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Full text of "Polybiblion; revue bibliographique universelle"

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I 


TORONTO  Public  Library 

Référence   Department. 


THIS  BOOK  MUST  NOT  BE  TAKEN    OUT  OF  THE   ROOM. 


MAY  -i  -l  1922 


POLYBIBLION 


REVUE 

BIBLIOGRAPHIQUE   UiNIVERSELLE 


Janvier  1878.  T.  XXII,  1 

^'^x  Z'S 


SAINT-QUENTIN 

I  M  P  H  1  M  K  H  I  K     .It  L  E  S      M  0  T  R  E  A  l' 


POLYBIBLION 


REVUE 


BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 


PARTIE  LITTÉRAIRE 


DEUiiLiÈMii:  se:rie:.  —  tome  SKPra^MK 

(vingt-deuxième  de  la  collection) 


r...  i  '^"' 


PARIS 
AUX    BUREAUX    DU    POLYBIBLION 

35,    RUE    DE    GRENELLE,    35 
1878 


9^73 


-A^teA'=^4- 


MAY  "'^  W) 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 

ROMANS,  CONTES  ET   NOUVELLES 

Œuvres  de  I'aui,  Fkval,  soigneusement  revues  et  corrigées;  Les  Etapes  cl  une  cotiversion. 
Paris,  Palmé,  l8'/7.  In-12  de  270p.  Prix  :  3  fr.  Les  Contes  de  B  retagne  .Puris.VAlmé,  1877. 
In-12de  284  p.  Prix  :  3  fr.  (édition  illustrée,  ia-8  de  300  p.  Prix  :  'J  fr.)  La  Fée  des  grèves. 
Paris,  Palmé,  1877.1n-12  de  3G2p.  Prix  :  3fr.  L'Homme  de  fer.  Paris,  Palmé,  tS77.  In-12 
de  353  p.Pri.K  :  3  fr,  Chdteaupuuvre.  Paris.  Palmé,  1877.  In-12  de  314  p.  Prix  :  3  IV. 
Frère  TrarKiuille.  Paris,  Palmé,  1877.  In- 12  de  412  p.  Prix:  3  fr.  Le  dernier  cheva- 
lier. Pana,  Palmé,  1877.  In-12  de  33G  ç.  Prix  :  3  fr.  La  Belle-Étoile.  Paris,  Lecoffre. 
1877.  In-t8  j.  de  325  p.  Prix  :  2  tr.  La  Reine  des  épées.  Paris,  Dentu,  1877. 
In-18  j.  de  305  p.  Prix  :  3  fr.  —  La  première  tache  de  sang,  par  A.  Labutte. 
Paris,  Dillet,  1877.  In-18  de  280  p.  Prix  :  2  fr.  —  Les  Causes  sacrées,  le  Roi.  par 
Raocl  de  Nwery.  Paris,  Téqui,  1877.  2  vol.  in-18  de  300-310  p.  Prix  :  4  fr.  — 
L'Affiquet  de  la  marr/uise.  par  .\.  de  Barthélémy.  Paris,  J.  Féchoz,  1877.  In-12  de 
230  p.  Prix  :  2  Ir.  i>0.  —  Marcie,  par  Charles  du  Boisha.mON.  Paris,  Téqui,  1877. 
In-12  de  274  p.  Prix  :  2  fr.  —  Le  Secret  du  château  de  Rocnoir,  par  J.  Gondry  do  Jar- 
dinet. Paris,  aux  bureaux  de  VEcoriomiste.  1877.  In-12  de  28i  p.  Prix  :  2  fr.  — 
Pour  la  p(t/ri>,par  Etienne  MarceiT. Taris,  LetlneHéux,  I877.1n-12  de  286  p,  Prix  : 
2  fr.  —  La  Foi  jurve.  par  Raoul  de  Nave^y.  Paris,  C\\.  Blériot.  1877.  In-12  de  295  p. 
Prix  :  2  fr.  —  Lei  Héritiers  de  Judas,  par  Raoul  Dr  NaVERY.  Paris,  Gb.  Blériot^  1877. 
In-12  de  430  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  L'Honneur  du  nom,  par  Gharles  Buet.  Paris. 
Th.  Olmer,  1877.  In-12  de  390  p.  Prix  ;  3  fr.  —  Corbin  et  d'Aubecourt.  par  Louis 
Veuillot.  Paris,  Palmé,  1877.  In-12  de  230  p.  Prix  :  3  fr.  —  Les  Ronces  du  chemin 
par  Claire  or  Chandeneix.  Paris,  Cb.  Blériot,  1877.  In-18j.  de  233  p.  Prix  :  2  fr. 
—  Sabine  de  Rivas,  par  M"*  Maiue  Maréchal.  Paris,  Ch.  Blériot,  1877.  In-i8  j., 
de  27G  p.  Prix  :  2  fr.  —  Jacques  Bernard,  par  M"'  Guerrier  de  Haupt.  Poitiers, 
Oudin,  1877.  In-12  de  325  p.  Prix  :  2  fr. —  Première  et  dernière  dette,  par  M™"  Ga- 
rrielle  d'Arvor.  Paris,  Tolra,  1877.  In-12  de  250  p.  Prix  :  1  fr.  50.  —  Le  Supplice 
d'une  mère,  par  J.  Gondry  du  Jardinet.  Paris,  Palmé,  1877.  In-12de270p.  Prix  : 

2  fr.  —  Nouvelles  et  récils  villar/eois,  par  Jean  Lander,  avec  une  préface  de  M.  Ernest 
Hello.  Paris,  Palmé,  1877.  In-12  de  300  p.  Prix  :  2  fr.  —Marguerites  en  fleur,  avec 
une  préface  de  M.  Krnest  Hello.  Paris,  Palmé,  1877.  In- 12  de  280  p.  Pri^.  :  2  fr. — 
Les  Soirées  du  rhdteau  de  Kerilis.  par  J.  DE  Launav-Overney.  Paris,  Bray  et  Iletaux, 
1877.  In-12  de  400  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Les  Neiges  d'antnn  ;  Légendes  et  Cbroniques, 
par  M"  Julie  Lavergne.  Paris,  Palmé,  1877.  In-12  de  398  p.  Prix  :  3  fr.  —  Les 
Amours  de  l'hilippe,  par  Octave  Feuillet,  de  l'Académie  française.  Paris,  Calmaun 
Lévy,  1877.  In-18  j.  de  340  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Samuel  Brohl  et  C»,  par  Victor 
Cherruliez.  Paris,  Ilacbette,  1877.  In-18  j.  de  330  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Z)ameZ 
de  Kerfoni,  par  Ernest  Daudet.  Paris,  E.  Pion,  1877.  2  vol.  in-12  de  308  et  379  p. 
Prix  :  6  fr.  —  Le.\abab,  par  Alphonse" Da-ddet.  Paris,  Cbarpentier,  1877.  13*  édition. 
In-12  de  508  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Oblomoff,  par  Ivan  Gontcharoff;  Scènes  de  la 
vie  russe,  traduction  de  Piotre  Artamoff,  édition  revue,  corrigée  et  .augmentée  d'une 
notice  sur  l'auteur,  par  Charles  Deulin.  Paris,  Didier,  1877.  In-12  de  298  p.  Prix  : 

3  fr.  —  Œuvres  de  M-  Henri  Gréville  :  Dosia.  Paris,  E.  Pion,  1876.  In- 12  de 
320  p.  Prix  :  3  fr.  L'Expiation  de  Savoli.  Paris.  E.  Pion,  1870.  în-18  de  273  p. 
Prix  :  3  fr.  La  Princesse  Ogheroff.  Paris.  E.  Pion,  1876.  In-12  de  372  p.  Prix  :  3  fr.  50. 
A  travers  champs.  Paris,  E.  Pion,  1870.  In-12  de  300  p.  Prix  :  3  fr.  Les  Kou- 
miassine.  Paris,  E.  Pion,  1877.  2  vol.  in-r2  de  318  et  340  p.  Prix  :  7  fr.  Sonia. 
Paris,  E.  Pion,  1877.  In-12  de  310  p.  Pris  :  3  fr.  La  Maison  deMaurèze.  Paris,  E.  Pion, 
1877.  In-12  de  306  p.  Prix  :  3  fr.  50.  Suzanne  Normis  {le  Roman  d'un  père).  Pans, 
E.  Plun,  1877.  In-12  de  320  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Flora  Bellus>js,  parG.-A.  Laurence; 
traduit  de  l'anglais  par  Ch.  Bernard-Derosne.  Paris, Hachette,  1877.  2  vol.  iu-18j. 
de  275  et  259  p.  Prix  :  2  fr.  50.  —  Sans  issue,  par  Elisabeth  Stuart  Phelps. 
Paris,  Grassart,  1877.  ln-12  de  290  p.  Prix  :  3  fr.  (roman  traduit  de  l'anglais).— - 
Le  Baiser  de  la  comtesse  Savina.  par  A.  CacciaNIGa  ;  traduit  de  l'italien  par  Léon 
Dieu.  Paris,  Hachette,  1877.  In-18  j.  de  252p.  Prix  :  1  fr.  25.  —  Sous  le  grand 
hélre,  iisir  A.  Snieders.  Paris,  Palmé,  1877.  In-18  j.  de  210  p.  Prix  :  2  fr.  — 
Jean  Dagounj.  par  Gii.  Canivet.  Paris,  E.  Pion,  1877.  In-12  de  279  p.  Prix  :  3  fr.  — 
La  Veuve,  par  Louis  Enault.  Paris,  IlachettP.  1877.1n-18  j,  de  340  p.  Prix  ;  3  fr.  jO. 


—  6  — 

—  Un  Amour  de  grande  dame,  par  Alfred  de  Besanceniît.  Paris,  Librairie  générale. 
1877.  Ia-12  de  238  p.  Prix  :  1  fr.  —  Le  Mari  de  la  vieille,  par  Gaiiriel  PeévOT.  Paris, 
Librairie  générale,  1877.  In-12  de  250  p.  Prix  :  1  fr.  —  Une  femme  à  bord,  par 
René  de  Maricourt.  Paris,  Librairie  générale,  1877.  In-12  de  202  p.  Prix  :  1  fr.  — 
La  grande  falaise,  nouvelle  édition,  par  Albert  Sorel.  Paris,  même  librairie,  1877. 
In-12  de  320  p.  Prix  :  1  fr.  —  Près  du  gouffre,  par  Saint-Patrice,  Paris,  Dentu, 
1877.  In-18  j.  de  206  p.  Prix  :  3  fr.  —  La  Bâtarde,  par  Xavier  de  Montépin. 
Paris,  Dentn,  1877.  2  vol  in-18  j.  de  314  et  320  p.  Prix  :  fi  fr.  —  Le  Numéro  11  de 
la  rue  Mariât,  par  René  de  Pont-JeST.  Paris,  Dentu,  1877.  In-12  de  360  p.  Prix  :  3  fr. 

—  Kousouma,  roman  javanais,  par  Marie  Bogor.  Paris,  Sandoz,  1877.  In-12  de  266  p. 

—  Dona  Maria;  Chronique  du  temps  de  Philippe  II,  par  L.  Cambier.  Paris,  Dentu, 
1877.  In-18  j.  de  306  p.  Prix  :  3  fr.  —  Les  Diables  de  Loudun,  par  Jean  de  Poi- 
tiers. Paris,  A.  Ghio,  1877.  In-18  de  271  p.  Prix  :  2  fr.  —  Elisée  ;  Voyage  d'un  homme 
à  la  recherche  de  lui-même,  par  Eugène  Pelletan.  Paris,  Germer  Baillière,  1877. 
In-12  de  345  p.  Prix  :  3  fr.  .50.  —  Le  Dégrossi,  roinan  rural,  par  Victor  Le  Febvre, 
laboureur.  Paris,  Sandoz,  1877.  In-12  de  350  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Maître  Guillaume, 
par  Charles  Desl^s.  Paris,  Ch.  Blériot,  1877.  In-12  de  280  p.  Prix  :  2  fr.  —  Potière* 
et  mendiants,  roman  de  questions  sociales,  par  G.  de  la  Landelle.  Paris,  Didier, 
1877.  In-12  de  452  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Deux  croisières,  histoire  d'une  légende 
navale,  par  le  même.  Paris,  E.  Dentu,  1877.  In-18  j.  de  332  p.  Prix  :  3  fr.  — 
Hector  Servadac,  par  Jules  Verne.  Paris.  Hetzel,  1877.  2  vol.  in-18  j.  de  314  et 
320  p.  Prix  :  7  fr.  —  L'Ame  de  Beethoven,  par  Pierre  Coeur.  Paris,  E.  Pion,  1876. 
In-12de222p.  Prix  :  3  fr.  —  Une  rirale  de  Marguerite,  -par  le  baron  de  FaucONNET. 
Pau,  Léon  Ribaut,  1877.  In-12  de  292  p.  Prix  :  3  fr.  —  Un  mélange  diabolique, 
par  le  même.  Paris,  Schulz,  1877.  In- 12  de  257  p.  Prix  :  3  fr.  —  Contes  tristes,  par 
Louis  Haumont.  Paris,  Dentu,  1877.  In-18  j.  de  273  p.  Prix  :  3  fr.  —  Trois  contes, 
par  Gustave  Flaubert.  Paris,  Charpentier,  1877.  1  vol.  in-12  de  300  p.  Prix  :  3  fr.  50. 

((  M.  Paul  Féval  s'est  converti,  avons-nous  lu  dans  quelques  jour- 
naux parisiens,  adieu  son  esprit,  sa  bonne  humeur,  sa  verve  et  sa 
gaieté!  Il  va  devenir  ennuyeux  comme  la  pluie.  »  Eh  bien,  les  Cas- 
sandres  de  mauvais  augure  en  seront  pour  leurs  pronostics  malveil- 
lants et  ridicules,  lesquels,  soit  dit  en  passant,  contiennent  une  injure 
toute  gratuite  à  l'adresse  de  la  littérature  catholique.  M.  Paul  Féval 
s'est  converti,  mais,  pour  nous  servir  d'un  mot  très-pittoresque  attri- 
bué à  une  femme  du  monde,  il  s'est  converti  de  tout,  excepté  de  son 
talent.  Il  avait  l'invention,  la  vigueur,  le  mouvement,  le  feu  sacré  ou 
le  feu  profane,  le  diable  au  corps,  l'originalité,  la  passion,  la  science 
dramatique  et  un  excellent  style.  Tout  cela  lui  est  resté  avec  cette 
heureuse  modification  que  ses  qualités  exubérantes  dégénéraient  faci- 
lement en  défauts,  tandis  qu'aujourd'hui  sa  bonne  humeur  s'est  nuan- 
cée d'émotion,  sa  verve  s'est  augmentée  d'un  sincère  sentiment  d'in- 
dignation contre  les  hypocrisies  et  les  turpitudes  sociales,  son 
imagination  a  gagné  en  profondeur  et  en  élévation,  sa  forme,  sans 
cesser  d'être  pittoresque  et  primesautière,  s'est  débarrassée  des  sco- 
ries de  mauvais  goût  et  des  broussailles  encombrantes.  Bref,  c'est 
toujours  Paul  Féval,  mais  un  Paul  Féval  retrempé,  renouvelé.  Il  fai- 
sait rire  ou  pleurer,  il  fait  encore  pleurer  ou  rire,  mais  il  fait  penser 
aussi.  La  sève  en  lui  coule  plus  riche,  plus  féconde,  plus  généreuse. 
On  l'attendait  à  son  premier  roman,  —  seconde  manière.  Ce  roman  a 
paru,  et  c'est  un  chef-d'œuvre.  Les  Étapes  d'une  conversion,  tel  est  le 
titre,  un  titre  franc  qui  n'y  va  pas  par  quatre  chemins.  On  devine  que 
cette  «  conversion  »  est  celle  de  l'auteur.  Ce  mot  pourtant  me  semble 


un  peu  fort.  Même  au  temps  de  ses  plus  bruyantes  incartades^  Paul 
Féval  n'a  jamais  cessé  d'être  chrétien;  il  est  vrai  qu'il  l'était  plato- 
niquement.  A  l'heure  actuelle,  il  est  non  moins  fervent  et  non  moins 
pratiquant  que  son  saint  patron  après  la  vision  de  Damas.  Paul  Féval, 
qui  écrit  un  peu  son  autobiographie,  nous  introduit,  sans  crier  gare, 
dans  la  maison  paternelle.  Ils  sont  là  huit  :  le  père,  la  mère,  la  domes- 
tique et  les  cinq  enfants.  C'est  lourd  pour  un  seul,  car  le  chef,  un 
magistrat  de  province,  n'a  que  de  faibles  émoluments.  La  considéra- 
tion dont  il  jouit  ne  donne  pas  de  pain  à  la  famille.  Et  ce  père  fait  des 
prodiges  de  fatigue,  des  débauches  de  travail  pour  procurer  ce  pain  à 
ses  enfants.  Un  jour  vient  cependant  où  le  cerveau  surmené  refuse 
d'obéir  à  la  volonté.  Le  dévoué  sublime  tombe  comme  foudroyé  ;  il  se 
couche  pour  ne  plus  se  relever,  lui  qui  ne  se  couchait  jamais.  Le 
médecin  et  le  prêtre  accourent  :  ils  viennent  aider  un  juste  à  mourir. 
Ce  chapitre  :  la  Mort  du.  père,  est  saisissant.  Paul  Féval  n'a  rien  écrit 
de  plus  beau,  et  cela  sans  phrases,  sans  eifets  cherchés,  tout  simple- 
ment, tout  véridiquement,  avec  l'esprit  de  son  cœur.  Tout  y  est  :  la 
prière  qui  est  un  espoir,  le  viatique  qui  est  une  fin,  l'épouse  dont  le 
cœur  se  déchire,  les  petits  enfants  qui  ne  comprennent  pas  et  qui  sen- 
tent passer  dans  leurs  fibres  l'effroi  de  l'inconnu,  du  mystérieux  et  du 
terrible.  Les  personnages  secondaires  sont  admirablement  esquissés  : 
la  vieille  bonne  est  vraiment  touchante  dans  ses  bougonnements  où 
perce  raffection  la  plus  intense  ;  la  pauvre  femme  du  mourant  nous 
apparaît  comme  une  Niobé  chrétienne  ;  le  docteur  Ollivier  n'a  de 
matérialiste  quel'écorce  ;  il  n'est  pas  jusqu'à  ce  «  jésuite  »  de  Charles, 
le  fils  aîné,  devant  lequel  il  ne  faille  s'incliner  comme  devant  un 
modèle  d'abnégation  et  de  dévouement.  Mais  la  figure  principale  des 
Étapes  d'une  conversion,  celle  qui  domine  tout  le  volume,  c'est  la 
figure  de  Jean.  Qui  ça,  Jean  ?  Jean  est  celui  dont  Dieu  s'est  servi  pour 
«  convertir  »  Paul  Féval.  Dans  les  épisodes  de  la  mort  du  père,  Jean 
n'est  autre  chose  que  Paul  Féval  lui-même  ;  mais,  dans  l'ensemble  de 
l'œuvre,  Jean  est  un  homme  dont  le  monde  catholique  n'a  pas  oublié 
et  n'oubliera  pas  de  longtemps  le  souvenir.  «  Il  y  avait  dans  cet 
homme,  a  dit  M.  Barbey  d'Aurevilly,  du  Thomas  d'Aquin  et  du  Sha- 
kespeare, du  Diderot  et  de  l'O'Connel.»  C'était  un  semeur  d'idées,  un 
accoucheur  d'âmes,  quelque  chose  comme  un  Diogène  catholique  et 
romantique.  11  avait  passé  par  tous  les  systèmes  ;  il  avait  scalpé  Saint- 
Simon^  Fourier,  Cabet,  Proudhon,  et,  voyant,  qu'ils  n'étaient  que 
sépulcres  blanchis,  il  les  avait  «  plantés  là,  »  épouvanté,  et  en  était 
revenu  tout  d'une  traite  à  la  foi  de  son  enfance,  gai'dant  de  ses 
pérégrinations  libre-penseuses  un  certain  amour  du  paradoxe  qu  il  se 
faisait  un  devoir  do  mettre  quotidiennement  au  service  de  la  vérité.  A 
ces  indices,  qui  n'a  reconnu  Raymond  Brucker?  Paul  Féval,  dans  ses 


—  8  — 

Étapes,  nous  le  montre  avec  ses  impétuosités  d'homme  de  génie 
mâtiné  d'un  brin  de  folie,  avec  ses  mépris  du  qu^en  dira-t-on,  avec  ses 
brusqueries  tendres  d'ancien  gamin  de  Paris,  avec  ses  trivialités  ado- 
rables, avec  sa  bonhomie  malicieuse,  son  ironie  mordante,  son  élo- 
quence indéfinissable,  —  dans  sa  vie  privée  enfin,  mélange  d'austé- 
rité, de  sauvagerie  et  de  mysticisme.  C'est  peint  sur  le  vif.  Et,  comme 
cadre  au  portrait,  s'accumulent  tout  autour  des  esquisses  ravissantes 
sur  la  littérature  contemporaine. 

—  Les  Étapes  sont  le  premier  ouvrage  publié  par  Paul  Féval  depuis 
sa  conversion.  Cet  ouvrage  n'est  pas  termimé  :  ce  n'est  qu'un  épi- 
sode. M.  de  Pontmartin  a  reproché  à  l'auteur  d'avoir,  dans  les  der- 
nières pages  du  livre,  un  peu  trop  prodigué  les  élans  mystiques,  les 
aspirations  religieuses  :  «  Est-ce  bien,  dit-il,  servir  l'idée  qu'on  aime 
de  lui  donner  une  place  telle  qu'elle   absorbe  tout  ?  »  Cette  critique 
nous  paraît  exagérée.  Nous  venons   de  lire  les  Etapes  d'un  bout  à 
l'autre,   et  l'idée  chrétienne  est  loin  d'y  «  tout   absorber.  »  Elle  ne 
devient  réellement  «  absorbante  »  que  dans  la  scène  de  la  mort  du 
père,  et  c'est  de  circonstance.  Néanmoins,  il  y  a  ici  un  écueilà  éviter. 
Un  roman  n'est  pas  un  livre  do  messe,  et,  en  cherchant  le  mieux,  on 
pourrait  risquer  de  gâter  le  bien,  En  outre,  dans  une  œuvre  d'imagi- 
nation, parler  comme  sainte  Thérèse  ou  saint  Bonaventnre,  ce  serait 
s'exposer  à  rebuter  certains  lecteurs.  Nous  faisons  ces  réflexions, 
afin  que  les  œuvres  nouvelles  de  Paul  Féval  se  popularisent  le  plus 
possible  et  balancent  ainsi,  dans  l'esprit  des  masses,  l'influence  des 
romans  ignobles  et  délétères.  M.  Paul  Féval  Ta,  du  reste,  si  bien 
compris  que,  dans   l'édition  expurgée    de    ses    publications,  il  n'a 
éloigné  que  des  détail?  répréhensibles,  sans  les  surcharger  de  pé- 
riodes sermonneuses.  Il  a  voulu  que,  désormais,  ses  romans,  tout  en 
ofî'rant  le  même  intérêt,  pussent  devenir  lectures  de  famille.  Et  il  a 
réussi.  Ont  paru  déjà,  dans  la  nouvelle  édition,  1rs  Contes  de  Bretagne, 
la  Belle-Étoile^  la  Fée  des  grèves,  l'Homme  de  fer,  Frère  Tranquille,  le 
Dernier  ehevalieret  Chdleaupauv)r,  —  sept  volumes  que  tout  le  monde 
peut  lire  sans  remords. 

—  Breton  bretonnant,  Paul  Féval  aime  le  pays  des  dolmens  et  des 
chênes  tordus,  et  se  plaît  à  y  placer  l'action  de  ses  drames.  Dans  les 
Contes  de  Bretagne, il  nous  raconte  les  légendes  de  la  vieille  Armorique; 
il  évoque  le  prêtre  des  îles,  Joël  Bras,  qui  conjurait  la  tempête  à 
l'aide  de  la  neuvième  corde  de  sa  harpe,  et  chevauchait  sur  un  bois  de 
lance  pour  aller  rendre  visite  aux  esprits  de  l'air;  il  nous  dit  comment 
la  fille  du  druide  d'Ouessant  se  convertit  au  christianisme  et  civilisa 
le  Finistère;  il  reconstruit,  détail  par  détail,  la  sanglante  histoire 
d'Ermengarde  de  Malestroit,  la  Femme  blanche  des  lacs  armoricains; 
il   énumère  les  malices  des   laveuses  de   nuit,  démons-femelles  qui 


blanchissent  au  clair  de  lune  le  suaire  des  morts  ;  il  réédite  les  chan- 
sons du  peuple,  tout  en  ridiculisant  ses  travers,  stigmatisant  ses  vices 
et  rendant  hommage  à  ses  vertus.  —  Dans  la  Belle-Étoile,  c'est  la 
Bretagne  du  moyen  âge  que  ressuscite  M.  Paul  Féval.  Il  paraît,  à 
ce  propos,  que  notre  siècle  n'a  inventé  personne,  pas  plus  les  coquins 
que  les  jocrisses.  Le  jocrisse  breton  du  temps  de  saint  Louis  avait  nom 
Goïon  de  Ploéméné,  écujer  de  noblesse,  jureur,  vantard,  gourmand, 
peureux,  et...  d'une  bêtise  incomparable.  Les  coquins,  c'étaient  les 
frères  Mahaut,  qui  assassinaient  les  voyageurs  dans  leur  auberge  ;  c'é- 
tait leur  mère,  la  vieille  Gote,  qui  s'adonnait  à  la  magie  noire  et  avait 
à  son  service  le  diable  Yoramus  ;  c'étaient  encore  les  faux  ermites,  les 
pastoureaux,  les  malandrins  et  les  truands  de  toute  catégorie.  Mais  il 
y  avait  aussi  de  bien  braves  gens,  témoin  le  jeune  étudiant  en  droit 
Yvon  Hélory,  qui  sera  un  jour  le  grand  saint  Yves  : 

Sanctus  Yviis  erat  Brito, 
Advocatus  et  non  latro, 
Res  miranda  populo, 

—  Le  surnaturel  domine  dans  la  Belle-Étoile.  Cela  se  conçoit  :  nous 
sommes  au  beau  milieu  de  la  forêt  de  Brocéliande,  la  grande,  la  noble 
Brocéliande,  sous  les  futaies  de  laquelle  les  légendes  courent  en  foule, 
drapées  comme  de  blancs  fantômes  et  abritant  sous  leurs  voiles  en- 
chantésle  roi  Arthur  et  Angélique,  Médor  et  Fleur  d'Epine,  les  Douze 
Pairs,  le  traître  Ganelon,  les  Sept-Géants,  la  fée  Viviane  préposée  à 
cette  fontaine  de  Barenton  dont  la  margelle  devient,  la  veille  de  Noël, 
une  émeraude  énorme,  le  Grand-Huant,  le  Grand-Yeneur.  condamné  à 
toujours  courir,  sans  jamais  le  forcer,  un  cerf  diabolique,  enfin  le  pro- 
phète séculaire  Merlin,  lequel  dort  sous  l'herbe  jusqu'à  ce  qu'il  soit 
réveillé  par  la  parole  divine  de  l'Enfant  vêtu  de  blanc  et  couronné 
d'aubépine.  C'est  merveilleux  :  on  croirait  lire  les  Mille  et  une  Nuits 
du  moyen  âge  féodal  et  catholique.  Est-ce  tout?  Non.  Yoici  la  fée  des 
grèves,  l'être  bizarre  dont  le  nom  revient  sans  cesse  dans  les  épopées 
bretonnes,  le  lutin  caché  dans  les  grands  brouillards,  le  feu  follet 
des  nuits  d'automne,  l'esprit  qui  danse  dans  la  poudre  éblouis- 
sante des  rayons  du  soleil,  la  Mélusine,  qui  glisse  sur  les  sables 
de  la  mer  aux  heures  nocturnes,  la  fée  des  grèves  enfin  avec 
son  manteau  d'azur  et  sa  couronne  d'étoiles  !  Cette  fois,  nous  sommes 
dans  la  Bretagne  du  quinzième  siècle_,  et  la  fée  des  grèves  n'est 
autre  que  la  belle  Renée.  Elle  profite,  la  noble  demoiselle,  d'une  su- 
perstition populaire,  pour  sauver  son  fiancé  Aubry  de  Kergariouetson 
vieux  père  Hue  de  Maurever,  lesquels  ont  tous  les  deux  encouru  la 
colère  du  duc  de  Bretagne.  Il  est  vrai  qu'elle  est  vigoureusement  se- 
condée dans  sa  tâche  par  une  foule  de  braves  gens,  les  Lepriol,  les 
Mathurin,  les  Joson,  les  Gothon,  les  Catiche^  les   Scholastique   et 


—  10  — 

Jeannin  le  pasteur,  et  frère  Bruno,  religieux  converti  de  l'abbaje  du 
Mont-Saint-Michel.  Intarissable  conteur  d'histoires  qu'il  recommence 
toujours  et  ne  finit  jamais,  bon  vivant,  bon  enfant,  fort  comme  Hercule, 
frère  Bruno  soutient,  sur  le  mont  Tombelaine,  un  siège  en  règle  contre 
les  bandes  du  chevalier  Meloir,  le  traître  du  drame.  Les  quartiers  de 
roche  sont  lancés  sur  les  assaillants  avec  une  vigueur  homérique  ; 
l'assiégé  se  multiplie,  se  dédouble,  réconforte  les  amis  dont  il  a  pris 
la  défense,  rit  aux  éclats,  chante  un  refrainj^riposte  au  reîtres  qui  ont 
fait  de  sa  cagoule  une  cible,  et  trouve  encore  le  temps  de  sortir  une 
anecdote  du  grenier  d'abondance  de  sa  mémoire.  Ce  frère  Bruno  est 
une  création  des  plus  originales  et  des  plus  réjouissantes. 

— Nousle  retrouvons  dans  rZ/owwerfe/'é';',  qui  forme  le  complément  de 
\Si  Fée  des  grèves  ;mais,  si  frère  Bruno  esttoujours  Bruno-la-Bavette.iln'a 
plus  son  esprit  d'autrefois  et  se  laisse  bel  et  bien  berner  dans  sa  cellule 
par  un  visiteur  supérieurement  intéressé  à  faire  parler  à  tort  à  travers  le 
pauvre  moine.  La  scène  est  d'un  comique  achevé  et  elle  a  ceci  de  piquant 
que  l'interlocuteur  de  frère  Bruno,  maître  Gillot  de  Tours,  est  tout 
uniment  le  roi  Louis  XI  en  personne.  Nous  retrouvons  aussi  la  fée  des 
grèves,  mais  cette  fée  a  pris  de  l'âge,  a  perdu  un  peu  de  sa  poésie  et 
est  devenue  une  veuve  excessivement  raisonnable.  La  vraie  fée  des 
grèves  maintenant,  c'est  Jeannine,  la  fille  du  pâtre  Jeannin,  éprise  du 
fils  de  Reine  do  Maure  vert  et  d'Aubrj  de  Kergariou.  A  coté  de  l'idjlle, 
l'historique  et  le  fantastique  :  l'historique,  c'est  Louis  XI  cherchant  à 
s'emparer  du  duché  de  Bretagne  ;  le  fantastique,  c'est  Otto  de  Berin- 
ghem,  un  autre  Barbe-Bleue,  un  second  Gilles  de  Retz,  terreur  de  la 
contrée,  habitant  la  nuit  la  ville  mystérieuse  d'Hélion,  bâtie  en  plein 
Océan,  et  venant  le  jour  éblouir  ou  terrifier  les  Bretons  par  son  faste, 
sa  prodigalité,  sa  beauté  satanique,  ce  qui,  à  une  heure  donnée,  ne 
l'empêche  pas  de  subir  le  sort  de  son  modèle  Gilles  de  Retz.  Dans  la 
Fée  des  grèves  et  l'Homme  de  fer,  Paul  Féval  est  monté  sur  l'hippogriffe 
de  l'imagination  et  s'est  donné  libre  carrière.  Mais  tout  est  si  bien 
amené,  si  bien  agencé,  qu'on  arrive  à  la  fin  des  deux  volumes  sans 
fatigue  aucune,  intéressé,  saisi,  totalement  sous  le  charme. 

—  Chdteaupauvre  est  encore  une  histoire  bretonne,  de  la  Bretagne 
contemporaine.  Cela  commence  par  un  éclat  de  rire  et  cela  se  termine 
par  des  larmes.  Un  Parisien,  Edmond  Durand,  achète  à  maître  Le  Her- 
vageur,  notaire  royal,  une  gentilhommière  rurale,  dernier  débris  de 
l'immense  fortune  des  Bryan  et  desCoatmeur.  Le  Parisien  va  prendre 
possession  de  son  domaine  et  se  met  en  relations  avec  ses  tenanciers. 
Quel  n'est  pas  son  étonnement  de  voir  que  la  race  des  Bryan  et  des 
Coatmeur  n'est  pas  éteinte  !  Il  reste  de  ces  deux  antiques  et  puissantes 
familles  le  jeune  Guy  et  la  petite  Rosane,  sans  parler  du  fermier  per- 
pétuel Yaume  Bodin  et  de  la  vieille  Metô,  autrefois  dame  de  compagnie 


de  la  marquise  douairière  de  Coatmeur,  maintenant  vieux  meuble  de 
Châteaupauvre.  Au  fond,Metô  est  la  vraie  maîtresse  de  la  gentilhom- 
mière et  Monsieur  le  Parisien  ne  peut  s'y  installer  qu'avec  sa  permis- 
sion. Type  étrange  que  cette  Metô,  visionnaire,  fière  comme  une  reine, 
ratatinée  comme  un  palimpseste,  un  peu  sorcière,  bonne  chrétienne, 
plus  que  centenaire^  bref  une  apparition  de  l'autre  monde,  Rosane  se 
fait  sœur  de  charité,  Guy  passe  en  Angleterre  appelé  par  un  de  ses 
oncles  et  se  fait  protestant.  Deux  destinées  aux  antipodes  Tune  de 
l'autre  !  Pourtant,  cette  fois,  les  extrêmes  se  rencontrent  :  la  guerre  de 
Crimée  éclate.  Guy  et  Rosane  se  retrouvent  dans  une  ambulance  ;  ils 
sont  victimes  de  la  guerre,  mais  Gujde  Brjan  meurt  catholique.  L'ac- 
tion est  intéressante  sans  doute  :  néanmoins  l'intérêt  du  roman  n'est 
pas  là  ;  il  est  dans  la  peinture  des  mœurs  bretonnes  au  dix-neuvième 
siècle,  peinture  vraie  comme  une  photographie  et  attrayante  comme  une 
fiction.  Les  paysans  mis  en  scène  par  Paul  Féval  ne  sont  point  inven- 
tés :  rien  qu'à  la  façon  dont  ils  disent:  Va7'gien  {Vavgeni),  on  voit  qu'ils 
ont  posé  devant  le  peintre.  Ge  ne  sont  pas  des  gredins  comme  les 
paysans  de  Balzac  ;  ce  ne  sont  pas  non  plus  des  héros  et  des  saints. 
Rien  de  plus  curieux  que  le  mauvais  accueil  fait  à  «  Monsieur  l'ache- 
toux  »  de  Châteaupauvre  par  les  gars  et  les  donzelles  de  Saint-Juhel  ! 
Mais  quand  on  apprend  que  «  Monsieur  l'achetoux  »  possède  une  malle 
pleine  d'écus,  la  froideur  se  change  en  enthousiasme  et  les  rebuffades 
en  triomphes.  Tout  le  monde  veut  voir  la  fameuse  malle,  on  la  con- 
temple, on  la  soupèse,  on  la  porte  comme  un  cercueil.  Et  les  à-parté 
et  les  réflexions  et  les  exclamations  que  l'événement  provoque  !  Il  faut 
entendre  !  Jamais  on  n'avait  tiré  meilleur  parti  de  la  note  comique. 
Ce  n'est  pas  tout:  Paul  Féval,  da,ns  C  Imteaupauvrc ,  a  ressuscitéle  vieux 
parler  gallo,  qui  n'est  pas  le  breton  (le  Vrezo)i>icc),  mais  une  sorte  de 
patois  très-pittoresque  composé  de  français,  d'anglais,  de  latin  et  d'une 
foule  d'expressions  venues  l'on  ne  sait  d'où.  Sous  ce  rapport,  C/ia^mu- 
pauvre  est  une  curiosité  philologique. 

—  Nous  aimons  beaucoup  moins  Frère  Tranquille  et  le  Dernier  che" 
valier.  Le  premier  de  ces  romans  est  un  roman  de  cape  et  d'épée 
dont  l'action  se  pusse  sous  la  régence  d'Anne  de  Beaujeu  et  le  règne 
de  Charles  VIIL  II  y  a  trop  de  duels,  de  guet-apens,  de  substitutions 
d'enfant,  de  complots,  de  péripéties  et  de  combinaisons.  On  s'em- 
brouille à  lire  les  aventures  mirifiques  de  Jean  le  Blond  et  de  Jean  le 
Brun  ;  on  se  perd  dans  le  chassé-croisé  de  leurs  bonnes  actions  et  de 
leurs  fredaines.  Çà  et  là,  cependant,  des  tableaux  ravissants,  des  éclair- 
cies  lumineuses  qui  nous  font  comprendre  que  Jean  le  Blond  n'est  autre 
que  le  fils  d'Isabelle  de  Nemours  et  de  Jacques  d'Armagnac,  dépossédé 
de  ses  titres  et  de  sa  fortune  par  le  sire  de  Graville.  Du  milieu  de  ces 
batailleurs  et  de  ces  ferrailleurs,  émerge  la  figure  indéfinissable  de 


—  a  - 

Frère  Tranquille  qu'on  croit  l'ennemi  des  d'Armagnac  et  qui  leur  est 
dévoué  jusqu'à  la  mort:  vieille  carcasse  de  savant  qui,  plus  profondé- 
ment que  Nicolas  Flamel,  Raymond  Lulle  et  Albert  le  Grand,  a  pé- 
nétré dans  les  secrets  de  l'œuvre  hermétique  !  On  dirait  que  la  re- 
cherclie  de  la  pierre  pbilosophale  a  desséché  le  cœur  du  bonhomme. 
Détrompez-vous!  Frère  Tranquille,  malgré  salaideur  et  ses  allures  gro- 
tesques, a  un  cœur  des  plus  aimants.  Sur  son  front  pâli  par  les  veilles 
et  par  la  souffrance,  rayonne  l'auréole  des  sublimités  chrétiennes. 
Mais,  sans  diminuer  en  rien  cette  originale  physionomie,  le  roman 
gagnerait  encore  à  être  émondé.  Frère  Tranquille  est  trop  touffu,  et 
le  dernier  Chevalier  ne  l'est  peut-être  pas  assez.  Ce  livre-ci  est  moins 
un  roman  qu'un  panorama  historique.  Paul  Féval  nous  montre  suc- 
cessivement lespetites  intrigues  deM.  de  Choiseul,  leseiforts  héroïques 
du  Dauphin  pour  conserver  la  conquête  des  Indes,  l'indomptable  per- 
sévérance de  Dupleix,  l'embuscade  allemande  de  Klostercamp  et  la 
mort  glorieuse  du  «  dernier  chevalier»,  le  chevalier  d'Assas.  C'est 
intéressant  et  instructif  ;  mais  il  n'y  a  pas  d'action  romanesque,  à 
moins  qu'on  ne  la  place  dans  les  chastes  amours  (indiqués  à  peine)  du 
((  dernier  chevalier  »  et  de  Jeanneton  de  Vandes,  la  nièce  de  Dupleix, 
la  belle  des  belles.  Il  faut  se  résigner,  d'autant  que  Paul  Féval  nous 
promène  très-pittoresquement  dans  les  coins  et  recoins  du  dix-huitième 
siècle  !  Voici  le  maréchal  de  Richelieu  dont  M.  de  Voltaire  disait  : 
«  C'est  de  la  quintessence  de  Français,  »  et  que  Beaumarchais  appe- 
lait :  «une  fleur  de  décrépitude.  »  Le  vieux  galantin  mourut  la  veille 
de  laRévolution  qui  l'aurait  gêné  dans  ses  habitudes.  Voilà  M.  de 
Choiseul,  déjà  nommé,  insatiable  vampire,  suçant  le  meilleur  sang  de 
la  France,  se  servant  de  nos  écus  pour  solder  les  appointements  de  sa 
famille,  faire  de  petits  cadeaux  aux  philosophes,  payer  les  frais  de 
la  guerre  contre  les  jésuites  et  entretenir  le  bain  d'or  où  pataugeait 
la  Pompadour.  Ici,  des  savants  de  ruelles  donnant  à  Dieu  de  méchants 
coups  d'épingle;  là  des  rimeurs de  boudoir  faisant  des  vers  honteux 
ou  de  lamentables  tragédies;  plus  loin,  Paris  s'amusant  de  la  désas- 
treuse défaite  de  Rosbach;  ailleurs,  Dupleix,  Labourdonnaye,  Mont- 
calm,  ces  «  anachronismes,  »  gênant  tout  le  monde  ou  mourant  de 
misère.  Sur  les  trônes,  pas  un  homme  ;  Louis  XV  n'était  plus  qu'un 
roi  de  cire,  les  rois  d'Angleterre  équivalaient  à  des  employés  bien 
rétribués,  les  rois  d'Espagne  ressemblaient  à  d'ambulantes  momies. 
Marie-Thérèse  était  le  seul,  le  vrai  roi  de  l'époque,  et  ce  roi  portait 
des  jupes.  Quel  siècle  !  il  fut  si  sensuel,  si  voluptueux,  que  l'héroïsme 
et  la  vertu  y  faisait  tache.  Remercions  M.  Paul  Féval  d'avoir 
énergiquement  flétri  certains  parasites  qui,  dans  ces  derniers  temps, 
n'ont  eu  que  trop  de  panégyristes. 

—  Avant  de  quitter,  pour  cette  fois,  l'auteur  des  Etapes  d'une  con- 


version,  il  nous  reste  à  saluer,  en  passant,  la  Reine  des  rpces.  Ce  roman 
(propriété  de  l'éditeur)  ne  fait  point  partie  de  l'édition  expurgée.  Mais, 
quand  viendra  le  jour  du  conseil  de  révision,  Paul  Féval  n'aura  qu'à 
remédier  à  quelques  légères  difformités  et  à  estomper  quelques  touches 
trop  criardes  pour  rendre  la  Reine  des  èpêes  digne  de  la  Fçe  des 
grèves.  L'histoire  de  la  Reine  des  épécs  ressemble  un  peu  à  celle  de  la 
«  Fille  du  Régiment.  »  Chérie  Steibel,  unique  enfant  d'un  étudiant  de 
la  noble  Université  de  Tubingue  tué  en  duel  par  le  major  Hausen,  a 
été  adoptée  par  les  camarades  de  son  père.  On  la  dorlotte,  on  la  sur- 
veille, on  la  nourrit,  on  la  fait  élever.  Les  étudiants  qui  s'en  vont  trans- 
mettent à  ceux  qui  arrivent  le  gracieux  héritage,  si  bien  que  Chérie 
Steibel,  d'abord  fille  de  l'Université,  en  devient  ensuite  la  reine.  Ce 
roman  oflre  un  tableau  coloré,  animé,  quoique  fort  idéalisé,  des  mœurs 
allemandes  et  des  universités  d'outre-Rhin  à  l'époque  de  la  Restau- 
ration. Il  contient  de  curieux  détails  sur  la  vie  des  étudiants,  sur  leurs 
associations,  leurs  statuts,  leurs  privilèges  qui  datent  du  moyen  âge, 
leurs  jeux,  leurs  fêtes  particulières,  leurs  chants  variés  depuis  le  lieb 
du  Papillon,  de  Lapsand,  jusqu'au  classique  Gaudeamus  juvenes  dum 
siimus.  Mais  nous  devons  à  la  vérité  de  déclarer  que  le  type  de  la 
vierge-étudiante,  si  original  soit-il,  est  passablement  invraisemblable. 
—  Le  roman  historique  est  un  genre  très-délicat.  Il  s'agit  de  résoudre 
ce  double  problème  :  intéresser  vivement  sans  mentir  à  l'histoire.  Bien 
des  romanciers  se  brisent  contre  l'écueil.  principalement  des  roman- 
ciers catholiques.  L'histoire,  certes,  est  par  eux  scrupuleusement  res- 
pectée, mais  l'intérêt  languit  alors  dans  leurs  oeuvres.  Nous  avons  là 
sous  les  yeux  les  Causes  sacrées  de  M'"^  Raoul  de  Navery  ;  la  Première 
tache  de  sang,  de  M.  Labutte  ;  VA/fiquet  de  la  marquise,  de  M.  A,  de 
Barthélémy;  .l/a/r«>,  de  M.  du  Boishamon  ;  le  Secret,  du  château  de 
Rocnoir.  de  M.  Gondry  du  Jardinet;  Pour  la  patrie,  de  M""^  Etienne 
Marcel  :  tous  romans  historiques,  excellents  comme  enseignement, 
pleins  de  bonnes  intentions,  mais  qui  laissent  un  peu  à  désirer  comme 
œuvres  d'art  et  de  littérature.  Un  mot  toutefois  sur  chacun  d'eux  par 
acquit  de  conscience.  Procédons  chronologiquement.  —  Le  sujet  de  la 
Première  tache  de  sang  est  tiré  des  annales  du  Portugal.  Il  s'agit  de  la 
condamnation  à  mort  et  de  l'exécution  de  l'infant  don  Fernand,  accusé 
d'avoir  voulu  assassiner  son  frère  le  roi  Jean,  fils  et  successeur  du 
vieux  don  Pedro  IL  Ce  Fernand  ne  vaut  pas  cher  et  il  a  pour  compa- 
gnons des  bandits  et  des  coupe-jarrets  de  la  pire  espèce  ;  mais  ce  n'en 
est  pas  moins  une  tête  royale  qui  tombe,  et  cette  exécution  épouvante 
Jean  de  Bragance.  A  côté  du  drame  une  idylle  chaste  dont  la  vertueuse 
Maria  Stella  de  Mendoça  est  l'héroïne.  Voilà  le  livre.  —Du  Portugal 
transportons-nous  en  Angleterre  avec  M""=  Raoul  de  Navery  pour  cice- 


—  li  — 

rone.  La  «  cause  sacrée  »  qu'elle  met  en  scène  est  la  cause  même  de 
Charles  I",  abandonné  par  le  Parlement,  trahi  par  ses  soldats  et  exé- 
cuté par  Cromwel.  Près  du  Roi,  les  sympathiques  épées  de  douze 
Irlandais  fidèles,  fils  du  vieux  chef  de  tribu  Fin-Barr,  vaillants  comme 
les  douze  pairs  de  Charlemagne  et  poétiques  comme  les  héros  d'Ossian. 
Il  y  a  aussi  Jennj  O'Connor,  la  fille  des  grandes  races,  la  dernière 
descendante  des  rois  de  la  verte  Erjn,  qui  fait  dans  le  roman  bonne 
figure.  N'importe!  l'action  est  trop  décousue,  trop  éparpillée.  Nous 
ne  pouvons  louer  que  les  caractères  :  ils  se  soutiennent  parfaitement. 
La  mort  du  vaincu  de  Nottingham  est  bien  présentée,  grâce,  il  faut 
l'avouer,  à  VHisloirc  d'Angleterre  racontée  à  mes  petits-enfants,  par 
M.  Guizot.  Le  portrait  de  Cromvv^el  mérite  aussi  nos  éloges  :  c'est  bien 
lace  presbytérien  fataliste  et  sanguinaire  qui  écrivait  un  jour  à  sa 
femme  :  «  Il  fait  sombre  dans  mon  âme  et  je  sens  que  je  suis  damné.  » 
Mais  la  figure  la  mieux  réussie  du  roman  est  celle  de  cette  sympathique 
Henriette-Marie  de  France,  énergique,  passionnée,  persévérante,  dé- 
vouée, qui  fut  si  grande  dans  le  malheur  et  qui  mérita  d'avoir  Bossuet 
pour  panégyriste.  — C'est  le  propre  des  révolutions  d'enfanter  les 
crimes  inexpiables  et  de  susciter  les  vertus  surhumaines.  Toyez  la 
Révolution  française  :  quel  inépuisable  sujet  de  contrastes  !  Ici,  dans 
VAffiquet  de  la  marquise,  Henri  de  Vareilhes,  Madame  de  Kergoson  et" 
sa  fille,  le  fermier  Nicolas,  le  droguiste  Tourneux  et  l'excellent  Sau- 
bert,  ancien  agent  de  police  de  M.  Lenoir,  la  crème  des  honnêtes 
gens,  sont  constamment  aux  prises  avec  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  crapu- 
leux dans  la  capitale,  notamment  avec  un  faux  monnayeur,  terroriste 
et  ami  de  Fouquier-Tinville,  qui  a  jeté  son  dévolu  sur  Jeanne  de  Ker- 
goson. —  Là,  dans  Mariée,  deux  femmes  vertueuses  sont  vilipendées, 
calomniées,  persécutées  par  un  tartufe  du  nom  de  Léonnais  qui,  sous 
ses  dehors  hypocrites,  cache  l'âme  d'un  Robespierre  «t  ne  vise  à  rien 
moins  qu'à  épouser  M""  de  Bini  et  à  s'emparer  du  château  de  la 
Bouyère.  Ailleurs,  dans  Je  Secret  du  château  de  Rocnoir,  c'est  un  misé- 
rable intendant  qui  trahit  ses  maîtres,  ameute  contre  eux  toute  la 
canaille  jacobine,  s'empare  de  leurs  biens  et  jouit  du  fruit  de  ses 
rapines  jusqu'au  jour  où  les  victimes,  miraculeusement  sauvées,  re- 
viennent lui  faire  rendre  ses  comptes.  A  coup  sûr,  VAffiquet  de  la  mar- 
quise^ Marcie  et  la  Secret  du  château  de  Rocnoir  inspirent  pour  la  Révo- 
lution une  horreur  salutaire  et,  sous  ce  rapport,  on  ne  saurait  trop  les 
propager;  mais  les  sujets  qu'ils  traitent  sont  ressassés,  rabâchés, 
rebattus,  répétés  sur  tous  les  tons  et  dans  toutes  les  gammes.  Combien 
de  choses  neuves  il  y  aurait  pourtant  à  dire  sur  cette  formidable 
époque  !  Que  si  l'invention  vous  fait  défaut,  sachez  au  moins  donner 
à  vos  pastiches  tout  l'intérêt  que  la  situation  comporte.  —Il  y  a  des 
drames  historiques  qui  ne  souffrent  pas  la  médiocrité,  par  ce  qu'ils  ont 


—  lo   — 

pour  eux  la  grandeur,  la  passion,  l'idée,  le  mouvement,  l'enthousiasme. 
Par  exemple  est-il  rien  de  plus  vivant  et  de  plus  mouvementé  que  la 
dernière  insurrection  polonaise?  Un  Kamienski  ou  un  Mickiewitz  en 
eussent  tiré  des  chefs-d'œuvre.  L'auteur  de  Pour  la  patrie  n'A  sa  y  voir 
que  l'indécision  rêveuse  de  Thaddée  Osiersko,  l'agitation  inconsidérée 
de  Witold  Turno,  la  trahison  de  quelques  gitanes,  l'amour  indéfini 
d'une  vierge  veuve  qui  se  consacre  au  culte  d'une  tombe.  Ce  n'est  point 
assez.  Disons  pourtant,  à  la  décharge  de  M"^"  Etienne  Marcel  qu'elle 
a  décrit  avec  un  relief  saisissant  les  moeurs  polonaises  et  qu'il  s'en 
faudrait  de  peu  pour  que  son  Alexandra  Netuboff,  dont  les  passions 
ont  parfois  des  éclats  d'aurore  boréale,  ne  devînt  une  véritable  créa- 
tion. 

—  Il  ne  se  peut  rien  lire  de  plus  émouvant,  de  plus  empoignant,  de 
plus  exquis,  que  la  Foi  jurée  de  M™*  Raoul  de  Navery.  Il  s'agit  d'un 
Régulus  chrétien.  Nicalas  Compian,  de  Marseille,  capitaine  du  vais- 
seau le  Centaure,  est  attaqué  par  des  corsaires,  capturé  avec  ses 
hommes  et  vendu  comme  esclave  sur  le  marché  de  Tripoli.  Son  maître, 
rara  avi^,  est  un  musulman  éclairé,  tolérant,  bienfaisant,  point  du  tout 
fanatique.  Compian  s'attache  à  Osmanli,  lui  sauve  la  vie  et  celle  de  sa 
fille.  Dès  lors,  il  est  considéré  comme  l'enfant  de  la  maison  ;  la  servi- 
tude lui  est  douce;  l'existence  n'a  pour  l'esclave  que  des  charmes. 
Mais  le  pain  de  Tétranger  a  toujours  des  amertumes.  Compian  se  res- 
souvient qu'il  a  laissé  dans  sa  patrie  une  femme  bien-aimée,  des  en- 
fants chéris.  La  nostalgie  (ripx  ulterioris  amore,  comme  dit  Virgile) 
le  reprend.  Il  prie  Osmanli  de  le  laisser  retourner  à  Marseille,  non 
pour  se  soustraire  à  ses  nouveaux  devoirs,  mais  pour  rétablir  sa  for- 
tune et  gagner  de  quoi  payer  sa  rançon.  Compian  demande  six  mois 
seulement.  Si,  au  bout  de  ces  six  mois,  le  sort  ne  lui  a  pas  été  favo- 
rable, il  reviendra,  parole  d'honnête  homme  et,  ce  qui  vaut  mieux, 
parole  de  chrétien.  Osmanli  consent  au  départ.  Compian  s'embarque 
pour  Marseille.  Il  revoit  sa  femme,  il  revoit  ses  enfants  et  se  remet 
ardemment  au  travail.  Les  six  mois  expirent  :  hélas  !  le  pauvre  capi- 
taine n'a  pas  de  chance;  rien  ne  lui  a  réussi,  il  est  plus  pauvre  que 
jamais.  Le  voilà  donc  reprenant  la  mer  sur  un  vaisseau  marchand.  Le 
soir  du  dernier  jour  des  six  mois  accordés  par  Osmanli,  Compian 
reparaît  devant  son  maître.  Étonnement  de  celui-ci  ;  il  ne  peut  croire 
à  tant  d'héroïsme,  à  tant  de  courage.  Ses  sympathies  ne  tardent 
guère,  du  reste,  à  se  changer  en  admiration  et  en  reconnaissance.  Com- 
pian guérit  d'une  maladie  mortelle  la  femme  d'Osmanli,  la  belle  et 
bonne  Ayesha.  Le  musulman  n'y  tient  plus  ;  il  donne  à  Compian  non- 
seulement  la  liberté,  mais  un  superbe  vaisseau,  parfaitement  équipé, 
qui  dédommage  amplement  l'ancien  navigateur  de  toutes  ses  pertes. 
Pendant  son  esclavage,  Compian  a  fait  connaître  la  loi  chrétienne  à 


Fatmé,  la  tille  d'Osmanli.  Un  beau  jour,  il  voit  arriver  à  Marseille  la 
houri  d'Orient  qui  demande  à  recevoir  le  baptême  et  entre  comme 
novice  chez  les  Filles  du  Saint-Sauveur.  Fatmé  n'a  pas  voulu  d'autre 
époux  que  le  Sultan  des  Fleurs  :  c'est  ainsi  que  Jésus-Christ  est  dé- 
signé dans  une  légende  arabe,  en  mémoire  des  roses  rouges  teintes 
du  sang  de  l'Agneau  sur  la  montagne  du  Calvaire  et  qu'il  a  offertes  (tou- 
jours d'après  la  légende)  à  Marie-Madeleine,  le  matin  même  de  sa 
résurrection.  De  cette  poétique  donnée  M"*  Raoul  de  Navery  a  tiré 
le  meilleur  parti  possible.  —  Ce  qu'elle  a  fait  pareillement  de  la 
légende  des  trente  deniers  de  judas.  On  sait  que  Judas,  après  son 
crime,  jeta  dans  le  temple  le  prix  de  sa  trahison.  Avec  les  trente  de- 
niers, les  princes  des  prêtres  achetèrent  à  un  potier  un  champ  qui 
servit  de  cimetière  et  qui  fut  appelé  u  Haceldama.  »  Le  potier  légua 
les  trente  deniers  à  sa  famille  ;  puis,  ces  deniers  maudits  se  dis- 
persèrent et  devinrent  la  propriété  de  plusieurs  maisons  juives.  La 
tradition  veut  que  les  deniers  de  Judas  aient  porté  malheur  à  leurs 
possesseurs;  tous  seraient  morts  de  mort  violente  ou  auraient 
commis  quelque  action  criminelle  assez  grave  pour  attirer  sur  leurs 
têtes  un  châtiment  terrible.  L'un  des  héritiers  de  Judas,  au  dix- 
neuvième  siècle,  est  un  Israélite  nommé  Ephraïm  qui  a  l'idée  fixe 
de  faire  rebâtir  le  temple  de  Jérusalem.  Qu'arrive-t-il  à  Ephraïm? 
Nous  le  saurons  probablement  dans  un  autre  volume,  car  l'histoire  des 
Héritiers  de  Judas  n'est  pas  terminée.  A  côté  de  la  légende,  M""' Raoul 
de  Navery  a  placé  tout  un  drame  très-réaliste  et  très- moderne  où  se 
voient  les  choses  les  plus  noires  du  monde  :  fourberies,  captations  de 
fortune,  emprisonnements,  meurtres,  trames  infernales  pratiquées  par 
un  certain  Jude  Malœuvre  qui  triompherait,  le  coquin!  sans  son  fils 
Cœlio,  un  ange  cul-de-jatte,  le  brave  chien  Morse  et  le  bon  nègre 
Pampy.  Par-ci  par-là,  quelques  longueurs  ;  mais,  en  somme,  roman 
d'un  intérêt  très-soutenu,  bien  écrit  et  d'une  richesse  d'imagination 
étonnante. 

—  Cette  richesse  d'imagination  sans  laquelle  le  conteur  ne  peut 
distiller  que  l'ennui,  nous  la  retrouvons  dans  la  dernière  production 
de  M.  Charles  Buet,  VHonneur  du  no)/!.  La  noble  et  puissante  famille 
des  Vigord  de  Hauteluce  {vigor  alque  lux  ab  alto)  n'a  plus  que  deux 
représentants  mâles.  L'un,  perdu  de  débauches  et  de  dettes,  aigri 
contre  Dieu,  contre  les  hommes,  contre  la  société,  se  cache  sous  le 
pseudonyme  d'Anthelme  Rochey  dans  les  ruines  du  château  de  Miolans; 
il  a  fait  de  ses  ruines  redoutées  son  antre  et  son  repaire.  Anthelme 
Rochey,  ou  plutôt  l'aîné  des  Hauteluce,  est  affilié  aux  illuminés 
d'Allemagne,  aux  carbonaris  d'Italie,  aux  communeros  d'Espagne,  aux 
withe-boys  d'Irlande,  aux  néo-templiers,  aux  francs-maçons  de  tous 
les  pays  et  de  tous  les  rites.  L'autre,  le  cadet  des  Hauteluce,  resté 


digne  de  sa  race,  s'est  fait  prêtre  et  habite  avec  sa  mère.  Le  mauvais 
frère,  le  mauvais  fils  cherche  à  enrôler  dans  ses  complots  révolu- 
tionnaires le  jeune  chevalier  de  Blanchelaine.  C'est  un  jeune  homme 
à  l'esprit  faible,  au  cœur  généreux.  Il  va  se  laisser  entraîner  hors  de 
la  voie  droite,  quand  l'intervention  de  l'abbé  de  Hauteluce  l'arrête  à 
temps  sur  la  pente  fatale.  Furieux  de  voir  sa  proie  lui  échapper, 
Anthelme  Rochey  commet  sur  Blanchelaine  une  tentative  d'assassinat. 
L'honneur  des  Hauteluce  est  compromis.  Comment  cet  honneur 
sera-t-il  sauvé?  C'est  ce  que  nous  verrons,  quand  aura  paru  la 
seconde  partie  du  roman,  laquelle  aura  pour  titre  :  Hauteluce  et  Blan- 
chelaine. M.  Charles  Buet  aime  à  placer  l'action  de  ses  récits  dans  les 
régions  alpestres  :  cela  lui  fournit  la  matière  des  plus  superbes  pay- 
sages. U Honneur  du  nom  a  pour  cadre  les  cimes  des  Alpes,  les  ruines 
sombres  de  Miolans,le  donjon  démantelé  de  Chàtillon,  à  l'ombre  duquel 
Lamartine  écrivit  le  Lac,  les  monts  dorés  de  Chantagne,  la  riante 
vallée  de  l'Isère  et  les  buttes  de  Maltaverne.  Les  personnages  qui 
participent  à  l'action  àain^V Honneur  du  nom  n'ont  rien  de  banal,  ni  de 
vulgaire.  Flore  de  Blanchelaine,  avec  son  perroquet,  sa  levrette  et  ses 
deux  matous,  représente  le  passé  immobile  ;  le  docteur  Munaton,  le 
chevalier  Emmanuel  et  la  naïve  Mélanie  Guizard  sont,  avec  leurs 
qualités  et  leurs  défauts,  des  types  tout  à  fait  modernes.  L'abbé  de 
Hauteluce  est  une  belle  figure  de  prêtre  fermement  tracée  où  la 
fierté  d'une  grande  race  s'allie  aux  vertus  d'un  apôtre.  Le  maître 
d'école  Périphrase,  le  baron  Cjriaque,  le  sire  de  la  Galue,  le  major 
Long,  la  vieille  Domitille  forment  un  groupe  très-comique  de  désœu- 
vrés, de  cancaniers,  d'importants,  de  faiseurs  d'embarras,  comme 
il  en  pullulle  dans  les  petites  villes  de  province.  Quant  à  l'aîné  des 
Hauteluce,  savant  matérialiste,  poëte  panthéiste,  philosophe  libre- 
penseur,  conspirateur  ténébreux,  sectaire  utopiste,  il  est  fâcheux 
qu'il  ne  se  soutienne  pas  dans  tous  les  détails  sans  quoi,  esthéti- 
quement parlant,  il  forcerait  l'admiration.  On  admire  bien  le  Satan  de 
Milton. 

—  Le  roman  absolument  chrétien  est-il  possible?  Bien  des  esprits, 
par  amour  du  paradoxe,  ont  soutenu  que  non,  Louis  Veuillot,  inter- 
rogé un  jour  à  cette  occasion,  répondit  qu'il  était  parfaitement  pos- 
sible de  produire  un  chef-d'œuvre  d'imagination  qui,  tout  en  off'rant 
un  intérêt  réel,  serait  irréprochable  au  point  de  vue  de  la  morale  et 
de  la  religion:  «  Le  roman,  dit-il,  n'est  nullement  antipathique  aux 
règles  strictes  de  la  morale  et  du  bon  sens,  et  l'on  peut  intéresser 
et  émouvoir  même  un  lecteur  français,  sans  aborder  l'étrange,  sans 
outrer  les  sentiments,  en  un  mot  sans  sortir  de  la  vie  commune  ni 
de  ses  devoirs,  et  rien  qu'en  faisant  tout  marcher  par  les  seuls 
battements  du  cœur  le  plus  ingénu,  »  Pour  prouver  sa  théorie, 
Janvieu  1878.  T-  >^XII,   -'. 


-  18  — 

Louis  Veuillot  se  mit  à  l'œuvre  et,  dans  une  semaine,  composa  ce 
délicieux  livre  qui  a  nom  Corbin  et  d'Aubecourt.  Cela  est  d'une  simpli- 
cité élémentaire.  La  fière  marquise  d'Aubecourt  veut  faire  épouser  à 
sa  nièce  Stéphanie  Corbin  le  frivole,  le  fat,  le  volage  marquis  de 
Sauveterre.  Stéphanie  n'entend  pas  de  cette  oreille  ;  elle  préfère  à 
tous  les  marquis  du  monde  le  bon,  l'honnête,  le  savant  Germain 
Darcet.  Et  elle  manœuvre  si  bien  (avec  son  ingénuité,  sa  naïveté,  sa 
droiture)  que  l'intraitable  tante  est  la  première  à  mettre  la  main  de  sa 
nièce  dans  la  main  timide  du  modeste  égjptologue  qui  a  écrit  la 
Vérité  sur  les  Pharaons.  Mais  le  roman  de  M.  Louis  Veuillot  est  trop 
connu  pour  nous  attarder  à  en  faire  ici  l'analyse.  Disons  seulement 
que  la  nouvelle  édition  est  enrichie  d'une  très-intéressante  préface 
consacrée  à  la  mémoire  du  vicomte  Théodore  de  Bussière,  l'auteur 
des  Fleurs  dominicaines,  de  la  Guerre  des  paysans,  de  l'Histoire  de  sainte 
Rose  de  Lima,  de  l'Empire  mexicain  et  de  plusieurs  autres  ouvrages 
d'érudition,  de  polémique  et  de  littérature. 

—  Le  titre  n'est  pas  tout  dans  un  roman,  certes  non.  Mais  cependant 
un  titre  est  quelque  chose,  et  ne  réussit  pas  qui  veut  à  en  trouver 
un  bon.  En  voici  un,  les  Ronces  du  chemin,  qui,  le  sujet  étant  donné, 
a  tout  ce  qu'il  faut  pour  plaire  aux  âmes  désillusionnées.  Et  ces  âmes, 
par  ces  temps  hybrides,  sont  nombreuses.  Qui  de  nous,  en  effet,  peu 
ou  prou,  n'a  laissé  de  sa  toison  aux  ronces  de  la  vie  moderne,  si  fié- 
vreuse, si  agitée,  si  orageuse,  si  précaire,  si  nerveuse?  L'héroïne  de 
M"'=  Claire  de  Chandeneux  s'appelle  Thérésine  Saint-Brisson,  mais 
elle  s'appelle  aussi  Légion.  Fille  d'un  artiste,  elle  a  été  adoptée  par 
la  baronne  d'Aubray.  Vous  la  croyez  désormais  à  l'abri  du  malheur. 
Détrompez-vous,  sa  protectrice  meurt,  son  père  perd  la  voix,  sa  belle- 
mère  veut  battre  monnaie  avec  elle  par  des  moyens  déshonnêtes;  la 
haine,  les  perfides  conseils,  la  misère,  rien  de  douloureux  n'est 
épargné  à  la  pauvre  Thérésine.  Heureusement  son  éducation  chrétienne 
l'aide  à  triompher  de  toutes  les  épreuves.  Le  thème  ici  n"a  rien  de 
neuf;  mais  M"^  Claire  de  Chandeneux  a  su  le  rajeunir  par  les  détails, 
les  caractères,  les  traits  de  mœurs.  La  mort  chrétienne  de  Paola,  la 
mère  de  Thérésine,  est  une  belle  page,  et  c'est  un  type  très-réussi  que 
celui  d'Evariste  Normand,  le  vieux  maître  de  chapelle,  dont  la  per- 
ruque d'un  noir  de  corbeau  contraste  étrangement  avec  sa  barbe 
blanche  et  longue  comme  celle  d'un  patriarche.  M"*  Claire  de  Chan- 
deneux réussit  moins  bien  les  tableaux  de  famille,  les  scènes  de 
ménage,  la  description  des  mœurs  bourgeoises.  Est-ce  parce  qu'elle 
ne  s'est  appliquée  jusqu'ici  qu'à  peindre  les  «  ménages  militaires?  » 
—  Semblable  reproche,  par  exemple,  ne  saurait  s'adresser  à  M"*  Ma- 
rie Maréchal.  Elle  excelle  à  faire  ressortir  les  ridicules  d'une  certaine 
bourgeoisie  provinciale.   Nous  ne  disons  pas  qu'il  n'y  ait  dans  ses 


—  19  — 

satires  un  peu  de  malice  et  d'exagération;  mais  enfin,  comme  disent 
les  peintres,  ça  y  est.  Je  défie  l'iiomme  ]e  plus  hypocondriaque  de  ne 
pas  rire  devant  le  couple  Laperche,  si  prétentieux,  si  grotesque,  si 
ignare,  si  prudhommesque  avec  cela  posant  pour  la  dignité,  la 
gravité,  l'intelligence.  M.  et  M™^  Laperche  ont  d'ailleurs  bien  fait  de 
naître,  car,  s'ils  n'avaient  pas  existé,  Is^y'iQ  àe  Sabine  de  /^iyas  racontée 
par  M"*  Marie  Maréchal  n'aurait  eu  rien  de  bien  captivant.  C'est 
l'éternelle  histoire  de  l'orpheline  recueillie  dans  une  opulente  maison 
et  qui,  après  diverses  péripéties  plus  ou  moins  ordinaires,  finit  par 
épouser  un  fils  de  famille  !  Il  serait  temps  que  les  romanciers  et  prin- 
cipalement les  romancières  sortissent  de  ces  ornières  et  de  ces  rabâ- 
chages sans  toutefois  tomber  dans  les  défauts  contraires  des  Zaccone, 
des  Gaboriau,  des  Ponson  du  Terrail.  Et  c'est  précisément  ce  que 
fait  M""*  Guerrier  de  Haupt,  dans  Jacques  Bernard.  Voleurs  d'enfants, 
voleurs  de  grandes  routes,  assassins,  captateurs  d'héritages,  il  y  a 
un  peu  trop  de  tout  cela  dans  son  dernier  ouvrage,  qui  ne  sera  pas, 
comme  un  de  ses  devanciers,  couronné  par  l'Académie  française. 
Hâtons-nous  d'ajouter  que  le  dénoùment  de  Jacques  Bernard  est  très- 
originalement  amené,  que  les  coupables  sont  punis,  que  Blanche 
Muller,  l'enfant  volé,  redevient  ce  qu'elle  est  par  droit  de  naissance, 
M"°  Blanche  d'Ortigny,  et  que,  malgré  ses  invraisemblances,  l'œuvre 
de  M™*  Guerrier  de  Haupt  peut  être  lue  par  tout  le  monde.  Il  en  est 
de  même,  du  reste,  de  tous  les  romans  que  nous  venons  d'analyser. 
Dans  le  nombre,  certains  ont  une  valeur  littéraire  insignifiante  ; 
mais,  tous  sont  religieusement  et  moralement  irréprochables;  tous, 
sauf  la  Reine  des  épées,  qui  n'appartient  pas  à  l'édition  expurgée  des 
romans  de  Paul  Féval  et  qui  est  une  œuvre  de  jeunesse;  tous,  sinon 
par  leur  intérêt,  du  moins  par  leur  bon  esprit,  méritent  de  prendre 
place  dans  les  bibliothèques  paroissiales. 

— Les  romans  dont  l'analyse  va  suivre,  tels  que  les. 4  »ïOi<r5c?eP/i////J2je, 
le  Nabab,  Samuel  Brolil,  eic  ,  appartiennent  à  une  tout  autre  catégorie. 
lien  est  [bsluî  Sous  le  grand  hêtre,  d'Auguste  Snieders,  Mailix  Guillaume, 
de  Charles  Deslys,  et  Pauvres  et  mendiants,  de  la  Landelle),il  en  est  de 
dangereux  et  de  malsains  ;  il  en  est  d'autres  qui,  sans  être  mauvais,  ne  con- 
viennent, comme  lecture,  qu'aux  âmes  expérimentées,  instruites  des 
choses  de  la  vie,  aptes  au  discernement,  capables  de  réflexion  et  de  con- 
trôle. Mais,  avant  d'aborder  la  seconde  partie  de  cette  étude,  mention- 
nons encore,  pour  mémoire,  quelques  productions  qui  rentrent,  fond  et 
forme,  dans  la  catégorie  des  œuvres  moralement  irrépréhensibles,  ce 
sont  :  Première  et  dernière  dette,  par  M"""  Gabrielle  d'Arvor  ;  le  Supplice 
d'une  mère,  par  G.  Gondry  du  Jardinet  ;  Non  vclles  et  récits  villageois,  Mar- 
guerites en  fleur,  par  Jean  Lander;  les  Soirées  du  château  de  Kérilis,pa.r 
J.  de  Launay-Overney,  et  leaNeiges  d'antan,  par  M'""  Julie  Lavergne. 


Premicrc  el  dernière  délie  nous  montre  :  d'un  côté,  un  espiègle,  Roger 
Dublanc,  que  son  bon  cœur  ef.  de  bons  exemples  ramènent  au  devoir  ; 
d'un  autre  côté,  un  garçon  sournois,  méchant,  têtu,  Jules  Dervieux, 
qui  finit  par  la  honte  et  le  suicide.  Le  Supplice  d'une  mère  est  un  pas- 
tiche chrétien  d'une  comédie  plus  que  mondaine  d'Emile  de  Girardin, 
le  Supplice  d'une  femme;  la  première  entrevue  de  la  mère  repentante 
et  de  la  fille  innocente  est  fort  bien  racontée  ;  il  y  a  aussi  des  descrip  - 
tions  qui  ne  sont  pas  sans  charme;  par  contre,  que  de  détails  inutiles! 
On  ne  voit  pas  non  plus  la  raison  pourquoi  l'auteur,  sous  le  voile 
transparent  de  rédacteur  en  chef  du  Pèlerin,  se  met  si  souvent  en 
scène.  Est  ce  pour  faire  savoir  urhi  el  orbi  qu'il  est  allé  àNaples  étudier 
le  miracle  de  saint  Janvier.  Très-respectable  voyage,  assurément! 
mais  qui  n'avait  ici  que  faire.  Revenons  à  nos  moutons.  Eloges  très- 
sincères  à  Jean  Lander  !  Xouvelles  el  récils  villaycois,  Margueriles  en 
fleur  dégagent,  comme  le  dit  M.  Ernest  Hello  dans  la  préface  qu'il  a 
écrite  pour  un  de  ces  volumes,  la  poésie  latente  qui  se  trouve  au  fond 
des  actes  les  plus  humbles.  C'est  salubre,  c'est  fortifiant  :  les  idées 
sont  vraies,  le  style  aussi.  Rien  de  fade,  rien  de  faux,  rien  de  mièvre. 
Les  vertus  et  les  vices  vivent  et  agissent  dans  un  milieu  réel.  Comme 
Brydaine,  Jean  Lander  aime  à  parler  aux  paysans,  àparler  d'eux  et  à 
décrire  les  choses  qui  leur  tiennent  à  cœur.  Ses  «  moissons  »  et  ses 
«  vendanges  »  sont  des  paysages  ensoleillés  que  domine  la  croix 
rustique.  Marinetle.  le  Mariage  de  ma  lanle  Nicole  et  les  Amours  de 
Fanchon nellc  déhordeni  de  grâce  naïve,  de  christianisme  vrai,  d'obser- 
vation réelle,  d'idéal  fécond.  Il  y  a  moins  d'art,  moins  de  profondeur 
et  moins  d'élévation  dans  les  Soirées  du  chdleau  de  Kérilis,  de 
M.  de  Launay-Overney.Mais  les  comédies,  les  proverbes  et  les  contes, 
écrits  à  la  bonne  franquette,  qui  forment  le  fond  de  ces  soirées  ont  bien 
leur  mérite  :  tel  le  Coffret  d'ébène,  un  coffret  rempli  de  perles,  soit 
dit  sans  calembour.  A  parler  juste,  cependant,  les  Neiges  d'antan,  de 
M""  Julie  Lavergne,  ont  beaucoup  plus  d'intérêt  et  de  variété  que  les 
Soirées  du  chdleau  de  Kérilis.  Voici  l'hiver,  chers  lecteurs,  aimables 
lectrices,  le  noir  hiver  à  barbe  de  neige,  embusqué  à  tous  les  carre- 
fours, cinglant  de  son  fouet  de  glace  les  passants  qui  grelottent  ! 
Qu'il  est  doux,  par  ces  jours  brumeux,  de  se  réfugier  en  rêve  dans  les 
temps  qui  ne  sont  plus.  Le  poëte  l'a  dit  : 

iju'il  est  doux,  qu'il  est  doux  d'écouter  des  histoires 

Des  histoires  du  temps  passé. 

Quand  les  branches  d'arbre  sont  noires, 
•Juand  la  neige  est  épaisse  et  charge  un  sol  glacé  ; 
Ouand,  seul,  dans  un  ciel  ptile,  un  peuplier  s'élance  : 
Quand  sous  le  manteau  blanc,  qui  vient  de  le  cacher, 
I, 'immobile  corbeau  sur  l'arbre  se  balance. 
Comme  la  girouette  au  bout  d'un  long  clocher. 


—  21    - 

Eh  bien  !  allumez  un  bon  feu,  prenez  les  Ne lyrs  d'autan,  et  lisez, 
page  à  page,  Vllnpilal  de  Bruges,  le  Clocher  d'Harfleiir,  Une  nuit  pen- 
dant la  Fronde,  le  Mendiant  de  la  Reine,  le  Clair  de  la  lune,  le  Masque 
d'or,  je  vous  donne  ma  parole  d'honneur  que  vous  ne  languirez  pas 
une  seconde.  La  féerie,  la  fantaisie,  l'histoire,  sous  la  baguette 
d'ivoire  de  l'imagination  de  M""^  Julie  Lavergne,  se  marient  ici  très- 
agréablement.  Echos  des  chants  de  Mozart  et  de  Lullj;  reflets  des 
peintures  d'Hemlinget  de  Lesueur;  hommages  rendus  à  Jeanne  d'Arc 
dans  la  personne  de  Catherine  d'Estouteville;  tableaux  des  malheurs 
de  Louise  d'Orléans,  reine  d'Espagne  et  de  Marie-Antoinette,  reine 
de  France;  aventures  de  Fleur-de-Lin,  la  gentille  fileuse;  rêves 
innocents  du  savant  Hormisdas,  l'amoureux  dont  l'esprit  plane  au-delà 
des  étoiles  et  jouit  de  cette  mystérieuse  harmonie  des  sphères  dont 
un  écho  parvint  à  l'oreille  de  Pythagore,  vous  trouverez  tout  cela 
dans  ces  Neiges  d'anlan,  dont  le  titre  seul  est  emprunté  à  Villon,  mais 
dont  les  histoires,  «  compagnons  de  voyage  au  pays  de  l'idéal,  »  ne 
laissent  dans  l'esprit  que  des  impressions  riantes  et  salutaires, 

—  Quittons  la  légende  :  le  réalisme  nous  réclame.  Piron,  en  son 

temps,  s'est  beaucoup  moqué  des  Quarante  de  l'Académie  française. 

Ils  les  appelait  les  «  Invalides  du  bel  esprit;  »  il  disait  d'eux  :  «  Ils 

sont  là  quarante  qui  ont  de  l'esprit  comme  quatre;  »   la  mort  même 

ne  désarma  pas  le  satirique,  et  il  voulut,  dit-on,  que  l'on  gravât  sur  sa 

tombe  ce  distique  : 

Ci  gît  Piron  qui  ne  fut  rien, 
Pas  même  académicien. 

Je  soupçonne  um  brin  de  dépit  dans  l'hostilité  de  Piron.  Car,  enfin, 
si  l'Académie  française  ne  donne  ni  le  génie  ni  le  talent,  elle  n'en  a 
pas  moins  réuni  sur  ses  fauteuils  trois  fois  séculaires  les  gloires  les 
plus  incontestées  de  notre  littérature.  Aujourd'hui,  par  exemple,  le 
titre  d'académicien,  quoi  qu'en  ait  pensé  Piron,  est  très-certaine- 
ment quelque  chose  :  c'est,  en  tous  cas,  le  véhicule  du  succès.  Voyez 
M,  Octave  Feuillet.  Les  Amours  de  Philippe  ne  valent  certes  ni  VIliade, 
ni  la  Divine  Comédie,  ni  la  Chanson  de  Roland,  ni  Manon  Lescaut,  ni 
Eugénie  Grandet,  ni  VEnsorcelée,n\\e  Marquis  de  Yillemer,  et  pourtant 
les  voilà  (ils  ne  sont  que  d'hier)  à  leur  septième  édition.  Je  ne  crois 
pas  que  les  Amours  de  Philippe,  oeuvre  d'un  débutant,  obtinssent  un 
tel  engouement.  Car,  enfin,  il  n'y  a  rien  d'absolument  extraordinaire 
dans  le  dernier  livre  d'Octave  Feuillet.  L'aftabulation  est  celle-ci  : 
Philippe  de  Boisvilliers  et  sa  cousine  Jeanne  de  la  Roche-Ermel  sont 
destinés  l'un  à  l'autre  par  leurs  parents;  mais  cela  ne  fait  pas  l'affaire 
de  Philippe  à  qui  la  vie  de  province  ne  plaît  guère  et  qui  trouve 
la  petite  Jeanne  gauche,  désagréable,  anguleuse,  sans  goût,  sans  grâce, 
ayant   de?   cheveux  en    broussailles,  des  ongles  eu   demi-deuil,    des 


—  22  — 

iamLes  Irop  longues,  des  bottines  trop  larges  et  de  rencre  aux  doigts. 
Philippe  va  à  Paris.  Sous  prétexte  de  faire  son  droit^  il  fait  son  travers^ 
s'amourache  d'une  actrice  en  vogue,  qui  le  quitte  sans  le  moindre 
remords,  écrit  une  tragédie  :  Frédégonde^  qui  est  sifflée  scandaleuse- 
ment, s'engage  en  1870  dans  un  régiment  de  zouaves,  sauve  un 
commandant  de  mobiles,  le  marquis  de  Talyas,  s'éprend  de  la  femme 
de  celui-ci,  revoit  sa  cousine  Jeanne,  laquelle  n'est  plus,  tant  s'en 
faut,  la  déplaisante  et  mal  fagotée  pensionnaire  d'autrefois,  se  dégoiite 
de  sa  honteuse  liaison  avec  la  marquise  de  Talj^as,  sauve  de  la  mort 
Jeanne  de  la  Roche-Ermel,  noyée  par  la  marquise,  rompt  enfin  défini- 
tivement avec  la  syrène  parisienne  et  épouse  sa  chère  fiancée.  C'est 
par  là  qu'il  aurait  dû  commencer  :  il  est  vrai  qu'alors  adieu  le  roman  ! 
Prenons-le  tel  qu'il  est,  et  constatons  un  progrès  moral  dans  la  ma- 
nière de  M.  Octave  Feuillet.  Bien  des  pages  sont  encore  sujettes  à 
caution,  mais  nous  sommes  loin  des  théories  de  Monsieur  de  Camors 
et  de  Julia  de  Trécœur.  L'action  dans  les  Amours  de  Philippe  est  peu; 
l'exécution  est  presque  tout;  le  fond  est  insignifiant,  les  broderies  sont 
ravissantes.  Les  personnages  ont  grand  air  et,  même  dans  leurs  folies, 
gardent  la  distinction  aristocratique.  Le  portrait  de  la  marquise  de 
Talyas  est  une  eau-forte  burinée  à  la  moderne.  Il  y  a,  dans  cette 
femme  sans  religion  et  sans  principes,  du  chat  et  du  tigre.  Une  fois 
possédée  par  les  furies  de  la  passion  effrénée,  elle  ne  recule  devant 
rien,  et  cette  courtisane  titrée,  cette  Circé  blasonnée  fait  involontaire- 
ment songer  à  la  Marguerite  de  la  Tour  de  Nesle.  On  a  beaucoup 
reproché  à  M.  Octave  Feuillet  cette  seconde  édition  des  «  amours  » 
de  Philippe.  Ses  fugues  avec  l'actrice  Mary  Gérald  se  comprennent 
sans  s'excuser.  Mais  sa  liaison  adultère  avec  la  femme  de  l'homme 
dont  il  a  sauvé  la  vie  off"re  quelque  chose  d'odieux  et  de  répugnant. 
Ajoutons  que  la  situation  qui  sert  de  cadre  à  ces  relations  coupables 
est  des  plus  scabreuses,  et  les  restrictions  de  style  qui  l'atténuent  ne 
sont  propres  qu'à  éveiller  les  pensées  boiteuses  et  qu'à  faire  travailler 
les  imaginations  sans  lest.  Certes  les  tableaux  ne  sont  point  obscènes, 
mais  la  gaze  dont,  à  dessein,  l'auteur  enveloppe  certaines  scènes, 
offre  une  amorce  de  plus.  Sachons  gré  pourtant  à  M.  Octave  Feuillet 
d'avoir  su  éviter  le  goujatisme  de  la  littérature  démagogique  et  le 
fleuve  de  fange  du  réalisme  bestial.  Jeanne  de  la  Roche-Ermel, 
quoiqu'un  peu  cousine  à  la  mode  de  Bretagne  de  la  Geneviève  des 
Inutiles,  de  M.  Edouard  Cadol,  est  une  charmante  et  poétique  figure. 
Son  Philippe  lui-même,  comme  le  Jean  de  Thommeray  de  Jules  San- 
deau,a  d'énergiques  et  fiers  retours  sur  lui-même.  Le  père  de  Philippe 
et  le  père  de  Jeanne  sont  des  gentilshommes  de  vieille  roche,  dignes, 
bienfaisants,  bienveillants,  aimés  de  tous,  de  vénérables  autorités 
sociales  (pour  parler  comme  M.  Le  Play,  l'éminent  économiste).  Le 


—  23  — 

comte  de  Boisvilliers  dit  à  son  fils  :  «  Il  est  bon,  en  ce  temps-ci  plus 
que  jamais,  que  des  gens  comme  nous  demeurent  dans  leur  pays  natal, 
ville  ou  campagne,  et  s'y  fassent  respecter.  A  part  les  services  pra- 
tiques qu'ils  peuvent  rendre  autour  d'eux,  il  y  a,  dans  leur  présence 
seule,  dans  la  supériorité  de  leurs  connaissances,  dans  la  dignité  de 
de  leur  vie,  dans  les  grands  souvenirs  que  leur  nom  réveille,  il  y  a 
un  enseignement,  il  y  a  un  exemple,  il  y  a  une  autorité.  Ils  sont 
comme  ces  vieux  clochers  qu'on  aperçoit  çà  et  là  dans  les  campagnes, 
qui  font  rêver  le  passant  dans  le  chemin,  le  paysan  sur  sa  charrue,  et 
qui  rappellent  les  foules,  malgré  elles,  à  de  hauts  sentiments,  à  de 
respectueuses  pensées.  »  Et  ailleurs  :  «  Il  y  a  du  bien  et  du  mal  à  dire 
de  la  vie  de  province.  Nous  n'en  dirons  que  le  bien.  Le  bien,  c'est 
avant  tout  la  maison  de  famille  qui  n'existe  guère  à  Paris;  c'est  le 
vieux  nid  héréditaire  que  les  générations  successives  réparent_,  mais 
ne  changent  pas,  où  le  parent  principal,  à  défaut  du  père,  se  fait  un 
devoir  pieux  de  résider  et  où  les  envolés  reviennent  se  retremper  de 
temps  à  autre  dans  les  sensations  salubres  de  leur  enfance.  Quand  on 
rentre  fatigué  de  la  vie  et  désenchanté  des  passions,  dans  ces  chers 
asiles,  avec  quel  sentiment  de  paix  et  de  bien-être  on  y  respire  les 
odeurs  d'autrefois,  avec  quelle  douce  mélancolie  on  écoute  les  bruits 
familiers  de  la  maison,  ces  voix  mystérieuses,  ces  murmures,  ces 
plaintes,  qu'ont  entendus  nos  ancêtres  et  que  nos  fils  entendront 
après  nous  1  II  vous  semble,  au  milieu  de  ces  traditions  continuées,  que 
votre  propre  existence  se  prolonge  dans  le  passé  et  dans  l'avenir  avec 
une  sorte  d'éternité.  »  Aussi  bien  pensé  que  bien  dit.  Restons  sur  ces 
bonnes  paroles. 

—  Samuel  Brohl,  fils  d'un  misérable  gargotier  allemand,  est  un 
intrigant  très-habile  qui  vise  à  épouser  une  riche  héritière.  L'existence 
de  ce  Brohl  offre  une  chaîne  ininterrompue  de  vilenies,  d'escroqueries, 
de  ruses  et  de  stratagèmes.  Alors  qu'il  était  encore  laveur  de  casse- 
roles dans  la  taverne  de  son  père,  il  est  acheté  par  la  cynique  prin- 
cesse Guloff,  une  de  ces  femmes  russes  comme  les  fait  l'horrible 
nihilisme.  Un  bracelet  de  grand  prix  sert  à  payer  le  jeune  Samuel 
qui,  dégrossi,  instruit,  éduqué  tant  bien  que  mal,  devient  (pour  ne 
pas  dire  autre  chose)  le  secrétaire  de  ladite  Guloff,  Cependant  ce  joug 
lui  pèse  :  il  s'échappe,  recueille  en  passant  l'héritage  de  son  père 
défunt  et  va  se  fixer  à  Bucharest.  Là,  il  devient  l'ami  intime  d'un 
proscrit  polonais,  grand  patriote  et  savant  des  plus  distingués,  le 
comte  Abel  Larinski.  Le  comte  ayant  péri  dans  une  insurrection  polo- 
naise, Samuel  Brohl  lui  vole  son  nom,  ses  titres,  ses  papiers,  ses 
inventions,  notamment  la  découverte  d'un  fusil  à  jet  explosible.  A 
dater  de  ce  jour,  Samuel  Brohl  n'existe  plus  :  il  s'est  incarné  dans 
la  peau  de  Larinski,  et  l'incarnation  est  si  bien  réussie  que  le  gredin 


_  24  — 

fait  illusion  à  tout  le  monde.  II  gagne  l'affection  de  M""  Antoinette 
Moriaz  qui  déclare  ne  vouloir  d'autre  époux  que  le  comte  Abel  La- 
rinski.  Il  dissipe  même  les  préventions  du  vieux  Moriaz,  le  père 
d'Antoinette,  un  chimiste  de  premier  ordre;  il  se  met  dans  les  petits 
papiers  de  la  gouvernante  Moisseney;  il  est  à  tu  et  à  toi  avec  le 
bon  abbé  Miollens.  Deux  personnes  cependant  ont  des  méfiances  : 
la  tante  d'Antoinette,  madame  de  Lorcy,  et  Camille  Largis  qui,  lui 
aussi,  aimait  l'héritière  et  avait  demandé  sa  main.  Méfiances  fon- 
dées et  justifiées  !  car  l'arrivée  à  Paris  de  la  Guloff  fait  évanouir 
comme  un  château  de  cartes  le  château  en  Espagne  édifié  dans  l'ima- 
gination perverse  du  faux  Larinski.  Ce  nouveau  roman  de  M.  Victor 
Cherbuliez  fait  honneur  au  talent  et  à  l'imagination  du  conteur  gene- 
vois. Cette  fois,  du  reste,  l'auteur  a  évité  toute  raillerie  malséante 
contre  le  catholicisme.  Il  ne  s'est  pas  attardé  dans  des  scènes  trop 
risquées.  Il  n'a  pas  aff'ecté  de  prêcher  ni  de  professer.  Son  œuvre  est 
pure  de  toute  thèse.  Les  caractères  qui  se  meuvent  dans  l'action  ont 
du  relief.  Le  vieux  Moriaz,  entiché  de  ses  cornues  et  de  ses  alambics; 
la  gouvernante  Moissenay,  qui  se  perd  en  bêtise  et  en  points  d'admira- 
tion ;  le  naïf  abbé  MioUens,  qui  vit  comme  Louis  XVIII  dans  la  perpé- 
tuelle fréquentation  du  poëte  Horace;  M'"*^  de  Lorcy,  un  Desgenais 
femelle  qui  en  sait  peut-être  un  peu  trop  long  pour  son  sexe;  le 
timide,  mais  honnête  et  intelligent  Camille  sont  des  types  inoubliables. 
Nous  ne  parlons  pas  de  la  princesse  Guloff,  qui  ne  croit  à  rien,  qui 
étudie  la  physiologie,  qui  jacasse  comme  une  pie  borgne,  qui  glapit 
des  crudités  à  faire  rougir  un  dragon;  elle  est  tellement  effrontée 
qu'elle  en  devient  invraisemblable.  Le  style  de  Samuel  Brohl  a  mille 
facettes  agréables.  Nous  lui  reprocherons  seulement  d'être  trop  cher- 
ché, trop  léché,  avec  une  tendance  au  pédantisme.  Lorsque  le  gram- 
mairien Saumaize  sortait  du  salon  des  Précieuses,  il  éprouvait,  dit-on, 
le  besoin  de  parler  patois  avec  sa  cuisinière.  C'est  un  peu  cela. 
On  a  surnommé  M.  Victor  Cherbuliez  le  «  romancier  des  érudits  et 
des  gourmets.  »  Il  est  clair  qu'il  court  après  la  petite  bête.  Voici 
quelques-uns  de  ses  aphorismes  :  «  Le  riche  qui  travaille,  c'est  la 
pauvreté  volontaire.  ^)  «  L'arithmétique  est  la  plus  belle  des  sciences 
et  la  mère  de  la  sûreté,  rr  «  Les  partis-pris  sont  les  cachots  de  la 
volonté;  elle  n'en  peut  plus  sortir.  »  «  Dans  les  affaires  de  ce  monde, 
il  faut  avoir  pour  soi  sa  conscience  et  son  concierge.  »  En  somme, 
quoiqu'il  ne  vaille  pas  le  Comte  Kostia,  Samuel  Brohl  est  une  des  meil- 
leures productions  de  M,  Victor  Cherbuliez.  Décidémemt  cet  auteur  a 
plus  de  succès  comme  romancier  que  comme  écrivain  politique. 
Rappelons  que  son  dernier  ouvrage,  écrit  pour  démontrer  la  solidité 
de  la  République  espagnole  parut  (ô  ironie  du  sort  !)  le  jour  même  de 
l'avènement  d'Alphonse  XII.  C'est  évidemment  ne  pas  avoir  de  chance  ! 


—  Le  Nabab!  Qu'est-ce  que  le  nabab?  est-ce  un  prince  indien  qui 
arrive  des  bords  du  Gange  avec  une  cargaison  de  diamants  et  de 
pierres  précieuses?  Non  :  celui-ci  est  le  fils  d'un  pauvre  cloutier  du 
Bourg-Saint- Andéol.  Il  a  été  porte-balles  à  Marseille  dans  sa  jeunesse; 
puis,  un  jour,  il  s'est  embarqué  pour  Tunis  et  a  gagné  une  fortune 
colossale  au  service  du  bej.  Des  millions  à  Tunis,  à  quoi  cela  peut-il 
servir?  Bernard  Jansoulet  se  le  demande.  Le  voilà  sur  la  route  de 
Paris.  Apeine  installée,  place  Vendôme,  Dieu  sait  combien  de  chacals 
s'abattent  sur  la  riche  proie  qui  leur  arrive.  Comprenant  que  l'argent 
n'est  rien  sans  la  notoriété,  sans  la  considération,  le  nabab  est  mordu 
de  la  tarentule  politique  ;  il  veut  être  député.  C'est  ici  que  commen- 
cent SOS  épreuves,  ses  revers,  ses  infortunes.  Exploité  par  tous  les 
vautours  qui  picorent  son  or  de  leur  bec  vorace,  Jansoulet  ne  ren- 
contre partout  que  haines,  trahisons,  déceptions  et  déboires.  Élu 
député  de  la  Corse,  son  élection  est  cassée  par  la  Chambre,  à  la  suite 
d'ignobles  calomnies  dont  le  rapporteur  de  cette  élection  se  fait  l'écho. 
Le  bejse  saisit  des  comptoirs  tunisiens  du  nabab,  les  œuvres  fondées 
par  celui-ci  dégringolent,  les  huissiers  se  présentent  à  chaque  heure 
du  jour  aux  portes  de  son  hôtel,  ses  amis  l'abandonnent.  Finalement, 
le  pauvre  Jansoulet  meurt  dans  le  foyer  d'un  petit  théâtre  qu'il  avait 
subventionné  de  ses  malheureux  écus.  Telle  est  la  destinée  du  nabab. 
Autour  de  cette  originale  personnalité,  M.  Alphonse  Daudet  a  groupé 
avec  un  art  admirable,  mais  avec  une  exactitude  de  fantaisie  et  une 
invraisemblance  parfois  choquante^  tous  les  types,  toutes  les  physio- 
nomies, toutes  les  notoriétés  de  bon  et  de  mauvais  aloi  qui  composaient 
le  centre  social  parisien  des  dernières  ann  ées  du  second  Empire.  Voici 
le  duc  de  Mora,  le  vrai  héros  du  livre  ;  Monpavon,  Bois-Landry, 
gentilshommes  ruinés,  corrompus,  sceptiques,  mais  toujours  irrépro- 
chables sur  le  point  d'honneur;  le  petit  Paganetti  directeur  de  nous 
ne  savons  quelle  Caisse  territoriale  ;\ehdiron  Hémerlingue,  le  financier- 
pieuvre;  Cardaillac,  l'imprésario  cynique  ;  Schwalbach,  le  brocanteur  ; 
Jenkins,  le  médecin-inventeur  des  perles  arsenicales;  le  Merquier, 
l'avocat  tartufe  ;  Moessard,  le  scribe  des  journaux  à  scandales.  Toutes 
ces  sangsues  parisiennes  (sauf  le  duc  de  Mora)  évoluent  autour  du 
nabab  pour  pomper  ses  trésors.  Il  n'y  a  pa?,  dans  cette  œuvre,  d'ac- 
tion proprement  dite.  C'est  une  série  de  tableaux  qui  sont,  comme 
description,  d'un  incontestable  attrait  :  visite  à  l'hôpital  des  enfants 
en  nourrice,  visite  à  l'Exposition,  fêtes  à  Saint-Romain  de  Bellaigue 
en  l'honneur  du  bey  de  Tunis  ;  tournées  électorales  en  Corse  ;  bal  chez 
le  docteur  Jenkins;  mort  du  duc  de  Mora,  ses  funérailles;  séance  de 
l'invalidation  de  Jansoulet  à  la  Chambre  des  députés  ;  pique -nique  des 
domestiques  du  grand  monde  dans  les  combles  de  l'hôtel  de  la  place 
Vendôme  :  première  représentation  de  lin^nlte.  tout  autant  de  scènes 


—  26  — 

animées,  vivantes,  intéressantes.  Lara^rt  du  dnc  de  Mora  est  une  page 
de  toute  beauté  :  elle  renferme  des  détails  d'un  sinistre,  et  pourquoi  ne 
pas  le  dire  ?  d'un  comique  qui  fait  froid  dans  le  dos .  La  consultation 
suprême  vient  d'avoir  lieurcfEli  bien,  Messieurs,  que  dit  la  faculté?  de- 
mande le  malade.  >■>  Et  naturellement,  on  lui  ment,  on  veut  le  tromper, 
car  il  est  condamné  à  jamais,  ce  viveur  infatigable.  Mais  quand  Mon- 
pavon,  son  ami  —  quelque  chose  comme  le  Montrond  de  Tallejrand  — 
entre  dans  la  chambre,  il  l'appelle  :  «  —  Oh!  tu  sais,  lui  dit-il,  pas  de 
((  grimaces,  de  toi  à  moi,  la  vérité...  Qu'est-ce  qu'on  a  conclu?  Je  suis 
((  bien  bas,  n'est-ce  pas?  »  Devant  cette  interrogation  à  brûle-pour- 
point, Monpavon  espace  sa  réponse  d'un  silence  significatif;  puis, 
brutalement,  cyniquement,  de  peur  de  s'attendrir  aux  paroles,  il  lance 
ce  mot  digne  d'un  Assommoir  d'un  certain  grand  monde  :  c  F...  !  mon 
pauvre  Auguste  !  »  Le  duc  reçut  cela  en  plein  visage  sans  sourciller  : 
«  Ah  !  »  dit-il  simplement.  Il  effila  sa  moustache  d'un  mouvement  ma- 
chinal ;  mais  ses  traits  demeurèrent  immobiles.  Et  immédiatement, 
son  parti  fut  pris,  il  se  prépara  à  mourir  convenablement,  décemment, 
en  homme  comme  il  faut.  Tout  cela  est  peint  de  main  d'ouvrier,  et 
c'est  un  morceau  de  maître.  Un  morceau  de  maître  aussi,  c'est  la 
séance  de  l'invalidation.  Le  nabab  est  accusé  de  mille  infamies  qu'il 
n'a  pas  commises,  car  les  méfaits  que  ses  adversaires  lui  attribuent 
sont  imputables  à  son  frère  aîné.  D'un  mot,  il  pourrait  écraser  la 
calomnie.  Mais  en  se  retournant  du  côté  des  tribunes,  il  aperçoit  sa 
vieille  mère,  sa  brave  «marna,  »  comme  il  l'appelle  dans  son  patois 
méridional.  Elle  ignore  le  déshonneur  de  la  famille.  Si  Jansoulet 
parle,  cette  femme  toute  de  vertu  et  de  probité  peut  en  mourir.  Alors, 
ce  nabab,  ce  «  monstre  »  à  qui  tout  le  monde  jette  la  pierre,  pour 
ne  pas  briser  le  cœur  de  sa  mère,  sacrifie  tout  son  avenir  d'homme 
politique.il  se  tait  sachant  que  le  silence  c'est  l'invalidation,  et  se 
contente  de  terminer  son  discours  par  cette  éloquente  péroraison 
contre  les  inconvénients  de  la  richesse  :  «  Oui,  Messieurs,  dit  Jan- 
soulet, j'ai  connu  la  misère,  je  me  suis  pris  corps  à  corps  avec  elle, 
et  c'est  une  atroce  lutte,  je  vous  prie.  Mais  lutter  contre  la  richesse, 
défendre  son  bonheur,  son  honneur,  son  repos  mal  abrités  derrière 
des  piles  d'écus  qui  s'écroulent,  c'est  quelque  chose  de  plus  hideux, 
de  plus  écœurant  encore.  Jamais,  aux  plus  sombres  jours  de  ma  dé- 
tresse, je  n'ai  eu  les  peines,  les  angoisses,  les  insomnies  dont  la 
fortune  m'accable,  cette  horrible  fortune  que  je  hais  et  quim'étouflTe.» 
Paroles  vraies,  d'une  vérité  cruelle  !  Il  est  très-sympathique  au  fond, 
ce  nabab.  Il  a  pu  gagner  de  l'or  à  la  manière  orientale  ;  mais  c'est  un 
homme  primitif,  bon,  pleurant  comme  un  enfant  en  recevant  des  nou- 
velles de  sa  mère.  Supplicié  de  son  opulence  même,  il  est  livré  sans 
défense  avec  la  bonté  de  son  cœur  expansif  à  toutes  les  sangsues  pari- 


siennes  Le  livre  renferme  aussi  d'autres  tjpes  véritablement  purs  :  le 
père  Joyeuse,  l'honnête  comptable,  avec  ses  quatre  filles  dont  l'aînée, 
celle  qu'on  appelle  «  Bonne  Maman,  »  remplace  si  bien  la  vraie  maman 
défunte  ;  André  Maranne,  le  photographe-poëte  ;  la  douce  fée  Crem- 
nitz,  une  ancienne  danseuse,  qui  se  dépouille  pour  sa  fantasque 
pupille,  Félicia  Ru^-s;  Paul  de  Gérj,  le  secrétaire  de  Jansoulet,  si 
dévoué, si  raisonnable;  la  mère  du  nabab  enfin,  cette  vieille  paysanne 
du  Bas-Vivarais,  qui  aime  tant  son  Bernard,  qui  ne  s'est  pas  laissée 
éblouir  par  ses  millions,  qui  a  conservé  son  bonnet  de  tulle  et  son 
fichu  d'indienne  et  qui  n'a  pas  voulu  habiter  le  château  de  Saint- 
Romain  de  Bellaigue,  trouvant  cela  trop  beau  pour  elle  et  se  conten- 
tant d'habiter  la  ferme  avec  les  domestiques.  Que  voilà  de  loyales, 
franches  et  aimables  natures  !  Et  comme  leur  vue  vous  repose  de  toute 
cette  meute  de  parasites,  d'aigrefins,  de  filous  acharnés  contre  Jan- 
soulet, qui  ne  sait  plus  à  quel  saint  se  vouer  sur  le  radeau  flottant  de 
cette  Méduse  inassouvie  et  toujours  famélique  !  Évidemment.  M.  Al- 
phonse Daudet,  marchant  sur  les  traces  de  M.  Emile  Zola,  a  voulu, 
lui  aussi,  essayer  du  roman  politique  et  peindre  les  mœurs  de  la  société 
française  sous  le  second  Empire.  Cela  n'est  pas  défendu  ;  mais,  à  la 
condition  de  ne  point  forcer  la  note  et  de  rester  dans  l'appréciation 
exacte.  Certes,  il  y  avait  alors,  en  trop  grand  nombre,  des  agioteurs, 
des  spéculateurs,  des  charlatans,  des  empiriques  de  la  haute  bohème, 
des  «  manieurs  d'argent,  »  pour  parler  comme  M.  Oscar  de  Vallée;  il 
y  avait  des  docteurs  Jenkins  et  des  barons  Hémerlingue;  il  y  avait 
des  valets  dépravés  qui  calomniaient  leurs  maîtres  en  sifflant  leur 
Champagne.  Et  aujourd'hui  donc?  Mais  il  n'y  avait  pas  que  cela. 
L'époque  ne  fut  pas  précisément  vide  de  personnalités  inattaquables, 
éclatantes  et  sympathiques.  Alors,  sans  doute,  les  mœurs  électorales 
laissaient  beaucoup  à  désirer.  Mais  qu'étaient-elles,  comparées  aux 
mœurs  électorales  que  viennent  de  nous  montrer  les  dernières  satur- 
nales du  suffrage  universel?  Un  reproche  plus  grave  que  nous  avons  à 
adresser  à  M.  Alphonse  Daudet,  c'est  d'avoir  présenté  sous  un  jour 
odieux  certains  hommes  et  certaines  choses  du  catholicisme.  En  fai- 
sant de  le  Merquier,  député  de  Lyon  (de  Lyon  qui  en  est  à  Bonnet- 
Duverdier),  un  clérical  hypocrite  comme  le  Tartuffe  de  Molière,  véné- 
neux et  mieilleux  comme  le  Rodin  d'Eugène  Sue;  en  méconnaissant 
les  grands  services  rendus  par  la  Société  de  Saint-Vincent  de  Paul  ; 
en  présentant  sous  les  traits  de  petits  monstres  gourmés  et  ridicules 
les  élèves  des  pensionnats  ecclésiastiques;  en  donnant  un  caractère 
religieux  à  un  établissement  aussi  barbare  que  celui  de  l'Œuvre  de 
Bethléem  qui,  s'il  existait,  relèverait  de  la  police  correctionnelle, 
M.  Alphonse  Daudet  a  jeté  au  Minotaure  de  la  libre-pensée  les 
croyances  de  son  enfance,  lui,  fils  de  Nîmes,  appartenant  à  une  fa- 


—  28    - 

mille  de  croyants  ot  de  catholiques.  Ah  !  que  nous  préférons  le  Daudet 
sceptique,  mais  respectueux  du  Petit  chose,  des  Lettres  de  mon  moulin 
et  de  l'incomparable  Tartarin  de  Tarascon.  Pourtant  n'exagérons  rien. 
M.  Alphonse  Daudet  n'a  pas  de  fiel:  ce  n'est  pas  un  sectaire,  systéma- 
tiquement hostile  à  la  foi  de  ses  ancêtres.  La  preuve,  c'est  qu'il  a  fait 
de  la  bonne  Cremnitz  une  petite  vieille  très-gaie  et  très-pieuse;  c'est 
qu'il  a  buriné  la  mère  du  nabab  dans  tout  le  zèle  et  toute  la  naïve  sin- 
cérité de  son  catholicisme  primitif  et  rustique.  Mais  M.  Alphonse 
Daudet  a  sacrifié  aux  dieux  du  jour;  il  a  voulu  plaire  aux  lecteurs  du 
Temps  où  son  Nabab  a  paru  en  feuilleton.  Un  mot  encore.  Le  Nabab 
est  un  livre  à  clef.  Ouvrons-en  quelques  portes.  Le  duc  de  Mora, 
inutile  de  le  dire,  est  M.  de  Morny,  que  l'auteur  ne  rabaisse  pas  trop  ; 
Monpavon  représente  deux  types  en  un  seul,  dont  M.  de  Montguyon 
avec  ses  façons  de  zézayer  et  de  porter  beau;  le  nabab,  c'est  Fran- 
çois Bravay,  qui  fut  député  du  Gard  et  non  de  la  Corse.  Félicia  Ruys, 
la  belle  statuaire,  serait  un  composé  de  la  duchesse  Colonna  (en 
sculpture  Marcello)  et  de  M""^  Sarah  Bernhardt  ;  enfin,  pour  ne  pas 
allonger  ces  révélations,  M.  la  Perrière  est  tout  simplement  le  comte 
de  Laferrière,  ancien  chambellan  de  Napoléon  III,  parfait  gentilhomme 
de  nom  et  de  manières,  dont  tout  le  monde  n'eut  qu'à  se  louer 
pendant  qu'il  était  en  fonctions,  et  que  M.  Alphonse  Daudet,  lui, 
un  décoré  de  l'Empire,  a  eu  le  tort  de  caricaturiser  au  point  d'en 
faire  un  vieillard  gâteux  et  stupide.  Le  romancier  n'est  pas  his- 
torien, sans  doute;  mais  la  fantaisie  doit  tout  de  même  avoir  des 
bornes. 

—  On  a  dit  :  «  Les  deux  Corneille.  »  On  dira,  probablement  un  jour, 
toute  comparaison  écartée  :  «  Les  deux  Daudet.  »  En  effet,  nous  avons 
Alphonse  et  Ernest.  Incontestablement,  Alphonse  a  plus  de  talent 
qu'Ernest;  mais  Ernest  a  plus  de  savoir,  plus  d'acquis,  plus  d'érudition 
qu'Alphonse.  Ernest  n'est  pas  seulement  romancier  ;  il  est  aussi  histo- 
rien et  écrivain  politique.  Comme  romancier,  Ernest  manque  d'origi- 
nalité ;  il  s'efforce,  à  l'instar  d'Alphonse,  de  peindre  les  mœurs  mon- 
daines; mais  il  y  réussit  moins  bien.  Il  faut  cependant  lui  rendre  cette 
justice  qu'il  ne  recherche  pas  les  applaudissements  de  la  presse  révolu- 
tionnaire et  ne  fait  rien  pour  les  mériter.  Ce  qui  ne  veut  pas  dire  que 
ses  romans  doivent  être  donnés  en  étrennes  aux  élèves  du  Sacré- 
Cœur.  Oh!  Dieu,  non  !  les  mœurs  mondaines  qu'il  décrit  ne  sont  rien 
moins  qu'édifiantes.  Son  Daniel  de  Kerfons,  qui  raconte  lui-même 
sa  confession,  la  confession  d'un  enfant  du  siècle,  n'a  ni  tué,  ni  volé, 
ni  forfait  à  l'honneur.  Mais  quelles  misères  dans  sa  vie,  quelles  défail- 
lances, pour  ne  pas  dire  quelles  hontes!  D'une  très-ancienne  famille 
normande,  ses   ancêtres  ont  assisté  aux  croisades  :  un  d'eux  fut  le 


compagnon  de  Bertrand  du  Guesclin  ;  un  autre  est  mort  à  Austerlitz  ; 
lui,  passe  sa  vie  ennuyée  à  courir  de  la  blonde  à  la  brune,  épouse  une 
brune  qui  est  le  contraire  d'une  femme  de  foyer,  devient  veuf  et  re- 
tourne à  la  blonde  qui  valait  beaucoup  mieux  —  quoiqu'ancienne  dan- 
seuse. Le  seul  épisode  louable  de  l'existence  de  Daniel  de  Kerfons, 
c'est  son  engagement  comme  volontaire  en  1870.  Seulement,  nous 
trouvons  que  les  romanciers  commencent  à  abuser  un  peu  de  la  guerre 
contre  les  Prussiens  :  Jean  de  Thommeray,  Philippe  de  Boisvilliers, 
Daniel  de  Kerfons.  Quand  nous  serons  à  dix,  nous  ferons  une  croix. 
—  Donc,  rien  d'original  dans  les  aventures  de  Daniel  de  Kerfons,  Le 
roman  de  M.  Ernest  Daudet  n'a  de  la  valeur  que  par  les  portraits 
des  a  grandes  dames  ))dont  il  raconte  les  défauts  mignons  :  la  duchesse 
de  Châteaufort,  la  baronne  Amalti,  la  marquise  de  Chanzay,  lady 
Hackwoods,  la  vicomtesse  d'Athol^  Suzanne  de  Quesnay,  une  virago 
indéchiffrable  qui  nage,  monte  à  cheval,  parle  cinq  langues,  dessine,  fait 
des  vers  et  joue  de  la  harpe.  Inutile  de  dire  que  toutes  ces  «  grandes 
dames  »  ont  un  pied  dans  le  demi-monde.  Signalons  aussi  le  portrait 
du  duc  de  Gramont-Caderousse,  qui  fît  tant  parler  de  lui,  il  y  a  quel- 
ques années.  Il  est  peint  sous  le  nom  de  Jacques  de  Chanzay.  On  dirait 
un  seigneur  du  temps  des  Valois,  maigre,  élancé,  distingué,  capable 
de  toutes  les  folies  et  de  tousleshéroïsmes,une  volonté  de  fer  dans  un 
corps  anémique,  des  yeux  de  fauve,  inquiétants  comme  un  problème 
insoluble,  renfermant  des  passions  ardentes  et  peu  scrupuleuses  sous 
les  formes  aristocratiques  et  froides  d'une  irréprochable  mondanité. 
L'esquisse  est  tellement  ressemblante  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  s'y 
méprendre. 

—  La  Russie  continue  d'être  à  la  mode.  C'est  grâce  à  cet  engoue- 
ment qu'Obloino/]]  une  œuvre  beaucoup  trop  vantée  d'Ivan  Gontcha- 
roff,  a  pu  trouver  chez  nous  un  éditeur.  Oblomofj' est  fait  pour  ren- 
verser toutes  nos  idées  sur  le  roman.  On  donne  Oblo^iioff  comme  une 
des  plus  remarquables  productions  de  la  nouvelle  école  naturaliste. 
Tant  pis  pour  la  nouvelle  école!  Mais^si  elle  ne  cherche  pas  àintéresser 
davantage  elle  n'aura  pas  longue  vie.  Quand  Balzac  et  Henri  Monnier 
(deux  réalistes  déterminés)  écrivaient  leurs  études  sociales,  ils  fai- 
saient une  large  part  à  l'imagination  et  à  l'idéal.  Ici,  rien  de  pareil; 
lespersonnages  sont  calqués  sur  nature;  ils  viennent  à  la  queue  leu- 
leu  visiter  l'indolent,  le  nonchalant,  le  paresseux  Oblomoff,  qui  ne 
peut  jamais  se  déterminer  à  sauter  du  lit  ou  à  quitter  sa  robe  de 
chambre;  ils  débitent  chacun  leur  petit  boniment  et  ne  reparaissent 
plus.  Que  le  bon  Dieu  les  accompagne  !  car  ils  sont  tristes  comme  la 
porte  d'une  prison.  Il  paraît  cependant  qu'en  Russie,  Oblomo/f  est  uni- 
ve réellement  considéré  comme  un  chef-d'œuvre.  Le  fait  est  que  ce 
roman  a  vingt  pages  :  Le  songe  d'Oblomo/f,  qui  sont  de  toute  beauté  et 


—  :{0  — 

qui  méritent  de  figurer  dans  tous  les  Morceaux  choisis  à  l'usage  de  la 
jeunesse-  Mais  le  reste!  Le  reste,  à  notre  avis,  ne  vaut  pas  le  diable. 
Ce  far-niente  continuel,  ce  nivarna  boudhique,  cet  omphalo -psychisme 
qui  revient  à  toutes  les  lignes,  est  d'une  monotonie  désespérante.  Le 
domestique  d'Oblomoff,  Zakhare,  malgré  ses  bizarreries,  sa  mauvaise 
humeur,  ses  grognements,  ses  cancans,  ses  larcins  et  son  dévouement 
bourru  de  scapin  sauvage,  ne  parvient  pas  à  la  détruire,  cette  mono- 
tonie, —  pas  plus  que  les  entrées  en  tempête  du  tumultueux  pique- 
nique  TarantaïefF.  La  vraie  cause  du  succès  d'Oblomoff  en  Russie 
serait  dans  le  symbolisme  de  l'œuvre.  Une  idée  politique  et  sociale 
aurait  été  intercalée  entre  les  lignes.  GontcharofF,  dit-on,  a  voulu 
symboliser  l'état  passif  de  la  noblesse  russe  sous  le  règne  du  tsar 
Nicolas.  Voblomovisme  est  devenu  proverbe;  il  désigne  là-bas  l'indé- 
cision invincible  et  la  paresse  rêveuse.  Au  surplus,  le  nom  du  roman- 
cier n'est  pas  non  plus  étranger  au  succès  moscovite  de  son  oeuvre. 
Gontcharoff  est  très-peu  connu  en  France  ;  mais  son  bagage  littéraire 
est  fort  considérable.  On  en  trouvera  les  détails  dans  Y  Histoire  de  la 
littérature  russe  contemporaine,  de  Courrière.  Oblomojf  a  été  traduit 
en  français  par  Piotre  Artamoff  et  le  regretté  Charles  Deulin. 

—  Nous  sommes  encore  en  Russie,  avec  Henry  G-réville  (lisez  : 
M"""  Durand).  Henry  Gréville,  retour  de  Russie,  s'est  mis  à  écrire  en 
français  des  romans  russes.  Immédiatement  des  portes  qui  s'entr'ou- 
vrent  à  peine  pour  nos  plus  remarquables  talents  indigènes  se  sont 
devant  elle  ouvertes  toutes  grandes.  La  Revue  de  Deux  Mondes,  le 
XIX°  Siècle,  le  Journal  des  Débats  ont  accueilli  avec  enthousiasme  la 
nouvelle  venue.  On  a  vanté  partout,  trop  vanté  son  originalité. 
La  Revue  de  France  (quel  blasphème!)  ne  comparait-elle  pas,  tout 
récemment,  M"^**  Henry  Gréville  à  Georges  Sand?  H  en  est  résulté 
que  cette  plume  taillée  dans  le  pays  des  neiges  a  percé  tout  de  suite 
«  la  neige  épaisse  et  glacée  de  l'indifférence  publique.  »  Et  elle  en  a 
profité  pour  pondre,  pondre  sans  cesse,  pondre  encore.  Nous  avons 
en  ce  moment  une  véritable  avalanche  de  romans  signés  :  Henry 
Gréville.  Ecoutez-en  la  nomenclature  :  Dosia,  VExpiation  de  Saveli, 
La  princesse  Oghero/f,  A  travers  champs,  les  Koumiassine,  So?iia,  la. 
Maiso7i  de  Maurèze,  Suzanne  Normis.  A\a,ntio\xi,  il  faut  être  juste. 
Deux  de  ces  romans,  Dosia  et  VExpiation  de  Savely,  sont  vraiment 
supérieurs.  Dosia  ressemble  beaucoup  au  3Iajor  Franz,  de  M""'  Boos- 
boom-Toussaint,  et  à  la  Renée  Maupcrin,  d'Edmond  et  Jules  de 
Goncourt.  C'est  une  jeune  fille  indisciplinée,  indomptable,  aux 
allures  émancipées,  volontaire,  capricieuse,  pareille  à  un  diamant 
brut,  dont  l'amour  se  fait  le  lapidaire,  dans  la  personne  du  sage 
officier  Platon.  UExpiation  de  Saveli  est  beaucoup  plus  dramatique. 
Saveli,  un  serf,  a  tué  le  barine  Bagrianofl",  une  espèce  de  Barbe-Bleue 


—  :m  — 

qui  lui  avait  ravi  et  déshonoré  sa  fiancée.  Bien  des  années  après,  le 
fils  du  serf,  aflranchi,  s'éprend  de  la  fille  du  boyard  assassiné,  et 
Saveli,  auquel  cette  union  inspire  une  horreur  bien  légitime,  se  trouve 
entraîné  à  faire  le  malheur  de  son  fils  en  lui  révélant  pourquoi  ce 
mariage  est  impossible.  "L'Expiation  de  Saveli,  sous  une  couleur  à  la 
fois  sobre  et  originale,  offre  de  saisissants  tableaux  des  mœurs,  des 
superstitions  et  des  passions  de  la  classe  rurale  en  Russie,  —  de  même 
que,  dans  Dosia,  les  Koumiassines  et  la  Princesse  Ogheroff',  sont  photo- 
graphiées les  mœurs  bizarres  delà  noblesse  et  de  la  riche  bourgeoisie. 
Ce  qui  fait  le  charme  de  Dosia  et  de  VExpiation  de  Saveli,  c'est  la 
constante  limpidité  du  stjle,  une  pointe  de  gaîté  qui  amène  le  sourire 
et  un  parfum  littérairement  exotique,  auxquels  les  gourmets  intellec- 
tuels sont  toujours  sensibles.  Mais  le  succès  très-légitime  de  Dosia  et 
de  Saveli  a  grisé  M™*  Henry  Gréville.  Elle  a,  comme  on  dit  vulgaire- 
ment, pressé  jusqu'à  l'écorce  l'orange  russe. 

Aimez-vous  la  muscade?  On  en  a  mis  partout. 

Ah  !  c'est  ainsi  ;  eh  bien,  sortons  du  portefeuille  la  Princesse  Ogherojf; 
racontons,  chose  déjà  connue,  les  intrigues  de  l'institutrice  envieuse 
et  cupide  ;  mettons  en  scène  des  veuves  inconsolées  qui  rendraient  des 
points  à  Artémise  ;  décrivons  de  pied  en  cap  des  Minerves  impeccables 
qui,  par  amour  du  martyre,  épousent  des  infirmes  et  des  poitrinaires; 
faisons,  dans  A  travers  champs,  verser  un  pleur,  sur  le  sort  de  deux 
jeunes  gens  dont  un  seul  est  libre  et  qui,  sentant  que  la  grande  route 
de  l'amitié  où  ils  marchent  ensemble  va  dévier  du  côté  de  l'amour, 
se  séparent  douloureusement  sans  retourner  la  tête;  apitoyons,  dans 
nos  Koumiassine,  les  bonnes  âmes  sensibles  sur  les  malheurs  de  la 
jeune  Vasilissa,  pauvre  jeune  fille  noble,  en  butte  à  toutes  les  avanies 
et  à  toutes  les  rebuffades  de  l'orgueil  aristocratique  ;  enfin,  essayons, 
dans  Sonia,  d'intéresser  les  lecteurs  bénévoles  aux  aventures  d'une 
fille  sauvage,  mais  pudibonde,  qui  s'éprend  d'amour  pour  un  archéo- 
logue de  Moscou,  dont  elle  cire  les  bottes  et  raccommode  le  linge.  Et 
si  tôt  dit,  si  tôt  fait.  Par  malheur,  la  fécondité  a  nui  à  la  qualité.  Dans 
les  lettres,  comme  dans  les  arts,  comme  en  toutes  choses,  c'est  un  tort 
très-grave  de  surmener  son  talent,  de  le  prodiguer.  Ceux-là  seuls 
peuvent  renouveler  intellectuellement  les  douze  travaux  d'Hercule 
qui  ont  reçu  du  Ciel  l'étincelle  divine,  le  génie.  La  production  trop 
rapide,  à  force  de  devenir  banale,  enraye  le  succès.  Plt,  c'est  proba- 
blement ici  le  cas.  Je  doute  fort,  par  exemple,  que  les  deux  dernières 
œuvres  de  M™*  Henry  Gréville,  la  .Maison  de  Maurèze  et  Suzanne 
Norinis  (dont  l'action,  entre  parenthèses,  se  passe  en  France)  obtien- 
nent de  la  critique  le  même  accueil  que  Dosia  et  l'Expiation  de  Saveli. 
Il  faut  dire  aussi  que  M'"*  Henry  Gréville  s'est  faite,  en  ces  derniers 


—  -.y-i  — 

temps,  de  singulières  idées  sur  la  morale.  Qu'on  en  juge  par  cet  échan- 
tillon :  «  La  marquise  de  Maurèze,  ayant  failli,  s'arrête  à  un  moyen 
terme.  Elle  consacre  sa  vie,  sauf  les  heures  qui  appartiennent  à  son 
amant,  à  préserver  ses  enfants  des  pièges  où  elle  est  tombée.  Si  sa 
conduite  est  coupable,  au  moins  son  enseignement  sera  irrépro- 
chable. »  C'est  déjà  quelque  chose.  Mais,  quelle  drôle  de  casuis- 
tique !  Le  même  manque  de  sens  moral  apparaît,  çà  et  là,  dans 
5»5a;iJie  iVorm(5,  où  nous  voyons  un  père  d'une  faiblesse  déplorable, 
élever  sa  fille  en  dépit  du  bon  sens,  la  marier  aveuglément  à  un  butor 
et  s'arracher  ensuite  les  cheveux  de  désespoir.  Il  y  a,  du  moins,  dans 
Suzatme  Nonnis,  quelques  caractères  fort  avenants,  notamment,  la 
cousine  Lisbeth,  vieille  fille  sexagénaire  qu'on  a  surnommée  la  «  bête 
à  bon  Dieu,  »  parce  que,  dans  sa  naïveté  sublime,  elle  est  la  providence 
de  tout  un  village.  Mais,  dans  la  Maison  de  Maurèze,  nous  ne  trouvons 
rien  d'attrayant.  Cette  histoire  d'adultère,  traitée  par  l'auteur  avec 
une  certaine  délicatesse,  offre  ce  côté  pénible  que  «  les  deux 
enfants  de  l'épouse  coupable  se  trouvent  mêlés  à  sa  faute  et  réduits 
à  mentir,  à  s'accuser  eux-mêmes  pour  sauver  leur  mère.  »  En  outre, 
l'intendant  Robert  est  un  type  faux  pour  l'époque.  Il  se  pend  de 
désespoir  en  apprenant  que  l'honneur  de  la  maison  de  Maurèze  a  été 
souillé.  Si  le  type  était  réel,  les  cordiers  du  xviii^  siècle,  comme  on 
l'a  dit  plaisamment,  auraient  fait  des  fortunes  invraisemblables.  Dans 
ses  romans  russes,  M""*  Henry  Gréville  vivait  à  peu  près  en-dehors 
des  idées  religieuses.  C'était  une  source  de  moins  d'inspiration.  Mais, 
esthétiquement,  elle  ne  donnait  prise  à  aucun  reproche  d'hostilité  ou 
de  haine.  Dans  ses  romans  français,  elle  montre  un  bout  d'oreille  qui 
sent  le  roussi.  Ainsi,  nous  la  voyons,  dans  Suzanne  Nonnis  y  Sittrihuev 
à  l'éducation  des  religieuses  du  Sacré-Cœur  des  conséquences  qu'un 
cas  exceptionnel  ne  saurait  logiquement  justifier.  Elle  plaisante  sur 
l'acte  de  la  première  communion,  et  trouve  le  catéchisme  «  une  chose 
par  trop  absurde.  »  Ce  sont  là  des  notes  absolument  discordantes  et,., 
complètement  inutiles. 

—  Puisque  nous  voilà  jusqu'au  cou  dans  la  littérature  étrangère, 
n'en  sortons  pas  sans  dire  un  mot  de  quelques  romans  anglais,  italiens 
et  flamands,  que  les  traducteurs  viennent  de  livrer  à  la  publicité. 
Nous  avons  Flora  Bellasys,  par  G.  A.  Laurence  ;  Sans  issue,  par 
Elisabeth  Stuart  Phelps;  le  Baiser  de  la  comtesse  Savina,  par  A.  Cac- 
cianiga;  Sous  le  grand  hêtre,  par  Auguste  Snieders.  Flora  Bellasys  est 
le  complément  de  Guy  Livingstone.  Après  la  mort  de  Guy,  Flora, 
épouse,  sans  l'aimer,  sir  Marmaduke  Dorillon.  Le  vieux  lord  n'est 
qu'une  sorte  de  chaperon  pour  la  coquette  et  provocante  Flora.  La 
coquetterie  de  lady  Dorillon  occasionne  le  suicide  du  peintre  Fleming 
et  la  paralysie  de  sir  Marmaduke.  Ce  nouveau  roman  de  Tauteur  de 


—  3G  — 

Gtdj  LiviiKjslonc  se  perd  dans  les  détails  et  les  épisodes.  On  finit  par 
ne  plus  s'y  reconnaître.  Il  faut  louer  pourtant  l'introduction,  tableau 
très-fouillé,  très-naturel,  très-pittoresque  du  marché  de  Torrecaster 
dans  le  comté  de  Marshire.  On  dirait  une  de  ces  ducasses  wallonnes 
ou  de  ces  kermesses  llamandes  dont  Téniers  et  Breughel  le  Drôle, 
nous  ont  si  bien  décritles  cotés  réjouissants,  tumultueux  et  grotesques. 
Sans  issue,  de  M'"'^  Elisabeth  Stuart  Phelps,  rentre  dans  un  tout 
autre  ordre  d'idées.  C'est  un  terrible  réquisitoire  contre  la  philan- 
thropie anglaise  et  le  caiH  britannique.  11  s'agit  d'une  fille-mère  qui, 
tant  qu'elle  a  son  enfant  sur  les  bras,  voit  tous  les  yeux  se  baisser 
devant  elle,  toutes  les  mains  se  retirer,  toutes  les  bourses  se  cacher, 
toutes  les  maisons  se  fermer.  Nixy  Trent,  ainsi  se  nomme  cette  in- 
fortunée qui  a  failli  sans  presque  en  avoir  conscience,  serait  devenue 
une  fille  perdue,  n'était  une  bonne  samaritaine,  une  vraie  chrétienne, 
Marguerite  Purcell,  qui  la  recueille  chez  elle,  l'instruit,  la  moralise  et 
finalement  en  fait  une  honnête  femme.  Alexandre  Dumas  fils  a  traité 
une  pareille  thèse  dans  les  Madeleines  repenties  et  dans  les  Idées  de 
Madame  Aiibray,  avec  cette  diff'érence,  que  l'écrivain  français  disserte 
moins  que  l'auteur  anglais.  M"^  Elisabeth  Stuart  Phelps  abuse  des 
citations  de  l'Ecriture.  Un  roman  n'est  pas  un  sermon,  ni  un  prêche, 
puisque  nous  avons  aftaire  cette  fois  à  une  œuvre  protestante,  œuvre, 
du  reste,  bien  conduite,  profondément  fouillée,  quoique  un  peu 
nerveuse.  Il  est  instructif  de  passer  sans  transition  aucune  de  la  litté- 
rature anglaise  à  la  littérature  italienne.  On  voit  de  suite  les  dissimi- 
litudes du  Nord  et  du  Midi.  Ici,  l'analyse  des  sentiments  intimes, 
l'observation  psychologique,  les  minuties  du  al  home,  les  mélancolies 
du  brouillard;  là,  les  joies  bruyantes  des  jours  ensoleillés,  les  descrip- 
tions anthropomorphes,  l'emphase  des  clioses  extérieures,  Sont-cedes 
défauts?  Non  :  ce  sont  des  expressions  et  des  impressions  inhérentes 
à  la  race  et  au  tempérament.  Onles  retrouve,  franches  et  peu  déguisées, 
dans  le  Baiser  de  la  comlcssc  Savina.  Ne  vous  creusez  pas  cependant 
l'imagination.  Malgré  ce  titre  guilleret,  sauf  une  escapade  indiquée  à 
peine,  le  Baiser  de  la  cumlesse  Sacina  n'a  rien  d'immoral.  L'histoire  de 
ce  «  baiser  »  est  celle-ci  :  un  pauvre  orphelin,  Daniel  Carletti,  habite 
à  Milan,  avec  son  oncle  le  chanoine,  une  maison  qui  fait  face  au 
somptueux  hôtel  des  comtes  de  Brisnago.  De  sa  petite  fenêtre,  Daniel 
aperçoit  presque  tous  les  jours,  se  promenant  dans  les  jardins  de 
l'hôtel,  une  fée  si  ravissante,  que  le  pauvre  garçon  en  perd  le  boire  et 
le  manger.  Amour  tout  platonique  d'ailleurs!  La  seule  licence  qu'il 
s'accorde,  c'est  d'envoyer  à  la  fée  unbaiser  avecla  main.  Puis,  il  part 
pour  la  Valteline,  où  il  exerce  les  fonctions  de  maître  d'école,  —  tout 
en  travaillant  à  une  tragédie  légendaire,  dont  il  avait  conçu  le  plan  sur 
les  bancs  du  collège.  Peu  à  peu,  la  poésie  et  le  rêve  font  place  à  la 
Janvier  1878.  T.  XXII,  3, 


—  34  — 

raison  et  au  bon  sens.  Daniel  Carletti  épouse  la  iille  d'un  riche  fermier, 
Agathe  Bruni.  Le  bon  chanoine  meurt  sur  les  entrefaites.  Ils  héritent 
et  reviennent  habiter  Milan.  Agathe  et  Daniel  ont  une  fille  char- 
mante. De  son  côté,  la  fée  d'autrefois,  la  comtesse  Savina  s'est  mariée 
avec  le  marquis  de  Montegaldo.  Un  fils  est  issu  de  cette  union.  Or 
qu'urrive-t-il?  C'est  qu'un  beau  matin,  Daniel  Carletti  aperçoit  le 
jaune  Saverio  Montegaldo  envoyer  de  la  main  un  baiser  à  sa  chère 
Giuseppina,  —  Vous  vojez  d'ici  la  coïncidence!  Mais,  comme  dit 
Shakespeare,  tout  est  bien  qui  fiait  bien,  et  l'amourette,  cette  fois, 
finit  par  un  bon  et  honnête  mariage.  Le  Baiser  delà  comtesse  Savina  a 
un  autre  mérite  à  nos  yeux  :  il  fait  aimer  la  vie  rurale,  la  vie  agricole. 
Et,  par  ces  temps  d'absentéisme  à  outrance,  il  faut  encourager  toutes 
les  tentatives  de  nature  à  inspirer  aux  masses  rurales  l'amour  du  sol 
natal  et  le  respect  du  fojer  paternel.  C'est  pour  cela  que  nous  recom- 
mandons, comme  un  excellent  livre  de  propagande,  Sous  le  grand 
hêtre,  de  M.  Auguste  Snieders.  Il  fut  une  époque,  pas  bien  éloignée, 
où  la  découverte  des  placers  aurifères  de  la  Californie  fit  perdre  la 
tête  à  bon  nombre  de  paysans.  Ils  vendirent  leurs  champs  et  émigrèrent 
en  Amérique,  crojant  y  ramasser  l'or  à  pleines  mains.  Ils  n'y  ramas- 
sèrent que  la  misère.  Tel  fut  du  moins  le  sort  d'Hubert  Bronke,  dit 
Bert  le  Roux.  Il  quitta  s(>n  village  où  il  avait  tout  à  souhait,  aban- 
donna son  vieux  père  aveugle  et  s'embarqua  pour  la  Californie  avec  sa 
femme  Monique  et  sa  fille  Héva.  Les  déceptions,  les  maladies,  les 
soufîrances,  eurent  bientôt  raison  de  Bert  le  Roux  et  de  Monique. 
Héva  revint  seule  au  village  et  y  retrouva  son  fiancé  Daniel,  sonaïeul, 
ses  amis  du  Grand-Hêtre  et  le  bonhomme  Evrard  Krans,  enragé  mar- 
motteur  de  proverbes.  Parmi  les  adages  de  Krans,  prenons-en  seu- 
lement deux  qui  sont  toute  la  morale  de  cette  histoire  :  Pierre  qui 
roule  n'amasse  pas  mousse  ;  —  Qui  a  un  chez  soi  est  plus  riche  qu'un 
roi. 

—  Si  nous  rentrions  en  France  !  Il  nous  semble  que  nous  avons  un 
peu  longuement  voyagé  hors  de  la  «  doulce  »  terre  des  Gaules, 
d'autant  que  M.  Charles  Canivet  nous  attire  en  pleine  Normandie, 
dans  le  Cotentin.  C'est  là,  entre  Criquebec  et  Valognes,  dans  la  ferme 
de  la  Boulottière,  près  du  pont  de  Négreville,  que  son  Jean  Dagoury 
fait  ses  tristes  fredaines.  Ce  Dagoury  est  une  bête  brute  qui  met  à 
mal  une  jeune  orpheline  qu'on  appelait  indistinctement  Jeanne,  Jean- 
nette, Jeanneton,  Jeannetonnette,  et  par  abréviation  Tonnette.  Bour- 
relé de  remords,  le  cœur  ulcéré  d'envie,  l'âme  desséchée  par  l'avarice, 
Dagoury  se  noie  dans  la  Douve,  et  Tonnette  épouse  en  secondes  noces 
le  brave  et  honnête  meunier  Mesnilgrand.Les  paysans  de  M.  Charles 
Canivet  ne  sont  pas  poétisés  et  floriannisés  comme  ceux  de  George 
Sand  ;  ils  ne  sont  pas  non  plus  caricaturisés  et  enlaidis  comme  ceux  de 


—  3o  — 

M.LéonCla.del.L'a.uteavdesScenesdupaysbas-nonnand  a  su  éviter  ces 
deux  extrêmes.  Il  a  été  vigoureux  sans  violence,  exact  sans  exagéra- 
tion, quoique  certains  de  ses  portraits  soient  un  peu  poussés  au 
noir.  En  somme,  au  point  de  vue  purement  littéraire,  oeuvre  cons- 
ciencieuse et  méritante.  Nous  en  dirons  autant,  au  même  point  de 
vue,  de  la  Veuve,  de  M.  Louis  Ènault.  Le  sujet  des  deux  romans  n'a 
toutefois  aucun  rapport.  Dans  Jean  Dngoiiry,  M.  Canivet  ne  met  en 
scène,  sauf  un  jeune  étudiant,  que  des  gens  de  la  campagne  :  Dagoury, 
Mesnilgrand,  le  mendiant  Tintin,  l'abbé  Dumatel.  M.  Louis Énault  ne 
sort  pas  des  salons  aristocratiques.  Mais,  des  deux  côtés,  il  y  a  le 
même  soin  de  la  forme.  Aa  Veuve  vaut  surtout  par  la  peinture  élégante 
et  distinguée  de  la  vie  de  château  et  des  moeurs  du  vrai  grand  monde. 
jyj^me  d'Avray,  la  veuve,  —  une  veuve  charmante,  —  est  une  seconde 
Artémse.  Sa  douleur  est  profonde,  éternelle,  sans  ostentation.  Cela 
ne  l'empêche  pas  de  mener  une  existence  conforme  à  son  rang  :  il  le 
faut  bien,  à  cause  de  sa  jeune  belle-sœur  Yalentine  qui,  elle,  ne 
demande  pas  mieux  que  d'allumer  les  flambeaux  de  l'hymen.  M.  de 
Kermoine  serait  bien  l'homme  de  la  circonstance  ;  mais  ne  voilà-t-il 
pas  que  ce  gentilhomme  n'a  des  yeux  que  pour  M"""  d'Avray.  Arté- 
mise  se  montre  inflexible.  Alors  M.  de  Kermoine  se  ravise,  et,  ne 
voulant  pas  revenir  bredouille  de  ses  galanteries,  il  épouse  Valentine. 
M""*  d'Avray  prend  le  voile  chez  les  Dames  Bénédictines.  Tout  cela 
est  très-finement  analysé,  en-dehors  de  quelques  longueurs  et  de 
quelques  haltes  trop  longues  dans  les  situations  secondaires.  On  lira 
avec  plaisir  dans  ce  livre  un  portrait  bien  réussi  de  l'auteur  de  la 
Marche  funèbre,  Frédéric  Chopin,  la  physionomie  la  plus  originale 
peut-être  de  l'art  musical  contemporain,  talent  recherché  et  mys- 
tique, âme  profonde,  abîme  couvert  de  fleurs^  rêveur  sérieux  voilant 
sa  pensée  grave  sous  une  forme  exquise. 

—  Les  Bibliothèques  spéciales  sont  à  l'ordre  du  jour.  Il  y  a  les 
Bibliothèques  militaires,  les  Bibliothèques  de  la  jeunesse,  les  Biblio- 
thèques de  l'enfance,  les  Bibliothèques  des  chemins  de  fer.  Yoici 
qu'un  éditeur  de  Paris  vient  de  fonder  la  Bibliothèque  des  bains  de 
mer.  Nous  avons  là  sous  les  yeux  quatre  romans  faisant  partie  de 
cette  nouvelle  Bibliothèque.  Ce  sont  :  Une  femme  à  bord,  Un  amour 
de  grande  dame,  le  Mari  de  la  vieille,  et  la  Grande  Falaise.  Le  pre- 
mier est  insignifiant.  La  «  femme  à  bord  »  est  une  nouvelle 
mariée,  capricieuse,  coquette,  folâtre,  que  son  mari,  par  condescen- 
dance, emmène  avec  lui  sur  le  Triton,  vaisseau  dont  il  est  le  comman- 
dant, ce  qui  ne  lui  porte  pas  bonheur;  car,  par  ses  agaceries,  ses 
minauderies,  ses  imprudences,  madame  trouble  la  tête  à  tout  le 
monde,  provoque  un  suicide  et  fait  mourir  l'homme  dont  elle  porte  le 
nom  de  douleur  et  de  désespoir.  Dans  un  «  Amour  de  grande  dame,  » 


—  :j(i  — 

œuvre  mieux  réussie,  il  y  a  quelque  chose  d'identique.  La  comtesse 
Isabelle  inspire  de  l'amour  à  un  honnête  homme.  Elle  est  veuve,  elle  est 
libre,  elle  aime  au  fond  celui  qui  lui  a  sauvé  la  vie  aux  eaux  de  Plom- 
bières ;  mais  elle  n'en  brise  pas  moins  la  vie  et  le  cœur  de  Derfaut, 
—  tout  simplement  parce  qu'il  est  roturier  et  que  l'orgueilleuse  Isa- 
belle tient  moins  à  son  bonheur  qu'à  sa  couronne  do  comtesse.  Quant 
au  Mari  de  la  vieille,  c'est  une  production  plus  que  légère.  Elle  roule 
sur  un  quiproquo  dont  le  chaste  dénoùment  pallie  un  pou  les  passages 
scabreux.  Néanmoins,  nous  ne  conseillons  pas  à  la  mère  d'en  permettre 
la  lecture  à  sa  fille,  si  excellentes  soient  les  intentions  d'une 
aimable  vieille  du  faubourg  Saint-Germain,  et  si  légitimes  soient  les 
droits  que  sa  gentille  nièce  peut  avoir  sur  le  libertin  Gaston  de 
Presmes.  Eu  résumé,  des  quatre  romans  parus  dans  la  Bibliothèque 
des  bains  de  mer,  le  seul  qui  ait  vraiment  de  la  valeur,  nous  l'avons 
réservé  pour  la  bonne  bouche.  Il  a  pour  titre  :  la  Grande  Falaise. 
Drame  émouvant  dont  l'action  absolument  historique  se  passe  pendant 
la  Révolution,  de  1785  à  1799.  Robert  Marnier,  fils  d'un  homme  taré, 
perdu  de  dettes,  sauve  un  jour  de  la  mort  la  fille  du  marquis  de  Tray- 
nières,  Charlotte,  qui  s'était  imprudemment  aventurée  sur  la  grande 
falaise  de  la  Hague.  Un  ruban  est  tout  ce  qui  reste  à  Robert  de  ce 
sauvetage.  La  Révolution  éclate.  Robert  s'engage  et,  après  divers 
actes  de  bravoure,  devient  général.  Le  marquis  de  Traynières  est 
proscrit.  Charlotte,  se  ressouvenant  de  Robert,  va  lui  demander  de 
sauver  son  père.  Le  général  Robert  acquiesce  à  la  demande  de  la 
jeune  fille  ;  mais  à  quel  prix  ?  Au  prix  de  l'honneur  de  M^'^  Tray- 
nières.  Il  a  voulu  se  venger  d'une  insulte  jadis  faite  à  sa  pauvreté.  Dés 
ce  moment,  le  remords  s'empare  du  général.  Charlotte  se  présente  à 
lui  avec  un  vieux  prêtre  et  dit  à  Robert  Marnier  :  «  Mon  devoir  est 
d'être  votre  femme.  »  Le  mariage  s'accomplit  et  Robert  part  pour  l'E- 
gypte. Le  souvenir  de  Charlotte  et  de  son  indigne  attitude  envers 
elle  le  poursuit  partout.  Il  cherche  la  mort,  la  mort  ne  veut  pas  de 
lui.  De  retour  en  France,  il  ne  cherche  pas  à  voir  sa  femme,  mais  il 
s'applique,  par  une  conduite  exemplaire,  à  mériter  son  pardon.  Il  pro- 
fite de  son  influence  pour  rendre  aux  amis  de  Charlotte  et  à  M.  de 
Trayniéres  lui-même  des  services  qui  ne  s'oublient  pas,  si  bien 
qu'un  jour  Charlotte  ouvre  ses  bras  à  son  mari,  et,  pardonnant  le  crime 
expié,  s'écrie  les  yeux  pleins  de  douces  larmes  :  «  Maintenant,  je  suis 
vraiment  votre  femme  !  «  Dans  la  Grande  FalaiseM.  Albert  Sorelmet 
en  présence  des  républicains  et  des  royalistes.  On  voit  de  suite  qu'il 
est  girondin;  mais  nous  devons  lui  rendre  cette  justice,  qu'il  ne 
représente  pas  ses  adversaires  politiques  sous  des  couleurs  ridicules 
et  odieuses.  Au  contraire  !  En  outre,  il  ne  se  fait  pas  faute,  à  l'oc- 
casion, de  flétrir  comme  ils  le  méritent  les  Carrier,  les  Fouquier-Tin- 


—  37  — 

ville  et  les  Robespierre.  Le  fond  du  roman,  avons-nous  dit,  est  his- 
torique. Voici,  en  effet,  ce  qu'on  lit  dans  la  Bior/raphie  générale  :  «  A 
la  Restauration,  le  général  Robert  se  retira  dans  sa  famille.  Il  est 
mort  au  château  de  Malesville  (Manche).  Il  avait  épousé  M"^  Char- 
lotte de  Trayniùres,  fille  du  marquis  de  Traynières,  député  de  Nor- 
mandie aux  États  généraux  de  1789.  » 

—  Près  du  gouffre,  de  M.  Saint-Patrice,  ne  fait  pas  partie  de  la 
Bibliothèque  des  bains  de  mer  ;  mais  ce  roman  a  toutes  les  «  quali- 
tés »  requises  pour  figurer  dans  la  collection.  L'intrigue  serait  bien 
déduite  si  l'auteur  ne  courait  pas  si  visiblement  après  l'esprit.  Il  a 
aussi  des  théories  passalilement risquées  sur  les  moyens  de  vengeance 
que  doivent  employer  les  femmes  jalouses.  Pour  avoir  employé  un  de 
ces  moyen?,  l'héroïne  du  livro,  M°"^  de  la  Rôle,  s'approche  tellement 
du  gouffre  que,  si  elle  n'y  tombe  pas,  c'est  par  des  prodiges  d'équi- 
libre à  empêcher  Blondin  de  dormir.  Passons  outre  et  arrivons  à  la 
Biitarde,  de  M.  Xavier  de  Montépin.  Ce  roman  débute  par  un  viol,  un 
duel  suivi  de  mort  et  un  adultère.  Puis  vient  une  substitution  d'en- 
fants, des  combinaisons  à  n'en  plus  finir  et  des  péripéties  à  vous  rendre 
fou.  Au  dénoiiment,  il  y  a  encore  un  crime,  un  assassinat;  la  fille  légi- 
time meurt  en  pardonnant  à  ses  ennemis,  l'expiation,  une  expiation 
terrible,  atteint  les  coupables;  la  morale  est  sauve.  Mais  si  la 
morale  est  sauve  au  dénoûment,  elle  ne  l'est  pas  toujours  dans  les 
situations.  La  Bâtarde  appartient  à  ce  genre  de  romans  dont  Ro- 
cambole  off're  le  plus  parfait  spécimen.  Au  même  genre  et  au 
genre  Gaboriau  simultanément,  appartient  le  Numéro  13,  de  la  rue 
Mariât,  par  René  de  Pont-Jest.  Habituellement,  dans  de  semblables 
œuvres,  il  s'agit  d'un  crime  dont  on  soupçonne  d'abord  tout  autre  que 
le  vrai  coupable.  Cette  fois,  les  apparences  existent,  les  recherches 
se  poursuivent,  les  imbroglios  naissent  à  chaque  pas;  et  il  se  ren- 
contre finalement  qu'il  n'y  a  eu  ni  meurtre,  ni  suicide,  bien  que,  dans 
un  escalier,  un  cadavre  ait  été  trouvé,  atteint  de  deux  graves 
blessures.  Le  prétendu  assassin  s'est  enfui  ;  mais  sa  prétendue  com- 
plice est  devant  les  assises  et  va  être  condamnée  à  mort,  quand  arrive 
juste  à  point  d'Amérique  un  détective  ramenant  l'inculpé.  Celui-ci, 
péremptoirement,  démontre  que  le  cadavre  trouvé  dans  l'escalier  du 
numéro  13  de  la  rue  Marlot  est  celui  de  M.  de  Rumigny,  lequel  s'é- 
tait tué  lui-même  par  accident  en  tombant  sur  un  couteau  ouvert 
qu'il  tenait  à  la  main.  0  tiuGoç  or,Xo[,  cette  fable  montre  que  la 
justice  ne  saurait  s'entourer  do  trop  de  précautions  en  traduisant 
quelqu'un  à  sa  barre. 

—  Nous  connaissions  le  roman  judiciaire;  mais  le  roman  javanais 
avait  complètement  échappé  à  nos  investigations.  Aujourd'hui  nous 
découvrons  ce  phénix;  il  a  nom  Kousouma  et  pour  auteur  M™"  Maria 


—  38  — 

Bogor.  ^oxsnnma,  en  javanai?,  veut  dire  «  fleur.»  Cette  Kousouraa  est, 
en  effet,  bien  nommée.  C'est  une  fleur  des  tropiques,  d'une  beauté 
étrange,  mais  fort  dangereuse.  Séduite  par  un  certain  Hugo  de  Voss, 
la  Javanaise  se  venge  en  faisant  assassiner  la  fiancée  de  ce  capitaine 
de  vaisseau.  Il  y  a,  dans  Kousouma  des  pages  chaudes  et  passionnées, 
trop  passionnées  même.  Néanmoins  M"^  Bogor  n'a  pas  su  tirer  de  son 
sujet  tout  le  parti  qu'il  comporte.  Sous  la  plume  de  Méry,  par 
exemple,  Kousouma  fût  devenu  un  chef-d'œuvre.  L'auteur  de  la 
Guerre  du  Nizam  nous  aurait  donné  de  ces  paysages  splendides  dont 
sa  plume  enchanteresse  avait  le  secret;  il  eût  passé  en  revue  les 
mœurs  pittoresques,  les  coutumes  étranges,  les  féeriques  panoramas 
dont  Java  offre  le  spectacle  ;  il  nous  eût  décrit  cette  riche  flore  java- 
naise qui  n'a  pas  d'analogue  :  les  cocotiers  aux  panaches  multiples; 
les  flamboyants  dont  les  fleurs  écarlates  éblouissent  la  vue  ;  les  bana- 
niers aux  feuilles  vertes,  de  grandeur  extraordinaire  ;  les  arbres  à 
coton,  chargés  de  flocons  blancs  comme  la  neige  ;  les  palmiers  du 
voyageur,  éventails  gigantesques  d'une  forme  et  d'une  élégance  admi- 
rables ;  les  banyans  immenses,  dont  un  seul  forme  un  bois  tout  entier 
où  ne  pénètrent  jamais  les  rayons  du  soleil  ;  les  vaniliers  s'enlaçant 
autour  des  fontaines,  tapissant  les  murs  des  vérandahs  et  mêlant 
leurs  parfums  pénétrants  à  la  brise  caressante  dos  montagnes. 
M""^  Bogor  s'est  contentée  de  nous  parler,  à  la  hâte,  du  nénuphar,  de 
l'ylang-ylang,  du  pukul-ampat  et  d'une  fleur  des  tombeaux  que  les 
esprits  des  morts  protègent  ;  elle  a  préféré  s'égarer  dans  les  plates- 
bandes  d'une  fausse  sentimentalité.  Chacun  son  goût. 

—  Le  drame  de  Patrie,  de  Victorien  Sardou,  a  très-certainement 
inspiré  l'auteur  de  Dona  Maria.  Celle-ci  comme  Dolorès,  hait  d'une 
haine  indomptable  Guillaume  le  Taciturne.  Elle  se  croit  une  nouvelle 
Judith  destinée  par  Dieu  même  à  tuer  «  le  nouvel  Holopherne.  »  La 
chose  étant  un  peu  difficile,  Dona  Maria  d'Alastro  arme  le  bras  de 
divers  personnages  qui,  tous,  sauf  le  dernier,  Baltliazar  Gérard, 
échouent  dans  leur  criminelle  entreprise  et  périssent  sur  l'échafaud. 
Inutile  de  dire  que  les  moyens  employés  par  Dona  Maria  pour  mettre 
le  poignard  aux  mains  de  Juan  de  Terrannva,  d'Alphonse  de  Guevara, 
de  Hans  Hamburger,  de  Nicolas  de  Salcède  et  de  Gérard  le  Lorrain, 
sont  les  mômes  que  ceux  dont  se  seraient  servis  les  chefs  de  la  Ligue 
pour  déterminer  Jacques  Clément  à  tuer  Henri  III.  M.  Cambier, 
l'auteur  de  ce  roman  qui  a  des  prétentions  historiques,  traite  l'histoire 
par  dessous  jambe.  Il  prétend  que  la  Judith  belge  —  une  Judith  peu 
scrupuleuse,  en  tout  cas — aurait  été  fanatisée  par  une  amie  de  sainte 
Thérèse,  supérieure  du  couvent  de  San-Miguel,  par  le  dominicain 
Timraermann  et  par  le  prince-évêque  de  Cologne.  Tout  cela  est  de 
pure    fantaisie,  et  l'on  ne  voit  que  trop  à  quoi  tendent,  malgré   cer- 


—  30  — 

taines  déclarations  respectueuses,  de  semblables  imputations.  C'est  de 
la  chronique  inexacte  mise  en  mauvais  roman.  Nous  pouvons  en  dire 
de  même,  et  avec  beaucoup  plus  de  raisons  encore,  des  Diables  de 
Loudiin,  par  Jean  de  Poitiers.  Les  faits  inexplicables  observés  à 
Loudun,  le  procès  d'Urbain  Grandier  et  son  exécution  capitale  veulent 
être  traités  avec  toute  la  gravité  de  l'histoire.  Ces  faits  ont  passionné 
toute  une  génération.  Les  possessions  étaient-elles  réelles?  Le  pour 
et  le  contre  ont  eu  leurs  partisans.  Grandier  était-il  sorcier?  La 
question  est  toujours  controversée.  Ce  qui  est  admis  par  tout  le  monde, 
c'est  que  sa  vie  était  scandaleuse.  Assurément  il  n'y  avait  pas  là  motif 
suffisant  pour  fiiire  brûler  ce  malheureux  prêtre.  Mais,  en  bonne 
justice,  on  ne  peut  admettre,  comme  s'évertue  à  le  prouver  l'auteur 
des  Diahlrs  de  Loiidiin.  que  cette  mort  fut  une  vengeance  de  Richelieu. 
Richelieu,  tout-puissant  ministre,  ne  prenait  pas  des  chemins  si 
détournés.  D'ailleurs,  Richelieu  n'avait  point  pour  habitude  de  venger 
ses  injures  personnelles.  Son  bras  ne  s'appasantissait  que  sur  les  enne- 
mis de  l'Etat.  Ceux  qui  ont  condamné  Grandier  croyaient  réel'ement 
à  la  réalité  des  possessions,  et,  en  toute  bonne  foi,  lui  ont  fait  appli- 
quer par  Laubardemont  les  peines  édictées  contre  les  sorciers  par  un 
Code  qui^  évidemment,  n'est  plus  dans  nos  mœurs,  mais  dont  la  légi- 
timité était  alors  reconnue  de  tout  le  monde.  Jean  Bodin,  lui-même, 
l'auteur  éclairé  et  libéral,  d'un  traité  sur  la  République,  n'a-t-il  pas, 
sous  ce  rapport,  approuvé  et  partagé,  dans  sa  Démonomanie, toutesles 
idées  de  son  temps?  Il  est  donc  souverainement  injuste  de  rendre  le 
catholicisme  responsable  de  la  mort  d'Urbain  Grandier.  C'est  pourtant 
ce  que  fait  Jean  de  Poitiers  (un  pseudonyme  évidemment)  dans  ses 
Diables  de  Loudun.  Comme  roman,  d'ailleurs,  c'est  piètre.  L'auteur  n'a 
d'original  que  la  couverture  fantastique  et  lugubre  de  ses  Diables.  Les 
caractères  d'impressic-n  (têtes  de  clou  sur  du  papier  à  chandelle)  et  la 
justification  typographique  du  volume  indiquent  suffisamment  que  les 
THables  de  Loudun  ont  paru  en  feuilleton  dans  quelque  succursale 
poitevine  du  Réveil  et  de  la  Lanterne  :  cela  dit  tout.  Quant  aux  détails 
historiques,  ils  ont  été  copiés  dans  VHistoire  des  diables  de  Loudun,  du 
calviniste  Aubin.  Le  récit  de  lamortde  Grandier  est  paiement  et  mala- 
droitement imité  des  premières  pages  du  Cinq-Mars,  d'Alfred  deVigny. 
—  Elisée,  par  Eugène  Pelletan,  quoique  de  forme  romanesque,  n'est 
pas  précisément  un  roman.  C'est  un  prétexte  à  pompeuses  et  poétiques 
déclamations  contre  l'ancien  régime,  la  papauté,  la  noblesse  et  les 
jésuites.  Elisée  pourrait  bien  être  M.  Pelletan  lui-même.  Fils  d'un 
paysan  de  la  Saintonge,  il  est  élevé  dans  un  collège  de  Poitiers,  en 
sort  ni  catholique  ni  protestant,  arrive  à  Paris,  fait  son  droit,  voyage 
en  Italie  revient  en  France  et  se  marie  avec  la  fille  d'un  charpentier. 
Cela  tiendrait  bien  en  vingt  lignes —  et  le  livre  a  pourtant  450  pages. 


—  40  — 

Voici  pourquoi  :  Elisée  se  demande  :  «  Qu'est-ce  que  l'homme  en 
général,  et  que  suis-je  en  particulier?  »  Et  il  va  chercher  la  réponse 
dans  Hegel,  Darwin  et  Buchner.  Il  n'avait,  comme  JoufTroy,  qu'à 
ouvrir  le  catéchisme.  Plus  loin,  il  se  pose  cette  question  :  c  Que  faut-il 
penser  de  la  papauté?  »  Et,  au  lieu  de  consulter  Thistoire  derp]glise 
catholique  qui  est  l'histoire  même  des  papes,  il  s'en  remet  à  la  Question 
romaine  d'Edmond  About.  Ailleurs,  il  dit  de  la  théologie  :  «  C'est  une 
couturière  qui  habille  Dieu  à  sa  convenance.  »  Plus  loin,  il  s'épuise 
en  quolibets  sur  Marie  Alacoque,  fait  assassiner  le  maréchal  Brune 
par  Tresta liions,  et  appelle  Chateaubriand  le  «  hâbleur  de  la  mélan- 
colie. »  Pour  Elisée,  la  noblesse  est  une  «  élite  de  coquins,  »  et, 
voulant  naturellement  prouver  son  dire,  il  énumère  les  tristes  exploits 
de  ces  louveteaux  d'Auvergne  que  Louis  XIV  fut  obligé  de  réduire  — 
comme  si  tous  les  gentilshommes  français  avaient  eu  maille  à  partir 
avec  les  Grands -Jour  s.  De  Louis  XIV,  Elisée  ne  voit  que  le  mal.  Il  dit 
à  ce  roi  dont  les  fautes  sont  réelles,  mais  dont  les  grands  actes,  chantés 
ou  décrits  par  Voltaire,  sont  indéniables  :  «  Sire_,  ôtez  votre  manteau 
fleurdelysé,  il  pue  l'abattoir.  »  Puis,  triomphalement,  Elisée  s'écrie  : 
«  Je  crache  sur  l'histoire.  »  Crachat  ridicule  qui  retombe  sur  le  nez 
du  pamphlétaire  !  Çàet  là  pourtant,  le  prophète  blasphémateur  émet 
quelques  vérités.  Celle-ci  entre  autres  :  «  Un  jour,  la  main  tragique  de 
93  passe  sur  la  France,  et,  depuis  ce  moment,  on  la  cherche  et  elle  se 
cherche  elle-même;  elle  tourne  de  la  monarchie  absolue  à  la  monar- 
chie constitutionnelle;  de  la  monarchie  constitutionnelle,  elle  bondit 
dans  la  République;  de  la  République  elle  plonge  dans  le  despo- 
tisme; elle  avance,  elle  recule,  elle  vacille  sans  cesse  d'un  règne  à 
l'autre.  »  Elisée,  parlant  du  pape  Grégoire  XVI,  en  fait  un  portrait 
qu'il  a  eu  l'intention  de  rendre  burlesque,  mais  qui  n'amène  qu'un 
aimable  sourire.  On  lira  avec  intérêt  quelques  pages  bien  écrites  sur 
le  mouvement  intellectuel  de  1830,  et  le  récit  fort  bien  fait  d'un  tou- 
chant épisode  de  la  vie  du  peintre  Léopold  Robert.  C'est  tout  ce  que 
nous  pouvons  louer  de  ce  livre.  Par  exemple,  dans  le  Dégrossi  de 
M.  Victor  Le  Febvre,  qui  s'intitule  Laboureur,  un  laboureur  en  cham- 
bre, probablement,  nous  ne  pouvons  rien  louer  du  tout.  Sous  des  airs 
de  fausse  bonhommie,  M,  Le  Febvre  souffle  la  haine  contre  le  clergé, 
contre  les  nobles,  contre  toutes  les  supériorités  sociales,  une  haine 
aveugle,  systéma-tique,  acharnée,  frénétique,  inspirée  d'Eugène  Sue 
dont  il  se  réclame  et  s'alimentant  dans  le  Diclionnaire  de  Maurice 
Lachâtre,  Sauf  une  dizaine  de  pages  ayant  trait  à  des  notions  agricoles 
et  un  chapitre  où  l'auteur  démontre  l'ignorance  des  rhabilleurs,  le 
Dégrossi  n'est  qu'une  invective,  assaisonnée  de  calomnies  grossières 
et  de  plaisanteries  ordurières  contre  les  choses  les  plus  respectables, 
amalgamées  à  dessein  avec  les  superstitions  les  plus  ridicules.  M.  Le 


Febvre  veut  que  les  ouvriers  s'instruisent,  et  il  propose  comme  modèle 
son  «  dégrossi.  »  enfant  trouvé  qui  finit  par  épouser  une  riche  pay- 
sanne de  la  Touraine.  Nous  voulons,  nous  aussi,  que  les  ouvriers 
s'instruisent  ;  mais  c'est  par  des  moyens  différents  de  ceux  que 
préconise  M.  Le  Febvre.  On  a  vu  ce  que  les  ouvriers  beaux  parleurs 
quilif  ent  Proudhon  sans  le  comprendre  ont  été  capables  de  faire  pendant 
la  Commune.  Enfin,  M.  Le  Febvre  intitule  son  Dégrossi  «  roman  rural.  » 
Non!  Le  vrai  roman  rural,  c'est  celui  que  vient  de  publier  M.  Charles 
Deslys,  c'est  .Uallre  Guillaume.  M.  Roselly  de  Lorgnes,  après  le 
succès  de  son  Christ  devant  le  siècle,  fit  paraître  un  autre  ouvrage 
intitulé  :  le  Livre  des  communes  ou  la  Régénération  de  la  France  jmr 
le  presbytère,  la  mairie  et  l'école.  Il  est  à  supposer  que  M.  Charles 
Deslys  s'est  inspiré  de  ce  livre  dans  son  Philtre  Guillaume.  En 
effet,  le  prêtre,  le  maire  et  Tinstituteur  qu'il  met  en  scène  semblent 
s'être  donné  le  mot  pour  transformer  et  améliorer  leur  commune,  et 
ils  y  parviennent,  malgré  les  obstacles  que  suscitent  à  leur  œuvre 
évangélique  quelques  méchants  piliers  de  cabaret.  Oui,  le  bon  curé 
Denizet,  le  brave  maire  Martin  FayoUe  et  le  sympathifiue  instituteur 
Guillaume  sont  vraiment  les  «  trois  amis  du  village.  »  C'est  aussi  un 
ami  du  village  que  Gordien  du  Hêtre,  un  des  principaux  personnages 
àe  Pauvres  et  Mendiants.  Il  pense,  avec  raison,  que  l'ouvrier  a  du  bon 
et  qu'il  faut  savoir  dégager  la  perle  de  sa  gangue.  L'essentiel  est  de 
bien  s'y  prendre  pour  que  l'opération  n'amène  pas  un  résultat  contraire. 
Gordien  du  Hêtre  estime  que  l'homme  de  condition^  tout  en  conser- 
vant sa  dignité,  mais  se  départant  de  cette  politesse  glaciale  qui 
repousse  le  pauvre  monde,  doit  montrer  à  l'ouvrier  une  affection 
sincère,  lui  venir  généreusement  en  aide  et,  sans  discuter  aucun  de 
ses  droits  légitimes,  l'éclairer  sur  ses  devoirs.  Tout  autour  de  Gordien 
évoluent  l'excellent  docteur  Delcambre,  ?>Ianuel  de  Sardagne  dont  la 
frivolité  n'est  qu'apparente^  M'"'  Flavienne,  une  sainte  vieille  fille, 
M"""  Vaurant,  Laure,  Noélie,  qui  sais-je  encore  ?  Le  pauvre  Colas, 
retour  de  Paris,  où  il  a  suffisamment  mastiqué  de  la  vache  enragée  — 
tous,  braves  gens,  prêchant  d'exemple  et  faisant  du  vrai  socialisme. 
Pauvres  et  Mendiants  a  pour  auteur  M.  G.  de  laLandelle,  dontla  thèse 
se  réduit  à  cette  formule  :  «  Soulageons  la  pauvreté,  extirpons  le 
paupérisme.  »  M.  de  la  Landelle  s'était  jusqu'ici  distingué  dans  le 
roman  maritime.  11  vient  de  prouver  qu'il  a  plusieurs  cordes  à  son  arc. 
Cependant,  on  en  revient  toujours  à  ses  premières  amours.  En  même 
temps  que  Pauvres  et  Mendiants,  paraissaient,  en  eftet,  du  même 
auteur,  les  Deux  croisières.  C'est  la  légende  historique  de  la  Cléopdtre 
et  de  Vl'ranie  qui,  en  1793,  se  mesurèrent  avec  tant  de  courage  et  de 
succès  contre  deux  frégates  de  l'escadre  anglaise.  A  cette  chronique, 
célèbre  dans  les  fastes  maritimes  de  la  France,  M.  G.  de  la  Landelle 


_  42  -^ 

a  brodé  une  intéressante  fable  se  rattachant  aux  plus  dramatiques 
événements  de  la  période  terroriste  de  la  Révolution,  Pour  égajer  le 
récit,  des  types  très-amusants,  tels  que  la  femme  de  l'héroïque  Tartu, 
Boulinette  Langue-d'Or,  sardinière  à  Lorient,  taillée  en  lougre  avec 
des  biceps  d'hercule  et  une  vertu  de  vestale  ;  le  bonhomme  Anastase, 
le  patron  de  la  Marsoiiine;  Muscadot-que-rien-n'étonne,  beau  diseur, 
beau  chanteur,  insouciant  enfant  de  la  Saintonge.  Tout  à  côté,  comme 
contraste,  les  silhouettes  sanglantes  de  Laignelot,  de  Lequinio  et  de 
rinfâme  Ance,  le  Fouquier-Tinville  des  Charentes.  Drame  enfin  où  le 
plaisant  se  mêle  au  sévère,  le  comique  au  tragique  ! 

—  M.  Jules  Verne,  l'inventeur  du  roman  scientifique,  est  infati- 
gable. Après  les  Indes  noires,  voici  Hector  Servadac.  Ce  roman  com- 
mence à  ia  fin  du  monde  ou  plutôt  de  notre  monde.  L'auteur  suppose 
que  la  rencontre  d'une  comète  fait  éclater  le  globe  terrestre  comme 
une  noisette.  Un  des  fragments  de  la  machine  ronde  s'en  va  à  la 
dérive  à  travers  les  espaces,  emportant  avec  elle  quelques  rares 
humains  échappés  par  miracle  au  cataclysme.  Parmi  eux  se  trouvent 
des  Français,  des  Anglais  et  des  Russes.  Le  récit  de  leurs  mésaven- 
tures est  des  plus  gais,  lorsque  le  chef  avéré,  le  capitaine  reconnu 
de  la  tribu  voyageuse  rencontre  son  vieux  professeur  de  physique  à 
Charlemagne.  Dès  lors,  les  conversations,  sans  cesser  d'être  atti^ayantes, 
deviennent  sérieuses.  On  s'entretient  des  phénomènes  atmosphériques, 
de  l'astronomie,  de  la  cosmographie,  des  monstres  célestes,  desmé- 
téores, de  Jupiter  et  de  Vénus,  de  Mercure  et  de  la  Lune  —  le  tout 
de  temps  à  autre  interrompu  par  les  réflexions  cocasses  de  l'ordon- 
nance Beni-Zouf.  Et  le  fragment  file  toujours  !  Où  iront-ils  donc 
échouer,  bon  Dieu  ?  C'est  ce  que  nous  ignorons  encore. 

—  A  quel  genre  pourrions-nous  bien  rattacher  ÏAinc  de  Beelhoven, 
de  Pierre  Cœur?  Au  genre  psychologique,  s'il  existait.  Un  jeune 
paysan  des  Vosges  ressemble  trait  pour  trait  au  grand  Beethoven,  et 
a,  comme  Beethoven,  un  vrai  génie  musical.  Après  quelques  études 
chez  le  curé  de  son  village,  le  paysan  débarque  à  Paris,  étonne  tout 
le  monde,  devient  la  coqueluche  des  artistes,  se  voit  trahi  par  ceux 
qui  lui  manifestaient  le  plus  d'enthousiasme,  assiste  à  une  séance  de 
spiritisme  où  un  Mozart  de  contrebande  achève  de  troubler  sa  pauvre 
cervelle,  se  croit  très-sérieusement  Beethoven  et  achève  ses  jours 
dans  une  maison  d'aliénés  aux  environs  de  Dôle.  Ce  roman,  d'un  tour 
un  peu  hoff'mannesque,  sert  de  cadre  à  une  thèse  fort  bien  déduite  sur 
le  traitement  des  maladies  mentales  par  la  musique.  A  VAme  de 
Beelhoven  se  rattache  une  petite  nouvelle,  dont  la  pensée  ne  se  dégage 
pas  très-nettement.  Un  gamin  de  seize  ans  s'enferme  dans  la  Biblio- 
thèque de  son  oncle  et  s'empiffre  de  Rousseau,  de  Diderot  et  de 
Voltaire,  au  point  de  s'en  donner  une  indigestion.  La  morale  de  cette 


—  43  — 

bliiette  est  probablement  contenue  dans  ces  paroles  de  l'oncle  du 
gamin  :  «  A  tous  les  fatras  philosophiques,  sociaux  et  humanitaires, 
je  préfère  la  Fée  aux  miettes  du  bon  Nodier.  »  Et  nous  aussi.  — Pierre 
Cœur  est  un  pseudonyme  :  l'auteur  de  T.-lme  de  Beethoven  se  nomme 
de  son  vrai  nom  Anne-Caroline-Joséphine  de  Voisins  d'Ambre,  née 
Husson.  Les  femmes  de  lettres  ont  un  faible  pour  les  pseudonymes. 
Puisque  nous  y  sommes,  dévoilons-en  quelques-uns.  La  comtesse 
d'Agout,  née  de  Flavigny,  signait  :  Daniel  Stern;  Aurore  Dudevant, 
née  Dupin,  signait:  George  Sand;  l'auteur  des  Enchantements  de 
'prudence^  M"'  de  Saman,  s'appelle  Hortense  Allart  ;  Andrée  Léo  est 
M™"  Champceix;  Jean  Lander  est  M""^  Hello;  Claire  de  Chandeneux  a 
nom  EmmaBailly;  Henry  Gréville,  comme  nous  l'avons  dit,  cache  le 
nom  peu  poétique  de  M™^  Durand.  L'auteur  de  Vcrlu  et  du  Blcuclr\''est 
autre  que  M""  Gustave  FouM.  On  pourrait  aisément  augmenter  cette 
nomenclature. 

—  Nous  voici  revenus  aux  Contes  et  Nouvelles.  Le  premier  conteur 
qui  nous  tombe  sous  la  main  est  M.  le  baron  de  Fauconnet.  Conteur 
médiocre.  Il  nous  est  avis  que  M.  de  Fauconnet  doit  savoir  mieux  se 
servir  d'un  fusil  de  chasse  que  de  sa  plume,  si  nous  en  jugeons  du 
moins  par  les  deux  recueils  qu'il  se  donne  l'aristocratique  plaisir  de 
livrer  à  la  publicité.  Dans  Une  rivale  de  Marguerite  et  Vn  mélange 
diabolique  (c'est  le  titre  des  deux  recueils  en  question),  nous  ne  voyons 
qui  vaille  la  peine  d'être  cité  que  le  Sabre  enchanté  (histoire  fort  drôle 
et  assez  drôlement  racontée)  et  Une  cause  célèbre^  dans  laquelle  un  méde- 
cin de  Paris  se  fait  assassin  pour  étudier  in  anima  vili  la  circulation 
du  sang.  Les  autres  nouvelles  de  M.  de  Fauconnet,  sauf  le  récit  des 
amours  d'Henri  IV,  sont  de  simples  faits  divers.  Il  est  même  tels  de 
ces  contes  qui  n'ont  pas  dft  coviter  à  M.  de  Fauconnet  un  bien  grand 
travail.  Ainsi,  la  Duchesse  d'Auribeau  n'est  autre  chose  que  l'histoire 
bien  connue  de  la  belle  marquise  de  Ganges,  assassinée  par  ses  deux 
beaux-frères,  l'abbé  et  le  chevalier  de  Ganges.  On  n'a,  pour  se  con- 
vaincre de  la  chose,  qu'à  lire  les  Histoires  tragiques  de  notre  temps,  de 
François  de  Rosset  (Lyon,  Benoist  Vignieu,  1721,  in-8).  Il  est  vrai  que 
ce  bouquin,  fort  rare,  n'est  guère  feuilleté  que  par  les  bibliophiles. 

—  Les  Contes  tristes  de  M.  Louis  Haumont  se  bornent  à  deux  récits 
d'une  esrtaine  longueur.  Le  premier  est  l'histoire  sempiternelle  de 
l'orpheline  séduite  sous  promesse  de  mariage  par  un  libertin  et  qui  se 
noie  quand  son  infidèle  lui  préfère  une  sous-préfecture.  Il  n'y  a  d'ori- 
ginal, dans  ce  conte  :  Le  dernier  rendez-vous,  qu'un  type  d'ouvrière 
parisienne  fort  réussi.  Nous  voulons  parler  d'une  certaine  Léontine, 
habile  à  l'ouvrage,  dure  à  la  fatigue,  riant  à  propos  de  tout,  pleurant 
à  propos  de  rien,  croyant  à  l'existence  de  Rocambole,  prenant  la  mule 
du  pape  pour  une  ânesse  et  se  vantant  d'avoir  été  une    '<  salubrité  » 


de  rÉlj^éc-Monlmartre.  Le  second  des  Contes  tristes,  de  M.  Louis 
Haumont,  est,  de  tous  les  points,  supérieur  au  dernier  Rendez-vous. 
Ce  conte  a  pour  titre  :  la  Mort  de  M.  de  Pralong,  et  l'action  se  passe 
par  là-bas  du  côté  d'Embrun  ou  de  Briançon.  Histoire  étrange, 
d'ailleurs,  pleine  de  piquant  et  de  saveur,  racontant  dans  ses  dé- 
tails la  terrible  légende  des  seigneurs  de  Pralong,  qui,  tous, 
meurent  de  mort  violente  en  expiation  d'un  crime  épouvantable 
commis  par  le  chef  de  cette  antique  et  puissante  famille.  Jacques  de 
Pralong  s'est  battu  comme  un  lion  en  1870.  Il  a  la  foi  d'un  enfant,  le 
courage  d'un  héros;  c'est  un  individualiste  très-accentué,  un  politique 
à  la  façon  de  Joseph  de  Maistre  —  avec  cela,  il  est  visionnaire, 
halluciné  à  ses  heures,  croyant  à  la  fatalité,  aux  influences  astrales, 
aux  pressentiments,  Jacques  de  Pralong  n'échappe  pas  à  sa  destinée. 
Par  malheur,  M.  Louis  Haumont  gâte  tout  le  plaisir  que  son  récit 
peut  causer  à  un  gourmet  littéraire  en  voulant  expliquer  naturelle- 
ment une  mort  dont  il  s'est  absolument  efforcé  de  décrire  les  prélimi- 
naires comme  surnaturels  et  mystérieux.  A  quoi  bon  l'intervention 
saugrenue  des  agents  de  la  bande  noire  ?  Cette  intervention  est  une 
faute  contre  l'art  que  se  seraient  bien  gardé  de  commettre  Charles 
Nodier,  Hoffmann  et  Edgard  Foë_,  de  vrais  maîtres  dans  le  genre  fan- 
tastique. Pour  ne  pas  rester  sur  une  critique,  louons  sans  réserves  les 
premières  pages  de  la  Mort  de  Jacques  de  Pralong.  Cela  forme  un 
tableau  des  déboires  et  des  tribulations  d'un  journaliste  de  province 
qu'Edouard  Ourliac  eût  signé  avec  bonheur. 

—  Encore  Quatrelles  !  Quatrelles  est  le  pseudonyme  de  M.  Ernest 
Lépine.  ancien  secrétaire  de  M.  de  Morny,  aujourd'hui  un  des  collabo- 
rateurs assidus  de  la  Vie  parisienne.  Quatrelles  vient  de  donner  un 
pendant  à  r.4/r-f;i-c/i"/.  Ce  sont  les  Mille  et  une  nuits  matrimoniales. 
Ces  Mille  et  une  nuits  n'ont  rien  de  commun  avec  les  fameux  et  mer- 
veilleux contes  arabes.  Elles  se  composent  de  cinq  récits  on  ne  peut 
plus  modernes  et  réalistes,  faits  en  chemin  de  fer  par  cinq  voyageurs, 
une  Dame  à  la  robe  gris-de-poussicre,  une  Dame  au  voile  épais,  une 
Dame  au  bas  de  soie  bleu-de-chine,  un  vieux  Monsieur  et  un  jeune 
homme  de  Washington.  Quatrelles,  dans  la  préface  du  livre,  dit  : 
«  Malgré  ses  dehors  cavaliers,  ce  livre  est  un  livre  moral.  H  va  droit 
au  but.  n  traite  certaines  questions  brûlantes  qui  ne  regardent  ni  les 
demoiselles  ni  les  petits  jeunes  gens.  »  L'auteur  a  voulu,  ce  sont  du 
moins  ses  prétentions,  réagir  contre  cette  école  abjecte  et  malsaine, 
qui,  sous  prétexte  de  combattre  l'adultère,  le  discipline.  «  La  femme 
mariée,  dit-il,  a  deux  missions;  elle  est  épouse  et  elle  est  mère.  On  ne 
peut  pas  la  détourner  de  l'une  sans  compromettre  l'autre.  »  Enfin, 
Quatrelles  déclare  avoir  écrit  ces  Mille  et  une  nuits  pour  «  opposer 
aux  folies  criminelles  des  époux  malfaisants  la  tendresse  sacrée  des 


époux  respectueux.  »   C'est  parler  d'or,  mais dans  une  préface. 

Nous  doutons  fort  que  le  but  louable  de  l'auteur  soit  atteint  par  le 
livre  lui-même,  recueil  d'anecdotes  pimentées  et  visant  à  un  réalisme 
de  situation  qui  constraste  avec  les  précautions  de  langage. 

—  Pour  la  première  fois,  nous  pouvons  louer  à  peu  près  sans  restric- 
tions M.  Gustave  Flaubert.  Ses  Trots  contes  (sauf,  dans  un  Cœur  simple, 
un  couple  d'énormités  qui  ne  tirent  pas  cependant  trop  à  conséquence) 
n'attaquent  et  n'offensent  rien  de  ce  que  nous  aimons  et  respectons. 
Voici  les  titres  des  Trois  contes  :  Un  cœur  simple,  Hérodias,  l'Histoire  de 
saint  Julien  l'Hospitalier:  les  temps  modernes,  l'antiquité  hébraïque, 
le  moyen  âge  catholique.  Le  «  cœur  simple,  »  c'est  une  pauvre  ser- 
vante de  Pont-Levèque  qui  est  née  pour  se  dévouer  à  quelqu'un,  qui 
se  dévoue  à  ses  maîtres  jusqu'à  l'anéantissement,  puis  à  des  animaux 
domestiques,  puis  à  un  perroquet  et  qui  meurt  de  ces  dévouements. 
Hcrodias  est  une  évocation  grandiose  de  la  Judée  à  l'époque  la  plus 
solennelle  de  l'humanité.  Le  monde  ancien  agonise;  c'est  l'heure  du 
noDus  ordo  rerum  prédit  par  le  poète.  La  scène  se  passe  dans  la.  cita- 
delle de  Macheron,  construite  sur  une  montagne  rocailleuse.  Les 
acteurs  sont  le  tétrarque  Hérode  Antipas;  Jean-Baptiste  le  Précurseur 
ique  Gustave  Flaubert,  nous  ne  savons  trop  pourquoi,  appelle 
((  Joakanan  »);  l'altière  et  violente  Hérodias  ;  Salomé,  l'aimée  impie 
des  saints  livres;  des  esséniens,  des  pharisiens,  des  sadducéens,  des 
légionnaires  de  Rome,  des  esclaves  nègres,  des  Arabes  nomades,  la 
population  hybride  de  la  Galilée.  Le  tout  dominé  par  la  divine  figure 
de  Celui  qui  va  renouveler  la  face  du  monde.  C'était  le  sujet  d'un 
poème.  M.  Gustave  Flaubert  n'en  a  fait  qu'un  tableau,  mais  il  est 
splendide  avec  des  couleurs  trop  crues  cependant.  Delacroix,  c'est 
très-beau;  mais  ce  qui  serait  encore  plus  beau,  ce  serait  Ingres  et 
Delacroix  équilibrés  dans  une  juste  mesure.  En  tous  cas,  Hêrodias, 
malgré  ses  qualités  descriptives,  ne  vaut  pas  Y  Histoire  de  saint  Julien 
l'Hospitalier.  A  notre  avis,  c'est  la  perle  du  volume.  Julien  est  le  fils 
de  nobles  et  puissants  seigneurs.  Enfant,  un  bon  ermite  lui  prédit  qu'il 
deviendra  un  grand  saint,  mais  seulement  après  avoir  versé  beau- 
coup de  sang.  Le  père  de  Julien  veut  faire  de  son  iils  un  guerrier,  et 
il  lui  apprend  à  manier  les  armes,  à  forcer  le  sanglier,  à  lancer  la 
flèche  meurtrière.  Sa  mère  veut  en  faire  un  homme  d'Eglise,  et  elle 
lui  apprend  à  prier  Dieu,  à  chanter  des  hymnes,  à  secourir  les  pauvres. 
De  là,  deux  tendances  dans  l'âme  de  Julien.  D'abord,  l'éducation 
paternelle  prévaut.  Julien  devient  un  chasseur  féroce  ;  il  massacre 
tout.  Un  cerf  qui  portait  une  croix  sur  le  front,  comme  le  cerf  de 
saint  Hubert,  annonce  à  Julien  qu'il  tuerait  un  jour  son  père  et  sa 
mère.  Julien  s'enfuit  pour  échapper  à  la  prédiction.  Il  devient  roi  d'un 
grand  peuple  et  conquérant  fameux.  La  prédiction  s'accomplit  quand 


—  4G  — 

même.  Julien  tue,  sans  les  roconnaitre,  les  auteurs  de  ses  jours.  Dès 
lors,  il  quitte  tout,  ses  palais,  ses  richesses,  son  empire,  et,  s'en  allant 
mendiant  par  les  chemins,  il  arrive  près  d'un  fleuve  sans  pont  dont  la 
traversée  était  fort  dangereuse.  Une  idée  subite  inspire  Julien.  11 
répare  une  vieille  barque,  se  construit  sur  la  rive  une  cahute,  et,  pen- 
dant des  années  et  des  années,  s'impose  l'obligation  de  passer  les 
voyageurs.  Une  nuit,  nuit  d'horrible  tempête,  Julien  s'entend  appeler. 
Il  démarre  sa  barque  et  aborde  la  rive  opposée.  Un  lépreux  est  là, 
hideux,  plein  d'ulcères,  la  face  rongée,  un  trou  au  milieu  du  nez. 
Julien  ramène  le  lépreux  dans  sa  cabane.  Celui-ci  dit  :  «  J'ai  faim,  » 
et  Julien  lui  donne  son  écuelle.  Il  dit  :  «  J'ai  soif,  »  et  Julien  lui 
donne  sa  cruche.  Il  dit  encore  :  «  Je  suis  las,  »  et  Julien  lui  donne  son 
lit.  Le  lépreux  dit  enfin  :  «  J'ai  froid,  »  et  Julien  se  couche  près  de  lui 
pour  le  réchauffer.  Alors,  le  lépreux  se  transfigure,  ses  yeux  prennent 
des  clartés  d'étoiles,  le  soufile  de  ses  narines  a  la  douceur  des  roses, 
le  toit  de  la  cabane  s'envole  et  Julien  monte  vers  les  espaces  bleus, 
face  à  face  avec  Notre-Seigneur  Jésus- Christ  qui  l'emportait  dans  le 
ciel.  —  ((  Et  voilà,  dit  M.  Gustave  Flaubert,  l'histoire  de  saint  Julien 
l'Hospitalier,  telle  à  peu  près  qu'on  la  trouve  sur  un  vitrail  d'église, 
dans  mon  pays.  »  N'est-ce  pas  que  c'est  ravissant?  N'était  la  forme 
volontairement  savante,  on  dirait  une  page  détachée  de  le  Légende 
dorée  de  Jacques  de  Voragiue.  Souhaitons  que  M.  Gustave  Flaubert 
nous  donne  dorénavant  beaucoup  de  récits  de  ce  genre.  Ce  sera  le 
moyen  de  se  faire  pardonner  le  réalisme  peu  moral  de  Madame  Bovary 
et  de  V Éducation  sentimentale.  Firmin  Boissin. 


THÉOLOGIE 

s.  Clément  of  Itome.  Ati  appendix  containing  Ihe  ne loly  recovered  por- 
tions. Wiilt  introduction,  notes,  and  translations,  by  J.-B.  Lightfoot,  D.  D. 
Lady  Margaret's,  profcssor  of  Divinity,  Cambridge,  Canon  of  S.  Paul's. 
London,  Macmillan,  1877,  in-8  de  250  p. 

M.  Lightfoott  un  des  savants  qui  connaissent  le  mieux  les  Pères 
apostoliques,  a  publié,  en  1869,  une  excellente  édition  des  lettres 
grecques  de  saint  Clément  de  Rome.  Cette  édition  est  incomplète, 
puisqu'elle  a  paru  sept  ans  avant  que  les  lacunes  du  manuscrit  de 
Cyrille  Lucaris,  d'où  dépendaient  jusqu'alors  toutes  les  éditions, 
eussent  été  comblées  par  la  découverte  du  manuscrit  de  Constan- 
tinople,  publié  en  1875,  par  le  métropolite  Bryennios.  M.  Lightfoot 
a  voulu  donner  à  ses  lecteurs  l'œuvre  entière  de  saint  Clément,  et  il 
l'a  fait  dans  un  appendice  dont  la  pagination  continue  celle  de  sa  pre- 
mière publicatien.  Cet  appendice  renferme  le  texte  grec  des  fragments 
nouvellement  découverts,  une  traduction  anglaise  complète  des  deux 


lettres  ou  plutôt  de  la  lettre  de  saint  Clément  aux  Corinthiens  et  de- 
rhomélie  qui  porte  son  nom,  des  notes  et  enfin  la  collection  des  va- 
riantes qui  existent  entre  le  manuscrit  de  Cyrille  Lucaris  et  celui  de 
Bryennios  et  une  traduction  syriaque  récemment  découverte.  C'est 
M.  Lightfoot  qui  fait  connaître  le  premier  des  variantes  de  la  version 
syriaque.  Les  derniers  éditeurs  allemands  de  saint  Clément,  Hilgen- 
feld,  Oscar  do  GebhardtetHarnack,  neles  ont  pas  connues. Le  syriaque 
offre,  dès  le  premier  chapitre,  une  variante  importante  pour  déter- 
miner la  date  de  la  composition  de  TEpître  :  il  représente  les  souffrances 
dont  parle  saint  Clément,  non  comme  passées,  mais  comme  présentes, 
et  suppose  en  grec  la  leçon  Yivo[x£va?  au  lieu  de  yîvojxÉva?  qu'on  lit  dans  les 
deux  manuscrits  d'Alexandrie  et  de  Constantinople.  Il  s'ensuivrait  donc 
que  la  lettre  fut  écrite  pendant  la  durée  de  la  persécution  de  Domitien, 
non  après  (voir  p.  267).  Le  syriaque  confirme  aussi  une  variante 
importante  du  manuscrit  de  Constantinople  au  chapitre  ii.  On  lit,  dans 
le  manuscrit  d'Alexandrie  :  Kx^[Lxxlx.  auTuj,  c'est  à-dire  0£ou.  Le  pre- 
mier éditeur  de  l'Épître,  Junius,  trouva  cette  expression  si  forte  qu'il 
proposa  de  lire  [AaOf,;jLaTa  au  lieu  de  7caOr;[i.aTa.  Le  codex  de  Constan- 
tinople prouve  bien  que  c'est  le  mot  «  souffrances  «  et  non  «  ensei- 
gnements »  qu'il  faut  lire,  mais  au  lieu  de  0£oij,  il  porte  Xpicrtou.  Hil- 
genfeld  s'est  prononcé  pour  cette  dernière  leçon,  mais  M.  Lightfoot, 
comme  M.  Harnak,  gardent  la  première,  qui  est  importante  pour  l'his- 
toire du  dogme  de  la  divinité  de  Jésus- Christ.  (Voir  p.  400-403,  la 
savante  et  intéressante  discussion  de  M.  Lightfoot.)  —  Tout,  dans  son 
édition,  est  étudié  avec  le  même  soin  et  la  même  science.  Il  est  seu- 
lement à  regretter  qu'il  n'ait  pas  reconnu  le  véritable  sens  des  cha 
pitres  Lviii-LTX.  Nous  admettons  avec  lui  la  supériorité  du  manuscrit 
d'Alexandrie  sur  celui  de  Constantinople,  mais  nous  ne  sommes  pas 
de  son  avis  quand  il  fait  l'auteur  de  l'Epître  d'origine  juive.  Quelques- 
unes  de  ses  assertions  sur  ce  qu'on  appelle  la  seconde  Epître,  qui 
est  une  homélie,  sont  douteuses.  M.  Harnack  la  fait  émaner  de  Rome, 
et  M.  Lightfoot,  de  Corinthe.  Il  en  rapporte  la  composition  entre 
120-140.  G.  L. 


s.    Isansici    Antiochenî,   doctorîs    Syroruïn,    opéra    omiiîa, 

ex  omnibus,  quotquot  cxslant,  codicilnis  manuscriptis  cum.  varia  Icctionc 
syriace  arabiceque  primus  edidit,  latine  vertit,  prolegomenis  et  glossario 
auxit  D'  GusTAVUs  Bickell,  in  uuiversitate  Œnipontana,  S.  Theol.  Prof. 
Giessen,  Ricker,  1873  et  1877,  2  vol,  in-8  de  ix-307  et  3o3  p. 

Les  deux  volumes  j  usqu'ici  parus  de  saint  Isaac  d'Antioche  contiennent 
le  texte  syriaque  de  trente-sept  poëmes  avec  les  variantes  et  la  tra- 
duction latine.  Ce  n'est  qu'après  avoir  terminé  la  publication  du  texte, 
qui  doit  renfermer   cent  soixante  dix-huit  poëmes,   avec  vingt-deux 


-  48  — 

fragments,  que  le  D'  Bickell  nous  donnei'a  Thistoire  de  saint  Isaac.  Il 
Ta  cependant  déjà  fait  connaître  à  grands  traits  dans  le  volume  do 
morceaux  choisis  des  Pères  syriens  qu'il  a  publié,  en  traduction  alle- 
mande, dans  la  Bibliolhcque  des  Pères  de  l'Église,  de  Kempten.  Isaac 
était  né  à  Amida,  en  Mésopotamie,  il  fut  élevé  à  Edesse  et  devint 
abbé  d'un  monastère  d'Antioche,  où  il  mourut  dans  un  âge  très-avancé, 
vers  l'an  460.  Assemani  a  parlé  d'Isaac  d'Antioclie  dans  sa  Bibliothèque 
orientale,  mais  son  éditeur  actuel  a  connu  plusieurs  écrits  importants 
ignorés  du  docte  maronite  et  qui  établissent  l'orthodoxie  de  saint  Isaac. 

La  plus  grande  partie  des  œuvres  de  l'abbé  syrien  étaient  encore 
inédites.  M.  Bickell,  pour  les  publier,  a  visité  toutes  les  bibliothèques 
de  l'Europe  qui  les  possèdent  en  manuscrit  et  les  a  soigneusement 
compulsées.  On  voit  qu'il  est  loin  d'avoir  achevé  son  entreprise, 
puisqu'il  a  encore  à  éditer  plus  de  cent  trente  poèmes,  et,  pour  la 
mener  à  bonne  fin,  il  a  besoin  d'être  soutenu  et  encouragé  par  l'appui 
de  tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  études  patrologiques  et  à  l'histoire 
du  dogme. 

Nous  n'avons  pas  à  insister  sur  le  mérite  du  savant  éditeur  et  tra- 
ducteur de  saint  Isaac  d'Antioclie.  Tous  les  orientalistes  savent  que  le 
D'  Bickell  est  un  des  meilleurs  s^^riacisants  contemporains.  Aussi 
a-t-il  publié  le  texte  SA'riaque  avec  beaucoup  de  correction  et  l'a-t-il 
traduit  avec  exactitude.  Saint  Isaac  n'était  pas  précisément  un  grand 
poète,  quoiqu'il  ait  écrit  en  vers,  ordinairement  de  sept  syllabes.  On 
trouve  quelques  beaux  passages  dans  ses  oeuvres;  on  y  rencontre 
aussi  des  endroits  faibles,  des  longueurs,  des  répétitions,  des  hors- 
d'o3uvre;  ce  n'est  pas,  en  un  mot,  un  saint  Ephrera.  Mais  on  le  lit  néan- 
moins avec  beaucoup  d'intérêt  et  de  fruit.  Il  est  souvent  mordant,  et 
critique  quelquefois  les  défauts  des  prêtres  et  des  moines  avec  de^ 
traits  qui  font  penser  à  un  autre  temps.  Les  neuf  premiers  poèmes 
(le  V*^  excepté,  qui  est  un  fragment  sur  le  char  d'Ezéchiel)  ont  pour 
objet  la  foi  et  rincarnation  ;  le  dixième,  la  puissance  du  démon  pour 
tenter  l'homme;  le  onzième  et  le  douzième,  le  siège  de  Bcthcar;  le 
treizième,  le  jeûne  quadragésimal  ;  le  quatorzième,  le  jeûne  en  général  ; 
le  (quinzième,  les  vigiles  d'Antioclie  ;  les  seize  premiers  poèmes  du 
tome  second  sont  dirigés  contre  ceux  qui  négligent  le  banquet  eucha- 
ristique; le  trente-deuxième  loue  la  virginité;  les  trente-troisième  et 
trente-quatrième  contiennent  des  exhortations  ;  les  trente-cinquième 
et  trente-sixième  s'élèvent  contre  ceux  qui  vont  consulter  les  devins  ; 
le  trente-septième  et  dernier  fait,  en  1924  vers,  l'éloge  de  la  pénitence. 

L.  M. 


—  40  — 

Prières   des    Fnlaslias    ou    juifs    «l'Abyssinie,    texte    clkiopicn, 

public  pour  la  première  fois  et  traduit    en  liébrcu   pai'  J.   Halévy.    Paris, 

J.  Caer,  1877,  in- 12  de  o8  et  28  p. 

Les  Falaslias  sont  des  nègres  d'Ab^'ssinie,  sur  la  religion  desquels 
les  voyageurs  n'étaient  point  d'accord.  Les  uns  affirmaient,  les 
autres  niaient  qu'ils  étaient  juifs.  Le  Comité  de  rAlliance  Israélite 
universelle  chargea,  en  1867,  un  intrépide  voyageur,  M.  Joseph  Halévy, 
juif  originaire  d'Andrinople,  d'aller  résoudre  la  question  sur  place.  Il 
en  a  rapporté  la  conviction  que  les  Falashas  pratiquent  réellement  la 
religion  mosaïque,  et  les  prières  qu'il  vient  de  publier  en  fournissent 
la  preuve.  Il  en  donne  le  texte  éthiopien,  accompagné  d'une  bonne 
traduction  en  hébreu.  Ces  prières,  malgré  quelques  particularités  qui 
leur  sont  propres,  sont  tout  à  fait  Israélites.  Le  monothéisme  y  est 
exprimé  d'une  manière  très-énergique,  spécialement  sous  forme  de 
litanie  :  «  Son  nom  est  Un.  —  Adonaï  est  un.  —  Adonaï,  notre  Dieu, 
est  un  Adonaï  unique.  —  Adonaï,  notre  roi,  est  un  Adonaï  unique.  — 
Adonaï,  notre  créateur,  est  un  Adonaï  unique.  —  Adonaï,  notre  gar- 
dien, est  un  Adonaï  unique.  - —  Adonaï,  notre  pasteur,  est  un  pasteur 
unique,  etc.  »  Ce  monothéisme  n'offre  d'ailleurs  aucune  trace  de  chris- 
tianisme. 

Les  Falashas  sont  les  seuls  hommes  pratiquant  la  religion  juive  qui 
ne  se  servent  point  de  la  Bible  hébraïque,  mais  d'une  traduction  des 
livres  saints,  la  traduction  éthiopienne.  On  ne  peut  guère  l'expliquer 
que  par  des  conjectures  plus  ou  moins  plausibles.  Nous  savons,  par  le 
huitième  chapitre  du  livre  des  Actes  des  Apôtres,  qu'il  y  avait  des  juifs 
en  Assyrie.  Saint  Luc  nous  raconte,  en  cet  endroit,  qu'un  Ethiopien, 
eunuque  de  la  reine  Candace  et  son  trésorier,  était  allé  adorer  le  vrai 
Dieu  à  Jérusalem,  et  i:iu'il  fut  converti  au  christianisme  par  le  diacre 
saint  Philippe,  qui  lui  expliqua  le  prophète  Isaïe.  Les  Falashas  se  rat- 
tachent-ils à  la  communauté  juive  dont  l'eunuque  de  la  reine  Candace 
faisait  partie?  Nous  ne  saurions  le  dire,  mais  il  y  a  là  un  fait  qui  peut 
servir  à  éclaircir  le  mvstère  de  leur  origine.  N.  0. 


SCIENCES    ET   ARTS. 

I>e    réducatîon    intellectueile,    fi«or«Ie    et     Eiliysîque,     pai 

Herbert  SPKxciiR.  Traduit  de  l'anglais.  Paris,  Germcr-Daillièrc,  1878,  ia-8 

de  303  p .  —  Prix  :  '6  fr. 

Il  faut  un  certain  courage  pour  achever  la  lecture  d'un  ouvrage  qui 
débute  par  des  raisonnements  aussi  étranges  que  celui-ci  :  les  sau- 
vages préfèrent  la  parure  au  vêtement;  donc  l'homme  a  naturellement 
plus  de  goût  pour  l'agréable  que  pour  l'utile.  Et  cependant,  on  lit 
ailleurs  que  la  voix  de  la  nature  est  le  meilleur  guide  à  suivre  :  les 
sauvages  ont  donc  raison.  Quelques  pages  plus  loin,  il  est  dit  que 
Janvier  1878.  ''•  XXH.  4. 


—  bO  — 

l'étude  des  langues  anciennes  est  une  affaire  de  mode  parce  qu'elle 
ne  conduit  personne  à  les  lire  étales  écrire  couramment;  ce  qui 
n'empêche  pas  de  dire  fort  bien  dans  un  autre  endroit  que  le  but  de 
l'instruction  est  d'apprendre  à  apprendre,  c'est-à-dire  qu'elle  se  pro- 
pose moins  d'inculquer  la  science  que  de  donner  les  moyens  de  l'ac- 
quérir. Que  de  points  soulèveraient  les  plus  vives  contradictions!  Nous 
ne  pouvons  les  signaler  tous  :  il  suffit  que  nous  ayons  prémuni  les  lec- 
teurs. Ils  trouveront  quelque  dédommagement  dans  les  observations 
de  l'auteur,  dont  ils  tireront  souvent  d'autres  enseignements  que  lui. 
Dans  le  premier  chapitre  intitulé  :  «  Quel  est  le  savoir  le  plus  utile,  » 
il  recherche  quel  est  l'utilité  de  chaque  genre  de  connaissance,  pour 
nous  guider  dans  la  vie.  La  conclusion  est  bien  vague  :  le  savoir 
le  plus  utile,  c'est  la  science  !  Autant  vaudrait  dire  c'est  la  vérité, 
et  il  n'était  pas  l3"esoin  d'un  gros  livre  pour  faire  cette  découverte. 
Dans  les  trois  chapitres  consacrés  à  l'éducation  intellectuelle,  morale 
et  physique,  il  y  a  des  remarques  de  détail  très-judicieuses  et  très- 
pratiques,  dont  on  peut  faire  l'application  dans  certains  cas  donnés, 
mais  qui,  servant  de  règle  générale,  produiraient  des  effets  déplo- 
rables. M.  Herbert  Spencer  est  pour  la  science  facile,  pour  la  morale 
agréable,  pour  la  vie  sans  effort.  Il  faut  beaucoup  s'abandonner  à  la 
nature  :  «  Depuis  le  berceau  jusqu'à  l'âge  adulte,  le  procédé  d'ins- 
truction doit  être  spontané,  comme  il  devra  l'être  plus  tard,  dans 
l'âge  mûr.  L'activité  mentale  produite  doit  toujours  être  accompa- 
gnée de  plaisir.  »  Ceci,  pour  l'instruction.  Pour  l'éducation,  il  faut 
guérir  les  enfants  de  leurs  défauts  en  leur  en  faisant  sentir  les  incon- 
vénients :  un  enfant  perd  son  couteau,  il  faut  lui  en  laisser  longtemps 
désirer  un  autre.  Nous  ne  sommes  point  partisan  du  système  de  con- 
trainte, d'études  hérissées  à  plaisir  de  difficultés,  d'un  régime  inva- 
riable, sans  considération  des  aptitudes  physiques  ;  mais  il  est  bien 
certain  aussi  que,  si  l'on  cédait  trop  à  la  nature,  on  agirait  souvent 
contre  ses  propres  intérêts  :  le  gourmand,  le  voluptueux  obéissent  à 
la  nature.  L'inconvénient  d'un  défaut  n'est  pas  uniquement  ce  qui 
doit  nous  le  faire  éviter.  M.  Herbert  Spencer  ne  donne  pas  au  devoir 
la  place  importante,  prépondérante  même,  qu'il  doit  avoir  dans  l'édu- 
cation. René  de  Saint-Mauris. 


Xhéorîe  générale  de  l'État,  par  M.  Blcntschli,  professeur  ordinaire 
à  l'Université  d'Heidelberg,  correspondant  de  l'Académie  des  sciences 
morales  et  politiques,  etc.,  etc.,  traduit  de  l'allemand  et  précédé  d'une 
préface  par  M.  Armand  df.  Riedmatten,  docteur  en  droit,  avocat  à  la  Cour 
de  Paris.  Paris,  Guillaumin,*  1877,  in-8  de  xxxvii-478  p.  (Collection  des 
économistes  etpublicistes  contemporains.)  —  Prix  :  8  fr. 

M.  Bluntschli,  professeur  à  l'université  d'Heidelberg,   est  un  des 
hommes  qui  occupent  dans  le  nouvel  empire  allemand  une  place  con- 


—    51  — 

sidérable  par  rinfluence  de  leur  enseignement  sur  le  monde  lettré  et 
par  les  services  qu'ils  rendent  à  la  politique  habile,  qui  a  su  se  les 
attacher. 

Le  volume  dont  la  traduction  vient  de  paraître  n'est  pas  purement 
une  oeuvre  de  science,  malgré  la  méthode  soutenue,  Vapparatus  con- 
sidérable de  faits  et  de  citations,  et  le  calme  dont  l'auteur  ne  se 
départ  jamais. 

Sa  théorie  de  l'État  moderne,  tel  que  le  comprend  et  l'exalte 
M,  Bluntschli,  n'est  pas  autre  chose  que  la  théorie  de  l'empire  prus- 
sien, que  M.  de  Bismarck  a  réalisé  et  qui  a  été  préparé  depuis  long- 
temps par  un  mouvement  moitié  occulte,  moitié  public,  s'étendant 
depuis  les  intrigues  de  cour  jusqu'à  l'enseignement  donné  systéma- 
tiquement dans  les  universités. 

Nous  ne  croyons  pas  que  M.  Bluntschli  se  défende  d'avoir  été 
depuis  de  longues  années  un  des  promoteurs  de  ce  mouvement. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  circonstances  extérieures,  importantes  à 
connaître  cependant  pour  apprécier  la  portée  de  cet  ouvrage,  voici 
les  titres  des  sept  livres  entre  lesquels  le  volume  se  divise.  Ils  don- 
neront une  idée  des  grandes  questions  qui  y  sont  abordées. 

Livre  L  Notion  de  l'État.  —  Livre  II.  Conditions  fondamentales  dans 
la  nature  de  l'homme  et  de  la  nation.  —  Livre  III.  Les  Bases  de  l'État 
dans  la  nature  externe  ;  le  pays.  — Livre  IV.  Naissance  et  mort  de 
l'État.  —  Livre  V.  But  de  l'État.  —  Livre  VI.  Les  Formes  de  l'État.  — 
Livre  VII.  Souveraineté  de  l'État,  ses  pouvoirs  ;  service  public  et  fonc- 
tions publiques. 

Ce  vaste  cadre  est  rempli  par  un  singulier  mélange  d'erreurs  et  de 
vérités.  On  peut  cependant  remarquer  que  les  erreurs  abondent,  sur- 
tout dans  les  parties  où  l'auteur  traite  les  questions  fondamentales; 
au  contraire,  quand  il  arrive  aux  applications,  des  considérations 
pratiques  viennent  singulièrement  modifier  les  conséquences  qui 
découleraient  logiquement  des  principes  posés,  et  l'on  sent  l'influence 
du  milieu  dans  lequel  il  écrit. 

Pour  M.  Bluntschli,  la  vie  nationale  et  l'Etat  ne  sont  pas  des  insti- 
tutions ordonnées  par  la  Providence  pour  faciliter  aux  hommes  l'ob- 
tention de  la  fin  pour  laquelle  ils  ont  été  créés,  en  garantissant  cer- 
tains droits  et  en  satisfaisant  certains  besoins  communs.  Cette  notion, 
qui  donne  à  l'État  sa  place  naturelle  dans  l'ensemble  de  l'ordre  des 
choses  et  du  même  coup  délimite  sa  sphère  d'action,  et  pose  le  fonde- 
ment du  principe  d'autorité  qui  est  essentiellement  en  lui,  cette 
notion,  disons-nous,  est  dédaigneusement  rejetée  parmi  les  conceptions 
théocratiques  et  idéologiques. 

L'Etat,  selon  l'auteur,  est  un  organisme  vivant,  ayant  une  dme  et  un 


—  52  — 

corps  dont  les  organes  sont  les  pouvoirs  publics  ;  c'est  le  peuple  non- 
seulement  vivant,  maisencore  arrivé  à  ce  degré  parfait  d'organisation 
qui  a  nom  la  )ialion  et  qui  comporte  à  la  fois  des  hommes  unis  par  des 
relations  sociales  et  un  territoire. 

La  pensée  de  l'auteur  se  précise  un  peu  mieux,  quand  il  dit  que 
l'État  est  du  sexe  masculin,  tandis  que  l'Église  est  du  sexe  féminin.  Ce 
point  posé  et  admis  (?),  il  va  de  soi  que  ce  sera  à  l'État  à  contenir 
l'Église  dans  le  domaine  qu'on  veut  bien  lui  laisser. 

M.  Bluntsclili  a,  du  reste,  le  mérite  de  préciser  nettement  ce  qu'il 
entend  par  Etal  moderne  dans  une  série  de  propositions  dogmatiques 
(page  50  à  51).  Elles  peuvent  toutes  se  résumer  dans  cette  idée  que 
l'État  est  une  conception  purement  humaine  qui  rejette  l'influence 
de  toute  considération  et  qui,  notamment,  hait  la  théocratie  {sic). 

Le  véritable  État  moderne  doit  embrasser  l'humanité  entière.  Ce  but  se 
réalise  peu  à  peu  par  la  disparition  des  petits  États  et  par  la  constitu- 
tion des  Jouissances  du  monde,  portées  généralement  à  adopter  la.  forme 
impériale  qui  comporte   quelque  chose  de   plus  que  la  forme  royale. 

Quand  môme  on  ne  saurait  pas  d'où  vient  M.  Bluntschli,  cela  suffi- 
rait à  indiquer  le  but  pour  lequel  il  a  écrit. 

Après  cette  élaboration  des  principes  essentiellement  contraires  à 
la  loi  divine,  sur  lesquels  repose  tout  l'édifice  de  l'empire  de  M.  de 
Bismarck,  l'auteur  réfute  avec  une  grande  abondance  de  preuves  his- 
toriques la  plupart  des  erreurs  de  la  démocratie  moderne,  notamment 
la  souveraineté  du  peuple.  On  j  trouve  une  critique  très-judicieuse  du 
régime  parlementaire,  tel  qu'une  certaine  école  veut  l'introduire  dans 
les  États  de  l'Europe  continentale  et  de  fort  judicieuses  réflexions  sur 
la  convenance  qu'il  y  a  pour  les  peuples  modernes  à  conserver  des 
éléments  aristocratiques  dans  leurs  institutions. 

En  résumé,  ce  livre  est  surtout  intéressant  comme  une  des  manifes- 
tations de  la  direction  qui  est  donnée  à  l'esprit  public  depuis  de  lon- 
gues années  dans  les  principales  universités  allemandes,  et  comme  un 
curieux  reflet  de  l'état  social  du  monde  germanique,  encore  si  difte- 
rent  du  nôtre;  mais  l'originiilité  des  pensées  et  la  sincérité  des  concep- 
tions lui  font  défaut. 

Quant  à  la  traduction,  elle  est  parfaite  dans  son  genre  et  mérite 
d'être  proposée  comme  modèle.  M.  de  Riedmatten  n'a  rien  épargné 
pour  éclaircir  autant  que  possible  la  forme  parfois  nuageuse  de  son 
auteur,  et  il  a  su  rendre  élégant  le  style  d'un  livre  allemand  traduit  en 
une  langue  étrangère.  Enfin,  nous  devons  constater  que,  dans  Vintro- 
duclion,  qui  est  son  œuvre  propre,  il  a  tenu  à  se  dégager,  au  moins 
sur  quelques  points,  de  ce  que  les  théories  de  M.  Bluntschli  ont  de 
plus  hostile  au  dogme  chrétien.  C.  J. 


Etude  »ur  le.  travail,   pai' S.    Mon'y.    Paris,   Hachette.    1877,  in-8  de 
5o2  p.  —  Prix  :  0  fr. 

Laposition  importante  qu'occupe,  dans  la  grande  industrie ,  M.  Mony, 
président  du  comité  de  direction  de  la  Société  houillère  et  mé- 
tallurgique de  Commentry-Fourchambault,  suffirait,  indépendamment 
de  tout  autre  mérite,  adonner  de  Timportance  à  cet  ouvrage. 

M.  Mony  a  voulu  résumer  les  vérités  fondamentales  que  démontre 
l'économie  politique  sous  une  forme  accessible  à  tous  les  esprits,  en 
employant,  non  pas  seulement  les  raisonnements  scientifiques,  mais 
encore  ces  hautes  considérations  qui  s'adressent  au  cœur  et  sont  d'au- 
tant plus  puissantes  qu'elles  font  sentir  les  harmonies  de  l'ordre  social 
avec  la  nature  humaine  dans  ce  qu'elle  a  de  plus  intime. 

Envisageant  les  choses  à  ce  large  et  fécond  point  de  vue,  M.  Mony 
commence  son  livre  par  un  chapitre  sur  Y  esprit  chrétien,  et  montre 
comment,  seul,  il  peut  donner  la  solution  des  problèmes  que  soulève  la 
question  ouvrière,  d'un  côté  en  rendant  au  travail  sa  dignité,  ""de 
l'autre  en  inspirant  la  charité  sociale  et  la  charité  privée,  l'une  et 
l'autre  également  indispensables  dans  une  société  conforme  au  véri- 
table ordre  naturel. 

De  tous  les  chapitres  qui  suivent,  les  plus  remarquables  assurément 
sont  ceux  consacrés  au  sa/aire,  au  budget  des  ouvrici's,  aux  perturba- 
tions des  salaires.  Il  y  rectifie  plus  d'une  idée  fausse  sur  la  détermina- 
tion des  salaires:  accréditée  par  les  économistes  qui  font  de  la 
science  une  série  de  déductions  systématiques,  sans  tenir  compte  des 
faits.  Le  grand  mérite  de  M.  Mony,  dans  ces  chapitres,  est  de  s'ap- 
puyer toujours  sur  des  faits  qu'il  connaît  fort  bien.  L'un  des  mor- 
ceaux les  plus  intéressants  du  livre  est  une  monographie  de  l'ouvrier 
mineur  de  Coramentry,  établie  d'après  la  méthode  si  précise  de  M.  Le 
Play. 

M.  Mony  se  rend  très-bien  compte  que  les  problèmes  économiques 
sont  dominés  par  les  conditions  de  stabilité  et  d'ordre  dans  l'État. 
Dans  cette  pensée  fort  juste,  il  a  voulu  conclure  par  un  chapitre  de 
Considérations  politiques.  Est-il  toujours  allé  au  fond  des  questions 
ainsi  soulevées?  S'il  n'y  a  pas  été,  est-ce  par  défaut  de  précision  dans 
la  pensée,  ou  plutôt  par  un  sentiment  de  réserve  inspiré  par  les 
profondes  divisions  du  public  auquel  il  a  voulu  être  utile  ?  Nous  n'es- 
sayerons pas  de  le  dire  ici,  quoique  nous  soyons  sûrs  que  ce  senti- 
ment de  réserve  est  la  vraie  cause  de  ce  qui  peut  paraître  insuffisant 
dans  ce  chapitre.  Nous  préférons  rendre  un  plein  hommage  à  la  pen- 
sée généreuse  d'union  et  de  rapprochement  des  classes  qui  a  inspiré 
ce  livre  et  l'anime  d'un  bout  à   l'autre.  C.  J. 


—  b4  — 

La  Cour  et  l'Opéra  sous  Saouls  XVI  ;  I%Iarie-A.ntoEnett.e  et 
Saccbîni,  Salîérî,  Favart  etCîlucU,  d'après  des  documents  iné- 
dits conservés  aux  Archives  de  l'État  et  à  l'Opéra,  par  Adolphe  Jullien  . 
Paris,  Didier,  1878,  in-12  de  ix-370  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Tout  le  monde  connaît  la 'grande  lutte  entre  Gluck  et  Piccini,  et  la 
part  qu'y  prit  Marie-Antoinette.  Ce  qu'on  connaît  moins,  ce  sont  les 
efforts  de  la  reine  pour  donner  des  successeurs  à  son  maître  favori. 
Nature  essentiellement  délicate  et  distinguée,  facilement  impression- 
nable et  enthousiaste  de  tous  les  genres  de  beauté,  Marie-Antoinette, 
artiste  et  musicienne  elle-même,  aimait  passionnément  la  musique. 
Elle  l'avait  cultivée  à  Vienne,  elle  la  cultivait  et  la  protégeait  en 
France.  Lorsqu'après  l'échec  d'Echo  et  Narcisse,  Gllick  fut  retourné 
en  Autriche,  ses  partisans  cherchèrent  quelqu'un  à  opposer  à  Piccini 
qui  restait  seul;  ils  jetèrent  les  yeux  sur  Sacchini,  qui  avait  à  ce 
moment  d'éclatants  succès  à  Londres  et  dont  deux  pièces  avaient 
réussi  à  Paris.  La  reine  approuva  ce  projet  et  donna  l'ordre  à  Amelot, 
ministre  de  la  maison  du  roi,  d'attacher  Sacchini  à  l'Opéra;  des  pro- 
positions furent  faites  et,  après  quelques  hésitations,  acceptées.  Mais 
ce  n'était  pas  tout  d'avoir  la  protection  de  la  reine,  l'appui  du  ministre 
de  la  maison  du  roi;  restait  encore  à  conquérir  les  bonnes  grâces  du 
comité  de  l'Opéra.  La  tâche  était  difficile.  Il  faut  lire  dans  l'ouvrage 
de  M.  Jullien  le  récit  des  intrigues  qui  s'agitaient  dans  ce  comité  ;  il 
faut  voir  quelle  malveillance  y  rencontra  le  malheureux  compositeur, 
quelle  basse  envie  le  poursuivit,  quels  pièges  insidieux  furent  tendus 
sous  ses  pas,  quelle  peine  enfin,  malgré  la  haute  faveur  dont  il  jouis- 
sait à  la  cour,  quelle  peine  il  eut  à  faire  jouer  son  opéra  de  Renaud, 
etplusencore  celui  deDardanus.  Il  finit  par  y  succomber.  Lorsqu'il  eût 
composé  son  OEdipe,  la  reine,  qu'on  ne  cessait  d'accuser  de  favoriser 
les  étrangers  au  détriment  des  Français,  se  vit  obligée  de  lui  demander 
d'en  ajourner  la  représentation.  Le  coup  était  trop  fort;  Sacchini  se 
crut  disgracié  et  mourut  de  chagrin. 

Saliéri  fut  plus  habile  ;  il  sut  mieux  se  diriger  sur  ce  terrain  glissant 
de  l'Opéra;  aussi  bien,  était-il  quelque  peu  intrigant  lui-même  et  eut- 
il  pour  collaborateur,  dans  la  seconde  de  ses  pièces,  un  des  plus  habiles 
intrigants  de  l'époque,  Caron  de  Beaumarchais.  Les  Danaïdes  éta- 
blissent du  premier  coup  sa  réputation;  Tarare  la  consolide,  en  dépit 
ou  peut-être  à  cause  même  des  défauts  du  livret  et  de  la  musique. 
Mais  Saliéri  n'attendit  pas  que  la  faveur  du  public  fût  lassée  ;  il 
retourna  à  Vienne  et  ne  revint  pas. 

C'est  aux  Archives  nationales  et  aux  archives  de  l'Opéra  que  M.  Jul- 
lien arencontréles  éléments  de  ces  deux  études.  Publiées  d'abord  dans 
le  Correspondant  et  dans  la  Gazette  musicale,  il  les  réunit  aujourd'hui 
en  volume;  elles  n'auront  pas  moins  de  succès  sous  cette  forme  que 


—  ëo  — 

lors  de  leur  première  apparition.  Les  amateurs  de  musique  y  retrou- 
veront le  critique  compétent  et  ingénieux  ;  les  historiens  y  salueront 
l'écrivain  distingué  dont  les  érudites  recherches  ont  jeté  un  jour  si 
curieux  et  si  complet  sur  l'histoire  du  théâtre  au  dix-huitième  siècle. 

M.    DE  LA  ROCHETERIE. 


BELLES-LETTRES 

Recueil  général  des  fabliaux  des  treizièuie  et  quator- 
zième siècles,  imprimés  ou  inédits,  publiés  d'après  les  manuscrits 
par  Anatole  de  Montaiglox.  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  1877,  2  vol. 
in-J2  de  xx-329  et  vii-360  p.  —  Prix  :  10  fr. 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  envisager  ici,  au  point  de  vue  litté- 
raire, les  fabliaux  qui,  selon  la  remarque  de  leur  nouvel  éditeur,  ont 
été,  après  les  grandes  chansons  de  gestes,  pendant  deux  siècles  au 
moins,  une  des  formes  les  plus  importantes  et  les  plus  personnelles  de 
l'ancienne  littérature  française.  Ce  qu'on  pourrait  énoncer  de  plus 
complet,  de  plus  judicieux  à  leur  égard,  a  déjà  été  dit  dans  les  meil- 
leurs termes  par  un  maître  éminent,  par  M.  Victor  Le  Clerc  (voir  la 
notice  insérée  dans  VHistoire  littéraire  de  la  France,  tome  XXIII,  p. 
69-215)  ;  nous  tenons  seulement  à  indiquer  ce  qui  forme  la  publication 
nouvelle  que  nous  avons  sous  les  yeux,  ce  qui  la  distingue  de  celles 
qui  l'ont  précédée. 

Le  premier  recueil  de  fabliaux  fut  publié  par  Barbazan,  en  1756,  à 
une  époque  où  les  productions  littéraires  du  moyen  âge  étaient  encore 
bien  imparfaitement  connues.  En  1779-1789,  Legrand  d'Aussy  en  mit 
au  jour  un  recueil,  en  4  volumes  in-8,  réimprimé  en  1781  (5  vol.  pet. 
in-12),  où  les  analyses  figurent  en  plus  grande  abondance  que  les 
textes,  et  sont  loin  d'être  exemptes  d'erreurs  (voir  les  Notices  et  ex- 
traits des  manuscrits,  t.  IX,  part,  ii,  p.  6).  Le  travail  de  Legrand 
a  été  réimprimé  en  1829  (5  vol.  in-8).  En  1808,  un  philologue  labo- 
rieux, mais  médiocrement  instruit,  Méon,  avait  réimprimé  le  recueil 
de  Barbazan,  avec  des  augmentations  considérables  (4  vol.  in-8),  qui 
eurent  plus  tard  un  supplément  en  deux  volumes,  mis  au  jour  en 
1828,  et  une  autre  collection  également  en  deux  volumes,  dont 
M.  Achille  Jubinal  fut  l'éditeur,  en  1839  et  1842.  Il  fayt  y  joindre 
quelques  pièces  publiées  séparément. 

Dans  ces  diverses  collections,  figurent  bien  des  compositions  qui  ne 
rentrent  point  dans  la  classe  des  fabliaux  :  miracles,  petites  chro- 
niques rimées,  lais,  petits  romans  d'aventures,  débats,  dits,  pièces 
morales,  etc.  M.  A.  de  Montaiglon  a  voulu  se  montrer  plus  sévère  au 
point  de  vue  du  genre.  «  Un  fabliau,  dit-il,  est  le  récit  d'une  aven- 
ture toute  particulière  et  ordinaire;  c'est  une  situation,  et  une  seule  à 


—  \;c,  — 

la  fois,  mise  en  œuvre  dans  une  narration  plutôt  terre  à  terre  et  rail- 
leuse qu'élégante  et  sentimentale.  Tout  ce  qui  est  invraisemblable, 
tout  ce  qui  est  historique,  tout  ce  qui  est  pieux,  tout  ce  qui  est  d'en- 
seignement, tout  ce  qui  est  de  fantaisie  romanesque,  tout  ce  qui  est 
Ij'rique  ou  même  poétique,  n'est  à  aucun  titre  un  fabliau.  ■» 

L'édition  nouvelle  retranche  donc  une  forte  quantité  de  ce  que  con- 
tenaient ses  devancières;  en  revanche,  elle  ajoute  notablement.  Elle 
reconnaît  d'ailleurs  que  les  fabliaux  inédits  sont  loin  d'être  meilleurs; 
mais  elle  se  propose  d'être  complète,  de  donner  tout  ce  qui  existe  en 
ce  genre,  bon  ou  mauvais,  spirituel  ou  maladroit,  bien  ou  mal  écrit, 
amusant  ou  ennuyeux,  court  ou  long. 

Les  textes  déjà  imprimés  ont  été  revus  sur  les  manuscrits  :  tâche 
périlleuse,  mais  d'ailleurs  assez  facile,  car  les  manuscrits  de  ce  genre 
sont  fort  rares,  et,  à  l'exception  de  celui  de  Berne,  ils  se  trouvent  tous 
à  notre  Bibliothèque  nationale. 

L'intelligent  et  actif  éditeur  delaBibliothèque  elzévirienne,  P.  Jannet, 
avait,  il  y  aplus  de  dix  ans,  conçu  avec  M.  de  Montaiglon  le  projet  de 
publier  le  recueil  des  fabliaux.  Sa  mort,  survenue  pendant  le  siège 
de  Paris,  en  novembre  1870,  arrêta  l'entreprise;  les  matériaux  déjà 
réunis  furent  dispersés  et  détruits.  Après  un  long  intervalle,  M.  de 
Montaiglon  s'est  courageusement  remis  à  l'œuvre,  avec  le  concours  de 
M.  Léopold  Pannier,  et,  après  la  mort  de  ce  jeune  érudit  dont  le  zèle 
permettait  de  beaucoup  espérer,  avec  l'aide  de  M.  Gaston  Reynaud. 

Il  expose,  dans  un  avant-propos  succinct  et  judicieux,  quelle  est  la 
marche  qu'il  a  cru  devoir  suivre  ;  il  n'y  a  pas  de  variantes  dans  le 
premier  volume,  parce  que  les  pièces  qui  y  sont  contenues  ne  se  trou- 
vent que  dans  un  seul  manuscrit;  dans  le  suivant,  selon  que  les 
fabliaux  se  trouvent  dans  deux  ou  trois  manuscrits  (circonstance  peu 
commune),  les  variantes  sont  recueillie.  Il  a  paru  inutile  de  joindre 
aux  textes  un  commentaire  d'histoire  littéraire.  «  Être  complet  est 
impossible,  être  incomplet  serait  inutile.  » 

Le  premier  volume  du  recueil  en  cours  de  publication  contient 
vingt-neuf  fabliaux  ;  on  connaît  les  noms  des  auteurs  de  sept  d'entre 
eux  ;  dans  le  second  volume,  nous  rencontrons  vingt-cinq  fabliaux, 
tous  anonymes,  à  l'exception  de  six.  Sur  ces  cinquante-quatre  fabliaux 
il  y  en  a  six  qui  étaient  restés  inédits. 

A  partir  de  la  page  257  du  second  volume,  on  trouve,  avec  les  va- 
riantes, l'indication  des  divers  ouvrages  dans  lesquels  chaque  fabliau  a 
déjà  paru;  quelques-uns  ne  figurent  que,  dans  les  publications 
récentes ,  telles  que  la  Romania ,  les  Trouverez  belges,  du  dou- 
zième au  quatorzième  siècle,  par  M.  Aug.  Scheler  (1873),  la  Revue 
historiijue  de  l'ancienne  langue  française^  etc. 

Quant  à  l'impression,  il  suffit  de  dire  que  cette   publication   sort 


des  presses  de  M.  Jouaust;  c'est  une  garantie  complote  de  correction 
et  d'cléffance.  B. 


Storiu     della     poesîa     popolare    ilalêana,    da  Ermolao   Rubif.ri. 
Florence,  Barbera,  1877,  in-]  2  de  vni-C8(l  p.  —  Prix  :  6  fr. 

Depuis  quelque  temps,  il  a  été  publié  en  Italie  tant  de  recueils 
fournis  par  la  poésie  populaire,  que  le  moment  d'écrire  l'histoire  de 
cette  poésie  dans  cette  féconde  contrée  peut  sembler  être  arrivé.  C'est 
ce  qu'a  pensé  M.  Ermolao  Rubieri.  L'auteur  commence  le  gros 
volume  qu'il  a  consacré  à  cette  histoire  par  des  considérations  géné- 
rales quelquefois  peu  nécessaires.  Il  était  inutile,  peut-être,  de  remon- 
ter jusqu'aux  époques  bibliques;  mais  son  introduction  renferme  de 
précieux  renseignements  sur  les  très -nombreuses  collections  récem- 
ment éditées  en  Italie.  Parmi  elles,  toutefois,  nous  n'avons  trouvé  indi- 
qués ni  les  Canll  popolari  di  Noto,  publiés  par  Avolio,  ni  ceux  du  comté 
de  Modica,  de  Guastella.  Il  est  vrai  que,  dans  le  courant  de  l'œuvre, 
ce  dernier  ou])li  a  été  réparé.  En  revanche,  M.  Rubieri  nous  a  appris  les 
titres  de  plusieurs  livres  qui  nous  étaient  restés  inconnus,  il  donne 
notamment  une  ample  bibliographie  de  Proverbi. 

L'histoire  de  la  poésie  populaire  est  divisée  en  trois  parties  :  dans 
la  première,  M.  Rubieri  traite  de  cette  poésie  considérée  intrinsècjue- 
ment  dans  ses  types,  ses  formes,  ses  origines,  ses  phases  ;  dans 
la  seconde,  il  l'examine  dans  ses  caractères  psychologiques;  dans  la 
troisième,  il  en  étudie  ce  qu'il  appelle  lescaractùres  moraux.  Peut-être 
aurions-nous  préféré  une  classification  moins  savante,  moins  métho- 
dique, d'autant  plus  que,  dans  un  sujet  pareil,  il  est  difficile  qu'il  n'y 
ait  pas  quelquefois  un  enchevêtrement  d'une  partie  dans  une  autre  et 
que  cette  ordonnance  rigoureuse  n'amène  forcément  certaines  répéti- 
tions. Quoiqu'il  en  soit,  M.  Rubieri  a  mis  tous  ses  soins  à  bien  appro- 
fondir la  matière  dont  il  s'est  occupé  ;  il  n'a,  on  le  voit,  négligé  ni 
recherches,  ni  lectures.  Ce  qui  étonne,  c'est  qu'avec  l'érudition  dont 
il  fait  preuve,  il  n'ait  pas  aperçu,  ou  plutôt  pas  voulu  apercevoir  que 
beaucoup  des  chants  dont  il  s'occupe  ne  procèdent  pas  d'une  inspira- 
tion réellement  nationale.  Si  Donna  Lombarda,  souvenir  de  la  tra- 
gique et  lointaine  histoire  do  Rosemonde,  peut  appartenir  au  nord  de 
ritalie,  quantité  d'autres  chants  sont  d'origine  française,  ou,  du 
moins,  se  retrouvent  dans  trop  d'autres  contrées  pour  que  l'on  puisse 
leur  assigner  une  source  piémontaise.  Pour  ne  parler  que  de  quel- 
ques-uns :  /('  Comte  Anzolin,  qui  est  l'imitation  do  notre  belle  ballade 
do  Renaud,  si  rjpand  le  dans  toutes  les  provinces  de  France,  existe 
aussi  dans  les  Asturies  et  en  Catalogne;  la  Sposa  del  crociato,  c'est 
l'Épouse  du  croise  du  Barzas  Briez,  le  don  Guillcrmo,  de  la  Catalogne 
la  Gormnine   de  la  Normandie,   la  Gn-minr  de  la   Lorraine.    Il  n'est 


presque  pas  de  chants  auxquels  M.  Rubieri  paraisse  vouloir  assigner 
une  origine  italienne  que  l'on  ne  découvre  dans  bien  d'autres  contrées. 
Et  il  ne  s'agit  pas  seulement  de  chants  épiques,  mais  même  de  petites 
pièces  Ij-riques.  C'est  ainsi  qu'en  Toscane,  comme  en  Sicile,  on  chante 
une  stance  qui  se  termine  ainsi  :  «  L'amour  commence  avec  de  la  mu- 
sique et  des  chansons,  et  finit  avec  des  douleurs  et  des  larmes.  »  Un  poëte 
populaire  andalous  a  dit  la  même  chose.  On  pourrait  à  l'infini  rappeler 
des  analogies  de  ce  genre  dont  M.  Rabieri  a  eu  tort,  selon  moi,  de  ne 
pas  tenir  compte.  Il  est  impossible  pourtant  que  M.  Rubieri  n'ait  pas 
lu  l'article  que  M.  Nigra  adonné  à  la  iîoma;u'rt,  article  si  plein  de 
curieux  renseignements,  mais  dont  on  peut  contester  les  conclusions. 
En  tous  cas,  l'auteur  connaissait  les  parallèles  que  M.  Nigra  a  joints 
aux  chants  populaires  du  Piémont,  insérés  dans  la  Rivista  contempo- 
ranea  et  ils  suffisaient  pour  le  mettre  sur  la  voie  de  ces  rencontres 
qui  montrent  si  bien  les  liens  des  langues  néo-latines. 

M.  Rubieri  termine  son  volume  par  une  conclusion  où  l'on  pouvait 
s'attendre  à  voir  nettement  résumée  la  marche  entière  du  livre.  Mais 
il  n'en  est  pas  ainsi.  Cette  conclusion  n'est  guère  qu'une  sorte  d'ap- 
pendice servant  à  émettre  des  idées  oubliées  dans  le  cours  de  l'ou- 
vrage. Parmi  ces  idées,  il  en  est  qu'on  s'étonne  de  rencontrer  là. 
M.  Rubieri  en  veut  aux  superstitions,  qui  ont  une  si  grande  part  dans  les 
traditions  et  les  poésies  du  peuple.  Ces  superstitions,  il  les  attaque 
avec  indignation.  Il  loue  Vigo,  Pitre,  Guastella  de  les  avoir  combat- 
tues; —  ils  les  ont  plutôt  racontées  qu'attaquées,  ce  nous  semble.  — 
Il  s'écrie  :  «  Où  est  la  populace  {la  plèbe),  là  est  l'erreur  ;  mais  où  est 
la  civilisation,  là  est  l'école.  Que  les  amis  de  la  civilisation  soient  les 
premiers  à  combattre  l'erreur  de  toutes  les  manières,  »  etc.,  etc. 
Mais,  du  même  coup,  ils  porteront  une  rude  atteinte  à  la  poésie  popu- 
laire. Ce  n'est  pas  de  cette  manière  que  Fernan  Caballero,  qui  la  com- 
prenait si  bien,  dans  son  charmant  volume  Cuentos  y  poesias  populares 
ajidaluces,  traitait  les  vieilles  légendes.  Si  M.  Rubieri  les  envisage  en 
penseur,  en  philosophe,  en  philanthrope,  c'est  très-bien,  il  peut  avoir 
raison;  mais  c'est  là  un  tout  autre  ordre  d'idées  avec  lesquelles  la  poésie 
populaire  n'a^  ce  nous  semble,  rien  à  démêler.  Th.  P. 


Vie,  écrits  et  correspondance  littéraire  de  t.aureut-jrosse 

Le  Clerc,  par  L.  Bertrand,  prêtre  de  Saint-Sulpice.  Paris,  Techener, 

1878,  in-8  xii-3o2  p.  (Tiré  à  250  ex.)  —  Prix  :  10  fr. 

Le  savant  prêtre  auquel  M.  l'abbé  Bertrand  vient  de  consacrer  un 

volume  n'est  pas  aussi  connu  qu'il   mériterait  de   l'être    et  qu'il  le 

sera  désormais,  grâce  à  son  patient  biographe.  Laurent  Josse  Le  Clerc 

fut  le  troisième  enfant  du  célèbre  graveur  messin,  Sébastien  Le  Clerc. 

Entre  l'année  1679,  qui  fut  celle  de  sa  naissance,  et  l'année  1722,  qui 


—  59  — 

fut  celle  de  sa  mort,  il  n'y  a  pas  eu  pour  lui  de  ces  grands  événements 
faits  pour  donner  quelque  chose  d'un  intérêt  romanesque  à  la  vie  d'un 
homme.  Prêtre  attaché  à  la  compagnie  de  Saint-Sulpice,  envoyé  au 
séminaire  de  Tulle,  à  celui  d'Orléans,  directeur  de  celui  de  Saint- 
Irénée,  à  Lyon,  Le  Clerc  eut  une  de  ces  pieuses  existences  dont  le  récit 
tiendrait  en  quelques  pages,  si  la  vie  d'un  érudit  n'était  pas  surtout 
dans  ses  œuvres.  Ces  œuvres,  M.  Bertrand  les  a  étudiées  avec  un  grand 
soin  et  d'une  manière  attachante.  Les  Remarques  sur  le  dictionnaire 
de  Moréri^  la  Lettre  critique  sur  le  dictionnaire  de  Bayle,]si  Bibliothèque 
de  Richelet  ont  fourni  à  M.  Bertrand  le  sujet  d'intéressants  chapitres. 
Malheureusement  tous  les  écrits  de  Le  Clerc  ne  nous  sont  point  par- 
venus. Vainement  M.  Bertrand  s'est  adressé  n,nPolybiblionet  kVInter- 
médiaire  des  chercheurs  et  des  curieux  pour  savoir  ce  qu'était  devenu 
le  Traité  du  plagiat  littéraire  qui  contient  sans  doute  des  détails  fort 
piquants.  Les  relations  de  Le  Clerc  avec  divers  hommes  célèbres,  avec 
La  Monnoye,  D.  Piron,  le  poëte  Senécé,  le  président  Bouhier,  Fabbé 
Papillon,  le  P.  Oudin,  Marais,  le  fanatique  admirateur  de  Bayle, 
donnent,  par  la  manière  dont  elles  ont  été  racontées  et  par  de  nom- 
breux fragments  de  correspondances,  beaucoup  d'attrait  et  de  variété 
au  livre  de  M.  Bertrand.  Offrant  de  menus  détails,  de  petites  anecdotes 
littéraires,  ce  livre  eût  été  accueilli  avec  empressement  par  Sainte- 
Beuve,  auquel  il  eût  apporté  de  nouveaux  renseignements  sur  l'avocat 
Marais,  sur  le  président  Bouhier  et  bien  d'autres  de  leurs  contempo- 
rains. Sans  avoir  voulu  écrire  une  apologie,  M.  Bertrand  fait  aimer 
et  estimer  Le  Clerc.  Il  n'est  peut-être  pas  hors  de  propos  de  dire 
comment  le  savant  sulpicien  comprenait  la  critique  :  «  J'aime  à  voir 
faire  la  guerre  de  bon  jeu,  il  faut  laisser  les  injures  aux  harengères  et 
aux  crocheteurs.  Vive  un  fait  bien  établi,  appuyé  sur  des  preuves 
bonnes  et  bien  mises  en  œuvre  ;  de  solides  réponses,  sans  mélange 
de  paroles  hautes,  méprisantes,  dures,  insultantes.  Tout  cela  est  pour- 
tant un  mal  commun  dans  la  république  littéraire  et  apparemment  je 
n'en  arrêterai  pas  le  cours.  »  Cet  esprit  de  charité  que  Le  Clerc,  — 
chose  assez  méritante,  —  montrait  à  ses  émules,  le  poussait  non- 
seulement  à  faire  d'abondantes  aumônes  où  disparaissaient  les  béné- 
fices, d'ailleurs  modestes,  produits  par  ces  ouvrages,  mais  le  faisait 
écouter  et  conseiller  avec  une  patiente  bienveillance  toutes  les  per- 
sonnes qui  s'adressaient  à  lui,  fùt-il  dans  la  retraite  sacrée  de  sa 
chère  bibliothèque.  A  propos  de  cette  bibliothèque,  M.  Bertrand  a, 
sur  les  livres,  une  jolie  page  où  se  révèle  l'homme  qui  les  aime.  On 
reconnaît,  du  reste,  le  bibliophile  aux  soins  donnés  à  l'exécution 
typographique  de  ce  beau  volume,  comme  on  reconnaît  le  littérateur 
érudit  et  délicat  à  la  manière  dont  tout  ce  livre  a  été  écrit. 

Th.  de  Puymaigre. 


—  (iO  — 

HISTOIRE. 

^^Eicîent  Ilîstory  froni  tlie  Monuments.  Xlie  Hii^tor}'  ol* 
Bal>yIonîa.  Hy  the  late  George  Smith,  Esq.,  of  tlie  Department  ol' 
oriental  antiquilies,  British  Musenm.  Edited  by  Rev.  A.  Sayce,  assistant 
professor  of  Comparative  Philology,  Oxford.  Published  under  tlie  direction 
of  theComitteeof  gênerai  Literature  and  éducation  appointedbythe  Society 
lorpromoting  cliristian  Knowledge.  London,  Society  for  promoting  Chris- 
tian Knowledge (1877),  in-lG  de  {92  p. 

Le  célèbre  assyriologue  anglais,  M.  George  Smith,  avant  de  partir 
pour  son  dernier  voyage  d'exploration  en  Asie,  d'où  il  ne  devait  point 
revenir,  avait  écrit  une  histoire  de  la  Babjlonie  qu'il  laissait  à  peu 
près  achevée.  M.  Sayce  a  publié  ce  précieux  travail  où,  dit-il,  il  n'a 
eu  à  peu  près  rien  à  changer.  Il  a  rédigé  seulement  la  plus  grande 
partie  du  chapitre  qui  sert  d'introduction  et  qui  n'avait  été  qu'ébau- 
ché par  M.  Smith.  Il  y  a  ajouté  une  table  des  rois  babyloniens  et 
un  appendice  où  il  explique  la  signification  des  noms  propres  acca- 
dins,  élamites,  cassites  et  sémitique?!.  Dans  le  cours  de  l'histoire,  il  a 
inséré  quelques  notes,  toutes  signées  de  son  nom.  Enfin  M.  Greenwood 
Hird  a  rédigé  une  table  par  ordre  alphabétique  des  matières  conte- 
nues dans  le  volume  :  elle  est  complète  et  très-commode. 

L'Histoire  de  la  Babylonir  n'est  pas  aussi  riche  en  renseignements  et 
en  documents  que  VHlstoire  d'Assyrie,  composée  également  par 
M,  Smith,  pour  la  même  Society  for  promoting  Christian  Knowledge, 
Babylone,  excepté  du  temps  de  Nabuchodonosor,  n'a  pas  joué  un  rôle 
aussi  important  et  aussi  prépondérant  que  pourrait  le  faire  supposer 
la  célébrité  de  son  nom.  Son  rôle  politique,  dans  ce  qui  nous  est  connu 
d'elle,  a  généralement  été  secondaire.  De  plus,  l'histoire  des  basses 
régions  de  l'Euphrate  n'a  pas  fourni  aux  chercheurs  les  mêmes  res- 
sources que  celles  de  l'Assyrie.  On  n'a  pas  découvert  à  Babylone  et 
en  Chaldée  de  grandes  inscriptions  historiques,  dans  le  genre  de  celles 
des  monarques  ninivites.  Nabuchodonosor  lui-même  ne  nous  a  pas 
laissé  le  récit  de  ses  campagnes.  La  plupart  des  documents  décou- 
verts ne  contiennent  guère  que  des  noms  propres  et  des  détails  peu 
importants.  Presque  tout  ce  que  nous  savons  d'un  peu  plus  précis  sur 
cette  région  de  l'Asie  ne  nous  est  connu  qu'indirectement  par  les  ins- 
criptions assyriennes.  Le  travail  qu'a  exécuté  M.  Smith  était  donc 
aride  et  plein  de  difficultés.  Il  les  a  heureusement  surmontées.  Il  a 
réuni  et  groupé  tous  les  renseignements  connus.  De  nouvelles  décou- 
vertes compléteront  peu  à  peu  son  œuvre.  Un  nouveau  nom  de  roi 
d'Agadé,  Ansegdniésarlu,  a  été  retrouvé  déjà  depuis  la  publication  de 
cette  histoire.  Mais  elle  n'en  est  pas  moins,  à  l'heure  présente,  ce  que 
nous  possédons  de  plus  complet,  et  ce  livre  est  indispensable  à  tous 
ceux  qui  veulent  étudier  la  Babylonie   et  la  Chaldée.  Quelques  gra- 


—  (Il  — 


vures  sur  bois  augmentent  l'intérêt  de  cette  publication.  Signalons 
entre  autres  une  statuette  très-antique,  en  bronze,  du  roi  Gudea  et 
un  torse  en  marbre  noir  du  même  roi;  une  tablette  de  contrat  de  Maru- 
dik-Nadin-Ahi  et  des  sceaux  cylindriques.  L.  M. 


t.es  Églises  du  moncle  romain,  notaminent  celles  des  Gaules  pen- 
dant les  trois  derniers  siècles,  parle  R.  P.  Dûm  François  Chamard,  bénùdictin 
de  l'abbaye  de  Ligugé,  de  la  Congrégation  de  France.  Paris,  Palmé, 
1877,  in-8  de  439  p.  —  Prix  :  o  fr. 

L'opinion  qui  place  au  premier  siècle  de  l'ère  chrétienne  l'évangé- 
lisation  de  la  Gaule  a  repris  faveur  de  nos  jours;  je  ne  sais  si  elle  a 
jamais  été  soutenue  avec  plus  de  science  et  d'habileté  que  dans  l'ou- 
vrage du  R.  P.  Doni  Chamard.  Le  docte  bénédictin  a  voulu  ne  faire 
dans  sa  démonstration  aucune  place  à  l'élément  légendaire  ;  il  a  pré- 
tendu bâtir  son  édifice  sur  des  bases  qui  ne  pussent  être  aisément 
ébranlées.  Ces  bases,  il  les  emprunte  à  des  témoignages  qui,  tout 
généraux  qu'ils  sont,  n'en  ont  pas  moins  une  haute  valeur.  Lors- 
qu'Eusèbe,  Lactance  et,  avant  eux, saint  Irénée,  affirment  que,  dès  la 
période  apostolique,  le  christianisme  se  répandit  dans  tout  l'empire 
romain  et  en  franchit  même  les  limites_,  peut-on  supposer  que,  seule, 
la  Gaule  ait  échappé  à  la  bienfaisante  invasion  de  la  doctrine  nou- 
velle et  des  conquérants  qui  l'apportaient?  Ou  bien,  est-il  vraisem- 
blable que  les  missionnaires  qui  l'ont  visitée  au  premier  siècle  n'aient 
pas  songé  à  y  asseoir  le  christianisme  sur  le  fondement  de  la  hiérar- 
chie; qu'ils  n'aient  point  assuré  la  perpétuité  de  leur  œuvre  en  y  éta- 
blissant des  évêques,  comme  on  l'a  fait  ailleurs  avec  une  surabon- 
dance dont  les  preuves  sont  partout?  Enfin,  s'il  a  fallu  que,  vers  l'an 
250,  le  pape  saint  Fabien  envoyât  des  apôtres  à  la  Ga,ule,  et  si  les 
plus  anciens  sièges  épiscopaux  de  notre  patrie  datent  seulement  de 
cette  époque,  ne  s'étonnera-t-on  pas  de  voir,  au  siècle  suivant,  nos 
Eglises  nombreuses  et  florissantes  ? 

A  ces  arguments,  on  oppose  des  arguments  de  plus  d'une  sorte.  On 
invoque  un  texte  de  Sulpice-Sévère  qui  paraît  contredire  l'antiquité 
presque  apostolique  de  nos  Eglises,  et  un  passage  célèbre  de  saint 
Grégoire  de  Tours  qui  la  nie  formellement.  On  allègue  encore  le 
petit  nombre  de  noms  que  présentent,  avant  Dioclétien,les  catalogues 
épiscopaux  de  la  Gaule,  le  silence  des  martyrologes,  et  l'absence 
d'inscriptions  chrétiennes  remontant  à  l'âge  primitif.  Dom  Chamard 
discute  le  texte  de  Sulpice-Sévère  et  l'interprète  dans  un  sens  favo- 
rable à  sa  thèse  ;  sans  méconnaître  l'autorité  de  Grégoire  de  Tours, 
il  montre  que  le  père  de  notre  histoire  s'est  mépris  plus  d'une  fois,  et 
que,  sur  le,  point  qui  nous  occupe,  outre  qu'il  s'est  inspiré  d'un 
apocryphe,    il  semble    ne    s'être    pas    toujours   accorde    avec    lui- 


—  62  — 

même.  La  Gaule  n'est  pas  la  seule  contrée  dont  les  catalogues 
épiscopaux  contiennent  peu  de  noms  antérieurs  à  Constantin  ;  le 
même  phénomène  se  rencontre  dans  Thistoire  des  Eglises  d'Orient, 
d'Italie,  d'Afrique,  dont  l'origine  n'est  pas  douteuse,  et  s'ex- 
plique par  les  ravages  que  les  persécutions  de  Dèce  et  de  Dioclé- 
tien,  et  plus  tard  les  invasions  barbares,  portèrent  dans  les  archives 
ecclésiastiques.  La  vraie  notion  des  anciens  martyrologes  dissipe  l'ob- 
jection qu'ils  semblent  fournir,  et  les  principes  formulés  par  M,  de  Rossi 
aident  à  éclaircir  les  difficultés  qui  naissent  de  l'épigraphie.  Comme 
l'indique  le  titre  de  son  livre_,  Dom  Chamard  ne  s'est  pas  enfermé 
dans  l'histoire  ecclésiastique  des  Gaules;  il  a  élevé  et  élargi  le  débat, 
et  nous  lui  devons,  entre  autres,  une  très-remarquable  étude  sur  les 
chorévêques  dans  le  monde  romain  et  dans  les  Gaules  en  particulier. 
Je  doute  fort  que  les  contradictions  tombent  devant  son  livre  et  que 
l'école  grégorienne  désarme;  je  ne  doute  pas  que  tous  ne  reconnaissent 
au  bénédictin  qui  l'a  écrit,  avec  une  rare  compétence  historique, 
l'art  de  mener  une  controverse  et  d'édifier  une  démonstration. 

H.  A. 


Lia  Oîplomatie  française  au  dix-septième  siècle.  Hugues 
de  lL,ionne,  ses  ambassades  en  //a;te(!  642-1 656),  d'après  sa  correspondance 
conservée  au  ministère  des  affaires  étrangères,  par  J.  Valfrey.  Pari=, 
Didier,  1877,  in-8  de  xcvi-360  p.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

Hugues  de  Lionne, l'un  des  plus  actifs  coopérateurs  delà  politique  de 
Mazarin  et  des  plus  habiles  diplomates  du  dix-septième  siècle,  était  le 
disciple  et  le  neveu  d'Abel  Servien,  marquis  de  Châteauneuf  et  de  Sa- 
blé, qui  fut,  sous  Richelieu,  ambassadeur  extraordinaire  en  Italie,  se- 
crétaire d'État  de  la  guerre  et  membre  de  l'Académie  française,  et,  sous 
Mazarin,  négociateur  des  traités  de  Westphalie,  ministre  d'État  et 
surintendant  des  finances.  Nous  avons  accueilli  avec  d'autant  plus 
d'empressement  cette  étude  sur  le  neveu,  que  nous  parcourons  depuis 
quelques  mois  dans  la  Revue  historique  du  Maine,  la  carrière  littéraire 
et  politique  de  l'oncle  :  préparé  par  les  missions  diplomatiques  de 
Servien,  nous  pouvons  d'autant  mieux  apprécier  celles  de  son  élève. 

Le  volume  qui  nous  occupe  ne  comprend  que  la  première  partie  de 
l'histoire  d'Hugues  de  Lionne,  celle  de  ses  deux  séjours  en  Italie  pour 
la  mission  de  Parme,  de  1641  à  1644,  et  pour  l'ambassade  de  Rome,  de 
1645  à  1656.  M.  Valfrej  nous  en  promet  un  second  qui  résumera  l'his- 
toire du  ministère  qu'exerça  Lionne  pendant  neuf  ans,  de  1663  à  1671, 
lorsqu'il  fut  nommé  secrétaire  d'État  des  afl'aires  étrangères,  après 
l'avoir  été  déjà  de  la  marine  et  du  commerce.  Mais  il  indiqué,  dès  à 
présent,  les  traits  principaux  de  cette  laborieuse  carrière,  dans  une 


—  63  — 

substantielle  notice  qui  nous  donne  pour  la  première  fois  une  biographie 
complète  de  l'illustre  De]phinois,même  après  les  travaux  de  MM.  Mi- 
gnet,  Real,  Rochas  et  Chevalier.  Nous  y  suivons,  sans  interruption  et 
presque  d'année  en  année,  le  fils  du  conseiller  Artus,  depuis  le  jour  où 
son  père  l'envoya  comme  secrétaire  à  Servien,  en  1631,  pour  entrer 
lui-même  dans  les  ordres  ecclésiastiques  et  devenir  bientôt  évêque  de 
Gap,  jusqu'à  cette  date  fatale  du  1"  septembre  1671  où  Lionne  mourut 
à  soixante  ans  accomplis,  dans  la  plénitude  d'une  situation  éminente, 
qu'il  avait  illustrée  pas  les  plus  brillants  services.  Cette  vie  est  incon- 
testablement une  des  mieux  remplies  que  nous  offre  l'histoire  politique 
du  dix-septième  siècle;  et  dans  le  même  ordre,  les  quarante  années  de 
travaux  d'Abel  Servien  peuvent  seules  lui  être  comparées.  Elle  ne  pré- 
sente pas  d'autres  lacunes  que  sa  brièveté  même,  remarque  pittores- 
ment  M.  Valfrey;  et  elle  semble  être,  dans  ses  développements,  le 
résultat  exclusif  du  travail,  de  l'intolligence  et  du  patriotisme  le  plus 
épuré.  Sa  naissance  et  sa  fortune  n'ouvraient  à  Lionne  que  des  hori- 
zons très-étroits,  et  s'il  parvint  aux  charges  les  plus  élevées  ce  fut 
uniquement  par  la  supériorité  de  ses  aptitudes.il  est  vrai  que  la  voie 
lui  fut  ouverte  par  des  protecteurs  puissants  et  qu'il  s'attacha  dès  les 
premiers  jours  à  la  fortune  de  Mazarin  :  mais  il  ne  put  acquérir  et 
conserver  ces  appuis  que  par  un  discernement  et  une  dextérité  remar- 
quables dans  le  maniement  des  choses  et  des  hommes.  Malheureuse- 
ment, ce  ne  fut  pas  toujours  avec  une  impartialité  parfaite,  et  nous 
regrettons  que  M.  Yalfrey  n'ait  pas  insisté  davantage  sur  le  rôle  que 
joua  Lionne  dans  la  triste  affaire  des  démêlés  de  Servien  et  du  comte 
d'Avaux  pendant  les  négociations  des  traités  de  "Westphalie.  Nous 
accordons  qu'il  ne  faut  pas  ajouter  trop  de  créance  au  manifeste 
accusateur  et  passionné,  rédigé  par  Chavigny  pendant  les  troubles  de 
la  Fronde  ;  mais  la  correspondance  officielle  de  Lionne  avec  son  oncle 
suffit  pour  attester  qu'il  ne  se  conduisit  pas  dans  cette  affaire  avec  une 
très-grande  délicatesse  :  les  extraits  qu'en  a  donnés  le  P.  Bougeant, 
dans  son  Histoire  des  traités  de  Westphalie,  sont  fort  caractéristiques  et 
l'on  doit  reconnaître  qu'il  y  a  là  une  véritable  tache  dans  l'histoire 
de  Hugues  de  Lionne.  Elle  n'a  pas  été  suffisamment  remarquée. 

Les  documents  sur  lesquels  INI.  Yalfrey  a  pu  reconstituer  toutes  les 
phases  délicates  des  missions  de  Hugues  de  Lionne  en  Italie  n'ont  pas 
encore  été  utilisés  par  les  historiens  qui  se  sont  occupés  du  dix-septième 
siècle;  ils  sont  tous  manuscrits  et  appartiennent  au  riche  dépôt  des 
archives  du  ministère  des  affaires  étrangères;  aussi  lui  ont-ils  permis 
d'exposer  sous  un  jour  nouveau  ces  inextricables  difficultés  diploma- 
tiques qui  signalèrent  d'un  côté  la  ligue  des  princes  d'Italie  contrôles 
papes  à  propos  de  l'occupation  d'une  partie  du  duché  de  Parme ,  de  l'autre 
la  session  du  conclave  qui  suivit  la  mort  d'Innocent  X,  et  qui  dura 


—  Oi  — 

quatre-vingts  jours,  agité  par  d'ardentes  factions  contraires.  Le  récit 
de  M.  Valfrey,  appuyé  sur  des  pièces  et  correspondances  absolument 
authentiques,  est  d'autant  plus  intéressant  que  de  fréquentes  allusions 
à  notre  état  politique  actuel  y  sont  habilement  ménagées.  Si  la  France 
doit  avoir  quelque  influence  dans  le  prochain  conclave  qu'on  doit 
malheureusement  prévoir,  nous  souhaitons  qu'elle  puisse  y  envoyer 
pour  soutenir  ses  intérêts  un  ministre  aussi  habile  et  aussi  adroit  que 
celui  qui  sut  si  bien  se  détacher  à  point  nommé  du  cardinal  Sachetti, 
pour  faire  élire  à  l'unanimité  le  médiateur  des  traités  de  Munster, 
Fabio  Chigi.  Mais,  hélas!  quelles  traditions  possède  maintenant  notre 
diplomatie  sans  cesse  agitée  par  des  courants  rapides  et  contraires  ! 

René  Kerviler. 


Mémoires  <iu  duc  de  Saînt-Sintion,  publiés  par  MM.  Chiîruel  et 
Ad.  Régnier  fils.  Tome  vingtième.  Table  analj'tique  rédigée  par  l'auteur 
]ui-même  et  imprimée  pour  la  première  fois  d'après  sou  manuscrit  auto- 
graphe. Paris,  libraide  Ilaohettc,  1877,  in-lS  j.  de  iv-G37  p.  — Prix  : 
3  fr.  oO. 

J'ai  dit  ici  (n°  d'août  1873,  p.  99  du  tomeX)  que  la  nouvelle  édition 
des  Mémoires  du  duc  de  Saint-Simon,  comme  reproduction  du  texte 
original,  ne  laisse  absolument  rien  à  désirer.  Au  moment  où  s'achève 
cette  importante  publication,  j'aime  à  répéter  que  le  plus  éloquent 
de  nos  chroniqueurs  a  été  traité  avec  tous  les  égards  et,  pour  ainsi 
dire,  avec  tout  le  culte  que  l'on  doit  à  un  auteur  classique.  Malheu- 
reusement M.  Ad.  Régnier  fils  n'est  plus  là  pour  recevoir  de  nouveau 
les  éloges  si  bien  mérités  par  son  incomparable  zèle,  et  l'on  ne  lira 
pas  sans  émotion  le  passage  de  ['Avertissement  dans  lequel  son  mal- 
heureux père  nous  dit  (p.  iv)  :  a  Mon  fils  n'a  pu  achever  sa  tâche  par 
la  publication  de  ce  vingtième  volume.  Il  terminait  la  correction  du 
dix-riCuviômo,  quand  Dieu  l'a  enlevé,  par  une  mort  prématurée,  à  un 
père,  à  une  mère^  à  qui  il  eût  dû  survivre,  à  sa  femme,  à  ses  enfants. 
Sa  veuve,  qui  l'avait  assisté  dans  le  minutieux  travail  de  révision  du 
texte  des  Mémoires,  a,  sous  ma  direction,  et  aidée,  à  l'occasion,  par 
M.  Chéruel  pour  la  recherche  des  références,  collationné  le  manuscrit 
inédit,  corrigé  les  épreuves,  avec  cette  attention  scrupuleuse  dont  son 
mari  lui  avait  donné  l'exemple,  et  ce  qu'il  y  avait  à  dire  au  sujet  de 
cette  table,  je  me  suis  fait  un  triste  et  pieux  devoir  de  le  dire  ici  pour 
lui.  » 

Des  éditeurs  tels  que  MM.  Chéruel  et  Ad.  Régnier  fils  ne  pouvaient 
se  dispenser  de  reproduire  la  table  analytique  rédigée  par  le  duc  de 
Saint-Simon.  En  exauçant  le  vœu  du  grand  historien,  ils  ont  aussi 
exaucé  les  vœux  de  tous  les  sérieux  lecteurs  des  Mémoires.  Cuite  table 
complète  admirablement  l'œuvre  immense  de  Saint-Simon,  et  elle 


—  fi.'J  — 

oft're  divûrses  sortes  d'intérêt.  Cest  avec  raison  quo  M.  Ad,  llégiiier 
père  y  signale  ([).  22),  à  côté  do  quelques  additions  au  contenu  de  l'ou- 
vrage, de  quelques  nuances  de  jugement,  de  quelques  petits  faits, 
«des  traces  do  cette  hardiesse  et  de  cette  vigueur  de  mots,  de  traits, 
d'expressive  appréciation  qui  distinguent  Saint-Simon  entre  tous  nos 
écrivains.  »  M.  Ad.  Régnier  insiste  sur  certaines  curiosités  et  singu- 
larités del&ngdige,teUQS(nie  infainemeiHftrcbiicheinent,  deux  mots  dont 
M.  Littré  ne  donne  que  des  exemples  antérieurs  au  dix-septième  siècle, 
iiif/ratemoit,  dont  il  ne  donne  qu'un  exemple  de  Malherbe,  abyssal  qu'il 
ne  mentionne  même  pas  (remarquons,  en  passant,  que  le  mot  abiissalis, 
d'où  vient«&i/6'.s"rt/,se  trouve  dans  le  chapitre  xxii  du  livre  IV  de  l'Imita' 
lion  de  N.-S.  J.-C.  avec  le  sens  de  profond  comme  l'abime). 

Dans  l'article  que  je  citais  tout  à  l'heure,  j'avais  exprimé  le  regret 
de  ne  pas  voir,  au  bas  de  pages  dont  la  réimpression  est  parfaite,  les 
notes  critiques  qui  me  paraissaient  indispensables  pour  éclaircir,  com- 
pléter, rectifier  les  récits  de  Saint-Simon.  Ces  notes,  je  suis  tout 
joyeux  de  l'annoncer,  nous  les  aurons  prochainement,  abondantes, 
excellentes,  dans  une  édition  qui  fera  partie  de  la  Collcclion  des  grands 
écrivains  de  la  France  et  qui  sera  l'édition  savante,  l'édition  des  tra- 
vailleurs, tandis  que  l'édition  en  vingt  volumes  in-18  sera  celle  de  tout 
le  monde.  Il  ne  faut  pas  moins  que  l'association  de  deux  érudits  tels 
que  M.  Chéruel  et  que  M.  A.  de  Boislisle  pour  nous  donner,  sous 
l'inappréciable  direction  de  M.  Ad.  Régnier,  un  Saint-Simon  défi- 
nitif. 

Veut-on  une  autre  bonne  nouvelle  ?  On  sait  que,  parmi  les  manuscrits 
autographes  de  Saint-Simon  non  encore  publiés,  qui  sont  conservés 
aux  Archives  du  ministère  des  aff'aires  étrangères,  il  en  est  de  bien 
autrement  importants  que  la  table  des  Méaioires  qui  vient  d'en  être 
tirée.  M.  P.  Faugère  ne  tardera  pas  à  mettre  entre  nos  impatientes 
mains  quatre  volumes  qui  renfermeront  tout  ce  qui  reste  de  pages 
inédites  de  Saint-Simon.  Heureuses  les  bibliothèques  où  ces  quatre 
volumes  seront  rapprochés  des  trente  ou  trente -cinq  volumes  que 
préparent  avec  tant  de  conscience  et  tant  d'activité  MM.  Chéruel 
et  de  Boislisle  !  T.  de  L. 


Le  I»oi*tereuîlle  d'un  jçénéral  de  I«  République,  par  Alfrkij 
DE  Besa.nce.net.  Paris,  Pion,  1877,  iu-8  de  290  p.  —  Prix  :  5  fr. 

Voilà  plusieurs  années  déjà  que  M.  Camille  Rousset  a  détruit  la 
légende  des  volontaires  de  92.  M.  A.  de  Besancenet  vient  en  faire 
justice  à  son  tour,  et  montre  que  la  première  République  a  désorganisé 
l'armée  comme  elle  a  désorganisé  tous  les  services.  —  Ces  malheureux 
soldats  que  la  Convention  enrôlait  souvent  de  force  dans  ses  levées  en 
JA^vIEu  1878.  ô 


—  ou  — 

masse,  elle  les  envoyait  se  battre  sans  vêtements,  sans  nourriture, 
sans  munitions.  Et  cette  opinion  de  M.  de  Besancenet  n'est  point 
une  opinion  de  fantaisie,  appuyée  sur  des  souvenirs  plus  ou  moins 
exacts.  Elle  repose  sur  les  documents  les  plus  authentiques,  les  ordres 
donnés  ou  reçus  par  un  général  de  la  République,  une  belle  etsympathi- 
que  figure,  le  général  de  Dommartin,  ordres  inscrits  jour  par  jour  par 
le  général  sur  un  registre  qui  a  été  conservé.  «  Ce  registre,  dit  juste- 
ment l'auteur,  est  une  chronique  dont  la  vérité  ne  peut  être  récusée.  » 
On  y  verra  à  quel  degré  de  misère  l'armée  d'Italie  était  réduite  avant 
que  Bonaparte  en  vint  prendre  le  commandement.  Le  désordre,  le  vol, 
l'indiscipline  étaient  partout.  On  trouvera  là  aussi  de  curieux  détails 
sur  le  18  fructidor,  la  campagne  d'Allemagne  en  1796  et  1797,  et  l'expé- 
dition projetée  en  Angleterre.  Quant  à  l'expédition  d'Egypte,  il  n'en 
est  que  sommairement  question,  M.  de  Besancenet  l'ayant  racontée 
dans  un  précédent  travail,  sous  ce  titre  :  Un  officier  royaliste  au  service 
de  la  Bépubli(/ue.  C'est  là,  à  Rosette,  en  1799,  que  le  général  de 
Dommartin  mourut,  à  trente  ans,  non  pas,  comme  le  dit  très-bien  son 
biographe,  pour  la  République,  mais  pour  la  France. 

M.    DE   LA  R. 


Le  Pi'ocè»  des  ministres  [1830],  par  Er.nest  D.vldet.  Paris,  Quaalin, 

1877,  in-8  de  .\iv-317  p.  —  Prix  :  (i  l'r. 

Cet  ouvrage  est  divisé  en  deux  parties.  Dans  la  première,  l'auteur 
raconte  comment  les  ordonnances  de  juillet  1830  ont  été  décidées, 
préparées  et  reçues;  il  dit  le  départ  du  roi,  la  fuite  des  ministres,  leur 
arrestation.  Dans  la  seconde  partie,  l'auteur  raconte  la  mise  en 
accusation  et  les  diverses  phases  du  procès  des  ministres.  Le  rapport 
de  M.  de  Chantelauze  qui  précéda  les  ordonnances,  un  récit  de  ce  qui 
se  passa  à  Bàville  iors  de  la  fuite  de  MM.  de  Montbel  et  Capelle,  des 
lettres  de  M.  Mole  et  de  Louis-Philippe  à  Casimir  Périer  forment  un 
appendice.  On  lira  avec  intérêt  les  détails  sur  l'arrestation  des  mi- 
nistres ;  car,  tandis  que  MM.  d'Haussez,  de  Montbel  et  Capelle  pouvaient 
gagner  la  frontière,  MM.  de  Chantelauze  et  Guernon-Ranville  étaient 
arrêtés  à  la  MembroUe,  près  de  Tours,  et  M.  de  Peyronnet  dans  cette 
ville  même.  Le  récit  de  la  fuite  de  M.  de  Polignac  est  donné  ici  avec 
des  détails  nouveaux  et  précis,  grâces  aux  renseignements  fournis 
à  l'auteur  par  M.  de  Semallé,  fils  du  comte  de  Sémallé,  auquel 
Charles  X  avait  confié  le  soin  de  faire  évader  son  ancien  ministre. 
M.  Daudet,  après  avoir  rappelé  les  scènes  émouvantes  de  l'audience 
où  MM.  de  Martignac,  Sauzet,  Hennequin  obtinrent  plus  d'un  triomphe, 
montre  très-bien  —  et  c'est  là  la  morale  du  livre  —  que  l'attitude 
énergique  du  ministre  de  l'Intérieur  devant  les  passions  soulevées  lors 


07  — 


du  procès  des  ministres  fut  une  victoire  remportée  par  le  nouveau 
gouvernement  sur  l'esprit  révolutionnaire,  qui  lui  avait  donné  nais- 
sance et  le  menait  à  sa  perte.  H.  de  l'É. 


L.a  France  archéologique,  la  Gdline  historique  et  monumentale^  par 
M.  Bélisaire  Ledain.  Paris,  Claye,  1876,  gr.  in-4  de  410  p.,  2(1  pi.  et 
nombr.  grav.  intercalées. 

Au  concours  de  1876  des  antiquités  de  la  France,  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  décernait  la  troisième  médaille  à  l'ou- 
vrage dont  nous  venons  de  transcrire  le  titre.  Cette  récompense  mé- 
ritée nous  dispense,  jusqu'à  un  certain  point,  de  faire  l'éloge  de  ce 
livre;  cependant,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  rendre  hommage 
au  zèle  intelligent  avec  lequel  l'auteur  a  su  recourir  à  toutes  les 
sources  qui  pouvaient  lui  fournir  quelques  renseignements.  Après  avoir 
feuilleté  la  Gcitlne,  on  est  étourdi  de  la  quantité  de  documents  consultés 
et  mis  à  contribution  par  M.  Ledain,  au  profit  de  l'histoire,  comme  au 
profit  de  l'archéologie. 

Il  faut  avouer  aussi  que  Parthenaj,  à  lui  seul,  est  un  des  échan- 
tillons les  plus  intéressants  de  l'art  du  moyen  âge;  que  les  familles  qui 
ont  tenu  ce  fief  ont  rempli,  dans  l'histoire,  les  rôles  les  plus  imj'or- 
tants.  Donnez  ces  deux  sujets  à  traiter  à  un  enfant  du  pays  d'un  goût 
sûr  et  bon  critique,  et  vous  ne  pouvez  manquer  d'avoir  un  ouvrage 
qui  peut  hardiment  servir  de  modèle. 

La  Gâtine  est  une  circonscription  dont  Parthenay  est  le  centre,  et 
qui  se  trouve  entre  le  Haut  et  le  Bas-Poitou  ;  elle  s'étend  sur  15  lieues 
de  longueur  et  10  de  largeur,  comprenant  soixante  paroisses.  L'his- 
toire de  Parthenay  commence  véritablement  vers  l'an  1000,  avec  Josse- 
lin  P%  le  plus  ancien  seigneur  connu  ;  on  a  des  traces  éparses  de  l'exis- 
tence de  ce  pays  auparavant,  mais  c'est  seulement  avec  le  onzième  siècle, 
que  débutent  ses  annales  suivies.  Les  successeurs  de  Josselin,  qui 
prirent  le  surnom  de  l'Archevêque  à  cause  de  Josselin  II, archevêque  de 
Bordeaux,  conservèrent  Parthenay  pendant  500  ans;  M.  Ledain  re- 
trace la  vie  de  chacun,  les  événements  contemporains  accomplis  dans 
la  Gâtine,  les  faits  archéologiques  appartenant  à  chaque  seigneur.  Le 
dernier  des  l'Archevêque,  Jean  II,  mourut  en  1427,  après  avoir  aliéné 
la  nue-propriété  de  son  fief  au  régent  qui  le  donna  à  Arthur  de  Riche- 
mond  à  la  condition  d'acquitter  les  frais  d'acquisition.  A  la  mort  de 
Richemond,  qui  ne  laissa  pas  d'héritier,  Parthenay  fut  attribué  à 
Dunois  par  Charles  VII,  et  resta  aux  Longueville  jusqu'en  1641,  date 
de  la  vente  au  maréchal  de  la  Meilleraye,  qui  transmit  cette  baronnie 
à  ses  descendants. 

Sans  nous  arrêter,  ce  qui  serait  trop  long,  à  toutes  les  pages  qui, 
sans  sortir  du  sujet  principal,  retracent  l'histoire  du  Poitou  et  de  la 


—  w  — 

France  dans  laquelle  les  barons  de  Parthenaj  jouèrent  un  rôle  con- 
sidérable, nous  appellerons  l'attention  sur  l'histoire  des  La  Porte,  très- 
probablement  bourgeois  de  Parthenay  à  la  fin  du  quatorzième  siècle, 
dont  les  descendants  furent  ducs  de  la  Meilleraye  et  de  Mazarin.  Les 
mérites  des  La  Porle,  alliés  des  Richelieu,  firent  qu'à  la  troisième 
génération,  après  un  clerc  apothicaire,  nous  voyons  paraître  un  duc  et 
pair  et  un  grand  prieur  de  Malte  ;  encore  une  preuve,  entre  cent,  que 
jadis  le  vrai  mérite  pouvait  se  faire  une  place  et  franchir  lestement 
les  échelons  qui  existaient  et  existeront  toujours  dans  la  société.  C'est 
à  Charles  P'"  de  La  Porte,  gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  de 
Henri  IV,  oncle  par  alliance  du  cardinal  de  Richelieu,  et  à  Charles  II, 
maréchal  de  France,  que  l'on  doit  la  construction  du  château  de  la 
Meilleraye,  d'abord  simple  fief  relevant  de  la  baronnie  de  Parthenay; 
c'était  une  somptueuse  résidence,  que  JNI.  Ledain  nous  fait  connaître 
dans  tous  ses  détails.  Délaissée  dès  le  commencement  du  dix-huitième 
siècle,  la  Meilleraye  n'est  plus  aujourd'hui  qu'une  ruine. 

Nous  ne  touchons  ici  qu'à  un  point,  mais  nous  recommandons  tout 
l'ouvrage,  écrit  dans  un  esprit  excellent  qui  ne  nuit  pas  à  l'impartia- 
lité, complet  dans  son  ensemble  comme  dans  ses  détails,  et  qui  est 
de  nature  à  intéresser  tout  les  lecteurs.  —  Nous  ne  regrettons 
qu'une  chose,  c'est  l'absence  de  tables  des  noms  d'hommes  et  de  lieux 
qui  auraient  permis  de  recourir  plus  facilement  aux  nombreux  ren- 
seignements contenus  dans  ce  beau  volume.  A.  de  B. 

Muuograpliie    de    la  cathédrale     de    Quimper    (treizième    et 

quinzième   siècle),  avec  un  plan,  par  R.-K.  Le  Men.   Quimper,  Jacob  et 

M""  Lemercier,  1877,  in-8  de  364  p. 

M.  Le  Men,  archiviste  du  Finistère,  vient  de  publier  une  excellente 
étude  sur  la  cathédrale  de  Quimper.  La  description  architectonique 
du  monument,  des  vitraux,  des  peintures  héraldiques  tient  naturelle- 
ment la  place  la  plus  large  dans  le  volume;  mais  il  y  en  a  un  bon 
tiers  consacré  aux  détails  de  la  construction,  aux  architectes,  aux 
artistes  et  aux  ouvriers  qui  ont  concouru  aux  travaux  et  à  l'orne- 
mentation de  l'édifice;  ici,  ce  sont  les  documents  d'archives  qui  ont 
fourni  une  ample  moisson  de  renseignements  à  l'auteur.  On  y  trouve 
les  éléments  d'une  étude  des  plus  intéressantes  sur  l'histoire  de  l'art 
dans  cette  partie  de  la  Bretagne. 

La  cathédrale  de  Quimper  fut  commencée  en  1239  et  terminée  en 
1515;  le  chevet,  le  chœur  et  les  bas-côtés  sont  de  1234  à  1245.  Un 
détail  nous  a  quelque  peu  surpris,  c'est  que  l'infatigable  archiviste  du 
Finistère,  à  qui  on  devra  bientôt  la  publication  du  cartulaire  de  Lan- 
devennec,  n'ait  pu  retrouver  trace  des  cathédrales  qui  précédèrent  celle 
qui  fut  commencée  sous   l'épiscopat  et  les  auspices  de  Rainaud. 

A.    DE  B. 


0!)   — 


BULLETIN 

L<a  I^eeture  ou  le  clioîx.  des  livres,  conseils  à  un  jeune  ho7nme  qui 

termine  ses  études,  par  M.  l'abbé  J.  Verniolles, chanoine  honoraire  de  Tulle, 
supérieur  du  petit  séminaire  de  Servières.  Paris,  Bray  et  Retaux,  1877, 
in- 12  de  x-410  p.  —  Prix  :  2  fr.  50. 

Ce  nouvel  ouvrage  de  M.  l'abbé  Verniolles  sera,  en  quelque  sorte,  le  complé- 
ment, comme  le  dernier  chapitre,  des  ditférents  traités  élémentaires  qui  ont 
créé  à  leur  auteur  une  juste  réputation  dans  les  collèges.  Né  d'une  corres- 
pondance, il  en  a  conservé,  avec  la  forme,  la  libre  allure  et  la  simplicité.  Ces 
lettres,  au  nombre  de  quarante,  traitent  successivement  du  charme  que  pro- 
curent les  livres,  de  l'abus  trop  fréquent  qu'on  en  fait,  des  notions  que 
chacun  doit  posséder  en  religion, en  philosophie,  en  histoire,  dans  les  belles- 
lettres.  Les  dernières  pages  sont  consacrées  à  des  conseils  extrêmement 
judicieux  sur  l'exercice  de  la  plume,  le  calme,  l'ordre,  la  sobriété  dans  les 
lectures,  comme  moyens  nécessaires  pour  donner  une  direction  et  une  utilité 
au  travail.  De  plus,  l'auteur  ne  se  désintéresse  nullement  des  questions  du 
jour.  Le  libéralisme  religieux,  en  particulier,  cette  hydre  sournoise  frappée 
d'nn  grand  coup,  mais  encore  vivante  et  agissante  à  l'ombre,  trouve  en 
M.  Verniolles  un  implacable  adversaire.  Toutes  sommaires  qu'elles  sont,  ces 
indications  suffisent.  Elles  éveillent  l'esprit  du  jeune  lecteur,  lui  impriment 
une  direction  et,  au  besoin,  lui  font  éviter  l'écueil  où  sa  vertu  irait  sombrer. 
Inspirer  à  la  jeunesse  de  nos  écoles  le  goût  des  études  sérieuses,  lui  mon- 
trer que  ce  qu'il  y  a  de  plus  reposant  dans  la  vie,  de  plus  puissant,  après  la 
prière,  contre  les  tristesses  de  l'âme,  les  découragements  etles  aftaissements 
de  toutes  sortes,  c'est  encore  le  travail,  l'amour  de  l'étude  :  tel  est  le  but 
élevé  que  s'est  proposé  le  digne  supérieur  de  Servières.  Augustin  Thierry, 
brisé  de  fatigues,  accablé  d'infirmités  toutes  contractées  au  rude  service  de 
la  science,  disait  :  «Aveugle  et  souffrant,  sans  espoir  et  sans  relâche,  je  puis 
rendre  ce  témoignage  qui,  de  ma  part,  ne  sera  pas  suspect  :  il  y  a  au  monde 
quelque  chose  qui  vaut  mieux  que  les  jouissances  matérielles,  mieux  que  la 
santé  elle-même,  c'est  le  dévouement  à  la  science.  »  Cette  parole  est  allée 
réveiller  et  échaiift'er  bien  des  courages.  Le  livre  qui  nous  occupe  aura  le 
même  honneur.  Écrit  avec  cette  simplicité  et  celte  lucidité  qui  est,  d'après 
Joubert,  l'apanage  de  l'éméritat,  il  réunira  les  sufl'rages  de  tous  ceux  qui  ont 
souci  de  donner  une  direction  à  l'esprit  du  jeune  homme,  lorsqu'il  quitte  le 
collège.  C.  Artiges. 


t,a  Franc-Maçonnerie,  révélations  d'un  rose-croix  à  propos  des  élec- 
tions générales  de  1877,  nouvelle  édition.  Bar-le-Duc,  typographie  Bertrand. 
Paris,  Blond  et  Baral,  1877,  in-8  de  107  p.  —  Prix  :   1  fr. 

L'auteur  anonyme  de  cette  brochure  démontre,  par  des  citations  extraites 
des  principaux  écrivains  maçonniques,  que  la  franc-maçonnerie  s'attaque  à 
tout  principe  religieux,  qu'elle  mine  toutes  les  bases  sur  lesquelles  repose  la 
société  et  que,  notamment,  elle  fait  fi  du  patriotisme  et  n'hésile  jamaisà  sa- 
crifier 5on  pays  à  ses  passions.  C'est  là,  dit-il,  l'esprit  et  le  but  de  lamaçon- 
nerie,  telle  qu'elle  est  dirigée  par  les  arrière-loges.  «  Quant  à  la  tourbe  ?»aco/i- 
Ji/çuéî,  croire  sans  preuves,  obéir  aveuglément,  se  comprometire  au  besoin, 
en  se  faisant  1  instrument  passif  de  la  puissance  supérieure  qui  la  dirige, 
tel  est  le  rôle  humiliant  qu'elle  est  condamnée  à  jouer.  » 


—  70  — 

Les  citations  contenues  dans  cette  brochure  sont  fort  ])i>  n  choisies  et  très- 
concluantes.  L'auteur  y  ajoute  quelques  informations  nouvelles  sur  certains 
points.  Il  nous  dit  notamment  qu'en  décembre  1851,  Louis-Napoléon  avait 
donné  à  un  de  ses  partisans,  comme  lui  carbonaro,  la  mission  d'acheter  le  chef 
des  organisations  mililantes  et  qu'en  conséquence,  au  coup  d'État,  des  ordres 
contradictoires  furent  donnés  aux  diverses  sections  de  façon  à  faire  avorter 
l'insurrection.  «  Je  puis,  dit-il,  en  garantir  l'authenticité,  avant  eu  à  jouer  un 
rôle  actif  dans  ce  drame  déplorable.  Je  dois  ajouter  que,  quinze  ans  plus  tard, 
je  me  liai  avecradministrateur  qui  paya  300,000  francs  la  conscience  de  notre 
chef.  » 

Écrivant  après  le  16  mai,  à  la  veille  des  élections,  l'auteur  se  demandait 
comment  le  gouvernement  se  refusait  à  loute  répression,  et  s'il  n'y  avait  pas 
dans  les  régions  du  pouvoir  une  mystérieuse  influence  capable  d'arrêter  le 
bras  de  la  justice.  Il  a  cru  devoir  maintenir  dans  la  nouvelle  édition  ce 
point  d'interrogation.  C.T. 


Xraité  de  l'administration  temporelle  des  associations 
religieuses  et  des  fabriques  paroissiales,  par  G.  Calmette. 
2*  édition.  Paris,  Gaume,  1877,  in-12  de  xvi-4r2  p.  —  Prix  :  4  fr. 

Ce  petit  livre,  écrit  par  un  homme  mûri  dans  Tadministration,  comprend 
deux  parties.  La  première,  sur  les  associations  religieuses,  se  divise  en  six 
sections  :  organisation  (p.  1  à  4'j),  administration  des  biens  (41  à  Ml),  asso- 
ciations hospitalières  de  femmes  (p.  111  à  130),  associations  religieuses  de 
femmes  enseignantes  (p.  139  à  173),  associations  religieuses  d'homme  (p.  173 
à  19o),  associations  religieuses  non  autorisées  et  confréries  (p.  195  à  212);  la 
seconde,  sur  les  fabriques  paroissiales,  comprend  également  six  sections  : 
Organisation  et  attributions  (p.  213  à  234),  revenus  ordinaires  (p.  235  à  275), 
revenus  extraordinaires  (p.  275  à  319),  dépenses  ordinaires  (p.  319  à  840), 
dépenses  extraordinaires  (p.  341  à  3G0),  comptabilité  (p.  361  à  368).  Suivent 
en  appendice  :  1°  la  liste  complète,  par  ordre  alphabétique,  des  congréga- 
tions religieuses  autorisées;  2°  un  formulaire  administratif.  On  voit  par  ce 
coup  d'œil  l'utilité  de  l'ouvrage;  c'est  un  manuel  où  puiseront  des  renseigne- 
ments surs  et  précis  les  curés,  les fabricieas,  les  supérieurs  de  communautés 
religieuses.  —  Entre  les  associations  autorisées  et  non  autorisées,  l'auteur 
parait  préférer  la  situation  des  premières  (p.  193).  Sans  doute,  elles  sont 
capables  de  recevoir,  mais  c'est  au  prix  de  l'indépendance.  Sans  doute  aussi,  on 
peut  dire,  ce  qui  en  droit  est  fort  contestable,  que  le  décret  du  3  messidor 
ail  XII,  menace  l'existence  des  secondes;  mais  c'est  une  exception,  et  le  gou- 
vernement qui  leur  appliquera  ce  décret,  trouvera  vile  un  prétexte  pour 
rappeler  l'autorisation  des  premières.  Dd  cette  double  obseryaiion,  il  faut 
conclure,  se  semble,  que  les  deux  conditions  ont  chacune  des  avantages  et 
des  inconvénients  :  ce  sont  les  circonstances,  plutôt  qu'un  principe  général, 
qui  doivent  déterminer  les  communautés,  tantôt  à  rechercher,  tantôt,  au 
contraire,  à  éviter  l'autorisation.  J,-A.  de  Bebnon. 


t,e  Monde  où  nous  vivons.  Ltçuns    de  géographie,  par  M.  F.  Maury. 

Traduction  de  l'anglais  par  Zcrcher  et  Margollé.  Paris,  Hetzel,  1877,  in-12 
de  302  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Excellent  résumé,  destiné  à  présenter  aux  élèves,  sous  une  forme  intéres- 
sante et  simple,  les  premières  notions  de  géographie.  Pour  atteindre  ce  but. 


railleur  les  conduit  au(our  du  moniip,  pir  un  double  voyage,  une  fois  par 
mer,  une  fois  par  terre.  La  l'elation  de  ces  voyages  imaginaires  forme  un 
lécit  familier,  dans  lequel  l'élève  saisira  facilement  et  progressivement  les 
traits  caractéristiques  de  la  surface  terrestre  et  des  ditférentj  peu(iles  qui 
l'habitent.  Cette  in^lriiction  élémentaire  préparera  sans  fatigue  à  une  étude 
plus  détaillée.  A  cliaque  leçon  est  jointe  une  étule  delà  carte,  ayant  pour 
but  de  familiariser  l'élève  avec  l'usage  des  carte-,  en  lui  apprenant  à  les  lire 
et  l'accoutumant  aies  employer  avec  intelligence.  L'ouvrage  est  orné  d'un 
porlraitde  l'auteur,  etles  traducteurs  y  ont  ajouté  une  notice  biographique  qui 
fait  bien  connaître  la  vie  et  les  travaux  du  célèbre  commandant  iMaury. 

F.  DE  KOQUEFECIL. 


t.'Op  et  l'argent,  par  L.  Simonix  (Bibl.  des  merveilles).  Paris,  Hachette, 
1877,  gr.  in-18  de  294p.,  orné  de  67  grav.  intercalées.  —  Prix  :  2  fr.  25. 

Le  livre  de  M.  Simonin  apprend  beaucoup  de  choses  à  ses  lecteurs;  la  dé- 
couverte de  l'or  et  de  l'argent  de  la  Californie;  les  procédés  employés  pour 
recueillir  les  métaux  précieux;  l'histoire  générale  des  mines  d'or  et  d'argent 
de  toutes  les  parties  du  monde,  depuis  les  temps  anti|ues;  l'histoire  de  la 
monnaie;  ajoutons  qu'il  consacre  un  certain  nombre  de  pages  à  exposer  ses 
idées  personnelles  sur  cette  grave  et  peut  être  insoluble  question  de  l'usage 
simultané  de  l'étalon  d'or  et  de  l'étalon  d'argent.  Tout  ce  vaste  programme 
est  traité  dans  un  style  attachant  par  un  auteur  qui  a  consulté  tous  les  ou- 
vrages publiés  sur  la  matière  et  qui  e  t  allé  voir  de  ses  yeux,  ce'qu'il 
décrit.  Dans  l'histoire  de  la  monnaie,  on  devine  que  M.  Simonin  n'est  pas  numis- 
matiste  :  il  laisse  échapper  parfois  de  petites  hérésies  ;  mais  ce  sont  là  des 
détails  peu  importants  auxquels  il  lui  sera  facile  de  remédier  dans  une  autre 
édition.  Au  poinkde  vue  des  opinions  économistes,  l'autour  soutient  une 
thèse  qui  nous  semb'e  fondée  ;  les  faits  eux-mêmes  viennent  la  jus'ifier; 
comme  l'affirme  M.  Simonin,  les  pays  qui  ont  adopté  un  étalon  unique  en 
sont  aujourd'hui  tous  à  le  regretter.  A.  de  R. 

I^etit  Rumaiieero,  choix  de  vieux  chants  espagnols,  traduits  et  annotés 
par  le  comte  de  Puymaiore,  membre  correspondant  de  l'Académie  royale 
d'histoire  de  Madrid  et  de  l'Académie  royale  des  belles-lettres  de  B,ircelune. 
Paris,  librairie  de  la  Société  Bibliographique,  1878,  in-t8  de  179  p.  (Clas- 
siques pour  tous.)  —  Prix  :  îiO  cent. 

Ce  volume  sera  certainement  l'un  des  plus  goûtés  et  des  plus  recherchés 
de  la  collection  des  Classiques  pour  tous.  Notre  éminent  c  jllaborateur,  M.  le 
comte  de  Puymaigre,  dont  l'autorité  est  si  bien  établie  en  matière  de  litté- 
rature espagnole,  otfre  ici  au  public  français  un  choix  de  ces  vieux  chants 
appelés  Romances  qui  forment  l'un  des  genres  les  plus  curieux  de  cet'e  litté- 
rature dont  ils  ne  sont  pas,  sans  doute,  exclusivement  l'apanage,  mais  où 
ils  ont  pris  une  importance  toute  particulière.  Après  en  avoir  déterminé  la 
nature  et  les  diverses  origines,  dans  un  court  avaut-propos,  suivi  d'une  trè?- 
utile  bibliographie  des  recueils  cités  dans  l'ouvrage,  M.  de  Puymaigre  donne 
la  traduction  de  cinquante-huit  chants,  partagés  en  trois  groupes  :  Romances 
sur  l'histoire  d'Espagne,  Romances  carlovingiennes,  Romances  chevaleresques 
détachées.  Parmi  les  romances  sur  l'histoire  d'Espagne,  un  certain  nombre 
forment  des  cycles.  Le  savant  auteur  a  choisi  les  cycles  relatifs  au  roi  don 
Rodrigo,  à  Bernardo  del  Cirpio,  aux  sept  infants  de  Lara,  et  enfin  au  Cid,  et, 
sur  chacun  de  ces  sujets,  représentés  dans  son  recueil  par  quelques-uns  de 


leurs  meilleurs  chants,  M.  de  Puymaigre  a  écrit  une  brè/e  et  substantielle  no- 
lice.  Il  a  traduit,  en  outre,  quelques  romances  liistoriques  isolées,  sur  divers 
sujets.  La  trailuction,  simple  et  accessible  à  tous,  a  conservé  pourtant  le 
caractère  de  l'original,  et  réussit  à  donner  nu'me,çà  et  là,  une  légère  i'iée  du 
rhythme.  iM.  de  Puymaigre  a  imliqué  dans  quelques  notes  les  rapprocheinen'.s 
qui  s'offraient  à  sa  mémoire,  si  riche  eu  pareille  matière,  avec  les  chants  po- 
pul lires  d'autres  pays,  et  renvityé  aux  recueils  où  ces  chants  sont  contenus, 
de  telle  sorte  que  son  Pctil  Romancero,  tout  en  demeurant  parfaitement  propre 
au  public  étendu  auquel  s'adresse  la  colleclion  des  Classiques  pour  loris  sera 
en  même  temps  d'une  utilité  très-grande  pour  initier  un  certain  nombre  d'es- 
prits, en  qui  i)eul-Alre  u!:e  vocUion  sommeille,  aux  études  d'histoire  litté- 
raire et  de  poésie  comparée  .  M.  S. 


■Lie    Oonîieur  a«    foyer.    I^ettres  «l^une  m«re    à  sa  lille,   par 

par  M""  Jl'Lie  Fertiault.  Paris  Didier,  1877,  in-12  de  xi-34ii  p.  —  Prix  :  3  fr. 
C'est  le  secret  du  Bonheur  au  foyer  que  M°*  Kertiault  veut  donner  aux 
jeunes  femmes.  Elle  fait  parler  une  mère  qui  répond  aux  consultations  de  sa 
lille,  jeune  mariée,  pardi;s  lettres  où  elle  lui  expose  dans  un  style  un  peu 
délayé  et  quel  juefois  prétentieux,  la  contuite  que  doit  tenir  une  bonne 
maîtresse  dij  maison,  pour  rendre  sou  intérieur  agréable  à  son  mari, d'abord, 
et  ensuite  cï  toutes  les  personnes  avec  lesquelles  elle  est  en  r..lutions.  l'ne 
union  bien  assortie  est  la  base  du  bonheur  du  foyer;  mais  ce  n'est  qu'une 
base  sur  laquelle  il  fiut  cimsti'uire.Elle  aborde  un  peu  Ions  les  suje'.s  :  le  choix 
et  l'auieubleraent  d'un  appartement,  les  domesti  jues,  les  réceptions,  les 
fêtes,  les  ('evoirs  maternels,  la  toilette,  les  sciences  utiles,  les  arts  qui  répan- 
dent un  si, grand  charme  dans  la  vie.  Sur  de  tels  sujets,  il  serait  difficle  de 
ne  pas  trouver  quelques  opinions  contestibles,  d'autant  que,  dans  beaucoup 
d'occasions,  il  n'y  a  pas  de  règle;  lixes.  Mais,  en  général,  les  avis  sont  très- 
sages.  L'auteur  ne  parait  point  éloigné  des  idées  religieuse?,  mais  on  est 
en  droit  de  s'étonner  qu'elle  ne  senble  point  comiit-ir  la  relig'on  et  ses  pra- 
tiques parmi  les  éléments  du  bonheur  du  f  >yt'r.  Dans  un  petit  récit  qui 
termine  ce  volume,  l'auteur  a  voulu  mettre  la  pratique  à  côté  de  la  théorie,  en 
montrant,  sous  le  titre  de  FamiUn  et  patrie,  l'heureuse  inlluence  morale  que 
peutexi^rcer  une  femme  exacte  fi  ses  devoirs  dans  la  plus  large  acception  du 
mot.  a.  S. 


iVotes   f*ur  l*Kspagne  artistique,    par  Fernanu   Petit,  doctt  ur  en 
droit.    Lyon,    N.  Scheuring,  1878,  in  8  de    138    p.,  tiré  à  petit  nombre. 

Peu  de  personnes  entreprennent  le  voyage  de  l'Espagne  sans  faire  par.àtre, 
à  leur  retour,  leurs  impressions  de  voyage.  M.  Petit  a  cédé  au  même  senti- 
ment; mais  Son  excursion,  entreprise  dans  un  but  exclusivement  artislique, 
donne  à  son  livre  un  caractèi'e  particulier  ;  ses  Noies  sur  VEqmgne  artistique 
sont  surtout  un  livret  des  œuvres  d'art  qui  lui  ont  paru  remarquables  dans 
les  diverses  ville-,  musées,  collections  particulières  et  églises  qu'il  a  visitées. 
Ses  appréciations  nous  ont,  eu  général,  semblé  justes  et  élablies  sur  des 
comparaiiOMS  intéressantes  avec  les  chefs-d'œuvre  des  maîtres  qu'il  a  eu 
occasion  d'admirer  et  d'étudier  dans  les  diverses  galeries  d'Europe.  Les 
amateurs  trouveront  dm;  ce  livre  la  trace  de  mainte  œuvre  peu  connue 
etcepeniaut  digne  d'attirer  l'attention  ;  nous  avons  également  remarqué  des 
rapprochements  curieux  entre  diverses  toiles  analogues  (copies  ou  répliques) 


et  quelques  atlrib^Jtions  qui  nous  semblent  certaines.  Il  serait  superflu  de 
louer  l'exécution  matérielle  du  volume,  on  sait  assez  que  tout  ce  qui  sort  des 
presses  de  Seheuring  peut  figurer  avec  honneur  dans  toutes  les  bibliothèques. 
Les  Notes  sur  VEspagnc  artistique  seront  un  complément  indispensable  aux 
guides  qu'emporte  tout  voyageur  «  entreprenant  le  pèlerinage  artistique  du 
voyage  d'Espagne  ;  )j  elles  seront  également  consultées  avec  fruit  par  qui- 
conque aime  les  arts  et  s'occupe  de  les  étudier.  J.  D.  L.  R. 


Un  été  en  ;^mérique,  pariVl.  Jllks  Lrc;[.ebc.o;  ouvrrge  enrichi  de  seize 
gravures.  Pari-,  Pion,  1877,  in-12  de  416  p.   —  Prix  :  4  fr. 

Qui  n'a  f.iit  aujourd'hui  une  excursion  en  Amérique.  C'est  une  promenade 
plus  facile  et  moins  longue  que  ne  l'était  pour  nos  pères  le  voyage  de  Paris. 
M.  J.  Leclercq  a  voulu  faire,  lui  auss',  comme  jadis  Maurice  Sand,  ses  six 
mille  lieues  à  toute  vapeur,  et  il  a  profité  de  l'exposition  de  Philadelphie 
pour  aller  passer  deux  mois  aux  États-Unis.  Il  a  visité  tout  l'Est,  puis,  s'a- 
vançant  vers  l'ouest  jusqu'à  Chicago,  il  est  remonté  sur  le  nord  et  a  regagné 
l'Océan  par  le  Canada.  Il  a  admiré  ces  puissantes  métropoles  de  New  York, 
Philadelphi'%  Baltimore,  Saint-Louis,  et  cette  étonnante  reine  des  lacs  qui, 
brûlée  en  1871,  s'est  relevée  de  ses  ruines  plus  grande  et  plus  riche.  La  force 
d'extension  des  Américains  est  véritablemetit  surprenante.  Leur  hardiesse  et 
leur  esprit  d'initiative  ne  le  sont  pas  moins,  sans  oublier  leur  talent  à  orga- 
niser le  confort  dans  les  chemins  de  fer.  Mais,  à  côté  de  ces  qualités  réelles, 
que  de  misères.  Et  qu'on  est  loin  aujourd'hui  de  l'enthousiasme  de  Toque- 
ville  pour  la  démocratie  américaine.  M.  Claudio  Jannet,  dans  son  beau  livre 
sur  les  États-Unis  contemporains,  a  porté  un  rude  coup  à  la  légende.  M.  G.  Le- 
clerq,  sans  faire  un  livre  didactique,  mais  en  racontant  simplement  ses  sou 
venirs  de  voyage,  partage  l'opinion  de  M.  Cl.  Jannet.  Il  signale  les  mêmes 
travers  elles  mêmes  vices;  il  prévoit  les  mêmes  dangers.  L'Américain,  taci- 
turne et  mal  élevé,  ne  lui  est  pas  sympathique,  et,  il  ne  se  sent  en  pays  de 
connaissince  qu'au  Canada,  où  il  retrouve  les  traditions  et  le  langage  de  la 
mère-patrie.  Ses  lecteurs,  il  peut  en  être  sûr,  auront  li  même  impression 
que  lui . 

Seize  jolies  gravures  ajoutent  encore  à  l'intérêt  très-réel  de  ce  livre.  Nous 
nous  permettrons  seulement  de  signaler  à  l'habile  et  consciencieux  éditeur 
quelques  fautes  d'impression  qui,  nous  n'en  doutons  pas,  disparaîtront  à  la 
prochaine  édition.  M.  de  la  R. 

Li*i%.friqne  centrale,  expédition  an  lac  Victoria  Nyanza  et  ait  Makraka 
Niam-Niam,  à  l'ouest  du  Nil  blanc,  par  le  colonel  Chaillé-Long,  de  l'état- 
major  égyptien;  traduit  de  l'anglais  par  M°'  Foussé  de  Saye;  ouvrage  en- 
richi d'une  carte  spéciale  et  de  gravures  sur  bois,  d'après  les  croquis  de 
l'aut'rur.  Paris,  Pion,  1877,  in-12  de  viii-352  p.  —  Prix  :  4  fr. 

Ce  volume  contient  le  récit  d'une  double  expédition  au  lac  Victoria  d'abord, 
chez  les  N'iam-Niam  ensuite.  Le  colonel  Chaillé-Long,  au  service  de  l'Egypte, 
avait  résolu  de  savoir  si  le  lac  Victoria  Nyanza  était  en  communication  avec 
l'Albert  Nyanza.  II  partit  avec  quelques  hommes  seulement,  arriva  à  la  cour 
du  roi  d'Uganda,  le  roi  M.  Tsé,  gagna  les  bonnes  grâces  du  monarque 
africain,  et,  avec  une  escorte  fournie  par  lui,  voulut  poursuivre  sa  route. 
Mais  la  mauvaise  volonté  de  cette  escorle,  les  difficultés  qi'il  rencontra,  le 
mauvais  t- mps,  les  maladies,  les  embûches  qui  lui  furent  dressées  par  un 
autre  potentat  noir,  Keba  Hega,  ne  lui  permirent  pas  de  pousser  son  entre- 
prise jusqu'au  bout  :  il  découvrit  un  nouveau  lac,  le  lac  Ibrahim;  puis,  ar- 


—  74  — 

rivé  à  Fouiérd,  il  ne  put  aller  plus  loin,  et  revint  à  Gradakora. Bientôt  après, 
il  repartit  pour  le  pays  des  Niain-Niani,  explora  ces  tribus  encore  peu  con- 
nues, étudia  la  race  des  Akkas,  et,  à  la  tète  d'une  colonne  égyptienne,  à 
laquelle  s'étaient  joints  les  Niani-Niam,inlligea  une  punition  exemplaire  aux 
Yanbani,  qui  avaient  cherché  à  l'arrêter. 

Un  fait  capital  ressort  des  récits  du  colonel  Long  :  les  efforts  considérables 
du  Khédive  pour  assurer  son  autorité  sur  les  peupla'les  noires  qui  habitent 
le  voisinage  des  lacs;  déjà  des  ports  militaires  ont  été  établis  sur  plusieurs 
points,  et  plusieurs  tribus  sont  soumises.  Mais  quand  seront-elles  civilisées? 
Le  colonel  Long  ne  semble  pas  concevoir  de  grandes  espérances  à  ce  sujel  ; 
il  est  peu  enthousiaste  de  la  race  noire  et  du  climat  équatorial,  et  lis  détdils 
qu'il  donne  détruisent  bien  dei  légendes  répandues  par  ses  prédécesseurs. 
Est-ce  une  raison  de  se  décourager?  Non  ;  mais  de  procéder  avec  une  extrême 
prudence  dans  ce  climat  malsain  et  avec  ces  peuples  sans  loyauté. 

M.  DE  iaR. 


L<a  Domination  bourguignonne  à  Xours  et  le  siège  de 
cette  ville  (1417-1418),  par  M.  Delaville  Le  Uoulx,  élève  de  l'École 
des  chartes.  Pans,  Menu,  in-8  de  71  p.  (Extrait  du  Cabinet  historique, 
t.  XIII.) 

Ce  mémoire,  d'une  érudition  profonde,  est  le  résultat  de  longue^;  recherches 
aux  archives  de  la  Touraine  et  dans  les  colleclious  de  la  Bibliothèque  na- 
tionale. M.  Delaville  Le  Roulx  relève  les  erreurs  accréditées  jusqu'à  ce  jour 
relativement  k  la  domination  bourguigno-nne  à  Tour^,  sous  Charles  VI.  Il 
raconte  l'entrée  dans  cette  ville  des  alliés  de  la  reine  Isab^au  de  Bavière;  il 
fixe  h  date  du  siège  d'Azay-sur- Indre,  et  il  parvient  à  faire  le  dénombrement 
des  forces  qui  vinrent  assiéger  Tours  et  rendre  celte  ville  au  dauphin 
Charles.  Ce  chapitre  entièrement  inédit  de  l'histoire  de  la  capitale  de  la 
Touraine  fait  honneur  à  son  auteir,  un  des  plus  brillants  élèves  de  l'Ecole 
des  chartes.  Er.  B. 


IL,a  Chartreuse  de  Valbonne  (chronique),  par  M.  L.  Bruguier-Roure, 
membre  de  la  Société  française  d'archéologie,  etc.  Tour?,  P.  Bouserez, 
1877,  in-8  de  102  p. 

Après  avo'r  donné  un  aperçu  rapide  de  l'histoire  des  chartreux  depuis  la 
création  de  l'ordre  par  saint  Bruno,  M.  Bruguier-Roure  raconte  la  création 
de  la  chartreuse  de  Valbonne  par  l'évêque  d'Uzès,  au  commencement  du 
treizième  siècle.  Pauvre  et  de  peu  d'importance  à  son  origine,  le  nouveau 
monastère  ne  tarda  pas  à  prendre  une  extension  rapide,  grâce  à  la  libéralité 
des  vicomte  s  d'Uzès  et  d'autres  bienfaiteurs.  L'auteur  fait  le  récit  des  procès  des 
moinesftvecleurs  voisins,  les  droits  féodaux  qui  leur  étaient  dus,  l'extension 
de  leur  juridiction.  La  guerre  deCmtans  arrêta  la  prospérité  de  la  paisible 
colonie;  sous  la  Réforme,  le  couvent  fat  dévasté  et  incendié.  11  ne  fut  res- 
tauré que  pour  subir  bientôt  le  contre-coup  de  la  Révolution.  Tel  est  le  cadre 
que  développe  M.  Bruguier-Roure.  Cette  notice  trop  courte  est  ornée  de 
notes  nombreuses  puisées  aux  meilleures  sources.  La  chartreuse  de  Val- 
bonne  a  été  restaurée  de  nos  jours;  dépendant  autrefois  de  l'évêché  d'Uzès, 
elle  est  aujourd'hui  comprise  dans  le  diocèse  de  .Nîmes  tt  le  département  du 
Gard.  Er.  B. 


VARIÉTÉS. 

LES  PUBLICATIONS  DE   LA.  CAMDEN   SOCIE/"' 

Quatrième    article  ^.  • 

LXXII.  —  The  Romance  of  Blonde  of  Oxford  and  Jehan  of  D 
Philippe  de  Heimes,  a  Trouvère  of  the  thirteenth  century.  EdiV  .ne 

unique  ms,  in  the  impérial  library  at  Paris,  by  M.  Leroux  be  Lincy.   1858, 
xxvii-2i4  pages. 

Ce  roman  d'aventures  est  tiré  d'un  volume  qui  contient  également  le 
Roman  de  la Manekifie,  édité  en  iSiO  par  }A.  Francisque  Michel  pour  le  Ban- 
natyne  Club.  M.  Leroux  de  Lincy  a  donné,  dans  sa  préface,  une  analyse  du 
poëme,où  l'on  trouve  une  intéressante  peinture  de  la  société  au  moyen  âge. 

LXXIIL  —  TheCamden  Miscellany,  volume  the  fourlh,  1859.  —  Contient  sept 
articles,  dont  voici  la  description  sommaire  : 

1.  A  London  chronicle  during  the  reigns  of  Henry  Ihe  sevenlh  and  Henry  the 
eighth.  Edited  from  the  original  ms.  in  the  Cottonian  library  of  the  British 
muséum,  by  Clarence  Hopper.  21  pages. 

Cette  chronique  n'a  guère  d'autre  mérite  que  celui  de  l'inédit.  Elle  com- 
mence en  1500  et  se  termine  en  15i5. 

2.  The  expenses  of  the  judges  of  assize  riding  the  Western  and  Oxford  cir- 
cuits,temp.  Elizaheth,  15(16-1601.  £rf(7erf  from  thems.  account-book  of  Thomas 
Walmysley,  one  of  the  justices  of  the  common  pleas.  by  \V.  Durrant  Cooper. 
60  pages.  —  Ce  petit  travail  est  curieux,  parce  qu'il  nous  donne  une  idée 
des  épices  que  recevaient  autrefois  les  juges  des  assises  en  Angleterre. 
On  y  voit  aussi  leur  itinéraire  et  les  noms  des  personnes  qui  les  héber- 
geaient. 

3.  The  Skryveners  play,  the  incredulity  of  saint  Thomas,  from  a  ms.  in  Ihe 
possession  of  John  Sykes,  M.  D,  of  Doncaster.  Edited  byJ.  Payne  Collier. 
18  pages. 

On  connaît  plusieurs  suites  de  mystères  et  moralités  en  langue  anglaise. 
Un  des  plus  importants  de  ces  recueils  est  une  série  de  cinquante-sept  pièces 
représentées  jadis  à  York  le  jour  de  la  fête  de  Corpus-Christi.  Malheureu- 
sement, ce  recueil  fait  partie  aujourd'hui  de  la  bibliothèque  de  lord  Ash- 
burnham,  c'est-à-dire  qu'il  t-st  inaccessible  ;  il  a  appartenu  successivement  à 
Thoresby,  Horace  Walpole  et  M.  Heywood  Bright.  La  moralité  publiée  par 
la  Cauiden  Society  esi  une  des  pièces  jouées  sous  le  patronage  de  la  corpora- 
tion des  écrivains  (Skryveners);  le  manuscrit  qui  a  servi  à  la  présente  édition 
est,  selon  toute  probabilité,  l'exemplaire  du  souffleur;  il  a  fait  partie  des 
archives  de  la  ville  d'York,  et  fut  publié  pour  la  première  fois,  avec  beau- 
coup  de  négligence,    en   1797,  par  M.  Croft,   dans  ses  Excerpta  antiqua. 

4.  The  Childe  of  Bristowe,  a  poem,  by  John  Lydgatc.  Edited  from  the  origi- 
nal ms.  in  the  British  Muséum,  by  Clarence  Hopper.  28  pages.  —  Ce  poëme 
contient  l'histoire  supposée  d'un  jeune  homme  restituant  à  diverses  per- 
sonnes de  l'argent  que  son  père,  usurier  infâme,  leur  avait  arraché. 
M.  Orchard  Halliwell  a  déjà  publié,  d'après  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
de  l'Université  de  Cambridge,  une  autre  version  de  la  même  légende.  On 
sait  que  Lydgate,  né  en  1380,  mort  vers  1460,  et  moine  de  l'abbaye  de 
Bury,  était  un  des  poètes  les  plus  distingués  de  l'école  de  Chaucer. 

5.  Sir  Edward  Lake's  account  of  his  interviews  with  Charles  I.  On  being 

1.  Voir  tome  X,  p.  234  ;  tome  XII,  p.  244;  et  tome  XIV,  p.   448. 


—  7r,  — 

creatcd  a  boronet,  and  receiving  an  augmentation  to  hh  arms.  Edited  bj* 
J.  P.  Lax(;mkad,  esq.  20  pages.  —  M.  Lake,  avocat  général  en  Irlande,  ayant 
été  chassé  par  les  rebelles,  revint  en  Angleterre,  joignit  l'armée  royale,  et 
reçut,  au  service  de  Charles  1"  seize  blessures  à  la  bataille  d'Edgehill.  Le 
jour  du  premier  anniversaire  de  cet  événement,  il  eut  une  entrevue  avec  le 
l'oi  à  Oxford,  et,  l'été  suivant,  il  en  eut  une  autre  à  Worcester.  La  plaquette 
où  il  décrit  ces  deux  conférences  est  intéressante  pour  l'histoire  de  la  guerre 
civile  de  lCiO-41. 

6.  The  lettcrs  of  Pope  to  Alterbury,  whcn  in  the  Tower  ofLondon.  Edited  by 
John  Gough  Nichols.  22  pages.  —  Les  lettres  de  Pope  ne  sont  pas  inédites, 
mais  la  copie  sur  laquelle  M.  Nichols  a  publié  le  texte  do)it  je  parle  ici  con- 
tient de  cuiùeuses  variantes  qui  leur  donnent  une  certaine  importance.  On 
sait  qu'Atterbury,  chapelain  du  roi  Guillaume,  puis  de  la  reine  Anne,  et 
évoque  de  Rochester  en  1713,  se  déclara  pour  le  Prétendant  et  fut  enfermé 
dans  la  Tour  de  Londres  en  1722.  Condamné  à  l'exil  par  la  Chambre  des 
Lords,  il  se  réfugia  en  France  et  mourut  à  Paris  en  1732. 

7.  Stipplcmentary  note  to  Ihe  discovenj  of  llie  Jcsuit's  collège.  Voyez  le 
n°  LV,  tome  XIV,  p.  449. 

LXXIV,  —  Diary  of  the  marches  of  the  Royal  anny  during  the  great  civil 
war;  kept  by  Richard  Symonds.  iNow  first  published  from  the  original  ms. 
in  the  British  Muséum.  Edited  by  Charles  Edward  Long.  1859,  xiv- 
296  pages- 
Richard  Symonds  était  un  des  officiers  de  la  cour  de  la  chancellerie  lors- 
que la  guerre  civile  éclata.  Prenant  le  contre-pied  du  fameux  adage  cédant 
arma  tog.r,  il  s'enrôla  dans  la  cavalerie  royaliste,  et  servit  sous  lord  Bernard 
Stuart,  créé  plus  tard  comte  de  Lichfield.  Le  journal  publié  par  M.  Long 
forme  quatre  petits  volumes,  et,  outre  des  particularités  historiques  sur  la 
marche  des  troupes  de  Charles  I'^'',  on  y  trouve  quantité  de  notes  sur  les 
églises  du  Leicestershire  et  du  Dorsetshire.  Plusieurs  de  ces  memoranda 
avaient  déjà  vu  le  jour.  Richard  Symonds  a  laissé  beaucoup  de  manuscrits 
qui  mériteraient  d'être  édités,  surtout  les  recueils  faits  par  lui  pendant  ses 
nombreux  voyages  en  France,  en  Italie  et  en  Angleterre.  Ces  ouvrages,  con- 
servés au  British  Muséum,  sont  analysés  par  M,  Long  dans  sa  préface. 

LXXV.  —  Original  papers  illustrative  ofthelife  andwritings  of  John  Milton, 
including  sixteen  letters  of  State,  written  by  him,  noiv  first  published  from  mss. 
in  the  State  paper  office,  with  an  appendix  of  documents  relating  to  his  connec- 
tion with  the  Poivell  family .  Collected  and  edited,  with  the  permission  of  the 
master  of  the  rolls,  by  W.  Douglas  Hamilton.  18o9,  viii-i39  pages.  — 
M.  David  Masson,  le  docte  biographe  de  Milton,  a  fait  bon  usage  de  ce 
volume,  qui  est  édité  avec  le  plus  grand  soin,  et  qui  contient,  sur  le  poëte, 
de  précieux  détails.  Le  nom  de  sa  femme  était,  on  se  le  rappelle,  Mary 
Powell. 

LXXVI.  —  Letters  of  George  Lord  Carew  to  sir  Thomas  Roe,  ambassador  to 
the  court  of  the  Great  Mogul.  161o-1617.  Edited  by  John  Maclean.  1860, 
xiv-t60  pages.  —  George  Lord  Carew,  nommé,  par  la  suite,  comte  de 
Totnes,  était  grand  maitre  de  l'artillerie  et  chambellan  du  roi  Jacques  pr  à 
l'époque  où  il  écrivit  ces  lettres.  Son  ami,  sir  Thomas  Roe,  occupait  le  poste 
d'ambassadeur  près  la  cour  de  l'empereur  de  Mongolie,  aux  frais  de  la  com- 
pagnie des  Indes-Orientales  ;  mais  il  faut  voir  là  plutôt  une  simple  mission 
qu'une  ambassade  proprement  dite.  De  1()21  à  1628,  Roe  fit  un  nouveau 
voyage  diplomatique  au  même  pays,  et  le  récit  des  négociations  qui  résul- 
tèrent de  cette  seconde  mission  fut  publié,  en  1740,  par  l'historien  Carte, 


on  un  volume  in-folio.  Les  lettres  dont  il  est  question  ici  se  trouvaient,  à 
l'origine,  dans  la  bibliothèque  de  Carte,  avec  le  reste  des  papiers  de  sir 
Thomas  Roe,  et  on  ne  sait  comment  elles  ont  enfin  été  remises  aux  archives 
de  l'État.  Voici  la  description  qu'en  donne  l'historien  :  «  Journal  d'événe- 
ments qui  se  sont  passés  de  1613  à  1617,  tant  en  Angleterre  que  dans 
d'autres  pays  de  l'Europe.  »  Les  extraits  sont  concis,  comme  le  sommaire  que 
Camden  nous  a  laissé  du  règne  de  Jacques  !•=■■.  En  réalité,  les  lettres  de  lord 
Carew  peuvent  passer  pour  de  véritables  gazettes,  et  c'est  là  le  nom  que 
leur  donne,  en  plusieurs  endroits,  Cai'ew  lui-même  (voir  pages  o4,  80,  139)  ; 
les  incidents  y  sont  relatés  au  fur  et  à  mesure  que  le  chambellan  les  obser- 
vait ou  qu'ils  les  apprenait  de  ses  correspondants  à  l'étranger  ;  il  les  laissa 
ensuite  s'amasser  et  les  expédia  à  son  ami  l'ambassadeur  en  quatre  livrai- 
sons successives,  savoir  :  avril  1615,  janvier  1616,  janvier  1617  et  jan- 
vier 1618.  Sir  Thomas  Roe  envoya  à  Carew  un  journal  du  même  genre  et 
qui,  en  raison  du  pays  d'où  il  était  daté,  devait  offrir  le  plus  piquant 
intérêt. 

LXXVII.  —  Narratives  of  Ihe  daijs  of  Ihe  re formation,  chiefly  from  the  ma- 
niiscripts  ofJohn  Foxe  the  martyrolorjist,  with  ttco  eontemporary  biorjraphies  of 
arckhisliop  Cranmer.Y.à\iQà.  by  John  Gough  Nichols.  18o9,  xxvii-366  pages. 
—  Les  deux  principaux  historiens  qui  ont  traité  de  la  réfoi'me  en  Angle- 
terre sont  Foxe  et  Strype.  Le  premier,  né  en  lol7  et  mort  en  \'6%~,  embrassa 
les  opinions  puritaines,  écrivit,  sous  le  nom  dC Actes  et  monuments,  \xnvecue.\\ 
qui  devint  bientôt  très-populaire,  précisément  à  cause  de  la  violence  avec 
laquelle  le  catholicisme  y  était  attaqué,  et  laissa  derrière  lui  une  quantité 
de  manuscrits  maintenant  conservés  au  Dritish  Muséum  et  qu'il  ne  mil  pas 
tous  en  œuvre.  Le  second,  né  en  1643  et  mort  en  1737,  consacra,  à  écrire 
l'histoire  de  la  Réforme,  tout  le  temps  que  lui  laissaient  ses  devoirs  de 
dergijman,  et  profita,  pour  ses  nombreuses  et  indigestes  compilations,  des 
documents  x'éunis  par  Foxe.  Cependant,  il  restait  encore  passablement  de 
textes  à  publier,  soit  qu'ils  eussent  été  entièrement  négligés,  ou  imprimés 
d'une  manière  défectueuse  ;  ce  sont  ces  pièces  que  M.  Nichols  a  annotées 
pour  la  Camden  Society;  en  voici  le  relevé  :  a.  Souvenirs  de  John  Louth, 
archidiacre  de  Nottingham.  —  b.  Autobiographie  de  Thomas  Hancock, 
ministre  de  l'église  de  Poole.  —  c.  Défense  de  Thomas  Thackham,  ministre 
de  l'église  de  Reading,  contre  Julius  Palmer.  —  d.  Anecdotes  d'Edouard 
Underhill.  —  e.  Les  Épreuves  de  Thomas  Mowntayne,  recteur  de  la  paroisse 
de  Saint-Michel,  racontées  par  lui-même.  —  /'.  L'ne  chronique  s'étendant 
de  1332  à  i;i38,  écrite  par  un  moine  de  l'abbaye  de  Saint-Thomas,  à  Cantor- 
béry.  —  g.  Sommaire  dos  événements  relatifs  à  l'Église  anglicane  pendant 
l'année  looi.  Citons  aussi  un  recueil  d'anecdotes  sur  l'archevêque  Cranmer, 
par  son  secrétaire,  Ralph  Morice  ;  elles  sont  tirées  de  la  bibliothèque  du 
collège  de  Corpus-Christi,  à  Cambridge. 

