
tude complète, dont il profite pour traiter son sujet plus à fond qu'il ne
l'avait fait dans Vltalie. Son œuvre a donc un côté instructif. De nom-
breuses recherches ont été faites par l'auteur; il est curieux de voir
ce que les Romains pensaient de la Suisse, ils ne semblent nullement
en avoir admiré les âpres beautés. Il eût été intéressant peut-être de
rechercher vers quelle époque la Suisse a exercé ses séductions
sur les voyageurs. A la fin du seizième siècle, Montaigne en parcou-
rait une partie, et le récit de son voyage n'offre aucune trace des
émotions qu'elle a depuis tant de fois inspirées. Il y aurait, du reste,
tout un livre et un curieux livre à faire sur la naissance et le déve-
loppement de l'admiration des beautés de la nature. C'est un senti-
ment assez nouveau. Pas plus que dans le voyage de Montaigne on
n'en rencontre de vestiges dans les lettres d'un grand poète, de Pé-
trarque... Mais revenons à M. Gourdault : il y a deux ans, nous avions
eu à regretter l'intrusion dans son livre de quelques passages qui
pouvaient ne pas plaire à tous les lecteurs, à ceux du Polybiblion no-
tamment. Dans son nouvel ouvrage, M. Gourdault nous a paru un peu
plus réservé sur cesujetdélicat. Cependant, comme pendant à l'admi-
ration que, dans l'Italie, l'auteur témoignait pour la maison de Gari-
baldi, nous trouvons une déplorable phrase sur le Lion de Lucerne,
sur les Suisses qui, au 10 Août, moururent avec un héroïsme digne
d'une meilleure cause. Après tout, l'esprit qui régnait dans le pre-
mier ouvrage n'a pas disparu du second. Ce qui suffirait à le prou-
ver, ce sont ces pages et cette grande gravure consacrées à Calvin.
Dans plus d'un passage, on devine quels sont sur certains points les
pensées et les préjugés de l'auteur. En parlant de l'Italie, nous di-
sions que M. Gourdault ne nous paraissait pas hésiter assez devant
l'emploi de hardis néologismes et péchait par excès de couleur. La
même observation peut encore être faite à l'égard de la Suisse,le style
en est souvent, selon nous, trop maniéré, trop prétentieux, la langue
n'en est pas toujours très-correcte. Nous ne savons si c'est la même
main qui a tenu tour à tour le crayon et la plume. S'il en était ainsi,
nous nous consolerions de ne pouvoir accorder sans des restric-
tions nos éloges à l'écrivain en les donnant bien complètement à l'ar-
tiste.
La Suisse formera deux volumes, se vendant séparément. Le tome
premier a seul paru; le tome second sera terminé dans un an, aux
approches du 1'"' janvier 1880. Th. P.
— ;ii3 —
Sainte ÉlisabelU de Hongrie, par M. le comte de Montalemclrt,
avec, une préface par Lkon Gai:t(er. Tours, Marne, 1870, gr. in-8 de
xxii-ooO p. Ouvrage illustré de 8 chromolithographies et de 28 gravures
hors texte, de 77 gravures et 40 lettrines dans le texte. — Prix : 2o fr. br,,
et relié, 33 fr.
La vie de sainte Elisabeth est une des plus belles œuvres de M. de
Montalembert, qui la produite à vingt-six ans, dans la jeunesse
de son âge et de son talent, et c'est en même temps un des chefs-
d'œuvre de notre littérature contemporaine, qui a eu des résultats con-
sidérables, dont nous ressentons encore les effets : œuvre de poésie
qui transporte Tàme dans les régions sereines : œuvre d'histoire qui
réhabilite le moyen âge, œuvre de piété qui glorifie TEglise et met
en honneur le miracle. M. Léon Gautier, avec sa plume savante et
son cœur ardent, nous dit, en un langage entraînant, et la profonde
impression produite par cette œuvre en 1836, et la révolution qui s'o-
péra par son influence dans les études historiques et dans les récits
de vies de saints. Il eût été difficile de faire un meilleur choix pour
un livre d'étrennes, et il faut convenir aussi qu'on ne pouvait trouver
un meilleur éditeur pour illustrer ce volume et mettre la forme à la
hauteur du fond. Il n'est pas un de nos lecteurs qui ne connaisse cette
vie; beaucoup voudront la relire en regardant et admirant les belles
gravures qui l'accompagnent, lui donnent un intérêt et un charme nou-
veaux et en font un véritable objet d'art. L'exécution et le choix ne
nous paraissent rien laisser à désirer. Les gravures hors texte (huit
belles chromolithographies et vingt-huit gravures) représentent toutes
des scènes de la vie de la sainte, soit d'après de grands maîtres, soit
d'après des œuvres anciennes, dont l'origine est toujours soigneuse-
ment indiquée ; les soixante-dix-sept gravures dans le texte, donnent
soit des monuments auxquels se rattache le souvenir de la sainte
(Presbourg, Marbourg, Eisenach, la Wartburg), soit quelques scènes
de sa vie, et toutes ces richesses sont cataloguées, d'une façon fort
intelligente et commode dans une table finale. Nous signalerons plu-
sieurs représentations du poétique miracle des roses, des composi-
tions faites spécialement par Olivier Merson, des reproductions de
vitraux, de statues et d'objets d'art provenant de collections célèbres,
comme celle du prince Czatoriski et de M. Bazilewski; un médaillon de
M. de Montalembert, un bénitier donné par le duc de Norfolk à
M"* Thérèse de Montalembert pour son baptême. Nous regrettons de
ne pouvoir donner la liste complète — elle est trop nombreuse, — des
artistes qui ont si bien secondé l'éditeur ; voici seulement les noms
des aquarellistes : MM. Olivier Merson, Housset, Sellier et Toussaint.
Les chromolithographies ont été imprimées chez Lemercier.
Renk de Saint-Mauris,
Décembre 1878. ï. XXIIt, 33.
Oli —
L.a Philosophie de l'histoire de France, par Robert Flint,
traduit de l'anglais, par Ludovic Carrau. Paris, Germer-Baillière, 1878,
in-8 de cv-423 p . — Prix : 7 fr. 50.
M. Robert Flint, à peine âgé de quarante ans, aujourd'hui profes-
seur à l'Université d'Edimbourg, a occupé pendant douze années la
chaire de philosophie morale et d'économie politique à l'Université de
Saint-Andrews. L'auteur ne cherche pas quelle peut être la philo-
sophie morale de l'histoire de France, mais il indique les tentatives
faites en France par des auteurs français, pour montrer la philosophie
de l'histoire, c'est-à-dire, comme il le dit, pour découvrir les lois de
l'ordre qui gouverne les affaires humaines. Dans une longue intro-
duction de 105 pages, M. Flint expose comment et pourquoi la
philosophie de l'histoire a été, selon lui, si peu cultivée jusqu'aux
temps modernes, et pourquoi on a pu depuis s'en occuper. Il retrace
alors le développement à travers les siècles de l'idée du progrés, et
de l'idée de l'unité du genre humain étroitement liée à celle du
progrès, car l'objet, sinon exclusif, au moins principal de la philo-
sophie de l'histoire est précisément, dit l'auteur, de déterminer les
lois du progrès. Enfin sans l'idée de la liberté véritable ou rationnelle
la constitution d'une philosophie de l'histoire est impossible. M. Flint
expose sur ce sujet les idées émises au seizième siècle par Bodin, au
dix-septième par Bossuet, au dix-huitième par Voltaire, Montesquieu,
Turgot et enfin au dix-neuvième siècle par les écoles théocratique de
de Maistre et de Bonald, éclectique de Guizot et de Cousin, socialiste
de Comte et de Fourier, démocratique de Tocqueville et de Laurent.
L'auteur excelle à démontrer les côtés faibles des systèmes et des
observations : il observe très-bien que, dans l'œuvre de Montesquieu,
« les fausses généralisations sont aussi nombreuses que les vraies. Il
est riche en vérités, dit-il et il est rempli d'erreurs. » M. Flint
montre aussi judicieusement « l'injustice de Voltaire à l'égard de la
plus noble de toutes les causes, celle du christianisme ; » il signale
« sa haine fanatique qui eut le plus désastreux effet sur son caractère,
même comme historien ; » il reconnaît dans VEssai sur les mœurs « un
caractère de médiocrité qu'il est difficile de rendre, » car ail manque
décidément de philosophie. » Vainement l'auteur admet en même
temps que Voltaire « a rendu à la fois à l'art et à la science de l'his-
toire les plus grands services, » vainement il loue « son jugement libre
et indépendant, » on doit retenir son arrêt que, a avec son propre esprit,
il n'était pas possible à Voltaire de comprendre l'esprit véritable »
du moyen âge, et qu'ainsi « Voltaire s'efforce de faire servir toute
l'histoire à une polémique contre l'Église et représente celle-ci comme
la source principale de tous les maux des siècles qu'elle a traversés. »
M. Flint critique également avec justesse beaucoup d'idées antiphilo-
sophiques de M. Cousin et antihistoriques de M. Guizot. Il réfute
très-bien ce que dit le premier sur la moralité du succès, et montre
que les articles fondamentaux du second sur les avantages de la trans-
plantation en France des institutions politiques de l'Angleterre sont
faux et trompeurs. Il fait toucher du doigt la prolixité et la fausseté
chimérique du sj'stème de Bûchez, puis le mélange bizarre de féti-
chisme, de scepticisme, de catholicisme et de science qui forme la
religion de l'humanité ; il dit avec raison que « la religion positiviste
est l'aveu que Thumanité ne peut se passer d'une religion et qu'elle ne
peut en construire une sur la base de la philosophie positiviste. »
Les vérités sont donc nombreuses dans l'ouvrage du savant professeur ;
mais pourquoi, après avoir dit excellemment qu'il y a « des défaites
beaucoup plus méritoires que beaucoup de brillants triomphes, » citer
comme exemple, pêle-mêle, « le sang d'un Polycarpus, d'un Huss, d'un
Arnaud de Brescia, d'un Savonarole ? » Pourquoi ranger Mazzini et
Garibaldi, avec Manzoni, Balbo, Rosmini, Pellico^ parmi « les citoyens
éminents par le talent et le caractère que l'Italie a produits et qui lui
présagent un retour à de brillantes destinées? » Ne doit- on pas s'éle-
ver contre cette appréciation que « les études de M. Laurent sont tout
à fait remarquables et magistrales» et contre celle-ci que « les écrits
de Quinet peuvent être pour la jeunesse de France d'une incalculable
valeur, parce qu'il n'y en a peut-être pas dans la littérature française
récente qui soient plus appropriés aux besoins par la semence morale
dont ils sont remplis! » Que dire aussi de ce jugement contre l'expé-
dition française à Rome en 1849, signalée comme un « acte odieux? »
L'esprit ordinairement élevé du professeur n'a pu ainsi se dégager de
tous les préjugés protestants : philosophe spiritualiste, il a raison
contre le matérialisme et découvre facilement les sophismes du
rationalisme ; mais élevé dans la religion protestante, il manque de
certaines lumières, ne découvre pas toute la vérité, que son esprit
cultivé et évidemment désireux d'être impartial serait si digne de
connaître et d'embrasser.
11 faut remercier M. Carrau, professeur de philosophie à la faculté
des lettres de Besançon d'avoir traduit un ouvrage où les appréciations
(chaque fois que la question religieuse n'intervient pas) sont généra-
lement judicieuses. 11 nous promet de donner dans un second volume
les appréciations de M. Flint sur les écrivains qui, en Allemagne, ont
traité de la philosophie de l'histoire. Ce sera rendre un nouveau
service. H. de L'É.
Bmuehaut, par Lucien Double. Paris, Sandoz et Fisclibacher, 1878, in-18
de 241 p. — Prix : 3 fr. SO.
M. Double est nfatigable. A peine ses Césars de Polmyre ont-ils
clos la série de ses études sur l'antiquité, et voici un nouveau livre sur
les commencements de notre histoire. Les Récits des temps mérovin-
giens ont fait brillamment ressortir la figure de Frédégonde et laissé
dans l'ombre celle de sa rivale : M. Double a voulu la remettre en
lumière. Sa Brunehaut a les modestes apparences d'un livre de vul-
garisation fait par un homme du monde : et il fout, à ce propos, féli-
citer l'auteur de ne point rougir de ce titre que la, Revice historique lui
reprochait dernièrement avec tant d'aigreur. Il a bien raison de ne
point se laisser émouvoir par les critiques acerbes de notre confrère.
N'écrit pas qui veut pour le public autre que les savants de profes-
sion.
C'est à ce public-là que M. Double s'adresse, et lorsqu'il affirme
que, dans son volume, « il n'y a pas un fait, pas un détail qui ne soit
tiré d'un auteur contemporain » de la reine d'Austrasie, il sait qu'il
sera cru sur parole. En face des érudits qui contesteraient ses asser-
tions, il tient sous la main ses preuves, empruntées aux sources
mêmes, et cela lui suffit.
Nous retrouverons dans Brunehaut les mêmes qualités que dans les
précédents ouvrages de M, Double : des divisions bien établies, une
grande clarté d'exposition, un style coloré et toujours trés-élégant,
sauf peut-être quelques inversions trop hardies. Nous y retrouvons
aussi, comme excès de ces qualités, les emportements d'appréciation
qui ont causé un certain bruit autour du Claude et du Titus. Ainsi,
pour ne citer qu'un seul exemple (p. 138), « le génie du progrès, »
inspirant du même souffle a Socrate, Brunehaut, Stephenson, » plaira
aux imaginations vives, mais sera froidement accueilli, je le crains,
par les esprits méthodiques. Malgré tout cela, le livre se fait lire
d'un bout à l'autre avec un intérêt croissant. Le chapitre x : « l'inté-
rieur de Brunehaut : une villa royale sous les Mérovingiens, » et le
chapitre xiii : « l'opinion de l'histoire, » ainsi que les « notes et
éclaircissements, » sont surtout fort remarquables. Ils attestent chez
l'auteur des connaissances archéologiques très-variées, une lecture
approfondie de tout ce qui a été écrit sur Brunehaut. Depuis Gré-
goire le Grand jusqu'à la thèse (de 1853), de feu Antoine Flobert, et
d'excellents principes de critique historique. ' J. D.
tàaiiit Louis; par H. Wallon, secrétaire perpétuel de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres, doyen de la faculté des lettres de Paris.
Tours, Alfred Marne, 1879, gr. in-8 de xviii-oo4 p. — Prix : 25 fr., et
relié : 33 fr.
Nous n'avons pas aujourd'hui à insister sur la valeur historique du
Saint Louis de M. Wallon, auquel le Polybiblion a consacré, en 1875,
un éloge mérité, mêlé seulement de quelques réserves, en disant
(t, XXIV, p. 48) que cet ouvrage « demeurerait comme un des plus
importants travaux historiques élevés à la gloire du plus grand de nos
rois. » La troisième édition, qui vient de paraître à la librairie Marne,
88 distingue des précédentes par son caractère artistique, et offre, à ce
titre, un intérêt tout spécial et un incomparable attrait. « C'est l'image
du saint roi, lit-on dans la Préface, que l'auteur a voulu surtout
mettre en relief, non pas en l'isolant du milieu qui lui forme un cadre
naturel, mais en abrégeant l'histoire étrangère, en réduisant à un
simple aperçu tout ce qui concerne l'état social et l'administration, le
développement des sciences, des lettres et des arts pendant son règne,
pour faire une plus large place aux représentations mêmes des choses
de son temps : monuments de l'architecture religieuse, civile et mili-
taire, statues, bas-reliefs, chapiteaux, autels, stalles, tombeaux, reli-
quaires, vitraux, miniatures, objets d'art ou ornements de tous
genres. » L'illustration, qui a été dirigée par notre ami et collabora-
teur M. Léon Gautier, est véritablement splendide : c'est comme un
musée du treizième siècle, où apparaît tout ce que l'art du temps a
produit de plus pur et de plus remarquable ; c'est en même temps une
histoire du saint roi au point de vue iconographique, car on a repro-
duit,dans les grandes planches, tout ce qui a été fait de meilleur jus-
qu'à nos jours. A côté du buste-reliquaire de la Sainte-Chapelle, détruit
en 1793 ; du vitrail de la Sainte-Chapelle, exécuté du vivant de saint
Louis; du portrait à genoux d'après le tympan de la porte rouge à
Notre-Dame, qui est de la même époque; de Vlmarje du manuscrit JJ
57 des Archives nationales; des miniatures du quinzième et du sei-
zième siècle, voici un saint Louis dans le Couronnrmenl de Fra An-
gelico ; un autre, sous les traits de Charles VII (ce qu'on aurait dû
dire ici) dans le beau Crucifiement du Palais-de-Justice, faussement
aitribné kYan Eyck; le Saint Louis en prière, àQ Charles Le Brun;
Saint Louis enlevé au ciel, de Simon Vouet; le Saint Louis du vitrail
de la chapelle de Dreux, d'après un carton d'Ingres; \sl Bataille de
Taillebourg , d'Eugène Delacroix; le Saint Louis cm ciel dans le groupe
des confesseurs, d'Hippolyte Flandrin, et un autre du même artiste; le
Saint Louis à genoux, stsiiue de Marochetti; la Mort de saint Louis,
peinture murale de Leloir ; le Siècle de saint Louis, par Cabanel, la
statue du Palais-de-Justice, par Guillaume : Saint Louis rendant la
justice, etc.
Si nous ajoutons qu'au texte de M, Wallon, viennent s'ajouter, dans
cette édition, des Éclaircissements sur le costume au temps de saint
Louis, d'après les sceaux et les miniatures ; sur les monnaies de
France sous saint Louis ; sur la géographie de la France au treizième
siècle, dus à des plumes expérimentées, comme de MM. G. Demay, A.
de Barthélémy et Aug. Longnon ; que quatre cartes, nous offrant la
— ;ns —
Fran<!e en 1223-20, la France en 1270, la France ecclésiastique et la
France universitaire, accompagnent le texte, et qu'il est encore illustré
de plusieurs reproductions en fac-similé de diplômes, lettres patentes,
testament et autres documents contemporains, nous aurons donné une
idée de la valeur et de l'attrait de cette nouvelle publication, et nous
aurons en même temps, par ce bref aperçu, donné au lecteur le désir
de posséder une œuvre vraiment digne du sujet et des presses juste-
ment célèbres d'où elle est sortie. G. de B.
I^e Clievalîei* <le «fanl:. Relatio7is de la France avec le Portugal au temps
de Mazarin^ par Jules Tessier, professeur suppléant à la Faculté des lettres
de Caen. Paris, Sandoz et Fischbacber, 1877, in-8 de viii-326 p. — Prx :
7 fr. 50.
M. Jules Tessier s'est déjà fait connaître comme historien, par une
thèse de doctorat es lettres sur l'amiral Coligny et par quelques travaux
sur le seizième siècle. S'il franchit aujourd'hui d'un coup un espace
de plus de cent années, c'est qu'il a eu la bonne fortune de trouver, chez
un, libraire de Caen, la relation manuscrite d'un court épisode diploma-
tique du ministère de Mazarin. Cette copie qui, du reste, n'est pas
unique^ a été soigneusement collationnée par M. Tessier, qui la publie,
en la faisant précéder d'une introduction très-complète.
Envoyé en Portugal dans l'année 1655, pour resserrer l'alliance de
la France avec la cour de Lisbonne, le chevalier de Jant, — qui était
un lettré, un bel esprit, un collectionneur, en même temps qu'un di-
plomate assez avisé, — fit de son mieux pour mettre le roi Jean IV
dans les intérêts de son maître ; mais il faut avouer qu'il aboutit à un
maigre résultat, et ne put arriver qu'à conclure un traité qui ne fut
même pas ratifié par son gouvernement. L'histoire ne fera donc point,
avec la publication nouvelle de M. Tessier, une bien importante dé-
couverte. Des détails assez curieux, une biographie du chevalier de
Jant, quelques pièces diplomatiques publiées avec soin : c'est là tout
ce que contient ce petit volume, destiné à servir de corollaire à la
belle collection des papiers du cardinal Mazarin, dont M. Chéruel
continue en ce moment même le volumineux recueil. G. B. de P.
Maret duc de Bassano, par le baron Ernouf. Paris, Charpentier 1878,
in-8 de iu-691 p. — Prix : 7 fr. 50.
11 j a eu, sous le premier Empire, des personnalités, plus éclatantes
que celle de Maret duc de Bassano ; mais l'auteur déclare qu'il n'y en a
pas de plus honorable; il a reconnu en lui a une des figures les" plus
respectables, les plus sympathiques de notre histoire moderne, » et il
a cherché avec amour à montrer quel fut ce ministre « aussi capable
qu'honnête, qui jusqu'ici n'avait pas été apprécié à sa juste valeur,
ayant poussé jusqu'à l'exagération les qualités les plus estimables de
Fhomme d'Etat : la discrétion, le dévouement et la modestie.» Maret
ne conduisit seul aucune grande affaire, mais il se trouva mêlé à
toutes celles du premier Empire, et nul mieux que lui n'a connu la
pensée de Napoléon, auprès duquel ses fonctions le retenaient.
M. Thiers a été injuste envers Maret. M. Ernouf le dit et le prouve.
En effet, et c'est là un des mérites de cette étude, de nombreux docu-
ments, dépêches ou notes inédites émanées de la plume de Maret,
font pénétrer plus d'une fois, mieux qu'on n'avait pu le faire jusqu'ici,
dans la connaissance de certains faits importants. Ses missions diplo-
matiques à Londres et à Naples, en 1792 et 1793, d'où dépendent jus-
qu'à un certain point le sort du roi et celui de la reine, les négocia-
tions avec l'Angleterre en 1797, les événements de 1805 et de 1807,
ceux de Bayonne en 1808, les négociations avec l'Autriche, etc. sont
tour à tour passés en revue, donnent de l'intérêt au récit et reçoivent
aussi une lumière nouvelle. Il y a là des documents inédits importants,
la note sur le congrès de Prague en 1813, la lettre au duc de Vicence,
du 5 août 1813, dictée par Napoléon (et qui n'a pas été insérée dans
la Correspondance), le précis des négociations de Francfort et de Châ-
tillon par le comte de la Besnardière, etc. .. Maret fut autre chose qu'un
écho monotone de la pensée de l'empereur. Il savait lui donner un
bon conseil, et son dévouement était éclairé. M. le baron Ernouf aime
son sujet : le gouvernement de l'Empire et celui qui l'a servi ont toutes
ses sympathies : il ne s'en cache point, et quelquefois cette sympathie,
le rend indulgent pour des actes difficiles à justifier. Maret avait voué
un culte au gouvernement impérial; il fut, selon son historien, l'or-
gane le plus actif de la réaction napoléonienne sous la Restauration.
Ce fut lui qui fournit des notes, des indications aux ouvrages du baron
Fain, de Gourgaud,Norvins, Bignon. Rallié à la monarchie de Juillet,
Maret en devint ministre pendant huit jours et une note écrite par lui
sur ce court ministère a le plus grand intérêt. C'est ainsi qu'avec
talent M. le baron Ernouf a utilisé les papiers qu'il a recherchés et
publiés. H. DE L'É.
t,a Terreur blanche. Épisodes et Souvenirs de la réaction dans le Midi
en 1815, par Ernest Daudet. Paris, Quantin, 1878, in-8 de. x(-405 p. —
Prix : o fr.
Parler de la terreur blanche de 1815 comme on parle de la terreur
rouge de 1793, c'est évidemment faire preuve d'ignorance ou de
calomnie : voilà ce qui est bien démontré par l'étude des faits. Il y a
eu sans doute, dans certaines localités du Midi, des actes criminels,
perpétrés par des hommes brutaux, oui; mais si, comme le dit
M. Daudet, on ne saurait sans injustice en faire peser la re.sponsïa-
bilité sur le gouvernement de Louis XVIII, faut-il croire avec l'au-
teur que cette responsablité « doit-être imputée surtout aux fatales
passions dont la Chambre introuvable allait être l'expression et re-
produire, sous des formes légales, les inexorables ardeurs? n Nous ne
le pensons pas, car c'est déplacer la question et ne pas entrer dans la
vérité de l'histoire. En 1814, aucun excès n'avait été commis contre
les hommes de la Révolution et de l'Empire : mais, en 1815, après que
la criminelle folie de Bonaparte, favorisée par la trahison et la vio-
lation des serments prêtés, eut amené sur la France, avec la honte
d'une nouvelle invasion, d'incalculables malheurs, il se trouva que
certaines âmes furent exaspérées, et comme quelques-unes étaient
grossières et brutales, leurs actes furent cruels et brutaux, leur exas-
pération les entraîna au crime.
Pendant les Ce7U jours, des bonapartistes et des révolutionnaires
avaient, malgré les autorités, assassiné des royalistes ; après les
Cent jours, et malgré les autorités, des royalistes assassinèrent des
révolutionnaires et des bonapartistes. Voilà ce qui s'est passé. Quel-
ques autorités purent être faibles, comme le dit l'auteur ; mais, pour
se faire obéir, quelle force avaient-elles sous la main ? Du reste, si
elles étaient impuissantes à empêcher le crime, elles ne l'approu-
vèrent jamais. Aussi M. Daudet est-il bien exact lorsqu'il s'écrie, en
se plaçant au point de vue où nous sommes, que « tous les partis en
France ont commis des fautes, » et « que voilà le fait brutal, évident, in-
déniable? » Non, car on peut dire que les scènes racontées ici ne furent
pas l'œuvre d'un parti, puisqu'il ne faut pas oublier ce fait, lui aussi
brutal, évident, indéniable, que d'une part les républicains ont assas-
siné au nom de la Loi en suivant logiquement leurs doctrines sociales
et en obéissant à leurs chefs montés au pouvoir, que d'autre part des
royalistes ont assassiné malgré la Loi, en marchant à l'encontre de
toutes leurs idées religieuses, et en désobéissant à leur Roi, à leurs
princes , Ces réserves faites contre des appréciations où l'auteur veut
trop établir une balance égale entre des actes différents, nous re-
connaissons que le récit tracé par M. Daudet est animé et offre des
tableaux émouvants. Néanmoins l'historien devra toujours consulter
le travail de M. de Larcy, inséré dans le tome second de l'excellente
Histoire de la Restauration, de M. Nettement. Soixante pages de
pièces justificatives contiennent des extraits de dépositions et de
l'apports de commissaires de police, des extraits de registres du com-
missaire général où sont relatés les dénonciations et les procès ver-
baux parvenus à ce magistrat au sujet des crimes commis dans le
département du Gard. H. de L'K.
Une famille au seizième siècle, d'après des dûcunienls originaux,
par Charles de Ribbe. Troisième édition, oompléteoaent refondue et très-
augmentée. Tours, Marne, 1879, iu-12 de 220 p. — Prix; 2 fr.
L<e livre de famille, par Charles de Ribbf.. Tours, Marne, 1879, iu-12
devi-283 p. —Prix: 2 fr.
Ces deux ouvrages vont bien à côté l'un de l'autre, car non-seule-
ment ils ont la môme origine, mais encore ils ont le même but et trai-
tent du même sujet. Une farnlllo au scizicmc siècle est le début des
publications de M. de Ribbe sur les <» livres de raison» ou mernorium
de famille, qu'il lui a suffi de faire connaître pour les mettre en vogue.
Les deux premières éditions (de 1866 et 1867) étant épuisées, cette
troisième ne contient plus seulement le texte de Jeanne du Laurens
(p. 1-96); elle donne, en outre, des éclaircissements et des documents
(p. 103-220) qui doublent le volume et en font un ouvrage nouveau ;
ce sont des testaments avec des notices sur Honoré, André et Jean
du Laurens, avec des considérations dont quelques-unes nous ont par-
ticulièrement frappé, telle que celle du chapitre : « Comment les du
Laurens s'élevèrent à la noblesse. »
Ce n'était point, dans les vues de l'auteur, une publication purement
littéraire. Ses œuvres postérieures: Les familles et la Société en France
avant la Révolution, la Vie domestique, ont clairement indiqué son
but. Régénérer la famille par le retour aux traditions, et montrer que
ces traditions sont conformes aux préceptes divins, qu'elles se retrouvent
partout et dans tous les temps. Il en est une qu'il s'est particuliè-
rement appliqué à mettre en évidence, moins à cause de sa valeur en
elle-même que parce qu'elle implique l'amour même de ces traditions
et indique le moyen employé par nos pères pour les conserver fidè-
lement. Nous voulons parler de la rédaction des livres de raison, où
les parents enseignent l'histoire de leur famille et déposent les con-
seils que leur expérience et leur affection dictent pour le bien de leurs
enfants. Après les avoir fait revivre dans ses livres, M. de Ribbe
voudrait les ressusciter complètement, trouvant là un moyen efficace
de revenir aux anciennes et saines coutumes. Il a donc rédigé un type
de livre de raison, pouvant s'appliquer à toutes les conditions, ne
donnant point de formules à remplir, mais traçant le cadre et donnant
des points de repaire. Après avoir bien précisé ce que sont les livres
de raison, leur nécessité à notre époque, le moyen d'en rétablir l'usage,
il entre dans son sujet, qui lui fournit trois divisions : le passé de la
famille, son présent, son avenir. Pour le passé, les portraits des an-
cêtres, les dates des principaux anniversaires, leur histoire et celle
des parents. — Pour le présent, l'état des personnes, le mariage, les
naissances, les éducations, l'établissement des enfants, les principaux
événements domestiques ; puis l'état des biens. — Pour l'avenir, le
— .S2-i —
testament et les conseils aux enfants. C'est la substance des ouvrages
de M. de Ribbe. Il a poussé l'attention, secondé qu'il était par son
éditeur, encouragé par des personnes considérables, désirant que la
pratique suivît la théorie, jusqu'à faire imprimer un livre de raison à
pages blanches^ que chacun pourra remplir suivant son inspiration.