LXXVllL  —  Correspondencc  of  Kincj  James  VlofScotland  with  sir  Robert  Cecil 
and  others  in  Enyland,  during  the  reign  of  Queca  Elizabeth  ;  with  an  appendix 
containing papers  illustrativc  of  transactions  bctwcen  King  James  and  Robert 
earl  ofEssex.  Principally  published  for  the  first  time  frommss.  of  the  most  the 
marquis  of  Salisburj^  preserved  at  Hatfield.  Edited  by  John  Bruce,  esq. 
1861. 

En  1766,  lord  Hailes  publia,  sous  le  titre  de  Secret  correspondence  of  sir 
Robert  Cecil  with  James  VI,  King  of  Scotland,  un  petit  volume  de  lettres 
écrites  par  lord  Henry  Howard  ou  adressées  à  lui  par  ses  amis.  Ces  pièces 
faisaient  partie  d'une  correspondance  beaucoup  plus  étendue  dont  M.Bruce 


—  78  — 

a  publié  le  reste  dans  le  volume  édité  ici;  l'impression  a  été  faite  d'après  une 
copie  collationnée  sur  les  originaux  à  Hatfield. 

LXXIX.  —  Letters  lurillen  by  John  Chamberlain  durlng  the  reign  of  Queen 
Elizabeth.  Edited  from  the  original  by  Sarah  Williams.  1861,  de  xii-i88 
pages. 

On  trouvera,  dans  la  prélace  de  ce  volume,  des  détails  biographiques 
relatifs  à  Chamberlain,  fils  d'un  aldennan  de  la  ville  de  Londres.  C'était  un 
homme  d'un  esprit  cultivé,  écrivant  à  merveille,  curieux  de  nouvelles,  et 
qui  aurait  mérité  de  remplir  la  place  de  rédacteur  en  chef  d'une  gazette. 
Comme  le  journalisme  n'existait  pas  du  temps  de  «  Queen  Bess,  »  Chamber- 
lain s'en  dédommageait,  de  même  que  lord Carew  (voyez  plus  haut,  n°  LXXVll), 
en  remplissant  ses  lettres  de  bavardages  sur  les  événements  dont  il  était  le 
témoin,  et,  dans  ce  genre  de  littérature,  il  s'est  fait,  en  Angleterre,  une 
réputation  justement  méritée.  Nombre  d'extraits  de  la  correspondance  de 
Chamberlain  ont  été  déjà  imprimés  par  des  éditeurs  de  recueils  archéolo- 
giques; les  lettres  publiées  par  miss  Williams  sont  écrites  à  M.  Carleton, 
plus  tard  vicomte  de  Dorchester. 

LXXX.  —  Proceedings  principally  in  the  county  of  Kent,  in  connection  luith 
Ihe  Parliaments  called  in  1640,  and  especially  ïvith  the  committee  of  Religion 
appointed  in  that  year.  Edited  by  the  Rev.  Lambert  B.  Larking  from  the 
collections  of  sir  Edward  Dering,  Bart.  1626-1644.  With  a  préface  by  John 
Brcce,  1861;  Li-248  pages.  —  Ce  volume  est  plein  de  particularités 
curieuses  sur  l'histoire  de  l'Église  anglicane  et  sur  l'administration  du 
célèbre  Laud,  archevêque  de  Cantorbéry.  Voici  une  liste  des  principaux 
documents  :  1.  Trente-cinq  pièces  relatives  au  Parlement  de  1648.  2.  Recueil 
de  notes  prises  par  sir  Edouard  Dering  pendant  qu'il  exerçait  les  fonctions 
de  président  du  comité  d'enquête  sur  la  religion.  3.  Pétitions  adressées 
contre  le  clergé  par  diverses  paroisses  du  comté  de  Kent  ;  réponses  à  ces 
pétitions  et  pièces  y  relatives.  La  préface  de  M.  Bruce  est  un  tableau  inté- 
ressant de  la  vie  publique  et  privée  de  sir  Edouard  Dering,  bien  connu  à  la 
fois  comme  orateur  politique  et  comme  antiquaire. 

LXXXL  — Parliatnentary  debates  in  1610.  Edited  from  the  7iotes  ofa  mein- 
ber  of  the  hoiise  of  coiniiions,  by  S.  R.  Gardiner.  1861,  xx-184  pages.  —  On 
sait  l'importance  des  débats  qui  eurent  lieu  au  parlement  de  KilO.  C'est  là 
que  commença,  à  propos  des  impôts,  la  lutte  entre  le  roi  et  la  Chambre 
des  communes.  Les  registres  de  la  session  d'hiver  de  cette  année  nexistent 
plus,  de  sorte  que  les  comptes  rendus  imprimés  des  séances  fourmillent 
d'inexactitudes.  M.  (îardiner  a  réussi  à  corriger  ces  erreurs  et  à  combler  les 
lacunes,  en  grande  partie  du  moins,  par  des  notes  prises  de  divers 
côtés. 

LXXXn.  —  Li-sls  of  Foreign  Prolestants  andaliens,  résident  in  England,  1618. 
1688.  From  returns  in  the  State  paper  office.  Edited  by  William  DurrantCooper . 
1862,  xxxii-11!)  pages.  —  Ces  listes  se  rapportent  en  partie  au  règne  de 
Jacques  I""",  et  en  partie  à  celui  de  Charles  IL  L'éditeur  les  a  commentées 
par  des  documents  précieux  sur  l'histoire  des  réfugiés  huguenots,  leur  ins- 
tallation en  Angleterre  et  les  manufactures  qu'ils  établirent  ou  développè- 
rent. M.  King,  héraut  d'armes,  ajoute  plusieurs  listes  de  familles  émigrées, 
extraites  des  recensements  de  1634,  1664  et  1687;  enfin  des  notices  biogra- 
phiques et  des  pièces  justificatives  complètent  le  tout.  (Pour  la  suite  du  tra- 
vail publié  par  la  Carnden  Society  sur  les  réfugiés  huguenots,  voir  un 
article  dans  le  Herald  and  genealogist,  vol.  I,  pp.  159-174.) 

{La  fin  prochainement.)  Gustave  Masson. 


—  79  — 


CHRONIQUE 

Nécrologie.  —  L'érudition  française  vient  de  faire  une  perte  sensible  dans 
la  personne  de  M.  Edgard-Paul  Boutaric,  membre  de  l'Institut,  chef  de  sec- 
tion aux  Archives  nationales,  professeur  à  l'École  des  chartes.  Né  à  Châ- 
teaudun  (Eure-et-Loir)  le  9  septembre  1829,  il  fut  successivement  élève  de 
l'Écule  des  chartes  et  de  l'École  d'administration  et  entra  aux  Archives  de 
l'Empire  comme  archiviste  le  6  octobre  18.'J2;  nommé  sous-chef  de  section 
en  1866,  il  devint  chef  de  la  section  administrative  le  il  février  1873.  Membre 
de  la  Société  des  antiquaires  de  France  depuis  le  4  janvier  1860,  élu  prési- 
dent de  cette  société  en  1872;  membre  du  Comité  des  travaux  historiques 
et  des  sociétés  savantes  en  1865  ;  chevalier  de  la  Légion  d'honneur  le  lo  août 
de  cette  même  année,  il  fut  nommé  professeur  d'institutions  politiques, 
administratives  et  judiciaires  de  la  France  à  l'École  des  chartes,  en  rempla- 
cement de  M.  F.  Bourquelot,  le  l'^'' février  1869.  Plusieurs  fois  lauréat  de 
l'Institut  (prix  à  l'Académie  des  inscriptions  en  1858,  1861  et  1863  ;  prix  à 
l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  en  1860;  grand  prix  Gobert  à 
l'Académie  des  inscriptions  en  1871);  auteur  d'ouvrages  très-estimés,  archi- 
viste sagace  et  laborieux,  doué  d'une  mémoire  étonnante  et  d'une  merveil- 
leuse aptitude  pour  la  découverte  et  la  mise  en  lumière  des  documents,  pro- 
fesseur savant  et  zélé,  il  était  digne  de  prendre  place  à  l'Institut;  mais,  au 
moment  même  où  l'Académie  des  inscriptions  l'appelait  dans  son  sein,  le 
25  février  1876,  à  la  place  de  M.  Molh,  il  était  frappé  de  la  terrible  maladie 
qui  l'a  emporté  le  17  décembre  dernier,  à  l'âge  de  48  ans,  et  quand  on  espé- 
rait encore  delui  de  nombreux  et  excellents  travaux.»  Pour  ce  chrétien  con- 
vaincu, pour  Cdtte  conscience  pure,  a  dit  de  lui  M.Alfred  Maury,  directeur  des 
Archives,  la  mort  n'a  été  que  le  suprême  élan  de  l'âme  vers  le  mystérieux 
auteur  de  toutes  choses.  »  On  jugera  de  ce  qu'il  a  fait  et  de  ce  qu'il  lui 
restait  encore  à  faire  par  la  liste  sommaire  de  ses  ouvrages  :  —  La  Finance 
sons  Philippe  le  Bel,  étude  sur  les  institutions  politiques  et  administratives 
du  moyen  âge,  d'après  un  mémoire  couronné  par  l'Institut  (Académie  des  ins- 
criptions et  belles-lettres,  Paris,  H.  Pion,  1861,  in-8,  viii  et  468  p.);  —  Notices 
et  extraits  de  documents  inédits  relatifs  A  l'histoire  de  France  sous  Philippe 
le  Bel  (extrait  du  t.  XX,  2'  partie  des  Xolices  et  extraits  des  Mss.  publiés 
par  l'Académie  des  inscriptions,  Paris,  impr.  imp.  1861,  in-4,  155p.);  — Insti- 
tutions militaires  de  la  France  avant  les  années  permanentes,  suivies  d'un 
aperçu  des  principaux  changements  survenus  jus(|u'à  nos  jours  dans  la  for- 
mation de  l'armée  (Paris,  Pion,  1863,  iu-8,  viii  et  499  p.,  ouvrage  récom- 
pensé à  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques);  —  Actes  du  Parlement 
de  Paris,  1"  série,  t.  ^^  125i-1299,  t.  II,  1299-1328  (Inventaires  et  docu- 
ments publiés  par  les  Archives  de  l'Empire  iParis,  H.  Pion,  1863  et  1867);  cet 
inventaire  est  précédé  d'une  préface  par  M.  L.  de  Laborde,  accompagné  d'une 
notice  sur  les  Archives  du  Parlement  de  Paris,  par  M  A.  Griin,  et  suivi  de 
le  restitution  d'un  volume  des  Olim  perdu  depuis  le  seizième  siècle,  par 
M.  L.  Delisle;  —  Correspondance  secrète  inédite  da  Louis  XV  sur  la  politique 
étrangère  avec  le  comte  de  Broglie,  Tiercier,  et  autres  documents  relatifs  au 
ministère  secret  publiés  d'après  les  originaux  conservés  aux  Archives  de 
l'Empire  et  précédés  d'une  étude  sur  le  caractère  et  la  politique  personnelle 
de  Louis  XV  (Paris,  H.  Pion,  1866,  in-8,  2  vol.  iv-501  et  oil  p.);— Mémoires 
de  Frédéric  H,  roi  de  Prusse,  écrits  en  français  par  lui-même,  publiés  confor- 
mément aux  manuscrits  originaux  conservés  aux  Archives  du  cabinet  à 


—  80  — 

Berlin,  avec  des  uotes  et  dos  tables  (en  collaboration  avec  M.  E.Campardon), 
(Paris,  Pion,  1866,  in-8,  2  vol.  viii-oi-3  et  513  ]).)\~Saint  Louis  cl  Alfonsa  de 
Poiliers.  étude  sur  la  réunion  des  provinces  du  Midi  et  de  l'Ouest  à  la  cou- 
ronne et  sur  les  origines  de  la  centralisation  administrative,  d'après  des 
documents  inédits  (Paris,  Pion,  1870,  in-8,  ."ijO  p.);  ouvrage  couronné  par 
l'Institut  (prix  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  en  1801)  et  qui 
a  obtenu  le  grand  prix  Gobert  à  la  même  Académie  en  1871. 

Indépendamment  de  ces  ouvrages  importants  et  qui  ont  révélé  des  faits  et 
des  personnages  nouveaux,  comme  Alfonse  de  Poitiers,  M.  Boutaric  a  fourni 
à  diverses  revues  des  articles  variés,  intéressants  et  quelques-uns  fort  éten- 
dus. —  A  LA  BiBLiGTHÈQL'E  DE  l'Éc.ole  DES  CHARTES  :  Coiiiptc  (les  dépenscs 
de  la  chevalerie  d'Alfonse,  comte  de  Poitiers  (juin  12il)  XIV«  année,  18o2-18;j3, 
p.  22-i2  ;  —  Organisation  judiciaire  du  Languedoc  au  moyen  âge,  ibidem, 
XVI'  année,  ISoi-oii,  p.  201-230  et  o32-j.j0;  XVIP  ann.  ISoiJ-iJO,  p  97-122 
(c'est  la  thèse  que  M.  Boutaric  avait  soutenue  à  l'École  des  chattes  pour 
obtenir  le  diplôme  d'archiviste-paléographe);  — Les  premiers  Etats  généraux 
(fragment  d'un  mémoire  couronné  par  l'Académie  des  inscriptions),  (ibidem, 
XXI«  ann.,  18o9-60  p.  1-37,  tiix^  à  part,  Paris,  F.  Didot  frères,  18G0,  in-8, 
37  p.);  —  Organisation  militaire  de  la  France,  sous  la  troisième  racc^  avant 
l'établissement  des  armées  permanentes  (ibidem,  XXII"  ann.  1860-01,  p.  1-30, 
481-o04); —  La  Saint-Barthélcmy ,  d'après  les  Ar.jhives  du  Vatican  (ibidem, 
XXIII*^  ann.,  1861-62,  p.  1-27);— Les  Archives  de  l'Empire,  à  propos  d'un  rap- 
port de  M.  F.  Ravaisson  (ibidem.,  XXIV*  ann.,  1862-63, p.  2:)2-20it.  Enfin  de 
nombreux  comptes  rendus  qu'il  a  fournis  au  même  recueil  pendant  plus 
de  vingt  ans,  de  18.")3-187."i,  sur  l'histoire  générale,  les  institutions,  etc.  — 
AuxAntiquauies  de  France  :  nous  n'avons  relevé  qu'un  seul  mémoire,  mais  fort 
important  :  Recherches  archéologiques  sur  le  palais  de  justice  de  Paris,  princi- 
palement sur  la  partie  consacrée  au  Parlement,  depuis  l'origine  jusqu'à  la 
la  mort  de  Charles  VI  (li-22).  Ce  mémoire  a  paru  dans  le  XXVII*^  volume  des 
Mémoires  de  la  Société  imp.  des  antiquaires  de  France,  et  a  été  tiré  à  part 
(Paris,  1862,  in-8,  70  p.).  On  trouve  dans  le  Bulletin  de  la  même  Société  les 
communications  suivantes  deM.  Boutaric  :  1861,  p.  iil ,  Inventaire  de  plusieurs 
reliques  de  saint  Louis;  —  p.  100,  Plaintes  de  Frémitiet,  premier  peintre  de 
Louis  XIII,  au  sujet  de  dégâts  commis  aux  peintures  de  la  chapelle  de 
Fontainebleau;  —  1862,  p.  66  et  70,  Monograramcs  et  signatures  de  rois  de 
France;  —  p,  S.'i,  Note  sur  les  portefeuilles  de  la  collection  Gaiqnicrcs  trans- 
portés à  Oxford;  —  1864,  p  ."il  et92,  Note  sur  le  tableau  de  le  Grand' chambre 
du  Parlement  de  Paris.  On  remarque  encore  dans  le  Bulletin  de  1873  l'al- 
locution   prononcée    par    M.    Boutaric,  président  sortant,    p.    3o.   —  Aux 

A.VNALES    DU    lîlBLIOl'HlLE,    DT    BIBLIOTHÉCAIRE     ET    DE     l'aRCHIVISTE     pOUr     1862, 

publiées  en  1863,  M.  Boutaric  a  fourni  une  suite  d'ai'ticles  intitulés  :  Les 
livres  condamnés,  relevé  général  d'après  les  documents  originaux,  p.  3,  35,  iio, 
82  et  172.  —  A  la  Revue  coNiEiii'ORAi.NE  :  Les  idées  modernes  chez  un  po- 
litique du  quatorzième  siècle,  Pierre  Du  Bois,  '2'  série,  tome.  XXXVIII,  n°  du 
]o  avril  1864,  pages  417-447.  — A  la  Revue  des  questions  historiques: 
Marguerite  de  Provence,  femme  de  saint  Louis,  son  caractère,  son  rôle  poli- 
tique {["  octobre  1867),  tiré  à  part,  in-8,  46  p.  1868;  —  Clément  V,  Phi- 
lippe le  Bel  elles  Templiers  (l"  octobre  1871  et  12  janvier  1872);  tiré  à  part 
in-8,  78  p.  1872;  — Le  Vandalisme  révolutionnaire  :  les  archives  pendant 
la  Révolution  française  (1"  octobre  1872);  —  Vincent  de  Beauvais  cl  la  con- 
naismnce  de  l'antiquité  classique  au  seizième  siècle  (1"  janvier  1875);  tiré  à 
part,  in-8,  .J-'i  \^.;—  Des  origines  et  de  l'établissement  du  régime  féodal  cl  par- 


—  81   — 

ticuliêremcnt  de  Ivninitnilé  (1"  octobre  1875);  tirage  à  part,  in-8,o6  p.  Dans 
\e?>  Mélanges  diQ  la  même  Revue  :  Marie-Thérèse  Joseph  II  et  Madame  d'IIerzelle 
(l"  juillet  1868);  — Les  Étals  généraux  de  France,  à  propos  du  livre  de 
M.  Georges  Picot  (1"  janvier  1873)  ;  —  La  Chambre  des  comptes  de  Paris  (à 
propos  du  livre  de  M.  A.  de  Boislisle)  (i"  avril  1874);  — Un  mémoire  inédit 
dit  duc  de  Saint-Simon  (l^""  octobre  1874). 

M.  Boutaric  avait  pris  une  part  importante  à  la  publication  de  V Inventaire 
sommaire  et  tableau  méthodicjue  des  fonds  conservés  aux  Archives  nationales, 
1"  partie,  régime  antérieur  à  1789,  Paris,  impr.  nat.,1871.  Il  avait  colla- 
boré à  la  publication  du  Musée  des  Archives  nationales,  Documents  originaux 
de  l'histoire  de  France...  publié  par  la  direction  générale  des  Archives  na- 
tionales, Paris,  H.  Pion,  1872,  in-4,  ouvrage  auquel  il  a  fourni  la  notice  des 
Capétiens  (987-1328),  p.  49  à  184  de  ce  volume. 

On  trouve  dans  les  Archives  des  missions,  2*  série,  deuxrapports  de  M.  Bou- 
taric :  Rapport  sur  une  mission  en  Belgique,  à  l'effet  de  rechercher  les  docu- 
ments inédits  relatifs  à  l'histoire  de  France,  au  moyen  âge,  t.  11,  p.  231- 
319;  —  Rapport  sur  une  mission  ayant  pour  objet  de  recueillir  dans  les  Ar- 
chives du  royaume  de  Belgique,  les  papiers  d'Etat  des  seizième,  dix-septième,  et 
dix-huitième  siècles,  relatifs  à  l'histoire  de  France,  t.  VII, p.  1-23. 

M.  Boutaric  avait,  en  outre,  fourni  quelques  articles  au  Journal  officiel, 
pendant  la  direction  de  M.  Ernest  Daudet.  Il  avait  proposé,  vers  1860,  au 
Comité  des  travaux  historiques  de  publier  divers  documents  relatifs  aux 
négociations  entre  la  France  et  la  Castille.  Depuis  qu'il  faisait  partie  du 
Comité,  c'est-à-dire  depuis  l'année  186y,  il  avait  fourni  de  nombreux  rap- 
ports sur  les  publications  projetées  et  les  communications  des  correspon- 
dants. 

Les  nouveaux  éditeurs  de  l'Histoire  générale  du  Languedoc  de  D.  Vaissète 
avaient  recherché  sa  collaboration  et  le  prospectus  publié  par  M.  Privât, 
libraire  à  Toulouse,  annonçait  que  M.  Boutaric  traiterait  l'histoire  du  Midi 
au  treizième  siècle,  et  en  particulier  sous  l'administration  d'Alphonse  de 
Poitiers,  héritier  des  comtes  de  Toulouse.  M.  Boutaric  avait  encore  en  prépa- 
ration :  Le  grand  miroir  de  Viticent  de  Beauvais,  étude  sur  l'érudition  au 
treizième  siècle,  ouvrage  couronné  en  1863,  par  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres;  —  La  Correspondance  administrative  d'Alphonse,  comte  de 
Poitiers  (1249-1271)  qui  devait  paraître  dans  les  Documents  inédits,  et 
quelques  travaux  de  moindre  importance. 

Nous  ne  devons  pas  oublier  la  collaboration  qu'il  a  donnée  au  Polyhiblion 
dans  quelques  articles  sur  des  ouvrages  historiques  signés  de  ses  initiales 
E.  B.  A.  B. 

M.  Hippolyte-Jules  Demolière,  romancier  et  auteur  dramatique,  plus 
connu  sous  son  pseudonyme  anagrammatique  de  Moléri,  vient  de  mourir; 
il  était  né  à  Nantes,  le  3  août  1802.  Après  avoir  étudié  le  droit  à  Rennes  et 
la  médecine  à  Paris,il  débuta  dans  les  lettres  vers  1837.  Lors  de  la  Révolution 
de  1848,  il  fut  attaché,  comme  secrétaire  au  Gouvernementprovisoire,  et  resta 
au  secrétariat  de  la  Présidence  sous  le  généra!  Cavaignao.  11  avait  donné  au 
théâtre,  en  1843  :  La  Famille  Renneville,  et  Tôt  ou  Tard,  et,  en  18i5  :  Le 
Gendre  d'un  millionnaire,  joué  au  Théâtre-Français  ;  ces  trois  pièces  avec  la 
collaboration  de  M.  Léonce  Laureucot.  Ea  1849,  il  donni  LaFamille;  eal852, 
La  Tante  Ursule;  en  1861,  Le  Revers  de  la  médaille.  Ses  débuts  dans  la  litté- 
rature romanesque  furent  postérieurs  à  ses  premières  œuvres  dramatiques  ; 
lambo  parut  en  1848,  dans  VÉcho  des  feuilletons;  le  Marcjuis  de  Monclar  esi 
de  1831.  Un  recueil  de  ses  nouvelles,  en  deux  volumes,  Petits  drames  bour- 
Janvier  1878.  T.  X.\1I,  6. 


—  82  — 

geois,  suivit,  en  1856,  puis,  en  1838,  Fièvres  du  jour,  ses  deux  meilleures 
œuvres  dans  ce  genre;  enfin,  la  Traite  des  blanches,  en  1863,  et  Or  et  Misère, 
en  1864;  l'Amour  et  la  Musique,  en  1866;  Terre  promise,  en  1867.  M.  Moiéri 
était  aussi  l'auteur  d'un  Dictionnaire^  Manuel  du  Jardinier  amateur  [iSQH),  et 
des  a  guides-itinéraires  »  De  Paris  à  Strasbourg ,  et  De  Paris  à  Corbcil  et  à 
Orléans. 

—  M.  Emile  Bères,  né  à  CasteInau-d'Ânzac  (Gers),  en  1801,  est  mort  récem- 
ment ;  c'est  en  concurrence  avec  M.  Bères  que  Blanqui  obtint  en  1832  sa 
chaire  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers.  M.  Bères,  avait  déjà  publié  à 
cette  date  un  Essai  sur  les  moyens  de  créer  la  richesse  territoriale  dans  les 
départements  méridionaux  (1830),  dunt  les  tentatives  d'application  pratique 
furent  ruineuses,  mais  lui  valurent  cependant  d'ètrt^  nommé,  vers  1848, 
rapporteur  au  bureau  de  l'industrie  parisienne.  En  1831,  la  Société  agri- 
cole de  Châlons  avait  couronné  ses  Élé7ne7its  d'une  nouvelle  législation  de 
chemins  vicinaux,  grandes  routes,  chemins  de  fer;  et  la  Société  de  Muliiouse, 
en  1832,  ses  Causes  du  malaise  industriel  ;  en  1836,  l'Institut  insérait  dans  le 
Recueil  des  savants  étrangers  son  Mémoire  sur  les  causes  de  Vaffaiblisse- 
ment  du  commerce  à  Bordeaux  ;  mais  son  ouvrage  le  plus  complet,  qui  fut 
couronné  par  l'académie  de  Mâcon,  par  la  Société  morale  chrétienne  et  par 
l'Académie  française,  est  celui  qu'on  connaît  sous  le  titre  :  Les  Classes  ou- 
vrières; moyen  d'améliorer  leur  sort  (1836,  in-8).  On  doit  encore  à  M.  Emile 
Bères  :  Les  Sociétés  commerciales;  un  Manuel  de  l'actionnaire,  un  Manuel  de 
l'Emprunteur  et  du  Prêteur  aux  caisses  du  Crédit  foncier,  un  Compte  rendu 
de  l  Exposition  de  1849,  etc.;  enfin,  des  notes  géographiques  et  commerciales 
pour  une  édition  en  7  vol.  àQ  V Histoire  ancienne  à.Q'^oiXïn. 

—  M.  Thomas  Wright,  antiquaire  anglais,  l'un  des  fondateurs  de  la  Camden 
Society  et  de  laBritish  archœlogical  institution,  etjdepu's  1842,  currespondaut 
de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  vient  de  mourir  à  l'âge  d'en- 
viron soixante-sept  ans.  C'est  surtout  comme  éditeur  d'auteurs  anglais  an- 
ciens que  M.  Th.  Wright  était  connu  ;  le  Critical  dictiomiary  de  Sir  Austin 
AUibone  ne  cite  pas  moins  de  soixante-dix-huit  articles  de  ce  genre,  sous  son 
nom,  parmi  lesquels  on  ne  trouve  qu'un  ouvrage  original,  écrit  d'ailleurs  en 
français,  ayant  pour  titre  :  Coup  d'œil  sur  le  progrès  de  la  littérature  anglo- 
saxone  en  Atigleterre,  par  MM.  Th.  Wright  et  Francisque  Michel  (Paris,  1836, 
in-8).  Les  historiens  français  trouveront  d'amples  renseignements  dans 
ces  précieuses  collections  de  documents.  C'est  à  M.  Th.  Wright  qu'on  doit  la 
découverte,  en  1856,  au  Hunterian  Muséum  de  Glasgow,  d'un  manuscrit 
inconnu  des  Cent  nouvelles  nouvelles  dont  il  voulut  être  l'éditeur  pour  la  Bi- 
bliothèque elzévirienne  (1858).  Sa  dernière  œuvre  est  intitulée  :  Les  Femmes  en 
Occident  in-4).  (1869, 

— Le  P.  Joseph  Ddgas,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  né  à  Lyon  le  30  septembre 
1843,  entré  daus  la  compagnie  le  11  novembre  1871,  vient  de  mourir  à 
Alger.  Docteur  en  théologie,  élève  au  séminaire  français  à  Rome,  il  avait  été 
un  des  secrétaires  du  concile  du  Vatican.  En  1873,  il  écrivit  dans  l'Univers 
des  lettres  sur  les  pèlerinages  de  Paray-le-Monial  qui  ont  été  réunies  sous  ce 
titre  :  le  Pèlerinage  du  Sacré-Cœur  en  1873,  histoire  et  documents;  il  a  publié 
dans  les  Études  religieuses  :  La  Moricière  (3*  série,  t.  V,  p.  838);  —  Le  Chris- 
tianisme  et  les  familles  patricietines  de  Rome  aux  premiers  siècles  (t.  VI,  p.  716); 

—  Le  Paganisme  romain  dans  ses  rapports  avec  le  christianisme  aux  deux  pre- 
miers siècles  (t.  VU,  p.  481);  —  L'Association  des  jeunes  ouvrières,  dite  de  Notre- 
Dame  de  Fourvière  (t.  VIII,  p.  561  ;  tii-a.'îe  à  part  :  Lyon,  imp.  Pitrat,  1875,  in-8), 

—  La  Kabylie  et  le  peuple  kabyle  (t.  VIII,  p.  693;  t.  IX,  p.  302;  t.  X,  p.  29^ 


—  83  — 

426,    850).  Le  P.  Dugas  venait    d'achever   la   publicalion   de   ces  derniers 
articles  en  un  volume. 

—  On  annonce  encore  la  moi  t  :  de  M™^  la  baronne  de  Barante,  la  femme 
de  l'historien  des  ducs  de  Bourgogne,  et  auteur  elle-même  d'un  livre 
recommandable  ;  La  Présence  de  Dieu  rappelée  par  les  passages  des  livres 
saints,  à  l'usage  des  écoles  et  particulièrement  des  écoles  de  campagne  (Tours, 
Marne,  1868,  in-32);  —  de  M.  le  général  d'Aurelle  de  Paladines,  né  à  Malé- 
zieux  (Lozère),  en  1804,  l'illustre  vainqueur  de  Coulmiers,  ancien  membre  de 
l'Assemblée  nationale,  sénateur  inamovible,  et  dont  l'œuvre  :  Campagne  de 
1870-1871,  publiée  en  janvier  1872  (in-8,  avec  3  caries  etl  fac-similé)  arrivait 
trois  mois  après  à  sa  3"  édition;  —  de  M. le  docteur  J.-B.  Philippe  Barth,  mé- 
decin honoraire  de  l'Hôtel-Dieu,  ancien  président  de  l'Académie  de  médecine, 
membre  du  Conseil  supérieur  de  l'Instruction  publique,  né  à  Sarreguemines, 
en  1812,  et  auteur  d'ouvrages  estimés  sur  le  Choléra  morbus  épidémique  ;  — 
la  Dilatation  des  bronches;  —  la  Rupture  spontanée  du  cœur;  et  d'un  Traité  pra' 
tique  d'auscultation,  qui  en  était  à  sa  huitième  édition  en  1874;  —  de 
M.  Hersox-Macarel,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris,  qui  avait  publié,  en 
1842  :De  l'expropriation  jwiir  cause  d'utilité  publique,  commentaire  sur  la  loi 
du  3  mai  1841  ;  —  de  M.  Ch.  Piel  de  Troismonts,  gérant  du  Constitutionnel 
depuis  i861,  et  auteur  de  publications  bonapartiste,  entre  autres  :  deux 
Mémoires  sur  l'Hérédité  napoléonienne  (1852)  ;  — de  M.  le  docteur  Jules  Roux, 
premier  chirurgien  en  chef  de  la  marine  de  Toulon,  et  membre  de  la  plupart 
des  sociétés  savantes  de  l'Europe,  que  son  mémoire  :  De  l'ostéomyélite  et  des 
amputations  secondaires,  lu  à  l'Académie  de  médecine  en  1860,  mit  au 
premier  rang  des  illustrations  de  l'art  médical;  —  de  M.  Gustave  Cocrbet,  le 
peintre  trop  connu,  né  à  Ornans  en  1819,  mort  à  Genève;  membre  de  la 
Commune  de  Paris  en  1871,  et  auteur  de  Lettres...  à  l'armée  allemande  et  aux 
artistes  allemands,  lues  à  l'Athénée,  dans  la  séance  du  29  octobre  1870;  —  de 
M.  Alfred  Deberle,  l'un  des  principaux  rédacteurs  et  plus  tard  directeur  du 
Grand  Dictionnaire  universel  de  P.  Larousse,  conseiller  municipal  de  Paris, 
et  auteur  d'un  Théâtre...  recueil  spécial  de  pièces  pour  théâtres  d'enfants  (1868), 
mort  à  quarante-deux  ans;  —  de  M.  Adolphe  Benoist,  mort  le  o  décembre  à 
Chalon-sur-Saône,  à  soixante-quatorze  ans,  auteur  de  :  Lettre  d'un  contri- 
buable à  M.  le  Préfet  de  Saône-et-Loire,  relative  au  projet  d'établissement  de 
deux  chemins  de  fer  départementaux  (in-8,  Châlon-sur-Saône,  1865),  et  colla- 
borateur de  plusieurs  journaux  de  province  :  la  Décentralisation,  le  Conser- 
valeur,  etc.;  —  du  poêle  autrichien  Ritter-Adolf  Von  Tschabdchnigg,  mort  à 
Vienne  le  2  novembre,  à  l'âge  de  soixante-huit  ans  :  il  avait  occupé  des 
postes  émineuts  dans  son  pays,  entre  autres,  le  ministère  de  la  Justice  en  1870; 
—  du  romancier  hollandais  G.-E.-C.  Croiset,  mort  à  Amersford  le  22  oc- 
tobre, à  l'âge  de  soixante  ans;  —  du  général  Charles-Guillaume-Marie- 
Apolliuaire-Antoi.'ie  Cocsin-Montauban,  comte  de  Palikao,  ancien  sénateur 
de  l'Empire  et  ancien  ministre,  mort  à  Paris  le  8  janvier,  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-quatre  ans,  auteur  d'Unministère  delaguerrede  vingt-quatre  jours{i81i). 

Institut.  —  Académie  française.  —  L'Académie  a  renouvelé  son  bureau 
pour  le  j'remier  trimestre  de  1878  ;  il  se  trouve  ainsi  composé  :  M.  de  Lomé- 
nie,  directeur;  M,  Mézière,  chancelier. 

Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  L'Académie,  dans  sa  séance  du 
28  décembre,  a  élu  correspondants:  MM.  Aicoli,  à  Naples,  et  Witney,  à 
New  Haven(Connecticut),  en  remplacement  de  MM.  Conestabile  et  Ilerculano 
de  Carvalho,  décédés. 

—  Dans  la  séance  du  4  janvier,  l'Académie  a  renouvelé  son  bureau,  qui  se 


trouve  ainsi  cjaipodô  ;  M.    Éduuard    Lîboulaye,  prôbiJcnl  ;    M.   Je  HoziOre, 
vice-inésidi  nt. 

Académie  des  sciences.  —  Uaus  la  séance  du  13  décembre,  l'Académie  a 
procédé  à  l'élection  d'un  correspondant  pour  la  section  de  minéralogie,  eu 
remplacement  de  M.  d'Omalius  d'Halloy;  M.  Cailletet  a  été  nommé  par 
33  suffrage-,  contre  19  donnés  à  M.  James  Halès. 

—  Dans  la  séance  du  3  décembre,  l'Acadéraie  a  procédé  à  l'élection  d'un 
associé  étranger,  en  remplacement  de  M.  de  Baer.  M.  William  Tliomîon  a 
été  élu  par  27  voix,  contre  25  données  à  M.  Van  Beneden. 

—  Dans  la  séance  du  7  janvier,  l'Académie  a  renouvelé  sou  bureau,  qui  se 
trouve  ainsi  composé  pour  1878  :  M.  Fizeau,  président;  M.  Daubrée,  vice- 
président. 

Académie  des  beaux-arls.  —  L'Académie  a  renouvelé  sou  bureau,  qui  se 
trouve  ainsi  composé  pour  t878  :  M.  Louis  François,  président;  M.  Muller, 
vice-président. 

Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  Dans  la  séance  du  Ib  dé- 
cembre, l'Académie  a  procédé  à  l'élection  de  deux  membres  dans  la  section  de 
philosophie  et  dans  la  section  de  législation,  en  remplacement  de  MM.  Lélut 
et  Cauchy,  décédés.  Ont  été  nommés,  dans  la  sectiun  de  philosophie,  M.  Louis 
Peisse,  par  22  voix,  contre  18  données  à  M.  Charles  Waddington;  dans  la 
section  de  législation,  M.  Aucoc,  par  24  voix,  contre  6  données  à  M.  Rodolphe 
Daresle,  et  i  à  M.  Colmet  d'Aage. 

—  Dans  la  séance  du  29,  l'Académie  a  élu  associés  étrangers  :  MM.  le  baron  de 
Hiibner,  à  Vienne,  et  Emerson,  à  Boston,  en  remplacement  de  lord  Stanhope 
et  de  M.  Motley,  décédés;  —  correspondants,  dans  la  section  de  morale, 
M.  Olivecrona,  de  Stockolm,  en  remplacement  de  M.  Charton,  nommé 
académicien  libre  ;  dans  la  section  d'économie  politique  M.  Emile  Worms,  pro- 
fesseur à  la  faculté  de  droit  de  Rennes,  en  remplacement  deM.Sc'aloja,décédé. 

—  Dans  la  même  séance,  sur  le  rapport  de  M.  G.  Massé,  au  nom  de  la  section 
de  législaliori,  l'Académie  a  remis  au  concours  jour  1880  le  sujet  proposé 
pour  le  prix  Bordin  en  1877,  qui  n'a  été  traité  que  d'une  f^çon  tout  à  fait 
insufflante  par  les  concurrents.  Il  s'agissait  d'exposer  les  modifications 
introduites  depuis  le  commencement  du  siècle  dans  les  lois  relatives  aux 
titres  négociables. 

—  Dans  la  séance  du  o  janvier,  l'Académie  a  renouvelé  son  bureau,  qui  se 
trouve  ainsi  composé  pour  1878;  M.  Michel  Chevalier,  président;  M.  Vacherot, 
vice-présideut. 

Faculté  des  lettres.  —  M.  Debibour,  ancit^n  élève  de  l'École  normale  supé- 
rieure, a  sout'  nu,  le  3  novembre,  à  Paris,  ses  thèses  pour  le  doctorat  es  lettres. 
Les  sujets  étaient  :  De  Theodora  Justiniani  Augusti  uxore;  —  La  Fronde 
angevine. 

—  M.Lichtenbarger  a  soutenu,  le  4  janvier,  à  Paris,  ses  thèses  pour  le  doc- 
torat es  lettres.  Les  sujets  étaient  :  De  carminibus  Shaksperi;  —  Étude  sur  les 
poésies  lyriques  de  Gœthe. 

Bureau  des  Longitudes,  —  L'administration  du  bureau  des  Longitudes 
vient  d'être  ainsi  constituée  pour  l'année  i  878,  par  décret  du  10  janvier  :  pré- 
sident, M.  Faye  ;  vice-président,  M.  Janssen,  secrétaire-trésorier,  M.  delà 
Roche-Poncié. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres. —  Dans 
la  séance  du  2  novembre,  M.  Edmond  Le  Blant  a  communiqué  une  note  sur 
une  épitaphe  du  ck.itre  de  Saint-Sauveur  à  Aix.  Il  a  été  donné  lecture  d'une 
lettre  de  M.  Ernest   David  sur  un  médaillon  de  bronze  conservé  au  Cabinet 


—  85  — 

des  médailles,  portant  une  inscription  bilingue  et  le  nom  de  Grazia  Nassi.  — 
Dans  les  séances  des  2,  9  et  16,  M.  Clermont-Ganneau  a  continué  la  lecture  de 
son  mémoire  sur  le  dieu  Satrapes  et  l'influence  des  Phéniciens  dans  le 
Péloponèse;  M.  Ernest  Desjardins  a  achevé  la  lecture  du  mémoire  de  M.  Ch, 
Tissot  relatif  à  l'exploration  de  la  voie  romaine  de  Carthage  à  Thevesti  ;  M.  le 
docteur  Lagneau  a  lu  un  mémoire  sur  l'usage  des  armes  empoisonnées  chez 
les  anciens  peuples  de  l'Europe.  —  Dans  la  séance  du  9,  M.  Léopold  Delisle  a 
communiqué  une  note  sur  nn  manuscrit  français  des  Grandes  chroniques  con- 
servé au  Brilish  Muséum;  M.  Renan  a  présenté  un  mémoire  de  M.  Philippe 
Brrger  sur  un  ex-voto  du  temple  deTauit  à  Carthage.  —  Dans  les  séances  du 
16  et  du  23,  M.  Gaston  Paris  a  lu  un  mémoire  sur  la  date  d'une  chanson  de 
geste  relative  au  pèlerinage  de  Charlemagne  en  Orient.  Dans  la  séance  du 
30  novembre,  M.  Maximien  Deloche  a  continué  la  lecture  de  son  mémoire  sur 
les  invasions  des  Gaulois  en  Italie.  —  Dans  la  séance  du  14  décembre, 
M.  Edmond  Le  Blant,  a  fait  sur  un  sarcophage  chrétien  d'Arles,  une 
communication  qui  a  provoqué  des  observations  de  MM.  Ravaisson  et 
le  baron  de  Witte  ;  M.  Michel  Bréal  a  présenté  des  observations  sur  deux 
inscriptions  en  langue  osque,  —Dans  la  séance  du  21,  M.  Michel  Bréal 
a  fait  une  communication  sur  une  inscription  pélignienne  trouvée  près 
de  Sulmone  ;  M.  Gaston  Paris  a  communiqué  un  renseignement  fourni  par 
M.  Célestin  Port  au  sujet  d'un  manuscrit  de  la  bibliothèque  d'Angers,  con- 
tenant un  fragment  de  Saxon  le  Grammairien;  M.  le  Président  a  donné 
lecture  d'une  lettre  de  M.  Ferdinand  Delaunay  au  sujet  de  la  communica- 
tion faite  précédemment  par  M.  le  Blant  sur  un  sarcophage  d'Arles. 

LectL'Rf.s  faites  a  l'Académie  des  sciexces  morales  et  politiques.  —  Dans 
les  séances  des  29  octobre  et  17  novembre, M.  Bertold  Zeller  a  continué  la  lec- 
ture de  son  mémoire  sur  la  dernière  année  du  duc  et  contiélable  de  Luynes. 
—  Dans  lesséances  des  29  octobre,  3,  17et  23  novembre,  M.  Ch.  Wa'ldingtou 
a  donné  lecture  d'un  mémoire  sur  la  renaissance  des  lettres  et  de  la  philo- 
sophie au  quinzième  siècle. —  Dans  les  séances  des  3  et  lOnovembre,  M,  Félix 
Rocquain  a  donné  lecure  d'un  fragment  de  son  ouvrage  sur  l'esprit  révolution- 
naire avantlaRévolution.— Dans  les  séances  des  l"et22  décembre,  M.  Berthold 
Zeller  a  continué  la  lecture  de  son  mémoire  sur  la  dernière  année  du  duc  et 
connétable  de  Luynes.  —  Dans  la  séance  du  8,  M.  Charles  Lévéqne  a  lu  une 
notice  sur  les  Essais  de  critique  el  de  littérature  de  M.  E.  Garsounet  ;  M.  le 
Secrétaire  perpétuel  a  lu  une  notice  de  .M.  Drouyn  de  Lhuys  sur  une  maison 
de  refuge  en  Pensylvanie.  — Dans  la  séance  du  lo,  M.  Gaberel  de  Rossillon 
a  lu  un  mémoire  sur  la  comdamnatiou  de  l'Emile  du  «  Contrat  social  »  de 
J.-J.  Rousseau,  à  Paris  et  à  Genève,  en  1762.  —  Dans  la  séance  du  29, 
M.  Félix  Rocquain  a  commencé  la  lectui'e  d'un  nouveau  fragment  de  son  ou- 
vrage sur  l'esprit  l'évolutionnaire  avant  la  Révolution,  consacré  au  parti  des 
philosophes 

Découverte  du  texte  original  du  Livre  de  Tobie  —  On  vient  de 
faire,  en  Angleterre,  une  découverte  importante  pour  la  littérature 
biblique.  M.  Neubauer,  snis-bibliolhécaire  de  la  bibliothèque  Oodléienne, 
a  retrouvé,  dans  un  manuscrit  hébreu  récemment  acquis,  le  texte  chaldéen 
du  livre  de  Tobie.  Saint  Jérôme,  dans  la  préface  de  sa  traduction  de  ce  livre, 
adressée  aux  évoques  Chromatius  et  Héliodore,  leur  dit  :  Exigitis  enim,  ut 
lihrum  !  chaldxo  scrmone  conscripiurn,  ad  lalinum  stylum  traham,  lihrurn 
tilique  Tobix.  Il  t  st  à  croire  que  le  texte  découvert  par  le  D'  .Neubauer  est 
celui-là  même  qu'a  traduit  saint  Jérôme,  à  part  quelques  différences  et 
peut-être  dos  retouches.    Le  style   du   Tobie    chaldéen    indique    que   c'est 


la  l'original  du  livre.  —  Le  Tobie  de  la  Vulgate  difTère  de  celui  des  Sep- 
tante en  plusieurs  points,  mais  surtout  parce  que  le  Tobie  grec  parle  à  la 
première  personne,  tandis  que  le  Tobie  latin  parle  à  la  troisième.  Dans  le 
cbaldéen,  il  parle  aussi  à  la  troisième  personne.  Sur  d'autres  points,  le  clial- 
déen  se  rapproche  plus  des  Septante  que  de  la  Vulgale,  —  Un  certain  nombre 
de  mots  douteux,  qui  ont  embarrassé  les  critiques  dans  les  versions  de  Tobie, 
sont  éclaircis  dans  le  cbaldéen.  Le  chien  n'est  pas  mentionné  dans  le  texte 
de  M.  Neubauer.  La  fin  du  livre,  à  partir  de  xi,  20,  manque.  La  conclusion 
est  plus  courte  et  différente.  Elle  parait  avoir  été  abrégée.  Ce  n'est,  du  reste, 
que  quand  le  manuscrit  aura  été  publié  qu'on  pourra  l'étudier  sérieuse- 
ment. —  {Univers), 

Corpus  iNscRiPifONUM  gr.ecarum  de  Boeciîn. — Djpuis  longtemps,  l'Académie 
de  Berlin  avait  déci  lé  que  le  C.  L  G.  ne  pouvait  être  continué  d'après  le 
plan  conçu  par  Boeckn.  Aussi  avait-elle  oTdonné  la  publica'ion  d'un  nou- 
veau Corpu''.  Deux  volumes  de  ce'te  publication  ont  déjà  paru,  sous  le  titre 
de  Corpus  inscriptionum  atticarum.  Le  premier  contient  les  inscriptions  an- 
térieures à  l'arcliontat  d'Euclide,  et  est  dû  à  A.  Hii'chholT.  Dans  le  second 
(II).  M.  Boihler  a  réuni  les  inscriptions  qui  se  rapportent  à  l'époque  com- 
prise entre  Euclide  '"t  Auguste.  Mais,  aussi  longtemps  que  ce  nouveau 
Corpus  ne  sera  pas  complet,  l'œuvre  de  Boeckn  continuera  à.  être  d'un  usage 
journalier  pour  tous  les  savants  qui  s'occupent  de  l'antiquité  grect^ue.  Malheu- 
reusement, aucune  table  ne  facilitait  les  recherches  dans  ces  <|uatre  im- 
menses in-folios.  Depuis  1859,  époque  delà  publication  du  dernier  fascicule  du 
tome  IV,  on  réclamait  en  vain  des  tables  analogues  à  celles  qui  se  trouvent 
dans  chaque  volume  duC.  [.  D.  M.  Herm.  Roehl  vient  enfin  de  combler  cette 
lacune,  et  l'on  ne  peut  que  le  remercier  du  service  qu'il  a  rendu  par  là  à 
la  science;  car,  par  suite  de  cette  lacune,  l'œuvre  de  Boeckn  était  jusqu'à 
ce  jour  inabordable.  (Berlin,  Reimer,  1877,  in-fol.  de  167  p.,  15  fr.) 

L'Établissement  de  l'imprimerie  dams  le  Vivarais.  —  M.  Henry  Vaschalde, 
administrateur  de  rétablissement  thermal  de  Vais,  officier  d'Académie, 
membre  de  plusieurs  sociétés  savantes,  s'est  fait  connaître,  en  ces  dix  der- 
nières années,  par  une  vingtaine  de  publications,  presque  toutes  consacrées 
au  Vivarais.  Les  plus  récentes  de  ces  publications  sont  :  Croyances  et  supers- 
titions populaires  du  Vivarais  (181 Q);  Histoire  des  poètes  du  Vivarais  [1811)  ; 
TJnc  inscription  languedocienne  du  quinzième  siècle  à  Largentière  (1811)  ;  enfin 
Établissement  de  Vimprimerie  dans  le  Vivarais,  illustré  de  marques  typogra- 
phiques (Vienne,  1811,  grand  in-folio  de  33  p.).  Toutes  les  publications  de 
M.  Vaschalde  sont  recommandables  à  divers  titres,  mais  cette  dernière 
mérite,  —  surtout  dans  une  revue  bibliographique,  —  une  recommandation 
particulière.  C'est  un  tirage  à  part  très-soigné  (à  cent  exemplaires)  de 
savants  articles  qui  ont  paru  dans  la  Revue  du  Dauphiné  et  du  Vivarais. 
M.  Vaschalde  s'occupe  successivement  des  premiers  livres  imprimés  à  Tour- 
non  (seizième  siècle),  à  Bourg-Saint-Andéol  (dix-septième  siècle),  à  Privas, 
à  Viviers,  à  Annonay,  au  Camp  de  Jalès  (dix-huitième  siècle),  à  Lar- 
gentière et  à  Aubenas  (dix-neuvième  siècle).  L'auteur  a  réuni  avec  beaucoup 
de  zèle  et  discuté  avec  beaucoup  de  sagacité  tous  les  renseignements  qu'il  a 
pu  se  procurer  sur  les  productions  des  presses  du  Vivarais.  Sa  notice,  que 
complète  à  merveille,  comme  il  nous  en  avertit  avec  une  aimable  modestie 
(p.  10,  note  1),  un  travail  sur  Vimprimerie  à  Tournon,  que  M.  A.  de  Gallier 
publie  présentement  dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'archéologie  de  la  Drôme, 
sa  notice,  dis-je,  où  les  inarques  typographiques  de  Thomas  Soubron,  de 
Claude   Michel,  de  Guillaume  Linocier,   de   Thomas  Bertrand,  de    Michel 


—  87  — 

(Estienne),  etc.,  sont  admirablement  reproduites,  doit  être  mise,  dans  toute 
collection  de  bibliophile,  à  côté  du  Manuel  du  libraire,  avec  ces  autres  excel- 
lents recueils  dont  on  a  dit  ici  tant  de  bien,  les  Origines  de  l'imprimerie  en 
Guyenne,  par  Jules  Delpit,  et  l'Établissement  de  l'imprimerie  dans  la  province 
de  Languedoc,  de  M.  Desbarreaux-Bernard.  —  T.  de  L. 

Les  Origines  linguistiques  de  l'Aquit.uxe.  —  M.  A.  Luchaire,  ancien  élève 
de  l'École  normale,  professeur  d'histoire  au  lycée  de  Bordeaux,  avait  traité, 
dans  sa  thèse  latine  pour  le  doctorat  es  lettres  un  sujet  aussi  difficile  qu'in- 
téressant (De  lingua  Aquilanica,  Paris,  Hachette.  1877,  in-8  de  iv-6o  p.).  Il  a 
traduit,  en  la  développant,  sa  remarquable  thèse  (Pau,  1877,  pr.  in-8  île 
72  p.).  Le  travail  de  AI.  Luchaire  avait  é/é,  sous  sa  pr^^mière  forme,  fort 
apprécié  par  les  professeurs  de  la  Sorbonne,  comme  par  un  de  nos  plus 
savants  archéologues,  M.  Desjardins,  qui  présenta  la  brochure  à  ses  con- 
frères de  l'Aca'lémie  des  Insciiptions.  Maintenant  que  ce  travail,  mis  en  bon 
français,  a,  de  plus,  élé  revu,  amélioré,  augmenté,  il  trouvera  auprès  de 
tous  les  lecteurs  le  plus  favorable  accueil.  L'auteur,  après  avoir  exposé,  dans 
son  Avant-propos  la  question  ibérienne,  s'occupe  dans  quatre  chapitres  excel- 
lents :  1°  de  la  langue  des  Aquitains,  d'après  le  témoignage  des  auteurs 
anciens  et  les  monuments  épigraphiques  de  la  région  pyrénéenne;  2o  de  la 
longue  basque  et  du  dialecte  gascon;  3°  du  lexique  ba'^que  et  du  lexique  gas- 
con ;  4"  des  noms  de  lieux  du  pays  banque  et  de  ceux  de  la  région  pyrénéenne. 
De  la  savante  et  habile  discussion  de  M.  Luchairfi,  il  résulte  (j'emprunte  ceci 
à  sa  Condusion,  p.  68)  que  la  langue,  des  Aquitains  était,  comme  l'idiome 
ibérieii  de  l'Espagne,  de  la  uiême  famille  que  celle  des  Basques  actuels;  que 
sou  domaine  s'étendait  à  peu  près,  du  temps  de  César  et  de  Strabon,  sur  la 
même  région  que  celle  où  l'on  parle  aujourd'hui  le  dialecte  gascon  ;  que  cet 
ancien  idiome,  supplanté  par  le  latin  populaire,  a  laissé  des  traces  de 
lui-même  dans  les  noms  propres  que  les  anciens  ont  cités,  dans  le  voca- 
bulaire et  la  constitution  phonique  du  gascon,  et  dans  les  noms  des  lieux  de 
la  région  pyrénéenne.  J'espère  bien  que  M.  Luchaire,  continuant  des  tra- 
vaux si  bien  commencés  et  qui  font  autant  d'honneur  à  sa  critique  qu'à  son 
érudition,  éclaircira,  autant  qu'elle  peut  être  éclaircie,  la  question  des  ori- 
gines de  la  partie  sud-ouest  du  continent  européen. 

Trois  brochures  de  M.  Tholin.  —  De  tous  les  anciens  élèves  de  l'École 
des  chartes,  M.  Georges  Tholin,  archiviste  du  département  de  Lot-et-Ga- 
ronne, est  un  de  ceux  qui  travaillent  le  plus  et  le  mieux.  Aussi  c'est  avec 
une  entière  confiance  que  j'appelle  l'attention  des  lecteurs  du  Polybiblion 
sur  les  trois  brochures  que  nous  donne  à  la  fois  le  jeune  lauréat  de  l'Insti- 
tut :  Aperçus  généraux  sur  le  régime  municipal  de  la  ville  d'Agen  au  seizième 
siècle  (Agen,  1877,  in-8  de  37  p.);  Notes  sur  les  stations,  lesoppidum,  les  camps 
et  les  refuges  du  département  de  Lot-et-Garonne  (Agen,  1877,  in-8  de  38  p.); 
Notes  sur  la  chasse  dans  l'Agenais  (Agen,  1877,  grand  in-8  de  36  p.).  Les 
deux  premiers  mémoires  sont  tirés  du  Recueil  des  travaux  de  la  Société  d'a- 
griculture, sciences  et  arts  d'Agen;  le  dernier  est  extrait  de  la  Revue  de  l'Agenais. 
Tous  les  trois  sont  pleins  d'intérêt.  Dans  le  premier,  apparaît  surtout  le 
paléographe,  qui  a  patiemment  dépouillé  et  clairement  analysé  les  docu- 
ments de  l'hôtel  de  \'ille  d'Agen,  documents  dont  le  plus  important,  un  code 
municipal  de  1609,  en  52  articles,  est  reproduit  in  extenso  (p.  21-37);  dans 
le  second,  apparaît  surtout  l'archéologue,  qui  a  exploré  avec  un  zèle  infati- 
gable toutes  les  communes  du  département  de  Lot-et-Garonne  et  qui  a  très- 
habilement  décrit  les  stations,  oppidum,  camps,  refuges  dont  jusqu'à  ce 
jour  aucun  antiquaire  du  pays  ne  s'était  pour  ainsi  dire  occupé  ;  dans  le 


troisième  mémoire,  nous  avons  devant  nous  un  homme  à  l'érudition  variée, 
qui  met  dans  sa  causerie  le  même  entrain  qu'il  apporte  à  la  chasse,  et  qui 
mêle  à  d'amusants  récits  d'instructifs  renseignements.  — T.  de  L. 

Le  Droit  du  seigneur.  — Un  beau  et  bon  recueil  qui  parait  en  Italie,  sous 
ce  titre  ;  Curiositae  ricerchedi  storia  5u&a/2Jma,  contient,  dans  sa  huitième  li- 
vraison et  sous  la  rubrique  Tesoretto  d'un  bibliofilo,  un  article  dans  lequel 
M.  Antonio  Manno  réfute  énergiquement  les  contes  qui  ont  été  débités  sur 
de  prétendus  droits  du  seigneur.  Dans  ce  même  article  M.  Manno  restitue  une 
pensée,  attribuée  parfois  à  Voltaire, —  qui  savait  bien  la  mettre  en  pratique, 
du  reste  —  à  son  véritable  auteur.  C'est  Bacon  qui  adit:  Audacler  calumniare^ 
semper  aliquid  hœret,  et  c'est  Beaumarchais  qui  a  répété  :  «  Calomnions  :  il 
en  restera  toujours  quelque  chose,  r. 

L'Inventaire  de  la  collection  Payen  .  —  M.  LéopoldDelisle  {La Bibliothèque  na- 
tionale en  1876,  Rapport  à  M.  le  Ministre  de  f  Inst7nictio7i  publique,  Pa.Tis,  Cham- 
pion, 1877)  annonçait  (p.  12)  que  le  classement  des  livres  et  documents 
rassemblés  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Montaigne  ayant  été  achevé,  l'inven- 
taire en  avait  été  dressé  par  M.  Richou,  bibliothécaire  de  la  Cour  de  cassa- 
tion, et  que  cet  inventaire  avait  été  imprimé  à  Bordeaux  par  les  soins  de 
M.  Jules  Delpit.  Voici  le  titre  complet  du  volume  mentionné  par  l'adminis- 
trateur général  de  la  Bibliothèque  nationale  :  Tablettes  des  Bibliophiles  de 
Guyenne.  Tome  IL  Inventaire  de  la  collection  des  ouvrages  et  documents  sur  Mi- 
chel de  Montaigne,  réunis  par  le  D^  J.-F.  Par/en  et  conserves  à  la  bibliothèque 
nationale,  rédigé  et  précédé  d'une  notice  par  Gabinel  Richou,  archiviste-paléo- 
graphe, conservateur  de  la  bibliothèque  de  la  Cour  de  cassation  (Bor- 
deaux, 1877,  in-8  de  xvii-396  p.)  L'inventaire  occupe  279  pages  :  le  reste 
du  volume  est  rempli  par  vingt-trois  lettres  inédites  de  Françoise  de  la  La- 
chassagne,  veuve  de  Michel  Eyquem  de  Montaigne,  découvertes  aux  archives 
départementales  de  la  Gironde  par  M.  Roborel  de  Climens  et  publiées  par 
M.  Jules  Delpit,  par  une  table  chronologique  des  faits  contenus  dans  l'in- 
ventaire et  dans  les  lettres,  enfin  par  une  table  alphabétique  des  matières. 
Le  D''  Payen  n'avait  pas  seulement  rassemblé  toutes  les  éditions  des  Essais, 
toutes  les  traductions  qui  en  ont  été  faites  en  allemand,  en  anglais, 
en  hollandais,  en  italien,  un  assez  grand  nombre  d'ouvrages  ayant  ap- 
partenu à  Montaigne,  poi'tant  sa  signature  ou  quelques  lignes  de  sa  main, 
la  plupart  des  ouvrages  des  parents,  amis  et  contemporains  de  Montaigne, 
un  nombre  encore  plus  considérable  d'ouvrages  se  rapportant  spécialement 
ou  incidemment  à  Montaigne,  à  ses  parents,  à  ses  amis  ;  il  avait  aussi  ras- 
semblé près  de  trois  cents  portraits  de  son  écrivain  favori  et,  ce  qui  est 
particulièrement  précieux,  une  foule  d'autographes  de  personnages  célèbres, 
contemporains  de  Montaigne,  autographes  parmi  lesquels  je  me  contenterai 
de  citer  ceux  du  duc  d'Albe,  de  siint  Charles  BoiTomée,  d'Antoine  de  Bour- 
bon, de  Charles  IX,  de  Henri  III,  de  Henri  IV,  des  ducs  de  Guise,  des  car- 
dinaux de  Lorraine,  des  princes  de  Condé,  de  Catherine  et  de  Marie  de 
Médicis,  de  Charles-Quint  et  de  Philippe  II,  des  papes  Clément  VIT,  Clé- 
ment VIII,  Innocent  IX,  Grégoire  XIII  et  Grégoire  XIV,  d'Elisabeth,  reine 
d'Angleterre,  etc.  Tous  ceux  qui  auront  à  consulter  Y Invetitaire  de  la  col- 
lection Payen  loueront  le  soin  extrême  avec  lequel  M.  Richou  l'a  rédigé,  et 
la  patriotique  générosité  avec  laquelle  M.  Jules  Delpit  l'a  fait  imprimer.  — 

T.    DE   L. 

Bibliographie  et  iconographie  des  œuvres  de  J.-F.  Regnard.  —  Sous  ce  titre 
vient   de   paraî're  (Paris,  Rouquelte,    1877.  in- 18,  de  61   p  ,  prix  :   j  fr.)  un 


—  89  — 

ouvrage  qui  mérite  d'élre  signalé  à  nos  lecteurs.  Les  éditions  isolées  et 
orlgnales  des  diverses  pièces  de  théâtre  sorties  de  la  plume  de  l'auteur 
du  Joueur  et  du  Légataire  universel  sont  décrites  minutieusement  et  de  visu; 
les  éditions  collectives  sont  ensuite  signalées  depuis  cellede  1698,  jusqu'à 
celle  publiée  en  1876  par  la  Librairie  des  Bibliophiles;  les  compositions 
destinées  au  théâtre  italien,  les  œuvres  diverses  et  voyages  sont,  de  même, 
l'objet  d'indications  scrupuleuses.  Un  travail  de  ce  genre  se  refuse  h  l'ana- 
lyse ;  nous  noterons  seulement,  en  passant,  une  supercherie  ou  un  trait 
d'ignorance  de  libraires  hollandais  (coutumiers  de  faits  semblables)  qui 
publiaient  hardiment  les  Folies  amoureuses  et  le  Légataire  universel  sous 
le  nom  de  Dancourt.  Dix  pages  du  petit  volume  que  nous  signalons  sont 
consacrées  à  l'iconographie  de  Regnard,  à  la  description  de  ses  portraits, 
au  nombre  de  treize  (tous  ceux  qui  sont  sérieux  paraissent  avoir  été 
faits  d'après  un  tableau  de  H,  Rigaud),  à  l'énumération  des  suites  de 
ligures  d'après  Borel,  Moreau,  Marillier,  Devenue  et  Dévéria.  Les  biblio- 
philes ne  sauraient  manquer  de  faire  le  meilleur  accueil  à  l'élude 
dont  nous  avons  transcrit  le  titre  ;  elle  est  annoncée  comme  devant 
être  suivie  de  recherches  analogues  relatives  aux  grands  écrivains  qui  font 
l'orgueil  de  la  France  :  Fénelon,  Bossuet,  Pascal,  La  Rochefoucauld, 
La  Bruyère,  La  Fontaine,  Boileau.  On  ne  saurait  ti'op  encourager  ces 
recherches  patientes,  inspirées  par  un  dévouement  sincère  et  qui  rendent 
modestement  de  très-utiles  services.  L'auteur  de  la  Bibliographie  de  Regnard 
a  gardé  l'anonyme,  mais  on  nous  a  confié  son  nom,  et  nous  ne  croyons  pas 
être  indiscret  en  le  trascrivant  ici  :  M.  Compaignon  de  Marcheville,  maître  des 
requêtes  au  Conseil  d'État. 

Un  petit-neveu  de  Chateaubriand.  —  Sous  ce  titre,  M.  Louis  Audiat  a  consacré 
une  spirituelle  et  attachante  notice  biographique  (Agen,  1877,  gr.  in-8  de 
3o  p.)  à  M.  de  Blossac(néle  20  août  1789,  dans  l'arrondissement  de  Saint-lMalo, 
mort  à  Saintes,  le  29  mai  1877).  Michel- Edouard-Marie  Locquet  de  Blossac 
descendait,  du  côté  maternel,  Je  la  famille  de  Bédée,  et  ce  fut  le  comte  de 
Bédée,  son  grand-père,  qui  bâtit,  à  peu  de  dislance  de  Plancouët,  le  châ- 
teau de  Monchoix,dont  il  est  si  agréablement  parlé  dans  les  Mémoires  d'outre- 
tombe.  La  mère  de  Chùbeaubriind  était  une  Bédée,  et  c'est  ainsi  que  M,  de 
Blossac  se  trouvait  le  petit-neveu  du  grand  écrivain.  M.  Audiat,  mêlant  à  ses 
propres  souvenirs  les  souvenirs  d'un  intime  ami  de  M.  de  Blossac,  M.  Hippo- 
lyte  Violeau,  raconte  avec  autant  de  fidélité  qui^,  de  talent  la  vie  de  cet  homme 
de  bien  qui,  sous  la  Restauration,  fut  un  administrateur  des  plus  distingué? 
et  qui,  noblement  tombé  en  1830,  passa  le  reste  de  si  vie  dans  une  retraite 
que  charmèrent  l'amitié  et  la  poésie.  M.  Audiat  cite  bon  nombre  de  vers  de 
M.  de  Blossac,  les  uns  fort  jolis,  les  autres  fort  beaux.  A  côté  de  ces  cita- 
tions heureusement  choisies,  on  trouve  de  piquantes  anecdotes  vivement 
racontées.  —  T.  de  L. 

Un  nouveau  catalogue  de  vente  a  prix  marqués.  —  Nous  avons  déjà  eu 
l'occasion  de  dire  quelques  mots  des  catalogues  de  livres  rares  et  précieux, 
à  prix  marqués,  publiés  par  la  librairie  Morgand  et  Fatout,  fort  connue  dans 
le  inonde  de  la  bibliophilie,  et  nous  pourrions  ajouter  dans  celui  de  la  biblio- 
manie.  Ces  messieurs  viennent  de  faire  paraître  un  nouveau  catalogue,  d'une 
étendue  forl  respectable,  et  qui  mérite  l'attention  des  amateurs  (384  pages, 
270o  numéros).  Certains  articles  sont  notés  à  des  prix  qui  attestent  la  hausse 
extraordinaire  qui  s'est  manifestée  depuis  quelques  années  sur  le  marché 
des  livres   précieux  ;  nous  citerons,  à  peu    près   au   hasard,  ]e?  Uorœ   bealx 


—  90  — 

Virginis,  petit  volume  grec  imprimé  par  Aide  Manuce,  à  Venise  en  1497, 
3,000  fr.  (n*  31)  ;  les  Essais  de  Montaigne,  Paris,  1588,  in-4,  4,000  fr.  (n»  15o); 
une  autre  édition  des  Essais,  Paris,  1669,  3  vol.  in-12  (exempl.  du  biblio- 
phile Longepierre,  fort  admiré  aujourd'hui),  0,000  fr.  (n°  101)  ;  Théâtre  de  P. 
et  Th.  Corneille  (Hollande)  1664-1678,  9  vol.  pet.  in-12,5,000  fr.  (no  1434); 
OEuvres  de  Molière,  Paris,  1666,  2  vol.  in-12,  0,000ïr.  (n"  1458)  (c'est  la  pre- 
mière édition  des  Œuvres  collectives  avec  pagination  suivie).  Quant  aux 
éditions  originales  des  comédies,  Y  Avare  est  offert  à  1,700  fr.;  les  Fourberies 
de  Scapinh  2,200,  ainsi  que  les  Femmes  savantes.  Ce  qui,  aux  yeux  du  biblio- 
graphe sérieux,  donne  un  prix  spécial  au  catalogue  dont  nous  parlons,  c'est 
que  certains  articles  sont  accompagnés  de  notes  parfois  étendues,  et  renfer- 
mant des  détails  intéressants  et  peu  connus.  C'est  ainsi  qu'au  sujet  de  l'édi- 
tion originale  de  Sganarelle  (Paris,  -1660,  n°  1491),  dont  on  ne  connaît  que 
huit  exemplaires  (dont  trois  à  la  Bibliothèque  nationale),  les  différences  qui, 
circonstance  singulière,  existent  entre  ces  divers  exemplaires,  sont  minu- 
tieusement relevés. 

Indiquons  aussi  (no  2446)la  note  relative  à  un  fort  rare  et  curieux  volume  : 
La  Joyeuse  et  magnifique  Entrée  de  Monseigneur  Francoys  fils  de  France,  duc 
de  Bradant  et  d'Anjou,  en  sa  renommée  ville  d'Anvers  (Anvers,  1382,  in-folio); 
n'oublions  pas  ce  qui  concerne  un  opuscule  satirique  de  1617  :  les  Figures 
delaPaulctte  (n»  2470),  et  un  autre  plus  récent,  daté  de  1783  :  Les  petits  sou- 
pers de  l'hôtel  de  Bouillon  (n°  2187).  Il  serait  facile  de  multiplier  ces  citations; 
mais  il  nous  reste  à  dire  un  mot  de  l'avant-propos,  lequel  renferme  des 
considérations  intéressantes  sur  les  variations  qu'a  éprouvées  en  France  le 
goût  pour  les  livres.  Au  siècle  dernier  (avant  les  orages  révolutionnaires) 
et  jusqu'en  182o  environ,  les  incunables,  les  belles  éditions  des  classiques 
grecs  et  latin?,  étaient  surtout  l'echerchés.  Le  moyen  âge  vient  à  la  mode; 
on  s'attache  aux  gothiques  français,  aux  éditions  de  nos  vieux  rimeurs,  aux 
romans  de  chevalerie  ;  les  éditions  originales  de  nos  classiques,  longtemps 
délaissés,  deviennent  ensuite  l'objet  d'un  engouement  dont  Charles  Nodier 
et  Armand  Berlin  donnent  le  signal,  et  qui  a  toujours  été  en  se  développant. 
En  18o4,  la  vente  de  Bure  donne  aux  amateurs  un  goût  très- vif  pour  les 
vieilles  reliures  ;  l'auteur  du  Manuel  du  Libraire,  J.-Cli.  Brunet  donne  en 
ce  genre  l'exemple  d'une  passion  violente;  plus  tard  commence  la  vogue  des 
ouvrages  illustrés  du  dixième-huitième  siècle  :  Eisen,  Marillier,  Gravelot, 
ont  donné  un  prix  exorbitant  aux  volumes  (souvent  dénués  de  tout  autre 
mérite)  que  recommandent  les  figures,  les  vignettes  gravées  d'après  leurs 
dessins.  MM.  Morgand  et  Fatout  sont  donc  autorisés  à  demander  3,000  fr. 
pour  une  collection  des  OEuvres  de  Dorât  en  18  volumes,  et  1,000  fr.  pour  le 
volume  des  Fables  de  ce  fade  rimeur. 

Encore  un  mot  :  c'est  une  erreur  qu'il  faut  'relever;  on  trouve  au 
n*  216  l'ouvrage  de  Raoul  Spifame  :  Dicœrchix  Henrici  régis  Progymnasta; 
il  est  en  français,  quoique  le  titre  soit  en  latin  :  c'est  un  recueil  d'édits 
supposés,  révélant  des  idées  neuves  et  hardies  pour  l'époque,  prophétisant 
d'utiles  réformes  qui  se  sont  parfois  accomplies,  mais,  ajoute  le  catalogue, 
«  il  en  coûtait  cher  en  ce  temps  pour  avoir  trop  d'esprit;  livres  et  auteurs 
furent  brûlés  en  place  de  Grève  en  1537. 

Heureusement  pour  Spifame,  il  ne  fût  nullement  brûlé;  il  mourut  tran- 
quillement àMelun,  en  1363  ;  c'était  un  avocat  dont  le  cerveau  ne  fut  pas 
toujours  très-lucide. 

Il  n'est  pas  inutile  de  relever  cette  assertion,  car  elle  a  déjà  figuré  sur 
d'autres  catalogues,  notamment  sur  celui  de    M,  Ilenri  Bordes;  elle  se  re- 


—  91  — 

produit  de  confiance  et  elle  peut  très-bien  être  encore  copiée  bien  des  fois. 
Peut-être  Raval  a-t-il  confondu  avec  son  frère  Jacques-Paul  Spifame  qui, 
devenu  évêque  de  Nevers,  abjura  le  catholicisme,  fut  condamné  par  con- 
tumace a  être  pendu  (arrêté  du  Parlement  de  Paris,  13  février  1562)  et  qui, 
condamné  à  Genève,  fut  conduit  au  supplice  le  2a  mars  Io66.  (Voir  la  Nou^ 
velle  Biographio  générale,  Paris,  Didot,  tome  XLVI,  col.  329.) 

—  Nous  sommes  heureux  d'annoncer  la  publication  d'une  2e  édition  des 
Études  historiques  et  critiques  sur  le  rationalisme  contemporain  de  notre  émi- 
nent  et  si  regretté  collaborateur  le  R.  P.  Hyacinthe  de  Vairoger  (Paris, 
Lecoffre).  La  1"  édition  était  épuisée  depuis  longtemps.  Nous  devons  cette 
réimpression  aux  soins  pieux  du  frère  du  défunt,  M.  Achille  de  Vairoger, 
prêtre  de  Saint  Sulpice.  Le  volume  est  augmenté  de  divers  opuscules  et 
spécialement  d'un  grand  nombre  de  pensées  inédites  du  savant  oratorien. 

—  M.  Adrien  Arcelin  a  publié  récemment  dans  la  Revue  des  questions  scien- 
tifiques une  remarquable  étude  qui  se  recommande  à  l'attention  de  tous  les 
hommes  sérieux.  Elle  a  pour  titre  :  La  famille  et  l'hérédité  naturelle.  Il  re- 
cherche l'influence  de  la  loi  de  l'hérédité  au  point  de  vue  physique,  moral 
et  social.  11  s'adresse  pour  cela  aux  hommes  de  Siience  et  aux  hommes  pra- 
tiques. 11  montre  que  l'hérédité  sagement  appliquée  est  un  élément  essentiel 
du  progrès  dans  la  famille  et  dans  la  nation;  c'est  elle  qui  a  puissamment 
contribué  à  la  prospérité  de  l'ancienne  «ociété  française,  et  c'est  à  son 
abandon  systématique,  et  dans  la  théorie  et  dans  les  faits,  qu'il  faut  attribuer 
la  décadence  dont  nous  sommes  les  tristes  témoins. 

—  Une  nouvelle  revue  pédagogique  est  annoncée  comme  devant  paraître,  chez 
l'éditeur  Delagrave,  sous  la  direction  de  M.  Cli.  Hanriot.  Nous  lisons  dans 
son  prospectus,  que  «  c'est  de  J.-J.  Rousseau  surtout  que  dérivent  lesthéo- 
rips  modernes  d'éducation.  »  Cette  phrase  permet  de  préjuger  dans  quel 
esprit  la  revue  sera  rédigée  et  quelles  idées  elle  tendra  à  pi'opager. 

—  Nous  avons  déjà  parlé  d'im  gracieux  usage,  d-'S  publications  que 
provoque  en  llalie  le  mariage  d'un  ami  et  qui  d^ivienaent  des  cadeaux  de 
noces,  fcu  attendant  qu'elles  soient  l'objet  des  convoitises  du  bibliophile. 
Nous  avons  dit  q  le  le  mariage  diî  Glus^^p^ie  Pitre,  le  correspondant  italien  de  la 
Revue  des  questions  historiques,  et  l'auteur  de  tant  de  livres  justement  estimés 
sur  la  littérature  populaire  sicilienne,  avait  été  le  motif  de  l'impression  de  plu- 
sieurs opuscules  tant  au-delà  des  Alpes  qu'au-delà  des  Pyrénées.  Un  des  ré- 
dacteurs de  la  Renaixensa  a  voulu  aussi  faire  soucaleau  au  jeune  et  savant 
écrivain;  il  lui  a  adressé  de  curieuses  recherches  sur  les  cérémonies  nuptiales 
au  quatorzième  siècle  en  Catalogne.  L'auteur,  M.  An  Irea  Balaguer  y  Marino,  a 
f^iit  profiter  la  revue  barcelonaise  de  cette  étude,  qui  y  a  paru  sous  ce  titre  : 
De  las  costums  nupcials  catalanas  en  lo  segle  XIV,  et  qui  a  été  tirée  à  petit 
nombre,  brochure  de  20  pages  in-8,  imprenla  de   la    Renaixensa,   1877. 

—  Le  roi  de  Suède  a  mis  la  dernière  main  à  un  drame  lyrique  de  sa  com- 
position. Ce  sujet  est  tiré  de  1  histoire  de  sa  nation  ;  la  scène  se  passe  suc- 
cessivement dans  la  cathédrale  d'Upsa',  dans  le  bosquet  d'Odin,  et  dans  le 
vieux  palais  d'Upsal.  Ce  drame,  dont  la  musique  est  d'Ivar  Hallstrom,  est 
actuellement  en  répétition,  et  sera  prochainement  représenté. 

—  Le  D'  de  Villiers,  qui  prépare  à  Londres  la  reproduction  en  fac-similé 
par  la  gravure  et  la  photographie  de  l'édition  de  la  Bible  de  Gutenberg,  en 
deux  volumes  in-folio, vient  de  découvrir  la  signature  du  père  de  l'imprimerie 
au  dos  d'une    le'tre  d'indulgences  portant  la  date  de  lioi. 

— Les  Hymnes  de  l'Église  d^Irlande  viennent  de  paraître  en  un  vol.  in-4. 


—  92  — 

Cette  publication  intéresse  à  la  fois  la  liturgie  catholique  et  la  musique 
du  moyen  âge. Elle  est  suivie  d'un  index  bibliographique  donnant  l'historique 
de  chaque  pièce  et  de  chaque  auteur. 

—  La  Société  méckhitariste  de  Saint-Lazare,  à  Venise,  vient  de  publier  le 
texte  arménien  des  Assises  d'Antioche,  avec  une  traduction  française.  M.  Beu- 
gncA.enpuhliaintle^  Assises  de  Jérusalem  dans  les  Historiens  des  croisades, sup- 
posait  qu'un  recueil  identique  de  lois  avait  du  être  fait  pour  Antiuche  ; 
nous  en  avons  la  preuve  aujourd'hui  dans  le  texte  ai'ménien  qui  vient  de 
paraître. Le  manuscrit  des  Assises  d'Antioche,  est  du  quatorzième  siècle; il  a  été 
trouvé  dans  une  bibliothèque  particulière  d'un  Arménien  demeurant  à  Cuns- 
tantinople.  Cette  publication  est  du  plus  grand  intérêt  pour  l'histoire  des 
croisades. 

—  M.  Ambroi?e  Tardieu  vient  de  publier  un  ouvrage  dt;  luxe  et  d'érudi- 
tion tout  ensemble,  sous  ce  titre  :  Grand  Dictionnaire  biographique  du 
Puy-de-Dôme  avec  imc  galerie  da  160  portraits,  Moulin?,  C.  De-rosiers, 
(^r.  in-4),  avec  frontispice  gravé,  planche  de  fac-similé,  de  signature:'  des 
hommes  célèbres.  —  Cet  ouvrage  est  du  prix  de  2o  fr, 

—  M.  Vincenzo  di  Giovanni,  dont  le  Polyhiblion  a  tant  de  fois  entretenu  ses 
lecteurs,  a  fiit  paraître  deux  œuvres  intéressantes  :  Prelezioni  di  Filosof\ia{y-A- 
lerme,  1  vol.  in-12  de  333  p.,  prix  4  fr.),  et  une  élude  sur  Hartmann  etMi- 
celli  (Palerme,  même  adresse,  1877,  in-12  de  80  p.). Nous  ne  faisons  qu'annoncer 
ces  deux  publicalions  dont  sans  doute  il  seri  ici  même  rendu  compte  avec  le 
soin  que  méritent  tous  les  travaux  du  savant  professeur. 

—  La  Revista  /li.çiorimdeBircelone  fait  l'éloge  d'une  vie  de  Cervantes  écrite 
par  Don  Ramon  Léon  Mainer,  ouvrage  remarquable  par  sa  forme  littéraire 
comme  parles  nombreux  documents  qu'il  renferme. 

—  La  même  revue  parle  aussi  d'un  volume  intéressant,  composé,  par  Don 
Enrique  de  Legnina,  sur  Juan  de  la  Cosa,  pilote  et  compagnon  de  Christophe 
Colomb. 

Publications  nouvelles.  —  La  sainte  Bible  :  Les  prophètes.  Isaîe,  par  l'abbé 
nayle(iD-8,  Lethielleux). —  Les  Enchantements  du  monde  animal  dans  les  temps 
géologiques,  mammifères,  tertiaires,  itàr  A..  Gaudry(in-8,  Savy).  —  La  Monnaie 
dans  l'antiquité,  pdiY  Fr.  Lenormant  (2  vol.  in-8,  A.  Lévy). — Histoire  de 
sainte  Geneviève,  et  de  son  culte,  par  un  servileur  de  Marie  (in-8,  Pion).  —  Un 
nouveau  docteur  de  VÉglise,  saint  François  de  Sa/es.par  un  ecclésiastique  (in-8, 
Lyon,  JossHrand).  —  Le  Cardinal  de  Retz  et  Vaffaire  du  chapeau,  par  R.  Chan- 
telauze  (2  vol.  in-8,  Di'iier).  —  Le  Roy  des  ribauds,  par  Lud.  Pichon  (in-8, 
Claudin).  —  LaCour  et  l'Opéra  sous  Louis  XVI,  par  Adolphe  Jullien  (in-18, 
Didier).  —  Souvenirs  et  Mélanges,  parle  comte  d'IIaussonvilie  (in-8,  C.  Lévy). 

—  La  Question  de  Galilée,  les  faits  et  leurs  conséquences,  par  Henri  de  l'Épinois 
(,ia-i2,  Palmé).  —  Histoire  de  la  persécution  religieuseà  Genève  (in-12,  Lecoffre). 

-  Le  Bissentimemt  moderne  entre  l'Église  et  Vltalie,  par  l'ex-père  Curci  (in-8, 
Amyot).  —  La  Guerre  aux  Jésuites,  par  le  R.  P.  Félix  (br.  in-1 2,  Roger  et  Cher- 
noviz).  —  Le  R.-P.  A.  de  Ponlevoy,  parle  R.  P.  de  Gabriac.  II,  Opuscules  et  lettres 
(iri-')2  Rogor  et  Chernoviz).  —  Une  martyre,  poëme,  par  l'abbé  Buis  (in-8, 
Uhner).  —  Des  bienséances  sociales,  par  le  R.  P.  Champeau  (in-18.  Palmé).  — 
Les  Bas-Bleus,  par  J.  Birbey  d'Aurevilly  (in-18.  Palmé). —  Le  Maréchal  de 
Montmayer,  par  Ch.  Bjet  (in-18  j.,  Olmer).  —  Les  Étapes  d'une  conversion, 
Pierre  Blol,  par  P,.ul  Féval  (in-12,  Palmé).  —  Correspondance  àQ  Jules  Janin 
(in-18,  lib.  des  Bibliophiles),  Visenot. 


—  03  — 

CORRESPONDANCE 

Oibliogi'aphi4r     de     Oalilée 

(suite  et  fin). 
Anonyme.  Galilée  et  V Inquisition  romaine,  dans  rÉglise  des  12  et  19  février 

1863.  —  Barthélémy  (Charles).  Erreurs  et  Mensonges  historiques.  Paris,  1863, 
in- 12.  —  Cantor  (Moritz).  Galilco  Galilei,  dans  Zeilschrift  filr  Mathematik  und 
Physih\  déc.  1863.  —  Suell  (Cari).  Uebcr  Galilei  ats Begrlinder  der  Mechanis- 
chen  Physih  und  uber  die  Method  ederselben  (Sur  Galilée,  fondateur  de  la  phy- 
sique mécanique  et  sur  la  méthode  de  cette  Physique).  léna  1864.  —  Selmi. 
Nel  Irecentesimo  natalizio  di  Galilei.  Pisa  1864.  —  Anonyme.  Dans  Unita 
cattolica,  10  et  17  mars  1864.  Civiltà  cattolica^  5"  série,  t.  IX,  p.  722.  — 
Cantor  (Moritz).  Galileo  Galilei  dans  Zeitschrift  fur  Mathematik  und  Physih 
(9  Jahrgang,  3  Heft.  Leipzig,  1864).  —  Heiss,  dans  Literarischer  Handweiser 

1864,  p.  127.  —  Caruso  (Abbé).  La  Verità  su  Galileo.  Napoli,  1864,  in-8. 
—  Arduini  (Carlo).  La  Primogenita  di  Galileo  Galilei  rivelata  dclle  sue  lettere 
édite  ed  inédite.  Firenze,  186i.  — Cantor.  Galileo  Galilei  dams  Die  Grenzboten, 
1863,  t.  II,  p.  43S.  —  Bertrand  (Joseph),  Galilée  et  ses  travaux,  dans  \a,Eevue 
des  Deux  Mondes,  l"  novembre  1864,  p.  41-74,  et  dans  les  Fondateurs  de 
l'astronomie  moderne,  in-8,  Paris,  1865,  p.  177-267.  —  Vosén  (Christ. -Herm). 
Galileo  Galilei  und  die  romische  Berurlheilung  des  Copernicanischen  Systems, 
(Galilée  et  le  jugement  à  Rome  du  système  de  Copernic),  publié  par 
Broscidirenverein,  n°  o.  Francfort-sur-le-Mein,  186.i).  —  Trouessart.  Galilée, 
sa  mission  scientifique,  sa  vie  et  son  procès.  Poitiers,  186o.  —  Ward.  Art.  dans 
Dublin  Review,^  sept,  et  oct.  1863.  Traduit  par  M.  Belamy  dans  \q?,  Archives 
Ihéologiques,  mai-octobre  1866.  —  Bocix  (abbé).  La  Condamnation  de  Galilée, 
dans  la  Revue  des  sciences  ecclésiastiques,  féviner  et  mars  1866.  Tirage  à  part, 
in-8  de  64  pages.  Arras  1866.  —  Wagenmann.  Art.  dans  Jahrbi/ cher  fur 
deutsche  Théologie,  1866.  11  dec.  2  Ileft,  p.  381.  (C'est  une  critique  du  docteur 
Hermaii  Vosen).  —  Morin  (Frédéric).  Sur  le  procès  de  Galilée,  dans  VAvenir 
National  et  l'Observateur  (soi  disant)  catholique,  l"  déc.  1866.  —  Parchappe. 
Galilée,  sa  vie,  ses  découvertes  et  ses  travaux,  in-12  de  404  p.  Paris,  1866.  — 
Valson  (Adolphe),  Galilée,  dans  la  Revue  d'économie  chrétienne,  décembre  1863, 
janvier  et  février  1866. — Ponsard.  Galilée,  tragédie.  Paris,  1866.  —  Challemel- 
Lacour.  Article  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  mars  1867.  —  Chasles 
(Philarète).  Revue  des  cours  littéraires,  23  mars  et  13  avril  1867.  — 
Braghirolli.  Due  lettere  Galileo  Galilei.  Mantova,  1867,  in-8.  —  Gabriac 
(R.  P.  de).  Galilée  devant  la  science,  la  religion  et  la  littérature,  dans  les  Etudes 
religieuses,  historiques  et  littéraires,  avril  1867,  p.  328-368.  — Gaidoz  (Henri), 
dans  Revue  de  V instruction  publique,  16  et  22  mai  1867. —  Blanc  (Abbé),  dan» 
l'Opinion  du  Midi,  du  29  mai  au  7  juin  1867.  —  L'Épinois  (Henride).  Galilée 
so)i  procès  et  sa  condamnation,  d'après  les  documents  inédits  conservés  dans 
les  archives  du  Vatican,  dans  la  Revue  des  questions  historiques,  1"  juillet  1867 
(et  tirage  à  part,  Palmé,  1867,  in-8).  —  Allemand.  Le  Galilée  de  M.  Ponsard. 
Nimes,  1867.  —  Rallaye  (L.  de  la).  Galilée,  la  science  et  l'Église,  dans  la 
Revue  du  Monde  catholique,  10  juillet  1867.  —  Anon.  Signé  (Tau.),  dans 
The  Month,  sep.  4867.  —  Anon.  Dans  Literaturblatl,  1867,  p.  736.  — 
Doret  (R.  P.).  Art.  sur  Galilée  dans  les  Études  religieuses,  juillet  1868.  — 
IIeis.  bas  unhistorischc  des  dem  Galilei  in  den  Mund  gelegten  :  E  pur  si 
muove.  (Parole  non  historique  mise  dans  la  bouche  de  Galilée).  Munster, 
1868,    in-8.    —    Martin    (Th. -IL).    Galilée,   les  droits    de    la  science   et   la 


—  94  - 

méthode  des  sciences  physiques,  Paris,  1868.  —  L'Épinois  (Henri  de). 
Encore  im  mot  sur  Galilée.  Revue  des  questions  historiques,  i^'  octobre  1868. 

—  Figuier  ^l.ouis).  Galilée,  dans  les  Vies  des  savants  illustres  du  xvir  siècle. 
Paris,  1869.  —  Gilbert,  Le  Procès  de  Galilée,  dans  la  Revue  catholique  de 
Louvain,  et  tirage  à  part,  in-8.  Louvain,  1869.  —  Bondurand.  Art.  dans 
V Aigle  des  Cévennes,  20  juin  1869. — Gherardi.  Il  procrsso  di  Galileoriveduto 
sopi'a  documenti  di  nuova  fonte,  dissertation  lue  à  l'Acadômie  des  sciences  de 
Cologne,  le  20  mai  1869,  insérée  daas /{if  «te  Europea,  juin  1870,  en  brochure, 
Firenze,  1870,  traduit  dans  ZeîÏ5c/t?'//if  fur  Mathematik  und  Physik,  1871.  — 
WoHLWiLL(E.  ).  Der  Inquisitions  process  des  Galileo  Galilei. [Du  procès  de  Galilée 
devant  l'Inquisition),  in-12.  Berlin,  1870.  — Carbonnelle  (R.  P.)  dans  Études 
religieuses,  avril  1870; —  Govi  (Gilberto).  Intorno  a  tre  lettere  di  Galileo  Galilei 
puhhlicate  ed  illustrate  da  Gilberto  Govi.  Roma,  1870.  Extrait  du  Bullettino  di 
biUiographia  e  di  sloria  délie  scienze  matematiche  fisiclie,  t.  III,  juillet  1870.  — 
Anonyme.  The  private  life  of  Galileo,  in-12.  London,  1870.  —  Article  dans 
VAtheîixum  (anglais)  du  Ib  octobre  1870.  — Anonyme.  The  pontifical  decrees 
against  the  motion  of  ihe  earth  considered  in  their  bearing  on  the  theory  of 
advancedultramontanism.  London,  1870. —  Castelnao  (abbé).GaZj7fe,  in-8,  de 
136  p.  Alais,  1870. — Delvigne  (Ad.).  Galilée  elle  Saint-Office,  in-i8,  Bruxelles, 
1871. —  Cantor  (Moritz).  Recensionea  ilber  die  1870  erschienenen  schriften  Wohl- 
ivill'  and  Gherardi  s,  dans  Zeitschrift  filr  Mathematik  (16  Jahrgang,  1  Heft) 
1  janvier  1871.  —  Gherardi  (Sylv).  Sulla  dissertazione  der  Inquisitions-process 
des  Galileo  Galilei  del  I)'  E.  Wohlwill,  dans  Rivista  Europea,  1  mars  1872» 
p.  119.  —  Olivier!  (R.  P.).  Di  Copernicoe  di  Galileo.  Écrit  posthume  publié 
avec  notes,  par  le  P.  Bonora.  In  8,  Bologna  1872. — Wohlwill  (E.).Zî<?n  Inqui- 
sitions-process  des  Galileo  Galilei  (Sur  le  pro  es  de  l'Inquisition  de  Galilée), 
dans  Zeitschrift  fur  Mathematik,  1872,  2  Heft.  —  L'Epinois  (H.  de).  Dernières 
publications  sur  Galilée, dans  laRevue  des  questions  historiques,]  juillet  1872. 

—  Friedlein.  Zum  Inquisitions-process  des  Galileo,  dans  Zeitschrift  fïir  Mathe- 
matik und  PJiysik,  i812,  3  heft,  p.  41-4o.  — Gilbert.  Galilée,  dans  Revue 
catholique  de  Louvain,  déc.  1872.  —  Govi.  Il  Satil-Office.  Copernico  et  Galileo 
In-8,  Torino,  1 872.  — Riccaedi  (R.)  Di  alcune  recenti  memorie  sul  processo  e  sulla 
condanna  di  Galileo.  In-8.  Modena,  1873. —  Anon.  Dans  Lilteralurblatt,  1873- 

—  WoLYNSKi  (Arthui-).  Relazioni  di  Galileo  Galilei  colla  Polonia,  dans  YAr- 
chivio  storico  italiano,  1872,  oaet  6*  disp.  1873,  1'  disp.,  ou  t.  XVII  p.  131 
et  t.  XVIII,  p.  3.  Réimprimé  dans  la  Diplomazia  toscana  e  Galileo  Galileio 
In- 8,  Firenze,  1874.  —  Boncompagni  (B.).  Intorno  ad  ulcune  note  di  Galilei, 
Galilei  ad  un  opéra  diG.B.  Morijio  dans  Bullettino  di  biUiographia  e  di  storia 
délie  scienze  matematiche.  In-4,  1873,  t.  VI.  —  Gcasti  (G.).  Le  Relazioni  di 
Galileo con alcuniPratesi,  dans  Archivio storico  italiano,  l^^  disp.,  1873,  p. 32-75. 
L'Épinois  (Henri  de).  Une  protestation,  dans  Revue  des  questions  historiques, 
octobre  1873. —  Gerstenberg.  Galileo  Galilei.  ln-4,  Rendsburg,  1874.  —  Buch- 
mann  (J.).Dans  Vermischte  Aufsûtze.  Iu-8,  Breslavia,  1874. —  PoRENA(Filippo). 
BansVArchivio  stoiHco  italiano,  Q^  dis^i.^,  1875,  p.  500-518. —  Govi  (Gilbert). 
Galileo  e  i  matematici  del  collegio  romano  nel  1611.  Roma,  1873.  Extrait  de  Atti 
délia  reale  Accademia  dei  Lincci,  série  2,  t.  II,  p.  8.  —  Reusch.  Der  Galilei' sche 
Process,  dans  Ilistorische  Zeitschrift,  1875,  n"  3,  p.  121-143.  —  J  Morël 
(abbé)  dans  la  Somme  contre  le  catholicisme  libéral,  t.  IL  —  Santé  Pieralis 
(Abbé)  Urbano  VIII  e  Galileo.  In-8,  Roma,  1873.  —  Reitlinger  (E).  Galileo 
Galilei.  Berlin,  1875.  —  Berti  (A).  Copernico  e  le  vicende  del  sistema 
copernicano.  iu-8,  Roma,  1876.  —  Gebler  (Karl  von).  Galileo  Galilei  und  die 
Romische  Curie.  Ia-8,  Stuttgart,  1876.  —  Berti  (A.).   Il  processo  di  Galileo 


—  9o  ~ 

Galilei.  In-8,  Roma,  1876. —  Cantor  (Moritz).  Dans  Allgemeine  Zeitung,  1876, 
n*  93,  et  94.  —  Axon.  Dans  Civiltà  cattolica,  20  mai  1876.  —  Gebler  (Karl 
von).  //  processo  di  Galilei,  dans  Nuova  Antolocjia,  sept.  1876.  Tirage  à  part 
de  17  pages.  —  Santé  Pieralisi  (Abbé).  Correz-ioni  al  lihro  Urbano  VIH,  e 
Galileo  Galilei,  proposet  daW  autore.  Ia-8,  30  septembre  1876.  —  Mézières(A). 
Le  Procès  de  Galilée,  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  1"  octobre  1876, 
p.  6io-663.  —  G.  0.  Dans  Archivio  storico  italiano,  1876.  oadisp. —  Combes 
(Louis).  Galilée  et  l'Inquisition  romaine.  Paris,  librairie  républicaine,  1876, 
in-32. — Reville  (Albert).  Dans  la  Flandre  libérale,  16  octobre  1876.  — 
IIeis,  dans  Annales  de  la  Société  scientifique  de  Bruxelles,  2*  partie,  p.  201. 
Bruxelles,  1877.  —  Gilbert.  La  Condamnation  de  Galilée,  dans  la  Revue  des 
questions  scientifiques,  1877,  avril  et  juillet.  —  L'Épinois  (Henri  de).  Les  Pièces 
du  procès  de  Galilée.  In-8,  Rome  et  Paris,  1877.  —  Woly.xski  (Art.)  :  Fr.  de 
Noailles  et  Galilée,  dans  iltr/ito  Europea,  août  1877.  —  Gebler  (Karl  von)  Die 
Acten  des  GatileVschen  Processes,  [n-8,  Stuttgart,  1877.  —  Desjardins  (le 
P.  Eugène).  Encore  Galilée.  In-8,  Pau,  1877,  —  Sandret  (L.).  Le  Manuscrit 
original  du  procès  de  Galilée  dans  la  Revue  des  questions  historiques, 
octobre,  1877.  H.  de  l'Épinois. 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS 
Murât,  roi   de   IVaples,  — 

Où  ti'ouver  des  renseigneineals  sur 
l'histoire  des  Bourbons  de  Naples  en 
Sicile,  pendant  que  Murât  occupait 
le  trône  de  Naples?  et  spécialement 
sur  le  projet  de  nouvelks  Vêpres  si- 
ciliennes, attribué  à  la  reine  Caro- 
line et  dont  les  Anglais  devaient  être 
victimes  ?  J.  G. 

L<es  Rossett.  —  Où  peut-on 
trouver  des  renseignements  sur  la 
noblesse  du  Dauphiné  et  en  particulier 
sur  les  Rossett,  qui  ont  ligure  aux 
croisades  et  ont  donné  un  évoque  au 
siège  de  Grenoble, si  je  ne  me  trumpe. 

J.  G. 

Vie  de  Louis  X.VII.  —  La 
Vie  de  Louis  XVII,  par  M.  de  Beau- 
chesne,a-t-c:lle  été  traduite  en  anglais 
et  en  allemand  ? 

Un  livre  du  I*.  Coyssard.  — 

Pourrait-on  dire  s'il  existe  dans  une 
bibliothèque  publique  ou  privée  des 
exemplaires  de  cet  ouvrage  :  Histoire 
abrégée  de  Notre-Dame  de  Vassivières, 
près  du  Grand-Mont-Don  en  Auvergne, 
par  Le  R.  P.  Michel  Coyssard,  de  la 
compagnie  de  Jésus,  volume  in-12, 
imprimé  à  Lyon,  en  1613,  chez  Mu- 
guet? A.  T. 

Parisiens  célèbres.  —  Quels 
sont  les  ouvrages  ks  plus  utiles  qu'il 


faut  consulter  si  l'on  veut  former  la 
suite  (Jes  Parisiens  célèbres  ou  dignes  de 
mémoire  (à  part  les  Biographies  géné- 
rales, spécialement  celle  publiée  par 
Didot  eu  43  vulumes  in-8)?  Existe- 
t-ii,  notamment,  une  Biographie 
théâtrale,  depuis  les  temps  le=;  plus 
reculés  jusqu'à  nos  jours.  Quelle  est 
la  meilleure  et  plus  complète  publi- 
Cntiou  sur  les  acteurs  et  actrices  de 
Paris  ?  Exisle-t-il,  actuellement,  à 
Paris ,  des  cuUectionneurs  ou  des 
érudits  qui  ont  formé  une  suite  de 
portraits  gravés  ou  lithogi  aphiés  re- 
représentant des  Parisiens  ?    A.  T. 

RÉPONSES 

A.nuales  I>reves  ordinis 
Praemonstratensis  (XX,  286, 
383).  —  L'ouvrage  ainsi  décrit  dans 
le  catalogue  Secousse,  in-8,  1753, 
n"  1104  :  Fr.  Maubitii  du  Pre,  Anna/es 
brèves  ordinis  Prœmonstratensis,  Am- 
biani,  lOio,  in-12,  est  encore  indi- 
qué dans  la  Biographie  universelle 
(de  Furne,  1833,  t.  H,  art.  3,  Dupré, 
Maurice),  mais  il  doit  être  fort  rare, 
car  il  ne  se  trouvait  pas  dans  la  bi- 
bliothèque deTancien  cûef  et  général 
de  l'Ordre  de  Préaiontré,  l'abbé 
Lécuy,  mort  à  Paris,  le  22  avril  1834. 
Éd.  Sénemaud. 

Xribunaux.  de  basse  I^oi 
(IV,  94).  Un  de  nos  confrères,  dirtc- 
lement  interrogé  sur  celte  question. 


96  — 


nous  fait  remartiuer  qu'on  ne  con- 
naît qu'un  Neuville,  sans  épithète, 
canton  du  Quesnoy,  arrondissement 
d'Avesnes.  11  veut  bien  ensuite  nous 
donner  les  renseignements  qui  sui- 
vent : 

«  Je  ne  possède  aucun  document  sur 
ce  tribunal,  et  je  n'ai  rien  trouvé 
qui  confirme  son  existence.  Mais,  dans 
beaucoup  de  villes  du  nord  delà  France, 
on  trouvait,  au  moyen  âge  et  même 
jusqu'au  xvar  siècle,  des  tribunaux 
remplissant  un  rôle  analogue.  Les 
juges  étaient  des  pacificateurs  dont 
l'origine  remontait  à  la  Paix  de  Dieu. 
L'abbé  Debaisnes,  aujourd'hui  arcbi- 
visle  du  département  du  iNord,  s'ex- 
prime ainsi  dans  son  Essai  sur  le 
Magistrat  de  Douai  (Coll.  des  mémoires 
lus  à  laSorbonne  en  1869)  :  «  Dan; 
les  siècles  encore  voisins  de  la  bar- 
bari^%  lorsque  des  baines  implacables 
divisaient  souvent  les  familles  de  la 
même  cité  et  de  la  même  contrée, 
la  création  des  Faiseurs  ou  pacilica- 
teurs,  avait  élé  une  institution  émi- 
nemment utile  et  chrétienne.  Ces 
sages  magistrats  ordonnaient  à  celui 
dont  on  redoutait  la  haine  et  la  ven- 
geance de  comparailre  devant  leur 
tribunal  établi  dans  la  chapelle  même 
de  la  halle  -,  et  là,  au  pied  de  l'autel, 
ils  lui  demandaient  si  nul  habitant 
de  la  cité  n'avait  rien  à  craindre  de 
lui.  En  cas  de  division, ils  faisaient  pro- 
mettre une  trêve,  qui  étiit  jurée  sur 
l'Évangile  ;  souvent  même  ils  ména- 
g'  aient  dans  le  lieu  saint  une  entre- 
vue entre  les  deux  partis,  et  l'on  vit 
d^s  ennemis  irréconciliables  se  par- 
donner mutuellement  et  se  donner  le 
baiser  de  paix  en  présence  de  ce  tri- 
bunal. Des  luis  sévères  avaient  été 
portées  contre  ceux  qui  violaient  la 
loi  jurée  devant  les  Faiseurs.  Cette 
institution  devint  moins  utile  lorsque 
les  moeurs  s'adoucirent,  et  nous 
voyons  que,  en  loo8,   trèi-peu  d'af- 


faires  furent    portées  à  ce  tribunal 
pacilicateur.  » 

luSk  Dépopulation (XX,  5o7). — 
Dans  un  volume  des  Francs  propos, 
recueil  qui  parut  à  Metz,  faisant 
suite  aux  Varia,  publiés  à  Nancy, 
on  peut  lire  un  travail  sur  la  Dépopu- 
lation des  campagnes  ;  il  n'est  pas 
signé,  mais  nous  croyons  que  sou 
auteur  est  M.  Jules  Lejeune.    Th.  P. 

I.e  poëtc  IV.  Fonteny  (XX,  463). 
—  A  défaut  de  ses  poésies,  voici  les 
titres  de  quatre  de  se 5  opuscules  se 
trouvant  à  li  Bibliothèque  nationale, 
1"  A  Mgr  le  Chancelier,  sur  la 
continuation  de  la  proposition  qui 
lui  a  été  mise  en  main...  par  Nicolas 
Fonteny.  Paris,  v«  Jean  Regnol. 
1614,  in-8,  pièce  (23  pp.);  —2*  Re- 
quête présentée  à  la  Cour,  sur  l'in- 
vacance  de  tous  les  offices  du 
royaume,  proposée  au  conseil,  et  ce 
pour  faire  voir  l'équité  de  celle 
proposition,  à  comparaison  de  celle 
qui  a  été  nouvellement  mise  en  évi- 
dence. A  Nosseigneurs  du  Parlement 
(Signé  Fonteny).  Paris,  v»  H.  Velat  et 
P.  Minsin  (s.  d.,  vers  1620),  in-8, 
pièce.  —  3°  Discours  et  continuation 
apologétique  de  la  proposition  faite 
au  x'oi  ei  à  Nosseigneurs  de  son 
conseil  d'Étal,  par  xM* Nicolas  Fonteny, 
sui'  l'invacance  perpétuelle  et  suc- 
cessive de  tous  les  ofiices  casuels  du 
royaume,  tant  de  judicalure  et  fi- 
nances qu'autres,  c'est-à-dire  sur  le 
fait  de  l'abolition  de  la  rigueur  des 
40  jours  auxquels  lesdits  offices  ca- 
suels ont  été  assujettis,  depuis  le 
règne  de  François  II  jusques  à  main- 
tenant (1621),  in-4,  pièce.  —  Eidin, 
4*  Proposition  d'un  septiesrae  admi- 
rable, consacré  à  Mgr  l'éminentis- 
tissime  cardinal  duc  de  Richelieu... 
Paris,  I.  Brunet,  163o,  in-4  (der- 
nière pièce  citée  d'après  une  carte, 
non  de  visu) .  Sch. 


ERRATA. 

ToDîe  XX,  p.  524,  ligne  20,  au  lieu  de  publie,  lisez  publié; 

—  Ligne  34,  au  lieu  deSahagues,  lisez  Sahagun. 

—  Page  554,  ligne  24,  au  lieu  de  Revue  de  philosophie,  li> 


Le  Gérant 


ez  Revue  dephilologie. 
L.  Sandret. 


Saint-Quentin,  —  Imprimerie  Jdles  Moureau, 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 

PUBLICATIONS  RÉGENTES  SUR  L'ÉCRITURE  SAINTE 

Bibbia  Fecle  e  Scienza  ossia  lezioni  bibliche  sulla  cosmogonia  mosaica,  del  canoaico  teologo 
FuANGESGO  MiGLiOK,  protoiiotario  iipostolico,  socio  acadeniico  dell' Arcadia  di  Roma. 
Parme.  Fiaccadori,  1875-1877,  3  vol.  in-8  (t.  1er,  '-'«  édit.)  de  232,  317  et  189  p. 
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dans  leurs  rapports  avecla  création).  Eine  empirische  Krilik  der  mosaischen  Urgeschichte, 
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Jean-d'Estienne.  Paris,  Gauthier- Villars,  1878,  in-8,  de  141,  19  et  IG  p.  Prix  :  2  fr.  50. 
—  Die  biblische  Sch'opfungsgeschichte  und  ihr  Verhaltniss  zu  den  Ergebnissen  der  Natur- 
forschung.  [L'Histoire  biblique  de  la  Création,  dans  ses  rapports  avec  les  sciences  natu- 
relles.) Von  D'  Fr.  Hei.nrich  Reusgh.  Bonn,  E.  Weber,  1877,  in-8  de  vi-198  p.  — 
Zur  Authentie  und  Integrit'dt  des  Mosesliedes.  (Deut.,  eh.  xxxii.)  De  l'authenticité  el 
de  l'intégrité  du  Cantique  de  Moïse.)  \on  dem  Religionslehrer  D""  Theol.  Carl  FlôC- 
KNER  (Zehnter  Jahresbericht  des  Stiidtischen  Katholischen  Gymnasiums  zu  Beuthen 
O.-S.  liber  das  Schuljahr  1875-1876.)  Beuthen,  Goerlich  &  Coch,  1876,  in-4  de 
48  et  22  p.  Prix  :  6  fr.  50.  —  La  Sainte  Bible,  texte  delà  Vulgate,  traduction  fran- 
çaise en  regard,  avec  commentaires  théologiques,  moraux,  philologiques,  histo- 
riques, etc.,  rédigés  d'après  les  meilleurs  travaux  anciens  et  contemporains.  Les 
Juges  et  Ruth,  introduction  critique  et  commentaires,  par  M.  l'abbé  Clair,  prêtre  du 
diocèse  d'Autun,  traduction  fran^-aise,  par  M.  l'abbé  Bayle,  docteur  en  théologie  et 
professeur  d'éloquence  sacrée,  à  la  faculté  de  théologie  d'Aix.  Paris,  Lethielleux, 
1878,  in-S  de  184  p.  Prix:  3  fr.  60. —  Die  Bûcher  Esdras,  Nehemias  und  Eslher,  aus 
dem  Urtexte  ûbersetzt  und  erkliirt  [Les  Livres  d'Esdras,  de  Néhémie  el  d'Esther,  tra- 
duits du  texte  original  et  expliqués.)  Von  D'  B.  NeteleR.  Miinster,  Theissing,  1877, 
in-8  de  viu-256p.  — Das  Buch  Tobias,  ûbersetzt  und  erkl'àrt.  (Le  Livre  de  Tobie  tra- 
duit et  expliqué.)  Von  D'  G.  Gutberlet.  Mit  oberhirtlicher  Approbation.  Miinster, 
Theissing,  1877,  in-8  de  viii-3d5  p.  —  Théologie  der  Propheten  des  Allen  Testamentes. 
(La  Théologie  des  prophètes  de  l'Ancien  Testament.)  Bearbeitet  von  D'  Herma.nn  Zschokke, 
K.  K.  Hofkaplan  und  o.  ô.  Professor  der  Théologie  an  der  K.  K.  Universitât  ia 
Wien.  Mit  oberhirtlicher  Genehmigung.  Fribourg  en  Brisgau,  Ilerder,  1877,  in-8  de 
XiH-624  p.  —  Das  heiligen  Hippolytus  von  Rom  Commentar  zum  Bûche  Daniel.  (Com- 
mentaire du  liore  de  Daniel,  par  S,  Eippolyte  de  Rome.)  Ein  literarischer  Versuch 
von  Otto  Bardenheweh,  Doctor  der  Philosophie  und  der  Théologie,  Priester  der 
Erzdiocese  Coin.  Fribourg  en  Brisgau,  Herder,  1877,  in-8  de  iv-107  p. —  Einleitung 
in  das  hene  Testament.  (Introduction  au  Nouveau  Testament.)  Von  D'  M.  V,  Aberle, 
ord.  Professor  der  katholischen  Théologie.  Herausgegeben  von  D'  Padl  Scha>'Z,  ord. 
Professor  der  kath.  Théologie  an  derUniversitiit  Tiibingen,  Fribourg  en  Brisgau, 
Herder,  1877,  in-S  de  xii-311  p.  —  Les  Paraboles  évangéliques,  instructions  et  homé- 
lies prèchées  à  Sens  (Yonne),  par  Mgr  Picuenot,  archevêque  de  Ghambéry.  Paris, 
Bray  &  Retaux,  1877,  in- 12  de  111-48.1  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Zur  johanneischen  Frage. 
(La  Question  de  CEvangilt  de  saint  Jean.)  Beitr'dge  zur  Wiirdigung  desvierlen  Evangeliums 
gegenilber  den  Angriffen  der  kritischen  Schule,  von  D'  Willibald  Beysciilag.  Erwei- 
teter  Separat-Abdruck  aus  den  «  Theologischen  Studien  und  Kritilcen  »  Gotha,  F, 
A.  Perthes,  1876,  iu-8  de  XVI-2G0  p,  —  Valeur  de  l'assemblée  qui  prononça  la  peine 
de  mort  contre  Jésus- Christ,  par  MM.  les  abbés  Lêmann.  Paris,  Poussielgue,  1876,  in-8 
de  tv-103  p.  Prix  :  2  fr.  50.  —  Dictionnaire  de  la  Bible,  ou  explication  de  tous  les  noms 
propres  historiques  et  géographiques  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  par  E.  SpOL, 
de  la  Bibliothèque  nationale.  Paris,  Gaume,  1877,  in-12  de  228  p.  à  deux  colonnes. 
Prix  :  4  fr.  —  Dictionnaire  topographique  abrégé  de  la  Terre-Sainte,  par  F.  de  Saulgy, 
membre  de  l'Institut,  Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Paris,  Vieweg, 
1877,  in-8  de  iv-324  p.  Prix  :  2  fr. 

La  question  de  Taccord  de  la  Bible  avec  les  sciences  naturelles  est 
une  de  celles  qui  attirent  aujourd'hui  le  plus   l'attention,  dans  toute 
Février  4878.  .  T,  XXII,  7 


—  98  - 

l'Europe.  Un  chanoine  italien,  M?»"  Francesco  Miglior,  vient  de  Tctu- 
dier  en  trois  volumes,  qui  ont  reçu  dans  sa  patrie  l'accueil  le  plus  fa- 
vorable. L'auteur  est  un  orateur  connu  en  Italie.  C'est  sous  forme 
oratoire  et  dans  des  discours  réellement  prononcés  qu'il  étudie  les 
rapports  de  la  Genèse  et  de  la  science.  Le  texte  sacré  est  le  fonde- 
ment d'où  il  part.  La  foi  lui  sert  de  guide  et  il  montre  que  la  science, 
dans  celles  de  ses  découvertes  qui  sont  prouvées  et  certaines,  n'est 
nullement  en  contradiction  avec  Moïse.  Parmi  les  savants  quh,  dé 
nos  jours,  ont  étudié  le  premier  chapitre  de  la  Genèse,  les  uns  n'ad- 
mettent pas  la  concordance  des  détails  contenus  dans  ce  chapitre  avec 
les  découvertes  scientifiques,  tout  en  admettant  l'inspiration  et  la 
véracité  de  Moïse  ;  ils  croient  que  le  tableau  de  la  création  génésiaque 
ne  raconte  pas  l'origine  complète  des  choses,  conformément  à  la 
manière  dont  elles  ont  été  produites,  d'après  les  savants  et  les  géo- 
logues, mais  nous  les  présentent  seulement  à  un  marnent  donné 
conformément  à  la  manière  dont  Dieu  a  jugé  à  propos  de  les  révéler 
soit  sous  forme  de  vision,  soit  par  tout  autre  procédé  surnaturel,  au 
législateur  de  son  peuple.  La  plupart  des  théologiens  soutiennent 
qu'il  y  a  concordance  entre  le  récit  sacré  et  la  géologie  et  que  le  pre- 
mier raconte  bien  la  production  des  êtres  dans  leur  ensemble,  telle 
qu'elle  s'est  accomplie  en  effet.  Mgi"  Miglior  est  de  cette  dernière 
opinion.  Il  s'étend  beaucoup  plus  sur  Texposition  du  texte  biblique 
que  sur  l'exposition  scientifique  ;  il  imite  même  volontiers  saint  Basile 
et  saint  Ambroise  dans  leurHexaméron  ;  il  consacre  aussi  plusieursdis- 
cours  à  des  sujets  purement  théologiques.  La  lecture  des  volumes  de 
Mgr  Miglior  est  agréable  et  facile.  Son  style  est  naturel,  coulant,  orné 
avec  sobriété.  Voici  Tindication  sommaire  des  sujets  traités  par  Mgr 
Miglior.  Dissertation  sur  la  divinité  des  Ecritures.  C'est  la  thèse  de 
doctorat  de  l'auteur,  soutenue  en  1864  à  la  faculté  de  théologie  de 
l'Université  de  Cagliari.  Dissertation  sur  l'ordre  surnaturel.  C'est  le 
travail  qui  a  valu  en  1866  à  l'auteur  la  dignité  de  chanoine  théologal 
à  la  cathédrale  de  Cagliari.  Suivent  une  exposition  du  psaume  139  et 
un  sermon  pour  le  concours  au  canonicat  théologique.  L'auteur  entre 
ensuite  directement  dans  son  sujet.  Après  quatre  discours  prélimi- 
naires, il  consacre  le  cinquième  à  la  Genèse.  C'est  là  le  contenu  du 
premier  volume.  Tout  le  second  volume  est  consacré  à  Texposition  de 
la  création.  Le  troisième  volume  traite  du  repos  divin,  du  paradis  ter- 
restre, de  l'extase  d'Adam,  du  péché  originel,  de  la  promesse  de  la 
rédemption,  de  l'exil,  de  la  mort  d'Abel  et  enfin  de  la  mort  d'Adam. 

—  Le  D"  Giittler  expose  d'une  part  les  idées  de  la  science  et  de 
l'autre  les  données  de  laBible,  pour  en  montrer  l'accord.  Il  cite  volon- 
tiers les  savants  les  plus  distingués  et  les  plus  compétents  ;  ses  cita- 
tions sont  naturellement  empruntées  à  l'Allemagne.  Il  étudie  succès- 


-  9!»   - 

sivement,  en  autant  de  chapitres,  la  formation  de  l'univers,  la 
formation  de  la  terre,  les  astres,  les  plantes  et  les  animaux,  Thomme, 
l'histoire  primitive  de  Fhomme,  le  déluge  de  Noé  et  enfin  la  chro- 
nologie. Il  prouve  fort  bien  la  concordance  du  récit  mosaïque  avec  les 
données  scientifiques,  mais  il  admet  certaines  restrictions. 

L'auteur  connaît  très-bien  toutes  les  publications  qui  ont  été  faites, 
au  moins  en  Allemagne,  sur  les  questions  dont  il  s'occupe.  (Il  ne  con- 
naît point  le  D'' MoUoj  ni  M.  Pozzj  ;  il  cite  Ms""  Meignan).  Un  des 
points  les  plus  intéressants  et  les  plus  instructifs  de  son  ouvrage, 
c'est  l'exposé  des  opinions  des  divers  savants  sur  chacun  des  pro- 
blèmes qu'il  étudie.  Grâce  à  cette  exposition,  son  livre  peut  être  con- 
sidéré comme  une  bibliothèque  de  la  matière. 

Voici  comment  il  résume  l'accord  de  la  science  et  de  la  Bible  :  Au 
commencement  était  la  matière  informe  dont  se  forma  le  Cosmos.  (Au 
commencement  Dieu  créa  le  ciel  et  la  terre.)  Le  globe  terrestre 
en  liquéfaction  était  privé  de  vie  organique.  (La  terre  était  vide.) 
Elle  était  enveloppée  de  vapeurs  et  tous  les  éléments  de  la  matière 
étaient  réduits  à  l'état  gazeux.  (Les  ténèbres  étaient  sur  la  face  de 
l'abîme  et  l'esprit  de  Dieu  était  sur  les  eaux.)  Les  vapeurs  dimi- 
nuèrent, et  la  lumière  diffuse  des  sphères  non-terrestres  éclaira  la 
terre.  (Dieu  dit  :  que  la  lumière  soit  et  la  lumière  fut.)  L'air  respirable 
se  forma  d'une  partie  des  éléments  gazeux,  pendant  que  l'autre  partie 
se  condensait  en  masses  liquides.  (Dieu  fit  le  firmament  et  sépara  les 
eaux  qui  étaient  sous  le  firmament  de  celles  qui  étaient  au-dessus  du 
firmament.)  La  formation  des  roches  azoïques  produisit  la  distinction 
entre  les  continents  et  la  mer.  (Dieu  dit  :  que  les  eaux  se  rassemblent 
et  que  l'aride  apparaisse  !)  Le  règne  végétal  se  développa  toutd'abord. 
(Dieu  dit  :  que  la  terre  produise  des  plantes  et  des  arbres.)  Pendant 
ce  temps,  la  lumière  trouva  dans  le  soleil  et  dans  les  astres  les  lumi- 
naires qui  devaient  l'émettre.  (Et  Dieu  fitles  deux  grands  luminaires, 
un  grand  pour  éclairer  le  jour  et  un  petit  pour  éclairer  la  nuit,  et  les 
étoiles.)  La  végétation  et  les  astres  préparèrent  les  voies  à  la  vie  ani- 
male qui  se  dévelojipa  graduellement,  de  même  que  les  plantes,  ani- 
maux aquatiques,  poissons  et  plantes  acotjlédones  ;  reptiles,  oiseaux 
et  monocotjlédones  ;  mammifères  et  dicotylédones.  (Dieu  créa  les 
animaux  qui  vivent  dans  la  mer  ;  les  reptiles  et  les  oiseaux,  les  qua- 
drupèdes.) Enfin  apparaît  l'homme. 

M.  Giïttler  a  dédié  son  livre  au  P.  Secchi.  Son  ouvrage  est  une 
œuvre  remarquable. 

—  M.  Jean-d'Estienne  n'étudie  pas  toutes  les  questions  qui  sont 
traitées  dans  le  livre  du  D'  Giïttler  ;  il  ne  s'occupe  que  de  la 
cosmogonie  proprement  dite,  mais  ?  peu  près  dans  le  même  sens  et 
dans  le  même  esprit,  en  se  prononçant  cependant  plus  fortement  pour 


—  100  — 

la  concordance  complète  du  récit  biblique  et  de  la  science.  Comment 
s'est  formé  l'univers  est  le  recueil  de  trois  articles  publiés  dans  l'excel- 
lente Revue  des  questions  scientifiques  de  Bruxelles.  Ils  ont  été  remar- 
qués lors  de  leur  publication,  et  l'auteur  a  été  bien  inspiré  en  les  réunis- 
sant en  brochure.  Son  travail  est  à  la  portée  de  tous  les  lecteurs  et 
l'on  ne  saurait  trop  le  recommander.  Il  suit  pas  à  pas  et,  pour  ainsi 
dire,  mot  pour  mot  le  texte  biblique,  et  il  le  venge  d'une  manière 
victorieuse  de  toutes  les  attaques  des  ennemis  de  la  foi.  Des  tableaux 
synoptiques,  placés  à  la  fin  du  travail,  le  résument  très-bien  et  per- 
mettent de  s'en  rendre  compte  d'un  coup  d'œil. 

—  ISHistoire  de  la  création  biblique ànB^Rensch  est  aussi  un  résumé, 
comme  l'opuscule  de  M.  Jean-d'Estienne,  mais  ce  résumé  embrasse  un 
plus  grand  nombre  de  questions.  Il  ne  se  borne  pas  à  traiter  la  créa- 
tion proprement  dite,  en  l'envisageant  dans  son  sens  le  plus  large  et  en 
s'occupant  de  la  théorie  des  générations  spontanées  et  du  darwinisme; 

mais  il  consacre  aussi  un  chapitre  à  l'unité  de  l'espèce  humaine, 
à  l'état  primitif  de  Thomme,  à  l'antiquité  de  l'homme  et  enfin  au 
déluge.  Tous  ces  points  sont  traités  avec  une  précision,  une  netteté 
remarquables.  Il  est  impossible  à  un  auteur  de  mieux  posséder  sa 
matière.  La  réputation  du  savant  qui  a  écrit  Bible  et  nature,  —  le 
présent  opuscule  n'est  guère  qu'un  extrait  de  la  quatrième  édition,  — 
est  d'ailleurs  européenne.  Son  livre  a  été  traduit  dans  presque  toutes 
les  langues  de  l'Europe  et  a  reçu  partout  l'accueil  le  plus  favorable. 
Il  est  difficile  de  trouver  ailleurs  des  renseignements  plus  sûrs,  des 
notions  plus  exactes  sur  l'état  de  la  science.  Il  n'en  est  que  plus 
regrettable  que,  surtoutdepuisqu'il  a  eu  le  malheur  de  se  révolter  contre 
le  concile  du  Vatican^  le  D''  Reusch  ait  atténué  outre  mesure  l'inspi- 
ration des  auteurs  sacrés  et  se  soit  rapproché  sur  ce  point  des  idées 
de  quelques  rationalistes.  L'auteur  n'admet  pas  non  plus  maintenant 
une  véritable  concordance  entre  la  Bible  et  la  science  de  la  nature  ;  il 
S'dmet  la  théorie  idéale,  qui  consiste  à  voir  dans  le  premier  chapitre  de 
la  Genèse  une  simple  manière  de  se  représenter  l'acte  de  la  création, 
non  tel  qu'il  a  eu  lieu,  en  effet,  mais  tel  qu'on  peut  l'imaginer  pour 
faire  une  description  de  notre  globe.  L'hexaméron  n'est  pour  lui  qu'une 
exposition  détaillée  d'un  important  article  du  Credo  :  Credo  in  unum 
Deum,  factorem  coHi  et  terrx.  Le  premier  chapitre  de  le  Genèse  est 
plus  que  cela,  il  est  aussi  l'histoire  de  l'origine  des  choses. 
Arrivons  maintenant  aux  commentaires  proprement  dits. 

—  Le  D''  Flockner,  professeur  au  gymnase  catholique  de  Beuthen, 
a  publié  un  excellent  travail  sur  l'authenticité  et  l'intégrité  du  Can- 
tique de  Moïse  que  nous  lisons  au  chapitre  xxxiidu  Deutéronome.  Un 
professeur  de  théologie  évangélique  de  Bonn,  A.  Kamphausen,  apublié 
en  1862,  une  monographie  sur  ce  même  cantique,  rfas  Lied  Mosis  erklàrt, 


Ni!. 


J 


—  un  — 

dans  laquelle  il  en  attaque  l'authenticité.  Il  prétend  qu'il  est  impossible 
de  le  faire  remonter  plus  haut  que  l'an  700  avant  Jésus-Christ,  et  dit  qu'il 
est  «  très- vraisemblable  »  qu'il  a  été  composé  dans  le  royaume  d'Israël. 
C'est  principalement  Kamphausen  que  M.  Flockner  réfute,  et  il  le  fait 
avec  succès.  Il  établit  solidement  l'intégrité  aussi  bien  que  l'authenti" 
cité  de  l'œuvre  de  Moïse.  Il  donne  du  cantique  une  excellente  traduc- 
tion, qui  en  fait  bien  comprendre  le  sens  en  même  temps  qu'elle  en 
fait  bien  sentir  la  valeur  poétique.  Un  seul  point  de  son  travail  nous 
paraît  contestable,  c'est  l'opinion  d'après  laquelle  le  Cantique  de  Moïse 
aurait  été  inséré  dans  le  Deutéronome  par  Samuel.  Nous  ne  voyons 
aucune  raison  péremptoire  qui  empêche  d'admettre  que  cette  insertion 
soit  l'œuvre  de  Moïse  lui-même.  Du  moins  est-il  plus  vraisemblable 
d'en  attribuer  l'introduction  dans  le  Deutéronome  à  celui  qui  a  raconté 
la  mort  de  Moïse  à  la  fin  de  ce  livre,  et  que  tout  porte  à  croire  être 
plus  ancien  que  Samuel. 

—  Le  commentaire  de  la  Bible  publié  par  l'éditeur  Lethielleux  s'est 
enrichi  d'un  nouveau  volume.  Il  renferme  le  livre  des  Juges  et  celui  de 
Ruth,  expliqués  par  M.  l'abbé  Clair.  L'introduction,  qui  est  appelée 
préface,  traite,  pour  le  livre  des  Juges,  du  sujet,  du  but  et  de  la  divi- 
sion du  livre,  de  son  authenticité,  de  son  intégrité  et  de  sa  véracité» 
des  principales  difficultés  concernant  la  chronologie,  l'histoire  de 
Gédéon,  le  vœu  de  Jephté  (l'auteur  admet  l'immolation  sanglante  de 
la  fille  du  juge  d'Israël)  et  l'histoire  de  Samson,  enfin  des  commen- 
taires. Pour  le  livre  de  Ruth,  M.  l'abbé  Clair  examine  le  sujet  et  le 
but  du  livre,  son  authenticité,  sa  véracité  et  sa  canonicité,  et  il  eh 
énumère  les  commentateurs  catholiques,  protestants  et  juifs.  Le  com- 
mentaire qui  accompagne  le  texte  est  bon,  solide  et  généralement 
suffisant.  Il  manque  cependant  quelquefois  d'ampleur,  et  l'on  désire- 
rait en  certains  endroits  plus  de  développements,  par  exemple,  dans 
l'appréciation  de  l'acte  de  Jahel,  tuant  Sisara,  etc.  Plusieurs  difficultés 
du  texte,  dans  le  chapitre  ix  des  Juges, ne  sont  pas  touchées. On  serait 
tenté  de  reprocher  au  commentateur  de  supposer  trop  d'intelligence 
et  de  connaissance  à  ses  lecteurs.  Ainsi,  pourquoi  ne  pas  expliquer 
directement.  Juges  viii,  2  le  Nonne  mcliorest  race  mus  Ephraini  vinde- 
miis  Abiezer? 

—  Le  D^  Neteler  est  un  des  exégètes  catholiques  les  plus  actifs  en 
Allemagne.  Il  s'est  occupé  déjà,  depuis  1869,  des  premiers  chapitres 
de  la  Genèse  et  de  l'Apocalypse.  Nous  avons  rendu  compte  de  son 
commentaire  sur  Isaïe.  Il  vient  de  publier  maintenant  un  commentaire 
sur  les  livres  d'Esdras  et  d'Esther,  à  la  fin  duquel  il  touche,  dans  un 
appendice,  à  presque  tous  les  livres  de  l'Ancien  Testament.  On  sent, 
dans  ses  écrits,  une  forte  sève  de  jeunesse.  Ses  opinions  sont  parfois 
hardies,  peut-être  même  un  peu  légèrement  aventureuses,  mais  sans 


—  102  — 

s'écarter  néanmoins  du  droit  chemin.  Tout  cela  donne  à  ses  travaux 
exégétiques  une  saveur  et  un  attrait  particuliers. 

Dans  le  commentaire  d'Esdras,  de  Néhémie  et  d'Esther,  l'auteur 
nous  donne  une  traduction  du  texte  original  avec  un  court  commen- 
taire. Quelques  notes  grammaticales  et  philologiques  sont  rejetées  à 
la  fin  du  livre,  comme  dans  plusieurs  autres  volumes  appartenant  à  la 
série  de  commentaires  catholiques  publiés  par  l'éditeur  Theissing,  de 
Munster,  et  dont  cet  ouvrage  fait  partie  (ainsi  que  le  Tohis  du  D""  Gut- 
berlet  et  le  commentaire  d'Isaïe  du  même  D""  Neteler). 

M.  Neteler  voit  dans  Assuérus  Xercès  I'^  Il  discute  d'une  manière 
tout  à  fait  satisfaisante  les  questions  qui  se  rattachent  aux  parties 
deutéro-canoniques  du  livre  d'Esther. L'appendice  traite  aussi  plusieurs 
questions  très-intéressantes,  entre  autres  celles  des  soixante-dix 
semaines  de  Daniel.  Le  commencement  en  est  placé  en  l'an  454  avant 
Jésus-Christ,  l'année  où  Esdras  est  retourné  dans  sa  patrie.  L'auteur, 
dans  les  points  qu'il  étudie  dans  son  commentaire,  ainsi  que  dans  son 
appendice,  sans  s'étendre  longuement  et  sans  épuiser  le  sujet,  émet 
plusieurs  idées  neuves  et  ingénieuses. 

—  Le  livre  de  Tobie  est  un  des  plus  attachants  et  des  plus  édifiants 
de  l'Ancien  Testament»  mais  c'est  aussi  un  de  ceux  dont  l'explication 
ofi're  au  critique  le  plus  de  difficultés.  Nous  en  possédons  aujourd'hui 
quatre  versions  anciennes,  indépendantes  et  toutes  considérablement 
différentes  les  unes  des  autres  :  trois  grecques,  à  l'une  desquelles  se 
rattache  l'ancienne  italique,  et  la  Vulgate  latine  de  saint  Jérôme.  Le 
commentaire  du  livre  de  Tobie  du  D'  Gutberlet  a  paru  tout  récemment. 
On  a  annoncé  cependant,  depuis  sa  publication,  qu'on  avait  découvert 
en  Angleterre  un  texte  chaldéen  du  livre  de  Tobie  que  l'on  suppose  être 
le  texte  original.  M.  Gutberlet,  qui  ignorait  son  existence,  n'a  pu  s'en 
servir,  mais  il  a  pu  utiliser  du  moins,  pour  son  travail,  un  texte  impor- 
tant dont  aucun  exégète,  si  l'on  excepte  quelques  observations 
du  D""  Reusch,  n'avait  encore  fait  usage,  celui  du  Codex  Sinai tiens, 
découvert  au  mont  Sinaï  par  Tischendorf.  Ce  texte  est  très-impor- 
tant pour  la  critique  du  livre,  et  il  ofi're,  de  plus,  cet  intérêt  spé- 
cial que  c'est  de  celui-là  même  qu'a  été  tirée  la  traduction  de  l'an- 
cienne italique,  employée  dans  l'Eglise  latine  jusqu'à  l'époque  de  la 
publication  de  la  version  de  saint  Jérôme.  Lorsque  le  Df  Reusch  publia 
en  1857,  son  commentaire  du  livre  de  Tobie,  on  n'avait  trouvé  encore 
que  quelques  fragments  très-courts  du  Codex  S'maiticusM.  Gutberlet 
donne,  sur  les  versions  anciennes  de  Tobie,  des  détails  intéressants  et 
instructifs.  Il  commente  ensuite  le  livre  lui-même,  chapitre  par  cha- 
pitre, en  donnant  la  double  traduction  de  la  Vulgate  et  du  Codex  Sinai- 
ticits .  Le  commentaire  est  tout  à  la  fois  critique,  littéral,  historique 
et  théologiqne.  Comme  les  théologiens,  à  l'exemple  de  saint  Thomas, 


—  103  — 

ont  fondé  principalement  sur  le  livre  de  Tobie  leur  enseignement  sur 
la  nature  et  les  qualités  des  aiiges,  M.  Gutberlet  étudie  ces  questions 
avec  un  soin  spécial.  Il  n'a  pas,  bien  entendu,  négligé  le  côté  apolo- 
gétique, qui  est  très-important  ici.  Il  a  expliqué  d'une  manière  très- 
heureuse  plusieurs  des  difficultés  historiques  du  texte.  C'est  ainsi 
qu'il  montre,  par  exemple,  que  lorsqu'on  lit  i,  24,  que  Sennachérib 
fut  tué  par  ses  propres  enfants,  «  après  quarante-cinq  jours,  »  il  ne 
faut  pas  entendre  ces  quarante-cinq  jours  depuis  le  retour  de  Senna- 
chérib de  Palestine,  comme  l'avaient  fait  les  commentateurs,  mais 
depuis  la  confiscation  des  biens  de  Tobie.  Les  commentateurs  avaient 
ignoré  jusqu'ici  que  Sennachérib  avait  encore  vécu  dix-huit  ans  après 
sa  défaite  miraculeuse  en  Judée.  Le  D""  Gutberlet  ne  répond  cependant 
pas  à  toutes  les  difficultés.  Ainsi  il  en  a  oublié  une  importante.  Il 
n'explique  pas  comment  I,  18,  Sennachérib  est  appelé  fils  de  Salma- 
nasar,  lorsqu'il  est  certain  qu'il  était  fils  de  Sargon.  Le  Codex  Sinalticus 
lit  Enemassar  au  lieu  de  Salmanasar,  mais  c'est  Sargon  qu'il  faut  lire 
dans  les  deux,  comme  nous  le  remarquerons  plus  loin  à  propos  du  Dic- 
tiomiaire  de  In  Bible  de  M.  Spol.  M.  Gutberlet  dit, dans  sa  préface,  qu'il 
n'a  pas  voulu  s'occuper  des  rapports  de  l'histoire  de  Tobie  avec  l'his- 
toire assyrienne.  C'est  une  lacune;  mais,  malgré  cette  lacune,  son 
commentaire  est  de  beaucoup  le  meilleur  que  nous  ayons  actuelle- 
ment sur  le  livre  de  Tobie. 

—  Les  protestants  ont  publié,  en  Allemagne,  un  grand  nombre  de 
travaux  sur  la  théologie  de  l'Ancien  Testament  et  de  ses  diverses  par- 
ties :  leurs  travaux  sont  remplis  d'erreurs.  Les  savants  catholiques  ont 
pensé  à  bon  droit  qu'il  serait  utile  d'étudier,  avec  les  lumières  de  la  foi 
orthodoxe,  les  mêmes  questions.  De  là,  le  Manuel  de  théologie  de  l'An- 
cien Testament  (Handbuch  der  Théologie  des  alten  Bandes  im  Lichte  des 
NeuenJ  du  P.  Scholz,  Ratisbonne,  1862,  et  la  Théologie  des  Psaumes 
(Théologie  der  PsaimenJ,  de  Konig,  Fribourg,  1857.  Nous  ne  possé- 
dions pas  encore  d'ouvrage  catholique  spécial  sur  la  théologie  si  impor- 
tante à  connaître  des  prophètes.  Cette  lacune  vient  d'être  heureuse- 
ment comblée  par  un  savant  professeur  de  l'université  de  Vienne,  le 
D""  Hermann  Zschokke.  Il  a  étudié  sa  matière  d'une  manière  appro- 
fondie et  il  a  condensé  dans  son  livre  les  leçons  de  plusieurs  années. 
La  Théologie  des  Prophl'tes  est  divisée  en  sept  parties  :  Dieu,  les  créa- 
tures, le  peuple  de  Dieu,  la  religion  et  la  morale,  les  païens,  le 
Messie,  les  fins  dernières.  Il  nous  est  impossible  de  faire  connaître  les 
subdivisions'de  chaque  partie,  ce  qui  nous  entraînerait  trop  loin,  mais 
nous  dirons  cependant  quelques  mots  de  la  première,  afin  de  donner  au 
lecteur  quelque  idée  d'un  genre  de  travaux  trop  peu  connu  en  France. 
M.  Zschokke  examine  d'abord  la  question  de  l'existence  de  Dieu  dans 
tous  les  prophètes,  puis  les  noms  de  Dieu  en  général  et  les  noms  de 
Dieu  en  particulier.  Il  passe  de  là  aux  attributs  divins,  tels  qu'ils 


—  lOi  — 

ressortent  des  écrits  prophétiques  :  l'aséité,  la  toute-puissance,  Tim- 
mensité,  la  personnalité  de  Dieu,  sa  spiritualité  ;  il  étudie  les  anthropo- 
morphismes  et  les  antliropopathismes;  l'unité  divine  et  la  Trinité  ;  les 
rapports  de  Dieu  avec  le  monde  et  enfin  l'idolâtrie.  Sur  chacune  de 
ces  questions,  l'auteur  réunit  tous  les  textes  épars  dans  les  livres  des 
grands  et  des  petits  prophètes,  les  coordonne  et  les  explique.  Il  renvoie 
soigneusement  aux  chapitres  et  aux  versets.  Ses  citations  sont  faites 
en  allemand,  ordinairement,  d'après  le  texte  hébreu,  parce  que,  dit-il, 
dans  sa  préface,  le  texte  original  aide  encore  mieux  que  la  version 
latine  à  exposer  le  dogme  dans  toute  sa  force. 

On  voit,  par  ce  que  nous  venons  de  dire,  'que  la  Théologie  des  Pro- 
phètes n'est  ni  une  théologie  proprement  dite  ni  un  commentaire 
ordinaire.  Elle  n'expose  pas  toute  la  doctrine  chrétienne,  mais  seu- 
lement les  vérités  révélées  qui  sont  contenues  dans  les  livres  prophé- 
tiques; elle  ne  commente  pas  les  prophètes  chapitre  par  chapitre,  mais 
seulement  les  idées  théologiques  qu'ils  contiennent  en  les  groupant 
méthodiquement  ensemble.  C'est  donc  une  exposition  en  partie  histo- 
rique de  la  révélation.  Dieu  a  révélé  un  certain  nombre  de  vérités  à 
Moïse,  il  en  a  révélé  d'autres  aux  prophètes;  Notre-Seigneur-Jésus- 
Christ  a  complété  Toeuvre  de  la  révélation.  Pour  avoir  une  véritable 
histoire  de  la  révélation,  dans  ses  développements  successifs,  il  faut 
l'étudier,  non  comme  un  tout,  ainsi  que  le  fait  la  théologie  scolas- 
tique,  mais  dans  ses  diverses  phases  :  M.  Zschokke  l'a  étudiée  pendant 
la  période  prophétique  avec  beaucoup  d'érudition,  détalent  et  de  succès. 

—  Saint  Hippolyte,  entre  autres  écrits  exégétiques,  avait  composé 
un  commentaire  du  prophète  Daniel,  malheureusement  perdu.  M.  Otto 
Bardenhewer  vient  d'en  étudier  les  rares  fragments  épars,  qui  ont 
échappé  aux  ravages  des  siècles.  Après  une  introduction  dans  laquelle 
il  esquisse  la  vie  et  les  œuvres  de  saint  Hippoljte,  il  recueille  les  témoi- 
gnages des  anciens  écrivains  sur  le  commentaire  de  Daniel  ;  il  examine 
ensuite  les  débris  qui  nous  en  restent,  le  fragment  de  De  Magistris, 
les  deux  fragments  de  Combefis,  ceux  de  Mai,  etc.  L'œuvre  de 
M.  Bardenhewer  se  termine  par  quelques  mots  sur  le  manuscrit 
de  Munich  des  Questions  et  Réponses  d'Anastase  le  Sinaïte.  — 
L'opuscule  du  D'  Bardenhewer  est  court  de  pages,  mais  plus  rempli 
que  maint  gros  volume.  C'est  d'une  érudition  du  meilleur  aloi  et  une 
contribution  importante  à  l'histoire  des  auteurs  ecclésiastiques  et 
à  l'interprétation  de  la  sainte  Écriture.  Il  nous  fait  connaître  en  même 
temps  des  passages  précieux  pour  le  commentaire  du  quatrième  des 
grands  prophètes. 

—  «  L'introduction  au  Nouveau  Testament,  dit  Aberle,  n'appar- 
tient pas  aux  parties  les  plus  attrayantes  de  la  théologie  ;  mais,  dans 
les  temps  présents,  elle  est  devenue  une  des  plus  importantes,  (p.  3.)  « 


—    lOo     - 

La  plupart  des  rationalistes  battent,  en  effet,  en  brèche  le  Nouveau 
Testament  et  en  attaquent  la  crédibilité.  De  là,  la  nécessité  de  défendre 
particulièrement  la  place  assiégée.  Le  savant  professeur  de  la  faculté 
de  théologie  catholique  de  Tubingue,  le  D""  Aberle,  a  consacré  exclusi- 
vement les  dix  dernières  années  de  sa  vie  à  Texégèse  et  à  la  défense 
de  ces  intérêts  sacrés.  Pendant  un  professorat  d'un  quart  de  siècle,  il  a 
publié  de  nombreux  et  remarquables  travaux  sur  la  sainte  Écriture 
dans  le  Tûbhujcr  Quarlalschrift,  mais  il  est  mort  sans  avoir  publié  de 
travail  d'ensemble.  Il  avait  désigné  à  l'avance  pour  éditer  son  Intro- 
duction au  Nouveau  Testament,  celui  qui  est  devenu  son  successeur  à 
l'université  de  Tubingue,  le  D'  Schanz.  Quoique  les  manuscrits  du 
maître  fussent  très-incomplets,  son  élève  s'est  chargé  de  les  publier.  Il 
a  touché  au  texte  le  moins  possible,  mais  il  l'a  enrichi  de  nombreuses 
et  précieuses  notes. 

Le  D""  Aberle  suit,  dans  son  Introduction,  la  méthode  historique.  Con- 
vaincu que  le  lecteur  des  livres  saints  n'en  pourra  bien  pénétrer  le 
sens  et  approfondir  la  doctrine  qu'autant  qu'il  connaîtra  exactement 
l'histoire  de  leur  origine,  l'auteur  s'efforce  d'étudier  cette  origine  d'une 
manière  complète.  C'est  surtout  au  point  de  vue  polémique  et  apolo- 
gétique qu'il  est  utile  de  suivre  cette  méthode.  Cependant  comme  la 
méthode  ordinaire  qui  étudie  successivement  les  livres  saints  selon 
l'ordre  qu'ils  occupent  dans  nos  éditions  du  Nouveau  Testament 
a  aussi  son  utilité,  Aberle  a  essayé  de  réunir  les  avantages  des  deux 
procédés  en  les  combinant  ensemble  dans  la  mesure  du  possible.  C'est 
ainsi  qu'il  étudie  successivement  les  écrits  de  saint  Mathieu,  ceux  de 
saint  Marc,  ceux  de  saint  Luc,  en  groupant  ensemble  le  troisième  Evan- 
gile et  les  Actes,  ceux  de  saint  Jean,  en  examinant  en  quatre  chapitres 
leur  caractère  général,  le  quatrième  Évangile^  ses  trois  Epîtres  et  l'Apo- 
caljpse;  ceux  de  saint  Paul,  en  mettant,  dans  le  récit  delà  vie  de  l'A- 
pôtre, les  Epîtres  à  leur  place  chronologique  ;  ceux  de  saint  Jacques,  do 
saint  Jude  et  enfin  de  saint  Pierre.  La  marche  suivie  par  l'auteur  est 
excellente.  En  plaçant  les  écrits  inspirés  dans  leur  véritable  cadre,  Tin- 
telligence  en  devient  plus  aisée  ;  beaucoup  d'obscurités  s'évanouissent 
et  nombre  d'objections  tombent  d'elles-mêmes.  Il  n'existe  pas  d'Intro- 
duction spéciale  au  Nouveau  Testament  composée  en  français  par  un 
catholique;  ce  genre  de  travaux  est  rare,  même  en  Allemagne,  parmi 
les  théologiens  nos  coreligionnaires.  C'est  là  ce  qui  ajoute  un  nouveau 
prix,  s'il  est  possible,  au  travail  d'Aberle,  publié  et  complété  par  le 
D''  Schanz,  travail  qui  résume  tout  ce  qui  a  paru  de  meilleur  et  de 
plus  solide  depuis  longues  années  sur  ces  questions  vitales  pour  le 
christianisme.  Nous  ne  pouvons  entrer  dans  l'examen  détaillé  des  opi- 
nions de  l'autaur.  Signalons  seulement  son  explication  du  chiffre  666 
dans  l'Apocalypse  :  il  l'applique  à  l'empereur  Trajan  (p.  137-138). 


—  106  — 

—  C'est  un  livre  de  piété  et  d'édification  qu'a  publié  Msr  Pichenot, 
archevêque  de  Chambérj,  sur  les  Paraboles  évangéliques.  Rien  ne 
montre  mieux  que  les  homélies  du  pieux  prélat  quel  fonds  inépuisable 
renferme  la  parole  de  Dieu.  Où  peut-on  trouver  des  sujets  plus  inté- 
ressants, plus  féconds  et  plus  utiles  ?  L'ouvrage  de  Mg«"  Pichenot 
contient  cinquante-trois  instructions  sur  les  diverses  paraboles  de  l'É- 
vangile, plus  douze  instructions  sur  la  parabole  si  touchante  et  si 
instructive  de  l'Enfant  prodigue  que  Téminent  prédicateur  intitule 
ingénieusement  :  l'Enfant  prodigue  ou  un  petit  Carême  dans  une 
parabole. 

Les  homélies  recueillies  dans  ce  volume  ont  été  prêchées  à  Sens,  soit 
au  collège,  soit  à  l'église  Saint-Pierre  et  à  la  cathédrale  dont  l'arche- 
vêque de  Chambéry  a  été  successivement  aumônier  et  curé.  Elles  s'a- 
dressent en  même  temps  aux  fidèles,  qui  y  trouvent  des  enseignements 
solides  et  des  exhortations  précieuses,  et  aux  prêtres  qui  pourront  y 
apprendre  comment  il  faut  présenter  la  parole  de  Dieu  pour  la  faire 
pénétrer  dans  les  âmes  et  lui  faire  porter  des  fruits  de  salut.  Chacune 
de  ces  homélies  est  courte^  simple,  facile  à  suivre  et  semée  des  plus 
salutaires  réflexions.  Elles  peuvent  servir  de  sujet  de  méditation  aussi 
bien  que  de  lecture  pieuse,  et,  tout  en  faisant  admirer  nos  saints 
Evangiles  elles  font  du  bien  à  l'àme  ;  elles  portent  à  mieux  servir  Dieu 
et  à  aimer  davantage  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 

—  L'Evangile  de  saint  Jean,  parce  qu'il  est  celui  des  quatre  qui 
embarrasse  le  plus  les  ennemis  de  la  religion,  est,  à  l'heure  présente, 
le  plus  attaqué  de  tous.  Le  D""  Willibald  Beyschlag,  l'un  des  rédacteurs 
du  Hamlwbrlerbuch  des  biblischen  Alterthums  far  gebildete  Bibelleser, 
dont  nous  avons  eu  déjà  occasion  de  parler,  a  répondu  aux  objections 
soulevées  contre  le  quatrième  Évangile  dans  les  Theoloçjisclie  Studlcn 
und  Kriliken.  Sa  réfutation  est  solide  et  décisive.  Elle  méritait  d'être 
publiée  en  volume.  L'auteur  Ta  donc  fait  réimprimer  avec  quelques 
additions.  Il  ne  laisse  rien  debout  de  tout  ce  qu'ont  accumulé  de 
sophismes  et  d'arguties  tous  les  rationalistes  de  son  pays.  Il  les  suit 
pas  à  pas  et  lutte  corps  à  corps  avec  eux.  Il  s'en  prend  surtout  à 
Baur,  Strauss,  MM.  Keim  et  Scholten.  Son  travail  est  divisé  en  deux 
parties.  Dans  la  première,  il  s'élève  contre  le  procès  de  tendance  que 
l'école  critique  de  Tubingue  fait  à  saint  Jean  et  montre  que  les  prin- 
cipes de  cette  école  sont  faux  et  inadmissibles.  Dans  la  seconde,  il 
répond  en  détail  aux  difficultés  qu'on  rencontre  ou  qu'on  prétend 
rencontrer  dans  la  quatrième  Évangile.  Nous  ne  pouvons  faire  ici  un 
résumé,  qui  serait  forcément  trop  long,  des  réponses  de  l'auteur  ;  il  faut 
aller  les  chercher  dans  le  livre  lui  même.  Nous  ne  pouvons  qu'indiquer 
le  fond  même  de  sa  réfutation.  D'après  l'école  de  Tubingue,  l'Évan- 
gile dit  de  saint  Jean  n'est  en  réalité  qu'un  roman  historique  ou  une 


—   107  — 

fiction  poétique,  le  Logosroman.  ou  roman  du  Logos,  du  Verbe.  Son 
but  est,  non  d'exposer  des  faits,  mais  de  développer  des  théories  spé- 
culatives sur  ridée  du  Verbe  :  théories  dont  le  germe  ou  le  noyau  se 
trouve  contenu  dans  les  premières  lignes  du  premier  chapitre.  S'il 
fallait  en  croire  Baur,  l'auteur  d  i  quatrième  Evangile  n'aurait  donc 
pas  voulu  écrire  une  histoire,  mais  habiller  ses  idées  et  les  revêtir  de 
faits  fictifs.  M.  Bejschlag  montre  parfaitement  que  cette  manière  a 
priori  d'envisager  l'œuvre  de  saint  Jean  est  tout  à  fait  l'opposé  de  la 
vérité  :  l'Évangile  tout  entier,  observe-t-il  avec  raison,  fait  reposer  le 
christianisme,  non  sur  des  idées,  mais  sur  des  faits,  sur  la  vie  de 
Notre-Seigneur,  il  se  donne  comme  une  histoire,  non  comme  une 
spéculation.  Il  impose  les  dogmes  à  notre  foi,  non  pas  parce  que  notre 
raison  doit  les  accepter,  mais  parce  qu'ils  ont  été  promulgués  par  la 
bouche  de  Jésus-Christ.  Ses  paroles  elles-mêmes  nous  sont  données, 
pour  ainsi  dire,  comme  des  faits.  Et,  comme  le  disait  saint  Paul  en 
parlant  de  la  résurrection  de  Notre-Seigneur,  si  les  faits  évangéliques 
ne  sont  point  vrais,  notre  foi  est  vaine,  il  n'y  a  pas  de  christianisme. 
—  M.  Salvador  publia,  en  1822, un  livre  intitulé  la  Laide  Mo'isc,  dont 
il  donna  une  seconde  édition  en  1828,  sous  le  titre  d'Histoire  des  Insti- 
tutions de  iMolse  et  du,  penple  hébreu.  La  troisième  édition,  que  nous 
avons  sc^us  les  yeux,  porte  le  même  titre  et  est  datée  de  1862.  Le 
chapitre  m  du  IV  livre  du  tome  I"  est  intitulé  Junemcnt  et  Condamna- 
tion de  Jésus,  et  a  pour  objet  d'établir  que  la  condamnation  de  Jésus 
fut  légale.  Notons,  en  passant,  que  M.  Salvador  distingue,  parmi  les 
soldats  qui  exécutèrent  les  ordres  de  Pilate,  les  Gaulois  (p.  392).  Ce 
chapitre  qui  tient  dix  pages  dans  la  troisième  édition,  existait  comme 
note  dans  la  première  édition  de  1822.  L'opinion  de  l'auteur  excita, 
on  le  conçoit  sans  peine,  un  grand  scandale.  M.  Dupin  aîné  publia,  en 
1828,  une  série  d'articles,  dont  la  réunion  forma  l'écrit  intitulé  :  Jésus 
devant  Caiphe  et  Pilate  ou  réfutation  d'un  chapitre  de  M.  Salvador.  La 
réfutation  de  M.  Dupin  est  lumineuse  et  forte,  mais  il  ne  révise  le 
procès  de  Jésus  qu'à  grands  traits  et  d'une  manière  rapide,  sans 
entrer  dans  tous  les  incidents  du  procès.  Deux  Israélites  convertis  et 
devenus  prêtres  catholiques,  MM.  les  abbés  Lémann,  ont  voulu  re- 
prendre le  procès  de  Jésus  et  le  réviser  dans  tous  ses  détails.  De  plus, 
non  contents  d'approfondir  ainsi  la  question  et  d'examiner  la  valeur 
des  actes  du  Sanhédrin  qui  condamna  Jésus-Christ,  ils  ont  entrepris  une 
œuvre  qui  n'avait  jamais  encore  été  tentée  par  aucun  écrivain,  juger  la 
valeur  des  personnes  qui  composaient  le  tribunal.  De  là,  les  deux  par- 
ties de  l'opuscule  Valeur  de  l'assemblée  r/ui  prononça  la  peine  de  mort 
contre  Jésus-Christ.  C'est  d'abord  la  valeur  des  personnes  qu'ont  exa- 
îninée  les  savants  auteurs.  Ils  commencent  par  nous  faire  j^connaître 
ce  qu'était  le  Sanhédrin  et  quelle  était  sa  constitution.  Ils  nousdonnent. 


—  108  — 

sur  ce  sujet,  des  notions  claires,  précises  et  justes  qui  ne  sont  pas 
généralement  bien  connues.  Après  avoir  déterminé  ensuite  quels 
étaient  les  pouvoirs  du  tribunal  suprême  des  Juifs,  à  l'époque  de 
Notre- Seigneur,  ils  recherchent  quels  étaient  les  membres  qui  le 
composaient  à  cette  même  époque,  à  l'aide  des  données  éparses  dans 
l'Evangile,  dans  l'historien  Joséphe  et  dans  le  Talmud,  et  en  indiquant 
exactement  leurs  sources.  Cette  partie  de  leur  travail  peut,  à  bon 
droit,  être  appelée  originale,  puisqu'elle  n'avait  jamais  été  faite 
jusqu'ici,  et  elle  est  du  plus  grand  prix.  Ils  ont  retrouvé  les  noms  et 
en  partie  l'histoire  de  dix-huit  membres  de  la  Chambre  des  prêtres, 
de  quatorze  de  la  Chambre  des  scribes  et  de  dix  de  la  Chambre  des 
anciens,  par  conséquent  de  plus  de  la  moitié  des  soixante  et  onze 
membres  du  Sanhédrin.  Les  renseignements  recueillis  sur  la  plupart 
d'entre  eux  nous  donnent  une  idée  fâcheuse  de  leur  moralité.  Leur 
caractère  nous  explique  donc  en  quelque  sorte  à  l'avance  l'iniquité 
et  l'illégalité  de  leur  jugement.  L'étude  du  procès  de  Jésus,  révisé 
d'après  la  loi  hébraïque,  y  révèle  vingt-sept  irrégularités,  toutes 
graves.  Quelle  réfutation  de  M.  Salvador  !  Les  auteurs  annoncent  une 
suite  à  leur  travail.  Il  aura  pour  titre  :  le  Sanhédrin  avec  le  peuple 
juif  devant  Pilate.  Puissent-ils  nous  donner  beaucoup  de  productions 
semblables  ! 

—  Chose  rare  !  Nous  pouvons  annoncer  aujourd'hui  deux  publica- 
tions françaises  à  la  fois,  en  forme  de  dictionnaire,  sur  la  Bible  :  le 
Bictionnuire.  de  la  Bible  ou  explication  de  tous  les  noms  propres  h  isloriques 
et  géographiques  de  l'Ancien  et  du,  Nouveau  Testament,  par  M.  Spol,  et  le 
Dictionnaire  topographique  abrégé  de  la  Terre-Sainte,  par  M.  de  Saulcy. 
Le  titre  de  ces  deux  ouvrages  nous  indique  ce  qu'ils  ont  de  commun 
et  de  différent.  Le  dictionnaire  de  M.  Spol  est  tout  à  la  fois  historique 
et  géographique,  celui  de  M.  de  Saulcy  est  exclusivement  géogra- 
phique. Le  premier  est  très-substantiel  et  donne,  sous  une  forme  très- 
concise,  un  grand  nombre  de  renseignements  précieux.  Il  s'étend 
surtout  sur  les  noms  peu  connus  ou  omis  dans  les  dictionnaires  anté- 
rieurs. Les  mots  sont  classés  d'après  l'orthographe  que  la  langue  fran- 
çaise a  tirée  de  la  Vulgate.  C'est  avec  raison,  parce  que  cette  ortho- 
graphe est  de  beaucoup  la  plus  connue.  M.  de  Saulcy  a  fait  de  même, 
mais  il  a  fait  aussi  entrer  dans  sa  nomenclature  la  forme  hébraïque 
des  noms  de  lieux,  en  renvoyant  pour  le  développement  géographique 
à  la  forme  vulgaire.  M.  de  Saulcy  fait  suivre  la  forme  vulgaire  du 
nom  hébreu,  imprimé  en  caractères  hébreux.  M.  Spol  fait  suivre  aussi 
le  nom  ordinaire  du  nom  hébreu,  mais  transcrit  en  caractères  latins. 
Cette  transcription  pouvait  se  faire  sans  inconvénient.  Elle  est  même 
avantageuse  pour  la  masse  des  lecteurs,  qui  ignorent  l'hébreu;  il  eut 
été  à  désirer   néanmoins  que  la  méthode  de  transcription  fût  plus 


—    10!)  — 

constanie  et  plus  uniforme.  Ainsi  la  lettre  hébraïque  iod  est  transcrite 
dans  la  seule  page  120  sous  trois  formes  diiïérentes  y,  i,  j.  La  trans- 
cription y  ou  i,  est  admissible,  pourvu  qu'elle  soit  uniforme,  mais  la 
transcription  y,  acceptable  en  allemand,  ne  l'est  pas  en  français.  A  la 
forme  hébraïque,  M.  Spol  joint  la  forme  grecque  des  Septante,  en  carac- 
tères grecs.  Il  indique  de  plus^  avec  exactitude,  les  passages  de  la  Bible 
où  se  lisent  les  noms  propres  dont  il  rend  compte.  M.  de  Saulcy 
donne  aussi  les  références,  mais  d'une  façon  moins  méthodique.  En 
général,  la  manière  dont  celui-ci  a  rédigé  son  dictionnaire  est  moins 
uniforme  et  moins  méthodique  que  celle  de  M.  Spol,  —  comparer  par 
exemple,  Tarticle  Jourdain  dans  les  deux  dictionnaires, —  mais  le  savant 
membre  de  l'Institut,  qui  a  fait  plusieurs  voyages  en  Palestine,  donne 
souvent,  de  visu,  des  détails  intéressants  qui  ne  se  trouvent  pas  dans 
M.  Spol  et  ne  doivent  pas  d'ailleurs  s'y  trouver, étant  exclus  par  son  plan. 
M.  de  Saulcy,  dans  un  court  avant-propos,  raconte  que  c'est  en  explo- 
rant la  Palestine  que  lui  est  venue  la  première  fois  l'idée  de  rédiger 
un  petit  répertoire  portacif  de  toutes  les  localités  de  la  Terre-Sainte, 
mentionnées  dans  la  Bible.  L'origine  même  du  livre  montre  quelle  en 
est  l'utilité  pratique.  On  ne  saurait  trop  recommander  les  dictionnaires 
de  ce  genre  à  tous  ceux  qui,  sans  se  rendre  en  Palestine,  y  vivent  néan- 
moins en  esprit,  dans  la  lecture  delà  Bible.  Ceux  qui  en  feront  usage  ne 
tarderont  pas  à  en  reconnaître  l'utilité  et  en  retireront  de  grands  avan- 
tages pour  l'intelligence  de  l'histoire  sacrée.  Terminons  en  demandant 
à  M.  Spol,  pour  une  prochaine  édition,  l'addition  des  noms  propres  qui 
ne  se  trouvent  que  dans  les  Septante,  comme  Dabéron,  Josué,  xix,  20; 
de  ceux  qui  ont  été  traduits  par  des  noms  communs  dans  la  Vulgate, 
mais  qui  n'en  sont  pas  moins  connus,  comme  Moreh,  bocage,  Gen.,  xir, 
6,  et  Moreh,  colline,  Jud. ,  xii,  7  ;  Akrabbim,  Num. ,  xxxiv,  4,  omis  aussi 
par  M.  de  Saulcy,  etc.  Le  mot  Sephela(I  Macch.,  xii,  38)  est  omis  par 
M.  Spol.  Il  est  traité  incomplètement  par  M.  de  Saulcy.  Le  lecteur,  en 
lisant  ce  dernier,  ne  se  doutera  point  que  Séphéla  est  le  nom  de  la  plaine 
qu'habitaient  les  Philistins.  M.  de  Saulcy  a  signalé  exactement  au  mot 
Gezer  l'identification  de  cette  ville  avec  Tell-Djezer,  identification 
constatée,  il  y  a  six  ou  sept  ans,  par  M.  Clermont-Ganneau.  M,  Spol 
n'en  parle  pas.  M.  Spol,  à  l'article  Sennachérib,  dit  très-justement 
qu'il  était  fils  de  Sargon.  Pourquoi,  à  l'article  Sargon,  lisons-nous  : 
«  Certains  commentateurs  prétendent  que  Sargon  n'est  autre  que 
Salmanasar;  d'autres  disent  Sennachérib  ou  Assarhadon;  d'après  la 
version  la  plus  commune,  Sargon  serait  le  père  de  Sennachérib?  » 
Il  est  tout  à  fait  certain  que  Sargon  fut  le  successeur  de  Salmanasar, 
et  qu'il  fut  le  père  de  Sennachérib  et  le  grand-père  d'Assarhaddon. 
Pourquoi  encore,  M.  Spol,  qui  dit  à  bon  droit,  à  l'article  de  Senna- 
chérib, que  Sennachérib  était  le  fils  de  Sargon,  dit-il,  à  l'article  Sal- 


—   110  — 

manasar,  que  ce  même  Sennachérib  était  fils  de  Salmanasar?  Il  est 
vrai  qu'il  s'appuie  sur  Tobie,  i,  18;  mais,  dans  ce  passage,  Salmanasar 
est  une  faute  de  copiste  pour  Sargon.  Une  confusion  du  même  genre 
se  remarque  encore  à  Tarticle  Thartan,  où  Sargon  est  confondu  avec 
Sennachérib  et  où  Thartan  est  donné  comme  un  nom  propre,  tandis 
que  ce  n'est  qu'un  titre  signifiant  généralissime.  A  part  ces  inexacti- 
tudes, qui  concernent  l'histoire  d'un  peuple  étranger  et  dont  la  pre- 
mière responsabilité  remonte  aux  anciens  commentateurs  ou  aux 
sources  consultées  par  l'auteur,  le  dictionnaire  de  M.  Spol  est  d'une 
grande  sûreté  de  renseignements.  Ceux  qui  savent  combien  il  est  diffi- 
cile, dans  un  travail  aussi  long  et  aussi  compliqué  que  la  rédaction 
d'un  livre  comprenant  de  trois  à  quatre  mille  articles,  d'éviter  toute 
erreur,  excuseront  facilement  le  si  petit  nombre  de  celles  qui  sont 
échappées  à  l'auteur.  Le  devoir  du  critique,  c'est  de  les  signaler,  mais 
c'est  aussi  son  devoir  de  répéter  que,  malgré  ces  quelques  taches,  le 
dictionnaire  de  M.  Spol  peut  rendre  les  plus  grands  services  pour  la 
lecture  courante  de  le  Bible  et  l'intelligence  de  tous  les  auteurs  chré- 
tiens qui  se  sont  inspirés  de  la  Bible.  C.  J. 


POÉSIE. 

Le  Presbytère  de  Plouarzel,  histoire  bretonne,  par  M"'  C.-E.  Plussan.  Paris,  Pion,  1877. 
2  vol.  gr.  in-8.  de  4'i'2  et4G6p.  ornés  d'eaux-fortes.  Prix  :  15  fr. —  Un  Mariage  sous 
la  Terreur,  récit  par  Gh.  Yrtal.  Paris,  Libr.  des  bibliophiles,  1877,  in-12  de  273  p. 
Prix  :  3  fr.  —  Une  martyre,  poënie,  par  l'abbé  Buis.  Paris,  Olmer,  1878,  in-8  de 
177  p.  Prix  :  2  fr.  —  Le  Hiége  de  Caderousse,  poëme  languedocien  de  l'abbé  Fabre, 
traduit  en  vers  français,  par  Placide  Gappead  ;  Le  Château  de  Roquemaure,  poëme 
en  20  chants,  par  le  même.  Paris,  inip.  de  Jouaust,  1876.  2  vol.  in-12  de  400  et 
de  490  p.  Prix  :  10  fr.  —  Quatre  ballades  suivies  de  notes,  par  ?.  Ristelhulber- 
Genève,  Bàle  et  Lyon,  Georg,  1870,  in-8  de  44  p  —  A  Tavers  bois,  prés  et 
sillons,  scènes  et  esquisses  cyngctiques,  par  Yger,  ayec  douze  dessins,  par  Ed.  Belle- 
croix.  Paris,  Didot,  1877,  in-12  de  375  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Notre-Dame  de 
Lourdes,  par  M.  l'abbé  Cha.mbaud.   Tours.  Catier,  1877,  in-32    de  234  p.    Prix  :  3  fr. 

—  Pie  IX,  ses  gloires,  ses  épreuves,  ses  trois  jubilés,  poëmes  par  l'abbé  Hovine.  Lille, 
J.  Lefort,  in-8  de  243  p.  orné  d'une  gravure.  2  fr.  —  Roma,  poésies  catholiques, 
par  Victor  Chrétien.  Paris,  Palmé,  1877,  in-12  de  29p.  2  fr.  —  Poésies  ine'dites  du 
comte  Lafond.  Paris,  Bray  &  Retaux,  1876,  in-8  de  278  p  Prix  :  5  fr.  —  Les  deux 
frères  martyrs,  ou  les  Enfan/s  nantais,  drame-inystère  en  5  actes  et  7  tableaux,  par 
un  frère  des  écoles  chrétiennes.   Paris,    Ûudin,  1877,  in-12  de  92  p.   Prix  :  2  fr.  50. 

—  Nouvelles  poésies  chrétiennes,  par  Francis  Goulin.  Paris,  Haton,  1877,  in-12  dé 
194  p.  Prix  :  2  fr.  Les  Fleurs  de  Bretagne,  par  Ed.  Frain.  Rennes,  Plichon, 
1877,  in-12,  de  148  p.  Prix  :  3  fr.  Au  fil  de  l'eau,  par  Albert  Mérat.  Paris, 
Lemerre,  1877,  in-12  de  108  p.  Prix  :3  fr. —  Les  anciens  jours,  par  H. de  BLAZAC.PariSj 
Jouaust,  1876,  in-8  de  191  p.  Prix  :  2  fr.  50.  —  Les  Chants  de  la  montagne,  par 
Ed.  Sghuré.  Paris,  Sandoz,  1877,  in-8,  de  277  p.  5  fr. —  Poëmes  dramatiques,  par  A. 
Mauroy.  Paris,  Jouaust,  1877,  in-12  de  60  p.  Prix  :  2  fr.  50.  —  Premiers  vers,  par 
Henry  de  Fleijrigny.  Paris.  Jouaust,  1876,  in-8  de  60  p.  Prix  :  2  fr.  —  Les  Primevères, 
par  P.  Marmottan.  Paris,  Sandoz,  in-18  de  150  p.  Prix  :  2  fr.  —  La  Fanfare  du  cœur, 
par  L.  Solvay.  Paris,  Jouaust,  1877,  in-12  de  84  p.  Prix  :  2  fr.  50.  —  JUyrtes  et 
Cyprès.  Paris,  Jouaust,  1877,  in-12,  de  190  p.  Prix  :  2  fr.  50.  —  Printemps  et  Neige, 
par  L.  Beor.  Paris,  Chéesé,  1877,  in-12  de  118  p.  Prix  :  2  fr.  50.  —  Poésies  in- 
times, par  A.  de  Larochefoucauld.   Paris,  Didier,  1877,  in-8  de  358  p.  Prix  :  3  fr.  50 

—  Poésies  contemporaines,  par  Desvr  Ravon.  Paris,  Jouaust,  1876,  in-12  de  122  p. 
Prix    :  3  fr.   50.   —  Dieu    et  Patrie;  poëmes  militaires,  par   Marc  Bonnefoy.  Paria, 


—  111  — 

Jouaust,  1876,  in-12  de  134  p.  Prix  :  3  fr.  —  fiimes  de  C(tpe  et  cl'epée,  par  Ûuier 
d'Ivry.  Paris,  Jouaust,  1876,  in-12  de  228  p.  Prix  :  3  fr,  —  Les  Vallonnaises,  par 
E.  ViLLARD,  Paris,  Douniol,  1876,  in-12  de  175  p.  Prix  :  1  fr,  5'J.  —  Ai-je  des  ailes? 
par  Anxa  Roberjot.  Paris.  Féchoz,  1876.  in-12  de  lO'i  p.  Prix  :  2  fr.  —  Antiques 
et  a  ode  mes.  par  Germaln  Picard.  Paris,  Jouaust.  1877,  in-12  de  72  p.  Prix  :  1  fr.50 
—  Sœur  Marthe,  par  le  MÉMt;.  Paris,  Jouaust,  1876,  in-12  de  31  p.  Prix  :  1  fr. —  Cent 
fables  noufelles,  composées  par  un  grand-père,  par  A.  F.  Théry.  Amiens,  Deiattre- 
Lenoël;  Paris,  Hachette,  1877,  ia-18  de  126  p.  Prix  :  1  fr.  80.—  Le  Livre  d'un  père, 
par  V.  DE  Laprade.  Nouvelle  édition.  Paris,  Hetzel,  1877,  gr.  in-18  de  247  p. 
Prix  :  3  fr. 

Il  faut  l'avouer,  il  est  plus  agréable  de  faire  des  vers  que  d'en  lire, 
à  moins  qu'ils  ne  soient  tracés  par  une  de  ces  plumes  comme  on  n'en 
compte  pas  beaucoup  par  siècle.  Voilà  ce  qui  explique  que  de  nom- 
breux volumes  rimes  continuent  de  paraître  et  qu'en  les  parcourant 
le  critique  puisse  se  répéter  un  vieux  quatrain  de  Gombauld  : 

Chacun  s'en  veut  mesler,  et,  pour  moy,  je  m'estonne 
De  voir  tant  d'escrivains  et  si  peu  de  lecteurs. 
Je  ne  sçay  quel  espoir  a  bercé  mille  auteurs 
Tel  pense  escrire  à  tous,  qui  n'escrit  à  personne. 

L'année  qui  vient  de  s'écouler  et  la  fin  de  celle  qui  Ta  précédée 
n'ont  pas  été  moins  fécondes  en  rimes  que  des  temps  plus  reposés. 
On  ne  peut  donc  répéter  la  phrase  tant  redite  :  la  poésie  est  morte. 
Les  poètes  du  moins  ne  sont  pas  morts,  et  peut-être  en  aura-t-on  trop 
de  preuves  tout  à  l'heure.  Il  faut  convenir,  du  reste,  que  si  beaucoup 
de  vers  fussent,  avantageusement  pour  tout  le  monde,  restés  dans  les 
portefeuilles  d'auteurs  au  cœur  trop  paternel,  quelques  grandes 
œuvres  ont  paru  en  1877.  On  a  déjà  parlé,  dans  cette  revue,  de  la 
Légende  des  siècles,  et  de  l'Art  d'être  grand-pere.  Armelle  de  M.  du 
Clézieux  a  aussi  été  l'objet  d'un  article  spécial  et  enfin  dans  l'examen 
que  nous  allons  commencer,  nous  aurons  à  signaler  quelques  volumes 
dignes  d'être  mis  en  évidence. 

De  ce  nombre,  nous  paraît  l'œuvre  d'une  femme,  M"*  Puissan. 
Grâce  aux  traditions  classiques,  pendant  longtemps  en  France  la 
poésie  épique  —  nous  prenons  cet  adjectif  dans  sa  réelle  acception 
et  non  dans  le  sens  trop  élevé  qu'on  lui  accorde  souvent,  —  la  poésie 
narrative,  si  on  l'aime  mieux,  ne  fut  consacrée  qu'à  de  grands  hommes 
ou  de  grands  événements.  Nous  n'avions  pas  de  poëraes  dans  le  genre 
d'Hermann  et  Dorothée,  par  exemple,  pas  de  poèmes  racontant  des  épi- 
sodes intimes  et  mettant  en  scène  des  personnages  d'une  humble  condi- 
tion. Jocelijn,  autant  que  je  me  le  rappelle,  fut  chez  nous  la  première 
grande  œuvre  de  ce  genre,  et  nous  avons  contracté  si  bien  l'habitude 
des  vers  pompeux  que  nous  avons  de  la  peine  à  nous  faire  aux  fami- 
liarités de  l'existence  réelle.  Malgré  les  difficultés  qu'oifre  le  genre 
épique  appliqué  aux  peintures  et  aux  accidents  de  la  vie  de  chaque 
jour,  malgré  la  facilité  trop  grande  avec  laquelle  nos  vers  tombent 
dans  la  trivialité  en  voulant  éviter  l'enflure    et  les  périphrases^  fré- 


—   112  — 

quemment  aujourd'hui  on  tente  d'employer  la  poésie  à  des  récits 
familiers.  Le  Presbxjtèrc  de  Pouarzel  est  une  oeuvre  de  cette  nature. 
Deux  dates  inscrites  à  la  fin  du  livre  :  1860,  1877,  nous  appren- 
nent que  M"^^  Puissan  a  mis  à  la  composition  de  son  poëme  un 
peu  plus  du  temps  que  Tacite  considérait  comme  un  long  espace  de 
la  vie  humaine,  et  il  n'y  a  pas  trop  à  s'étonner  de  cette  persévérante 
assiduité,  quand  on  songe  que  le  Presbytère  de  Plouarzel  contient 
pour  le  moins  vingt-trois  mille  vers,  vingt-trois  mille  vers  bien  faits, 
bien  rimes  en  général,  et  qui  ont  dû  nécessiter  de  fréquentes  re- 
touches. 

Le  défaut  de  cette  œuvre  de  longue  haleine,  nous  le  dirons  fran- 
chement, estFabsence  d'un  plan  nettement  arrêté.  Le  poëme  débute 
par  de  touchantes  plaintes  d'une  jeune  fille  attendant,  au  bord  de  la 
mer,  le  retour  de  son  fiancé,  et  l'on  ne  sait  quel  est  ce  fiancé,  et  l'on 
n'assiste  à  son  retour  qu'à  la  fin  du  second  volume,  qu'après  avoir  lu 
environ  800  pages  où  l'on  voit  se  succéder  et  se  mêler  et  l'histoire 
de  Reine,  jeune  Russe  qui  épouse  sans  amour  Pol,  le  neveu  du  curé 
de  Plouarzel,  et  celle  du  curé  de  Plouarzel,  et  celle  de  Kerdic,  et 
celle  de  sa  fille  Germaine,  et  celle  de  Mas  et  celle  de  bien  d'autres 
personnages  encore,  et  des  traditions,  et  deslégendes,  et  des  tableaux 
de  vieux  usages,  et  des  chapitres  empruntés  à  Thistoire  même,  pre- 
nant la  Bretagne  à  l'époque  de  César,  et  nous  menant  par  de  brillants 
hors-d'œuvre  'jusqu'à  l'île  Sainte-Hélène  et  à  son  grand  prisonnier. 
11  semble  que  M""^  Puissan  ait  voulu  donner  un  cadre  à  tous  ces 
intéressants  et  poétiques  souvenirs;  mais  la  conception  principale 
manque  de  clarté,  de  netteté;  l'intérêt  s'éparpille  sur  trop  de  per- 
sonnages; il  n'y  a  pas  unité  d'action,  on  ne  sait  à  qui  accorder  ses 
sympathies  parmi  toutes  ces  jeunes  filles  et  tous  ces  jeunes  gens. 
Enfin  au  début  de  l'œuvre,  il  faut  avoir  une  attention  soutenue,  il 
faut  relire  les  mêmes  pages  —  et  l'on  ne  s'en  plaint  pas  trop  parce 
que  les  vers  son  beaux  —  pour  tâcher  de  saisir  le  fil  du  récit  et  le 
renouer  quand  il  se  rompt  —  ce  qui  arrive  souvent.  Or,  c'est  dans 
une  narration  en  vers  que  la  clarté  est  sourtout  chose  nécessaire.  Vol- 
taire disait  dans  son  épitre  à  l'empereur  de  la  Chine  : 

Ton  peuple  est-il  soumis  à  cette  loi  si  dure. 
Qui  veut  que  de  deux  vers  cote  à  côte  marchants, 
L'un  serve  pour  la  rime  et  l'autre  pour  le  sens, 
Si  bien  que  l'on  pourrait,  en  bravant  cet  usage, 
Supprimer  sans  regrets  la  moitié  d'un  ouvrage  ? 

Il  y  a  un  peu  de  vérité  dans  cette  plaisanterie,  les  vers  forcément 
délayent  l'idée  et  donnent  au  récit  une  certaine  obscurité  qu'il  faut 
tâcher  de  détruire  ou  de  diminuer  par  la  netteté  du  plan. 

Si  maintenant  nous  abordons  les  détails,  nous  n'avons   guère  que 


-   113  — 

des  éloges  à  donner  au  poëte;  il  manie  bien  le  vers  épique,  si  difficile 
dans  notre  langue.  Si  nous  descendions  à  un  examen  minutieux,  nous 
n'aurions  à  indiquer  qu'un  bien  petit  nombre  de  rimes  insuffisantes, 
nous  n'aurions  à  blâmer  qu'un  rare  emploi  de  mots  un  peu  déplacés 
en  poésie,  tel  que  le  mot  laideron  qui  dépare  un  alexandrin  de  la  page  25 
du  premier  volume  ;  nous  n'aurions  enfin  à  nous  choquer  que  de  quel- 
ques périphrases  contrastant  avec  le  ton  ordinaii-ement  simple  du 
récit,  /e.^  filles  d'Arachnée,  l'art  d'Hippocralc,  l'arl  dp  GalUeii.  Il  faut 
prendre  la  loupe  du  critique  pour  voir  ces  petits  et  inévitables  défauts; 
ils  n'empêcheront  pas  de  lire  avec  plaisir  les  épisodes  si  nombreux,  si 
variés  que  M™*^  Puissan  a  enchâssés  dans  son  o:>uvre.  Il  y  a  dans  ces 
épisodes  bien  des  pages  qui  suffisent  certaineraentpour  assigner  à  leur 
auteur  une  belle  place  parmi  nos  poètes  contemporains.  Nous  vou- 
drions donner  un  spécimen  de  ce  talent  très-réel,  mais  nous  serions 
trop  embarrassé  dans  notre  choix.  Le  ton  varie  suivant  les  sujets,  le 
style  d''une  page  n'est  plus  celui  de  l'autre,  et  il  faudrait  pouvoir 
donner  des  échantillons  de  tous  ces  genres  diff'érents,  de  ces  belles 
descriptions  du  printemps,  de  l'automne,  de  ces  légendes  chevale- 
resques, de  ces  pages  inspirées  par  l'histoire,  et  aussi  de  toutes  ces 
études  de  sentiments,  dont  diverses  situations  romanesques  fournis- 
sent le  motif  au  poëte.. 

Le  Presbytère  de  Plouarzcl  a  été  publié  avec  un  grand  luxe  ;  impres- 
sion, papier,  gravures  le  recommandent  aux  bibliophiles,  autant  que 
de  beaux  vers  et  de  généreux  sentiments  le  recommandent  à  la  classe 
moins  nombreuse,  hélas!  des  sincères  amis  de  la  poésie. 

—  Le  livre  de  M.  Yrtal  est  encore  un  poëme  ou  plutôt  un  roman 
poëme.  Dès  qu'il  s'agit  d'un  Mariage  soas  la  Terreur,  il  doit  être  ques- 
tion de  l'union  d'une  aristocrate  et  d'un  républicain.  C'est  là  une  situa- 
tion déjà  bien  des  fois  exploitée  et  assez  récemment  dans  un  drame  joué 
aux  Français,  Jean  d'Ascier;  mais  le  livre  de  M.  Yrtal  a  la  priorité  sur 
cette  pièce  autour  de  laquelle  on  a  voulu  faire  un  certain  bruit.  M""  de 
Saint-Bris  épouse  Jean  Lenoir,  fils  d'un  notaire,  son  ami  d'enfance, 
du  reste,  pour  sauver  son  père.  Le  malheureux  vieillard  meurt  peu 
après  cette  mésalliance,  tandis  que  Jean  Lenoir  va  combattre  à  la 
frontière.  M'^"  de  Saint  Bris,  réduite  à  la  misère,  est  recueillie  par 
M"®  de  Grandchamp,  dont  le  portrait  est  bien  esquissé  et  qui  appar- 
tient encore  quelque  peu  par  la  facilité  de  ses  principes  à  la  triste 
époque  de  la  régence.  Son  fils,  qui  a  de  grandes  qualités,  n'est  que 
trop  digne  de  sa  mère  par  certains  côtés.  Il  devient  amoureux  de 
Louise  qui,  croyant  être  certaine  de  la  mort  de  Jean  Lenoir,  se  décide 
à  épouser  le  marquis.  Jean  Lenoir  lui-même  arrive  au  moment  où  le 
mariage  va  être  célébré.  Croyant  que  sa  femme  —  car  il  me  semble 
que  Louise  Tétait  parfaitement  devant  Dieu,  puisque,  page  76,  un  vieux 
Février  1878.  T.- XXII,  8 


—  1 1  i  — 

prêtre  a  béni  son  union  —  croyant  donc  que  Louise  aime  le  marquis  de 
Grandchamp,  le  fils  du  notaire  n'hésite  pas  à  se  sacrifier  et  s'éloigne. 
Après  ce  départ  qu'accompagnent  divers  épisodes,  le  poëte  nous  fait 
assister  à  un  duel  bien  conté  :  un  mari  outragé  tue  dans  ce  combat 
l'amant  de  sa  femme  qui  n'est  autre  qie  M.  de  Grandchamp  ;  Louise, 
restée  veuve,  et  cette  fois  tout  de  bon,  finit  par  épouser  ou  répouser 
Jean  Lenoir,  que  l'empereur  a  fait  général  et  marquis  de  Saint-Bris. 
Il  y  a  de  l'intérêt  dans  ce  roman.  Il  est  bien  entendu,  quoique  nous 
ne  l'ayons  pas  dit,  que  Jean  Lenoir  a  pour  sa  femme  un  profond  amou  p 
et,  comme 

Amor  a  nullo  amato  amar  perdona 

il  y  a  chez  Louise  quelque  réciprocité  d'un  sentiment  qu'elle  ne  veut 
pas  s'avouer   d'abord.  Nos  vers,  nous   le   disions  tout  à  l'heure,  sont 
difficilement  maniables,  dans  le  genre  épique;  ils  vont  aisément  d'une 
pompe  traditionnelle  à  une  familiarité  qui  touche  à  la  prose.  M.  Yrtal 
n'a  pas  su  toujours  éviter  ce  mélange  de  tons  disparates.  On  pourrait 
aussi  lui  reprocher  des  phrases  écrites  trop  vite,  quelques  rimes  mau- 
vaises, telles  par  exemple  qu'oreilles  et  nouvelles  (p.  57).  Il  ne  faut  pas 
oublier  après  tout  qu'f/^n  mariage  sous  la  Terreur  est  plutôt  un  roman 
qu'un  poëme.  Les  caractères  y  sont  du  reste  bien  tracés,  mais  la  Bre- 
tagne et  la  Vendée  offraient  d'autres  types  que  des  personnages  tels 
que  la  marquise  de  Grandchamp  et  son  fils.  Il  serait  bientôt  temps  de 
renoncer  à  douer  le  roturier  de  toutes  les  vertus  et  le  gentilhomme 
de  tous  les  vices.  Cette  antithèse  devient  un  peu  vieille.  Le  bon  Ber- 
quin  la  mettait  déjà  en  œuvre  dans  les  petits  drames  enfantins  qu'il 
écrivait  avant  la  Révolution.  Qu'on  ne  croie  pas,  d'après  cette  obser- 
vation, que  M.  Yrtal  soit  un  apologiste  d'une  sanglante  époque;  il  a, 
pour  la  maudire,  d'énergiques  paroles,  et  son  marquis  de  Saint-Bris, 
le  père  de  l'héroïne,  est  peint  très -favorablement.  Si  M.  de  Grand- 
champ  ne  vaut  pas  mieux,  c'est  que,  sans  doute,  c'était  nécessaire  à 
l'ordonnance  du  roman,  et  j'arrive  un  peu  là  comme  cet  ambassadeur 
d'Espagne  qui,  s'opposant  à  la  représentation  d'une  tragédie  sur  Don 
Carlos, s'écriait  :  mais  pourquoi  le  poëte  a-t-il  été  prendre  ce  sujet-là? 
—  Une  martyre,  de  M.  l'abbé  Buis,  noustransporte  encore  à  l'époque 
révolutionnaire;  mais  M.  Buis  n'a  pas   pris  une  héroïne  imaginaire. 
La  martyre,  c'est  la  reine.  On  sent,  à  la  lecture  de  ce  poëme,  qui  n'a 
pas  moins  de  quatorze  chants,  assez  courts,  du  reste,  que  Marie-Antoi- 
nette a  inspiré  à  l'auteur  une  vive   admiration  et  une  profonde  pitié. 
Quand  on  est  ému,  on  émeut.  Si  vis  me  flere...  il  y  a  des  passages  tou- 
chants dans  cette  œuvre  ;  mais,  si  M.  Buis  avait  eu  près  de  lui  cet  ami 
sincère  dont  Horace  a  parlé,  cet  ami  aurait  pu  lui  donner  quelques 
bons  avis.  Peut-être  lui  eût-il  démontré  toutes  les  difficultés  qu'il  y  a 


—   llo  — 

à  traiter  un  sujet  moderne   où  les  souvenirs  d'une  histoire  récente 
viennent  à  chaque  instant  empêcher  le  lecteur  d'admettre  les  fictions 
du  poëte.  Un  Italien  d'un  beau  talent  et  d'un  vilain  caractère,  Monti, 
a.  il  est  vrai,  raconté,  dans  la  Basvilliana,  de  sanglants  épisodes  de  la 
Révolution;  il  a  eu,  notamment  pour  la  mort  de  Louis  XVI,  des  vers 
et  des  conceptions  dantesques  ;  mais  le  monde  merveilleux  des  âmes  où  le 
poëte  se  transportait  lui  donnait  des  libertés  qu'il  n'aurait  pu  avoir  en 
restant  dans  le  monde  réel,  et  il  n'avait  pas  à  craindre  de  se  voir  contre- 
dire par  l'histoire.  Le  censeur  recommandé  par  Horace,  une  fois  le  sujet 
admis,  aurait  sans  doute  engagé  M.  Buis  a  remanier  bon  nombre  de  pas- 
sages :  il  lui  aurait  indiqué  bien  des  pages  d'un  stjle  traînant,  des  rimes 
défectueuses,  telles  qu'épêe  et  portée,  des  vers  faux  comme  celui-ci  : 
Le  dévouement  pieux  que  laissa  voir  l'ouvrière. 
—  Puisque  nous  avons  commencé  par  parler  de  la  poésie  épique,  ou 
—  si  de  vieilles  habitudes  donnent  à  ce  mot  une  acception  trop  gran- 
diose —  de  la  poésie  narrative,  ouvrons  les  deux  gros  volumes  de 
M. Placide  Cappeau, quelle  que  soit  la  différence  de  ton  qu'ils  offrent  avec 
les  livres  précédents.  L'un  de  ces  deux  gros  volumes  contient  le  texte 
et  la  traduction  d'un  poëme  languedocien  de  l'abbé  Favre,  le  Siège  de 
Caderousse.  Ce  poëme,  dans  lequel  est  traité  d'une  façon  comique  un 
épisode  de  l'histoire  du  Comtat,  appartient  à  ce  qu'on  pourrait  appe- 
ler la  poésie  populaire  lettrée.  Favre,  qui  vivait  au  siècle  dernier,  se 
place  à  côté  de  Ranchcr,  l'auteur  niçois  de  la  Nemaida^  de  Brondex  qui 
a  écrit,  en  patois  messin,  une  œuvre  charmante,  Chan  Heuvlin.  Tous 
ces  poètes,  employant  des  dialectes,  à  moins  de  s'appeler  Goudoulin, 
Jasmin,  Despourrins,  Roumanille,  Mistral,  n'ont  pas  vu  leur  réputa- 
tion franchir  les  limites  de  leurs  provinces.  On  doit  remercier  M.  Cap- 
peau  de  nous  avoir  mis  à  même  de  comprendre  le  poëme  assez  ori- 
ginal de  Favre.  11  l'a  bien  traduit,  dans  le  même  rhythme;  mais,  il  faut 
l'avouer,  souvent  ce  qui  est  joli  dans  le  dialecte  languedocien  devient 
vulgaire   en   passant   dans  nos  petits  vers  français  de  huit  syllabes, 
qui  tombent  si  aisément  dans  la  prosaïsme  et  ne  conviennent  guère  qu'à 
des  œuvres  de  dimensions  restreintes.  Ces  vers  sont  encore  ceux  que 
nous  retrouvons  dans  le  second  volume  de  M.  Cappeau,  où  cette  fois  le 
poëte  a  voulu  voler  de  ses  propres  ailes.  Le  Château  de  Rociuemaure, 
qui  ne  compte  pas  moins  de  vingt   chants^   a  pour  sujet  un  chapitre 
de  l'histoire  de  la  Provence.  M.  Cappeau  a  lu  souvent  certain  poëme 
fort  en  vogue  au  siècle  dernier  ;  cela  se  reconnaît  à  sa  manière  et  donne 
à  son  œuvre  quelque  chose  d'un  peu  vieillot  :  on  se  fatigue  de  toutes  ces 
petites  lignes  qui  n'ont  fréquemment  de  la  poésie  que  la  rime  et  la  me- 
sure. M.  Cappeau  a  aussi  pris  à  ses  modèles  des  préjugés,  des  incrédu- 
lités et  des  impiétés  que,  non  content  d'avoir  mis  en  vers,  il  s'estcomplu 
à  délayer  dans  de  longues  notes  finales.  M.  Cappeau  nous  assure  pour- 


—  Ilfi  — 

tant,  dans  sa  préface,  qu'il  est  profondément  religieux  ;  il  est  vrai 
qu'il  ajoute  que  c'est  à  la  manière  de  Lamennais,  ce  qui  explique  tout 
de  suite  que,  dans  le  même  paragraphe,  il  attaque  violemment 
l'Église.  Dans  cette  même  préface,  M.  Cappeau  nous  apprend 
encore  qu'il  n'est  qu'un  industriel  et  que,  sans  plan,  sans  étude, 
il  a  voulu  élever  un  monument  à  son  pays  natal.  Avec  quelques 
études  de  plus,  il  est  certain  que  M.  Cappeau  n'eût  pas  répété  contre 
la  religion  des  attaques  surannées  et  n'eût  pas  raconté  qu'au  temps 
de  Louis  XIV,  les  plus  grands  talents  n'étaient  rien  sans  une  estampille 
de  noblesse. Toutes  ces  ignorances,  tous  ces  préjugés,  toutes  ces  pré- 
ventions ne  nous  empêcheront  pas  de  convenir  que  M.  Cappeau  n'ait 
de  la  facilité  souvent,  de  la  verve  quelquefois.  C'est  dans  ses  poésies 
provençales  qu'il  se  montre  le  plus  à  son  avantage.  Ce  sont  de  jolies 
pièces,  harmonieuses  et  pleines  de  sentiment,  que  VAna  et  ton  Vent 
(le  Départ  et  le  Retour).  L'épître  à  Mistral  et  à  Roumanille  est  spiri- 
tuelle ;  dans  Ion  Rei  de  la  favo  (le  Roi  de  la  féve'l,  où  les  pauvres  rois 
sont  d'ailleurs  très-maltraités,  il  y  a  de  l'énergie  et  du  talent.  J'aime 
moins  Ion  Papaioun  (le  Papillon).  Quant  à  la  rose,  il  ne  devrait  plus 
être  permis  d'en  parler  après  les  délicieux  vers  de  Ronsard  : 

Mignonne,  allons  voir  si  la  rose 

Qui.  ce  matin,  avait  desclose 

Sa  robe  empourprée  au  soleil 


—  M.  Ristelhuber  est  un  érudit;  il  a  donné  de  bonnes  éditions  de 
quelques  vieux  livres  ;  il  a  beaucoup  lu  les  anciens  poètes  et  a  retenu 
de  son  commerce  avec  eux  une  manière  de  dire,  certaines  formes  de 
vers  qui  peuvent  quelquefois  déconcerter  les  lecteurs  habitués  à  plus 
de  pompe  et  d'harmonie.  En  1875,  l'Institut  genevois  offrit  un  prix  à 
la  meilleure  traduction  en  vers  français  de  quatre  ballades  alleman- 
des :  Z)/"e  A>rt«ic/(f  (^e5  76  (/c;/5,  de  Schiller;  Klein  Roland,  d'Uhland  ; 
Dev  Gerenne  Eckart.  de  Goethe,  et  le  Lied  der  braven  Mann,  de  Burger. 
Ce  sont  ces  quatre  belles  ballades  dont  M.  Ristelhuber  a  réuni  les 
traductions  dans  un  joli  volume.  Elles  n'ont  pas  obtenu  le  prix  proposé, 
peut-être  à  cause  de  cet  aspect  archaïque  dont  nous  parlions  tout 
à  l'heure  ;  le  vers  de  l'auteur  a  quelque  chose  d'un  peu  rude  qui  a 
pu  effaroucher  des  oreilles  plus  ou  moins  académiques,  mais  qui  ne 
messied  pas,  ce  nous  semble,  dans  des  sujets  empruntés  au  moyen 
âge.  Dans  son  Petit  Roland,  notamment,  on  remarque  de  bonnes 
stances,  rendant  bien  l'original  et  conservant  comme  l'empreinte 
un  peu  abrupte  de  nos  vieux  poëmes.  Des  notes  intéressantes  ter- 
minent ce  livre,  tiré  à  petit  nombre. 

—  Pour  parler  comme  on  l'eût  fait  au  siècle  passé,  Apollon 
et  Diane  peuvent  très-bien  marcher  de  compagnie.  De  tout  temps, 


—   117  ^  . 

on  a  vu  des  chasseurs  cultiver  ia  poésie.    Le   beau  Gaston   Pliébus  a 

laissé  de  jolis  vers  en  béarnais  : 

Aqueres  mountines 
Qae  ta  haiite  soun 


Il  a  laissé,  de  plus,  tout  un  poëme  sur  la  chasse.  De  même  a  fait 
le  seigneur  de  Fontaine-Guérin,  Le  bon  Jacques  du  Fouilloux, 
dans  sa  Vénerie,  a  donné  plusieurs  échantillons  de  sa  facilité  à 
versifier,  et  n'a  pas  dédaigné  de  chanter  les  pastourelles  du  pays 
de  Gastine  en  Poitou.  Très-longue  serait  la  liste  des  poètes  chas- 
seurs; elle  vient  de  s'augmenter  du  nom  de  M.  Charles  Yger, 
qui,  dans  des  vers  faits  faciletient  —  un  peu  trop  quelquefois  — 
s'est  plu  à  décrire  les  diverses  sortes  de  chasses,  à  dépeindre  les 
animaux  qui  en  sontl'objet,  et  à  raconter  avec  verve  divers  épisodes 
cynégétiques.  En  alexandrins,  il  nous  donne  la  recette  d'un  pâté 
de  lièvre,  d'une  manière  si  claire,  si  nette,  que  tout  cordon  bleu 
pourrait  sans  peine  confectionner  ce  fameux  pâté  sous  sa  dictée. 
J'ai  cherché  vainement,  dans  le  livre  de  M,  Yger,  un  chapitre  sur 
la  chasse  au  miroir  —  qui  n'est  certe  pas  à  dédaigner,  et  aussi  — 
allant  d'une  extrême  à  l'autre  —  un  chapitre  sur  le  sanglier.  Voilà 
deux  lacunes  à  combler.  De  très-jolis  dessins  de  M.  Eugène  Belle- 
croix,  au  nombre  de  douze,  accompagnent  le  texte  imprimé  chez 
Didot.  Les  chasseurs  lettrés  aimeront  à  placer  cet  élégant  volume  à 
côté  des  livres  d'Eléazar  Blaze. 

—  Il  n'y  a  pas  à  chercher  une  transition  entre  A  travers  bois,  prés 
et  siUo7is  et  un  poëme  sur  les  miracles  de  Lourdes.  M.  l'abbé  Cham- 
baud  a,  dans  douze  chants,  raconté  la  merveilleuse  histoire  de 
Bernadette,  Toute  intéressante  qu'elle  soit,  elle  n'offrait  peut- 
être  pas  la  donnée  d'un  poëme,  et  la  prose  de  M.  Henri  Lasserre 
est  si  bonne  que  je  ne  sais  si  les  plus  beaux  vers  la  pourraient  faire 
oublier.  On  reconnaît,  du  reste,  que  M.  l'abbé  Chambaud  a  écrit  son 
livre  avec  enthousiasme.  Cet  enthousiasme  a  même  agrandi  quelque- 
fois ce  qui  frappait  ses  yeux.  Je  ne  reconnais  plus  le  petit  fort  de 
Lourdes,  sur  son  petit  rocher,  dans  la  sombre  citadelle  comparée  à 
un  nid  de  vautour.  D'autres  descriptions  sont  mieux  réussies,  et  le 
poëte  a  bien  peint  sa  pieuse  et  modeste  héroïne.  L'œuvre  de 
M.  l'abbé  Chambaud  est  précédée  d'une  lettre  très -flatteuse  de 
Mgi'  l'évêque  d'Angoulême. 

—  M.  l'abbé  Hovine  a  tenté  de  célébrer  le  long  et  glorieux  ponti- 
ficat de  Pie  IX.  Son  livre  commence  par  l'avènement  du  grand  pape 
et  suit  exactement  la  marche  des  événements.  Toutefois  l'oeuvre  de 
M.  Hovine  n'est  pas  épique,  elle  est  bien  plutôt  lyrique.  Ces  événe- 
ments que  le  poëte  rappelle,  il  ne  les  raconte  pas  comme  le  ferait  un 
historien,  mais  il  trouve  dans  chacun  d'eux  le  motif  d'une   inspiration 


—  118  — 

qui  tient  de  l'ode  et  qui  s'exprime  dans  des  rhjthmes  différents 
traités  d'ailleurs  avec  habileté.  L'auteur,  cependant,  se  permet  une 
licence  que  je  signalerai,  sans  la  lui  reprocher.  Il  n'hésite  pas  à  faire 
entrer  dans  son  vers  le  nom  de  Pie,  sans  que,  comme  l'exigent  les 
règles  assez  absurdes  de  notre  versification,  le  mot  suivant  commence 
par  une  voyelle  ou  une  h  muette. 

—  Avec  le  livre  de  M.  Hovine  nous  sommes  arrivé  à  la  poésie  lyrique, 
et  en  nous  occupant  à  présent  da  volume  très-remarquable  qui  porte 
le  titre  de  Roma,  nous  nous  retrouvons  encore  dans  le  même  ordre 
d'idées  tout  à  fait  catholiques.  M.  Victor  Chrétien  est  un  poëte  éner- 
gique ;  il  rappelle  souvent,  par  la  verve,  par  l'emportement  même  de 
ses  pensées  et  aussi  par  un  rhythme  ferme,  les  fameux  iambes  de 
M.  A.  Barbier.  La  pièce  mixixAée  Profession  de  foi  donne,  dès  le  début  du 
livre,  une  opinion  favorable,  que  ne  démentent  pas  les  autres  morceaux 
qui  composent  le  volume.  Parmi  ceux-ci,  nous  citerons  surtout  :  Au  roi 
Galantiiomo,  les  Litanies  et  te  Festin  de  Balthazar.  Il  y  a  dans  tout  ce 
livre  un  talent  réel,  une  fougue  qui  entraîne.  Il  y  a  là  la  promesse, 
el  déjà  mieux  que  la  promesse  d'un  vrai  poëte.  M.  Chrétien  ne  s'arrê- 
tera pas  dans  cette  bonne  voie,  et  nous  espérons  bien  souvent  avoir  à 
parler  de  lui,  car  il  doit  être  jeune  encore;  aussi  ne  lui  reprocherons- 
nous  pas  quelques  excès  d'indignation  :  le  temps  n'atténue  que  trop  tôt 
ces  exhubérances  si  rares  dans  notre  siècle  débile. 

—  Des  parents  ont  eu  la  bonne  pensée  de  recueillir  les  poésies  iné- 
dites du  comte  Lafond,ce  grand  homme  de  bien,  ce  catholique  si  fervent, 
dont  M.  Veuillot  fait  en  tête  de  ce  recueil  un  beau  portrait  qui  doit 
être  très-ressemblant.  Pour  qu'il  occupât  une  plus  grande  place  dans 
l'histoire  de  la  littérature  contemporaine,  il  n'a  peut-être  manqué  à 
M.  Lafond  que  d'en  occuper  une  moins  grande  dans  la  société.  L'ai- 
guillon de  la  nécessité  lui  a  manqué  comme  le  dit  son  biographe.  L'hu- 
milité chrétienne  put  aussi  empêcher  le  comte  Lafont  d'accorder  une 
grande  importance  à  ses  plaisirs  littéraires.  C'était  cependant  un  vrai 
dilettante  en  poésie,  comme  en  beaux-arts;  qu'on  lise  son  sonnet 
linquenda  tellus  : 

Parmi  tous  les  regrets  des  biens  que  la  Mort  prend, 
Horace  en  oublie  un  qui  n'est  pas  le  moins  grand  ; 
Le  regret  en  mourant  de  ne  plus  lire  Horace. 

Ce  sont  de  très-jolis  vers  que  ceux  que  le  comte  Lafond,  au  début 
de  son  livre,  adresse  à  la  Muse,  et  il  y  en  a  bien  d'autres  encore  dans 
son  volume  qu'on  lira  avec  plaisir. 

Sans  doute, si  M,  Lafond  eût  publié  lui-même  ce  volume,  il  y  eût  fait 
des  corrections  et  peut-être  des  suppressions,  mais  les  mains  amies 
qui  ont  classé  ces  diverses  pièces  ne  pouvaient  se   permettre  aucun 


—  i\d  — 

changement  de  ce  genre.  La  mort  avait  fait  de  ces  vers  des  reliques 
qu'il  fallait  respectueusement  toucher.  Au  reste,  pour  dédom- 
mager de  quelques  stances  tombées  trop  vite  d'une  plume  facile,  il  y  a 
bien  des  pensées  justes  et  bien  dites,  dites  vraiment  en  poëte;  il  y  a 
aussi  de  généreux  sentiments  qui  font  de  ce  recueil  une  saine  lec- 
ture. 

— Bien  que  Les  dm  x  frères  martyrs  soient  une  œuvre  dramatique,ily  a 
certes  assezde  poésie  dans  cette  œuvre  pour  que  nous  puissions  et  même 
devions  nous  en  occuper  ici.  Saint  Donatien  et  saint  Rogatien  sont  les 
héros  de  ce  drame-mystère  qui  a  obtenu  la  première  mention  honorable 
au  Congrès  des  œuvres  catholiques  ouvrières,  et  qui  fut  représenté 
par  les  élèves  des  Frères  avec  un  succès  attesté  par  une  lettre  de 
Mgr  Fournier,  évoque  de  Nantes.  Ce  succès  était  très-mérité  ;  le  mo- 
deste auteur  anonyme  méritait  mieux,  selon  nous,  qu'une  mention 
honorable  ;  ses  vers  sont  harmonieux,  bien  frappés,  richement  rimes, 
ses  dialogues  bien  coupés,  ses  caractères  tracés  et  indiqués  avec  pré- 
cision. Dans  un  passage,  le  poëte  ne  nous  paraît  pas  avoir  donné 
à  l'un  de  ses  personnages  le  langage  de  la  situation.  Quand  le  gouver- 
neur de  Nantes  apprend  que  son  second  fils  vient  aussi  d'embrasser  le 
christianisme,  il  n'y  a  pas  assez  de  stupeur  dans  les  paroles  du  père 
païen.  Trois  ou  quatre  mots,  un  cri  même,  eussent  mieux  valu  que 
deux  vers  d'un  ton  assez  faible.  Une  observation  toute  de  détail:  je 
crois  que  Rogatien,  Donatien,  doivent  former  quatre  syllabes.  Ce  qui 
frappe  dans  cette  production  dramatique,  c'est  une  intelligence  des 
exigences  de  la  scène  faite  pour  donner  à  penser  que  l'auteur  eût  pu 
obtenir  ailleurs  de  plus  éclatants  succès.  Au  début  de  la  tragédie,  cela 
a  été  une  heureuse  idée  de  faire  contraster  les  chants  de  l'orgie 
pa'ienne  avec  les  cantiques  des  chrétiens.  Plusieurs  autres  fois,  l'auteur 
a  employé  fort  à  proposla  poésie  lyrique  qu'il  sait  manier  avec  habileté. 

—  Revenons  à  nos  lyriques,  et  hâtons-nous,  car  voilà  encore  bien 
des  volumes  qui  attendent  une  mention.  Les  Nouvelles  poésies  chré- 
tiennes, de  M.  Francis  Goulin,  sont  pleines  d'excellentes  intentions  que, 
malheureusement,  les  vers  ne  valent  pas.  Il  y  a  beaucoup  de  pro- 
sa'isme  dans  ces  poésies,  et  les  sujets  traités  exigeaient  souvent  des 
développements  que  l'auteur  ne  leur  a  pas  donnés.  Mais,  après  tout, 
si  quinze  vers  de  cinq  syllabes  ont  suffi  à  M.  Goulin  pour  célébrer  la 
naissance  de  M.  le  comte  de  Chambord,  et  si  cette  petite  pièce  ne 
rappelle  en  rien  les  belles  odes  de  Lamartine  et  de  Victor  Hugo, 
M.  Goulin  a,  sur  les  deux  grands  poètes,  l'avantage  d'être  resté  iné- 
branlable dans  ses  croyances  —  ce  qui  est  bien  quelque  chose. 

—  Les  Fleurs  de  Bretagne,  de  M.  Edmond  Frain,  sont  inspirées  par 
de  pieuses  et  bonnes  pensées,  mais  révèlent  quelques  inexpériences 
de  versification.  Ainsi,  le  poëte  n'hésite  pas  à  faire  rimer  temps  avec 


—  120  — 

san;/  (p.  1),  à  mettre  de  suite  des  rimes  féminines  d'espèces  différentes 
(p.  5,  41).  A  côté  de  ces  négrligences,  on  remarque  des  tirades  écrites 
avec  une  certaine  ampleur. 

—  Après  le  Breton,  voici  le  Parisien.  M.  Albert  Mérat  trouve  que 

Le  ciel  le  plus  doux  est  encor 
Celui  qui  brille  sur  Asnières. 

Ce  sont  les  environs  de  Paris  qui  lui  fournissent  ses  petits  tableaux, 

tracés  souvent  avec  grâce  et  vérité,  mais  qui  finissent  par  sembler  un 

peu  monotones.  Le  poète  ne  prend  pour  tâche  que  d'esquisser  ce  qu'il 

a  sous  les  yeux,  les  Trains  du  dimanche,  par  exemple.  Plus  d'une  fois, 

par  la  richesse  de  ses  rimes,  la  facilité  de  son  rhjthme,  la  vérité  de 

ses  descriptions,  l'originalité  de  ses  images,  M.  Albert  Mérat  m'a  fait 

souvenir  de  Saint-Amand  —  pour  lequel  Boileau  a  été  bien  injuste. 

M.  Mérat  me  l'a  rappelé  non-seulement  par  les  6mz<ic  culês,  mais  aussi 

par  les  mauvais;  par  des  comparaisons  forcées,  par  des  incorrections. 

La  flamme  embaume  le  sa]jin. 

M.  Mérat  a  probablement  voulu  dire  que  le  sapin  embaume  la  Hamme. 

Ce  qui  manque  surtout  dans  Au  fil  de  l'eau,   c'est  le  sentiment,  la 

pensée,  l'âme.  M.  Mérat  n'a  voulu  faire  de  la  plume  qu'au  crayon. 

—   Y  siempre  ri  pasado 
Fue  mejor. 

dit  un  vieux  et  charmant  poëte,  George  Manrique.  Ces  vers  mélanco- 
liques auraient  pu  servir  d'épigraphe  aux  Anciens  jours,  de  M.  Henri 
de  Blazac.Ce  sont  tous  ses  souvenirs,  souvenirs  du  pays  natal,  de  l'en- 
fance, de  la  jeunesse,  des  voyages  lointains,  que  le  poëte  se  plaît  à 
rappeler  dans  des  vers  faits  facilement,  rimes  richement. 

Je  lis  Gautier,  Hugo,  Banville, 
Le  soir  assis  au  coin  du  feu. .  . . 

écrit  quelque  part  M.  de  Blazac,  et  on  eût  deviné  sans  qu'il  nous  l'ap- 
prît quels  sont  ses  autours  favoris.  Le  premier  et  le  dernier  semblent 
surtout  avoir  eu  de  l'influence  sur  lui.  C'est  à  leur  école  qu'il  a  appris 
à  manier  le  rhythme.  S'il  respecte  grandement  la  rime,  il  a  moins  d'é- 
gards pour  la  césure  : 

La  file  noire  des  —  chameaux,  les  cieux  d'airain  ... 

On  pourrait  citer  bien  des  vers  aussi  disgracieusement  coupés,  sans 
doute  par  un  parti  pris  plutôt  que  par  négligence. 

—  M.  Arthur  Mauroy  aime  les  sujets  lugubres.  En  ouvrant  son 
volume,  on  trouve  une  eau-forte  représentant  une  guillotine,  et,  dès 
sa  première  pièce,  intitulée  l'Échofand,  le  poëte  se  complaît  dans  les 
détails  d'une  exécution.  M.  Mauroy  appartient  à  une  école  qui  pousse 
trop  loin  le  respect  de  la  rimé  irréprochable,  ce  qui  fait  que  le  vers 
l'est  quelquefois  moins.  C'est  ce  respect  de  la  rime  qui  a  poussé  le 
poëte  à  qualifier  l'amour  de  j^erors  —  après  tout  M.  Hugo  a  bien  parlé 


—   1-21    — 

d'un  ccr  chusslciix  —  et  à  dire  un  souvenii'  drftuit.  M.  Mauroy  pro- 
digue trop  les  épithètes  et  nous  semble  trop  hardi  dans  ses  images, 
comme  lorsqu'il  fait  d'un  nuage  un  gigantesque  éteignoir;  trop  hardi 
aussi  avec  la  langue,  comme  lorsqu'il  invente  le  mot  prostrée.  Nous 
ne  voyons  pas  pourquoi  ce  petit  volume  s'appelle  Poèmes  dramatiques . 

—  Les  premiers  vers  de  M.  Henry  de  Fleurigny  peuvent  faire  espérer 
qu'ils  ne  seront  pas  les  derniers.  Il  y  a  de  la  facilité  et  du  sentiment 
dans  cet  essai.  C'est  une  jolie  pièce  que  celle  qui  est  intitulée  Prome- 
nade, et  l'on  pourrait  emprunter  de  bons  vers  à  diverses  pages  de  son 
volume.  On  pourrait  y  signaler  aussi  quelques  inexpériences,  de  mau- 
vaises rimes,  telles  que  épées  et  trophées,  et  quelques  fautes  de  mesure. 

—  Qu'est-ce  que  l'auteur  des  Primevères  ? 

...  .  C'est  un  rimeur  nouveau. 
Dont  la  muse  au  printemps  de  fleur  en  fleur  voltige. 
Comme  un   tendre  oiseau, 

La  vérité  eût  voulu  ici  un  papillon  —  ce  qui,  du  reste,  n'eût  pas  été 
bien  neuf — mais  la  rime  a  voulu  un  oiseau,  et  la  mesure  a  voulu  qu'il 
fût  tendre.  La  rime,  cette  servante  maîtresse,  a  encore  bien  d'autres 
fois  fait  faire  ses  volontés  à  M.  Marmottan.  L'auteur  des  Primevères 
doit  être  encore  très-jeune;  qu'il  ne  se  presse  pas  trop  de  produire. 

—  C'est  encore  un  jeune  homme  évidemment  que  M.  Solvay.  La 
Fanfare  du  cœur  n'est  guère  qu'un  recueil  de  poésies  amoureuses  qui 
ne  se  distingue  pas  d'autres  volumes  du  même  genre.  Le  vieux 
Cupidon,  relégué  dans  les  madrigaux  du  siècle  dernier,  y  refait  de  fré- 
quentes apparitions;  mais,  au  siècle  dernier,  on  n'eût  pas  dit  : 

0  marquise,    viens-nous-en 
Courir  ii  deux  la  broussaille, 

—  Les  Chants  de  la  montagne,  de  M.  Edouard  Schuré,  auraient  pu 
aussi  bien  être  appelés  chants  de  la  vallée.  L'auteur  débute  par  une 
dédicace  où  la  liberté  joue  un  grand  rôle,  et  dans  laquelle  elle  est  in- 
vitée à  rompre  la  chaîne  séculaire  .• 

Que  les  noirs  oppresseurs  redoublent  sans  rougir. 

Appartenant  aussi  aux  idées  nouvelles  —  vieilles  comme  le  monde 
et  remontant  au  meurtre  d'Abel.  —  M.  Éd.  Schuré  rime  néanmoins 
quelques  petites  ballades  moyen  âge,  avec  pages,  châtelaines,  croisés. 
On  trouve  même,  dans  son  livre,  quelques  pièces  écrites  sous  une 
influence  religieuse  —  et  ce  ne  sont  pas  les  plus  mauvaises  — telle  est 
la  Vierge  des  Alpes.  M.  Schuré,  dans  les  morceaux  lyriques,  ne  manque 
pas  d'un  certain  élan  ;  son  rhythme  a  de  l'harmonie.  M.  Schuré  prend 
un  peu  trop  ses  aises  avec  la  rime  et  la  langue  : 

La  rime  est  une  esclave  et  ne  doit  qu'obéir. 
Soit,  mais  pas  au  point,  si  elle  est  poupées,  de  correspondre  avec  fagot- 


—  122  — 

tées  —  mot  peu  poétique,  d'ailleurs  —  ni  au  point  de  devenir  langue 
charlatane,  parce  qu'un  vers  plus  haut,  on  \\i  froide  courtisane. 

—  M.  Georges  Eckoud,  en  publiant  Myrtes  et  Cyprès,  a  voulu  savoir  le 
nombre  de  fidèles  que  la  Muse  compte  encore,  s'assurer  par  lui-même 
si  le  siècle  est  tout  à  fait  indifférent  à  la  poésie.  M.  Eckoud  s'est-il  de- 
mandé s'il  avait  toutes  les  qualités  voulues  pour  faire  une  telle  expé- 
rience ?  Vraiment  son  livre  ressemble  à  trop  d'autres  volumes  pour 
que  le  public  soit  fort  coupable  de  rester  insensible  à  son  apparition . 
Dans  Myrtes  et  Cyprès,  on  peut  remarquer  les  traces  de  nombreuses 
influences.  Le  Chant  du  gondolier  est  un  souvenir  des  tours  de  force 
rhythmique  des  Orientales.  Xaviola  est  une  sorte  de  conte  inspiré  par 
une  lecture  de  Musset  ;  mais  Musset  n'aurait  pas  écrit  ce  drôle  de  vers  : 

Et  dit  l'abbé  tout  chose. 

Il  y  a  d'étranges  expressions  dans  le  livre  de  M.  Eekoud;  il  parle 
quelque  part  d'un  couple  folichon.  On  peut  aussi  signaler  des  rimes  qui 
ne  riment  pas  :  douter  et  baigner,  par  exemple;  des  oublis  des  règles 
de  la  versification,  des  vers  faux.  Dans  une  ode  à  la  France,  M.  Eekoud 
semble  ne  s'être  pas  souvenu  que  le  corps  de  Napoléon  n'est  plus  à 
Saint-Hélène  et  s'être  figuré  que  Nancy  a  été  annexé  par  la  Prusse. — 
C'est  bien  assez  de  Strasbourg  et  de  Metz. 

—  M.  Béor,  qui  a  déjà  publié  plusieurs  volumes,  est  l'auteur  de  Prin- 
temps et  Neige.  M.  Béor  traite  des  sujets  très-variés;  il  affectionne  le 
sonnet  qu'il  écrit  souvent  avec  facilité.  M.  Béor  a  consacré  plusieurs 
petits  monuments  de  quatorze  vers  à  quelques-uns  de  nos  grands 
hommes  et  aussi  à  la  célébration  de  diverses  vertus.  Ses  inspirations 
sont  généreuses,  et  il  n'est  pas  un  de  ces  libres-penseurs  qui,  selon 
l'expression  de  Gilbert,  voudraient  faire  le  ciel  vide.  Ce  qu'on  peut 
reprocher  à  M.  Béor,  c'est  quelquefois  un  peu  de  prosaïsme.  En 
général,  ses  rimes  sont  bonnes.  Cependant,  dans  un  sonnet  où  il  salue 
le  soleil  républicain,  il  a  eu  le  tort  de  pousser  l'amour  de  la  liberté 
jusqu'à  vouloir  faire  rimer  sème  avec  promène  (p.  47). 

—  M.  le  comte  Aymar  de  la  Rochefoucauld  a'publié  un  nombre  consi- 
dérable de  vers,  sous  le  titre  de  Poésies  intimes.  M.  de  la  Rochefoucauld 
fait  évidemment  les  vers  avec  beaucoup  de  facilité,  avec  une  facilité 
dont  il  devra  se  méfier.  Il  semble  que  la  rime  mène  son  imagination  et 
que  le  plaisir  de  faire  retentir  de  sonores  consonnances  lui  fasse 
oublier  la  pensée.  Ce  n'est  souvent  qu'une  sorte  de  musique  de  mots. 
Plusieurs  sonnets  sont  indiqués  comme  traduits  de  Pétrarque.  Nous 
aurions  cru  que,  là,  guidé  par  le  maître,  M.  de  la  Rochefoucauld  se 
serait  moins  laissé  entraîner  par  son  imagination  et  que  ses  vers  au- 
raient offert  quelque  chose  de  plus  net.  Mais  nous  ne  retrouvons  rien 


—   1-23  — 

du  poëte  italien  dans  les  quatrains  et  les  tercets  mis  sous  son  patro- 
nage. Ainsi  le  sonnet  XLIX  : 

Per  mirar  Policleto  aprova  fiso 

Con  gli  altri  chi  ebber  faina  di  quel  arte, 

n'est  certainement  pas  rendu,  pas  indiqué  même,  dans  le  sonnet: 

Ses  blonds  ckeveux  étaient  tout  épandus  ; 
Les  doux  zéphyrs  en  faisaient  mille  tresses. 
Ses  yeux,  qui  n'ont  que  des  regards  perdus. 
Étaient  alors  scintillants  de  caresses. 

—  Les  Poèmes  contemporains  étalent  à  leur  première  page  une  de 
ces  lettres  hyperboliques  dont  M.Hugo  aie  privilège.  M.  Desjr  Ravon 
est  un  reflet  du  maître  ;  antithèses  gigantesques,  trivialités,  rhythme 
sonore,  il  a  cherché  à  copier  M.  Hugo  et  n'y  a  quelquefois  pas  mal 
réussi,  surtout  quand  il  a  voulu  imiter  les  étrangetés  du  grand  poëte. 
""■^  pourrait  croire  alors  à  une  parodie.  Le  front  d'une  jeune  femme  : 
Rougit  exquisement  comme  un  marbre  qui  saigne. 

A  M.  .  """igo  lui-même,  M.  Ravon  dit  : 

Vfc.  se-nous  largement  le  vin  de  l'idéal 

Qui  rosoie  en  ta  coupe  et  comme  un  rubis  luit. 

M.  Ravon  n'eût  pas  mal  fait  de  terminer  son  recueil  par  un  glossaire 
destiné  à  Texplication  des  mots  de  sa  création,  tels  que  rosoier,  veule, 
uliiller,  etc.  M.  Ravon  est  trop  révolutionnaire  en  tout  pour  s'in- 
quiéter des  lois  de  la  grammaire  et  du  goût.  En  politique,  il  aime 
Danton  et  traite  les  députés  de  sênilcs  caboches;  en  fait  de  croyance, 
il  est  athée  et  espère  que  ses  restes  se  confondront  dans  le  grand  tout, 
que  son  sang  servira  à  colorer  les  fruits,  que  ses  os  feront  du  marbre, 
que  ses  chevaux  blondiront  dans  Tor  des  moissons,  —  H  eût  manqué 
à  ce  volume  quelque  chose,  si  on  n'y  eût  trouvé  une  ode  à  Garibaldi, 
et  il  eût  manqué  quelque  chose  à  cette  ode,  si  on  n'y  eût  trouvé  une 
insulte  à  notre  armée. 

— M.Marc  Bonnefoy,  qui  n'est  pas  resté, comme  un  trop  grand  nombre 
deses  confrères,  à  l'écart  des  épreuves  et  des  douleurs  de  ces  derniers 
temps,  a  écritDieu  et  Patrie  sous  l'inspiration  qui  a  valu  àM.Deroulède 
une  si  juste  et  si  prompte  renommée.  Comme  M.  Deroulède,  il  a  servi 
sans  doute  la  France  de  son  épée.  Ses  vers  ont  moins  d'originalité  et 
de  verve  que  ceux  de  M.  Deroulède,  ils  ont  subi  l'influence  de  traditions 
plus  classiques,  mais  ils  expriment  aussi  les  plus  nobles  pensées  de 
dévouement  et  d'abnégation.  Comme  son  émule,  il  a  consacré  une 
pièce  à  Jeanne  d'Arc  et  s'est  encore  souvenu  en  beaux  vers  de  la 
bonne  Lorraine,  à  la  fin  d'une  épître  adressée  à  M.  Deroulède  lui- 
même. 

—  C'est  à  M.  Deroulède  que  M.  d'Ivry  a  dédié  ses  Rimes  de  cape 
et  d'épée.   Ce  titre  seule  indique  la  nature  du  livre.   C'est  aussi  un 


poëte  soldat  à  qui  nous  avons  aftaire,  11  a  des  inspirations  patriotiques 
et  belliqueuses,  mais  le  souvenir  de  Musset  lui  en  a  donné  beaucoup 
d'autres  moins  graves.  M.  d'Ivry  a  la  verve  et  l'esprit  gaulois.  On  lit 
volontiers  ses  vers  qui  ont  surtout  la  jeunesse  pour  muse;  mais,  si  le 
volume  eût  été  moins  gros,  il  eût  été  meilleur.  M.  d'ivry  est-il  bien 
sûr  que  certains  mot  terminés  en  ion  aient  été  comptés  par  lui  à  leur 
mesure  exacte  ? 

—  Nous  voyons  d'après  sa  préface  que  M.  Villard  s'est  reconnu 
potite  tardivement.  Si  le  proverbe  n'était  pas  si  vulgaire,  nous  dirions 
mieux  vaut  tard  que  jamais,  quand  on  a  vraiment  reçu  l'influence 
secrète  dont  parle  Boileau.  Et  M.  Villard  l'a  reçue.  11  a  la  pensée,  le 
sentiment,  le  rhythme.  Il  a  cette  chose  de  plus  en  plus  rare,  une  cer- 
taine originalité.  Il  y  a  dans  ses  vers  un  mélange  d'inspirations  trés- 
élevées  et  de  familiarités  empruntées  à  la  vie  réelle  et  même  à  la  vie 
rurale.  Il  j  a  là,  tout  à  la  fois,  des  réminiscences  de  Virgile  et  des 
échos  de  la  poésie  populaire.  M.  Villard  a  donné  à  son  livre  le  titre  de 
VaUonnaises^  du  lieu  même  où  elles  sont  nées,  d'un  coin  du  départe- 
ment de  l'Ardèche.  Les  paysages  méridionaux  ont  été  rendus  avec 
éclat  par  M.  Villard.  Comme  partie  matérielle,  le  recueil  de  M.  Vil- 
lard offre  quelques  points  à  la  critique.  Nous  y  avons  remarqué  cet 
hémistiche  impossible  : 

Il  s'élanco  sur  le  —  pavé  cabriolant. 

Et  cet  autre  : 

se  tenant  par  la  main, 

Ils  suivirent  pares  —  seusement  le  chemin. 

M.  Villard  est  content  de  ce  vers;  nous  le  voyons  par  une  note,  et 
trouve  que  l'irrégularité  de  la  césure  donne  au  rhythme  une  allure 
conforme  à  celle  qu'on  a  voulu  exprimer.  Nous  ne  saurions  être  de 
son  avis  et  remarquons,  en  outre,  que  c'est  tout  au  plus  si  ce  malheu- 
reux adverbe  paresseusement  est  français.  M.  Villard  a  aussi  des 
vers  de  treize  pieds,  nombre  fatal,  surtout  dans  des  vers  qui  n'en 
doivent  avoir  que  douze.  Si  nous  nous  montrons  un  peu  sévère  pour 
ces  petits  détails,  c'est  justement  parce  que  le  talent  de  M.  Villard 
nous  inspire  une  vraie  sympathie. 

—  Quelques-uns  de  nos  lecteurs  se  rappelleront  peut-être  encore  un 
romancier,  critique  à  ses  heures,  qui  avait  nom  Marie  Aycard.  Ce 
prénom  féminin  causa  toutes  sortes  de  quiproquos.  Je  m'en  suis  sou- 
venu en  lisant  les  noms  d'Anna  Roberjot.  Je  pensais  avoir  affaire  à 
une  femme  ;  mais  les  premiers  vers  du  livre  semblent  pour  le  moins 
d'un  mari  et  même  d'un  mari  foi*t  tendre.  Ils  sont  jolis,  ces  vers, 
comme  beaucoup  d'autres  du  même  volume.  Il  y  a  là  de  l'esprit,  du 
sentiment,  des  images  justes  et  gracieuses.  Ce  que  j'aime  le  moins  de 
tout  le  volume,  c'est  le  titre  qu'il  porte  :    Ai-jc  des  ailes  '^  A   cette 


—  ii:\  — 

question,  du  reste,  jo  réponds  :  Oui,  sans  hésiter.  Je  ne  dis  pas  que 
ce  soient  des  ailes  de  grande  envergure,  des  ailes  à  transporter  sur 
les  plus  hautes  cimes,  mais  elles  sont  agiles  et  diaprées,  comme  celles 
d'un  papillon. 

—  Anliqiies  cl  modernes  est  le  titre  d'un  petit  volume  où  sont  tour 
à  tour  traités  des  sujets  anciens  et  contemporains.  M.  Gustave  Picard, 
qui  n'en  est  pas  à  ses  premières  armes,  a  1î  vers  agréable,  aisé,  et 
semble  surtout  destiné  à  réussir  dans  des  compositions  visant  au  sen- 
timent et  à  l'esprit.  Il  aime  assez  le  vers  satirique,  mais  ne  fait  pas 
de  longues  satires,  comme  au  temps  passé.  Il  se  contente  de  quelques 
portraits  bien  touchés,  tels  que  le  gommeux,la  grisette.  Ces  deux  mor- 
ceaux sont  fort  jolis.  Le  second  nous  montre  d'abord  la  grisette  telle,  à 
peu  près,  que  l'a  célébrée  Béranger,  et  ensuite  la  dame  du  demi-monde. 
Il  y  a  de  bons  traits  d'observation  et  une  inspiration  morale  qu'on 
peut  souvent  louer  dans  les  pages  de  M.  Picard.  Deux  fables  bien 
tournées  terminent  ce  volume. 

—  M.  Germain  Picard  a  encore  écrit  un  petit  pocme  :  Sœur  Marthe. 
Les  sentiments  en  sont  excellents, les  vers  en  sont  élégants  et  faciles, 
mais  cela  manque  un  peu  de  relief.  M.  Picard  est  porté  à  un  peu  de 
causticité,  et,  là^  il  n'y  avait  pas  matière  à  épigramme.  Nous  croyons 
que  son  genre  est  ailleurs. 

—  Puisque  nous  venons  de  parler  de  fables,  n'oublions  pas  celles 
qu'a  fait  paraître  M.  A. -F.  Théry.  L'auteur  les  a  composées  pour 
ses  petits-enfants,  et  ne  s'est  que  difficilement  décidé  à  les  communi- 
quer au  public.  Il  eût  été  dommage  de  les  laisser  en  portefeuille. 
Ces  petits  apologues  bien  écrits,  bien  pensés,  offrantune  morale  saine, 
seront  très-appréciés  des  jeunes  lecteurs,  ce  qui  n'empêchera  pas  des 
hommes  de  tout  âge  de  les  lire  avec  plaisir.  Que  ceux-ci  ne  se  lais- 
sent donc  pas  influencer  par  l'apparence  de  livre  scolaire  que,  trop 
modeste,  l'auteur  a  donnée  à  son  recueil;  il  diffère  beaucoup,  comme 
aspect,  de  la  plupart  des  volumes  qui  nous  ont  occupé.  Presque  toutes 
les  autres  publications  poétiques  que  nous  avons  examinées  sont  édi- 
tées avec  luxe,  par  Lemerre,  par  la  Librairie  des  bibliophilcs,par  Didot, 
ornées  quelquefois  de  gravures.  Les  poètes  ont  toujours  aimé  à  parer 
ainsi  les  produits  de  leur  génie.  Pour  qui  donc,  au  dix-septième  siècle, 
a  été  fait  un  joli  rondeau?  Il  y  est  question  d'un  livre  imprimé  par 
un  Jouaust  de  ce  temps-là  ;  on  en  vante  le  papier,  le  caractère,  les 
vignettes  : 

Tout  en  est  beau, 

Hormis  les  vers  qu'il  fallait  laisser  faire 
A  La  Fontaine. 

—  Tandis  que  les  nombreux  volumes  que  nous  venons  de  nommer 
faisaient  pour  la  première  fois  leur  apparition,  la  Librairie  Hetzel  a 


publié  une  nouvelle  édition  du  Livre  d'un  père.  C'est  une  bonne  for- 
tune pour  nous  d'avoir  à  dire  quelques  mots  de  cette  grande  œuvre. 
L'amour  paternel,  Famour  de  la  patrie,  les  sentiments  les  plus  doux 
et  tour  à  tour  les  plus  héroïques  ont  inspiré  ces  beaux  vers,  qui  seront 
lus,  admirés,  appris  dans  toutes  les  familles  françaises  et  chrétiennes. 
Il  est  impossible  de  mieux  peindre  que  ne  le  fait  M.  de  Laprade  les  af- 
fections qu'on  trouve  au  foyer  domestique,  les  petits  épisodes  de  la  vie 
intime.  Quelquefois  on  a  un  peu  la  crainte  que  le  père  ne  devienne  trop 
tendre  pour  ses  enfants,  qu'il  ne  les  amollisse  par  tant  d'amour  et  de 
soins;  mais,  comme  tout  à  coup  le  citoyen  se  montre!  les  nobles  con- 
seils que  donne  le  poëte,  et  quels  sacrifices  il  est  disposé  à  faire  pour 
la  France  humiliée  et  meurtrie  !  Comme  tout  le  ramène  à  ces  pensées 
de  devoir  et  d'abnégation  !  Qu'on  lise  le  Petit  soldat,  où  elles  sont 
admirablement  exprimées,  qu'on  lise  tout  le  volume,  qui  se  résume 
dans  ces  stances  : 

Ne  soupirons   plus  mollement, 
Fuyons  toute  lyre  énervante. 
Arrière  le  faux  sentiment  ; 
Place  à  la  foi  ferme  et  vivante. 
Il  faut  de  plus  mâles  sauveurs 
Dans  l'affreux  orage  oii  nous  sommes. 
Nous  avons  eu  trop  de  rêveurs  ; 
Soyons  des  hommes  ! 

On  ne  trouve  pas,  dans  le  livre  de  M.  de  Laprade,  les  mièvreries, 
les  enfantillages,  les  vers  paternes  qu'un  grand  poète  a  mêlés  à  tant 
de  violences  et  d'indignes  personnalités.  L'imagination  y  est  moindre, 
mais  combien  nous  préférons  le  Livre  d'un  père  à  l'Art  d'être  grand- 
père  !  Ce  qui  donne  au  volume  de  M.  de  Laprade  une  si  haute 
portée,  ce  sont  surtout  les  croyances  que  M.  Hugo  a  reniées  et  prises 
pour  objet  de  ses  dérisions.  M.  de  Laprade  a  fait  une  œuvre  qui  honore 
l'époque  où  elle  s'est  produite;  il  a  montré  quelle  doit  être,  dans  les 
tempsd'épreuves,la,  mission  fortifiante  de  lapoésie. Puisse  cet  exemple 
être  compris  et  suivi  ! 

Jean  de  Villemaury. 


THÉOLOGIE 

Hermae  Pastor  gradée,  «ddîtit  A'ersîone  latina  recentiore  e 
co<lîce  I*al»tiiio,  recensuerunt  et  illustraverunt  Oscar  de  Gebhardt, 
Adolphus  HAR.\AC.K.(Fait  partie  des  Patnim  aposlolicorum  opéra. Textunt  ad 
fidem  codicuni  el  fjnecoruni  et  lalinonim  adliibitis prœstantissiiuis  cditiotiibus. 
Editio  post  Dresselianam  alteram  tertia.  Fasciculus  m.) Leipzig,  J.  C.  Hin- 
richs,  1877,  in-8  de  lxxïiv  et  287  p. 

Il  y  a  quelques  années  à  peine,  on  ne  possédait  que  quelques  rares 
fragments  du  texte  original  d'Hermas  et  une  vieille  traduction  latine. 


L'édition  des  Pères  apostoliques  de  M.  l'abbé  Migne,  en  1857,  n'a  pu 
reproduire  que  Tantique  version  latine,  avec  quelques  lambeaux  grecs 
tirés  des  citations  des  auteurs  anciens.  Les  choses  ont  bien  changé 
depuis.  Les  bibliothèques  de  l'Orient  sont  comme  un  trésor  inépui- 
sable pour  l'ancienne  littérature  chréiienne  et  celles  de  l'Occident  con- 
tiennent aussi,  quoique  en  moindre  nombre,  des  richesses  inexplorées. 
On  ne  peut  plus  répéter  aujourd'hui,  comme  Ka  fait  M.  Migne,  les 
paz'oles  de  Galland  :  quamvis  textus  Hermœ  grsecus  interciderit...  Ce 
texte  est  là,  sous  nos  yeux,  dans  la  nouvelle  édition  de  MM.  Oscar 
de  Gebhardt  et  Adolphe  Harnack  et  la  version  latine  qui  l'accompagne 
n'est  pas  l'antique  traduction  reproduite  par  M.  Migne,  mais  une  autre 
traduction  ancienne,  différente,  dite  Palatine,  retrouvée  depuis  et 
jugée  avec  raison  préférable.  Elle  a  paru  pour  la  première  fois  en 
1863  dans  l'édition  de  Dressel.  Elle  est  tirée  d'un  manuscrit  du 
quatorzième  siècle  qui  se  trouve  actuellement  au  Vatican.  Le  manus- 
crit a  une  lacune  du.  Mandatum  xii,  2,  5  à  xii,  5,  3.  Cette  lacune  a  été 
comblée  dans  la  présente  édition  par  l'ancienne  traduction  latine. 

La  critique  possède  maintenant  deux  manuscrits  grecs,  contenant 
le  texte  original  du  Pasteur  d'Hermas,  le  ('odex  Lipsicnsis  et  le  Codex 
Sinaiticus.  Le  manuscrit  de  Leipzig  se  compose  de  trois  feuillets  trou- 
vés parle  Grec  Simonide^  au  mont  Athos,  et  do  la  copie  du  reste  de  ce 
manuscrit  faite  au  mont  Athos,  de  la  main  de  Simonide.  Ce  Simonide 
était  un  faussaire  habile  qui  avait  fabriqué  un  faux  original  d'Hermas, 
à  l'aide  de  l'ancienne  version  latine  et  des  citations  des  Pères  grecs 
Ce  faux  original  fut  publié  à  Leipzig  en  1856,  Hcnnœ  Paslor  grxce. 
Primumedidit  Rudolphus  Ange)-.  PrœfaUonem  et  indicem  adjecit  Guillel- 
mus  Dindorf.  La  découverte  de  cette  fraude  rendit  d'abord  très-sus- 
pecte l'authenticité  de  la  copie  faite  par  Simonide  au  mont  Athos,  mais 
le  Codex  Sinaiticus,  retrouvé  plus  tard,  fit  cesser  toute  inquiétude  et 
prouva  l'exactitude  de  la  transcription.  Le  Codex  Lipsiensis  contient 
tout  le  Pasteur,  à  l'exception  des  sept  derniers  chapitres  seulement, 
dont  nous  ne  possédons   encore  que  des  traductions. 

Le  Codex  Sinaiticus  est  malheureusement  plus  incomplet  encore 
que  le  Codex  Lipsiensis.  Il  s'arrête  à  partir  du  Mandatum  iv,  3,  6. 
Outre  les  manuscrits  grecs  et  les  deux  traductions  latines  dont  nous 
venons  de  parler,  les  critiques  peuvent  encore  disposer  pour  l'établis- 
sement et  l'interprétation  du  texte  d'i/e?vnfl5  d'une  version  éthiopienne. 
La  découverte  en  est  due  à  un  Français,  M.  Antoine  d'Abbadie,  qui, 
pendant  qu'il  voyageait  en  Ethiopie,  apprit  qu'elle  existait  au  cou- 
vent de  Guindaguinde,  et  en  fit  tirer  une  copie,  en  1847.  Le  texte 
éthiopien,  accompagné  d'une  version  latine,  faite  par  M.  Antoine  d'Ab- 
badie, a  été  publié  en  1869,  à  Leipzig.  Un  Américain,  M.  G.  Schodde, 
vient  de  faire  paraître,  également  à  Leipzig,  en  1876,  une  étude  critique 


—    I  2,S  — 

sur  cette  version  :Hcnnn  i\abi,  llic  Ethiopie  ver.sio'a  of  Pualur  cxamincd. 
M.  d'Abbadie  avait  cru  d'abord  que  cette  version  avait  été  faite  direc- 
tement sur  l'arabe.  Il  est  certain  et  admis  de  tous  maintenant  qu'elle 
a  été  faite  immédiatement  sur  le  grec. 

C'est  à  l'aide  de  toutes  ces  ressources  et  avec  l'exactitude  scrupu- 
leuse qui  les  distingue  que  les  nouveaux  éditeurs  ont  publié  le  Pasteur. 
Il  est  précédé  de  Prolégomènes  qui  donnent  au  lecteur  tous  les  ren- 
seignements désirables  sur  les  sources  du  texte.  Nous  avons 
été  surpris  seulement  de  ne  pas  voir  la  mention  de  l'édition  de 
M.  l'abbé  Migne  dans  l'énumération  des  éditions  de  la  version  latine 
ancienne. 

M.  de  Champagny,  dans  les  Antonins,  a  admis  deux  auteurs  du 
Pasteur;  il  a  attribué  les  visions  à  Hermas,  homme  apostolique  et  les 
commandements  et  les  similitudes  à  un  autre  Hermas,  frère  du  pape 
Pie  ler .  M.  Harnack  rejette  cette  opinion  comme  insoutenable  :  «  De  uni- 
late  et  inlcgritate  Pastoris,  dit-il,  nvlla  relicla  est  dubitatio.  »  La  ver- 
sion éthiopienne  attribue  à  saint  Paul  la  composition  du  Pasteur,  en 
s'appuyant  sur  it'^.xiv,  12;  mais  elle  ne  peut  être  contestée  à  Hermas, 
qu'il  j  a  tout  lieu  de  croire  avoir  été  le  frère  du  pape  saint  Pie,  comme 
l'affirme  le  canon  de  Murntori.  Il  l'écrivit  à  Rome  entre    130  et  140. 

L'édition  de  MM.  de  Gebhardt  et  Harnack  reproduit,  sur  la  page  de 
gauche,  le  texte  grec  et  la  version  latine,  sur  la  page  de  droite.  Au  bas 
du  texte  sont  reproduites  les  variantes  des  manuscrits.  Des  notes 
abondantes,  placées  au-dessous  des  variantes,  forment  un  véritable 
commentaire  perpétuel  et  ne  laissent  iiien  ignorer  au  lecteur  de  ce 
qu'il  est  utile  de  savoir.  Quelques-unes  d'entre  elles  sont  de  véritables 
petits  traités, comme  par  exemple, celle  sur  les  livres  sybillins^page24. 
Le  volume  se  termine  par  un  index  des  passages  des  livres  saints 
cités  par  Hermas  et  par  un  vocabulaire  des  mots  grecs  du  Pasteur. 
Comme  les  éditeurs  ont  toujours  fait  usage,  non  de  la  langue  alle- 
mande, mais  de  la  langue  latine,  leur  édition  est  à  la  portée  de  tous 
les  hommes  instruits.  Il  faut  observer,  néanmoins,  qu'on  ne  peut  pas 
toujours  accepter  toutes  leurs  réflexions,  en  particulier  leurs  consi- 
dérations théologiques,  comme  dans  le  Mandatum  xi,  par  exemple. 
[Ce  iMandatîim,  qui  est  important,  est  fort  abrégé  dans  la  traduction 
latine  publiée  par  M.  Migne.)  G.  K. 


t.e  Syllabu»,  base  tîe  I'*Union  catholique,  par  le  R.  P.  Pjîtitalot, 
de  la  Société  de  Marie.  Paris,  Bray  et  Retaux,  1877,  in-12  de  xv-266  p.  — 
Prix  :  3  fr. 

Un  des   hommes  qui  ont  rendu,  en  notre  temps,  les  plus  éminents 
services  à  la  science  sociale  disait  que  le  a  Syllabus  est  le  code  le  plus 


—  ]20  — 

parfait  donné  àThumanité.  »  Mais  ce  code,  invoqué  par  los  uns  comme 
leur  loi  fondamentale,  attaqué  par  les  autres  comme  le  dernier  mot 
d'une  réaction  impuissante,  n'est  connu  que  d'un  très-petit  nombre. 
Nous  n'avons  point  encore,  en  notre  langue,  un  bon  commentaire 
familier  du  Syllabus  :  ce  serait  cependant  un  des  livres  les  plus  utiles 
que  pourrait  écrire  un  défenseur  du  christianisiae  et  de  la  société. 
L'œuvre  a  déjà  été  tentée  ;  nous  rendions  compte  ici  même  de  quel- 
ques-uns des  derniers  essais,  nous  reconnaissions  la  bonne  volonté  et 
le  mérite  de  l'écrivain;  mais  nous  devions  avouer  que  ce  n'était  point 
encore  le  traité  définitif  et  l'ouvrage  parfait. 

Le  P.  Petitalot  a  compris  quel  devait  être  le  caractère  d'une  étude 
sur  le  Syllabus.  Il  se  propose  de  faire  disparaître  les  malentendus 
«  devant  une  explication  méthodique,  courte,  claire,  sans  autre  pas- 
sion que  celle  de  la  vérité,  en-dehors  de  tout  parti  purement  politique 
et  de  toute  question  purement  personnelle.  »  Il  a  certainement  les 
deux  qualités  les  plus  nécessaires  pour  écrire  un  tel  livre,  je  veux  dire 
la  soumission  la  plus  entière  aux  doctrines  du  Saint-Siège  et  un  style 
clair  et  facile,  qui  fait  comprendre  sans  nulle  peine  les  choses  les 
plus  abstraites,  qui  conduit,  sans  même  qu'on  le  remarque,  jusqu'à  la 
fin  du  livre.  La  familiarité  peut  bien  dépasser  eàet  là  les  limites  d'un 
goiit  sévère  et  tomber  dans  le  langage  heureusement  réservé  aux  seuls 
journalistes,  mais  nous  n'en  ferons  pas  une  critique  trop  dure  à  l'au- 
teur. Des  mots  qui  feraient  tache  ailleurs  passent  presque  inaperçus 
dans  un  écrit  populaire.  Notre  reproche  est  plus  grave.  L'écrivain 
ne  s'est  pas  assez  tenu  dans  ces  hauteurs  sereines  où  l'on  n'entend 
plus  les  bruits  d'en  bas;  il  a  trop  écouté  nos  mesquines  querelles  et 
mis  en  avant  des  personnalités  bruyantes.  Est-ce  bien  dans  le  commen- 
taire d'un  acte  aussi  grave  que  le  Syllabus,  qu'il  convient  de  dire  que 
«  M.  de  Lacretelle  poussa  une  interruption  superbement  sotte,  »  ou 
d'appelerles  radicaux  «  bons  amis  des  Prussiens  (p.  142),  »  ou  de  nous 
montrer  «  le  pacte  de  Bordeaux  et  le  mariage  de  M.  Thiers  avec  la 
France,  puis  le  24  mai  1873  divorce  de  ce  mariage  si  bien  assorti 
(p.  182);  »  puis  la  «République....  menaçant  de  devenir  la  Terreur,  si 
le  maréchal  n'avait  enfin,  par  l'acte  énergique  et  patriotique  du 
16  mai,  muselé  le  tigre  révolutionnaire  et  délivré  la  France  d'une 
politique  de  casse-cou  ?  »  Si  nous  demandons  la  suppression  de  toutes 
ces  choses  trop  actuelles,  nous  désirerions  que  les  questions  de  prin- 
cipes fussent  traitées  avec  plus  d'étendue.  Une  suffisait  pas  d'écrire 
six  pages  sur  la  liberté  de  la  presse  et  de  tonner  contre  la  vénalité 
des  journalistes.  L'argument  le  plus  irréfutable,  lorsqu'on  veut  per- 
suader à  des  lecteurs  prévenus  que  l'Église  ne  repousse  pas  la  civili- 
sation moderne  et  accepte  môme  les  armes  savantes,  n'était  pas  de 
rappeler  que»  le  pape  trouvait  bon  que  le  cha^sepotfîtmerveille  entre 

FÉVRIER  1878.  T.  X.Klï,  9. 


—   130  — 

les  mains  de  ses  défenseurs  de  Mentana  (p.  252).  »  Enfin  la  plus  dan- 
gereuse erreur  condamnée  dans  le  Syllabus^  le  catholicisme  libéral, 
n'a  obtenu  que  sept  pages  du  livre.  N'est-ce  pas  ici  surtout  qu'il  fallait 
a  une  explication  méthodique,  courte,  claire,  sans  autre  passion  que 
celle  de  la  vérité,  »  mais  éloquente  par  cette  passion  maîtresse  ? 

E.  P. 


L<es  Douleurs  de  la  vie,  la  mort,  le  purgatoire  :  espérance 
et  consolation,  par  M.  l'abbé  V.  Postel,  chanoine  et  vicaire  général 
d'Alger.  Paris,  Palmé,  1877,  in-12  de  11-672  p.  —  Prix:  4  fr. 

Ecrire  «  un  livre  de  doctrine  et  un  livre  de  consolation  basée  sur 
la  réalité  des  choses,  montrer  autant  par  des  faits  que  par  des  considé- 
rations spéculatives  »  qu'il  ne  nous  faut  point  laisser  «  effrayer  aux 
apparences,  là,  où  Dieu  veut  surtout  qu'on  mette  en  lui  une  confiance 
filiale,  »  tel  est  le  but  que  s'est  proposé  M.  l'abbé  V.  Postel  en 
publiant  cette  nouvelle  œuvre.  Certe,  il  y  était  mieux  préparé  que 
personne  par  une  connaissance  solide  des  matières  théologiques,  par 
ses  vastes  lectures  et  aussi  par  un  talent  sérieux  d'écrivain.  Il  a 
divisé  son  sujet  en  trois  livres;  le  premier  présente  la  a  consolation 
dans  la  douleur;  »  le  second,  la  «  consolation  en  face  de  la  mort;  »  le 
troisième,  qui  occupe  plus  de  la  moitié  de  l'ouvrage,  est  un  traité 
très-complet  sur  le  Purgatoire  :  l'existence  et  la  nature  du  Purgatoire 
et  la  prière  pour  les  morts.  Comment  ne  pas  être  ému,  ne  fût-on  point 
sous  le  coup  de  quelque  cruelle  épreuve,  lorsqu'après  les  exemples  des 
âmes  qui  furent  les  plus  fortes  au  milieu  des  souffrances,  on  lit  les 
plus  belles  pages  inspirées  par  la  foi  et  l'espérance  chrétiennes? 
Notre  auteur  a  été  vraiment  heureux  dans  les  citations  qu'il  a  faites. 
On  trouve  dans  son  livre,  avec  les  accents  enthousiastes  d'un  saint 
Augustin,  d'une  sainte  Thérèse,  d'un  saint  Ambroise,  les  plaintes 
plus  humaines  et  non  moins  vibrantes  de  ceux  que  nous  avons  connus 
et  aimés,  de  M^""  Gerbet  (p.  51),  du  sympathique  abbé  Perreyve  (p.  37). 

La  mort  est  la  grande  douleur,  comme  elle  est  la  grande  terreur 
durant  la  vie,  c'est  donc  pour  elle  surtout  qu'il  faut  des  consolations, 
particulièrement  en  notre  temps  où  les  convictions  chrétiennes 
s'effacent  en  ceux  mêmes  qui  se  disent  chrétiens.  M.  Postel  expose 
avec  ampleur  les  enseignements  de  la  foi  et  les  pensées  des  saints;  il 
y  oppose  les  désolantes  rêveries  de  la  science  incroyante  ou  les 
sombres  folies  du  spiritisme.  Il  prouve  sans  peine  et  par  le  seul 
développement  de  son  sujet,  que  la  mort  n'est  point  terrible  pour 
celui  qui  espère  en  Jésus-Christ,  qu'elle  doit  même  inspirer  à  nos 
cœurs  de  saints  désirs. 

Après  la  mort,  la  justice  de  Dieu  prononce  la  sentence.  Les  âmes 
pures,  mais  encore  imparfaites,  sont  condamnées  à  une  expiation  tem- 


—   131  - 

poraire,  que  la  tradition  chrétienne  appelle  purgatoire.  Ce  dogme,  un 
des  premiers  que  les  protestants  attaquèrent,  est  défendu  par  M.  Postel 
avec  une  abondance  de  preuves  qui  emportent  la  conviction.  L'Ecri- 
ture est  invoquée,  les  Pères  de  TEglise  apportent  leur  témoignage 
non  pas  en  quelques  mots,  comme  il  se  voit  dans  les  traités  élémen- 
taires de  théologie,  mais  par  d'éloquents  discour^-  voici  la  série  des 
conciles  qui  ont  enseigné  ce  dogme,  depuis  les  assemblées  du  qua- 
trième siècle  jusqu'au  concile  oecuménique  de  Trente.  La  raison 
même  ne  nous  persuade-t-elle  pas  qu'il  existe  après  la  mort  une 
expiation,  pour  les  âmes  qui  ont  quitté  la  vie  sans  avoir  satisfait  à  la 
justice  de  Dieu  ?  Nous  ne  pouvons  suivre  notre  auteur  lorsqu'il  expose 
les  diverses  opinions  des  théologiens  sur  la  nature  du  purgatoire,  ou 
l'efficacité  de  la  prière  pour  les  morts. 

Répétons  que  nous  ne  connaissons  pas  en  notre  langue  un  traité 
plus  complet  sur  la  douleur  chrétienne  et,  en  particulier,  sur  la  mort 
et  le  purgatoire.  La  doctrine  du  théologien  est  toujours  sûre  et  puisée 
aux  meilleures  sources.  Le  livre  est  intéressant  et,  quelque  éten- 
due qu'il  ait,  il  ne  paraît  point  long.  Nous  sommes  tous  des  enfants, 
nous  aimons  les  histoires  et  les  traits,  M.  Postel  est  intarissable 
quand  il  faut  conter.  Qu'il  nous  permette  une  seule  observation.  Il 
emprunte  sans  doute  ses  exemples  aux  livres  les  plus  autorisés,  le 
plus  souvent  aux  écrits  des  Pères  ou  aux  vies  des  saints  ;  mais  parce 
qu'an  fait  est  écrit  dans  les  dialogues  de  saint  Grégoire  ou  dans  un 
sermon  de  saint  Jean  Damascèi^e,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  soit  toujours 
utilement  cité  aux  hommes  de  notre  âge.  Cette  accumulation  de 
prodiges,  ces  apparitions  des  âmes  qui  ont  quitté  le  monde  peuvent 
fausser  les  imaginations  égarées  par  la  douleur.  On  croirait  presque 
que  ce  qui  n'a  jamais  été  qu'une  exception,  dans  la  conduite  de  la 
Providence,  est  un  fait  commun.  Nous  croyons  que  les  folies  du  spiri- 
tisme nous  commandent  plus  de  réserve,  même  dans  les  choses  qui 
seraient  bonnes  en  d'autres  temps.  Eug.  Pousset. 


JURISPRUDENCE. 

Dictionnaire  de  droit  commercial,  industriel  et  maritime, 

contenant  la  législation,  la  jurisprudence,  l'opinion  des  auteurs,  les  usages 
du  commerce,  les  droits  de  timbre  et  d'enregistrement,  enfin  des  modèles  de 
tous  les  actes  qui  peuvent  être  faits  soit  par  les  membres  des  tribunaux  de 
commerce,  soit  par  les  commerçants  eux-mêmes,  3=  édition,  dans  laquelle  a 
été  refondu  l'ancien  ouvrage  de  MM,  Goujet  et  Merger,  par  J.  Ruben  de 
Couder,  docteur  en  droit,  rédacteur  en  chef  du  i{ecuei7  (iré?icraZ  des  lois  et 
arrêts,  et  du  Journal  du  Palais.  T.  1"  A-As.  Paris,  Marescq  aîné,  1877, 
gr.  iii-8  de  880  p.  —  Prix  :  10  fr. 
Le  Dictionnaire  de  droit  commercial  de  MM.  Goujet  et  Merger  a  paru 


—  132  — 

pour  la  première  fois  en  1845,  en  quatre  volumes  in-8  de  600  à  700 
pages.  Il  comblait  une  véritable  lacune,  en  prenant  sa  place  entre  les 
ouvrages  méthodiques  de  doctrine,  et  les  simples  recueils  d'arrêts. 
«Dans  lapratique  des  affaires, »  disaient  ses  éminents  auteurs,  «ilfaut 
voir  vite  et  bien.  »  Ces  paroles  indiquaient  suffisamment  leur  but. 
Leur  dictionnaire  ne  devaitpas  être  une  œuvre  de  critique  législative, 
ni  même  une  œuvre  principalement  doctrinale  ;  mais,  en  résumant  avant 
tout  le  droit  et  la  jurisprudence  actuels,  en  évitant  toute  expression 
obscure  ou  trop  savante,  il  devait  former  un  instrument  utile  et  facile 
à  manier,  mis  à  la  portée  de  tous  ceux  qui  sont  dans  les  affaires.  Dès 
lors,  leur  travail  ne  mérite  guère  que  des  éloges.  MM.  Goujet  et 
Merger  ont  su  grouper,  sur  chaque  mot,  avec  beaucoup  d'art  et  de 
clarté,  et  dans  des  formules  brèves  et  précises,  la  loi,  les  systèmes,  les 
arrêts.  Leur  œuvre  s'adresse  aussi  bien  au  juriste  et  à  l'avocat,  qu'au 
commerçant  et  à  l'industriel.  Ils  ont  donc  pleinement  atteint  leur  but. 
La  faveur  du  public  n'a  pas  tardé  à  le  leur  prouver. 

C'est  cet  important  ouvrage,  depuis  longtemps  épuisé  et  redemandé, 
que  M.  Ruben  de  Couder  a  eu  l'heureuse  idée  de  nous  rendre.  Il  fallait 
d'abord  le  remettre  au  courant  de  la  législation,  de  la  doctrine,  et  de 
la  jurisprudence  nouvelles;  et  en  présence  des  nombreuses  innovations 
faites  depuis  trente  ans,  c'était  là  déjà  un  grand  travail.  Mais  le  savant 
rédacteur  du  Recueil  des  lois  cl  arrêts  ne  devait  pas  s'en  contenter.  Par 
la  critique  sévère  à  laquelle  il  soumet  les  formules  de  ses  devanciers, 
les  corrige  et  les  complète,  et  par  le  développement  considérable 
qu'il  donne  à  leur  œuvre,  c'est  une  véritable  refonte  qu'il  a  entreprise. 
En  effet,  le  premier  volume  de  l'édition  de  1845  comprenait  dans  672 
pagesles  deux  lettres  A  et  B  tout  entières.  Celui  de  M.  Couder,  par  contre, 
en  compte  800,  et  ne  va  que  de  A  à  As.  Il  contient,  dès  sa  première 
page,  deux  mots  {abatellement  et  ahbaUoir)  dont  l'un  très-important, 
qu'on  eût  en  vain  cherchés  dans  l'édition  précédente.  Ses  principaux 
articles  sont  d'ailleurs  également  Vnctc  de  commerce  (p.  44  à  91),  l'a- 
gent  de  change  (p.  126  à  217),  Yarbilrage  (p.  273  à  390)  et  les  assurances 
(p.  451  à  744).  Ils  forment  chacun  de  véritables  traités  pratiques,  qui 
résument  complètement,  pour  l'homme  d'affaires,  notre  droit  et  notre 
jurisprudence  actuels. 

Nous  ne  hasarderons  guère  que  deux  critiques.  Il  semble  que  l'auteur 
eût  pu  donner  quelque  place  à  la  législation  et  à  la  jurisprudence 
étrangères.  I/extension  du  commerce  moderne  en  rend  la  connaissance 
pratiquement  utile,  et,  dans  plusieurs  questions  de  droit  maritime  trai- 
tées dans  ce  premier  volume,  elles  intéressent  presque  autant  les  gens 
de  mer  que  les  applications  du  droit  national.  Espérons  que  l'auteur 
tiendra  un  peu  compte  de  cette  observation^  quand  il  traitera  du  droit 
de  change. 


—   133  — 

En  second  lieu,  l'un  rencontre  parfois  certaines  l'ormulcs  un  peu 
négligées  ou  trop  peu  précises,  au  moins  au  point  de  vue  de  la  bonne 
langue  du  droit.  Les  définitions  deVabonnenieut  (p.  4  et  5), de  l'abus  de 
blanc  seing,  et  autres  ne  nous  plaisent  qu'à  demi.  Le  passage  suivant 
qui  commence  la  matière  de  l'arbitrage  n'est-il  môme  pas  un  peu  fan- 
taisiste :  «  L'arbitrage  est  le  premier  mode  que  les  hommes  réunis  en 
société  aient  employé  pour  terminer  leurs  difFérendij  avant  l'établisse- 
ment d'une  justice  régulière.  »  Enfin,  pourquoi  nous  dit-il  que  certains 
rapports  d'arbitres  n'ont  qu'une  valeur  documentaire?  l'expression 
est-elle  correcte  ?  et  d'ailleurs  n'y  a-t-il  pas  des  documents  qui  ont 
autant  de  valeur  que  les  témoignages? 

Mais  ce  sont  là  des  reproches  secondaires,  qui  ne  s'attaquent  en  rien 
à  l'ensemble  de  l'œuvre.  Nous  sommes  persuadés  que  le  public  lui  fera 
le  bon  accueil  qu'elle  mérite.  A.  de  Riedmattbn. 


SCIENCES. 

Ras  Gewîssen,  mit  Einsckluss  der  GefiilUe  und  Silten  in  ihrev  Beziehung 
zum  Gcivissiu,  von  Prof.  J.-J.  Hoppi-:,  D'  der  Mediein  und  Philosophie. 
Ratisbonne,  Manz,  187d,  gr.  in-8  de  viii-3oO  p.  —  Prix  :  6  fr. 

En  Allemagne,  mieux  qu'en  France  peut-être,  les  défenseurs  du 
spiritualisme  ont  compris,  dans  ces  dernières  années,  la  nécessité 
d'appliquer  la  méthode  expérimentale  à  l'étude  et  à  l'observation  des 
faits  de  l'âme,  et  de  battre  en  brécLe  les  prétentions  du  matérialisme 
scientifique,  si  fort  en  vogue,  en  retournant  contre  lui-même  ses 
propres  armes. 

M.  le  professeur  Hoppe,  de  l'Université  de  Bâle,  est  l'un  de  ceux 
qui  ont  usé  dans  une  plus  large  mesure  de  ce  procédé.  Après  Tavoir 
employé  dans  un  traité  de  logique  et  divers  essais  sur  plusieurs  ques- 
tions physiologico-philosophiques,  comme  le  Vertige,  les  Hullucina- 
tions,  les  Perceptions  inconscientes  dans  la  pensée  humaine,  les  procédés 
logiques  de  l'analogie  et  de  l'induction,  la  formation  de  la  notion  de 
temps,  etc.,  il  s'en  est  servi  plus  récemment  dans  une  importante 
monographie  de  la  Conscience  morale  (Paderborn,  1868,  in-8  de 
803  pages). 

Au  lieu  d'insister,  comme  les  écoles  spiritualistes,  sur  la  fonde- 
ment rationnel,  mais  sans  le  nier,  ni  le  méconnaître,  M.  Hoppe  s'attache 
spécialement  à  décrire  le  jeu  delasensibilité  et  à  en  faire  ressortir  le 
rôle  et  l'importance  dans  les  manifestations  de  la  conscience. 

Avec  une  grande  finesse  d'observation,  il  analyse  ce  fond  intime  de 
la  sensibilité  générale  qui  pousse  l'âme  à  chercher  la  paix  et  le  repos 
dans  la  possession  de  son  vrai  bien,  qui  n'est  autre,  psychologique- 


—  134  — 

ment  parlant,  que  l'objet  propre  de  ses  facultés  supérieures.  En  même 
temps,  il  nous  montre  inclinés  àjugernos  actes,  à  constater  s'ils  sont  ou 
non  conformes  à  ce  «  vrai  bien.  »  Quand  la  raison  ne  se  trompe  pas  dans 
son  appréciation,  au  point  de  vue  de  ce  qui  est  vraiment  le  bien  et  la 
loi  de  notre  activité,  l'âme  se  sent  satisfaite  dans  le  repos  d'une  bonne, 
vraie  et  tranquille  conscience.  Qu'au  contraire  cette  harmonieuse 
concordance  entre  le  jugement  de  la  raison  et  l'objet  réel  des  aspira- 
tions de  la  sensibilité  n'existe  point,  que  l'intelligence  ou  la  volonté 
s'égarent  dans  ce  qui  n'est  pas  leur  «  vrai  bien,  »  ce  sera  la  rupture  de 
Téquilibre  de  nos  facultés,  ce  seront  les  reproches  et  les  remords 
de  la  conscience. 

Cette  corrélation  psychologique  entre  la  vérité  de  notre  connais- 
sance et  l'excitation  de  notre  sensibilité,  exprime  d'une  façon  assuré- 
ment plus  complète  la  nature  de  cette  «  voix  intérieure  »  qui  parle  au 
plus  profond  de  notre  moi. 

Il  y  aurait  toutefois  une  lacune,  si  l'on  se  bornait  à  déterminer  ce 
a  bien  véritable  »  exclusivement  d'après  ce  qui,  de  fait,  peut  satisfaire 
les  élans  et  les  aspirations  de  notre  sensibilité.  Car  en  réalité  ces  aspi- 
rations ne  tendent  pas  toujours  infailliblement  vers  leur  seul  objet 
propre  et  véritable;  elles  peuvent  être  faussées  ou  dévoyées.  Donc, 
prendre  pour  le  bien  en  soi  ce  que  nous  croyons  sentir  comme  notice 
bien,  donnerait  à  la  règle  du  bien  moral,  à  la  loi  morale  elle-même  un 
caractère  purement  subjectif;  elle  deviendrait  changeante  suivant  la 
façon  de  sentir  des  individus.  Pourobvier  à  cet  inconvénient,  le  profes- 
seur Hoppe  démontre  que  les  dispositions  normales  de  la  sensibilité, 
implantées  en  nous  par  le  Créateur  lui-même,  forment  une  sorte  de  loi 
concrète  qui  s'identifie  avec  notre  activité;  par  cela  même,  cette 
loi  concrète  et  subjective  présuppose,  comme  son  fondement  absolu 
et  sa  norme  indépendante,  la  raison  et  la  volonté  créatrices.  Or,  c'est 
avant  tout  à  notre  intelligence  de  saisir  cette  loi  suprême  de  la  raison 
et  de  la  volonté  divines,  et  d'y  reconnaître  le  bien  véritable  dans  lequel 
seul  notre  être  moral  trouvera  son  repos,  selon  le  mot  bien  connu  de 
saint  Augustin  :  Irrequietinn  est  cormeum  donec  requiescat  in  te,  Deus  ! 
C'est  la  voix  de  la  raison  avant  d'être  la  voix  du  cœur,  ou,  suivant  la 
pensée  de  Lamennais,  la  raison  reconnaît  son  devoir  dans  ce  qui  se 
fait  sentir  comme  le  besoin  du  cœur. 

Il  faut  particulièrement  savoir  gré  à  l'auteur  d'avoir  rendu  justice 
aux  théologiens  et  aux  philosophes  du  moyen  âge.  Relativement  à  la 
conscience,  des  citations  bien  choisies  établissent  que  les  scolastiques 
ont  mis  en  lumière  le  caractère  rationnel  de  son  activité,  tout  en  y  re- 
connaissant l'intervention  de  la  sensibilité. 

Un  autre  de  ses  mérites,  c'est  de  montrer  expérimentalement, 
en  quelque  sorte,  que  le  jeu  normal  de  ces  sentiments    qui  inter- 


—  133  — 

viennent  dans  l'activité  de  la  conscience,  exige,  comme  sa  condition 
suprême,  la  présence  de  l'idée  de  Dieu  dans  notre  esprit.  Cette 
induction  appliquée  au  domaine  des  faits  psychologiques  fournit  ainsi 
un  argument  spécial  de  Texistence  de  Dieu,  venant  corroborer 
toutes  les  preuves  qu'elle  tire  des  autres  ordres  de  nos  connaissances. 
Par  la  même  voie,  il  est  aisé  de  montrer  la  nécessité  psychologique 
de  la  religion  en  général  et  d'une  religion  positive  en  particu- 
lier, pour  diriger  et  parfaire  en  nous  l'éducation  de  tous  ces  senti- 
ments qui  constituent  le  fond  de  notre  vie  intellectuelle  et  morale. 
L'auteur  l'a  fait  dans  un  chapitre  qui  nous  semble  la  partie  la  plus 
remarquable  de  son  travail.  C'est  là  une  idée  dont  la  valeur  philoso- 
phique n'échappera  à  personne.  C'est  prouver  en  quelque  sorte,  avec 
les  procédés  d'une  méthode  au  nom  de  laquelle  l'incrédulité  moderne 
combat  de  préférence  et  le  spiritualisme  et  le  christianisme,  que  l'un 
est  la  philosophie  psychologiquement  vraie, et  l'autre  la  religion  psycho- 
logiquement nécessaire  et  conforme  aux  dispositions  les  plus  intimes 
de  notre  nature. 

En  parlant  çà  et  là  d'une  démonstration  nécessaire  et  rigoureuse 
de  la  foi  chrétienne  par  cet  ordre  de  preuves,  le  professeur  Hoppe 
n'entend  pas  se  faire  l'écho  des  théories  de  Hermès  :  pas  plus  qu'il  ne 
voudrait,  à  la  façon  de  Giinther,  présenter  ce  lien  d'intime  connexion 
entre  telle  vérité  surnaturelle  et  les  dispositions  de  notre  âme  comme 
une  démonstration  directe  de  la  vérité  intrinsèque  du  mystère,  ou  ap- 
puyer, selon  la  pensée  de  Baader,  tout  l'édifice  de  la  vérité  métaphy- 
sique et  religieuse  sur  une  sorte  de  philosophie  du  sentiment.  Plus 
d'une  fois  en  effet,  dans  son  traité  de  la  Conscience,  comme  dans  ceux 
de  ses  opuscules  où  il  touche  à  cet  ordre  d'idées,  il  affirme  que  le 
christianisme  et  l'Eglise  sont  des  faits  qui  veulent  avant  tout  être  cons- 
tatés comme  tels  ;  que  cette  sorte  de  vérification  psychologique  laisse  aux 
autres  preuves,  soit  historiques,  soit  théologiques,  toute  leur  valeur, 
qu'elle  se  propose  seulement  de  ramener  à  l'intelligence  des  vérités 
religieuses  les  esprits  dévoyés  par  la  préoccupation  exclusive  des 
sciences  expérimentales;  qu'enfin  elle  a  en  vue,  principalement,  les 
vérités  naturelles  dont  le  christianisme  seul  nous  donne  la  formule  en- 
tièrement vraie  et  complète,  tandis  que,  pour  les  vérités  strictement 
surnaturelles,  l'induction  psychologique,  comme  la  déduction  métaphy- 
sique, ne  saurait  montrer  qu'un  lien  d'harmonieuse  convenance  vis- 
à-vis  de  la  nature  humaine,  celle-ci  s'y  prêtant  avec  une  correspon- 
dance merveilleuse. 

Si  le  langage  de  l'auteur  paraît  manquer  parfois  d'une  certaine  pré- 
cision, il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  ne  parle  ni  en  théologien  ni  en  méta- 
physicien. On  pourra  trouver  qu'à  des  pensées  justes  et  vraies  il 
donne  parfois  une  portée  trop  exclusive  ;  on  traitera  de  paradoxales 


—  13G  - 

certaines  idées  philosophiques,  comme  lorsqu'il  ne  veut  pas  reconnaître 
une  faculté  spéciale  dans  la  volonté,,  ou  qu'il  veut  que,  dans  le  travail 
d'analyse  et  d'induction  psychologique,  l'on  fasse  abstraction  des  ré- 
sultais antérieurs  de  la  science  ;  Ton  sera  tenté  de  trouver  quelque 
peu  exagérée  la  confiance  qu'il  a  dans  les  résultats  pratiques  de  son 
système.  Mais  ces  points  de  détail  écartés,  il  n'en  reste  pas  moins  une 
foule  d'aperf'us  vrais  et  féconds. 

Dans  une  sorte  d'appendice  à  son  traité  de  la  Conscience^  M.  Hoppe 
étudie,  dans  le  même  esprit,  la  question  de  la  Responsabilité^  ou 
comme  on  dit  en  Allemagne,  de  l'Imputabililé  morale.  En  France 
aussi,  nous  connaissons  cette  école,  qui,  issue  des  doctrines  positi- 
vistes, essaie  de  mettre  à  la  mode  le  déterminisme ,  en  niant  la  liberté 
et  la  responsabilité  morales.  Tous  les  mouvements  de  notre  moi,  à  en- 
tendre ces  auteurs,  ne  seraient  que  les  résultantes  nécessaires  et  fatales 
des  «  déterminations  »  physiologiques  subies  par  le  tissu  cellulaire  du 
cerveau,  sous  l'influence  irrésistible  des  objets  extérieurs  sur  notre 
organisme,  l'impulsion  du  motif  le  plus  fort  remportant  toujours  avec 
une  nécessité  en  quelque  sorte  mécanique.  Avec  toute  la  compétence 
du  naturaliste,  le  professeur  de  Bâle  vérifie  les  faits  physiologiques 
invoqués  en  faveur  du  système  :  quelques-uns  même  pourront  trouver 
qu'il  fait  de  trop  larges  concessions  relativement  au  degré  auquel  sou- 
vent, de  fait,  la  responsabilité  morale  se  trouve  atténuée,  sous  le  coup 
des  infiuences  physiologiques.  Mais  s'il  admet  ces  mouvements  dans 
l'ordre  purement  physiologique,  il  montre  qu'infidèles  à  leur  mé- 
thode, ces  prétendus  adeptes  des  sciences  naturelles  négligent  toute 
une  série  de  faits,  non  moins  expérimentalement  constatés,  dans  le 
domaine  psychologique.  Il  fait  voir  que  ces  derniers,  logiquement  ana- 
lysés, supposent  une  force  spéciale  et  autonome,  celle  du  principe 
pensant,  intervenant,  en  vertu  de  son  activité  propre,  dans  le  jeu  des 
simples  déterminations  physiologiques  et  la  série  des  phénomènes  qui 
en  résultent,  pour  les  déterminer  et  les  modifier  à  son  tour. 

On  le  voit,  c'est  l'application  de  la  méthode  des  sciences  expéri- 
mentales et  positives  qui  fait  ainsi  justice  des  prétentions  des  docteurs 
du  positivisme.  Le  mérite  particulier  des  écrits  philosophiques  du  pro- 
fesseur Hoppe  est  de  mettre  en  relief  cette  importante  vérité.  C'est  ce 
mérite  considérable,  dans  l'état  actuel  des  controverses  philosophiques 
et  scientifiques  qui  nous  a  engagé  à  les  signaler,  dans  les  colonnes  du 
Polybiblion,  à  l'attention  du  public  français.  J .  Guth. 


I^es  Éléïnents   de    l'ancienne    constitution   française  9   par 

M.  V.  Canet.  Castres,  Abeilhou,  1877,  in-8  de  43(>p.  —Prix  :  6  fr. 

M.  Victor  Canet  s'est  proposé  pour  but,  non  de  produire  des  idées 


—  137  — 

et  des  documents  nouveaux  sur  les  institutions  fondamentales  de  l'an- 
cienne société  française,  mais  de  résumer  leurs  principaux  éléments 
et  les  enseignements  les  plus  utiles  qu'elles  nous  ont  laissés.  Il  ap- 
plique à  la  plupart  de  nos  contemporains  ce  mot  de  La  Bruyère  :  «  Ils 
sont  semblables  à  ces  enfants  drus  et  forts  d'un  bon  lait  qu'ils  ont 
sucé,  et  qui  battent  leur  nourrice.  »  Leur  ingratitude  n'a  d'égale  que 
leur  légèreté  :  de  là  leur  enjouement  pour  les  nouve^  utés  révolution- 
naires, dont  ils  souffrent  cependant  d'une  manière  cruelle.  Mais  une 
réaction  commence  à  se  faire  dans  les  intelligences  éclairées  et  chez 
les  cœurs  sincères  ;  et  c'est  pour  l'aider  à  la  propager  que  M.  V.  Canet 
publie  le  fruit  de  ses  observations  d'histoire. 

L'ouvrage  est  une  synthèse  dans  laquelle  est  appréciée  la  part  qu'ont 
eue  dans  la  formation  de  notre  nationalité  «  l'Eglise,  »  «  la  Royauté,  » 
la  «  Féodalité,  »  le  «  Peuple.  »  Un  chapitre  est  consacré  à  la  repré- 
sentation nationale, au  rôle  des  Etats  généraux  et  des  Parlements.  Les 
«  forces  morales  »  qui  soutenaient  les  institutions,  à  tous  les  degrés, 
étaient  la  foi  catholique,  le  respect  des  lois,  l'autorité  des  magistrats 
et  surtout  celle  des  pères  de  famille,  a  Les  forces  intellectuelles  » 
avaient,  dans  les  universités  et  les  écoles  populaires,  des  centres  de 
vie  qui  n'ont  été  surpassés  par  aucun  peuple.  Les  «  forces  énergiques  » 
ont  toujours  eu  une  puissance  incomparable  dans  un  pays  dont  le 
sol  et  la  situation  sont  vraiment  privilégiés. 

Rien  donc  n'a  manqué  à  la  France.  Lorsqu'on  l'étudié  dans  le  cours 
de  son  histoire,  on  reconnaît  en  elle  une  mission  providentielle;  mais 
aussi  la  responsabilité  pour  elle  est  plus  grande,  parce  qu'elle  se 
mesure  aux  dons  reçus  :  de  là  les  terribles  épreuves  qu'elle  a  subies 
chaque  fois  qu'elle  a  manqué  à  ses  devoirs,  et  tous  les  abaissements 
qui  caractérisent  sa  situation  présente.  M.  V.  Canet  ne  veut  pas 
cependant  désespérer  de  l'avenir;  il  a  une  foi  invincible  dans  la  résur- 
rection de  la  grande  nation  chrétienne,  si  les  bons  citoyens  s'unissent 
pour  faire  qu'elle  redevienne  elle-même,  en  se  retrempant  dans  ses 
meilleures  traditions. 

Lorsque  beaucoup  se  découragent,  il  est  consolant  de  trouver  ce 
généreux  appel.  L'auteur  donnerait  aux  conclusions  de  son  livre  toute 
leur  efficacité,  si,  non  content  d'avoir  développé  sur  un  sujet  très- 
vaste  des  considérations  nécessairement  un  peu  trop  générales,  il 
abordait  par  la  méthode  d'observation  les  moyens  pratiques  de  relever, 
au  cœur  même  de  notre  société,  les  traditions  religieuses,  domestiques 
et  nationales,  en  rétablissant  la  notion  exacte  et  précise  des  grands 
principes  sociaux.  Charles  de  Ribbe. 


—  138  — 

t.e  "Verre,  son  histoire,  sa  fabrication,  p:3r  M.  E.  Péligot, membre 
de  l'Institut.  Paris,  Masson,  1876,  gr.  in-8  de  iii-49o  p.  avec  tig.  — 
Prix  :  14  fr. 

Il  est  particulièrement  difficile  de  rassembler  des  documents  com- 
plets sur  l'industrie  du  verre  qui  vit  de  traditions,  craint  la  publicité, 
et  sur  laquelle  aucun  travail  d'ensemble  n'a  été  mis  au  jour  depuis  le 
commencement  du  siècle  dernier.  Aussi,  le  savant  professeur  du  Conser- 
vatoire des  arts  [et  métiers  et  de  l'Ecole  centrale  a-t-il  fait  une  œuvre 
éminemment  utile  en  coordonnant  tous  les  éléments  de  son  enseigne- 
ment scientifique  sur  l'art  du  verrier.  Bien  que  cet  art,  si  intimement 
lié  au  développement  de  la  civilisation,  n'emploie  que  des  matières 
premières  partout  répandues,  il  a  été  l'heureux  apanage  de  quelques 
contrées  qui  en  gardaient  traditionnellement  les  secrets  :  Sidon  et 
Alexandrie,  dans  l'antiquité;  Venise,  au  mojen-âge;  aujourd'hui  la 
France,  l'Angleterre,  la  Belgique  et  l'Allemagne.  Toutefois,  la  Russie 
et  TAmérique,  l'Espagne  et  l'Italie,  commencent  à  réaliser  dans  cette 
voie  d'importants  progrés.  I/industrie  de  la  verrerie,  très-inégalement 
répartie  en  France,  occupe  182  usines  et  26,000  ouvriers  qui  créent, 
bon  an,  mal  an,  une  valeur  de  109  millions,  dont  63  pour  l'exportation. 
L'importation  n'est  que  de  3  à  4  millions.  La  production  de  l'Europe 
atteint  un  demi-milliard,  et  l'Amérique  arrive  maintenant  au  chiffre  de 
100  millions.  Suivant  les  usages  auxquels  on  les  destine,  les  diverses 
sortes  de  verres  diffèrent  entre  elles  par  leur  composition  chimique  et 
leur  mode  de  fabrication.  Le  verre  à  vitres,  les  glaces,  le  verre  à  go- 
beleterie  ordinaire  sont  formés,  en  proportions  variables,  de  silice,  de 
chaux  et  de  soude.  Le  verre  de  Bohême  est  un  silicate  de  potasse  et 
de  chaux.  Le  verre  à  bouteilles,  moins  pur,  contient  la  silice,  la  potasse 
ou  la  soude  associées  à  la  chaux,  la  magnésie,  l'alumine  et  le  fer.  Le 
cristal  est  un  silicate  à  base  de  potasse  et  de  plomb  ;  le  flint  glass  et 
le  strass  n'en  diffèrent  que  par  les  proportions.  Enfin  les  émaux  ren- 
ferment, en  outre,  de  l'oxyde  d'étain  ou  de  l'acide  arsénieux  qui  les 
rendent  opaques,  et  les  verres  colorés  s'obtiennent  par  l'addition  de 
diverses  substances  (oxydesmétalliques,  métaux,  charbon,  soufre,  etc.) . 
Formés  de  ces  éléments  variables,  les  verres  sont-ils  de  simples  mé- 
langes ou  de  véritables  combinaisons  ?  La  question  est  loin  d'être 
résolue  :  il  semble  qu'on  doive  se  rapprocher  pour  chaque  type  d'une 
composition  moyenne  en  évitant  les  proportions  qui  conduiraient  à  des 
silicates  définis.  A  la  vérité,  les  silicates  de  potasse  et  de  plomb  empê- 
chent la  cristallisation  des  silicates  terreux  ;  celle-ci  n'apparaît  que 
dans  certains  cas,  c'est  la  dévitrification  dont  M.  Péligot  a  fait  une 
étude  spéciale.  Tous  les  verres,  mais  surtout  ceux  qui  sont  riches  en 
soude,  en  chaux  ou  en  magnésie,  se  dévitrifient  lorsqu'on  les  expose 
pendant  longtemps  à  une  température  élevée  :  leur  composition  n'est 


—  139  — 

pas  altérée,  mais  leur  texture  devient  opaque  et  cristalline.  Cette 
circonstance  oblige  à  travailler  très-rapidement  certaines  variétés  de 
verres. 

Fortement  chauffé,  puis  refroidi  brusquement,  le  verre,  mauvais 
conducteur  de  la  chaleur,  éclate  au  moindre  choc.  Ce  curieux  effet  de 
la  tension  moléculaire  est  surtout  visible  dans  les  larmes  bataviqucs, 
gouttes  d'un  verre  très-liquide  projetées  dans  Teau  froide  et  qui  se  bri- 
sent avec  fracas  quand  on  vient  à  casser  leur  pointe.  Tous  Jles  objets, 
au  sortir  des  fours,  doivent  donc  être  soumis  au  recuit,  c'est-à- 
dire  placés  dans  des  étuves  où  leur  température  ne  s'abaisse  que 
très-lentement.  Mais,  ainsi  que  l'a  montré  M.  de  la  Bastie,  le  verre 
peut,  comme  l'acier,  acquérir  par  la  trempe  des  propriétés  nouvelles 
et  précieuses  :  sa  structure  intime  est  modifiée,  il  devient  dur,  élas- 
tique, presque  incassable.  La  lumière  exerce  aussi  une  action  sur  le 
verre  :  elle  développe  parfois  des  colorations  roses  dans  lesquelles  le 
manganèse  paraît  jouer  un  rôle.  L'eau  fait  ressuer  certaines  glaces  trop 
riches  en  alcalis,  et  l'humidité  enlève  peu  à  peu  aux  verres  la  potasse 
et  la  soude  à  l'état  de  carbonates  ou  de  silicates;  l'addition  de  la 
chaux  dans  la  composition  empêche,  au  moins  à  froid,  cette  altération 
qui  nous  a  fait  perdre  tous  les  vitraux  antérieurs  au  douzième  siècle. 
Les  verres  à  bases  multiples,  surtout  le  verre  à  bouteille,  sont  plus 
attaquables  par  les  acides;  les  cristaux,  plus  sensibles  aux  alcalis. 
Chacun  sait  comment  on  utilise  l'attaque  par  l'acide  fluorhj- 
drique  pour  remplacer  ia  gravure  artistique  à  la  meule  par  la  gravure 
chinique,  qui  a  permis  d'exécuter  économiquement,  avec  une  extrême 
variété  dans  les  procédés  de  calque  et  de  report,  les  glaces  mousselines 
de  nos  escaliers,  les  plafonds  lumineux  de  nos  théâtres  et  jusqu'aux 
dessins  délicats  des  verres  de  Baccarat. 

Après  avoir  exposé  les  méthodes  toujours  minutieuses  usitées  pour 
l'analyse  des  verres,  l'auteur  étudie  en  détail  tous  les  procédés  tech- 
niques :  fabrication  des  creusets,  construction  des  fours,  fusion  et  mani- 
pulation des  verres,  etc.  Fondus  au  rouge  blanc,  les  silicates  acquièrent 
une  fluidité  comparable  à  celle  de  l'eau;  puis, avant  que  le  refroidis- 
sement les  ait  rendus  rigides,  ils  passent  par  tous  les  degrés  intermé- 
diaires de  mollesse  et  de  malléabilité.  Par  le  soufflage,  on  en  fait  des 
objets  de  gobeleterie,  des  ballons,  des  manchons  ou  des  cylindres  que 
l'on  développe  pour  en  tirer  des  carreaux  de  vitres  ;  par  le  laminage, 
on  les  transforme  en  plaques  dont  le  polissage  fait  des  glaces  ;  on  les 
moule  pour  façonner  des  bouteilles  ;  on  les  étire  pour  obtenir  des 
tubes  que  l'on  peut  effiler  jusqu'à  la  ténuité  d'un  cheveu.  Nous  ne 
saurions  aborder  ici  la  description  d'aucun  des  ateliers  où  M.  Péligot 
nous  fait  pénétrer  pour  suivre  les  mille  péripéties  du  travail.  Bornons- 
nous  à  signaler,  parmi  les  perfectionnements  nouveaux,   l'emploi  des 


—   140  — 

l'ours  Siemens  et  Boétius,  les  ingénieuses  machines  qui  donnent  aux 
glaces  le  douci,  le  savonnage  et  le  polissage,  la  substitution  de  l'ar- 
genture à  rétamage  si  insalubre,  la  fabrication  des  verres  de 
montre,  etc. 

Si  nous  ajoutons  que  le  volume  contient  un  chapitre  fort  curieux  sur 
l'histoire  de  la  verrerie  de  luxe,  depuis  les  vases  antiques  du  musée 
de  Naples  et  du  British  Muséum,  les  aiguières  à  émaux  ou  à  filigranes 
de  Murano  jusqu'aux  immenses  glaces  de  Saint-Gobain,  nous  aurons 
indiqué  du  moins  les  parties  essentielles  d'un  ensemble  de  leçons  qu'il 
faut  lire  en  entier  pour  apprécier  dans  leur  variété  infinie  les  ingé- 
nieux procédés  de  l'art  du  verrier.  A.  Delaire. 


BELLES-LETTRES 

L'Art    d'écrire,  par    M.    Antonin    Rondelet,   lauréat    de     r[nstitut, 

professeur  à  l'Université   catholique  de  Paris.  Paris,  Louis  Vives,  i877, 

in-8    de  xii-431  p.  —  Pi'ix  :  o  fr. 

Ce  livre,  fruit  de  longues  années  d'enseignement,  renferme  des  pré- 
ceptes trop  négligés  ou  trop  peu  connus.  Parmi  les  innombrables 
écrivains  dont  la  presse,  nouveau  Minotaure,  dévore  chaque  jour 
les  travaux,  les  plus  habiles  y  trouveront  des  remarques  précieuses, 
les  moins  exercés  des  règles  et  des  conseils  d'une  pratique  éprouvée. 

L'ouvrage  se  divise  en  quatre  parties,  où  l'on  apprend  successive- 
ment à  découvrir  ses  idées,  à  les  ordonner,  à  les  exprimer  avec  con- 
venance, et  enfin,  chose  plus  rare,  à  se  corriger  soi-même.  Ce  que  dit 
l'auteur  de  Vinvention  improvisée  et  de  Vinvention  réfléchie^  de  lawé- 
thode  d'analyse  et  de  la  méthode  de  synthèse  appliquées  à  l'ordonnance 
d'un  plan,  des  moyens  d'enrichir  sa  kmgnr^  de  la,  réflexion  intermit- 
tente et  de  V inspiration  continue  dans  le  travail  de  la  rédaction,  de  la 
critique  immédiate  et  de  la  critique  à  distance,  tout  nous  montre  un 
esprit  supérieur,  familiarisé  depuis  longtemps  avec  les  multiples  exi- 
gences de  l'art  d'écrire.  Nul  ne  connaîtmieux  les  obstacles  extérieurs 
et  intérieurs  qui  retardent,chez  un  si  grand  nombre, les  progrès  delà 
pensée.  Aussi  recommande-t-il  partout  la  méditation,  l'effort,  la 
ferme  possession  de  soi-même  :  il  veut  armer  l'écrivain  contre  ces 
défaillances  intellectuelles  auxquelles  il  est  si  aisé  de  succomber. 

Étant  donné  un  travail  écrit  à  faire,  «  l'aborder  de  front,  sans  hési- 
ter, sans  revenir  sur  soi-même,  le  conduire  jusqu'au  bout,  le  traiter 
dans  la  pleine  et  entière  mesure  de  ses  forces  »  :  voilà  la  récompense 
que  M.  Rondelet  promet  à  ses  studieux  lecteurs.  Plusieurs,  nous  n'en 
doutons  pas,  seront  jaloux  de  la  mériter.  C.  H. 


-  m  - 

CMEuvres  de  Ms'"  Freppel,  cvcque  (l'Angers.  —  Ire  séné  :  OEuvrcs  ora- 
toires, Discours,  panégyriques.  Paris,  Jouhv  et  Roger,  1876,  3  vol.  in-8  de 
419,  441  et  4"22  p,  — 2"  série  :  GEuvres  pastorales  et  oratoires  (vol.  IV 
et  V  des  Œuvres  complètes).  Paris,  Roger  et  Chernowitz,  1877,  2  vol. 
in-8  de  496  et  377  p.  —  Prix  des  o  volumes  :  28  fr. 

Quand  Ms'"  Freppel  prit  possession  du  siège  épiscopal  d'Angers, 
l'heure  était  grave,  à  Thorizon  s'amoncelaient  des  nuages  précurseurs 
de  prochaines  tempêtes,  et  le  pilote  commençant  la  traversée  promet- 
tait au  peuple  dont  il  avait  désormais  la  conduite  d'employer  à  le 
soustraire  au  péril  tout  son  zèle,  toute  son  intelligence,  toute  son 
activité  et  tout  son  courage.  «  Tout  ce  que  nous  avons  pu  amasser 
de  lumière  et  d'expérience  sur  le  chemin  de  la  vie,  écrivait-il  à  ses 
diocésains,  nous  devronsl'appliqueràia  recherche  des  moyens  lesplus 
propres  à  augmenter  votre  bonheur.  Nos  journées  ne  seront  pleines 
qu'autant  que  le  souci  de  votre  avenir  éternel  en  aura  rempli  tous 
les  instants  ;  et  nos  années  ne  compteraient  pour  rien  si,  du  premier 
jour  jusqu'au  dernier,  votre  progrès  dans  la  sainteté  ne  restait  l'objet 
constant  de  nos  efforts.  L'œil  fixé  sur  la  devise  que  vos  ancêtres 
avaient  recueillie  de  la  bouche  de  saint  Martin  pour  la  placer  dans 
leurs  armes:  A'o^i  7rcuso  laborcm,  nous  n'aurons  le  droit  de  reculer 
devant  aucun  sacrifice  ;  et  notre  vie  elle-même  ne  nous  appartiendrait 
plus  s'il  fallait  la  donner  pour  le  salut  de  vos  âmes.  »  Du  haut  de  la 
chaire  de  sa  cathédrale,  où  il  montait  pour  la  première  fois,  il  réitéra 
la  même  promesse  :  «  Venez  en  toute  confiance  à  votre  évêque  dans 
vos  peines  et  dans  vos  soufirances  :  vous  trouverez  toujours  en  lui 
un  cœur  ouvert  à  tous  vos  besoins,  le  ferme  et  ardent  désir  de  vous 
nêtre  utile,  de  travailler  au  salut  de  vos  âmes,  de  vous  offrir  deso 
mieux  ses  conseils,  ses  encouragements,  ses  consolations.  » 

Assurément  Ms'"  Freppel  a  tenu  ses  engagements.  Qui  aurait  le 
courage  d'en  douter  n'aurait  qu'à  jeter  un  instant  les  yeux  sur  les 
cinq  volumes  que  nous  avons  l'agréable  tâche  de  présenter  aujourd'hui 
aux  lecteurs  de  cette  revue;  il  se  convaincrait  aisément  qu'il  n'est 
pas  une  oeuvre  charitable  à  laquelle  l'évêque  d'Angers  n'ait  quelque 
jour  donné  l'appui  de  sa  parole  féconde,  pas  une  entreprise  catholique 
qu'il  n'ait  encouragée  et  soutenue,  pas  une  grande  cause  qu'il  n'ait 
défendue  sans  prendre  souci  des  colores  et  des  injures  dont  on  l'a 
plus  d'une  fois  récompensé. 

Suivez  les  événements  qui  se  sont  accomplis  depuis  sept  ans, 
Mgi"  Freppel  ne  récuse  aucun  des  devoirs  que  les  circonstances  lui 
imposent.  La  guerre  est  déclarée,  il  demande  à  ses  diocésains  de  prier 
pour  le  succès  des  armes  françaises  dans  des  mandements  patriotiques 
qu'on  ne  lira  pas  sans  être  ému.  Les  désastres  se  précipitent,  son 
zèle  et  son  éloquence  redoublent;  il  multiplie  les  appels   charitables, 


—  142  — 

ordonne  des  quêtes  pour  les  blessés,  pour  les  soldats  condamnés  à 
pleurer  sur  la  terre  étrangère  les  désastres  de  la  patrie,  pour  les 
pauvres  enfants  que  la  guerre  a  faits  orphelins  ;  il  pousse  ses  sémi- 
naristes au  combat  et  stimule  le  zèle  pourtant  si  chaud  des  prêtres  de 
l'Anjou;  il  écrit  à  l'empereur  d'Allemagne  pour  lui  demander  de  ne  pas 
séparer  la  Lorraine  et  l'Alsace  de  leur  patrie  française.  Puis,  quand  tout 
est  fini,  il  essaye  d'adoucir  leur  sort  aux  pauvres  Alsaciens  qui  pré- 
fèrent l'exil  à  la  domination  étrangère.  Enfin,  quand  la  route  s'ouvre 
de  nouveau  vers  les  aventures,  il  ne  ménage  pas  ses  avertissements; 
il  sait  à  l'occasion  faire  entendre  de  ces  fortes  leçons  qui  nous  eussent 
sauvés  si  on  y  avait  prêté  une  oreille  plus  attentive.  Ses  lettres  sur 
l'éducation,  sur  la,  famille,  sur  le  dimanche,  sur  la,  jjresse  irréligieuse, 
surtout  sur  les  devoirs  du  chrétien  dans  la  vie  civile,  contiennent  de  sé- 
rieux enseignements  dont  gouvernants  et  gouvernés  pourraient  égale- 
ment tirer  profit.  Quand  nous  aurons  signalé  les  discours  sur  l'ordre 
monastique,  sur  Vuiilité  du  vers  latin,  sur  les  cercles  catholiques,  sur  la 
mission  de  l'instituteur,  sur  l'œuvre  des  tombes,  Yoraisoii  funèbre  de 
Mgr  Fruchaud,  nul  ne  contestera  que  les  œuvres  de  Mgr  Freppel  ne 
présentent  la  plus  grande  variété,  et  n'offrent  pour  toutes  les  situa- 
tions de  la  vie  d'agréables  et  utiles  leçons. 

Nous  n'avons  pas  fini  encore,  puisque  nous  n'avons  parlé  que  de 
l'évêque  d'Angers,  sans  dire  un  seul  mot  du  professeur  delà  Sorbonne 
et  de  son  œuvre  si  intéressante  même  en-dehors  des  grands  ouvrages 
où  les  plus  nobles  représentants  de  l'éloquence  chrétienne  sont 
loués  dans  des  pages  qu'eux-mêmes  ne  désavoueraient  pas.  Deux  vo- 
lumes sont  remplis  de  discours  prononcés  par  Msr  Freppel  dans  cette 
période  de  sa  vie  si  active  et  si  féconde.  Les  panégyriques  de  saint 
Ignace,  de  sainte  Clotilde,  de  sainte  Geneviève,  l'éloge  de  Jeanne  d'Arc, 
de  la  papauté,  s'y  rencontrent  auprès  d'études  littéraires  éloquentes 
et  de  considérations  élevées  sur  l'harmonie  des  sciences  avec  la  reli- 
gion, sur  les  avantages  et  les  périls  de  la  civilisation  moderne,  sur  les 
rapports  de  la  religion  et  de  l'art.  De  grands  enseignements  se  déga- 
gent de  toutes  ces  oeuvres  et  ce  mérite  seul  suffirait  largement  à  solli- 
citer très- vivement  notre  plus  sérieuse  attention.  Mais  le  lettré  peut 
aussi  trouver  un  plaisir  délicat  à  parcourir  ces  volumes,  où  le  catho- 
lique puisera  sûrement  d'excellentes  leçons.  Msi"  Freppel  est  un  écri- 
vain de  bonne  école  ;  il  a  enseigné  l'éloquence  et  nous  donne  aujourd'hui 
l'exemple  à  l'appui  de  ses  leçons.  Ayant  longtemps  étudié  les  grands 
modèles  de  l'éloquence  chrétienne,  il  n'a  pu  fréquenter  une  aussi 
bonne  compagnie  sans  lui  emprunter  quelques-unes  de  ses  qualités  les 
plus  brillantes.  Ce  n'est  donc  pas  seulement  l'évêque  et  l'homme  de 
bien  que  nous  recommandons  ici  :  c'est  aussi  l'écrivain,  l'orateur  qui 
possède  de  quoi  satisfaire  les  plus  difficiles  et  réjouir  les  plus  délicats. 

E.  DE  LA  D. 


—  143  — 

Les»  Prophètes  du  Clirist,  étude  sur  les  origines  du  thcdlre  au 
moyen  âge,  par  Marius  Sepet,  de  la  Bibliothèque  nationale,  ancien  élève 
pensionnaire  de  l'École  des  chartes.  Paris,  Didier,  1878,  in-8  de  193  p.  — 
Prix  :  3  fr. 

t.e  Drs&me  chrétien  au  moyen  âge,  par  le  même,  Paris,  Didier, 
1878,  in-r2  de  xii-296  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Les  deux  ouvrages  que  M.  Sepet  vient  de  publier  seront  accueillis 
avec  empressement  par  les  lecteurs  de  plus  en  plus  nombreux  qui  s'in- 
téressent à  notre  ancienne  littérature.  L'un,  les  Prophètes  du  Christ, 
s'adresse  surtout  à  la  partie  la  plus  érudite  de  ce  public;  l'autre,  le 
Drame  chrétien  au  moyen  âge,  est  plutôt  destiné  aux  gens  du  monde. 
Nous  nous  occuperons  d'abord  du  premier  de  ces  livres. 

M.  Charles  Magnin  a  montré  qu'un  lien  rattachait  les  mystères  à 
la  liturgie  catholique.  M.  Sepet  a  voulu  préciser  davantage  et  faire 
voir  par  des  faits  certains,  à  l'aide  de  documents  authentiques,  que 
les  premiers  mystères  ont  fait  partie  des  offices  mêmes.  Un  sermon 
du  douzième  siècle,  découvert  par  l'auteur  dans  un  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  nationale,  a  servi  à  cette  curieuse  démonstration;  ce 
•sermon  était  attribué,  au  moyen  âge,  à  saint  Augustin.  L'évêque 
d'Hippone  y  interpelle  vivement  les  juifs  incrédules,  et  invoque,  en 
faveur  du  Christ,  le  témoignage  des  prophètes  qui  défilent,  pour  ainsi 
dire,  devant  lui.  Il  y  a,  dans  ce  discours,  où  des  questions  provoquent 
des  réponses,  un  caractère  dramatique  incontestable  et  l'on  comprend 
que  le  dialogue  ait  pu  assez  facilement  se  détacher  du  monologue  et 
former  un  vrai  mystère.  Le  sermon  attribué  à  saint  Augustin  était 
une  leçon,  une  partie  de  l'office  de  Noël,  il  n'était  pas  prêché  mais 
déclamé  sur  une  certaine  mélopée,  et  se  changea,  par  des  gradations 
que  M.  Sepet  indique  à  merveille,  en  un  petit  drame  latin,  les  Prophètes 
du  Christ,  représenté  dans  les  églises  par  des  ecclésiastiques  et  ayant, 
comme  le  sermon  qui  l'avait  produit,  une  place  dans  la  liturgie  de 
Noël.  De  ce  premier  essai  en  naquit  un  second  plus  étendu,  conservant 
encore  son  caractère  liturgique,  mais  à  un  degré  moindre,  et  ne  faisant 
plus  partie  obligatoire  de  la  solennisation  de  la  fête. 

M.  Sepet  nous  fait  voir  comment,  par  une  désagrégation,  de  ce 
second  mystère  sortirent  d'autres  drames  distincts,  représentés  sépa- 
rément, inspirés  par  des  personnages  que  l'on  trouve  déjà  dans  le 
sermon,  point  de  départ  de  ces  compositions  nouvelles,  A  ces  per- 
sonnages primitifs,  on  en  joignit  ensuite  d'autres  fournis  également 
par  la  Bible,  tels  qu'Adam  et  Eve,  que  Caïn  et  Abel.  Mais  les  œuvres 
dans  lesquelles  on  les  faisait  apparaître  provenaient  directement  ou 
indirectement  d'une  même  origine,  du  sermon  attribué  à  saint  Augus- 
tin, là  était  le  germe  de  tout  ce  grand  développement  dramatique 
dont  M.  Sepet  nous  fait  si  clairement  connaître  les  diverses  phases. 

M,  Sepet  termine  ces  curieuses  recherches,  dont  nous  aurions  bien 


—  liî-  - 

désiré  indiquer  la  marche  avec  plus  de  détails,  par  l'examen  d'un 
Mystère  du  vieux  Testament  qui  appartient  aux  extrêmes  limites  du 
moyen  âge.  Il  fut  encore  représenté  au  milieu  du  seizième  siècle,  au 
moment  où  Jodele,  avec  sa  Cléopdtre,  allait  entraîner  les  poètes  drama- 
tiques dans  l'imitation  des  tragédies  grecques  et  latines.  M.  Sepet 
remarque,  toutefois,  que,  malgré  l'influence  exercée  par  les  traditions 
antiques,  les  poètes  ne  furent  pas  tous  infidèles  à  l'inspiration  des 
mystères  et  nous  cite  de  nombreuses  oeuvres  dramatiques  nées  de 
sujets  religieux  et  qui  le  conduisent  à  Athalie.  M.  Sepet  termine  cette 
savante  étude  par  une  réflexion  purement  littéraire  qui  nous  semble 
juste;  il  conclut  que  la  perfection  de  l'esprit  français  au  théâtre,  et 
plus  généralement  dans  les  lettres,  doit  être  cherchée  dans  l'alliance 
de  la  tradition  chrétienne,  la  tradition  nationale  et  la  tradition 
classique. 

Nous  n'avons  pu  indiquer  que  très-imparfaitement  le  plan  de  cette 
intéressante  étude.  Il  est  bien  des  points  sur  lesquels,  pourtant,  nous 
aurions  voulu  nous  arrêter.  Ainsi,  M.  Sepet  donne  de  curieux  détails 
sur  les  représentations,  la  mise  en  scène  des  mystères,  et  sur  les 
trucs  assez  compliqués  qui  y  étaient  employés.  Il  recherche  aussi 
si  les  rôles  de  femmes  étaient  joués  par  des  hommes  et  se  prononce 
pour  l'affirmative,  contrairement  à  l'opinion  de  M.  Luzarche.M.  Sepet 
reconnaît,  du  reste,  que,  dans  les  mystères  représentés  par  des  laïcs 
au  quinzième  et  au  seizième  siècle,  il  put  n'en  plus  être  ainsi;  c'est  ce 
que  suffirait  à  prouver  un  passage  des  chroniques  de  Metz_,  où  est 
raconté  comment  M.  de  La  Tour  s'éprit  de  la  jeune  fille  qui  avait 
rempli  le  personnage  de  sainte  Catherine  dans  le  mystère  de  ce  nom. 

Les  recherches  que  M.  Sepet  a  réunies  dans  le  volume  dont  nous 
venons  de  parler  ont  d'abord  paru  dans  la  Bibliothèque  de  VÈcole  des 
chartes,  où  elles  ont  été  justement  remarquées.  Les  matériaux  dont 
se  compose  le  Drame  chrétien  au  moyen  âge  ont  aussi  été  publiés  dans 
diff'érents  recueils  ou  journaux  ;  mais  l'auteur  a  raison  de  penser  que 
son  livre  ofl're  néanmoins  une  réelle  unité.  Il  commence  par  une  étude 
générale  sur  la  tragédie  et  le  drame  français,  puis  vient  l'examen  des 
origines  liturgiques  du  cycle  de  la  Passion,  de  celui  de  Noël  et  de 
celui  de  Pâques.  L'auteur  s'occupe  ensuite  des  Miracles  ou  Vies  des 
saints,  et  finit  son  livre  par  un  morceau  fort  animé  où  il  nous  décrit 
une  représentation  dramatique  au  quinzième  siècle,  et  par  un  chapitre 
où  il  expose  le  grand  parti  que  la  Renaissance  aurait  pu  tirer  du 
drame  religieux. 

Il  eut  été  possible  à  M.  Sepet  de  remanier  ces  divers  articles 
de  manière  à  donner  à  son  livre  une  unité  plus  complète;  mais  il  a 
préféré  ne  rien  modifier  à  sa  première  rédaction.  Ce  parti  a  pu  avoir 
l'inconvénient   de   produire   quelques  répétitions.  Ainsi,  le  premier 


—   lia  — 

chapitre  offre  des  citations  du  Mijslcrcde  l'Époux  que  nous  retrouvons 
plus  loin  (p.  113),  sans  nous  en  plaindre  cependant,  car,  là,  M.  Sepet 
a  traduit  en  bons  vers  ce  qu'il  nous  a  d'abord  donné  en  prose.  Ce 
n'est  pas  la  seule  fois,  du  reste,  que  M.  Sepet  a  employé  la  poésie,  et 
nous  signalerons  encore  comme  fort  bien  réussi  un  cantique  des 
bergers  s'avançant  vers  la  crèche  (p.  69).  — Il  y  aen^  d'un  autre  côté, 
des  avantages  très-réels  à  ne  pas  modifier  des  pages  de  jeunesse.  Des 
retouches,  en  pareil  cas,  sont  difficiles  à  pratiquer,  et  font  souvent  dis- 
paraître des  traits,  des  pages  très-dignes  de  regret.  M.  Sepet  a  donc 
respecté  sa  rédaction  primitive  —  et,  selon  nous,  il  a  bien  fait,  —  mais, 
en  note,  il  a  rectifié  certaines  assertions  qui  lui  paraissaient  trop 
absolues,  certaines  appréciations  qui  lui  semblaient  exagérées. 

Les  deux  livres  de  M.  Sepet  jettent  une  grande  clarté  dans  l'his- 
toire de  l'art  dramatique  au  moyen  âge,  et  viennent  s'ajouter  aux 
nombreux  et  beaux  travaux  qu'a  inspirés  de  nos  jours  une  époque  si 
intéressante  et  si  longtemps  mal  connue.  Th.  de  Puymaigre. 


Histoire  de  deux  fables  de  l^a  F'ontaine,  Heurs  origines  et 
leuï^s  pérégrinations,  par  A.  Joly,  doyen  de  la  faculté  des  lettres 
de  Caen.  Paris,  E.  Thorin,  1877,  in-8  de  150  p.  —  Prix  :  3  fr. 

On  a  souvent  cherché  à  remonter  jusqu'à  l'origine  de  quelques-unes 
des  inventions  si  admirablement  développées  par  La  Fontaine,  et  à 
les  suivre  dans  leurs  multiples  transformations.  Rien  n'est  plus  piquant, 
comme  le  remarque  tout  d'abord  M.  Joly  (p.  3),  que  «  de  voir  ainsi  un 
seul  et  même  récit  s'en  allant  à  travers  les  âges,  toujours  un  et  tou- 
jours divers,  se  modifiant  selon  le  pays,  le  temps,  le  climat,  la  civili- 
sation, ici  perdant  quelque  chose,  là  gagnant  davantage,  changeant 
de  ton,  de  couleur,  souvent  même  de  moralité;  que  de  le  retrouver 
et  de  le  ressaisir  sous  tous  ses  déguisements.  »  Le  savant  doyen  ajoute 
bien  spirituellement  qu'il  n'est  presque  pas  une  des  fables  de  La  Fon- 
taine à  propos  de  laquelle  on  ne  puisse  ainsi  faire,  si  l'on  veut,  le  tour 
du  monde  en  quelques  heures.  Prenant  pour  exemple  les  Animaux 
malades  de  la  peste  (p.  4-90]  et  La  laUière  et  le  pot  au  lait  (p,  91-113), 
M.  Joly  prend  ces  fictions  à  leur  berceau,  et,  les  suivant  en  toutes 
leurs  migrations,  il  écrit  deux  chapitres  de  littérature  comparée,  où 
abonde  la  plus  aimable  érudition.  De  l'Inde,  où  l'on  rencontre  le  pre- 
mier germe  et  la  première  ébauche  des  deux  fables,  l'ingénieux  cri- 
tique nous  fait  passer  en  Perse,  en  Arabie,  en  Turquie,  en  Espagne, 
en  Italie,  dans  presque  tout  le  reste  de  l'Europe.  Il  note,  plus  exacte- 
ment qu'on  ne  l'avait  jamais  fait,  les  innombrables  transformations  des 
deux  apologues,  groupant  les  plus  curieux  rapprochements,  et,  pour 
alléger  sa  marche,  renvoyant  aux  noies  de  la  fin  (p.  114-154)  les  textes 
Février  1878.  T.  XXII,  10. 


—  U6  — 

empruntés  à  toutes  les  littératures,  analysés  ou  traduits  dans  l'étude 
même.  Cette  promenade  à  travers  les  récits  de  l'Asie  et  de  l'Europe 
est  d'autant  plus  agréable,  que  le  guide  que  nous  suivons  a  plus  de 
goût  et  de  finesse,  et  que  son  langage  est  meilleur,  de  même  que 
son  savoir.  En  voyant  M.  Jolj  compléter  et  corriger  si  bien  les  tra- 
vaux de  ses  devanciers,  particulièrement  ceux  de  M.  Robert  et  de 
M.  Saint-Marc-Girardin,  on  souhaite  vivement  qu'il  se  fasse  le  com- 
mentateur de  plusieurs  autres  fables  et  qu'il  nous  donne  l'occasion  de 
recommencer,  à  sa  suite,  ces  voyages  où  chacun  de  nous,  comme  l'hi- 
rondelle de  La  Fontaine,  pourra  se  vanter  d'avoir  «  beaucoup  appris.» 

T.  deL. 


Étude  sur  Ses  œuv^res  «le  «lean  de  Maîret,  par  Gaston  Bizos, 
ancien  élève  de  rÉcole  normale  supérieure,  docteur  es  lettres.  Paris, 
E.  Thorin,   1877,  in-8  de  400p.  —  Prix  :  7  fr.  ."iO. 

L'ouvrage  de  M.  Bizos  renferme  une  vie  de  Mairet,  le  résumé  de 
l'histoire  de  la  tragédie  française   avant   ce  poëte,  l'examen  de  ses 
premières  œuvres  (Chriséide  et  Arimant  ;  Silvie),  de  ses  théories  dra- 
matiques, de  la  Silvanire.,  des  Galanteries  du  duc  d'Osson^ie,  de  la  Vir- 
ginie, de  la  Sophonishe,  de  la  Cléopdtre,  etc.,  de  ses  dernières  pièces, 
de  ses  poésies  légères,  de  ses  morceaux  de  prose,  etc.  A  l'étude  même 
sur  la  vie  et  les  oeuvres  de  Mairet,  dans  lequel  on  remarque  un  travail 
spécial  sur  la  langue  tragique  du  poëte  bisontin,  se  joignent  d'inté- 
ressantes pages  sur  les  œuvres  de  quelques-uns  de  ses  contemporains 
comme  VAmaranthe  de  Gombauld  et  les  premières  pièces  de  Rotrou, 
sur  les  poètes  dramatiques  familiers  du  cardinal  (Boisrobert,rEstoile, 
Colletet,  Desmarets),  sur  les  émules  de  Mairet  (Scudéry,  Du  Ryer, 
Tristan  l'Hermite  et  Rotrou).  Pour  ne  rien  omettre,  indiquons  encore 
(à  V Appendice)  la  liste  par  ordre  chronologique  des  œuvres  de  Mairet 
jouées  et  imprimées,  neuf  de  ses  petites  pièces  de  vers,  les  unes  iné- 
dites, les  autres  qui  n'ont  jamais  été  réunies  à  ses  œuvres,  deux  de 
ses  lettres,  la  première  adressée  au  cardinal  Mazarin   (mars  1654), 
l'autre   au  Bisontin  Aug.  Nicolas,  l'auteur  de  Europa  lugens  (1647), 
enfin  le  portrait  du  poëte.  D'après  cette  énumération,  on  voit  quelles 
richesses  M.  Bizos  a  su  réunir  dans  sa  thèse  pour  le  doctorat  es  lettres. 
J'emploie  le  mot  richesses  avec  intention,  car  récits,  analyses,  appré- 
ciations, tout,  de  la  première  à  la  dernière  page  est  de  haute  valeur. 
M.  Bizos  a  été  un  excellent  chercheur,  avant  de  se  montrer  excellent 
critique.   Il  a  trouvé,  pour  écrire  la  biographie  de  Mairet,  des  res- 
sources précieuses  dans  un  travail  lu  par  Rochet  de  Frasne,  en  1754, 
à  l'Académie    de  Besançon     (bibliothèque    de    cette   viUe  ;    recueil 
manuscrit  des  travaux  de  la  Compagnie),  et  dans  divers  autres  docu- 
ments, tels  que  les  lettres  de  noblesse  accordées  au  poëte,  par  l'era- 


—  147  — 

pereur  Léopold  (18  septembre  1G68)  et  conservées  aux  Archives  dé 
partementales  du  Doubs.  Signalons  aux  curieux  (p.  279),  une  lettre 
inédite  du  poëte  Sarrazin  à  son  ami  Mairet  (Mémoires  manuscrits  de 
l'Académie  de  Besançon).  M.  Bizos  cite  et  discute,  en  ce  qui  touche 
les  œuvres  dramatiques  de  Mairet  et  de  ses  conte^;porains,  les  opi- 
nions de  Voltaire,  de  M.  Guizot,  de  M.  Sainte-Beuve,  de  M.  Saint- 
Marc-Girardin,  de  M.  de  Puibusque,  de  M.  Marty-Laveaux,  etc.,  et  on 
peut  dire  qu'il  a  parfaitement  connu  et  parfaitement  jugé  presque 
tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  la  matière.  J'ai  très-peu  d'observations  à 
présenter  à  M.  Bizos.  Je  le  trouve  bien  sévère  pour  Tallemant  des 
Réaux,  quand  il  l'appelle  (p.  26)  «  cette  langue  de  vipère.  »  Je  lui 
apprendrai  que  le  rarissime  pamphlet  qu'il  a  découvert,  dit-il  (p.  42. 
note  2),  à  la  bibliothèque  de  Besancon  :  Apologie  pour  M.  Mairet 
contre  les  calomnies  du  sieur  Corneille  de  Rouen  (1637),  est  aussi  à  la 
bibliothèque  Sainte-Geneviève  (Y  458  réserve).  Il  a  trop  facilement 
accueilli  (p.  26)  l'erreur  de  certains  écrivains,  d'ordinaire  mieux  in- 
formés, en  nous  montrant  le  généreux  protecteur  de  Mairet,  le  comte 
de  Belin  a  assassiné  le  7  décembre  1642,  par  le  marquis  de  Bonnivet.» 
François  de  Faudoas,  le  fils  de  l'ancien  gouverneur  de  Paris,  était 
déjà  mort  avant  la  fin  de  l'année  1638.  (Voir  l'abbé  Goujet,  Biblio- 
thèque française,  t.  XVIII,  p.  185;  M.  H.  Chardon,  la  Troupe  du  Ro- 
man comique  dévoilée,  etc.,  1876,  in-8,  p.  37.)  Enfin,  j'exprimerai  le 
regret  que  M.  Bizos  n'ait  pas  eu  connaissance  de  la  correspondance 
inédite  de  Chapelain  :  il  aurait  trouvé  dans  le  premier  volume  de  cette 
correspondance  léguée  par  M.  Saint-Beuve  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale, plusieurs  lettres  fort  intéressantes  écrites  à  Mairet  par  Chape- 
lain, qui  fut  pour  le  poëte  franc-comtois,  comme  pour  presque  tous  les 
poëtes  et  prosateurs  de  son  temps,  un  excellent  conseiller  et  un  dé- 
voué confrère.  T.  de  L. 


Tableau     «le     la    littérature     française,     ISOO-lSl^,     par 

Gustave  Merlet.  Paris,  Didier,  1877,  in-8  de  670  p.  — Prix  :  8  fr. 