Nous serions téméraires en préjugeant les résultats de cette expé-
rience; mais nous faisons les vœux les plus ardents pour son succès,
qui assurerait dans les esprits un heureux mouvement plein de pro-
messes pour l'avenir. Ce n'est pas demain, c'est aujourd'hui que doivent
se mettre à l'œuvre ceux qui ont soin de régénérer la famille et, par elle,
la société ; le nouvel an est une occasion favorable pour faire con-
naître et le Livre de famille et le livre de raison à pages blanches dont
il n'est que l'introduction. Nous sommes assurés du concours de beau-
coup de nos lecteurs. R. S. M.
I^es Femmes tlann la société chrétienne, par Alphonse Dan-
TiER. Ouvrage illustré de 4 photogravures et de "00 gravures sur bois,
d'après les monuments de l'art. Paris, Didot 1879, deux vol. in-4 de
xii-008 et 518 p. — Prix : broché, 40 tr., relié, 60 fr.
Dégradées et dédaignées parle paganisme, réhabilitées et ennoblies
par le christianisme, les femmes ont été un des plus actifs éléments de
la civilisation chrétienne. C'est un lieu commun de le dire ; mais c'est
une œuvre utile de le démontrer quand on a une plume aussi déli-
cate, aussi savante, aussi poétique et aussi chrétienne que celle de
M. Alphonse Dantier. L'érudit et artistique auteur des Monastères
bénédictins et des Études historiques sur l'Italie s'est proposé de mon-
trer l'action civilisatrice des femmes chrétiennes dans une série de
tableaux commençant aux patriciennes romaines et se terminant, de
nos jours, avec Mme Swetchine, Eugénie de Guérin, la sœur Ro-
salie et Mme Barat. Dans presque tous ces tableaux, une figure se
détache et l'on a ainsi une galerie de portraits qui peut faire l'orne-
ment de tous les intérieurs chrétiens. Ce sont, pour citer quelques
noms, Plautilla, sainte Symphrose, sainte Cécile, sainte Agnès, sainte
Hélène, Fabiola, sainte Monique, sainte Paula, sainte Clotilde, Pul-
chérie, Eudoxie et Théodelinde, représentant la femme dans le ma-
riage, la famille et l'état; Hroswitha, sainte Hildegarde et sainte
Elisabeth de Hongrie, sous le titre de a la Poésie et le drame dans le
cloître ; » Blanche de Castille, Marguerite de Provence, Béatrix, l'ins-
piratrice d'un grand poète, Jeanne d'Arc, sainte Thérèse^ Marie
Stuart, sainîe Chantai, la mère Angélique, la sœur Cornuau, Elisabeth
Seton, qui nous transporte aux Etats-Unis, où elle établit les Filles de
la Charité. On devine, à la seule lecture de ces noms, où M. Dantier
est allé puiser ses inspirations et ses renseignements, car ils rap-
— :?2:\ —
pellent nos meilleurs travaux d'histoire et d'hagiologie. Mais Tins-
piration et le travail personnel ont transformé tous ces matériaux de
choix et en font un enserable où l'âme, l'esprit et le cœur du chrétien
et du Français trouvent une égale satisfaction. Nous avons été sur-
pris de trouver dans cette société la mère Angélique, la mère Agnès
et tout Port-Royal. Elles étaient assurément des femmes remarqua-
bles, mais elles étaient jansénistes, autrement dit hérétiques, et
M. Dantier, dans son admiration pour elles, traite bien légèrement la
condamnation de leur erreur et laisserait facilement entendre, par ses
termes indulgents, qu'il n'y avait au fond de tout cela que cabales,
intrigues, vexations et jalousies.
L'œuvre de M. Dantier a été éditée avec un grand soin par la mai-
son Didot, si renommée pour ses éditions illustrées. On est dédom-
magé, autant que possible, des belles chromolithographies auxquelles
elle nous a habitués, par de remarquables photogravures et un grand
nombre de gravures sur bois reproduisant soit des portraits, — comme
ceux de saint François de Sales, sainte Chantai, Mme de Touloujon,
la mère Angélique, la mère Agnès, Antoine Arnauld, Bossuet, Mme de
Mortemart, Mme Swetchine, M>ne de Miramion, Elisabeth Seton, soit
des scènes, soit des monuments se rapportant au texte, et, comme tou-
jours, l'indication de l'origine est marquée. Les éditeurs ont recherché,
dans les illustrations des tètes et fins de chapitres et des lettres, à
donner, autant que possible, une idée de la décoration ornementale de
l'époque où vivaient les femmes qui font le sujet de ce bel ouvrage.
Rkné de Saint- Mauris.
ILiord Palinerston, sa correspondance intime pour servir
à l'Iiistoire diplomatique de l'Europe de ISSO à 1S6C?9
traduite de l'anglais, précédée d'une introduction et suivie d'un ap;'en-
dice pdr Augustus Craven. Paris, [îidier, 1878, in-8 de LXii-oi2. — Prix:
8fr.
Cet ouvrage est important pour la politique et pour l'histoire."
MM. Bulwer et Evelyn Ashley ayant publié à Londres la vie de Pal-
merston avec un choix de ses dépêches et de sa correspondance,
M. Augustus Craven a eu l'heureuse pensée d'en extraire et de tra-
duire en français les lettres, qu'en-dehors des dépêches officielles,
mais également sur les affaires politiques, le célèbre secrétaire d'Etat
adressait aux représentants du gouvernement anglais, lord Granville,
à Paris; sir William Temple, son frère, àNaples; lord Ponsonby, à
Constantinople ; sir Bulwer, à Madrid, etc.. On conçoit le grand in-
térêt qu'offre une pareille publication. La dépêche officielle peut parfois
dissimuler, amoindrir, colorer l'expression toujours étudiée de la
pensée, mais la lettre intime qui traduit au jour le jour, avec abandon,
les impressions du moment sur les hommes et sur les choses, en des
termes Vifs, un peu rudes peut-être, a un prix inexprimable, venant
d'un tel ministre et traitant de telles affaires : affaires de Belgique, de
Portugal et d'Espagne, affaires d'Orient et de Syrie, mariages espa-
gnols, etc... La correspondance doit aller de 1830 à 1865 ; nous n'a-
vons ici que la première partie qui s'arrête en 1847. La première lettre
est du 7 janvier 1831. L'auteur a souvent intercalé entre les lettres
des notes pour nous faire suivre la marche des événements; il les a
fait précéder d'une introduction où il raconte la vie de Palmerston
depuis sa naissance en 1784 jusqu'en 1830. On trouve en Palmerston
un zélé partisan de l'émancipation des catholiques, et, dans nn Joio-mU
très-intéressant, écrit pendant son séjour à Paris en 1829 et 1830, on
le voit observateur sagace des hommes et des choses. Indiquer ici les
mille détails que cette correspondance nous fait connaître est impos-
sible ; pour choisir môme des exemples, l'embarras serait grand, disons
seulement que, même après les publications qui ont eu lieu sur la po-
litique de 1830 à 1848, on trouve ici plus d'un trait à retenir, et on
admirera avec quelle fertilité d'esprit, quelle clarté et précision, le
grand ministre whig savait traiter les affaires. JNI. Craven a voulu
venger Palmerston des accusations qu'on lui a souvent adressées au
sujetdes mariages espagnols, et, dans un appendice, il s'est appliqué
à montrer par la correspondance de Guizot, du roi Louis-Philippe, de
M. Bresson, etc.. que ces attaques étaient dénuées de fondement. La
lecture si instructive de ce premier volume de la correspondance in-
time de Palmerston fait désirer vivement que le second ne se fasse
pas attendre. On ne saurait trop bien accueillir des publications de
ce genre, si rudes que soient souvent les coups qu'elles portent à
notre amour-propre de Français. H. de l'E.
L«éopold I'"' et Léopold II, b*oîs des Belges, îew;' vie et leur règne,
par Tbkodoue Jlste. Bruxelles, G Muquardt, 1878, in-8 de xvi-6i0 p. —
Prix : 10 fr.
Un écrivain honorablement connu par l'Histoire du congrès national
belge, la Vie de M. Lebeau, etc., M. Théodore Juste, vient de publier un
gros volume sur la vie et le règne des deux rois des Belges Léopold 1"
et Lcopold II : Léopold 1", confident souvent consulté et écouté des
autres rois et jouissant en Europe d'un ascendant incontestable;
Léopold II nature plus délicate, d'une prudence égale et qui s'est
récemment honoré en devenant le promoteur d'explorations à travers
l'Afrique pour hâter la marche de la civilisation en ce pays. Plus d'un
historien s'est iléjà occupé de Léopold I": M. Thonissen,dans son livre
la Belgique sous le règne de Léopold; M. Ch. Woeste, dans le Roi Léopold,
sa politique; M. Faider, dans le Roi Léopold 7"' et le royaume belge^ etc. ;
des publications nombreuses ont également raconté les péripéties de
la formation du nouveau royaume. Cependant M. Théodore Juste a pu
encore donner ici des renseignements nouveaux et mettre mieux en
relief la physionomie du roi dont il raconte la vie. Ce que M. Juste a
fait surtout ressortir, c'est la participation personnelle de Léopold I"
aux négociations de 1831 et de 1832. 11 s'appuie surtout sur la cor-
respondance du roi avec le général Goblet, avec le général Chazal,
avec M. Le Hon... L'intérêt, en eiïet, se concentre tout d'abord sur la
grande question de la reconnaissance de la Belgique et de sa neutra-
lité. Or, ce qui dominait dans l'esprit de Léopold F'', c'était la néces-
sité d'être Belge, de ne s'inféoder ni à l'Angleterre, ni à la Prusse,
ni à la France : « On nous accuse d'être entièrement Français, écrivait-
il en septembre 1831 ; nous sommes amis, mais nous ne désirons autre
chose que notre indépendance. » La nationalité belge est devenue
ainsi un des fondements du droit public européen. Napoléon 111 vou-
lut la supprimer, et M. Juste nous raconte cette négociation étrange
menée au nom de l'empereur par M. Benedetti. 11 nous fournit éga-
lement sur d'autres points des renseignements curieux, soit qu'il nous
montre Léopold, en 1831, blessé parles soupçons de la France, soit
qu'il nous représente Louis-Philippe inquiet de l'agitation constitu-
tionnelle en Belgique et aveuglé sur la situation de la France, malgré
les avis de son royal gendre. Grâce aux nombreuses lettres écrites par
le roi à ses ministres, qui sont insérées, ou dans le corps du récit, ou
dans les documents historiques rejetés à la fin du volume, M. Juste a
donné un ouvrage attachant. C'est là qu'est le grand intérêt de ce
Volume. Un peu trop libéral peut-être, l'auteur ne semble pas avoir
beaucoup de sympathie pour les ministères catholiques. Ses amitiés
sont évidemment dans l'autre camp ; mais les luttes de l'opinion sont
rejetées sur le second plan, et les figures des deux rois occupent pres-
que tout le tableau. Or, il est impossible de ne pas être séduit par ces
physionomies de princes dont l'un fonda et l'autre affermit chaque
jour encore le royaume de Belgique. H. de L'E.
Liiste et blasons des chevaliers de l'Annonciade appar«
tenant au duché de Savoie, do 1362 à 1860, par le comte Amkdée
DE Foras. Grenoble, Ed. Allier, 1878, in-fol. de 30 p. avec 108 blasons, —
Prix : oO fr.
Nous avons appelé, dans le temps, l'attention du public curieux des
glorieux souvenirs de l'ancien duché de Savoie sur les travaux généa-
logiques de M. le comte Amédée de Foras, qui dévoue des trésors
d'érudition à la conservation de cette branche essentielle des richesses
historiques de sa patrie. Ce que Pompeo Litta fit pour les « Familles
illustres de l'Italie, » M. de Foras a, dans plus d'une occasion, réussi
— o2(3 —
à le faire pour les maisons d'une contrée que les liens les plus étroits,
formés soit par la communauté de la langue et des coutumes, soit par
le dévouement aux mêmes souverains et la participation aux mêmes
destinées, ont successivement rattachée aux deux grands pays que
séparent les Alpes pcnnines ; union qui subsistera longtemps, nous
l'espérons, dans les affections et les souvenirs. L'histoire des trois
familles des sires de Beaufort, des barons de Blonay^ et des Bonivard
abonde en documents d'un grand intérêt dont nous avons essayé de
préciser la nature. Ce n'étaient que des parties d'un vaste travail qui
comprend tout l'armoriai de la Savoie. Aujourd'hui, nous voulons
signaler particulièrement une livraison qui complète l'armoriai et qui,
dans son genre, n'est pas moins intéressante. Elle présente l'histoire
de la fondation de l'ordre du Collier de Savoie, dit de l'Annonciade ,
et la liste des chevaliers admis dans cette célèbre confrérie jusqu'à la
réception, en 1858, du prince alors appelé duc de Savoie, qui règne
actuellement sous le nom d'Humbert, successeur de Victor-Emmanuel
sur le trône d'Italie. La généalogie, dressée avec un soin judicieux sur
les documents authentiques de la maison souveraine de Savoi_e depuis
Amédée VI, sert de préambule nécessaire à la liste des chevaliers. Le
Résumé historique qui vient ensuite établit la date de la création d'un
ordre qui prit presque aussitôt son rang parmi les plus illustres de la
chrétienté, et qui est encore considéré comme la récompense la plus
flatteuse du mérite. Le fondateur, Amédée VI, qu'on appela le Comte
Yerl, peut être regardé comme un des modèles du souverain belli-
queux, soigneux du bonheur de son peuple, entreprenant et judicieux
à la fois, dont les âges de la chevalerie ont conservé la mémoire et qui
mérite de vivre dans le souvenir des peuples ; son exemple a été
suivi par plus d'un de ses descendants. La fondation de l'ordre, qui,
dans le principe, n'était que de quinze compagnons, remonte à l'année
13G2, et la rédaction actuelle de ses statuts à l'année 1409 : celle-ci
est l'œuvre d'Amédée VIII, petit-fils du fondateur. L'ordre est, dit le
Comte Vert, expressément consacré aux « quinze mystères si joyeux de
la a sainte Vierge ; » et le collier, dans sa forme définitive, porte sur un
médaillon la figure en relief de la Très-sainte Aiino7iciation,à'ovi \ieni
le nom à'Annonciade, qui, dans l'usage commun, a remplacé la dési-
gnation de Collier de Savoie. Plus tard, une addition de « chevaliers
étrangers, » choisis pour la plupart dans les maisons souveraines, et
de chevaliers surnuméraires, désignés par des services d'un éclat
extraordinaire, augmenta, mais toujours dans une faible proportion,
le nombre des Colliers de l'ordre dont les possesseurs, à la cour de
Turin, qualifiés de « cousins du roi, » prenaient rang dans les céré-
monies, immédiatement après les princes du sang. La devise FERT,
qui. dans la composition du collier, alterne avec les lacs d'amour^ est
une des énigmes les plus difdciles à résoudre parmi les jeux d'esprit
de l'âge ingénu et tout à la fois héroïque de la chevalerie.
Le nombre total des chevaliers admis dans cette insigne confrérie,
appartenant au duché de Savoie, pendant les cinq siècles qui se sont
écoulés entre la date de sa fondation et l'année 1860^ qui a changé les
conditions politiques de ce pajs, s'élève à cent huit; le comte Rodolphe
de Maistre et le comte Hector de Gerbais de Sonnaz précèdent immé-
diatement, dans la période finale, « Humbert, prince de Piémont,
héritier de Casa Savoja. » Le nombre des familles illustrées par la
promotion d'un ou plusieurs de leurs membres ne dépasse pas trente-
neuf; beaucoup sont éteintes. Celle des Comtes de Genève eut succes-
sivement dix chevaliers ; on en comptait trente-quatre de la Maison
de Savoie; on voit combien demeure restreint le nombre des familles
de particuliers récompensées par cet honneur. Il est curieux d'y
trouver, parmi les chevaliers les plus anciennement admis, Amédée
Bonivard, dont le nom était, après un laps de près de deux siècles,
réservé à un genre si différent d'illustration. Celui du comte de Foras
appartient à la première promotion, dans la personne de Berlion,
seigneur de Foras en Genevois.
L'exécution des blasons en couleur, au nombre de 109, qui couvrent
14 pages in-folio, celle des encadrements et des lettres orn'es histo-
riquement d'après les dessins de l'auteur, font le plus grand honneur
à la typographie provinciale, si richement représentée à l'Exposition
de l'année 1878. On ne saurait qu'admirer le courage de l'éditeur qui
a entrepris et mené à fin avec une telle perfection une publication de
cette nature et de telle importance.
Les notes placées par l'auteur à la suite de chaque nom montrent
avec quel scrupule il s'est efforcé d'établir à tous les points de vue,
l'exactitude des désignations généalogiques et la position véritable
des personnages. Les rares dépositaires de la science héraldique (qui
n'est pas un des moindres accessoires de la connaissance des temps
anciens), trouveront à se satisfaire de toutes façons dans l'ouvrage
que nous venons d'annoncer. Adolphe de Circourt.
Les Monnaies royales de France, depuis Hiigues-Capct jusqu'à
Louis XVI, publiées par U. Hoffmann, expert en médailles anciennes.
Paris, Hoffmann, 1878, gr. in-4 de 21 o p. et 118 pi. gravées par DarJd.
— Prix : 120 fr.
Voici un des ouvrages les plus remarquables qui aient été publiés
jusques à ce jour sur notre numismatique nationale; il laisse bien en
arrière les travaux de Fougères et Cambronne, qui étaient les recueils
les plus complets; la perfection des planches ne laisse rien à désirer;
un grand nombre de pièces sont dessinées ici pour la première fois,
— 028 —
et chaque exemplaire décrit est suivi de l'indication de sa valeur
pour les amateurs. Ces évaluations, proposées sur des bases raison-
nables, ne pouvaient être mieux calculées fjue par M. Hoffmann, dont
Texpérience est bien connue et appréciée par tous ceux qui s'oc-
cupent de vieilles monnaies. On comprend que, dans ces conditions,
le livre dont nous parlons soit indispensable à tous les numismatistes,
qui ne seront pas effrayés de son prix, lorsqu'ils réfléchiront aux sacri-
fices considérables faits par l'auteur par dévouement à la science.
Les monnaie^ des Capétiens sont rangées par règnes ; chaque roi
fait l'objet d'un chapitre spécial, contenant un très-court résumé his-
torique, une analyse des faits et des documents numismatiques, la
description des monnaies frappées par le souverain et une liste des
monnaies seigneuriales contemporaines.
On comprend que, dans une si riche collection de documents, il
peut se présenter des assertions contestables ; nous croyons que les
errala sont très-rares. Nous n'en signalerons qu'un, que M. Hoff-
mann pardonnera à notre susceptibilité de Champenois; nous croyons
qu'il sera le premier à reconnaître que les pièces d'Henri IV portant
la marque C H, sont de Chàlons-sur-Marne et non Chalon-sur-Saône.
Nous recommandons tout spécialement les Monnaies royales de France
à nos lecteurs. A ce moment de l'année, les personnes qui voudront
offrir à un numismatiste, un souvenir qui comblera ses vœux n'auront
qu'à songer au livre de M. Hoffmann. A. de B.
Histoire numismatique de Henri V et Henri Y'I, rois d'An-
gleterre pendant qu'ils ont régné en France, par F. DE
Saulcy, membre de l'Institut. Paris, Van Peteghem, 1878, in-4 de HO p. et
4 pi. gravées.
M. de Saulcy vient encore d'ajouter un nouveau fascicule à la
collection dans laquelle il publie les documents et classe les monnaies,
en se limitant à certains régnes ; rappelons les Éléments de l'histoire
des ateliers monétaires du royaume de France, depuis Philippe-Auguste
jusqu'à François I" et V Histoire numismatique de François 1". Nous
espérons que le docte et infatigable académicien ne s'en tiendra pas
là, et que son éditeur n'hésitera pas à mettre entre les mains des
collectionneurs et des travailleurs de nouveaux cahiers non moins
riches en documents et en appréciations judicieuses.
L'histoire de l'occupation anglaise, en ce moment, est à l'ordre du
jour : sous peu, la Société de l'histoire de Paris, doit donner un
volume des pièces historiques relatives à cette triste époque; riiis-
toire des monnaies frappées, pendant cette période, aux noms
d'Henri V et d'Henri VI, en sera le complément obligé.
Après l'exposé dos textes, M. de Saulcy décrit, par ateliers, toutes
— o29 —
les pièces qu'il a pu retrouver en nature, en les classant d'après les
documents signalés par lui; il reste celles qui sont encore à chercher.
Les planches, gravées par M. Dardel, contiennent quarante-sept
types différents, portant des numéros qui permettent de recourir à la
description. A. de B.
Christophe Colomb, par le comte Roselly de Lorgues. Édition illus-
trée d'encadrements variés à chaque page et de chromolithographies,
scènes, paysages, marine, portraits et cartes. Paris. Palmé, 1878, in-4 de
380 p. — Prix : 25 fr. broché, et relié, 33 fr.
Le directeur de la Société générale de librairie catholique s'est senti
piqué d'une noble émulation à la vue des ouvrages de grande illus-
tration sortis, ces dernières années, des presses de Didot. de Mame
et autres. Un premier essai, qui fut un premier succès, Nolvc-Damc
de Lourdes, l'a encouragé, malgré les sacrifices que nécessitent ces
sortes d'entreprises_, à composer encore cette année un livre d'étrennes
digne de sa maison et de ses clients, autant par l'exécution que parle
sujet. Il ne pouvait mieux choisir que le bel ouvrage de M. Rosellj
de Lorgnes sur la vie et les travaux, sur les vertus et les déboires de
ce chrétien incomparable, découvreur d'un monde, Christophe Colomb !
Le Polybibliou a parlé du livre, lorsqu'il parut, et de ses suites : car
l'auteur, comme il convient à un écrivain rempli de son sujets no l'a
point abandonné après un récit d'ensemble, si consciencieusement
étudié et présenté qu'il fût. Il est revenu plusieurs fois à son héros,
et, dans le présent volume illustré, nous trouvons comme un résumé
de tous les volumes précédents. Nous nous dispenserons donc de rap-
peler ses recherches patientes, ses qualités d'écrivain^ le succès
mérité de ses travaux. Nous voulons principalement ici parler de
Villustration présente, et pour tout dire, annoncer, — mieux que cela,
recommander, et chaleureusement — un des plus magnifiques livres
d'étrennes de cette année. Ce n'est pas que les chromolithographies,
qui sont ordinairement la great attraction de ce genre de publi-
cations, j soient meilleures ou en plus grand nombre que dans tel ou
tel ouvrage illustré que nous pourrions lui comparer. Il y en a six seu-
lement : mais ce qui distingue les illustrations de la maison Palmé des
autres, c'est le système adopté d'encadrer chacune des pages du texte.
— Il y a là une source artistique des plus précieuses, et l'éditeur,
aidé, sous l'habile direction de M. Mathieu, d'une pléiade de dessi-
nateurs et de graveurs, en a tiré le plus heureux parti. C'est quelque
chose, assurément, de posséder une vie de Christophe Colomb puisée
aux origines authentiques, écrite dans le seul esprit catholique qui
piit convenir à un tel héros, mais c'est quelque chose aussi de lire
cette vie dans un texte continuellement accompagné ou rehaussé d'un
Décembre 1878. T. XXIÎf, 34.
— 530 —
commentaire vivant, artistique et archéologique, exact, sérieux et
supérieurement exécuté. Je dis sérieux, car des illustrations fantai-
sistes n'eussent rencontré que peu de vogue ; et nous engageons les
lecteurs à se reporter à la Table des gravures pour se rendre mieux
compte de la valeur réelle de ces encadrements déjà si gracieux pour
l'œil. Outre un grand nombre de faits tirés de la vie même de Colomb,
outre la reproduction fréquente d'ornements tirés de manuscrits ou
monuments contemporains, ils représentent tantôt des personnages
historiques, tantôt des vues intéressantes de villes : Gênes, Lisbonne,
La Rabida, etc., etc., ou de monuments : églises de la Giralda, pont
et tour de Cordoue, cathédrale de Salamanque, siège de Gre-
nade^ etc.; tantôt des paysages du Nouveau Monde tout remplis de
fleurs et d'oiseaux singuliers. Nous ne pouvons tout citer : mais nous
pouvons dire que la richesse et le bon goût de ces illustrations sont
encore supérieurs par le choix comme par le fini à celles qui ornent
le livre si beau à.é}k àe Notre-Dame de Lourdes. M. Rosellj de Lorgues
a pris un magnifique sujet pour but de ses études, et son travail est
magnifiquement interprété. R.
BULLETIN
Li'Idée moderne du droit en il.lleniagne, eu A.ngleterrc et
en France, par Alfred Fouillée, mail rii de conférences à l'Ecole nor-
male supérieure. Paris, Hachette, 1878, in-12 de 364 p. — Prix : 3 fr. 50.
Dans ces études, qui ont d'abord paru dans la Revue des Deux Mondes, l'au-
teur analyse les écrits allemands, anglais et français contemporains sur
l'origine et l'essence du droit, en les ramenant à une dominante, qui est
ridentiiication du droit et de la force physique ou intellectuelle par les Alle-
mands, l'identification du droit et de l'utilité sociale par les Anglais, enfin,
la notion idéale du droit par les Français. M. Fouillée cherche ensuite à
combiner et à syncrétiser ces trois points de vue. Le procédé n'est pas bien neuf
et rappelle celui que pratiquait par M. Cousin, il y a quarante ans. Le droit
idéal français du maître de conférences à l'École normale est un droit qui
prend sa source dans l'idée que l'homme a de sa liberté, et il a pu achever ses
364 pages sans même nommer Dieu. Quel que soit le peu de valeur intrinsèque
de ce livre, il mérite d'être remarqué, quand on se reporte à la fonction
officielle de son auteur, qui, avec l'autorité de l'État et l'argent des contri-
buables, dirige les études des futurs professeurs de philosophie de l'État.
X.
Liégislatîon et Jurisprudence concernant les instituteurs
comniunauv, par M. Auzias, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats à
la cour de Grenoble. Paris et Poitiers, Oudin, in-8 de 40 p. — Prix : 30 c.
Il est inutile de faire ressortir l'intérêt et l'actualité de cette brochure
dans la crise que nous traversons. Elle rappelle le5 lois et leur application
— 531 —
par les tribunaux aux autorités chargées de l'exécation, et les fait connaître à
ceux qui doivent s'y soumettre et ignorent bien souvent leurs droits. Qui
nomme, révoque e\ remplace les instituteurs? quandest-ce qu'il y a vacance
d'un poste? quand les conseils municipaux ont-ils à donner leurs avis? quelle
est l'autoriié du maire? comment se règle la question du traitement? quelle
différence légale existe entre l'instituteur laïque et l'instituteur congréga-
niste? voilà un aperçu des principales questions traitées par M. Auzias. 11
a ajouté à son travail une consultation signée de nos plus éminents juris-
consultes sur la validité des conti'ats intervenus eotre les congrégations et
les communes et une autre consultation sur l'âge d'admission des enfants
dans les écoles. Il y aura, dans la prochaine édition, à l'endre (p. 24) leur
vrai nom aux Frères des écoles chrétiennes. S. M.
I^a Science de la jeune mère, par M°^° Julie Fertiault. Paris,
Didier, 1878, in-12de viii-3ol p.— Prix : 3 fr.
C'est un livre d'éducation que M'^e Ferliiult adresse aux jeunes mères sous
le litre que nous venons de transcrire. Voici, par la lable des matières, l'indi-
cation des sujets qu'il traite : Entente des patents. La Mère trois fus nour-
rice. L'Obéissance. Première idée de Dieu. Les Caresses. L'Enfant aban-
donné aux domestiques. La Peur. Gronderies, Corrections, Punitions et
Récompenses. Les Jouets. Polichinelle. L'Enfant gâté. Mensonge et Dissimu-
lation. La Gourmandise. La Colère. Les Contes de fées. L'Enfant raisonneur.
L'Entètetuent. Les Conversations avec et devant les enfants. Les petits pro-
diges. La Mémoire. La Raison. L'Amour-propre. Jeux et Plaisirs de l'en-
fant. Frères et Sœurs. Le Respect. Cruauté envers les animaux. L'Amour de
la parure. Conscience et Délicatesse. La Moquerie. L'Egoïiue. Activité,
Ordre et propreté. La Politesse. Orgueil et Vanité. Paresse et Travail. Le
Goût. Puissance de léducation sur les passions naissantes. — On y trouvera
d'excellents et pratiques conseils sur h manière de prévenir et combattre les
défauts et de développer les qualités; les jeunes mères y ont beaucoup à
prendre. Cependant nous ne voudrions pas qu'elles s'en tinssent là. Mn"5 Fer-
tiault a bien un chapitre sur la première idée de Dieu : mais c'est à peu
près le seul où a nom soit prononcé, et encore ne pouvons-nous pas ap-
prou-^er la recommandation de ne pas faire faire aux enfants la prière de
a devenir bie 1 sages » sous le prétexte p\iéril que s'ils ne le devenaient pa«,
on serait fort embarrassé de leur répondre. La religion n'a point de part
dans cette éducation et c'e-t cependant la maîtresse éducattice et pour la
mère et pour l'eufant. L'autorité est trop mise de coté et presque raillée
à l'avantage de la raison qui est évidemment à cultiver avec soin, mais qui
ne suffit point. Le système autoritaire n'est point si commode : car, quand
on commmiie, il faut toujours commander avec raison. L'au'eur réprouve
absolument les corrections corporelles : mais, quand l'enfant ne répond ni
aux arguments de la raison, ni à ceux du cœur, que devenir? C'est très-bien
de fjire le procès de Polichinelle et des Cv;ntes de fées; mais, parmi les nom-
breux ouvrages de nos jours à l'usage de la jeunesse, n'en est-il pis, parmi
les plus recommandés, qui sont plus dangereux? L'enfant naît avec le
germe de ses qualiiés et de ses défauts : c'est une dangereuse erreur de
laisser croire aux mères que tout leur vient de l'éducation. Il y a quelques
exemples qui manqueront leur but : tel que celui de cette petite fille de huit
ans, maltraitée par ces parents, qui va se noyer avec sa poupée, parce qu'il
n'y aurait personne pour la soigner. R. S. M.
— o32 —
^^Dïnuaire de 9'JÉeoiiomic politique ei de la ststlif^tique,
1 S'y©, par Maurice Block et divers collaborateurs. Paris, Guillaurain,
1878, gr. iQ-32, de 7i0 p. — Prix : o fr.
Chaque année.la lilirairie (inillaumia fait paraître cet annuaire, et choque
année, on est heureux de trouver réunis dans ce petit volume bien compacte,
bourré de chiliVes et de documents, tous les renseignements qui ont été suc-
cessivement publiés un peu partout et que presque personne, sans cette pu-
blication, ne saurait retrouver qu'avec une peine extrême. Enuniérer les
diverses matières qui y sont contenues serait répéter ce que nous en avons
dit les années précédentes, car les diverses publications officielles pério-
diquessont reproduites ou tout au moins analysées comme d'habitude. Toute-
fois, lorsque des renseignements nouveaux sont mis au jour, bien que se
référant à des années antérieures, on les utilise pour l'annuaire de l'année
courante. C'est ainsi, pour en donner un exemple, que la statistique com-
merciale de la Perse se rapportant aux années 1872 et J873 est publiée dans
le présent volume. Aussi les tables sont-elles nécessaires dans les ouvrages
de ce genre plus encore que dans les autres. Pourquoi n'admettrait-on pas
le principe des tables décennales. La dernière parue, contient l'indication
des matières de l'origne de la publication jusqu'en 1867, nous émettrions le
vœu qu'une table portative vint s'aj'iuter au volume prochain relevant les
matières renfermées de 1868 à 1877. Bien des recherches se trouveraient
facilitées, et cette publication déjà précieuse acquerrait encore une nouvelle
valeur. G- S.
Li^Éconoinie poSîtiquc, conférences données à l'Université catholique
de Lyon, par M. Jcles Michel, ingénieur des ponts et chaussées, directeur
adjoint de Texploitation à la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée. Paris,
1878, gr. in-8 de 83 p. (Extrait de V Association catholique,)
L'autorité justement reconnue de M. .Iules Michel et l'importance des su-
jets qu'il traitait suffisent à expliquer l'intérêt qu'ont excité ses conférences
sur le but de l'économie politique, véritable h\giène sociale, dont la loi ne
peut être une liberté absolue, mais qui veut être guidée par des règles pré-
cises ; — sur le travail, c'est-à-dire l'effort que chacun fait, avec plus ou
moins de dévouement au bien général, pour obtenir quelque chose d'utile
pour soi ou pour les autres ; — sur Vépargne, fruit de la prévoyance sans la-
quelle il n'y a ni bonheur durable pour l'individu, ni prospérité réelle pour
l'État, et sur le capital, produit d'un travail antérieur épargné en vue de
faciliter un travail ultérieur; — enfin sur la rrparlilion des produits du travail
qui engendre d'inextricables difficultés quanil on ne veut faire appel qu'aux
inventions, coopération, participation, association, etc., et qui n'a qu'une
solution équitable, le patronage chrétien. Tous ceux qui scrutent ainsi, par
l'observation méthodique, la vie des sociétés, retrouvent dans les faits cette
pensée que Bastiat empruntait à Kepler pour en faire l'épigraphe d'un de
ses lumineux écrits : Digitus Dci est hic. A. D.
lit» Cî*îse comiMeii*cîale et îndustr'îeîle. Moyen» d*étendre
les déboucSiésde l'industrie beJge, par E. Van der LaaT, ingé-
nieur, professeur de géocrraphie économique à l'Université de Louvain.
Louvain, A. Peeters, 1878, in-8 de 102 p.
Ce double rapport est fait au nom d'une commission nommée par l'Union
des ingàiicurs de Louvain. L'auteur décrit d'alord les caractères de la crise
— o;j3 —
que subit rindiislrie belge; il en rapporte les causes à la diminution de la
consommalion et à l'exagération de la production; il indique, comme remède
la recherche de plus grands débouchés soit par de nouveaux emplois des
produits, soit par l'ouverture de pays encore fermés. La seconde partie con-
tient l'étude des obstacles à vaincre et des réformes à réaliser ; l'examen comparé
de la colonisation par l'Angleterre et par ia France conduit l'auteur à cette
conclusion que, pour les établissements coloniaux, la liberté testamentaire est
sinon la principale, du moins l'une des principales conditions de prospérité.
A défaut d'un retour à cette liberté si féconde, M. Van der Laat expose les
moyens pratiques de réaliser au moins Us réformes secondaires auxquelles il
consacre son second rapport et qu'jj résume eu trois points : réforme de
l'institution consulaire, création de maisons de commerce belges àl'étranger
et restauration de l'industrie des transports maritimes. Nous avons tenu à
signaler particulièrement ce travail du jeune professeur de Louvain, parce
que les mêmes questions s'agitent en France. Tout récemment, le président
de la Société de géographie de Lyon, M, Desgrands, avec sa haute compé-
tence commerciale, indiquait aussi, devant le congrès des orientalistes, la
liberté de tester comme uae conquête nécessaire à l'extension de nos comptoirs
et à la prospérité de nos colonies. A. D.
I^e Travail; sa (li§;nie» et ses droits, par Mgp dk Conny, protono-
taire apostolique. Paris, Poussielgue; Moulins, Desroziers, 1878, in-12 de
90 p. — Prix: 1 fr. oO.
11 y a, dans celte brochure, l'ampleur et la valeur d'un livre. L'auteur y
traite complètement de la mission du travail humain dans l'ordre provi-
dentiel — de la propriété — de la fonction sociale de la richesse et des
droits du capital. La grande question du droit de tester y est exposée avec
une profondeur de vues très-remarquable, et est résolue dans le sens de la
liberté du père de famille, qui a devant Dieu le droit et la responsabilité
de transmettre ses biens de façon à eu assurer le meilleur usage, comme
pendant sa vie il a eu le droit et le devoir d'en faire le meilleur emploi.
C. J.
L'Année scientifique et industrielle, par Louis Figuier, 21 "année,
1877. Paris, Hachette, 1878, iri-l8 j. de 574 p. — Prix : 3 fr. 30.
S'il est un ouvrage qui puisse se passer d'introducteur auprès du public
éclairé, c'est bien l'Année scientifique, qui dépasse maintenant son vingt et
unième volume. Mais tout en donnant le pas aux nouveaux venus, nous
devons cependant une mention à ceux dont le succès s'est maintenu pendant
une carrière déjà longue. Le dernier volume paru est tout particulièrement
intéressant. On en jugera par quelques titres de chapitres : découverte des
satellites de Mars; invention de ce merveilleux téléphone de Bell, qui permet
de converser avec un ami ou d'entendre un opéra à 200 kilomètres de distance;
éclairage Jablochkof, obtenu par l'incandescence du kaolin substitué aux
charbons ; manomètre Cailletet pour la liquéfaction dei gaz réputés perma-
nents; nivellement de la région des cholts et projet d'une mer intérieure au
Sahara. Ensuite viennent les comptes rendus de ia session tenue au Havre
par l'Association française pour l'avancement des science?, et des notices
nécrolog'iques sur MM. Dolbeau, Rarth, Cunneau, Cazin, Ruhmkorff, etc.
A.D.
— 534 —
I^'A-rt ancien à l'Exposition universelle de 18^8, par
M. ÉnouARD FoRESTiK, Secrétaire de la Société archéologique de Tarn-et-
Garonnc. Montauban, impr. Forestié, 1878, in-8 de 26 p.
M. Edouard Forestié, déjà connu par une histoire estimée des faïenceries
de la région montalbanaise, a résumé dans la brochure dont on vient de lire
le titre ses observations sur les collections de l'art rétrospectif exposées dans
Je palais du Trocadéro. Sans s'attacher à une description détaillée qui deman-
derait UQ volume, l'auteur signale les principaux objets qui ont fixé l'atten-
tion des amateurs et accompagne ses remarques de quelques réflexions
générales sur l'ensemble des collections. Cette étude est assurément bien
incomplète; mais elle a le mérite de fixer dans l'esprit le souvenir des prin-
cipales merveilles réunies dans les salles de l'art ancien. En parcourant ces
quelques pages, on se prend à désirer q le le comité d'organisation puisse
réaliser, même après coup, le vœu, exprimé en tivs-bons termes par M. Fo-
restié, de voir publier le catalogue de l'Exposition rétrospective, qui ne
pourrait plus être un guide du visiteur, mais qui resterait un précieux docu-
ment à consulter. G. B.
Histoires d'enfants à l'usage des salles d'asile et des
écoles, par G. Théodore. Paris, Hachette, 1878, in-12 de 344 p.,
orné de 71 gravures. — Prix :2fr.
C'est un recueil de vingt-sept charmantes, courtes et presque toujours
émouvantes histoires que nous recommandons en toute confiance aux
maîtres et aux parents. Elles captiveront les enfants : de jolies gravures
leur donnent un intérêt de plus. Elles tendent toutes à un but bien précis,
à une morale bien définie et sont inspirées par un esprit profondément
catholique. Elles visent toutes soit un défaut à corriger, soit une vertu à
pratiquer et mettent en cause un enfant désobéissant, paresseux, mal-
propre, menteur, gourmand, voleur, qui s'amende, par l'effet de sa bonne
volonté, de bons conseils, de bonnes leçons, en un enfant courageux,
dévoué, soumis, charitable, laborieux, qui est proposé comme exemple et
que le récit porte à estimer et à imiter.
Histoire du mont Blanc et de la vallée de Chamonîx —
Ascensmis et Catastrophes célèbres depuis les premières explorations (1876)
jusqu'à nos jours, par H. d'Arve, avec une préface par Francis Wey. I?aris,
Delagrave, 1878, in-12 de xxi-494 p. — Prix : 3 fr. 50.
« Avant 1741, où un voyageur célèbre, Richard Pococke, de Southampton,
au retour de sa première excursion en Orient, partit de Genève, pourvu
d'un costume arabe, armé jusqu'aux dents, avec un compagnon nommé
Wiiidham, et une imposante escorte, la vallée de Chamonix, dont ces mes-
sieurs ont prétendu faire li découverte, n'avait attiré aucun étranger, et la
chaîne du mont Blanc, la Roche blanche pour les Savoyards, s'appelait
encore eu Suisse : les Monts maudits. . . C'est que l'effroi des âges supersti-
tieux avait laissé longtemps inexplorées des régions considérées comme
horrifiques et maudites... » — Aujourd'hui, d'après la 1 ste officielle
reproduite par M. d'Arve à la fin de son livre, on compte, de 1786 à 1878,
six cent vin^t-neuf ascensions du mont Blanc, accomplies par ^ept cent
quatre-vingt-une personnes, d mt cent trente-trois Français et Irente-six
femmes. (Notons, en passant, à l'honneur du sexe prétendu faible, que le
— 535 —
premier Français qui ait faitl'asceusion complète est une Française, M"^ M. Pa-
radis 11809), et il fallut attendre juste un quart de siècle pour qu'un second
Français, le comte II. de TiJly se décidât à suivre l'exemple de sa compa-
triote.) C'est le récit de ces diverses ascensions, publié d'abord soit dans des
notices et relations spéciales, soit dans le recueil V Abeille de Chamonix^
rédigé par M. d'Arve lui-même, que contient le volume dont nous parlons.
— Récit souvent tro,) abrégé au gré du lecteur, mais toujours dramatique,
même lorsqu'il ne se termine point par quelque effroyable catastrophe...
Après un chapitre préliminaire — consacré au Vieux Chamonix, d'avant
M. de Saussure ^origines et chroniques) et aux premiers excursionnistes,
Mandrin, Pococke, Saussure (et ses douze voyages d'exploration), — et une
première partie formée de quinze chapitres qui mènent l'histoire des ascen-
sions et celle f-i intéressante de la Compagnie des Guides jusqu'en 1860,
l'auteur, dans sa seconde partie, s'étend tout particulièrement sur le Cha-
monix moderne et les péripéties répétées dont il a été le témoin et le chroni-
queur depuis tautôt vingt ans. Dans ce livre, qui forme comme un appendice
nécessaire à la collection des mémoires du Cluh alpin^les conseils pratiques,
les détails techniques trouvent place à côté des anecdotes les plus drama-
tiques,des descriptions les mieux réussies, et des résultats scientifiques les
plus précieux, et nous ne croyons pouvoir mieux terminer cette note qu'en
nous unissant à l'auteur de le préface pour le 'c recommander comme un
ensemble unique de documents. » R.
Clonatantinople, par Edmondo de Amicis, ouvrage traduit de l'italien,
avec l'autorisation de l'auteur, par M°* J. Colomb. Paris, Hachette, 1878,
in-18 j. de 393 p. — Prix: 3 fr. oO.
Qui n'a rêvé un voyage à Constantinople? Constantinople, cette reine de
l'Orient, ce confluent de deux civilisations qui se rencontrent sans se mêler,
avec cette variété innombrable de peuples qui se pressent dans son sein,
son ciel éclatant, sa mer splendide, son passé étincelant, son avenir incer-
tain! Ce voyage, M. Edmondo de Amicis l'a fait, en compagnie d'un ami
intime, M. Vunk;il l'a fait en artiste et en poète. Il a erré dans les rues
de Stamboul; il s'est assis mélancoliquement dans les cimetières, à l'ombre
des cyprès; il a glissé sur le Bosphore en caïque aux voiles de pourpre; il a
parcouru les bazars, pénétré dans les mosquées, admiré Sainte-Sophie, visité
même les palais impériaux, en évoquant les souvenirs des glorieux sultans
et des belles sultanes, et, du haut de la tour du Séraskier, contemplé l'é-
blouissant spectacle de la grande cité assise voluptueusement au bord de la
Corne-d'Or, avec sa ceinture de villes, dej'îrdins et de kiosques. A vrai dire,
il est impossible d'analyser ce volume; c'est une série de descriptions, les
imes enthousiastes, les autres mélancoliques, toutes chaudes et colorées, trop
colorées peut-être et d'un réalisme parfois un peu sensuel, notamment dans
les chapitres sur les Turques et le vieux sérail. On dirait que les pages de ce
livre soQt comme éclairées d'un reflet du ciel d'Orient; mais ce reflet est si
vif que quelquefois il éblouit et qu'on a peine à distinguer et surtout à se
rappeler les sujets.
Qu'adviendr.i-t-il de cette race dont Constantinople est la capitale, de cet
empire dont elle est le siège? Resteront-ils immobiles ou se transformeront-
ils? M. de Amicis ne croit pas à la transformation des Turcs. Ils ont trop de
haine et de mépris du giaour pour adopter ses mœurs et ses coutumes. Ceux
d'entre eux qui se sont frottés à la civilisation européenne, n'en ont pris
— 530 —
que les vices, mais n'en ont pas cumpris les vertus. lis ont adopté Je costume
occidental; mais sous le fez comme sous le turban, le Turc subsiste; il est
devenu seulement moins fier, moins sobre, plus amolli, et cet exemple
même dégoûte de la civilisation des Francs la masse des Ottomans qui de-
meure fidèle à ses traditions, à ses préjugés^ à son orgueilleuse paresse.
« Toute l'œuvre réformatrice qu'on essaye depuis cinquante ans n'a fait en-
core qu'effleurer l'épiderme de la nation. On a changé les noms, mais les
choses sont restées. » Comment donc, se demande M. de Amicis, se résoudra
cette question? Pas plus que lui nous n'avons la prétention de répondre.
M. DE LA ROCHETERIE.
La Bloilande., par E0MONDO de Amicis, ouvrage traduit avec l'autori-
sation de l'auteur, par Frédéric Bernard. Paris, Hachette, 1878, in-18j.
de 413 p. — Prix : 3 fr. 50.
Cet ouvrage, publié sans préface ni rien qui fasse connaître son auteur,
le but, l'époque et les circonstances de sa rédaction, fera passer d'agréables
moments aux amateurs de récits de voyages. Il leur fait parcourir la contrée
la plus curieuse, croyons-nous, de l'Europe, celle qui conserve avec le
plus de soin son autopomie et ses vieilles traditions, mais l'auteur est
plutôt un touriste qu'un voyageur; il raconte et décrit bien ce qu'il voit;
mais il ne cherche pas à deviner, à approfondir, à scruter l'histoire, à
rechercher l'origine et la raison des coutumes. Il se plaît aux détails de
mœurs qu'il pousse parfois un peu loin; il parle des femmes en un langage
où l'on voudrait plus de réserve; il abuse des descriptions des maisons
qui penchent d'un côté et de celles qui penchent de l'autre, et met autant
de temps à décrire un repas de Hollandais que ceux-ci à le consommer.
Si l'on regrette l'absence de réminiscences historiques, c'est à la condition
qu'elles ne ressembleraient point à celles dont est l'occasion Delft, où fut
assassiné le prince d'Orange : M. de Amicis en profite, en effet, pour mettre
au compte des jésuites qu'on retrouve partout, des dominicains et du clergé
catholique, l'apologie de l'assassinat politique. La partie relative aux
beaux-arts est la plus sérieusement étudiée ; dans les autres, si l'on n'y
trouve pas de la science, le pittoresque des descriptions, la variété des
observations, l'esprit avec lequel elles sont fréquemment présentées sont
un dédommagement pour le lecteur et suffisent pour captiver son attention.
B. S. M.
excursions autour du monde. — I*ékîu et l'intérieur de la
Cliine, par le comte Julien de Rochechouart, ministre plénipotentiaire;
ouvrage orné de gravures. Paris, Pion, 1878, gr. in-18 de 3o8 p. —
Prix : 4 fr.
Quel est l'avenir de la Chine, et que faut-il penser de cette civilisation
tant vautée, antérieure et, suivant quelques-uns, supérieure à la civilisation
européenne? Telle est la question que se pose, après tant d'autres, M. le
comte de Rochechouart et qu'il est mieux à même de résoudre que bien
d'autres; car il a séjourné dix ans en Chine. Ce qu'il y a vu ne l'a pas
rendu sympathique à la race jaune. Elle a, suivant lui, beaucoup de vices
et peu de vertus. Le Chinois ne tue pas ses enfants, comme on l'en a accusé;
mais il les abandonne, ce qui revient au même; car ces malheureux sont
par la même condamnés à mort. Il est égoïste, sale, sottement vaniteux,
menteur, voleur, incapable de vrai progrès. On l'a dit conservateur; il n'est
— 537 —
qu'immobile. Sa prétendue civilisation n'est qu'un formalisme puéril, son
administration, un despotisme corrupteur. Ses seules qualités sont des qua-
lités inférieures; il est adroit ouvrier, marchand habile, I)on domestique;
mais il n'a nulle grandeur dans l'esprit, et même nul sentiment de la
véritable Lonté. C'est une humanité inférieure, a dit M. Renan, et M, Renan
a raison. Le christianisme seul pourrait rendre quelque vigueur à cette race
abâtardie. Les communautés chinoises chrétiennes sont infiniment su-
périeures aux autres; elles sont plus sociables, plus policées ; elles s'ouvrent
mieux et plus intelligemment à la civilisation européenne. Grâce aux mis-
sionnaiies, — et le fait est bon à s-ignaler par ce temps de guerre au cléri-
calisme, — giùce aux missionnaires, le nom de la France est respecté et
aimé parmi ces populations de l'extrême Orient. M. de Rochechouart affirme
qu'un Français pourrait aller de Pékin à Canton, sans bourse délier,
toujours hébergé et guidé par les chrétiens indigènes. Malheureusement
le christianisme a fait peu de progrès en Chiae, à cause de l'hostilité qu'il
rencontre chez les lonclionnaires de tout ordre. Les mandarins sentent bien
que le jour où la majorité du pays serait catholique, leur règne à eux serait
fini et ils font à la prédication de l'Évangile une opposition sourde, opiniâtre,
tortueuse, exploitant contre le christianisme, avec une mauvaise foi et une
fourberie sataniques, tous les préjugés et toutes les mauvaises passions
populaires. Dans ce genre-là, ils sont passés maîtres, et ainsi s'évanouit la
seule chance pour la Chine de sortir de la torpeur où elle agonise.
M. le comte de Rocheciiouart, après avoir étudié les Chinois chez eux,
promet de les étudier liors du Céleste-Empire. A'ous attendons le second
volume avec impatience, certain d'avance qu'il n'olfrira pas moins d'intérêt
que le prea)ier. Maxime de la Rocheterie.
Les i^lbigeois devfiiat l'histoire, par Mathieu Witche. Paris, Biblio-
thèque de la France iUustrce, 1878, in-12 de 408 p. — Prix : 2 fr.
Voici un bon livre qui répond à un véritable besoin. La croisade des
Albigeois est, en effet, l'un des faits de notre histoire de France qui ont été
le plus défigurés à plaisir, et le grand nom de Simon de Montfort est un de
ceux que les historiens ont le plus rabaissé par des appréciations injustes et
passionnées. Dans un livre écrit d'un style simple et calme, émaillé çà et là
de citations heureuses prises dans les chroniqueurs contemporains des faits
racontés, ou dans les historiens les plus dignes ih^. foi, M. Mathieu Witche
n'a aucune peine à montrer qu'entre les Albigeois et les pires révolution-
naires d'aujourd'hui, il y a de nombreuses ressemblances et qu'en travail-
lant à soumettre ces dan;:,ereux insurgés, Simon de Montfort et ses vaillants
compagnons ont noblement servi la cause de la civilisation chrétienne de
la France. Ce livre a déjà paru dans l'excellent journal la France iUnstrée.
Sous sa nouvelle forjue, il sera lu plus facilement et, par conséquent, fera
plus de bien. E. de la D.
Ij£i P'apesse Jeanue, réponse à M. Emmanuel Rhoïdis, par Charles
BuET. Paris, Palmé, 1878, in-12 de 96 p. — Prix : 1 fr.
Cet opuscule est une œuvre de polémique. La manière est d'un journa-
liste, non d'un historien. L'occasion est un libelle de M. Rhoïdis, récemment
traduit, où la fable de la papesse Jeanne est de nouveau présentée à de cré-
dules lecteurs. M. Buet s'indigne du procédé et repousse l'assertion : il a
raison. Mais l'opuscule aurait beaucoup gagné, si le langage souvent violent
— 538 —
employé par l'auteur eût été plus retnnii. — La modération est une grande
force dans une discussion. — 11 eût gagné également si l'argumentation eût
été mieux conduite, plus serrée. « Nous aurions pu produire des textes plus
précis encore, » dit l'aute ir. Sans doute et il eût fallu les produire! il eût
fallu invoquer l'autorité du savant auteur du De nummo aureo Benedicli III,
dont le nom n'est pas cité une seule fois! Le résumé de l'argument décisif
produit par Girampi eût tenu, avec avantage pour la discussion, la place de
plusieurs citations et digressions indifférentes. H. de l'E.
I^es Réja^îincnts francaiis. Historique des régiments d'infanterie de
ligne, appartenaiit aux 1", "2«, 3», 4" et o* corps d'armée (1813-1878). Lois mi-
litaires votées et promulguées en juin 1878. Paris, Ghi), 1878, in-18 de 82 j).
— Prix : 1 fr .
Cet ouvrage, avec un historique de l'infanterie française, formant avant-
propos, est un résumé clair et succinct des états de service de chacun des
régiments des cinq premiers corps d'armée, contenant les indications relatives
à l'état-major général de l'armée française, aux drapeaux décorés, aux états-
majors des corps d'armée, divisions et brigades des 'égiments dont il fait
l'historique. 11 peut rendre de réels services par l'ensemble de cfs rensei-
gnements qu'il présente sous une forme aussi restreinte que possible; il
n'est d'ailleurs que le premier tome d'une série d'ouvrages analo;^ues à
paraître sur tous les régiments de l'armée française, y compris les troupes
de mer, et qui sera une collection indispensable à quiconque porte intérêt à
un titre quelconque à notre belle armée. E. de B.
Souvenirs d'un officier de chasseurs à pied, extrait des Notices
sur les élèves de l'École Sainte-Geneviève tués à l'ennemi, par le R. P.
Chauvkau, de la Compagnie de Jésus. Tours, A. Mame, 1878, in-8 de
240p. —Prix : 1 fr. 30.
Il est peu de lecteurs du Polybiblion qui n'aient lu les émouvantes notices
consacrées par le R. P. Chauveau aux élèves de l'École Sainte-Geneviève
tués à l'ennemi pendant notre dernière et désastreuse campagne. Je ne con-
nais pas de plus saisissante apologie de l'éducation chrétienne, et les hommes
qui per.eistent à suspecter le patriotisme des chrétiens de France n'ont cer-
tainement pas lu ce livre-là. Une fois déjà le R. P. Chauveau avait eu la
bonne idée de choisir quelques-unes de ces notices et d'en former un livre
pour figurer dans cetie Bibliothèque de la jeunesse chrétienne, éditée par la
mais m IVIame, qui a fait et fera encore tant de bien. Avec les Souvenirs
d'un officier de chasseurs à pied, notice éloquente sur l'héroïque Gustave de
Boissieu, cette Bibliothèque s'augmente d'un excellent livre bien propre à
alimenter dans les jeunes cœurs la tlamme pure du patriotisme. Boissieu
est tombé au premier rang, sous les murs d'Orléans, au mument même où
il semblait qu'une lueur d'espoir venait enfin briller au ciel de la France. Il
put croire que l'heure de la revanche avait sonné et versa volontiers son
sang, pensant peut-être fournir à son pays a'ioré, le gage d'une décisive
victoire. Heureux fut-il de mourir dans cet espoir, hélas! si tôt trompé. Re-
mercions le P. Chauveau de nous avoir conservé si vivante cette physio-
nomie bien faite pour noui consoler du passé et raviver en nous ce noble
couragiî, seul capable de nous préparer ua avenir meilleur.
E. DE LA D.
— 539 —
Hie saint bomme de Tours, par Léon Aubinead. Paris, Palmé, 1878,
in-12 de vii-406 p. — Prix : 3 fr.
Le saint homme dont M. Aubioeau esquisse le portrait est M. Dupont, mort
à Tours le 18 mars 1876, âgé de soixante-dix-neuf ans. M. l'abbé Janvier a été
chargé par Msf l'archevêque de Tours d'écrire la vie merveilleuse, admirable,
dece chrétien des premiers temps, animé d'unefoià transporter les montagnes,
d'un aiïiour de D'eu que rien ne pouvait arrêter. M. Aubineau l'a connu lors-
qu'il habitait Tours, a vécu dans son intimité, l'a vu à l'œuvre; il vient témoi-
gner ce qu'il sait sur ce serviteur de Dieu ; on sent percer s-ms chacun de ses
mots une admiration qui gagne le lecteur. Qu'a donc fait M. Dupont pour que
sa mémoire soit en vénération? Il est surtout réfuté pour son zèle pour la pro-
pagation de li ci'oix de Saint-Ben ît et pour son culte ervers la sainte Face,
à laquelle il avait élevé chez lui un sanctuaire, devenu, depuis sa mort sur-
tout, le centre d'un pèlerinage très- fréquenté. En-dehors de cela, on trouve
M. Dupoat partout où il y a du bien à faire pour les âmes, des actes de ré-
paration à accomplir vis-à-vis du Christ. On peut dire qu'il fut un des pre-
miers restaurateurs du pèlerinage en France, un des pr.'moteurs de la re-
construction de la basilique de Saint-Martin. Il fonde des œuvres de prières,
encourage les vocations ecclésiastiques, contribue à l'établissement des pe-
tites soîurs des pauvres, s'jutient et édifie la conférence de Saint-Vincent de
Paul, fait r-vivre l'œuvre de l'adjration nocturne et entretient des relations
de piété dans toutes les parties du monde avec les missionnaires, avec les
âmes éprises de l'amour de Dieu. Il faut être familiarisé avec les choses de
la foi pour goûter ce livre : mais il est un chapitre qui emportera les suf-
frages de tous les cœurs chrétiens : c'est celui où est raconté sa sublime
conduite vis-à-vis de sa fille ^XII). Ceux qui ne se sentent pas le courage de
l'imiter ne pourront lui refuser leur admiration. R.
Monseigneui* Dupanloup, biographie et :iouvenirs, par J. Hairdet,
rédacteur de la. Dèfeme. Paris, Bray et Retaux, 1878, in-8 de 72 p. —
Prix : 1 fr.
Cette brochure écrite au lendemain de la mort de Msi" Dupanloup, sous
l'impression de la douleur causée par cet événement, retrace rapide-
ment et avec émotion les faiîs principaux de sa vie, fait ressortir les traits
saillants de son caractère, donne de touchantes anecdotes, analyse les
œuvres les plus importantes, apprécie [a part qu'il a prise dans les événe-
ments contemporains, résume les jugements des organes les plus considé-
rables de la presse et termioe par une bibliographie des œuvres de l'illustre
prélat. En attendant que sa vie soit publiée, cet écrit donne bien une vue
générale du sujet et servit à faire aimer et regretter davantage ce vaillant
champion du catholicisme. V. M.