La  littérature  de  l'époque  impériale,  si  complètement  éclipsée  par 
le  grand  mouvement  romantique  de  la  Restauration,  est  tombée  dans 
une  sorte  de  dédaigneux  oubli  d'où  ne  surgissent  guère  que  les  noms  de 
Chateaubriand,  de  M""  de  Staël  et  du  comte  de  Maistre.  M.  Merlet  a 
pensé  qu'il  pouvait  y  avoir,  dans  cet  oubli,  sinon  une  complète  injus- 
tice, au  moins  une  négligence  fâcheuse,  et  il  nous  a  donné  un  volume 
qu'on  lira  avec  autant  de  profit  que  de  plaisir.  Ce  volume  n'est,  du 
reste,  que  le  début  d'une  œuvre  à  vastes  proportions.  Ici  l'auteur  ne 
s'occupe  que  du  mouvement  religieux,  philosophique  et  poétique.  Le 
roman,  la  critique,  l'érudition,  l'histoire,  l'éloquence  et  la  politique 
auront  leur  tour  plus  tard.  On  tend  de  plus  en  plus  à  amener  sur  la 


—  148  — 

littérature  comme  des  reflets  des  événements,  reflets  qui  l'éclairant 
et  l'animent.  M.  Merlet  a  procédé  de  cette  manière.  Dans  son  intro- 
duction, il  esquisse  avec  netteté  et  impartialité  l'histoire  de  la  fin  du 
dernier  siècle  et  du  commencement  de  celui-ci:  et,  dans  tout  le  cours 
de  son  ouvrage,  iil  ne  perd  point  de  vue  l'état  de  la  société  dans  la- 
([uelle  se  meuvent  les  écrivains  qu'il  juge.  Peut-être  y  aurait-il  eu  au 
début  du  livre  à  effleurer  une  question  curieuse  :  la  forme  du  gouver- 
nement a-t-elle  une  action  sur  les  manifestations  de  l'intelligence?  Ne 
sont-ce  pas  des  temps  de  sage  liberté,  comme  l'époque  de  la  Res- 
tauration, qui  sont  favorables  à  ces  manifestations  ?  Ne  sont-ce  pas  les 
jours  de  despotisme  qui  leur  sont  le  plus  nuisibles;  témoins  la  Terreur 
et  l'Empire?  Mais,  contrairement  à  cette  thèse,  on  pourrait  rappeler 
le  siècle  éclatant  de  Louis  XIV.  Nous  croyons  cependant  qu'il  ne 
serait  nullement  impossible  d'expliquer  cette  espèce  de  contradiction, 
mais,  pour  tenter  de  le  faire,  il  faudrait  à  coup  sûr  plus  de  place  que 
nous  n'en  avons  à  donner  à  tout  le  livre  de  M.  Merlet,  auquel  nous 
nous  hâtons  de  revenir.  —  Les  premiers  chapitres  sont  consacrés  à 
M.  de  Bonald,  à  M.   de  Maistre  et  à  la  jeunesse  de  Chateaubriand. 
M""*  de  Staël  viendra  dans  un  tome  suivant.  M.  Merlet  arrive  ensuite 
à  la  partie  la  plus  ingrate,  à  la  poésie.  Il  nous  montre,  toutefois, 
quelques    vers    heureux,   quelques     inspirations    où   pouvaient    se 
trouver  les  germes  d'inspirations  qui  devaient  s'épanouir  plus  tard. 
Il  termine  son  étude  par  l'examen  des  œuvres  théâtrales  et  par  un 
vaste  appendice  où  de  courtes  notices,  fort  bien  faites,  rappellent  en 
peu  de  mots  les  littérateurs  de  l'époque  traitée  et  contiennent  une 
appréciation  de  leurs  oeuvres,  appréciation   écrite  avec  une   cons- 
cience dont  le  scrupule  qui  a  provoqué  cet  appendice  suffirait  à  donner 
une  très-favorable  idée.  Pour  qu'on  lût  sans  fatigue  un  fort  volume 
dont  le  sujet  n'a  pas  toujours  un  grand  intérêt  intrinsèque,  il  fallait 
que  ce  gros  volume  attachât  par  la  vérité  des  aperçus  et  par  l'agrémen 
du  style  ;  c'est  un  double  mérite  qui  n'a  pas  manqué  à  l'auteur.  Peut- 
être  M.  Merlet  cherche-t-il  un  peu  trop  à  réveiller  l'attention  par  le 
chatoiement  des  images.  Souvent  il  les  rencontre  bien,  quelquefois 
elles  sont  un  peu  trop  cherchées  ;  quelquefois  la  phrase  a  des  rondeurs 
trop  rhétoriciennes,  comme  quand  M.  Merlet  compare  notre  langue 
«  à  cet  arbre  généreux  dont  parlait  Horace,  et  qui  renouvelle  ses 
feuilles  à  chaque  retour  du  printemps.  »   Outre  que  la  comparaison 
d'Horace,  autant  que  nous  nous  en  rappelons  le  texte,  n'est  pas  exac- 
tement rendue,  l'épithète,  généreux  n'est  là  qu'une  cheville  destinée  à 
gonfler  la  période.  On  pourrait  ainsi  croire,  dans  deux  ou  trois  en- 
droits, à  une  espèce  de  contagion  du  style  par  trop  académique  dont 
M.  Merlet  fait  justice  si  souvent  et  avec  tant  de  goût. 

Th.  de  Puymaigre. 


—  149  — 

HISTOIRE. 

Essa     sur    l'esprît   public    dans    l'histoire,    par    le    vicomte 
Ph.  d'Ussel.  Paris,  Hachette,  1877,  in-8  de  447  p. —  Prix  :  S  fr. 

Ce  livre  a  dans  son  titre  quelque  chose  de  vague  qui  ne  dit  point 
tout  d'abord  ce  qu'il  contient.  Nous  croyons  reproduire  exactement 
la  pensée  de  l'auteur  en  disant  qu'il  recherche  ce  qu'est  l'esprit 
public,  l'esprit  dirigeant,  l'idée  dominante  d'une  époque;  comment 
il  se  forme  et  se  transforme  ;  comment  et  par  quels  agents  il  exerce 
son  influence.  Puis  il  demande  à  l'histoire  la  confirmation  de  ses  théo- 
ries. 

Toute  société  poursuit  un  idéal  dont  le  type  lui  est  fourni  par  les 
hommes  de  génie  et  qui  des  sommités  descend  aux  dernières  couches 
sociales  par  l'éducation  et  les  différents  modes  de  transmission  de  la 
pensée.  L'esprit  guerrier  et  l'esprit  religieux  y  jouent  un  rôle  consi- 
dérable, dans  toutes  les  nations,  suivant  des  lois  que  M.  d'Ussel 
s'applique  à  déterminer. 

Chez  les  Hébreux,  c'est  l'idéal  religieux  qui  prédomine.  L'idéal 
social  est  celui  que  poursuivent  les  Grecs.  Chez  les  Romains,  l'idéal 
social  est  celui  de  la  première  époque  ;  il  atteint  sa  réalisation  par  le 
nivellement  social  et  l'établissement  de  l'Empire,  qui  conduit  à  la 
décadance.  L'esprit  religieux  chrétien  survit  seul  au  milieu  de  toutes 
les  ruines  ;  il  caractérise  la  tendance  générale  du  moyen  âge  ;  il 
élève  l'idéal  poursuivi  à  cette  époque  de  transformation  à  une  subli- 
mité qui  la  préserve  de  la  chute  à  laquelle  elle  aurait  été  entraînée 
par  tous  les  défauts  et  toutes  les  misères  importées  par  les  peuples 
barbares.  Avec  les  temps  modernes,  l'idéal  se  modifie  surtout  par  la 
manière  de  concevoir  l'état  social.  Dans  les  temps  actuels,  c'est  le 
progrès  social  qui  est  le  but  de  tous  les  efforts,  mais  progrès  dont 
l'élément  principal  est  l'utile.  Il  a  créé  le  courant  démocratique,  contre 
lequel  lutte  ce  que  l'auteur  appelle  a  le  parti  de  l'histoire  :  »  avec 
lui  est  venu  le  goût  énervant  du  bien-être,  le  règne  du  mercantilisme 
et  de  l'intérêt,  le  morcellement  et  l'instabilité  de  la  richesse  et  du 
pouvoir  qui,  avec  la  loi  du  nombre,  entraîne  la  médiocrité  des  gouver- 
nants, l'abaissement  de  l'idéal  pourvuivi.  C'est  le  positivisme  u  qui 
pourrait  bien  abaisser  les  facultés  d'une  race  au-dessous  du  degré 
nécessaire  pour  lui  permettre  d'exceller  même  dans  les  arts  pra- 
tiques, »  et  qui  n'a  de  contre-poids  que  dans  la  religion. 

Cette  étude  de  philosophie  historique  dénote  un  sagace  et  pro- 
fond observateur,  un  esprit  méthodique  et  réfléchi,  des  convictions 
vives  et  raisonnées,  de  nobles  sentiments,  de  généreux  instincts,  une 
inspiration  toute  chrétienne,  le  tout  traduit  en  un  très-bon  style. 

Dans  cette  accumulation  de  jugements  et  d'appréciations  sur  les 


—  loO  — 

faits,  ce  serait  une  rare  bonne  fortune  de  se  trouver  toujours  en  com- 
plet accord  avec  l'auteur,  quand  bien  même  on  serait  généralement  en 
parfaite  conformité  de  sentiments  avec  lui.  Si  nous  avons  à  le  contre- 
dire sur  plus  d^un  point,  c'est  moins  pour  le  fond  que  pour  la  forme 
qui  manque  quelquefois  de  précision  et  est  entraînée  à  une  certaine 
exagération  pour  concorder  avec  la  théorie  ou  la  rendre  plus  saisis- 
sante. Ainsi,  quand  il  dit  que  lïdéal,  au  dix-huitième  siècle,  c'est  le  pro- 
grès social,  le  terme  est  impropre  ;  car  cela  ressort  clairement  de  son 
exposé,  c'est  un  progès  matériel,  sans  idées  morales  ni  religieuses, 
un  progrès  qui  conduit  à  la  décadence.  N'est-ce  pas  aussi  à  tort  qu'il 
dit  que  l'antagonisme  entre  la  religion  et  la  Révolution  ne  vient  pas 
d'une  opposition  substantielle  entre  les  principes  (p.  306),  après  avoir 
montré  qu'un  des  caractères  de  la  Révolution  c'était  une  opposition 
au  principe  de  l'autorité.  C'est  aussi  faire  trop  d'honneur  à  la  Révo- 
lution  que  d'en  faire  la  génératrice  de  l'idée  de  patrie.  Mais  il  n'est 
pas  besoin  de  s'arrêter  davantage  à  des  critiques  sur  des  points  qui  ne 
pourront  échapper  à  tous  les  lecteurs,  à  tous  les  hommes  d'étude  sé- 
rieux, auxquels  ce  livre  est  destiné,  et  que  nous  n'hésitons  pas  à  leur 
recommander. 

Nous  voudrions  leur  signaler  bien  des  aperçus  neufs,  bien  des  consi- 
dérations élevées,  bien  des  pages  vigoureuses.  Comme  le  protestan- 
tisme est  bien  caractérisé  :  u  Cette  religion  n'impose  à  l'homme  aucun 
sacrifice;  elle  n'en  demande  ni  à  sa  raison,  ni  à  son  bien-être,  ni  à 
ses  besoins  physiques  et  moraux...  Il  transige  avec  la  nature  humaine 
sur  les  principes  eux-mêmes  qu'il  ramène,  en  les  abaissant,  à  la  portée 
de  chacun  (p.  48).  »  Que  dira  notre  mollesse  de  cette  déclaration  sur 
les  bienfaits  de  la  guerre.  «  Il  faut  admettre  quel'état  de  guerre...  est... 
nécessaire  à  la  conservation  de  certaines  qualités  viriles  dont  la  perte 
conduirait  à  la  décadence  morale.  Telles  sont,  par  exemple  :  le  cou- 
rage, l'esprit  d'obéissance,  de  dévouement  et  de  sacrifice,...  dont  le 
développement  est  naturellement  si  contraire  à  nos  tendances  vers 
le  bien-être  et  l'égoïsme  et  qui  ne  peuvent  probablement  se  soutenir 
sans  s'exercer,  et  ne  trouvent  d'exercice  que  par  la  guerre  (35).  » 
M.  d'Ussel  appelle  «  parti  de  l'histoire  »  le  parti  qui  lutte  contre  l'es- 
prit démocratique  et  ses  tendances  au  bouleversement  général  pour 
régner  sans  contradiction  ;  son  expression  prêterait  à  croire  qu'il  y 
a  un  parti  dont  l'idéal  est  la  pure  restauration  du  passé.  C'est  une 
chimère  inventée  par  ceux  dont  le  courage  ne  recule  pas  devant  une 
bataille  à  la  façon  de  Don  Quichotte  contre  des  moulins  à  vent.  Nous 
en  avons  la  preuve  dans  ce  qu'il  dit  très-bien  :  «  Combien  bien  peu 
d'hommes  de  notre  époque  consentiraient  à  devenir  barons  féodaux 
au  prix  des  fatigues,  des  dangers  et  des  misères  qui  traversaient  la  vie 
de  ces  seigneurs  si  puissants  et  si  redoutés?  »  Victor  Moryat. 


—   loi    — 

L.'ilLrrique  et  la  Conférence  géograpliSque  de  Bruxelles. 

par  E.  Banning.  Bruxelles,  1877,  in-8  de  loO  p.  et  1  carte.  —  Prix  :  3  fr.  oO, 

Le  12  septembre  1876,  le  roi  des  Belges  réunit  à  Bruxelles  une 
conférence  composée  des  principaux  géographes  de  TEurope,  dans 
le  but  de  rechercher  en  commun  les  moyens  les  plus  propres  à  civiliser 
l'Afrique  centrale.  L'appel  fait  par  Léopold  11  aux  sentiments  philan- 
thropiques fut  entendu;  de  tous  les  points  de  l'Europe,  on  envoya 
des  adhésions  nombreuses,  et  des  souscriptions  considérables  affluè- 
rent. Depuis  quelques  semaines,  une  première  expédition  belge,  com- 
posée de  trois  membres,  est  partie  pour  l'Afrique.  A  l'occasion  de  la 
conférence  de  Bruxelles,  plusieurs  publications  virent  le  jour.  Celle 
de  M.  Banning  est  la  plus  importante.  L'auteur  a  divisé  son  travail 
en  deux  parties.  Dans  la  première,  il  s'occupe  de  l'Afrique  au  point 
de  vue  historique,  physique  et  social.  La  seconde  est  consacrée  aux  tra- 
vaux de  la  conférence  de  Bruxelles.  Un  appendice  nous  donne  plu- 
sieurs pièces  justificatives.  M.  Banning  commence  par  initier  ses 
lecteurs  aux  principales  expéditions  africaines  de  ce  siècle  et  aux  ré- 
sultats obtenus  jusqu'à  ce  jour.  Ce  résumé  est  clair,  méthodique  et 
exact.  Un  second  chapitre  nous  fait  connaître  la  géographie  physique 
de  l'Afrique.  Les  deux  chapitres  suivants  nous  intéressent  davantage. 
L'auteur  y  parle  de  l'ethnographie  de  l'Afrique  et  de  la  traite  des 
nègres.  Il  nous  montre  fort  bien  qu'en  général  la  race  nègre  n'est  pas 
si  inférieure  aux  autres  races  qu'on  se  plaît  souvent  à  le  dire.  Il  nous 
semble  cependant  que  l'auteur  aurait  bien  fait,  dans  l'intérêt  même  de 
son  sujet,  de  nous  parler  quelque  peu  des  différences  que  les  voyageurs 
ont  constatées  entre  les  malheureuses  peuplades  qui  sont  régulièrement 
visitées  parles  marchands  d'esclaves  et  celles  qui,  jusqu'à  ce  jour,  ont 
moins  souffert  de  la  traite.  Les  ouvrages  de  Livingstone  pouvaient 
lui  donner  d'excellents  renseignements  à  cet  égard.  C'est  ainsi  que 
ces  dernières  peuplades  sont  bien  plus  douces,  moins  féroces,  et  ac- 
cueillent d'ordinaire  l'étranger  avec  une  grande  bienveillance.  Les 
autres,  se  trouvant  continuellement  en  légitime  défense,  regardent 
tout  homme  blanc  comme  un  ennemi,  et  souvent  le  traitent  comme  tel. 

M.  Banning,  admettant  l'opinion  émise  par  Berlioux  dans  son  ou- 
vrage sur  la  traite  orientale,  distingue  trois  grandes  régions  de 
l'Afrique  oîi  la  chasse  à  l'homme  est  régulièrement  organisée.  La 
première  est  le  Soudan,  dont  le  marché  principal  est  Kouka,  dans  le 
Bornou;  la  seconde,  la  vallée  du  Haut-Nil,  avec  Khartoum  comme 
point  central  ;  enfin  le  plateau  central  de  l'Afrique,  avec  Kazeh  ou 
Zaboto  comme  entrepôt  général.  On  estime  de  80  à  90,000  le  nombre 
annuel  des  victimes  de  cet  infâme  trafic,  destiné  à  satisfaire  aux  de- 
mandes de  chair  humaine  de  TArabie,  de  la  Turquie  d'Europe  et 
d'Asie,  de  la  Perse  et  de  Madagascar. 


—  Ifii  — 

Le  but  ijuc  Ton  a  actuellement  en  vue  est  de  travailler  d'un  commun 
accord  à  supprimer  la  traite  des  nègres  ;  c'est  seulement  quand  on 
aura  obtenu  ce  premier  résultat  que  l'on  pourra  réaliser  la  pensée  de 
Léopold  II,  et  entreprendre  la  civilisation  de  l'Afrique.  A  cet 
effet,  la  conférence  de  Bruxelles  a  jugé  que  les  meilleurs  moyens  à 
employer  étaient  l'envoi  d'*un  nombre  suffisant  de  voyageurs  isolés  — 
donc  pas  de  grandes  expéditions  comme  celle  de  Baker,  —  et  l'éta- 
blissement de  stations  scientifiques  et  hospitalières.  «  Seulement 
(p.  92)  les  établissements  qu'il  s'agit  de  créer  porteront  un  cachet 
purement  laïque  ;  le  concours  de  toutes  les  nations  n'en  comportant 
pas  d'autre  ;  ils  ne  s'imposent  aucune  mission  religieuse,  ils  ne  repré- 
sentent aucune  confession,  aucun  culte.  »  Ici  est  le  point  faible  de 
toute  l'organisation.  Civiliser  laïquement  un  peuple  est  tout  aussi 
impossible  que  de  supprimer  Tesclavage  et  la  castration  chez  les  maho- 
métans,  aussi  longtemps  que  ceux-ci  resteront  attachés  à  l'islamisme. 
Il  semble  que  la  conférence  ait  eu  bien  plus  en  vue  l'intérêt  scientifique 
que  le  but  moral  de  la  civilisation  africaine,  précisément  par  suite  de 
l'absence  de  toute  idée  chrétienne.  Nous  comprenons  que,  du  moment 
que  des  nations  protestantes  participent  à  l'œuvre,  les  missions  ne 
pourraient  pas  être  exclusivement  catholiques.  Ce  mal,  du  reste,  ne 
serait  pas  grand.  Il  y  a  trop  longtemps,  en  eôet,  que  la  stérilité  des 
missions  protestantes  est  connue,  pour  que  nous  ayons  rien  à  crain- 
dre à  cet  égard.  Livingstone,  qui  était  lui-même  missionnaire,  aurait 
certes  protesté  contre  cette  laïcité.  Si  l'on  ne  tâche  pas  d'unir  les 
efforts  des  missionnaires  à  ceux  des  savants  explorateurs,  toutes  ces 
expéditions  pourront  être  riches  en  résultats  scientifiques,  mais  ne 
contribueront  pas  plus  à  civiliser  les  nègres  que  les  institutions  euro- 
péennes introduites  d'un  seul  coup  au  Japon  n'ont  pu  concourir  à  ra- 
mener le  peuple  japonais  à  la  vraie  civilisation.  En-dehors  du  chris- 
tianisme, toute  vraie  civilisation  est  impossible;  et  cette  vérité  ressort 
avec  tant  d'évidence  des  enseignements  de  l'histoire,  que  l'on  s'étonne 
de  devoir  la  rappeler.  An.  de  Ceuleneer. 


A.  travers  l'i%.frîqiie.  Vo]iagc  de  Zanzibar  à  Bcnguela,  par  le  commandant 
V.-L.  Cameron.  Traduit  de  l'anglais  avec  l'autorisation  de  l'auteur  jiar 
M.  H.  LoREAu.  Avec  130  gravures,  1  carte  et  i  fac-similé.  Paris,  Hachette 
1878,  gr.  in-8  de  5S9  p.  —  Prix  :  10  fr. 

C'est  une  grande  pensée  humanitaire  qui  a  conduit  le  commander 
Cameron  à  tenter  la  traversée  de  l'Afrique  :  son  premier  désir,  en 
effet,  était  de  travailler  pour  sa  part  à  la  suppression  de  l'odieux 
commerce  des  esclaves  noirs...  Sans  doute,  comme  il  est  naturel  à 
tout  Anglais,  la  soif  des  découvertes  entrait  aussi  pour  quelque 
chose  dans  sa  résolution  ;   mais,  i!  faut  le  proclamer  à  son  honneur, 


ce  n'en  fut  point  le  premier  mobile,  —  De  Bagamoyo,  situé  sur  l'océan 
Indien,  en  face  de  Zanzibar,  et  qui  est  le  point  de  départ  de  toutes  les 
explorations  dans  le  centre  de  l'Afrique,  jusqu'à  Benguela  baignée 
par  l'Atlantique,  son  voyage  a  duré  trois  ans  et  cinq  mois  ;   la  narra- 
tion qu'il  en  offre  au  public  est  plutôt  un  journal  de  marche,   un  guide 
pour  les  voyageurs  qui  voudront  suivre  ses  pas,   que    le  récit  de  ses 
aventures,  de  ses  chasses,  etc..  Nous  ne  devons  pas  nous  en  étonner. 
La  description  de  ces  régions  laisse  encore  trop  à  désirer  au  point 
de  vue  pratique,  malgré  les  admirables    découvertes  et  la  précision 
des  détails  obtenus  depuis  un  quart  de  siècle,  pour  que,  de  longtemps, 
on  ait  le  droit  de  réclamer  des  épisodes  de  touristes...  Il  faudra  s'en 
tenir,  pendant  quelque  temps  encore,  à  de  Yéritsi'hles  guides,  mention- 
nant les  particularités  de  la  route,  les  traits  du  pays,  les  mœurs,  la 
langue,  les  coutumes  des  habitants,  les  conditions  des  relations  à  ou- 
vrir avec  eux,  etc..  Une  partie  de  la  carte  parcourue  par  l'intrépide 
Cameron  commence  à  être  assez  connue  :  c'est  la  région  comprise  entre 
le  canal  de  Zanzibar  et  les  grands  lacs.  Mais  le  bassin  du  Congo   et 
tout  le  plateau  de  partage  entre  ce  bassin  et  celui  du  Zambèse  sont  à 
compléter  comme   données   géographiques,    hydrographiques,  etc.. 
Nul  doute  que  l'avenir  ne  réserve  à  quelque  émule  des  Livingstone, 
des  Stanley,  des  Cameron,  l'honneur  d'ajouter  aux  indications  qui  figu- 
rent jusqu'à  présent  sur  leurs  cartes....  Le  mérite  des  premiers  ex- 
plorateurs   en    recevra   un   nouveau  lustre  pour  avoir  ouvert,  au 
prix  de  difficultés   plus    grandes,    une    voie   appelée  à   devenir  de 
plus  en  plus  féconde.  On  peut  se  rendre  compte,   sur  la  carte  jointe 
au  présent  volume,  de  la  route  suivie  par  Cameron  :  à  elle  seule, 
elle   permet    de  supposer  les  épreuves   et  les   difficultés     que  ce 
hardi  pionnier  a  dû  traverser,  et  son  très-intéressant  récit,  mon- 
trant  comment    il  les  a    surmontées,  confirmera  l'admiration  pour 
sa  persévérance   et  son    énergie  et  légitimera  la   gloire   désormais 
attachée  à  son  nom.  Ce  voyage  s'ajoute  avec  honneur  aux  huit  ou  dix 
volumes  pleins  de  faits  que  l'on  doit  déjà  sur  ces  régions  si  longtemps 
inconnues,  aux  grands  explorateurs  américains,   anglais   et  français. 
Outre  la  question  de  l'esclavage,  qui  est  prise  sur  le  fait  et  traitée  là 
de  visu,  il  y  a  des  chapitres  fort  curieux  sur  le  géographie  (orographie 
et  hydrographie)  de  l'Afrique  centrale,  sur  son  système  lacustre,   sur 
son  avenir,  etc..  Un  vocabulaire  et  une  nomenclature  botanique  com- 
plètent en  appendice  ce  volume  où   nous  n'avons  pas  lu  sans    émotion 
le  passage  dans  lequel  Cameron,  malade  lui-même,  ainsi  que  Murphy 
et  Dillon,  presque  jusqu'à  en  mourir,   raconte   comment  il   apprit  la 
mort  de  Livingstone  et  organisa  son  convoi  funèbre... 

F,    DE  ROQUEFEUIL. 


-  iU  - 

vie  de  M"  de  la  Rochefoucauld^  duchesee  de  Doudeau- 
ville,  fondatrice  de  la  Société  de  IVazareth.  Paris  et  Lyon, 
Lecoffre,  1877,  in-12  de  x-345  p.,  avec  un  portrait.  — Prix  :  3  fr.  50. 

La  vie  de  la  duchesse  de  Doudeauville  (1764-1849)  offre  de  singu- 
liers contrastes  et  de  fortifiants  exemples.  Elevée  par  urne  mère  sans 
tendresse  et  dont  l'austère  vertu  avait  toute  la  raideur  et  l'aspérité 
du  jansénisme,  Augustine  de  Louvois  de  Montmirail  accepta  de  sa 
main,  avant  d'avoir  atteint  sa  quinzième  année,  un  mari  un  peu  plus 
jeune  qu'elle  et  qui  dut  la  quitter  après  la  cérémonie  nuptiale  pour 
achever  son  éducation  confiée  à  des  mains  qui  conspiraient  contre  sa 
foi  profondément  implantée   dans   son  cœur  par  sa  nourrice,  une 
simple  paysanne.  Sa  nouvelle  famille  était  imbue  des  idées  philoso- 
phiques que  son  beau-père  fit  tout  pour  lui  inculquer.  Elle  fut  exposée 
à  tous  les  dangers  du  monde  par  un  entourage  ami  du  plaisir,  par  sa 
position,  par  tous  les  charmes  séduisants  de  sa  personne.  Néanmoins, 
prévenue  dès  sa  plus  tendre  enfance  par  la  grâce  de  Dieu,  elle  se 
montra  toujours  pleine  de  déférence,   de  soumission   et  d'affection 
pour  sa  mère,  ne  se  départit  jamais  d'aucun  de  ses  devoirs  ni  dans  sa 
famille  ni  dans  le  monde,  conquit  l'estime  de  ceux  qui  ne  l'imitaient 
pas  par   sa  scrupuleuse  fidélité,   sut   faire  aimer  la  vertu  par   la 
manière  dont  elle  la  pratiquait,  et  exerça,  par  sa  douce  influence,  un 
véritable  apostolat  au  sein  de  sa  famille.  La  religion  lui  fournit  la 
force  pour  traverser,  loin  de  son  mari  émigré,  l'époque  sanglante  de 
la  Révolution.  Bien  des  têtes  qui  lui  étaient  chères  tombèrent  à  ses 
côtés;  elle  soutenait  tout  le  monde  par  son  courage;  plus  d'une  fois 
elle  tint  tète  aux  bandits  ;  elle  toucha  même  le  cœur  du  sanguinaire 
Fouquier-Tinville.  Son  anonyme  biographe  décrit  les  scènes  les  plus 
émouvantes.  Toute  sa  vertu,  sa  sagesse,   son    expérience  paraissent 
dans   les  conseils  qu'elle  donne    à  sa  fille,  dans  l'éducation   de  ses 
enfants  et  petits-enfants  qui  l'entourent  de  respect  et  de  vénération 
et  portent  dignement  son  nom  parmi  nous,  dans  l'administration  de 
sa  grande  fortune,  dans  ses  relations  avec  toutes  les  personnes  de  sa 
maison,  dans  son  intelligente  générosité  et  dans  sa  charité  envers 
tous  les  pauvres  et  les  populations  au  milieu  desquelles  elle  vivait. 
Elle  fonda,  à  Montmirail,  la  Société  de  Nazareth  pour  l'éducation  des 
jeunes  filles.   L'histoire  de  cette  œuvre,  qui  occupe  déjà  une  large 
place  dans  cette  biographie,  recevra  de  plus  grands  développements 
dans  la  vie,  promise  par  l'auteur,    de  la  mère  BoUat,  première  su- 
périeure.  A  côté   de   tableaux  saisissants,  des  traits  piquants,   des 
pages  d'un    intérêt  presque    historique,   sans   parler    du  caractère 
édifiant  de  ce  volume,  nous  devons  signaler  ce  qu'il  fournit  de  détails 
curieux  sur  les  mœurs   de  la  société  française  avant  la  Révolution. 
Nous  aurions  aimé  que  l'auteur  présentât  toujours  les  acteurs  qu'il  met 


—  <55  — 

en  scène,  et  qu'il  donnât  plus  de  dates.  Le  nom  de  l'abbé  d'Etyola  ne 
doit-il  pas  être  corrigé  en  celui  de  Thiollaz?      R.  de  Saint-Mauris. 

I^e  Village  sous  l'ancien  régime,  par  Alfred  Babeaci.  Paris,  Didier, 

i878,  in-8  de  368  p.  —  Prix  :  6  fr. 
ÏLia  Vie  de  province  au  dix-huitième  siècle.    —  Les  Femmes,  les 

Mœurs,    les    Usages,  par    Anatole   de    Gallier.  Paris,    Rouquette,   1877, 

in-8  de  128  p. —Prix  :  4  ir. 

De  savantes  études  ont  été  publiées  dans  ces  derniers  temps  sur 
l'histoire  des  classes  agricoles,  sur  les  communes,  les  communaux, 
les  associations  et  les  confréries  populaires,  le  régime  scolaire  avant 
la  Révolution,  etc. 

Les  recherches  ont  été  très-étendues,  les  matériaux  sont  nombreux 
et  curieux;  mais  il  ne  s'en  était  pas  encore  dégagé  une  œuvre  vrai- 
ment vivante,  qui  rendît  tout  à  fait  sensible  dans  leur  ensemble  les 
traits  essentiels  de  l'administration  des  campagnes  isous  l'ancienne 
monarchie,  et  qui  nous  permît  de  la  voir  en  action,  surtout  à  une 
époque  rapprochée  de  la  nôtre. 

Cette  oeuvre,  M.  Babeau  vient  de  nous  la  donner.  Résumant,  sur 
les  communautés  rurales,  la  substance  de  ce  qu'ont  écrit  les  anciens 
jurisconsultes  et  de  ce  que  nous  apprennent  les  documents  originaux 
recueillis  de  nos  jours  par  les  érudits,  il  a  complété  leurs  indications 
par  deslobservations  plus  particulières  sur  les  villages  de  la  Champagne 
et  de  la  Bourgogne  ;  et  c'est  ainsi  qu'il  a  pu  retracer  un  tableau  aussi 
exact  que  possible,  pour  les  contrées  de  la  France  situées  au  nord  et 
au  nord-est  de  la  Loire. 

«  Mon  but,  difc-il,  n'a  pas  été  de  soutenir  une  thèse;  il  a  été  d'expo- 
ser les  faits.  »  La  précision  des  faits  !  quoi  de  plus  nécessaire  en  un 
pareil  sujet!  Il  s'agit  de  juger,  comme  elle  le  mérite,  une  des  parties 
l3S  plus  importantes  et  les  moins  connues  de  la  vieille  France. 

Pour  cela  son  organisme  est  à  étudier  de  près;  car,  en  lui  se  sont 
concentrés  les  intérêts  communs  et  la  vie  publique  de  millions  de 
familles,  dont  les  besoins,  les  mœurs,  la  manière  d'être,  ont  été  et 
seront  toujours  très-différentes  de  ceux  des  villes.  Qu'était  autrefois 
un  village  ?  De  quels  éléments  multiples  se  composait-il  ?  et  comment 
sous  l'influence  des  changements  intervenus  dans  l'état  despersonnes, 
des  classes,  de  la  propriété,  du  gouvernement  local  et  du  pouvoir 
central,  ces  éléments  d'autonomie  étaient-ils  arrivés  au  point  où  nous 
les  trouvons  à  la  veille  de  la  Révolution  ?  Tels  sont  l'objet  et  le 
cadre  des  études  de  M.  Babeau. 

Le  village  n'est  pas  seulement  la  commune  ;  c'est  aussi  la  paroisse  ; 
c'était  plus  anciennement  la  seigneurie.  Au-dessus  de  lui,  il  y  avait 
la  province  et  l'Etat.  De  là,  autant  de  divisions  du  livre. 


Nous  contemplons  d'abord  la  communauté  rurale  en  elle-même. 
Nous  assistons  à  ses  assemblées  agricoles  qui  réalisent  l'idéal  des 
libertés  populaires  :  tous  ses  membres  y  prennent  part  ;  sous  la  tutelle 
et  le  contrôle  des  autorités  publiques,  ils  nomment  librement  leurs 
syndics,  administrent  presque  souverainement  leurs  biens,  perçoivent 
leurs  revenus,  votent  les  dépenses,  présentent  leurs  comptes,  répa- 
rent des  églises,  des  ponts  et  chemins,  entretiennent  des  écoles,  etc.. 
Ce  qu'il  faut  pour  leurs  intérêts  temporels,  ils  le  pratiquent  avec  non 
moins  d'indépendance,  comme  marguilliers,  pour  leurs  intérêts  reli- 
gieux. Le  château  est  bien  là,  avec  sa  suprématie  ;  mais  cette  supré- 
matie, il  la  perd  peuàpeu  :  ses  tours  disparaissent,  ses  fossés  se  com- 
blent. Le  temps  n'est  plus  où  le  seigneur  était,  pour  la  population,  un 
protecteur,  wn  chef,  et  où  sa  résidence  dans  le  pays  faisait  de  lui  la 
première  des  autorités  sociales.  Il  ne  garde  de  son  ancien  pouvoir 
que  de  stériles  honneurs  et  des  droits  que  l'absence  de  services  ren- 
dus transforme  aux  yeux  de  ses  anciens  subordonnés  en  autant  d'abus. 
Le  juge  seigneurial  le  remplace  avec  ses  qualités  et  aussi,  hélas  !  avec 
ses  défauts  ;  et  lui-même  s'efface  devait  une  puissance  supérieure  qui 
ne  cesse  de  grandir,  l'Etat.  L'administration  centrale  enveloppe  de 
son  réseau  la  petite  communauté  rurale  ;  elle  ne  la  détruit  pas  ;  mais 
elle  se  sert  d'elle,  dans  un  but  trop  exclusivement  fiscal,  pour  le  recou- 
vrement des  tailles,  pour  des  corvées  royales  et  le  tirage  de  la 
milice. 

Nous  ne  pouvons  qu'indiquer  en  quelques  lignes  le  pensée  générale 
du  livre.  Quant  aux  détails,  ils  échappent  à  toute  analyse,  M.  Babeau 
prête  un  véritable  charme  aux  choses  les  plus  sérieuses;  son  érudition, 
aussi  variée  que  profonde,  met  chaque  fait  à  sa  place  et  dans  un  relief 
saisissant.  Grâce  à  lui,  nous  connaissons  mieux,  sur  bien  des  points, 
la  vieille  France  rurale.  Nous  la  voyons  grande  et  prospère,  à  l'époque 
où  la  monarchie  la  prit  des  mains  de  la  féodalité  ;  nous  la  suivons  à 
travers  les  siècles;  et  elle  nous  apparaît,  soit  en  progrès,  soit  para- 
lysée dans  son  essor,  selon  les  mœurs  bonnes  ou  mauvaises  qui  pré- 
valent, mais  ne  désespérant  jamais  d'elle-même,  et,  sous  l'égide  de  la 
monarchie,  préparant  ces  fortes  et  vaillantes  races  de  paysans  qui 
donnèrent  tant  de  héros  à  la  Vendée,  et  parmi  lesquelles  se  recru- 
tèrent les  intrépides  soldats  de  l'armée  du  Rhin  et  de  l'armée  d'Italie, 
qui  devaient  faire  la  terreur  et  l'admiration  de  l'Europe. 

L'auteur  montre  comment  ces  paysans  avaient  appris  à  devenir  des 
citoyens,  en  administrant  leurs  affaires  locales,  comment  ils  savaient 
s'imposer  des  sacrifices  pour  leurs  écoles,  leurs  hôpitaux  et  leurs  ins- 
titutions les  plus  utiles.  Pourquoi  a-t-il  négligé  de  mettre  en  pleine 
lumière  l'institution  fondamentale  par  excellence  ?  La  famille,  plus 
encore  que  la  commune,  forme  l'homme  et  le  citoyen  ;  et  c'est  en  elle 


qu'il  faut  chercher  la  vitalité,  le  solide  point  d'appui  des  libertés 
populaires.  La  stabilité  est  surtout  nécessaire  à  l'ordre  moral. 

M.  Babeau  nous  permettra  d'exprimer  le  vœu  que  son  beau  livre 
sur  le  village  dans  l'ancien  régime  soit  complété  par  un  autre  sur  le 
village  actuel,  au  point  de  vue  des  réalités  sociales  du  temps  présent. 
Aucune  œuvre  ne  serait  plus  opportune.  Elle  seule  fournirait  l'explica- 
tion d'un  fait  très-grave  :  malgré  tous  les  progrès  matériels  dont  jouis- 
sent les  campagnes,  nos  vieilles  races  de  paysans  périssent,  et  il  ne  s'en 
crée  pas  de  nouvelles;  malgré  toutes  les  écoles  dont  elles  sont  dotées 
par  l'Etat,  nos  populations  agricoles  sont  de  moins  en  moins  aptes  à 
gérer  directement  cù  en  paix  leurs  intértês. 

—  L'objetpropre  de  l'étude  de  M.  de  Galliersur  la.Viede  'province  au 
dix-huitième  siècle  est  une  intéressante  collection  de  lettres,  dont  les 
auteurs  n'ont  pas  de  place  dans  l'histoire,  mais  en  avaient  une  très- 
distinguée,  il  y  a  un  siècle,  dans  leur  province.  Les  Aymon,  seigneurs 
de  Franquières,  habitaient  sur  la  rive  droite  de  l'Isère,  en  face  de  la 
Combe  deLancey,  un  château  d'où  ils  rayonnaient  surtoutleDauphiné 
et  au-delà  de  Lyon.  Ils  avaient  les  plus  belles  alliances  ;  de  père  en 
fils,  ils  étaient  conseillers  au  Parlement  de  Grenoble.  Le  dernier 
avait  eu  la  passion  des  voyages,  et  ses  récits,  conservés  et  copiés 
par  sa  sœur,  ne  manquent  pas  d'esprit. 

On  écrivait  beaucoup  pour  l'intimité,  et  les  Franquières  en  ofifrent 
la  preuve.  Les  femmes  surtout  savaient  tenir  la  plume  avec  une 
originalité  pleine  de  charme  ;  et  c'est  aussi  sur  elles  que  les  documents 
cité  par  M.  Anatole  de  Gallier  fournissent  les  renseignements  les  plus 
particuliers.  On  les  voit,  à  des  âges  bien  différents,  exprimer  leur  ma- 
nière de  sentir,  on  assiste  à  leur  conversation.  A  la  différence  de  ce 
qui  se  passait  à  Paris,  on  les  trouve  encore  en  province  inspirant  le 
respect  par  leur  religion  et  leur  piété.  Un  fait  frappe  au  plus  haut 
point  notre  observateur  dans  cette  époque  singulière  :  c'est  le  con- 
traste qu'offrent  les  mœurs  patriarcales,  gardées  par  beaucoup  de 
familles,  fidèles  au  sol  natal,  avec  la  corruption  raffinée  dont  font  éta- 
lage la  plupart  de  celles  qui  ont  émigré  de  la  province. 

Nous  ne  saurions  relater  ici  toutes  les  curiosités  que  M.  de  Gallier 
nous  décrit  avec  une  érudition  consommée,  et  aussi  avec  les  agré- 
ments du  style  le  plus  délicat.  Il  y  en  a  sur  tous  les  sujets  :  d'abord 
sur  les  mœurs  privées,  ensuite  sur  le  monde  proprement  dit,  sur  la 
poésie,  la  musique,  les  salons,  les  bals,  les  spectacles,  sur  les  rapports 
de  plus  en  plus  difficiles  des  classes  entre  elles,  sur  l'esprit  frondeur 
qui  se  répandait  partout. 

M.  de  Gallier  est  de  l'école  qui  cherche  le  vrai  dans  l'histoire  et 
qui  fait  servir  le  passé  à  l'instruction  du  présent.  Il  ne  dissimule  en 
rien  les  côtés  défectueux  de  la  vie  de  province  du  dix-huitième  siècle  ; 


—  1d8  — 

mais  il  met  en  évidence  aussi  ce  qu'elle  avait  d'excellent,  là  où  subsis 
talent  les  principes  chrétiens  et  les  traditions  du  foyer. 

Charles  de  Ribbe. 


t,e  Fonds  des  reptiles^  Le  Journalisme  allemand  et  la  formation  de 
V opinion  publique,  par  H.  Wuttke.  Trad.  de  l'allemand  par  B.  Pommerol. 
Paris,  Dreyfous,  1877,  gr.  in-18  de  xxvi-293  p.  —  Prix  :  3  fr. 

L'ouvrage  du  professeur  "Wuttke  n'est  pas  entièrement  inconnu  du 
public  français,  La  Revue  des  Deux  Mondes  en  avait  déjà  parlé  dans 
son  numéro  du  l*'''  mai  1875;  mais,  par  l'importance  même  de  cet  écrit, 
une  traduction  française  était  de  la  plus  grande  utilité.  Pendant 
longtemps  la  presse  allemande  a  gardé  le  silence  sur  cet  ouvrage, 
précisément  parce  qu'il  renfermait  la  condamnation  morale  d'un 
grand  nombre  de  journalistes;  et  ce  silence  même  était  une  preuve 
de  la  véracité  des  faits  que  l'auteur  a  avancés.  Son  li^Te  est  le  résul- 
tat d'observations  et  de  lectures  nombreuses.  On  ne  se  fait  pas  d'idée 
de  ce  qu'il  a  fallu  de  temps  et  de  ténacité  pour  réunir  les  matériaux 
nécessaires  à  une  pareille  étude.  Le  nombre  des  révélations  contenues 
dans  cet  écrit  est  vraiment  prodigieux;  et  l'on  peut  dire  qu'après 
avoir  achevé  la  lecture  de  la  dernière  page,  il  n'y  a  presque  aucun 
journal  quelque  peu  important  de  l'Allemagne,  de  l'Autriche^  et  même 
d'autres  pays  qu'on  ne  puisse  estimer  à  sa  juste  valeur.  Or,  il  n'y  a 
pas  moins  de  5,000  journaux  imprimés  en  langue  allemande  dans  le 
monde  entier.  L'auteur  a  examiné  son  sujet  sous  toutes  ses  faces.  Il 
nous  montre  d'abord  comment  la  réclame  naquit  en  France  vers  1821, 
et  comment  elle  fut  exploitée  surtout  par  M.  Em.  de  G-irardin.  Il  nous 
fait  assister  ensuite  au  développement  rapide  qu'elle  prit  au-delà  du 
Rhin.  Et,  ici,  il  ne  s'agit  pas  de  l'annonce  :  le  lecteur  sait  alors  à  quoi 
s'en  tenir,  mais  de  la  réclame  proprement  dite,  faisant  de  la  propa- 
gande pour  telle  institution  commerciale  ou  financière,  louant  ou  déni- 
grant le  talent  de  tel  acteur  ou  de  telle  actrice;  faisant  en  d'autres 
termes  mousser  une  affaire  d'après  la  somme  plus  ou  moins  grande 
qui  a  été  versée.  L'auteur  entre  à  ce  sujet  dans  des  détails  qui  nous 
font  estimer  à  bien  peu  de  chose  la  moralité  du  plus  grand  nombre 
des  journalistes.  L'intérêt  principal  de  l'ouvrage  consiste  dans  les 
révélations  ayant  trait  à  la  propagande  politique.  Le  bureau  central 
de  la  presse  fut  fondé  en  1851,  par  Manteuffel,  et  son  premier  chef 
fut  R.  Quehl.  Ce  service  se  trouve  actuellement  confié  à  M.  ^gidi. 
Depuis  1851,  l'institution  n'a  fait  que  prospérer,  et  le  budget  en  est 
monté  de  31,000  à  70,000  thalers,  sans  compter  les  sommes  immenses 
provenant  de  la  spoliation  des  biens  particuliers  du  roi  de  Hanovre 
et  de  l'électeur  de  Hesse .  Ce  bureau  envoie  des  renseignements  poli- 


—  1K9  — 

tiques  à  un  grand  nombre  de  journaux  allemands  et  étrangers  — 
M.  Wutske  assure  que  des  reptiles  se  sont  nichés  dans  ï Indépendance 
belge  (p.  218),  —  paye  largement  ceux  qui  veulent  bien  les  insérer 
dans  leurs  journaux,  et  persécute  les  journalistes  assez  honnêtes  pour 
s'y  refuser.  C'est  de  cette  manière  que  s'est  opéré  la  prussification  de 
l'Allemagne  et  que  l'on  a  formé  l'opinion  publique.  En  d'autres  termes 
c'est  enchaîner  le  plus  grande  partie  de  la  presse  à  l'opinion  d'un  seul 
homme,  qui  n'est  autre  que  le  prince  de  Bismarck;  c'est  former  l'opi- 
nion publique  en  corrompant  les  journalistes  avec  l'argent  des  contri- 
buables. Ces  moyens  inavouables  favorisèrent  notablement  les  succès 
de  la  politique  prussienne;  et,  grâce  aux  renseignements  fournis  par 
M.  Wuttke,  les  événements  de  1866  et  de  1870  se  présentent  à  nous 
sous  un  jour  tout  nouveau.  Aussi  les  historiens  futurs  auront-ils  à 
tenir  grandement  compte  de  ce  livre,  pour  s'éclairer  sur  la  validité 
des  sources  historiques  dont  ils  auront  à  se  servir.  L'intégrité  du 
caractère  de  l'auteur  est  une  garantie  de  sa  véracité,  qui  ressort  du 
reste  d'une  manière  évidente  de  chacune  de  ses  pages.  Rarement  j'ai 
lu  un  livre  qui  portât  ce  cachet  de  véracité  au  même  point.  — L'auteur 
se  déclare  lui-même  démocrate  et  du  parti  de  la  grande  Allemagne. 
Ses  opinions  personnelles  se  font  assez  souvent  jour  pour  que  le 
lecteur  sache  à  quoi  s'en  tenir  sur  ce  point;  mais  ses  appréciations 
n'entachent  en  rien  la  réalité  des  faits  qu'il  avance.  Maintes  fois,  ses 
appréciations  sont  des  plusacerbes  pour  ne  pas  dire  des  plusjustes.il 
est  permis,  quoi  qu'en  dise  M.  Wuttke, de  voir  en  M.  Ebers  autre  chose 
qu'un  jeune  et  insignifiant  professeur  (p.  61);  et  de  ne  pas  admettre 
avec  lui  que  M.  Mommsen  ait  pris  dans  son  Histoire  romaine  le  contre- 
pied  de  la  vérité  (p.  68).  Ses  appréciations  des  écrits  de  Sybel  et  de 
Droysen  sont  aussi  exagérées.  A  maintes  reprises,  il  n'a  pour  les  catho- 
liques que  des  paroles  dédaigneuses;  mais  jamais  on  ne  trouve  la 
trace  du  moindre  mensonge,  et  bien  souvent  il  sait  rendre  justice  à 
ses  adversaires  politiques  ou  religieux.  C'est  ainsi  qu'en  parlant  de 
la  presse  catholique,  il  dit  sans  détours  (p.  201)  :  «  La  presse  catholique 
ou  ultramontaine  est  forte,  parce  qu'elle  est  convaincue,  fermée  à 
toutes  les  influences,  excepté  à  celle  de  l'Eglise.  On  ne  peut  l'accuser 
d'inconstance  ;  elle  est  aujourd'hui  ce  qu'elle  était  à  l'origine.  »  Aussi 
est-il  forcé  de  constater  (p.  203),  que  la  Gcrmania  est  le  seul  journal 
qui  ait  parlé  de  son  ouvrage.  Ceci  se  comprend  :  elle  était  du  nombre 
des  rares  journaux  que  l'or  des  corrupteurs  ne  pouvait  séduire. 
D'autres  passages  sont  non  moins  favorables  au  parti  catholique 
(p.  227). 

11  serait  utile  de  faire,  pour  d'autres  pays,  ce  que  Wuttke  a  si 
consciencieusement  fait  pour  l'Allemagne  ;  de  rechercher  non-seule- 
ment comment  certains  gouvernement  tâchent  de  façonner  l'opinion 


—  ICO 

publique  selon  leurs  vues;  mais  d'examiner  aussi  ce  que  font  certains 
partis  politiques  et  religieux.  Le  rôle  que  jouent  les  loges  n'est  pas 
des  moins  influents.  A  certaines  époques,  les  mêmes  questions  sont 
traitées  dans  la  presse  libérale  avec  une  telle  unanimité,  que  l'existence 
d'un  mot  d'ordre  est  indéniable.  Si  Ton  faisait  sérieusement  cette 
étude  on  serait  bien  vite  convaincu  que  la  majorité  de  la  mauvaise 
presse  n'est  pas  moins  désintéressée  et  pas  moins  vénale  qu'en  Autriche 
et  en  Allemagne,  et  qu'à  la  presse  catholique  on  pourrait  adresser 
l'éloge  que  M.  Wuttke,  un  adversaire,  a  donné  aux  publicistes  catho- 
liques de  sa  patrie.  Ad.  de  Ceuleneer. 


IjCS  Ex-"Voto  du  temple  de  Xanît  à  Carthage.  Lelire  à  M.  Fr. 
Lenormant,  sur  les  représentations  figurées  des  stèles  puniques  de  la  Biblio- 
thèque nationale,  par  M.  Phiuppe  Berger.  Paris,  Maisonneuve,  1877,  petit 
in-fol.  de  31  p.  —  Prix  :  3  fr. 

L'ouvrage  dont  nous  venons  de  transcrire  le  titre  nous  est  parvenu 
la  veille  du  jour  de  l'an^  comme  un  livre  d'étrennes,  enrichi  d'illustra- 
tions, de  nombreuses  gravures  explicatives  venant  illuminer  un  texte 
qui,  —  sans  elles,  — serait  peut-être  une  lecture  ardue  pour  les  pro- 
fanes. On  sait,  en  effet,  que  la  Bibliothèque  a  recueilli,  pour  le  dépar- 
tement des  médailles  et  antiques,  la  collection  d'inscriptions  cartha- 
ginoises formée  en  Tunisie  par  M.  de  Sainte-Marie,  sous  les  auspices 
du  Ministère  de  l'Instruction  publique,  comme  M.  Léop.  Delisle  l'a 
récemment  rappelé  dans  son  rapport  général  sur  la  gestion  de  la  Bi- 
bliothèque nationale  :  a  L''explosion  du  Magenta,  à  bord  duquel  les 
pierres  de  M.  de  Sainte-Marie  avaient  été  chargées,  avait  inspiré  les 
craintes  les  plus  sérieuses  sur  le  sort  de  ces  petits  monuments.  Les 
pierres  elles-mêmes  ne  sont  pas  perdues  pour  la  science  ;  grâce  aux 
mesures  prises  par  l'amiral  Roze,  la  plupart  ont  été  retrouvées  au 
fond  de  la  mer  et  ont  pu  être  envoyées  à  la  Bibliothèque,  où  M.  Phi- 
lippe Berger  les  a  reconnues  et  soumises  à  un  classement  qui,  pour 
n'être  pas  encore  complet  et  définitif,  n'en  permet  pas  moins  d'appré- 
cier l'intérêt  des  découvertes  de  M.  de  Sainte-Marie.  Le  rapport  de 
M.  Berger,  dans  les  Archives  des  missions  scientifiques  et  littéraires,  a 
très -clairement  déterminé  la  place  que  les  pierres  de  Carthage  doivent 
occuper  dans  l'épigraphie  sémitique  et  la  nature  des  renseignements 
qu'elles  fourniront  à  l'histoire  et  à  la  philologie.  » 

C'est  la  première  partie  de  ce  rapport  que  l'auteur  a  reprise  en 
sous-œuvre,  en  lui  consacrant  de  plus  amples  développements  au  point 
de  vue  spécial  de  l'archéologie  et  de  la  mythologie.  Il  démontre 
d'abord  que  les  inscriptions  sont  antérieures  à  la  prise  de  Carthage 
par  les  Romains,  en  146,  il  les  compare  ensuite  avec  les  monnaies  pu- 
niques, examine  les  symboles  figurés  sur  ces  petits  monuments,  enfin  la 


—   161  — 

langue  et  la  forma  des  caractères  qui  y  sont  tracés.  Puis  il  met  de 
côté  les  textes  eux-mêmes,  très-monotones  du  reste,  qui  appartiennent 
au  Corpus  inscriptionum  semiticarum  que  publiera  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  et  il  va  étudier  isolément  chacun  des 
objets  figurés  sur  les  stèles.  La  dernière  série  des  représentations 
étudiées  est  la  plus  intéressante  à  notre  avis,  parce  qu'en  faisant 
connaître  le  commerce  et  l'industrie  des  Carthaginois,  elle  nous  ini- 
tie, jusqu'à  un  certain  point,  aux  arts  de  ce  peuple  (p.  23)  qui, 
jusque-là  (p.  7),  était  réputé  n'en  point  avoir.  C'est  un  élément  des 
plus  importants  dans  l'histoire  de  la  civilisation,  et  le  plus  approprié 
à  nous  servir  de  guide  dans  l'appréciation  du  rôle  de  telle  ou  telle 
nationalité,  suivant  la  marche  de  l'humanité.  A  quoi  bon,  —  sans 
cette  considération,  —  nous  attarder  sur  l'examen  de  telle  forme  de 
préférence  à  telle  autre  ?  Combien  l'archéologue  est  consciencieux  de 
nous  dire,  par  exemple,  de  l'une  des  stèles,  que,  «  des  côtés  de  l'un 
des  piliers,  on  aperçoit  de  petites  figurines  qui  peuvent  être  des 
singes,  ou  des  génies,  ou  peut-être  autre  chose  encore  !  »  Que  d'ob- 
servations minutieuses!  quel  souci  des  détails  !  L'objet  principal  de 
cette  thèse  est  d'indiquer  ce  qu'était  Tanit  et  son  culte.  Cette  déesse 
était  l'Astarté  de  Carthage  ;  elle  était  aussi  leur  Yirgo  cœlestis,  devant 
réunir  les  attributs  de  Diane  et  de  Vénus.  C'est  l'une  des  nombreuses 
formes  de  la  grande  déesse  syrienne,  qui  avait  pour  attributs,  comme 
sa  congénère  grecque,  le  disque  et  le  croissant.  Le  terme  même  de 
Tanis  provient  du  grec  Anaïtis,  et  ce  premier  élément  d'analogie 
mène  à  d'autres  rapprochements.  —  Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  dire 
avec  l'auteur  :  ces  représentations  nous  auront  mieux  fait  connaître 
le  génie  singulier  de  ce  peuple  commerçant,  même  en  religion,  qui  a 
été  le  maître  du  monde  occidental  jusqu'à  l'arrivée  des  Romains. 

M'"  Schwab. 


Tablettes  îîttéraires  des  bîhlîoplilles  de  GuyeiBsio.  Tome  IL 
Inventaire  de  la  colleclion  des  ouvrages  et  documents  sur  Michel  de  Montaigne 
et  lettres  inédites  de  Françoise  de  Lachassagne.  Bordeaux,  imp.Gurgy,  1877, 
in-8de  iv-i70  p. 

Ce  volume,  tiré  à  petit  nombre, ne  saurait  laisser  indifi'érents  ni  les 
bibliophiles,  ni  les  admirateurs  de  l'immortel  auteur  des  Essais  ; 
quelques  mots  d'explication  à  son  égard  sont  nécessaires.  Les  amis 
des  études  littéraires  n'ignorent  pas  qu'un  médecin  distingué  de  la 
faculté  de  Paris^  le  D'  J.-F.  Payen  (né  en  1801,  mort  en  1870)  avait, 
dès  sa  jeunesse,  voué  à  Montaigne  un  véritable  culte  ;  il  fit  de  lui, 
durant  plus  de  quarante  années,  l'objet  des  études  les  plus  persévé- 
rantes, les  plus  infatigables;  il  n'épargna  ni  peines,  ni  temps,  ni  sacri- 
fices pour  réunir  tout  ce  qui,  de  près  ou  de  loin,  se  rapportait  a  la 
Février  1878.  T,  XXli,  II. 


-  JC2  ■- 

personne,  aux  ouvrages,  à  la  famille  de  l'illustre  philosophe.  Mécon- 
tent, avec  raison,  de  toutes  les  éditions  jusqu'alors  mises  au  jour,  il 
avait  conçu  le  projet  d'en  donner  une  nouvelle,  vraiment  complète, 
sévèrement  critique,  et,  dans  ce  but,  il  avait  réuni  une  foule  de  maté- 
riaux précieux,  mais  la  mort  est  impitoyable  ;  le  D^  Payen  n'eut  pas 
même  le  temps  d'entreprendre  la  construction  du  monument  qu'il 
voulait  élever  à  la  gloire  de  son  auteur  favori;  il  ne  publia,  dans  le 
cours  d'une  vingtaine  d'années  que  quelques  opuscules,  qu'il  distribuait 
à  des  amis,  fragments  d'ailleurs  du  plus  vif  intérêt  pour  quiconque 
s'occupe  de  Montaigne. 

Il  eût  été  déplorable  que  la  collection  spécialement  montaignesque ^ 
formée  avec  tant  de  soin  et  de  zèle  par  le  docteur,  eût  été  dispersée 
après  sa  mort  ;  c'est  ce  que  comprit  très-bien  l'administration  de  la 
Bibliothèque  nationale  ;  les  livres  et  les  papiers  laissés  par  le  plus 
ardent  des  admirateurs  de  Montaigne  furent  achetés,  et  ils  forment, 
dans  les  vastes  sali  es  de  l'édifice  de  la  rue  de  Richelieu,  un  fond  particu- 
lier. 

C'était  quelque  chose;  ce  n'était  pas  tout  ;  une  collection  destinée 
au  public  ne  saurait  se  passer  d'un  bon  catalogue;  un  intelligent  em- 
ployé de  la  Bibliothèque,  M.  Gabriel  Richard,  ai-édigé  cet  inventaire; 
un  Bordelais,  auquel  les  études  historiques  doivent  beaucoup,  et  qui, 
depuis  longtemps,  s'est  fait  connaître  par  d'estimables  travaux, 
M.  Jules  Delpit,  a  livré  ce  catalogue  à  l'impression;  il  y  a  joint  un 
supplément  intéressant. 

Une  découverte  récente  a  fait  trouver,  dans  un  vieux  sac  de  toile 
noir  de  poussière  et  conservé  aux  archives  du  département  de  la 
Gironde,  vingt-trois  lettres  d'une  correspondance  entretenue  par  la 
veuve  de  Montaigne,  Françoise  de  Lachassagne,  et  par  sa  petite-fille, 
Marie  de  Gamache,  avec  le  Père  Marc- Antoine  de  Saint-Bernard, 
leur  cousin,  alors  un  des  dignitaires  du  couvent  des  Feuillants  de 
Bordeaux;  ce  sont  ces  lettres  dont  l'existence  était  complètement 
ignorée  que  M.  Delpit  a  publiées,  et,  ainsi  qu'il  le  dit  fort  bien  : 
«  Tous  les  lecteurs  dont  les  Essais  ont  fait  des  amis  de  Montaigne,  tous 
les  penseurs  qui  cherchent  à  pénétrer  dans  les  replis  du  cœur  des 
grands  écrivains,  aimeront  à  connaître  dans  son  intimité  la  femme 
privilégiée  dont  la  vie  a  été  longtemps  associée  à  celle  de  Montai- 
gne. Quelques  passages  de  cette  correspondance  semblent  encore 
imprégnés  du  style  et  des  pensées  de  l'écrivain  que  tant  de  généra- 
tions n'ont  cessé  d'admirer.  » 

Disons  maintenant  quelques  mots  du  catalogue  dont  nous  signalons 
la  publication;  il  est  partagé  en  dix  sections.  La  première  comprend 
les  éditions  des  ouvrages  de  Montaigne  ;  nous  croyons  qu'elles  y  sont 
toutes  ;  M.  Payen  avait  deux    exemplaires  de  l'édition  originale  des 


—  163  — 

deux  premiers  livres  (Bourdoaus,  1580),  devenue  si  rare  et  si  chère  (elle 
a  été  adjugée,  dans  ces  dernières  années,  1420,  1650  et  2020  francs, 
aux  ventes  Benzon,  Potier  et  Radziwil)  ;  il  possédait  trois  exemplaires 
de  la  seconde  édition  (1582),  tout  aussi  difficile  à  rencontrer  que  la  pre- 
mière; parmi  les  éditions  modernes,  il  en  avait  recueilli  quelques-unes 
que  recommandaient  des  annotations  autographes  de  divers  écrivains, 
tels  que  Jamet,  de  Pougens,  Naigeon,  François  de  Neufchâteau. 

Donnons  une  attention  spéciale  aux  livres  qu'a  possédés  Mon- 
taigne. Le  philosophe  traçait  parfois  sa  signature  sur  les  livres  qui 
lui  appartenaient,  et  cette  circonstance  ajoute  un  prix  exception- 
nel aux  volumes  de  ce  genre  ;  ils  sont  fort  rares  ;  toutefois,  à  force  de 
vigilance  et  de  recherches,  le  docteur  était  parvenu  à  rassembler 
vingt  et  un  volumes  avec  signatures  authentiques  (nous  laissons  de 
côté  une  signature  douteuse  et  trois  décidément  apocryphes  :  l'audace 
des  faussaires  s'exerce  sur  toutes  choses);  il  avait  fallu  parfois  payer 
cher  quelques-uns  de  ces  vieux  livres  ;  M.  Payen  ne  se  consola  jamais 
de  n'être  pas  resté  possesseur  d'un  exemplaire  de  l'édition  des 
Commentaires  de  César  imprimée  àAnvers,  par  Chr.  Plantin,  en  1570  ; 
Montaigne,  indépendamment  de  sa  signature  et  de  nombreuses  notes 
autographes,  avait  écrit  un  jugement  fort  remarquable  sur  César  et 
Pompée,  remplissant  deux  pages  à  la  fin  du  livre;  cet  exemplaire 
avait  été  trouvé  sur  un  quai  de  Paris,  confondu  avec  un  tas  de  bou- 
quins sans  valeur  ;  il  n'échappa  point  à  la  perspicacité  d'un  bibliophile 
fervent,  M.  Parison,  qui  le  paya  un  franc;  en  1856,  il  passa  en  vente 
publique  après  la  mort  de  son  propriétaire,  et  il  fut  adjugé  à  Ms''  le 
duc  d'Aumale,  à  1,450  francs,  plus  5  0/0  de  frais. M.  Payen  eut  du  moins 
la  satisfaction  de  pouvoir  publier,  dans  un  de  ses  recueils  de  Docu- 
ments sur  Montaiijne^  cette  appréciation  qui  a  provoqué,  de  la  part  de 
M.  Cuvillier-Fleury,  deux  articles  insérés  dans  le  Journal  des  Débats 
(16  et  23  mars  1856)  et  reproduits  dans  le  Bulletin  du  bibliophile.  La 
section,  consacrée  aux  ouvrages  des  parents,  amis  et  contemporains 
de  Montaigne,  renferme  bien  des  volumes  difficiles  à  rencontrer;  nous 
y  distinguons  les  anciennes  éditions,  devenues  fort  rares,  du  Proume^ 
noir  de  M^'' de  Gournay,  la  fille  d'alliance  du  moraliste  périgourdin; 
notons  aussi  une  réunion,  à  coup  sûr  unique  dans  une  bibliothèque 
particulière,  des  éditions  latines,  des  traductions  en  diverses  langues 
de  cette  Theologia  naturalis  de  Raymond  Sabon,  à  laquelle  Montaigne 
rendit  hommage  en  la  faisant  passer  dans  notre  langue  ;  il  lui  a  consa- 
cré un  des  plus  remarquables  chapitres  des  Essais.  Six  éditions  succes- 
sives de  cette  traduction,misesau  jourdel569àl641,  attestent  l'accueil 
que  lui  firent  les  lecteurs  sérieux.  M. Payen  possédait  deux  exemplaires 
de  l'édition  originale;  l'un  d'e,ux  lui  était  bien  cher,  car  il  portait  la 
signature  de  l'illustre  interprète  des  pensées  du  théologien  espagnol. 


—  164  — 

Une  dos  sections  les  plus  étendues  est  celle  qui  énumèro,  dans 
l'ordre  alphabétique,  les  ouvrages  se  rapportant  spécialement  ou  inci- 
demment à  Montaigne,  à  ses  écrits,  à  ses  parents,  et  à  ses  amis.  Tous 
les  tcstimonla  relatifs  àTobjetde  ses  préoccupations  constantes  étaient 
réunis  avec  soin  par  le  docteur  ;  il  coupait  et  il  classait  les  articles 
de  journaux  qui  se  rapportaient  à  Tobjet  qu'il  ne  perdait  jamais  de  vue. 

Il  est  regrettable  que  les  limites  imposées  au  rédacteur  du  Catalogue 
ne  lui  aient  pas  permis  d'indiquer  en  quelendroitil  est  fait  mention  de 
Montaigne  dans  les  nombreux  ouvrages  qu'il  énumère  ;  certains  d'entre 
eux  étonnent  ici  par  leur  présence,  notamment  V  Essai  deM.H.  Lot  :  Sur 
l'authciiticitè  et  le  caraclcre  des  0/<'»i  (1863),  et,  parmi  les  ouvrages  ano- 
nymes, une  notice  Sur  les  vins  de  Bordeaux  {18(51 ,  in-12),  rédigée  àl'oc- 
casion  de  l'Exposition  universelle  et  dans  laquelle,  nous  le  croyons  du 
moins,  il  ne  se  trouve  absolument  rien  concernant  Montaigne. 

En  fait  d'autographes,  le  docteur  possédait  une  lettre  écrite  de  la 
main  de  Montaigne  et  signée  (Orléans,  février  1588),  lettre  qui  fut 
acquise  par  un  bibliophile  et  dramaturge  bien  connu,  Guibert  de 
Pixérécourt,  et  dont  l'authenticité  fut  contestée,  parce  qu'elle  conte- 
nait le  mot  passeport. 

Une  quittance,  signée  Etienne  de  La  Boétie,  offre  aussi  de  l'intérêt. 
M.  Payen  s'était  plu  à  fortifier  cette  partie  de  sa  collection  en  réunis- 
sant un  grand  nombre  de  quittances,  chartes,  lettres  autographes  ou 
signées  de  personnages  célèbres  contemporains  de  Montaigne,  tels  que 
le  duc  d'AIbe,  le  poëte  Baïf,  saint  Charles  Borromée,  Charles  IX, 
Henri  III,  Henri  IV,  Philippe  II,  Charles-Quint,  Diane  de  Poitiers, 
Coligny,  Sully  et  bien  d'autres;  on  rencontre  là  une  lettre  du  Tasse 
adressée  au  duc  d'Urbin  ;  mais  il  est  sage  de  faire  des  réserves  à 
regard  de  l'authenticité  de  cette  pièce. 

La  section  consacrée  aux  traductions  en  indique  deux  en  allemand 
et  une  en  hollandais;  les  Essays^  que  divers  écrivains  ont  fait  passer 
dans  la  langue  anglaise,  ont  été  treize  fois  imprimés  à  Londres  ;  nous 
trouvons  en  italien,  indépendamment  d'une  version  complète  (Venise, 
1633),  un  choix  des  Discorsi  morali,  politici  et,  militari  del  molto  illustre 
sign.  Michicl  di  Montagna,  publié  à  Ferrare  en  1590,  peu  de  temps  après 
la  mort  du  philosophe. 

La  sec  lion  qui  fait  connaître  les  ouvrages  imprimés  ou  manuscrits 
du  docteur  Payen  au  sujet  de  Montaigne,  est  digne  d'attention,  au 
point  de  vue  de  l'abondance  des  matériaux  dont  elle  signale  la 
réunion.  N'oublions  pas  un  portefeuille  contenant  300  portraits  environ 
gravés  ou  lithographies  de  Montaigne,  et  une  cinquantaine  d'estampes 
se  rattachant  à  des  événements  de  sa  vie. 

L'exécution  tj'pographique  du  volume  que  nous  indiquons  est  digne 
de  tous  éloges;  la  correction  est  très-soignée;  nous  n'avons  observé 


—  16o  — 

qu'un  seul  point  à  relever  :  M.  de  8acy,  le  sénateur,  le  membre  de 
l'Académie  française,  Tauteur  des  Variétés  littéraires,  morales  et 
historiques,  est  appelé  Sylvestre  de  Sacy,  page  135  ;  il  aurait  fallu  mettre 
Silvestre.  —  N'j  a-t-il  pas  également  une  erreur  dans  le  nom  de 
Clrrgyman  donné,  p.  95,  comme  celui  del'auteur  d'un  ouvrage  intitulé: 
Laconics, 'pnhlié  en  1826?  u  Clergymann  veut  dire:  a  un  membre  du 
clergé,  »  et,  si  nous  ne  nous  trompons,  l'auteur  des  Laconics  était  en 
effet  un  révérend  du  nom  de  Cotton.  — N'omettons  pas  de  mentionner 
deux  tables  fort  étendues  et  très-utiles  au  point  de  vue  des  recher- 
ches :  l'une  des  faits  énoncés  chronologiquement,  l'autre  desmatiéres 
par  ordre  alphabétique.  On  le  voit,  rien  ne  manque  à  ce  volume  des 
Tablettes  des  bibliophiles  de  Guyenne  pour  lui  assurer  l'accueil  qu'il 
ne  saurait  manquer  de  rencontrer.  G.  Brunet. 


Eiettres  tî'un  l>îbîîo^raplie,  suivies  d'un  essai  sur  l'origine  de  l'impri- 
merie de  Paris  (cinquième  série,  ornée  d'un  atlas),  par  J.-P.-A.  Madden, 
agrégé  de  lUniversité  de  France,  ex-vice-président  de  la  Société  des 
sciences  naturelles  de  Seine-et-Oise.  Paris,  É.  Leroux,  1878,  gr,  in-8  de 
xi-284p.  —Prix  :  1j  fr. 

M.  Madden  a  bien  voulu  rappeler  {Avant-propos,  p.  vi),  l'article 
qui  a  été  consacré  ici  (marsl87G,  pages  249-250),  à  la  quatrième  série 
de  ses  Lettres,  et,  après  avoir  reproduit  nos  paroles:  «Nous  appelons  de 
tous  nos  vœux  la  continuation  des  Lettres  d'unbihliographe,  »ii  dit  de  son 
critique,  avec  beaucoup  de  bonne  grâce  :  «  Puisse-t-il,  en  recevant 
notre  cinquième  série,  s'applaudir  de  les  avoir  prononcées  !  »  Oui, 
certes,  je  m'en  applaudis,  et  tous  ceux  qui  liront  le  beau  volume  qu'ac- 
compagne un  remarquable  atlas,  composé  de  sept  planches  et  de  trois 
tableaux,  joindront  leurs  applaudissements  aux  miens.  Déjà,  du  reste, 
cette  cinquième  série,  qui  a  paru  dans  un  recueil  périodique  spécial 
des  plus  estimés,  la  Typologie-Tuchcr,  a  été  non  moins  goûtée  à  l'é- 
tranger que  les  séries  précédentes,  lesquelles  ont  obtenu,  à  Londres,  à 
New  York,  à  Vienne,  les  suffrages  des  juges  les  plus  compétents,  tels 
que  MM.  Wyman,  Th.  de  Yinne,  Joseph  Heim.  De  tels  suffrages  sont 
bien  faits  pour  venger  M.  Madden  des  attaques  de  certains  journalistes 
qui  ont  parlé  de  ses  méritoires  travaux  avec  une  révoltante  injustice, 
attaques  auxquelles  il  répond,  d'ailleurs,  de  la  façon  la  plus  piquante, 
soit  dans  YAvant-propos  (p.  vi-viii),  soit  dans  une  des  notes  addition- 
nelles dont  il  a  enrichi  son  recueil  (p.  272-273). 

Les  deux  parties  dont  se  compose  le  présent  volume  présentent  un 
égal  intérêt.  Dans  les  vingt  lettres  de  la  première  partie,  abondent  les 
renseignements  les  plus  curieux  et  les  plus  variés,  tous  puisés  aux 
meilleures  sources.   Citations  tirées  de  livres  rares,  surtout  d'incu- 


—  166  — 

nables,  traductions  de  documents  peu  connus  (notamment  de  trois 
lettres  latines  de  Robert  Gaguin,  dont  une  sur  la  chute  du  pont  Notre- 
Dame  en  1499),  rectifications  d'erreurs  de  tout  genre,  rendent  aussi 
agréable  que  fructueuse  la  lecture  de  toutes  ces  lettres  écrites  avec 
une  verve  singulière.  M.  Madden  résout  presque  à  chaque  page  quelque 
problème  bibliographique.  Signalons  rapidement,  parmi  les  questions 
si  bien  traitées  par  le  sagace  critique,  les  questions  relatives  à  Vanag- 
nosle  (personnage  qui  dictait  aux  compositeurs  et  dont  on  avait 
contesté  l'existence),  au  Compendium  de  Francorum  gestis,  à  l'atelier 
souterrain  de  Gutenberg  à  Mayence,  aux  Tables  de  logarithmes,  à 
l'établissement  de  l'imprimerie  dans  la  province  de  Languedoc,  à  la 
maison  de  Plantin  à  Anvers,  à  William  Caxton,  au  dictionnaire  latin- 
français  du  seizième  siècle  de  Guillaume  Lemoine  de  Villedieu,  aune 
plaquette  latine  imprimée  par  Jacques  Kerver,  en  1563,  au  centenaire 
de  J.-J. -Rousseau  et  de  Voltaire,  à  la  plus  ancienne  imprimerie  de 
Versailles,  à  Tétymologie  du  mot  tramway,  etc. 

VEssai  sur  l'origine  de  Vimprimerie  à  Paris  complète  tous  les  travaux 
antérieurs  que  M.  Madden  commence  par  passer  en  revue  et  qu'il 
analyse  et  apprécie  avec  une  parfaite  justesse.  Après  avoir  exposé, 
discuté,  corrigé  les  indications  données  par  Gabriel  Naudé,  par 
André  Chevillier,  par  William  Parr  Greswell,  par  A.  Taillandier,  par 
Aug.  Bernard,  par  Amb.  Firmin-Didot,  M.  Madden  raconte,  avec  des 
détails  nombreux,  précis  et  parfois  nouveaux,  l'histoire  de  l'établisse- 
ment de  la  typographie  parisienne.  Quelques-uns  trouveront  peut-être 
que  le  savant  bibliographe,  dans  le  chapitre  intitulé  :  Paris  cité  favorite 
de  la  Providence,  remonte  un  peu  trop  haut,  car,  à  la  suite  des  géo- 
logues Élie  de  Beaumont  et  Dufrénoy,  il  remonte...  au-delà  même  du 
déluge.  Mais  l'originalité  des  idées  exprimées  en  ce.?  pages  ne  doit  pas 
empêcher  de  reconnaître  tout  ce  qu'il  y  a  d'important  et  de  solidement 
établi  dans  tout  le  reste  de  l'ouvrage.  Il  est  impossible  de  ne  pas 
donner  raison  à  l'auteur  sur  à  peu  près  tous  les  points,  et  pourtant 
Dieu  sait  combien  d'érudits  il  combat,  parmi  lesquels  je  nommerai 
M.  Jules  Quicherat,  l'académicien  Bonamy,  l'ingénieur  Jollois,  l'ar- 
chéologue Dusommerard,  le  vieux  du  Boulay  (imprudemment  suivi  par 
M.  Alfred  Franklin),  H.  Géraud,  M.  H.  Legrand,  La  Serna  Santander, 
Crapelet,  Lacaille,Beuchot,  Panzer,  P.  Dupont,  Hain,  etc.  Nulle  part 
encore  on  n'avait  aussi  exactement  écrit  l'histoire  de  la  vie  et  des 
travaux  des  cinq  personnages  qui  furent  les  fondateurs  de  l'imprimerie 
de  la  Sorbonne,  Jean  Heynlin,  Guillaume  Fichet,  Martin  Krantz, 
Michel  Friburger  et  Ulric  Gering.  Sur  ce  dernier  tout  particulière- 
ment, et  dont  le  rôle  fut  prépondérant,  fut  un  rôle  d'initiateur, 
M.  Madden  a  réuni,  au  prix  des  plus  pénibles  recherches,  poursuivies 
jusqu'à  Lucerne,  des  renseignements  de  la  plus  haute  valeur. 


—  167  — 

M.  Madden  nous  annonce  que  la  sixième  série  de  ses  Lrttres  paraîtra 
l'automne  prochain.  Quoi  qu'il  fasse,  il  lui  sera  difficile  de  rendre  le 
futur  volume  plus  instructif  que  celui-ci.  T.  de  L. 


Inventaire  alphabétique  des  livres  imprimés  sur  vélin  de 
la  Bibliothèque  nationale.  Complément  du  catalogue  publié  par 
Van  Praet.  Paris,  Champion,  1877,  in-8,  de  174  p.  —  Prix  :  6  fr. 

Nulle  bibliothèque  publique  (nous  le  croyons  du  moins)  n'est  aussi 
riche  en  fait  d'impressions  sur  vélin  que  la  Bibliothèque  nationale  (jadis 
royale  ou  impériale).  Elle  ne  compte  pas  moins  de  2528  volumes  ou 
plaquettes.  Son  savant  et  infatigable  conservateur,  Yan  Praet,  né  à 
Bruges  le  27  juillet  1754,  mort  à  Paris  le  5  février  1837,  avait  pour 
les  vélins  un  culte  véritable;  il  ne  laissa  jamais  échapper  l'occasion 
d'en  acquérir;  il  consacra  beaucoup  de  temps,  beaucoup  de  soins  à 
en  dresser  un  inventaire  raisonné,  qu'il  remania  à  diverses  reprises; 
il  en  fit  d'abord  imprimer  un  Essai  en  1805,  in-fol.;  il  le  supprima,  et  il 
le  remplaça  par  un  catalogue  des  livres  avec  date  depuis  1457  jus- 
qu'à 1472,  qu'il  livra  à  l'impression  en  1813,  mais  qu'il  ne  tarda  pas  à 
abandonner,  et  dont  les  exemplaires  furent  détruits,  à  l'exception  de 
neuf,  dont  deux  sur  vélin  (voir  le  Manuel  du  Libraire,  5^  édit.  t.,  V, 
col.  1078).  Enfin,  reprenant  son  œuvre,  et  dressant  une  liste  complète, 
il  fit  paraître,  de  1822  à  1828  (G  tomes  en  5vol.  in-8),  le  catalogue  de 
tous  les  vélins  conservés  rue  de  Richelieu. 

Les  descriptions  sont  très-minutieuses,  les  renseignements  bibliogra- 
phiques abondent;  mais,  en  raison  même  de  son  étendue,  cet  ouvrage 
(tiré  seulement  à  250  exempl.)  est  d'un  usage  fort  incommode;  les 
livres  sont  divisés  en  plusieurs  classes;  divers  suppléments,  répartis 
dans  les  tomes  V  et  VI,  rendent  les  recherches  compliquées;  on  y 
trouve  des  ouvrages  qui,  amenés  à  Paris  par  la  conquête,  ont  été  res- 
titués en  1815;  quelques  inexactitudes  se  font  observer  cà  et  là,  et, 
depuis  1828,  des  entrées  nouvelles  (d'une  importance  médiocre,  il  est 
vrai,)  ont  eu  lieu. 

Il  était  donc  nécessaire  de  mettre  au  jour  un  catalogue  sommaire, 
donnant  d'un  coup  d'œil  une  idée  juste  de  ce  que  possède  la  Biblio- 
thèque, une  énumération  alphabétique  réduite  à  sa  plus  simple  expres- 
sion. C'est  ce  qui  a  été  tenté,  et  YInventaire  que  nous  annonçons  nous 
semble  atteindre  fort  bien  le  but  proposé.  L'Avertissement  prélimi- 
naire fournit^  au  sujet  de  la  méthode  qui  a  été  adoptée,  les  informa- 
tions les  plus  satisfaisantes. 

Un  comprend  sans  peine  qu'il  ne  saurait  être  question  d'ofî'rir  une 
analyse  d'un  écrit  qui  n'est  qu'une  simple  énumération  de  titres,  mais 
cet  Inventaire  nous  autorise  à  dire  quelques  mots  au  sujet  des  impres- 
sions sur  vélin. 


—  168    — 

Non  content  d'avoir  dressé  le  catalogue  des  livres  de  ce  genre 
conservés  à  la  bibliothèque  nationale,  Van  Praet  entreprit  de  rédiger 
la  liste  de  tous  ceux  dont  il  connaissait  l'existence  dans  d'autres 
bibliothèques  publiques,  et  de  ceux  qui  avaient  passé  en  vente  publi- 
que, à  l'occasion  de  la  dispersion  de  diverses  collections  particulières. 
Le  travail  auquel  il  se  livra  à  cet  égard,  ne  remplit  pas  moins  de 
quatre  volumes,  publiés  de  1824  à  1828;  ils  offrent  de  très-utiles  ren- 
seignements, mais  ils  sont  nécessairement  bien  incomplets,  car,  depuis 
un  demi-siècle,  que  de  faits  nouveaux  se  sont  produits! 

Van  Praet  n'a  connu  qu'une  faible  portion  des  vélins  déposés  au 
British  Muséum;  la  très-précieuse  collection  en  ce  genre,  formée  par 
Sir  Thomas  Grenville  et  léguée  au  Muséum,  lui  a  été  inconnue;  son 
catalogue  n'a  été  publié  qu'en  1842,  dans  la  Blbliotecha  Grenvillianay 
tome  I",  p.  xxxii. 

La  bibliothèque  de  la  Haye,  fort  riche  en  livres  anciens,  poss-ède 
des  imprimés  sur  vélin,  notamment  des  fragments  de  cette  grammaire 
latine,  à  l'usage  des  écoliers,  connue  sous  le  nom  de  Donatus.  Malheu- 
reusement, ces  vélins  ne  sont  pas  l'objet  d'une  énumération  spéciale 
dans  le  très-estimable  volume  publié  par  M.  J.-C.  Holtrop  :  Catalogus 
librorum  sœculo  XV,  impressorum  quotqiwt  in Bibliotheca  regia  Hagana 
asservantur.  Hagfe  Comitum,  M.  Nijhoff,  1856, in-8,  de  xxix  et  591  p. 

Il  faudrait  dépouiller  patiemment  les  catalogues  imprimés  (lorsqu'il 
en  existe)  des  grands  dépôts  français  et  étrangers  ;  ce  serait  un  rude 
labeur,  digne  de  tenter  quelque  bibliographe  laborieux;  nous  ne  l'abor- 
derons point;  mais,  sans  sortir  de  notre  sujet,  nous  signalerons  ce 
que  trois  ventes  importantes,  opérées  à  Paris,  ont  offert  à  cet  égard. 

A. -A.  Renouard,  éditeur  actif,  bibliographe  éminent  (ses  Annales  des 
Aide,  dont  il  existe  trois  éditions,  et  celles  des  Estienne  sont  d'excel- 
lents travaux  en  leur  genre),  était  également  un  bibliophile  des  plus 
fervents;  il  avait  formé  une  bibliothèque  fort  précieuse,  dont  il  publia 
le  catalogue  en  1819  (4  vol.  in-8),  accompagné  de  notes  intéressantes; 
après  sa  mort,  survenue  en  1852  (il  était  né  en  1765),  la  collection 
encore  fort  importante  de  livres  qu'il  laissait  fut  livrée  aux  enchères  ; 
la  vente  eut  lieu  en  novembre  1854;  le  catalogue,  rédigé  avec  beau- 
coup de  soin  par  M.  Potier,  comprend  3,700  numéros  ;  on  n'y  compte 
pas  moins  de  224  ouvrages  imprimés  sur  vélin  ;  on  distingue,  dans 
cette  réunion,  les  Gregorii  noni  Decretales,  Mo guniiss,  1473;  les  Oratio- 
nes  de  Cicéron,  Venetiis,  Valdapfer,  1471  (adjugé  à  9,200  fr.).  Parmi 
les  impressions  modernes,  on  vemarqueles  Analccta  grxca,  le  Sophocle, 
le  Virgile  et  le  Térence,  édités  par  Brunck;  le  somptueux  Virgile  de 
Didot,  1791,  in-fol.;  celui  publié  à  Parme  par  Bodoni,  1793,  2  vol.  in- 
fol.,  et  quelques  autres  volumes  mis  au  jour  par  cet  illustre  typo- 
graphe; la  Religion   vengée,  parle  cardinal  de  Bernis,1795,  in-fol.; 


—  ICO  - 

VAminta,  1793,  in-4;  le  Pastorfido,  1793,  in-fol.;  les  Seasons.  de  Thomp- 
son, 1794,  in-foL,  etc.  Citons  aussi,  mais  seulement  à  cause  du  nombre 
des  volumes,  la  collection  des  Décrets  sanctionnés  parle  Roi,  1790-91, 
î8  vol.  in-4.  Renouard  avait  fait  tirer  des  exemplaires  sur  vélin  de 
nombreux  auteurs  dont  il  avait  édité  les  écrits  (Hamilton,  Gessner, 
Legouvé,Demoustier,etc.]  ;  ces  jolies  impressions,  fort  soignées,  furent 
de  la  part  des  amateurs,  l'objet  d'une  lutte  animée;  les  OEuvres  de 
Gessner,  par  exemple,  1810,  3  vol. ,  atteignirent  le  prix  de  905  francs. 

La  vente  de  la  riche  bibliothèque  de  M.  le  baron  J.  P***  (Jérôme 
Pichon),  en  avril  1869,  a  offert  quelques  beaux  livres  sur  vélin  :  le 
Dialogue  Monsieur  Salnct-Grêgoire,  Paris,  Yérard, .  1509  (adjugé  à 
1,700  fr.);  les  Ruses  et  cautèles  de  guerre,  Paris,  1514  (1,600  fr.,  non 
indiqué  par  Van  Praet};  la  Vénerie  de  Jacques  du  Fouilloux  (3,000  fr., 
seul  exemplaire  connu,  il  n'en  est  pas  fait  mention  au  Manuel  du 
Libraire);  le  Roman  de  la  Rose,  1813,  4  vol.  in-8,  (2,600 fr.);  la i\^/'rfes 
folles,  Paris,  1520,  in-4  (6,050  fr.);  les  OEuvres  'poéticiucs  de  Flaminio 
de  Birague_,  1585,  in-12(seul  exempl.  sur  vélin,  3,300  fr.),  etc. 

Un  agent  de  change  parisien,  M.  Armand  Cigongne,  avait  su, 
chose  des  plus  rares,  conserver  un  amour  passionné  pour  les  livres 
rares  et  anciens,  au  milieu  du  feu  des  opérations  sur  les  primes  et  sur 
les  reports,  à  travers  les  négociations  au  comptant  et  fin  courant. 

Après  sa  mort,  survenue  le  20  mai  1859,  sa  riche  bibliothèque  devait 
être  vendue  aux  enchères;  elle  fut  achetée  en  bloc  pour  la  somme  de 
300,000  francs,  dit-on  ;  l'acquéreur  fut  M^""  le  duc  d'Aumale,  déjà 
possesseur  de  tant  de  trésors. Un  catalogue,  rédigé  avec  le  plus  grand 
soin,  a  été  publié  en  1861  (Paris,  Potier,  gr.in-8  dexLii-553  p.);  on  y 
compte  soixante-un  ouvrages  imprimés  sur  vélin,  presque  tous  d'im- 
pression moderne.  Nous  mentionnerons  le  Virgile  de  Bodoni,  1793, 
2  vol.  in-fol.;  les  Paraboles  de  maistre  Alain,  Paris,  Verard,  in-fol.; 
le  Passe-Temps  de  tout  homme.  Paris,  Verard  (1505)  in-4;  la  Chasse  et 
le  départ  d'amour,  par  Octavien  de  Saint-Gelais,  1509,  in-foL;  les 
Folles  entreprises  (par  P.  Gringore,  sans  date)  in-8;  la  Déploration  de 
l'Église  militante,  1512,  in-8;  le  Mystère  de  la  Passion.  Paris,  Verard, 
1490,  in-fol.,  et  bien  d'autres  volumes  qu'il  serait  trop  long  d'énu- 
mérer.  Toutefois,  le  Recueil  des  histoires  troijennes  (par  Raoul  le  Fèvre). 
Paris,  Verard,  in-fol.,  mérite  une  mention  spéciale.  Cet  exemplaire, 
orné  de  97  miniatures,  est  un  des  trois  connus  sur  vélin;  les  deux 
autres  sont  à  la  Bibliothèque  nationale. 

Terminons  en  faisant  observer  que,  tandis  que  des  typographes  illus- 
tres (les  Aide,  les  Estienne,  Bodoni,  les  Didot)  faisaient  souvent  tirer 
des  exemplaires  sur  vélin,  les  Elzevier  sont  restés  étrangers  à  ce  luxe 
typographique  ;  on  ne  connaît  d'eux,  en  ce  genre,  qu'un  seul  volume 
insignifiant,  dû  à  Nicolas  Heinsius.  G.  Brunet. 


—  170  — 


BULLETIN 


Xraîté  élémentaire  d'économie  politique,  par  M.  RozY,  pro- 
fesseur à  la  faculté  de  droit  de  Toulouse.  Paris,  Guillaumin,  1877,  ia-12  de 
335  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Chargé  de  faire  un  cours  d'économie  politique  à  l'école  normale  primaire 
de  Toulouse,  M.  Rozy  a  résumé  son  enseignement  dans  ce  petit  volume.  Il  a 
justement  obtenu  une  récompense  au  concours  ouvert  par  la  Société  d'écono- 
mie politique  de  Lyon,  car  il  était  difficile  d'exposer  dans  une  forme  plus 
claire  et  plus  aimable  à  la  masse  des  lecteurs,  les  principales  démonstrations 
de  la  scit^nce  sur  les  phénomènes  de  la  production  et  de  la  distribution  de 
la  richesse. 

iM.  Rozy  ne  va  pas  au  fond  des  questions,  en  ce  secs  qu'il  ne  montre  pas 
la  liaison  que  ces  phénomènes  de  profluction  et  de  distribution  de  la  richesse 
ont  avec  les  principes  fondamentanx  de  la  loimorale  et  laréaction  qu'exerçaient 
sur  eux  les  rapports  sociaux  existant  entre  les  différentes  classes.  Delà  quel- 
ques lacune?,  quelques  insuffisances  dans  ses  démonstrations.  Notre  cadre 
restreint  ne  nous  permet  pa^  de  les  discuterici.  Nous  nous  bornerons  à  signaler 
avec  grand  éloge,  sa  réfutation  très-lucide  et  très-soienlifique  des  fausses 
théories  sur  la  population,  qui  remontent  à  Malthus.  M.  Rozy  a  cru  devoir 
introduire  daas  ce  petit  traité  son  idée  favorite  sur  l'instruction  obligatoire, 
mais  non  gratuite.  Nos  lectturs  pen?ons-nou3  ont  par  devers  eux  tous  les 
éléments  pour  apprécier  le  mérite  très-inégal  de  ces  deux  idées.  Qu'il  nous 
suf^l^e  de  dire  que  c'est  par  l'étude  des  faits  et  non  par  les  raisonnements  a 
priori ({nW  faut  les  discuter.  G. 


I 


I^'Êtincelle  électrique,  par  A.  Cazi?,'.  Paris,  Hachette  1877, in-18  Jésus, 
315  p.  de  76  fig.  {Bibliothèque  des  Merveilles) .  —  Prix  :  2  fr.  25. 

L'un  des  meilleurs  volumes  dans  une  collection  qui  en  renferme  d'excel- 
lents. L'éminent  physicien  dont  la  mort  récente  est  un  deuil  pour  la  science, 
a  su  retracer,  dans  un  résumé  concis  et  cependant  complet,  tous  les  phéno- 
mènes, infiniment  variés  dans  leurs  causes  ou  leurs  effets,  dont  l'étincelle 
électrique  est  la  manifestation.  Après  avoir  nettement  défini  le  rôle  de  l'hy- 
pothèse dans  les  sciences  et  avoir  rappelé,  d'après  Newton,  que  le  but  de  la 
physique  doit  être  de  «  faire  voir  comment  les  propriétés  de  tous  les  corps 
et  les  phénomènes  découlent  de  quelques  principes  généraux  de  mouve- 
ment,. . .  bien  que  les  causes  de  ces  principes  restent  inconnues,  »  M.  Cazin 
fait  rapidement  l'histoire  de  l'électricité  depuis  Thaïes  et  l'attraction  des 
corps  légers  par  l'ambre  jusqu'aux  bobines  de  Ruhmkortf  et  aux  multiplica- 
teurs de  Holz.  Il  passe  en  revue  les  divers  appareils  qui  produisent,  soit 
l'étincelle  explosive  (machines  à  frottement  et  multiplicateurs  électro-stati- 
ques, appareils  d'induction  et  bobines),  soit  l'arc  vol taïque  (piles  et  machines 
magnéto-dynamiques).  Il  étudie  ensuite  sous  ces  deux  formes  la  constitution 
de  l'étincelle  et  donne  de  curieux  détails  sur  l'analyse  spectrale  et  le  méca- 


-   171   — 

nisme  de  l'élec'ricité,  sur  la  comparaison  de  l'arc  voltaïque  au  solei!  et  la 
conservation  de  l'énergie.  Enfin  il  analyse  les  principales  propriétés  de  l'é- 
tincelle et  les  applications  les  plus  usuelles  qui  en  ont  été  faites  pour  les 
signaux,  les  amorces  et  les  torpilles,  pour  l'éclairage  et  les  lampes  de  sûreté. 
Il  termine  en  rappelant  que  l'atmosphère  est  le  siège  d'une  inépuisable  force 
électrique  que  l'homme  saura,  tût  ou  tard,  non  plus  seulement  conjurer,  mais 
utiliser.  A.  D. 


I^e    Xélégraplie   terrestre,   sous-marin,  pneumatique,  par 

M.  Padl  Laurencin.  Paris,  J.  Rothschild,  1877,  in-18,  xii-40i)  p.,  149  fig.  et 
3  cartes.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Ce  manuel  pratique  s'adresse  à  la  fois  aux  hommes  de  métier  pour  lesquels 
il  est  un  mémento  méthodique,  et  aux  gens  du  monde  qu'il  initie  aux  faits 
généraux  comme  aux  inventions  spéciales  de  cette  branche  des  sciences.  En 
même  temps  que  chacun  peut  se  rendre  compte  ainsi  des  premiers  essais  de 
signaux  à  distance,  de  lau'àissance  et  des  progrès  de  la  télégraphie  électi'ique, 
de  l'organisation  et  des  règlements  du  service,  tous  suivront  avec  profit  l'ex- 
posé des  phénomènes  et  des  lois  phj'siques  dont  l'étude  a  conduit  à  cette  dé- 
couverte, et  la  description  des  appareils  les  plus  usuels  qui  en  ont  réalisé  les 
applications.  Après  les  intéressants  paragraphes  consacrés  aux  appareils  de 
Bréguet,  de  Morse  et  d'Hughes,  citons  encore  les  chapitres  sur  la  télégraphie 
pneumatique,  les  câbles  sous-marins  et  la  télégraphie  militaire     A.  D. 


Souvenirs  cl*un  magistrat.  Études  littéraires,  philosophiques  et 
juridiques  recueillies  par  A.-L.  Martin.  Paris,  Thorin,  in-8  de  248  p.  — 
Prix  :  4  fr. 

M.  Martin  publie  une  série  d'études  trouvées  dans  les  papiers  d'un  ami 
qu'il  ne  nomme  pas.  Ces  études  traitent  des  sujets  fort  différents;  ce  sont 
des  notes  prises  par  le  défunt  pendant  l'exercice  de  ses  fonctions  de  juge  de 
paix  et  à  1  occasion  de  ces  mêmes  fonctions.  L'auteur  était  évidemment  un 
esprit  élevé,  éclairé  par  les  lumières  de  la  religion.  Parcourant  les  diverses 
attributions  des  juges  de  paix,  il  a  soin  de  faire,  à  propos  des  situations 
souvent  si  délicates  où  peut  se  trouver  le  magistrat  populaire,  des  ré- 
flexions morales  du  plus  haut  intérêt.  Il  ne  se  contente  pas,  du  reste,  de 
formuler  des  théories,  il  cite  des  faits  dont  il  a  été  témoin  dans  sa  carrière. 
C'est  ainsi  qu'il  est  amené  à  raconter  (p.  78),  une  touchante  histoire. 
Il  est  difficile  d'analyser  un  livre  qui  embrasse  tant  de  sujets  différents; 
citons  seulement  les  chapitres  qui  ont  trait  à  la  filiation  naturelle  et  à  l'in- 
terdiction; on  y  trouvera  des  idées  neuves,  des  aperçus  ingénieux,  présentés 
d'une  façon  attachante.  N'oublions  pas  de  mentionner  les  pages  émues  où 
sont  flétries,  comme  elles  le  méritent,  les  doctrines  de  la  libre-pensée  et  de 
la  morale  indépendante  (p.  120  et  suiv.). 

L'auteur  s'était  proposé  de  faire  connaître  et  apprécier  le  véritable 
caractère  du  magistrat  populaire;  son  travail  réussit  à  en  donner  une 
haute  idée.  Il  serait  à  souhaiter  que  tous  les  juges  de  paix  comprissent 
comme  lui  leur  mission  et  la  grandeur  de  leurs  devoirs.  A.  G. 


Ifiîïilîoîecn  flelln  <5âovcntù.  LeGrazie,  i  vol.  de  230  p.  — Lettere  di 
Parvaia,  \  vol.  de  018  p.  I  Capricci  del  hollaio,    1  vol.   de  202  p.  —  Lel- 
tcrc  di  sanla  Calerina  di  Siena.  i  vol.de  244  p. —  Proze  di  Michèle  Colombo, 
i  vol.  de  244  p.  Turin,  Libreria  Saleriana;  iMce,  San  Pier  d'Ai'ona  ;  Paris, 
Lethielleux.  — Sar/gaio  del  giovsne  studioso  délie  litu/ua  pura,  par  P.  Bec- 
CARrA.  Ed.  IV.  Turin,  J.ibreria  Saleriana,  \  vol.  in-i2  de  4t4  p. 
Ne  négligeons  pas  d'entretenir  le  jeune  public,  auquel  elle  s'adresse  spé- 
cialement, delà.  Bihliok'ca  délia  G  iove7itù  et  de  ses  nouvelles  publications.  Au 
mois  de  mai  cette  intéressante  collection  s'est  augmentée  du  livre  de  (lesarè  : 
Le  Grazie.  C'est,  sous  forme  de  dialogue,  un  traité  très-bon  à  étudier  si  l'on 
veux  parler  et  écrire  avec  une  réelle  correction  la  langue  italienne.  Un  seul 
volume  mais  un  gro^  volume,  a  paru  pour  juin  et  juillet  :  ce  îont  les  Lettres 
d'Aï.  Paravia  à  sa  mère  et  à  sa  sœur.  Pour  les  mois  d'août  et  septembre,  les 
intelligents  directeurs  de  la  collection  sont  revenus,  et  nous  les  en  félicitons, 
à  l'ancienne  littérature;  ils  avaient  publié  précédemment  la  Circe  ;  ils  se  sont 
souvenus  d'une  autre  œuvre  de  Gelli,  /  capricci  del  bottaio,  etl'oritfait  suivre 
des  Lettres  de  sainte  Catherine  de  Sienne,  si  intéressantes  au  point  de  vue  lin- 
guistique et  si  édifiantes  à  la  fois.  Le  Proze  de  Michèle  Colombo  ont  fourni  la 
livraison  d'octobre.  Le  Proze,  comme  le   Grazie,  comme  le  Perfeltc  poesia, 
forment  un  livre  didactique  dont  la  lecture   peut  être   très-profitable  aux 
jeunes  gens.  C'est  à  eux  que  s'adresse  aussi  une  autre  publication  de  la  même 
société  :  Saggio  del  giovcne  studioso  delta  lingua  piira  cosi  italiana  corne  la- 
tina.  Cet  ouvrage  de  M.  Pietro  Deccaria  a  reçu  en  Italie  de  grands  éloges  des 
juges  et  des  journaux  les  plus  compétents.  Td.  P.         jfl 

ISisloire  de  la  pei*sé<rutîon  religieuse  à  Genève.  Essai 
d'un  scîiisme  par  l'Etat.  Paris,  Lyon,  Lecolfre,  1878,  in- 12  de 
540  p.  —  Prix  :  3  fr. 

On  trouve  réunis  dans  ce  volume  tous  les  faits  que  la  presse  nous  a  déjà 
fait  connaître,  en  grande  partie,  sur  cette  persécution  inouïe  dirigée  avec 
hypocrise  et  violence  contre  le  catholicisme  sur  la  terre,  autrefois  classique, 
de  la  liberté.  L'auteur  anonyme  remonte  au  commencement  du  siècle,  pour 
faire  voir  dans  son  entier  la  trame  suivie  par  les  protestants  et  les  libéraux. 
Les  faits  parlent  assez  liant  d'eux-mêmes  pour  qu'il  ait  pu  se  dispenser  de 
considéi^ations  et  de  réflexions  qui  viendront  à  l'esprit  de  tous  les  lecteurs. 
Il  n'a  qu'à  les  grouper  pour  former  le  plus  écrasant  plaidoyer  contre  la  vio- 
l.ation  de  tous  les  droits  faite  au  nom  de  la  loi,  au  nom  de  l'intérêt  public. 
On  voit,  avec  un  peu  de  bonne  volonté,  où  conduit  une  liberté  sans  règle  : 
au  despotisme  le  plus  injuste  et  le  plus  honteux.  Est-il  besoin  de  rappeler 
toutes  les  avances  faites  aux  catholiques  pour  les  séduire  ;  les  conventions 
acceptées  donton  n'a'plus  tenu  compte,  quand  on  n'en  a  plus  eu  besoin;  l'exil, 
l'emprisonnement,  les  amendes  pour  le  clergé  catholique  ;  l'expulsion  des 
religieux,  môme  des  filles  de  la  Charité,  des  petites-sœurs  des  pauvres,  des 
carmélites  ;  la  confiscation  des  églises  bâties  parles  particuliers  ;  l'intronisa- 
tion de  prêtres  scandaleux,  rebuts  de  touslesp?.ys  catholiques,  singulier  con- 
traste avtc  la  faveur  dont  jouissent  certains  criminels.  Mais  à  cùté  de  ces 
scènes  scandaleuses,  quels  beaux  exemples  de  dévouement,  de  courage,  de 
fidélité  et  de  constance  donnent  les  catholiques  soutenus  parle  clergé,  à  la 
tête  duquel  nous  sommes  heureux  de  saluer  Ms''  Mermillod.  Beaucoup  , 
d'Iiommes  de  notre  temps,  encore  imbus  des  faux  principes  du  libéralisme, 
y  trouveront  matière  à  réflexions,  et  tous  y  puiseront  de  salutaires  rensei- 
gnements et  d'édifiants  exemples.  Gomme  le  dit  le  cardinal  de  Lyon,  il 
était  utile  et  opportun  de  faire  l'histoire  de  la  persécution  religieuse  à  Ge- 


nève,  foyer  des  entreprises  méditées  contre  l'Église  catholique,  et  de  montrer 
que  cette  ville  veut  absolument  interdire  au  catholicisme,  le  droit  d'exister 
dans  son  sein.  V.  M. 


Curés  et  I*rassîens9  par  J.  Villefranche,    Dourg,  impr.  Villefranche, 

1877,  in- 12  de  47  p.—  Prix  ;  73  c. 

Montrer  jusqu'où  va  la  crédulité  du  public,  tel  est  le  but  que  se  propose 
M.  Villefranche  dans  cette  brochure,  dont  le  titre  est  emprunté  aux  deux 
sujets  qui  ont  été  le  plus  exploités,  il  fait  remarquer  avec  raison  que 
l'échec  d'un  très-grand  nombre  de  conservateurs  dans  les  élections  est  dû  à 
à  cette  bourde  habilement  et  effrontément  répandue,  dans  les  campagnes  et 
parmi  les  ouvriers  des  villes,  que  les  cléricaux,  les  prêtres,  les  nobles  ramas- 
sent l'argent  de  la  France  pour  l'envoyer  aux  Prussiens.  Et  il  raconte  des 
anecdotes  surprenantes.  Son  opuscule,  vivement  et  spirituellement  écrit, 
plein  de  bon  sens  et  de  verve,  peut  rendre  de  grands  services.  C'est  à  ce 
titre  que  nous  signalons  ce  petit  écrit  du  remarquable  écrivain  à  qui  nous 
devons  la  belle  vie  de  Pie  IX,  qui  obtient  un  succès  si  légitime.      L.  A. 


Souvenirs    d'Algérie    et   d'Orîeiîi,    par  Horace  Fabiani.    Paris, 

E.  Dentu,  gr.  in-i8  de  1G2  p.  —  Prix  :  2  fr. 

Ce  volume  est  peu  intéressant,  d'un  style  lourd  et  défectueux.  Il  pèche 
encore  par  la  mélancolie  dont  l'auteur  semble  avoir  voulu  revêtir  toutes  ses 
pensées.  M.  Fabiani  a  cru  devoir  l'estreindre  son  sujet  à  quelques  aperçus 
qu'il  aurait  pu  développer  avec  une  compétence  incontestable.  En  ellet,  pen- 
dant son  long  séjour  en  Afrique,  il  a  dû  observer,  étudier  les  diverses  races 
de  l'Algérie,  et  il  était  en  parfaite  situation  pour  nous  les  montrer  telles 
qu'elles  sont.  Malheurcureusement,  l'auteur  a  banni  de  ses  descriptions  le 
pittoresque  et  l'originalité  qui  conviennent  à  ce  genre  de  récits.  Les  Soicvcnirs 
de  M.  Fabiani  manquent  de  chaleur  et  de  mouvement,  d'ordre  et  de  mé- 
thode. Tout  y  est  mêlé,  enchevêtré,  sans  suite,  sans  dates,  sans  unité  de  lieu. 
Le  lecteur,  constamment  ramené  d'Alger  à  Saigon,  de  Saigon  à  Alger,  ne 
trouve  rien  à  saisir  au  milieu  d'épisodes  à  peine  tracés  et  de  pensées  fugitives 
qui  crèvent  comme  des  bulles  de  savon.  Toutefois,  malgré  ces  défauts  où  se 
révèle  la  complète  inexpérience  de  M.  Fabiani,  son  livre  possède  un  grand 
fond  d'honnêteté  et  témoigne  de  sentiments  religieux  auxquels  nous  rendons 
im  juste  hommage.  La  publication  de  ce  volume  pourrait  s'expliquer  si 
l'auteur  l'avait  destiné  à  ses  seuls  parents  ou  intimes;  mais,  pour  le  produire 
en  librairie, il  eût  fallu  ne  pas  s'écarter  des  règles  de  l'art,  «  règles  trop  nobles 
pour  être  sacrifiées  même  à  l'amitié.  »  Ce  jugement,  que  nous  empruntons 
au  livre  de  M.  Fabiani,  nous  plait  singulièrement  ;  et,  puisqu'il  déclare  aussi 
lui-même  que  «  c'est  une  ruse  vulgaire  d'accommoder  la  critique  avec  l'é- 
loge, ))  il  ne  s'étonnera  pas  de  nous  voir  lui  appliquer  cette  double  sentence 
dont  il  est  le  propre  auteur.  (î.  des  Godixs  de  Souhesmes. 


La    t*anagia  du   dôme    de    ©tra^Sïourg.   Étude  artistique,    par 
Gaston  Save.  Strasbourg,  Hubert  et   Haberer,   1877,  in-r2  de    7.o  p.,  avec 
ime  lithographie.  —  Prix  :  2  fr. 
La  Panagia   est   une    sculpture    en   bas-relief  au  portail  méridional  de  la 

cathédrale  de  Strasbourg  :  le  sujet  représente  la  mort  de  la  sainte   Vierge. 

M.  Save  croit  que  c'ejt  une  œuvre  byzantine,  conçue  eteséculée  selon  les  règles 


—  174  — 

traditionnelles  de  l'arl  grec.  Après  une  étuJe  comparative  des  diverses  dormir 
lions,  soit  en  bas-reliefs,  soit  sur  les  vitraux  peints,  l'auteur  fait,  en  très-bon 
style,  la  description  détaillée  de  tontes  les  figures  de  ce  groupe  admirable: 
quatorze  en  tjut,  d'attitudes  très-variées,  d'expression  noble  et  naturelle,  dra- 
pées à  rantiqu"^,  et  disposées  sans  confusion  sur  un  espace  relativement 
étroit.  M.  Save  prend  occasion  de  ce  travail  pour  achever  de  détruire  la  lé- 
gende de  la  statuaire  S. ivine  de  Steinbach,  fille  d'Erwin,  à  laquelle  une 
tradition  gracieuse  et  touchante  attribue  la  décoration  sculpturale  delà  fa- 
çade du  portail  sud  et  du  j  ilier  des  ange^  dans  l'intérieur  du  transept, 
M.  Save  prouve  en  outre  que  les  mutilations  de  la  cathédrale  ont  été  l'œuvre, 
non  pas  de  la  rage  nivelante  de  la  Convention,  mais  des  fureurs  iconoclastes  de 
la  réforme  et  du  vandalisme  classique.  Celte  brochure,  non  moins  agréable 
que  solide,  est  faite  pour  opérer  la  conviction  dans  l'esprit  du  lecteur. 

P.  M. 

Procès  des  Templiers,  tlièse  soutenue  à  Vlnslilul  Ihéologique  de 
Poitiers^  par  l'abbé  Lkon  NF.vtu,  licencié  en  théologie,  curé  d'Asnières-sur- 
Oise.  Paris,  E.  Delalain,  1878,  in  8  de  o3  p.  —  Prix:  1  f.-.  50. 
La  thèse  soutenue  par  M.  l'abbé  L.  Neveu  a  pour  but  d'établir  l'oppor- 
tunité de  la  suppression  de  l'ordre  du  Temple,  dont  un  certain  nombre  de 
membres  étaient  coupables  de  désordres  scandaleux  etd"hérésie;  laprudence 
et  la  sagesse  paternelle  dont  le  souverain  pontife  fit  preuve  dans  cette  occasion, 
en  laissant  à  Philippe  le  Bel  et  à  ses'conseillers  la  responsabilité  des  faits  arbi- 
traires et  inhumains  qui  se  révélèrent  dans  cette  triste  histoire.  La  commis- 
sion chargée  par  le  pape  de  juger  le  grand  maître,  le  visiteur  de  France  et 
les  commandeurs  de  Guyenne  et  de  Normandie  avait  conclu  à  la  pri- 
son perpétuelle,  le  ISmars  131 4;  Philippe  le  Bel,  le  jour  même, fit  brûler  deux 
d'entre  eux,  qui  persistaient  à  protester  de  leur  innocence,  après  avoir  eu  à 
plusieurs  reprises  la  faiblesse  de  se  reconnaître  coupables.  Disons  qu'après 
avoir  lu  cette  thèse  on  reste  convaincu  qu'entre  les  défenseurs  et  les  accusa- 
teurs des  Templiers,  il  reste  encore  à  formuler  un  avis  impartial  sur  ce  grand 
procès.  Après  l'appréciation  du  Pape  et  des  conciles,  il  reste  indubitable 
que  l'abolition  de  l'ordre  était  nécessaire  ;  mais  il  serait  important  de  fixer 
jusqu'à  quel  point  l'ordre  était  gangrené,  et  d'examiner  les  conséquences 
de  l'acte  au  point  de  vue  des  sociétés  secrètes.  A.  de  B. 


Lies  Lieutenants  des  maréchaux,  de  France,  par  le  marquis 
de  Belleval.  Paris,  J.-B.  Dumoulin,  1877,  in-8  du  56  p.  —  Prix  :  3  fr. 
Enl631  un  élit  établit,  que  dans  chaque  baillage,  un  ou  deux  gentilshommes 
seraient  chargés  de  connaître  des  différends  qui  s'élèveraient  entre  les  nobles 
aussi  bien  qu'entre  les  militaires;  ces  gentilshommes, d'abord  nommés  direc- 
tement par  les  maréchaux  de  France,  et  plus  tard  par  le  roi,  sur  la  présenta- 
tion des  maréchaux,  formai^-nt  le  premier  degré  d'une  juridiction  du  point 
d'honneur  dont  le  tribunal  suprême  était  la  connétablie.  M.  le  marquis  de 
Belleval,  grâce  à  des  documents  de  famille,  a  retracé  d'une  manière  complète 
l'histoire  de  cette  juridiction,  et  il  l'a  fait  s'iivre  d'une  énumération  alpha- 
bétique de  tous  les  lieutenants  des  maréchaux  dont  il  a  pu  réunir  les  noms. 
Le  travail  est  intéressant,  et  parce  qu'il  fait  connaître  un  rouage  admi- 
nistratif peu  connu  aujourd'hui,  et  parce  qu'il  touche  à  un  assez  grand 
nombre  de  familles.  Il  est  à  souhaiter  que  l'on  retrouve  les  registres  de 
quelques-uns   de    ces  lieutenants  ;  on  y  trouverait  des  détails    piquants 


—   17b  — 

et  des  anecdotes   curieuses    sur   la  société   des  seizième  et  dix-septième 
siècles.  A.  de  B. 


L'ÉgIî»e   de   8aînt-I*îerre  de  Beaulieu    {diocèse    de  Tulle)  et  son 
portail  sculpté,  notice  descriptive,  par  l'abbé  J.-B.  Poulbrière.  professeur  au 
petit  séminaire  de  Servièriis  (Corrèze).  Limoges,  imprimerie  Chapoulaud 
1873,  in-8  de  67  p.  —  Prix  :  1  fr. 
Promenade  à  Gimel  (Corrèze),  par  lk  même.  Ouvi^age  orné  de  six  plan- 
ches. Toui^s,  imp.  Bouserez,  1875,  in  8  de  32  p.  —  Prix  :  i  fr. 
Servlères  et  son  petit  séminaire,  notice  historique,  par  le  même 

Tulle,  imp.  Mazeyrie,  1876,  in-12  de  180  p.—  Prix  :  1  fr.  50. 
Une  page  ignorée  de  l'hî*4toîre  de  Tulle.  Marceline  Paiiper, 
par  LE  MÊME.  Tulle,  Mazeyrie,  1876,  in- 18  de  31  p.  —  l'rix  :  2  fr. 
Dans  ces  ouvrages,  M,  l'abbé  Poulbrière  étudie  l'histoire  et  les  monu- 
ments de  son  diocèse  d'origine,  et  enrichit  par  des  documents  inédits  ou 
des  rapprochements  nouveaux  les  annales  des  églises  de  Tulle.  Nous  ne 
pouvons  qu'indiquer  en  quelques  mots  les  traits  qui  nous  ont  paru  caracté- 
riser chacune  de  ces  brociiures. 

L'Église  de  Saint-Pierre  de  Beaulieu  est  surtout  une  description  détaillée  et 
complète  de  l'un  des  monuments  les  plus  remarquables  de  l'époque  où  ré- 
gnait le  style  roman,  M.  l'abbé  Poulbrière  explique  trés-clairement  le  sym- 
bolisme que  les  artistes  de  cette  date  recherchaient  avec  tant  de  suin,  et 
qu'ils  puisaient  toujours  aux  sources  pures  de  l'Écriture  sainte  et  de  la  tra- 
dition (p.  17  et  18).  Il  insiste  avec  raison  sur  les  sculptures  si  riches,  mais 
malheureusement  mutilées,  i^u  portail,  et  il  relève  avec  sagacité  les  mé- 
prises de  plusieurs aixhéologues,  qui  ont  voulu  interpréterces  figures  d'après 
leurs  propres  idées  (p.  30,  4o,  o2).  Il  fait  aussi  connaître  plusieurs  saints 
personnages  qui  ont  vécu  dans  l'abbaye  de  Beaulieu  (p.  7,  20,  22). 

La  Promenade  à  Gimel  est  consacrée  en  grande  partie  à  la  descriptioa  du 
sanctuaire  de  Saint-Etienne  de  Braguse.  Cette  modeste  église,  autrefois  très- 
fréquentée  par  des  pèlerins  venus  de  toute  la  province  du  Limousin,  est 
encore  très-intéressante,  non-seulement  par  les  souvenirs  pieux  qu'elle 
conserve,  maissous  le  rapportde  l'art  et  de  l'archéologie.  Elle  possède  d'ail- 
leurs une  châsse  du  douzième  siècle  et  un  buste  du  quinzième,  qui  ont  suc- 
cessivement frappé  l'attention  compétente  de  M.  Mérimée,  de  M.  Viollet-le- 
Ducetdu  regrettable  abbé  Texier.  M.  l'abbé  Poulbrière  ne  se  contente  pas 
d'en  donner  la  description,  il  nous  offre  six  planches  très-exactes. 

L'histoire  d'un  petit  séminaire,  situé  dans  le  fond  d'une  province,  et  dont 
la  fondation  ne  remonte  qu'à  l'année  1816,  ne  peut  pas  présenter  une  suite 
d'événements  d'une  importance  considérable.  Le  livre  de  M.  l'abbé  Poulbrière 
se  lit  néanmoins  avec  un  vif  intérêt,  à  rai-on  du  t  >n  de  piété  filiale  avec  la- 
qu- lie  il  a  recueilli  tous  les  faits  se  rapportant  à  cette  maison,  qui  est  de- 
venue le  berceau  de  toute  la  ti'ibu  lévitique  du  diocèse  de  Tulle.  On  peut  le 
con>idéri'r  comme  le  livre  de  raison  d'un  établissement  qui  a  déjà  rendu 
tant  de  services  à  l'Église,  et  qui  continue  à  en  rendre  toujours  de  nouveaux. 
En  lisant  ces  pages,  où  la  piété,  la  reconnaissance  pour  les  services  rpudus, 
l'amour  de  l'Eglise  et  de  la  patrie,  la  vénération  pour  la  vertu  de  maîtres  dé- 
voués, le  zèle  pour  l'étude  et  la  science  brillent  dans  toutes  les  parties,  il  est 
facile  de  se  former  une  idée  de  l'accueil  que  les  anciens  élèves  du  petit  sémi- 
naire doivent  faire  à  cet  ouvrage,  qui  consacre  tant  de  souvenirs  précieux. 
Là  n'est  pas  tout  le  mérite  de  ce  livie  :  il  renferme  un  aperçu  sur  le  prieuré  de 
Servières  qui  fournit  des  renseignements  inédits  etuli'es  à  la  grande  histoire. 
11  sullira  d'un  mot  pour  caradéjîser  l'opuscule  sur  Marceline  Pauptr,  etce 


—  17G  — 

mot  c'est  iM.  Poulbvièi'P,  quin)"s  le  fournit  :  son  travail  est  une  analyse  de 
la  vie  de  cette  admirable  vierge,  publiée  il  y  a  un  petit  nombre  d'années  par 
le  docteur  Dominique  Rouix.  La  ville  de  Tulle  avait  été  la  cité  de  prédilec'ion 
de  cette  grande  servante  de  Dieu  qui  y  mourut,  et  c'est  une  pensée  aussi 
louable  que  pieuse  d'y  raviver  des  souve airs  qui  sont  à  la  lois  une  gloire 
pour  le  piys  et  des  gages  de  bôaédiction.  Dom  Paul  I'iolin. 

La  Guida    cîel  Galantuomo,  di  Francesco  Rapisardi.  Milano,    1877, 

in-12  de  viii-163  p.  —  Prix  :  2  fr. 

Voici  un  bon  livre  et  qui  ne  mérite  que  nos  éloges.  Le  Giiidc  de  l'honncle 
homme  est  un  recueil  des  meilleures  maximes  des  pliilosoplies  et  des  sen- 
tences de  l'Écriture  disposées  dans  un  ordre  lumineux.  On  y  lira  en  peu 
de  paroles  des  conseils  pour  toutes  les  circonstances  de  la  vie.  Une  trame 
légère  unit  toutes  les  pensées  :  c'est  un  beau  livre  et  c'est  une  bonne 
œuvre.  Tu.  P. 

CHRONIQUE 

Nécrologie. —  M.  Henri-Victor  Regnault, membre  de  l'Institut,  Académie  des 
sciences,  depuis  1840,  père  du  peintre  Henri  Hegnault,  né  à  Aix-la-Chapelle, 
le  21  juillet  1810,  est  mort  à  Paris  le  19janvier.  Élève,  puis  professeur  de  chimie 
à  l'École  polytechnique  (1840)  ;  pi'ofesseur  de  physique  au  Collège  de  France, 
l'année  suivante,  ingénieur  en  chef  des  mines  en  1847,  et  directeur  de  la  ma- 
nufacture de  Sèvres  depuis  18o4,  il  avait  étudié  particulièrement  les  lois  sur 
le  volume  des  gaz  dans  des  travaux  qui  font  autorité.  On  lui  doit  aussi  une 
géométrie  i)ratiquc  ;I842,  in-8);  —  Eludes  sur  l'hygrométrie  (184o,  in-8);  — 
Expériences  sur  les  machines  à  vapeur  (1847-1802,  2  vol.  in-4);  —  Coûtas  élé- 
rncniaire  de  chimie  organique{{8's:~-iSid,i\o\.  in-8)  dont  une  cinquième  édition 
a  paru  en  I80O-I8GO,  en  quatre  volumes  in-12  avec  figures,  et  qui  a  été  repro- 
duit dans  plusieurs  langues  de  l'Europe;  — Premiers  éléments  de  la  Chimie. 
abrc^gé  de  l'ouvrage  précédent,  publié  en  1830,  et  qui  a  eu  une  sixième 
édition  (1874,  in-12);  enfin,  un  grand  nombre  d'études  publiées  dans  les 
Annales  de  chimie  et  de  physique,  dont  quelques-unes  ont  été  données  en 
extraits  dans  les  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie,  et  le  plus  grand 
nombre  réunies  dans  le  vingtième  volume  des  Mémoires  de  V Académie  des 
sciences,  sous  le  titre  de  :  Relation  des  expériences  entreprises  par  ordre  de 
M.  le  Minisire  des  travaux  publics  et  sur  la  proposition  de  la  commission  cen- 
trale des  machines  à  vapeur...  (1  vol.  de  748  p.).  —  M.  Regnault  avait 
publié  encore,  avec  la  collaboration  de  M.  Reiset,  une  étude  sur  La  Respi- 
ration des  animaux.  Il  était  correspondant  des  académies  de  Berlin,  de 
Saint-Pétersbourg  et  autres  corps  savants. 

—  Le  18  janvier  est  mort  à  Paris  M.  Antoine-César  Becql'erel.  Né  à  Châ- 
tillon-sur-Loing  (Loiret),  le  7  mars  1788,  Il  était  sorti  de  l'École  polytechnique 
en  1808,  en  était  devenu  inspecteur  en  1813,  après  avoir  pris  part  à  la  cam- 
pagne d'Espagne;  et,  après  la  campagne  de  France  de  1814,  il  s'était  retiré 
de  la  carrière  militaire  avec  le  grade  de  commandant  du  génie.  M.  Bec- 
querel avait  été  attaché  au  Muséum  comme  professeur  de  physique  en  1837  ; 
il  était  membre  de  l'Académie  des  sciences  depuis  1829,  et  membre  corres- 
pondant de  la  Société  royale  de  Londres.  L'Académie  des  sciences  lui  avait 
décerné,  en  1874,  la  médaille  cinquantenaire,  bien  qu'il  ne  fît  partie  de 
l'Institut  que  depuis  quarante-cinq  ans;  il  avait  obtenu  aussi  la  gi'ande  mé- 
daille de  Capley,  que  l'Angleterre  n'a  accordée  en  France  qu'à  trois  personnes. 

En  outre  d'un  grand  nombre  de  mémoires  importants,  ins'^'rés  dans  les 


—   177  — 

Comptes  rendus  de  V Académie  des  sciences  et  dans  les  Afinales  de  physique  et 
de  chimie,  M.  Becquerel  avait  fait  paraître  :  de  1834  à  1840,  un  Traité  expé- 
rimental de  l'électricité  et  du  marjnélisme  (7  vol.  in-8,  et  atlas);  —  de  1842  à 
4844,  un  T7'aité  de  physique  (2  vol.  in-8  et  atlas)  ;  —  en  1843  :  Éléments  d'é- 
lectro-chiinie  (in-8)  ;  —  puis  Éléments  de  physique  et  de  météorologie  [avec  M.  Ed. 
Becquerel]  (in-8  avec  pi.  1847);  —  Des  engrais  inorganiques  (1848,  in-12);  — 
Des  climats  (,1853,  in-8};  —  avec  M.  Edm.  Becquerel  encore  :  Traité  d'électri- 
cité et  de  magnétisme  (ISoo,  3  vol.  in-8  avec  pi.);  —  et  avec  le  même  :  Ré- 
sumé de  l'histoire  de  l'électricité  (1838,  in-8).  —  Voici  quelques-uns  des  titres 
des  travaux  insérés  dans  les  recueils  que  nous  avons  cités  :  Recherches  sur 
la  chaleur  animale  (1835-36-38); —  Sur  la  torpille  (1836);  —  Recherches 
sur  le  dégagement  de  la  chaleur  dans  les  frottements  (1838)  ;  —  Mémoire  sur  les 
caractères  optiques  des  minéraux  (1839);  —  Sur  les  propriétés  électro-chimiques 
des  corps  simples  (1841);  —  Sur  la  température  des  animaux  à  sang  froid  [id.)  ; 

—  De  l'action  du  sel  dans  les  végétaux,  et  de  son  emploi  en  agriculture  (1849)  ; 

—  Mémoire  sur  la  reproduction  artificielle  des  composés  minéraux  à  l'aide  de 
courants  électriques  (1852).  Par  des  Mémoires  et  des  Rapports  au  Conseil  gé- 
néral du  Loiret,  M.  Becquerel  avait  concouru,  dans  une  proportion  notable, 
à  appeler  l'attention  du  gouvernement  sur  les  améliorations  qui  ont  donné 
à  la  culture  une  grande  partie  de  la  Sologne. 

—  M.  François-Vincent  Raspail,  mort  à  Arcueil-Cachan,  le  7  janvier, 
était  né  à  Carpentras  (Vaucluse),  le  29  janvier  1794.  Il  avait  enseigné  la 
philosophie  et  la  théologie  à  Avignon  pendant  un  an,  de  1811  à  1812,  et 
n'avait  que  vingt  ans  lorsqu'il  vint  à  Paris,  où  il  vécut  des  leçons  qu'il  donnait, 
en  étudiant  les  sciences  naturelles  ;  décoré  après  la  Révolution  de  juillet 
pour  la  part  active  qu'il  y  avait  prise,  il  se  vit  nommer  à  une  place  de 
conservateur  des  collections  du  Muséum  créée  exprès  pour  lui  ;  mais  des 
dissentiments  avec  Cuvier  le  ramenèrent  à  la  politique  et  à  d'autres 
études;  de  cette  époque  datent  ses  premiers  ouvrages,  ayant  trait  à  ses 
systèmes  d'histoire  naturelle,  à  son  système  médical  basé  sur  le  cam- 
phre, et  dont  la  popularité  le  fit  nommer,  en  1848,  membre  de  la  Consti- 
tuante. Après  un  long  établissement  forcé  en  Belgique,  il  reparut  en  France, 
pour  entrer,  en  1869,  au  Corps  législatif;  il  fut  aussi  nommé  député  aux 
élections  de  1876  et  de  1877.  Les  plus  notables  ouvrages  que  nous  devions 
à  M.  Raspail,  —  car  la  nomenclature  complète  de  ses  œuvres  publiées 
représente  plus  de  cent  volumes,  —  sont  les  suivants  :  Sainte  Liberté  (1822, 
in-8);  —  Coupsde  fouet  scientifiques  (1830,  in-8);  —  Cours  élémentaire  d'agri- 
culture (1831-1841,  5  vol.  in-18);  —  Chimie  organique,  le  plus  important  de 
ses  travaux,  paru  en  1833  (3  vol.  in-8  et  atlas),  traduit  en  allemand,  par 
Wolff  (Stuttgard,  1834,  gr.  in-8),  en  anglais  par  Henderson  (Londres,  1834, 
in-8),  en  italien  par  Macario  (Milan,  1835-1838,  3  vol.  in-8);  —  Philo- 
sophie végétale  (1836,  et  nouvelle  édition  à  Bruxelles,  1837,  gr.  in-8);  — 
Mémoire  sur  Marie  Capelle,  veuve  Lafarge,  tendant  à  innocenter  celle-ci  de 
l'accusation  d'empoisonnement  (1840,  in-8)  :  —  Histoire  naturelle  des  am- 
monites (1842,  2  édit..  1866,  in-fol.);  —  Histoire  naturelle  de  la  santé  et  de 
la  maladie  (1843,  et  3^  édit.,  1860,  3  vol.  in-8  avec  fig.);  —  SonMaiiuel 
annuaire  de  la  satité,  vade-mecum  médical  populaire,  qui  forme  de  1846  à 
1878,  32  vol.  in-12;  —  Le  Fermier  vétérinaire,  livre  conçu  dans  la  même 
pensée  de  vulgariser  les  éléments  de  la  science  médicale  à  l'usage  des 
agriculteurs  (1854  et  suiv.,  en  2  vol.  in-18);  —  M.  Raspail  avait  aussi 
publié,  en  1872,  une  étude  sur  les  Réformes  sociales  (en  1  vol.  in-8).  —  On 
trouvera  un  grand  nombre  des  recherches  de  M.  Raspail  sur  les  sciences 
FiivRiEU  1878.  T.  XXII,  12. 


—  178  — 

n;iturolles  dans  sa  Hevue  clcmentaire  de  médecine  et  de  pharmacie  domestiques 
(du  lo  juin  '1847  au  15  mai  1849)  ;  dans  sa  Revue  complémentaire  des 
sciences  appliquées,  recueil  périodique  qui  a  commencé  à  paraître  le  1" 
août  18o4;  et  sur  ses  études  préliminaires  dans  les  Annales  des  sciences 
nalurelles;  les  Mémoires  du  Muséum;  les  Mémoires  de  la  Société  d'histoire  na- 
turelle de  Paris;  le  Répertoire  général  d'anatomie ;  le  Bulletin  des  sciences 
de  Férussac;  enfin  dans  les  Annales  des  sciences  d'observation,  fondées  par 
M.  Raspail,  avec  Saigey,  en  1829. 

—  Le  7  janvier  est  mort  à  Nice,  dans  sa  8 i«  année,  M.  Paul-Jean-Ange-Henri 
MoNiER  DE  LA  SizERANNE,  Créé  comte  par  décret  impérial  du  21  mars 
1860,  ancien  député  pour  l'arrondissement  de  Die  (Drùme)  de  1837  à  1848, 
et  de  1852  à  18o7,  ancien  sénateur  depuis  1867;  il  était  né  à  Tain  (Drôme), 
le  31  janvier  1797.  Sous  le  titre  de  Mes  premiers  cl  derniers  souvenirs  (1834, 
in-8,  Lahure),  il  avait  réuni,  dans  le  courant  de  sa  carrière  politique,  une 
suite  d'études  littéraires  et  dramatiques  parues  à  des  époques  antérieures, 
qui  ne  sont  pas  dans  le  commerce,  et  dont  les  titres  ont  leur  place  marquée 
ici  ;  ce  sont  :  Les  Eaux  d'Aix  en  1823;  —  Un  auteur  dramatique  à  la  Grande- 
Chartreuse;  —  V Amitié  des  deux  âges,  comédie  en  trois  actes  en  vers (1826); 
—  Une  lecture  à  l'Abbaye-aux-Bois  ;  —  Corinne,  drame  en  vers  (li>30);  — 
Régine,  ou  Vienne  et  Paris  en  1813,  comédie  en  cinq  actes  et  en  vers,  avec 
épilogue.  Plus  tard,  il  écrivit  Marie- Antoinette^  poëme  historique,  avec  por- 
trait (in- 1800),  dont  il  a  publié  avant  de  mourir  une  quatrième  édition  à 
Nice  (1872,  in-8).  Nous  citerons  encore  de  M,  Monier  de  la  Sizeranne  :  Le 
Carlin  vengé,  apologue  danois  (1868,  in-8,  anonyme)  et  un  certain  nombre 
de  Rapports,  Éloges  et  Discours  publiés  à  part.  En  même  temps  qu'officier  de 
la  Légion  d'honneur,  M.  Monier  de  la  Sizeranne  était  commandeur  de  Med- 
jidié. 

—  Le  27  novembre  1877,  est  mort  à  Cracovie  Lucien  Siemi£Nski,  l'un  des 
plus  élégants  écrivains  contemporains  en  Pologne.  Né  en  1809  à  Magierow, 
en  Galicie,  il  fit  ses  études,  d'abord  au  lycée  de  Lublin,  et  puis  à  Odessa, 
à  l'Institut  portant  le  nom  de  lycée  Richelieu  ;  il  prit  une  part  active  à 
l'insurrection  de  l'année  1830  et  fit  dans  les  rangs  de  l'armée  polonaise  toute 
la  campagne  de  1831  contre  la  Russie;  réfugié  en  France,  il  y  passa  plu- 
sieurs années,  vouées  aux  travaux  littéraires;  en  1846,  il  ee  transporta  à 
Posen,  et  en  1848  il  se  fixa  définitivement  à  Cracovie,  où  il  épousa  une  com- 
tesse de  Potocka.  Gagné  aux  idées  conservatrices,  il  consacra  à  leur  défense 
tout  son  talent  et  tous  ses  loisirs  ;  il  fut  l'un  des  fondateurs  du  journal 
catholique  le  Temps  {Czas),  auquel  il  coopéra  durant  30  ans,  sans  relâche. 
Doué  d'une  grande  facilité  de  travail,  il  explorait  à  tour  de  rôle  tout  le  do- 
maine de  la  littérature,  de  la  poésie  et  même  de  l'histoire  ;  ses  traductions 
poétiques  se  distinguent  par  leur  fidélité  à  l'original  et  l'élégance  exquise 
de  la  forme  ;  son  Odyssée  d'Homère,  traduite  en  vers,  ne  le  cède  en  rien 
aux  meilleures  traductions  classiques  de  l'Occident;  la  finesse  de  ses  cri- 
tiques le  faisait  surnommer  le  Sainte-Beuve  polonais,  mais  il  le  surpassait, 
surtout  dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  par  un  profond  sentiment  reli- 
gieux et  catholique  qui  animait  tous  ses  écrits  ;  son  histoire  de  Pologne,  pu- 
bliée sous  le  titre  de  Soirées  sous  les  tilleuls,  fut  l'un  des  ouvrages  les  plus 
populaires  que  recherchaient  les  jeunes  générations  polonaises  pour  ap- 
prendre l'histoire  de  leur  patrie  ;  elle  eut  maintes  éditions.  Membre  actif  de 
l'Académie  des  sciences  de  Cracovie,  il  présidait  sa  section  philologique. 
Il  succomba  à  une  courte  maladie, emportant  les  regrets  de  ses  compatriotes, 
qui  attendaient  beaucoup  encore  de  son  patriotisme  et  de  son  activité .  — 


—  170  — 

Outre  une  série  vraiment  innombrable  d'articles  sur  différents  sujets  et  de 
correspondances  insérées  dans  les  journaux  et  revues  polonaises,  il  publia 
beaucoup  d'ouvrages,  dont  voici  les  principaux  :  Musamerit,  nouvelles  au 
clair  de  la  lune,  2  vol.  Paris,  1843;  —  Minerve^  nouvelle  sentimentale  en  vers, 
Vilna,  1838;  —  Causeries  littéraires,  Cracovie,  1833;  —  Chansons  de  la  Bre- 
tagne, trad.  en  vers,  Posen,  1842;  —  Chansons  Scandinaves,  Posen,  1843;  — 
Traductions  et  légendes  polonaises,  ruihènes  et  lithuaniennes,  Posen,  184o  ;  — 
Le  Manuscrit  de  Kœnigratz,  traduit  du  tchèque  en  vers,  Cracovie,  1836  ;  — 
Poésies  lyriques  de  Schiller,  Léopol,  1841  ; —  Bichen  et  Méniché,  épisode  du 
poème  de  Firdusi  Schali-Nameli,  Varsovie,  1853  ;  —  Les  poésies  de  Michel-Ange 
Buonarotti,  traduites  en  vers,  Cracovie,  1861  ;  —  Les  Odes  d'Horace,  traduites  en 
vers,  Cracovie,  1869;  —  L'Odyssée  d'Homère,  trad.  en  vers,  Cracovie,  1876; 

—  Poésies,  édition  complète,  Leipzig,  1863;  —  Trois  prophéties,  Paris,  1841  ; 

—  Idées  sur  les  liarmonies  sociales,  Posen,  1845;  —  Les  saints  poètes,  poésies 
de  V amour  mystique,  trad.  en  vers,  Léopol,  1877;  — Le  Camp  classique,  épisode 
de  l'histoire  des  idées  littéraires  du  XLÏ'  siècle,  C.vdiQ,o'^\e,i%QQ  ; —  Portraits 
littéraires,  4  vol.,  Posen,  1863-1873;  —  Critiques  et  revues  littéraires,  Posen, 
1869;  —  Esquisses  de  la  littérature  et  de  la  société  de  1848  à  1838,  Varsovie, 
1839,  2  volumes;  —  Étoiles  du  soir,  nouvelles,  biographies,  voyages,  3  vol., 
Vilna,  1833;  —  Soirées  sous  les  tilleuls  ou  histoire  de  le  ?iation  polonaise,  ra- 
contée par  Grégoire  de  Ratzlawitze,  première  édition  à  Posen,  1843,  dernière, 
refondue  et  augmentée  de  beaucoup,  à  Cracovie,  1873;  —  Mémoires  sur 
Samuel  Zborowski  recueillis  à  la  bibliothèque  de  Kornik,  Posen,  1844;  —  Der- 
nière année  de  la  vie  du  roi  Stanislas-Auguste.  Cracovie,  1861;  —  Les  deux 
Jules  tombés  sur  le  champ  de  bataille  en  1831  et  1863  (comte  Malachowski 
et  comte  Tarnowski),  Cracovie,  1869;  —  Biographie  et  mémoires  du  comte 
Stanislas  Malachoivski,  Cracoxie,  1833;  —  Souvenirs  de  Sigismond  Krasinski, 
Cracovie,  1839;  — Souvenirs  du  castellan  Wenzijk.  Cracovie,  1863;  —  Sou- 
venirs  d'Adré  Kozmian,  Léopol,  1863;  —  Vincent  Pol  et  ses  poésies,  Cracovie, 
1873;  —  Biographie  de  Thaddée  Kesduszko,  Cracovie,  1866,  tome  premier;  — 
Le  Sentiment  religieux  et  le  mysticisme  dans  la  vie  et  les  œuvres  d'Adam  Mickie- 
wicz,  Cracovie,  1871  ;  —  Venceslas  Rzewuski  et  ses  aventures  en  Arabie,  Cra- 
covie,  1878;  —  Saint  François  d'Assise,  Léopol,  1873  ;  —  Légende  lyrique  sur 
saint  Stanislas,  évêque  et  ?>mriî/r,  Cracovie,  1870;  —  La  librairie  de  Zupanski 
à  Posen  vient  d'annoncer  deux  volumes  de  différents  articles  littéraires  de 
Siemieniski,  intitulés  :  Varia. 

— ■  M.  Paul-llenri-Ernest  de  Royer,  premier  président  à  la  Cour  des 
comptes,  ancien  procureur  général  près  de  la  Cour  de  cassation  et  ancien 
ministre  de  la  justice  sous  l'Empire,  est  mort  à  Paris,  le  13  décembre.  Il 
était  né  à  Versailles  le  29  octobre  1808,  fit  son  droit  à  Grenoble  et  à  Paris, 
et  entra,  en  1832,  dans  la  magistrature,  dont  il  parcourut  avec  éclat  tous  les 
degrés  de  la  hiérarchie.  On  lui  doit  un  Commentaire  analytique  du  code  civil 
livre  I^"',  titre  II,  avec  M.  Léon  Delisle;  des  discours  de  rentrée  à  la 
Cour  de  cassation  ;  des  mémoires  Sur  la  vie  et  les  travaux  de  Tronchet;  —  Sur 
les  origines  et  V autorité  de  la  Cour  de  cassation,  — Sur  les  réformes  judi- 
ciaires et  législatives  du  règne  de  Louis  XIV,  etc. 

—  M.  l'abbé  L.  Claude  P^vy,  ancien  vicaire  général  de  Constantine  et 
frère  de  l'ancien  évêque  d'Alger,  vient  de  mourir  à  Cannes.  Il  était  né  à 
Roanne  en  1812  et  suivit  son  frère  en  Algérie,  lorsque  celui-ci  succéda  à  Mgr 
Dupuch  sur  le  siège  épiscopal  d'Alger.  Il  y  resta  vingt  ans,  jusqu'à  la  mort 
de  son  frère.  Il  vivait  dans  la  retraite  aux  environs  de  Roanne,  occupé  de 
travaux  historiques  et   religieux.   Il  a  publié  la  vie  de  son  frère,  et  divers 


—  180  — 

opuscules  :  Conférence  contre  le  livre  de  M.  Renan  (Constaritine,  1803)  ;  — 
Affranchissement  des  esclaves,  par  l'abbé  Pavy,  professeur  à  la  faculté  de 
théologie  de  Lyou  (1838-1846),  publié  eu  réponse  à  MM.  Louis  Blanc,  Ger- 
main Casse,  Jules  Simon,  etc.,  par  M.  L.  C.  Pavy,  ancien  vicaire  général  (Lyon, 
i87o);  —  Les  Rêcluseries (Lyon,  1875). 

—  M.  Placide  Cappeau  vient  de  mourir  à  Roquemaure.  C'était  le  fils  d'un 
agriculteur.  11  a  publié  dernièrement  la  traduction  en  vers  d'un  poëme  lan- 
guedocien, le  Siège  de  Caderousse,  et  un  poëme  de  sa  façon,  le  Château  de 
Roqicemaure  (2 yo\.  in-12,  imprimé  chez  Jouausf,  1876).  Il  en  est  rendu  compte 
dans  ce  numéro  même  du  PoUjbiblion.  M.  Cappeau  est  aussi  l'auteur  du 
Noèl  que  la  musique  d'A.  Adam  a  rendu  si  populaire.  Il  était  devenu  libre-pen- 
seur; mais,  à  sa  dernière  heure,  il  est  revenu  aux  croyances  de  sa  jeunesse. 

On  annonce  encore  la  mort  :  de  M.  Adolphe  Desmoulins,  publiciste, 
mort  à  iNice,  correspondant  de  V Étoile  belge;  —  de  M.  le  comte  Armand-Just- 
Eugène  de  La  Faue,  ancien  directeur  de  la  France  centrale,  mort  à  Onzain,  à 
soixante-sept  ans;  —  de  M.  Philippe  Montaland,  ancien  imprimeur  et  fondateur 
à\i  Drapeau  tricolore  et  du  Courier  de  Saône-et-Loire,  mort  à  Chalon-sur-Saône, 
le  20  janvier,  à  soixante-sept  ans.  —  de  M.  Achille  Martinet,  graveur,  mem- 
bre de  riQstitut  ;  —  de  M.  le  D^  Doran,  rédacteur  en  chef  de  Notes  and  Que- 
nes,  mort  le  2o  janvier,  à  Londres; —  du  comte  Alexandre  Wielopolski, 
marquis  de  Gonzaga  Myszkowski,  ancien  gouverneur  du  royaume  de  Pologne 
pour  la  Russie,  auteur  de  Lettres  d'un  gentilhomme  polonais  au  prince  de 
Metternich,  écrites  en  1846. 

Faculté  des  lettres.  —  M.  Maillet,  ancien  élève  de  l'École  normale,  pro- 
fesseur suppléant  au  lycée  Saint-Louis,  a  soutenu  à  Paris,  le  11  janvier,  ses 
deux  thèses  pour  le  doctorat  es  lettres.  Les  sujets  étaient  :  De  voluntate  ac 
libero  arbitrio  in  moralibus  Aristotelis  operibus  ;  —  De  l'essence  des  passions. 

—  M.  J.  de  Crozals,  ancien  élève  de  l'École  normale  supérieure,  a  soutenu 
à  Paris,  le  26  janvier,  ses  deux  thèses  pour  le  doctorat  es  lettres.  Les  sujets 
étaient  :  Conspectus  historias  Ingolstadiensis  Academix;  —  Lanfranc,  arche- 
vêque de  Cantorbéry,  sa  vie,  son  oiseigtiement,  sa  politique. 

Concours.  —  L'Académie  de  législation  de  Toulouse  a  proposé  pour  1878 
le  sujet  suivant  :  «Exposition  des  principes  du  droit  international  et  des  prin- 
cipes du  droit  civil,  concernant  les  mariages  contractés  en  pays  étranger.»  Elle 
met  au  concours,  pour  1879,  le  sujet  suivant  ;  «  Étude  sur  la  vie  et  les  travaux 
de  Dupin,  avocat,  jurisconsulte  et  magistrat.  »  Le  prix  consistera  en  une  mé- 
daille d'or  de  cinq  cents  francs.  Pour  le  prix  du  Conseil  général  du  départe- 
ment de  la  Haute-Garonne  (médaille  d'or  de  cinq  cents  francs).  L'Académie 
a  proposé  pour  1878  :  «  Étude  historique,  juridique  et  économique,  sur  le  bail 
à  colonage  partiaire,  envisagé  au  double  point  de  vue  des  engagements 
entre  le  propriétaire  et  le  colon  et  des  droits  qui  s'engendrent,  à  l'occasion 
de  ce  contrat,  entre  les  membres  de  la  famille  du  colon  à  la  suite  d'un  état 
d'association.  » 

L'Académie  met  au  concours,  pour  1879,1e  sujet  suivant:  «  De  la  législation 
et  de  la  jurisprudence  enmatière  de  travaux  publics,  sous  l'ancienne  monarchie 
française  avant  1789.  »  L'Académie  demande  aux  concurrents  une  histoire, 
aussi  complète  que  possible,  pour  notre  pays  jusqu'en  1789,  des  travaux  pu- 
blics, tels  que  routes,  ponts,  canaux  dessèchements  de  marais.  Cette  his- 
toire doit  embrasser  l'étude  des  modes  d'entreprise,  de  confection  et  d'en- 
tretien de  ces  travaux,  celle  des  ressources  qui  leur  étaient  affectées,  et  enfin 
de  l'organisation  des  différents  agents  qui  y  coopéraient. 


—  18i  — 

L'Académie  verrait  avec  plaisir  qu'après  avoir  étudié  l'tiisloire  générale 
des  travaux  publics,  les  concurrents  voulussent  bien  s'attacher  à  celle  d'un 
travail  public  déterminé,  suivant  la  région  qu'ils  habitent  :  par  exemple, 
du  canal  de  Cran,  connu  sous  le  nom  d'OEiivre  de  Craponne,  du  Canal  du 
Languedoc,  ou  tout  autre. 

Les  mémoires  doivent  être  adressés  au  secrétaire-archiviste,  rue  des  Ren- 
forts, 15  à  Toulouse,  avant  le  30  avril  1878  ou  1879. 

Société  de  Géographie.  —  La  commission  centrale  (conseil)  de  la  Société 
de  géographie  a  procédé  au  renouvellement  de  son  bureau,  qui  se  trouve 
ainsi  composé  pour  1878:  Président:  M.  de  Quatrefages,  membre  de  l'Insti- 
tut;—  Vice-présidents:  M.  Daubrée,  membre  de  l'Institut,  et  M.  Henri 
Duveyrier  ; —  Secrétaire  général  :  M.  Charles  Maunoir  ; —  Secrétaires  adjoints  : 
MM.  Jules  Girard  et  Julieu  Thoulet. 

Société  des  publications  populaires.  —  La  Société  des  publications  popu- 
laires a  tenu  son  assemblée  générale  annuelle  le  24  janvier.  Dans  cette 
scéance,  elle  a  renouvelé  son  bureau  et  complété  son  conseil.  M.  le  comte 
de  Mousiier  a  été  appelé  à  remplacer  comme  président  M.  le  vicomte  de 
Melun.  M.  le  baron  de  l'Espée  a  été  nommé  vice-président.  MM.  Alphonse 
Bosseur  et  Edouard  Lefébure  ont  été  nommés  membres  du  Conseil.  M.  le 
comte  de  Lauriston-Boubers,  secrétaire,  et  M.  Ch.  Garnier,  trésorier,  ont  fait 
connaître  la  situation  de  la  Société.  Son  action  s'est  étendue  jusqu'aux  pays 
étrangers;  des  commandes  lui  sont  venues  de  Syrie;  sa  commission  de  lec- 
ture a  examiné,  en  1877,  136  ouvrages  dont  98  seulement  ont  été  admis  à 
figurer  sur  ses  catalogues.  Elle  a  vendu  pour  plus  de  34,000  francs  de  livres, 
destinés  soit  à  des  bibliothèques  populaires  ou  pour  l'armée,  soit  à  des  dis- 
tributions de  prix.  M.  le  secrétaire  a  payé  un  juste  tribut  d'éloge  à  deux 
membres  décédés,  M.  le  vicomte  de  Melun,  son  président  et  M.  le  baron 
Cauchy,  membre  de  l'Institut,  qui  ont  tous  deux  pris  part  à  la  fondation 
de  la  Société. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Dans 
la  séance  du  4  janvier,  M.  Garcin  de  Tassy  a  présenté  sa  revue  annuelle 
de  la  littérature  hindoustane. —  Dans  la  séance  du  1 1,  M.  Ch.  Robert  a  fait  une 
communication  sur  des  monnaies  du  treizième  et  du  quatorzième  siècle,  dé- 
couvertes à  Saint-Vith  en  1876,  et  appartenant  presque  toutes  à  la  Lorraine 
et  au  Luxembourg.  —  Dans  la  séance  du  18,  M.  le  président  a  communiqué 
une  note  de  M.  Fernique,  adressée  par  le  directeur  de  l'Ecole  française  de 
Rome,  sur  les  fouilles  de  Palestrina.  M.  Heuzey  a  présenté  des  observations 
sur  des  bronzes  archaïques  de  la  collection  de  M.  Caropanos.  —  Dans  la 
séance  du  25,  M.  Heuzey  a  présenté  quelques  observations  sur  un  vase 
sacré  du  sanctuaire  de  Dodone.  M.  Max.  Deloche  a  continué  la  lecture  de 
son  mémoire  sur  les  invasions  des  Gaulois  en  Italie.  M.  Pavet  de  Courteille 
a  lu  une  note  de  M.  Dabry  de  Thiersant,  consul  de  France  en  Chine,  sur  la 
religion  deTamo.  M.  E.  Revillout  a  lu  la  première  partie  d'une  étude  sur  la 
loi  de  «  bebaiosis  ». 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  Dans 
la  séance  du  5  janvier,  .MM.  Nourrisson,  Cb.  Giraud,  Hippolyte  et  Frédéric 
Passy  ont  présenté  plusieurs  ouvrages  olferts  à  l'Académie  et  dont  ils  ont 
fait  l'analyse.  —  Dans  les  séances  du  12  et  du  17,  M.  Félix  Rocquain  a 
achevé  la  lecture  de  son  travail  sur  le  parti  des  philosophes.  —  Dans  la 
séance  du  12,  M.  Berlhold  Zeller  a  achevé  la  lecture  de  son  mémoire  sur  la 
dernière  année  du  duc  et  connétable  de  Luynes.  —  Dans  la  séance  du  26, 
M.  Paul  Janet  a  analysé  un  mémoire  adressé  à  l'Académie   par  M.  Boussi- 


—  182  — 

nesy,  professeur  à  la  faculté  des  sciences  de  Lille,  sur  la  conciliation  du  véri- 
table déterminisme  physiologique  avec  la  vie  et  la  liberté  morale.  M.  Bau- 
drillart  a  commencé  la  lecture  d'un  rapport  sur  l'état  moral,  intellectuel  et 
matériel  des  populations  agricoles  (Normandie),  résultat  d'une  enquête  dont 
il  avait  été  chargé  par  l'Académie,  en  remplacement  de  M.  Louis  Reybaud. 

Une  fête  latine  a  Montpellier.  —  Des  concours  internationaux  auront  lieu 
à  Montpellier,  le  mardi  de  Pâques,  à  l'occasion  d'un  grand  prix,  le  Chant 
des  Latins^  fondé  et  donné  à  la  Société  des  langues  romanes  par  M.  de  Quin- 
tana,  aujourd'hui  député  aux  Cortès  et  commissaire  du  gouvernement  espa- 
gnol à  l'Exposition  universelle  de  Paris.  Il  s'agirait  d'un  chant  de  race  pou- 
vant, au  moyen  de  traductions  sur  le  même  rhythme,  devenir  commun  à 
tous  les  peuples  qui  parlent  un  idiome  dérivé  de  l'ancienne  langue  de  Rome. 

Un  Comité,  composé  de  membres  de  la  Société  des  langes  romanes  et  des 
autres  associations  qui  ont  décidé  de  faire  coïncider  leurs  réunions  avec 
celles  du  concours  du  Chant  des  Latins,  prépare,  sous  la  présidence  de 
M.  de  Tourtoulon,  le  programme  des  fêtes. 

La  Société  des  langues  romanes  décernera  des  prix  aux  meilleurs  travaux  phi- 
lologiques sur  les  idiomes  néo-latias,  ainsi  qu'aux  meilleures  pièces  de  poésie 
(poëme,  drame,  comédie,  ode,  sonnet,  etc.)  et  de  prose  (histoire,  roman, 
nouvelle,  recueil  de  contes  et  de  narrations,  etc.)  en  langue  d'oc,  ancienne 
ou  moderne.  Tous  les  dialectes  du  midi  de  la  France,  sont  admis  à  con- 
courir. Les  manuscrits  devront  être  adressés  /"ranco, avant  le  1*' avril  1878, terme 
de  rigueur,  au  Secrétaire  de  la  Société  des  langues  romanes,  à  Montpellier. 
Les  travaux  inédits  seront  seuls  admis  à  concourir;  toutefois  les  prix  de  la 
section  de  philologie  pourront  être  attribués  à  des  ouvrages  imprimés  du 
i"  janvier  1875  au  i"  avril  1878. 

La  Revue  de  philologie,  de  littérature  et  d'histoire  ancienne.  —  La 
plupart  des  monuments  de  l'art  antique,  qui  nous  ont  été  conservés,  ont 
eu  gravement  à  souffrir  des  injures  du  temps  et  des  hommes.  Depuis  peu, 
on  a  pris  l'habitude  de  les  laisser  tels  quels,  et  les  musées  commencent  à  se 
remplir  de  fragments  de  statues,  que  l'on  se  contente  de  nettoyer  et  de  placer 
dans  un  bon  jour,san£slnquiéter  de  remettre  les  nez, les  bras, les  jambes  qui 
manquent.  Autrefois  il  n'en  était  pas  ainsi  :  on  restaurait.  Il  y  a  telle 
statue  célèbre,  que  l'on  a  fabriquée  de  toutes  pièces  avec  une  tête  de  femme, 
un  buste  d'homme  et  des  membres  empruntés  à  tous  les  personnages  ima- 
ginables. Le  tout,  bien  gratté,  ne  manque  pas  de  faire  «  esbaudir  »  les  dilet- 
tanti.  Un  admirateur  sérieux  a,  dans  ces  cas-là,  pour  premier  devoir  de 
s'informer  de  l'autheuticité  et  de  l'état  de  conservation  de  ce  qu'il 
admire. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  les  auteurs  classiques,  monuments,  eux  aussi,  de  ' 
l'art  ancien,  aient  échappé  au  sort  commun.  Beaucoup,  hélas  !  nous  ont 
été  enviés  par  le  temps  ;  ce  qui  en  reste  a  reçu  plus  d'un  accroc,  à  travers 
les  longs  et  rudes  sentiers  du  moyen  âge  ;  en  certain  cas,  le  plomb  vil  s'est 
glissé  sous  la  même  étiquette  que  l'or  pur,  comme  on  voit  à  Rome  des 
colonnes  de  faible  style  porter  sur  leur  socle  les  noms  de  Phidias  et  de  Praxi- 
tèle. A  la  renaissance,  on  en  fit  un  triage  sommaire  et  un  nettoyage  un  peu 
préciiiité  ;  la  patrie  des  Etienne  et  des  Saumaise  s'honora  dans  ces  difticiles 
travaux;  mais,  depuis  longtemps,  on  s'imagine  trop  que  la  besogne  est  finie 
et  que  l'on  peut  se  livrer  tranquille  aux  douces  joies  de  la  contemplation 
littéraire.  Les  Allemands,  secouant  ce  charme  aussi  trompeur  que  délicieux, 
nous  ont  laissés  à  notre  dilettantisme  et  se  sont  replacés  franchement  dans 
la  tradition   érudite  du   seizième    siècle.  D'un   autre   côté,  l'archéolagie  est 


1 


—  483  — 

venue,  qui  a  fait  revivre  sous  nos  yeux  ce  monde  antique  sur  lequel  les 
œuvres  littéraires  ne  nous  donnaient  que  des  échappées  de  vue  trop  incomplètes 
On  a  bien  vite  compris  que  ce  serait  s'exposer  à  mal  comprendre  et,  partant, 
à  mal  admirer,  à  mal  aimer  Homère,  SophGcle,Démostliènes,  PJaute,  Virgile, 
Tite-Live,  si  on  persistait  à  les  isoler  du  monde  au  milieu  duquel  ils  ont 
vécu  et  à  ne  chercher  en  eux  que  les  traits  par  où  ils  nous  ressemblent  et 
ressemblent  aux  hommes  de  tous  les  temps. 

L'éducation  littéraire  du  professeur  d'abord,  de  l'élève  aussi,  bien  qu'in- 
directement, doit  donc  désormais  compter  une  initiation  •  {"à  la  critique  d'au- 
thenticité qui  apprend  à  distinguer  les  œuvres  sincères  des  imitations  ou 
suppléments  apocryphe?  ;  2*  à  la  critique  verbale,  c'est-dire  aux  eiforts  tentés 
dans  tout  le  monie  savant  pour  reconstituer  à  l'aide  des  manuscrits  et  de 
laconjecture  les  textes  qui  nous  sont  pirvenns  plus  ou  moins  altérés  ;  3° 
auci  procédés  généraux  du  commentaire^  par  la  comparaison  des  textes  du 
même  auteur  ou  d'auteurs  contemporains,  par  les  rapprochements  des  monu- 
ments épigraphiques  ou  figurés  qui  peuvent  apporter  quelque  lumièt-e  à 
l'interprétation. 

L'enseignement  universitaire  avait  mis  ces  éludes  de  côté  ;  elles  ont  trouvé 
dans  l'École  des  hautesétudes  de  la  Sorbonne  un  sanctuaire  où  pour  le  bien 
général  de  la  science  fr.mçaise,  on  doit  souhaiter  de  voir  afUuer  les  aleptes. 
D'excellents  travaux  en  sont  déjà  sortis.  Plusieurs  maîtres  de  la  section  de 
philologia  et  d'histoire  ont  fondé  cet'.e  année  la  Revue  de  'philologie^ 
de  littérature  et  d'histoire  ancieniie.  Les  noms  de  MM.  Tournier,  Graux 
et  L.  Havet  (ne  pas  confondre  avec  M.  Ernest  Havet,  auteur  de  livres 
antichréliens),  directeurs  de  la  Revue,  ceux  de  MM.  Weil,  Foucart, 
Thurot,  Benoist,  Desjardins,  Quicherat,  qui  figurent  au  bas  d'importants 
articles,  suftisent  à  montrer  que  l'œuvre  est  entre  les  mains  les  plus 
autorisées.  Nous  ne  pouvons  entrer  dans  le  détail  des  articles  que  comprend 
ce  premier  volume.  Le  quatrième  fascicule  (la  Revue  est  trimestrielle)  com- 
prend à  lui  seul  plus  de  300  pages  entièrement  consacrées  à  un  dépouille- 
ment de  tous  les  travaux  relatifs  à  la  philologie,  à  l'histoire  ancienne  à 
l'archéologie  qui  ont  paru  l'année  dernière  dans  toutes  les  revues  d'Europe. 
C'est  un  travail  prodigieux,  qui  n'a  rien  d'analogue,  pas  même  en  Allemagne. 
Les  travailleurs,  auxquels  de  longues  et  pénibles  recherches  sont  ainsi  épar- 
gnées, béniront  les  courageux  éditeurs,  et  particulièrement  M.  Ch.  Graux; 
mais  qu'ils  seront  loin  de  se  faire  une  idée  du  travail  dépensé  dans  ce^gigan- 
tesque  compte  rendu  ! 

Espérons  que  cette  œuvre  sérieuse  et  française  sera  accueillie  parmi  nous 
comme  elle  mérite  de  l'être.  Le  clergé  ne  s'est  pas  désintéressé  dans  la  fon- 
dation de  l'École  des  hautes  études;  encore  maintenant  plusieurs  ecclésias- 
tiques distingués  y  vont  chercher  une  formation  spéciale  que  ne  saurait 
donner  l'enseignement  des  facultés,  soit  de  l'État,  soit  de  l'Église.  La  nou- 
velle Revue  permettra  aux  professeurs  de  nos  collèges  et  séminaires  de  pro- 
vinces de  profiter,  dans  une  certaine  mesure,  de  l'enseignement  de  la  haute 
école  parisienne  ;  ils  pourront  s'assurer  par  eux-mêmes  de  l'esprit  exclusi- 
vement et  sévèrement  scientifique  qui  préside  à  ses  travaux. — L.  Duchesne. 

—  Le  Bulletin  de  Correspondaxce  hellénique.  —  M.  Albert  Dumont  a 
fondé,  en  1876,  à  l'École  française  d'Athènes,  dont  il  est  le  directeur, 
un  institut  de  correspondance  hellénique.  S'il  est  permis  de  comparer 
une  œuvre  qui  commence  à  un  grand  établissement  de  cinquante  ans  de 
durée,  l'association  athénienne  est  le  pendant  de  l'Institut  de  corres- 
pondance archéologique   fondé  à  Rome  par   les  elTorts  unis   de  la  France 


—  184  — 

et  de  la  Prusse,  au  temps  de  la  Restauration.  Son  but  est  de  recueillir 
les  renseignements  archéologiques  épars  dans  les  publications  périodiques 
d'Orient,  si  peu  répandues  en  Europe,  de  donner  un  centre  et  une  direction 
à  bien  des  elforts  qui  se  perdent  dans  l'activité  à  demi  éclairée  des  petites 
sociétés  scientifiques  du  monde  grec,  et  de  portera  la  connaissance  du  public 
français  les  principaux  résultats  des  fouilles  et  découvertes  qui  s'opèrent 
chaque  jour  sur  ce  sol  si  fertile  en  antiquités.  L'organe  de  l'institut  hellé- 
nique est  le  Bulletin,  dont  la  première  année,  composée  de  huit  fascicules, 
a  paru  tout  entière  (Paris,  E.  Thorin;  Athènes,  Perris,  in-8,  de  416  pages  et 
14  planches). Quelques  articles  rédigés  en  grec,  soit  ancien,  soit  moderne,  don- 
nent à  cette  publication  un  cachet  franco-hellénique  qui  ne  manque  pas  de 
pittoresque.  Les  planches,  exécutées  avec  beaucoup  de  soin,  charmeront  plus 
d'un  amateur;  mais  il  va  sans  dire  que  le  fond  prime  la  forme,  si  soignée 
qu'elle  puisse  être,  même  dans  la  simple  exécution  typographique. 

Le  philologue  y  trouve  des  scholies  nouvelles  sur  Eschine  et  Démosthène% 
avec  plusieurs  fragments  inédits  d'orateurs  attiques,  de  bonnes  corrections 
de  textes  classiques,  même  de  sages  observations  sur  le  grec  byzantin. 
L'archéologue  s'intéressera  aux  fouillestout  récemment  exécutées  sur  l'empla- 
cement des  sanctuaires  célèbres  de  Délos  et  de  Dodone,  à  celles  qui  se  con- 
tinuent encore  sur  le  versant  de  l'Acropole  d'Athènes  ;  on  sait  que  ces  der- 
nières ont  rendu  un  nombre  prodigieux  d'inscriptions  importantes, notamment 
un  traité  sommairement  indiquépar  Thucydide  ;  de  dédicaces, une  statue  consa- 
crée par  un  des  fils  de  Pisistrate  et  déchifirée,  il  y  a  vingt-trois  siècles,  par 
le  grand  historien  athénien;  un  petit  poëme  de  Sophocle,  absolument  iné- 
dit. L'épigraphie  n'est  pas  seulement  représentée  par  les  inscriptions  nou- 
vellement découvertes  ;  les  manuscrits  de  Cyriaque  d'Ancône,  conservés  à 
Rome  et  à  Florence,  en  ont  rendu  un  grand  nombre  que  le  célèbre  voya- 
geur pouvait  lire  encore  dans  les  dernières  années  de  l'empire  byzantin  et 
qui  maintenant  ont  disparu.  L'archéologie  figurée,  la  numismatique  ne  sont 
pas  moins  bien  représentées;  la  bibliographie  a  aussi  sa  place.  Parmi  les 
livres  analysés,  je  remarque  la  grande  collection  d'hymnes  grecs  nouvelle- 
ment publiée  par  le  cardinal  Pitra.  11  y  a  môme  des  récits  de  voyages,  de 
voyages  archéologiques  bien  entendu. 

La  science  des  antiquités  religieuses  est  redevable  à  ce  recueil,  d'abord 
d'une  inscription  relative  au  célèbre  Héliodore  du  livre  des  Machabées,  d'une 
inscription  chrétienne  d'Egypte,  intéressante  au  plus  haut  degré  à  cause  de 
ses  formules  liturgiques,  enfin  du  recueil  des  inscriptions  chrétiennes  de 
l'Attique,  publiées,  avec  fac-similé  et  commentaires,  par  M.  Ch.  Bayet. 

La  rédaction  de  cet  utile  recueil  est  naturellement  placée  sous  la  direction 
de  M.  Dumont.  Les  noms  des  membres  de  l'École  française  s'y  rencontrent 
avec  ceux  des  savants  les  plus  autorisés  du  monde  hellénique.  Des  articles 
signés  Egger  et  Foucart  achèvent  de  donner  à  cette  œuvre  une  recomm»an- 
dation  scientifique  qui  la  classe  au  premier  rang  de  nos  publications  sa- 
vantes. —  L.  DOCHESNE. 

Cours  d'histoire  DE  France  a  l'Université  catholique  de  Parts, —  Au  mois 
de  novembre  dernier,  M .  Lecoy  de  La  Marche,  archiviste-paléographe,  deux 
fois  lauréat  de  l'Institut  pour  ses  ouvrages  sur  la  Chaire  française  au  moyen 
âge  et  sur  ieRoi  René  d'Anjou,  a  inauguré  son  cours  d'histoire  de  France  à 
l'Université  catliolique  de  Paris.  Dans  sa  leçon  d'ouverture,  qu'il  vient  de 
publier  (Paris,  Poussielgue,  in-8  de  31  p.),  le  savant  professeur  a  exposé 
l'origine  antique  et  sacrée  du  sentiment  de  l'amour  de  la  pairie;  il  a  montré 


—  18o  — 

arec  un  rare  talent  comment  le  poganisme  comprenai  l'hisloire  nationale, 
et  comment  le  christianisme,  en  renouvelant  la  face  du  monde, a  transformé 
et  ennobli  l'idée  de  la  patrie.  Comparant  les  historiens  de  l'antiquité  avec 
les  chroniqueurs  du  moyen  âge,  M.  Lecoy  de  La  Marche  a  passé  successive- 
ment en  revue  Eginhard,  Suger,  Orderic  Vital,  Viilehardouin,  Joinville, 
Froissart,  Monstrelet,  Commines.  11  s'est  peu  arrêté  sur  le  mouvement  intel- 
lectuel de  la  renaissance,  qui  ne  fut  pas  favorable  à  l'étude  du  passé  de  la 
France  ;  mais,  arrivant  au  dix-septième  siècle,  il  a  jeté  un  regard  d'ensemble 
sur  les  grandes  collections  des  bénédictins,  puis  il  a  analysé  rapidement  les 
travaux  d'érudition  qui  se  sont  produits  de  nos  jours  sur  le  moyen  âge. 
Dans  la  seconde  partie  de  cette  leçon,  M.  Lecoy  de  La  Marche  a  exposé  le 
plan  de  son  enseignement.  11  se  propose  d'étudier  spécialement  le  règne  de 
saint  Louis,  la  période  de  splendeur  du  moyen  âge,  L'Eglise,  la  royauté,  la 
noblesse  et  la  chevalerie,  la  bourgeoisie  et  les  classes  populaires  sont  les 
acteurs  de  ce  drame  ;  le  professeur  exposera  leur  rôle,  surtout  an  point  de  vue 
social,  car  il  bannit  avec  raison  ce  qu'on  a  appelé  l'hisloire-bataille.  Chaque 
semaine  une  leçon  sera  consacrée  à  l'explication  et  au  comnjentaire  des 
sources  historiques  du  règne  de  saint  Louis:  Joinville,  Geoffroi  de  Beaulieu, 
Guillaume  de  Chartres,  le  confesseur  de  la  reine  Marguerite.  Ce  cours,  qui 
se  rapproche  ainsi  de  la  méthode  d'érudition  de  l'École  des  chartes,  sera 
certainement  un  des  plus  originaux  de  l'Université  Catholique.  C'est  par  de 
telles  créations  que  l'enseignement  libre  sortira  de  l'ornière  universitaire,  et, 
dans  ces  voies  nouvelles  et  presque  inexplorées,  l'Université  catholique  de  Paris 
ne  pouvait  choisir  un  meilleur  guide  que  M.  Lecoy  de  La  Marche.  —  Er.  B. 

La  Bibliothèque  de  l'Université  d'IIarvard. — Nous  recevons  des  États-Unis 
le  rapport  annuel  de  l'Université  d'Harvard,  une  des  principales  de  ce  pays. 
A  ce  rapport  est  annexé  un  bulletin  périodique  indiquant  les  progrès  de  la 
bibliothèque  à  l'usage  du  personnel  de  l'université,  tant  élèves  que  professeurs. 
Ce  document  est  curieux  en  ce  qu'il  montre  les  ressources  mise,  aux  États- 
Unis,  à  la  disposition  des  professeurs  et  des  étudiants  pour  leurs  travaux  et 
leurs  études. 

La  collection  se  compose  de  230,000  volumes;  elle  se  divise  en  plusieurs  biblio- 
thèques, consacrées,  l'une  à  la  jurisprudence  l'autre  à  la  médecine,  une  autre 
aux  sciences,  une  quatrième  à  la  théologie,  une  cinquième  à  la  zoologie,  une 
sixième  à  la  botanique,  une  septième  à  l'iistronomie,  etc.  En  182o,  le  fonds 
pour  achat  de  livres  et  pour  reliures  n'était  que  de  'ôoO  dollars  (le  dollar  vaut 
5  fr.)  par  an  ;  il  est  aujourd'hui  équivalent  à  la  rente  produite  par  un  capi- 
tal de  170,000  dollars  (8o0,000  fr.)  et  ce  capital  ne  cesse  de  s'accroître. 

Il  y  a  là  une  bibliothèque  centrale  composée  de  164,000  volumes, à  laquelle 
ressortissant  les  bibliothèques  spéciales  dont  nous  venons  de  parler .  Il  est 
question  actuellement  de  rendre  cette  organisation  plus  compacte  encore 
dans  l'intérêt  des  élèves  et  des  professeurs,  et  d'installer  des  téléphones  de 
l'établissement  central  aux  extrémités, comme  il  a  déjà  été  pratiqué  à  Boston 
entre  la  bibliothèque  de  la  ville  et  ses  succursales,  et  cela  par  les  soins  de 
M.  Justin  Winsor,  dirigeant  alors  les  bibhothèques  de  Boston  et  appelé 
depuis  à  la  direction  de  Finportante  et  riche  bibliothèque  de  l'Université 
d'Harvard.— (7ot<r?îrt/  Officiel) . 

Une  rectification  d'histoire  littéraire.  Le  Portefeuille  df.  M.  L.-D.  F****- 
—  M.  le  docteur  Desbarreaux-Bernard  vient  de  publier  une  brochure,  tirée 
à  130  exemplaires  numérotés  à  la  presse,  impi'imée  en  beaux  caractères  sur 
papier  fil  des  Vosges  fabriqué  à  la  main,  intitulée  :  Le  Portefeuille  de 
Monsieur  L.-D.  F****,  altribué  à  Germain  de  Lafaille,  auteur  des  A7inales 
de  Toulouse  (Toulouse,   Edouard   Privât,  1877,  grand   in-8   de   49  pages). 


—  186  — 

Barbier  (Dictionnaire  des  anonymes)  a  cru  devoir,  on  ne  sait  pourquoi, 
donner  à  l'historien  Lafaille  (et  non  La  Faille)  la  paternité  d'un  bouquin, 
devenu  rare,  et  qui  est  le  premier  livre  que  l'on  ait  imprimé  à  Carpentras  : 
Le  Portefeuille  de  M.  L.-D.F****,  etc.  (1694,  petit  in-12).  Les  bibliographes,  à 
la  suite,  comme  le  remarque  le  savant  docteur,  ont  juré  par  le  maître,  et 
l'ont  tous  copié,  M.  Desbarreaux-Bernard  donne  du  Portefeuille  une  analyse 
fort  détaillée,  de  laquelle  il  résulte  que  le  recueil  ne  renferme  pas  un  seul 
mot  de  l'annaliste  toulousain.  Cette  analyse^des  plus  spirituelles  et  des  plus 
agréables,  ne  nous  apprend  pas  seulement  qu'il  faut  renoncer  à  regarder 
Lafaille  comme  Va,uieur  dn  Portefeuille  :  ledoyendes  bibliophilesméridionaux, 
qui  conserve,  à  quatre-vingts  ans,  toute  la  mémoire,  comme  toute  la  verve 
de  ses  jeunes  années,  nous  donne,  chemin  faisant,  bien  des  renseignements 
curieux, notamment  (p.  10-17)  sur  un  personnage  célèbre  du  dix-septième  siècle 
qu'ont  négligé  toutes  les  biographies,  M.  Miton  ou  Mitton,  dont  il  est  question 
dans  les  Historiettes  de  Tallemant  des  Réaux,  dans  la  Muse  historique  de 
Loret,  dans  le  Mena^mna, dans  les  Lettres  de  Bussy-Rabutin,  dans  les  Pensées 
de  Pascal,  dans  les  OEuvres  du  chevalier  de  Meré,  dans  la  Correspondance  de 
Mathieu  Marais  avec  le  président  Bouhier,  dans  les  Mémoires  du  P.  Rapin, 
dans  le  Port-Royal  de  M.  Saint-Beuve,  etc.  Parmi  les  choses  piquantes  qui 
abondent  dans  l'analyse  du  Portefeuille,  et  qui  concernent  Etienne  Pavillon, 
Chaulieu,  Chapelle,  M°°  Deshoulières,  Racine,  Boileau,  le  chevalier  de  Saint- 
Gilles,  etc.,  on  remarquera  (p.  18-19)  un  portrait  satirique  de  Turenne,  tiré, 
dit-on,  du  cabinet  de  Saint-Evremond,  mais  qui  n'a  pas  été  inséré  dans  ses 
OEuvres,  et  que.  comme  M.  Desbarreaux-Bernard,je  ne  crois  pas  authentique. 
J'en  ai  dit  assez,  je  l'espère,  pour  inspirer  aux  bibliophiles  le  désir  dépos- 
séder une  brochure  qui,  à  tous  égards,  est  un  si  friand  morceau. —  T.  de  L. 

Une  fée  Mélusine  au  Dauphiné  —  Le  Polybiblion  a  parlé  (t.  XX,  p.  453) 
d'une  Mélusine  normande  qu'il  compare  à  la  Mélusine  du  Poitou  et  des  Lusi- 
gnan.  Mais  c'est  le  Dauphiné  qui  oifre  la  reproduction  la  plus  exacte  de 
cette  étrange  et  mélancolique  légende.  L'illustre  famille  dauphinoise  des 
Sassenage  prétendait  tirer  son  origine  d'une  fée,  nommée  aussi  Mélusine, 
épouse  d'un  baron  de  Sassenage  auquel  elle  avait  fait  promettre,  en  lui 
accordant  sa  main,  de  la  laisser  libre  de  s'enfermer  dans  son  boudoir  chaque 
vendredi  et  de  ne  jamais  pénétrer  auprès  d'elle  ce  jour-là. 

L'union  fut  charmante  et  féconde;  mais,  au  bout  de  quelques  années,  le  sei- 
gneur de  Sassenage  s'irrita  de  ce  mystère,  et,  après  avoir  vainement  prié  sa 

femme  de  lui  révéler  ce  secret,  brisa,  un  vendredi,  la  porte  du  boudoir 

il  aperçut  Mélusine  transformée  en  sirène,  avec  une  immense  queue  de  ser- 
pent, et  se  livrant  à  des  études  de  magie.  A  la  vue  de  son  mari,  la  fée 
poussa  un  grand  cri,  s'onfuit  par  la  fenêtre,  et  se  réfugia  dans  de  vastes 
grottes,  situées  en  face  du  château  de  l'autre  côté  du  torrent  du  Furon. 
On  ne  la  revit  plus;  mais,  durant  plus  de  mille  ans,  quand  un  Sassenage 
devait  mourir,  on  entendait  le  soir  les  cris  de  douleur  de  Mélusine  retentir 
au  fond  des  grottes,  annonçant  une  catastrophe. 

C'est  en  mémoire  de  cette  tradition  que  le  château  moderne  de  Sas- 
senage porte  à  son  fronton  deux  sirènes  à  queues  de  serpent,  soutenant  les 
armes  de  Sassenage  et  de  Bérenger.  Au-dessus  du  bourg  de  Sassenage,  on 
voit  encore,  suspendue  au-dessus  du  torrent  du  Furon,  une  demeure  du 
seizième  siècle,  seul  reste  du  château  primitif  des  Sassenage,  théâtre  de  la 
légende  de  Mélusine.  A  l'intérieur,  un  fragment  de  mur  garde  encore  une 
fenêtre  ogivale  du  treizième  siècle,  marquant,  dit-on,  les  restes  de  la  cham- 


V 


—  187  — 

bre  où  vint  au  monde  saint  Ismidon,  prince  de  Royans^  l'une  des  gloires  de 
la  maison  de  Sassenage. 

En  face,  sur  l'autre  bord  du  torrent,  les  grottes  de  Sassenage,  l'une  des 
merveilles  du  Dauphiné,  ouvrent  encore  à  l'explorateur  leur  curieux  mais 
dangereux  labyrinthe,  d'où  le  Furon  se  précipite  en  mugissant.  —  A.  G. 

La  Gazette  russe  de  Saint-Pétersbourg.  —  Au  commencement  de  ce 
mois,  la  Gazette  russe  de  Saint-Pétersbourg  a  célébré  le  150«  anniversaire  de 
son  existence.  Le  journal  dont  nous  parlons  est  le  premier  rédigé  en  russe 
qui  ait  paru  dans  l'empire  sous  une  forme  périodique.  Dans  le  numéro 
qu'a  publié  à  cette  occasion  le  journal  actuel,  il  est  dit  qu'il  existait  déjà 
auparavant  en  Russie  une  sorte  de  journal  portant  le  nom  de  Gazette  russe 
(Russkija  Wedemosti).  Ce  qui  est  curieux  à  savoir,  c'est  que  cette  feuille 
avait  été  fondée  en  1703,  par  Pierre  le  Grand  lui-même,  qui,  pendant  long- 
temps, en  fut  le  principal  rédactfur  ;  il  ne  dédaignait  pas  d'en  corriger  les 
épreuves  de  sa  propre  main,  la  plupart  du  temps. 

Le  journal  dirigé  par  Pierre  le  Grand  paraissait  très-irrégulièrernent  par 
numéros  de  2  à  7  feuilles,  d'un  petit  format,  chaque  numéro  avec  un  titre 
particulier,  comme  on  peut  aussi  remarquer  en  d'autres  gazettes  pubUées 
à  cette  époque,  dans  différents  pays.  En  1703,  il  parut  en  tout  39  numéros. 
L'année  suivante,  le  journal  prit  un  nouveau  titre  fort  allongé. 

Cette  feuille  contenait  surtout  des  nouvelles  de  l'étranger  ;  les  nouvelles 
indigènes  étaient  fort  rares.  On  peut  observer  le  môme  fait  dans  l'ancienne 
Gazette,  publiée  en  France  au  dix-septième  siècle  par  Renaudot.  Dans  la 
Gazette  russe  de  Pierre  le  Grand,  on  trouve  un  certain  nombre  d'articles  sur 
la  guerre  avec  les  Suédois. 

Jusqu'en  17U,  la  feuille  gagna  toujours  en  importance  :  à  partir  de  cette 
date,  elle  parut  tantôt  à  Saint-Pétersbourg,  tantôt  à  Moscou,  puis,  en  1727, 
elle  cessa  de  paraître.  En  1718,  il  n'en  avait  été  publié  qu'un  seul  numéro. 

Quelques  numéros  de  cette  feuille  ayant  vu  le  jour  sous  le  nom  de 
Gazette  de  Saint-Pétershourg  (le  titre  en  russe),  c'est  cette  circonstance  qui  a 
fait  croire  à  plusieurs  personnes  que  le  journal  actuel  avait  été  fondé  en 
1703,  de  même  qu'on  a  voulu  ramener  à  cette  date  la  fondation  de  la  Gazette 
de  Moscou  (Mosk- Wedemosti) . 

Le  journal  qui  vient  de  célébrer  le  jubilé  de  son  150*  anniversaire  a  été 
fondé,  le  2  janvier  (ancien  style)  1728,  par  l'Académie  des  sciences,  laquelle, 
depuis  lors,  n'a  cessé  de  l'éditer  et  de  le  faire  imprimer  par  sa  propre 
imprimerie.  —  (Journal  Officiel.) 

Erreurs  de  la  Revue  des  Deux  Moxdes.  —  La  Revue  dont  il  s'agit,  in- 
dique (on  le  sait)  à  la  3e  page  de  la  couverture  imprimée  de  chacune  de  ses 
livraisons,  une  liste  de  quelques  ouvrages  nouveaux,  avec  de  courtes  appré- 
ciations. Dans  la  livraison  du  1er  décembre, il  est  dit,  à  propos  de  l'édition  des 
Essais  de  Montaigne  publiée  par  le  libraire  Lemerre,  qu'elle  a  été  faite  avec 
le  concours  de  «  M.  Dereimeris,  membre  de  l'Institut.  »  Lisez  Dezeimeris, 
qui  n'est  point  membre  de  l'Institut,  mais  qui  est  un  Bordelais  très  au 
au  fait  de  tout  ce  qui  se  rapporte  à  Montaigne  ;  il  a  prouvé  par  des  travaux 
fort  estimés,  notamment  par  le  savant  commentaire  qu'il  a  joint  à  une 
réimpression  des  oeuvres  de  Pierre  de  Brach,  qu'il  connaît  à  fond  la  litté- 
rature du  seizième  siècle. 

Autre  observation,  mais  portant  sur  un  détail  peu  important.  Dans  une 
notice  sur  Cervantes  (livraison  du  15  décembre),  production  jusqu'ici  inédite 
de  Prosper  Mérimée,  il  est  question  d'un  pastiche  réussi,  du  faire  de  Cer- 
vantes, El  Buscapié,  dont    l'auteur  est   Alphonso  de  Castro  ;  le   véritable 


-  188  — 

prénom  est  Adolfo.  Ce  littérateur  gadetan  s'est  occupé  avec  beaucoup  de 
zèle  de  l'immortel  auteur  de  Don  Quichotte  ;  on  lui  doit^  entre  autres  pu- 
blications, un  volume  fort  intéressant  :  Cervantes ,  varias  obras  inéditas 
sacadas  de  codices  de  lahibliotéca  Colomhina,  con  notas,  Cadix,  1875.  Ajoutons 
que  la  Bibliotéca  Colomhina,  conservée  à  Séville,  est  une  collection  fort  pré- 
cieuse, commencée  par  un  fils  de  Christophe  Colomb. 

U.N  PoEME  ITALIEN  SUR  LuciFER.  —  Lc  pays  de  la  Divine  Comédie  et  de  la 
Jérusalem  délivrée  vient  de  produire  un  poëme  effroyable  dont  Lucifer  est 
le  héros.  La  plupart  des  revues  italiennes  s'occupent  de  cette  œuvre  mons- 
trueuse, dont  l'auteur  est  M.  Mario  Rapisardi.  La  Revista  universale  publie 
sur  Lucifero  un  long  et  éloquent  article  de  M.  Astori.  Ce  n'est  pas  seu- 
lement la  plus  téméraire  impiété  qui  règne  dans  ce  livre  dépravé,  c'est 
ainsi  le  dévergondage  le  pluséhonté.  Tout  est  méprisé  dans  Z/Wa/e^o,  la 
pudeur,  l'histoire,  la  religion,  les  traditions.  Dans  cette  conception  désor- 
donnée, les  dernières  épreuves  de  la  France  jouent  un  rôle.  La  guerre 
contre  la  Prusse,  la  guerre  civile  y  sont  racontées;  et  cette  fois,  emporté 
par  la  vérité,  l'auteur  semble  donner  à  son  héros  son  véritable  rôle  :  Lucifer 
s'éloigne  de  Paris  certissimo  del  sua  trionfo. 

Annaes  da  bibliotheca  nacional  de  Rio  de  Janeiro.  —  Tel  est  le  titre  d'une 
importante  revue  dont  nous  avons  reçu  deux  amples  livraisons,  formant  un 
volume  de  390  pages  grand  in-8.  Les  rédacteurs  de  ce  beau  recueil  se  sont 
proposés  de  faire  connaître  toutes  les  recherches  littéraires  enfouies  à  la 
bibliothèque  nationale  de  Rio  de  Janeiro,  tant  livres  que  manuscrits, 
cartes  et  estampes  :  de  nombreuses  études  biographiques  et  biblio- 
graphiques accompagnent  ces  intéressantes  publications.  Le  volume  que 
nous  avons  sous  les  yeux  contient,  entre  autres  articles,  les  morceaux  sui- 
vants :  Diego  Barbosa  Machado,  par  Ramiz  Galvâo  ;  Jase  de  Andeieta  par 
Teixera  de  Melo  ;  la  colleccion  Carmoneana  par  Joâo  de  Saldanho  du  Gamo  ; 
Notice  sur  les  œuvres  manuscrites  et  inédites  relatives  aux  voyages  de  Ferreira, 
par  de  Valle  Cabrai  ;  un  paleotypc  espagnol,  par  Fernandeo  d'Oliveiro. 
Parmi  les  variétés  nous  avons  remarqué  une  lettre  inédite  de  laCondamine. 
Nous  engageons  les  rédacteurs  des  Annaes  à  surveiller  plus  attentivement 
l'impression  des  documents  en  langues  étrangères;  il  est  évident  que  cette 
lettre  a  été  reproduite  d'une  manière  très-inexacte.  Nous  espérons  que  ce 
beau  recueil  aura  continué  à  paraître,  et  nous  tiendrons  nos  lecteurs  au 
courant  des  nouvelles  livraisons  qui  ont  dû  s'ajouter  à  celles  dont  nous 
venons  de  dire  un  mot. 

Le  Contrat  de  mariage  de  Racan.  —  M.  l'abbé  Esnault  vient  de  publier 
sous  ce  titre  :  Contrat  de  mariage  de  Honorât  de  Beuil  de  Racan,  document 
inédit  (Le  Mans,  Pellechat,  1877,  in-8  de  16p.,  extrait  de  la  Revue  historique 
et  archéologique  du  Maine),  avec  une  excellente  introduction,  le  contrat  de 
mariage  de  Racan.  Ce  n'est  pas  seulement  un  document  précieux  pour  l'his- 
toire littéraire;  de  grands  enseignements  s'en  dégagent  au  point  de  vue  de 
l'histoire  de  la  constitution  de  la  famille.  Il  est  intéressant  de  suivre,  au 
milieu  des  clauses  diverses  de  cet  acte,  les  précautions  prises  par  le  père 
de  famille  pour  assurer  la  conservation  du  patrimoine  dans  les  mains  des 
siens.  M.  l'abbé  Esnault  mérite  à  la  fois  les  remerciments  des  lettrés  et  ceux 
des  hommes  qui  pensent  qu'on  doit  chercher,  dans  l'étude  des  traditions 
domestiques  du  passé,  les  éléments  d'une  réforme  des  mœurs  actuelles. 

Une  encyclopédie  chinoise.  —  Nous  avons  déjà  parlé  d'une  vaste  encyclo- 
pédie chinoise  dont,  malgré  son  extrême  rareté,  un  exemplaire  s'est  trouvé 
disponible, et  dont  on  espérait  que  le  British  Muséum  pourrait  faire  l'acqui- 


—  18!)  - 

sition.  Cette  espérance  vient  de  se  réaliser,  et  le  département  auquel  préside 
le  professeur  Douglas  est  maintenant  en  possession  de  cette  oeuvre  colossale. 

Cette  encyclopédie  de  littérature,  dont  les  administrateurs  du  British  Mu- 
sewn,  par  une  heureuse  chance,  viennent  d'acquérir  un  exemplaire  de  Yecli- 
tio  princeps,  a  pour  titre  :  Koo  Kin  too  shoo  tseih  ching,  ce  qui  veut  dire  : 
Collection  complète  de  livres  anciens  et  modernes,  avec  illustrations. 

Pendant  le  règne  de  l'empereur  Kang-he  (1661-1721),  ce  monarque,  à  rai- 
son des  altérations  graduelles  qui  s'introduisaient  dans  les  ouvrages  les  plus 
importants,  jugea  nécessaire  d'en  faire  une  l'éimpression  d'après  les  an- 
ciennes éditions.  Dans  ce  but,  il  nomma  une  commission  chargée  de  com- 
prendre, dans  une  immense  collection,  les  réimpressions  de  tous  les  ouvrages 
qui  méritaient  d'être  conservés. 

Pour  cette  entreprise,  un  assortiment  complet  de  caractères  de  cuivre  fut 
fondu,  et,  quand  les  commissaires  eurent  terminé  leur  œuvre,  ils  purent 
mettre  sous  les  yeux  de  l'empereur  une  preuve  palpable  de  leur  diligence 
sous  la  forme  d'une  compilation  de  6,109  volumes. 

Le  contenu  est  divisé  en  trente- quatre  parties,  qui  embrassent  des  ouvrages 
relatifs  à  tous  les  sujets  de  la  littérature  nationale.  Il  n'en  fut  d'abord  tiré 
qu'un  nombre  restreint  d'exemplaires,  et,  peu  après,  le  gouvernement,  cédant 
aux  nécessités  d'une  crise  monétaire,  fit  fondre  et  transformer  en  monnaie 
tous  les  caractères  de  cuivre.  C'est  ainsi  qu'il  n'existe  qu'un  très-petit  nombre 
d'exemplaires  de  la  première  édition.  Il  est  extrêmement  rare  d'en  voir  un 
qui  soit  en  vente  ;  cela  est  pourtant  arrivé  à  Pékin  pour  celui  que  le  British 
Muséum  vient  d'acheter.  —  {Journal  officiel.) 

—  A  Londres  vient  de  paraître  un  catalogue  monstre  de  librairie,  lequel 
catalogue  ne  pèse  pas  moins  de  7  livres  anglaises,et  pour  lequel  il  a  été  em- 
ployé 15,000  kilogrammes  de  papier.  Ce  catalogue,  édité  par  la  maison  qui 
fait  paraître  le  BookseUer,  ou  journal  de  la  librairie  anglaise,  est  destiné  à 
servir  de  vade-mecum  pour  le  commerce.  On  y  a  réuni  environ  loO  cata- 
logues particuliers  des  éditeurs  anglais  et  américains  les  plus  importants. 
C'est  un  total  de  40,000  titres  de  livres.  Aucune  production  de  la  littérature 
moderne  ne  manque  dans  ce  répertoire.  Bien  que  tiré  à  4,000  exemplaires, 
l'ouvrage  est  déjà  presque  épuisé. 

—  D'après  une  statistique  officielle  qui  vient  de  paraître,  il  se  publie  ac- 
tuellement, dans  le  Royaume-Uni,  loi  journaux  quotidiens;  on  n'en  comp- 
tait que  149  en  1876.  Cesjjournaux  se  répartissent  de  la  manière  suivante  : 
Londres,  20;  province,  89;  pays  de  Galles,  2;  Irlande,  19;  Jersey,  1. — 
83  paraissent  le  matin  et  68  le  soir. 

—  La  séance  entière  de  l'Académie  du  jeudi  31  janvier,  a  été  consacrée  à 
la  lecture,  par  M.  le  duc  de  Broglie,  de  fragments  de  ses  Mémoires  de  fa- 
mille. Cette  lecture,  qui  a  vivement  intéressé  l'assemblée,  a  été  continuée 
dans  la  séance  suivante. 

— L'Union  des  œuvres  ouvrières  catholiques  avait  mis  au  concours, pour  1877, 
un  catalogue  de  livres  pour  la  formation  des  bibliothèques  populaires.  Le 
travail  qui  a  obtenu  le  prix  du  concours  Doudeauville,  au  congrès  du  Puy, 
vient  d'être  publié,  avec  les  relouches  demandées  parla  commission  d'examen. 
Il  a  pour  titre  :  Catalogue  de  bibliothèques  populaires,  —  Paroisses,  —  Cercles,  — 
Patronages,  —  Associations,  —  Confréries,  —  Romanes,  —  Jeunes  gens,  — 
Enfants,  —  Femmes,  —  Jeunes  filles  (in-8  de  156  p.),  et  se  trouve  au  Secré- 
tariat de  l'Union  des  œuvres,  32,  rue  de  Verneuil,  et  de  l'Œuvre  de  Saint- 
François  de  Sales,  11  ftù, passage  Sainte-Marie.  Il  comprend  huit  divisions: 
Religion  et  morale;  —  Histoire  et  bibliographie  ;  —  Vie  de  saints  et  person- 


—  190  — 

nages  pieux;  —Missions,  voyages  et  géOjirapliie;  — Romans  et  nouvelles; 
—  Arts,  sciences,  industrie,  agriculture;  —  Publications  et  journaux  pério- 
diques; —  Opuscules  et  tracts  de  propagande;  —  Manuels  et  livres  de  piélé. 
Ce  catalogue  contient  3,244  numéros  pour  les  livres  seulement,  avec  les  indi- 
cations de  titre,  format,  éditeur,  prix,  etc.,  et  un  signe  pour  marquer  à  quelle 
classe  de  lecteurs  chacun  convient  plus  spécialement. 

—  Nous  recevons  de  Madrid  la  Resena  historica  del  colegio-universitad  de 
San  Antonio  de  Portaceli  en  Siguenza,  con  algunas  noticias  acerca  de  su 
fundator  D.  Juan  Lopez  de  Medina,]iov  D.  José  Julio  de  la  Fuente,  directur 
y  catedralico  del  instituto  de  Guadalajara  (Madrid,  irap,  de  Alexandre  Gomez 
Fuentenebro,  1877,  in-12  de  71  p.).  Après  une  notice  biographique  sur  don 
Juan  Lopez  de  Médina  (xv«  siècle).  M.  de  la  Fuente  raconte  la  fondation 
du  couvent  (1436),  du  collège  (1452)  et  de  l'hôpital  de  Saint-Antoine,  fait  l'histoire 
de  l'Université  de  Siguenza,  jusqu'à  sa  suppression  en  1807,  du  collège  de 
Saint-Antoine,  supprimé  en  1807,  rétabli  en  1814,  puis  tombé  en  1837.  Il 
donne  en  appendice  plusieurs  documents  tels  que  les  bulles  d'érection. 

—  M.  Saint-Aubin  a  réuni  en  brochures  d'intéressants  articles  publiés 
dans  le  Conservateur  de  Saône-et-Loire,  sur  les  Budgets  des  principales  villes 
du  département  de  Saâne-et-Loire,  Autun,  le  Creuzoi,  Châlon,  Mâcon,  Tournas 
Chalon-sur-Saône,  imp.  Dejussieu,  1877,  in-18  de  124  p.).  Ce  sont  des  études 
d'intérêt  local  qui  révèlent  une  heureuse  tendance  bonne  à  généraliser  :  celle 
de  s'occuper  sérieusement  de  l'administration  de  son  pays,  de  la  contrôler,  et 
d'y  apporter  la  lumière  de  l'expérience. 

—  Voici  deux  brochures  de  M.  le  comte  Le  Clerc  de  Bussy,que  nous  tenons 
à  signaler:  l'une  {Notes  sur  V histoire  d'Abbeville,  16j7-1764,  tirée  d'un 
manuscrit  du  xvnie  siècle^  suivies  de  quelques  autres  et  de  fragments  généalo- 
giques, Amiens,  imp.  Delattre-Lenoel,  in-8de  31  p.),  donne  sur  Abbeville  des 
notes  relevées  dans  la  Chronologie  de  MM.  les  Mayeurs  d'Abbeville  de  Nicola  .- 
Abraham-Joseph  Blancart,  qui  fat  contrôleur  des  guerres,  manuscrit  qui 
appartient  à  M.  levicomede  Louvencourt.  Ces  notes  sont  relatives  aux  événe- 
ments passés  dans  la  ville,  réceptions  de  personnages,  température,  cherté 
des  vivres,  élections,  etc.,  et  à  la  police  des  prisons  d'Abbeville.  On  y  trouve 
aussi  la  chronologie  et  l'armoriai  des  mayeurs  et  plusieurs  notices  généalo- 
giques. —  L'autre  brochure  est  consacrée  au  bourg  et  petit  port  de  mer  d'Ault 
(Somme).  (Lettre  sur  Ault  et  copie  d'une  charte  royale  de  1382  instituant  un 
marché  dans  cette  ancienne  ville,  Paris,  Dumoulin,  in-8  de  12  p.),  et  fait  con- 
naître divers  fondations  d'hôpitaux,  maladreries  et  maisons  de  charité,  dues, 
à  deux  de  ses  seigneurs,  Marie, comtesse  de  Dreux,  et  Marie  de  Lorraine,  ainsi 
que  l'établissement  d'un  marché  par  Charles  VI. 

—  M.  L.  M.  Kertbeny  vient  depubUer  le  premier  fascicule  de  la  Bibliogra- 
phie de  la  littérature  hongroise  nationale  et  internationale . 

—  M.  le  chanoine  Winterer,  curé  de  Mulhouse,  vient  de  publier  en  français 
l'histoire  de  la  Persécution  en  A  Isace  pendant  la  grande  Révolution. 

Publications  nouvelles.  —  La  Raison  conduisant  Vhomme  à  la  foi^  par 
Ant.  Guyot  (in-8,  Bloud  et  Barrai).  —  Précis  d'un  cours  complet  de  philosophie 
élémentaire;  Grands  monuments  de  la  philosophie;  Précis  théorique  et  diction- 
naire^ par  A.  Pellissier  (2  vol.  :n-18,  Durand).  —  Mélanges  de  mythologie  et 
de  linguistique,  par  Michel  Bréal  (in-8,  Hachette).  — Les  Ages  de  la  pierre; 
instruments,  armes  et  ornements  de  la  Grande-Bretagne,  par  John  Evans  (in-8, 
Germer-Baillière).  —  La  Grèce  et  l'Orient  en  Provence,  par  Ch.  Lenthéric  (gr.in- 
18, Pion). —  Décadence  du  sentiment  moral  et  religieux,  par  J.  Tissot  (in-8,  Ma- 
rescq).—  Histoire  nouvelle  des  arts  et  des  sciences,  par  Alphonse  Renaud  (in-12, 


191  - 


Charpentier),  —  Mémoires-Journaux  de  Pierre  de  l'Estoile,  tome,  IV  (in-8,  lib. 
des  Bibliophiles).  —  La  Mission  de  Jeanne  d'Arc,  par  Fréd.  Godefroy  (gr. 
in-8.  Ph.  Reichel).  —  Précis  de  l'histoire  de  la  littérature  française  depuis 
ses  premiers  monuments  jusqu'à  nos  jours,  par  D,  Nisard  (gr.  in-18,  Didot). — 
L'Astronomie  de  la  jeunesse,  par  H.  Piessix  (in- 12,  Pion).  —  Dictionnaire  des 
termes  techniques,  par  Alfred  Louviron  (in-12,  Iletzel).  —  Manuel  pratique 
des  sociétés  coopératives  de  production,  par  Schulze-Delitzcli  (in-12,  Guille- 
min).  —  Plaidoyers  de  Berryer,  tome  IV  et  dernier  (in-8,  Didier).  —  Corres- 
pondance de  Sainte-Beuve,  tome  I^'  (gr.  in-18,  C,  Lévj) .— LesVikiïigs  de  la  Bal- 
tique, par  W.  Basent  (gr.  in-12,  Hachette).  —  Une  fille  laide,  par  Cl.  de 
GUandeneux  (tn-18.  Pion.)  —  En  Poitou,  par  M°°  Ch.  Maryan  (in-12,  Bray  et 
Retaux).  —  Histoire  d'une  conversion,  vie  de  Madame  Niconora  Izarié,  par  le 
R.  P.  Lescœur  (iri-18  j.,  Sauton.) —  Histoire  de  la  monarchie  de  Juillet,  par 
Victor  Du  Bled,  tome  I"'  (in-8,  Dentu).  Visenot. 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS. 

Li'Ophir        signalé       dans 
l'hstoîre      de      Salomon.     — 

Quelle  est  l'opinion  des  savants  mo- 
dernes les  plus  autorisés  à  l'égard  de 
ce  pays  vers  lequel  se  dirigeaient  les 
navires  du  monarque  hébreu  et  ceux 
du  roi  de  Tyr,  Hiram,  et  d'où  ils  rap- 
portaient, après  une  navigation  la- 
quelle ne  durait  pas  moins  de  deux 
ans,  de  l'or,  des  pierres  précieuses 
et  des  bois?  D'Anville  a  écrit  une 
dissertation  à  cet  égard;  Bochart  croit 
qu'Ophir  était  File  de  Ceylan,  d'au- 
tres pensent  qu'il  s'agit  d'un  port  de 
la  côte  orientale  d'Alrique,  et  cette 
opinion  paraît  la  plus  vraisemblable. 

F.  A. 
Portrait  de  Cliarles  de 
Blois.  —  Il  a  été  signalé  des  re- 
cueils de  dessins  contenant  le  portrait 
de  Charles  de  Blois,  duc  de  Breta- 
gne ;  jusqu'à  ce  jour,  .j'ai  cherché 
inutilement  ces  recueils,  je  serais  très- 
reconnaissant  envers  la  personne  qui 
pourrait  m'indiquer  où  il  me  serait 
possible  de  me  procurer  le  portrait  le 
plus  authentique  de  Charles  de  Blois, 
d'après  un  dessin,  une  peinture  ou 
une  sculpture.  A.  de  B. 

IVotre-Dame  deOaraison. 

—  Quels  sont  les  livres,  histoires  et 
manuscrits  publiés  depuis  le  xvi^ 
siècle  sur  Notre-Dame  de  Garaison 
(jadis  au  diocèse  d'Aucb,  aujourd'hui 
au  diocèse  de  Tarbes)?  P. 

RÉPONSES. 

L.e  Tribunal   de   la   %Vest- 


plialie  (XX,  382).  —  Voyez  :  Vitria- 
rius  illustratus,  IV,  468. —  Seckenberg, 
Kaiserliche  hochste  Gerichtsbarheit.  — 
Le  même,  Corpus  juris  germanici,  I, 
2^  partie.  —  Wigand,  Bas  Ferncjericht 
Wéstphalens.  —  Usener,  Die  frei  und 
heimlicher  Gericht  Wéstphalens.  — 
Voigt,  Die  xoestphalichen  Ferngerichte. 
— Difenbach,DeF(?imem,Lipsiae,I707. 
— Walter,  De  ocultis  judiciis  Westpha- 
licis,  Argentorati,  1775.  —  Eichhorn, 
Deutsche  Staats  und  Rechtsgeschichte, 
§  418.  —  Zœpfls,  Deutsche  Staats  und 
Rechtsgeschichte,  II,  133.  —  Philips, 
Deutsche  Reichs  nud  Rechtsgeschichte, 
§  109.  —  Ungers,  Die  altdeutsche  Ge- 
richtsverfassung,T[).  103.  —  Gaupps, 
Von  Ferngerichten  mit  besonderer 
Rucksicht  auf  Schlesien.  —  Yéron-Ré- 
villes,  Les  justices  vehmiques  en  Alle- 
magneaumoyenâge,  Colmar,  1859, in-8. 

RiSTELHDBER. 

IL.es  Pêches  et  le  duc  de 
Guienne  (XX,  382).  —  La  pêche 
est  connue  et  le  pêcher  est  cultivé 
dans  notre  pays  depuis  un  peu  plus 
de  vingt  siècles.  Columelle  parle  de 
la  pèche  gauloise,  qu'il  assure  être  la 
plus  grosse  de  toutes  celles  de  son 
temps.  Pline  l'Ancien,  livre  XV, 
ch.  XII,  de  soaEistoire  naturelle  (t.  [I, 
de  l'éd.  Variorum,  1669),  décrit  les 
différentes  espèces  de  pêches  alors 
connues.  On  trouve,  dans  le  Glossaire 
de  Du  Gange,  aux  mots  Persica, 
Persicum  et  Persicarius,  t.  V  de  la  2* 
édition,  publié  en  1734,  qui  aurait 
dû  être  connu  de  D.  Vaissete,  dont 
lea^vol.    de  l'Histoire  du  Languedoc 


lOv 


n'a  paru  qu'en  1745,  des  citations 
qui  établissent  clairement  la  culture 
du  pêcher  au  moyen  âge.  L'article 
est  reproduit  dans  le  t.  V  du  Glos- 
saire, éd.  Didot,  p.  213,  où  se  trouve 
également  cité  le  Capitulaire  de 
Villis,  qui  fait  mention  du  pécher  au 
cbap.  Lxx.  (V.  Dom  Bouquet,  t.  V, 
p.  637,  de  l'éd.  de  L.  Delisle.)  On 
peut  voir  encore  au  même  t.  V  du 
Glossaire,  p.  224,  mot  Pesca,  des  ex- 
traits de  deux  titres,  l'un  latin, 
de  1272,  l'autre  en  langue  vulgaire, 
de  1409,  qui  nous  fournissent  de 
nouvelles  preuves  de  la  connaissance 
de  la  pêche  et,  par  conséquent,  de  le 
culture  du  pêcher.  J'indiquerai  enfin, 
parmi  d'autres  livres  à  consulter  :  le 
Lexique  "'oman  de  Raynouard,  t.  IV, 
p.  527  (Pesseguier  et  Presseguier)  ;  le 
Glossaire  occitanien  de  Rochegude 
(Presega)  ;  le  Catholicum  parvuûi  de 
1499,  éd.  de  Lyon,  aux  mots  :  Per- 
sicum  et  Persicus,  que  l'auteur  tra- 
duit :  une  manière  de  pesches,  et 
peschier,  arbre. 

Le  duc  de  Guienne  est  mort,  non 
pas  six  mois,  mais  près  de  huit  mois 
après  l'empoisonnement  vrai  ou  pré- 
tendu dont  il  est.parlé  par  certains 
historiens  ou  chroniqueurs,  ce  qui 
nous  reporterait  alors  au  mois  d'oc- 
tobre 1471,  et'  c'est  à  cette  époque, 
en  effet,  que  la  pêche  empoisonnée 
aurait  été  présentée  par  le  moine  de 
Saint-Jean-î'Angély,  à  Colette  de 
Chambes-Monsoreau,  dans  son  châ- 
teau de  Saint-Sever,  près  de  Pons, 
qui  lui  avait  été  donné  par  le  prince 
son  amant.  lit  un  jour  (dit  Jean 
Bouchet^((  que  le  duc  de  Guyenne 
«  goùtairtivec  ladite  de  Monsoreau, 
«  audit  lieu  de  Saint-Sever,  ledit  abbé 
«  de  Saint-Jean-d'Angély  para  une 
«  pèche  qu'il  donna  à  ladite  veuve  de 
„  Monsoreau  pour  boire,  dont  elle 
„  mangea  la  moitié,  et  ledit  duc  de 
^,  Guyenne  l'autre  en  mauvaise  heure  ; 
„  car,  bientôt  après,  ladite  de  Monso- 
^  reaualla  de  vie  à  trépas,  et  ledit  ne 
^^  lit  depuis  son  pvotit,et  Tan  1472,  le 


«  douzième  jour  de  mai,  mourut  à 
a  Bourdeaux.  »  —  La  maladie  dont 
le  duc  fut  atteint,  après  avoir  mangé 
de  cette  pêche,  lui  lit  perdre  en  peu 
de  jours  les  dents,  les  ongles  et  les 
cheveux,  et  ses  membres  se  contrac- 
tèrent d'une  façon  horrible.  (V.  Jean 
Bouchet,  Annales  d'Aquitaine  ;  d'Ar- 
gentré.  Histoire  de  Bretagne  ;  Guyot- 
Desfontaines,  Histoire  des  ducs  de 
Bretagne;  les  frères  Sainte-Marthe, 
Histoire  généalogique  de,  la  maison  de 
France;  Dreux-Duradier,  Histoire  lit- 
téraire du  Poitou,  art.  Colette  de 
Chambes  ;  D.  Devienne,  Histoire  de 
Bordeaux,  1'^  partie,  in-4,  1771  ; 
Massiou,  Histoire  de  la  Saintonge  et  de 
l'Aunis,  t.  m,  in-8,  2*  éd.). 

L'historien  Coramines  (liv.  III, 
ch.  jx,  de  l'éd.  Elzévir  de  1648)  se 
borne  à  annoncer  la  mort  du  prince, 
qui  fut  connue  par  lettre,  arrivée 
le  lomai,en  ajoutant  que  l'on  par- 
lait de  cette  mort  différemment,  ce 
qui  semblerait  confirmer  le  récit  des 
historiens  et  des  chroniqueurs  du 
xvi°  siècle,  qui  assignent  générale- 
ment à  cet  événement  la  date  du  12 
mai,  tandis  que  les  modernes  adop- 
tent celle  du  28  mai.  Cette  contra- 
diction, du  reste,  importe  peu.  Que  le 
duc  soit  mort  le  12,  ou  le  14,  ou 
le  24,  ou  le  28  mai,  comme  il  est 
mort  près  de  huit  mois  après  l'em- 
poisonnement prétendu,  c'est  donc 
bien  en  octobre  au  plus  tard  que  la 
pêche  lui  aurait  été  offerte,  et  non 
point  le  28  novembre,  pas  même  le 
24  mai,  ainsi  que  l'aftirme  l'histo- 
rien (?)  Dulaure,  t.  III,  p.  295,  de  sa 
Lescription  historique  des  ci-devant 
villes,  bourgs,  monastères,  châteaux 
et  provinces  du  midi  de  la  Républi- 
que franc  lise.  On  récolte  des  pêches 
en  juillet,  en  août,  en  septembre, 
en  octobre  (V.  le  Dictionnaire  de 
Trévoux;  Le  Grand  d'Aussy,  Histoire 
de  la  vieprivée des Français,éà. de  il82, 
in-8)  ;  mais  on  n'en  trouve  pas  encore 
au  24  mai,  et  l'on  n'en  trouve  plus  le 
28  novembre.  Ed.  Séneuaud. 


\ 


ERRATA. 
T.  XX,  p.  383,  2«  col.  ligne  15  :  L'abbé  Lagrange,  au   lieu  de  Lapongié; 
—  p.  464,  2*  col.,  ligne  15  :  de  Kirwan,  au  lieu  de  Kerwan. 

Le  Gérant  :  L.  Sandret. 


Saint-Queutiu.  —  Imprimerie  Jules  Moureau 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 


ANCIENNE  LITTÉRATURE  FRANÇAISE. 

I,  Société  «les  anciens  textes.  —  Chansons  da  quinzième  siècle,  publiées  par 
G.  Paris.  Ia-8  de  Xiv-121  p.  —  Miracles  de  Nostre-Dame,  publié  par  G.  Paris  et  T. 
Robert.  2  vol.  in-8  de  390  et  408  p.  —  Deux  rédactions  du  roman  des  sept  sages  de 
Rome,  publié  par  G.  Paris.  In-8  de  XLiii-219  p.  —  Brun  de  la  Montagne,  publié  par 
P.  Meyer.  In-8  dexvi-151  p.  —  Guillaume  de  Palerne.  publié  par  H.  Micuelan.  In-8 
de  xxii-180  p.  —  Aïol,  publié  par  J.  Normand  et  G.  Renaud.  Paris,  Didot,  1875-77, 
in-8  de  lxiu-350    p.  Prix  :  12  fr.  le  vol. 

M.  Publications  de  l'Académie  rojiale  de  Belgique.  —  Les  Enfances 
Ogier,  publié  par  A.  Scheler.  1  vol.  de  x.x-o22  p.  —  Beuve  de  Commarchis,  publié 
par  i,E  MÊME.  1  vol.  de  xvi-186  p. — Li  Roumans  de  Berte  aux  grans  pies,  publié  par  le 
MÊME.  1  vol.  de  xi-190  p.  Prix  3  fr.  —  Trouvères  belges  du  douzième  au  quatorzième 
siècle,  publié  par  le  même,  l  vol.  de  xxvn-3b9  p.  Prix  :  5  fr. — Li  Bastars  de  Buillon, 
publiéparLE  mé.mk.  Rruxelles.  1874-1877,  iM.  Closson.  1  vol.  de  xxxiii-340p.  Prix:  G  fr. 

Nos  lecteurs  savent  fju'il  s'est  fondé  à  Paris,  en  1876,  une  société 
ayant  pour  mission  de  publier  des  ouvrages  appartenant  à  notre 
ancienne  littérature.  Après  des  lenteurs  fort  excusables  dans  les 
débuts  d'une  pareille  entreprise,  un  assez  grand  nombre  de  volumes 
se  sont  succédé  pour  que  nous  pensions  devoir  tenir  nos  lecteurs  au 
courant  de  leur  apparition.  La  Société  des  anciens  textes  a  mis  à  la 
fois  à  la  disposition  de  ses  membres  un  album  grand  in-folio  donnant 
la  reproduction  bien  exécutée  des  plus  anciens  monuments  de  la  langue 
française,  et  un  volume  de  chansons  du  quinzième  siècle.  Quoique 
M.  G.  Paris  semble,  dans  son  introduction,  les  considérer  comme 
populaires,  ces  chansons  ne  méritent  pas  cette  qualification,  si  l'on 
accepte  la  définition  de  chants  faits  par  le  peuple  et  chantés  par 
lui.  La  plupart  de  ces  poésies  sont  évidemment  artistiques;  plusieurs, 
en  Espagne,  recevraient  même  l'épithète  de  cortesanas.  La  richesse 
du  manuscrit  d'où  ces  pièces  ont  été  tirées  suffirait,  du  reste,  pour 
leur  assigner  une  origine  plus  relevée.  Ce  n'est  pas  dire  que  toutes 
ces  poésies  soient  délicates  :  s'il  en  est  de  gracieuses,  il  en  est  d'au- 
tres assez  grossières  et  qui  prouvent  une  fois  de  plus  quelle  était  jadis 
la  liberté  du  langage.  Non-seulement,  suivant  nous,  ces  chansons 
n'étaient  pas  populaires  à  l'époque  où  elles  ont  été  recueillies,  mais 
bien  peu  d'entre  elles  ont  fourni  des  éléments  à  une  poésie  dont  de- 
puis quelque  temps  on  rassemble  si  soigneusement  les  vestiges.  Indi- 
quons quelques-unes  des  rares  pièces  auxquelles  des  recueils  récem- 
ment publiés  pourraient  fournir  des  analogies.  Les  chansons  LUI, 
LXXX,  CXXX  ont  le  rhythme  des  rondes  ou  branles,  c'est-à-dire  que 
chaque  couplet  commence  par  le  ou  par  les  vers  qui  terminent  le  cou- 
plet précédent.  La  chanson  CIV  est  à  refrain,  comme  plusieurs  pièces 

Mars  1878.  T.  X.Xlf,  13. 


—  19i  — 

populaires.  Certaines  pièces,  laLXXXI,  par  exemple,  contiennent  des 
invocations  au  rossignol,  au  rossignolet  sauvage,  et  en  font  un  mes- 
sager d'amour,  comme  dans  beaucoup  de  chansons  rustiques.  La 
chanson  XXIV,  sur  les  ennuis  du  mariage,  a  son  parallèle  dans  quan- 
tité de  rondes.  La  pièce  CXVII  : 

Nous  étions  trois  jeunes  fillettes, 

fait  souvenir  de  bien  des  débuts  pareils.  La  chanson  CXXI  contient  les 
plaintes  d'une  nouvelle  mariée,  plaintes  qu'on  retrouve  partout,  et  que 
partout  a  pu  produire  une  identité  de  situation  trop  fréquente.  Dans 
la  pièce  XLIV,  quelques  vers  ont  de  la  ressemblance  avec  les  couplets 
qui  commencent  ainsi  : 

Ce  sont  les  filles  de  la  Rochelle 
Qui  ont  armé  un  bâtiment. 

On  pourrait  sans  doute  indiquer  encore  quelques  autres  similitudes, 
mais  trop  vagues  pour  qu'on  reconnaisse  dans  ces  chants  ceux  qui, 
aujourd'hui,  offrent  avec  eux  de  lointains  rapports. —  Remarquons 
que  la  chanson  CXXVI  rappelle  beaucoup  une  romance  castillane  : 
CabaUcro  de  Icjas  lierras.  On  pourrait  croire  que  le  couplet  final,  par 
lequel  la  ressemblance  serait  complète,  a  dû  s'égarer. 

Ce  volume,  comme  on  devait  s'v  attendre  d'après  le  nom  de  son 
éditeur,  a  été  publié  avec  soin  et  enrichi  de  notes  offrant  d'utiles 
observations  philologiques.  M.  Gevaert  a  complété  l'intérêt  de  ce 
livre  en  donnant  la  musique  des  chansons  qu'il  contient. 

—  Il  y  a,  à  la  Bibliothèque  nationale,  un  manuscrit  dont  quelques 
parties  ont  déjà  été  publiées,  et  que  la  Société  des  anciens  textes  a 
jugé  à  propos  de  donner  dans  son  entier.  Il  contient  les  Miracles  de 
Nostre-Dame,  par  personnages,  et  ne  formera  pas  moins  de  cinq  vo- 
lumes. Deux  ont  paru;  ils  renferment  seize  mystères,  dont  la  copie  avait 
été  préparée  par  un  savant  mort  bien  prématurément,  M.  Léopold 
Pannier.  C'est  par  M.  Gaston  Paris  et  par  M.  Ulysse  Robert  que  ces 
deux  tomes  ont  été  publiés.  Quand  l'ouvrage  complet  aura  paru,  il 
sera  suivi  d'un  sixième  volume,  qui  offrira,  outre  un  glossaire,  les  re- 
marques de  tous  genres  auxquelles  le  texte  aura  pu  donner  lieu.  Plu- 
sieurs de  ces  mystères  paraissent  avoir  été  tirés  d'une  œuvre  d« 
Gautier  de  Coincy.  Nous  y  retrouvons  l'histoire  fort  peu  édifiante 
que  celui-ci  écrivit  sous  le  titre  :  De  l'Abbesse  que  Nostre-Dame  deffendi^ 
d'angoisse  ;  nous  y  remarquons  aussi  le  quarante-sixième  miracle  d« 
Gautier,  qui  lui-même  avait  mis  à  contribution  Hermann  et  Hugues] 
Farsit,  et  dont  presque  toutes  les  légendes  ont  été,  au  quatorzième] 
siècle,  imitées  en  espagnol  par  Gonzalo  de  Berceo. 

Au  nombre  des  fictions  d'origine  orientale  qui  ont  eu  une  longue] 
vogue  dans  notre  ancienne  littérature,  il  faut  citer  celle  qui  fit  le] 
succès  du  Livre  de   Siadibad,  sur  lequel  Comparetti  a  écrit  une  si] 


—   19o  — 

savante  dissertation.  (Nous  avons  donné  de  ce  travail  une  analj^se 
dans  le  tome  VI  de  la  Revue  de  l'Est.)  Faussement  accusé  par  sa  belle - 
mère,  un  jeune  prince  est  condamné  à  mort  par  son  père.  Les  apolo- 
gues que  débitent  sept  sages,  et  que,  dans  certaines  versions,  la 
marâtre  combat  par  d'autres  récits  d'une  application  différente,  font 
tour  à  tour  passer  de  la  mort  à  la  vie  et  de  la  vie  à  la  mort  le  jeune 
prince,  dont  l'innocence  finit  par  être  reconnue.  Ce  cadre  offrait  une 
large  place  à  des  nouvelles  variées  qui  arrivèrent  à  nos  trouvères,  à 
Boccace  et  à  ses  nombreux  imitateurs,  et  dont  Tune  finit  par  donner 
à  Molière  le  sujet  d'une  des  scènes  les  plus  plaisantes  de  son  Georges 
Dandin,  celle  où  Angélique  feint  de  se  jeter  dans  un  puits.  Tantôt  les 
noms  de  lieux  et  de  personnes  ont  été  changés,  tantôt  on  n'a  pris  à 
l'antique  fable  que  le  cadre,  et  on  j  a  placé  de  nouveaux  épisodes  ;  d'au- 
tres fois  encore,  on  a  laissé  de  côté  la  fiction  principale  pour  s'emparer 
seulement  de  quelques-uns  des  contes  et  des  apologues  qu'elle  conte- 
nait, et  qu'on  a  renoués  par  une  intrigue  nouvelle  ou  même  débités 
sans  chercher  à  les  relier.  M.  Gaston  Paris  a  publié  deux  ramifica- 
tions de  cet  antique  roman  ;  l'une  est  intitulée  Les  sept  sages  de  Rome  ; 
l'autre,  l'YSiloire  des  sept  sages.  M.  Paris  les  a  fait  précéder  d'une 
introduction*détaillée,  qu'il  termine  ainsi  :  «  Quel  que  soit  le  jugement 
des  critiques  sur  le  résultat  de  mes  recherches,  ils  me  sauront  gré 
d'avoir  mis  sous  leurs  jeux  deux  nouveaux  textes  de  cette  histoire  si 
souvent  et  si  diversement  contée.  Ces  textes  offrent  d'ailleurs  au 
public  une  lecture  facile,  qui  ne  demande  pas  d'explications  spéciales 
et  qui  n'est  pas  dénuée  d'agrément,  sans  parler  de  l'intérêt  qui  s'at- 
tache à  une  œuvre  si  extraordinairement  répandue.  » 

Les  critiques,  certes,  rendront  justice  au  travail  de  M.  G.Paris,  et  le 
public  ne  manquera  pas  de  trouver  que  ce  roman,  au  si  long  succès,  de- 
vait trouver  place  dans  les  publications  de  la  Société  des  anciens  textes. 

—  Nous  n'en  dirons  pas  autant  à  l'égard  de  Brun  de  la  Montagne, 
poëme  incomplet  qui  semble  déjà  bien  long.  M.  Paul  Mejer  ne  s'abuse 
pas  sur  les  mérites  de  cette  oeuvre  :  «  Le  romancier  inconnu  qui  Ta 
composée  ne  se  recommande,  dit-il,  ni  par  la  puissance  de  l'imagina- 
tion, ni  par  le  brillant  du  style.  Les  récits,  les  discours  qu'il  met  dans 
la  bouche  de  ses  personnages  offrent  cette  prolixité  monotone  qui  est 
si  fréquente  dans  les  compositions  du  quatorzième  siècle.  »  La  langue 
de  Brun  de  la  Montagne  ne  rachète  pas  ce  défaut  d'intérêt;  comme  le 
remarque  M.  Meyer,  ce  qu'il  y  a  de  plus  saillant  dans  ce  roman  d'a- 
ventures, c'est  la  forme,  qui  est  celle  des  chansons  de  geste,  sauf  que, 
contrairement  à  ce  qui  se  faisait  à  cette  époque  et  conformément  à  ce 
qui  a  lieu  aujourd'hui,  le  poète  ne  termine  pas  un  hémistiche  par  une 
syllabe  atone,  sans  la  faire  suivre  d'un  mot  commençant  par  une 
voyelle. 


-    ]!)G  — 

—  GulUaume  dr.  Palcnic  n'est  pas  un  chef-d'œuvre  non  plus,  et,  en 
relisant  les  nombreuses  aventures  qu'il  renferme,  il  semble  qu'on  les 
connaît  déjà,  tant  elles  sont  peu  nouvelles;  mais  du  moins,  ainsi  que 
le  fait  observer  M.  Michelant,  il  est  écrit  dans  la  bonne  langue  fran- 
çaise qu'on  parlait  dans  les  provinces  du  Nord-Est  vers  le  milieu  du 
douzième  siècle  ou  au  commencement  du  treizième.  M,  Michelant  a 
fait  précéder  cette  production  d'une  introduction  semée  d'aperçus 
intéressants  et  fait  bien  connaître  tout  ce  qui,  de  près  ou  de  loin, 
se  rattache  à  ce  vieux  poëme. 

—  Aïul,  le  dernier  volume  paru,  offre  une  lecture  un  peu  plus  atta- 
chante que  Brun  de  la  Monlagne  et  Guillaume  de  Palerne,  surtout 
parce  qu'il  présente  plusieurs  rapports  avec  les  romances  de  Montesi- 
nos.  Dans  leur  introduction,  les  éditeurs  veulent  bien  rappeler  un  de 
mes  livres  et  disent  :  «  M.  de  Puymaigre  cite  parmi  les  héros  des  an- 
ciennes romances  espagnoles  n'appartenant  pas  à  nos  chansons  de 
geste  Grimaltos  et  Montesinos;  il  ajoute  plus  loin  :  Dans  quelques 
chants  espagnols,  un  ccrlain  don  Tornillas  esL  une  copie  évidente  de 
Ganelon,  et  Montesinos  o/J're  plusieurs  'points  de  ressemblance  avec 
Roland  ou  Renaud  ;  les  circonstances  qui  accompagnèrent  la  naissance  de 
Montesinos  sont  une  imitation  de  ce  que  nos  romans  disent  de  l'enfance 
de  Roland.  Si  M.  de  Puymaigre  eût  connu  VAiol,  il  eût  sans  doute  été 
du  même  avis  que  M.  G.  Paris,  qui,  le  premier,  dans  son  Histoire  poé- 
tique de  Charlemagne{]).  212-3),  a  reconnu  l'identité  d'Aïol  et  de  Mon- 
tesinos, d'Elie  et  de  Grimaltos.  »  Alors,  en  effet,  je  ne  connaissais 
pas  le  roman  à\iïol,  je  ne  connaissais  pas  non  plus  le  livre  de 
M.  G.  Paris,  puisque  le  mien  lui  est  antérieur;  tout  en  persistant  à 
trouver  une  ressemblance  entre  la  mort  de  don  Tornillas  et  celle  de 
Berthelot  tué  par  Renaud,  entre  certains  détails  de  l'enfance  de  Roland 
et  celle  de  Montesinos,  j'hésite  d'autant  moins  à  me  ranger  à  l'opi- 
nion de  M.  G.  Paris,  que  j'avais  pressenti  et  dit  (Vieux  auteurs  cas- 
Lillans,  t.  II,  p.  303-4-5),  qu'une  romance  de  Montesinos  devait  être 
d'origine  française.  —  Peut-être  les  éditeurs  (ÏAiol  auraient-ils  lu 
avec  intérêt  ce  que  Milà  y  Fontanals  dit  de  Grimaltas  et  de  Montesinos 
dans  la,  Pocsia  popular  caslcllana,  p.  348  et  suiv,  — Nous  le  répéte- 
rons, cet  excellent  livre  devinait  être  connu  de  tous  ceux  qui  traitent 
des  chansons  de  geste  ;  car,  érudit  comme  il  l'est,  Milà  ne  s'est  pas 
occupé  seulement  de  l'Espagne. 

—  Ceque  la  France  commence  à  faire,  grâce  à  laSociété  des  anciens 
textes,  la  Belgique,  sous  les  auspices  de  l'Académie  royale  de  Bel- 
gique, le  fait  pour  ses  anciens  poètes,  qui,  par  leur  langue,  sont 
nôtres  aussi.  Ces  récentes  publications,  qui  ont  été  bien  exécutées, 
ont  droit  à  une  mention  qui  terminera  tout  naturellement  cet  article. 

M.  A.  Scheler  s'est  placé  au  premier  rang  des  romanistes  par  les 


—  197  — 

éditions  qu'il  a  données  de  plusieurs  anciens  poëmes.  On  est  étonné 
de  la  rapidité  avec  laquelle  se  succèdent  des  publications  si  soigneu- 
sement et  si  savamment  exécutées.  En  1874  seulement,  M.  Scheler  a 
fait  paraître  Les  Enfances  Ogier,  Berthe  aux  grans  pies  et  Beuves  de 
Commarchis.  Ces  trois  romans  sont  dus  au  même  poëte,  Adenès  ou 
plutôt  Adenet  li  Rois,  car  le  premier  nom  est  mal  orthographié  ;  mais 
on  est  tellement  habitué  à  le  lire  de  cette  manière,  que  M.  Scheler 
n'a  pas  osé  s'écarter  d'un  usage  invétéré,  tout  en  remarquant  que  si 
Ton  voulait  écrire  les  noms  de  l'ancienne  langue  sous  leur  forme  de 
nominatif,  il  faudrait  changer  Rutebeuf  en  Rutebeuus,  Moske  en 
Mousket.  Les  Enfances  Ogier  ne  sont  pas  le  meilleur  livre  d'Adenet, 
c'est  un  remaniement  ;  il  a  néanmoins  des  qualités  poétiques  relatives 
qui  le  rendaient  très-digne  d'attirer  Inattention  de  la  Commission  aca- 
démique chargée  de  publier  les  anciens  écrivains  belges.  Beiires  dp 
Commarchis  était  aussi  inédit  et  n'est  également  qu'un  remaniement, 
mais  se  recommandait  par  les  mêmes  mérites  que  Les  Enfances  Ogier: 
il  forme  la  sixième  brandie  du  cycle  fort  important  d'Aymeri  de  Nar- 
bonne  et  de  ses  enfants.  Quant  à  Bcrlhe  aux  grans  pies,  c'est  peut-être 
la  meilleure  production  d^Adenet;  c'est,  à  coup  sûr,  la  plus  intéres- 
sante et  la  plus  connue.  Dès  le  siècle  dernier,  il  en  parut  une  analyse 
dans  la  Bibliothèque  des  romans.  En  1832,  M.  P.  Paris  en  donna  une 
édition,  réimprimée  en  1836.  Mais,  outre  que  ces  deux  éditions  sont 
devenues  extrêmement  rares,  le  texte  pouvait  ne  plus  satisfaire  la  cri- 
tique philologique  actuelle  :  M.  Léon  Gautier,  dans  un  passage  que 
cite  M.  Scheler,  a  parfaitement  apprécié  la  valeur  littéraire  de  ce 
poëme. 

M.  Scheler  a  fait  suivre  ces  trois  volumes,  —  qui  comprennent,  avec 
Cléomadès,  publié  antérieurement  par  M.  Van  Hasselt,  l'œuvre  connue 
d'Adenet,  —  des  trouvères  belges  du  douzième  au  quatorzième  siècle. 
Les  Chansonniers  ont  une  large  place  dans  ce  nouveau  volume  :  nous 
y  trouvons  Quenes  de  Béthune  (dont  le  vrai  nom  serait  Conon,  par  les 
mêmes  raisons  que  nous  avons  indiquées  d'après  M.  Scheler,  au  sujet 
d'Adenet);  Guillaume  de  Béthune;  Henri  III,  duc  de  Brabant ;  Gil- 
bert de  Berneville;  Mathieu  et  Pierre  de  Gand;  Renaut  de  Trie; 
Jean  de  Tournay  ;  Jehan  de  Lafontaine  de  Tournai ,  et  Jocelyn  de 
Bruges.  Viennent  ensuite  des  dits  et  fabliaux  de  Jacques  de  Baizieux 
et  de  Gaultier  le  Long.  Un  certain  nombre  de  pièces  qui  forment  ce 
volume  avaient  déjà  été  publiées,  notamment  par  M.  Dinaux.  Nous  ne 
savons,  du  reste,  si  tous  les  poètes  dont  M.  Scheler  nous  donne  ici  les 
vers  appartenaient  aux  contrées  dont  s'est  formée  la  Belgique.  En 
tout  cas,  nous  avons  des  doutes,  et  M.  Scheler  les  a  lui-même,  à  l'é- 
gard de  Renaud  de  Trie  (p.  147).  La  chanson  mise  sous  son  nom  ne 
lui  est  attribuée  que  sur  un  couplet  d'envoi  qu'on  lit  sur  un  feuillet 


—  198  — 

intercalé.  En  admettant  qu'elle  ait  eu  pour  auteur  Renaud  de  Trie, 
quel  était  ce  personnage?  M.  Scheler  repousse  avec  raison  l'asser- 
tion de  l'Histoire  littéraire  dp  France  et  de  Dinaux,  qui  veulent  voir  en 
lui  Renier  de  Trith,  mentionné  par  Villehardouin,  et  songe  plutôt  à 
un  chevalier  qui  figure  sous  le  même  nom  dans  les  tournois  de  Chau- 
vency.  Nous  pensons  que  le  poëte  pourrait  être  ce  bon  amiral  de 
France  que  nous  voyons  apparaître  dans  le  Victorial  de  Guttiere  Diaz 
de  Games  (ch.  xlii  du  livre  II),  et  auquel  nous  avons  cru  pouvoir 
aussi  attribuer  une  pièce  de  vers  qui  figure  dans  le  Livre  des  cent  bal- 
lades [Victorial,  notes,  p.  370). 

Le  dernier  volume  de  M.  Scheler  est  le  Bastars  de  Bâillon,  faisant 
suite  à  Baudouin  de  Sebourg,  publié  par  M.  Bocca,  et  qui  était  resté 
inédit.  On  ne  connaissait  guère  ce  poëme  que  par  ce  qu'en  a  dit 
M.  Paulin  Paris,  le  seul  critique,  à  la  connaissance  de  M.  Scheler,  qui 
en  ait  traité  de  lectu. 

M.  Scheler,  comme  il  l'a  dit,  aime  à  se  renfermer  dans  son  rôle 
d'éditeur,  à  donner  des  textes  unissant  à  la  fidélité  une  correction 
telle  que  la  critique  de  nos  jours  peut  l'exiger.  Les  notices  dont  il  fait 
précéder  chacune  de  ses  publications  sont  courtes  et  claires,  et  il  ne 
cherche  pas  à  y  examiner  la  valeur  littéraire  des  œuvres  qu'il  met  au 
jour  avec  des  soins  dont  tous  les  amis  des  productions  médiévistes  lui 
seront  bien  reconnaissants.  Ce  qui  donne  un  très-grand  intérêt  aux 
publications  de  M.  Scheler,  ce  sont  les  pages  que,  trop  modestement, 
le  savant  éditeur  rejette  à  la  fin  de  ses  volumes  ;  ce  sont  des  notes,  des 
glossaires  remarquables  et  dont  la  philologie  tirera  grand  parti. 
M.  Scheler  a  eu  aussi  une  idée  heureuse  ;  cela  a  été  de  donner  la  table 
onomastique  des  chansons  de  geste  publiées  par  lui.  Une  table  de  ce 
genre  ne  manque  qu'à  Berte  aux  grans  pies,  où  elle  n'était  d'ailleurs 
pas  trop  nécessaire  ;  en  revanche,  dans  le  Bastars  de  Buillon,  elle  a  été 
complétée  par  l'indication,  non-seulement  des  personnes,  mais  encore 
des  lieux,  des  peuples  et  des  armes. 

Ce  ne  sont  pas  uniquement  les  poètes  dont  l'Académie  de  Bruxelles 
tient  à  mettre  les  œuvres  au  jour;  les  prosateurs  ne  sont  pas  négligés  : 
les  Chroniques  de  Jehan  le  Bel  ont  été  suivies  des  Lettres  et  négociatiom 
de  Philippe  de  Commines  et  des  Chroniques  de  Froissart.  C'est  à  M.  le 
baron  Kervyn  de  Lettenhove  qu'on  doit  ces  deux  publications.  Nous 
espérons  bien  ici  même  parler  de  la  dernière. —  C'est  encore  M.Schele  r 
qui  a  donné  les  poésies  du  chroniqueur  par  excellence. 

La  littérature  du  moyen  âge  est  bien  vengée  du  dédain  qu'on  affi- 
chait pour  elle.  Maintenant  on  peut  presque  appréhender  que  la  réac- 
tion ne  soit  trop  forte.  Est-ce  que  les  philologues  ne  poussent  pas  un 
peu  trop  à  des  publications  qui,  quelquefois,  n'ont  que  le  mérite  d'avoir 
pendant  longtemps  semblé  dignes  d'être  oubliées? 

Th.  de  PuymaictRE. 


190  - 


MÉTAPHYSIQUE    ET    COSMOLOGIE. 

Philosophie  de  V Inconscient, -par  Edocarp  de  IlARTjrANN,  traduit  de  l'allemand,  et  précé- 
dé d'une  introduction,  par  D.  Nolen, professeur  ù  la  fa^^ulté  des  lettres  de  Montpellier. 
Paris,  Germer-Baillière.  1877, 2  vol.  in-8  deLXXi-59-2  et  6IS  p.  [Bibliothèque  de  philosophie 
contemporaine).  Prix  ;  20  fr.  —  Les  Causes  finales,  par  Paul  Ja.net,  membre  de 
l'Institut,  professeur  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris.  Paris,  Germer-Baillière,  1876. 
in-8  de  748  p.  [Biblioth.  de  philos,  contemporaine).  Pri.x  :  10  fr. —  Philosophie  de  la  reli- 
gion, de  Héget,  traduit  pour  la  première  fois  et  accompa2:née  de  plusieurs  introduc- 
tions et  d'un  commentaire  perpétuel,  par  A.  Ver  a,  prof,  à  ILiniversité  de  Naples.  docteur 
es  lettres  de  la  faculté  de  Paris.  Tome  I"  (seul  paru).  Paris. Germer-Baillière,  1876. 
in-8  de  CL1X-4:j4  p.  (Collection  historique  des  grands  philosophes).  ?vix  :  10  fr.  — 
Principes  de  philosophie,  jiar  A.  Hap.tsen,  traduit  de  l'allematid.  avec  le  concours  de 
l'auteur,  par  Paul  Regnacd.  Paris,  Savy,  1877,  in-1-2  de  viii-160  p.  Prix  :  3  fr.  50. 
—  Dieu,  l'homme  et  la  société.  Première  partie  :  Dieu,  par  B.  Sernin-GaSTE.x.  Paris, 
André  Sag-nier,  1876,  in-18  j.,  de  ibo  p.  Prix  :  3  fr.  —  Les  Merveilles  du  cœur, 
étude  religieuse  d'anatomie  et  de  physiologie  humaines,  par  .\.  Riche,  de  la  conyréga- 
gation  des  prêtres  de  Saint-Sulpice,  Paris,  E.  Pion,  1877,  iii-I8  raisin  de  272  p. 
Prix  :  2  fr.  50.  —  Ferxand  Papillox  :  La  Nature  et  la  vie.  faits  et  doctrines.  Deuxième 
édition.  Paris,  Didier,  1874,  in-18  j.,  de  459  p.  Prix  :  3  fr.  50.  — Lettre  à  un  ma- 
térialiste sur  la  pluralité' des  mondes  habite's  et  tes  questions  qui  s'y  rattachent,  par  Jules 
Boiteux.  Paris,  E.  Pion,  1876,  in-18  j.,  de  viii-516  p.  Prix  :  4  fr.  —  Sur  Ve'tat 
présent  des  rapports  de  la  science  et  de  la  religion  au  sujet  de  Vorigine  des  êtres  orga- 
nisés, discours  prononcé  à  l'assemblée  générale  des  comités  catholiques  du  Nord  et 
du  Pas-de-Galais,  tenue  à  Lille  les  16.  17,  18  et  19  novembre  1876,  par  M.  A.  BÉ- 
CHAiMP,  doyen  désigné  de  la  faculté  libre  de  médecine  de  l'Université  catholique,  etc. 
Lille,  L.  Quarré,  1877,  petit  in-8  de  80  p. 

M.  Nolen,  traducteur  de  cette  formidable  et  déjà  fameuse  Philo- 
sophie de  rinconscie7il,  en  a  conçu  Tidée  la  plus  haute,  et  il  travaille  à 
la  communiquer  aux  lecteurs  français  dans  une  longue  et  remarquable 
introduction  (p.  v-lxxi).  Nous  sommes  loin,  très-loin,  d'en  faire  la 
même  estime  ;  mais  nous  ne  trouvons  pas  qu'il  la  place  trop  haut  en  la 
déclarant  l'œuvre  la  plus  considérable  qui  ait  paru  depuis  une  dizaine 
d'années  dans  la  littérature  philosophique  de  TAllemagne.  M.  Nolen  a 
voulu,  sans  doute,  éviter  de  placer  M.  de  Hartmann  au-dessus  de  tel 
écrivain  supérieur  en  science  et  en  critique,  par  exemple  M.  Lange, 
auteur  d'une  célèbre  Hisloire  du  matérialisme.  Mais,  dans  l'évolution 
logique  de  la  pensée  réfléchie,  au  moins  sur  la  voie  de  l'idéalisme 
ouverte  par  Kant  et  par  Fichte,  nous  sommes  prêts  à  reconnaître 
que  le  nouveau  philosophe  marque  une  nouvelle  étape,  la  dernière 
peut-être,  par  un  travail  qui  restera  au  moins  comme  un  souvenir 
précis,  une  date  essentielle  de  l'histoire  de  la  philosophie  contempo- 
raine. Après  le  moi  trop  étroit  de  Fichte,  Vabsolu  trop  mal  défini  de 
Schelling,  Vidée  trop  vide  de  Hegel,  la  volonté  trop  contradictoire  de 
Schopenhauer,  M.  de  Hartmann  a  bien  compris  qu'il  fallait  chercher 
et  trouver  une  nouvelle  conception  de  l'éternel  inconnu.  H  a  marié 
l'Idée  de  Hegel  à  la  Volonté  aveugle  de  Schopenhauer,  mais  en  res- 
tant moniste  et  pessimiste  comme  ce  dernier,  quoique  avec  quelques 
nuances  caractéristiques.  Son  Dieu  s'appelle  VInconscient.  Hartmann 
a  transporté  dans  l'absolu  ce  que  l'observation  lui  dévoilait  dans  la 
nature  et  dans  l'homme,  antérieurement  à  la  conscience  :  cette  activité 


—  200  — 

sourde,  et  pourtant  intelligente  à  sa  manière,  qui  poursuit  et  atteint 
des  fins  par  des  moyens  proportionnes.  L'éternel  inconscient  est  donc 
à  la  fois  idée  et  volonté,  mais  idée  et  volonté  qui  saisissent  leur  objet 
ou  leur  terme  sans  se  saisir  elles-mêmes.  De  sorte  que  l'idéalisme  ger- 
manique n'a  pas  fait  un  pas  notable  depuis  Hegel,  si  l'on  s'en  tient  à 
ses  conclusions  religieuses  ;  c'est  autre  chose  si  l'on  considéra  le  tra- 
vail dialectique  auquel  il  s'est  livré  et  dont  les  résultats,  comme  nous 
tâcherons  de  le  faire  comprendre  à  la  fin  de  notre  analyse,  sont  loin 
d'être  nuls  pour  la  cause  de  la  vraie  philosophie. 

Quoi  qu'il  en  soit^  la  Philosophie  de  l'Inconscient  ayant  produit  une 
grande  sensation  en  Allemagne,  même  en-dehors  du  public  universi- 
taire, de  nombreux  disciples  s^étant  groupés  autour  de  l'auteur,  une 
lutte  très-vive  s'étant  engagée  et  durant  toujours  entre  ce  nouveau 
parti  et  les  tenants,  soit  de  l'hégélianisme,  soit  de  la  philosophie  de 
Schopenhauer,  soit  du  monisme  matérialiste,  nous  aurions  le  plus 
grand  tort  de  ne  pas  prendre  au  sérieux  le  gros  livre  dont  M.  Nolen 
nous  oiîre  une  traduction  recommandée  aux  lecteurs  français,  avec 
de  justes  éloges,  par  l'auteur  allemand  lui-même  (p.  i-iv).  Il  sera 
consulté,  comme  un  document  essentiel,  par  ceux  au  moins  qui  ont 
mission  d'étudier  de  prés  les  évolutions  de  l'erreur  en  philosophie. 
La  fidélité  de  la  traduction  ne  peut  faire  doute  pour  personne  ;  elle 
n'est  pas  matérielle  seulement  :  l'allure  et  la  couleur  très-originales  de 
M.  de  Hartmann  sont  passées  dans  le  souple  français  de  M.  Nolen, 
qui  a  goûté  la  doctrine  et  l'expression  de  son  auteur  jusqu'à  se  les 
approprier  dans  toute  la  force  du  mot.  En  lui  rendant  cette  justice, 
nous  prétendons  énoncer  une  critique  en  même  temps  qu'un  éloge. 
Si  nous  discutions  l'introduction  de  M.  Nolen,  nous  aurions  à  plaindre 
un  esprit  si  distingué  d'accepter  les  pires  assertions  de  M.  de  Hart- 
mann et  de  les  dépasser  quelquefois,  en  affirmant  contre  lui  ou  plus 
que  lui  des  erreurs  destructives  de  toute  saine  philosophie  :  par 
exemple,  que  tous  les  faits  même  de  la  conscience,  «  comportent  une 
explication  mécanique,  comme  ceux  de  la  matière  brute  (lv)  ;  »  et  que 
l'explication  universelle  la  plus  satisfaisante  «  pourla  raison  et  pour  le 
cœur  de  l'homme  »  est  celle  qui  réduit  Fabsolu  à  l'idée  pure,  sans 
volonté  et  sans  amour  (p.  lxiy).  Mais,  sans  discuter  autrement  les 
opinions  personnelles  du  traducteur,  nous  lui  emprunterons  quelques 
renseignements  sur  son  auteur,  avant  d'aborder  l'exposition  des  idées 
de  ce  dernier. 

Une  existence  douloureuse  est  d'ordinaire  la  première  explication 
historique  de  ces  systèmes  pessimistes  que  M.  Caro  présentait  juste- 
ment naguère  comme  de  vrais  cas  de  maladie  intellectuelle  :  Léopardi 
et  Schopenhauer  sont  loin  de  démentir  cette  vue  générale.  Ce  n'est 
pas  si  clair  pour  Hartmann.  S'il  a  eu  à  lutter  contre  la  souffrance  et 


—  201   — 

contre  quelques  difficultés  de  la  vie,  il  n'en  est  pas  moins  arrivé  fort 
jeune  à  la  gloire  littéraire  et  au  bonheur  domestique.  Né  à  Berlin  en 
1842,  fils  unique  d'un  général  d'artillerie,  il  fit  de  bonnes  études  sco- 
laireSj  où  la  littérature  classique  lui  agréa  d'ailleurs  beaucoup  moins 
que  les  sciences,  la  musique  et  le  dessin.  Dans  son  volontariat  d'un 
an,  à  l'Ecole  d'artillerie  de  Berlin,  où  il  passa  trois  années,  et  pen- 
dant deux  ans  de  carrière  militaire,  il  poursuivit  ses  études  artistiques 
et  philosophiques  et  publia,  dans  ce  dernier  genre,  des  essais  fort  re- 
marqués. Il  quitta  le  service  en  1864,  pour  cause  de  santé  ;  il  était 
alors  premier  lieutenant  d'artillerie.  Depuis  cette  date  jusqu'en  1867, 
il  travailla  constamment  à  l'œuvre  capitale  qui  parut  en  1868  sous  ce 
titre  :  Philosophie  des  Unbeivusten,  et  qui  est  devenue  (ce  n'est  pas  trop 
dire)  populaire  en  Allemagne.  Riche  et  considéré,  il  vit  à  Berlin  avec 
une  femme  intelligente,  un  ((  bel  et  florissant  enfant  »  et  un  cercle 
assidu  d'amis  choisis,  dans  une  telle  joie  d^esprit  et  de  cœur  qu'on  a 
pu  dire  de  lui  et  des  siens  (il  nous  l'apprend  lui-même  :  a  Si  Ton 
veut  voir  encore  des  visages  satisfaits  et  jojeux,  il  faut  aller  chez  les 
pessimistes.  » 

Par  son  sujet  et  par  ses  dimensions,  son  œuvre  est  effrayante  pour  un 
lecteur  français.  Nous  l'avons  lue  pourtant,  non  sans  fatigue,  mais 
avec  des  passes  de  vif  intérêt.  Avant  tout,  le  livre  est  aussi  clair  qu'il 
peut  l'être  avec  une  donnée  générale  contradictoire  et  partant  incom- 
préhensible, et  avec  de  nombreux  détails  où  l'esprit  de  système  fran- 
chit inconsciemment  de  vrais  abîmes.  11  y  a  des  pages  très-animées 
pleines  de  finesse  et  d'esprit  ;  il  y  en  a  même,  quoique  en  bien  plus 
petit  nombre,  qui  offrent  de  la  grandeur  et  de  l'émotion.  L'introduc- 
tion de  l'auteur  annonce  dès  l'abord  plus  de  précision  et  de  netteté 
qu'on  n'en  rencontrait  dans  les  philosophes  allemands  des  générations 
précédentes  :  l'Inconscient  (idée  et  volonté  indissolublement  unies, 
malgré  leur  caractère  contradictoire) ,  dont  la  notion  définitive  s'est 
dégagée  peu  à  peu  du  travail  des  philosophes  antérieurs,  va  être  étu- 
dié dans  ses  phénomènes  d'abord,  puis  dans  sa  notion  intrinsèque  ;  et 
il  faut  procéder  à  cette  étude,  d'après  la  méthode  naturelle,  en  accu- 
mulant les  faits  d'observation,  en  les  analysant  et  trouvant  leur  rai- 
son dernière  par  ce  procédé  de  tâtonnement  qui  a  sa  formule  scienti- 
fique dans  le  calcul  des  probabilités.  De  là  la  division  de  cette  philoso- 
phie en  deux  parties  :  Phénoménologie  de  l'Inconscie7it,ren{ermée  dansle 
premier  volume;  Métaphysique  de  l'Inconscient,  qui  remplit  le  second. 

La  phénoménologie  de  l'Inconscient  comprend  [  elle-même  deux 
parties  :  la  manifestation  de  l'Inconscient  dans  la  vie  corporelle,  — 
et  dans  l'espril. 

Dans  le  corps,  M.  de  Hartmann  montre  d'abord  la  volonté  in- 
consciente  dans   la  vie  cérébrale,  médullaire,   ganglionnaire.    Tout 


—  202  — 

ganglion  constitue  pour  lui  un  centre  volontaire;  mais,  dans  l'orga- 
nisme humain,  le  grand  sympathique  communique  aux  viscères  les 
mouvements,  partis  de  la  moelle  épinière.  De  là,  unité  de  résul- 
tat, mais  nulle  unité  substantielle.  Ce  que  nous  appelons  le  moi  vou- 
lant est  une  résultante;  le  libre  arbitre  est  une  illusion.  Du  reste, 
le  mouvement  musculaire  ne  s'explique  pas  par  l'activité  seule  ;  il 
y  faut  l'idée  (chap.  ii)  :  la  volonté  ne  peut  agir  sur  le  muscle 
qu'elle  tend  à  contracter  sans  une  connaissance  inconsciente  du  nerf 
moteur,  qui  lui  sert  d'intermédiaire.  L'instinct  des  animaux  (m) 
offre  un  champ  encore  plus  vaste  à  l'observateur  de  l'activité  intelli- 
gente de  l'inconscient  ;  M.  de  Hartmann,  malgré  trop  de  propension 
à  accepter  des  faits  douteux,  en  accumule  beaucoup  de  très-sûrs  et 
de  très-démonstratifs  pour  établir  la  finalllc  de  l'instinct  ;  quant  à 
croire  avec  lui  que  l'animal  pense  et  veut  la  fin  qu'il  poursuit,  tout  en 
l'ignorant  (car  il  faut  bien  que  ce  soit  là  sa  pensée),  c'est  une  autre 
affaire  !  Sous  le  bénéfice  des  mêmes  remarques,  on  peut  louer  les 
chapitres  suivants,  sur  les  mouvements  réflexes  (contractions  muscu- 
laires, dues  à  un  nerf  moteur  ébranlé  par  suite  de  l'action  reçue  du 
dehors  par  un  autre  nerf  et  portée  par  celui-ci  à  un  centre  d'innerva- 
tion), sur  la  force  curative  de  la  nature,  sur  la  force  plastique  de  l'or- 
ganisme vivant.  La  finalité  se  dégage  avec  certitude,  sinon  de  chaque 
détail,  au  moins  des  lois  générales  de  ces  mouvements,  que  le  méca- 
nisme sera  toujours  impuissant  à  expliquer  :  ce  n'est  que  sur  sa  thèse 
d'idée  non  pensée  que  M.  de  Hartmann  ne  gagne  pas  un  pouce  de 
terrain.  l\  prête  encore  le  flanc  à  la  critique  par  sa  facilité  à  recon- 
naître comme  naturels  des  faits,  ou  douteux,  ou  faux,  ou  miraculeux  : 
ainsi,  non-seulement  les  envies  des  femmes  grosses,  mais  le  don  de 
seconde  vue,  les  extases  anesthésiques,  les  sueurs  de  sang  réglées  par 
un  élément  intellectuel  (il  cite  Louise  Lateau),  etc. 

Dans  l'esprit  humain,  bien  que  la  conscience,  fille  de  l'Inconscient, 
ait  pris  une  partie  du  terrain  qui  appartenait  à  son  père,  ce  dernier 
persiste  dans  nos  instincts,  plus  nombreux  et  plus  importants  que  la 
vanité  humaine  ne  voudrait  en  convenir  :  crainte  de  la  mort,  pudeur, 
dégoût  (ou  plutôt  aversion  innée)  de  certains  aliments,  tendances 
propres  à  chaque  sexe,  sympathie,  amour  maternel,  etc.  :  tous  faits 
spontanés  qui  impliquent  la  finalité,  aussi  bien  que  l'amour  des  sexes, 
dont  M.  de  Hartmann  présente  une  étude  profonde  et  hardie  (p.  245- 
268).  Nous  y  aurions  beaucoup  à  louer  et  beaucoup  à  blâmer,  mais 
nous  la  recommandons  aux  ennemis  des  causes  finales,  surtout  en  ce 
qui  concerne  ces  lois  mystérieuses  (p.  2611  qui  soumettent  l'attrait 
sexuel  aux  conditions  mêmes  du  progrès  de  l'espèce.  Nous  goûtons 
moins  le  chapitre  (m)  consacré  à  la  sensibilité,  vu  la  théorie  obscure 
et  plus  que  contestable  de  l'auteur  sur  l'essence  du  plaisir  et  de  la 


.  —  203  — 

douleur.  Nos  difficultés  augmentent  quand  il  traite  du  caractère  aide 
la  moralité,  réaction  de  rinconscient  contre  les  motifs  d'agir;  de  la 
faculté  esthétique,  réaction  du  même  Inconscient  contre  les  percep- 
tions s.ensibles  (que  cela  est  peu  clair  et  peu  explicatif!);  de  l'origine 
du  langage,  œuvre  collective  d'un  instinct  humain  ;  du  m^'sticisme 
enfin,  que  l'auteur  étudie  avec  finesse,  mais  en  confondant  des  espèces 
absolument  différentes  et  en  exagérant  beaucoup  la  part  de  Yincons- 
cience  dans  certains  états  exceptionnels  de  l'âme.  Mais  ce  qu'il  y  a 
de  plus  attristant  dans  cette  psychologie  de  l'instinct,  c'est  son  appli- 
cation à  l'histoire  (ch.  x).  Ici,  Hartmann  mérite  les  mêmes  reproches 
d'immoralité  que  l'école  hégélienne.  Le  progrès  s'accomplit  fatalement 
sous  l'action  incessante  de  l'Inconscient,  par  des  luttes,  soit  guerrières 
soit  industrielles,  dont  l'issue  nécessaire  et  voulue  est  la  destruction 
des  vaincus.  A  cette  théorie,  où  la  liberté,  la  moralité,  la  responsa- 
bilité, n'obtiennent  pas  la  moindre  place,  se  rattache  bien  ou  mal  une 
sorte  de  socialisme  industriel,  par  où  le  grave  philosophe  devient  un 
rival  de  M.  Louis  Blanc. 

Passons  à  la  métaphysique  et  au  second  volume.  Dans  les  premiers 
chapitres  de  cette  analyse  subtile  de  Flnconscient,  les  hypothèses  et 
les  contradictions  abondent,  et  il  ne  pouvait  en  être  autrement.  Com- 
ment amener  la  réflexion  sur  ce  qui  lui  échappe  par  son  essence  même? 
Comment  prouver  que'la  conscience  est  la,  slupvfaction  de  la  volonté  en 
face  de  l'idée,  son  contraire  ?  et  comment  saisir  cette  singulière  con- 
ception ?  Dès  qu'on  admet  que  la  conscience  est  attachée  à  l'orga- 
nisme cérébral,  comment  attribuer  à  l'Inconscient  la  préparation  de 
cet  organisme  ?  C'est  pourtant  tout  ce  que  fait  ou  tente  de  faire  l'au- 
teur dans  ses  trois  premiers  chapitres,  en  partant  de  l'unité  de  la 
volonté  et  de  l'idée  dans  l'Inconscient,  pour  arriver  à  leur  opposi- 
tion dans  le  développement  de  l'activité  cérébrale,  opposition  dont  le 
résultat  est  la  conscience  elle-même  !  Nous  allons  ensuite  d'étonne- 
ment  en  étonnement.  La  conscience  nous  apparaît  jusque  dans  les 
plantes  (chap.  iv),  et  l'auteur  ne  se  prive  pas  de  citer  à  l'appui 
l'exemple  de  la  sensitive  ;  la  limite  du  conscient  et  de  l'inconscient 
est  près  de  s'effacer,  et  l'on  se  demande  si  un  point  de  vue  nouveau 
ne  menace  pas  ici  de  présenter  l'envers,  je  veux  dire  l'inverse,  la 
contradiction  du  système.  Mais  en  même  temps  son  essence  se  montre. 
L'Inconscient  seul  est  un;  il  est  l'éternelle  réalité.  Il  n'y  a  ni  esprit,  ni 
matière,  les  forces  sont  les  volontés  mêmes  de  l'Inconscient, .  dont 
l'opposition  apparente  se  résout  dans  l'unité  de  cet  absolu,  qui  est 
l'intelligence  et  la  puissance  mêmes,  dans  leur  fond  éternel.  Le  dar- 
winisme entre  tout  entier  dans  cette  conception,  en  s'adaptant  à  la 
notion  de  l'inconscient,  laquelle  le  soutient  et  l'éclairé.  Après  cette 
cosmologie  et  cette  théodicée,  il  fallait  une  morale  ou  une  théorie  du 


—  204  - 

progrés,  du  processus  universel,  commme  l'auteur  aime  à  parler.  C'est 
l'objet  de  deux  chapitres  dont  l'un,  le  plus  long,  et  peut-être  le  plus 
curieux  de  tout  l'ouvrage,  est  l'exposition  du  pessimisme  propre  à 
Hartmann  (p.  351--481).  Le  monde,  la  vie  humaine  en  particulier  sont 
l'œuvre  de  la  volonté,  qui  est  le  contraire  de  la  raison;  delà,  déraison 
et  malheur  de  l'existence.  On  voit  bien  le  'disciple  fidèle  de  Schopen- 
hauer.  Il  ne  s'écarte  de  son  maître  qu'en  proclamant  que  le  monde, 
œuvre  de  l'intelligence  absolue,  est  le  meilleur  possible  ;  c'est-à-dire 
que  l'optimisme  de  Leibniz  est  concilié  avec  son  extrême  opposé  : 
conciliation  toute  simple  pour  qui  admet  que,  dans  le  meilleur  des 
mondes  possibles,  la  somme  des  maux  est  nécessairement  supérieure 
à  celle  du  bien.  C'est  ce  que  l'auteur  s'attache  à  prouver  avec  une 
richesse  d'observation  digne  d'unmeilleuremploi.Ily  trouve  l'occasion 
d'une  synthèse  historique  assez  curieuse  :  l'enfance  du  monde,  sa 
jeunesse,  sa  vieillesse,  se  caractérisent  par  leur  façon  de  concevoir  le 
bonheur  à  réaliser.  L'antiquité,  en  effet,  se  flatte  de  le  trouver  dans  les 
lois  mêmes  delà  vie  individuelle,  par  les  plaisirs  du  corps  et  de  l'âme; 
le  christianisme  et  le  moyen  âge  le  placent  dans  une'  vie  ultérieure  ; 
l'âge  moderne  dans  le  progrès  social.  Hartmann  oppose  aux  illusions 
contemporaines  sur  la  diffusion  du  bien-être  et  de  l'art  de  terribles 
objections,  et  Ton  voit  bien,  quand  il  ne  le  dirait  pas,  que  sa  philoso- 
phie «  est  dure,  froide  et  insensible  comme  la  pierre.  »  On  l'a  vu 
mieux  encore  quand  il  éliminait  les  espérances  chrétiennes,  «  second 
stade  de  l'illusion,  »  par  des  difficultés  cette  fois  dérisoires.  Mais  sa 
longue  discussion  sur  «  le  premier  stade  de  l'illusion,  »  ou  sur  la 
vanité  du  bonheur  de  la  vie,  est  vraiment  instructive,  malgré  son 
exagération.  Il  avait  été  précédé  sur  ce  terrain  par  un  maître  élo- 
quent ;  mais  même  après  Schopenhauer,  qu'il  corrige  en  partie, 
Hartmannn  a  porté  une  incontestable  originalité  dans  cette  rigou- 
reuse enquête  à  laquelle  il  soumet  tous  les  instincts  et  toutes  les 
habitudes  de  Thomme,  pour  établir  partout  l'inévitable  supériorité  de 
la  souffrance  sur  le  plaisir.  Que  le  sophisme  se  glisse  ça  et  là  dans  ce 
formidable  réquisitoire,  c'est  vrai;  mais  on  y  reconnaît  assez  souvent 
la  profondeur  de  l'observation  et  la  finesse  de  l'analyse  psychologique  ; 
la  délicatesse  du  goût  artistique  (ce  qui  ne  gâte  rien)  y  éclate  aussi 
dans  plus  d'un  détail,  par  exemple,  dans  ces  mentions  satiriques  des 
pianos  sans  âmes  et  des  «  barbouillages  littéraires  du  jour.  »  —  La 
philosophie  spiritualiste  n'a  pas  besoin  de  répudier  l'ensemble  de  ce 
plaidoyer  contre  l'illusion  des  bonheurs  de  la  terre  ;  cette  théorie  est 
le  fond  même  d'une  preuve  de  ces  destinées  immortelles  qu'elle  pro- 
met aux  âmes.  Le  christianisme,  fort  mal  compris  par  Hartmann,  n'a 
pas  à  s'inquiéter  beaucoup  de  l'arrêt  porté  par  cet  injuste  apprécia- 
teur contre  les  promesses  de  la  vie  future.  Quant  au  paradis  sur  la 


—  20o  — 

terre,  rêvé  par  les  progressistes  de  notre  temps,  ils  peuvent  eux- 
mêmes  se  consoler  des  rudes  coups  portés  à  cette  doctrine  parle  pes- 
simiste berlinois,  en  considérant  les  rêves  d'avenir  social  où  il  se  perd 
à  son  tour  ;  évolution  progressive,  où  toute  activité,  non-seulement 
individuelle,  mais  collective,  tend  à  réaliser,  d'effacement  en  ef- 
facement, ce  but  universel,  l'anéantissement  de  toute  volonté  ! 

Tout  l'ouvrage  aboutit  à  un  chapitre  intitulé  Derniers  principes,  qui 
achève  de  dégager  le  concept  panthéiste  déjà  suffisamment  indiqué, 
en  le  rapprochant  des  systèmes  antérieurs  qui  lui  ont  plus  ou  moins 
ouvert  la  voie.  Hartmann  trouve  son  explication  plus  complète,  plus 
nette,  plus  explicative  que  toute  autre  ;  il  a  donné  la  formule  de  la  Subs- 
tance universelle,  que  tout  pliénomène  révèle.  Il  reconnaît  que  la 
raison  d'être  de  cette  substance  lui  échappe  :  mais  c'est  là  un  pro- 
blème essentiellement  insoluble.  «  La  terre  repose  sur  l'éléphant, 
l'éléphant  sur  la  tortue,  mais  sur  quoi  repose  la  tortue  ?  Il  faut  savoir 
s'arrêter  dans  un  mystérieux  effroi  devant  le  problème  de  la  Subs- 
tance absolue,  comme  devant  la  tête  de  Méduse  (p.  565).  »  Ne  dirait- 
on  pas  le  sérieux  et  l'ironie  mariés  ensemble  dans  l'enseigement  du 
philosophe,  comme  les  deux  éléments  contradictoires  dans  sa  compo- 
sition de  l'absolu?  Mais  au  lieu  de  le  combattre,  il  peut  être  bon  de 
noter  ici  les  secours  qu'il  apporte  sans  le  vouloir  à  la  cause  de  la  vraie 
philosophie.  La  psychologie,  la  cosmologie  et  la  zoologie  rationnelles 
profiteront  des  richesses  accumulées  dans  son  premier  volume.  Il  n'a 
compris  ni  l'unité  de  la  conscience,  ni  la  portée  de  la  raison,  ni  les 
prérogatives  de  la  liberté.  Mais  la  part  faite  à  ces  éléments  essen- 
tiels, il  y  a  lieu  de  le  consulter  sur  ce  qui  est  instinctif  et  spontané, 
non-seulement  dans  la  vie  organique,  mais  dans  le  jeu  obscur  de  la 
pensée,  dans  l'épanouissement  de  l'activité  volontaire,  dans  l'inspira- 
tion artistique.  D'ailleurs  à  des  faits  harmoniques  inconscients,  à  des 
faits  de  finalité,  le  bon  sens  donne  une  cause  première  consciente  : 
dés  lors  voilà  d'immenses  matériaux  pour  la  thèse  de  la  divine  Pro- 
vidence !  De  plus  la  métaphysique  de  Hartmann,  dépouillée  de  ses 
contradictions,  est  précisément  le  retour  du  mouvement  hégélien, 
entièrement  achevé,  vers  la. philosophiaperciDiis.  L'absolu,  c'est  l'unité 
essentielle  ;  mais  cette  unité  est  à  la  fois  intelligence  et  volonté,  et 
voilà  le  Dieu  vivant,  intelligent  et  libre,  qui  reprend  la  place  des 
abstractions  fantastiques  créées  par  les  sophistes.  La  question  divine 
résolue,  la  vie  retrouve  son  vrai  sens,  le  pessimisme  est  vaincu.  Le 
monisme  idéaliste  subsistera-t-il  ?  La  conscience  finie  et  partielle,  qui 
appartient  à  l'homme,  lui  révèle  la  distinction  des  substances  créées, 
soit  entre  elles,  soit  vis-à-vis  de  l'absolu,  qui  est  la  cause  première, 
comme  il  est  la  première  substance.  Et  c'est  ainsi  que  M.  de  Hartmann 
a  travaillé  pour  le  triomphe  de  ce  «  théisme  étroit,  »  dont  il  parle  avec 


—  2()n   — 

tant  de  dédain  dans  un  des  plus  faibles  chapitres  et  dans  beaucoup 
de  tristes  pages  de  son    livre. 

—  A  la  Philosophie  de  l'Inconscient,  nous  sommes  heureux  d'opposer 
la  plus  sérieuse  étude  de  théologie  naturelle  qui  soit  sortie  de  l'école 
spiritualiste  française.  Le  volume  auquel  l'éminent  professeur  de  phi- 
losophie de  la  Sorbonne  a  donné  ce  titre  significatif:  les  Causes  finales, 
est  presque  effrayant  par  ses  dimensions,  peu  ordinaires  à  nos  essais 
de  littérature  philosophique.  Mais  on  ne  dira  pas  de  lui  :  «  Encore 
plus  lourd  que  grave.  »  Il  est  rempli  par  une  discussion  consciencieuse, 
attentive  et  profonde,  où  l'éloquence  n'usurpe  jamais  la  place  du  rai- 
sonnement. Le  livre  est  gros,  mais  n'oublions  pas  que  la  thèse  des 
causes  finales,  toujours  suspecte  à  certains  savants  même  ortho- 
doxes, souvent  compromis  par  des  défenseurs  imprudents  et  fantai- 
sistes, est  aujourd'hui  plus  que  jamais  décriée  par  le  positivisme  et  le 
naturalisme  et  interprétée  à  contre-sens  par  l'idéalisme  athée.  Il  fal- 
lait donc  et  déblayer  le  terrain  des  causes  finales  de  beaucoup  d'erreurs, 
et  en  reprendre  la  démonstration  sur  nouveaux  frais,  et  en  déduire  le 
sens  et  l'interprétation  légitime,  et  renverser  tous  les  systèmes  qui 
nient  soit  la  loi  même,  soit  la  portée  de  cette  loi.  Dans  ce  travail,  en 
somme  réussi,  M.  Janet  est  resté  fidèle  à  son  esprit  de  patiente  ana- 
lyse philosophique  et  scientifique;  mais  il  a  dépassé  de  plus  en  plus, 
à  son  grand  honneur,  les  limites  que  s'imposaient  presque  toujours, 
jusqu'à  ces  derniers  temps,  les  philosophes  de  son  école,  trop  pro- 
digues de  rhétorique,  trop  sobres  de  raisonnement  et  trop  étrangers 
aux  sciences  naturelles. 

Dans  un  chapitre  préliminaire,  M.  Janet  établit  la  position  du  pro- 
blème. Selon  lui,  l'existence  des  causes  finales  est  une  vérité  certaine, 
mais  ce  n'est  pas  un  principe  de  la  raison,  une  vérité  première;  c'est 
une  loi  de  la  nature,  dominant  les  autres  lois  sans  doute,  mais  qu'il 
faut  pourtant  démontrer,  comme  celle-ci,  par  la  méthode  inductive. 
Avant  lui,  la  plupart  des  maîtres  évitaient  cette  question;  beaucoup  la 
résolvaient  dans  le  sens  opposé.  M.  Janet  a  raison  de  rejeter  la  for- 
mule de  M.  Joufiroy  et  celle  de  M.  Ravaisson,  qui,  regardant  le  prin- 
cipe de  finalité  comme  une  vérité  nécessaire, ont  cru  en  faire  saisir  l'évi- 
dence immédiate  par  de  vraies  équivoques  d'expression.  Mais  il  n'en 
reste  pas  moins  fort  douteux  que  l'habile  professeur  soit  allé  au  fond  de 
la  question.  Il  nous  parait,  quant  à  nous,  que  la  finalité  est  vraiment  un 
principe  nécessaire  ;  il  ne  s'ensuit  pas  que  l'expression  abstraite  et 
universelle  de  ce  principe  soit  pour  tous  les  esprits,  à  tous  les  mo- 
ments, d'une  évidence  immédiate,  et  c'est  pourquoi  le  travail  de  dé- 
monstration inductive  auquel  va  se  livrer  M.  Janet  n'est  pas  inutile. 
Mais,  d'autre  part,  il  n'est  pas  sans  inconvénient  de  nier  la  nécessité 
intrinsèque  de  ce  principe,  pour  en  faire  une  simple  loi  contingente 


—  207  — 

de  la  nature.  Une  analyse  exacte  montrerait  peut-être,  au  contraire, 
que  le  principe  de  causalité  (que  M.  Janet  proclame  nécessaire)  im- 
plique dans  son  fonds  celui  de  finalité,  et  que  ce  dernier  est  aussi  im- 
pliqué dans  le  fondement  même  de  l'induction,  dont  vous  allez  vous 
servir  pour  le  démontrer! 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  premier  livre  de  ce  gros  traité  est  consacré  à 
prouver  ce  principe,  ou  plutôt  (pour  garder  l'expression  et  l'idée  de 
l'auteur)  cette  loi.  La  notion  et  le  critérium  de  la  finalité  sont  d'abord 
nettement  déterminés.  Le  hasard  ne  peut  être  la  raison  de  l'ordre.  De 
même    que    chaque    phénomène    s'explique    nécessairement  par  une 
cause,  de  même  toute  combinaison  de  phénomènes  s'explique  par  une 
fin.  Plus  il  y  a  de  causes  diverses  qui  concourent  à  un  même  effet, 
plus  la  finalité  est  incontestable.  Une   rencontre  fortuite  peut,  sans 
doute,  être  acceptée  comme  explication  de  tel  ou  tel  cas  accidentel  et 
peu  compliqué.  Mais  le  nombre  des  éléments  concourant  à  l'eff'et,  la 
constance  de  ce  concours,  la  coordination  des  groupes  divers  d'effets, 
concourant  encore  eux-mêmes  comme  causes  à  des  eff'ets  ultérieurs, 
constituent   non-seulement  un  indice  probable,  mais  une  démonstra- 
tion évidente  de  la  finalité.  Or,   dans  la  nature,  cet  accord  prédéter- 
miné de  causes  divergentes  se  constate  par  des  observations  qui  ont 
donné  lieu  à  une  foule  de  travaux  célèbres;  M.  Janet  les  continue  à 
son  tour,  non  sans  bonheur.  Il  trouve  d'ailleurs  des  auxiliaires  parfois 
inattendus.  Je  ne  veux  pas  parler   de  Hartmann  lui-même,  qui  est 
éminemment  caiise-fmalier,  mais  qui,  malgré  son  éloignement  de  toute 
préoccupation    religieuse,    donne   quelquefois   lieu   à  ces   reproches 
d'hypothèse    et  de  subtilité   si  souvent  prodigués  aux  partisans  des 
causes  finales;  encore  M.  Janet  emprunte-t-il  au  philosophe  berlinois 
une   remarque   utile   sur   la   complication  de   l'organisme    de   l'œil. 
M.  Claude  Bernard  lui  fournit  l'idée  de  ce  singulier  problème  :  com- 
ment l'estomac,  qui  digère  la  viande,  ne  se  digère-t-il  pas  par  lui-même  ? 
C'est  que  l'action  du  suc  gastrique  sur  les  parois  qui  le  sécrètent  est 
empêchée  par  une  sorte  d'enduit  ou  de  vernis  dont  elles  sont  revêtues 
et  dont  la  finalité  est  difficilement  contestable,   M.   Stuart  Mill  lui- 
même,  ce  positiviste  intrépide,  quoique  trop  touché  des  théories  pure- 
ment mécaniques  du  darwinisme,  est  forcé  de  reconnaître  que  l'expli- 
cation de  l'harmonie  universelle  par  des  intentions  est  beaucoup  plus 
probable.  Pour  la  rendre  évidente,  M.  Janet  étudie  surtout  la  coordi- 
nation des  forces,  d'abord  dans  l'organisme  et  dans  les  fonctions  des 
animaux  (on  remarquera  surtout  ce  qui  concerne  la  division  des  sexes, 
que  le  darwinisme  a  si  peu  réussi  à  expliquer);  et, en  second  lieu, dans 
les  instincts  qui  conservent  et  propagent  la  vie  animale.  Après  ces 
pages,  dignes  d'être  comptées  parmi  les  meilleures  de  notre  littéra- 
ture philosophique,  l'auteur  s'attaque  directement  au  mécanisme  et  le 


—  ^.os  — 

réduit  à  rimpuissance  d'expliquer  les  phénomènes  de  la  vie.  Il  répond 
ensuite  très-longuement,  trop  longuement  peut-être,  aux  diverses 
objections.  La  plus  apparente  est  celle  qui  repousse  la  doctrine  des 
causes  finales  comme  entachée  d'anthropomorphisme  :  l'homme  a-t-il 
le  droit,  parce  qu'il  reconnaît  ses  intentions  dans  le  détail  de  ses 
œuvres,  d'attribuer  des  intentions  à  la  cause  inconnue  des  phénomènes 
naturels?  La  difficulté  est  d'autant  plus  sérieuse  aux  yeux  de  l'auteur 
que  lui-même  n'a  établi  son  critérium  de  la  finalité  que  sur  cette  ana- 
logie de  l'art  humain  et  de  l'art  de  la  nature.  Aussi  répond-il,  sans 
sortir  de  l'ordre  expérimental,  que  l'induction  est  légitime  de  l'homme 
à  la  nature,  parce  que  l'homme  fait  partie  de  la  nature  et  qu'il  n'y  a 
pas,  dans  l'analogie  incriminée,  passage  d'un  genre  à  l'autre.  Cela  est 
juste, sans  doute^  mais  peut-être  trop  superficiel;  il  nous  semble  qu'en 
établissant  la  iiéccssilé  i}Urinst'qiie  du  principe  des  causes  finales,  l'au- 
teur aurait  repoussé  plus  catégoriquement  cette  objection,  vieille 
comme  l'athéisme.  Nous  n'avons  garde  d'énumérer  les  autres  objec- 
tions, qui  fournissent  à  M.  Janet  l'occasion  de  parcourir  presque  toute 
l'histoire  de  la  philosophie,  et  d'étudier  presque  toutes  les  questions 
d'anomalies  biologiques  (monstres,  membres  inutiles,  etc.)  ;  nous  y 
admirons  la  patience  d'examen  et  la  lucidité  d'expression  qui  le  dis- 
tinguent toujours,  en  nous  permettant  de  croire  que  plus  de  synthèse 
et  moins  de  discussions  incidentes  auraient  allégé  le  poids  du  livre 
sans  nuire  à  sa  solidité. 

Il  semble  que  tout  est  terminé,  quand  on  a  démontré  les  causes 
finales.  Là  où  il  y  a  des  intentions,  il  y  a  une  cause  intelligente,  dit  le 
sens  commun.  Mais  on  sait  que  beaucoup  de  systèmes  modernes  en 
ont  décidé  autrement,  de  sorte  qu'à  son  premier  livre  sur  la  loi  de 
finalité,  M.  Janet  s'est  cru  obligé  d'en  ajouter  un  second  sur  la  cause 
■première  de  la  finalité.  Dans  un  premier  chapitre,  il  retrace  une  his- 
toire fort  attachante  de  cette  démonstration  populaire  de  l'existence 
de  Dieu  que  Kant  a  nommée  l'argument  physico-théolorjique  ;  le  philo- 
sophe de  Kœnigsberg,  sans  accorder  à  cet  argument  une  portée 
absolue,  l'admettait  encore  en  somme  dans  la  Critiqué  de  la  raison 
pure  ;  mais, dans  des  écrits  postérieurs, il  paraît  n'accorder  au  principe 
théologique  qu'une  valeur  purement  subjective.  Dans  le  second  cha- 
pitre, l'auteur  démontre  que  c'est  bien  une  loi  réelle  de  la  nature, 
qui  demande, par  conséquent,  une  cause  réelle,  et  que,  même  en  la 
concevant  comme  immanente  aux  choses,  on  n'en  donne  pas  la  raison 
suffisante,  si  on  ne  remonte  à  une  cause  absolue  supérieure  à  la  nature 
elle-même;  ce  qui  amène  Timportante  discussion  des  deux  hypothèses 
contradictoires  :  finalité  instinctive,  inconscience  de  Hegel,  de  Scho- 
penhauer  et  de  Hartmann;  ou  finalité  intelligente  de  la  tradition 
chrétienne  et  spiritualiste  (ch.  ni'.  Cette  dernière  est  solidement  dé- 


—  209  — 

fendue  comme  seule  intelligible;  et,  à  cette  occasion,  non  content  de 
dauber  sur  l'idéalisme  d'outre-Rhin,  Fauteur  fait  quelques  pointes  sur 
les  terres  d'une  école  française  qui  prétend  prendre  la  succession  de 
la  sienne.  Cette  école,  qui  abaisse  volontiers  rintelligence  au  profit 
de  la  volonté,  de  l'amour,  de  la  liberté,  a  fait  pour  le  moins  de  bien 
dangereuses  concessions  à  la  doctrine  de  l'Inconscient;  car  il  n'est  pas 
d'ailleurs  bien  facile  de  dire  avec  précision  ce  qu'elle  abandonne  et  ce 
qu'elle  réserve  dans  le  domaine  de  la  théodicée.  Il  arrive  à  M.  Janet 
de  déclarer  à  M.  Lachelier  qu'il  ne  l'a  pas  compris  :  c'est  une  mau- 
vaise note  pour  l'un  ou  pour  l'autre;  si  je  ne  craignais  d'obéir  à  un 
mouvement  d'amour-propre  (car  j'ai  eu  le  même  malheur  que  M.  Ja- 
net), je  déclarerais  que  c'est  la  faute  de  M.  Lachelier,  et  qu'il  est 
obligé  de  se  faire  comprendre.  Un  dernier  chapitre  clôt  la  discussion 
par  la  reconnaissance  d'une  cause  créatrice  intelligente,  et  l'auteur 
consacre  les  140  pages  qui  suivent  à  dix  appehdices,  quelques-uns 
fort  étudiés  sur  diverses  questions  de  théorie  ou  (plus  souvent)  d'his- 
toire de  la  philosophie  relatives  à  certains  points  touchés  dans  l'ou- 
vrage :  nous  avons  remarqué  surtout  un  essai  sur  Leibniz  et  les  causes 
finales  et  un  autre  sur  VévoliUionisme  dans  Herbert  Spencer. 

Nous  avons  exprimé  quelques  critiques  dans  cette  analyse,  d'ail- 
leurs bien  incomplète,  du  grand  travail  de  M.  Janet.  Une  étude  plus 
détaillée  en  amènerait  d'autres  ;  en  général,  il  faudrait  constater,  cà 
et  là,  l'insuffisance  ou  la  timidité  de  la  métaphysique  propre  à  l'au- 
teur. On  peut  attribuer  cette  réserve  excessive  d'affirmation  à  des 
égards  de  bonne  guerre  pour  les  adversaires  qui  ont  abjuré  tout 
principe  supérieur;  mais,  parfois,  cette  interprétation  bénigne  est 
difficile  à  soutenir,  et  il  semble  bien  que,  sur  des  points  essentiels,  la 
création,  par  exemple,  la  doctrine  de  l'auteur  garde  une  fâcheuse 
indécision.  Mais  la  cause  victorieusement  défendue  par  M.  Janet  n'en 
est  pas  moins  celle  de  la  vraie  philosophie,  et  nous  serions  ingrats  de 
ne  pas  terminer  ce  pâle  et  très -insuffisant  compte  rendu  par  de  vives 
félicitations.  Les  Causes  finales  ont  leur  place  marquée,  et  une  place 
des  plus  honorables,  parmi  les  meilleures  oeuvres  du  spiritualisme 
français  contemporain. 

—  C'est  à  peu  près  uniquement  pour  mémoire  que  nous  avons  ins- 
crit parmi  les  livres  de  métaphysique  examinés  dans  ce  travail 
d'ensemble  le  premier  volume  de  la  Philosophie  de  la  religion;  cette 
œuvre  de  Hegel  est  assurément,  malgré  son  caractère  contradictoire, 
si  profondément  antipathique  à  l'esprit  français,  une  de  celles  qui 
marquent  dans  l'idéalisme  allemand  et  dont  l'influence  s'est  fait  sen- 
tir dans  le  domaine  de  la  critique  religieuse  de  ce  siècle.  De  plus, 
le  traducteur,  M.  Véra,  professeur  à  l'Université  de  Naples,  où  il  en- 
tretient le  feu  sacré   de  l'hégélianisme,  mort  ou  expirant  partout 

Mars  1878.  T.  XXII,  14. 


—  210  — 

ailleurs  y  compris  l'Allemagne,  M.  Véra,  dis-je,  a  fait  précéder  ce 
volume  d'une  longue  et  assez  curieuse  introduction  :  c'est  un  docu^ 
ment  à  consulter  pour  Thistoire  des  formes  diverses  que  l'antichristia-! 
nisme  a  revêtues  de  nos  jours.  M.  Véra,  en  vrai  optimiste  hégélien, 
représente  la  forme  sympathique,  bien  que  d'aucuns  la  puissent  jugep] 
antipathique  à  un  très-haut  degré.  Nous  avions  déjà  pris  les  notes 
nécessaires  pour  un  compte  rendu  de  ce  premier  volume  (intro^ 
duction,  texte  et  commentaires),  lorsque  nous  avons  appris  que  k 
second  volume,  dont  Tapparition  longtemps  retardée  pouvait  semblep| 
un  peu  problématique,  allait  être  publié  assez  prochainement.  Nous 
réservons  naturellement  notre  travail  pour  l'époque  où  nous  pourrons 
mieux  juger  l'ouvrage  qui  sera  tout  entier  entre  nos  mains. 

—  Les  Pri7icipes  de  philosophie  de  M.  Hartsen  sont  principalement! 
et  presque  uniquement  un  manuel  de  métaphysique;  d'autant  mieux 
que  Fauteur  a  donné  à  part  les  autres  parties  de  sa  philosophie  :  des 
Principes  de  psychologie,  dont  nous  avons  parlé  CPolybiblion,  t.  XII, 
p.  12)  ;  des  Principes  de  logique,  dans  le  même  esprit  et  les  mêmes 
dimensions, sans  compter  un  ouvrage  non  traduit, intitulé  '.Principes  de 
sagesse  praUque,  cité  dans  le  manuel  qui  est  sous  nos  yeux.  M.  Hartsen 
est  de  ceux  qui  représentent,  dans  le  pays  de  la  métaphysique  la  plus 
nuageuse, le  parti  de  Texpérience  timide  et  du  terre  à  terre  scientifique. 
Ces  modestes  dispositions  ont  du  bon  et  nous  les  louerions  volontiers 
si  elles  s'alliaient  à  une  provision  suffisante  de  notions  bien 
solidement  et  bien  clairement  établies.  Mais  rien  de  plus  vide  et  de 
plus  plat  que  ces  essais  sur  la  théorie  de  la  connaissance  (p.  36-73), 
sur  les  généralités  de  la  métaphysique,  sur  l'être,  les  qualités  et  les 
relations.  <^<  Il  y  a  peu  de  chose  à  dire  de  l'être,  ».  écrit  naïvement 
M.  Hartsen  (p.  91),  et  il  aurait  pu  répéter  une  pareille  formule  au 
début  et  à  la  fin  de  chacun  de  ses  chapitres.  11  a  pourtant  le  mérite 
d'avoir  gardé,  beaucoup  mieux  que  de  plus  illustres  penseurs  de 
son  pays  et  du  nôtre,  les  données  élémentaires  du  sens  commun  : 
il  s'étonne  qu'on  ait  pu  déclarer  que  l'idée  d'être  renferme  en  elle- 
même  une  contradiction;  il  admet  le  principe  de  causalité.  Mais  il  lui 
arrive  de  faire  observer  dans  une  note  (p.  85)  que  Stuart  Mill  a  con- 
testé l'universalité  de  ce  principe,  et  il  n'a  rien  à  dire  pour  repousser 
cette  doctrine  destructive  de  la  raison.  Que  pourrait-il  y  opposer,  en 
eifet,  lui  qui  ne  sort  pas,  dans  ses  définitions  et  ses  analyses  les  plus 
subtiles,  du  cercle  des  objets  étudiés  par  l'observation?  Sa  méta- 
physique, «  science  des  choses  les  plus  générales,  »  ne  s'occupe  pas 
de  Dieu.  Il  est  fort  scandalisé  que  les  théologiens  et  beaucoup  de 
philosophes  se  querellent  sur  les  questions  de  Dieu,  du  libre-arbitre, 
de  la  spiritualité  de  Tàme^  que  lui-même  n'a  garde  de  toucher,  sans 
doute  parce  qu'elles  ne  correspondent  à  aucun  objet  nettement  déter- 


—  211  — 

miné    pour  son   intelligence.  Est-ce  à  dire  qu'il  soit  athée?  Non;  et 
parmi  les   conditions  du  bonheur,  conditions  d'ailleurs  tout  expéri- 
mentales^ il  place  avant  tout  le  devoir,  parce  que  l'homme   doit  faire 
«  ce  que   la  puissance  suprême  (Dieu)  exige  de  lui.  »  Comment  cette 
assertion,  jetée  à  la  fin  du  livre,  s'accorde  avec  tout  le  reste,  il  n'est 
pas  facile  de  le  voir.  Il  y  a  de  singuliers  hiatus  dans  la  construction 
scientifique  de  M.  Hartsen,  malgré  le  souci  très-louable  qu'il  affiche, 
partout  pour  la  clarté  des  idées  et  du  stjle.  Peut-être  la  traduction 
française    trahit-elle  çà  et   là  les  intérêts   du  texte.  L'auteur   nous 
apprend  qu'il  porte  sur  lui  jour  et  nuit  un  carnet  dans  lequel  il  prend 
note  sur-le-champ  de  toutes   les  bonnes  expressions  qui  lui  viennent 
à  l'esprit.  «  C'est  une  précaution,  ajoute-t-il  avec  une  candeur  plus  que 
germanique,  dont  nous  avons  retiré  de  très-grands  avantages  (p.  35).  » 
Ces   avantages  brillent  peut-être  dans  le  texte  allemand;  les  pages 
françaises   de  M.  Hartsen    n'en  offrent  pas  traee.    Il  a  plus  d'une 
expression   louche  qui  prouve  que,  même  avec  l'aide    de  M.  Paul 
Regnaud,  il  ne  manie  pas  sans  peine  l'idiome  de  la  France,  Dans 
une  série  de  règles  de  méthode  assez  justes,  mais  fort  communes, 
qu'il  a  placées  en  tête  de  son  livre,  il  recommande,  «  conformément 
au  proverbe  français,  »  de  juger  Les  écrits  d'après  leur  date;  c'est  une 
règle  de  bon  sens  et  non  pas  un  proverbe.  Le  vers  cité  à  la  même 
page  :   La  critique  est  aisée,  mais...  n'est  pas   davantage  un  vers. 
M.  Hartsen  choppe  également  sur  le  latin  :  il  a  écrit  trois  fois  au 
moins  (p.  6,  10,  15)  celer  pour  celeriter.  Mais  qu'on  lui  pardonnerait 
volontiers  ces  peccadilles  s'il  réalisait  son  programme  :  résumer  sous 
une  forme  claire,  courte  et  complète  les  résultats  démontrés  de  la 
science  philosophique!  J'ai  dit   assez  que  ce  programme  reste  tout 
entier  à  remplir  après  lui.  Je  ne  puis  guère  louer  dans  ces  pages  que 
des  conseils  pratiques  pour  l'étude  en  général,  pour   l'observation 
physique  en  particulier;  des  remarques  parfois  assez  justes  sur  l'abus 
des  mots  et   sur  l'absence  d'idées  nettes  et  bien  déterminées;  des 
règles  de  conduite  d'une  sagesse  toute  bourgeoise,  mais  qui  peuvent 
avoir  leur  emploi.  Quant  à  la  hauteur  de  la  pensée  philosophique  de 
M.  Hartsen,  nos  lecteurs  pourront  la  mesurer   eux-mêmes   sur   un 
léger  échantillon  pris  à  peu  près   au  hasard  dans  son  livre.  Il  s'agit 
des  moyens  d'arriver  au  bonheur.  Après  neuf  indications  également 
profondes,  l'auteur  établit,  en  dixième  lieu,  que  les  a  auxiliaires  les 
plus  importants  sont  les  hommes,  et  surtout  ceux  qui  ont  de  la  puis- 
sance. Le  moyen   de  tirer  parti  d'eux,  c'est-à-dire  d'obtenir  qu'ils 
travaillent  dans  notre  intérêt,  consiste  à  leur  faire    accomplir  des 
mouvements  appropriés  à  ce  but.  Il  faut   pour  cela  exciter  en  eux 
des   motifs   d'agir   conformes   au  but  que  nous  avons  en  vue  ou,  en 
d'autres  termes,  des  désirs  en  harmonie  avec  nos  intentions,  surtout 


—  212  — 

à  l'aide  de  sentiments  agréables  ou  désagréables,  et,  par  consé- 
quent, provoquer  en  eux  certains  sentiments.  »  Je  m'arrête;  ce  court 
passage  montre  assez  bien  l'allure  naturelle  de  l'écrivain  et  donne 
une  assez  juste  idée  de  son  inspiration,  pour  que  certains  lecteurs 
curieux  sentent  le  besoin  de  goûter  à  même  et  de  s'approprier  en  son 
entier  le  corpus  delicti,  et  pour  que  d'autres  s'en  croient  très-légiti- 
mement dispensés. 

—  Ce  serait  faire  beaucoup  trop  d'honneur  àM.  B.  Sernin-Castex 
et  à  son  Dieic  de  les  réfuter  ou  de  les  exposer  sérieusement  à  cette 
place.  Presque  tout  ce  livre  est  composé  de  reliefs  mal  réchauffés  de 
l'impiété  superficielle  du  dernier  siècle  contre  le  Jéhovah  de  l'Ancien 
Testament  et  l'Homme-Dieu  du  Nouveau.  Puis  s'ouvre  la  scène 
fantasmagorique  de  l'évolution  des  forces  de  l'univers,  qui  aboutit  à 
cette  conclusion  triomphante  :  Après  les  découvertes  de  la  science 
moderne_,le  dieu  des  siècles  d'ignorance  et  de  superstition  a  fait  son 
temps.  Mais  sa  place  ne  restera  pas  vacante  :  le  dieu  du  monisme 
matérialiste  est  là  pour  l'occuper.  Et  comme  cette  doctrine  est  des- 
tructive de  tout  progrés  libre,  l'ouvrage  (qui  n'est  que  le  début  d'une 
série  d'études  sociales)  est  dédié  «aux  hommes  de  l'avenir,  c'est-à-dire 
à  leur  esprit  de  progrès,  de  vérité  et  de  liberté  !  » 

—  Pendant  que  les  ennemis  de  toute  idée  d'ordre  et  de  vertu  pour- 
suivent leur  œuvre  infernale,  les  ouvriers  de  Dieu,  de  leur  côté,  ne 
cessent  de  faire  briller  aux  yeux  de  leurs  frères  la  lumière  qni  nous 
vient  du   ciel  et  qui  nous  y  appelle.  Un  des  plus  goûtés  parmi  ces 
pieux  apologistes,  c'est  M.  l'abbé  Riche,  dont  le  Polybiblion  a  déjà 
fait  connaître  un  premier  essai  de  théologie  naturelle  (t.  XIX,  p.  212). 
En  vue  de  donner  aux  arguments  de  l'existence  de  Dieu  qui  se  tirent 
de  Tordre  de  la  nature  une   force  nouvelle  par  une  étude  attentive, 
minutieuse,  rigoureusement  scientifique  et  pourtant  facile  et  populaire, 
de   quelques-unes  des  merveilles  de  la  création,  le   savant  et  zélé 
sulpicien  a  ouvert  une  série  de  charmants  volumes  revêtus  de  cette 
commune  épigraphe:  «Le  maître  de  toute  science,  c'est  Dieu.»  L'idée 
nous  paraît  excellente  :  c'est  le  goût,  le  besoin  et  le  devoir  de  notre 
génération  do  se  mettre  au  courant  des  merveilleux  progrès  qui  ont 
renouvelé  de   nos  jours  les  sciences  naturelles.  Cette  idée  est  d'ail- 
leurs fort  bien  exécutée  par  le  modeste  écrivain.  Il  parle  au  nom  de 
la  science  ;  il  étudie,  il  analyse   avec  une  clarté  parfaite.  Il  ne  prêche 
pas  avant  l'heure  du  sermon;  mais  après  sa  leçon  d'anatomie,  n'ayant 
pas  à  craindre  de  voir  fuir  le  lecteur  charmé  d'être  à  si  bonne  école, 
il  fait  sa  leoon  de    catéchisme.  Et  comme  les  conclusions  religieuses 
s'imposent  à  toute  raison  droite,  édifiée  par  la  patiente  étude   des 
mille  détails  d'un   organe  humain  !  On  sait  que  Vœil  a  d'abord  attiré 
l'attention  de  M.  Riche,  semblable  en  ce  point  au  père  de  la  philo- 


—  213  — 

Sophie  ancienne.  Aujourd'hui,  il  nous  développe  les  Merveilles  du  cœur. 
C'est  d'abord  une  étude  physiologique  du  sang,  accompagnée  de 
quelques  réflexions  naorales,  d'où  nous  aurions  exclu  le  symbolisme 
du  sucre  et  du  fer  —  mais  d'autres  esprits  pourront  le  goûter,  et  sans 
préjudice  de  la  science  ;  —  puis  l'anatomie  du  cœur  et  la  description 
minutieuse  de  la  circulation  du  sang.  On  sait  que  l'exposition  de  cette 
fonction  si  étendue  et  si  multiple  n'est  pas  sans  difficulté.  M.  Riche 
s'en  est  tiré  mieux  que  nul  auteur  élémentaire  connu  de  nous  :  il  n'est 
rien  de  plus  facile  que  de  suivre  avec  lui,  non  sans  recourir  aux  excel- 
lentes figures  intercalées  dans  son  texte, tous  les  détails  de  la  grande 
et  de  la  petite  circulation.  La  conclusion  divine,  sous  le  titre  de 
Sursum  corda  !  est  également  éloquente  et  décisive.  Aux  textes  de 
Bossuet,  je  regrette  pourtant  que  l'auteur  n'ait  pas  joint  une  des  plus 
belles  pages  du  P.  GvsitTjlConn.  deDieu,lï,i^.  125.)  L'ouvrage  se  termine 
par  une  étude  religieuse  sur  la  dévotion  au  Sacré-Cœur  de  Jésus, 
dévotion  dont  M.  l'abbé  Riche  montre  fort  bien  la  convenance,  sans 
se  départir  des  idées  communément  reeues  dans  la  science  contem- 
poraine, qui  n'attribue  au  cœur  aucune  initiative  dans  l'activité  con- 
naissante ou  affective  de  l'homme.  En  somme,  petit  livre  excellent 
comme  science,  comme  philosophie,  comme  théologie,  comme  forme 
littéraire;  sans  compter  que  M.  Pion  en  a  fait  un  bijou  typographique; 
mais  M.  Pion  est  si  habitué  a  produire  de  tels  bijoux  qu'il  est  à  peine 
besoin  de  le  dire. 

—  Si  ce  n'est  pas  un  chrétien  qu'on  rencontre  dsinsl&Natwe  et  la  vie 
de  Fernand  Papillon,  c'est  au  moins  une  âme  sincère,  partie  de  la 
négation  et  du  doute,  mais  s'élevant  peu  à  peu  jusqu'à  une  conception 
vraiment  religieuse  du  monde.  Les  morceaux  réunis  dans  ce  volume 
ont  été  classés  par  l'auteur  lui-même  dans  un  ordre  méthodique  et 
très-soigneusement  revus.  Mais  ils  avaient  été  hautement  remarqués 
dans  la  Revue  des  Deux  Mondes  et  dans  les  autres  recueils  qui  en 
avaient  eu  la  primeur,  et,  en  effet,  la  plupart  d'entre  eux  peuvent  être 
cités  comme  des  modèles,  dans  l'art  si  difficile  d'exposer  en  beau  et 
clair  langage  les  théories  scientifiques  les  plus  abstruses  et  de  réunir 
dans  un  tableau  saisissant  les  mille  faits  d'observation  qu'impliquent 
de  nouvelles  théories  encore  inachevées.  C'est  surtout  le  talent  d'ex- 
position, uni  à  une  richesse  d'informations  étonnante  chez  un  travail- 
leur si  jeune,  qui  recommande  ces  belles  et  curieuses  études  sur  la  vie 
dans  ses  rapports  avec  la  lumière,  la  chaleur,  l'électricité,  les  odeurs; 
sur  les  médicaments  et  les  progrés  de  la  thérapeutique;  sur  les  greffées 
animales;  sur  les  fermentations;  sur  les  signes  de  la  mort;  sur 
l'hérédité  en  physiologie,  en  médecine  et  en  psychologie.  La  pensée 
psychologique  de  Papillon  resta  incomplète  ;  il  crut  à  l'àme  immor- 
telle pour  d'excellentes  raisons  morales;  mais  la  notion  du  principe 


--  214  — 

pensant  ne  se  dégagea  pas  assez  nettement  pour  lui  de  la  notion  de  la 
vie.  Et  cette  dernière  elle-même  garda  quelque  chose  du  caractère  de 
multiplicité,  de  dispersion  qu'elle  avait  dans  le  vitalisme  de  Bichat, 
l'une  des  admirations  de  Papillon.  Il  y  a  même  dans   ce  volume  telle 
page  où  l'auteur  ne  se    sépare  pas  encore  assez  résolument  des   doc- 
trines matérialistes  d'où  il   était  parti.   Ceci  s'applique    surtout  à  la 
dernière   des  trois  études  que  je  n"ai  pas  indiquées  plus  haut  et   qui, 
placées  en  tête  du  volume,  sont  assurément  les  plus  remarquables  de 
toutes  par  les  vues  philosophiques.  Dans  cette  troisième  étude,  sur  la 
constitution  des  êtres  vivants,  le  jeune   écrivain  recommandait  une 
réserve  absolue,  sur  la  nature  du  principe  de  la  pensée,  sous  prétexte 
que   l'esprit  humainj  est  «  également   impuissant  à  comprendre   de 
quelle  manière  la  vie  et  la  pensée  peuvent  provenir  d'une  agrégation 
d'atomes  ou  d'une    cause    surnaturelle    (p.   121).  »   Mais  des  idées 
spiritualistes  bien  plus  avancées  dominent  dans  les  deux  morceaux 
de  première  importance  qui  ouvrent  le  volume  :  la  constitution  de   la 
matière,  vaste  et  audacieux  système  de  dynamisme  universel  ;  et  la 
philosophie  de  la  nature  dans  Leibniz,  origine  de  ces  théories  pleines 
de   noblesse,  d'une     vraie   portée    religieuse,   mais    d'un    caractère 
certainement  trop  exclusif  et  trop  hypothétique.  Parti  de  la  matière. 
Papillon  s'était  élevé  jusqu'à  l'esprit;  mais,  dans  l'éblouissement  de 
cette  vision  radieuse,  peu  s'en  faut  qu'il  n'ait  méconnu  et  nié  le  monde 
des  réalités  matérielles.  Heureux  du  moins  d'avoir  adoré  à  ces  hauteurs, 
SLyec  une  humble  piété  {ce  sont  ses  termes),  «  la  mystérieuse  Puissance 
qui  a  tout  établi  (p.  iv).»  Nous  devions  ces  quelques  mots  à  un  volume 
remarquable  qui  nous  est  arrivé  beaucoup  trop  tard  ;  mais  ils  suffiront 
pour  dégager  notre   promesse,  à  l'égard  d'un   ouvrage  qui  n'est  plus 
nouveau.  Du  reste  nous  avons  jugé  ailleurs  (t.  XIX,  p.  289)  F.  Pa- 
pillon ;  et  nous   venons  de  montrer  que  ce  livre  même  ne    peut  être 
recommandé  sans  réserve  à  tous  les  lecteurs. 

—  Au  contraire,  c'est  avec  une  sympathie  absolue  que  tous  les 
esprits  cultivés  doivent  accueillir  les  excellentes  Lettres  à  un  matéria- 
liste sur  la  pluralité  des  mondes  habités  et  les  questions  qui  s'y  ratta- 
chent. Nous  ne  connaissons  pas  M.  Jules  Boiteux,  auteur  de  ce  livre  ; 
mais  nous  nous  demandons  à  quoi  tient  la  fortune  des  œuvres  litté- 
raires, supposé  que  des  pages  si  sensées  et  si  élevées,  si  savantes  et 
si  claires,  si  philosophiques  et  si  poétiques,  si  exactement  scientifiques 
et  si  hautement  religieuses,  passent  inaperçues,  ou  du  moins  ne  pro- 
curent pas  au  modeste  débutant  une  réputation  supérieure  à  celle 
de  tels  et  tels  vulgarisateurs  de  notre  époque,  devenus  populaires 
avec  dix  fois  moins  de  conscience  et  de  talent.  Peut-être  reprochera- 
t-onà  M.  Jules  Boiteux  d'être  et  de  se  déclarer,  non-seulement  théiste, 
mais  chrétien,  mais  catholique.  A  part  ce  reproche,  je  ne  vois  pas 


—  21o  — 

que  les  amis,  si  nombreux  aujourd'hui,  des  progrès  dans  l'étude  de  la 
nature  aient  lieu  d'être  hostiles  à  un  homme  qui  se  place  toujours 
sur  le  terrain  de  la  science,  qui  est  au  courant  des  théories  et  des 
expériences  les  plus  nouvelles  et  qui  a  le  talent  de  les  faire  admira- 
blement comprendre  même  aux  personnes  étrangères  à  ces  graves 
questions.  —  Donnons  une  courte  analyse  de  cet  ouvrage  que  nous 
engageons  tous  nos  lecteurs  à  étudier  par  eux-mêmes. 

Dès  la  première  lettre,  on  s'aperçoit  que  M.  Boiteux  a  bien  saisi 
la  vague  mais  formidable  opposition  que  le  progrès  scientifique  crée 
dans  beaucoup  d'esprits  contre  la  religion  révélée  et  même  contre  la 
religion  naturelle.  Le  monde  est  créé  pour  l'homme  et  l'homme  pour 
Dieu  :  cette  vérité  lumineuse  subsistera  certes  à  jamais;  toutefois 
elle  a  soufiert  dans  beaucoup  d'âmes  de  terribles  atteintes,  par  cela 
même  qui  aurait  dû  l'afi'ermir,  je  veux  dire  la  connaissance  plus 
étendue  et  plus  profonde  des  lois  de  l'univers.  C'est  que  l'éternelle 
vérité  s'était  revêtue  dans  ces  âmes  des  fantômes  de  la  science  phy- 
sique, incomplète  ou  fausse,  de  l'antiquté.  Ces  fantômes  se  sont  dis- 
sipés, et  la  science  moderne  a  misa  leur  place  les  vraies  lois  cosmi- 
ques, poursuivies  jusque  dans  l'immensité,  et  les  vraies  lois  de  la  vie, 
surprises  jusque  dansl'infiniment  petit.  Qu'est-il  arrivé  dès  lors  dans  la 
sphère  des  idées  religieuses?  En  voyant  tomber  l'illusion  dont  ils  avaient 
inconsciemment  affublé  leur  foi,  bien  des  gens  n'ont  pas  su  retenir 
cette  foi  elle-même.  On  les  rencontre  à  chaque  pas,  ces  pauvres  rai- 
sonneurs qui  ne  croient  plus  à  la  Genèse  depuis  qu'ils  croient  à  New- 
ton et  à  Laplace  ;  qui  supposent  que  les  dogmes  du  Dieu  personnel  et 
de  l'âme  immortelle  n'ont  plus  de  sens  parce  que  la  terre  tourne  au- 
tour du  soleil,  au  lieu  d'être  le  centre  immobile  des  mondes.  Camille, 
l'ami  auquel  écrit  M.  Jules  Boiteux,  et  qui  n'est  pas  un  personnage 
fictif,  à  ce  que  l'auteur  nous  déclare  lui-même,  est  entré  dans  cette 
voie.  Il  a  rejeté  toute  croyance  religieuse  depuis  qu'il  accepte  de  la 
science  moderne  tout  ce  qu'elle  démontre,  et  même  tout  ce  qu'elle 
suppose,  rêve  ou  conjecture  :  matière  cosmique  répandue  à  l'infini, 
forces  de  la  vie  inhérentes  à  la  matière,  générations  spontanées, 
transformisme,  pluralité  des  mondes  habités.  Il  est  peut-être  un 
peu  étrange  que  l'auteur  parte  de  ce  dernier  point,  qui  est  loin  d'être 
le  plus  essentiel.  Mais  la  vérité  ni  l'intérêt  n'y  perdent  rien. 

Lisez,  dans  la  deuxième  lettre,  les  conditions  requises  pour  la  vie 
animale;  dans  les  deux  lettres  suivantes,  les  conséquences  qui  en 
résultent  contre  l'hypothèse  qui  placerait  des  habitants  dans  le  soleil 
ou  dans  la  lune  en  son  état  actuel  (car  elle  a  dû  avoir,  à  une  époque 
antérieure,  une  atmosphère  plus  ou  moins  complète,  depuis  longtemps 
absorbée).  Vous  serez  gagné  par  l'exposition  savante  et  facile  de 
l'auteur,  et,  pour  peu  que  vous  acceptiez  avec  lui  et  avec  son  corres- 


—  216  — 

pondant,  comme  avec  la  plupart  des  astronomes  contemporains, 
l'hypothèse  cosmogonique  de  Laplace,  il  vous  fera  convenir  que 
l'existence  d'une  atmosphère  suffisante  à  la  vie  animale  ne  doit  pas 
être  un  fait  permanent  autour  d'une  planète  quelconque;  que,  par 
conséquent,  la  présence  d'êtres  organisés  dans  chacune  des  planètes, 
y  compris  la  terre,  est  essentiellement  temporaire  ;  que  la  vie  ne 
saurait  d'ailleurs  commencer  et  finir  qu'à  des  dates  très-diverses  dans 
les  divers  mondes;  que,  pour  chacun  d'eux,  avant  et  après  cette 
période  favorable,  il  faut  admettre  des  périodes  sans  vie  d'une 
longueur  qui  dépasse  l'imagination.  Vous  n'oserez  le  contredire  quand 
il  écrit  :  «  Le  règne  entier  de  la  vie  végétative  sur  la  terre  ne  m'ap- 
paraît  plus  que  comme  une  fraction  minime  de  la  durée  totale  du 
globe  ;  que  dire  de  Tespace  de  temps  qui  correspondra  au  passage  de 
la  vie  pensante  ou  de  l'humanité  elle-même  ?...  Je  crois  pouvoir  dire, 
en  ce  qui  touche  spécialement  l'espèce  humaine,  que  son  règne  n'aura 
pas  la  longueur  de  la  dix  millième  partie  de  la  durée  de  notre  planète.  » 
Mais  de  cette  théorie,  conforme  aux  données  généralement  admises, 
quoique  personne  peut-être  n'en  eût  encore  expressément  tiré  ces 
conséquences,  voyez  ce  qui  découle  relativement  à  l'habitation  des 
globes  célestes  :  «  Supposez  qu'on  aborde  l'un  quelconque  de  ces 
globes  à  une  époque  indéterminée  de  son  existence,  il  y  a  dix  mille 
à  parier  contre  un  qu'on  n'y  rencontrera  pas  d'êtres  raisonnables,  soit 
parce  qu'ils  n'y  auraient  point  encore  fait  leur  apparition,  soit  parce 
qu'ils  y  auraient  déjà  fini  leur  carrière  (lettre  6%  p.  104,  105).  » 
Notez  que  l'auteur  n'admet  pas  même  cette  chance  d'un  contre  dix 
mille  comme  bien  sérieuse,  puisque  sa  troisième  partie  est  employée 
à  soutenir  que  Dieu  a  très-bien  pu  ne  placer  que  sur  notre  terre  des 
êtres  doués  de  raison. 

Séduit  par  ces  curieux  détails,  j'ai  négligé  d'analyser  fidèlement  le 
contenu  des  neuf  lettres  qui  constituent  la  première  partie  de  ce 
livre.  On  en  voit  le  résultat  en  ce  qui  touche  l'habitabilité  des  astres  ; 
pour  les  recommander  encore  mieux,  je  me  contenterai  d'ajouter 
qu'elles  ofi'rent  une  très-intéressante  exposition  de  tout  le  système 
cosmogonique  de  Laplace,  complété  par  la  démonstration  de  l'exis- 
tence d'une  cause  du  monde  intelligente  et  libre.  La  seconde  partie 
(10^-15^  lettres),  a  une  importance  encore  supérieure,  au  point  de 
vue  scientifique  et  religieux.  L'auteur  y  étudie  les  origines  de  la  vie 
animale,  ce  qui  l'amène  à  repousser  la  doctrine  des  générations  spon- 
tanées et  le  darwinisme,  particulièrement  en  ce  qui  concerne  l'es- 
pèce humaine,  qui  forme  un  règne  absolument  à  part.  Ces  questions 
sont  traitées  avec  la  môme  compétence,  la  même  vivacité,  la  même 
clarté  que  les  précédentes  ;  elles  ont  ici  le  tort  d'être  un  peu  dimi- 
nuées par  leur  subordination  au  problème  très-différent  de  la  piura- 


—  217  — 

lité  des  mondes  habités,  mais  elles  n'en  reçoivent  pas  moins  leur 
part  suffisante  de  discussion,  et  à  ce  propos  encore  les  lecteurs  de 
M.  Boiteux  lui  sauront  gré  de  l'instruction  qu'il  leur  donne  avec 
tant  d'agrément.  Je  signalerai  tout  spécialement  comme  modèle  de 
vulgarisation  scientifique,  la  longue  note  sur  les  générations  spon- 
tcmées  (p.  200-213).  —  Cette  seconde  partie  se  termine,  comme  la  pre- 
mière, par  une  démonstration  de  Dieu  :  la  cause  première  de  la  vie 
est  essentiellement  libre;  et  cette  étude  de  Dieu  créateur  de  la  vie  et 
de  l'homme  ramène  la  question  des  mondes  habités,  au  point  de  vue 
des  êtres  doués  non-seulement  de  vie,  mais  de  raison. 

En  effet,  à  cette  demande  :  Y  a-t-il  des  êtres  raisonnables  dans 
d'autres  mondes  que  celui  que  nous  habitons  ?  on  ne  peut  essayer  de 
donner  une  réponse  probable  qu'en  étudiant  de  près  les  attributs  de 
Dieu  pour  y  lire  les  vues  de  sa  Providence.  M.  Jules  Boiteux,  dans 
les  cinq  premières  lettres  de  cette  troisième  partie,  plaide  avec  élo- 
quence la  cause  qui  paraît  le  moins  prêter  à  l'éloquence.  Je  crois 
entendre  le  vénéré  P.  Gratry  développer  l'hypothèse  de  mondes 
innombrables  tous  habités  par  des  adorateurs  de  Dieu.  Que  dis-je 
hypothèse  ?  C'était  une  certitude  pour  lui  ;  et  il  apportait  à  l'appui, 
noïi-seulement  des  analogies  scientifiques  et  des  convenances  reli- 
gieuses, mais  même  des  textes  évangéliques  qui  sont  loin,  je  l'avoue, 
d'avoir  gardé  à  mes  yeux  la  force  probante  qu'y  attachait  ce  maître 
incomparable.  Mais,  à  l'écouter,  on  ne  résistait  pas.  Eh  bien,  je 
déclare  que  M.  Boiteux  m'a  bien  ébranlé,  s'il  ne  m'a  pas  converti 
tout  à  fait.  Il  est  vrai  que  ce  qui  me  prévient  surtout  en  sa  faveur, 
c'est  qu'il  ne  décide  pas,  c'est  qu'il  reconnaît  l'impuissance  de  notre 
raison  dans  le  domaine  du  libre  arbitre  de  Dieu.  Après  avoir  résolu 
de  former  «  une  création  intelligente  et  adoratrice,  »  Dieu  «  est  resté 
absolument  maître  de  la  disperser  dans  les  diverses  régions  des  cieux, 
comme  aussi  de  la  répartir  sur  un  petit  nombre  de  sphères  voisines 
ou  même  de  la  rassembler  sur  une  seule  (p.  401).  »  En  faveur  de  ce 
dernier  cas,  l'auteur  fait  voir  que  ce  magnifique  spectacle  du  monde, 
pour  n'être  pas  du  travail  perdu,  n'exige  rien  autre  chose  qu'un  ou 
plusieurs  spectateurs  dignes  de  lui.  Et  il  nous  montre  bien  que  cette 
condition  peut  se  réaliser  en-dehors  de  l'hypothèse  des  humanités 
multiples,  surtout  quand  il  est  prouvé  que  les  terres  célestes,  habitées 
ou  non,  sont  la  moindre  partie  de  la  substance  cosmique,  représentée 
surtout  par  d'énormes  soleils  en  continuelle  ignition  et  par  d'innombra- 
bles comètes  toutes  fluides  et  toutes  lumineuses.  Les  lettres  suivantes 
(21  et  22)  combattent  le  matérialisme  et  le  déisme,  principalement 
au  point  de  vue  de  l'ordre  et  de  la  finalité  de  l'univers,  mais  aussi  k 
celui  de  la  moralité  et  de  la  destinée  humaines.  La  vingt-troisième 
fait  voir  que  l'hypothèse  d'êtres  raisonnables  répandus  dans  tous  les 


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mondes  n'a  rien  qui  soit  contraire  au  dogme  chrétien  ;  l'auteur,  sans 
sortir  de  l'orthodoxie  catholique,  montre  ici  autant  de  hardiesse  dans 
l'indication  des  hypothèses  possibles,  qu'il  a  déployé  de  ferme  raison 
dans  la  réfutation  de  l'erreur.  Enfin  une  dernière  lettre,  rejetée  en 
appendice,  présente  non  une  démonstration  chrétienne  au  complet, 
mais  une  sorte  de  préparation  évangélique,  pleine  de  noblesse  et 
d'onction.  Il  était  juste  que  la  religion  chrétienne  apparût,  comme  la 
règle  de  la  vérité,  au  bout  de  cette  carrière  que  l'auteur  a  parcourue  à 
sa  clarté,  mais  en  n'empruntant  ses  preuves  qu'à  la  science  et  à  la 
philosophie . 

Et  maintenant,  inutile  d'insister,  soit  sur  le  mérite  intrinsèque, 
soit  sur  l'intérêt  actuel  et  piquant,  soit  sur  les  sérieuses  qualités  litté- 
raires de  cet  ouvrage.  Nous  avons  assez  dit  quel  succès  nous  lui  sou- 
haitons ;  mais  il  nous  reste  à  remercier  l'auteur  du  plaisir  qu'il  a 
procuré  à  un  pauvre  critique,  habituellement  courbé  sur  des  livres 
abstraits,  presque  toujours  attristants  pour  sa  raison  et  pour  sa 
foi.  Passer  des  élucubrations  malsaines  de  l'idéal  allemand  ou  du 
positivisme  français  à  une  œuvre  si  vivante,  si  pleine  d'espoir  et 
d'immortalité,  c'est  une  jouissance  pareille  à  celle  du  naufragé  qui 
prend  terre  ou  du  voyageur  mourant  de  fatigue  et  de  soif  qui  ren- 
contre une  fraîche  oasis  au  milieu  des  sables  du  désert  ! 