L,a
a Jeunesse de Lord Oeaconsfield, par Victor Valmont. Paris,
Théodore Olmer, 1878, in-12 de 71 p.— Prix: 75 fr.
L'ouvrage de M. Valmont est une étude aussi politique que littéraire sur
le minisire anglais, préambule d'un tnvail exclusivement consacré à sa vie
publique. A la différence de plus d'un homme d'Etat contemporain,
M. Benjamin Disraeli a un passé. La littérature ne fut pour lui qu'une pré-
paration à la vie poli'ique qu'il rêvait dès sa jeunesse. M. Valniout, après
avoir donné quelques détails sur son é lucation,suit la trace de ses aspirations
dans ses romans: Vivian Grey, Poponilla.the Young duke, Çontarini Fleming.
— 540 —
Le merveilleux conte d'Alroy. Henrietta Temple. La facture en est souvent défec-
tueuse, la moralité très-contestable. Mais ils sont curieux à étudier parce que
l'auteur s'y peint très-souvent, ainsi que la société au milieu de laquelle il
a vécu; il y expose les doctrines qu'il mettra en pratique et le but qu'il
poursuivra. Était-il doué de seconde vue, lorsqu'il fait dire au père de
Contarini. « Mon fils, vous serez premier ministre... et peut-être quelque
chose de plus grand encore! »
Le IPsitriotisme en France, par Ed. Gœpp et G. Ducouduay. Paris,
Hachette, 1878, in- 12 de xri-3oi p. — Prix : 1 fr. 2o.
C'est une louable pensée qui a inspiré les auteurs de cet ouvrage, et dont
ils ont trouvé la furinulc dans Montesquieu, quand il dit : « Je voudrais que
les noms de ceux qui meurent pour la patrie fussent conservés dans des
temples et écrits dans des registres qui fussent comme la source de la gloire
et de la noblesse. » Sur les bancs du collège, les héros plus ou moins légen-
daires d'Hérodote et de Tite-Live sont seuls donnés comme exemples, et peu
s'en faut que l'histoire nationale ne soit complètement délaissée. C'est contre
cet abus déplorable qu'ont voulu réagir MM. Gœpp et Ducoudray. « Rome
et la Grèce, disent-ils, n'ont pas eu. certes, le monopole du patriotisme.
On nous cite Horatius Codés, Clélie; mais on oublie Bayart au Garigliano,
le général Dumas au pont de Brixen, etc. » La France a vu vingt fois des
Régulus retournant chercher la mort au camp ennemi, et l'antiquité n'a
rien qui puisse soutenir le parallèle avec saint Léger, qui se livre lui-même
entre les mains d'Ebroïn.
MM. Gœpp et Ducoudray ont donc réuni une galerie de portraits natio-
naux. A côté des exploits de du Guesclin et de Bayart, connus de tous, ils
ont surtout cherché à mettre en lumière les actes et le dévouement de per-
sonnages peu connus, comme le grand Ferré, Guillaume de Prieuse, Primo-
guet, Marie Fourée, Porçon de la Barbinais. Le choix du sujet est généra-
lement judicieux; on pourrait cependant soutenir que le patriotisme de
quelques-uns n'est pas à l'abri de la critique : par exemple, l'amiral de
Coligny, dont la conduite semble plutôt dictée par l'ambition que par le
désintéressement. Il serait facile aussi de contester certaines appréciations
des auteurs. L'ère désastreuse qu'ouvre pour la France la révolution de 1789
est ainsi caractérisée d'un mot : « Dans cette nouvelle et grandiose période
de notre histoire, l'amour de la patrie, toujours si vivace chez les Français,
se confondit avec l'amour de la liberté. » Malgré quelques phrases regret-
tables, comme celles que nous venons de signaler, malgré quelques omissions,
l'ouvrage de MM. Gœpp et Ducoudray nous semble néanmoins recomraan-
dable. C'est un livre de lecture utile pour les jeunes gens; c'est une sorte de
morale et de patriotisme en action, qui leur apprendra que la France a eu
de;^ grands hommes comme Rome et la Grèce, et que le patriotisme dans
notre pavs ne date pas de la Révolution.
Er. B.
@ei*nionâ et tiomé9ies, par Ernest Dhombres, pasteur de l'Eglise réfor-
mée de Paris. Deuxième série. Paris, Grassart, Î878, in-12 de 319 p. —
Prix : 3 fr. 50.
Il peut être utile, pour quelques lecteurs de Polybiblion,de connaître ce que
sont les publications de la chaire protestante. M. Dhombres vient de faire
paraître une nouvelle série de Sermonii et homélies, qui renferme les sujets
suivants : Paul et David; V Évangile cl les individuatilés ; Vivre, c'est Christ;
Ingratitude et recomiaissancc ; la Parabole des ouvriers; Nalhanael; le Geôlier de
Philippes; Travail et prière; Richesse et pauvreté; les Amitiés; V Immortalité
chrétienne; les Témoins; le Temple. Cette simple énumération des treize dis-
cours contenus dans ce recueil permet déjà de se faire une idée du recueil
lui-même. On peut remarquer d'abord que tous les sujets dogmatiques
proprement dits en sont absents, à part un seul prêché le jour de Pâques,
qui est d'ailleurs, en partie au moins, philosophique, celui qui traite de l'im-
mortalité de l'âme et dans lequel l'orateur développe ces deux pensées :
la vie serait désespérante sans l'immort.Tlité, et l'immortalité serait déses-
pérante sans l'Évangile. La seconde partie n'est développée que d'une ma-
nière très-vague. On voit que le prédicateur ne sait pas au juste quel est le
symbole de foi admis par ses auditeurs et alors, pour être en communauté
d'idées avec eux, il reste sur le terrain de la morale. 11 dit de bonnes et utiles
vérités morales ii ceux qui l'écoutent : ii tire de le sainte Écriture des rappro-
chements ingénieux et des rétlexions instructives ; mais le vrai fondement
chrétien, le dogme, y manque, ou du moins n'y apparaît pas d'une manière
suffisante. L'individualisme y occupe aussi une trop large place. Les Ser-
mons et homélies de M. Dhombres sont d'autant plus intéressants à étudier
pour ceux qui désirent connaître l'état actuel du protestantisme en France,
que l'auteur est un des prédicateurs les plus renommés dans sa communion
et que plusieurs des discours contenus dans ce volume ont été prêches en
divers lieux : Ingratitude et reconnaissance a été prêché aux conférences
pastorales du Vigan (Gard), en octobre 1876; les Témoins, à Chàteauroux,
pour l'inauguration d'un temple, le 16 juillet 1877; le Temple, à l'inaugura-
tion d'un autre temple, le 27 septembre 1877, à Saiut-Ambrôix (Gard), devant
le conseil municipal de l'endroit et vingt-trois pasteurs réunis pour la cir-
constance. L. M.
VARIÉTÉS
BIBLIOGRAPHIE DES NOELS
(Suite).
Naissance (la) du Sauveur ou Noëls nouveaux en français cl en patois composés
jmr divers auteurs. Narbonne, Decamps, s. d. in- 12, 32 p.— C'est uce édition
un peu différente du Recueil des plus beaux noëls. Narbonne.
Nalis (.lean-Baptiste). Cantiques, noëls et autres ouvrages en vers, partie en
français et partie en langue vulgaire de la ville de Beaucairc. Arles, J. Beuf,
1761, in-8^'; autre édit., 1766, in-8.
Noël ancien du diocèse de Bayeux avec la musique, 18d0, iu-8.
Noèl en patois commingeois, signé : un curé de Comminges. Inséré dans la
Bévue dit Gascogne, t. XVill, 1877, p. 408; il parait inédit. C'est du gascon
très-authentique, avec un fort mélange de mots languedociens.
Noèl nouveau pour les artisans. Toulouse, Robert, s. d, in-12.
Noël nouveau sur quatre airs différents. Toulouse, veuve Hinault, s. d.
(dix-huitième siècle), in-12 de H p.
Noèls. Vers la fin du règne de Louis XIV, et pendant le dix-huitième siècle,
des pièces de vers satiriques sur les ministres, les courtisans, les gens en
— B42 —
place, circulèi'eut sous la forme de noëls ; plus.eurs d'entre elles ont été
insérées dans divers recueils ; elles doivent nous rester étrangères.
Noèls anciens et nouveaux et cantiques. Nouvelle édition, revue et corrigée.
Bourgo-, Ménagé, 1838, in-18.
Noëls dévots sur la naissance de Notre-Seigncur Jésus-Christ. Bourg.,
Brottier, 181 4, in-12. — Ces noëls sont de Jacque» Brossarû dr Montaney.
La plus anciLnne édition remonte à 1081 environ; elle est d'une extrême
rareté .
Noèls de Vaucieux, canton de Vercel, arrondissement de Beaumes (Doubs), s. d.,
in-18.
Noèls doubles composez à V honneur de V incarnatio7i de Jésus-Christ. Bor-
deaux, J. Lowalle, s. d. (Qn du dix-huitième siècle), in-8, 96 p.
Noèls en français et en languedocien . Manuscrit in-fol., à la bibliothèque
d'Avignon.
Noëls en langue anglaise, depuis le commencement du quinzième jusqu'à la
fin du dix-septième siècle. — Ces noëls, au nombre de trente-quatre, se
trouvent dans l'ouvrage de William Sandj's (voir ce nom) Christmas Carols,
p. 1-60; ils sont accompagnés ( — p. 21-160) de quarante autres noëh encore
en usa^e dan^ le nord de l'Angleterre. Le tout est suivi de la comédie de
Noël et de Saint-George, telle qu'elle était jouée dans la com'é de Cor-
nouailles; les personnages étaient : le père Noël, le docteur, Saint-George,
le roi d'Egypte, le chevalier turc, le dragon, le géaat Turpin. Mentionnons
un recueil dû à un habitant de Birmingham, nommé Bloomer : The cristians
sacred Lyre, or choice Assortmcnt of Original and Select Carols for Christmas.
Il existe des noëls en dialecte du pays de Galles; un recueil publié
à Shrewsbury en 1744, in-12, est annoncé comme une 4" édition; il ren-
ferme soixanle-onze noëls; on en trouve soixante-qnatre dans un volume
intitulé : Blodtengerdd Cymrii, ou Anlhologxjof Wales (Shrewsbury, 1779, in-8).
Noèls en patois de Grenoble. — Champollion-Figeac, dans ses Recherclies sur
les patois, 1809, p. 147, transcrit cinq strophes de huit vers chaque.
Noèls et cantiques imprimés à Troyes depuis le dix-septième siècle jusqu'à
nos jours, avec des notes bibliographiques, par Alexis Socard. Paris, Aubry
1865, in-8.
Noéls et cantiques nouveaux. Metz, CoUignon, 1824, in-12.
Noëls joyeulx plain de plaisir. A chauler sans nul desplaisir. — Jeh. Da-
niel, org. S. 1. ni d., petit in-8, goth. 12 fis. Un exemplaire richement relié,
230 fr. vente Pichon, n° 662.
Noëls lorrains, publiés par M. Drouet, avec les airs notés, dans le Journal
de la Société d'archéologie et du comité du Musée lorrain. Nancy, 1833, p. 189-
212.
Noéls maçonnais, ou dialogues sur la naissance de Jésus-Christ, en patois ma-
çonnais. Pont-de-Vaux, Moirond, 1797, in-12, 72 p. L'auteur est l'abbé
Lhuillier, plus connu sous le nom du parrain Bliaise, originaire et curé de
Fuisse, près Màcon. Il le5 composa vers l'an 1720. C'est à tort que le
Manuel du libraire indique Chambéry comme lieu d'impression. L'édition
originale {Mâcon, Jean Adrian de Saint (s. d.), 68 p. in-12) a pour titie;
« Dialogues entre de Bregye et Bregire; » elle est devenue introuvable.
Noëls nouveaux. Clermont, G. Jacquard, s. d. (vers 1670), in-12. Attribué
à Laborieux, chanoine. (Noulet. Hist. litt. des patois du Midi.)
Noelz (lij) nouveaulx composés à Vhonneur de VIncarnation et Nativité de
Nûtre-Seigneur Jésus-Christ. Pont-à-Mousson, Melchior Bernard, s. d. (vers
- 543 —
1600), petit in-8. Fort rare; un bel exempL, I ITi fr.. vente Cailhava, en 1862.
Noëls nouveaux. Pont-à-Mou?son (vers 1620), in-8.
Noëls nouveaux composés par un pasteur. Fontenay, 1738, in-12; 1742, in-12
(quatre en patois, f'% 10, 23, 27 et 30); cette édition renferme, de plus que
la précédente, des notes et une pastorale en cantiques.
Noëls nouveaux, en fiançais et en auvergnat. Clermont-Ferrand, V'iallanes,
1739, in-12, 30 p. Réimpression dans la même ville, veuve Delcros et fils, s.
d., in-18.
Noëls nouveaux et cantiques spirituels, par M"« F. C, 1673, in-12.
Noelz nouveaulx fais par les prisonniers de la Conciergerie sur les chans des
chançons qui sensuyient. S. 1. n. d., petit in-8, goth. de 4 f% 2 fig. sur bois.
Un bel exemplaire de ce livret très-rare, 300 fr., veale Pichon, 6b9.
Noelz nouveaux failz soûls le litre : Du plai d'argent dont maint se cour-
rouce. Parie, Jehan Olivier, s. d., petit in-8, 16 f^
Noëls nouveaux français et bourguignons par divers auteurs. Dijon, Ant. de
Fay, 171o, in-12, 23 p. Livret devenu introuvable.
Noëls nouveaux françois et gascons sur de beaux airs cosinus pour l'année
1767. Bordeaux, veu*e Calamy, 1767, in-12, 24 p. Ces noëls ne sont pas les
mêmes que ceux qui se trouvent dans le volume publié en 1740.
Noelz nouveaux imprimez nouvellement. Paris, Jehan Olivier, s. d., petit
in-8, 8 f^; opuscule rarissime; 360 fr., vente Pichon.
Noëls nouveaux pour estre chantez à la cresche du Sauveur, Bordeaux, Ca-
lamy, 1740, petit in-8, 24 p.; on trouve dans ce livret deux noëls en patois
gascon.
Noëls nouveaux pour le peuple, par un vendangeur. Lyon, A. Delaroche,
1730.
Noëls nouveaux sur les plus beaux airs du temps. Toulouse, veuve J. Boude,
1707, in-8, 8 p.
Noëls patois anciens et nouveaux chantes dans la Meurlhe et dans les Vosges.,
recueillis, corrigés et annotés par L. Jouve. Paris, Didot, 1864, petit in-8,
122 p.
Noëls poitevins (au nombre de 87); manuscrit indiqué au Bulletin du biblio-
phile., publié par la librairie Tecliener, 2^ série, n" 371 .
Noëls provejiceaux en français sur les plus beaux airs du temps, chantés en
musique en l'année 1708. Orange, C. Marchy, 1708, iQ-12, 24 p. Ce livret
comprend onze cantiques, dont neuf en patois d'Avignon et deux en français.
Noëls sur les airs les plus nouveaux, par M"^ de B. (de Beauuiont). Paris,
Guvelier, 1706, in-8.
Noëls très-nouveaux dans tous les siècles, par un pasteur, à l'usage de sa
paroisse. Fontenay, J. Poirier, 1738, in-12, 48 p. Un avertissement dit :
quelques-uns de ces noëls, quoyque imprimez ailleurs, sont du même au-
theur. Cette autre impression est restée inconnue.
Noelz vieux et nouveaux en l'honneur de la Nativité lESVS Christ et de sa
très-digne mère. Lyon, Jeao de Tournes, 1357, petit in-8, 48 p. Précieux
livret qui paraît n'avoir été cité par aucun bibliographe, jusqu'à ce qu'un
exemplaire se montrât en 1869, à une vente faite parle libraire Tross; vive-
ment disputé, il fut adjugé au prix de 350 fr.
Nouels noubels par un pasteur d'el canton de Cordos, départomen del Tarn.
Albi, Baurens, 1814, in-12.
Nouveau Recueil des Nouëls., édition corrigée et augmentée. Bordeaux,
Lafargue, 1801, in-18, 70 p. Ce recueil contient trente-trois uoëls modernes,
onze qualifiés irancicns; parmi ces derniers, il on est dont ]e début est
assez singulier : « Hasardons-nous, bergère— Attends, mon cherClitandre. «
— Un noël en patois gascon; dans un autre, un ange parle en français, et un
berger lui répond en patois.
OnTiGUE (Joseph d'). Dictionnaire lilurgique, historique et théorique du
plain-chant d de musique d'église. Paris, Migne, 18")3, gr. in-8. De longs
détails sur les noL'ls, col. 928-067; il fait connaître des noëls allemands,
anglais, polonais, espagnols; il en transcrit en dialectes franc-comtois, pro-
vençal, etc., il reproduit le fameux noël Bei très Boonmians (lies trois Bohé-
miens), le soixante-neuvième du recueil de Saboly; mais plusietirs criti mes
l'attribuent à un autre Provençal, Louis Puech.
Pelleguin (l'abbé). Noëls nouveaux sur les chants des noëls anciens pour en
faciliter léchant. Paris, 1711, 1722, l72o, 1727, 1729, 173:j, 178:i. Malgré
ces éditions multipliées, les vers de l'abbé Pellegrin sont loin d'être bons.
Péyrol, menuisier à Avignon. Recueils de nocls provençaux. Avignon, A.
Fez (s, d., mais vers 1780), in-12; autre édit. 178.'); une autre, revue et
corrigée par le fils de l'auteur, a paru à Avignon, Chaillot, 1818, in-lS.
— Citons aussi Li nouvè di Artoni Peijrol et de Danis Cassan, eni uno n~;utiço
biografico sur Peyrol, per Teodor Aubanel. Avignon, 1863, in-8.
PiLLOT. Recueil de poésies contenant des noëls en patois d'Arbois, et des can-
tiques pour les principales fûtes de Vannée. Arbois, an X, petit in-12, 80 p.
PiRON (Aimé). Noëls en partie inédits, recueillis et rais en ordre avec un
avant-propos, un glossaire et la musique des airs les plus anciens par Mi-
gnard. Dijon, Lamarche, 18j8, in-12.
R. (.1. C.) (Pbitou) de S. P., dioucèse de Car-iassonoe. Noucls. Carcassonne,
Teissié, 1810, in-12, 32 p.
Recueil de noëls anciens en j^atois de Besançon. iNouvelle édition corrigée,
suivie du sermon de la Crèche, augmentée de notes explicatives et historiques
par Th. Belamy. Besançon, Birlot, 1842, in-f2, 431 p. nmsique notée. — Ce
recueil renferme quatre-vingt-trois noëls en patois; quarante-quatre sont
avec la musique.
Recueil de noëls et de cantiques. Manuscrit in-4, seizième siècle, contenant
227 f». Beaucoup de ces noëls sont inédits. A la lin, se trouve le Recueil des
noëls du comte d'Alsinois (iNicolas-Denisot), écrit de la même main. Ce ma-
nuscrit a figuré à la vente du baron Jérôme Pichon. n» 665; il a été adjugé
à3:;0fr.
Recueil de cantiques et de noëls à l'usage du diocèse de Dijon. Dijon, Méot.
183o, petit in-12.
Recueil de cantiques et de noëls, traduits en languedocien. Montpellier.
Seguin, 1825, in-18.
Recueil de divers 7ioëls, soit français, soit patois, composés par divers auteur?.
Narbonne, Dccamp, s. d. (liix-huitièmc siècle), in-12, 24 p. Il existe deux
autres éditions, également ?ans date, 48 p.
Recueil de noëls. Aix, Gaudibert, s. d., in-12.
Recueil des vieux noëls. Angers, Hinault, lo82, in-16. Un exempt, de ce
volume très-rare est à la bibliothèque de l'Arsenal, fonds La Vallière (Nvon,
no 138o;i0
Hoche (le B.). Noëls français ci prorcncaua;, auxquels on en a joint quelques
autres qui n'ont jamais élé imprimés. Marseille, Mossy, 1829, in-12.
Reflexions morales sur la naissance de Noslrc-Scigne. Faitos por R. D. X. T.
Tolose, Arnaud Colomies, s. d., petit in-8, 10 p. C'est la plus ancienne édition
connue des noëh en languedocien.
Roux (Laurent), organiste à Angers. Tteiw; nocls. Angers, liiS'J. in-8, caract.
gotliiques. Volume d'une très-grande rareté ; il s'en trouve un exemplaire à
la bibliothèque de l'Arsenal, fonds La Vailière. (Xyon, no i38b6.)
Roux (l'abbé F.), curé de Bayuls de la Marande. La Revue des langues
romanes, 1873, p. 6!t9, annonçait qu'il préparait un recueil des noëls cata-
lans, chantés dans les églises du Roussillon et de la Cerdagne.
Saboi.y (Nicolas"!, maître de musique de l'église Saint-Pierre d'Avignon.
Recueil de nocls. Avignon, 1699, in-12; — ihid.^ Malurit, 1734, in-12; — ihid.,
s. d. (1737), in-12, 90 p.; — ibid., 1701, in-12 (édition augmentée du noël
fait à la mémoire de Saboly et de relui des rois, fait par J. F. D. (Do-
mergce), doyen d'Arençon), 1772, in-12; — ihid., Chaillot, 1791, in-12; Car-
pentras, 1820, in-12; Avignon, 1820. 1824, 183(3, 1839, 1845; — ibid.. 1856,
in-4.
Deux éditions plus récentes, et préférables à celles qui les ont précédées,
méritent d'être signalées :
Li Xouvè di Saboly. Peyrol. Roumanille, un paça d'aquély de l'abat Lam-
bert, eni uno mescladisso de Nouvè viei e noué de vers de J. Reboul.
Avignoun, li fraire Aubanel, 18o8, iu-12.
Li Nouvè de Micoulau Saboly eni uno chabradisso per Frédéric Mislral,
se gui d'un pau d'aquéli de l'abat Lambert, émai d'aiiuéli de Troubaire
mouderne. Avignoun, li fraire Aubanel, 1863, in-12.
Nouvè {li) di Micoulau Saboly., e di felibre Arnavieille, Booaparte-Wyse,
Castil-Blaze, Canonge, etc., eni uno charadisso, per Frédéric Mistral (173
noué). Avignon, Aubanel, 1871, in-12, 180 p.
Saboly, né à Montreux en 1614. mourut à Avignon eu 1673; la première
édition de ses noëls parut en six recueils, imprimés de 1C69 à 1674, sans nom
d'auteur.
Le soixante-sixième noc se rattache au genre des épitres farcies, mélange
alternatif de français et de latin dans le moyen âge'.
Voici le Roi des Nations
Natus ex sacra Virgine,
Ce fils de bénédiction
Orius de David semine,
Voici l'Étoile de Jacob
Quam prxdixerat Balaarn,
Ce Dieu qui détruisit Jéricho
In clara terra Chanaam.
Consulter, au sujet de Saboly, le Diclionnaire de la Provence^ d'Achard; le
Dictionnaire hislorique et biographique du département de Vaucluse, par Bar-
javel; la Biographie universelle, art. de Fortia d'Urban.
Sandys (William). Christinas Carols ancient and modems, with an intro-
duction and notes. London, R. Beckley, 1833, in-S, cxLiv et 188 p., avec dl p.
de musique. Livre fort intéressant; on trouve quarante-six noëls en anglais
et cinq en divers patois français à la suite de l'introduction. Il serait fort
à désirer qu'un travail semblable fût exécuté pour ce qui concerne les noëls
français.
Sensuyvent 2)lusieurs (six) noelz nouvcaulx. Titulus : Chansons nouvelles
de Nouel ; composées tout de nouvel, esquelles verrez les pratiques de con-
1. Voirie Dictionnaire de plain-chanl. jiar M. J. d'Ortigue. Paris. Migne, 1853, col.
Ô66-580.
Décembre 1878. T. .XXllI, 33.
— 346 —
fondre les helvétiques. J. Danïellus organiste. S. 1. n. d. (vers lo20), petit
ia-8, de 8 ftslgoth., 280 fr., vente^Pichon, G60.
Trésor (le) des Noëls tant vieux que nouveaux, nouvellement dressez sur les
plus beaux airs de ce temps. Pont-à-Mousson, Maret, 1718, in-12. Quelques-
iins de ces noëls en patois.
Trésor [le) du chrétien. Toulouse, Bellegarigue, an X, in-12. Les pages 199-
400 renferment des noëls et des cantiques en français et en gascon.
Gustave Brc.net.
CHRONIQUE
Nécrologie. — Le D' Jean-Chrétien-Ferdinand Hœfer, ancien directeur de
la Nouvelle biographie générale de MM. Didot, vient de mourir. Il était né à
Dœschnitz (Thuringe), le 21 avril 1811 . D'abord destiné à l'état ecclésiastique,
il avait altéré sa santé par l'excès du travail. Après un long voyage en
Allemagne, en Hollande et en Belgique, destiné à lui rendre des forces,
mais qui avait épuisé ses ressources, il dut se faire soldat et prit part à
l'expédition de Morée. Son régiment ayant été licencié en 1831, il se tourna,
ayant vingt ans à peine, vers la carrière de l'enseignement j une énergie
remarquable soutenant sa résolution, il fut successivement attaché aux
collèges de Nantua, de Saint-Etienne et de Roanne. L'inspecteur général
Burnouf le remarqua dans une de ses tournées (1832), et, pour le récom-
penser, le chargea de traduire en français, la Critique de la raison pure
de Kant, pour M. V, Cousin, ministre de l'Instruction publique; c'est alors
que celui-ci, satisfait de ce travail, l'appela auprès de lui en qualité
de secrétaire, M. Hœfer remplit ce poste de confiance jusqu'en 18.36,
époque à laquelle eut lieu, entre lui et le célèbre apôtre de l'éclectisme,
une séparation qui fit assez de bruit, à propos d'un passage du Sic et
iVon d'Abélard. — M. Hœfer n'avait pas cessé ses travaux de professeur;
il les continua en y joignant l'étude de la médecine, et en 1840, il obte-
nait le titre de docteur de cette faculté, après une thèse sur la Chlorose,
et se livrait à la pratique de cette nouvelle profession. Le gouvernement
vint l'eu éloigner, en le chargeant d'aller étudier en Allemagne l'ensei-
gnement de cette science d'abord (1843); puis, en 1846, par une nouvelle
mission, l'enseignement de l'économie rurale; décoré en cette même an-
née, M. Hœfer était naturalisé Français en mars 1848. C'est en 1831 que
MM. Didot plaçaient le D^ Hœfer à la tête de la Nouvelle biographie générale;
peu d'hommes étaient plus aptes que lui à bien conduire cette savante
publication, avec l'esprit de persévérance et l'immense érudition qui
le caractérisaient; en effet, il avait déjà écrit, presque de omni re sci-
bili, et publié sous son propre nom, à cette date : Observations sur le
platine, dont il avait le premier introduit l'usage dans la thérapeutique
(1840, in-8); — Histoire de la chimie (1842-1843, 2 vol. in-8, traduite depuis
en plusieurs langues, et qui a eu une 2*= édition en 1869) ; — La Médecine
en Prusse (1844, in-8), le premier de ses deux Rapports sur ses missions en
Allemagne et qui avaient paru d'abord dans le Moniteur ; — Nomenclature et
classification chimiques (1845, in-12); — Dicliowiaire de chimie et de physique
(1846, in-12, 3e édition, 1847); — Dictionnaire de médecine pratique (1847,
in-12); — Le Maroc, La Chaldée, l'Assyrie (1848-1852, 2 vol. in-8), dans la
collection de l'Univers pittoresque; — deux Mémoires sur les tremblements de
letvret sur les ruines de Ninive (1840, in-S); — Un Dictionnaire de botanique
(1850, in-12); — Un Dictionnaire d'agriculture {I8o0, in-12). Le Df Hœfer avait
aussi traduit et publié pour la première fois en français l'Économique d'A-
ristote (1843, in-12}; — puis le Tmifé de chimie de Berzélius (184o-18o0,
6 vol. in-8); — La Bibliothèque historique de Diodore de Sicile (1846, 4 vol.
in-12); — Les Tableaux de la nature d'Alex, de Humboldt (IBbO, 2 vol.
in-8). — Enfin, en-deliors de ces travaux individuels, le D"" Hœfer avait
coopéré à un grand nombre d'oeuvres collectives, et fourni des articles
de science et de critique aux Annales d'anatomie et de physiologie^ à
V Encyclopédie catholique^ et l'Interprète^ dont il avait été rédacteur en
chef. — Il était donc éminemment prùt à diriger l'œuvre encyclopédique,
et sous forme de biographie qu'il a menée, on le sait, à bonne lin, de 1852 à
1866, en 46 volumes in-8, qui forment comme le complément de VEncyclo-
pédie moderne ; un grand nombre d'articles sortis de sa plume, parmi
lesquels : Alexa7idre, Aristote, César, Christophe Colomb, Descartes, Erasme, Fré-
déric P'^, Herschell, méritent d'être signalés. Entre temps, M. Hœfer collabo-
rait à Vîlluslration, au Dictionnaire pratique, et à d'autres recueils périodi-
ques, et donnait, avant même, la lin de sa grande publication : la Chimie
enseignée fmr la biographie de ses fondateurs (1863, in-8). Depuis, le D'^ Hœfer
fit encore paraître: Le monde et les bois (1867, gr. in-8 illustré); — Les
Saisons (1867-1869, 2 vol. in-12 iWustr.}; — Histoire delà botanique {1812,
in-12) ; — Histoire de la physique (1872, in-12); — V Homme devant ses œu-
vres (1872, in-12); — Histoire de la zoologie (1873, in-12); — Histoire de Vastro-
nomie (1874, in-12); — Histoire des mathématiques (1874, in-12;. Ajoutons,
afin de ne rien omettre, un Mémoire sur le système qui transforme l'éditeur
en auteur et co-auteicr,etdela composition des dictionnaires biographiques (18o3,
in-4).