—  J'ai  dû.  insister  un  peu  sur  une  œuvre  de  début  et  sur  un  nom 
encore  nouveau  ;  pour  les  raisons  contraires,  je  n'ai  qu'à  signaler  le 
Discours  de  l'éminent  doyen  de  la  Faculté  de  médecine  à  l'Université 
catholique  de  Lille,  sur  les  rapports  de  la  science  et  de  la  religion  en 
ce  qui  concerne  l'origine  des  êtres  organisés.  M.  Béchamp  se  pose 
admirablement  en  face  de  la  science  qui  s'attribue  le  monopole  du 
courage  et  de  la  liberté  :  il  avoue  que  la  science  des  chrétiens  a  peur 
et  qu'elle  n'est  pas  libre  :  elle  a  peur  de  l'erreur  et  du  mensonge  ; 
elle  n'est  pas  libre  d'aimer  le  faux  et  de  haïr  le  vrai.  Et  puis,  après 
avoir  prouvé  que  la  méthode  suivie  par  les  matérialistes  est  en  fla- 
grante opposition  avec  les  régies  élémentaires  de  la  vraie  méthode 
scientifique,  il  montre  que  les  résultats  obtenus  par  cette  dernière, 
sur  la  question  de  l'origine  de  l'organisation  et  de  la  vie,  se  trouvent, 
dans  leurs  traits  essentiels,  écrits  au  premier  chapitre  de  la  Genèse. 
Dans  ce  commentaire,  respectueux  autant  que  savant,  de  la  parole 
révélée,  on  remarquera  les  traits  dirigés  contre  les  doctrines  des 
générations  spontanées,  de  la  variabilité  de  l'espèce,  de  la  pure  ani- 
malité de  l'homme.  A  un  point  de  vue  plus  personnel,  on  recueillera 
çà  et  là  de  précieuses  indications  sur  un  des  objets  que  l'éminent 
doyen  a  le  plus  étudiés,  je  veux  dire  les  microzijmas,  sorte  d'excrois- 
sances de  la  cellule  animale,  lesquelles,  survivant  indéfiniment  à 
l'organisme    qui   les  a   produites ,   peuvent   devenir   des   infusoires, 


—  219  — 

gents  de  ces  fermentations  où  Thétérogénie  a  voulu  trouver  une  de 
3S  preuves.  On  notera  aussi  (p.  74-75),  à  propos  du  principe  vital,  si 
her  à  l'école  de  Montpellier,  une  profession  de  foi  d'une  modestie 
raiment  scientifique  et  vraiment  chrétienne. 

LÉONCE  Couture. 


THEOLOGIE 


rovum  Testamentuni  graece.  Ad  antiquissimos  kstes  denuo  recen- 
suit,deleciuque  critico  ac prolegumenis  inslruxit  Constant  de  Tischendorf. — 
Editio  critica  miner  ex  YIII  majore  desumpta.  Lipsiae,  Hinrichs,  1873- 
1877,  petit  ia-8  de  1056  p.  —  Prix  :  15  fr. 

La  réputation  des  éditions  critiques  du  Nouveau  Testament  de 
iscliendorf  est  universelle.  La  première  partie  de  celle-ci,  qui  com- 
renait  depuis  saint  Mathieu  jusqu'au  chapitre  xxvi  des  Actes,  avait 
aru  dès  1873.  La  seconde  partie  qui  embrasse  la  fin  du  Nouveau 
restament  n'a  paru  que  récemment.  Quand  on  voit  quelle  multitude 
e  manuscrits  et  de  textes  imprimés  a  été  collationnée  par  l'éditeur, 
n  est  véritablement  stupéfait  de  la  somme  de  travail  qu'a  réclamée 
a  publication  de  ce  livre,  et  l'on  ne  s'étonne  plus  qu'il  ait  fallu 
lusieurs  années  pour  la  mener  à  terme.  Il  j  manque  encore  les  pro- 
3gomènes.  On  a  pu  craindre  quelque  temps,  après  la  mort  de  Tischen- 
orf,  qu'il  n'y  eût  personne  d'assez  courageux  et  d'assez  au  courant 
es  matières  si  multiples  de  la  critique  sacrée  pour  entreprendre  une 
3uvre  aussi  considérable  et  aussi  difiîcile.  L'infatigable  éditeur, 
I.  Hinrichs,  a  trouvé  dans  le  D^  Caspar-René  Gregory,  un  savant 
apable  de  suppléer  le  D""  Tischendorf,  et  il  a  annoncé  pour  les 
*âques  prochaines  les  prolégomènes  de  Vcditio  major  en  même  temps 
ue  de  Veditio  minor.  En  attendant,  une  clef  des  signes  et  des  abrévia- 
ions  de  Vapparatus  criticus,  placée  en  tête  de  la  seconde  partie, 
iermet  de  se  servir  facilement  de  la  présente  édition.  Pour  gagner 
le  la  place,  les  indications  des  manuscrits  et  des  textes  sont  réduites 
L  leur  plus  simple  expression,  généralement  à  une  seule  lettre,  et, 
ûalgré  cette  simplification,  les  indications  occupent,  en  moyenne,  la 
Qoitié  de  la  page.  Tischendorf  a  collationné,  pour  les  Evangiles, 
i7iquante -deux  manuscrits  k  lettres  onciales,  plus  quatre  évangéliaires, 
latant  tous  du  quatrième  au  neuvième  siècle,  sans  compter  les  nom- 
)reuses  versions,  les  textes  imprimés  et  les  citations  des  Pères,  dont 
1  fait  largement  usage.  On  peut  juger  par  là  de  la  richesse  de  cette 
idition. 

Nous   regrettons     que  Tischendorf    se  soit  prononcé  contre  l'au- 
,henticité  de  la  conclusion  de  saint  Marc.  Il  fait  dire  à  saint  Jérôme 


—  220  — 

(p.  188  b),plus  que  ce  Père  ne  dit  en  réalité.  Il  avance  assurément  plus 
qu'il  ne  peut  prouver,  quand  il  écrit  (p.  401)  :  a  Locum  de  adultéra  non 
ab  Johannc  scriptum  esse  cerlissimum  est.  »  Les  critiques  catholiques 
ont  d'excellentes  raisons  à  alléguer  en  faveur  de  l'authenticité  de  ce 
passage.  Nous  avons  une  observation  analogue  à  faire  sur  Joan.,\,  7. 
Certaines  leçons  adoptées  par  Tisehendorf  sont  aussi  contestables. 
Enfin  plusieurs  lecteurs  jugeront  qu'il  eût  été  préférable  de  respecter 
l'ordre  universellement  adopté  dans  la  diposition  des  parties  du 
Nouveau  Testament  et  de  ne  pas  placer  les  Epîtres  catholiques  avant 
celles  de  saint  Paul,  mais  c'est  là  une  chose  peu  importante.  Malgré 
ces  restrictions  nécessaires,  il  n'y  a  qu'une  voix  pour  reconnaître  la 
valeur  critique  du  travail  de  Tisehendorf. 

La  division  par  versets  est  conservée,  mais  le  texte  ne  reprend  à 
la  ligne  qu'au  commencement  des  alinéas,  ce  qui  facilite  l'intelligence 
du  sens.  Les  caractères  grecs  sont  très-beaux  et  très-nets  ;  l'impres- 
sion d'une  correction  parfaite.  Elle  offre  cette  particularité  que  le 
sigma,  à  la  fin  des  mots,  n'a  pas  la  forme  du  sigma  final,  il  est  le 
même  que  dans  le  corps  des  mots.  Les  références  sont  indiquées  en 
marge.  C  J. 


JRatruiii  A.postoIicoruin  opéra.  Textum  ad  fidcm  codîcum  et 
grxcorum  .et  latinorum  adhibîtis  prœstantissimis  editîonibus,  recensuerunt 
Oscar  de  Gebhardt.  Adolfus  Harnack,  Theodorus  Zahn.  — Editiominor. — 
Leipzig,  Hinrichs,  1877,  petit  in-8    de    vni-220  p.   Prix:  4fr.  50. 

Le  Polybiblion  a  déjà  fait  connaître  trois  fascicules  de  Yeditio  major 
des  Pères  apostoliques  publiés  par  l'éditeur  Hinrichs,  et  en  a  apprécié 
le  mérite.  Pour  que  la  grande  édition  soit  complète,  il  ne  reste  plus  à 
paraître  que  la  seconde  partie  du  second  fascicule,  qui  doit  contenir 
l'Épître  de  saint  Barnabe,  les  fragments  de  Papias  et  l'Êpître  à 
Diognète.  Mais  sans  en  attendre  l'achèvement,  les  trois  savants  qui 
ont  revu,  collationné  et  étudié  le  texte  viennent  de  publier  une  éditior 
complète  de  tous  les  Pères  apostoliques,  réunis  en  un  seul  volume.  Ils 
appellent  cette  édition  editio  minor,  parce  qu'elle  ne  renferme  ni  les 
prolégomènes,  ni  la  traduction,  ni  les  variantes,  ni  les  notes  qu 
enrichissent  l'édition  complète,  mais  seulement  le  texte  original  avec 
l'indication,  au  bas  des  pages,  des  citations  de  la  sainte  Ecriture  e- 
une  table  alphabétique  des  noms  propres  cités  parles  Pères  apostoli- 
ques, à  la  fin  du  volume.  Elle  est  principalement  destinée  aux  écoles 

Le  texte  des  Epîtres  de  saint  Clément  de  Rome  est  reproduit  d'aprèi 
la  grande  édition  de  1876;  mais  la  préface  donne  quelques  nouvelle; 
leçons,  tirées  des  variantes  de  la  traduction  syriaque  qu'a  fait  connaîtr» 
M.  Lightfoot  et  dont  le  Polybiblion  a  parlé  dernièrement.  Pour  !■ 
texte  de  l'Epître  de  saint  Barnabe,  les  éditeurs   se  sont  servis   de 


leçons  nouvelles  du  manuscrit  de  Constantinople,  découvert  par  le 
métropolite  Brjennios.  Elles  leur  ont  été  fournies  par  le  D'^Hilgenfeld. 
Les  fragments  de  Papias  sont  tous  accompagnés  des  indications 
nécessaires  pour  faire  connaître  leur  origine.  Ils  sont  au  nombre  de 
dix-huit,  quelques-uns  en  latin.  Ils  sont  suivis  de  TEpître  à  Diognète, 
qui  a  été  ajoutée  à  cette  édition  pour  satisfaire  à  de  nombreux  désirs, 
quoique  les  éditeurs  la  croient  d'une  date  un  peu  postérieure  à  celle 
des  Pères  apostoliques.  Le  volume  se  termine  par  les  sept  lettres  de 
saint  Ignace  aux  Ephésiens,  aux  Magnésiens,  aux  Tralliens,  aux 
Romains,  aux  Philadelphiens,  aux  Smyrniens  et  à  saint  Poljcarpe  ; 
par  la  lettre  de  saint  Polycarpe  aux  Philadelphiens  ;  par  les  actes  du 
martyre  du  même  saint  Polycarpe  et  enfin  par  le  Pasteur  d'Hermas. 
Le  tout  est  en  grec,  sauf  les  quatre  dernières  pages  du  Pasteur  dont  on 
ne  possède  encore  qu'une  traduction  latine.  La  composition  du  texte 
est  la  même  que  celle  de  Vcdillo  major.  L'impression  est  très-belle  et 
très-correcte.  G.  K. 


Das  heîlîgfe  Messopfer  (log:niatiseh,  lîturgîsch  «ncl  asce- 
tiscli  erklart,  {Le  saint  sacrifice  de  la  messe  exposé  au  point  de  vue 
dogmatique,  liturgique  et  ascétique.)  Von  D'  Nikolaus  Gihr,  Spiritual  am 
erzbichoflichem  Priesterseminar  zu  St.  Peter.  Mit  Approbation  und  Emp- 
felhlung  des  hochviirdisten  Herrn  Erzbisthumwesers  von  Friburg.  (Fait 
partie  de  la  Theologischc  Bibliothek.)  Fribourg  en  Brisgau,  Ilerder,  1877, 
in-8  de  xii-705  p.  —  Prix  :   13  fr. 

L'auteur  revient  plusieurs  fois,  dans  le  cours  de  son  livre,  sur  l'im- 
portance de  connaître  tout  ce  qui  touche  au  cœur  même  de  la  vie  ca- 
tholique, au  saint  sacrifice  de  la  messe.  Rien  n'est  plus  juste.  Prêtres 
et  fidèles  ne  sauraient  être  trop  instruits  sur  ce  grand  sujet.  Nous 
aurons  fait  un  éloge  bien  mérité  de  l'œuvre  de  M.  Gihr  en  disant  que 
celui  qui  saura  tout  ce  qu'elle  peut  lui  apprendre  connaîtra  tout  ce  qu'il 
est  bon  et  utile  de  connaître  sur  cet  adorable  mystère.  Rien  n'y  manque 
en  effet.  M.  Gihr  joint  à  une  piété  persuasive  une  profonde  et  vaste 
érudition.  Son  livre,  tout  pénétré  du  plus  pur  esprit  catholique,  est 
en  même  temps  rempli  d'une  science  de  bon  aloi^  le  fruit  de  l'oraison 
et  de  l'étude. 

L'ouvrage  est  divisé  en  deux  parties  :  la  partie  dogmatique  (1-207) 
etlapartieliturgique  (208-702) .'Les  considérations  ascétiques  sont  entre- 
mêlées dans  les  deux  parties.  Dans  la  première,  M.  Gihr  examine 
d'abord  le  sacrifice  en  générait  et  les  sacrifices  de  l'ancienne  loi,  puis 
le  sacrifice  de  la  croix  et  enfin  le  sacrifice  non  sanglant  de  l'autel  : 
il  en  démontre  la  réalité  et  recherche  quelle  en  est  l'essence  et 
l'efficacité,  ainsi  que  la  place  et  l'importance  qu'il  occupe  dans  l'orga- 
nisme de  l'Église.  Dans  la  théorie  du  sacrifice  de  la  loi  nouvelle,  l'auteur 
suit  surtout  les  idées  de  Lugo  et  du  cardinal  Franzelin. 


—  222  - 

La  seconde  partie,  la  partie  liturgique,  remplit  plus  des  deux  tiers 
du  volume.  Une  première  section  s'occupe  de  tout  ce  qui  est  néces- 
saire pour  la  célébration  du  saint  sacrifice  :  autel,  nappes  d'autel, 
calice  et  ce  qui  s'y  rattache,  ornements  sacerdotaux,  couleurs  litur- 
giques ,  luminaire  ,  langue  liturgique.  La  seconde  section  est 
consacrée  à  l'étude  suivie  de  toutes  les  parties  de  la  messe,  partagée 
en  quatre  subdivisions  principales  :  de  l'Introït  à  l'Offertoire,  l'Of- 
fertoire, le  Canon  et  la  Communion,  Le  D''  Gilir  étudie  une  à  une  toutes 
les  prières  de  l'ordinaire  de  la  messe  et  donne  tous  les  renseignements 
généraux  désirables  sur  les  fêtes  et  le  propre  du  temps.  Le  sens 
mystique  des  cérémonies  de  l'Eglise  n'est  pas  oublié,  mais  il  est  exposé 
sobrement  et  en  l'appuyant  sur  une  autorité  irréfragable,  celle  de 
l'Eglise.  L'auteur  cite  volontiers  les  auteurs  français  et  dans  leur 
propre  langue,  dans  des  notes  nombreuses,  placées  au  bas  des  pages. 
Les  passages  liturgiques  qu'il  explique  sont  cités  en  latin  dans  le  texte, 
avec  traduction  allemande.  Le  renvoi  de  la  note  de  la  dernière  page 
est  inexact.  L'auteur  termine  par  une  belle  prière  qui  résume  très- 
bien  l'esprit  de  son  livre.  G.  K. 


El  arbol  de  la  Vida,  estudios  fundamentales  sobre  el  christianismo,  pai 
Abdon  de  Paz.  Madrid,  Fourquet,  1877,  in-8  de  319  p. 

M.  de  Paz  s'est  proposé  de  résoudre  brièvement  toutes  les  ques 
tions  et  tous  les  problèmes  religieux  qui  troublent  ou  préoccupent  le.' 
esprits  à  notre  époque  et  de  montrer  que  la  foi  chrétienne  est  l'astre 
qui  nous  donne  la  vie  et  la  paix. 

Cette  apologie  du  christianisme  est  l'œuvre  de  cinq  années  d( 
travail.  Elle  a  paru  par  fragments  avant  d'être  réunie  en  volume. 

Après  avoir  établi  que  l'accord  doit  régner  entre  la  raison  et  1; 
foi,  l'auteur  expose  ce  qu'est  la  Bible.  Il  montre  ensuite  que  la  cosmo- 
gonie de  la  Genèse  n'est  pas  en  contradiction  avec  les  données  scien 
tifiques.  Le  monde  n'est  pas  si  ancien  que  le  prétendent  certain 
chronologistes  plus  qu'aventureux  et,  «  dans  l'impossibilité  de  fixe 
l'âge  du  monde  d'une  manière  mathématique,  le  mieux  est  de  date 
les  événements  en  les  rapportant  à  la  naissance  de  Jésus-Christ.  : 
L'origine  de  l'homme  est  divine;  l'espèce  humaine  est  une.  La  chut 
d'Adam  a  été  consolée  par  l'espérance  de  la  rédemption.  La  scienc 
ne  peut  rien  opposer  au  récit  du  déluge.  L'homme  a  été  créé  avec  1 
don  du  langage.  M.  de  Paz  étudie  ainsi  successivement  l'Ancien  et  1' 
Nouveau  Testament  :  Nemrod,  Israël,  Moïse,  le  livre  de  Job,  les  pro 
phètes,  la  mère  de  Dieu,  Jésus-Christ,  le  siècle  apostolique  et  l'Eglise 
Il  passe  ensuite  au  protestantisme  pour  en  montrer  la  fausseté, 
cherche  à  établir  après  cela  que   l'autorité  et  la  liberté,  la  foi  et  1 


i 


—  223  — 

raison,  la  religion  et  le  progrès  bien  entendus,  loin  de  se  contredire, 
se  prêtent  un  mutuel  appui.  Enfin  il  démontre  que  les  récompenses  et 
les  châtiments  de  la  vie  future  sont  une  conséquence  de  l'immortalité 
de  l'âme  et  de  l'existence  de  Dieu. 

Tels  sont  les  sujets  traités  dans  l'Arbre  de  vie.  M.  Abdon  de  Paz 
développe  ses  pensées  avec  tout  l'éclat  et  la  sonorité  de  la  belle 
langue  castillane.  Le  livre  est  plein  de  vie,  et  la  lecture  en  est  par  là 
même  très-intéressante.  L'érudition  de  l'auteur  est  un  peu  touff'ue  et 
assez  confuse  ;  il  la  prodigue  à  temps  et  à  contre-temps.  Il  semble  que 
les  idées  irréligieuses  de  M.  Figuier  troublent  davantage  les  esprits 
au-delà  qu'en  deçà  des  Pyrénées  ;  du  moins  M.  de  Paz  s'en  préoccupe- 
t-il  beaucoup  plus  qu'on  ne  le  fait  en  France.  Mais  c'est  là  un  point 
dont  nous  ne  sommes  pas  juges.  Ce  que  nous  pouvons  apprécier,  ce 
que  nous  aimons  et  ce  que  nous  louons  surtout  dans  ce  livre,  ce  sont 
les  pensées  profondément  chrétiennes  dont  il  est  rempli,  les  réflexions 
sages,  sensées  dont  il  abonde,  la  sève  de  l'arbre  de  vie,  en  un  mot, 
dont  il  est  rempli.  L.  M. 


SCIENCES    ET    ARTS 

Cours  de  mécanîqne  analj'-tique,  par  Ph.  Gilbert,  professeur  à  la 
Faculté  des  sciences  de  l'Université  catholique  de  Louvain.  —  Partie 
élémentaire.  Louvain,   Ch.  Peeters,  1877,  in-8  de  vii-385  p.  — Prix:  6  fr. 

Cet  ouvrage,  ainsi  que  nous  en  informe  l'auteur,  est  principalement 
destiné  à  servir  de  manuel  aux  élèves  ingénieurs  qui  suivent  le  cours 
de  mécanique  rationnelle  professé  par  lui  à  l'Université  de  Louvain. 
Pour  rester  dans  les  limites  que  lui  imposait  cette  destination  spéciale, 
sans  que  l'ouvrage  cessât  d'être  utile  aux  jeunes  gens  qui  désirent 
pousser  plus  loin  leurs  études  et  aborder  les  côtés  les  plus  élevés  de 
la  science,  l'auteur  s'est  attaché  à  maintenir  l'exposition  des  théories 
fondamentales  à  la  hauteur  désirable,  tout  en  réservant  pour  un 
autre  volume  le  développement  de  certaines  théories  plus  élevées, 
sorte  de  transition  entre  la  mécanique  et  la  physique  mathématique. 

On  sait,  que,  dans  l'enseignement  de  la  mécanique,  il  était  de  tra- 
dition, il  y  a  quelques  années  encore, de  traiter  d'abord  complètement 
la  statique,  après  quoi  seulement  on  s'occupait  des  corps  en  mouve- 
ment. A  la  suite  de  Poncelet,  une  autre  école  s'est  formée,  qui  suit 
la  marche  inverse,et  qui  étudie  dès  l'abord  le  mouvement,  la  dynamique, 
pour  traiter  l'équilibre  comme  un  cas  particulier,  celui  dans  lequel  les 
vitesses  sont  nulles. 

Ces  deux  manières  de  procéder  ont  leur  raison  d'être.  M.  Gilbert,  à 


—  224  — 

l'exemple  de  Bour,  adopte  une  marche  intermédiaire,  qui  semble  réunir 
les  avantages  essentiels  de  Tune  et  de  l'autre  :  ce  qu'il  y  a  de  rationnel 
dans  la  seconde,  avec  les  avantages  pratiques  de  la  première.  Dans 
un  premier  livre,  il  étudie  le  mouvement  en  lui-même  et  indépen- 
damment de  ses  causes;  c'est  cette  étude  dont  Ampère  a  montré  qu'il 
convient  de  faire  une  science  distincte,  que  l'on  nomme  après  lui  la 
cinématique.  Dans  le  second  livre,  empruntant  à  cette  science  les 
notions  strictement  nécessaires  pour  arriver  rationnellement  à  la 
composition  des  forces,  l'auteur  établit  complètement  les  lois  de  l'équi- 
libre. Le  troisième  livre  complète,  par  la  dynamique,  les  généralités 
de  la  science.  Dans  un  quatrième  livre,  ces  généralités  sont  appliquées 
à  l'équilibre  et  au  mouvement  des  fluides. 

L'esprit  philosophique  qui  a  présidé  à  la  conception  de  l'ensemble 
se  retrouve  d'une  manière  non  moins  remarquable  dans  le  détail  de 
Inexécution.  Les  questions  sont  ramenées  à  leurs  véritables  principes, 
leur  enchaînement  est  mis  en  évidence  ainsi  que  leurs  analogies  ;  les 
conventions  ou  les  hypothèses  admises  dans  chaque  théorie  sont  indi- 
quées avec  soin,  condition  indispensable  d'un  enseignement  vérita- 
blement fructueux.  En  même  temps,  l'exposition  est  simple,  claire  et 
élégante,  aussi  bien  dans  le  texte  que  dans  les  formules.  Un  grand 
nombre  d'exercices  indiqués  à  la  fin  des  chapitres  permettent  à  l'élève 
ou  au  lecteur  studieux  de  se  familiariser  avec  l'application  des  théories, 
et  souvent  lui  font  connaître  des  théorèmes  intéressants. 

La  qualification  de  partie  élémentaire  que  l'auteur  a  donnée  à  son 
volume  ne  doit  être  prise  que  dans  un  sens  relatif,  et  par  opposition 
avec  la  seconde  partie  qu'il  annonce.  Si  le  volume  actuel  ne  suppose 
chez  le  lecteur  que  la  connaissance  des  principes  fondamentaux  du 
calcul  infinitésimal,  il  le  conduit  assez  loin  et  lui  expose  la  science 
sous  une  forme  analytique  assez  complète,  pour  le  préparer  parfaite- 
ment à  la  lecture  des  ouvrages  les  plus  élevés.  A  ce  point  de  vue,  il 
faut  louer  M.  Gilbert  d'avoir  adopté  comme  point  de  départ  dans 
l'exposition  de  la  statique  le  principe  des  vitesses  virtuelles.  L'élève 
peut  ensuite  aborder  de  plain  pied  la  Mécanique  analytique  de 
Lagrange,  dont  la  notation  même  lui  est  déjà  familière. 

Que  l'éminent  professeur  de  Louvain  nous  permette  maintenant 
de  lui  soumettre  quelques  critiques  de  détail  qui  lui  prouveront  l'im- 
portance que  nous  avons  attachée  à  l'examen  minutieux  de  son 
ouvrage. 

Dans  le  chapitre  ix,  il  définit  la  masse  d'un  point  matériel  comme 
le  rapport  constant  de  la  force  à  l'accélération.  Il  en  conclut  logique- 
ment qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'adopter  une  unité  de  masse.  Non  moins 
logiquement,  il  pourrait  en  conclure  qu'il  n'est  pas  possible  d'évaluer 
les  masses  sans  avoir,  au  préalable^  adopté  des  unités  et  pour  les  forces 


et  pour  les  accélérations.  Or,  c'est  ce  qui  est  évidemment  inexact. 
Les  masses  sont  des  grandeurs  d'un  ordre  distinct  qu'on  peut  comparer 
entre  elles  et,  par  conséquent,  mesurer,  indépendamment  de  toute 
convention  relative  à  d'autres  grandeurs.  Il  suffit  pour  cela  de  prendre 
les  rapports  des  forces  nécessaires  pour  imprimer  aux  diverses  masses 
une  même  accélération  quelconque  :  on  ne  fait  pas  autre  chose  lors- 
qu'on les  compare  au  moyen  des  poids.  En  réalité,  la  définition  de 
M.  G-ilbert  implique  la  convention  universellement  admise,  mais  nul- 
lement nécessaire,  de  prendre  pour  unité  de  masse  celle  à'  laquelle 
l'unité  de  force  imprime  l'unité  d'accélération. 

Dans  l'hydrostatique,  M.  Gilbert  semble  donner  la  loi  de  l'égalité 
de  pression  en  tous  sens,  qu'on  appelle  quelquefois  le  ptincipc  de 
Pascal,  comme  un  principe  distinct,  qu'il  faut  emprunter  directement 
à  l'expérience.  On  l'a  cru  longtemps.  Mais,  en  réalité,  ce  prétendu 
principe  n'est  qu'un  théorème  qui  découle  de  l'absence  de  toute  action 
tangentielle  sur  un  élément  de  surface  quelconque.  On  le  démontre 
aisément  en  cherchant  les  conditions  d'équilibre  d'un  prisme  triangu- 
laire infiniment  petit  ou  d'un  tétraèdre.  C'est  une  des  applications  les 
plus  simples  de  ce  mode  de  raisonnement  si  fécond  que  Cauchy  a  intro- 
duit dans  la  physique  mathématique. 

Ces  petites  critiques  que  M.  Gilbert  n'est  ni  le  premier^  ni  le  seul, 
à  avoir  encourues,  n'enlèvent  rien  à  la  valeur  considérable  de  l'en- 
semble de  son  ouvrage  ;  on  peut  le  recommander  comme  un  excellent 
traité  de  mécanique  rationnelle;  il  donne  l'idée  la  plus  favorable,  soit 
du  second  volume,  que  nous  attendrons  avec  impatience,  soit  du  ni- 
veau élevé  auquel  est  tenu  l'enseignement  scientifique  à  l'Université 
deLouvain,  E.  Vicaire, 


Mes  Rêveries,  ouvrage  posthume  du  maréchal  Maurice  comte  dé  Saxk. 
Paris,  1877,  Dumaine,  in-8  de  144  p,  avec  10  planches.  Publication  du 
Journal  de  la  Librairie  militaire.  —  Prix  :  3  fr,  oO. 

On  sait  que  le  Journal  de  la  librairie  militaire,  fondé  en  1875  par 
l'intelligent  éditeur  du  Dépôt  de  la  guerre,  comprend  dans  chacun  de 
ses  numéros  une  feuille  de  réimpression  des  meilleurs  écrits  militaires 
devenus  rares.  C'est  ainsi  que  les  Fantaisies  militaires,  et  les  Préjugés 
militaires,  du  prince  de  Ligne,  et  l'Instruction  militaire  du  roi  Frédé- 
ric Il  à  ses  généraux  ont  été  mis  dans  ces  dernières  années  à  la  portée 
de  tous.  Le  même  mode  de  publication  nous  donne  aujourd'hui  les 
Rêveries  du  maréchal  de  Saxe. 

On  ne  peut  relire  sans  intérêt  ce  curieux  ouvrage,  fruit  d'une  ima- 
gination si  étrange  parfois,  si  originale  toujours,  et  on  trouve  à  cette 
lecture  une  nouvelle  occasion  de  constater  que  si  le  a  métier  »  a 
changé,  la  «  partie  sublime  de  l'art  »  suivant  l'expression  de  Napo- 
M.ARS  1878,  T.  XXII,  Ib. 


—  226  — 

léon,  est  restée  au-dessus  de  toutes  les  modifications  des  armes  et 
engins  de  guerre.  Les  chapitres  De  la  discipline,  Du  général  d'armée, 
entre  autres,  pourraient  aussi  bien  figurer  dans  l'Esprit  des  institutions 
miltiaires  de  Marmont  que  dans  le  recueil  des  pensées  de  Napoléon. 

Mais,  assurément,  si  on  se  reporte  à  l'époque  à  laquelle  écrivait  le 
maréchal  de  Saxe  (1732),  le  page  la  plus  remarquable  des  Rêveries  est 
celle  qu'il  consacre  à  la  manière  de  lever  les  troupes.  «  Les  levées  qui 
se  font  par  supercherie,  dit-il,  sont  tout  aussi  odieuses Ne  vau- 
drait-il pas  mieux  établir  par  une  loi,  que  tout  homme,  de  quelque 
condition  qu'il  fût,  serait  obligé  de  servir  son  prince  et  sa  patrie  pen- 
dant cinq  ans? Pour  y  parvenir,  il  faudrait  n'en  excepter  aucune 

condition,  être  sévère  sur  ce  point,  et  s'attacher  à  faire  exécuter 
cette  loi  de  préférence  aux  nobles  et  aux  riches  :  personne  n'en 
murmurerait...  insensiblement  on  se  ferait  un  honneur  de  servir...» 
Voilà  donc  le  principe  du  service  obligatoire,  avec  la  durée  même  que 
nous  avons  adoptée  en  1872,  posé  par  le  maréchal  de  Saxe. 

La  chapitre  Delà  discipline  contient  une  discussion  fort  intéressante 
des  punitions  usitées  chez  les  Allemands  et  chez  les  Français,  suivant 
les  différences  inhérentes  au  génie  des  deux  nations  et  au  mode  de  re- 
crutement de  leurs  troupes.  Maurice  de  Saxe  avait  de  bonnes  raisons 
d'avoir  à  cœur  tout  ce  qui  tenait  à  la  Pologne  ;  aussi  dessine-t-il  un 
Projet  de  guérite  pour  une  puissance  qui  serait  dans  le  cas  de  la  faire  à 
cette  république.  Ce  projet  est  un  témoignage  de  plus  du  sens  militaire 
du  maréchal  et  de  sa  profonde  connaissance  du  pays  ;  tous  les  postes, 
en  efi'et,  dont  il  signale  l'importance  et  dont  il  recommande  l'occupa- 
tion, ont  joué  un  rôle  dans  la  campagne  de  1807  et  sont  maintenant 
des  places  fortes  prussiennes  ou  russes,  Graudenz,  Thorn,  Brest- 
Litowski. 

Beaucoup  des  propositions  du  maréchal  sont  singulières,  bizarres 
même;  l'accoutrement  dont  il  veut  affubler  fantassins  ou  cavaliers,  les 
dénominations  même  de  ses  formations,  la  légion,  la  centurie,  les  ar- 
mées à  la  légère,  peuvent  paraître  puériles.  En  tout  cas,  elles  n'offrent 
plus  qu'un  intérêt  purement  rétrospectif.  Au  contraire,  est-ce  bien  en 
1732  qu'a  été  écrit  ce  passage  :  «  Il  faut  que  la  cavalerie  soit  leste... 
et  surtout  qu'elle  ne  fasse  pas  son  point  capital  d'avoir  des  chevaux 
gras...  Il  est  certain  que  l'on  ne  connaît  pas  la  force  de  la  cavalerie, 
ni  les  avantages  que  l'on  en  peut  retirer.  D'où  vient  cela?  de  l'amour 
que  l'on  a  pour  les  chevaux  gras?  » 

En  somme,  rééditer  un  ouvrage  tel  que  celui  que  nous  avons  sous 
les  yeux,  c'est  rendre  service  aux  officiers  de  notre  armée. 

J.     GOUETHAL. 


Lets  Compte!*  des  bâtiments  du  Roi  (lo28-lo7i),  suivis  de  docu- 
ments inédits  sur  les  cliâteaux  royaux  et  les  beaux-arts  au  seizième  siècle, 
recueillis  et  mis  en  ordre,  par  le  marquis  Léon  de  Laborde.  Paris,  J.  Baur, 
1877,  gr.  in-8  de  lxi-4-22  p.  —  Prix  :  12  fr.  50. 

Tous  les  amis  de  l'histoire  des  arts,  tous  les  hommes  d'étude  savent 
quelle  est  la  haute  valeur  des  ouvrages  de  M.  Léon  de  Laborde;  les 
circonstances  qui  se  rattachent  à  la  publication  du  volume  dont  nous 
venons  de  transcrire  le  titre  sont  remarquables.  Ce  livre  avait  été 
imprimé  depuis  une  vingtaine  d'années  ;  M.  de  Laborde  avait,  dés 
1856,  proposé  cette  publication;  l'impression  fut,  dans  le  cours  des 
années  suivantes, conduite  jusqu'aux  dernières  pages  du  second  volume  ; 
il  ne  restait  plus  que  quelques  feuilles  à  composer  et  l'introduction  à 
écrire.  Ce  travail, qui  touchait  à  son  achèvement,  fut  soudain  inter- 
rompu et  pour  de  longues  années;  il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  les 
nouvelles  et  importantes  fonctions  auxquelles  fut  appelé  M.  de  Laborde, 
nommé  en  1857  directeur  des  archives  générales  de  France,  absor- 
bèrent tous  ses  instants  et  ne  lui  laissèrent  pas  le  loisir  de  mettre  la 
dernière  main  à  un  ouvrage, fort  avancé  sans  doute,  mais  dont  la  partie 
la  plus  délicate,  l'introduction,  restait  à  faire.  (Nous  empruntons  ces 
détails  et  ceux  qui  vont  suivre  à  l'avertissement- '^\a.cé  ^av  M.  J.-J. 
Guiifrey  en  tête  du  volume  que  nous  signalons. 

La  Société  de  Vhistoire  de  l'art -français  s'est  rendue  propriétaire  de 
tous  les  exemplaires  de  l'ouvrage  inachevé;  elle  a  eu  à  sa  disposition 
toutes  les  notes,  tous  les  documents  nécessaires  pour  le  compléter. 
Le  premier  volume  tout  entier  et  la  moitié  du  second,  jusqu'à  la  page 
198,  sont  consacrés  à  la  reproduction  intégrale  d'un  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  nationale  renfermant  les  comptes  des  bâtiments  royaux 
depuis  1528  jusqu'en  1570. 

Le  second  volume  se  termine  par  des  pièces  de  diverse  nature, 
empruntées  à  des  sources  différentes;  le  dépouillement  d'un  certain 
nombre  de  documents  originaux  conservés  aux  Archives  nationales  a 
fourni  les  matériaux  d'un  chapitre  intitulé  :  Dépenses  secrètes  de  Fran- 
çois I";  un  autre  chapitre  :  Compte  de  la  marguiUerie  du  Louvre,  a  une 
origine  singulière;  les  éléments  en  sont  tirés  d'un  compte  sur  parche- 
min, dont  les  feuiUes  détachées  et  incomplètes  avaient  servi  à  relier 
quelques  volumes  du  Journal  des  Débats  de  l'an  1794  (alors  in-8)  ;  un 
hasard  heureux  les  plaça  sous  les  yeux  de  M.  de  Laborde  dans  une 
des  salles  du  ministère  de  l'intérieur;  il  raconte  cette  découverte  dans 
une  lettre  fort  piquante,  adressée  le  12  mars  1850  au  directeur  des 
Débats  (voir  p.  xxv). 

Vient  ensuite  le  Compte  des  bâtiments  du  château  de  Saint-Germain-' 
en-Laye  ^ouT  les  années  1548  à  1550;  ce  n'est  qu'un  extrait,  offrant 
d'ailleurs  tous  les  articles  présentant  un  intérêt  quelconque  au  point  de 


—  l'28  — 

vue  de  Part  et  ceux  qui  donnent  un  renseignement  topographique  ou 
le  nom  de  personnages  célèbres;  la  publication  intégrale  de  ce  registre 
eût  ajouté  bien  peu  de  chose  à  Tintérêt  de  ces  extraits. 

Le  compte  suivant  :  Payement  des  ouvriers  orfèvres  logeant  et  beson- 
tjnani  dans  l'hostel  de  Nesles^a.  fourni  matière  à  une  analyse  très-suffi- 
sante, très-complète  qui  dispense  parfaitement  du  texte  original.  Des 
comptes  relatifs  au  palais  et  au  jardin  des  Thicilenics,  à  Fhôtel  de 
Soissons,  au  château  de  Saint-Maur,  avaient  été  examinés  et  analysés 
par  M.  de  Laborde,  mais  ils  n'avaient  point  été  publiés  ;  enfin  le  second 
volume  se  termine  par  le  dépouillement  des  acquits  au  comptant  de 
François  1",  conservés  aux  Archives  nationales  (J  960-962).  M.  de 
Laborde  en  avait  publié  quelques  articles,  mais  il  avait  dû,  faute  de 
temps,  s'en  tenir  à  un  dépouillement  fort  incomplet;  MM.  Cimber  et 
Danjou  avaient,  de  leur  côté,  dans  les  Archives  curieuses  exploité  ces 
acquits,  mais  dans  une  très-faible  mesure;  le  travail  a  été  entièrement 
repris,  et  il  en  résulte  la  mise  au  jour,  aussi  complète  que  possible, 
au  point  de  vue  de  Fart,  d'une  des  séries  les  plus  intéressantes  des 
comptes  de  François  1". 

Disons  maintenant  quelques  mots  des  Comptes  des  bâtiments  qui 
occupent  le  volume  dont  il  est  question.  C'est  un  manuscrit  con- 
servé à  la  Bibliothèque  nationale  (petit  in-fol.  de  454  p.);  il  a  été 
rédigé  par  André  Félibien  des  Avaux  (né  en  1619,  mort  en  1695),  qui 
fut,  ainsi  que  son  fils,  historiographe  des  bâtiments  du  roi  ;  c'est  une 
analyse  de  comptes  aujourd'hui  perdus  pour  la  plupart;  la  possession  de 
ces  copies  abrégées  est  du  moins  une  circonstance  dont  il  faut  sincère- 
ment se  féliciter.  Une  partie  de  ces  documents  avait  été  insérée  par 
M.  de  Laborde  dans  le  premier  volume  de  son  ouvrage  intitulé  :  la 
Renaissance  des  arts  à  la  cour  de  France  ;  mais  ce  livre  est  devenu  fort 
difficile  à  rencontrer,  et  son  auteur  avait  réservé  pour  des  volumes 
qui  n'ont  jamais  paru  ce  qui  concernait  la  sculpture  et  l'architecture. 

M.  Guiffrey  a  eu  le  soin  de  donner  (p.  49  et  12)  une  liste  bibliogra- 
phique des  ouvrages  de  M.  Léon  de  Laborde  ;  elle  montre  suffisamment 
quelle  vive  intelligence,  quel  immense  labeur,  quelle  activité  d'esprit 
ont  permis  à  l'infatigable  érudit  d'aborder  tour  à  tour  les  sujets  les 
plus  variés,  en  laissant  sur  chacun  d'eux  des  travaux  d'une  incon- 
testable supériorité.  Cette  énumération,  rangée  dans  l'ordre  chronolo- 
gique, signale  soixante-douze  productions  diverses,  mises  au  jour 
depuis  1830  jusqu'en  1867;  quelques-unes  ne  sont,  il  est  vrai,  que  des 
articles  insérés  dans  les  divers  recueils  périodiques  {la  Revue  archéolo- 
gique, la.  Revue  de  Paris,  la  Revue  fi-ançaise,  etc.),  et  dont  il  a  été  fait 
des  tirages  à  part.  D'importants  ouvrages  sur  la  Syrie  et  la  Palestine 
accompagnent  de  savants  travaux  sur  l'histoire  de  l'art,  objet  favori 
des  études  de  M.  de  Laborde.  Faisons  mention  d'un  volume  dont  il  ne 


—  229  — 

fut  imprime  que  25  exemplaires  et  qui,  distribué  en  presque  totalité  à 
des  bibliothèques  publiques  de  Paris  ou  de  l'étranger, est  d'une  rareté 
exceptionnelle  :  Mémoires  et,  dissertations,  Paris,  1852,  in-8,  viii  et 
306 pages;  c'est  la  réunion  de  dix-sept  notices  fournies  à  diverses 
revues. 


BELLES-LETTRES 

Supplémen»  ma  tlîclîonnaîi'e  «îe  îa    langue   frasiçaîse^  de  E. 

LiTTRÉ  de  l'Académie  française,  suivi  d'uu  dictionnaire  étymologi({ue  des 
mots  d'origine  orientale  par  î\lAncEL  Devic.  Paris,  Hachette,  1878.  in-4  de 
37o  et  84  p.  —  Prix  :  12  fr. 

La  dernière  livraison  du  Supplément  au  dictionnaire  de  M.  Littré 
vient  de  paraître .  On  voit  que  l'auteur  a  eu  raison  de  ne  pas  se  laisser 
décourager  par  son  grand  âge  et  d'être  fidèle  à  ce  principe  qu'il  faut 
travailler  et  entreprendre  jusqu'au  bout.  Non-seulement  à  soixante 
et  seize  ans  M.  Littré  a  entrepris  une  œuvre  considérable,  mais  il  l'a 
menée  à  bonne  fin  et  a  donné  à  la  fois  à  son  grand  dictionnaire  le  plus 
utile  complément.  Le  titre  que  porte  la  dernière  partie  de  ce  long 
travail  en  indique  le  but.  Ce  ne  sont  pas  des  corrections,  ce  sont  des 
additions  qui  forment  ce  livre.  Au  premier  rang  figurent  les  néolo- 
gismes.  Aleur  sujet,  l'auteur  remarque  avec  raison  que,  de  tout  temps, 
il  y  a  eu  néologie.  Des  situations,  des  idées,  des  découvertes  nouvelles 
appellent  forcément  des  paroles  nouvelles.  Malgré  ses  scrupules,  le 
dix-septième  siècle  en  accueillit  un  certain  nombre;  au  dix-huitième, 
il  y  eut  une  véritable  invasion  de  néologismes;  elle  continue  aujour- 
d'hui et  plus  menaçante  que  jamais.  Il  n'en  peut  être  autrement.  Les 
journaux  rédigés  souvent  par  des  déclassés,  qui  prennent  la  jdume 
comme  on  prend  un  outil,  mais  sans  réfléchir  que,  pour  manier  utile- 
ment un  outil,  il  faut  un  apprentissage  ;  des  députés  auxquels  le  suf- 
frage universel  n'a  pu,  malgré  son  omnipotence,  donner  la  science 
infuse  ;  la  presse  et  la  tribune,  répandent  incessamment  dans  la  nation 
un  nombre  considérable  de  mots  improvisés.  A  ce  point  de  vue,  on 
éprouve  une  certaine  crainte  de  l'influence  que  pourrait  avoir  le  supplé- 
ment de  M.  Littré.  Nous  sommes  bien  loin  du  temps  où  M.  de  Vau- 
gelas  donnait  sa  parole  que  tel  mot  serait  français  dans  un  an;  nous 
ne  sommes  que  trop  pressés  de  répéter  et  d'écrire  ces  vocables  bâ- 
tards nés  d'hier,  et,  en  les  voyant  acceuillis  par  un  savant  comme 
M.  Littré,  ne  serons-nous  pas  tentés  de  penser  que  son  autorité 
change  en  véritable  musée  une  espèce  de  salon  des  refusés?  Mais, 
il  faut  le  dire  M.  Littré  n'admet  pas  légèrement  tous  les  néologismes, 
il  les  soumet  à  la  critique,  il  repousse  ceux  qui  n'ont   pas  été  créés 


—  230  — 

suivant  les  lois  de  la  composition.  Enfin,  pour  quelques-uns  d'entre 
eux,  il  retrouve  dans  notre  ancienne  littérature  des  titres  oubliés;  il  les 
retrouve  aussi  quelquefois  sous  les  formes  des  patois  qui  les  ont  con- 
servés après  en  avoir  hérité  de  notre  ancienne  langue. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  néologismes  et  un  grand  nombre  de 
termes  d'art,  de  science,  nouvellement  créés  par  de  récents  besoins 
qui  forment  le  supplément  de  M.  Littré.  Beaucoup  de  mots  acicueillis 
dans  le  dictionnaire  et  ayant  tous  les  droits  possibles  à  y  figurer,  se 
représententicipourrecevoirquelques  détails  nouvellement  découverts 
sur  leur  histoire,  sur  leur  généalogie.  Le  supplément  proprement  dit 
occupe  neuf  livraisons.  Le  dixième  fascicule  contient  des  additions 
survenues  pendant  l'impression  du  supplément  et  le  commencement 
d'un  dictionnaire  étymologique  des  mots  d'origine  orientale  par 
M.  Marcel  Devic,  dictionnaire  qui  se  trouve  complété  dans  deux 
autres  livraisons,  les  dernières  de  l'ouvrage. 

Dût  Gros-Jean  en  remontrer  à  son  curé,  une  remarque  :  M.  Littré 
écrit  dans  sa  préface  les  douzième  et  treizième  siècles.  Dans  mon  en- 
fance, cette  manière  de  dire  était  condamnée,  elle  l'est  même  encore 
dans  les  grammaires,  que  je  viens  de  consulter.  D'un  autre  côté,  l'A- 
cadémie française,  qui  devrait  s'y  connaître,  a  couronné  cette  faute 
de  français  —  si  c'en  est  une  —  en  couronnant  l'Histoire  comparée  des 
littératures  espagnole  et  française.  Il  est  donc  possible  qu'on  ait  changé 
tout  cela. 

Il  n'est  peut-être  pas  inutile,  à  cause  des  opinions  religieuses, 
ou  plutôt  antireligieuses  de  l'auteur,  de  dire  que  ce  supplément 
a  été  rédigé  avec  autant  de  circonspection  que  le  dictionnaire  dont  il 
est  le  complément  ;  nous  n'y  avons  rien  remarqué  qui  puisse  choquer 
nos  croyances.  Th.  de  Puymaigre. 


Kssai  sur  le  déchiiTrement  de  l'écriture  hiératique  de 
l'Amérique  centrale,  par  Lkon"  de  Rosny.  Paris,  Maisonneuve.  — 
Impression  commencée  le  22  novembre  1875  et  tirée  à  200  exemplaires 
numérotés  sur  fort  papier  vergé  in-fol.  (publié  par  la  Société  américaine  de 
France).  Deux  livraisons  ont   paru,   comprenant  ensemble  36   pages    et 

10  planches  coloriées.  La  troisième  et  dernière  livraison  est  sous  presse. 
—  Prix  de  la  livraison  :  25  fr. 

11  s'agit,  dans  ce  travail,  de  l'écriture  antique  des  Yucatèques  ou 
Mayas.  Après  avoir  établi  que  cette  écriture  se  présente  sous  trois 
formes  distinctes  :  l'écriture  hiéroglyphique  ou  des  monuments,  V écri- 
ture hiératique  ou  des  manuscrits,  et  l'écriture  démotique  ou  vulgaire, 
l'auteur  étudie  spécialement  Vccriture  hiératique.,  en  s'aidantde  trois 
manuscrits  connus,  mais  inexpliqués,  le  Codex  de  Dresde,  que  lord 
Kingsborough  a  reproduit  dans  sa  magnifique  collection,  le  manuscrit 


—  231  — 

no  2  de  la  Bibliothèque  nationale,  qui  a  été  photographié  en  1864  par 
ordre  du  Ministère  de  rinstruction  publique  et  que  M.  de  Rosny 
propose  d'appeler  Peresianus,  du  nom  de  Ferez,  Tun  de  ses  anciens 
possesseurs,  sans  doute,  et  le  Codex  Troano  publié  par  Tabbé  Bras- 
seur de  Bourbourg  (Imprimerie  nationale,  1869-70). 

Grâce  aux  indications  contenues  dans  la  Relacion  de  los  cosas  de 
Yucatan,  par  le  P.  Diego  de  Landa,  les  savants  sont  parvenus  à 
pouvoir  affirmer  que  les  trois  manuscrits  désignés  sont  écrits  dans  la 
langue  ancienne  des  Mayas;  mais  ces  indications  fort  incomplètes  ne 
se  rapportent  guère  qu'à  un  dixième  environ  des  signes  à  connaître. 
Aussi  les  interprétations  données,  d'après  Landa,  par  MM.  William 
Bollaërt,  Brasseur  de  Bourbourg  et  de  Charencey,  paraissent  à  M.  de 
Rosny  insuffisantes  et  sont  souvent  même  peu  compréhensibles. 
L'étude  de  la  paléographie  yucatèque  est  donc  à  faire,  soit  pour  pré- 
ciser la  signification  de  chaque  signe^  soit  pour  indiquer  toutes  ses 
variantes.  Lorsque  cette  nomenclature  sera  soigneusement  établie, 
la  lecture  des  manuscrits  mayas  deviendra  plus  facile  et  en  même 
temps  plus  certaine. 

M.  de  Rosny,  ayant  entrepris  cette  tâche  difficile,  expose  aujour- 
d'hui les  résultats  de  ses  premières  recherches  en  commençant  par  les 
signes  hiératiques  des  vingt  jours  du  mois  yucatèque.  A  autant  de 
figures  fournies  par  Landa,  Brasseur  de  Bourbourg  avait  ajouté  dix- 
neuf  identifications  tirées  du  manuscrit  Troano.  M.  de  Rosny  a  élevé 
ce  nombre  à  cinquante-sept,  soit  soixante-dix-sept  caractères  pour 
vingt  mots.  C'est  un  contingent  bien  considérable  et  qui  s'explique 
d'autantplusdifficilement  que  les  prétendues  variantes  d'un  même  signe 
sont  empruntées  à  un  seul  manuscrit,  le  Codex  Troano  par  exemple. 
Un  tel  relevé,  d'après  des  textes  difi'érents,  se  comprendrait  mieux  et 
rendrait  plutôt  admissible  la  possibilité  d'identification  de  plusieurs 
caractères. 

Pour  les  signes  hiératiques  des  dix-huit  mois,  celui  de  l'année  et  celui 
du  cycle  maya  de  cinquante -deux  ans,  M.  de  Rosny  se  contente  de 
reproduire  la  liste  donnée  par  Diego  de  Landa,  en  faisant  remarquer 
que  les  signes  des  mois  sont  composés  de  plusieurs  signes  élémentaires. 
Au  lieu  de  déterminer  ces  divers  signes  et  de  montrer  leur  valeur  pho- 
nétique, l'auteur  fait  un  court  exposé  de  l'année  yucatèque  et  recon- 
naît bien  vite  que  le  calendrier  maya  présente  encore  des  difficultés 
très-grandes  et  presque  insurmontables. 

Quant  au  sens  dans  lequel  l'écriture  hiératique  des  Mayas  doit 
être  lue,  M.  de  Rosny  déclare  aussi  que,  faute  de  données  suffisantes 
à  cet  égard,  il  lui  est  difficile  de  formuler  aujourd'hui  une  opinion 
certaine.  D'ailleurs,  la  connaissance  de  cet  ordre  lui  paraît  être,  pour 
le  travail  qui  l'occupe,  d'une  importance  tout  à  fait  secondaire. 


—  232  — 

C'est  ainsi  qu'il  passe  à  l'étude  de  l'iconographie  américaine  en 
général, pour  laquelle  il  fait  usage  de  la  méthode  de  classement  adoptée 
pour  les  signes  de  l'écriture  hiéroglyphique  égyptienne.  Il  examine 
successivement  les  représentations  du  ciel,  du  soleil,  de  la  lune,  de 
Véloile,  du  feu,  de  l'eau,  de  la  terre  et  des  animaux.  Là,  son  cadre 
s'élargit  et  embrasse  le  Yucatan  et  le  Mexique  plus  particulièrement. 

Tel  est  le  résumé  rapide  de  ce  qui  a  paru  du  livre  de  Rosny. 
Lorsqu'il  sera  entièrement  terminé,  nous  l'examinerons  plus  à  fond 
et  au  point  de  vue  critique.  A.    Siméon. 


CK^uvres  complètes  tle  Grîngore,  réunies  pour  la  première  fois 
par  MM.  A.  de  Montaiglon  et  J.  de  Rothschild.  —  Tome  II.  Mystère  inédit 
de  saint  Louis.  Paris,  Paul  Daffis,  mdccclxxvii,  in-12  de  xxxix-3b8  p. 
{Bibliothèque  elzéviriennc.)  —  Prix  :  6  fr. 

Le  Mystère  de  saint  Louis  par  Gringore,  que  vient  de  publier  pour 
la  première  fois  M.  A.  de  Montaiglon,  est  un  document  curieux  à 
plusieurs  titres.  Il  ajoute  une  preuve  à  celles  qu'on  avait  déjà  de 
l'influence  exercée  par  les  confréries  sur  le  développement  du  théâtre 
au  moyen  âge.  Il  nous  off're,  en  outre,  un  exemple  de  ce  genre  de 
transition  qui  pouvait  conduire  du  drame  religieux  au  drame  historique. 
C'est  au  théâtre  du  moyen  âge  que  se  rattache  la  pièce  de  Gringore, 
quoique  représentée  seulement,  comme  l'établit  très-bien  M.  de 
Montaiglon,  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XII,  c'est-à-dire  au  xvi^  siècle. 
Mais,  pour  l'histoire  du  théâtre,  le  moyen  âge  s"étend  jusqu'à  1552. 
Le  savant  éditeur  a  établi  aussi,  avec  la  sagacité  dont  il  est  coutu- 
mier  en  pareille  matière,  la  véritable  destination  de  cette  pièce.  Elle 
fut  composée  à  la  requête  des  maîtres  et  gouverneurs  de  l'une  des 
seize  confréries  parisiennes  placées  sous  l'invocation  de  saint  Louis, 
celle  dans  laquelle  s'étaient  réunies  les  deux  communautés,  distinctes 
d'ailleurs,  des  maçons  et  des  charpentiers,  et  qui  avait  son  siège 
dans  la  chapelle  dite  de  Saint-Biaise  et  Saint-Louis,  rue  Galande. 
C'est  dans  le  chœur  de  cette  chapelle  qu'étaient  dressés  les  échafauds 
pour  la  représentation  du  mystère,  le  jour  de  la  fête  patronale.  Cette 
représentation  ne  se  fit  pas  en  une  fois,  mais  en  neuf  fois,  correspon- 
dant aux  neuf  livres  qui  forment  les  divisions  de  la  pièce  de  Gringore. 
Je  ne  trouve  pas  que  chacune  de  ces  neuf  parties  forme  un  tout  aussi 
net  et  distinct  que  le  dit  M.  de  Montaiglon.  Pour  s'expliquer  qu'un 
entr'acte  d'une  année  ait  pu  avoir  lieu  entre  chacune  d'elles,  il  faut, 
je  crois,  admettre  que  l'histoire  de  saint  Louis  était  connue  des 
membres  de  la  confrérie,  était  populaire  parmi  les  maçons  et  les  char- 
pentiers de  Paris,  comme  jadis  les  légendes  d'Œdipe  ou  d'Agamemnon 
parmi  les  auditeurs  du  théâtre  d'Athènes.  En  tout  cas,  la  façon  dont 


—  23:^  - 

est  composé  le  drame  de  Gringore  atteste  un  effort  vers  des  procédés 
plus  savants  et  plus  artistiques,  que  ceux  dont  avaient  généralement 
usé  les  auteurs  des  mystères,  au  siècle  précédent,  et  notamment  Fau- 
teur d'un  mystère  de  saint  Louis  publié  par  M.  F.  Michel  pour  le 
Roxburghe-Club  de  Londres,  à  un  nombre  d'exemplaires  tellement 
restreint,  qu'on  peut  le  considérer  comme  encore  inédit.  Il  ne  paraît 
pas  que  Gringore  ait  connu  cette  pièce,  que  nous  a  conservée  le 
manuscrit  du  fonds  français  24331,  à  la  Bibliothèque  nationale. 
Il  a  composé  la  sienne  d'après  les  Chroniques  de  Saint-Denis  :  M.  de 
Montaiglon  en  donne  des  preuves  convaincantes.  Le  drame  de 
Gringore  ne  nous  a  non  plus  été  conservé  que  dans  un  manuscrit,  qui 
porte  aujourd'hui  le  numéro  17511  du  fonds  français.  Le  savant 
éditeur  en  reproduisant  cette  copie,  fort  éloignée  d'être  parfaite,  a 
corrigé  un  certain  nombre  de  fautes  de  sens  ou  de  mesure.  Il  aurait 
pu  peut-être  l'améliorer  encore  davantage.  Le  texte,  précédé  d'une 
préface  riche  en  faits  nouveaux  et  d'une  érudition  aussi  abondante 
qu'ingénieuse,  est  suivi  d'une  liste  des  personnages  du  mystère, 
d'une  autre  liste  des  leçons  du  manuscrit  corrigées  par  l'éditeur,  d'un 
sommaire  analytique  et  d'une  liste  des  personnages  du  premier 
mystère  de  saint  Louis.  Le  volume  se  termine  par  un  petit  poëme  de 
Gringore,  intitulé  rObslination  des  Suisses,  publié  d'après  l'édition 
gothique  et  d'après  le  manuscrit  1690  du  fonds  français.  M.  de  Mon- 
taiglon aura  désormais  pour  collaborateur,  dans  la  publication  des 
œuvres  de  Gringore,  M.  le  baron  .James  de  Rothschild,  qui  vient 
également  d'entreprendre  la  publication,  à  ses  frais,  du  mystère  du 
Vieux  Testament.  Marius  Sepet. 


Petite  bibliotlièque  de  luxe.  —  Paul  et  Virr/inie,  préface  de  J.  Cla- 
retie,  eaux-fortes  de  Regamey,  Paris,  A.  Quantin,  1878,  in-8  de  249  p. 
—  Prix  :  10  fr.  —  Adolphe,  pi'éface  de  A. -F.  Pons,  eaux -fortes  de  Re- 
gamey. Paris,  même  éditeur,  1878,  in-8  de  228  p. —  Prix  :  10  fr.  —  L'Amour 
et  Psyché,  gravures  d'après  Natoire,  notice  de  A.  Pons.  Même  éditeur, 
1878,  in-32  de  138  p.  -  Prix  :  10  fr^ 

Il  est  un  certain  nombre,  un  petit  nombre  d'anciens  romans  qu'on 
relit  avec  un  vif  plaisir.  Je  viens  de  l'éprouver  moi-même  en  rece- 
vant deux  des  délicieux  volumes  édités  par  Quantin.  Cela  a  été  une 
heureuse  idée  de  publier  les  chefs-d'œuvre  de  ce  genre  littéraire  à 
un  prix  relativement  modéré  et  avec  un  luxe  typographique  qui  leur 
assure  une  place  d'honneur  dans  les  bibliothèques.  Paul  et  Virginie 
méritait  d'ouvrir  la  marche.  Du  livre  même,  je  n'ai  rien  à  dire,  il  est 
dans  toutes  les  mémoires,  et  son  souvenir  se  lie  aux  plus  douces  émo- 
tions de  la  jeunesse.  La  nouvelle  édition  de  ce  roman  au  si  long 
succès   est  précédée    d'une  étude    très-intéressante     dans    laquelle 


—  234  — 

M.  Claretie  nous  fait  bien  connaître  Bernardin  de  Saint-Pierre  ;  mais 
le  montre,  non  peut-être  tel  qu'on  aimait  à  se  le  représenter^  mais 
tel  qu'il  est. 

Le  roman  de  Bernardin  de  Saint-Pierre  a  été  suivi  d'un  livre  singu- 
lier, dont  le  succès  fut  d'abord  très-vif,  mais  qui  plus  tard  a  été  apprécié 
comme  il  méritait  de  l'être,  d'Adolphe^  de  Benjamin  Constant.  On  se 
rappelle  le  mot  de  ce  juge  qui  demandait  :  Où  est  la  femme?  M.  Pons, 
dans  une  préface  curieuse  nous  a  montré_,  lui,  les  trois  femmes  qui 
eurent  une  si  grande  influence  sur  la  vie  de  Benjamin  Constant, 
M""^  de  Charrière,  M""'  de  Staël,  M"^  Récamier;  on  pourrait  y  ajouter 
encore  la  femme  divorcée  de  Talma,  cette  Julie,  dont  Benjamin  Cons- 
tant a  fait  un  portrait  donné  à  la  fin  du  volume.  C'est  surtout 
M""^  de  Charrière  dont  on  retrouve  des  traces  dans  le  roman  d'Adolphe. 
On  peut  aisément  la  reconnaître  dans  Elénore.  Adolphe,  comme  le 
dit  M.  Pons,  est  une  impitoyable  dissection  du  cœur  humain,  sans 
incidents  romanesques,  sans  aventures,  mais  grandement  intéressante 
comme  étude  psychologique  et  semée  de  pensées  ingénieuses  et 
même  profondes.  Ce  livre  a,  certes,  du  mérite  ;  il  offre  une  peinture 
saisissante  des  suites  d'une  liaison  coupable  et  peut  être  régardé 
comme  étant,  en  France,  un  des  premiers  modèles  de  ces  études  de 
sentiments,  qui  depuis  ont  été  tant  de  fois  exécutées  et  auxquelles  se 
rsiiiQ.cheniles  Confessions  d'un  enfant  du  siècle.  Des  fac-simile,des  ea.ux- 
fortes  de  Regamey  —  l'une  d'elle  est  un  peu  risquée  —  ornent  ces 
deux  volumes  admirablement  imprimés.  Ils  sont  les  premiers  d'une 
collection  où  paraîtront  la  Princesse  de  Clèves,  le  Diable  amoureux, 
Valérie,  et  tant  d'autres  romans  qui  seront  nouveaux  pour  bien  des 
lecteurs. 

A  côté  de  ces  romans  français,  la  même  imprimerie  commence  une 
autre  collection  de  petits  romans  anciens  et  étrangers.  Elle  a  débuté 
par  le  plus  délicieux  petit  volume  que  puisse  rêver  un  bibliophile. 
Ce  petit  chef-d'œuvre  typographique  contient  V Amour  et  Psyché,  l'é- 
pisode si  connu  raconté  par  Apulée.  Comme  illustrations,  on  y  voit 
huit  charmantes  vignettes  d'après  les  tableaux  en  voussure  dont  Na- 
toire  a  orné  l'un  des  plafonds  de  l'hôtel  Rohan-Soubise,  aujourd'hui 
les  Archives  nationales.  Ce  volume  se  termine  par  des  notices  biblio- 
graphiques et  artistiques  rédigées  avec  soin  par  M.  Pons. 

Th.  p. 


Molière  et  Bourdaloue,  par  M.  Louis  Veuillot .  Paris,  Victor  Palmé, 

1877,  gr.  in-18  de  270  p.  —  Prix  :  3  fr. 
Molière  etBossuet,  réponse  à  M.  Louis  Veuillot,  par  M.  Henri  de  La- 

POMMERAYE,  Paris,  Paul  Ollendorff,  1877,  gr.  ia-18  de  173  p.  —  Prix  :  2  fr. 


—  233  — 

Étude  sur  Bourdaloue,  par    Frédéric   Poulin,   licencié    es  lettres. 
Paris,  Téqui,  1870,  in-8  de  (i7  p.  —  Prix  :  80  c. 

Une  étude  sur  Molière  est  toujours  d'actualité  ;  il  semble  même  que 
ce  nom  classique  obtienne  en  ce  moment  un  regain  d'engouement.  Le 
nouveau  livre  de  M.  Louis  Veuillot  est  né  d'une  polémique  commencée 
dans  l'Univers,  à  propos  d'une  représentation  du  Tartuffe  à  Londres. 
L'idée  même  d'établir  une  comparaison  entre  Molière  et  Bourdaloue 
n'est  pas  de  M.  Veuillot  :  elle  lui  a  été  suggérée  par  certains  paral- 
lèles audacieux  où  Bourdaloue  se  trouve  être  un  plat  courtisan  et  Mo- 
lière un  11 ardi  réformateur  desmœurs.  Assez  enclin  aux  vertes  ripostes, 
le  rédacteur  de  V Univers  a  fait  un  livre  de  ces  articles  interrompus 
par  les  affaires  quotidiennes.  Il  examine  d'abord  la  vie  privée  de  Mo- 
lière, qui  ne  fut  pas  d'un  moraliste,  puis,  sa  vie  publique,  ouvertement 
protégée  par  la  faveur  royale.  Quelle  preuve  de  ce  grand  courage 
dont  on  lui  fait  une  auréole  Molière  donnait-il  quand  il  gagnait,  à 
railler  marquis  et  dévots,  une  pension  du  roi  pour  lui-même  et  le  par- 
rainage du  roi  pour  son  enfant?  Quand  Louis  XIV  faisait  jouer  le 
Tartuffe  malgré  Parlement  et  Archevêque?  L'auteur,  s'attaquant  en- 
suite au  théâtre  lui-même  et  particulièrement  à  la  comédie,  démontre 
que  celle-ci  n'a  pas  droit  à  la  devise  qu'elle  arbore  :  Castigat  ridendo 
mores.  Il  n'a  pas  de  peine  à  prouver  que  la  comédie  raille  les  ridi- 
cules plutôt  que  les  vices,  et  ne  corrige  guère  ni  les  uns  ni  les  autres. 
Elle  est  plus  puissante  au  mal  qu'au  bien,  et  l'usage  qu'on  en  fait  est 
généralement  plutôt  nuisible  qu'utile  ;  c'est  encore  fort  possible.  On  en 
pourrait  dire  autant  de  la  musique  et  de  la  peinture,  car  le  but  immé- 
diat de  l'art  n'est  pas  la  prédication  religieuse.  Mais  de  ce  que  la  co- 
médie n'est  pas  d'une  morale  aussi  sûre  que  le  catéchisme,  il  ne 
s'ensuit  pas  qu'elle  doive  être  absolument  condamnée.  Et  ici  M.  Veuil- 
lot, emporté  par  sa  légitime  indignation  contre  une  mauvaise  pièce, 
semble,  par  une  trop  grande  généralisation,  avoir  dépassé  la  juste 
mesure.  Il  oppose  l'enseignement  du  théâtre  aux  enseignements  de  la 
chaire  ;  en  face  de  Molière,  qui  obtient  et  conserve  la  faveur  du  roi 
en  flattant  ses  passions,  il  montre  Bossuet  et  Bourdaloue  qui  ne  crai- 
gnent pas  d'affronter  sa  toute-puissance  en  lui  faisant  publiquement 
de  dures  leçons.  La  vie  du  jésuite,  sommairement  racontée,  n'offre 
pas  les  détails  croustillants  de  celle  du  comédien  ;  c'est  la  vie  d'un 
humble  et  saint  religieux,  qui  ne  s'est  mêlé  aux  grands  de  ce  monde 
que  pour  les  entretenir  des  choses  du  ciel.  Mais  fallait-il,  pour  la  glo- 
rification de  l'orateur,  verser  tant  de  fiel  sur  les  misères  du  poète,  et 
l'impitoyable  satiriste  n'oublie-t-il  pas  un  peu  trop  que,  même  dans 
cette  mort  si  triste  de  Molière,  il  y  eut  quelque  chose  de  touchant  et 
presque  de  chrétien  ?  Non,  M.  Veuillot  n'éprouve  pas  un  instant  d'in- 
dulgente faiblesse  devant  ce  pilori  où  il  Ûagelle  une  de    nos  gloires 


—  236  — 

nationales.  Puis  vient  une  critique  do  T/irUi/fe,  comme  M.  Veuillot 
sait  en  faire,  pleine  d'esprit  mordant,  de  bon  sens  et  de  passion.  La 
parole,  laissée  un  instant  au  pauvre  comique  pour  se  défendre,  est 
bientôt  donnée  à  Bourdaioue  pour  l'accabler.  Le  Misanthrope,  pris  à 
partie,  n'a  pas  beaucoup  plus  que  Tarluffe  à  se  louer  de  M.  Veuillot, 
qui,  s'obstinant  à  la  recherche  d'un  type  de  parfait  chrétien,  ne  le 
trouve  pas  plus  dans  Alceste  ou  dans  Philinte,  qu'il  ne  l'avait  trouvé 
dans  Orgon  ou  dans  Cléante.  Et  pourtant  n'est-ce  pas  se  montrer  bien 
exigeant  que  de  condamner  un  poëte  comique  parce  qu'il  ne  met  pas 
de  vrais  saints  en  scène  ?  Ce  serait  encore  ici  le  lieu  de  rappeler  à 
M.  Veuillot  le  mot  de  saint  Paul  :  «  Non  plm  saperc  qiiam  oporlet.  sa- 
perp  ;  scd  sapcre  ad  sobrielatern.  »  Caractères  ou  situations,  but  ou 
moyens,  ensemble  ou  détails,  rien  ne  trouve  grâce  devant  l'ardent  cri- 
tique, rien,  si  ce  n^est  le  style.  Cette  langue  du  grand  siècle,  sobre, 
vigoureuse  et  de  si  bonne  tenue,  M,  Veuillot  est  plus  à  même  que  per- 
sonne de  l'apprécier  :  il  en  a  saisi  le  ton  et  la  manière,  il  en  a  surpris 
les  secrets  et  a  su  les  approprier  à  son  usage.  Il  semble  presque,  en 
le  lisant,  que  dans  cette  querelle  à  la  fois  morale  et  littéraire,  juge  et 
partie  appartiennent  à  la  même  époque . 

—  Une  attaque  si  vive  provoquait  la  réplique  :  une  polémique  s'est  en- 
gagée dans  les  journaux  et  même  dans  les  revues.  Un  agréable  confé- 
rencier, M.  de  Lapommeraye,  a  pris  la  plume  pour  défendre  Molière 
par  une  petite  brochure  qu'il  a  intitulée  :  Molière  et  Bossuet.  Selon  lui 
—  et  la  thèse  n'est  pas  neuve  —  Tartuffe  ne  ridiculise  que  les  faux 
dévots,  ce  dont  une  piété  bien  entendue  devrait  lui  savoir  gré.  Mal- 
heureusement, vrais  ou  faux  dévots  sont  unanimes  à  se  plaindre  de 
cette  comédie,  comme  M.  de  Lapommeraye  en  convient,  et  M.  de 
Lapommeraye,  bien  que  le  baptême  l'ait  fait  enfant  de  l'Église,  s'il 
faut  l'en  croire,  ne  semble  pas  un  juge  suffisamment  informé  des 
questions  religieuses  pour  casser  cet  arrêt  de  sa  propre  autorité.  Le 
fait  brutal  est  là,  plus  fort  que  les  apologies  et  les  commentaires  : 
depuis  deux  cents  ans,  Tartufje  Yé^onit  l'impiété  et  afflige  la  dévotion, 
résultat  dont  Molière  ne  pourrait  être  innocenté  que  par  une  accusa- 
tion d'impardonnable  maladresse. 

La  condamnation  du  théâtre  par  M.  Veuillot  était  trop  absolue 
pour  n'être  pas  relevée.  Sans  discuter,  sans  opposer  à  Bossuet  un 
théologien  moins  sévère,  M.  de  Lapommeraye  se  contente  de  citer 
l'opinion  de  M.  Dumas,  de  M.  de  Girardin,  de  Georges  Sand  et  même 
celle  de  M.  Vacquerie  :  «  Le  théâtre,  c'est  le  Golgotha  de  l'idée  !  » 
Si  le  théâtre  n'a  pas  d'autres  moyens  de  défense, le  rigorisme  de  Bos- 
suet ne  semblera  plus  exagéré  à  personne.  Cependant,  n'étant  sans 
doute  pas  pleinement  satisfait  de  sa  démonstration,  l'auteur  y  revient 
plus  tard  avec  ses  propres  arguments.  «  Je  n'hésite  pas  à  déclarer. 


dit-il,  que  Corneille,  Racine  et  Molière  ont  plus  fait  et  font  plus  pour 
la  moralisation  que  Bossuet,  Bourdaloue  et  Massillon.  «La  raison 
qu'il  en  donne  est  que  ceux-ci  sont  peu  lus,  ce  qui  ne  prouve  pas  l'in- 
fluence moralisatrice  de  ceux-là.  Bossuet.  Bourdaloue  et  Massillon 
n'ont  même  pas  converti  le  dix-septième  siècle,  ajoute-t-il  :  «  le  car- 
naval impie  de  la  Régence  suit  les  retraites  prèchées  par  tous  ces 
célèbres  apôtres.  »  La  Régence  a  suivi  d'aussi  près  l'œuvre  de  morali- 
sation accomplie  par  Corneille,  Racine  et  Molière  ;  M.  de  Lapomme- 
raye  semble  l'oublier.  Mais  il  ne  l'oublie  pas  :  le  dix-huitième  siècle 
n'est  un  carnaval  impie  que  par  rapport  aux  prédications  infruc- 
tueuses des  orateurs  sacrés  du  siècle  précédent,  si  l'on  considère 
l'influence  du  théâtre,  c'est,  au  contraire,  paraît-il,  une  époque  de 
moralisation  brillante.  «  La  chaire  comique  a  plus  d'efflcace,  et  ce 
que  Voltaire  eût...  affirmé...  c'est  le  bénéfice  que  la  philosophie  tira 
de  la  prédication  dramatique.  Avec  ses  tragédies,  mortes  aujour- 
d'hui, Voltaire  a  plus  conquis  de  lecteurs  à  l'Encyclopédie  que  tous  les 
prêtres  n'ont  ramené  d'enfants  prodigues  au  pape...  »  Le  degré  de 
moralisation  se  mesurant  au  nombre  des  lecteurs  de  l'Encyclopédie, 
voilà  une  trouvaille.  Celle-ci  n'est  pas  moins  précieuse:  «Molière, 
Messieurs,  a  tout  simplement  sauvé  cette  chose  sainte  qui  s'appelle  : 
LA  FAMILLE...  »  Si  la  thèse  de  M.  de  Lapommeraye  est  mauvaise,  si 
ses  arguments  sont  faibles,  sa  brochure  contient  pourtant  çà  et  là 
quelques  bonnes  pages,  réfutations  faciles  d'exagérations  évidentes; 
il  a  trouvé  là  sa  meilleure  ressource. 

—  Venant  de  parler  de  Bourdaloue,  je  puis  ajouter  ici  un  mot  d'une 
courte  étude  sur  cet  orateur,  publiée,  l'année  dernière,  par  M.  Poulin. 
Dans  son  avant-propos,  l'auteur  définit  ainsi  son  objet  et  annonce  ses 
divisions  :  «  Après  un  premier  chapitre  consacré  à  étudier  Bourdaloue 
lui-même,  tel  que  ses  œuvres  nous  le  laissent  entrevoir,  nous  essaye- 
rons d'indiquer  les  caractères  généraux  de  son  éloquence.  Puis,  dans 
deux  autres  chapitres,  nous  établirons  qu'il  fut  un  maître  dans  l'en- 
seignement dogmatique,  aussi  bien  que  dans  l'enseignement  moral. 
Cela  nous  amènera  à  constater  ce  qu'il  y  a  de  pratique  dans  le  but 
qu'il  se  propose,  et  à  caractériser  la  méthode  qu'il  emploie  pour  at- 
teindre ce  but.  »  Mais  ce  que  l'auteur  n'annonce  pas,  c'est  la  connais- 
sance intime  qu'il  a  de  son  sujet  et  le  soin  avec  lequel  son  travail  est 
exécuté.  Analyses,  appréciations,  comparaisons,  anecdotes,  rien  ne 
manque  de  ce  qui  peut  renseigner  le  lecteur  ou  raviver  son  intérêt: 
tout  est  sommairement  indiqué.  L'auteur  se  meut  à  l'aise  dans  ce 
cadre  si  limité.  Ce  qu'on  ne  peut  que  regretter,  car  peut-être,  s'il  se 
fût  trouvé  plus  gêné  pour  les  développements  nécessaires  à  son  vaste 
sujet,  aurait-il  pensé  à  se  charger  de  cette  édition  historique  de  Bour- 
daloue que  lui-même  réclame  quelque  part.      Emm,  de  Saint-Albin. 


—  238  — 

IVouveaux  Saiuedîs,  par  A.    de  Pontmartin.  Quinzième  série.  Paris, 
Calmann,  [  évy,  1878,  in-I8  j.  de  416  p.  —  Prix  :  3  fr.  oO. 

Ces  Nouveaux  Samedis  ne  le  cèdent  à  leurs  aînés  ni  en  variété  at- 
trayante, ni  en  sûreté  de  vues  critiques,  ni  en  finesse  de  pen- 
sée, ni  en  élégance  de  forme.  Il  j  a  des  pages  sur  Philarète 
Chasles  qui  sont  tout  une  révélation.  M.  de  Pontmartin  nous 
montre  ce  déclassé  de  première  classe  en  flagrant  délit  de  plagiat,  enle- 
vant au  Journal  des  Débats  un  article  spirituel  sans  plus  de  scrupules 
que  n'en  mettaient  les  corsaires  des  Etats  barbaresques  à  enlever  les 
femmes  de  Leucate,  d'Agde  ou  de  Maguelonne.  Ce  qui  n'empêche  pas 
M.  de  Pontmartin  de  faire  ressortir  les  brillantes  qualités  littéraires 
qui  distinguaient  Philarète  Chasles.  Il  y  a  aussi,  dans  ces  Nouveaux 
Samedis,  des  pages  ravissantes  sur  l'auteur  de  la  Fille  d'Eschyle,  Au- 
tran,le  grand  poëte  marseillais,  un  phocéen  moderne,  fils  de  Sophocle 
et  de  Lamartine.  Il  y  a,  pareillement,  des  pages  touchantes  sur  Marie- 
Antoinette  :  les  panégyristes  de  l'infortunée  reine  de  France  y 
sont  loués,  en  excellents  termes,  de  leur  dévouement  et  de  leur  gé- 
néreux amour  de  la  vérité;  les  lâches  calomniateurs  de  la  fille  de 
Marie -Thérèse  y  sont  fustigés  d'importance.  —  Signalons,  dans  un 
autre  ordre  d'idées  :  une  étude  sur  Venise,  où  revit  le  pinceau  ma- 
gique de  Charles  Yriarte;  un  portrait  de  Daniel  Stern  (seconde  ma- 
nière); un  très-rigoureux  jugement  (trop  rigoureux  peut-être)  sur  le 
poète  des  Nuits,  Alfred  de  Musset;  des  articles  du  plus  piquant  intérêt 
sur  Emile  Zola  et  le  réalisme  bestial,  sur  Mario  Uchard,  Jules  Claretie, 
Gustave  Claudin,  André  Theuriet,  Ernest  Daudet  et  les  Erckman-Cha- 
trian  et  les  romans  soi-disant  nationaux  qui  représentent  la  littérature 
d'un  parti  dont  M.  Gambetta  représente  l'éloquence.  Mais,  à  notre  sens, 
les  pages  les  mieux  réussies  des  Nouveaux  Samedis  sont  une  sorte  de 
récit  anecdotique  et  biographique  dans  lequel  M.  de  Pontmartin  ra- 
conte ses  relations  avec  Buloz  et  la  Revue*des  Deux  Mondes.  C'est 
écrit  à  l'emporte-pièce.  Mentionnons  enfin  la  mordante  critique  de 
l'ennuyeux  drame  posthume  de  M.  Charles  de  Rémusat,  intitulé  : 
Abélard,  et  une  nouvelle  étude  sur  Xavier  Doudan,  ce  «  libre-penseur 
du  grand  monde  »  qui  n^a  eu  que  la  peine  de  mourir  pour  devenir  cé- 
lèbre. En  résumé, les  écrivains  qui  voudront  plus  tard  écrire  l'histoire 
du  mouvement  intellectuel  français  dans  la  seconde  moitié  du  dix-neu- 
vième siècle  n'auront  qu'à  se  baisser  et  qu'à  prendre.  Les  Nouveaux 
Samedis   leur   faciliteront   singulièrement  la  besogne. 

FiRMIN  BoissiN. 


—  239  — 

Correspondance  de  «Iules  Janin,  publiée  par  M.  de  la  Fizelière, 
avec  le  concours  de  M.  Clément  Janin.  Paris,  librairie  des  bibliophiles, 
1877,  gr.  ia-18  de  31G  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Quand  on  a  lu  les  oeuvres  d'un  écrivain  éminent,  on  ressentie  désir 
très-naturel  de  connaître  leur  auteur.  Rien  ne  peut  mieux  aider  à  la 
satisfaction  de  cette  curiosité  que  sa  correspondance;  c'est  là  que, 
sans  préoccupation  du  libraire  et  du  public,  il  se  peint  tel  qu'il  est  et 
bien  mieux  qu'il  ne  le  ferait  dans  des  mémoires  composés  avec  une 
certaine  prétention  littéraire.  La  correspondance  de  J.  Janin  sera 
donc  très-bien  accueillie  du  public  intelligent  qui,  si  longtemps,  a  lu 
avec  empressement  les  feuilletons  de  l'aimable  critique  et  qui  a  con- 
servé le  souvenir  de  quelques-uns  de  ses  livres.  Au  reste,  le  style  de 
J.  Janin  dans  ses  lettres  ne  diffère  pas  sensiblement  de  son  style 
comme  auteur.  L'inépuisable  feuilletoniste  avait  un  esprit  —  si  l'on 
peut  allier  ces  mots  —  naturellement  un  peu  prétentieux.  Ses  lettres 
ne  seront  donc  pas  citées,  peut-être,  comme  des  modèles  épistolaires, 
parce  qu'elles  ont,  ou  plutôt,  semblent  avoir  un  certain  apprêt.  Elles 
ne  contiennent  point  d'anecdotes  contemporaines,  elles  n'offrent 
guère  de  reflets  des  événements  politiques,  et  cependant^  on  les  lit 
avec  un  grand  plaisir,  parce  qu'elles  mettent  en  rapport  avec  un 
esprit  ingénieux  et  avec  un  caractère  honnête,  elles  font  aimer  et  esti- 
mer celui  qui  les  a  écrites.  La  première  de  ces  lettres  est  de  1824,1a  der- 
nière de  1873.  Toute  la  vie  littéraire  de  J.  Janin  est  comprise  entre  ces 
deux  dates,  et  entre  ces  deux  dates  se  groupent  une  foule  de  souve- 
nirs, de  noms  connus  à  titres  divers,  qui  font  revivre  le  lecteur  dans 
une  longue  période  de  ce  siècle.  Toutefois,  nous  l'avons  déjà  laissé 
entendre,  l'histoire  n'aura  pas  à  chercher  beaucoup  de  renseigne- 
ments dans  cette  correspondance  :  Janin  vivait  trop  dans  sa  biblio- 
thèque pour  s'enquérir  beaucoup  de  ce  qui  se  passait  au  dehors. 
Cependant,  il  ressentit  vivement  le  contre-coup  du  Deux-Décembre, 
tout  en  comprenant  mieux  que  ne  le  feraient  ses  successeurs  actuels 
au  Journal  des  Débats,  ce  qui  avait  favorisé  l'établissement  de  l'Em- 
pire. Dans  une  lettre  à  M.  de  Lacretelle,  l'historien,  Janin  raconte  com- 
ment il  revit,  en  1851,  Lamartine  en  présence  de  qui  il  ne  s'était  plus 
trouvé  depuis  le  1er  mars  1848,  où  le  poëte  s'écriait  sous  un  ciel 
splendide  :  «  Je  vous  fais  quelque  chose  de  plus  beau  que  le  soleil.  » 
Lamartine  se  montra  d'abord,  à  l'égard  de  Janin,  réservé  et  froid;  il 
semblait  lui  garder  rancune  des  malheurs  dans  lesquels  il  nous  avait 
jetés.  Cette  lettre  de  Janin  m'en  a  rappelé  une  de  Lamartine  lui- 
même,  lettre  bonne  à  citer  et  à  méditer,  où  il  écrivait  :  a  Nous  avons 
péché  par  excès  de  liberté  (je  dis  nous  et  non  pas  moi),  en  1848. 
La  démagogie,  qui  se  repent  aujourd'hui,  a  amené  cet  inévitable  châ- 
timent, le  despotisme.  »  {Correspondance,  t.  VI,  p.  448.) 


—  240  — 

J.  Janin  eût  voulu,  au  prix  de  dix  ans  de  sa  vie  (p.  117),  que  Lamar- 
tine et  M.  V.  Hugo  fussent  restés  les  témoins  affligés  de  grandes  et 
inutiles  émeutes.  »  Qu'eût  dit  J.  Janin,  s'il  eût  vécu  jusqu'à  nos 
jours?  Mais  il  en  vit  bien  assez,  car  il  vécut  jusqu'en  1874,  et  trenabla 
pour  sa  chère  bibliothèque,  menacée  par  les  communards. 

Ce  receuil  de  lettres  est  impossible  à  analyser;  il  faudrait,  pour  en 
donner  une  idée,  en  extraire  quantité  de  jolis  passages,  et  la  place  me 
manque  ;  mais  je  crois,  par  ma  propre  expérience,  qu'on  lira  avec 
intérêt  tout  ce  charmant  volume,  où  le  traducteur  d'Horace  montre 
plus  d'une  fois  la  douce  philosophie  de  son  poëte  bien-aimé. 

Une  remarque  bien  minutieuse  (p.  44)  :  J.  Janin  parle  d'un  hasard 
providentiel  ;  s'il  eût  corrigé  l'épreuve  de  sa  lettre,  il  n'eût  certaine- 
ment pas  laissé  accouplés  ces  deux  mots  contradictoires.  C'est  là  une 
manière  de  dire  que  l'on  emploie  un  peu  trop  souvent,  mais  il  ne 
faudrait  pas  pouvoir  s'autoriser  de  l'exemple  de  J.  Janin. 

Th.   de  PUYMAIGRE. 


HISTOIRE. 


Die  Zeit  des  Ignatius  und  die  Chronologie  der  antioehe- 
iiischen  OiselioTe  bisTyranmis.  {De  l'époque  de  saint  Ignace  et  de 
la  chronologie  des  cvéques  d' Antioclie  jusqu' à  Tyrannus.)  Nach  Juiius  Afri- 
canicus  und  den  spàteren  Historikern.  INebst  aine  Untersuchung  ùber  die 
Verbreitung  der  Passio  S.  Polycarpi  im  Abendlande.  Von  Adolf  H.uinack. 
Leipzig,  Hinrichs,  1878,  in-12  de  iv  et  92  p. 

La  question  de  la  personne  et  des  lettres  de  saint  Ignace  d'Antioche 
passionne  une  partie  du  monde  savant  en  Allemagne.  Cet  illustre 
martyr,  l'un  des  premiers  écrivains  ecclésiastiques,  nous  fournit  des 
témoignages  sur  quelques-uns  des  dogmes  et  des  institutions  prin- 
cipales de  l'Eglise.  De  là  son  importance  et  les  batailles  qui  se 
livrent  autour  de  son  nom.  Parmi  les  difficultés  qu'on  soulève  contre 
l'authenticité  de  ses  lettres,  il  en  est  qui  sont  tirées  de  difficultés  chro- 
nologiques. Ce  sont  celles  que  se  propose  de  résoudre  M.  Adolphe 
Harnack,  l'un  des  savants  éditeurs  des  Pères  apostoliques. 

Aucune  objection  sérieuse,  dit-il,  n'a  été  élevée  jusqu'ici  contre 
l'authenticité  de  la  tradition  d'après  laquelle  un  évêque  d'Antioche, 
nommé  Ignace,  fut  condamné  au  deuxième  siècle  de  l'ère  chrétienne 
au  supplice  des  bêtes  et  dût  être  conduit  à  Rome  pour  y  subir  la 
mort.  Les  difficultés  imaginées  par  Néander  d'abord,  et  depuis  par 
Volkmar  ne  méritent  pas  qu'on  s'y  arrête.  Elles  sont  toutes  sans  force 


—  241  - 

contre  le  fait  que  les  sept  lettres  qui  portent  le  nom  de  saint  Ignace 
sont  antérieures  à  l'époque  où  vivait  saint  Irénée.  L'éditeur  des  lettres 
de  saint  Ignace, 'M.  Zahn,  a  très-bien  montré  dans  son  livre  Ignace 
d'Antioche  (1873),  que  les  lettres  elles-mêmes  ne  contiennent  rien 
qu'on  puisse  alléguer  avec  raison  contre  leur  authenticité.  Quant  à  la 
difficulté  chronologique  du  martyre  de  saint  Ignace,  M.  Harnack 
arrive  aux  conclusions  suivantes.  Les  dates  fournies  par  Eusèbe,  dans 
sa  Chronique,  sont  empruntées  à  Jules  Africain.  Celui-ci  avait  donné 
les  dates  par  olympiades,  manière  de  compter  qui  manque  de  préci- 
sion, quand  on  veut  les  traduire  en  années  ordinaires,  sans  rensei- 
gnements suffisants.  Mais,  ce  qui  est  bien  plus  grave,  d'après 
M.  Harnack,  la  chronologie  de  Jules  Africain  est  artificielle  et,  par 
conséquent,  ne  mérite  pas  confiance.  Il  résulte  delà  que  les  objections 
tirées  de  cette  chronologie  contre  l'histoire  de  saint  Ignace  sont  sans 
fondement.  L'auteur  s'eff'orce  d'établir  ses  conclusions  par  une  foule 
de  considérations  et  de  rapprochements  trés-ingénieux,  qui  montrent 
sa  connaissance  profonde  de  l'antiquité  chrétienne.  Q.  K. 


Le  Itévéreiiti  S»ère  de  Ponlevoy,  de  la  Compagnie  de 
Jésus.  Sa  vie,  par  le  P.  Alexandre  de  Gabriac,  de  la  même  Compagnie, 
avec  un  choix  d'opuscules  et  de  lettres.  Tome  U.  Opuscules  et  lettres.  Paris, 
Baltenweck,  1878,  in-18  j.  de  x-iJOo  p.  —  Prix  :  4  fr. 

Dans  le  premier  volume  de  son  ouvrage  (t.  XX,  p.  418),  le  P,  de 
Gabriac  a  raconté  la  vie  du  P.  de  Ponlevoy  et  nous  a  fait  pénétrer 
dans  le  secret  de  cette  grande  âme  par  la  publication  de  nombreux 
fragments  de  ses  écrits.  Ici,  l'historien  s'efface  complètement;  il 
devient  simple  éditeur  d'œuvres  laborieusement  et  pieusement  recueil- 
lies, disposées  dans  le  meilleur  ordre  et  choisies  avec  un  grand  discer- 
nement. Ce  sont  des  œuvres  ascétiques  :  des  ébauches  de  méditations, 
des  canevas  de  sermons  et  de  retraites,  des  avis  spirituels,  des  pen- 
sées jetées  sur  le  papier.  Ces  fragments  sont  réunis  sous  le  titre  de 
«  Mystères  »  et  ont  pour  objet  général  les  fêtes  que  l'Eglise  célèbre 
de  la  Toussaint  au  Carême,  le  Carême  et  la  Passion,  Pâques  et  la 
Pentecôte,  et  différentes  dévolions.  Viennent  ensuite  l'abrégé  d'une 
retraite  sur  le  Courage,  un  sermon  sur  le  Mélange  des  bons  et  des 
méchants,  et  une  réimpression  de  l'intéressante  et  édifiante  notice  sur 
Mme  de  Saisseval,  femme  toute  dévouée  au  bien,  l'un  des  soutiens 
de  la  belle  œuvre  des  Enfants  délaissés,  qui  a  fourni  pendant  la  Com- 
mune un  si  providentiel  secours  aux  otages.  A  la  fin  sont  les  lettres  : 
la  correspondance  avec  la  comtesse  Chrapowiska,  morte  en  1876, 
avec  Mme  Whately,  protestante  convertie,  dont  il  est  parlé  dans 
la  Vie;  avec  M.  Antoine  de  Latour,  le  traducteur  de  Silvio  Pellico, 
Mars  1878.  T.  XXII,  16. 


—  242  — 

avec  sa  femme  et  différentes  autres  personnes.  Ces  lettres  sont  sui- 
vies de  fragments  de  correspondances  qu'il  était  impossible  ou  inutile 
de  reproduire  intégralement  et  qui  sont  classés  suivant  leurs  sujets  : 
La  Paix.  Moyens  de  conserver  la  paix.  —  Croix.  —  Vertus.  — 
Devoirs.  —  Dévotions. 

Il  nous  est  difficile  de  donner  autre  chose  qu'une  table  des  matières. 
Cette  indication  suffira  à  tous  ceux  qui  connaissent'le  P.  de  Ponlevoj 
par  ce  qu'ils  ont  déjà  lu  de  lui  et  pour  lesquels  notre  appréciation 
aurait  peu  de  portée.  Il  est,  du  reste,  assez  embarrassant  de  juger 
sommairement  un  ensemble  d'œuvres  aussi  variées  et  traitées  si  iné- 
galement. On  voit  qu'elles  émanent  d'un  penseur  ;  elles  font  réfléchir 
et  demandent  à  être  méditées.  Tous  les  mots  portent;  rien  n'est 
sacrifié  à  l'agrément;  tout  est  pour  l'utile.  Le  P.  de  Ponlevoy  a 
uniquement  cherché  le  bien  et  il  a  trouvé  le  reste  par  surcroît.  Il 
donne  là  une  nourriture  substantielle  et  fortifiante  dont  nous  dirons 
volontiers  :  Goûtez  et  voyez.  Quant  à  sa  doctrine,  quant  à  ses  conseils, 
il  serait  puéril  à  nous  d'en  donner  notre  avis.  Que  de  belles  pensées 
on  pourrait  citer,  exprimées  dans  une  formule  simple,  nette,  vive, 
concise  qui  frappe  l'esprit  et  se  grave  dans  la  mémoire.  «  Plus  vous 
donnerez  de  bonheur,  plus  vous  en  aurez;  plus  vous  ferez  de  bien, 
plus  vous  en  recevrez  (419).  »  —  «  Dieu  frappe  pour  toucher, 
blesse  pour  guérir,  mortifie  pour  vivifier  (138).  »  —  «  Il  y  a  des 
choses  que  je  pense  savoir,  et  que  pourtant  je  ne  sais  pas  ;  il  y  a 
des  choses  que  je  sais  et  que  j'oublie  ;  il  y  a  des  choses  que  je  n'ou- 
blie pas,  mais  que  je  ne  veux  pas.  Afin  d'apprendre  ce  que  je  pense 
savoir  sans  le  savoir,  je  dois  écouter.  Afin  de  retenir  ce  que  j'oublie, 
après  avoir  entendu,  je  dois  réfléchir.  Afin  de  vouloir,  enfin,  je  dois 
prier  ;  la  prière  est  l'auxiliaire  de  la  parole  (134).  »  Dans  les 
lettres,  quelle  délicatesse  de  sentiments,  quelle  finesse  d'expression, 
quelle  générosité.  Plusieurs  contiennent  des  allusions  aux  derniers 
événements.  «  La  justice  d'en  haut,  »  dit-il,  à  propos  de  la  Commune, 
«  n'a  qu'à  laisser  faire,  l'iniquité  s'exécute  elle-même  (482).  »  Après 
avoir  parlé  de  toutes  ses  douleurs  dans  ces  tristes  jours  :  «  Et  cepen- 
dant, soyons  debout,  nous  avons  des  martyrs  de  plus  (484)  1  » 

René  de  Saint-Mauris. 


Iteclierches  arcliéologiques  aur  les  colonies  phéniciennes 
établies  sur  le  littoral  de  la  Celtoligurie,  par  l'abbé  J.-J.-L. 
Bauges,  professeur  d'hébreu  à  la  Sorbonne.  Paris,  Ernest  Leroux,  1878, 
in-8  de  160  p.  accompagné  de  8  planches.  —  Prix:  6  fr. 

Après  avoir  rappelé  les  colonies  fondées  par  les  Phéniciens  en 
Afrique  et  en  Espagne,  l'auteur  s'arrête  successivement  à  Pyrène  ou 


—  2i3  — 

lUiberris,  Ruscino  ou  Ruscinus,  Narbonne,  Heraclea,  Nemausus, 
Heraclea-Caccabaria,  Alonis,  TArgentière,  Beritini,  Portus  Hercu- 
lis  Monœci  et  Portus  Herculis.  M.  l'abbé  Barges  décrit  chacune 
de  ces  villes,  donne  leur  emplacement,  explique  Torigine  de  leur  nom. 
C'est  à  tort  qu'on  cherche  l'étymologie  de  ces  mots  dans  le  grec  ou 
le  latin,  c'est  au  phénicien  qu'il  faut  remonter.  Ainsi  on  explique 
généralement  Monaco  par  pvoç  oïxoç,  demeure  solitaire.  Pour  arriver 
à  la  véritable  étj^mologie,  il  faut  avoir  recours  à  l'hébreu  et  au  phéni- 
cien Ménith,  quietem  dantcm,  qui  donne  la  tranquillité,  en  remarquant 
que  le  C  des  Latins  et  le  K  des  Grecs  correspond  au  Heth  des  alphabets 
hébreu,  chaldaïque,  syriaque  et  phénicien.  La  partie  la  plus  intéres- 
sante de  ce  mémoire  est  ce  que  l'auteur  dit  de  Marseille.  S'appujant 
sur  les  nombreux  monuments  retrouvés  dans  cette  ville,  notamment 
un  autel  de  Baal  et  la  grande  inscription  phénicienne  remise  au  jour 
en  1845,  M.  l'abbé  Barges  établit  que  les  Phocéens  ne  furent  pas  les 
premiers  habitants  de  Massalia,  ni  ses  véritables  fondateurs,  mais 
qu'il  faut  reporter  la  fondation  de  cette  ville  à  deux  siècles  aupara- 
vant. L'auteur  explique  le  nom  de  Massalia  par  un  mot  d'origine 
celtique,  mas  (C.  Manere)  ;  le  nom  de  cette  ville  signifie  dès  lors  rési- 
dence des  Salyens.  —  L'ouvrage  se  termine  par  un  chapitre  fort  inté- 
ressant sur  le  commerce  des  Phéniciens  et  des  Carthaginois  avec  les 
habitants  de  la  Celtoligurie.  Armand  Gasquy. 


Histoire  de  la  ciA'ilisation  hellénique,  par  M.  Paparrigopoclo, 
professeur  à  l'Université  d'Athènes.  Paris,  Hachette,  1878.  in-8  de  470  p. 
—  Prix:  7  fr.  50. 

Ce  volume  est  le  produit  d'une  étude  de  trente  ans  et  le  résumé 
d'un  grand  travail  qui  n'a  été  publié  qu'en  grec.  L'auteur  se  propose 
de  montrer  l'influence  de  l'esprit  grec  sur  la  civilisation.  On  croit 
généralement  que  l'histoire  grecque  finit  à  la  bataille  de  Chéronée. 
La  race  grecque  n'a  jamais  cessé  de  marquer  dans  l'histoire.  Mais 
jusqu'ici  elle  n'a  pas  eu  d'historien  national;  on  l'a  jugée  sévèrement 
et,  pour  ainsi  dire,  par  contumace. 

Le  premier  chapitre  est  consacré  aux  temps  primitifs,  aux  consti- 
tutions d'Athènes  et  de  Sparte.  L'auteur  donne  la  supériorité  à  Athènes 
sur  Sparte.  Le  génie  attique  est  pour  lui  la  plus  haute  expression  de 
l'esprit  grec.  —  Supprimez  Athènes  de  l'histoire,  dit-il,  la  splendeur 
de  la  Grèce  est  obscurcie,  l'humanité  recule.  Supprimez  Sparte  la 
Dorienne,  le  nom  des  Hellènes  ne  perd  rien  de  son  éclat.  Les  vertus 
guerrières,  ces  vertus  maîtresses  de  Lacédémone  n'ont  pas  même  été 
célébrées  par  les  Spartiates;  c'est  Hérodote,  presqu'un  Ionien,  ce 
sont  les  Athéniens  Thucydide  et  Xénophon  qui  les  rappellent  au 
souvenir  de  la  postérité. 


La  lutte  pour  riiég-émonie  avait  livré  la  Grèce  à  Philippe;  les 
divisions  qui  suivirent  la  mort  d'Alexandre  préparèrent  la  domination 
romaine. Mais,  suivant  l'expression  d'Horace,  les  vaincus  triomphaient 
de  leurs  vainqueurs,  le  génie  latin  se  transforma  au  contact  du  génie 
grec.  Le  sol  de  la  Grèce  fut  souvent  foulé  par  les  armées  étran- 
gères, mais  son  esprit  survit  à  toutes  les  ruines  et  s'empare  de  tout 
ce  qui  cherche  à  l'étouffer.  Le  christianisme  fit  d'abord  la  guerre  aux 
idées  grecques.  Dans  son  discours  contre  les  idoles,  qu'il  intitule 
Discours  contre  les  Hellènes,  l'évéque  d'Alexandrie,  Athanase,  cou- 
vrait leur  science  de  railleries.  Clément  d'Alexandrie  et  Justin 
montraient,  au  contraire,  qu'une  alliance  était  possible  entre  le  monde 
chrétien  et  l'hellénisme.  Saint  Grégoire  de  Nazianze  et  saint  Basile 
protestent  contre  Julien  qui  veut  interdire  aux  chrétiens  les  lettres 
grecques,  et  font  bientôt  dans  leurs  discours  revivre  l'éloquence 
antique.  Les  dogmes  de  la  nouvelle  religion  se  fixent  au  sein  de 
l'Empire  grec,  c'est  à  Constantinople  que  s'écrit  le  Credo.  Si,  par  leur 
esprit  d'investigation,  les  Grecs  provoquaient  les  hérésies,  ils  fournis- 
saient en  même  temps  ceux  qui  devaient  les  combattre  avec  éclat. 
Justinien  essaya  vainement  de  faire  revivre  à  Constantinople  le  monde 
romain.  Il  reconnaissait  bientôt  lui-même  dans  ses  Novelles  que  le 
grec  était  la  langue  de  la  majorité  des  habitants  de  l'empire  et  il 
cédait  lui-même  à  l'influence  grecque.  Bâtie  par  un  empereur  qui 
prétendait  représenter  en  Orient  le  monde  romain,  Sainte-Sophie 
devint  le  principal  symbole  de  l'hellénisme  au  moyen  âge. 

Le  professeur  d'histoire  s'attache  à  faire  voir  que  la  période  connue 
sous  le  nom  de  Bas-Empire  ne  mérite  pasle  mépris  où  on  la  tient  généra- 
lement, n  nous  montre  l'activité  qui  règne  alors  dans  l'Orient,  il  nous 
fait  assister  aux  disputes  religieuses,  aux  luttes  des  iconolâtres  et 
des  iconoclastes.  Au  milieu  de  ces  ténèbres,  l'esprit  grec  se  dégage  et 
inspire  de  grands  hommes.  Démosthènes  n'aurait  pas  renié  l'apôtre  Paul 
ou  Chrysostome,  de  même  qu'Aristophane  aurait  trouvé  un  digne  suc- 
cesseur dans  Lucien,  et  Socrate  dans  Epictéte.  Peut-être  même 
Agésilas  aurait  reconnu  des  émules  dans  Héraclius  et  Basile  IL 
M.  Paparrigopoulo  se  montre  sévère  pour  les  croisades,  entreprises, 
suivant  lui,  pour  soumettre  l'église  de  Constantinople  à  celle  de  Rome. 
L'empire  latin  substitué  pour  quelques  années  (1204-1261)  à  l'Empire 
grec  fut  une  faute  politique.  Les  Turcs  allaient  se  jeter  sur  Constan- 
tinople affaiblie  et  menacer  toute  l'Europe. 

Sous  la  domination  ottomane,  on  vit  les  deux  races,  celle  des  oppres- 
seurs et  celle  des  opprimés,  rester  toujours  séparées,  ne  se  mêler  en 
rien  :  les  Grecs,  comme  les  Slaves,  n'acceptèrent  qu'en  frémissant  un 
joug  insupportable.  Les  Turcs  furent  les  seuls  vainqueurs  que  les 
Grecs  ne  gagnèrent  point  à  leur  civilisation.  La  guerre  de  l'indépen- 


dance  constitua  un  état  insuffisant  dans  la  pensée  de  l'auteur.  De 
tristes  réflexions  terminent  son  ouvrage.  Il  se  plaint  de  l'Europe  qui 
a  permis  aux  Slaves  de  s'affranchir  peu  à  peu  du  joug  des  Turcs  et 
qui  ne  favorise  pas  de  même  l'émancipation  des  Grecs. 

Le  livre  de  M.  Paparrigopoulo  se  recommande  par  des  vues  larges 
et  nouvelles,  un  style  élégant,  une  conviction  éloquente.  Si  nous  pou- 
vons reprocher  à  l'auteur  quelque  aveuglement  dans  son  patriotisme 
enthousiaste,  s'il  n'a  pas  la  force  de  reconnaître  que  les  Grecs  d'au- 
jourd'hui ne  sont  pas  les  véritables  héritiers  de  leurs  ancêtres  de 
l'antiquité,  sachons  du  moins  gré  au  professeur  de  nous  avoir  montré 
dans  son  ensemble  le  développement  de  la  civilisation  hellénique  et 
de  nous  avoir  rappelé  qu'Athènes  a  été  l'éducatrice  du  genre  humain 
suivant  le  titre  que  Cicéron  se  plaisait  à  donner  à  cette  ville. 

Armand  Gasqut. 


IL.e  tiîvre  d'or  fpaiiçaîf*.  La  Mission  de  Jeanne  d'Arc,  par  Frédéric 
GoDEFROY,  lauréat  de  l'Académie.  Ouvrage  illustré  d'un  portrait  inédit  de 
la  Pucelle  en  chromolithographie,  de  quatorze  encadrements  sur  teinte  et 
quatorze  compositions  originales  imprimées  en  camaïeu  de  Claudius 
Cappori-Puche.  Paris,  Ph.  Reichel,  1878,  gr.  in-8  de  xii-391  p.  —  Prix  ; 
40  fr. 

Pour  s'être  fait  désirer,  le  volume  que  nous  annonçons, n'en  recevra 
pas  moins  bon  accueil  :  attendu  pour  les  étrennes,  il  ne  lui  manque 
que  le  mérite  de  l'opportunité,  trop  recherché  de  nos  jours.  M.  Gode- 
froy  ne  prétend  pas  donner  une  œuvre  originale,  une  étude  de  pre- 
mière main.  ((  Notre  intention,  dit-il,  n'est  pas  de  refaire  dans  tous 
ses  détails  la  vie  de  Jeanne  d'Arc...  Nous  voulons  surtout,  en 
utilisant  ce  qui  a  été  publié  de  meilleur  sur  l'héroïne  française, 
caractériser  sa  mission  religieuse  et  patriotique  et  solidement  établir 
qu'elle  fut  une  vraie  sainte.  »  C'est  donc  un  travail  de  vulgari- 
sation, tendant  à  faire  pénétrer  parmi  le  public  lettré,  mais  non 
érudit,  les  véritables  notions  sur  la  vie  et  la  mission  de  .Jeanne  d'Arc. 
L'auteur  expose  cette  vie  merveilleuse  dans  un  récit  intéressant, 
coupé  par  des  divisions  bien  claires,  embrassant  toutes  les  périodes 
de  sa  durée  :  naissance,  vocation,  voyages,  entrée  à  Orléans,  cam- 
pagne de  la  Loire,  sacre  du  roi,  siège  de  Compiégne,  captivité, 
procès,  condamnation,  réhabilitation,  etc.,  écrit  sous  l'inspiration  du  pa- 
triotisme le  plus  ardent  et  des  sentiments  religieux  les  plus  accentués. 
Nous  ne  le  suivrons  pas  dans  sa  narration,  dont  les  éléments  lui  sont 
fournis  par  nos  meilleurs  historiens  et  par  les  panégyristes  de  la 
Pucelle,  aux  fêtes  du  8  mai  à  Orléans.  Nous  devons  surtout  faire  res- 
sortir le  cachet  particulier  de  son  livre,  qui  est  de  montrer  la  sainteté 
de  la  vierge  lorraine,  caractère  que  l'Eglise  ne  lui  a  pas  encore  re- 


—  246  — 

connu;  mais  on  sait  que  la  cause  de  sa  béatification  est  introduite 
devant  le  Saint-Siège,  et  M.  Godefroy  s'en  fait  l'avocat  éloquent  et 
convaincu.  Il  montre  qu'elle  a  accompli  une  mission  divine,  qu'elle  a 
prophétisé,  qu'elle  a  opéré  des  miracles,  qu'elle  a  subi  la  mort  des 
martyrs.  Ce  n'est  pas  seulement  de  la  sympathie  et  de  l'admiration 
qu'il  nous  inspire  pour  Jeanne  d'Arc,  ce  sont  des  sentiments  de  pro- 
fonde vénération. 

Nous  ferons  suivre  nos  éloges  de  quelques  critiques.  N'y  aurait-il 
pas  certains  détails  qu'on  aurait  pu  atténuer  sinon  supprimer  dans  un 
volume  appelé  à  figurer  avec  honneur  sur  la  table  du  salon  (p.  42, 
196,  369,  384).  Nous  sommes  tout  disposé  à  nous  ranger  à  l'opinion 
de  M.  Godefroy  sur  l'unité  de  la  mission  de  Jeanne  d'Arc  et  son  entier 
accomplissement,mais  nous  craignons  que  les  raisons  qu'il  donne  et  que 
la  manière  dont  il  les  présente  ne  convainque  pas  le  lecteur  un  peu  ré- 
calcitrant. Il  énumère,dans  un  chapitre  intitulé  «Jeanne  d'Arc  devant 
la  postérité,  »  les  principaux  monuments  élevés  à  l'honneur  de  la 
Pucelle  par  les  écrivains  et  les  artistes  :  nous  nous  permettons  de  le 
trouver  trop  élogieux  pour  M.  Henri  Martin,  et  de  lui  reprocher 
d'avoir  donné  la  tournure  afiirmative  à  des  faits  présentés  sous  forme 
dubitative  dans  un  travail  de  M.  de  Puymaigre  dont  il  s'est  inspiré. 

Les  éditeurs,  compositeurs,  artistes  et  graveurs  ont  droit  à  une 
part  d'éloges  pour  le  goût  et  la  beauté  des  illustrations,  l'harmonie  et 
la  netteté  de  la  composition  qui  ajoutent  beaucoup  au  prix  de  cette 
oeuvre.  Notre  critique  artistique  ne  serait  pas  d'un  assez  grand 
poids  pour  qu'il  y  ait  aucun  inconvénient  à  la  supprimer  ;  ainsi, 
sans  contester  en  rien  la  valeur  des  compositions  originales  de 
M.  Cappori,  reproduites  en  tête  de  chaque  chapitre  et  se  rapportant 
toutes  à  quelque  trait  de  la  vie  de  Jeanne  d'Arc,  nous  exprimons 
seulement  le  regret  que  l'éditeur  se  soit  écarté  de  la  voie  où  l'on 
est  si  heureusement  entré  de  nos  jours  et  qu'il  ait  laissé  à  la  fantaisie, 
si  artistique  qu'elle  soit,  l'illustration  d'une  œuvre  qui  devrait  surtout 
consister  en  reproduction  de  monuments  historiques. 

René  de  Saint-Mauris. 


Études  sur  le  régime  financier  de  la  France  avant  la 
Révolution  de  I  T&*9,  par  Ad.  Vuitry,  de  l'Institut.  Paris,  Guillau- 
min,  1878,  gr.  in-8  de  xii-540  p.—  Prix  :  10  fr. 

Des  deux  études  qui  composent  ce  livre,  la  première,  celle  qui 
traite  des  anciens  impôts  romains  dans  la  Gaule,  du  sixième  au  dixième 
siècle,  et  de  leur  transformation  en  redevances  féodales,  est  déjà 
connue  des  lecteurs  du  Polybiblion.  L'auteur  en  avait  fait  l'objet,  en 
1874,  d'une  publication  spéciale  et  nous  nous  étions  empressé  dès  lors 


—  247  — 

de  la  signaler  à  leur  attention  (t.  XI,  p.  14).  Nous  nous  bornerons 
aujourd'hui  à  rappeler  son  titre  pour  nous  occuper  particulièrement 
de  la  seconde.  Aussi  bien,  est-elle  à  tous  égards  la  plus  considérable. 
Elle  est  consacrée  au  régime  financier  de  la  monarchie  féodale  depuis 
Hugues  Capet  jusqu'à  Philippe  le  Bel. 

A  toutes  les  époques,  l'examen  sérieux  des  institutions  financières 
d'un  pays  ne  peut  se  séparer  de  la  connaissance  de  son  état  social. 

Vraie,  au  point  de  vue  le  plus  général,  cette  observation  se  trouve 
d'une  exactitude  plus  rigoureuse  encore  quand  on  l'applique  à  l'époque 
féodale,  qui  a  pour  caractères  distinctifs  la  fusion  de  la  souveraineté 
et  de  la  propriété,  l'attribution  au  propriétaire  du  sol,  sur  les  habi- 
tants de  ce  sol,  de  tous  ou  de  presque  tous  les  droits  qui  ne  sont 
exercés  aujourd'hui  que  par  le  gouvernement.  M.  Vuitry  a  donc  jugé, 
et  avec  raison,  qu'il  convenait  de  commencer  par  initier  au  moins 
sommairement  ses  lecteurs  à  ce  qu'était  la  féodalité.  La  condition  des 
personnes  et  la  condition  des  terres,  le  Pouvoir  seigneurial,  le  Pouvoir 
royal  font  l'objet  des  trois  premiers  chapitres,  dont  le  savant  et  cons- 
ciencieux auteur  a  su  puiser  les  éléments  aux  sources  les  plus  autori- 
sées. Abordant  ensuite  son  sujet  principal,  il  constate  que,  aux  onzième, 
douzième  et  treizième  siècles,  le  revenu  des  rois  provint  presque 
exclusivement  de  leur  domaine,  formé  tant  des  terres  dont  ils  avaient 
la  propriété,  que  des  droits  féodaux  de  toute  nature  appartenant  à  la 
couronne.  L'étendue  du  domaine  royal,  la  nature  et  l'importance  de 
ses  recettes  ainsi  que  leur  administration  constituèrent  tout  le  système 
financier  de  l'époque,  de  même  que  Taccroissement  de  ce  domaine  en 
fut  le  fait  le  plus  considérable,  le  seul  à  peu  près  qui  mérite  d'être 
signalé.  En  987,  les  territoires  dont  Hugues  Capet  avait  la  posses- 
sion directe,  ne  comprenaient  que  seize  prévôtés  groupées  autour  de 
la  capitale  ;  à  la  mort  de  Philippe  le  Hardi,  le  nombre  des  prévôtés 
s'élevait  à  deux  cent  soixante-trois,  répandues  des  rives  de  la  Manche 
à  celles  de  la  Méditerranée,  des  bords  de  l'Océan  presque  au  pied  des 
Vosges.  M.  Vuitry  n'a  pas  reculé  devant  l'entreprise  ardue  de  recher- 
cher et  d'indiquer,  règne  par  règne,  les  annexions  de  fiefs  et  de 
seigneuries,  les  extensions  de  suzeraineté  que  les  conquêtes,  les  con- 
fiscations, les  traités,  les  contrats,  les  conventions  matrimoniales 
assurèrent  à  la  couronne  et  qui,  sur  la  fin  du  treizième  siècle,  avaient 
comme  reconstitué  l'unité  territoriale  de  la  France.  Cette  partie  du 
livre  est,  à  notre  sens,  la  plus  neuve  en  même  temps  que  la  plus  com- 
plète. L'énumération  détaillée  des  redevances,  droits,  taxes,  percep- 
tions de  toute  espèce,  composant  les  revenus  tant  ordinaires  qu'extra- 
ordinaires du  trésor  royal,  forme  le  sujet  du  chapitre  v.  Le  chapitre 
suivant  est  consacré  aux  monnaies,  à  leur  fabrication  et  à  leur  admi- 
nistration. 


—  248  — 

Enfin,  dans  les  trois  derniers  chapitres,  l'auteur  étudie  le  budget 
de  la  royauté  féodale  et  arrive  à  cette  conclusion  que,  tandis  que 
de  987  à  1285  tous  ses  pouvoirs,  législatif,  exécutif,  judiciaire,  mili- 
taire même  s'étaient  accrus  au  point  qu'elle  jouissait  à  ces  divers 
égards  d'une  suprématie  désormais  incontestée,  la  situation  fiscale 
seule  ne  s'était  pas  sensiblement  modifiée  et  qu'il  n'existait  pas  encore 
de  dépenses  générales,  de  grands  services  publics,  non  plus  que  de 
contributions  destinées  à  y  faire  face. 

M.  Vuitry  a  pris  soin  de  caractériser  et  de  définir  lui-même  le  but 
qu'il  s'est  proposé.  Dans  la  période  reculée,  qu'embrasse  son  premier 
volume  et  qu'il  considère  comme  appartenant  à  l'archéologie  plus 
encore  qu'à  l'histoire,  il  n'a  pas  eu  la  pensée  de  compléter  ni  de  recti- 
fier les  travaux  de  Térudition  moderne  ;  ce  qu'il  a  voulu,  c'est  exposer 
d'après  ces  travaux  les  origines,  la  formation,  les  développements  de 
notre  régime  financier,  et  chercher  à  dégager  des  résultats  acquis 
les  principes  de  ce  régime.  La  haute  compétence  administrative  du 
savant  membre  de  l'Institut,  les  qualités  de  son  esprit  précis  à  la  fois 
et  méthodique  le  disposaient  plus  que  tout  autre  à  cette  œuvre  difficile 
de  synthèse,  dans   laquelle   il  nous   semble  avoir  pleinement  réussi. 

Comte  de  Lucay. 


Études  «économiques  sur    l'Alsace  ancienne  et    moderne, 

publiées  sous  les  auspices  de  la  Société  industrielle  de  Mulhouse,  par 
l'abbé  A.  Hanauer.  Paris,  A.  Durand  et  Pedone-Lauriel,  1876-1878,  2  vol. 
in-8  de  o96  et  616  p.  —  Prix  :  18  fr. 

M.  l'abbé  Hanauer,  déjà  connu  par  plusieurs  ouvrages  considéra- 
bles sur  l'histoire  d'Alsace,  dont  l'un  a  été  couronné  en  1865  par  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres,  vient  de  terminer  un  livre  qui 
oôre  un  grand  intérêt  aux  numismatistes  et  aux  économistes. 

Le  premier  volume  est  consacré  à  l'histoire  des  monnaies  ;  le  se- 
cond aux  denrées  et  aux  salaires  ;  l'un  touche  surtout  à  la  numisma- 
tique, l'autre  à  l'économie  politique. 

Il  serait  difficile  de  faire  un  ouvrage  plus  complet  sur  l'histoire  de 
la  monnaie  en  Alsace,  principalement  sur  les  pièces  émises  à  Stras- 
bourg et  à  Bàle.  M.  l'abbé  Hanauer  dit  quelque  part  que  personne  ne 
tentera  de  refaire  son  livre  et  j'estime  qu'il  a  raison.  Il  ne  manque 
plus  que  de  voir  un  numismatiste  décrire  dans  un  recueil  spécial 
toutes  les  monnaies  qui  se  rattachent  à  l'œuvre  du  savant  et  infati- 
gable abbé.  Nous  croyons  savoir  que  Fauteur  de  cet  ouvrage  supplé- 
mentaire n'est  plus  à  chercher. 

Après  avoir  exposé  dans  un  premier  chapitre  les  notions  théoriques 
indispensables  au  lecteur  et  les  procédés  usités  pour  déterminer  la  va- 
leur des  monnaies,  l'auteur  fait   un  rapide  mais  complet  résumé  his- 


—  249  - 

torique  des  ateliers  alsaciens  et  de  celui  de  Bàle;  il  consacre  ensuite 
un  chapitre  au  personnel  préposé  à  la  fabrication,  d'abord  les  mon- 
najeurs,  puis  à  la  cour  française  des  monnaies.  Je  ne  crains  pas  de 
dire  que  ce  chapitre  est  un  des  plus  intéressants  dans  son  genre;  il  fait 
connaître  clairement  l'organisation  de  cette  puissante  corporation  qui 
disparaît  en  fait,  en  1437,  minée  par  les  magistrats  municipaux  de 
Strasbourg.  —  La  production  des  métaux  précieux,  qui  comprend 
l'histoire  des  mines  d'Alsace,  le  change  et  le  commerce  de  ces  métaux; 
la  fabrication  et  le  rendage  ;  la  valeur  des  monnaies  d'Alsace  et  de 
celles  qui  étaient  reçues  dans  la  province  forment  autant  de  questions 
traitées  chacune  dans  un  chapitre  spécial  avec  un  véritable  luxe  de 
recherches  et  d'érudition.  Le  premier  volume  est  terminé  par  l'histoire 
des  taux  de  l'intérêt  et  des  banques  sous  le  titre  général  de  Capital. 

Le  second  volume  est  un  vaste  recueil  économique,  une  statistique 
de  tout  ce  qui  s'échange  contre  une  somme  d'argent  :  les  denrées  ali- 
mentaires, l'éclairage,  les  vêtements,  le  bâtiment,  les  salaires,  etc., 
surtout  à  dater  du  quinzième  siècle  jusqu'à  Tépoque  moderne. M.  l'abbé 
Hanauer  a  très-judicieusement  commencé  son  enquête  par  la  réduc- 
tion, suivant  le  système  métrique, de  toutes  les  anciennes  mesures  de 
l'Alsace.  Et  remarquons  que  nous  ne  sommes  pas  ici  en  présence  d'une 
série  de  tableaux,  d'une  sèche  énumération;  l'auteur  a  su  rendre 
lisible  cette  effrayante  collection  de  textes  et  de  citations  en  faisant 
sobrement,  mais  cependant  d'une  manière  complète, l'histoire  de  chaque 
objet. 

Nous  n'avons  pas  encore  dit  quel  était  le  but  que  se  proposait  le 
savant  auteur  de  YHistoiré  des  paysans  d'Alsace  en  se  livrant  pendant 
plusieurs  années  aux  recherches  pénibles  et  multiples  qui  l'ont  conduit  à 
publier  ces  deux  beaux  volumes.  Il  a  voulu  arriver  à  préciser  autant 
que  possible  les  variations  du  pouvoir  de  l'argent  dans  sa  province.  Il 
a  tenté  de  fournir  les  moyens  de  déterminer  la  valeur  d'une  somme 
donnée  d'argent,  depuis  le  quinzième  jusqu'au  dix-neuvième  siècle.  11 
n'y  est  parvenu  que  d'une  manière  approximative,  il  a  fourni  les  élé- 
ments de  serrer  de  près  la  solution  d'un  problème  qui,  nous  le  croyons 
échappera  peut-être  toujours  aux  recherches  des  économistes.  On 
arrive  à  estimer  le  pouvoir  de  l'argent  dans  une  localité,  à  une  cer- 
taine date  sur  laquelle  on  aura  assez  de  données  exactes  ;  mais  si  on 
généralise,  on  risque  de  s'égarer.  Ce  qui  peut  être  constaté  en  Alsace 
diffère  de  ce  qui  touche  à  la  Lorraine,  à  la  Bourgogne,  encore  plus  aux 
provinces  plus  éloignées. M.  l'abbé  Hanauer  a  eu  la  chance,  pour  son 
pays,  de  trouver  un  nombre  considérable  de  renseignements  statis- 
tiques, mais  ailleurs  il  arrive  souvent  que  l'on  en  manque.  Du  reste, 
il  semble  que  l'auteur,  à  mesure  qu'il  a  avancé  dans  son  travail,  a 
rencontré  des  difficultés  graves  qu'il  n'avait  peut-être  pas  prévues  au 


—  230  — 

début.  Dans  ce  livre  remarquable,  qui  restera  certainement,  qui  sera 
souvent  lu  et  relu,  on  reste  surpris  de  ne  pas  trouver  des  conclusions 
plus  précises,  mais  simplement  un  tableau  final  donnant  en  chiffres, 
même  approximatifs,  Ténumération  des  monnaies  alsaciennes,  avec 
l'indication  de  leur  valeur,  année  par  année,  en  ayant  égard  au  pou- 
voir de  l'argent.  J.  de  M. 


I^es  Curiosités  de  l'iiîstoire.  —  Le  Roy  des  Ribauds,  disser- 
tation de  du  Tillet,  Claude  Fauchet,  de  Miraumont,  Etienne  Pasquier,  de 
la  Mare,  du  Cange,  Gouye  de  Longuemare,  l'abbé  Lebeuf,  de  Bonnevie, 
bibliophile  Jacob,  etc.,  recueillies  et  collationnées  sur  les  textes  originaux, 
par  Ludovic  Pichon.  Paris,  Claudin,  1878,  petit  in-8  écu  de  xv-i74  p. 
—  Prix  :  7  fr.  50. 

Ce  volume,  imprimé  avec  élégance,  n'a  été  imprimé  qu'à  250 
exemplaires  numérotés,  dont  10  sur  papier  de  Chine.  Il  aborde  une 
question  fort  curieuse.  Qu'était-ce  que  ce  roi  des  Ribauds,  exerçant  à 
la  cour  des  rois  de  France  une  charge  dont  les  attributions  sont  res- 
tées peu  connues?  Quelle  était  l'étendue  de  son  autorité?  De  quels 
droits  jouissait-il?  Il  y  a  là  un  problème  singulier,  et  quelques  cher- 
cheurs se  sont  efi"orcés  de  le  résoudre.  M.  L.  Pichon  a  eu  l'heureuse 
idée  de  réunir  ce  qui  a  été  écrit  de  plus  sérieux  à  cet  égard  ;  il  a 
remis  au  jour  des  dissertations  éparses  dans  des  livres  rarement 
feuilletés,  dans  des  recueils  qu'il  n'est  pas  toujours  facile  de  consulter. 
Il  a  sagement  laissé  de  côté  ce  qu'ont  avancé  divers  auteurs  qui,  sans 
aborder  des  recherches  nouvelles,  se  sont  bornés  à  reproduire  ce 
qu'avaient  dit  leurs  devanciers  ;  indiquons  les  témoignages  qu'il  a 
reproduits  :  Du  Prévost  de  Vhostel  du  Roy,  extrait  de  l'ouvrage  de  Jean 
du  Tillet  :  Recueil,  des  roys  de  France,  lem^s  couronne  et  maison  (Paris, 
1602).  —  Bu  Roy  des  Ribaux,  emprunté  aux  Œuvres  du  président 
Claude  Fauchet  (Paris,  1610)  ; — Le  Prévost  de  l'Hostel  et  grand  Prévost 
de  France,  par  Pierre  de  Miraumont  (Paris,  1615),  livre  devenu 
d'une  rareté  extrême  ;  —  Le  Roy  des  Ribaux,  extrait  des  Recherches  de 
la  France,  d'Estienne  Pasquier  (Paris,  1655);  — Le  Roy  des  Ribaux, 
extrait  du  Traité  de  la  police,  par  de  la  Marre  (Paris,  1705-1738,  4  vol. 
in-fol.);  —  De  Rege  Ribaldorum,  extrait  du  Glossarium  de  du  Cange;  — 
Les  Éclaircissements  sur  la  charge  du  Roi  des  Ribauds,  ^Sir  GouYe  de 
Longuemarre  (1748);  —  La  Lettre  adressée  au  Journal  de  Verdun,  par 
l'abbé  Lebeuf  (novembre  1751),  sur  le  Roi  des  Ribauds  ;  deux  autres 
lettres  dans  le  même  journal,  avril  1752.  Le  recueil  dont  il  s'agit  se 
termine  par  des  travaux  plus  récents.  Vient  d'abord  la  Brève  disser- 
tation mise  par  M.  Paul  Lacroix  (le  bibliophile  Jacob)  en  tête  de  son 
roman  intitulé  :  Le  Roi  des  Ribauds  (publié  d'abord  en  1831),  roman 
qui  raconte  l'avènement   de   François    1"  au  trône  de  France  ;  vient 


—  251  — 

ensuite  le  travail  bien  plus  développé  dû  également  à  M.  Lacroix  et 
inséré  dans  le  volume  qu'il  a  intitulé  :  Curiosités  de  rHistoire  de 
France  (Paris,  1853). 

Après  avoir  pris  connaissance  de  ces  divers  écrits,  on  aura  épuisé 
tout  ce  qu'il  est  posible  de  savoir  au  sujet  de  l'étrange  monarque  qui, 
pendant  plusieurs  siècles  et  à  des  époques  fort  éloignées  de  la  civili- 
sation actuelle,  exerçait  une  autorité  étrange  sur  les  bas-fonds  de  la 
cour  de  nos  rois.  B. 


BULLETIN 

Recherches  sur    le   Oimanehe,  par  M.  P.  Lescdyer.    Sainl-Dizier, 
1877,  in-8  de  viii  253  p.  —  Prix  :  2  fr.  50. 

On  trouvera  dans  ce  volume  la  question  du  repos  dominical  étudiée  sous 
tous  ses  aspects.  Dans  la  sphère  de  l'autorité,  la  loi  divine,  les  législations 
humaines,  Jes  témoignages  des  penseurs;  dans  le  doriiaine  de  la  raison,  les 
besoins  du  corps  et  les  besoins  de  l'àme  sont  tour  à  tour  invoqués.  L'auteur 
démontre  combien  il  est  nécessaire  à  l'homme  de  secouer  parfois  le  joug  du 
travail  servile  qui  userait  ses  forces  physiques  et  atrophierait  ses  forces 
intellectuelles  et  morales,  pour  développer  à  leur  tour  les  facultés  correspon- 
dant à  ce  qu'il  y  a  d^i  noble  et  d'élevé  dans  sa  double  nature. 

Après  la  raison  d'être  de  ia  loi,  viennent  les  devoirs  qu'elle  impose  et, 
enlin,  des  notes  et  citations  nombrr'uses,  défilé  des  témoins  souvent  les  plus 
inattendus  dont  les  té  uoignages  font  de  ce  livre  nonseulennent  un  chaleureux 
plaidoyer  en  faveur  du  repos  du  dimanche,  mais  encore  une  sorte  d'eacy- 
clopédie  de  tout  ce  qui  a  été  éjrit  à  ce  sujet  depuis  l'antiquité  la  plus  loin- 
taine. G.  n'A. 


I^e  Xraiiaîl    d'une  âme,  par  M""  AcG.  Craven.   Paris,  Didier,   1877, 

gr.  in-18  de  135  p.  —  Pnx  :  2  fr. 

L'bistoire  que  raconte  M"*  Craven  peut  se  résumer  en  deux  mots  :  c'est 
celle  d'une  jeune  fille  anglicane,  qui  fut,  comme  bien  d'autres,  touchée 
delà  grâce,  en  entrant  dans  une  église  :  craignant  de  suivre  en  aveugle  ce 
mouvement  du  cœur,  elle  entreprit  de  raisonner  sa  foi.  Une  pensée  l'avait 
frappée  :  c'est  l'absence  de  l'autorité,  dans  l'hérésie  ;  ce  fut  le  point  de  dé- 
part de  son  travail,  qui  n'aboutit  qu'à  une  chose,  à  lui  faire  voir  plus  clai- 
rement le  vide  de  l'hérésie.  Plus  d'une  fois  elle  s'arrêta  en  chemin,  attirée 
par  une  de  ces  sectes  nouvelles  qui  sf.  rapprochent  du  catholicisme,  sans  oser 
le  reconnaître,  puis,  frappée  de  leur  insuffisance,  elle  ne  faisait  que  douter 
davantage.  Il  fallut  qu'une  amie  catholique,  instruite  de  son  état,  la  con- 
duisît de  nouveau  au  pied  de  l'autel.  C'est  là  que  Dieu  l'attendait.  —  Les 
fragments  d'écrits  de  cette  jeune  lille  forment  la  portion  principale  du 
livre,  qui  doit  cependant  beaucoup  à  l'autorité  de  l'auteur  et  au  mérite  de 
son  style.  G.  P. 


—  2o2  — 

Ij'iîi.mour,  par  M.  le  clicvaliet' de  Maynard,  conseiller  de  préfecliire  du  la 
Manche,  membre  de  l'Inslitut  des  provinces.  Paris,  Didier,  1877,  in-12  de 
d44  p.  —  Prix  :  1  fr.  oO. 

Nous  ne  voudrions  faire  aucune  peine  à  M.  le  clievalierdeMaynard.il  a 
évidemment  les  meilleures  intentions  du  monde.  Mais,  avecli  prédisposition 
d'esprit  qu'il  nous  parait  avoir  à  l'excentricité,  nous  doutons  fort  que  son 
livre  sur  V Amour  lui  ouvre  jamais  les  portes  de  l'Académie  française,  quoi- 
qu'il soit  déjà  membre  de  l'Institut des  provinces.  M.   le  chevalier  de 

Maynard,  dans  son  opuscule,  considère  l'amour  sous  tous  ses  aspects  :  amour 
physique,  amour  sensuel,  amour  interlope,  amour  illicite,  amour  permis, 
amour  conjugal,  amour  paterne],  amour  filial,  amour  fraternel,  amour  du 
prochain,  amour  de  Dieu.  Certes,  M.  de  Maynard  s'élève  avec  force  contre  les 
amours  illicites;  mais,  sous  prétexte  de  blâmer  le  vice,  on  pourra  trouver 
qu'il  le  décrit  un  peu  trop  complaisamment.  Il  entre  môme  dans  certains 
détails  d'une  crudité  naïve  qui,  tolérables  dans  un  ouvrage  de  médecine, 
ne  sont  pas  de  mise  dans  un  livre  didactique  —  lequel  (autre  manque  de 
tact)  se  termine  par  une  hymne  au  Sacré-Cœur.  En  résumé,  l'essai  sur 
l'Amour  de  M.  le  chevalier  de  Maynard  est  un  mélange  d'aperçus  vrais,  d'idées 
bizarres,  de  pensées  profondes,  de  poésies  mirlitonesques,  de  développements 
raisonnables,  de  lubies  ridicules,  d'observations  justes  et  de  descriptions 
presque  indécentes.  F.  B. 


lie  Trésor  des  Incas  «  la  Xerre-de-Fen  {Aventures  et  voyages  dans 
l'Amérique  du  Sud),  par  E.  Pertujset.  Avec  cartes,  portrait  et  pièces  jus- 
tificatives, Paris,  Dentu,  1877,  in-18  j.  de  324  p.  —Prix  :  3  fr.  50. 
M.  Pertuiset,  le  hardi  voyageur,  inventeur  des  balles  explosibles,  a  quelques 
points  de  ressemblance  avec  les  Argonautes.  Comme  eux,  il  s'est  mis 
à  la  recherche  d'une  nouvelle  Toison  d'or.  Ce  n'est  rien  moins  que  le  fameux 
trésor  que  les  Incas  auraient  enfoui,  à  l'approche  de  Fernand  Cortez. 
Devenu  la  propriété  d'un  Indien  dépositaire  des  secrets  des  anciens  adorateurs 
du  soleil,  le  trésor  des  Incas  serait  aujourd'hui  caché  sur  la  côte  delà  Terre- 
de-Feu,  au  pied  du  mont  Sarmiento,  en  face  de  la  baie  Ville.  Inutile  de  dire 
que  M.  Pertuiset  n'a  pas  découvert  le  mystérieux  trésor;  mais,  ce  qui  vaut 
peut-être  mieux,  il  a  très-sagacement  exploré  un  pays  curieux,  plein  de 
richesses  géologiques,  où,  avant  l'Argonaute  français,  nul  voyageur  n'avait 
encore  sérieusement  mis  le  pied.  De  là,  le  livre  que  publie  aujourd'hui 
M.  Pertuiset:  livre  intéressant  au  possible,  rempli  d'aventures  merveilleuses, 
d'investigations  utiles  et  de  renseignements  précieux  sur  la  vie,  les  mœurs, 
les  habitudes  des  tribus  sauvages  de  l'Amérique  méridionale.  Évidemment 
M.  Pertuiset  a  rimaginalion ardente  d'un  Uaousset-Boulbon  ;  il  est  possédé 
par  l'attrait  du  merveilleux;  il  consulte  même  sur  les  trésors  cachés  la 
science  occulte  des  somnambules.  Mais  on  lui  pardonne  aisément  ces  travers 
en  présence  du  côté  vraiment  positif  et  vraiment  profitable  de  son  œuvre.  Il 
ne  faut  pas  oublier  qu'au  seizième  siècle  la  recherche  du  fabuleux  Eldorado 
a  fourni  l'occasion  des  plus  importantes  découvertes  du  Nouveau  Monde.  F.  B. 


Forces  matérîelSes  de  l'empire  d'Allemagne  d'après  les  docu- 
ments officiels,  par  M.  Legoyt.  Paris,  DenlUj  1877,  gr.  in-18  de  oOO  p.  — 
Prix  :  5  fr. 

Le  livre  de  M.  Legoyt  approfondit  jla  situation  actuelle  de  l'Empire  alle- 
mand dans  une  série  d'études  dont  les  titres  :  population,  —  agriculture,  — 


—  253  — 

industrie,  —  finances,  —  forces  militaires  suffisent  pour  caractériser  le  but 
que  s'est  proposé  l'auteur.  Laissant  de  côté  lesquestions  politiques,  il  donne 
sur  tous  les  poiuts  des  éléments  très-complets  de  statistique,  et  des  rensei- 
gnements de  toute  nature,  suffisants  pour  bien  mettre  eu  lumière  le 
mécanisme  des  institutions  passées  en  revue  :  établissements  de  crédit, 
chemins  de  fer,  système  financier,  organisation  de  l'armée,  etc. 

Ce  livre  parait  écrit  avec  l'idée  arrêtée  de  montrer  nettement  les  choses 
telles  qu'elles  sont,  sans  s'inspirer  d'aucune  de  ces  illusions  qui,  pour  avoir 
souvent  leur  cause  dans  un  sentiment  de  patriotisme,  n'en  sont  pas  moins 
dangereuses  dans  leurs  effets.  Si  les  tableaux  qui  y  sont  retracés  ne  satisfont 
pas  entièrement  notre  amour  propre  national,  ils  nous  enseigneront,  ce  qui 
vaut  mieux,  ce  que  nous  avons  à  faire  pour  ne  pas  rester,  vis-à-vis  de 
voisins  redoutables,  dans  un  état  de  constante  infériorité.  G.  n'A. 


ti'Évangîle   interprété  selon  l'esprit  de  Jésus-Christ,  par 

G.  DoMiNi  DE  Feret.  Paris,  Sandoz  et  Fischbacher,  1877,  in-12  de  159  p. 
Prix  :  2  fr. 

Ce  livre  est  une  interprétation  symbolique  et  scientifique  de  Jésus-Christ. 
D'après  le  titre,  l'interprétation  est  faite  selon  l'esprit  de  Jésus-Christ;  il  eût 
été  plus  exact  de  dire  selon  l'esprit  de  l'auteur.  La  pensée  de  M.  de  Feret 
est  vague  et  peu  claire  ;  mais  il  suffit  de  rapporter  quelques-unes  de  ses 
paroles  pour  dispenser  de  toute  appréciation.  Le  chapitre  premier  s'ouvre 
ainsi  :  «  Livre  de  la  Genèse  du  Verbe  fait  homme,  du  Sauveur  et  Roi,  fils 
du  saint  amour,  fils  de  l'Esprit  père  des  peuples....  Voici  comme  nait  le 
Verbe  Sauveur  et  Roi  :  L'homme  du  progrès  aime  l'Église  où  réside  la 
science  sublime,  et  il  veut,  en  son  àme,  la  prendre  pour  fiancée.  »  La  con- 
clusion, c'est  encore  l'enseignement  de  la  science  :  «  Toute  puissance  m'est 
donnée  sur  le  vulgaire  et  parmi  les  saints.  Allez  donc  et  enseignez  toutes 
les  sociétés,  les  purifiant  dans  la  science  de  Dieu,  Père  des  Sages!  >i 

C.  J. 


Allarme  pei  cattolici,  ossia  nclla  condotta  prmlenle   e  generosa  dei 

cattolici  nella  présente  lotta  délia  rivolicionc  contro  lareligione  osservazioni 

di  LuiGi  NicoRA.  Milano,  1877,  in-8  de  iv-138p.  —  Prix  :  1  fr. 

Alerte  aux  catholiques!  Ce  titre   seul  dit  la  pensée   de  l'auteur.  Il  discute 

les  prétextes  qui  conseillent  aux  catholiques  la  prudence  et  l'inaction  et  les 

motifs  qui  doivent  leur  persuader   d'agir.    L'argumentation   est  serrée    et 

fort  bien  conduite.  Il  va  sans  dire    que  la   conclusion  finale  est   qu'il   faut 

agir.  L'auteur  remarque  avec  raison  que  la  lutte  présente  n'est  pas  locale 

et  politique,  mais  universelle  et  sociale.  E.  P. 


I*ie  IX,  sa  -vie,  sa  mort,  souvenirs  personnels,  par  le  comte  d'IoE- 
viLLE,  ancien  secrétaire  d'ambassade  à  Rome,  Paris,  Palmé,  1878, 
gr.  in-i8  de  137  p.  —  Prix  :  1  fr. 

M.  le  comte  d'Ideville  retrace  ici,  non-seulement  la  vie  et  les  actes  de 
Pie  IX,  mais  il  peint  son  caractère,  il  nous  montre  sa  physionomie  si  pleine 
de  bonté,  de  grâce,  de  finesse,  à  l'aide  de  souvenirs  recueillis  par  lui,  de 
1862  à  18(36,  pendant  son  séjour  à  Rome  comme  second  secrétaire  d'ambas- 
sade. Cet  opuscule,  écrit  d'une  plume  alerte  et  expérimentée,  sera  lu  avec 


—  2o4  — 

un  vif  intérêt  et  on  y  trouvera  plus  d'un  trait  que  les  historiens  du  grand 
et  saint  Pontife  devront  recueillir.  B. 


La  Martinique.  Eludes  sur  certaines  questions  coloniales,  par  M.  Théo- 
phile Hue,  professeur  à  la  faculté  de  droit  de  Toulouse,  ln-8  de  144  p. 
Paris,  1877,  Cotillon  et  Challamel.  —  Prix  4  fr. 

M.  Hue  a  deux  bonnes  intentions  :  il  croit  que  les  colonies  comme  les 
Antilles  doivent  être  assimilées  à  la  mère  patrie,  et  il  s'indigne  contre  les 
tendances  séparatistes  qu'un  écrivain  de  la  Revue  des  Deux  Mondes  n'a  pas 
craint  d'afficher,  il  y  a  peu  de  temps  (n°  du  1"  avril  1877).  Son  écrit  ser- 
virat-il  beaucoup  la  cause  des  colonies?  Nous  en  doutons,  en  voyant  l'au- 
teur attribuer  une  intluence  capitale  primant  toutes  les  autres  au  dévelop- 
pement de  l'instruction  primaire,  à  la  transformation  du  collège  de  la 
colonie  en  lycée  et  surtout  à  la  création  d'une  académie  locale.  Dans  la  suite 
viennent  des  questions  que  nous  croyons  plus  importantes,  comme  celle 
du  travail  agricole  et  du  régime  des  sucres  ;  mais  le  début  enlève  singu- 
lièrement d'autorité  à  cet  opuscule,  qui  est  fait  d'ailleurs  exclusivement 
de  seconde  main. 


I*etite  antlioIo§rie  des  poètes  de  là  Drôme,  par  Jules  Saint- 
Remy.  Valence,  imprimerie  de  Chenevier,  1873-1876-1877,  3  fascicules, 
in-8  de  54,  49  et  45  p. 

Il  serait  à  désirer  que,  dans  chaque  province  de  France,  on  fit  un  travail 
analogue  à  celui  que  M.  Saint-Remy  vient  d'exécuter  pour  son  pays  natal, 
sous  le  titre  de  Petite  anthologie  de  la  Drame.  M.  Saint-Remy  a  publié  trois 
fascicules  intéressants.  La  premier  est  consacré  atix  poètes  qui  vécurent  du 
seizième  siècle  à  la  Révolution;  1  e  second  part  de  la  Révolution  et  va  jusqu'à 
nos  jours  ;  le  dernier  embrasse  l'époque  contemporaine.  Chaque  poète  est 
le  sujet  d'une  notice  biographique,  critique  et  bibliographie  à  la  suite  de 
laquelle  sont  indiqués  les  ouvrages  consultés,  viennent  ensuite  des  citations 
propres  à  faire  bien  connaître  le  genre  et  le  talent  du  poète  dont  il  a  été 
parlé.  Le  premier  portrait  qu'otfre  cette  galerie  est  celui  d'Antoine  le 
Masson  ;  ni  lui  ni  les  autres  rimeiirs  qui  se  succèdent  jusqu'à  la  fin  du 
dix-huitième  siècle  ne  peuvent  exciter  grande  admiration;  mais  enfin  ils  ne 
devaient  pas  être  omis.  La  seconde  partie  commence  par  ce  Lebrun  Tossa  qui 
figure  si  justement  dans  le  Dictionnaire  dts  girouettes,  et  qui  s'attira  cette* 
épigramme  : 

C'est  un  sot  que  Lebrun  Tossa. 

Hélas  !  oui.  Mais  le  pauvre  hère 

Se  fâche  quand  on  lui  dit  ça. 

Il  est  donc  toujours  en  colère. 

Il  ne  faudrait  pas  par  ce  personnage  juger  de  tous  les  poètes  qui  le 
suivent;  plusieurs  d'entre  eux  ne  manquent  certes  pas  de  mérite,  tel  sont 
Dupré  de  Loire,  auteur  d'un  poème  sur  Charles-Martel;  Anne  BignaJi,  à  qui 
une  pièce  sur  VInvention  de  rimprimerie  valut  un  accessit  de  l'Académie 
française  ;  Antonin  de  Sigoyet,  dont  M.  Saint-Remy  rapporte  de  fort  beaux 
vers;  M"'  Genton,  s'inspiraQt  un  peu  trop  de  gloires  impériales;  l'abbé 
de  Veyrenc,  auteur  de  jolies  fables;  Melchior  des  Essarts,  l'un  des  brillants 
collaborateurs  de  la  Revue  du  Lyonnais. 

La  troisième  partie  commence  par  une  notice  sur  M.  Emile  Augier,  dont 
M.    Saint-Remy   cites  de   charmantes  stances.  Après  un  article  sur  Charles 


—    253  — 

Chancel,  nous  retrouvons  le  nom  de  des  Essarts  qui  figure  d^jà  dans  le 
fascicule  précédent.  Léonce  des  Essarts,  disciple  de  Théophile  Gautier,  est 
le  frère  de  Melchior,  mort  durant  la  terrible  guerre  de  1870.  On  remarque 
encore  dans  cette  dernière  partie  quelques  écrivains  très-dignes  de  souvenir: 
M.  Gallet,  l'auteur  de  plusieurs  libretti  et  de  divers  romans;  le  comte 
Monier  de  la  Sizeranne;  le  commandant  Perroussier,  souvent  couronné  aux 
Jeux  floraux;  Adèle  Souchier,  dont  Joséphin  Soulary  remarquales  essais  dans 
la  Revue  du  Lyonnais.  Le  dernier  poète  de  cette  série  est  M.  Morice  Viel, 
dont  de  jolis   vers   terminent  le  travail   fort  bien  fait   de  M.  Saint-Remy. 

Th.  p. 


La  Guerre  aux.  jésuites  ou  les  Jésuites  et  la  persécution,  par  le  R.  P. 

Félix.  Paris,  Roger  et  Chernovitz,  1878,  in-18  de  108  p.  —  Prix  1  fr. 

Dans  un  discours,  dont  la  publication  en  brochure  est  très-opportune, 
l'éminent  orateur  considère  la  Compagnie  de  Jésus  sous  l'aspect  qui  la  fait 
ressembler  davantage  à  l'Église  et  au  divin  Maître  dont  les  jésuites  ont  si 
fièrement  arboré  le  nom.  Comme  l'Église  et  avec  l'Église,  la  Compagnie  de 
Jésus  est  persécutée  toujours,  partout  et  en  tout.  Le  développement  de  cette 
triple  affirmation  remplit  la  première  partie.  La  seconde  partie  donne  l'ex- 
plication du  phénomène  constaté  dans  la  première  :  Qui  nous  persécute  ? 
Comment  on  nous  persécute  ?  Pourquoi  on  nous  persécute  ?  Telles  sont  les 
trois  questions  auxquelles  le  P.  Félix  répond,  et  d'une  façon  péremptoire. 

E.  DE  L.\.  D. 


VARIETES. 

PUBLICATIONS   DE  LA  CLARENDON  PRESS 

Pendant  que  YEarly  Tcxt  Society  édite,  à  lusage  des  savants,  les  anciens 
monuments  de  la  littéi'ature  anglaise,  les  délégués  de  la  Clcrendon  Press  à  Ox- 
ford ont  entrepris,  pour  les  écoles  secondaires,  une  série  d'ouvrages  destinés 
à  répandre  le  goiit  des  études  philologique-^  et  historiques,  en  en  offrant  les 
résultats  principaux,  sous  une  forme  agréableet  sérieuse  à  la  fois.  Ce  sont  ces 
petits  volumes  que  je  voudrais  essayer  défaire  connaître  aujourd'hui. 

i.  The  philology  of  the  english  langue,  b y  John  Earlc.  In-i2  de  vni-679 
pages. 

Cet  excellent  ouvrage  traite  en  détail  de  la  furmatiun  de  la  langue  an- 
glaise ;  il  explique  la  part  qu'y  ont  prise  le  danois,  l'anglo-saxon,  l'allemand, 
le  français  et  le  latin  ;  étymologie,  syntaxe,  prosodie,  tout  est  discuté, 
éclairci,  illustré  par  de  nombreux  exemples.  M.Earle  nous  donne  d'abord  un 
tableau  historique  de  l'origine  et  de  la  formation  de  l'anglais,  faisant  res- 
sortir avec  soin  la  révolution  introduite  par  la  conquête  normande  daas  le 
vocabulaire,  aussi  bien  que  dans  l'administration  tt  les  institutions  politiques. 
Le  résultat  de  cet  événement  fut  de  réduire  l'anglo-saxon  au  rang  d'un 
dialecte,  et  d'en  faire  seulement  le  langage  du  peuple;  aussi  advient-il 
que,  si  l'on  prend  liOO  et  1350  comme  dates  extrêmes,  on  verra  que  les  au- 
teurs appartenant  à  cette  longue  période  n'ont,  en  fait  de  style,  aucune  uni- 
formité, chacun  se  servant  de  son  patois  particulier,  si  je  puis  m'exprimer  de 
la  sorte.  11  est  très-intéressant  de  suivre  dans  le  petit  volume  de  M.  Earle 
les  changements  successifs  qui  modifièrent  la  langue  anglaise  depuis  la 
poésie  tant  soit  peu  barbare  de  Cœdmon  jusqu'aux  contes  de  Chaucer. 


-  2o6  - 

2.  Tijpical  seleciions  from  thc  hest  English  wi'lters^  xvitli,  inlroduciiorij  no- 
tices. Vol.  I.  Latimer,  1490.  Berkely,  1084.  In-12  de  xu-448  pagps.  — Vol.  H. 
Pope,  1688.  Macaulay,  1800.  In-12  de  xi-4rj4  pages. 

Cet  ouvrage,  destiné  à  servir  de  livre  de  lecture,  ne  nous  arrêtera  pas  long- 
temps ;  on  y  trouve  des  extraits  tirés  de  cinquante-neuf  écrivain;,  précédés 
de  notices  biographiques  et  critiques.  Les  morceaux  sont,  en  général,  choisis 
avec  discernement,  et  les  not'ces  ont  été  rédigées  par  des  aut'iurs  favorable- 
ment connus  du  public,  tels  que  le  doyen  de  Westminster,  le  professeur  de 
théologie  à  Oxford,  etc. 

3.  Spécimens  of  Earlp  English,  with  introduction,  notes,  and  glossarial  in- 
dex, by  tlie  Rev.  Ridiard  Morris,  and  thc  Uev.  Walier  W.  Skeat.  Part  I, 
from  Robert  of  Gloucester  toGomer,  1298-1393.  In-12  de  XL-4U0  pages. 

Les  extraits  d'anciens  auteurs  que  l'on  trouve  dans  les  recueils  choisis 
sont  nécessairement  très-courts,  et,  par  conséquent,  on  ne  saurait  y  étudier 
l'histoire  de  la  langue.  Il  vaut  beaucoup  mieux  renoncer  à  ces  encyclopé- 
dies ou  anthologies  qui  étaient  à  la  mode  il  y  a  un  demi-siècle,  et  dont  les 
compilations  de  Noël  et  Delaplace  sont  chez  nous  les  plus  conniies.  Consacrer 
à  chaque  époque  un  volume  distinct,  de  manière  à  avoir  ses  coudées  fran- 
ches, à  rendre  les  citations  moins  écourtées,  et  à  en  multiplier  le  nombre, 
c'est  là  le  procédé  le  plus  satisfaisant,  c'est  celui  qu'ont  adopté  MÎVL  Brachet  et 
Réaume  en  France,  et  MM.  Morris  et  Skeat  en  Angleterre. 

Le  petit  volume  dont  il  s'agit  ici  est  un  modèle  du  genre  ;  il  est  précédé 
d'une  introduction  grammaticale,  aussi  claire  que  substantielle,  qui  résume 
les  principales  règles  de  l'ancienne  langue  anglaise,  et  qui  permet  à  l'éco- 
lier d'aborder  immédiatement  les  textes  du  quatorzième  siècle;  le  glossaire 
imprimé  à  la  fin  du  livre  explique  d'ailleurs  tous  les  mots  ditliciles,  et  résout 
les  problèmes  étymologiques  otferts  par  le  texte.  Quant  aux  passages  édités, 
ce  sont  des  narrations  assez  étendues  et  faisant  un  tout  complet,  des  spé- 
cimens de  traduction  de  la  Bihle,  des  apologues,  des  réflexions  morales,  des 
homélies,  des  poèmes  descriptifs,  dos  satires.  L'extrait  du  roman  de  William 
of  Paterne  ne  comprend  pas  moins  de  380  vers,  et  Wyclif  est  représenté  par 
les  sept  premiers  chapitres  de  l'évangile  selon  saint  Marc.  Les  notes  sont 
très-intéressantes,  et  donnent  quelquefois  des  particularités  curieuses  sur  la 
littérature  comparée.  Ainsi,  à  propos  du  roman  de  William  of  Paterne  que  je 
viens  de  citer,  il  est  bon  de  voir  combien  la  version  anglaise  est  supérieure 
au  texte  français,  au  point  de  vue  de  l'imagination,  du  goiit  et  du  talent  poé- 
tique. Citons  un  seul  passage  comme  exemple  : 

Uns  vachiers  qui  vaches  gardoit, 
Qui  en  cils  forest  nianoit, 
El  Ijois  estoit  avoec  sa  proie, 
I  chien  tenoit  en  sa  coroie, 
De  pasture  la  nuit  repaire  ; 
Li  chiens  senti  l'enfant  et  flaire, 
Forment  abaie,  et  cil  le  tue. 

Si  maintenant  on  se  reporte  au  volume  de  MM.  Skeat  et  Morris,  on  trouvera 
que  cette  description  assez  maigre  est  développée  dans  l'anglais  de  manière 
à  former  un  petit  tableau  de  trente-trois  vers,  très- délicatement  touché. 
D'un  autre  côté,  le  traducteur,  ou  plutôt  l'imitateur  anglais  supprime,  çà  et 
là  certains  passages,  en  abrège  d'autres,  enfin  ne  se  gène  pas  pour  traiter  à 
sa  guise  la  légende  de  Guillaume  et  du  loup-garou. 

4.  Spécimens  of  English  literature  form  thc  Ploughman's  Crcde  tothe  Shcp- 
heardc's  calcnder.  1 394-1  o79,  ivilh  introduction,  notes  and  glossarial  index,  by 
the  Rev.  Wallcr  W.  Skcal. 


—  257  -- 

Ce  volume  fait  suite  au  précédent,  et  est  composé  sur  un  plan  exactement 
semblable.  M.  Skeat  reproche,  avec  beaucoup  de  jusiesse,  aux  recueils  choisis, 
qui 'étaient  naguère  si  courus,  non-seulement  de  donner  des  extraits  trop 
insuflisant?,  mais  encore  d'habiller  les  textes  des  anciens  auteurs  dans  un 
costume  du  dix-neuvième  siècle.  Pourquoi  moditier  l'orthographe,  quand  vui 
peu  d'habitude  sufUt  à  la  rendre  très-intelligible  ?  Pour.iuoi  reculer  devant 
deux  ou  trois  lettres,  aujourd'hui  tombées  en  désuétude,  il  est  vrai,  mais  dont 
on  peut  apprendre  l'usage  et  la  valeur  au  bout  de  quelques  minutes 
d'étude?  M.  Skeat  s'attache  à  prouver  qu'il  n'y  a  jamais  eu,  dans  le  dévelop- 
pement de  la  langue  anglaise,  d'interruption  brusque,  de  transformation 
subite.  Le  passage  de  l'idiome  du  temps  d'Alfred  à  celui  de  l'époque  actuelle 
s'est  fait  peu  à  peu,  par  l'action  naturelle  et  imperceptible  de  la  civilisation  ; 
aussi  les  limites  assignées  à  la  période  dont  le  présent  volume  s'occupe 
sont-elles  tout  à  fait  arbitraires.  M.  Skeat  commence  par  le  Credo  de  Piers 
the  Flougman,  tout  simplement  parce  que  le  recueil  précédent  se  terminait 
à  une  date  un  peu  plus  ancienne  ;  il  termine  avec  l'année  1379,  par  la  raison 
que  VEeuphues  de  Lily  et  le  Calendrier  du  berger  de  Spenser  virent  le  jour  à 
cette  date  précise,  et  aussi  parce  que  la  littérature  anglaise  entra  alors  dans 
une  époque  de  renaissance  véritable.  Les  ouvrages  importants  publiés  entre 
1360  et  1380  ne  .'ont  pas  nombreux  ;  de  1380  jusqu'à  la  tin  du  seizième 
siècle,  au  contraire,  on  peut  signaler  en  tout  genre  des  compositions  hors 
ligne:  — les  drames  de  Marlowe,  la  traduction  du  Tasse  par  Fairfax,  les 
poèmes  de  Daniel,  VArcadic  de  sir  Philip  Sidney,  la  Reine  des  fées  de  Spen- 
ser et  plusieurs  chefs-d'œuvre  de  Shakespeare.  Dès  lors,  l'époque  des  speci- 
mens  est  passée,  et  les  ouvrages  qui  réclament  notre  attention  ne  peuvent 
plus  se  faire  connaître  d'après  des  échnntillons,  même  d'une  certaine 
étendue. 

3.  The  Vision  of  William  concernimj  Piers  tlic  Plowman,  by  William  Lan- 
gley  (ofLangland)  edited  by  the  Rev.  Walter  W.  Skeat.  In-12  de  xlvii-2H  pages. 

En  rendant  compte  des  publications  de  VEarly  English  Text  Society,  j'ai 
déjà  parlé  des  admirables  travaux  de  M.  Skeat  sur  le  poëme  politico-sati- 
rique de  William  Langley  eu  Langland.  4prè>  avoir  écrit  pour  les  archéolo- 
gues, notre  sr/ioZar  s'adresse  maintenant  aux  lecteurs  moins  accoutumés  h  la 
langue  du  quinzième  siècle,  et  quidemaudeni,  en  fait  de  critique,  des  notions 
élémentaires.  La  [uéface  du  volume  dont  je  parle  ici  dit,  en  quarante--ept 
pages,  tout  ce  qu'il  est  absolument  nécessaire  de  savoir  sur  la  biographie  de 
maître  Guillaume,  les  diverses  leçons  du  texte,  son  importance  grammati- 
cale, sa  valeur  comme  monument  historique,  et  les  autres  sources,  soit  con- 
temporaines, soit  récentes,  qui  peuvent  aider  à  le  faire  comprendre.  M.  Skeat 
a  eu  soin  de  donner  l'analyse  du  poëme,  et  il  a  ajouté  des  notes  détail- 
lées et  un  excellent  glossaire.  Il  est  bon  de  remarquer  ici  que  le  titre  du  livre 
de  Langley  a  donné  lieu  à  beaucoup  de  conjectures,  aussi  fausses  les  unes 
que  les  autres,  et  provenant  de  trois  erreurs  assez  graves.  1°  On  a  cru  que 
Piers  thePloivman  était  le  nom  du  poète,  tandis  qu'il  faut  y  voir  \e  sujet  de  la 
vision,  le  héros,  pour  ainsi  dire;  2°  on  a  confondu  deux  poèmes  tout  à  fait 
distincts,  savoir  :  la  Vision  de  Piers  the  Ploivman  et  le  Credo  {Crede)  de  Piers 
the  Ploivman;  3*  on  a  donné,  et  on  donne  encore,  le  nom  de  vision  à  un  ou- 
vrage dont  le  titre  véritable  est  Liber  de  Petro  Plowman,  et  dont  la  vision 
forme  environ  le  tiers.  Grâce  aux  explications  de  M.  Skeat,  il  est  impossible 
niaintenant  de  se  tromper  sur  le  plan  de  la  fameuse  allégorie,  sa  portée  his- 
torique et  son  mérite  littéraire.  Malgré  le  siyle  vieilli  de  William  Langley, 

Mars  1878.  T.  XXII,  17. 


—  258  — 

il   devrait  être  aussi  populaire  que  Biinyan   et  le    célèbre  Pèlerinage  du 
chrétien. 

6.  Chaucer  :  The  prologue,  the  Knighte's,  the  nonne  preste' s  taie,  from  the 
Canterbury  taies,  a  revised  text,  edited  by  the  Rev.  Richard  Morris.  In-12  de 
XLVii-221  pages. 

Avec  Chaucer,  nous  fommes  fans  exagération  en  pays  français;  ce  n'est  pas 
seulement  la  lingue,  le  style  qui  nous  rappellent  notre  terre  natale,  mais 
l'imaginalion,  la  verve,  le  choix  même  des  sujets.  Aussi  ai-je  ouvert  avec  un 
singulier  plaisir  le  volume  de  M.  Morris,  et  y  ai-je  trouvé  à  la  fois  plaisir  et 
protit.  La  notice  biographique  nous  donne,  sur  l'auteur,  tous  les  détails  les  plus 
certains,  et  l'introduction  grammaticale  analyse,  avec  autant  de  goût  que  de 
science,  la  grammaire  du  poète  des  Contes  de  Canterbury.  On  peut  dire  que 
Chaucer  ouvre  la  péiiode  moderne  de  la  littérature  anglaise;  les  ouvrages  de 
se?  devanciers  n'ont  guères  d'importance  qu'au  point  de  vue  philologique; 
quant  à  lui,  on  le  goûte  aussi  facilement  que  Spenser  et  Shakespeare.  Il  offre 
un  petit  nombre  d'archaïsmes,  sa  syntaxe  ne  diffère  j-as  sensiblement  de  celle 
en  usage  aujourd'hui.  Les  notes  de  M.  Morris  expliquent  les  difficultés  gram- 
maticales, les  allusions  historiques,  et  contiennent  de  nombreux  rapproche- 
ments avec  divers  écrivains  anciens  et  modernes  :  signalons  enfin  le  glos- 
saire, riche  en  particularités  sur  l'étymologie,  les  institutions   féodales,  etc. 

6.  Chaucer  :  The  prioreresses  taie,  sire  Thopas,  the  Monkes  taie,  the  Clerkes 
taie,  the  Squieres  laie,  form  the  Canterbury  taies  ;  editid  by  the  Rev.  Walter  W. 
Skeat.  In-r2de  lxxi-302  pages. 

La  préface  de  ce  volume  contient  sur  Chaucer  des  détails  biographiques 
dont  M.  Morris  n'avait  pas  connaissance  lorsqu'il  édita  le  choix  que  je  viens 
d'examiner;  on  y  trouvera  aussi  un  classement  chronologique  des  Contes  de 
Canterbury,  la  description  sommùre  des  sujets  traités  dans  ces  petits  poèmes, 
et  l'indication  des  sources  auxquelles  l'auteur  les  a  empruntés.  La  partie 
grammaticale  développe  certains  points  que  M.  Morris  n'avait  fait  qu'ef- 
fleurer, surtout  en  ce  qui  concerne  la  prosodie  qui,  chez  Chaucer,  est  essen- 
tiellement française;  les  notes  fourmillent  d'indications  trè3-intéres3ante=,qui 
prouvent  que  M.  Skeat  a  consulté  tous  les  auteurs  qui  pouvaient  servir  à 
élucider  le  texte  du  poète.  Ainsi,  à  propos  du  mot  Launcegay  employé,  non- 
seulement  par  Chaucer,  mais  par  Gower,  Camlen  et  sir  Walter  Rdleigh,  notre 
critique  y  voit  une  corruption  évidente  de  Lancc-Zagay ,  mot  d'origine  arabe 
tiré  de  l'espagnol  Azagaya.  Il  cite  M.  Dozy  {Glossaire  des  mots  espagnols  et 
portugais  dérivés  de  l'arabe);  plus  loin  il  ^'appuie,  pour  une  question  d'éty- 
mologie,  sur  le  dictionnaire  de  M.  Pavet  de  Courleille.  Une  des  notes  qui 
m'ont  surtout  frappé  est  celle  relative  à  Olivier  de  Mauny  [the  Monkes  ia/e,v.  3576). 
The  Wikked  nest  luas  werkcr  of  this  nede,  dit  Chaucer;  ou,  en  français  : 
«  le  mau  nid  vint  à  bout  de  cette  tâche.  »  En  effet,  Olivier  de  Mauny  est 
celui  qui  eut  la  part  principale  dans  le  meurtre  de  Pierre  le  Cruel,  et 
M.  Skeat  peut  revendiquer  à  bon  droit  l'honneur  d'avoir  découvert  ce  jeu  de 
mots  international  que  je  viens  de  relever.  Chàucer,  pour  la  même  raison, 
donne  i  Olivier  de  Mauny  le  sobriquet  de  Ganelon,  et  le  compare  à  l'autre 
Olivier,  le  héros  de  Roncevaux,  le  paladin  ami  de  Roland. 

Gustave  Masson. 


—  239  — 

I 

CHRONIQUE 

Nécrologie.  —  Le  deuil  de  l'Église  catholique  ne  peut  laisser  indifférent 
le  Polijbiblion.  Il  doit  un  tribut  de  pieuse  vénération  et  de  douloureux  regrets 
au  grand  et  magnanime  Pontife  dont  la  perte  ne  peut  être  compensée  pour 
1  Église  que  par  la  promesse  divine  de  l'assistance  perpétuelle  de  l'Esprit- 
Saint  et  par  les  espérances  que  donne  sa  manifeste  intervention  dans  l'élec- 
tion de  son  succe^seui%  Léon  XIII,  qu'il  salue  comme  son  nouveau  et  vénéré 
Père,  comme  la  lumière  qui  doit  éclairer  ses  pas  :  lumen  de  cœlo. 

Pie  IX  a  droit  à  un  hommage  particulier  de  notre  part.  Qui  mieux  que  lui 
a  compris,  défini  et  proclamé  les  devoirs  de  la  presse  ?  qui  a  plus  largement 
encouragé  toutes  les  œuvres  se  proposant  de  la  préserver  des  écarts  auxquels 
elle  est  exposée,  et  de  lui  faire  produire  des  fruits  de  salut  et  de  régénéra- 
tion. Nous  en  avons  un  éclatant  témoignage  dans  notre  magnifique  bref  du 
il  mai  1877,  publié  dans  nos  colonnes  (t.  XIX,  p.  481). 

Nos  lecteurs  ne  s'attendent  pas  à  trouver  ici  ni  l'histoire  de  Pie  IX,  ni  un 
jugement  sur  son  long  et  glorieux  pontificat,  marqué  par  tant  d'événements 
considérables.  Nous  nous  bornerons  à  rappeler  les  dates  et  les  faits  princi- 
paux, et,  pour  rentrer  dans  notre  rôle  de  revue  bibliographique,  nous  les  ferons 
suivre  d'une  liste,  aussi  complète  que  le  temps  nous  a  permis  de  le 
faire,  des  documents  pontificaux  sorlis  de  sa  plume  et  des  principaux  ouvrages 
qui  lui  sont  consacrés. 

Jean-Marie-Jean-Baptiste-Pierre-Pelegrin-Isidore  Mastaï  naquit  le  diman- 
che 13  mai  1792,  à  Sinigaglia,  du  comte  Jérôme  Mastaï-Feretti  et  de  la  com- 
tesse Catherine  Solazzi.  Il  fil  ses  études  à  Volterra,  chez  les  Pères  des  écoles 
pies,  et  à  Rome.  Il  fut  promu  au  sacerdoce  en  1819,  et  célébra  sa  première 
messe  le  jour  de  Pâques,  dans  la  chapelle  des  orphelins  de  l'hospice  de  Tata- 
Giovanni,  auxquels  il  a  consacré  les  sept  premières  années  de  son  ministère  : 
c'est  en  évangélisant  les  pauvres  et  les  malheureux  qu'il  s'est  rendu  digne 
de  gouverner  le  monde.  Il  fut  attaché,  en  1823,  en  qualité  d'auditeur,  à 
Mgr  Jean  Muzy,  nonce  au  Chili.  De  retour  à  Rome  en  1825,  il  fut  piéposé  à 
l'hospice  apostolique.  Léon  XII  le  préconisa  archevêque  de  Spolète  en 
1827,  puis  Grégoire  XVI  le  transféra  à  l'évêché  d'Imola  en  1832,  et  le  créa 
cardinal  in  petto  le  23  décembre  1839.  Élu  pape  le  16  juin  1846,  il  prit  le 
nom  de  Pie  IX.  Son  élection  fut  saluée  avec  enthousiasme  par  le  monde 
entier,  et  son  règne  fut  inauguré  sous  les  plus  favorables  auspices.  Mais  bientôt 
la  révolution  fit  sentir  son  infiuence  :  est-il  besoin  de  rappeler  l'assassinat 
de  Rossi,  la  fuite  à  Gaète  et  le  retour  à  Rome  sous  la  protection  de  l'armée 
française  ;  plus  tard,  en  18o9,  la  guerre  d'Italie,  qui  amena  l'envahissement 
des  États-Pontificaux,  Castelfidardo  et  Mentana,  l'occupation  (le  Rome  et 
la  captivité  du  Vatican,  coïncidant  avec  le  retrait  de  l'armée  française  au 
début  de  la  guerre  de  1870;  le  courage  avec  lequel  Pie  IX  a  toujours  défendu 
les  droits  de  l'Église  et  du  Saint-Siège  et  la  liberté  apostolique  avec  laquelle 
il  a  reproché  aux  puissants  de  la  terre  leurs  usurpations  sacrilèges  et  leurs 
attentats  contre  l'Église?... 

Dans  l'ordre  purement  religieux,  nous  rappellerons  la  proclamation  du 
dogme  de  l'Immaculée  Conception,  la  sollicitude  de  Pie  IX  pour  ramener  à 
l'unité  les  Églises  d'Orient,  son  intervention  en  faveur  des  catholiques  en 
Russie,  son  zèle  pour  dévoiler,  réfuter  et  condamner  toutes  les  erreurs,  li 
publication  du  Syllabus,  le  rétablissement  de  la  hiérarchie  ecclésiastique  en 
Angleterre  et   en  Irlande,  la  convocation  du  concile  du  Vatican,  la  procla- 


—   2()(t  — 

mation  du  dogme  de  l'infaillibilité  pontificale,  la  reconnaissance  d'un  grand 
nombre  d'ordres  religieux  nouveaux,  les  encouragements  donnés  à  toutes  les 
œuvres  catholiques,  onze  noms  de  héros  chrétiens  inscrits  sur  la  liste  des 
bienheureux  et  cinquante-deux  sur  celle  des  saints,  la  création  de  vingt-neuf 
sièges  métropolitains,  décent  trente-deux  siégea  aspostoliques,  de  trente-trois 
vicariats  apostoliques  et  de  quinze  préfectures  apostoliques.  Seul  parmi  les 
papes,  il  siégea  trente  et  un  ans,  sept  mois,  vingt-deux  jours  sur  la  chaise 
de  saint  Pierre.  Il  est  mort  à  l'âge  de  quatre-vingt-six  ans,  le  7  février. 

Avec  Mg''  l'archevêque  de  Toulouse,  nous  saluons  en  Pie  IX  un  patriarche, 
un  prophète,  un  pasteur,  un  apôtre,  un  docteur,  un  confesseur  et  un  martyr, 
et  nous  nous  plaisons  à  dire,  avec  la  Civiltà  cattolica,  que  celui  qui  portait  le 
nom  du  patron  de  la  Société  Bibliographique  fut  Jean  de  nom  et  défait: 
objet  de  prédilection  de  Jésus  et  de  Marie,  compagnon  inséparable  de  leurs 
douleurs  et  de  leur  gloire  jusqu'au  Calvaire.  R. 

Encycliques,  allocutions  et  autres  actes  pontificaux, 
émanés  de  Pie   IX.. 

1846.  Première  allocution  de  N.  S.  P.  Pie  IX,  dans  le  Consistoire 
secret  du  25  juillet,  Amplissirnum  concession;  —  Encyclique  de  Pie  IX  à  l'oc- 
casion de  son  exaltation  (du  9  novembre).  Qui  pluribus  (Condamnation  de 
l'interprétation  libre  des  saintes  Écritures)  ;  —  Lettre  apostolique  pour  le 
jubilé  (du  20  novembre)  Arcana  Divime . 

1847.  Bref  du  8  janvier,  à  l'évêque  de  Troyes;  —  Bref  du  2d  octobre, 
au  P.  Perrone  ;  —  Instruction  donnée  aux  prédicateurs  et  aux  curés  de 
Rome,  le  H  février;  —  Lettres  apostoliques...  touchant  les  ornements 
sacrés  des  cardinaux...  et  des  évêques  (1*''  juin);  —  Allocution  dans  le  con- 
sistoire du  11  juin,  Cum  veluti  probe;  —  Lettre  encyclique  sur  les  ordres 
religieux  du  17  juin  Ubi  primum  arcano  ;  —  Organisation  de  la  Municipa- 
lité et  du  Sénat  de  Rome  :  Motu  proprio,  du  T''  octobre;  —  Allocution  en 
consistoire  du  4  octobre,  Quisque  vestriim  (De  la  vénération  due  aux  lieux 
saints;  de  l'obéissance  due  aux  princes);  — Motu  jjroprio  créant  un  Con- 
sulte d'État  (4  octobre)  ;  —  Motu  proprio  (du  29  décembre),  créant  un  Con- 
seil des  ministres. 

1848.  Lettre  encyclique  du  6  janvier,  aux  chrétiens  d'Orient,  In  suprema; 
—  Proclamation  aux  Romains  (10  février);  Romani!  Ai  desiderii  vostri;  — 
Bref  au  Nonce  apostolique  (18  mars)  au  sujet  des  atïaires  ecclésiastiques  de 
France;  —  Allocation  dans  le  consistoire  secret  du  29  avril;  —  Lettre  ency- 
clique (2  juin)  aux  archevêques  et  évêques  du  domaine  temporel  du  Saint- 
Siège.  —  Motu  proprio  (3  juiu)  sur  la  presse;  —  Allocution  (13  juillet)  sur 
les  affaires  de  Russie,   et  concordat  avec  cette  puissance.  Probe  noscitis. 

1849.  Lettre  encyclique...  (2  février)  Ubi  primum  nullis  (Hors  de  l'Église, 
point  de  salutj;  — Allocution  (du  20  avril)  dans  le  consistoire  secret  de 
Gaëte  (Exposé  de  la  révolution  de  Rome  ;  —  Du  pouvoir  temporel),  Quibus 
quantisque;  —  Lettres  apostoliques...  relatives  aux  chevahers  de  première 
classe  de  l'ordre  de  Pie  (17  juillet);  —  Eucyclique  (8  décembre)  aux  évêques 
d'Italie,  iVos^w  ei  Nobiscum  {Ç,<ônXxQ  les  nouveaux  efforts  des  enneuùs  de  l'Église 
en  Italie). 

1830.  Allocution  du  20  mai  1830,  Si  semper  antea,  après  la  rentrée  de 
Pie  I.\  à  Rome  (remercimeuts  aux  armées  catholiques);  —  Allocution  du 
1"  novembre  1830,   In  consistoriali,  contre  le   gouvernement  subalpin. 

1831. Lettre  apostolique  du  lOjuiu  1851...  Mxtltiplices  inter;  Condamnation 


—  5(il    — 

proliibilioa  Q'un  ouvrage  espagnol:  Dejensa...  contra  las  pretenciones  de  la 
Curia  romana  por  Fr.  de  Paulo  (G,  Vigil,  Lima,  1848);  —  Lettre  apos- 
tolique du  22  août  18ol,  Ad  apostolicx  Sedis,  condamnation  et  prohibition 
de  deux  ouvrages  du  professeur  Nuyiz  :  Jicris  ecclesiastici  Instiluiiones  el 
In  jus  ccclesiaslicum  universnm  Traciationes  ;  —  Allocution  du  5  septembre, 
Quitus  luctuosissiinis  (Convention  avec  la  reiue  d'Espagne.  Concordat  avec 
le  grand-duc  de  Toscane);  —  Lettre  encyclique...  annonçant  un  nouveau 
jubilé  (21  novembre). 

1852.  Lettre  de  Pie  IX,  au  roi  Victor-Emmanuel  du  19  septembre.  La 
Letteraquc  M.  V.  (Sur  le  mariage  civil  et  la  liberté  de  la  presse);  —  Allocu- 
tion du  27  septembre,  Acerbissimum  (Maux  de  l'Eglise  de  la  Nouvelle-Gre- 
nade). 

1853.  Lettre  encyclique  aux  cardinaux,  archevêques  et  évêques  de 
France  (21  mars),  hitcr  multiplices  angustias,  pour  les  engager  à  rejeter 
toutes  controverses  à  l'occasion  des  écrits  publiés  contre  l'Église;  suivie  d'une 
lettre  à  M^''  Sibour,  levant  les  défenses  portées  contre  le  journal  VUniverSj 
dans  une  ordonnance  du  17  février  1853. 

1854.  Bulle  Ineffabilis,  sur  la  définition  dogmatique  de  l'Immaculée 
Conception  de  la  Vierge  Mère  de  Dieu  (6  décembre  1854).  [Traduction  en 
patois  gangas  et  français  de  la  bulle  Ineffabilis:  Saint-Etienne,  1875, 
in-4; —  id.,  ibid.,  en  putois  lorrain,  par  M.  l'abbé  Guillaume,  Nancy,  1855, 
in-8;  —  id,,  ibid.,  en  grec  ancien,  par  A.  F.  Maunoury,  Pari?,  1869,  in-4.]  ;  — 
Allocution  du  9  décembre  ,  Singulari  quadam  (Contre  les  sociétés  secrètes, 
et  l'ingérance  des  princes  dans  les  choses  sacrées);  —  Bref  (22  décembre), 
en  faveur  de  l'Association  de  Paris  pour  l'observation  du  repos  du  dimanche, 
étendu  aux  associations  des  autres  villes  de  France. 

1855.  Allocution  du  22  janvier.  Probe  meminerilis  (condamnant  la 
conduite  du  gouvernement  sarde);  —  Allocution  du  20  juillet,  Nemo  veslrum 
(Empiétements  du  pouvoir  civil;  sur  la  liberté  des  cultes);  — Allocution  du 
27  juillet,  Cum  sœpe,  contre  la  suppression  des  ordres  religieux  par  le  gou- 
vernement sarde;  excommunication). 

1850.  Encyclique  aux  évèques  d'Autriche  (17  mars),  Singulari  quidem 
(Fausseté  de  la  doctrine  de  Vlndiffcrentisme)  ;  —  Allocution  du  15  décembre, 
Nunquam  fore  (Maux  de  l'Église  du  Mexique). 

1857.  Lettre  à  l'archevêque  de  Cologne  (15  inin),  Eximiam  tuwn  (Con- 
damnation du  rationalisme  de  Grinther,  soumission  de  celui-ci);  —  Allo- 
cution du  25  septembre. 

1858.  Allocution  du  8  février  accordant  une  indulgence  plénière  en  forme 
de  jubilé; — Lettre  encyclique  du  3  mai,  Amaniissimi  Redernptoris  {Paro- 
chos   diebus  festis  etiam  reductis  debere  sacrum  pro  populo  celebrare). 

1859.  Bref  accordant  une  extension  d'indulgence  à  la  Société  de  Saint- 
Vincent  de  Paul  (13  septembre). 

1860.  Lettre  encyclique  du  19  janvier,  Nullis  certe  verbis  (Que  l'Église 
doit  conserver  .son  domaine  temporel);  —  Lettre  apostolique,  Cum  catholica 
Ecclesia{1%  mars),  (Congrès  de  Paris  de  1856,  excommunication  contre  le 
gouvernement  sarde);  —  Lettre  à  l'évêque  de  Bre-lau(30  avril)  Dolere  haud 
mediocri  (Contre  l'erreur  d'un  principe  vital  distinct  de  l'âme  raisonnable); 
—  Allocution  du  28  septembre  1860  Novus  et  ante  (Sur  Farmée  pontificale  et 
contre  le  principe  de  non-intervention)  ;  —  Allocution  du  17  décembre,  Mul- 
tis  gravibusqice  (contre  la  doctrine  des  églises  nationales  (Livre  de  M.  Cayla); 
I/Eglise  en  Chine  et  en  Syrie. 

1861.  Allocution  du  18  mars,   Jamdudum  cernimus   (L'Église   ne   peut 


—  262  — 

transiger  avec  les  idées  modernes);  —  Allocution  da  30  septembre,  Meminît 
unusquisque  (Maux  de  l'Église  en  Italie,  au  Mexique,  dans  la  Nouvelle-Gre- 
nade). 

1862.  Allocution  du  9  juin  Maxima  quidem  lœtitia  (à  l'occasion  de  la 
canonisation  des  raari3T3  du  Japon  et  de  Michel  de  Sanctis  ;  contre  les  pré- 
tentions de  li  raison  humaine  ;  des  droits  des  Élats,  etc.);  — Lettre  aposto- 
liqiie  à  l'archi^vêque  de  Munich-Frisingue,  du  H  décembre,  Gravissimas 
inter  (Gondamnaiion  des  écrits  du  prêtre  Frohschamme;  Limites  delà 
vraie  philosophie). 

1863.  —  Encyclique  aux  évêques  d'Italie,  du  18  août,  Quanta  conficiainus 
(sur  les  excès  des  ennemis  de  l'Église,  l'amour  abusif  des  richesse^,  l'amitié 
que  les  tils  de  l'Église  doivent  montrer  pour  ses  ennemis);  —  Encyclique 
aux  évêques  de  la  Nouvelle-Grenade,  du  17  septembre,  Incredibili  (condam- 
nation des  attentais  commis  par  le  gouveroement  de  la  Nouvelle-Grenade, 
contre  la  Religion)  ;  —  Lettre  apostolique  à  l'évêque  de  Munich-Frisingue, 
du  21  décembre.  Tuas  libenter  (relative  au  Congrès  de  Munich). 

1864.  — Lettre  à  l'évêque  de  Fribourg-en-Brisgau,  du  14  juillet,  Quam 
non  sine  (sur  l'enseignement  à  donner  à  la  jeunesse)  ;  — Lettre  à  l'évêque 
de  Mondovi,  du  29  sefitembre,  Singularis  Nobisque  (pour  le  remercier  de  ses 
écrits  en  faveur  de  l'Église  et  de  la  dernière  assemblée  pro-synodale  tenue); 
—  Encyclique  (du  8  décembre),  Quanta  cura,  et;  — Syllabus,  contre  les  prin- 
cipales erreurs  du  temps. 

186o.  — Lettre  encyclique  pour  le  Jubilé  de  l'année  186o; —  Allocution  du 
du  25  septembre,  MuUiplices  inter. 

1866.  —  Al'ocution  du  29  octobre. 

1867.  —  Allocution  du  26  février;  — Allocution  à  l'occasion  du  centenaire 
de  saint  Pierre  (Juin)  ;  —  Pius  IX  Pope  andPatriarch  the  «  Apostolic  Letter  »..., 
to  alV  Protestant  and  othernon  catholics.  Nice,  1867. 

1868.  —  Allocution  du  20  octobre. 

1869.  —  Programme  du  Concile  œcuménique  de  l'an  de  grâce  1869,  et 
Lettre  à  tous  les  Pères  du  Concile  pour  servir  de  documents  à  la  direction 
des  débats. 

1870.  — Acta  PU  IX.. .  necnon  Concilii  Vaticanî primi  Canones  et  Décréta 
(1869-70);  Constitutio  dogmatica  dep.de  catholica  édita  in  sessione  Sti  Con- 
cilii Vaticani,  Pastor  OEternus  ;  —  Lettre  encyclique  du  20  octobre,  portant 
suspension  du  Concile,  en  raison  des  événemeuts;  — Constitutio...  qiia  limi- 
tantur  censurx  ecclesiaslicx  latœ  sentejitiw. 

1871.  —  Lettre  encyclique  du  15  mai;  —  Lettre  encyclique  du  4  juin, 
renouvelant  les  protestations  du  Saint-Siège  contre  les  usurpations  ;  — 
Encyclique  du  8  août,  à  l'ccasion  du  26'  anniversaire  du  PoiitiQcat  de 
Pie  IX;  —  Allocution  du  27  octobre  sur  la  situation  de  l'Église,  à  l'occasion 
de  la  nomination  d'un  grand  nombre  d'évêques  italiens, 

1872.  —  Pie  IX  pape,  au  cardinal  Antonelli,  sur  le  projet  de  spoliation 
des  couvents  par  le  gouvernement  de  Victor-Emmanuel  (16  juin)  ;  —  Allo- 
cution du  23  octobre  aux  cardinaux,  sur  la  situation  pénible  de  l'Église. 

1873.  —  Lettre  encyclique  au  Patriarche  de  Cilicie  (sur  l'origine,  les  pro- 
grès, et  l'état  ac'uel  du  schisme  arménien  (6  janvier)  ;  —  AUocutioa 
(23  juillet)  aux  cardinaux  (condamnant  la  loi  sur  les  Biens  ecclésiastiques); 
—  Lettre  encyclique  (21  novembi'e)  sur  la  persécutirn  de  l'Église  en  Suisse 
et  l'élection  de  Jos.  Ubert  Reinkens. 

1874.  —  Lettre  encyclique  (7  mars)  aux  archevêques  et  évêques  du  royaume 


—  263  — 

de  Prusse  ;  —  Lettre  encyclique  (24  octobre)  Gravibus  Ecclesiœ  et  hujus 
sœculi. 

-1875,  —  Brefs  et  rescrits  à  MM.  les  aumôaiers  militaires  (Paris,  1875). 

Pour  les  Lettres,  Réponses,  Communications  autres  que  les  Actes  pon- 
tilicaiix  proprement  dits,  on  complétera  ces  indications  par  les  ouvrages 
publiés  sous  les  titres  suivants  :  Recueil  des  Actes  du  N.  T.  S.  Père  le  Pape 
Pie  IX.  (Texte  et  traduction).  1848-1855,  Paris,  LecolTre,  3  vol.  in-8  ;  — 
PU  IX  Pontificis  Maximi  Acta.  Rome,  1855;  —  Actes  cl  Paroles  de  Pie  IX  cap- 
tif au  Vatican,  publiés  par  Aug.  Roussel.  Paris,  Palmé,  1873,  io-S  ;  —  Dis- 
cours de  N.  S.  Père  le  Pape  Pie  IX,  adressés  aux  Fidèles  de  Rome  et  du  monde 
catholique  depuis  sa  captivité. ..,  Tpuhliés  ])(iT  le  R.  P.  Pasquale  de  Fransiscis. 
Paris,  Le  Clere,  1875-76,  3  vol.  in-8.  Eu  outre,  le  Moniteur  universel  et  le 
Journal  officiel  de  1846  à  1878,  fournissant  de  nombreuses  pièces  diploma- 
tiques et  autres. 

Nous  ajouterons,  pour  la  biographie  de  Pie  IX,  la  nomenclature  des  historio- 
graphes ci-après  :  Berg  (Friedrich).  Die  heglûchte  Christenheit  an  ihren  neuer- 
wâllten  Oberhirten  Papst  Pius  IX.  Augsbourj,  1846,  in-8.  —  Haltaus  (Cari), 
Papst  Pius  IX  und  seine  Reformen  im  Kirchenstaate .  Leipzig,  1837,  in-8. — 
lIuLSEN  (Cari  \on)  .Commentalio  de  Pio  IX.Gç.àa.n,  1847,  in-12;  — Histoire  popu- 
laire et  anecdotique  de  N.S.  P.  le  Pape  Pie  IX,  traduit  de  l'italien  par  M.  A.  D. 
Bordeaux,  1847,  in- 16.  —  Balleydier  (Alph.).  Rome  et  Pie  IX. Pa.Tis,i8il,  in-8, 
portr.  Du  même  :  Histoire  de  la  Révolution  de  Rome.  Paris,  1851,  2  vol.  in-8. 
—  Bretonneau  (Henri).  Notice  bibliographique  sur  N.  S.  P.  le  Pape  Pie  IX. 
Paris,  1847,  in-8.  Purlr.  — Reybert  (Antony).  Notice  historique  sur  le  pape 
Pie  IX.  Paris,  1847,  in-8.  Portr.  —  Boni  (Francesco  de).  Storia  délia  con- 
giura  di  Roma  contro  il  papa  Pio  IX.  Florence?  1847,  in-8.  —  Liancourt 
(A.  C.  de  GoDDEs).  Pius  IX,  or  a  year  in  the  life  of  a  pope.  Londres,  1847, 
2  vol.  in-8.  —  Le  Benoist.  Vie  de  S.  S.  Pie  IX.  Paris,  1848,  in-18.  Portr.  — 
Clavé  (Félix).  Vie  et  Pontificat  de  Pie  IX.  Paris,  1848,  in-8,  5  portr.  [Traduit 
en  espagnol,  par  Luis  de  Tapia  y  Seuo.  Madrid,  1848,  in-8.  —  Sporschu. 
Johann).  Pius  IXund  Geschichte  aller  Vorgânger  Seiner  Heiligkeit...  Leipzig, 
1848,  in-8;  —  Pius  IX,  or  the  fîrst  year  of  Iiis  pontificate.  L)n  ires,  1848, 
2  vol.  in-8.  —  Balmes  (Jaime).  Pio  IX.  Paris,  1848,  iu-16.  Portr.  [Trad.  en 
français.  Paris,  1848,  in-8].  —  Stupp  (Hermaon  Joseph).  Pius  IX  und  die 
Katholische  Kirclie  in  Deutschland.  Solingen,  1848,  in-8.  —  PJalûonaldoy  Za- 
braques  (José  Miinoz).  Rcvolucion  de  Roma.  Ilistoria  del  poder  temporel  de 
Pio  IX,  desde  su  elevacion  al  trono  hasta  su  fuga  .de  Roma.  Madrid,  1849, 
in-8. — Clerc  (Jean-Baptiste).  Pie  IX,  Rome  et  l'Italie.  Paris,  1849,  in-8. 
Portr.  —  Flucht  und  Heimhehr  des  heiligen  Vaters  Pius  IX.  Lucerne,  1850, 
in-8;  — Pie  IX,  exil  et  retour.  Lille,  1850,  in-32.  —  Niccolini  (Giovanni 
Battista).  History  of  the  pontificale  ofPius  IX.  l.on.lres,  1831,  in- 12.  —  Spaur 
(née  Giraud  [Thérèse  von]  :  PajJst  Pius  des  Neunten  Fahrt  nach  Gaèta  (2-5  no- 
vembre 1848).  Schaffhoiise,  1852,  in-8;  —  Pie  IX.  Nouvelle  biographie, 
suivie  de  la  relation  du  Siège  de  Rome,  en  1849.  Tours,  1852,  in-12.  —  Mar- 
CHAL  (Charles).  Histoire  de  Sa  Sainteté  Pie  IX.  Paris,  1834,  2  vol.  in-8.  — 
Saint-Hermel  (E.  de).  Pie  IX.  Paris,  1854,  in-12.  —  Sallior  (E.).  Pie  IX  de 
1792  à  1860,  in-12;  —  Pie  IX  jugé  par  lui-même...  Vie  publique  et  privée  du 
Souverain-Pontife.  Toulouse,  1861,  in-16;  —  Annales  ecclésiastiques  de  1860  à 
1866,  par  J.  Chantrel.  Paris,  Gaume,  1867,  in-8.  —  Géméral  Kanzler.  La 
campagna  romano  del  esercito  pontificio,  nel  1808.  Bologne,  1868,  in-10.  — 
Saint-Albin  (Alexandre  de).  Histoire  ds  Pie  IX  et  de  son  Pontificat.  Pari-,  V. 
Palmé,  1872,  2  vol.  gr.  in-8,  —  MgrMANNiNG.  Histoire  du  Concile  du  Vatican. 


—   '2Cr^  ~ 

Paris,  V,  Palmé,  1872,  iii-12;  —  Histoire  de  l'invasion  des  Éiuts  Pontificaux 
en  septembre  1870,  par  le  comte  de  Beaufort.  Paris,  V.  Palmé,  1874,  in-8  ; 

—  Histoire  du  Concile  œcuménique  et  général  du  Vatican^  par  le  R.  P.  J. 
Sambin.  Pari^,  1872,  Broussai*,  in-8;  —  Fie  IX,  sa  vie,  son  histoire,  son  siècle, 
par  J.  M.  ViLLEFRANCHE.  Paris,  1878,  in-8.  Portr.  ;  —  L'Episcopat  de  Pie  IX  à 
Spolette  et  à  Imola,  par  l'abbé  Margotti,  traduit  de  l'italien,  par  l'abbé 
Brand.  Paris,  Olmer,  in-18,  1877;  —  Les  Vivants  et  les  Morts,  par  Lord  One. 
Paris,  Reichel,  iu-12,  1877;  — Journal  d'un  diplomate,  parle  comte  d'Idevij.le 
Paris,  Hachette,  2  vol.  in-12,  1877;  —  Pie  IX.  sa  vie  et  les  actes  de  son  Ponti- 
ficat, d'après  des  documents  étrangers ,  ^'-xr  M  l'abbé  Gillet.  Paris,  Reichel 
1877  [en  cours  de  publication  ]  ;  —  Histoire  de  Pie  IX  et  de  son  pontificat,  par 
l'abhéA.  PouGEOis.  Paris,  Pougeois,  1877,  in-8  (en  cours  de  publ.);  Pie  IX,  sa 
vie  sa  mort.  Souvenirs  personnels,  par  le  comte  d'IoEviLLE.  Palmé,  1878,  in-12. 

—  P.   ESCARD. 

—  Le  monde  de  la  critique  d'art  et  de  l'archéologie  vient  de  faire  une  grande 
perte  en  la  personne  de  M.  Charles-Ernest  Vinet,  bibliothécaire  de  l'École 
des  beaux-arts,  mort  à  Paris  le  10  lévrier.  Né  dans  cette  ville  le  1*''  mars 
1804,  il  y  fit  son  droit  et  débuta  dans  la  magistrature  comme  juge-auditeur 
de  la  cour  royale  à  Pontoise  (1826).  Nommé  substitut  du  procureur  du  roi  à 
Mantes  en  1830,  il  ne  tarda  pas  à  donner  sa  démission  pour  aborder  une 
autre  carrière  :  une  vocation  irrésistible  l'entrainait  vers  les  études  de  l'anti- 
quité et  de  l'archéologie  d'art,  auxquelles  il  s'était  bien  préparé  par  de 
fortes  études  linguistiques.  Son  premier  essai  fut  un  Examen  du  banquet 
des  savants  d'.-l</i<';?r(?  (Mémoires  de  la  Société  d'agriculture  de  Valenciennes), 
tableau  aussi  fidèle  qu'il  était  possible  de  le  faire  à  cette  époque  des  mœurs 
privées  des  Grecs.  L'année  suivante,  il  présenta  à  la  Société  royale  des 
Antiquaires  de  France  un  essai  de  traduction  du  premier  livre  de  l'historien 
grec  Zosime,  travail  qui  a  été  l'objet  d'un  rapport  très-élogieux.  En  1844,  il 
fit  insérer  dans  les  Annales  de  l'Institut  archéologique  de  Rome  ses 
Piechcrches  et  conjectures  sur  le  mythe  de  Glaucus  et  de  Scylla  (avec  planches). 
Ce  mémoire,  le  premier  peut-être  où  l'on  ait  essayé  d'exposer  d'une  manière 
coniplète  de  quelle  façon  la  légende  et  l'art  particulièrement  s'étaient 
emparés  d'une  certaine  classe  de  dieux  de  la  mer,  plaça  immédia- 
tement M.  Vinet  parmi  les  mythographes  d'art  les  plus  distingués.  Le 
9  décembre  1845,  l'Institut  de  correspondance  archéologique  de  Rome 
l'admit  dans  son  sein  en  qualité  démembre  ordinaire,  faveur  insigne  qu'il 
justifia  pleinement.  Depuis  1844,  il  publia  de  nombreux  mémoires  d'exégèse 
mythologique  des  sujets  de  peintures  de  vases,  des  médailles  et  des  pierres 
gravées,  dans  \si  Revue  archéologique  et  la  Revue  numismatique.  Doué  d'une 
rare  pénétration,  M.  Vinet  eut  même  la  gloire,  dans  cette  spécialité,  de 
prendre  quelquefois  en  défaut  la  sagacité  des  plus  forts  archéologues  de 
l'Allemagne.  Nous  nous  bornerons,  à  cet  égard,  à  citer  ses  écrits  sur  le 
dieu  marin  Aegxon  et  sur  les  Oiseaux  de  Diomède.  Attaché  au  Cabinet  des 
médailles  en  février  1849,  il  n'y  fit  qu'un  court  séjour.  M.  Guignant,  secré- 
taire perpétuel  de  l'Académie  des  inscriptions,  s'empressa  alors  de  se  l'ad- 
joindre comme  collaborateur  pour  la  rédaction  des  notes  et  éclaircissements 
devant  servir  à  compléter  la  traduction  de  l'ouvrage  célèbre  deFréd.Creuzer 
sur  les  Religions  de  V antiquité  (Paris,  182o-o!,  4  vol.  en  10  part.  in-8).  Cette 
collaboration  a  été  très-large  et  remarquable.  En  l8oo,  M.  Vinet  fut  agréé 
en  qualité  d'auxiliaire  de  la  commission  du  Dictionnaire  de  V Académie  des 
beaux-arts,  aux  travaux  de  laquelle  il  prit  part  pendant  quatre  années.  A  la 
fin  de  1858,  il  entra  au  Journal  des  Débats;  c'est  là  que,  pendant  près  de  vingt 


—  ■2(^:\  — 

ans,  il  publia  de  nombreux  articles  sur  des  questions  d'art,  d'urchéologie  et 
de  littérature,  articles  de  fine  critique  d'érudition  sûre  et  variée,  d'une 
forme  exquise.  Son  style  original,  et  brillant  sans  ati'ectation,  donnait  de  la 
vie  aux  sujets  les  plus  arides.  Ces  articles,  fort  goûtés  du  public,  ont  été 
en  grande  partie  réunis  en  volume  sous  ce  titre  :  l'Art  et  l'Archéologie  (Paris, 
1874,  in-8,  iv-498  p.),  ainsi  que  d'autres,  extraits  de  la  Revue  de  Paris,  de 
la  Revue  des  Deux  Mondes,  de  la  Revue  archéologique,  de  la  Revue  nationale  et 
de  la  Revue  européenne .  On  remarque  dans  ce  volume  une  curieuse  étude 
sur  les  Paradis  profanes  de  l'Occident,  des  articles  sur  cei'tains  travaux  d'ar- 
chéologues, d'érudits,  de  littérateurs  et  d'artistes  contemporains  les  plus 
distingués,  tels  que:  E.  Gerhard,  de  Saulcy,  Egger,  A.  Maury,  Vitet,  Renan, 
G.  Perrot,  Alb.  Dumont,  E.  Halévy,  H.  Flandrin,  Ch.  Garnier,  etc.,  et  un 
charmant  portrait  du  célèbre  duc  de  Luynes.  D'autres  articles  de  M.  Vinet, 
sur  les  peintures  d'Eug.  Delacroix,  d'Ingres,  de  L.  Cogniet,  ses  amis  intimes, 
sur  le  salon  de  1851,  et  sur  celui  de  1861,  etc.,  sont  dispersés  dans  les  revues 
archéologique,  contemporaine,  des  Deux  Mondes,  européenne  et  nationale. 
Nommé,  le  17  octobre  1862,  bibliothécaire  de  l'École  «les  beaux-arts,  dont  la 
bibliothèque  n'existait  qu'à  l'état  d'embryon,  il  parvint,  grâce  à  une  per- 
sévérance inouïe,  à  créer,  avec  un  budget  dérisoire,  une  des  plus  belles  bi- 
bliothèques de  Paris  et  qui  rend  des  services  inappréciables,  surtout  depuis 
qu'il  en  a  publié  un  Catalogue  méthodique  (Paris,  1873,  in-8,  xv-2o6  p.). 
Mais  sa  sollicitude  pour  l'enseignement  des  beaux-arts  ne  se  bornait  pas  à 
cela.  En  mars  1870,  il  annonça  la  préparation  dune  Bibliographie  métho- 
dique et  raisonnée  des  beaux-arts,  et  en  fit  connaître  une  classification  entiè- 
rement nouvelle  (Paris,  1870,  in-8,  12  p.).  Une  première  livraison  de  cette 
bibliographie  vraiment  critique,  indispensable  pour  l'étude  des  beaux-arts 
et  qui  n'a  de  précédent  dans  aucune  langue,  a  paru  en  1874  (Paris,  Firmin- 
Didot,  in-8y  ;  la  seconde  a  vu  le  jour  après  le  décès  de  son  auteur  :  elle 
s'arrête  au  no  2362.  Deux  autres  livraisons  de  cette  a:!uvre  si  considérable 
et  difficile  restent  à  paraître  :  elles  seront  publiées  à  l'aide  des  matériaux 
laissés  par  M.  Vinet.  Un  des  promoteurs  de  la  publication  des,  restaura- 
tions des  monuments  antiques  parles  architectes  pensionnaires  de  l'Académie 
de  France  à  Rome,  il  fut  nommé  par  le  gouvernement  secrétdire  de  la  com- 
mission chargée  de  diriger  cette  publication  capitale  (1872),  et,  en  cette  qua- 
lité, il  mit  en  tête  de  la  première  livraison  :  [Restauration  de  la  colonne  Tra- 
jane,  pai-  Percier;  Paris,  Firmin-Didot,  1877,  gr.  in-fol. ,  avec  planches)  une 
introduction  historique  fort  intéressante.  11  avait  en  outre  publié  :  Aniphia- 
raiis,  fragment  d'une  mythologie  d'art  (extrait  de  la  Revue  archéologique  ; 
(Paris,  1872,  in-8,  12  p.  et4pl.;  tiré  à  oO  exempl.);  Esquisse  d'une  histoire  de 
V architecture  classique  {ibid.,  1875,  in-8,  33  p.)  ;  Un  mot  sur  l'Aide  Manuce  de 
M.  Ambroise  Firmin-B'idot  (extrait  du  Moniteur  universel,  ibid.,  1873,  in-8, 
13  p.,  tiré  à  100  exempl.).  Son  dernier  article,  destiné  au  Journal  des  Débals, 
et  publié  après  sa  mort,  a  pour  sujet  l'étude  de  VEphébie  attique,  à  propos 
de  l'ouvrage,  récent  de  M.  Albert  Dumont,  directeur  de  l'École  d'Athènes. — 
M.  Vinet  a  fondé,  avec  M.  Boutmy,  l'École  libre  des  sciences  politiques  (voir 
Quelques  idées  sur  la  création  d'une  faculté  libre  d'enseignement  supérieur  ; 
Paris,  1871,  in-8,  38  p.;  et  Projet  d'une  faculté  libre  des  sciences  politiques. 
Programme  des  cours  ;  ibid.,  1871,  in-8,  13  p.).  -  Il  était  chevalier  de  la  Lé- 
gion d'honneur  (1869),  officier  d'académie  (1874),  membre  correspondant  de 
l'Académie  d'Herculanum  (1849),  membre  résidant,  puis  associé-correspon- 
dant de  la  Société  des  antiquaires  de  France,  etc.  —  Gustave  Pawlowski. 


—  266  — 

—  Le  D'  Élie  Gintrac,  directeur  honoraire  de  l'École  de  médecine  de  Bor- 
deaux, né  à  Bordeaux  en  1794,  le  9  novembre,  vient  de  mourir.  Docteur  de 
la  faculté  de  Paris,  professeur  de  clinique  interne  à  l'Écol-i  secondaire  de 
médecine  de  Bordeaux,  il  a  été  élu,  en  1840,  correspondant,  puis,  en  1856, 
membre  associé  de  l'Académie  de  médecine  de  Paris.  Parmi  les  nombreux 
ouvrages  sortis  de  sa  plume  nous  citerons  :  La  Cyanose  (18141,  thèse  réim- 
primée en  182i,  sous  le  titre  d'Observations  et  recherches  sur  la  cyanose,  ou 
maladie  bleue;  —  Mémoire  sur  le  diaqnoslic  des  affections  aiguës  et  chroniques 
des  organes  thoraciques  (1826);  —  Mémoires  et  observations  de  médecine  cli- 
nique et  d'anatomie  pathologique  (1830)  ;  —  De  l'influenee  de  l'hérédité  sur  la 
production  de  la  surexcitation  nerveuse  (1845);  —  Recherches  sur  l'oblité- 
ration de  la  veine-porte  et  sur  les  rapports  de  cette  lésion  avec  le  volume  du  foie 
et  la  sécrétion  de  la  bile  (1856);  —  Cours  thérapeutique  et  clinique  de  patho- 
logie interne  et  de  thérapie  médicale  (9  vol.,  1853-1872);  —  De  la  méningite 
rhumatismale  (1865). 

—  M.  Auguste-Paul  Poui.et-Malassis,  ancien  libraire-éditeur  de  la  biblio- 
thèque parnassienne  de  Th.  Gautier,  Baudelaire,  Banville,  Leconte  de 
Lisle,  etc.,  et  littérateur,  né  à  Alençon  (Orne),  en  1825,  vient  de  mourir. 
Il  a  laissé,  entre  autres  œuvres  :  Le  Département  de  l'Orne  archéologique  et 
pittoresque,  avec  M.  de  la  Sicotière  (Laigle,  1845,  gr.  in-fol.);  —  A  propos 
d'une  faïence  républicaine  à  la  date  de  1868  (in-12,  1868),  sous  le  pseudo- 
nyme de  Paul  Rouillon  ;  —  Appendice  à  la  seconde  édition  de  la  bibliographie 
romantique,  pa?'  Charles  Asselineau  (in-8,  1874);  —  Les  Ex-Libris  français 
depuis  leur  origine  jusqu'à  nos  jours,  nouvelle  édition  (in-b«,  1875);  — 
Monsieur  Legros  au  salon  de  1875,  note  critique  et  biographique  (in-4, 1875)  ; 
—  Théâtre  de  Marivaux,  Bibliographie  des  éditions  originales  et  des  éditions 
collectives  données  par  l'auteur  (in-8,  1875);  —  La  Querelle  des  bouffons,  la 
Bibliothèque  de  J.-J.  Rousseau,  etc.,  etc.  (in-8,  1875).  Il  a  publié  les  Papiers 
secrets  et  Correspondance  du  second  Empire,  réimpression  complète  de  l'é- 
dition de  l'imprimerie  nationale,  annotée  et  augmentée  de  nombreuses 
pièces  publiées  à  l'étranger  et  recueillie  par  A.  Poulet-Malassis  (in-8,  1875), 
et  il  venait  de  faire  paraître  une  Correspondance  inédite  de  Madame  de  Pom- 
padour  avec  une  Préface  dont  il  était  l'auteur. 

—  Le  D"'  Joseph  Dietl  est  mort  à  Cracovie,  le  18  janvier  1878.  Né  en  1804 
en  Galicie,  de  parents  pauvres,  il  fut  vraiment  le  fils  de  ses  œuvres.  Ayant 
commencé  ses  études  à  Sambor  et  à  Léopol,  il  les  termina  à  Vienne,  où  il 
fut  reçu  docteur  en  médecine.  Attaché  à  l'Université  de  cette  ville,  il  ne 
la  quitta  que  pour  une  chaire  de  clinique,  à  l'Université  des  Jagellons,  à 
Cracovie.  Devenu  l'un  des  premiers  praticiens  du  pays,  recteur  de  l'Uni- 
versité, il  prit  une  part  active  à  sa  dernière  réorganisation;  membre  du 
Reichsrath  [autrichien,  et  entin  bourgmestre  de  la  ville  de  Cracovie,  il 
rendit  des  services  éminents  à  celte  ville  et  à  la  Galicie  autrichienne  en  gé- 
néral, et  jouissait  jusqu'aux  derniers  moments  d'une  popularité  bien  mé- 
ritée. Les  eaux  thermales  de  Galicie  lui  sont  redevables  de  leur  organisation 
actuelle.  Ses  principaux  ouvrages  en  allemand  et  en  polonais,  sont  :  Kri- 
tische  Darstcllung  europaischer  Kranhenhauser  ÇViexme,  1853); —  Klinische 
Vertrage  ueber  die  Choiera  (Vienne,  1855)  ;  —  Les  Sources  de  Krinitza  dans  les 
Carpathes  (Cracovie,  1857);  —  Les  Eaux  de  Bartfeld  en  Hongrie (Cvacovie, 
1858).  Différents  écrits  sur  les  eaux  thermales  de  la  Galicie.  La  Plique  et  les 
manières  de  la  traiter  (Cracovie,  1862)  ;  —  Les  Universités  de  Varsovie  et  Cra- 
covie {iS^Q  et  1862);  —  De  la  réforme  des  écoles  (Cracovie,  1865  et  1866). 
Nommé  membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Cracovie,  et  président  de  la 


—  2fi7  — 

section  des  sciences  exactes,  il  prit  une  part  active  aux  travaux  de  la  docte 
assemblée.  Une  foule  énorme  et  recueillie  le  conduisit  à  sa  dernière 
demeure,  avec  l'assistance  d'un  nombreux  clergé  qu'il  édifia  par  une  mort 
vraiment  chrétienne. 

—  M.  Prosper-Jean  Levot,  conservateur  de  la  bibliothèque  de  Brest,  vient  de 
mourir  le  3  février,  à  l'âge  de  soixante-dix-sept  ans  dans  cette  ville.  Il  y  éiait 
né  le  14  décembre  1801.  Archéologue  et  biographe  spécial  de  célébrités  mari- 
times, M.  Levot  avait  été  professeur  particulier,  lorsqu'il  fut  appelé,  le  8  sep- 
tembre 183t,  au  poste  qu'il  a  occupé  jusqu'à  sa  mort;  il  était  l'un  des  fonda- 
teurs de  la  Société  académique  de  Brest  qu'il  présidait;  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  l'avait  récompensé  d'une  mention  honorable 
en  186i,  pour  une  histoire  de  sa  ville  natale.  M.  Levot  était  aussi  correspon- 
dant du  Ministère  de  l'instruction  publique.  Modeste  et  laborieux  comme 
un  bénédictin,  écrivain  et  travailleur  infatigable,  il  a  dépensé  sa  vie  dans 
des  recherches  historiques  et  archéologiques  de  tous  genres,  et  l'a  couronnée 
par  une  mort  chrétienne  pleine  d'édification.  On  cite  de  lui  :  Catalogue 
général  des  bibliothèques  du  département  de  la  marme  (1838-43,  5  vol.  gr.  in-8j, 
dressé  par  ordre  du  gouvernement  et  dont  le  plan,  approprié  au  service 
commun  des  onze  bibliothèques  delà  marine  de  France,  a  été  adopté  parle 
gouvernement  belge  pour  l'usage  de  ses  bibliothèques;  —  Catalogue  des 
livres  et  des  tableaux  de  feu  M .  le  baron  le  Genlil  de  Quelern,  précédé  d'une 
notice  sur  sa  vie,  ses  services  et  ses  travaux  (in-8,  1843^;  —  Notice  chronolO' 
gique  et  historique  des  maires  de  Brest  depuis  1681  (in-8,  1844);  —  Précis  de 
la  canalisation  de  la  Bretagne  (in-8,  1845);  —  Essais  de  biographie  maritime, 
ou  Notices  sur  des  hommes  distingués  de  la  marine  française  (in-8,  1847)  ;  — 
Biographie  bretonne  (18o2-57,  Vannes,  2  vol.  in-8);  —  Notice  sur  Landévennec 
et  son  abbaye.  État  ancien  et  moderne  (in-8,  18.ï8);  — La  marine  française  et  le 
port  de  Brest  sous  Richelieu  et  Mazarin  (in-8,  18o9);  —  Procès  d'Alexandre 
Gordon^  esyion  anglais,  décapité  à  Brest  en  1769  (io-S,  1861);  —  Recherclies 
historiques  sur  la  ville  de  Brest  avant  1789  (in-8,  1861);  —  Histoire  de  la  ville 
et  du  port  de  Brest  (1864-76,  5  vol.  in-8);  —  Gloires  maritimes  de  la  France 
avec  M.Doneaud  (1865,in-d2);  —  Promenade  dans  le  port  de  Brest  et  ses  dépen- 
dances (in-8,  1865);  —  Exclussions  dans  la  rade  de  Brest  et  ses  environs 
(in-8,  1866);  —  Récits  de  naufrages,  incendies,  tempêtes  et  autres  événements^ 
de  mer  (18G7,  in-12); — Notice  sur  la  vie,  les  services  et  les  travaux  de 
M.  le  chevalier  de  Fréminville  (in-8,  1867);  —  Descente  des  Anglais  à  Camaret 
(in-8,  1872);  —  Abbaye  de  Saint-Mathieu-de-Fineterre  (in-8.  1874);  — Daoulas 
et  son  abbaye  (in-8,  1875);  —  Participation  du  deuxième  arrondissement  mari- 
time à  la  guerre  de  1870-71  (in-8,  1875)  ;  —  Projet  de  l'enseigne  de  vaisseau 
Rivoire  contre  le  port  de  Brest,  sous  le  consulat  (in-8,  1875).  —  On  trou- 
verait dans  les  recueils  de  la  Société  académique  de  Brest  beaucoup  d'autres 
travaux  de  lui  :  nous  relevons  seulement  :  La  maison  de  l'espion  à  Lânnion; 

—  Le  Pont  impérial  en  1861  ;  —  Les  Ambassadeurs  de  Tippou-Saheb  en  1788; 

—  Le  'Vaisseau  le  Vétéran  à  Concarneau ;  —  Les  Incendies  du  port  de  Brest.  — 
M.  Levot  s'est  fait,  en  outre,  l'éditeur  des  Batailles  navales  de  la  France,  de 
0.  Troude  (1867-1868,  4  vol.  in-8),  et  a  souvent  donné  sa  collaboration  à 
VOcéan  de  Brest. 

—  M.  Alphonse  Ferrero,  marquis  de  La  Marmora,  né  le  17  novembre 
1804,  est  moi  t  à  Florence,  le  5  janvier.  Ancien  ministre  de  la  guerre  et  de  la 
marine  piémontaise  en  1854  pendan*.  la  guerre  de  Crimée,  et  major  général 
de  l'armée  italienne  en  1866,  il  a  publié  sur  les  événements  de  celte  dernière 
époque   plusieurs  brochures  qui  ont  eu  un  grand  retentissement.  Quattro 


—  :>(i8  — 

dïscorsi  ai  .moi  colleghi  délia  Caméra  sulle  condizioni  délie  esercito  italiano 
(1872);  —  Un  peu  plus  de  lumières  sur  les  événements  politiques  et  militaires 
de  l'année  1866,  traduit  de  l'italien,  par  MM.  Niox  et  Descoubès  (1873);  — 
Un  episodio  del  risorgimento  italiano  (1875);  —  /  Segreti  di  Staio  del  governo 
costituzionale,  les  Secrets  d'Etat  dans  le  gouvernement  constitutionnel,  traduit 
de  l'italien  par  MM.  Marcel  et  Savari  !2'  partie,  1877). 

—  M.  Jules-Louis-Josepii  Brame,  né  à  Lille  le  9  janvier  1808,  est  mort  à 
Paris  le  {"  février.  Avocat  en  1833,  il  était  entré  au  Conseil  d'État  en  1836; 
il  se  retira  en  18i8,  pour  reparaître  sur  la  scène  sous  l'empire,  comme  député 
et  ministre  de  l'instruction  publique.  Il  a  fait  partie  de  l'Assemblée  nationale 
en  1871,  et  était  sénateur  du  département  du  Nord.  Il  a  éctit  De  rémigra- 
lion  des  campagnes  (  1 856)  ;  —  L'Héritage  dévoré  par  le  fisc  et  la  procédure  (1 867)  ; 

—  La  Vérité  sur  le  régime  économique  de  la  France.  Discours  prononcé  au 
Corps  législatif  (1868). 

—  M.  Lucien-Léopold  Jotterand,  ancien  membre  du  Congrès  national,  est 
mort  à  Bruxelles,  le  10  décembre  1877.  Il  était  né  en  1803,  à  Genappe 
(Brabant).  Il  a  eu  un  rôle  important  dans  les  affaires  de  son  fays.  Il  appar- 
tenait au  parti  «  unioniste  »,  était  un  adversairr»,  de  l'administration  hollan- 
daise, avait  peu  de  sympathie  pour  la  France,  et  rêvait  de  bonne  foi  l'union 
du  libéralisme  et  du  catholicisme.  lia  écrit  dans  un  grand  nombre  de  jour- 
naux :  le  Courrier  des  Pays-Bas,  la  Sentinelle,  V Artiste^  le  Patriote  belge,  la 
Revue  démocratique,  la  Belgique  judiciaire,  et  a  publié  un  certain  nombre  de 
brochures  ayant  presque  toutes  trait  à  la  politique  :  Guillaume  Frédéric  d'O- 
range-Nassau avant  son  avènement  au  trône  des  Pays-Bas  (1827);  —  Ga- 
ranties de  l'existence  du  royaume  des  Pays-Bas  (1829);  —  Les  Rapports  poli- 
tiques et  commerciaux  de  la  Belgique  et  de  la  France.  En  flamand  (1840);  — 
Nos  frontières  du  Nord-Ouest.  En  flamand  (1843);  — La  nouvelle  constitution 
de  New-York  pour  1847  (1846);  —  Le  Suffrage  universel  (1848);  —  Les  Églises 
d'État  devenues  cause  d'intolérance  religieuse  (1849);  — Les  Lettres  belges  à  pro- 
pos de  la  Société  des  gens  de  lettres  {i8't'^);  — Londres  au  point  de  vue  belge  [\8o2); 

—  D'Anvers  à  Gênes  par  les  pays  rhénans  (1854);   —  Louis  de  Botter  (1860); 

—  Lettres  unionistes  sur  la  ré  for  me  électorale  (1868);  —  Bu  repos  hebdomadaire, 
ouvrage  qui  a  obtenu  la  deuxième  récompense  par  la  Société  genevoise 
d'utilité  publique  (1870);  —  Charles  Louis  Spilthoorn.  Événements  de  1848  en 
Belgique  (1872);  —  Études  sur  les  Élals-Unis.  (Conférence,  1875). 

—  M.  Albert  Patin  de  La  Fjzelière,  né  à  Marly  (Moselle)  en  1819,  est  mort 
à  Paris,  le  11  février,  à  l'âge  de  soixante  ans.  Sa  vie  entière  a  été  consacrée 
aux  lettres.  Il  a  donné  sa  collaboration  au  Journal  de  Paris,  à  la  Presse,  au 
Siècle,  au  Courrier  de  Paris,  au  Petit-Figaro,  où  il  a  été  directeur  pendant 
plusieurs  années,  au  Bulletin  du  Bouquiniste,  à  Y  Artiste,  au  Pari  s- Journal.  Il  a 
fondé  en  1848,  une  revue  sous  le  titre  de  Notre  Histoire.  Il  s'occupait  de  la 
réimpression  des  œuvres  de  Jules  Janin.  Il  a  écrit  :  Les  Inondés  de  la  Loire, 
scène  dramatique  en  vers  (in-8,  1846),  avec  M.  Servais  ;  —  Une  famille  de  la 
rue  Mouffetard,  scène  dramatique  avec  M.  de  la  Jonchère  ;  —  Manuel 
de  V électeur  constituant  (signé  Ludovic  Marsay)  (in-12,  1848);  —  Manuel  du 
citoyoi  [signé  Ludovic  Marsay)  (in-16);  —  Biographie  des  représentants  du 
peuple  à  l'Assemblée  nationale  constituante,  par  les  auteurs  de  «  Notre  His- 
toire »  (iu-12,  1848),  anonyme   en  collaboration  avec  M.  Louis  Giraudeau; 

—  Biographie  de  750  représentants  du  peuple  à  V  Assemblée  nationale  législative., 
par  plusieurs  journalistes  (in-18,  1849),  anonyme  en  collaboration  avec 
M.  Giraudeau; —  Le  Procès  des  accusés  de  Strasbourg  (in-8,  1849);  —  Salon 
de  1850  à  1831  (in-8,  ISol);  ~  Féiicie,  nouvelle  messine  (1854);  —  Dialogue 


—  269  — 

de  Thoinettte  et  d'Alizon,  pièce  inédite  en  patois  lorrain  du  dix-septième 
siècle,  publiée  avec  des  notes  et  un  vocabulaire  (in-S,  1836);  —  Voltaire 
est-il  étranger  à  la  publication  des  «  Mélanges  »  publiés  sons  son  nom  (in-8, 
18o8)  ;  —  Histoire  de  la  crinoline  au  temps  passé  (in- 1"^,  1859)  ;  —  .4-Z,  ou  le 
salon  en  miniature  (ia-1861)  ;  —  Vins  à  la  mode  et  cabarets  au  dix-septième 
siècle  (in-12,  1866);  —  Essais  de  bibliographie  contemporaine,  I.  Charles 
Baudelaire  (in-12,  1868),  avec  Georges  Decaux;  —  Rymaille  sur  les 
plus  célèbres  bibliotières  de  Paris  en  16i9,  acec  des  notes  et  un  essai  sur  les 
bibliothèques  particulières  du  temps  {in-8,  1869);  — Des  émaux  cloisonnés  et 
de  leur  introduction  dans  la  reliure  des  livres  (in-8,  1870);  —  UOEuvre  originale 
de  Vivant  Denon,  ancien  directeur  général  des  musées;  collection  de  317  eaux- 
fortes  {2  \ol.  in-i,  1872-1873);  —  Jules  Janin  et  sa  bibliothèque  ;  Notice  bi- 
bliographiquc  (in-8,  187t)  ;  — La  Vie  et  l'œuvre  de  Chintreuil  (in-i,  1874)  avec 
MM.  Champlleury  et  Henriet  ;  —  Théâtre  du  Paravent,  I.  Récompense  honnête, 
saynète  (in-8,  1874);  —  Mémento  du  salon  en  1875  (in-16,  1873);  —  Corres- 
pondance de  Jules  Janin  (1873). 

—  y..  François-Eugène  Jamn,  était  né  à  Passy  (Seine),  le  9  mars  1815. 
Licencié  en  droit,  archiviste-paléographe  de  la  promotion  de  1841,  il  fut 
chargé  du  classement  des  archives  de  Loir-et-Cher,  vers  1844,  et  attaché  à  la 
Collection  des  monuments  inédits  de  l'Histoire  du  Tiers-État.  Il  fut  nommé  auxi- 
liaire de  l'Institut  le  lo  janvier  1847  et  employé,  sous  la  direction  de  M.  Par- 
dessus, à  l'achèvement  du  Recueil  des  ordonnances  des  Rois  de  France.  Il  a 
donné  sa  démission  d'auxiliaire  de  l'Institut  en  1869.  Il  vécut  depuis  à  Passy, 
où  il  est  mort  le  21  décembre  dernier,  à  l'âge  de  soixante-deux  ans.  II 
a  publié  dans  la  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes  :  Lettre  adressée  à  la 
commune  de  Saint-Quentin,  par  Jean  de  Ribémont.,  clerc  du  Parlement  (2'  sé- 
rie, t.  III,  p.  133,  1846);  —  Documents  relatifs  à  la  peine  de  banissement  aux 
treizième  et  quatorzième  siècles  (Ibid.,  p.  419). 

—  M.  Paul-Antoine  Cap,  né  à  Màcon,  le  2  avril  1788,  est  mort  dans  le  cou- 
rant de  novembre.  Il  était  membre  associé  de  l'Académie  de  médecine  de 
Paris  et  membre  honoraire  de  l'Académie  royale  de  médecine  de  Belgique. 
Il  exerçait  la  pharmacie  en  même  temps  qu'il  se  livrait  à  des  études  scien- 
tifiques. On  lui  doit  :  De  la  classification  méthodique  des  médicaments  (1823), 
couronné  par  la  Société  de  médecine  de  Paris;  —  Principes  élémentaires  de 
pharmaceutique  (1837);  —  Recherches  sur  les  Lactates  (1738),  avec  M.  Henry; 
—  Traité  de  pharmacie,  traité  de  botanique  (1847),  avec  MM.  Montagne  et 
Martin;  —  Histoire  de  la  pharmacie  (1831);  —  Le  Muséum  d'histoire  naturelle 
(1833-1834)  ;  —  Éludes  biographiques  pour  servir  à  l'histoire  des  sciences. 
2  séries  (1856-1864);  —  La  science  et  les  savants  au  seizième  siècle,  tableaux 
historiques  (Tours,  1867).  On  lui  doit  des  études  biographiques  sur  Robert 
Boyle  (1836),  Philibert  Commerson  (1861),  Camille  Montagne,  botaniste, 
membre  de  l  Institut  (1868)  et  les  éloges  de  Casimir  Delavigne{[Si:6),  de  Benjamin 
Delessert  (1830),  de  Mathieu  Bonafous  (1834),  de  N.  L.  Lemery.  Il  avait  publié 
en  1844,  les  oeuvres  complètes  de  Bernard  de  Palissy;  en  1836,  celles  de 
Senecé,  avec  M.  Em.  Chasles.  Il  a  traduit  les  Aphornsmes  de  physiologie  végétale 
de  J.  Lindley  (1838),  donné  plusieurs  abrégés  pour  la  collection  des  Cent 
traités  et  publié  des  articles  dans  un  grand  nombre  de  recueils. 

—  M. le  D"" Pierre  Berthier,  néàSennecey-le-Grand(Saône-et-Loire),en  1830, 
vient  de  mourir  à  Bicêtre,  à  l'âge  de  quarante-sept  ans,  au  mois  de  décembre. 
Il  avait  fait  ses  éludes  sous  la  direction  de  M.  Gérard  de  Cailleux  et  était 
devenu  médecin  en  chef  de  l'hospice  de  Bicêtre.  11  a  écrit  plusieui's  ouvrages 
sur  les  maladies    mentales  et  nerveuses  :  Médecine  mentale.  De  l'isolement 


—  270  — 

Bourg,  1858);  —  Des  causes  (Paris,  1860);  —  De  la  folie  diasthcsique  (1859); 
—  De  la  dépopulation  des  campagnes  (Bourg,  1859);  —  De  l'imitation  au 
point  de  vue  médico-philosophique  [[%Q\)\  —  Erreurs  et  j>réjugés  relatifs  à  la 
folie  (Bourtr,  1863)  ;  —  Excursions  scientifiques  dans  les  asiles  d'aliénés,  4  séries 
(1864- 1867);  — Des  névroses  moistruelles  {\S~ 3]  ;  — Des  névroses  diasthésiques 
(1875). 

—  M.  Johan-Erik  Rydquist,  né  à  Golhembourg,  le  20  octobre  1800,  est 
mort  le  15  décembre.  Il  était  directeur  de  la  bibliothèque  royale  de  Stockolm. 
Il  s'était  livré  au  commerce  avant  d'aborder  l'étude  des  langues.  L'académie 
suédoise  l'appela  dans  son  sein  pour  succéder  à  Berzélius  en  1843,  à  l'é- 
poque où  il  devenait  premier  bibliothécaire.  Il  a  publié  un  grand  nombre 
d'ouvrages  de  critique  et  de  philosophie.  Voici  la  traduction  des  titres  de 
quelques-uns  :  Les  hauts  faits  littéraires  des  jours  passés  (1828);  —  Les  plus 
anciennes  poésies  de  théâtre  du  Nord  (1836);  —  Les  Employés  civils  en  Suède 
(1838);  —  /.  Olof  Walli7i  (1839);  —  Voyage  en  Allemagne,  en  France  et  en 
Italie  (1838);  —  Les  Lois  de  la  langue  suédoise  (1850-1857),  son  plus  important 
ouvrage;  —  Lumières  et  erreurs  dans  le  monde  du  langage.  Il  a  fait  diverses 
traductions  du  grec  et  de  l'angl  lis  et  écrit  dans  plusieurs  revues,  notam- 
ment dans  Ileimdal,  recueil  qu'il  dirigeait. 

—  M.  J.-C.  MŒniKosER,  de  Frauenfeld.  est  mort  le  17  octobre  à  Zurick.  Il 
a  composé  plusieurs  ouvrages  historiques  :  Etudes  sur  la  littérature  suisse  au 
dix-huitième  siècle  (1861)  ;  —  Biographie  de  Zwingle  (1867-69);  —  Histoire  des 
réfugiés  protestants  en  Suisse  (1856),  dont  on  annonce  une  traduction  française. 

—  M.  François-Auguste  Aubry,  libraire-édi'eur,  Lien  connu  des  amateurs, 
directeur  et  fondateur  du  Bulletin  du  Bouquiniste  (1857),  libraire  de  la 
«  Société  des  bibliophiles  français,  »  membre  de  la  Société  de  l'Histoire  de 
France,  de  la  S  ciété  de  l'Histoire  de  Paris  et  de  l'Ile-de-France,  est  mort  à 
Paris,  le  13  janvier.  Il  était  né  à  Sanchevile  (Eure),  en  1821,  le  21  décembre. 

—  M.  Charles  de  Liltrow,  né  à  Casan,  le  18  juillet  1811,  est  mort  à  Venise 
le  16  novembre.  Il  était  directeur  de  l'observatoire  de  Vienne,  depuis  1842, 
poste  où  il  succéda  à  son  père;  il  a  porté  ses  investigations  epécialement 
sur  les  comètes,  et  est  l'auteur  d'une  méthode  pour  déterminer  l'heure  et  la 
longitude  de  la  mer. 

—  M.  Ralph  WoRNm,  conservateur  de  la  National  Gallery  à  Londres, 
auteur  d'une  Vie  d'Holbcin  et  d'ouvrages  sur  les  galeries  de  l'Angleterre  et 
de  l'étranger.  Il  venait  de  publier  une  seconde  série  de  dix-huit  eaux-fortes 
d'après  les  tableaux  de  la  National  Gallery. 

—  M.  Thomas-William  Marshall,  sorti  de  l'Univer-ité  de  Cambridge, 
entré  dans  les  ordres  anglicans,  puis  converti  au  catholirisme,  vient  de 
mourir  ;  il  était  auteur  de  Notes  sur  l'épiscopat  catholique,  qui  ont  préparé  sa 
conversion,  et  en  outre  d'un  bel  ouvrage  sur  les  Missions  chrétiennes,  dont 
M.  L.  de  Waziers  a  donné  une  traduction  française  en  1865  (2  vol.  in-8'i,  et  col- 
laborateur de  la  Dublin  Rnciciv  et  de  plusieurs  recueils  anglais  et  américains. 

—  Nous  avons  également  à  annoncer  la  mort  de  M.  Claude  Bernard,  du 
R.  P.  SECCHietdeM.  delà  Sal'ssaye,  auxquels  nous  consacrerons  des  notices  dans 
notre  prochaine  livraison;  —  de  M.  Pien-e-Noël  -  Jules  Leuire,  né  à  Clairvaux 
(Jura),  le  17  mars  1814,  mort  à  Mirevent,  grand  industriel,  homme  de  bien, 
artiste,  antiquaire  et  archéologue,  correspondant  de  l'Académie  de  Besançon 
depuis  1872;  — de  M.  Eugène  Stourm,  anciea  rédacteur  du  Bon  Sens  et  delà 
Démocratie  pacifique;  — de  M.  Huguet  Berthier,  collaborateur  de  la  Revue  du 
Lyonnais,  mort  à  Nice  dans  le  courant  de  janvier,  à  l'âge  de  trente-sept  ans. 


—  271  — 

Institut.  —  Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Dans  sa  séance 
du  8,  l'Académie  a  nommé  académicien  'titulaire,  en  remplacement  de 
M.  Edgar  Boutaric,  décédé,  M.  le  marquis  d'Hervey  de  Saint-Denys.  Il  y  a 
eu  deux  tours  de  scrutin.  Les  suffi'ages  se  sont  ainsi  répartis  :  premier  tour, 
M.  d'Heivey  de  Saint-Denys,  17;  M.  Paul  Foucart,  9;  M.  Weil,  (3;  M.  Barbier 
de  Meynard,  5;  bulletin  blanc,  1.  —  Deuxième  tour.  M.  d'Hervey  de  Saint- 
Denys,  24;  M.  Foucart,  8;  M.  Barbier  de  Meynard,  4;  M.  Weil,  1. 

—  Académie  des  sciences.  —  Dans  la  séance  publique  de  l'Académie,  tenue 
le  28  janvier,  les  résultats  du  concours  de  1877  ont  été  proclamés  par  M.  le 
secrétaire  perpétuel. 

Mécanique.  —  Prix  Poncelct.  Décerné  à  M.  Laguerre,  commandant  d'artil- 
lerie, examinateur  à  l'École  polytechnique,  jour  l'ensemble  de  ses  travaux 
mathéraatbiques. 

Prix  Monlyon.  Décerné  à  M.  Caspari,  ingénieur  hydrographe,  pour  ses 
«  Études  sur  le  mécanisme  et  la  marche  des  chronomètres.  )> 

Prix  Plumey.  Décerné  à  M.  de  Fréminville,  directeur  du  génie  maritime, 
pour  ses  études  approfondies  sur  les  conditions  de  distribution  des  nouvelles 
machines  Woolf  employées  à  bord  des  navires 

Prix  Fourneyron.  Décerné  à  M.  Mallet.  Le  sujet  spécial  du  concours  indiqué 
par  l'Académie,  conformément  aux  intentions  du  fondateur,  était  cette 
année:  «  Machine  à  vapeur  pour  tramway.  » 

Astronomie. —  Prix  Lalandc.  Accordé  à  M.  Asaph.  Hall  pour  sa  découverte 
des  satellites  de  la  planète  Mars, 

Prix  Vaillant.  M.  Schulhof,  pour  son  beau  mémoire  sur  les  planètes 
perdues. 

Prix  Valz.  MM.  Paul  et  Prosper  Henry,  de  l'Observatoire  de  Paris  pour 
leurs  cartes  des  diverses  régions  du  ciel,  dressées  en  vue  de  faciliter  la 
recherche  des  petites  planètes. 

Physique,  —  Prix  Lecaze.  M,  A.  Cornu,  ingénieur  des  mines,  professeur  à 
l'École  polytechnique,  pour  son  beau  et  grand  travail  relatif  à  la  «  Détermi- 
nation de  le  vitesse  de  la  lumière,  »  d'après  des  expériences  exécutées  en 
1874  entre  l'Observatoire  et  Montlhéry. 

Statistique.  —  Prix  Monlyon  :  1*  décerné  à  M.  E.  Yvernès  pour  le  travail 
éclairé  et  les  soins  persévérants  qu'il  apporte  aux  volumes  de  la  Statistique 
civile  ei.  commerciale  de  la  France;  2^  le  prix  réservé  de  1876  est  donné  à 
M.  T.  Loua  pour  la  confection  des  quatre  volumes  in-folio  de  la  Nouvelle 
série  de  la  statistique  de  France. 

Deux  mentions  honorabjes  sont  en  outre  accordées  :  l'une  à  M.  P.  Disière 
pour  la  partie  statistique  de  ses  mémoires  sur  la  Marine  cuirassée,  in-8, 
1873  ;  sur  les  croiseurs,  in-8,  187o,  et  sur  la  guerre  d'escadre  1876  ;  l'autre  à 
M.  le  D'  Puech  pour  les  recherches  contenues  dans  son  mémoire  sur  les 
«  Répétitions  des  accouchements  multiples.  » 

Chimie.  —  PrixJecker.  M.  A.  Houzeau,  en  récompense  de  ses  travaux  relatifs 
à  la  production  de  l'ozone  ainsi  que  sur  le  mode  d'action  de  cette  substance 
à  l'égard  des  matièi'es  organiques,  obtient  un  prix  de  5,000  fr.  sur  les 
fonds  de  l'année  1877,  la  seconde  moitié  du  prix  annuel  ayant  été  réservée 
pour  parfaire  le  prix  de  10,000  fr.  décerné  à  M.  Cloez,  en  1876. 

Prix  Lacaze.  Décerné  à  M.  Troost,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  dé 
Paris,  pour  ses  très-nombreuses  recherches  de  chimie  générale  et  minérale. 

Botanique,  —  Prix  Barbier.  La  commission  ne  pense  pas  qu'il  y  ait  lieu  de 
décerner  le  prix.  Elle  propose  d'accorder,  à  titre  de  récompense,  une  somme 
de  4,000  fr.  à  M.  Galippe  pour  ses  Études  loxicologiques  sur  les  cantharides  ; 


—  -ll'J  — 


une  somme  de  1,000  fr.  à  .MM.  Lepage  et  Patrouillard  pour  leur  «  Guide 
pratique  pour  servir  à  l'examen  des  caractères  physiques,  chimiques  et 
organoleptiques  »  que  doivent  présenter  les  diverses  préparations  du  Codex, 
ainsi  qu'à  l'essai  des  médicaments  chimiques  ;  une  somme  de  bOO  fr.  à 
M.  Manouvriez  pour  ses  Recherches  chimiques  sur  V inioxicalion  saturnine  locale 
et  directe  et  ses  «  Recherches  sur  les  troubles  de  la  sensibilité  dans  la  con- 
traction diopathique  des  extrémités.  >> 

Prix  Desmaziéres.  La  commission  accorde  sur  les  fonds  de  ce  prix:  [°  un 
encouragement  de  1,000  fr.  à  M.  le  docteur  Quélet,  pour  le  travail  intitulé  ; 
Les  Champignons  du  Jura  et  des  Vosges  ;  2-  un  encouragement  de  600  fr.  à 
M.  Bagnis,  pour  son  mémoire  intitulé  :  La  Puccinie. 

PrixBordin.  Le  sujet  désigné  était  le  suivant  :  «  Étudier  comparativement 
la  structure  et  le  développement  des  organes  de  la  végétation  dans  les 
lycopodiacées.  Un  encouragement  de  1,000  fr.  est  accordé  à  M.  Charles- 
Eugène  Bertrand.  La  question  est  retirée  du  concours. 

Prix  Bordié.  Pour  le  second  prix,  le  sujet  proposé  était  :  «  Étudier  com- 
parativement la  structure  des  téguments  de  la  graine   dans  les   végétaux 
angiospermes  et  gymnospermes.  »  Décerné   à  M.  Charles-Eugène  Bertrand. 
Anatomie  et  Physiologie.  —  Prix  Thore.  Donné  à  M.  Jousset  de  Bellesme, 
pour  l'ensemble  de  ses  Recherches  sur  la  physiologie  des  insectes. 

Médecine  et  Chirurgie.  —  Prix  Montyon.  L'ensemble  des  ouvrages,  manus- 
crits et  imprimés,  qui  ont  été  adressés  cette  année  pour  ce  prix,  ne  s'élève 
pas  à  moins  de  cinquante-cinq,  sur  lesquels  un  grand  nombre  étaient  dignes 
d'être  remarqués  par  la  commission.  11  a  fallut  néanmoins  faire  un  choix  et 
remettre  au  concours  de  l'année  prochaine  les  travaux  sur  lesquels  on  ne 
peut  se  prononcer  définitivement  sans  plus  ample  informé. 

La  commission  décerne  un  prix  de  2,500  fr.  à  M.  Hannover,  professeur  à 
l'université  de  Copenhague,  pour  son  livre  :  La  Rétine  de  Vhomme  et  des 
vertébrés.  Un  prix  de  2,500  fr.  à  M.  Parrot,  professeur  à  la  faculté  de  Paris, 
pour  son  beau  livre  sur  l'autopsie  Un  prix  de  2,500  fr.  à  M.  Picot,  profes- 
seur à  l'École  de  médecine  de  Tours,  pour  ses  Leçons  de  pathologie  générale. 
Mentions  honorables  de  l,o00  fr.  à  M.  Topinard,  ex  wquo  MM.  Lassègue  et 
Re^nauld  et  MM.  Delpech  et  Hillairet  ;  MM.  Franck  et  Oré. 

M.  Topinard,  pour  son  livre  sur  Y  Anthropologie.  Ses  études  sur  le  crâne 
dans  l'homme  et  les  animaux  l'ont  conduit  à  cette  conclusion  que  la  capacité 
du  crâne  adulte  et  normal  est  trois  fois  plus  grande  dans  la  race  humaine 
la  moins  favorisée  que  dans  le  genre  d'antropoïde  la  plus  favorisé.  Et  l'ou- 
vrage entier  concourt  à  établir  et  à  confirmer  cette  proposition  que 
«  l'homme  se  distingue  de  la  brute,  essentiellement  par  le  volume  de  son 
cerveau  et  le  développement  de  ses  fonctions  cérébrales.  » 

MM.  Lassègue  et  Regnauld  pour  a  la  Thérapeutique  jugée  par  les  chiffres.» 
Les  mouvements  de  la  thérapeutique  sont  ainsi  indiqués  par  des  chiffres  qui 
sont  l'expression  certaine  non  pas  seulement  des  idées  doctrinales,  mais 
aussi  des  conquêtes  définitives. 

MM.  Delpech  et  Hillairet,  pour  leur  mémoire  sur  «  les  accidents  auxquels 
sont  soumis  les  ouvriers  employés  à  la  fabrication  des  chromâtes.  » 

M.  Franck,  pour  son  étude  sur  o  Les  changements  de  volumes  des  organes 
dans  leurs  rapports  avec  la  circulation.  » 

M.  Oré,  pour  ses  travaux  sur  la  «  Médication  intraveineuse  et  l'emploie  du 
choral.  » 

Citations.  La  Commission  a  distingué,  en  outre,  et  croit  devoir  signaler 
par  des  citations  les  auteurs  dont  les  noms  suivent  :  M.  Armingaud  :  «  Né- 


—  273  — 

vrose  vasomotrice.  »  M.  Brouardel  «  l'Urûe  et  le  foie.  »  i\I.  Barq  ;  «  La  mé- 
talloscopie  et  la  métallotliérapie  ».  M.  Couty  ;  «  Études  sur  l'entrée  de  l'air 
dans  les  veines.  »  M.  Desprès  :  «  La  chirurgie  journalière.  »  M.  Lecomte  ; 
«  Physiologie  mécanique  :  le  coude  et  la  rotation  de  la  main.  »  M.  Megnin  : 
«Monographie  de  la  tribut  des  sarcoptides  psoriques.  »  M.  Peyraud  :  «  Études 
expérimentales  sur  la  régénération  des  tissus  cartilagineux  et  osseux.  » 
M.  Sabatbé  :  «  Piecherches  sur  les  mouvements  du  cerveau.  »  M.  Sanné  : 
«  Traité  de  la  dipthérie.  »  M.  Testut  :  «  De  la  symétrie  dans  les  affections  de 
la  peau.  » 

P7ix  Dréant.  Prix  de  b,000  fr.  décerné  à  M.  Joanny  Rendu  pour  ses  a  Re- 
cherches sur  une  épidémie  de  variole  à  Lyon,  étudiée  au  point  de  vue  de 
la  contagion,  »  et  pour  son  travail  manuscrit  a  De  l'isolement  des  varioleux 
à  l'étranger  et  en  France,  »  à  propos  de  l'épidémie  de  Lyon  pendant  les 
années  de  187.o,  1876  et  1877. 

Prix  Godard,  porté  à  la  somme  de  2,000  fr.,  décerné  à  M.  Calliat,  pour  les 
«  Études  sur  les  muscles  du  périnée  et  sur  l'anatomic  normale  et  lestumeurs 
du  sein  chez  la  femme.  » 

Physiologie.  —  Prix  Montyon.  Partagé  entre  M.  Ferrier,  médecin  de 
l'hùpital  du  roi  à  Londres,  pour  ses  «  Expériences  sur  les  effets  produits  par 
Félectrisation  de  la  surface  du  cerveau,  »  et  MM.  Carville  et  Duret,  jeunes 
physiologistes  de  l'école  de  Paris,  pour  leurs  «  Recherches  expérimentales 
sur  les  fonctions  des  hémisphères  cérébraux.  » 

Mention  honorable.  La  commission  a  regretté  de  ne  pouvoir  décerner  un 
second  prix  à  MM.  Joly  et  Regnard,  pour  leurs  belles  a  Études  chimiques  de 
la  respiration  chez  les  animaux  aquatiques.  « 

Enfin,  la  commission  croit  devoir  signaler  l'auteur  d'un  mémoire  sur  la 
sensibilité,  M.  le  docteur  Charles  Richet,  jeune  physiologiste  dont  la  vive 
intelligence  et  le  jugement  droit  promettent  beaucoup  pour  l'avenir. 

Prix  Lccazc.  Décerné  à  M.  Dareste  pour  ses  belles  «  Recherches  sur  la  pro- 
duction artificielle  des  monstruosités.  » 

Prix  généraux.  —  Prix  Monlijon.  Arts  insalubres.  Un  encouragement  de 
2,000  fr.  est  accordé  à  M.  Hétet,  professeur  de  chimie  à  Brest,  à  l'occasion 
des  travaux  auxquels  il  s'est  livré  dans  l'intérêt  de  la  marine  pouraméliorer 
la  qualité  des  eaux  potables  fournies  par  les  condenseurs  à  surface  employés 
dans  la  construction  des  machines  à  vapeur  et  pour  éviter  leurs  effets  cor- 
rosifs sur  le  fer  des  chaudières. 

Prix  Trcmont.  Décerné  à  M.  Sidot,  préparateur  du  cours  de  chimie  au 
lycée  Cbarlemagne.  M.  Sidot,  ancien  aide  du  laboratoire  de  chimie  de 
l'École  normale,  s'est  élevé  peu  à  peu  de  la  modeste  position  qu'il  occupait 
à  celle  d'un  véritable  savant  exercé  par  une  pratique  assidue  à  la  solution 
des  problèmes  les  plus  intéressants.  On  peut  signaler  tout  particulièrement 
ses  «  Recherches  sur  la  reproduction  artificielle  de  quelques  minéraux,  la 
production  économique  de  charbons  durs  et  bons  conducteurs  de  l'électri- 
cité ;  la  formation  du  monosulfure  de  carbone,  des  recherches  sur  le  verre 
de  phosphate  de  chaux,  etc.  »  En  décernant  le  prix  Trémont  à  M.  Sidot, 
l'Académie  veut  l'encourager  à  poursuivre  ses  travaux  et  lui  donner  une 
preuve  publique  de  l'intérêt  qu'elle  porte  à  son  zèle  et  à  sa  persévérance. 
Prix  Gcgner.  Maintenu  à  Funanimité  pour  cette  année  à  M.  Gaugain. 
Prix  de  Mme  la  marquise  de  Laplace.  Les  cinq  volumes  de  la  Mécanique 
céleste,  de  l'Exposition  du  système  du  monde,  et  le  Traité  des  probabilités 
sont  remis  à  M.  Dougados,  né  à  Carcassonne  (Aude),  le  G  octobre  iSbo,  sorti 

Mars   1878.  T.  XXII,   18. 


—  274  — 

]e  premier  en  1877  de  l'École  polytechnique  et  entré  comme  élève  inerénieur 
à  l'École  des  mines. 

Par  une  mesure  générale  prise  en  186o,  l'Académie  a  décidé  que  la  clôture 
des  concours,  pour  les  prix  qu'elle  propose,  a  lieu  invariablement  le  pre- 
mier jour  de  chaque  année.  Nul  yaS^uautorisé  à  prendre  le  titre  de  »<  lauréat 
de  l'Académie,  »  s'il  n'a  été  jugé  digne  de  recevoir  ti?i  pn'ar.  Les  personnes 
qui  ont  obtenu  des  récompenses,  des  encouragements  ou  des  mentions  n'ont 
pas  droit  à  ce  titre , 

—  Académie  des  heaux-arts.  Dans  la  séance  du  9  février,  l'Académie  a 
nommé  membre  titulaire,  en  remplacement  de  M.  Martinet,  décédé,  M.  Ber- 
tinot,  graveur  en  taille  douce,  par  18  voix,  contre  16  à  M.  Oudiné,  graveur 
en  médailles,  et  1  à  M.  Blanchard. 

Congrès.  —  Le  Congrès  des  orientalistes  doit  se  tenir  à  Lyon  du  24  au 
31  août. 

—  Le  Congrès  archéologique  de  France  se  tiendra  cette  année  au  Mans 
et  à  Laval.  Il  s'ouvrira  le  20  mai,  au  Mans,  et  aura  sa  séance  de  clôture  le 
28,  à  Laval. 

École  des  chartes.  — Le  21  et  le  22  janvier  dernier,  treize  élèves  de  l'École 
des  chartes  ont  soutenu,  en  séance  publique,  les  thèses  qui  devaient  leur 
mériter  le  diplôme  d'archiviste-paléographe.  Plusieurs  de  ces  thèses  ont 
été  très-remarquées  et  ont  donné  lieu  à  une  soutenance  brillante.  Nous 
nous  bornerons  a  mentionner  les  titres  des  travaux  présentés.  C'étaient  : 
Les  Bourgeois  du  roi  au  moyen  âge,  par  Ernest  Babelon  ;  —  Notice  sur  le  bail- 
liage el  la  prévrjlé  dii  Vitrg-lc-François,  par  Henry  Bouchot  ;  —  Étude  sur  L'ad- 
ministration municipale  à  Tours,  sous  le  gouvernement  des  élus  (1336-1462), 
par  Joseph  Delavilie  le  Roulx;  —  Essai  sur  les  Revenus  d'Enguerrand  de 
Marigny,  suivi  de  son  cartulaire,  par  Charles  Durier;  —  Bernard  VII,  comte 
d'Armagnac,  connétable  de  France  (1367-1418).  p;ir  Paul  Durrieu  ;  —  Essai  sur 
Vhistoire  de  Sentis  au  moyen  âge,  par  Jules  Flammermont;  —  Les  Baillis  de 
Mdcon,  sénéchaux  de  Lyon  (1239-1790).  Co7itribution  à  l'extension  de  l'autorité 
royale  var  le  ministère  des  baillis^  par  Henri  Furgeot  ;  —  Le  Parlement  de 
Paris  (1418-1436),  par  Armand  d'Herbomez;  —  Essai  sur  l'histoire  des  rela- 
tions de  la  France  avec  l'Allemagne  sous  Charles  VII,  par  Alfred  Leroux  ;  — 
La  Mari)ie  militaire  du  Ponant  entre  1364  et  1374,  par  Léon  Pajot;  — 
Élude  sur  le  dialecte  lyonnais  et  des  provinces  voisines  aux  treizième  et  çua- 
<or2«e?»e  5JccZes,  par  E. -P. -L.-Philipon  ;  —  Étude  sur  l'administration  et  les 
revenus  du  trésor  royal  sous  Philippe  le  Bel,  d'après  le  Jour7ial  du  Louvre,  par 
Octave  Raguenet  ;  —  Les  Institutions  municipales  de  Narbonne  au  moyen  âge, 
par  Emile  Raunié.  On  peut  apprécier  la  variété  et  l'importance  des  sujets 
traités  ;  plusieurs  ont  fourni  des  aperçus  nouveaux  et  éclairci  des  points 
considérables  d'histoire.  A  la  suite  de  ces  examens  et  par  décret  du  mi- 
nistre de  l'Instruction  publique  en  date  30  janvier  dernier,  les  treize  candi- 
dats ont  été  nommés  archivisles-paléographes  dans  l'ordre  de  mérite  sui- 
vant :  MM.  Durrieu.  Babelun,  Delavilie  le  Roulx,  d'Herbomez,  Furgeot, 
Raunié,  Leroux,  Philipon  et  Durier  ;  ont  été  nommés  hors  rangs,  MM.  Ra- 
guenet, Flammermont  et  Pajot.  On  a  remarqué  que  les  cinq  premiers 
étaient  membres  de  la  Conférence  d'études  historiques  établie  au  siège  de  la 
Société  Bibliographique;  c'est  un  succès  dont  cette  conforence,  jeune  encore 
et  pleine  d'avenir,  a  lieu  de  s'applaudir.  —  Ea.  B. 

Lectures  FAITES  a  l'Académie  des  inscriptionset  belles-lettres.  —  Dans  la 
séance  du  1"  février,  M.  Jules  Desnoyer  a  fait  un  rapport  sur  un  ouvrage  de 


M.  E,  Carîailhac,  concernant  l'âge  de  pierre  dans  les  souvenirs  et  superstitions 
populaires.  M.  Edmond  Le  Blant  a  fait  un  rapport  sur  le  second  volume  des 
persécutions  du  christianisme  primitif  de  M.  B.  Aube.  —  Dans  la  séance  du 
8,  M.  de  Saulcy  a  communiqué  une  note  de  M.  Clermont-Ganneau,  signa- 
lant, à  Jérusalem, la  découverte  de  peintures  du  douzième  siècle,  munies  de 
légendes  dont  l'une  porte  le  nom  de  Betphagé.  M.  Derembourg  a  présenté 
des  observations  sur  cette  découverte.  —  Dans  les  séances  des  8,  lo  et  22, 
M  Deloche  a  continué  la  lecture  de  son  mémoire  sur  les  invasions  gau- 
loises en  Italie.  — Dans  la  séance  du  IG,  M.  Edmond  Le  Blant  a  communi- 
qué une  note  sur  le  texte  des  actesde  sainte  Tbècle.  M.  Eugène  Revillout  a 
repris  la  lecture  de  ses  études  démotiques.  —  Dans  la  séance  du  21,  M.  Gef- 
froy  a  transmis  à  l'Académie  les  résultats  des  fouilles  de  Palestrina,  par 
M.  Ferniques.  M.  iMichel  Bréal  a  d -mné  lecture  d'une  lettre  de  M.  B.  Mowat 
sur  une  inscription  chypriote,  et  M.  Siméon  Luce  a  lu  un  mémoire  intitulé 
«  les  Juifs  sous  Charles  V  et  le  fonds  hébraïque  du  trésor  des  chartes, 
en  1372.  » 

Lectures  FAITES  a  l'Académie  des  scie.xces  morales  et  politiques.  —  Dans  la 
séance  du  2  février,  M.  Hippolyte  Passy  a  fait  un  rapport  sur  le  traité  théo- 
rique et  pratique  de  statistique  de  M.  Maurice  Block  ;  M.  Ch.  Giraud  sur  une 
traduction  en  vers  français  du  de  Natura  de  Lucrèce,  par  M.  le  premier  pré- 
sident Larombière.  M.  Jules  Simon  a  fait,  sur  deux  ouvrages  de  MM.  Antony 
Rouillet  et  Carnot,  traitant  de  l'Elcole  d'administration,  un  rapport  au  sujet 
duquel  s'est  élevé  une  discussion  à  laquelle  ont  pris  part  MM.  Ch.  Giraud,  E. 
de  Parieu,  Levasseur,  Hippolyte  Passy  et  A.  Franck.  —  Dais  la  séance  du  9, 
M.  Baudrillart  a  continué  la  lecture  de  son  mémoire  sur  l'état  des  populations 
agricoles  en  Normandie.  MM.  H.  fassy,  Ch.  Giraud  et  Kœnigswarter  ont.  à 
ce  sujet,  présenté  des  observations.  —  Dans  la  séance  du  16,  M.  Ch.  Lucas 
a  présenté  des  considérations  sur  la  transportation,  à  l'occasion  d'une  notice 
adressée  par  le  ministre  de  la  marine  et  des  colonies  sur  la  transportation 
pénale  à  la  Guyane  et  à  la  Nouvelle-Calédonie  pendant  la  période  quinquen- 
nale 1871-1876.  M.  Jules  Zeller  a  commencé  la  lecture  d'un  mémoire  sur  le 
schisme  qui  suivit  la  mort  d'ilonorius  II  en  1130.  —  Dans  la  séance  du  23, 
M.  Zeller  a  continué  la  lecture  de  son  mémoire  sur  le  schisme  produit  dans 
rÉglise  par  la  double  élection  de  1130.  et  M.  Baudrillart  a  repris  la  lecture 
de  son  mémoire  sur  les  populations  agricoles  de  la  Normandie. 

Livres  a  l'Index.  —  Dans  sa  dernière  session,  la  Congrégation  de  l'Index 
a  condamné  les  ouvrages  suivants:  Ellero  (Pietro)  :  ScrUtiminori.  Bologna, 
tip.  Fava  et  Garagnani,  187o.  Scrilti  politici.  Bologna  1S76.  La  Questione 
sociale.  Bologna  1877.  —  Zeller  (Eduard),  professeur  à  l'Université  de 
Berlin  :  La  Légende  de  saint  Pierre,  premier  évéqite  de  Rome,  traduit  par 
Alfred  Marchand.  Paris,  1876.  Quocumque  idiomate.  —  Renan  (Ernest)  : 
Les  Évangiles,  Paris,  1877.  —  Reinke  (D'  Joseph)  :  Ueber  Einheit  der  KatJio- 
lischen  Kirche.  ^Yùszburg,  1877.  Latine  vero  :  De  Unitate  Ecclesiœ  catholicie. 
Opus  prœdamnatum  ex  Reg.  IL  Indicis  Tridentini.  Decr,  S.  Otï.  feria  IV, 
die  19  dec.  1877.  ht  an  Christi  Stelle  filr  uns  der  Papst  getreten  ?  Latine  vero  : 
Estne  pro  nobis  Romanus  Pontifex  posiius  Chrisli  loco  ?  Opus  praîdamnatura 
ex  Reg.  IL  Indicis  Tridentini.  Decr.  S.  Otï.  feria  IV,  die  19  dec.  1877.  — 
Friedrich  (D"'  J.)  :  Geschichte  des  Vaiicanischcn  Konzils.  Bonn,  1877.  Latine 
vero:  Historia  Concilii  Vaticani.  Opus  prœdamnatum  ex  Reg.  IL  Indicis 
Tridentini.  Decr.  S.  Olf.  feria  IV,  die  19  dec.  1877. 

Le  Mouvement  littéraire  en   Catalogne   en  1877.  —  L'excellente  revue 


—  27G  — 

cafalanc,  la  Renaixcnsa,  puLlic,  dans  son  numéro  du  mois  de  janvier,  im 
intéressant  arLicle  sur  ce  sujet.  Nous  allons  tâcher  de  le  résumer  en  peu  de 
mots.  Le  nombre  d'oîuvres  catalanes  publiées  en  iSll  s'élève  à  cent  eeize, 
dont  soixante-dix-neuf  appartiennent  au  théâtre,  ce  qui  donne  une  augmen- 
tation de  vingt-six  œuvres  sur  1876  et  de  soixante-deux  sur  1875.  Parmi 
ces  publications,  il  en  est  une  qui  a  fait  sensation  bien  au-delà  des  limites 
de  la  Catalogne;  c'est  Y  Atlantide,  de  Verdaguer,  dont  le  Polijbiblion  a  parlé 
en  détail.  Il  faut  citer  aussi  la  Romancer  català  d'Ubach  y  Vinyeta;  le 
roman  de  Marti  y  Folguera,  la  Caragirat  ;  la  publication  du  cinquième  tome 
des  Chansons  jwpulaircs  de  Pelay-Briz  ;  un  livre  ancien  mais  jusqu'ici  inédit, 
Los  colloques  de  la  insigne  Ciutat  de  Tortosa,  par  Derpuig  et  aussi  les  Cortar 
à  la  doua,  qui  ont  paru  dans  la  Llumanera  de  New  York,  mais  qui  sont  en 
langue  catalane.  Le  Polybiblion  a  déjà  eu  l'occasion  d'entretenir  ses  lecteurs 
des  Tradicioncs  religiosas  d'Aqua  de  Valldanio,  du  Mon  invisible  de  Gayeta 
Vidal,  des  Costums  nupcials  catalanas  de  M.  Balaguer  y  Marino.  Plusieurs 
Catalans  écrivent  aussi  en  castillan.  C'est  ainsi  que,  dans  cette  langue, 
M.  Balaguer  y  Marino  a  réfuté  diverses  allégations  relatives  aux  historiens 
espagnols  et  vengé  le  catholicisTiie  d'attaques  mal  fondées;  que  Don  Joa- 
quim  Rubio  y  Ors,  a  composé  son  travail,  que  nous  avons  déjà  indiqué  sur 
la  renaissance  littéraire  dans  sa  patrie;  que  M.  Antoni  de  Bofarull  publia 
YHistoria  critica  de  Catalona.  Nous  pourrions  encore  retrouver,  dans  des 
revues  françaises,  le  nom  de  M.  Milà  y  Fontanals,  le  savant  et  respectable 
professeur  de  Bai'celone,  et  celui  de  M.  Balaguer  y  Marino.  Il  y  a  vi^aiment, 
dans  cette  province  de  Catalogne,  une  remarquable  activité  intellectuelle... 
Mais,  nous  nous  sommes  un  peu  éloigné  de  la  statistique  donnée  par  la 
Renaixcnsa,  nous  y  revenons  et  lui  demanderons  l'indication  des  périodiques 
écrits  en  catalan.  Ces  périodiques  sont  :  La  Renaixcnsa ;  L'Art  del  pager; 
La  Familia  cristiana;  La  Campana  de  Gracia;  Los  Jochs  florals;  Le  Nunci; 
la  Papallona;  En  Danyeta;  VEnlrctanemcnt;  La  Brodera  catalana;  La  Lluma- 
nera de  Nciv  York;  L'Aurcnato  de  Buenos  Ayres.  A  cette  liste,  il  faut  ajouter 
encore  une  nouvelle  revue,  Lo  Gag  Saber. 

Une  Mystification  littéraire.  — M.  Célestin  Poi't,  le  savant  archiviste  de 
Maine-et-Loire,  vient  de  dévoiler  dans  une  brochure  écrite  avec  la  plus 
spirituelle  vivacité  {Questions  angevines.  Thomasseau  de  Cursay.  Extrait  de 
la  Revue  de  V Anjou.  Angers,  1878,  tirage  à  part  à  oO  exemplaires) ,  «  une  des 
mystifications  les  plus  audacieuses  et,  quoique  entreprise  sans  art,  le  mieux 
réussies  qu'on  puisse  citer  dans  la  littérature  historique,  »  et  dont  «  la 
piste  a  jusqu'à  ce  jour  échappé  aux  dénicheurs  de  supercheries  littéraires.  » 
Il  s'agit  de  la  glorification  faite  par  Jean-Marie  Thomasseau  de  Cursay  (né  à 
Paris  le  2o  novembi-e  170o,  mort  en  cette  ville  en  1781)  de  plusieurs  de  ses 
ancêtres,  lesquels,  soit  comme  savants,  soit  comme  héros,  n'ont  existé  que 
dans  les  publications  de  l'intrépide  faussaire.  Les  plus  fameux  des  per- 
sonnages inventés  de  pied  en  cap,  par  J.-M.  Thomasseau  de  Cursay  sont 
Joseph  Thomasseau  de  Cursay,  médecin  de  Louis  XIV,  et  surtout  ce  guerrier 
sans  reproche  dont  tous  les  derniers  historiens  de  l'Anjou  ont  admiré  le 
noble  caraclère,  dont  Voltaire  lui-même  a  célébré  avec  attendrissement  la 
chevaleresque  conduite,  ce  Louis  Thomasseau  de  Cursay  qui  aurait  refusé 
de  faire  exécuter  à  Angers  le  massacre  des  huguenots  en  août  1572.  M.  Cé- 
lestin Port  a  démoli  avec  autant  de  verve  que  d'érudition  le  roman  dont 
tant  de  lecteurs  ont  été  les  dupes,  et  sa  brochure  n'est  pas  moins  amu- 
sante que  concluante.    —  T.  ue  L. 


Index  expurgatorius  axglicaxcs.  —  Un  bibliophile  anglais  qui  ne  se  borne 
pas  à  réunir  des  livres  plus  ou  moins  curieux,  mais  en  sait  tirer  parti, 
M.W.-H.  Hart,  a  entrepris  une  publication  intéressante';  il  fait  paraître,  sous 
le  titre  d'Index  expurgatorius  angliccmus,un  catalogue  raisonné  des  ouvrages 
qui,  dans  la  Grande-Bretagne,  ont  été  l'objet  de  poursuites  judiciaires.  Ce 
travail,  dont  il  n'a  paru  jusqu'ici  que  quatre  fascicules,  ne  dépasse  pas 
encore  l'année  1683;  la  plupart  des  livres  qu'il  signale  se  rapportent  aux 
discussions  politiques  que  provoquèrent  des  époques  troublées  ;  les  uns 
attaquent  la  reine  Elisabeth, d'autres  sont  hostiles  au  malheurreux  Charles  I", 
un  certain  nombre,  après  la  chute  de  ce  roi,  se  prononcent  avec  vigueur 
contre  la  république  et  contre  les  républicains  qui,  maîtres  du  pouvoir,  en- 
tendaient s'y  maintenir.  Ce  qui  est  crime  à  telle  époque  devient  vertu 
quelque  temps  après,  ce  qui  avait  mérité  des  récompenses  se  trouve  digne 
de  châtiment,  c'est  l'histoire  éternelle  des  révolutions.  Parfois,  les  punitions 
furent  extrêmement  sévères  ;  des  citholiques  furent  pendus  pour  avoir  dis- 
cuté les  droits  de  la  reine;  en  1633  un  écrivain,  William  Prynne,  s'étant 
avisé  de  publier  l'Histrio-martrix;  Player' s  Swurge  (le  Fléau  des  aclcurs)  on 
y  vit  des  injures  adressées  à  ia  cour,  où  avaient  eu  lieu  des  représentations 
auxquelles  prenaient  part  des  personnes  du  rang  le  plus  élevé;  Prynne,  fut 
condamné  à  être  mis  à  plusieurs  reprises  au  pilori,  à  avoir  les  deux  oreilles 
coupées,  à  payer  une  amende  énorme  (o,000  livres  sterling)  et  à  une  dé- 
tention perpétuelle.  Il  est  à  désirer  que  M.  Hart  mette  avant  peu  au  jour 
le  complément  des  résultats  de  ses  recherches;  elles  portent  sur  une  branche 
de  la  science  bibliographique  tout  à  fait  inconnue  hors  de  l'Angleterre. 

Querelle  littéraire  en  Sicile.  —  Le  Polybiblion  a  parlé  d'observations 
faites,  avec  beaucoup  de  mesure,  par  M.  S.S.Marino,  sur  la  dernière  édition 
des  chants  populaires  siciliens  recueillis  par  M.  Vigo.  Celui-ci  a  fort  mal 
pris  une  critique  très-convenable,  très-couiioise  et  a  répliqué  sous  le  nom 
de  sa  belle-fille  avec  une  grande  violence.  MM.  Pitre  et  Marino,  pris  tous 
deux  à  parti  par  l'irascible  Vigo,  ont  riposté  dans  une  brochure  dont  nous 
avons  déjà  dit  un  mot  :  Qui  dit  ce  qu'il  veut  entendra  ce  qu'il  ne  veut  pas. 
La  guerre  ne  s'est  pas  arrêtée  là,  et  la  signera  Giuseppina  Vigo-Pennisi,  ou 
plutôt  son  beau-père  a  lancé  un  nouvel  opuscule  :  Lumière  et  vérité  qui  a 
provoqué  une  seconde  brochure  de  MM.  Pitre  et  Marino,  contenant  l'histoire 
de  la  querelle  et  de  nombreux  fragments  empruntés  à  la  diatribe  de  la 
signora  Vigo-Pennisi.  Toutes  les  bornes  d'une  discussion  permise  sont  fran- 
chies dans  l'œuvre  de  cette  dame  ou  de  son-beau  père.  Les  personnalités 
les  plus  violerites  sont  adressées  aux  deux  jeunes  et  érudits  écrivains  qui 
ont  rendu  tant  de  services  à  la  littérature  italienne  et  ont  provoqué  partout 
tant  de  sympathies.  Un  numéro  du  Giotmale  cli  Sicilia  nous  prouve  que  la 
polémique  a  pris  un  caractère  de  plus  en  plus  véhément.  Nous  lisons  dans  ce 
journal  une  sorte  de  protestation  signée  par  un  grand  nomhre  d'honoi'ables 
Siciliens  et  contenant  un  blâme  énergique  à  l'égard  de  M.  Vigo  et  uu  témoi- 
gnage d'estime  et  de  profond  intérêt  pour  les  deux  littérateurs  qu'il  pour- 
suit avec  une  telle  acrimonie.  Espérons  que  cette  querelle  finii^a  bientôt  et 
que  MM.  Pitre  et  Marino  pourront  reprendre  en  paix  le  cours  de  leurs  travaux 
si  appréciés  du  public  érudit. 

Une  lettre  inédite  du  chevalier  d'Éon.  — La  Revue  critique  {^  février  1878) 
publie  une  lettre  inédite  du  chevalier  d'Éon,  adressée,  le  17  février  1779,  à 
M.  du  Pavillon,  commandant-major  de  la  flotte  d'Orvilliers,  Cette  lettre 
n'apprend  rien  de  nouveau.  M.  (iaillardet,  dans  son  Histoire  du  chevalier 
d'Eon,a  raconté  que  le  chevalier,  qui  avait  pris,  une  première  fois,  un  dégui- 


—  278  — 

sèment  féminin  en  1774,  et  une  seconde  fois  en  novembre  1777,  par  ordre 
de  Louis  XVI,  demanda  à  plusieurs  reprises  la  permission  de  reprendre  ses 
habits  d'hommes.  Cette  nouvelle  lettre  exprime  le  môme  désir,  mais  elle  ne 
donne  pas  d'éclaircissements  sur  les  causes  qui  faisaient  interdire  au  cheva- 
lier de  porter  les  habits  de  son  sexe. 

Le  Droit  du  seigneur.  —  Nous  avons  sous  les  yeux  une  plaquette  inti- 
tulée :  Les  Droits  du  seigneur;  recherches  sur  l'origine  et  la  nature  des  droits 
connus  anciennement  sous  les  noms  de  :  Droits  de  premières  nuits,  de  markette, 
d'afforage,  marcheta,  maritagium  et  bumede,  par  J.-J.  Raepsaet  (Gand, 
Lemounier,  1877,  in-8  de  57  p.  2  fr.  50).  Nous  reconnaissons  avec 
empressement  que  l'auteur  a  plaidé  avec  méthode  et  lucidité  una  excellente 
cause;  il  établit  très-clairement  l'absurdité  de  tout  ce  qui  a  été  dit  et  répété 
sur  le  droit  du  seigneur,  et  donne  la  signification  véritable  de  termes  dont 
l'ignorance  et  surtout  la  mauvaise  foi  se  sont  fait  des  armes  contre  la 
vérité  et  le  bon  sens.  Nous  serions  tenté  de  faire  cependant  un  reproche  à 
M.  J.-J.  Raepsaet,  c'est  de  paraître  peu  au  fait  de  la  bibliographie  de  son 
sujet.  Comment  semble-t-il  ignorer  les  travaux  si  spirituels  et  si  savants  de 
M.  L.  Veiiillot,,  dont  il  ne  parle  pas  plus  que  du  travail  publié  en  juillet  1866 
dans  la  Revue  des  Questions  historiques?  Sa  brochure  a  été  imprimée  à 
Gand;  mais,  à  Gand,  on  sait  facilement  ce  qui  parait  ù  Paris;  tous  ses  argu- 
ments ont  déjà  été  employés;  s'il  n'a  pas  lu  les  ouvrages  précités,  il  s'est 
donné  beaucoup  de  peioe  pour  trouver  ce  qui  était  déjà  dans  le  domaine 
public.  Nous  ne  voyons  qu'un  avantage  dans  sa  publication,  c'est  que  la 
brièveté  du  texte  et  l'élégance  de  ce  petit  vulume  lui  permettront  de  se 
répandre  facilement  parmi  les  lecteurs  qui  aiment  à  s'instruire  en  quelques 
instants. 

La  Revue  l'Lnstruction  publique  et  les  Pensées  de  Pascal.  —  A  propos  de 
la  nouvelle  édition  des  Pensées  de  Pascal,  donnée  par  M.  A.  Molinier, 
Y  Instruction  publique  a  publié  (n°  du  1"  décembre  1877  au  2  février  1878) 
une  intéressante  Étude  critique  sur  le  texte  des  "pensées  de  Pascal.  L'auteur  ex- 
pose les  reproches  que  l'on  peut  faire  aux  éditions  des  Pensées,  et  développe 
le  système  qu'il  croit  devoir  être  adopté  pour  la  préparation  d'une  édition 
définitive.  Altérations  involontaires  et  lacunes  voulues,  telle?  sont,  d'après 
lui,  les  principales  fautes  qui  subsistent  dans  les  textes  imprimés  des  Pen- 
sées, et  il  prouve  la  médiocrité  de  ces  textes  en  les  comparant  avec  les  ma- 
nuscrits originaux  de  Pascal.  Il  pense  que,  pour  une  nouvelle  publication, 
l'auteur  déviait,  non  pas,  comme  ses  devanciers,  diviser  les  Pensées  par  ar- 
ticles, sous  un  certain  nombre  de  chefs,  mais  suivre  purement  et  simplement 
l'ordre  chronologique.  Pour  déterminer  cet  ordre  chronologique,  il  faudrait 
tenir  comte  de  l'esprit  même  du  fragment,  de  la  qualité  du  papier,  des  par- 
ticularités de  l'écriture,  de  la  nature  de  l'eucre.  —  Cette  dissertation  a  sou- 
levé une  polémique,  et  un  universitaire  y  a  répondu  dans  la  même  revue 
(n°  du  26  janvier  -1878  et  2  février  1878).  Ce  nouveau  critique  ne  veut  pas 
de  l'ordre  chronologique,  qu'il  croit,  du  reste,  à  peu  près  impossible  à 
déterminer.  De  plus,  dit-il,  si  l'ordre  chronologique  est  l'ordre  véritable, 
tous  les  commentateurs  de  Pascal  se  sont  trompés,  car  aucun  n'en  a  tenu 
compte.  Pour  que  cette  méthode  eût  l'importance  qu'on  cherche  à  lui  atta- 
cher, il  faudrait  que  l'on  établit  que  Pascal  écrivait  sans  plan  déterminé; 
mais  alors,  les  Pensées  ne  constitueraient  plus  qu'une  sorte  de  journal  ou  de 
recueil  de  maximes  détachées,  ce  qui  n'est  guère  admissible.  Quoi  qu'il  en 
soit  de  l'une  ou  de  l'autre  de  ces  opinions,  cette  discussion  ne  laissera  pas 
que  de  jeter  un  certain  jour    sur  la   question  ;    et  nous  souhaitons  qu'elle 


—  279  — 

provoque  la  publication  de  l'édition  définitive  du  monument  inachevé  que 
Pascal  nous  a  laissé.   —  Er.  B. 

La  Comedia  de  Damte  en  Catalan.  —  Au  quinzième  siècle,  un  Catalan  cé- 
lèbre, Andréa  Febret,  traduisit  la  Divine  Comédie  en  tercets  et  avec  une  trè-- 
remarquable  exactitude.  C'est  cette  ancienne  traduction  dont  M.  Cayetano 
Vidal  y  Valenciano  a  entrepris  la  publicïtion  dan»  de  très-belles  conditions 
tj-pographiques,  à  en  juger  par  le  spécimen  que  nous  avons  î-ous  les  yeux.  Ce 
spécimen  contient  le  début  de  l'épisode  d'Ugolin  ;  nous  en  donnerons  le  pre- 
mier tercet  qui  fera  voir  combien  Febret  a  éié  traducteur  fidèle  : 

La  boqua  suslevà  d'aquell  fier  part 
Lo  peccador,  torquentle  osbra  aquell 
AI  pels  del  cap  qu'hevia  derrec  gart. 

Fautes  d'impression  du  manuel  du  libraire.  —  J'ai  souvent  entendu  dire 
que  feu  F.  Ch.  Brunet  mettait  un  soin  extrême  à  corriger  les  épreuves  de 
son  précieux  ManiieZ.  Comment  se  fait-il  qu'il  ait  laissé  passer  (t.  T.  col.  8(12- 
864)  ces  quatre  fautes  dans  trois  mots  :  «  Lassay  (Amand  de  Modaillon  de 
Lesperne,  marquis  de).  Voyez  recueil  de  différentes  choses?»  Au  lieu 
à'Amand,  il  fallait  Armand;  au  lieu  de  Modaillon,  Madaillan;  au  lieu  de 
Lesperne,  Lesparre. 

Petit  armorial  romanais.  —  M.  le  U' Ulysse  Chevalier  vient  de  publier  sous 
ce  titre  (Vienne,  Savigné,  imprimeur-éditeur)  une  brochure  de  36  pages  gr. 
in-8,  extraite  de  la  Revue  du  Dauphinc  et  du  Vivarais.  C'est  un  travail 
très-bien  fait,  comme  le  sont  tous  les  travaux  du  favant  père  de  notre 
collaborateur,  M.  l'abbé  Ulysse  Chevalier.  L'auteur  a  mis  beaucoup  de  pa- 
tience à  découvrir  et  beaucoup  d'exactitude  à  décrire  les  armoiries  des  an- 
ciennes familles  des  Romans.  Chacun  des  300  articles  environ  de  l'armoriai 
comprend  une  notice  biographique  très-succincte  sur  un,  deux  ou  trois  per- 
sonnages les  plus  anciens  ou  les  plus  notables  de  la  famille  et  la  description 
des  armoiries  que  les  familles  romanaises  ont  reçues  ou  se  sont  données. 
L'opuscule  fournit  de  nombreuses  additions  au  beau  volume  de  M.  Rivière 
de  la  Bâtie  :  il  est  précédé  de  considérations  sur  l'origine  des  armoiries  qui 
sont  fort  judicieuses  et  fort  intéressantes.  —  T.  de  L. 

L'Éducation  de  l'avenir.  —  On  nous  a  adressé  le  second  numéro  (février 
1878)  de  VÉeole  nouvelle,  revue  de  l'éducation  «  intégrale,»  scientifique,  indus- 
trielle, artistique  et  de  la  réforme  pédagogique  publiée  par  une  réunion  de 
professeurs,  d'instituteurs  et  de  «  travailleurs,  »  dont  la  publication  avait  été 
interrompue  par  «  les  événements  de  l'année  1877.  »  Son  but  ne  devient 
réalisable  que  «  sous  un  gouvernement  républicain.  »  Elle  le  poursuit  avec 
«  l'espoir  de  fonder  une  république  progressive  et  durable.  »  Les  rédacteurs 
de  cette  nouvelle  revue  rejettent  la  vieille  formule  :  obligation,  gratuité, 
laïcité,  qui  n'est  plus  en  harmonie  avec  le  progrès  général  :  ils  lui  substituent  : 
assurance  contre  l'ignoi'ance,  crédit  à  l'enseignement,  instruction  intégrale, 
scientifique,  industrielle  «  assimilatrice  du  passé  et  créatrice  de  l'avenir.  « 
«  Ils  pensent  qu'il  faut  r'éràer  toutes  les  formules  et  toutes  les  notions  qui 
circulent  parmi  les  républicains  au  sujet  de  ï éducation.  Ils  pensent,  par 
exemple,  que  les  droits  de  l'enfant,  faible  et  exploité,  doivent  être  protégés 
par  la  société;  ils  voient  bien  les  devoirs  du  père  de  famille,  ils  ne  voient  pas 
ses  droits  dont  on  parle  tant  (p.  2)  «.  Cette  profession  de  foi,  textuellement 
extraite  du  programme,  est  confirmée  par  un  article  sur  les  Droits  des  enfants, 
les  droits  des  pères  :  «  Nous  reviendrons  à  loisir  sur  cet  important  sujet,  mais 
nous  croyons  urgent  de  rappeler  que  nous  voyons  bien  les  devoirs  du  père 


—  280  — 

envers  ses  enfants...  mais  nous  ne  voyons  pas  ses  droils.  Et  suiiout  nous  ne 
voyons  pas  qu'ils  doivent  primer  ceux  de  l'enfant. . .  Les  liens  du  sang  n'au- 
torisent plus  les  abus  de  la  puissance  paternelle  admis  chez  les  anciens;  il 
nous  reste  encore  un  pas  à  faire  :  cette  prétendue  puissance  doit  disparaître 
aussi  dans  le  monde  des  idées  et  des  croyances.  »  —  L'École  nouvelle  se 
recommande  aux  pères  de  familles  ! 

Publication  des  registres  de  la  ville  de  Todrs. —  La  Société  archéologique 
de  ïouraine  vient  de  prendre  sous  son  patronage  uneimpoi'tante  publication 
dont  l'initiative  appartient  à  l'un  de  ses  membres  les  plus  distingués,  M.  J. 
Delavillc  Le  Roulx,  ancien  élève  pensionnaire  de  l'Ecole  des  chartes.  Il 
s'agit  des  Registres  des  comptes  municipaux  de  la  ville  de  Tours  de  ISooà  14G2. 
Il  est  à  peine  besoin  de  faire  ressortir  l'importance  de  cette  publication 
qui  se  rapporte  à  l'une  des  époques  les  plus  troublées  de  notre  histoire 
nationale  et  à  une  période  particulièrement  intéressante  de  l'administration 
municipale  de  Tours.  «  Le  séjour  presque  continuel  de  la  cour  enTouraine, 
dit  M.  Delaville  Le  Roulx,  le  rôle  considérable  joué  par  la  ville  de  Tours  à 
cette  époque  à  cause  du  pèlerinage  au  tombeau  de  saint  Martin,  sa  position 
sur  la  Loire,  au  cœur  de  la  monarchie,  produisirent  à  Tours  un  grand  mou- 
vement commercial,  intellectuel  et  artistique,  et  firent  de  la  ville  un  centre 
de  réunion  où  les  intérêts  de  tout  genre,  politiques,  administratifs,  diplo- 
matiques furent  souvent  débattus.  »  Tous  ces  faits  se  trouvent  consignés 
dans  les  registres  municipaux,  et  recommandent  l'œuvre  de  M.  Delaville  Le 
Roulx  à  tous  ceux  qui  aiment  notre  histoire  et  la  France  d'autrefois.  Les 
Registres  municipaux  de  Tours  {V^  ?,(}Viq)  comprendront  huit  volumes  environ 
in-8  raisin,  avec  notes,  éclaircissements  et  tables.  Un  volume  d'introduction 
paraîtra  au  cours  de  la  publication.  Le  prix  de  l'ouvrage  est  de  lo  francs 
par  volume,  réduit  à  12  francs  pour  les  souscripteurs  et  à  10  francs  pour 
les  membres  de  la  Société  archéologique  de  Tours, 

—  Sous  le  titre  de  Dictons  populaires  sur  le  temps  M.  Francis  de  Roucy,  de 
la  Société  météorologique,  vient  de  publier  (Paris,  Pion,  in-18  de  24  p.)  un 
petit  recueil  des  proverbes  météorologiques  seulement,  et  pour  la  France, 
qui  expriment  souvent,  comme  il  le  dit  très-bien,  le  résultat  de  longues  et 
nombreuses  observations.  A  part  les  pronostics  généraux,  ils  sont  classés  par 
mois,  au  nombre  de  127,  avec  un  répertoire  alphabétique  permettant  de  les 
trouver  facilement  suivant  le  sujet  auquel  ils  se  rapportent. 

—  M.  II.  d'Anselme,  ancien  officier  supérieur,  continue  dans  les  a  Annales 
de  philosophie  chrétienne  »  la  publication  de  ses  lettres  au  R.  P.  Brucker  de 
la  Compagnie  de  Jésus  sur  les  traditions  comparées.  Les  treizième,  quator- 
zième et  quinzième,  que  nous  avons  sous  les  yeux,  ont  pour  titre  :  Dili  et 
aditi  des  Hindous;  —  de  Noé  sous  lo  nom  de  Persée;  —  des  Adamites  sous  le  nom 
de  Pelages. 

—  Il  existe  en  Angleterre  une  Société  des  index,  qui  a  pour  but  de  publier  des 
tables  ou  catalogues  d'ouvrages  relatifs  aux  diverses  branches  des  connais- 
sances humaines.  Elle  a  donné  les  index  de  la  littérature,  de  l'économie 
politique;  elle  prépare  ceux  des  portraits  qui  se  trouvent  dans  la  Grande- 
Bretagne,  des  titres  d'honneur  éteints  ou  encore  existants.  Elle  publiera  dans 
le  courant  de  l'année  un  index  du  grand  ouvrage  de  Kemble  sur  les  Saxons 
en  Angleterre.  —  {Athenxum.) 

—  On  va  vendre  aux  enchères  à  LondreSj  dans  le  courantde  mars,  la  première 
édition  du  Peutateuque  eu  hébreu,  imprimée  à  Bologne  en  1482,  dont 
Yan  Praet  ne  connaissait  qu'un  exemplaire,  quoique  Brunet  assure  qu'il  en 


—  281  — 

existe  cinq  ou  six;  les  grands  et  les  petits  prapliètes,  aussi  en  hi^bveu,  im- 
piimés  en  148o,  en  deux  volumes. 

—  M.  Armitage  publie  à  Londres  un  recueil  de  littérature  provençale,  qui 
renferme  :  des  sermons  en  limousin,  d'après  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
nationale  de  Paris,  dont  M.  P.  Meyer  a  déjà  publié  sept;  le  sermon  de 
Vincent  Ferrier  et  deux  autres  sermons  tirés  d'un  manuscrit  d'Oxford;  la 
prise  de  Narbonne  par  Philomena,  d'après  la  bibliothèque  de  Paris  et  celle 
du  Dritish  Muséum  ;  la  destruction  de  Jérusalem,  d'après  un  manuscrit  de 
Paris,  décrit  par  M.  P.  Meyer,  etc.  —  {Athenœum.) 

—  M.  Thomas  Chaplin  a  écrit  à  VAthencrum  (2o  févriei')  une  letlre  dans 
laquelle  il  établit,  à  l'aide  d'observations  statistiques,  que  la  supputation 
de  l'historien  Josèphe,  qui  évalue  à  trois  millions  d'ùmes  la  populatioa  juive 
enfermée  à  Jérusalem,  lors  de  la  prise  de  cette  ville  par  Titus,  doit  être 
admise  comme  plus  près  de  la  vérité  qu'où  ne  l'a  souvent  supposé. 

—  Le  libraire  Gustave  Koester,  de  Heidelberg,  annonce  la  publication 
d'un  Excmpla  codicum  grxcorum,  recueil  de  fac-similé  photographiques  de 
manuscrits  grecs  en  petits  caractères.  Ce  volume  fera  le  pendant  de  celui 
qui  a  déjà  paru  sous  le  titre  de  Exempla  Codicum  latinorum,  et  qui  ren- 
ferme oO  spécimens,  dont  28  ont  été  dessinés  d'après  des  manuscrits  datés.  — 
[Academy). 

—  La  Société  des  arts  et  des  sciences  de  Batavia  va  célébrer,  le  24  avinl 
prochain,  le  centième  anniversaire  de  sa  foadation.  C'est  la  plus  ancienne 
des  sociétés  qui  ont  pour  objet  l'étude  des  littératures  et  des  antiquités 
orientales.  La  Société  asiatique  du  Bengale  ne  date  que  de  1784. 

—  La  grammaire  de  l'idiome  kiriri,  parlé  par  les  Indiens  chrétiens  (fe  la 
province  de  Bahia,  au  Brésil,  vient  d'être  publiée  en  portugais,  à  Rio-Janeiro, 
aux  frais  de  la  bibliothèque  nationale.  La  première  édition  datait  de  1698. 
—  iAcadcmy.) 

Un  travail  important  pour  l'arche  Jlogie  biblique  va  paraître  prochainement 
à  Londres,  sous  le  titre  d'Études  i«r  les  temps  d'Abraham,  par  H.  G.  Tomkims. 
L'auteur  a  mis  à  contribution  les  ouvrages  des  plus  savants  assyriologues 
et  égyptologues.  Son  livre  renfermerai  le  tableau  le  plus  exact  de  la  vie 
sociale  et  religieuse  des  populations  de  la  Babylonie  2,000  ans  avant  Jésus- 
Christ.  —  {Academy.) 

—  La  décision  prise  dernièrement  par  le  gouvernement  anglais  de  publier 
en  fac-similé  toutes  les  chartes  en  anglo-saxon,  du  British  Muséum,  xnrecexoiv 
son  exécution.  Le  premier  fascicule  comprend  la  reproduction  photogra- 
phique des  chartes  conservées  dans  la  bibliothèque  de  la  Cathédrale  de  Can- 
terbury,  accompagnée  de  leur  copie  et  de  leur  traduction.  —  (Academy.) 

— Le  Journal  officiel  nous  apprend  qu'une  riche  collection  d'autographes  de 
Gœthe,  de  Schiller  et  de  Herder  vient  d'être  découverte  à  Scheubengrobs- 
dorf,  par  M.  Preller,  dans  des  papiers  de  famille.  Les  manuscrits  de  Schiller 
comprennent  le  Rauherbad,  les  Gœtter  Griechenlands,  les  Rathsel;  ceux  de 
Gœthe  et  de  Herder  renferment  des  notes  très-intéressantes  qui  olfrent  quel- 
ques variantes  des  textes  primitifs.  Ou  remai-que  aussi  dans  cette  collection 
plusieurs  lettres  adressées  à  Schiller  par  des  amis  ou  connaissances. 

—  Le  North  China  Herald  apprend  qu'une  bibliothèque  d'ouvrages  en 
langue  chinoise,  comprenant  environ  G, 000  volumes,  vient  d'être  achetée, 
par  le  secrétaire  de  la  légation  britannique  à  Pékin,  pour  le  compte  du 
Dritish  Muséum.  Cette  collection,  qui  doit  èlre  expédiée  prochainement  à 
Londres,  a  été  préparée  sous  les  auspices  de  l'empereur  Kang-Hi,  et  im- 
primée  avec   des  caractères  mobiles  fabriqués  tout  exprès,  sous  la  direction 


—  282  — 

des  missionnaires  jésuites;  cet  immense  travail  a  été  terminé  en  1875.   La 
table  des  matières  contient  à  elle  seule  vingt  volumes. 

—  M.  Léon  Pages  vient  de  donner  une  seconde  édition  de  son  intéres- 
fanto  étude  sur  Valmy,  à  laquelle  il  a  joint  une  lettre  fort  curieuse  du  car- 
dinal Mathieu  sur  le  rôle  de  la  franc-maçonnerie  dans  les  faits  dont  il  nous 
donne  le  récit. 

—  Lo  Gay  Saber  annonce  l'apparitioa  d'un  volume  de  traditions  et  contes 
publié  par  M.  Artui  Masiera  y  (^olomar  sous  ce  titre  :  Perlas  Catalanas. 

—  Le  même  périodique  parle  de  la  publication  prochaine  d'une  biblio- 
thèque d'auteurs  mayorquins  anciens  et  modernes. 

— On  a  lu,  dans  une  séance  de  l'Athénée  de  Barcelone,  un  chant  inédit  de 
\'Atla7itide.  La  salle  était  comble  :  le  fait  est  digne  de  mention. 

—  La  Defensa  de  ta  Sociedad  dn  i"  janvier  annonce  la  publication  du 
tome  IX  du  Refranera  gênerai  espanol,  Ce  vaste  recueil  de  proverbes  n'*»«t 
tiré  qu'à  400  exemplaires.  Ce  sera  bien  vite  une  rareté. 

Publications  NOUVELLES. —  Le  Christianisme  et  les  temps  présents,  par  l'abbé 
F.  Bougaud  (t.  III,  in-8,  Poussielgue).  —  De  la  démocratie  dans  ses  rapports 
avec  l'économie  politique,  par  H.-C.  Mailfer  (in-8,  Guillaumin).  —  Études  sur 
le  rationalisme  contemporain,  par  le  R.  P.  H.  de  Valroger  (in-8,  Lecoffre). 
—  Traité  pratique  de  Véducation  maternelle,  par  M^""  Pichenot  (in-12,  Bray  et 
Retaux).  —  Précis  d'histologie,  par  H.  Frey  (in-12,  Savy).  —  Les  Fonctions  du 
cerveau,  par  D.  Ferrier  (in-8,  Gernier-Baillière).  — Les  Causes  des  phénomènes 
glaciaires  et  torrides,  justifications  par  J.  Peroche  (in-8,  Germer- Baillière). — 
Dictionnaire  annuel  des  progrès,  des  sciences  et  institutions  médicales,  par  P. 
Garnier,  13^  année  1877(in-18,  Germer-Baillière).  —  La  Grèce  et  la  Turquie, 
par  A.  Gillieron  (in-i2,  Sandoz). —  Exposition  de  1878  et  les  inventeurs,  par 
Ambroise  Rendu  (in-i2,  Sagnier).  —  Vocations  agricoles,  par  J.-B.  Busseuil 
(in-8,  Pion).  —  La  Philosophie  de  l'histoire  en  France,  par  R.  Flint  (in-8, 
Germer-Baillière).  —  Les  premiers  convertis  nu  christianisme,  par  l'abbé  A. 
Laurent  (in-8,  Lyon,  Vitte  et  Lutrin). —  Le  Conclave  et  le  Pape,  par  Mgr  X. 
Barbier  de  Montault  (in-12,  Oudin).  —  Les  Évêqties  et  Archevêques  de  Paris, 
parle  vicomte  G.  d'Avenel  (2  vol.  in-8,  Casterman).  —  Vie  de  saint  François 
d'Assise,  par  l'abbé  H.  Cazalis  (in-12,  Baltenweck).  —  Le  Cardinal  de  Retz 
et  l'affaire  du  chapeau,  par  R.  Chantelauze  (2  vol.  in-8,  Didier).  —  Louis  XIV, 
à  Strasbourg,  par  A.  Legrelle  (in-8,  Gand,  Snoeck-Ducaju}. —  U Esprit'  révo- 
lutionnaire avaiit  la  Révolution^  1715-1789,  par  Roquain  (in-8,  Pion).  — 
Mémoires  sur  V Émigration,  par  de  Lescure  (in-12,  Didot).  —  Fouquier-Tin- 
ville  et  le  Tribunal  révolutionnaire,  par  Demenget  (in-8,  Paul  Dupont).  — 
Les  Convulsions  de  Paris,  t.  I.  Les  Prisons  pendant  la  Commune,  par  Maxime 
du  Camp  (in-8,  Hachette). — L' Année  politique  1877,  par  André  Daniel  (in-18. 
Charpentier).— 7Voi7'e-Z)rt?7ie  de Marpingen  (in-12,  Casterman). —  Le  Miracle  du 
16  septembre  1877,  par  H.  Lasserre  (in-12,  Palmé).  —  Le  Denier  du  Sacré-Cœur, 
par  P.  Féval  (in-12.  Palmé).  —  Le  Chemin  de  Damas,  par  le  général  Ambert 
(in-12.  Palmé).  —  Jules  Darbelle,  par  J.  d'Arsac  (in-12,  Casterman).  — 
Où  se  cache  le  bonheur,  par  H.  Roux-Ferrand  (in-12,  Olmer).  — Vaisseaux 
brûlés,  par  Claire  de  Chandeneux  (in-12,  Th.  Olmer).  —  Notes  et  documents 
sur  l'instruction  primaire  en  Suisse,  par  Henri  Maguin  (in-8,  Delagrave).  — 
Saint  Hubert,  sa  légende,  son  histoire,  par  Joseph  Demarteau  (in-12,  Liège, 
imp.  Demarteau). —  Vie  de  M.  P.-Fr.  Néron, prêtre  de  la  Société  des  Mission 
étrangères,  par  M.  l'abbé  Chère  (in-12,  Lons-le-Saunier,  impr.  Gauthier). — 
La  Journée  d'une  dame  romaine  sous  les  Césars.  Curiosité  historique,  par  Fer- 


—  283  — 

nandNicolay  (in-12,  imp.  Le  Clere),  —  Le  Recrutement  territorial  sous  l'an- 
cien régime.  Étude  sur  la  milice  dans  la  Champayne  méridionale,  par  Albert 
Babeau  (in-8,  Paris,  Menu).  Visenot. 


CORRESPONDANCE 


L.Mnetruction    pi'imaîre    avant    1TS9. 

(Voir  X,  60,  123,  245;  XI,   182,  247  ;  —  XII,   195.) 

Devals.  Les  Écoles  publiques  à  Montauban  du  X'  au  XVI"  siècle.  Montauban, 
1873,  in-8.  —  Sérv^er  L'Instruction  primaire  dans  la  région  des  Pyrénées 
Occidentales,  spécialement  en  fiéarn  (1385-1789)  Pau,  1873,  in-8.  —  Babeau. 
U Instruction  primaire  dans  les  campagnes  avant  1789.  Troyes,187o,  in-8.  — 
CauviiX.  Recherches  sur  les  établissements  de  charité  et  d'instruction  du  diocèse 
du  Mans.  Le  Mans,  1825,  in-8.  —  Bellée.  Recherches  sur  l'instruction  pri- 
maire dans  la  Sarthe,  avant  et  pendant  la  Révolution.  Le  Mans,  1875,  in-12. 

—  QuANTiN.  Histoire  de  V instruction  primaire,  avant  1789  dans  les  pays  for- 
mant le  département  de  VYonnc,  Auxerre,  1874,  in-8.  —  Fayet.  Les  hautes 
œuvres  de  la  Révolulio?i  en    matière  d'enseignement.  LangreSj    s.     d.    in-8. 

—  Le  mêmp:.  Les  écoles  de  Bourgogne  sous  l'ancien  régime.  Langres,  1875,  in-8. 

—  Le  même.  Comment  les  cléricaux  fondent  des  écoles.,  comment  les  autres 
les  détruisent.  Châteauroux,  1874,  br.  in-8.  —  A.  de  Jussieu,  Histoire  de 
l'instruction  primaire  en  Savoie.  Cliambéry,  1875,  in-8. —  G.  Bourbon.  La 
Licence  d'enseigner  et  le  rôle  de  l'écolâtre  au  vioyen  âge.  Paris,  in-8  (Extr.  de 
la  Revue  des  questions  historiques,  aofit  1876).  —  Mangeonjean.  Les  Écoles  pri- 
maires avant  1789  dans  V arrondissement  de  Remiremont.  Épinal,  s.  d.  in-8.  — 
Ch.  Clair,  S.  J.  Que  devons-nous  à  l'Église  et  à  la  Révolulion  en  fait  d'éduca- 
tion publique ^  spécialement  dans  le  Maine  et  les  provinces  voisines.  Le  Mans, 
1876,  in-8.  —  R.  d'Estaixtot.  X7/î5in<ci/on  primaire  avant  1789,  conférence 
faite  au  cercle  catholique.  Rouen,  1876,  in-8.  —  E.  Allain,  L'Instruction 
primaire  avant  1789  d'après  les  travaux  récents  {Revue  des  questions  historiques, 
janvier  1875). — E.  Allain.  U Instruction  primaire  avant  la  Révolution. 
Paris,  1876,  in-32  (Bibliothèque  à  25  centimes). —  Rameau.  V Instruction  pri- 
maire à  Mâcon  avant  1789  (Revue  de  la  Société  de  l'Ain,  juillet,  août  1876). — 
D.  P.  PioLTN.  Les  petites  écoles  jansénistes  de  V  Anjou  [Revue  de  l'Anjou,  janvier- 
juin  1876).  —  M.  DE  LA  Borderie.  Documents  inédits  sur  les  écoles  de  Brest  et 
de  Recouvrance  [Revue  de  Bretagne  et  de  Vendée,  juin  1874).  —  L'Instruction 
primaire  en  Languedoc  [Chroniques  du  Languedoc,  septembre-novembre 
1876.  —  Les  Précepteurs  de  la  jeunesse  de  Beauvoisin  depuis  1627.  {Ibid. 
5  août  1874).  —  Ch.  Loriquet.  L'Instruction  primaire  à  Reims.  Note  pour  ser- 
vir à  l'histoire  du  progrès  de  l'instruction  primaire  en  France  [Travaux  de 
l'Académie  de  Reims,  LIIP  vol.  p.  247-264). —  État  de  l'instruction  primauté 
constaté  dans  la  commune  de  Châtillon,  de  1668  à  1868,  par  M.  Poullin,  ins- 
tituteur [Bulletin  de  la  Société  danoise,  t.  I,  p.  275  et  suiv.)  —  L'abbé  Pié- 
derrière.  Les  petites  écoles  en  Bretagne  avant  la  Révolution.  {Revue  de  Bretagne 
et  Vendée,  août-septembre  1877).  —  L'abbé  Dubord.  L' Instruction  publique  à 
Gimont.  [Revue  de  Gascogne,  mars-juillet,  septembre,  octobre  1877).  — L'abbé 
DucRuc.  L'instruction  primaire  à  Caranzon  avant  1790.  [Ibid.  novemb.  1876). 
— Maggiolo.  Pièces  d'archives  et  documents  inédits  pour  servir  à  l'histoire  de 


—  28-i.  — 

rinstriiction publique  en  Lorraine  (1789-1802).  Nancy,  s.  d.  in-8.  — Lio  mkme. 
L'Inslruclion  publique  dans  le  district  de  LunCvilU.  (1708-1802).  Nancy,  s.  d. 
in-8.  — Lk  mkme.  Les  Archives  scolaires  de  la  Beauce  et  du  Gatînais.  (1360-1808). 
Nancy,  s.  d.  in-8.  —  Lucien  Merlet.  De  rinstriiction  primaire  en  Eure-et- 
Loir  avant  1790.  [Mémoires  de  la  Société  archéologique  d'Eure-et-Loir,  VI).  — 
Archives  du  département  de  la  Manche.  Rapports  annuels  de  l'archiviste. 
Session  de  1853.  Saint-Lô,  18o4,  in-8,  p.  13  et  suiv. 

On  peut  encore  consulter  Malgras.  Le  B.  P.  Fourier  et  le  pasteur  Obcrlin, 
notice  sur  les  écoles  en  1020  et  les  salles  d'asile  en  1770(Mémoires  lus  h  la 
Sorbonne  en.  î8Gu}.  — Hélyot.  Histoire  des  ordres  monastiques.  — Uemons- 
trances  pour  l'établissement  des  escoles  chrestiennes  pour  l'instruction  du  pauvre 
peuple  (par  Démia).  Lyon,  1668,  in-4.  Ces  Remonstrances  ont  été  réimprimées 
à  la  suite  de  la  vie  de  M.  Démia  par  M.  Faillon.  —  Vie  de  M.  Démia  (par 
M.  Faillon).  Lyon,  1829.  in-12.  —  Vie  de  M.  Olier.  Paris,  1873.  3  vol.  in-8 
(surtout  t.  II  p.  [J3,  384-8o,  408-JO;  t.  III,  p.  130-152,  390).  —  Vie  de 
M.  Bourdoise,  Avignon,  1774.  —  La  Vie  de  Messire  Félix  Vialart  de  Herse, 
evesque  et  comte  de  Chatons  en  Champagne  et  p)CLir  de  France,  Cologne,  1738, 
in-12.  —  La  Vie  de  la  vénérable  mère  Jeanne  de  Lestonnac,  fondatrice  de  l'or- 
dre des  religieuses  de  Notre-Dame.  Toulouse,  1743,  in-18. —  L'abbé  Morey. 
Vie  de  la  vénérable  mère  Anne  de  Jainctonge,  fondatrice  de  la  Compagnie  de 
Sainte- Ursule,  en  Franche-Comté.  —  Siméox  Luge.  Histoire  de  Bertrand  du 
Guesclin  et  de  son  époque.  Paris,  1876,  in-8,  p.  15  et  suiv.  —  Revue  des  so- 
ciétés sava7rtes,  1876,  t.  I,  p.  122:  Note  sur  l'instructiou  publique  dans  une 
commune  du  département  de  Vaucluse  (Lagucs),  par  M.  l'abbé  André,  (rap- 
port de  M.  Jourdain)  ;  — p.  218  et  suiv.  Rapport  de  M.  Hippeau  sur  le  con- 
cours des  sociétés  savantes,  section  d'histoire  et  de  philologie.  —  Lecture 
de  M.  Maggiolo  sur  l'instruction  publique  dans  les  Hautes  Cévennes,  p.  274. 
—  Lecture  de  M.  Choron  sur  l'instruction  primaire  dans  le  Soissonnais,  p. 
293.  (Comptes  rendus  de  M.  Hippeau).  —  Cabinet  historique,  septembre-dé- 
cembre 1870  :  Rappoi't  de  Grégoire  sur  le  vandalisme.  Départements  du 
N.-E.  —  Revue  des  Langues  romanes.  Ayvïl  1874,  p.  424-433.  Réponse  de  la 
Société  des  amis  de  la  constitution  de  Carcassonne  à  une  circulaire  de 
Grégoire  sur  les  patois,  du  13  septembre  1790.  (Il  y  est  question  de  l'état 
de  l'instruction  primaire  avant  la  Révolution.  —  F.  Rocquain.  L'État  de  la 
France  au  18  jBru»mù'f;,  d'après  les  rapports  des  conseillers  d'État  chargés 
d'une  enquête  sur  la  situation  de  la  République.  Paris,  1874,  in-12.  On  y 
peut  voir  la  preuve  de  l'inlluence  désastreuse  de  la  Révolution  sur  l'instruc- 
tion primaire. 

On  peut  également  recourir  aux  almanachs  publiés  en  différentes  villes 
avant  la  Révolution.  On  y  trouve  souvent  des  listes  d'instituteurs  et  de 
nnitres  de  pension. 

La  plupart  des  histoires  locales  et  des  monographies  provinciales  pu- 
bliées dans  ces  dernières  années  renferment  des  documents  et  des  faits 
concernant  la  question  de  l'mstruction  primaire  avant  1789.  Nous  citerons 
par  exemple  : 

Histoire  de  la  Ferté-Bernard,  par  M.  D.  Charles.  Le  Mans,  1877  in-8.  — 
La  Ligue  à  Pontoise  et  dans  le  Vexin  français,  par  H.  Le  Charpentier. 
Pontoise,  s.  d.,  in-8. 

On  pourrait  grossir  indéfiniment  la  liste  des  livres  de  ce  genre. 

E.  Allaln. 


—  28o 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS 
ll.es  I*apîers    trouvés    aux 
Tuileries  en   18^8.  —  Peu  de 

iemps  après  la  révolution  de  février, 
M.  Taschereau  (qui  depuis  fat  direc- 
teur de  la  bibliothèipie  nationale) 
publia,  sous  le  titre  de  Reinte  rétros- 
pective, un  receuil  d'un  grand  inté- 
rêt historique,  contenant  de  nom- 
breuses lettres  du  roi  Louis-Pàilippe, 
deses  ministres  et  députés.  Pourrait- 
on  savoir  ce  que  sont  devenus  ces 
papiers  confidentiels  qui,  après  l'en- 
vahissement et  le  pillage  du  château, 
avaient  passé  dans  les  mains  de 
M.  Taschereau?  Sont-ils  entrés  aux 
archives  nationales,  où  ils  devraient 
se  trouver?  N'y  avait-il  pas  (ce  qui 
est  probable)  bien  d'autres  documents 
du  môme  genre,  qui  ne  sont  point 
venus  jusqu'à  M.  Taschereau  ou  qu'il 
n'aura  pas  jugé  à  propos  de  livrer  à 
l'impression?  F.  D. 

ÏJn  îïîljlîophile  du  siècle 
dernier  s  le  baron  de  Heifs. 
—  Pourrait-on  obtenir  quelques 
informations  au  sujet  de  cet  amateur 
instruit  et  délicat  ?  Son  nom  indique 
une  origine  allemande  ;  son  cabinet 
fut  livré  aux  enchères  au  mois  de 
mars  1785  ;  le  catalogue,  rédigé  par 
un  savant  libraire.  De  Bure  aine, 
comprend  10G5  numéros.  Mon  exem- 
plaire contient  quelques  annotations 
manuscrites,  et  il  est  dit  à  la  lin  que 
67  articles  non  enregistrés,  ont  pro- 
duit 1,030  livres.  Une  seconde  vente, 
formée  de  431  articles,  également 
dirigée  par  De  Bure, eut  lieu  le  G  juin 
1785.  Les  deux  catalogues  indiquent 
le  propriétaire  sous  le  nom  de  M***; 
le  premier  et  le  plus  important  est 
suivi  d'une  table  des  noms  des  au- 
teurs. 

Il  y  avait  dans  cette  vente  des  ma- 
nuscrits qui  furent  cédés  à  des  prix 
qui,  aujourd'hui,  paraissent  déri- 
soires :  une  Bible  latine,  sur  vélin, 
commencement  du  xiV^  siècle,  divisée 
en  4  volumes  [reliés  en  maroquin)  : 
initiales,  ornements  et  miniatures 
peintes  en  or  et  en  couleur,  80  livres; 
de  fort  beaux  manuscrits  de  Preces 
pie,  130  à  ISO  livres,  le  Roman  de 
Troye,  par  Benoit  de  Sainte-Maure, 
sur  vélin,  xiv*  siècle,  34  livres. 


Parmi  les  impi'imés  nous  nous  bor- 
nerons à  citer  les  Œuvres  de  Coquil- 
lart.  Lyon, François  Juste,  1535  in-KÎ, 
2  livres  ;  le  Chevalier  aux  dames. 
Metz.  1506,  in-.4,  11  livres;  les 
Chants  royaux  de  Crétin,  Paris,  Gal- 
liot  du  Pré,  1327,  iii-8,  2  livres;  le 
Chasteaa  de  Labou  (par  Gringore), 
Paris,  Simon  Vos  re,  loOO,  in-8,  maro- 
quin, 9  livres  ;  les  Divers  rapports 
contenant  plusieurs  rondeaux,  etc., 
Lyon,  Pierre  de  Sainte-Lucie,  1537, 
in-8,  11  livres  (par  Eu5to?y  de  Beau- 
lieu). 

Les  romans  de  chevalerie  étaient 
nombreux  et  furent  adjugés  à  vil 
prix;  un  exemple  sur  vélin  de  Biolin 
de  Mayence,  in-fol.,  25  miniatures, 
riche  reliure,  325  livres  (revendu 
1,350  francs  en  1823  et  c,cquis  par  la 
Bibliothèque  nationale). 

C'était  le  bon  temps  ;  on  pouvait 
alors,  avec  bien  peu  d'argent,  for- 
mer un  cabinet  d'élite.  La  biblio- 
thèque du  baron  d'Heif-î,  si  elle  était 
vendue  par  MM.  Labitte  ou  Techener, 
telle  qu'elle  existait  en  1785,  dépas- 
serait certainement  150,000  francs. 

T.  B. 

La    Canso    tïe    S.    GUlî.    — 

Dans  le  tome  11,  page  12  de  Y  Armo- 
riai des  Croisades.  [Galeries  de  Ver- 
saillcs,iex\e  in-8,VI,  p.  2),  sont  insérés 
en  note  environ  vingt  vers  de  la 
Canso  de  S.  Gili,  avec  cette  mention 
que  le  lextH  entier  va  être  publié 
('l844)  par  M.  du  Mège,  dans  les 
Additions  à  l'histoire  de  Languedoc  de 
Dom  Vaissète,  d'après  un  manuscrit 
provenant  des  Cordeliers  de  Tou- 
louse. 

En  réalité,  dans  ces  additions,  du 
Mège  n'a  fait  que  donner  la  traduc- 
tion française  de  deux  courts  pas- 
sages de  la  Canso.  Il  serait  très- 
intéressant  de  connaître  le  sort 
ultérieur  du  manuscrit,  qui  n'est 
pas  à  la  Bibliothèque  de  Toulouse  et 
paraît  égaré.  R- 

Un  sol  marqué.  —  Dans  un 
ouvrage  du  siècle  dernier,  que  je 
suis  sur  le  point  de  rééditer  avec 
notes  et  éclaircissements,  je  trouve 
ceci  sur  un  saint   personnage  :   «  Il 


—  286  — 


avait  l'habitude  de  donnoi"  «m  sol 
marqué  à  tous  ceux  qui  lui  deuiaa- 
daieat  l'aumône?  —  Est-ce  que  le 
sol  marqué  était  ililféreuf  du  sol  non 
marqué,  pour  la  valeur?  J'ai  ren- 
contré d'autres  exemples  de  cette 
expression;  il  me  souvient  d'avoir  lu 
sur  lies  livres  d'écolier. 

Si  hune  librum  par  aventure 

Reperias  en  ton  chemin, 

Redde  mihi  la  c 'uvertura 

Quœ  facta  est  de  parcheniia 

Tibi  dabo  un  sou  marqué 

Ad  bibendum  à  ma  sauté. 

Pourait-ou  me  doujinr  à  ce  suji't 
quelques  explications?  je  n'en  ai 
trouvé  dans  aucun  dictionnaire.    X. 

tiCS  Martyrs  <le  la  Révo- 
lution. —  Y  H-t-il  des  uuvrac^es 
nouveaux  sur  les  martyrs  de  la  Révo- 
lution, et,  parmi  les  anciens,  quels 
sont  les  meille.urs.  Je  connais  les 
ouvrages  de  M.  l'abtié  Guillou,  de 
M.  l'abbé  Barruel,  de  dom  Piolin,  de 
M.  l'abbé  Durcet  sur  les  mirtyrs 
de  Séez,  le  Martyrologe  français. 
Quels  sont  les  ouvrages  ^t  documents, 
en  dehors  de  ceux-ci,  que  je  pourrais 
consulter  utilement, surtout  en  ce  qui 
concerne  l'Eglise  de  Chartres?         S. 

L'Histoire  «le  la  ville  de 
Calais  pendant  la  domina- 
tion britannique  ?  —  Existe-il 
quelque  ouvrap;e  spécial  sur  ct^  sujet? 
Un  journal  de  Londres  signalait 
récemment  cette  histoire, comme  jiou- 
vant  olfrir  un  intérêt  très-rée',  et  il 
ajoutait  que  les  anciens  livres  anglais 
de  jurisprudence  {law  books)  renfer- 
maient bien  de&  particularités  à  cet 
égard.  J.  P. 

I^a  Garde  Ecossaise  des 
rois  de  France.  —  Un  de  mes 
amis,  en  Angleterre,  me  demande  s'il 
existe  une  histoire  spéciale  et  détail- 
lée de  ce  corps  qui  joua,  au  quin- 
zième et  au  seizième  siècle,  un  rôle 
distingué;  les  documents  relatifs  à 
ce  corps  d'élite  se  conserv.nt-ils 
encore  dans  quelques  dépôts  d'ar- 
chives ?  A  Tours  ou  à  Blois,  séjour 
assez  habituel  de  Louis  XI  et  de 
ses  su'cesseurs  ,  n'y  avait-il  pas 
des  rôles,  des  quittances  et  des 
pièces  officielles  offrant  les  bases  d'un 
travail  sérieux?  C.  V. 

T'raductiou  de  la  Oible.  — 

Quelle  est  la  meilleure  traduction  de 


la  bible  dans  la  langue  française  ? 
Quel  est  celui  qui  en  a  donné  le 
meilleur  commentaire? 

Un  Bordel^s. 

Isabeau  et  Xallien .  — '■  Existe- 
t-il  un  ouvrage  ou  mémoire,  ou  un 
travail  quelconque  cjucernant  le  sé- 
jour des  représentants  du  Peuple 
Isabeau  et  Tallien  à  la  Réole  en  1 793? 
Un  Bordelais. 

I^esXoursde  ^otre-Oantie. 

—  Quel  est  le  premier  qui  ait  pro- 
féré ces  p^role3  souvent  citées  :  «  Si 
j'étais  accusé  d'avoir  volé  les  tours  de 
Notre-Dame,  je  m'empresserais  de 
prendre  la  fuite  ?»  N'ont-elles  pas  été 
attribuées  à  Montesquieu  ?      L.  M. 

Le  «Tournai  de  Dubuisson- 
Aubenay.  —  Ce  Journal  iaédit  est 
signalé  par  M.  Jules  Cousin  (aujour- 
d'hui conservateur  du  musée  de  la 
ville  de  Paris),  comme  se  trouvant 
parmi  les  manuscrits  appartenant  à 
la  bibliothèque  Mazarine  (Voir  l'Hô- 
tel de  Beauvais,  rue  Saint- Antoine, 
Paris,  18(14,  gr.  in-8,  p.  8).  Il  se  rap- 
porte à  l'histoire  de  la  régence  d'Anne 
d'Autriche.  Où  ti'ouver  quelques 
renseignements  sur  ce  Dubuisson- 
Aubenay  ?  Son  manuscrit  raériterait- 
il   d'être  publié  du  moins  en  partie? 

A  ce  propos,  observons  que  l'im- 
pression du  catalogue  des  manus- 
crits conservés  d^ns  les  grandes 
bibliothèques  de  Paris  serait  un 
grand  service  rendu  aux  travailleurs; 
il  e.xiste  déjà  une  excellente  publi- 
cition  de  M.  Léopold  Delisle,  relative 
à  la  bibliothèque  nationale;  nous 
avons  lieu  de  croire  que  M.  Paul  La- 
croix, l'infatigable  conservateur  de 
la  bibliothèque  de  l'Ars^^nal  a  rédigé 
un  catalogue  trés-détaillé  (mal-heu- 
reusement encore  inédit)  de  ce  que 
possèie  ce  précieux  dépôt,  mais  la  bi- 
bliothèque Mazarine,  celle  de  l'Institut 
celle  de  Sainte-Genevièv^^,  d'autres 
encore,  attendent  encore  qu'on  s'oc- 
cupe d'elles,  Lyon,  J.  V. 

L'iiîstoîre  n'apprend  rien. 

Quel  est  le  «  spiritu-1  écrivain  alle- 
mand, »  cité  par  le  Journal  des  Débats 
(la  février  1878),  qui  a  dit  :  Die 
Geschichte  lehrt,  dass  Man  aus  der 
Geschichte  nicht  lernt  (l'histoire  en- 
s-^igne  que  par  l'histoie  on  n'ap- 
[ueud  rien)  ?  B. 


—  2H7   — 


Vie  des  Caraîniiux.  —  Quels 
sont  les  meilleurs  ouvrages,  anciens 
ou  mudernes,  qui  donnent  la  vie  de 
tous  les  cardinaux.  X. 

"Vie  des  fondateurs  d'or- 
dres. —  On  désire  également  con- 
nailre  les  meilleures  publicalions 
donnant  la  vie  des  fondateurs  et  fon- 
datrices d'ordres  religieux.        X. 

liles  Mémoires  du  baron  de 
Oordes.  —  Bertrand  Raimbaud  de 
Simiane,  baron  de  Gordes,  chevalier 
des  ordres  du  roi,  lieutenant  géné- 
ral au  gouvernement  du  Dauiihiné, 
un  des  plus  vaillarits  capitaines  du 
seizième  siècle,  avait  laissé  des  mé- 
moires dont  Nicolas  Chorier  s'est 
servi  dans  son  Histoire  du  Dauphiné 
(1661-1672,  2  vol.  in-foi.).  Pourrait- 
on  me  dire  si  le  précieux  manuscrit 
existe  encore?  T.  de  L. 

RÉPONSES. 

Où  et  quand  mourut  An- 
gelo  Catho?  (XX,  190.)  —  Angelo 
Catho,  qui  partit  pour  lltalie  vers  la 
tin  de  1  an  1494,  mourut  à  Bènévent 
au  commencement  de  1497,  et  fut 
enterré  dans  Téglise  des  Frères  mi- 
neurs observantins  de  la  même  ville. 
Dans  son  testament,  daté  du  2)  jan- 
vier de  l'année  précédente,  il  est  fait 
meatioa  de  Barthélémy  Catho,  son 
frère,  de  Lactance  Catho,  de  Briseïs 
Catho  et  de  ses  lils.  U  y  est  encore 
parlé  de  ses  pierres  précieuses,  dont 
le  prix  sera  employé  k  la  construc- 
lion  de  son  tombeau.  L'archevêijue 
de  Vienne  n'oublie  pas  son  église  ; 
il  lègue  à  sa  fabiique  mille  llorins 
de  petite  monnaie.  Ce  prélat,  qui 
avait  été  marié,  avait  eu  deux  lils 
Lucrèce  et  Laurent.  (V.  Choiieri 
Nobiliaire  de  la  province  de  Dauphiné, 
Grenoble,  1697,  in- 12,  t.  I,  p.  326- 
327.)  Ed.  Séneuaud. 

I»ortraît  de  Charles  de 
Blois  (XXII,  191).  —  il  existe  trois 
portrhils  de  Chai  les  de  Blois  : 

1°  Un  portrait  en  pied,  in-8,  dans 
Vllistoire  de  la  maison  de  Chastillon, 
par  André  Duchesne,  Paris,  Sébas- 
tien Crami  isy,  io21,  ia-fol.  p.  203. 
«  Cette  figure  (dit  l'auteur),  a  été 
tirée  sur  deux  anciens  portraits  qui 
se  voyent  en  l'evesché  d'Angers,  l'un 
à  main  drtite  de  l'autel  de  la  cha- 
pelle Saint-Antboine ,  fonrté3  en 
légliie  de  Saiiit-Jeau-Baptiste  d'Aa- 


gers  ;  l'autre  en  une  chapelle  de  la 
paroisse  de  Bourgen  Anjou,  nommée 
la  (hapeile  de  Janzé.  » 

2°  Un  portrait  en  pi-d,  iri-8,  J.  Pi- 
cari,  inddit,  re()roduction  du  précé- 
dent, au  trontis[^iice  du  même  livre. 
3°  Un  portrait  en  pied,  in-8,  dans 
Montfaucon.  Ed.  Sénemaud. 

—  Le  portrait  de  Charles  de  Châtil- 
lon,dit  de  Blois, duc  de  Bretagne,tué  à 
Auray  le  29  septembre  i  364,  se  trouve 
dans  le  tome  II  (page  289,  planche  32) 
des  Monuments  dé  la  Monarchie  fran- 
çaise par  le  P.  de  Montfaucon,  savant 
et  curieux  ouvrage  qu'aucune  autre 
publication  du  même  genre  n'a  rem- 
placé jusqu'ici.  Le  P.  Le  Long  cite 
ce  portrait  dans  le  tome  IV  de  sa 
Bihliolhèque  historique  de  la  France 
parmi  les  portraits  français.  En  gé- 
néral, lorsqu'on  désire  un  portrait 
français,  gravé  ou  lithographie,  il 
faut  se  rendre  aux  estampes  de  la 
bibliothèque  nationale  à  Paris, et  de- 
mander communication  du  nom  dé- 
siré classé  dans  l'immense  collection 
de  portraits,  unique  en  Europe.  Il  se- 
rait beaucoup  à  souhaiter  qu'une 
liste  de  ces  portraits  fût  publiée.  Elle 
rendrait  uu  service  considérable  aux 
chercheurs,  aux  érudits,  aux  ama- 
teurs, aux  collectionneurs.  La  liste 
de  portraits  français  du  P.  Le  Long 
s'arrête,  en  etl'et,  à  l'année  1775. 
Elle  a  été  continuée,  il  est  vrai,  mais 
non  publiée,  par  un  savant  modeste 
qui  a  passé  plus  de  soixante  années 
de  sa  vie  à  rédiger  cette  précieuse 
liste  ;  nous  voulons  parler  de  M.  So- 
liman Lieutaud,  habitant  Paris,  au- 
jourd'hui plus  qu'octogénaire,  et 
l'homme  de  France  et  de  Navarre 
qui  connaît  le  mieux  la  suite  des 
portraits  français  gravés  ou  lithogra- 
phies. M.  de  Bure,  décédé  en  1853. 
avait  commencé  à  l'âge  de  15  ans, 
une  collection  de  plus  de  65.000  por- 
traits qui  a  été  acquise  par  la  Bi- 
bliothèque nationale  après  sa  mort. 
Ambroise  Tardieu 
de  Clerraont-Ferrand, 

Proverbes  (XzX,  464,  557).—  In- 
dications à  joindre  à  la  Bibliographie 
jiarémiologique  de  G.  Duplessis,  1847. 
L'ouvrage  de  M.  Quitard  [Proverbes 
sur  les  femmes,  l'amour  et  le  mariage) 
vient  d'obtenir,  en  1877,  une  édition 
nouvelle,  revue  et  augmentée.  La 
très-rare    collection    espagnole     des 


—  9S«  — 


Comedias  nuevas  escogidas  de  los  mc- 
jores  Ingcnios  de  Espana  (on  n'en  con- 
naît aucun  exemplaire  complet),  Ma- 
drid, i6o2-l704,48  vol.  in-4,renfeime 
diverses  pièces  ayant  pour  titre  un 
proverbe;  nous  citerons  (tome  I)  : 
No  siempre  lo  peor  es  cierto,  de  Cal- 
deron;  El  trato  muda  costumbre, à' An- 
tonio Mendoza;  (tome  IV)  :  No  ay 
mal  que  por  bien  no  venga,  de  Ruiz  de 
Alarcon  ;  (t.  VI)  :  Cado  cual  à,  su  nego- 
cio,  de  G.  de  Cuellar;  (tome  Vil)  :  A  su 
tiempoel  dcsengano,  de  Juan  do  Matos; 
(tome  XI)  :  Contra  su  suerlc  ninguno, 
de  C.  Malo  de  JVIolina;  (tome  XlII)  : 
A  ignul  agravio  no  ay  duclo^  d'A.  de 
Cuença;  (tonieXVI)  :  Cada  unoconsu 
igual,  de  Blas  de  iVlesa;  (tome  XVII): 
Nû  ay  Cosd  como  callar,  de  Calderon  ; 
(tome  XIX)  :  Zelos  aun  del  oyre  matan; 
(tome  XXVI)  :  Todo  cabe  en  lo  posihle 
de  F.  deAlila;  (tome  XXXI)  :  Tocos 
bastan  si  son  buenos,  par  J.  de  Matos 
Fragoso:  (tome  XXXVII)  :  Un  Bobo 
hace  cientOf  par  A.  de  Solis;  (tome 
XXXVIII)  :  Del  mal  lo  menos;  (tome 
XLIV)  :  Quicn  habla  mas  obra  menos 
de  F.  de  Zarate;  (tome  XLV)  :  Uasla 
la  muerte  no  ay  Dicha. 

Un  Proverbe.  Besançon,  J.  Jacquin, 
1849,  in-8,  4  p.  Opuscule,  signé 
C.  (Chiftlet.)  —  Vne  bataille  dans  un 
salon,  proverbe  en  un  acte,  en  prose, 
par  II.  (Alfred  Haye,  officier  tué  en 
i87f,  au  siège  de  Paris).  Aix,  iinp. 
Marius  Ibly,  1869,  in-16,   16  pages. 

Rcfranes  de  Luigi  Lopcz  Men- 
doça  (G.  Diiplessis,  n°  472,  p.  286). 
—  Salva  décrit,  dans  le  Catalogo  de 
sa  bibliotcca  (Valencia,  1873,  2  vol.), 
une  édition  sans  lieu  ni  date,  in-4 
de  12  feuillets,  qu'il  fait  remonter  au 
quinzième  siècle;  il  signale,  avec  de 
longs  détails,  celle  de  Valladolid, 
en  casa  de  Fraiicisco  Eeniandez,  de  Gor- 
dova,  fo41,  in-4,  goth.  ;  la  première 
où  se  rencontre  la  Glosa.  Sanchez  en 
indique  une  autre,  Toledo,  Juan  de 
Ayala,  loo7,  in-4;  Mayan  a  réim- 
primé cet  ouvrage  dans  les  Origines 
de  la  langue  espagnole,  tome  H,  mais 
sans  le  Glosa  ;  il  a  suivi  l'éditiun  de 
Séville,  1508.  —  Dictons  et  proverbes 
espagnols,  par  le  baron  de  N'irvo, 
Palis,  Lévy  frères,  1874,  in-12.  — 
Une  soirée  à  Fontainebleau,  divertisse- 
ment (à   l'occasion    de   la  nai-sance 


du  roi  de  Rome),  proverbe  et  épi- 
logue (par  J.  J.  Valade).  Paris,  1812, 
in-8  de  40  pages.  Le  discours  d'Her- 
luison  sur  le  proverbe  :  Quatre-vingt- 
dix-neuf  moutons  et  un  Champenois 
font  cent  hètes,  publié  à  Paris  en 
1810  (in-8,  32  p.,  cité  dans  la  Biblio- 
graphie parcmiologique,  de  G.  Du- 
plesi-is,  p.  197,  no  338),  a  été  réim- 
Ijrimé  à  Orléans  en  1868,  à  petit 
nombre;  il  en  a  été  tiré  un  exem- 
plaire sur  peau-vélia.  — Proverbes  et 
bons  mots  mis  en  action  (G.  Duplessis, 
n°  344,  p.  19!))  ;  il  devait  y  avoir 
120  plancbes,  mais  la  publication  n"a 
pas  dépassé  la  60°  ;  le  texte  mis  en 
regard  de  chacune  d'elles,  n'est  que 
d'une  douzaine  de  lignes.  M.  de  La 
Mésangère,dans  les  Observations  préli- 
minaires, en  tète  de  la  3*  édi  ion  de 
son  Bictionnaire  des  Proverbes,  p.  23, 
entre  dans  quelques  considérations 
au  sujet  d'une  des  premières  planches 
représentant  un  commissionnaire  dé- 
jeunant à  la  porte  d'un  marchand  de 
vin  et  un  ramoneur  affamé  :  Celui 
qui  s'attend  à  t'éruelle  d'autrui,  a 
souvent  mal  dîné.  —  Proverbes  chinois. 
M.  Lester  a  publié  à  cet  égard  un 
intéressant  article  dans  le  China 
Review  ;  en  1873,  M.  Scarborough  a 
donné  un  ample  recueil  de  ces  pro- 
verbes, plus  de  cent  se  retrouvent 
exactement  dans  la  langue  anglaise, 
et  il  en  est  un  certain  nombre  qui 
ont  cours  en  France  :  Les  murailles 
ont  des  oreilles;  la  vérité  est  dans  le 
vin.  (Voir  d'autres  exemples  dans  la 
Revue  politique  et  littéraire,  n°  2o, 
21  décembre  1877,  p.  586).  —  Poly- 
glot  of  foreign  proverbs,  by  Henry  G. 
Bohn,  Londun,  H.  G.  Bohn,  18o7, 
petit  iu-8,  579  |:iages.  Recueil  bien 
fait,  comprenant  des  proverbes  fran- 
çais, itatiens,  allemands,  hollandais, 
espagnol?,  portugais  et  danois,  ran- 
gés, pour  chaque  nation,  par  ordre 
alphabétique,  accompagnés  d'une  t''a- 
duclion  en  anglais  et  d'une  table 
générale.  —  Choice  7iotes  from 
«  Notes  and  Queries.  »  Folk  Lore. 
London,  Bell  and  Daldy,  1859,  petit 
iu-8,  304  p.  Les  pages  275-297  sont 
consacrées  aux  Weaîher  Proverbs, 
c'est-à-dire  aux  proverbes  relatifs  à 
la  météorologie.  B. 

Le  Géi'ant  :  L.  Sandret. 


Saint-Quentia.  —  Imp,  J.  Moureau. 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 

ROMANS,  CONTES  &  NOUVELLES 

Un  plaidoyer  en  faveur  du  vrai  roman  catholique.  Le  maréchal  de  Montmayeur,  pai* 
Charles  Buft.  Paris,  Th.  Olmer,  1878,  in-18  j.  de  d22  p.  Prix  :  3  fr.  —  La  Circas- 
■uenne,  par  LoDiS  Enault.  Paris,  Gh.  Blériot,  1878,  2  vol.  in-18  j.  de  330  et  332  p 
Prix  :  6  fr.  —  La  Fée  du  logis,  par  M""  la  comtesse  Drohojowska.  Paris,  Palmé,  1878 
in-8  j.  de  280  p.  Prix  :  2  fr.  —  En  Poitou,  par  M°"  Maryan.  Paris,  Bray  et  Retaux 
1878,  in-18  j.  de  250  p.  Prix  :  2  fr.  —  Les  deux  clochers,  par  J.  Ghantrel.  Paris 
Palmé,  1878,  in-18  j.  de  420  p.  Prix  :  3  fr.  —  Pierre  Blot,  par  Paul  Féval.  Paris 
Palmé,  in-18  j.  de  288  p.  Prix  :  3  fr.  —  Douze  femmes,  par  le  même.  Paris,  E.  Dentu 
1878,  in-18  j.  de  444  p.  Prix  :  3  fr.  —  Le  Talismari  de  Marguerite,  par  Alfred  Skguin, 
Paris,  Didier,  1878,  in-12  de  380  p.  Prix  :  3  fr.  —  La  Rose  d'Antibes.  par  Edouard 
Didier.  Paris,  Calmann-Lévy,  1878,  in-18  j.  de  330  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Le  Secret 
des  rairèffe,parGuARLESD'HÉfiiGAULT.  Paris,  Didier,  1878,  in-12  de38G  p.  Prix  :  3  f.  50. 

—  Dolorita,  par  le  baron  de  Wogan.  Paris,  Didier,  1878,  in-12  de  370  p.  Prix  :  3  fr. 

—  La  Comtesse  Damalanty,  par  le  prince  Joseph  Lubomirski.  Paris,  Didier,  1878,  in-i2 
de  394  p.  Prix  :  3  fr.  —  La  Maison  Vidalin,  par  Alpho.nse  de  Launay.  Paris,  Ghar- 
pentier,  1878,  ia-12  de  394  p.  Prix  ;  3  fr.  50.  —  La  Servante  du  diable,  par  Emmanuel 
GoNZALÈs.  Paris,  Dentu,  1878,  in-18  j.  de  384  p.  Prix  :  3  fr.  —  Le  plus  hardi  des 
gueux,   par    Alfred  Assolant.  Paris,  Dentu,  1878,  in-18  j.    de  363  p.  Prix  :  3  fr. 

—  George  SaND  :  Œuvre.i  posthumes.  La  coupe.  Les  contes  d'une  Grand'mère  (1"  et 
2*  séries).  Paris,  Calmann-Lévy^  1878,  3  vol.  in-18  j.  de  290,  370  et  378  p.  Prix  : 
10  fr.  50.  —  Nouvelles  russes,  par  Henry  Gréville.  Paris,  E.  Pion,  1878,  in-18  j.  de 
316  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Trois  nouvelles,  par  Emile  Bosquet.  Paris,  Didier,  1878, 
in-12  de  348  p.  Prix  :  3  fr.  —  Contes  en  l'air,  par  GeorgeS  de  Peyrebru.ne.  Paris, 
Dentu,  1878,  ia-18  de  370  p.  Pri.\  :  3  fr. 

Qu'est-ce  qu'un  bon  roman,  au  triple  point  de  vue  du  mérite  litté- 
raire, du  procédé  de  composition,  de  la  Valeur  morale?  Telle  est  la 
question  que  se  pose  M.  Charles  Buet  dans  la  remarquable  préface 
qui  sert  d'introduction  à  son  Maréchal  de  Monlmaycur.  M.  Charles 
Buet  constate  que  les  romans  catholiques  les  plus  vantés  ont  peu  de 
lecteurs  dans  le  public  instruit,  distingué,  délicat  qui  fait  de  la  lec- 
ture sa  distraction  favorite.  A  quoi  cela  tient-il?  A  ce  que  l'on  se 
crée  du  roman  une  idée  que  les  romans  religieux  ne  réalisent  pas.  Le 
public  dont  parle  M.  Charles  Buet  veut  que  le  roman  soit  l'étude 
approfondie  du  cœur  humain,  le  tableau  saisissant  de  l'âme  se  débat- 
tant sous  l'étreinte  de  la  passion.  Or,  dans  quels  romans  catholiques 
ce  programme  est-il  suivi  de  près?  Apparent  rari  liantes.  M.  Buet  cite 
comme  remplissant  les  conditions  voulues  :  VEonmte  femme,  de  Louis 
Veuillot;  Y  Enthousiasme,  de  Marie  Gjertz,  et  le  Récit  d'une  sœur,  de 
M"*  Augustus  Craven.  La  nomenclature  est  trop  resserrée.  On  pourrait 
l'élargir  et  j  faire  entrer  sans  conteste  tous  les  nouveaux  romans  de 
Paul  Féval,  le  vrai  romancier  catholique;  deux  romans  de  Barbey 
d'Aurevilly,  ï Ensorcelée  et  le  Prêtre  marié  (pour  les  lecteurs  seulement 
.VvRiL  1878.  T.  XXII,  19 


—  290  — 

de  raison  et  d'expérience);  les  Fiancés,  de  Manzoni,  sans  parler  d'une 
fonle  d'autres  et  des  romans  de  M.  Charles  Buet  lui-même.  Mais  il 
n'en  est  pas  moins  Trai  que  la  généralité  des  romans  dits  religieux 
oflôre  à  l'imagination  désarçonnée  trop  d'Mstoires  maussades  et  pué- 
riles, trop  de  sermons  filandreux  et  douceâtres,  trop  de  personnages 
aux  figures  effacées,  trop  de  dissertations  dévotieuses.  Évidemment, 
de  telles  œuvres  ne  peuvent  réussir  près  des  lecteurs  sérieux,  parce 
qu  elles  ne  sont  pas  vraies.  Or,  il  en  est  de  ceci  comme  d'une 
certaine  imagerie  dont  il.  Léon  Gautier  s'est  impitoyablement 
moqué  dans  ses  Lettres  à  un  catholique.  C'est  blasphémer  les  saints 
que  d'en  faire  des  imbéciles,  o  Ecartons,  dit  très-bien  M.  Charles 
«  Buet,  ces  compositions  mièvres  et  sans  saveur  qui  font  de  la  religion, 
o  la  plus  grande  chose  qui  soit,  une  chose  pauvre,  languissante,  fémi- 
«  nisée,  hérissée  de  pratiques  minutieuses  masquant  les  principes,  les 
«  larges  vues,  les  profonds  horizons,  et  transformant  enfin  une  mer 
a  immense  et  sans  bornes  en  une  flaque  d'eau  parfumée.  »  On  ne  sau- 
rait mieux  dire.  Il  s'agit  maintenant  de  conclure. 

Quelles  sont  donc  les  vraies  conditions  du  roman  catholique  ? 
D'abord,  si  c'est  un  roman  d'observation  et  de  mœurs,  l'auteur  ne 
doit  pas  redouter  l'analjse  fouillée  et  profonde  des  émotions  d'un 
cœur  que  le  devoir  et  la  passion  se  disputent.  Il  ne  doit  pas  craindre 
de  sonder  cet  abime.  Il  ne  doit  pas  hésiter  à  prodtiire  des  types  réels 
et  vivants  —  pourvu  que  les  descriptions  et  les  analyses  soient  retra- 
cées avec  une  plume  absolument  chaste,  ce  qui  n'exclut  ni  la  vigueur 
ni  la  sincérité.  Dans  le  roman  historique,  les  situations  dramatiques, 
les  péripéties  empoignantes  ne  doivent  jamais  être  négligées.  Il  suffit 
de  respecter  absolument  la  vérité,  de  ne  pas  dénaturer  l'histoire,  de 
flétrir  le  vice,  de  glorifier  la  vertu  et  de  préparer  le  triomphe  du 
bien  sur  le  mal.  Tout  écrivain  d'ailleurs,  catholique  par  son  éduca- 
tion et  par  ses  croyances,  possède  un  critérium  à  l'aide  duquel  il  peut 
juger  les  hommes  et  leurs  actes.  S'il  s'en  écarte,  son  œuvre  dévie  par 
cela  même,  et,  en  ce  cas,  contrairement  à  l'intention  du  romancier, 
elle  peut  blesser  des  susceptibilités  respectables,  éveiller  des  curiosi- 
tés inopportunes  et  émettre  des  doctrines  blâmables.  On  juge,  du  coup, 
de  la  hardiesse  que  Ton  peut  avoir  et  des  limites  raisonnables  qu'il  ne 
faut  point  dépasser.  Les  romans  religieux  que  nous  avons  aujourd'hui 
à  analyser  remplissent-Us  bien  exactement  toutes  ces  conditions?  Oui, 
mais  avec  plus  ou  moins  de  talent. 

—  Yoici  d'abord  le  Maréchal  de  Montmayeur.  C'est  la  suite  et  le 
complément  de  Philîppe-3Ionsieur,  dont  nous  avons  rendu  compte. 
Dans  cette  œuvre  nouvelle,  la  Savoie,  ses  anciens  ducs,  sa  féo- 
dalité jouent  le  principal  rôle.  Noua  retrouvons  l'ambitieuse  et  cri- 
minelle Gilberte  de  ISIiolans,  le  vieux  patriote  Fesigoy  qui  meurt 


—  291  — 

assassiné,  Philippe  de  Bresse  et  Louis  XI  en  latte  perpétuelle,  Dona- 
tien de  Rochechouari,  un  sbire  gentilhomme  —  et,  dominant  le  tout, 
la  tragique  figure  de  Jacques  de  Montmaveur,  dont  la  devise  :  Ungui- 
bus  et  rostro,  dit  si  bien  les  passions  cruelles,  le  caractère  félon  et 
l'orgueil  implacable.  Au  dénoùment,  les  criminels  ex  pient  leurs  for- 
faits, et  la  Savoie,  délivrée,  en  même  temps,  de  l'influence  cypriote 
et  des  appétits  du  roi  de  France,  vit  heureuse  et  fière  sous  le  sceptre 
respecté  de  Charles-le-Guerrier.  M.  Buet  aime  la  Savoie,  son  pavs 
d'origine.  Il  en  décrit  avec  un  amour  qui  n'est  point  exempt  de  par- 
tialité le  passé  glorieux.  Pourquoi  lui  en  ferions-nous  un  crime  ?  Les 
jugements  qu'il  porte  sur  les  ennemis  de  la  Savoie  ne  sont  pas  ceux 
de  tout  le  monde.  Cela  prouve  tout  simplement  que,  dans  les  questions 
libres,  les  meilleurs  esprits  peuvent  différer  d'opinion.  Là  n'est  pas 
pour  nous  le  défaut  de  Philippe-Monsieur  et  du  Maréchal  de  Mont- 
mayeur.  Le  défaut  de  ces  deux  récits,  fort  mouvementés  du  reste, 
c'est  qu'ils  accordent  trop  à  l'histoire,  pas  assez  au  roman.  L^imagi- 
nation  n'j  trouve  pas  suffisamment  son  compte. 

—  La  Circassienne,  de  M.  Louis  Enault,  pourrait  être  intitulée  : 
Une  double  conversion.  En  deux  mots,  le  sujet  est  celui-ci  :  Pendant 
la  guerre  que  firent  les  Russes  à  Schamjl,  l'Abd-el-Kader  du  Caucase, 
un  officier  moscovite,  le  prince  Imérieff,  fut  recueilli,  blessé  et  mou* 
rant,  par  un  chef  de  l'armée  circassienne.  Imérieff  mort,  la  princesse 
SteUa,  sa  veuve,  s'établit,  nouvelle  Arthémise,  dans  le  Caucase,  et 
c'est  le  chef  circassien  Yacoub  qui  lui  donne  l'hospitalité.  Yacoub  a  une 
fille,  Rahel,  à  qui  la  princesse  s'attache  comme  à  son  propre  enfant. 
Stella  initie  Rahel  aux  beautés  du  christianisme  et  la  baptise  secrète- 
ment. Rahel  est  vendue  par  son  père.  On  la  destine  au  harem  du  sultan. 
Que  fait  Stella?  Elle  quitte  la  maison  de  Yacoub,  et  s'attache  aux  pas  de 
Rahel^  bien  résolue,  quoiqu'il  arrive,  à  veiller  sur  elle.  Ici  commence 
une  série  d'aventures  très-émouvantes,  mais  dont  Rahel  se  tire  avec 
honneur,  intacte  et  pure.  Rachetée  enfin  à  un  arabe  par  sa  protec- 
trice, la  fille  d'Yacoub  se  fait  religieuse  dans  un  couvent  de  Palestine 
et  la  princesse  Stella,  n'ayant  rien  qui  la  rattache  au  monde,  imite 
l'exemple  de  la  Circassienne.  M.  Louis  Enault  a  profité  des  pérégri- 
nations de  Rahel  pour  nous  décrire  les  mœurs  orientales.  Les  pay- 
sages et  les  descriptions  dont  la  Circassienne  est  remplie  ajoutent  au 
récit  ime  couleur  pittoresque  fort  attrayante.  La  dédicace  que  l'auteur 
ïidresse  àsamère  dévoile  très-bien  l'esprit  de  l'ouvrage  :  «Depuis  vingt 
a  ans,  ma  chère  mère,  écrit  Louis  Enault.  j'ai  publié  beaucoup  de 
«  livres,  et  je  n'en  ai  point  composé  un  seul  sans  me  dire  que  vous  le 
e  liriez  et  sans  souhaiter  que  Ton  y  retrouvât  la  trace  de  vos  leçons. 
0  Aussi,  ce  sera,  je  l'espère,  la  récompense  et  l'honneur  de  ma  vie 
«  de  n'avoir,  à  l'heure  suprême,  rien  à  efiacer,  rien  à  regretter  dans 


292  

«  mon  œuvre  déjà  long.  Cependant  la  peinture  des  passions  qui  est 
«  l'essence  même  du  roman,  vous  a  semblé  parfois  trop  vive  et  trop 
«  ardente  dans  les  miens,  et  vous  avez  souvent  refermé  le  volume 
«  sans  rien  dire.  J'ai  compris  qu'il  vous  avait  déplu,  et  j'en  ai  souf- 
«  fert,  me  demandant  si  je  n'avais  point  mal  fait.  Les  pages  que  voici 
<;  sont  plus  calmes  et  plus  austères,  et  je  les  crois  animées  de  l'esprit 
«  chrétien  dont  vous  avez  essayé  de  remplir  mon  âme.  J'ose  donc  les 
«  placer  sous  votre  protection.  Accueillez  avec  une  indulgente  ten- 
«  dresse  ma  Circassiennc,  cette  jeune  exilée^  perdue  dans  le  vaste 
«  monde,  en  vous  disant  qu'elle  est  la  fille  de  votre  fils,  qu'elle  est 
«  née  dans  les  ténèbres  de  l'erreur,  et  que  je  me  suis  efforcé  de  la 
«  conduire  par  le  chemin  royal  de  la  croix,  comme  dit  le  livre  que  vous 
«  lisez  le  plus,  vers  la  lumière  de  la  vérité.  »  Ces  quelques  lignes 
sont  tout  à  l'honneur  de  M.  Louis  Enault,  et  nos  lecteurs  ne  nous  en 
voudront  pas  de  les  leur  avoir  fait  connaître. 

—  Ondine,  la  «  fée  du  logis,  »  n'est  pas  une  Circassienne;  mais  elle 
n'est  ni  moins  belle,  ni  moins  gracieuse,  ni  moins  bonne  que  Rahel. 
Qui  est-elle?  D'où  vient-elle?  Voici  :  elle  a  été  pêchée,  à  la  suite  d'un 
naufrage,  sur  la  plage  bretonne,  par  le  commandant  Bertrand  de 
Penhoer.  C'est  un  vieux  loup  de  mer  en  retraite  que  ce  Penhoer!  II 
est  bourru,  il  est  fantasque,  il  est  triste.  Que  voulez-vous?  Un  homme 
seul,  dans  une  gentilhommière  où  toutes  les  orfraies  du  canton  ont 
élu  domicile.  Il  y  a  bien  Yvonne,  la  gouvernante,  la  femme  de  la 
maison  [domestica,  disaient  si  justement  les  Romains).  Mais  Yvonne 
est,  comme  son  maître  et  le  château  de  son  maître,  une  vieille  ruine. 
Ne  désespérez  pas  de  la  Providence,  commandant  de  Penhoer!  Car 
Ondine  sera  l'ange  consolateur  du  soir  de  votre  vie.  Et  c'est  ce  qui 
arrive.  Avec  Ondine  reparaissent  la  gaîtc,  la  joie,  le  bonheur  —  Si 
bien  que  le  commandant  meurt  de  la  mort  du  juste,  après  avoir  adopté 
la  fée  du  logis,  à  qui  il  laisse  toute  sa  fortune.  Ondine,  élevée  un  peu 
à  la  diable,  mais  d'une  instruction  supérieure,  grâce  aux  leçons  du 
recteur  de  la  paroisse,  se  retrouvant  orpheline  une  seconde  fois, 
prend  le  parti  d'aller  rejoindre  à  Paris  son  oncle  Edouard  de  Penhoer, 
le  frère  du  commandant.  Ici  encore,  l'infiuence  de  la  bonne  petite  fée 
se  manifeste  par  des  miracles.  Edouard,  un  banquier  passablement 
desséché  par  les  chiffres,  devient  homme,  devient  chrétien.  Le  mys- 
tère de  la  naissance  d'Ondine  se  découvre,  et  elle  épouse  le  comte  de 
Kersagan,  seul  et  unique  descendant  d'un  de  ces  Trente  Léonidas  de 
Ploermel  qui,  en  1352,  commandés  par  le  brave  Robert  de  Beauma- 
noir,  défendirent  si  héroïquement  contre  les  Anglais  l'indépendance 
de  la  terre  armoricaine.  M™*  la  comtesse  Drohojowska  (née  Symon 
de  Latreiche)  a  tiré  de  la  vie  d'Ondine,  si  humble  et  si  régulière,  le 
meilleur  parti  possible. 


—  On  connaît  les  Scènes  de  la  oie  de  province,  de  Balzac.  C'est  pro- 
digieux comme  puissance  d'observation.  Mais  quel  réalisme  parfois, 
quelles  exagérations  de  détails  presque  toujours  !  M™e  Mary  an  a 
voulu,  elle  aussi,  nous  donner  des  scènes  de  la  vie  provinciale.  En 
Poitou  n'est  pas  autre  chose  qu'une  photographie  très-exacte  des 
mœurs  bourgeoises  de  l'Ouest.  Certes,  comme  talent,  il  y  a  loin  de 
M'"''  Maryan  à  l'auteur  de  la  Comédie  humaine.  Et  cependant  nous 
n'hésitons  pas  à  qualifier  de  petit  chef-d'œuvre  le  roman  qui  porte 
ce  titre  significatif  :  En  Poitou.  C'est  simple,  naturel,  vivant,  bien 
vécu,  bien  décrit.  Robert  Varcy,  Parisien  ruiné,  est  envoyé  comme 
percepteur  à  Marsay,  —  une  petite  ville  quelconque  de  la  Vienne  ou 
des  Deux-Sèvres.  Il  se  fait  de  ce  «  trou»  une  idée  extravagante.  Use 
figure  qu'on  y  meurt  d'ennui.  Il  est  convaincu  que  tous  les  habitants 
sont  des  grotesques  ou  des  imbéciles.  Eh  bien,  pas  du  tout.  La  ville 
de  Marsay  est  coquette,  propre,  avenante;  les  habitants  n'ont  rien 
d'iroquois.  Ils  sont  avenants,  afi"ables,  civilisés,  bons  enfants.  Varcy 
trouve  là  son  camarade  de  collège,  M.  de  Kersal,  le  maire  de  l'en- 
droit, un  honnête  homme  et  un  grand  chrétien  ;  le  colonel  en  retraite 
Bausset,  un  panier  percé,  une  redoutable  fourchette,  mais  un  excel- 
lent cœur;  M"*  de  la  Morlière,  une  sainte  vieille  fille,  qui  ne  rougit 
pas  pour  vivre,  —  elle  dont  les  ancêtres  assistaient  aux  croisades,  — 
de  tenir  un  magasin  de  mercerie.  Il  y  trouve  encore  Gabrielle 
Bausset,  la  fille  du  colonel,  si  fiére  et  si  dévouée,  qu'elle  en  devient 
héroïque.  M.  Taine  a  fait  des  thèses  sur  l'influence  des  milieux  sur 
l'homme.  Prises  dans  leur  absolu,  ces  thèses  sont  fausses,  puisqu'elles 
sacrifient  la  liberté  humaine  à  je  ne  sais  quel  fatalisme.  Mais,  rela- 
tivement considérées,  elles  ont  du  vrai,  beaucoup  de  vrai.  Cette  fois, 
l'influence  du  milieu  est  telle  que  Varcy,  débarqué  de  Paris,  incré- 
dule, sceptique,  blasé,  devient  peu  à  peu  l'homme  de  foi  et  l'homme 
de  devoir  dont  M.  de  Kersal  lui  off're  l'admirable  modèle.  Je  ne  jure- 
rais point  que  l'amour  ne  soit  pour  quelque  chose  dans  sa  conversion. 
Peu  importe!  sa  conversion  est  très-réelle,  et  la  main  de  la  charmante 
Gabrielle  (rien  de  celle  de  Henri  IV)  en  est  la  juste  récompense.  Tout 
à  côté  se  place  l'épisode  comico-tragique  d'Andrée  la  rieuse,  la  mo- 
queuse, l'évaporée,  et  que  le  malheur  transforme  au  point  d'en  faire 
une  sœur  de  Saint-Vincent-de-Paul.  A  ces  divers  traits,  on  pourrait 
croire  que  le  roman  de  M™*"  Maryan  est  un  roman  prêcheur,  sermon- 
neur, ergoteur.  Pas  du  tout.  C'est  gai,  c'est  franc,  c'est  écrit  avec 
une  verve  de  bon  aloi.  Excellent  livre  de  propagande. 

—  Nous  en  disons  autant  des  Deux  clochers,  de  M.  J.  Chantrel,  Les 
Deux  clochers  dont  il  s'agit  ici  sont  le  clocher  de  l'usine  et  le  clocher  de 
l'église.  La  cloche  de  l'un  appelle  au  travail,  la  cloche  de  l'autre 
appelle  à  la  prière.  Le  travail,  la  prière  !  Deux  choses  qui  doivent  har- 


—  294  - 

moniquement  marcher  ensemble  et  que  le  prétendu  «  progrès  mo- 
derne »  s'efforce  de  séparer  et  de  désunir.  Tel  n'est  pas  l'avis  de 
M.  Chantrel.  Il  estime,  avec  raison,  que  les  dissonnances  qui  existent 
entre  l'église  et  l'usine  ne  sont  qu'apparentes  —  et  il  le  prouve  en 
nous  racontant  l'histoire  d'une  famille  d'ouvriers  dont  le  chef,  Joseph, 
se  laisse  griser  par  les  faux  docteurs  du  jour,  les  apôtres  de  l'in- 
surrection, les  tribuns  des  sociétés  secrètes,  pour  revenir  ensuite, 
éclairé  par  une  triste  expérience,  au  Dieu  de  sa  première  commu- 
nion. Outre  qu'avec  la  bonne  conduite,  le  bien-être  arrive,  l'intelli- 
gence de  Joseph  s'améliore  aussi,  son  âme  se  moralise,  son  esprit 
s'éclaire  et  il  finit  par  comprendre  que  l'usine  a  tout  intérêt  (même 
au  point  de  vue  matériel)  à  ne  pas  divorcer  avec  l'église.  Les  Deux 
clochers  de  M.  J.  Chantrel  offrent  certaines  ressemblances  avec  le 
Pionnier,  de  Devoille.  Mais  le  premier  de  ces  écrivains  pénètre  plus 
avant  dans  les  questions  du  jour,  et  il  est  moins  déclamatoire.  Le  so- 
cialisme de  M.  Chantrel  ne  s'abreuve  jamais  de  pétrole.  C'est  le 
socialisme  de  l'Évangile,  celui  que  vient  de  mettre  si  draamti^uement 
en  action  Paul  Féval,  dans  son  Pierre  Blot. 

—  Pierre  Blot  (second  récit  de  Jean)  forme  le  deuxième  volume  des 
Étapes  d'une  conversion .  Le  livre  s'ouvre  par  une  préface-anecdote  sur 
l'église  du  Sacré-Cœur.  Il  y  a  de  tout  dans  cette  préface,  du  rire  et 
des  larmes,  de  l'admiration  et  de  l'indignation,  de  la  prophétie  et  de 
l'histoire,  des  prières  et  des  invectives.  Il  j  a  Jean,  le  grand  bohème 
catholique,  qui  attire  les  ouvriers  et  les  petits  autour  de  la  Butte 
consacrée  ;  il  y  a  un  frère  des  écoles  chrétiennes,  noble  invalide 
de  Buzenval  ;  il  y  a  des  mangeurs  de  prêtres  qui  finissent  par  s'incli- 
ner jusqu'à  terre  devant  l'héroïque  mutilé  ;  il  y  a  enfin  Paul  Féval  qui 
exprime  d'abord  ses  doutes,  puis  ses  espérances.  Paul  Féval  estime 
que,  malgré  les  obstacles,  l'église  de  la  butte  Montmartre  doit  s'a- 
chever et  qu'elle  s'achèvera.  «  Elle  s'achèvera,  dit-il,  car  c'est  plus 
«  qu'un  poëme,  c'est  une  expiation  monumentale.  Le  vœu  de  la 
«  France  ne  fera  pas  faillite  à  Dieu .  »  Vient  ensuite  le  roman  de 
Pierre  Blot,roman  du  désespoir  et  de  lamisère,  ces  fruits  de  l'inconduite 
et  de  l'athéisme.  Pierre  Blot,  abruti  parl'absinthe,  habite  un  chenil  du 
Mont-Valérien,  avec  Adèle  sa  femme,  ou  plutôt  son  associée,  et  un 
moutard  de  quatre  ou  cinq  ans.  Jean  rencontre  cette  nichée  le  di- 
manche, dans  une  de  ses  promenades.  Jean,  vous  ne  l'ignorez  pas,  est 
le  «  convertisseur  »  que  Paul  Féval  a  mis  si  originalement  en  scène 
dans  ses  Étapes.  En  voyant  cet  homme  qui  blasphème,  cette  femme 
phthisique  qui  va  mourir  et  cet  enfant  qui  se  roule  dans  la  boue  de  la 
tanière,  Jean,  comme  le  bon  Samaritain,  se  sent  pris  d'une  commisé- 
ration immense .  Pauvre  lui-même,  il  adoucit  les  derniers  moments 
d'Adèle,  il  la  fait  convenablement  enterrer  à  Nanterre,  il  adopte  l'en- 


-  295  — 

fant  de  Pierre  Blot,  et,  à  force  de  soins  dévoués,  de  paroles  conso- 
lantes et  de  vertus  en  action,  il  transforme  peu  à  peu  le  blasphéma- 
teur, le  prêtrophobe,  le  clubiste,le  faiseur  de  barricades.  Pierre  Blot 
meurt  dans  les  bras  de  Jean  avec  le  pardon  de  Dieu.  Les  accessoires 
qui  entourent  cette  histoire  peuvent  être  d'invention  ;  mais  le  fond  de 
l'histoire  est  d'une  vérité  terrible,  écrasante.  On  le  sent  à  la  façon 
dont  Paul  Féval  parle  de  Pierre  Blot.  Pierre  Blot  n'est  pas  une  créa- 
tion de  fantaisie  :  il  a  posé  devant  le  peintre,  et  le  peintre  en  a 
rendu  la  physionomie  complexe  avec  un  relief  des  plus  saisissants.  Çà 
et  là,  comme  entremets,  des  pages  splendides.  Citons  spécialement 
une  théorie  sur  le  Tartuffe,  de  Molière,  qui,  pour  se  rapprocher  de  celle 
de  l'abbé  Davin  prétendant  que  le  grand  Comique  a  voulu  seulement 
ridiculiser  et  flétrir  l'iijpocrisie  des  jansénistes,  n'en  est  pas  moins 
intéressante,  très-raisonnable  et  très-vraisemblable.  Paul  Féval  dé- 
montre —  et  il  suffit  de  lire  attentivement  le  Tartuffe,  sans  idée 
préconçue,  pour  partager  l'avis  du  romancier  —  que  Molière,  en  écri- 
vant cette  comédie,  n'a  nullement  eu  l'intention  de  tourner  en  dérision 
les  hommes  et  les  choses  du  catholicisme.  Il  n'a  voulu  que  peindre  le 
faux  dévot  et  jeter  l'âme  de  l'hypocrite  en  pâture  au  mépris  des 
honnêtes  gens  de  son  époque.  Malheureusement,  Molière  a  eu  le  tort 
de  trop  spécialiser  son  type.  Il  y  avait  aussi  des  hypocrites  parmi  les 
protestants,  parmi  les  parangons  de  haute  vertu,  parmi  les  gens  du 
monde.  S'il  avait  généralisé,  la  libre-pensée  moderne  n'aurait  pu  dé- 
naturer ses  intentions.  Au  surplus,  le  Tartuffe  a  fait  des  petits.  Et  ce 
n'est  plus  aujourd'hui  dans  les  sacristies  qu'on  les  trouve.  Il  s'en  ren- 
contre dans  les  chaires  publiques,  dans  les  assemblées  parlementaires, 
dans  la  politique  comme  dans  la  littérature  —  et  Paul  Féval  nous  en 
donne  de  bien  vilains  échantillons.  Il  faut  lire  aussi  les  pages  indi- 
gnées que  Paul  Féval  consacre  à  ces  bourgeois  voltairiens  qui  pro- 
fessent pour  la  calotte  et  le  bonnet  rouge  une  égale  peur  et  qui  ne 
voient  Dieu  qu'à  travers  les  flonflons  de  Béranger.  Tout  cela  fait  de 
Pierre  Blot  un  livre  à  part,  qui  pourra  enthousiasmer  ou  irriter,  mais 
que  personne  (ami  ou  ennemi)  n'accueillera  avec  indiiférence. 

—  Les  romans  que  nous  venons  d'analyser,  le  Maréchal  de  Mont- 
mayeur,  la  Circassienne,  la  Fée  du  logis,  En  Poitou,  les  Deux  clochers  et 
Pierre  Blot,  appartiennent  à  la  catégorie  des  romans  religieux  pro- 
prement dits.  Immédiatement  à  leur  suite,  il  nous  semble  convenable 
de  placer  quatre  oeuvres,  d'une  valeur  inégale,  mais  qui,  sans  pro- 
céder spécialement  de  l'inspiration  chrétienne,  nous  paraissent  d'une 
honnêteté  et  d'une  moralité  fort  louables.  Ce  sont  :  Douze  femmes, 'par 
le  même  Paul  Féval;  le  Talisman  de  Marguerite,  par  Alfred  Seguin  ;  la 
Rose  d'Amibes,  par  Edouard  Didier;  le  Secret  des  Valrège,  par  Charles 
d'Héricault.  Les  Douze  femmes,  de  Paul  Féval,  se  publient  sous  le  pa- 


—  29H  — 

tronage  de  M""'  Jules  Sandean.  Dans  sa  lettre  d'envoi,  Paul  Féval  fait 
à  M""^  Jules  Sandeau  cette  confession  touchante  :    «  Me  voilà,   chan- 
«  géant  de  chemin,  sur  le  tard,  à  l'heure  marquée  pour  le  repos,  et  je 
«  crois  que  j'irai  très-loin  sur  cette  autre  route.  A  la  veille  d'un  grand 
«  voyage,  entrepris  sans  idée  de  retour,  l'habitude  est  de  laisser  aux 
«  siens  un  souvenir.  J'ai  voulu  trier  quelques  feuillets  dans  la  mon- 
«  tagne  des  papiers  anciennement  noircis  par  moi  ;  mais  ily  en  a  tant  et 
a  tant  que  je  m'y  serais  perdu  si  la  pensée  ne  m'était  venue  de  faire 
«  un  bouquet  avec  une  douzaine  de  bonnes, 'consciences.  »  Ces  bonnes 
consciences  sont  douze  femmes  :   Eve,   Gaïte,   Fleur-des-Batailles, 
Francine,  Marina,  Mariole,  Clémentine,  Miss  Anna,  Ernestine,   Ju- 
liette et  M"^  de  Presmes.  On   devine  que  chacune  de  ces  fleurs  du 
«  bouquet  »  de  Paul   Féval    symbolise  une  tradition,   un  conte,   une 
légende  ou   une    histoire.    De  ces  «  douzes  femmes,  »   quelle  est  la 
plus  gracieuse,  la  plus  attrayante?  Est-ce  Eve,  la  blonde  Anglaise? 
Est-ce  Fleur-des-Batailles,  ainsi  nommée  parce  qu'elle  avait  fait  le 
coup  de  feu  contre  les  bleus  dans  la  guerre  des  chouans?  Est-ce   la 
brune  Marina,  le  bon  génie  de  Francesco  Salviati,  un  des  plus  illustres 
maîtres  de  l'école  florentine?  Est-ce  Anna,  Claire,  Mariole,  Juliette, 
Ernestine,   ou  M"*  de  Presmes,  noble  incarnation  de  l'ancien  régime  ? 
Nous  avouons  que  le  choix,  quoique  plus  moral,  est  aussi  embarras- 
sant que  celui  du  berger  Paris.  Néanmoins,  tout  bien  considéré,  nous 
donnerions  la  pomme  de  la  perfection  à  Gaïte  et  à  Francine.  Francine^ 
naïve  légende  bourguignonne,  a  des  pages  exquises  où  semblent  se 
jouer  ces  fils  d'argent  tombés  du  rouet  de  la  vierge  Marie,  qui,  par 
les  beaux  jours  d'automne,  voltigent  dans  l'azur  du  ciel  au  gré  capri- 
cieux des  brises.  Gaïte,   la  seizième   enfant  d'un  douanier  breton, 
meurt  jeune,  frappée  au  cœur.  C'est  la  note  mélancolique  —  note  qui 
deviendrait   funèbre   sans  l'original  Kernaor,  le  poëte  rustique  de 
Ploemeur,  la  grande  paroisse.  Kernaor,  qui  a  serré  la  main  à  Louis- 
Philippe,  se  pose  des  questions  de  ce  genre  :  «  Pourquoi  les  abeilles 
«  bourdonnent-elles  sans  cesse  ?  »  Pourquoi  ?  Kernaor  lui-même  ré- 
pond :  «  C'est  parce  qu'elles  n'ont  que  des  reines  et  qu'elles  deman- 
dent un  roi  !  »  Et   Kernaor  plaint  de  tout  son   cœur  ces  pauvres 
bestioles.  A  quoi   ce  sournois   de    Paul  Féval    ajoute,  en   h-}mrtc  : 
«Que  ferait-il  donc  de  nous  qui  n'avonsni  l'un  ni  l'autre?  »  Mais  je  glisse, 
sur  des  écueils.  Je  préfère,  chers  lecteurs,  vous  parler  de  Clémentine. 
Clémentine,  la  note  gaie  des  Doifre  femmes,  est  le  premier  amour  de 
Charles  Nodier.  L'auteur  de  la  Fée  aux  miettes,  affreux  collégien  en 
ces  temps-là,  ose  adresser  une  déclaration  à  Clémentine,  amie  de  sa 
mère  et  respectable  notairesse  de  Besançon.   Clémentine  répond  à 
Charles    par    une   verte    leçon.    Cela  guérit   Nodier   radicalement, 
d'après  ce  qu'il  a  raconté  lui-même,  un  soir  d'hiver,  chez  M"^  Ré- 


—  297   — 

camier,  en  présence  de  Balzac,  de  Paul  Féval  et  de  Chateaubriand. 

—  Wu'est-ce  que  «  le  talisman»  de  Marguerite?  C'est  unepetitemé- 
daille,  à  laquelle  se  ratachentunebonneetunemauvaise  action,  un  pieux 
souvenir  et  un  remords.  Marguerite  la  Frileuse  a  perdu  ses  parents 
dans  un  naufrage.  Recueillie  par  la  Bougonne,  une  vieille  mégère  qui 
rappelle  trop  la  fameuse  Brocante  des  Mohicans  de  Paris,  d'Alexandre 
Dumas  père,  Marguerite  est  dressée  à  mendier,  à  rapiller,  à  voler. 
Tous  ses  bons  instincts  se  révoltent.  Hélas  !  il  faut  bien  obéir  devant 
le  balai  de  la  Bougonne.  Un  jour,  une  sœur  de  charité  aperçoit  la 
Frileuse  dérobant  un  pain  sur  Tétai  d'un  boulanger.  La  sainte  femme 
paye  le  pain  volé,  prend  l'enfant  par  la  main^  l'interroge,  lui  fait 
promettre  de  prier  Dieu,  de  ne  plus  jamais  dérober  le  bien  d'autrui  et 
lui  donne  une  médaille  bénie  en  guise  de  souvenir.  De  ce  jour,  la 
Fi'ileuse  ne  vole  plus.  Dieu  la  récompense.  Elle  est  retirée  des  mains 
de  la  Bougonne  par  la  comtesse  de  Champbois,  qui  transforme  Mar- 
guerite en  une  demoiselle,  accomplie,  et  qui.  après  bien  des  épreuves 
et  bien  des  vicissitudes,  la  donne  en  mariage  à  son  fils.  Cela  serait 
passablement  excentrique.  Mais  l'auteur  du  roman,  M.  Alfred  Seguin, 
a  prévu  le  cas.  Marguerite,  l'enfant  trouvée,  n'est  autre  que  la  fille  de 
lord  Palmer,  un  riche  armateur  anglais  dont  la  femme  fut  la  meil- 
leure amie  de  la  comtesse  de  Champbois.  Le  Talisman  de  Marguerite 
est  écrit  sans  prétentions,  sobrement,  simplement,  quoique  non 
sans  grâce  ni  élégance. 

—  Il  en  est  de  même  de  la  Rose  d'Antibcs,  Œuvre  charmante, 
bijou  d'artiste,  perle  fine  tombée  de  la  plume  d'un  homme  de  cœur 
et  d'esprit.  M.  Edouard  Didier  a  prodigué  dans  ce  roman  l'émotion  et 
la  délicatesse —  et  il  a  prouvé  qu'on  peut  intéresser  sans  recourir  aux 
trucs,  aux  machines  et  aux  invraisemblances  d'Emile  Gaboriau  et  de 
Ponson  du  Terrail.  Rien  de  moins  compliqué  que  la  Rose  d'Antibes, 
Le  docteur  Jean-Baptiste  Cochard,  élève  du  célèbre  Dupuytren,  est 
venu  s'établir  à  Antibes,  ville  étrange  qui  a  conservé  son  ancienne 
physionomie  et  qui,  placée  entre  Nice  et  Cannes,  produit  de  loin 
l'eff'et  d'une  ride  creusée  au  milieu  d'un  jeune  et  frais  visage. 
Curieux  type  que  ce  docteur  Cochard,  le  vrai  type  de  ces  médecins 
de  campagne,  comme  il  en  existait  autrefois,  avec  leurs  guêtres  légen- 
daires, leur  montre  à  breloques,  leur  chapeau  à  larges  bords  et  leur 
jument  Cocotte,  — braves  praticiens,  cachant  sous  des  dehors  un  peu 
brusques  des  trésors  de  bonté  et  des  amas  de  vraie  science  !  Aujour- 
d'hui, ce  type  a  disparu,  et,  à  quelques  exceptions  près,  nos  jeunes 
médecins  de  village  font  parade  de  matérialisme  et  mettent  le 
bistouri  au  service  du  suffrage  universel.  Tel  n'était  pas  le  docteur 
Cochard.  Il  avait  épousé  une  de  ses  clientes  qu'il  avait  guérie  de  la 
phthisie  pulmonaire.  Une  enfant.  Aurore,  était  le  fruit  de  ce  mariage. 


—  298  — 

M™'  Cochard  meurt  d'une  émotion.  Aurore  lient  de  sa  mère  :  un 
rien  peut  la  tuer —  et  c'est  précisément  celui  qu'elle  aime,  le  jeune 
docteur  Marins,  le  disciple  favori  de  Cochard,  qui,  sans  le  savoir, 
sans  le  vouloir,  met  à  deux  doigts  du  tombeau  la  Rose  d'Antibes. 
Heureusement;,  le  malentendu  qui  a  tant  fait  souffrir  la  pauvre  sensi- 
tive  s'explique  au  moment  psychologique,  et  Marins  devient  l'heureux 
époux  de  la  gentille  Aurore.  M.  Edouard  Didier  a  donné  pour 
cadre  à  cette  naïve  histoire  les  paysages  de  la  Provence  que  Godeau, 
évêque  de  Vence,  appelait,  dans  son  pittoresque  langage,  «  une 
gueuse  parfumée,  i)  Il  a  intercalé  dans  l'idylle  un  petit  drame,  dont 
une  famille  patricienne  de  Venise,  les  princes  Varese,  proscrits  par 
l'Autriche,  lui  a  fourni  les  éléments.  Il  a  profité  de  l'occasion  pour 
mettre  en  scène  des  caractères  inoubliables:  Leroux, le  vieil  employé, 
plus  sec  que  ses  paperasses;  Ricard,  l'ancien  cuisinier,  un  imbécile, 
mais  une  âme  héroïque;  Paul  Moreau,  un  Mangin  de  vantardise  et  de 
suffisance;  les  Varese,  si  fiers  qu'ils  préfèrent  mourir  de  faim  que 
d'accepter  de  qui  que  ce  soit  une  obole.  Tout  cela  est  très-finement 
rendu,  et  si  c'est  un  début,  ce  début  est  un  coup  de  maître. 

—  Trop  de  personnages  dans  le  Secret  des  Valrège,  de  M.  Charles 
d'Héricault.  Nous  avons  le  gredin  G-.  J.  Uppermann  (l'homme  aux 
cols  en  papier),  le  vicomte  Richard  de  Lestorières,  le  marquis  de 
Valrège,  Lucienne  de  Lestorières,  sa  femme,  la  gentille  Mary-An,  la 
cousine  Marthe,  William  ou  Guillaume  Verdès,  le  grand  Emile  Ma- 
thieu, le  beau  Gaston  Piedebouc,  l'ignoble  Arthur  Planchon,  le  brave 
Baptistin,  le  communard  Larose-Lépine,  qui  sais-je  encore?  On  s'y 
perd.  Ruiné  en  France,  le  marquis  de  Valrège  est  allé  en  Amérique 
refaire  sa  fortune.  A  son  retour,  il  épouse  Lucienne  de  Lestorières  et 
quelque  temps  après  son  mariage,  il  est  frappé  à  mort  par  Guillaume 
Verdès  qui  l'accuse  d'avoir  déshonoré  sa  sœur.  Il  paraît  que  l'accusa- 
tion est  fausse,  Valrège  en  mourant  laisse  une  lettre  expliquant  sa 
conduite  et  déclarant  que  Marthe,  la  fille  de  Rose  Verdès,  n'est  pas 
une  bâtarde.  La  lettre  contient  le  secret  des  Valrège.  Guillaume 
Verdès  a  tout  intérêt  à  connaître  ce  secret.  Mais  les  hommes  et  les 
événements  s'y  opposent.  Les  événements  sont  la  guerre  de  1871  et  la 
Commune.  Les  hommes  s'appellent  le  Bavarois  Meyercrout  et  le  scé- 
lérat Uppermann,  bras  droit  de  Delescluze.  Verdès  est  emprisonné  à 
la  Roquette.  Délivré  par  les  Ver.5aillais,  il  fait  le  coup  du  feu,  avec 
Gaston  Piedebouc,  Richard  de  Lestorières,  Baptistin  et  d'autres 
courageux  citoyens,  contre  les  bandes  de  Raoul  Rigault.  L'insur- 
rection vaincue,  Verdès  meurt  d'une  blessure,  réhabilité  et  pardonné. 
Mary-An  épouselegrand  Mathieu;  Marthe, le  chevaleresque  Richard, 
—  et  Gaston  obtient  la  main  de  la  marquise  veuve  de  A^alrège.  Ce 
roman,  quoique  bien  écrit,  plaira  peu.  D'abord,  nous  l'avons  dit,  il  y 


—  299  - 

a  trop  de  personnages  ;  il  y  a  aussi  trop  de  complications,  trop  d'in- 
cidents, trop  de  surprises.  On  oublie  une  chose  pour  l'autre.  Ce  qui 
peut  faire  pardonner  à  l'auteur  ses  enchevêtrements  d'action^  ce  sont 
les  bons  mots  dont  il  émaille  son  récit.  Il  prête  à  Lucienne  de  Les- 
torières  cette  boutade:  «  De  quel  droit  vous  permettez-vous  déparier 
«  d'amour?  Une  enfant  !  Dix-sept  ans!  Le  bel  âge  !  Mais,  à  dix-sept 
«  ans,  je  n'avais  jamais  aimé,  moi,  que  Dickens,  M.  Escande,  qui 
«  signait  si  souvent  à  la  Gazette  de  France,  et  mon  grand  chien  Sultan?» 
Au  lieu  de  :  //  me  tarde^  un  Américain,  moitié  Yankee,  moitié 
peau-rouge,  dit  :  //  m' outarde.  Ce  qui  amène  naturellement  l'inter- 
locuteur à  répliquer:  «  De  Dijon?»  M.  Charles  d'Héricault  est  un 
homme  de  trop  d'esprit. 

—  Les  romans  dont  il  nous  reste  maintenant  à  rendre  compte 
sont  :  Dolorita,  par  le  baron  de  Wogan  ;  la  Comtesse  Davia- 
latity,  par  le  prince  Joseph  Lubormiski  ;  la  Maison  Vidalin,  par 
Alphonse  de  Launay  ;  la  Servante  du  diable,  par  Emmanuel  Gonzalés, 
et  le  Plus  hardi  des  gueux,  par  Alfred  Assolant.  Il  en  est  deux  :  la 
Maison  Yidalin  et  la  Servante  du  Diable,  qui  sont  dangereux  et  malsains. 
Les  autres  ne  méritent  pas  ce  reproche,  mais  cependant  leur  lecture 
ne  convient  pas  à  toute  sorte  de  personnes.  Prenons,  par  exemple, 
Dolorita,  du  baron  de  Wogan.  Cela  commence  par  un  enlèvement 
d'amoureux,  cela  continue  par  un  mariage  mixte  accompli  sans  le 
consentement  des  parents,  et  cela  se  termine  par  la  mort  d'une 
pau\-re  folle.  La  folle,  c'est  Dolorita.  Elle  s'est  soustraite  à  sa  famille 
pour  suivre  dans  ses  pérégrinations  celui  qu'elle  aime  —  et,  quand  cet 
appui  lui  manque,  la  raison  l'abandonne,  M.  le  baron  de  Wogan  a 
profité  des  escapades  de  ses  amoureux  pour  nous  faire  voyager  avec 
eux  dans  l'Amérique  méridionale.  Un  proverbe  dit:  a  A  beau  mentir 
qui  vient  de  loin  »  Dieu  nous  garde  d'appliquer  cet  adage  à  l'auteur  du 
Voyage  dans  le  Far-West !  Mais  il  n'en  faut  pas  moins  avouer  que 
l'histoire  de  l'ermite  des  Cordillères  est  passablement  fantaisiste,  et 
que  la  description  de  la  caverne  aux  pierres  précieuses  ressemble 
terriblement  à  la  grotte  de  Monte-Cristo.  M.  !e  baron  de  Wogan  a 
voulu  s'essayer  dans  un  genre  où  il  lui  sera  difficile  d'égaler  Gabriel 
Ferry  de  Bellemare,  le  Cooper  français  à  qui  l'on  doit  le  Coureur  des 
Bois  et  Costal-l'indien. 

—  Pourquoi  faut-il  que  M.  Alphonse  de  Launay  ait  accolé,  dans  le 
même  Yolnme,  la.  Maison  Vidalin  k  cette  perle  de  douce  poésie,  de 
chaste  mélancolie  et  d'inspiration  chrétienne  qui  a  nom  la  Solange? 
Dans  la  Solange,  nous  n'avons  qu'à  louer.  Les  souffrances  de  cette 
pauvre  Berrichonne  séduite  et  abandonnée  par  un  gommeux  de 
village,  épousée  par  le  plus  honnête  et  le  plus  confiant  des  hommes, 
saignée  à  blanc  par  l'affreuse  Toinette,  publiquement   réhabilitée  par 


—  300  — 

le  curé  de  la  paroisse,  arrachent  des  larmes.  C'est  frais,  pur,  rus- 
tique —  une  page  de  George  Sand  illuminée  par  les  rayons  divins 
dont  le  foyer  est  l'Evangile.  Dans  la  Maison  Vidalin,  au  contraire, 
M.  Alphonse  de  Launay  nous  fait  assister  à  des  scènes  de  passion 
adultère  qu'il  décrit  de  la  façon  la  plus  complaisante.  S'il  a  cru  par  là 
rendre  intéressants  l'épiciére  Vidalin  et  son  premier  garçon  Cyprien 
Muret,  il  s'est  trompé.  De  pareilles  descriptions  n'inspirent  que  le 
dégoût.  Il  y  aurait,  dans,  la  Maison  Vidalin,  un  personnage  sympathique 
Ce  n'est  pas  Vidalin,  le  bellâtre,  l'égoïste  parvenu,  le  mari  aveuglé 
et  béat  qui  se  sert  des  beaux  yeux  de  sa  femme  pour  achalander  sa 
boutique^  non.  C'est  le  petit  bossu  Faraud.  Ce  Quasimodo^  ce  For- 
tunio  contrefait,  aimé  maternellement  par  Madame  Vidalin,  rend  à 
celle-ci  tendresse  pour  tendresse.  Mais  voilà  qu'Ariel  devient  tout  à 
coup  un  affreux  gnome.  S'apercevant  que  Vidalin  est  un  obstacle  aux 
débordements  de  sa  femme,  Faraud  ne  s'avise-t-il  pas  d'empoisonner 
son  maître  ?  Puis,  comprenant  le  mal  qu'il  vient  de  faire,  il  s'em- 
poisonne lui-même.  M.  Alphonse  de  Launay  nous  dira  qu'au  dénoû- 
ment  les  coupables  sont  punis,  que  la  «  Maison  Vidalin  »  dégrin- 
gole et  que  l'épiciére  va  cacher  sa  honte  au  fond  d'un  couvent,  cela 
n'ôte  rien  à  ce  qu'il  y  a  de  malsain  dans  le  sujet  du  drame,  dans  ses 
scènes  passionnées  et  dans  ses  situations  plus  que  risquées, 

—  Il  y  a  trois  ans,  M,  Victorien  Sardou  fit  représenter  une  comé- 
die intitulée  :  Dora,  qui  eut  un  grand  succès,  car  on  crut  y  voir  la 
satire  de  certaines  étrangères,  femmes-espions,  dont  la  néfaste  in- 
fluence fut,  en  1870-71,  si  fatale  à  la  France,  La  Comtesse  Damalanty^ 
du  prince  Lubomirsky,  est  la  cousine  germaine  de  Dora.  Mêlée  d'a- 
bord à  toutes  nos  intrigues  et  à  tous  nos  malheurs,  elle  va  ensuite 
travailler  à  Saint-Pétersbourg  pour  le  compte  de  M.  deBismarck.  Cette 
pieuvre  diplomatique  s'appelle  alors  la  comtesse  de  Mahlberg,  —  et 
partout  où  elle  pose  le  pied,  le  désastre  l'accompagne.  A  Paris,  sa 
beauté  fatale,  mise  au  service  de  la  Prusse,  amène  des  duels,  des 
déshonneurs  et  des  suicides.  En  Russie,  l'espionne  détruit  le  bonheur 
des  familles,  arme  les  fils  contre  leur  père,  propage  le  scepticisme,  la 
corruption  et  l'injustice.  Elle  est,  là-bas  comme  ici,  la  vipère  enfiellée, 
la  chouette  de  mauvais  augure  !  Aussi,  lorsqu'à  bout  de  lâchetés  et 
de  turpitudes,  l'agente  provocatrice  de  Berlin,  devenue  assassin  et 
désespérant  de  se  faire  estimer  de  Nicolas  Talarine  (le  seul  homme 
qu'elle  ait  réellement  aimé),  se  tue  d'un  coup  de  pistolet,  on  éprouve 
comme  une  sorte  de  soulagement.  Par  malheur,  morte  la  bête,  mort 
n'est  point  le  venin.  Il  paraît  que  les  Dalamanty  pullulent,  en  Europe, 
par  ces  temps  hybrides.  Le  prince  Lubomirski  a  soulevé,  en  passant, 
un  coin  du  voile  de  ces  harpies.  Mais  là  n'est  pas  le  but  de  son  livre. 
Il  a  voulu  surtout  montrer  à  la  Russie  le  double  cancer  qui  la  dévore  : 


-  30i   - 

le  germanisme  et  le  nihilisme,  Les  nihilistes,  dans  ce  pajs-là,  sont 
les  alliés  de  M.  de  Bismarck,  lequel  trouve  aussi  dans  la  bureaucratie 
russe  peuplée  d'Allemands,  une  armée  d'auxiliaires.  Pour  l'auteur  de 
la  Comtesse  Dalamanlij,  la  nation  russe,  enserrée  par  le  germanisme  et 
désagrégée  par  le  nihilisme,  est  une  nation  dont  l'autonomie  lai  pa- 
raît compromise,  si  elle  n'extirpe  radicalement  et  à  temps  les  deux 
ulcères  qui  la  rongent.  Les  Russes  qui  liront  cet  ouvrage  compren- 
dront-ils rinvite?  Ceci  n'est  point  notre  affaire.  Bornons-nous  à  dire 
que  la  Comtesse  Dalamanty  est  une  œuvre  hardie,  originale  et  empoi- 
gnante, sinon  irréprochable.  Le  premier  chapitre  du  livre  :  Le  Temple 
de  la  paix, estnne  mordante  photographie  de  Paris  pendant  l'Exposition 
de  1867. Le  portrait  des  Talarine  est  aussi  de  toute  beauté  ■ —  surtout 
la  physionomie  du  chef  de  la  famille,  du  prince  Pierre.  C'est  le  vrai 
Russe,  le  Russe  qui  se  souvient  de  Souvarow  et  de  Rostopchine.  Su- 
perbe vieillard,  homme  tout  d'une  pièce,  absolument  dévoué  aux  an- 
ciennes traditions,  aux  anciens  usages.  Jamais  le  vieux  boyard  n'a  pu 
s'habituer  à  dire  «  vous.  »  Il  dit  (i  tu  »  à  Dieu,  à  l'empereur  et  aux 
serfs  de  ses  domaines,  mais  avec  des  intonations  différentes.  La  façon 
dont  il  tutoie  Dieu  est  si  profondément  respectueuse  qu'elle  en  devient 
un  véritable  acte  de  foi.  Ce  représentant  du  passé  émet  des  axiomes 
d'une  justesse  profonde.  Ceux-ci  entre  autres  :  «  L'éternel  bien  a  pour 
«  base  le  devoir.  La  famille  forme  le  premier  échelon  de  l'échelle  cé- 
<(  leste  ;  la  patrie  vient  ensuite  ;  Dieu  est  en  haut. Les  novateurs  stupides 
«  qui  prêchent  la  fraternité  universelle  sont  les  partisans  du  plus  fé- 
«  roce  individualisme.  Les  tigres  et  les  loups  n'ont  pas  de  patrie; 
«  aussi,  s'entre  dévorent-ils?  La  patrie,  c'est  la  famille  agrandie.  » 
Sages  paroles  dont  la  France  actuelle  serait  bien  inspirée  de  faire 
son  profit  ! 

—  De  la  Russie,  passons  en  Sicile.  M.  Emmanuel  Gonzalès,  avec  la 
Servante  du  Diable^  nous  transporte  dans  une  île  volcanique.  La  Ser- 
vante du  Diable,  la  Stregga  (strygge,  sorcière),  est  une  certaine 
Fabiana,  mère  d'un  bâtard  dont  le  marquis  de  Campo-Forte  est  le 
père.  Ce  marquis  de  Campo-Forte  a  deux  enfants  :  Giovanni,  le  fils 
naturel,  et  Diodato,  le  fils  légitime.  H  y  a  haine  et  lutte  entre  les 
deux  jeunes  gens,  et  tout  l'intérêt  du  roman  gît  dans  cet  antago- 
nisme. L'action  se  passe  au  dix-huitième  siècle.  M.  Emmanuel  Gon- 
zalès nous  représente  la  Sicile  comme  un  pays  opprimé,  pressuré, 
peuplé  de  sbires  et  de  proscrits,  de  bandits  et  de  tyrans.  Fabiana  la 
Sorcière  traverse  en  vengeresse  les  temples  en  ruines  et  les  grottes 
souterraines.  Attentive  et  farouche,  elle  veille  sur  son  fils  Giovanni, 
favorise  l'amour  de  ce  chef  de  révoltés  pour  la  juive  Judith  et  l'aide  à 
triompher  de  son  rival  Diodato.  La  Servante  du  Diable  est  un  récit 
coloré,  mouvementé.  Les  mœurs  de  ces  paysans  superstitieux  qui  ont 


—  302  — 

conservé  une  foi  robuste  aux  enchantements  et  aux  opérations  ma- 
giques dont  Théocrite  et  Virgile  redisent  la  formule  dans  leurs 
églogues,  sont  décrits  dans  un  stjle  véhément,  imagé,  plein  d'allure. 
La  Fabiana  a  quelque  chose  d'épique.  Mais  la  Servante  du  Diable  n'en 
est  pas  moins  un  mauvais  livre.  Et  voici  pourquoi  :  l'auteur  —  ce  qui 
est  une  faute  à  la  fois  contre  la  vérité  et  contre  l'esthétique  — 
n'admet  la  vertu,  le  dévouement,  le  courage,  la  générosité  que  dans 
le  peuple.  Tous  les  nobles  qu'il  met  en  scène  sont  de  fieffés  coquins, 
des  monstres  sans  nom  ou  des  personnalités  orgueilleuses  et  dures; 
tous  les  prêtres  qui  traversent  le  drame  sont  grotesques  ou  impla- 
cables. Au  contraire,  Giovanni,  le  bâtard,  Fabiana  la  Sorcière,  Judith 
la  juive,  les  proscrits,  les  bandits  même,  sont  des  héros,  des  cœurs 
sublimes,  de  grandes  âmes.  Evidemment  —  et  sans  doute  contre  les 
intentions  de  l'auteur  —  les  esprits  ignorants  peuvent  tirer  de  ces 
généralités  trop  absolues  des  conclusions  fâcheuses.  M.  Alfred  Asso- 
lant, lui  aussi,  dans  le  Plus  hardi  des  gueux,  a  mis  en  scène  le  peuple, 
le  clergé  et  la  noblesse  du  dix-huitième  siècle  ;  mais  —  quoique  son 
impartialité  soit  souvent  en  défaut,  —  il  a  su  éviter  les  injustices  de 
M.  Emmanuel  Gonzalès.  A  coup  sûr,  Bernard  de  Ventadour,  duc 
d'Uzerche,  fourbe,  cruel,  menteur,  hypocrite  et  suborneur  de  jeunes 
filles,  est  un  bien  triste  sire.  Ses  compagnons  de  plaisir  et  les  gens 
qu'il  a  à  sa  dévotion  sont  de  vrais  chenapans.  On  crierait  à  l'impos- 
sible, si,  comme  contraste,  comme  correctifs,  n'apparaissaient  les 
loyales  et  sympathiques  figures  du  bon  curé  de  Saint-Eustache  et  de 
la  marquise  de  Latour-Maubrac,  sœur  de  Bernard  de  Ventadour,  une 
sorte  de  fée  bienfaisante  qui  répare  les  crimes  de  son  frère.  Le 
peuple,  dans  le  livre  de  M.  Assolant,  est  évidemment  trop  flatté; 
mais  il  n'y  a  pas  que  des  saints  en  sarrau  dans  le  Plus  hardi  des  gueux. 
Il  y  a  aussi  des  coquins.  Sous  ce  rapport,  ce  serait  faire  de  la  critique 
pointue  que  d'insister  davantage.  Là  n'est  pas  le  côté  damnable  de 
M.  Assolant  ;  il  est  dans  les  réflexions  dont  il  assaisonne  les  aven- 
tures de  Rienquivaille.  M.  Assolant  a  trop  lu  Voltaire.  Disons  pour- 
tant, à  la  décharge  de  l'auteur  du  Plus  hardi  des  gueux,  que  son  vol- 
tairianisme  est  un  voltairianisme  gouailleur.  Il  n'a  rien  de  haineux,  et 
sa  gaîté  en  atténue  le  venin.  L'intrigue  du  roman  est  celle-ci  : 
Ninon,  fllle  du  bonhomme  Marteau,  est  aimée  de  Jean-de-Dieu  Rien- 
quivaille. Mais  Bernard  de  Ventadour  essaye  pareillement  de  papil- 
lonner autour  de  Ninon.  De  là  des  guet-apens,  des  bousculades,  des 
estocades,  des  courses  au  clocher,  des  escarmouches, des  enlèvements, 
dans  lesquels  Rienquivaille,  «  le  plus  hardi  des  gueux,  »  apparaît 
toujours  comme  le  deus  ex  machina.  Finalement,  c'est  a  le  plus  hardi 
des  gueux  »  qui  triomphe.  Il  y  a  dans  le  livre  trois  physionomies  sai- 
sissantes :  d'abord  Rienquivaille,  peintre,  poète,  musicien,  bohème 


-    303  — 

avec  des  airs  de  gentilhomme,  leste,  bien  fait,  le  cœur  sur  la  main, 
héroïque,  fou,  très-sympathique;  puis,  Ninon,  un  petit  amour  de 
fillette,  avec  des  yeux  que  Greuze  eût  voulu  peindre,  mais  d'une 
vertu  à  toute  épreuve;  enfin,  Joseph  Théodore  Marteau,  l'épicier 
trembleur,  possédant  pignon  et  boutique  sur  rue  près  la  Tour  Saint- 
Jacques  la  Boucherie,  bourgeois  tranquille,  paisible  de  caractère, 
exact  aux  échéances,  homme  respecté  dans  son  quartier,  homme 
considérable,  homme  à  raise_,  homme  qui...  homme  que....  bref, 
malgré  ses  défauts,  un  bon  homme  et  un  excellent  père  de  famille. 
Marteau  a  des  successeurs.  Ce  sont  les  Jérôme  Paturot  de  notre 
société  contemporaine. 

—  Nous  aurions  encore  à  dire  un  mot  d'une  douzaine  de  romans  qui 
viennent  de  paraître.  Mais  le  temps  et  l'espace  nous  manquent.  Re- 
mettons la  chose  à  notre  prochaine  revue  trimestrielle,  et,  sans  tran- 
sition, abordons  les  Contes  et  les  Nouvelles.  On  publie  les  œuvres 
posthumes  de  George  Sand,  et  ces  œuvres  posthumes  sont  des  Contes, 
et  des  Contes  de  grand'mère  encore.  Lélia,  grand'mère,  voyez-vous 
celad'ici?  Eh  bien  !  oui,  George  Sand  était,  dans  ces  derniers  jours, 
passée  à  l'état  d'aïeule,  et  c'est  pour  ses  deux  petites-filles.  Aurore  et 
Gabrielle, qu'elle  a  écrit  le  Chêne  parlant,  le  Chicn^  la  Fleur  sacrée.,  Ce 
que  disent  les  fleurs,  le  Marteau  rouge,  le  Gnome  des  huîtres^  la  Fée 
Poussière,  la  Fée  aux  gros  yeux,  le  Château  de  Pictordu,  la  Reine  Coax, 
les  Ailes  de  courage,  le  Nuage  rose,  le  Géant  Yeous  et  VOrgue  du  Titan. 
Quelques-uns  de  ces  contes,  tels  par  exemple  que  l'Orgue  du  Titan,  la 
Fée  aux  gros  yeux,  le  Gnome  des  huîtres  et  la  Fleur  sacrée  (le  lotus) 
laissent  passer  des  bouts  d'oreilles  sur  lesquels  on  lit  :  panthéisme, 
boudhisme,  métempsycose  et  migration  des  âmes.  Mais  les  autres 
ne  méritent  que  des  éloges,  et  des  éloges  sans  réserves.  Le  mer- 
veilleux de  la  narration  cache  toujours  une  moralité  ou  une  leçon 
—  et  les  fées  évoquées  par  George  Sand  enseignent,  celle-ci  l'amour 
du  travail,  celle-là  les  avantages  de  la  vertu.  D'autres  révèlent  à  la 
petite  Aurore  et  à  la  petite  Gabrielle  les  merveilles  de  la  minéralogie, 
de  l'entomologie  et  de  la  botanique.  Le  Chêne  parlant,  le  Géant  Yeous 
et  le  Manoir  de  Pictordu,  où  se  marient  si  harmonieusement  le  réel  et 
ridéal,  sont  des  démonstrations  on  ne  peut  plus  ingénieuses  de  la 
puissance  moralisatrice  de  la  souffrance  et  delà  supériorité  de  l'homme 
sur  les  forces  aveugles  de  la  nature.  Il  y  a,  dans  le  Manoir  de  Pictordu, 
une  touchante  théorie  sur  les  rapports  du  monde  visible  et  du  monde 
invisible.  Il  y  est  question  des  mères  mortes  qui  veillent  sans  cesse 
sur  leurs  enfants  confiés  aux  soins  des  marâtres.  Dans  les  Ailes  de 
courage,  George  Sand  nous  présente  un  jeune  Pythagore  rural  qui, 
comme  saint  François  d'Assise,  comprend  et  explique  le  langage  des 
oiseaux  —  avec  cette  différence  cependant  que  Clopinet  ne  sait  pas, 


—  ;ioi  — 

comme  le  séraphique  François,  idéaliser  et  déifier  les  créations  du 
bon  Dieu.  Dans  la  Reine  Coax,  la  reine  des  grenouilles,  qui  se  pare 
d'émeraudes,  qui  joue  de  Téventail,  qui  danse  la  sarabande,  qui  passe 
la  moitié  du  jour  à  faire  la  pecque  et  la  mijaurée  et  qui  crève  à  la 
peine,  la  grand'mère  a  voulu  prouver  que  la  vanité  était  un  vilain 
défaut  et  qu'une  jeune  fille  doit  chercher  à  plaire  uniquement  par  ses 
vraies  qualités  et  non  pas  des  qualités  d'emprunt.  En  résumé,  il  y  a  dans 
les  Coules  d'une  grand'mère  des  pages  de  toute  perfection  :  «Il  ne  manque 
que  Dieu  à  George  Sand,  »  disait  Raymond  Brucker.  En  effet,  si  Dieu, le 
Dieu  vivant — et  non  le  Dieu  des  philosopheurs,un  Dieu  qui  pue  Tencre — 
apparaissait  dans  ces  Contes,  ce  seraient  d'incomparables  chefs-d'œu- 
vre. Aux  Contes  d'une  grand'mère  se  rattache  un  volume  de  Nouvelles, 
comprenant  la  Coupe,  Liipo  Livcrani,  le  Toasl  et  la  Rêverie  à  Paris.  On 
aurait  mieux  fait  de  laisser  dormir  ce  volume  dans  les  tiroirs  de  la 
châtelaine  de  Nohant.  Il  n'ajoute  rien  à  sa  gloire.  Au  contraire  !  ce 
sont,  en  partie,  des  conceptions  de  la  George  Sand  des  mauvais  jours, 
des  jours  d'impiété  et  de  révolte.  La  Rêverie  à  Paris  est  un  dithyrambe 
en  l'honneur  de  la  ligne  droite,  de  la  rue  tirée  au  cordeau,  si  souvent 
critiqué  par  l'école  romantique.  Le  Toasl  est  un  petit  rien,  écrit  pour- 
tant avec  une  plume  d'or.  Restent  la  Coupe  et  Lupo  Liverani,  sur  les- 
quels portent  principalement  nos  blâmes.  La  Coupe  est  un  poëme 
féerique  en  prose,  nuageux,  obscur,  monotone,  conçu  d'après  les 
idées  druidiques  des  Triades  bardiques,  de  Jean  Reynaud,  d'Henri 
Martin  et  de  Michelet-Dumesnil.  La  «  Coupe  des  fées  »  donne  la 
beauté,  la  jeunesse,  la  puissance,  l'immortalité  —  mais  elle  ne  donne 
pas  le  bonheur.  Si  bien  que  le  dernier  mot  du  poème  aboutit  au  dégoût 
de  la  vie.  Le  prince  fabuleux  dont  la  fée  Zilla  s'est  constituée  la  pro- 
tectrice en  arrive  à  s'écrier  :  «  La  mort,  c'est  l'espérance.  »  Belle 
devise,  mais  seulement  dans  une  bouche  chrétienne.  Quant  à  Lupo 
Liverani^  drame  en  trois  actes,  imité  de  Tirso  de  Molina,  nous  ne 
pouvons  en  louer  que  le  style.  La  donnée  est  dirigée  contre  un  des 
dogmes  les  plus  redoutables  du  catholicisme.  L'œuvre  de  Gabriel 
Tellez  (Tirso  de  Molina)  est  la  plus  hardie  création  du  théâtre  espa- 
gnol. Mais  c'est  un  drame  sincèrement  religieux,  un  véritable  auto, 
fait,  selon  les  croyances  du  temps  où  il  a  été  écrit,  par  un  moine  à  qui 
Dieu  avait  départi  le  génie  d'un  Shakespeare.  Cette  œuvre  effrayante, 
audacieuse  et  puissante,  a  pour  titre  :  El  Condenado  por  dcsconfiado,  le 
Damné  pour  manque  de  foi.  On  peut  y  voir  une  sorte  de  parabole  des- 
tinée à  rendre  intelligible  au  peuple  la  doctrine  catholique  de  la  grâce 
efficace.  George  Sand  a  dénaturé  la  conception  rigoureusement  ortho» 
doxe  de  Gabriel  Tellez,  conception  très-large  d'allures,  ne  compor- 
tant rien  d'étroit,  de  mesquin,  de  ridicule.  Au  dénoûment  à^El  Con^ 
denado,  tout  de  réconciliation  et  de  pardon,  le  dernier  mot  reste  à 


—  30o  — 

Dieu.  Dans  Lupo  Liverani,\e  dernier  mot  esta  Satan,  qui  dit  au  héros 
principal,  à  Angelo  devenu  ermite  :  «  C'est  au  désert  que  je  règne  sur 
«  celui  qui  n'aime  que  lui-même.  Va  !  invente  des  supplices  pour  ton 
a  corps,  et  persiste  à  croire  que  le  sang  est  plus  agréable  à  Dieu  que 
«  les  larmes.  Je  t'aiderai  à  dessécher  ton  cœur  et  à  développer  par 
«  de  fécondes  imaginations  le  précieux  germe  de  férocité  qui  fait  les 
«  saints  exorcistes  et  les  inquisiteurs  canonisés.  »  Ne  croirait-on  pas 
lire  une  page  du  Réveil  ou  de  la  Lanlerne. 

—  M'"'=  Durand  (Henri  Gréville)  arrive  encore  de  Russie_,  non  avec 
un  roman,  cette  fois,  mais  avec  un  stock  de  Nouvelles  :  Stéphane  Maka- 
riejf,  Vera.,  V Examinateur ,  le  Meunier  et  Anton  Massilof.  Trois  de  ces 
Nouvelles:  Vera,  le  Meunier  et  Anton  Massilof,  mettant  en  scène,  ici 
une  coquette  qu'une  plaisanterie  de  son  fiancé  mène  au  tombeau,  là 
un  rustre  comme  il  j  en  a  tant,  ailleurs  un  secrétaire  d'ambassade 
dont  TinJécision  est  le  péché  mignon,  sont  à  peu  près  insignifiantes. 
Par  contre,  dans  Stéphane  et  l'Examinateur,  nous  avons  deux  joyaux 
qu^on  dirait  sortis  de  la  cassette  de  Mérimée  ou  de  Técrin  de  Tour- 
guéneff.  h' Examinateur  \}onTV3iit'mênie  entrer,  sans  conteste,  dans  le 
petit  nombre  des  contes  non  fantastiques  d'Hofi'mann.  Les  bonnes  et 
braves  figures  du  professeur  Maréguine,  de  sa  gouvernante,  de  son 
élève  —  une  pauvre  orpheline  qu'il  épouse  presque  sans  s'en  douter, — 
ont  une  netteté  et  un  charme  singuliers,  provoquant  tour  à  tour  une 
larme  ou  un  sourire.  Stéphane  Makarieff  \a,\it,  esthétiquement  parlant, 
VExaminateur  :  mais  l'histoire  de  ce  paysan  russe  qui  se  marie  sans 
amour,  qui  vit  en  adultère  avec  sa  voisine  et  qui  tue  sa  femme  légi- 
time, manque  absolument  de  moralité.  Or,  dans  des  courts  récits  de 
ce  genre,  le  manque  de  moralité  est  chose  particulièrement  cho- 
quante. Et  c'est  précisément  le  défaut  dans  lequel  sont  partiellement 
tombés  M.  Emile  Bosquet  et  M.  Georges  de  Peyrebrune.  Il  y  a  pour- 
tant dans  le  recueil  de  M.  Emile  Bosquet  une  petite  perle  :  les  Oiseaux 
de  Berthe.  C'est  court,  naturel,  simple,  délicat,  ravissant.  Que  n'a-t-il 
montré  le  même  tact  dans  Séraphine  et  Léonie  et  surtout  dans  Une 
'OilUgiature,  narration  passablement  leste  où  se  donnent  la  réplique 
une  Parisienne,  un  vieux  beau  et  un  viveur?  Tous  personnages  qui 
sont  loin  d'être  des  prodiges  de  vertu  ;  il  est  vrai  de  dire  néanmoins 
que  l'expérience  les  corrige.  Aussi  lestes  sont  certains  Contes  en  l'air 
de  M.  Georges  de  Peyrebrune  :  notamment  la  Tante  Berthe.  Incontes- 
tablement la  Tante  Berthe  a  une  réelle  valeur  littéraire.  Il  est  fâcheux 
que  le  côté  poétique,  spirituel  et  original  (une  jeune  tante  à  la  mode 
de  Bretagne  qui  se  déguise  en  petite  vieille  pour  dégoûter  son  neveu 
Daniel  et  qui  ne  réussit  que  mieux  à  lui  inspirer  de  l'amour),  il  est 
fâcheux,  dis-je,  que  les  qualités  sérieuses  du  récit  soient  déparées  par 
une  tendance  visible  à  prodiguer  les  descriptions  anacréontiques  et 
Avril  1878.  T.  XXII,  20. 


—  306  — 

les  scènes  libres  (genre  Daphnis  et  Chloé).  La  Tante  Bcrthe  a  fourni  a 
M.  Georges  de  Peyrebrune  Toccasion  de  célébrer  le  Périgord,  belle 
province  où  ne  se  trouve  pas  seulement  des  dindons  truffés  et  des 
cèpes  à  la  bordelaise,  mais  oîi  il  pousse  aussi  des  Montaigne,  grands 
dénicheurs  de  paradoxes,  des  Fénelon,  sublimes  pécheurs  d'âmes, 
des  Dumesnil,  braves  plébéiens  qui  deviennent  des  héros  en  défendant 
la  patrie.  Mentionnons  seulement  pour  mémoire,  comme  faisant  partie 
des  Contes  en  l'air  :  Sous  les  branches,  banalité  puérile  ;  Une  fenêtre 
dans  l'autre  monde,  qui  fait  involontairement  penser  au  chien  si  intelli- 
gemment fidèle  d'Aubry  de  Montdidier  (voir  \d.  Morale  en  action)  ;  Une 
horrible  histoire,  laquelle  n'est  pas  du  tout  une  histoire  horrible,  puis- 
qu'il ne  s'agit  que  de  la  noyade  simulée  d'un  affreux  king-charles  ;  enfin, 
YAppollon  Pythicn,  petit  poëme  mythologique  où  sont  racontées  (trop 
librement)  les  défaillances  de  la  prêtresse  Pamphila.  Et  voilà  tout!  On 
dit  que,  sous  ce  nom  vraiment  romantique  de  Georges  de  Peyrebrune, 
se  cache  une  femme,  et  une  femme  de  beaucoup  d'esprit.  L'esprit  y 
est,  très-certainement.  Mais  l'auteur  des  Contes  en  l'air  fera  bien  — 
sans  devenir  pour  cela  collet-monté  —  de  déshabiller  un  peu  moins 
son  style.  Chez  une  femme,  le  style  trop  décolleté  déplaît  et  jure. 

FlRMlN  BoissiN. 


JURISPRUDENCE 


Traité  de  droit  français  privé  et  public,  par  A.  Mocllart,  docteur  en  droit,  professeur 
de  droit  et  d'économie  politique  à  Amiens.  Paris,  Guillaumin,  1877,  in-8  de  xxxil- 
694  p.  Prix  :  10  fr.  —  Manuel  de  la  législation  française  à  l'usage  de  tout  le  monde,  par 
M.  Emile  Benoit,  avocat,  juge-suppléant  à  Avignon.  Paris,  Larose,  1877,  in-12  de 
vii-416  p.  Prix  :  4  fr.  —  Etudes  sur  lot  communauté  réduite  aux  acquêts,  par  M.  Ch. 
Piolet,  docteur  en  droit.  Paris.  Marescq  aîné,  1877,  in-8  de  201  p.  Prix  :  4  fr.  —  De 
la  séparation  de  biens  sous  le  régime  dotal,  par  M.  Vdèrat, docteur  en  droit,  substitut 
à  Etampes.  Paris,  Cotillon,  1877,  in-8  de  191  p,  Prix  :  3  fr. —  Elude  sur  le  caractère 
et  les  conditions  conslilutivcsdu  mariage  endroit  romain  et  en  droit  français, -par  M.  BÉDROS 
Th.  Chachian,  docteur  eu-droit.  Paris,  Blot,  1875,  in-8  de  167  p.  Prix  :  3  fr,  — 
De  la  succession  légitime  et  testamentaire  en  droit  international  privé,  par  M.  Charles 
Antoine,  docteur  endroit.  Paris,  Marescq  aîné,  1876,  in-8  dexii-!80  p.  Prix  :  3  fr. 
—  La  Faillite  dans  le  droit  international  privé,  par  M.  G.  Carle,  professeur  à  l'Univer- 
sité de  Tarin,  traduit  et  annoté  par  M.  Ernest  Dubois,  professeur  à  la  faculté  de 
Nancy.  Paris,  Marescq,  1875,  in-8  de  xi-163  p.  Prix  :  4  fr.  —  La  Législation  de 
l'Algérie,  par  M.  Je.anvrot,  substitut  à  Ajaccio.  Paris.  Cotillon,  1877,  in-8  de  76  p. 
Prix  :  2  fr.  —  L'Egypte  et  sa  réforme  judiciaire.  Paris,  Auguste  Ghio,  1875,  in-8 
de  174  p.  Prix  :  2  fr.  —  Etude  sur  l'extradilion,  par  M,  E.  de  Vazelhes,  docteur  en 
droit.  Paris,  Pichon,  1877,  in-8  de  230  p.  Prix  :  5  fr.  —  Précis  d'un  cours  de  droit 
criminel,  par  M.  E.  Villey,  professeur  à  la  faculté  de  Caen.  Paris,  Durand  et 
Pedone-Lauriel,  1876  et  1877,  2  vol,  comprenant  ensemble  551  p.  Prix  :  4  fr.  — 
Code-Manuel  du  juré  d'assises,  par  G.  Fenet,  avocat,  Paris,  Cotillon,  in-r2  de  317  p. 
Prix  :  1  fr.  25.  —  Des  exruses  légales  en  droit  pénal,  par  M.  A.  de  Sarrau  DE  BOYNET, 
avocat.  Paris,  Thorin,  1875,  in-8  de  Viil-531  p.  Prix  :  10  Ir. —  La  Séduction,  par 
M.  Albert  Millet,  avocat.  Paris,  Cotillon,  1876,  in-12  de  223  p.  Prix  :  2  fr.  50.  —Dic- 
tionnaire de  droit  électoral,  par  M.  A.  Bavelier.  ancien  avocat  au  Conseil  d'Etat  et  à 
la  Cour  de  cassation.  Paris,  Paul  Dupont^  1877,  in-8  de  511  p.  Prix  :  11  fr, —  Code  det 


—  307  — 

■  lois  de  la  presse,  par  M.  Rolland  de  Villap.gues.  Paris,  1876,  3»  éditiou,  Marescq 
aîné,  in-8  de  120  p.  Prix  :  4  IV.  —  De  la  propriété  des  mines,  par  M.  K.  Chevallier, 
docteur  en  droit.  Paris,  Marescq  aine  et  Baudry,  in-8  de  201  p.  Prix  :  4  fr.  ^- 
Code  des  the'âtres,  par  M.  Ch.  Constant,  avocat  à  Paris.  Paris,  Durand  et  Pedone- 
Lauriel,  1876,  in-12  de  370  p,  Prix  :  3  fr.  50  —  Leçon  d'ouverture  du  cours  de  droit 
civil  approfondi  dans  ses  rapports  avec  V enregistrement,  par  M.  E.  DUBOIS,  professeur  à 
la  faculté  de  Narcy.  Paris,  Cotillon,  1876,  in-8  de  41  p.  2  fr.  50. 

L'année  dernière,  à  cette  même  place^  nous  entretenions  nos  lec- 
teurs des  résultats  du  concours  ouvert  par  TAcadémie  des  sciences 
morales  et  politiques  en  1872,  et  dont  le  programme  était  ainsi  for- 
mulé :  «  Exposer  avec^  la  clarté  nécessaire  pour  être  compris  par 
touSj  les  règles  fondamentales  du  droit  français,  '^t  montrer  les  rap- 
ports de  ce  droit  avec  les  principes  de  la  morale  et  avec  rutilité 
générale...  »  Nous  rendions  compte  à  cette  époque  des  deux  ouvrages 
qui  avaient  valu  à  leurs  auteurs,  MAL  Jourdan  et  Glasson,  le  premier 
et  le  second  prix.  Nous  avons  à  parler  aujourd'hui  du  traité  de 
M.  MouUart,  que  les  juges  du  concours  ont  placé  au  troisième  rang, 
tout  en  lui  décernant  une  mention  très-honorable.  Dès  les  premières 
lignes  de  l'introduction,  nous  sommes  heureux  de  relever  cette  phrase 
qui  garantit  les  sentiments  de  l'auteur,  et  qui  semble  indiquer  de  sa 
part  une  parfaite  intelligence  des  difficultés  du  sujet  :  a  Mon  intention 
n'a  pas  été  de  faire  un  manuel  qui  pût  prendre  sa  place  dans  le  cabi- 
net de  l'homme  d'étude,  comme  dans  la  mansarde  de  l'ouvrier  et  dans 
la  chaumière  du  paysan.  Je  ne  connais  qu'un  livre  assez  court,  assez 
beau,  assez  indispensable,  assez  universel,  assez  bon  marché,  car  il 
faut  tenir  compte  de  ces  nécessités  économiques,  pour  pénétrer  par- 
tout et  s'adresser  à  la  fois  à  l'ignorant  et  au  savant  ;  mais  ce  livre, 
l'Evangile,  est  un  code  des  devoirs, et  il  a  d'autres  auteurs  et  d'autres 
vulgarisateurs  que  des  professeurs  de  droit.  » 

Cela  est  bien  dit  autant  que  bien  pensé.  Mais  pourquoi  faut-il  qu'en 
dépit  des  promesses  de  ce  début,  M.  Moullart  soit  précisément  tombé 
dans  recueil  qu'il  signalait  lui-même?  Il  s'est  laissé  entraîner  à  com- 
poser un  véritable  manuel.  Son  livre,  nous  le  craignons,  est  trop 
scientifique  pour  ceux  qui  ne  sont  pas  initiés  à  la  connaissance  du 
droit,  trop  superficiel  pour  ceux  qui  veulent  entreprendre  des  études 
sérieuses.  Préoccupé  à  l'excès  du  désir  de  ne  rien  omettre,  il  accorde 
trop  de  place  à  des  détails  que  son  cadre  ne  comportait  pas.  Les 
grandes  lignes  perdent  ainsi  de  leur  netteté;  les  développements  pré- 
sentent souvent  la  sécheresse  inséparable  des  nomenclatures  ;  les  la- 
cunes pourtant  y  abondent  encore,  et  la  critique  y  fait  parfois  défaut. 
Le  lecteur  est  fréquemment  déconcerté  par  la  distribution  toute  nou- 
velle des  matières.  Enfin,  si  les  intentions  sont  louables,  la  philoso- 
phie n'est  pas  toujours  suffisante.  En  particulier,  les  démonstrations 
du  droit  de  propriété  (p.  169),  et  du  droit  de  transmission  par  der- 
nière volonté  (p.  428),  sont  loin  de  nous  satisfaire. 


—  308  — 

—  Le  Manuel  de  In  lègiskUion  française  à  l'usage  de  tout  le  monde, 
par  M.  Emile  Benoit,  est  également  une  œuvre  de  vulgarisation, 
mais  les  visées  sont  plus  modestes.  On  y  trouvera  des  conseils  pra- 
tiques, qu'accompagnent  des  formules  et  des  modèles  d'actes  usuels. 

—  Au  contraire,  M.  Piolet,  dans  sa  monographie  sur  la  Commu- 
nauté réduite  aux  acquêts,  s'est  placé  à  un  point  de  vue  surtout  scien- 
tifique. Cette  étude  est  précédée  d'une  introduction  dans  laquelle 
M.  D.  de  FoUeville,  le  professeur  bien  connu  de  la  faculté  de  Douai, 
fait  ainsi  ressortir  l'intérêt  du  sujet  :  «  La  plupart  des  auteurs  n'ont 
consacré  jusqu'ici  à  ce  sujet  que  des  développements  fort  courts.  Au- 
cune monographie  spéciale  n'a  été,  à  notre  connaissance,  publiée  et 
mise  dans  le  commerce.  Nous  dirions  volontiers  qu'il  y  a  là  une  véri- 
table ingratitude  en  présence  des  services  que  rend,  dans  la  pratique, 
la  communauté  réduite  aux  acquêts.  »  Désormais  cette  lacune  est 
comblée.  Le  livre  de  M.  Piolet  est  un  exposé  très-complet,  très-subs- 
tantiel, très-compétent. 

—  Cette  matière  si  vaste  et  si  difficile  des  conventions  matrimo- 
niales a  également  appelé  l'étude  de  M.  Y uébsit.  De  la  séparation  de 
bieiis  sous  le  régime  dotal,  tel  est  le  titre  de  l'ouvrage  que  vient  de 
publier  ce  jeune  magistrat,  dont  le  nom  a  déjà  été  mis  en  évidence 
par  le  concours  de  1876,  pour  les  fonctions  d'attaché  au  parquet. 
Il  témoigne,  dans  ce  sujet  un  peu  aride  et  très-spécial,  de  connais- 
sances approfondies  et  d'une  vraie  puissance  de  dialectique. 

—  Nous  sommes  redevables  àM.Bédros-Th.  Chachian  d'un  excellent 
traité  sur  le  Caractère  et  les  conditions  consiitutives  du  mariage.  C'est 
un  ouvrage  que  nous  aimons  à  signaler,  ])arce  qu'il  dénote  un  travail 
consciencieux,  des  recherches  intelligentes,  et  qu'il  s'inspire,  dans 
les  grandes  controverses  soulevées  autour  de  la  question,  d'un  esprit 
vraiment  libéral^  au  sens  juste  et  chrétien  de  ce  mot.  L'auteur  par- 
court les  législations  de  l'antiquité  :  chemin  faisant,  il  fournit  sur  les 
coutumes  de  l'Arménie  des  renseignements  curieux  et  nouveaux. 
Examinant  ensuite  le  droit  français  moderne,  il  en  fait  une  exposition 
très-complète.  Non  content  d'analyser,  il  apprécie;  et  nous  ne  pou- 
vons que  partager  son  sentiment,  qu'il  résume  ainsi  :  «  La  loi  civile 
nous  paraît  avoir  commis  une  double  faute  :  premièrement,  le  jouroà 
l'Assemblée  législative  changea  la  nature  du  mariage  en  ne  tenant 
aucun  compte  du  sacrement;  secondement,  le  jour  où  les  articles  or- 
ganiques enlevèrent  aux  catholiques  le  droit  de  recevoir  la  bénédic- 
tion de  l'Église,  avant  de  se  rendre  à  la  cérémonie  civile  (p.  89).  » 

—  Nous  sommes  loin  de  l'époque  où  le  législateur  n'avait  à  se 
préoccuper  que  des  seuls  habitants  de  sa  cité  ou  de  son  empire,  et  où 
les  jurisconsultes  romains  ne  mentionnaient  les  étrangers  que  pour 
leur  dénier  toute  espèce  de  droits,  en  les  flétrissant  sous  la  qualifîca- 


—   309  — 

lion  de  barbares.  Avec  le  développement  toujours  croissant  des  rela- 
tions internationales,  l'étude  du  droit  international  privé  prend  une 
importance  également  croissante.  C'est  là  une  brandie  essentiellement 
moderne  de  la  science  juridique.  Déjà  des  travaux  remarquables  ont 
été  accomplis  ;  mais  le  champ  est  vaste  et  promet  encore  d'amples 
moissons  à  ceux  qui  tenteront  de  l'exploiter.  Aussi  félicitons-nous 
M.  Ch.  Antoine  d'avoir  pris  pour  sujet  de  thèse  de  doctorat  l'examen 
des  conflits  qui  peuvent  surgir  en  matière  de  successions  entre  les 
diverses  législations.  D'après  lui,  les  règles  que  la  raison  commande 
sont  les  suivantes  :  u  Le  succession  d'une  personne  est  réglée  par 
la  loi  de  la  nation  à  laquelle  cette  personne  appartient.  —  Il  en  est 
ainsi  quel  que  soit  le  pays  où  se  trouvent  les  biens  laissés  par  le  dé- 
funt, quelle  que  soit  la  nature  de  ces  biens,  meubles  ou  immeubles,  et 
quel  que  soit  enfin  le  pavs  où  a  eu  lieu  le  décès....  »  —  Mais  M.  An- 
toine ne  se  borne  pas  à  émettre  le  vœu  que  ces  règles  soient  désor- 
mais consacrées  par  le  commun  accord  des  législations  européennes. 
Il  va  plus  loin,  et  c'est  ici  que  nous  hésitons  davantage  à  le  suivre  :  il 
soutient  que  d'ores  et  déjà,  dans  l'état  actuel  de  notre  code,  u  ces 
mêmes  principes  peuvent  et  doivent  être  suivis  en  France,  aucun 
texte  de  la  loi  française  ne  s'opposant  à  ce  qu'ils  le  soient.  »  Cette 
opinion  est  fortement  appujée  par  M.  Ernest  Dubois,  professeur  à  la 
faculté  de  Nancy,  dans  la  préface  dont  il  a  honoré  l'œuvre  de  son 
élève. 

—  De  l'ouvrage  précédent  au  volume  intitulé  :  la  Faillite  en  droit 
international  privé,  la  transition  est  doublement  facile  :  les  questions 
soulevées  offrent  des  analogies,  et  ici  encore  nous  retrouvons  le  nom 
de  M.  Ernest  Dubois.  Il  est  vrai  que  M.  Dubois  se  présente  avec  le 
titre  modeste  de  traducteur  du  mémoire  de  M.  G.  Carie,  couronné 
par  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  de  Naples.  Mais 
l'importance  des  annotations  fait  du  professeur  français  un  véritable 
collaborateur  de  son  confrère  italien.  Ce  traité,  dont  nous  regrettons 
de  n'avoir  pu  parler  plus  tôt,  a  déjà  eu  un  grand  retentissement  dans 
les  facultés  et  dans  le  monde  judiciaire.  La  faveur  dont  il  jouit  est 
méritée;  car  il  ouvre,  en  droit  pur,  des  aperçus  trop  généralement 
négligés  ;  et,  au  point  de  vue  pratique,  il  fournit  des  renseignements 
précieux  tant  sur  la  jurisprudence  française  que  sur  la  jurisprudence 
étrangère. 

—  M.  Jeanvrot,  substitut  à  Ajaccio,  a  entrepris  de  présenter  dans 
un  tableau  d'ensemble  la  législation  de  l'Algérie,  en  exposant  l'état 
actuel  de  l'organisation  politique,  administrative,  communale,  dépar- 
tementale, judiciaire,  etc.  Il  lui  a  fallu,  pour  concevoir  simplement 
l'idée  d'un  semblable  travail,  un  véritable  courage.  Comment  ne  se- 
rait-on pas  effrayé,  en  effet,  à  la  vue  de  ce  dédale  de  lois,  de  décrets. 


—  310  - 

d'ordonnances,  qui,  tour  à  tour,  se  sont  abrogés,  modifiés  ou  com- 
plétés? On  l'a  dit  avec  raison,  le  pire  des  systèmes  successivement 
essayés  eût  été  préférable, sous  la  condition  d'être  appliqué  avec  esprit 
de  suite,  à  cette  instabilité  perpétuelle.  M.  Jeanvrot  s'est  appliqué  à 
rechercher  dans  ces  centaines  de  textes  épars  les  dispositions  présen- 
tement en  vigueur,  et  aies  résumer  en  quelques  pages  concises.  Nous 
pourrions  sans  doute  signaler  bien  des  omissions,  notamment  dans  la 
partie  consacrée  à  l'organisation  administrative;  mais  comment  en 
aurait-il  été  autrement?  Nous  préférons  reconnaître  ce  que  l'effort 
tenté  offre  de  méritoire  et  d'utile. 

—  L'Egypte  et  sa  réforme  judiciaire,  tel  est  le  titre  d'un  mémoire 
consacré  à  l'étude  d'une  question  plus  politique  encore  que  juridique. 
L'auteur  anonyme,  qui  fait  preuve  d'une  connaissance  approfondie  de 
l'Egypte  et  de  ses  mœurs,  conclut  au  maintien  des  anciennes  capitu- 
lations; il  signale  les  dangers  des  innovations  proposées  parle  vice- 
roi  dès  1867,  dans  un  but  habilement  et  perfidement  dissimulé.  Depuis 
l'époque  de  cette  publication  (décembre  1875),  des  faits  nouveaux  se 
sont  produits.  Nous  ne  croyons  pas  cependant  que  la  question  soit 
définitivement  vidée;  la  discussion  reste  ouverte;  et  les  lecteurs  qui 
voudront  suivre  ces  débats  si  graves  notamment  pour  les  intérêts 
français,  consulteront  avec  fruit  ce  travail  et  les  documents  nombreux 
qui  y  sont  reproduits. 

—  Avec  l'Étude  sur  l'extradition,  de  M.  E.  de  Vazelhes,  nous  en- 
trons dans  le  domaine  du  droit  pénal,  quoique  la  question  se  rattache 
encore  au  droit  international,  et  qu'il  convienne  de  se  reporter,  pour 
comprendre  son  intérêt  de  plus  en  plus  considérable,  aux  causes  indi- 
quées ci-dessus.  Le  principe  remonte  à  l'antiquité  la  plus  reculée,  et 
notre  auteur  cite  un  véritable  traité  d'extradition  intervenu  entre 
Ramsès  II,  roi  d'Egypte,  et  le  prince  de  Chéta.  Mais  c'est  à  notre 
époque  surtout  qu'il  devient  nécessaire  de  consacrer  à  ce  droit  une 
place  et  une  attention  toutes  spéciales.  L'échange  des  malfaiteurs,  si 
nous  pouvons  nous  exprimer  ainsi,  suit  la  marche  ascendante  des 
autres  échanges  de  peuple  à  peuple.  M.  de  Vazelhes  aborde  ce  sujet 
délicat  avec  une  préparation  très-complète,  une  forme  excellente, 
des  principes  que  nous  sommes  heureux  d'approuver  sans  réserves. 
Il  critique,  non  sans  raison,  ce  qu'il  y  a  d'excessif  dans  la  règle  de 
non-extradition  pour  faits  politiques,  —  cette  formule  vague  cou- 
vrant trop  souvent  de  vrais  crimes  de  droit  commun.  Il  étudie  la 
question  éminemment  actuelle  de  savoir  quelle  forme  doivent  revêtir 
les  traités  d'extradition  sous  l'empire  de  la  constitution  qui  nous 
régit,  et  il  démontre  que  la  sanction  législative  ne  s'impose  pas 
comme  une  condition  essentielle  de  leur  validité.  —  Quels  faits 
peuvent  motiver  l'extradition,  quelles  personnes   en  sont  passibles, 


—  311  — 

quelle  est  la  procédure  à  suivre,  quelles  sont  les  conséquences  légales, 
—  ces  diverses  questions  font  l'objet  de  sa  part  d'un  examen  sérieux. 
Un  appendice  contient  le  texte  d'un  certain  nombre  de  conventions 
choisies  parmi  les  plus  récentes.  Notons  enfin  que  notre  auteur,  dans 
les  préliminaires  historiques  de  son  travail,  fournit  des  indications  et 
formule  des  appréciations  équitables  sur  la  nature  et  l'utilité  du  droit 
d'asile  chez  les  anciens  et  au  moyen  âge. 

—  Dans  la  préface  de  son  Précis  d'un  cours  de  droit  criminel^ 
M.  Villey  prie  le  lecteur  «  de  croire  sur  sa  parole  qu'il  n'a  eu  d'autre 
prétention  que  de  faciliter  à  la  jeunesse  des  écoles,  par  un  résumé  à 
la  fois  succinct  et  complet,  l'étude,  trop  longtemps  négligée,  de  notre 
législation  criminelle.  »  Toutefois,  ce  n'est  pas  aux  étudiants  plus 
préoccupés  de  l'examen  à  subir  que  de  la  science  à  acquérir,  qu'il 
convient  de  recommander  cet  ouvrage.  Ils  seraient  effrayés  par  ses 
dimensions  ;  ils  n'y  trouveraient  pas  ce  qu'ils  demandent  aux  manuels 
qui  peuvent,  à  la  rigueur,  préparer  des  licenciés  en  droit,  mais  qui 
ne  formeront  jamais  des  jurisconsultes.  Enfin,  ils  seraient  déroutés 
par  l'ordre  plus  logique  que  conforme  aux  programmes  dans  lequel 
M.  Villey  a  classé  ses  matières.  —  Mais  en  constatant  que  l'auteur 
n'a  pas  écrit  pour  ce  public  malheureusement  trop  nombreux  sur  les 
bancs  des  facultés,  nous  avons  la  conscience  de  lui  rendre  un  hommage 
mérité.  S'il  n'est  pas  arrivé  exactement  au  but  qu'il  affirme  s'être 
proposé,  c'est  qu'il  l'a  dépassé.  Ceux  qui  désirent  se  livrer  à  une 
étude  sérieuse  goûteront  ce  traité,  où  ils  trouveront,  exposés  dans  la 
forme  la  mieux  appropriée  au  sujet,  des  idées  saines  et  des  aperçus 
profonds. 

— Le  Code-Manuel  du  juré  d'assises  est  un  recueil  soigneusement  élaboré 
des  prescriptions  législatives  qui  organisent  le  jury  criminel,  déter- 
minent sa  compétence  et  réglementent  la  procédure.  Nous  faisons  les 
plus  expresses  réserves  sur  les  théories  énoncées  dans  la  première 
partie,  où  l'auteur  décrit  l'histoire  et  les  vicissitudes  de  cette  institu- 
tion. 

—  Le  volume  de  M.  de  Sarrau  de  Boynet  :  des  Excuses  légales  en  droit 
pénal,  est  nourri  de  faits  et  de  textes  ;  il  abonde  en  citations  d'arrêts 
ou  d'auteurs,  et  nous  semble  destiné  à  rendre  de  précieux  services, 
spécialement  dans  les  parquets. 

—  Sous  ce  titre  :  La  Séduction,  M.  Albert  Millet  examine  une  grave 
question  morale  et  sociale.  Il  constate  les  progrès  eff'rayants  de  l'im- 
moralité publique,  le  nombre  croissant  des  naissances  illégitimes,  des 
infanticides, des  attentats  de  toute  nature  qui, chaque  année,  appellent 
l'intervention  des  tribunaux;  et  il  s'écrie  en  face  de  ces  horreurs 
sociales  :  «  Il  faut  une  loi  contre  la  séduction  !  »  C'est  qu'en  effet  la 
loi  est  à  faire  tout  entière,  et  M.  Millet  a  beau  jeu  à  relever  l'incon- 


—  312  — 

séquence  ou  rimprévoyance  du  code  pénal  :  «  S'agit-il  de  sauvegar- 
der quelques  intérêts  pécuniaires?  Oh!  alors  le  code  déploie  une  pru- 
dence admirable!  Il  prend  les  plus  minutieuses  précautions  ;  il  met  les 
mineurs  en  tutelle...  Mais  quand  il  s'agit  non  plus  d'une  quittance  ou 
d'un  billet  à  ordre,  mais  de  la  vertu  d'une  jeune  fille  mineure,  le 
législateur  ne  dit  mot  et  consent  à  voir  commettre  impunément  un 
tel  abus  de  confiance...  »  —  Il  ne  suffit  pas  de  critiquer  l'état  de 
choses  existant  :  il  est  nécessaire  de  poser,  tout  au  moins,  les  bases 
du  droit  nouveau  que  l'on  sollicite  avec  tant  de  raison.  Telle  est 
l'œuvre  qu'entreprend  notre  auteur  avec  verve  et  conviction,  passant 
en  revue  les  législations  anciennes  et  étrangères,  tantôt  leur  faisant 
des  emprunts,  et  tantôt  s'inspirant  de  l'expérience  acquise  pour  pré- 
venir les  abus  signalés  à  d'autres  époques.  Car  il  importe  de  ne  pas 
tomber,  en  voulant  supprimer  les  dangers  de  l'impunité,  dans  les 
dangers  qui  pouvaient  résulter  de  la  7'ccherche  de  la  paternilé  trop 
facilement  autorisée. 

Nous  nous  associons  aux  vœux  de  M.  Millet.  Nous  voterions  volon- 
tiers toutes  les  modifications  qu'il  propose  d'apporter  au  texte  de  la 
loi.  Mais  nous  croyons  fermement  que  la  réforme  législative,  qui  est 
indispensable,  ne  sortira  son  plein  effet  qu'à  la  condition  d'être  pré- 
cédée ou  accompagnée  de  la  réforme  morale  dont  la  religion  peut  seule 
devenir  l'instrument.  Voilà  la  vérité  fondamentale  que  M.  Millet  ne 
méconnaît  pas,  du  moins  nous  l'espérons,  mais  qu'il  a  le  tort  de  ne 
pas  proclamer  assez  haut. 

—  Le  Dictionnaire  de  Droit  électoral,  de  M.  Bavelier,  n'est  pas  seule- 
ment un  ouvrage  bien  fait  et  sérieusement  travaillé.  Cette  première 
condition,  assurément  nécessaire,  n'est  pas  toujours  suffisante  pour 
assurer  le  succès.  Il  faut,  en  outre,  qu'un  auteur  sache  arriver  à  son 
heure  et  en  temps  opportun.  Or,  le  volume  dont  nous  parlons  pré- 
sente essentiellement  ce  mérite  de  l'à-propos.  Le  suffrage  universel 
vient  de  fonctionner  à  tous  les  degrés;  partout  s'agitent  des  questions 
de  vérification  de  pouvoirs  :  la  Chambre  des  députés  se  livre  à  la  be- 
sogne des  invalidations  ;  les  Conseils  de  préfecture  et  le  Conseil 
d'État  sont  tous  les  jours  appelés  à  statuer  sur  des  élections  départe- 
mentales ou  municipales.  Dans  ces  circonstances,  la  publication  d'un 
recueil  qui  résume  avec  clarté  et  dans  un  ordre  méthodique  les  dispo- 
sitions légales  et  les  monuments  de  la  jurisprudence  n'offre  pas 
moins  d'intérêt  pour  les  juges  eux-mêmes  que  pour  les  justiciables. 
Si  maintenant  nous  ajoutons,  ou  plutôt  nous  répétons  que  ce  recueil 
est  le  fruit  de  longues  recherches  et  qu'il  révèle  une  science  de  bon 
aloi,  on  reconnaîtra  avec  nous  que  l'auteur  a  rendu  au  public  un  véri- 
table service. 

—  Un  honorable  magistrat  de  la  Cour  de  Paris,  M.   Rolland  de 


—  313  — 

Villargues,  a  entrepris,  il  y  a  quelques  années,  de  codifier  les  lois  sur 
la  presse,  c'est-à-dire  de  coordonner,  en  les  éclairant  par  ce  rappro- 
chement et  par  des  relevés  de  jurisprudence,  les  textes  qui  régissent 
actuellement  la  matière.  La  troisième  édition,  que  nous  avons  sous 
les  yeux,  est  datée  de  1876  et  donne,  sauf  en  ce  qui  concerne  le  col- 
portage, le  dernier  état  de  la  législation.  Mais  on  sait  que  les  Cham- 
bres sont  saisies  de  propositions  modifiant,  d'une  façon  plus  ou  moins 
absolue,  la  loi  du  29  décembre  1875.  Cette  circonstance,  qui  pourra 
nécessiter  bientôt  une  édition  nouvelle,  ne  fait  qu'augmenter  l'inté- 
rêt de  celle  dont  nous  nous  occupons.  Quand  on  veut  réaliser  des 
réformes,  la  condition  préalable  est  de  bien  connaître  ce  qu'il  s'agit 
de  réformer.  C'était  justement  le  point  de  vue  auquel  se  plaçait  la 
Chambre  de  1876  quand  elle  chargeait  une  commission  de  cette 
même  œuvre  que  notre  auteur  s'est  spontanément  imposée.  Mais,  tan- 
dis que  le  résultat  des  travaux  de  la  commission  est  encore  à  con- 
naître, M.  Rolland  de  Villargue  a  su  mener  sa  tâche  à  bien  et  répandre 
la  clarté  sur  cette  législation  de  la  presse,  si  mobile  et  si  tour- 
mentée. 

—  C'est  un  sujet  également  à  l'ordre  du  jour  des  discussions  par- 
lementaires que  M.  E.  Chevallier  a  abordé  dans  son  traité  de  la 
Propriété  des  mines.  On  sait,  en  effet,  que  des  modifications  à  la  loi 
de  1810  sont  depuis  longtemps  sollicitées,  surtout  en  ce  qui  concerne 
les  rapports  des  concessionnaires  et  des  superficiaires,  et  que  des 
projets  sont  mis  en  ce  moment  même  à  l'étude.  Ce  motif  n'est  pas 
étranger,  sans  doute,  au  choix  que  la  faculté  de  Paris  a  fait  de  cette 
question  pour  le  concours  de  doctorat  de  1875.  Le  prix  qu'elle  a  dé- 
cerné à  M.  Chevallier  recommande  son  livre  mieux  que  ne  le  pour- 
raient faire  nos  éloges.  Pourquoi  seulement  l'auteur  a-t-il  pris  comme 
point  de  départ  cette  idée,  très-répandue  il  est  vrai,  que,  dans  l'es- 
prit du  législateur  de  1810,  la  mine  non  concédée  est  une  rcs  nullius? 
Cette  explication,  assez  commode  peut-être  pour  pallier  les  incohé- 
rences du  texte,  a  le  tort  de  ne  rien  expliquer  du  tout.  Le  trait  dis- 
tinctif  des  res  nullius  est  de  donner  lieu  au  droit  d'occupation  ;  or,  ce 
droit  ne  s'applique  pas  aux  mines.  Mieux  vaut  reconnaître  franche- 
ment que  l'on  n'a  pas  suivi  en  1810  un  système  défini,  et  que  les  ré- 
dacteurs de  la  loi,  divisés  entre  eux  sur  la  doctrine,  ont  préféré  se 
mettre  d'accord  au  moyen  de  concessions  partielles,  sacrifiant  assez 
volontiers  les  exigences  de  la  logique  pour  ne  songer  qu'aux  besoins 
de  la  pratique.  Telle  est  la  vérité,  croyons-nous  ;  et,  somme  toute, 
elle  blesse  moins  le  législateur  qu'une  interprétation  qui  lui  attribue 
une  théorie  dont  l'énoncé  même  soulève  des  contradictions.  Surtout 
faudrait-il  se  garder  de  dire  «  que  ce  système  est  le  meilleur  en  rai- 
son et  en  équité  (p,  33  et  34).  » 


-  314  — 

—  A  côté  de  détails  forcément  spéciaux  et  d'un  intérêt  très-rela- 
tif, M.  Constant  examine,  dans  son  Code  des  théâtres^  quelques  ques- 
tions dont  rimportance  est  réelle  en  droit  et  en  économie.  Il  retrace 
notamment  l'histoire  de  l'impôt  connu  sous  le  nom  de  droit  des 
pauvres;  il  démontre  d'une  manière  péremptoire  ses  avantages  et  sa 
légitimité.  Les  développements  qu'il  consacre  au  droit  de  propriété 
littéraire  en  matière  d'ouvrages  dramatiques  méritent  de  même  d'être 
signalés  et  recommandés.  Ajoutons  que,  dans  des  annexes  qui  occupent 
prés  de  la  moitié  du  volume,  l'auteur  a  réuni  les  principaux  jugements 
et  arrêts  rendus  en  matière  théâtrale,  et  publié  la  liste  chronologique 
des  lois  et  décrets  concernant  les  théâtres. 

—  Nous  terminons  cette  trop  rapide  revue  par  la  mention  d'une 
brochure  de  40  pages,  dont  l'existence  même  est  un  fait  important  et 
fécond  en  conséquences.  Elle  est  intitulée  :  Leçon  d' ouverture  du  cours 
de  droit  civil  approfondi  dans  ses  rapports  avec  l'enregistrement,  par 
M.  Ernest  Dubois,  professeur  à  la  faculté  de  Nancy.  —  Depuis  long- 
temps, l'absence  de  cours  sur  l'enregistrement  était  signalée  comme 
une  lacune  des  plus  regrettables  dans  l'enseignement  des  facultés. 
Les  étudiants  quittaient  ainsi  l'école  sans  être  initiés  à  cette  branche 
du  droit,  dont  la  connaissance  offre  cependant  un  caractère  si  incon- 
testable d'utilité,  ou  plutôt  de  nécessité.  Nulle  matière,  en  effet,  ne 
donne  lieu  devant  les  tribunaux  à  des  difficultés  plus  fréquentes  et 
plus  épineuses.  D'autre  part,  le  fisc  nous  enlace  tous,  à  chaque  mo- 
ment et  à  l'occasion  de  chacun  des  incidents  de  la  vie  usuelle,  dans  le 
réseau  serré  et  parfois  presque  inextricable  de  ses  droits  d'acte  ou  de 
mutation,  fixes,  gradués  ou  proportionnels.  Enfin,  nous  croyons  que 
l'administration  de  l'enregistrement  doit  désirer  la  première  une  di- 
rection scientifique,  telle  que  peuvent  la  donner  des  professeurs  dis- 
tingués, empêchant  la  pratique  de  dégénérer  en  routine,  et  fixant  les 
principes  dans  ces  questions  où  la  doctrine,  au  sens  le  plus  élevé  du 
mot,  trouve  une  place  incontestable. 

L'honneur  d'avoir  réparé  cette  omission,  jusqu'ici,  reprochée  aux 
programmes  officiels  (car  les  cours  de  droit  administratif  ne  pou- 
vaient qu'effleurera  peine  le  sujet),  revient  à  la  faculté  de  Nancy,  dont 
l'exemple  mérite  d'être  suivi  partout,  et  notamment  dans  nos  Univer- 
sités catholiques.  Le  professeur  du  nouveau  cours,  M.  Ernest  Dubois, 
expose  le  plan  auquel  il  s'est  arrêté  et  en  explique  les  grandes  lignes 
avec  une  compétence  qui  nous  porte  à  souhaiterque  son  enseignement 
soit  bientôt  recueilli  et  publié  tout  entier, 

A.  DE  Cl-AYE. 


—  3Io  — 

THÉOLOGIE 

Corpus    apologetarum     chrîstîanorum     sairr^ulî     secundi  ; 

edidit  Jo.Car.Tli.eques  de  Otto.  Justini  Philosophi  et  martyris  opcra.Tom.  I. 

Opéra  Justini  indubilaia,  editio    tertia,  plurimiim   aucta    et  emeadala, 

lenœ,    Hermann    Dufft  ;    Paris,   KlincksiecJc,  i87o-77,  in-8  de   866    p.    — 

Prix:   10  fr. 

Il  fut  un  temps  où  la  France  était  le  pays  classique  des  travaux 
d'érudition  religieuse.  C'est  de  chez  nous  que  sont  sorties  les  pre- 
mières éditions  des  Pères  au  seizième  siècle,  puis,  dans  les  deux 
siècles  suivants,  les  premières  bonnes  éditions  des  principaux  Pères; 
les  Etienne  et  les  Bénédictins  ont  présidé  à  ces  deux  époques  des 
études  patrologiques.  Dans  ce  siècle  encore,  nous  avons  produit  l'im- 
mense collection  Migne  ;  c'estle  clergé  français  qui  a  conçu  et  soutenu 
cette  oeuvre  si  utile  malgré  ses  défauts.  Absorbé  dans  les  soins  d'un 
ministère  qui  s'étend  de  plus  en  plus  et  par  la  multiplication  des 
oeuvres  et  par  la  diminution  du  personnel,  il  n'a  pas  eu  jusqu'ici  le 
temps  de  se  consacrer  aux  longues  et  minutieuses  besognes  de  la  phi- 
lologie et  de  l'archéologie.  Mais  voici  venir  le  moment  où  la  science 
ecclésiastique  est  appelée  à  refleurir  sous  les  auspices  d'un  Pape 
savant  et  par  le  concours  des  nouvelles  fondations  universitaires.  Il 
est  temps  de  ne  plus  se  contenter  de  réimpressions,  et  de  s'initier 
aux  travaux  récents  qui  ont  renouvelé  à  l'étranger  les  études  de 
littérature  chrétienne;  sans  exagération  de  modestie,  nous  avons 
en  ce  genre  beaucoup  à  apprendre  etde  l'Allemagne  etde  l'Angleterre, 

On  a  rendu  compte  ici  des  nouvelles  éditions  des  Pères  apostoliques 
et  notamment  de  celle  de  MM,  Harnack,  de  Gebhardt  et  Zahn. 
M.Otto  nous  donne  aujourd'hui,  pour  la  troisième  fois  depuis  1842,  une 
édition  des  apologistes  du  second  siècle;  le  premier  volume,  en  deux 
fascicules,  contient  les  œuvres  incontestées  de  saint  Justin,  savoir  les 
deux  Apologies  et  le  Dialogue  avec  Tnjphon.  Disons  d'abord  que  ces 
volumes  ont  sur  les  in-folio  des  Bénédictins  et  même  sur  les  in-4°  de 
Migne  l'avantage  d'être  portatifs.  Dans  ce  temps  de  perpétuelle  cir- 
culation, c'est  un  mérite  appréciable;  un  volume  de  petites  dimensions 
peut  défrayer  et  occuper  bien  des  loisirs  forcés.  M.  Otto  n'a  cessé 
depuis  1842  de  perfectionner  son  texte  par  la  collection  désormais 
complète  de  tous  les  manuscrits  connus  de  saint  Justin.  Hélas  !  ils 
sont  bien  peu  nombreux.  Jusqu'à  lui,  on  n'avait  fait  que  reproduire  la 
première  édition  de  Robert  Etienne  (1551)  ;  dom  Maran  lui-même, 
qui  avait  eu  les  manuscrits  à  sa  disposition,  n'avait  pas  osé  introduire 
dans  le  texte  les  corrections  qu'ils  présentaient  :  il  se  bornait  à  en 
tenir  compte  dans  ses  notes  et  dans  sa  traduction.  Ce  scrupule  exagéré 
des  anciens  éditeurs  rend  très-difficile  à  lire   le  côté  grec   de  leurs 


—  316  — 

pages.    Eu  corrigeant    le  texte    lui-même,    M.     Otto   s'est  montré 
très-discret  :  il   est  en  critique  d'une  école  fortement   conservatrice. 

Les  notes,  rédigées  en  latin,  sont  abondantes,  souvent  empruntées 
aux  anciens  commentateurs  et  mises  au  courant  des  travaux  les 
plus  récents.  Mais  je  dois  avouer  que  les  éditions  Harnack-Gebhardt 
m'ont  rendu  un  peu  difficile  à  ce  sujet;  j'aurais  voulu  voir  séparer  les 
notes  critiques  des  notes  exégétiques,et  dans  les  prolégomènes;  il  me 
semble  qu'on  aurait  pu  diminuer  la  place  faite  à  la  description  des 
éditions  précédentes  au  profit  d'études  plus  pratiques.  Ainsi  pourquoi 
disposer  au  bas  des  pages  des  questions  aussi  importantes  que  celle 
de  la  date  des  apologies,  des  citations  de  l'Ecriture,  des  emprunts  à 
la  littérature  chrétienne  antécédente,  en  particulier  aux  apocryphes? 
Un  point  très-intéressant  n'a  pas  été  traité,  c'est  Tinfluence  deJustin 
sur  les  auteurs  chrétiens  qui  l'ont  suivi.  Dans  les  vieilles  éditions,  on 
avait  coutume  démettre  en  tête  un  recueil  de  Irstimonla,  grâce  auquel 
le  lecteur  pouvait  s'édifier  lui-même  sur  ce  point.  Il  fallait  au  moins 
maintenir  cet  usage  si  l'on  ne  se  décidait,  ce  qui  eût  valu  évidem- 
ment mieux,  à  donner  une  étude  complète  sur  la  question. Les  lacunes 
que  je  signale  ici  sont  cependant,  il  faut  le  reconnaître,  en  partie 
comblées  par  les  six  indices  qui  terminent  le  volume,  indices  1"  ver- 
borum,  2°  rerum,  3°  locorum  Script.  S.  et  aliorum,  4°  scriptorum  qui 
Justine  operibus  usi  svnt,  5°  et  6°  locorum  S.  S.  et  aliorum  scriptorum 
qui  in  commentario  editoris  allegantur. 

Aussi  bien  qu'elle  soit  encore  susceptible  d'être  rendueplus  parfaite, 
cette  nouvelle  édition  de  saint  Justin  marque  un  grand  progrès  sur 
toutes  les  autres  et  notamment  sur  la  première  de  celles  que  nous 
devons  à  M.  Otto  lui-même  (1842).  Quarante  ans  d'études  sur  un 
sujet  assez  circonscrit  n'ont  pu  manquer  d'approfondir  les  recherches 
d'un  savant  consciencieux  dont  le  nom  restera  désormais  attaché  à 
ceux  des  apologistes  auxquels  il  a  consacré  des  efforts  aussi  persé- 
vérants. L.  DUCHESNE. 


Saint  Bernard    orateur,  par  l'abbé   Vacandard.  Rouen,  Montargis; 
l^iiris,  Bloud  et  Barrai,  1877,  )n-12de  ix-487  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Voilà  un  livre  qui  remplit  parfaitement  ce  que  promet  son  titre. 
C'est  une  étude  consciencieuse,  faite  d'après  les  sources  et  les  tra- 
vaux antérieurs  traitant  du  même  sujet,  mais  plus  complète  qu'eux  et 
plus  approfondie.  Si  l'orateur  y  occupe  la  principale  place,  on  y 
retrouve  aussi  la  figure  attrayante  du  saint  :  les  principaux  traits  de 
la  vie  de  saint  Bernard  servent  d'encadrement  à  ce  qui  constitue  le 
fond  du  livre,  dont  la  lecture  devient  ainsi  fructueuse,  non-seulement 
à  ceux  qui  ont  le  saint  ministère  de  la  parole  pour  partage,  mais  à 
toutes  les  âmes  capables  d'aimer  les  grandes  vertus  et  désireuses  de 


—  3i:  — 

les  imiter.  On  doit  féliciter  l'auteur  d'avoir  si  habilement  uni  l'élé- 
ment biographique  au  sujet  principal  de  son  étude  ;  grâce  à  cette 
alliance,  il  a  donné  à  son  exposé  un  caractère  plus  animé,  plus  vivant 
et  d'un  intérêt  continu  que  les  développements  purement  didactiques 
de  sa  thèse  ne  font  que  ressortir  davantage. 

Le  livre  de  l'abbé  Yacandard  se  compose  de  trois  parties,  précédées 
d'une  introduction  sur  quelques  principes  et  caractères  de  l'éloquence. 
Dans  la  première  partie,  intitulée  les  sources,  l'auteur  étudie  l'élo- 
quence de  saint  Bernard  dans  ses  germes  et  ses  premières  manifesta- 
tions; il  montre  comment  le  futur  orateur  se  révélait  déjà  dans 
l'enfant  et  le  jeune  homme,  comment  il  se  formait  par  la  méditation, 
Tétude  et  la  prière,  dans  le  monde  d'abord,  puis  dans  la  solitude  du 
cloître.  La  seconde  partie  initie  le  lecteur  à  la  méthode,  aux  pro- 
cédés et  aux  caractères  distinctifs  de  l'éloquence  de  saint  Bernard.  La 
troisième  partie,  enfin,  montre  son  éloquence  en  action:  elle  résume, 
en  autant  de  chapitres  distincts,  les  enseignements  sur  l'amour  de 
Dieu  et  de  la  sainte  Vierge,  sur  les  anges  et  les  saints,  sur  l'Eglise  et 
l'amitié.  Chacun  de  ces  enseignements  est  rattaché  à  l'histoire  du 
temps  et  confirmé  par  des  passages  extraits  de  ses  discours  ou  instruc- 
tions. 

En  définitive,  l'auteur  reconnaît  à  saint  Bernard  orateur  une 
physionomie  qui  lui  est  propre  et  n'hésite  pas  à  lui  donner  la  palme 
de  l'éloquence  latine.  «  Il  a  comme  Augustin,  dit-il,  les  lumineuses 
intuitions  du  cœur;  de  saint  Ambroise,  il  reproduit  surtout  l'onction 
pathétique  et  pénétrante  ;  de  saint  Grégoire,  enfin,  il  a  les  vues  pra- 
tiques et  l'accent  austère  qui  semblent  plus  particulièrement  l'apa- 
nage de  l'orateur  formé  dans  le  cloître  (p.  455).  » 

Tous  ces  grands  docteurs  lui  ont  servi  de  modèles  ;  mais  leurs  qua- 
lités sont  chez  lui  tellement  fondues  et  réduites  à  l'unité,  qu'il  ne 
semble  jamais  imiter  ses  maîtres.  On  peut  en  dire  autant  de  son  stjle; 
sa  phrase  est  tissue  des  textes  et  des  expressions  des  livres  saints  ; 
et  cependant  toutes  ces  citations  de  la  Bible  jaillissent  spontanément 
de  son  âme  qui  débordait.  Ce  n'est  plus  imiter,  c'est  créer  ;  c'est  faire 
preuve  d'un  génie  original  et  parfaitement  indépendant. 

Toutefois,  en  plaçant  saint  Bernard  au  premier  rang  des  orateurs 
sacrés,  l'abbé  Vacandard  ne  se  laisse  point  égarer  par  une  excessive 
admiration.  Il  ne  dissimule  pas  les  défauts  qui  déparent  l'éloquence 
de  son  héros  ;  il  lui  reproche  le  manque  de  goût,  les  vices  de  sa  mé- 
thode exégétique,  s'attachant  trop  à  l'allégorie ,  à  la  signification  des 
mots  tirée  de  leur  étymologie,  et  à  ce  qu'il  appelle  fort  bien,  avec 
Montaigne,  la  plperie  des  mots.  Aussi,  pour  lire  avec  profit  les  écrits 
de  saint  Bernard,  le  plus  mystique  parmi  les  écrivains  ascétiques,  il 
faut  préparer  son  âme,  en  la  dégageant  d'avance  du  poids  des  choses 


—  318  — 

terrestres.  Préparée  de  la  sorte,  l'àiûe  se  sentira  pénétrée  davan- 
tage de  cette  suave  et  douce  onction,  qui  constitue  le  trait  distinctif 
de  l'éloquence  du  saint  abbé  de  Clairvaux,  justement  surnommé 
doctor  meUifluus.  Mais  ce  sont  surtout  les  prédicateurs  qui  devraient 
avoir  toujours  sous  la  main,  avec  les  homélies  de  saintJean-Chrjsos- 
tome  et  les  sermons  do  Bossuet,  les  pieuses,  profondes  et  touchantes 
instructions  de  l'humble  moine  de  Clairvaux.  Tel  est  le  conseil  que 
donne  Tauleur,  en  terminant  son  excellente  étude,  fruit  des  rares 
loisirs  que  lui  laissait  le  saint  ministère.  Ce  conseil  est  aussi  bien  mo- 
tivé qu'impartial,  et  le  livre  de  M.  Tabbc  Vacandard  a  tout  ce  qu'il 
faut  pour  le  faire  goûter  et  mettre  en  pratique,  surtout  en  ce  qui  con- 
cerne saint  Bernard.  Quant  aux  fidèles,  ils  y  trouveront  aussi  leur 
part  :  ils  apprendront  à  admirer  en  lui  davantage  les  vertus  du  grand 
saint  et  le  génie  du  Père  de  l'Église.  J.  Martinov. 


IjC  Clirîstîanîsme  et  le>i  teinp:*  présente,  par  l'abbé  Em.  Bougaud, 
vicaire  général  d'Orléans.  Tome  troisième.  Les  Dogmes  du  Credo.  Paris, 
Poussielgue,  1878,  in-8  deviii-6i7  page  — Prix:  7  fr.  50. 

Les  deux  premiers  volumes  de  cet  ouvrage  n'ont  pas  eu  moins  de 
quatre  éditions  avant  l'apparition  du  troisième.  C'est  assez  dire  com- 
bien ils  ont  été  appréciés  du  public.  Le  nouveau  volume  qui  vient  de 
paraître  ne  sera  pas  moins  goûté  par  les  nombreux  lecteurs  de 
M.  l'abbé  Bougaud.  Il  est  divisé  en  deux  parties.  La  première  traite 
du  Credo  en  général  :  genèse  historique  du  Credo,  nouveauté  hardie 
de  chacune  de  ses  douze  affirmations,  leur  mystérieuse  incompréhen- 
sibilité  en  harmonie  singulière  avec  ce  qu'il  y  a  de  plus  mystérieux 
dans  l'âme  humaine  ;  immutabilité  granitique  du  Credo  au  milieu 
d'une  lutte  intellectuelle  dix-huit  fois  séculaire  ;  son  développement 
divin  ;  le  Credo  des  catacombes.  L'auteur  a,  sur  ce  dernier  sujet,  une 
cinquantaine  de  pages  du  plus  vif  intérêt,  dans  lesquelles  il  nous  fait 
visiter  les  catacombes  et  nous  y  montre  tous  les  articles  de  notre 
Credo,  professés  par  les  premiers  fidèles  et  peints  par  les  premiers 
artistes  chrétiens. 

La  deuxième  partie  traite  successivement  les  divers  articles  du 
symbole,  rangés  sous  les  chefs  suivants  :  la  trinité,  la  création,  le 
péché  originel,  l'incarnation  et  la  rédemption.  A  propos  de  la  créa- 
tion, M.  l'abbé  Bougaud  explique  le  premier  chapitre  de  la  Genèse  : 
il  nous  montre  dans  l'œuvre  du  premier  jour  la  préparation  chimique 
du  globe  ;  dans  celle  du  second,  la  préparation  atmosphérique  du 
globe  ;  dans  celle  du  troisième,  l'apparition  des  continents  et  le  creu- 
sement des  mers;  dans  celle  du  quatrième,  l'apparition  du  soleil;  dans 
celle  du  cinquième  et  du  sixième,  l'apparition  de  la  vie  animale  sur 
la  terre.  Il  conclut  en  exposant  la  merveilleuse  concordance  de  la 


—  319  — 

Bible  et  de  la  science  dans  les  grandes  lignes  de  l'organisation  géné- 
rale du  globe.  M.  Bougaud  admet,  comme  on  le  fait  généralement 
aujourd'hui,  que  le  mot  jour  dans  le  premier  chapitre  de  la  Genèse, 
désigne  une  période  d'une  longueur  indéterminée.  Il  appuie  cette 
interprétation  sur  l'autorité  des  Pères,  mais  ne  leur  fait-il  pas  dire 
plus  qu'ils  n'ont  dit  en  effet?  Il  résume  dans  les  termes  suivants  le 
sentiment  de  Clément  d'Alexandrie,  d'Origène,  de  saint  Augustin,  de 
saint  Jean-Chrjsostome,  de  saint  Athanase  et  d'une  foule  d'autres  : 
«  Les  six  jours  de  la  création  ne  sont  pas  six  jours  de  vingt-quatre 
heures.  Ce  sont  six  époques  longues,  indéterminées,  d'une  durée 
égale  ou  inégale,  peu  importe,  mais  immense.  C'est  ce  que  prouvent, 
disaient-ils,  le  langage  ordinaire  de  l'Ecriture,  les  expressions  carac- 
téristiques dont  se  sert  Moïse,  le  mot  de  jour,  de  soir,  de  matin, 
appliqué  aux  trois  premières  époques  où  le  soleil  n'existait  pas  encore 
et  où,  par  conséquent,  il  n'y  avait  ni  soir  ni  matin.  :>  Les  passages 
des  anciens  auteurs  ecclésiastiques  qui  font  observer  que  les  premiers 
jours  génésiaques  ne  peuvent  être  des  jours  réguliers  de  vingt-quatre 
heures  méritent  assurément  d'être  relevés  et  ont  une  véritable  impor- 
tance, mais  aucun  de  ces  passages  ne  dit  que  les  six  jours  de  la  créa- 
tion «  sont  six  époques  longues,  indéterminées,  d'une  durée  immense.» 
De  plus,  ils  expliquent  le  récit  de  la  création  d'une  manière  allégo- 
rique, tandis  que  nous  l'expliquons  dans  le  sens  littéral. 

En  traitant  de  l'incarnation,  M.  l'abbé  Bougaud  soutient  une  opi- 
nion qui  surprendra  la  plupart  des  théologiens  :  c'est  que  l'âme  de 
Notre-Seigneur  n'est  entrée  que  «  peu  à  peu,  successivement  et  par 
progrès,  dans  la  vision  béatifique  qui  lui  était  due.  » 

Le  volume  se  termine  par  un  épilogue  de  près  de  cent  pages  sur  le 
Christ,  par  qui  tout  a  été  fait  et  pour  qui  tout  a  été  fait.  C'est  le  digne 
couronnement  d'une  exposition  remplie  de  belles  pages  et  de  hautes 
pensées.  Que  la  religion  catholique  apparaît  grande  et  admirable, 
ainsi  présentée  dans  tout  son  éclat  et  dans  toute  sa  solidité  par  un 
penseur  et  un  écrivain  d'un  talent  supérieur  !  G.  K. 


SCIENCES 


Lia  l'hilosophie  des  Grecs  consîtlérée  dans  son  dévelop- 
pement historique,  par  Edouard  Zeller,  professeur  à  l'Université 
de  Berlin.  Première  partie  :  La  philosophie  des  Grecs  avant  Socrate,  tra- 
duite de  l'allemand  par  Emile  Boctroux,  professeur  de  philosophie  à  la 
faculté  de  Nancy.  Tome  P^.  Paris,  Hachette,  1878,  gr.  in-8  de  Lxxxvi-478p. 

Presque  à  la  même  époque,  deux  chefs  d'école  d'une  trempe  d'es- 
prit bien  différente,  Cousin  en  France  et  Hegel  en  Allemagne,  ont 
remis  en  honneur  l'histoire  de  la  philosophie  et  les  recherches  qui  s'y 
rapportent.  Chez  nous  ce  mouvement  a  produit  des  monographies 


—  320  — 

extrêmement  remarquables  sur  certaines  doctrines  et  certains  philo- 
sophes; mais  une  histoire  complète  de  la  philosophie  est  encore  à 
faire,  si  Ton  entend  par  là,  non  pas  tel  ou  tel  manuel,  d'ailleurs  esti- 
mable, mais  une  œuvre  vraiment  achevée,  à  la  hauteur  de  l'état  actuel 
de  la  science.  Cette  lacune  s'explique  aisément  par  l'immensité  de  la 
tâche,  la  multiplicité  presque  infinie  des  opinions,  et  l'obscurité  qui 
plane  encore  sur  certains  systèmes  même  considérables  du  monde  an- 
cien. De  l'autre  côté  du  Rhin, au  contraire,  on  n'a,  en  pareille  matière, 
que  l'embarras  du  choix. 

Parmi  les  œuvres  magistrales  auxquelles  je  fais  allusion,  la  critique 
a  depuis  longtemps  assigné  un  des  premiers  rangs  à  la  Philosophie  des 
Grecs,  de  M.  Zeller,  publication  commencée  en  1844,  terminée  en  1852, 
et  notablement  augmentée  dans  chacune  des  quatre  éditions  subsé- 
quentes. Le  monde  lettré  ne  peui  que  se  féliciter  d'en  voir  entre- 
prendre la  traduction. 

Je  ne  dis  rien  de  17/iiro(/Hc/(on,  placée  en  tête  de  ce  premier  volume. 
On  se  demande  pour  quel  motif  M.  Boutroux  y  a  soulevé  divers  pro- 
blèmes fort  ardus  de  métaphysique  ;  mais  chacun  voudra  lire,  soit  les 
règles  relatives  au  rassemblement,  à  la  classification  et  à  l'explication 
des  textes,  soit  la  marche  à  suivre  pour  résoudre  la  question  capitale 
et  trop  souvent  négligée  de  leur  authenticité. 

Quant  à  l'œuvre  elle-même,  toutes  réserves  faites  sur  les  tendances 
de  l'auteur,  on  ne  peut  que  louer  l'exactitude  et  l'étendue  de  l'érudi- 
tion qu'il  déploie,  et,  chose  plus  rare  en  Allemagne,rallure  en  général 
ferme  et  précise  de  son  exposition.  Point  de  commentaires  oiseux, 
point  de  citations  inutiles.  La  discussion  des  sources  et  l'examen  des 
jugements  d'autrui  trouvent  leur  place  dans  des  notes  savantes,  d'une 
longueur  discrète,  tandis  que  le  texte  demeure  réservé  au  développe- 
ments des  différentes  doctrines  et  à  l'indication  de  leur  filiation.  Cette 
disposition  laisse  peut-être  à  désirer  au  point  de  vue  de  l'art  :  mais 
ici,  il  fallait  viser  avant  tout  à  la  clarté. 

L'histoire  de  la  philosophie  doit-elle  être  étudiée  avant  ou  après  la 
philosophie  elle-même?Les  opinions  sonttrès-partagées.  M.  Zeller  qui 
a  écrit  :  «  Celui-là  seul  parvient  à  la  vraie  philosophie  qui  y  est  con- 
duit par  l'intelligence  de  l'histoire,  »  n'a  pu  s'empêcher  de  porter  dans  son 
travail  les  préoccupations  particulières  de  l'école  àlaquelle  il  appartient. 
Partout  il  poursuit  cette  succession  de  la  thèse,  de  l'antithèse,  et  de 
la  synthèse  si  chère  aux  disciples  de  Hegel.  On  sait  avec  quelle  ironie 
mordante  Schopenhauer  a  raillé  cette  prétendue  fatalité  qui  s'impose 
comme  loi  suprême  du  monde.  Or,  quelle  est,  d'après  M.  Zeller,  la 
tâche  de  l'historien  de  la  philosophie  ?  «  Chercher  dans  les  produits 
contingents  de  la  liberté  la  trame  de  la  nécessité  historique.  «Tout  en 
protestant,  comme  il  en  a  le  droit,  contre  une  théorie  qui  ne  veut  re- 


—  321  — 

connaître  dans  les  divers  systèmes  qu'une  série  d'eiForts  individuels 
sans  aucun  lien  qui  les  rattache  les  uns  aux  autres,  le  critique  doit 
prendre  garde  à  son  tour  de  faire  violence  à  la  réalité  pour  la  con- 
former à  ses  idées. 

L'esprit  allemand  a  visiblement  moins  d'antipathie  que  le  nôtre 
pour  le  vague  et  l'abstraction.  Il  est  évident  qu'il  ne  suffit  pas  des 
trois  épithètes,  «  physique  »,  «  alogique  »  et  «  morale  »  pour  caracté- 
riser les  trois  grandes  périodes  de  la  philosophie  grecque  :  mais  quand, 
dans  un  autre  passage,  on  me  parle  de  les  résumer  par  les  mots  de 
«  dogmatisme  physique  »  (philosophes  antérieurs  à  Socrate),  de  «phi- 
losophie du  concept  »  (Socrate,  Platon  et  Aristote),  enfin  de  «  subjec- 
tivité abstraite  »  (stoïciens,  épicuriens  et  néoplatoniciens),  j'avoue 
que  j'ai  mille  peines  à  comprendre.  Plus  d'un  germanisme  de  M.  Zeller 
se  retrouve  ainsi  sous  la  plume  de  M.  Boutroux,qui  ne  s'est  peut-être 
pas  assez  souvenu  qu'auprès  des  lecteurs  français  son  auteur  avait 
parfois  besoin  non-seulement  d'un  traducteur,  mais  d'un  interprète. 

Voici  une  courte  critique,  plus  grave.  M.  Zeller  a  suivi  l'impulsion 
de  Baur  et  de  Strauss,  les  trop  célèbres  fondateurs  de  l'école  rationa- 
liste de  Tubingue.  C'est  assez  dire  qu'à  l'origine  de  la  race  hellénique 
il  n'admet  point  l'existence  «  d'une  sagesse  supérieure  et  primitive 
dont  les  mythes  grecs  n'étaient  que  le  voile  de  plus  en  plus  épais  et 
mensonger»  :  bien  plus,  sans  respect  pour  le  caractère  divin  et  surna- 
turel du  christianisme,  il  le  met  au-dessous  de  l'hellénisme,  comme  le 
montre  le  parallèle  développé  avec  tant  de  complaisance  à  la  page  123. 
Disons  tout  de  suite  que  les  allusions  aux  questions  religieuses  sont 
très-rares,  ce  qui  atténue  le  péril  que  je  viens  de  signaler. 

L'espace  me  manque  pour  entrer  dans  l'examen  des  détails.  Le 
chapitre  consacré  au  pythagorisme  mérite  d'être  cité  comme  modèle, 
bien  que  M.  Zeller,  tout  en  rejetant  comme  apocryhes  les  prétendus 
fragments  de  Pythagore  ei  d'Archytas,  accepte  avec  trop  de  confiance 
ceux  de  Philolaiis. 

Terminons  par  une  réflexion  empruntée  au  traducteur  lui-même. 
«  La  philosophie,  dit  M.  Boutroux,  a  cette  infériorité  singulière  d'en 
être  aujourd'hui  encore  à  chercher  sa  voie  et  à  attendre  une  vérité  de 
quelque  importance  qui  soit  universellement  admise.  »  En  dépit  de  ce 
«processus  intellectuel,»  qu'on  nous  représente  comme  devant  aboutir 
à  l'établissement  du  règne  de  la  vérité,  «  jusque  chez  les  philosophes 
les  plus  versés  dans  les  sciences  positives  et  les  plus  soucieux  de 
mettre  leur  métaphysique  en  accord  avec  les  faits,  nous  voyons  se 
produire  aujourd'hui  des  théories  qui,  dégagées  de  leur  enveloppe 
scientifique,  ne  diffèrent  guère  des  théories  antiques  que  par  un  degré 
supérieur  de  méthode  et  de  développement.  »  Cette  observation  très - 
juste  est  bien  faite,  je  l'accorde,  pour  nous  intéresser  à  l'étude  des 

Avril  1878.  T.  XXII,  21. 


—  322  — 

solutions  métaphysiques  imaginées  jadis  par  un  Pythagore,  un  Platon 
et  un  Aristote  :  mais,  en  même  temps,  elle  nous  apprend  à  quelles  in- 
certitudes, pour  ne  pas  dire  à  quelles  ténèbres  se  condamne  l'intelli- 
gence humaine,  lorsqu'elle  méprise  et  repousse  le  bienfait  inestimable 
de  la  révélation.  C.  Huit. 


Les  Enchaiaements  du  monde  animal  dans  les  temps  géo- 
logiques; mamnïîfères,  tertiaires,  par  Albert  Gaudry,  profes- 
seur de  paléontologie  au  Muséum  d'histoire  naturelle.  Paris,  Savy,  1878, 
gr.  in-8de  29ip.  avec  312  figures.  —  Prix  :  10  fr. 

Depuis  le  milieu  du  siècle  dernier,  bien  des  systèmes  se  succèdent 
dans  la  science  pour  tenter  d'expliquer,  soit  dans  le  règne  animal, 
soit  dans  le  monde  végétal,  l'origine  des  espèces.  Parmi  les  nom- 
breuses théories  qui  considèrent  les  êtres  comme  dérivés  les  uns  des 
autres  par  voie  de  transformation,  il  en  est  qui  font  appel  à  des  acci- 
dents brusques  faisant  apparaître  tout  à  coup  un  type  diiférent  de  ses 
ancêtres,  tandis  que  les  autres  supposent  des  modifications  lentes 
engendrant  toutes  les  formes  par  des  diflférentiations  successives.  On 
peut  dire  que  les  premières  n'ont  jamais  été  formulées  avec  la  pré- 
cision d'une  doctrine  scientifique  ;  elles  négligent  trop  souvent  d'ail- 
leurs ce  qui  importe  le  plus  ici,  à  savoir  d'expliquer  les  liens  enchaî- 
nant les  types  et  l'ordre  maintenu  dans  cet  ensemble  depuis  le 
commencement  de  la  vie  sur  le  globe.  Les  secondes,  au  contraire, 
apportent  au  problème  du  plan  de  la  création  des  solutions  assez  plau- 
sibles. Malheureusement,  si  elles  concordent  avec  nombre  de  faits 
certains,  elles  sont  en  contradiction  avec  des  phénomènes  non  moins 
évidents.  L'une  des  difficultés  du  sujet  n'est-elle  pas  l'incertitude  des 
termes  employés  et  surtout  la  définition  indécise  de  l'espèce  que  cha- 
cun comprend  à  sa  façon  ?N'a-t-on  pas,  en  outre,  quelque  peu  confondu 
ridée  de  la  parenté  des  espèces  et  de  leur  évolution  avec  les  théories 
diverses  qui,  groupées  sous  le  nom  de  darwinisme,  se  sont  ingénieu- 
sement eff'orcées  de  rendre  compte  de  leur  origine? 

Laissant  de  côté  toute  interprétation  systématique  pour  s'attacher 
seulement  à  recueillir  des  faits,  M.  A.  Gaudry  étudie  les  enchaîne-' 
ments  du  monde  animal,  et  il  expose  aujourdliui  les  résultats  de  ses 
patientes  recherches  sur  les  mammifères  de  l'époque  tertiaire.  Disons 
tout  de  suite  qu'il  a  voulu  ajouter  à  la  valeur  scientifique  de  son  œuvre 
par  les  solides  qualités  d'un  style  toujours  choisi,  aussi  bien  que  par 
une  exécution  typographique  d'une  élégance  r&re.  Sans  pouvoir  le 
suivre  dans  l'examen  minutieux  de  formes  si  riches  alors  dans  leur 
diversité,  cherchons  du  moins  à  résumer  quelques-unes  de  ses  conclu- 
sions. Pour  le  savant  professeur,  les  espèces  sont  des  modes  transi- 
toires de  types  qui ,  sous  la  direction  du  divin  Créateur,  poursuivent 


—  323  — 

leur  évolution  à  travers  rimmensité  des  âges.  En  voyant  ces  types 
mobiles,  par  exemple  les  éléphants,  les  tapirs,  les  chats,  les  hyènes, 
les  gazelles...  à  l'état  fossile,  présenter  avec  les  espèces  actuelles  des 
différences  qui  ne  dépassent  guère  celles  des  races  de  même  origine, 
on  est  porté  à  leur  reconnaître  aussi  une  réelle  parenté.  De  même 
entre  les  genres  ;  si  Fhipparion  est  remplacé  par  le  cheval, le  masto- 
donte par  l'éléphant,  etc.,  on  ne  peut  douter  de  leurs  liens  étroits, 
puisque  leurs  ressemblances  l'emportent  de  beaucoup  sur  leurs  diffé- 
rences. Enfin  on  est  conduit  aux  mêmes  remarques  pour  les  ordres, 
puisque  des  ruminants  et  des  solipèdes  succèdent  à  des  pachydermes 
par  des  modifications  continues,  sans  qu'il  soit  possible  de  tracer  avec 
certitude  la  limite  où  finissent  les  uns,  où  commencent  les  autres. 
Ainsi,  pour  M.  Gaudry,  à  mesure  que  s'ébranle  l'idée  de  la  fixité  des 
espèces,  la  notion  des  genres  et  des  ordres  prend  une  réalité  plus 
grande.  Ces  groupes  correspondent  à  des  degrés  de  parenté  et  le 
terme  de  famille  naturelle,  au  lieu  de  désigner  au  figuré  des  individus 
qui  se  ressemblent,  peut  revêtir  son  acception  propre.  Pour  bon  nom- 
bre des  paléontologistes  des  plus  éminents,  comme  pour  les  réalistes 
du  moyen  âge,  les  genres,  les  ordres  ne  sont  pas  de  purs  concepts  de 
l'esprit,  des  noms;  ce  sont,  au  contraire,  des  unités  réelles  et  objec- 
tives. Pour  eux,  toutes  ces  unités  zoologiques,  espèce,  genre,  ordre, 
ont  leur  existence  et  leur  histoire  :  elles  naissent,  grandissent  et  meu- 
rent ;  et,'  dans  leur  évolution, il  faut  distinguer  le  commencement  où  il 
y  a  encore  union  entre  les  types,  et  la  fin,  où  il  y  a  divergence  et 
séparation . 

Est-ce  à  dire  qu'en  retrouvant  par  des  études  de  détail  la  trace  d'une 
parenté  plus  ou  moins  directe,  le  savant  auteur  espère  avoir  démontré 
une  paternité  véritable  et  avoir  reconnu  les  ancêtres  immédiats  de 
telle  ou  telle  espèce?  «  Dans  la  plupart  des  cas,  dit-il,  nous  n'en 
sommes  pas  là.  Ce  que  nous  savons  est  peu  de  chose  comparativement  à 
la  richesse  des  formes  enfouies  dans  le  sein  de  notre  terre,  et  ce  serait 
grand  hasard  qu'ayant  encore  rassemblé  seulement  quelques  anneaux 
des  chaînes  du  monde  organique,  nous  ayons  justement  mis  la  main 
sur  les  anneaux  qui  se  suivent.  »  Même  après  avoir  ressaisi  bien  des 
chaînons  pour  rattacher  des  termes  trop  séparés,  il  resterait  à  résou- 
dre la  question  que  M.  Gaudry  a  volontairement  laissée  à  l'écart, 
celle  des  procédés  que  l'auteur  du  monde  a  pu  employer  pour  produire 
les  changements  dont  la  paléontologie  nous  offre  le  tableau.  C'est  là 
surtout  la  tâche  des  physiologistes  ;  mais,  en  attendant  qu'ils  puissent 
nous  dévoiler  les  causes  secondes  qui  ont  déterminé  la  formation  des 
types,  n'est-il  pas  plus  satisfaisant  de  penser  que  la  cause  créatrice, 
quelle  que  soit  son  action,  pour  modeler  une  espèce  nouvelle,  s'est 
servi  des  formes  préexistantes  plutôt  que  de  créer  de  toutes  pièces  un 


—  324  - 

type  souvent  à  peine  différent  de  ceux  qui  l'avaient  précédé?  Ce  que 
Ton  peut  du  moins  affirmer  avec  M.  Gaudry,  c'est  que  la  découverte 
des  vestiges  enfouis  dans  l'écorce  du  globe,  mieux  encore  que  l'étude 
des  êtres  épars  à  la  surface,  montre  qu'une  constante  harmonie  a  pré- 
sidé aux  transformatios  du  monde  organique  et  permet  d'entrevoir 
«  sous  l'apparente  diversité  de  la  nature,  le  plan  où  l'être  infini  a  mis 
l'empreinte  de  son  unité,  »  A.  Delaire. 


Flore  de  la  Suisse  et  de  la  Savoie,  par  le  D''  Louis  Bouvier, 
président  de  la  Société  botanique  de  Genève,  membre  de  l'Institut 
national  genevois.  Paris,  Alph.  Picard,  1878,  in-8  de  790  p.  — 
Prix  :  10  fr. 

Il  nous  arrive  de  Genève,  avec  ce  livre,  comme  un  écho  éloigné  de 
l'enseignement  fait  jadis  au  Muséum  de  Paris  par  Adrien  de  Jussieu, 
dont  M.  le  D''  Bouvier  s'honore  d'avoir  été  l'élève.  Le  professeur  du 
Jardin  des  plantes  savait  inspirer  l'amour  de  la  botanique,  non  pas  seu- 
lement de  cette  science  un  peu  pédante  qui  se  restreint, dans  le  silence 
du  cabinet,  au  champ  du  microscope,  mais  surtout  de  celle  qui  se  dé- 
ploie en  pleine  campagne  au  milieu  du  travail  de  la  nature,  et  qui, de 
la  répartition  locale  des  plantes,  passe  bientôt  à  l'étude  des  lois  de 
leur  répartition  générale,  pour  aborder  même  celles  de  leur  origine. 

Le  livre  de  M.  Bouvier  vient  combler  une  double  lacune  dans  la 
littérature  botanique  et  dans  celle  que  l'on  pourrait  nommer  la  litté- 
rature du  touriste.  Il  n'existait  aucun  ouvrage  qui  résumât  à  la  fois 
la  flore  de  la  Suisse  et  celle  de  la  Savoie,  et  encore  était-on  réduit, 
pour  le  premier  de  ces  deux  pays,  à  la  Flore  déjà  ancienne  (et  latine) 
de  Gandin;  pour  le  second  au  Flora  pedemontana  d'AUioni,  et  aux  do- 
cuments épars  dans  le  Bulletin  de  la  Société  botanique  de  France^  la 
Flore  de  France  de  MM.  Grenier  et  Godron,  à  l'époque  où  elle  a  paru, 
n'ayant  pas  dû  comprendre  ces  deux  départements  savoisiens.  Quant 
aux  touristes,  ils  étaient  encore  bien  plus  pauvres,  et  deviennent  d'au- 
tant plus  riches,  car  c'est  principalement  pour  eux  qu'est  écrite  la 
Flore  de  la  Suisse  et  de  la  Savoie.  Ils  y  trouveront  la  liste  aussi  com- 
plète et  exacte  que  possible  des  végétaux  phanérogames  de  ces  deux 
pays,  avec  des  descriptions  succinctes,  claires  et  suffisantes  pour  les 
reconnaître,  et  l'indication  de  beaucoup  de  localités,  plus  précises 
d'ailleurs  pour  la  Savoie  et  pour  la  Suisse  occidentale  que  pour  les 
cantons  de  l'est,  notamment  pour  celui  des  Grisons.  Mais  les  savants 
de  profession,  ceux  qui  se  complaisent  dans  la  distinction  méthodique 
et  précise  des  tribus,  des  genres  et  des  espèces,  ne  seront  pas  satis- 
faits de  l'œuvre  du  botaniste  genevois;  ils  le  prendraient  trop  souvent 
en  flagrant  délit  de  négligence  dans  certains  détails  de  technique 
descriptive.  D'autres  lui  reprocheront,  avec  plus  de  justesse  peut-être, 


—  325  — 

de  n'avoir  pas  recherché  dans  les  auteurs  à  qui  il  devait  attribuer  la 
priorité  de  la  découverte  des  plantes  rares  dans  les  localités  nom- 
breuses citées  par  lui.  Il  est  vrai  que,  pour  tenir  à  chacun  de  ses  de- 
vanciers cette  justice,  assez  généralement  rendue  aujourd'hui,  il  eût 
fallu,  pour  la  Suisse  en  particulier,  se  livrer  à  de  bien  longues 
recherches  de  bibliographie.  Somme  toute,  M.  Bouvier  aura  fait  un 
livre  utile  :  recommandons-lui,  à  lui-même,  de  se  chercher  chicane 
quand  il  en  préparera  la  deuxième  édition.  Eue.  Fournier. 


A  travers  champs.  Botanique  pour  tous.  Histoire  des  principales  familles 
végétales,  par  M"'  J.  Le  Breton.  Orné  de  588  illustrations.  Paris,  J.  Roths- 
child, 1878,  in-8  de  484  p.   —  Prix  :  7  fr. 

Le  nombre  des  livres  consacrés  à  la  vulgarisation  de  la  «  science 
aimable  »  foisonne  véritablement.  Celui-ci  se  distinguera  dans  les 
autres  parle  plan  comme  par  le  sentiment  qui  l'anime.  L'auteur  a  suivi 
le  modèle  donné  par  M""*  Cora  Millet  dans  sa  Maison  rustique,  et  met 
la  botanique  en  action  au  milieu  d'une  famille  du  Dauphiné  dont  la  vie 
et  les  promenades  suscitent  à  chaque  instant,  de  la  part  des  parents^ 
les  démonstrations  les  plus  instructives.  Les  principaux  faits  de  la 
physiologie  végétale  sont  ainsi  passés  en  revue,  ainsi  que  les  principales 
familles  dans  ce  tableau  de  la  nature,  où  l'auteur  fait  à  chaque  ins- 
tant entrevoir  la  main  du  Créateur.  Il  est  regrettable  que  l'inévitable 
critique  saisisse  çà  et  là,  au  milieu  de  tant  de  marques  de  bonne 
volonté,  des  preuves  de  l'inexpérience  de  l'auteur.  Il  fait  sourire 
quand  il  affirme  (p.  62)  que  les  bourgeons  ne  possèdent  pas  de  chlo- 
rophylle, quand  il  nous  donne  dans  sa  préface  la  classification  d'A.-L. 
de  .Jussieu,  qu'il  adopte  comme  la  plus  simple  et  la  plus  nouvelle,  et 
quand  il  nous  montre  (p.  5)  un  cèdre  croissant  par  hasard  dans  les 
montagnes  du  Dauphiné.  Ces  légères  taches  n'empêcheront  pas  le 
livre  de  servira  l'instruction  de  la  jeunesse,  qui  en  appréciera  surtout 
les  illustrations  exactes  et  élégantes.  X. 


Le  Soleil,  par  le  P,  A.  Secchi,  S.  J.  2«  édition,  2«  partie.  Paris  Gauthier- 
Villars,  1875-77.  2  fascicules  gr.  in-8  de  viii-484p.—  Prix  :  18  fr.  le  vol. 

Il  a  été  rendu  compte  dans  le  Polybiblion  (tome  XIV,  p.  331)  de  la 
1"  partie  de  cette  nouvelle  édition  du  grand  ouvrage  du  P.  Secchi, 
édition  tellement  augmentée  qu'elle  constitue,  à  vrai  dire,  un  ouvrage 
nouveau.  La  seconde  partie,  sous  ce  rapport,  ne  le  cède  en  rien  à  la 
première.  On  y  remarquera  surtout  le  livre  V  «  Les  Protubérances 
solaires,»  qui  est  presque  entièrement  nouveau  et  qui  ne  comprend  pas 
moins  de  223  pages.  L'auteur  y  expose,  en  grande  partie  d'après  ses 
propres  observations,  les  résultats  obtenus  à  l'aide  de  la  nouvelle 


—  326  — 

méthode  de  MM.  Janssen  et  Lockyer,  qui  permet  d'observer  en  tout 
temps  ces  appendices  du  contour  solaire,  qu'on  ne  pouvait  étudier 
autrefois  que  pendant  les  éclipses  totales  ;  il  les  classe  d'après  leurs 
diverses  formes  et  d'après  les  éléments  chimiques  qui  les  constituent, 
fait  connaître  leur  répartition  le  long  du  contour  de  l'astre  et  leurs 
rapports  avec  les  taches  et  avec  les  facules. 

Tout  ce  livre  est  fondamental  pour  la  connaissance  de  notre 
astre  central.  Nous  devons  faire  des  réserves  cependant  au  sujet  du 
chapitre  vi,  dans  lequel  le  P.  Secchi  cherche  à  expliquer  les  taches 
et  les  phénomènes  connexes. 

Nous  en  aurions  de  plus  complètes  encore  à  faire  sur  le  livre  VI, 
qui  traite  de  la  température  du  soleil;  le  P.  Secchi  l'évalue  à  plusieurs 
millions  de  degrés  ;  nous  croyons  pouvoir  affirmer  qu'en  France  au 
moins,  les  savants  sont  à  peu  près  unanimes  à  regarder  cette  évalu- 
ation comme  tout  à  fait  excessive. 

En  général,  nous  devons  l'avouer,  les  vues  théoriques  de  l'illustre 
auteur  nous  paraissent  grandement  discutables;  il  serait  même  facile 
d'y  relever  des  contradictions.  Mais  le  moment  serait  mal  choisi  pour 
la  critique:  elle  doit  s'arrêter  devant  un  cercueil  à  peine  fermé.  Au 
reste  le  P.  Secchi  est  loin  de  donner  ses  idées  comme  définitives, 
et,  en  plusieurs  endroits,  il  insiste  sur  leur  caractère  hypothétique. 

Il  y  a  cependant  un  point  sur  lequel  nous  croyons  devoir  appuyer, 
parce  qu'il  s'agit  d'une  erreur  qui  n'est  pas  particulière  au  P.  Secchi, 
mais  qui  est  à  peu  près  universellement  admise  comme  une  vérité 
fondamentale  et  comme  une  vraie  découverte  dans  la  question  du 
soleil;  c'est  celle  qui  consiste  à  expliquer  la  hautte  empérature  actuelle 
de  l'astre,  par  la  chaleur  développée  mécaniquement  dans  la  contraction 
de  la  nébuleuse  que  l'on  suppose  avoir  donné  naissance  au  système 
planétaire.  Que  cette  contraction  ait  dû  développer  une  énorme  quan- 
tité de  chaleur,  c'est  ce  qui  est  certain  ;  mais  ce  qui  est  non  moins 
certain,  c'est  que  cette  chaleur,  loin  de  se  concentrer  dans  la  masse 
contractée, pour  en  augmenter  la  température,  a  dû  se  dépenser  au  fur 
et  à  mesure  qu'elle  se  produisait,  et  n'a  pu  avoir  d'autre  effet  que  de 
ralentir  le  refroidissement,  sans  même  empêcher  la  déperdition  con- 
comitante d'une  partie  delà  chaleur  initiale.  Quel  est,  en  effet,la  cause 
de  cette  contraction  ;  c'est  précisément  le  refroidissement;  il  est  im- 
possible d'en  trouver  une  autre  ;  en  tout  cas,  c'est  celle  que  tout  le 
monde  admet,  depuis  Laplace  jusqu'au  P.  Secchi  lui-même  (p.  481). 
De  sorte  que  la  grande  découverte  dont  il  s'agit  pourrait  se  résumer 
en  ces  mots  :  la  nébuleuse  se  refroidit,  donc  elle  s'échauffe.  Ceux  qui 
ne  goûteraient  pas  ce  raisonnement  sont  obligés  de  reconnaître  que, 
dans  l'hypothèse  cosmogonique  dont  il  s'agit,  le  soleil  doit  être 
moins  chaud  que  la  nébuleuse   primitive,  et  le  rapport  des  tempe- 


—  327  — 

ratures  pourrait  jusqu'à  un  certain  point  s'apprécier  par  celui  des  dia- 
mètres. 

L'ouvrage  se  termine  par  un  tableau  très-beau  et  très-intéressant 
de  l'ensemble  du  système  planétaire  et  par  un  résumé  des  travaux 
classiques  du  P.  Secchi  sur  les  spectres  lumineux  des  étoiles, 

De  magnifiques  planches  en  chromolithographie  font  connaître  les 
diverses  figures  qu'affectent  les  protubérances,  celles  de  quelques 
nébuleuses  et  plusieurs  spectres  d'étoiles. 

En  résumé,  cet  ouvrage,  dont  l'exécution  matérielle  offre  proba- 
blement, et  c'est  tout  dire,  ce  qui  est  sorti  de  plus  beau  des  presses 
de  M.  Gauthier-Villars,  est,  pour  le  fond,  un  exposé  complet,  animé 
et  éminemment  autorisé  de  nos  connaissances  sur  le  soleil.  Il  est 
indispensable  à  quiconque  veut  avoir  une  idée  des  problèmes  que 
nous  présente  cet  astre,  source  de  toute  vie  à  la  surface  de  notre 
globe.  E.  V. 

BELLES-LETTRES 

CNBuvres  d'Horace,  traduites  en  vers  par  Charles  Chautard,  et  précé- 
dées d'une  étude  sur  Horace,  par  V.  de  Laprade,  de  l'Académie  française. 
Paris,  librairie  des  bibliophiles,  1877,  2  vol.  in-8  de  xxxi-501  et  499  p.  — 
Prix  :  10  fr. 

Odes  d'Horace,  traduction  en  vers  français,  les  trois  premiers  livres 
par  Etienne-Augustin  de  Wailly  ;  le  quatrième  et  les  épodes  par  Gabriel- 
Gustave  DE  Wailly.  Paris,  Didot,  1878,  in-8  de  338  p.  —  Prix  :  5  fr. 

Horacio  en  EIspaha  par  M.  Menendez  Pelayo.  Madrid,  Médina,  in-12 
de  iv-479  p.  —Prix  :  5  pesetas. 

«Entre  tous  les  poètes  de  l'antiquité, pas  un  ne  jouit  en  France 
d'autant  de  faveur  qu'Horace.  »  C'est  par  ces  mots  que  M.  de  Laprade 
commence  l'étude  dont  est  précédée  une  nouvelle  traduction  des 
œuvres  du  favori  de  Mécène,  traduction  qui  est  une  preuve  de  plus  de 
cette  vogue  si  persistante.  C'est  Horace  tout  entier  que  M.  Charles 
Chautard  a  voulu  nous  donner,  en  vers  français.  H  a  tout  traduit,  les 
odeg,  les  satires,  les  épîtres,  l'art  poétique,  tout,  même  deux  pièces 
que  d'ordinaire  on  n'ose  pas  tenter  de  faire  passer  dans  notre  langue  ; 
tout  traduit  avec  une  fidélité  qui  rivalise  souvent  avec  celle  que  l'on 
pourrait  exiger  de  la  prose.  H  a  vraiment  fallu  une  admirable  persé- 
vérance pour  mener  à  fin  une  telle  entreprise,  et  un  vrai  talent  pour 
accomplir  une  tâche  pareille  d'une  manière  aussi  satisfaisante.  Dans 
la  traduction  de  toutes  les  odes,  et  dans  celle  de  plusieurs  satires  et 
de  plusieurs  épîtres,  M.  Chautard  ne  dépasse  pas  le  nombre  de  vers 
de  l'original,  et,  dans  les  odes,  donne  aux  siens,  par  leur  coupe,  par 
leur  disposition,  l'aspect  même  du  texte.  H  n'a  pas  recours  à  ces  épi- 
thètes  oiseuses  si  commodes  pour  allonger  un  vers  boiteux  ou  pour 


—  3:28  — 

fournir  une  rime.  Il  nous  donne  Horace  avec  sa  concision.  Nous 
en  voulons  offrir  un  exemple  et  nous  prenons  l'ode  à  Leuconoé,  non 
qu'elle  soit  une  des  meilleures,  mais  parce  qu'elle  est  très-courte  : 

C'est  mal,  Leuconoé,  de  mes  jours  et  des  tiens 
De  i-echercher  le  terme  ;  aux  Babj'loniens 
Laisse  leurs  vains  calculs  ;  soumets-toi  sans  envie  ! 
Que  Jupiter  te  donne  encor  plusieurs  hivers, 
Qu'un  dernier  sur  les  rocs  brise  les  flots  des  mers, 
Filtre  les  vins,  sois  sage;  en  cette  courte  vie, 
Renonce  aux  longs  espoirs.  Nous  parlons,  l'heure  fuit, 
Saisis  le  temps  jaloux,  sans  croire  au  jour  qui  suit. 

Voilà  les  huit  vers  asclépiades  très-exactement  traduits.  On  ne 
pourrait  guère  désirer  qu'un  peu  plus  d'énergie  dans  la  manière  dont 
est  exprimé, 

Et  spatio  brevi. 
Spem  longam  reseces, 

surtout  si  l'on  se  rappelle  le  vers  de  La  Fontaine  : 

Quittez  le  long  espoir  et  les  vastes  pensées. 

Mais  demander  au  poëte  qu'il  reproduisît  toujours  l'expression  poé- 
tique de  son  modèle,  ce  serait  évidemment  vouloir  l'impossible.  Quel- 
quefois la  stance  manque  un  peu  d'harmonie,  quelquefois  la  clarté  j  fait 
un  peu  défaut,  et  l'on  peut  se  souvenir  d'un  vers  d'Horace  lui-même, 
vers  bien  traduit  par  M.  Chautard  qui  a  rencontré,  d'ailleurs,  un  hé- 
mistiche de  Boileau  : 

Je  tâche  d'être  court  et  je  deviens  obscur. 

Avec  le  despotisme  de  notre  versification,  on  ne  pouvait  éviter  des 
taches  de  ce  genre  et  l'on  aurait  certes  bien  mauvaise  grâce  de  les 
reprocher  à  qui  tant  de  fois  a  complètement  réussi  dans  une  œuvré  si 
difficile,  à  qui,  en  général,  faitsibien  mentir  le  proverbe  :  Tradutlore, 
traditore.  —  Quoique  sortie  des  presses  de  Jouaust,  cette  édition 
n'est  pas  complètement  exempte  de  fautes  typographiques;  l'une 
d'elles,  assez  importante,  n'a  pas  été  corrigée  dans  l'errata  :  dans  l'Art 
poétique  (t.  II,  p.  429,  vers  4),  au  lieu  de  à  de  graves  débats,  il  faut  évi- 
demment lire  à  de  graves  débuts. 

—  Nous  venions  à  peine  de  finir  lalecture  de  l'œuvre  de  M.  Chautard 
que  nous  avons  reçu  une  autre  traduction  d'Horace,  des  odes  seule- 
ment. Celle-ci  n'est  pas  nouvelle  dans  son  entier.  Les  trois  premiers 
livres,  traduits  par  Etienne-Augustin  deWaillj, avaient  déjà  été  publiés; 
mais  M.  Gustave  de  Wailly  a  tenu  à  compléter  l'œuvre  paternelle  en 
y  ajoutant  le  quatrième  livre  et  les  épodes.  Il  a,  de  même  que  l'avait 
fait  son  père,  pris  avec  le  texte  plus  de  libertés  que  M.  Chautard.  C'est 
quelquefois  moins  une  traduction  qu'une  paraphrase.  Qu'on  nous  per- 
mette de  citer  l'ode  que  nous  avons  donnée  tout  à  l'heure;  ce  sera  le 


—  329  — 

meilleur  moyen  de  faire  juger  la  différence  des  procédés  des  deux 
traducteurs.Ici,  je  ne  sais  pourquoi  Leuconoé  est  appelée  Chloé  : 

Pourquoi  vouloir  connaître  à  quel  instant  les  dieux 
Briseront  de  nos  jours  la  chaîne  si  fragile? 

Laisse  au  devin  son  art  futile, 
Fais  mieux,  et,  sans  le  craindre,  attends  l'arrêt  des  eieux . 
Oui,  soit  que  Jupiter  prolonge  nos  années. 
Soit  qu'il  borne  leur  cours  à  ce  dernier  hiv  er, 

Où  le  vain  courroux  de  la  mer 
Use  contre  le  roc  ses  vagues  mutinées  ; 
Chloé,  mets  ta  sagesse  à  bien  filtrer  ton  vin. 
Bannis  d'un  long  bonheur  l'espoir  toujours  frivole, 

Nous  parlons  et  le  temps  s'envole. 
Cueille  les  fruits  du  jour  sans  croire  au  lendemain. 

Dans  la  traduction  de  MM.  de  Wailly,  souvent  la  strophe  latine  est 
délayée  en  deux  strophes  françaises;  les  vers  ont  de  l'harmonie,  mais 
de  trop  nomhreuses  épithètes  les  rendent  un  peu  mous.  —  Les  épi- 
thètes  affaiblissent  la  phrase  plus  qu'elles  ne  lui  donnent  de  la  fermeté; 
dans  les  douze  vers  qui  terminent  l'admirable  épisode  de  Françoise  de 
Rimini,  il  n'y  a  qu'une  seule  épithète,  et  comme  celle-là  est  bien  à  sa 
place  :  il  disialo  riso. 

—  Ce  n'est  pas  seulement  en  France  qu'Horace  jouit  de  tant  de  fa- 
veur; en  Espagne,  il  était  goûté  déjà  à  une  époque  où  ni  notre  Villon,  ni 
notre  Charles  d'Orléans  ne  pensaient  à  lui.  Dès  le  xv^  siècle,  le  docte 
marquis  de  Santillana  imitait  l'ode  Beatus  ille.  Un  peu  plus  tard,  Gar- 
cilaso  de  la  Vega  s'inspirait  d'Horace  dont  Hurtado  de  Mendoza 
traduisit  plusieurs  odes.  Luis  de  Léon  fut  aussi  un  des  traducteurs  du 
poëte  latin.  Voilà  ce  que  nous  rappelle  M.  Menendez  Pelayo  dans  une 
étude  fort  intéressante  qu'il  ne  considère  que  comme  un  passe-temps. 
Dans  Hoi^acio  en  EspaTia^  l'auteur  débute  par  une  jolie  épître  en  vers 
adressée  au  poëte,  puis  il  étudie  ses  traducteurs  castillans,  ses  tra- 
ducteurs catalans,  ses  traducteurs  galiciens.  H  s'occupe  ensuite  de 
tous  ceux  qui,  dans  la  péninsule,  sans  traduire  Horace,  s'inspirèrent 
de  ses  œuvres,  et  termine  ce  travail  très-bien  fait  et  écrit  avec  la 
verve  de  la  jeunesse  et  l'érudition  de  l'âge  mûr,  par  un  épilogue 
plein  d'aperçus  justes  et  spii-ituels.  Dans  ces  dernières  pages_, 
M.  Menendez  plaisante  agréablement  le  pédantisme  germanique  :  la 
finalité,  la  subjectivité,  V objectivité.  H  ne  veut  pas  que  l'Espagne  aille 
chercher  ses  modèles  aux  bords  du  Rhin  et  du  Danube.  «  Le  goût  alle- 
mand? Horreur!  Il  a  autant  de  rapport  avec  le  nôtre  que  celui  du 
Congo  ou  de  l'Angora.  Rien  de  Heine,  de  Ulhand  ni  de  Riickert,  tout 
cela  peut  être,  tout  cela  est  très-bon  à  sa  place,  mais  loin,  très-loin 
d'ici.  Point  de  rêveries  humouristiques,  point  de  nébulosités.  Suum 
cuique...  Aux  Latins,  poésie  latine,  aux  Germains  germanime.  »  —  Ce 
n'est  pas  la  première  fois  qu'il  est,  dans  cette  revue,  parlé  de  M.  Me- 


—  330  — 

mendez,  et  ce  ne  sera  pas  la  dernière.  Un  si  jeune  écrivain,  qui  écrit 
de  tels  Solaces  bibliograficos,  doit  certes  compter  sur  un  bel  avenir 
littéraire. 

Th.  de  PUYMAIGRE. 


Les  "Voyages  merveilleux  de  saint  Brandan  à  la  recherche 
du  Paradis  terrestre.  Lfgende  en  vers  du  douzième  siècle,  publiée 
d'après  le  manuscrit  du  Musée  britannique,  avec  inlroduction  par  Fran- 
cisque Michel.  Paris,  Claudin,  1878,  petit  in-8'  de  xxv-96  pages.  — 
Prix  :  6  fr.  (Tiré  à  petit  nombre.) 

La  légende  de  saint  Brandan  est  une  des  plus  curieuses,  une  des 

plus  intéressantes  que  nous  ait  léguées  le   moyen  âge.  La  vie  de  ce 

moine    irlandais  figure   dans   l'ample  recueil  des  Acta  Sanctorum, 

publié  par  les  Bollandistes  (mai,  tome  III),  mais  il  va  sans  dire  qu'il 

n'a  jamais   accompli   les    étonnantes   pérégrinations   que    relate   le 

trouvère.  Brandan  part  avec  dix-sept  de   ses  religieux  afin  d'aller 

chercher  Vile  de  Promission,  séjour  des  bienheureux  ;    il  s'embarque 

sans  provisions  sur  une  chaloupe  faite  de  cuir,  et  il  en  abandonne  la 

direction   à  la  Providence  ;    il    aborde    successivement  à   l'Ile  des 

Brebis  : 

c  k  chacune  blanche  teisun 
«  Tûtes  crent  étant  grandes 
a  Gum  sunt  li  cers  par  ces  landes  » 

Il  parvient  dans  une  autre  île  : 

«  Tute  assise  de  blancs  oiseux, 

a  Un  chez  nul  homme  ne  vit  tant  beus.  » 

Ces  volatiles,  rigoureux  observateurs  d'une  règle  monastique,  ont 
le  don  de  s'exprimer  en  langue  humaine;  Brandan  a  l'avantage  d'avoir 
avec  eux  des  entretiens  fort  instructifs. 

Continuant  sa  route,  il  voit  des  monstres  marins  se  livrant  des 
combats  acharnés,  des  dragons  de  feu,  un  hermite  âgé  de  cent  cin- 
quante ans,  un  palais  splendide,  sur  lequel  est  un  autel  d'émeraude  ; 
des  poissons  gigantesques  dont  le  dos  énorme  offre  aux  voyageurs  un 
asile  paisible;  des  pays  enchantés  où  Ton  ne  ressent  ni  froid,  ni 
chaud,  ni  tristesse,  où  les  lampes  s'allument  d'elles-mêmes  à  l'heure 
du  service  divin;  des  régions  affreuses  qui  sont  la  bouche  de  l'enfer. 
Il  rencontre  Judas  Iscariote  attaché  sur  un  rocher  et  en  proie  à  de 
cruelles  souffrances  qui  ne  lui  laissent  de  répit  qu'à  certains  jours  de 
fête.  Enfin,  après  des  années  entières  passées  à  la  mer,  il  revient  en 
Irlande,  et  rentre  dans  son  monastère,  émerveillé  de  tout  ce  qu'il 
a  vu. 

Un  critique  moderne  ne  s'est  pas  trop  avancé  en  rendant  justice  à 
cette  topographie  étrange,  «  à  la  fois  éblouissante  de  fiction  et  par- 


I 


-    331  — 

lante  de  réalité,  qui  fait  du  poëme  de  saint  Brandan  une  des  plus 
étonnantes  créations  de  l'esprit  humain  et  l'expression  la  plus  com 
plète  peut-être  de  l'idéal  celtique.  » 

La  légende  dont  il  s'agit  avait  déjà  été  l'objet  de  diverses  publica- 
tions :  M.  Achille  Jubinal,  en  1836  ;  M.  Thomas  "Wright,  en  1842; 
M.  Herman  Suchler,  dans  la  Romania  (1875),  s'en  étaient  occupés  ; 
mais  il  restait  encore  à  faire  connaître  exactement  le  texte  du  manus- 
crit conservé  à  Londres,  texte  obscur,  parfois  défiguré  par  le  copiste. 
M.  Francisque  Michel  a  jugé  avec  raison  qu'il  fallait  le  reproduire 
sans  corrections  arbitraires,  en  se  bornant  à  l'éclairer  par  une  ponc- 
tuation sévère  qui  manque  dans  l'original.  Un  glossaire  eût  été  inutile, 
une  analyse  du  poëme  (1834  vers)  en  fait  connaître  la  marche  et  le 
développement.  C'est  donc  un  nouveau  service  que  l'éditeur  vient  de 
rendre  à  cette  littérature  française  du  moyen  âge  qui,  depuis  plus  de 
quarante  ans,  est  de  sa  part  l'objet  des  travaux  les  plus  persévérants. 
Ajoutons  que  ce  petit  volume  est  imprimé  avec  une  élégance  qui  lui 
donne  le  droit  de  prendre  place  parmi  les  plus  gracieuses  productions 
de  la  typographie  actuelle .  B. 


Premières  Poésies,  par  Achille  Millien  (18b9-1863).La  Moisson.  Chanis 
agrestes.  Les  Poèmes  de  la  nuit.  Paulo  majora.  Paris,  Lemerre.  1878,  in-8 
de  391  p.,  orné  de  13  eaux-fortes  de  Laurent,  Rajou,  Monteignier, 
Courty,  etc.  —  Prix  :  20  fr. 

IVouvelIes  Poésies,  parle  même  (1864-1873).  Musettes  et  Cairons.  Lé- 
gendes d'aujourd'hui.  Lieder  et  Sonnets.  Voix  des  ruines.  Légendes  évan- 
géliques.  Paysages  divers.  Paris,  Lemerre,  1873,  in-8  de  40i  p.,  orné  de 
treize   eaux-fortes.  —  Prix  :  20  fr. 

Nous  n'avons  pas  à  parler  comme  d'œuvres  nouvelles  des  vers  dont 
M.  Achille  Millien  vient  de  publier  un  magnifique  recueil.  11  y  a 
longtemps  que  le  nom  de  M.  Millien  a  été  mis  en  évidence  par  la 
couronne  dont  l'Académie  française  a  honoré  le  poëte,  presque  à  ses 
débuts.  Les  volumes  qu'il  a  publiés  ensuite  ont  été  lus  avec  empres- 
sement. M.  Millien  y  montrait  un  talent  frais  et  original.  11  s'y  inspi- 
rait fort  heureusement  des  horizons  du  Nivernais  et  de  toutes  les 
scènes  de  la  vie  rurale.  11  regardait  la  nature  bien  en  face,  et  non 
à  travers  Virgile,  comme  on  le  faisait  dans  le  siècle  dernier,  où  Saint- 
Lambert  écrivit  ce  poëme  des  Saisons  dans  lequel  le  froid  de  l'hiver 
règne  d'un  bout  à  l'autre.  Lamartine  transforma,  vivifia  la  poésie  des- 
criptive, par  l'introduction  d'une  pensée  religieuse  et  par  l'étude  de 
tous  les  sentiments  propres  à  l'homme.  Dans  ses  premiers  chants, 
M.  Millien  n'a  pas  cherché  à  s'élever  si  haut;  il  s'est  plu  à  dépeindre 
les  paysages  dont  il  était  entouré  et  à  les  peupler  de  leurs  naïfs  et  in- 


—  332  — 

cultes  habitants,  de  leurs  moissonneurs  de  leurs  charbonniers,  de  leurs 
jeunes  filles,  de  leurs  élégants  de  villages  même  ;  il  a  créé  ainsi  une 
foule  de  petits  tableaux  pleins  de  grâce  et  de  vérité  et  comme  illumi- 
nés par  un  rayon  de  christianisme.  C'est  sous  cette  inspiration  qu'ont 
été  composés  les  deux  premiers  recueils,  et  elle  se  révèle  encore 
dans  plus  d'une  page  des  Poèmes  de  la  nuit,  des  humouristiques  et 
de  Paulo  majora,  où  le  poète  toutefois,  prend  un  plus  grand  essor. 
Ce  sont  ces  cinq  premiers  recueils, mais  émondés  d'un  grand  nombre 
de  vers  impitoyablement  sacrifiés,  que  M.  Million  a  réunis  sous  ce 
titre  :  Premières  poésies.  Il  était  impossible  de  loger  plus  superbement 
une  muse, parfois  un  peu  campagnarde  —  cette  épithètene  renferme  pas 
une  idée  de  critique,  au  contraire. —  D'admirables  eaux-fortes  ornent 
ce  beau  volume.  M.  Million  a,  dans  d'aimables  vers,  remercié  les 
artistes  éminents  qui  ont  associé  leur  talent  au  sien.  Dans  ces  vers,  il 
compare  modestement  son  œuvre  à  une  pauvre  cabane  :  cette  cabane, 
de  généreux  amis  sont  venus  et  en  ont  fait  un  palais  splendide  : 

Et  mon  modeste  édifice 

Se  trouve  —  amis  grand  merci 

Par  votre  habile  artifice, 

Si  bien  transformé,  qu'ici 

Dans  ma  vanité  naïve. 

Oubliant  tont  décorum , 

Peu  s'en  faut  que  je  n'écrive  : 

Exegi  monument um. 

Mais  non, le  monument  ne  peut  être  achevé, même  avec  le  magnifique 
volume  qui  a  paru  en  1875.  et  qui,  sous  le  titre  de  Nouvelles  poésies,  com- 
prend les  divers  recueils  de  M.  Millien  édités  de  1864  à  1873.  Depuis 
cette  dernière  date,  M.  Millien  a  certainement  écrit  bien  d'autres  vers  : 
nous  nous  rappelons  avoir  lu,  dans  le  Correspondant,  un  épisode  de  la 
guerre  de  1870,  et  certes  ce  petit  poëme  n'a  pas  dû  rester  longtemps 
seul  dans  le  portefeuille  de  notre  auteur.  On  me  dit,  il  est  vrai,  qu'il 
fait  des  infidélités  à  la  poésie  artistique  pour  la  poésie  populaire,  et 
qu'il  s'apprête  à  publier  une  collection  de  chants  du  Nivernais.  Nul, 
mieux  que  M.  Millien,  du  reste,  ne  peut  apprécier  la  muse  rustique  : 
il  en  avait  déjà  reconnu  les  charmes  ingénus  à  une  époque  où  l'on  ne 
s'occupait  guère  d'elle,  et  l'on  peut  apercevoir  dans  ses  vers  plus 
d'une  heureuse  inspiration  émanée  de  la  poésie  populaire,  restée  si 
fraîche  et  si  jeune. 

Th.    de    PUYMAIGRE. 


IVotes  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Pabbé  «fean-alacques 
Boileau,  publiées  avec  divers  documents  inédits,  par  M.  Philippe 
Tamizey  de  Larroque.  Paris,  Aubry,  1877,  in-8  de  132  p.  —  Prix  :  3  fr. 

M.  Tamizey  de   Larroque  est  beaucoup   trop   modeste.  Il  intitule 
Notes  un  travail  très-substantiel  qui.  sous  un  grand  nombre  de  docu- 


I 
I 


—  333  — 

raents  inédits,  nous  présente,  il  est  vrai,  une  foule  de  notes  érudites, 
mais  qui  s'ouvre  par  une  étude  complète  méritant  une  appellation 
beaucoup  moins  humble.  C'est  la  première  fois  que  l'abbé  Jean- 
Jacques  Boileau  apparaît  en  public  avec  la  seule  parure  de  ce  qui  lui 
appartient  en  propre.  Il  est,  en  effet,  fort  difficile  à  ceux  qui  ne  sont 
pas  familiers  avec  les  détails  les  plus  intimes  de  la  biographie  du  dix- 
septième  siècle  de  se  reconnaître  au  milieu  de  tous  ces  abbés 
Boileau,  qui  n'ont  de  commun  que  le  nom,  et  qui  se  sont  fait  remar- 
quer par  leurs  contemporains  sous  des  spécialités  fort  diverses.  Il  n'est 
pas  de  bibliophile  qui  ne  connaisse  au  moins  les  titres  des  curieux 
ouvrages  de  l'abbé  Jacques,  chanoine  de  la  sainte  chapelle  et  frère  de 
Nicolas  Despréaux  :  YHistoire  des  flagellants,  le  Discours  sur  l'abus 
des  nudités  de  gorge  lui  assurent  une  place  dans  la  mémoire  de  tous 
les  amateurs.  Ceux  qui  étudient  les  annales  de  l'Académie  française 
connaissent  davantage  Charles  Boileau,  abbé  de  Beaulieu,  prédica- 
teur du  roi,  auteur  de  Pensées  fines  et  délicates,  que  plus  d'un  bio- 
graphe a  qualifié  à  tort  de  frère  du  satirique.  Enfin  les  intrépides  qui 
cherchent  à  débrouiller  l'histoire  des  querelles  jansénistes  sont  plus 
familiers  avec  l'abbé  Jean-Jacques,  chanoine  de  l'église  collégiale  de 
Saint-Honoré,  celui  auquel  M.  Tamizey  de  Larroque  consacre  aujour- 
d'hui sa  plume.  Mais  on  a  souvent  attribué  à  l'un  ce  qui  appartenait  à 
l'autre,  en  sorte  que  la  plus  grande  confusion  règne  au  sujet  de  ces 
trois  homonymes.  Grâce  à  M.  T.  de  Larroque,  on  ne  pourra  plus  les 
confondre. 

Jean-Jacques  Boileau  naquit  en  1649  à  Agen,  d'un  honnête  bour- 
geois de  cette  ville;  il  eut  un  frère,  avocat  au  Parlement  de  Paris, 
et  un  autre  lieutenant  de  vaisseau.  D'abord  chargé  de  l'éducation 
des  deux  frères  cadets  du  duc  de  Chevreuse,  il  fut  ensuite  curé  de 
Saint-Etienne  d'Agen,  sous  Mascaron;  puis  il  fut  appelé  à  Paris 
en  1695,  par  M.s^  de  NoaiUes,  qui  en  fit  son  conseiller  intime,  en  sorte 
qu'on  ne  l'appela  plus  que  «  Boileau  de  l'archevêché.  »  Ce  fut  lui  qui 
composa  en  1696,  la  fameuse  ordonnance  et  l'instruction  pastorale 
sur  le  livre  de  YExposition  de  la  foi  :  et  ce  fut  à  lui  qu'on  attribua  le 
nom  moins  fameux  Problème  ecclésiastique,  odieuse  satire  qui  causa 
un  scandale  retentissant,  et  fut  brûlée  en  1699  par  la  main  du  bour- 
reau. M.  Tamizey  de  Larroque  se  livre  pour  l'en  disculper  à  une  dis- 
cussion fort  savante  qui  ne  laisse  aucune  place  à  la  réplique  :  mais 
l'affaire  du  Cas  de  conscience  décida  Ms^"  de  Noailles  à  se  séparer 
en  1704  de  son  compromettant  conseiller,  en  le  nommant  chanoine  de 
Saint-Honoré.  L'abbé  mourut  en  1735  dans  son  canonicat,  avec  la 
réputation  d'une  piété  austère  et  d'une  grande  charité,  dévoyées  mal- 
heureusement par  le  jansénisme.  Son  principal  ouvrage  est  le  recueil 
de  ses  Lettres  sur  différents  sujets  de  morale  et  de  piété.  C'est  là  qu'est 


—  334  — 

racontée  pour  la  première  fois  l'anecdote  de  l'abîme  sans  fond,  que 
Pascal  voyait  à  sa  gauche.  M.  Tamizej  de  Larroque  l'a  complété  par 
la  publication  de  vingt-trois  lettres  inédites  et  d'une  Vie  de  madame 
d'Epernon,  qui  nous  font  connaître  quantité  de  détails  intéressants 
sur  la  vie  intime  du  dix-septième  siècle.  Nous  lui  demandons  mainte- 
nant l'histoire  du   chanoine  de  la  Sainte-Chapelle. 

René  Kerviler. 


■je  seî^eîème  siècle  en  France,  Tableau  de  la  littérature  et  de  la 
langue,  suivi  de  morceaux  en  prose  et  en  vers,  choisis  dans  les  principaux 
écrivains  de  celte  époque,  par  MM.  A.  Darmesteter  et  Adolphe  Hatzfeld, 
Paris,  Ch,  Delagrave,  1878,  in- 12  de  x-301  et  38i  p,  —  Prix  :  4  fr. 

Le  volume  de  MM,  Darmesteter  et  Hatzfeld  est  plein  de  choses,  de 
Donnes  choses.  Quand  on  a  lu  attentivement  les  700  pages  dont  se 
compose  ce  volume  si  consciencieusement  et  si  habilement  préparé, 
on  sait  tout  ce  qu'il  y  a  d'essentiel  à  savoir  sur  la  langue  et  la  litté- 
rature en  France  au  xvi^  siècle.  L'ouvrage  est  du  reste  tel  qu'on  pou- 
vait l'attendre  de  l'association  de  deux  travailleurs,  dont  l'un  a  fait 
une  étude  approfondie  de  la  philologie  et  l'autre  de  l'histoire  litté- 
raire. Deux  spécialistes  aussi  distingués  que  MM.  Darmesteter  et 
Hatzfeld  nous  ont  donné,  en  réunissant  tous  leurs  efforts,  un  manuel 
qui  ne  sera  pas  moins  précieux  pour  les  maîtres  que  pour  les  élèves. 
Tout  y  est  clair,  judicieux  ;  tout  m'y  paraît  louable,  la  méthode  comme 
l'exécution,  et  les  préceptes  comme  les  exemples. 

Après  avoir  rendu  cejuste  hommage  slu.  Seizième  siècle  en  France.j'in- 
diquerai  les  divisions  du  recueil  et  je  proposerai  ensuite,  à  propos  de 
diverses  notices  ou  notes,  un  certain  nombre  de  corrections  de  détail 
dont  nul  ne  doit  s'étonner,  car  il  est  à  peu  près  impossible  d'éviter 
toute  erreur  dans  un  travail  qui  touche  à  tant  de  sujets. 

On  trouve  dans  la  première  partie  de  l'ouvrage  (p.  1-182)  :  1°  le 
tableau  de  la  littérature  française  au  seizième  siècle, en  trois  sections, 
section  des  prosateurs,  subdivisée  en  sept  chapitres  (théologiens,  con- 
troversistes,  prédicateurs;  philosophes,  moralistes,  libres-penseurs; 
écrivains  politiques,  pamphlétaires;  historiens,  auteurs  de  mémoires, 
chroniques,  correspondances,  etc.;  orateurs  judiciaires  ;  conteurs  ; 
érudits  et  savants)  ;  section  des  poètes  subdivisée  en  deux  chapitres 
(la  fin  du  théâtre  du  moyen  âge;  l'école  de  Ronsard);  2°  le  tableau 
de  la  langue  française  au  seizième  siècle  (p.  183-301)  avec  une  intro- 
duction et  quatre  chapitres  (vocabulaire,  orthographe  et  prononcia* 
tion,  formes  grammaticales,  syntaxe). 

La  deuxième  partie  est  formée  de  morceaux  choisis  des  principaux 
écrivains  en  prose  et  envers  du  seizième  siècle,  morceaux  précédés  de 
courtes  et  excellentes  notices  biographiques,  entourés  de  nombreuses 


-  335  — 

notes  explicatives  qui.  dans  leur  heureuse  concision,  ne  laissent  rien 
à  désirer  aux  philologues  les  plus  exercés,  et  suivis  d'une  table  des 
matières  fort  bien  dressée. 

Le  livre  de  MM.  Darmesteter  et  Hatzfeld  devant  obtenir  un  grand 
et  durable  succès,  il  sera  bon  d'en  faire  disparaître  jusqu'aux  taches 
les  plus  légères.  Voici  quelques  observations,  dont  la  minutie  même, 
prouvera  aux  savants  auteurs  dn  Seizième  siècle  en  France  combien  je 
tiens  à  voir  devenir  irréprochable  un  recueil  qui,  pour  les  apprécia- 
tions littéraires,  est  au  niveau  des  meilleurs  et  qui,  pour  les  ques- 
tions philologiques  est  au-dessus  de  toute  comparaison. 

Jacques  Davy  du  Perron  n'est  pas  né  àSaint-Lô  (p. 8, note  2)  :  il  est 
né  à  Berne.  La  coutume  italienne  de  donner  aux  évêques  le  nom  de 
Monseig neurs'esimtrodmte  en  France  bien  avant  le  règne  de  Charles  X, 
(p. 9,  note  1)  car  déjà, dans  plusieurs  documents  du  dix-septième  siècle, 
notamment  dans  les  Lettres  de  Balzac,  tout  évêque  reçoit  ce  titre. — Le 
P.  Gaspar  de  Seguiran  est  changé  en  Sigairan  (p.  13)  et  l'évêque  Ph. 
Cos]^ea.u (ibid.)  en  Copian.  —  Vanini  (p.  15)  «fut  brûlé  vif.  »  Non,  car 
selon  un  usage  presque  constant,  il  avait  été  préalablement  étranglé. 
—  Raymond  Sebond  (p.  18)  n'était  pas  espagnol,  il  était  toulousain, 
comme  Ta  démontré  M.  l'abbé  Reulet  (1875).  —  Bodin  (p.  22)  naquit 
à  Angers  non  «  vers  1530,  »  mais  en  1529,  selon  Niceron,  dont  M,  C. 
Port  adopte  l'assertion.  —  Du  Bartas  (p.  25)  publia  son  poëme  de  Ju- 
dith non  «  vers  1575,  »  mais  en  1573,  dans  un  recueil  qu'il  intitula  la 
Muse  chrestienne  (Bordeaux,  in-4.) —  Arnaud  d'Ossat  vint  au  monde  le 
20  juillet  1537  à  Larroque,  canton  de  Castelnau-Magnoac,  et  non 
(p.  43,  note  3)  en  1536  à  Cassagnabère  —  Amadis  Jamjn  est  si  peu 
mort  en  1585  (p.  130),  que  j'ai  publié  une  lettre  de  lui  écrite  le  11 
mars  1587  et  que  M.  d'Arbois  de  Jubainville  (Voir  le  Pokjhiblion  de 
mai  1868,p.244)  a  trouvé,  dans  les  archives  départementales  de  l'Aube, 
un  document  qui  prouve  que  ce  poète  mourut  seulement  le  11  janvier 
1593.  —  Lancelot  de  Carie  (p.  130)  ne  mourut  pas  «  après  1570,  » 
mais  avant,  en  juilletl568(  Fies  des  poètes  bordelais  et  Périgourdins  par 
Guill.  Colletet,  1873,  p.  14  et  15.) 

Dans  la  deuxième  partie,  deux  phrases  sont  à  modifier,  la  phrase 
(p.  1-59)  sur  maître  Bernard  Palissj,  né  vers  1510  «  à  la  Chapelle- 
Broin  {sic,  pour  la  Capelle-Biron),  petit  village  du  Périgord,  près 
d'Agen,  »  et  la  phrase  (p.  249)  sur  du  Bartas  :  a  II  assista  à  la  bataille 
d'Ivry  et  mourut  en  1590  des  suites  de  ses  blessures.  »  Palissy  est  né 
dans  l'Agenais  :  c'est  tout  ce  que  Ton  sait  de  son  berceau.  Quant  à 
l'auteur  de  la  Semaine,  rien  ne  prouve  qu'il  ait  assisté  à  la  bataiUe 
d'Ivrj. 

T.  DE  L. 


—  336  — 

<lorresponclance  inédite  du  comte  de  Caylus ,  avec  le 
P.  Paciaudi,  théatin  (l7o7-1765),  suivie  de  celles  de  l'abbé  Barthélémy  et 
de  P.  Mariette  avec  le  même,  publiées  par  Charles  Nisard,  de  l'Institut. 
Paris,  Imp.  nationale  et  lib.  Didot,  1877,  2  vol,  gr.  in-8  de  cin-468  et 
495  p   —  Prix:  20  fr. 

Au  siècle  dernier,  une  communauté  [de  goût  pour  rarchéologie  fit 
naître  des  liaisons  plus  ou  moins  intimes  entre  un  érudit  italien,  le 
P.  Paciaudi,  et  plusieurs  savants  français  :  le  comte  de  Caylus, 
l'abbé  Barthélémy  et  P.  Mariette,  Caylus  en  particulier,  qui  avait 
sans  cesse  besoin  de  nouvelles  pièces  pour  son  Becueil  d'antiquités  et 
qui  ne  pouvait  s'en  rapporter  entièrement  au  zèle  et  à  l'honnêteté  des 
brocanteurs  italiens,  entretint  avec  Paciaudi  une  correspondance 
active  et  intéressée.  Les  lettres  de  celui-ci  ont  été  depuis  longtemps 
publiées  (1802)  par  les  soins  de  Sérieys  ;  celles  de  Caylus,  enfouies 
dans  la  bibliothèque  de  Parme,  manquaient  encore.  C'est  cette  lacune 
que  M.  Charles  Nisard  vient  de  combler  en  offrant  au  public  cent 
quarante-huit  lettres  de  Caylus  auxquelles  il  a  joint  quarante  lettres 
de  Barthélémy  et  dix-neuf  de  Mariette.  L'ouvrage  débute,  en  forme 
de  préface,  par  une  notice  fort  développée  sur  Paciaudi,  et  le  savant 
théatin  est  peut-être  assez  oublié  en  France,  même  par  les  archéo- 
logues, pour  avoir  besoin  de  cette  présentation  ;  à  la  suite  des  lettres 
de  Caylus,  viennent  celles  de  Barthélémy  et  de  Mariette,  précédées 
aussi  d'avant-propos  ;  quatre  index  comprenant  ensemble  plus  de  cent 
pages,  permettent  de  retrouver  tous  les  détails  perdus  de  cette  cor- 
respondance ;  enfin,  des  notes  nombreuses  au  bas  de  chaque  page 
forment  une  sorte  de  commentaire  perpétuel. 

Il  fallait,  pour  éclaircir  les  obscurités  de  ces  lettres  écrites  à  la 
hâte,  pleines  d'allusions,  d'indications  sommaires,  répondant  souvent 
à  des  lettres  détruites,  une  connaissance  intime  des  travaux  et  des 
relations  de  ces  érudits,  de  l'état  de  la  science  et  de  l'époque  en  gé- 
néral. C'est  tout  un  coin  du  dix-huitième  siècle  que  M.  Nisard  a  dû 
reconstruire.  Je  n'aurai  pas  la  prétention,  incompétent  comme  je  le 
suis  en  ces  matières,  de  m'établir  juge  du  succès  de  cette  grande 
entreprise  :  je  ne  puis  que  louer  le  zèle,  le  soin,  le  tact,  l'érudition 
variée  et  soutenue  de  l'éditeur.  Peut-être,  cependant,  y  a-t-il  quelque 
illusion  presque  semblable  aux  illusions  d'auteur,  dans  le  fait  de 
M.  Nisard,  quand  il  convoque  à  la  lecture  de  cette  correspondance 
non-seulement  «  les  amateurs  de  belles  antiquités  ou  de  simples  bibe- 
lots antiques,...  les  curieux  de  vieilles  faïences,  de  vieilles  verreries, 
de  vieux  vases  mutilés  ou  recollés,...  les  curieux  de  satires,  de  médi- 
sances,... »  mais  encore  «  les  littérateurs  sans  spécialité;  les  fidèles  à 
tous  les  principes,  sans  en  excepter  les  préjugés  des  philosophes  du 
dix-huitième  siècle;  les  hardis  penseurs  pour  qui  les  jésuites  et  le 
clergé  sont  des  loups-garous,  etc.  Tous  trouvent  là  ce  qu'ils  aiment, 


ajoute  M.  Nisard,  et  n'y  trouveront  rien  qui  leur  soit  inditféreut.  »  Il 
y  a  certainement  bien  des  sujets  effleurés  dans  ces  lettres  ;  mais  elles 
sont  surtout  intéressantes  pour  les  archéologues.  Si  Caylus  parle  par- 
fois du  grand  procès  des  jésuites  pour  faire  plaisir  àson  ami  passionné 
contre  eux,  il  s'entretient  beaucoup  plus  volontiers  de  ce  qu'il  appelle 
ses  guenilles,  statuettes,  médailles,  verroterie,  pots  cassés.  M.  Nisard 
est  obligé  de  rectifier  à  chaque  instant  les  fables  que  le  comte  répète 
sans  scrupule  au  sujet  des  pauvres  religieux,  et  je  dois  dire  qu'il  y 
met  beaucoup  d'exactitude  et  de  modération. 

Emm.  de  Saint-Albin. 


HISTOIRE. 


t,es  Dtios  tîe  Gusîse  el  Ic'-i'c.p  éi^fngua.  Elude  hislorique  sur  le  seizième 

sièrlc,  par  H.  For.nkro.n.  l'ai'is,  Pion,  1877,  2  vol.  gr.  in-8  de  11-421-449  p. 

—  Prix  :  1.»  fr. 

Les  documents  nouveaux  introduits  dans  cette  étude  sur  les  ducs  de 
Guise,  dont  M.  de  Bouille  avait  donné  l'histoire,  sont  tirés  des  archives 
de  l'Angleterre,  mais  ils  semblent  peu  nombreux.  Le  mérite  de  cette 
œuvre  est  surtout  dans  la  mise  en  scène  et  l'auteur  y  fait  preuve  d'un 
véritable  talent.  Les  événements  sont  bien  décrits,  les  peintures  sont 
A'ives  et  ont  du  relief  :  seulement  le  coté  faible  de  l'humanité  est  sur- 
tout présenté,  le  coté  généreux  n'apparaît  guère.  On  ne  voit  qu'une 
face  du  seizième  siècle,  celle  où  il  apparaît  galant,  batailleur,  volup- 
tueux, brutal  :  on  parle  beaucoup  de  femmes  violées,  de  pays  ran- 
çonnés, de  coups  d'épée,  en  un  mot  des  passions  qui  se  donnent 
libre  cours^  mais  peu  des  efforts  pour  sauver  le  pays  de  ce  débor- 
dement sauvage.  A  force  de  réalisme,  le  style,  qui  a  de  la  couleur, 
contient  parfois  de  singulières  expressions  telles  que  celle-ci  :  «l'aveu 
est  palpitant  de  vie,  »  etc.  L^auteur  commence  son  récit  à  Marignan 
où  Claude  de  Lorraine  se  couvre  de  gloire  :  il  suit  les  princes  de  Guise 
en  tous  les  combats  de  ce  temps  où  ils  furent  présents  et  arrive  aux 
guerres  religieuses  au  milieu  desquelles  ils  occupent  le  premier  rang. 
Mais  le  caractère  de  ces  guerres  change  bientôt,  dit  M.  H.  Forneron, 
il  change  à  partir  de  1574,  c'est-à-dire  à  partir  du  moment  où  l'évolu- 
tion des  Montmorency  donne  de  la  consistance  au  parti  du  juste  mi- 
lieu, (>  prépare  la  solution  et  introduit  l'habitude  ds  la  tolérance  dans 
le  parti  de  la  réforme.  »  Ces  affirmations  de  l'auteur  ne  sont-elles  pas 
au  moins  contestables? 

La  Saint-Barthélémy  reste  dans  l'histoire  le  point  culminant  des 

guerres    do   religion,  coxiime    si    ses  causes  avaient  été  religieuses. 

M.  Forneron  en  rejette  la  responsabilité  sur  Catherine  et  le  duc  de 

CtuIsc.  Il  montre  très-bien  que  Catherine,  perdue  par  l'intlucnce  prise 

Avril  1878  T  XXII,  '22. 


-  338   - 

par  Coligny  sur  le  Roi,  a  voulu  alors  se  déVjarrasser  de  Colignj  seul  et 
que  le  coup  ayant  en  partie  manqué  et  produisant  un  effet  contraire, 
elle  a  arraché  du  Roi  l'ordre  de  tuer  les  protestants.  Cela  est  vrai, 
mais  dans  les  détails  n'y  a-til  rien  à  redire?  On  compte  3  ou  4,000 
victimes  à  Paris,  25  à  30,000  en  province  :  c'est  bien  exagéré  :  on  dit 
que  Charles  IX  tira  sur  les  huguenots  et  on  l'affirme  sur  le  témoignage 
de  Brantôme  et  du  duc  d'Albe  ou  plutôt  d'Alva  comme  il  est  toujours 
écrit;  on  écrit  qu'Alexandre  VI  tua  dans  un  festin  par  un  poison  fou- 
droyant tous  les  cardinaux  dont  il  voulait  revendre  les  chapeaux. 
M.  Forneron  le  croit  ainsi  assurément,  et  il  veut  être  impartial  et  il 
est  persuadé  de  l'être.  «  C'est  presque  de  la  témérité,  dit-il  que  de 
trouver  de  la  grandeur  dans  la  Compagnie  de  Jésus.  »  Et  pourquoi 
donc?  ah!  je  conçois  l'eifort  fait  par  l'auteur  pour  présenter  quel- 
qu'éloge,  car  dit  M,  Forneron,  dans  «  le  savant  mécanisme  »  de  cette 
société,  «  qui  croit  aux  livres  plus  qu'aux  hommes,  »  l'homme  est  de- 
venu un  rouage,  la  religion  s'écrase  entre  les  ressorts  d'une  telle  ma- 
chine et  finit  par  être  pétrie,  façonnée,  dévorée  par  l'ordre,  etc..  » 
Evidemment  M.  Forneron  est  ici,  comme  plus  haut,  victime  de  pré- 
jugés :  il  n'a  pas  étudié  cette  question,  il  juge  d'après  les  on-dit  et 
croit  aux  livres  imprimés  contre  les  Jésuites  plus  qu'aux  œuvres  de 
ces  hommes.  Ce  passage,  pris  entre  plusieurs  autres,  est  suffisant  pour 
signaler  ce  qu'il  y  a  à  reprendre  dans  les  deux  volumes  de  M.  For- 
neron. J'ai  dit  ce  qu'il  y  avait  à  y  louer.  H.  de  l'E. 


Souvenirs  du  règne  de  Louis  X-IV,  par  le  comte  de  Cosnac  (Go- 
briel-Jules) .  Tome  VI.  Paris,  Renouard,  1878,    in-8  de  476  p.   —   Prix  î 

7  fr.  50. 

Nous  avons,  en  Gascogne,  ce  dicton  renouvelé  des  Grecs  :  Qui  res-* 
poun  pagou  ;  celui  qui  se  fait  caution  est  dupe.  Je  n'ai  pourtant 
pas  à  regretter  d'avoir  assuré  ici  (t.  XVII.  p.  51)  que  le  tome 
VI  des  Souvenirs  du  règne  de  Louis  XIV  serait,  tant  par  l'agré- 
ment de  la  forme  que  par  la  solidité  du  fonds,  digne  de  ses  aînés. 
M.  de  Cosnac  raconte  aujourd'hui  l'histoire  des  quatre  premiers  mois 
de  l'année  1653  en  s' aidant  de  tous  les  mémoires  du  temps  et  de  la 
Gazette,  «  source  de  renseignements  dont  on  fait  trop  peu  d'usage,  » 
selon  la  remarque  de  M.  Léon  de  Laborde  (le  Palais  Mazarin,  notes, 
p.  281),  en  s'aidant  surtout  des  manuscrits  de  nos  grands  dépôts 
publics.  Fidèle  à  une  habitude  qui  lui  a  valu  les  félicitations  des  meil- 
leurs juges,  l'auteur  a  eu  soin  d'encadrer  dans  ses  récits,  les  plus  im- 
portants des  documents  inédits  qui  lui  ont  été  fournis  par  la  Biblio- 
thèque nationale,  les  Archives  nationales,  les  Archives  de  la  guerre 
et  des  affaires  étrangères,  documents  signés  Lenet,  Louis  XIV,  Viole, 
muréchal  do  caiiîp  de  Baas,  duc  de  la  Rochefoucauld.  Gourville,  mar- 


—  339  — 

quis  de  Chouppes,  baron  do  Vatteville,  don  Louis  de  Haro,  Abraham 
Fabert,  prince  de  Condé,  duc  de  Candalle,  duc  de  Saint-Simon,  Ser- 
vien,  Olivier  Cromwell,  etc.  Appujé  sur  de  telles  autorités,  M.  de 
Cûsnac  marche  en  toute  assurance  au  milieu  des  événements  de  Bor- 
deaux, de  Bourg,  de  Saintes,  d'Agen,  do  Blaye,  du  Limousin,  du 
Périgord,  de  la  Gascogne,  etc.  Son  lumineux  travail  permettra  d'a- 
méliorer beaucoup  les  prochaines  éditions  des  mémoires  de  Balthazar, 
du  P.  Berthod,  du  marquis  de  Chouppes,  de  Lenet,  etc.,  ainsi  que 
toutes  nos  histoires  de  France,  grandes  ou  petites.  L'auteur  signale 
bon  nombre  de  faits  nouveaux  et  rectifie  bon  nombre  d'erreurs  con- 
sacrées, parmi  lesquelles  j'indiquerai  (p.  215  et  218)  deux  erreurs 
commises  par  M.  Guizot  dans  son  Histoire  de  la  république  d'An'jlc- 
terrc  et  de  Cromwell.  Toutes  les  pages  du  livre  sont  très-intéressantes, 
mais  les  plus  intéressantes  sont  celles  qui  roulent  sur  un  des  épisodes 
les  plus  célèbres  de  la  vie  du  maréchal  Fabert,  son  généreux  refus 
(en  1653  et  non  en  1652,  comme  l'ont  dit  tous  les  biographes)  du  col- 
lier de  l'ordre  du  Saint-Esprit  (p.  102-107),  celles  qui  roulent  sur  le 
combat  de  Saint-Robert,  livré  le  13  février  1653  sur  un  terrain  que 
M.  de  Cosnac  a  le  premier  retrouvé  après  de  longues  explorations 
qu'il  décrit  avec  une  heureuse  verve  (p.  213-229),  enfin  celles  qui 
roulent  sur  l'ambassade  de  M.  de  Bordeaux  en  Angleterre,  où  ce  di- 
plomate acheta,  pour  le  cardinal  Mazarin,  divers  objets  d'art  qui 
avaient  appartenu  à  Charles  I",  l'amateur  et  le  collectionneur  le 
plus  distingué  de  l'Europe  (p.  239-298).  Ces  dernières  pages,  où  sont 
tantôt  analysées  et  tantôt  reproduites  les  dépêches  que  M.  de  Bor- 
deaux adressait  au  cardinal  Mazarin,  sont  conservées  aux  Archives 
des  affaires  étrangères;  elles  abondent  en  particularités  curieuses,  non- 
seulement  sur  les  tableaux,  les  marbres,  les  tapisseries  qui,  après 
avoir  orné  les  palais  du  malheureux  roi  d'Angleterre,  vinrent  orner 
l'ancien  hôtel  —  restauré,  agrandi  par  Mansard  —  du  président  ïu- 
beuf,  mais  encore  sur  les  chevaux  et  les  chiens  anglais  qui  furent 
procurés  par  l'ambassadeur  au  premier  ministre  de  Louis  XIV.  Si 
j'ajoute  que  les  notes  renferment  d'excellentes  indications  (surtout 
au  point  de  vue  généalogique)  sur  les  principaux  personnages  men- 
tionnés par  M.  de  Cosnac  et  que  l'appendice  (p.  415-463)  est  formé 
de  divers  documents  qui  seront  un  régal  pour  les  lecteurs,  je 
n''aurai  pas  encore  dit  tout  le  bien  qu'il  faut  dire  d'un  volume  que  je 
voudrais  voir  suivi  de  vingt  autres  volumes  de  même  valeur  et  de 
même  intérêt.  .T.  de  L. 


L.es  Origines  de  la  France  moderne,  par  H.  Tai.ne.  La  Rivolu- 
lion,  tome  1er.  Paris,  Hachettt^,  1878,  iii-8  de  iv-i68  p.  • —  Fr.x  ;  7  f;'.  ."lO. 
M.  Taine  vient  de  publier  la  seconde  partie^   ou  plutôt  le  preuiier 


—  310  — 

volume  de  la  seconde  partie  de  la  grande  trilogie  qu'il   a  entreprise, 
sous  ce  nom  :  les  Origines  de  la  France  niodcj-ne  ;  il  avait  traité  d'abord 
VAncien  régime  ;  il  âhoràe  aujourd'hui  la  RévoliUion.  Après  la  cause, 
les  effets.  Et  quels  effets  !  partout  le  chaos  et  la  confusion.  M.  Taine 
a  divisé  ce  volume  en  trois  livres  :  l'Anarchie  sponlanêe,  l'Assemblée  cons- 
tituante cl  sonœavre,  la  Constitution  appliquée.  A  vrai  dire,  ces  trois 
livres  pourraient  se  réduire  à  un  seul,  sous  ce  titre  :  l'Anarchie,  non  pas 
l'anarchie  spontanée,  car  nous  ne  croyons  pas  plus  à  l'anarchie  spon- 
tanée qu'à  la  génération  spontanée,  mais  l'anarchie  tout  court,  dont  le 
dix-huitième  siècle  tout  entier  n'a  été  que  la  longue  préparation,  dont 
les  dernières  années  du  règne  de  Louis  XVI  ont  été  comme  le  prélude. 
On  a  tout  battu  en  brèche,  les  croyances,  les  institutions,  le  gou- 
vernement;   on  a   fini   par  tout   détruire,  et   alors  le    peuple,  sans 
croyances, sans  institutions,  sans  gouvernement,  est  revenu  à  l'état  de 
nature,  à  l'état  sauvage,  et  l'on  a  pu  voir  ce  que  valait  cet  état  de 
nature  si  préconisé  par  Rousseau.  «  A  regarder  les  trois  départe- 
ments du  Gard,  des  Bouches-du-Rhùne  et  de  Vaucluse,  dit  M.  Taine, 
on  se  croirait  en  pleine  guerre  barbare.  »  La  Constituante,  où  il  y  a 
«  trop  de  talents  moyens  et  trop  peu  de  talents  supérieurs,  »  traite 
l'homme  comme  un  être  abstrait,  tel  qu'il  a  été  coneu  dans  les  livres 
des  philosophes,  la  France  comme  un  pays  neuf  où  tout  serait  à  créer. 
Pour  tout  créer,  elle  commence  par  tout  détruire,  et  il  faut  convenir 
que,  sur  ce  point,  elle  a  admirablement  réussi;  il  n'y  a  plus  ni  autorité, 
ni  lien  des  extrémités  avec  le  centre.  Sous  prétexte  de  despotisme, 
on  a  supprimé  le  gouvernement.  Et  alors  rien  n'étant  plus  retenu, 
tout  va  à  l'aventure.  Il  n'y  a  plus  d'autre  règle  que  la  Déclaration  des 
Droits,  et  la  déclaration  des  droits,  M.  Taine  le  remarque,  contient 
en  principe  toutes  les  anarchies.  «  Toutes  les  lois  de  la  Convention, 
dit-il  encore,  sont  en  germe  dans  la  Constituante.  »  Chose  remar- 
quable, ceux  qui  jugent  le  plus  sévèrement  l'œuvre  des  législateurs  de 
1701,  ce  ne  sont  pas  les  députés  du  coté  droit,    ce  ne  sont  pas  les 
partisans  de    l'ancien  régime,  ce  sont  les  citoyens  des  pays  libres, 
habitués  de  vieille  date  à  une  solide  et  sérieuse  liberté,  des  républi- 
cains  comme  Gouverneur  Morris,   Mallet  du  Pan,  Et.  Dumont,  des 
parlementaires  comme  Burke. 

Et  comme  la  populace,  quand  elle  n'est  plus  maintenue,  trouve  tou- 
jours l'occasion  et  le  prétexte  de  faire  des  désordres,  à  cette  foule 
ainsi  abandonnée  sans  guides  les  motifs  de  soulèvement  ne  manquent 
pas.  D'abord,  c'est  le  plus  palpable  de  tous,  c'est  la  faim.  L'hiver  de 
1791  a  été  rude,  la  récolte  mauvaise  ;  le  grain  manque.  De  là  des 
souffrances  réelles,  habilement  exploitées  par  les  meneurs  :  ou  voit,  ou 
plutôt  l'on  fait  voir  des  accapareurs  partout,  partout  des  brigands 
envoyés  par  les  réactionnaires  pour  ravager  les  moissons  et  affamer 


—  3  VI   — 

le  peuple  ;  on  court  sus  à  ces  ennemis  imaginaires,  et  l'on  met  en  pièces 
tous  ceux  que  la  malveillance  désigne  à  Tindignation,  tous  ceux  plus 
rares  qui  cherchent  à  s'opposer  aux  attentats  contre  la  vie  ou  la  pro- 
priété .  Puis,  comme  les  réformes  ne  donnent  pas  immédiate- 
ment le  bien-être,  qu'on  en  attend,  on  suppose  qu'il  y  a  des  conspira- 
teurs qui  entravent  la  bonne  volonté  des  réformateurs,  et  ces 
conspirateurs  no  peuvent  être  que  les  nobles  dont  on  a  détruit  les 
privilèges,  que  les  prêtres  qui  ont  refusé  le  serment  à  la  Constitution 
civile  du  clergé,  que  les  moines  dont  on  a  supprimé  les  couvents;  les 
gazettes  l'impriment  chaque  jour,  et  la  tribune  de  l'Assemblée  retentit 
de  ces  accusations.  On  traque  aussitôt  ces  malheureux,  on  les  massacre, 
on  brûle  les  châteaux,  on  pille  les  monastères,  quels  que  soient 
d'ailleurs  les  services  rendus  par  les  nobles,  les  prêtres  et  les  moines. 
C'est  une  véritable  jacquerie,  ou  plutôt  c'est  une  succession  de  jac- 
queries. M.  Taine  en  compte  jusqu'à  six,  de  1789  à  1792. 

Tout  ce  premier  volume  n'est  qu'un  vaste  et  saisissant  tableau  des 
excès  commis  dans  les  villes  et  dans  les  campagnes,  dans  la  capitale 
et  dans  les  provinces.  Et  ce  n'est  pas  un  tableau  fantaisiste,  chargé 
de  couleurs  fausses  par  Timagination  assombrie  d'un  historien  pré- 
venu. Non,  M.  Taine  n'a  aucun  préjugé  contre  la  Révolution  ;  mais  il 
dit  ce  qu'il  a  vu,  ce  que  ses  patientes  et  laborieuses  recherches  lui  ont 
fait  découvrir  dans  les  archives.  Pas  un  trait  de  ce  tableau  qui  ne  soit 
emprunté  aux  documents  les  plus  authenthiques  :  correspondances  des 
intendants  ou  des  commandants  militaires,  lettres  des  municipalités, 
rapports  des  commissaires  envoyés  par  le  pouvoir  exécutif  ou  par 
l'Assemblée  pour  faire  une  enquête  sur  ces  attentats  qui  se  multiplient 
sur  toute  la  surface  du  royaume.  Ce  que  l'auteur  établit  de  la  façon 
la  plus  irréfutable,  contre  la  croyance  généralement  reçue,  c'est  que 
ni  les  nobles  ni  les  prêtres  ne  furent  provocateurs.  Partout  ils  ont 
déployé,  en  face  des  persécutions  dont  ils  étaient  l'objet,  la  plus  inal- 
térable douceur,  la  plus  patiente  longanimité.  Ce  n'est  qu'à  la  dernière 
extrémité  qu'ils  se  sont  décidés,  non  pas  à  résister  (car  ils  ne  l'ont  fait 
nulle  part  pendant  cette  période,  sauf  dans  le  Gard,  et  le  promoteur 
de  cette  résistance  était  un  bourgeois),  mais  à  émigrer,  lorsqu'ils  n'ont 
plus  trouvé  de  sécurité  pour  eux  ni  dans  les  campagnes  où  on  les 
égorgeait,  ni  dans  les  villes  où  on  les  jetait  en  prison  sans  motif, 
souvent  pour  les  livrer  aux  massacreurs. 

On  comprend  que  nous  n'entrions  pas  dans  le  détail  ;  un  tel  livre, 
si  nourri,  si  plein  de  faits,  ne  peut  s'analyser.  Sur  quelques  points, 
nous  ne  serions  pas  d'accord  avec  l'auteur,  par  exemple  lorsqu'il  pense 
que  les  réformes  ecclésiastiques  doivent  se  faire  sous  la  direction  de 
l'Etat.  L'Eglise  seule  a  autorité  pour  se  réformer,  pour  supprimer,  s'il 
le  faut,  des  couvents  devenus  inutiles  ou  modifier  des  circonscriptions 


—  342  — 

de  diocèses  devenues  trop  étroites.  Mais,  ces  réserves  faites,  nous  ne 
saurions  trop  reconnaître  le  soin  scrupuleux  que  met  M.  Taine  à 
poursuivre  la  vérité  sans  parti  pris,  et  le  courage  avec  lequel  il  la 
proclame,  quand  il  l'a  découverte,  au  risque  de  contredire  les  opinions 
reçues  et  de  froisser  des  préjugés  puissants.  Jamais  l'histoire  intime 
de  la  France  pendant  les  trois  premières  années  de  la  Révolution  n'a 
été  écrite  avec  ce  luxe  de  recherches  et  cette  abondance  de  détails; 
jamais,  il  faut  bien  le  dire,  réquisitoire  plus  précis,  plus  serré,  plus 
complet  n'a  été  dressé  contre  la  Constituante  et  son  oeuvre.  Ce  livre 
soulèvera  bien  des  colères  ;  en  revanche,  il  aura  pour  lui  tous  ceux  qui 
ne  font  pas  de  l'histoire  une  œuvre  de  parti,  mais  une  œuvre  de  bonne 
foi.  Quant  au  style,  nous  n'en  dirons  rien:  on  connaît  depuis  longtemps 
l'éclat  séduisant  du  style  de  M.  Taine,  cet  éclat  qui  est  une  de  ses 
qualités,  qui  parfois  est  peut-être  aussi  un  de  ses  défauts. 

Maxime  de  la  Rocheterie. 


Histoire  de  la  Confédération  suisse,  par  L.  Vulliemin.  Lausanne, 
Bride],  1875-77,  2  vol.  in-12  de  379  el  403  p.  —  Prix  :  7  fr. 

Cette  histoire  va  des  plus  anciens  âges  aux  temps  de  la  Réforme  : 
sujet  vaste  et  complexe  qui  demandait  à  être  traité  avec  une  sévère 
méthode.  L'auteur  y  a  parfaitement  réussi  :  son  livre  se  lit  sans  fatigue 
et  même  avec  plaisir,  grâce  à  l'ordre  lumineux  qu'il  a  su  mettre  dans 
ses  récits.  Le  style  est  parfois  concis  jusqu'à  l'obscurité  ou  élégant 
jusqu'à  la  recherche;  en  somme,  il  est  correct,  naturel  et  coulant. 
Quelques  expressions,  quelques  tournures  paraîtront,  il  est  vrai,  peu 
françaises;  mais  on  parle  sans  doute  ainsi  dans  le  pays  de  Vaud. 
«  Légions  romaines  disloquées  sur  les  bords  du  Rhin...  (p.  31);  on  fit 
du  gast...  {a.isa.nt  g  as  t  et  butin  (p.  91  et  172);...  ils  laissèrent  à  leurs 
prêtres  le  choix  de  leur  servi?'  la  messe  ou  de  quitter  le  pays  (p.  112);... 
un  capitulât  (^.280)...  à  tour  (p.348)...legs  j3;Vs(p.291)...etc.,etc.  Un 
souffle  de  patriotisme  éclairé  traverse  toutl'ouvrage.  On  se  plaîtàrelire 
les  pages  consacrées  à  l'abbaye  de  Saint-Gall  (p.  66),  àlareineBerthe, 
V humble  filandi ère  (p.  69),  au  bienheureux  Nicolas  de  Flue  (p.  226),  à 
la  légende  de  Guillaume  Tell  (p.  367).  Plusieurs  erreurs  de  fait  ou  de 
date  n'empêchent  pas  de  reconnaître  la  science  de  M.  Vulliemin,  dans 
ce  qui  regarde  au  moins  l'histoire  politique  et  littéraire  de  sa  nation; 
mais  on  a  peine  à  comprendre  qu'arrivé  à  soixante-dix-sept  ans  (avant- 
propos)  il  s'exprime  comme  il  fait  sur  la  Papauté  et  l'Eglise.  Sans  sortir 
delà  Suisse,  les  travaux  historiques  des  vingt  dernières  années  auraient 
dû  apprendre  à  l'auteur  plus  de  justice  et  d'impartialité.  Je  n'ai  pas 
l'honneurdeleconnaître;  j'ignore  s'il  est  catholique  ou  protestant;  mais 
s'il  est  catholique,  comment  a-t-il  pu  laisser  échapper  de  sa  plume  de? 
phrases  comme  celie-ci  :«  L'empire  de  l'Eglise  reposait  (au  seizième 


—  343  — 

siècle)  surTignôrance  des  peuples,  les  rigueurs  de  l'inquisition  et  l'active 
habileté  de  milices  obéissantes  (p.  216)  ?  »  Après  qu'on  a  dit  en  rica- 
nant qu'il  «  suffit  aux  Suisses  de  confesser  leurs  péchés  pour  en  obtenir 
l'absolution,  »  que  signifient  ces  mots  :  «  De  l'argent  qu'ils  venaient  de 
donner  pour  le  rachat  de  leurs  péchés,  Sixte  IV  leur  versa  des  sub- 
sides (p.  280)?  »  Et  puis  :  «  Rome  avait  fini  par  prendre  à  sa  solde 
les  ordres  mendiants,  et  ils  étaient  devenus  les  vendeurs  privilégiés 
de  ses  grâces  spirituelles  (p.  371).  »  Une  fois  que  l'auteur  a  parlé  de 
vente  d'indulgences,  il  ne  sort  plus  de  là  :  «  les  indulgences  de  la  reli- 
gion, dit-il  assez  singulièrement,  étaient  vénales...  Rome  en  avait  fait 
une  marchandise...  Léon  X  ouvrit  un  vaste  marché  d'indulgences... 
(p.  374).  »  Ne  parlons  pas  de  «  l'adoration  de  Marie  et  des  saints 
(p.  373), wnidecd'hostie  sur  laquelle  le  prêtre  avait  invoqué  la  présence 
du  Christ;  wM.Vulliemin  sait  même  que  le  capucin  Samson  «  proclama 
tous  les  Bernois...  délivrés  à  jamais  (par  l'achat  des  indulgences)  de 
l'enfer  Qi  du  purgatoire  (p.  3751  etc.,  etc.  »  —  Il  est  évident  que  la 
lecture  d'un  tel  livre  ne  peut  être  conseillée  à  la  jeunesse  catholique. 
Cette  appréciation  générale  de  l'ouvrageM.Yulliemin  ne  s'est  pas 
modifiée  àla  lecture  du  tome  II,  qui  vient  de  paraître.  Il  comprend  l'his- 
toire moderne,  depuis  la  naissance  de  la  Réforme  jusqu'à  Ja  Constitu- 
tion fédérale  de  1848,  et  se  divise  en  trois  parties,  nettement  caracté- 
risées par  ces  titres  :  L'Age  de  la  Tî^'/b/vne- (1517-1648),  Domination  de 
l'aristocratie  (1648-1798),  La  Démocratie  moderne  (17991848).  La  pre- 
mière partie  se  s\\\)d'i\ise  en  Réforme  protestante  et  Réaction  catholique: 
histoire  très-incomplète  et  très-partiale,  comme  on  devait  s'y  attendre. 
Calvin  est  présenté  dans  un  jour  absolument  faux.  L'auteur  connaît 
le  nom  des  Galiffe  (p.  346)  :  comment  donc  a-t-il  pu  appeler  le  réfor- 
mateur de  Genève  un  héi^os  et  le  comparer  tantôt  à  Grégoire  VII 
(p.  90),  tantôt  à  Borromée  (p.  107)  ?  Et  quelle  haine  contre  les  catho- 
liques suppose  cette  réflexion  à  propos  du  supplice  de  Michel  Servet  : 
«L'Eglise  romaine  envie  à  Calvin  l'honneur  d'avoir  purgé  la  terre 
d'un  monstre?  ;>  Toute  cette  partie,  qui  forme  presque  la  moitié  du 
volume,  fourmille  d'erreurs  déjà  vingt  fois  réfutées.  Saint  Charles  Bor- 
romée n'a  pu  «  faire  revivre  le  respect  pour  les  objets  d'une  antique 
adoration  (p.  108)  ;  »car,  dans  l'Église  catholique,  on  n'a  jamais  adoré 
que  Dieu,  et  on  n'avait  pas  cessé  de  l'y  adorar.  A  la  Saint-Barthé- 
lémy, «  les  rues  de  Paris  n'ont  pas  été  jonchées  de  milliers  de  ca- 
davres, »  et  «  le  souverain  pontife  n'a  pas  couvert  de  son  approbation 
ce  massacre  (p.  129).  »  Jamais  «  les  jésuites  n'ont  fait  du  régicide  une 
œuvre  sainte  (p.  131).  »  Les  huguenots  «  réfugiés  en  Suisse  »  à  la 
suite  de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  (p.  205)  n'ont  pas  été 
60_,000  :  c'est  un  chiffre  dix  fois  exagéré,  comme  bien  d'autres  asser- 
tions,   comme  ce    o  système  qui  fait  du  pape  un  roi    des  rois,  des 


évêqiics  ses  ministres,  des  moines  ses  milices,  et  qui  leur  assigne  pour 
but  la  conquête  de  la  terre  (p.  336).  »  Le  lecteurne  devinerait  jamais 
que  ce  système  était  représente  par  l'humble  nonciature  de  Lucerne.— 
Tout  cela  n'est  plus  de  l'histoire,  mais  pure  obstination  dans  le  men- 
songe et  la  calomnie. 

Quant  au  style,  nous  aurions  à  relever  largiUon  pour  largesse 
(p.  72),  fo^/afwr."  pour  coUatiop  (p.  109),  ressortait  pour  ressortissait 
(p.  337),  etc.,  etc.;  mais,  après  les  graves  erreurs  que  nous  avons 
signalées,  ce  serait  s'arrêter  à  des  vétilles.  Il  est  regr .attable  que  ces 
taches  déparent  un  livre  qui,  du  reste,  «  aurait  pu  répondre  aux  sé- 
vères exigences  de  la  science  (p.  399).  »  P.  M. 


Vienne  et  Sa  vîe  viennoise,  par   Victor  Tissot.  Paris,  Dentn,  1878, 
gr.  in-I8  de  ni-476  p.  —  Prix  :  \)  fr.  oO. 

Le  nouveau  livre  de  M.  Tissot  est  le  cinquième  volume  de  cette 
série  de  voyages  et  d'études  commencée  à  Berlin,  et  qui,  dans  la 
pensée  de  l'auteur,  doit  se  continuer  à  travers  la  Hongrie,  la  Transyl- 
vanie et  la  Bohême.  Ce  livre  est  divisé  en  deux  parties.  Dans  la  pre- 
mière, l'auteur  fait  une  description  rapide  des  contrées  qu'il  trouve 
sur  sa  route  de  Venise  à  Vienne.  Il  montre  d'abord  Trieste  avec 
son  port  tranquille  semblable  à  un  canal  s'insinuant  dans  la  ville,  et 
où  les  navires  immobiles  et  rangés  face  à  fuce  «  appliquent  sur  le  ciel 
bleu  la  broderie  capricieu?e  de  leurs  cordages  et  de  leurs  mâts.  » 
Puis  vient  Miramar,  qui  fait  tristement  souvenir  du  drame  de  Quére- 
taro  ;  puis  Goritz  qui  «  s'épanouit  comme  une  île  verdoyante  au  milieu 
d'une  mer  pétrifiée.  »  Tous  près,  au  couvent  de  Castanovizza,  est  en- 
terré le  roi  Charles  X.  C'est  à  Goritz,  on  le  sait,  qu'il  passa  ses 
années  d'exil,  et  M.  Tissot  raconte  que, lorsqu'à  son  arrivée  dans  cette 
ville,  il  se  rendit  pour  la  première  fois  à  l'église,  il  trouva  en  sortant 
toute  la  population  en  habits  de  fête,  faisant  respectueusement  la  haie 
sur  son  passage.  Devant  cette  manifestation  spontanée,  le  vieux  roi 
ne  put  cacher  ses  larmes.  C'est  près  do  là  que  se  trouve  le  château 
habité  par  M^'"  le  comte  de  Chambord.  M.  Tissot  eut  l'honneur  d'être 
reçu  par  le  prince,  et  le  récit  qu'il  fait  de  cette  visite,  par  sa  simpli- 
cité émue, est  une  des  meilleures  pages  du  livre. 

L'auteur,  poursuivant  sa  route,  s'arrête  à  Pola,  celle  Toulon  autri- 
chienne, port  militaire  sur  l'Adriatique,  jardin  délicieux  et  embaumé 
par  les  orangers  toujours  en  fleurs.  De  là,  il  nous  fait  assister  au 
combat  de  Lissa.  M.  Tissot  se  plaît  à  rompre  ainsi  l'uniformité  d'un 
récit  de  voyages  par  des  tableaux  mouvementés,  citations  d'histoire, 
légendes  ou  anecdotes  :  i!  mêle,  comme  le  voulait  le  poëte  latin,  le 
plaisant  au  sévère.  On  a  fait,  à  cette  occasion,  une  légère  critique  que 


—  34;;  - 

notre  sympathie  pour raute:;r  nous  pormotde  r/ipéter:  il  v  a  peut-être 
un  pou  trop  de  symétrie,  d'arrangement  préconçu  dans  le  mélange 
des  sujets  tristes  et  des  sujets  gais.  Ainsi,  après  !a  bataille  de  Lissa, 
vient  l'aventure  un  peu  risquée  du  capitaine  et  les  histoires  du 
comédien  polonais,  auxquelles  succède, comme  tableau  final, le  supplice 
des  conjurés  hongrois.  On  a  vu  là  trop  de  méthode. 

La  seconde  partie, de  beaucoup  la  plus  considérable  et  la  plus  atta- 
chante, est  consacrée  à  Vienne,  ou  mieux  à  la  vie  viennoise.  Nous  ne 
l'analyserons  pas,  car  il  faut  lire  le  livre  pour  connaître  cette  nation 
composée  de  tant  d'éléments  divers.  Là,  M.  Tissot  est  un  penseur  qui 
étudie  un  peuple  dans  sa  vie  intime,  dans  sa  vie  publique,  dans  ses 
mouvements  et  dans  son  histoire  ;  il  le  suit  d'un  œil  observateur  à 
l'église,  à  la  promenade,  à  la  bourse,  à  la  brasserie.  Il  cherche  quelle 
peut  être  dans  l'avenir  sa  destinée  au  milieu  des  dangers  qui  le  me- 
nacent. Il  nous  le  montre  dans  le  passé, et  nous  recommandons  le  cha- 
pitre consacré  à  Marie-Thérèse,  cette  femme  héroïque,  près  de 
laquelle  tant  d'hommes,  qui  se  sont  crus  politiques,  auraient  dû 
prendre  des  leçons;  il  nous  le  montre  aussi  dans  le  présent,  serré  de 
près  par  l'empire  d'Allemagne. 

S'il  nous  fallait  faire  un  classement  entre  les  différents  ouvrages 
de  M.  Tissot,  nous  serions  fort  embarrassé;  pourtant,  nous  dirons, 
en  terminant,  qu'il  nous  a  semblé  que,  dans  Vienne  et  la  vie  viennoise 
l'homme  sérieux  se  montrait  plus  complet, et  que,si  la  manière  de  l'au- 
teur s'était  modifiée  sous  le  rapport  de  l'ironie,  elle  avait  gagné  sen- 
siblement au  point  de  vue  des  jugements  portés  sur  les  hommes  et 
sur  les  événements.  A.  de  Besaxcenet. 


La  Grèce  telle  qu'elle  est, par  Pierre  Moraïtints,  ancien  consul  de 

Grèce,  précédé  d'une  lettre  de  M.  de  Queux  do  Saint-Hilaire.  Paris,  Didot  : 

Athènes.  Karl  Wilberg,  1877,  gr.  in-8  de  xir  et  iJ88  p. —  Prix  :  10  fr. 

Ce  volume  a  été  écrit  sous  l'impression  de  la  crise  qui  a  commencé 

en  Orient  l'année  dernière  et  dans  la  pensée  de  faire  connaître  le  rôle 

que  doit  y  jouer  la  Grèce.  L'auteur,  fils  d'un  des  hommes  d'Etat  les 

plusrecommandables  dutemps  des  luttes  de  l'indépendance  et  lui-même 

écrivain  distingué,  fait  sentir  avec  discrétion  l'intérêt  que  les  puissances 

occidentales  ont  à  assurer  à  l'élément  hellénique  un  développement 

parallèle  à  celui  de   l'élément  slave  dans  la  reconstitution^  qui  doit 

suivre  la  dislocation  de  l'Empire  ottoman. 

Le  petit  royaume  de  Grèce  avec  ses  1,500,000  habitants  est  digne  de 
servir  de  no^-au  au  groupement  national  des  six  millions  d'Hellènes, 
répandus  dans  les  îles  et  dans  les  pays  au-dessous  des  Balkans  et  qui 
déjà  gravitent  vers  lui  avec  un  patriotisme  intelligent,  avec  une  géné- 
rosité qui  honorent  à  la  fois  la  race  et  le  gouvernement  qui  en  est 
l'objet. 


—  346  — 

Cette  thèse  est  démontrée,  ce  nous  semble,  d'une  fdcon  complète, 
par  M.  Moraïtinis  et  avec  d'autant  plus  d'autorité  que  l'émotion  du 
patriote  n'obscurcit  jamais  chez  lui  le  ferme  jugement  du  savant. 

La  Grèce  a  fait,  en  effet,  des  progrés  merveilleux  depuis  les  quarante 
ans  qu'elle  est  sortie  des  ruines  amoncelées  par  la  domination  turque 
et  par  la  guerre.  Sa  population  a  presque  triplé,  son  agriculture  et 
ses  industries  minérales  ont  grandi  rapidement,  sa  marine  et  son  com- 
merce ont  pris  une  importance  européenne;  enfin  le  niveau  général 
de  tout  ce  qu"on  peut  comprendre  soUs  le  nom  d'institutions  privées 
s'est  considérablement  élevé. 

L'œuvre  de  M.  Moraïtinis  dépasse  de  beaucoup  les  proportions  d'une 
publication  de  circonstance.  Par  l'abondance  des  informations  statis- 
tiques, des  notions  économiques  qu'elle  contient,  surtout  par  le  ton 
sérieux  qui  y  règne  d'un  bout  à  l'autre,  elle  restera  pendant  longtemps 
l'ouvrage  le  plus  utile  à  consulter  pour  l'économiste  ou  l'homme  poli- 
tique qui  aura  à  étudier  la  Grèce. 

C'est  dire  que  M.  Moraïtinis, tout  en  expliquant  les  défauts  des  ins- 
titutions et  ceux  du  caractère  de  ses  compatriotes,  les  reconnaît  fran- 
chement. La  vie  politique  a  pris  en  Grèce  un  développement  absolu- 
ment hors  de  proportion  avec  les  vraies  forces  sociales  du  pays.  En 
lisant  ce  livre,  on  se  convainct  de  tout  le  mal  que  fait  le  gouvernement 
parlementaire  aux  peuples  qui  en  subissent  l'expérience.  Mais  les 
Grecs  sont-ils  bien  coupables  et  ne  sont-ce  pas  les  fausses  idées  de 
l'Occident  qui  leur  ont  inoculé  ce  iQTV\h\e  morhus  comitialls? 

M.  Moraïtinis  tourne  à  bon  droit  les  jeux  vers  la  France  comme 
l'amie  la  plus  sûre  et  la  plus  désintéressée  de  son  pays.  Il  devrait  les 
tourner  vers  Rome  aussi.  Il  donne  sur  le  clergé  grec,  sur  la  situation 
religieuse  de  son  pays,  des  détails  de  fait  à  l'authenticité  desquels  on 
peut  d'autant  plus  croire  que  l'auteur  ne  s'identifie  pas  assez  lui-même 
avec  celte  situation.  Si  les  six  millions  d'Hellènes  veulent  maintenir 
en  Orient  leur  nationalité,  leur  identité  morale,  au  milieu  de  la  sub- 
mersion slave,  il  est  bien  évident  qu'il  leur  faut,  avec  une  foi  religieuse 
vivace,  un  clergé  supérieur  sur  tous  les  points  à  celui  de  la  Russie,  et 
cette  force,  cette  vie,  où  les  trouveront-ils  s'ils  ne  vont  la  redemander 
à  la  chaire  de  Pierre  ?  C.  J. 


BULLETIN 

Essai  sur  les  réformes   «les  Baistîtutîon&*    politiciues  «le    la 
IFt-atice,  par  Joseph   Ebor.  Paris.  GuillaumiD,  1877,   in-8,  de  69  p.  — 

Depuis  près  d'un  siècle,  nous  avons  eu  dix-huit  constitutions,  sans  que 
nous  ayons  pu  en  conserver  aucune  :  il  est  donc  probable  que  toutes  ont 
un  vice  commun,  et  c'est  à  ce  vice  qu'il  faudrait  remédier.  Nos  institutions 


—   347  — 

politiques  sont  constituées  en  vue  du  gouvernement  tyrannique,  dit  M.  Ebor; 
il  faut  les  établir  en  vue  d'un  gouvernement  libéral;  comme  «voies  et 
moyens,  «  l'auteur  demande  que  l'on  conserve  aux  maires  les  fonctions 
administratives,  mais  qu'on  leur  enlève  leurs  fonctions  executives  et 
judiciaires;  qu'on  retire  aux  préfets,  dont  on  peut  se  passer  et  dont  les 
fonctions  seraient  gratuites,  comme  celles  des  juges  de  paix,  des  procureurs 
et  avocats  généraux,  les  fonctions  législatives,  judiciaires  et  administratives, 
pour  faire  exercer  ces  dernières  par  les  conseils  généraux;  que  l'on  supprime 
le  budget  des  cultes,  afin  que  le  clergé  soit  affranchi  de  la  tutelle  de  l'État, 
que  l'on  rende  non  rééligibles  les  membres  des  conseils  municipaux  sortants 
à  l'expiration  de  leurs  mandats,  qui  devraient  être  courts,  etc..  Je  m'arrête 
car  je  n'ai  pas  à  copier  la  brochure  de  M.  Ebor.  Qu'il  y  ait  des  idées  justes, 
assurément;   mais  que  toutes  doivent  être  approuvées,  c'est  autre   chose. 

II.    DE  LÉ, 


La  Teorîa  del  ï*rogesso  legislativo,  saggio  dell'  avvocato 
NuNzoï  Nasi  Virgilio.  Trappani-Rizzi,187;j,  in-J2  de  203  p.  — Prix  :  2  fr. 
Une  école,  dont  l'illustre  M.  Le  Play  est  le  chef,  affirme  que  la  vraie 
science  sociale  a  pour  base  l'étude  des  coutumes  des  peuples  prospères, 
et  que,  pour  arriver  à  la  paix  sociale,  il  faut  reprendre  les  pratiques  ensei- 
gnées par  l'expérience.  ?il.  l'avocat  Nasi  enseigne  une  doctiine  contraire. 
11  s'appuie  sur  les  vérités  abstraites  et  sur  les  modernes  théories  de  la  phi- 
losophi»^  et  du  droit.  Il  lésume  toute  sa  dissertation  en  ces  quelques  mots  : 
0  Le  progrès  législatif  consiste  dans  le  développement  nécessaire  et  graduel 
des  principes  absolus  de  la  justice  ;  de  là  ^e  forme  le  système  positif  et 
org.Tuisé  du  droit  et  de  l'État.  »  Nous  n'avons  point  à  discuter  les  doctrines  de 
ce  livre  :  nous  regrettons  uue  l'auteur  ait  fait  servir  une  science  véritable 
et  un  talent  distingué  à  défendre  les  rêves  creux  de  la  philosophie  incré- 
dule. 


Vocations  agricoles,  réflexions  sur  la  situation  économique  et  'inorale  des 
campagnes,  par  J.-B.  Bussel'il,  avocat  (à  Issoire).  Paris,  E.  Pion  et  C'^, 
1878,  in-8  de  v-98  p.  —  Prix  :  i  fr. 

M.  Busseuil  a  intitulé  Vocations  agricoles  un  opuscule  dans  lequel,  pre- 
nant pour  point  de  départ  les  définitions  que  le  n  Vocabulaire  social  »  de 
M.  Le  Play  donne  des  mots  classe  supérieure,  classe  dirigeante,  classe  infé- 
rieure, il  s'est  donné  pour  tâche  de  rappeler  à  une  portion  importante  de 
la  classe  dirigeante  française,  aux  propriétaires  terriers,  quelle  prépondé- 
rance il  leur  convient  légitimement  de  prendre  sur  les  populations  rurales 
en  revenant  vivre  auprès  d'elles,  et  d'avoir,  par  elles,  sur  la  suite  des  desti- 
nées de  leur  patrie.  «  La  question  sociale  ne  restera  pas  toujours  cantonnée 
dans  l'usine  et  l'atelier.  »  Le  paysan  a  vu  trop  de  gens  «  mettre  en  question 
ce  que  les  anciens  avaient  utilement  mis  en  fait,  »  pour  ne  pas  être  prêt 
bientôt,  lui  aussi,  à  courber  la  tête  sous  le  souffle  de  l'esprit  révolution- 
naire, s'il  n'est  pas  aidé  à  se  redresser  par  les  conseils  directs  et  par 
l'exemple  de  ses.  [latrons  naturels,  depuis  trop  longtemps  portés  à  préférer 
les  loisirs  de  la  ville  aux  devoirs  des  champs.  —  Sur  ces  données,  on  lira 
avec  fruit,  nous  l'espérons,  mais  aussi  avec  attrait  assurément  le  passage 
consacré  par   l'auteur  à  la  multiplication  dangereuse  des  marchés  et  des 


—  3i8  — 

«  foiresfrle?,  »  ot  \o.  chapitre  piquant  dans  loqitol  est  étudié  l'étal  «  où  en 
sont  bien  des  jeunes  filles  de  la  classe  agricole.  »  Bien  comprises  ot  écoutées, 
ces  pages,  qui  sont  écrites  avec  talent  et  avec  une  chaleur  d'Ame  vraiment 
chrétienne,  auraient  promptement  un  bienfaisant  succès  qu'on  ne  saurait 
trop  leur  souhaiter.  F.  Escard. 


Ije  Monde  siclér»!.  Dcscriplion  des  phénomènes  célesies  d'après  les 
récentes  découvertes  de  l'astronomie,  par  MM.  Zurcher  et  Margoli.k,  Paris, 
J.  Rothschild,  1878,  in-dS  de  vii-3-20  p.  —  Prix  ;  3  fr.  oO. 

Ce  petit  volume  est  un  résumé  intéressant  des  principaux  faits  de  l'as- 
tronomie physique,  et  en  particulier  des  importantes  découvertes  qui  ont 
été  faites  dans  ce  domaine  depuis  quelques  années.  Nous  reprocherons  aux 
auteurs  d'accepter  trop  facilement  certains  lieux  communs  dont  la  banalité 
ne  garantit  pas  la  solidité  ou  les  théories  aventureuses  d'écrivains  qui 
prennent  la  haute  fantaisie  pour  de  la  haute  philosophie.  Ainsi,  nous 
voyons,  à  ]a  page  20,  le  croquemitaine  de  l'enseignement  universitaire,  la 
scolastiquc,  battue  en  brèche  par  les  alchimistes,  précurseurs  de  la  science 
expérimentale,  et  ceux-ci  représentés  par  qui?  par  Albert  le  Grand  et  par 
Saint  Thomas  d'Aquin!  Ailleurs  (p.  129),  c'est  une  dissertation  un  peu  em- 
phatique sur  la  pluralité  des  mondes  habités.  Mais  ces  taches  sont  en  petit 
nombre  et,  au  total,  de  peu  d'importance.  Elles  sont  même  une  preuve 
de  l'ordre  d'idées  élevé  et  philosophique  dans  lequel  les  auteurs  ont  voulu 
se  placer,  et  dans  lequel  il  n'est  pas  facile  d'éviter  absolument  tout  abus, 
alors  surtout  qu'on  rencontre  tant  de  mauvais  guides.  Il  faut  les  louer 
grandement  de  n'avoir  pas,  comme  tant  d'autres,  évité  de  nommer  le 
divin  auteur  de  ce  qu'ils  décrivent,  et  de  lui  avoir,  en  plus  d'un  endroit, 
rendu  un  hommage  explicite  et  même  formellement  chrétien. 

Ajoutons  que  de  nombreuses  vignettes,  une  bonne  impression,  un  format 
et  un  cartonnage  élégants  et  commode^achèvent  de  faire  de  ce  petit  volume 
un  compagnon  de  voyage  aussi  agréable  qu'instructif.  E.  V. 


Le  Spiritisme,  par  l'abbé  Durand,  professeur  à  l'Université  catholique 
de  Paris,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes.  Paris,  Victor  Palm^,  1778, 
in-18  de  72  p.  —  Piix  :  50  cent. 

Le  spiritisme  n'est  pas  raort,  comme  on  pourrait  le  croire.  Il  parait  qu'il 
compte  en  ce  moment  à  Paris  de  trop  nombreux  adhérents,  et  qu'il  fait 
même  des  prosélytes  parmi  des  âmes  naturellement  croyantes,  mais  faibles 
d'imagination,  d'une  foi  va-illante  et  peu  éclairée.  C'est  pour  prémunir 
conire  les  illusions  du  spiritisme,  dont  Allan-Kardec  a  voulu  faire  une  reli- 
gion, —  que  M.  J'abbé  Durand,  professeur  à  l'Université  catholique  de  Paris, 
a  pris  la  plume.  Son  opuscule  sur  le  spiritisme  traite  delà  naturedes  esprits 
célestes^des  mauvais  esprits,  des  âmes  séparées  du  corps  et  de  leurs  manifes- 
tations, de  la  doctrine  spirite  renouvelée  du  paganisme,  du  ('ùté  diabolique 
de  cette  doctrine,  de  ses  funestes  résultats  pour  le  corps  et  pour  l'âme  et 
de  sa  morale  occulte.  En  quelques  pages,  M.  l'abbé  Durand  a  résumé, 
r.vec  une  grande  sûreté  de  vu^s,  tout  ce  qu'il  est  utile  à  un  eiirétiea  de 
connaître  sur  la  mutière.  Son  opuscule  est  une  excellente  brochure  de 
propagande.  F.  B. 


—  3i9  — 

Spiritual  Letters  of  .'^ï'c-hijîsïioiJl-'V'iieîon.  Lclkrsto  mcn.Leitersto 
women. l.onàon,  Rivingtons,  1877,  2  vul.  iii-12  de  3^2-394-  p. 
Le  savant  biographe  de  Bossuet  et  de  Féneluu  dont  nous  avoua  plusieurs 
fois  apprécié  ici  même  les  travaux,  a  traduit  en  anglais  les  plus  belles  et 
les  plus  caractéristiques  {)armi  les  lettres  spirituelles  de  l'archevêque  de  Cam- 
brai, et  nous  tn  oli're  aujourd'hui  deux  recueils  distinct?,  qu'il  a  formés  en 
réunissant  dans  l'un  celles  qui  s'adressent  aux  hommes,  et  dans  l'autre 
celles  qui  s'adressent  aux  femmes.  C'est  une  idée  fort  heureuse  et  dont  tous 
les  lecteurs  des  Irois  Royaumes  doivent  lui  être  particulièrement  recon- 
naissants, car  nous  n'avoas  pas  à  faire,  pour  des  Frauçii?,  l'éloge  de  ces 
précieuses  épiires  qui  sont  connuesde  toutes  les  âmes  désireuses  de  la  perfec- 
tion chrétienne.  Le  choix  de  ces  lettres  est  très-judicieux  et  comprend  toutes 
les  situations  de  la  vie.  La  traduction  est  exacte  en  même  temps  qu'élé- 
gante, et  nous  ne  saurions  indiquer  de  meilleur  livre  à  ceux  qui,  voulant 
se  perfectionner  dans  l'étude  de  l'anglai-,  ciierchent  des  ouvrages  réunis- 
sant l'utile  et  l'agréable.  Renk  Kerviler. 

OEuvres  oiioîsies  de    W,    Ozanani.    Poris.    Lecoirre,     1877,    in-12 

de  ooO  p.  —  Prix:  2  fr. 

Nous  pensons  recommander  suffisamment  ce  livre  en  citant  quelques-uns 
de.5  morceaux  qu'il  renferme  :  Le  Pèlerinage  au  pays  du  Cid,  le  Tableau  d'une 
histoire  de  la  civilisation  aux  temps  barbares,  la  France  chrétienne  au  cin- 
quième siècle,  le  Bienheureux  Jacopone  de  Todi,  et  beaucoup  d'autres  qu'il 
serait  trop  long  d'énumérer,  peuvent  compter  parmi  les  plus  belles  pages 
qu'ait  laissées  Ozanam.  Un  recueil  ainsi  composé  ne  saurait  manquer  d'avoir 
de  nombreux  lecteurs.  G. -P. 

Les  Bas-Itîeus,  par  B.vruey  d'Al'revillv.  Paris,  Palmé^  1878,  in-18  j.  de 

346  p.  —  Prix  :  i  fr. 

Pour  M.  Barbey  d'Aurevilly,  le  «  bas-bleu,  »  c'est  la  femme  qui  fait 
métier  et  marchandise  de  littérature.  Telle  est,  du  moins,  la  définition  qu'il 
en  donne  dans  la  préface  de  son  livre.  A  ce  point  de  vue,  le  livre  manque  de 
lidélilé  à  la  définition.  Via  effet,  M.  Barbey  d'Aurevilly  range  parmi  les  bas- 
bleus  M™^  la  comtesse  d'Haussonville,  M""^  li  marquise  de  lîlocquevillc, 
Eugénie  de  Guérin,  M"'''  Svv'etchine  et  la  sœur  Emmerich.  Evidemment, on  ne 
fera  jamais  croire  à  personne  que  les  noms  illuslrds  que  nous  venons  de 
citer  représentent  des  «  marchandes  de  lilléraiure.  »  De  plus,  M.  Barbey 
dAurevilly  n'est  pas  toujours  jusic.  Trois  ou  quatre  femmes  seulement 
trouvent  grâce  devant  sa  critique  ardente  et  passionnée.  Ce  sont  Eugénie  de 
Guérin,  la  sœur  Emmerich  (dL'jà  citées),  M™^  de  Staël  et  M""^  de  Gasparin. 
Pour  les  autres,  il  est  moins  que  tendre  ;  il  est  féroce.  Et  il  faut  dire  que 
certains  bas-bleus,  tels  qu'André  Léo,  Louise  Colef,  Olga  de  Janina,  M°*  de 
Samdn,  M'°  Edgar  Quinet  ei  luUi  quanti  ne  méritent  que  trop  la  volée  do 
bois  vert  que  le  redoutable  écrivain  leur  administre.  T>jut  serait  pour  le 
mieux  (et  les  Bas-Bleus  n'en  auraieut  que  plus  de  valeur],  si  M.  Barbey 
d'Aurevilly  s'était  montré  un  peu  plus  équitable  envers  ces  plumes  délicates 
et  distinguées,  qui  ont  écrit:  celle-ci,  le /^'ctt  d'une  sœur;  celle-là  Robert 
Emmet  ;  cet  autre,  les  Soirées  de  la  villa  des  jasmins.  Dépasser  le  but  n'est 
pas  toujours  une  preuve  de  force.  Ces  réserves  faites,  nous  devons  louer 
sans  restriction  les  pages  consacrées  à  l\  défense  des  vérités  catholiques 
attaquées  par  lesmégéres  du  bas-LIewisme,  l'étude  magistrale  sur  },r"  de  Staël, 
les  réilexions  profondus  sur  le  mysticisme  qui  terminent   le  portrait  de  la 


—  330  — 

fœiu"  Emiiiericli,  l'iiilr  diiction  et  la  conclus^iou  de  l'ouvrage,  qui  sont  d^ux 
morceaux  re;jiar.iu ibles.  Qiiaût  au  talent  do  l'écrivain,  il  serait,  «'iseux  d'en 
pailer.  M.  Biibny  d'Aurevilly  est  nu  raailre,  et  s^n  style  chaud,  lier,  cul.iré, 
vivant,  se  passe  depuis  longtemps  drs  banalités  de  l'éloge,  F.  B. 

Une  visite  sa  I^Siiva.  Aventures  de  voyage  dans  l'AsiP.  centrale,  yar 
Fred.  Burxaby,  capitaine  aux  Royal  Horse  Guards.  Trarluitde  l'anglais  par 
Hkphell.  Ouvrage  enrichi  de  3  cartes.  Paris,  Pion,  1877,  in-12  de  464  p.  — 
Prix  :  4  fr. 

En  regardant  un  jour  couler  le  .Nil  blanc  à  Khartouni,  l'auteur  apprend, 
par  le  journal,  que  les  Russes  interdisent  l'entrée  de  l'Asie  centrale  aux 
Anglais...  il  n'en  faut  pas  davantage  pour  que  M.  Burnaby,  en  vrai  fils 
d'Albion,  prenne  bientôt  son  parti.  11  quitte  l'Egypte,  retourne  en  Angleterre 
pour  y  faire  toutes  ses  disposiùons,  et  s'embarque  le  ler  d(''cembre  pour... 
Khiva,  résolu  à  braver  l'interdiction  moscovite;  et,  pour  mieux  étudier  la 
question  angio-iusse-asiatique,  il  commence  son  voyage  par  la  Russie  même 
et  par  la  Sibérie  occidentale  qu'il  traverse  en  plein  hiver.  Après  mille  péri- 
péties, il  entre  à  Kliiva  dans  les  premiers  jours  de  mars.  —  Son  récit  est 
bien  celui  qu'on  pouvait  attendre  d'un  tel  touriste;  rempli  d'énergie  et 
d'humour,  bourré  d'anecdotes,  tout  scintillant  de  couleur  locale,  mais  parfois 
un  peu  superficiel  et  vraiment  trop  rapide.  L'auteur  a  vu  comme  il  a 
voyagé,  au  pas  de  course  ;  il  semble  qu'il  n'ait  qu'une  idée  :  gagner  son 
pari  d'aller  à  Khiva  malgré  les  Russes,  et  le  gagner  en  moins  de  temps 
possible.  Néanmoins,  il  y  a  là  des  détails,  des  aperçus,  des  notions  que  nous 
ne  possédons  aujourd'hui  que  grâce  à  lui.  Quant  à  ses  réflexions  politiques, 
elles  sont  aussi,  évidemment,  ce  qu'on  pouvait  les  attendre  d'un  capitaine  de 
Horse  Guards  circulant  dans  ce  milieu,  dans  ces  conditions  et  avec  les  dispo- 
sitions d'esprit  traditionnelles  aux  Anglais  vis-à-vis  des  Russes.  Le  volume, 
contrairement  aux  autres  de  la  collection,  ne  renferme  aucune  gravure; 
mais  il  est  accompagné  de  trois  bonnes  cartes,  dont  la  plus  petite  n'est  pas 
la  moins  curieuse  :  elle  montre,  en  effet,  d'une  manière  fort  nette  les  progrès 
de  la  Russie  dans  l'Asie  centrale,  en  donnant  les  tracés  des  frontières  en  1836, 
1863  et  187o.  On  comprend  bien,  à  cette  vue,  l'émotion  de  l'Angleterre  et 
l'entreprise  du  généreux  Burnaby...  R. 


Ma    vie    uosnade   aux.    montagnes    Iftocîieuses,    par   le   bar^m 
A.  DE  WoELMoNT.  Paris,  Firuiiu-Didot,  1878,  in-12  de  366  p. —  Prix  :  3  fr. 

Ce  récit,  fort  amusant  du  reste  par  son  ton  alei'te  et  les  aventures  dont 
il  est  parsemé,  devi-ait  être  dédié  aux  chasseurs  :  c'est  eux  qu'il  intéresse- 
rait tout  particulièrement,  et  ceci  n'est  pas  une  critique  de  ma  part.  Je 
constate.  L'auteur,  qui  doit  être  d'aimable  et  facile  humeur,  a  voulu  «  con- 
naitre  la  vie  que  l'on  mène  dans  l'extrême  ouest  des  États-Unis,  »  et  il  livre 
au  public  les  feuilles  telles  quelles  da  Journal  de  sa  vie  nomade.  C'est  pris 
sur  le  vif,  c'est  vécu  pour  employer  le  dialecte  moderne;  et  nous  ne  doutons 
pas  du  plaisir  que  tout  lecteur  éprouvera  au  tableau  de  cette  vie  au  grand'air, 
si  pleine  de  contraste  et  d'imprévu,  où  le  revolver  joue  un  rôle  si  important, 
qu'il  s'agisse  soit  de  protéger  sa  vie  contre  son  semblable,  soit  de  la  soute- 
nir par  des  hécatombes  de  gibier,  kanguros,  our.s,  cerfs,  etc.  Une  carte  des 
pérégrinations  de  l'auteur  accompagne  le  volume,  ainsi  qu'une  gravure, 
détestable,  dit  le  texte  page  99,jîiais  précieuse  comme  souvenir.  Muins 
sévère  que  l'auteur  nous  regrettons  qu'il  n'y  eu  ait  pas  d'autres  pour  com- 
pléter les  tableaux  de   mœurs   d'un   récit  déjà   plein    de  traits.  R. 


I 


—  351   — 

La  Quesàtîon  d'Orient,  par   M.    Emile  Collas.  Pari%  Chaliainel,   1878, 

in-8  de  41  p.  —  Pr-x  :  1  fr.  oO. 

La  question  d'Orient  a  des  causes  profondes  qui  uni  dominé  jusqu'à  ce 
jour  son  développement  historique  et  dont  l'étude  penut-t  de  préciser,  sinon 
les  diverses  phases  qu'elle  doit  traverst^r  encore,  du  niiins,  le  rémltat  su- 
prême des  événements  qui  ont,  à  tant  de  reprises,  ensinglanté  la  pt  es  qu'île 
des  Balkans.  ludiqner  c's  causes  d'une  part.,  montrer  leurs  consé  ^uences  légi- 
times et  nécessaires  de  l'autre,  tel  est.  le  double  but  que,  s'est  proposé  M.  Col- 
las. L'arbitraire  et  li  violence  disposant  non-seulement  de  la  forlune  héré- 
ditaire des  familles  et  des  biens  acquis  par  le  trivail,  mais  encoie  de  la 
liberté  et  de  la  dignité  humaines,  voilà,  selon  M.  Collas,  le-,  causes  qui 
détruisent  et  anéantissent  toute  prospérité  dans  les  régions  qne  gouvernent  les 
Turcs  ;  voilà  où  il  faut  cberclier  les  causes  des  représailles  terribles  par 
lesquelles  les  Chrétiens  libérés  vengent  parfois  sur  les  musulmans  quatre 
siècles  d'oppression.  Ne  soyons  donc  pas  étonnés  si  les  chrétiens  de  l'empire 
ottoman  veulent  se  délivrer  de  la  domination  des  Turcs  et  reconquérir  leur 
indépendance  nationale?  Mais  dans  ce  Huel,  quelles  sont  les  f.irces  des  chré- 
tiens, quelles  sont  les  force-;  des  Turcs?  Les  c'arétiens,  plus  nombreux  que 
les  Turcs  dans  la  péninsule  danubienne,  leur  sont  supérieurs  au  point  de 
vue  moral  et  intellectuel,  dit  M.  Collas;  ils  ont  plus  d'énergie,  plus  d'activité. 
Les  musulman^,  eux,  n'ont  su  que  jeter  à  tous  les  vents  du  ciel  la  fortune 
présente  et  à  venir  du  vaste  empire  <iont  Us  avaient  l'administration  :  donc 
le  résultat  de  la  lutte  ne  saurait  être  douteux.  Mais.,  d:ra-t-on,  c'e  t  vouer  à 
l'exil  ou  à  l'extermination  la  population  musulmane  delà  Turquie?  Si  les 
chrétiens  arrivent  à  la  liberlé,  réjiond.  M.  Collas,  les  Turcs  qui  accf^pteront 
le  régime  nouveau  pourront  continuer  à  résider  dans  les  contrées  affranchies 
de  leur  domination.  La  chute  de  l'Empire  ottoman,  objectera-t-on  encote, 
ne  servira  que  les  ambitions  de  la  Russie;  erreur,  s'écrie  M.  Collas,  l'Europe 
ne  permettra  jamais  à  la  Russie  de  s'établira  demeure  dms  la  péninsule  des 
Balkans. L'auteur  semble  avoir,  dureste^dauslasagessedel'empereur  Alexandre 
une  confiance  absolue.  Puissent  les  événements  ne  pas  donner  dans  un  ave- 
nir prochain  un  démenti  formel  aux  illusions  généi'eusos  de  Vami  du  czar  de 
Russie  !  A.  Albrjer, 


VARIETES. 
I 

LES   PUBLICATIONS   DE  LA  CAMDEN  SOCIETY 
(56  et  dernier  article)  (1). 

LXXXIIL  -^  Wills  from  Doctors''  conviions,  a  sélection  of  Uie  wills  of  ernincnt 
persans,  proxcd  in  thc  prérogative  court  of  Canterbunj,  149o-i09o.  Edited 
by  John  Gough  Nichols  and  John  Bruce.  1863,  viii-lTo  pages.  —  H  y  a 
quelques  années,  les  bureaux  de  Doctors'  coviinons,  près  la  cathédrale  de 
Saint-Paul,  où  sont  conservés  tous  les  testaments  et  actes  de  la  dernière 
volonté  des  sujets  de  S.  M.  Britannique,  ces  bureaux,  dis-je,  étaient  inac- 
cessibles. On  n'y  pouvait  rien  étudier,  rien  copier,  et  cependant  que  de 
noms  historiques  et  de  pièces  curieuses  y  dormaient  dans  la  poussièi'e! 
Aujourd'hui,  tout  est  changé;  les  portes  du  dépôt  s'ouvrent  sans  difficulté 
aux  travailleurs,  et  on  y  transcrit  librement  ce  que  l'on  veut  jusqu'à  Tan- 

i;  Voir  tome  X,  p.  234;  tome  XII,  p.  "244  :  tome  XIV,  p.    lid.ot  tome  XXil.  p.  7J. 


—  XJ2  — 

née  1700  inclusiveincut.  Ajoutons  que,  si  ce  résultat  si  désirable  a  été  obtenu, 
c'est  gr;ice  à  la  persistance  des  membres  de  la  Camdcn  Sucieli/;  aussi  ces 
messieurs,  avec  un  sentiment  de  légitime  orgueil,  oui'ent-ils  l'excellente  idée 
de  perpétuer  le  souvenir  de  leur  succès  en  publiant  un  volume  exclusive- 
ment consacré  à  la  reproduction  de  testaments  de  personnages  distingués 
dans  les  annales  du  Royaume-Uni;  la  seule  condition  était  qu'ils  fussent  iné- 
dits. Les  voici  donc  ;  il  y  en  a  trente-deux,  savoir  :  Quatre  provenant  de 
membres  de  familles  royales  d'Angleterre  :  Cecily,  duchesse  d'York  et  mère 
d'Edouard  IV;  Elisabeth,  reine  de  Bohême  et  fille  de  Jacques  1"  ;  le 
prince  Hupert;  Marie,  princesse  d'Orange. —  Trois  de  dames  illustres  : 
Maude  Parr,  mère  de  Catherine  Parr,  une  des  femmes  de  Henri  Vill;  Eli- 
sabeth, duchesse  de  Norfolk  et  mère  du  poète  Surrey;  Françoise,  duchesse 
de  Sntiblk  et  mère  de  lady  Jane  Grey.  —  Trois  de  prélats  célèbres  :  l'ar- 
chevéque  Wai-eham;  le  cardinal  Pôle;  Tévêque  Gardiner.  —  Quatre  de 
théologiens  bien  connus  :  Casaubon,  Brévint,  Vossius,  Baxter.  —  Deux 
de  courtisans  fameux  :  Charles  Brandon,  duc  de  Sulfolk  ;  George  Vil- 
liers,duc  de  Buckingham.  — 6'n  homme  d'État  du  règne  d'Elisabeth:  sir  Thomas 
Walsingham.  —  Trois  :  de  notabilités  du  temps  de  la  République  Hampden, 
Lenlhal,  Prynne.  —  Quatre  de  poètes  :  Davies  d'Hereford  ;  sir  John  Denham  ; 
le  comte  de  Roscommon  ;  le  comte  de  Rochester.  —  Deux  d'artistes  :  sir 
Peter  Lely  ;  Isaac  Oliver.  — 6'?i  de  musicien  :  Purcell. —  i/n  d'astrologue  : 
Lilly.  —  Quatre  d'individus  remarquables  à  divers  titres  :  sir  Thomas  Gres- 
ham;  sir  Fi'ancis  Drake;  sir  Hugh  Middleton;  l'évêque  Cai'twright. 
On  se  rappelle  que  le  journal  de  ce  dernier  prélat  a  été  publié  par  la 
Camden  Society  (voir  u'  XXil,  tome.  X,  p.  238). 

LXXXIV.  —  Trcvelyan  yapers,  part.  II,  A.  D.  1440-1643.  Edited  by  J. 
Paj-ne  (Collier).  1863,  Mn-136  pages.  Voir  plus  haut,  n"  LXVH,  tome.  XIV, 
p.  4.j2.  Documents  précieux  sur  la  famille  Trevelyan  et  sur  l'histoire  des 
comtés  de  l'ouest  de  l'Angleterre. 

LXXXV,  —  The  lifc  of  Marmaduke  Rawdon  ofYork,  or  Marmaduke  Rawdoii 
the  second  ofthat  name.  Now  first  printed  from  the  original  ms.  in  tlie  pos- 
session of  Robert  Cook.  Edited  by  Robert  Davies.  1863,  ïi:i-204  })ages. 
—  (3e  volume  est  un  des  plus  amusants  de  toute  la  série,  et  il  est  enrichi  de 
notes  fort  intéressantes.  Marmaduke  Rawdon  avait  la  passion  des  voyages, 
et  il  nous  raconte  ici  ses  pérégrinations,  non-seulement  en  Amérique  et  sur 
le  continent  d'Europe,  mais  en  Angleterre;  on  ne  saurait  s'imaginer  rien 
d'aussi  attrayant  que  les  détails  qu'il  nous  donne  sur  la  manière  dont  oq 
entendait,  au  dix-septième  siècle,  l'art  de  la  locomotion  de  l'autre  côté  du 
Pas-de-Calais.  11  senjblerait  que  sa  biographie  fut  rédigée  par  une  personne 
de  sa  famille,  ou  un  de  ses  intimes  amis,  sur  des  mémoires  et  des  journaux 
qu'il  laissa  derrière  lui;  elle  embrasse  sa  vie  entière  depuis  1610  jus- 
qu'en 1600. 

LXXXVI — Lcllers  of  Queen  Maryarel  of  Anjou  and  Bishop  Bcckiwjlon  and 
otJiers.  YVrilten  in  llic  rcigns  of  Henry  V  and  Henry  VI,  From  a  ms.  foundat 
Emr.il  in  Flintshire.  Edited  by  Cecil  Monro,  1863,  xxi-HT  pages.  —  Ce  qui 
fait  l'intérêt  de  ces  lettres  n'est  pas  tant  le  style,  qui  est  officiel  et  soc,  que 
leur  date  et  la  variété  des  sujets  dont  elles  traitent. 

LXXXVII. —  The  Camdcn  misccllany,  volume  thi  fifth —  Voici  le  sommaire 
des  articles  recueillis  dans  ce  volume  : 

1.  FivG  Icilers  of  King  Charles  H,  IG  pages.  —  Écrites  pendant  le  séjour 
du  roi  en  Flandre.  La  première  lettre  est  adressée  à  la  reine  Henriette-Mario, 
veuve  de  Charles  I";  les  autres  à  lord  Jermyn,  créé  plus  tard  comte  de  Saint- 
Alban. 


—  :];i3  — 

2.  Lctlers  of  llic  coitncil  lo  sir  Thomas  Lakc  rclaling  lo  tlic  proccecUiiiis  of 
ir  Edward  Coke  al  Oaklands,  4  pages. 

3.  Documents  rclatin;/  lo  sir  Waller  Raleigli  s  last  voyage,  7  pages.  Ces  deux 
locuments,  surtout  le  dernier,  sont  intéressants  pour  l'histoire  des  premières 
nnées  du  dix-septième  siècle. 

4.  A  catalogue  ofearly  English  miscellanies  formerly  in  tlie  Harleian  library, 
(4  pages.  —  Liste  alphabétique  d'ouvrages,  maintenant  rarissimes  pour  la 
ilupart,  et  relatifs  à  la  poésie  et  à  la  littérature  dramatique  de  l'An- 
jleterre. 

il.  Letters  selecled  from  tkc  collection  of  autographs  in  the  possession  of  Wil- 
iamTite.  esq.  21  pages.  — Lettres  autographes  de  Charles  I*',  Croinwell, 
\obert  Blake,  George  Monk,  Charles  II  et  Nell  Grwnne. 

6.  Sir  Francis  Dr akc' s  mémorable  service  donc  againstthe  Spaniards  in  lo87. 
Writtcn  hy  Robert  Leng,  gentleman,  one  ofhis  co-adventurcrs  and  felloiv  soldicrs. 
S'ow  fîrstedited  from  thc  ms.inthe  BritisJi  Muséum,  together  with  an  appen- 
lix  of  illustrative  papers,  by  Clarence  Hopper,  o4  pages.  —  Description 
idèle  et  intéressante,  par  uq  des  compagnons  de  Drake  ;  M.  Hopper  y  a 
ijouté  des  pièces  justificatives  tirées  de  diverses  sources.  Los  exploits  de  sir 
"rancis  Drake,  pendant  son  voyage  de  1587,  tiennent  du  merveilleux. 
]"était  l'époque  où  se  préparait  VInvincible  Armada,  et  l'Espagne  semblait 
a  maîtresse  du  monde.  Il  est  extraordinaire  que  les  détails  de  la  campagne 
le  l'amiral  anglais  soient  encore  si  peu  connus,  surtout  quand  on  songe 
ju'elle  amena  la  création  de  la  Compagnie  des  Indes,  et,  par  suite,  l'établis- 
iement  dt  Tempire  britannique  sur  les  bords  du  Gange. 

7.  Inquiry  into  the  gcnuineness  of  a  letler  dated  February  3d  1613,  and 
v'gned  «  Mary  Magdaline  Davers,  »  30  pages.  —  Cette  pièce  n'a  d'intérêt 
que  parce  qu'on  y  voit  la  manièi'e  habile  dont  M.  Bruce,  le  savant  archéo- 
logue, découvrit,  il  y  a  douze  ans,  un  faux  presque  aussi  grossier  que  les 
fameuses  lettres  de  Marie-Antoinette  et  de  Louis  XVI). 

LXXXVIII.  —  Letters  from  sir  Robert  Cecil  to  sir  George  Carew.  Edited  by 
John  Maclean,  1864,  vu- 167  pages. 

Pièces  extrêmement  intéressantes,  écrites  pendant  les  années  1600,  1601, 
1602,  et  éclairant  du  jour  le  plus  vif  la  politique  de  l'Angleterre  envers  l'Ir- 
lande à  la  fin  du  règne  d'Elisabeth. 

LXXXIX.  —  Promptorium  Parvulorum  (voir  nos  XXV  et  LIV). 

Cette  livraison  contient  la  préface  de  l'ouvrage.  L'éditeur  y  discute  les 
questions  suivantes  : 

1.  Biographie  de  l'auteur  an  Promptorium, G&Undtts  Grammaticus,  né  dans 
le  comté  de  Norfolk,  et  membre  du  monastère  de  Lynn  ;  —  ce  que  l'on 
sait  de  son  histoire  et  de  ses  travaux  littéraires. 

2.  Sources  auxquelles  Galfridus  a  emprunté  les  éléments  ànPromptorimn. 

3.  Description  des  manuscrits  et  des  éditions  imprimées  qui  ont  servi  au 
orésent  travail. 

M.  Way  a  ajouté  une  analyse  de  près  de  qu  arante  ouvrages,  anciens  et 
nodernes,  sur  la  lexicographie  de  la  langue  anglaise.  Le  volume  se  termine 
oar  un  index  orthographique  du  Promptorium,  et  par  une  liste  alphabé- 
tique des  principaux  sujets  traités  dans  les  notes. 

;  XC.  —  Letters  and  other  documents  illuslrating  the  relations  between 
'ingland  and  Germany  al  thc  commencement  of  the  Thirty  Years'war.  From  the 
'^mtbreak  of  the  Révolution  in  Bohemia,  to  thc  electionoflhe  Emperor  Ferdinand  II. 
ilditedby  Samuel  Rawson  Gardiner.  186o,  xl-2I2  pages. 

Avril  1878.  '  T.  XXII,  23. 


—  354  - 

Très-intéressant  recueil  de  quatre-vingt-quinze  lettres,  écrites  en  KilS 
et  1()19,  et  révélant  avec  détail  la  politique  étrangère  de  Jacques  1'^'",  roi  de 
la  Grande-Bretagne.  L'introduction  de  M.  Gardiner  est  un  excellent  mor- 
ceau d'histoire. 

XCI.  —  Regislrum  sive  Liber  irroiularius  cl  consuetudinarius  Prioralua  Bealie 
Marix  Wigornicnsis;  with  an  introduction,  notes  and  illustrations,  by  Wil- 
liam Haie  Haie,  Archdeacon  of  London,  1805,  cxxviii-208  pages. 

La  plus  grande  partie  de  ce  volume  se  compose  d'un  recensement  des  biens- 
fonds  de  l'église  de  Worcester  vers  le  milieu  du  treizième  siècle.  G'est  une 
pièce  curieuse  éditée  par  l'eu  l'archidiacre  Haie,  comme  appendice  au  tra- 
vail dont  j'ai  déjà  parlé  sous  le  n°  lxix.  On  trouvera  ici,  en  outre,  nombre 
de  documents  précieux,  chartes,  titres,  actes  législatifs,  précédents,  etc. 

XCIi.  —  Pope  Alexunder  the  seventh  and  the  collège  ofCardinah,  By  John 
Dargravc,  D.  D.  canon  of  Canlerhury  (1662-1680),  with  a  catalogue  of  /)■'  Bar- 
(/rave's '/nwieum.  Edited  by  James  Graigie  Robertson,  canon  of  Ganterbury, 
1867j  xxviii-i64  pages. 

Il  parait  que  le  docteur  Bargrave  avait  réuni,  pour  son  usage  particulier, 
une  collection  de  portraits  représentant  le  pape  Alexandre  VII  et  les 
membres  du  sacré-collége.  Au-dessous  de  chaque  gravure,  il  ajouta  des 
remarques  extraites  de  plusieurs  ouvrages  italiens,  tels  que  la  Giusta  sla- 
tera  di'Porporati  (16û0),  il  nepotismo  di  lioma  (1667)  aiU  Cardinalismo  di 
Santa  Chiesa  (i6()8,  outre  des  observations  de  son  propre  fonds.  Le  musée 
du  docteur  Bargrave  appartient  aujourd'hui  àla  bibliothèque  deChrist-Ghurch, 
Gantorbéry.  Gomme  frontispice  à  ce  volume,  on  voit  la  photographie  d'un 
dessin  du  chanoine,  reproduisant  le  portrait  de  la  l'cine  Christine  faisant 
un  ])èlerinage  à  Rome  en  16oj. 

XGIII.  —  Accounts  and  pape r s  relatives  to  Mary  (jueen  of  Scols.  Editcd  by 
Allan  J.  Grosby  and  John  Bruce,  1867,  xxui-13i  pages. 

Ge  volume  se  compose  de  deux  parties  j  la  première,  éditée  par  M.  Grosby, 
se  compose  des  pièces  suivantes  : 

1.  Frais  d'entretien  de  Marie  pendant  son  séjour  à  Tutbury,  Ghartley  et 
Fotheringay; 

"2.  Dépenses  pour  les  funérailles  de  la  reine  d'Ecosse  à  Peterborourgh; 

3,  Ordre  de  la  cérémonie  des  funérailles; 

4.  Frais  de  nourriture  des  personnes  présentes  à  l'enterrement. 

La  seconde  partie,  dont  nous  sommes  redevables  à  M.  Bruce,  est  intitu- 
lée :  A  Justification  of  Quecn  Eliz-aheth  in  relation  to  the  aifairis  of  Mary 
Queen  of  Scols.  G'est,  comme  on  le  voit,  un  des  innombrables  factunis 
publiés  par  ordre  du  gouvernement  anglais  pour  justifier  la  conduite 
d'Elisabeth  vis-à-vis  de  la  malheureuse  reine  d'Ecosse.  M.  Bruce  a  ajouté 
la  liste  de  divers  autres  pamphlets  du  même  genre.  La  pièce  impiùmée  ici 
est  tiiée  de  la  bibliothèque  de  sir  Thomas  Winnington,  et  collationnée 
sur  deux  copies  conservées  au  British  muséum.  On  a  ajouté  au  volume  le 
fac-similé  de  l'étendard,  des  bannières,  etc.,  qui  figurèrent  à  la  cérémonie 
des  funérailles  de  Marie  Stuart. 

XCIVet  XCVII.  —  Hislory  from  marble.  Compiled  in  the  reign  of  Charles  H 
by  Thomas  Dingley,  gent.  Printed  in  photolithography  by  Vincent  Brooks, 
from  the  original  in  the  possession  of  sir  Thomas  E.  Winnington,  with  an 
introduction  and  descriptive  table  of  contents  by  John  Gough  Nichols,  vol.  1, 
1867;  vol.  2,  1868,  ccccxvii-196  pages. 

Ges  deux  volumes  renferment  non  pas  seulement  des  copies  d'épitaphes, 
ainsi   que  le  titre  le  donnerait  à  supposer,  mais   des   curiosités   de   toute 


—   3oo  — 

espèce  :  gravures  de  sceaux  et  de  médailles,  armoiries,  vues  d'églises,  de 
châteaux,  de  palais,  pièces  de  vers,  etc.,  etc.  Les  villes  de  Bath  et  d'Oxford, 
les  comtés  du  Wiltshire  et  d'Hereford  ont  défrayé  la  majeure  partie  de  ces 
miscellanées  d'antiquaire.  M.  Dingley  avait  beaucoup  écrit,  beaucoup 
annoté.  Le  journal  de  soa  voyage  en  Irlande  a  été  publié  par  la  Société 
archéologique  irlandaise  :  et  sa  Notitia  Cambro-Britannica  (journal  d'un 
voyage  dans  le  pays  de  Galles)  a  trouvé,  dans  le  duc  de  Beaufort,  un  édi- 
teur aussi  judicieux  que  savant. 

XCSl.  Journal  ofa  voyage  in  to  the  Mediterranea?i,  hy  sir  Kenelm  Digby,  A.  D. 
1628.  Edited,  from  the  original  autograph  manuscript  in  the  possession  of 
William  WatkinE.  Wynne,  esq.  by  John  Bruce,  1868,  xxviii-106  pages. 

M.  Bruce  consacre  sa  préface  à  un  récit  très -intéressant  de  la  vie  de  Sir 
Kenelm  Dighy,  jusqu'à  l'expédition  de  1628.  «  Ce  journal,  »  dit-il,  «  aidera  à 
corriger  bien  des  erreurs  qui  existent  encore  au  sujet  du  voyage  dont  nous 
avons  ici  la  naiTation  authentique  ». 

XCVill.  —  Lelters  and  othcr  documents,  etc.  (Voyez,  plus  haut,  le  n°  XC.) 
Second  séries,  from  the  élection  of  the  Empcror  Ferdinand  II,  to  the  close  of  the 
conférences  at  Miihlhausen.  Edited  by  Samuel  Rawson  Gardiner,  1868,  xi- 
194  pages. 

Les  cent-deux  lettres  imprimées  ici  ont  pour  date  les  années  1619  et 
1620.  —  Les  originaux  sont  aux  Archives  et  au  British  Muséum. 

XCIX.  —  Diary  of  John  Manningham,  of  the  middle  Temple,  and  of  Brad- 
bourne,  Kent,  barrister-at-law,  1602-1603.  Edited  from  the  original  manus- 
cript, by  John  Bruce,  1868,  xx-188  pages. 

Ce  journal,  conservé  au  British  Muséum  (fonds  Harleien),  n'est  pas  entiè- 
rement inédit,  car  M.  Payne  Collier  en  avait  donné  des  extraits  dans  son 
Uistory  of  the  Stage,  et  M.  Hunter  dans  ses  Illustrations  of  Shakespeare. 
Également  passionné  pour  le  théâtre  et  pour  les  Sermons,  Manningtam  est 
utile  à  consulter  sur  les  littératures  draJim/Z^wf  ei  homélitique  de  son  temps. 
Outre  des  détails  curieux  relatifs  à  la  mort  d'Elisabeth  et  à  l'avènement  de 
Jacques  I",  il  nous  fait  connaître,  par  de  substantielles  notices,  bon  nombre 
de  personnes  illustres,  plus  particulièrement  de  célébrités  appartenant  au 
barreau  et  à  la  magistrature. 

C.  —  Notes  of  the  Treaty  carried  on  at  Ripon  betiveen  king  Charles  I  and 
the  covenanters  of  Scotland,  A.  D.  1640,  taken  by  sir  John  Borough,  Garter 
King  at  arms. Eàiieà  from  the  original  ms.,by  John  Bruce,  1869,  xli-82  pages. 

Document  très-intéressant,  et  que  l'éditeur  a  fait  précéder  d'une  remar- 
quable dissertation  historique. 

CL  —  El  hecho  de  los  Tratados  del  matrimonio  pretendido  por  cl  Principe 
de  Gales  con  la  serenissima  Infante  de  Espana  Maria,  tomadodes  de  sus  principios 
para  maior  demonstracion  de  la  verdad,  y  ajustado  con  los  papeles  originales 
desdeconsta  por  el  maestro  J.  Francisco  de  Jésus,  predicador  del  Rey  naestro 
senor.  Narrative  of  the  Spanish  marriage  Treaty,  edited  and  translated  by 
Samuel  Rawson  Gardiner,  1869,  x-349  pages. 

Ce  pamphlet  se  trouve  en  manuscrit  dans  plusieurs  bibliothèques  espa- 
gnoles ;  il  est  traduit  ici  d'après  un  exemplaire  appartenant  au  Bristish 
muséum.  11  comprend  le  récit  des  événements  depuis  1604  jusqu'en  1624, 
L'étude  minutieuse  qu'en  a  faite  M.  Gardiner  établit  suffisamment  la 
valeur  historique,  l'exactitude  et  la  bonne  foi  du  P.  François  de  Jésus,  qui 
juge  les  incidents  du  mariage  projeté  comme  le  ferait  naturellement  tout 
catholique. 

Cil.  —Churchwardens'  accounls  of  Ihe  town  of  Ludlow,  in  Shropshire,  from 


—  3b0  — 

1540  lo  Uic  end  uf  Ihc  rcUjn  of  ElisabcUi.  Editcd  Iroiu  tlic  original  ms.  by 
Thomas  Wright,  1861),  vii-18i-  pages. 

Ces  comptes  des  marguillers  de  la  ville  de  Ludlow  abondent  en  détails 
curieux,  non-seulement  au  point  de  vue  local,  mais  aussi  pour  l'histoire  de 
la  société  anglaise  pendant  la  dernière  moitié  du  seizième  siècle. 

cm.  —  Notes  of  Ihe  clebatcs  in  Uic  Eouse  of  Lords,  offlcially  laken  by  Henry 
Ëlsi7i[i,  clerk  of  Ihe  Parliamcnts.  A.  D.  1621.  Edited  by  Samuel  Rawson  Gar- 
diner,  1870,  ix-1 58  pages. 

Cette  publication  est  la  première  qui  ait  été  faite  des  anciens  débats 
dans  la  chambre  des  Lords.  Les  journaux  de  la  Chambre  des  communes 
contiennent  tous  les  discours  prononcés  par  les  membres  ;  on  ne  savait  pas 
jusqu'ici  qu'il  existât  un  travail  semblable  pour  l'autre  branche  de  la  légis- 
lature. Recueillis  fidèlement  par  le  secrétaire,  ces  speeches  non?,  donnent,  sur 
la  situation  des  divers  partis  et  le  caractère  des  principaux  personnages 
politiques,  des  détails  que  nous  ignorions  encore.  Deux  des  carnets  de  la 
session  de  1621  sont  égarés,  et  ceux  que  M.  Gardincr  a  édités  sont  le  second 
et  le  quatrième;  il  a  ajouté  des  notes  et  des  documents  empruntés  aux 
manuscrits  de  la  chambre  des  Lords. 

CIV.  —  The  Camden  miscellany.  Volume  VI,  1871. 

Sommaire  des  articles  : 

\.  Life  of  M.  William  Whittingham^  Dean  of  Durliam,  from  a  manuscript 
in  Anthony  Word's  collection.  Bodleian  library.  With  an  appendix  of  origi- 
nal documents  from  the  Record  office.  Edited  by  Mary  Anne  Everett  Green, 
1870,  iv-48  pages. 

Whittingham,  puritain  renforcé,  était  doyen  de  la  cathédrale  de  Durhani 
pendant  le  règne  d'Elisabeth.  Le  manuscrit  ici  publié  est  l'autographe  du 
iameux  antiquaire  et  historien  Anthony  Wood,  mais  ce  n'est  que  la  copie 
d'une  notice  biographique  plus  ancienne,  écrite,  peu  de  temps  après  l'avé- 
nement  de  Jacques  P''  par  quelque  sous-secrétaire  d'État  ou  autre  per- 
sonnage à  même  de  consulter  des  documents  officiels. 

2.  The  earl  of  Bristol' s  dcfence  of  his  négociations  in  Spain.  Edited,  from 
Mss.  in  the  Bodleian  library  and  the  public  Record  office,  by  Samuel  Raw- 
son  Gardincr,  1871,  xxxix-bO  pages. 

Dans  sa  réponse  au  septième  interrogatoire  imprimé  par  Hardwicke  (5k(/e 
Papers,  I,  494),  le  comte  de  Bristol  cite  un  papier  séparé  contenant  toute  la 
suite  de  l'affaire  depuis  161 1  jusqu'à  présent.  C'est  ce  papier  que  nous  avons 
ici,  et  auquel  M.  Gardiner  a  ajouté  d'autres  pièces,  tirées  des  archives  de 
la  Grande-Bretagne  et  de  la  bibliothèque  de  M.  Digby  à  Shirborne.  Le  but 
de  cette  publication  est  de  montrer  comment  lord  Bristol  fut  reçu  par 
Charles  1"  et  par  le  duc  de  Buckingham  à  son  retour  d'Espagne. 

3.  Journal  of  sir  Francis  Walsingham  from  Lee.  1370,  to  April  1583.  Edi- 
ted, from  the  original  ms.,  by  Charles  J.  Martin,  1870,  iv-104  pages. 

Notes  très-succinctes,  tant  des  mouvements  de  Mr  F.  Walsingham,  que  de 
diverses  circonstances  importantes  pendant  l'espace  de  treize  ans. 

CV.  —  Trevelyan  papers.  Part  III.  Edited  by  sir  Walter  and  sir  Charles 
Trevelyan,  1871,  lv-342  pages. 

Les  lettres  qui  composent  ce  volume  appartiennent  à  la  fin  du  seizième 
et  au  commencement  du  dix-septième  siècle;  elles  sont  analysées  avec 
soin  dans  la  préface.  Voir  plus  haut,  n"  LXXXIV  et  n"  LXVII,tome  XIV, 
page  4;; 2. 

Avec  ce  cent-cinquième  volume  se  termine  la  première  série  des  publi- 
cations de  la  Ca?H(/cn  Society;   on  voit  qu'elle  ne   manque  ni  de  variété  iii 


—  357  — 

d'intérêt.  On  pourrait  répartir  ces  documents  sous  sept  chefs  principaux, 
dans  l'ordre  chronologique  suivant  : 

Traités  politiques .  Volumes  l,  lv  (n«  3),  lxi  (n°  3),  xlv. 

Chroniques  générales  et  histoires.  Volumes  xxxvi,  xxxiv,  xxviii,  xr-vii,  xxxix 
(no  1),  XV,  Lxiv,  xxxix  (n»  2),  x,  i,  xxix,  lxxhi  (n°  1),  xxxv,  un,  xlii,  xlviii, 
vu,  Lxxxvii  (n"  6),  xxxix  (n°  4),  ci,  civ  (n'  2),  xxxix  (n»  ;i),  c,  lxxiv,  xiv 
(n"«  \  et  2). 

Histoire  ecclésiastique.  Vol.   lvu,  viii  (n°'  1,2),  xiii,  lxix,  xci,  xv  (a*  2), 

XXIV,    LXV,  XXXVIll,  XX,  XXVI,   LXVII,  LV  (U"  4),  XCII. 

Documents  historiqiies.Yol.hWxiu,  xlix,  lx,  xxxix  (n"  3),  xxr,  Lxvii,  lxxxiv, 
cv,  XII,  xciii,  Lxxxvii  (n°s  3,  4),  Lxxxr,  cm,  lxxx,  xxxi,  clxi,  (n°  1),  lv  (n"  4), 

LXXXII,  LU. 

Liste  de  dépeiiseset  inventaires. \o\.  Lix,  lxii,  lv,  n"  \),  lxi  (n°  4),  lv  (no  2), 
Lxi,  (n"  4;,  lv  (n°  2),  en.  lxxui  (n"  2). 

Mémoires  et  jou?maux.\o\.  \l,  civ  (n»  l).  xix,  civ  (no  3),  lxx,  xcix,  xli, 
Lxvi,  xcvi,  Lxxxv,  XXXII,  i.xxiii  (u»  5),  XXXIX  (no  6),  lv,  (n«  6),  xxii,  lxvii. 

Lettres.Yol.iv,  lxxxvi,  lxi  (n'>4),  xxm,  xxvii,  xlvi,  lxxviii,  lxxix,  lxxxviii, 
LXxxvii(no  7),  xc,  xcviii,  lxxvi,  lvi,  lxiii,  lviii,  lxsv,  lxxxvii  (n"  5),  lxxxvu 
(n"  i),  Lxxi,  xxxni,  lxxiii  (n»  6.) 

Voyages  et  topographie .  Vol.  xxxvii,  li,  xvii,  ix. 

Généalogie^  blason,  antiquités.  Vol.  xlui,  lxxiv,  xciv,  xcvii,  xliv. 

foésic  et  littérature.  Vol.  xvi,  vi,  xxviii,  m,  lxxii,  xxx,  xviii,  lxxiii  (no  4), 
lxxiii  (no  3),  II,  LXI  (no  2),  xi,  v,  lxxxvii  (n"  4). 

Philologie,  Vol.  xxv,  Liv,  Lxxxix,  xcv.  Gl'stave  Masson, 


II 

A    PROPOS    d'amÉRIC.\NISME 

Il  a  paru  dans  le  dernier  numéro  du  Polyhiblion  de  la  revue  bibliographi- 
que, un  article  sur  lequel  nous  demandons  à  faire  quelques  observations.  En 
effet,  il  nous  semble  de  nature  à  donner  au  public  certaines  idées  d'une  jus- 
tesse contestable  sur  divers  points  d'archéologie  américaine.  JNous  voulons 
parler  du  compte  rendu  relatif  à  l'Essai  de  déchiffrement  de  M.  L.  de  Rosny. 
Ce  dernier  aurait,  dit-on,  constaté  l'existence  de  trois  systèmes  différents 
d'écriture  chez  les  anciens  Jucatèques,  l'une  hiérogli/phiqiie  ou  des  monu- 
ments, l'autre  hiératique  ou  des  manuscrits,  enfin  la  troisième  démotique  ou 
vulgaire.  L'existence  des  deux  premières  semble,  sinon  prouvée,  du  moins 
extrêmement  probable  ;  quant  à  celle  de  la  troisième,  nous  persistons  à 
la  regarder  comme  passablement  douteuse.  On  ne  concevrait  guère  une 
écriture  démotique  chez  un  peuple,  où,  d'après  Landa,  l'art  graphique  était 
considéré  en  quelque  sorte  comme  sacré  et  connu  presque  exclusivement 
du  sacerdoce.  Les  travaux  (antérieurs  de  déchiffrement  et  des  écritures  de 
l'Amérique  centrale  semblent  à  M.  de  Rosny,  nous  dit-on,  insuffisants  et 
même  peu  compréhensibles.  Nous  persistons  à  croire  plusieurs  des  explica- 
tions de  caractères  du  bas-relief  de  la  croix  et  du  Codex  de  Troano, données 
par  M.  de  Charencey, parfaitement  claires  et  satisfaisantes,  notamment  en  ce 
qui  concerne  les  noms  du  Dieu  Hunab-ku  et  de  Cukuhan,  Nous  nous  trouvons 
d'accord  sur  ce  point  avec  plusieurs  savants  étrangers  parfaitement  impar- 
tiaux, sans  doute,  et  n'ayant  aucun  parti  pris  dans  la  question.  M.  le  docteur 
Brinton,  dans  son  opuscule  sur   l'ancien  système  graphique  du  Yucatan, 


—  3o8  — 

traite  le  premier  travail  de  M.  de  Charencey  à  ce  sujet  de  remarcabte 
investigation.  On  pourra  consulter,  du  reste,  les  mémoires  insérés  par 
M.  de  C...  dans  le  i^'  vol.  des  Actes  de  la  société  philclogique  et  dans  la  Revue 
d'ethnographie  et  de  philologie . 

Il  nous  serait  impossible  de  regarder  comme  un  véritable  déchiffrement 
l'identification  de  plusieurs  des  signes  des  jours  du  mois  d'après  le  Codex 
ïroano,  avec  ceux  que  donne  Landa.  Les  signes  du  manuscrit  ne  sont,  en 
définitive,  le  plus  souvent,  que  des  variantes  assez  légères  de  ceux  de  Landa. 
D'ailleurs  M.  deC...  avait  fourni,  dans  son  Mémoire  sur  le  rangement  symbo- 
lique des  signes  du  manuscrit,  un  moyen  très-expéditif  de  les  identifier  tous. 

L'auteur  de  VEssai  de  déchiffrement  nous  semble  trop  timide  en  déclarant 
qu'il  juge  difficile  de  déterminer  dans  quel  sens  se  devaient  lire  les  carac- 
tères. Un  coup  d'œil  jeté  sur  le  bas-relief  de  la  croix  nous  les  représente 
dirigés  de  droite  à  gauche  ou  de  gauche  à  droite,  suivant  la  position  du 
personnage  auquel  ils  appartiennent  ;  cela  n'offre,  en  définitive,  rien  que  de 
très-facile  à  comprendre.  Dans  ces  données  générales,  récriture  des  Jucatè- 
ques  rappelait  assez  celle  de  l'ancienne  Egypte.  Or,  nous  savons  que  les  scribes 
des  rives  du  Nil  pouvaient  tracer  leurs  caractères  de  gauche  à  droite, de  droite 
à  gauche,  de  haut  en  bas  ou  vice-vcrsd. 

Il  est  un  fait  enfin  sur  lequel  nous  devons  attirer  l'attention  du  public. 
M.  de  Rosuy  se  donne  positivement  comme  ayant  découvert  le  système  de 
numération  des  Mayas.  (Voy.  spéc.  Congrès  de  Nancy,  vol.  H.)  Cependant 
l'exposé  de  ce  système  se  trouve  tout  au  long  relaté  par  M.  l'abbé  Brasseur 
de  Bourbourg  dans  son  édition  du  manuscrit  Troano. 

On  se  demandera  comment  il  se  fait  que  deux  personnes  aient,  à  plusieurs 
années  d'intervalle,  fait  le  premier  la  même  découverte.  Nous  ajouterons  que 
ce  déchiffrement  nous  semble  la  seule  chose  acceptable  parmi  tous  ceux  qu'a 
publié  le  savant  abbé. 

Beaucoup  d'autres  observations  resteraient  encore  à  faire  relativement  à 
VEssai  de  déchiffrement  en  question,  mais  nous  craindrions  d'abuser  de  la 
patience  du  lecteur.  En  dépit  de  la  complaisance  que  pourront  rencontrer, 
même  dans  une  partie  du  monde  savant,  certaines  prétentions  évidemment 
peu  soutenables,  ce  que  nous  venons  de  dire  permettra  déjuger  de  la  valeur 
réelle  du  dernier  travail  de  M.  de  Rosny,  et  semble  propre  à  inspirer  au 
public  une  prudence  salutaire.  Charles  Baumfeld. 

CHRONIQUE 

Nécrolocie.  —  «  Claude  Bernard  était  placé  par  son  rare  génie  et  par  ses 
brillantes  découvertes  à  cette  hauteur  où  l'on  cesse  d'appartenir  exclusivement 
à  une  compagnie,  et  même  à  une  nation,  pour  prendre  rang  dans  le  concert  de 
la  science  universelle;  vivant, sa  gloire  avait  franchi  l'espace, elleétait  acclamée 
dans  le  monde  entier;  mort,  elle  bravera  le  temps  et  ses  outrages.  Après 
Lavoisier,  Laplace,  Bichat,  Magendie,  qui  lui  avaient  ouvert  la  route,  Claude 
Bernard  a  épuisé  ses  forces  à  son  tour  à  l'étude  du  grand  mystère  de  la  vie, 
sans  prétendre  à  pénétrer  toutefois  son  origine  et  son  essence.  L'astronome 
ignore  la  cause  de  l'attraction  universelle  et  n'en  calcule  pas  moins  avec 
certitude  la  marche  des  astres  qu'elle  soutient  dans  l'espace  et  dont  elle 
dirige  le  cours.  Claude  Bernard  avait  jugé  qu'il  est  permis  de  même  au 
physiologiste  d'expliquer  les  phénomènes  de  la  vie  au  moyen  de  la  phy- 
sique et  de  la  chimie  qui  exécutent,  quoique  la  vie  et  la  pensée,  qui  dirigent, 
demeurent  hors  de  sa  portée.  »  Ainsi  s'est  exprimé  M.  Dumas  sur  la 
tombe   de  l'illustre   savant   que  la    mort,  frappait  le  10  févrirr.  .>î,    Claude 


—  3o9  — 

Bernard  était  né  à  Saint-Julien  (Hliône),  le  12  juillet  1813;  il  vint  à  Paris 
en  1834,  arrivait  à  l'internat  des  hôpitaux  en  1839,  et  obtenait  le  grade  de 
docteur  en  1843  et  le  doctorat  es  sciences  en  18o3;  il  était,  à  cette  dernière 
date,  préparateur  depuis  1841;  en  18o5,  il  succédait  à  Magendie  dans  la 
chaire  du  Collège  de  France  dont  il  avait  commencé  à  être  le  suppléant  en 
1847;  professeur  à  la  Sorbonne,  au  Muséum  en  1867,  conseiller  de  l'Instruc- 
tion publique, membre  des  Académies  des  sciences (1854),  de  médecine(1861), 
et  de  l'Académie  française  (1868),  il  avait  obtenu  trois  fois  le  grand  prix  de 
physiologie  (1849,  1831,  18.')3),  avant  tous  ses  grades;  il  a  été  nommé  séna- 
teur en  1869.  Enfant  de  chœur  dans  son  enfance,  il  n'a  jamais  renié  ses 
premières  convictions;  on  le  retrouve  dans  les  dernières  années  de  sa  vie 
contribuant  à  la  fondation  du  cercle  catholique  d'ouvriers  de  Villefranche, 
et,  à  son  lit  de  mort,  il  fit  appeler  M.  le  curé  de  Saint-Séverin,  sa  paroisse, 
pour  se  préparer  au  passage  de  l'éternité .  On  a  cherché  vainement  à  altérer 
la  vérité  sur  ce  fait.  Les  positivistes  auraient  voulu  s'approprier  la  gloire 
de  sa  science  et  de  ?es  découvertes.  C'est  sur  leur  initiative  que  l'État  a 
fait  les  frais  de  ses  obsèques.  Mais  Claude  Bernard  appartient  incontesta- 
blement à  la  science  spiritualiste  et  catholique. 

Nul  mieux  que  le  Pèi'e  Didon  ne  l'a  compris  et  apprécié,  «  Dans 
Claude  Bernard,  »  dit-il  dans  un  article  publié  par  la  Revue  de  France, 
«  le  génie  des  découvertes  était  accompagné  de  la  naïveté  de  l'esprit 
et  de  rhonnêteté  de  la  pensée,  mais  il  a  fait  plus  que  faire  des 
découvertes,  il  a  tracé  la  voie  et  préparé  les  conquêtes  de  l'avenir.  — 
Il  est  l'organisateur  définitif  de  la  physiologie,  il  en  a  posé  nettement  les 
bornes.  Le  savant  est  resté  dans  les  limites  précises  de  sa  méthode  expé- 
rimentale, sans  jamais  nier  ce  qui  la  dépassait,  sans  jamais  affirmer  en  son 
nom  ce  qu'elle  ne  pouvait  saisir.  Claude  Bernard  n'était,  comme  on  l'en 
a  accusé,  ni  positiviste,  ni  matérialiste.  Cette  haute  personnification  du 
génie  de  la  physiologie  et  de  la  science  expérimentale  a  cru  à  la  matière 
objet  de  ses  études  et  à  ses  lois.  Mais  il  a  cru  en  même  temps  à  l'àme, 
principe  immatériel,  et  à  Dieu,  cause  première.  11  a  recherché,  étudié,  dé- 
fini expérimentalement  les  lois  et  les  conditions  matérielles  des  phéno- 
mènes de  la  vie.  C'était  l'objet  de  sa  science.  Lorsqu'il  arrive  à 
rencontrer  les  causes  premières  immatérielles,  la  vie,  l'âme,  Dieu, 
il  ne  les  nie  pas,  il  les  reconnaît;  il  en  constate  l'existence,  mais  il 
b'arrète  là  et  ne  les  étudie  pas,  il  laisse  cette  étude  à  la  philosophie  et 
cl  la  théologie,  non  par  dédain,  mais  parce  qu'elle  sort  du  cadre  précis 
[[u'il  s'est  tracé  et  du  domaine  de  la  physiologie  expérimentale.  « -lamais, 
dans  ses  cours,  je  n'ai  surpris  sur  ses  lèvres  la  moindre  parole  qui  put 
blesser  ou  même  seulement  inquiéter  la  foi    d'un  croyant.  « 

Qu'il  soit  permis  à  l'auteur  de  ces  lignes,  qui  longtemps  a  suivi  les  cours 
de  Claude  Bernard  et  a  joui  de  la  faveur  d'être  admis  dans  l'intimité  de 
5on  laboratoire,  de  joindre  sa  voix  à  celle  du  R.  P.  Didon,  pour  rendre 
ï  cet  excellent  et  illustre  maître  le  même  témoignage. 