L'œuvre considérable du D»" Hœfer a été étudiée dans: Travaux de Hœfer
(s. d., [1852] in-4); — Gazette universelle d'Augsbourg (31 mai 1846); — La
Presse (6 février 1854); — Revue contemporaine (1835).
— M. Julien-Joseph-Hippolyte Lucas, romancier et auteur dramatique, l'un
des fondateurs de la Société des gens de lettres, bibliothécaire de l'Arsenal,
né à Rennes le 20 décembre 1807, est mort à Paris le 14 novembre dernier.
Il avait été d'abord avocat; en 1857, il entra au Siècle, comme critique dra-
matique et littéraire, après avoir collaboré à divers revues et journaux.
M. Hippolyte Lucas, qui devait faire jouer à la Comédie-Française ou à l'Odéon
une vingtaine de pièces originales ou imitées de l'antique et de l'espaguol,
avait publié, de 1840 à 1843, une Histoire du théâtre français (3 vol. in-12), qui
eut une seconde édition (1862-1863). C'est lui qui avait écrit le livret de
Lalla-Rouck (1862), ainsi que quelques autres d'opéras comiques : Bélisaire
(1842); — l'Étoile de Séville (1845). Voici, par ordre de publication, les titres
de ses autres œuvres draniatiques: La double épreuve (1842); — Une aven-
ture suédoise (1842) ; — Maria Padilla (1843); — Linda de Chamounix [iSi^);
— L'Hameçon de Phénice (1843), l'une de ses bonnes pièces, avec la suivante,
d'après Calderon, deux succès: Le Médecin de so7i honneur {ISii); — Champ-
mesié (1844); — Les Nuées (1844), imitation d'Aristophane (1844), et, d'après
Lope de Vega, le Tisserand de Ségovie (1844), qui fut un moment célèbre; —
Diable ou femme (1847) ; — M"'' rie Navarre (1847); — Alceste (1847); — La
Bouquetière (1847); — Le Collier du roi (1848); — Rachel (1849); — Les Baisers
(1850, in-12); — La Fille mousquetaire (1854, in-8); — Médée (1853); —
L'Homme sa7is ennemis (1853, in-12). Avant d'aborder le théâtre, M. Hippolyte
Lucas avait publié des études dans plusieurs recueils ou en volumes,
— oiH —
sous les titres suivants: Le < -cour cl, le monde (I8:U, iu-l:2, et 1812, 2 vol.
jp.g) ; — Garaclèrcs et portraits de femmes (t830-i84o, 2 vol. in-8); — Z,7n-
conslance (1838, 2 vol. in-8); — Le Foxjer du Théâtre-Français (1840, in-8).
On lui doit, postérieurement à ses débuts dramatiques : Heures d'amour
184i, in-12; 18(ii-, 4'' édition); — Théâtre espagnol (1850, in-8); — Curiosités
dramatiques et littéraires (18oo, in-12); — Le Portefeuille d'un journaliste
(18i)C, in-12); — Documents relatifs à l'histoire du Cid (1861, in-8 et in-12);
— Le Péché d'un mari (1862, Jn-12); — il/"»'" de Miramion (1866, in-12).
M. H. Lucas avait publié l'Isle d'Alccnc^ comédie inédite de Regnard, et
l'Oublieux, de Ch. Perrault. Il avait traduit de l'anglais Les derniers jours de
Tompéi. de Buhver.
— M. Louis-Antoine Garnier-Pagès, ancien membre du gouvernement de la
Défense nationale, ancien membre du gouvernement provisoire de 18-48,
précédemment député de l'Eure (1842), et maire de Paris, vient de mourir.
Né en 1807, à Marseille, où son père tenait une pension scolaire, il
était le frère utérin du chef du parti républicain, mort en 1841 . Il fut d'abord
courtier de commerce à Paris, et prit part, en 1830, aux journées de Juillet.
Peu après, l'arrondissement de Verneuil l'envoya à la Chambre, et, après la
mort de son frère, dont le souvenir ne lui laissa qu'un rôle un peu effacé, il
s'occupa d'affaires et de finances, jusqu'au mouvement réformiste de 1847;
mais, à cette époque, il fut l'un des plus ardents champions de la campagne
des banquets. La révolution le fit membre du gouvernement provisoire, et,
comme ministre des finances, il eut l'initiative de l'impôt si impopulaire des
« quarante-cinq centimes. » Membre de la Constituante et de la Com-
missisn executive renversée par l'insurrection de .luin, il n'avait été réélu,
depuis 1871, qu'aux élections de 1864. il s'était remis jusqu'à cette époque
aux affaires et à la publication de ses souvenirs politiques. C'est ainsi qu'il
a écrit : Épisode de la révolution de 1848 (1850, in-8); — Histoire de la révolu-
tion de 1848 (1860-1862, 8 vol. in-8; 1861-1872, II vol. in-8, 1868, in-4) ;
— V Opposition et l'Empire (1872-1874, 2 vol. in-32). — Il existe une Biogra-
phie de Garmier-Pagès (1848, in-8).
— M. le marquis Tristan de Villenedve-Arifat est mort, le 12 octobre, à
Paris, pendant un voyage fait dans cette ville avec sa famille. M. de Ville-
meuve-Arifat était âgé de quatre-vingt-six ans; il appartenait à une des plus
anciennes et des plus nobles familles du Midi. Pas une guerre importante
n'a eu lieu, dit un vieil historien, sans que les champs de bataille de la
Palestine, de la Flandre, de l'Italie, de l'Espagne, du Roussillon, de la Pro-
vence et du Languedoc, n'aient vu, de temps immémorial, le sang d'un
Villeneuve couler pour la religion, le droit, la justice et l'honneur. Fidèle
aux glorieuses traditions de sa famille, M. de Villeneuve -Arifat avait, lui
aussi, embrassé la carrière des armes. Mais la Révolution de 1830 brisa son
épée. Il était alors capitaine au sixième régiment d'infanterie de la garde
royale. Depuis cette époque, M. Villeneuve-Arifat, retiré à Toulouse ou dans
ses terres du Tarn et de la Haute-Garonne, a partagé son temps entre le
culte des lettres qu'il aimait avec passion, les travaux agronomiques et
la pratique des bonnes œuvres. 11 est mort fidèle aux convictions religieuses
et monarchiques de toute sa vie. M. de Villeneuve-Arifat était mainteneur de
l'Académie des jeux Floraux (il avait été reçu en 1847). On lui doit les travaux
suivants : Discours prononcé à Voitverture de V école réglementaire des sous-
officiers, le 27 décembre 1828, à la caserne de la Pépinière (Paris, 1828, broch.
in-S); — Remcrcime?it 2^ro7ioncé dans la séance publique de l'Académie des
jeux Floraux du 26 décembre 1847 (Toulouse, 1847, broch. in-8); — La Levée en
— oii) —
masse du bon sens, opuscule de propagande contre-révolutionuairê, dédié
aux ouvriers, aux petits commerçants et aux habitants de la campagne (Tou-
louse 1 848, in-fûl.); — Notice sur M. le marquis Louis-Florent-Marie de Viltcneuve-
Arifat (le père de l'auteur). Cette notice, parue à Toulouse en l8o2, est des
plus intére.-santes. Nous y trouvons l'anecdote suivante, qui mérite d'être re-
cueillie •. « C'était aux commencements des mauvais jours d'^. la Révolution.
M. de Villeneuve, avec la noblesse fidèle de l'époque, était allé aux Tuileries
rendi'e ses devoirs à la famille royale. Dans une salle, le jeune Dauphin
jouait avec un lièvre apprivoisé. En voyant M. de Villeneuve, l'enfant s'ap-
procha de lui, et, souriant, lui dit tout bas : « Je sais que vous nous aimez! »
Puis, lui montrant son lièvre, il lui apprit qu'il battait le tambour pour le roi,
et il ajouta aussitôt sur le ton du mystère : « Mon lièvre est royaliste^ mais ne
« h dites pas-, car on me le tuerait. » — On doit aussi à M. de Villeneuve-Arifat
des semonces littéraires, des discours et des rapports de concours, qui se
trouvent dans la collection des Bulletins de l'Académie des jeux Floraux. Ce
sont des morceaux de style remarquables. Nourri des traditions du grand
siècle, M. de Villeneuve-Arifat ne méprisait pas la littérature de notre
époque dans ce qu'elle a d'avouable, et telle de ses semonces académiques
contient des pages vraiment belles sur Chateaubriaiid, Lamartine et Victor
Hugo — le Lamartine des Harmonies et des Méditations, le Victor Hugo des
Odes et des Feuilles d'automne. La respectable veuve do M. de Villeneuve-Arifat
prépare, sur la vie et les oeuvres de son mari une étude détaillée. Cette étude
sera lue avec plaisir par tous les amis du regretté maialeneur, — et l'on peut
augurer qu'elle seia parfaite de fonds et de forme. M"^" la marquise de
Villeneuve-Arifat, est depuis 1836, maîtresse es jeux Floraux; on lui doit un
Eloge académique de Joseph de Maistrc, et des pièces de poésie d'un goût
très-pur, dont plusieurs ont obtenu les tleui's d'Isaure. — F. B.
— M. Jean RoiDOT-DÉLÉAGf, architecte, mort le 22 septembre dernier à
Aitlun, entouré de la considération et du respect de ses concitoyens, était né
aux Guyare (canton de Tavernay, commune d'.Aututi, le 23 seplembe 1794.
Membre du Conseil municipal d'Autuu pendant trente-trois ans, et chargé à
plusieurs reprises de la direction des travaux de la voierie et des édifices
publics, il trouva dans l'exercice Je ces fonctions de grt-ndes f.icilités pour
l'étude des ruines de l'antique Augustodunum, et parvint à dresser i.n plan
exact de la ville romaine, qu'il soumit à la Société franc lise de nuaismatique
et d'archéologie et pour lequel il obtint une médaille d'argent. Déjà, en 1830,
il avait tracé la Carte des voies romaines du pays éduen, qui fut publiée eu
tète de VEssai sur le système défensif des Romains de M. Gabriel Bulliot. Au
moment où la mort est venue le surprendre, il achevait pour la Société
éduenne les plans d'un grand ouvrage sur les antiquités d'Autun et de ses
environs, qui sera publié par ses collaborateurs.
Botaniste distingué, M. Roidot avait rédigé, pour la première édition de la
Flore du centre de la France., par M. Boreau {1840,\ ie Catalogue des plantes
de l'Autunois et du Morvan. Parmi les manuscrits et dessins qu'il a laissés,
on remarque une collection de 1,200 papillons, peints à l'aquarelle avec
beaucoup d'exactitude et de talent.
— M. Al. Levmerie, professeur de géologie et de minéralogie à la Faculté
des sciences de Toulouse, est mort dans cette ville le .3 octobre dernier. An-
cien élève de l'École polytechnique, il enseigna d'abord les mathématiques
et les sciences physiques, devint directeur de l'Ecole Lamartinière à Lyon,
et enfin professeur de faculté. Depuis le 20 avril 1873, il était correspondant
de rinstitu*:, où il avait remplacé Haidinger, le créateur de l'Institut géolo-
— o50 —
gique d'Autriche, Pendant «(uarante ans, il a parcouru la Haute-Garonne ou
Jes départements voisins, et a contribué largement à en faire connaître la
constitution. Indépendamment de travaux relatifs aux Pyrénées et qui se
trouvent épars soit dans les comptes rendus de l'Académie des sciences,
soit dans les mémoires publiés par la Société géologique de France,
par l'Académie de Toulouse et par la Société linnéenne de Bordeaux,
on doit à M. Leymerie : plusieurs Notes sur la géologie du Lyonnais (1836-
1838); — Mémoires sur lu terrain crétacé du département de l'Aube (in-4,
1841); — Statistique miner alogique et géologique du département de l'Aube
(in-8, avec atlas, 1846) ; — Esquisse géognostique des Pyrénées (in-8, 1851) ; —
Notice géologique sur le pays toulousain (Société, impériale d'agriculture de
la Haute-Garonne (18o4-18o9); — Statistique et carte géologique du départe-
ment de l'Yonne (avec M. Raulin) (gr. in-8 avec cartes, 1855-1858); — Elé-
ments de minéralogie et de géologie (2 vol. in-12, nombreuses figures, 3 édi-
tions de 1861 à 1878); — Éléments de minéralogie (2 vol. in-8. nombreuses
figures, 2 éditions de 1857 à 1867), — Enfin M. Lej'merie terminait un grand
ouvrage sur les Pyrénées de la Haute-Garonne (gr, in-8, 20 pi. de coupes,
30 pi. de fossiles), avec une grande carte coloriée sur les feuilles du Dépôt
de la guerre.
— M. Jules DE Lamarque, né à Toulouse le 29 juillet 1820, est mort à Pari
le 28 octobre 1878. Fils de Nestor de Lamarque, qui fut l'un des publicistes
émineuts de la Restauration, il marqua lui-même de bonne heure sa place
dans la littérature par des travaux d'histoire et des œuvres poétiques. Entré
fort jeune dans l'administration, il se voua sans réserve à l'étude des ques-
tions relatives aux détenus et aux libérés. Devenu chef de bureau au minis-
tère de l'Intérieur, il fit partie notamment de la commission d'enquête sur
les établissements pénitentiaires nommée par l'Assemblée nationale. Depuis
1871, il s'est consacré à l'amélioration des détenus repentants; et, en s'inspi-
rantdes exemples de l'étranger, il a réussi à fonder une société générale
pour le patronage des libérés. Cette œuvre éminemment utile a reçu les
plus hauts encouragements, et son succès a été constaté récemment par le
Congrès international du patronage des libérés. M. de Lamarque était che-
valier de la Légion d'honneur depuis 1866. Parmi ses œuvres littéraires, on
doit citer : Histoire de la Révolution française (1845, 6 vol. in-8); — Les Figu-
rines, choix de poésies; — Thérèse; — La Danse des morts; — Le% Héros de
Rabelais (in-12); — et bon nombre de discours ou de pièces fugitives,
pour la société appelée la Cigale, Parmi ses œuvres administratives,
nous rappellerons diverses brochures publiées de 1871 à 1876 : Les Libérés de-
vant la charité chrétien7ie; — La Réhabilitation des libérés par le travail; —
Le Patronage des libérés dans les départements; — Le Patronage des libérés ex-
pliqué aux détenus ; — La Société moderne et les repris de justice; — Le Patro-
nage des libérés jugé par les Anglais, etc.; et surtout la Réhabilitation des libé-
rés, manuel du patronage {\ vol. in-12, Berger-Levrault, 1877).
— M. l'abbé Achille Charle? de Valroger, prêtre de la Compagnie de
Saiat-Sulpice, est mort à Bayeux, le 30 août. Né à Avranches, le 3 juin 1801,
il était l'aîné d'une famille où la culture des lettres était en honneur et où les
sentiments chrétiens étaient Irès-prononcés. Il fit ses études au collège
d'Avranches et eutra au séminaire d'Issy le 2 avril 1818. Nous le voyoas
enseigner la philosophie, l'écriture sainte, le dogme aux séminaires d'I-^sy,
de Lyon, de Nante-;, de Rodez et de Coutances. Sa santé l'ayant condamné
au repo', il était venu se retirer en 1862 à l'Oratoire, auprès de s>on frère le
P. de Valroger, qu'il aida dans ses travaux scientifiques. Lorsque la mort le
lui eut enlevé, il obtint d'aller tf-rmiuer se^ jours au séminaire de Bayeux.
— Sol —
M. de Valroger venait de publier une seconde édition des Études historiques
et critiques sur le rationcàisme contemporain du P. de Valroger, son frère
(Paris, Lecoffre, in-12, 1878). Il a donné un recueil d'extraits de Bossuet, et
a laissé tm choix de pensées de M. de Maistre, qu'il a recueillie avec son
frère l'oratorien, et qui est en cours d'impression.
— M. Victor-Edmond Leharivel-Durocher, sculpteur médaillé de 3* classe
en 4849, de 2'' classe en 1857, rappelé en 1861, chevalier de la Légion
d'honneur en 1870, né à Cbanu, canton de Tinchebniy (Orne), le 24 no-
vembre 1816, est mort au mémo lieu le 9 octobre 1878. Dans son œuvre on
remarque : le Groupe d'enfants représentant le chant grégorien, à Saint-Sislpice;
— Le 'Rédempteur et la Vierge (salon de 1847); — La Cène, bas-relief en ferre
cuite (1849); — Le buste de Jean Racine, en plùtre (1849); — La Rêverie,
statuette en marbre (1832); — La Sainte patronne de Paris (1833); — Ecce
ancilla Bomini, deux statues en marbre, placées l'une au Tuileries, l'autre au
petit séminaire de Chartres (1857) ; — La Gloire, statue en marbre destinée à
la cour de l'ancien Louvre (1838); — La statue de Visconti, qui décore son
tombeau au Père-Lachaite (1839); — LaRosa mystica {iSGi) ; — Être et paraître,
sucessivement exposé à Paris et à Londres, puis admis au Luxembourg; —
La Filature et le Tissage, bas-reliefs en bronze pour la rue du Pont-Neuf, à
Paris (1868); — Une jeune fille et l' Amour (ISQd) ; — Notre-Dame de Bon-Secours,
exécuté en 1870-1871 pour l'église de Montrouge; — Pour la même église et
vers la même époque, La Vierge et l'Enfant Jésus, L'Adoration ; — La restitution
du groupe Vénus désarmant Mars, d'après la Vénus de Milo du Louvre et le
Mars du musée de Dresde (1873); — Le Juif-Errant (1877); — enfin Sainte
Théodechilde (1878). La gravure a reproduit Être et paraître et Notre-Bame de
Bon-Secours . On doit encore à cet éminent artiste d'autres productions en
grand nombre. L'n de ses traits caractéristiques était une correction scrupu-
leuse.
— M. Jacques-Antoine-Charles-Albert Albrier est mort à Fleury (Côte-
d'Or) le 29 octobre, dans sa trente-deuxième année. Il était né à Arnay-
le-Duc le 9 octobre 1846, d'une honorable famille, originaire de Savoie,
établie en Bourgogne depuis la fin du siècle dernier. Il avait commencé
ses études au collège d'Arnay-le-Duc et les termina au lycée de Dijon.
Dirigé par son père, il contracta dès son jeune âge cet amour du travail
qui ne l'abandonna jamais. Les études historiques avaient un attrait par-
ticulier pour lui; la liste de ses œuvres publiées pourra donner une preuve
de son activité; nous savons qu'il laisse un nombre considérable de tra-
vaux inachevés et de notes à mettre en ordre. Un grand nombre de socié-
tés savantes s'honoraient de le compter parmi leurs membres et de l'associer
à leurs travaux. Il s'était affilié à la Société Bibliographique dès son
début et lui donnait un concours dévoué, que sa modestie n'a pas toujours
permis de révéler aux lecteurs du PoZ7/&t6iion. Il donnait également sa col-
laboration à la Revue des questions historiques et à d'autres recueils. Délégué
cantonal, il usait de l'influence que lui donnaient ses fonctions pour faire le
bien, encourageant la saine instruction et l'éducation chrétienne par des
distributions de bons écrits et de cartes géographiques. Son ardeur, qui
aurait pu être ralentie par sa santé délicate, se fortifiait dans la foi et la
charité ; car les pauvres avaient, après sa famille et ses livres, la meilleure
part de son cœur. Voici, en-dehors de divers articles nécrologiques, biogra-
phiques et bibliographiques donnés dans les journaux et revues de sa province,
la liste de ses principales publications : La Noblesse savoisienne aux États
de Bourgogne (1867, Chambéry, br. in-8 de 24 ip.); — Recherches généalogiques
— ;;:;2 —
sur la famille Chevîgnavd (1867); — Le Colonel baron MarlenoL de Cordon
(1867, Dijon br. ia-8)j; — La Noblesse de Poitou aux Étals de Bourgogne (1867
Poitiers, br. in-8); — La Noblesse de Picardie aux États de Bourgogne (1867,
Amiens, br. ia-8) ; — Les Maires de la ville d'Arnay-le-Duc (1868, Dijon, in-8);
Testament de Jean-François Berliet^ arcJiCvéque de Tarentaise (1868, Chambéry,
in-8); — Notice généalogique et biographique sur la famille Nadaud (1868,
Limoges, in-8); — Les Anoblis de Bourgogne sous l'Empire de 1806 à 1815
(1868-1869); — Les Atioblis de Bresse, Bugey et du pays de Vab^omey soies les
princes delà maison de Savoie (1870); Les naturalistes de Savoie en Bour-
gogne, lo08 H 1769 (1872) ; — La Famille Varenne de Fenille d'aj)rès les docu-
ments authentiques fl872) ; — Les Anoblis de VAin, de 1408 à 1829(1873) ; —
La Famille Daubenton (1874); — La Famille de Brosses (1875); — Le Baron
Puton, sa vie et sa famille (1876); — Charles Chevenaux de Morande (1875).
Il avait , fondé une vev\ie, la Bourgogne (histoire archéologie, littérature,
sciences et arts), qui a paru de mars 1868 à octobre 1871. N'ous citerons,
parmi ses œuvres inédites, des notices généalogiques sur les Vauban, It-s
I.eclerc de Bulfon, les Rabutin, les Tliétot, une notice sur Bonaventure Des-
piéres, une galerie bourguignonne, un Armoriai arnaitois, et un Armoriai de
l'Empire français, auquel il travaillait encore quelques instants avant sa mort,
— M. le vicomte Jules de Gkres, né à Caudéran (Gironde), en 1817, a été
enlevé par une mort subite, le 27 octobre, au château de Mony. Chrétien sin-
cère, ge/zf/eman accompli, il a été l'objet de vifs et xmanimes regrets. Indi-
quons quelques-unes des productions de ce poêle délicat, qui fut aussi un
prosateur ingénieux, et dont les écrits, ne cherchant ni le bruit ni les suffrages
de la foule, s'adressaient à des lecteurs d'élite : Les premières fleurs {\8iO) ; —
Récits de Suisse et d' Italie [iSoi) ; — Rose des Alpes, légende, (1856); — Le Roitelet,
poésies (1859); — Cinq dizaines de sonnets (\81 '6); — Le Phylloxéra devant la Bible
(1875, extrait du journal L'Univers). M. de Gères a inséré d'autres productions
dans divers journaux, ainsi que dans les Mémoires de rAcadémie des sciences,
belies-lettros et arts de Bordeaux, qui le comptait au nombre de ses membres.
— M. Pierre-Sophie-Léon Duval, né à Marseille le 14 janvier 1804, avocat
réputé du barreau de Paris, où il était inscrit depuis 1823, est mort le
2 septembre, à Blonville (Calvados); il était auteur du Droit dans ses maximes
ou Essai sur la théorie, la logique et la classification des maximes ou régies géné-
rales du droit (1837).
— M. Ambroise-Phiiipps Ue Lisle est mort à Garendoa-Park, dans le comté
de Leicester, le 5 mars dernier. C'est là qu'il était né, le 13 mars 1809. Son
père, membre du Parlement, était protestant, ainsi que sa mère, issue d'une
famille française, les Ducarel. marquis deChâteauny, qui s'était réfugiée en
Angleterre, après la révocation de l'édit de Nantes. A onze ans, il fut envoyé
près de Gloucester, dont son oncle (le R.H.Ryden)était évèque anglican, dans
un collège dirigé par un archidiacre protestant. C'est là qu'il fit la connaissance
d'un prêtre émigré, l'abbé Giraud, qui lui donna des leçons de français. La fré-
quentation de ce vertueux ecclésiastique lit tomber ses préjugés sur l'Église
romaine; il lui demanda des livres propres à lui bien faire connaître les
questions religieuses; et, la grâce complétant ses dispositions naturelles, qui
lui avaient toujours fait goxiter les splendeurs du culte catholique, dont il avait
pu juger, dans un voyage à Paris, il fit son abjuration en 1825 entre les mains
de M. Macdonell. Au retour de son voyage dePari.'^, alors qu'il n'avait encore
que l'âge de douze ans, il fit introduire par le ministre, dans son église parois-
siale deShepsed, des cérémonies que l'on peut considérer comme le début du
mouvement ritualiste. Il se mit en relations avec les chefs les plus distingués
— Tir)3 -
du mouvement, religieux, le \)' Pusey, le I)'' Newman, le D,. Ward, gaf;n;i
leur confiance, et acquit un grand ascendant sur eux. Sa résidence de Gra-
cedieu-Manor, où il se fixa en 1835, avec sa magniQque chapelle où se
déployaient toutes les pompes de l'Eglise, devint un centre de réunion pour
les puséistes : ce fut pour plusieurs l'occasion de revenir à la vérité. Le
zèle de M. de Liste ne se renferma pas dans les limites de son pays natal :
dans ses nojibreux voyages sur le continent il se lia avec un bon nombre des
grands écrivains de l'époque et entretint avec eux une correspondance sou-
tenue; ils travaillaient de concert à la réunion si désirable de tons les peuples
chrétiens dans un même sentiment de foi et de charité. C'est à Paris, en 1836,
qu'il établit avec le R. P. Ignatius Spencer, une de ses créations, l'associa-
tion de prières pour la conversion de l'Angleterre. Parmi ses amis, nous pou-
vons citer le P. Laeordaire, M?"' de Forbin-Janson, M. d'Abbadie, dom Gué-
ranger. M. de Montalembert avait pour lui une affection toute fraternelle. Il
traduisit la Vie de sainte Élisaheth el ce fut pendant une excursion que les
deux amis firent ensemble aux ruines des anciennes abbayes de l'ordre de
Citeaux, que Montalembert conçut l'idée d'écrire les Moines d'Occident. M. de
Lisle avait fondé, sur ses terres, près deGracedieu, un monastère, où soixante
moines louent et servent Dieu dans le travail et la prière ; il lit aussi construire
dans ses domaines des chapelles, des écoles pour les pauvres, et il travailla de
cette manière à la conversion de son pays autant qu'il le fil par ses écrits. Parmi
ses nombreux ouvrages, nous citerons principalement : Mahometanism in its rela
tion to prophecy ; — Maniial of dévotion ; — The future unity of christendom ; — A
few ivords on Lord John Eussel's letter to the bishep of Durham; — Letter to Lord
Shreivsbury on the establishment of the Catholic Ilierarchy in England. — 11 écri-
vit aussi différents articles pour la Union Revieio et pour la Wesminster Gazette,
et quelques brochures; les plus remarquables sont deux réponses admirables
au Vaticanism de M. Gladstone, dont il conserva l'amitié tout eu réfutant
ses écrits polémiques.
11 est mort en chrétien, forLilié par les secours de la religion et la bénédic-
tion de Pie IX, qui l'a précédé de quelques jours dans la tombe, laissant onze
enfants de sa digne épouse Laura Mary, petite-lille de Lord Clifford.
— Le 28 octobre, est mort à Wiesbaden, A. Th. Guimm, conseiller privé au
service de la Russie. Né en 1806, dans la principauté de Schwarzbourg, il se
rendit en Russie à l'âge de vingt et un ans. En 1834, il fut nommé précep-
teur du grand-duc Constantin d'abord, puis des grand- ducs Nicolas et Mi-
chel, ses frères. Il a été aussi chargé de l'éducation du feu tsarévitch Nico-
las, héritier présomptif du trône, décédé à Nice. Obligé de quitter la capitale
en 1832, Grimmse tixa à Dresde et employa ses loisirs à publier ses Wandc-
rungen am Sudosten (Berlin, 1830, 3 vol.). Il est aussi l'auteur d'une biogra-
phie détaillée de l'impératrice Alexandra Téodorowna, mère des princes
nommés plus haut. L'ouvrage a paru en 1866, à Leipzig, sous le titre :
Alexandra Téodorouma, Kaiserin von Bussland (2 vol. in-8). Six mois après,
parut une nouvelle édition. Cette vie a été écrite sur l'invitation du roi
Guillaume IV, aujourd'hui empereur, frère d'Alexandra Téodorowna. Plus
tard, Grimm s'est établi à Wiesbaden, où sa maison de campagne servait
de rendez-vous à une société d'élite.
— L'Université de Cracovie a perdu un de ses professeurs, Joseph Kova-
LEVSKi, célèbre orientaliste, mort subitement le 7 novembre dernier. Il était
doyen à vie de la faculté d'histoire et de philologie, et venait de célébrer sa
cinquantaine de professorat. Né en 1800, dans le gouvernement de Grodno,
il fit ses études à l'Université de Vilna, et enseigna d'abord au gymnase de
— Kb4 —
cette ville. Transféré à Kazan, il s'adonna à l'étude du persan, du turc et du
mongol, fit un voyage en Mongolie et même en Chine. De retour de Pékin,
il obtint la chaire de la littérature mongole à l'Université de Kazan, qui le
choisit bientôt après pour son recteur. En 1862, on lui offrit la chaire d'his-
toire générale à l'université de Varsovie, avec le titre de doyen de la faculté
historico-philologique, qu'il accepta et garda jusqu'à sa mort. — On a de lui
un grand nombre d'écrits qui sont fort estimés ; mais son ouvrage capital,
c'est le Dictiotmaire mongol-russe- français, en deux gros volumes (Kazan,
1844-1846). 11 a laissé, assure-l-on, beaucoup de précieux manuscrits.