Ses  œuvres,  toutes  spéciales  ti  la  science  qu'il  a  illustrée,  se  composent 
presque  exclusivement  d'études  sur  la  physiologie;  les  voici  dans  leur  ordre 
Je  publication  :  Recherches  sur  le  g  ranci  sympathiciue  (l8oi,  in-8)  ;  —  Précis 
le  médecine  opératoire  (avec  Ch.  Iluette,  I8."i4-d7,  in-12,  avec  pi.);  —  Leçons 
le  physiologie  expérimentale  (lS.'Jo-o6,  nouv.  édit.,  1874,  2  vol.  in-8,  fig.); 
—  Mémoire  sur  le  fancéas  (18o6,  in-i-,  avec  pi.);  —  Effets  des  substances 
'oxiques  (18.Ï7,  in-8);  —  Physiolor/ie  et  pathologie  du  système  nerveux  (18o8, 
2  vol.  in-8,  fig.);  — Propriétés  et  altérations  des  liquides  de  l'organisme  {l8o9 ; 
nouv.  éd.,  1873,  2   vol.  in-8);  —   Expérimrrx  Rur  la   nutrition  {\SC)'t:,  in-8, 


~  360  — 

fig.);  —  Inlroduction  à  l'élude  de  la  médecine  expérimentale,  propriétés  des 
tissus  vivants  (1865,  2  vol.  in-8);  —  Principes  de  médecine  expérimentale 
1866,  2  vol.  iu-8,  fig.);  —  Rapport  sur  les  ]:)rogrès  de  la  marche  de  la  phy- 
siologie générale  en  France  {i8&~,  in-8),  dans  le  recueil  des  Rapports  sur  les 
progrès  des  lettres  et  des  sciences  en  France,  réédité  en  1872  sous  le  titre 
de  De  la  physiologie  générale  (in-8); —  Discours  de  récepiion  de  M.  Claude 
Bernard  et  réponse  de  M.  Patin,  directeur  de  l'Académie  (1869,  in-8);  —  Leçons 
de  pathologie  expérimentale  (in-8,  1872),  cours  professé  au  collège  de  France 
en  1859-1860  et  recueilli  par  le  docteur  Benjamin  Bail  qui  le  publia  d'abord 
en  anglais  dans  le  Médical  Times  and  Gazette;  —  Leçons  sur  la  chaleur 
animale,  sur  les  effets  de  la  chaleur  et  sur  la  fièvre  (in-8,  1875);  —  Leçons  sur 
les  anesthésiques  et  sur  l'asphyxie  (in-8,  1876).  On  a  aus?i  publié  de  lui  : 
Traité  complet  de  Vanatomie  de  l'homme.  Anatomie  chirurgicale  et  médecine 
opératoire,  par  Bourgerj-,  Claude  Bernard,  Ludovic  Herschefeld  et  Jacob, 
(8  vol.  in-fol.,  1"  édition  de  1832,  1834;  2^  édition,  1867-1871).  On  a  publié 
sur  Cl.  Bernard  :  Travaux  de  Claude  Bernard  {\^^Qi-^^,1  y o\.  in-4). 

Paul  de  Lorgeril. 
—  Le  R.  P.  Ange  Secchi,  l'une  des  gloires  de  la  science  catholique,  est 
mort  k  Rome,  le  26  février,  d'un  squirrhe  à  l'estomac.  Né  à  Reggio,  le  29 
juin  1818,  il  avait  été  reçu  dans  la  Compagnie  de  Jésus,  le  3  novembre  1833. 
Professeur  de  grammaire  au  collège  Romain,  il  y  apprit  la  physique,  qu'il 
enseigna  plus  tard  à  Lorette  et  à  Londres.  C'est  de  là  qu'il  fut  envoyé  à  l'ob- 
servatoire de  Georges  Town  d'où  il  revint  en  Italie  pour  être  placé  à  la  tête 
de  l'observatoire  de  Rome.  A  partir  de  l'année  1849,  où  il  entra  dans  la 
publicité  scientifique  par  un  travail  inséré,  chose  assez  remarquable,  dans 
le  journal  américain  de  Silliman,  il  donna  le  spectacle  de  l'une  des  carrières 
scientifiques  les  mieux  remplies  qui  se  puissent  rencontrer.  Chargé  vers 
cette  époque,  au  collège  Romain,  de  l'enseignement  de  l'astronomie  et  de 
la  direction  de  l'Observatoire,  il  se  livra  avec  ardeur  à  l'étude  de  toutes  les 
questions  d'astronomie  physique,  et  l'on  peut  dire  qu'il  n'en  est  aucune  sur 
laquelle  il  n'ait  fait  des  observations  importantes  et  répandu  des  lumières 
nouvelles.  Rappelons  notamment  ses  recherches  sur  la  constitution  physique 
du  soleil,  sur  la  distribution  de  la  chaleur  à  la  surface  de  cet  astre,  sur  les 
étoiles  doubles,  sur  les  spectres  des  étoiles,  des  comètes,  des  nébuleuses, sur 
les  étoiles  filantes.  Le  premier,  en  1860,  il  eut  recours  à  la  photographie  pour 
enregistrer  les  diverses  phases  d'une  éclipse  de  soleil.  Il  fut  aussi  l'un  des 
plus  prompts  à  utiliser  la  belle  découverte  de  MM.  Janssen  et  Lokyer  et  à 
étudier  assidûment  les  protubérances  que,  grâce  à  elle,  on  peut  observer  en 
tout  temps  sur  le  contour  du  soleil.  En  1871,  il  prit  part  très-activement  à 
la  fondation  de  la  Société  des  spectroscopistes  italiens,  qui  a  pour  but  de 
suivre  et  d'enregistrer  jouf  par  jour  ces  grands  phénomènes.  Plusieurs 
années  auparavant,  il  avait  émis  à  Rome,  à  peu  près  en  même  temps  que 
M.  Faye  en  France,  l'idée  aujourd'hui  fort  accréditée,  quoique  discutable, 
d'après  laquelle  le  soleil  sei'ait  un  corps  gazeux  dont  les  éléments  sont  main- 
tenus à  l'état  de  dissociation  par  une  température  énorme.  Il  a  résumé  l'en- 
semble de  nos  connaissances  sur  cet  astre,  dont  une  bonne  partie  lui  est 
due,  dans  un  ouvrage  important  intitulé  :  Le  Soleil.  (Paris,  Gauthier-Villars, 
1870,  in-8,  xvi-422  p.;  traduit  en  allemand  pas  Schellen,  2*  édit.  française, 
1875  et  1877,  2  vol.  gr.  in-8,  xx-428  p.  avec  6  pi.  et  viii-484  p.  avec  13  pi.) 
Physicien  savant,  habile  à  disposer  les  expériences  et  ingénieux  à  com- 
biner des  appareils  qu'il  savait  faire  construire  sous  ses  yeux,  sans  avoir  les 
ressources  quotlrent  les  ateliers  des  grandes  capitales,   le  P.  Secchi  donna 


—  361  — 

autour  de  lui  uue  vive  impulsion  aux  études  météorologiques  comme  en 
font  foi  les  vingt-cinq  volumes  du  Bullettino  meteorologico  dell  osservatorio  del 
eollegio  Romano^  publiés  depuis  l8ol .  Ses  travaux  dans  cette  direction  furent 
en  quelque  sorte  résumés  dans  le  Météorograplie^  appareil  qui  intéressa  vive- 
ment le  public  français  à  l'Exposition  universelle  de  IStiT,  et  dans  lequel 
s'inscrivaient  automatiquement  les  variations  de  la  pression  barométrique, 
de  la  température,  de  l'état  liygrométrique,  de  la  direction  et  de  la  force 
du  vent.  Après  avoir  reçu,  tant  pour  cet  appareil  que  pour  l'ensemble  de 
ses  travaux  météorologiques,  la  grande  médaille  d'bonneur  de  l'Exposition, 
le  P.  Secchi  fut  nommé  officier  de  la  Légion  d'bonneur. 

Depuis  longtemps  il  était  membre  de  l'Académie  pontificale  des  Nuovi 
Lincei,  de  la  Société  italienne  des  sciences,  correspondant  de  l'Académie 
des  sciences  de  Paris;  associé  étranger  de  la  Société  royale  et  de  la  Société 
astronomique  de  Londres,  membre  de  la  plupart  des  académies'd'Europe  et 
d'Amérique. 

Indépendamment  d'un  nombre  considérable  de  mémoires  insérés  dans 
les  publications  de  ces  diverses  sociétés  et  dans  les  journaux  scientifiques, 
le  P.  Seccbi  a  publié  divers  ouvrages  dont  les  principaux  sont  :  Memorie 
deir  ûsservalorio  del  eollegio  Romano.  (Rome,  ISiJl  à  1863,  5  vol.  in-4);  — 
Descrizione  del  nuovo  osservatorio.  (Rome,  ISiiO,  in-4)  ;  —  Mesure  delà  base 
trigonométrique  établie  sur  la  voie  a2)pienne,  en  italien  (Rome,  1858);  —  QuU' 
dro  fisico  del  sislema  solare  (Rome,  1859);  —  L'Unità  délie  forze  fisiche  (1864, 
Rome),  1  vol.  in-8,  xii-dH  p.,  2  éditions  françaises  de  cet  ouvi'age,  traduit 
par  le  docteur  Deleschamps  ont  paru  chez  Savy;  la  T'en  1869,  gr.  in-18, 
699  p.  ;  la  2"  en  1874);  —  Catalogo  délie  stelle  fisse  di  cui  si  è  delerminate  la 
spettro  (Paris,  Gauthier-Villars,  1867,  in-8,  32  p.  et  3  pi.);  —  Le  Stelle, 
Milan,  1878,  in-8,  432  p.  et  9  pi.  (une  trad.  française  se  publie  en  ce  mo- 
ment). Nous  sommes  obligés,  faute  d'espace,  de  renvoyer  à  la  Bibliothèque 
des  écrivains  de  la  Compagnie  de  Jésus,  pour  tous  les  ouvrages  du  P.  Secchi 
antérieurs  à  1873.  La  liste  en  occupe  près  de  deux  pages  gr.  in-4.  —  E.  V. 
—  Mgr  Godefroy  Brossais  Saint-Marc,  cai'dinal-archevèque  de  Ren- 
nes, est  mort  dans  sa  ville  archiépiscopale  le  26  février.  Né  à  Rennes 
le  5  février  1805,  il  fit  ses  études  au  lycée  de  cette  ville,  puis  alla 
à  Nantes  pour  entrer  dans  le  commerce  ;  il  ne  fit  que  passer  dans  celte 
carrière  se  sentant  appelé  par  Dieu  et  entra  au  séminaire  de  Saint-Salpice. 
Ordonné  prêtre  en  1831,  il  revint  en  Bretagne,  d'où  il  ne  devait  pas  sortir. 
En  1841,  il  succéda  à  Ms^  de  Lesquen,  démissionnaire,  [sur  le  siège  épis- 
copal  de  Rennes  qui  fut  érigé  en  archevêché  en  1839.  11  fut  revêtu  de  la 
pourpre  romaine  en  1875.  Les  instructions  et  lettres  pastorales  sorties  de  sa 
plume  durant  son  long  ministère  sont  nombreuses  :  Voici  le  titre  de 
quelques-unes  qui  montreront  qu'il  savait  bien  aborder  les  sujets  les  plus 
utiles  aux  chrétiens  de  notre  époque  :  Nature  et  droit  du  ministère  évangé- 
lique  (1842)  ;  —  La  foi  (1843);  —  Les  mauvaises  lectures  (1845);  —  L'Éduca- 
tion chrétienne  (1846);  —  La  Primauté  de  Saint-Pierre  (1847);  —  Causes  des 
désordres  daiis  la  société  (1849);  — Respect  et  amour  pour  les  pasteurs  (1836); 
—  Dangej's  des  7'ichesses  par  rapport  au  salut  (1857);  —  Devoirs  des  fidèles  à 
Végard  du  Pape  (1860);  —  La  Papauté  et  ses  ennemis  (1861);  —  Abaisse- 
ment des  caractères  (1863);  —  Danger  des  cabarets  (1864)  ;  —  Dangers  (pie  pré- 
sente la  lecture  des  mauvais  journaicx  (1867);  —  Sur  l'ivrognerie  (1868);  — 
Sur  le  prochain  concile  (ecuménique  (1869);  —  Dévoilas  des  fidèles  envers  leurs 
pasteurs  (1871);  —  U affaiblissement  du  sens  moral  (1875);  —  Les  Cléricaux 
^1876);  —  Les  Anti-cléricaux  (1877)  ;  — I^'S  Destinées  de  V lîglise  (1878). 


—  :{62  — 

—  Msf  Joseph-Armand  Gignoux,  évêque  de  Beauvais,  est  mort  dans 
sa  ville  épiscopale,  le  \"  mars.  Né  à  Bordeaux,  le  22  juillet  1790,  il 
entra  dès  1823  dans  le  diocèse  qu'il  devait  administrer.  Il  y  aiTiva  comme 
professeur  de  théologie  au  grand  séminaire,  dont  il  devint  supérieur  l'an- 
née suivante.  Créé  successivement  vicaire  général  et  chanoine  titulaire,  sans 
quitter  le  grand  séminaire,  il  fut  sacré  évéque  de  Beauvais,  le  20  mars  1842, 
et  pendant  les  trente-cinq  ans  de  son  épiscopat,  il  n'a  cessé  de  justifier  la 
belle  devise  qu'il  avait  prise  en  s'asseyant  sur  le  siège  de  saint  Lucien  : 
Impendam  et  superimpendar  ipse.  On  n'a  guère  de  lui  que  des  mandements 
et  des  lettres  pastorales.  Une  partie  a  été  publiée  sous  le  titre  de  :  Princi- 
paux discours  et  mandements  dans  le  tome  XVI,  2°  série,  des  Orateurs  sacrés, 
publiés  par  l'abbé  Migne,  et  dans  ses  ÛEuvres  choisies  (Paris,  Sarlit,  in-8, 
t.  I-IV,  1869-1873). 

—  M.  Fra*içois-Augustin  Théry,  est  né  le  15  octobre  1796,  à  Paris,  où  il 
est  mort,  le  14  mars  1878.  Il  fut  élevé  au  lycée  de  Versailles,  entra  en  1816 
le  premier  à  l'École  normale  et,  à  vingt-quatre  ans,  il  était  docteur  èslettres 
et  docteur  en  droit.  Il  remplit  successivement  les  fonctions  de  professeur, 
proviseur,  inspecteur  d'académie  ;  en  1844,  il  fut  nommé  recteur  à  Caen,  et, 
quelques  années  plus  tard,  inspecteur  général  de  l'Université.  Il  prit  sa 
retraite  en  1868.  Il  était  président  de  la  Société  des  études  historiques  et 
membre  de  plusieurs  autres  sociétés  savantes,  11  a  débuté  par  deux  morceaux 
qui  lui  ont  valu  des  lauriers  académiques  :  le  Gé7ue  poétique,  qui  a  obtenu  le 
prix  d'éloquence  en  1821  ;  —  la  Renaissance,  en  vers,  qui  a  eu  l'accessit  de 
poésie  en  1822.  Il  a  laissé  des  œuvres  nombreuses  :  Conseils  aux  mères  sur  les 
moyens  de  diriger  et  d'instruire  leurs  filles  (1838),  a  obtenu  un  prix  Monthyon  ; 

—  Conseils  aux  jeunes  personnes  sur  les  moyens  de  compléter  leur  éducation 
(1842,  in-8);  —  TaMeau  des  littératures  anciennes  et  modernes,  ou  Histoire  des 
opi7iions  littéraires  chez  les  anciens  et  les  modernes  (1844,  2  vol.);  —  Notions  de 
philosophie  (1844,  in-8);  —  Exercices  de  mémoire  et  de  lecture,  avec  M.  Dezobry 
(1844);  —  Cours  de  littérature  générale  (1847,  2  vol.  in-8);  —  Cours  abrégé  de 
littérature  (1850,  2  vol.  in-8);  —  Exercices  littéraires  (1851,  2  vol.  in-12);  — 
Morceaux  choisis  des  meilleurs  prosateurs  français  du. second  ordre  aux  sei- 
zième, dix-septième  et  dix-huitième  siècles  (1852,  2  vol.  in-12);  —  Modèles  de 
discours  et  allocutions  pour  les  distributions  de  prix  dans  les  pensionnats  de 
demoiselles  (1852,  in-12y,  —  Lettres  sur  la  profession  d'instituteur  (1853,  in-12)  ; 

—  Histoire  de  l'éducation  en  France  depuis  le  cinquième  siècle  {\S'6S,  2  vol. 
in-12);  —  Le  Génie  philosophique  et  .littéraire  de  saint  Augustin  (1861,  in-8); 

—  Lettres  sur  la  profession  d'institutrice  (1869,  in-12);  —  Projet  d'une  réforme 
dans  l'enseignement  des  langues  anciennes  (1872,  in-8);  —  Cent  fables  (1877, 
in-16)  dont  il  a  été  rendu  compte  dans  la  livraison  de  février.  Ajoutons  à 
cette  nomenclature  :  Précis  d'histoire  d'Angleterre;  —  Choix  d'oraisons  fu- 
nèbres; —  Conciones  français,  et  une  traduction  en  vers  des  satires  de  Perse. 

—  M.  Jéan-François  de  Paul  Louis  de  la  Saussaye,  né  à  Blois  le  l^r  mars 
1801,  est  mort  à  Tronssay  (Loir-et-Cher),  le  25  février.  Il  s'adonna  de 
bonne  heure  à  l'arcbéologie,  et  débuta  par  un  mémoire  manuscrit  sur 
l'Histoire  de  la  Sologne  blaisoise,  qui  lui  valut,  en  1835,  une  médaille  au  con- 
cours des  antiquités  nationales.  Fondateur,  en  1836,  de  la  Revue  numisma- 
tique française  qu'il  dirigea  avec  M.  E.  Cartier  jusqu'en  185-8,  il  donna 
dans  ce  recueil  de  nombreux  articles  sur  la  numismatique  gauloise  et  du 
moyen  ;\ge.  On  peut  affirmer  que  cet  excellent  recueil,  auquel  travail- 
lèrent tous  les  numismatistes  français  et  beaucoup  d'étrangers,  a  rendu 
à  l'arcbéologie  les  plus  gx'ands  services.  Ses  travaux  lui  ouvrirent  les  portes 


—  303  — 

de  l'Institut  en  1845;  dès  l'année  1838,  il  était  correspondant  de  l'Acadé- 
mie des  inscriptions  et  belles-lettres.  En  18oo,  il  fut  nommé  recteur  de 
l'académie  de  Poitiers  et  plus  tard  recteur  de  l'académie  de  Lyon.  Il  a 
publié  :  Histoire  du  château  de  Chamhord  (1837,  in-4);  —  Histoire  du  châ- 
teau de  Blois  (1840,  in-4)  ;  —  La  Numismatique  de  la  Gaule  Narhonnaise  (1842, 
in-8);  —  Mémoires  sur  les  antiquités  de  la  Sologne  (■I84j,  in-4);  —  Histoire 
de  la  ville  de  Blois  (in-12,  18iG);  —  Guide  historique  dans  le  Blésois,  ano- 
nyme (ISoo),  réédité  sous  le  titre  de  Dlois  et  ses  environs.  —  La  vie  et  les 
ouvrages  de  Denis  Papin,  avec  M.  A.  Pean  (1809,  in-8).  —  Les  six  premiers 
siècles  littéraires  de  la  ville  de  Lyon  (1876). 

—  M8' Jean-Pierre-Jules  Dours,  né  à  Alzonne  (Aude),  le  4  février  1809,  est 
mort  à  Bagnères-de-Bigorre  le  12  décembre.  Professeur  de  théologie  à 
Aire  en  1834,  puis  à  Dax,  il  fut  ensuite  principal  au  collège  de  Saint-Sever, 
proviseur  de  celui  de  Laval,  recteur  de  l'académie  de  Clermont  et 
inspecteur  de  l'Académie  de  Paris  C'est  de  ce  poste  qu'il  passa,  en  1863, 
sur  le  siège  épisoopal  de  Soissons  où  il  succéda  à  M?""  Christophe.  Sa  santé 
était  tellement  altérée  qu'il  donna  sa  démission,  qui  fut  acceptée  par  le 
Saint-Siège  le  20  février  1876,  et  le  20  avril  suivant,  il  fut  nommé  chanoine 
de  Saint-Uenis.  Il  a  publié  durant  son  épiscopat  109  lettres  pastorales  ou 
circulaires.  Voici  le  sujet  de  quelques-unes  :  Connaissance  de  Jésus-Christ 
(186-4-186o);  —  Indifférence  reliyieusc  (1867);  —  Culte  de  la  sainte  Vierge 
(1868);—  l'Eglise  dans  sa  nature,  son  but,  sa  constitution  divine  et  son 
action  sur  le  inonde  {\S~0);  —  Proniulgalion  des  constitutions  du  concile  du 
Vatican. 

—  M.  l'abbé  Pierre-Paul  Chéruel,  né  en  1809  dans  le  département  de 
l'Eure,  est  mort  le  d  mars  1878,  curé  de  Saint-Germain  des  Prés,  à  Paris.  H 
avait  fait  sts  études  à  Paris,  au  collège  Henri  IV,  avait  ensuite  suivi  les 
cours  de  l'École  de  droit,  puis  en  faisant  plusieurs  éducations  avait  séjourné 
assez  longtemps  en  Angleterre  et  en  Russie.  Il  possédait  parfaitement  la 
langue  parlée  de  ces  deux  pays,  et  apprit  bientôt  l'italien,  lorsque  se 
sentant  appelé  au  ministère  ecclésiastique,  il  alla  à  Rome  faire  ses  études 
théologiques.  Il  y  rencontra  l'abbé  Gerbet  qui,  plus  tard,  évoque  de  Perpi- 
gnan, se  l'attacha  comme  grand  vicaire.  Il  y  fut  ordonné  prêtre  en  1843. 
Pendant  ses  séjours  à  Rome,  il  a  été  correspondant  du  journal  VUnivers.  11 
a  édité  un  ouvrage  d'Abelly  :  De  l'obéissance  et  soumission  qui  est  due  à 
N.  S.  P.  le  Pape  en  ce  qui  concerne  les  choses  de  la  foi  (1870,  in- 18). 

—  M.  le  baron  François  Asi'er  de  Boaç.v  est  décédé  à  Toulouse  le  10 
mars  dans  sa  soixante-dixième  année.  Philologue,  poète  et  romancier, 
M.  de  Boaça,  quelques  jours  avant  sa  mort,  mettait  la  dernièi'e  main  à  un 
grand  ouvrage  iiistorique,  critique  et  philologique  sur  les  Bohémiens  et  les 
Tsiganes.  On  doit  à  ce  modeste  et  très-méritant  écrivain  un  excellent 
roman  intitulé  :  Cai6?/  ou  les  Massacres  de  septembre,   dont  ]e  Polybiblion  a 

j rendu  compte.  On  lui  doit  aussi  un  Recueil  de  poésies  religieuses  très-estimé. 

jM.  de  Boaça  était  originaire  de  Perpignan,  et  il  collabora  longtemps  aux 
journaux  conservateurs  de  la  région.  Les  polémiques  ardentes  et  spirituelles 
qu'il  soutint  avec  M.    Pierre  Lefranc,  dans    V Étoile  du  Roussillon,  sur  les 

jquestions  sociales  et  religieuses,  ont  fait  sensation. 

—  M.  le  U''  DoRAN,  fondateur  et  rédacteur  en  chef  de  la  revue  critique 
anglaise  -.Notes  and  Queries, est movile  lli  janvier,dans  sa  soixante  et  onzième 
année.  La  première  éducation  lui  avait  été  donnée  en  France,  puis  en 
Allemagne.  Doué  d'une  facilité  prodigieuse,  dés  l'âge  de  vingt  ans,  il  était 
à  même  de  dii^iger  le  Literanj  chronicle,  et,  depuis  un  quart  de  siècle,  il  ne 
s'est  pas  écoulé    de  saison,    disent  ses  cnllfiborateurs,  qui  ne  vit    paraître 


—  364  — 

un  ouvrage  de  sa  main.  La  liste  en  serait  trop  longue  à  reproduire  ici: 
nous  devons  cependant  citer,  parmi  ses  principales  œuvres  :  Habitudes  hu- 
maines ;  —  Les  Jours  de  la  chevalerie;  —  Reines  d'Angleterre  de  la  maison  de 
Hanovre;  —  Les  Monarques  retirés  des  affaires;  —  Les  Comédiens  de  sa  Ma- 
jesté; —  Histoire  des  fous  des  rois.  —  Histoire  du  théâtre  anglais.  —  Leprince 
deGalle.  — London  in  the  Jacohite  limes  (1877)  sans  doute  son  dernier ouvrjge. 

—  M.  le  comte  Hortensius  1{ousselix  Corbkal:  de  SAi.\T-ALUi.\,né  à  Lyon,  le 
20  décembre  1805  et  fils  du  fondateur  du  Constitutionnel,  conseiller  liouo- 
raire  à  la  Cour  d'appel  de  Paris,  ancien  député  et  ancien  conseiller  général 
de  la  Sarthe,  vient  de  mourir.  Il  était  l'auteur  de  divers  ouvrages  de  droit 
et  de  liltéi^ature,  et  avait  débuté  par  un  Kloije  funchre  de  Barras,  son  parent. 
On  cite  de  lui:  Logique  judiciaire  ou  traité  des  arguments  légaux  (1841, 
in-18,  dont  la  2^  édition,  suivie  de  la  Logique  de  la  conscience,  est  do  1844, 
in- 12,  Joubert);  —  une  Histoire  de  Sulhouski ;  —  des  Poésies  lyriques;  deux 
Odes  sur  Lafayette  ;  enfin  :  Tablettes  d'un  rimeur.  Contes  apologues  et  anec- 
dotes; Èpitres;  Imitations  et  fugitives;  Premiers  essais  ;  Romances,  chansons 
(1862;  3e  édition,  suivie  de  plusieurs  lettres  à  l'auteur,  1869). 

—  M.  Camille  dk  la  Behge,  attaché  au  Cabinet  des  médailles  de  la  Biblio- 
thèque nationale,  estmort,  à  l'âge  de  quarante  ans,  au  mois  de  mars.  C'était 
un  des  collaborateurs  de  la  Revue  historique  et  de  la  Revue  critique.  On  lui 
doit  un  Mémoire  sur  la  flotte  romaine,  couronné  par  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres.  11  préparait  la  soutenance  de  ses  thèses  pour  le  doc- 
torat es  lettres,  déjà  imprimées,  et  qui  avaient  pour  objet  :  Byzance  avant 
Constantin  pour  la  thèse  latine,  et  Essai  sur  le  règne  de  Trajan  pour  la 
thèse  française. 

—  M.  Alexandre  Don.nk,  ancien  recteur  de  l'Académie  des  sciences  de 
Montpellier,  inspecteur  général  honoraire  de  l'École  de  médecine,  vient 
de  mourir.  Petit-gendre  de  l'illustre  orientaliste  Sylvestre  de  Sacy,  et 
neveu  de  M.  de  Sacy,  de  l'Académie  française,  M.  Donné  se  rattachait 
aussi  par  lui-même  aux  lettres  et  aux  sciences  :  il  avait  été  le  premier 
secrétaire  de  la  Commission  des  <(  Documents  inédits  de  l'Histoire  de  France,» 
fondée  par  M.  Guizot  et  Villemain,  et  était  l'auteur  d'une  Hygiène  des  gens 
du  monde,  dont  il  vulgarisa  pendant  de  longues  années,  dans  le  Journal 
des  Débats,  les  principales  a])plications. 

—  M.  Auguste  Lamy,  professeur  de  chimie  industrielle  à  l'École  centrale 
des  arts  et  manufactures,  ancien  professeur  de  physique  à  la  faculté  des 
sciences  de  Lille,  est  mort  le  20  mars  ;  il  était  né  à  Nevy  (Jura)  en  1821.  — 
De  M.  Lamy  ont  été  publiées  des  Leçons  de  chimie  professées  en  1863,  à  la 
Société  chimique  de  Paris  (1864,  Hachette,  in-18.)  On  lui  doit  la  découverte 
du  tallium. 

—  M.  Georges  Cruikshan'k,  dessinateur-caricaturiste  et  peintre  anglais, 
collaborateur  du  Punch,  et  du  Comic  Almanach,  est  mort  au  commen- 
cement de  février  dernier.  11  était  né  à  Londres  vers  1792,  et  avait  été 
d'abord  marin,  puis  acteur.  On  connaît  généralement  ses  grandes  séries 
humouristiques  ;  La  Vie  à  Londres  et  à  Paris,  les  Anglais  peints  par  eux-mêmes 
(1837),  le  Dimanche  à  Londres,  le  Palais  du  Gin  et  la  Routeille;  mais, 
citer  l'innombrable  quantité  d'albums,  de  livres  d'étrennes,  de  revues,  de 
journaux  où  il  a  semé  ses  compositions  amusantes  est  presque  impossible. 
De  1815  à  1878,  il  n'a  cessé  d'amuser  ses  compatriotes  et  l'Europe  entière 
par  les  mille  et  une  charges  morales  et  politiques,  anecdotes,  esquisses  de 
mœurs  grotesques,  légendes  comiques,  qu'il  a  prodiguées  à  tout  propos. 
Citons  au  moins,  de  l'époque  de  ses  débuts  :  La  Maison  du  mai^in  ;  l'Homme 


—  3r;o  — 

lie  la  lune;  le  Cordonnier  politique;  l'Echelle  du  Mariage  ;  puis,  dans  un  genre 
plus  élevé,  et  avec  non  moins  de  ■succès  :  Légendes  allemandes;  Contes 
d'Italie ,  Types  irlandais;  enlin,  plus  tard  encore  :  L'Huvwuriste,  complété  par 
les  Pointes  d'Esprit;  Tom  Pouce;  le  conte  de  John  Gilpin,  qu'a  reproduit  le  Ma- 
gasin pittoresque  (Tome  X);  Mon  portefeuille,  la  Pli jrnologiee7i  action  elles 
Vieux  marins;  n'oublions  pas  les  illustrations  de  iiobinsoîi  Crusoé,  et  celles 
des  premiers  Romans  de  Ch.  Dickens.  G.  Cruiksliank  avait  exposé  pendant 
quelques  années,  à  l'Académie  royale  de  peinture  de  Londres,  des  toiles  où 
son  talent  de  caricaturiste,  avait  continué  de  se  donner  carrière,  sous  ces 
titres  :  Le  Trouble-fête  ;  Une  situation  imprévue  ;  Costumes  à  la  Mode  ;  Cendril- 
lon,  et,  pour  la  dernière  fois  :  Un  coup  de  sonnette  {iS'6'6).  On  pourra  consulter 
sur  cet  esprit  original,  mais  au  fond  bienveillant  :  Genius  of  G,  Cruikshank 
(1840,  in-8,  Londres). 

—  Le  comte  Frédéric  Scolpis  de  .Salerano,  né  en  1798,  est  mortàTuriu,  le 
8  mars,  sans  laisser  de  postérité.  Docteur  en  droit  à  l'âge  de  vingt  ans,  il 
eut  un  rapide  avancement  dans  la  magistrature.  Balbo,  qui  avait  deviné  sa 
haute  capacité,  l'attacha  à  son  cabinet,  et  le  roi  Charles-Albert  lui  confia 
les  postes  les  plus  importants.  On  le  trouve  président  du  Sénat,  garde  des 
sceaux,  président  du  congrès  réuni  à  Genève  pour  la  question  de  Wilabama. 
Il  eut  une  grande  part  à  toutes  les  réformes  entreprises  par  le  roi,  et  parti- 
culièrement à  la  rédaction  du  Code  civil  sarde.  Modéré  par  caractère  et  par 
goût,  dévoué  à  la  maison  de  Savoie,  il  ne  prit  point  part  aux  révolutions  de 
1821  et  de  1827,  et  son  attachement  à  la  religion  catholique  lui  fit  désap- 
prouver bien  des  actes  du  gouvernement  italien  :  depuis  l'occupation  de 
Rome,  en  1870,  il  ne  parut  plus  au  Sénat.  11  a  tenu,  du  reste,  à  désavouer 
sur  sonlit  de  mort  tous  ceux  de  ses  actes  quiavaient  pu  porter  préjudice  à  l'É- 
glise. Voici  la  déclaration  que  VUnità  cattolica  met  dans  sa  bouche  :  «  En  ce 
«  qui  concerne  les  droits  de  l'Église,  bien  que  je  n'aie  jamais  agi  par  unesprit 
«  qui  lui  fût  hostile,  je  voudrais  pouvoir  effacer  et  réparer  lout  ce  que  j'ai 
«  fait  à  son  détriment;  mais  cela  m'étant  impossible,  j'en  demande  publi- 
«  quement  pardon  à  Dieu,  voulant  mourir  dans  le  sein  de  cette  religion  h. 
«  laquelle  je  suis  lier  d'avoir  toujours  appartenu.  »  Homme  politique,  le 
comte  Scolpis  était  aussi  écrivain  et  orateur.  L'Académie  des  sciences  mo- 
rales et  politiques  le  comptait  parmi  ses  correspondants  depuis  1847,  et  se 
l'attacha  comme  associé  étranger  en  1869.  Il  était  membre  de  l'Institut 
international  de  droit,  fondé  en  1873.  On  lui  doit  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages historiques  et  juridiques.  On  peut  citer  comme  son  chef-d'œuvre  : 
La  Storia  delta  legislazione  antica  piemontese  (1833),  suivie  de  la  Storia  délia 
legislazione  italiana  (1840-18o7),  traduite  en  français  par  M.  Charles  Scolpis 
(1861,  2  vol.  in-8)  ;  —  Essai  sur  les  Etats  généraux  et  autres  institutions  poli- 
tiques du  Piémont  et  de  la  Savoie  (1851)  ;  —  Recherches  historiques  sur  les 
rapports  politiques  entre  la  dynastie  de  Savoie  et  le  gouvernement  britannique 
(1833);  —  La  Domination  française  en  Italie  (1800-1814),  (in-8,  1861).  — 
Le  Cardinal  Jean  Moronc.  Etude  historique  (in-8,  1869);  —  Marie-Louise- 
Gabrielle  de  Savoie,  reine  d'Espagne  (in-8,  1867-1869).  —  Considerazioni 
storiche  intorno  aile  antiche  Assemblée  rappresentativc  del  Piemonte  c  délia 
Savoia,  publiées  dans  les  Monumcntu  historiw  patriw  (in-8,  Torino,  Bocca, 
1878);  —  Le  'Régime  politique  des  anciennes  vallées  des  Alpes  (1878).  —  Parmi 
ses  rapports  à  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  nous  en  trou- 
vons un  en  1876  sur  V Histoire  de  la  charité  napolitaine  de  la  duchesse  Thérèse 
Filangeri  Ravaschieri  Ficscld.  Il  était  un  des  collaborateurs  de  la  Revue  de 
législation. 


—  -Miè  — 

—  M.  Joseph-Emmanuel-Gislain  Roulez,  ué  à  .Nivelles  (Brabant),  le  6  fé- 
vrier 1806,  esl  mort  le  16  mars  1878.  Il  fut  professeur  au  collège  de  Mous, 
en  1825;  professeur  de  littérature  grecque  à  l'Athéuée  de  Gaui  en  1832; 
professeur  d'archéologie  et  de  droit  romain  à  l'Université  de  (iand,  de  1831  à 
1873;  recteur  de  la  môme  Université,  I846-I8i7, 1857-1864;  administrateur- 
inspecteur  de  1863  à  1873.  Il  fut  nommé  membre  de  l'Académie  royale  de 
Belgique,  classe  des  lettres,  le  13  décembre  1837;  correspondant  de  l'Institut 
de  Fiance,  Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  en  1850.  Il  était,  en 
outre,  ciirespondant  d'un  grand  nombre  d'aca  lémies.  Il  a  publié,  en  1834, 
à  Leipzig,  une  éiition  de  Ptolémée  Hepharition,  mythographe  grec,  dédiée  à 
son  maître  et  ami,  le  professeur  Georges^Josepb  Bekker,  avec  une  préface 
du  célèbre  Ci-euzer  (in-8);  —  Cours  d'antiquité  romaine  (1849,  Bruxelles);  — 
Choix  (le  vasespcints  du  musée  d'aniiquilcs  de  Leijde  (1854,  Gand,  in-folio  avec 
planches  en  couleur) .  Il  a  traduit  l^s  illanue/s  de  l'histoire  de  la  littérature 
qrecque  et  de  la  littérature  latine^  de  Schoell  (le  premier,  1837,  à  Bruxelles, 
le  second  en  1838,  à  Louvain).  Il  a  donné,  en  outre,  un  grand  nombre 
d'articles  sur  l'archéologie,  la  géographie  ancienne,  l'épigraphie  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  royale  de  Belgique  et  dans  ses  Bulletins,  dans  les 
annales  et  les  bulletins  de  l'Institut  archéologique  de  Rome. 

—  La  Benaixenza  nous  apprend  la  mort,  à  Séville,  d'un  des  littérateurs 
les  plus  distingués  de  l'Espagne,  don  José  Amador  de  los  Rios.  Il  était  doyen 
de  la  faculté  de  philosophie  de  Madrid  et  membre  de  l'Académie  royale. 
De  los  Rios  a  laissé,  entre  autres  ouvrages  :  Études  politiques,  historiques  et 
littéraires  sur  les  Juifs  d'Espagne.  (Madrid,  Diaz  et  Ce,  1848,  un  vol,  in-8)  et 
V Histoire  critique  de  la  littérature  espagnole.  Ce  livre,  écrit  d'un  style  un  peu 
ampoulé,  mais  très-érudit  et  plein  de  recherches  fort  intéressantes,  n'est 
malheureusement  pas  terminé.  Tel  qu'il  est,  il  forme  sept  gros  volumes 
grand  in-8,  dont  le  premier  a  paru  en  1861  (Madrid,  imprenta  de  José  Ro- 
driguès)  et  dont  le  dernier  porte  la  date  de  1865  (Madrid,  Joaquin  Munoz). 
L'ouvrage  s'arrête  au  règne  d'Isabelle  la  Catholique.  De  los  Rios  a  aussi 
écrit  dans  le  Jahrhïich.  Les  Études  sur  les  Juifs  ont  été  traduites  en  français 
par  M.  Magnabal  ;  l'Histoire  de  la  littérature  espagnole  ne  l'a  pas  été,  mais  a 
fourni  le  sujet  d'un  article  détaillé  dans  le  Contemporain  (juillet  1874). 

—  M.  Adolphe  Viollet-Leduc,  paysagiste  distingué  et  critique  d'art  au 
Journal  des  Débats,  vient  de  mourir.  Il  était  l'auteur  d'une  Notice  sur  Fran- 
çois Gérard,  publiée  en  tête  de  la  Correspondance  de  cet  artiste. 

— M.  Marie-Amédée, vicomte  de  Ginestois, baron  de  la  Liquisse,est  mort  à 
Montpellier  le  25  janvier  1878,  à  l'âge  de  63  ans.  Président  du  comité  catho- 
lique, président  de  la  société  de  secours  aux  blessés  des  armées  de  terre  et 
de  mer,  il  a  mérité  de  son  évêque.  Me"'  de  Cabrières,  ce  magnifique  éloge  : 
«  Rien  ne  s'est  fait  ici  pour  le  bien,  aucune  entreprise  n'a  été  tentée 
«  dans  l'intérêt  de  la  religion  sans  que  M.  de  Ginestous  ne  s'y  soit  associé, 
«  également  attentif  et  à  donner  aux  œuvres  son  concours  le  plus  dévoué,  et 
«  à  se  cacher  derrière  les  voiles  de  l'humilité  la  plus  discrète.  »  ^ous  ne 
saurions  dire  s'il  a  beaucoup  écrit.  Ses  œuvres  littéraires  consistent 
surtout,  croyons-nous,  en  rapports  sur  les  œuvres  dont  il  s'occupait. 
iNous  signalerons  à  ce  titre  ceux  qu'il  a  lus  aux  congrès  des  Comités  catho- 
liques à  Paris:  en  1875,5iir  le  Congrès  régional  de  Montpellier;  en  1876,  Surit 
colportage. 

On  annonce  encore  la  mort  de  M.  Henri  de  Seré,  ancien  représentant  à 
TAssemblée  législative  de  1849,  collaborateur  de  la  Gazette  de  Bretagne,  fon- 
dateur et  directeur,  en  1845,  avec  M.  de  Falloux,  de  ï Union  de  l'Ouest,  dans 


—  367  — 

laquelle  il  soutint  vigoureusement  les  droits  de  la  liberté  d'enseignement 
catholique  ;  —  de  M  Luciano  Scarabelli,  mort  le  5  janvier  à  Plaisance,  sa  pa- 
trie, auteur  d'une  histoire  de  Plaisance  et  l'un  des  collaborateurs  de  ÏAr- 
chivio  storico:  —  de  M.  Carlo  Mindtoli,  vice-président  de  la  R.  dcputazmie, 
di  storia  patria,  auteur  de  divers  livres  érudits,  mort  le  6  février  ;  —de  M.  Sci- 
pion  BicHi-BoRGHiARi,  de  Sienne,  qui  s'adonna  aux  recherches  historiques; — 
de  M.  Ch.-P.  Daubigny,  le  célèbre  paysagiste,  et  l'un  des  plus  anciens  col- 
laborateurs de  V Illustration  et  de  V Artiste;  — du  graveur-géographe  Ehrard; 

—  de  l'auteur  du  livre  :  V Administration  prussienne  en  Alsace-Lorraine^ 
Dr  Gustave  Hasch,  publiciste  allemand,  décédé  à  Schœneberg,  près  de  Berlin; 

—  de  M.  Filippo  Scrugli,  ancien  directeur  de  la  Gazette  officielle  du  royaume 
deXaples,  mort  à  l'âge  de  97  ans,  à  .Naples  ;  —  de  M.  Eugène  Yvert,  mort 
à  Amiens,  membre  de  l'Académie  de  la  Somme,  journaliste  qui  a  vaillam- 
ment défendu  les  principes  consei'vateurs,  auteur  de  plusieurs  ouvrages  de 
poésie;  —  de  M.  Leitzma^jn,  qui,  depuis  1834,  dirigeait  \&~\  Journal  numis- 
matique de  AVeissensee,  qu'il  avait  fondé  et  n'abandonna  qu'en  1870,  auteur 
de  nombreuses  publications,  mort  le  23  octobre  à  l'âge  de  80  ans;  — de 
M.  lldefonse  Rousseï,  mort  le  31  mars  à  Alfort  (Seine),  à  Fàge  de  Cl  ans, 
ancien  rédacteur  du  Spectateur  rrpuhlicain  et  du  Conservateur  en  1848,  fon- 
dateur de  la  Revue  comique,  rédacteur  linancier  du  Siècle  de  1840  à  1867, 
rédacteur  en  chef  du  National  depuis  sa  fondation  (1869)  ;  — de  M""  C.  Rue- 
LENs,  qui  a  écrit,  dans  V Etoile  belge  et  la  Revue  de  Belgique,  sous  le  pseudo- 
nyme de  Caroline  Gravière,  morte  à  Bruxelles  le  20  mars;  —  du  docteur 
Robert  de  Mayer,  savant  allemand,  mort   à   Heilbronn,  le  21  mars. 

—  Une  erreur  s'est  glissée  dans  la  livraison  de  février  du  Polybihlion 
(p.  177).  Il  y  est  dit  que  M.  Raspail  «  avait  enseigné  la  philosophie  et  la 
théologie,  à  Avignon,  pendant  un  an.  M.  Raspail  n'a  jamais  appartenu  au 
corps  enseignant  du  grand  séminaire  d'Avignon;  il  y  a  étudié  pendant 
quelque  temps  et  c'est  tout.  Les  dates  rapportées  par  le  Polybiblion  rendent 
d'ailleurs  la  chose  assez  claire,  puisque  le  personnage  en  question  n'eût  eu 
alors  que  dix-sept  ou  dix-huit  ans.  H.  Ch.arier, 

directeur  au  grand  séminaire. 
I.NSTiTUT. —  Académie  française.  —  L'Académie  française  décernera  pour 
la  première  fois,  en  1880.  les  deux  prix  suivants  :  Prix  Botta  :  20,000  francs 
au  meilleur  ouvrage  publié  eu  français,  dans  les  cinq  années  précé  lentes, 
sur  la  condition  des  femmes.  Prix  Jules  Janin  :  3,000  francs,  décerné  à  la 
meilleure  traduction  d'un  ouvrage  en  latin. 

—  L'Académie  a  décerné  le  prix  d'éloquence  pour  VÉloge  de  Bu/fon,  à 
M.  Xaicisse  .Vichaut,  licencié  en  droit,  docteur  es  lettres,  récemment  inort 
à  Nancy,  et  à  M.  Félix  Ilemon,  professeur  de  seconde    au  lycée  de  Rennes. 

—  L'Académie  a  renouvelé  son  bureau  pour  le  second  semestre.  M.  J.-B. 
Dumas  a  été  nommé   directeur,  et  M.  Camile  Rousset,  chancelier. 

Académie  des  Sciences.  —  Dans  la  séance  du  18  mars.  l'Académie  a  nommé 
à  la  place  vacante  dans  la  section  d'astronomie  par  suite  du  décès  de 
M.  Leverrier,  M.  Tisserand,  directeur  de  l'Observatoire  de  Toulouse,  par 
trente-quatre  voix,  contre  dix-neuf  à  M.  Wolf,  et  deux  à  M.  Tissandier. 

—  Dans  sa  séance  du  23  mars,  l'Académie  a  nommé  M.  Duval-Jouve 
corresponlant  dans  la  section  de  Botanique,  en  remplacement  de  M.  Hol- 
meister,  décédé. 

—  Dans  sa  séance  du  1  i  mars,  l'Académie  a  élu  correspondant  M.  Cialdi 
pour  la  place  vacante  dans  la  section  de  géographie  et  de  navigation,  par 
suite  de  la  nomination  de  don  Pedro  comme  associé  étranger. 

—  L'Académie   des   sciences    a    reçu    d'un   anonyme    une    somme    de 


—  3()8  — 
0,000  francs,  destinée  à  récompenser  la  personne  qui  saura  tirer  des  travaux 
de  W.  Pasteur  l'application  la  plus  utile    à   l'art    de  guérir.  Ce  prix  sera 
décerné  en  1880. 

Faculté  des  Lettrks,  —  M.  Person,  professeur  au  lycée  Charlemagne,] 
à  Paris,  a  soutenu,  à  Paris, le  21  février,  ses  thèses  pour  le  doctorat  es  let- 
tres. Les  sujets  étaient  :  Ds  P.  Cornelio  Scipione  jEmÛiano  ;  — Essai  sur  l'ad' 
minislration  des  provinces  romaines  sous  la  République , 

—  M.  Collignon,  ancien  élève  de  l'École  normale,  ancien  membre  de j 
l'École  française  d'Athènes,  a  soutenu,  à  Paris,  le  13  mars,  ses  thèses  pour] 
le  doctorat  es  lettres.  Les  sujets  étaient  :  De  collcgiis  cpheborum;  —  Essai  suf^ 
les  monuments  grecs  et  romains  relatifs  au  mythe  de  Psyché. 

—  M.  Lionel  Dauriac,  ancien  élève  de  l'École  normale,  a  soutenu  ses 
thèses  pour  le  doctorat  es  lettres,  à  Paris,  le  22  mars.  Les  sujets  étaient  :] 
De  Hcraclito  Ephesio;  —  Des  notions  de  matière  et  de  force  dans  les  sciences  del 
la  nature. 

École  DES  r.H.vuTKs. — M.  Hoyaété  nommé  professeur  d'institutions  poli-j 
tiques,  admimstratives  et  judiciaires  de  France,  en  remplacement  de  'L  Bou-| 
tarie,  décédé;  M.  Giry  secrétaire-professeur  suppléant,  en  remplacement  del 
M.Roy. 

Congre?.  —  La  réunion  des  sociétés  savantes  aura  lieu  à  la  Sorbonne,  les] 
24,  2o  et  26  avril. 

—  Le  congrès  international  des  orientalistes  se  tiendra  cette  année  du  12| 
au  18  septembre,  à  Florence. 

—  Le  comité  de  la  Société  des  gens  de  lettres  a  pris  l'initiative  d'uni 
congrès  littéraire  international  qui  se  tiendra  à  Paris  pendant  l'Expositioal 
universelle.  Le  programme  annonce  cinq  séances  publiques  aux  dates  des! 
6,  8,  9,  11  et  I3juin,dans  lesquelles  serontdébattues  les  questions  suivantes:! 
Du  droit  de  propriété  littéraire.  — Des  conditions  de  ce  droit. — De  sa  durée.] 
—  La  propriété  littéraire  doit-elle  être  asssimilée  aux  autres  propriétés,  cul 
doit-elJe  être  régie  par  une  loi  particulière  ?  De  la  reproduction.  —  De  la] 
traduction.  —  De  l'adaptation.  —  Du  droit  de  propriété  littéraire.  —  De  l'in- 
suffisance des  conventions  diplomatiques  au  point  de  vue  de  la  protection  dej 
ce  droit.  —  Des  difficultés  qui  résultent  notamment  des  formalités  d'enre- 
gistrement, de  dépôt,  etc.,  etc.,  inscrites  dans  les  conventions  actuellement! 
existantes.  —  Recherche  d'une  formule  précise  destinée  à  être  introduite| 
désormais  dans  les  traités  de  commerce,  pour  y  remplacer  les  anciennes 
formules.  Proposition  d'une  formule  à  accepter  par  les  membres  qui  pren- 
dront part  aux  travaux  du  congrès.  —  Projet  de  convention  littéraire  inter- 
nationale en  vertu  de  laquelle  tout  écrivain  étranger  serait  assimilé  auxj 
écrivains  nationaux  dans  l'exercice  de  ses  droits  sur  son  œuvre.  De  la  condi-j 
tion  des  écrivains  à  notre  époque.  —  Des  associations  littéraires.  —  Exposé! 
de  diverses  institutions  tendant  à  amliorer  le  sort  des  gens  de  lettres  dans 
les  divers  pays. — Vœux  à  formuler  pour  l'avenir. —  Lecture  des  propositions! 
adoptées  par  le  congrès.  —  Clôture  des  travaux. 

—  Les  médecins  vétérinaires  de  France  se  réuniront  ea  congi'ès,  à  Paris,! 
pendant  l'Expositioa  universelle  de  1878.  Le  programme  des  questions  qui] 
seront  étudiées  dans  cette  réunion  scientifique  a  été  établi  dernièrement,  à] 
Paris,  par  l'assemblée  générale  des  délégués  présidée  par  M.  Henry  Boulcy/ 
inspecteur  général  des  écoles  vétérinaires  et  membre  de  l'Institut.  Les 
vétérinaires  des  diverses  régions  de  la  France  avaient  désigné  un  des  leurs 
pour  les  représenter  ù  cette  réunion. 


~  369  — 

—  La  Société  Bibliographique  se  propose  de  tenir  un  congrès,  d'une  durée 
de  troisjours,  pendant  l'Exposition  universelle.  Nous  publierons  dans  notre 
prochaine  livraison  le  programme  de  ce  congrès. 

Concours. — L'Académie  royale  des  sciences,  des  lettres  et  des  beaux-arts 
de  Belgique,  classe  des  lettres  et  des  sciences  morales  et  politiques,met  au  con- 
cours pour  1879  les  questions  suivantes  :  —  1°  Les  enc}'clopédistes  français 
essayèrent,  dans  la  seconde  moitié  du  dix-huitième  siècle,  de  faire  de  la 
principauté  de  Liège  le  foyer  principal  de  leur  propagande.  Faire  connaître 
les  moyens  qu'ils  employèrent  et  les  résultats  de  leurs  tentatives,  au 
point  de  vue  de  l'intluence  qu'ils  exercèrent  sur  la  presse  périodique 
et  sur  le  mouvement  littéraire  en  général.  (Les  concurrents  trouveront 
d'utiles  documents  sur  ce  sujet  dans  la  bibliothèque  d'Ulysse  Capitaine, 
léguée  à  la  ville  de  Liège.)  Le  prix  est  de  600  francs.  —  2°  Écrire  l'his- 
toire de  Jacqueline  de  Bavière,  comtesse  de  Hainaut,  de  Hollande  et  de 
Zélande,  et  dame  de  Frise.  Le  prix  est  de  600  francs.  —  3°  Faire  l'his- 
toire des  finances  publiques  de  la  Belgique,  depuis  1830,  en  appréciant, 
dans  leurs  principes  et  dans  leurs  résultats,  les  diverses  parties  de  la  légis- 
lation.  et  les  principales  mesures  administratives  qui  s'y  rapportent.  Le 
travail  s'étendra  d'une  manière  sommaire  aux  finances  des  provinces  et  des 
communes.  Le  prix  est  de  mille  francs.  —  i"  Faire  connaître  l'inlluence  de 
la  poésie  néerlandaise  (flamande  et  hollandaise)  sur  la  poésie  allemande,  et 
réciproquement,  de  la  poésie  allemande  sur  la  poésie  néerlandaise  au  moyen 
âge.  Le  prix  est  de  600  francs.  —  b"  Faire  l'histoire  de  l'échevinage  dans 
les  anciennes  provinces  belgiques  et  la  principauté  de  Liège.  Rappeler  à 
grands  traits  ses  origines,  ses  caractères,  son  organisation,  son  influence, 
ses  transformations  jusqu'à  la  chute  de  l'ancien  régime.  Le  prix  est  de  mille 
francs. —  Les  mémoires  devront  être  adressés,  francs  de  port,  avant  le  1''  fé- 
vrier 1879,  à  M.  J.  Liagre,  secrétaire  perpétuel,  au  Palais  des  Académies 
(ancien  Palais  Ducal). 

L'Académie  proroge  jusqu'au  1"  février  1880  les  deux  concoursde  Stassart 
et  de  Saint-Génois,  savoir  :  —  Grand  prix  de  Stassart.  Apprécier  l'influence 
exercée  au  seizième  siècle  par  les  géographes  belges,  notamment  par  Wer- 
cator  et  Ortélius.  Donner  un  exposé  des  travaux  relatifs  à  la  science  géogra- 
phique qui  ont  été  publiés  aux  Pays-Bas,  et  de  ceux  dont  ces  pays  ont  été  l'objet 
depuis  l'invention  de  l'impi'imerie  et  la  découverte  de  l'Amérique  jusqu'à 
l'avènement  des  archiducs  Albert  et  Isabelle.  On  s'attachera,  à  la  fois,  à 
signaler  les  œuvres,  les  voyages,  les  tentatives  de  toute  espèce  par  lesquels 
les  Belges  ont  augmenté  la  somme  de  nos  connaissances  géographiques,  et 
à  rappeler  les  publications  spéciales,  de  quelque  nature  qu'elles  soient,  qui 
ont  fait  connaître  nos  provinces  à  leurs  propres  habitants  et  à  l'étranger. 
Le  prix  est  de  trois  mille  francs.  —  Prix  de  Saint-Génois,  pour  le  meilleur 
travail,  rédigé  en  flamand,  en  réponse  à  la  question  suivante  :  De  betrek- 
kingen  aanduiden,  die  in  verschillende  tijdperken  hebben  bestaan  tusschen 
de  vlaamsche  poèzie  en  de  ontwikkeling  van  het  vaderlandsch  en  nationaal 
gevoel,  en  den  invloed  bepalen  dien  zij  onder  dit  opzicht  heeft  gehad. 
Indiquer  les  rapports  qui,  à  diverses  époques,  ont  existé  entre  la  poésie 
flamande  et  le  développement  du  sentiment  patriotique  et  national,  et  dé- 
terminer l'influence  qu'elle  a  exercée  dans  cet  ordre  d'idées.  Le  prix  est  de 
quatre  cent  cinquante  francs.  Les  manuscrits  devront  être  envoyés  avant 
le  1^'  février  1880. 

L'Académie  propose,  pour  le  concours  quinquennal  du  prix  Teirlinck,Ia 
question  suivante  :  Faire  l'histoire  de  la  prose  néerlandaise  avant  Marnix  de 

Avril  1878.  T.  XXII,  24. 


—  370  — 

Sainte-Aldegonde.  Le  prix  sera  de  mille  francs.  Les  manuscrits,  qui  peuvent 
ôire  rédigée  en  français, en  flamand  ou  en  latin,  devront  ôtre  remis  avant  le 
i^'  février  1882. 

Elle  décernera,  pour  la  première  fois,  en  1887,  le  prix  décennal  Antoon 
Bergmann.  Un  prix  de  deux  mille  deux  cent  cinquante  francs  à  l'auteur  de 
la  meilleure  histoire  ou  monographie,  qui  aura  été  publiée  en  flamand, 
du  1er  février  1877  au  1er  février  1887,  nu  sujet  d'une  ville  ou  d'une  com- 
mune comptant  5,0G0  habitants  au  moins,  et  appartenant  à  la  province 
d'Anvers. 

La  classe  des  beaux-arts  met  au  concours  pour  1879  les  questions  sui- 
vantes :  —  1°  Faire  l'histoire  de  l'architecture  qui  florissait  en  Belgique 
pendant  le  cours  du  dix-septième  siècle  et  du  commencement  du  seizième, 
architecture  qui  a  donné  naissance  à  tant  d'édifices  civils  remarquables, 
tels  que  halles,  hôtels  de  ville,  beffrois,  sièges  de  corporations,  de  jus- 
tice, etc.  Décrire  le  caractère  et  l'origine  de  l'architecture  de  cette  période. 
Le  prix  est  de  1,000  francs.  ■ —  2,,  Faire  une  étude  critique  sur  la  vie  et  les 
œuvres  de  Grétry,  étude  fondée,  autant  que  possible,  sur  des  documents 
de  première  main;  donner  l'analyse  musicale  de  ses  ouvrages,  tant  publiés 
que  restés  en  manuscrit;  enfin,  déterminer  le  rôle  qui  revient  à  Grétry  dans 
l'histoire  de  l'art  au  dix-huitième  siècle.  Le  prix  est  de  800  francs.  — 
3°  Déterminer,  en  s'appuyant  sur  des  documents  authentiques,  quel  a  été, 
depuis  le  commencement  du  quatorzième  siècle  jusqu'à  l'époque  de 
Rubens  inclusivement,  le  régime  auquel  était  soumise  la  profession  de 
peintre,  tant  sous  le  rapport  de  l'apprentissage  que  sous  celui  de  l'exercice 
de  l'art,  dans  les  provinces  constituant  aujourd'hui  la  Belgique.  Examiner 
si  ce  régime  a  été  favorable  ou  non  au  développement  et  au  progrès 
de  l'art.  Le  prix  est  de  600  francs.  —  4°  On  demande  la  biographie  de 
Théodore-Victor  Van  Berckel,  graveur  des  monnaies  belges  au  siècle  der- 
nier, avec  la  liste  et  la  description  de  ses  principales  œuvres,  ainsi  que 
l'appréciation  de  l'influence  que  cet  éminent  artiste  a  pu  exercer  sur  les 
graveurs  de  son  époque.  Le  prix  est  de  600  francs.  Les  mémoires,  qui 
peuvent  être  rédigés  en  français,  en  flamand  ou  en  latin,  devront  être 
adressés  avant  le   1"  1879. 

—  Le  conseil  de  la  Société  des  arts  de  Londres  décernera  un  prix  de 
2,500  francs  et  une  médaille  au  meilleur  mémoire  historique  sur  l'art  de 
l'orfèvre  dans  le  présent  et  le  passé,  et  les  moyens  pratiques  de  le  déve- 
lopper et  perfectionner.  11  faut  signaler  les  chefs-d'œuvre  produits  dans  les 
difî'érentes  contrées,  et  exposer  les  obstacles  qui  ont  concouru  à  retarder  les 
progrès  de  l'art  en  Angleterre.  Les  mémoires  devront  être  adressés  au 
secrétaire  de  la  Société  des  arts,  John  street,  Adelphi,  à  Londres. 

—  Le  comité  des  concours  de  poésie  et  de  composition  musicale  vient 
d'arrêter,  de  concert  avec  les  fondateurs  de  prix,  le  nombre  définitif  des 
médailles  à  décerner  en  1878.  Pour  la  poésie:  une  médaille  de  3,000  fr.; 
une  de  2,000fr.:  deux  de  1,000 fr.;  trois  de  500  fr.;  quinze  de  100  francs. 
Même  nombre  et  même  chiffre  pour  la  musique.  Les  quatre  prix  princi- 
paux sont  attribués  à  :  l'odc-symphonie,  le  drame  lyrique,  le  ballet  et  l'orU' 
t07'io.  Des  prix  supplémentùres  pourront  être  distribués. 

—  La  Société  française  d'hygiène  met  au  concours  la  question  suivante  : 
Faire  connaître  d'une  manière  succincte,  et  dans  les  limites  d'une  brochure 
in-12,de  32  pages,  les  meilleures  conditions  de  l'éducation  de  la  première 
enfance  :  lo  Au  point  de  vue  de  la  nourriture,  depuis  le  jour  delà  naissance, 
jusqu'au    moment  où  l'enfant   peut  faire   usage  d'aliments  usuels.  Insister 


—  371  — 

particulièrement  sur  l'allaitement  maternel;  démontrer  que  l'allaitement 
artificiel  ne  peut  suppléer  le  premier  que  dans  les  cas  de  nécessité  absolue. 
2*^  Au  point  de  vue  du  vêtement  (signaler  les  pratiques  mauvaises  et  celles 
[jui  réalisent  les  meilleures  conditions  ;  indiquer  tous  les  soins  corporels  que 
nécessite  le  premier  âge).  3^  Au  point  de  vue  de  l'habitation  (faire  cnnnaitre 
les  avantages  de  l'exposition,  de  l'aération  et  de  la  propreté).  Dans  le  déve- 
loppement des  difféieats  points  du  programme,  on  tiendra  compte  des  con- 
iitions  actuelles  des  personnes  auxquelles  on  s'adresse,  et  l'on  évitera 
surtout  les  théories  purement  idéales  applicables  aux  classes  privilégiées, 
.es  récompenses  consister(jnt  en  une  médaille  d'or  et  en  deux  médailles 
l'argent.  —  Les  mémoires,  écrits  en  français,  devront  être  parvenus  au 
iecrétariat  de  la  Société  française  d'hygiène,  71,  rue  des  Saints-Pères,  le 
1er  juin  1878. 

—  L'Académie  de  Mâcon  met  au  concours  une  pièce  de  vers  sur  Lamar- 
;ine,  à  l'occasion  de  l'inauguration  de  sa  statue.  Les  poèmes  ne  devront 
jas  contenir  plus  de  deux  cents  vers.  Ils  devront  être  adressés  avant  le 
io  juillet  à  M.  le  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  de  Mâcon. 

LkCTDRES  FAITES  A  l'AcADÉMIE  DES    SCIENCES  MORALES  ET  POLITIQUES.  — DanS  le3 

iéancesdes2etl6  mars,M.Baudiillart  a  continué  la  lecture  de  son  mémoire  sur 
'état  des  populations  agricoles  en  Normandie,  au  sujet  duquel  M.  H.  Passy 
a  présenté  des  observations.  Dans  la  séance  du  2  mars.  M',  le  Secrétaire 
)erpétuel  adonné  lecture  d'une  notice  sur  Laromiguière,  par  M.  G.  Com- 
)ayré.  —  Dans  les  séances  des  9,  16,  23et  30, M.  Rosseuw-Saint-Hilaire  adonné 
a  lecture  d'un  fragment  inédit  de  son  histoire  d'Espagne,  relatif  au  drame 
lel'Escurial  (1806).  —  Dans  la  séance  du  23,  M.  E.  Levasseur  a  présenté, au 
ujet  d'un  ouvrage  de  M.  Ilimly,  sur  la  formation  territoriale  des  Etats  de 
'Europe  centrale,  des  considérations  sur  les  causes  qui  ont  amené  les  chan- 
gements successifs  dans  la  carte  politique  de  l'Europe.  —  Dans  la  séance  du 
10,  M.  L.  Aucoc  a  commencé  la  lecture  d'un  mémoire  sur  les  recours  pour 
ixcès  de  pouvoirs  devant  le  Conseil  d'Etat. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Dans  la 
éance  du  13  mars,  M.  Ferdinand  de  Lasteyrie  a  fait  une  communication  sur 
les  objets  d'orfèvrerie  trouvés  dans  un  tombeau  antique  à  Ravenne.  M.  le 
•résident  a  communiqué  une  note  de  M.  E.  Fernique  sur  les  fouilles  faites 
ous  sa  direction  à  Prénesle,  et  une  autre  note  de  M.  Maurice  Albert  sur  la 
iécouverte  d'une  statue  dans  le  sol  de  la  Piazza  di  Pietra  à  Rome.  M.  Si- 
aéon  Luce  a  lu  un  mémoire  sur  les  juifs  sous  Charles  V  et  le  fonds  hébraïque 
lu  trésor  des  chartes  en  1372.  —  Dans  les  séances  du  1"  et  du  15,  M.  E. 
levillout  a  continué  la  lecture  de  son  mémoire  sur  les  études  démotiques. 
-  Dans  les  séances  du  8  et  du  22,  M.  Clermont-Ganneau  a  fait  une  communi- 
ation  sur  le  tombeau  du  Prophète.  Dans  la  séance  du  8,  M.  Léon  Renier  a 
omrauniqué  une  lettre  de  M.  Cherbonneau  relative  à  une  inscription  prove- 
ant  des  ruines  de  Hadjar-er-Roum  et  remontant  au  règne  de  Trasamond, 
oi  des  Vandales.  —  Dans  les  séances  du  l"et  du  8,  M.Max-Deloche  a  achevé  la 
icture  de  son  mémoire  sur  les  invasions  gauloises  en  Italie. —  Dans  la  séance 
u  15,  M.  Dumont,  directeur  de  l'Ecole  française  d'Athènes,  a  fait  connaître 
ar  lettre  les  résultats  de  fouilles  entreprises  à  l'Acropole.  M.  Ernest  Renan 

fait  des  observations  au  sujet  d'une  inscription  en  grec  et  en  phénicien, 
écouverte  à  Délos,  par  M.  HomoUe.  M.  Lèopold  Delisle  a  fait  une  communi- 
ition  au  sujet  d'une  chronique  parisienne  du  temps  de  saint  Louis,  qu'il  a 
iécouverte  dans  un  manuscrit  du  British  Muscum.  —  Dans  la  séance  du  22» 


—  372  — 

M.  de  Rozière  a  communiqué  la  première  partie  d'un  mémoire  relatif  aux 
statuts  anciens,  de  la   ville  de   Rome.   M.  le  marquis  d'Hervey-Saint-Denis 
fait  une   communication  sur    un  cachet  chinois  en  jade,  qu'il   a  reçu  de 
M.  Léopold  Delisle .  —  Dans  la  séance  du  29,  M.  Charles  Jourdain  a  commencé 
la  lecture  d'un  mémoire  sur  l'Université  de  Paris  au  temps  d'Etienne  Marcel. 
La  Commission  royale  d'histoire  de   Belgique.  —  La  Commission,  royale 
d'histoire  Belgique,  quia  pour  président  M.  Kervyn  de  Lettenhove,  et  pour 
secrétaire  M.  Gachard,  a  fait  paraître,  en  1877,  trois    volumes  in-4-.   —  I. 
La  Bibliothèque  nationale  de  Paris.  Notices  et  extraits  des  manuscrits  qui  cou-' 
cernent  l'histoire  de  Belgique,  tome  11,  par  M.  Gachard.  Ce  volume,  de  vi  et 
612  pages,  contient  l'analyse  de    quatre-vingt-six   manuscrits,  rangés  sous 
trois  sections  :  Conférences   diplomatiques,  Traités,  Dépêches  des  ambassa- 
deurs. La  dernière  forme  la  plus  grande  partie  du  volume.  Elle  comprend 
les  correspondances  de  trois   ambassadeurs  de  France  envoyés  à  Charles- 
Quint,  de  cinq  ambassadeurs  qui  représentèrent  le  même  pays  à  la  cour  de 
Philippe  II,  et  de  trois  diplomates  que  Charles  IX  entretint  à  Bruxelles  au- 
près du  duc  d'Albe.  —  IL  Table  chronologique  des  chartes  et  diplômes  imprimés 
concernant  l' h  is  loi  re  de  Belgique,  tome  V,  par  M.Alphonse  Wauters.  Ce  tome 
n'a  pas  moins  de  x  et  817  pages;  il  s'étend  de  l'année  12aî  à  l'année  1279. 
l/époque  qu'il  embrasse  estcelle  de  la  guerre  des  d'Avesnes  et  des  Dampierre  ; 
celle  qui  vit  mourir  le  roi  des  Romains,  Guillaume  de  Hollande,  le  principal 
protecteur  des  d'Avesnes,    et  saint  Louis,  le  médiateur  entre  ceux-ci  et  les 
Dampierre;   qui  vit  commencer  et  finir  l'interrègne  dans  l'empire   d'Alle- 
magne et  se  terminer,  par  l'expédition  de  Tunis,  la  période    des  Croisades. 
Après  Marguerite  de  Constantinople,  que  l'âge   condamne   enfin   au  repos; 
après  le  duc  Henri  111  de  Brabant,  le  protecteur  des  lettres  ;  après  l'évêque 
de   Liège  Henri  de   Gueldre,  dont  l'influence  fut  longtemps  prépondérante 
dans  la  Basse-Lotharingie,  apparaissent  Guy  de  Dampierre,  son  neveu  Jean 
d'Avesnes  et  Jean  I«^  dont  la  personnalité  s'affirme  plus  que  celle  des  au- 
tres princes  de  son  temps.  Le  tome  V  de  la  Table  contient  les  analyses  d'un 
nombre  énorme  de  documents  qui  se  rapportent,  soit  aux  personnages  dont 
nous  venons  de   parler,  soit  aux  seigneurs,  aux  ecclésiastiques,  aux  lettrés 
ayant  été  en  relation  avec  eux,  soit  aux  populations  et  aux  communautés 
de  tout  genre  sur  lesquelles  s'élendait  leur  autorité.  Des  tables  très-détail- 
lées  des  noms  des  personnes  et  des  lieux  y  rendent  les   recherches   faciles. 
Dans  l'introduction.  M.- Wauters,  s'appuyant  des  faits  qui  ressortent  de  tous 
les  documents  dont  il  donne   l'énumération,  montre  de  quelle  importance 
est  le  secours  que  la  diplomatique  peut  apporter  à  l'histoire.  —  III.  Chronique 
de  Liège  de  Jean  de  Prcis,  ditd'Outremeusc,  t.  IV,  éditeur  M.  Stanislas  Bormans. 
Ce  volume  de  824  pages  comprend  :  Le  complément  du  livre  II   de  la  chro- 
nique commençant  à  l'année  873  et  finissant  à  la  prise  de  Jérusalem  par 
l'empereur  Baudouin  1207;  La   Geste  de  Liège  correspondante  à  ce  com- 
plément;  Un   glossaire  où  l'éditeur  explique  les  mots  de ''ancien  langage 
wallon  qui  ne  figurent  pas  dans  les  lexiques  connus.  Une  table  chronologique 
des  matières. 

Le  tome  I"  de  la  Correspondance  du  cardinal  de  Granvelle  sera  prochaine- 
ment livré  au  public.  M.  Edmond  Poullet,  à  qui  a  été  confiée  l'édition  de  ce 
recueil,  n'a  rien  négligé  pour  le  rendre  aussi  complet  que  possible.  Le  tome 
qui  va  voir  le  jour  commence  au  20  novembre  lo6o  (c'est  la  date  à  laquelle 
s'arrêtent  les  Papiers  d'État  du  cardinal,  publiés  dans  la  collection  de  docu- 
ments inédits  sur  l'histoire  de  France)  ;  il  va  jusqu'au  29  septembre  1366. 


—  373  — 

Cinq  volumes  sont  en  cours  d'impression  :  —  Les  grandes  chroniques  de 
F/a?irfrc, éditeur  M.  le  baron  Kervynde  Lettenhove;  — un  corps  de  chroniques 
des  Pays-Bas  et  du  Brabant  en  particulier,  écrites  en  langue  flamande, 
éditeurM.  Charles  Piot  ;  —  le  tome  VI  de  la  Tahlc  chronologique  des  chartes  et 
diplômes  concernant  Vhisioire  de  la  Belgique,  par  M.  Alphonse  Wauters  ;  le  tome 
III  des  Voyages  des  souverains  des  Pays-Bas^  éditeur  M.  Gachard.  —  Les  grandes 
chroniques  de  Flandre  îovmeroni  deux  volumes. 

La  Commission  a  proposé  de  confier  la  traduction  et  la  publication  d'une 
histoire  inédite  des  troubles  des  Pays-Bas,  écrite  en  espagnol,  et  dont  le  ma- 
nuscrit est  conservé  à  la  Bibliothèque  nationale,  à  Paris,  à  M.  Alfred  Morel- 
Fatio,  attaché  à  cet  établissement,  et  la  publication  d'un  cartulaire  de  l'ab- 
baye d'Orval  préparée  à  Arlon  par  les  soins  du  P.  Goffinet.  de  la  compagnie 
de  Jésus.  Elle  a  discuté  le  projet,  qui  lui  a  été  soumis  par  M.  Piot,  de  former 
et  de  mettre  en  lumière  un  recueil  de  chartes,  keures  et  règlements  des 
corps  de  métiers  depuis  leur  origine  jusqu'à  leur  suppression  lors  de  la  réu- 
nion de  la  Belgique  à  la  France.  Avant  de  prendre  une  résolution  définitive, 
la  commission  a  cru  devoir  prier  l'auteur  de  la  proposition  de  dresser  des 
listes  préparatoires  des  documents  qui,  selon  lui,  entreraient  dans  le  recueil 
dont  il  a  conçu  l'idée. 

Mandements  pour  le  Carême.  —  Aire  :  Les  attaques  dont  le  clergé  est 
l'objet.  —  Aix  :  Les  épreuves  et  le  triomphe  de  l'Église.  —  Alby  :  La  néces- 
sité sociale  de  la  religion.  —  Amiens  :  L'observation  du  dimanche.  —  Angers: 
La  papauté,  à  propos  de  l'élection  de  N.  S. -P.  le  Pape  Léon  XIU;  —  Angou- 
LÊME  :  L'insuffisance  de  l'honnêteté  naturelle  pour  le  salut.  —  Annecy  : 
L'enseignement  de  l'Église.  —  Arras  :  Ces  paroles  de  saint  Paul  :  «  Vous 
êtes  le  temple  de  Dieu.  »  —  Auch  :  Le  décret  pontifical  qui  décerne  à  saint 
François  de  Sales  le  titre  de  docteur  de  l'Église.  —  Autun  :  La  tempérance. 
Avignon  :  Notre  Saint-Père  le  Pape  Pie  IX.  —  Bayonne  :  L'élection  du  souve- 
rain pontife  Léon  XIII.  —  Beauvais  :  Vicaires  capitulaires  ;  les  derniers 
avertissements  de  M^""  Gignoux.  —  Besançon  :  Le  miracle  de  Faverney.  — 
Blois  ;  L'oubli  de  Dieu.  —  Bordeaux  :  L'élection  de  S.  S.  le  Pape  Léon  XIII. 

—  Bourges  :  Le  millénaire  de  sainte  Solange,  patronne  du  Berry.  —  Cambrai  : 
Les  préventions  qu'on  inspire  aux  classes  populaires  contre  la  religion  et 
ses  ministres.  —  Carcassonne  :  Le  devoir  pascal.  —  Chalons  :  La  charge 
épiscopale  ;  Pie  IX  considéré  comme  pasteur.  —  Constantine  :  L'élection 
de  notre  Saint-Père  le  Pape  Léon  Xlll.  —  Coutances  :  Saint  Michel,  sa 
nature,  ses  grandeurs  et  la  place  qu'il  tient  dans  le  plan  divin.  — 
Évreux  :  Les  offices  du  dimanche.  —  Gap  :  L'oubli  de  la  vie  future.  —  Gre- 
noble :  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  considéré  comme  juge  souverain.  — 
Langres  :  La  primauté  du  Siège  apostolique.  —  Laval  :  L'action  de  la 
Providence  dans  le  monde  et  dans  l'Église.  —  Limoges  :  Le  zèle  religieux 
des  laïques.  —  Luçon  :  L'autorité  paternelle  et  l'éducation.  —  Lyon  :  La 
prédication  et  l'observation  de  la  parole  sainte.  —  Le  Mans  :  La  mauvaise 
presse.  —  Marseille  ;  La  conscience.  —  Montauban  :  Nos  devoirs  envers  la 
Papauté.  —  Montpellier  :  La  vie  et  la  mort  de  Pie  IX.  —  Nevers  :  La  néces- 
sité de  la  pénitence.  —  Nice  :  La  prise  de  possession  de  son  diocèse.  — 
NiMES  :  La  restauration  du  dimanche.  —  Oran  :  L'ignorance  en  matière  reli- 
gieuse. —  Orléans  :  Nécessité  de  la  prière.  —  Paris  :  La  guerre  faite  à  l'Église. 

—  Périguéux  :  Le  mariage  au  point  de  vue  moral  et  pratique.  —  Perpignan  : 
La  charité  chrétienne.  —  Poitiers  :  La  papauté,  à  propos  de  l'élection  du 
Pape  Léon  XIII.  —  Le  Puy  :  La  crise  morale  de  l'époque,  sa  vraie  cause  et  son 


—  374  — 

remède.  —  Quimper  :  L'éducation  chrétienne,  — Reims  :  L'Eucharistie  consi- 
"  aérée  comme  sacrifice.  —  Rennes  :  Les  destinées  de  l'Église.  —  Rochelle  (la)  : 
Les  petites  sœurs  des  pauvres.  —  Rodez  :  Des  progrès  de  l'impiété  contem- 
poraine, et  des  devoirs  des  fidèles  en  face  de  cette  situation.  —  Rouen  :  Le 
culte  des  morts.  —  Saint-Claude  :  Les  avantages  de  la  sanctification  du 
dimanche.  —  Saint-Flour  :  Le  salut.  —  Toulouse  :  L'ignorance  de  la  reli- 
gion. —  Tours  :  La  foi.  —  Valence  :  Les  devoirs  des  catholiques  envers  la 
papauté.  —  Vannes  :  L'ignorance  en  matière  de  religion.  —  Versailles  : 
L'amour  de  l'Église.  —  Viviers  :  Du  danger  des  mauvaises  lectures. 

Le  Vivarais  et  le  Dauphiné  aux  jeux  floraux  de  Toulouse.  —  Sous  ce 
titi'e,  M.  Firmin  Boissin  nous  donne  une  brochure  gr.  in-8  de  HO  pages 
(Vienne,  Savigné,  1878),  qui  a  très-bonne  mine  et  qui  est  fort  intéressante. 
L'auteur,  dont  tous  ici  connaissent  le  style  si  agréable,  le  goîit  si  pur  et  le 
savoir  si  étendu,  a  mis  ses  meilleures  qualités  dans  les  notices  qu'il  consacre 
aux  poètes  et  écrivains  du  Dauphiné  et  du  Vivarais  qui  ont  obtenu  des  prix 
devant  l'Académie  des  Jeux  floraux  :  Bernard  de  Saint-Martin  —  qui  n'est 
autre  que  le  fameux  Gentil-Bernard,  comme  le  démontre  M.  Boissin,  dont 
la  découverte  est  fort  curieuse;  —  le  Père  Théodore  Lombard,  Louis- 
Etienne  Bouchon,  Brabant,  la  marquise  de  la  Gorce,  Pierre  Espic,  Victorin 
Fabre,  M"*  Félicie  d'Ayzac,  Bonnefous  de  Verdalle,  Ernest  Perrossier,  Léonce 
Fabre  des  Essarts,  M.  Bouvagnet  et  M.  L.  Marie.  Ces  notices,  entrecoupées 
de  citations  heureusement  choisies,  sont  aussi  exactes  quant  à  la  biographie 
que  judicieuses  quant  à  l'appréciation  littéraire;  elles  sont  suivies  de  spiri- 
tuelles digi^essions  académiques  tt  d'une  éloquente  conclusion  adressée  aux 
jeunes  poètes,  qui  y  trouveront  les  plus  nobles  conseils,  et  précédées  d'un 
Cûxip  d'œil  hisiorique  sur  l'Académie  des  jeux  floraux  qui  mériterait  une  ap- 
probation sans  réserve,  si  M.  Boissin  —  pour  fournir  sans  doute  à  ses 
critiques  l'occasion  de  rompre,  par  un  .léger  reproche,  la  monotonie  d'un 
éloge  conlinu  —  n'avait  (note  de  la  p.  3)  pris  la  défense  d'une  cause  insou- 
tenable, celle  de  l'existence  de  Clémence  Isaur^i  et  de  Clotilde  de  Surville, 
lesquelles  ne  sont  que  de  gracieux  fantômes,  comme  j"ai  cherché  à  le 
montrer,  pour  l'une,  dans  les  Vies  des  poêles  gascons  (1866,  p.  43-46),  et  pour 
l'autre  dans  la  Revue  des  questions  historiques  (octobre  1873,  p.  587-608).  — 
T.  DE  L. 

Statuts  de  l'Université  d'Angers.  —  M.  Cél.  Port,  qui  ne  se  repose  des 
fatigues  de  la  publication  des  trois  gros  volumes  de  son  Dictionnaire  de 
Maine-et-Loire  qu'en  nous  donnant  d  autres  excellents  travaux,  a  fait  im- 
primer (Angers,  Lachèse  et  Dolbeau,  1878,  petit  in-8  de  vi-75  p.  sur  papier 
vergé,  tiré  à  200  exemplaires)  les  Statuts  des  quatre  facultés  de  l'Utjiversité 
d'Angers  {Slatuta  Universitatis  Andegavensis,  1464-1494).  Ces  documents, 
précédés  d'une  notice  qui  dit  en  peu  de  mots  tout  ce  qu'il  y  avait  à  dire  sur 
lear  origine  et  leur  importance,  sont  accompagnés  de  courtes  et  claires  notes 
où  se  reflète  le  net  et  vjf  esprit  de  l'auteur.  L'opuscule,  orné  d'une  repro- 
duction (lu  sceau  du  recteur  de  1  Université  d'Angers  au  quinzième  siècle, 
est  d'autant  plus  digne  d'attention  que  nous  possédons  moins  de  statuts 
universitaires  aussi  anciens  et  aussi  complets.  Les  érudits  le  rechercheront 
et  accueilleront  avec  joie  l'espérance  que  nous  donne  en  ces  ternies  (p.  v.) 
le  savant  éditeur  :  «  Mon  petit  recueil,  tel  quel,  s'il  est  bien  venu,  pourra 
former  facilement  le  début   d'une  collection    de   Variétés  angevines.  »  — 

T.  DE  L. 


—  375  — 

Le  Duc  de  Saint-Simon  et  le  cardinal  Gualterio.  —  M.  Armand  Baschet 
a  donné  au  Cabinet  historique  (livraison  de  janvier  1878)  un  important 
mémoire  sur  la  recherche  de  la  correspondance  du  duc  de  Saint-Simon  et 
du  cardinal  Gualterio  (1706-1728).  Le  tirage  à  part  forme  une  brochure  de 
39  pages  (Paris,  Alphonse  Picard)  que  je  ne  saurais  trop  recommander  aux 
curieux.  M.  Baschet  raconte  en  un  style  charmant  tout  ce  qu'il  a  fait,  en 
France,  en  Italie  et  en  Angleterre,  pour  se  procurer  les  mille  et  quelques 
lettres  que  le  duc  de  Saint-Simon  dut  écrire,  pendant  vingt  années,  à  son 
ami  messire  Philippe-Antoine  Gualterio.  Lardent  chercheur  n'a  malheu- 
reusement rien  retrouvé  d'une  correspondance  qui  serait  si  précieuse  tant 
pour  l'histoire  que  pour  la  littérature,  et  il  a  acquis  la  triste  conviction  que 
ce  trésor  est  à  jamais  perdu;  mais  nous  avons,  du  moins,  gagné  à  ses  in- 
fructueuses recherches  un  opuscule  des  plus  intéressants,  où  l'on  remar- 
quera surtout  une  savante,  lumineuse  et  complète  notice  sur  le  correspon- 
dant de  Saint-Simon  (p.  8-20).  Après  avoir  tracé  de  l'habile  diplomate  un 
portrait  en  pied  qui  est  d'une  ressemblance  frappante,  M.  Baschet  nous 
donne  d'abondants  détails  sur  la  collection  des  papiers  Gualterio  conservés 
au  British  Muséum.  M.  Baschet  a  retrouvé,  dans  cette  collection,  4o  lettres 
inédites  de  Saint-Simon  à  l'abbé  Gualterio,  neveu  du  cardinal.  Il  en  repro- 
duit une  (p.  26),  du  30  septembre  1728,  qui  est  des  plus  curieuses,  car  elle 
renferme  des  renseignements,  qui  n'existent  nulle  autre  part,  sur  la  destruc- 
tion de  la  correspondance  de  vingt  ans,  et  il  laisse  le  soin  de  publier  les 
autres  à  M.  de  Boislisle,  duquel  il  parle,  h  propos  de  l'édition  définitive  des 
Mémoires,  avec  une  conQance  égale  à  celle  que  j'expi'imais  ici  l'autre  jour, 
—  T.  deL. 

Un  exemplaire  unique  des  fables  de  La  Fontaine,  —  M.  Feuillet  de  Couches, 
jadis  maître  des  cérémonies  du  palais  impérial  et  introducteur  des  ambassa- 
deurs, est  bien  connu- par  son  goût  éclairé  pour  les  autographes  et  les 
raretés;  ses  Causeries  d'un  curieux  (4  vol.  in-8,  1854-67)  ont  obtenu  un  légi- 
time succès.  Il  a  récemment  publié  un  volume  des  plus  attachants  :  Souvenirs 
de  première  jeunesse  d'un  curieux  septuagénaire  (in-8,  xxi  et  423  p.).  Cent 
exemplaires  seulement  ont  été  lires  «  pour  distribution  privée,  »  à  ce  que 
nous  annonce  le  frontispice.  Il  ne  sera  donc  permis  qu'à  un  bien  petit 
nombre  de  privilégiés  de  posséder  ce  livre,  abondant  eu  informations  pi- 
quantes sur  les  savants,  sur  les  littérateurs  des  vingt-cinq  premières  années 
du  siècle.  Nuus  nous  bornerons,  aujoui'd'hui  du  moins,  à  lui  emprunter 
quelques  détails  sur  un  exemplaire  des  Fables  orné  de  dessins  effectués 
dans  tous  les  pays,  projet  audacieux  qui  ne  pouvait  être  mené  à  bonne  fin 
que  grâce  à  la  persévérance  enthousiaste  de  M.  Feuillet  de  Couches  et  aux 
ressources  que  lui  procuraient  ses  relations  diplomatiques.  Le  gr^nd  papier 
de  l'édition  des  classiques  de  Lefebvre  fut  pris  pour  base;  un  autre  format 
que  rin-8  eût  rendu  le  projet  d'une  exécution  à  peu  près  impossible.  Des 
feuillets  furent  envoyés  dans  les  principales  capitales  de  l'Europe,  d'autres  à 
la  Chine,  au  Japon,  au  Caire;  des  artistes  de  Patna  et  de  Cachemire  four- 
nirent des  dessins  en  couleur,  où  les  ciels  sont  d'or  et  les  eaux  d'argent,  de 
vrais  chefs-d'œuvre  ;  il  vint  de  la  Chine  de  nombreux  dessins  admirable- 
ment réussis  et  où  les  mœurs  des  habitants  du  Céleste-Einpire  se  développent 
à  plaisir,  tout  en  rendant  à  merveille  la  pensée  du  fabuliste.  Le  Japon  se 
dislingna;  ses  dessins  sonl  exquis  et  d'un  goût  charmant.  Les  plus  étranges 
de  ces  illustrations  furent  celles  que  l'infatiguable  Curieux  alla  demander  à 
l'Abyssinie;  elles  sont   d'une  sauvagerie  qui  va  jusqu'au  grotesque. 


~  376  — 

Indiquons  les  sujets  qu'ont  abordés  de  célèbres  artistes  européens  ayant 
répondu  à  l'invitation  de  M.  Feuillet  de  Conches  :  Ingres,  PhiUmon  et 
Buucis;  Descamps,  la  Tortue  el  les  deux  Canards,  et  le  Dragon  à  plusieurs 
têtes;  Orsel,  le  Vieillard  et  ses  deux  Enfants;  Horace  Vernet^  le  Lion  et  le 
Chasseur;  M"°  Rosa  Bonheur,  le  Loup  et  le  Chien;  Sigalon,  bémocrite  chez  les 
Abdcritains  ;  Eugène  Delacroix  a  traité  avec  une  lierté,  une  colère  de  plume 
inexprimable,  h  Lion  malade  et  le  Renard,  le  Lion  et  la  Mouche;  Charlet, 
Granville,  les  Johannot,  Deveria,  et  bien  d'autres. 

Parmi  les  artistes  étrangers,  nommons  Daniel  Wilkie,  le  Satyre  et  le 
Passant;  Edwin  Landseer,  le  Lion  malade  entouré  de  sa  cour;  G.  Cruikshank, 
Un  fou  et  un  sage  ;  Newton  Fielding,  les  Oreilles  du  lièvre  (chef-d'œuvre 
d'une  plume  jeune  et  légère.)  N'omettons  pas  le  célèbre  dessinateur  Retzsch, 
de  Dresde,  qui,  chargé  du  sujet  si  connu  du  Coup  de  pied  de  VAne,  trouva 
que  l'Aliboron  était  trop  peu  noble  :  il  y  substitua  un  cheval. 

Nous  en  avons  dit  assez  pour  montrer  quelle  est  la  inchesse  du  monument 
unique  en  son  genre  que  le  Curieux  (c'est  toujours  ainsi  qu'il  se  désigne)  a 
élevé  à  la  mémoire  de  l'homme  de  génie  que,  dans  une  lettre,  inédite  jus- 
qu'ici, Chateaubriand  appelle  sa  divinité  favorite  :  «  Je  ne  puis  finir  quand 
«  je  parle  de  Jean.  Sa  réputation,  certes,  est  immense  et  populaire;  eh 
«  bien!  je  soutiens  qu'on  ne  le  connaît  pas  encore,  et  bien  peu  d'hommes 
«  savent  ce  qu'il  vaut.  » 

Lk  Droit  du  seigneur.  —  Dans  le  dernier  numéro  du  Polyhiblion  (p.  278), 
à  propos  d'une  brochure  sur  le  Droit  du  seigneur,  nous  avons  laissé  passer, 
par  suite  d'une  regrettable  distraction,  quelques  lignes  qui  nécessitent  une 
rectification,  et  même  un  acte  d'amende  honorable.  Sans  remarquer  que  la 
brochure  récemment  publiée  à  Rouen,  —  et  non  à  Gand  comme  on  l'a  im- 
primé, —  était  la  réimpression  d'une  brochure  éditée  à  Gand  en  1817, 
on  a  fait  un  injuste  reproche  à  l'auteur  d'avoir  négligé  des  travaux 
qui,  par  le  fait,  n'ont  paru  que  plusieurs  années  après  sa  mort.  Il 
reste  donc  acquis  que  l'étude  de  J.-J.  Raepsaet,  telle  qu'elle  a  paru  il  y 
a  soixante  ans,  démontrait  déjà  victorieusement  l'absurdité  de  l'opinion 
qui  soutient  l'existence  légale  du  droit  du  seigneur;  que  les  arguments  du 
savant  belge  sont  en  partie  les  meilleurs  qui  ont  été  invoqués  après  lui; 
que  c'est  un  regrettable  oubli,  de  la  pai't  des  érudits  français,  d'avoir  omis 
de  citer  leur  devancier,  en  s'appuyant  sur  son  autorité.  —  A.  de  B. 

Vente  de  la  Bibliothèque  de  M.  Robert  S.  Turner.  —  Le  thermomètre 
de  la  bibliomanie  monte,  monte  sans  cesse  ;  il  a  atteint  une  hauteur  que 
personne  n'aurait  osé  prévoir;  c'est  avec  une  ardeur  sans  exemple  que 
d'opulents  amateurs  se  disputent  des  livres  d'une  extrême  rareté,  des 
volumes  ayant  appartenu  à  des  personnages  célèbres,  d'anciennes  et  somp- 
tueuses reliures  ;  cette  faveur  ne  se  porte  d'ailleurs  que  sur  ce  qui  est  d'une 
rareté  exceptionnelle,  d'une  beauté  parfaite;  les  livres  ordinaires,  en  condi- 
tion médiocre,  n'y  ont  aucune  part. 

Un  riche  Anglais,  M.  Robert  Turner,  s'était  proposé  de  réunir  les  monu- 
ments les  plus  précieux,  les  pièces  les  plus  rares  des  diverses  littératures 
d'Europe  ;  il  s'est  trouvé  en  face  de  l'encombrement,  et  il  a  pris  le  parti  de 
livrer  aux  enchères  parisiennes  ce  qu'il  possédait  de  mieux  en  livres  français, 
en  y  joignant  quelques  ouvrages  latins. 

La  vente  a  eu  lieu  le  12  mars  et  les  quatre  jours  suivants.  Le  catalogue 

a  été  rédigé  par  un  libraire  fort  instruit,  M.  Adolphe  Labitte,  en  possession 

.  de  procéder  à  ces  ventes;  ce  catalogue  comprend  774  numéros^  et  il  ren- 


—  377  — 

ferme  quelques  noies  offrant  sur  certains  ouvrages  rares  des  détails  nouveaux 
et  intéressants  (voir  n"  361,  439,  611,  etc,).  Plus  de  60  articles  ont  dépassé 
le  prix  de  1,000  fr.  Nous  allons  indiquer  les  plus  remarquables  de  ces  adju- 
dications, en  mentionnant  parfois  les  prix  auxquels  ces  mêmes  exemplaires 
avaient  été  cédés  dans  des  ventes  précédentes  :  rien  n'atteste  mieux  la  hausse 
énorme  qui  s'est  produite  sur  les  livres  précieux. 

Bihlia  sacra.  Parisiis,  1666,  in-i,  riche  reliure  ancienne,  o,600  fr.  — 
Psautier  de  David.  Paris,  1586,  in-4.  Exemplaire,  richement  relié,  d'un  de 
ces  livres  que  Henri  III  faisait  imprimer  pour  sa  chapelle  et  pour  l'usage  de 
sa  cour,  6,000  fr,  —  Le  Nouveau  Testament.  Mous,  1667,  2  vol.  in-8  (impres- 
sion elzévirienne),  1,430  fr.  — •  Historiarum  veteris  mstrumetiti  icônes. 
Lugduni,  1338,  in-4  (volume  recherché  à  cause  des  92  gravures  d'Holbein), 
3,000  fr.  —  Annotationes  Jacobi  Lopidis  conira  Erasmiim.  1319,  in-fol. 
Exempl.  de  Grolier,  le  plus  célèbre  des  bibliophiles  du  seizième  siècle, 
3,000  fr.  —  Response  au  livre  public  par  Vivcsquc  d'Evrcux.  Saumur,  1602, 
in-4.  Exempl.  de  l'auteur  Duplessis-Mornay,  avec  huit  vers  autographes, 
2,000  fr.  —  Dialogues  de  Bernardin  OcJiin  touchant  le  purgatoire  (Genève), 
1559,  in-8,  l,o00  fr.  Exempl.  adjugé  à  16  fr.,  vente  Mac  Carthy,  en  1816, 
et  142  fr.  Solar,  en  1861.  —  Essais  de  Montaigne.  Bonrdeaux.  1380.  Édition 
originale,  1,300  fr.  — Politique  tirée  des  propres  paroles  de  l'Écriture  sainte, 
parBossuet.  Paris,  1709,  in-4.  Très-bel  exempl.  aux  armes  du  duc  du  Maine, 
2,300  fr.  — De  gli  habiti  antichi  et  moderni...  fatti  da  Cesare  Vecellio.  Venetia, 
1590,  in-8.  2,480  fr.  —  Suite  d'estampes  pour  servir  à  l'histoire  des  mœurs  et 
des  costumes  des  Français.  Paris,  1776-1789,  in-fol.  (38  estampes  :  12  par 
Frendenberg,  26  par  Moreau),  3.300  fr.  —  Horatius.  Londini,  1733-1737, 
2  vol.  in-8.  Très-belle  reliure  de  Derome,  5,000  fr.  —  Le  Boman  de  la  Base 
s.  l.  ni  d.  (Lyon,  vers  1483).  In-fol.,  2,800  fr.  Exempl.  d'IIeber,  8  1.  st.  en 
1836,  mais  relié  depuis;  un  exempl.  de  cette  édition  n'avait  pas  dépassé 
7  fr.  20  en  1784;  \\n  autre,  relié  en  mar.,  170  fr.,  vente  Cailhava.  —  Le 
Roman  de  la  Rose.  Paris,  1329,  pet.  in-8,  1,000  fr.  Exempl.  Giraud,  299  fr., 
et  Solar,  335  fr.  —  OEuvres  de  Guillaume  Coquillart.  Paris,  1329,  pet.  in-8, 
5,450  fr.;  ce  même  exempl.,  18  fr.,  La  Vallière,  en  1784,  et  SlOfr.,  Renouard, 
en  1833,  prix  qui  avait  alors  paru  fort  élevé.  —  Le  Champion  des  dames  (par 
Martin  Franc),  s.  1.  ni  d.  (Lyon,  vers  1483),  in-fol..  2,900  fr.  (Poëme  fort 
ennuyeux  à  la  louange  des  femmes.)  —  Le  Temple  Jehan  Doccace,  de  la  ruine 
d'aulcuns  nobles  malheureux.  Paris,  1317,  in-folio,  4,000.  —  Les  premières 
œuvres  de  Philippe  des  Portes.  Paris,  1600,  in-8,  très-belle  reliure.  Exempl. 
de  l'auteur  et  à  son  chiffre,  3,503  fr.  —  Fables  de  la  Fontaine.  Paris,  1677- 
1694,  5  vol.  in-12  (la  seule  édition  complète  publiée  par  l'immortel  fabuliste). 
Fort  bel  exempl.,  11,930  fr.  {Onze  mille  neuf  cent  cinquante!)  —  Recueil  des 
plus  beaux  airs,  accompagnés  de  chansons  à  danser.  Caen,  1615,  pet.  in-12, 
3,000  fr.  Le  Manuel  du  Libraire  cite  deux  adjudications  de  ce  recueil  com- 
plet, 70  et  201  fr.  —  Orlando  furioso.  Bii^mingham,  1773,  4  vol.  in-4,  2,700  fr, 
—  Oronte  gigantc.  Vinegia,  1331,  in-4.  Édition  unique  de  cette  épopée  che- 
valeresque. Exempl.  de  Henri  II  et  de  Diane  de  Poitiers,  4,400  fr.  — Plautus. 
Lugd.  Batav.,  1664,  2  vol.  in-S.  Exempl.  avec  la  Toison  d'or,  emblème  adopté 
par  Longepierrc,  auteur  d'une  tragédie  de  Médée,  fort  oubliée  de  nos  jours, 
2,500  fr.  —  Le  Mystère  des  Actes  des  Apostres.  Paris,  -]o37,  in-fol.,  3,000  fr. 
--  OEuvres  de  Molière.  Paris,  1739.  8  vol.  in-12,  3,000  fr.  Une  jolie  reliure  de 
Derome,  en  maroquin  vert,  est  le  motif  de  ce  prix  énorme.  Ce  même  exempl. 
avait  été  adjugé  181  fr.,  vente  Duriez,  en  1826,  et  169  fr.,  Pixerécourt,  en 


—  378  — 

1839. —  Daphnis  et  Chloé.  1718,  pet.  in-8,  2,130  fr.  — Méliadus  de  Leonnoys. 
Paris,  1339,  in-fol.,  2,000  fr.  (payé  600  fr.  à  la  vente  Giraud).  —  Faits  et 
prouesses  du  noble  chevalier  Jason  (sans  lieu,  ni  date),  in-fol..  7,600  fr.  (On 
ne  connaît  que  trois  autres  exempl.  de  ce  volume.  Voir  la  note  n"  339  du 
catalogue.) —  OEuvres  de  Rabelais.  Paris,  15o3,  in-i6  (la  première  édition 
qui  comprend  les  quatre  livres),  3,000  fr.  Le  Manuel  n'indique  aucune  adju- 
dication. —  Nouvelles  rlxriations  de  Bonaventure  Despériers.  Paris,  loSS,  pet. 
in-4,  3,000  fr.  Un  exempl.  relié  en  maroquin  avait  été  payé  260  fr.,  Solar, 
en  1801.  —  Ciceronis  Opéra.  Amstelodami,  apud  Elzevirios,  1661,  2  vol.  in-4. 
Très-bel  exempl.,  3,900  fr.  (à  cause  de  la  reliure).  —  Le  Livre  appelé  Man- 
deville.  Lyon,  1480,  in-fol.,  6,230  fr.  (Voir  la  note  du  catalogue,  n°  6U.)  Cet 
exempl.  avait  été  adjugé  à  36  fr.  à  la  vente  du  duc  «le  La  Vallière,  en  1783, 
mais  il  avait  reçu  depuis  une  riche  reliure.  —  La  Mer  des  Idsloires.  Paris, 
1588,  in-fol.,  2,800  fr.  —  Discours  sur  l'Histoire  naticrelle,  Y>a.r  Bossuet,  1680, 
in-4.  Édition  originale;  très-bel  exempl.  aux  armes  du  chancelier  Le  Tellier, 
6,400  fr.  —  Histoire  des  variations,  par  Bossuet,  1688,  2  vol.  in-4.  1,830  fr. 
—  Chroniques  de  Monslrelet.  Paris,  s.  d.,  2  vol.  in-fol.,  3,230  fr.  Cet  exempl. 
avait  deux  fois  été  adjugé  à  Londres,  8  1.  st.;  12,  Roxburghe  en  1812;  22  1. 
st.  10,  Heber  en  1830.  —  La  Chronique  du  roy  Louis  unziesme.  Paris,  1538, 
in-8,  2,630  fr.  (Exempl.  du  président  de  Thou.)  —  Recueil  des  portraits  et 
éloges,  par  M"'  de  Montpensier.  Paris,  1639.  Exempl.  aux  armes  de  Made- 
moiselle; ancienne  reliure,  14,000  fr.  [Quatorze  mille  francs!) 

M.  Taine  et  la  Revue  politique  et  littéraire.  —  Dans  son  nouveau  volume 
sur  les  Origines  de  la  France  contemporaine^  M.  Taine  a  prouvé  par  les  faits 
l'enchaînement  logique  qui  lie  89  à  93  :  la  Révolution,  toujours  identique 
à  elle-même,  sous  prétexte  de  réformer  la  société,  en  a  dissout  tous  les 
liens.  M.  Gazier  est  choqué  de  ce  résultat  :  aux  faits,  il  prétend  opposer  les 
faits,  qu'il  va  chercher  dans  des  rapports  officiels  adressés  à  l'évêque  consti- 
tutionnel Grégoire.  On  ne  pouvait  être  plus  heureux  :  le  goût  bien  connu 
de  M.  Gazier  pour  le  caractère  apostolique  du  prélat  régicide  lui  a  fait  pu- 
blier un  document  irrécusable  sur  V enthousiasme  évident  qu'in«pirait  aux 
paysans  le  nouvel  ordre  de  choses.  On  trouvera  cette  pièce  jusqu'ici  inédite 
à.a.ns  \di  Revue  politique  et  littéraire  du  30  mars  1878.    —  J.-A.  B. 

L'Annuatre  DE  l'économie  SOCIALE.  —  Organe  de  l'école  qui  s'inspire  de  la 
méthode  et  des  travaux  de  l'éminent  auteur  de  la  réforme  sociale,  M.  Le  Play, 
l'Annuaire  de  l'économie  sociale  (qui  paraît  tous  les  trois  mois,  Paris, 
Dentu,  5  francs  par  an)  continue,  sous  une  forme  agrandie,  ceux  de  1873  et 
de  1876  Nous  en  parlerons  prochrunement  avec  plus  de  détails,  quand  la  suite 
aura  paru. Bornons-nous  à  signaler  aujourd'hui  un  travail  sur  les  livres  de 
raison  des  famil  es  florentines  au  treizième  siècle,  dû  à  notre  sympathique 
collaborateur  M.deRibbe;  d'intére-isants  documents  sur  la  crise  des  chemins 
de  fer  en  Amérique,  communiqués  par  M.  Jacqmin,  directeur  de  la  Compa- 
gnie de  l'Est  ;  de  curieux  détails  fournis  par  M.  A.  Delor  sur  une  corpora- 
tion du  moyeu  âge,  celle  des  bouchers,  qui  subsiste  encore  à  Limoges;  etc. 

La  Science  politique.  —  Sous  ce  titre,  M.  Emile  Accollis  vient  de  faire 
paraître,  le  1"=''  avr.l  1878,  une  nouvelle  revue  :1e  nom  de  l'éditeur  enindique 
assez  les  tendances.  Ce  recueil,  suivant  nous,  vient  à  son  heure  :  il  ne  faut 
pas  s'en  effrayer.  On  y  verra  une  fois  de  plus  les  conséquences  du  principe 
libéral  :  plus  logique  et  peut-èlre  plus  franc  que  les  libéraux,  M.  AccoUas 
pousse  ces  conséquences  jusqu'au  radicalisme.  On  ne  peut  mieux  faire  voir 


—  379  — 

la  fausseté  du  point  de  départ.  Nous  accueillons  en  adversaires,  mai?  sans 
animosité,  une  publication  qui  déclare  «  avoir  à  cœur  de  ne  jamais  quitter 
lesi'égions  de  la  science,  d'en  parler  toujours  le  langage,  d'en  observer  tou- 
jours la  dignité.  »  —  J.-A-B. 

—  La  Revue  de  Champagne  et  de  Brie  a  donné,  sur  une  question  toute  d'ac- 
tualité, un  intéressant  et  savant  travail  de  M.  Albert  Babeau  :  Le  Recrutement 
de  l'armée  territoriale  sous  l'ancien  régime,  étude  sur  la  milice  dans  la  Cham- 
pagne mcridionale  (Paris,  Menu,  1877,  in-8  de  47  p.),  dont  il  a  été  fait  un 
tirage  à  part.  S'appuyant  presque  toujours  sur  des  pièces  tirées  des  archives 
de  l'Aube,  l'auteur  traite  successivement  de  l'institution  des  n.ilices,  du  recen- 
sement, des  exemptions,  du  tirage  au  sort,  des  réformés,  des  fuyards  et  des 
substitués,  du  service  et  de  sa  durée,  des  uniformes  et  des  armes,  des  régi- 
ments de  milice  de  Champagne  et  de  la  suppression  des  milices.  Il  donne 
l'état  des  tirages  de  1778  à  1787  et  beaucoup  de  renseignements  curieux  et 
précieux  sur  l'ancienne  organisation  militaire. 

—  La  Société  géologique  de  Normandie  se  propose  de  publier  un  grand 
ouvrage  donnant  la  description  de  la  belle  collection  réunie  l'année  dernière 
par  ses  soins  à  l'occasion  du  Congrès  de  l'association  française  pour  l'avan- 
cement des  sciences,  qui  s'est  tenu  au  Havre.  Elle  s'est  assurée  de  la  col- 
laboration de  MM.  de  Saporta,  Cotteau,  Hamy,  Gaudry,  de  Fromentel, 
Gaston  de  Tromelin,  etc. 

—  A  partir  du  mois  de  janvier  1878,  la  Revue  de  l'art  chrétien,  dirigée 
depuis  vingt  et  un  ans  par  M.  le  chanoine  J.  Corblet,  est  devenue  l'organe 
de  la  Société  de  Saint-Jean  pour  l'encouragement  dans  l'art  chrétien.  Le 
premier  numéro  de  cette  nouvelle  série  compte  parmi  ses  rédacteurs  : 
MM.  Félix  Clément,  l'abbé  Davin,  l'abbé  Giraud,  l'abbé  J.  Corblet,  le  Père 
Germer  Durand,  Ch.  de  Linas,  Mgr  Barbier  de  Montault,  le  comte  E.  de  Bar- 
thélémy, l'abbé  R.  Charles,  le  duc  de  Brissac,  le  R.  P.  Martinov,  etc.,  etc. 

—  M.  Frédéric  Mistral  entreprend  la  publication  de  Lou  trésor  dou  Felibrîge 
ou  Dictionnaire  provençal- français,  embrassant  les  divers  dialectes  de  la 
langue  d'oc  et  contenant  tous  les  mots  usités  dms  le  Midi  de  la  France,  avec 
leur  signification  française,  les  acceptions  au  propre  et  au  figuré,  les  aug- 
mentatifs et  diminutifs,  et  un  grand  nombre  d'exemples  et  de  citations 
d'auteurs;  —  Les  variétés  dialectales  et  archaïques  à  côté  de  chaque  mot, 
avec  les  similaires  des  diverses  langues  romanes;  —  Les  radicaux,  les 
formes  bas-latines  et  les  étymologies;  —  La  synonymie  de  tous  les  mots 
dans  leurs  divers  sens;  —  Le  tableau  comparatif  des  verbes  auxiliaires 
dans  les  principaux  dialectes;  —  Les  paradigmes  des  verbes  réguliers,  la 
conjugaison  des  verbes  irréguliers  et  b^s  emplois  grammaticaux  rie  chaque 
vocable;  —  Les  expressions  techniques  de  l'agriculture,  de  la  marine  et  de 
tous  les  arts  et  métiers;  —  Les  termes  populaires  de  l'histoire  naturelle, 
avec  leur  traduction  scientifique;  — La  nomenclature  géographique  des 
villes,  villages,  quartiers,  rivières  et  montagnes  du  Midi,  avec  les  diverses 
formes  anciennes  et  modernes;  —  Les  dénominations  et  sobriquets  parti- 
culiers aux  habitanis-de  chaque  localité  ;  —  Les  noms  propres  historiques 
et  les  noms  de  famille  méridionaux;  — La  collection  complète  des  pro- 
verbes, dictons,  énigmes,  idiotismes,  loculiois  et  formules  populares;  — 
Des  explications  sur  les  coulumes,  usages,  mœurs,  institutions,  traditions  et 
croyances  des  provinces  méridien  îles;  —  Des  notions  biographiques,  biblio- 
graphiques et  historiques  sur  la  plupart  des  célébrités,  des  livres  ou  des 
faits  appartenant  au  Midi.  Ce  dictionnaire  formera  2  grands  volumes  in-4.  Il 


—  380  — 

est  publié  par  souscription,  à  2  fr.  la  livraison  de 5  feuilles  impiimées  sur 
trois  colonnes.  Le  nombre  de  livraisons  s'élèvera  de  40  à  43  environ.  Les 
souscriptions  doivent  être  adressées  à  l'auteur,  à  Maillane,  par  Graveson 
(Bouches-du-Rhône) . 

—  La  France  ecclésiastique,  almanach  du  clergé  pour  l'an  de  grâce  1878,  vient 
de  paraître  (Paris,  Pion,  iri-18  de  800  p.  4  fr.),  c'est  sa  vingt-huitième  année. 
Elle  donne  comme  toujours  l'état  du  ministère  de  la  juslice,  de  la  cour  ro- 
maine (c'est  encore  Pie  iX)  et  du  clergé  français  par  ordre  de  diocèse  avec 
l'indication  de  toutes  les  communautés  religieuses  qui  y  ont  des  établisse- 
ments et  (les  notices  nécrologiques  sur  les  quatorze  prélats  français  morts 
dans  le  courant  de  l'année.  Oa  n'y  trouve  rien  sur  les  aumôniers  militaires, 
malgré  l'annonce  de  la  couverture. 

—  M.  Zotenberg,  de  la  Bibliothèque  nationale,  vient  de  terminer  le  ca-  " 
talogue  des  manuscrits  éthiopiens,  faisant  partie  du  catalogue  des  manuscrits 
orientaux  de  la  Bibliothèque  nationale.  Ce  fonds  comprend  aujourd'hui 
170  volumes;  le  catalogue  de  1739  n'en  comptait  que  sept.  11  n'existe 
que  deux  collections  plus  considérables  ;  celle  du  Britisli  Muséum,  riche  de 
420  volumes,  et  celle  de  M.    d'Abbidie,  qui    en  comprend  234. 

—  M.  Ulysse  Robert  vient  de  publier  l'inventaire  des  cartulaires  conservés 
dans  les  bibliothèques  de  Paris  et  aux  archives  nationales. 

—  Le  Congrès  des  États-Unis  fait  dresser  en  ce  moment  la  table  de  sa 
collection  de  Stale  papers,  qui  sera  imprimée  dès  qu'elle  sera  achevée.  La  Bi- 
bliothèque du  Congrès,  qui  est  la  Bibliothèque  nationale,  comptait,  en  1877, 
331,118  volumes,  dont  39,700  de  jurisprudence  et  1 10,000  brochures. 

—  Il  paraît  à  Madrid  un  livre  intéressant  ;  c'est  le  glossaire  des  mots  ibé- 
riques et  latins  usités  par  les  Mozarabes,  précédé  d'une  étude  sur  le  dialecte 
hispano-mozarabe,  par  Don  Francisco-Xavier  Simonet.  Cet  ouvrage  a  été 
couronné  au  concours  de  la  Royale  Académie  espagnole  aux  frais  de  laquelle 
il  est  publié. 

—  Le  Petit  romancero,  traduit  par  le  comte  de  Puymaigre  et  publié  par  !a 
Société  Bibliographique,  si  bien  accueilli  en  France,  a  été,  en  Espagne,  le 
sujet  de  deux  articles  trés-flatteurs,  l'un  du  savant  Milà  y  Fontanals,  dans  la 
Revistahistorica,  n'XLl,  l'autre  de  M.  Balaguery  Merino  dans  la  revue  cata- 
lane la  Renaixensa  (13  février).  En  Italie,  M.  S.  Marino  a  également  fait  le 
meilleur  accueil  à  ce  livre  dans  les  Nuove  effcmeridi  siciliane. 

—  La  Rcvista  liistorica  parle  d'un  livre  qui  doit  être  intéressant;  il  a  pour 
titre  Costumes  et  armes  des  Espagnols  depuis  les  temps  préhistoriques  jusqu'à 
nos  jours,  et  pour  auteur  Francisco  Danvilay  Cellado. 

—  D.  Aureliano  FernandezGuerra  y  Orbe  a  publié  un  opuscule  intitulé  ; 
Don  Rodrigo  et  la  Cava  où  il  démontre,  ce  dont  on  se  doutait,  du  reste,  la 
fausseté  d.^  la  légende  relative  aux  fatales  amours  du  dernier  roi  goth. 

—  L'éditeur  bien  connu  d'Orléans,  M.  Herluison,  annonce  une  nouvelle 
édition  du  Roman  de  la  rose.  Ce  qui  la  distinguera  des  précédentes,c'est  qu'elle 
offrira  une  traduction  en  vers  français  octosyllabiques  du  vieux  poëme. 
Cette  publication  sera  de  plus  précédée  d'une  introduction  de  notices  et 
suivie  d'un  glossaire,  le  tout  par  M.  Pierre  Marteau.  L'ouvrage  formera  4  à 
3  volumes  in-12. 

—  Il  a  été  plusieurs  fois  question  de  Mélusine  dans  le  Poli/biblion  soit  dans 
les  Questions  et  7^éponses,  so'ûàa.ns  la  Chronique.  Cette  légende  existe  aussi  à 
Ile'lering,  dans  l'ancien  département  de  la  Moselle.  Un  jeune  archéolog^e, 
.M.  Raymond  Dupriez  en  a  fait  le  sujet   d'une  brochure  récemment  pubUée 


—  381   — 

{Légendes  des  princesses  Mélusine  et  Mazurine,  Metz,  1877,  imprimerie  Thomas, 
in-12  de   10  pages). 

— Sous  le  titre  :  Eminencias  contemporaneas,  M.  Marti  Falguera  a  pviblié  un 
volume  contenant  les  biographies  de  Victor  Hugo,  Fortiiny,  Rosales  et  Verdi. 

—  Nous  avions  vu  disparaître  avec  regret  un  excellent  recueil  italien  spé- 
cialement destiné  aux  langues  romanes  \aRivista  di  Filologia  romanza.  Nous 
saluons  avec  joie  le  Giornale  di  Filologia  romanza  qui  lui  succède  sous  la  même 
direction,  celle  de  M.  Monaci.  Le  numéro  de  janvier  contient  d'intéressants 
articles,  entre  autres,  des  extraits  d'un  recueil  de  fables,  donné  par  P.  Rajna. 
Le  fascicule  est  terminé  par  une  revue  bibliographique  détaillée. 

—  La  Ciencia  cristiana  de  Midrid  (n"  du  29  mars)  continue  l'étude  de  la 
question  de  Galilée,  en  s'aidant  surtout  du  travail  de  notre  collaborateur 
M.  de  l'Épinois. 

—  Signalons,  dans  le  n°  de  février  de  la  Revue  des  langues  romanes,  les 
poésies  inédiles  anciennes  dues  à  des  poêles  catalans  publiées  par  M.  Milà 
y  Fontanals.  Le  numéro  précédent  contient,  entre  autres  articles,  dans  sa 
partie  bibliographique,  un  examen  du.  Bréviaire  d'amour  et  un  article  sur  la 
Poésie  provençale  en  Castille,  de  Victor  Balaguer. 

—  M.  Robert  Reboul  va  publier  les  Anonymes,  pseudomynes  et  supercheries 
littéraires  de  la  Provence  ancienne  et  moderne. 

—  Nous  venons  de  recevoir  les  deux  premiers  numéros  d'une  nouvelle 
revue  mensuelle  :  Y  Ami  du  soldai,  organe  de  l'œuvre  de  Notre-Dame-des- 
Soldats,  qui  se  publie  à  Paris,  sous  la  direction  de  M.  Stéphane  Dubois, 
39,  avenue  de  Ségur. 

—  Il  vient  de  paraître  à  la  librairie  Claudin,  un  volume  d'un  vif  intérêt,  et 
àoni  \e  Polybiblion  pd.v\QVdL  bientôt  plus  en  détail.  Ce  beau  livre  est  inti- 
tulé :  La  Famille  de  Jeanne  d'Arc,  documents  inédits,  généalogie,  lettres  de 
J.  Hordal  et  de  A.  du  Lys  à  Ch.  du  Lys,  publiées  pour  la  première  fois  par 
E.  de  Bouteiller  et  G.  de  Braux  (in-8  de  295  p.).  La  publication  de  ce  volume 
coïncide  avec  un  mouvement  très-remarquable  qui  se  produit  aux  environs 
de  Vaucouleurs.  Il  se  fonde  une  société  pour  mettre  en  honneur,  sur  une 
vaste  échelle,  tous  les  souvenirs  de  Jeanne  d'Arc.  On  a  commencé  par  acheter 
la  maison  que  le  sire  de  Baudricourt  habitait  à  Vaucouleiirs.  Des  projets  de 
même  genre  s'étendent  à  tous  les  lieux  où  Jeanne  d'Arc  a  laissé  trace  de  son 
passage.  On  compte  enfin  créer  un  musée-bibliothèque,  où  seront  réunies 
toutes  les  œuvres  inspirées  par  la  glorieuse  Pucelle.  On  s'occupe  en  ce  mo- 
ment de  recueillir  des  souscriptions  de  fondateur  à  cent  francs.  Nous  repar- 
lerons de  cette  association. 

—  La  Députation  vénitienne  pour  les  études  de  l'histoire  de  la  patrie, 
vient  de  voter  la  réimpression  du  Journal  de  Marina  Sanudo,  si  important 
pour  l'histoire  de  l'Europe  au  seizième  siècle.  Il  comprend  o8  volumes  in- 
folio, et  va  de  1496  à  1333.  Cette  réimpression  mérite  l'attention  et  l'appui 
de  tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  études  historiques. 

—  Le  quatrième  volume  des  discours  de  Pie  IX,  recueillis  par  le  R.  P.  de 
Franciscis,  va  paraître  ce  mois-ci  en  italien. 

—  M.  Charles  Jourdain  vient  de  publier  une  notice  sur  la  taxe  des  loge- 
ments dans  les  Universités  de  Paris. 

—  La  publication  de  l'Annuaire  du  bureau  des  longitudes,  depuis  la 
mort  de  M.  Mathieu,  est  dirigée  par  M.  Lœwy,  de  l'Académie  des  sciences.  Le 
volume  de  1878  est  augmenté  d'une  partie  géographique  et  statistique  de 
près  de  200  pages,  due  à  M.  Levasseur. 


—  382  — 

—  Les  mémoires  du  prince  de  Metternich  vont  être  publiés  simultanément 
en  français,  en  anglais  et  en  allemand. 

—  Le  tome  V  du  Corpus  inscripLinaum  latinanim,  écrit  sous  les  auspices 
de  l'Académie  de  Prusse,  a  été  complété  par  les  Inscripliones  Galliœ-Cualpinx 
publication  qui  renferme  les  inscriptions  delà  IXo  et  de  la  XI*  régions,  cor- 
respondant au  Piémont  et  à  la  Lombardie. 

—  Un  savant  celtophile,  M.  J.  Molloy,  va  publier  à  Dublin  la  1"  partie  d'un 
dictionnaire  des  mots  importants  de  l'idiome  irlandais  recueillis  dans  sa 
Grammaire  celtique.  11  fait  appel  aux  amateurs  de  ce  genre  d'études  dans 
toute  l'Europe  pour  l'aider,  par  leurs  souscriptions,  à  poursuivre  une  publi- 
cation siimporlante  pour  la  reconstruction  de  cette  langue  disparue. 

—  M.  Thomas  Arnold  va  publier  à  Londres  un  calalogue  de  sa  riche  col- 
lection d'ouvrages  sur  le  Tabac,  son  usage,  sa  culture,  sa  préparation,  etc. 
Ce  catalogue  comprendra  plus  de  500  numéros. 

Publications  nouvelles.  —  Les  Psaumes,  par  l'abbé  Doublet  (t.  lil,  in-8, 
Bei'che  et  Tralin). —  Manuale  pastorum,  par  l'abbé  Postel  (ia-32,  Lethielleux). 
—  Éléments  de  droit  civil  russe,  par   E.  Lehr  (in-8,  Pion).  —  Leçons  de  législa- 
tion usuelle,  par  H.    Viel-Lamare  (iii-12,  Dejey).  —  De  l'essence  des  passions, 
par  Eug.  Maillet  (in-8,  Hachette).  — Le  bon  sens  dans  les  doctrines  morales  et 
politiques,  par  A.  Clément  (2  vol.  in-8,  Guillaumin). — Introduction  à  l'étude 
de  Véronomie  politique,  par  H.  Dameth  (iri-8,  Guillaumin).  — Botanique  pour 
tous,  par  M"*  J.  Le  Breton  (in-8,  Rothschild).  —  Le  Lait,  lacrême  et  le  beurre, 
par  C.  Husson  (in-12,  P.  Asselin).  —  Du  vin,  ses  propriétés,  sa  composition, 
sa  préparation,  par  C.  Husson,  (in-12,  P.  Asselin).  —  La  Vie,  études  et  pro- 
blèmes de  biologie  générale,  par  E.  Chauffard  (in-8,  J.-B.  Baillière).  —  Notions 
pratiques  d'hygiène  populaire,  parle  D'  L.  Picqué  (in-12,  Dejey).  —La  Sculp- 
ture au  salon  de  1877,  par  Henri  Jouin  (in-8,  Pion).  —  Mémoires  de  Ch.  Per^ 
rault,  par  Paul  Lacroix  (in-12,  librairie  des  Bibliophiles).  — Le  Vieux-Neuf, 
par  Ed.  Fournier  (3  vol.  in-18,  Dentu).  —  L'Année  scientifique  et  industrielle, 
par  Louis  Figuier  (in- J 8,  Hachette).  — V Année  géographique  1876,   par  C. 
Maunoir  et  C.  Duveyrier   (in-18,  Hachette).  —  Dictionnaire   de   l'Académie 
/■ra?ipflùe,Institut  de  France,  nouv.édit.  (2vol. in-4,Didot). le  iîo/anddeTirîMie, 
par  Marc  Monnier  (in-8,  Sandoz  et  Fischbacher). — L'Art  de  lire  et  d'écouter, 
par  Léon  Bénard  (2   vol.    in-12.    Picard).  —  Uiiavres  poétiques,   par  Louis 
Veuillot  (in-12.  Palmé).  —  Le  Filleul  d'un  marquis,  par  André  Theuriet  (in- 
18,  Charpentier).  — La  Ferme  du  majorât,  par  H.  Audcval  (in-12,  Lecoffre). 
—  Du  grave  au  doux,  par  Paul  Collin  (in-12,  Hachette).  — Les  premiers  et  les 
derniers,  par  M""  Bourdon  (in-12,  Allard).  —  Lettres  de  la  marquise  du  Châte- 
let,  par  Eugène  Asse  (in-18,  Charpentier).  —  Histoire  de  Montesquieu,  sa  vie 
et  ses  œuvres,  par  Louis  Vian  (in-8,  Didier).  —  Vie  et  mort  du  génie  grec,  par 
Edg.  Quinet  (in-8,  Dentu).    —  Le  Sénat  de  la  République  romaine,  t.   I"  La 
Composition  du  Sénat,  par  P.  Willems  (in-8,  Louvain,Peeters;  Paris, Durand). 
— L'Age  de  pierre  dans  les  souvenirs  et  superstitions  populaires,  par  E.  Car- 
tailhac  (in-8,  C.  Reiuwald). — Nouveaux  éloges  historiques,  par  Mignet  (in-12, 
Didier).  —  Sainte  Monique,   modèle   et  patronne  des    mères  chrétiennes,  par 
l'abbé  A.  Legoupil  (in-12,  Tours,  Cattier;  Paris,  Larcher).  —Lan franc, arche- 
vêque de  Cantorbéry,  sa  vie,  so)i  enseignement,  sa  politique,  par  J.  de  Crozals 
(in-8,   Sandoz-Fischbacher) .  —  Le   Pénitent   breton   Pierre  de   Kériolet,    par 
Hipp.  Le  Gouvello  (in-12,  Bray  etRetaux), —  La  Chapelle  Sain  t-Julien  des  Mé- 
nestriers  et  les   ménestrels  à  Paris,  par   A.  Vidal  (in-4,  Quantin).  —  Jean  de 
Vienne,  amiral  de  France,  par  le  marquis  de  Loray  (in-8,  librairie  de  la  Soc. 
Bibl.).  —  Histoire  de  la  Révolution,  tome  HL  par  Emmanuel  de  Saint-Albin 


—  ■383  — 

(Dibl  à  25  cent.).  —  Louis  XVII,  par  Maxime  de  la  Rocheterie  [Bibl.  à  25 
cent.)  —  Essai  sur  l'Églixe  anglicane,  par  l'abbé  F.  Ségondy  (in-8,  A.  Roger 
et  Chernovicz).  —  La  Vie  de  province  en  Grèce,  par  le  baron  d'Estoiiville 
de  Constant  (in-18,  Hachette\  —  Vicier -Emmanuel,  sa  vie,  sa  mort,  par  le 
comte  d'ideville  (in-12,  Palmé).  —  La  Captivita  de  Pie  IX,  par  Alexmdre 
de  Saint-Albin  (in  8,  Palmé).  —  L'Église  et  la  civilisation,  par  son  Em.  le 
cardinal  Pecci  (in-8,  Palmé).  —  Le  Pape  Léon  XIII,  par  l'abbé  Ant.  Ricard 
(in-12.  Palmé).  —  Le  Pape  Léon  XIII,  notice  biographique  (in-32,  Lyon  Jds- 
serandU  —  Pie  IX,  sa  vie,  son  histoire,  so7i  siècle,  6e  édition  revue  et  complé- 
tée jusques  et  y  compris  la  mort  de  Pie  IX,  par  Villefranche  (in-8,  Lyon, 
Josscrand).  —  La  Franc-Maçonnerie,  par  Mgr  Besson  (in-18,  Bray).  —  Notice 
historique  sur  l'associatio?i  des  Dames  de  la  Miséricorde  de  Chalon-sur-Saône 
1638-1877,  avec  documents  inédits  sur  V assistance  publique  à  Chdlon  depuis 
1466,  par  Henri  Batault  (in-8,  CbâIon-sur-Saône,  Mulcey).  — Documents 
relatifs  à  la  fondation  du  monastère  des  bénédictines  de  la  Paix-Notre-Dame  à 
Namur,  par  J.  Barbier,  curé  de  Liernu  (in-8,  de  64  p.,  Louvain,  typ.  Ch. 
Peeters).  —  L'Enseignement  des  grands  séminaires .  Examen  du  rapport  de 
M.  Guichard  sur  le  budget  des  cultes  (in-8,  Paris,  Palmé).  — L'Ami  Pierre, 
par  M"  Edouard  de  Lalaing  (in-8,  Lefort").  —  Le  Théâtre  en  Angleterre  depuis 
la  conquête  jusqu'aux  prédécesseurs  de  Shakespeare,  par  Jules  Jusserand  (in-8, 
Hachette),  —  Tout  le  monde  croit  aux  miracles,  par  le  comte  de  Champagny 
(br.  in-18,  Bray  et  Retaux).  — Les  Bienfaits  dudimanche  parF.-J.  d'Ezerville 
(in-18,  Paris,  Hatonl.  —  Les  Désordres  du  lundi.,  par  F.-J.  d'Ezerville  (in-18, 
Paris,  Haton).  —  Notes  et  documents  sur  l'état  de  V  instruction  en  Suisse,  par 
Henri  Maguin,  (in-8,  Paris,  Delagrave).  Vise.not. 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS. 

IVotice  sur  A.iitoine  de 
Govéa.  —  M.  Exupère  Caillemer, 
dans  son  Etude  sur  Antoine  de  Govéa 
(1505-1566),  publiée  en  1864  (Paris  et 
Caen,  brochure  in-8  de  46  p.),  disait 
(p.  7,  note  3)  :  «  Aucun  travail  spé- 
cial n'a  été  consacré  à  notre  juris- 
consulte par  son  pays  natal.  Mais 
nous  sommes  heureux  d'annoncer, 
et  nous  croyons  pouvoir  le  faire  sans 
indiscrétion,  que  M.  Jordao  prépare 
pour  l'Académie  des  sciences  de  Lis- 
bonne une  notice  destinée  à  combler 
cette  lacune.  »  Je  voudrais  bien  sa- 
voir si  M.  le  commandeur  Levy- 
Maria  Jordao,  «  membre  du  Conseil 
du  roi  très-fidèle  et  avocat  général 
à  la  Cour  de  cassation  de  Portugal,  » 
a  publié  le  travail  qu'il  préparait 
déjà  il  y  plus  de  treize  ans,  et  où  et 
quand  il  l'a  publié.  M.  J.  Quicherat 


n'a  pas  cité  ce  travail  dans  les  pages 
de  son  Histoire  de  Sainte-Barbe,  où 
il  parle  si  bien  d'Antoine  de  Govéa, 
qu'il  appelle  Gouvéa  (t.  l",  1860, 
p.  131-134).  T.  deL. 

Feu     M.     ï*.     Clément     et 

OndedLeï.  —  On  lit  dans  la  note  6 
de  la  page  287  du  tome  V'  des 
OEuvres  du  cardinal  de  Retz  (édition 
Hachette,  1862)  :  «  Joseph  Zongo 
Ondedeï,  l'un  des  confidents  et  des 
auxiliaires  les  plus  actifs  de  Mazarin 
pendant  la  Fronde.  Il  fut  nommé, 
en  1654,  évèque  deFréjus,  et  mourut 
en  1674.  M.  L.  Clément  va  prochai- 
nement nous  faire  bien  connaître 
cet  agent  de  la  politique  du  cardinal- 
ministre,  dans  un  volume  intitulé  : 
Zongo  Ondedeï.  »  M.  Clément  étant 
mort  sans  avoir  publié  un  volume 
qui  aurait  été  des  plus  curieux,  je 
demande  si  du  moins  le  manuscrit 


384   — 


existe,  et  si  nous  pouvons  avoir  quel- 
que espérance  de  le  voir,  un  jour, 
imprimé  par  quelque  parent  ou  a:i)i 
du  savant  académicien.     T.  de  L. 

Les  Méniniref^  du  baron  de 
Ooi'des.  —  Herli'and-Rairabaud  de 
Simiane,  baron  de  Gordes,  chevalier 
des  ordres  du  roi,  lieuten:int  gi'né- 
ral  au  gouvernement  du  Daupiiiné, 
un  des  plus  vaillants  capitaines  du 
seizième  siècle,  avait  laissé  des  mé- 
moires dont  Nicolas  Cliorier  s'est 
servi  dans  son  Ilisloire  du  Uauphinc 
(li)GI-l()72,2  vol.  in-fol.).  Pourrait- 
on  me  dire  si  le  précieux  manuscrit 
existe  encore? 

Campagnes    du     Piémont. 

—  Pourrait-on  me  renseigner  sur 
un  ouvrage  qui  porte  ce  titre  : 
Campagnes  du  Piémont  (1744-l74o). 
Notes,  récit  cl  diansotis  du  temps,  par 
Gillc  Badin,  dit  Condé,  soldat  du 
régiment  de  Conti  ? 
Rome,  8  mars. 

FUANCESCO  SaBATIM. 

Le      I»ay»     d'Andorre.      — 

Quelles  publications  à  co.-îsulier  sur 
le  Pays  d'Andorre,  son  gouvnrnemeQt 
et  ses  institutions?  G.  B. 

Sur     le    mot    brillante.    — 

M.  Chésurollfs  attribue  au  cardinal 
de  Bernis  {Biographie  universelle,  der- 
nière édil.,  t.  IV,  l6oi,  p.  87,  note  1) 
l'iniroduction  dans  la  langue  du  mot 
brillante,  auquel  l'Académie  a  ac- 
cordé droit  de  bourgeoisie  <n  1835. 
M.  Littré  ne  dit  rien  d'une  semblable 
origine,  ne  citant  que  Mirabeau  au 
sujet  de  ce  néologisme.  Que  doit-on 
ci-oire?  T.  de  U. 

Dictionnaire  des  synony- 
mes.—Ou  demande  quel  est  le  meil- 
leur dictionnaire  des  synonymes  fran- 
çais,pouvant  servir  le  "plus  utilement 
dans  la  traduction  d'un  ouvrage  alle- 
mand d'un    style    très-relevé. 

DoM  Gérard  vax  C,  o.  s.  b. 

RÉPONSES. 

Traduction  de  ïaBîble  (XXH, 

28')).  —  On  tient,  je  crois,  en  médio- 
cre estime  la  publication  de  M.  de 
Genoude  (1821-2i,  23  vol.  in-8);  la 
version  de  l'abbé    Delaunay    (18oG, 


;i  vol.  in-8)  s'annonce  comme  faite 
d'après  le  latin;  celle  de  M.  l'abbé 
Jager  ne  remonte  pas  assez  aux 
sources.  Un  travail  sérieux,  celui  de 
M.  Cohen  (20  vol.  in-8),  serre  le  texte 
de  plus  près;  il  présnnte  une  version 
française  en  regard  du  texte  hébreu. 
Quant  à  un  commentaire  sur  la 
Bible  profitant  des  immenses  travaux 
accomplis  à  l'étranger,  il  n'existe 
pas,  et  ce  serait  une  œuvre  gigan- 
tesque et  des  plus  difficiles.  Il  faudrait 
consulter,  mais  avec  circonspection, 
les  grands  travaux  des  Allemands, 
njtammentle  grand  ouvrage  de  Ro- 
senmueller  (Lipsix,  17S8-183o,  23 
vol.  in-8),  véritable  trésor  d'érudi- 
tion, dont  l'existence  est  à  peine 
soupçonnée  en  France.  B.  C 

Un  Sol  marqué  (X.XII,  286K  — 
Un  sol  marqué  était  une  très-petite 
monnaie  de  billon,  où  un  peu  d  argent 
était  mêlé  au  cuivre  ;  sa  valeur  était 
de  30  deniers,  ou  deux  sous  et  demi. 
Le  sou  valait  12  deniers.  Cette 
monnaie,  au  lieu  d'être  plate  comme 
les  autres,  était  tordue  avec  une 
pince  et  relevée  d'un  côté;  elle  ne 
pouvait  pas  se  tenir  en  pile.  J'en  ai 
vu  circuler  dans  mon  enfance  ;  je  me 
rappelle  surtout  d'en  avoir  vu  em- 
ployer à  détacher  les  œufs  de  vers  à 
soie  des  étolfes  de  laine  où  ils  étaient 
pondus,  étant  très-minces,  sans  être 
tranchants,  et  grâce  au  côté  relevé 
qui  donnait  prise  cela  passait  pour 
le  meilleur  ràcloir.  Il  doit  se  trouver 
beaucoup  de  ces  petites  monnaies 
phez  les  collectionneurs  de  vieux  sous. 

Un  livre    du  ï*.  Coyssard. 

(XXII,  95). —  L'ouvrage  en  question 
ne  se  trouve  pas  à  la  Bibl.  nationale. 
Je  m'en  suis  assuré.  On  y  trouve  un 
autre  ouvrage  sur  Vassivière  :  Récit 
véritable  de  quelques  miracles  dcN.-D. 
de  Vassiviére,envoyés  de  divers  endroits 
à  Lyon  au  P.  Michel  Coyssard...  l'an 
1610  et  1617,  (s.  1.  n.  d.)  in-8. 

A.  F., 
employé  à  la  Bibl.  nationale. 

La  Bibliothèque  des  écrivains  de  la 
Compagjiie  de  Jésus  ne  mentionne  que 
l'ouvrage  signalé  par  M.  A.  F. 

R. 

Le  Gérant  :  L.  Sandret. 


Saint-Quentin.  —  Imprimerie  Jules  Moureau. 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 


OUVRAGES    D'INSTRUCTION    RELIGIEUSE 
ET   DE   PIÉTÉ 

La  Vie  chrétienne  :  lectures  pour  les  familles  et  instructions  pour  les  paroisses,  par  l^tbé 
Berseaux,  ancien  professeur  de  théologie.  Paris  (Bibliothèque  ecclésiastique,  avenue 
d'Orléans,   32),  1877,  2  vol.  in-12  de  400,  428  p.  Prix  :  5  fr.  —  Vie  et  OEuvres  spiri- 
tuelles de  l'admirable  docteur  mystique  le    B.  Père  S.  Jean-de-la-Croix,  premier  carme 
déchaussé  et  coopérateur  de  la  scraphique  Mère  sainte  Thérèse  de  Jésus  dans  la  fondation 
de  la  réforme  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel  :  traduction  nouvelle,  faite  sur  l'édition 
de  Sévilie  de  1702  et  publiée  par  les  soins  des  Carmélites  de  Paris;  introduction 
par  le  R.  P.  Chocarne;    édition  ornée  de  trois  gravures  sur  acier.  Paris,  Douniol, 
1877,     1    vol.  in-12   de    XXXil-520    p.  Prix    :    4   fr.   —   La    Vie    de    Notre-Seigneur, 
par  G.-J.   IIuRDERiSE,  curé  de   Louveigné,  ancien  professeur  au  collège  Marie-Thé- 
rèse.  4' édition.  Bruxelles,  Goemare;  Paris,  Bray  et  Retaux  (sans  millésime),  in-l'i 
de  Xll-352  p.  Prix  :  2  fr.   —  Les  premiers    convertis  au  christianisme,  par  M.  l'abbé 
A.  Laurent,  docteur  en  théologie.  Lyon,  Vitte  et  Lutrin;    Paris.  Bloud  et  Barrai, 
1877,    in-8   de  334  p.    Prix:  3  fr.   —Ln  Missionnaire  du  jour  de  la  première   commu- 
nion, renfermant  6!)    instructions  ou  allocutions  nouvelles,  applicables  à  toutes  les 
circonstances  de  ce  grand  jour,  par  M.  l'abbé  IIéuekt,  chanoine  honoraire  de  Mont- 
pellier.   Paris,  Martin  neveu  et    Audier,    1877.  gr.  in-8  de  2G8  p,  Prix  :  3  fr.  50.  — 
Les  Gloires  du    Sacré-Cœur,    par  S.  Em.  le  cardinal  H. -E.    MaNMNG,  archevêque  de 
"Westminster,    traduit  de  l'anglais  par    l'abbé  A.  Goemaere,  avec  l'autorisation  de 
l'auteur.  Bruxelles,  Goemaere;  Paris,  Bray  et  Retaux,  1877,   in-12  de  314  p.  Prix: 
2  fr.   fiO.  —  Esther  ou   quelques  mots  sur  ïe  mystère  de    la  B,  Vierge  Marie,    pouvaiit 
servir  de  méditations  pour   le    Mois  de    Marie,  par  l'abbé  PiCUS,  missionnaire  aposto- 
lique, ancien  professeur  de  théologie.  Rome,  imprimerie  de  la  Propagande,  1875,  in- 
12  de  10-6J6  p.  Prix  :  3  fr.   (au  profit  du  Denier  de  saint  Pierre).— Weures  de  tristesse 
et  d^espérance,   Entreliens  sur  ta    vie  et    sur  la  douleur,    par  M.    l'abbé  DE  Bellune, 
secrétaire   de    Usr  l'archevêque  de    Tours.  Seconde    édition.  Tours,  Cattier;  Paris, 
Larcher,    1877,    in-18   oblong  de    364  p.    Prix  :   3  fr.  —  Tratado    de   la  iribulacion, 
compuesto  por    il  P.    Pedro    de    Riuadeneira.   Madrid,   imprenta  y  fundicion   de 
M.  Tello,  1877,  in-12  de  432  p.  Prix  :  4  fr.  50,  franc  de  port.  —  Les  Anges  dans  la 
tradition  catholique,  par  le  P.  Bertin  Hermans,  de  l'ordre  des  Fr.  Mineurs-Récollets. 
Bruxelles,  Goemaere  ;  Paris,  Bray  et  Retaux,   1877,  in-12  de  244  p.  Prix  :  1  fr.  '5.— 
Le  Livre  unique  des  fidèles,  par  l'abbé  Peyre.  Seconde  édition.  Paris.  Allard  (sans  mil- 
lésime), in-18  de  868  p.    Prix  :  5  fr,   —  Les  Excellences  du  sainl  Cœur  de  Marie,  par 
le  P.  PinamOnti,  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Bruxelles,   .\lfred  Vromant,  1877,  in-18 
de  200  p.  Prix  :  1  fr.   —  Soumission  du  chrétien  aux  arrêts  de  la  Providence,  par  le  R. 
P.  Antoine  Touron,  de  l'ordre  de  Saint-Dominique.  Bruxelles,  même  maison,  1877, 
in-18  de  128  p.    Prix  :   1   fr.  —  Les   secrets    desseins  de    la  Providence,  par  leR.  P. 
Antoine  Touron.  Bruxelles,  même  maison,  1877,    in-18  de  111  p.  Prix  :  75  cent.  — 
Pratique  delà  dévotion  au  sacré  Cœur  de  Jésus,  extraite  de    divers  auteurs.  Bruxelles, 
Alfred  Vromant,  1877,  in-18  de  136  p.  Prix  :    75  cent.  —  De  la  paix  intérieure  ouïe 
sentier  du  paradis,  par    le  P.  Lairent  ScupOLI.  Bruxelles,  Vromant,   1877,  in-18  de 
56  p.  Prix   :   40  cent.    —  Avantages  de    la  charité  envers    les  dmes  du  purgatoire,  par 
le  P.  Jacques  Mumford.  Bruxelles,  même  maison,  1876;  in-18  de  84  p.  Prix  :  50  cent. 
—  Légende  de  sainte  Catherine  d'Alesandrie,    vierge    et  martyre.  Bruxelles,  Vromant, 
1877,  in-12  de  80  p.  Prix  :  50  cent.—  Le  Pape  saint  Grégoire  Vil  et  l'empereur  d'Alle- 
magne Henri  IV.  Bruxelles,  même  maison,  1877,   in-18  de  75    p.   Prix:  50  cent.  — 
Jl  Maggio   in  campagnu,  ossia  la  vita  di  Maria  esposta  al  popolo  da   un  buon  prèle  alla 
ôuona.  Turin,  librairie  Salésienne  (Don  Bosco);  Nice,  patronage  de  Saint-Pierre,  1878, 
in-24  de  395  p.   Prix   :   75    cent.    —    La  SS.    Communione,    par     Mgr   de  Ségur. 
7a  edizione.    Mêmes   maisons,  1877,   in-24    de  67    p.    Prix  :     25  cent.     —    Uffizio 

MAii878.  T.  XXII,  25. 


-    386  — 

délia  settimana-santa,  con  l'uggiunta  délie  dichiarazioni  in  lingua  volgare.  4a  edizione. 
Mêmes  maisons,  1878;  in-32  de  388  p.  Prix  :  1  fr. —  La  Figlia  cristiana  provveduta 
per  la  pratica  de''  suoi  doveri  negli  esercizi  di  cristiana  ptetà,  pel  sacerdote  Giovanni 
Bosco.  Mêmes  maifîons,  1878,  in-32  de  488  pages.  Prix  :  60  cent.  —  Explicatiom 
sommaires  du  catéchisme,  à  l'usage  de  tous  les  établissements  d'instruction  publique, 
par  l'abbé  F.  Loizellier,  inspecteur  honoraire  de  l'Université,  avec  une  Table  ques- 
tionnaire formant  opuscule  à  part.  Paris,  Fouraut.  in-18  de  162-40  pages,  1878. 
Prix  :  75  cent.  —  Le  Directeur  des  catéchismes  de  première  communion  et  de  perse- 
vérance,  par  M.  l'abbé  R.  Turcan,  chanoine  honoraire  de  Seez,  directeur  du  grand- 
séminaire.  3  vol.  in-18  j.  de  xvii-454-421-467  p.  Paris,  Bray  et  Retaux,  1878. 
Prix  :  9  fr. 

M.  l'abbé  Berseaux  a  fait,  dans  la  Vie  chrétienne.^  un  ouvrage  fort 
recommandable,  non-seulement  auprès  de  ceux  qui,  ayant  la  foi,  tien- 
nent à  mettre  leurs  actions  d'accord  avec  elle,  mais  pour  ceux  mêmes 
qui  ne  croient  pas  encore  et  que  déjà  la  Providence  incline  vers  les 
pensées  religieuses.  Tout  homme  à  son  entrée  dans  la  vie,  nous  dit-il, 
trouve  ouverts  devant  lui  deux  chemins  :  l'un  qui  est  large,  Tautre  qui 
est  étroit;  l'un  suivi  par  la  multitude,  l'autre  fréquenté  par  un  petit 
nombre  d'âmes  d'élite  ;  l'un  qui  paraît  uni  et  bordé  de  fleurs,  l'autre 
escarpé,  hérissé  d'épines,  raboteux  ;  l'un,  finalement,  conduisant  à 
l'enfer,  à  Satan,  l'autre  au  ciel  et  à  Dieu.  Or,  continue  l'auteur,  il  est 
de  toute  évidence  que,  si  l'une  de  ces  routes  mène  à  Dieu,  qui  est  le 
souverain  bien,  celle  qui  éloigne  de  Dieu  conduit  au  souverain  mal. 
La  privation  du  bien  infini,  pour  lequel  il  est  fait,  entraîne  fatalement 
l'homme  vers  le  mal  infini,  et  le  malheur  des  réprouvés  sera  d'autant 
plus  épouvantable  qu'ils  étaient  appelés  à  une  béatitude  plus  grande. 
Bien  qu'il  s'adresse  à  toutes  classes  de  lecteurs,  M.  l'abbé  Berseaux 
envisage  plus  particulièrement  les  âmes  égarées.  Il  voudrait  les  déter- 
miner à  rentrer  en  elles-mêmes,  à  revenir  sur  leurs  pas,  à  quitter  une 
bonne  fois  le  sentier  de  la  mort  pour  retrouver  celui  qu'elles  n'auraient 
dû  jamais  quitter,  celui  où  Dieu,  en  les  créant,  a  placé  leur  bonheur 
et  leur  fin.  C'est  pourquoi  Festimable  écrivain,  apôtre  des  égarés, 
présente  ici  la  loi  divine  sous  trois  points  de  vue  correspondant  aux 
trois  classes  d'esprits  qu'il  se  propose  d'atteindre.  D'abord,  les  libres- 
penseurs,  tribu  nombreuse,  pour  qui  n'existe  aucune  obligation  d'ordre 
surnaturel,  et  qui  volontiers  diraient  que  les  commandements  amoin- 
drissent l'homme;  à  ceux-là,  il  faut  démontrer  rigoureusement  que  les 
préceptes  chrétiens  viennent  du  Maître  souverain,  qu'à  personne  il 
n'est  permis  de  les  écarter,  et  que  d'ailleurs  l'expérience  nous  fait  voir 
toute  morale  purement  humaine  bronchant  au  moindre  combat,  s'af- 
faissant  devant  tout  obstacle.  Puis,  les  chrétiens  distraits,  qui  recon- 
naissent, il  est  vrai,  dans  l'Evangile  une  loi  venue  de  Dieu^mais  qui  se 
dispensent  de  l'accomplir  dans  toutes  ses  prescriptions, soit  à  cause  de 
l'entraînement  des  plaisirs,  soit  par  préoccupation  d'afîaires  :  a  ceux- 
là  il  faut  inspirer  la  réflexion,  le  retour  sur  eux-mêmes,  l'examen  de 
la  conscience,  où  ils  pourront  s'assurer  des  dangers  de  leur  état  et 


-  387  — 

prendre  de  décisives  mesures  pour  en  sortir.  Enfin,  il  y  a  les  chrétiens 
sans  volonté,  mous,  inconséquents,  toujours  en  quête  de  faux  prétextes 
pour  s'exonérer  du  fardeau  :  il  est  nécessaire  de  les  secouer  dans 
leur  paresse,  et  de  les  amener  à  tendre  au  port  malgré  vents  et  marée^ 
et  cela  en  détruisant  les  mauvaises  raisons  qu'ils  se  donnent  à  eux- 
mêmes.  Bref,  établir  la  morale  quant  aux  principes,  afin  de  créer  des 
convictions  sérieuses;  étudier  la  loi  morale  relativement  aux  mœurs 
du  siècle,  afin  de  faire  rentrer  l'homme  en  lui-même  ;  venger  la  loi 
morale  contre  les  objections,  afin  que  l'homme  ne  se  laisse  arrêter  par 
aucun  obstacle  :  tel  est  le  triple  aspect  sous  lequel  M.  Berseaux  en- 
visage chaque  précepte  du  christianisme,  dans  ces  lectures  qui  n'ont 
pas  pour  objet  direct  le  côté  dogmatique  de  la  religion.  On  y  dis- 
tingue du  reste,  avec  grand  soin,  ce  qui  est  de  rigueur,  ce  qui  n'est 
que  de  conseil. — La  manière  de  l'auteur  est  simple,  claire,  persuasive. 
Il  renferme  son  sujet  en  quarante-huit  chapitres,  sans  autre  division, 
et  l'ordre  y  est  fidèlement  gardé.  Après  d'utiles  considérations  sur 
la  conversion  à  la  vie  chrétienne,  nous  examinons  bien  en  face  les 
obstacles  ordinaires  qui  empêchent  d'arriver  sincèrement  à  cette  vie, 
et  dont  le  premier  est  le  plus  communément  le  respect  humain.  Il  en  est 
d'autres  dont  on  aurait  pu  parler,  assez  nombreux  même,  et  qui  ont  été 
omis.  On  nous  fait  voir  ensuite  certaines  négations  pratiques  de  la 
vie  chrétienne,  et  aussi  les  œuvres  propres  de  cette  même  vie,  telles 
que  l'aumône,  l'amour  du  prochain,  la  sanctification  scrupuleuse  du 
dimanche.  Signalons  deux  bons  chapitres  sur  les  mauvais  livres,  con- 
sidérés comme  écueils  de  la  vie  chrétienne.  Voici  le  luxe,  naufrage 
de  la  vie  chrétienne  ;  la  luxure,  tombeau  de  la  vie  chrétienne  ;  les 
plaisirs,  négation  de  la  vie  chrétienne;  les  conversations,  pierre  de 
touche  de  la  vie  chrétienne,  etc.;  puis  la  justice,  la  douceur,  les 
autres  vertus;  et  enfin  le  sacrifice  de  la  messe,  foyer  de  la  vie  chré- 
tienne, le  jeûne  et  l'abstinence  qui  en  sont  la  thérapeutique.  Assuré- 
ment, ce  plan  pouvait  s'élargir,  les  entretiens  et  méditations  s'étendre 
beaucoup  plus  loin  ;  mais,  tel  qu'il  est,  l'ouvrage  de  M.  l'abbé  Ber- 
seaux répond  d'une  excellente  manière  au  but  cherché,  et  il  sera 
précieux  aux  âmes  qui  en  feront  usage. 

—  La  Vie  et  les  Œuvres  spirituelles  de  saint  Jean  de  la  Croix  avaient 
été  déjà  publiées, il  y  a  quelques  années,  par  les  Carmélites  de  Meaux, 
et  ce  travail  fut  accueilli  avec  faveur  par  les  communautés  et  par  les 
âmes  appelées  dans  la  voie  de  la  perfection  intérieure.  L'édi- 
tion nouvelle  que  voici,  ou  plutôt  la  publication  nouvelle,  dont  nous 
n'avons  encore  que  ce  premier  volume,  ofi're  quelques  avantages. Nous 
ne  noterons  pas  celui  de  voir  le  nom  de  sainte  Thérèse  respecté  dans 
son  orthographe  légitime,  ce  que  n^avait  point  fait  l'édition  de  Meaux. 


—  3S8  — 

Ce  qui  importe,  c'est  que  le  texte  de  la  Vie  de  saint  Jean  de  la  Croix 
qu'on  nous  donne  ici  paraît  pour  la  première  fois  dans  notre  langue. 
Elle  est  du  P.  Jérôme  de  Saint-Joseph,  carme  déchaussé,  qui  l'écrivit 
en  1618,  vingt-sept  ans  seulement  après  la  mort  du  saint.  Or,  de 
toutes  les  histoires  et  biographies  de  Jean  de  la  Croix,  si  elle  est  la 
première  en  date,  elle  est  certainement  l'une  des  meilleures,  et  sans 
comparaison  la  plus  exacte  :  ce  qui  lui  valut,  nous  apprend  l'éditeur, 
d'être  insérée  en  tête  des  œuvres  du  bienheureux  Père  dans  la  grande 
édition  de  Séville  parue  en  1702.  Ce  choix  est  à  lui  seul  une  recomman- 
dation de  la  part  d'hommes  qui  apportèrent  une  attention  extrême  à 
expurger  les  écrits  de  leur  illustre  réformateur  de  tout  ce  qu'il  s'j  était 
glissé  de  fautes,  d'additions  et  de  lacunes,  au  siècle  précédent.  En  outre, 
celui  qui  l'a  tracée  fut  contemporain  de  son  héros,  et  il  n'a  pu  ap- 
prendre les  faits  qu'il  rapporte  et  les  détails  intimes  qu'il  révèle,  que 
de  la  bouche  de  ceux  qui  l'ont  connu,  ont  vécu  avec  lui  dans  les  mêmes 
monastères,  et  avaient  pu  contrôler  et  réfuter  tout  récit  inexact.  On 
sait  également  que  la  vie  des  saints  n'est  jamais  mieux  racontée  que 
par  ceux  qui  partagèrent  leur  genre  d'existence  et  respirèrent  dans 
le  môme  milieu.  Ces  histoires-là  ne  s'écrivent  pas  comme  toutes  les 
autres.  Un  point  relatif  à  saint  Jean  de  la  Croix  est  expliqué  par  le 
P.  Jérôme  de  Saint-Joseph  mieux  que  dans  les  autres  biographies  : 
nous  voulons  dire  les  faits  inouïs  de  persécution  dont  il  fut  victime  de 
la  part  de  ceux  que  troublait  son  oeuvre  de  réforme  dans  le  Carmel. 
«  Nous  n'avons  pas  cru,  disent  les  traducteurs,  devoir  rien  taire  de 
ce  que  le  P.  Saint-Jérôme  raconte  de  ces  incroyables  sévérités,  d'abord 
parce  que  c'est  de  Thistoire,  et  que  ce  qui  se  disait  et  s'imprimait  le 
lendemain  de  la  mort  du  saint,  en  Espagne,  du  vivant  même  des  per- 
sécuteurs, doit  pouvoir  se  redire  aujourd'hui  en  France  après  plus  de 
trois  siècles  ;  et  aussi  parce  que  chez  nous,  où  la  réforme  du  Carmel  a 
seule  survécu,  les  descendants  de  ceux  qui  ont  maltraité  saint  Jean 
de  la  Croix  n'existent  plus,  et  que,  là  où  ils  existent  encore,  ils  seront 
les  premiers,  nous  n'en  saurions  douter,  à  désavouer  leurs  ancêtres 
espagnols  du  seizième  siècle.  »  Cette  Vie  se  recommande,  en  outre, 
par  le  mouvement,  la  couleur  locale,  la  physionomie  parlante. 
Notre  époque  n'admet  plus  les  biographies  froides,  décolorées  et 
sèches,  où  le  merveilleux,  même  prouvé  par  des  témoignages  indé- 
niables, n'est  présenté  qu'avec  une  série  de  points  d'interrogation. 
On  aime  à  retrouver  l'homme  sous  le  saint,  mais  non  pas  qu'on  efface 
le  saint  pour  ne  laisser  voir  que  l'homme.  La  manière  de  l'historien 
dont  nous  parlons  est  simple,  claire,  intéressante  :  une  vraie  œuvre 
de  religieux,  voué  lui-même  à  la  retraite  et  aux  vertus  qu'il  décrit. 
La  traduction  nous  a  paru  élégante  et  facile.  Quant  aux  Œuvres,  tra- 
duites aussi  à  nouveau,  elles  sont  un  répertoire  de  la  vie  mystique 


—  aso  — 

qui  complète  celles  de  sainte  Thérèse.  Ce  volume  ne  renferme  que  les 
lettres,  rapprochées  bien  à  propos  de  la  vie,  qu'elles  commentent  et 
expliquent  mieux  que  toutes  autres  pièces  justificatives. Il  y  en  a  sur  tous 
les  sujets,  bien  qu'elles  ne  soient  qu'au  nombre  de  dix-huit.  On  les  a 
fait  sniwe  des  Instructions,  maximes  et  avis  spirituels,  et  de  quelques 
poésies  qu'on  eût  mieux  fait,  puisqu'on  ne  les  rendait  point  en  vers, 
d'écrire  tout  bonnement  en  prose,  à  longueur  de  ligne.  La  poésie 
était  cultivée  des  ascètes  espagnols,  comme  on  le  voit  par  sainte 
Thérèse  et  Louis  de  Léon,  entre  autres.  —  Aux  deux  volumes  sui- 
vants on  a  réservé  le  traité  intitulé  la  Montée  du  Carmel,  celui  de  la 
Nuit  obscure,  le  Cantique  spirituel  et  la  Vive  flamme  d'amour.  L'in- 
troduction dont  il  est  question  au  titre,  par  le  P.  Chocarne  prieur 
des  Dominicains,  ouvrira  le  tome  second. 

—  Il  ne  suffit  pas  d'étudier  la  doctrine  de  Jésus-Christ  ;  ses  dis- 
ciples doivent  connaître  aussi  sa  vie,  qui  en  est  le  divin  commentaire. 
Les  pages  détachées  de  l'Évangile  lues  chaque  dimanche  à  l'église  ne 
donnent  point  cette  vue  d'ensemble  qui  importe  tant  pour  la  bonne 
intelligence  des  choses  ;  il  faut  une  histoire  en  règle,  avec  une  claire 
disposition  des  faits,  la  description  des  lieux,  le  tableau  des  usages, 
l'interprétation  des  idiotismes^  des  notices  suffisantes  sur  les  person- 
nages. Tel  est  le  programme  que  s'est  tracé  M.  l'abbé  Hurdebise 
dans  sa  Vie  de  Nolre-Scigneur,  dont  le  succès  a  montré  qu'elle  répon- 
dait à  un  besoin  :  car  cette  édition  est  la  quatrième.  La  carte  placée 
au  commencement  est  bien  grossière,  bien  imparfaite,  non-seulement 
de  dessin,  mais  d'exactitude  :  comment  l'éditeur  n'a-t-il  pas  songé  à 
faire  mieux?  Quant  à  la  rédaction  du  livre,  elle  répond  à  ce  que  peut 
désirer  le  commun  des  lecteurs  :  récit  suivi  ;  notes  explicatives  par- 
tout où  elles  sont  utiles,  sur  la  topographie,  les  distances,  les  mon- 
naies, etc.;  indication  des  parties  de  l'Evangile  où  l'on  puise  ;  chapi- 
tres assez  courts,  chacun  consacré  à  un  seul  fait;  seulement,  nous  y 
remarquons  que  l'auteur  s'attache  peu  au  texte  sacré  pour  le  rendre 
à  la  lettre,  surtout  dans  les  dialogues.  La  suite  des  événements,  sur 
laquelle  les  auteurs  varient  beaucoup,  ne  répond  pas  toujours  à  ce  qui 
se  présente  ordinairement  dans  les  livres  du  même  genre,  et  particu- 
lièrement dans  VHistoire  de  Notre-Seigneur  du  docteur  Sepp,  qui  jouit 
sur  la  matière  d'un  crédit  mérité.  Ainsi,  la  veuve  de  Naïm,  Madeleine 
aux  pieds  de  Jésus,  l'élection  des  apôtres,  la  prédication  à  Nazareth, 
l'entretien  avec  la  Samaritaine,  les  marchands  juifs  jetés  hors  du 
temple,  ne  nous  paraissent  point  avoir  été  placés  en  leur  véritable 
endroit.  Le  livre  s'arrête  aussitôt  après  l'Ascension,  sans  conclusion 
générale,  sans  résumé,  sans  un  mot  de  la  Pentecôte,  d'où  va  dater  la 
conversion  du  monde.  Nous  eussions  voulu  un  chapitre  final  sur  la 
sainte  Vierge  et  un  autre  pour  les  douze  apôtres,  qui,  unis  à  Jésus 


-  390  — 

pendant  sa  carrière  apostolique,  ne  doivent  point  être  séparés  de  lui 
dans  son  histoire.  M.  l'abbé  Hurdebise  s'attache  volontiers  à  la  tra- 
duction de  M.  Foisset,  et  nous  l'en  félicitons.  «  Nous  avons  indiqué 
nos  sources  évangéliques,  dit-il,  et  fréquemment  invoqué  d'autres  té- 
moignages. Si  quelques  lecteurs  désiraient  trouver  ceux-ci  en  plus 
grand  nombre,  nous  les  prierions  de  considérer  que  cette  Vie  du 
divin  Sauveur  n'est  pas  un  livre  de  controverse",  et  nous  ajouterions 
avec  M.  Veuillot  :  J'aurais  craint,  sur  un  pareil  sujet,  de  parler  de 
moi-même,  et  de  produire  mes  idées  quand  j'avais  celles  de  tant  de 
saints  et  de  grands  hommes  ;  mais  je  n'ai  point  voulu  charger  de  notes 
ces  pages,  que  la  bonne  foi  adresse  à  la  bonne  foi  (p.  viu).  »  Du  moins 
l'auteur  ne  manque-t-il  pas  d'indiquer,  dans  un  avant-propos  assez 
court,  l'histoire  des  Hérode,si  confuse  dans  l'esprit  de  la  plupart  des 
lecteurs.  —  La  division  générale  se  rattache  à  ces  points  successifs  : 
Naissance  et  enfance  de  Jésus-Christ;  —  Commencements  de  sa  vie 
publique  ;  —  Première  pâque  ;  —  Seconde  pâque  ;  —  Troisième 
pâque,  et  puis  quatrième,  qui  embrasse  la  dernière  semaine,  la  passion 
et  la  mort.  Le  dernier  chapitre,  glorification  de  Jésus,  où  l'on  expose 
la  résurrection,  les  apparitions'et  l'ascension,  est  un  peu  abrégé. — Au 
résumé,  on  ne  peut  que  recommander  l'ouvrage  pour  les  familles  et  les 
écoles. 

—  Les  apôtres  donc,  sur  l'ordre  de  leur  Maître,  se  répandent  dans 
le  monde,  annonçant  partout  l'Evangile  de  la  rédemption.  Les  convertis 
devinrent  foule  dès  le  premierjour,  et  l'Eglise  catholique  était  fondée. 
Quels  furent  ces  premiers  adhérents  ?  à  quelle  classe  appartenaient-ils 
pour  la  plupart  ?  leur  témoignage  est-il  assez  éclairé  pour  faire  loi 
dans  une  investigation  historique  aussi  grave?  En  ce  qui  touche  les 
Juifs,  bien  qu'un  bon  nombre  des  disciples  appartinssent  aux  condi- 
tions inférieures,  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  des  esprits  distin- 
gués se  trouvaient  parmi  eux,  des  docteurs  de  la  loi,  des  patriciens, 
des  prêtres  même.  Pour  le  paganisme,  la  Grèce  et  Rome  en  particu- 
lier, en  fut-il  de  même  ?  C'est  ce  qu'étudie  M.  l'abbé  Laurent  dans  son 
très-intéressant  volume  intitulé  Les  premiers  convertis  au  christianisme . 
Cet  écrivain  s'est  déjà  fait  connaître  et  estimer  du  public  par  un  certain 
nombre  de  travaux  historiques,  descriptifs  et  apologétiques.  On  voit 
qu'il  aime  à  creuser  ses  sujets.  Il  nous  prouve  que  ni  l'ignorance,  ni 
une  transition  naturelle,  ni  des  intérêts  vulgaires,  n'ont  amené  à 
l'Evangile  les  premiers  chrétiens.  Les  meneurs  de  la  'conspiration 
organisée  de  notre  temps  contre  le  christianisme,  en-deçà  et  au-delà 
du  Rhin,  s'épuisent  à  présenter  nomme  acquises  les  faussetés  sui- 
vantes :  —  La  religion  chrétienne  n'a  été  d'abord  qu'une  société  se- 
crète, composée  de  gens  de  la  plus  basse  extraction  et  dépourvus 
d'intelligence  ;  —  elle  s'est  acquis  d'obscurs  partisans  par  le  seul  attrait 


—  391  — 

de  l'inconnu  ou  de  la  nouveauté,  sans  étendre  de  longtemps  ses  con- 
quêtes parmi  les  lettrés  et  les  honnêtes  gens  ;  —  confinée  dans  ses 
souterrains,  réduite    à   exercer  son  influence    sur  un  petit  nombre 
d'adeptes,  eUe   s'est  développée  avec  une  extrême  lenteur  jusqu'au 
jour  où  le  patronage  puissant  de  Constantin  lui  donna  place  au  soleil; 
—  bref,  si  la  prédication  apostolique  eut  quelque   réussite,  elle  le  dut 
évidemment  à  l'ignorance,  à  la  grossièreté   et  à  l'esprit  superstitieux 
des  couches  sociales  les  plus  infimes,  auxquelles  elle  s'adressa  d'une 
manière   exclusive  et  dans  les  ténèbres.  —  De  telles  assertions  sont 
insoutenables;  et,  fussent-elles  vraies,  elles  ne  feraient  que  corroborer 
le  surnaturel  du  christianisme,  parce  qu'il  est  absurde  que  l'immense 
révolution  religieuse  qui  a  transformé  le  monde,  englobé  les  plus  beaux 
génies,  résumé   la  civilisation,  ait  une  telle  cause.  Ce  sont  les  âmes 
qui  ont  été   changées,  renouvelées,  et  non  pas  seulement  les  institu- 
tions sociales.  Un  fait  de  cette  nature  ne  s'est  vu  qu'une  seule  fois,  et 
par  le  seul  christianisme.  L'objection,  l'hypothèse,  l'assertion  étrange, 
tombe   donc  d'elle-même,  devant  tout  esprit  correct:  il  n'en  est  pas 
moins  très-bon  de  la  serrer  dans  l'étau  de  la  logique,  et  de  manifester 
combien,  à  titre  de  fait,  elle  est  peu  résistante.  M.  l'abbé  Laurent  j 
réussit  sans  trop  de  peine.  Son  travail  est  ferme,  savant,  bien  écrit, 
plein  de  chaleur.  Peut-être,  en  certains  endroits,  donne-t-il  à  la  pure 
légende  plus   d'autorité  qu'elle  n'en  comporte.  Nous  l'aimons  mieux 
dans  les  notions  qu'il  va  chercher  aux  Catacombes,  ce  grand  et  authen- 
tique registre  des  premiers  siècles,  ouvert  en  ce  moment  par  la  science. 
Il  y  a  des  chapitres  extraordinairement  attachants  :  tels  le  troisième, 
sur  le  christianisme  d'après  les  païens,  et  les  suivants  sur  les  chrétiens 
de  Rome,  où  apparaissent  tout  de  suite  des  sénateurs;  sur  les  conver- 
sions à  la  cour  de  Néron  et  à  celle  de  Domitien,  et  surtout  sur  les 
rapports  de  Sénèque  avec  saint  Paul.  M.  l'abbé  Laurent  cite  partout 
les  sources  :  soin  dont  il  faut  le  féliciter.  Les  premières  églises  de 
France  ont  aussi  leur  chapitre.  Au  fond,  c'est  une  histoire  raisonnée 
de  l'apostolat  catholique  durant  les  premiers  siècles. 

"—  Parmi  nous,  aujourd'hui,  cet  apostolat  a  pris  une  extension  et 
des  formes  nouvelles.  L'affaiblissement  de  la  foi,  l'ignorance  générale 
du  catéchisme,  les  diversions  opérées  dans  la  pensée  publique  par  le 
mouvement  fébrile  du  temps,  ont  fait  de  la  prédication  pastorale  une 
nécessité  plus  puissante.  De  là  tant  de  sermons,  exhortations,  confé- 
rences, et  tant  de  livres  destinés  au  clergé  pour  lui  faciliter  cette 
tâche.  La  librairie  Jos^e  réimprimait  dernièrement  les  dix-huit  vo- 
lumes grand  in-8  de  la  Bibliothèque  des  prédicateurs  du  P.  Houdry, 
monument  incomparable  de  plans,  renseignements,  citations,  con- 
seils, etc.  En  même  temps,  M.  l'abbé  C.  Martin  publiait  une  collec- 
tion non  moins  précieuse,  en  vingt-quatre  ou  vingt-cinq  volumes  com- 


—  392  - 

pactes,  sur  toutes  les  branches  de  la  prédication  catholique  et  pour 
tous  les  temps  de  l'année  chrétienne.  Le  Mmionnaire  du  jour  de  la 
lircmière  communion  fait  partie  de  cette  collection.  La  première 
communion  elle-même  a  pris  dans  nos  paroisses  une  importance  supé- 
rieure, elle  est  devenue  comme  le  rempart  de  la  religion.  La  famille, 
en  d'autres  temps,  instruisait  les  jeunes  âmes;  c'était  sur  les  genoux 
de  sa  mère  qu'un  petit  enfant  apprenait  les  principes  de  la  religion  et 
les  formules  de  la  piété  ;  la  besogne  du  pasteur  était  facile.  Bien  dif- 
férents sont  maintenant  les  besoins  :  ce  n'est  qu'à  l'église,  et  avec 
mille  difficultés,  que  la  jeunesse  entend  parler  de  Dieu,  de  la  vie  fu- 
ture, du  devoir,  des  mystères  chrétiens;  chacun  devra  vivre  jusqu'à  la 
fin^  dans  la  plupart  des  cas,  sur  cette  provision  de  deux  ou  trois  an- 
nées de  catéchisme.  Combien  importe  donc  ce  catéchisme,  combien 
cette  première  communion!  M.  l'abbé  Hébert,  auteur  du  Missionnaire 
dont  nous  parlons,  avait  déjà  composé  un  livre  sur  la  retraite  prépa- 
ratoire; il  complète  l'œuvre  par  ce  second  volume.  —  Le  jour  de  la 
première  communion,  nous  dit-il,  est  d'une  si  capitale  importance 
pour  une  paroisse,  que  le  pasteur  soucieux  du  soin  des  âmes  aime  à 
se  dépenser  pendant  toute  cette  merveilleuse  journée.  Il  multiplie  la 
sainte  parole,  sans  crainte  comme  sans  réserve,  et  son  auditoire,  sous 
les  plus  douces  impressions  qu'on  ressente  jamais  ici-bas,  se  prête 
toujours  avec  empressement  aux  efforts  de  son  zèle.  Les  enfants  dis- 
posés et  saintement  avides,  les  parents,  dont  un  grand  nombre,  les 
pères  surtout,  ont  désappris  la  parole  de  vérité,  écoutent  avec  émo- 
tion les  exhortations  du  prêtre,  ses  invitations  pressantes,  dictées  par 
la  sollicitude  et  les  angoisses  d'un  avenir  incertain,  que  l'expérience 
apprend  à  redouter  pour  tous.  Il  faut  au  pasteur  la  fécondité  de 
l'apôtre,  la  charité  du  père,  l'ardeur  et  l'entrain  du  missionnaire. 
Mais  tous  ces  devoirs  se  pressent  à  la  fois  en  un  même  jour,  et  ce 
jour  est  précédé  des  longues  fatigues  de  la  retraite  préparatoire  et 
des  séances  prolongées  qu'exige,  au  saint  tribunal,  la  confession  des 
enfants.  M.  l'abbé  Hébert  s'est  proposé  de  simplifier  pour  lui  les 
labeurs  d'une  telle  journée,  et  de  rassembler,  à  son  usage,  un  livre 
réunissant  des  instructions  variées  pour  cette  solennité.  Ce  livre  a 
deux  parties.  Dans  la  première  se  trouve  un  nombre  de  discours  suf- 
fisant pour  chacune  des  circonstances  particulières  de  cette  sainte 
journée,  de  façon  à  ofî'rir  au  pasteur  la  facilité  du  choix,  suivant  son 
goût  ou  suivant  les  besoins  de  l'auditoire.  Dans  la  seconde,  on  a  ras- 
semblé d'autres  instructions  sur  les  mêmes  matières  ou  sur  des  sujets 
spéciaux  se  rattachant  à  la  première  communion.  De  cette  façon, 
observe  à  bon  droit  l'auteur,  on  évite  l'inconvénient  de  présenter  à 
la  suite  les  uns  des  autres  une  trop  longue  série  de  discours  sur  un 
seul  point,  tout  en  laissant  au  prêtre  la  possibilité  de  trouver  la  va- 


—  303  — 

riété,  qui  importe  beaucoup.  —  Ces  discours  sont  d'une  longueur  rai- 
sonnable, heureusement  divisés,  écrits  en  une  langue  facile.  Ils  ont 
pour  sujets  :  l'importance  de  la  première  communion,  les  disposi- 
tions à  y  apporter,  les  fruits  immédiats  à  en  retirer,  les  devoirs  des 
enfants  et  ceux  des  parents,  le  renouvellement  des  vœux  du  baptême, 
la  grandeur  du  titre  de  chrétien,  etc.,  etc.  Ajoutons-y  quantité  d'al- 
locutions avant  et  après  la  communion,  sur  les  actes,  l'action  de 
grâces,  et  autres  semblables. 

—  Le  développement  qu'a  pris  dans  ce  siècle  la  dévotion  au  Sacré- 
Cœur  tient  certainement  du  prodige.  Les  livres  se  sont  multipliés 
aussi;  il  n'est  guère  d'année  qui  n'en  voie  paraître  plusieurs.  Son 
Eminence  le  cardinal  Manning  nous  offre  à  son  tour  (es  Gloires  du 
Sacré-Cœur,  et  l'on  pressent  à  quelle  hauteur  s'élève  l'illustre  prince 
de  l'Église.  C'est  d'ailleurs  un  sujet  difficile,  soit  parce  qu'il  se 
tient  essentiellement  dans  les  régions  du  pur  mysticisme,  soit  parce 
qu'on  y  peut  rattacher  tous  les  mystères  de  la  religion,  ce  qui  étendrait 
son  domaine  à  la  théologie  entière.  C'est  la  remarque  de  M^'  Man- 
ning. Le  culte  du  Sacré-Cœur,  observe-t-il,  a  deux  aspects  différents  : 
le  premier  nous  le  montre  comme  le  centre  de  tout  le  dogme,  l'autre 
comme  la  source  de  la  plus  fervente  dévotion.  «  Je  me  suis  renfermé 
à  dessein  dans  la  partie  dogmatique  de  cette  dévotion;  et  cela  pour 
les  raisons  suivantes.  Je  suis  fermement  convaincu  que  la  vérité 
divine,  lorsqu'elle  est  pleinement  et  convenablement  admise, 
engendre  d'elle-même  la  dévotion;  qu'une  cause  du  peu  de  persévé- 
rance dans  la  vie  spirituelle  est  la  connaissance  superficielle  du  dogme 
de  l'Incarnation,  et  que  le  but  divin  de  l'institution  et  de  la  propaga- 
tion de  ce  culte,  en  ces  derniers  temps,  est  de  réveiller  dans  l'esprit 
des  hommes  la  conscience  de  leur  relation  personnelle  avec  le  divin 
Maître  (p.  ix).  »  Ceci  est  donc  un  livre  de  doctrine  plutôt  que  de 
piété  proprement  dite  ;  ce  sont  les  principes  qui  illuminent,  pour 
échauffer  ensuite.  Ms^  Manning  envisage  son  sujet  et  le  traite 
dans  l'ordre  suivant:  —  la  gloire  divine  du  Sacré-Cœur,  comprenant 
la  déification  de  la  sainte  humanité,  l'adoration  de  l'humanité  déifiée, 
et  l'adoration  du  Cœur  sacré  spécialement;  le  Sacré-Cœur  est  la  voie 
divine  de  l'amour;  —  la  science  du  Sacré-Cœur;  —  la  dernière  vo- 
lonté du  Sacré-Cœur, —  sa  gloire  temporelle,  —  sa  gloire  éternelle; 
—  le  pouvoir  qu'il  exerce  sur  les  cœurs  pour  les  transformer;  —  le 
moyen  assuré  de  lui  ressembler,  et  les  signes  de  cette  ressemblance. 
C'est  prendre  les  choses  au  plus  profond  de  leur  essence,  et  pour 
la  simple  spéculation  et  pour  la  pratique.  Le  livre  est  plein  de  citations 
et  d'autorités,  Ecriture,  Pères,  théologiens,  ascètes.  Il  peut  être  lu 
avec  fruit  par  les  simples  fidèles,  par  les  religieux,  par  les  ecclésias- 
tiques, par  les  jeunes   gens.  Les   mères,  par   exemple,  y  trouveront 


—  394  - 

d'engageantes  leçons  sur  leurs  devoirs  envers  les  enfants  (p.  232). 
Tout  le  monde,  au  chapitre  de  la  ressemblance  avec  le  Sacré-Cœur^ 
verra  tracées  les  règles  de  la  vie  chrétienne  en  général,  puisque  cette 
ressemblance  n'est  autre  chose  que  le  travail  graduel  de  la  transfor- 
mation de  l'âme,  où  Dieu  et  l'homme  apportent  simultanément  leur 
concours;  et  tout  cela  aboutit  à  la  parole  de  saint  Paul  :  Ne  vous  con- 
formez point  an  siècle  présent,  mais  qu'Use  fasse  en  vous  une  transfor- 
niation  par  le  renouvellement  de  votre  esprit.  C'est-à-dire  :  Quittez  le 
monde,  ne  suivez  point  ses  maximes  :  car  ceux  qui  aiment  le  monde 
sont  en  inimitié  avec  Dieu  ;  soyez  transformés,  refaits,  créés  de  nou- 
veau ;  devenez  d'autres  créatures.  Quant  à  la  traduction  de  M.  l'abbé 
Goemaere,  il  nous  semble  qu'elle  eût  pu  être  un  peu  moins  lourde. 

—  Le  livre  d'Esther  a  été  composé  par  M.  l'abbé  Picus  pour  toutes 
les''  solennités  de  la  sainte  Vierge,  mais  plus  particulièrement  pour  le 
mois  de  Marie  ;  pour  cela,  il  se  compose  de  trente  et  un  chapitres.  Les 
sujets  de  prédication  ou  de  méditation  pendant  ces  quatre  ou  cinq 
semaines  ne  sont  rien  moins  que  faciles  à  trouver.  Tantôt  on  par- 
courra les  invocations  des  litanies  durant  toute  la  station,  tantôt  on 
s'attachera  [à  la  vie  de  Marie,  ou  bien  aux  diverses  prières  anciennes, 
hymnes,  invocations,  louanges  que  lui  adresse  l'Église.  Ce  sont,  évi- 
demment, choses  excellentes  et  louables.  M.  Tabbé  Picus,  s'écartant 
de  ces  données  communes,  a  conçu  un  plan  neuf,  singulier,  fécond,  et 
il  l'a  rempli  d'une  manière  très-remarquable.  On  y  verra,  sans  doute, 
des  inégalités,  des  négligences  de  style,  des  passages  moins  tra- 
vaillés ;  mais  aussi  que  de  pensées  vraiment  sublimes  ;  quel  abondant 
usage  de  l'Écriture  et  des  saints  Pères!  quelle  puissance  d'images! 
quels  ingénieux  rapprochements  !  quelles  excursions  dans  l'immense 
champ  des  desseins  du  Ciel  !  M.  l'abbé  Picus  n'est  point  du  tout  un 
penseur  ordinaire.  Nous  nous  étonnons  qu'un  livre  comme  le  sien  soit 
encore  aussi  peu  connu.  Il  faut  choisir  dans  ces  pages  inégales,  et  ce 
que  l'on  y  recueille  peut  défrayer  de  longues  journées  de  méditations, 
et  pour  un  prêtre  de  nombreuses  et  substantielles  instructions. 
Le  fond  du  livre,  disons  mieux,  de  ces  discours,  est  de  comtempler 
Marie  dans  Esther,  de  rapporter  sur  cette  première  histoire  la 
seconde,  la  réalité  sur  la  prophétie.  On  voit  le  commencement  de 
toutes  choses  dans  le  festin  du  grand  Roi,  image  du  festin  de  Dieu. 
Le  festin  de  Dieu  !  c'est  là,  en  effet,  que  commence  le  monde.  Là  aussi 
se  divise  le  monde  ;  là  naissent  les  deux  cités.  L'une,  la  cité  céleste,  se 
forme  autour  du  Verbe  incarné  ;  l'autre,  la  cité  maudite,  se  groupe 
autour  de  Satan.  Jésus,  l'adversaire  :  voilà  les  deux  dragons  qui  se 
mesurent  du  regard  et  se  disposent  au  combat.  Pendant  quatre  mille 
ans  l'enfer  paraît  triompher.  — Voici  Mardochée,  image  du  Sauveur, 
refusant  l'adoration   sacrilège.  L'ennemi  le  condamne  à  mort.  C'est 


—  395  — 

parce  que  l'humanité,  soutenue  par  le  Christ,  n'a  jamais  fait  une 
génuflexion  complète  devant  Lucifer  que  celui-ci  a  juré  la  mort  du 
Christ  et  de  l'humanité.  Or,  pendant  que  Satan  se  gonfle  ainsi  d'or- 
gueil et  de  vengeance,  une  petite  fontaine  apparaît,  sortant  du  sol  ; 
bientôt  elle  est  fleuve,  elle  répand  sur  toute  la  terre  ses  ondes,  eau 
tout  à  la  fois  et  lumière  :  c'est  Marie  !  Marie  immaculée,  vierge 
comme  la  petite  fontaine  qui  sort  des  flancs  de  la  montagne,  et  qui 
reçoit  ses  flots  parles  mystérieux  chemins  que  l'Océan  s'est  faits  dans 
le  sein  delà  terre  ;  Marie  dont  l'origine  est  dans  le  cœur  de  Dieu  ; 
«  Marie  qui  vient  à  travers  les  siècles  et  les  générations,  qui  monte 
etjaillit  enfin  à  la  surface  de  l'humanité  au  jour  fixé  par  laProvidence . 
Oui,  c'est  elle,  la  petite  fontaine,  qui  va  changer  la  face  du  monde 
en  changeant  la  face  du  grand  combat.  Le  divin  Mardochée  ;  le 
Fils  de  Dieu,  a  enfin  un  aide,  le  secours  sans  lequel  il  n'apas  voulu 
triompher.  Comme  Esther  l'illustre  orpheline,  Marie  demeure  long- 
temps cachée  au  milieu  des  captifs  :  on  la  cherche,  on  la  trouve; 
elle  est  présentée  au  roi,  elle  entre  dans  le  palais,  elle  monte  sur 
le  trône  et  se  met  en  devoir  de  sauver  son  peuple.  La  fontaine 
grandit  ;  elle  devient  bientôt  un  fleuve  immense  qui  arrosera  toute 
la  terre  d'Israël.  Les  flots  de  Marie,  c'est  la  sainte  doctrine...;  etc. 
(p.  7).  j)  Comme  Esther,  Marie  sert  deux  festins  au  monarque  éternel. 
Dans  le  premier,  elle  traite  magnifiquement  la  bonté  et  l'amour  : 
c'est  l'incarnation.  Dans  le  second,  elle  dresse  avec  une  égale  muni- 
ficence la  table  do  la  justice  :  c'est  le  Calvaire. 

—  Heures  de  tristesse  et  d'espérance  !  «  Vous  qui  avez  vécu,  s'écrie 
»  M.  l'abbé  de  Bellune,  à  quoi  a  ressemblé  votre  vie,  la  vie  intime  et 
»  secrète  de  votre  âme?  Est-ce  à  un  jour  de  printemps,  radieux,  pur, 
»  calme,  embaumé?  Est-ce  à  un  jour  d'automne,  mélancolique  et 
»  froid?  Hélas!  vos  jours  de  printemps,  vos  jours  de  soleil,  comptez- 
»  les!  Comptez  non  pas  môme  vos  jours,  mais  vos  heures,  et  dites- 
»  nous  combien  de  fois  le  bonheur,  mais  un  bonheur  vrai,  s'est  levé 
»  à  l'horizon  de  vos  années,  et  combien  de  temps  il  vous  a  souri,  à 
»  travers  l'uniforme  tristesse  de  votre  ciel  ouvert  !  Qui  de  nous  ne 
»  connaît  cette  couleur  grise  de  la  vie,  qui  lasse  et  qui  désenchante? 
»  Qui  de  nous  n'avait  rêvé  autre  chose  ?  Et  qui  de  nous  ne  s'est  dit, 
»  en  voyant  tomber  les  feuilles  sèches  :  Voilà  comme  sont  tombés 
»  mes  premiers  rêves,  et  comme  le  vent  les  a  emportés!  (p.  7).  » 
Telle  est  la  plainte  universelle;  il  faut  soufl'rir  :  c'est  la  loi  de  cette 
vie,  à  laquelle  nul  ne  se  peut  soustraire.  Où  trouver  des  consolations, 
où  puiser  la  force  de  supporter  l'épreuve?  c'est  ce  qu'indique  M.  l'abbé 
de  Bellune  dans  ce  volume,  écrit  avec  beaucoup  de  goût,  dicté  par  la  foi, 
inspiré  par  de  puissantes  convictions,  rédigé  sous  une  forme  agréable 
dans  sa  variété,  monologues,  tableaux,  considérations,  dialogues  entre 


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l'ange  et  l'homme,  etc.  Cette  variété,  qui  ôte  à  Touvrage  tout  plan 
régulier,  lui  communique  un  charme  de  lecture  particulier.  La  pre- 
mière partie,  composée  de  neuf  chapitres,  est  intitulée  Heures  où  la 
coupe  est  pleine,  et  appelle  successivement  l'esprit  sur  la  loi,  le  mys- 
tère, l'épreuve  de  la  vie,  l'apprentissage,  le  voyage,  le  roman,  le  dé- 
sert, le  combat  de  la  vie_,  le  poëme  de  la  vie.  Il  faudrait  tout  citer. 
Heures  où  les  larmes  sauvent  :  c'est  la  seconde  partie,  qui  vise  encore 
plus  directement  l'âme.  C'est  la  mourante  rappelée  à  la  foi  sur  son 
lit  d'agonie,  repassant  avec  une  amère  tristesse  sur  cette  vie  qu'elle 
ne  sut  pas  employer  au  bien,  et  pleurant  assez  maintenant  pour  que 
son  ange  puisse  lui  dire  :  «  Va,  chrétienne  :  Dieu  t'attend  !  »  C'est 
l'incrédule  entré  dans  une  église  de  campagne,  où  il  se  trouve  seul, 
alors  que  l'office  vient  de  finir,  et  repassant,  lui  aussi,  son  existence 
fanée,  stérile,  coupable  :  «  J'ai  perdu  le  goût  du  bonheur  !  n  Et  l'ange 
de  la  vieille  église  se  fait  entendre  :  «  Ta  plus  grande  faute  n'est 
point  d'avoir  douté;  ta  plus  grande  faute  est  de  n'avoir  pas  prié.  Si 
tu  avais  prié,  jamais  ton  cœur  et  ta  raison  ne  fussent  tombés  si  bas  ; 
jamais  ils  ne  fussent  restés  si  longtemps  dans  l'abîme  où  je  les  vois  se 
débattre  encore  (p.  221).  »  —  Ce  sont  les  larmes  de  Madeleine  la 
pécheresse,  qui  vient  de  voir  passer  sous  ses  fenêtres  le  Saint-Sacre- 
ment. «  J'éprouve  un  dégoût  que  je  ne  puis  exprimer,  une  horreur 
mortelle  pour  cette  boue  dans  laquelle  j'ai  roulé  mon  âme  ;  et  en 
même  temps,  en  vous  regardant  sur  votre  croix,  en  contemplant  vos 
mains  qui  m'ont  autrefois  bénie,  vos  pieds  que  je  crains  de  baiser, 
votre  front  qui  avait  mis.  en  un  autre  temps,  sur  le  mien  quelque 
chose  de  sa  douceur  et  de  sa  pureté,  je  sens  s'allumer  en  moi  un 
amour  dont,  en  mes  meilleurs  jours,  je  n'avais  jamais  ressenti  si 
irrésistiblement  les  ardeurs.  Seigneur,  vous  savez  tout  :  vous  savez 
donc  que  je  vous  aime  (p.  233).  »  Et  l'ange  de  Béthanie  lui  apporte 
du  ciel  la  consolation  qui  purifie.  —  Ce  sont,  ensuite,  les  larmes  de 
l'enfant  prodigue,  le  chœur  des  anges  qui  l'accueillent.  Ce  senties 
pauvres  dans  les  tentations  de  la  misère  ;  les  pauvres  dont  M™^  Swet- 
chihe  a  dit  si  justement  :  «  C'est  par  pitié  pour  les  riches  qu'il  y  a  des 
pauvres.  »  Ce  sont  des  scènes  avant  l'orage,  après  la  foudre,  en  face 
des  filets  vides.  Ce  sont  les  larmes  du  prêtre  à  la  vue  de  tant  de  mal- 
heureux qui  se  condamnent  eux-mêmes  au  sort  le  plus  cruel.  —  Le 
livre  de  M.  l'abbé  de  Bellune  est  un  livre  précieux  pour  la  douleur; 
on  devient  non-seulement  plus  calme  mais  meilleur  après  l'avoir  lu. 
Écrit  avec  le  cœur,  il  atteint  le  cœur  et  lui  parle  son  vrai  langage. 
Ajoutons  qu'il  est  magnifiquement  imprimé,  avec  caractères  et  papier 
de  choix,  filets,  format  agréable,  lettres  ornées,  têtes  et  fins  de  cha- 
pitres illustrées.  Une  telle  édition  fait  grand  honneur  aux  presses  de 
M.  Rouillé-Ladevèze,  à  Tours. 


—  Belle  édition  aussi  que  celle  du  TraUido  de  la  Tribulaclon  du 
P.  Ribadeneira,  non  Ri  va  de  ne  ira,  comme  l'imprime  l'éditeur  de  Madrid. 
C'est  ainsi  que  signait  le  célèbre  religieux.  Ribadeneira  appartient 
au  seizième  siècle.  R  publia  ce  livre  en  1589,  au  milieu  des  cala- 
mités de  toutes  sortes  auxquelles  était  en  butte  l'Espagne,  et  il  récri- 
vit de  ce  grand  style  du  temps,  celui  des  Thérèse  et  des  Louis  de 
Léon,  qui  est  resté  classique.  Le  nouvel  éditeur  nous  apprend  qu'il  a 
été  porté  à  réimprimer  un  si  noble  ouvrage  en  considérant  les  maux 
de  l'époque  présente,  plus  intenses  et  plus  graves  que  ceux  dont  fut 
ému  l'éminent  jésuite.  Et  parmi  ces  maux  il  place  ajuste  titre  les  ra- 
vages de  la  mauvaise  presse.  «  Lorsque,  dit-il,  l'imprimerie  propage 
)>  une  infinité  de  livres  dont  le  luxe  de  publication  contraste  avec 
»  l'extrême  pauvreté  du  fond,  nous,  qui  avons  pour  le  P.  Ribadeneira 
»  une  admiration  religieuse  (et  il  la  mérite  comme  l'un  des  maîtres 
»  de  la  belle  langue  castillane),  nous  avons  jugé  utile  de  remettre  en 
»  lumière  le  Traité  des  Douleurs  de  la  vie,  cet  écrit  si  estimé,  et  de  lui 
»  ménager  les  soins  typographiques  qui  plaisent  à  notre  époque,  n  Et 
en  eff'et,  l'édition,  nous  Tavons  remarqué,  est  fort  élégante,  avec  un 
beau  portrait  de  l'auteur  et  des  ornements  en  tête  des  chapitres.  Pour 
le  texte,  on  a  reproduit  l'édition  donnée  par  Sanchez  en  1605,  édition 
plus  exacte  que  celles  de  Valence  en  1830  et  1831,  et  de  Palma  en 
184G.  —  Le  genre  de  l'auteur  est.  naturellement,  celui  de  son  temps  : 
une  marche  paisible,  beaucoup  de  piété  affective,  toutes  les  considéra- 
tions subordonnées  à  la  foi,  un  appel  incessant  au  cœur,  la  sainte 
écriture  citée  à  chaque  ligne,  pour  ainsi  dire  ;  rien  de  tourmenté 
comme  dans  la  littérature  de  notre  temps.  C'est  un  fleuve  paisible 
dans  son  cours,  un  rayon  de  soleil  que  rien  ne  brise.  —  Souffrances 
particulières  et  personnelles,  épreuves  générales  et  publiques  :  telles 
sont  les  deux  parties  qui  divisent  le  traité.  Chacune  comprend  une 
vingtaine  de  chapitres.  Partant  de  ce  fait  que  la  vie  de  ce  monde 
n'est  qu'une  suite  de  tribulations  et  de  tristesses,  le  P.  Ribadeneira 
constate  que  Dieu  l'a  ainsi  réglé  dans  des  vues  souverainement  sages, 
toutes  pour  l'intérêt  de  sa  créature, qui  en  recueille, si  elle  est  en  grâce 
avec  lui,  ces  trois  trésors  :  la  purification  du  passé,  la  lumière  de 
l'âme,  la  perfection  de  la  vertu...  Quant  aux  pécheurs,  quelle  est  leur 
conduite  en  pareil  cas?  que  font-ils  pour  se  consoler?  Nous,  chrétiens 
fidèles,  nous  avons  la  résignation,  l'espérance,  l'amour  du  Père  qui 
frappe,  même  dans  les  sécheresses  et  abandonnements  intérieurs. 
Nous  savons  pourquoi  le  Ciel  ne  refuse  pas  aux  méchants  les  prospé- 
rités temporelles.  —  Pour  ce  qui  regarde  les  fléaux  publics,  ils  sont 
un  châtiment  de  Dieu.  Le  Seigneur  permet  que  le  péché  soit  souvent 
puni  par  le  péché.  L^hérésie  peut  être  rangée  au  premier  rang  de  ces 
calamités.  —  Un  chapitre  bien  consolant  est  le  douzième  de  la  seconde 


"  398  — 

partie,  où  il  est  question  des  miséricordes  du  Seigneur  à  l'égard  de 
ceux  qui  meurent  dans  ces  circonstances  où  éclate  la  justice.  Dieu 
permet  encore  que  des  personnes  pieuses,  et  tenues  pour  saintes, 
tombent  dans  Terreur  et  y  induisent  les  autres  :  et  c'est  pourquoi  cha- 
cun doit  veiller  pour  n'être  point  séduit.  Et  l'auteur  termine  en  conju- 
rant son  lecteur  de  se  rappeler  que  pas  un  cheveu  ne  tombe  de  notre 
tête,  pas  une  feuille  des  arbres,  pas  une  goutte  d'eau,  que  la  Provi- 
dence ne  le  sache  et  ne  l'ait  ainsi  réglé  :  Jésus  lui-même  nous  l'af- 
firme. Comment  donc  perdre  courage  ?  comment  plutôt  ne  pas  bénir 
toujours  un  Dieu  attentif  au  bien  de  sa  créature? 

—  Le  traité  du  P.  Hermans  sur  les  Anges  de  la  tradition  catholique 
éclaire  un  point  de  doctrine  dont  s'occupent  trop  peu  les  fidèles.  Les 
Anges!  dit  l'auteur  :  ce  seul  nom  élève    nos  âmes  et  les  attendrit;  il 
réveille  les  plus  aimables  souvenirs  de  notre  piété  d'enfance.  Quand  il 
nous  estdonné  de  nous  trouver  en  relation  avec  un  être  orné  de  toutes 
ces  qualités  qui  captivent  l'esprit,  commandent  le  respect  et  arra-chent 
l'amour,  nous  ne  trouvons  pas  de  terme  plus  propre  à  réprimer  nos 
sentiments  que  de  l'appeler  un  aïKje.  Or,  en  un  temps  où  beaucoup 
d'hommes  affectent  de  ne  plus  priser  que  la  matière  et  les  intérêts  de 
la  vie  présente,  il  convient  que  le   chrétien   élève    d'autant  plus  les 
yeux  vers  les  hauteurs  célestes.  Il  y  a  là  pour  le  peuple  fidèle  matière 
aux  meilleures  réflexions,  pour  les  pasteurs  à  des  instructions  utiles 
et  de  circonstance.  —  Ce  n'est  point,  d'ailleurs,  un  traité  théologique 
proprement  dit  qu'a  entrepris  le  pieux  écrivainj  mais  plutôt  de  fournir 
un  aliment  aux  sentiments  de  la  ferveur.  Dans  une  matière  qui  renferme 
peu  de   points   dogmatiques   définis,   il    est   nécessaire  de  recourir 
fréquemment  aux  Pères  de  l'Eglise  et  aux  ouvrages  des  saints.  Combien 
de  ces   saints  qui   ont  pu  jouir  familièrement  de  la  présence  de  leur 
ange  gardien!  —  L'ordre  du  volume  est  celui-ci  :  on  traite  d'abord 
des  anges  en  général,  de  leur  existence  et  de  leur  nature.  Comme  cette 
nature  est  spirituelle,  il  faut  étudier  leur  intelligence,  leur  vouloir, 
leur  opération;  puis  leur  histoire,  autant  que  Dieu  en  a  soulevé  le 
voile  pour  nous.  Cette  histotre  c'est,  avant  tout,  l'épreuve  qu'ils  eurent 
à  subir  avant  d'être  confirmés  dans  leur  félicité.  Les  uns  succombent: 
ils  sont  condamnés  sans  espoir  de  réhabilation,  et  dès  ce  moment  une 
féroce  jalousie  les  pousse  àpersécuterl'homme  pour  l'attirer  dans  lamême 
déchéance. Les  autres, restés  fidèles, sont  à  jamais  couronnés, et, au  milieu 
de  leur  bonheur,  feront  auprès  des  fils  d'Adam  une  œuvre  directement 
contraire  à  celle  des  démons.   L'étude   que  l'on  fait  de  ces  esprits 
sublimes  met  en  présence  de  leur  bonheur,  de  la   hiérarchie  qui  les 
partage,  de  leurs  rapports  généraux  avec  nous,  des  bienfaits  que  nous 
recevons  d'eux,  du  culte  qui  leur  revient,  des  vertus  qui  leursont  chères. 
• — A  qui  l'auteur  destine-t-il  l'ouvrage?  il  nous  apprend  qu'il  a  en  vue 


—  399  — 

les  prêtres  chargés  d'être  les  anges  de  la  famille  chrétienne,  aux 
personnes  religieuses  de  qui  la  vie  doit  être  angélique,  à  tous  ceux 
qui  s'occupent  d'élever  l'enfance  et  de  la  conduire  vers  Dieu,  aux 
affligés,  à  quiconque  souifre  et  gémit,  et  aussi  aux  pécheurs  puisqu'il 
n'y  a  rien  que  de  consolant  et  d'émouvant  dans  cette  doctrine  qui 
nous  assure  en  haut  de  si  aimables  et  si  puissants  protecteurs.  — 
L'enseignement  du  P.  Hermans  est  substantiel,  savant,  clair,  orné  de 
traits  historiques  qui  soutiennent  l'attention  et  rendent  cette  lecture 
fort  agréable.  Le  style,  il  faut  en  convenir,  est  un  peu  lourd. 

—  Le  Livre  unique  des  Fidèles  procurera  à  la  fois  d'innombrables 
formules  de  prières  et  des  instructions  religieuses  de  tout  genre. 
Livre  «  unique  »,  c'est  beaucoup  dire,  et  les  choses  ne  vont  point 
jusque-là;  mettons  plutôt  livre  pratique,  manuel,  recueil.  C'est  d'ail- 
leurs un  volume  fortconsidérable, de  près  de  900  pages  compactes, où  l'on 
a  pu  faire  entrer  beaucoup  de  matière.  La  pensée  qui  l'a  dicté  est 
celle-ci  :  «  Le  grand  moyen  de  salut,  la  voie  la  plus  sûre  et  la  plus 
facile  pour  arriver  au  ciel,  c'est  la  sanctification  de  nos  actions  ordi- 
naires. »  Cest  pourquoi  cet  ouvrage  se  divise  en  cinq  parties  :  sancti- 
fication de  la  journée,  sanctification  de  la  semaine,  du  mois,  de 
l'année,  de  la  vie,  de  la  mort.  On  y  a  rassemblé  les  plus  belles  prières 
pour  toutes  les  circonstances,  des  instructions  sur  les  solennités  de 
l'année  ecclésiastique,  les  vies  des  principaux  saints  à  leur  date  dans 
le  calendrier,  la  doctrine  sur  les  sacrements,  les  ofBces  de  l'église,  et 
même,  ce  qui  est  une  excellente  pensée,  les  cérémonies  et  oraisons 
du  Baptême,  de  la  Confirmation,  de  l'Extrême-Onction,  afin  que  le 
chrétien  en  puisse  profiter  lorsqu'il  est  appelé  à  y  assister.  Tout  cela 
est  fort  sagement  rédigé,  méthodiquement  distribué,  et  un  pareil  livre 
est  appelé  à  rendre  au  peuple  un  service  précieux. 

—  Quant  aux  Excellences  du  saint  cœur  de  Marie,  l'opuscule  est 
traduit  du  P.  Pinamonti,  auteur  ascétique  connu  et  estimé,  en  Italie 
surtout,  et  de  qui  plusieurs  traités  ont  eu  des  versions  dans  toutes  les 
langues  de  l'Europe.  Celle-ci  a  été  faite  avec  assez  d'intelligence.  Quel- 
quefois on  ajoute  un  mot  pour  rendre  la  pensée  avec  plus  de  clarté  ; 
ailleurs,  on  n'hésite  point  à  retrancher  quelques  phrases  plus  conformes 
au  génie  exubérant  de  la  langue  italienne  qu'aux  procédés  ordinaires 
delà  langue  française.  Pinamonti,  né  à  Pistoia  en  1632,  entrait  à 
quinze  ans  chez  les  jésuites  de  Rome,  où  il  devint  pendant  vingt-six 
ans  le  compagnon  des  travaux  apostoliques  du  célèbre  prédicateur 
Paul  Ségneri  ;  travaux  qu'il  continua  encore  douze  ans  après  la  mort 
du  saint  religieux.  Il  mourut  lui-même  en  1705,  âgé  de  soixante  et  onze 
ans.  Ses  œuvres  spirituelles  ont  été  plusieurs  fois  réimprimées,  notam- 
ment à  Venise,  1751,  en  un  gros  in-4.  —  Le  sujet  est  partagé  ici  en 
considérations,  subdivisées  elles-mêmes  en  articles.  A  la  fin  de  chaque 


—  400  — 

considération,  l'auteur  a  pour  habitude  de  suggérer  une  pratique  de 
dévotion  ;  et,  pour  en  mieux  recommander  l'usage,  il  l'accompagne 
d'un  exemple,  ordinairement  choisi  de  nature  à  exciter  une  vive  im- 
pression. En  général,  le  P.  Pinamonti  est  simple,  méthodique, 
onctueux;  il  est  aimé  des  âmes  intérieures,  accessible  à  toutes  les 
autres.  Ayant  à  traiter  du  cœur  de  la  sainte  Vierge,  il  suit  cet  ordre  : 

—  Le  cœur  de  Marie  est  un  miroir  sans  tache,  le  siège  d'une  pureté 
souveraine,  en  tant  qu'elle  est  la  fille  du  Père  éternel,  la  mère  du  Fils 
de  Dieu,  l'épouse  du  Saint-Esprit;  c'est  un  cœur  digne  delà  Mère  de 
Dieu;  —  c'est  un  abîme  de  grâces,  une  copie  fidèle  du  cœur  de  Jésus; 

—  c'est  le  foyer  du  saint  amour,  et  en  même  temps  l'océan  des  dou- 
leurs ;  —  enfin,  c'est  un  paradis  de  délices  pour  le  cœur  de  Dieu, 

— Une  collection  de  bonslivres,  publiée  par  livraisons,  sous  ladirection 
duP.  Vanderspeeten,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  est  intitulée  Bibliothèque 
chrétienne.  Nombre  de  ces  petits  livres,  bien  imprimés,  dans  un  format 
commode,  ont  déjà  été  donnés  au  public  religieux. Tel  la  Soumission  dit 
chrétien  aux  arrêts  de  la  Providence  (en  deux  livraisons),  par  le  P.  domini- 
cain Antoine  Touron,  mort  en  1775.  En  1752,  il  avait  publié  un  Traité  his- 
torique, dogmatique  et  moral  de  la  Providence,  divisé  en  trois  parties, 
dont  l'une  est  cet  opuscule.  Le  mérite,  vraiment,  n'en  est  point  dans 
le  style  ;  mais  ce  défaut  se  trouve  racheté  par  une  parfaite  clarté 
d'exposition,  une  vigoureuse  énergie  de  foi,  une  logique  frappante  de 
bon  sens  dans  la  déduction  des  idées  :  d'où  résulte  pour  le  cœur  un 
aliment  fortifiant,  c'est-à-dire  une  reconnaissance  très-vive  pour 
les  bienfaits  du  Créateur  ;  une  filiale  confiance  en  la  divine  bonté,  au 
milieu  des  épreuves  et  des  périls  ;  une  conformité  de  plus  en  plus 
parfaite  à  la  volonté  du  Ciel.  C'est  donc  une  lecture  à  recommander, 
aussi  bien  que  celle  des  Secrets  desseins  de  la  Providence,  du  même 
auteur  et  de  la  même  collection.  La  prospérité  des  impies  n'est 
point  un  argument  contre  la  Providence,  qui  a  des  desseins  arrêtés 
dans  la  distribution  des  biens  et  des  maux  de  cette  vie,  desseins  que 
nous  comprendrons  un  jour,  et  qui  nous  porteront  à  louer  davantage 
la  divine  sagesse.  Telle  est  la  thèse  du  P.  Touron,  et  il  l'établit  de 
manière  à  porter  dans  l'âme  une  sainte  et  douce  conviction. 

—  De  la  même  collection  encore,  la  Pratique  de  la  dévotion  au  sacré 
cœur  de  Jésus,  extrait  de  divers  auteurs,  et  principalement  du  P.  de 
Gallifet.  C'est  un  petit  traité  assez  complet  dans  sa  brièveté,  où  se 
rencontrent  à  la  fois  des  méditations  et  des  prières,  et  aussi  des  ren- 
seignements utiles  sur.  les  différentes  associations  en  l'honneur  du 
Sacré-Cœur.  Bon  manuel  à  conseiller  aux  personnes  qui  n'ont  pas  le 
temps  de  faire  de  longues  lectures. 

—  Le  P.  Vanderspeeten  nous  présente  enfin,  dans  sa  Bibliothèque 
chrétienne.,  les  Avantages  de  la  charité  envers  les  âmes  du  purgatoire, 


—  401   — 

et  le  Sentier  du  paradis.  Le  premier  de  ces  opuscules  est  l'œuvre  du 
P.  Jacques  Munford,  jésuite,  une  des  glorieuses  victimes  des  persé- 
cutions protestantes  en  Angleterre,  au  dix-septième  siècle.  On  n'a 
priSj  au  surplus,  qu'une  partie  du  volume,  celle  qui  peut  le  mieux 
convenir  à  la  généralité  des  lecteurs  ;  on  y  ajoute  quelques  pratiques 
et  prières  en  faveur  des  défunts,  ce  qui  rentre  naturellement  dans  la 
partie  conservée,  celle  deTintercessionpourles  morts.  Quant  au  Sentier 
du  paradis  ou  Paix  inlérieuir,  l'auteur  en  est  le  P.  Scupoli,  de  Tordre 
des  théatins,  à  qui  nous  devons  aussi  le  Comhul  spirituel.  C'est  en 
italien  qu'avait  été  composé  le  Sentier,  et  ceci  en  est  une  traduction 
nouvelle.  Elle  en  fait  presque,  dit  l'éditeur,  un  livre  tout  autre,  tant 
la  version  généralement  reçue  aujourd'hui  est  peu  conforme  au  texte 
original.  Pour  apprécier  le  mérite  du  P.  Scupoli,  il  est  bon  de  se  rap- 
peler que  le  Combat  spirituel  a  eu  près  de  quatre  cents  éditions.  En 
étudiant  le  sujet  de  la  paix  intérieure,  le  vénérable  religieux  s'attache 
à  voir  quelle  est  la  nature  du  cœur  humain_,  et  comment  il  veut  être 
gouverné.  Or,  ce  qu'il  cherche  et  poursuit  de  toutes  ses  forces,  c'est 
la  tranquillité,  la  calme  possession  de  lui-même.  Cet  édifice  de  la  paix 
ne  s'élève  pas  sans  quelque  soin,  sans  quelque  lutte  et  quelque  peine. 
C'est  ainsi  que,  s' appuyant  exclusivement  sur  Dieu,rùme  se  dégagera 
volontairement  de  toute  satisfaction  purement  terrestre,  parce  qu'ainsi 
l'exige  la  véritable  humilité  et  pauvreté  d'esprit  qui  aide  à  acquérir 
cette  paix.  Elle  ne  se  trouve  non  plus  que  dans  la  solitude  de  l'esprit, 
qui  appelle  la  présence  de  Dieu.  Les  explications  de  l'auteur  sont  des 
plus  claires,  ses  conseils  des  plus  sages  et  des  plus  précis.  Au  fond, 
c'est  toute  la  perfection  intérieure. 

—  C'est  une  histoire  d'un  tout  autre  genre  que  la  Légende  de  sainte 
Catherine  d'Alexaiidric  {ton jouvs  de  la  Bibliotlièquc  chrétienne).  Légende 
est  le  mot  nécessaire,  les  vrais  actes  de  l'illustre  martyre  n'étant  pas 
parvenus  jusqu'à  nous.  Le  Martyrologe  romain  fait  de  Catherine  une 
assez  longue  mention  au  25  novembre,  et  il  est  vraisemblable  qu'on 
peut  appliquer  à  cette  grande  sainte  un  passage  d'Eusèbe  de  Césarée 
racontant  une  partie  de  ses  souffrances  sans  la  nommer.  Cette  ques- 
tion, et  plusieurs  autres  semblables,  sont  discutées  par  l'auteur  de 
l'opuscule  avec  science  et  logique  ;  puis  il  passe  au  récit,  qu'il  fait 
avec  beaucoup  d'intérêt  en  onze  petits  chapitres.  On  sait  combien  est 
dramatique  le  tableau  de  ce  martyre,  précédé  de  la  lutte  victorieuse 
d'une  simple  jeune  fille  contre  les  plus  célèbres  docteurs  d'Alexandrie. 

—  L'histoire  du  Pape  saint  Grégoire  VII  et  de  l'empereur  Henri  IV 
est  un  tableau  que  l'auteur  anonyme  a  jugé  utile  de  faire  au  moment 
où  l'un  des  ennemis  de  l'Église  disait  avec  fierté  :  «Nous  n'irons  point 
à  Canossa!  »  Il  faut  lui  souhaiter,  pour  lui  et  pour  le  monde,  d'avoir 
été  mauvais  prophète.  L'imprudent  ministre  a  cru,  ou  fait  semblant 

Mai  1878.  T.  XXII,  26. 


—  402  — 

de  croire,  que  rhumiliation  de  Canossa  ne  fut  qu'une  victoire  rem- 
portée sur  le  César  d'alors  par  l'arrogance  pontificale.  Il  y  avait  là 
plus  et  mieux  :  les  faits,  tels  que  l'historien  sérieux  les  doit  savoir, 
donnent  la  mesure  de  ce  grand  acte.  La  scène  de  l'empereur  aux 
pieds  du  pape  est  le  cauchemar  de  ceux  surtout  qui  détestent  le  plus 
les  empereurs.  Il  y  a  eu  huit  cents  ans,  le  28  janvier  1877,  qu'un 
prince  cruel  et  trompeur,  après  avoir  déshonoré  tout  ce  qui  méritait 
le  respect,  vint  humblement,  les  pieds  nus,  en  habit  de  pénitent, 
implorer  le  pardon  d'un  pape  qui  n'eût  jamais  demandé  mieux  que  de 
rester  son  père  et  son  constant  ami.  Ces  exemples,  ces  coups  de  Pro- 
vidence, sont  bons  à  rappeler  dans  les  temps  où  nous  vivons,  encore 
que  le  Ciel  ait  plusieurs  manières  de  répondre  à  ses  ennemis. 

—  Quant  au  Maggio  in  campagna,  ou  Mois  de  Marie  à  la  campagiie, 
c'est  un  très-recommandable  ouvrage,  rédigé  sous  forme  d'action 
familière,  où  l'on  raconte  en  vingt-quatre  chapitres  toute  la  vie  de  la 
sainte  Vierge,  avec  des  pages  assez  étendues  sur  son  culte.  Ce  petit 
livre  a  été  très-goûté  en  Italie  ;  on  a  dû  le  réimprimer  plusieurs  fois. 
Bien  qu'il  ne  porte  pas  de  nom  d'auteur,  nous  croyons  j  reconnaître 
la  main  de  don  Bosco  lui-même  ;  en  tout  cas,  cette  main,  quelle  qu'elle 
soit,  fut  dirigée  par  un  esprit  riche  de  pensées,  et  encore  plus  par  un 
cœur  plein  de  la  plus  touchante  piété. 

—  De  la  Santissima  communione^  235*^  volume  imprimé  à  Turin  par 
les  orphelins  de  don  Bosco,  le  Vincent  de  Paul  de  notre  temps,  nous 
n'avons  rien  à  dire,  puisque  c'est  la  simple  traduction  de  l'opuscule 
de  M^""  de  Ségur  qui  est  entre  toutes  les  mains.  L'Uffizio  délia  setti- 
mana-sanla  n'a  pas  non  plus  besoin  de  compte  rendu.  Comme  il  est 
en  latin  et  dans  un  format  de  poche  extrêmement  commode,  il  pour- 
rait servir  dans  tous  les  pays,  n'était  cette  perpétuelle  confusion  ita- 
lienne de  l'i  et  du  j,  inconnue  des  anciens  Romains  et  qui  exaspère  le 
lecteur  français. 

—  De  don  Bosco  aussi  est  le  manuel  de  piété,  à  l'usage  des  jeunes 
filles,  qu'il  a  intitulé  la  Figlia  cristiana  provveduta.  On  y  trouve 
instructions,  prières,  offices  de  l'Église,  cantiques  nombreux  dont  il 
eût  été  bon  de  donner  les  airs  notés.  La  pratique  de  cet  ouvrage, 
tout  en  nourrissant  l'âme  solidement,  habituerait  parmi  nous  les 
petites  pensionnaires  à  l'usage  de  la  langue  italienne. 

— '  Enfin,  dans  ces  ateliers  des  Orphelinats  Salésiens,  à  Turin, 
Gênes,  Nice,  on  imprime  une  série  d'opuscules  de  propagande,  à 
10  centimes  l'un,  que  nous  devons  aussi  recommander  :  ainsi  le  Pra- 
tiche  ed  orazloni  per  sanctificare;  le  Quaresima;  le  Culto  perpétua  del 
glorioso  patrono  délia  chiesa  cattolica  San  Giuseppe;  Un'  arma  di 
difesa  ai  giovani  colti;  le  Diario  Mariano;  le  Rosario  divotamente 
recitalo;  le  Ricordo  délia  prima  communione^  etc. 


—  403  — 

—  Terminons  par  deux  ouvrages  d'instruction  catéchistique.  Le 
premier,  Explications  sommaires  du  catéchisme,  est  dû  à  un  membre 
de  la  commission  d'examen  du  département  de  la  Seine,  M.  l'abbé 
Loizellier.  Le  respectable  auteur  est  dans  la  meilleure  des  con- 
ditions pour  un  travail  de  ce  genre  :  celle  d'une  très-longue  expé- 
rience dans  l'enseignement  de  la  jeunesse.  11  ne  procède  point  par 
interrogations,  mais  par  une  exposition  méthodique.  Qu'est  plutôt  un 
livre  de  lecture  pour  les  familles  et  pour  les  classes,  mais  rédigé  de 
telle  sorte  qu'il  n'y  a  pas  une  ligne  de  trop,  pas  une  expression 
obscure,  pas  une  chose  utile  omise.  La  disposition  typographique 
même  facilite  beaucoup  l'étude  de  cet  excellent  résumé,  qui,  suivi 
pas  à  pas,  et  développé  oratoirement,  fournirait  à  tous  les  caté- 
chistes un  plan  parfait  et  tous  les  matériaux  pour  un  cours  complet 
d'instructions.  M.  l'abbbé  Loizellier  a  d'ailleurs  rejeté  dans  un  autre 
petit  volume,  la  Table  questimnairc^  la  forme  interrogative,  qui 
repasse  toute  la  matière  et  servira  aux  examens  oraux. 

—  Bien  plus  étendu  est  le  Directeur  des  catéchismes,  par  M.  l'abbé 
Turcan.  Ici  nous  avons  tout  à  la  fois  la  méthode  pour  le  pasteur,  la 
substance  pour  ses  leçons,  la  forme  pour  cette  substance.  Ordre, 
clarté,  précision;  telles  sont  les  qualités  de  l'auteur  en  cet  ouvrage 
considérable,  fruit  d'un  exercice  prolongé  du  ministère  pastoral  et 
de  l'enseignement  de  la  théologie  dans  un  séminaire.  On  a  pu  faire 
aussi  bien  que  M.  l'abbé  Turcan,  sous  une  forme  ou  sous  une  autre, 
mais  assurément  on  n'a  pas  fait  mieux.  Il  procède  surtout  par 
interrogations.  Chaque  chapitre  se  clôt  par  une  indication  de  nom- 
breuses histoires  à  raconter  aux  enfants,  histoires  tirées  de  l'Ecri- 
ture et  des  Vies  des  saints;  sans  les  dire  lui-même,  ce  qui  formerait  un 
volume  de  plus,  l'auteur  renvoie  à  l'endroit  précis  où  tout  prêtre  les 
trouvera  dans  sa  bibliothèque.  Nous  signalerons  encore  les  récapi- 
tulations fréquentes  et  les  résumés.  —  Honneur  à  ces  ouvriers  zélés 
de  l'heure  présente,  qui  ont  compris  l'urgente  nécessité  de  mul- 
tiplier les  ressources  d'instruction  religieuse,  alors  que  la  déprava- 
tion tient  école  ouverte,  et  que  l'ignorance  des  vérités  chrétiennes 
cause  autant  de  ravages  que  le  vice  lui-même,  dont  elle  est,  d'ailleurs, 
la  fidèle  alliée.  V.  Postel. 


—   U)i  — 


OUVRAGES  POUR  LA  JEUNESSE 

L'Hôtel  Woronzo/jf,  par  M'"  Marie  Mahkciul.  Paris, Finniii-Didot,in-12, de  417  p.  Prix  : 
3  fr.  —  De  Rio-de- Janeiro  à  San  Paulo,  par  M.  F.  HoussAY.  Paris,  Gauthier- Villars, 
1878,  in-8  de  00  p.  Prix  :  2  fr.  —  MéLanie  Gerbier,  par  la  comtesse  DE  La  Rochébe. 
Paris,  Dillet,  1878,  gr.  in-18  de  255  p.  Prix  :  2  fr.  —  Le  Monde  des  jeunes  filles,  par 
Victor  Henrion.  Paris,  Eugène  Belin,  1878,  gr.  in-18,  212  p.  Prix  :  2  fr.  —  Fauvette, 
par  M""  DE  Stolz.  Paris,  Périsse  frères,  1878,  gr.  in-18  de  276  p.  Prix  :  2  fr.  50.  — 
Paul,  souvenir  d'Australie,  par  M"*  Marie  de  Besneray.  Paris,  1878,  in-18  de  139  p. 
Prix  :  1  fr.  —  Le  Lion  de  Coètavel,  par  M"*  Gabrielle  d'Ethampes.  Paris,  Putois- 
Cretté,  1878,  in-18  de  330  p.  Prix  :  3  fr.  —  La  Fille  du  Kabyle,  par  M'"  Guerrier 
DE  Haupt.  Tours,  Marne,  1878  in-18,  de  105  p.  Prix:  85  c.  —  La  Dette  du  Bon  Dieu, 
par  M""  Guerrier  de  Haupt,  Tours.  Marne,  1878,  in-18  de  105  p.  Prix  :  85  c.  cr.. 
Où,  se  cache  le  bonheur,  par  M.  Roux-Ferrand.  Paris,  Olivier,  1878,  in-18  de  151  p. 
Prix  :  1  fr.  50.  —  Les  Merveilles  du  bon  Dieu,  par  M"'  Barbier.  Ouvrage  orné  de 
38  gravures.  Paris,  Pion,  1878,  in-18  de  376  p.  Prix  :  3  fr. 

M"'=  Marie  Maréchal  a  vite  conquis  Jes  sympathies  d'un  public  de 
jeunes  filles.  Son  succès  est  dû  à  la  facilité  élégante  de  son  style,  à  la 
grâce  de  la  plupart  de  ses  portraits.  Les  événements  sont  rares  dans 
la  plupart  des  livres  de  l'auteur;  mais  M""  Maréchal  trouve,  à  propos 
des  choses  familières  de  la  vie,  des  scènes  charmantes  et  des  tableaux 
d'une  grande  fraîcheur.  Son  roman  l'Hôtel  Woronzoff',  car  il  s'agit 
d'un  véritable  roman,  varie  légèrement  le  cadre  habituel  des  œuvres 
de  l'auteur.  Il  ne  s'agit  pas  cette  fois  d'une  institutrice  admise  dans 
une  riche  famille,  dont  elle  épouse  l'héritier  à  la  dernière  page,  mais 
d'une  fille  pauvre,  Bérangère  de  Pontmore,  arrivant  à  Paris,  afin  de 
confier  sa  jeune  sœur  malade  aux  soins  d'un  prince  de  la  science.  Le 
digne  docteur  Roland  se  prend  tout  de  suite  d'intérêt  pour  sa  cliente. 
Ne  pouvant  parvenir  à  lui  procurer  des  leçons,  il  trouve  pour  elle, 
chez  un  de  ses  amis,  une  situation  suffisamment  rétribuée  :  quatre  mille 
francs  par  an,  en  échange  de  quelques  heures  de  travail  quotidien. 
Bérangère  accepte  avec  joie  et  reconnaissance.  C'est  alors  que  se 
dessine  une  situation  plus  que  difficile.  Bérangère  est  belle  et  jeune, 
le  prince  Woronzoff,  dont  elle  devient  secrétaire  intime  est  jeune; 
beau,  et  séparé  de  sa  femme.  L'amour  naît  lentement  dans  ces  deux 
cœurs,  et  le  péril  deviendrait  imminent,  si  la  princesse  Woronzoff  ne 
mourait  à  point  pour  permettre  à  Bérangère  d'épouser  l'homme 
qu'elle  aime.  Si  la  forme  de  ce  livre  est  très-pure,  M"^  Maréchal,  avec 
la  plus  grande  candeur  du  monde,  a  écrit  un  livre  dangereux.  Il  n'est 
pas  sain  de  laisser  croire  aux  jeunes  fiUespauvres  qu'elles  peuvent  de- 
venir les  secrétaires  d'un  jeune  prince  qui  les  comble  de  prévenances 
et  de  présents,  et  conserver  néanmoins  une  réputation  intacte.  Les 
filles  pauvres  se  marient  rarement;  quelques-unes  trouvent  pour  maris 
des  hommes  vaillants  et  honnêtes.  Quant  à  celles  qui  se  fort  lectrices 
de  princes  millionnaires  séparés  de  leurs  femmes,  la  société  les  met  à 
son  ban.  La  femme   doit  redouter  certains  périls  que  le   livre  de 


—  400  — 

M"®  Maréchal  enseigne  à  braver.  Mais,  ce  défaut  à  part,  jamais  l'au- 
teur n'a  fait  une  œuvre  plus  soignée  danslaforme  et  plus  agréable  àlire. 

—  Les  souvenirs  de  voyage  de  M.  F.  Houssav,  que  l'auteur  promet 
de  compléter  dans  de  plus  longs  récits  ont,  sur  la  plupart  des  romans 
promenant  le  lecteur  sur  les  bords  étrangers,  le  mérite  d'être  d'une 
vérité  absolue.  L'auteur,  artiste  d'un  grand  talent,  décrit  avec  la 
plume  avec  autant  de  vérité  que  s'il  reproduisait  ses  sites  préférés  à 
l'aide  de  son  crayon.  La  phrase,  d'une  singulière  énergie,  donne  du 
relief  aux  moindres  détails.  Ce  livre  ne  se  borne  pas  à  de  froides  no- 
menclatures, il  touche  à  la  science,  à  l'histoire.  Chaque  page  instruit 
et  charme.  Tout  y  est  réel,  et  enlevé  avec  une  vigueur  mêlée  de 
grâce.  Il  ne  nous  reste  qu'à  souhaiter  que  M.  Houssay  termine  bien- 
tôt les  grands  travaux  qu'il  vient  d'entreprendre  sur  le  Brésil,  où  il 
a  passé  plusieurs  années. 

—  Mélanie  Gerbier,  orpheline  et  pauvre,  réduite  à  faire  l'éducation 
de  jeunes  enfants,  passe  par  toutes  les  phases  de  la  jalousie  et  de  la 
rancune  à  l'égard  des  familles  opulentes  au  milieu  desquelles  elle  vit. 
Cherchant  sans  repos  le  moyen  de  corriger  les  erreurs  de  la  fortune, 
elle  commence  par  essayer  de  rendre  amoureux  d'elle,  le  lîls  de 
M"*  de  Rebours.  Ce  mariage  lui  donnerait  soixante  mille  livres  de 
rente  !  Mais  les  coquetteries  de  Mélanie  dépassent  le  but,  et,  de  la 
maison  de  M"®  de  Rebours,  elle  se  réfugie  chez  une  parente,  dont  la 
situation  modeste  est  loin  de  satisfaire  ses  vœux.  Repoussée  par  ^M.  de 
Rebours,  Mélanie  accepterait  d'être  la  femme  de  son  cousin  Maurice; 
avant  le  départ  de  celui-ci  pour  son  vaisseau,  elle  lui  engage  presque 
sa  parole,  se  réservant  de  prévenir  plus  tard  la  famille  qui  la  traite 
avec  une  affection  confiante.  Peut-être  Mélanie  se  résignerait-elle  à 
trouver  la  vie  supportable,  si  la  visite  de  la  marquise  d'Arbauville  ne 
venait  de  nouveau  changer  ses  plans.  Plaire  à  la  sœur  de  M.  Gerbier, 
se  faire  amener  par  elle  à  Paris,  sous  le  titre  de  dame  de  compagnie, 
tout  cela  se  réalise  rapidement  pour  l'ambitieuse  fille.  L'hypocrisie, 
l'ambition,  l'avarice,  la  mèneront  bientôt  jusqu'au  crime.  M™^  d'Arbau- 
ville tombe  malade,  écrit  à  son  frère,  M.  Gerbier,  pour  le  supplier  de 
la  venir  voir,  et  ne  recevant  point  de  réponse,  se  croyant  abandonnée. 
elle  fait,  dans  un  moment  de  dépit,  un  testament  par  lequel  elle  ins- 
titue Mélanie  Gerbier  sa  légataire  universelle.  Cependant  la  mort  s'ap- 
proche; un  remords  traverse  l'àme  de  M"^  d'Arbauville  :  elle  annule 
son  premier  testament  par  un  second  qui  rend  sa  fortune  à  ses  ne- 
veux et  laisse  80,000  francs  à  sa  dame  de  compagnie.  Mélanie  est  en 
possession  des  deux  testaments  confiés  à  sa  loyauté;  M""  d'Arbau- 
ville morte,  elle  brûle  le  second  testament  et  présente  le  premier, 
celui  qui  la  met  en  possession  de  quatre  milions.  A  Paris,  où  elle 
s'installe, Mélanie  mène  une  vie  de  plaisirs,  à  laquelle  l'arrache  le  retour 


—  406  — 

(le  son  cousin.  Celui-ci  a  perdu  son  père,  et  vient  demander  à  la  lé- 
gataire de  M""'  d'Ar])auville  ce  que  sa  tante  laisse  aux  orphelins.  La 
tendresse  se  réveille  dans  l'âme  de  Mélanie;  elle  reprend  ses  premiers 
projets;  son  mariage  avec  Maurice  effacera  une  partie  de  son  crime. 
Mais  révdlation  do  ce  crime  est  faite  au  jeune  homme;  le  mépris  rem- 
place l'amour,  et  Mélanie, désespérée,  s'empoisonne.  Sauvée, mais  non 
guérie,  elle  languit  et  meurt  en  léguant  les  quatre  millions  de  M°*  d'Ar- 
hâuville  k  ceux  qu'elle  avait  dépouillés.  On  voit  que  l'intérêt  ne  fait 
pas  défaut  au  volume  de  la  comtesse  do  la  Rochére.  Ecrit  d'une  faoon 
rapide,  il  se  fait  lire  avec  un  grand  plaisir. 

—  Beaucoup  de  science  dans  un  petit  livre  ;  de  la  science  facile, 
en  ce  sens  qu'expliquée  clairement  elle  se  grave  sans  peine  dans 
l'esprit  :  voilà  ce  qu'on  trouve  dans  Ip  Monde  des  jeunes  filles,  de 
M.  Victor  Henrion.  La  forme  dialoguée  donnée  à  ces  le<ons  les 
rend  aimables;  sans  trouver  dans  ces  pages  la  sécheresse  d'un  ques- 
tionnaire, on  y  rencontre  des  enseignements  précis  sur  lesquels  la 
note  gaie  tranche  parfois  sans  détonner.  Lr  Monde  des  jrunes  filles 
est  celui  de  tous  :  c'est  le  monde  des  phénomènes,  des  grandeurs,  des 
merveilles  de  l'univers.  Après  s'être  fixés  sur  les  astres,  les  regards 
des  élèves  descendent  sur  la  terre.  Le  professeur,  qui  vient  de  mettre 
à  leur  portée  les  différents  systèmes  planétaires,  leur  explique  ensuite 
la  nature  des  vents,  la  formation  du  corail,  les  drames  des  avalanches 
et  des  tempêtes.  La  légende  met  sa  grâce  au  milieu  de  ces  leçons 
substantielles.  On  doit  apprendre  le  livre  comme  une  leçon  sérieuse, 
et  on  en  garde  le  souvenir  comme  d'un  brillant  panorama.  L'appro- 
bation du  cardinal  Donnet,  accordée  à  cet  ouvrage,  prouve  suffisam- 
ment à  quel  point  l'auteur  y  respecte  les  idées  religieuses,  qui  font  la 
base  de  la  science. 

—  Fainrttp,  de  M"""  de  Stolz,  est  plutôt  une  suite  de  scènes  et  une 
série  de  portraits  qu'un  ouvrage  rêvé,  cherché,  trouvé.  On  s'aperçoit 
que,  sans  avoir  tracé  de  plan,  M""  de  Stolz  a  laissé  courir  sa  plume. 
L'intérêt  de  ce  genre  d'écrits  s'affaiblit  de  tout  ce  qui  lui  manque  en 
solidité  :  trop  de  personnages  s'y  agitent.  Ce  sont  des  ombres  qui 
passent,  et  non  des  caractères  qui  se  dessinent.  Au  premier  plan  se 
trouve  Thérèse,  la  Fauvette.  Son  esprit  est  vif,  son  cœur  dévoué.  Elle 
peut,  grâce  à  sa  foi,  supporter  avec  patience,  d'abord  une  longue 
maladie,  ensuite  la  cécité,  enfin  la  mort.  Mais  cette  Fauvette  a  beau 
être  souriante  et  bonne,  elle  reste  peinte  en  grisaille  :  la  vie  vraie 
lui  fait  défaut.  On  dirait  une  créature  privée  de  vie  tangible  ou  maté- 
rielle. L'auteur  eût  évité  ce  défaut  dans  son  livre,  s'il  avait  davantage 
vécu  avec  ses  personnages,  afin  de  les  douer  d'une  vitalité  typique. 
Les  pages  les  mieux  réussies  de  ce  volume  sont  une  imitation  en  vers 
du  IJpreu.T  de  Xavier  de  Maistre.  M""'  de  Stolz  a  suivi  pas  à  pas  la 


—  407  — 

pensée  de  l'admirable  écrivain  ;  mais  à  quoi  bon  refaire  un  chef- 
d'œuvre  ?  On  comprend  qu'un  prosateur  français  traduise  un  prosa- 
teur étranger  ;  mais  il  est  plus  singulier  qu'heureux  de  refaire  en 
langue  rimée  une  des  plus  belles  compositions  de  l'auteur  du  Voyage 
autour  de  ma  chambre. 

—  Tandis  que  nous  reprochons  à  certains  auteurs  la  monotonie  de 
leurs  récits,  nous  conseillerons  à  M'i^  de  Besneray  une  plus  grande 
simplicité  dans  la  forme  et  plus  de  solidité  dans  le  plan.  On  devine 
que  l'auteur,  pris  d'une  grande  admiration  pour  les  Natchez  et  pour 
certaines  pages  de  Bernardin  de  Saint-Pierre,  a  tenté  d'imiter  l'ini- 
mitable. Il  en  est  résulté  une  enflure  pénible.  Dans  Paul,  souvenirs 
d'Auslr/ilie,  les  choses  les  plus  ordinaires  sont  exprimées  avec  pompe, 
et  les  sentiments  vrais  se  perdent  dans  rexagcration  avec  laquelle  ils 
se  traduisent.  Ce  défaut,  que  nous  signalons  à  M'ie  de  Besneray,  dis- 
paraîtra, nous  l'espérons,  à  son  second  volume,  et  nous  nous  ferons 
alors  un  véritable  plaisir  de  l'encourager. 

—  Le  volume  de  M""  Gabrielle  d'Kthampes,  /''  Lion  de  CoHnvel, 
marque  un  véritable  progrès  dans  le  talent  de  l'auteur.  La  ferme 
est  moins  molle  ;  on  trouve  à  la  fois  plus  d'intérêt  dans  le  fond 
et  plus  de  grâce  dans  la  forme.  Le  lion  de  Coëtavel  est  une  jeune 
et  charmante  fille,  h  l'imagination  ardente,  qui  a  grandi  sans  mère 
dans  les  landes  bretonnes,  qu'elle  aime  i\  traverser  seule  et  à  cheval. 
Yvonne  no  prie  pas,  ne  franchit  jamais  le  seuil  de  l'église,  et  son  in- 
domptable orgueil,  doublé  d'une  rudesse  presque  cruelle,  la  rend  peu 
sympathique  aux  habitants  du  pays.  Une  seule  personne,  nouvelle- 
ment installée  au  manoir  de  Kervillec,  voisin  du  château  de  Coëtavel, 
se  sent  prise  do  pitié  pour  cette  enfant  sans  amis  et  sans  guide,  et 
dont  l'aïeul  pousse  plus  loin  qu'elle  encore  l'oubli  de  Dieu  et  le  mépris 
de  la  prière.  Lors  d'une  des  premières  rencontres  de  Louise  de  Ker- 
villec avec  Yvonne,  colle-ci  blesse  dangereusement  un  enfant  du 
village  et  l'abandonne  sur  la  route  à  la  charité  de  Louise.  De  cet  acci- 
dent découle  tout  un  drame.  Le  petit  blessé  est  soigné  à  la  fois  par 
Louise,  par  son  frère  Roger  et  par  sœur  Marie  des  Anges,  sœur  aînée 
d'^'vonne,  dont  celle-ci  se  souvient  à  peine,  et  qui  entre  en  religion 
contre  la  volonté  de  son  père.  Avec  une  patience  et  un  esprit  de  charité 
auxquels  rien  ne  résiste,  Louise  apprivoise  le  lion  de  Coëtavel;  mais 
il  faut  avouer  que  le  sentiment  de  naissant  amour  que  Roger  éprouve 
pour  Yvonne  aide  encore  plus  à  cette  conversion  que  le  dévouement 
de  sa  sœur.  Grâce  à  la  double  influence  du  frère  et  de  la  sœur, 
Yvonne,  redevenue  chrétienne,  réconcilie  avec  Dieu  son  père  agoni- 
sant, et  sœur^NIarie  des  Anges  peut  s'agenouiller  près  de  sa  dépouille. 
Tel  est  ce  livre,  très-sympathique,  pour  lequel  l'auteur  ne  recueillera 
que  des  éloges. 


—  408  — 

Les  petites  nouvelles  que  M"°  Guerrier  de  Haupt  écrit  pour  les 
enfants  sont,  en  général,  fort  simples  d'invention.  La  Fille  du  Kabyle 
renferme  pour  toute  aventure  le  mariage  d'un  jeune  officier  français 
avec  une  jeune  fille  kabyle   dont  il    sauva  jadis  la  vie,  et  qui,  en 
mainte    occasion,  lui  rendit  en  dévouement  ce   qu'elle   devait  à  sa 
générosité.  Convaincue  que  la  religion  de  Thomme  vers  lequel  elle 
ce  sent  entraînée  est  la  seule  véritable,  la  jeune  Kabyle  se  fait  chré- 
tienne près  du  lit  de  mort  de  son  père  qui  abjure  le  mahométisme. 
Dans  son  second  volume,  la  Dette  du  bon  Dieu,  Fauteur  cherche  à 
prouver  que  nous  contractons  tous  envers  le  bon  Dieu  des  dettes  que 
nous  restons  impuissants  à  payer,  et  nous  invite  à  ne  pas  trop  laisser 
grossir  le  chiffre  de  ces  dettes.  Fernande  Sylvère,  enfant  charmante 
qui  prétend  faire  du  bon  Dieu  son  débiteur,  à  force  de  donner  l'au- 
mône et  de  répandre  le  bien,  supplie  sa  mère  de  garder  près  d'elle 
une  petite  vagabonde  que  nul  ne  peut  discipliner,  et  qu'elle  espère 
amener  au  travail  et  à  la  prière.   Le  bon  Dieu  ne  tarde  pas  à  payer 
au  centuple  le  bien  fait  à  «  l'un  de    ces  petits  »    dont  il  parle  dans 
l'Évangile.  La  plus  jeune  des  sœurs  de  Fernande,  la  petite  Angèle 
enlevée  par  des  saltimbanques  est  retrouvée  par  Thérèse,  qu'à  partir 
de  ce  moment  la  famille  Sylvère   adopte  d'une  façon  absolue.  Il  est 
à  souhaiter  que  les  lecteurs   de  cette  brochure  soient  entraînés  à 
prêter  beaucoup  au  bon  Dieu,  dans  la  personne  de  ses  pauvres.  Cette 
nouvelle  n'est  point  la  seule  de  ce  recueil.  La  Cayme  de  Fernand 
résume  les  défauts  d'un  grand  nombre  de  collégiens  oublieux  de  leur 
âge  et  de  leur  condition,  et  qui  s'efforcent  d'agir  en  petits  hommes,  de 
s'habiller  à  l'avenant,  et  de  singer  les  gommeux  à  la  mode.  M.  Maurin 
a  comblé  les  vœux  de  son  fils  en  lui  donnant  une  canne.  Cette  canne 
devient  l'occasion  d'une  série  de  contrariétés  pour  le  jeune  garçon; 
elle    blesse    un    soldat,   brise    la    glace    d'une  devanture    de    bou- 
tique, et  le  collégien,  honteux  de  ses  sottises,  menacé  de  payer  une 
amende  et  d'aller  en  prison,  rentre  chez  son  père  corrigé  de  la  manie 
d'essayer  à  copier  les  hommes.  Thérèse  la  fermière  et  la  Main  de  la 
Providence  terminent  cette  honnête  plaquette.  Les  sujets  traités  par 
M"'  Guerrier  de  Haupt  ne  sont  pas  élevés,  et  le  style  manque  d'éclat 
mais  ses  livres  conviennent  parfaitement  aux  enfants  à  qui  ils  sont 
destinés. 

—  M.  Roux-Ferrand  est  un  aimable  moraliste  qui,  grâce  à  des 
convictions  alliées  à  un  charmant  esprit,  parvient  à  prouver  que  l'unique 
moyen  de  parvenir  au  bonheur  est  de  se  montrer  dévoué,  charitable, 
pieux  et  bon.  Le  livre  intitulé  :  Où  se  cache  le  bonheur,  qui  vient 
d'obtenir  de  la  Société  d'Éducation  populaire,  une  médaille  d'honneur, 
est  un  de  ceux  que  l'on  peut  mettre  dans  toutes  les  mains.  N'est-il 
pas  consolant,  pour  celui  qui  n'a  jamais  voyagé,  de  se  dire  que  les 


—  409  — 

hommes  revenant  de  faire  le  tour  du  monde  s'estiment  pour  satisfaits 
le  jour  où  ils  reprennent  leur  place  au  coin  du  foyer;  que  les  posses- 
seurs de  grandes  fortunes  sont  convaincus  que  leur  félicité  dépend  du 
nombre  de  bienfaits  qu'ils  répandent  ?  Le  style  de  l'auteur  est  simple 
et  facile,  et  l'on  regrette  seulement  en  fermant  le  volume  de  le  trouver 
si  court. 

—  Un  excellent  volume  de  M"'^  Barbier,  les  Merveilles  du  bon  Dieu, 
met  à  la  portée  des  enfants  des  notions  scientifiques  appropriées  à 
leur  âge.  Grâce  à  l'auteur,  ils  posséderont,  sur  les  éléments,  les  sphères 
célestes,  les  saisons,  les  cinq  sens,  le  corps  humain,  la  respiration,  la 
digestion,  la  circulation  du  sang,  des  notions  succinctes^  mais  très- 
suffisantes.  La  fin  de  ce  volume,  consacré  à  des  études  sur  l'esprit, 
l'intelligence,  l'âme  et  la  charité,  forme  un  excellent  complément  à 
l'analyse  rapide  des  Merveilles  du  bon  Dieu.  Trente-huit  gravures,  faites 
avec  soin  et  destinées  à  mieux  faire  comprendre  le  texte  aux  lecteurs, 
rendent  visible  ce  qu'avait  démontré  la  plume  élégante  et  facile  de 
l'auteur.  Il  n'est  pas  une  famille,  pas  une  école  qui  ne  puisse  trouver 
dans  ce  livre  d'utiles  enseignements.  Raoul  de  Navery. 


THEOLOGIE 

Cleinenti»  Sclirader,  S.  Jl.,  de  tlieologlco  testiuin  fonte 
deque  edito  fidei  testimonio  seu  traditione  commen- 
tarius.  Opus  posthumum.  Paris,  Lethielleux,  1&78,  in- 12  de  369  p.,  avec 
inancheltes.  —  Prix  :  6  fr. 

Les  plus  illustres  maîtres  do  la  théologie  ont  particulièrement 
étudié,  en  ces  dernières  années,  les  traités  que  l'on  appelle  les  Lieux 
théologiques  et  qui  sont  le  fondement  même  de  la  science  sacrée.  Le 
cardinal  Franzelin,  qui  fut  et  restera  une  des  gloires  du  Collège  Ro- 
main, enseignait,  il  y  a  douze  ans,  son  beau  traité  de  Scripticra  et 
traditione.il  montrait  non-seulement  l'invincible  force  de  la  Tradition 
et  de  VEcriture,  leurs  rapports,  leur  étendue,  mais  aussi  il  exposait  la 
théorie  catholique  sur  la  raison  humaine,  la  foi,  l'acte  de  foi  divine. 
Le  P.  Schrader,  trop  tôt  enlevé  à  la  naissante  école  théologique  de 
Poitiers,  a  pris  un  sujet  plus  restreint,  la  Tradition.  L'œuvre  est  divisée 
en  deux  parties  :  de  Testibus  fidei,  —  de  Testimonio  sive  traditione.  Le 
maître  établit  d'abord  que  la  foi  chrétienne,  qui  est  avant  tout  un 
fait,  peut  être  prouvée  par  des  témoins  ;  il  démontre  ensuite  que  Dieu 
a  institué  des  témoins  pour  affirmer  et  conserver  la  foi.  Dans  la  se- 
conde partie,  il  considère  la  force  et  l'essence  de  la  tradition,  les 
moyens  par  lesquels  elle  se  manifeste  infailliblement,  les  règles  à 


—  410  — 

l'aide  desquelles  on  peut  distinguer  les  traditions  vraiment  divines, 
les  organes  particuliers  de  la  tradition.  Une  table  des  matières  fort 
étendue  résume  tout  le  traité  et  en  fait  voir  l'admirable  enchaîne- 
ment. 

Nous  n'avons  point  à  louer  le  livre  du  P.  Schrader.  M^^  l'évêque 
de  Poitiers  l'a  fait,  avec  l'incontestable  autorité  que  lui  donnent 
son  caractère  de  juge  de  la  foi  et  sa  vaste  science  théologique. 
Il  exhorte  tous  ceux  qui  aiment  les  sciences  sacrées  «  à  relire,  appro- 
fondir et  méditer  ces  pages  trés-doctes  et  très-utiles  :  »  doctissimas 
utilissimasque  paginas.  Ils  y  trouveront  «  la  solidité  de  la  doctrine, 
l'ampleur  de  la  science,  la  pénétration  de  l'intelligence,  l'abondance 
des  développements,  »  Peut-être  que  le  cardinal  Franzelin  a  plus  de 
profondeur,  une  connaissance  plus  variée  des  Pères  et  des  théologiens, 
une  allure  plus  hardie,  mais  il  nous  semble  que  le  P.  Schrader  a  du  moins 
égalé  son  ancien  collègue  au  Collège  Romain  par  la  concision,  la 
logique  la  plus  rigoureuse  dans  la  marche  du  traité,  la  parfaite  préci- 
sion des  termes.  L'un  et  l'autre  ont  travaillé  à  remettre  en  honneur 
l'enseignement  scolastique  trop  oublié  dans  nos  séminaires  français. 
Non,  on  ne  peut  faire  parler  à  la  théologie  le  langage  vulgaire  des 
sciences  humaines.  On  veut,  dit-on,  rendre  clair  ce  qui  est  obscur,  se 
faire  comprendre  de  tous.  Notre  langue,  ou  même  la  langue  latine,  n'a- 
t-elle  pas  assez  de  mots  pour  exprimer  ces  choses,  le  temps  n'est-il  pas 
venu  de  se  débarrasser  pour  jamais  d'un  vain  appareil  et  d'un  outil- 
lage usé?  Nous  connaissons  toutes  ces  raisons,  nous  les  avons  entendu 
répéter  cent  fois  :  mais  plus  nous  pouvons  étudier  les  œuvres  des 
grands  théologiens,  plus  aussi  nous  disons  que,  faire  de  la  haute  théo- 
logie sans  les  termes  et  les  procédés  scolastiques,  c'est  vouloir  résoudre 
les  plus  difficiles  problèmes  de  l'algèbre  par  les  méthodes  de  l'arithmé- 
tique élémentaire.  Eug.  Pousset. 


L'Église  et  la  CîA-îIîsatîon,par  Son  Ém.  le  cardinal  Pecci,  archevêque- 
évèque  de  Pérouse,  aujourd'hui  S. -S.  le  Pape  Léon  XIII  heureusement 
régnant;  traduit  de  l'italien,  par  Paul  Lapeyre,  rédacteur  de  YUnivers. 
Paris,  Palmé  1878,  in-8  de  109  p.  —  Prix  :  2  fr. 

I^e  I»ape  L>éon  ^SLIII,  sa  vie,  son  élection,  son  couronnement,  suivi  de 
l'Église  et  la  Civilisation,  pastorales  adressées  en  1877  et  1878  parle  car- 
dinal Pecci  à  ses  diocésains  de  Pérouse,  traduites  de  l'italien  par  le  cha- 
noine AxT.  Ricard,  directeur  de  la  Semaine  religieuse  de  Marseille.  Paris, 
Palmé,  1878,  in-12  de  118  p.  —  Prix  :  1  fr. 

I^'Eglise  et  la  Civilisation,  lettres  pastorales  adressées  au  clergé  et  au 
peuple  de  Pérouse  p)our  le  carême  de  1877  et  celui  de  1878,  par  Son  Ém.  le 
cardinal  Pecci,  aujourd'hui  Sa  Sainteté  le  Pape  Léon  XIII.  Paris,  librairie 
de  la  Société  Bibliographique,  in-12  de  76  p.  —  Prix  :  50  c,  et  5  fr.  la 
douzaine. 

On  voit  tout  de  suite,  par  les  énonciations  ci-dessus,  en  quoi  cha- 


—  411  — 

cune  de  ces  trois  publications  se  distingue  des  autres  et  se  recom- 
mande elle-même  au  lecteur  catholique. 

La  première,  qui  est  aussi  la  plus  chère,  est  en  quelque  sorte  une 
édition  de  luxe,  qui  reproduit  la  traduction  donnée  par  VUnivers  des 
deux  mandements  du  cardinal- archevêque  de  Pérouse  pour  les  ca- 
rêmes de  1877  et  de  1878  ;  elle  ne  donne  que  cela. 

La  seconde  est  moins  coûteuse  et  plus  complète  ;  elle  donne  en  plus 
des  pastorales,  de  courts  mais  suffisants  renseignements  sur  la  vie, 
les  œuvres,  l'élection  de  Téminent  auteur.  La  traduction  est  origi- 
nale et  n'a  rien  de  commun  avec  celle  parfois  un  peu  libre  de  M.  P. 
Lapeyre. 

Quant  à  la  troisième,  si  elle  n'a  pas  comme  la  seconde  le  mérite  de 
nous  faire  connaître,  au  moins  brièvement,  ce  qu'a  été  Sa  Sainteté 
Léon  XIII  avant  son  élévation  au  pontificat  suprême,  elle  se  recom- 
mande par  d'autres  qualités  :  d'abord  son  bas  prix,  qui  en  fait  réelle- 
ment une  brochure  de  propagande,  puis  la  fidélité  de  la  traduction 
qui  nous  a  paru  serrer  de  plus  près  le  texte  italien  que  les  précédentes. 
C'est  donc  cet  opuscule  qui  nous  semble  plus  spécialement  destiné  à 
être  répandu  à  grand  nombre  dans  le  clergé,  dans  les  bibliothèques 
populaires,  dans  les  cercles,  etc. 

Parlerons-nous  du  texte  en  lui-même  et  de  la  doctrine  de  ces  pas- 
torales ?  Dieu  nous  garde  de  porter  un  jugement  sur  la  parole  du 
Docteur  des  docteurs  !  Qu'il  nous  soit  permis  néanmoins  d'exprimer 
ici  le  sentiment  que  nous  a  inspiré  cette  lecture.  Depuis  le  conclave 
qui  a  mis  la  tiare  sur  le  tête  de  l'Eminence  Pecci,  un  certain  parti, 
comme  obéissant  à  un  mot  d'ordre  donné  dans  l'ombre  et  sous  le 
manteau  de  la  cheminée,  mais  non  moins  fidèlement  observé,  s'est 
appliqué  à  insinuer  partons  les  moyens  possibles  que  Léon XIII  serait 
un  pape  modéré,  conciliateur  —  on  sait  le  sens  qu'une  certaine 
école  attache  à  ces  mots — libhrtl,  enfin...  un  pape  libéral!  Voilà 
certes,  pour  tout  catholique^  des  mots  qui  hurlent  de  se  trouver  acco- 
lés!... Quoi  qu'il  en  soit,  il  faut  en  rabattre,  et  quiconque  aura  lu 
attentivement  les  deux  mandements  sur  VÈglise  et  la  Civilisation  sera 
fixé  amplement  sur  la  valeur  de  cette  opinion  et  comprendra  avec 
quel  soin  Dieu  a  préparé  pour  son  Eglise  le  chef  vigilant  et  ferme 
dont  elle  a  surtout  besoin  dans  les  temps  difficiles  qu'elle  traverse.  La 
doctrine  la  plus  pure  s'y  allie  à  la  plus  douce  charité,  la  vigueur  la 
plus  inébranlable  à  la  prudence  la  moins  compromettante,  et  si  l'on 
sent  que  le  temps  des  concessions  à  la  Révolution  n'est  pas  encore 
venu,  on  éprouve  aussi  la  joyeuse  espérance  de  ceux  qui,  dans  la  tem- 
pête, aperçoivent  la  lumière  du  phare  qui  indique  le  port  du  salut.... 
En  ajoutant  à  ces  deux  pastorales,  celle  de  1860,  sur  le  Pouvoir  tem- 
porel et  V Encyclique  Pontificale  récemment  promulguée,  que  la  Société 


Bibliographique  va  publier  prochainement  dans  le  même  format,  pour 
faire  suite  à  cette  collection  précieuse  de  Documents  pontiftcaKx  et 
épiscopaux,  dont  la  série  s'ouvre  par  le  Césarisme  et  uUramontanisme 
du  cardinal  Manning,  on  aura  la  preuve  complète  et  certaine  que 
Léon  XIII  continuera  Pie  IX  sans  plus  céder  de  ses  droits,  ni  biaiser 
sur  les  principes  que  son  immortel  prédécesseur. 

F.  DE  ROQUEFEUIL. 


SCIENCES   ET  ARTS 

De  l'essence  des  Passions.  Étude  psychologique  et  morale,  par  Eugène 
Maillet,  agrégé  des  leltres  et  de  philosophie,  docteur  es  lettres,  professeur 
de  philosophie  au  lycée  Saint-Louis.  Paris,Hachette,1878,  in-8  de  xi-440  p. 
—  Prix  :  7fr.  oO. 

«  En  philosophie,  plus  qu'en  toute  autre  chose,  il  n'y  a  de  fécondité 
que  par  l'union.  Donner  quelque  chose  de  soi  et  recevoir  largement  des 
autres,  telle  est  la  loi  de  la  vie  intellectuelle  en  général,  du  dévelop- 
pement philosophique  en  particulier.  »  Ces  paroles,  extraites  de  la 
préface  (p.  iv).  indiquent  dans  quel  esprit  l'auteur  a  conçu  son  ouvrage. 
C'est  dans  le  sens  d'une  large  conciliation,  dans  le  désir  de  faire  res- 
sortir la  vérité  partout  où  elle  est  que  M.  Maillet  a  écrit  son  livre  sur 
les  Passions.  Aussi  ne  craint-il  pas  d'éclairer  les  enseignements  de  la 
philosophie  ancienne  par  les  lumières  delà  science  contemporaine,  de 
chercher  à  rapprocher  du  spiritualisme  l'idée  de  l'Évolution  et  celle  de 
l'Association,  de  faire  voir  que,  dans  les  différentes  écoles  et  chez  les 
divers  philosophes,  il  y  a  une  part  de  vrai  qu'il  faut  mettre  en  relief. 
Il  y  a, dans  ce  livre, à  la  fois  beaucoup  de  science  et  beaucoup  d'art  :  les 
ouvrages  de  nos  médecins  les  plus  illustres  y  sont  mis  souvent  à  con- 
tribution,les  détails  techniques  abondent,  et,  malgré  cela,  on  sent  dans 
tout  le  livre  une  émotion  secrète  qui  gagne  le  lecteur  et  le  charme. 
L'amour  du  vrai,  du  beau,  du  bien,  le  culte  de  l'idéal  soutient  l'écri- 
vain et  nous  élève  avec  lui. 

Après  avoir  présenté  des  considérations  pleines  d'intérêt  sur  la  ma- 
ladie, le  sommeil  et  les  rêves,  l'illusion  et  l'hallucination,  la  folie  et 
ses  formes,  enfin  sur  les  rapports  de  la  passion  avec  l'instinct,  l'auteur 
établit  que  la  passion  se  rapproche  de  ces  différents  phénomènes,  sans 
se  confondre  avec  aucun  d'eux.  Ce  trouble  profond  de  notre  être  se 
distingue  de  la  maladie,  dont  les  désordres  se  produisent  presque  com- 
plètement en-dehors  de  la  sphère  de  la  conscience  et  de  la  volonté,  il 
se  distingue  aussi  de  la  folie  dont  les  désordres  atteignent, au  contraire, 
et  détruisent  quelquefois  la  volonté  et  la  conscience. Lapassion  semble 
avoir  un  caractère  individuel  ;  elle  n'en  est  pas  moins  un  élément 
subordonné  qui  ne  compromet  en  rien  l'unité  du  moi. 


—  il'    - 

Objet  des  méditations  des  plus  anciennes  écoles  de  la  Grèce,  de 
Platon.  d'Aristote_,  des  philosophes  d'Alexandrie,  la  passion  a  été  ob- 
servée par  Descartes,  Malebranche,  Spinoza,  Leibnitz,  par  tous  les 
grands  penseurs  des  temps  modernes. 

L'analyse  découvre  trois  éléments  essentiels  dans  nos  mouvements 
passionnés  :  un  élément  métaphysique,  un  élément  physiologique,  un 
élément  psychologique.  L'élément  métaphysique  consiste  dans  la  ma- 
nière dont  se  développe  la  passion.  On  retrouve  là  ce  mouvement 
rhythmique,  ce  mouvement  d'allernance  continue  et  mesurée  suivant 
lequel  a  lieu  le  développement  de  toutes  choses.  Cette  théorie,  qui  ne 
contredit  pas  entièrement  les  théories  du  Devenir  et  du  Pro^'/'è^,  a  pour 
auteur  Herbert  Spencer;  mais  on  pourrait  en  apercevoir  la  première 
idée  chez  les  Heraclite  et  les  Anaxagore.  L'histoire  de  la  philosophie 
suivant  Victor  Cousin,  nous  fournit  un  exemple  de  cette  harmonie 
éternelle  qui  préside  aussi  bien  au  monde  intellectuel  qu'au  monde 
physique.  On  sait,  en  effet,  que  les  quatre  grands  systèmes  philosophi- 
ques se  reproduisent  successivement,  comme  si  la  pensée  humaine 
était  enfermée  dans  un  cercle  d'où  elle  ne  peut  sortir.  Dans  le  déve- 
loppement de  la  passion,  il  faut  tenir  compte  de  tous  les  accidents 
qui  la  précipitent  ou  la  modèrent,  il  faut  faire  la  part  du  tempéra- 
ment, du  caractère,  de  l'hérédité  et  surtout  de  l'innéité. 

L'élément  physiologique  de  la  passion  est  l'ébranlement  nerveux  que 
cette  violente  émotion  produit  dans  notre  organisme.  Qu'on  étudie  la 
colère,  sous  ses  deux  formes,  la  colère  expansive  et  la  colère  spasmo- 
dique,  et  l'on  comprendra  aisément  combien  tout  notre  être  est  agité 
parla  passion.  Les  cartésiens  n'ont  pas  fait  une  part  assez  grande  au 
système  nerveux.  —  Mais,  quelle  que  soit  l'importance  de  ces  deux 
éléments,  ce  n'est  pas  en  eux  que  se  trouve  l'essence  dernière  de  la 
passion.  S'il  en  était  ainsi,  la  passion  serait  fatale.  Elle  envahirait 
l'âme  et  s'en  retirerait,  comme  le  flot  envahit  le  rivage  et  s'en  retire 
à  l'heure  du  flux  et  du  reflux.  l\  faut,  en  efl'et,  qu'à  ce  premier  mouve- 
ment, à  cette  sollicitation,  à  cette  tentation  s' a.jonte  le  consentement 
actif  de  l'homme  qui  s'associe  avec  toutes  les  forces  de  sa  nature  à 
l'impulsion  éprouvée  d'abord  d'une  manière  nécessaire.  Hy  a  pour 
ainsi  dire  deux  phases  :  le  déchirement  intérieur  et  la  chute. 

Si  la  passion  nous  aveugle,  elle  nous  soutient  aussi;  c'est  elle  qui 
nous  donne  des  ailes  pour  nous  élever  au-dessus  de  notre  condition. 
Elle  est  partout  :  dans  la  nature,  dont  il  nous  semble  sentir  parfois 
tressaillir  l'âme,  dans  l'histoire,  dans  chacun  de  nous.  Il  faut  donc 
savoir  diriger  les  passions,  pouvoir  les  opposer  les  unes  aux  autres, 
employer  ces  forces  vives  pour  la  vertu  :  c'est,  en  effet,  un  art  que 
d'être  homme  de  bien. 

L'ouvrage  se  termine  par  une  classification  générale  et  une  descrip- 


—  414  — 

tion  des  principales  passions.  11  y  a  là  une  étude  très-fine  des  passions 
politiques.  Enfin  l'auteur  remarque  qu'il  se  fait  dans  le  monde  une 
création  continue  de  passions  nouvelles  et  insiste,  non  sans  raison, 
sur  les  passions  factices. 

Tel  est,  d'après  un  aperçu  très-sommaire,  ce  livre  qu'il  faut  lire  en 
entier.  Il  se  recommande  aux  personnes  qui  veulent  connaître  de  quel 
puissant  secours  les  sciences  médicales  peuvent  être  dans  l'étude  des 
questions  philosophiques, aux  penseurs  àquiil  plaît  de  pénétrer  par  une 
analyse  délicate  dans  les  ^secrets  de  notre  nature,  à  tous  ceux  enfin 
qui,  tout  en  restant  fortement  attachés  aux  doctrines  spiritualistes, 
aiment  la  vérité  alors  même  qu'on  la  leur  montre  dans  des  théories 
qui  paraissaient  au  premier  abord  opposées  au  spiritualisme. 

Armand  Gasquy  . 


Introduction  à  l'étude  de  l'économie  politique,  cours  public 
professé  à  Lyon,  pendant  l'hiver  18t34-186o,  par  H.  Dameth,  professeur  à 
l'Université  de  Genève,  membre  correspondant  de  l'Institut.  2«  édition, 
revue  et  augmentée,  avec  un  appendice  sur  le  Socialisme  de  la  chaire. 
Paris,  Guillaumin,  1878,  in-8  de  xvi-ol2  p.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

Cet  ouvrage  répond  parfaitement  à  son  titre.  Il  donne  une  idée 
générale  des  phénomènes  se  rapportant  à  la  production  et  à  la  distri- 
bution de  la  richesse,  et  il  expose  nettement  ce  que  tout  le  monde, 
selon  l'auteur,  devrait  savoir  au  sortir  des  écoles. 

De  très-remarquables  qualités  d'exposition  l' élèvent  de  beaucoup 
au-dessus  des  manuels  et  des  traités  élémentaires^  dont  les  librairies 
sont  encombrées  et  qui  vont  encore  se  multiplier  avec  l'enseignement 
obligatoire  de  l'économie  politique  dans  les  facultés  de  droit. 

Quant  au  fond  des  idées^  M.  Dameth  se  borne  à  reproduire  les  théo- 
ries d'Adam  Smith,  de  J.-B.  Say,  de  Rossi,  de  Bastiat.  «  Produire  et 
consommer,  voilà  Yalpha  et  l'oméga,  le  but  et  le  moyen  de  toutes  les 
opérations  et  transactions  dont  le  monde  industriel  est  le  théâtre  » 
(p.  12)  ;  leur  étude  exclusive  constitue  «  une  science  autonome.  »  — 
Cette  conception  de  la  science  économique,  nous  n'hésitons  pas  à  le 
dire,  est  beaucoup  trop  étroite  ;  elle  méconnaît  à  la  fois  l'action  des 
causes  morales  et  sociales  qui  déterminent  la  productivité  du  travail, 
l'importance  de  l'usage  qui  est  fait  de  la  richesse  produite,  et  enfin  les 
phénomènes  généraux  de  progrès  ou  de  décadence  qui  se  produisent 
dans  les  sociétés. 

Ce  caractère  tronqué  de  la  science  économique,  dite  orthodoxe,  est 
la  vraie  cause  du  succès  qu'a  eu  la  nouvelle  école  appelée  Socialisme 
de  la  chaire,  qui  cherche  à  combiner  les  théories  évolutionnistes,  la 
méthode  historique,  la  foi  en  l'État  moderne,  avec  les  principales  dé- 
monstrations de  l'économie  politique,  pensée  de  conciliation  qui  la 


—  415  — 

distingue  en  pratique,  sinon  en  théorie,  du  socialisme  proprement 
dit. 

M.  Dameth  combat  avec  une  grande  force  de  dialectique  cette  dan- 
gereuse conception  de  la  fausse  science  germanique,  dont  d'ailleurs 
il  ne  se  dissimule  pas  le  succès  grandissant.  Il  établit  péremptoire- 
ment contre  elle  l'existence  de  lois  sociales  naturelles  permanentes 
qui  existent  dans  tous  les  états  économiques  et  qui  vont  en  se  déve- 
loppant avec  une  amplitude  proportionnée  au  développement  même  des 
sociétés.  Il  est  peut-être  moins  heureux  quand  il  combat  la  théorie  de 
l'État  moderne  formulée  par  l'école  novatrice.  Le  principe  de  liberté 
que  lui  oppose  M.  Dameth  est  évidemment  insuffisant  à  maintenir 
l'harmonie  dans  le  monde. social.  L'activité  des  forces  mises  en  mou- 
vement par  l'intérêt  personnel  doit  être  subordonnée  à  une  notion 
supérieure  de  justice  qui  a  sa  source  dans  la  loi  de  Dieu,  qui  pénètre 
toutes  les  relations  sociales,  et  qui  doit  même,  dans  bien  des  cas,  aller 
jusqu'à  la  charité.  L'idée  de  VÈtat  moderne  n'est  pas  autre  chose  que 
la  contrefaçon  de  cet  empire  suprême  de  la  loi  divine,  nettement  défi- 
nie et  fermement  gardée  par  une  autorité  infaillible  et  toujours  pré- 
sente, qui  est  le  premier  besoin  de  l'humanité.  Les  économistes 
libéraux,  auxquels  se  réfère  exclusivement  notre  auteur,  ont  peut- 
être  contribué  pour  leur  part  à  l'en  priver.  C'est  ainsi,  par  exemple, 
que  Vargument  économique,  exclusivement  employé  par  M.  Dameth, 
démontre  l'utilité,  la  nécessité,  même  dans  les  populations  denses,  de 
la  propriété  individuelle  du  sol,  mais  ne  suffit  nullement  à  établir  sa 
légitimité.  Il  faut  remonter  pour  cela  à  un  ordre  de  considérations 
qu'il  a  le  grave  tort  de  repousser  au  nom  du  principe  fort  discutable 
àeVautonomie  de  la  science. 

L'insuffisance  du  point  de  vue  de  l'école  à  laquelle  appartient  l'au- 
teur se  montre  également  dans  maintes  appréciations  historiques, 
comme  celle-ci  :  «  Dans  l'ancienne  organisation  de  l'industrie  en  cor- 
porations, maîtrises  et  jurandes,  l'ouvrier  demeurait  éternellement 
soumis  aux  caprices  et  à  l'exploitation  de  ses  supérieurs...  Il  gagnait 
extrêmement  peu  et  vivait  fort  mal  ;  mais  cela  semblait  si  naturel  et 
si  nécessaire  qu'on  n'aurait  osé  en  faire  un  thème  d'accusation  contre 
l'ordre  social  (p.  409).  » 

Comme  on  le  voit,  si  le  livre  de  M.  Dameth  a  des  mérites  remar- 
quables, il  a  aussi  de  graves  lacunes  et  comporte  de  notables  rectifi- 
cations. C.  J. 

Le  Vieux-lVeuf,  histoire  ancienne  des  inventions  et  découvertes  modernes, 
par  Edouard  Fournier.  Deuxième  édition,  refondue  et  considérablement 
augmentée.  Paris,  E,  Dentu,  3  vol.in-18  de  414-799.  — Prix  :  lo  fr. 

La  première  édition  du  Vieux-Neuf  di  été  très-goiitée.  Cette  nouvelle 
édition,  d'une  étendue  double  au  moins,  sera  encore  plus  goûtée,  et, 


—  4!l)  — 

pour  ma  part,  je  connais  peu  d'ouvrages  dont  la  lecture  soit  à  la  fois 
aussi  agréable  et  aussi  instructive.  M.  Éd.  Fournier  a  beaucoup  vu 
et  beaucoup  retenu,  mais  ce  n'est  pas  seulement  un  érudit  fort  dis- 
tingué, c'est  aussi  un  très-aimable  écrivain,  dont  le  style  a  toute  la 
clarté,  toute  la  vivacité,  toute  la  souplesse  que  l'on  peut  désirer  en 
un  travail  de  vulgarisation.  Comment  avec  d'aussi  heureuses  qualités 
et  traitant  un  sujet  des  plus  intéressants,  M.  Fournier  n'aurait-il  pas 
confiance  dans  le  succès?  Et  qui  pourrait  le  blâmer  d'avoir  dit  de  son 
livre  avec  une  noble  fierté,  en  terminant  l'épître  dédicatoire  à 
M.  Edouard  Dentu  :  «  Il  est,  je  pense,  de  ceux  qu'on  peut,  sans  trop 
de  crainte,  présenter  à  ses  amis;  j'ajouterais  :  à  ses  ennemis,  si  l'on 
pouvait  en  avoir  lorsqu'on  a  consciencieusement  travaillé?  » 

Un  des  plus  grands  charmes  du  recueil,  c'est  son  extrême  variété. 
M.  Fournier  touche  d'une  main  légère,  délicate,  à  des  milliers  de 
questions.  Que  l'on  jette  seulement  un  regard  sur  Vindex  mis  à  la  fin 
de  l'ouvrage  (p.  729-794)  et  qui  est  l'œuvre  de  M.  Gabriel  Dentu,  le 
frère  de  l'éditeur  !  On  sera  étonné  du  nombre  en  quelque  sorte  infini 
de  matières  traitées  par  l'infatigable  chercheur.  On  trouve  tout  dans 
les  1,200  pages  du  recueil,  des  détails  sur  Vacajou  comme  sur  lezinc^ 
sur  r«co/a7  comme  sur  la  vigne,  le  vineiXe  vinaigre,  sur  V acupuncture 
comme  sur  les  voilures  de  tout  genre,  y  compris  celle  de  l'empereur 
Commode,  laquelle  marquait  les  distances  et  les  heures  bien  des  siècles 
avant  que  la  Compagnie  des  voitures  de  Paris  eût  imaginé  son  comp- 
teur mécanique.  Veut-on  savoir  l'histoire  des  aérostats,  des  affiches^ 
àQ&  agences  d'affaires,  des  allumettes  chimiques,  de  Valuminium,  de 
V artillerie,  de  Vascenseur,  des  assurances,  des  bateaux  à  vapeur,  des 
batteries  flottantes,  des  bornes- fontaines,  des  bougies,  de  la  boussole,  de 
la  brouette,  des  cabinets  de  lecture,  des  cachemires,  du  cadastre,  des 
cadenas  à  combinaison  de  lettres,  des  calorifères,  des  canaux,  des  char- 
rues, du  chocolat,  delà  claque  au  théâtre,  des  cloches  à  plongeurs,  des 
comices  agricoles,  (croirait-on  qu'ils  avaient  été  recommandés  par 
Xénophon?)  des  conserves  alimentaires,  des  crèches,  du  crédit  foncier, 
du  daguerréotype,  des  dépôts  de  mendicité,  du  drainage  (connu  des 
moines  de  Clairvaux  et  même  des  Gaulois,  de  l'éclairage  des  rues,  de 
l'électricité,  de  l'enseignement  mutuel,  des  espositions  de  l'industrie,  de 
la  faïence,  des  feux  d'artifice,  des  fourneaux  économiques  (déjà  décrits 
par  Sénèque),  des  fusées,  du  gaz  d'éclairage,  de  l'hélice,  de  Yhomœopa- 
thie,  des  horloges,  de  la  houille,  de  l'hydrothérapie,  des  impots,  de 
l'imprimerie,  de  V inoculation,  des  irrigations,  de  la  décoration  des 
jardins,  des  journaux,  du  kaléidoscope,  du  libre-échange,  de  la  litho- 
graphie, des  literies,  des  lunettes,  du  macadam,  du  magnétisme,  des 
montres,  des  moxas,  du  papier,  des  paratonnerres,  du  pétrole,  des 
phares,  de  la  photographie,  de  la  phrénologie,  de  la  poste  aux  lettres^ 


—  417  — 

de  la  poudre  à  canon,  des  prisons  cellulaires,  des  puits  artésiens,  de  la 
rhinoplastie^  du.  suffrage  universel,  des  télégraphes,  des  télescopes,  de  la 
vaccine,  des  vaisseaux  cuirassés,  etc.,  Yenojclo-pédie  de  M.  Fournier 
renseignera  parfaitement  sur  tout  cela  et  sur  bien  d'autres  choses 
encore. 

Quelques-uns  pourraient  être  tentés  de  croire  que  le  spirituel 
écrivain  a  cherché  à  rendre  son  livre  plus  attrayant,  en  soutenant  çà 
et  là  quelques  thèses  paradoxales.  Sans  doute,  je  ne  voudrais  pas 
garantir  que  certaines  assertions  ne  sont  pas  plus  ingénieuses 
qu'exactes,  que  certains  rapprochements  ne  sont  pasplus  piquants  que 
légitimes.  Mais  le  recueil,  en  son  ensemble,  est  très-sérieusement  fait 
et  M.  Fournier  n'a  pas  manqué  de  mettre  au  bas  de  chaque  page  soit 
des  citations  justificatives,  soit  des  références  dont  la  précision  ne 
laisse  rien  à  désirer.  Dans  ses  notes  comme  dans  son  texte,  M.  Four- 
nier nous  a  donné  avec  mesure,  avec  bon  goût,  la  quintessence  de  ses 
innombrables  lectures  :  livres  anciens,  livres  nouveaux,  livres  rares, 
livres  étrangers,  articles  de  revues,  articles  de  journaux,  documents 
inédits,  autographes,  etc.,  l'intrépide  curieux  n'a  rien  laissé  échapper 
de  ce  qui  pouvait  l'aider  à  reconstituer  l'histoire  du  Vieux-Neuf^  et  il  a 
pris  beaucoup  de  peine  pour  nous  donner  beaucoup  de  plaisir.  Car, 
répétons-le,  l'ouvrage  est  charmant  d'un  bout  à  l'autre,  et  c'est  en 
souriant  que  tous  les  lecteurs,  même  ceux  que  le  président  Hénault, 
dans  un  vers  si  bien  frappé  qu'on  le  lui  a  pris  pour  le  donner  à  Horace, 
appelait  periti,  y  feront  d'abondantes  provisions  de  savoir. 

Mes  observations,  qui  seront  assez  nombreuses,  ne  seront  pas  bien 
graves.  Je  ne  pense  pas  que  notre  mot  ridelle  vienne  (t.  I,  p.  50)  de 
redlia,  c  sorte  de  voiture  gauloise  fort  à  la  mode  chez  les  Bretons.  » 
Voirie  Dictionnaire  de  la  langue  française  par  M.  Littré.  —  M.  Four- 
nier, déclarant  (iô/fL,  p.  975)  que  ce  le  Dictionnaire  de  l'Académie  n'a 
admis  gaz  qu'en  1802,  »  invoque  là  une  édition  qui  n'est  connue 
d'aucun  bibliographe.  Il  a  voulu  sans  doute  parler  de  la  5™^  édition, 
qui  est  de  l'an  VII  (1798).  —  Dans  le  passage  où  il  s'écrie  si  plaisam- 
ment [ibid.,  p.  155)  :  «  Quand  nous  rendra-t-on  ce  bailli  de  Dijon  qui, 
en  1386,  fit  mettre  en  prison,  avec  une  amende  de  cinquante  livres 
d'or,  un  médecin  qui  n'avait  pas  guéri  ses  malades  ?  »  il  aurait  pu 
rappeler,  d'après  l'Histoire  ecclésiastique  des  Francs,  de  Grégoire  de 
Tours  (liv.  V,  ch.  xxxvi),  que  le  roi  Guntchzamm  appliqua  la  peine 
du  talion  aux  deux  mauvais  médecins  accusés  d'avoir  causé  la  mort 
de  la  reine  Austrechilde.  —  Le  mot  hygiène  (ibid.,  p.  155)  n'est  pas 
seulement  dans  une  des  lettres  de  Guy  Patin  (9  février  1666)  ;  il  avait 
déjàété  employé,  près  d'un  siècle  plus  tôt, par  Ambroise  Paré  (Œuvres 
complètes,  édition  de  1575,  in-fol.,  Introduction).  —  On  regrette  que, 
pour  écrire  le  chapitre  xxiv,  sur  l'art  d'attirer  la  foudre  chez  les 
Mai  1878.  T.  XXII,  27. 


—  4i8  — 

Étrusques  et  les  Celtes,  M.  Fournier  n'ait  pas  utilisé  les  révélations 
d'un  livre  aussi  savant  que  curieux  (qu'il  cite  pourtant  en  une  autre 
occasion),  la  Foudre,  l' éleclricilé  et  le  magnétisme  chez  les  anciens 
(1866,  in-18),  par  Th. -H.  Martin  (de  l'Institut).  M.  P'ournier  aurait 
encore  consulté  avec  profit,  en  quelques  autres  obscures  questions, 
l'Histoire  des  sciences  physiques  dans  l'antiquité,  du  même  érudit 
(2  vol.  in-8,  1849).  —  Les  Récréations  mathématiques  du  P.  Leurechon 
(ibid.,  p.  192),  publiées  à  Pont-à-Mousson  en  1626,  avaient  été  pré- 
cédées d'une  édition  intitulée  Récréation  mathématique  (1629,  in-8). 
Mais  les  auteurs  de  la  Bibliothèque  des  écrivains  de  la  Compagnie  de 
Jésus  ne  connaissent  pas  (t.  II,  col.  731-733)  l'édition  latine  qui  aurait 
paru, en  cette  même  année  1629,  sous  le  titre  de  Hilaria  mathematica. 
—  Les  renseignements  fournis  sur  Blasco  de  Garay,  par  M.  Garay  de 
Monglave  au  congrès  historique  de  1838  sont  absolument  dépourvus 
de  valeur  {ibid.,  p.  216).  Ce  littérateur,  par  trop  gascon,  avait  surtout 
interrogé  son  imagination  pour  retracer  la  biographie  de  l'inventeur 
des  bateaux  à  vapeur,  comme  pour  reconstituer  les  antiques  chants 
basques  qu'il  a  mis  en  circulation.  Étant  donné  le  personnage,  il  est 
probable  que  Vautographe  du  capitaine  Blasco  de  Garay  qui  paraît 
si  suspect  à  M.  Fournier  (p.  219),  a  été  rédigé  par  l'auteur  de  Mon 
parrain  Nicolas.  —  J'ai  été  surpris  de  voir  l'auteur  du  Vieux-Neuf, 
lui  qui  rectifie  tant  d'erreurs  en  ce  qui  regarde  les  découvertes,  attri- 
buer àGuillotin  {ibid.,  p.  319)  la  machine  qui  porte  son  nom  —  aussi 
injustement  que  l'Amérique  porte  le  nom  de  l'indigne  rival  de  Chris- 
tophe Colomb.  Qu'il  me  soit  permis  de  renvoyer  M.  Fournier  à  un 
article  de  la  Correspondance  littéraire  du  25  septembre  1863,  intitulé 
M.  Legouvé  elle  docteur  Guillotin,  où  j'ai  rappelé  que  ce  médecin  fut 
le  très-involontaire  parrain,  mais  non  le  père  de  la  terrible  machine. 
Plus  récemment,  M.  le  docteur  Achille  Chéreau  a  publié  une  brochure 
qui  ne  laisse  plus  rien  à  dire  sur  la  non-participation  de  Guillotin  à  la 
construction  de  l'instrument  de  mort.  —  Le  livre  de  M.  Perrens  sur 
Etienne  Marcel,  que  M.  Fournier  trouve  remarquable  {ibid.,  p.  372), 
n'est  guère  remarquable  que  par  des  erreurs,  lesquelles  ont  été  relevées 
dans  la  Bibliothèque  de  l'Écoles  des  chartes,  dans  Revue  des  questions 
historiques,  etc.  —  Ce  n'est  pas  de  l'excellent  copiste  Ange  Vergèce 
(t.  Il,  p.  11)  que  vint  l'expression  écrire  comme  un  ange.  J'opposerai 
à  M.  Fournier  cette  note  mise  dans  la  Revue  critique  du  9  mars  1872, 
sous  un  document  inédit  relatif  au  calligraphe  Ange  Vergèce  (p.  159): 
«  Presque  tous  les  étymologistes  ont  adopté  l'opinion  de  Ménage,  qui 
est  une  subtilité  sans  fondement.  »  Au  sujet  de  la  brouette,  dont  la  dé- 
couverte a  été  abusivement  attribuée  à  Pascal,  M.  Fournier  a  oublié 
{ibid.,  p.  45)  de  citer  un  texte  célèbre  de  Bernard  Palissy. —  Pour  ce 
qui  regarde  la  poste  {ibid.,  p.  115  et  suiv.),  comment  l'auteur  du 


—  419  — 

Vieux-Neuf  a-t-il  négligé  un  livre  spécial  tel  que  VHistoire  de  la  poste 
aux  lettres  depuis  les  origines  les  plus  anciennes  jusqu'à  nos  jours,  par 
Arthur  de  Rothschild?  (Paris,  Hachette,  1873,  in-12,  2<'  édition.)  — 
L'étjmologie  du  mot  paletot  (de  ]jrt//;'i/ m)  n'est  pas  la  bonne  («è^cZ., p. 224): 
suivant  M.  Littré,  la  vraie  étymologie  est  le  hollandais  pallstrok, 
robe,  habit  de  gros  drap,  formé  de  palster,  pèlerin,  et  rok,  robe,  habit. 
—  On  ne  croit  plus  depuis  longtemps  aux  gants  empoisonnés  (ibid., 
p.  257)  que  René  Bianque  (au  pont  Saint-Michel)  vendit,  d'après  Pierre 
de  TEstoile,  à  la  reine  de  Navarre,  Jeanne  d'Albret.  M.  Lud.  Lalanne 
dit,  sur  ce  point  [Dictionnaire  historique  de  la  France,  2"  édition,  1877, 
p.  1039)  :  «  C'est  là  une  allégation  qui,  à  tous  les  points  de  vue,  ne 
mérite  aucune  créance.  »  —  M.  Fournier  (p.  473)  déclare  que  la  Pro- 
vence dut,  vers  1632,  la  tubéreuse  à  Peiresc,  qui  en  avait  eu  des 
graines  par  le  P.  Minuti,  à  son  retour  de  Perse.  Peiresc  n'importa  pas 
seulement  chez  nous  la  tubéreuse,  mais  encore,  comme  Fa  indiqué, 
d'après  les  plus  sûres  autorités,  feu  M.  E.-J.-B.  Rathery  (Nouvelle 
biographie  générale,  t.  XXXIV,  col.  465)  :  c  il  acclimata  en  France  le 
chat  d'Angora,  le  papyrus  d'Egypte,  le  laurier  rose,  diverses  espèces 
de  jasmins,  de  lilas  et  de  vignes,  etc.  «  M.  Fournier  aurait  trouvé 
plus  d'une  addition  pour  son  gracieux  chapitre  sur  les  fleurs,  dans  un 
discours  prononcé,  le  10  février  1860,  par  M.  Drouyn  de  Lhuys^  vice- 
président  de  la  Société  d'acclimatation,  et  où  sont  condensés  en  quel- 
ques lignes  (voir  le  Moniteur  universel)  bien  des  renseignements  sur 
les  jardins  anglais  en  Chine  au  onzième  siècle,  sur  la  serre  d'Albert 
le  Grand  à  Cologne,  sur  l'origine  des  végétaux  empruntés  par  la 
France  aux  régions  étrangères,  etc.  —  Enfin,  il  est  difficile  d'admettre 
(p.  489)  que  «  Rubens,  le  grand  peintre,  fit  une  machine  qu'il  crut 
propre  à  résoudre  le  problème  du  mouvement  perpétuel^  n  car 
M.  Charles  Ruelens,  conservateur  des  manuscrits  à  la  bibliothèque 
royale  de  Bruxelles,  me  paraît  avoir  prouvé  {Pierre  Paul  Rubens, 
documents  et  lettres,  1877,  in-8,  p.  33-36)  que  l'illustre  artiste  ne 
s'occupa  jamais  «  de  cette  chimère  qui  consiste  à  vouloir  trouver  le 
moteur  constant,  inépuisable;  »  mais  que  le  perpetuum  mobile  dont  il 
est  question  dans  sa  correspondance  n'était  qu'un  instrument  destiné  à 
constater  les  perturbations  atmosphériques,  courants,  pressions, 
hygrométrie,  etc.,  c'est-à-dire  le  mouvement  perpétuel  qui  se  produit 
dans  le  milieu  où  nous  vivons.  »  T.  de  L. 


Causeries  eur  l'art  et  la  ciariosité,  par  Edmond  Bonnaffé.  Paris, 
Quantin,  1878,  iu-S  de  257  p.  et  1  pi.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

M.  Edm.  Bonaffé  vient  de  réunir,  sous  ce  titre,  en  un  élégant  vo- 
lume, les  intéressants  articles  qu'il  a  insérés,  dans  la  Gazette  des  beaux- 


—  420  — 

arts  et  dans  YAri,  sur  différents  sujets  d'art  et  de  curiosité.  Voici  les 
titres  de  ces  articles  :  Cornélius  Salurnius.  —  Maître  Pihourt  et  ses  hété- 
roclites.—  Les  Propos  de  maître  Salebrln.  —  Le  Commerce  de  la  curiosité. 
—  Le  Confort.  —  Suburbanum.  —  Dialogue  des  morts  entre  Ducerceaii  et 
Dumanet.  —  Les  Guenons.  —  La  Contrefaçon.  —  Un  musée  qui  ne 
coûtera  rien.  —  Le  Pour  et  le  Contre.  Pour  les  nombreux  lecteurs 
auxquels  l'humour  et  la  verve  du  spirituel  écrivain  sont  depuis  long 
temps  sympathiques,  c'est  une  bonne  fortune  de  posséder  réunis,  dans 
un  format  commode,  tous  ces  jolis  tableaux,  toutes  ces  vives  boutades, 
tous  ces  petits  morceaux  de  critique  fine  et  piquante,  toutes  ces 
dissertations  d'une  érudition  toujours  aimable  et  coquette.  Je  n'ose 
pas  trop  insister  sur  la  valeur  des  informations,  ni  sur  le  fort  et 
solide  canevas  de  recherches  auquel  ont  été  appliquées  ces  gracieuses 
broderies.  L'auteur  me  pardonnerait-il  de  priser  le  fond  de  son  livre 
à  l'égal  de  la  forme  ?  En  tout  cas,  je  ne  veux  pas  le  dénoncer  à  la 
méfiance  des  gens  du  monde  on  révélant  la  haute  dose  de  savoir  qu'il 
a  si  habilement  dissimulée  sous  de  savoureuses  apparences  littéraires. 
La  lecture  des  livres  de  M.  Eonnafîé  est  un  enseignement  qu'on  ne 
saurait  trop  recommander  à  ceux  qui  ont  besoin  d'apprendre  leur 
métier  de  curieux.  Pas  d'excuses  pour  les  ignorants,  puisque  cet  en- 
seignement est  un  plaisir.  L.  C. 


BELLES-LETTRES 

Précis  de  î'Silstoîre  de  la  littérature  française,  depuis  ses 
premiers  monuments  jusqu'à  nos  jours  par  M.  D.  Nisard,  de  l'Académie 
française.  Nouvelle  édition.  Paris,  Didot,  1878,  in-18jésus  de  viii-41o  p.  — 
Prix  :  5  fr. 

Ce  livre  a  été  publié  pour  la  première  fois  en  1838  dans  le  Diction- 
naire de  la  conversation  et  réimprimé  en  1841,  en  un  volume;  mais  il 
n'est  plus  tout  à  fait  tel  qu'il  s'était  présenté  dans  cette  rédaction 
primitive.  M.  Nisard  a  remanié  son  œuvre  sans  se  cacher  les  difficul- 
tés d'un  travail  de  ce  genre.  11  j  a  nécessairement,  à  la  suite  d'une 
pareille  refonte,  des  contrastes  de  tons  et  même  des  espèces  de  contra- 
dictions. C'est  ainsi,  par  exemple,  qu'après  avoir,  dans  son  introduction 
(p.  5),  déclaré  qu'il  laissera  de  côté  les  épopées  du  cycle  carlovingien, 
M.  Nisard  (p.  33  et  suiv.)  consacre  tout  un  chapitre  à  la  Chanson  de 
Roland.  M.  Nisard  n'a  été  amené  que  fort  tard  à  un  sentiment  de 
justice  à  l'égard  des  plus  anciens  monuments  poétiques  de  notre 
littérature  :  «  Je  n'ai  pas  peur,  dit-il,  de  montrer  une  estime  médiocre 
pour  les  travaux  qu'on  a  faits  sur  les  époques  obscures  de  notre  poésie 
et  pour  la  sagacité  patiente  des  savants  qui  s'y  livrent.  Mais  ne  puis- 
je  pas  dire  innocemment  que  le  besoin  qu'ont  tous  les  érudits  d'égaler 


—  421  — 

à  la  grandeur  de  leurs  efforts  l'importance  de  leurs  découvertes  les 
expose  à  des  erreurs  d'appréciation  sur  les  ouvrages?  Est-il  impos- 
sible que  leur  curiosité  ait  émoussé  leur  goi\t  et  qu'ajant  eu  à  percer 
tant  d'obscurités,  ils  se  voient  enclins  à  admirer  tout  ce  qui  leur  a 
été  si  difficile  de  comprendre  (p.  93).  »  Il  y  a,  du  reste,  un  peu  de 
vérité  peut-être  dans  cette  plirase  épigrammatique.  De  plus  elle  pré- 
cise parfaitement  l'esprit  dans  lequel  le  livre  a  été  écrit  lors  du  pre- 
mier jet.  M.  Nisard,  comme  on  le  faisait  jadis,  avait  de  la  peine  à 
regarder  au-delà  de  Rabelais,  de  Marot,  de  Montaigne.  Avant  le 
seizième  siècle,  dans  sa  première  édition,  il  ne  s'occupait  avec  quel- 
que sympathie  que  du  Roman  de  la  Rose  et  de  Villon.  M.  Nisard  a  cher- 
ché depuis  à  être  plus  complet,  mais  il  y  a  encore  bien  des  omissions 
dans  son  volume.  Est-ce  qu'Alain  Cliartier  n'eût  pas  mérité  quelques 
pages?  Ce  livre  est  moins  un  précis  de  l'histoire  de  la  littérature  fran- 
çaise qu'une  série  de  portraits  dont  beaucoup  sont  d'ailleurs  peints  avec 
finesse,  et  que  M.  Nisard  a  entrepris  moins  séduit,  quelquefois,  par 
l'importance  de  ses  modèles  qu'attiré  par  une  physionomie  originale 
ou  peu  ou  mal  reproduite. 

On  lit  avec  grand  plaisir  ces  pages  si  spirituelles  et  souvent  rem- 
plies d'observations  fort  judicieuses.  La  cinquième  partie,  consacrée 
au  dix-neuvième  siècle,  partie  toute  nouvelle,  est  particulièrement 
remarquable  ;  en  peu  de  lignes  sont  examinés  et  appréciés  les  écrivains 
les  plus  en  vue  de  notre  temps.  Mais,  là  encore,  il  y  aurait  à  signaler 
des  oublis,  dont  quelques-uns  sont  étranges.  Comment  M.  Nisard  n'a- 
t-il  pas  un  seul  mot  pour  le  théâtre  de  son  nouveau  confrère  M.  Sar- 
dou?  pas  un  mot  non  plus  pour  M.  de  Pontmartin,  qui  serait,  et  depuis 
longtemps,  digne  de  compléter  le  nombre  des  quarante? 

Une  inadvertance  assez  bizarre  a  survécu  dans  cette  nouvelle 
édition.  D'Octavien  de  Saint-Gelais,  né  vers  1466,  et  de  Mellin  de 
Saint-Gelais,  né  en  1491,  M.  Nisard  a  fait  un  seul  poète  (p.  158). 
Autant  que  nous  nous  le  rappelons,  cette  erreur  existe  aussi  dans 
VHistoire  de  (a  littérature  française,  du.  même  auteur.  Th.  P. 


Vie  et  mort  du  génie  grec,  par  M.  Edgar  Quinet,  avec  des   notes  de 
M"'  Edgar  Qclnet.  Paris,  Dentu,  1878,  in-8  de 226  p.  —  Prix  :  o  fr. 

Ce  n'est  pas  ici  un  livre  au  sens  ordinaire  du  mot,  mais  une  suite 
de  réflexions  sur  la  Grèce  antique  et  sur  les  grands  hommes  qui  l'ont 
immortalisée.  Cette  publication  posthume  n'ajoutera  pas  beaucoup, 
il  faut  le  croire,  à  la  renommée  de  l'auteur  du  Génie  des  religions. 
Non-seulement  le  titre  promet  ce  que  l'ouvrage  ne  tient  pas,  mais  la 
pensée  fondamentale  est  des  plus  contestables.  «  L'art  grec,  dit 
M.  Quinet,  est  né  de  la   victoire,   lorsque  THellade   a   triomphé  du 


—  422  — 

barbare.  »  Même  en  accordant  que  «  le  ton  d'héroïsme  auquel  était 
montée  Tâme  des  combattants  est  resté  le  ton  dominant  et  comme 
la  région  morale  des  écrivains  des  grands  siècles,  »  on  se  dit  que, 
longtemps  avant  les  guerres  médiques,  au  temps  d'Homère  et 
d'Hésiode,  la  poésie  grecque  faisait  déjà  assez  bonne  figure  ;  que  la 
perfection  artistique  de  la  Grèce  s'explique  par  la  merveilleuse 
harmonie  qui  existe  dans  cette  contrée  privilégiée  entre  la  nature 
et  l'art;  enfin  que  le  tempérament  politique  et  moral  de  la  race  hellé- 
nique nous  éclaire  également  sur  son  développement  progressif  et 
sur  sa  rapide  décadence. 

M.  Quinet  compte  au  nombre  des  fanatiques  de  l'antiquité  :  à  le 
lire,  il  semble  que,  depuis  deux  mille  ans,  l'histoire  du  monde  ne  vaille 
pas  la  peine  d'être  connue.  Son  aversion  pour  le  présent  (je  parle  de 
la  période  antérieure  à  nos  désastres)  l'égaré  et  l'entraîne  fréquem- 
ment à  des  assertions  historiques  inexactes  et  à  des  rapprochements 
forcés.  Ces  réserves  faites,  il  ne  m'en  coûte  pas  de  reconnaître  que 
l'ouvrage  contient  sur  les  plus  grands  génies  de  la  Grèce,  poètes, 
artistes  et  historiens,  des  réflexions  originales  et  pleines  de  justesse. 
«  Le  calme  sourire  deLéonidasou  d'Aristide,  au  matin  de  la  bataille, 
je  le  retrouve  dans  les  dialogues  de  Platon,  comme  dans  les  figures 
du  Parthénon.  Une  grande  œuvre  d'art  à  accomplir  est  aussi  une 
bataille  à  livrer  :  les  plus  belles  sont  celles  où  l'homme  a  été  le  plus 
maître  de  lui.  L'héroïsme  dans  la  vie  et  dans  l'art,  voilà  la  Grèce:  » 
et  M"^  Quinet  ajoute  dans  ses  notes:  «  Tel  est  aussi  l'avenir  de  la 
France  républicaine.»  Beau  rêve!  mais  quand  le  verra-fc-on  se 
réaliser?  C.  Huit. 


Le  Théâtre  esi  Angleterre,  depuis  la  conquête  jusqu'aux  prédcces- 
seurs  immédiats  de  Shakespeare,  par  Jules  Jussehand,  docteur  es  lettres. 
Paris,  Hachette,  1878,  in-12  de  322  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Jadis  délaissées,  les  questions  d'origine  en  matière  d'histoire 
littéraire  ont  éveillé  dans  notre  siècle  un  intérêt  tout  particulier.  Et 
c'est  justice  :  l'enfant  et  le  jeune  homme  n^annoncent-ils  pas  ce  que 
sera  l'homme  mûr? 

En  ce  qui  concerne  le  théâtre  anglais,  nous  possédons  déjà  d'excel- 
lents travaux  sur  Shakespeare,  sur  ses  prédécesseurs  immédiats  et 
ses  contemporains  :  mais  toute  la  période  antérieure  était  fort  peu 
connue.  M.  Jusserand  a  eu  l'heureuse  idée  de  combler  cette  lacune  : 
pendant  un  récent  séjour  en  Angleterre,'  il  a  feuilleté,  dans  les 
bibliothèques  de  Londres  et  d'Oxford,  les  manuscrits  souvent 
uniques  où  se  sont  conservés  les  essais  dramatiques  du  moyen  âge. 
Les  analvses  et  les  citations  fort  curieuses  qu'il  en  donne  constituent 


—  423  — 

le  premier,  mais  non  le  seul  attrait  de  son  livre.  L'Introduction,  où 
l'auteur  tend  la  main  avec  une  égale  bienveillance  aux  classiques  et 
aux  romantiques,  la  comparaison  qu'il  établit  (p.  139)  entre  les  per- 
sonnages de  Molière  et  ceux  de  Shakespeare,  en  qui  il  salue 
«  TAristote  des  temps  modernes,  »  tout  atteste  un  esprit  dont  la 
largeur  n'exclut  pas  la  finesse.  Aussi  bien  l'éclectisme  lui  paraît-il 
le  seul  mot  d'ordre  désormais  acceptables  dans  nos  sociétés  cosmopo- 
lites. 

La  première  chose  qui  frappe  à  la  lecture  de  cet  ouvrage,  c'est  le 
peu  de  rapport  de  notre  théâtre  avec  le  théâtre  anglais.  En  dépit 
d'une  certaine  liberté  ^d'allure  s,  notre  esprit  est  fait  à  l'image  de 
celui  des  Grecs  et  des  Romains,  à  l'école  desquels  il  se  met  volontiers  : 
il  se  complaît  dans  la  sphère  élevée  des  idées  générales  et  n'admet 
pas  aisément  de  certaines  témérités.  L'Anglais,  au  contraire,  ennemi, 
au  moins  au  théâtre,  des  théories  et  des  règles,  prête  ses  idées,  ses 
habitudes,  même  aux  héros  étrangers  :  chez  lui,  la  littérature  demeure 
populaire,  malgré  les  tentatives  savantes  de  la  renaissance  :  d'ail- 
leurs, il  aime  le  détail  par  instinct,  et,  comme  toutes  les  classes  de  la 
société  lui  paraissent  intéressantes,  dans  ses  productions,  la  fantaisie 
multiplie  les  contrastes. 

Du  simple  exposé  des  faits  ressort  une  autre  conclusion  non  moins 
remarquable.  Parler  du  moyen  âge,  c'est  évoquer  infailliblement  chez 
certains  esprits  l'idée  de  siècles  d'ignorance  et  de  terreur.  Or,  nous 
voyons  que  les  fêtes,  et  même  les  fêtes  de  l'esprit  y  étaient  fré- 
quentes. «  Tous  les  événements  heureux  de  la  vie  des  souverains, 
couronnements,  victoires,  mariages,  étaient,  pour  le  peuple,  des 
occasions  de  réjouissances;  »  costumes,  lances  et  bannières  rivalisaient 
d'éclat  pour  rehausser  ces  processions  triomphales,  ces  brillantes  mas- 
carades et  ces  gracieux  tournois.  Dans  la  cour  ombreuse  des  monas- 
tères, les  mystères  mis  en  action  instruisaient  la  foule  et  déridaient 
un  instant  le  front  grave  des  religieux  :  dans  les  salles  gothiques  des 
donjons,  d'autres  pièces  d'un  tour  plus  profane  aidaient  le  seigneur 
à  repousser  les  atteintes  de  l'ennui.  Partout,  pour  piquer  et  délasser 
les  imaginations,  <«  à  côté  de  l'idée  sublime,  prenait  place  la  parodie 
burlesque.» 

Plus  tard,  au  quinzième  et  au  seizième  siècles,  les  moralités  nous  ' 
révèlent  ce  que  la  sagesse  des  temps  passés  inspirait  à  nos  pères  ; 
enfin,  la  farce,  qui  des  deux  côtés  de  la  Manche  fut  si  longtemps  en 
honneur,  montre  combien  ils  aimaient  ce  rire  franc  et  joyeux  qui 
éclate  tout  à  coup  sans  que  l'on  songe  à  s'en  défendre.  Sans  doute 
aujourd'hui,  certains  détails  nous  paraissent  d'une  hardiesse  intolé- 
rable et  notre  fausse  vertu  est  prompte  à  s'en  effaroucher  :  mais,  sous 
la  rouille,  brille   le  métal  pur,  et  la  vie  circule  à  pleins  bords   dans 


—  424  — 

cette  littérature  primesautière,  dont  M.  Jusserand  nous  fait  les  hon- 
neurs en  un  style  d'un  tour  alerte  et  tout  juvénile. 

Nous  ne  serions  nullement  surpris  que  son  livre,  chose  rare,  fût  le 
bienvenu  à  la  fois  sur  la  table  de  l'homme  du  monde  et  dans  la 
bibliothèque  de  Térudit.  C.   Huit. 

HISTOIRE. 

I^' Année  géograplaîque.  Revue  annuelle  des  voyages  de  terre  et  de  mer, 
des  explorations,  missions^  relations  et  publications  diverses  relatives  aux 
science'i  géographiques  et  ethnographiques.  Deuxième  série,  par  E.  Maunoir 
et  H.  DuvEYRiER.  Tome  1er,  1876.  Paris,  Hachette,  1878,  in-12  de  614  p.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 

La  première  série  de  cette  publication  si  utile  comprend  quatorze 
années.  Elle  a  été  entièrement  rédigée  par  M.Vivien  de  Saint-Martin, 
et  nous  en  avons  rendu  compte  ici  au  fur  et  à  mesure  de  la  publica- 
tion de  chacun  des  volumes  annuels.  En  donnant  celui  de  1875,  l'au- 
tour prenait  congé  de  ses  lecteurs,  absorbé  qu'il  était  par  le  travail 
considérable  de  la  révision,  de  la  correction  des  épreuves  et  de  la 
surveillance  de  l'impression  de  son  grand  Dictionnaire  de  géogi^aphie 
moderne.  L'espoir  qu'il  exprimait  alors  de  voir  sa  tâche  continuée 
est  actuellement  réalisé  au  gré  de  ses  désirs  et  à  la  satisfaction  de 
ceux  qu'intéressent  à  juste  titre  des  études  qui  ont  pris  de  nos  jours 
un  si  grand  développement  :  la  2°  série,  après  deux  années  d'inter- 
valle, paraît,  en  effet,  sous  la  haute  direction  de  MM.  C.  Maunoir  et 
H.  Duveyrier,  et  dans  les  mêmes  conditions  que  la  "première  comme 
format,  prix,  disposition  par  région,  bibliographie,  etc.  Le  changement 
dans  la  rédaction  a  été  cause  d'un  retard  dans  la  publication  :  mais  les 
lecteurs  n'y  perdront  rien  :  les  deux  années  1870  et  1877  for- 
meront deux  volumes,  dont  nous  annonçons  le  premier,  et  dont  le 
second  est  promis  pour  le  mois  de  juin  prochain.  Il  contiendra  les 
chapitres  relatifs  à  VEurope  et  aux  Généralités,  tandis  que  celui  qui 
parait  aujourd'hui  contient  VAfriquc  (320  p.  et  476  nos  de  bibliogra- 
phie), l'isie  (190  p.  et  471  nos),  r0rrâ/;ù!  (20  p.  et  85  nos),  les  Z)euj:? 
Amériques  (20  p.  et  113  no?)  et  les  Régions  polaires  boréales.  Nous  ne 
croyons  plus  nécessaire  d'insister  sur  l'importance  et  le  mérite  d'une 
publication  remplie  de  documents  aussi  précieux  à  tous  les  points 
de  vue;  disons  seulement  que  M.  Vivien  de  Saint-Martin  a  trouvé 
dans  les  nouveaux  rédacteurs  d'excellents  et  dignes  continuateurs  de 
ses  travaux,  et  des  hommes  dont  la  compétence  et  le  zèle  sont  bien 
faits  pour  assurer  à  son  œuvre  la  valeur  scientifique  et  de  vulgarisation 
qui  l'a  classée  depuis  quinze  ans  au  nombre  des  recueils  les  plus 
estimés.  R. 


—  425  — 

Littérature  de  géographie,  de  statistique  et  d*etIinogra> 
phie  russe  pour  les  années  3  8^'-^  et  18>K,  par  Vl.  Méjov. 
Saint-Pétersbourg,  1877,  t.  YI,  in-8  de  xiii  et  279,  7  et  270  p.  à  deux 
colonnes.  —  Prix  ;  10  fr. 

De  toutes  les  sciences  qu'on  cultive  en  Russie,  il  n'est  aucune 
peut-être  qui  ait  fait,  de  nos  jours,  autant  de  progrès  que  la  géogra- 
phie, en  prenant  ce  mot  dans  son  sens  le  plus  large  et  en  y  compre- 
nant la  statistique  et  l'ethnograpliie.  La  dernière  exposition  géogra- 
phique en  a  révélé  à  TOccident  étonné  l'éloquente  réalité,  et  le 
suffrage  universel  a  volontiers  décerné  la  palme  aux  exposants  venus 
de  l'Empire  russe.  Encore  n'avait-on  alors  devant  les  yeux  que  des 
pièces  de  choix,  les  articles  les  plus  importants  ;  les  détails  échappaient 
et  cependant  ces  détails  étaient  indispensables  pour  donner  une  idée 
plus  adéquate  des  véritables  progrès  que  les  études  géographiques 
ont  faits  en  Russie.  M.  Méjov  vient  d'en  réunir  une  partie  dans  le 
volume  cité  plus  haut  ;  on  y  compte  10,299  articles,  bien  que  le  livre 
n'embrasse  que  l'intervalle  do  deux  années. 

Au  moment  où  celui-ci  paraissait,  la  Russie  occupait  393,000  lieues 
carrées,  dont  18,000,  presque  les  trois  quarts  du  sol  occupe  par  la 
France,  ont  été  acquises  depuis  le  dernier  quart  de  siècle. 

On  peut  juger  ce  que  ces  immenses  territoires  doivent  contenir  de 
variétés  ethnographiques  et  quelle  mine  inépuisable  ils  offrent  au 
géographe  et  au  statisticien.  Aussi  quelle  fécondité  et  quelle  richesse 
dans  cette  branche  de  littérature!  11  suffit,  pour  s'en  convaincre,  do 
parcourir  rapidement  le  volume  de  M.  Méjov.  La  section  d'ethnogra- 
phie, par  exemple,  offre  une  variété  si  étonnante,  un  caractère  d'ori- 
ginalité tel  qu'il  serait  difficile  de  trouver  ailleurs  quelque  chose  de 
pareil. 

Si  l'espace  le  permettait,  j'aurais  pu  offrir  aux  lecteurs  de  la 
Revue  des  données  très-intéressantes,  que  fournit  chacune  des  trois 
sections  dont  se  compose  le  livre,  notamment  les  biographies  des 
membres  de  la  Société  géographique,  qui  en  a  dans  l'univers  entier, 
la  statistique  des  couvents  et  des  églises,  des  sectes  et  des  confessions 
étrangères,  celle  de  l'instruction  et  de  la  bienfaisance  publique,  la 
littérature  populaire,  comprenant  les  croyances  et  les  superstitions, 
les  mœurs  et  les  coutumes,  etc.,  etc.  Je  me  borne  à  les  indiquer. 
Deux  index  abondants  complètent  le  livre  et  en  doublent  la  valeur. 
M.  Méjov  me  permettra  cependant  quelques  observations. 

Je  ne  vois  pas  pourquoi  la  géographie  mathématique  vient  se 
placer  entre  la  statistique  et  l'ethnographie,  et  non  après  la  géogra- 
phie physique,  ou  pourquoi  Meyerberg  figure  sous  la  rubrique  : 
Finlande   (n°  505).  Il   me   semble   aussi  qu'Antoine,    archevêque  de 


—  426  — 

Novgorod,  n'a  jamais  visité  l'Asie  (n°  788).  Son   voyage  à  Constan- 
tinople  (avant  1200)  n'en  fait  aucune  mention. 

L'utilité  et  l'importance  de  cette  publication  sautent  aux  yeux.  Si  elle 
témoigne  des  progrès  incontestables  de  la  science  géographique  en 
Russie,  ainsi  que  de  la  savante  société  qui  s'y  voue  avec  tant  de  zèle 
et  d'intelligence,  elle  fait  aussi  honneur  au  laborieux  et  zélé  biblio- 
graphe qui  en  suit  avec  attention  les  moindres  mouvements  et  compte, 
pour  ainsi  dire,  tous  les  pas.  J.  M. 


La  Grèce  et  l'OrSenten  I»i*ovence,  par  M.  Lentheïuc.  Paris,  Pion, 
1878,  gr.  in- 18  de  493  p.  —  Prix  :  5  fr. 

M.  Lentheric,  dans  son  nouveau  livre  la  Grèce  et  l'Orient  en  Pro- 
vence, poursuit  ses  études  archéologiques  et  topographiques  sur  le 
midi  de  la  France  et  les  rives  de  la  Méditerranée  ;  dans  ce  volume, 
qui  fait  suite  à  ses  Villes  mortes  du  golfe  de  Lyon,  il  s'occupe  plus  spé- 
cialement d'Arles,  de  Marseille  et  du  Delta  du  Rhône.  Le  principal 
intérêt  du  livre  est  dans  les  études  de  l'auteur  sur  la  ville  d'Arles  et 
ses  environs;  elles  remplissent  les  deux  tiers  du  volume,  et  l'on  ne 
songe  pas  à  s'en  plaindre;  en  effet,  si  Arles  fut  inférieure  à  Marseille 
au  point  de  vue  de  l'influence  commerciale  et  économique,  elle  a  une 
tout  autre  importance  que  sa  rivale  phocéenne  au  point  de  vue  des 
études  archéologiques  et  artistiques. 

On  remarque  dans  le  livre  de  M.  Lentheric  deux  courants  d'études 
parallèlles  et  d'un  ordre  très-différent  ;  l'un  est  le  résultat  du  travail 
de  l'ingénieur,  l'autre  de  celui  de  l'historien.  Nous  avouons  notre  in- 
compétence en  ce  qui  concerne  les  études  topographiques  et  nous  ne 
saurions  nous  prononcer  sur  le  mérite  de  celles  dont  M.  Lentheric 
a  parsemé  son  ouvrage  ;  nous  devons  dire  seulement  qu'elles  ont 
excité  à  un  haut  degré  notre  intérêt.  Le  recul  successif  de  la  mer  de- 
vant les  alluvions  du  Rhône;  la  formation  par  des  déluges  entraînant 
les  rochers  des  Alpes  des  immenses  plaines  improductives  et  désolées 
de  la  Crau;  la  contrée  autrefois  couverte  d'étangs  navigables  peu  à 
peu  colmatés  par  la  vase  fertilisante  du  fleuve  qui  donnait  naissance 
à  un  sol  nouveau  d'une  richesse  extrême  ;  toutes  ces  questions  sont 
traitées  avec  une  grande  autorité  et  d'une  façon  toute  nouvelle.  Sui- 
vant l'auteur,  la  création  des  digues  du  Rhône  a  été  une  véritable 
erreur;  tandis  que  le  fleuve  faisait  jusque-là,  dans  une  certaine  me- 
sure, l'office  du  Nil  et  fertilisait,  en  l'inondant,  le  sol  de  son  vaste  delta, 
aujourd'hui  il  jette  chaque  année  à  la  mer  dix-sept  millions  de  mètres 
cubes  de  riches  alluvions,  qui  non-seulement  sont  perdues  pour  l'agri- 
culture, mais  encombrent  ses  ouvertures  et  rendent  la  navigation 
impossible.  Ces  digues,  du  reste,  ne  résistent  pas  aux  crues  extraor- 


—  427  — 

dinaires,  et  alors  leur  rupture  occasionne  des  désastres  effroyables. 
M.  Lentheric  croit  que  cette  première  erreur  est  maintenant  à  peu 
près  irréparable  et  la  navigation  régulière  du  Rhône  lui  paraît,  quoi 
qu'on  fasse,  très-compromise  dans  l'avenir. 

L'époque  de  la  fondation  de  la  ville  d'Arles  est  inconnue;  d'abord 
Emporiiim  ou  marche  celtique,  elle  devint  ensuite  colonie  phéni- 
cienne, puis  fut  occupée  par  les  Grecs.  Sa  race  a  gardé  l'empreinte 
manifeste  de  son  origine  grecque  ;  la  beauté  de  sa  population  fémi- 
nine est  proverbiale;  seulement  ce  type  si  remarquable,  que  M.  Len- 
theric paraît  vouloir  restreindre  à  la  seule  ville  d'Arles,  appartient 
à  toute  une  contrée  assez  étendue.  Les  femmes  de  Tarascon,  Beau- 
caire,  etc.,  ont  le  profil  aussi  pur  que  l'Arlésienne  ;  leur  origine  est 
certainement  la  même. 

L'influence  grecque  s'accuse  encore  d'une  façon  positive,  au  dire 
de  M.  Lentheric,  dans  les  monuments  antiques  si  nombreux  et  si  in- 
téressants à  Arles  et  surtout  dans  le  théâtre  et  les  statues  qui  y  ont 
été  découvertes.  L'art  y  est  plus  fin,  plus  délicat  qu'à  Nîmes  et  à 
Orange,  colonies  purement  romaines.  Peut-être  l'auteur  se  laisse- 
t-il  entraîner  par  son  sujet  et  se  prononce-t-il  d'une  manière  un  peu 
trop  absolue  à  cet  égard  :  il  est  difficile,  en  présence  du  petit  nombre 
de  monuments  antiques  qui  subsistent,  de  se  rendre  compte  d'une 
façon  complète  de  ce  qu'étaient  ces  villes  au  moment  de  leur  splen- 
deur. Il  nous  paraît  dangereux,  quant  à  nous,  de  vouloir  comparer, 
comme  le  tente  l'auteur,  la  Vénus  d'Arles  à  la  Venus  de  Milo,  dont 
elle  est  bien  éloignée  sous  tous  les  rapports. 

L'influence  d'Arles  au  point  de  vue  commercial  fut  considérable;  la 
Gaule  y  venait  échanger  ses  produits  que  les  marins  grecs  transpor- 
taient sur  tout  le  littoral  de  la  Méditerranée.  Des  flottes  de  grandes 
barques  à  fond  plat  soulevées  par  des  outres  gonflées  sillonnaient  les 
étangs  peu  profonds  qui  environnaient  la  ville,  sans  craindre  les 
bancs  de  sable  et  les  hautes  eaux;  de  nombreux  navires  se  rangeaient 
le  long  de  ses  quais;  enfin  un  grand  nombre  de  vaisseaux  étaient 
chaque  année  construits  sur  ses  chantiers,  et  ses  ouvriers  jouissaient 
d'une  réputation  méritée.  Lorsque  César  voulut  assiéger  Marseille 
par  terre  et  par  mer,  il  put  faire  sortir  du  port  d'Arles  en  trente  jours 
douze  navires,  d'autres  disent  vingt-deux,  tout  armés  avec  lesquels  il 
bloqua  le  port  de  la  cité  phocéenne. 

C'est  pourtant  de  cette  époque  que  date  la  décadence  si  rapide 
d'Arles.  Tandis  que  Marseille,  malgré  se  rébellion,  conservait  ses 
institutions  autonomes  et  étendait  de  plus  en  plus  le  cercle  de  ses 
opérations  commerciales,  Arles  voyait  la  navigation  du  Rhône  de- 
venir de  plus  en  plus  difficile,  elle  tombait  au  rang  de  simple  colonie 
et  recevait  les  vétérans  de   la  6^  légion.  Peu  à  peu,   l'ensablement  du 


—  428  — 

Rhône,  le  colmatage  des  étangs  rendent  la  navigation  plus  pénible 
aux  mains  des  marins  arlésiens  :  Marseille  ne  cesse  do  grandir,  tandis 
que  son  ancienne  rivale  voit  chaque  jour  le  commerce  se  frayer  une 
autre  route  et  la  délaisser. 

Marseille  est  une  ville  d'un  tout  autre  aspect  qu'Arles;  elle  ne  fut 
jamais  qu'un  centre  commercial.  Les  temps  antiques  y  ont  à  peine 
laissé  leur  empreinte  ;  de  théâtres,  d'arènes,  de  temples,  peu  ou  point 
de  traces  ;  c'est  à  peine  si  quelques  grossières  sculptures  y  sont  venues 
rappeler  la  colonisation  du  pays  par  les  Phocéens.  Si  la  pauvreté  ar- 
tistique de  Marseille  surprend,  l'étonnement  redouble  en  face  de  sa 
prodigieuse  prospérité  commerciale;  on  voit  que  la  race  qui  l'habitait 
fut  plus  entreprenante  et  surtout  plus  favorisée  par  les  lieux  et  les 
circonstances  que  la  population  arlésienne.  Placée  au  bord  même  de 
la  mer  sur  une  côte  rocheuse  et  inaltérable,  possédant  un  port  d'une 
sûreté  extrême,  elle  était  faite  pour  être  la  reine  de  la  Méditerranée. 
Aussi  voyons-nous  ses  colonies  s'établir  sur  toute  retendue  des  côtes 
entre  l'Espagne  et  l'Italie,  et  ses  navires  devenir  le  trait  d'union  entre 
le  Nord  et  l'Orient. 

La  numismatique,  à  défaut  d'autre  démonstration,  nous  fournit  la 
preuve  de  la  richesse  et  de  la  puissance  de  Marseille  :  non-seulement 
elle  a  répandu  à  profusion  ses  monnaies  dans  l'ancien  monde,  non- 
seulement  ses  types  ont  été  imités  depuis  les  hauteurs  duBriançonnais 
jusqu'en  Espagne,  mais  ses  ateliers  monétaires  émettaient,  comme  l'a 
démontré  le  trésor  d'Auriol,  des  monnaies  au  type  de  la  plupart  des 
villes  grecques  pour  faciliter  les  moyens  de  transaction  à  ses  négo- 
ciants, qui  transportaient  leurs  marchandises  en  Asie-Mineure  et  dans 
les  îles. 

Enfin  Marseille  n'a  cessé  de  prospérer;  de  nouveaux  ports  y  ont  été 
créés  à  grands  frais,  et  le  cercle  de  ses  relations  commerciales  s'a- 
grandit tous  les  jours  :  elle  doit  ce  privilège  exceptionnel  à  sa  posi- 
tion merveilleuse  à  l'esprit  d'initiative  de  ses  habitants  et  surtout  aux 
franchises  municipales  dont  elle  a  toujours  joui,  aussi  bien  à  l'époque 
romaine  qu'au  moyen  âge. 

Cette  analyse  sommaire  du  nouveau  livre  de  M.  Lentheric  suffira 
pour  démontrer  que  cet  ouvrage  est  intéressant  et  mérite  d'être  lu  ; 
les  gens  du  monde  y  trouveront  beaucoup  à  apprendre  ;  les  savants, 
plus  exigeants,  demanderaient  peut-être  des  études  plus  complètes 
sur  les  divers  sujets  traités  et  des  dissertations  plus  étendues;  néan- 
moins la  lecture  ne  leur  en  sera  pas  inutile,  car  l'œuvre  est  intéres- 
sante, nouvelle  et  pleine  d'idées  justes  et  vraies.  G.  R, 


-     429  — 

L'Egypte  à  petites  journées.  Études  et  souvenirs,  par  Arthur  Rhonk. 
Paris,  E.  Leroux,  1877,  in-8  de  431  p.,  avec  plans,  gravures  et  bois 
intercalés  dans  le  texte.  —  Prix  :  13  fr. 

Au  moment  où,  grâce  à  l'Exposition  universelle,  les  curieux  pour- 
ront admirer  les  objets  précieux  envoyés  par  le  vice-roi  d'Egypte  et 
classés  par  M.  Mariette-bey,  nous  croyons  devoir  signaler  un  volume 
qui  nous  paraît  indispensable  de  bien  connaître  afin  de  pouvoir  appré- 
cier la  valeur  artistique  et  archéologique  du  .Musée  dont  l'illustre  égyp- 
tologue  prépare  lui-même  l'arrangement. 

M.  Arthur  Rhoné  a  entrepris,  il  y  a  quelques  années,  avec  des  amis, 
un  voyage  en  Egypte  ;  il  recueillit  alors  des  notes  qui,  d'abord,  ne 
devaient  former  qu'un  simple  volume  destiné  à  fixer  les  souvenirs  de 
ses  compagnons  et  à  être  distribué  dans  une  intimité  très-limitée. 
Plus  tard,  l'auteur  reout  des  reproches  de  quelques-uns  de  ses  lec- 
teurs privilégiés.  On  lui  fit  observer  que  ses  recherches  sérieuses, 
ses  observations  aussi  remarquables  par  leur  finesse  que  par  leur 
exactitude,  ne  devaient  pas  être  réservées,  par  sa  trop  grande  modes- 
tie, à  un  public  très-restreint.  M.  Rhoné  céda,  et  nous  lui  devons 
ainsi  un  livre  très-goùté  par  les  savants^  et  destiné  à  vulgariser, 
auprès  des  gens  du  monde,  un  sujet  peu  connu. 

Le  résumé  clair  et  agréable  à  lire  de  l'histoire  de  l'art  et  de  l'his- 
toire politique  de  l'Egypte  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'en 
1877  est,  convenons-en,  un  livre  précieux.  Pour  beaucoup  de  lecteurs, 
l'Egypte,  avec  ses  nombreuses  dynasties  de  souverains,  avec  ses 
monuments  gigantesques  couverts  de  dessins  divers  empruntés  aux 
trois  règnes  de  la  nature,  aux  métiers,  aux  arts,  etc.,  exprimant  les 
uns  des  idées,  les  autres  des  sons,  l'Egypte,  dis-je,  est  entourée  d'un 
rayonnement  mystérieux  qui  ne  laisse  pas  que  de  frapper  l'imagi- 
nation ;  on  admire  de  loin  ;  on  craint  d'avoir  trop  à  apprendre  pour 
arriver  à  savoir  un  peu  de  ce  qu'il  faut  pour  se  guider  dans  ce  monde 
antique.  Le  livre  de  M.  Rhoné  est  fait  pour  dissiper  ces  appréhen- 
sions ;  lorsqu'on  le  possède,  on  est  étonné  de  voir  si  clair  dans  un 
sujet  resté  longtemps  aussi  peu  accessible  au  commun  des  mortels. 

Il  y  a  deux  ordres  d'idées  distinctes  dans  l'Egypte  à  petites  jour- 
nées :  la  période  antique,  sur  laquelle  j'insisterai  surtout;  la  période 
moderne,  qui  est  bien  faite  pour  satisfaire  les  curieux  les  plus  exi- 
geants. Dans  celle-ci,  M.  Rhoné  décrit  sous  une  forme  vive  les  usages 
et  les  mœurs  actuelles  de  l'Egypte  ;  on  parcourt  avec  lui  les  mos- 
quées ;  on  assiste  aux  cérémonies  des  derviches  tourneurs;  on  est 
dans  les  bazars,  à  la  curieuse  foire  de  Tantah  :  on  circule  dans 
les  rues  et  les  ruelles.  Tous  ces  détails,  et  bien  d'autres  que  je  ne  puis 
énumérer  ici,  sont  décrits  avec  une  sûreté  d'observation,  avec  une 
humour  qui  n'exclut  pas  une  simplicité  de  bon  goût  assez  peu  com- 


—  430   — 

mune  ;  l'auteur,  en  effet,  évite  avec  soin  de  se  mettre  personnellement 
en  avant.  Il  ne  pose  pas,  faiblesse  que  les  voyageurs  évitent  rare- 
ment. 

Dans  la  partie  du  livre  qui  touche  à  l'histoire  et  à  l'art  de  l'ancienne 
Egypte,  nous  trouvons,  en  maintes  pages,  le  reflet  des  lumineuses 
théories  de  M.  Mariette-bey,  dont  l'amicale  bienveillance  a  permis  à 
l'auteur  de  profiter  largement  ;  c'est  dire  que,  dans  l'étude  du  Musée 
de  Boulaq,  dans  l'excursion  aux  ruines  de  Memphis,  dans  le  récit  de 
la  découverte  et  de  l'exploration  du  Sérapéura,  le  lecteur  suivra  sans 
cesse  un  fil  qui  ne  lui  permettra  pas  de  s'égarer.  Notons  que  M.  Rhoné 
a  donné  un  certain  développement  aux  circonstances  qui  précédèrent 
et  accompagnèrent  les  fouilles  du  Sérapéum  et  les  résultats  inattendus 
de  cette  découverte,  qui  fait  le  plus  grand  honneur  à  la  science  fran- 
çaise ;  la  campagne  de  M.  Mariette-bey  présenta  des  incidents 
diplomatiques  et  presque  tragiques  qui  mettent  singulièrement  en 
relief  la  ténacité,  la  finesse,  le  courage  et  la  perspicacité  de  l'illustre 
archéologue. 

Il  reste  encore  bien  des  mystères  à  éclaircir  dans  l'histoire  de  l'E- 
gypte ;  aujourd'hui  on  admet  que  la  première  des  trente-quatre  dynas- 
ties commence  cinq  mille  ans  avant  l'ère  chrétienne  environ  ;  je  dis 
environ,  parce  que,  s'il  n'y  a  pas  de  divergences  d'opinions  sérieuses 
au  sujet  des  périodes  historiques,  on  en  est  encore  réduit  aux  conjec- 
tures en  ce  qui  touche  la  chronologie,  antérieurement  au  sixième 
siècle  avant  l'ère  chrétienne,  les  dates  sont  approximatives.  Admet- 
tons donc  que  la  première  dynastie  remonte  à  l'an  5000  ;  nous  voyons 
des  monuments  qui  sont  de  cette  date  reculée,  mais  qu'y  avait-il  aupa- 
ravant? D'où  venait  la  race  qui  peuplait  alors  l'Egypte  et  qui,  cinquante 
siècles  avant  l'ère  chrétienne,  était  déjà  dans  un  état  de  civilisation 
avancée  ?  —  M.  Mariette-bey  se  préoccupe  de  chercher  le  point 
chronologique  où  l'Egypte  cessa  d'être  sauvage  pour  entrer  dans 
l'état  civilisé  (page  263);  je  crois  que,  posée  ainsi,  la  questionne 
peut  pas  avoir  de  solution.  Un  peuple  sauvage  ne  devient  pas  civilisé 
de  lui-même  :  c'est  le  contraire  qui  a  lieu  dans  certaines  circons- 
tances. La  véritable  question  est  peut-être  celle-ci  :  D'où  est  venue  la 
civilisation  apportée  en  Egypte  antérieurement  à  l'an  5000  ? 

Dans  un  appendice  de  près  de  cent  pages,  M.  Rhoné  a  donné 
on  résumé  chronologique  des  annales  égyptiennes  ;  il  en  a  fait  déjà 
un  tirage  à  part,  revu,  augmenté  et  accompagné  de  cartes.  Ce  fasci- 
cule, que  l'on  pourra  se  procurer,  est  un  véritable  manuel  que  nous 
désirons  voir  répandu  le  plus  possible  ;  il  est  à  souhaiter  que  tous,  et 
surtout  les  jeunes  gens  et  les  professeurs,  lisent  ce  court  résumé  qui 
permet  de  mettre  de  l'ordre  dans  le  cahos  qui  a  longtemps  passé  pour 
représenter  l'histoire  d'Egypte.  A.  de  B. 


—  431   — 

Xhe  "Voyage  oT  the  Challenger.  The  Atlantic  :  A  preliminary 
acc.ount  of  the  gênerai  results  of  the  exploring  Voyage  of  H.  M.  S.  Chal- 
lenger during  the  yaer  1873  and  the  early  part  of  the  yaer  1876,  by 
Sir  C.  Wyville  Thomson.  London,  Macmillan  and  C°,  d878,  2  vol.  in-8  de 
xxs-42-i  et  xiv-396  p.  —  Prix  :  36  fr. 

Voici  deux  charmants  volumes,  qui  se  recommandent  également  aux 
naturalistes  et  aux  simples  amateurs  de  voyages;  ils  intéresseront 
les  uns  par  de  nombreux  détails  d'expériences  scientifiques  et  d'obser- 
vations de  toute  espèce  ;  ils  amuseront  les  autres  par  la  description 
de  pays  étrangers  et  les  tableaux  de  mœurs  qu'ils  renferment. 

L'expédition  que  sir  Wyville  Thomson  nous  raconte  ici  avait  dû  son 
origine  à  deux  causes  diverses;  le  gouvernement  anglais  et  celui  des 
Etats-Unis  sentaient  depuis  longtemps  la  nécessité  d'établir  entre 
l'ancien  et  le  nouveau  monde  une  communication  télégraphique 
régulière,  et,  d'un  autre  côté,  beaucoup  de  savants  anglais  désiraient 
savoir  à  quoi  s'en  tenir  sur  la  faune  et  la  flore  sous-marines.  Quelques 
observateurs  prétendaient  qu'à  une  certaine  distance,  la  vie  diminuait 
graduellement  pour  disparaître  ensuite  tout  à  fait  ;  il  ne  manquait  pas  de 
naturalistes  pour  soutenir  le  contraire  ;  il  était  utile  de  savoir  à  quoi 
s'en  tenir  sur  ce  sujet,  et  les  membres  les  plus  influents  de  la  Société 
royale  de  Londres  résolurent  d'adresser  au  gouvernement  anglais  un 
rapport  circonstancié  qui  ferait  ressortir  la  nécessité  d'une  expédition 
scientifique  destinée  à  la  fois  à  poserla  ligne  télégraphique  en  question 
et  à  étudier  l'histoire  naturelle  de  l'Océan. 

Les  conclusions  du  D''  Carpenter,  qui  représentait  la  Société  royale, 
furent  accueillies  de  la  manière  la  plus  favorable,  et  la  corvette 
Challenger  partit  de  Sheerness,  dans  la  Tamise,  le  7  décembre  1872, 
pour  son  voyage  d'exploration  ;  elle  était  commandée  parle  capitaine 
Nares,  richement  fournie  de  tout  l'outillage  nécessaire,  et  avait  à 
bord  une  commission  scientifique  dont  le  président  était  Sir  Wyville 
Thomson,  professeur  d'histoire  naturelle  à  l'Université  d'Edimbourg  ; 
c'est  à  ce  gentlemen  que  nous  sommes  redevables  de  l'ouvrage  analysé 
ici.  Le  voyage  dura  environ  quatre  ans,  et,  dans  cet  intervalle,  le 
navire  parcourut  68,890  mille  nautiques,  de  Sheerness  à  Portsraouth, 
de  Portsmouth  à  Ténériff"e,de  Ténériff'e  à  l'île  Saint-Thomas,  de  là  aux 
Bermudes,  puis  à  Madère,  au  Brésil  et  au  Cap  de  Bonne-Espérance  ;  trois 
cent  soixante-deux  postes  d'observation  furent  établis  dans  les  localités 
les  plus  importantes,  et,  quand  le  Challenger  entra  en  rade  de  Spithead, 
le  24  mai  1876,  il  rapportait  une  masse  de  notes,  de  faits  et  d'échantil- 
lons qui  prouvèrent  surabondamment  l'utilité  d'un  voyage  de  longue 
durée  terminé  sans  qu'il  y  eût  un  seul   accident  sérieux  à  déplorer. 

On  ne  s'attend  pasà  ce  que  je  reproduise  les  détails  techniques  dont 
les  deux  volumes  de  Sir  Wyville  Thomson  sont  pleins  et  qui  en  font. 


—  432  — 

pour  les  gens  du  métier,  le  principale  mérite;  je  me  bornerai  à  deux 
ou  trois  remarques  portant  sur  la  question  de  la  flore  et  de  la  faune. 

1.  La  vie  animale  existe  au  fond  de  l'océan  à  toutes  les  profondeurs. 

2.  La  vie  animale  n'est  pas  à  beaucoup  près  aussi  abondante  aux 
limites  extrêmes  que  dans  Tintervalle  qui  sépare  ces  limites,  et  cette 
différence  tient  probablement  à  certaines  causes  chimiques  affectant  la 
composition  soit   de  l'eau  soit  des  dépôts  à  de  grandes  profondeurs. 

3.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'à  de  grandes  profondeurs  la  faune 
n'existe  que  dans  deux  zones,  l'une  près  de  le  surface,  l'autre  près  du 
fond  ;  dans  la  zone  intermédiaire,  on  ne  trouve  aucune  ou  presque  aucune 
des  grandes  espèces  animales,  vertébrées  ou  sans  vertèbres.  4.  Quoi- 
que les  principales  espèces  d'animaux  marins  sans  vertèbres  soient 
toutes  représentées  dans  ce  que  l'on  peut  appeler  la  faune  abysmale,  la 
proportion  relative  de  ces  espèces  est  assez  curieuse;  ainsi  les  mollus- 
ques de  toutes  les  classes  sont  comparativement  rares,  tandis  que  les 
échinodermes  et  les  porifères  prédominent.  5.  Les  faunes  les  plus 
caractéristiques  et  celles  qui  se  rapportent  le  plus  aux  espèces  dis- 
parues se  trouvent  principalement  dans  la  mer  du  Sud,  et,  en  étudiant 
d'une  manière  comparative  les  faunes  de  l'océan  Atlantique  et  de 
l'océan  Pacifique,  on  arrive  à  la  conclusion  que  le  déplacement  des 
espèces  a  eu  lieu  dans  la  direction  du  nord. 

Le  premier  chapitre  du  premier  volume  contient  les  particularités 
sur  les  préparatifs  de  l'expédition,  et  il  est  illustré  de  gravures  sur 
bois  représentant  l'aménagement  du  navire,  le  laboratoire  de  chimie 
et  les  principaux  instruments  employés  par  Sir  Wyville  Thomson  et 
ses  collaborateurs.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  que,  dans  un  livre  de  la 
nature  de  celui-ci,  la  science  a  la  part  du  lion,  et  que  le  lecteur  en 
quête  d'impressions  de  voyage  fera  bien  de  passer  outre;  mais  il  serait 
injuste  de  supposer  que  le  savant  professeur  néglige  les  considérations 
politiques  ou  ethonographiques,  les  descriptions  de  paysages  ou  les 
détails  de  mœurs;  ainsi  le  premier  volume  contient  une  excellente 
notice  sur  les  îles  Bermudes  accompagnée  de  cartes  et  de  gravures, 
tandis  que  le  second  s'ouvre  par  un  intéressant  chapitre  qui  traite  des 
Açores.  Le  style  de  Sir  Wyville  Thomson  mérite  un  mot  d'éloge;  sobre 
sans  être  sec,  pittoresque  à  l'occasion,  et  empreint  de  ce  cachet  de 
modestie  tel  qu'on  devait  s'attendre  à  le  rencontrer  chez  un  homme 
vraiment  distingué  dans  sa  spécialité.  Cent  soixante-seize  gravures 
sur  acier  et  sur  bois  et  cinquante-six  cartes  ou  diagrammes  reprodui- 
sent, pour  la  meilleure  intelligence  de  l'ouvrage,  les  observations 
météorologiques  et  hydrographiques,  le  parcours  du  Challenger,  les 
échantillons  les  plus  remarquables  de  plantes  et  d'animaux,  les  points 
de  vue  exceptionnellement  pittoresques.  Bref,  ces  deux  volumes 
font  beaucoup  d'honneur  à  tous  ceux  qui  en  ont  procuré  la  publica- 
tion. Gustave  Masson. 


Oie  bildliclien  DarsLellungen  ia  tien  riL-iuisc3ien  I^at»- 
kotnbeu  als  Zeti^en  fur  die  VA'alirheît  der  clirist-katho- 
lisclien  Lelire.  (Les  Reprise nto.tions  figurées  des  catacombes  romaines 
témoignage  de  la  vérité  de  la  doctrine  catholiejue.)  Von  D""  Alexander 
Grillwitzer,  Stiftsprior  in  Rein.  Mit  78  Abbildungen.  Grécz,  Vereins- 
Buctidruckerei.  1876,  ia-4  de  iv-69  p. 

L'une  des  preuves  les  plus  frappantes  de  la  vérité  de  la  doctrine 
catholique,  c'est  la  perpétuité   de  ses  croyances,  depuis  ses  origines 
jusqu'à  nos  jours.  Les  représentations  figurées  des   catacombes  nous 
fournissent  une  démonstration  sensible  et  irrécusable  de  cette  perpé- 
tuité, en  nous  mettant  sous  les  jeux  les  monuments  mêmes  dans  les- 
quels les  premiers  fidèles  ont  exprimé  leur  foi.  Le  P.  Grilhvitzer  a 
recueilli  celles  de  ces  représentations  qui  sont  les  plus  propres  à  éta- 
blir  que  la  foi  des  premiers  chrétiens  était  la  même  que  la  nôtre.  Au 
moyen  de  soixante-dix-huit    d'entre  elles,  qu'il   reproduit  en  bonnes 
gravures  sur  bois,  il  nous  montre  successivement,  après  une  descrip- 
tion des  catacombes,  les  scènes  principales  de  l'histoire  de  l'Ancien  et 
du  Nouveau  Testament,  l'Eglise  fondée  sur  les  apôtres  et  sur  leur  en- 
seignement, le  bon  pasteur,  la  sainte  Trinité,  les  sept  sacrements  et 
surtout  la  sainte  Eucharistie  considérée  comme  sacrement  et  comme 
sacrifice,  les  opérations   de  la  grâce  en  l'homme,  les  vertus   chré- 
tiennes, la  résurrection  des  corps,  etc.  Le  texte  de  l'auteur  explique 
les  représentations  figurées  et  en  justifie  l'interprétation.  Il  fait  con- 
naître en  quelques  mots  le  lieu  où  a  été  découverte  la  peinture  qu'il 
étudie  et  en  donne  le  sens  d'une  manière  simple,  claire  et  précise.  On 
apprend  ainsi  tout  à  la  fois  à  connaître  ce   que  nous  ofîrent   de  plus 
intéressant  les   catacombes   et  les   enseignements   précieux  qu'elles 
fournissent  au  chrétien,  en  même  temps  qu'au  théologien  et  à  l'histo- 
rien du  dogme.  Du  reste,  les  fresques  des  catacombes  ont  inspiré  au 
P.  Grillwitzer,  non-seulement  des  pages  instructives,  mais  aussi  des 
lignes  charmantes.  Combien  son  langage  est  gracieux,  lorsqu'il  parle 
des  fleurs  symboliques,  images  des  vertus  des  martyrs,  qu'on  voit  sur 
leurs  tombeaux?   Avec   quel  à  propos    il  cite  le   beau   passage    de 
Minucius  Félix,  protestant  contre  le  mépris  des  fleurs  que  les  païens 
attribuaient  aux  fidèles  et  déclarant  qu'au  contraire  ils  admirent  leurs 
couleurs  et  aiment  leurs  parfums,  mais   qu'ils   préfèrent  encore  être 
embaumés  intérieurement  par  les  vertus,  les  plus  belles  des  fleurs  ! 
On  peut  juger  par  là  de  l'intérêt   et    de  l'utilité    du   travail   sur  les 
représentations   iigurées   des   catacombes  :  rniscuit  utile  dulci. 

■  N.  0. 


I>er  Brief  des  .Julius  Afrîcanus  an  Aristide»,  kritisch 
untersucht  icnd  hergesteltt,  von  Friedrich  Spitta.  Halle,  Buchhandlung  des 
Waisenshauses,  1877,  in-8  de  viu-12"2p. 

Jules  Africain,  né  à  Nicopolis,  en  Palestine,  florissait  au  troisième 
Mai  1878.  T.  XXII,  28. 


—  434  — 

siècle.  Il  composa  une  chronique  qui  renfermait  l'histoire  universelle 
depuis  Adam  jusqu'à  l'empereur  Macrin.  Mais  à  part  quelques  frag- 
ments, appartenant  la  plupart  à  cette  chronique,  il  ne  nous  reste  de 
lui  qu'une  lettre  à  Origène  sur  l'histoire  de  Suzanne  qu'il  regardait 
comme  apocryphe  et  une  lettre  à  Aristide,  sur  la  généalogie  de  Notre- 
Seigneur,  dans  laquelle  il  se  propose  de  concilier  la  double  généalogie 
rapportée  par  saint  Matthieu,  d'une  part,  et  par  saint  Luc  de  l'autre. 
C'est  cette  lettre  à  Aristide  que  M.  Spitta  vient  d'étudier  et  de 
publier  avec  beaucoup  de  soin  et  d'érudition. 

La  tâche  de  M.  Spitta  était  délicate  et  difficile.  Le  fragment  prin- 
cipal de  la  lettre  de  Jules  Africain  à  Aristide  nous  a  été  conservé  en 
grec  par  Eusébe,  dans  son  Histoire  ecclésiastique  I,  7.  Il  existe  de 
ce  fragment  trois  traductions  anciennes,  la  traauction  latine  de  Rufin, 
et  deux  traductions  syriaques,  qu'on  lit,  l'une  dans  la  traduction 
syriaque  de  l'Histoire  ecclésiastijue  d'Eusèbe  d'un  manuscrit  de 
Saint-Pétersbourg,  de  l'an  462,  et  l'autre  dans  une  seconde  version 
syriaque  conservée  à  Londres  dans  un  manuscrit  du  sixième  siècle. 
Un  érudit  anglais,  Routh,  a  tiré  de  divers  manuscrits  quelques  autres 
fragments  qu'il  a  publiés  dans  le  second  volume  de  ses  Rcliquiss 
sacrx.  Enfin  le  cardinal  Mai  a  également  recueilli  quelques  débris  de 
la  lettre  à  Aristide. 

M.  Spitta  a  étudié,  collationné  et  comparé  tous  ces  fragments  dans 
les  textes  imprimés  et  manuscrits;  il  a  cherché  à  retrouver  leur  véri- 
table place  dans  le  corps  de  la  lettre  et  l'a  ainsi  reconstituée  dans  la 
mesuredupossible.il  n'a  pu  réussir  à  combler  toutes  les  lacunes; 
cependant,  grâce  à  lui,  elle  est  maintenant  à  peu  près  complète.  Son 
oeuvre  de  reconstruction  est  nécessairement  en  partie  conjecturale  ; 
mais  ses  conjectures  sont  du  moins  très-plausibles  et  tout  à  fait  accep- 
tables. Le  commencement  et  la  fin  de  la  lettre  n'ont  pas  été  retrouvés. 
Elle  est  aussi  incomplète  à  la  seconde  page  (p.  108)  ;  néanmoins  nous 
possédons  sûrement  désormais  les  parties  essentielles  de  l'écrit 
d'Africain,  cet  écrit  intéressant  par  son  sujet  et  son  contenu,  malgré 
sa  brièveté,  qui  nous  montre  avec  quel  soin  on  s'est  occupé,  dès  les 
premiers  siècles,  de  la  concorde  et  de  l'harmonie  des  récits  évangé- 
liques.  Par  cette  œuvre  de  patience  autant  que  d'érudition  et  de 
sagacité,  M.  Spitta  a  rendu  service  aux  études  patrologiques. 

G.  K. 

Ifive  Lieetures  on  tlie  city  of  ancîent  Rome,  and  lier  Empire 
over  thc  Nations,  ilie  divinely-scnt  Pioneer  ofthe  way  for  the  catholic  Church. 
A  supplément  to  the  Student" s  usual  course  of  study  in  Roman  History. 
By  the  Rev.  Henry  Formby.  Lundon,  Burns  and  Oates  (sans  date),  in-8  de 
VIII  et  88  p.  —  Prix  :  3  fr. 

L'auteur  de  ces  pages  soutient  une  thèse  générale  qui  obtiendra 


—  433  — 

sans  peine  l'assentiment  de  tous  les  catholiques,  savoir  que  la  Provi- 
dence avait  prédestiné  Rome  à  devenir  le  centre  de  la  véritable 
Eglise  et  avait,  en  conséquence,  tout  disposé  à  cet  effet.  Mais  il  sou- 
tient de  plus  une  thèse  particulière  qui  ne  rencontrera  pas  autant 
d'approbateurs.  C'est  que  Numa  Pompilius,  le  second  roi  de  Rome,  le 
législateur  religieux  de  son  peuple,  connaissait  le  vrai  Dieu  et  la  loi 
de  Moïse  et  qu'il  avait  enseigné  la  vraie  religion  ;  peut  être  avait-il 
laissé  aux  Romains  des  extraits  du  Pentateuque.  La  principale  auto- 
rité alléguée  par  le  P.  Formbj,  en  faveur  de  sa  thèse,  est  celle  de 
Clément  d'Alexandrie  (qualifié  à  tort  de  saint);  mais  elle  est  très- 
contestable  pour  beaucoup  de  raisons,  en  particulier  à  cause  de 
l'anachronisme  que  contient  le  passage  cité  et  que  l'auteur  reconnaît; 
de  plus,  Clément  est  loin  d'afiîrmer  tout  ce  qu'affirme  le  P.  Formby. 
Le  savant  religieux  anglais  a,  du  reste,  le  mérite  d'attirer  l'attention 
sur  un  point  historique  beaucoup  trop  négligé  de  nos  jours  et  de  pré- 
senter sur  la  mission  providentielle  de  Rome  des  considérations 
propres,  dans  leur  ensemble,  sinon  dans  tous  les  détails,  à  frap^jer 
l'esprit  et  à  exciter  la  foi.  Nos  livres  d'histoire  sont  presque  toujours 
terre-à-terre  ;  ils  ne  s'inquiètent  pas  de  faire  ressortir  le  rôle  de 
Dieu,  intervenant  au  milieu  de  l'agitation  des  passions  humaines  et 
faisant  tout  tourner  à  l'accomplissement  définitif  de  ses  desseins. 
C'est  là  une  lacune  fâcheuse  et  entièrement  regrettable,  comme  le  dit 
avec  raison  le  P.  Formby.  Cette  absence  de  la  Providence  dans 
les  écrits  qui  devraient  nous  montrer  partout  son  action  produit  un 
funeste  résultat  :  les  lecteurs  s'habituent  de  la  sorte  à  ne  point 
songer  à  Dieu  et  il  sort  de  leur  vie  s'il  sort  de  leurs  pensées.  Ceux 
donc  qui  nous  font  voir  la  main  de  la  Providence  dans  les  grands 
événements  de  ce  monde  accomplissent  une  oeuvre  salutaire  :  c'est 
une  bonne  action  en  même  temps  que  la  vraie  philosophie  de  l'his- 
toire. L.  M. 


«iean  de  Vienne,  amiral  de  France  (1341-1396).  Étude  historique, 
suivie  de  documents  inédits,  pour  servir  à  l'histoire  de  la  marine  française 
au  quatorzième  siècle,  par  le  m  irquis  Terrier  de  Loray.  Paris,  librairie 
de  la  Société  Bibliographique,  1877,  in-8  de  276-ccxx  p.  —  Prix  :  6  fr. 

Moins  célèbre  que  Du  Guesclin,  Jean  de  Vienne  a  tenu  pourtant, 
auprès  des  premiers  Valois,  une  place  presque  égale  à  celle  du  grand 
connétable.  Dans  ses  deux  patries,  la  Franche-Comté  et  la  France,  en 
Flandre  et  en  Normandie,  en  Hongrie  et  en  Afrique,  en  Castille  et  en 
Ecosse,  sur  terre  et  sur  mer,  on  le  vit  successivement,  simple  che- 
valier, chef  d'armée,  amiral,  ambassadeur,  faire  de  sa  vie  une  longue 
croisade  au  profit  de  la  chrétienté  et  du  royaume  très-chrétien.  Les 
chroniqueurs  ont  souvent  parlé   de  lui,  et  néanmoins  sa   renommée 


—  436  — 

n'est  point  égale  à  ses  services;  elle  était  demeurée  comme  enfouie 
dans  les  documents  nombreux  et  variés  dont  M.  de  Loray  vient  de 
nous  livrer  à  la  fois  la  transcription  et  le  commentaire.  Ces  documents 
consistent  en  près  de  deux  cents  pièces  (mandements,  montres,  quit- 
tances, etc.),  extraites  de  la  Bibliothèque  et  des  Archives  nationales, 
du  dépôt  de  la  marine  et  de  diverses  archives  départementales  ;  leurs 
titres  suffiraient  à  démontrer  la  prodigieuse  activité  militaire,  les 
talents  et  les  occupations  multiples  de  Jean  de  Vienne. 

Dans  l'étude  historique  qui  les  précède,  et  qui  remplit  les  deux 
tiers  du  volume,  M.  de  Loray  a  comparé  les  pièces  recueillies  par  lui 
aux  assertions  des  chroniques  et  aux  documents  déjà  connus;  il  en  a 
ainsi  fixé  le  sens  et  déterminé  l'importance.  Faut-il  dire  tout  d'abord, 
pour  faire  la  part  de  la  critique,  que  dans  les  preuves  immédiates  de 
son  travail,  c'est-à-dire  dans  les  notes  qui  accompagnent  le  récit, 
l'auteur  a  laissé  passer  quelques  noms  propres  d'une  orthographe 
incorrecte,  i4r^o;Hu7/c  pour  Arronvl/le  (p.  1),  Luo  pour  Lucc{\).  18,  26), 
De  Morice  pour  D.  Morice  (p.  122),  Drouet  d'Arcq  pour  Doiiet  d'Arcq 
(p.  263).  Çà  et  là,  l'historien  de  Jean  de  Vienne  a  un  peu  trop  compté 
sur  l'érudition  de  ses  lecteurs,  il  ne  leur  a  pas  donné  suffisamment  les 
moyens  de  vérifier  ou  de  contrôler  ses  assertions  ;  ses  indications  de 
sources,  ses  renvois  pèchent  quelquefois  par  une  concision  excessive. 
Ainsiles  J/out<w.  |9«^r.  de  lapage  215  ne  me  semblent  pas  désigner 
clairement  la  grande  collection  parue  à  Turin  sous  ce  titre  :  Monu- 
menta  historix  patrùc.  Ailleurs,  quand  M.  de  Loray  cite  Froissart, 
il  se  borne  à  nous  donner  le  chiifre  de  la  page  consultée  par  lui,  et 
l'on  aimerait  à  savoir  s'il  s'agit  des  anciennes  éditions,  de  l'édition 
Buchon  ou  de  l'édition  Luce.  Je  vois  mentionnée,  page  89,  la  Revvç 
archéologique  de  la  Manche,  et  je  demande  en  vain  quelle  année,  quelle 
livraison. 

Ajoutons  qu'on  oublie  vite  ces  négligences  de  détail  en  suivant  dans 
le  récit  de  M.  de  Loray  la  discussion  des  faits  mémorables  qui  ont 
rempli  la  vie  de  Jean  de  Vienne.  Dès  les  premières  pages_,  on  peut 
signaler  un  heureux  essai  de  réhabilitation  historique.  11  s'agit  du 
Jean  de  Vienne  qui  défendit  Calais  contre  Edouard  III,  et  que  plus 
d'un  écrivain  a  confondu  avec  l'amiral  son  neveu.  M.  de  Loray^  en 
s' aidant  des  chroniqueurs  anglais,  a  montré  que  le  gouverneur  de 
Calais  a  au  moins  autant  de  droits  à  la  renommée  et  à  la  reconnais- 
sance nationale  que  les  six  bourgeois  dont  Froissart  a  célébré,  avec 
une  complaisance  un  peu  exclusive,  le  généreux  dévouement.  Un  peu 
plus  loin  (chap.  ii),  c'est  un  épisode  inconnu  de  l'histoire  des  croisades 
qui  est  remis  au  jour.  Jean  de  Vienne  fit,  en  efi'et, partie  en  1366  d'une 
expédition  commandée  par  le  comte  Amédée  de  Savoie  au  profit  de 
l'empereur  grec  de  Constantinople  ;  il  aurait  ainsi  commencé  sa   car- 


rière  militaire  dans  cet  Orient  où  il  devait  si  glorieusement  la  ter- 
miner sur  le  champ  de  bataille  deNicopolis.  Les  chroniques  italiennes 
ont  fourni  ici  et  ailleurs  (voir  p.  252-253),  à  M.  de  Loray  des 
renseignements  qui  avaient  échappé  jusqu'ici  à  tous  les  historiens 
français. 

De  retour  en  France,  Jean  de  Vienne  devient  un  des  intrépides 
champions  de  la  guerre  de  revanche  contre  les  Anglais,  entreprise 
par  Charles  Y.  Il  est  de  ceux  qui  reprennent  château  par  château  les 
provinces  perdues.  Toutefois,  il  fût  resté  au  second  rang,  si  la  charge 
d'amiral,  qu'il  reçut  en  1373,  n'en  eût  fait  sur  mer  l'auxilaire  et 
l'émule  de  Du  Guesclin.  Les  chapitres  m,  v,  vi  contiennent,  sur  lai 
flotte  française  naissante,  sur  nos  arsenaux  et  nos  constructions  ma- 
ritimes au  quatorzième  siècle,  sur  les  travaux  de  défense  du  littoral 
normand,  sur  les  campagnes  navales  conduites  de  l'une  à  l'autre  rive 
de  la  JJanche,  une  foule  de  détails  qui  éclairent  un  côté  très-peu 
connu  de  la  guerre  de  Cent  ans.  La  marine  des  Valois  régna  un  mo- 
ment sans  conteste  sur  ces  eaux  qui  devaient  voir  le  désastre  de  la 
Hogue,  et  qui  furent,  même  pourNapoléonl",  une  invincible  barrière. 
Il  est  curieux  de  voir  ici,  dés  le  règne  de  Charles  V,  et  grâce  à  Jean 
de  Vienne,  la  ruine  de  la  marine  et  du  commerce  suivre  pour  l'An- 
gleterre la  perte  des  conquêtes  continentales,  et  les  Normands  vic- 
torieux commencer,  sous  la  même  impulsion,  leurs  voyages  à  la  côte 
d'Afrique.  L'Écluse  est  vengé  comme  Crécj.  Il  y  a  des  années  où 
Jean  de  Vienne,  selon  l'heureuse  expression  de  son  biographe,  n'a 
guerre  pris  terre  que  sur  le  sol  ennemi. 

Sous  Charles  VI,  une  invasion  aventureuse  en  Ecosse  montre  son 
audace  toujours  croissante  (ch.  xi),  et  les  armements  maritimes  aux- 
quels il  présiaa  en  1836  et  1387  (ch.  x)  témoignent  de  l'ardeur  avec 
laquelle  il  continuait,  de  concert  avec  Clisson,  l'œuvre  de  Du  Guesclin. 
Les  divisions  des  princes,  la  chute  des  Marmousets  empêchèrent  ses 
eôbrts  patriotiques  d'aboutir.  Il  dut  voir  avant  sa  mort  la  marine 
délaissée,  et  les  bâtiments  de  cette  flotte  qui  était  son  œuvre,  qui 
avait  fait  trembler  l'Angleterre,  vendus  et  convertis  en  navires  de 
commerce.  Au  surplus,  son  dévouement  aussi  intelligent  qu'infati- 
gable le  mettait  à  même  de  remplir  les  missions  les  plus  diverses. 
Sa  carrière  diplomatique,  si  peu  connue,  ne  fut  pas  marquée  par  de 
moins  utiles  triomphes  que  sa  carrière  militaire  et  maritime.  Tantôt 
charge  de  soutenir  près  de  l'Université  de  Paris  les  droits  du  pape 
d'Avignon,  tantôt  négociant  au  nom  du  roi  ou  du  duc  de  Bourgogne 
avec  les  Flamands  et  les  Anglais,  tantôt  envoyé  en  Castille  ou  en 
Italie  pour  y  travailler  au  maintien  de  l'alliance  française,  il  n'en 
était  pas  moins  présent  partout  où  il  y  avait  uae  brèche  à  ouvrir,  un 
coup  d'épée  à  donner.  Les  deux  campagnes  d'Afrique    et  de  Hongrie, 


—  438  — 

qui  couronnent  cette  vie  si  bien  remplie,  furent  pour  lui  une  dis- 
traction, presque  une  consolation,  et  restent  pour  nous  le  suprême 
témoignage  de  sa  foi  belliqueuse  et  de  son  ardeur  chevaleresque. 

M.  de  Loray  a  peu  insisté  et  non  sans  raison  sur  ces  derniers 
épisodes.  C'est  surtout  l'homme  de  mer  qu'il  voulait  faire  connaître, 
et,  après  avoir  lu  son  attachante  étude,  nous  souscrivons  volontiers  à 
ces  paroles  qui  terminent  son  introduction  :  «  Notre  temps  ne  doit 
pas  oublier  que  ce  vaillant  capitaine  qui  adopta  la  France,  lorsque  sa 
patrie  première  en  était  encore  séparée,  paya  son  adoption  par  les 
plus  signalés  services,  et  devint  non-seulement  le  créateur  de  la 
marine  française,  mais  qu'il  en  fut  encore,  par  son  caractère,  l'hon- 
neur et  le  modèle.»  L.  Pingaud. 


L.etti*es    d*A.ntoine    de    Bourbon   et    à  «Telia n ne   d'A^Ibret, 

publiées  pour  la  Société   de  l'histoir-'  de  France   par  le  marquis  de  Ro- 
CHAMBEAU.  Paris,  libr.  Renouard,  1877,  gr.  in-8  de  XL-4t8  p.—  Prix  :  9  fr. 

Yoici  un  recueil  ajouté  à  beaucoup  d'autres  et  capable  de  fournir 
de  nouveaux  éléments  à  notre  histoire  si  riche  déjà, du  seizième  siècle. 
Antoine  de  Bourbon  et  Jehanne  d'Albret  sont  bien  connus  ;  mais  leur 
caractère  s'éclaire  encore  à  la  lumière  de  ces  lettres  intimes  que 
M.  de  Rochambeau  a  été  chercher,  avec  le  plus  grand  soin,  dans  nos 
grands  dépôts  publics  de  Paris,  dans  les  archives  départementales, 
dans  les  collections  particulières,  et  jusque  dans  les  bibliothèques 
étrangères. 

Cette  correspondance  comprend  trois  parties,  ou  plutôt  trois  caté- 
gories de  documents  :  les  lettres  d'Antoine  à  Jehanne  dans  les  pre- 
mières années  de  leur  mariage,  qui  sont  empreintes  des  sentiments 
les  plus  tendres  et  nous  montrent,  dans  le  roi  de  Navarre,  un  époux 
modèle,  un  père  plein  de  sollicitude, un  prince  vertueux  dont  la  vertu, 
malheureusement,  ne  durera  pas  toujours;  viennent  ensuite  les  lettres 
politiques,  adressées  aux  principaux  personnages  de  l'époque,  et  se 
rapportant,  soit  aux  guerres  avec  Charles-Quint,  soit  aux  luttes 
religieuses;  enfin,  le  volume  se  termine  par  la  correspondance  de 
Jehanne  d'Albret  après  la  mort  de  son  mari,  alors  qu'elle  est  le  chef 
véritable  des  protestants  de  France,  et  que  tous  les  partis  portent  les 
yeux  vers  elle.  Le  contraste  est  complet  entre  le  caractère  du  prince 
brave,  mais  aussi  léger  qu'inconstant,  et  celui  de  sa  femme,  âme  su- 
périeure et  capable  de  tenir  tête  aux  plus  vaillants  capitaines  et  de 
dompter  la  plus  mauvaise  fortune. 

Des  notes  intéressantes,  des  tables  très-complètes  et,  enfin,  un  in- 
ventaire sommaire  des  lettres  et  pièces  qui  n'ont  pas  pu  être  imprimées 
font  de  ce  volume  une  publication  digne,  en  tous  points,  de  la  Société 


—  430  — 

qui  l'a  pris  sous  son  patronage   et  de  l'érudit  qui  s'est  chargé  d'en 
diriger  la  composition  et  l'impression. 

G.  B.  DE  P. 


Louis  "XIl/  et  Strasbourg,  d'après  les  documents  officiels  et  inédits, 
par  A.  Legrelle.  Gand,  Snoeck-Ducaju,  1877,  in-8  de  2o2  p.  — Prix  :  4  fr. 

Les  historiens  et  les  publicistes  allemands  de  nos  jours,  voulant 
justifier  l'annexion  violente  de  l'Alsace  et  de  la  Lorraine  à  l'Empire 
d'outre-Rhin,  essayent  de  démontrer  que  nos  deux  anciennes  pro- 
vinces sont  allemandes  par  leurs  traditions  et  leur  histoire.  La  con- 
quête pacifique  de  Louis  XIV  est  souvent  qualifiée  de  i'o/,de  brigandage, 
et  nos  rancuneux  voisins  cherchent  à  refaire  l'histoire,  comme  un 
criminel  s'efforce  de  faire  disparaître  les  traces  de  son  acte  coupable. 
Dans  le  livre  plein  de  recherches  qu'il  off're  aujourd'hui  au  public, 
M.  A.  Legrelle  démontre,  pièces  en  main,  la  fausseté  des  assertions 
des  Allemands.  Après  avoir  établi,  en  quelques  pages,  l'origine  gau- 
loise de  Strasbourg,  et  fait  ressortir  les  rapports  des  populations 
alsaciennes  avec  la  France  du  moyen  âge,  l'auteur  retrace  les  princi- 
pales péripéties  du  débat  diplomatique  et  militaire  qui  précéda  et 
accompagna  la  conquête  de  Louis  XIV, 

Pendant  la  guerre  de  Trente  ans,  la  ville  de  Strasbourg,  pour  con- 
server son  indépendance  menacée  par  les  Impériaux,  se  tourna  vers 
la  France  et  réclama  l'appui  de  Louis  XIIL  Plus  tard,  elle  prit  part 
à  la  lutte  que  la  France,  la  Suède  et  une  partie  de  l'Allemagne  sou- 
tinrent contre  l'Empire.  Il  faut  avouer  que  la  protection  que  la  France 
accordait  à  Strasbourg  était  bien  un  peu  intéressée,  et  qu'elle  se 
changea  rapidement  en  une  sorte  de  convoitise  :  Richelieu  écrivait  en 
1629  «  qu'il  fallait  penser  à  se  fortifier  à  Metz  et  s'avancer  jusqu'à 
Strasbourg,  s'il  était  possible,  pour  acquérir  une  entrée  dans  TAlle- 
magne;  ce  qu'il  fallait  faire  avec  beaucoup  de  temps,  grande  discré- 
tion et  une  douce  et  couverte  conduite.  »  Louis  XIV  devait  exécuter 
ce  projet  qu'avait  conçu  le  grand  ministre  de  Louis  XIIL  Strasbourg 
ne  pouvait  rester  neutre  entre  l'Empire  et  la  France,  deux  rivaux 
trop  intéressés  à  s'en  disputer  la  possession.  Trop  faible  pour  se  pro- 
téger elle-même,  cette  ville  devait  devenir  tout  à  fait  française  ou 
tout  à  fait  allemande  :  elle  fut  la  proie  du  plus  fort. 

M.  Legrelle  met  hors  de  doute  qu'avant  1681,  date  de  l'annexion, 
il  existait  dans  Strasbourg  un  parti  français  très-puissant,  «  qui  pré- 
parait peu  à  peu  les  meilleurs  esprits  de  la  ville  et  les  plus  soucieux 
de  son  bien  à  en  ouvrir  les  portes  aux  armées  d'un  prince  qui,  étant 
décidément  le  plus  puissant  en  Alsace,  comme  en  Europe,  tenait 
dorénavant  entre  ses  mains  la  neutralité,  c'est-à-dire  le  repos,  et  de 


—  iiO  — 

plus  le  commerce,  la  propérité  de  Strasbourg.  »  Les  événements 
préparaient  de  longue  date,  comme  on  le  voit,  l'annexion  de  Stras- 
bourg à  la  France  ;  si  cette  conquête  fut  peu  régulière,  elle  était  jus- 
tifiée par  la  mauvaise  foi  des  Allemands  dans  Tinterprétation  des 
traités  de  Munster  et  de  Nimègue.  La  thèse  que  soutient  M.  Legrelle, 
c'est  que  Louis  XIV,  ;<  s'il  n'avait  pas  incontestablement  le  droit  pour 
lui,  avait  du  moins  des  droits  ;  et  le  seul  point  où  l'on  puisse  juste- 
ment incriminer  sa  conduite  ne  touche  qu'à  la  manière  préférée  par 

Louvois   pour  faire  valoir  des  titres   sérieux Non- seulement  la 

monarchie  française,  en  1681,  ne  faisait  que  reprendre  ce  qui  lui  avait 
été  abandonné  diplomatiquement  dès  1646,  mais  surtout  elle  repre- 
nait ce  qui  n'appartenait  plus  en  réalité  à  personne  outre-Rhin.  Elle 
supprimait  simplement  une  république  plus  unie  de  fait  à  la  Suisse 
qu'au  Saint-Empire.  » 

Ainsi,  l'Allemagne  n'avait  aucuns  droits  à  revendiquer  sur  Stras- 
bourgj  et  le  reproche  de  perfidie  que  ses  historiens  ont  voulu  infliger 
à  Louis  XIV  ne  peut  soutenir  la  discussion.  Voilà  ce  qui  ressort 
scientifiquement  du  livre  de  M.  Legrelle.  On  désirerait  peut-être  plus 
de  clarté,  un  style  plus  correct  et  une  meilleure  disposition  dans 
l'ensemble  de  l'ouvrage.  Les  nombreux  documents  inédits  que  l'auteur 
a  utilisés  font  la  valeur  de  cette  étude.  Sans  doute,  l'incendie  des 
Archives  de  Strasbourg  pendant  la  guerre  de  1870  a  privé  M.  Legrelle 
d'une  source  importante  d'information  ;  mais  les  archives  du  ministère 
des  affaires  étrangères  et  celles  du  dépôt  do  la  guerre,  où  il  a  puisé 
à  pleines  mains,  l'ont  amplement  dédommage  et  lui  ont  permis  de 
faire  la  révision  du  procès  intenté  à  la  mémoire  de  Louis  XIV. 

Ernest  Babblon. 

Li'Esprît  révolulîonnaîre    avant     la   Révolution,     171o-1780, 
par  Félix  Rocquain.  Paris,  Pion,  1878,  in-8,  cav.  de  xn-o44  p. —  Prix  :  8  fr. 

La  Révolution  française  date-t-elle  de  1789?  A  quelle  époque  faut- 
il  la  faire  remonter?  L'esprit  révolutionnaire  a-t-il  précédé  la  Révo- 
lution? Quand  a-t-il  pris  naissance?  Quelles  en  ont  été  les  vraies 
causes?  Graves  questions  qui  divisent  aujourd'hui  encore  les  esprits 
et  que  M.  F.  Rocquain  vient  d'aborder  à  son  tour.  A  ses  yeux  l'esprit 
révolutionnaire,  comprimé  par  le  despotisme  de  Louis  XIV,  a  com- 
mencé à  paraître  dès  le  lendemain  de  la  mort  du  grand  roi;  il  s'est  dé- 
veloppé pendant  le  dix-huitième  siècle,  pour  éclater  foudroyant  à  la 
tin  du  règne  de  Louis  XVI.  Déjà,  sous  ce  règne  et  sous  le  ministère  du 
duc  de  Bourbon,  il  y  a  des  germes  puissants  d'opposition,  à  ce  point 
qu'il  est  un  moment  question  d'un  projet  d'enlèvement  du  jeune  roi. 
Les  querelles  dont  la  bulle  Unigrnitus  est  l'occasion,  les  lettres  des 
jésuites  et  des  jansénistes,  des  évoques  et  des  parlements  alimentent 


—  441  — 

les  troubles.  La  philosophie  s'en  empare  et  les  entretient.  On  ne  parle 
plus  seulement  de  réformes,  on  parle  de  l'évolution.  Ce  mot,  qu'on  croit 
éclos  à  laveille  de  1789,  a  été  prononcé  pendant  toute  la  seconde 
moitié  du  dix-huitième  siècle.  Dès  1743,  d'Argenson  écrit  :  a  La  Révo- 
lution est  certaine  dans  cet  État-ci.  »  Il  se  forme  un  parti  de  républi- 
cains. Les  désordres  de  Louis  XV,  en  fournissant  au  mécontentement 
populaire  de  nouveaux  griefs,  rendent  le  mouvement  irrésistible.  Un 
instant,  il  s'arrête,  à  Tavénement  de  Louis  XVL  Mais,  quand  on  voit 
les  réformes  abandonnées  presque  aussitôt  après  avoir  été  tentées, 
les  ministres  se  succédant  sans  relâche  surtout  aux  finances,  le  jeune 
monarque  incertain  dans  sa  voie,  le  déficit  grandissant,  Tirritation 
s'accroît  de  plus  en  plus.  La  convocation  des  notables  ne  sert  qu'à 
jeter  de  l'huile  sur  le  feu;Brienne  tombe  après  Calonne;le  Parlement, 
le  clergé,  le  cri  public,  réclament  les  États  généraux  :  la  Révolution, 
qui  n'était  qu'un  mot,  devient  un  fait. 

Telle  est,  si  nous  ne  nous  trompons,  la  thèse  soutenue  par  M.  Koc- 
quain  dans  ce  nouveau  volume,  thèse  qu'il  établit  à  l'aide  de  nom- 
breuses recherches  et  d'un  grand,  nous  dirons  volontiers,  d'un  trop 
grand  luxe  de  citations  ;  le  texte  en  devient  parfois  difiicile  à  lire. 
Cette  thèse,  nous  sommes  très-disposés  à  l'admettre  ;  nous  croyons, 
comme  M.  Rocquain,que  la  Révolution  n'a  été  ni  spontanée, ni  simple; 
c'est  une  explosion,  préparée  de  longue  date  et  due  à  des  causes  com- 
plexes. Mais,  sur  ces  causes,  nous  difi'érons  avec  l'auteur.  Il  nous 
paraît  faire  la  part  trop  petite  à  l'esprit  philosophique  ;  en  revanche, 
il  la  fait  beaucoup  trop  large...  à  qui?  —  on  le  devinerait  dif- 
ficilement —  au  clergé  et  aux  jésuites.  Ce  sont  eux,  suivant  lui,  qui 
auraient  la  plus  grande  responsabilité  du  divorce  consommé  entre  la 
nation  d'une  part,  l'Église  et  la  royauté  de  l'autre.  Que  les  querelles 
du  jansénisme  aient  nui  à  l'esprit  religieux, que  l'incroyable  interven- 
tion du  Parlement  dans  le  domaine  ecclésiastique  ait  continué  à  ré- 
pandre dans  le  public  la  haine  et  le  dédain  du  catholicisme,  cela  nous 
semble  incontestable;  mais',que  dans  ces  querelles, les  torts  ou  presque 
tous  les  torts  soient  du  côté  des  évêques,  voilà  ce  contre  quoi  l'his- 
toire proteste,  et  ce  que  M.  Rocquain  n'eût  vraisemblablement  pas 
écrit, s'il  avait  consulté  des  auteurs  moins  partiaux  dans  cette  question 
que  desparlementaires,Marais  et  Barbier,des  philosophes, d'Argenson 
et  Voltaire.  M.  Rocquain  nous  permettra  aussi  de  lui  dire  qu'il  est 
bien  sévère  pour  Fleury,  auquel  il  refuse  toute  capacité,  pour  Marie- 
Antoinette, contre  laquelle  il  reproduit  toutes  les  critiques  sans  jamais 
faire  la  part  des  circonstances  et  donner  place  aux  témoignages  favo- 
rables, et  en  revanche,  bien  indulgent  pour  Voltaire,  chez  lequel  la 
«  noblesse  du  but  ))  lui  semble  presque  racheter  la  violence  et,  eu 
bien  des  occasions,  la  lâcheté  des  attaques. 


—  442  — 

La  vieille  monarchie  a  eu  ses  abus,  rous  n'avons  jamais  cherché  à 
le  nier;  mais  la  Révolution  n'a-t-elle  pas  eu  les  siens  préparés,  puis 
réalisés  par  cet  esprit  révolutionnaire  dont  l'auteur  constate  la  lente 
genèse  à  travers  le  dix-huitième  siècle?  M.  Taine  vient  tout  récem- 
ment dédire  ce  que  ces  excès  ont  été,  au  début,  dans  les  années  que  la 
légende  regarde  comme  heureuses,  de  1789  à  1792,etM.Rocquain,lui, 
nous  a  jadis  montré,  dans  un  livre  irréfutable  et  irréfutô,  ce  qu'ils 
étaient  devenus  à  la  fln,  dans  les  années  terribles,  après  la  Convention 
et  le  Directoire.  M.  de  la  Rocheterie. 


Foufiuier-XinvîHe       et    le     tribunal     pév^olutîonnalre,     par 

M.  DoMENGET,  docteur  en  droit,  juge  d'instruction  près  le  tribunal  de  pre- 
mière instance  de  Bergerac.  Paris,  Paul  Dupont,  1878,  in-8  de  x-413  p. 
—  Prix  :  o  fr. 

Après  M.  Campardon  et  comme  lui,  M.  Domenget  a  voulu  retracer 
l'histoire  du  Tribunal  révolutionnaire  ;  il  l'a  fait  en  magistrat  soucieux 
de  montrer  par  un  simple  rapprochement  ce  que  vaut  notre  magis- 
trature moderne,  tant  attaquée  par  les  radicaux,  et  ce  que  valait  la 
magistrature  révolutionnaire,  tant  prônée  par  eux.  Ce  tribunal,  dont 
il  semble  que  des  esprits  dévoyés  souhaitent  le  retour,  il  a,  en  dix-huit 
mois  et  à  Paris  seulement,  fait  trois  mille  victimes,  non  pas  seule- 
ment des  classes  privilégiées,  mais  de  toutes  les  classes.  Dans  cette 
«  épouvantable  boucherie,  »  «  les  artisans  et  les  ouvriers,  cultivateurs 
ou  autres,  figurent  pour  les  deux  tiers,  et  les  nobles  et  les  prêtres, 
pour  un  dixième  seulement;  la  bourgeoisie,  pour  lesurplus.  »  L'auteur 
embrasse  toute  cette  sombre  période  depuis  le  10  mars  1793,  date  de 
la  création  du  Tribunal  révolutionnaire,  jusqu'à  la  condamnation  de 
son  principal  pourvoyeur,  Fouquier  Tinville.  Il  passe  successivement 
en  revue  tous  les  procès  célèbres,  Custine,  Charlotte  Corday,  les 
Orléanais  accusés  de  tentative  d'assassinat  contre  Léonard  Bourdon, 
Marie-Antoinette,  les  Girondins,  Barnave,  Hébert,  Danton,  Madame 
Elisabeth,  Dillon,  la  prétendue  conspiration  du  Luxembourg.  André 
Chénier,  et,  après  le  9  thermidor,  quand  le  Tribunal  révolutionnaire 
est  réorganisé,  le  procès  des  monstres,  Carrier  et  Fouquier-Tinville . 
Il  ne  disserte  pas;  il  expose,  d'après  les  documents  les  plus  authen- 
tiques, les  pièces  même  des  procès.  Rien  n'est  plus  éloquent  qu'une 
pareille  exposition,  claire,  lumineuse,  impartiale,  dégagée  de  toute 
controverse.  Nous  ne  savons  pas  de  plus  péremptoire  réponse  aux 
misérables  esprits  qui  tentent  aujourd'hui  la  réhabilitation  des  Marat 
et  des  Robespierre,  pas  de  leçon  plus  convaincante  pour  les  âmes 
honnêtes  et  naïves  qui  seraient  tentées  de  se  laisser  prendre  à  ces 
sophismes  et  de  se  figurer  que  de  pareils  temps  n'ont  existé  que  dans 


-  443  — 

l'imagination   des  écrivains   réactionnaires,  que    «  de  telles  atrocités 
n'ont  jamais  été  organisées  en  système.  » 

L'auteur,  qui  s'est  borné  aujourd'liui  à  peindre  le  régime  de  la  Ter- 
reur à  Paris,  laisse  entendre  qu'il  pourra  bien  quelque  jour  faire  une 
étude  analogue  sur  la  Terreur  en  province  :  nous  espérons  qu'il  ne 
tardera  pas  trop  à  mettre  ce  projet  à  exécution  ;  dans  ce  temps  d'opi- 
nions flottantes  et  de  doctrines  incertaines,  des  livres  comme  celui-là 
ne  sont  pas  seulement   des  œuvres  de  bonne  foi,  ce  sont  des  oeuvres 

moralisatrices  et  d'utile  enseignement. 

M.  DE  La  Rochetekie. 


Histoire    de  la    monarchie  de  juillet,  de    1S30    à    IS'^S, 

avec  une  Introduction  sur  le  droit  constitutionnel  aux  États-Unis,  en  Suisse, 
en  Angleterre  et  en  Belgique,  par  Victor  du  Bled,  docteur  en  droit,  ancien 
FOus-préfet.  Tome  I".  Paris,  Dentu,  1877,  in-8  de  ci-429  p.  —  Prix  : 
8  fr. 

«  L'étude  de  l'histoire  et  de  la  philosophie  politique  nous  enseigne 
qu'un  peuple  a  pu  remonter  souvent  de  la  République  à  la  royauté,  se 
retremper  dans  cette  dernière,  puiser  dans  cette  métempsycose  de 
longs  siècles  de  grandeur  et  de  prospérité,  mais  que  jamais  un  Etat 
de  quelque  étendue  n'a  été  de  la  royauté  à  la  République  sans  que 
cette  évolution  ne  fût  le  signal  de  la  perte  de  son  prestige,  de  sa 
décadence  et  de  sa  ruine.  »  Ainsi  débute  l'introduction  de  ce  livre,  et 
du  premier  coup  se  révèlent  la  fermeté  de  style  et  la  franchise  de 
l'auteur.  La  thèse  ainsi  posée,  il  la  démontre  par  l'exemple  des  Etats- 
Unis,  dont  il  juge  la  situation  présente  avec  une  large  et  juste  com- 
préhension des  conditions  particulières  d'existence  de  ce  grand 
peuple,  —  et  par  celui  de  la  Suisse,  dont,  contrairement  aux  préjugés 
courants,  il  fait  voir  la  rapide  décadence  morale  et  politique.  Elle 
date  précisément  du  jour  où  la  constitution  de  1848  y  a,  sur  les  ruines 
des  antiques  institutions  cantonales,  fait  de  la  République  une  réa- 
lité ;  depuis  lors  toutes  les  libertés  périssent  une  à  une. 

A  ces  deux  contrées  M.  du  Rled  oppose  le  spectacle  de  la  liberté 
sagement  réglée  qui  règne  en  Angleterre  et  en  Belgique.  Résumer  en 
vingt  pages  la  constitution  anglaise,  après  tant  de  maîtres  que  ce 
grand  sujet  a  attirés,  était  une  lourde  tâche  :  notre  jeune  auteur  s'en 
tire  à  son  honneur  ;  mais  où  il  nous  paraît  surtout  heureux,  c'est  dans 
son  analyse  sur  la  constitution  belge.  Le  modèle  moins  vaste,  moins 
difficile  à  saisir,  est  présenté  d'une  façon  exacte  et  neuve  ;  il  a  fait 
une  excellente  étude  de  droit  constitutionnel. 

Excellent  aussi  est  le  chapitre  consacré  aux  écrivains  qui  ont  laissé 
des  mémoires  sur  le  Gouvernement  de  Juillet  :  Guizot,  Salvandy, 
Dupin,  Cormeniu,  Louis  Blanc,  Alphonse  Karr  y  sont  l'objet  d'ap- 
préciations fines  et  judicieuses.  Le  style  animé,  le   goût  sûr,  la  har- 


—    j-ij    — 


diessc  heureuîîe  d'expression,  la  passion  politique  mûme  qui  carac  té- 
risent  M.  du  Bled  le  font  exceller  dans  ce  genre  de  portraits  politico- 
littéraires. 

Voilà  plus  de  la  moitié  du  volunae  parcouru  et  nous  n'avons  pas  eu 
encore  à  signaler  nos  points  de  divergence.  Ils  existent  cependant. 
Aussi  bien  ce  livre  n'est-il  pas  une  histoire  à  proprement  parler.  Scri- 
bilur  ad  probcaidum  pourrait  être  son  épigraphe.  Au  milieu  do  toutes 
les  difficultés  qui  assiégeaient  la  Restauration  dans  sa  lourde  tâche  de 
rapprocher  les  deux  sociétés  que  vingt-cinq  ans  de  crimes  et  de  des- 
potisme avaient  séparées,  seuls  les  doctrinaires  avaient  raison.  1830 
a  sans  doute  été  une  faute,  une  erreur;  mais  seuls  encore  ils  voient  juste 
danslesformidables  conflits  sociaux  qui  se  préparent.  Un  gouverne- 
ment parlementaire,  modèle  belge,  est  la  vraie  panacée  qui  guérirait 
la  France  et  l'Europe  des  maux  profonds  qui  les  minent.  Dans  cette 
société  moderne,  où  la  Revue  des  Deux  Mondes  paraît  à  Fauteur  tenir 
aujourd'hui  encore,  comme  sous  le  Gouvernement  de  Juillet,  o  le 
sceptre  de  la  politique  et  de  la  littérature,  »  il  n'y  a  qu'à  demander 
aux  fils  de  reprendre  les  exercices  d'équilibre  jadis  si  brillamment 
exécutés  par  le  duc  Decazes  et  le  duc  de  Broglie. 

Tel  est  au  fond  tout  le  livre,  et  c'est  pour  dira  cela  que  ses  six  cents 
pages  ont  été  écrites. 

Nous  ne  discuterons  pas  cette  thèse  avec  M.  du  Bled.  Nous  serons 
toujours  à  temps  à  y  revenir,  quand  le  deuxième  volume  qui  doit 
compléter  son  ouvrage  aura  paru.  D'ailleurs  le  cours  inévitable  des 
événements  ramènera  à  la  vraie  tradition  nationale,  comprise 
dans  son  ampleur  historique  et  dans  toute  son  étendue  sociale,  un 
esprit  aussi  distingué  et  aussi  sincère.  En  ce  temps  où  les  convoi- 
tises usurpatrices  de  toute  sorte  prennent  des  masques  républicains 
et  démocratiques,  c'est  un  vrai  mérite  que  d'attaquer  si  nettement  les 
erreurs  dominantes,  que  de  battre  en  brèche  les  idoles  du  jour  et  de 
dire  si  franchement  où  l'on  veut  aller.  Encore  une  fois,  nous  sommes 
sûrs  de  nous  retrouver  un  jour  avec  M.  du  Bled,  cette  fois  complè- 
tement unis  sur  le  terrain  de  la  vraie  constitution  française  et  de  la 
défense  sociale.  Nous  souhaitons  que  d'ici  là  il  ait  fait  beaucoup  de 
conversions  parmi  ses  amis.  C.  J. 


Chronique  <lo  l'abbaye  de  Saînt-F>îerre-le-Vîr  de  Sens,  ré- 
digée vers  la  fin  du  treizième  sièclepar  Geoffroy  deCourlon.Texteet  traduction 
publiés  pour  la  première  fois  au  nom  de  la  Société  archéologique  de  Sens, 
par  M.  G.  Julliot.  Sens,  Ch.  Ducheniin,  1876,  in-8  de  xiv-600  p. 

Gcoffroi  de  Gourion  ou  Collon,    moine  bénédictin  de  l'abbaj'e  do 
Saint-Pierre-lc-Vif  do  Sens,  vivait  au  treizième  siècle  et  était  con- 


temporain  de  saint  Louis;  il  mourut  en  1281.  On  connait  peu  de  dé- 
tails sur  sa  vie,  car  il  a  négligé  de  parler  de  lui-même  et  de  sa 
famille  dans  la  chronique  dont  il  est  l'auteur.  Le  monastère  de  Saint- 
Pierre-le-Vif,  l'un  des  plus  célèbres  en  France  au  moyen  âge,  a 
fourni  plusieurs  compilations  historiques  qu'on  a  déjà  publiées  en 
partie.  Les  plus  importantes  sont  la  chronique  d'Odorannus  qui  ne  dé- 
passe pas  la  première  moitié  du  onzième  siècle,  et  la  chronique  de 
Clarius  et  de  ses  continuateurs  qui  s'arrête  en  1267.  Celle  de  Geoffroi 
de  Gourion  à  laquelle  M.  J.  V.  Le  Clerc  avait  consacré  une  notice 
dans  le  tome  XXI  de  l'Histoire  littéraire,  est  aujourd'hui  publiée  pour 
la  première  fois.  Le  manuscrit  que  M.  G.  Julliot  a  utilisé  pour  l'éta- 
blissement de  son  texte  appartient  à  la  Bibliothèque  communale  de 
Sens  ;  c'est  un  volume  in-4  sur  parchemin,  de  163  feuillets  à  deux  co- 
lonnes de  vingt-cinq  lignes,  écrit  en  beaux  caractères  de  la  fin  du 
treizième  siècle,  et  relié  en  veau.  Dans  la  suscription,  plusieurs  mots 
ont  été  grattés;  quelques  restes  de  lettres  donnent  lieu  de  penser  que 
c'était  le  nom  de  l'auteur. 

Mais  ce  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Sens  est  loin  d'être  le  seul. 
Les  auteurs  de  l'.-lr^  de  vérifier  les  dates,  le  P.  Lelong  et  d'autres 
savants,  ont  signalé,  à  Paris  même,  un  texte  de  Geoifroi  de  Courlon; 
malheureusement,  depuis  cette  époque,  ce  manuscrit  s'est  égaré.  M.  J. 
V.  Le  Clerc,  en  1844,  n'a  pu  le  retrouver,  et  M.  Julliot  n'a  pas  fait 
de  nouvelles  recherches.  Un  autre  manuscrit  aurait  fait  partie,  jus- 
qu'à l'année  dernière,  de  la  riche  collection  de  M.  Ambroise  Firmin- 
Didot  ;  l'éditeur  de  notre  chronique  s'est  abstenu  de  vérifier  ce  fait. 
Une  troisième  copie  de  l'œuvre  de  Geoft'roi  de  Courlon  a  été  vendue 
en  1849  à  M.  de  Salis,  alors  député  do  la  Moselle;  enfin,  sous  les 
n"*  455  et  480,  la  Bibliothèque  du  Vatican  conserve  deux  manuscrits 
du  treizième  siècle  provenant  du  fonds  de  la  reine  Christine  de 
Suède,  ouvrages  décrits  par  La  Curne  Sainte-Palaje,  et  qui  sont  la 
copie  de  la  chronique  éditée  aujourd'hui.  M.  G.  Julliot  a  eu  le  tort 
de  ne  consulter  que  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  communale  de 
Sens,  d'autant  plus  que  l'on  sait  que  les  différentes  copies  présentent 
des  variantes  assez  nombreuses. 

Geoff"roi  de  Courlon,  comme  un  grand  nombre  d'autres  chroniqueurs, 
a  la  prétention  de  raconter  les  événements  qui  se  sont  passés  depuis 
la  naissance  de  Jésus-Christ  jusqu'à  l'année  1295.  »  Son  livre  est  une 
compilation  écrite  en  fort  mauvais  latin,  remplie  de  fort  intéressants 
détails,  sans  doute,  mais  tellement  mélangés  d'anachronisoaes  et  de 
fables,  qu'il  est  difficile  d'y  distinguer  la  vérité  de  l'erreur.  »  Les 
notes  critiques  étaient  d'autant  plus  nécessaires  qu'il  est  plus  difficile 
de  démêler  la  légende  d'avec  l'histoire  ;  or,  M,  Julliot  a  publié  son 
texte  sans  aucune  note  :  c'est,  croyons-nous,   une  lacune  regrettable. 


—  446  — 

Pour  toute  la  période  dont  il  n'est  pas  contemporain,  GeofFroi  de 
Gourion  ne  fait  que  résumer  d'autres  ouvrages  ou  d'autres  chro- 
niques qu'il  enchaîne  d'une  manière  plus  ou  moins  habile.  Il  puise 
abondamment  dans  le  Nouveau  Testament,  l'évangile  de  Nicodème, 
la  chronique  de  saint  Isidore  de  Séville,  les  Gestes  des  Francs,  les 
chroniques  d'Odorannus   et  de  Clarius,  etc. 

Le  livre  de  Geoffroi  de  Gourion  s'ouvre  par  une  liste  chronologique 
assez  exacte  des  archevêques  de  Sens  des  rois  de  France,  des  papes, 
des  abbés  de  Saint-Pierre-le-Vif,  enfin,  des  empereurs  depuis  Au- 
guste jusqu'à  Frédéric  II.  Puis,  en  historien  scrupuleux,  notre  chro- 
niqueur cite  les  sources  qui  lui  ont  servi  à  composer  son  ouvrage  :  on 
peut  dire  que  c'est  un  résumé  des  sciences  historiques  enseignées 
dans  les  monastères  au  moyen  âge.  Après  avoir  raconté  les  origines 
du  christianisme,  GeofFroi  de  Gourion  s'étendassez  longuement  sur  la 
mission  de  saint  Savinien  et  de  saint  Potentin,  envoyés,  selon  lui,  par 
saint  Pierre  pour  évangéliser  la  Gaule.  Arrivé  au  cinquième  siècle, 
il  devient  tout  à  coup  très-sobre  d'épisodes  et  se  borne  presque  à  la 
nomenclature  des  archevêques  de  Sens  ;  il  jious  annonce  lui-même  que 
c'est  par  scrupule  historique  :  «  A  cette  époque,  dit  il,  les  chroniques 
ne  concordent  pas,  et,  comme  les  écrits  en  désaccord  engendrent  Fi- 
gnorance,  j'aime  mieux  passer  outre  que  de  m'exposer  à  mentir.  » 
Le  récit  de  l'honnête  religieux  reste  sec  et  stérile  jusqu'au  treizième 
siècle  ;  il  ne  s'étend  que  sur  les  translations  de  reliques  et  sur  les 
événements  de  l'histoire  ecclésiastique  de  Sens.  Dans  les  chapitres 
qu'on  aurait  lieu  de  s'attendre  à  trouver  plus  détaillés,  puisque  l'au- 
teur raconte  les  événements  dont-il  est  lui-même  le  témoin,  on  re- 
trouve cependant  encore  presque  la  même  aridité,  et  il  n'y  a  pas  de 
récit  suivi.  Pour  cette  dernière  période,  néanmoins,  Geoffroi  de 
Gourion  nous  fournit  quelques  faits  intéressants  et  ignorés  jusqu'à  ce 
jour.  Il  s'arrête  quelque  temps  sur  la  vie  du  pape  Urbain  IV  né  à 
Troyes  et  qui  était  presque  son  compatriote  ;  il  donne  aussi  de  pré- 
cieux renseignements  sur  le  pape  champenois  Martin  IV;  il  men- 
tionne avec  une  sorte  d'orgueil  la  visite  du  roi  de  Naples,  Gharles  II, 
au  monastère  de  Saint-Pierre-le-Vif. 

En  résumé,  la  chronique  de  GeofFroi  de  Gourion  est  surtout  impor- 
tante pour  l'histoire  ecclésiastique  de  la  province  de  Sens.  Nous  ne 
parlerons  pas  du  style  qui  est  rude,  barbare  et  incolore;  la  traduction 
de  M.  G.  Julliot  n'est  pas  élégante,  mais  elle  est  correcte  et  exacte. 

Ernest  Babelon, 


_.  447  — 

Lies  Comtes  et  le  comté  de  Soîssons,  par  Edouard  de  Barthé- 
lémy, membre  timiaire  -lu  Comité  des  travaux  historiques.  Paris,  Menu, 
1877,  gr.  iii-8  de  146  |j.  —  Prix  :  2  fr.  50. 

Le  nouveau  livre  de  M.  É.  de  Barthélémy  a  obtenu, en  1876,  le  pre- 
mier prix  avec  médaille  d'or  du  concours  d'histoire  locale  ouvert  par 
la  Société  académique  de  Saint-Quentin.  Cette  distinction  méritée 
témoigne  de  sa  valeur.  En  l'écrivant,  le  savant  écrivain  s'est  prin- 
cipalement proposé  de  présenter  au  lecteur  les  biographies  de  tous 
les  personnages  qui  portèrent  dans  Thistoire  le  titre  de  comtes  de 
Soissons.  Ils  ont  été  nombreux  et  la  plupart  illustres. 

L'ancien  pagus  Suessionensis  confinait,  à  l'est,  à  l'évêché-comté  de 
Laon  et  à  la  seigneurie  de  Coucy  ;  au  nord,  au  Laonnois  encore,  aux 
comtés  de  Braine,  d'Oulchy  et  de  Valois  ;  à  l'ouest,  au  Nojonnais,  et 
au  midi  au  Rémois.  Il  constituait  un  fief  des  plus  considérables,  en 
possession  de  l'ensemble  des  droits  régaliens,  même  de  celui  de 
battre  monnaie,  mais  qui  néanmoins  soumettait  son  titulaire  à  l'obli- 
gation de  l'hommage  entre  les  mains  de  l'évêque.  Le  nom  du  premier 
comte  héréditaire  de  Soissons  est  entouré  d'une  certaine  obscurité. 
M.  de  Barthélémy,  s'appuyant  particulièrement  sur  la  chronique  de 
Richer,  croit  pouvoir  établir  qu'il  s'appelait  Guy  et  était  fils  d'Héri- 
bert  de  Vermandois.  Petite-fille  et  héritière  de  Guy,  Alaïs  de  Sois- 
sons épousa,  en  1058,  Guillaume  Busac,  de  la  maison  ducale  de  Nor- 
mandie. A  cette  maison,  une  nouvelle  alliance  fit  succéder,  en  1146, 
celle  de  Nesle,  qui  donna  huit  comtes  au  Soissonnais  et  s'éteignit  au 
commencement  du  quatorzième  siècle  dans  la  personne  de  Margue- 
rite, femme  de  Jean  de  Hainaut.  Les  longs  désastres  de  la  guerre  de 
Cent  ans,  les  empiétements  progressifs  du  pouvoir  royal,  qui  se  tradui- 
sirent, en  1325,  par  l'établissement  à  Soissons,  d'une  prévôté  ressor- 
tissant directement  au  bailliage  de  Vermandois,  devaient,  à  partir  de 
cette  époque,  rendre  désormais  plus  nominale  qu'efl'ective  1  autorité 
des  comtes  dans  leurs  domaines.  Ils  n'en  ont  pas  moins  fourni  à  M.  de 
Barthélémy  la  matière  d'intéressantes  études.  Nous  signalerons,  entre 
autres,  les  pages  consacrées  à  Charles  de  Bourbon  et  à  Louis  son  fils, 
qui  périt  au  combat  de  la  Marfiée  (6  juillet  1641),  et  surtout  la  bio- 
graphie vraiment  complète  dont  a  été  l'objet  Olympe  Mancini.  Rédigée 
sur  des  documents  importants  récemment  publiés,  cette  biographie 
présente  sous  un  jour  parfois  nouveau  la  vie  aventureuse  de  la 
célèbre  comtesse  de  Soissons,  et  les  détails  précis  qu'elle  révèle  nous 
semblent  laisser  bien  peu  de  place  et  de  crédit  à  la  thèse  indul- 
gente soutenue,  il  y  a  quelques  années,  par  M.  Amédée  René. 

A  côté  de  l'histoire  des  comtes,  M.  de  Barthélémy  a  placé  celle  du 
comté.  Une  transaction  de  l'année  1412  l'avait  partagé  par  moitié, 
avec  port  simultané  du  titre  comtal,  entre  les  héritiers   de  Louis  duc 


—   i48  — 

d'Orléans  et  Robert  de  Bar,  petit-fils  du  célèbre  Enguerrand  VII  de 
Coucy,  auquel  Guy  de  Châtillon,  héritier  de  Jeanne  de  Hainaut,  avait 
vendu,  en  1367,  son  domaine  de  Soissons.  La  moitié  attribuée  aux 
Orléans-Valois,  après  avoir  fait  retour  sous  François  I"  à  la  cou- 
ronne, devint,  au  dix-septième  siècle,  l'objet  d'un  engagement  dont 
se  rendit  cessionnaire  le  mari  d'Olympe  Mancini,  Eugène -Maurice 
de  Savoie-Carignan,  déjà  propriétaire  d'un  quart  du  comté  de  Sois- 
sons  du  chef  de  sa  mère,  sœur  de  Louis  de  Bourbon,  représentant 
médiat  de  la  maison  de  Bar.  Le  dernier  quart  appartenait  à  sa  cou- 
sine germaine,  Marie  d'Orléans-Longueville,  duchesse  de  Nemours, 
à  la  mort  de  laquelle  il  échut  à  Philippe,  duc  d'Orléans  (1706).  Louis, 
duc  d'Orléans,  son  fils,  s'étant  rendu  acquéreur  des  droits  de  la  prin- 
cesse de  Saxe-Hilbourghausen,  héritière  de  la  branche  française  de 
Carignan,  réunit  ainsi  entre  ses  mains  la  totalité  du  comté  et  en  ob- 
tint l'érection  en  apanage.  Un  arrêt  du  Conseil,  du  5  février  1751 
régla  cette  transformation,  qui  devait  être  la  dernière  jusqu'à  la  nuit 
du  4  août  1789,  où  l'apanage,  le  comté  et  la  mouvance  de  Soissons 
disparurent  avec  l'ensemble  de  l'ancien  régime. 

Comte  de  Lucay. 


florin  deslî  Itaîîanî,  per  Cesare  Caxtu.  Tomes  XIV  et  XV.  Torino, 
Unione  lipograQco-editrice,  1877,  2  vol.  iQ-12  de  421  et  386  p.  —  Prix  : 
3  fr.  bO  le  vol. 

Les  tomes  XIV  et  XV  senties  deux  derniers  de  cette  édition  popu- 
laire de  la  Sloria  dcgll  IlalUiiii.  Le  tome  XIV  comprend  l'histoire  de 
1830  à  1870;  le  tome  XV  comprend  neuf  appendices  sur  les  dialectes 
italiens,  sur  l'année  et  le  calendrier,  sur  l'incertitude  de  l'histoire  pri- 
mitive de  Rome,  sur  les  sibylles,  sur  lesnoms  et  familles  de  l'ancienne 
Rome,  sur  les  monnaies  et  mesures,  sur  les  fables  touchant  Virgile, 
sur  Dante  hérétique.  Des  documents  satistiques,  une  chronologie  des 
princes  et  seigneurs  des  Etats  italiens,  quelques  corrections  et  une 
table  alphabétique  des  matières  contenues  dans  tout  l'ouvrage  termi- 
nent le  volume.  Le  récit  des  faits  contemporains  est  des  plus  animés: 
on  sent  qu'on  entre  sur  un  terrain  où  l'auteur  rencontre  les  compa- 
gnons de  ses  luttes  :  Cantù,on  le  voit,  aime  son  Italie, sa  Lombardie 
surtout;  il  a  ressenti  vivement  la  douleur  de  voir  l'étranger  dominer 
sur  son  pays  natal,  et,  dans  toutes  ces  pages,  circule  un  souffle  vrai- 
ment patriotique.  11  dit  comment  naquirent  et  se  développèrent  les 
aspirations  nationales,  puis  les  complots,  les  insurrections  nées  de  ces 
aspirations  qui  vinrent  se  confondre  et  se  perdre  dans  les  aspirations 
vers  le  Piémont.  Évidemment  il  condamne  les  crimes,  mais  il  est  in- 
dulgent, mais  volontiers  dans  un  jury  il  admettrait  bien  facilement  les 
circonstances  atténuantes;  n'est-on  pas  couvert  par  un  désir  d'être 


—    i-i!»    — 

une  nation,  et  de  donner  une  vie,  une  existence  historique  à  l'expres- 
sion géographique  de  l'Italie?  Aussi  plus  d'un  catholique  trouvera  que 
l'auteur  ne  blâme  pas  assez  les  révolutionnaires  qui,  peu  délicats  sur 
les  moyens,  compromettent  tout  en  des  aventures  détestables;  on  trou- 
vera qu'il  ne  discerne  pas  assez,  sous  le  voile  de  sentiments  patrio- 
tiques destinés  à  entraîner  la  foule,  l'odieux  des  doctrines  anticatholi- 
ques, ennemies  de  la  société  et  de  la  religion.  P^t  cependant  M.  Cantù 
doit  bien  connaître  quel  est  le  but  constant  des  efforts  de  la  secte  per- 
verse dont  le  génie  a  été  d'aveugler  les  honnêtes  gens  sur  leurs  visées 
suprêmes.  Mais  M.  Cantù  reste  calme  en  racontant  l'invasion  des  Ro- 
magnes  et  de  l'Ombrie  qui,  en  1860,  souleva  dans  tous  les  cœurs  catho- 
liques d'au-delà  des  Alpes  tant  d'indignation.  «  C'est  ainsi,  nous  dit-il, 
que  les  Marches  et  l'Ombrie  furent  amenées  à  faire  partie  de  la  famille 
italienne.  »  On  peut  donc  croire  que,  tout  en  regrettant  les  moyens 
employés,  M.  Cantù  est  assez  satisfait  que  l'unité  territorale  se  soit 
formée.  Cette  étrange  modération  de  langage  du  célèbre  écrivain 
catholique  devrait  au  moins  donner  à  ses  jugements  en  faveur  de 
l'Église  et  à  ses  démonstrations  de  son  rôle  social  si  bienfaisant  une 
autorité  qu'aucun  Italien  ne  devrait  récuser.  Si  l'on  trouve  parfois  à 
critiquer,  dans  l'ouvrage,  on  reconnaît  qu'une  pensée  élevée  conduit 
toujours  la  plume  du  savant  publiciste  qui,  dans  ses  conseils  aux  Ita- 
liens, leur  répète  en  terminant,  ce  qu'ils  ne  devraient  jamais  oublier, 
que  la  liberté  est  le  droit  limité  par  le  devoir.  H.  de  l'E. 


Li'Ajçe  de  piei-re  clans  les  souvenirs  et  superstitions  popu- 
laires, par  M.  ÉiiiLE  Cartailhac.  Paris,  C.  Reinwald  et  C%1878,gr.  in-8 
de  102  p.  avec  68  grav.  2  pi.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

C'est  un  fait  fort  curieux  que  cette  superstition,  si  ancienne  et  si 
généralement  répandue,  qui  attribuait  et  donne  encore  un  pouvoir 
protecteur  contre  les  effets  du  tonnerre  à  certaines  pierres  dites  cé- 
raunies,  d'aspect  particulier,  telles  que  les  haches  en  pierre  polie. 
Leur  vertu  magique  ne  se  borna  pas  à  préserver  de  la  foudre,  elle 
s'étendit  à  bien  d'autres  cas  ;  de  même,  elle  ne  fut  pas  la  propriété 
exclusive  des  haches  polies,  elle  fut  reconnue  aux  pointes  de  flèches 
en  silex.  Quelques  musées  possèdent  des  spécimens  de  ces  armes 
montées  en  bijoux  ou  servant  de  pendants  à  de  riches  colliers,  qui 
ne  pouvaient  être  que  des  amulettes. 

M.  Emile  Cartailhac,  dans  un  intéressant  travail,  s'est  livré  à  de  sa- 
vantes et  laborieuses  recherches  pour  remonter  à  l'origine  de  ces 
croyances,  en  constater  la  généralité,  retrouver  les  formes  variées 
qu'elles  revêtaient  et  les  cas  nombreux  auxquels  elles  s'appliquaient.  Il 
voit  dans  ces  superstitions,  comme  l'indique  le  titre  de  son  livre,  un 
souvenir  de  l'âge  de  la  pierre,  tout  en  faisant  remarquer  fort  logi- 
Mai  1878.  T.  XXII,  2ti. 


—  430  — 

quement  que  la  connaissance  de  la  fabrication  et  de  l'appropriation 
des  instruments  en  pierre  avait  dû  se  perdre  complètement  pour  que 
l'ignorance  les  aient  ainsi  détournés  de  leur  usage  primitif. 

II  semble,  en  effet,  que  les  attributions  surnaturelles  des  céraunies 
découlent  d'une  tout  autre  idée  :  du  phénomène  de  la  chute  des  aéro- 
lithes.  Aussi  bien, est-il  permis  de  douter  que  les  pierres  brutes,  sous 
la  forme  desquelles  certains  mythes  du  paganisme  étaient  personni- 
fiés, aient  une  connexité  nécessaire  avec  l'âge  de  la  pierre, — cet 
âge,  qui  est  la  préoccupation  constante  de  M.  Emile  Cartailhac,  qu'il 
affirme  ou  défend  alors  qu'en  principe  il  n'est  plus, que  nous  sachions, 
guère  contesté. 

Sauf  ces  quelques  réserves,  nous  nous  plaisons  à  reconnaître  que 
Tétude  de  M.  Emile  Cartailhac  est  un  travail  d'érudition  dans  lequel 
les  citations  de  textes  nombreux  s'unissent  à  la  production  de  faits 
intéressants  et  peu  connus.  H. -A.  Magard. 


Liectures  on  the    manuscript    materialn    of  ancient  irish 
history,  par  Eugène  O'Curry,  professeur  d'histoire   et  d'archéologie  à 
l'université    catholique    d'Irlande.    Nouveau     tirage.   Dublin,    Hinch   et 
Traynor,  1878,  in-8  de  xxvni-722  p.  —  Prix  :  8  fr.  oO. 
Nous  sommes  heureux  d'annoncer  cette  réimpression  d'un  ouvrage 
qui  devrait  être  plus  connu  en  France.  Les  savants,  qui  ont  jusqu'ici 
cherché  dans  les  textes  néo-celtiques  l'explication  des   documents  si 
peu  nombreux  que  l'antiquité  nous  a  laissés  sur  les  Gaulois,  se  sont 
égarés  dans  l'étude  des  lois  du  pays  de  Galles,  de  la  poésie  galloise  et 
de  celle  de  la  Bretagne  française.  La  conquête  romaine  a  détruit,  en 
Grande-Bretagne  et  en  Gaule  les  institutions  celtiques.  L'Irlande  a 
échappé  à  cette  conquête,  elle  a  conservé  les  institutions  celtiques 
intactes  jusqu'à  la  conquête  anglaise  au   douzième    siècle    de  notre 
ère,  et  chez  elle  la  littérature    celtique  survit  dans   des  manuscrits 
nombreux  dont   quelques-uns  remontent  jusqu'aux  huitième  et  neu- 
vième siècles,  et  dont  des  gloses  de  tout  âge,  encore  incomplètement 
publiées,  expliquent  les  termes  inusités  aujourd'hui.  La  connaissance 
de  ces  manuscrits  est  d'une   nécessité  fondamentale;  répandre  cette 
connaissance  est  l'objet  du.  livre  d'O'Curry.  O'Curry  est  un  de  deux 
savants  que  le  gouvernement  d'Irlande  chargea,  en  1852,  de  préparer 
l'édition  des  lois  anciennes   d'Irlande,   dont  trois  volumes  ont  paru 
depuis  :  il  était  mort  avant  la  publication  du  premier  volume,  en  1865, 
mais  ses  copies  et  ses  traductions,  comme  les  copies  et  les  traductions 
d'O'Donovan,  son  collaborateur  et  son  émule,  ont  servi  de  base  à  l'é- 
dition officielle.  Ses  Leçons  sur  les  matériaux  manuscrits  de  l'histoire 
d'Irlande  ont  été  données  à  l'Université  catholique  d'Irlande  en  1855 
et  en  1856  :  elles  ont  paru  pour  la  première  fois  en  1860.  Depuis  l'é- 


—  431  — 

poque  à  laquelle  elles  remontent,  l'étude  de  la  langue  irlandaise  a  fait 
quelques  progrès,  la  publication  de  glossaires  restés  manuscrits  et 
d'un  certain  nombre  de  gloses  inédites,  les  travaux  grammaticaux  de 
MM.  Stokes,  Ebel  et  Windisch  permettent,  sur  quelques  points  de  dé- 
tail, d'atteindre  le  sens  des  textes  avec  plus  de  rigueur  et  de  préci- 
sion qu'il  y  a  vingt  ans.  Ajoutons  que,  lorsqu'il  existera  un  diction- 
naire de  l'ancien  irlandais,  on  pourra  encore  aller  plus  loin  dans  la 
voie  de  l'exactitude. Quoi  qu'il  en  soit,  le  livre  d'O'Curry  est  classique 
parmi  les  savants  qui  s'occupent  de  littérature  irlandaise,  et  mérite- 
rait d'être  lu  attentivement  par  tous  ceux  qui,  d'une  façon  quel- 
conque en  France,  se  sont  occupés  de  Mac  Pherson,  ou  qui,  après 
s'être  laissés  induire  en  erreur  par  les  Triades  galloises,  désirent  enfin 
trouver,  dans  le  monde  néo-celtique,  un  terrain  littéraire  solide. 

H;  d'Arbois  de  Jubainville. 


Catalogue  systématique  des  livres  russes  pour  les  années 

1873  et  1876,  par  Vlad.  Méjov.  Saint-Pétersbourg,  in-8  de  xx-584  et  lxxx  p. 

—  Prix  :  10  fr. 

M.  Méjov  s'est  voué  exclusivement  aux  recherches  bibliographiques. 
S'il  n'est  pas  le  seul  en  Russie  à  s'y  livrer  tout  entier,  il  surpasse  les 
autres  par  une  fécondité  qui  ne  se  démentit  pas.  En  effet,  il  ne  se  passe 
guère  d'année  qu'il  n'offre  au  public  quelque  nouveau  fruit  de  ses 
labeurs,  dont  on  ne  saurait  méconnaître  l'utilité  et  le  mérite.  Il 
n'exclut  aucune  branche  des  connaissances  humaines.  A  côté  des  tra- 
vaux consacrés  spécialement  à  la  géographie,  à  la  littérature,  à  l'his- 
toire de  l'instruction  publique,  aux  sociétés  de  secours  mutuels  et  aux 
corporations  ouvrières,  à  la  question  Israélite,  etc.,  il  dresse,  année 
par  année  et  d'après  un  plan  uniforme,  de  volumineux  inventaires  de 
livres  publiés  en  Russie  sur  toute  sorte  de  matières. 

Le  nouveau  Catalogue  systématique  que  nous  annonçons  est  la  conti- 
nuation du  travail  commencé  par  M.  Méjov,  il  y  a  dix  ans  environ.  Il 
fait  connaître  tout  ce  qui  a  paru  dans  la  presse  russe,  durant  les  années 
1875  et  1876,  et  se  trouve  chez  Jacques  Isakov,  dont  la  maison  compte 
déjà  un  demi-siècle  d'existence.  En  même  temps  il  sert  de  7*^  et  8^  sup- 
plément à  ses  catalogues  des  années  précédentes.  On  comprend 
qu'il  est  impossible  d'entrer  ici  dans  des  détails.  Je  ne  parlerai  pas 
non  plus  des  défauts  que  des  juges  compétents  ont  fait  remarquer 
dans  la  classification  des  matières,  défauts  que  l'auteur  est  le  premier 
à  avouer,  mais  qu'il  est  souvent  impossible  d'éviter,  vu  la  variété  des 
sujets  que  peut  contenir  un  même  livre.  Il  y  a  aussi  tel  défaut  qu'on 
lui  reproche  et  qui  pourtant  n^eh  est  pas  un.  Ainsi,  M.  Méjov  a  raison, 
selon  nous,  de  tenir  compte  de  la  forme,  et  de  mettre,  par  exemple, 
les  poésies  religieuses  dans  la  section  de  littérature,  plutôt  que  de 


—  4iJ2  — 

théologie  ascétique  ou  d'iiistoire,  d'autant  que  rien  n'empêche  de  les 
y  subdiviser  d'après  le  contenu.  Mais  ce  qu'on  ne  saurait  assez 
approuver  dans  ses  travaux  bibliographiques,  ce  qui  les  rend  particu- 
lièrement utiles,  c'est  la  loi  qu'il  s'est  faite  d'indiquer  à  la  suite  des 
ouvrages,  les  articles  de  revues  et  de  journaux  qui  en  font  la  critique. 
Sous  ce  rapport,  les  catalogues  systématiques  de  M.  Méjov  sont,  on 
peutdire,  uniques,  et  n'ont  rien  de  comparable,  non-seulement  en  Russie, 
mais  encore  en  France  et  ailleurs. 

J.  Martinov. 


BULLETIN 


Aperçu  sur  la  société  moderne.  Sa  maladie,  sa  f/ucrison. 
Prochain  et  complet  triomphe  du  C-dholicisme,  par  Jules  de  Cacheleu. 
Amiens,  typ.  Yvert,  1877,  in-12  de  371  p.  —  Prix  :  2  fr. 

M.  Jules  de  Cacheleu  est  animé  des  meilleures  intentions  :  nous  sommes 
d'autant  mieux  disposé  à  lui  rendre  justice  sur  ce  point  que  c'est  là,  croyons- 
nous,  le  seul  compliment  que  nous  puissions  faire  à  son  livre.  Réunir  dans 
un  pêle-nièle  sans  nom,  à  travers  lequel  il  nous  a  été  impossible  de  décou- 
vrir la  moindre  velléité  du  plan,  même  le  moins  précis  et  le  plus  imparfait, 
réunir,  dis-je,  soixante-quinze  articles  de  journaux  où  il  est  tour  à  tour 
question  de  la  gendarmerie  et  de  la  Pologne,  de  la  Sorbonne  et  du  duc  de 
Magenta,  de  pliilosophisme,  de  physiologie,  de  psychologie,  de  théologie  et 
de  cent  autres  choses  fort  diverses,  c'est  faire  une  œuvre  qui  n'a  d'utilité 
pour  personne,  —  ni  pour  son  auteur,  ni  pour  la  cause  qu'il  veut  défendre. 
Qse  M.  de  Cacheleu,  qui  a  de  la  chaleur  et  de  la  vie  dans  son  style,  nous 
donne  un  bon  livre,  nous  applaudirons  des  deux  mains.  Mais  s'il  avait  l'inten- 
tion de  publier  un  nouvel  ouvrage  dans  le  genre  de  celui  dont  il  vient  d'être 
question,  nous  lui  conseillerions  franchement  de  ne  pas  recommencer.  Nous 
avons  besoin  d'aulre  chose.  E.  de  la  D. 


I*rocéclure  des  débats  parlementaires,  par  Alfbed  Bonsergent, 
attaché  à  la  présidence  du  Sénat.  Paris,  Cotillon,  1878,  in-18  de  29  p. 
—  Prix  :  50  cent. 

Le  titre  de  cet  opuscule  en  précise  l'objet.  Ce  n'est  pas  un  manuel  com- 
plet, mais  un  exposé  succinct  de  la  législation  sur  la  matière,  que  l'auteur 
s'est  proposé  de  présenter  à  ceux  qui  s'intéressent  aux  choses  de  la  politique, 
et  on  sait  que  le  nombre  s'en  accroit  chaque  jour  en  France.  Le  mécanisme 
relativement  compliqué  de  la  constitution  du  23  février  1875,  des  lois  orga- 
niques et  des  règlements  spéciaux  qui  régissent  les  rapports  des  Chambres 
entre  elles  avec  le  pouvoir  exécutif,  nous  semble  donner  à  son  travail  une 
opportunité  et  une  utilité  réelles.  H.  de  L. 


—  4o3  — 

L'Ëinbryotoiiiie  au  point  de  vue  théologique  et  moral,  ou  examen  de  la 
question  s'il  est  permis  de  tuer  l'enfant  pour  sauver  la  mère,  par  le  P.  A.  Esch- 
BACH,  supérieur  du  séminaire  français  de  Rome,  Paris,  Palmé,  1878,  in-8 
de  69  p.  —Prix  :  i  fr.  oO. 

Savante  et  curieuse  étude  sur  une  question  fort  débattue  de  nos  jours, 
qui,  à  la  fois,  soulève  les  plus  hautes  responsabilités  morales  et  entraîne  les 
plus  graves  conséquences  sociales.  La  pratique,  venue  d'Amérique  et  d'An- 
gleterre, qui  de  plus  en  plus  veut  la  résoudre  par  l'affirmative,  ne  s'arrê- 
tera-t-elle  pas  elle-même  indécise  devant  les  abus  qu'elle  semblerait  encou- 
rager? Même  réduite  à  ses  termes  les  plus  étroits,  aux  cas  le  plus  strictement 
définis,  la  question  est  tranchée  par  le  respectable  auteur,  conformément  à 
la  tradition  de  l'Église,  dans  le  sens  de  la  non-licéité  de  l'acte.  On  lira  avec 
intérêt  l'exposé  des  opinions  contradictoires  émises  sur  ce  grave  sujet  par 
les  théologiens  et  les  médecins.  A.  D. 


Qu'appelle-t-on  équivalent    chimique?   Critique    de    la    chimie 
actuelle,  par  F. -A.  Hartsen.  Paris, Savy,  1877,  in-8  de  32  p.—  Prix  :  1  fr.  25. 

Pour  les  chimistes,  les  équivalents  des  corps  sont  les  proportions  en  poids 
suivant  lesquelles  ils  se  substituent  les  uns  aux  autres  dans  leurs  combinai- 
sons avec  un  même  poids  d'un  corps  pris  comme  base  de  comparaison.  Cette 
notion  fort  simple  n'a  pas  tardé  à  être  compliquée  et  obscurcie  par  la  va- 
riété et  la  profusion  des  faits.  La  faute  en  est  aux  trop  rapides  pi"ogrès  d'une 
science  née  d'hier,  qui  a  grandi  tout  à  cou[>  et  dont  le  langage,  expression 
synthétique  des  phénomènes,  ne  peut  se  modifier  aussi  vite  que  les  faits 
s'accumulent.  Aussi,  bien  que  l'auteur  ait  émis  quelques  justes  critiques, 
nous  ne  voyons  pas  qu'il  ait  vraiment  éclairé  le  sujet,  et  l'heure  ne  nous 
semble  pas  venue  de  renverser  l'édilice  des  Lavoisier,  des  Cerzélius  et  des 
Dumas,  pour  y  substituer  une  philosophie  nouvelle  dont  M.  Hartsen  croit 
avoir  posé  les  bases.  A.  D. 


L'Astronomie  de  la  jeunesse,  par  H.  Plessix,  capitaine  d'artillerie, 

ancien  élève  de   l'École   polytechnique.  Paris,  Pion,   1878,  gr.   in-18  de 

267  p.  —  Prix  :  3  fr.  oO. 

Dans  cet  ouvrage,  destiné  à  des  enfants,  l'auteur  nous  parait  avoir  bien 
saisi  le  genre  qui  convient  à  ce  jeune  public.  Ne  pas  chercher  à  tout  dire, 
ne  pas  se  perdre  dans  les  détails,  mais  s'attacher  aux  questions  fondamen- 
tales, et  les  traiter  avec  tous  les  développements  nécessaires  pour  éviter 
l'aridité  et  pour  épargner  au  lecteur  toute  contension  d'esprit.  L'exposition 
est  claire  et  les  démonstrations  généralement  présentées  sous  une  forme 
bien  saisissante. 

Quant  au  choix  des  questions,  je  reprocherai  à  M.  Plessix  de  s'être  trop 
exclusivement  arrêté  à  ce  qu'on  pourrait  appeler  le  squelette  géométrique 
de  l'astronomie,  c'est-à-dire  à  tout  ce  qui  se  rattache  aux  mouvements  de 
la  terre  et  de  la  lune.  De  là,  quelque  chose  de  froid  et  de  terne  dans  un 
sujet  cependant  si  plein  de  grandeur  et  de  poésie.  Quelques  détails  physi- 
ques sur  les  planètes,  les  comètes,  les  étoiles,  les  nébuleuses,  remplace- 
raient avec  avantage  certains  développements  plus  qu'hypothétiques  sur  la 
cosmogonie  de  Laplace. 

Cbose  plus  fâcheuse  :  pourquoi  M.  Plessix,  qui  ne  parait  cependant  pas 
hostile  aux  idées  religieuses,  consacre-t-il  six  pages  à  développer  la  fable 


—  434  — 

surannée  de  Galilée  et  de  son  E  pur  si  muove,  en  gratifiant  d'ailleurs  trop 
généreusement  l'illustre  Italien  des  découvertes  de  Copernic.  Ne  pouvait-il 
aussi  présenter  à  son  jeune  auditoire  un  martyr  plus  intéressant  que  Gior- 
dano  Bruno?  V. 


Le  Multiplicateur  à  trois  ecnts  carrés  ou  Table  de  multiplica- 
tion de  \  à  300,  ouvrage  utile  aux  commerçants,  acheteurs,  peintres,  etc., 
par  M.  Maxime  Cordier,  professeur  de  comptabilité.  1  vol.  in-8,  cartonné. 
—  Prix  :  3  fr.  50. 

Cet  ouvrage  est  le  barème  de  la  multiplication;  son  titre  suffit  pour  indi- 
quer le  profit  que,  dans  beaucoup  de  cas,  on  en  peut  tirer.  Il  n'est  pas  une 
profession  dans  laquelle  on  n'ait  à  faire  des  calculs;  ce  volume  peut  les 
simplifier  et  faire  réaliser  ainsi  une  grande  économie  de  temps.         S. 


I^es  Changes  et  les  arbitrages,  rendus  faciles  et  corrects,  par 
HippoLYTE  Vannier,  directeur  de  l'École  supérieure  du  Havre;  extrait  du 
cours  de  Bureau  commercial,  professé  par  l'auteur.  Paris,  Delagrave,  1877, 
in- 18  de  280  p.  —  Prix  :  2  fr.  50. 

Ce  livre  est  un  excellent  petit  traité  sur  toutes  les  matières  relatives 
au  commerce  de  banque.  L'auteur  commence  par  exposer  et  étudier  à  fond 
ce  qui  concerne  le  change,  c'est-à-dire  le  calcul  des  effets  sur  l'étranger, 
des  matières  métalliques  et  des  fonds  publics;  puis  il  passe  à  l'élu  Je  pra- 
tique des  arbitrages,  opérations  plus  délicates  et  plus  compliquées,  où  la 
spéculation  se  trouve  sans  cesse  à  côté  des  opérations  sérieuses.  On  peut 
rendre  à  ce  livre  cette  justice  qu'il  expose  avec  précision  et  clarté  tous  les 
problèmes  abordés,  et  qu'il  indique  les  calculs  à  effectuer  pour  les  princi- 
pales places  de  l'Europe.  S. 


IVotions  pratiques  d'iiygîène  populaire,  par  le  D''  Picqué.  Paris, 

Dejey,  1878,  in- 12  de  98  p.  —  Prix  :  1  fr. 
Lieçons  de  législation  usuelle,  par  Henri  Viel-Lamare.  Paris,  Dejey, 

1878,  in-i2  de  xv-2o8  p.  —  Prix  :  2  fr.  50. 

Ces  deux  volumes,  résultat  de  leçons  données  aux  cours  de  l'Association 
polytechnique,  se  recommandent,  comme  ouvrages  populaires,  par  l'ordre, 
la  clarté,  la  méthode  :  le  cadre  en  est  bien  tracé  et  bien  rempli.  Prenons- 
les  pour  modèles,  mais  gardons-nous  de  les  envoyer  à  nos  bibliothèques 
ouvi^ières  :  l'esprit  en  est  équivorpie  et  dangereux,  sinon  mauvais.  On  lit,  à 
la  première  page  du  volume  d'hygiène  :  «  L'homme  est  un  être  complexe  : 
il  a  une  âme  et  des  organes.  Par  son  âme,  qui  le  rend  capable  de  civilisation, 
il  est  soumis  à  Vhygiène  morale.  »  Certes,  un  spiritualiste  de  l'Université  de 
France  n'en  demandera  pas  davantage;  un  catholique  a  le  droit  d'être  plus 
exigeant.  Les  Leçons  de  législation  usuelle  ont  des  tendances  plus  accentuées  : 
les  conséquences  de  la  révocatioa  de  1  édit  de  Nantes  sont  exagérées  (p.  19), 
les  bienfaits  de  la  Révolution  pour  la  classe  ouvrière  trop  vantés  (p.  73,  74). 
—  Ces  critiques  nous  sont  pénibles  à  faire,  car  ces  deux  ouvrages  ont  un 
mérite  réel,  et  quelques  retouches  les  rendraient  irréprochables. 

J.-A.  DE  Bernon. 


—  4b5  — 

I.a  Scrîptolégîe,  méthode  accompagnée  d'exercices  gradués  'pour  apprendre 
aux  enfant?,  à  écrire  et  à  lire  l'écriture  avant  le  livre  imprimé,  dans  laquelle 
on  applique  le  système  de  l' intuition  des  sons,  par  J.  Ghedr,  directeur  de 
l'École  des  orphelins  à  Liège.  Liège,  H.  Dessain,  1877,  in-12  de  yu- 
107  p.  avec  deux  planches.  —  Prix  :  1  fr. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  les  avantages  qu'il  y  a  d'apprendre  aux  enfants 
à  lire  en  écrivant.  Mais  les  instituteurs  manquaient  de  guide  pour  appli- 
quer cette  nouvelle  méthode  avec  fruit.  Ils  pourront  d'autant  plus  se  fier  à 
celui-ci  qu'il  est  à  la  fois  le  jroduit  de  l'étude  consciencieuse  des  traités  al- 
lemands les  plus  renommés  et  de  l'expérience  personnelle  de  l'auteur. 
M.  Gheur  y  expose  des  procédés  d'un  caractère  tout  nouveau,  qu'il  a  prati- 
qués lui-même  pendant  longtemps,  et  par  lesquels  il  a  obtenu  les  plus  heu- 
reux résultats.  L'auteur,  pour  fai:e  connaître  les  principes  de  sa  méthoie,  a 
suivi  non  la  voie  des  préceptes,  mais  celle  de  l'exemple.  Dans  des  dialogues 
animés,  il  nous  montre  l'instituteur  à  l'œuvre,  conduisant  ses  élèves,  par 
des  moyens  rapides,  à  l'art  de  représenter  les  sons  et  les  bruits  de  la  voix 
humaine  et  ne  négligeant  pas  d'enrichir  en  même  temps  leur  esprit  d'une 
quantité  de  notions  utiles.  Les  leçons  sont  accompagnées  de  notes  philolo- 
giques fort  intéressantes  et  d'utiles  remarques  sur  la  prononciation.     X. 


IVotice  historique  sur  les  terres  et  seigneuries  de  la  Oorde 

et  de  Montdîdier  (1489-1780),  par  la  baronne  A.  de  Girard-Vezenobre. 

Paris,  Auguste  Ghio,  1877,  in-8  de  24  p.  —  Prix  :  1  fr. 

Ces  terres  et  seigneuries  étaient  situées  sur  les  deux  rives  de  la  Seine,  près 
deSaint-Germnin-en-Laye.  La  notice  historique  dont  elles  sont  l'objet  est  le 
résumé  d'une  série  de  litres  provenant  de  la  succession  du  célèbre  fabuliste 
Florian,  dont  Madame  la  baronne  de  Girard-Vezenobre  est  la  seule  héritière. 
Cette  trop  brève  étude,  qui  n'est,  à  tout  prendre,  qu'un  inventaire  exact  et 
consciencieux  des  familles  qui  ont  possédé  la  Borde  et  Montdidier,  peut 
offrir  quelque  intérêt  à  ceux  qui  étudient  l'histoire  des  environs  de  Paris. 

Er.  B, 

Oe  la  protection  accordée  aux  oeuvres  d'art,  aux  photogra- 
phies, aux  dessins  et  modèles  industriels  et  aux  brevets  d'invention  dam 
l'empire  d'Allemagne,  \)a.v  kTinVif^o^ih-Lor.  Paris,  Cotillon;  Berlin,  Putt- 
k-.mmer  et  Mûhlbrecht,  1878,  in-8  de  vii-16i  p.  —  Prix  :  2  fr. 
Les  droits  désignés,  à  tort  ou  à  raison,  dans  la  langue  de  la  doctrine  et 
dans  celle  de  la  pr  .tique,  sous  le  nom  de  propriété  artistique,  littéraire, 
industrielle,  ne  sont  pas  encore  complètement  déterminés  en  théorie  ;  et 
leur  réglementation  dans  le  droit  positif  trahit  cette  lacune  de  la  science. 
La  législation  de  l'empire  allemand  sur  cette  matière,  formulée  dans  les 
lois  des  11  juin  1870,  9,  10,  \\  janvier  1876,  23  mai  1877,  est  un  progrès 
considérable  sur  «  notre  législation  disparate  et  incomplète,  doat  les  innom- 
brables lacunes  n'ont  pu  être  qu'imparfaitement  comblées  par  une  juris- 
prudence industrieuse,  et  que  des  retouches  successives  ont  rendue  tout  à 
fait  incohérente.  »  Ain4  s'exprime  M.  Morillot;  c'est  dire  d'avance  l'utilité 
de  son  travail,  consacré  :  1°  à  l'exposé  historique  et  exégétique  des  lois 
allemandes  de  1876  et  1877;  2°  à  la  nature  du  droit  d'auteur  en  lui-même. 
On  y  trouvera  de  précieux  renseignements  pour  la  réforme  législative  à 
réclamer  en  France;  et  si  l'on  ne  partage  pas  en  tout  les  vues  de  l'auteur, 
notamment  sur  ce  qu'il  dit  de  la  perpétuité,  on  reconnaîtra  du  moins  le  ser- 
vice qu'il  a  rendu.  J.-A,  de  Bernon. 


—     'l-0(i    — 

Vînjçt  nouveaux  portraits,   par   Lkon    Gautier.  Paiis,  Palmé,  1878, 
in-12  de  ii-405  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Ce  volume  continue  la  série  des  études  littéraires  de  M.  Léon  Gautier 
dont  la  plupart  ont  déjà  paru  dans  le  journal  le  Monde.  C'est  une  galerie  oiï 
paraissent  les  figures  les  plus  diverses,  mais  se  rattachant  toutes,  soit  à  la 
littérature,  soit  à  l'histoire  et  à  l'érudition,  soit  à  la  théologie,  soit  aux 
beaux-arts  :  elles  attestent  l'étendue  des  connaissances  de  l'auteur,  la 
variété  de  ses  aptitudes  et  la  facilité  avec  laquelle  il  s'assimile  tous  les 
sujets  et  exprime  ses  impressions  toujours  vives,  ses  sentiments  toujours 
nobles,  généreux  et  chrétiens.  La  liste  des  portraits  suffira  à  faire  ressortir  les 
contrastes  :  Guizot,  dom  GuéranG;er,  Michelet,  Guillaume  de  Scblegel,  André 
Chénier,  Jean-Sébastien  Bach,  le  coinpositeur  ;  Goethe,  J,-F.  Rio,  Raymond 
Brucker,  Villemain,  Jules  Quicherat,  Alexandre  Bida,  l'artiste;  le  R.  P. 
Victor  de  Buch,  Victor  Hugo,  Gaston  Boissier,  Jules  Sandeau,  Léopold  De- 
lisle,  le  R.  P.  Faber,  Armand  Ravelet  et  Louis  Veuillot.  Beaucoup  ont 
déjà  posé  devant  le  public,  et  la  critique  sûre,  savante  et  d'une  inspi- 
ration toujours  si  profondément  catholique  de  M.  Gautier,  servira  à  rec- 
tifier bien  des  jugements  porlés  sur  les  personnages  dont  nous  venons  de 
citer  les  noms.  Mais  d'autres  figures  sont  presque  nouvelles,  ainsi  celle  de 
M.  Arm:md  Ravelet,  dont  le  Polybiblion  a  reproduit  les  traits  principaux; 
celle  si  originale  de  Raymond  Brucker,  qui  semble  s'être  fait  oublier  des 
hommes,  du  jour  où  il  ne  les  a  plus  divertis  et  où  il  a  cherché  à  les  rame- 
ner à  Dieu;  celle  du  R.  P.  de  Bueh,  un  des  Bollandistes;  et  surtout  celles 
de  M.  Léopold  Delisle,  le  directeur  géuéral  de  la  Bibliothèque  nationale, 
et  de  M.  Jules  Quichm'at,  le  savant  directeur  de  l'École  des  chartes,  qui 
seront  de  véritables  révélations  pour  la  plupart  des  lecteurs.  Dans  une  si 
grande  variété  de  sujets,  il  serait  difficile  qu'on  s'accordât  toujours  sur  les 
appréciations  ;  mais  ce  que  nous  nous  permettrons  de  regretter,  ce  sont 
des  inégalités  dans  le  style,  qui  n'est  point  toujours  au  niveui  des  idées. 

R.  S. 


Cliez    nous  et    chez  nos  voisins,   par   Xavier  Aubryet.  Paris,  E. 

Dentu  1878,  in-18  j.  de  336  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Il  y  a  des  titres  qui  sont  des  trompe-l'œil.  Ils  promettent  monts  et 
merveilles  — et  finalement  ne  donnent  rien  qui  vaille.  Celui-ci  est  trompeur 
également,  mais  en  bien.  Il  lient  plus  qu'il  ne  promet.  Nos  voisins,  c'est-à- 
dire  les  Anglais,  sont  représentés  par  trois  chapitres:  Byron  et  le  hyronisme, 
Charles  Dickens,  et  Comme  quoi  l'Angleterre  se  suffit  à  elle-même.  Nous,  au 
contraire,  les  Français,  nous  pouvons  revendiquer  ces  charmantes  études 
qui  ont  pour  titre  :  Théophile  Gautier  spiritualiste,  Rivarol,  les  Éclaireurs 
intellectuels .1  Sainiine,  André  Chénier,  les  Femmes  de  la  Révolution,  Madame 
de  Lamlalle,  la  Nature,  la  Race,  l'Esprit  public,  les  Mythologies,  le  Théâtre  de 
nos  pères,  .M.  Xavier  Aubryet  se  laisse  parfois  entraîner  dans  le  paradoxe; 
mais  il  ne  tombe  jamais  dans  le  sophisme.  C'est  un  Chamfort  chrétien.  Il  a 
le  trait,  l'énergie,  le  pittoresque  et  l'originalité.  Rien  en  lui  de  banal  ni  de 
vulgaire.  Tout  n'est  pas  à  approuver  dans  son  livre,  mais  il  n'y  a  rien  à 
maudire  et  il  y  beaucoup  à  louer  —  par  exemple,  l'étude  consacrée  aux 
Femmes  de  la  Révolution  et  à  M^^  de  Lamballe.  Il  est  difficile  de  pousser  plus 
loin  l'émotion  littéraire  et  l'indignation  morale.  Par  contre,M.  Xavier  Aubryet 
dépasse  la  mesure  quand  il  fait  de  lord  Byron  un  modèle  de  bonté  et  de  ten- 
dresse (lui  le  poète  du  désespoir),  et  de  Théophile  Gautier   un  spiritualiste, 


I 


alors  que  raiiteiir  d'Émaux  et  camées  ne  vit  jamais  en  tout  et  pour  Imi  que 
le  côté  plastique  des  choses.  Mais  il  a  raison  de  placer  Rivarol  parmi  les 
éclaireurs  intellectuels,  et  de  réduire  à  néant,  dans  les  Faux  chefs-d'œuvre, 
la  littérature  dramatique  du  dix-huitième  siècle.  Le  livre  de  M.  Aubryet 
s'ouvre  par  une  lettre  au  comte  d'Osmond,  qui  est  une  des  plus  belles  pages 
que  l'on  puisse  lire  sur  la  résignation  chrétienne.  On  sait  que  l'auteur  de 
Chez  nous  et  chez  nos  voisins  est  cloué  depuis  longtemps  par  la  maladie  sur 
un  lit  de  douleur.  F.  B. 


lL.a  Conquête  du  pôle  IVord,  par  M.  Wilfrid  de  Fonvielle.  Paris, 
Pion,  1877,  in-12  de  333  p.,  orné  de  cartes  et  de  gravures.  —  Prix  :  4  fr. 

Le  dernier  ouvrage  de  M.  de  Fonvielle  est  à  peu  près  exclusivement  con- 
sacré, malgré  son  titre,  aux  expéditions  polaires  de  la  mer  de  Grœnland; 
il  nous  en  donne  l'historique  complet,  à  partir  de  la  fin  du  quinzième 
siècle.  Pendant  longtemps,  elles  eurent  pour  but  principal  la  découverte  du 
passage  Nord-Ouest.  Celle  du  capitaine  Phips,  en  1743,  mérite  d'être  signalée, 
comme  la  première  qui  ait  été  faite,  non  plus  dans  l'intérêt  exclusif  du  com- 
merce, mais  dans  celui  de  la  science.  Nous  appellerons  l'attention  du  lecteur 
sur  le  récit  émouvant  des  aventures  de  l'infortuné  J.  Franklin  et  sur  les  ten- 
tatives faites  par  sa  veuve  pour  retrouver  son  époux,  soit  mort,  soit  vivant. 

Ce  qui,  à  notre  avis,  fait  le  principal  charme  de  l'ouvrage  en  question, 
ce  sont  les  renseignements  donnés  sur  la  plus  récente  des  expéditions 
polaires,  celle  du  capitaine  Nares,  lequel  dépassa,  comme  l'on  sait,  le 
83*>  L.  N.  L'expédition  de  Parry  s'était  arrêtée,  on  se  le  rappelle,  cinquante 
lieues  plus  au  sud.  Les  découvertes  de  Nares  ont  eu  ce  résultat  important 
de  faire  justice  des  théories  allemandes  sur  la  mer  libre  du  pôle. 

Quelques  jugements  de  M.  de  Fonvielle  sur  le  rôle  et  l'esprit  du  clergé 
nous  semblent  légèrement  déplacés;  mais  nous  devons  lui  savoir  un  gré 
véritable  des  efforts  par  lui  faits  pour  inculquer  aux  Français  le  goût  des 
expéditions  polaires.  Nous  en  avons  laissé  le  monopole  aux  Russes,  Anglais, 
Américains,  etc.,  et  notre  pays  n'a  guère  été  réprésenté,  dans  la  mer  du 
Grœnland,  que  par  M.  de  Blosseville  et  l'héroïque  Bellot. 

H.  DE  Charencey. 


Grèce  et  Turquie,  notes  de  toyage,  par  Alfred  Gilliéron  :  l'Épire, 
Janina,  Ithaque,  Delphes,  le  Parnasse,  Athènes,  Grecs  et  Turcs;  avec 
illustrations.  Paris,  Sandoz  et  Fischbacher,  in-12  de  xv-308  p.  — 
Prix  :  3  fr. 

Le  philhellénisme  n'est  plus  guère  de  mode  de  nos  jours.  Le  temps  n'est 
plus  où  les  hommes  d'État  et  les  poètes  de  l'Europe  occidentale  s'enthou- 
siasmaient et  se  croisaient  pour  l'indépendance  de  la  Grèce.  Aujourd'hui, 
dans  le  pays  de  Platon  et  de  Thémistocle,  on  s'en  tient  aux  romans  de 
M.  Edmond  About.  M.  Gilliéron  proteste  contre  celte  opinion  trop  peu 
favorable  à  la  Grèce.  En  parcourant  cette  contrée  riche  de  tant  de  souvenirs, 
et  toujours  belle,  quoique  mélancolique,  sous  un  ciel  bku,  il  n'admire  pas 
seulement  les  paysages  et  ne  se  borne  pas  à  la  contemplation  des  mines  et 
à  la  constatation  des  résultats  des  fouilles  ;  il  s'efforce  d'étudier  le  peuple, 
de  se  rendre  compte  de  ses  qualités  et  de  ses  défauts,  de  deviner  son 
avenir.  Suivant  lui,  on  est  injuste  pour  les  Grecs  modernes;  on  voudr.xit 
qu'après  quatre  siècles  d'esclavage,   ils  eussent,    dès  le  premier  jour,  èlé 


—  458  — 

parfaits  ;  OQ  leur  demande  de  marcher  de  pair  avec  les  peuples  qui  ont 
toujours  été  libres,  et,  en  leur  donnant  la  vie,  on  leur  a  refusé  les  moyens 
de  vivre.  La  Grèce,  pour  être  un  État  complet,  aurait  besoin  de  posséder  au 
moins  l'Épire,  la  Thessalie  et  la  Crète.  Elle  a  fait  déjà  beaucoup  depuis 
qu'elle  existe  ;  ses  progrès  sont  très-réels  et  très-sérieux,  et  les  vertus  do- 
mestiques de  ses  familles  sont  très-remarqnables.  Qui  sait  même,  si  ce  n'e.-t 
pas  de  ce  côté  qu'il  faudra  chercher  la  vraie  solution  de  la  question  d'Orient? 
Telle  est,  ^i  nous  ne  nous  trompons,  la  thèse  soutenue  par  M.  Gilliéron. 
Nous  ne  savons  ce  qu'en  penseront  les  diplomates;  mais  nous  devons  re- 
gretter qu'il  ait  mêlé  à  un  récit  intéressant  et  instructif  des  préjugés 
vraiment  surannés  contre  l'Église  romaine,  qu'il  accuse  de  a  broyer  la 
conscience  humaine  sous  les  roues  de  fer  de  son  organisme.  »  M.  Gilliéron 
estime  qu'il  faut  infuser  une  vie  nouvelle  à  l'Église  byzantine,  «  mondanisée 
et  fossilisée.  »  Qui  peut  lui  rendre  cette  vie,  si  ce  n'(  st  le  catholicisme? 

M.  DE  hk  ROCHETERIE. 


ti»  première  communion,  par  M""^  Léon  Gautier,  précédé  d'une 
lettre  de  Mgr  Mermillod.  Paris,  Palmé,  1878,  in-32  de  xix-472  p.,  avec 
vignettes,  encadrements  et  culs-de-lnmpe.  —  Prix  :  4  fr. 
Ce  petit  volume,  charmant  pour  le  fond  comme  pour  la  forme,  paraît  sous 
le  patronage  d'un  des  noms  les  plus  sympathiques  à  nos  lecteurs  et  aux  amis 
des  lettres  chrétiennes  et  avec  la  recommandation  de  l'éminent  successeur  de 
saint  François  de  Sale=.  Que  faut-il  de  ^ilus  pour  qu'il  devienne  le  cadeau 
préféré  des  parents  à  leurs  enfants  qui  se  disposent  au  grand  acte  de  la  pre- 
mière communion?  La  doctrine  en  est  solide,  les  enseignements  sérieux  et 
pratiques  ;  le  style  est  simple  et  gracieux,  et  met  bien  à  la  portée  des  jeunes 
intelligen.es  les  cmsidératinns  les  plus  élevées.  Ce  n'est  point  l'œuvre  d'un 
éi  rivain,  mais  celui  d'une  mèrf ,  qui,  suivant  l'expression  de  M»''  Mermillod, 
«  fait  monter  l'enfant  de  clarté  en  clarté,  sans  jamais  surexciter  chez  lui  l'i- 
magination et  la  stusibiliié.  »  La  première  partie  contient  des  entretiens 
d'une  mère  avec  ses  enfants  sur  les  actes  principaux  de  la  journée  —  le 
caiéchisme,  la  prière,  la  méditation,  le  travail,  les  récréations,  les  re^^as;  — 
sur  les  sacrements  et  la  préparatioa  immédiate  à  la  première  communion. 
La  seconde  partie  est  un  recueil  de  fort  belles  prières  pour  tout  le  jour  de  la 
première  communion,  la  plupart  anciennes,  tt  nous  le  supposons,  sans  croire 
faire  un  jugement  téméraire,  tirées  des  Choix  de  prières  d'après  les  manuscrits 
du  moyen  âge,  publié  par  M.  Léon  Gantier.  Chaqne  page  est  encadrée  de 
gracieuses  vignettes  dues  au  crayon  de  MM.  Giacomeili  etCiappori,  et  repré- 
sentant surtout  des  fleurs  et  des  oiseaux.  R.  S. 


La  Médaille  miraculeuse.  Origine,  histoire,  diffusion,  résultats,  par 
M.  Aladel,  prêtre  de  la  Mission.  Edit.  revue  et  augm.  Paris,  imprimé  par 
Pillet  et  Dumoulin  1878,  gr.  in-18  de  v-416  p.,  avec  de  très-nombr.  illus- 
trations. —  Prix  :  3  fr.  50. 

L'ouvrage  dont  on  vient  de  lire  le  titre  contient  d'abord  la  biographie  de 
Catherine  Labouré,  la  sainte  fille  desamt  Vincent  de  Paul  mortele  31  décembre 
1876,  et  qui,  en  1836,  r-vait  été  choisie  p  ,r  la  sainte  Vierge  pour  propager 
la  médaille  miraculeuse  et  préparer  le  mouvement  qui  devait  aboutir, 
en  1854,  à  la  proclamation  du  dogme  de  l'Immaculée  Conception.  Mais  c'e-t,  à 
vrai  dire,  le  culte  de  Marie  dans  notre  siècle  qui  fait  l'objet  du  livre  et  qui 
lui  donne  une  réelle  importance.  Le  pieux  auteur  passe  en  revue  les  sppa- 


—  459  - 

ritions  de  la  sainte  Vierge  en  1830,  les  grâces  extraordinaires  obtenues  par 
la  médaille  miraculeuse,  la  conversion  de  M.  Ratisbonne  en  1842,  une  mul- 
titude de  traits  recueillis  de  toutes  parts;  enfin  il  examine  brièvement  les 
manifestations  récentes  de  la  sainte  Vierge  à  la  Salette,  à  Lourdes,  à  Pont- 
main,  etc. 

Le  principal  attrait  du  présent  volume  consiste  dans  les  illustrations  ;  une 
partie  des  faits  était  connue  par  les  éditions  antérieures  du  livre, —  bien 
moins  complètes,  il  est  vrai.  Mais  il  appartenait  à  M.  D,  Dumoulin,  poursui- 
vant l'œuvre  entreprise  par  lui  il  y  a  quelques  années,  quand  il  prépara 
pour  la  maison  Didot  les  éditions  de  Joinville  et  de  Viilebardouin,  la  Jeanne 
d'Arc  et  la  Vie  de  Jésus-Christ,  de  faire  d'un  ouvrage  d'édification,  comme 
celui-ci,  une  œuvre  artistique  de  la  plus  liante  valeur,  donnant,  d'une  part, 
l'histoire  du  culte  de  la  sainte  Vierge  et  en  particulier  de  l'Immaculée  Con- 
ception, et,  de  l'autre  offrant  comme  un  poëme  sur  la  sainte  Vierge,  dû 
au  pinceau  de  Victor  Orsel  et  offrant  un  des  plus  remarquables  spécimens 
de  l'art  chrétien  au  dix-neuvième  siècle.  G.  de  B. 


Xout  le  monde  croît  aux  miracles,  par  le  comte  de  Champagny, 
de  l'Académie  française.  Paris,  Bray  et  Retaux,  1878,  in-32  de  13  p.  — 
Prix  :  5  cent. 

Vive  et  spirituelle  réplique  de  l'éminent  académicien  à  tous  ceux  qui 
prétendent  ne  pas  croire  aux  miracles,  et  ne  témoignent,  par  les  difficultés 
qu'ils  présentent  sur  les  faits  qu'on  leur  cite,  que  de  la  peur  qu'ils  ont  de 
rencontrer  un  miracle  auquel  ils  ne  voudraiut  pas  croire,  et  auquel  cepen- 
dant ils  seraient  forcés  d'ajouter  foi.  S. 


Lia  Question  religieuse  et  la  solution   protestante,  par  Eue. 

Réveillaud.  Paris,  Grassart,  1878,  in-12  de  142  p. —  Prix  :  2  fr. 

Cette  petite  brochure,  pleine  de  haine,  de  fiel  et  de  venin  contre  le 
christianisme,  et  surtout  contre  le  catholicisme,  ne  mériterait  guère  d'être 
signalée  dans  le  Polijbiblion,  dont  les  lecteurs  ne  sont  point.  Dieu  merci,  ani- 
més de  l'esprit  irréligieux  si  à  la  mode  de  nos  jours.  M.  Réveillaud  s'avoue 
libre-penseur.  Il  ne  croit  pas  au  christianisme,  mais  il  n'en  fait  pas 
moins  appel  aux  protestants  contre  les  cléricaux  et  les  catholiques,  qu'il  re- 
présente comme  les  ennemis  de  la  société. 

On  devine  aisément  dans  quel  style  est  rédigée  cette  venimeuse  brochure. 
Les  jésuites  y  sunt  appelés  «  les  janissaires  de  l'ultramoutanisme,  »  les 
frèrcS  des  écoles  chrétiennes,  traités  d'  «  ignorantins  qui  prolongent  les  jé- 
suites »  et  le  clergé  qualifié  d'  «  engeance  dangeureuse.  »  P.  M. 


L'Année  politique,  1  syT,  par   André   Daniel.  Paris,  Charpentier, 

1878,  in-12  de  450  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Cette  publication,  commencée  il  y  a  quatre  ans,  est  continuée  cette  année 
avec  le  même  soin  que  précédemment.  On  y  trouve,  non-seulement  les  faits 
historiques  de  l'année,  mais  encore  la  physionomie  de  la  presse,  et  par  con- 
séquent le  reflet  des  diverses  nuances  de  l'opinion  publique,  ou  peut-être 
plus  exactement  le  moule  où  elle  s'est  faite.  On  n'y  lira  pas  sans  émotion  les 
patriotiques  protestations  de  M.  Bezanson,  au  Reichstag  allemand  (p.  18). 
L'acte  du  16  mai  est  sévèrement  apprécié.  D'ailleurs,  M.  Daniel  paraît 
prendre  un  soin  scrupuleux  à  dissimuler  sa  pensée  personnelle  :  son  livre 
n'en  est  que  plus  agréable  à  consulter.  J.-A.  de  Bernon. 


—  460  — 


VARIÉTÉS. 

LES  BIBLIOTHÈQUES   DES  ETATS-UNIS  (1). 

Il  semble  vraiment  que  les  Américains  du  Nord  veuillent  en  tout  regagner 
sur  notre  Europe  le  temps  pendant  lequel  elle  s'est  permis  de  vivre  sans  eux. 
Qui  eut  jamais  pu  penser  que,  de  leur  pays,  nous  viendrait  le  premier  réper- 
toire de  ces  richesses  intellectuelles  que  le  temps  semble  seul  capable  d'accu- 
muler? Qui  eût  pu  penser  qu'après  un  siècle  d'existence  un  peuple  ariùvât  à 
en  posséder  autant  qu'en  fait  connaître  le  rapport  que  nous  analysons?  Il  est 
vrai  qu'il  ne  fnut  pas  y  chercher  ces  manuscrits  précieux  autant  par  leur 
vieillesse  que  par  l'art  qui  les  a  décorés,  ces  éditions  rares,  qui  font  l'orgueil  de 
nos  grandes  bibliothèques  européennes;  il  est  vrai  aussi  que  la  qualité,  sinon 
la  quantité  des  livres,  accuse  la  jeunesse  du  public  qui  les  lit.  La  plus  grande 
partie  appartient  à  ce  qu'on  pourrait  appeler  la  littérature  populaire  : 
romans,  fiction,  poésies  légères  entrent  pour  les  trois  quarts  dans  la  composi- 
tion de  ce^  bibliothèques;  mais,  il  faut  bien  le  dire,  la  lutte  pour  l'existence, 
qui  est  jusqu'à  présent  la  condition  commune  de  la  majeure  partie  de  la  popu- 
lation américaine  absorbe  beaucoup  de  son  temps  et  de  ses  forces  ;  quand  elle 
vient  lire,  c'est  pour  se  délasser;  et  il  est  déjà  beau  qu'elle  ne  cherche  que  ce 
délassement.  Elle  n'est  pas  capable  d'apprécier  pleinement  la  valeur  de  la 
science  et  de  la  haute  littérature,  mais  cela  viendra,  du  moins  les  auteurs  du 
rapport  osent  l'espérer;  le  temps  n'est  pas  loin,  il  commence  déjà,  suivant 
eux,  où  l'aristocratie  d'argent  créée  par  l'industrie  et  le  commerce,  consa- 
crera aux  lettres  et  aux  arts  les  loisirs  que  lui  aura  faits  la  fortune.  D'ailleurs 
n'est-ce  pas,  en  quelque  sorte,  un  examen  de  conscience  intellectuel  que  s'im- 
posent les  Américains.  S'ils  récapitulent  avec  fierté  tout  ce  qu'ils  ont  fait, 
s'ils'sont  heureux  fie  montrer  tout  ce  qu'ils  possèdent,  ne  consentent-ils  pas 
en  même  temps  à  reconnaître  ce  qu'il  leur  manque?  On  ne  peut  donc 
qu'applaudir  à  la  patriotique  pensée  des  bibliophiles  et  des  bibliothécaires 
américains.  Ils  ont  voulu  montrer  au  vieux  monde  convoqué  à  Philadelphie, 
à  côté  des  produits  de  leur  sol  si  riche  et  de  leur  puissante  industrie,  l'in- 
térêt que  prend  leur  pays  aux  choses  de  l'esprit;  ce  qu'il  lit  et  ce  qu'il 
écrit  à  côté  de  ce  qu'il  fabrique  ;  ils  ont  voulu  détruire  ce  doute  qui  peut 
exister  même  aujourd'hui  et  après  cette  épreuve,  si  une  société  démocra- 
tique est  su-ceptible  d'une  haute  éducation  intellectuelle.  Sans  doute  tout 
n'est  pas  à  louer  dans  l'organisation  de  leurs  bibliothèques;  nous  aurons  à 
signaler  en  temps  et  lieu  les  erreurs,  les  illusions  qu'ils  se  font  sur  le  rôle 
atlriiiué  à  la  lecture.  Ils  n'en  ont  pas  moins  fait  une  grande  chose;  et  ils  l'ont 
faite  à  eux  seuls,  sans  le  concours  de  ce  pouvoir  central  qui  serait  indispen- 
sable en  Europe  au  succès  d'une  pareille  entreprise,  et  qui  n'y  suffirait  peut- 
être  pas.  Et  ils  ne  se  bornent  pas  à  vouloir  donner  à  l'étranger  une  idée 
favorable  de  la  culture  intellectuelle  de  leurs  concitoyens;  le  système  pra- 
tiqué par  eux  dans  l'administration  des  dépôts  qui  leur  sont  contiés  est  des 
plus  propres  à  produire  ces  heureux  résultats  qu'ils  sont  tiers  de  publier  à 
l'honneur  de  leur  pays.  L'instruction,  pour  le  plus  grand  nombre,  s'y  arrête 

(1)  Public  libraries  in  the  Vnited  States  of  America,  their  history,  condition  and  mana- 
nement.  Spécial  report  Département  of  the  Inlerior.  Bureau  of  Education.  Washington 
Government  printurv  ollîc3,   187G.  2  vol.  in-8  de  xxxv-IIST  et  89  p. 


—  i61   — 

forcément  à  ces  connaissances  usuelles  indispensables  dans  la  pratique  quoti- 
dienne de  la  vie.  C'est  affaire  à  ceux  qui  veulent  compléter  ce  bagage  scien- 
tifique par  trop  réduit  d'y  pourvoir  par  eux-mêmes.  Le  bibliothécaire 
devient  dans  cette  tâche  leur  principal  collaborateur;  il  se  fait  véritablement 
professeur  :  professeur  de  livres,  comme  dit  le  rapport.  Il  doit,  en  cette 
qualité,  connaître  le  caractère  de  ses  lecteurs,  diriger  leur  choix  dans  le 
sens  où  paraissent  les  jiorter  leurs  aptitudes,  corriger  le  goût  de  ceux  qui 
auraient  pour  les  livres  d'imagination  un  penchant  trop  exclusif.  C'est  donc 
une  haute  mission  que  la  leur,  et  c'est  à  cause  de  son  importance  même 
que  les  femmes  sont  appelées  à  y  prendre  part.  Chargées  en  grand  nombre 
de  donner  aux  enfants  la  première  instruction,  elles  le  sont  aussi  de  diriger 
leurs  lectures,  quand  ils  ont  grandi;  elles  les  suivent  de  l'école  à  la  biblio- 
thèque; et,  en  effet,  l'un  des  rapporteurs  demande  que  cet  établissement  leur 
soit  ouvert  aussitôt  que  possible;  «  dans  les  âmes  bien  nées  (c'est  sa  pensée 
sinon  son  expression),  le  génie  n'attend  pas  le  nombre  des  années,  »  et  les 
précautions  ordinaires  ne  sont  pas  de  mise  avec  le  génie  ;  l'auteur  admet 
pourtant  la  surveillance  paternelle  comme  unique  moyen  de  contrôle  sur 
les  lectures  de  ces  enfants  prodiges;  même  avec  cette  surveillance,  la  liberté 
nous  parait  excessive;  et  puisque  l'on  sort  l'enfant  du  foyer  domestique,  où 
son  âge  lui  marque  sa  place,  pour  l'envoyer  à  la  bibliothèque,  sa  mère  fera 
bien  de  l'y  suivre,  et  nous  trouvons,  en  effet,  la  femme  au  milieu  des  livres, 
et  du  reste  y  rendant  des  services  qu'elle  pourrait  rendre  également  dans 
nos  bibliothèques  européennes. 

Telle  est,  sous  son  aspect  le  plus  général,  l'organisation  que  le  régime 
social  des  États-Unis  a  imposée  à  leurs  bibliothèques.  Nous  allons  maintenant 
les  suivre  depuis  leur  naissance  jusqu'à  l'heure  actuelle,  les  voir  grandir  et 
se  développer,  étudier  leurs  modes  d'administration,  d'accroissement,  de 
quelle  manière  et  dans  quelle  mesure  le  public  peut  y  avoir  recours.  Tout 
ces  faits,  le  rapport  nous  les  raconte  parle  menu,  et  plus  longuement  même 
qu'il  n'était  nécessaire.  Il  prend  les  bibliothèques  américaines  à  leur 
berceau,  berceau  bien  humble  en  vérité,  à  en  juger  par  les  paroles  de 
Franklin  qui  contribua  tant  à  les  faire  naiti'e.  On  aurait  vite  compté  les 
livres  qu'il  pouvait  trouver  chez  son  père  ;  sept  ou  huit  volumes  composaient 
alors  toute  sa  bibliothèque;  et  quand  il  eut  quitté  son  toit  pour  le  séjour  des 
grandes  villes,  il  n'y  trouva  d'abord  guère  plus  de  ressources  :  «  A  la  date 
où  je  me  fixai  à  Philadelphie,  écrit-il,  il  n'y  avait  pas,  au  sud  de  Boston,  une 
seule  bonne  librairie;  à  New  York,  à  Philadelphie,  les  imprimeurs  étaient 
papetiers,  et  comme  tels  vendaient  du  papier,  des  chansons,  des  almanachs 
et  quelques  livres  scolaires  des  plus  usuels.  Ceux  qui  aimaient  la  lecture 
devaient  faire  venir  leurs  livres  d'Angleterre.  Chacun  des  membres  de  la 
junte  (une  association  qu'il  avait  essayé  de  fonder)  en  possédait  quelques-uns. 
Nous  nous  étions  rencontrés  au  cabaret,  nous  le  quittâmes  pour  une  petite 
chambre  que  nous  avions  louée  à  frais  communs;  je  proposai  que  chacun  de 
nous  y  apportât  des  livres;  de  cette  façon  tous  pourraient  les  y  consulter  sur 
place,  et  même  emporter  ceux  qui  leur  conviendraient.  Ainsi  fut  fait,  et,  pour 
le  moment,  tout  le  monde  fut  content;  mais  le  nombre  de  tons  nos  livres 
réunis  était  moindre  que  nous  ne  l'avions  espéré,  et,  malgré  l'avantage  de 
leur  mise  en  commun,  le  défaut  de  soin  amena,  au  bout  d'un  an  environ, 
chacun  de  nous  à  reprendre  ce  qui  lui  appartenait.  Je  mis  alors  en  avant 
mon  premier  projet  de  souscription  publique,  j'esquissai  un  règlement  dont 
un  habile  notaire,  M.  Charles  Brockden,  rédigeales  articles.  Chaque  souscrip 
teur  s'engagea  d'abord  à  payer  une  certaine  somme  pour  le  premier  achat 


—  462  — 

de  livres,  ei  à  faire  ensuite  un  versement  annuel  pour  en  accroître  le  nombre. 
Il  y  avait  alors  si  peu  de  lecteurs  à  Philadelphie  et  la  plupart  d'entre  eux 
étaient  si  piuvres,  que  je  pus  réunir  au  plus  cinquante  personnes  presque 
tous  petits  boutiquiers  qui  consentaient  à  payer  d'abord  40  shillings  chacun, 
plus  10  shillings  par  an;  c'est  avec  ce  petit  fonds  que  nous  commençâmes. 
Les  livres  arrivèrent;  la  bibliothèque  fut  ouverte  un  jour  par  semaine  pour 
les  prêter  aux  souscripteurs,  qui  s'engagèrent  à  les  payer  le  double  de  leur 
valeur,  s'ils  ne  les  rendaient  pas.  L'institution  eut  bientôt  fait  ses  yjreuves, 
et  fut  imitée  dans  d'autres  provinces  et  dans  d'autres  villes;  les  bibliothèques 
s'accrurent  par  des  donations  ;  la  lecture  devint  à  la  mode,  et  notre  peuple, 
n'ayant  pas  d'amusement  public  pour  le  détourner  de  l'étude,  prit  goût  aus 
livres,  et  devint,  au  bout  de  quelques  années,  de  l'aveu  mènae  des  voyageurs 
étrangers,  plus  instruit  et  plus  éclairé,  que  les  gens  de  la  même  classe  ne  le 
sont  généralement  dans  les  autres  nations.  » 

Telle  fut  l'origine  des  bibliothèques  américaines;  l'initiative  privée  en  fait, 
comme  on  le  voit,  tous  les  frais;  pendant  longtemps  encore,  il  en  devait  être 
ainsi  ;  les  social  librairies  que  l'on  rencontre  anx  États-Unis  ont  conservé 
cette  tradiliori  qui  est  bien  vraiment  américaine.  Toutefois,  l'avenir  ne  semble 
pas  être  pour  ces  bibliothèques  fondées  par  association. 

Nous  rencontreruns  sans  doute  dans  le  rapport  de  nombreuses  sociétés 
possédint  de  riches  bibliothèques,  mais  elles  ne  sont  pas  comme  ici  l'objet 
principal  de  l'association,  elles  n'en  sont  qu'un. arinexe;  la  société  à  sa  biblio- 
thèque parce  qu'elle  a  ses  études  spéciales,  d^nt  elle  pourrait  difficilement 
trouver  les  éléments  ailleurs;  ses  membres  ont  leur  bibliothèque  personnelle 
et  ne  viennent  chercher  dans  celle  de  la  société  que  les  ouvrages  tout  à  fait 
spéciaux,  les  collections  trop  considérables  pour  prendre  place  dans  leur 
cabinet.  Les  jeunes  gens  des  associations  que  nous  étudions  tn  ce  moment 
n'ont  pas  de  livres  à  eux;  c'est  pour  s'en  procurer  qu'ils  réunissent  leurs 
minces  ressources.  Chaque  membre  étant  tenu  d'apporter  à  ces  bibliothèques 
son  obole,  si  mince  soit-elle,  son  administration  demandant  à  chacun  son 
concours,  à  chacun  une  part  de  son  temps  et  de  ses  efforts,  elles  devaient 
naturellement  offrir  moins  d'attraits  que  celles  où  l'on  ne  demande  au 
lecteur  que  sa  présence  et  son  resjiect  pour  les  livras;  elles  avaient  aus-i 
moins  de  ressources;  le  renouvellement  annuel  par  voie  d'élec  ion  d'un 
comité  trop  jeune,  en  général,  pour  inspirer  confiance  auî  donaleurs,  et  que 
ses  mutations  fréquentes  empêchaient  d'acquérir  l'expérience  nécessaire 
encourageait  ass.  z  peu  la  générosité  privée.  Aussi  trouve-t-on  aujourd'hii 
relativement  peu  d'associations  de  ce  genre,  et  leur  nombre  ne  tend  guère 
à  s'accroître.  On  en  peut  citer  pourtant  comme  spécdmens  lei  Bibliothèques 
commerciales  de  jeunes  gens,  Young  men  mercantile  libraries.  Une  association 
du  Q;ême  genre  paraît  seule  avoir  bien  réussi,  c'est  celle  que  le  rapport 
mentionne  sous  ce  titre  A' Association  chrétienne  de  jeunes  gens.  Composée  de 
commis  et  d'ouvriers,  elle  a  surtout  un  bit  de  préservation  et  pourrait  être 
comparée  assez  exactement  à  l'œuvre  de  nos  cercles  catholiques  d'ouvriers; 
depuis  un  quart  de  sièle,,  elle  a  pris  un  développement  considérable,  et 
notamment  depuis  1863;  elle  couvre  d'un  véritable  réseau  le  sol  rutier  des 
États-Unis,  chaque  groupe  étant  en  relation  avec  ceux  qui  existent  dans  les 
autres  villes;  les  bibliothèques  sont  un  des  éléments  essentiels  de  l'institu- 
tion, et  celle  que  possède  l'association  de  Washington  possède  jusqu'à 
15,000  volumes;  la  première  place  y  est  faite  aux  ouvrages  religieux,  puis 
viennent  l'histoire  et  les  sdences  exactes. 

Les  véritables  bibliothèques  publiques  celles  qui  vivent  d'un  revenu  que 


—  463  — 

leur  constituent  les  taxes  levées  chaque  année  sur  les  citoyens,  où  tous,  par 
conséquent,  ont  le  droit  d'être  admis  gratuitement,  affectent  aux  États-Unis 
deux  formes  différentes  qui  n'ont  pas  eu  l'une  et  l'autre  un  égal  succès: 
la  Free  school  library  et  la  Free  town  library;  les  bibliothèques  de  la  première 
catégorie  ont  été  fondées  pour  la  première  fois  dans  l'État  de  New  York  en 
1827,  sous  les  auspices  du  gouverneur  Witt  Clinton  et  avec  le  concours  de 
généreux  donateurs;  sur  leur  sol  natal,  elles  ont  prospéré;  au  bout  de  quinze 
années  d'existence  elles  réunissaient  un  total  de  plus  de  160,000  volumes 
pour  tout  l'État;  ces  livres  étaient  mis  à  la  disposition  des  jeunes  gens, 
qui,  après  avoir  fréquenté  les  écoles  et  en  être  sortis,  étaient  à  la  recherche 
des  ressources  littéraires  ou  scientifiques  qui  manquaient  sous  le  toit 
paternel;  les  taxes  destinées  à  Tentretien  de  la  bibliothèque  sont  levées 
dans  le  district  ou  la  commune  qui  possède  l'école  avec  l'autorisation  de 
la  législature  de  l'État.  Malheureusement  l'exemple  donné  par  l'État  de 
iNew  York  n'a  été  que  tardivement  et  très-mal  suivi  par  les  États  voisins.  Le 
rapport  y  attribue  à  deux  causes  la  langueur  dans  laquelle  y  restent  les 
Free  school  libraries,  l'absence  d'un  contrôle  sur  l'emploi  des  fonds,  votés  soit 
par  l'État,  soit  par  le  district,  et  sur  le  choix  des  livres;  et  la  négligence  des 
bibliothécaires  sur  lesquels  ne  pèse  pas  une  assez  lourde  responsabilité: 
les  Free  school  libraries  sont  surtout  des  bibliothèques  rurales. 

{A  suivre.)  J.  Vaesen. 


CHRONIQUE 

Nécrologie.  —  M.  Eugène  Belgrand,  membre  de  l'Institut,  inspecteur  gé- 
néral des  ponts  et  chaussées,  directeur  des  eaux  et  égouts  de  la  ville  de  Paris, 
commandeur  de  la  Légion  d'honneur,  est  décédé  à  Paris,  le  8  avril  dernier, 
après  une  courte  maladie.  Né  à  Champigny  (Côte-d'Or),  le  23  avril  1810,  il 
entra  à  l'École  polytechnique  en  1829  et  en  sortit  dans  le  service  des  ponts  et 
chaussées.  Dès  le  début  de  sa  carrière,  il  sut  éclairer  les  unes  par  les  autres 
les  études  pratiques  de  l'ingénieur  et  les  recherches  théoriques  du  savant. 
Dans  un  premier  travail  sur  l'arrondissement  d'Avallon,  M.  Belgrand  mit 
en  évidence  les  rapports  qui  unissent  la  nature  géologique  du  sol  et  sa 
constitution  plus  ou  moins  perméable  avec  le  régime  des  cours  d'eau  et  le 
développement  de  l'agriculture.  Chargé  plus  tard  (^18o6),  comme  ingénieur 
en  chef,  des  travaux  relatifs  à  la  dérivation  de  la  Dhuys,  puis  de  la  Vanne, 
il  put  étendre  ses  observations  à  l'ensemble  du  bassin  de  la  Seine.  Appli- 
quant alors  à  la  géologie  le  résultat  de  ses  recherches,  il  fut  conduit  à 
attribuer  le  relief  du  bassin  parisien  au  déplacement  violent  d'une  grande 
masse  d'eau,  rasant  les  plateaux  et  creusant  les  vallées;  tandis  que  les 
dépôts  quaternaires  où  se  rencontrent  les  silex  taillés  et  les  ossements 
d'espèces  perdues  lui  apparaissaient,  à  des  degrés  divers,  comme  les 
alluvions  et  les  limons  des  grands  fleuves  de  l'âge  de  pierre  remaniant  leurs 
lits  trop  larges  que  les  sables  et  la  tourbe  venaient  combler.  Par  l'étude 
minutieuse  des  cours  d'eau  et  de  leur  régime  violent  ou  tranquille  suivant 
que  les  versants  sont  imperméables  ou  perméables,  M.  Belgrand  parvint  à 
préciser  la  loi  des  crues  et  organisa  avec  un  jeune  ingénieur,  M.  G.  Lemoine, 
le  service  hydroméirique  :  grâce  aux  observations  faites  en  des  stations  bien 
choisies  du  haut  bassin,  on  peut  prévoir,  quelques  jours  d'avance,  l'arrivée 
des  hautes  eaux,  leur  élévation  probable  et  la  durée  de  leur  passage.  Enfin 
ayant  été  appelé  à  présider  pendant  de  longues  années  aux  magnifiques 


—  464  — 

travaux  souterrains  (eaux  et  égouts)  exécutés  par  la  ville  de  Paris,  M.  Bel- 
grand  avait  pris  à  tâche  de  décrire  ce  que  les  Romains  avaient  fait  en  ce 
genre,  ce  qui  existait  dans  le  vieux  Paris  et  ce  qui  avait  élé  fait  sous  sa 
direction.  Malheureusement  la  plus  grande  partie  des  documents  réunis  pen- 
dant une  vie  entière  consacrée  aux  mêmes  études  ont  été  détruits  en  1871 
dans  l'incendie  de  l'hôtel  de  ville.  Il  avait  fallu  suppléer  par  de  nouvelles 
recherches  à  la  perte  de  ces  précieuses  archives.  Ce  retard  a  empêché  le 
savant  ingénieur  d'achever  la  publication  de  l'œuvre  qu'il  avait  entreprise 
et  qu'un  de  ses  collaborateurs  zélés  pourra  sans  doute  terminer. 

Un  très-grand  nombre  de  notes  et  de  mémoires  de  M.  Belgrand  ont  élé 
insérés  dans  les  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  dans  les  Annales 
des  ponts  et  chaussées,  dans  les  Bulletins  de  la  Société  géologique  et  de  la 
Société  météorologique,  eio,...;  mais  la  plapart  de  ses  travaux  sont  résumés 
dans  les  ouvrages  suivants.  —  Carte  agronomique  et  géologique  de  l'arrondisse- 
ment d'Avallon  {Annuaire  de  V Yonne,  18bl);  —  Hydrologie  du  bassin  de 
l'Yonne  (ibid.);  —  Le  Bassin  parisien  aux  âges  antéhisloriques  (Paris,  impri- 
merie impériale,  1869,  3  vol.  gr.  in-4,  cartes,  coupes,  planches  et  héliogra- 
vures {Histoire générale  de  Paris);  —  Les  Travaux  souterrains  de  Paris  :  I.  La 
Seine;  régime  de  la  pluie,  des  sources,  des  eaux  courantes  j  applications  à 
l'agriculture  (Paris,  Dunod,  1872;  1  vol.  gr.  in-8  et  1  atlas  in-folio  de  73  pi.); 
—  II.  Les  eaux;  les  aqueducs  romains  (Paris,  Dunod,  1875;  1  vol.  gr.  in-8  el 
1  atlas  in-folio  de  12  pi.);  —  I[I.  Les  anciennes  eaux  de  Paris  (Paris,  Dunod, 
1878;  1  vol.  gr.  in-8  et  1  atlas  in-folio  de  29  pi.)  On  lui  doit  aussi  une  Notice 
sur  l'aqueduc  romain  de  Sens,  avec  M.  Julliot  (187o).  Il  faisait  encore  à  l'Aca- 
démie des  sciences,  où  il  avait  succédé  en  1871  à  M.  Duméril,  une  commu- 
nication sur  les  tourbillons  des  cours  d'eau,  dans  la  séance  du  1^''  avril.  — 
A.  D. 

— M.  Jean-Baptiste  Huzard,  membre  du  Conseil  de  salubrité  de  la  Seine, des 
Sociétés  d'agriculture  et  d'horticulture  et  de  l'Académie  de  médecine  de- 
puis 1841,  est  mort  le  7  avril  à  Paris,  où  il  était  né  le  3  janvier  1793.  Il 
était  fils  de  l'ancien  inspecteur  des  écoles  vétérinaires,  et  fut  son  élève  à 
Alfort.  Il  avait  vingt-cinq  ans,  lorsqu'il  publia  son  premier  ouvrage  :  JVo50- 
graphie  vétérinaire  (1818;  2^  éd.  1820,  in-8).  —  On  cite  encore  de  lui  :  De 
la  garantie  et  des  vices  rédhibitoires  dans  le  commerce  des  animaux  domes- 
tiques, avec  Adrien  Harel  (1823,  in-12);  —  Des  haras  domestiques  en  France 
(1829,  in-8,  2°  éd  ,  1841,  augmentée  d'une  étude  sur  les  ïïarax  de  l'État);  — 
Multiplication  des  sangsues  (1841  et  18o4,  in-8);  —  Formation  des  races  che- 
valines (1864,  in-8).  Son  dernier  ouvrage  paru  a  pour  titre  :  Manuel  du  petit 
éleveur  de  poulains  dans  le  Perche., .  (1869,  in-r2).  ~  M.  Huzard  avait  col- 
laboré assidûment  aux  «  Annales  de  l'agriculture  française,  »  et  au  «  Dic- 
tionnaire d'histoire  naturelle,  »  en  26  vol.  in-8. 

—  M.  Charles-Louis-Gaston,  marquis  d'Audiffret,  né  à  Paris  le  10  oc- 
tobre 1787,  ancien  chef  de  bureau  (1812)  et  de  division  (1814)  aux 
Finances  ;  auditeur,  maître  des  requêtes  (1817),  conseiller  d'État  (1828); 
président  de  la  Cour  des  comptes  (1829);  pair  de  France  (1837-1848)  et  sé- 
nateur (18b2)  ;  membre  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques 
(18oo);  président  de  la  Société  de  crédit  commercial  et  industriel  (18o9),  a 
fini  sa  longue  et  féconde  carrière  le  19  avril.  Grand  économiste,  c'est  sur- 
tout à  l'étude  des  finances  qu'il  avait  consacré  son  aptitude  naturelle  pour 
les  affaires.  Nous  devons  citer  de  lui:  Examen  des  revenus  publics  [\'iZ9 , 
in-8);  et  surtout  :  Système  financier  de  la  France  (1840,  2  vol.  iu-8,  3"^  éd., 
1863-187'^,  6  vol.  in-8).  On  a   encore  du    marquis  d'Audrilfet  :  Le  Budget- 


—  46o  — 

(1841,  in-8};  —  Libération  de  la  propriété  (1844,  in-8);  —La  Crise  financière 
(1848,  in-8);  —  Souvenirs  de  V administration  de  M.  de  Villèlc  (18oo,  in-8); 
—  Progrès  du  crédit  public  (1861,  in-8);  —  Service  de  trésorerie  (1870,  in-8). 
C'est  au  marquis  d'Audiffret  que  notre  pays  doit  la  plus  grande  partie  des 
perfectionnements,  réalisés  depuis  1814,  dans  l'organisation  de  la  compta- 
bilité publique  ;  on  lira  avec  profit  ses  rapports,  instructions,  arrêtés  et  or- 
donnances recueillies  comme  OEiivres  choisies  dans  la  «  Collection  des  nou- 
veaux économistes,  »  (1844,  5  vol.  in-8).  Il  a  été  président  de  la  Société  des 
livres  utiles. 

—  M.  Louis-Léonard  de  Loméme,  membre  de  l'Académie  française  (1871), 
né  à  Saint-Yrieix  (Haute-Vienne),  en  1818,  vient  de  mourir  à  Menton, 
le  2  avril.  D'Avignon,  où  il  avait  fait  ses  études,  il  vint  à  Paris,  et  fut  accueilli 
par  le  groupe  de  M"'  Récamier.  Il  avait  à  peu  près  vingt-deux  ans,  lorsqu'il 
entreprit  sa  Galerie  des  contemporains  illustres  par  un  Homme  de  rien  (1840- 
1847,  10  vol.  in-12  avec  portr.),  suivie  plus  tard  de  la  publication,  dans  di- 
vers journaux,  des  biograpbies  intitulées  les  Hommes  de  1789.  Colla- 
borateur de  la  Patrie  et  de  la  Revue  des  Deux  Mondes,  M.  de  Loménie 
avait  publié, dans  ce  dernier  recueil,  les  recherches  qu'il  a  fait  paraître  en- 
suite sons  le  titre  de  :  Beaumarchais  et  son  temps  (1852-1854,  2  vol.  in-8) 
et  des  Études  sur  la  littérature  romanesque  en  France  (1857-1862).  M.  de  Lo- 
ménie, qui  s'était  vu  appelé  à  suppléer  J.  J.  Ampère  dans  la  chaire  de  litté- 
rature du  Collège  de  France,  en  1845,  avait  été  nommé  professeur  de  litté- 
rature à  l'École  polytechnique  en  1862.  —  On  a  encore  de  M.  de  Loménie  : 
La  Comtesse  de  Rochefort  et  ses  amis  dans  la  Revice  des  Deux  Mondes  (1870, 
in-8);  —  Chdteaubriant  et  la  critique  (1861);  —  Chuteaubriant  et  V Académie 
française  (iSGI)  et  Les  Mirabeau  (1870-1873),  1  vol.  in-8),  publié  d'abord 
dans  le  Correspondant;  —  Discours  ^ovlvXb.  réception  de  M.  Jules  Sandeau 
à  l'Académie  française  (1874,  in-8;,  et  des  Notices,  des  Mémoires,  etc.  Il 
avait  traduit  de  l'allemand  de  Gans,  en  1845  :  Histoire  du  droit  de  succes- 
sion en  France  au  moyen  âge  (in-12,  Moquet). 

—  M.  Roch-François-Marie-Nolasque,  baron  de  Guilhermv,  mort  à  Paris, 
le  27  avril,  était  né  à  Londres,  le  18  septembre  1808,  d'une  famille 
d'ancienne  noblesse  française.  Son  père,  victime  des  excès  de  la  première 
Révolution,  s'étai  réfugié  en  Angleterre,  où  il  avait  trouvé  l'accueil  dû  à  sa 
position  sociale  et  à  ses  rares  vertus.  Revenu  en  France  avec  sa  famille, 
lorsque  les  orages  politiques  se  furent  calmés,  le  baron  de  Guilhermy  fit 
d'excellentes  études  au  collège  Henri  IV.  Admis  au  ministère  des  finances, 
en  1829,  il  fut  appelé,  en  décembre  1846,  aux  fonctions  de  conseiller  réfé- 
rendaire de  2*  classe  à  la  Cour  des  comptes,  qu'il  a  remplies  jusqu'à  sa 
mort.  Occupant  noblement  ses  loisirs,  il  s'est  livré  à  des  travaux  iconogra- 
phiques et  archéologiques  d'un  haut  intérêt,  parmi  lesquels  on  doit  placer 
en  première  ligne  ceux  qui  concernent  l'église  de  Saint-Denis.  Dès  1845,  il 
fut  nommé,  à  Toulouse,  correspondant  du  ministre  de  l'instruction  publique 
pour  les  travaux  historiques,  et,  quelque  temps  après,  m.embre  du  Comité 
historique  des  arts  et  monuments,  reconstitué  par  MM.  Fortoul  et  Rou- 
land.  En  1860,  le  baron  de  Guilhermy  fut  également  nommé,  par  décret, 
membre  de  la  Commission  des  monuments  histoiiques  près  le  ministère 
d'Etat.  Il  a  été  chargé,  en  outre,  par  le  minislre  de  l'instruction  publique, 
de  recueillir  et  de  commenter  les  monuments  épigraphiques  de  la  France, 
pour  faire  suite  à  la  publication  des  inscriptions  antiques  des  Gaules,  confiée 
à  M.  Léon  Renier.  Trois  volumes  ont  été  publiés  depuis;  le  quatrième  est 
très-avancé.  L'auteur  en  corrigeait  les  dernières   épreuves   quand  la  mort 

Mai  1878.  T.  XXII,  30. 


—  466  — 

est  venue  le  frapper.  On  lui  doit  :  Monographie  de  l'église  de  Saint- Denis,, 
avec  planches  et  plans  (1847);  —  Itinéraire  archéologique  de  Paris,  avec 
planches,  p^r  Fichot  (18oo); —  Description  de  Notre-Dame^  cathédrale  de 
Paris  (1856);  — la  Sainte-Chapelle  de  Paris  (1857,  in-folio),  et  de  nombreux 
articles  dans  les  Aiinales  archéologiques,  de  Didron,  dans  la  Revue  des  so- 
ciétés savantes,  la  Revue  d'architecture,  le  Bulletin  du  Comité  des  Monuments 
historiques  et  autres  recueils  spéciaux. 

—  M.  l'abbé  Jo-eph-Louis-Aucîuste  Lacurie,  chanoine  honoraire  d«  La 
Rochelle,  est  mort  à  Saintes  le  31  mars.  II  était  né  à  Pons  en  1799.  Il  fit  ses 
études  an  petit  séminaire  de  Saint-Jean-d'Anuély  et  fut  ordonné  prêtre  en 
1822.  Après  plusieurs  années  passées  dans  l'exercice  du  ministère  paroissial, 
il  fut  appelé  au  grand  séminaire  de  la  Rochelle  pour  professer  la  philoso- 
phie. C'est  à  cette  époque  qu'il  éludia  la  langue  hébraïque  et  composa 
même  une  grammaire  de  cet  idiome.  Deux  années  plus  tard,  il  était  atta- 
ché au  collège  de  Saintes  comme  aumôni-^r,  puis,  comme  professeur  de 
philosophie;  à  l'enseignement,  il  joignait  les  œuvres  de  zèle  pour  le  salut 
des  âmes  :  on  lui  doit  la  fondation  d'une  conférence  de  Saint-Vincent 
de  Paul  dans  le  collège,  et  de  conférences  pour  les  gens  de  service.  Bien- 
faiteur des  œuvres  catholiques  en  Orient,  il  fut  nommé  archiprêtre  hono- 
raire de  Cilicie,  chorévêque  du  patriarcat  de  Chaldée  et  chanoine  hono- 
raire de  Smyrne.  Ami  des  arts,  de  l'archéologie  et  de  l'histoire,  il  a  contribué 
à  en  répandre  le  goût  dans  le  diocèse  de  la  Rochelle;  c'est  à  lui  que 
revient  l'honneur  de  la  restauration  «Je  la  crypte  de  Saint-Eutrope  et  une 
grande  part  dans  la  découverte  des  reliques  de  ce  saint.  Il  fut  un  des 
fondateurs  de  la  Société  archéologique  de  Saintes;  il  étnit  un  des  dignitaires 
de  la  Société  française  pour  la  conservation  des  monuments,  membre  de 
l'Institut  des  provinces,  inspecteur  divisionnaire  des  monuments  historiques 
de  la  Charente-Inférieure  et  de  la  Vendée,  président  honoraire  de  la 
Commission  des  arts  et  monuments  de  la  Charente-Inférieure  et  correspon- 
dant de  l'Institut  archéologique  d'Angleterre  et  d'Irlande.  Il  a  été  secrétaire 
du  congrès  archéologique  qui  s'est  tenu  à  Saintes.  La  plupart  de  ses  tra- 
vaux touchent  à  l'histoire  de  la  Saintonge  et  à  l'archéologie.  Cependant  on 
peut  citer  de  lui  une  lettre,  pnbliée  en  1831,  où  il  réfute  les  doctrines  de 
Lamennais,  un  abrégé  du  catéchisme,  une  notice  sur  \d.Sancta  casa  et  même 
des  poésies.  Il  a  publié  :  Tableaux  synoptiques  de  V Histoire  de  France {{828, Saiint- 
Jean-d'Angély,  in-folio);  —  Manuel  du  jeune  archéologue  (1842,  Saint-Jean- 
d'Angély,  in-8)  ;  —  Dissertation  sur  l'entrevue  de  Philippe  le  Bel  et  de  Bertra?id  de 
Got  (1849,  Saintes,  Rose  Scheftler,  in-8);  —  Histoire  de  l'abbaye  de  Maillezais, 
depuis  sa  fondation  jusqu'à  nosjoui's,  suivie  de  pièces  justificatives,  la  plupart 
inédites  (1852,  in-8,  Fontenay-le-Comte);  —  Excursion  archéologique  de  Saintes 
à  Lupon  (1853,  in-8);  — Conseil  pour  l'entretien,  la  décollation  et  l'ameuble- 
ment des  églises  (1865,  la  Rochelle,  in-8};  —  Notice  sur  le  pays  des  Santons;— 
Mémoire  sur  l'amphithéâtre  de  Saintes  ;  —  Monographie  de  Saintes  ;  —  Statis- 
tique monuynentale  de  l'arrondissement  de  Saintes  et  de  l'arrondissement  de  la 
Rochelle;  —  Journal  de  Lcgrix.  —  Plusieurs  discours  et  notes  publiés  dans  le 
Recueil  des  actes  de  la  Commission  des  arts  et  monuments  de  la  Charente» 
Inférieure,  etc.  Il  a  aussi  donné  des  articles  dans  le  Bulletin  monumental  et 
les  Affiches  de  Saint-Jean-d\ingély. 

—  M.  Faustin  Mal.\gutti,  successivement  professeur  de  chimie,  doyen 
et  recteur  de  la  faculté  de  Rennes,  est  mort  au  mois  d'avril.  Il  était 
né  le  15  février  1802,  à  Bologne,  où  il  fit  ses  études;  son  père  était  phar- 
macien dans  cette  ville  ;  ayant  obtenu  le  diplôme  de  cette  profession,  dès 


—  467  — 

leize  ans,  il  dirigea  l'établissement  de  sa  famille.  Ce  furent  les  événements 
)olitiqiiesde  1831  qui  lui  firent  prendre  la  France  p  nir  sfconde  patrie. Gay- 
jussac  l'admit  dans  son  lab  aratoire  et,  après  qu'il  eût  suivi  les  cours  de  l'É- 
;olepo'ytecbnii]ue.le  fit  attacher. comme  chimiste, à  lamanufact  ire  ileSèvres. 
leçu  docteur  es  sciences,  il  obtint,  à  la  suite  d'un  concours,  en  1830.  la  chaire 
le  chimie  de  Rennes.  Il  avait  été  élu  correspondant  de  l'Institut  en  \8oo;  il 
it  ut  depuis  longte  tips  membre  de  l'Académie  des  sciences  de  Turin.  — 
între  autres  ouvrages  remarquables,  on  cite  de  M.  Maligutti  :  Leçons  de 
•Mmic  agricole  (1848-1856,  in-r2);  —  Recherches  sur  l'association  de  l'argent 
iiix  minéraux  métalliques  (avec  M.  Durocher)  ;  —  Leçons  élémentaires  de 
;/iimje(18o3,  2^  éd.,  in-12,  3^  éd.,  1864,  4  vol.  in-12);  — Chimie  appliquée  à 
'.'agriculture  (18o3-18od,  nouv.  éd.  1863,  3  vol.  in-12);  —  Analyse  annuelle 
ies  cours  de  chimie  agricole  professés  à  Rennes  en  1852-1853  (4  broch. 
réunies  en  1  vol.  in-12);  —  Notions  de  chimie  (avec  J.-H.  Fabre).  (1867-1868- 
1869,  3  vol.  in-12);  —  Chimie  organique  (avec  J.-H.  Fabre),  (1870,  in-i8). 
Les  «  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences  »  et  les  «  Annales  de  chi- 
mie et  de  physique  »  contiennent  un  grand  nombre  de  Mémoires  impor- 
tants de  M.  Malagutti. 

—  M.  le  comte  Wolf-Henri- Frédéric-Charles  Baudissin,  qui  vient  de  mourir, 
était  né  le  30  janvier  1789,  à  Rantzau;  il  est  un  des  liitérateurs 
allemands  qui  ont  le  plus  contribué  à  faire  connaître  dans  sa  p  itrie  la  lit- 
térature anglaise.  Après  une  carrière  diplomatique  brillante  au  service 
du  Danemarck,  à  laquelle  il  renonça  cependant  en  1814,  il  s'était  fixé  à 
Dresde,  lorsqu'e:i  1827,  il  s'y  lia  avec  le  poëte  Tieck.  alors  occupé,  avec  sa 
fille  Dorothée  et  A.  Guillaume  Scheleg,  de  la  traduction  en  allemand  des 
œuvres  de  Shakespeare.  M.  de  Baudissin  avait  déjà  publié, en  18 19, une  tra- 
duction de  Henri  VIII;  il  fournit  à  ses  amis,  pour  leur  œuvre,  douze  pièces 
dont  :  Antoine  et  Cléopdtre,  Beaucoup  de  bruit  pour  rien,  les  Joyeuses  com- 
mères de  Windsor,  les  Méprises,  Othello,  Peines  d'amour  perdues,  le  Roi  Lear, 
Titus  et  Andronicus,  Tout  est  bieti  qui  finit  bien,  etc..  —  Il  avait  traduit,  de- 
puis, de  vieux  drames  anglais  que  l'on  trouve  dans  son  ouvrage  :  Ben 
Johnson  et  son  école,  avec  des  commentaires  et  un  aperçu  historique  de  la 
Ijcène  anglaise  (Leipzig,  2  vol.  in-8,  1836);  et,  une  dizaine  d'années  plus 
j;aid,  en  allemand  moderne,  entre  autres  les  deux  anciennes  épopées  ger- 
maniques :  Iwein  avec  le  lion,  de  Hartii;ann  von  der  Aue  (Berlin,  1845),  et 
iWigalois,  de  Wirat  de  Gravenberg  (Leipzig,  1848). 

—  M.  Gabriel-Gustave  de  Wailly,  ancien  maître  des  requêtes  au  Conseil 
l'État,  puis  inspecteur  général  de  la  liste  civile  <lu  roi  Louis-Philippe, 
■-onnu  aussi  comme  auteur  dramatique,  vient  de  mourir  à  Paris,  au  mois 
l'avril,  à  l'âge  de  soixante  ans.  On  a  de  lui  :  Le  Mort  dans  l'embarras,  comédie 
m  trois  actes  (1825);  —  Amour  et  intrigue  (1826).  drame  en  cinq  actes,  en 
'ers,  imité  de  Schiller;  — La  Folle  ou  le  Testament  d'une  Anglaise,  comédie 
in  trois  actes  (1827);  —  de  la  même  année,  L'Oncle  Philibert;  —   puis  :  Ma 

lace  et  ma  femme  (iSiO)  ; —  L'Attente  {[S3S),  drame   en   un  acte,  en   vers, 

laru  sous  le  pseudonyme  de  «  M™'  Marie  Sénan;  »  — Elzéar  Chalamel  ou  une 

assurance  sur  la  vie  (1849),  comédie-vaudeville  en  trois  actes;  —  Monck  ou 

Sauveur  de  VAngleterre  (1850),  comédie  en  cinq  actes;   —  Les  premières 

I  rmes  de  Blaveau   (1852),  comédie-vaudeville,  en  un  acte,  etc  ,  etc. 

—  M.  GuiLLORY  aîné,  mort  à  Angers,  le  16  janvier  1878,  à  l'âge  de  quatre- 

i|iDgt-un  ans,  a  beaucoup  contribué  aux  progrès  de  l'agriculture  et  delavi- 

.culture  en  Anjou,  par  ses  publications  et  par  la  fondation,  en]i830,  de  la 

ociété    industrielle  et  agricole  de  Maine-et-Loire,   qu'il  présida  sans  inter- 


—  468  — 

ruption  de  1830  à  !86o,  et  dont  il  était  président  honoraire  au  moment  de 
sa  mort.  Outre  un  grand  nombre  de  travaux  insérés  dans  le  Bulletin  de 
cette  société  et  dont  il  réunit  les  principaux  en  187o  sous  le  titre  de  Mé- 
langes cV agriculture,  industrie,  sciences  cl  arts  (Angers,  in-8),  il  a  publié  : 
Notice  sur  le  marquis  de  Turbilly,  agronome  angevin  du  dix-huitième  siècle 
(Angers,  in-8,  1849;  2"  édition,  augmentée  d'appréciations  historiques  et 
critiques,  par  MM.  Chevreul  et  P.  Clément,  1868);  —  Les  Vignes  rouges  et  les 
vins  rouges  en  Maine-et-Loire  (in-8,  1861);  — Les  Vins  alimentaires  considérés 
au  point  de  vue  hygiénique  (iQ-12,  1869);  —  Les  Vins  blancs  d'Anjou  et  de 
Maine-et-Loire  (in-12,  1874);  —  Sur  la  viticulture  du  département  de  Maine- 
et-Loire,  d'après  le  docteur  J.  Guyot  (in-8);  —  Le  Calendrier  du  vigneron 
(in-12);  —  Opuscules  relatifs  à  la  viticulture  et  à  la  fabrication  des  vins;  — 
Essai  historique  sur  le  canal  de  Monsieur,  en  A7ijou  (in-8);  —  Le  Congrès  des 
Vignerons  français  (in-8),  recueil  de  rapports  sur  plusieurs  sessions  de  ce 
congrès  dont  il  était  fondateur. 

—  Le  P.  Joseph  Romano,.  mort  à  la  fm  de  mars,  était  né  à  Termini  Ime- 
rese,  en  Sicile,  le  3  janvier  1810.  11  fut  reçu  dans  la  Compagnie  de  Jésus,  le 
1"  février  1824  :  antiquaire  distingué,  il  fut  membre  de  plusieurs  académies 
et  secrétaire  de  celle  de  Palerme.  En  1860,  après  la  révolution  italienne,  il 
se  retira  en  Espagne  et  professa  la  théologie  à  Salamanque.  En  1863,  il 
alla  à  Constantinople,  y  fonda  le  collège  des  Pères-Jésuites  italiens  et  en 
fut  le  premier  recteur.  Voici,  d'après  la  Bibliothèque  des  écrivains  de  la  com- 
pagnie de  Jésus,  la  liste  de  ses  publications.  —  Philosophicorum  selecta  capita 
qux  in  Collegio  Maximo  Societalis  Jesu  Joseph  Romano  ejusdem  societatîs 
publiCcB  disceptationi  proponebat  (Panormi,  lyp.  Solti,  1831  in-8);  — 
Theologicorum  dogmatum  conclusiones  lxxx  ad  disputandum  propositx 
(Panormi,  183o,  in-8);  —  La  scienza  deW  uomo  interiore  e  délie  sue 
relazioni  con  la  natura  c  con  Dio  (Palermo,  1840-1844,  4  vol.  in-12);  — 
Un  dubbio  sulta  esistenza  délie  verita  filosofiche  sciollo  dal  P.  Fr.  Antonio 
Maugere  M.  0.  Messino;  dan?  \a.  Scienza  e  la  fede  (1846);  — Introduzione 
alla  conoscenza  del  moppamondo  e  délia  geographia  di  Sicilia  ad  uso  de' 
fanciulli  délia  prima  classe  nelle  scuole  délia  Compagnia  di  Gcsù  (Palermo, 
1839,  Virzy,  in-12);  —  Elogio  funèbre  del  sacerdote  Giuseppe  Gondolfo 
(1849,  Palermo,  in-8);  —  Meditazione  sopra  i  misteri  de  N.  Signori  VIII  e 
délia  SSma  Vergine,  dans  les  Patriche  cristiane...  (1831,  Palermo,  in-18);  — 
Elementi  di  ftlosofîa  (1833,  Pelermo,  in-8);  —  Sopj^a  un  antica  imagine  che 
esiste  nel  Duomo  di  Monreale  per  Dom.  Bened.  Gravina  Cassinente,  revista  di 
D.  G.  Romano,  dans  la  Revista (\8'6i)  ;  —  Antiche  monetc  Dionisio  /*,  dans  la 
Revista ilS'ôo);  — Deipesie  délie  monete  statiinuso  anticamente  in  Sicilia,  dans 
l3i  Revista  (1834);  — La  Creazione,  quadro  filosofico  del  prof  essore  Carlo  Gemel- 
laro,  dans  le  Poligj^afo  (\8'66);  —  Elogio  funèbre  del  P.  Francesco  Palumbe, 
provinziale  del  tcrzo  ordine  di  S.  Francesco  (Palerma  1858);  — Monete  romano 
sicule  del  municipio  di  Alésa...  dans  les  Atti  delV  Academia  di  scienze  c  belle 
littere  di  Palermo  (1833); —  Iconographia  numismatica  dei  tiranni  di  Siracuza. 
Memoria  letto  ail'  Aciîdemia  di  scienza  (1838);  —  Sopra  alcune  monete 
scoverte  in  Sicilia  (1862  Paris,  Pion,  in-8).  — Il  a  traduit  les  éléments  d'a- 
rithmétique et  d'algèbre  de  Bezout. 

—  Nous  apprenons,  par  la  Revue  historique  archéologique  du  Mat'ne,  la  mort 
de  M.  Louis-François  Pommerais,  curé  de  Pincé,  décédé  le  22  janvier,  auteur 
de  :  Notice  sur  les  vitraux  de  Notre-Dame  de  Sablé  (1830.  Sablé);  —  Le  Pèleri- 
nage de  Notre-Dame  du  Chêne  au  diocèse  du  Mans  (1833,2*  éd.,  Sablé);  — 
Vie  de  sainte  Hyacinthe  MariscoUi  (\8o2,  Sablé).  (Il  a  aussi  donné  des  articles 


—  469  — 

dans  plusieurs  journaux  et  revues  et  laissé  en  manuscrit  quelques  œuvres 
poétiques  et  de  nombreuses  notes. 

—  On  annonce  encore  la  mort  de  M.  Jean-Baptiste-Ernest  Caylus,  ancien 
élève  de  l'École  polytechnique,  et  ancien  correspondant  et  administrateur  du 
National;  il  est  auteur  de  :  Politique  extérieure  des  États-Unis.  Doctrine  Monro'é 
(1865,  in-8);  —  de  M.  Léon  Gaillard,  archiviste  et  lecteur  de  la  Comédie-Fran- 
çaise depuis  IBoo,  né  à  Montpellier  le  H  avril  1810,  et  auteur  de  plusieurs 
œuvres  dramatiques  jouées  à  l'Odéon,  au  Théâtre-Français,  au  Vaudeville  et 
au  Gymnase;  —  de  M.  Riban,  ancien  administrateur  de  la  Patrie,  de  YOpi- 
nion  nationale,  et  en  dernier  lieu  du  Constitutionnel;  — de  M.  Eugène  Gau- 
tier, compositeur  lyrique,  suppléant  plus  d'une  fois  de  Roqueplan  dans  ses 
feuilletons  musicaux,  auteur  lui-même  de  souvenirs,  Un  musicien  en  vacances 
(1873,  in-8)  ;  mort  prématurément  le  3  avril,  alors  qu'il  travaillait  au  2^  vo- 
lume d'une  Histoire  générale  de  la  musique;  —  de  M.  Eugène  de  Ligondès, 
collaborateur  pour  la  science  météorologique  du  Moniteur  universel,  de  la  Pe- 
tite  Presse  et  de  plusieurs  autres  journaux;  —  de  M.  le  D""  Bouchard,  membre 
de  l'Académie  de  Mâcon,  mort  dans  cette  vill-^  le  8  avril  à  l'âge  de  soixante- 
seize  ans,  praticien  aussi  modeste  qu'instruit  en  même  temps  que  poëte  ai- 
mable. Les  Annales  de  l'Académie  de  Mâcon,  ainsi  que  le  Journal  deSaone-et- 
Loireont  publié  plusieurs  de  ses  compositions;  —  de  M.  Auguste  Rougevin, 
ancien  architecte  de  l'hôtel  des  Invalides,  fondateur  du  prix  Rougevin  à 
l'Ecole  des  beaux-arts  ;  —  de  M.  Amand  Vignal,  mort  à  Paris  le  22  avril,  né  à 
Aubenas  (Ardèche)  en  1824  :  il  cultivait  la  poésie,  se  livrait  à  l'enseignement 
et  se  faisait  remarquer  par  ses  idées  démocratiques  et  irréligieuses.  lia  donné 
plusieurs  recueils  de  poésie;  — de  M.  Adolpbe  Joly,  secrétaire  de  la  rédaction 
de  Y  Orchestre,  homme  de  lettres,  auteur  dramatique,  professeur  de  langues 
étrangères;  —  de  M.  AndersEidvinson  Vang,  né  en  1795;  casseur  de  pierres, 
puis  maître  d'école,  il  fut  poussé  par  son  goût  vers  la  littérature  et  a  recueilli 
les  légendes  et  les  chants  populaires  de  la  Norwège,  dont  il  a  publié  plusieurs 
collections;  il  a  écrit  aussi  son  autobiographie  en  1870;  —  de  M.  le  D"" 
HoFFMAN,  décédé  à  Leyde;  il  est  l'auteur  d'un  dictionnaire  japonais  et  d'une 
grammaire  japonaise  à  l'usage  des  Anglais  et  des  HoUaadais  ;  associé  à  la 
publication  des  archives  de  Nippon  et  interprète  du  gouvernement  hollandais 
pour  les  langues  japonaise  et  chinoise;  —  de  M.  Teuffel,  professeur  à  l'Uni- 
versité de  Tubingue,  philologue  allemand,  auteur  d'une //isiou-e  de  la  littéra- 
ture  romaine,  d'articles  dans  l'Encyclopédie  de  Pauly,  de  monographies  sur 
des  sujets  de  littérature  moderne;  il  préparait  une  histoire  de  la  littérature 
grecque  qui  est  restée  inachevée;  —  de  M.  A.  Forbiger,  auteur  du  Handbuch 
der  alten  géographie  ;  —  de  M.  Wilson,  directeur  du  Chicago  Evening  Journal , 

—  de  M.  C.-W.  GooDwiN,  juge  à  Shanghaï,  égypotologue  distingué,  auteur 
d'ouvrages  et  d'articles  publiés  dans  les  revues  scientifiques;  —  du  colonel 
T. -G.  MoNTGOMERiE,  célèbre  par  ses  explorations  scientifiques  dans  l'Inde  et 
l'Asie  ceatrale;  —  de  M.  Nicole-Âlexander  Dolzell,  ancien  conservateur 
des  forêts  à  Bombay,  auteur  de  la  Flore  de  Bombaxj  {['&%{),  mort  à  Edimbourg; 

—  de  Brisk-AUah  IIassoun,  d'Alep,  savant  et  poëte  arabe  ;  —  de  M.  Ernest 
'  Grossebach,  professeur  de  philosophie  et  de  littérature  allemande, à  Lucerne  ; 

auteur  d'un  cours  sur  l'esthétique   et  Thistoire  littéraire  qui  n'a  pas  été 

j  publié. 

j  Institut.  —  Académie  française,  —  L'Académie  française  vient  de  statuer 
définitivement  sur  quatre  de  ses  principaux  concours  pour  l'année  1878.  Le 
grand  prix  Gobert  a  été  décerné  à  M.  R.  Chantelauze,  pour  un  ouvrage  sur 
'  '  Cardinal  de  Retz  et  Vaffaire  du  chapeau.  Le  second  prix  Gobert  a  été  attri- 


—  470  — 

bué  à  un  travail  de  M.  L.  Pingaud,  intitulé  :  les  Saulx-Tamnnes  et  Corres- 
pondance de  Saulx-Tavannes  au  seizième  siècle.  —  Concours  Thérouanne  : 
Une  moitié  de  ce  prix  a  été  décernée  à  M.  H.  Forneron  pour  son  ouvrage 
sur  les  Ducs  de  Guise  et  leur  époque.  L'autre  moitié  a  été  partagée  par 
portions  égales  enre  les  deux  livres  suivants  :  Alain  le  Grand,  par  M.  A. 
Luchaire,  et  la  Fronde  angevine,  par  M,  A.  Debidour.  —  Concours  Bordin  : 
Un  prix  de  deux  mi  le  francs  a  été  décerné  à  iM .  Gustave  Me;  let,  pour  un 
ouvrage  intitulé  :  Tableau  de  la  litlérature  française,  IS'iO  à  1815.  —  Un 
autre  prix  de  mille  francs  a  été  attribué  à  M.  le  comte  de  Gobineau,  pour 
son  livre  sur  la  Renaissance.  —  Concours  Mircelin  Guérin  :  Un  prix  de 
deux  mille  francs  a  été  décerné  à  M.  Alfred  Rambaud  pour  uue  Histoire  de 
la  Russie,  depuis  ses  origines  jusqu'à  Vannée  1877.. —  Trois  autres  prix  de 
mille  francs  ch^ique  ont  été  accordés  :  A  M  Hippeau,  pour  un  mémoire  sur 
V Instruction  publique  dans  les  États  du  nord.  A  M.  H.  Jouin,  pour  une  étude 
sur  David  d'Angers.  Et  à  M.  Rambosson  pour  un  traité  scientifique  sur 
les  Harmonies  du  son  et  les  inslrumenls  de  musique. 

Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  La  séance  publique 
annuelle  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  a  eu  lieu  à 
l'Institut,  sous>  la  présidence  de  M.  Vuitry,  le  6  avril.  Après  le  discours 
de  M.  le  président  annonçant  les  prix  «iécernés  et  les  sujets  de  prix  pro- 
posés, M.  Cil.  Giraud,  membre  de  l'Académie,  doyen  de  la  section  de 
législaiion,  a  lu  une  notice  historique  sur  la  vie  et  les  travaux  de 
M.  Bérenger,  membre  de  l'Académie.  Le  prix  Bordin  a  été  décerné  à 
MM.  D^^sdouits  et  Liard  (voir  t.  XX,  p.  173).  Pour  le  prix  du  budget, 
l'Académie  avait  proposé,  pour  le  31  mars  1876  et  prorogé  au  31  mars 
1878,  le  sujet  suivant  :  De  la  philosophie  de  V École  de  Padoue.  Ce  prix  est 
de  la  valeur  de  1,500  fr. 
L'Académie  rappelle  qu'elle  a  proposé,  pour  l'année  1879,  le  sujet  suivant  : 
«  Exposer  et  discuter  les  doctrines  philosophiques  qui  ramènent  au  seul 
fait  de  l'association  les  facultés  de  l'esprit  humain  et  le  moi  lui-même. 

u  Rétablir  les  lois,  les  principes  et  les  existences  que  les  doctrines  en 
question  tendent  à  dénaturer  ou  à  supprimer.  » 

Faculté  des  lettres.  —  M.  l'abbé  Variot,  directeur  de  l'École  Bossuet,  a 
soutenu,  le  13  avril,  à  Lyon,  ses  thèses  pour  le  doctorat  es  lettres.  Les 
sujets  étaient  :  De  Plinio  Juniore  et  imperatore  Trajano  apud  christianos,  et 
de  christianis  apud  Plinium  Juniorem  et  imperatorem  Trajanum.  —  L'His- 
toire littéraire,  la  forme  primitive  et  les  transformations  des  Évangiles 
apocryphes . 

Réunion  des  sociétés  savantes  a  la  Sohbonne.  —  La  réunion  des  délégués 
des  sociétés  savantes  des  départements  s'est  ouverte  à  la  Sorbonne  le 
24  avril  par  un  discours  de  M.  Mil  ne-Edwards,  président  de  la  section  des 
sciences.  Voici  la  liste  des  principales  lectures  qui  y  ont  été  faites  : 

Dans  la  section  d'hisoire  et  de  philologie  :  La  vérité  sur  la  mort  de  Richard 
Cœur-de-Lion,  par  M.  l'dbbé  Arbellot  ;  —  La  Législation  des  petites  écoles,  par 
Mj  Maggiolo  de  l'Académie  de  Stanislas;  —  La  Mort  de  François  I^'  et  l'a- 
vénement  de  Henri  II  d'après  les  dépèches  secrètes  de  l'ambassadeur  impérial 
Jean  de  Saint- Mauris,  par  M.  Cistan,  secrétaire  de  la  Société  d'émulation  du 
Doubs;  —  Le  Guet  et  la  milice  bourgeoise  à  Troyes,  pir  M.  Albert  Babeau;  — 
L'Espagne  a-t-elle  exercé  une  influence  artistique  dans  les  Pays-Bas,  par  M.  l'abbé 
Dehaisnes;  —  Le  Commerce  de  la  boulangerie  à  Amiens  au  quinzième  siècle, 
fragment  d'une  étude  sur  l'alimentation  d'une  grande  cité,  par  M.  le  baron  de 
Galonné  ;  —  La  Guerre  de  Cent  ans  et  le  comte  de  Richemont,  par  M,  Guyot-Jo- 


—  471  — 

mard;  — Le  Chevalier  de  Méré,  seigneur  de  Plassac  en  Saintonge,  par  M.  Jouan; 

—  Lieu  de  naissance  de  Charles  de  Saint-Maure,  duc  de  Montausier,  par 
M.  Pelisson;  —  Deux  lettres  inédites  de  la  princessse  Palatine,  mère  du  régent, 
par  M.  Ga'slé  ;  —  Notes  biographiques  sur  le  vicomte  Guillaume  de  Joyeuse, 
lieutenant  au  gouvernement  du  Languedoc,  par  M.  Fi';dié,  de  Carcassonne;  — 
Le  Bouclier  d'état  et  de  justice  du  baron  de  Lisola,  par  M.  Reynald,  professeur 
à  la  faculté  des  lettres  d'Aix;  —  Le  Capitaine  de  la  ville  et  les  abbcs  de  jeu- 
nesse dans  les  communes  de  la  haute  Provence,  par  M.  de  Berluc-Perriissis;  — 
Un  bibliophile  au  quinzième  siècle,  étude  suj'  les  lettres  dePhilelphe,  par  M  Fier- 
ville,  de  Saint-Brieuc;  — Jean  Bologne,  sa  vie,  d'après  des  documents  iné- 
dits, par  M.  Abel  Desjardins,  doyen  de  li  faculté  de  Douai;  —  Hugues  de 
Lionne,  d'après  des  publications  récentes,  par  M.  Macé  de  Lépinoy,  doyen  de 
la  faculté  de  Grenoble;  —  Lettres  inédites  de  Victor-Amédée  II,  duc  de  Sa- 
voie et  de  la  duchesse  de  Bourgogne,  sa  fille,  par  M.  Combes,  professeur  à  la 
faculté  des  lettres  de  Bordeaux;  —  La  Polyptique  de  Vuadalde,  étudiée  axi 
point  de  vue  de  la  condition  des  personnes,  aux  huitième  et  neuvième  siècles,  par 
M.  Blancard,  de  Marseille;  — V Armée  anglaise  au  siège  d'Orléans  en  1429, 
d'après  les  documents  anglo-normands,  inédits,  par  M.  Bouclier  de  Molandon; 

—  Bu  droit  d' emmortgagement  ou  vente  à  titre  de  mortgage,  usité  autrefois 
dans  le  pays  de  Saint-Amand,  en  Flandre,  par  M.  Thellier  de  Ponclieville. 

Dans  la  section  d'archéologie,  nous  citerons  les  communications  de  M. 
Adolphe  de  Dion  sur  quelques  châteaux  des  environs  de  Paris,  antérieurs  au 
règne  de  Philippe-Auguste;  — de  M.  Borel,  sur  la  découverte  des  ruines  d'un 
édifice  romain  et  de  celle  d'une  église  des  pre'jaiers  t^^mps  du  christianisme 
sur  l'intérieur  de  l'église  de  Saint-Martin,  à  Aime  (Savoie),  —  de  M.  G. 
George,  sur  les  habitations  grecques  dans  les  temps  héroïques  et  dans  li-s 
temps  historiques;  —  de  M.  l'atibé  Renet,  sur  les  fouilles  exécutées  par 
M.  l'abbé  Hamard,  à  Hermès  (Oise);  —  de  M.  Bulliot  sur  les  loges  des 
frondeurs  nomades  à  la  fuire  de  Bibr^cte;  —  de  M.  Quintard,  ?ur  le  ci- 
metière franc  du  Champ-des-Tombes  à  Pompey  (Meurthe-et-MosnlIe)  ;  —  de 
M.  Charles  Robert,  de  l'Institut,  sur  une  fibule  mentionnée  par  M.  Quintard 
dans  le  mémoiie  précédent;  —  de  M.  Morel,  sur  le  cimetière  gaulois  de 
Summe-Bionne  ;  —  de  M.  Lémarié  sur  le  puits  du  pilori  à  Saint-Jean-d'An- 
gély;  —  de  M.  le  0''  Mougin,  sur  le  cimetière  gaulois  de  Charvais,  com- 
mune d'Heiltz-l'Évêque  (M.irne)  ; — de  M.  Reboux,  sur  l'ambre  préhistorique; 

—  de  xM.  Edouard  F^leury-sur  les  cinq  grandes  sépultures  mixtes  de  Verly, 
Caranda,  Chassemy,  Sablonières  et  Arcy-Sainle-Restitue  (Aisne)  ; —  de  M.  le 
baron  de  Wismes,  sur  un  coffret  de  bois  revêtu  de  cuir  de  sa  collection;  — 
de  M.  Auguste  Nicaise,  sur  le  tumulus  de  Hamant  (Marne);  — de  M.  Ed. 
Fourdrignier  sur  la  peinture  des  vases  et  l'ornementatioa  à  enroulements 
chez  les  Gaulois  de  la  Marne;  —  de  M.  Voulot,  cunservateur  du  musée  d'Épi- 
nal,  sur  une  roche  qui  parait  avoir  servi  de  pierre  à  sacrifice  ;  —  de  M.  Clé- 
ment Simon,  procureur  général  à  Aix,  sur  une  statue  mitriaque,  décou- 
verte dans  le  département  du  Gers  ;  —  de  M.  l'abbé  Richard,  sur  la  décou- 
verte d'une  excavation  à  Tesson  (Charente-Inférieure);  —  de  M.  Godard- 
Faultrier,  sur  les  croix  en  forme  d'X  de  divers  cercueils  de  pluinb 
au  quatrième  siècle  ;  —  de  M.  Gratien-Charvet  sur  les  découvertes  faites  en 
187f)  et  1877  dans  la  source  antique  des  Fumades;  —  de  M.  Hayaux  du  Tilly, 
sur  les  vases  trouvés  à  Vicarello  près  de  Rome. 

Dans  la  section  des  beaux-arts,  nous  citerons  les  communications  de 
M.  Charvet,  sur  les  Origines  de  l'enseignement  public  des  arts  du  dessin,  à 
Lyon;  —  de  M.  Noël,  d'Orléans,  sur  les  Arts  industriels  au  moyen  âge  et  à 


—  472  — 

l'époque  moderne;  —  de  M.  de  Berlue-Perussis,  sur  les  Travaux  de  V Académie 
dAix  relatifs  aux  heaux-arts  de  1808  «  1878;  —  de  M.  E.  Jolibois,  sur  Vlnven- 
taire  des  richesses  de  l'art  dans  le  Tarn;  —  de  M.  Yéron,  directeur  de  l'école 
des  beaux-arts  de  Poitiers,  sur  le  Peintre  sculpteur  et  le  Sculpteur  peintre;  — 
sur  Le  grand  art  et  sa  mission;  —  sur  le  Musée  de  Poitiers;  —  de  M.  l'abbé 
Julien  Laferrière,  sur  l'art  en  Suintonge  et  en  Aunis;  —  de  M.  Brocard,  sur 
les  origines  de  la  Société  archéologique  de  Langres;  —  de  M.  Parrot,  sur  les 
richesses  artistiques  de  Notre-Dame  de  Behuard,  en  Anjou;  —  de  M.  l'abbé 
Cheyssac,  sur  une  peinture  murale  de  l'église  de  Cumont  (Dordogne);  — 
de  M.  le  chanoine  Deshaines,  sur  l'inventaire  des  richesses  d'art  dans  le  dépar- 
tement du  Nord;  —  de  .M.  Marionneau,  de  Nantes,  sur  l'architecte  Louis;  — 
sur  les  lettres  inédites  du  Frère  André,  dominicain,  peintre  du  dix-huitième 
siècle  ;  —  de  M.  George,  de  Lyon,  sur  V  Habitation  dans  l'Assyrie  et  le  Babylonie 
antique;  —  de  M.  Braquelaye,  sur  la  fondation  de  l'Ecole  académique  de 
peinture  et  de  sculpture  de  Bordeaux;  —  de  M.  de  Saporta,  sur  les  travaux 
de  l'Académie  d'Aix,  au  point  de  vue  de  l'inventaire  des  richesses  d'art; 
—  de  M.  l'abbé  Juleau,  sur  l'église  des  Minimes  à  Tours;  —  de  M.  Sicard, 
sur  les  origines  de  la  Société  de  statistique  de  Marseille;  —  de  M.  Vidal,  de 
Marseille,  sur  les  dernières  applications  de  la  photographie  à  la  reproduc- 
tion des  œuvres  d'art;  —  de  M.  de  Parroul,  sur  l'importance  des  artistes 
provençaux  dans  l'antiquité;  —  de  M.  Bulliot,  sur  les  origines  de  la  Société 
éduenne;  —  de  M.  A.  Durieu,  sur  la  section  des  beaux-arts  de  la  Société 
d'émulation  de  Cambrai. 

Dans  la  section  des  sciences,  nous  relevons  les  communications  de  M.  le 
Dr  Lemoine,  de  Reims,  sur  des  pièces  osseuses  recueillies  dans  les  terrains 
tertiaires  inférieurs  des  environs  de  Reims;  —  de  M.  Lichtenstein,  de  Mont- 
pellier, sur  la  génération  des  pucerons;  —  de  M.  Lechartrier,  professeur  à 
la  faculté  des  sciences  de  Rennes,  sur  la  condition  des  eaux  de  sources  et  de 
rivières  dans  le  département  d'IIle-et- Vilaine  ;  —  de  M.  Rolland-Banès.  du 
Havre,  sur  les  moyens  de  prévenir  les  explosions  de  grisou  dans  les  mines 
de  houille;  — de  M.  Morière,  sur  les  fossiles  du  grès  armoricain  de  Bagnoles 
(Orne); — de  M.  Pierre  Faivre,  de  Chalon-sur-Saône,  sur  la  préparation  du 
miel  et  de  la  cire;  —  de  M,  Dieulafait, de  Marseille,  sur  les  métaux  rares  dans 
les  mers  modernes  et  dans  les  mers  anciennes;  —  de  M.  A.  Sicard,  surun 
semis  d'épongés  recueillies  à  Bengazi  ;  — de  MM.  E.  Filhol  et  Garrigou,  sur 
les  analyses  d'eaux  minérales;  —  de  M.  Gosselet,  de  la  faculté  des  sciences  de 
Lille,  sur  les  changements  orographiques  survenus  dans  le  nord  de  la 
France  depuis  l'invasion  romaine  ;  —  de  M.  Hébert,  de  Moulins,  sur  les  grands 
mouvements  de  l'atmosphère;  —  de  M.  Scheneider,  de  la  faculté  des  sciences 
de  Poitiers,  sur  lesRhizopùdes  terricoles;  —  de  M.  Alluard,  de  la  faculté  de 
Clermont,  sur  un  nouvel  hygromètre  à  condensation;  —  de  M.  Duclaux,  de 
Clermont-Ferraud,  sur  le  développement  des  œufs  de  ver  à  soie;  —  de 
MM.  Olivier  et  Alluard,  sur  le  téléphone;  —  de  M.  l'abbé  Vassart,  de  Roubaix, 
sur  l'unification  de  l'heure  des  horloges  publiques;  —  de  M.  Lory,  de  Gre- 
noble, sur  les  massifs  centraux  des  Alpes;  — de  M.  Leymerie,  sur  la  géologie 
et  la  paléontologie  des  Pyrénées  de  la  Haute-Garonne;  —  de  M.  Sirodot, 
sur  les  recherches  pour  fixer  l'âge  géologique  du  gisement  préhistorique  de 
Mont-Dol;  —  de  M.  Rey-Lesciire,  sur  les  terrains  jurassiques  et  leur  disloca- 
tion dans  le  Quercy;  —  de  M.  le  D'  Paul  Fabre,  de  Gannat,  sur  les  conditions 
hygiéniques  des  houillères;  —  de  M.  E.  Marchand,  de  Fècamp,  sur  les  pro- 
cédés employés  pour  faire  l'examen  chimique  du  lait;  — de  M.  Cotteau,  sur 
les  échinides  du  calcaire  grossier  de  Moi^s  (Belgique). 


—  473  — 

Dans  la  se:;tion  des  mathématiques,  on  a  entendu  des  lectures  de  M.  Gruey 
de  la  faculté  de  Clermont,  sur  la  Distribution  par  groupes  géométriques  des 
accélérations  d'un  solide  en  mouvement  ;  —  de  M.  Délègues,  sur  deux  formules 
nouvelles  pour  la  résolulion  très-approchée  des  équations  numériques  du 
troisième  degré,  dans  le  cas  irréductible;  —  de  M.  Mathieu,  de  Rennes,  sur 
le  refroidissement  d'un  corps  indéfini  terminé  par  un  plan  ou  par  une 
sphère;  —  de  M.  Sawicki,  sur  les  marées. 

Congrès.  —  Le  Congrès  Bibliographique  international,  organisé  sous  la 
direclion  de  la  Société  Bibliographique  se  tiendra  à  Paris,  du  1"  au 
4  juillet,  dans  le  local  de  la  Société  d'horticulture,  82,  rue  de  Grenelle.  Ce 
congrès  a  pour  objet  l'étude  de  tout  ce  qui  se  rattache  :  1°  au  mouvement 
scientifique  et  littéraire  depuis  dix  ans;  2o  aux  publications  populaires; 
3"  à  la  bibliographie  proprement  dite  ;  4°  aux  sociétés  et  relations  inter- 
nationales. 

Société  de  l'Histoire  de  Fraxce.  —  L'Assemblée  générale  de  la  Société 
de  l'histoire  de  France  a  eu  lieu,  le  mardi  7  mai,  sous  la  présidence  de 
M.  le  marquis  de  Chantérac,  président.  Après  le  discours  de  M.  le  prési- 
dent et  le  rapport  de  M.  Jules  Desnoyers,  secrétaire,  sur  les  travaux  de  la 
Société  depuis  la  dernière  assemblée  générale,  on  a  entendu  une  intéres- 
sante lecture  de  M.  Siméon  Luce  sur  te  Maine  sous  la  domination  anglaise 
en  1433  et  1434.  Ont  été  réélus  membres  du  Conseil  :  MM.  Desnoyers,  E.  Du- 
pont, Lacabane,  Laloy,  de  Luçay,  de  Mas-Latiie,  Mignet,  Picot,  membres 
sortants;  MM.  Léon  Gautier,  le  duc  de  la  Trémoille  et  J.-E.  de  Rothschild 
ont  été  élus  en  remplacement  de  MM.  Thiers,  Boutaric  et  de  Godefroy- 
Ménilglaise,  décédés. 

Association  podr  l'enseignement  des  études  grecques.  —  L'Association 
pour  l'encouragement  des  études  grecques  en  France  a  tenu  sa  séance 
publique  annuelle  au  palais  des  Deaux-Arts,  sous  la  présidence  de  M.  Chas- 
sang,  inspecteur  général  de  l'Université,  président  sortant.  Après  un  dis- 
cours de  M.  Chassang,  M.  Alfred  Croiset,  secrétaire,  a  lu  un  rapport  sur  les 
travaux  de  la  Société  et  proclamé  les  prix  décernés  pour  les  concours  de 
1877-1878.  Le  prix  de  l,00ù  francs,  fondé  par  M.  Cristaki-Zographos,  a  été 
obtenu  parle  Bulletin  de  correspondance  hellénique,  recueil  franco-grec  fondé 
sous  les  auspices  de  noire  école  française  d'Athènes,  par  l'initiative  de  son 
nouveau  directeur,  M.  Albert  Dumont;  un  prix  de  500  fr.  (fondation  de 
M°°  veuve  Deville),  au  discours  véritable  de  Celsus,  reconstitué  sous  la  forme 
d'une  traduction  française,  par  M.  Aube,  professeur  de  philosophie  au 
lycée  Fontanes  ;  —  le  prix  ordinaire  de  500  fi'.  à  M.  Victor  Pron,  ingénieur 
civil,  pour  son  travail  de  restitution  de  la  Chirobaliste  d'Héron  d'Alexandrie. 
L'Assemblée  a  entendu  ensuite  la  lecture  d'un  intéressant  mémoire  de 
M.  Lallier,  professeur  à  la  faculté  des  lettres  de  Toulouse,  sur  les  traditions 
judiciaires  athéniennes  conservées  dans  le  Phormion  de  Tréno.  Le  bureau  de 
l'association  a  été  reconstitué  comme  suit  :  président  honoraire,  M.  Egger; 
président  annuel,  M.  Foucart;  vice-présidents,  M\L  Gidel  et  Dareste;  secré- 
taire, M.  A.  Croisit  ;  secrétaire  adjoint,  M.  le  marquis  de  Queux  de  Saint- 
Hilaire;  trésorier,  M.  Pépin  Lehalleur;  trésorier  adjoint,  M.  Em.  Legrand. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Dans 
la  séance  du  5  avril,  M.  Edmond  Le  Blant  a  communiqué  une  note  de 
M.  Prost  sur  la  découverte  de  fragments  d'un  monument  antique  à  Merten 
(Alsace-Lorraine).  M.  Léon  Heuzey  a  donné  lecture  d'une  note  de  M.  Du- 
mont, directeur  de  l'École  d'Athènes,  sur  une  sculpture  ancienne  découverte 
à  Tanagre,  en  Béotie.  M.  Pavet  de  Courteille  a   communiqué   une    note  de 


—  474  — 

M.  Dabry  de  Thiersant,  sur  Chen-Chen,  ville  du  Turkeslan-Oriental.  —  Dans 
les  séances  des  ri  et  12  avril,  M.  Benlœw,  professeur  de  rUniversilé,  a  com- 
muniqué un  mémoire  sur  la  langue  albanaise. — Dans  les  séances  des  12  et  17, 
M.  J.  Halévy  a  lu  un  travail  sur  l'inscripiion  phénicienne  de  la  stèle  de 
Byblos.  —  Dans  la  même  séance,  M.  Léopold  Delisle  a  communiqué  une 
note  sur  une  bible  appartenant  au  trésor  de  la  cathédrale  du  Puy  ;  M.  Dubois, 
professeur  à  la  faculté  de  droit  de  Nancy,  a  communiqué  un  travail  sur  les 
rapports  entre  les  Sénones  gaulois  et  les  Ananes,  les  Agaunes  et  autres 
peuples.  —  Hans  la  même  séance,  M.  Fr.  I.enormant  a  donné  lecture 
d'un  mémo  re  sur  les  magistrats  mimétaires  de  l'antiquité. —  Dans  la  séance 
du  26,  M.  Casati  a  donné  communication  d'une  étude  sur  les  principaux 
musées  archéologiques  et  bistoiiques  de  l'Europe;  M.  Miller  a  signalé  la 
découverte  qu'il  vient  de  faire  d'une  pièce  du  treizième  siècle,  relative  à  la 
susception,  par  saint  Louis,  des  saintes  reliques  de  le  Passion  ;  M.  Paulin 
Paris  a  fait  une  communication  sur  un  beau  manuscrit  du  neuvième  siècle, 
envoyé  par  la  ville  d'Épernay  à  l'Exposition;  M.  Ernest  Renan  a  fait  une 
communication  sur  une  inscription  latine  trouvée  à  Rome. 

Lectures  faites  a  l'Acadéuie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  Dans 
la  séance  du  13  avril,  M.  Aucoc  a  achevé  la  lecture  de  son  mémoire  sur  les 
recours  pour  abus  de  pouvoir  devant  le  Conseil  d'Etat. — Dans  les  séances 
du  13  et  du  27,  M.  Bau  Jrillart  a  lu  un  nouveau  fragment  de  son  rapport 
sur  la  condition  des  populations  agricoles  en  Normandie.  —  Dans  la  séance 
du  27,  il  a  été  donné  lecture  d'une  note  de  M.  Drouyn  de  Lbuys  sur  la  So- 
ciété des  prisons  à  Philadelphie. 

Bibliographie  des  beaux-arts.  —  Le  deuxième  fascicule  de  la.  Bibliographie 
des  beaux-arts,  entreprise  par  M.  Ernest  Vinet,  bibliothécaire  de  l'École  des 
beaux-arts,  a  récemment  vu  le  jour  {Paris,  Finnin-Didot  et  C'%  in-8,  viii  et 
pag.  186-328)  ;  la  mort  est  venue  inopinément  frapper  M.  Vinet  (le  10  février) 
au  moment  où  il  s'occupait  avec  ardeur  d'achever,  le  grand  travail  auquel 
il  consacrait  les  soins  les  plus  attentifs,  mais  il  laisse  de  précieux  matériaux, 
et  grâce  au  dévouement  de  zélés  continuateurs,  l'œuvre  sera  menée  à  bonne 
fin.  L'histoire  générale  de  l'art,  l'archéologie  classique  (monuments  de  divers 
genres,  vases  peints,  pierres  gravées,  etc.),  l'archéologie  du  moyen  âge 
(œuvres  d'art,  orfèvrerie,  costumes,  etc.),  telles  sontles  divisions  qu'embrasse 
le  fascicule  placé  sous  nos  yeux:  les  tit  es  des  ouvrages,  transcrits  avec  une 
minutieuse  exactitude,  sont  accompagnés  de  renseignements  bibliographi- 
ques et  presque  toujours  de  notes  qui  indiquent  le  plus  ou  moins  de  mérite 
de  ces  publications. 

La  Bibliographie  des  beaux-arts  est  imprimée  avec  tout  le  soin  qui  carac- 
térise les  publications  de  la  maison  Didot;  nous  n'affirmerons  pas  qu'elle 
est  exempte  de  toute  faute  d'impression,  mais  nous  pouvons  dire  du  moins 
que,  dans  le  cours  de  notre  lecture,  nous  n'en  avons  pas  renc  ntré  une 
seule.  Exprimons  toutefois  le  regret  qu'on  ait  choisi  pour  l'impression  des 
notes  un  caractère  minuscule,  bien  peu  ami  de  l'œil.  — B. 

Les  Livres  anglais  en  1877.  —  Le  Publisher's  Circular  contient  quelques 
ch  ffres  intéressants  sur  le  comTierce  des  livres  dans  le  Rjyaume-Uai  en 
1877.  Malgré  l'atunie  presque  générale  des  aff  ares,  on  remarque  une  légère 
augmentation  sur  les  années  piécédentes  dans  le  nombre  des  livres  publiés 
l'année  dernière  en  Angleterre.  1873  avait  fourni  un  totdl  de  4,854  ;  1876,  de 
4,888;  on  trouve,  en  1877,  5,095  livres  inscrits  au  Row  ou  Statio)ier' s  Hall  Court 
de  Londres.  Les  ouvrages  de  théologie  figurent  pour  485  ;  ceux  d'éducation, 
de  philologie  pour  539,  contre  470  en  1876.  Les  livres  destinés  à  la  jeunesse 


—  475  — 

sont  portés  pour  522.  Les  ouvrages  de  fiction  ont  atteint  le  chiffre  de  8b4  ;  ceux 
de  jurisprudence,  celui  de  118.  L'économie  politique  comprend  un  total  de 
189  publications  nouvelles;  les  beaux-arts,  les  sciences  et  les  livres  illustrés 
donnent  le  raê  ne  chiffre  de  189;  l'histoire,  la  biographie,  celui  de  373  ;  les 
voyages,  la  géogr.iphie,  209  ;  la  poésie,  le  drame,  o72;  la  médecine,  213;  les 
monographies,  brochures,  essiis,  588. 

La  Presse  catholique.  —  Une  revue  de  la  presse  périodique  catholique  est 
publiée  à  Wurzbourar  depuis  deux  années.  En  1878,  elle  embrasse  un  champ 
plus  large,  s'étendant  non-seulement  à  l'Europe,  mais  encore  à  toutes  les 
contrées  de  l'univers.  L'auteur  joint  à  son  catalogue  des  observations  cri- 
tiques, et,  toutes  les  fois  que  cela  est  possible,  le  chiffre  du  tirage  pour 
chaque  publication.  On  peut  juger  ainsi  quelle  est  l'activité  des  amis  de 
l'Eglise.  Pour  l'Allemagne,  c'est  en  Bavière  que  la  presse  catholique  est  la 
plus  tlorissante  :  elle  y  compte  76  organes  et  près  de  4  millions  d'abonnés. 
Il  est  à  remarquer  que  le  nombre  des  champions  du  catholicisme!  croît,  dans 
un  pays,  en  proportion  des  efforts  du  culturkampf.  Par  exemple,  le  million 
de  Suisses  catholiques  compte  50  journaux  et  un  tirage  considérable,  tandis 
que  l'Autriche-Hongrie,  avec  trente  fois  plus  de  catholiques,  ne  possèile  que 
90  journaux.  La  Belgique,  avec  ses  117  journaux  et  revues,  l'emporle  sur 
tous  les  autres  Etals,  tandis  que  dans  la  catholique  Espagne,  la  presse  reli- 
gieuse meurt  de  faim,  et  même  en  France  fait  souvent  triste  mine.  Des 
1,400,000  feuilles  que  la  presse  produit  journellemerit  à  Paris,  36  000  seu- 
lement sont,  d'après  l'auteur  de  la  revue,  excellentes,  et  344,000  passables; 
le  reste  est  détestable.  En  Italie,  la  situation  est  encore  pire.  A  peine  un 
quart  des  rares  journaux  catholiques  peut  se  soutenir  par  ses  propres  res- 
sources. Ils  ont  besoin  de  l'appui  d'un  riche  patronage.  La  plupart  ne  tirent 
qu'à  quatre  ou  cinq  cents.  (Academy.) 

Documents  historiques  sur  le  Tarn-et-Garonne.  —  On  annonce  la  pro- 
chaine publication  (Montauban,  Forestié)  de  deux  volumes  in-8,  imprimés 
en  caractères  eizéviriens  sur  papier  vergé,  qui  contiendront  d'importants 
documents  historiques  sur  le  Tarn-et-Garonne  (abbayes,  chapitres,  comman- 
deries,  églises,  seigneuries,  etc.),  publiés  sous  les  ausp  ces  du  (Jon^eil  géné- 
ral et  de  la  Société  archéologique  du  département  de  Tarn-et-Garonne,  par 
M.  François  Moulenq,  secrétaire  général  de  ladite  société.  L'ouvrage  pa- 
raîtra d'autant  plus  précieux  aux  érudits,  que  rien  encore  en  ce  genre 
n'avait  été  publié  dans  le  Tarn-et-Garonne,  et  que  M.  Moulenq  est  un  de  ces 
consciencieux  et  savants  travailleurs  qui  méritent  d'inspirer  toute  confiance. 
—  T.  de  L. 

Une  bibliothèque  provençale.  —  Nous  avons  sous  les  yeux  le  Catalogue  des 
livres  anciens  et  modernes,  composant  la  bibliothèque  de  M.  L.-N,  Meilleur 
(Marseille,  Lebon,  1878,  in-8).  —  Ce  catalogue  (943  n"),  destiné  à  une 
vente  publique,  mérite  d'être  signalé;  il  offre  l'inventaire  d'une 
bibliothèque  spéciale  provençale  et  nous  avons  pu  nous  convaincre 
qu'il  signale  un  certain  nombre  d'anonymes  et  de  pseudonymes  qu'on 
chercherait  en  vain  dans  les  dernières  éditions  du  Dictionnaire  de  Barbier 
et  des  Supercheries  littéraires  de  Quérard.  Circonstance  remarquable 
et  touchante;  cette  bibliothèque  est  celle  d'un  ouvrier,  tous  ces  livres 
parmi  lesquels  il  en  est  de  précieux,  ces  milliers  de  brochures  (beaucoup 
sont  devenues  introuvables)  furent  réunis  au  prix  de  bien  des  sacrifices  par 
la  main  d'un  homme  de  travail;  il  avait  pourtant  à  élever,  à  soutenir  une 
nombreuse  famille,  mais  pour  l'homme  doué  d'une  énergique  et  patiente  vo- 
lonté, rien  n'est  impossible.  Collection  sérieuse  où  ne  figure  aucun  roman. 


—  47tj  — 

Ajoutons  que  Meilleur,  chrétien  et  royaliste,  professa  toujours  hautement  des 
sentiments  qui  furent  l'honneur  de  sa  vie,  des  croyances  qui  firent  la  con- 
solation de  ses  derniers  moments, 

—  L'imprimerie  de  la  l'ropagaade  a  publié  l'année  dernière  une  nouvelle 
édition  d'un  ouvrage  qui  se  recommande  à  l'attention  des  personnes  qui 
cherchei'it  des  guidt^,s  assurés  pour  leurs  lectures  et  surtout  de  celles  qui  sont 
consultées  sur  les  livres  auxquels  on  peut  avoir  confiance.  On  n'y  trouvera 
que  des  renseignements  négatifs,  si  l'expression  est  permise,  c'est-à-dire  sur 
les  ouvrages  condamnés,  car  nous  voulons  parler  du  catalogue  des  livres  mis 
à  l'index  :  Index  librorum  prohibitorum  sanclissini  Domini  Noslri  PU  IX 
Ponl.  Max.  jiissu  edilus.  Editio  novissima  in  qua  libri  omncs  ab  Aposiolica 
Sedeusque  ab  unnum  1877  proscripti  suis  locis  recenseniur.  Roma,  ex  typogra- 
phia  Polyglotta  S.  C.  de  Propaganda  fide,  1877,  in-8  de  li-3o2  p.  Les  livres 
sont  classés  par  ordie  alphabétique  des  noms  d'auteurs,  et  des  titres  pour  les 
anonymes.  Le  volume  s'ouvre  par  le  bret  de  Benoît  XIV  du  23  décembre 
1757,  par  une  préface  de  Kr.  Hieronymus  Plus  Saccneri,  ordinis  predicatorum 
sacrée  congregationis  Indicis,  et  par  des  documents  relatifs  à  la  congrégation 
de  l'Index. 

—  M.  Henri  Batault  vient  de  publier  un  intéressant  travail  qui  touche  à 
la  grande  question  de  l'histoire  de  la  charité.  C'est  une  Notice  historique  sur 
l' Association  des  Dames  de  la  Miséricorde  de  Chalon-sur-Saône  (1638-1877), 
avec  documents  inédits  sur  Tassistance  publique  dans  la  même  ville  depuis 
■1466.  (Chalon,  imp.  Dejussieu,  1878.  in-8  de  viii-32B  p.),  dont  l'origine  est 
due  à  saint  Vmcent  de  Paul.  Elle  lui  fournit  l'occasion  de  rappeler  d'autres 
œuvres  de  charité  qui  s'y  rattachent  et  de  faire,  en  quelque  sorte,  l'histoire 
de  la  charité  dans  sa  ville  natale  d'après  les  documents  qu'il  a  trouvés,  soit 
dans  les  archives  municipales,  soit  dans  les  archives  de  l'hôpital,  soit  dans  les 
protocoles  des  notaires  de  Chalon, 

—  M.  Henri  Jadart  vient  de  publier  un  travail  intéressant  pour  l'histoire 
de  la  charité  :  les  Traditions  de  charité  dans  le  Rethelois,  recueil  de  documents 
inédits  sur  les  fondations,  les  hôpitaux,  les  écoles  et  les  bienfaiteurs  du  pays 
(Rethel,  imp.  G,  Beauvarlet,  1878,  in-8  de  64  p,).  On  y  trouve  (p.  36)  une 
lettre  de  saint  Vincent  de  Paul  dont  l'original  avec  signature  autographe 
est  conservé  aux  archives  de  Rethel. 

—  M.  L,  Petit  de  Julieville  vient  de  publier  (Paris,  Lemerre)  une  nouvelle 
traduction  de  la  Chanson  de  Roland.  Ce  qui  la  distingue  des  précédentes  c'est 
qu'elle  a  conservé,  non-seulement  le  rhythme  de  l'original,  comme  celle  de 
notre  collaborateur  Al.  le  baron  d'Avril,  mais  qu'elle  a  cherché  à  conserver, 
autant  que  possible,  les  assonnauces. 

—  On  parle  de  la  prochaine  publication  des  mémoires  de  Barras,  dont  le 
manuscrit  est  entre  les  mains  des  héritiers  de  M,  Hortensius  de  Saint- 
Albin, 

—  La  publication,  entreprise,  par  M.  Louis  Paris,  de  l'Impôt  du  sang  ou 
la  Noblesse  de  France  sur  les  champs  de  bataille,  se  poursuit  et  paraît  main- 
tenant à  la  librairie  H.  Champion,  a  Paris.  Cette  œuvre  inédite  de  J,  Fran- 
çois d'Hozier  en  est  au  tome  III,  dont  nous  avons  sous  les  yeux  la  première 
partie  (198  p.),  qui  comprend  les  lettres  N,  0,  P,  Q.  Le  Folybiblion  a  rendu 
compte  des  précédents  volumes. 

—  Ha  paru  récemment,  comme  extrait  de  la  Revice  des  questions  histo- 
riques, im  article  publié  dans  le  Bulletin  bibliographique  de  ce  recueil,  (n°  de 
janvier  1878),  sous  la  signature  de  M.  W.  Derrien.  Cet  article,  qui  ne  porte 
pas  de  nom  d'imprimeur,  n'est  pas  un  tirage  à  part,  mais  une  reproduction 


faite  en  vertu  d'une  initiative  privée.  Nous  sommes  autorisés  par  la  direction 
delà  Revue  à  déclarer  qu'elle  est  complètement  étrangère  à  cette  publication, 
qu'on  n'avait  pas  le  droit  de  faire,  en  présence  de  l'avis  qui  interdit  la  repro- 
duction des  articles. 

—  Notre  collaborateur  M.  Pli.  Tamizey  de  Larroque  vient  de  publier  deux 
nouveaux  opuscules,  la  Vie  de  Jean  Pierre  de  Mesmes,  par  Guillaume  CoUetet, 
et  Un,  cantique  inédit  de  Charles  Sévin,   chanoine  d'Agen. 

—  Les  Conversations  de  Senior  (M.  W.  Nassau)  avec  M.  Thiers,  M.  Guizot, 
et  autres  personnages  de  distinction,  dont  une  partie  a  paru  dans  des  re- 
vues et  journaiix,  vont  être  publiées  à  Londres  en  corps  d'ouvrage. 

—  La  Société  paléographique  anglaise  continue  sa  publication  de  fac- 
similé.  La  8*  livraison  contient  2i  planches,  dont  les  principales  sont  l'ins- 
cription grecque  de  Rosette,  des  spécimens  des  plus  fameux  raanu?crits  grecs 
de  la  Bible  et  de  l'ancien  manuscrit  de  Virgile  du  Vatican;  deux  chartes  mé- 
rovingiennes, etc. 

—  La  Société  des  anciens  textes  anglais  va  reproduire  intégralement,  par 
la  photolithogi*aphie,  l'unique  manuscrit  du  plus  ancien  poëme  anglo-saxon 
Beowulf.  L'éditeur  y  joindra  une  traduction,  un  glossaire,  des  notes,  qui 
rendront  accessible  à  la  généralité  des  lecteurs  ce  vieux  monument  de  la 
langue  anglo-saxonne. 

—  Tlie  Academy  du  20  avril  contient  un  catalogue,  par  orlre  alphabétique, 
des  auteurs  des  667  lettres  adressées  à  Michel-.\nge  par  le^  personnages  les 
plus  importants  de  son  époque.  La  collectioa  de  ces  leilrcs  est  conservée 
dans  les  archives  de  la  maison  Buonarotti,  à  Florence.  Il  est  question  de 
la  publier. 

—  Le  comte  Ercolano  Gaddi-IIercolani,  professeur  à  Rome,  s'occupe  depuis 
des  années  d'un  travail  qui  sera  incontestablement  l'explication  scientitique 
la  plus  complète  de  la  Divine  Comédie .\ieni  de  paraître  le  Vocabolario  ency- 
clopedico  Dantesco  (Rome,  Société  typographique). 

—  Le  premier  volume  du  Corpus  poetarum  hungaricorwn  vient  de  paraître 
sous  les  auspices  de  l'Académie  des  sciences  hongroise.  Il  est  annoté  par 
M.  Aron  Szilady  et  contient  des  œuvres  antérieures  au  seizième  siècle. 

—  The  Athoiœum  annonce  que  le  gouvernement  français  a  offert  d'acheter 
la  riche  bibliothèque  de  fcu  sir  Thomas  Phillipps,  mais  qu'elle  ne  peut  être 
vendue  que  dans  plusieurs  années,  conformément  aux  dispositions  de  son 
testament. 

—  D'après  la  Correspondance  de  Leipzig,  il  se  publie  aux  États-Unis, 
8,H9  journaux,  dont  749  sont  quotidiens. 

Publications  nouvelles.  —  Le  Sacerdoce,  par  Mgr  Isoard  (2  vol.  in-12. 
Palmé).  —  Le  Cléricalisme  et  l'esprit  moderne^  par  l'abbé  Chapot  (in-8,  Palmé). 

—  Pie  IX,  par  Louis  Veuillot  (in-12,  Palmé).  —  Le  Pape  Pie  IX  et  l'empereur 
iV'ajaoZeon ///,  par  l'abbé  Marty  (in-8,  Douniol).  —  Histoire  d'un  conclave, 
par  l'abbé  V.  Dumax  (in-12,  Palmé).  —  Instruction  pastoraleet  mandement  de 
Mgr  Besson,  évéque  de  Nîmes,  Uzcs  et  Alais,  sur  la  Franc-Maçonnerie  (6^  éJit. 
in-18,  librairie  de  la  Société  Bibliographique).  — Nouvelles  études  sur  la  litté- 
rature grecque  moderne,  par  Ch.  Sidel  (t.  111,  in-8,  Maisonneuve).  —  L'Iliade 
d'Homère,  par  F.  Daburon  (in- 18,  Ph.  Reichel}.  — La  Cite  divine,  poëme  de  la 
religion,  par  l'abbé  A.  Fayet  (in-12,  AUard).  —  La  Niania,  par  H.  Gré  ville 
(in-18,  Pion).  —  Barnahas  Twites,  par  M"'  Edouard  de  Laiaing  (in-12,  Téqui). 

—  La  Princesse  de  Clévcs,  par  M"'  de  Lafayette  (in-8,  Quantin).  —  La  Suisse, 
par  Jules  Gourdault  (parait  en  livraisons  de  16  p.,  1"  livr.,  Hachette). —  Aux 
Antilles,  par  Victor  Meignan  (in-12,  Plou).  —  Essai  sur  l'administration  des 


—  478  — 

provinces  romaines,  sous  la  république,  par  E.  Person  (ia-8  Thorin).  —  JVw- 
torius  et  Eutychès,  par  Amédée  Thierry  (in-8,  Didier).  —  Hamlet  le  Danois, 
par  A.  Bùciiner  (in-8,  Hachette). —  Histoire  des  Capucins  de  Flandre,  écrite  au 
dix-huitième  siècle,  p;ir  une  religieuse  de  cet  ordre  (t.  I^"",  in-8.  Poussielgue). 
—  La  Jeunesse d' Elisabeth  d' Angleterre  (lo33-loa8)  par  Louis  Winsener  (in-8, 
Hachette). — Hisloire  de  la  Russie,  \)àr  Alf.  Rambau  1  (111-I8,  Hachette). — 
La  Princesse  d'Eboli,  par  Gaspar  Muro,  trad.  d'Alf.  Weil  (m-S,  Char[)entier). 
Vieilles  maisons  et  jeunes  souvenirs,  piv  H.  d'Ideville  (in-J2,  Charpentier).  — 
Voltaire,  par  Stoffels  de  VarsSerg  (in-32,  librairie  de  la  Société  Bibliogra- 
phique). —  Lettre  encyclique  de  notre  très-saint  Père  le  Pape  Léon  A7y/(in-18,j., 
librairie  de  la  Société  Bibliographique).  Visenot. 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS 

La    fin    du    "Vendeur.   —  On 

lit,  dans  une  note  de  VHistoire  delà 
Révolution  (t.  IH.  p.  103),  que  M.  Em- 
manuel de  Saint  Albin  adonné  pour 
la  Bibliothèque  à  vingt-cinq  centimes  : 
«  La  fin  du  Vengeur,  fort  embellie 
par  le  récit  de  Barère,  est  devenue 
légende.  Ce  serait,  d'après  Carlyle, 
«  la  plus  grande,  la  plus  enthou- 
«  siasmante  blague  forcée  depuis 
«  d^'S  siècles  par  un  homme  ou  par 
«  une  nation.  » 

J'avais  vécu  jusqu'à  présent  dans 
une  p;itrioti|ue  illusion  sur  ce  fait 
légendaire.  Dans  quels  ouvrages  ou 
documents  ttouverait-on  la  lumière? 

H.  S. 

Sur  un  mot  du  eurdinal 
Maury.  — On  lit,  dans  un  article  de 
M.  Hermile  Reynald  sur  le  cardinal 
de  Retz  et  l'affaire  du  chapeau,  par 
M.  R.  Chantelauze  (Le  Temps,  n-  du 
17  avril  1878)  :  «  Il  nous  est  donc 
permis  de  dire  de  notre  temps  ce 
que  le  cardinal  Maury  répondait  à 
un  grand  seigneur  qui  lui  demandait 
combien  il  s'estimait  :  Peu  quand  je 
m'examine,  beaucoup  quand  je  me 
compare.  »  J'ai  souvent  entendu  at- 
tribuer à  Rivarol  ce  mot  si  piquant. 
Je  demande  s'il  faut  décidément  le 
rendre  au  cardinal  Maury. 

T.    DE  L. 

D'une  an«^edote  napoléo- 
nienne. —  M.  Rapetti  (La  défection 
de  Marmont,  1832,  in-8,  p.  276)  a 
raconté  l'anecdote  que  voici  :  <c  Na- 
poléon voguait  pour   Sainte-Hélène 


sur  le  Northumberland,  et  était  déjà 
loin  des  côtes  d'Europe.  On  vit  ap- 
paraîire  à  l'horizon  un  nuage  qui 
semblait  courir  sur  l'^au.  Bentôt  on 
distingua  un  navire  dont  la  marche 
était  surprenante  :  il  filait  rapide- 
ment, il  n'avait  point  de  voiles,  il 
laissait  derrière  lui  des  tourbillons 
de  fumée.  Tous  les  passagers  étaient 
sur  le  pont,  suivant  des  yeux  cette 
merveille.  On  sut  le  nom  de  ce  na- 
vire ;  c'était  le  FuHon,  le  premier 
bateau  à  vapeur  qui  ait  navigué  sur 
la  haute  mer.  «  Fiilton  !  »  s'écria 
l'empereur  tout  à  coup  reporté  par 
ce  nom  à  ses  souvenirs  de  1804; 
puis  il  ajouta,  dit-on.  tout  soucieux: 
«  0  les  savants  !  les  savants  !  »  Je  de- 
mande où  M  Rapetti  a  trouvé  cette 
h  storiette.  dont  j'avoue  que  je  doute 
tiès-fort.  Est-ce  dans  le  Mémorial  de 
Sainte-Hélène  où  abondent  les  récits 
suspects  ?  Est-ce  dans  un  de  ces  li- 
vres où  .V.  Emile  Marc-Hilaire,  plus 
connu  sous  le  nom  de  Marco  Saint- 
Hilaire,  a  de  son  m  eux  embelli  les 
légendes  napoléoniennes  ? 

Un  curiel'x  de  province. 

Mentez,  mentez,  il  en 
restera  toujours  quelque 
t-.hose.  —  Quel  est  l'auteur  du 
diction  célèbre  :  «  Mentez,  mentez,  » 
(selon  les  uns),  ou  «  Ca  omniez,  ca- 
lomniez, »  (selon  les  au  ires),  «  il  en 
restera  toujours  quel  |ue  chose?  » 

Les  uns  l'atiribuent  à  Beaumar- 
chais qui  l'aurait  placé  dans  la  bou- 
che de  Bazile,  soit  dans  le  Barbier  de 
Séville,  soit  dans  le  Mariage  de  Fi- 
garo. —  Les   autres  l'attribuent  à 


—  479 


Voltaire.  Dans  ce  dernier  cas,  dans 
lequel  des  écrits  de  Voltaire  se 
trouve-t-il,  et  quelle  est  la  vraie 
version  ? 

Carcel.  —  On  désire  avoir  la 
date  de  naissance  et  celle  de  décès 
de  Carcel,  horloger,  inveuteu-  du 
système  de  lampes,  dites  Lanipes- 
Carcel.  Ces  dates  doivent  être  don- 
nées dans  quelque  dictiunnaire  bio- 
graphique? On  voudrait  savoir  éga- 
lement où  te  trouve  le  portrait  dudit 
Carcel  qui  a  été  publié  et  n'est  pas 
conservé  dans  la  collection  de  la  Bi- 
bliothèque nationale,  à  Paris.     T. 

Trois  portraits  à  retrou- 
ver. —  Pourrait-on  dire  où  l'on 
peut  trouver  Jes  poi  traits  suivants  : 
k'arent  du  Châlelet,  docteur-médecin 
(mort  1836);  Gault  de  Saint-Germain, 
peintre  (mort  18i2);  Parseval-Dcs- 
chênes,  amiral  (mort  en  1800),  qui 
ont  été  gravés  ou  lithographies  ; 
mais  que  la  cullection  de  la  bi- 
bliothèque ne  possède  pas.  Soit  dit 
en  passant,  comment  se  fait-il  que 
ces  portraits  manquent  dans  la  cd- 
lection  ci-dessus  mentionnée?  N'y 
a-t-il  pas  une  loi  qui  oblige  les  édi- 
teurs de  portraits  à  déposer  un 
exemplaire  de  chaque  à  la  Biblio- 
thèque nationale?  T. 

Une  épigranitne  dirigée 
contre   IVapoIéon   1".    —    Une 

publication  périodique  des  plus  sé- 
rieuses et  des  plus  iustructives,  mais 
qui  ne  sort  guère  d'un  cercle  restreint 
de  graves  lecteurs,  le  Journal,  des 
Savants,  contient  dans  son  cahier  de 
1878  un  article  de  M.  E.  Caro  sur  un 
ouvi-age  récent  de  M.  E.  Merlet  {Ta- 
bleau de  la  littérature  française^  18(J0- 
1815).  Nous  y  lisons  ceci,  page  107: 
«L'épigra-nme,  voilà  le  seul  genre 
«  qui  ne  fût  pas  en  décadence.  Les 
«  traits  volaient  dans  l'air.  Un  jour, 
«  César  même  ne  fut  pas  épargné; 
«  c'est  dans  un  dialogue  en  vers 
a  caché  dans  un  numéro  du  Mercure, 
«  échappé,  on  ne  sait  commeut,  à  la 
«  vigilance  de  la  censure  : 

tt  Sire,  dit  Bertrand  à  l'Empereur, 
«  Sire,  il  ne  reste  plus  un  seul  homme 
[•les  nôtres. 
ff  —    Ami,    fais-toi   tuer;   je    vais    en 
[chercher  d'autres.  » 

Le  trait  est  vif,  il  porte  juste  ;  mais 


il  parait  bien  extraordinaire  qu'il  ait 
pu  être  inséré  dans  le  Mercure  avant 
la  chute  de  Napoléon.  Ne  serait-ce 
pas  après  l'abdication  de  Fontaine- 
bleau qu  il  aurait  vu  le  juur,  à  une 
époque  où  l'on  pouvait  très-impuné- 
ment attaquer  le  lion  tombé?  Il  y  a 
là  un  petit  problème  littéraire  qui 
mériterait  d'être  éclairci.      A.  V. 

Lettres  de  M.  Sylvain, 
bourgeois  de  Paris.  —  Qu'é- 
tait-ce que  M.  Sylvain?  De  quoi 
traitait  cet  ouvrase?  Où  peut-on  le 
trouver?  Il  fit  beaucoup  de  bruit 
pendant  la  Révolution  de  93.    M. 

RÉPONSES. 

Les  Martyrs  de  la  Kévo- 
lution  (XXII,  286). —  Aux  ouvrages 
cités  par  M.  S...  nous  ajouterons 
l'intéressant  travail  de  M.  l'abbé 
Péala,  intitulé  :  Résultat  d'une  confé- 
rence ecclésiastique  du  diocèse  du  Puy, 
tenue  en  l'année  iSii,  sur  les  martyrs 
du  diocèse  du  Puy,  ■pendant  la  Révo- 
volulion  française.  Au  Puy,  Gaudelet, 
184o,  in-8.  —  Les  Tribunaux  crimi- 
nels et  la  Justice  révolutionnaire  en 
Auvergne  (Les  exécutés),  par  M.  Mar- 
cellin  Boudet.  Paris,  Auguste  Aubry, 
1873,  in-8.  — Nous  signalerons  aussi 
à  M.  S...  une  correspondcince  inédite 
d'un  chanoine  du  chapitre  cathédral 
de  Chartres,  Jean-Bruno  Ranchoup, 
que  possède  notre  ami  M.  Paul  l.e 
Blanc,  de  Brioude.  Elle  renferme  de 
précieux  renseignements  sur  l'Eglise 
de  (  hartres  pendant  cette  période. 
Nous  citerons  notamment  deux  ou 
trois  lettres  relatives  au  célèbre 
Sieyès  et  à  M.  du  Fournel,  curé  de 
Coltainville.  —  Je  suis  convaincu 
que  M.  Paul  Le  Blanc  s'empresserait 
de  communiquer  ces  documents  à 
tout  travailleur  sérieux  qui  les  lui 
demanderait.  A.  V. 

—  Voici  quels  sont,  à  notre  con- 
naissance, les  ouvrages  publiés  sur 
les  Martyrs  de  la  Révolution  : 

Martyrologe  du  clergé  français, 
pendant  la  Révolution  ou  Liste  alpha- 
bétique des  ecclésiastiques  et  des  reli- 
gieuses qui  sont  morts  pour  la  religion 
pendant  la  tourmente  révolutionnaire, 
P.iris,  Journal  des  villes  et  des  cam- 
pagnes, 1840,  in-18  (sans  nom  d'au- 
leur).  —  Histoire  du  clergé  de  France 


—  480 


pendant  la  Révolution,  par  M.  R. 
(Régnier-Destourbet),  Paris,  Eiouard 
Bricon,  1828,  in-18,  3  vol.  in-i2.  — 
Martyrs  et  Bourreaux  de  1793,  ou 
,  Histoire  des  atrocités  révolutionnaires 
depuis  les  Etats  généraux  jusqu'au 
Concordat  de  1801,  par  l'abbé  Cordier, 
de  Tour-,  3  vol.  in-12.  --  Les  Con- 
fesseurs de  la  foi  dans  l'Église  galli- 
cane à  la  fin  du  dix-huitième  siècle, 
par  Carron.  Paris,  1820,  4  vol.ifj-12. 

—  Histoire  parliculière  des  événements 
qui  ont  eu  Lieu  en  France  pendant  les 
mois  de  juin,  juillet,  aoi'it  et  sept.  1792, 
par  M.  M.  . .  DE  LA  Varenne,  juriscon- 
sulte, Vunc  des  victimes  échappées  à  la 
Saint-Barthélémy  de  1792.  A  Paris, 
chez  Péris  e  et  Compère,  1806.  in-8. 

—  A.  Barbât  de  Bign'icourt  :  Les 
Massacres  à  Reims  en  1792,  d'après 
des  documents  authentiques .  Rfiras, 
chez  tous  les  librair.'s,  1872,  in-8  »ie 
48  p.  —  Jugement  du  Tribunal  cri- 
minel du  département  de  la  Marne, 
séant  à  Chatons,  du  2G  messidor, 
an  III.  Imprimé  à  Ctiàlons,  chez  Mer- 
cier, s.  d.,  50  p.  in-4.  (La  brochure 
de  M.  Bar  bet  est  en  grande  partie  la 
reproduction  de  ce  jugement).  — La 
Vie  de  M.  Massart,  curé  des  Paroisses 
de  Somme-Vesle  et  Poix,  diocèse  de 
Chdlons-sur -Marne,  guillotiné  à  Reims 
en  haine  de  la  religion  catholique,  par 
M.  J.  N.  LoRiQUET,  prêtre.  Reims, 
imp.  de  Delaunois,  1823,  in-8,  de 
90  p.  —  Mémoires  ecclésiastiques  con- 
cernant la  ville  de  Laval  et  les  environs, 
pendant  la  Révolution,  par  un  Prêtre 
de  Laval.  Laval,  imp.  de  Guerley- 
Portier,  1841,  2  parties  in-8.  (Cet  ou- 
vrage n'est  pas  dans  le  commerce). 
—  Ballon,  Saint- Mar-ds  et  Saint-Oucn, 
ou  Histoire  religieuse  de  ces  trois  pa- 
roiss''s,  contenant  près  de  cinquante 
notices  biographiques  de  prêtres  exis- 
tant au  commencement  de  la  Révolu- 
tion, par  l'abbé  Aubry,  aumôniei'  de 
l'hôpital  de  Ballon.  Le  Mans,  Gal- 
lienne,  18o3,  in-8.  —  Vie  des  Saints 
du  diocèse  de  Langres,  avec  une  notice 
sur  des  personnages  vénérables,  morts 
en  odeur  de  sainteté,  par  l'abbé  Cail- 


LET,  curé  de  Rosoy.  Langres,  Crape- 
let,  1873,  in-8.  —  Etude  historiciuc 
sur  l'abbaye  de  Remiremont,  par  M. 
A.  Gl'i.xot,  curé  de  Contrexéviile. 
Paris,  Douniol,  1859,  in-8.  — 
Déportation  et  naufrage  de  J.-J.  Aymé, 
ex-législateur;  suivis  du  tableau  de  vie 
et  de  mort  des  déportés,  à  son  départ 
de  la  Guyane.  Pari%  Maradan,  in-8, 
s.  d.  (On  trouve,  à  la  lin  de  cet  ou- 
vrage, la  liste  alphabétique  des  dé- 
portés, avec  l'indication  de  leur  âge, 
qualités,  domiciles,  et  celles  de  leurs 
morts  ou  évasions.)  B.  de  F, 

—  On  a  oublié  de  citer,  parmi 
les  (  uvrages  se  rattachant  à  cette 
question  :  La  Persécution  révolu- 
tionnaire dans  le  département  du 
Doubs,  par  M.  Jules  Sauzay  (Besan- 
çon, Tuibergue,  10  vol.  in-12,  1801- 
1873),  et  l'()uvra!,'e  que  j'ai  publié 
moi-même  :  Histoire  de  la  Persécution 
religieuse  en  Alsace,  pendant  la  grande 
Révolution,  1878,  in-8.  L.Winterer, 
curé  de  Mulhouse, 

—  Citons  encore  :  Un  Martyr  bor- 
delais sous  la  Terreur.  Vie  et  mort  du 
R.  P.  Panneticr,grand-carme  du  cou- 
vent de  Rordeaux,  par  Charles  Cliau- 
liac.  Bordeaux,  Feret,  1877,  in-12  de 
334  p.  —  La  seconde  Terreur,  ou 
histoire  d'un  prêtre  déporté  à  la 
Guyane,  en  1879,  par  M.  l'abbé 
Chambard.  Paris,  Letort,  1876,  in-8 
de  i39  p.  (C'est  la  relaîion  de 
M.  l'abbé  Bétant,  du  diocèse  de 
Lyon.)  —  Histoire  des  Prêtres  du  Sa- 
cré-Cœur de  Marseille  (1732-1831) 
communément  appelés  prêtres  du  Bon 
Pasteur.  Paris,  Sariit;  Marseille, 
Œuvre  du  Bon  Pasteur,  in-8  de 
ii-vi-507  p.  (Livre  III  :  Histoire  des 
Prêtres  du  Sacré-Cœur  pendant  la 
Révolution).  —  Tableau  historique  du 
diocèse  de  Lyon  pendant  la  persécution 
religieuse  de  la  grande  Révolution 
française,  d'après  des  documents  au- 
thentiques  déposés  dans  les  archives  de 
l'archevêché,  par  M.  l'abbé  J.  Du- 
rieux.    Lyon,    Briday,    1869,    in-8. 

R,  S. 


Le  Gérant  :  L.  Sandret. 


Saint-Quentin.  —  Imprimerie  Jules  Moureau, 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 

PUBLICATIONS  SUR   VOLTAIRE 
A  l'occasion  du  centenaire. 

Premières  lettres  à  }f.V.  /es  Membres  du  Conseil  municipal  ds  Paris,  sur  le  Centenaire  de 
Voltaire,  par  M.  l'EvÉQUE  d'Orléans.  Paris,  librairie  de  la  Société  Bibliographique. 
1878,  in-12  de  54  p.  —  \ouvelles  lettres,  etc.,  par  le  même,  in-1'2  de  51  p.  — 
Dernières  lettres,  etc..  ])ar  le  véme,  iu-li  de  t')6]).   Prix  de  chaque  brochure  :  25  c. 

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Paris,  Bray  &  Retaux.  1878,  in-32  de  13  p.  Prix  10  c.  —  Véritable  portrait  de 
Voltaire  peint  par  lui-n>e'me,  ou  tableau  des  vice-i  et  des  vertus  du  patriarche  de  Ferney, 
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Bibliographique,  1878.  in-32  de  31  p.  Prix  :5  c.  —  Voltaire.  Ricerche  e  con- 
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Frédéric  II  et  Voltaire,  dédié  à  la  commission  du  centenaire,  par  l'abbé  V.  Bénard. 
Paris,  Ch.  Douniol,  1878,  in-12  de  Xxiii-SoO  p.  Prix  :  3  fr.  50. 

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—  3, Son  désintéressement  ;  — 4.  Sa  sincérité  ;  —  5.  ,Sa  mort  :  —  6.  VHomme  du  centenaire 
jugé  parJ.-J.  Rousseau,  Marat,  Louis  Blanc  cl  Victor  Hugo;  —  7.  Le  Cœur  français  de 

Voltaire.  Tracts  de  la  Société  Biblio<;raphique.  Prix  :  1    fr.   le    cent    variés,    franco. 
Voltaire.  Œuvres  choisies.  Edition  du  centenaire.   30  mai  1878.  Paris,  aux  Bureaux 
du  Comité  central,  in-12  de  1000  p.  Prix  :  2  fr.  50. 

Les  fêtes  du  Centenaire  sont  passées.  Le  rôle  des  combattants  est 
fini.  Celui  des  bibliographes  commence.  Que  d'autres  s'appliquent  à 
tirer  du  récit  de  ces  tapageuses  solennités  des  leçons  dont  l'avenir 
pourra  tirer  profit  :  plus  raodeste_,  notre  rôle  doit  se  borner  à  retracer 
brièvement  l'histoire  bibliographique  du  Centenaire.  Indiquer  les 
livres  qu'il  faut  lire,  et  surtout  faire  lire,  pour  combattre  les  funestes 
effets  de  la  propagande  impie  qui  s'est  faite  et  se  fera  sous  le  patro- 
nage de  Voltaire,  tel  est  notre  but.  Il  faut  que  la  lumière  se  fasse,  et 
que  la  France,  désabusée,  comprenne  enfin  qu'il  y  va  de  son  honneur, 
de  son  avenir  peut-être,  de  réléguer  aux  gémonies  cette  mémoire 
maudite.  Alors  le  Centenaire  aura  du  moins  produit  un  bon  résultat 
et  l'on  se  souviendra  du  30  mai  1878  comme  d'un  jour  où  les  cloches, 
à  joyeuses  volées,  fêtaient  l'Ascension  du  Sauveur  et  tintaient  en 
même  temps  le  glas  funèbre  d'une  gloire  à  jamais  éteinte. 

Entre  tous  les  polémistes  qui  se  sont  si  vaillamment  mis  en  cam- 
pagne pour  détrôner  le  Roi  Voltaire  et  le  jeter  à  bas  de  son  piédestal 
usurpé,  c'est  Mg'"  l'Evêque  d'Orléans  que  nous  devons  signaler  avant 
Juin  1878.  T.  XXII,  31. 


—  482  — 

tous  à  la  reconnaissance  des  honnêtes  gens.  Quand  il  s'agit  de 
combattre,  il  est  toujours  le  premier.  Ni  l'âge,  ni  les  fatigues  d'un 
épiscopat  long  et  laborieux  n'ont  pu  affaiblir  son  ardeur,  et  nous 
venons  de  le  voir,  avec  son  intrépidité  toute  française  des  anciens 
jours,  tempérée  pourtant  d'un  peu  de  tristesse,  livrer  sous  nos  yeux 
un  nouveau  combat,  et,  nous  pouvons  le  dire  aussi,  remporter  une 
nouvelle  victoire.  Quand  même  le  caractère  sacré  de  l'auteur  et  le 
souvenir  de  ses  services  passés  ne  nous  commanderaient  pas  de  lui 
donner  ici  la  première  place,  la  vigueur  et  l'éloquence  de  ses  Lettres 
au  Conseil  municpal  de  Paris  nous  feraient  un  devoir  de  le  mentionner 
au  premier  rang.  On  a  fait  de  plus  gros  livres  sur  Voltaire,  on  n'en 
fera  pas  de  plus  décisif  ni  qui  doive  peser  plus  lourdement  sur  cette 
mémoire  à  jamais  flétrie.  Je  ne  serais  pas  étonné  qu'en  les  lisant  les 
organisateurs  du  Centenaire  eussent  senti  s'éveiller  en  eux  au  moins 
quelques  velléités  de  remords.  L'œuvre  de  M^""  Dupanloup  forme  trois 
brochures,  que  leur  dimension  et  leur  prix  rendent  très-commodes 
pour  la  propagande  :  elle  comprend  en  tout  dix  lettres,  de  forme  vive, 
d'allure  flore,  et  toutes  vibrantes  de  ces  chauds  accents  qui  sonnent 
comme  le  clairon  parmi  les  ardeurs  de  la  mêlée  et  raniment  les  cou- 
rages prêts  à  faiblir. 

Dans  sa  première  lettre,  où  se  trouvent  expliquésles  motifs  qui  font 
que,  pour  un  jour,  les  conseillers  municipaux  de  Paris  sont  involon- 
tairement devenus  les  correspondants  d'un  évêque,  M^"^  d'Orléans 
met  à  nu  la  véritable  pensée  des  organisateurs  du  Centenaire.  Il  n'a 
pas  de  peine  à  démontrer,  par  la  citation  d'aveux  absolument  dépouil- 
lés d'artifices,  que  la  littérature,  le  patriotisme  et  l'humanité  n'ont  rien 
à  voir  dans  cette  fête .  C'est  l'adversaire  du  christianisme  que  l'on 
prétend  glorifier;  c'est  aux  héritiers  de  sa  haine,  non  de  son  esprit, 
que  l'on  veut  rendre  courage,  pour  raviver  la  guerre  contre  cette 
Eglise  catholique  que  Voltaire  appelait  Vinfâme,  appliquant  à  la  plus 
auguste  et  à  la  plus  bienfaisante  des  institutions  une  qualification  que 
nul  ne  mérita  jamais  mieux  que  lui. 

Dans  la  seconde  lettre,  l'éloquent  prélat  fait  un  piquant  rapproche- 
ment entre  Voltaire  et  Rousseau,  deux  noms  que  les  organisateurs  du 
Centenaire  eurent  un  moment  l'idée  d'associer  dans  une  commune 
apothéose.  Il  cite  quelques-unes  des  aménités  échangées  entre  ces 
deux  hommes  qui  se  connaissaient  trop  bien  pour  se  calomnier  l'un 
l'autre.  Pour  Rousseau,  Voltaire  est  un  fanfaron  d'impiété,  une  âme 
basse  et  vile,  nn  cœur  dépravé,  \m  polichinelle^  un  lâche  et  un  fourbe 
dont  la  France  devrait  détester  et  maudire  la  mémoire. 'Pour  Voltaire, 
Rousseau  est  un  écervelé,  un  magot  ambulant,  im  ignoble  babouin,  un 
fou  et  un  -plat  monstre  d'orgueil,  wn  brouillon,  un  délateur,  un  calom- 
niateur., une  âme  pétrie  de  boue  et  de  fiel,  un  judas,  un  singe,   un  DiO' 


—  483  — 

gè7ie,  descendant  direct  et  descendant  enragé  du  chien  de  Diogène  et  de  la 
chienne  d'Érostrate.  J'en  passe  et  des  meilleures.  Ces  deux  hommes 
méritaient  bien  d'être  chantés  le  même  jour  et  par  les  mêmes  voix. 
Mais  quel  supplice  pour  leurs  deux  ombres. 

Il  est  certain  qu'en  tenant  ce  langage,  ni  Voltaire  ni  Rousseau  n'a 
menti.  Toutefois  comme  le  témoignage  d'un  ennemi  paraît  toujours 
quelque  peu  suspect,  Mgr  Dupanloup  ne  s'en  tient  pas  là  :  il  fait  com- 
paraître tour  à  tour  à  sa  barre  ceux  qu'il  appelle  à  bon  droit  les  juges 
irrécusables  et  il  se  trouve  que  Marat  et  Mirabeau,  Brissot  et  La 
Harpe,  Béranger  et  le  Journal  des  Débats  (l'ancien),  M.  Renan  et  M. 
Taine,  M.  Henri  Martin  et  M.  Sainte-Beuve,  M.  Louis  Blanc  etLa- 
martine,  M.  Victor  Hugo  lui-même  (je  parle  de  celui  qui  est  mort,  pour 
emprunter  le  mot  charmant  d'un  ami)  sont  d'accord  pour  flétrir  Vol- 
taire et  les  multiples  prostitutions  de  son  génie. 

Mais  un  serviteur  ardent  de  la  vérité, comme  l'estrévéque  d'Orléans, 
ne  saurait  s'en  tenir  là  :  après  avoir  pris  acte  de  cette  condamnation 
sévère,  prononcée  avec  une  unanimité  vraiment  touchante,  il  entre- 
prend de  refaire  lui-même  le  procès,  et  de  voir  si  l'étude  attentive  de 
la  longue  existence  de  Voltaire  n'est  pas  de  nature,  sinon  à  faire  le- 
ver la  condamnation,  du  moins  à  mériter  au  condamné  le  bénéfice  des 
circonstances  atténuantes.  C'est  à  cet  examen  que  les  sept  dernières 
lettres  sont  consacrées.  Les  vices  de  Voltaire  ont  désormais  chacun 
leur  histoire,  courte,  mais  pleine  de  leçons. 

Quelle  est  la  conclusion  qui  ressort  de  chacune  de  ces  lettres?  On  la 
divine  aisément,  pourvu  que  l'on  ne  soit  pas  tout  à  fait  étranger  aux 
écrits  et  aux  aventures  du  héros.  Pour  tout  homme  de  bonne  foi,  il 
reste  désormais  établi  de  façon  à  défier  toute  contradiction  que  Voltaire 
méprisa  le  peuple,  ce  troupeau  de  bœufs,  cette  canaille,  cette  pojndace 
faite  pour  être  guidée  mais  tout  à  fait  indigne  d'être  instruite;  que 
Voltaire  fut  toute  sa  vie  le  plat  adulateur  des  ennemis  de  la  France, 
aussi  bien  que  des  créatures  les  plus  infâmes,  et  qu'à  ce  métier  de 
courtisan,  pour  emprunter  le  langage  de  M.  Louis  Blanc,  il  perdit 
tout  ce  qui  constitue  les  fiers  caractères  et  les  âmes  viriles  ;  qu'il  a  détesté 
la  France,  qu'il  a  bafouée  jusque  dans  ses  malheurs;  qu'il  a  célébré 
son  vainqueur  dans  des  vers  que  ni  la  pudeur  ni  le  patriotisme  ne 
nous  permettent  de  reproduire .  Tel  est  le  résumé  de  la  quatrième,  de 
la  cinquième  et  de  la  sixième  lettre. 

Nous  arrivons  à  la  septième.  C'est  la  plus  éloquente  et  la  plus  belle 
peut-être.  Ry  est  question  de  l'immoralité  de  Voltaire  et  de  ses 
insultes  à  Jeanne  d'Arc  :  il  appartenait  à  l'évêque  d'Orléans  de  venger 
cette  grande  mémoire  outragée  par  un  ami  de  la  Prusse.  Grâce  à  lui, 
l'étranger  saura  que  la  France  n'est  pas  morte  et  que  l'insulteur  de 
Jeanne  d'Arc  n'y  rencontre  plus  d'échos. 


—   i-84  — 

Voltaire  menteta-,  VoUalrc  intuUrant,  Vollairc.  insuUcur  du  crhisùa- 
nisme  :  ces  quelques  mots  résument  les  trois  dernières  lettres.  Nous 
signalons  tout  particulièrement  l'avant-dernière  à  l'attention  du 
lecteur  :  il  y  verra  ce  qu'il  faut  penser  de  cett(3  humanité  de  Voltaire 
tant  célébrée,  pure  comédie  dont  l'évêque  d'Orléans  nous  raconte 
avec  vigueur  les  édifiants  intermèdes.  Félicitons  et  remercions  du 
fond  du  cœur  l'éloquent  écrivain  d'avoir  «  élevé  à  l'encontre  d'un 
grand  scandale,  la  protestation  de  sa  conscience,  et  poussé  contre 
les  audaces  ennemies  le  cri  de  l'honneur  épiscopal,  de  l'honneur 
chrétien,  et  de  l'honneur  français.  » 

Nous  avons  longuement  insisté  sur  ces  lettres,  parce  qu'elles  sont 
le  monument  capital  qui  doit  rester  de  cette  lutte  :  lisons-les,  faisons- 
les  lire  et  relire,  que  la  France  en  soit  inondée,  il  y  va  de  notre  foi  de 
chrétien  et  de  notre  patriotisme  de  Français. 

Les  ouvrages  suivants  ne  nous  arrêteront  pas  longtemps  :  les  faits 
étudiés  étant  les  mêmes,  les  conclusions  sont  identiques,  par  consé- 
quent, nous  n'y  reviendrons  pas,  nous  contentant  d'indiquer  la  marche 
suivie  par  chaque  auteur  et  la  tactique  qu'il  a  choisie. 

—  Le  Voltaire  de  M.  Adrien  Maggiolo  est  écrit  d'une  plume  alerte 
et  vive.  Dans  une  première  partie,  l'auteur  raconte  brièvement  la 
Vie  de  Voltaire  :  dans  la  seconde,  il  étudie  ses  vertus  :  son  'patriotisme, 
son  courage,  son  désintéressement^  sa  sincérité,  sa  tolérance,  son 
humanité.  Il  faut  lire  surtout  les  deux  chapitres  curieux  où  il  est 
question  du  courage  et  du  désintéressement  de  Voltaire,  deux  points 
que,  si  nous  ne  nous  trompons,  l'évêque  d'Orléans  n'a  pas  touchés. 
La  brochure  est  fort  bien  imprimée  et  de  gracieuse  apparence, 
mais  peu  à  la  portée  des  petites  bourses.  Nous  reprocherons  à  l'auteur 
de  mettre  parfois  tant  de  brièveté  dans  ses  récits  que  le  sens  et  la 
portée  de  plusieurs  incidents  doivent  nécessairement  échapper  au 
lecteur  qui  n'est  pas  familiarisé  avec  la  vie  de  Voltaire. 

—  Le  Centenaire  du  grand  Voltaire,  parRusticus,  est  une  brochure 
tout  à  fait  populaire,  intéressante  et  bien  remplie,  mais  peut-être  un 
peu  triviale  de  ton.  Un  brave  homme,  M.  Lafieur,  entreprend  de 
prouver  à  son  ami,  M.  Fripart,  qu'il  a  grand  tort  de  vouloir  aller  à 
Paris  fêter  le  centenaire  de  Voltaire  :  car  Voltaire  est  un  gredin  qui 
ne  mérite  pas  tant  d'honneur.  Le  débat  s'engage  devant  un  bon 
docteur  de  village  entre  l'avocat  Tapajot  et  le  clérical  Corcorus. 
Comme  la  cause  est  très-mauvaise,  l'avocat  est  battu  mais  content: 
il  prend  la  résolution  de  ne  plus  recevoir  son  mauvais  journal  et  le 
Père  Frippart  enverra  pour  la  canonisation  de  Jeanne  d'Arc  l'argent 
qu'il  destinait  au  centenaire.  Cette  brochure  est  faite  avec  esprit  :  sa 
forme  dialoguée  contribuera  à  ia  faire  lire. 

—  Le  Rêve  d'un  conseiller  municipal  est  charmant  et  d'une  forme 


—  i8o  — 

très-originale.  Un  conseiller  municipal,  tout  fier  d'avoir  décidé  ses 
collègues  à  célébrer  le  centenaire  de  Voltaire,  sV-ndort  sur  ses 
lauriers,  et  rêve  qu'il  va  rendre  visite  aux  enfers  à  la  grande  ombre 
de  Voltaire  pour  lui  faire  part  des  fêtes  qu'on  lui  prépare.  Naturel- 
lement Voltaire  se  moque  de  lui,  réédite  pour  son  édification  quel- 
ques-unes des  insolences  qui  lui  étaient  familières  et  des  injures  qu'il 
aimait  à  jeter  au  peuple  et  à  la  France  :  le  conseiller  municipal  est 
très-attrapé,et,  de  retour  sur  la  terre.il  est  heureux  d'apprendre  que, 
de  par  la  volonté  du  gouvernement,  le  centenaire  de  Voltaire  devra 
se  faire  à  huis-clos.  Brochure  excellente!  Seulement  je  crains  qu'en 
nous  donnant  cet  heureux  dénoûment  l'auteur  lui-même  n'ait  fait  un 
vain  rêve. 

—  Le  véritable  portrmt  de  Voltaire  mérite  parfaitement  son  titre  : 
il  est  très-ressemblant,  c'est  dire  qu'il  est  hideux.  Une  longue  série 
d'anecdotes  et  de  citations  bien  choisies,  mais  que  l'auteur  aurait 
mieux  fait  de  grouper  autour  de  quelques  chefs  principaux  pour 
épargner  au  lecteur  la  fatigue  de  divisions  vraiment  beaucoup  trop 
nombreuses,  nous  montre  la  façon  peu  charitable  dont  Voltaire  s'est 
toujours  conduit  envers  le  prochain,  et  nous  expose  les  vices  de  toute 
espèce  qui  constituent  avec  son  esprit  de  démon  le  seul  agrément  de 
cette  peu  sympathique  personnalité.  Dans  un  dernier  chapitre,  qui  sert 
de  conclusion,  l'auteur  montre  en  quelques  mots  que  ni  les  amis  du 
peuple,  ni  les  amis  de  la  France,  ni  les  amis  de  la  vérité,  ni  les  amis 
de  la  vertu  ne  doivent  aucun  hommage  à  Voltaire,  et  que  l'intérêt  du 
personnage  aussi  bien  que  l'honneur  de  la  France  exigeraient  plutôt 
qu'on  jetât  un  voile  sur  les  infamies  de  sa  vie. 

—  L'Épîti'c  du  Diable  à  Voltaire  est  une  très-spirituelle  satire  en  ^ 
vers,  que  Voltaire  reçut  un  beau  jour  de  Franche-Comté  et  qui  lui 
fit  passer  de  mauvais  moments.  Le  docteur  Girod  en  était  l'auteur. 
Voltaire  fut  d'abord  peu  satisfait  de  mériter  les  compliments  du  diable  : 
il  sembla  même,  pendant  quelques  jours,  vouloir  venir  à  résipiscence 
et  se  réconcilier  avec  le  bon  Dieu.  Cette  bonne  disposition  ne  dura 
guère,  et  les  leçons  du  bon  docteur  furent  oubliées.  Souhaitons  qu'en 
relisant  cette  épttre  à  cent  années  de  distance,  les  disciples  de  Voltaire 
l'apprécient  comme  leur  maître  et  que  leur  conversion  soit  plus  du- 
rable que  la  sienne. 

—  Nous  nous  bornerons  à  recommander  spécialement  pour  la  pro- 
pagande populaire,  le  Voltaire  de  M.  Stoffels  de  Varsberg.  Cette  bro- 
chure a  le  triple  mérite  d'être  très-bien  faite,  d'être  courte  et  de  ne 
coûter  qu'un  sou.  Voltaire  et  le  peuple,  Voltaire  patriote,  Voltaire 
hypocrite.  Voltaire  précurseur  de  la  Révolution,  tel  est  le  qua- 
druple aspect  sous  lequel  le  personnage  est^  présenté  aux  lecteurs. 
Aucun   n'est   de   nature    à   lui     conquérir    beaucoup    d'amis.    C'est 


—  486  — 

* 

juste.    Le  dernier  des  hommes   -par   le  cœur,  —  c'est   la   nièce    de 
Voltaire  qui  le  définit  ainsi!  —  ne  mérite  pas  qu'on  l'aime. 

—  La  brochure  italienne  du  professeur  D.  L.  P...  est  intéressante. 
Le  poëte  et  le  littérateur,  l'historien  et  le  philosophe,  l'homme  et  le 
citoyen  sont  tour  à  tour  étudiés  dans  Voltaire  :  c'est  la  première 
partie  qui  a  pour  titre  général  les  Écrits  et  le  caractère  de  Voltaire. 
Dans  une  seconde  partie,  nous  trouvons  le  récit  détaillé  de  la  mort  de 
'  Voltaire  et  des  circonstances  qui  l'ont  accompagnée  et  suivie.  Tout 
cela  est  fait  avec  soin  et  laisse  deviner  un  esprit  déjà  mûr,  servi  par 
une  sérieuse  érudition.  Mais  n'est-ce  pas  un  peu  trop  savant  pour  une 
brochure  populaire!  Nos  plus  vifs  remercîments  à  notre  confrère 
d'Italie. 

— •  La  brochure  sur  Voltaire  publiée  à  Troyes  sans  nom  d'auteur  se 
recommande  par  son  bon  marché. Sa  forme  vive,  claire,  précise  en  fait 
un  excellent  opuscule  de  propagande,  La  matière  est  bien  divisée  et 
chacune  des  parties  se  termine,  en  manière  de  conclusion,  par  une 
phrase  qui  la  résume  et  doit,  en  raison  même  de  sa  concision,  vive- 
ment frapper  l'esprit  du  lecteur.  Nous  recommandons  le  procédé  qui 
paraît  de  bonne  guerre,  et  permet  au  lecteur  de  condenser  en  quinze 
ou  vingt  phrases  courtes  et  nettes  l'histoire  de  la  vie  et  des  exploits 
du  héros. 

—  Les  auteurs  dont  nous  venons  de  parler  n'ont  fait  que  des  bro- 
chures de  circonstances  destinées  à  alimenter  la  propagande  :  M.  l'abbé 
Bénard  a  fait  mieux.  Prenant  un  des  côtés  les  plus  intéressants  de  la 
vie  de  Voltaire,  ses  rapports  avec  le  roi  de  Prusse,  il  en  a  fait  la  ma- 
tière d'un  livre  qui  restera,  alors  même  que  nous  n'entendrons  plus 
que  les  lointains  échos  de  la  bataille  qui  vient  de  se  livrer  autour  de 
cette  renommée  quelque  peu  compromise.  Ce  n'est  pas  que  le  livre  de 
M. l'abbé  Benard  soit  parfait  :  le  style  n'en  est  pas  toujours  correct,  ni 
toujours  clair.  Mais,  en  dépit  de  ces  défauts,  on  le  lit  sans  fatigue,  et 
l'intérêt  ne  languit  pas  un  instant.  Nous  voudrions  qu'il  fût  beaucoup 
lu.  Car,  si  quelque  chose  peut  contribuer  à  faire  maudire  en  France 
la  mémoire  de  Voltaire,  c'est  le  spectacle  des  servilités  de  ce  Français 
qui  passe  sa  vie  à  encourager  dans  ses  usurpations  le  plus  redoutable 
et  le  plus  perfide  ennemi  de  la  France.  On  y  verra  qu'une  fois  au 
moins  en  sa  vie,  Voltaire  n'a  pas  menti,  c'est  le  jour  où  il  écrivait  à 
Frédéric  de  Prusse  que  :  «  son  cœur  était  à  Berlin  et  pour  jamais  érigé 
en  autel  sur  lequel  il  sacrifierait  tout  pour  la  gloire  de  son  Jéhovah.  » 
Laissons  donc  ce  cœur  à  la  Prusse,  puisque  c'est  à  elle  qu'il  s'est 
donné. 

—  La  brochure  et  le  livre  ne  sont  pas  le  seul  mode  de  propagande  : 
il  y  a  encore  le  t7-act,  la  feuille  qui  se  distribue,  passe  de  main  en 
main,  et  n'exige  ni  beaucoup  d'efl'ort  ni  beaucoup  de  loisir  pour  être 


—  487  — 

lue.  La  propagande  catholique  ne  pouvait  négliger  ce  moyen.  Nos 
amis  de  Nîmes  ont  résumé  en  quatre  pages  d'une  vivacité  toute  méri- 
dionale la  vie  si  peu  édifiante  de  Voltaire.  A  Paris,  la  Société  Biblio- 
graphique a  publié  sept  tracts  excellents  dont  nous  avons  donné  les 
titres  en  tête  de  cet  article.  C'est  court,  net,  précis  et  tout  à  fait  de 
nature  à  jeter  dans  les  esprits  et  le  cœur  du  peuple  la  bonne  semence 
de  la  vérité.  Citons  enfin  un  tract  charmant,  orné  à  sa  première  page 
d'unportrait  de  Voltaire,  élégamment  encadré.  Il  a  pour  titre  Souvenir 
du  Centenaire,  et,  à  l'aide  de  citations  bien  choisies,  fait  connaître 
Voltaire  mieux  que  toutes  les  déclamations  et  tous  les  discours. 

—  Nous  ne  voulons  pas  prendre  congé  de  nos  lecteurs  sans  leur  si- 
gnaler un  mauvais  livre  dont  ils  ne  devront  s'occuper  que  pour  empê- 
cherqu'il  ne  soit  lu.  Les  organisateurs  du  Centenaire  ont  extrait, en  mille 
pages  compactes,  la  quintessence  du  poison  que  Voltaire  a  répandu  à 
pleines  mains  dans  ses  œuvres.  Poésie,  roman,  histoire,  philosophie, 
théâtre,  ils  ont  tout  fouillé  pour  former  cet  arsenal  où  le  vulgaire 
pourra  trouver  des  armes  aux  blessures  desquelles  nos  adversaires 
croient  bien  sincèrement  que  la  religion  ne  pourra  longtemps  sur- 
vivre. Nous  les  avertissons  que  le  livre  est  bien  gros  pour  devenir  po- 
pulaire; qu'il  contient  une  multitude  de  théories  surannées  qui  donne- 
ront une  piètre  idée  de  la  science  de  leur  héros  ;  enfin  qu'il  n'est  pas 
complet,  car  nous  ne  trouvons  là  aucune  des  lettres  de  Voltaire  au  roi 
de  Prusse  et  les  aménités  qu'il  écrivait  sur  le  peuple  sont  absolument 
passées  sous  silence.  Tel  qu'il  est,  le  livre  fera  du  mal  aux  ignorants 
qui  auront  l'imprudence  de  le  lire.  Mais  il  y  a  dans  les  petits  livres 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  assez  de  contre-poison  pour  com- 
battre les  funestes  effets  de  ce  détestable  recueil.  Aussi  sommes-nous 
rassurés  pour  l'avenir.  Le  Catéchisme  ne  sera  pas  détrôné,  les  églises  ne 
se  videront  pas,  et  la  religion  catholique  n'est  pas  près  de  mourir;  elle 
a  survécu  à  Julien  l'Apostat  et  à  Néron,  elle  enterrera  les  héritiers  de 
la  Terreur  et  les  médiocres  successeurs  de  Voltaire.        P.  Talon. 


THÉOLOGIE 

lEncîcIopedîa  dell'  Ecclesîastico,  opéra  dell'  abb.  Vincenzio 
d'Avino,  terminata  del  P.  Antonio  Pellicani.  Edizione  terza,  rivedula, 
aumentata  ed  in  parte  refusa.  Fascicolo  I.  Turino,  Marietti,  1878,  in-4  de 
160  p.  à  deux  colonnes.  —  Prix  du  fascicule  :  2  fr.  50.  L'ouvrage  complet 
formera  vingt-cinq  fascicules  environ.  Un  fascicule  par  moi;;. 

Nous  avons  entre  les  mains  la  première  livraison  de  la  troisième 
édition  de  V Encyclopédie  de  r Ecclésiastique ,  qui  jouit  en  Italie  d'une 


—  +8H  — 

réputation  méritée.  L'auteur,  M.  l'abbé  d'Avino,  avait  eommencé, 
avant  sa  mort,  qui  a  eu  lieu  en  1868,  à  préparer  cette  troisième  édi- 
tion. Son  œuvre  de  correction  et  de  remaïiiement  est  continuée  par  le 
P.  Pellicani.  Le  fonds  de  ce  travail  est  tiré  de  l'Encyclopédie  alle- 
mande de  Wetzer  et  Welte,  mais  il  est  moins  développé  que  l'ouvrage 
auquel  il  a  emprunté. 

Aujourd'hui,  plus  que  jamais,  tout  le  monde  sent  le  besoin  d'avoir 
sous  la  main  un  livre  qui  lui  fournisse,  en  un  clin  d'œil,  les  rensei- 
gnements courants  sur  une  question  donnée.  Le  domaine  des  sciences 
s'est  tellement  étendu  qu'il  est  impossible  d'étudier  tout  par  soi- 
même  et  qu'il  est  impossible  aussi  de  consulter  des  traités  complets 
et  approfondis  sur  chaque  branche  de  la  science.  De  là  l'utilité,  la 
nécessité  même  de  ces  dictionnaires  qui  se  multiplient  tous  les  jours 
pour  tous  les  genres  d'étude  et  pour  chaque  classe  de  personnes. 
Leur  succès  est  la  meilleure  preuve  de  leur  opportunité.  L'ecclésias- 
tique doit  avoir  son  Dictionnaire  des  sciences  ecclésiastiques,  comme 
le  médecin  son  Dictionnaire  de  médecine.  Celui  d'Avino,  pour  qui  peut 
comprendre  l'italien,  est  un  des  plus  commodes,  des  plus  accessibles 
et  des  plus  sûrs.  On  peut  juger  de  la  troisième  édition  par  la  seconde 
et  par  ce  premier  fascicule  :  l'esprit  en  est  parfaitement  catholique,  la 
rédaction  en  est  claire,  précise,  sans  longueurs.  On  y  trouve  une  foule 
de  renseignements  précieux  qu'on  chercherait  vainement  ailleurs,  sur 
l'état  actuel  des  Églises,  par  exemple,  comme  celui  de  l'Église 
d'Afrique  au  moment  présent,  p.  46-47.  Cette  Encyclopédie  contient 
d'ailleurs  tout  ce  qu'il  est  utile  à  un  prêtre  de  savoir  :  l'herméneu- 
tique, la  critique  sacrée,  la  géographie  biblique,  la  philologie  de 
l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  ;  l'apologétique,  la  théologie  dog- 
matique et  morale,  la  prédication,  la  liturgie,  l'art  chrétien,  le  droit 
canon  ;  l'histoire  de  l'Église,  la  patrologie,  l'histoire  de  la  littérature 
théologique,  les  conciles,  les  hérésies,  les  schismes,  et  des  notions  sur 
toutes  les  principales  religions  et  leur  culte.  L.  M. 


Patrologie,  par  le  docteur  Alzog,  professeur  de  théologie  à  l'Université 
de  Fribourg.  (Forme  li^  tome  1^;''  de  la  Bibliothèque  thiologique  du  dix-neu- 
vième siècle,  rédigpe  par  les  principaux  docteurs  des  Universités  catho- 
liques. Encyclopédie,  apologétique,  introduction  à  l'Ancien  et  au  Nouveau 
Testament,  archéologie  biblique,  histoire  de  l'Eglise,  patrologie,  dogme, 
histoire  des  dogmes,  droit  canon,  liturgie,  pastorale,  morale,  pédagogie, 
catéchétique  et  homilétique,  histoire  de  la  littérature  théologique.)  Tra- 
duction de  l'abbé  P.  Belet.  Paris,  Victor  Palmé,  1877,  in-8  de  740  pages. 
—  Prix  :  7  fr.  30. 

La  Société  générale  de  librairie  catholique  a  entrepris  de  publier 
une  traduction  française  de  la  Bibliothèque  théologique,  due  à  la 
célèbre  librairie  de  Herder,  à  Fribourg-en-Brisgau.  Elle  n'est  pas 


—  48'.t  — 

encore  terminée  dans  l'original  allemand,  mais  les  parties  déjà  parues 
sont  remarquables  et  le  Pohjbiblion  a  eu  l'occasion  de  faire  l'éloge  do 
quelques-unes  d'entre  elles.  L'un  des  meilleurs  volumes  de  cette  col- 
lection est  incontestablement  la  Prt^ro^o^ie  d'Alzoget  elle  ouvre  digne- 
ment cette  excellente  série. 

Jean  Alzog,  né  en  1818,  est  mort  le  28  février  1878  à  Pribourg-en- 
Brisgau.  Il  a  professé  l'histoire  ecclésiastique  dans  cette  ville,  de- 
puis 1853  jusqu'à  sa  mort.  Pendant  cet  enseignement  de  vingt-cinq 
ans,  il  a  étudié  à  fond  l'histoire  de  PÉglise.  Aussi,  ses  leçons  publiées 
dans  son  Histoire  de  l'Eglise,  ont-elles  eu  un  immense  succès,  non- 
seulement  dans  toute  l'Allemagne,  mais  aussi  en  Prance,  où  la  tra- 
duction de  cet  ouvrage  a  eu  plusieurs  éditions.  Le  docteur  Alzog  a 
étudié  les  Pères  en  même  temps  que  l'histoire  des  premiers  siècles, 
et  la  première  édition  de  sa  Patrologie  a  été  traduite  en  français.  La 
nouvelle  traduction,  faite  sur  une  nouvelle  édition,  est  naturellement 
plus  complète. 

L'auteur  possède  parfaitement  sa  matière,  et,  en  le  lisant,  on 
s'abandonne  à  sa  conduite  avec  confiance,  parce  que  l'on  sent  qu'on  a 
un  guide  éclairé,  ferme  et  sûr.  Son  livre  s'ouvre  par  une  introduction 
sobre,  mais  pleine  et  fort  instructive,  à  l'histoire  de  la  littérature 
chrétienne  pendant  la  période  des  Pères.  11  nous  fait  étudier  ensuite 
successivement  les  Pères  apstoliques,  depuis  les  origines  de  la  litté- 
rature chrétienne  jusqu'à  l'an  150,  puis  les  Pères  et  écrivains  apolo- 
gistes et  polémistes,  grecs  et  latins,  de  150  à  325,  jusqu'au  concile  de 
Nicée.  La  troisième  période  comprend  l'apogée  de  la  littérature 
patristique,  et  s'étend  de  l'an  325  à  la  mort  de  saint  Léon  le  Grand, 
en  461.  Un  premier  chapitre  fait  connaître  les  écrivains  orientaux,  et 
un  second  les  écrivains  latins.  La  quatrième  et  dernière  période,  celle 
de  la  décadence  de  la  littérature  patristique, va  de  saint  Léon  le  Grand 
jusqu'à  Alcuin  et  Charlemagne.  Un  premier  chapitre  étudie  les  pro- 
sateurs grecs,  un  second  les  prosateurs  latins,  un  troisième  les  poètes 
chrétiens  de  toutes  les  époques.  Ce  chapitre  se  termine  par  une  étude 
sur  les  origines  de  la  poésie  chez  les  Francs  et  les  Germains.  A  la  fin 
du  volume  est  placée  une  table  chronologique  des  anciens  auteurs 
ecclésiastiques. 

Le  docteur  Alzog  place  ordinairement  en  tête  de  chaque  article  de 
sa  Patrologie  la  bibliographie  du  sujet.  Il  fait  ensuite  la  biographie  de 
l'aiiteur  dont  il  parle,  il  donne  une  analyse  critique  de  ses  œuvres, 
souvent  entremêlée  de  la  traduction  de  passages  bien  choisis,  pour 
donner  une  idée  du  genre  et  de  la  manière  de  l'écrivain  ;  il  fait  enfin 
connaître  les  points  principaux  de  sa  doctrine,  avec  des  citations  plus 
ou  moins  nombreuses.  Le  tout  se  termine  en  général  par  l'indication 
des  principales  éditions  de  l'auteur  qu'il  vient  d'étudier.  Dans  le  der- 


—  490  — 

nier  chapitre,  sur  les  poètes  chrétiens,  les  morceaux  cités  sont  repro- 
duits dans  la  langue  originale,  le  grec  ou  le  latin.  Le  texte  grec  est 
presque  toujours  accompagné  d'une  traduction,  quelquefois  française, 
généralement  latine. 

La  Patrologie  du  docteur  Alzog  est  une  véritable  mine  de  rensei- 
gnements précieux  et  d'une  doctrine  sûre.  La  connaissance  des  Pères 
est  d'une  grande  importance  pour  tous  les  chrétiens  instruits  :  elle 
est  utile  à  tout  le  monde,  non-seulement  pour  connaître  la  littérature 
catholique  dans  ses  origines,  mais  aussi  pour  fortifier  la  foi  en  remon- 
tant à  ses  sources  vivifiantes  et  fécondes. Il  y  a,  dans  ces  extraits  des 
Pères,  choisis  par  leur  historien,  une  sève,  une  fraîcheur  de  jeunesse 
et  de  vie  qui  fait  du  bien  à  l'âme  et  la  nourrit  en  même  temps  qu'elle 
l'éclairé.  Ce  livre  est  un  véritable  trésor  pour  l'intelligence  comme 
pour  le  cœur. 

Quant  à  la  traduction,  elle  est  bonne  et  pleine  de  mérite.  II  n'est 
pas  toujours  aisé  d'éviter  la  lourdeur  et  même  l'obscurité  en  faisant 
passer  un  écrit  allemand  dans  notre  langue.  Le  traducteur  a  réussi  à 
nous  procurer  une  lecture  aisée  et  facile.  Il  a  ajouté  quelques  notes 
et  nous  l'en  félicitons.  Nous  n'aurons  garde  de  lui  reprocher  de  n'en 
avoir  pas  ajouté  davantage,  car  il  serait  injuste  d'exiger  d'un  traduc- 
teur qu'il  perfectionne  son  auteur  ;  nous  nous  permettons  cependant, 
dans  l'intérêt  de  ses  lecteurs  et  aussi  d'une  prochaine  édition,  qui  ne 
se  fera  pas  sans  doute  longtemps  attendre,  de  faire  quelques  obser- 
vations. 

Le  docteur  Alzog  a  tenu  très-consciencieusement  son  livre  au  cou- 
rant de  tous  les  travaux  patristiques,  mais  en  ce  temps  d'études  et  de 
recherches,  chaque  année  apporte  son  contingent  de  découvertes  à  la 
patrologie,  comme  aux  autres  branches  du  domaine  scientifique.  De- 
puis que  le  livre  du  professeur  de  Fribourg  a  paru,  on  a  découvert  et 
publié  le  texte  complet  de  la  première  Epître  de  saint  Clément 
Romain  aux  Corinthiens, et  de  ce  qu'on  appelle  sa  seconde  Epître  aux 
(Corinthiens.  Les  fragments  retrouvés  de  la  première  Epître  contiennent 
des  passages  fort  importants  sur  la  liturgie  primitive  et  sur  l'autorité 
de  l'Eglise  romaine,  lesquels  méritent  d'être  signalés.  Le  docteur 
Alzog  dit  sur  la  seconde  Epître  :  «  Cette  lettre  ne  commence  et  ne 
finit  point  avec  les  formules  accoutumées  du  genre  épistolaire  et  ne 
roule  point  sur  un  sujet  précis,  ce  qui  a  fait  supposer  que  c'était  un 
fragment  d'homélie  ecclésiastique.  »  Il  est  certain  que  c'est  une 
homélie,  depuis  qu'on  possède  le  texte  entier  de  cet  écrit.  On  ne 
pourra  plus  guère  désormais  non  plus  l'attribuer  à  saint  Clément 
Romain,  et  il  faudra  le  placer,  non  plus  parmi  les  ouvrages  douteux 
lie  ce  pape,  page  34,  mais  parmi  les  ouvrages  qui  ne  sont  pas  de  lui. 

Les  indications  bibliographiques  données  par  le  docteur  Alzog  sont 


—  491  — 

précieuses,  mais  surtout  pour  les  Allemands,  puisqu'elles  ont  presque 
toujours  pour  objet  des  livres  allemands.  Ne  serait-il  pas  à  propos  de 
joindre  aux  indications  allemandes  les  indications  des  ouvrages 
publiés  en  français  sur  les  Pères,  dans  ces  dernières  années,  par 
exemple,  A.  Guilloud,  S.  J.,  Saint  Irênée  et  son  temps;  Cruice,  Essai 
critique  sur  rHexaméron  ;  l'abbé  Benoît,  Saint  Grégoire  de  Nazianze, 
sa  vie,  ses  œuvres  ;  l'abbé  Delacroix,  Saint  Cyrille  de  Jérusalem,  sa  vie 
et  ses  œuvres;  l'abbé  Martin  (d'Agde),  Saint  Jean-Chrysostome,  ses 
œuvres  et  son  siècle,  etc.  Plusieurs  des  travaux  si  remarquables  de 
M^"^  Freppel  sur  les  Pères  sont  indiqués,  mais  ils  ne  le  sont  pas 
tous.  G-  K- 


Cours  complet  et  détaillé  de  catéchèses  pour  l'înstrsic- 
tiondes  enfants  de  la  classe  inférieure  des  écoles,  traduit 
de  l'allemand,  de  G.  Mey,  par  Tabbé  J.  Gapp.  Lyon,  Vitte  et  Lutrin;  Paris, 
Jules  Vie,  1877,  2  vol.  in-12  de  xi-300  et  312  p.  —  Fris  :  5  fr. 

La  plupart  des  méthodes  de  catéchisme  et  des  cours  d'instruction 
religieuse  sont  composés  pour  les  enfants  que  Ton  prépare  immédiate- 
ment à  la  première  communion,  ou  même  pour  ceux  que  Ton  appelle 
persévérants  et  qui  complètent  leur  éducation  chrétienne.  Ce  livre  est 
destiné  aux  petits  enfants  de  huit  à  dix  ans.  Il  contient  non-seulement 
des  conseils  ou  des  plans  d'instruction,  mais  les  catéchèses  dévelop- 
pées, telles  qu'elles  ont  été  prononcées  par  l'auteur.  Partout  nous 
avons  remarqué  une  connaissance  profonde  du  caractère,  des  défauts 
et  des  qualités,  des  habitudes  d'esprit,  de  l'imagination  des  enfants. 
Le  style  est  précis  et  clair,  familier,  sans  être  jamais  vulgaire.  La 
phrase  est  courte,  rapide  :  c'est  bien  ainsi  qu'il  faut  parler  à  ces  intel- 
ligences si  mobiles  et  faire  entrer  dans  ces  âmes,  àl'aide  des  compa- 
raisons et  des  récits, les  idées  les  plus  abstraites.  Mais  surtout  le  cœur 
du  prêtre,  qui  aime  tendrement  ses  petits  auditeurs,  qui  les  veut 
former  aux  vertus  et  à  la  piété  chrétiennes,  se  montre  à  chaque  page. 
Quoi  de  plus  touchant  que  les  conseils  donnés  par  l'auteur  pour  la 
confession  des  petits  enfants  !  (Tome  II,  p.  308.)  Avec  quel  bonheur 
sont  expliquées  les  paroles  de  l'Évangile  :  Jésus  croissait  en  sagesse  et 
en  grâce/ Le  commentaire  en  est  cependant  difficile  même  aux  plus 
hauts  théologiens  (tome  II,  p.  75).  De  nombreuses  observations, 
rejetées  à  la  fin  de  chaque  volume,  exposent  la  méthode  de  l'auteur, 
et  contiennent  les  plus  utiles  remarques. 

Si  nous  avons  loué  sans  réserve  cet  excellent  ouvrage,  nous  devons 
aussi  rendre  justice  au  traducteur,  M.  l'abbé  Gapp,  qui  a  su  rester 
fidèle  au  texte,  et  garder  les  allures  vives  de  notre  langue. 

E.   POUBSET. 


—  41)2  — 

t.tt  Foi.  Conférences  de  Saint-.! oaeph  de  Marseille^  par  le  R.  P.  Vinxent  de 
Pascal,  des  frères  prêcheurs.  2^  édition,  revue  et  corrigée.  Poitiers  et  Pa- 
ris, Oudin,  1877,  ia-8  de  109  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Le  R.  P.  de  Pascal  ne  pouvait  aborder  dans  la  chaire  un  sujet  plus 
essentiel,  ni  qui  exigeât,  chez  celui  qui  voulait  le  traiter,  plus  d'exac- 
titude, de  précision  et  de  clarté.  Quelle  est  la  nature  de  la  foi?  L'acte 
qu'elle  produit  est-il  raisonnable  et  libre,  ou  bien,  comme  le  pré- 
tendent nos  adversaires,  faut-il  n'y  voir  que  le  fruit  de  l'ignorance, 
du  caprice,  de  l'obstination?  La  révélation  divine  à  laquelle  la  foi 
adhère,  est-elle  pourvue  de  titres  qui  l'accréditent  auprès  du  genre 
humain;  et,  si  ces  titres  existent,  en  a-t-elle  jamais  refusé  la  com- 
munication à  l'esprit  sincère  qui  la  lui  a  demandée?  L'enseignement 
catholique  affirme  que  la  foi  et  la  raison  découlent  de  la  même  source, 
quoique  par  des  canaux  divers;  que  l'une  et  l'autre,  quoique  radicale- 
ment distinctes,  émanent  du  même  Dieu  :  s'il  en  est  ainsi,  se  peut-il 
qu'elles  soient  condamnées  à  se  contredire  et  à  se  combattre?  L'har- 
monie n'est-elle  pas  plutôt  la  loi  de  leurs  mutuels  rapports;  et  le 
devoir  de  l'apologiste  et  du  théologien  n'est-il  pas  de  mettre  ca  lu- 
mière cette  harmonie,  delarendre  visible,  et  s'il  se  peut,  éclatante  au 
regard  de  l'homme,  comme  elle  l'est  éternellement  au  regard  de  Dieu? 
Enfin,  quels  sont  les  devoirs  privés  et  publics  qu'impose  la  foi  à  ceux 
qui  en  ont  reçu  le  bienfait?  Le  R.  P.  de  Pascal  a  répondu  à  toutes 
ces  questions  en  s'inspirant  de  la  première  Constitution  dogmatique 
du  concile  du  Vatican,  et  de  ces  pages  si  fortes  et  si  pleines  où  saint 
Thomas  a  posé  et  a  résolu,  avec  un  merveilleux  bon  sens  et  une  ad- 
mirable sûreté,  tous  les  problèmes  qui  concernent  la  nature  de  la  foi. 
C'est  surtout  après  avoir  relu  ces  pages,  que  l'on  comprend  toute  la 
justesse  du  conseil  donné  par  le  R.  P.  de  Pascal  à  ses  auditeurs. 
K  Sous  prétexte  de  fuir  la  routine,  »  leur  disait-il,  «  ne  rejetons  pas 
la  tradition,  et...  ne  délaissons  pas  les  bons  vieux  arguments  de  nos 
pères,  solides,  vigoureux,  éprouvés  en  cent  batailles  intellectuelles. 
Rajeunissez-les,  appropriez-les  à  la  situation  présente,  donnez-leur 
un  tour  plus  moderne,  et  fortifiez-les  par  les  résultats  acquis  de  la 
science  contemporaine,  à  la  bonne  heure;  mais,  de  grâce,  ne  les  consi- 
dérez pas  comme  d'antiques  armures  bonnes  à  orner  les  musées  de  la 
théologie.  » 

Ce  conseil,  le  R.  P.  de  Pascal  avait  commencé  par  le  suivre  ;  lui 
aussi,  il  a  su  approprier  aux  besoins  présents,  aux  préoccupations  ac- 
tuelles des  âmes,  de  vieux  arguments  qui  sont  plus  particulièrement 
pour  lui  un  bien  de  famille.  J'ajouterai  qu'une  flamme  oratoire,  allu- 
mée dans  son  cœur  et  nourrie  par  le  zèle,  échauffe  ces  conférences, 
auxquelles  NN.  SS.  les  évèques  de  Marseille  et  de  Poitiers  ont  dé- 
cerné les  plus  honorables  éloges.  A.  Largent. 


—  493  — 

î^ar-ole  de  Dieu,  Réflexions  sw  qucLjues  textes  sacrés,  par  Ernest  Hello. 
Paris,  Palmé,  1878,  in-8  de  xx-oOT  p.  —  Prix:  4  fr. 

M.  Hello  ne  prétendait  pas  faire,  il  n'a  pas  fait  un  commentaire 
suivi  de  la  Bible.  Il  en  a  détaché  quelques  textes  dont  la  mystérieuse 
beauté  l'attirait  davantage,  il  les  a  médités,  et  ses  réflexions,  à 
mesure  qu'il  les  écrivait,  sont  devenues  un  livre.  Livre  étrange,  où 
ne  manquent  ni  les  aperçus  profonds,  ni  les  vues  ingénieuses,  ni  les 
bonheurs  d'expression,  ni  les  vigoureux  coups  d'aile!  Pourquoi  donc 
lahauteur  s'y  guinde-t-elle  parfois  ;  pourquoi  la  profondeur  y  ressemble- 
t-elle  trop  souvent  a  la  subtilité  ;  pourquoi  le  style  de  cet  ouvrage 
est-il  si  proche  parent  de  la  prose  de  M.  V.  Hugo  ?  Il  se  peut,  comme 
l'avance  M.  Hello,  que  notre  langue  soit  de  toutes  les  langues  la  plus 
accidentelle  et  la  moins  essentielle;  elle  est  aussi  celle  où  les  raftine- 
ments,  où  les  bizarreries  de  pensée  et  d'expression  se  dissimulent  et 
se  supportent  le  moins.  Je  voudrais  enfin  dans  ce  livre  une  exégèse 
mieux  fondée etdes  étymologies  moins  fantaisistes.  L'ouvrage  de  M. 
Hello  lance  des  éclairs  et  fait  entendre  le  grondement  de  la  foudre; 
les  éclairs  ont  leur  prix,  et  le  tonnerre  a  sa  grandeur;  cependant, 
à  l'orage  je  préfère  la  lumineuse  sérénité  d'une  belle  journée,  aux 
éclairs  je  préfère  les  rayons.  H.  A. 


Méditations  sur  la  vie  <le  la  sainte  Vierge,  pour  tous  les  jours 
du  mois  de  mai,  par  le  P.  Aigistin-  Largknt,  de  l'Oratoire,  docteur  en 
théologie,  avec  approbation^  de  .Ms''  l'évêque  de  Caiiors  et  de  M-s'  l'évèque 
d'Autun.  Paris,  Sauton,  1878,  in-16  elzévirien  de  332  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Les  bons  écrivains  écrivent  peu,  ditJoubert,  parce  qu'il  leur  faut  du 
temps  pour  réduire  en  beauté  leur  abondance  ou  leur  richesse.  Le 
P.  Largent  n'a  pas  mis  moins  de  deux  années  à  composer  ce  livre, qui 
sera  le  charme  des  âmes  chrétiennes  et  des  lettrés.  Il  a  voulu  faire 
servir  à  la  piété  les  trésors  d'érudition  théologique  dont  ses  vastes 
lectures  et  ses  fortes  études  l'ont  enrichi.  C'est  dire  que  l'ouvrage 
du  savant  oratorien,  nourri  de  la  substance  des  Pères,  «  de  cet  esprit 
primitif  qui  sort  naturellement  de  leur  plénitude,»  (Bossuet)  n'a  rien 
de  commun  avec  cette  littérature  pieuse,  sans  doctrine,  sans  amour, 
et  trop  souvent  sans  grammaire,  qui  malheureusement  abonde  de  nos 
jours  en  productions  frivoles,  sinon  malsaines.  Des  juges  autorisés 
ont  d'ailleurs  déclaré  qu'il  n'y  a  pas  un  rnot  dans  ces  Méditations  que 
puissent  reprendre  les  censeurs  les  plus  austères.  Remercions  donc  le 
digne  fils  du  cardinal  de  Bérullo  et  du  P.  de  Condren  d'avoir  versé  à 
flots  pour  nous  aux  pieds  de  la  très-sainte  Vierge  tous  les  parfums  de 
sa  science  et  de  sa  tendre  piété,  parfums  qui  s'épanchent,  pour  em- 
prunter au  Père  lui-même  un  mot  charmant,  «  de  l'albâtre  d'une 
doctrine  sans  tache.  )» 


—  494  — 

N'est-il  pas  superflu  d'ajouter  que  les  recherches  du  savant  ne 
nuisent  en  rien  aux  qualités  de  l'écrivain?  Ce  n'est  ni  le  difficile,  ni 
le  rare,  ni  le  merveilleux  que  l'on  rencontre  dans  cet  ouvrage,  mais 
le  beau  que  prisait  tant  Fénelon,  le  beau  simple^  aimable  et  commode, 
une  lucidité  admirable  dans  l'ordonnance  des  idées,  la  plus  rigoureuse 
précision  dans  le  choix  des  mots,  et  cet  éclat  doux  et  paisible  qu'un 
penseur  exquis  appelle  la  splendeur. 

Enfin,  ce  qui  nous  plaît  par-dessus  tout,  c'est  que  ce  livre  est 
humain.  Ne  craignons  pas  de  le  dire:  «  à  l'invulnérable  doctrine 
d'Athanase,»  s'allient  dansées  pages  consolantes  et  fortifiantes  «  l'ei- 
pansive  charité  de  Chrysostome  et  la  tendresse  d'Augustin.  »  Homo 
sum.  Rien  n'est  beau  que  ce  qui  sort  de  l'àme.  J.  Vaudon. 


JURISPRUDENCE 

explication  méthodique  des  Institutes  de  «ïustiuien.  T.  P'. 

Paris,  Durand  et  Pedone,  1878,  in-8  de  875  p.  —  Prix;  9  fr. 

Le  titre  de  cet  ouvrage  ne  porte  pas  de  nom  d'auteur  il'avertissemnt 
en  donne  le  motif.  Les  matériaux  ont  été  réunis  par  M.  Lariche,  que 
la  mort  a  surpris;  M.  Georges  Bonjean,  qui  les  a  mis  en  oeuvre,  ne 
sachant  quel  nom  mettre,  n'en  a  mis  aucun.  On  ne  partagera  pas  son 
scrupule. En  cette  matière, ce  qui  est  personnel  àrauteur,c'est  l'arran- 
gement, et  l'arrangement  lui  appartient.  Déjà  connu  par  d'excellents 
Tableaux  synoptiques  de  droit  romain  (Paris,  Durand  et  Pedone,  1876, 
1  vol,  iu-8,  —  prix  :  15  fr.),  il  a  suivi,  dans  l'explication,  la  même 
méthode  simple  et  claire  d'exposition:  le  présent  livre  a  toutes  les 
qualités  d'un  ouvrage  d'enseignement.  — On  y  verra  des  dévelop- 
pements fort  utiles  sur  certaines  théories  que  les  manuels  de  ce 
côté-ci  du  Rhin  sont  trop  portés  à  négliger  :  le  colonat,  le  domaine 
bonitaire.  Sur  le  premier  sujet,  M.  Bonjean  cite  avec  raison  le 
travail  de  M.  Ch.  Revillout,  publié  dans  l'ancienne  Revue  historique, 
t.  III  ;  il  fallait  également,  sous  peine  d'être  incomplet,  parler  de 
l'étude  de  M.  Terrât,  professeur  à  l'Université  catholique  de  Paris. 
Sur  l'acquisition  des  fruits  par  le  possesseur  de  bonne  foi,  je  ne 
trouve  cité  que  le  système  vraiment  divinatoire  de  M.  Pellat.  Ne 
fallait-il  pas  tout  au  moins  indiquer  un  système  plus  judicieux,  fondé 
principalement  sur  deux  passages  des  Institutes,  et  dont  l'honneur, 
si  mes  souvenirs  d'étudiant  sont  exacts  (1872-1873),revient  à  M.  Paul 
Gide  ?  J .  -A.  de  Bernon. 


—  495  — 

Explication  élémentaire  du  eode  civil,  par  J.-J.  Delsol,  3e  éd., 
avec  la  collaboration  de  Ch.  Lescœur.  T.  I".  Paris,  Cotillon,  1878,  in-8  de 
vii-583p.  —Prix:  10  fr. 

Le  public  des  écoles  de  droit  apprendra  avec  plaisir  la  réimpression 
de  cet  ouvrage,  mis  au  courant  des  lois  récentes,  et  joignant  au 
mérite  des  autres  éditions  celui  d'offrir  aux  étudiants  les  derniers 
renseignements  sur  la  partie  mobile  de  la  législation  :  confection  et 
publication  des  lois,  etc.  Ce  qui  recommande  le  livre  de  M.  Delsol , 
c'est  moins  l'abondance  que  l'heureuse  distribution  des  matières  :  il 
s'adresse  aux  esprits  peu  familiers  encore  avec  la  science  juridique. 
C'est  un  guide  sûr,  un  merveilleux  simplificateur,  un  initiateur  habile 
et  séduisant.  Le  premier  volume  comprend  les  matières  du  premier 
examen  (Code  Napoléon,  art.  1  à  710).  Nous  serons  heureux  d'avoir  à 
constater  le  succès  des  suivants.  —  M,  Delsol  s'est  adjoint,  dans  le 
remaniement  de  son  ouvrage,  un  professeur  de  l'Université  catholique 
de  Paris,  M.  Ch.  Lescœur,  déjà  honorablement  connu  par  une  étude 
sur  la  dot  mobilière  et  par  un  mémoire  sur  la  législation  des  sociétés 
de  commerce.  J.-A.  de  Bernon. 

Elléments  de  droit  civil  russe.  {Russie,  Pologne,  Provinces  Daltiques); 
droit  des  personnes  et  droit  de  famille;  droits  réels;  successions  ab  intestat; 
par  Ernest  Lehr,  professeur  de  législation  comparée  à  l'Académie  de 
Lausanne   Paris^  Pion,  1877,  in-8  de  49G  p.  —  Prix  :  10  fr. 

C'est  une  entreprise  longue  et  difficile,  presque  ingrate,  et  cepen- 
dant hautement  utile,  que  d'écrire  un  traité  théorique  sur  le  droit 
privé  d'un  pays  étranger  parlant  une  autre  langue.  Aussi  le  droit  civil 
de  l'Allemagne,  et  celui  de  l'Angleterre  elle-même,  nous  sont-ils  plu- 
tôt connus  par  des  traductions  ou  des  monographies,  que  par  des  ou- 
vrages originaux  et  complets.  Que  dire  lorsqu'il  s'agit  du  droit  privé 
d'un  pays  aussi  éloigné  de  nous  que  la  Russie, par  la  situation,  la  civi- 
lisation^  le  droit  et  la  langue  ;  surtout  quand  l'on  songe  que  ce  vaste 
Etat  renferme,  aujourd'hui  encore,  au  moins  quatre  législations  prin- 
cipales :  1°  la  législation  russe  proprement  dite,  applicable  dans  tout 
l'empire  à  moins  d'exception  formelle;  2°  la  législation  polonaise; 
3°  celle  des  provinces  baltiques;  4°  celle  du  grand-duché  de  Fin- 
lande. 

C'est  là  cependant  l'œuvre  laborieuse  et  méritoire  que  vient  de 
réaliser  le  jeune  et  intelligent  professeur  de  Lausanne,  dans  ses  Elé- 
ments de  droit  civil  russe.  Pour  ceux  qui  connaissent  ses  travaux  sur 
le  droit  privé  de  la  Suisse  et  de  l'Allemagne,  il  n'est  pas  besoin  de 
dire  qu'il  a  travaillé,  ici  comme  toujours,  sur  les  sources,  et  qu'il  a  su 
en  faire  le  meilleur  emploi.  Aucune  de  ses  allégations  qui  ne  soit  ap- 
puyée par  les  textes;  sa  méthode  est  bonne  ;  et  son  œuvre  embrasse 
presque  toutes  les  matières  importantes  du  droit  civil  :  mariage,  pa- 


—  41)6  — 

ternité  et  filiation,  tutelle  ;  distinction  des  choses,  possession,  pro- 
priété, servitudes,  hypothèques;  successions,  leur  ordre,  leur  ouver- 
ture, les  droits  et  devoirs  qui  en  résultent.  Le  droit  des  obligations 
et  les  successions  testamentaires  n'y  manquent,  qu'en  raison  des  lois 
nouvelles  que  la  Russie  prépare  sur  ces  matières.  Le  droit  de  la 
Finlande  est  réservé  à  une  étude  ultérieure. 

Ce  qui  frappe  à  la  lecture  de  cet  ouvrage,  c'est  peut-être  moins  l'o- 
riginalité  du  droit  russe  actuel ,  que  ses  traits  de  ressemblance  avec 
nos  législations  occidentales,  et  sa  tendance  à  les  imiter  de  plus  en 
plus.  On  peut  affirmer  que  le  droit  anglais  diff'ère  bien  davantage  du 
droit  français;  et  que  c'est  en  Angleterre,  ce  pays  ennemi  des  codifica- 
tions, que  les  particularités  du  droit  privé  semblent  s'être  le  mieux 
conservées,  et  devoir  persister  le  plus  longtemps.  La  Pologne  a,  de- 
puis 1808,  le  code  civil  français  un  peu  modifié.  Le  Svod,  qui  est  le 
vaste  digeste  du  droit  russe,  a  été  rédigé  en  1838,  et  son  dixième  vo- 
lume, véritable  code  civil  russe,  a  largement  subi  les  influences 
de  l'Occident.  Il  en  est  de  même  pour  le  code  des  Provinces  Balti- 
ques,  qui  date  de  1864. 

Cependant  des  diff'érences  nombreuses  subsistent;  et  peut-être  est- 
ce  un  tort  de  M.  Lehr  de  ne  les  avoir  pas  suffisamment  mises  en  relief. 
Le  ton  de  son  livre  est  un  peu  uniforme.  Il  lui  manque  une  introduc- 
tion d'ensemble  qui  eût  dégagé  les  grandes  lignes,  présenté  une  vue 
générale,  et  soutenu  l'esprit  dans  l'étude  des  détails.  On  est  trop 
forcé  de  se  demander  quelle  est  la  véritable  place  du  droit  russe  entre 
les  législations  des  pays  chrétiens.  Il  y  avait  à  relever  bien  des  points: 
questions  de  validité  du  mariage  soumises  au  juge  ecclésiastique; 
esprit  de  prosélytisme  qui  impose,  dans  les  mariages  mixtes,  un 
engagement  écrit  d'élever  tous  les  enfants  dans  le  culte  grec-russe; 
indépendance  de  la  femme  mariée  quant  à  la  disposition  de  ses  biens; 
législation  remarquable  des  provinces  baltiques  en  matière  de  séduc- 
tion ;  division  de  la  minorité  en  trois  périodes,  amenant  graduellement 
le  mineur  à  savoir  gérer  son  patrimoine  ;  maintien  de  l'ancienne  dis- 
tinction des  biens  par  l'origine  ;  exploitation  indivise  du  sol  ;  publicité 
de  tous  les  droits  immobiliers  ;  biens  interdits  (majorats),  etc.  Mais,  si 
ces  traits  importants  n'ont  pas  été  mis  en  lumière  dans  une  introduc- 
tion générale,  il  faut  s'empresser  de  dire  qu'ils  se  trouvent  parfaite- 
ment décrits  à  leur  place  dans  le  cours  de  l'ouvrage. 

M.  Lehr  a  donc  rendu  un  véritable  service  à  la  science  ;  son  œuvre 
peut  même  avoir  de  l'utilité  pour  la  pratique  ;  et  elle  contribuera  cer- 
tainement à  nous  acheminer  vers  la  codification  générale  des  lois  de 
l'Europe,  qui  est  la  grande  préparation  juridique  de  la  seconde  moitié 
de  notre  siècle,  et  que  le  vingtième  siècle  réalisera. 

A.   DE  RiEDMATTEN. 


497  — 


SCIENCES   ET  ARTS 

IVotes  et  documents  sur  l'état  de  l'instruction  populaire 
en  Suisse,  par  Henri  Maolix,  membre  des  acadéiuies  de  Metz  et  de 
Stanislas.  Paris,  Cli.  Delagrave,  1S78,  iu-S  de  xvii-190  p.  —  Prix:  3  fr. 

Ce  volume  n'est   qu'un  recueil  de  notes  et  de  documents   accom- 
pagnés de  peu  d'observations  et  de  critiques.  Nous  en  ferions  des  re- 
proches à  Tauteur,  si  la  mort  n'était  venue  arrêter  ses  travaux,  tandis 
que  nous  n'avons  qu'à  remercier  l'ami,   M.  E.  Villard,   qui   nous  a 
donné  l'ébauche   du  travail  de   M.    Maguin.   L'ancien    président   de 
l'Académie  de  Metz  avait  commencé,  en  1875,  un  voyage  en  Suisse, 
pour  remplir  une  mission  dont  l'avait  chargé  le  gouvernement  français 
au  sujet  de  l'instruction  populaire  en  Suisse  ;  il  revint  après  avoir  ex- 
ploré les  cantons  de  Neufchatel,  de  Vaud  et  de  Genève.  La  mort  le  sur- 
prit en  1876,  au  moment  où  il  allait  reprendre  ses  cor.rses.  Nous  avons, 
dans  quelques  notes,  sa  pensée  sur  l'instruction  et  l'édtication  popu- 
laires. Esprit  libéral,  français  et  chrétien,  il  a.  sur  la  gratuité  et  la 
laïcité,  des  idées  que  nous  approuvons  pleinement;  mais  nous  sommes 
moins  favorables  que  lui  à  l'obligation,  et  notre  divergence  d'opinions 
vient  plutôt  de  confusion,  que  de  différence  de  principes.  11  donne,  sur 
les  trois  cantons  qu'il  a   visités,  l'analyse  des   documents   législatifs, 
la  description  physique  et  morale  des  principaux  établissements  sco- 
laires, les  rapports  des  inspecteurs,   sur  leur  fonctionnement  et  leurs 
méthodes,  le  résultat  de  ses  propres  inspections  et  beaucoup  de  ren- 
seignements statistiques.    Comme  dans    cet  ouvrage,  à  cause  de   son 
origine  même,  il  y  a  peu  d'appréciations,  nous  aurons  peu  à  en  donner, 
ne  pouvant  refaire  ici  l'œuvre  dont  la  mort  n'a  pas  permis  la  réalisa- 
tion à  M.  Maguin.  Disons   seulement  que  ces  documents  et  ces  notes 
offrent  le  plus  grand  intérêt  pour  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'ins- 
truction publique  :  il  y  a  de  bons  exemples  à  imiter  en  Suisse.  Nous 
avons  été  particulièrement  frappé,  pour  ne   toucher   qu'à    un  point, 
des  raisons  et  des  faits  allégués  en  faveur  de  l'instruction  non  laïque 
(p.  78,  79,  85,  etc.).  Nous  ne  ferons  qu'une  critique;  c'est  au  sujet  de 
la  statistique  du  pénitencier  de  Neufchatel  (p.  00);    loin  de  nous   la 
pensée  de  contester  l'heureuse  influence  de  l'instruction;  mais  on  ne 
peut  rien  conclure  de  ce  que  le  nombre  des  illettrés  y  est  plus  grand 
que  celui  des  lettrés;   ce  qu'il  faudrait  établir,    ce  serait  le  rapport 
entre  les  lettrés  non  criminels  et  les  lettrés  criminels. 

R.  DE  Saint-Mauris. 
Juin  1878.  T.  XXII,  32. 


—  498  ~ 

Théorie  dw    crédit.  Étude  économique,  par  Clément  Favarel.  Paris, 
Guillaumin,  1876,  2  vol.  in-18  de  xvi-i31-424  p.  —Prix  :  10  fr. 

L'ouvrage  de  M.  Favarel  est  dédié  à  M.  Le  Play.  Cette  dédicace  à 
l'éminent  économiste  est  une  recommandation;  malheureusement,  si 
M.  Favarel  reconnaît  en  M.  Le  Play  un  maître  de  la  science  écono- 
mique, il  s'écarte  complètement  de  la  sage  méthode  tracée  par  l'auteur 
de  la  Reforme  sociale.  Partout  dans  son  livre,  à  l'observation  des  faits 
il  substitue  des  théories  personnelles  plus  ou  moins  heureuses. 

Le  titre,  du  reste,  ne  donne  qu'une  idée  assez  inexacte  de  l'ouvrage. 
M.  Favarel  attribue  au  mot  crédit  un  sens  bien  plus  étendu  que  celui 
fourni  par  l'étymologie  et  admis  de  tout  temps  par  tous  lespublicistes 
et  économistes.  Pour  lui,  le  crédit  est  beaucoup  plus  que  la  confiance 
qu'une  personne  accorde  à  une  autre  {alicnain  fidem  secuti  crcdere 
dicimur,  disait  le  Digeste)  ;  «  le  crédit  est  la  production  et  la  conser- 
vation des  valeurs  ou  capital  (p.  1).  »  Partant  de  cette  notion,  l'auteur 
est  amené  à  exposer  un  programme  complet  d'économie  politique.  Il 
se  rend  compte  d'ailleurs  de  l'immensité  du  champ  qu'il  a  à  parcourir  : 
«  J'ai  dû,  dit-il  dans  sa  préface,  poser  le  problème  social;  n  et  il  a  con- 
fiance que  les  solutions  qu'il  indique  mettront  fin  à  toutes  les  divi- 
sions, rétabliront  l'harmonie  entre  tous  les  intérêts,  «  comme  Archi- 
mède^  comme  Galilée,  je  puis  annoncer  joyeusement  une  grande 
découverte,  comme  Jésus  je  puis  dire  que  j'annonce  au  monde,  une 
bonne  nouvelle  (p.  8).  » 

M.  Favarel  a-t-il  réussi  dans  la  proportion  qu'il  pense?  —  Non 
assurément;  mais  son  livre  contient  des  réflexions  ingénieuses,  des 
aperçus  nouveaux,  des  renseignements  historiques  et  statistiques 
qu'on  lira  avec  fruit.  On  ne  saurait  partager  les  nombreuses  illusions 
de  l'auteur,  ni  admettre  ses  théories  sur  certains  points,  mais  on  doit 
rendre  justice  à  sa  bonne  foi  et  à  ses  bonnes  intentions. 

A.  C. 

Étude    sur   l''ex:ploïtation    des   cliemins   de  Ter  par  l'État^ 

par  M.  F.  Jacquin,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  directeur  de 
la  Compagnie  des  chemins  d^i  fer  de  l'Est.  Paris,  impr.  J.  Claye,  1878, 
gr.  in-8  de  lOi  p. 

Au  moment  où  tant  de  questions  s'agitent  au  sujet  de  plusieurs 
compagnies  de  chemins  de  fer  en  souffrance,  et  où  l'on  préconise  le 
rachat  de  ces  compagnies  par  l'Etat,  il  est  bon  que  des  renseignements 
techniques,  exacts  et  précis  apportent  la  lumière  au  milieu  de  com- 
plications qu'on  pourrait  croire  embrouillées  à  plaisir.  Beaucoup 
parlent  des  chemins  de  fer;  beaucoup  présentent  des  solutions  et  des 
spécifiques  ;  mais  bien  peu  osent  envisager  le  problème  d'un  esprit 
désintéressé  ou  de  sang-froid  :  bien  peu  surtout  connaissent  à  fond 


—  499  — 

leur  sujet,  et  l'ont  étudié  sous  toutes  ses  faces  les  plus  diverses.  La 
question  du  rachat  des  compagnies  par  l'Etat  n'est  pas  la  plus  diffi- 
cile, malgré  les  problèmes  financiers  qui  la  compliquent  ;  celle  de 
l'exploitation  après  le  rachat  est  encore  plus  importante,  et  nul,  mieux 
que  l'ancien  professeur  à  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées,  n'était  capable 
de  la  traiter  dans  ses  plus  minutieux  détails.  On  a  dit  à  la  tribune  de 
la  Chambre  des  députés,  et  l'on  répète  souvent  dans  les  journaux  que, 
chez  toutes  les  nations  étrangères,  il  n'j  avait  plus  d'hésitation,  que 
l'exploitation  des  chemins  de  fer  par  l'Etat  était  désormais  la  solution 
certaine,  indiscutée,  indiscutable.  Or,  il  y  a  aujourd'hui,  dans  le 
monde  entier,  environ  300,000  kilomètres  de  chemins  de  fer.  Prés  de 
la  moitié  existe  en  Amérique,  et  la  plupart  des  Etats  de  l'Amérique  du 
Nord  ont  inscrit  dans  leurs  lois  fondamentales  la  prohibition  absolue 
pour  l'Etat  de  construire  ou  d'exploiter  des  chemins  de  fer.  Il  n'y  a  de 
chemins  de  fer  exploités  par  l'Etat  qu'en  Europe,  et  sur  les  140.000 
kilomètres  qui  la  sillonnent,  les  cinq  sixièmes  sont  exploités  par  des 
compagnies.  M.  Jacqmin  examine  à  fond  la  situation  des  portions  de 
réseaux  exploitées  par  l'État  en  Belgique,  en  Hollande,  en  Prusse, 
en  Autriche,  dans  tous  les  pays  où  l'on  a  tenté  d'entrer  dans  cette 
voie,  et  il  prouve  de  la  façon  la  plus  péremptoiro  que  des  raisons 
politiques  ou  stratégiques  peuvent  seules  motiver  l'application  de  ce 
système.  Au  point  de  vue  économique  général,  il  est  de  toutes  façons 
déplorable  ;  et  l'expérience  que  la  F'rance  en  a  faite  partiellement,  de 
1849  à  1852,  est  fort  peu  encourageante  pour  une  nouvelle  épreuve. 
Tout  cela  est  démontré  par  des  chiff'res  empruntés  aux  sources  les 
plus  authentiques;  et,  pour  conclure,  M.  Jacqmin  n'hésite  pas  à  dé- 
clarer que  la  théorie  de  l'Etat  entrepreneur  général  des  transports, 
désastreuse  au  point  de  vue  financier  général,  n'est  qu'un  achemine- 
ment à  l'Etat  souverain  dispensateur  de  toutes  choses,  c'est-à-dire  au 
communisme .  Si  l'Etat  doit  remplacer  les  compagnies  de  chemins  de 
fer  et  se  charger  de  transporter  hommes  et  choses  sur  tout  le  terri- 
toire français,  pourquoi  ne  pas  lui  attribuer,  comme  accessoires  de  son 
entreprise,  les  omnibus,  les  fiacres,  les  camions,  les  tramways,  les 
bateaux,  en  un  mot  tous  les  moyens  de  locomotion? 