— On vient de perdre, à l'â^e de soixante-un ans, un autre orientaliste
russe, fort connu en France, M. Nicolas Khaxykov, mort à Rambouillet le
15 novembre. Après avoir achevé ses études au lycée de Tsarskoé-Selo, il
fut attaché au ministère des affaires étrangères, séjourna longtemps en
Perse et visita l'Asie centrale. La Description du Khanat de Bukharie, publiée
en 1843, fut le fruit de son séjour en Orient. Le baron Clam en a donné une
édition anglaise, sous le titre ; Bokhara, ils amer and ils people. Il a écrit
beaucoup aussi dans diverses revues russes et étrangères; entre autres, il
donna une description détaillée du British Muséum, dans la revue russe de
rinstructiiin publique de 1863, et un examea du livre de Melgounov inti-
tulé : le Bivagc méridional de la mer Caspienne, dans le Journal asiatique
de 186n. Son principal travail, publié en 1874 par la Société géographique
russe, est la traduction de VIran, de Ritter. M. Khanykov avait une belle
collection de manuscrits orientaux, qu'il a donné à la bibliothèque de Saint-
Pétersbourg. Il était établi depuis plusieurs années à Paris.
— On annonce la mort d'un autre archéologue russe et bibliophile dis-
tingué, M. Dimitri Polénov, conseiller privé, mort le 25 octobre. Cette
perte sera ressentie surtout par la commission archéographique, qui le
comptait parmi ses membres les plus actifs. Le défunt avait publié plusieurs
écrits fort estimés sur l'histoire et les antiquités russes; il préparait un
vaste répertoire bibliographique contenant tous les livres qui ont été im-
primés en lettres civiles introduites par Pierre l^^^ Malheureusement, ce tra-
vail, qui lui avait demandé des recherches sans fin, est resté inédit, ainsi
que bien d'autres dont il est auteur. Dimitri Polénov avait étudié à l'Univer-
sité de Saint-Pétersbourg; ses études achevées, il fut attaché au ministère
des affaires étrangères dont l'organisation actuelle avait été faite sous la
direction de son père. Envoyé à Athènes, comme secrétaire de la légation, il
y prit goût aux études d'archéologie et les cultiva le reste de sa vie. Ayant
quitté la carrière diplomatique, il resta à la deuxième section de la chan-
cellerie particulière de l'empereur, où il demeura jusqu'à sa mort.
Institut. — Académie des Inscriptions et Belles- Lettres. L'Académie des ins-
criptions et belles-lettres a procédé le 29 novembre à l'élection de trois de
ses membres ordinaires, en remplacement de MM. deSlane, Naudetet Garcin
de Tassy. Trente-six académiciens étaient présents : le chiffre de la majorité
absolue s'élevait donc à 19 voix.
Pour le fauteuil de M. de Slane, les voix se sont réparties de la manière
suivantes : MM. Barbier de Weynard, 21 voix ; Schefer, 13; Wescher, 1 ; un
bulletin blanc. M. Barbier de Meyuard a été élu.
M. Eoucart a été élu de même au premier tour de scrutin, en remplace-
ment de M. Naudet, par 24 voix contre 11 données à M. Alex. Bertrand, et
1 à M. Wtscher.
La succession de M. Garcin de Tassy a été plus disputée. Au premier tour,
six concurrents se sont partagés les suffrages : M. François Lenormant a ob-
— ;ioH —
tenu 9 voix; M. Schefer, 9; M. Weil, 7 ; M, de Mas-Latrie, 5 ; M. J. Oppert,
4; M. Wescher, 1. — Au second tour, M. Schefer, 15 voix; M. Lenormant,
40; M. Weil. 7; M. Oppert, 4. — Au troisième tour, M. Schefer, 18 voix;
M. Lenormant, 9; M. Weil, 7; M. Oppert, 1 ; un bulletin blanc. Après une
discussion sur la question de savoir si le bulletin blanc doit entrer en compte
pour le calcul de la majorité absolue, on a procédé à un quatrième tour
de scrutin, à la suite duquel M. Schefer a été élu par 32 voix, contre 3 don-
nées à M. Lenormant, 1 à M. Weil.
Académie des sciences. — L'Académie des sciences a procédé, le lundi
2 décembre, à la nomination d'un membre titulaire dans la section de mé-
decine et de chirurgie, en remplacement de M. Claude Bernard. Nombre de
votants : 59; majorité absolue, 30. Au premier tour de scrutin, M. Marey a
été élu par 40 voix, contre 15 voix données à M. Bert, 3 à M. Charcot, l à
M. Gubler.
Académie des beaux-arts, — C'est le 30 novembre que l'Académie des
beaux-arts s'est réunie afin de pourvoir à la vacance produite dans la sec-
tion de musique par la mort de François Bazin, professeur au Conservatoire
de musique. Cinq candidats aspiraient à l'honneur de succéder à François
Bazin. C'étaient, dans l'ordre de présentation dressé par la section de mu-
î-ique, MM. Saint-Saëns, Massenet, Boulanger. Membrée, Duprato. Le nombre
des votants était de 34; majorité absolue, 18. Au premier tour, les voix
se sont ainsi partagées : MM. Saint-Saéus, 13 voix; Massenet, 12; Boulan-
ger, 6; Membrée, 2; Diiprato, 1. Au deuxième tour, six des voix données à
MM. Boulanger, Membrée, Duprato, se sont reportées sur M. Massenet, qui
a été élu par 18 voix contre 13 données à M. Saint-Saëns et 3 à M. Bou-
langer.
Faculté DES LETTRES. — M. l'abbé Bozon, ancien élève de l'École des
Carmes, a soutenu à Paris, le 4 novembre, ses thèses pour le doctorat es
lettres. Les sujets étaient : De Vitali Blesansi; — Le cardinal de Retz à
Rome.
Conseil supérieur de l'Lnstruction publique. — La mort de M^'' l'évêque
d'Orléans avait créé dans le sein du Conseil supérieur de l'Instruction pu-
blique, une vacance à laquelle il a fallu pourvoir avant la prochaine réunion
de cette assemblée, dont la deuxième session ordinaire pour l'année 1878 de-
vait commencer le 12 décembre. Conformément aux prescriptions de la loi
du 19 mars 1873 et du décret du 28 avril même année, réglementant le mode
d'élection des membres appelés à représenter dans le conseil les grands
corps de l'État, le ministre de l'Instruction publique, président du Conseil
supérieur, après avoir invité les archevêques et évoques à lui faire connaître
le candidat de leur choix, a chargé du dépouillement des votes une commis-
sion composée de S. Em. le cardinal-archevêque de Paris, de M^'" l'évêque de
Chartres, du ministre-président et de M . Charmes, chef du cabinet secré-
taire. La commission s'est réunie le 4 décembre. Le dépouillement a eu lieu
suivant les formalités prescrites. S. Em. M^'' le cardinal Caverot, archevêque
de Lyon, ayant obtenu le plus grand nombre de suflrages, a été proclamé
membre du Conseil supérieur de l'instruction publique.
École des chartes. — Par arrêté du ministre de l'Instruction publique,
des Cultes et des Beaux-Arts, en date du 22 novembi'e 1878, ont été nom-
més élèves de l'École nationale des chartes, à la suite des derniers exa-
mens d'admission et dans l'ordre de mérite suivant, les candidats ci-après
désignés, savoir : 1 . M. Berthelé, 2. M. Bion-Malavagne, 3. M. Rousseau, 4.
— 5;ic —
M. Kahn, o. M. Moriz, 0. M. Devèze, 7. M. Icres, 8. làbon, 9. M. iJehodencq,
10. M. Ville, 11. M, deGhainesde Bourmont, 12. de Roisandre, 13. M. Hu-
gues, 14. Lecestres. Et, ù titre étranger, M. Scliweisthal, du grand-duché de
Luxembourg.
Congrès des orientalistf.s de Florenxe. — En attendant la publication
officielle du comjite rendu complet, le bureau du congrès de Florence vient
de faiie distribuer à ses souscripteurs une brochure renfermant les cinq
bulletins publiés pendant la durée du congrès (Bolletini del quarto congresso
intemazionale degli orientalisti in Firenze. Firenze, Le Moîinier, 1878, in-8,
24, 32, 44, 48 et SI p.) Les trois premiers bulletins sont consacrés aux comptes
readus sommaires du congrès, le quatrième est le catalogue de l'exposition
orientale organisée à Florence et le cinquième, que nous croyons devoir si-
gnaler tout spécialement, renferme la bibliographie des membres préseuls
au congrès (83), ou, pour parler plus exactement, la liste de tous les travaux
relatifs à l'Orient publiés par chacun d'eux. En même temps que ces bul-
letins, les souscripteurs ont reçu un exemplaire de « Gli scritti del padre
Marco délia Tomba, mis«ionario nelle Indie Orientali, raccolli... Ua Angeio
de Giibernatis. » {Firenze, Le Monnier, 1878, in-12, xlviu et W6 p.), et d'une
ravissante publication du chanoine A. M. Bandini ; « La Staoïperia Mediceo-
Orientale, frammento di una memoria in parle iuedila. » {Firenze, pei tipi
deir arte délia Stampa, 1878, in-18, 44 p.) — O^ de M.
Lectures faites a l'Académie des inscriptions et iiELLES-LETTREs. — Dans
la séance du 8 novembre, M. Miller a communiqué des lettres de M. Chris-
tidès, de l'ile de Thasos, relatives à des découvertes archéologiques qu'il a
faites dans cette île et à un chrysobule signé de l'empereur Alexandre
Commène I*'. M, Renan a fait une communication au sujet d'un ouvrage de
la comtesse de Lovatalli sur le cachet Crescens. — Dans la séance du 15,
M. Miller a donné le texte des inscriptions grecques des Thasos. M. Maxime
Deloche a lu un mémoire ayant pour titre : De l'association, sur un sou d'or
mérovingien, du nom gallo-romain et du nom plus récent d'une ville gau-
loise.
Lectures faites a l'Académie des sciences morales et politiques. — Dans
les séances du 9 et du 1 G novembre, M. Ad. Franck a lu une étude sur les
sentences et proverbes du Talmud et du Midrasch et sur le traité d'Aboth.
— Dans la séance du 9, M. Vacherot a fait une communication au sujet de
l'ouvrage de M. Chauffard sur la vie, et M. Fustel de Coulanges, sur l'éloge
de Buffon,par M. llémon. — Dans la séance du 16, M. Jules Simon a fait une
communication, au sujet d'un rapport de M. Camille Séo, député, sur l'en-
seignement secondaire des jeunes filles. M. Levasseur a lu une étude sur la
valeur des monnaies de l'ancienne Rome.
Catalogue des manuscrits belges et hollandais. — Ce qui a été fait par
Valentine'.li pour les bibliothèques d'Espagne et d'Italie (187J et 18G0), par
Petzholdt pour les bibliothèques d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse (1874),
par RuUmann pour celles d'Allemagne (1875), par M.Ulysse Robert pour les
bibliothèques de France (1877), ce dernier, aujourd'hui, vient de le faire pour
celles de Belgique et de Hollande avec le zèle et le soin qui lui sont habituels
{Etat des Catalogues des manuscrits des bibliothèques de Belgique et de Hollande.
Paris, Alph. Picard, 1878, in-8 de 24 p.). Devancé dans ce travail par Voyel
(1840), et par Valentinelli (1871), le savant paléographe a de beaucoup aug-
menté le nombre des indications fournies par ses deux guides. Aidé par les
libérales communications de plusieurs archivisteset bibliothécaires belges et
hollandais, il a pu donner les meilleurs renseignements, d'abord sur les ou-
vrages relatifs à l'ensemble des bibliothèques de chacun des deux pays ou
relatifs seulement à quelques-unes d'cfitre elles, ensuite sur les catalogues,
rangés par ordre chronologique, sous le titre de chaque ville, des manuscrits
conservéi en Belgique et en Hollande. .Naturellement, l'excellent directeur du
Cabinet historique a signalé les recueils de Haenel, de l'abbé Aligne et de
Pertz, sans oublier même le vieux recueil de Sanderus (1641), qui devait
donner à Bernard l'idée de son travail sur les bibliothèques d'Angleterre, et
à dom de Montfaucoa l'idée de son travail sur les bibliothèques de l'Europe.
Souhaitons que M. V, Robert continue si activement ses consciencieuses inves-
tigations, qu'il mette bientôt dans nos mains un ouvrage qui, soit par l'étendue
du plan, soit par le mérite de l'exécution, devienne aussiprécieux pour nous
qu'a été précieux pour les savants du xviir siècle l'ouvrage du glorieux bé-
nédictin. — T. DE L.
L'AniNuairk de l'archéologue. — Déjà à plusieurs reprises, on a tenté de
réunir, sous forme d'annuaire et dans un format portatif, les renseigne-
ments utiles aux archéologues, ainsi que cela a lieu annuellement pour un
certain nombre de spécialités. M. Dureau, et plus récemment M, de Caix de
Saint-Aymour, avaient essayé de faire paraître des publications de ce genre.
Depuis trois ans, M. Antliyme Saint-Paul, connu par divers travaux archéo-
logiques et par sa collaboration aux guides de M. Joanne, a renouvelé cette
tentative, et, après plusieurs tâtonnements, l'ouvrage, qu'il nous donne au-
jourd'hui, nous paraît bien remplir le but auquel il est destiné. Une première
partie renferme une revue rapide des travaux archéologiques les plus
récents, des principaux congrès, ainsi que la liste des monuments histo-
riques actuellement en cours de restauration ; cette partie contient également
quelques travaux originaux, parmi lesquels nous citerons notamment quelques
pages sur les villes neuves. Viennent ensuite : la composition de l'Académie
des ioscriplious et du comité dr;s travaux historiques, la liste des sociétés
savantes de Paris qui s'occupent principalemeni d'archéologie ou d'histoire,
la liste par départements, des sociétés savantes, avec la composition de leur
bureau et l'indication de leurs publications, l'état des musées; les noms des
archivistes, architectes diocésains et correspondants du ministère.
Une bibliographie archéologique sommaire complète ce volume; elle ren-
ferme les revues et les principaux ouvrages archéologiques parus dans l'année
classés par spécialités. L'auteur a eu ici le mérite de savoir se borner et de
ne donner dans ce travail que des publications d'une certaine importance.
Quelques comptes rendus terminent VAmiuaire de l'archéologue qu'accom-
pagnent 15 planches gravées. (Paris, Hachette, 1878, in-12 de 180 p. Prix :
2 fr. :îO.) — Cte DE M.
Une édition nouvelle de l'ouvrage de Quaresmius sur la Terre-Sainte. — On
sait l'importaace que les spécialistes attachent à l'ouvrage de Quaresmius
sur la Terre-Sainte {Terrx Sandx elucidatio, etc., Antverp,, 1G37, 2 vol.
in-fol.). Depuis longtemps cet ouvrage du savant fransciscain est devenu
une l'areté bibliographique. Nous apprenons qu'il s'en prépareune nouvelle
édition qui formera i volumes in-fol., que les souscripteurs pourront ac-
quérir au prix de fiO francs. L'édition se fera sous la directiou de P. Cypriea
de Treviso, commissaire actuel de la Terre-Sainte, qui ne manquera pas
nous l'espérons, d'y ajouter des notes explicatives et les corrections les
plus indispensables, ahn de rendre le livre de Quaresmius encore plus utile.
Les demandes peuvent-être adressées soit audit commissaire lui-même.
(Venise, S. Francesco délia Vjgna), soit au couvent des R. P. Franciscains, à
Vienne (en Autriche).
Une découverte archéologique a Tchernigov. — Dans la ville de Tcher-
nigov, une dame a trouvé, à l'endroit des anciennes forlificalions, sur les
bords de Ftryge, un vase d'argile contenant dix grivnas d'argent, dont cha-
cune pèse environ une livre. Leur fonte est tout à fait grossière. Au même
endroit, l'archéologue Kibaltchitch entreprit de nouvelles fouilles qui
furent couronnées par de brillants résultats. Il y découvrit les traces d'un
ancien temple dont les murs gardaient encore quelques fresques. En outre,
on trouva dans les couches supérieurs de la terre plusieurs squelettes, dont
un avait des restes d'une riche étoffe. On trouva aussi des fragments de
mosaïque, la tête en os d'une flèche, une partie de croix ouvrante avec
l'image de la Mère de Dieu, des morceaux d'une courroie de chaussure,
deux grandes clefs de fer, des morceaux d'une étoffe d'argent, des mors de
fer, des clous, etc., etc. M. Kibaltchitch engagea les autorités ecclésiastiques
de l'endroit à établir dans la ville un musée diocésain, dans lequel on réuni-
rait tous les anciens objets religieux ou non du diocèse.
Les Noyades de Nantes. — M. Alfred Lallié vient de publier (in-8. 104 p.
chez Vincent Forest etE. Grimand, à Nantes) son importait mémoire sur
Les Noijades de ISantes, qu'on avait déjà remarqué dans la Revue de Bi^etagne
et de Vendée, Cette étude, faite presque uniquement avec des documents
inédit'., puisés aux archives de la Loire-Inférieure, aux archives nati-^nales
et dans divers dépôts publics, forme un chapitre intéressant de l'histoire de
la Révolution. C'est un exposé aussi complet que possible de tous les cimes
de Carrier et de ses séides. Ces documents confirment, du reste, ce qu'on
savait déjà : « Que le supplice de la noyade fut, à Nantes, par les ordres de
Carrier et la complicité du comité révolutionnaire, un moyen raisonné de
destruction, employé à des intervalles plus ou moins rapproché3, depuis le
milieu de novembre 1793 ju?qu'à la fin de janvier 1794. » M. Lallier, pro-
cédant sans passion et avec une sage critique, compte onze noyades comme
absolument certaines; mais il n'a point fait entrer dans son énumération,
plusieurs faits que le défaut de date^, même approximatives, n'ont pas
permis de classer. Il compt»^, au minimum, 13.283 personnes entrées dans
les prisonsdurant la mission de Carrier. Le total des prisonniers dont, le sort
est connu monte au chiffre i^e 8.423, sur lesquels 4,8ti0 ont été noyés. On
doit nécessairement ajouter à ce chiffre un grand nombre d'arrestations et
d'exécutions qui n'ont point été mentionnées dans les procès-verbaux. Tel
est le résultat du travail consciencieux de M. Lallié; il serait à souhaiter
que de semblables études fussent entreprises sur chacun des commissaires
envoyés par la Convention dans les provinces.
Un nouveau manuscrit paléo-sl.4.ve. — Le prince Diraitri Gortchakov possède
un évangéliaire slavon qui se rapproche des monuments les plus anciens
qu'on connaisse dans ce genre. La langue, l'orthographe et l'écriture en res-
semblent tout à fait à celle de l'évangéliaire d'Ostromir écrit en i0o6-1057.
L'un et l'autre manuscrit sont ornés de belles miniatures représentant les
évangélistes avec leurs animaux symboliques. Malheureusement, il n'y a dans
le manuscrit vraiment, ancien que le commencement et la fin, c'est-à-dire
cinquante-sept feuillets en tout; le reste a été ajouté au quatorzième siècle.
Le manuscrit parait avoir été écrit à Prémysl, en Galicie, parce qu'il fait
mention d'Hilarion, évêque de cette ville, et est destiné au prince de Galitch,
Léon. Le moine qui l'a transcrit s'appelait Vasilko. Il est à remarquer qu'on
— 539 —
retrouve dans son texte les mêmes fautes de gra;Dmaire que dans celui
d'Ostromir, ce qui indiquerait une parenté bien proche de ces deux évan-
géliaires.
Livre des adresses de Paris. — M. Paul Daffis, le laborieux continuateur de
Id Bibliothèque elzévirienne, entreprise en 1833, par rintelli£;ent P. Jannet,
et que la librairie parisienne vient de perdre, avait publié tout récemment
un volume qui sera accueilli avec une vive sympathie par toutes les per-
sonnes qui s'intéressent au Paris d'autrefois, aux hommes et aux choses de
l'époque de Louis XIV. 11 s'agit du Livre commode des adresses de Paris pour
1692, par Abraham de Pradel (masque de Nicolas de Blegg) ; devenu très-
rare, ce volume, fort recherché, se payait fort cher; il a dépassé 100 francs
en vente publique; ce n'est, si l'on veut, qu'un Annuaire^ mais il est rempli
de détails curieux, et ce qui donne à l'édition nouvelle une valeur excep-
tionnelle, c'est que le texte original est accompagné d'un ample commen-
taire des plus instructifs. Pour eu faire ressortir tout le mérite, il suffit de
dire que ces annotations sont l'œuvre de M. Edouard Fournier, dont l'érudi-
tion est connue, et auquel on doit, entre autres ouvrages si justement esti-
més, le Yieux-lSeuf [àoni une seconde édition fort augmentée a vu le jour
récemment), et l'Esprit des autres, dont une cinquième édition refondue est
sous presse. Ajoutons qu'en tète du volume dont il s'agit (c'est le premier
tome du Livre commode), M, Fournier a joint une très-intéressante introduc-
tion de 60 pages. Bornons-nous, pour le moment, à signaler cette publication
sur laquelle il faudra revenir avec détails.
Lettres inédites de Madame Louise de France. — M. Maurice Faucon, élève
de l'École des chartes, a publié récemment, dans le Cabinet historique^an cer-
tain nombre de Lettres inédites de Louise de France, fille de Louis XV, qui
viennent de paraître dans un tirage à part (A. Picard, Paris, in-8 de 36 p.).
M. Faucon a fait précéder ces lettres d'une notice biographique, pleine d'é-
rudition, sur Louise de France, religieuse du Carmel de Saint-Denis, sous
le nom de sœur Thérèse de Saint-Augustin. Les lettres sont adressées à
M. de Bonal, évèque de Clermont et à la supérieure des carmélites de
Chalon-sur-Saône. Elles n'ont point un grand intérêt historique; le style en
fait tout l'attrait, mais les remarques judicieuses de M. Faucon et ses éclair-
cissements historiques doivent être signalés à ceux qui s'occupent de l'his-
toire du dix-huitième siècle.
— W J. Tolra de Bordas vient de publier (.\miens, Delattre-Lenoél, ia-8,
7 p.) un rapport sur un ouvrage manuscrit de M. Eugène Menu, intitulé
Aurifodina, sive flores illustrium poetarum, complectens axiomata, proverbia, sen-
tentias, dicta sapientium, eruditioties et prœcepta, latinitatis flores leporesque, etc.
Cet ouvrage, que M. E. Menu a présenté à la Société des études historiques
et qu'il se propose de mettre prochainement au jour, sera un immense
répertoire où l'on trouvera, rangés dans l'ordre alphabétique, tous les pas-
sages des poètes latins se rapportant à des sujets aussi variés qu'intéres-
sants, depuis Ahstinentia, Adolescentia, Adulatio, Adversitas, jusqu'à Voluptas,
Vulgus, Vubiera, Vultus.
— Ms'' J. Tolra de Bordas vient également de faire un tirage à part
d'une lecture faite à la Société des études historiques, intitulée : Du Mouve-
ment historique en France pendant l'année 1877 (Amiens, Delattre-Lenoël, in-8
46 p.). C'est un résumé complet et méthodique de tous les travaux parus
en France, dans le courant de l'année 1877, sur toutes les branches de l'his-
toire. Le savant auteur a eu soin d'accompagner cette nomenclature de
— oCO --
rétlcxioiis judicieuses sur la valeur scieutilique des ouvrages et rcsjirit dans
lequel ils sont composés.
— Une des iictions qui ont obtenu au moyen âge le plus long succùs, c'est
ce fameux roman du Renard, où la satire a été souvent plus qu'ordinaire.
Ou annonce un poème provençal on douze chants tiré de l'ancien poème et
des traditions. Cette omvre, couronnée aux fêtes littéraires de Montpellier
et précédée d'une lettre de Mistral, a pour auteur lou Felibre d'Entre-Moiml,
et sera publiée sous le patronage de la Société pour l'étude des langues
romanes.
— Depuis bien des années, M. Sclimit, conservateur adjoint à la biblio-
thèque nationale et compatriote de (jilbert, a recherché avec le soin le plus
infatigable tout ce qui pouvait concerner le grand satirique du dix-huitième
siècle. II a découvert sur lui quantité de détails is^norés, il a pu lui restituer
aussi des o-uvres dont on ne le savait pas l'auteur et améliorer singulière-
ment les textes de celles qui étaient déjà connues. Toutes ces investigatious
vont avoir un résultat dont se réjouiront les lettrés, une nouvelle édition
qui sera digne enfin du malheureux poète. Publiée sous les auspices de
l'Associatioti vosgienne, elle sortira des presses de la maison Pion et C^,
aussitôt que cinq cents souscriptions auront été réunies. Le prix du volume,
in-8 conqjosé d'environ 500 pages, sera de 7 fr. ;J0 sur papier ordinaire et
10 fr. oO sur papier de Hollande. Les souscriptions peuvent être adressées
soit à M. Schmit, boulevard Saint-Germain, i 73, soit à MM. Pion, Set 10,
rue Garancièrc.
— Le bibliothécaire de l'Université de Gand vient de faire paraître le
prospectus d'une Bibliotheca fcc/j!ca, ou bibliographie générale des Pays-Bas.
11 doit y insérer une description détaillée de tous les livrer imprimés dans
les Pays-Bas au quinzième et au seizième siècle, et des principaux ouvrages
publiés depuis, do tous les livres écrits par des Belges et des Hollandais, des
livres relatifs aux Pays-Bas imprimés à l'étranger, etc. Cette publication
ne paraîtra pas en volumes, mais en feuillets séparés, chacun desquels ren-
fermera la description d'un ouvrage séparé, avec toutes les informations
qui y ont rapport, ainsi que l'indication des bibliotlièques où on le peut
trouver. La Bibliotheca belgica doit paraître en paquets de cent feuillets, au
prix de 2 fiancs. {Acadomj.}
— Le Catalogue américain est sous presse. 11 formera deux volumes, dont
le premier contient les titres détaillés des articles sous le nom des auteurs;
le second, les titres sommaires classés par ordre de matières. Tous les livres
imprimés en Amérique, y compris les réimpressions d'ouvrages anglais,
seront placés dans ce catalogue. On estime que le premier volume ne con-
tiendra pas moins de soixante-dix mille articles. Le prix de souscription
pour tout l'ouvrage est de 25 dollars.
— On annonce à Londres, la publication d'une traduction anglaise du
Télémaque, ^oViV laquelle l'auteur, M. C. Chester Waters, a écrit une nou-
velle vie de l'archevêque de Cambrai d'après ses lettres, qui redressent, il le
prétend du moins, plusieurs erreurs accréditées par tous les biographes de
Fénelon.
— Le principal bibliothécaire et secrétaire du British Muséum, M. J. Win-
ter Jones, vient d'être admis àprendi-e sa retraite, avec une pension annuelle
de 1,000 livres sterling (25,000 fr.). C'est le docteur Gunther qui occupe sa
place.
— Le même établissement vient d'acquérir un fragment de tablettes en
— 561 —
terre cuite contenant une portion des annales du roi assyrien Nabucho-
donosor .
— VAthenxum annonce que le D'' Bershadski, professeur de droit à Saint-
Pétersbourg, prépare une bistoire des Juifs de Pologne, de Litbuanie, d'U-
kraine et de Volbynie, durant les trois derniers siècles, en s'appuyant sur
des documents d'archives. Visenot.
Le Gérant : L. Sandret,
TABLE MÉTHODIQUE
DES OUVRAGES ANALYSÉS
THEOLOGIE
Ecriture sainte, La Sainte Bible (r«6Z)é F. E. Sa/mon) .... 23
La Sainte Bible (/'a66é C/air, trad. de ra66é £«2/ /c) dl9
Coramentarius in Evangelium S. Joannis [le R. P. J. Corluy) . . 32o
Etude sur rbistoire littéraire, la forme primitive et les transfor-
mations des Evangiles apocryphes (/'a65é Jose^j/i FarwO . . . 120
I^itup^ic. L'Année liturgique. T. X {leR. P. Bom Prosper Guéranger). 423
Chois de prières [Léon Gautier) 356
Saints i*ères. Patruni apostolicoruni Opéra {Oscar de Gebhardt,
Adolf. Harnach, Theod. Zahn) 121
Derhl. Cyprian (Bern/iard i^ec/iirup) 327
S. Aurelii Augustini Confessionum libri XIII (P. H. Wangnerech) . 430
Remedio aile dispute de cattolici in Francia, proposto nel MDCXII
[S. Francesco di Sales ecommeniaio di Santé Pieralisi) . . . . 122
Somme ascétique de saint François de Sales [l'abbé N. Albert). . 413
Directions spirituelles (de saint François de Sales, recueillies par
l'abbé Chaumont) 417
Mois du Sacré-Cœur [saint François de Sales, recueilli par l'abbé
Chaumont). . . ^ . . . . ' 418
Des Tentations [saint François de Sales, recueillies par Vabbé Chau-
mont) 1 418
De la sainte espérance et de la simplicité [sai7it François de Sales^
recueillies par l'abbé H. Chaumont) 418
Du retour de l'âme à Dieu [saint François de Sales^ recueilli par
l'abbé H. Chaumont) 418
Théologîcdosmatîque.LaDogmatique. Tome I{/eH. P. J.ScAesfee»,
trad. de l'abbé P. Bclet) 329
Exposition du dogme catholique. Existence et personne de Jésus-
Christ [le T. R. P. Monsabré) 42H
Conférences sur l'Eglise [le R. P. Guibé) 247
La SRcerdocà [Mgr Isoard) 328
Le Directeur des catéchismes de première communion et de persé-
vérance [l'abbc Turcan) 123
Catéchisme de la famille c'arélienne (ra66c Martin) 411
La Vie de >'otre-Seigneur Jésus-Christ [Louis Veuillot) .... 412
Théologie ascétique. L'Imitation de Jésus-Christ (trad. de Michel
de Marillac. avec préface, A. J. Pons) 207
Révélations de sainte Gertrude, vierge de Saint-Benoit .... 404
Catéchisme de la vénérable Mère Marie de l'Incarnation, fondatrice
des Ursulines de Québec 403
DÉCEMBnE 1878. T. XXIIÎ, 30.
— 562 —
De la venue glorieuse de Notre-Seigaeur Jésus-Christ (l'abbé Ga-
briel Gras) 406
Cinq chapitres d'une philosophie pour tous : Essai sur le gouverne-
ment de 1.1 vie {Duchesne de Saint-Léger) 407
Du don de soi-même à Dieu (le R. P. Grou) 408
Ananie (/e R. l\ Caussette) 123
Manuel pour le choix d'un état de vie (le P. Auguste Damanet) . . 127
Méditations sur le Pater noster et l'Ave Maria {Franz Lennig^ trad.
de l'abbé Mabire) 408
La Religion comprise et aimée des petits enfants (l'abbé Fourrière) 409
Une heure en Paradis (L. de Plasman) 409
Le Psautier du pèlerin (Dom Luigi Tosti, trad. de Isid. Bouchet). . 410
Les Enseignements de Notre-Dame de Lourdes. Tome I {l'abbé Gi-
nestet) 412
La Parure spirituelle des Enfants de Marie {le R. P. Baylot). . .414
Courtes méditations à l'usage de l'enfance suivies de quelques vi-
sites au Saint-Sacrement (le P. II. C. Fournel) 139
L'CEuvre de l'exposition et de l'adoration nocturne du très-saint
Sacrement en France et à l'étranger 62
Dieu et son amour pour ses créatures {l'abbé de Bellune), . . . 415
Les Pleurs de David (Vabbé A***) 416
Manuale pastorum (V. Postel) , ... 138
Meditationes brevissimaî in usum sacerdotum, religiosorum,mi3sio-
nariorum iler agenflun (P. Michaele Cuvelhier) 417
Direction chrétienne (Fénelon, préface de Mgr Dupanloup). . . . 417
La Morale chrétienne (Bourdaloue, avec préface du R. P. Félix). . 419
Le Directeur des enfants au saint tribunal de la Pénitence (l'abbé
Turcan) 420
Le Verità cattoliche esposte al popolo e ai dotti {Mgr Antonio-Maria
Bclasia) 420
La Missione interiore dello Spirito-Santo (Mgr Manning, trad. do
l'abbé Andréa Fantoli) 421
La Missione temporale dello Spirito-Santo (Mgr Manning^ trad. de
Fr. Panfilù da Magliano) 421
Amélie {Mgr Anicete Ferrante) 422
Raccolta di orazioni sacre inédite {l'abbé Vito Corallo) 424
Fatlidimaggior rilievo dell' Antico e Nuovo Testamento (Mgr Pas-
quale de ISardis) 424
Ragionamenti sacri suUe feste di Maria Vergine santissima (P.
Antoni7io da Torino) 424
Ave Maria : Trattato popolare suUa divozione a Maria {l'abbé Séve-
rine Ferreri) 424
Religions dei» peuples orientaux. Ave$ta, livre des sectateurs
de Zoroaslre. T. III (£. de Earlez) 328
Le Koran analysé (Jules La Beaume) 208
Cultes dissidents. Essai sur l'Eglise anglicane (F. Segondy) . . 24
JURISPRUDENCE.
Encyclopédies. Encyclopàdic der Rechtwissenschaft {Fr. von Eolt-
zendorff) 212
Droit civil. Explication sommaire du code civil (J. J. Delsol et
Lescœur) 501
Droit familier. Nos petits procès {A. Carré) 248
Des Actes inexistants et des effets de l'erreur (Fmiand r/iiry) . . 128
La Condizione risolutiva ; sottintesa nei contratti bilaterali (lutâfi
Gallavresi) 62
— oG3 —
Droit pénal. Des principes qui président à l'exercice du droit de
punir (J. Thiry) 160
Droit comparé. Essai historique et critique sur la lésislatioîi des
sociétés commerciales en France et à l'étranger (C. Lescœur) . . 330
Etude sur la loi du 25 mai 1877, relative aux Brevets d'invention
dans l'empire d'Allemagne [Lyon-Cam] 63
L'Idée moderne du di-oit en Allemagne, en Angleterre et en France
[Alfred Fouillée) 530
Droit administratif. Législation et jurisprudence concernant les
instituteurs communaux (Auzias) o31
SCIENCES ET ARTS.
Encyclopédies, Encyclopédie populaire {Pierre Conil) 215
Philosoptiie . Essai sur la transmission de l'âme (le baron de Lambert) 389
Le Lendemain de la mort ou la vie future selon la science (L. Fi-
guier) _ 389
Psychologie comparée. T/Homrae et l'animal (fl. joïy). .... 390
Essai de psychologie. La Bote et l'homme {le D^ Ed. Fournie) . . 392
La Vie dans l'esprit et dans la matière (£. 3/éric) 387
La Vie, études et problèmes de biologie générale (E. Chauffard). . 387
La Raison et l'àme, principes du spiritualisme (F. Magy) .... 394
Psychologie de Hume. Traité de la nature humaine (trad. de Ch.
Renouvier et F. Pillon). Essais philosophiques sur l'entendement
(trad. de iMerian, avec introd. de F. Pz7/o«) . 397
La Perception des sens, opération exclusive de l'âme [l'abbé F, Du-
quesnoy) 398
L'Imagination, étude psychologique {H. Joly) 400
Du Plaisir et de la douleur {Fr. Bouillier) 401
Dictionnaire des sciences philosophiques {Ad. Franck) 97
Etudes historiques et critiques sur le rationalisme contemporain
{Eyac. de Valroger) 102
Histoire de la philosophie (Josep/i Faôre) 103
Sancti Thomse de Origine ideariim, do trina, qualis quum ab ipso
proposita tum a Liberatoredefeosa fuit (D. Àe/aMnay) .... 106
Saint Thomas d'Aquin et l'idéologie (Mgr Pierre Marie Ferré) . . 107
Documents inédits sur Gassendi (Ph. Tamizey de Larroque) . . . 108
Dieu, l'homme et la béatitude (Spmoza, trad. de Paul Janet). . . 109
Kaniii theologia ex lege morali ducta expenditur {Vabbé Ferd. Du-
quesnoy) 111
La Genèse du scepticisme érudit chez Bayle (A Deschamps). . .219
Etude sur la philosophie en France, au dix-neuvième siècle {Ferraz) 112
Saint-Simon et le saint-simonisme {Paw/ JaneO 114
Notice sur Laromiguière (Ga6ne/ Compaj/ré) 116
Les Logiciens anglais contemporains (Louis Iiard) ,•.... 117
Histoire des philosophes et des théologiens musulmans [Gustave
Dugat) 332
Mélanges philosophiques {Dupont-White) 337
Morale. Le Mal et le Bien. T. lï {Eugène Loudun) 132
La Liberté dans l'ordre intellectuel et moral {Emile Beaussire) . . 222
Du rôle social des idées chrétiennes (PauZ RiôoO 221
Les Bienfaits du dimanche [l'abbé F. J. d Ezerville) 162
Les Désordres du lundi (/'a66é F. J. d'£ierL77/e) 163
Education et enseignement. La Pratique de l'éJucation chré-
tienne (ie /{. A. Monfat) 430
Traité pratique de l'éducation maternelle [Mgr Pichenot) .... 451
La^ Science de \a. jenne mère [Mme Julie Fertiault) 531
L'Education cléricale en France 452
.l(>^- —
Les Bienséances sociales (Ze Jl. p. Champeau). ....... 3oG
Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire, l'« série, 1"
partie, 2c partie (F. Buisson) 427
I»olîtiqae. Pliilosopliie de la science politique et commentaire de
la déclaration des droits de l'homme de 1793 {Emile Accolas) . 2'6
La Liberté de penser, iiu du pouvoir spirituel {Victoi^ Guichard) . i'M
Economie sociale. Précis du cours d'économie politique T. I
Paul Gauwès) 2G
Le Socialisme devant la société (/e 11 . 'P.Félix) i30
L'Economie politique [Jules Michel) S32
Les Enfants assistés [Orner Sarrout) 13o
Le Travail, sa dignité et ses droits (il/gfr (te Conn^/) 533
Le Travail humain, son analyse, son évolution [Mcliton-Marlin) . 4o3
L'Union des peuples 4o2
Le bon sens dans les doctrines morales et politiques (Ambroise
Clément) 218
La Question sociale [E. Fauconnier) 247
Bastiat et le libre-échange (A. J5ouc/ié rfe BeZ/e) 337
Annuaire de l'Economie politique et de la statistique 1878 {Maurice
Block) S32
Leçons sur la protection des animaux [H. Claudon) 453
Industrie et Commerce. Arts et Manufactures (Maigne) ... 28
La Crise commerciale et industrielle. Moyens d'étendre les débou-
chés de l'industrie belge (£. Va7i der Laat) u33
Les Opérations maritimes commerciales et industrielles de Mar-
seille (S. Jouham) 104
Les grands ports de commerce de la France (L. Simonin) . . . 338
Sciences naturelles. Eléments de géologie (A. Z.e2/merie) ... 136
Le Monde des plantes [le comte de Saporta) b49
Eléments de minéralogie et de lithologie (A. Le^/??^er^■e) .... 130
Le limon des plateaux du nord de la France (£. D'Acij). . . • 308
Cent récits d'histoire naturelle (0/i. l'eZon) 48o
La Migration des oiseaux (A. de Brévans) 492
A.rt militaire. Les méthodes de guerre actuelles et vers la fin du
dix-neuvième siècle [lient. -colonel Picrron) 504
Mélanges. L'Année scientitique et industrielle (louis Figuier) . . o33
Beau:K-A.rts. Histoire nouvelle des arts et des sciences {Alphonse
Renaud) 100
Histoire abrégée des beaux-arts (Fe/ia; CZémenf)
Précis de l'histoire des beaux-arts [Lubke traid. de £. Molle) . . 223
L'Art ancien à l'Exposition universelle de 1878 (Edouard For estié). 534
Les Arts à la cour des papes pendant le quinzième et le seizième
siècles. Ire partie (Eugène Muntz) 429
Albert Durer, sa vie et ses œuvres (Morif:; Thausi7ig,Xra.A. de Gus-
tave Grwjer) 430
Les sept merveilles du monde (Auge de Lassus) 492
Les Editions illustrées de Racine (A. J. Pons) ....... 221
La Reliure ancienne et moderne {Gustave Brunet) 137
BELLES-LETTRES.
Philologie et linguistique. Neue Studien ùber Schriff, Anspra-
cbe und allgemcine Formenlehre des .Etiopischen {D° Eduard
Koenig) 29
Raccolta di testi latini (Thomas Vallarii) ioi
Dictionnaire de l'Académie française 139
Dictionnaire historisque d'argot (Lorédan Larchey) 140
— oGo — '
Kemarques sur quelques expressions usitées en Normandie (Gîts-
tave Levavasseur) 34I
Méthode nouvelle pour apprendre la langue allemande Œ. Weîl
et W. Weil) 250
I*oésîe. La Fontaine's Fabeln (/e Z))'AdoZ/'Iaîm) 431
Le Pape {Victor Hugo) 193
Les Récits et les élégies {F.Coppéc) ^ 1 95
Edel (P. Bourget). ..." • . 195
La Justice ; poëme (SuZ/y-Prud/iOTOme) 196
La Cité divine, poème de la religion (A. Paî/ef). 197
Œuvres poétiques {Louis Veuiltot) 198
Le Roland de l'Arioste raconté en vers français {Marc Monnier). . 199
La Patrie en danger {Albéric d'Antully) . " 201
Prométhée, drame antique (C/i. Granàmongin) 201
Les Noces d'or de Jupiter (Jean Loyseau) 201
Les Errantes {Al. Hepp) 202
Ebauches et reflets {Paul Revoit) 202
Les Ephémères {Henry Chautard) 203
Les Gallo-Franques (J. Larchet) 203
Deux ans de jeunesse (Léon Bonadier) 203
Premières ébauches (E. Vion). . 203
France et Lorraine {A . Charraux) 204
Strophes et sonnets (F. Pilate) • . . 204
Les Sonnets de (iHaurice dw Monce/) 204
Les Vibrations (L. Vébé) 204
Du grave au doux (P. Collin) 205
Les Aspirations au travail (£. Zouham) 20G
Libres et pures (E. Gauthier) ' 206
De Bruxelles à Tervueren (J. Bailly) 206
Au jardin d'acclimatation (/. Bailly) 206
L'Egide [Albert Chanteau) 206
Poésies posthumes (Philothée O'Neddy) 206
Roland furieux (trad. par A. J. du Pays) 506
Libre d'Or de la poesia moderna catelana 228
La Atlanlida {Jac. Verdaguer) 508
Das Steinbuch {Hans Lambel) 226
Œuvres poétiques complètes {Nicolas Defrecheux) 227
Théâtre. Théâtre de Corneille (F. Fournel) 251
Théâtre choisi de Molière 483
Uolieres^erkà {le Dr Adolf Laun ) 431
Las Mocedades del Cid {Guillem de Castro, éd. Fœrster) .... 507
Romans et iVouvelles. La Princesse de Clèves (Mmede Lafayette
préf. de H. Tame) 142
Ourika {Mme de Duras) 509
La Louve {Paul Féval) 5
Valentine de Rohan {Paul Féval), 5
Le Château de Velours (Paul Féval) 5
La Fille du Juif-Errant {Paul Féval) 5
Le Baroa d'Aché {Mme la comtesse de Mirabeau) 9
La Rose-Fleurie ou le dernier des Garden {Paul Forestier) ... 0
Le Drame des Champs-Elysées (fiipjooZyie At/deua^) 11
Le Filet et l'Hameçon (Mwe Doroiftée rfe Bocien) 11
Fleurs de glaces (Isaôei/e Fra?zce) 12
Les Wikings de la Baltique (S. W.Dasent, trad. de Emile Montégut). 13
Le Filleul d'un marquis {André Theuriet) 13
Une page d'amour {Emile Zola) 13
Jacques de Trévannes {Jacques Vincent) 17
Laide [Juliette Lambert) 18
Une aile laidi^j {Claire de Chandeneux) . . 18
— 566 —
Vaisseaux brûlés (Claire de Chandeneux) ». » 19
La Maison vide (Jules Claritee) 19
Le Roman d'une princesse (Pau^ Bonnaud) . 20
Le Roman d'une créole {André Surville) 21
Cara (Hector Malo) 21
Les Mariages dangereux (Mme Anais Ségalas) ........ 22
Le Journal d'une femme (Octave Feuillet) 289
Un scandale en province; un Mari (Pierre l'£s<oz7e) 291
Ariadne (ïlenry Gréville) 293
La Bague d'opale (Edouard Didier) ........... 294
Les deux berceaux (Emile Richebourg) .......... 293
Les deux amies (Xavier de Montépin). .......... 296
Jean Canada (Raoul de Navery) 298
Le Juif Ephraïn (Raoul de Navery) 298
Le double louis d'or (Auguste de Barthélémy) 299
Jules Darbelle (J. d'Arsac) 390
La Pupille d'Hilarion (Mlle Marie Maréchal) 300
Histoire d'une corbeille de noce (Etienne Marcel) 302
Le Chemin de Damas (le général Amhert) 303
Les Contes d'Auteuil (Charles Deslys) 304
Les Lis rouges (Charles Dubois) 304
Escenas de la vida pagesa (JoagtMm Riera 7/ Berfmn 161
Bibliotcca délia Gioventù italiana 159
Ouvrage» pour la jeunesse. Biblioteca délia Gioventù italiana. 159
Journal de la jeunesse, 1878 484
Aventures et mésaventures du baron de Mimclihausen (J, Levoisin). 484
Les Pilotes d'Ango (L. Cahun) 484
Grand Cœur (Ze'naïde Fleuriot) 486
Cousine Marie {Julie Gouraud) 487
Montlucle Rouge (2° partie) (A-^sso/Za/i?) 487
Le Neveu de l'oncle Placide (J. Girardin) 488
L'Héritière de Vauclain (Mme Colomb) 489
Le Charmeur de serpents (L. Rousselet) 489
Mœurs et caractères de? peuples (R. Cortambert) 490
La première aventure de Corentin Quimper (Paw/ Fei;a/) .... 491
Le Fils du maquignon (la vicomtesse de Piiray) 492
La Maison modèle (Marie Maréchal) 493
Les Vacances d'Elisabeth (Mlle de Martignat) 493
Le Secret de Laurence (Mme de Sfo/0) 494
En quarantaine (Mme de Witt) 494
Le petit marquis de Carabas (vicomtesse de Pitrf) 496
Histoires d'enfants à l'usage des salles d'asile et des écoles (Gf. Théo-
dore) 534
Histoire et critique littéraire. Essai sur le commencement de
la poésie à Rome. Cn. Naevius (D. de Moor) 30
Nouvelles études sur la littérature grecque moderne {Ch. Gidel). . 141
Un poète latin du onzième siècle. Baudri, abbé de Bourguei), ar-
chevêque de Dol (l'abbé Henri Pasquier) 229
Le Droit et les hommes de loi dans les œuvres de Molière (Louis
Bardé 248
Histoire de Montesquieu (Louis Vian, préface d'hd. Laboulaye) . . 344
Eloge de Buffon (Narcisse Michaut^ précédé d'une notice de Emile
Gébhart) 342
Roman et patois (Louis de Combeties-Labourelie) 225
Hamlet le Danois (A/eicandre Bwc/mer) 231
Délia vita e délie opéra di Antonio Urceo dette Codro (Carlo Malgala) 232
Kpistolaires. Lettres de M"* Aïssé à M™^ Calandrine (publiées par
A. Piedagnel) o09
I»olygraphes. œuvres choisies de D. Diderot (Paiti AZ6er<) ... 251
— S67 —
Œuvres diverses de Jules Janin (publ. par A. de la Fizelière) . . 510
Mélanges. Une gerbe : Fleurs cueillies dans les œuvres de M. Louis
Veuillot 161
Feuilles volantes (Ch. Louvet) 233
Petites lectures du foyer chrétien (JT. J***) 248
Jours de solitude {Octave Pirmez) 346
Petits portraits {Théophile d'Antimorre) 249
Lectures extraites de divers auteurs (F. B. Gallon) 250
Le Livre final de l'épopée des âges (Ze chevalier de Maynard). . . 252
HISTOIRE.
Géographie et voyages. Topographie des voies romaines de la
Belgique {Qamille Van Dessel). . . .^ 147
Géographie militaire If^' et 2* fasc. . .' 348
Géographie de l'Algérie (0. Niel) 350
Itinéraire descriptif, historique et archéologique de l'Orient (le B'
Emile Isambert) 233
Rei?e nach der grossen Oase El Khargeh in der libyschen Wiiste
{Heinrich {Brugsch-Bey) 432
La Suis'e (J. Gourdault) 511
Histoire du mont Blanc et de la vallée de Chamonix (H d'Arre,
préface de François Jf^ey) 534
Rome et ses monuments (/e c/ianoine de B/eser) 34
La Hollande pittoresque, le cœur du pays. Voyage dans la Hollande.
méridionale, la Zélande et le Brabant (ff. Bavard) 251
La Hollande {Edmondo de Amîcis, trad. de Fréd. Bernard). . . . 536
Constantinople (Edmond de Amicis. trad. de Mme J. Colomb) . . . 535
La Kabylie et le peuple kabyle {le R. R. Joseph Dugas) 64
Pékin et l'intérieur de la Chine (Cie Julien de Roehechouart) . . . 537
Aux Antilles {Victor Meigna7i] 358
Le Pôle et l'Equateur {Lucien Dubois) 234
Dernier journal {Livingstone) (publié par Belin de Launay) . . . 495
Dix-huit mois dans l'Amérique du Sud, le Brésil, l'Uraguay, la
République Argentine, les Pampas et Voyage au Chili, par la
Cor dillève des Andes {le comte Eugène de Robiano) . . . . . . 162
Histoire ecclésiastique. Histoire de Pie LX, son pontificat et
son siècle T. II (ra66é A. Pow^eots). 497
La Captivité, de Pie FX, histoire des huit dernières années de son
pontificat (Alex, de Saint-Albin) 498
Histoire de Pie IX le Grand et de son pontificat 498
Vie intime et édifiante de Pie IX le Bien-Aimé {le R. R. Huguet). . 499
Pie IX {Louis Veuillot) "... 500
Pie IX avant et pendant son pontificat {Ikibhé Dumax) 500
Le Pape Pie IX et l'empereur Napoléon III {l'abbé Marty) .... 500
Vie du pape Pie IX, ses œuvres et ses douleurs (S. P. Tardirel). . . 500
Hagiologie. Historiée seu vitse sanctorum {Surius) 306
Saint Biaise. Son histoire, son culte et son insigne relique dans
la basilique du Sacré-Cœur de Parav-le-Monial {l'abbé L. Gau-
they) ' 307
Sainte Monique, modèle et patronne des mères chrétiennes {Vabbé
Adolphe Legoupils, publ. par l'abbé Eugène Soyer) 308
Saint Patient, évêque de Lyon, et l'Eglise de Lyon à la fin de la
domination romaine dans la province Lyonnaise {l'abbé L. S.
Tatu) 309
Histoire de sainte Geneviève, vierge et patronne de Paris et de son
culte 309
— :)68 —
Sainte KadegondeùSaix, pages d'iiisloire locale {l'abbé D. Leroux). 310
Saint Hubert, sa légende, son histoire (Josef)/i Bemarteau). . . . 311
Yic de saint Lamberi {Joseph Bemarteau) 437
Saiote Elisabeth de Hongrie (/e comte de Mo/îîa/em6er^) 513
Histoire de sainte Solange (ra66ê Joscp/i Bernard) 311
Vie intime de saint Anselme au Bec (/e R. P. Ragey) 312
Reliques des trois tombeaux de saint Bernard, de saint Malachie,
de saint Eutrope et autres martyrs {l'abbé Charles Lalore) . . . 313
Vie de saint Anthelrae, septième prieur de la Grande-Chartreuse
{Vabbé A. Marchai) 313
Vie de saint François d'Assise {l'abbé H. Cazalis) 314
Saint Vincent Ferrier à Lyon (Z'a66é iïf. Bernard) 31o
Sainte Jeanne de Valois et l'ordre de l'Annonciade {l'abbé Eébrard). 315
Les Dominicains en Amérique {le R. P. Marie-Augustin Roze) . . 316
Un nouveau docteur de l'Eglise, saint François de Sales, évoque et
prince de Genève 317
La Philothée de saint François de Sales. Vie de Mme de Charmoisy
{Jules Vuy) 318
Histoire des capucins de Flandre. T. I • . . . 319
Vie du vénérable Gérard-Marie Majella . . . . • 320
La Vie admirable du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît Labre
{Léon Auhineau) 320
Notice sur M. Tabbé Charles Jonquet (rû66éF/eurj/) 321
Histoire de Mme Bnat (rat6é Bau/iard) . . 321
Histoire de Mme Duchesne, religieuse de la Société du Sacré-Cœur
de Jésus (ra66é Baunard) 322
Vie de M. Pierre Aumaître (raôôé Léandre PoîYom) 323
Philibert Simon, missionnaire en Mantchcurie {l'abbé Emile
Briand] 324
Le Pénitent breton, Pierre de Kériolet {Hippolyte Le Gouvello) . . 39
Le saint homme de Tours {Léon Aubineau) î>39
M. Léon Hubert, docteur en médecine, séminariste et prêtre de
Saint-Sulpice 32o
Hérésies. Les Albigeois devant l'histoire {Mathieu Wilche). . . . 537
Histoire ancienne. Essai sur l'éphébie attique {Albert Dupont) . 37
Dodone et ses ruines (Constantin Carapanos) 38
Essai sur l'administration des provinces romaines sous la Répu-
blique (E. Person) 352
Histoire des Romains {Victor Duruy) 483
Le Sénat de la République romaine (P. Willems) 352
De la Constitution et des magistratures romaines sous la Répu-
blique {Albert Dupond) 332
Ldi Femme TomaiïH'. {Mlle Clarisse Bader) 134
Cartilage and the Carthaginiaus (R. £osti'orf/i SrnzYA) 433
Histoire du moyen àget Histoire du moyen âge {le R, P. Paul
Mury) 454
Une question d'Orient au moyen âge {Emile Van den Bussche) . 102
Histoire moderne. Histoire de la guerre de Trente-Ans (E. Char-
vériat) 440
Questions contemporaines. Brève esame dell' opuscolo del
sac. Curci : Il moderno dissidio tra la Chiesa e l'italia .... 450
Lettres d'un rural (Ze vicomte de SarcMs) 64
Le Centenaire de Voltaire 248
Voltaire à l'Exposition universelle 249
La Parole est à Jeanne d'Arc 336
Paris et le radicalisme (Rawzes) 540
Résurrection merveilleuse en 1877 de Michel de Notredame, mort
en 1566 63
Histoire de France. L^ Philosophie de l'histoire de France {Robert
Fliut, traJ. de Ludovic Carrau) 514
Histoire de France. T. \ el \l (Edmond Demolim) ...... 436
Brunehaut (Lucie/i DoMÔ/e) 516
Saint Louis [H. Wallon) S17
Anecdotes historiques, légendes et apologues d'Etienne de Bour-
bon, dominicain du treizième siècle (A. Lecoy de La Marche) . io2
Histoire de Bayart (A. Prudhomme) 485
Le Chevalier de Jant [Jules Tessier) 518
Actes et correspondance du connétable de Lesdiguières. T. I {le
comte Douglas et J. Roman) .... » 153
Histjire de Turenne (L. Armagnac) 486
Mémoires de Charles Perrault (Paul Lacroix) 236
Mémoires de René-Pierre Nepveu de la Manouillère. T. Il (l'abhé
Gustave EsnauU) 44
Histoire de France depuis 1789 jusqu'en 1808 (Guùoi) 484
Les Massacres de septembre [Georges de Cadoudal) 63
Fouquier-Tinville (Louis Teste) 357
Madame E'.isabetli devant le Tribunal révolutionnaire [Maxime de la
Rocheterie) 357
Scènes et portraits de la Révolution en Bas-Limousin [le comte
V. de Seilhac) 441
Maret, duc de Bassano (le baron Ernouf) 519
Enfermé dans Paris. Journal du siège, du 2 septembre 1870 au
28 janvier 1871 [N. Sheppard) 339
Les Convulsions de Paris. T. l [Maxime du Camp) 45
Histoire relîg-îeuse, politique et civile. Les Evoques et
Archevêques de Paris [le vicomte G. d'Avenel) 237
Histoire de renseignement primaire avant 1789 dans les com-
munes qui ont formé le département du Nord [le comte de Fon-
taine de Resbecq) 154
Etudes sur l'industrie et la classe industrielle à Paris aux treizième
et quatorzième siècles [Gustave Fagniez) 328
Histoire des corpoi-ations françaises d'arts et métiers (J.-P. Ma-
zaroz) /■ 238
Nos gloires nationales, grands hommes et grandes journées. . . 488
Une famille au seizième siècle (C'/î . de 7îi6&e) 521
Le Livre de famille [Ch. de Ribbe) 521
Les Régiments françai'?, etc 538
Histoire des provinces. Collection des principaux cartulaires du
diocèse de Troyes. T. U et III (Vabbé Lalore) 47
Le Comté de Clermont en Beauvaisis (le comte de Luçay) 46
La Tarentaise historique (Vabbé Vont) 357
Le Pays. — Polignau et Comminges, leur passé, leur présent
(D.Dufor) 163
Histoire étrangère. Précis d'histoire nationale de Mgr A.-J. Na-
mèche [J.-J. D. Swolfs) 156
Cronicque contenant l'esiat ancien et moderne du pays et conté de
Namur [le comte de Limminghe) 240
Histoire d'Oudenbourg (E. Feys et D. Yan de Casteele) 442
History of the English people (Jo/m/?î'c/ia?'d Green) 48
Memoirs of the, Right Honourable William, second viscount Mel-
bourne [W. M. Torrens) 57
Lord Palmerston, sa correspondance intime, etc. [Augustus
Crave7i) 523
Léopold 1er et Léopold H, ro'is des Belges (T/iéodore Jusie) 524
La Princesse d'Eboli [Gaspar Muro, précédée d'une lettre préface de
Canovas del CastiUo, trad. de Alfred Weil) 51
Histoire de la Charité à Rome [Léon Lallemand) 157
Histoire de la Russie depuis les origines jusqu'à l'année 1877 [Alf.
— 570 —
Rambaud) SI
Rome et Démétrius (Ze P. Ptcr^mg) 150
Liste des évêques et des supérieurs de couvents ue l'Eglise russe
(Paul Stroîev) » 444
Les Ducs de Savoie aux quinzième et seizième siècles (Charles Buet) 240
Histoire du Brésil français au seizième siècle (P. Ga^are/) 53
Carias de Indias 243
The Metallic History of the United States of America (J. F. Loubat
et Jules Jacquemart) 440
China. A history of the laws, raanners and cusioms of the people
(John Henry Gray) 50
I%obIesse. Liste et blasons des chevaliers de l'Annonciade apparte-
nant an duché de Savoie (le comte Amédée de Foras) 264
A.rchéoIogie. Les Ages de la pierre (John Evans, trad. de E. Barbier). 143
Le Papyrus funéraire de Soutinès (Guieysse et E. Lefébure. ... 35
Des lieux consacrés à l'administration du baptême [l'abbé J. Corblet). 146
IVumismatique . La Monnaie dans l'antiquité (François Lenormant). 40
Numismatique antique (W. Froehner) 42
Numismatique, de l'Orient latin (Gustave Schlumberger) .... 52
Les Monnaies rovales de France depuis Hugues Capet jusqu'à
Louis XVI (//. Hoffmann) 528
Histoire numismatique de Henri V et de Henri VI, rois d'Angle-
terre (F. de Saulcy) 528
Mélanges. Nouveaux éloges historiques (Mignet) 244
La Papesse Jeanne (Charles Buet) 538
Les Femmes it ans la société çhiétienne (i)an<ier) 522
D'un siècle à l'autre, 2e partie (J. B. G. Galiffe) 354
Vieilles maisons et jeunes souvenirs (Henri dldeville) 65
Au service du pays (fi. P. Chauveau) 490
Souvenirs d'un officier de chasseurs à pied (/?. P. Chauveau) . . 538
Biograpliie. Histoire des uns et de? autres (£^ie JBerfftcf) .... 66
Christophe Colomb (le comte Roselly de Lorgnes) 529
Etude sur Nicolas de Grouchy et son iils Timothée de Grouchy, Sr
de ]b. KmèreAle vicomte de Grouchy et Emile Travers ) .... 244
Mgr Dupanloup, biographie et souvenirs (/. Hairdet) 539
Mgr de Ladoue, évèque de Nevers (Mgr To/ra de Borrfas) .... 359
La Jeunesse de Lord Beaconsfield (Victor Valmont) 540
Joseph de Cissey 06
Bibliographie. Manuel du libraire et de l'amateur de livres T. 1
(P. Deschamps et G. Branet) 61
Catalogue des incunables de la bibliothèque de Toulouse (le Dr Des-
barreaux-Bernard) 446
Bibliothèque liturgique (Anatole Aies) 245
Bibliotheca Americana (Ch. Leclerc) 448
Las Bibliothecas europeas y algunas delà America LHtiaa{Ftce7i<e
G. Quesada) 138
Transactions and proceedings of the conférence of Librarians
Edward B. Nicholson et Henry R. Tedder) 61
TABLE DES AUTEURS
A*»* (l'dbbé) 416 Albert (l'abbé N.) 413
AcY (E. d') 503 Albert (Paul) 251
Accolas (Emile) 25 Alès (Anatole) 245
Aïssk (Mlle) 509 Ambert (le général) 303
571
Amicis (Edmondo de). . . S35 b36
Antimorre (Théophile d') . . . 249
Antully (Alberic d') * . . . . 201
Armagnac (L.) 486
Absac (J. d') 300
Arve (A. d') 534
ASSOLLANT (A.) 488
AuBiNEAU (Léon) 320 539
AuDEVAL (Hippolyle) 11
AuGÉ DE Lassos . 492
AuziAS 531
AvENEL (le vicomte G. d') . . . 237
Bader (Mlle Clarisse) 134
Bailly (J.) 206
Barbier (E.) 143
Babde (Louis) ........ 248
Barthélémy (Auguste de) . . . 299
Badnard (l'abbé) 321 322
Bauqcier (Joseph) 186
Bayle (l'abbé) 119
Baylot (le R. p.) 414
Beaussire (Emile) 322
Belano (Mgr Antonio Maria). . 420
Belet (l'abbé P.) 329
Belin de Launay 495
Bellune {l'abbé de) 411
Bernard (Frédéric) 537
Bernard (l'abbé Joseph). ... 315
Bernard (l'abbé M.). ..... 315
Berthet (Elle) 64
Blanchemain (Prosper) 85
Bleser (le chanoine de). ... 36
Block (Maurice) 532
Boden (Mme Dorothée de) . . . H
BoNADiER (Léon) ....... 203
BoNNADD (Paul) 20
BoswoRTH Smith (R.) 433
BoDCHÉ DE Belle (A.) 337
BoucHET (Isid.) 410
BouiLLiER (Fr.) , 401
BOURDALOUE 419
BODRGET (P.), 195
Brévans (A . de) 492
Briand (l'abbé Emile) 324
Brugsch-Bey (Heinrich) .... 435
Brunet (Gustave), 61, 137, 378,
374 475
Buchner (Alexandre) 231
Buet (Charles) 240 538
Buisson (F.) 427
Cadoudal (Georges de) ... . 63
Cahdn (Léon) 486
Camp (Maxime du) 45
Canovas de Castillo 51
Carapanos (Constantin) .... 38
Carrau (Ludovic) . 514
Carré (A.) . 248
Castro (Guillem de) 507
Caussette (le R. P.) 123
Caowès (Paul) 26
Cazalis (l'abbé H.) ..... . 314
Champeau (le R. P.) 356
Chandeneux (Claire de). . . 18 19
Chanteau (Albert) ♦ . 206
Charraux (A-) 204
Charvériat (E.). ..*..., 440
Chauffard (E.) 387
Chauuont ('abbéH.) . . . 417 418
Chautard (Henny) ...... 203
Chadveau (le P.) 490 538
Chevredl (Henri) ^8^ 278
Clair (l'abbé) 119
Claretie (Jules) 19
Claudin (N.) 453
Clément (Ambroise) 218
COLLIN (P.) ■ . 205
Colomb (Mlle) 489
Colomb (Mme J.) 535
Combettes-Labourelie (Louis de) 225
Compayré (Gabriel) 116
CoNiL (Pierre) ........ 215
CoNNY (Mgr de) ....... 533
CoppÉE (F.) 195
Corallo (l'abbé Vito) 424
CoRBLET (l'abbé J.) 146
CoRLUY (le R. p. J.) 325
Cortambert (R.) 490
Craven (Augustus) 523
CuvELHiER (P. Michaele). ... 417
Damanet (le P. Auguste). ... 127
Dantier (Alph.) 522
Dasent (S. W.) 13
Daudet (Ernest) 520
Defrecheux (Nicolas) 227
Delaunay (D.) 106
Delon (Ch.) 485
Delsol (J. J.), . 501
Demarteau (Joseph). . . .311 437
Demolins (Edmond) 436
Desbarreaux-Bernard (le Dr). . 446
Deschamps (A.) , . 219
Deschamps (P.) 61
Didier (Edouard) 294
Double (Lucien) 516
Douglas (le comte) 153
Dubois (Charles) 30i
DuROis (Lucien) 234
Duchesne de Saint-Leger . . . 407
DuFOR (D.) 163
Dugas (le R. P. Joseph) .... 61
Dugat (Gustave) 332
Dcmax (l'abbé) 500
DuPANLOup (Mgr) 417
DupoND (Albert) 352
Dupont (Albert) 37
Dupont-White 337
Duquesnoy (l'abbé Ferd.) . 111 398
Duras (Mme de) 519
DuRUY (Victor) 483
ËRNOUF (le baron) 519
EsNAULT (l'abbé Gustave) , , . 44
EvA.Ns(John) 143
EzERviLLE (l'abbô F. .1. d'). . . 163
Fabre (Jose])b) 103
Faguiez (Gustave) 238
FAi\roLi (l'abbé Andréa). . . . 421
Fauconnier (E.) 247
FiYET (A.) 197
Féciitrup (Berribard) 327
Félix (le R. P.) • • • • 130 419
Fénelon 417
Ferrante (Mgr Aniceto) .... 422
Ferraz 112
Ferré (Mgr Pierre-Marie) . . . 107
Ferreri (l'abbé Severino) . . . 424
Fertiault (Mme Julie) .... o31
Feuillet (Octave) 289
Féval (Paul) 491
Feys (E.) 442
Figuier (Louis) 533
FizELiÈRE (A. de la) 510
Fleuriot (Zénaïde) 486
Eleury (l'abbé) 321
Flint (Robert) 514
Foerster 507
Fontaine de Resbecq (le comte
de) 154
Foras (le comte Amédée de). . 526
FoRESTiÉ (Edouard) 534
Forestier (Paul) 9
Fouillée (Alfred) 530
FouRNEL (le p. H. G.) 159
FOURNEL (V.) 251
Fournie (le Dr Ed.) 392
Fourrière (l'abbé) 409
France (Isabelle) 12
Franck (Ad.) 97
Froehner (W.) 42
G"* (H.) 248
Gaffarel (P.) 53
Galiffe (J. B. G.) 354
Gallavresi (Luigi) 62
Gallon (F. B.) 250
Gauthey (l'abbé L.) 307
Gauthier (E.) 206
Gautier (Léon) 356 513
Gavart (A.) 495
Gebhardt (Oscar de) 121
Gebuart (Emile) 342
Gidel (Ch.) 141
Ginestët (l'abbé) 412
GlRARDlN (J.) 488
GouRAUD (Julie) 487
Gourdault (Jules) 511
Grandmongin (Ch.) 201
Gras (l'abbé Gabriel) 406
Gray (Johu Henry) 56
Green (John Richard) 48
Grkville (Henry) 293
Grou (le R. P.) 408
Grouchy (le vicomte de). . . . 244
Gruyer (Gustave) 430
Guéranger (le R. P. Dom Pros-
per) 425
GuiBÉ (le R. P.) 247
Guichard (Victor) 131
guieysse 35
Guizoï 483
Hairdet (J.) 539
Harlez (E. D.) 328
Harnach (Adolf.) 121
Havard (H.) 251
Hkurj\rd (l'abbé) 315
Hei'H (Al.) 202
Hoffmann (H.) 528
Holtzendorff (Fr. von) .... 212
Hugo (Victor) 193
Huguet (le R. P.) 499
Ideville (Henri d') 63
IsAMBERT (le Dr Emile) 233
IsoARD (Mgr) 328
Jacquemart (Jules) 446
Janet (Paul) 109 114
Janin (Jules) 510
Joly (H.) 390 400
JOUHAM (E.) 206
JONHAM (S.) 164
Juste (Théodore) 524
Koenig (le Dr Edouard) .... 29
La Beaume (Jules) 208
Laboulaye (Ed.) 344
Lacroix (Paul) 236
La Fayette (Mme de) 142
Lallemand (Léon) 137
Lalore (^l'abbé Cbarles). . . 47 313
Lambel (Ilans) 226
Lamber (Juliette) 18
Lambert (le baron de) 389
Larchet (J.) 203
Larchey (Lorédan) 140
La Rochëterie (Maxime de) . . 357
La UN (le Dr Adolf.) 431
Leclerc (Ch.) 448
Lecoy de La Marche (A.) ... 152
Lefébure (E.) 35
Legoupils (l'abbé Adolphe) . . 308
Le Gouvello (Hyppolyte) ... 59
Lennig (Franz) 408
Lenormant (François) 40
Leroux (l'abbé D.) 310
Lescœur (C.) 330 501
Lescure (M. de) 509
L'Estoile (Pierre) 291
Levavasseur (Gustave) 341
Levoisin (J.) 484
Leymerie (A.) 136
LiARD (Louis) 117
LiMMiNGHE (le comte de). . . . 240
LiVINGSTONE 495
LouBAT (J. F.) 446
LouDUN (Eusène) 132
LouvET (Ch.y 233
LoYSEAU (Jean) 201
LuBKE 223
LuçAY (le comte de) 46
Lyon-Caen 65
Mabire (l'abbé) 408
Magliano (Fr. Panfilo de) . . . 421
Magy (F.) 394
Maigne 28
Malagola (Carlo) 232
Malo (Hector) 22
Manning (Mgr) 421
Marcel (Etienne) 302
Marchal (l'abbé A.) 313
Marc-Monnier 109
Maréchal (Mlle Marie). . . 300 493
Marillac (Michel de) 207
Martignat (Mlle de) 493
Martin (l'abbé) 411
Marty (l'abbé) oOO
Maynard (le chevalier de) . . . 2.i2
Mazaroz (.J. P-) 238
Meignan (Victor) 338
Méliton-Martin 433
Mérian 397
MÉRic (E.) 387
MicHAUT (Narcisse) 342
Michel (Jules) 532
MlGNET 244
Mirabeau (Mme la comtesse de) 9
Molle (E.) 223
Mo.NCEL (Maurice de) 204
Monfat (le p. a.) 430
MoNSABRÉ(le T. R. P.) . . . . 426
MoiN'TAiGLON (Anatole de) ... 181
MoNTALEMBERT (le comte de). . 313
MoNTÉGUT (Eiuile) 13
MoNTÉpiN (Xavier de) 296
MooR (D. de) 30
MORTREUIL (E.) .'^77
MuNTZ (Eugène) 429
MuRO (Gaspar) 31
MuRY (leR. P. Paul) 454
Nardis (Mgr Pasquale de) . . . 424
Navery (Raoul de) . . . • . . 298
NicuoLsoN (Edward B . ) .... 61
NiEL (0.) 330
O'Neddy Phi Jetée) 206
Palau (Melcior) 508
Pasquier (l'abbé Henri) .... 229
Pays (A. J. du) 306
Pêrier(A.). 493
Person (E.) 332
Pichenot (Mgr) 431
iJ/O — ■
Pidagnel (A.) 309
Pierling (le p.) 150
Pierron (It-col.) 304
PlLATE(F.) 204
PiLLoN (F.) 397
PiRMEz (Octave) 348
PiTRAY (la vicomtesse de) . 492 496
Plasman (L. de) 409
Poitou (l'abbé Léan-ire) .... 323
Pons (A.-J.) 207 224
Pont (l'abbé) 337
Postel (V.) 138
PouGEois (l'abbé A.) 497
Prudhomme (A.) 483
Quesada (Viceute G.) 138
Ragey (Je R. P.) 312
Rambaud (Alf.) ol
Rameau 51
Rames 340
Ragnaud (Gaston) 182
Renaud (Alphonse) 160
Rknouvier (Ch.) 397
Revoil (Paul) 202
Ribbe (Ch. de) 321
Ribot (Paul) 221
Richebourg (Emile) 293
Riera Y Bertran (Joaquim) . . lOl
RoBiANO (le comte Eugène de), 162
Rochechouart (Julien de) . . . 337
Roman (J.) 133
RosELLY DE LoRGUES (le comtc). 329
Rothschild (James de) ... . 181
ROUSSELET (L.) 489
RozE (le R. P. Marie Augustin). 316
Saint-Albin (Alex, de) ... . 498
Sales (saint François de) 122.
417, ' 418
Salmon (l'abbé F. -R.) 23
Santé Pieralisé . 122
Saporta (le comte de) 301
Sarcus (le vicomte de) .... 64
Sarraut (Orner) 135
Saulcy (F. de) 528
ScuEEBEN(le R. P. J.) 329
SCHLUMBERGER (GustaVC). ... 52
Ségalas (Mme Anaïs) 22
Segondy (F.) 24
Seilhac (le comte V . de) . . . 441
Sheppard (H.) 359
Simonin (L.) 338
Sommervogel (R.-P.) 375
SoYER (l'alDbé Eugène) .... 308
Spinoza 109
Stolz (Mme de) 494
Stroïev (Paul) 444
Sully-Prudhomme 196
SuRius 306
Surville (André) 21
SwoLFs (J.-J. D.) 156
574
Taine (H.) 102
Tamizey de Larroque (Ph.). 108, 280
TardirelCS.-?."» 500
Tatu (l'abbé L. -S.) 309
Tedder (Henry (R.) 61
Tessier (Jules) 518
Teste (Louis) 357
Thausing (Moriz) 430
Théodore (G.) 534
Theuriet (André) 15
Thiry (Fernand) 128
Thiry (J.) 160
Tolra de Bordas (Mgr.). ■ . . 359
Torino (P. Antonino da). . . . 424
T0RRENS(W.-M.) 57
TosTi (Dom Luigi) 410
Travers (Emile) 244
ToRCAN (l'abbé) 125, 420
Vallaurii (Thomse) 434
Valmont (Victor) 540
Valroger (Hyac. de) 102
Van de Casteele (D.) 4i2
Van denBussche (Emile). ... 162
Van der Laat (E.) 533
Van Dessel (Camille) 147
Variot (l'abbé Joseph) 120
VÉBÉ(L.). 204
Verdaguer (Jascinto) 508
Veuillot (Louis) .. 198, 412, 500
Vian (Louis) 344
ViNCENY (Jacques) 17
ViNGTRiNiER (Aimé). . . .182, 279
VioN (E.) 203
VoY (Jules) 318
Wallon (H.) 517
Wangnerech (P. -H.) 450
Weii. (Alfred) 51
Weil (R.) 250
Weil (W.) 250
Wey (Francis) 534
WlLLEMS(P.) 352
WiTCHE (Mathieu) 537
WiTT (Mme de) 483, 494
Zahn (Théod.) 121
Zola (Emile) 13
TABLE DES
Les Bibliothèques aux Etats-Unis,
par M. J. Vaesen, 66. — M. Ber-
trand etl'association scientifique de
France, par M. H. A. Mazard, 69.
— L'Etat actuel de la presse an-
glaise, par M. F. de Bernhardt, 252.
— Petit supplément à la bibliogra-
phie moliéresque, de M. Paul La-
VARIETES
croix (Bibliophile Jacob), par M. J.
Bauquier, 261. — La Littérature
française en Espagne 1874-1878,
par M. X"*, 264, 455. —L'Expo-
sition de la Bibliothèque nationale,
par M S., 359. — Bibliographie
des Noëls, par M. Gustave Brunet,
457, 540.
TABLE DE LA CHRONIQUE.
Nécrologie : Albbier (Albert), 551. —
Aleardi (Aleardo), 175. — Arnaud
[de l'Ariège], (Frédéric-André), 75.
— Babou (llippolyte), 467. —
Barni (Jules-Romain), 169. — Bazin
(François-Emmanuel-Joseph), 169.
— Bourgeois (l'abbé Louis), 165, —
Bryant (William-Cullen), 78. —
Bucaille (Paul), 78. — Cantel
(Henri), 75. — Chareton (le géné-
ral), 78. — Charpentier (Jean-
Pierre), 273. — Cheverondier, 468.
— Dacas, 370. — Dallet (l'abbé),
273. — Delafosse (Gabriel), 467.
— Denfert-Rochereau (Pierre-Ma-
rie-Phil. -Aristide), 76. — Descat
(Constantin), 468. — Desjardins (le
R. P. Eugène), 73. — Desvignes
DE SuRiGNY (Pierre-Marie-Alfred),
172. — Drocineau (Gustave), 73. —
DuFFUs-H.ARDY (sir Thomas), 274,
— Dumortier (Barthélémy-Charles),
170. — Dupanloup (Mgr Félix-Ant.-
Philibert), 462.— DuPLAN(Paul), 79.
— Duval (Pierre-Sophie-Léon), 532.
— Ferry (Maxime de), 274. —
Forgeais (Arthur), 468. — Fortin
(l'abbé F. J. F.), 76. — Foville
le D' Achille Louis de), 168. —
Garcin de TAssY(Joseph-Héliudore-
Sagesse- Vertu), 366. — Garmer-
Pagès (Louis-Antoine), 548. — Gas-
TiNEAU (Octave), 274. — Gaultier de
Claubry (Henri-François), 171. —
Gédéonov (Etienne), 468 . — Gères
(le vicomte Jules de), 552. — Go-
BiLLON (René-Louis), 174. — Grimm
(A Th.), 553. — Grouhel, 274.—
Gothlin (l'abbé), 367. — Gutierrez
(Jean-Marie), 274. — Guys (Henri),
174. — Hart, 274. — Hermann,
274, — Hœfer (le D^ Jean-Chris-
t'an-Ferdinand), 545. — Herwath
(Mgr Michel), 367 . — Jacob [Erdant]
(André-Alexandre), 369. — Joh.ns-
TONE (James), 468.— Joly (Maurice),
— b75 -
174, — KovALEvsKi Joseph), 554.
— Khanykov (Nicolas), 554. —
Lamarque (Jules de), 550. —
L.ARIVIÈRE, 468. — I.ATOUCHE (l'abbé
Robert-Auguste), 272. — Laurier
(Clément), 371. — Laussedat (le
Dr Louis), 170. — Lavallée (Joseph-
Adrien-Félix), 173. — Lebert (le
Dr Herman), 368. — Leharivel-
DoROCHER (Victor-Edmond), 551. —
Lelièvre (Raoul-Henri), 274. — Léo
(Henri), 171. — Lemerye (Al.), 550.
— Lisle (Ambroise-Philippe De),
552. — Lot (Henri), 368.— Lucas
(Julien - Joseph - Hippolyte), 547 .
— Mac Gahan, 78. — I\LiC Guckin
(William), 365. — Maissiat (Jac-
ques), 76. — Malouet (le baron),
79. — Martin-Daussigny, 274. —
Martin-Doisy (Pierre-Noël), 72. —
Menissier, 468. — Monforand (de,
78. — Moreau de Jonnès (Alexan-
dre), 173.— Naddet (Joseph), 271.
— Nicolas (Marins), 468. — O'Quin,
274. — Pageot (Joseph-Yves), 371.
— Palatre (le R. P. Gabriel), 367.
— Pape-Carp entier (Mme Marie),
172. — Petel, née Marie-Alexan-
dre Dumas (Mme), 468. — Pocquet
(Barthélémy), 274.— Poirré rie R. P.
Félix), 368. — PoLÉxov (Dimitri),
554. — Renouard (Augustin-Char-
les),271. — Roidot-Déléage (Jean),
349. — Rokitanski (Ch.), 274. —
Rolland (Eugène), 78. — RoussELde
pasteur Napoléon), 77. — Russell
(Lord John), 76. — Rustovv (le co-
lonel Guillaume), 369. — Saint-
Albin (V. de), 274. — Strutynski
(le comte Julien-Xavier), 77. —
Taillard (Eugène-François-Joseph),
167. — Terret (le R. P. Régis),
368. — Thibault de La Guichar-
DiÈRE (Mlle Fanny), 78. — Todnens
[Orèlie-Antoine l" (de), 370. —
Tricotel (Edouard), 74. — Valette
(Cl. D. Aug.), 72. — Valroger
(l'abbé Achille-Charles de), 551.-
Vibraye (Guillaume - Marie - Paul -
Louis Hurault, marquis de), 166. —
Villeneuve -Akifat (le marquisTris-
tan de), 548.
Institut, 79, 175, 274, 371, 469,555.
Collège de France, 275, 469.
Observatoire de Paris, 79.
Faculté des lettres, 79, 275, 555.
Ecole de Droit, 276.
Ecole des chartes, 556.
Bureau des Longitudes, 275.
Société Bibliographique, 82.
Société de rOrient latin, 82.
Société des vieux textes russes, 178,
470.
La Gœrresgesellschaft, 186, 373.
Concours, 81, 178, 276, 373.
Congrès, 79, 276.
Le Congrès des Orieutalistes, 37 1,556.
Le Congrès géologique internatio-
nal, 371.
Association des bibliothécaires an-
glais, à Oxford, 469.
Lectixres faites aux Académies, 85,
179, 277, 374, 471, 556.
Mélanges philologiques et littéraires :
Nouvelles interprétations d'unfrag-
ment d'Ulpien, 185. — Recueil de
poésies françaises des quinzième
et seizième siècles, 181. — L'Acte
de décès de la Grange-Chancel, 85.
— Poésies inédites de l'auteur des
Philippiques, 375. — Découverte
d'un écrit contre Bérenger, 475. —
Les Œuvres poétiques de Marie de
Romieu, 85. — Un opuscule de
Charles àfi Neufehaises, 181. —
Deux résurrections littéraires, 182.
— L'Auteur du Combat spirituel,
278. —Une erreur de M, Littré,
185. — L'Inventeur de la photo-
graphie, 476. — Publications dans
l'Inde, 476.
Mélanges historiques : Henri Mar-
chand et le globe terrestre de la
bibliothèque de Lyon, 279. —
Cours d'apologétique à l'Université
catholique de Toulouse, 471. —
Assemblées du diocèse de Castres,
277. — Discours véritable du siège
de Montbard, 278. — Travaux sur
la Réforme et la Ligue, 474. — Le
Maréchal de Bellefonds et le Père
Le Valois, 375. — Le'tres inédites
de M"»e Louise de Francp, 559. —
Livre des adresses de Paris, 559.—
La Chronique bordelaise, 183. —
Chorographie de Provence, 183. —
Collection lyonnaise, 185. — Pla-
quettes gontaudaises, 280.
Mélanges archéologiques ; Un nouveau
manuscrit paléo-slave, 558. — Une
découverte archéologique à Tcher-
nigov, 558. — L'Annuaire de l'Ar-
chéologue, 557.
Mélanges bibliographiques : Histoire
de la Bibliothèque Nationale, 377.
— L'Exposition du département
des imprimés de la Bibliothèque
Nationale, 475. — Exposition de la
Bibliothèque Sainte-Geneviève, 179.
— Le Musée des archives départe-
■..•i7(j —
mentales, 83. — Les Calalogues
des bibliothèques des départe-
ments, 472. — Manuscrits de la
bibliothèque de Salins, 277. — Le
Cataloglie.de la Blbliothècfue «le
Troyes, 86 — La fei'bliographie des
Sociétés savantes de France; 182.
— Livres s'aisis par 'la police dans
les. Hautes-Pyrénées de 1809 à
1820, .184. — Les Bibliothèques
publiques à Londres, 280. — Bi-
iDliographie hongroise, ^ 186. —
Catalogue des manuscrits belges et
hollandais, 556. —, Bibliothèques,
musées, etc., en Grèce, 83. — Biblio-
thèque médicale de Washington,
184. — La librairie américaine, 87.
— Bibliographie de la Chanson de
Roland, 186. — La Bibliothèque
de Voltaire, 84. — La Bibliothèque
du comte Dzialj^nski, 00. — La Bi-
bliomanie en 1878, 474. — Prix
payés à des auteurs pour leurs ou-
vrages, 376. — La Stampa in
Ancona, 187. — Les Livres carton-
nés, 278. — La Vente de la biblio-
* thèque de M. Aipbroise Firmir.-
Didot, 88.
Journaux et revues : la Presse pari-
sienne, 91. — Revue universelle de
la presse catholique, 186. — La
Presse périodique dans la Grande-
Bretagne, 281. — Literarische
Rundschau, 186. — Journaux en
indien, 186. — La Revue histo-
rique et la Société Bibliographi-
que, 86. — Livres mis à l'Iadex,
283.
Revues, livres et journaux, 91, 187,
282, .377, 476.
Publications nouvelle?, 92, 188, 285,
378, 477.
TABLE DES QUESTIONS ET REPONSES.
AUuys (le peintre), 382. — Anciens
poètes français (travaux de
M. Turquety sur les), 478. — An-
dorre (le pays d'), 380, 478. —
Antéchrist (ouvrages sur 1'), 478.
— Asturies (les), 286, 381. — Bé-
vues historiques, 379. — Bible
(Traduction de la), 192. — Bi-
bliothèque du sultan à Constan-
tinople (La), 190. — Cambis (La
collection des manuscrits du mar-
quis de) 94- — Camille Selden,
un pseudonyme à découvrir ,
379. — Cassan (sur le prieuré de)
94, 380. — Catalogues des biblio-
thèques des villes de province (les)
189. — Chypre (Ouvrages relatifs
à rilede), 287,383, 479. — Cigmi
employée comme instrument de
supplice (le), 379. — Clotilde (En-
fance de sainte), 287. — Coysard
(Un livre du P.j, 191.— Croisade
de 1239, 95. — Edith, veuve
d'Edouard le Confesseur (la reine),
287. — Editions d'auteurs classi-
ques mutilées par la censure (A-
t-il été publié à l'époque du pre-
mier Empire des), 381. —
Epigramme dirigée contre Napo-
léon I", 380. — Faydit (sur
l'article) de la Biographie univer-
selle, 95. — Fénelon de Salignac
(Antoine de), 287. — Flamyn
(sur la dame de), 286, 479. — Fré-
déric-Auguste I*"", petit-fils de
Louis XIV, 479. — Genuyt (l'In-
génieur) 380. — Heures de Metz
1478, 287. — Jeudy-Dugour. 380.
— Laqueuiîîe (Les), députés aux
Etats génèiMux de 1789, 95. — Li-
vres des Etats, empires et princi-
pautés du monde (Le)^ 287. —
Louis XVL sa mort fut-elle votée
par la majorité de la Convention?
95. — Martyrs de la Révolution
(les), 96, 190. — Mélusine, 288. —
Mentez mentez, il en restera tou-
jours quelque chose, 380. — Notre-
Dame de Garaisoo, 96. — Notre-
Dame de la Guillotine, 286.
— Orphir signalé dans l'histoire
de Salomon (1'), 382. —Papes
(Pouvoir temporel des), 286, 381.
— Poètes (Quel est le plus fécond
de tous les) ? 93. — Portraits à re-
trouver (Trois), 95, 191. — Por-
traits rares, 190. — Révolution
française (Collections sur la), 94,
287, 381. — Saint-Martin (Un ou-
vrage peu connu du Théosophe)
288, 381. — Sixte IV et les Pazzi
287, 381. — Sociétés de biblio-
philes en France (les), 95. — Sol
marqué (Un), 95. — Tennyson
(Traduction de), 286. — Très-Saint
Sacrement (Congrégation du), 94,
287. — Vallès (Un livre de Jules ,
380. — Vengeur (La fin du), 95,
192. — Verniel (Culte de saint),
287. — Voltaire sur le chevalier
d'Assas (Lettres de), 287.
SAINT-QUE.NTi.N. — IMP. JULES MOURE.VU.
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-icaHÉfe-
2 Polybiblion; revue bibli-
]_007 ographique universelle
P73
t^2-23
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