René  Kerviler. 


La  liaison  iPlantiia  à  i^nvers.  Monographie  complète  de  cette  impri- 
merie célèbre  aux  seizième  et  dix-sepième  5Ù"'fZc5. Seconde  édition,  augm.  ntée 
d'une  liste  chronologique  des  ouvrages  imprimés  [lar  Plautin,  a  Anvers, 
de  loooà  1589,  par  Léon  Degeorge.  Bruxelle?,  Gay.  187S,  in-8  de  iii-O,  et 
125  p.  (Tiré  à  500  exempl.  numérotés.) 

Christophe  Plantin    est  un    de    ces  noms  glorieux   dont   s'honore 
la  typographie  au  seizième  siècle  ;  aussi  actif  qu'intelligent,  il  donna 


—  oOU  — 

à  r imprimerie,  dans  les  Pays-Bas,  une  impulsion  des  plus  vives  ;  il 
méritait  bien  qu'une  monographie  lui  fût  consacrée  ;  quelques  travaux 
avaient  déjà  été  faits,  mais  ils  étaient  fort  incomplets;  un  fervent 
ami  des  livres,  M.  L.  Degeorge,  a  eu  l'heureuse  idée  de  décrire  cette 
Maison  Plantin,  dont  l'accès  avait  été  longtemps  interdit  au  public;  il 
s'est  trouvé  en  mesure  de  donner  le  premier  une  description  détaillée 
de  ce  musée  célèbre.  En  1875,  la  ville  d'Anvers  fit  l'acquisition  de  la 
Maison  Plantin;  quelques   changements  ont  été  opérés. 

Rappelons  que  Plantin,  né  en  1514,  près  de  Tours,  mourut  le 
1"  juillet  1589,  à  Anvers,  ou  il  avait  fondé,  en  1550,  un  établissement 
typographique,  qui  devint  un  des  premiers  de  l'Europe;  l'historien 
Guichardin  le  signale  comme  une  des  merveilles  de  l'époque.  Fidèle  à 
la  ville  qu'il  avait  adoptée,  Plantin  refusa  le  titre  et  la  place  d'im- 
primeur du  roi,  que  lui  offrit  Henri  II,  en  l'engageant  à  se  trans- 
porter à  Paris  ;  la  devise  qu'il  avait  adoptée  :  Constantia  et  laborc, 
est  bien  l'image  de  son  noble  caractère  ;  il  lui  fallut,  en  effet,  de  la 
constance  pour  rester  imperturbablement  laborieux  au  milieu  des 
troubles  qui  désolaient  la  Belgique  et  en  dépit  des  guerres  sanglantes 
qui  tourmentaient  l'Europe  ;  après  sa  mort,  l'établissement  passa  aux 
mains  de  son  gendre  Jean  Moretus  (Moorentorlff),  mais  il  ne  tarda 
pas  à  tomber  en  décadence,  et  ce  fut  eh  Hollande,  chez  les  Elzevier 
et  chez  quelques-uns  de  leurs  émules,  que  la  typographie  prit  un  essor 
nouveau. 

Le  catalogue  des  impressions  plantiniennes  comprend  une  multitude 
d'ouvrages  en  hébreu,  en  grec,  en  français,  en  flamand;  tous  livres 
d'un  genre  sérieux  ;  au  seizième  siècle,  les  lectures  frivoles  étaient 
bien  loin  d'avoir  le  développement  qu'elles  ont  acquis  depuis  ;  la 
plus  importante  de  ces  publications  est  la  Biblia  polyglotta,  en  cinq 
langues(hébreu,chaldaïque,  syriaque,  grec  et  latin), 8  vol.in-fol.,  1573- 
1578;  quarante  ouvriers  y  travaillèrent  consécutivement  pendant  quatre 
ans;  c'est,  en  son  genre  et  au  point  de  vue  de  la  difficulté  de  la  com- 
position, un  des  travaux  les  plus  remarquables  qui  aient  été  exécutés; 
la  correction,  hérissée  d'obstacles,  ne  laisse  rien  à  désirer;  cette  Bible 
fut  l'événement  à  la  fois  important  et  glorieux  de  la  vie  du  grand 
typographe. 

Le  volume  que  nous  signalons  est  d'une  exécution  très-soignée;  ilj 
renferme,  entre   autres  illustrations,  un  portait,  d'après  Wierix,  de| 
Plantin,  déjà  vieux,  figure  peu  agréable,  mais  empreinte  de  fermeté 
et  de  résolution  ;  diverses  gravures  nous  montrent  les  détails  de  cons- 
truction de  cette  J/awo/t  célèbre^  dont  la  façade  est  si  délicatement 
ciselée,  si  finement  ornée. 

Un  des  principaux  ornements  de  cette  antique  demeure,  c'est  une 
bibliothèque  des  plus  riches.  Indépendamment  de  la  collection  à  peu 


—  ;;oi  — 

prés  complète  des  ouvrages  sortis  des  presses  do  l'illustre  typographe, 
on  y  trouve  une  très-remarquable  réunion  de  manuscrits,  d'incuna- 
bles, d'ouvrages  rares  ou  de  luxe,  provenant  d'imprimeries  célèbres. 
Les  manuscrits  sont  au  nombre  de  200  environ  ;  on  y  distingue  un 
Sedulius  du  neuvième  siècle,  une  Bible  latine  de  1402,  les  Chro- 
niques de  Froissart  (3  gros  volumes)  ;  beaucoup  de  ces  codices,  la 
plupart  sur  vélin,  sont  ornés  de  miniatures.  Parmi  les  imprimés  au 
quinzième  siècle,  les  Dictz  des  philosophes,  i^a.r  C.  de  Tignoville, volume 
d'une  excessive  rareté,  imprimé  à  Bruges,  vers  1475,  par  Colard 
Mansion.En  tout  8,000  à  9,000  volumes, parmi  lesquels  de  nombreuses 
et  importantes  éditions  de  l'Écriture  sainte,  de  livres  liturgiques,  de 
classiques  grecs  et  latins.  Dans  la  classe  de  Thistoire  de  la  Belgique, 
on  rencontre  un  nombre  considérable  de  ces  Joyeuses  entrées,  de  ces 
Pompes  funèbres,  qu'on  recherche  très-vivement  et  dont  la  rareté  ne 
constitue  pas  le  seul  mérite.  Quelques  grandes  publications,  telles  que 
les  Acta  Sanctorum,  publiés  par  les  Bollandistes  (54  vol.  in-fol.),  et  la 
CoUectio  régla  conclllorum  (37  vol.  in-fol.). 

La  Maison  Plantln  est  un  livre  digne  de  l'homme  célèbre  qui  fut 
une  des  gloires  de  la  ville  d'Anvers;  sous  tous  les  rapports,  il  offre  à 
tous  les  amis  des  études  bibliographiques  un  intérêt  très-vif.        B, 


BELLES-LETTRES 

Mélanges  de  mytliologie  et  de  linguistique,  par  Michel  Bréal, 
membre  de  l'Institut,  professeur  de  grammaire  comparée  au  Collège  de 
France.  Paris,  Hachette,  1878,  in-8  de  vii-416  p. 

M.  Bréal  a  groupé  dans  ce  volume  douze  morceaux  publiés  par  lui 
séparément,  de  1863  à  1873,  et  qu'il  était  difficile  de  réunir.  Nous 
sommes  heureux  de  signaler  à  l'attention  des  lecteurs  du  Pobiblblion 
cette  publication  d'un  maître  à  la  sage  direction  et  aux  savants  con- 
seils duquel  nous  devons  ce  qui  peut  avoir  quelque  valeur  dans  les 
travaux  du  même  ordre  que  nous  avons  entrepris.  Nous  déclarons 
toutefois  que  nous  n'acceptons  pas  sur  tous  points,  les  résultats 
auxquels  M.  Bréal  est  arrivé.  Ainsi,  dans  ses  deux  mémoires  sur 
Hercule  et  Cacus  et  sur  la  géographie  ds  l'Avesta,  il  nous  semble  exa- 
gérer beaucoup  l'influence  de  la  littérature  iranienne  aux  premiers 
âges  de  l'histoire.  A  partir  des  conquêtes  de  Cyrus.  cette  influence 
est  incontestable.  M.  Bréal  fait  observer  avec  raison  que  le  démon 
Asmodée  du  livre  de  Tobie,  m,  8,  porte  un  nom  iranien.  Mais  il  est 
inadmissible  que,  dans  les  chapitres  n  et  ni  de  la  Genèse,  le  serpent, 
l'Eden.  l'arbre  de  vie,  l'arbre  de  la  science  soient  d'origine  iranienne. 
Cette  doctrine  est  inconciliable  avec  ce  que  nous  savons  de  l'histoire 


—  502  — 

la  pins  ancienne  du  bassin  de  l'Euphrate,  où  la  race  sémitique  a  si 
longtemps  domino  à  l'exclusion  des  Iraniens.  Dix  siècles  au  moins 
avant  Cyrus,  les  Chaldéens  y  connaissaient  le  serpent  et  l'arbre 
mystérieux  du  bosquet  des  dieux.  Un  cylindre  babylonien,  publié  dans 
la  Genèse  chaldalque  de  George  Smith  (p.  84  de  la  traduction  alle- 
mande), nous  montre  cet  arbre  surmonté  d'une  fleur  et  de  sept  fruits; 
sur  un  autre  cylindre  bab^^^lonien  (p.  87),  cet  arbre  porte  sept  branches, 
et  les  sept  fruits  du  premier  cylindre  apparaissent  derrière  Bel, 
combattant  le  dragon  dans  un  cj'lindre  assyrien  où  l'on  reconnaît 
aussi  le  type  primitif  de  l'Atlas  grec  (p.  93).  Il  est  donc  inutile  de 
chercher  comme  M.  Bréal,  dans  les  livres  III  et  V,  l'origine  de  l'im- 
portance du  nombre  sept  dans  la  littérature  judaïque  et  dans  d'autres 
littératures  antiques.  Le  nombre  sept  est  encore  désigné  chez  nous, 
par  un  des  mots  si  rares  qui  sont  demeurés  communs  à  la  fois  et  aux 
langues  sémitiques,  et  aux  langues  indo-européennes.  L'ensemble  des 
idées  cosmographiques  qui  se  groupent  autour  de  ce  mot  découle  en 
grande  partie  d'un  fonds  commun,  antérieur  à  la  séparation  des  deux 
grandes  races  qui  ont  joué  un  rôle  si  considérable  dans  l'histoire  de 
l'humanité.  C'est  comme  un  fleuve  dont  la  terre  iranienne  a  subi  l'in- 
fluence, mais  dont  la  source  est  placée  bien  plus  haut,  au  berceau 
même  du  genre  humain.  Il  est  facile  de  voir  que  M.  Bréal  a  fait,  des 
livres  sacrés  de  la  Perse,  une  étude  toute  spéciale,  et  qu'il  n'a  pu 
échapper  à  la  loi  fatale  qui  nous  fait  toujours  sur  quelque  point  exagé- 
rer l'importance  des  questions  dont  notre  esprit  s"est  principalement 
occupé.  Malgré  ce  dissentiment  et  quelques  autres,  qu'il  est  inutile  de 
mentionner,  je  considère  les  Mélanges  de  mythologie  et  de  linguistique 
comme  un  des  livres  les  plus  instructifs  que  puissent  lire  ceux  qui 
s'intéressent  aux  questions  les  plus  élevées  que  touche  la  grammaire 
comparée.  Je  signalerai,  par  exemple,  le  discours  de  l'auteur  sur  les 
idées  latentes  du  langage.  Il  est  difficile  d'allier  avec  plus  de  talent 
la  profondeur  des  aperçus  psychologiques,  la  clarté  des  idées  et  l'élé- 
gance de  l'expression.  H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


t-'EISatîe  cî'Moîî.-ière,  mixc  à  la  porter  de  tout  le  monde,  suivie  du  druxicme 

livre  de  V Enéide  de  Virgile,  par  F.  Daburox.  Piris,  Reichel,  1878,  in-d2de 

500  p. 

Voici  enfin  une  Iliade,  sans  ce  cortège  pai^fois  interminable  de  dis- 
cussions soulevées  par  l'érudition  moderne  autour  du  grand  nom 
d'Homère.  Pas  un  mot  d'Aristarque  ni  de  Wolf  :  pas  une  allusion  à 
la  rédaction  de  Pisistrate  ni  aux  scholies  de  Venise  :  rien  que  les 
chants  du  vieux  poète,  objet  de  l'admiration  des  siè  -les. 

Ce  n"est  pas  que  la  traduction  de  M.  Daburon  se  pique  d'une  exac- 


—  o03  - 

titude  rigoureuse.  Tantôt  elle  saute  à  pieds  joints  sur  des  vers  et 
même  sur  des  passages  entiers  jugés  sans  doute  inutiles:  tantôt,  au 
contraire,  elle  développe  complaisamment  la  pensée  de  l'original.  Que 
M.  Daburon  ait  supprimé  le  plus  souvent  les  épitliôtes  traditionnelles 
des  héros  de  l'Iliade,  épithétes  qui  les  suivent  partout  comme  l'ombre 
suit  le  corps,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  étonner  ;  et  cependant  n'a-t-il 
pas  dit  lui-même,  à  propos  de  certaines  digressions  tout  à  fait  inat- 
tendues :  «  Homère  ne  rencontre  point  de  veine  un  peu  féconde  qu'il 
ne  l'exploite.  Je  ne  sais  si  un  goût  sévère  peut  le  lui  reprocher  :  mais 
on  ne  consentirait  point  à  voir  retrancher  ces  réflexions.  »  Voici  qui 
est  plus  grave.  Ouvrez  le  volume  au  premier  chant.  Ces  vers  si  connus  : 
«  Chante,  ô  Muse,  la  colère  d'Achille,  colère  funeste,  cause  de  tant 
de  maux  pour  les  Grecs,  etc.,  »  sont  remplacés  par  un  exposé  som- 
maire des  événements  dont  la  connaissance  importe  à  l'intelligence 
du  poëme.  Puis,  tout  à  coup,  et  sans  que  le  lecteur  en  soit  averti,  on 
se  retrouve  en  plein  texte  homérique.  L'innovation  est  au  moins 
bizarre. 

Parfois  la  traduction  tourne  à  la  paraphrase.  Je  prends  pour 
exemple  les  deux  vers  du  premier  chant  d'où  est  née  l'expression 
proverbiale  :  «  un  rire  homérique.  »  Voici  comment  ils  sont  rendus 
par  l'auteur  :  «  Comme  les  dieux  voient  Vulcain  s'agiter  et  courir  de 
tous  côtés  dans  le  palais,  avec  une  gaucherie  pleine  de  grâce  et  de 
charme,  un  rire  inextinguible  fait  retentir  la  voûte  fortunée.  »  Ail- 
leurs la  pensée  est  plus  ou  moins  modifiée,  sous  prétexte  de  lui  donner 
plus  de  délicatesse  :  ainsi,  au  sixième  chant,  à  propos  du  célèbre  troc 
de  Glaucus  :  «  J'ai  mis,  dit  le  traducteur  lui-même,  plus  de  désinté- 
ressement de  part  et  d'autre  dans  l'échange  des  armes  que  ne  l'a  fait 
Homère.  Pope  m'en  a  donné  l'exemple.  Je  l'ai  suivi  et  même  dépassé, 
espérant  que,  vu  la  bonne  intention,  on  me  le  pardonnera  (p.  104).  » 
Assurément  nous  serons  indulgents,  d'autant  plus  indulgents  que 
M.  Daburon  destine  son  Hiade  aux  gens  du  monde,  lesquels,  on  le  sait 
ignorent  ces  scrupules  qui  affligent  les  érudits. 

Chaque  chant  est  suivi  de  notes  explicatives  rédigées  avec  une 
sobriété  trop  rare  en  pareil  cas.  La  plupart  portent  l'empreinte  d'une 
douce  et  pieuse  philosophie.  M.  Daburon  a  raison  d'affirmer  que  ces 
vieilles  épopées  contiennent  tout  un  code  de  morale.  H  a  voulu  mon- 
trer en  quelle  estime  Homère  tenait  le  sentiment  religieux,  et  à  quelle 
hauteur  s'était  élevée  sur  certains  points  la  sagesse  païenne.  En  même 
tfiinps,  il  nous  fait  voir  le  christianisme  substituant  à  l'impitoyable 
destin  une  Providence  miséricordieuse,  à  la  vengeance  le  pardon  des 
injures,  et  apportant  à  l'humanité  malheureuse  d'immortelles  espé- 
rances. C'est  par  là,  il  me  spmble,  que  se  distingue  de  toutes  les  pré- 
cédentes cette  nouvelle  traduction  d'Homère;    c'est   pour  ce  motif 


—  oOi  — 

surtout  qu'elle  sera  la  bienvenue  auprès  des  maîtres  et  des  élèves  de 
nos  établissements  religieux.  C.  Huit. 


Del  trlonfo  della  libevtà^ pocma  inprftiodi  Alejsandro  Manzoni  conlel- 
teredello  stesso  c  note  prececlute  de  uno  studio  di  C.  Romussi.  P.  Carrara,  1878, 
in-8  de  280  p.  —  Prix  :  5  fr. 

Les  revues  italiennes  ont  parlé  d'un  poëme  appartenant  à  la  jeu- 
nesse de  Manzoni  et  portant  ce  titre  II  trlonfo  della  librrtà.  Ce  poëme, 
que  nous  venons  de  lirea,  été  publié  comme  œuvre  inédite  ;  mais, d'après 
un  article  de  l'Univers  (numéro  du  13  avril  1878),  il  fut  imprimé 
dès  1806.  Suivant  le  même  journal,  Manzoni  rétracta  plusieurs  fois  les 
opinions  qu'il  avait  émises  dans  cette  œuvre  juvénile,  sur  laquelle, 
en  1847  encore,  il  s'exprimait  avec  dédain,  dans  une  lettre  adressée 
à  Don  Francesco  Calandri,  recteur  du  collège  de  Saint-André  de  Lu- 
gano.  Ce  poëme,  écrit  par  un  écolier  de  seize  ans,  révèle  certaine- 
ment de  grandes  aptitudes  littéraires,  mais  fùt-il  inédit,  le  publier 
n'eût  pas  été  une  manière  d'honorer  la  grande  mémoire  de  son  au- 
teur. Toutes  les  autres  œuvres  de  Manzoni  sont  la  condamnation  des 
doctrines  qui  ont  inspiré  ce  coup  d'essai. 

//  trlonfo  della  libcrlà  est  précédé  d'une  étude  de  M.  C.  Romussi, 
étude  intéressante  à  bien  des  égards,  mais  composée  sous  l'influence 
d'opinions  qui  ne  sont  pas  les  nôtres.  Il  y  a,dans  ce  travail, des  parti- 
cularités curieuses,  des  lettres  inédites  de  Manzoni,  des  renseigne- 
ments que  ne  négligeront  certainement  pas  les  biographes  du  célèbre 
écrivain.  Suivant  M.  Romussi,  l'anecdote  qui  fait  dater  la  conversion 
de  Manzoni  d'un  jour  où,  par  hasard,  il  entra  dans  l'église  Saint-Roch 
est  fort  peu  probable.  Manzoni  avait  épousé  une  protestante,  qui, 
convertie  au  catholicisme  y  ramena  son  mari,  égaré,  mais  non  devenu 
athée  comme  on  l'a  prétendu.  Cette  étude  de  M.  Romussi  contient 
aussi  des  détails  sur  la  situation  littéraire  de  l'Italie  au  commence- 
ment de  ce  siècle  et  sur  les  œuvres  de  l'homme  qui  devait  faire  si 
grand  honneur  à  sa  patrie.  Th.  P. 


La  FâBBo   du   I^liaraoïi,  roman  historique,    traduit    de  l'allemand    de 
de  M.  Georges  Euers.    Liège,   Ci-andinonl-Donders;   Bruxelles,  Lebègue; 
Paris,  Sandoz    et  Fischbacher,   3   vol.   petit    in-8    de   287,   313,  3C0    p. 
La  Fille  des  Pharaons,  l'un  des- meilleurs  ouvrages  que  M.  Ebers  ait 
consacrés  à  l'ancienne  Egypte,  est  le  dernier  mot  de  cette  science 
infatigable  et  persévérante,  dont  nos  voisins  prétendent,  sans  trop  de 
raison,  avoir  le  privilège.  11  a  fallu  un  prodige   de  travail  et  d'érudi- 
tion pour  recueillir  dans  les  livres  des  égyptologues  modernes  tous  les 
traits  d'une  peinture  fraîche  comme  sî  elle  datait  d'hier,  exacte  par- 


—  oOa  — 

fois  jusqu'à  la  minutie  et  qui  nous  rend  dans  toute  sa  réalité  l'Egypte 
d'il  y  a  vingt-quatre  siècles.  Depuis  les  pompes  des  fêtes  religieuses 
et  des  solennités  royales  jusqu'aux  détails  familiers  de  la  vie  domes- 
tique, tout  revit  à  nos  yeux;  et,  en  plus  d'un  point,  l'auteur  décliire  le 
voile  qui  couvre  à  notre  curiosité  les  mœurs,  les  habitudes,  les  tradi- 
tions religieuses,  l'existence  politique  des  peuples  de  l'antiquité. 
Mais  la  Fille  du  Pharaon  n'est  pas  seulement  un  livre  de  science  ; 
c'est  aussi  un  roman.  On  se  récriera  peut-être;  on  se  rappellera 
tant  de  tentatives  malheureuses  pour  unir  l'utile  àTagréable,  le  plai- 
sant au  sévère,  qui  ne  se  sont  pas  assez  défiées  du  genre  ennuyeux. 
Cette  prévention  se  dissipera  dès  les  premières  pages  de  l'œuvre  de 
M.  Ebers  :  elle  ne  se  compose  pas  d'une  suite  de  descriptions  et  de 
dissertations  péniblement  reliées  entre  elles.  Les  préoccupations 
scientifiques  n'ont  pas  réduit  à  de  simples  accessoires  la  peinture  des 
caractères  et  le  développement  des  passions;  et,  sous  ce  dernier  rap- 
port, l'amour,  la  jalousie,  l'ambition  humaines  d'il  y  a  deux  mille  cinq 
cents  ans  ne  difi'èrent  pas  assez,  que  je  sache,  de  nos  passions  d'au- 
jourd'hui, pour  n'avoir  pas  le  don  d'exciter  notre  intérêt. 

A  Tépoque  où  M.  Ebers  se  reporte,  l'Egypte  était  gouvernée  par 
le  roiAmasis.  Grâce  à  la  protection  dont  il  les  entourait,  un  grand 
nombre  de  Grecs  s'étaient  fixés  dans  le  pays,  et  ce  n'est  pas  l'un  des 
côtés  les  moins  attachants  de  l'ouvrage  que  la  peinture  de  ces  Grecs 
plus  civilisés  que  leurs  hôtes,  regardant  d'un  œil  méprisant  leurs  tradi- 
tions surannées,  conservant,  loin  du  sol  natal,  non-seulement  l'amour 
de  la  patrie,  mais  leurs  caractères  propres,  l'Ionien  sa  vivacité,  le 
Spartiate  sa  rudesse,  l'Athénien  cet  ensemble  do  qualités  raffinées 
qui  est  l'atticisme.  Les  prêtres  détestent  en  eux  des  obstacles  à  leur 
domination;  le  fils  du  roi,  Psamtic,  est  entre  leurs  mains  un  instru- 
ment qu'ils  dirigent  contre  les  odieux  étrangers  et  contre  Amasis  lui- 
même,  coupable  de  s'être  afî'ranchi  de  leur  empire.  Le  caractère 
faible,  défiant  et  ombrageux  de  Psamtic,  est  tracé  avec  une  vérité 
admirable  ;  mais  l'héroïne  du  roman,  c'est  Nicetis,  la  fille  du  Pharaon, 
fiancée  au  roi  des  Perses,  Cambyse.  Le  fils  de  Cyrus  a  une  âme  fière, 
indomptable;  la  jalousie  le  dévore:  des  intrigues  de  palais  s'our- 
dissent contre  la  jeune  reine  et  parviennent  à  rendre  sa  vertu  sus- 
pecte à  Cambyse.  L'innocente  victime  succombe  à  la  douleur  de  se 
savoir  soupçonnée.  Cet  épisode  est  traité  avec  une  grande  habileté; 
l'âme  farouche  du  roi  des  Perses,  qui  s'adoucit  un  instant  au  contact 
de  l'âme  pure  et  tendre  de  Nicetis,  est  merveilleusement  dépeinte.  La 
conquête  de  l'Egypte  par  Cambyse  et  la  chute  de  Psamtic  que  sa 
tyrannie  et  sa  soumission  aux  ordres  des  prêtres  ont  fait  détester, 
terminent  le  roman. 

La  Fillf  lin.   Phnrnoii  avait  déjà  été  traduite  en  danois,  en  anglais, 


en  hollandais,  etc.,  et  toutes  ces  traductions  avaient  obtenu  plusieurs 
éditions.  Ce  succès  a  encouragé  M.  Grandmont  à  transporter  dans 
notre  langue  Fouvriige  de  M.  Ebers.  L'entreprise  n'était  pas  sans 
difficultés;  les  lecteurs  français  ont,  en  fait  de  style  et  de  clarté, 
d'autres  exigences  que  les  lecteurs  allemands.  M.  Grandmont  Ta  par- 
faitement compris,  et  nous  osons  présager  à  sa  traduction  une  bonne 
fortune  égale  à  celle  de  ses  devancières.  Les  liseurs  et  les  amateurs 
de  Tantiquité  y  trouveront  chacun  leur  compte  ;  nous  recommandons 
à  ces  derniers  d'une  manière  toute  spéciale  les  nombreuses  et  inté- 
ressantes notes  qui  terminent  chaque  volume.  Elles  ajoutent  d'utiles 
développements  aux  points  que  le  romancier  n'a  pu  qu'effleurer  dans 
son  récit  et  contiennent  l'indication  des  sources  où  M.  Ebers  a  puisé. 

Henri  Francotte. 


Corneille,  la  critique  idéale  et  catholique,  par  Auguste  Charaux,  profes- 
seur de  littératui-e  à  l'Université  catholique  de  Lille,  avec  une  introduc- 
tion par  le  R.  P.  Marquigny.  Lille,  Ch.  de  Muyssart,  1878,  in-12de  xxii- 
352  p. 

Il  y  eut  un  temps — pas  bien  éloigné  de  nous  — où  le  respect  humain 
arrêtait  les  catholiques  dans  la  démonstration  de  leur  foi.Alor5, 
c'était  déjà  beaucoup  d'exprimer  de  vagues  sentiments  religieux.  Nous 
n'en  sommes  plus  là,  et  voici  un  jeune  et  brillant  professeur  qui,  dès 
le  début  de  son  cours,  se  pose  nettement  comme  catholique  et  dé- 
montre que  le  vrai  beau  émane  de  la  foi  dont  il  se  fait  l'éloquent  dé- 
fenseur. Comme  on  pourrait  le  croire  d'après  le  titre  de  son  livre,  ce 
n'est  pas  uniquement  de  Corneille  que  M.  Charaux  a  entretenu  ses  au- 
diteurs. Avant  d'arriver  au  grand  tragique, il  a  entrepris  une  étude  sur 
les  lettres  contemporaines.  M.  Charaux  a  le  style  énergique,  la  pen- 
sée élevée:  en  général,  le  jugement  impartial,  et  l'on  comprend  tout 
le  succès  qui  s'est  fait  autour  de  sa  chaire.  Dans  le  volume  que  nous 
avons  sous  les  yeux,  le  Cid  et  Nicomède  sont  les  seules  pièces  de  Cor- 
neille dont  M.  Charaux  se  soit  occupé.  Le  premier  a  été  pour  lui  le 
sujet  d'un  examen  approfondi,  et  le  professeur  nous  a  parlé  du  héros 
castillan,  qui  devait  devenir  un  héros  si  français,  en  homme  à  qui  ni 
les  anciens  poëmes  espagnols, ni  le  drame  de  Guillen  de  Castro  ne  sont 
étrangers.  Peut  être  serions -nous  plus  indulgents  que  M.  Charaux  pour 
quelques  écrivains  contemporains  et  un  peu  moins  pour  quelques 
auteurs  anciens;  ainsi,  après  avoir  parlé  de  nos  vieilles  épopées,  et 
notamment  de  celles  de  la  Table  ronde,  le  professeur  ajoute  :  «  Ce 
fut  longtemps  le  récit  tourmenté  d'exploits  merveilleux,  de  longs 
combats,  d'efforts  sublimes  où  l'esprit  pouvait  s'ennuyer,  mais  où  le 
cœur  ne  pouvait  se  corrompre  (p.  Gl).»Certes,bon  nombre  de  nos  an- 


—  o07  — 

ciens  romans  sont  loin  d'être  édifiants  et  les  amours  de  la  reine  Ge- 
nièvre et  de  Lancelot,  de  Tristan  et  d'Iseult  peuvent  très-bien  comme 
au  temps  de  Dente  : 

Noi  legfenamo  un  giornio... 

avoir  encore  aujourd'hui  une  influence  corruptrice. 

Le  cours  de  M.  Charaux  est  précédé  d'une  introduction  qui  avait 
antérieurement  paru  dans  les  Études  religieuses  de  la  Compagnie  de 
Jésus,  et  dans  laquelle  le  R.  P.  Marquigny  met  bien  en  relief  les  qua- 
lités du  professeur,  qualités  qui  lui  assignent  une  place  à  part,  car  la 
critique  telle  qu'il  l'exerce  est  neuve,  et  il  la  définit  en  la  nommant 
très-bien  «  la  critique  idéale  et  catholique.  »  Th.  P. 


La  I*oesîa  popoJare  italiana,  sludj  di  Alessandro  d'Anton  a.  Livourne, 
V.  Vigo,  1878,  in-15  de  xn-470  p,  —  Prix  :  ;'»  fr. 

Nous  avons  parlé,  il  3-  a  peu  de  temps,  d'une  histoire  de  la  poésie 
populaire  italienne  de  M.  Rubieri.  Elle  a  été  suivie  de  très-près  par 
l'ouvrage  de  M.  d'Ancona.  Les  deux  écrivains,  à  Tinsu  l'un  de  l'autre, 
avaient  entrepris,  non  une  tâche  tout  à  fait  semblable,  mais  une 
besogne  dont  nécessairement  bien  des  points  étaient  identiques. 
M.  d'Ancona  a,  du  reste,  procédé  d'une  autre  manière  que  M.  Rubieri; 
il  a  moins  voulu  écrire  une  histoire  complète  et  méthodique  qu'une 
étude  dont,  on  pourrait  le  croire,  le  plan  n'a  pas  été  tout  d'abord 
très-nettement  arrêté.  Tel  qu'il  est,  du  reste,  nous  préférons  le  livre 
de  M.  d'Ancona,  tout  en  reconnaissant  qu'il  pèche  peut-être  un  peu 
au  point  de  vue  de  la  composition.  On  ne  se  rend  —  selon  nous  — 
pas  assez  vite  compte  du  dessein  de  l'auteur;  son  système  ne  s'expose 
que  tardivement,  que  par  pages  isolées  et  qu'il  faut  relier  pour  bien 
comprendre  la  pensée  dominante  de  l'œuvre.  Nous  essayerons  d'abord 
de  résumer  très-brièvement  l'opinion  dont  M.  d'Ancona  a  trop 
éparpillé  le  développement.  Il  existe  entre  les  poésies  populaires 
lyriques  de  l'Italie  une  étrange  ressemblance,  ou,  pour  mieux  dire, 
la  lyrique  populaire  y  est  partout  la  même.  La  grande  source  a  été  la 
Sicile  dont  Dante  et  Pétrarque  reconnaissaient  déjà  les  vieux  poètes 
comme  les  plus  anciens  et  les  meilleurs  de  l'Italie.  Mais  de  la  Sicile 
et  du  dialecte  qu'on  y  parle,  les  cliants  passèrent  à  la  Toscane  et  à  sa 
langue  plus  pure  (p.  287,  293,  295),  et  se  répandirent  ensuite  dans 
toute  la  péninsule.  Dans  des  pages  finales,  M.  d'Ancona  revient  à 
cette  opinion  et  la  complète  par  quelques  considérations  nouvelles. 
Il  distingue,  dans  la  poésie  italienne,  une  forme  spontanée  plus  plé- 
béienne, quoique  non  exempte  de  quelques  visées  artistiques,  et  une 
forme  plus  artificielle,  plus  littéraire;  l'une  antique,  remontant  aux 
premiers  temps  de  la  langue,  l'autre  ne  datant  que  de  trois  ou  quatre 


siècles.  La  source  de  toutes  Jeux,  il  le  répète,  est  la  Sicile.  Souvent 
ces  deux  poésies,  marchant  de  conserve,  s'envoyèrent  de  réciproques 
influences  et,  en  réalité,  elles  ne  diflfèrent  pas  autant  qu'on  pourrait 
le  supposer.  Une  bonne  partie  du  volume  est  consacrée  à  la  démonstra- 
tion de  cette  thèse,  en  faveur  de  laquelle  Fauteur  prodigue  des  cita- 
tions en  général  assez  bien  choisies  pour  faire  oublier  au  lecteur  la 
longueur  du  chemin.  Des  découvertes  curieuses,  des  observations 
intéressantes  parsèment  le  livre  de  M,  d'Ancona.  On  lira  avec  profit 
ses  recherches  sur  les  traces  que  d'anciennes  chansons  ont  laissées  dans 
les  récits  des  vieux  conteurs  italiens  (p.  99);  sa  discussion,  toute 
courtoise,  avec  Pitre  (p,  117);  M.  d'Ancona  ne  pense  pas  que  la  pré- 
sence d'un  nom  historique  dans  un  chant  populaire  puisse  autoriser  à 
croire  ce  chant  contemporain  du  personnage  cité.  Il  a  bien  raison.  A 
ce  compte,  notre  chanson  du  roi  Dagobert  remonterait  au  septième 
siècle.  L'auteur  nous  montre  très-bien  (p.  124),  comment  le  peuple, 
sous  l'influence  d'événements  contemporains,  transforme  des  chants 
plus  anciens.  —  En  parlant  d'une  célèbre  légende  sicilienne,  la  Baro- 
nessa  dl  Carml,  publiée  par  Salomone  Salvatore  Marino,  M.  d'Ancona 
émet  une  opinion  que  nous-même  nous  avons  jadis  timidement  expri- 
mée {Revue  critique  du  14  juin  1873)  et  à  laquelle  nous  tenons  bien 
davantage  maintenant.  Il  pense,  comme  nous,  que  la  rencontre  de 
Vincenzo  Vernagallo  et  de  sa  maîtresse  damnée  doit  être  une  inter- 
polation. A  propos  de  cette  situation,  M.  d'Ancona  cite  un  chant  du 
Pays  messin  (Chenils  populaires  du  Peiys  messin,  p.  71),  mais  il  se 
trompe  en  représentont  l'entrevue  qui  en  fait  le  sujet  comme  ayant 
lieu  en  enfer,  et  oublie  un  chant  breton  qui  a  plus  de  rapport  avec  la 
pièce  sicilienne  {(hverziou  Breiz-Izel,  t.  I,  p.  45).  En  général  l'auteur 
a  beaucoup  négligé  les  parallèles  pris  en-dehors  de  l'Italie  ;  il  ne  com- 
pare guère  que  quatre  ou  cinq  poésies  populaires  françaises  à  des 
chants  italiens,  et  ne  s'occupe  pas  des  rapprochements  que  pouvait  lui 
ofl'rir  l'Espagne.  Que  M.  d'Ancona  ouvre  les  Cuentos  y  poesias  popu- 
lares  andaluces.  Il  y  trouvera  de  nombreuses  analogies  que  je  ne  puis 
rappeler  ici,  mais  que  j'ai  signalées  jadis  à  Giuseppe  Pitre  (Rivistei 
sieula.  Délia  letleratura  popolare  deW  Andaluzia,  vol.  VI,  1871). 

Malgré  ce  peu  de  souci  des  rapprochements,  le  livre  de  M.  d'Ancona 
nous  semble  ce  que  nous  possédons  de  plus  complet  sur  la  lyrique 
populaire  italienne.  Malheureusement  le  savant  critique  a  négligé  la 
poésie  épique,  il  l'a  négligée  à  tel  point  qu'on  peut  espérer  de  lui  un 
nouvel  ouvrage  sur  ce  sujet.  En  eifet,  dans  le  présent  volume,  il  n'est 
question  qu'épisodiquement  (p.  124,  146,  177)  de  cette  branche  très- 
féconde  de  la  littérature  populaire  de  l'Italie  du  nord. 

Th.  de  Puym.mgre. 


509 


HISTOIRE 

Histoire desRomaîns  depuis  lestemps  lesplu»^ reculés  jus- 
qu'à l'invasion  des  barbares,  par  V.  DL'RUv.Nouv<^lle  édition,  revue, 
augraeutée  et  enrichie   de  plus  de  2,000   gravures  et  de   100  cartes   ou 
plans.  Hachette,  1878.  —  Une  livraison  gr.  in-8  par  semaine,  50  c. 
Nous  avons  déjà  rendu  compte  de  cet  ouvrage  important  à  mesure 
que  paraissait  l'un  des  six  volumes  qui  forment  la  première  édition; 
nous  avons  rendu  hommage  à  l'érudition  et  au  talent  d'écrivain  de 
l'auteur;  nous  avons  dit  et  répété  que  cette   Histoiir  des   Ro^nains 
était  la  meilleure  qui  eût  été  composée,  la  seule  qui  fût  au  courant  de 
la  science;  nous  avons  posé  quelques  réserves,  principalement  à  l'oc- 
casion de  certaines  appréciations  religieuses  ;   nous  les  maintenons. 
Il  appartient  à  l'auteur  de  voir  si,  dans  une  éàiiionnowx  elle,  l'e  fondue, 
et  destinée  à  être  très-répandue,  il  ne  sera  pas  opportun  de  modifier 
certaines  pages  où  ses  opinions  personnelles  priment  l'impartialité  de 
l'historien  et  peuvent  mettre  en  défiance  toute  une  catégorie  nombreuse 
de  lecteurs. 

La  maison  Hachette  a  eu  une  heureuse  idée  en  vulgarisant  l'His- 
toire des  Romains  par  une  édition  enrichie  de  nombreuses  gravures 
(il  n'y  en  a  jamais  trop)  et  paraissant  par  livraisons.  En  notre  temps, 
les  gros  volumes  efirayent  les  lecteurs  pour  qui  les  journaux  politi- 
ques ne  sont  jamais  assez  bavards  et  les  in-octavos  toujours  trop 
épais.  Il  faut  instruire  le  vulgaire  à  son  insu  par  de  nombreuses  et 
bonnes  images,  et  à  petite  dose.  Nous  sommes  convaincu  que,  grâce 
à  la  r.ouvelle  édition,  dans  deux  ans,  il  j  aura  un  certain  nombre  de 
Français  sachant  l'histoire  romaine  beaucoup  mieux  que  la  plupart 
des  bacheliers  sortant  de  l'examen. 

Les  illustrations,  ici,  jouent  un  rôle  très-important  ;  nous  ne  saurions 
trop  recommander  aux  éditeurs  d'apporter  un  soin  scrupuleux  dans 
leur  choix.  Dès  à  présent,  je  les  engage  à  s'assurer  que  le  vase  pana- 
thénaïque  de  Chiusi,  est  bien  authentique.  Je  les  engage  aussi  à 
renoncer  au  mode  de  gravure  employé  pour  la  monnaie  représentée 
page  II;  cela  est  très-mauvais  et  rappelle  ces  clichés  banaux  qui 
traînent  partout  ;  je  leur  signale  enfin  le  mot  médaille  employé  pour 
monnaie,  très-improprement.  Nous  reviendrons  sur  cette  belle  publi- 
cation dès  que  le  premier  volume  aura  paru. 

A.  DE  B. 

I*ierre  Olivaint,  prêtre  de  îa  Compagnie  de  «lésus,  par   le 

P.  Clair,  de  la  mêm-3  Compa.i^nie.   Paris,  Palmé;  Bruxelles,   J.  Albane!, 

in-12  de  ni-490  p.  avec  portrait  gravé.  —  Prix  :  3  fr.  30. 

Témoin  de  nos  luttes,  auxquelles  il   a  pris  part,  et  de  nos    défail- 


—  310  — 

lances,  de  nos  victoires  et  de  nos  défaites,  leP.Olivaint  semble  revenir 
parmi  nous  pour  nous  jeter  son  cri  favori  «  courage  et  confiance  !  » 
C'était  comme  la  théorie  de  sa  direction,  c'est  la  conclusion  de  sa  vie 
que  le  P.  Clair  vient  de  retracer  sous  des  couleurs  si  vraies,  avec 
tant  d'amour  et  d'émotion  et  dans  un  récit  si  attachant.  On  voit  qu'il 
n'écrit  pas  seulement  d'après  les  documents  les  plus  précieux,  mais 
qu'il  connaît  son  sujet  à  fond  et  de  visu. 

On  ne  saura  jamais  assez  avec  quelle  perfection  le  P.  Olivaint  a 
accompli  ses  devoirs  de  religieux,  quelle  douceur  et  quelle  force  il 
avait  dans  sa  direction,  inspirée  par  ces  deux  mots  :  courage  et 
confiance,  quel  attrait  il  exerçait  sur  la  jeunesse,  comme  le  profes- 
seur et  le  maître  savaient  se  faire  aimer,  quelle  action  il  eut  par  ses 
conseils  sur  les  personnes  et  les  œuvres  de  son  temps,  quelles  larges  et 
grandes  idées  il  avait  sur  les  questions  agitées  autour  de  lui— indiquons 
seulement  ici  l'enseignement  de  l'histoire  (p.  263),  —  quelle  mort 
glorieuse  est  venue  couronner  sa  vie.  Il  semble  que  le  récit  qu'en  fait 
le  Père  Clair  est  neuf,  tant  on  y  découvre  de  choses  admirables.  On 
apprend  encore  beaucoup,  quoique  la  plupart  de  ces  choses  fussent 
connues  au  moins  dans  leur  ensemble. 

Mais  Pierre  Olivaint,  avant  sa  conversion,  avant  son  entrée  dans 
la  Compagnie  de  Jésus,  est  un  homme  nouveau  pour  le  plus  grand 
nombre.  On  assiste  à  tout  le  travail  qui  se  fait  dans  cette  âme  d'abord 
éloignée  du  Dieu  auquel  elle  devait  se  donner  tout  entière,  travail 
intéressant  à  suivre  au  point  de  vue  psychologique,  d'abord,  puis  au 
point  de  vue  historique,  car  il  montre  bien  l'état  des  esprits  à  cette 
époque,  comme  la  seconde  partie  de  cette  vie  fournit  de  fort  belles 
pages  à  l'histoire  de  la  liberté  d'enseignement.  Né  dans  un  intérieur 
où  Dieu  était  absent,  élevé  dans  des  établissements  universitaires, 
disciple  et  admirateur  de  Michelet,  si  son  esprit  fut  le  jouet  de  l'er- 
reur, son  cœur  paraît  s'être  conservé  pur  :  c'est  pour  cela  qu'il  fut 
toujours  si  tendre,  si  dévoué  pour  sa  mère  qu'il  eut  le  bonheur  de 
conquérir  à  Dieu  :  «  Tout  pour  elle  et  rien  pour  moi,  »  disait-il;  qu'il 
eut  ces  fortes  et  vigoureuses  amitiés  qui  se  sont  mutuellement  soute- 
nues jusqu'à  l'arrivée  au  port;  qu'il  sentit  toujours  des  aspirations  au  dé- 
vouement et  au  martyre  :«  Je  voudrais,  si  par  impossible  j'étais  prêtre^ 
devenir  missionnaire  et  si  j'étais  missionnaire  être  martyr,  n  Aussi 
sa  conversion  fut  plus  facile  que  celle  de  beaucoup  d'autres  et,  quand 
une  fois  il  fut  dans  la  bonne  voie,  il  put  se  comparer  à  «  un  wagon  qui  a 
trouvé  les  rails  et  que  rien  n'arrête  plus.  »  Son  zèle  toujours  prudent 
n'a  pas  de  bornes  ;  il  l'exerce  sur  ses  amis,  sur  tous  ceux  qui  l'entou- 
rent et  acquiert  sur  tous  ses  camarades,  par  sa  droiture  et  sa  générosité, 
un  ascendant  qu'ont  subi  tous  ceux  qui  l'ont  approché.  A  l'Ecole 
normale,  il  sut  conquérir  l'estime  pour  la  «  bande  des  niais,  »  autre- 


—  511  — 

ment  dit  des  catholiques,  dont  il  était  l'honneur,  et  plus  tard,  lorsqu'il 
concourut  pour  l'agrégation,  le  président  du  jury,  M.  Saint-Marc 
Girardin,  le  félicitant  de  la  manière  dont  il  avait  défendu  la  cause  de 
Grégoire  VII,  lui  adressa  cet  éloge  :  «  Nous  venons  d'entendre  la  vertu 
plaider  la  cause  de  la  vertu.  »  On  trouve  le  P.  Lacordaire  et  le 
P.  de  Ravignan  dans  le  grande  œuvre  de  son  retour  à  Dieu  ;  et  lui,  on 
le  rencontre  dans  toutes  les  bonnes  œuvres  :  il  fut  un  des  plus  zélés 
propagateurs  de  la  Société  de  Saint- Vincent  de  Paul.  Les  circonstances 
de  son  entrée  dans  la  Compagnie  de  Jésus  ont  un  caractère  providen- 
tiel bien  marqué  et  sont  bien  de  nature  à  piquer  la  curiosité.  Nous 
devons  nous  borner  à  les  signaler,  comme  beaucoup  d'autres  choses. 
Mais  nous  avons  la  conviction  que  tous  ceux  qui  liront  Pierre  Oïivaint 
nous  sauront  gré  de  leur  avoir  indiqué  un  si  bon  livre. 

René  de  Saint-Mauris. 


La  Faiiiîîîe  tle  «Jeanne  tl'Ai'c,  documents  inédits,  généalogie,  lettres  de 
G.  Hordal  et  de  Cl.  du  Lys  à  Ch.  du  Lys,  publiées  pour  la  première  fois  par 
E.  de  BouTEiLLEH  et  G.  de  Braux.  Paris.  Claudin,  1878,  pet.  Jn-8  de  vi- 
293  p.  —  Prix  12  fr.  oO.  Tiré  à  petit  nombre. 

«S'occuper  de  la  famille  de  la  Pucelle,  c'est  encore  s'occuper  d'elle 
en  rappelant  son  souvenir.  Aussi  est-ce  sous  le  patronage  de  ce  sou- 
venir sacré  que  nous  plaçons  nos  modestes  études.  »  Ces  lignes  ter- 
minent la  préface  du  beau  volume  que  viennent  de  publier  MM.  E.  de 
Bouteiller  etG.de  Braux,  et  elles  font  pressentir  tout  l'intérêt  qu'il 
inspirera.  —  Au  dix-huitième  siècle,  Charles  du  Lys,  descendant  d'un 
des  frères  de  Jeanne,  fît  paraître  trois  éditions,  successivement  amé- 
liorées, d'un  ouvrage  sur  la  famille  de  la  Pucelle.  Ce  travail  était 
devenu  fort  rare,  lorsque  M.  Vallet  de  Viriville  le  comprit  dans  sa 
collection,  publiée  par  Aubry.  L'obligeance  de  M.  le  comte  de  Ma- 
leissye,  arrière-petit-fils  de  Charles  du  Lys  et  possesseur  de  ses  ma- 
nuscrits, a  permis  à  nos  deux  Lorrains  de  consulter  tous  les  documents 
employés  par  le  généalogiste,  et  d'infatigables  recherches  person- 
nelles les  ont  mis  à  même  de  rétablir  des  branches  dont  l'existence 
était  ignorée,  et  de  continuer  les  filiations  jusqu'à  nos  jours.  Le 
nombre  de  familles  se  rattachant  à  la  bonne  Lorraine  est  très- considé- 
rable. Dix  pages  de  table  suffisent  à  peine  à  en  contenir  Tindication. 
On  rencontre  là  le  nom  d'un  de  nos  poètes  les  plus  lus,  mais  je  ne 
pardonne  pas  à  Alfred  de  Musset  d'avoir,  dans  un  doses  poèmes 
moqueurs,  plaisanté  avec  le  souvenir  de  Jeanne  d'Arc,  d'avoir  dit  en 
se  peignant  dans  Mardoche  : 

Bornez-vous  à  savoir  qu'il  avait  la  Pucelle 
D'Orléans  pour  aïeule  en  ligne  maternelle.  . 


Les  familles  qui  rencontrent  dans  leur  arbre  généalogique  cette 
grande  illustration  de  Jeanne  d'Arc  —  c'est  un  honneur  que  peut 
revendiquer  l'un  de  nos  deux  auteurs,  M.  de  Braux  —  liront  avec 
empressement  l'ouvrage  que  nous  annonçons.  Mais,  abstraction  faite 
de  ce  motif,  ce  livre  se  recommande  encore  vivement  par  ses  mérites 
intrinsèques  à  des  lecteurs  plus  désintéressés. 

Il  commence  par  des  lettres  inédites  de   Jean  Hordal  et  de  Claude 
du  Lys,   lettres  relatives  aux   recherches   de  ce  dernier.   Elles  sont 
suivies  d'éclaircissements  pleins  de  curieuses  recherches.  N'oublions 
pas  de  mentionner   une  note  (p.  83)  sur  Torthographe   du  nom  de 
Jeanne.  Vient,  après  cela,  la  généalogie  dont  nous  parlions  tout  à 
l'heure,  et  que  complètent  des  preuves,  où  MM.  de  Bouteiller  et  de 
Braux   ont  réuni  patiemment  beaucoup  de  faits  peu  connus,  de  docu- 
ments  inédits  pour   la  plupart.  Nous  avons  trouvé  là  (p.  185),  sur  la 
fortune  des  parents  de  la  Pucelle,  des  détails  qui  ont  leur  prix.  Les 
biens  que  possédaient  son  père  et  sa  mère,  se  composaient  d'environ 
vingt  hectares,  douze  en  terre,  quatre  en  prés  et  quatre  en  bois,  des- 
quels faisait  partie  ce  fameux  bois  Chenu,  dont  il  a  été  tant  parlé  : 
ils  avaient  do  plus  leur  maison  et,  en  réserve,  une  certaine  somme 
destinée  aux  dépenses  d'une  fuite  en  cas  d'invasion.  Tout  cela  pouvait 
constituer  une  fortune  qui  équivaudrait  aujourd'hui  à  80,000  francs. 
Sur  la  maison  dont  il  vient  d'être  question.  MM.  de  Bouteiller  et 
de  Braux  uut  publié  une  pièce  inédite  jusqu'à  eux,  c'est  l'acte  d'ac- 
quisition de  cette  maison,  acquisition  faite  en   1586  par  M'"^  Loujse 
de  Stainville.  Lorsque  cette  vente  eut  lieu,  il  y  avait  cinqàsixans^  que 
l'illustre  masure  avait  été  visitée  par  Montaigne.  Comme  on  lit  beau- 
coup plus  les  Essais  que  Le  Voyage  en  Ilalie,  on  ne  sera  peut-être  pas 
fâché  de  trouver  ici,  les  quelques  lignes  peu  connues,  je  le  crois,  où 
Montaigne  parle  de  Domremj'  :  «  Domreraj'  sur  Meuse,  à  trois  lieues 
dudit  Vaucouleurs.  D'où  estoit  natifve,   cette   fameuse   pucelle  d'Or- 
léans   qui  se  nommoit  Jane  Day  ou  Dallis.  Ses  descendants   furent 
anoblis  par  faveur  du  roi,  et  nous  monstrarent  les  armes  que  le  roi 
leur  donna,  qui  sont  d'azur  à  un'  espée  droite  couronnée  et  poignée 
d'or  et  deux  fleurs  de  lis  d'or  au  côté  de  ladite  espée  ;  de  quoy  un 
receveur  de  Vaucouleurs    donna  un  escusson  peint  à  M.  de  Caselis 
(un  des  compagnons  de  voyage  de  Montaigne).  Le  devant  de  la  mai- 
sonnette où  elle   naquit  est  toute  peinte  [sic]  de  ses  gestes  ;    mais 
l'aage  en  a  fort  corrompu  la  peinture.  Il  y   a  aussi  un  abre  {sic)  le 
long  d'une  vigne  qu'on  nomme  Vabrc  de  la  Pucelle,  qui  n'a  nulle  autre 
chose  à  remarquer.  »  (T.  If,  p.  16,  éd.  de  1774). 

Mais  revenons  à  l'ouvrage  de  MM.  de  Bouteiller  et  de  Braux.  Un 
heau  frontispice,  d'après  le  livre  de  Hordal,  et  de  nombreux  biosons 


—  di3  — 

ornent  ce  volume, dont  l'excellente  exécution  ravira  les  bibliophiles,  et 
à  la  composition  duquel  les  deux  auteurs  ont  mis  tant  de  soin.  Malgré 
leurs  recherches  si  actives,  ils  n'espèrent  pas  avoir  donné  toutes 
les  descendances  des  frères  de  Jeanne,  et  accueilleront  avec  empresse- 
ment des  détails  sur  les  branches  ignorées.  Dès  à  présent,  du  reste, 
ils  nous  promettent  une  autre  publication  :  trois  documents  d'une 
grande  importance,  qui  font  partie  des  archives  de  M.  de  Maleissye, 
et  qui  n'avaient  pas  trouvé  place  dans  les  Preuves,  formeront  ce 
nouvel  ouvrage.  Nous  ne  manquerons  pas  d'en  signaler  l'apparition. 

Th.  p. 

La  fteuaissance,  scènes  historiques ,  par  le   comt^":  de    Gobineau.  Paris, 
Pion,  1878,  in-8  de539  p.  —Prix:  6  fr. 

M.  le  comte  de  Gobineau  a  voulu  donner  une  forme  dramatique  à 
quelques  épisodes  de  l'histoire  de  la  renaissance.  Les  personnages 
qui  ont  posé  devant  lui  sont  Savonarole,  César  Borgia,  Jules  II, 
Léon  X  et  Michel-Ange.  On  se  rappelle  le  succès  qu'obtint  la  trilogie 
de  M.  Vitet,  mais  les  événements  dont  il  s'inspira  oftraient,  il  faut  en 
convenir,  une  sorte  d'unité  et  un  intérêt  dramatique  qui  n'exis- 
tent pas  au  même  degré  dans  les  sujets  traités  par  M.  de  Gobineau, 
La  mort  d'Henri  III  terminait  aussi  bien  le  second  volume  de  cette 
trilogie  que  celle  du  duc  de  Guise  le  dernier.  Il  faut  remarquer  encore 
que  le  lecteur  français  avait,  sur  cette  période  de  notre  histoire,  des 
notions  qui  sont  moins  nettes  à  l'égard  d'événements  passés  au-delà 
des  Alpes  et  qui  rendaient  la  tâche  de  l'auteur  plus  facile.  Ajoutons 
qu'alors  cette  forme  dialoguée  était  protégée  par  une  sorte  de 
mode  littéraire.  On  reconnaît  d'ailleurs  que  M.  de  Gobineau  connaît 
bien  l'Italie  et  l'époque  où  il  s'est  transporté,  mais  a-t-il  pu  assez 
s'isoler  de  son  temps  pour  faire  toujours  parler  ses  personnages  en 
hommes  du  seizième  siècle?  mais  le  diplomate  de  la  France  de  nos 
jours  n'a-t-il  pas  quelquefois  soufflé  les  politiques  qu'il  a  ranimés? 
Nous  ne  savons  si  nous  n'aurions  pas  préféré  voir  M.  de  Gobineau 
employer  son  talent  d'écrivain  et  son  érudition  à  écrire  une  véritable 
histoire  de  l'époque  qu'il  a  tenté  de  dramatiser.  J.  V. 


IIIéii]ioires-.Iournaux.  de  I*îeri»e  de  rEIstoile^  édition  pour  la 
première  fois  complète  et  entièrement  conforme  aux  originaux,  etc. 
Tome  IV*.  Les  belles  figures  et  drolleries  de  la  Ligue,  1589-1600.  Paris, 
Librairie  des  Bibliophiles,  1878,  gr.  in-8  de  viii-416  p.— Pjix  :  lo  fr. 

Avant  de  passer  du  Journal  de  Henri  III  à  celui  de  Henri  IV,  les 
savants  éditeurs  de  l'Estoile  ont  eu  la  bonne  pensée  d'intercaler,dans 
leur  édition  définitive,  un  volume  entier  du  même  chroniqueur,  celui-là 

Jl'in  1878.  T.  XXII,  33. 


—  514  — 

tout  à  fait  inédit  et  bien  connu  des  érudits  qui  en  réclamaient  depuis 
longtemps  la  publication.  C'est,  dans  toute  la  force  du  terme,  ce 
(^u'on  appelle  un  recueil  ;  l'Estoile  l'avait  composé  pendant  la  Ligue, 
eh  ramassant  tous  les  jours  les  libelles,  placards  diffamatoires,  écrits 
séditieux,  «  jusques  à  plus  de  trois  cents,  »  qui  se  criaient  et  se 
vendaient  dans  les  rues  de  Paris.  Malgré  l'édit  sévère  de  1594,  le 
«curieux.  »  qui  aimait  passionnément  sa  collection,  n'avait  pu  se 
i*c"soudre  à  la  détruire  entièrement  ;  et  il  en  est  resté  un  gros  volume 
in-folio  qui,  de  l'abbaye  de  Saint-Acheul,  est  passé  à  la  Bibliothèque 
nationale. 

Le  plus  souvent,  le  texte  imprimé  est  accompagné  Aq  figures  bizarres, 
parfois  des  plus  intéressantes;  mais  les  éditeurs  n'ont  pas  cru  pouvoir 
les  reproduire  ;  ils  se  sont  contentés  de  donner  une  description 
«  iconographique  »  des  estampes  et  dessins.  Il  sera  toujours  loisible 
de  recourir  au  recueil  de  la  Bibliothèque,  d'autant  plus  aisément 
qu'on  possède  maintenant  l'indication  précise  des  pièces  qui  s'y  trou- 
vent. 

Le  présent  volume  a  donc  tout  l'intérêt  delà  nouveauté;  il  pourrait, 
à  la  rigueur,  être  détaché  de  la  belle  collection  qui  se  poursuit  avec 
tant  de  Soin  et  de  goût.  En  tous  cas,  il  fera  prendre  patience  à  ceux 
(^ui  trouvent  que  les  œuvres  complètes  de  Pierre  de  l'Estoile  n'avan- 
cent pas  au  gré  de  leur  plaisir  et  de  leur  curiosité. 

G.  B.  DE  p. 


JLe  Cardiiiaî  de  Hetx  et  i'affaîre  ilsi  elïapeau.  Étude  historique 
suivie  des  corrcspcndances  inédites  de  Retz,  de  Mazarin,  etc.,  par  B.  Chan- 
TELA.UZE.  Paris,  Didier,  1878,  2  vol.  in-8  de  xvi-492-494,  p.,  avec  portrait 
et  fac-similé  d'autographe.  —  Prix  :  J6  fr. 

Il  y  a,  dans  l'histoire  des  peuples,  des  périodes  de  trouble  et  de  con- 
fusion pendant  lesquelles  tout  ce  qu'il  y  avait  de  passions  néfastes 
accumulées  dans  le  cœur  des  hommes  à  l'état  latent  éclate  au  grand 
jour  et  s'étale  sans  vergogne.  Ce  sont  les  périodes  honteuses  des  so- 
ciétés et  ces  accidents  périodiques  semblent  leur  rendre  le  service  des 
soupapes  de  sûreté  dans  les  machines  à  vapeur.  Quand  la  pression  dé- 
veloppée dans  le  calme  par  les  pires  appétits  de  l'âme  en  ébullition 
est  devenue  trop  forte,  une  détente  est  nécessaire,  et  si  elle  ne  se  pro- 
duit pas  trop  brusquement,  la  machine  conserve  assez  de  ressort  pour 
retrouver  ensuite  son  équilibre.  Il  arrive  aussi  presque  toujours  que 
quelques  hommes  dominent  pendant  ces  périodes  de  trouble  et  repré- 
sentent assez  exactement  par  leur  tempérament,  parleur  esprit  et  par 
leurs  passions  effrénées  l'état  moyen  de  la  maladie  sociale  :  ils  en  sont 
comme  le  prototype;  et  leur  étude,  malgré  la  boue  qu'elle  remue,  est 


—  olo   

singulièrement  instructive.  Les  quatre  années  de  la  Fronde  marquè- 
rent une  de  ces  périodes  pour  la  France,  et  Paul  de  Gondi,  à  qui  les 
circonstances  et  les  nécessités  politiques  préparèrent  malheureuse- 
ment les  voies  vers  le  chapeau  de  cardinal,  nous  paraît  avoir  résumé 
dans  sa  personne  tous  les  appétits  et  toutes  les  hontes  de  cette  période. 
Quoique,  d'après  son  propre  aveu,  il  eût  l'esprit  aussi  peu  ecclésias- 
tique qu'il  fût  possible  de  rimaginer,  il  s'était  proposé  pour  buts,  dés 
sa  première  jeunesse  et  au  milieu  des  écarts  du  plus  indiscipliné  des 
caractères,  l'archevêché  de  Paris  et  le  cardinalat.  Rien  n'est  impos- 
sible à  ces  sortes  d'hommes,  et  Retz  parvint  à  ses  deux  buts  :  mais 
Dieu  sait  au  prix  de  quelles  bassesses  et  de  quelles  intrigues. 

M.  Chantelauze  a  consacré  deux  volumes,  dont  l'Académie  française 
vient  de  reconnaître  le  mérite  en  leur  décernant  le  grand  prix  Gobert, 
à  retracer  toutes  les  intrigues  spéciales  et  toutes  les  péripéties  de 
Vaffaire  du  chapeau.  C'est  Fhistoiredelalutte  redoutable  engagée  pen- 
dant trois  ans  entre  Retz  et  Mazarin,  lutte  pendant  laquelle  le  pre- 
mier faillit  succomber,  mais  dont  il  sortit  enfin  victorieux.  La  décou- 
verte asseii  inattendue  de  la  correspondance  secrète  de  Retz  avec 
l'abbé  Charrier,  son  agent  à  Rome,  et  d'autres  précieux  documents 
inédits  ont  permis  à  M.  Chantelauze  de  jeter  sur  cette  affaire  em- 
brouillée une  lumière  nouvelle  :  lumière,  hélas!  qui  ne  fait  que  mettre 
en  relief  plus  accusé  bien  des  hontes  et  des  turpitudes.  L'auteur  nous 
montre  le  chef  de  la  Fronde  méditant,  peu  après  la  mort  tragique  de 
Charles  I"  et  à  l'exemple  de  Cromwell,  l'abolition  de  la  royauté  en 
France,  et  allant  même  jusqu'à  rêver  l'établissement  d'une  république 
oligarchique  à  la  tête  de  laquelle  aurait  été  appelé  soit  le  duc  d'Or- 
léans, soit  le  grand  Condé,  et  dont  lui,  Paul  de  Gondi,  aurait  été  le 
premier  ministre.  Aussi  peu  scrupuleux  qu'un  Italien  du  quinzième 
siècle,  aussi  violent  que  les  chefs  de  la  Ligue,  sans  avoir  l'intérêt  re- 
ligieux pour  excuse,  il  ne  lui  aurait  manqué  pour  tenter  un  si  grand 
changement  que  de  rencontrer  un  homme  de  la  trempe  de  Henri  de 
Guise. 

Cette  étude  n'est  que  le  premier  chapitre  d'une  série  de  travaux 
dans  lesquels  M.  Chantelauze  a  l'intention  de  refaire  l'histoire  com- 
plète du  cardinal  de  Retz,  de  la  lutte  acharnée  qu'il  soutint  pendant 
sept  ans  contre  Mazarin,  après  la  Fronde  et  à  partir  de  sa  sortie  de 
prison,  de  sa  transformation  politique  après  la  mort  du  premier  mi- 
nistre, de  ses  missions  à  Rome  et  du  rôle  qu'il  joua  dans  les  conclaves 
où  furent  élus  les  papes  Clément  IX,  Clément  X  et  Innocent  XI  : 
vaste  projet  qui  demande,  en  raison  des  questions  fort  délicates  qu'il 
soulève,  une  pénétration  et  une  impartialité  d'esprit  toutes  particu- 
lières. 


—  ;ii6  — 

Dans  cette  affaire  du  chapeau,  que  M.  Chantelauze  appelle,  à 
ritalienne,  commedia  in  conimedia,  il  y  a  beaucoup  de  boue  remuée  : 
et  peut-être  en  quelques  passages  est-elle  trop  complaisamment  re- 
muée. Quand  l'auteur,  appelant  Mazarin,  avec  Retz^  ignoraiitissime 
sur  toutes  les  matières  d'administration  et  de  finances,  n'accorde  au 
premier  ministre  que  le  génie  de  la  politique  extérieure,  et  borne  son 
seul  mérite  au  dedans  à  l'heureuse  fortune  d'avoir  compris  la  valeur 
de  Colbert  et  de  l'avoir  légué  à  la  France  ;  quand  il  consacre  plus  de 
trente  pages  à  la  peinture  de  la  corruption  qu'entretenait  depuis  trois 
siècles  à  la  cour  de  Rome  le  népotisme  de  certains  papes;  ou  quand  il 
insiste  sur  l'influence  de  Dona  Olympia  et  de  la  princesse  de  Rossano 
dans  les  décisions  d'Innocent  X,  il  y  a  un  fonds  de  vérité  incontestable 
dans  ces  diverses  siluations  :  mais  les  déductions  générales  découlent 
trop  vite  de  quelques  faits  particuliers,  et  l'auteur  nous  paraît  avoir 
une  pente  naturelle  à  exagérer  le  mauvais  côté  des  choses.  Retz  étant 
capable  de  tout,  ce  que  nous  accordons  volontiers,  M.  Chantelauze 
élèverait  volontiers  ses  adversaires  à  sa  hauteur  d'audace  criminelle  : 
il  y  a  là  une  sorte  d'influence  de  contact  qui  doit  être  signalée.  On  se 
salit  à  remuer  le  fumier.  C'est  ainsi  que  presque  tous  les  ministres 
d'Anne  d'Autriche  sont  formellement  et  successivement  accusés  de 
projets  d'assassinats.  Mazarin  fait  à  Chateauneuf,  «  âme  féroce  et 
capable  de  se  porter  aux  dernières  extrémités,»  des  insinuations  mj'S- 
térieuses  qui  cachent  un  sens  terrible  (1,128)  :  et  l'on  dit  catégorique- 
ment d'Abel  Servien  que  «  c'était  un  homme  capable  de  se  porter,  en 
politique,  aux  dernières  violences,  et  qui  ne  se  fit  jamais  faute  de  les 
conseiller.  Il  était  de  l'école  de  Machiavel  et  n'eut  pas  reculé  devant 
un  assassinat. ..  »  (II,  139.)  Ce  sont  là  des  accusations  qui  auraient  be- 
soin de  preuves  authentiques  et  très-nettes  :  et  pour  Servien  en  parti- 
culier, la  récente  étude  que  nous  venons  de  publier  sur  ce  ministre, 
signataire  des  traités  de  Westphalie  (Le  Mans,  Pellechat,  in-8),  nous 
met  en  situation  de  pouvoir  protester  contre  de  pareilles  imputa- 
tions. En  semblables  circonstances,  il  ne  faut  pas  écouter  seulement 
les  ennemis  ou  les  pamphlets  :  Servien  fut  dévoué  à  l'autorité  royale 
et  il  n'hésita  pas  à  proposer  des  arrestations,  voilà  ce  qui  n'est  pas 
contestable.  D'arrêter  à  empoisonner  il  y  a  loin,  et  nous  demandons  des 
preuves  formelles  avant  de  croire  à  tant  de  lâcheté. 

Ces  critiques  n'enlèvent  pas  à  l'œuvre  de  M.  Chantelauze  sa  valeur 
réelle  :  son  livre  est  très-étudié,  trés-fouillé,  riche  en  documents  nou- 
veaux et  en  aperçus  historiques  d'importance  sérieuse  :  c'est  ainsi  qu'il 
nous  apprend,  à  n'en  pouvoir  douter,  que  la  reine  eut,  au  moins  d'août 
1651,  la  pensée  de  nommer  le  coadjuteur  premier  ministre,  et  que  ce 
fut  Mazarin   qui  la   détourna  de    ce  projet  :  mais  le  plaisir  qu'on 


éprouve  à  voir  débrouiller  ces  problèmes  est  bien  amorti  par  la  tris- 
tesse qui  saisit  Tàme  devant  tant  de  fange  morale.  Cette  tristesse  est 
instructive.  Fasse  le  ciel  que  la  France  soit  à  jamais  délivrée  d'am- 
bitieux et  d'intrigants  comme  Paul  de  Gondi  ! 

René  Kerviler. 


L.a  Kronde  angevine.  Tableau  de  la  vie  municipale  au  dix-septième 
siècle,  par  A.  Debidour,  ancien  élève  de  l'École  normale  supérieure,  agrégé 
d'histoire,  docteur  es  lettres.  Paris,  E.  Thorin,  1877,  in-8  de  427  p.  — 
Prix  :  (j  fr. 

De  grands  éloges  ont  été  déjà  donnés,  soit  en  Sorbonne,  soit  dans 
la  presse,  au  travail  de  M.  Debidour.  A  mes  jeux,  c'est  un  des  meil- 
leurs qui  aient  depuis  longtemps  paru  sous  la  forme  d'une  de  ces 
thèses  pour  le  doctorat  dont  l'ensemble  fait  vraiment  honneur  à  l'éru- 
dition française.  M.  Debidour,  en  étudiant  avec  la  plus  clairvoyante 
attention  l'histoire  de  la  Fronde  angevine,  a  étudié  l'histoire  même  de 
la  France  provinciale  au  dix-septième  siècle,  et  nous  avons  ainsi  dans 
son  livro,  à  côté  d'un  sujet  spécial  traité  d'une  remarquable  façon,  un 
sujet  d'un  intérêt  général  traité  d'une  non  moins  remarquable  façon. 
C'est  après  avoir  lu,  relu,  discuté  d'innombrables  documents  impri- 
més et  manuscrits,  que  l'auteur,  guidé  par  un  esprit  juste  et  droit, 
s'occupe  tour  à  tour  de  l^origine  et  des  premières  transformations  de 
la  mairie  d'Angers,  de  l'état  des  partis  dans  cette  ville  au. commence- 
ment du  dix-septième  siècle,  du  gouvernement  du  maréchal  de  Brézé 
(1636-1648),  des  atteintes  portées  aux  privilèges  des  Angevins,  des 
impôts  nouveaux  qui  pesèrent  sur  eux,  des  causes  de  la  fronde  pari- 
sienne, du  contre-coup  des  mouvements  de  Paris  en  province,  du 
soulèvement  du  peuple  à  Angers,  de  la  noble  conduite  de  l'évêque 
Henri-Arnauld  préservant,  à  force  de  dévouement,  cette  ville  du  pil- 
lage dont  la  menaçait  l'armée  du  maréchal  de  Brézé,  des  incidents  si 
divers  qui  suivirent  la  réconciliation  du  farouche  maréchal  avec  les 
Angevins,  incidents  auxquels  furent  mêlés  Rohan-Chabot,  La  Meil- 
leraye,  surtout  l'évêque  Arnauld,  dont  on  admirera  les  généreux 
eflorts  (1651-1652),  pour  épargner  à  l'Anjou  les  horreurs  d'une  nou- 
velle guerre  civile,  M.  Debidour  raconte  en  une  très-bonne  langue 
l'orageuse  histoire  de  la  ville  d'Angers  jusqu'à  l'époque  (mai  1657), 
de  la  suppression  définitive  des  libertés  municipales  de  la  capitale  de 
l'Anjou.  Je  doute  qu'on  puisse  lui  reprocher  une  seule  grave  erreur, 
une  seule  grave  omission,  ce  qui  n'a  rien  d'étonnant  quand  on  voit, 
d'abord  au  bas  des  pages,  puis  à  la  Table  bihlior/raphiquc  (p.  405-423), 
l'indication  des  sources  auxquelles  a  puisé  le  consciencieux  historien. 
Cette  Table  mérite  une  mention  particulière  à  cause   de  l'abondance 


—  518  — 

et  de  la  précision  des  renseignements  qu'elle  fournit  pour  la  biblio- 
graphie de  l'Anjou,  Parmi  les  autres  pages  importantes  des  Eclair^ 
cissements  et  pièces  justificatives  {^.329-404),  j'indiquerai,  en-dehors  des 
documents  inédits  (lettres  patentes  de  Louis  XI,  de  Charles  VIII, etc.), 
les  notices  bibliographiques  sur  le  maréchal  de  Brézé,  sur  Henri- 
Arnauld  avant  son  épiscopat,  sur  Rohan-Chabot.  En  résumé,  la 
Fronde  angevine  me  paraît  digne  à  tous  égards  d'être  rapprochée  de 
la  Réforme  et  la  ligue  en  AnjoUy  de  M.  Ernest  Mourin  (1856),  livre 
aue  M.  Debidour  (p.  2),  appelle  avec  raison  un  «  beau  livre.  » 

T.  deL. 


Lettres  de  la  marcfuise  du  Châtelet,  réunies  pour  la  première 
fuis,  revues  sur  les  autographes  et  les  éditions  originales,  augmentées  de 
38  lettres  entièrement  inédites,  de  nombreuses  nutes  et  d'un  index, et  pré- 
cédées d'une  notice  biographique,  par  Eugène  Asse.  Paris,  Charpentier, 
1878,  in-12  de  xliv-496  p.  —  Prix  :  3  ir.  50. 

M.  Eugène  Asse,  qui  a  déjà  édité  les  lettres  de  M"*  Aïssé  et  de 
M^'®  de  Lespinasse,  vient  de  rassembler  en  un  volume  les  lettres  de  la 
marquise  du  Châtelet,  jusqu'ici  éparses  dans  des  publications  diverses; 
il  les  a  augmentées  de  trente-huit  lettres  inédites,  enrichies  de  notes 
nombreuses  et  d'une  très-curieuse  et  très-intéressante  notice.  Mal- 
heureusement la  correspondance  de  Voltaire  et  de  M™"^  du  Châtelet  a 
été  anéantie.  Mais,  telles  quelles  sont, les  lettres  publiées  par  M.  Asse 
sont  encore  leportraitleplusfidèledela6e//e  ^mi/if  pendant  les  quinze 
dernières  années  de  sa  vie.  Etrange  figure  que  celle  de  cette  femme 
à  la  fois  passionnée  et  positive,  sentimentale  et  géomètre,  aimant  la 
parure  et  la  science,  cultivant  les  mathématiques  et  la  poésie,  dédai- 
gneuse de  ses  devoirs,  ou  pour  mieux  dire  ne  paraissant  pas  se  douter 
qu'elle  eîit  des  devoirs,  et  ne  connaissant  d'autre  fidélité  que  celle  de 
sa  passion  du  moment.  Correspondante  de  Maupertuis  et  ayant  en 
somme  des  titres  scientifiques  sérieux,  M"^  du  Châtelet  a  dû  cepen- 
dant à  peu  près  uniquement  sa  célébrité  à  sa  longue  liaison  avec  Vol- 
taire. «  C'est  à  lui,  écrivait  M™"  du  Defiand,  qui  ne  l'aimait  pas, 
qu'elle  devra  de  vivre  dans  les  siècles  à  venir, et  en  attendant,  elle  lui 
doit  ce  qui  fait  vivre  dans  le  siècle  présent.  »  La  note  n'est  pas  tout 
à  fait  juste  :  si  M"''  du  Châtelet  doit  beaucoup  à  Voltaire,  Voltaire, de 
son  côté, doit  beaucoup  à  M"^  du  Châtelet.  Elle  le  cacha  à  Cirey,  lors- 
qu'il était  menacé  d'être  arrêté  pour  ses  Lettres  sur  les  Anglais,et  plus 
tard  pour  la  publication  du  Mondain;  elle  le  dirigea  parfois  dans  ses 
travaux,  contint  sa  bile,  et,  ceci  est  une  bonne  note  pour  elle;  retint 
«01Î3  clef,  tant  qu'elle  vécut,  le  manuscrit  de  la  Pucelle.  Elle  s'ingénia 
à  entourer  son  ami  de  tout  le  luxe,  de  tout  le  bien-être  qu'il  aimait,  et 


—  K19  — 

le  tableau  de  ces  recherches  de  confortable  auxquelles  tenait  le  poëte 
et  qu'on  lui  ménageait  à  Cirej,  de  ces  glaces,  de  ces  statues,  de  ces 
appartements  vert  céladon  et  or  n'est  pas  un  des  moins  piquants  de 
cette  existence  brillante  et  coupable.  La  passion,  pendant  près  de 
quinze  ans,  fut  réciproque,  et  elle  fut  même  plus  persévérante  chez 
Voltaire  que  chez  la  marquise.  Tout  le  monde  connaît  cette  anecdote 
de  M.  du  Châtelet  ouvrant,  après  la  mort  subite  de  sa  femme, le  chaton 
d'une  bague  qu'elle  portait  habituellement  et  j  trouvant,  à  sa  grande 
stupéfaction  et  à  celle  de  Voltaire  qui  était  présent,  le  portrait,  non 
pas  de  celui-ci,  mais  de  Saint-Lambert:  dernier  caprice  d'une  femme 
pour  laquelle, au  fond, il  est  difficile  d'éprouver  une  grande  sympathie; 
car  elle  n'a  même  pas  dans  ses  passions  ce  trouble  et  cette  faiblesse 
qui  peuvent  rendre  les  fautes  touchantes, en  faisant  croire  à  un  com- 
mencement de  repentir;  et  elle  porte  jusque  dans  ses  sentiments  de 
famille  une  sécheresse  etune  prudence  mathématiques  qui  font  mal;  elle 
écrit,  après  h  perte  d'un  fils  :  «  J'en  ai  été  plus  fâchée  que  je  ne  l'au- 
rais cru  et  j'ai  senti  que  les  sentiments  de  la  nature  existaient  en 
nous,  sans  que  nous  nous  en  doutassions.  »  Nous  n'en  remercions  pas 
moins  M.  Asse  d'avoir  réuni  et  publié  cette  correspondance,  qui  jette 
un  jour  si  triste  mais  si  instructif  sur  ce  dix-huitième  siècle  où  il  y 
avait  tant  de  ménages  comme  celui  du  marquis  et  de  la  marquise  du 
Châtelet.  M.  de  la  R. 


Répertoire  politique,   historique   ft    littéraire,  par  M.    Ch. 

Valframbert,  docteur  en  droit.  Années  1876  et  1877.  Paris, Larose,  2  vol. 
in-8de  591  p.  c'iacjn.  —  Pris:  12  fr. 

J'en  demande  pardon  à  M.  Valframbert,  mais  il  m'est  difficile  de 
parler  avec  sang-froid  de  son  Ecpertoirc.  Voilà  une  publication 
essentiellement  utile,  dont  il  a  su  concevoir  le  premier  la  pensée^ 
un  monument  de  travail  et  de  patience,  un  chef-d'œuvre  de  méthode...  ; 
et  il  faut  que  tous  ces  mérites  soient  compromis  par  la  passion 
politique,  d'autant  plus  répréhensible  ici  que  rien  ne  l'excuse  et  que 
tout  devait  l'exclure  ! 

Résumer  en  un  volume,  au  commencement  de  chaque  année,  l'his- 
toire de  l'année  qui  vient  de  finir,  c'est  là  une  idée  vraiment  ingé- 
nieuse, et  qui,  tout  au  moins  dans  le  sens  où  elle  a  été  comprise  et 
réalisée  par  notre  auteur,  est  absolument  neuve.  Son  recueil,  élaboré 
au  prix  de  recherches  incessantes,  évitera  la  fatigue  des  mêmes 
recherches  à  tous  ceux  qui  ont  besoin,  par  devoir  ou  par  goût,  de 
suivre  la  marche  des  événements  comme  le  mouvement  des  esprits. 

Veut-on  se  tenir  au  courant  des  travaux  parlementaires  el  légis- 
latifs? M.   Valframbert  fait  passer  rapidement   sous  nos  yeux,  avec 


—  520  — 

renvois  aux  documents  officiels,  les  interpellations  qui  se  sont  pro- 
duites, les  incidents  qui  ont  eu  lieu,  les  lois  qui  ont  été  discutées  et 
votées,  les  projets  qui  sont  en  cours  de  préparation....  Il  relate, 
arrondissement  par  arrondissement,  les  résultats  électoraux  et  indique 
les  journaux  où  l'on  retrouvera  les  circulaires  des  candidats,  les 
comptes  rendus  des  réunions  publiques,  etc.  Les  débats  budgétaires 
sont  groupés  dans  un  chapitre  spécial.  Il  rapproche  ensuite  et 
coordonne  les  actes  et  documents  divers  qui  intéressent  chaque 
département  ministériel.  Les  beaux-arts,  les  théâtres,  la  littérature 
trouvent  leur  place  dans  cette  encyclopédie  annuelle.  Tous  les  faits 
de  Tordre  politique  et  intellectuel  sont  saisis  au  fur  et  à  mesure  de 
leur  apparition  :  c'est  une  photographie  qui  reproduit  en  réduction  le 
tableau  de  l'année. 

On  aperçoit  par  là  quels  services  le  Répertoire  est  susceptible  de 
rendre;  mais,  d'autre  part,  on  comprendra  que  nous  nous  sentions 
autorisé,  pour  ne  pas  dire  obligé,  à  ménager  d'autant  moins  les 
critiques,  que  nous  sommes  plus  convaincu  de  l'utilité  de  l'œuvre  et 
plus  désireux  de  la  voir  se  perfectionner.  La  passion  politique,  que 
tout  à  l'heure  nous  reprochions  à  M.  Valframbert,  ne  lui  a  pas  seule- 
ment dicté  des  appréciations  souvent  fausses  et  presque  toujours 
contestables  :  elle  l'a  conduit,  et  ceci  est  plus  grave,  à  fournir  des 

renseignements  inexacts Prenons  un  exemple.  A  la  fin  du  chapitre 

consacré  aux  Cultes,  nous  trouvons  mentionnés,  sous  le  rubrique 
Vai'iétés,  quelques  travaux  relatifs  à  des  questions  religieuses.  Quels 
sont  ces  travaux?  Les  conférences  de  M.  Lojson,  un  article  du 
X/P  Siècle  sur  les  jésuites,  un  rapport  de  la  conférence  Molé-Tocque- 
ville  sur  le  même  sujet  et  dans  le  même  sens,  un  article  de  la  Revue 
de  France,  et...  c'est  tout.  En  vérité,  Monsieur  Valframbert,  vous 
aviez  d'autres  écrits  à  signaler  !  En  ignoriez-vous  l'existence?  Mais 
alors  vous  avez  manqué  à  la  mission  que  vous  vous  êtes  attribuée.  Les 
avez-vous  dédaignés?  Mais,  outre  que  ce  dédain  ne  ferait  de  tort  qu'à 
vous-même,  vous  n'avez  plus  le  droit  de  le  professer,  du  moment  qu'il 
s'agit  de  renseigner  tout  le  monde,  amis  et  ennemis. 

Nous  souhaitons  que  M.  Valframbert  comprenne  la  portée  de  nos 
critiques  et  qu'il  j  fasse  droit  dans  la  suite  :  nous  lui  affirmons  qu'elles 
s'inspirent  de  l'intérêt  même  de  la  publication  qu'il  a  entreprise. 

A.  DE  Clate. 


—  521  — 

La  f»alestine  et  le  Sînaï,  par  K.  Hitrovo.  Saint-Pétersbourg,  1876, 
in-18  de  loi  p.  —  Prix  :  4  fr. 

Uue  semaine  en  Palestine  {Nediela  v  Palestinié),  par  B.  Hitrovo. 
Saint-Pétersbourg,  187(3,  in-8   de  91  p.,  avec.  36  photographies. 

•lérusalem et  la  Palestine  dans  la  littérature,  la  science, 
la  peinture  et  clans  les  traductions  russes,  par  S.  Ponomarev. 
Appendice  au  tome  XXX  des  Mémoires  de  V  Académie  des  sciences.  Saint- 
Pétersbourg,  1877,  in-8  de  xx-i28  p.  —  Prix  :  5  fr. 

SinaJ  i  Palestina  (Sinal  et  Palestine),  par  D.  Smychlaiev.  Perm,  1877, 
in-8  de  xvii-241  p.  —  Prix  :  8  fr. 

Le  pèlerinage  à  .Jérusalem  semble  avoir  produit  sur  M.  Hitrovo 
une  impression  profonde  et  durable.  On  peut  en  juger  par  la  pu- 
blication intitulée  :  la  Palestine  et  le  Sinal.  C'est  un  inventaire  rai- 
sonné de  tous  les  écrits  sur  la  Palestine  et  le  Sinaï  faits  par  des 
Russes,  j  compris  les  articles  de  revues  et  de  journaux.  Il  se  dis- 
tingue des  autres  travaux  du  même  genre  en  ce  qu'il  ne  se  contente 
pas  de  donner  les  simples  titres  des  ouvrages,  mais  il  indique  aussi  les 
routes  que  les  voyageurs  ont  suivies,  les  principaux  monuments  qu'ils 
ont  vus,  et  il  y  ajoute  une  appréciation  sommaire  des  livres.  Vu  la 
pénurie  de  pareils  recueils  en  Russie,  celui  de  M.  Hitrovo  sera  fort 
apprécié  du  public  ;  il  est  fait  avec  soin,  et,  bien  que  l'auteur  n'ait  pu 
trouver  plus  de  deux  cents  écrits,  les  lecteurs  le  trouveront  suffisam- 
ment complet. 

L'ouvrage  comprend  les  pèlerins-écrivains,  russes  ou  non,  et  ceux 
qui  ont  écrit  sans  avoir  visité  les  lieux  saints.  H  peut  servir  de  supplé- 
ment à  la  Bibliographia  geografica  Palxstinœ,  du  regretté  Tobler,  qui 
lui  a  servi  de  modèle.  Toutefois,  il  en  a  élargi  le  cadre,  en  faisant 
entrer  dans  son  plan  le  Sinaï,  inséparable  de  la  Palestine.  Le  volume 
que  nous  avons  sous  les  yeux  n'est  que  l'avant-courreur  de  plusieurs 
autres,  que  l'auteur  annonce  dans  sa  préface.  Le  second  volume  con- 
tiendra la  bibliographie  des  cartes,  plans  et  dessins  de  la  Palestine; 
les  dix-huit  suivants  seront  consacrés  à  la  description  de  la  Terre - 
Sainte,  au  triple  point  de  vue  de  la  géographie,  de  la  topographie  et 
de  l'archéologie,  et  ornés  de  plans  et  de  gravures  qui  aideront  l'intel- 
ligence du  texte.  Un  travail  qui  renfermerait  le  dernier  mot  de  la 
science  occidentale  serait  un  véritable  trésor  pour  la  Russie,  encore 
peu  au  courant  de  ces  richesses  littéraires  ;  celles  qu'elle  possède  déjà 
et  qu'elle  a  puisées  dans  son  propre  fonds  pourraient,  à  leur  tour, 
servir  aux  savants  d'Occident.  Tel  est  le  double  but  que  se  propose 
M.  Hitrovo,  en  mettant  la  main  à  la  publication  dont  il  s'agit.  Nous 
ne  pouvons  qu'y  applaudir;  seulement,  nous  nous  demandons  comment 
l'Occident  pourra  profiter  d'un  ouvrage  écrit  dans  une  langue  qui  lui 
est  étrangère? 


—  522  — 

—  Le  petit  volume  :  Une  semaine  en  Palestine,  est  un  vrai  bijou  et 
une  rareté  bibliographique  ;  il  a  été  tiré  avec  beaucoup  de  soin  à  vingt 
exemplaires.  L'auteur  partait  pour  la  Chine;  arrivé  à  Alexandrie,  il 
n'a  pas  voulu  passer  si  près  de  Jérusalem  sans  aller  y  véi^rer  les 
souvenirs  de  notre  rédemption.  Le  récit  est  simple,  aimable  ;  les  des- 
criptions sont  exactes,  les  sentiments  sont  chrétiens.  Naturellement, 
en  huit  jours,  notre  pèlerin  n'a  approfondi  aucune  question.  Ce  qu'il 
dit  de  la  situation  des  Russes  à  Jérusalem  témoigne  de  sa  sincérité. 
Il  indique  très-nettement  le  peu  d'accord  qui  existe  entre  le  clergé 
russe  et  le  clergé  grec,  entre  le  consul  de  Russie  et  la  mission  ecclé- 
siastique. On  y  lit  d'intéressants  détails  sur  les  principaux  représen- 
tants de  celle-ci  :  l'évêque  Cyrille,  les  archimandrites  Porphyre  et  An- 
tonin.  En  passant  en  revue  les  divers  consuls,  l'auteur  a  omis,  proba- 
blement par  oubli,  le  nom  de  Sokolov,  qui  a  succédé  à  M.  Dorogobou- 
jinov,  et  précédé  M.  Kartsev;  Sokolov  est  mort  à  Jérusalem  peu  de 
temps  après  son  arrivée  (1861).  11  dit  quelques  mots  de  la  propa- 
gande catholique  et  trouve  qu'elle  est  bien  moins  dangereuse  pour 
l'Eglise  grecque  que  celle  des  protestants,  qui,  depuis  quelques  an- 
nées surtout,  déploient  une  grande  activité.  —  Cela  ne  fait  que  rani- 
mer ses  espérances.  «  Nous  sommes,  écrit-il,  des  héritiers  naturels 
des  Grecs,  partout  où  existe  l'orthodoxie  ;  on  peut  battre  les  Turcs, 
non-seulement  sur  le  Danube,  mais  encore  sur  l'Euphrate  et  sur  les 
rivages  de  la  Méditerranée,  en  s'appuyant  sur  la  population  ortho- 
doxe, arabe.  Par  la  Géorgie  et  l'Arménie,  nous  touchons  presque  à  la 
Palestine  et  rognons  l'Asie-Mineure,  qui  ne  pourra  certainement  pas 
rester  seule  à  la  Turquie  ou  former  l'Empire  turc.  Ce  n'est  ni  sur  le 
Hindoukousch  ni  sur  les  Himalayas,  c'est  dans  les  vallées  de  l'Eu- 
phrate  et  les  défilés  du  Liban  que  la  lutte  pour  la  prédominance  en 
Asie  aura  lieu  (p.  68).  »  Les  espérances  exprimées  dans  ce  passage, 
sont  partagées  par  bien  des  Russes.  —  Les  photographies  sont  très- 
agréables  à  voit-  et  donnent  une  idée  fort  exacte  des  monuments.  On 
est  bien  en  droit  de  mettre  parmi  ces  derniers  les  édifices  imposants 
de  la  mission  russe.  Si  M.  Hitrovo  se  décidait  à  réimprimer  son  livre 
pour  le  public,  il  donnerait  aux  pèlerins  et  aux  voyageurs  russes 
qui  se  rendent  à  Jérusalem,  un  petit  yolume  qu'ils  aimeraient  à  em- 
porter avec  eux  et  qui,  au  retour,  re-idrait  plus  présents  leurs 
souvenirs. 

—  L'ouvrage  de  M.  Ponomarev  :  Jérusalem  et  la  Palestine,  a  paru 
aussitôt  après  celui  de  M.  Hitrovo  :  la  Palestine  et  le  Sinaï,  dont  il  a 
encore  le  temps  de  profiter,  tout  en  restant  complètement  indépen- 
dant. L'auteur  a  séjourné  à  Jérusalem  plus  d'un  an  (1873-1874),  et 
c'est  même  dans  la  ville  sainte  qu'il  a  commencé  à  faire  son  indicateur 


—  523  — 

bibliographique  de  la  Palestine,  le  plus  complet  qui  existe  jusqu'i, 
présent  en  langue  russe. On  7  compte  plus  de  neuf  cents  articles,  tandis 
que  le  recueil  de  M.  Hitrovo  n'en  contient  que  deux  cents.  L'écart  est 
considérable;  il  vient  en  grande  partie  du  plan  adopté  parles  deux 
auteurs  et  du  cadre  qu'ils  ont  donné  à  leurs  ouvrages.  Quoi  qu'il  en 
soit,  la  presque  simultanéité  de  ces  publications  montre  l'intérêt 
qu'excite  aujourd'hui  la  Terre-Sainte  dans  le  monde  russe,  et  qui,  du 
reste,  n'y  a  jamais  été  méconnu,  ainsi  que  nous  l'apprend  M.  Pono- 
marev  dans  son  intéressant  avant-propos. 

Le  livre  se  partage  en  quinze  sections, parmi  lesquelles  la  huitième, 
sur  la  mission  ecclésiastique  et  les  constructions  russes  à  Jérusalem, 
attire  le  plus  l'attention  du  lecteur.  En  y  ajoutant  ce  que  l'auteur  en 
dit  dans  l'avant-propos,  on  aura  une  idée  assez  nette  des  travaux  lit- 
téraires et  scientifiques  des  chefs  de  cette  mission,  les  archimandrites 
Porphyre,  Léonide,  Antonin.  L'histoire  de  la  ville  sainte  et  celle  de 
l'Eglise  de  Jérusalem  occupent  deux  sections.  Les  quatre  dernières 
sont  consacrées  à  la  géographie,  l'archéologie,  la  poésie  et  la  pein- 
ture. Il  y  aurait  de  quoi  former  un  charmant  volume  rien  qu'en  réu- 
nissant les  pièces  de  poésie,  inspirées  par  les  lieux  saints.  Celles  de 
l'auteur  lui-même,  que  nous  avons  eu  la  satisfaction  de  lire  ailleurs, 
y  figureraient  avec  avantage.  Parmi  les  peintres,  Vorobiev,  Granovski 
et  Tchernetsov  paraissent  au  premier  rang.  Trois  index  des  noms,  des 
choses  et  des  périodiques  cités  dans  le  texte  facilitent  l'usage  de  cet 
excellent  manuel. 

Nous  n'y  avons  relevé  que  quelques  inexactitudes,  peu  importantes 
d'ailleurs;  M.  E.  Bore  n'a  jamais  été  jésuite  {n^  533);  il  faisait  partie 
de  la  congrégation  des  lazaristes,  dont  il  était  supérieur  général. 
L'auteur  de  Visits  to  monasteries  in  the  Levant  s'appelle  Robert 
Curzon,  et  non  Rob-Curzon  (n°^  525  et  631).  En  citant  l'ouvrage  de 
Sepp,  il  eût  été  mieux  de  renvoyer  le  lecteur  à  la  deuxième  édition, 
de  1873  et  1876,  bien  plus  complète  que  la  première.  De  même,  les 
articles  supplémentaires  (n°s  908-914),  empruntés  à  l'ouvrage  de 
M.  Hitrovo,  auraient  dû  être  accompagnés  de  leurs  numéros  corres- 
pondants. Ces  remarques,  nous  les  faisons,  tant  pour  répondre  à  l'invi- 
tation de  l'auteur  lui-même  (p.  vu),  que  pour  témoigner  de  l'attention 
avec  laquelle  nous  avons  lu  son  ouvrage,  dont  une  des  meilleures 
recommandations  est  d'avoir  paru  sous  les  auspices  de  l'Académie  des 
sciences. 

—  En  1865,  M.  Smychlaïev  eut  occasion  de  visiter  les  Lieux-Saints 
de  la  Palestine.  Il  voulut  que  son  pèlerinage  fût  complet,  et  il  poussa 
jusqu'au  mont  Sinaï,  malgré  les  difficultés  que  présentait  cette 
excursion  et  qu'elle  présente  encore.  De  retour  dans  le  pays,  il  com^- 


—  524  — 

muniqua  ses  Notes  de  voyage,  comme  il  les  intitule  modestement,  à 
une  feuille  quotidienne  de  Saint-Pétersbourg,  le  Bulletin  de  Bourse, 
où  elles  parurent  par  parties,  dans  des  numéros  supplémentaires, 
et  à  grands  intervalles  les  unes  des  autres  (1866  et  1867).  Ce  journal 
n'était  pas  fait  pour  donner  à  ces  récits  la  publicité  qu'ils  méritaient; 
aussi  passèrent-ils  presque  inaperçus  du  public  et  les  spécialistes  eux- 
mêmes  en  ignorèrent  longtemps  jusqu'à  l'existence. 

Ce  fut  donc  une  bonne  pensée  que  de  réunir  les  articles  détachés 
en  un  volume  et  de  les  rendre  accessibles  à  la  masse  des  lecteurs,  si 
avides,  en  Russie,  de  tout  ce  qui  les  initie  à  la  connaissance  des 
Lieux-Saints. 

L'ouvrage  se  compose  de  deux  parties  bien  distinctes,  dont  la 
première  contient  la  description  du  mont  Sinaï  ;  la  seconde,  partagée 
en  six  chapitres,  traite  de  la  Palestine.  En  voici  les  titres, qui  indiquent 
en  même  temps  la  marche  suivie  par  le  voyageur  :  1°  Jafïa  et  Jérusa- 
lem; 2°  Jérusalem;  3°  Hébron  et  Bethléem;  4°  Jourdain  et  la  mer 
Morte;  5"  de  Jérusalem  à  Nazareth;  Q°  Nazareth,  Tibériade  et 
Kaïphe. 

L'ouvrage  se  lit  avec  intérêt;  le  style  en  est  simple  et  coulant.  La 
description  des  Lieux-Saints  est  faite  avec  soin,  et  témoigne  chez 
l'auteur  de  la  connaissance  de  la  littérature  occidentale  relative  à  son 
sujet.  Malgré  son  peu  d'étendue,  le  livre  de  M.  Smychlaïev  est  un  des 
meilleurs  que  la  Russie  possède  sur  la  Palestine  —  le  nombre  en  est 
assez  restreint,  —  et  il  pourra  être  consulté  avec  profit  par  quiconque 
s'intéresse  aux  études  sur  la  Terre-Sainte,  dont  les  Russes  apprécient 
plus  que  jamais  l'importance  et  l'opportunité.  J.  Martinov,  S.  J. 


Eneîcîopedîa  araldico-cavalleresca ,  Proniuario  Nohiliare,  par 
GoFREDo  Di  Crollaxza.  Plse,  d 877-78,  in-4,  avec  planches  (en  cours  de 
publication). 

<îli  emblemî  deî  GueIG  e  Oihbellîni,  par  le  même  auteur.  Pise, 
1878,  à  la  direction  du  Giornale  araldico,  in-12  de  164  p.  —  Prix  :  5  fr. 

Cet  ouvrage,  arrivé  à  la  lettre  S,  est  assez  près  d'être  terminé  pour 
que  nous  puissions  en  parler.  Le  plan  de  M.  de  CroUanza  a  été  de  faciliter 
l'étude  des  sciences  héraldiques,  en  faisant  de  tout  ce  qui  les  concerne 
une  encyclopédie.  Sous  la  forme  si  commode  de  dictionnaire,  on  trouve 
dans  son  œuvre  les  détails  techniques,  historiques,  archéologiques  qui 
appartiennent  à  ce  vaste  sujet,  et  à  la  fois  les  armoiries  d'un  grand 
nombre  de  familles  d'Europe,  spécialement  décolles,  qui,  parleur  com- 
position peuvent  servir  d'exemples.  On  a  donc  entre  les  mains  et  en 
un  seul  volume,  un  dictionnaire,  une  grammaire,  un  traité  et,  dans 
une  certaine  mesure,  un  armoriai.  On  ne  considérerait  cette  œuvre 


—  o25  — 

qu'au  point  de  vue  historique,  qu'elle  serait  déjà  d'une  grande  impor- 
tance; en  effet,  elle  peut,  pour  l'étranger,  éclaircir  bien  des  points  des 
chroniqueurs  italiens.  M.  de  Crollanza  n'a  d'ailleurs  pas  négligé  les  élé- 
ments que  lui  présentait  la  France.  Les  ordres  de  chevalerie  de  tous 
les  pays  ont  été  aussi  l'objet  de  notices  étendues,  et  l'auteur,  se  préoc- 
cupant de  tout  ce  qui,  de  près  ou  de  loin,  se  rattache  à  l'ensemble  de 
ses  études,  n'a  oublié  ni  les  joutes,  ni  les  tournois,  ni  les  pas-d'armes. 
Ace  dernier  mot,  disons-le  cependant,  nous  pensions  trouver  plus  de 
détails.  N'y  aurait-il  pas  eu  lieu  de  rappeler  le  pas  d'armes  de  Charle- 
magne  donné  par  le  sire  de  Beaaffremont,  et  tant  d'autres  entreprises 
semblables.  Le  très-curieux  livre  espagnol  qui  porte   ce  titre  El  Paso 
honroso  aurait  pu  aussi  être  mis  à  contribution  et  fournir  des  renseigne- 
ments sur  une  foule  de  singuliers  usages  chevaleresques.  Peut-être 
M.  de  Crollanza  ne  s'est-il  pas  suffisamment  enquis  des  matériaux  que 
l'Espagne  lui  auraitoffertssr  largement.  Une  remarque  encore,  l'auteur 
nomme  certaines  familles  en  indiquant  le  lieu  où  elles  se  sont  trouvées 
dans  ces  derniers  temps,  n'eût-il  pas  été  bon  de  rappeler  surtout  le 
lieu  de  l'origine  ?. . .  Ainsi  les  Bassompierre    sont  désignés  comme  ap- 
partenant à  rile-de-France.  Les  armes  que  leur  attribue  M.  de    Crol- 
lanza ne  sont  pas,  du  reste,  celles  du  célèbre  maréchal,  qui  portait  d'ar- 
gent à  trois  chevrons  de  gueules.  Y  a-t-il  eu  erreur  ou  s'agit-il  d'une 
autre  famille  ?  L'Enciclopedia  araldica,  publiée  dans  de  bonnes  condi- 
tions typographiques,  est  ornée  de  blasons  soigneusement  exécutés. 
—  Ne  quittons  pas  M.  de  Crollanza  sans  dire  un  mot  d'un  savant  et  cu- 
rieux petit  volume  publié  à  200  exemplaires  seulement  et  ayant  pour 
sujet  les  emblèmes  des  Guelfes  et  des  Gibelins.  Ce  livre  qui  fera  hon- 
neur à  l'érudition  de  l'auteur,   a  été    couronné  par  l'Académie  héral- 
dique italienne.  11  est  terminé  par  un  armoriai  des  principales  familles 
qui  se  sont  le  plus  distinguées  dans  les  deux  célèbres  factions. 

Th.  P. 


BULLETIN 

Annuaire  de  l'enseignement  libre  pour  1  STS.  Paris,  Ganme, 
1878,  in- 18  de  278  p.  —  Prix  :  2  fr. 

C'est,  croyons-nous,  la  seconde  année  de  cet  annuaire,  augmenté,  cette 
fois,  d'un  calendner  et  d'une  carte  de  la  France  par  provinces  ecclésias- 
tiques et  donuant  l'état  de  la  cour  de  Rome  et  du  clergé  de  Fiance 
(évêques  et  secrétaires  d'évêcbés,  grands  séminaires)  ;  —  l'organisation  de 
l'administration  des  cultes  au  ministère;  —  renseignements  sur  les  Liblio- 
thèques  publiques  de  Pari?,  sur  l'Institut,  sur  les  écoles  spéciales;  —  lois 
et  décrets  relatifs  à  l'enseignement  secondaire  libre^  au  volontariat  d'un 


—  526  — 

an;-^  notices  sur  les  établissements  d'enseignement  libre,  par  diocèse;'  — 
programme  et  personnel  des  universités  calholiques;  —  personnel  de 
quelques  grands  séminaire?.  Cette  simple  énumération  suffit  pour  marquer 
l'intérêt  et  l'utilité  de  cette  publication,  ce  qui  est  préférable  à  des  éloges. 
L'annuaire, devant  avoir  une  nouvelle  édition  chaque  année,  nous  signalerons 
quelques  améliorations  à  introduire,  quelques  corrections  à  faire.  Nous 
voudrions  à  l'Institut  le  nom  de  ^es  membres;  la  mention  de  l'Académie  de 
médecine  sous  la  rubrique  de  l'Institut,  dont  elle  ne  fait  pas  partie  —  on  le 
dit  bien,  —  ne  peut  occasionner  que  des  erreurs.  Les  notices  sur  la  Biblio- 
thèque nationale  et  sur  l'École  des  chartes  ne  sont  pas  exactes.  Il  ne  serait  pas 
difficile  de  se  procurer  des  renseignements  sur  différentes  bibliothèques  fort 
importantes  dont  on  ne  donne  que  le  nom  et  l'adresse,  sur  les  archives  na- 
tionales, pour  les  formalités  relatives  aux  communications  de  pièces.  Les 
notices  sur  les  établissements  d'instruction  secondaire  ne  concernent  que 
les  établissements  pour  les  garçons;  elles  sont  très-inégales,  incomplètes  et 
parfois  erronées.  Ainsi,  pour  le  diocèse  d'Autun,  nous  ne  voyons  pas  figurer 
l'important  établissement  des  piètres  de  Saint-Bertin  et  personne  ne  pourrait 
soupçonner  que  «  l'Institution  diocésaine  et  municipale  »  est  le  collège  de 
Paray-le-Monial.  R. 


Le  Denier  du  Sacré-Cœur,  extrait  de  Pierre  Blot.  Second  épisode  dei 
Étapes  d'une  conversion,  par  Paul  Féval.  Paris,  Palmé,  1878,  ia-12  de 
83  p.  —  Prix  :  I  fr. 

C'est  ici  un  appel  aux  «  deniers  »  du  riclie  et  du  pauvre,  en  faveur  du 
Sacré-Cœur,  c'est-à-dire  du  Vœu  national,  de  l'église  du  Sacré-Cœur  de 
iMontmartre.  M,  Paul  Féval  raconte  comment  il  a  été  «  converti  «  à  l'œuvre 
du  Vœu  national,  qu'il  avait  envisagée  en  artiste  avant  de  l'apprécier  comme 
chrétien.  Il  môle  le  récit  dramatique,  le  dialogue  mouvementé  aux  considé- 
rations ascétiques,  aux  réflexions  piquantes  et  originales  dans  ce  style  vif, 
coupé  et  brillant  qui  carjctérise  les  œuvres  du  célèbre  romancier.  Ce  sera  un 
éloquent  quêteur  partout  où  il  pourra  s'introduire.  S. 


Le  Miracle  du   16  septembre   IS"»,  par  Henri  Lasskrre.  Paris, 

Palmé,  1878,  in-12  de  126  p.  --  Prix  :  1  fr. 

Le  miracle  raconté  dans  celte  brochure  est  celui  de  la  guérison  de 
M™^  Guerrier,  née  Biver,  dont  le  mari  est  juge  de  paix  à  Beaune.  Quand 
nous  disons  «  miracle,»  c'est  comme  l'auteur  pour  employer  le  terme  usuel, 
sans  vouloir  préjuger  la  décision  de  l'Église.  Ce  récit,  plein  de  vie,  d'origi- 
nalité et  d'esprit,  comme  tout  ce  qu'a  écrit  M.  Lasserre.  animé  par  un  profond 
esprit  de  piété  et  de  confiance,  est  donné  avec  tous  les  détails,  avec  toutes 
les  preuves,  et  relevé  par  des  onsidérations  intéressantes  et  touchantes, 
même  pour  ceux  qui  ne  croient  pas.  Il  ne  fera  qu'augmenter  chez  les 
croyants  leur  vénération  et  leur  confiance  en  Notre-Dame  de  Lourdes. 
C'est  un  chapitre  détaché  d'un  nouveau  volume  que  prépare  l'historien 
de  Lourdes  et  qui  aura  certainement  le  même  succès  que  le  premier.        R. 


"Voyage  au  pays  du  bien,  par  Fulbert  Dumonteil.    Première   série. 

Paris,  Palmé,  1878,  in-12  de  322  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Co  volume  est  uq  recueil  de  causeries  a  parisiennes  »  qui  ont  dû  paraître 
dans  la  Revue  du  monde  catholique.  Elles  roulent   sur  les   innombrables 


—  527  —- 

œuvres  de  charité,  qui  fleurissent  sur  le  sol  si  ferlile  en  tout  genre  delà 
granJe  ùté  parisienne.  Ce  sont  des  considéralioiit.  à  propos  de  ces  œuvres  et 
des  détails  sur  leur  but  et  leur  fonctiounement  capcihles  d'éclairer  la  charité 
et  de  l'exciter.  Le  récit  de  bea'.-x  traits  et  les  sociétés  purement  philanthro- 
piques ont  leur  place  dans  cette  revue  :  le  frère  Philippe,  la  sœur  Pellegrin 
ont,  avec  les  aéronautes  du  .siège  de  Paris,  l'instituteur  et  l'institutrice, 
place  à  côté  de  l'Iniirmerie  Marie-Thérèse,  des  Orphelins  de  la  guerre,  de 
l'Œuvre  de  la  miséricoi'de,  de  l'CEuvre  des  Loyers,  etc.,  etc.  Ce  sont  des 
pages  qui  se  lisent  avec  plaisir,  reposent  l'esprit  et  laissent  une  bonne  im- 
pression. Ecrites  avec  facilité  et  esprit,  d'un  style  coulant,  sous  l'inspira- 
tion d'une  excellente  pensée,  elles  ne  paraissent  pas  avoir  la  prétention 
d'être  autre  chose  que  des  causeries  et  s'adressant  plus  spécialement  aux 
personnes  du  monde.  C'est  une  série  qui  se  continue  dans  la  Revue  du 
inonde  catholique.  V.  M. 

La  Fin   de  l'anarchie,  par  Charles  Bigot.  Paris,  Charpentier,  1878, 

in- 18  de  468  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Ce  livre  est  exclusivement  politique;  il  est  dédié  à  M.  Thiers  et  à  M.  Gam- 
betta.  C'est  un  long  plaidoyer  dans  lequel  on  sent  à  chaque  ligne  le  parti 
pris  de  font  arranger  même  l'histoire  pour  les  besoins  de  la  cause.  JNe  pou- 
vant pas  le  combattre,  nous  renonçons  à  l'analyser.  Du  reste,  la  citatioa 
seule  des  sommaires  suffira  pour  donner  l'idée  du  but  et  de  l'esprit  de  l'ou- 
vrage :  les  voici  :  «  Les  deux  problèmes  :  question  sociale  en  1789,  question 
politique  en  1792.  —  L'odyssée  de  la  France.  —  La  république  nécessaire. 
—  Les  obstacles  à  la  république,  et  nous  enregistrons  parmi  ces  obstacles, 
d'après  l'auteur,  les  -préjugés  sociaux  et  les  préjugés  religieux.  —  Enfin  le  pro- 
gramme de  la  république.  » 

Si  l'on  arrive  à  la  tin  de  la  dernière  page,  l'inipressioa  du  lecteur  sera, 
souvent  celle-ci  :  le  lilre  du  livre  se  moditierait  très-bien  ainsi  :  Continuation 
de  l'anarchie.  L.  T. 

La  Franc-Maçonnerie,  Instruction  pastorale  et  mandement  pour  le 
Carême  de  1878,  par  M^"^  Besson,  évêc[ue  de  Nîmes.  7'  édition.  Paris, 
librairie  de  la  Société  Bibliographique,  1878,  gr.  in-18  de  4G  p.  — 
Prix  :  UO  c. 

Msr  l'évêque  de  Nimes  a  publié,  sur  la  franc-maçonnerie,  un  mandement 
qui  est  une  page  d'histoire  d'une  grande  valeur.  Ce  résumé  rapide  et  sai- 
sissant de  faits  établis  par  des  preuves  irrécusables  montre  le  rôle  de  la 
secte  dans  les  plus  graves  événements  du  monde  moderne.  Le  prélat  plaint 
les  personnes;  il  ne  flétrit  que  les  actes  et  les  doctrines.  Quoiqu'il  se  montre 
d'une  grande  ré.  erve  lorsqu'il  aborbe  les  faits  contemporains,  son  récit, 
dont  l'intérêt  ne  se  ralentit  pas  un  instant,  aboutit  avec  une  logique  in- 
vincible à  cette  conclusion  :  «  La  Franc-Maçonnerie  règne,  et  c'est  par  elle. 
Ce  semble,  et  par  elle  seulement,  qu'il  est  permis  de  régner  encore.  On 
peut  dire  d'elle  ce  que  Montesquieu  a  dit  de  l'ancienne  Rome  :  «  Elle  mit 
d'abord  les  rois  dans  le  silence  et  les  rendit  comme  stupides.  »  H. 


De   la    création    il'nn    cours     de    droit    international,    par 

M.   P.    Larroque.    Paris,    Henri  Bellaire,    1875,    in-12   de    183    p.    — 
Prix  :  2  fr. 

.  M.  Larroque  nous  apprend,  dans  ce  livre,  que  l^s  guerres   sont  désas- 


—  528  — 

treuses  au  point  de  vue  des  intérêts  mntériels  :  nous  sommes  assez  de  son 
avis.  11  soutient  qu'elles  ne  sont  pas  moins  funestes  au  point  de  vue  moral: 
sous  ce  rapport,  et  au  risque  de  chagriner  son  cœur  sensible  et  son  âme 
pacifique,  nous  aurions  des  réserves  à  exprimer.  11  rend  les  institutions 
monarchiques  responsables  de  ce  tléau,  dont  la  République  doit  nous 
préserver:  nous  le  renvoyons  à  l'histoire.  11  conclut  à  la  création  d'un  Code 
international  et  à  l'institution  d'un  Tribunal  suprême  chargé  de  vider  les 
différends  entre  nations.  Bien  entendu,  la  suppression  des  armées  perma- 
nentes devrait  suivre  et  compléter  les  autres  mesures.  Toutes  ces  théories 
nous  semblent  manquer  du  mérite  de  l'à-propo;;  nous  ne  croyons  pas 
qu'elles  rentrent  dans  le  cadre  des  grandes  controverses  européennes  qui 
sont  à  l'ordre  du  jour,  A.  de  Claye. 

Entretîens  famîîîers  eur  Sa  Cosmographie,  par  M.  AuDOYNAUD, 
officier  d'Académie.  Paris,  J.  Hetzel  et  C'«,  in-8  de  333  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Est-ce  un  éloge,  est-ce  une  critique  ?  C'est  au  moins  un  fait  que  chacun 
pourra  apprécier  suivant  ses  goûts  et  ses  tendances  :  l'ouvrage  de  M.  Audoy- 
naud,  que  publie  la  librairie  Hetzel,  n'a  aucune  ressemblance  avec  les  fan- 
laisies  pseudo-scientifiques  de  M.  Jules  Verne  auxquelles  cette  même 
librairie  a  donné  le  jour.  C'est  un  véritable  traité  de  cosmographie  où 
l'auteur  n'a  pas  craint  d'appuyer  ses  explications  de  figures  géométriques 
et  d'employer  les  termes  scientifiques,  avec  sobriété  toutefois  et  sans  vain 
étalage  d'érudition.  Seulement  la  foi'me  dialoguée  lui  permet  de  donner  à 
son  exposition  une  allure  un  peu  plus  libre,  d'y  introduire  des  comparai- 
soTis  familières  et  d'y  supposer  de  petites  expériences  souvent  fort  utiles  pour 
la  clarté,  enfin  d'entrer  dans  quelques  digressions  historiques  ou  scientifiques 
qui,  dans  un  traité  proprement  dit,  pourraient  paraître  hors  de  leur  place. 

L'esprit  général  est  très-satisfaisant,  et,  sur  la  question  de  Galilée,  qui 
est  une  bonne  pierre  de  touche  à  cet  égard,  bien  que  M.  Audoynaud  en 
parle  d'après  des  auteurs  un  peu  suspects,  il  est  fort  modéré  et  presque 
irréprochable. 

11  prend  pour  interlocuteur  un  jeune  homme  «  âgé  de  seize  ans,  qui 
venait  d'achever  sa  seconde un  peu  d'arithmétique  et  un  peu  de  géomé- 
trie, tel  était  tout  son  petit  bagage  scientifique.  »  Il  nous  donne  ainsi  la 
mesure  du  public  auquel  il  s'adresse.  Le  «  petit  bagage  scientifique  » 
nécessaire  pour  le  suivre  est  vraiment  si  peu  de  chose  que,  parmi  les 
personnes  qui  s'intéressent  assez  aux  questions  scientifiques  pour  n'avoir 
pas  besoin  de  les  avaler  sous  forme  de  romans,  il  y  en  a  bien  peu,  croyons- 
nous,  qui  ne  puissent  comprendre  son  ouvrage  et  y  trouver  agrément  et 
[)rofit.  ^'  Z. 

Manuel  pratique  pour  l'organisation  et  le  fonctionne- 
ment des  sociétés  coopératives  de  production,  dans  leurs 
diverses  formes,  par  Schulze-Delitzsch,  avec  la  collaboration  du  docteur 
Schneider.  2=  partie.  Agriculture,  prêccdio  cl' une  lettre  aux  cultivateurs  fran- 
çais, par  Benjamin  Rampal.  Paris,  Guillaumin,  1878,  in- 12  de  176  p.  — 
Prix  :  2  fr. 

Parmi  les  écoles  socialistes  qui  se  partagent  l'Allemagne,  celle  de  Schulze- 
Delitzsch,  et  celle  de  Lassale,  cette  dernière  plus  radicale  que  l'autre,  se 
féunissent  dans  une  guerre  commune  contre  l'esprit  religieux.  Ce  point  de 


ressemblance  est  assez  significatif.  M.  Rampai,  partisan  déclaré  des  doc- 
trines de  Schulze,  veut  les  faire  connaître  et  les  propager  en  France.  Déjà, 
il  y  a  deux  ans,  il  a  publié  un  cours  d'économie  politique  composé  par  le 
réformateur  allemand  «<  à  l'usage  des  ouvriers  et  des  artisans.  »  On  y  trou- 
vait le  texte  des  formules  «  relatives  aux  combinaisons  industrielles.  » 
Aujourd'hui  parait  la  seconde  partie  consacrée  «  aux  combinaisons  agri- 
coles. » 

L'éditeur  s'adresse  donc  spécialemement  aux  petits  cultivateurs,  qu'il 
voudrait  voir  réunis  en  association  et  développer  ces  «  combinaisons  prin- 
cipales qui  ont  été  proposées  par  Schulze  et  ses  amis  pour  faire  participer 
la  petite  et  la  moyenne  culture  aux  avantages  attachés  à  la  grande.  » 

Le  but  sans  doute  est  louable  ;  mais  sera-t-il  atteint  par  les  moyens  pré- 
conisés? Il  est  permis  d'en  douter.  Car,  sans  parler  de  ce  qu'il  peut  y  avoir 
d'utopique  dans  de  semblables  conceptions  et  la  pensée  que  les  sociétés 
coopératives  de  production  seront  un  remède  infaillible,  l'auteur  parait  en 
réalité  poursuivre  beaucoup  plus  un  but  politique  qu'une  réforme  écono- 
mique. Celle-ci  n'est  pour  lui  qu'un  prétexte;  il  faut  arriver  au  règne  de 
ses  doctrines.  La  Révolution  a  tout  fait  pour  le  peuple,  qui  n'était  rien  avant 
elle,  et  est,  sous  elle,  plus  heureux  que  jamais.  Depuis  80,  aucun  régime  ne 
s'est  vraiment  préoccupé  de  lui,  l'Empire  Ta  étouffé,  la  Restauration  n'a 
rien  fait,  à  peine  quelque  espoir  de  liberté  en  1830.  puis  régime  oppressif; 
la  République  de  1848  elle-même  «  n'a  été  qu'une  tentative  avortée;  » 
l'Empire,  «  le  règne  de  l'équivoque.  »  Aujourd'hui  seulement  s'ouvre  une 
ère  féconde  dont  l'exposé  amène  la  conclusion  de  la  longue  préface  de 
M.  Rampai  :  <c  Aimez  la  Révolution  qui  vous  a  faits  ce  que  vous  êtes,  et 
défendez  la  République,  qui  en  est  la  fidèle  et  vivante  expression.  »  Quoi 
qu'il  en  soit  et  à  titre  de  document,  ce  volume  méritera  d'être  consulté  par 
ceux  qui  veulent  se  tenir  au  courant  du  mouvement  coopératif.        G.  S. 


X'îctop-Eiiiiïianuel,  sa  vie,  sa  mort,  souvenirs  personnels,  par  le  comte 
d'Ideville.  Pai'is,  Palmé,  1878,  in-12  de  100  p.  —  Prix  :  1  fr. 

M.  le  comte  d'Ideville  a  été  attaché  d'ambassade  à  Turin,  en  181)9-1862; 
cette  situation  l'a  mis  à  même  de  savoir  bien  des  choses;  grâce  à  elle,  il 
connaît  les  Piémontais  :  aussi  ne  les  aime-t-il  pas,  et  ce  sentiment  parait 
assez  justifié  dans  les  volumes  déjà  publiés  par  lui  et  dans  celui-ci,  simple 
plaquette,  dont  quarante  pajes  sur  cent,  sont  tirées  d'un  précédent  ouvrage. 
Hâtons-nous  de  dire,  que  ce  ne  sont  pas  les  moins  intéressantes,  et  qu'on  y 
trouve,  sur  l'éducation,  la  vie  privée,  le  caractère  de  l'ex-roi  de  Piémont  des 
détails  curieux  et  bien  présentés.  Toutefois  nous  avons  en  vain  cherché  dans 
ce  récit  les  anecdotes  que  le  'itre  semblait  promettre,  et  c'est  là  une  lacune 
regrettable,  surtout  en  ce  qui  touche  aux  derniers  moments  du  roi  galan- 
tuomo.  Les  circonstances  de  la  visite  du  chanoine  Anzino  au  Quirinal  sont 
encore  si  mal  connues  que  nous  étions  fort  désireux  de  savoir  ce  que 
M.  d'Ideville  pourrait  nous  en  apprendre;  mais  il  a  ici  poussé  la  discrétion 
jusqu'à  ses  dernières  limites,  et  nous  sommes  forcés  d'attendre  un  autre 
historien  pour  être  pleinement  renseigné.  Par  ailleurs,  du  reste,  je  le  répète, 
les  souvenirs  personnels  ne  manquent  pas  de  charme  et  ils  font  connaître 
comme  il  doit  l'être  un  souverain  qui  fut,  en  somme,  plus  heureux  qu'il  ne 
l'a  mérité.  R. 

Juix  1878  ~     —  X   XXII,  34. 


—  530  — 

I^e  CJoncIave  et  le  I»ape,  par  Mgr  X.  EJarbier  de  Montault,  prélat  delà 
maison  de  Sa  Sainteté.  Paris,  Oudin,  1878,  in-12  de  175  p.  —  Prix  :  2fr. 

Livre  d'actualité  s'il  en  fût,  et  d'autant  plus  précieux  pour  les  catholiques 
qu'il  répond  avec  la  plus  entière  compétence  à  une  foule  de  questions,  et 
donne  les  détails  les  plus  exacts  sur  les  cérémonies,  et  ce  qu'on  pourrait 
appeler  le  rituel  de  l'élection  des  souverains  pontifes.  Sans  doute,  vu  les 
circonstances,  certaines  prescriptions  canoniques  n'auront  pu  être  observées 
dans  le  Conclave  qui  vient  d'avoir  lieu,  et  certaines  formalités,  notamment 
de  la  prise  de  possession  par  le  pape  élu,  n'auront  pu  être  accomplies  :  mais 
il  n'en  est  pas  raoinsd'un  intérêt  tout  particulier  de  bien  connaître,  sur  tous 
les  points,  les  règles  et  la  tradition  de  l'Église,  afin  de  mieux  se  rendre 
compte  de  ce  que  le  malheur  des  temps  et  la  présence  des  Italiens  à  Rome 
aura  eulevé  de  liberté  et  de  prestige  extérieur  à  la  papauté.  Je  dis  extérieur 
à  dessein;  car,  après  tout,  la  pompe  d'un  cérémonial  n'est  pas  la  souve- 
raineté, ne  fait  pas  le  droit,  et  son  amoindrissement  momentané  n'enlève 
rien  à  la  grandeur,  à  la  majesté  de  la  papauté,  ni  à  la  confiance  pleine 
d'allégresse  des  catholiques,  saluant  dans  Léon  XIII  le  successeur  infaillible 
de  Pierre  et  le  continuateur  légitime  de  Pie  IX.  R. 


Histoire  d'une  -vocation.    M"*    IVîcaaora  Izarîé,  par  le  R.   P. 

Lescœur,  prêtre  de  l'Oratoire.  Paris, .Sauton,  1878,  in-18  j.,  de  234  p.  — 
;    Prix  :  3  fr. 

Le  dernier  ouvrage  du  R.  P.  Lescœur  est  simple  et  édifiant  comme  la  vie 
qu'il  retrace.  M°*  Izarié  était  une  femme  d'une  grande  vertu  que  la  douleur 
acheva  de  sanctifier.  Après  la  mort  prématurée  de  son  mari,  elle  conçut  le 
projet  de  se  donner  à  Dieu,  mais  elle  fut  bientôt  emportée  à  son  tour  et  ne 
revêtit  que  dans  le  cercueil  l'habit  qu'elle  avait  demandé  au  Carmel,  Les 
personnes  pieuses,  que  les  vies  extraordinaii'es  étonnent  quelquefois,  ne 
trouveront  ici  rien  qu'elles  ne  puissent  imiter;  elles  voudront  connaître 
cette  servante  de  Dieu  qui  a  vécu  de  leur  vie,  et  qui  est  morte  de  la  mort 
des  justes.  G.  P. 

L.e  Guide  du  pèlerin  au3c  Églises  de  Home  et  au  palais 
du  "Vatican,  par  M»'""  Barbier  de  Montault.  Arras,  Rousseau-Leroy, 
sans  date,  in-12,  de  si-496  p. —  Prix  :  3  fr. 

On  a  écrit  beaucoup  de  pages  sur  Rome  et  on  en  écrira  beaucoup  encore, 
car  le  sujet  est  inépuisable.  Toutefois  un  archéologue,  un  érudit,  un  prêtre 
comme  Rl^*^  Barbier  de  Montault  n'omet  rien  de  ce  qui  peut  intérnsser  le 
pèlerÎQ  et  le  savant.  Tout  est  minutieusement  étudié  et  a  été  contrôlé  sur 
place  ;  c'est  précis,  exact.  Même  lorsque  l'on  croit  avoir  vu,  on  apprend  là 
beaucoup  de  choses  encore.  L\  note  sur  le  musée  chrétien  du  Latran  est  ce- 
pendant confuse  et,  pour  les  inscriptions  notamment,  laisse  à  désirer  :  elle 
ne  donne  pas  l'idée  de  leur  sujet  et  de  leur  importance.  Format  commode, 
cartonnage  à  l'c-nglaise,  ordre  alphabétique  pour  l'inventaire,  tels  sont  les 
avantages  matériels  d'un  livre  que  l'on  trouvera  profit  à  étudier  pendant 
un  voyage  et  que  l'on  aimera  à  feuilleter  après  le  retour.  H.  de  l'E. 


La  Vie  de  province    en    Grèce,   par   le    baron  d'EsTOURNELLE   de 
Constant.  Paris,  Hachette,  1878,  in- 18  jésus  de  304  p.  —  Prix  :  3  f.  50. 

Les  personnes  qui  aiment  les  voyages  au  coin  de  leur  feu  ou  sur  le  banc 


—  531  — 

de  leur  jardin  ne  liront  pas  sans  plaisir  le  volume  de  M.  d'EstournelJe  de 
Constant.  Il  y  a  là,  sur  la  vie  intime  en  Grèce,  de  curieux  détails  qu'à  notre 
connaissance,  on  n'avait  pas  jusqu'ici  pensé  à  recueillir.  Mais  on  perdra  quel- 
ques illusions  :  ainsi  les  femmes  semblent,  en  Grèce,  avoir  laissé  aux  hommes 
le  privilège  de  la  perfection  physique.  On  voit,  d'après  cet  aveu,  queM.'d'Es- 
tournelle  doit  être  un  voyageur  sincère  et  véridique .  11  a  cherché  à  s'initier  à 
la  vie  provinciale  et  ses  nombreu'^es  excursions, notamment  sa  visite  à  l'ancienne 
Locride,  sont  narrées  d'une  manière  agréable.  Le  volume  se  termine  par 
trois  contes  populaires  dont  l'auteur  étudie  avec  soin  les  singulières 
ramifications  et  dont  l'origine  est  fort  lointaine.  M.  d'Estournelle  promet 
un  livre  complet  sur  ces  antique^  fictions.  C'est  une  nouvelle  qui  sera 
accueillie  avec  joie  par  les  très-nombrenx  amis  de  la  littérature  populaire. 

Th.  p. 


Havai.    Histoire  de  l'établissement  du  catholicisme  dans  cet  archipel,  par 
P.  TouRNAFOND.  Paris,  Lethielleux,  1877,  in-lS  de  322  p.  —Prix  :  3fr. 

Depuis  quelques  années,  le  nombre  des  publications  relatives  à  l'archipel 
Havaien  s'est  assez  multiplié.  Toutefois,  il  nous  manquait  une  histoire 
un  peu  détaillée  de  l'établissement  et  des  progrès  de  la  religion  catholique 
dans  ce  pays.  Le  public  français  était  obligé  de  feuilleter  les  annales  de  la 
propagation  de  la  foi  pour  rencontrer  des  renseignements  souvent  assez 
incomplets  à  cet  égard;  telle  est  précisément  la  lacune  que  M.  Tournafond  a 
entrepris  de  combler. 

Ce  n'est  toutefois  que  dans  les  deux  dernières  parties  de  son  ouvrage  que 
l'auteur  entre  résolument  en  matière.  Les  trois  premières  sont  consacrées  à 
nous  donner  des  détails  sur  l'histoire  ancienne  de  l'archipel.  Ainsi  que 
M.  de  Varigny,  M.  Tournafond  se  prononce  en  faveur  de  Don  Gaétano, 
navigateur  espagnol,  comme  ayant  visité  le  premier  l'archipel  d'Havai. 
Force  serait  donc  de  supprimer  ces  îles  de  la  liste  des  terres  découvertes 
par  Cook.  Nous  n'approuverions  qu'à  moitié  l'espèce  de  roman  imaginé 
par  l'auteur  pour  nous  raconter  l'histoire  des  temps  anciens  d'Havai,  depuis 
ses  premières  relations  avec  les  Européens.  Il  nous  rappelle  tour  à  tour  la 
mort  tragique  de  Cook  et  les  conquêtes  de  Kamea-Mea,  le  Napoléon  de  la 
Polynésie.  Mais  ces  détails  sont  déjà  connus.  La  portion  la  plus  intéressante 
de  l'ouvrage  est  bien  certainement  celle  qui  nous  expose  l'établissement  des 
missions  protestantes,  puis  celui  des  missions  catholiques.  H.  de  C. 


Cachemire  et  I*etît-Xhîbet,  d'après  les  relations  de  M.  F.  Dreiv,  par 
le  baron  Ernouf;  ouvrage  enrichi  d'une  carte  spéciale  et  de  onze  gravures. 
Paris,  Pion,  1877,  in-12  de  vi.336  p.  —  Prix  :  4  fr. 

M.  Drew,  ingénieur  des  mines  distingué,  a  été  pendant  dix  ans  au  service 
de  Ranbîr-Singh,  maharaja  de  Cachemire.  Occupé  d'abord  de  recherches  géo- 
logiques et  minéralogiques,  puis  chargé  de  l'administration  des  forêts,  en- 
fin gouverneur  du  Petit-Thibet,  il  a,  à  ces  divers  titres,  et  dans  les  meilleures 
conditions,  parcouru  toutes  les  parties  du  royaume  de  Cachemire.  Il  a  donc 
vu  beaucoup  et  bien.,  et  le  récit  de  ses  voyages  n'est  pas  la  narration  d'un 
touriste  ordinaire,  mais  celle  d'un  homme  qui  étudie  les  ressources  du  pays 
avec  une  sollicitude  éclairée  pour  l'honneur  du  prince  auquel  il  est  attaché, 
l'amélioration  de  son  gouvernement  et  le  bien-être  de  ses  sujets.  Grande  et 


noble  mission  que  M.  Drew  a  remplie  avec  persévérance  et  succès.  Son  livi'e 
contient  de  très-curieux  et  peu  connus  détails  sur  l'avènement  de  la  dynas- 
tie qui  règne  aujourd'liui  dans  les  États  de  Junimoo,  c'est  le  nom  officiel  du 
Cachemire,  sur  le  climat  et  la  nature  d'une  contrée  qui,  pour  tous  les  voya- 
geurs, est  une  sorte  d'Eden,  enfin  sur  les  moiurs  et  les  paysages  grandioses 
du  Dartistm,  du  Baltisvan  et  du  Ladakh.  Cette  partie  de  son  récit  en  est  la 
plus  nouvelle  ;  elle  est  en  même  temps  le  complément  naturel  du  bel  ou- 
vrage de  M.  Rousseler  sur  l'Inde  des  rajahs. 

M.  le  baron  Ernouf  a  traduit  et  livré  au  public  français  cette  très-remar- 
quable relation  de  cet  ingénieur  anglais  ;  il  l'a  abrégée  et  résumée  sur  quel- 
ques points  ;  mais  il  l'a  surtout  complétée  par  de  nombreux  emprunts 
faits  à  une  vieille  relation  qui  remonte  au  dix-septiéme  siècle,  mais  qui 
e^t  toujours  vraie,  celle  d'un  voyageur  de  notre  race.  Dernier,  qui  le  pre- 
mier visita  ces  pays  rigoureusement  fermés  aux  Européens.  Une  bonne 
carte  et  onze  gravures  ajoutent  encore  à  l'intérêt  de  ce  livre  et  à  la  recon- 
naissince  que  tous  les  amateurs  de  voyages  doivent  à  soa  savant  traducteur. 

M.  DE  LA  R. 


Voyages  Iiors  de  naa  chambre.  En  Danemark,  une  excursion  en 
Suède,  de  Paris  à  l'Exposition  de  Vienne;  la  Hollande  artistique, 'pa.r  Victor 
FouRNEL.  Paris,  Charpentier,  1878,  in-12  de  iv-384  p.  —  Prix  :  3  fr.  30. 

M.  Victor  Fournel  n'est  pas  seulement  un  des  plus  spirituels  chroniqueurs 
et  un  des  plus  savants  érudits  de  ce  temps:  c'est  aussi  un  intrépide  voya- 
geur. Après  les  Vacances  d'un  journaliste  et  les  Promenades  d'un  touriste, 
voici  les  Voyages  hors  de  ma  chambre,  en  attendant  les  Voyages  au  pays  du 
soleil.  Cette  fois  ce  sont  plutôt  les  pays  du  Nord  que  l'infatigable  éciivain 
a  parcourus.  En  Hollande,  il  étudie  l'art  national  dans  les  œuvres  de  ses 
principauxreprésentants  :  Rembrandt,  Van  der  Helst,  Jean  Steen;  Rembrandt, 
qui  peint  la  Hollande  lumineuse;  Vau  der  Helst,  qui  peint  la  Hollande  fieg- 
matique;  Jean  Steen,  qui  peint  la  Hollande  déridée. 

De  Hollande  en  Danemark,  et  c'est  peut-être  la  partie  la  plus  importante 
du  volume,  M.  Fournel  a  visité  avec  intérêt,  disons  mieux,  avec  amour, 
ce  vaillant  petit  peuple  sur  lequel  sa  défaite  même  a  jeté  un  si  vrai  et  si 
héroïque  éclat.  U  l'admire  dans  son  courage,  il  l'admire  dans  sa  poésie  et  il 
se  plait  à  citer  des  échantillons  de  cette  poésie  populaire  d'un  si  vif  et  si 
mélancolique  attrait.  Copenhague  lui  apparait  avec  un  cachet  d'honnêteté 
bien  rare  dans  les  grandes  villes.  La  Suède  lui  plait  aussi,  mais  moins  peut- 
être,  malgré  sa  dynastie  d'oi'igine  fnnçaise  et  les  longs  et  intimes  liens  qui 
ont  uni  jadis  ce  pays  h  la  France.  Et  comment  aller  à  Stokholm  sans  invo- 
quer les  noms  de  Gustave  lll,  de  Stedingk  et  de  Fersen  ? 

Un  mois  et  cent  pages  suffisent  à  noir .'  touriste  pour  visiter  et  décrire  l'ex- 
position de  Vienne.  Encore  a-t-il  pris  le  chemin  des  écoliers.  Mais  on  a  vu 
déjà  tant  d'expositions  et  elles  se  ressemblent  tellement  toutes  qu'on  finit  par 
êlre  blasé.  Pourtant  on  aimerait  à  les  [larcourir  toujours  avec  d'aussi  agréa- 
bles conqiagnons  de  voyage  que  M.  Fournel.  il  critique  avec  tant  de  verve 
il  peint  avec  tant  d'humour.  En  quelques  pages,  il  vous  initie  si  complète- 
ment aux  mœurs  de  l'Autriche,  à  l'aspect  de  Vienne,  aux  merveilles  de 
l'exposition.  Vienne  en  1873,  Paris  en  1878,  que  de  rapprochements  entre 
les  deux  pays  et  les  deux  peuples.  Même  entrain,  même  vie  de  plaisirs, 
même  insouciance  et  aussi,  hélas  !  mêmes  redoutables  problèmes  de  l'avenir. 
L'auteur  r/'sume  tout  ce  qu'il  a  va  à  Vienne  eu  ce  mot  profond    et    triste  : 


—  o33  — 

«  La  décomposition  morale  d'un  empire  dans  sa  prospérité  même.»  Ne  se- 
rait-ce pas  là,  moins  la  prospérité  peut-être,  le  spectacle  que  nous  offrirons 
aux  visiteurs  de  notre  Exposition  de  1878?  M.  de  laR. 


Inde  et  Himalaya,  souvenirs  de  voyage,  par  le  comte  Goblet  d'Alvtella. 
Ouvrage  enrichi  d'une  carte  spéciale  et  de  dix  dessins  par  Henrv  de  Mon- 
taut.  Paris,  Pion,  1877.  in-12  de  392  p.  —  Prix  :  4  fr. 

On  a  déjà  tantécrit  sur  l'Inde  qu'il  semble  vraiment  superflu  de  consacrer 
un  nouveau  volume  à  ce  pays  du  soleil.  M.  le  comte  Goblet  d"Alviella  l'a 
essaj'é  cependant,  séduit  par  les  facilités  exceptionnelles  que  lui  donnait  le 
voyage  de  l'héritier  de  la  couronne  d'Angleterre  dans  le  grand  empire 
asiatique.  Sans  cette  présence  du  prince  de  Galles,  en  effet,  il  eût  été 
impossible  d'assister  à  des  spectacles  aussi  extraordinaires  que  l'assemblée 
des  rajahs  à  Bombay,  la  procession  de  la  Dent  sacrée  à  Ceylan,  l'illumination 
du  Gange  à  Bénarès.  Mais,  en  même  temps,  l'auteur  s'enfonçait  dans  lespar- 
ties  éloignées  de  l'itinéi'aire  officiel  et  pouvait  ainsi  saisir  la  vie  hindoue  dans 
son  développement  naturel.  Il  a  visité  successivement  Bombay,  Ceylan,  le 
Nizam,  Calcutta,  la  vallée  du  Gange,  le  royaume  de  Cachemire. Mais  la  partie 
la  plus  curieuse  de  son  voyage  est  certainement  son  excursion  dans  le 
Sikhim  et  à  l'Himalaya.  De  tout  cela,  M.  le  comte  Goblet  a  composé  un  récit 
qui,  sans  avoir  rien  de  très-neuf,  offre  pourtant  son  intérêt.  Malheureusement, 
ce  récit  est  déparé,  en  bien  des  points,  par  les  préjugés  et  les  passions  anti- 
catholiques qui,  tout  récemment  encore,  faisaient  au  nom  de  l'auteur,  en 
Belgique,  une  si  fâcheuse  notoriété.  M.  de  la  R. 


VARIÉTÉS. 

ï 

LES   lilBIJOTTlÈQUES  AUX  ÉTATS-UNI.'î 
(Suite.) 

Les  villes  en  ont  formé  sur  le  même  modèle,  les  Free  toivn  Hbraries,  qui 
ont  en  beaucoup  plus  de  succès;  quelques-unes  n'ont  rien  à  envier  sous  le 
rapport  de  l'organisation  ar,x  plus  grandes  bibliothèques  de  l'Europe,  et 
nous  décrirons  plus  loin  celle  de  la  bibliothèque  de  Boston  qui  peut  en  être 
considérée  comme  le  type  le  plus  parfait.  Ce  sont  là  les  bibliothèques  popu- 
laires et  publiques  par  excellence. 

Les  bibliothèques,  nous  venons  de  le  voir,  sont  considérées  par  les  Améri- 
cains surtout  comme  un  moyen  d'éducation  et  d'enseignement  populaires;  ce 
doit  être  aussi,  pensent-ils  un  moyen  d'amélioration  pour  ceux  qui  n^ont 
pas  su  d'abord  puiser  à  cette  école  des  leçons  de  vertu.  Il  ne  semble  pas,  en 
tffet,  qu'en  Amérique  plus  qu'ailleurs  l'instruction  ait  contribué  à  élever  lu 
moralité.  «  La  majorité  des  détenus  dans  les  prisons  du  Nord  et  de  l'Ouest 
dit  le  rapport,  savent  lire,  une  forte  proportion  sait  lire  et  écrire,  etbeincotit) 
avant  leur  emprisonnement,  ont  reçu  un  enseignement  supérieur  à  celui 
des  écoles  populaires.  »  La  proportion  des  détenus  illettrés  varie,  d'après  un 
rapport  de  1807,  d'un  vingtième  dans  l'État  de  Vermont  à  un  tiers  dans  celui 
de  Ne\\-  York  et  dans  le  Wisconsin;  dans  le  Sud,  elle   est  plus  considérable; 


—  534  — 

seize  détenus  seulement  sur  cent  savent  lire,  au  pér.itencier  de  la  Caroline 
du  Nord.  Les  bibliothèques  des  prisons  ont  pour  Ijut  de  coni|iléter  leur 
instruclion,  el  surtout  leur  éducati  ju  morale.  Créées  d'abord  exclusivement 
par  l'initiative  privée,  elles  ont  bientôt,  par  leurs  heureux  résultats,  attiré 
l'attention  et  le  concours  de  l'autorité  publique.  Ce  bienfait  a  même  été  en 
certains  endroits  assez  apprécié  de  ceux  qui  en  étaient  l'objet  pour  qu'ils 
aient  voulu  y  faire  participer  d'autres  détenus  qui  en  étaient  privés.  Ainsi 
la  bibliothèque  de  la  prison  d'Alton  (Illinois)  a  été  fondée  par  les  dons  des 
détenus  de  Charlestown  (Massachussetts).  Les  rapports  n  eus  par  le  Bureau 
d'éducation  attestent  l'existence  de  quarante  bibliothèques  de  prison  conte- 
nant ensemble  61,093  volumes.  La  plus  riche  se  trouve  au  pénitencier  (ie 
Philadelphie-,  elle  compte  9,000  volumes,  non  compris  un  millier  d'ouvrages 
scolaires.  Un  contrôle  sur  les  lectures  est  nécessaire,  on  le  conçoit,  dans  les 
prisons  plus  qu'ailleurs;  dans  l'IUinois  et  le  Wisconsin,  il  va  jusqu'à  enlever 
aux  détenus  la  liberté  de  choisir  leurs  livres;  partout  ailleurs,  on  les  laisse 
libres  de  pr^'ndr!î  ce  qu'ils  veulent,  la  composition  de  la  bibliothèque  étant 
d'ailleurs  rigoureusement  surveillée.  Les  modes  de  distribution  diffèrent 
beaucoup,  suivant  les  prisons  ;  tantôt  le  détenu,  grâce  à  un  catalogue  mis  à  sa 
disposition,  peut  inscrire  sur  une  fiche  plusieurs  des  livres  qu'il  désire, 
parmi  lesquels  le  bibliothécaire  choisira  celui  qu'il  jugera  le  plus  convenable. 
Lorsque  le  volume  rentre  sur  les  rayons,  le  titre  disparait  de  la  fiche  de 
l'emprunteur;  tel  est  le  système  usité  au  pénitencier  de  l'Est,  en  Pensylvanie; 
tantôt,  comme  dans  les  prisons  de  Sing  Sing  et  de  Clinton,  à  New  York,  les 
prisonniers  se  rendent  eux-mêmes  à  la  bibliothèque,  soit  pour  prendre  les 
livres,  soit  pour  les  rendre.  Ce  sont  des  livres  de  religion,  de  morale,  d'his- 
toire, de  voyages,  de  science,  des  magazine?,  même  des  romans,  à  l'exception 
de  ceux  qui  pourraient  surexciter  trop  vivement  l'imagination.  Ainsi  choi- 
sies, ces  lectures  font  du  bien  aux  détenus,  et  ils  les  goûtent;  le  rapport  en 
constatent  les  heureux  effets,  tout  en  déplorant  que,  pendant  les  longues 
nui'.s  d'hiver,  ces  ressources  d'instruction  et  de  distraction  manquent  aux 
pris'>nniers,  faute  de  lumière,  dont  l'usage  est  interdit  par  les  règlements. 

Tontes  les  bibliothèques  que  nous  venons  d'énumérer  s'adressent  plus 
spécialement  au  public  populaire  ;  mais  il  n'est  guère  de  grand  corps  dans 
l'État,  de  service  public,  d'école,  d'association  revêtue  d'un  caractère  olficiel 
qui  n'ait  sa  bibliothèque.  Chacune  a  ses  lecteurs  spéciaux,  et  notamment  les 
anciens  élèves  de  l'école  à  laquelle  elle  est  attachée,  qui  ne  l'oublient 
pas  dans  leur  testament,  après  avoir  eu  recours  à  elle  de  leur  vivant  ;  et, 
d'autre  paît,  l'institution,  communiquant  à  sa  bibliothèque  le  caractère  de  sta- 
bilité et  de  permanence  dont  elle  jouit  elle-même,  lui  attire  plus  aisément 
cette  générosité  privée  que  nous  avons  vue  s'éloigner  des  bibliothèques  fon- 
dées par  association.  Ainsi  l'Université  d'Hitward  possède  une  bibliothèque 
générale,  riche,  en  1873,  de  134,000  volumes,  sans  compter  les  brochures,  et 
de  227,630  volumes  en  y  joignant  les  bibliothèqui  s  spéciales  et  celles  des  so- 
ciétés scientifiques  qui  dépendent  de  l'Université.  Le  collège  d'Yale,  à  la 
même  date,  avait  dans  sa  bibliothèque  18,000  volumes  et  23,000  brochures; 
l'accroissement  annuel  est  de  plusieurs  milliers  de  volumes. 

La  théologie  et  les  ouvrages  religieux  trouvent,  aux  États-Unis,  d'assez 
nombreux  lecteurs  ;  toutefois,  il  est  peu  de  bibliothèques  publiques  qui  en 
soient  exclusivement  composées,  celle  de  Boston,  fL.ndée  en  1860,  et  qui 
compte  aujourd'hui  12,000  volumes,  en  fournit  un  rare  exemple.  L\  théologie 
a  sa  place  soit  dans  les   bibliothèques  des  séminaires,  soit  dans  celles    des 


facultés  de  cette  science  ;  quand  la  bibliothèque  n'est  pas  attachée  à  une 
faculté,  elle  ne  se  borne  pas  aux  seuls  ouvrages  de  théologie,  mais  elle  com- 
prend aussi  tous  ceux  qui  sont  nécessaires  à  une  éducation  ecclésiastique 
complète.  La  plus  ancienne,  la  bibliothèque  catholique  du  séminaire  de  Sainte- 
Marie  de  Baltimore,  fondée  parles  Sulpiciens,  en  1791,  compte  aujourd'hui 
15,000  volumes;  après  elle,  par  ordre  d'ancienneté,  vient  la  bibliothèque 
fondée  par  John  Anderson,  nommé  en  1794,  professeur  à  V Association  sacer- 
dolale  [Presbilery  associate)  de  Pansylvanie.  Les  progrès  de  ces  bibliothèques 
commencent  à  s'accuser  depuis  vingt-cinq  ans.  Presque  toutes  les  commu- 
nions représentées  aux  États-Unis  y  ont  des  séminaires,  et  chacun  d'eux  a  sa 
bibliothèque.  11  y  a  aujourd'hui,  aux  P^tats-Unis,  120  à  180  séminaires;  les 
mieux  fournis  en  livres,  en  1838,  possédaient  3,000  volumes;  aujourd'hui, 
deux  d'entre  eux  en  ont  jusqu'à  30,000,  trois  rjépassent  le  chiffre  de  20,000, 
huit  celui  de  15,000.  En  1838,  tous  les  séminaires  réunis  atteignaient  le  chiffre 
de  100,000  volumes;  aujourd'hui,  il  est  de  5  ou  600,000.  Avant  leur  fondation, 
réducation  cléricale,  s^'  faisant  dans  les  collèges,  imposait  à  ces  derniers 
l'obligation  de  faire  une  place  à  la  théologie  dans  leurs  bibliothèques  ;  elle 
l'a  gardée  encore  maintenant  que  les  séminaires  existent,  et  cette  place  est 
même  assez  large,  ce  qui  n'empêche  pas  les  travailleurs  de  se  plaindre  de 
l'insuffisance  des  instruments  mis  à  leur  disposition.  De  riches  collection'^, 
acquises  à  l'étranger  et  notamment  en  Allemagne,  sont  venues  atténuer  ces 
regrets.  Entre  toutes  les  bibliothèques  de  théologie,  le  rapport  dislingue 
particulièrement  celles  des  catholique^,  elles  se  signalent  par  un  choix  plus 
grand  des  ouvrages  consacrés  à  l'explication  du  dogme  el  de  la  morale,  à  la 
littérature  ecclésiastique,  principalement  à  l'histoire  et  à  la  biographie  reli- 
gieuses; toute  science  d'ailleurs  est  la  bien  venue  sur  leurs  rayons,  on  y  trouve 
même  les  œuvres  des  adversaires,  pour  peu  qu'ils  aient  une  valeur  scienti- 
fique; l'histoire  universelle,  inséparable  de  celle  de  l'Église,  les  monuments 
de  la  littérature  que  ses  moines  nous  ont  conservés,  les  découvertes  de  la 
science  si  importantes  par  les  armes  que  la  foi  peut  et  que  l'incrédulité  pré- 
tend leur  emprunter  ;  tout  lecteur,  catholique  ou  non,  est  également  bien 
accueilli  dans  leur  enceinte.  Aussi  jouissent-elles,  au-delà  de  l'Atlantique, 
d'une  popularité  dont  le  rapport  s'est  fait  justement  l'écho. 

Les  autres  sciences  et  les  autres  écoles  ont  aussi  leurs  bibliothèques  spéciales; 
l'étude  du  droit  a  fait  surgir  des  sociétés  dont  rhticune  a  sa  bibliothèque  où 
le  chiffre  des  volumes  varie  de  quelques  centaines  à  20,000.  Elle  a  ses  écoles 
au  nombre  de  38,  sur  lesquelles  21  ont  leur  bibliothèque,  où  le  minimum  est 
de  300  volnmes  et  le  maximum  de  20,000.  La  plus  importante  est  celle  de 
la  faculté  de  droit  d'Harward,  qui  possède,  proportionnellement,  d'après  le 
rapport,  plus  de  documents  juridiques  et  législatifs  anglais  que  les  bibliothè- 
ques anglaises  n'en  possèdent  d'américains.  Et  pourtant,  quelques-unes  des 
bibliothèques  d'Angleterre  datent  de  plusieurs  siècles  :  celle  de  Lincoln  s' Inn 
àLondres,  entre  autres,  remonte  à  1497.  Trois  catégories  de  documents,  exclus 
par  leur  excessive  abondance  des  bibliothèques  privées,  affluent  dans  les  bi- 
bliothèques publiques  de  droit,  les  lois  municipales,  celles  de  l'État  ou  de 
l'Union,  qui  s'impriment  toutes  ;  les  commentaires  de  ces  lois,  et  les  rapports 
judiciaires. 

La  médecine  a  réuni,  depuis  un  siècle,  dans  les  écoles  etjes  hôpitaux,  2  ou 
300,000  volumes.  Il  y  en  a  peu  qui  aient  une  valeur  sérieuse,  mais  il  y  a  à 
prendre  dans  tous.  Le  rapport  ne  mentionne  que  les  bibliothèques  médicales 
d'une   certaine  importance,  celle  de  Boston,  de    Philadelphie,  de  New  York, 


-     536  — 

de  CindonAÛ  et  de  Washington. Les  joumanx  de  médecine  et  les  tbèse?  docto- 
rales y  oicopent  la  pins  grande  place. 

Les  ;cien>!es  mathématiques  et  tes  sdenees  physiques  et  naturelles  sont  assez 
mal  représentées  dans  les  bibriothèques  américaines  :  parmi  eeUes  qui 
essayent  de  comi)Ier  cette  lacune,  U  faut  citer  la  bibliothèque  du  Gtmgrês  à 
Washington,  la  bibliothèque  de  Boston,  la  bibliothèque  Astor  à  New  York  et 
riastitm  Peabodj  à  Baltimore  ;  à  lenr  défaut,  il  faut  recourir  aux  bibliothè- 
ques des  sociétés  scientifiques,  trés-peu  nombreuses  encore,  qui  existent  aux 
États-Unis . 

LTiistoire  locale  a  proToqné  les  étaifô  de  160  sociétés  nées  depuis  1789 
suor  le  sol  américain;  leurs  btbliothèqaes,  d'après  les  rapports  reçus  au  Bureau 
dTdacation,  réunissent  aujourd'hui  483,000  rolumes  et  568,000  brodiures. 
La  SocitHi^  hisioTique  de  Massmthvssetts,  fondée  la  première,  en  l'791,  a  ras- 
semblé un  millier  de  manuscrits  ;  la  SaeiéU  histmique  de  .Tew  York  en  compt'^ 
15,000  :  le  chiffire  de  ceui  de  toutes  les  s*3ciétés  réunies  s'élèTe  à  90,132  :  elle> 
ont  été  longtemps  les  seules  à  en  posséder  arant  l'organisation  des  biblio- 
tbèques  d'État.  Elles  se  recrutent,  en  général,  comme  nos  sodétés  firaoçaises, 
c'esC-À-dire  par  l'élection  de  membres  payant  une  cotisation  ;  les  fonds  ainsi 
obtenus  servent  à  publier  des  mémoires  consacrés  à  llûstoire  locale.  Le 
rapport  leur  assigne  im  râle  social  important  :  dérelopper  aux  États-Unis  l^ 
gaùt  des  études  généalogiques  tout  à  fiit  propres  à  entretenir  le  sentimen* 
répablicain  en  rattachant  à  une  tige  unique  et  primitiTcles  plus  grandes  e): 
les  plus  hambtes  fimiUes  d'un  même  pays,  «citer  le  patriotisme  en 
réTeillant  ces  souvenirs  locaux  qui  font  aimer  au  dtoywi  le  sol  natal, 
ramener  vers  le  passé  les  regards  du  peufde  américain  toajoors  trop  porté  k 
reg^rder  raveuir.  onblieux  du  culte  des  ancêtres  et  de  la  tradition  qui. 
seule,  assure  la  grandeur  d'un  pays.  Seules,  ces  sociétés  ou  Cifux  de  lenr^ 
membres  qui  ont  puisé  chez  elles  la  curicâté  de  l'érudit  sont  capables  d'aecn- 
moler  ces  reUipies  du  passé  pour  la  redierche  et  la  déeouTerte  desquelles  :I 
faut  compter  bien  plutôt  sur  l'amonr-propre  sdraitifiqne  que  sur  le  àf^ouf- 
ment  auxiatérh'ts  publics,  quoique  ceux-ci  finissent  toujours  par  en  profiter. 

Au-dessus  de  foutes  ces  bibliothèques  se  trouTent  celles  des  etvps  électifs  et 
des  hautes  administrations  de  ITtât  ;  la  plupart  sont  exelusivement  ouvertes 
au  personnel  du  ci>rps  dont  elles  dépeEident  ;  chaque  État  a  la  sienne,  qui 
présente  à  peu  près  et  en  petit  les  caraetères  que  nous  retrouverons  toot  à 
i'heare  dan?  ta  bibliothèque  du  Congrès.  CeUe  du  département  d'État,  dont 
la  création  date  d'une  résolution  du  Congrès  do  23  septemfere  i789,  est  aTan*: 
tout  une  bibliothèque  diplomatique,  elle  renferme  surtout  des  eoUedion^ 
de  lois  étrangères,  d'histoire  étrangère  et  diplomatique,  des  traités  de 
science  politique  ;  elle  compte  aujouidlini,  autant  qu'on  en  peut  juger  en 
Uabsence  du  catalogue  aetneUemort  en  cours  d'exécution,  aarirmi  23,000 
volumes;  eifons  aussi  celles  de  la  Trissrerû.  qui  ne  remonte  en  foit  qu'à  J86T 
et  qui  compte  déjà  8,430  volumes  dont  beaucoup  de  gâographie  et  d'hisfuiie. 
celles  du  Bmntm  de  $taiisëiqui,  du  Fini  audiltir  Office. 

Une  bibliothèque  qui  domine  toutes  les  précédentes  et  qui  s'en  distingue 
surtout  depuis  qne  la  lé^slature  des  États-Unis  en  a  fait  leur  Bibliothèque 
nationale,  c'est  celle  du  Congrès  étabSe  comme  lui  d'ahord  à  Philaddpliie. 
puis  à  Washington.  Grâce  à  deux  vadtes  du  Congrès,  l'an  de  72,500  dollars. 
l'autn*  de  Tô,0*)O  dollars,  sa  bibliothèque",  devenue  la  Bi!i>lirtbèque  national^? 
ëff:^  États-Unis,  a  pu  se  relever  dri  terrible  incendie  qui,  en  1835,  la  réduisit 
de  .ô3,€0*>  à2!f>.ÔC0  volumes,  et  maintenant  elle  est  à  l'èprerive  du  feu  ;  elle  est 


—  o3T  — 

consiraite  entièrement  en  fer  à  Tintérieur  :  elle  a  pu  regarnir  ses  ravons 
dévastés.  Depuis  lors,  elle  s'est  encore  accrue  de  la  bibliothèque  Smithso- 
nienne,  Tune  des  plus  riches  qu^il  y  ait  au  monde  en  sciences  naturelles  et  en 
sciences  exactes  :  de  la  bibliothèque  Force,  comprenant  plus  de  60,000  ouvrages 
et  documents  tous  relatifs  à  la  colonisation  et  à  l'histoire  des  États-Unis.  Dotée 
d'une  allocation  annuelle  de  10,0<J0  dollars,  augmentée  de  jour  en  jour 
et  sans  frais  pir  le  dépôt  légal,  cette  bibUothèçue  compte  aujourd'hui  300,000 
volumes  et  60,000  brochures.  Les  dépenses  v  sont  contrôlée?  par  un  comité 
composé  de  trois  sénateurs  et  de  trois  représentants,  qui  ont  le  droit  de  fdire 
tous  les  règlements  nécessaires.  Le  prêt  des  livres,  restreint  à  l'origine  aux 
seuls  membres  du  Sénat  et  de  la  Chambre  des  représentants,  au  présiden'.  et 
au  vice-président  des  Etats-Uni?,  a  depuis  été  étendu  à  tous  les  hauts  fonc- 
tionnaires de  l'État.  Rien  dans  le  rapport  n'indique  que  depuis  ces  limites 
aient  été  dépassées.  11  est  regrettable  pourtant  que  dans  un  pays  comme  les 
États-Unis,  qui  se  pique  d'être  la  pairie  de  toutes  les  libertés  et  où  il  n'y  a 
pas  de  place  pour  les  privilèges,  les  gouvernants  se  soient  réservé  celui-là, 
bien  moins  jusiitiable  que  ceux  qui  les  choquent  chez  d'autre?  nations. 

La  lecture  est  considérée  aux  États-Unis  comme  le  supplément  indispen- 
sable d'un  enseignement  forcément  écourté,  et  si  elle  n'est  pas  devenue 
obligatoire,  comme  Uinstruction  elle-même  l'est  aujourd'hui  dans  bon 
nombre  d'États,  du  moins  particuliers  et  pouvoirs  publics  n'ont  rien  épar- 
gné pour  la  rendre  attrayante,  et  en  faire,  pour  ainsi  dire,  une  obligation 
morale  à  chaque  citoyen  par  la  facilité  qu'il  a  de  s'y  livrer.  Mieux  vaut, 
pour  l'amélioration  d'un  peuple,  et  même  au  seul  point  de  vue  économi- 
que, construire  des  bibliothèques  que  des  prisons  et  des  maisons  de  correc- 
tion. Telles  sont  les  idées  qui  ont  fait  surgir  ces  bibliothèques  ouvrières, 
dues  tantôt  à  la  générosité  d'un  patron  intelligent,  tantôt  à  l'association 
des  travailleurs,  et  surtout  les  bibliothèques  vraiment  publiques,  les  Fre-e 
iowm  librarics.  soutenues  par  des  taxes  locales  et  par  des  donations  privées, 
regardées  comme  une  branche  de  l'administration,  et  où  tout  citoyen  parti- 
cipant aux  charges  de  la  ville  a  le  droit  de  venir  lire  et  emprunter  des 
livres.  Ce  ne  sont  pas  là.  en  eflFet,  des  bibliothèques  ouvertes  exclusivement 
aux  gens  d'étude,  aux  hommes  des  carrières  libérales,  mais  à  toute  la  popu- 
lation municipale.  Toutefois  à  côté  ou  au-dessous  de  la  salle  d'étude,  il  y  a 
la  salle  de  lecture  :  là  se  rencontrent  louviier  des  usines,  le  journalier,  la 
couturière,  les  employés  de  commerce,  tous  ceux  qui  veulent  lire  quels 
qu'ils  soient.  Tout  est  mis  en  œuvre  pour  leur  rendre  le  local  agréable, 
tapis,  fleurs  et  autres  ornements,  chauffage  et  éclairage  qui  ne  coûtent  rien  ; 
tel  est  le  coup  d'œil  que  présente  chaque  soir  la  salle  de  lecture  de  Newbu- 
ryport  (Massachussettsl. 

De  toutes  les  bibliothèques  des  États-L'nis,  celles  de  ce  ce  genre  sont  peut- 
être  les  plus  intéressantes  à  étudier  ;  parce  qu'elles  sont  une  institution 
populaire  spéciale  au  pays  et  à  la  société  au  sein  de  laquelle  elles  fonction- 
nent, et  dont  elles  accusent  le  mieux  le  caractère  et  les  goûts;  il  n'en  est 
peut-être  pas  dont  l'organisation  soit  plus  compliquée,  en  raison  des 
besoins  si  nombreux  et  si  variés  cpi'elles  sont  appelées  à  satisfaire.  C'est 
donc  sur  elles  que  portera  notre  étude  et  principalement  sur  celle  qui  peut 
en  être  considérée  comme  le  type  le  plus  par  faut  jusqu'à  ce  jour,  la  biblio- 
thèque publique  de  Boston.  Nous  nous  réservons  seulement  de  signaler  en 
leur  lieu  les  détails  qui,  chez  d'autres,  méritent  Fattention,  et  Ks  organes 
spéciaux  dont  elle  peut  se  passer,  mais  qui  sont  nécessaires  ailleui's. 


—  ans  — 

Pour  les  Américains,  le  journal,  la  revue,  le  magaz-iiw  ont  une  impor- 
tance énorme;  dans  cette  démocratie  si  occupée  à  faire  fortune,  on  n'a 
pas  le  temps  de  lire  le  livre,  des  hommes  fort  intelligents,  des  hommes 
d'affaires  surtout  ne  lisent  pas  un  volume  par  an,  mais  ils  .trouvent  une 
heure  par  jour  pour  lire  un  journal.  Le  journal  aura  de  plus  pour  eux  cet 
avantage,  qu'il  pourra  reprendre  le  lendemain  la  discussion  commencée  la 
veille  et  y  revenir  jusqu'à  entière  conviction  du  lecteur  ;  il  rend  compte,  à 
mesure  qu'ils  se  produisent,des  événements  et  des  découvertes  de  la  science. 
Le  journal,  la  revue,  c'est  là  le  principal  attrait  de  la  Free  iown  library.  Tel 
de  ces  établissements,  la  Cooper  Union  de  New  York,  par  exemple,  eu 
reçoit  jusqu'à  318,  presque  tous  en  lecture  chaque  soir;  la  bibliothèque  est 
donc  fondée  plus  que  tout  autre  établissement  à  demander  avant  tout  à  une 
taxe  municipale  ses  moyens  d'existence,  c'est  là  le  véritable  mode  d'entre- 
tien d'une  institution  d'intérêt  aussi  général.  Aussi  l'autorisation  de  l'État 
nécessaire  pour  la  levée  de  cette  taxe  ne  souffre-telle  aucune  difficulté.  Un 
bureau  de  directeurs  est  chargé  de  la  surveillance  du  personnel,  mais  non 
du  maniement  des  fonds;  la  gestion  en  appartient  soit  au  bureau  d'éducation 
de  l'État,  comme  dans  l'Ohio  et  l'Indiana,  soit  à  un  bureau  spécial,  comme 
dans  riUinois,  chargé  en  même  temps  d'exercer  un  contrôle  sur  les  direc- 
teurs. La  bibliothèque,  outre  le  revenu  fixe  provenant  de  la  taxe  locale 
trouve  souvent  un  moyen  d'accroissement  dans  les  bibliothèques  des  sociétés 
savantes  de  la  ville,  qui  viennent  s'abriter  sous  son  toit. 

Une  fois  en  possession  d'un  local  et  de  revenus  fixes,  il  faut  à  la  Free  tow7i 
library  une  clientèle;  elle  cherche  les  lecteurs  et  les  emprunteurs,corame  les 
marchands  cherchent  l'acheteur;  et  fait  très-peu  de  difficulté  pour  les  admet- 
tre. A  Boston,  il  suffit  de  la  simple  signature  d'une  personne  déclarant  qu'elle 
connaît  l'emprunteur,  pour  qu'un  inconnu  puisse  emporter  les  livres  de  la 
bibliothèque  ;  en  Angleterre,  à  Manchester,  on  exige,  dans  ce  cas,  une  somme 
égale  à  la  valeur  du  livre  emporté.  Cette  facilité  est  un  encouragement  puis- 
sant à  la  lecture  ;  à  Boston,  90,000  personnes  sont  inscrites  suries  registres  de 
la  bibliothèque,  et  les  deux  tiers  des  inscrits  y  ont  effectivement  recours;  et 
il  ne  semble  pas  que  la  bibliothèque  ait  à  soulfrir  d'un  excès  de  confiance;  les 
volumes  empnmtés  reviennent  pour  la  plupart,  le  vol  est  chose  rare  et  les 
pertes,  quand  il  yen  a,  proviennent  surtout  de  la  négligence.  Sur  une  circu- 
lation annuelle  de  6,475,346  volumes  dans  les  bibliothèques  qui  ont  founni  un 
rapport,  il  se  gâte  9,089  volumes,  il  s'en  perd  3,068,  soit  une  perte  totale 
de  12, lo7  volumes  ou  0,2  0/0.  Le  danger  le  plus  sérieux  de  pertes  provient 
des  déplacements  fréquents  auxquels  est  sujette  la  population  ouvrière, 
bien  que,  d'après  le  rapport,  les  habitudes  d'ordre  et  de  régularité  que  lui 
fait  contracter  l'organisation  des  usines  tendent  à  l'atténuer.  Toutefois, 
pour  pai'er  à  ces  inconvénients,  la  surveillance  la  plus  active  est  nécessaire. 
Le  procédé  employé  à  Boston  consiste  à  inscrire  les  sorties  sur  les  fiches 
séparées  et  renfermées  dans  un  casier  où  chaque  jour  du  mois  a  son  com- 
partiment. Chaque  lecteur  présente  avec  le  livre  qu'il  rapporte  le  double 
de  la  fiche  du  casier,  ce  qui  permet  de  la  retrouver  immédiatement  et  d'y 
effacer  le  volume  rendu,  et  tous  les  jours,  un  coup  d'œil  jeté  sur  la  case 
renfermant  les  fiches  des  volumes  pour  lesquelles  la  date  de  rentrée  est 
arrivée  permet  d'envoyer  une  lettre  d'avis  aux  retardataires.  Les  habitués, 
sous  peine  de  perdre  leurs  droits,  sont  tenus  de  prévenir  la  bibliothèque 
d'un  changement  de  domicile.  Une  revue  mensuelle  des  rayons  permet,  en 
outre,  de  se  rendre   compte  de   ce    qui  est  à  la  reliure    ou  en   circulation, 


—  5?9   — 

et  d'apercevoir   ainsi  les  volumes  dont  l'ahsenco   ne  serait  pas  justifiée. 

Les  périodiques  qu'on  ne  peut  laisser  sur  la  table  à  la  disposition  du 
public  sont  placés  dans  un  casier  derrière  le  bureau  de  l'employé,  de 
façon  que  le  public  puisse  en  voir  les  titres.  A  la  place  de  chaque  pério- 
dique, demandé,  l'employé  met  une  fiche  portant  son  titre  et  le  nom 
de  l'emprunteur,  cette  fiche  ne  disparait  que  quand  la  livraison  re- 
vient. 

Une  mesure  utile,  sinon  toujours  etficace,  pour  assurer  le  respect  des 
livres,  soit  à  l'intérieur  des  bibliothèques,  soit  au  dehors,  consiste  à  y 
insérer  des  signets  de  couleur  portant  promesse  d'une  récompense  aux 
dénonciateurs  de  toutes  personnes  qui  gâtent  les  livres,  en  y  écrivant,  en 
déchirant  ou  en  maculant  les  feuillets,  et  l'indication  de  la  peine  dont  est 
passible  quiconque  se  rend  coupable  d'un  acte  de  cette  nature.  Celte  peine, 
dans  l'État  de  Massachussetts,  consiste  en  une  amende  de  cinq  dollars  au 
minimum  et  de  dix  au  maximum,  et  d'un  emprisonnement  qui  peut  durer 
jusqu'à  six  mois. 

Ces  rigueurs  sont  justifiées  par  les  facilités  que  les  bibliothèques  pro- 
curent à  leurs  lecteurs;  il  n'y  en  a  peut-être  pas  au  monde  qui  en  soient  plus 
prodigues,  on  y  va,  pour  ainsi  dire,  au-devant  des  désirs  respectables  du 
public.  Elles  mettent  à  la  disposition  du  lecteur,  sur  la  table  où  il  travaille, 
des  bulletins  imprimés  où  il  peut  formuler  les  demandes  de  livres  qui 
manqueraient  à  la  bibliothèque,  ou  dont  elle  ne  posséderait  qu'une  édition; 
ce  bulletin  renferme  une  notice  sommaire  indiquant  combien  de  temps  il 
faut  à  l'ouvrage  demandé  pour  ai'river  à  la  bibliothèque  et  être  mis  en 
lecture;  la  bibliothèque  de  Boston  aime  mieux,  en  effet,  s'adresser  au  lieu 
même  de  provenance  que  de  recourir  à  des  libraires  américains,  dont  le 
bénéfice  se  ferait  à  ses  dépens;  les  lois  de  l'Union  facilitent  ce  procédé 
en  affranchissant  de  droits  d'entrée  les  livres  à  destination  des  bibliothèques 
publiques.  La  bibliothèque  fait  faire  ses  achats  par  ses  correspondants  de 
Londres,  de  Paris,  de  Berlin;  ces  correspondants  se  tiennent  au  courant  de 
ce  qui  paraît  dans  leurs  pays,  du  prix  des  livres,  des  ventes  publiques; 
la  bibliothèque  leur  laisse  une  certaine  marge  sur  les  prix  d'achat,  mais 
elle  a  soin  de  les  faire  surveiller.  Quand  le  livre  demandé  est  arrivé,  elle 
en  fait  prévenir  l'intéressé.  Chaque  travailleur  a  sa  table,  et, sur  cette  table, 
des  rayons,  où  les  livres  restent  à  sa  disposition  autant  de  jours  qu'il  en 
a  besoin,  s'il  ne  préfère  les  emporter  chez  lui,  ou  si  quelque  motif  s'oppose 
à  leur  déplacement.  Il  faut  dire  toutefois  que  les  bibliothécaires  améri- 
cains, si  complaisants  qu'ils  soient  pour  le  public,  ne  font  de  pareils  frais 
que  pour  le  véritable  travailleur. 

Ce  n'est  pas  à  dire  que  les  intérêts  du  commun  des  lecteurs  soient  ou- 
bliés; le  principe  qui  domine  toute  l'organisation  des  bibliothèques 
publiques,  c'est  qu'elles  doivent  être  ouvertes  à  tous  les  citoyens.  Mais, 
dans  une  grande  ville  comme  Boston,  bien  des  gens  ne  liraient  jamais  un 
livre  s'il  fallait  perdre  trop  de  temps  à  l'aller  chercher.  Aussi  la  biblio- 
thèque centrale  a-t-elle  des  succursales,  des  branches,  dans  chaque  quartier 
de  la  ville,  elle  en  compte  dix  à  ce  jour,  avec  lesquelles  elle  est  en  l'ela- 
tions  continues,  pour  leur  envoyer  des  livres  ou  recevoir  ceux  qui  en  re- 
viennent. 

A  chaque  envoi  de  livres,  le  bibliothécaire  vérifie  s'il  contient  bien  ceux 
qu'il  a  demandés,  et  rien  que  ceux-là,  puis   les  volumes   reçoivent  l'estam- 


—  o40  — 

pille  de  la  ])ibliolhèquo  à  la  proinièro  page  et  dans  un  autre  endroit  dont 
on  a  soin  de  prendre  note,  une  étiquette  est  mise  au  dos,  puis  on  l'inscrit 
sur  la  liste  du  contenu  de  chaque  case  et  de  chaque  rayon.  Ces  listes,  une 
fois  dressées,  constituent  de  véritables  répertoires,  finding  list,  dont  la 
bibliothèque  de  Chicago,  reconstituée  en  t87i,  après  l'incendie  de  la  ville, 
nous  offre  les  spécimens.  Pour  obtenir  l'impression  gratuite  et  en  assurer 
l'écoulement,  la  bibliothèque  a  autorisé  l'iniprimcur  à  insérer  des  annonces 
en  tête  et  à  la  fin  du  volume. 

Dans  les  grandes  bibliothèques,  chaque  opération  que  comportent  le 
triage  et  la  mise  en  place  des  nouvelles  acquisitions  est  confiée  à  un  em- 
ployé spécial  dont  le  bureau  est  en  communication  directe  avec  la  salle 
où    sont   déposés    les    livres  à  leur  ai'rivée. 

Ce  premier  travail  suffit  pour  permettre  de  communiquer  sans  trop 
grand  danger  de  perte  les  volumes  au  public.  Toutefois,  quand  ils  sont  de 
nature  à  être  très-demandes,  la  bibliothèque  commence  par  les  faire  re- 
lier avant  de  les  mettre  en  circulation.  Tous  les  bibliothécaires  se  pro- 
noncent en  faveur  du  cuir  comme  matière  première,  les  reliures  en  carton 
ou  en  toile  n'ont  jamais  que  quelques  jours  à  vivre,  dans  les  conditions  qui 
leur  sont  faites  aux  Etats-Unis;  parmi  les  cuirs,  le  maroquin  d'Orient  est 
de  beaucoup  meilleur,  la  peau  de  veau  est  trop  sujette  à  se  fendre  sur  les 
joints;  le  cuir  de  Russie  aie  même  inconvénient  que  ne  compense  pas 
l'avantage  indûment  prétendu  d'écarter  les  vers  par  son  odeur.  Quant  à  la 
couleur,  le  rou^c  est  préférable,  les  autres  ont  le  défaut  de  prendre  à  la 
longue  une  teinte  sale.  Le  rapport  ne  serait  pourtant  pas  éloigné  de  con- 
seiller la  -différence  des  couleurs  dans  la  reliure  comme  un  moyen  facile 
de  classification.  C'est  un  usage  qui  peut  se  recommander  de  l'autorité  du 
British  Muséum  où  la  reliure  rouge  est  réservée  à  l'histoire,  le  bleu  à  la 
théologie,  le  jaune  à  la  poésie,  le  vert  à  l'bistoire  naturelle.  Les  Améri- 
cains, du  reste,  n'ont  pas  réussi  à  égaler  sous  ce  rapport  les  ouvriers  euro- 
péens, et  c'est  encore  en  Europe,  et  surtout  à  Paris  qu'ils  envoient  relier 
leurs  livres.  Dans  leurs  bibliothèques,  fréquentées  surtout  le  soir,  on  a 
reinarqiiè  aussi  que  l'action  du  gaz  était  nuisible  aux  reliures,  ce  qui  con- 
duira certainement  toutes  les  bibliothèques  à  n'admettre  dans  leur  salle  de 
lecture  que  les  livres  indispensables,  c'est-à-dire  les  livres  de  renseigne- 
ments, et  à  prendre  les  moyens  de  ventilation  les  plus  efficaces,  pour  com- 
battre ce  danger. 

Nous  venons  de  voir  à  quoi  s'en  tenaient,  en  fait  de  catalogue,  les  biblio- 
thèques qui,  comme  celle  à  peine  renaissante  de  Chicago,  sont  forcées  de 
courir  au  plus  pressé;  elle  compla't  déjà,  en  1876,  au  lendemain  de  l'in- 
cendie qui  l'avait  détruite,  49,000  volumes  :  chacun  a  sa  fiche;  elles  sont 
réparties  dans  de  grandes  divisions  :  histoire,  biographie?,  voyages,  avec 
des  subdivisions  où  les  titres  se  suivent  par  ordre  alphabétique. 

Mais  ce  système,  aussi  simple  que  possible,  ne  peut  suffire  aux  grandes 
bibliothèques;  celles-ci  doivent  faire  imprimer  leur  catalogue  et  le  tenir 
sans  cesse  au  courant  à  l'aide  de  suppléments  qui,  à  certains  intervalles, 
viennent  se  fondre  dans  le  corps  de  l'ouvrage.  Un  catalogue  bien  fait  d'ùt 
pouvoir  réjiondre  à  une  foule  de  questions.  Avez-vous  tel  ouvrage  de  tel 
auteur?  Lequel  de  shs  ouvrages  avez-vous?  Avez-vous  tel  livre  sur  lel  sujet? 
Quels  livres  avez-vous  sur  ce  sujet?  Quels  livres  avez-vous  dans  tel  genre  ou 
dans  tel  langue?  Le  catalogue  qui  répondra  à  toutes  les  questions  possibles 
ou  au  plus   grand  nombre  sera  le   meilleur.    Mais  cet  idéal  est  encore   ù 


trouver,  et  les  Américains  n'y  ont  pas  réussi  mieux  que  d'autres,  bien  qu'ils 
aient  peut-être  fait  plus  d'efTorts.  A  toutes  les  questions  que  nous  venons  de 
poser,  à  toutes  celles  qu'il  est  possible  de  poser,  ils  ne  se  ilatlent  pas  d'avoir 
pu  donner  la  meilleure  et  la  dernière  réponse;  ils  se  contentent  seulement 
d'indiquer  comment,  en  fait,  elles  ont  été  résolues  dans  les  bibliothèques  les 
mieux  organisées  de  leur  paj^s. 

Le  catalogue  ])ar  ordre  de  matières  semble,  au  premier  abord,  le  plus 
simple;  il  a  l'avantage  d'indiquer,  pour  un  seul  sujet,  tous  les  auteurs  qui 
l'ont  traité  et  que  possède  une  bibliothèque,  et  de  présenter  ainsi  au  lecteur 
la  question  qu'il  étudie  sous  des  faces  qui  auront  pu  lui  échapper.  Mais, 
d'autre  part,  ces  catalogues  exigent  de  ceux  qui  les  consultent  des  connais- 
sances bibliographiques  plus  grandes  que  celles  du  commun  des  lecteurs  ; 
chaque  personne,  même  instruite,  et  peut-être  surtout  la  plus  instruite, 
s'est  fait  à  l'avance  sa  classification,  qui  ne  correspond  pas  toujours  avec  celle 
de  la  bibliothèque,  et  qui  l'empêche  de  chercher  le  livre  qu'elle  désire  là  où 
il  se  trouve.  Pourtant  ce  système  a  ses  partisans  qui  clierchent  à  en  atténuer 
les  inconvénients,  c'est  celui  qu'a  suivi  M.  William  Ilarris  pour  la  School 
Library  de  Saint-Louis.  Il  y  applique,  en  les  niodiliant,  les  règles  de  la  clas- 
silication  de»  sciences  données  par  Bacon.  Le  catalogue  à'Araherst  Collège, 
qui  repose  aussi  sur  l'ordre  des  matières,  le  combine  avec  le  système  dé- 
cimal, qui  établit  une  correspondance  entre  la  place  des  livres  sur  les 
rayons  et  leur  place  dans  le  catalogue.  Ce  système  consiste  à  réunir  par 
groupes  de  dix,  sous  un  titre  général  de  pays  ou  de  science,  les  noms  des 
branches  de  cette  science  ou  des  provinces  de  ce  pays,  ou  des  régions  et  des 
sciences  les  plus  voisines,  quand  le  titre  choisi  comme  chef  de  dizaine  ne 
peut  réunir  autour  de  lui  un  nombre  sufnsant  de  divisions;  chaque  chef  de 
dizaine  porte  un  numéro  décimal,  les  numéros  intermédiaires  sont  affectés 
à  565  dilférentes  branches. 

La  bibliothèque  publique  de  Boston  et  la  Mercantile  Library  de  Brooklyn 
ont  adopté  pour  leurs  catalogues  la  forme  du  dictionnaire,  c'est-à-dire  que 
l'ordre  alphabétique  y  sert  de  point  de  départ  à  la  classification  ;  mais  l'index 
qui  termine  l'ouvrage  vient  corriger  ce  que  cette  classification  a  d'artificiel. 
Toutefois,  tandis  qu'à  Boston  les  ouvrages  sont  rangés  par  ordre  ali)habé- 
tique  de  noms  d'auteurs,  sans  distinction  de  sujets,  que  l'index  seul  est 
appelé  à  établir  à  la  fin  du  catalogue,  à  Brooklyn  le  catalogue  comprend 
un  certain  nombre  de  divisions  :  Biographies,  Contrées,  Fictions,  Pièces  de 
théâtre,  où  les  ouvrages  sont  disposés  par  ordre  alphabétique. 

Quant  aux  périodiques,  un  catalogue  leur  est  plus  nécessaire  peut-être 
encore  qu'aux  livres  :  sans  lui,  des  articles  très-bien  faits,  où  des  spécialistes 
ont  concentré  les  résultats  de  longues  années  d'études,  seront  perdus  pour 
le  lecteur,  qui  ne  saura  où  les  trouver;  la  revue  est  du  reste,  nous  l'avons 
dit,  beaucoup  plus  lue  que  le  livre  aux  États-Unis.  M.  Robinson,  bibliothé- 
caire de  l'Université  de  Rochester,  a  trouvé  le  moyen  de  dresser,  pour  le 
fonds  confié  à  ses  soins,  un  catalogue  de  lo,000  articles,  c'est-à-dire  plus  que 
la  bibliothèque  ne  contient  de  volumes.  Ce  catalogue  consiste  en  un  casier 
dont  chaque  compartiment  est  destiné  à  telle  lettre  de  l'inventaire.  Pour 
une  lettre  il  peut  y  avoir  un  ou  plusieurs  volumes,  suivant  le  chiffre  des 
articles  catalogués  ;  dans  ces  volumes,  les  feuilles,  dont  chacune  est  consa- 
crée à  un  ou  plusieurs  articles,  au  lieu  d'être  reliées,  sont  attachées  seule- 
ment au  dos  avec  du  fil  de  relieur;  chaque  feuillet  a  une  dimension  de 
8  pouces  de  hauteur  sur  o  1/2  de  large  ;  on  en  ajoute  au  fur  et  à  mesure 


—  542  — 

que  le  dépouillement  des  périodiques  grossit  le  chiffre  des  articles  inven- 
toriés. 

Il  est  un  genre  de  documents  qu'il  importe  de  recueillir  et,  par  suite,  de 
cataloguer,  mais  dont  on  ne  peut  imposer  la  charge  aux  petites  bibliothè- 
ques :  ce  sont  les  placards,  affiches,  annonces,  qu'il  appartient  aux  princi- 
pales bibliothèques  d'une  région  de  l'éuuir  :  à  celle  de  Boston  pour  la 
Nouvelle-Angleterre,  à  celles  d'Albany  ou  du  Congrès,  ou  à  la  Library 
Company  de  Philadelphie  pour  le  Centre;  à  celle  de  Cincinnati  ou  de  Chi- 
cago pour  l'Ouest;  à  la  Mercantile  Library  de  San  Francisco  pour  la  côte  du 
Pacifique,  La  part  des  petites  bibliothèques  locales,  dans  ce  travail  impor- 
tant, doit  être  de  servir  d'intex'niédiaire  entre  le  dépôt  central  de  la  région 
et  les  personnalités  ou  autorités  locales  dont  émanent  les  documents.  Il  est 
bien  peu  de  ces  brochures^,  journaux,  placards  imprimés  ou  manuscrits, 
photographies,  caricatures,  chansons,  d'un  intérêt  si  mince  aujourd'hui, 
auxquels  un  laps  de  quelques  années  ne  puisse  donner  une  valeur  histo- 
rique. 

Une  source  d'ennuis  sans  fin  pour  le  bibliotl^écaire  qui  prétend  adopter 
l'ordre  des  matières  dans  son  catalogue,  ou  pour  le  lecteur  qui  cherche  un 
volume  sur  tel  sujet,  c'est  la  bizarrerie  des  titres  adoptés  par  les  auteurs. 
Qui  soupçonnerait,  par  exemple,  une  série  d'esquisses  biographiques  sous 
ce  titre  :  Étoile  du  matin  du  Nouveau-Monde?  (Morning  Star  of  the  New 
World.)  Quelqu'un  prépare  sept  essais  religieux,  il  les  réunit  sous  le  titre  de 
Se2)t  Dimanches  orageux  {Seven  stormy  Sundays).  Un  éditeur,  dans  ses  mo- 
ments de  loisir,  et  par  complaisance  pour  ses  amis,  s'abandonne  à  son 
goût  pour  la  puésie;  au  lieu  de  faire  imprimer  ce  passe-temps  sous  le  titre 
de  Poésies  diverses,  il  lui  donnera  le  titre  suivant,  également  incompréhen- 
sible en  anglais  et  en  français  :  Asleep  (sommeil)  in  sanctum.  Quelquefois 
l'éditeur  ne  se  contente  pas  à  moins  de  deux  énigmes,  aussi  trouve-t-on,  à 
la  suite  d'un  titre  tel  que  la  Grande  Roue  de  fer,  un  sous-titre  ainsi  conçu  : 
Républicanisme  en  arrière  et  Christianisme  à  rebours,  par  J.-R.  Graves. 
L'étrangeté  du  titre  est  une  réclame  de  plus,  dans  ce  pays  qui  en  est  la  terre 
classique  ;  elle  jure  parfois  tellement  avec  les  sujets  eux-mêmes,  qu'elle  en 
devient  grotesque  :  un  recueil  de  maximes  des  Pères  s'intitule  la  Vharmacie 
spirituelle.  Mèches  allumées  au  feu  divin,  Six  pennys  d'esprit  divin,  Quelques 
beaux  biscuits,  cuits  dans  le  four  de  la  charité,  soigneusement  conservés  pour 
les  poussins  de  l'Église.  Voilà  des  titres  d'ouvrages  assez  ridicules.  Et  c'est 
quelquefois  ce  qui  fait  leur  succès  ;  les  lecteurs  les  achètent,  s'attendant  à  y 
trouver  tout  autre  chose  que  ce  qu'ils  renferment.  Ruskim  a  trouvé,  parmi 
les  bergers  du  Maryland,  beaucoup  d'acheteurs  pour  son  traité  de  doctrine 
et  de  discipline  ecclésiastique  intitulé  Notes  sur  la  construction  d'une  bergerie. 
Ces  braves  gens  espéraient  bonnement  y  trouver  des  conseils  sur  la  manière 
d'abriter  leur  bétail.  On  comprend  après  cela  que  M.  Disraeli  ait  pu  dire: 
«  Si  vous  demandez  à  un  auteur  quelle  partie  de  son  livre  lui  a  coiité  le  plus 
de  peine,  il  répondra  que  c'est  le  titre.  « 

Le  zèle  des  bibliothécaires  américains  ne  s'arrête  pas  aux  frontières  de 
leur  pays,  c'est  chez  eux  qu'est  née  l'idée  d'un  catalogue  international,  et 
c'est  à  M.  Justin  Winsor,  de  la  bibliothèque  publique  de  Boston,  qu'il  faut 
en  faire  honneur.  Il  réclamait,  dans  la  Semaine  des  éditeurs,  l'envoi,  par 
chacun  d'eux,  de  pluseiurs  exemplaires  d'une  fiche  imprimée,  contenant 
l'indication  de  chaque  livre  publié  par  eux,  avec  une  courte  notice,  et  des- 
tinée à  figurer  au  catalogue.  Celte  idée  fut  accueillie  avec  faveur,  et,  le 


—  543  — 

20  mai  1876,  le  même  journal  proposait  d'imprimer  ces  fiches  en  nombre 
suffisant  pour  qu'on  en  put  envoyer  aux  bibliothèques  qui  en  demande- 
raient. Le  18  mai  1876,  un  correspondant  de  l'Académie  royale  de  Londres 
se  faisait,  dans  le  Times,  l'écho  inconscient  de  cette  idée  :  «  Quand  j'étais 
bibliothécaire,  éci'ivait-il,  je  me  suis  toujours  étonné  de  l'énorme  perte  de 
temps  que  causait  le  catalogue.  Tout  en  écrivant  ma  fiche,  suivant  les  règles 
usitées  en  Angleterre,  je  me  disais  que,  probablement  à  la  même  heure, 
des  centaines  d'individus,  dans  le  monde  entier,  étaient  occupés  au  même 
travail  que  moi,  qu'il  serait  beaucoup  plus  simple,  une  fois  ma  fiche  rédigée, 
de  la  faire  imprimer  et  de  l'envoyer  à  toutes  les  bibliothèques  de  l'Europe, 
et  bien  facile  à  toutes  ces  bibliothèques  elles-mêmes  de  se  charger  de  faire 
ainsi,  sur  fiches  imprimées,  le  catalogue  de  toutes  les  publications  de  leur 
pays,  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris  celui  des  ouvrages  français  ;  à  la 
Bibliothèque  royale  de  Berlin,  à  celle  de  Saint-Pétersbourg  le  catalogue  des 
ouvrages  allemands  et  celui  des  ouvrages  russes,  et  de  se  les  envoyer  les 
uns  aux  autres  ;  la  dépense  serait  insignifiante  et  permettrait  de  publier 
trois  ou  quatre  catalogues  :  un  catalogue  alphabétique  par  noms  d'auteurs, 
un  catalogue  par  matières,  un  catalogue  par  pays,  un  catalogue  chronolo- 
gique à  l'usage  de  toutes  les  nations  comprises  dans  cette  union  bibliogra- 
phique. Les  bibliothèques  trop  pauvres  pour  acheter  les  livres  auront 
toujours  avantage  à  en  connaître  l'existence  ;  l'économie  réalisée  sera  con- 
sidérable, car  cette  mesure  amènerait  une  réduction  notable  de  l'état-major 
des  bibliothécaires  et  des  frais  de  confection  des  catalogues.  »  D'autres 
moyens  pourraient  d'ailleurs  produire  les  mêmes  résultats,  à  la  condition, 
toutefois,  d'une  entente  préalable  entre  les  bibliothécaires  des  différents 
pays.  On  pourrait  demander  à  l'auteur  lui-même  de  rédiger  la  fiche  de  son 
ouvrage,  et  en  exiger  l'envoi  par  l'éditeur  en  même  temps  que  celui  du 
volume;  ce  serait  un  moyen  de  diminuer  et  le  travail  et  les  frais  à  la 
bibliothèque  même.  J.  Vaesen. 

(A  suivre.) 


Il 

UNE  LETTRE  INEDITE   DE  VOLTAIRE 

On  sait  que  Voltaire,  si  riche  en  invectives  contre  ceux  qui  se  permettaient 
de  le  contredire  et  de  le  combattre,  ne  marchandait  jamais  les  éloges  quand 
il  s'agissait  d'un  frère,  d'un  cacouac,  comme  il  appelait  les  adeptes  enrôlés 
ious  les  bannières  de  V Encyclopédie.  Le  nom  valait  bien  la  chose.  Ce  n'était 
pas  seulement  aux  réputations  établies  qu'il  prodiguait  les  éloges  ou  les 
compliments.  11  n'est  pas  de  rapsodie  en  prose  ou  en  vers,  pas  de  débutant 
de  province  ou  de  l'étranger  qui  n'ait  reçu  de  lui  quelque  apologie  ou 
quelque  épitre  flatteuse,  pourvu  qu'il  reconnût  ou  entrevît  le  cachet  de  l'es- 
prit philosophique. 

Que  de  brevets  de  génie  délivrés  par  le  maillée  et  qui  n'ont  pas  été  confir- 
més ou  acceptés  par  la  postérité  !  Nous  en  citerons  un  exemple  sur  mille, 
puisqu'il  nous  fournira  l'occasion  de  donner  aux  lecteurs  du  Polyhiblion  une 
lettre  inédite  de  Voltaire . 

M.  d'Ali?sac,  de  Vairéas,  chef-lieu  de  canton  du  département  de  Vaucluse, 
se  proposait  d'écrire  VHisloire  des  papes.  On  devine  quel  pouvait  être  l'es- 
prit de  cette  composition.  L'auteur  en  soumit  la  préface  à  Voltaire,  qui  s'em- 
pressa de  lui  répondre  par  la  lettre  suivante  : 


—  544  — 

Vous  avez  orné,  Monsieur,  le  tonil^eau  d'un  vieillard  octogénaire  qui  se  meurt.  Vous 
lui  avez  envoyé  de  trop  belles  choses  et  vous  lui  en  dites  de  trop  flatteuses  pour  qu'il 
lui  soit  facile  de  vous  exprimer  toute  sa  sensibilité.  J'ai  lu  deux  fois  la  préface  de 
VHistoire  des  Papes  :  elle  est  écrite  avec  autant  de  force  que  de  vérité,  et  je  n'y  a 
trouvé  d'autre  défaut  que  les  éloges  que  vous  voulez  bien  m'y  donner.  Votre  entreprise 
est  grande  et  utile.  Je  voudrais  être  à  portée  de  vous  en  faciliter  l'exécution.  J'y  trou- 
verais ma  gloire  dans  ce  monde  et  mon  salut  dans  l'autre  ;  mais  il  siérait  tout  au  plus 
à  un  vieux  pécheur  tel  que  moi  d'être  l'historien  de  la  pajîesse  Jeanne,  et  après  avoir 
tant  parlé  des  souverains  pontifes,  il  ne  me  reste  rien  à  démêler  avec  eux  que  le  soin 
de  recourir  à  leur  indulgence  et  à  leur...  {un  mot  illisible).  C'est  à  vous,  Monsieur, 
sujet  des  successeurs  de  saint  Pierre  et  leur  historien,  à  m'obtenir  cette  double  faveur. 
Je  vous  en  demande  pour  gage  un  exemplaire  de  la  première  édition  de  votre  ouvrage 
et  vous  jnùe  de  me  croire,  etc.,  etc. 

V0LT.\IRE, 

gentilhomme  ordinaire  de  la  Chambre  du  Roi, 
il  Fernei,  2  auguste  1777. 

L'original  de  celte  lettre  est  collr  au  verso  de  la  couverture  du  premier 
volume  in-folio  de  VHistoire  des  papes.,  qui  n'a  jamais  été  achevée.  J'ai  eu 
longtemps  ce  manuscrit  entre  les  mains  et,  franchement,  j'avoue  que  le 
monde  savant  n'y  a  rien  perdu.  L'ouvrage  porte  pour  épigraphe  : 
«  Omnis  pontifex  ex  hominibus  assumplus  circiimclalus  est  infirmilate .  Paul, 
epist.  ad  Ilehr.,  v,  1  et  2.  »  Tout  le  procédé  philosophique  de  l'époque  est 
là.  Les  véritables  paroles  de  saint  Paul  sont  celles-ci  :  «  Omnis  namque  pon- 
tifex ex  hominibus  assumplus  pro  hominibus  consLituilur  in  lis  qux  sunt  ad 
Detmi,  ut  offeret  dona  et  sacrificiapro  peccatis;  qui  condolcrc  possil  iis, qui  igno- 
rant et  errant,  quoniam  cl  ipsa  circiimdatus  est  inftrmitate.  »  On  comprend 
quelle  différence  il  y  a  entre  les  deux  textes.  Le  premier  devait  être  du 
goût  de  Voltaire,  dont  les  compliments  étaient  du  l'este  provoqués  par  les 
éloges  de  la  préface.  Jcli::s  Courtet. 


CHRONIQUE 

Nécrologie.  —  M.  Eugène  Boré,  né  à  Angers  le  15  août  1800,  est  mort  à 
Paris  le  3  mai  1878.  Il  était,  depuis  le  8  septembre  1874,  supérieur  général 
des  Prêtres  de  la  Mission  et  des  Filles  de  la  Charité .  Après  s'être  de  bonne 
heure  fait  connaître  à  Paris,  d'abord  comme  lauréat  du  grand  concours 
général,  étant  élève  du  collège  Stanislas,  et  ensuite  comme  professeur  sup- 
pléant de  langue  arménienne,  M.  E.  Boré  partit,  au  mois  de  juillet  1837, 
chargé  par  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  dont  il  devint 
correspondant,  d'une  mission  scientifique  spéciale  en  Orient.  Il  y  a  passé 
une  trentaine  d'années  consacrées  aux  études  linguistiques,  aux  recherches 
historiques  et  archéologiques,  ainsi  qu'aux  œuvres  de  charité  chrétienne. 
Porté  depuis  longtemps  par  sa  vive  piété  vers  le  sacerdoce,  il  fat  ordonné 
prêtre  à  Constantinople  le  13  août  1850,  par  conséquent  dans  la  maturité  de 
l'âge  et  du  talent.  Ce  grand  acte  accompli,  M.  E.  Boré  s'empressa  de  revenir 


à  Paris  s'enfermer  au  noviciat  des  disciples  de  saint  Vincent  de  Paul,  avec 
lesquels,  dans  le  cours  de  ses  voyages,  il  avait  toujours  entretenu  d'étroites 
relations.  L'épreuve  décisive  terminée,  M.  Etienne  le  fit  immédiatement 
retourner  à  Constantinople,  où  il  succéda,  dans  l'important  emploi  de  supé- 
rieur du  collège  de  Bébeck,  à  M.  Leleu,  fondateur  de  cet  établissement,  qui, 
plus  qu'aucun  autre,  a  répandu,  dans  de  vastes  contrées  soumises  à  la  do- 
mination musulmane,  les  bienfaits  de  la  vraie  civilisation  fi^ançaise,  appuyée 
sur  les  innombrables  œuvres  de  la  propagande  catholique.  C'est  [à  que, 
durant  une  quinzaine  d'années  consécutives,  il  fit  sentir  rinfiuence  des 
éminentes  qualités  de  son  esprit,  de  son  cœur  et  de  son  caractère,  soutenues 
et  développées  par  le  dévouement  sacerdotal.  En  effet,  en  18G6,  rappelé  par 
M.  Etienne,  qui  lui  confia  la  tâche  de  secrétaire  général,  notre  voyageur  se 
vit  désormais  fixé  à  la  maison-mère  de  la  rue  de  Sèvres,  95,  où  la  mort 
vient  de  le  frapper  dans  la  soixante-huitième  année  de  son  âge,  et  dans  la 
quatrième  de  son  généralat.  Voici  la  liste  des  publications  de  M.  Bore, 

Analyse  de  l'ouvrage,  de  Bar-Hebmus,  intitulé  le  Flambeau  des  saints 
(extrait  du  nouveau  Journal  asiatique,  décembre  1834).  —  CorresjJon- 
dance  et  mémoires  d'un  voyageur  en  Orient,  par  Eug.  Bore,  chargé  d'une 
mission  scientifique  par  le  ministère  de  l'instruction  publique  et  par  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres  (1840,  Paris,  Olivier  Fulgence,  2  vol. 
in-8);  —  Sai7it  Lazare,  ou  Histoire  de  la  Société  rcliiiieuse  arménienne  de 
Méchitar,  par  E.  Bore,  membre  de  la  Société  asiatique  de  Paris  (1835,  Venise, 
impr.  Saint-Lazare)  :  il  est  dit,  p.  96,  note  :  a  L'auteur...  prépare  en  ce 
moment  la  traduction  de  l'Histoire  arménienne,  de  Jean  VI,  patriarche,  sur- 
nommé l'Historien;  ■>  —  Croyances  primitives  des  Arméniens  et  histoire  de 
leur  conversion  au  christianisme  (1836,  Annales  de  Philos,  chr.,  juillet  1836): 
en  tête  de  l'ouvrage,  M.  lionnetfy  fait  quelques  réfiexions  où  on  lit  ces 
mots  :  Ce  fragment  sur  l'état  primitif  de  la  religion  en  Arménie  est  extrait 
d'une  Introduction  à  la  Vie  de  saint  Grégoire,  V Illuminateiu\([n&  se  propose  de 
publier  prochainement  M.  E.  Bore  (Annales  de  Philos,  c/ir.,  juillet  1836);  — 
Jugement  sur  la  traduction  nouvelle  de  la  Bible,  avec  l'hébreu  en  regard,  par 
J.  Catien  (1836,  .l?ina/a  de  Philos,  chr.,  août);  —  De  la  Vie  religieuse  chez 
les  Chaldéens  et  histoire  du  couvent  de  Rahban-Ormiizd  (1843,  Annales  de 
Philos,  chr.,  <léc.  1842,  janv.,  mars,  avril,  juillet,  août  1843;  publié  à 
part  à  Paris,  en  1843,  in-8);—  Lettres  sur  l'Arménie  (1843,  Annales  de  Philos, 
chr. ,  novembre)  ;  —  Nouvelle  description  des  ruines  de  Persépolis  et  de  ses 
environs,  par  MM.  Flandrinet  Coste.,  par  E.  Bore,  membre  correspondant  de 
IMnstitut  (1847;  Annales  de  Philos,  chr.,  février,  mars);  —  Tableau  général 
des  races,  des  cultes  et  de  la  population  de  l'empire  ottoman  (18o0,  Annales  de 
Philos.  cJir.,  juillet,  août,  novemb.);  —  Question  des  Lieux-Saints.,  par  E.  Bore 
(18o0,  Paris,  Lecolfre);  —  Description  statistique  de  l'Arménie,  publiée  dans 
l'Univers  pittoresque,  de  Didot;  —  Vie,  vertus  et  mort  de  M.  Jean-Marie  Aladel, 
prêtre  do  la  congrégation  de  la  Mission  (l'auteur  de  la  Médaille  miraculeuse) 
(1873,  Paris,  J.  Le  Clere,  in-12  vi-301  p.).  Les  3%  4^  o«  de  ces  ouvrages 
ont  été  réunis  par  M.  Léon  Bore  en  un  seul  volume,  sous  ce  titre  :  Le 
Ccuvenl  de  Saint-Lazare  à  Venise,  ou  histoire  succincte  de  l'ordre  des  Méchi- 
taristes  arméniens,  etc. 

—  M.  Jean-Baptiste  Alzog,  était  né  le  29  juin  1808, à  Ohlau  (en  Silésie  prus- 
sienne), d'une  famille  de  la  bourgeoisie;  il  a  fait  ses  études  au  collège «gym- 
nasium  »  de  Brieg  et  aux  universités  de  Breslau   et  de  Bonn,  et,  de  1830  à 
Juin  1878.  T.   XXII,  3a. 


—  546  - 

1833.  il  fut  percepteur  dans  une  famille  à  Aix-la-Chapellp.  Il  fut  ordonné 
prêtre  en  1834,  à  Cologne,  se  fit  recevoir  docteur  en  théologie  à  l'académie 
de  Munster  (en  Wesphalie,  en  183o).  Aussitôt  après,  il  fut  nommé  pro- 
fesseur d'histoire  ecclésiastique  et  d'exégèse  au  grand  séminaire  de  Posen. 
Mg'  Martin  de  Dunin,  archevêque  de  Gnesen-Posen,  le  fit  entrer  dans  son 
conseil  ;  il  lui  fut  particulièrement  utile  dans  son  affaire  avec  le  gouver- 
nement prussien  au  sujet  des  mariages  mixtes.  On  sait  que  M&r  de  Dunin, 
à  cause  de  cette  affaire,  fut  emprisonné  à  Kolberg,  forteresse  sur  la  mer 
Baltique.  En  1845,  M.  Alzog  fut  nommé  professeur  et  directeur  du  grand 
séminaire  de  Hildesheim  (en  Hanovre),  et  chanoine  de  l'église  métro- 
politaine (Dom-capitular)  de  cette  ville.  Il  accompagna  l'évêque  de 
Hildesheim  à  l'assemblée  des  archevêques  et  des  évoques  allemands  à 
WûrzburgiCn  1848,  et  participa  aux  discussions  de  cette  célèbre  assemblée 
qui  a  été  de  la  plus  importante  influence  sur  la  nouvelle  organisation  ou 
plutôt  sur  la  délivi-ance  de  l'Église  catholique  en  Allemagne  du  joug  des 
gouvernements  séculiers.  En  f8ij3,  il  fut  nommé  conseil'er  spirituel  (Geistei- 
cher-Rath\ et  professeur  d'histoire  ecclésiastique  à  lUniversif é  de  Fribourg 
(en  Bade),  et  plus  tard,  en  18G9,  il  fut  appelé  à  Rome  aux  travaux  prépa- 
ratoires du  concile  du  Vatican,  pour  la  section  dogmatique.  Il  est  mort  le 
pï'mars  1878,  à  Fribourg,  vers  quatre  heures  de  l'après-midi. 

Son  œuvre  capitale  est  son  Compendium  de  l'histoire  universelle  de  l'Église 
chrétienne.  («  Lehrbuch  der  Universalgcschichte  der  christlichen  Kirche  ;>),  dont 
la  première  édition  parut  en  18i0  (Mayence,  Florian  Kupferherg). 

Dd  plus  en  plus  augmenté,  ce  livre,  dans  la  huitième  édition  (1867),  chan- 
gea ioii  titre  de  «  Compendiurm>  (k  Lehrbuch  »)  en  celui  da  Manuel  «  IJand- 
buch  »  de  l'histoire  universelle,  etc.,  et  parut  en  deux  volumes.  La  neuvième 
édition  parut  eu  1872-73  eu  deux  forts  volf.mes.  Cet  ouvrage  a  été  traduit 
dans  presque  toutes  les  langues  principales  de  l'Europe  :  en  français,  an- 
glais, italien,  espagnol,  p.irtugais,  bohémien,  polonais;  même  dans  l'ancien 
arménien  (éditioa  des  PP.  Méchitaristes).  En  français,  il  y  a  ûeux  traductions, 
l'une  de  MM.  Goschler  et  Audley  (184o-46,  4  vol.  in-12)  dont  la  qudtnèrne 
éditioa  (1874-73^  a  ét'î  donnée  sur  la  septième  édition  allemande,  continuée 
par  l'abbé  A.  Sabîtier;  l'autre  traduction  française  est  de  ?/l.  le  professeur 
Loiseaux,  à  Tournai  (Belgique).  En  Belgique,  Hollande  et  Amérique,  on  s'est 
longtemps  servi  d'un  pxtr.iit  latin  de  l'Histoire  universelle  de  l'Église  chré- 
tienne, par  M.  Alzog.  En  Amérique,  cet  extrait  fut  remplacé  par  une  version 
anglaise  du  livre  complet,  en  trois  volumes,  faite  par  MM.  F.-J.  Pabisch  et 
Th. -S.  Byrne,  professeurs  au  séminaire  provincial  de  Mount  St.  Mary's  of 
the  West  à  Cincinniti  (O'aio).  Cette  version  est  signalée  comme  modèle  d'une 
excellente  et  parfaite  traduction  et  comme  chef-d'œuvre  de  stéréotypie. 

En  1866  a  paru  :  Grundriss  der  Patrologie  oder  der  aelteren  christlichen  Litera- 
turgeschichte  (Compendium  de  la  patrologie  ou  de  l'ancienne  histoire  littéraire 
chrétienne,  Fribourg-en-Brisgau,  Herder,  1866),  dont  la  troisième  édi- 
tion porte  le  titre  de  Handbuch  [manuel]  der  Patrologie  oder  der  aelteren  chris- 
tlichen Literaturgeschichte  (Fribourg,  Herder, 187o);  sous  cette  nouvelle  formcj 
il  compose  le  septième  volume  de  la  T/ieo/ogiscAe^îè/io^/ieA- (Bibliothèque  théo- 
logique)  qui  s'édite  chez    Herier  j  l'éditeur  Palmé  en  publie  la  traduction. 

De  la  première  édition  de  la  Patrologie,  il  existe  une  traduction  française 
donnée  par  M.  l'abbé  P.  Belet  ^1867).  M.  Alzog  est  l'auteur  de  plusieurs  tra- 
vaux moins  étendus.  Notice  historique  sur  Johann  Nicolam  Weislingcr^dàTis 
le  Freiburger  Diocesan  archiv  (Archives  du  diocèse  de  Fribourg,  feuille  pério- 


-  m  - 

dique  de  la  Société  historico-ecclésiasiique  pour  l'histoire,  archéologie  et 
l'art  chrétiens  du  diocèse  de  Fribourg],  tome  1";  —  Itinerarium  oder  Rais- 
bùchlein  des  Cisterzienserpaters  Conrad  Burger  [Itinéraire  ou  petit  livre  de 
voyage  de  Conrad  Bureer,P.  Cisterc],  du  temps  de  la  guerre  de  trente  ans; 
dans  les  tomes  V  et  VI  de  la  mèo^e  revue;  —  Beschreibung  der  Plenarien 
oder  posliUen  zu  Ende  des  io  und  Anfang  des  16  Jahrhunderts  [Description 
des  Plénaires  ou  Pastilles  à  la  tin  du  quinzième  et  au  commencement  du 
seizième  siècle],  dans  le  tome  VIII,  Il  a  fourni  plusieurs  articles  dans  le 
Kirchen  lexiko7i  [Dictionnaire  ecclésiastique]  de  Aschbach,  et  à  celui  de  Wetzer 
et  Welte.  C'est  lui  aussi  qui  a  donné  l'édition  de  l'Histoire  de  la  domination 
de  Eftmgfen  [appartenant  au  couvent  de  S.Galles  en  Suisse],  par  Ildephonse  de 
Arx,  Père  du  monastère  de  S.  Galles,  quoiqu'il  ait  eu  la  courtoisie  de  nommer 
sur  le  litre,  comme  éditeur  de  ce  livre,  31.  Booz,curé  de  Ebingen.  —     G.  P. 

—   M.    Sigismond    Ropartz,   avocat  au  barreau  de    Rennes,    est    mort 
le   18  avril  dernier,  à  IfTendie    (Ille-et-Vilaine),  au  château  de  la  Chasse, 
chez  M.  le  comte  d'Andigné.  Appartenant  à  une  honorable  famille  delà 
ville  de  Guingamp,  qu'il  a  longtemps  habitée  et  où  il  a  laissé  les  meilleurs 
souvenirs,   il  débuta  dans  la   carrière  du   barreau  à  Saint-Brieuc  et  vint, 
en  1860,  habiter  Rennes,  où  sa  science  du  droit,  sa  sagacité  dans  la  discus- 
sion des  affaires,  son  élocution  aisée,  claire  et  brillante,  son  affabilité  et  son 
heureux  caractère  lui  assurèrent  bientôt  l'une  des  premières  places  au  bar- 
reau de  la  cour.  Membre  de  la  plupart  des  sociétés  savantes   de  Bretagne, 
il  était  dernièrement  président  de  \a  Société  archéologique  d' Ille-et-Vilaine. 
Il  fut  un  des  membres  les  plus  actifs  de  l'ancienne  Association  bretonne,  et 
il  contribua  beaucoup   à  sa  résurrection   en  1873  :  il  était,  depuis   cette 
époque,  président  de  la  section  historique  et  archéologique  de  l'association. 
Il  était  enfin  vice-président  de  la  Société  de  l'enseignement  libre  du   dépar- 
tement d' Ille-et-Vilaine,  qui  rend  tant  de  services  à  la  diffusion  de  l'enseigne- 
ment chrétien  du  peuple.  C'est  dire  qu'il  devait  à  une  éducation  fortement 
religieuse  la  fermeté  de   principes  et  la  foi  agissante  dont   sa  vie  tout 
entière  a  été  un  exercice  ininterrompu.  On  a  de  lui   un  grand  nombre 
de  publications  dont  voici  les  principales  :  Oiiuvres  choisies  du  B.  Thomas  à 
Kempis,  traduites  par  S.  Ropartz  et  F.  Baudry   (Paris,   Waille,  1 844-1 84S, 
5  vol.   in-8)   :  les   volumes  n^M,  3  et  5  sont  de  M.  Ropartz,  les  volumes 
nos  2  et  4  s.ont  de  M.  Baudry;  —  Guingamp  et  le  pèlerinage  de  Notre-Dame- 
de-Bon-Secours  (Saint-Brieuc,  Prudhomme,  18bO,  in-18);  —  Annales  briochines, 
par  M.  l'abbé  Ruffelet,  nouvelle  édition  précédée  d'une  notice  par  M.  S.  Ro- 
partz   (Saint-Brieuc,    Prudhomme,    1851,    in-8   et   in-12);   —    Histoire   de 
saint   Ifves,  patron    des  gens   de  justice  (Saint-Brieuc,   Prudhomme,    18o5, 
in-8)  :  cet  ouvrage  a  valu  à  l'auteur  un  bref  du  Souverain-Pontife,  Pie  IX;  — 
Portraits  bretons  des  dix-septième  et  dix-huitième  siècles,  d'après  des  documents 
inédits  (Saint-Brieuc,  1857,  in-12);  —  Récits  bretons  (Saint-Brieuc,   1858, 
in-12);  —  Guingamp,  études  pour  servir  à  Vhistoire  du  tiers  état  en  Bretagne 
(Saint-Brieuc,  1859,  2  vol.  in-8,  deuxième    édition    complètement  refondue 
avec  carte,  blasons  et  sceaux,  ibid  ,  1875,  2  vol.  in-8)  ;  —  Notice  sur  la  ville 
de  Ploërmel  (br.  in-8);  —  Pierre  Morcll,  bourgeois   de  Guingamp  et  évêque  de 
Tréguier  au  quatorzième  siècle  (br.  in-8)  ;  —  Paraboles  évangéliques,  traduites 
littéralement  en  vers  français  (in-8)  ;  —   Scènes  de  la  vie  rurale  en  Bretagne, 
avec  12  dessins   de   H.   Lalaissé   (album  in-folio.   Charpentier);   —Compte 
rendu  de  l'exposition  artistique  et  archéologique  ouverte  à  Vhôtel  de  ville  de 
Rennes,  en  septembre    1872   (Rennes,    1872,   in-8);  —  Poèmes  de  Marbode, 
évêque  de  Rennes  au  onzième  siècle,  traduits  en  vers  français  (Rennes,  1873, 


—  ;i48  — 

ia-8);  — La  Vie  et  les  œuvres  de  M.  Jean-Marie  de  Lamennais, prclrefondalcur 
de  l'Institut  des  frères  de  l'instruction  chrétienne  (Paris,  Lecoffre,  1874,  in-8 
et  in-1 8, portrait);  — La  Vie, les  miracles  et  les  cminentes  vertus  de  saint  Brieiic 
et  de  saint  Guillaume,  cvêques  de  Saint-Brieuc,  par  L.  G.  de  la  Devison,  avec 
notices  par  M.  Ropartz  (Saint-Brieuc,  Prudhomme,  1875,  2  vol.  in-18);  — 
L'Exil  du  Parlement  de  Bretagne  à  Vannes,  à  la  fin  du  dix-seiMcme  siècle 
(Rennes,  1873,  in  8); — La  Famille  Descartes  en  Bretagne  (lo86-1692) (Rennes, 
1877, in-8);  —  La  lournéedes  barricades  et  la  ligiceà  Rennes  (mars  et  avril  1589), 
d'après  les  documents  contemporains  inédits  (Rennes,  Plihon,  1877,  in-8). 
Nous  devons  ajouter  que,  depuis  vingt  ans,  M.  Ropartz  était  un  collabo- 
rateur assidu  de  la  Revue  de  Bretagne  et  de  Vendée,  dans  les  livraisons  de 
laquelle  on  trouve  de  lui  une  foule  de  notices  littéraires  ou  archéologiques, 
de  comptes  rendus,  de  nouvelles  et  même  de  poésies.  Citons  en  particulier 
les  articles  suivants  :  Les  Offices  municipaux  de  la  création  royale  sous 
Louis  XIV  et  sous  Louis  XV;  —  Pèlerinage  archéologique  au  tombeau  de 
sainte  Oncnne  ;  —  Le  Collier  de  l'Ordre,  comédie  en  un  acte  ;  —  Les  Frères 
nantais,  mystère  en  un  acte; —  Le  Bœuf  de  31  aies  tivit,  légende  bretonne; 
—  Une  société  de  secours  mutuels  au  quijizième  siècle  ;  —  Un  livre  de  con- 
troverse contre  les  calvinistes;  —  François  Auffray  Pluduno,  chanoine  de 
Saint-Brieuc,  etc.,  etc.;  et,  tout  récemment,  une  importante  série  d'études 
sur  la  bibliographie  bretonne.  —  R.  K. 

—  M.  Louis  AssELiNE  est  mort  subitement  à  Paris,  le  6  avril  à  l'âge  de  qua- 
rante-nenf  ans.  11  était  né  à  Versailles  en  1829;  il  avait  fait  ses  études  au 
lycée  Charlemagne,  avait  obtenu  le  diplôme  de  licencié  en  droit,  et  s'était 
fait  inscrire  au  barreau  de  Paris.  «  Dès  qu'il  eut  l'âge  d'homme,  dit  un  de  ses 
panégyristes, il  déclara  la  guerre  à  l'idée  théocratique  et  autoritaire.»  Disciple 
de  Diderot,  il  fonda  en  1806  la  Revue  encyclopédique  qui  fut  arrêtée  au  second 
numéro,  puis  la  Libre-Pensée,  ressuscitée  sous  le  titre  Pensées  nouvelles,  conti- 
nuées dans  V Encyclopédie  générale.  Il  était  rédacteur  du  Rappel  et  directeur 
d'une  correspondance  départementale.  11  avait  dû  à  ses  opinions  avancées 
d'entrer  au  Conseil  municipal  de  Paris.  Il  a  travaillé  àTédition  de  Diderot, 
donnée  par  M.  Assézat  ;  îl  préparait  un  choix  de  morceaux  de  cet  auteur, 
et  a  fait  bon  nombre  de  conférences.  Celle  qu'il  fit  en  1865,  dans  la  salle  de 
la  rue  de  le  Paix,  a  été  publiée  sous  le  titre  de  :  Diderot  et  le  dix-neu- 
vième siècle,  conférence  (1866,  in-8). On  lui  doit  encore  Les  Nouveaux  saints.  I, 
Marie  Alacoque  et  le  Sacré-Cœur  (1873,in-12).  — Histoire  de  V Autriche  depuis 
la  mort  de  Marie-Thérèse  jusqu'à  nos  jours  (187.8,  in-18  j.,  dans  la  Biblio- 
thèque d'Histoire  contemporaine).  Il  a  donné  sa  collaboration  à  la  Revue  de 
Paris,  à  la  Tribune  universelle,  k  la  Gironde.  Il  était  de  la  Société  d'autopsie 
mutuelle. 

IxsTiTUT.  — Académie  française.  —  Le  jeudi  23  mai,  l'Académie  a  procédé 
à  la  réception  de  M.  Victorien  Sardou,  élu  eu  remplacement  de  M.  Autran, 
décédé.  C'est  M.  Charles  Blanc  qui  a  répondu  au  nouvel  académicien. 

Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Dans  sa  séance  du  10  mai, 
l'Académie  a  nommé  membre  titulaire;  en  remplacement  de  M.  de  la  Saus- 
saye,  décédé,  M.  Mariette,  le  savant  égyptologue,  devant  la  candidature 
duquel  tous  les  concurrents  s'étaient  retirés. 

L'Académie  a  entendu,  dans  sa  séance  du  31  mai, les  rapports  de  ses  com- 
missions; du  prix  Stanislas  Julien,  décerné  pour  1878  à  M.  le  docteur  Bret- 
schneider,  médecin  de  la  légation  russe  à  Pékin,  pour  ses  ouvrages  rela- 
1ifs  à  l'histoire  et  à  la  géographie  de   l'Asie  centrale  au   moyen  âge;  —  du 


—  540  — 

prix  Volney,  décerné,  le  premier,  à  M.  Joseph  Halévy,  pour  son  travail  sur 
la  description  du  Sala,  et  le  second  à  M.  Lucien  Adam,  pour  trois  ouvrages 
relatifs  aux  idiomes  de  l'Âraérique;  —  du  prix  Bordin,  dont  le  sujet  était 
de  rechercher  à  quelle  époque  et  sous  quelle  inllueuce  ont  été  composées 
les  grandes  chroni  jues  de  France,  décerné  à  M.  Élie  Berger,  ancien  élève 
de  l'École  des  chartes,  membre  de  l'École  française  de  Rome. 

Académie  des  sciences.  —  Dans  sa  séance  du  6  mai,  l'Académie  a  élu 
M.  Chauveau.  de  Lyon,  correspondant,  pour  remplir  la  place  vacante  dans 
la  section  de  médecine  et  de  chirurgie,  par  suite  du  décès  de  M.  Gintrac,  de 
Bordeaux,  par  30  voix  contre  8  accordées  à  M.  Desgranges,  G  à  M.  Stolz, 
2  à  M.  Rouget,  1  à  M.  Courty. 

Ml'sécu  d'uistoire  -\atlrelle.—  Par  décret  du  22  mai,  M.  Alexandre- 
Edmond  Becquerel,  docteur  es  sciences,  membre  de  l'Institut,  a  été  nommé 
professeur  titulaire  de  la  chaire  de  physique  appliquée  à  l'histoire  natu- 
relle^ en  remplacement  de  M.  Antoine  Becquerel,  décédé. 

Faclltk  DES  LETTRES.  —  .M.  J.  Parmeutler,  agrégé  d'histoire,  a  soutenu  à 
Paris,  le  13  mai,  ses  thèses  pour  le  doctorat  es  lettres.  Les  sujets  étaient  : 
Le  patris  Josephi  capucini  publica  vita  :  —  Étude  sur  un  suppUmcnl  inédit  des 
mémoires  de  Richelieu. 

Congrès  archéologique  de  France.  —  Le  Congrès  archéologique  de 
France  a  tenu,  du  20  au  28  mai,  sa  session  de  1878,  au  Mans  et  à  Laval. 
Le  Mans  avait  déjà  été,  en  J837,  le  siège  d'une  des  premières  réunions  de 
cette  association,  arrivée  aujourd'Imi  à  sa  quarante-cinquième  année  d'exis- 
tence, maisàbien  peu  des  membres  de  cette  session  il  était  possible  aujour- 
d'hui de  répondre  au  nouvel  api  ici  qui  leur  était  adressé,  et  seul  peut-être, 
avec  M.  Rucher,  M.  de  la  Sicotière,  sénateur  de  l'Orne,  pouvait,  en  pre- 
nant part  à  une  des  excursions  du  Congrès,  s'aider  comme  d'un  guide^  du 
compte  rendu  rédigé  par  lui,  il  y  avait  plus  de  quarante  ans. 

Dès  la  première  séance,  présidée  par  M?""  d'Outremon',  évoque  du  Mans, 
on  voyait,  groupés  autour  de  M.  Palustre,  un  assez  grand  nombra  d'archéo- 
logues des  diverses  provinces  de  France,  et  même  quelques  étrangers,  qui, 
avec  plus  d'ardeur  tn  quelque  surte  que  les  habitants  du  Mans,  avaient 
répondu  à  l'appel  de  leur  directeur. 

L'archéologie  préhistorique  a  fait  le  sujet  des  premières  discussions.  On  a 
entendu  successivement  M.  Woreau,  qui  a  présenté  une  carte  préhistorique 
de  la  Mayenne;  M.  l'abbé  llaymard,  qui  a  combattu  le  système  de  classifi- 
cation de  M.  de  Mortillet  et  M.  l'abbé  Maillard,  qui  a  fait  connaître  le 
résultat  des  fouilles  exécutées  par  M.  le  duc  de  Chaulnes  et  M.  Chapelain- 
Duparc,  et  par  W"«  de  Boxberg,  Mm"  de  la  Rochelambert  et  lui  dans  les 
grotles  de  la  vallée  de  l'Erve.  MM.  Mouliu  et  le  Fizelier  ont  cherché 
ensuite  à  faire  connaître  la  situation  géographique  des  Amhivarii  et  des 
Arvii,  en  même  temps  que  M.  l'abbé  Maillard  recherchait  la  date  du  cas- 
iellum  de  Thorigué  en  Charnie,  et  que  le  commandant  Mowat  interprétait, 
avec  une  rare  sagacité,  les  inscriptions  romaines  de  la  Sarthe  et  de  la 
Mayenne. 

Une  communicîtion  pleine  d'intérêt  a  été  faite  par  le  R.    P.  de  la  Croix 

sur  les  fouilles  entreprises  par  lui   dans  la  ville  de  Poitiers,  et  qui  ont  déjà 

.  amené    la  découverte   de  thermes   et  de  restes   romains   importants;  une 

étude  sur  les   thermes  de  Sceaux  a    été  lue    aussi  au  nom   de    M.   l'abbé 

CharlfS,  par  M.    de  Laurièi'e. 


—  550  — 

La  question  de  l'évangélisation  des  Cénomans  et  de  la  date  de  l'apos- 
tolat de  saint  Julien  a  été  l'objet  d'une  discussion  des  plus  sérieuses  entre 
les  abbés  de  Meissas,  Albin  et  Potlier. 

L'archéologie  du  moyen  âge  a  donné  lieu  à  des  études  et  communica- 
tions sur  la  date  de  la  construction  de  la  cathédrale  du  Mans,  sur  les 
auteurs  et  le  style  des  groupes  dits  les  saints  de  Solesmes,  sur  l'abbaye  de 
Clermont,  sur  l'église  de  la  Cascine,  dues  à  MM.  Palustre,  de  Dion,  Hucher, 
Grandmaison,  le  comte  de  Marsy,  l'abbé  Pointeau,  Chardon,  le  comte  Lair, 
Garnier  de  Laurièi'e  et  le  Fizelier.  Citons  encore  un  mémoire  de  M.  d'Es- 
pinay,  sur  l'église  de  la  Couture,  une  très-intéressante  lecture  de  M.  Char- 
don, sur  les  artistes  du  Mans  au  moyen  âge,  un  curieux  travail  de  M.  Bellée 
sur  la  langue  française,  dans  le  Maine  et  des  communications  numisma- 
tiques  et  épigraphiques  de  MM.  Bertrand,  de  Farcy  et  de  Marsy. 

Les  dernières  séances  du  Congrès  ont  été  tenues  à  Laval,  où  le  Congrès 
s'est  rendu  en  visitant  l'église  d'Evron,  le  donjon  de  Sainte-Suzanne  et  les 
grottes  de  Thorigné  et  de  Saulges.  D'autres  excursions,  organisées  par 
M.  Bertrand,  ont  été  faites  à  l'abbaye  de  Solesmes,  à  l'église  de  la  Ferté- 
Bernard,  à  celles  de  Prisées  et  d'Avenières  et  à  l'abbaye  de  Clairmont. 

Sociétés  SAVANTES.  — La  Société  des  études  historiques,  dans  sa  séance  du 
12  mai,  a  décerné  ses  récompenses  pour  l'histoire  du  portrait  en  France,  qu'elle 
avait  mis  au  concours.  Une  médaille  de  500  francs  a  été  accordée  à  M.  Ra- 
phaël Pinset,  instituteur  primaire  à  Paris;  une  de  300  francs  à  M.  Jules 
d'Auriac;  une  mention  très-honorable  à  M.  Marquet,  de  Vasselot,   statuaire. 

—  La  Société  des  bibliophiles  bretons  et  de  l'histoire  de  la  Bretagne  a 
tenu  une  séance,  le  5  avril,  ? ous  la  présidence  de  M.  Arthur  de  la  Borderie, 
son  président.  On  y  a  admis  35  nouveaux  membres,  portant  à  201  le 
chiffre  total  des  adhésions  recueillies  depuis  la  fondation  de  la  Société,  et  à 
197  le  nombre  actuel  des  sociétaires.  Nous  empruntons  à  la  Revue  de  Bre- 
tagne et  VendéeXes  détails  suivants  sur  les  publications  en  cours  d'exécution. 
L'ouvrage  intitulé  la  Conquête  de  la  Bretagne  par  Charlemagne  sur  le  roi 
Aquin  pourra  être  distribué  vers  la  fin  de  mai.  Sont  en  préparation  : 
le  premier  volume  des  Méla?iges  bibliographiques,  historiques  et  littéraires. 
Ce  volume,  qui  sera  composé  d'études  et  de  documents  très-variés  dus  à  MM.  A. 
de  la  Borderie,  A.  de  Barthélémy,  S.  Ropartz,  Kerviler,  etc.,  sera  distribué 
vers  le  mois  d'octobre  1878.  Sont  en  projet  de  publication  :  1°  par  M.  H. 
Lemeignen,  réimpression  des  Grandes  cronicques  de  Bretaigne,  d'Alain  Bou- 
chard ;  2°  par  M.  «le  la  Mcollière-Teijeiro,  Lajoijeulse  advenue  et  7iouvelle  entrée 
des  Roy  et  Roijne,  Duc  et  Duchesse  de  ce  yays  et  duché  de  Bretaigne,  nos  souverains 
seigneur  et  dame  en  ceste  ville  de  Nantes  en  l'an  1518,  d'après  des  documents 
inédits  du  manuscrit  Juchault,  d'un  manuscrit  de  la  collection  La  Jarriette, 
complétés  à  l'aide  des  registres  de  la  chancellerie  ducale  et  des  archives 
municipales  de  Nantes;  cette  publication,  qui  sera  suivie  d'une  notice  bio- 
graphique sur  la  reine  Claude,  formerait  environ  150  pages;  3»  par  M.  Joseph 
Rousse,  Anthologie  des  poètes  bretons;  4°  par  M.  A.  de  la  Borderie,  Poème 
du  combat  des  Trente,  nouvelle  version,  d'après  un  manuscrit  inédit  du 
quatorzième  siècle  de  la  bibliothèque  de  M.  Ambroise  Firmin-Didot,  M.  Pol 
de  Courcyveut  bien  se  charger  du  travail  historique  avec  notre  collaborateur 
M.  Pawlowski. 

—  La  Société  historique  et  littéraire  polonaise,  à  Paris,  a  tenu,  le  3  mai, 
sa  séance  publique  annuelle  dans  le  local  de  la  Bibliothèque  polonaise  qui 


—  351  — 

lui  appartient,  quai  d'Orléans,  6.  La  séance  fut  présidée  par  le  prince 
Ladislas  Czartoryski,  président  à  vie  de  la  Société.  M.  Bronislas  Zaleski  y 
a  donné  lecture  d'un  travail  sur  le  Ministère  des  affaires  étrangères  du  prince 
Adam  Czartoryski  en  Russie.  Le  sujet  pour  le  concours  biennal  de  la  Société 
est  :  Le  Règne  du  roi  Miedslas  le  Vieux,  d'après  les  nouvelles  sources  et  documents 
historiques. 

Académie  des  Jeux  Floraux.  —  Le  3  mai,  l'Académie  des  Jeux  Floraux  de 
Toulouse  a  célébré,  avec  la  solennité  traditionnelle,  la  fête  des  Fleurs,  c'est 
le  nom  que  l'on  donne  à  la  distribution  des  prix  de  poésie  et  de  prose  dé- 
cernés, chaque  année,  par  l'Académie.  M.  le  marquis  d'Aragon,  mainteneur, 
occupait  le  fauteuil  de  la  présidence.  A  côté  de  lui  se  trouvaient  les  mainte- 
neurs  présents  à  Toulouse  :  MM.  F.  de  Rességuier,  Gustave  d'Hugues,  De- 
lavigne,  Hamel,  l'abbé  Duilhé  de  Saint-Projet,  de  Toulouse-Lauti'ec,  de 
Cambolas,  de  Lordat,  de  Villeneuve-Arifat,  d'Ayguevives,  d'Adhémar, 
l'abbé  Lézat,  de  Marion-Brésilhac,  Marchai,  de  Sambucy-Luzançon,  le  Père 
Caussette,  Dubédat,  et  Gatien-Arnoult.  Cette  fête  poétique  avait  attiré,  dans 
la  salle  des  Illustres,  au  Capitole,  l'élite  de  la  population  toulousaine. 

La  séance  a  été  ouverte  par  l'éloge  de  Clémence  Isaure.  Cette  tâche  in- 
combait, pour  l'année  1878,  à  M.  Je  Marion-Brésilhac.  Le  mainteneur  a  eu 
l'heureuse  inspiration  de  chanter  en  vers  les  louanges  de  dame  Clémence. 
Cette  innovation  a  été  fort  goûtée.  Ensuite,  M.  le  comte  Fernand  de  Ressé- 
guier, secrétaire  perpétuel  de  l'Académie,  a  lu  le  rapport  sur  le  concours 
de  l'année.  Dans  ce  style  impeccable  et  distingué  dont  il  a  le  secret,  M.  de 
Rességuier  a  analysé  les  poésies  qui  ont  obtenu  les  fleurs  d'Isaure  ou  qui 
ont  été  distinguées  par  l'Académie.  Puis,  abordant  les  œuvres  en  prose, 
M.  de  Rességuier  a  constaté  avec  regret  la  faiblesse  <Je  ce  concours.  Là  où 
elle  pouvait  espérer  des  œuvres  savantes  et  fortes,  l'Académie  n'a  trouvé 
que  des  essais  timides.  Et  pourtant,  quel  sujet  plus  fertile  en  ressources 
que  le  sujet  du  discours  proposé  par  le  programme  :  Y  Eloge  de  Montalembert? 
Mais  ce  que  les  concurrents  n'ont  pas  su  ou  voulu  faire,  M.  le  comte  de 
Rességuier  l'a  fait,  avec  un  rare  bonheur  d'idée?  et  d'expressions.  Les  pages 
du  rapport  consaci^ées  à  Montalembert  sont  un  des  meilleurs  éloges  que  l'on 
connaisse  de  Téminent  auteur  des  Moines  d'Occident  et  de  Sainte  Elisabeth 
de  Hongrie.  M.  de  Rességuier  a  loué,  dans  Montalembert,  le  grand  chrétien, 
l'orateur  éjoquent,  l'écrivain  supérieur,  le  défenseur  des  nobles  causes  op- 
primées et  le  champion  valeureux  de  la  liberté  d'enseignement. 

La  séance  s'est  terminée  par  la  distribution  des  prix.  Voici  la  liste  des 
ouvrages  couronnés  :  Roncevaiix.  ode,  par  M.  Emmanuel  Besson  (une  vio- 
lette); André  Chénier,  ode,  par  M.  Pierre  Mieusset  fun  souci);  Le  Mal  du 
"pays,  poëme,  par  M.  Léon  Advier  (une  églantine)  ;  Sœur  Simplice,  poëme, 
par  M^'^  Raoul  de  Navery,  de  Paris,  dont  le  nom  est  bien  connu  des  lecteurs 
du  Polyhiblion  (un  souci  réservé);  Voyage  aux  Grandes-Indes,  par  M.  Tronche, 
chef  de  bureau  au  ministère  de  la  guerre  (une  violette  réservée);  Le  vieux 
Faune,  sonnet,  par  M.  A.  Rocoffort,  membre  de  la  Société  Bibliographique 
(un  lis  d'argent).  Après  la  distribution  des  prix,  M.  de  Rességuier  a  an- 
noncé la  fondation  d'une  nouvelle  fleur  de  1,000  francs,  le  jasmin,  destinée 
à  récompenser  le  meilleur  travail  de  philosophie  spiritualiste  proposé  par 
l'Académie.  La  généreuse  et  trop  modeste  fondatrice  de  ce  nouveau  prix 
désire  garder  l'anonyme. 

A  propos  des  Jeux  Floraux,  nous  sommes  heureux  d'annoncer  à  nos 
lecteurs  qu'une  médaille  d'argent  à  l'effigie  de  Clémence  Isaure  a  été  dé- 


cernée,  par  l'Académie,  à  notre  collaborateur,  M.  Fjrinin  Boissiti,  pour  mn 
ouvrage  Le  Vivarais  et  le  Daiiphinc  aux  Jeux  Floraux  de  Toulouse. 

Lectures  faites  a  L'AcADKiiiE  des  sciences  morales  et  politiques.  —  Dans  la 
séance  du  5  mai,  M.  Baudrillart  a  continué  la  lecture  de  son  mémoire  sur 
les  conditions  des  populations  agricoles  en  Normandie.  —  Dans  la  séance 
du  9,  il  a  été  donné  communication  d'une  note  de  M.  Drouyn  de  Lhuys  sur 
un  ouvrage  de  M,  Dabry  de  Thiersant  consacré  au  maliométisme  en  Cliine 
et  dans  le  Turkestan  oriental.  —  Dans  la  séance  du  18,  M.  Hippoiyte  Passy 
a  présenté  des  observations  au  sujet  d'un  tableau  de  diagrammes  dressé  par 
M.  A.  de  Malarce,  et  résumant  l'histoire  des  caisses  d'épargne  en  France. 
M.  le  docteur  Marjolin  a  lu  un  mémoire  sur  la  nécessité  du  rétablissement 
des  tours.  —  Dans  la  séance  du  25,  MM.  Frédéric  et  Hippoiyte  Passy  ont 
présenté  des  observations  contre  le  rétablissement  des  tours. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  inscriptioms  et  belles-lettres.  —  Dans 
la  séance  du  4  mai,  M.  Th. -H.  Martin  a  communiqué  ua  mémoire  sur  la 
doctrine  astronomique  de  Parménide.  —  Dans  les  séances  des  4,  10,  17  et 
24  mai,  M.  François  Lenormant  a  continué  la  lecture  de  son  mémoire  sur 
les  magistrats  monétaires  dans  l'antiquité.  —  Dans  la  séance  du  10  mai. 
M.  Edmond  Le  Blant  a  communiqué  une  note  sur  une  stèle  à  inscriptions 
portant  le  nom  de  saint  Menât.  M.  Th. -H.  Martin  a  adressé  à  l'Académie 
une  lettre  où  il  discute  l'interprétation  donnée  par  M.  Renan,  dans  une 
séance  précédente,  à  une  inscription  funéraire.  M.  J.  llalévy  a  lu  une  étude 
philologique  et  archéologique  sur  la  stèle  de  Bj'blos.  —  Dans  la  séance  du 
17,  M.  E.  Miller  a  fait  une  communication  sur  une  lampe  en  terre  cuite 
qu'il  a  rapportée  d'Éléphantine.  —  Dans  la  séance  du  24,  M.  Benlœw  a 
fait  une  communication  au  sujet  de  l'occupation  de  la  Grèce  par  les  Pélasges 
antérieurement  aux  Hellènes.  M.  de  Rozières  a  donné  lecture  d'une  seconde 
étude  de  M.  Finot,  archiviste  de  la  Hante-Saùne,  sur  le  royaume  de  Bour- 
gogne. —  Dans  la  séance  du  31,  M.  Ferdinand  de  Lasteyrie,  a  communiqué 
une  noie  sur  le  véritable  sens  à'Anacleus.  —  M.  le  baron  de  Wite  a  com- 
muniqué une  note  sur  un  nouveau  mémoire  grec  décoré  de  figures  au  trait. 
M.  Max.  Deloche  a  commencé  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  les  in- 
vasions gauloises  en  Italie. 

Le  Briïish  Muséum.  —  L'état  des  recettes  et  dépenses  du  Brilish  Muséum 
pour  l'année  commençant  le  1"  avril  1877  et  Unissant  le  31  mars  1878, 
donne  des  détails  sur  le  nombre  des  visiteurs  de  cet  établissement  et  sur  les 
accroissements  et  modifications  de  ses  diverses  collections.  Le  nombre  des 
visiteurs,  dans  les  divers  départements,  s'accroit  d'année  en  année.  En  1S72, 
il  s'élevait  à  548,494  personnes;  ilurant  l'année  dernière,  il  monte  à 
699,511 .  Le  nombre  des  lecteurs  pendant  la  même  période  a  été  de  1 18,594, 
au  lieu  de  105,006  en  1872.  Les  acquisitions  ont  été  très-importantes.  Nous 
indiquerons  seulement  dans  les  imprimés  environ  cent  ouvrages  publiés 
au  quinzième  siècle;  dans  la  collection  de  musique,  un  bon  nombre 
d'omvres  rares,  provenant  en  grande  partie  de  la  bibliothèque  de  M.  de 
Coussemaker;  dans  les  cartes  géographiques,  un  portulan  de  1470;  dans  les 
manuscrits,  plus  de  700  numéros,  dont  174  en  manuscrits  orientaux;  dans 
les  monnaies  et  médailles  de  nombreux  exemplaires  des  types  anciens 
d'Orient,  de  Rome,  de  Grèce,  et  des  plus  rares  médailles  des  temps  modernes. 

Vente  DE  LA Jbibliothèque  DE  M.  Ambuoise  FiRMiN-DiDOT.f — |La  biblio- 
thèque de  M.  Ambroise   Firmia-Didot  jouit   en  Europe   d'une  juste   céh'- 


-  ;io3  — 

brité  ;  les  livres  les  plus  précieux  et  les  plus  rares  y  abondent,  les  pre- 
miers monuments  de  la  typographie,  les  romans  de  chevalerie,  les  ouvraî^es 
illustrés  de  gravures  sur  bois  y  sont  réunis  en  grand  nombre;  ils  attes- 
tent les  études  spéciales  que  leur  savant  et  laborieux  propriétaire  avait 
consacrées  à  ces  importantes  portions  de  la  science  des  livres.  La  mort  de 
M.  Didot  amène  la  dispersion  de  ces  richesses;  elles  iront  se  placer  dans 
quelques  grands  dépôts  publics,  dans  les  cabinets  de  bibliophiles  opulents. 
Le  catalogue  que  nous  avons  sous  les  yeux  (grand  in-8,  xiv-24  pages)  est 
précédé  d'une  intéressante  notice  due  à  M.  Paulin  Paris,  membre  de  l'Ins- 
titut; il  comprend  70o  numéros;  les  70  premiers  font  connaître  des  manus- 
crits de  divers  genres,  tous  d'une  grande  beauté  ;  le  surplus  énumère  des 
ouvrages  de  littérature  et  d'histoire;  les  autres  classes  viendront  plus  tard; 
cet  inventaire  ne  présente  d'ailleurs  qu'une  faible  portion  de  ce  que  pos- 
sédait M.  Didot. 

Rédigé  avec  le  plus  grand  soin,  par  notre  collaborateur,  M.  Pawlowski,  le 
catalogue  dont  il  s'agit  se  recommande  à  l'attention  toute  spéciale  des  biblio- 
graphes, par  les  notes  nombreuses  qu'il  renferme;  elles  présentent  bien 
des  détails  nouveaux;  nous  allons  essayer  de  tracer  une  esquisse  rapide  de 
ce  qu'offre  de  plus  remarquable  cette  vente  destinée  à  faire  époque,  et  qui 
doit  avoir  lieu  du  6  au  lo  juin. 

Nous  signalons  deux  volumes  aux  emblèmes  de  François  I^f,  truis,  ayant 
apparlenu  à  Henri  H,  deux  à  Mane  de  Poitiers,  un  à  Henri  III.  D'illustres 
bibliophiles,  Canevari,  Laurin,  Maioli,  le  président  de  Tbou,  le  comte.  d'Huyne 
sont  dignement  reiuésentés  ;  n'omettons  pas  le  plus  fameux  des  amateurs  du 
seizième  siècle,  Grolier;  nous  rencontrons  trois  volumes  décorés  de  ses 
insignes;  l'un  deux,  le  Florileyhim  diversorum  cpigrammatum  (Venetiis, 
Aldus, l.'ioii)  est  resté  inconnu  à  M.  Le  Houx  de  Lincy,  qui  a  publié  au  sujet 
de  Grolier  une  très-bonne  monographie  spéciale. 

Les  éditions  originales  de  nos  auteurs  classiques,  si  recherchées  aujour- 
d'hui, sont  en  grand  nombre.  Voici  (no  4o0  et  suiv.)  cinq  des  éditions  pri- 
mitives du  théâtre  de  Curneille  et  dix-huit  pièces  séparées  en  éditions  ori- 
ginales ;  voici  (no  478  et  suiv.)  trois  des  éditions  primitives  de  Molière  et 
les  éditions  originales  de  dix-huit  comédies;  nous  trouvons,  pour  Racine, 
trois  des  éditions  primitives  et  les  éditions  originales  ries  onze  pièces; 
Boileau  et  La  Fontaine  tiennent  également  un  ranjj;  fort  honorable  ;  nous 
remarquons  (no  630)  la  première  édition  (Paris,  1699)  de  Télémaciue,  non 
achevée  et  arrêtée  parla  police  du  temps.  Six  éditions  anciennes  de  diverses 
parties  de  l'épopée  satirique  de  Rabelais  (no  625  à  630),  mises  au  jour  de 
1537  à  1574,  sont  des  livres  de  la  plus  insigne  rareté. 

Un  assez  grand  nombre  de  volumes  sont  marqués  comme  uniques  ;  on 
n'eu  connaît  du  moins,  aucun  autre  exemplaire;  nous  indiquerons  entre 
autres  le  Codicille  de  Jean  de  Meung  (no  136);  les  Folles  entreprises,  par 
Gringore,  Paris,  1507  (no  ISO);  Malvian,  histoyre  des  faitz  et  coules  des 
quatre  fils  Aymon.  Paris,  Galliot  du  Pré,  s,  d.,  mais  en  1525  (no  563);  Vierre 
de  Provence,  s.  1.  n.  d.  (unique  exemplaire  complet,  no  611),  etc. 

On  place  avec  raison  parmi  les  raretés  les  plus  dignes  d'attention,  les 
anciens  volumes  imprimés  sur  peau-vélia;  le  cabinet  de  M.  Didot  renferme 
en  ce  genre  de  véritables  trésors;  nous  y  ti'ouvons  (no  127)  le  Roman  de  la 
Rose  (Paris,  Vérard,  s,  d.,  mais  vers  1496);  volume  dont  on  ne  connaît  que 
deux  autres  exemplaires  sur  vélin  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale 
(u"  177);  les  Folles  entreprises,  par  Gringore.  Paris  (no  179);  le  Droit  (185); 


—  554  — 

les  Heures  de  Nostre-Damc,  par  le  même  auteur,  Paris,  Jehan  Petit,  s.  d., 
édition  dont  on  ne  connaît  que  cet  exemplaire,  et  sur  papier  qu'un  seul 
autre  sur  vélin,  conservé  dans  la  belle  bibliothèque  de  M.  James  de  Roth- 
schild (no  402)';  le  Cose  volgari  di  F.  Petrarca,  Aldo,  1501.  Donnons  une 
mention  spéciale  au  livre  de  Cleriadus  et  Meliadice  (no  578),  Paris,  Verard, 
1495,  exemplaire  unique  sur  vélin;  on  n'en  connaît  aucun  sur  papier.  A  la 
vente  Yemeniz,  en  1867,  ce  volume  fut  adjugé  à  M.  Didot  pour  la  somme 
de  dix  mille  francs. 

On  sait  avec  quelle  attention  scrupuleuse  et  persévérante,  le  savant  auteur 
du  Manuel  du  libraire  s'attacha,  en  perfectionnant  cinq  éditions  successives, 
à  y  faire  figurer  tous  les  livres  rares  publiés  en  français  ;  il  explora  toutes 
les  grandes  collections  publiques  ou  particulières.  Il  consulta  tous  les 
ouvrages  de  bibliographie  et  tous  les  catalogues.  Rencontrer  une  édition 
ancienne  non  mentionnée  au  Manuel,  c'est  démontrer  combien  elle  est 
précieuse.  Le  catalogue  de  M.  Didot  révèle  une  foule  de  ces  surprises;  on 
y  trouve,  par  exemple,  en  fait  de  romans  de  chevalerie  :  Milles  et  Annjs 
(Lyon,  Olivier  Arnouller,  1553);  Les  quatre  filz  Aymon  (Lyon,  Claude 
Nourry,  1506);  Artus  de  Bretagne  (Paris,  Alain  Lotrian,  sans  date),  Ceiglon 
(Paris,  N.  Chrestien,  s.  d.);  Flores  de  Grèce  (Paris,  P.  Ruelle,  1573);  Robert 
le  Diable  {i.  Canterel,  1545);  Meiusina  [ku^ .  purgs.  J.  Bamber,  1480);  Le 
Livre  des  trois  filz  de  Roy  (Paris,  A.  Lotrian,  s.  d.)  ;  Florent  et  Lyon  (Paris, 
sans  date).  Nous  regardons  comme  inutile  d'ajouter  que  tous  les  livres  de 
M.  Didot  sont  revêtus  de  riches  reliures  exécutées,  pour  la  plupart,  par  des 
artistes  contemporains  tels  que  MM.  Durie  ou  Frantz  Bauzonnet. 

11  resterait  encore  bien  des  choses  à  dire;  nous  voudrions  signaler  six 
volumes,  dont  trois  avec  des  notes  autographes  de  La  Fontaine,  trois 
annotés  par  Jean  Racine,  mais  il  faut  savoir  s'arrêter;  nous  ajouterons 
seulement  qu'il  sera  publié  tme  édition  illustrée  du  catalogue,  format  in-4 
avec  gravures  sur  bois  ;  chromolitographie  et  photographies  ;  elle  sera 
vendue  30  francs  au  profit  des  pauvres.  —  B. 

Bibliothèque  sur  Pascal.  —  Le  Catalogue  des  livres  de  M.  H .  Basse  (Paris, 
L.  Téchener,  1878,  210  numéros)  mérite  d'être  signalé;  il  offre  une  impor- 
tance réelle  au  point  de  vue  de  la  bibliographie,  et  à  l'égard,  d'un  des  gé- 
nies les  plus  éclatants  dont  la  France  a  le  droit  d'être  fière;  il  s'agit  de 
Biaise  Pascal,  Pascal,  que  M.  d'israéli  (devenu  lord  Beaconsfield)  appelle  f/ie 
greatest  of  Frenchmen.  M.  Basse  ayaii  \ou]\i  former  une  Bibliothèque  pasca- 
lienne^  émule  de  cette  importante  collection  montaignesque  à  laquelle  feu 
le  D''  J.  F.  Payen  avait  consacré  quarante  ans  de  recherches,  et  dont  la 
Bibliothèque  nationale  a  fait  l'acquisition. 

Le  catalogue  Basse  décrit  minutieusement  cent  trente-sept  éditions  ou 
traductions  des  Provinciales,  depuis  1656  jusqu'à  1867;  il  fait  connaître  pour 
la  première  fois  vingt  recueils  diflerents  des  éditions  originales  des  fameuses 
Lettres  publiées  successivement  (depuis  le  23  janvier  1656  jusqu'au  24  mars 
1657),  imprimées  simultanément  en  divers  lieux  et  quelquefois  accompa- 
gnées de  pièces  relatives  aux  disputes  du  temps.  —  Les  éditions  des  Pensées 
sont  au  nombre  de  onze,  les  autres  articles  se  composent  d'ouvrages  relatifs 
à  Pascal  ou  à  Port-Royal  ;  de  nombreuses  notes  contiennent  des  détails  qui 
sont  des  matériaux  nouveaux  et  importants  pour  une  bibliographie  complète 
des  écrits  d'un  des  plus  éminents  des  classiques  français.  Observons  en  pas- 
sant que  diverses   traductions  anglaises  des  écrits  de   Pascal    manquaient 


—  555  — 

dans  la  collection  de  M.  Basse;  on  en  trouvera  l'indication  dans\e Bibliogra- 
pher's  Mamial  de  Lowndes,  1861,  p.  1795. 

Les  Ventes  récentes.  —  Des  collections  de  livres  d'élite  ont  passé  aux  en- 
chères, et  les  prix  obtenus  donnent  lieu  de  croire  qu'en  dépit  des  préoccupa- 
tions de  la  politique,  l'enthousiasme  des  bibliophiles  ne  s'est  nullement 
refroidi.  Citons  quelques  exemples  : 

VeJiie  de  M.  P**"  (de  Portails).  OEuvres  de  Rabelais,  Amsterdam,  1741,  3  vol. 
in-4,  grand  pap.  maroquin  citron,  o,900  fr.  (exempl.  du  prince  Radziwill, 
1,610  fr.,et  de  Benzon,  5,500  fr.). —  Biblia,  Lutetix,  R.  Stephanus,  1545,  in-8 
exempl.  de  Diane  de  Poitiers  avec  les  D  et  les  croissants  enlacés,  1,805  fr. 
(payé  24  livr.  st.,  10  sh..  vente  Perkins,  à  Londres,  en  1874). —  Oraison  funèbre 
de  la  princesse  Anne  de  Conzague,  par  Bossuet,  1685,  iQ-4;  exempl.  en  grand 
papier,  aux  armes  de  la  princesse  Palatine,  1,600  fr. —  Essais  de  Montaigne^ 
1588,  in-4,  1,100  fr.  —  Marguerites  de  la  Marguerite  (la  reine  de  Navarre), 
Lyon,  1547,  in-8,  1,400  fr. 

Dans  une  autre  vente  d'une  collection  peu  nombi'euse,  mais  très-soi- 
gneusement formée,  nous  pouvons  noter  :  Essais  de  Montaigne,  1595,  in-fol., 
1,020  fr. — Le  Temple  de  Guide,  1772,  gr.  in-8,  mar.  rouge,  teste  gravé,  figures 
d'Essen,1,110  fr.  (prixcertainement  fort  exagéré,  mais  ce  volume  prend  place 
parmi  les  livres  à  Ja  mode  en  ce  moment).  —  Marmontel,  Contes  moraux, 
1765,  3  vol.  in-8,  1,880  fr.,  exempl.  en  papier  de  Hollande,  belle  reliure  aux 
armes  du  comte  de  Waurepas,  premières  épreuves  des  figures  de  Gravelot, 
telles  sont  les  circonstances  qui  ont  fait  payer  aussi  cher  un  ouvrage  qui  a 
perdu  toute  la  vogue  qui  fut  son  partage  il  y  a  plus  d'un  siècle. 

Une  méprise  de  M.  Spuller.  —  M.  SpuUer,  qui,  le  31  mai,  a  tant  et 
tant  parlé  de  Voltaire,  dans  la  salle  du  théâtre  de  la  Gaité,  ne  l'aurait-il 
jamais  lu,  par  hasard?  Ce  qui  me  le  ferait  facilement  croire,  c'est  qu'il  s'est 
exprimé  ainsi  :  «  Je  m'arrête.  Mesdames  et  Messieurs,  je  n'oublie  pas  que 
c'est  Voltaire  qui  a  dit  avec  autant  de  raison  que  de  grâce  : 

«  Glissez,  mortels,  n'appuyez  pas.  » 

Mais  non,  Voltaire  n'a  jamais  dit  cela,  et  M.  Spuller  n'a  pas  même  lu  le 
volume  de  poésies  de  son  héros.  C'est  Roj",  comme  tout  le  monde  le  sait, 
surtout  depuis  que  M.  Edouard  Fournier  l'a  rappelé  dans  son  populaire 
Esprit  des  autres  (9°'  édition,  p.  107),  qui  a  fait  de  ce  joli  vers  le  mot  de  la 
fin  d'un  quatrain  sur  les  patineurs.  Le  poète  Roy  fut  bàtonné  comme  le  fut 
Voltaire,  mais  ce  n'est  pas  une  raison  —  même  à  la  Gaité  —  pour  confondre 
l'un  avec  l'autre .  —  T.  de  L. 

—  Mgr  Lavigerie,  archevêque  d'Alger,  a  olTert  à  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres,  par  l'intermédiaire  de  M.  Léon  Renier,  deux  exemplaires 
de  la  carte  topographique  de  l'emplacement  des  ruines  de  Carthage  exécu- 
tée par  M.  Caillât,  aux  frais  et  pai'  les  soins  des  Pèx'es  de  la  chapelle  Saint- 
Louis  établis  en  ce  lieu.  Il  doit  envoyer  aussi  l'estampage  de  toutes  les 
inscriptions  qui  seront  découvertes. 

—  M.  Jules  Finot,  architecte  du  département  de  la  Haute-Saône,  vient  de 
publier  une  étude  sur  la  géographie  historique  de  la  6aùne  et  le  rôle 
qu'elle  a  joué  comme  frontière  dans  l'antiquité  et  au  moyen  âge.   11   s'est 

particulièrement  appliqué  à  résoudre  la  question  agitée  par  nos  voisins  de 
la  Saône  considérée  comme  frontière  entre  la  France  et  l'Allemagne. 

—  Les  journaux  allemands  annoncent  qu'on  a  découvei't  dans  le  bailliage 


—  .")o6  — 

de  Mosbach  plusieurs  manuscrits  du  fameux  Goetz  de  Berlichingen,  le  che- 
valier «  à  la  main  de  fer,  »  manuscrits  écrits  les  uns  avec  la  main  droite,  les 
autres  avec  la  main  gauche,  quand  la  droite  lui  eut  été  enlevée.  C'est  dans 
le  voisinage  que  se  trouve  le  château  de  Hornberg,  sur  le  Neckar,  résidence 
de  l'ancien  chevalier.  Ces  écrits  vont  être  transportés  aux  archives  géné- 
rales de  Wurtemberg. 

—  Les  bibliothécaires  du  Congrès  de^  États-Unis  ont  publié  leur  rapport 
pour  1877.  Un  y  voit  que  la  bibliothèque  jjossède  331,118  volumes,  et  envi- 
ron 1 10,000  brochures.  Le  dépût  légal  a  produit  durant  l'année,  4,470^vo- 
lumes,  sans  compter  un  plus  grand  nombre  de  publications  périodiques.  On 
a  conmiencé  l'impression  du  catalogue. 

—  Le  D""  Awid  Ahul'elt,  de  Stockholm,  vient  de  publie*  xm  mémoire  sur  la 
vie  de  Linné,  où  se  trouvent  beaucoup  de  faits  restés  jusqu'ici  inconnus.  Un 
des  plus  curieux  chapitres  est  celui  où  il  est  traité  de  l'amitié  passionnée  du 
grand  naturaliste  pour  Abraham  Back,  l'Oreste  de  ses  lettres,  <.<  sans  lequel, 
dit-il  souvent,  le  monde  n'aurait  été  pour  moi  que  téuèbres.  »  —  iAcademy). 

—  On  annonce,  à  Londres,  la  publication,  par  souscription,  d'une  traduc- 
tion en  vers  anglais  des  œuvres  de  François  Villon,  faite  par  M.  J.  Payne. 
Le  prix  de  souscription  est  d'une  guinée. 

—  La  Société  des  l)id''X,dc  Londres,  ne  se  contente  pas  de  publier  les  cata- 
logues de  bibliothèques,  de  collections,  etc.  Elle  va  étendre  ses  travaux  aux 
personnes.  Ainsi  il  est  question  de  donner  la  liste  des  noms  de  tous  les  An- 
glaii,  Écossais  et  Irlandais  qui  ont  étudié  ù  l'Université  de  Leyde.  On 
publiera  aubsi  la  liste  des  souscripteurs  pour  l'œuvre  de  la  défense  natio- 
nale, lors  de  l'expédition  de  V Armada  espagnole,  sous  Philippe  II. 

—  La  commission  allemande  des  Monumenta  Gennaniœ  liùtorica  a  publié 
dans  le  cours  de  1877,  les  ouvrages  suivants  ;  Le  premier  volume  de  la  série 
des  Auctores  antiquissimi,  contenant  Salvien  et  la  vie  de  Severmus;  un 
volume  des  Scriptores  renmi  Longobardicarum  et  Italicurum;  l'Hisioria  Lquqû- 
bardorum  de  Paulus,  in-8.  Sont  en  préparation  deux  volumes  in-8  :  Les 
Hislonœ  de  Riclier,  les  Annales  hildeisheimenses.,  publiées  d'après  le  manus- 
crit original  de  Paris. 

Publications  nouvelles.  —  Le  Directeur  des  catéchismes,  par  l'abbé 
R.  Turcan  (3  vol.  in- 12,  Dray  et  Helaux).  —  Leçons  de  jMlosophie  chrétienne 
et  de  droit  naturel,  par  l'abbé  Champenois  (2  \oi.  in-12.  Vives).  —  Le  Préhis- 
torique rajeuni  par  Vhistoire  et  la  géologie,  par  A.  de  Chambrun  de  Rose- 
mont  (iu-8,  Nice,  imp.-lib.  Cauvin-Empereur).  —  Théâtre  de  P.  Corneille, 
préface  par  V.  Fournel  (t.  III,  in-16,  lib.  des  Bibliophiles).  —  Précis  du  cours 
d'économie  politique,  par  Paul  Cauiwès,  (I.  ter,  jre  partie,  in-8,  Larose).  — 
Viie  question  d'Orient  au  moyen  âge,  par  E.  Vaaden  Bussche  (in-8,  Bruges, 
imp.  Daveluy).  —  Esquisse  d'une  histoire  de  la  conquête  et  de  l'administration 
romaines  dans  le  nord  de  l'Afrique,  par  G.  Boissière  (iu-S,  Hacbelte).  —  Les 
Dominicains  en  Amérique,  par  le  R.  P.  Marie-Augustin  Roza  (in-12,  Pous- 
sielgue).  —  Dix-huit  mois  dans  l'Amérique  du  sud,  par  le  comte  Eug.  de 
Robiano  (in- 18,  Pion).  —  Soitvenirs  d'une  mission  musicale  en  Grèce  et  en 
Orient,  par  L.  A.  Burgaull-Ducoudray  (in-8,  Uachelte).  —  Maret,  duc  de 
Bassano,  par  le  baron  Ernouf  (in-8,  Charpentier).  —  La  Terreur  blanche,  par 
E.  Daudet  (in-8,  Quantin).  —  Ilauteluce  et  Btanchelaine,  par  Charles  Buet 
(in-12.  Th.  Olmer).  —  La  grande  ville,  par  H.  Audeval  (in-12,  Th.  Olmer). 

ViSE.NOT. 


.)0/     


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS. 


Les»  Sociétés  de  îjîblîophi- 
îes  en  France.  —  Existe-t-il  un 
travail  spécial  sur  les  publications, 
sur  les  travaux  des  Sociétés  savantes 
en  France  (je  ne  parj.^.  pointées  aca- 
démies, soit  de  Paris,  soit  de  pro- 
vince; à  l'égatd  de  ces  dernières, 
l'infatigable  Qaerard  avait  entrepris 
des  recherches  dont  le  commence- 
ment seul  a  paru  dans  son  Diclion- 
naire  des  ouvrages  anonymes  et  po- 
lijoninies  reste  à  la  page  240  du 
tome  le'".  Je  possède  un  livre  anglais 
curieux  et  bien  fait  :  Lcarncd  Socie- 
iies  and  Printing  clubs  of  thc  United 
Kingdom,  by  the  rev.  A.  !lume(Lon- 
don,  Willis,  18o3,  in-8,  xxxii,  274  et 
72  pages).  Tous  les  bibliophiles,  tous 
les  amis  des  études  sérieuses  feraient 
sans  doute  bon  accueil  à  un  livre 
semblable  qui  exposerait  en  détail 
les  services  rendus  par  la  Société  d'  s 
Bibliophiles  français,  par  celle  des 
Bibliophiles  lyonnais,  par  celle  des 
Bibliophiles  de  Guyenne,  par  celle 
des  Bibliophiles  de  Normandie,  et 
par  bien  d'autres  qui  méritent  d'être 
mieux  connues  qu'elles  ne  le  sont. 
ï.  B. 

SLa  Collection  des  manus- 
crits de  M.  de  Cambis.  —    Le 

marquis  de  Gambis-Velleron,  né  à 
Avignon,  en  1706,  mort  dans  la  même 
ville  en  1772,  était  dévoué  aux  études 
littéraires  et  historiques;  il  a  lai-sé 
divers  ouvrages  imprimés  ou  manus- 
crits (parmi  ces  derniers,  cinq  vo- 
lumes in-folio  intitulés  :  Annales  du 
comte  d'Avignon);  il  avait  consacré 
beaucoup  de  temps  et  d'arf^ent  à  for- 
mer une  importante  coUeclion  du 
manuscrits  et  il  fit  imprimer,en  1770, 
à  très-petit  nombre  un  '.atalogue  des 
principaux  d'entre  eux;  ce  volume 
ne  se  composait  d'abord  que  de 
ol9  pages;  des  additions  ultérieures 
le  portèrent  à  766.  Sait-on  ce  qu'est 
devenu  ce  riche  cabinet?  Esiste-t-il 
encore?   A-t-il  été   dispersé?  Je  n'ai 


p3s  réussi  à  rencontrer  encore  des 
renseignements  à  cet  égard.     C.  D. 

Seize  cents  «luifs  ont-ils 
été  brûlés    à  Vienne  en   un 

an  ?  —  M.  Victor  Tissot  a  publié 
dans  le  Correspondant  une  série  d'ar- 
tieles  intitulés  :  A  travers  l'Autriche  ; 
nous  y  lisons  (livraison  dn  25  dé- 
cembre 1877,  page  1079)  les  lignes 
suivantes  :  «  Sou<  le  règne  d'Al- 
bert II  et  de  Frédéric  III,  héritiers 
de  la  dynastie  luxembourgeoise, 
Vienne  se  hérissa  de  bûchers;  en 
1620,  seize  cents  Juifs  furent  brûlés 
vivants.  »  Il  est  de  toute  évidence 
qu'il  y  a  là  une  exagération  gigan- 
tesque ettrés-vraisemblablement  une 
fausseté  complète.  Il  est  fort  pro- 
bable qu'en  1620  on  ne  brûla  per- 
sonne à  Vienne,  Que  du  moins 
M.  Tissot  fasse  connaitre  d'après 
quelles  autorités  il  avance,  comme 
chose  toute  simple,  un  fait  aussi 
monstrueux.  B.  C. 

Ija  mort  de  Liouis  XV! 
fut-elle  votée  par  la  majo- 
rité   de    la    Convention  ?  — 

Il  y  a  assez  longtemps  qu'en  parcou- 
rant un  catalogue  d^!  livres,  je  ren- 
contrai un  livre  qui  frappa  mon  at- 
tention :  Vie  politique  de  tous  les  dé- 
putés à  la  Convention  nationale,  par 
M.  R.  Paris,  1814.,  in-8  (et  en  note  : 
«  Ouvrage  dans  lequel  on  trouve  la 
preuve  que  ,  dans  le  procès  de 
Louis  XVI,  la  peine  de  mort  fut  re- 
jetée à  une  majorité  de  six  voix.  ») 
J'ai  fait  d'inutiles  tentatives  pour 
me  procurer  cet  ouvrage;  il  seiv.it 
intéressant  de  connaître  sur  quels 
arguments  s'appuie  la  thèse  qu'il 
soutient;  les  meneurs  de  la  Conven- 
tion, les  montagnards  qui  organisè- 
rent le  lègne  de l'échafaud,  étaient 
d'ailleurs  parfaitement  capables  d'une 
fraude  aussi  exécrable.  J.  S. 

^-t-il  été  publié  à  l'époque 
du  premier  Empire,  des  édi- 
tions d'auteurs  classiciues, 
mutilées  par  la  censure.  — 

Chateaubriand,  dans  sa  célèbre  bro- 
chure :  Bonaparte  et    les    Bourbons, 


—  558  — 


avance,  p.  14  :  «  Dans  les  nouvelles 
"  éditions  des  anciens  auteurs,  la 
«  censure  faisait  retrancher  tout  ce 
«  qui  se  trouvait  contre  les  conqué- 
«  ranis,  la  censure  et  la  tyrannie.  » 
Un  autre  pamphlet  de  la  même 
époque  transcrit  un  long  passage  de 
Massilion,  comme  supprimé  par  or- 
dre dans  une  édition  du  Petit-Ca- 
rême. (Tout  ce  qui  lui  paraîtra  glo- 
rieux deviendra  légitime,  etc.).  Est-il 
vrni  qu'il  existe  en  effet  des  éditions 
ainsi  mutilées  et  expurgées?  Pour- 
rait-on les  indiquer  d'une  façon 
précise  ?  A.  M. 

M .Vîctoi*  Hugo  et  un  coup 
d^État    «luî   n'a  pas   eu  lîeu. 

—  Dans  le  tome  second  de  VHistoire 
d'un  crime,  Victor  Hugo  raconte  un 
fait  étrange  qui  a  certainement 
frappé  tous  ses  lecteurs.  Pendant  la 
nuit  du  16  novembre  1851,  un  prince 
de  la  famille  Bonaparte  vient  dans 
l'ombre  (seul  et  masqué  sans  doute, 
mais  non  muet);  il  engage  le  poète  à 
devancer  le  coup  d'Etat  qui  se  pré- 
pare, il  le  presse  de  s'emparer  du 
président  de  sa  propre  autorité,  de 
le  jeter  en  prison.  —  Le  prince 
postiche  d'ailleurs  très-bien  le  style 
de  l'auteur  des  Misérables;  mêmes 
antithèses,  mêmes  phrases  courtes, 
incisives.  «  Je  sens  et  je  vois  ma 
a  conscience.  Elle  m'approuve.  J'ai 
((  l'air  de  trabir  Louis,  eli  bien,  non, 
«  je  le  sers.  Le  sauver  d'un  crime, 
<(  c'est  le  sauver.  En  venant  vous 
«  voir,  je  conspire  à  la  fois  contre 
«  lui  et  pour  lui.  » 

Victor  Hugo  refuse  la  périlleuse 
proposition  qui  lui  est  faite,  ce  qui 
d'ailleurs  aurait  pu  tourner  à  son 
détriment.  Morny,  Persigny,  Saint- 
Arnaud  et  autres  intimes  de  lÉlysée 
ne  se  seraient  point  sans  doute  rési- 
gnés à  cette  ai  restation  subite  qui 
changeait  de  fond  en  comble  les 
destinées  du  pays.  «  J'aime  mieux 
subir  le  crime  que  le  commettre,  « 
répond  le  poi'te. 

Personne  n'a  ajouté  grand'foi  à 
cette  dramatique  conûdence;  les  lec- 
teurs qui  ont  admis  la  sincérité  du 
grand  Victor,  admettent  qu'il  est  de 
bonne  foi  l'objet  d'une  de  ces  hallu- 
cinations dont  de^  traces  assez  nom- 
breuses se  retrouvent  dans  ses  écrits. 


Le  prince  n'est  pas  nommé,  mais  il 
s'agit  sans  doute  de  celui  qu'on 
appelait  en  1850,  le  prince  de  la 
Montagne,  qu'on  a  depuis  qualifié 
de  «  César  déclassé  »  et  qui  tout  ré- 
cemment s'est  fait  inscrire,  d'une 
façon  bruyante,  parmi  les  rédacteurs 
de  !a  Revue  des  deux  Mondes.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  serait  à  propos  que 
les  historiens  futurs  eussent  sur  cet 
épisode  étrange  quelques  notions 
plus  explicites  que  celles  que  leur 
fournit  l'Histoire  d'un  crime.    J.  A, 

Montaigne  a-t-îl  déserté 
son  poste  à  l'heure  du  dan- 
ger V  —  On  lit  dans  la  Correspon- 
dance de  Sainte-Beuve,  récemment 
publiée,  une  lettre  à  M.  Chantelauze 
dans  laquelle  il  demande  (t.  II, 
p.  205)  s'il  est  vrai  que  Rabelais, 
médecin  à  Lyon,  quitta  la  ville  dans 
ime  épidémie  et  s'en  alla  à  Tournon 
nu  ailleurs,  ce  qui  le  fit  rayer  de  la 
Faculté.  Le  célèbre  critique  ajoute  : 
«  Ceci  ferait  le  pendant  de  Mon- 
«  taigne,  quittant  Bordeaux  où  il 
«  était  maire,  et  n'y  revenant  pas  à 
t  cause  de  la  peste.  »  —  Est-il  vrai 
que  Montaigne  ait  agi  de  la  sorte? 
Qu'en  disent  ses  biographes  et  no- 
tamment M.  Grun,  auteur  d'un  tra- 
vail fort  étendu  sur  la  vie  publique 
de  l'auteur  des  Essais,  livre  que  je 
n'ai  pas  sous  la  main  ? 

(Toulouse.)        V.  A. 

Un  I*rîv^îlège  de  librairie 
mis  en  musique.  —  On  raconte 
que  le  fermier  général  Benjamin  de 
la  Bercle,  grand  amateur  des  arts  de 
tout  genre,  mit  un  jour,  par  suite 
d'un  défi,  en  musique  un  privilège 
de  librairie;  ce  morceau  singulier 
fut  gravé.  M.  le  baron  Roger  de  Por- 
tails a  reproduit  cette  anecdote 
(Les  Dessinateurs  d'illustrations  au, 
dix-huitième  siècle,  p.  427).  Pourrait- 
on  avoir  quelques  détails  sur  cette 
production  originale;  a-t-elle  été 
insérée   dans   quelque  recueil. 

J.  M. 

Le  peintre  Alluys.  —  Né  en 

Auvergne,  Alluys  fut  attaché  aux 
ateliers  de  restauration  du  Louvre, 
fit  de  la  peinture  de  portrait  au 
Chili  en  1846  et  1847,  revint  en 
France  en  1848,  et  publia  dans  l'Illus- 


559 


tration  des  notes  et  dessins  sur  ses 
voyages.  Pourrait-on  nous  dire  ce 
qu'il  est  devenu  depuis?         A.  V. 

Li'abbé  de  Montépîn.  —  Où 

pourrait-on  trouver  les  deux  ou- 
vragt's  suivants,  le  premier  de  l'abbé 
de  Montéfdn,  ancien  jésuite,  l'autre 
édile  par  lui  :  EpistoîasTui'seîini,  1743, 
in-i2,-  —  Histoire  de  l'hostie  miracu- 
leuse de  Paris,  par  Léon  de  Saint-Jean, 
1753,  in-12.  M. 

Liombard     des     Evei-s.     — 

J'ai  rencontré  fréquemment  un  por- 
trait in-folio  gravé  portant  le  titre 
suivant  :Antonius  Lombard  tlesEvers 
Presbyter  Florapolis,  natus  11  nov. 
1721,  obiit4  ap.  1780.  (Bauvais  deli- 
neavit. —  Ch  Duflos  sculpsit.)  —  Je 
serais  reconnaissant  à  celui  qui 
pourrait  me  renseigner  sur  la  nais- 
sance, la  vie,  les  travaux  et  Ja  mort 
de  cet  ecclésiastique.  A.  V. 

Croisade  de  1«39.  —  Quels 
sont  les  documents  originaux  et  les 
historiens  spéciaux  à  consulter  en- 
dehors  de  VHistoi'îa  diplomatica  Fre- 
dmdsecitA2(ii  de  M.  Huillard-Bréholles? 

C*^  DE  GaLAMETZ. 


RÉPONSES 

Mélusine  (XX,  191).  —  Les 
fées  comme  Mélusine  se  retrouvent 
dans  l'histoire  légendaire  de  chaque 
pays.  Elles  sont  toutes,  —  à  mon 
avis  —  de  la  famille  des  classiques 
sirènes  et  de  cette  fabuleuse  Echidna, 
dont  parle  Hérodote  [liv.  IV,  §  9), 
moitié  jeune  fille  et  moitié  serpent, 
rencontrée  par  Hercule  dans  les  dé- 
serts de  la  Scythie. 

—  Il  serait  intéressant  de  recher- 
cher le  sens  primitif  «l'une  aussi 
antique  légende,  qui  semble  se  ratta- 
cher au  souvenir  défiguré  d'Eve  et  du 
serpent.  A.  B.  A. 

Dictionnaire  des  syno- 
nymes (XXII,  384).  —  Le  meilleur 


ouvrage  pour  le  but  énoncé  dans  la 
question  me  paraît  être  le  Diction- 
naire complet  des  langues  française  et 
allemande,  par  Mozin  et  Peschier, 
avec  le  concours  de  M.  Guizot  pour 
les  synonymes  (i°  édition,  Stuttgart, 
J.-G.  Cotta,  1863).    J  -A.  de  Bernon. 

"Vie    des     Cardinaux.    (XXII, 

287).  —  Œttinger,  dans  sa  Biblio- 
graphie biographique  {Bruxelles ,  1 854), 
indique,  p.  2006,  trois  ouvrages 
latins  relatifs  à  l'histoire  générale 
des  cardinaux  ;  deux  ont  été  publiés 
au  dix-septième  siècle;  le  plus  ré- 
cent, intitulé  Turpura  docta,  a  paru 
à  Munich  en  1716  ;  il  forme  4  volumes 
in-folio,  y  compris  1  volume  de  sup- 
plément. Une  biographie  spéciale  et 
complète  des  membres  du  sacré 
Collège,  à  partir  de  l'époque  de  sa 
création  jusqu'à  nos  jours,  est  encore 
à  faire.  J'ajouterai  que  l'ouvrage 
d'CEttinger  sera  également  consulté 
avec  profit  à  l'égard  de  la  vie  des 
fondateurs  et  fondatrices  d'ordres 
religieux.  B.  C. 

Les  Rossett  (XXII,  93).  —  On 
peut  trouver  des  renseignements  sur 
la  noblesse  du  Dauphiné  dans  le  No- 
biliaire du  Dauphiné,par  Nicolas  Cho- 
rier.  (Bibl. nationale, Lm^,  48,  in-12); 
dans  le  Nobiliaire  du  Dauphiné,  par 
Guy  Allard,  4  vol.  in-r2.(Bibl.  natio- 
nale, Lm-,  43),  et  dans  V Armoriai  du 
Dauphiné  par  Rivoire  de  la  Bâtie  (Lm, 
185,  in-4).  On  trouvera  certainement 
aussi  des  renseignements  dans  les 
nobiliaires  généraux  de  la  France. — 
Quant  aux  Rossett,  on  ne  les  trouve 
pas,  du  moins  avec  cette  orthogra- 
phe, dans  les  ouvraû;es  spéciaux  que 
j'ai  cités  plus  haut.— On  y  trouve 
une  famille  Rosset  ou  Roussel,  sei- 
gneurs de  La  Martellière,  Riors,  La- 
val, qui  a  pour  armes  :  d'azur  à  trois 
trèfles  d'or.  —  La  Chesnaye  des  Bois 
{Dict.  de  la  noblesse)  donne  aussi  cette 
famille  Rosset,  anciennement  Roussel. 
Est-ce  la  même  que  les  Rossett? 
A.  P., 
employé  à  la  Bibl.  nationale, 


Le  Gérant  :  L.  Sandret. 


TABLE  METHODIQUE 

DES    OUVRAGES   ANALYSÉS 


THEOLOGIE 

Oénéralîtés.  Enciclopedia  dell'  Ecclesiastico  {abb.  Vicenzio  d'Avino 

terra.  P.  Ant.  Pellicani) 487 

Écriture  sainte.  Biblia  Fede  e  Scienza  ossia  lezioni  bibliche  sulla 

cosmogonia  mosaica  (Fr.  Miglior.) ' 97 

Naturforscliung  und  Bibel  in  ibrer  Stellung  zur  Schopfiing  (Cari 

Gùttkr) 98 

Uie  biblische  Schùpfimgsgeschicbte   und    ihr   Verbaltniss   zu    den 

Ergebnissen  der  Naturforschung  [le  Dr.  Fr.  H.  Reusch).     .     .     .     100 

Comment  s'est  formé  l'univers  (Jc.rm  d'Esh'enJie) 99 

Zur  Authentic  und  Integrltat  des  Mosesliedes  [le  Dr.  Cari  Flockner).     100 
La   Sainte  Bible  :  Li^s  Juges  et  Ruth  [Vabbé  Clair,  trad.  de  Vabbé 

Bayle] 101 

Die  Bùclier  Esdras,  Nehcraias  und  Estber  {le  Dr.  B.  Neteler)     .     .     101 

Bas  Buch  Tobias  (le  Dr.  C.  Gutberlet) 102 

Théologie  der  Proplieten  des  Alteu  Testamentes  (le  Dr.  Hermann 

Zschohke) 103 

Des  Heiligen  Hippolytus  von  Rom  Commentar  zum   Bûche  Daniel 

[Otto  Bardenhe^oer) 104 

Einleitung   in  das  Neue  Testament  Qe  Dr.  Ch.  V.  Aberle  und  Dr. 

Paul  Schanz) lOo 

Zur  Johanncischen   F  rage  (le  Dr.    Willibald  Beyschlag) 106 

Dictionnaire  de  la  Bible  [E.  Spol) 108 

Die  bibliscben  Darstellnngen  in  den  roemischen  Katakomben  als 

Zeugen     fiir     doi    NVahrheit     der     Christ-Katholischen     Lehre 

(le  Dr.   Alex.  Grillwitzer) 433 

Novum  Testanientu m  grœce  (Constoî<  de  T/sc/iewdor/") 219 

Saînts-I*ères.  Patrologie.  T.  1"  [le  Dr  Alzog) 488 

Corpus  apologetarum  Christianorum  ssecuU  secundi.  T.  1"  (J.  C. 

Th.  de  Otto) 313 

Hermœ  Pastor   grœce,  addita  versione  latina  recentiore  e  codice 

Palalino  (Oscar  de  Geè/jaj'df  et   .Irf.  Ilarnack) 12G 

Patrum   Apostolicorum    opéra   (Oscar  de  Gebhardt,    A.    Hamack, 

Th.  Zahn) 220 

S.  Clément  of  Rome  (J.  B.  Lightfoot) 40 

S.  Isaaci  Antiocheni,  docloris  Syrorum,  opéra  omnia  {le  Dr.  Gustave 

Bickell) 47 

Saint  Bernard,  orateur  (l'abbé  Vacandard) 31G 

TBiéolo^îe    ciog-iiiaticiuc.     Das    beilige    Messopfer    dogmatisch, 

lilurgiscli  und  ascetisch  erklart  (le  Dr.  Nikolaus  Gihr) 221 

Clemenlis   Scbrader,   S.  J.,  de  theologico  testium    tonte    deque 

edilo  fidei  testimonio  seu  traditione  commentarius.  .     .     .     .     .     409 

Le  Christianisme  et  les  temps  présents.  T.  III  (l'abbé  Em.  Bougaud).     318 

Œuvres  de  Myr  Freppel 141 

La  Foi  {le  R.  P.  Vincent  de  Pascal) 492 

Le  Syllabus,  base  de  l'Union  catholique  (le  R.  P.  Petitalot).    .     .     .     128 
L'Egli'e  et  la  Civilisation  (Son.  Em.  le  cardinal  Pecci,  trad.  de  Paul 

Lapeyre) 410 

L'Eglise  et  la  Civilisation  (Son.  Em.  le  cardinal  Pecci) 410 

Cours   complet  et    détaillé    de    catéchèses   pour  rinstmction  des 

enfants  de  la   classe   inférieure    des    écoles  (G.  Mey,  trad.   de 

J.  Gaj)p) 491 

Explications  sommaires  du  catéchisme  (l'abbô  F.  Loizellier).  .     .     .    403 


—  561  — 

Le  Directî^ur  des  catéchismes  de  première  communion  et   de  per- 
sévérance {l'abbé  R.  Turcan) 403 

L'Evangile  interprélé  selon  l'esprit   de  Jésus-Christ  (G.  Domirti  de 

Feret) 253 

Les  Paraboles  évangéliques  [Mgr  Pichenot) _  .     .  106 

Xhéclogîe  ascétique.  Méditations  sur  la  vie  de  la  sainte  Vierge 

{le  R.  P.  Largent) 493 

La  Première  Communion  {Mme  Léon  Gautier,  précéd.   d'une  lettre 

de  Mgr  Mermillod) 4o8 

La  Vie  chrétienne  :  lectures  pour  les  familles  et  instriictions  pour 

les  familles  et  instructions  pour  les  paroisses  {l'abbé  Berseaux).     .  386 
Vie  et  Œuvres   si)irituelles  de  l'admirable    docteur  mystique,  le 

B.  Père  saint  Jean-de-la-Croix,  introduction  du  (R.  P.  Chocarne).  387 

Spiritual  Letters  of  Archbishop  Fenelon 349 

La  Vie  de  Notre-Seigneur  (ra66é  6f.  J.  7/urde6ise) 389 

Le  Missionnaire  du  jour  de  la  première  communion  {Vabbé  Hébert).  391 
Les  Gloires  du  Sacré-Cœur  (Son.  Em.    le  cardinal  H.  E.  Mamwig., 

trad.  de  l'abbé  A.   Goemaere] 393 

Les  Anges  dans  la  tradition  catholique  {le  P.  Berlin  Eermans)  .     .  398 

.    Pratique  de  la  dévotion  au  Sacré-Cœur  de  Jésus 400 

Eslher  ou  quelques  mots  sur  le  mystère  de  la  B.  vierge  Marie 

{Vabbé  Fi.us)  . 394 

Les  Douleurs  de  la  vie,  la  mort,  le  purgatoire  :  espérance  et  con- 
solation (ra66e  V.  Poste/) 130 

Heures  de  tristesse  et  d'espérance  {l'abbé  de  Btllune) 395 

Tratado  de  la  tribulacion  (P.  Pedro  de  Ribadeneira) 397 

Le  Livre  unique  des  liflèles  (l'abbé  Peijré) 399 

Les  Excellences  du  saint  cœur  de  Marie  (?e  P.  Pinamonti).     .     .     .  399 

La  Médaille   miraculeuse  {Aladel) 4o8 

Soumission  du  chrétien  aux  arrêts  de  la  Providence  {le  R.  P.  An- 
toine Touron) 400 

Les  Secrets  desseins  de  la  Providence  (?e  R.  P.  Ant.  Touron).     .     .  400 
De  la  paix  intérieure  ou  le  sentier  du  paradis  {le  P.  Laurent 

Scupoli) 401 

Avantages  de  la  charité  envers  les  âmes  du  purgatoire  (le  P.  Jac- 
ques Mwnford) 401 

La  Figlia  cristiana  provveduta  (sac.  Bosco) 402 

Lffizio  délia  settimana  sauta 402 

La  SS.  Communione  (Mgr  tic  Se^ur) 402 

Il  Maggio  in  Campagna 402 

Le  Denier  du  Sacré-Cœur  (Paul  Féval) 526 

Le  Miracle  du  6  septembre  1878  (Henri  Lasserre) 526 

Mélanges.  Paroles  de  Dieu  (Hcllo) 493 

El  arbor  de  la  Vida  (Abdon  de  Paz) 222 

L'Embryotomie  {le  P.  A.  Eschbach).  .     .     .- 453 

Iteligion   des   peuples  orientaux.    Prières   des  Falashas   ou 

juifs  d'Abyssinie  (J.  Halévy) 49 

Sociétés    secrètes,  etc.  La  Franç-Maçonnerie,  révélation  d'un 

rose-croix 69 

La  Franc-Maçonnerie  {Mgr  Besson) 527 

Le  Spiritisme  (l'abbé  Durand) 348 

JURISPRUDENCE 

Droit  romain.  Explication  méthodique  des  Institutes  de  Justinien. 

T.  I- 494 

Oroît  civil.  Leçons  de  législation  usuelle  (H.  Viel-Lainare) .     .     .     .  454 

Etudes  sur  la  communauté  réduite  aux  acquêts  {Ch.  Piolet)    .     .     .  308 

De  la  séparation  de  liens  SOI/S  le  régime  dotal  (Fué/oi) 308 

Etude  sur  le  caractère  ot  les  cor,ditions  constitulivt  s  du  mariage 
Jl-i.\  1878.  T  XXIJ,  36. 


—  362  — 

en  droit  romain  et  en  droit  français  (Bedros  Th.  Chachian).  .  .  308 
De  la  succession  légitime   et  testamentaire  en  droit  iuteina'ional 

piivé   [Charles  Antûme] 30H 

De  la  propriété  des  mines  (£.  Chevallier) 313 

Leçon  d'ouverture  du  cours   de  droit  civil  approfondi  dans   ses 

rapports  avec  l'enregistrement  (£.  Dubois) 314 

Explication  élémentaire  du  c  ide  civil  (/.  j.  Delsol,  avec  collab.  de 

Ch.  Lescœw) 495 

Elémenls  de  droit  civil  russe  (Ernest  ie/ir). 493 

Droit  pénal  et  erîmînel.   Des  excuses   légales  en  droit  pénal 

(A.  de  Sarrau  de  Boynet) 311 

Code-M  miiel  du  juré  d'.is^ises  (6*.  Fenet) 311 

Préris  d'un  cmrs  de  droit  i:riminel  (£.  Villey) 311 

Droit  eominereial.  Dictionnaire  de   droit  commercial,  industriel 

Qi  m<in\.ht\Çi  [Govjel  et  Merger  de  J.  lioubcn  de  Couder) 131 

La  Faillite  dans  le    droit   international   {.rivé  (6.  Carie,  trad.  de 

£.  Dubois] 309 

Les  Chau!?es  et  les  ai-bitrage<  (Hipp.  Vannier) 434 

Droit  administratir.  Traité   de  l'adininistration   temporelle  des 

associations    religieuses   et  des  fabriques   paroissiales   ((j,  Cal- 

mette) 70 

La  Législation  de  l'Algérie  (Jeawro^.    .    ...  ' 309 

Codti  ùts  [oi:,  ùe  là  Viti^sc  (Rolland  de  Villarguesi 312 

Diciionnaire  d<^  droit  électoral  (A.  Bavelier 3l2 

Code  di's  théâtres  [Ck.  Constant) 314 

Droit  public.  Procédure  des  débats  parlementaires  {Alfred  Bon- 
sergent) 432 

Etude  sur  l'exirulition   (E   de  Vazelhes) 310 

De  la  protection  accordée  aux  œuvres  d'art  (A/irfré  Mon/Zo^.   .    .   .  4oo 

De  la  création  don  cours  de  dioit  imeruatioual  (P.  Larroque)  .  .  327 
Mélanges.  Valeur  de  l'assemblée  qui  prononça  la  peine  de  mort 

contre  Jésus-Chiist  (/e5  abbés  Lémann) 107 

Traité  de  droit  français  privé  et  ftublic  (A.  Moullart). 307 

Manuel  de  législation  française  à  l'usage  de  tout  le  monde  [Emile 

Benoit) 308 

L'Eg^fpte  et  .-a  réforme  judiciaire 310 

La  Séduction  (A.  Millet) 311 

SCIENCES  ET  ARTS 

Phîlosopîiie.  Dis  Gewissen  (P/o/".  J.  J.  I/oppe) 133 

La  Philosophie  des  Grers  considérée  dans  son  développement  histo- 
rique. T.  1.  {Ed.  Zeller,  trad.  de  £.  Boutroux) 319 

Philosophie  de  l'Inconscient  [Ed.  de  Hartmann,  trad.  de  D.  Nolen).  199 

Les  Cause<  finales  [Paul  Janet) 206 

Philosophie  de  la  religion  de  Hegel  (^rad.  de  A.  Véra) 209 

Principes  de  philo  .ophie  (A.  Hartsen,  trad.  de  Paul  Regnaud)     .     .  210 
Dieu,  l'homme  et    la  société.  Première  partie:    Di-u  (B.  Sernin- 

Castex) 212 

La  Nature  et  la  vie,  f.àts  et  doctrines  (Fernand  Papillon)  ....  213 

Les  Merveilles  du  coeur  (A.  Riche) 212 

De  l'Essence  des  passions  [Eug .  Maillet) 412 

Recherches  sur  le  dimanche  [P.  Lescuyer) 231 

La  Guida  del  Galantuomo  {Francesco  Rapisardi) 176 

Le  Bonheur   au  foyer.  Lettres  d'une   mère  à  sa  iille    [Mme  Julie 

Fertiault)    .     .     ". 72 

E^ducalion    et    E^nseignement.    De    l'éducation    intellectuelle, 

morale  «4  physique  [Herbert-Spencer) 49 

Notes  et  documents  sur  l'état  de  l'instruction  populaire  eu  Suisse 

{Henri  Maguin) 497 


—  563  — 

La  Lecture  ou  le  choix  des  livres  {l'abbé  J.  VernioUes)    .....  69 

L' Art  à.' écrit e  {Antonin  Rondelet) 140 

Annuaire  de  l'enseignement  libre  pour  1878 523 

La  Sciiptolégie  (J.  Gheur) 455 

Politique.  Théorie  générale  de  l'Etat  {Bluntschli,  trad.de  Armand  de 

Riedmatten) 50 

Philosophie  de  la  science  politique  et  commentaire  de  la  déclara- 
tion des  droits  de  l'homme  de  1793  {Emile  Accolas) 325 

La  TeoriadelProgesso  legislativo  (jYunzoi  iVasi  FiYgiho)     ....  347 
Economie  politique.  Introduction  à  l'élude  de  l'économie  poli- 
tique (iî.  Bameth)   •     •    • 414 

Traité  élémentaire  d'économie  politique  (Boz?/)     ...*...  170 

Théorie  du  Crédit  (Clément  Tavarel) 498 

L'Or  et  l'argent  (L.  Simonin) 71 

Manuel  pratique  pour  l'organisation  et  le  fonctionnement  des  socié- 
tés coopératives  de  production  {Schulze-Delitzsch  et  le  Dr.  Schneider,  528 

précédé  d'une  lettre  de  Se?ijamn  Jîa?«paZ) 

Etude  sur  le  travail  (S.  Mony) 53 

Statistique.  Forces  matérielles  de  l'empire  d'Allemagne  (Legoyt).   .  252 
Industrie.  Etude  sur  l'exploitation  des  chemins   de  fer  par  l'E'at 

(F.  Jacqmin) 498 

Physique  et  chimie.  Le  Télégraphe  terrestre,  sous-marin,  pneu- 
matique {Paul  Laurencin) 171 

L'Etincelle  électrique  [A    Cazin) 170 

Qu'appelle-t-on  équivalent  chimique?  (F. -A.  Harfseîi) 453 

Géologie.  Sur  l'état  présent  des  rapports  de  la  science  et  de  la  reli- 
gion au  sujet  de  l'origine  des  êtres  organisés  (A.  Bèchamp)  .   .    .  218 
Les  Enchaînements  du  monde  animal  dans  les  temps  géologiques  : 

mammifères  tertiaires  (A/6.  Gaudry) 322 

Le  Monde  où  nous  vivons  (F.  Maury,  trad.  de  Zumher  et  Margollé).  70 

Botanique.  Flore  de  la  Suisse  et  de  la  Savoie  (le  Dr  Louis  Bouvier).  324 

A  travers  champs,  botanique  pour  tous  (Mme  J.  Le  Brefon)    ....  325 

Agriculture.  Vocations  agricoles  (J.  B.  Busseuil) 347 

Hygiène.  Notions  pratiques  d'hygiène  populaire  {le  Dr  Picqué)   .    .   .  454 
Mathéniathiques.  Le  Multiplicateur  à  trois  cents  carrés  {Max.  Cor- 

dier) 454 

Cosmographie  et  Astronomie.   Entretieus    familiers    sur  la 

Cosmographie  {Audoynaud) 528 

L'Astronomie  de  la  jeunesse  [H.  Plessix) 453 

Le  Monde  sidéral  {Zurcher  et  Margollé) 348 

Le  Soleil,  2«  part,  {le  P .  A  Secchi) 325 

Lettre  à  un  matérialiste  sur  la  pluralité  des  mondes  habiles  et  les 

questions  qui  s'y  rattachent  (Ju/es  £oiïeMa?) 214 

Cours  de  mécanique  analytique  {Ph.  Gilbert) 223 

Art  militaire  Mes  Rêveries  (Maréchal  Maurice  comte  de  Saxe)   .    .    .  223 

Beaux-Arts.  Causeries  sur  l'art  et  la  curiosité  (£d»i.  Boyirtfl^é)   .    .  419 

Notes  sur  l'Espagne  artistique  {Fernand  Petit) 72 

La  Maison  Plantin  à  Anvers  (Lcon  De^fÉor^e) 499 

Le  Verre,  son  histoire,  sa  fabrication  (£.  Pé/('gof) 138 

La  Cour  et  l'Opéra  sous  XVI  ;  Marie-Antoinette  et  Sacchini,  Saliéri, 

Favart  et  Gluck  [Adolphe  Jullieri) 54 

BELLES-LETTRES 

Philologie.  Essai  sur  le  déchiffrement  de  l'écriture  hiératique  de 

l'Amérique  centrale  {Léon  de  Rosny) 230 

Supplément  au  dictionnaire  delà  langue  française  {E.  Littré)  suivi 

d'un  diction,  étymologique  (Marcel  Devic) 229 

Poésie  ancienne.  Œuvres  d'Horace  {Ch.  Chautard,  précédée  d'une 

étude  de  F.  de  Laprade) 327 


—  o64  — 

Oàesà'Hovàce  {Et.-Ang.  de  Wailli/ et  G.-G.  de  Wailly) 327 

I»oé«îe  du  moyen  âge.  Beiivc  de  Goriimarchis  (A.  Scheler).    .    .    .  197 

Deux  rédactiiiDs  du  roman  de?  sept  sages  de  Rome  (G.  Pflrts)  .    .    .  194 

Mélanges  de  mythologie  et  de  linguistique  {Michel  Bréal)  ....  liOi 

L'Iliade  d'Honfère  (F.   Bahuron) o02 

Brun  de  la  Montagne  (P.  Meytr] 195 

Guillaume  de  Palerme  (H.  Michelan) 190 

A'iol  (J .  Normand  et  G .  Rc7mud]  . 196 

Les  Enfanci.'s  Ogier  (A.  Scheler) 196 

LiRoumans  de  Berte  aux  grans  pié?  {A.  Scheler) 197 

Trouvères  belges  du  douzième  au  quatorzième  siècle  (A.  Sc/ie/er)  .  197 

\À  Bustars  de  Buillon  (A.  Scheler) 198 

Miracles  de  Noire-Dame  (G.  rart5  e^  T.  Hofterf) 19i 

Les  Voyages  oierveilienxde  saint  Brandan  à  la  recherche  du  Paradis 

terrestre  (Fr.  Michel) 330 

Recueil  général  d(;s  fahliaux  des  treizième  et  quatorzième  siècles 

[Anatole  de  Montaùjlon) o5 

Chansons  du  quinzième  siècle  (G.  Pam) 193 

Œuvres  complètes  de  Griiigore,  T.  IL  (A.  de  Montaiglon  et  J.  de 

Rothschild) 232 

Petit  Romancero  (/e  comîe  de  Pwvrîiaigrc) 71 

Poésie  «noderne.  Pi  einière=î  poésies  (Ac/jî7/e  Mi7/i'e/i) 331 

Nouvelles  poésies  (Ac/iille  Millien) 331 

Le  Presbylère  de  PlouarzeKMme  C.  £.  Puissa?i) 111 

Un  mariage  sous  la  Terreur  {Ch.  Yrtal) 113 

Un^  martyre  (rflfcfeé  P(«s) 114 

Le  Sièiïft  de  Caderousse  (l'abbé  Faire,  trad.  de  Placide  Cappeau)  .     .  lio 

Le  Château  de  Riiquen)ai!ro  [l'abbé  Famé,  trad.  de  Placide  Cappeau).  Ho 

Quatre  ballades  (P.  Jlîs<(?//m6er) 116 

A  travers  bi'ji?,  pi'cs  et,  sillons  (l'/^er) 116 

Notie-Dcune  de  Lourdes  (r<;f66e  C/iaw6awd) 117 

Pie  IX,  ?es  gloires,  ses  épieuvcs,  ses  trois  jubilés  [l'abbé  Uovine).     .  1 17 

Roniii,  poésies  catholiques  (Ft'cfor  t^/iréfien) 118 

Poésies  inédites  du  com<c  Ly/"o?irf 118 

Les  Deux  frères  martyrs H  9 

Nouvelles  poésies  chrétiennes  (F?'.  Goiilin) . 119 

Les  Flturs  de  Bretagne  {Edm.   Frain) 119 

Au  iil  dt  l'eau  (A/ôcri  .1/emO 120 

Les  anciens  jours  (ff.  de  Blazac) 12U 

Poèmes  dramatiques  (A.  Maxuoy) 120 

Les  Chants  de  la  montagne  (A.  Schuré) 121 

Premiers  vers  (He/u'.v  c/e  i7r((;î(//!2/) 121 

Les  Primevères  (P.  Marmottan) 121 

La  Fanfcire  du  cœur  (L.  Solvay) 121 

Myrtes  et  Cyprès  (Geo'ffcsFc/îowd) 122 

Printemps  et.  Neiges  {L.  Béor) 122 

Poésies  intimes  (A.  de  iaj'oc/te/bucauW) 122 

Poé.-its  coiiie!ni)oraines  [Desyr  Ravon) 123 

Dieu  et  Patrie  (a/arc- jBo«?ie/"o2/) 123 

Rime  de  ca[ie  et  d'épée  iOgrer  d'Jur?/) 123 

Les  A'allonnaisç'.s  (E.  Fi7/art/) 124 

Ai-je  des  ailes?  iAnna  Roberjot) 124 

AEtiques  et  modernes  (Germoi/i  PtcarcZ) 12o 

Sœur  Marthe  [Germain  Picard) 125 

Cent  fables  nouvelles  (A.  F.  Théry) 125 

Le  Livre  d'un  père  {V.  de  Laprade) 12o 

Petite  anthologie  des  poètes  de  la  Drôme  (Ju/es  Saiiit-Remy) .     .     .  254 

Del  triont'o  délia  liberta  poema  inedito  {Alltss  ManzmùEd.  Romussi)  504 
Romans  contes  et  nouveîles.  L'Amour  et  Psyché  (^?</éej  no- 


—   o6o    — 

lii  e   de   A.  Pons) 233 

Paul  et  Vi'-.::;iaio  (Bernaniin  de  Soint-Pierre,  prûtViCo  de  J.  Clarelic).  233 

Adoli^he  {Benjamin  Constant,  préface  de  A.  F.Pons) 233 

Etapos  d'une  conversion,  ^Paul  Féval) q 

Les  Contes  de  Bretagne  (Paul  Féval) 8 

L-i  Belle-Etoile  [Paul  Féval) .'     *  9 

La  Fée  de?  grèves  (PrtuZ  Féval) 10 

L'Homme  de  îiiv  (Paul  Féval) jO 

Château  pauvre  (Paul  Féval) 10 

Frère  Tranquill-^.  (Paul  Féval) U 

Le  dernier   chevalier  (Paul  Féval) H 

La  Reine  des  cpées  {Paul  Févai) ^2 

La  Première  tache  de  sang  (A.  Labutte) •]3 

Les  Causes  sacrées,  le  Roi  (Raoul  de  Navery) ^3 

L'Aftiquet  de  la  marquise  (A.  de  Barthélémy) 13 

Marcie  [Charles  du  Boishamon'^ 13 

Le  Secret  du  château  de  Rocnoir  (J.  Goniry  du  Jardinet).     ...  13 

Pour  la  Patrie  (Eiic/me  Marcel) I3 

La  Foi  jurée  (R«ow/  de  Navery) I5 

Les  Héritiers  de  Judas  (Baoul  de  Navery) 16 

L'Honneur  du  nom  (C/(ar/es  Jîweil 16 

Corbin  et  Aubecourt  (Loiu'>  Fcuî//o^)       17 

Les  Ronces  du  cheniiu  (Claire  de  Chandeneux) 18 

Sabine  d-.  Rivas  (3/avie  3/arc''/ia/) 18 

Jaciiiies  Bernard  (Mme  Guerrier  de  Ilaupt) 19 

Première  et  dernière  dette  ((^a5rie//c  rf'Aruor) 20 

Les  Neiges  d'Antan  (1/me  Jw^te  Larergwe) 50 

Les  Soirées  du  Château  de  Kerilis  (.7.  de  Launay-Overney)  ....  20 

Marguerites  en   tleur   (Jean  Lander) 20 

Nouvelles    et  récits  villageois    (Jean  Lander) 20 

Le  Supplice  d'une  mère  (/.  Gondry  du  Jardinet) 20 

Les  Amoiu-s  de  Philippe  (Octave  Feuillet) 21 

Samuel  Brohl  et  Ci<'  (Victor  Cherbuliez) 23 

Daniel  de  Kerfons  (Ernest  Daudet) 28 

Le  Nabad  (Alph.  Daudet) 2o 

Oblomolï  (han  Gontcharoff  trad.  de  Charles  Deulin) 2!) 

Do^la  (Uenry  Gréville] 30 

L'Expiatio)!  de  Savoli  (Henry  Gréville) 30 

La  PrinC'.'S-e  Ogherotï  (Henry  Gréville) 30 

A  Travers  Champs  (Henry  Gréville 30 

Les  Koumiassine  (Henry  Gréville) •     .     ,  30 

Sonia  (Henry   Gréville) 30 

La  Maison  de  Maurèze  (Henry  Gréville) 30 

Suzanne  Normi-*  (Henry  Gréville)   .     .     : 30 

Flora  Bellasys  (G.  A.  Laurence,  trad.  de  Ch.   Bernnrd-Derosne)     .     .  32 

Sans  issue  (Elisabetli  Stuart  Phelps) 32 

Le  Baiser  de  la  comtesse  Savina  (A.  Caccianiga,  trad.  de  Lco7i  Dieu).  32 

Sous  le  grand  hêtre  (A.  Snieders      . 32 

iea.aT)a.^onrY  {Charles  Canivet) 34 

La  Veuve  (Louis  Enault) 3o 

Un  Amour  de  grande  dame  (Alfred  de  Besancenet) 35 

Le  Mari    de  la  vieille  (Gabriel  Prévôt) 35 

Une  femme  à  bord  (René  de  Maricourt) 3.^ 

La  Grande  falaise  (Albert  Sorel) 35 

La  Bâtarde  iX.  de  Montépin) • 37 

Près  du  goulïre  (Saint-Patrice) 37 

Le  Numéro  11  de  la  rue  Marlot  (flené  de  i'oni-JfcsO 37 

Kousouma  (Marie  Bo^or) 37 

Dona  Maria  (L.  Cambier) 38 


—  566  — 

Les  Diables  de  Loudun  (Jean  de  Poitiers) 39 

Elisée  (Eugène  Velhtan) 30 

Le  Dégrossi  (  Vidor  Le  Febvre) 40 

Maître  Guillaume  (Charles  Deslys) 41 

Pauvres  et  mendiants  (G.  de  La  Landelle) 41 

Deux  croisières  (G.  de  La  XandeWe) 41 

Hector  Servadac  (Jules  Veriie) 42 

L'Ame  de  Beethoven  [Pierre  Cœur) 42 

Une  rivale  de  Marguerite  (Le  baron  de  Fauconnet) 43 

lin  mélange  diabolique  (Le  baron  de  Fauconnet) 43 

Contes  triste  (Louis  Haumont) 43 

Trois  contes  (Gustave  Flaubert) 44 

Un  plaidoyer  en  faveur  du  vrai  roman  catholique.  Le  Maréchal  de 

Montmayeur  (Ch.  Buet) 290 

La  Circassienne  (Louis  Enault) 291 

La  Fée  du  logis.  (Mme  la  comtesse  Drohojowska) 292 

En  Poiton  (Mme  Maryan) 293 

Les  deux  clochers  (J.  Chantrel) 293 

Pierre  Plot  (Paul  Féval) 294 

Douze  femmes  (Paul  Féval) 295 

Le  Talisman  de   Marguerite  (Alfred  Seguin) 297 

La  Rose  d'Antibes  (Edouard  Didier) 297 

Le  Secret  de  Valrège  (Ch.  d'HéricauU) 298 

Dolorita  (le  baron  de  Wogaii) 299 

La  Comtesse  Damalanty  (le  Prince  J.  Lubomirshi) 300 

La  Maison  Vidalin   (Alphonse  de  Launay) 299 

La  Servante  du  diable  (Emmanuel  Gonialès) 301 

Le  Plus  hardi  des  gueux  (Alfred  Assolant) 302 

Œuvres  posthumes  :  La  Coupe.    Les  Contes   d'une   grand'mère 

(Georges  Sand) 303 

Nouvelles  russes  (Henry  Gréville) 305 

Trois  nouvelles  (Emile  Bosquet) 305 

Contes  en  l'air  (Georges  de  Peyrebrune) 306 

La  Fille  de  Pharaon  (Goerges  Ebers) î)04 

Ouvrages  pour  la  jeunesse.    L'Hôtel  Woronzoff  (Mlle  Marie 

Maréchal) 404 

De  Rio  Janeiro  à  San  Paulo  (F.  floussay) 405 

Mélanie  Gerbier  (la  comtesse  de  la  Rochére) 405 

Le  IMonde  des  jeunes  filles  (Victor  Henrion) 406 

Fauvette  (Mme  de  Stolz) 406 

Paul,  souvenirs  d'Australie  (Mlle  Marie  de  Besneray) 407 

Le  Lion  de  Coëlavel  (Mlle  Gabrielle  d'Et/iampes) 407 

La  Fille  du  Kabyle  (Mlle  Guerrier  de  Haupt) 408 

La  Dette  au  bon  Dieu  (Mlle  Guerrier  de  Haupt) 408 

Où  se  cache  le  bonheur  (Roua;- Ferrand) 408 

Les  Merveilles  du  bon  Dieu  (Mlle  Barbier) 409 

Biblioteca  délia  Gioventu 172 

Histoire  et  critique  littéraire.  Vie  et  mort  du   génie  grec  421 

(Edg.  Quinet) 421 

Horacio  en  Espana  (Menendez.  Pelayo) 327 

Les  Prophètes  du  Christ  (Marins  Sepet) 143 

Le  Drame  chrétien  au  moyen  âge  (Marins  Sepet) 143 

Storia  délia  pocsia  popolare  italiana.  (Erm  Rubieri).     .....       57 

La  Poesia  popolare  italiana  (Aless.  d'Ancona) 529 

Précis  de  l'histoire  de  la  littérature  française  (D.  Nisard)  ....  420 

Tableau  de  la  littérature  française,  1800-1815  (Gustave  Merlet).  .     .  147 

Etude  sur  les  œuvres  de  Jean  de  Mairet  (Gaston  Bizos) 146 

Corneille,   la    critique  idéale  et  catholique   (Aug.  Charaux,  avec 

introd.  du  B.  P.  Marquigny) 501 


—  367  — 

Histoire  de  deux  fables  de  La  Fonlaine,  leurs  origines  et  leurs 

pérégrinations  (A.  Joly) 14o 

Nutes  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  l'abbé  Jean-Jacques  boileau 

[Ph.  Tamizey  de  Larroque) 332 

Vie,  écrits  et  correspoudance  littéraire   de  Laurent-Josse  Le  Clerc 

{l'abbé  L.  Bertrand) 08 

Molière  et  Bourdaloue  (Louis  Veidllot) 234 

Molière  et  Bos-uet  {Henri  de  la  Pommeraye) 234 

Etude  sur  Bnurdaloue  {Frédéric  PouUn) 235 

Nouveaux  samedis,  io^  série  (.4.  de  Pontmartin] 238 

Vingt  nouveaux  portraits  {Léon  Gautier] 436 

Les  Bas-Bleus  (J.  Barbey  d'Aurevilly) 349 

Le  Théâtre  en  Angleterre  (Jy/es  J»s.serfl?io/) 422 

I*oIysi*aphes.  Œuvres  choisies  de  F.  Ozmam 349 

Kpistolaires.  Correspondance  de  Jules  Jaiiiii  {de  la  FizeHère  et  Clé- 
ment Janin) 239 

Correspondance  inédite  du  comie  de  Caylus  (Ç/i .  Xisard) .     .     .     .  330 

Mélange»».    L'A.moi\r  {le  chevalier  de  Maynard) 2o2 

Le  \ien\-^eu^Edouard  Fournier) 415 

Voyages  hors  de  ma  chambre  {V.  Fournel) o32 

Cheznous  et  chez  nos  voisin-  {Xavier  Aubryet) 430 

HISTOIRE 

Généralîlés.    Essai  sur  l'esprit   public  dans   l'histoire   {le  vicomte 

Ph.  d'Ussel) 149 

Oéographie .    L'Année  géogr.iphi(}ue  {E.  Maunoir  et  H.  Dnveyrier).  424 
Littéruture  de  géographie   de   statistique  et  d'ethnographie  russe 

pour  les   années  1874-187o  {V  Méjoi). 423 

Dictionnaire  topographique  aijrégé  de  la  Terre-Sainte  {F.  de  Saulcy)  108 
Voyages,    Le  Guide  du  pèlerin  aux  ég  ises  de  Rome  et  au  palais  du 

Vatican  {Mgr  Barbier  de  Montault] 530 

Grèce  et  Turquie  (Alfred  Gitlicron) 457 

L'Ejypte  à  petite^  journées  (.Jr^/tw*  R'ioné) 422 

L'Afrique  et  la  Contérence  géographique  de  Bruxelles  (E.  Banning).  151 
A  travers  l'Afrique  {le  commandant  V.  L.  Cameron,  trad    de  U.  Lo- 

reau) 132 

Souvenirs  de  l'Algérie  et  d'Orient  {Horace  Fahiani) 173 

L'Afrique  centrale   {le  colonel  Chaillé-Lo7ig ,  trad.  de  Mme  Fossé  de 

Saye) 73 

The  Voyage  of  the  Challeng.r  (StV  C.  Wi/fî//e  T/iomsoM) 431 

Le  Très ar  des  Incas  à  la  Terre-de-Feu  {E.  Pertuiset) 232 

Ma  vie  nomadn  aux  m  intagnes  Rocheuses  {le  baron  A.  de  Woelmont)  330 

Uue  visite  à  Khiva  {Fred.  Burnaby,  trad.  de  Hephell) 330 

Un  été  en  Améri  ]ue  {Jules  Leclcrcq) 73 

Inde  et  Himalaya  {le  comte  Gobltt  d'Alviella) 333 

Cachemire  et  Petit  Thibet  (./e  6aro/i  E)'«Oî//'] 331 

Havai  (P.  Tourna  fond) 531 

La  Conquête  du  Pôle  Nord  (Wilfrid  de  Fonvielle) 437 

Histoire  biblique.    Ancient  History  from   the  Monuments.    The 

History  of  Babylonia  (George  S/mï/i,  edit.  Beu.  A.  Sayce).  ...  60 
Histoire  ecclésiastique.    Les  Preniiers  convertis  au   christia- 
nisme (l'abbé  A .  Laurent) 390 

Les  Eglises  du  monde  romaiu  (R.  P.  Do7n  François  Chamard).     .     .  61 

Der  Bruif  des  Jnlius  Africanus  an  Aristides  {Fried.  Spitta)     .     .     .  433 
Die  Zeit  des  Iscnatius  und  die  Cnronologie  der  Aatiochenischen 

Bischofe  bis  Tyrannus  (A.  Harnack) 240 

Le  Pape  saint  Grégoire  VII  et  l'empereur  d'Allemagne  Henri  IV.     .  401 

Pie  IX;  sa  vie,  sa  mort  (/e  cornue  d'7rfei;i7/e) 233 

Le  Pape  Léjn  XIII,  sa  vie,  son  élection  (trad.  de  l'abbé  Ant.  Ricard)  410 


—  oG8  — 

Hagiolo^ie.  Légende  de  s.iinle  Calheriuo  J'AUxandrie 401 

Ordres  relîjçîeux.    Le   Révéreud  Père   de   Poulevoy,  de  Ja    com- 
pagnie de  Jésus.  T.  II  (/e  P.  A/ea?.  déGabriac).     ." 241 

Pierre  Olivaint  prêtre  de  la  Compagnie  de  Jésus  (R.  P.    Clair)  .     .     b09 
Vie  de  M""  de  la  Rochefoucauld,  duchesse  de  Doudeauville,  fonda- 
trice de  la  Société  de  Nazareth 154 

Hérésies.  Histoire  de  la  persécution  religieuse  à  Genève.  Essai  d'un 

schisme   par   l'Etat 172 

Histoire  romaine.    Histoire  des  Romains  depuis  les  temps   les 

plus  reculés  jusqu'à  l'invasion  des  barbares  (y.  Di(?'i/î/).     .     .     .     509 
Five  Lectures  on  the  city  of  ancient  Rome  {Rev.  II.  Formby).     .     .    434 
Histoire  moderne.  La  Renaissance,  études  histoi'iques  {le  comte  de 

Gobineau) 513 

Histoire   contemporaine.     L'Année     politique,     1877    (André 

Daniel) 459 

Répertoire  politique,  historique  et  littéraire  (Ch.  Valframbert).  .     . 
Questions   contemporaines.    Aperçu  sur  la   société  moderne 

[Jules  de  Cacheleu) 452 

Voyage  au  paj^s  du  bien  [Falbert  Dumonteil) 

AUarme  pei  cattolici  [Luigi  Nicora) 233 

Le  Conclave  et  le  Pape  {Mgr  X.  Barbier  de  Montaiilt] 530 

La  Fin  de  l'anarchie  {Ch.  Bigot) 

Tout  le  monde  croit  aux  miracles  {le  comte  de  Champagny)    .     .     .    4.t9 
La  Question  religieuse  et  la  solution  protestante  {Eug.  Ùéveilland).     459 

La  Guerre  aux  jésuites  (/e  E.  P.  Félix) 255 

Curés  et  Prussiens  (J.  Villefranche) 173 

Le  Fonds  des  reptiles  {H.  Wuttke,  iraà.  de  B.  Pommerol).     .     .    .     158 

La  Question  d'Orient  {Emile  Collas) 351 

Premières  lettres  à  MM.  les  membres  du   Conseil  municipal  de 

Paris  sur  le  centenaire  de  Voltaire  [Mgr  Dupanloup) 481 

Nouvelles  lettres  à  MM.  les  Membres  du  Conseil  municipal  de  Paris 

sur  le  centenaire  de  Voltaire  (iff/r  DMpa?i/oup) 481 

Dernières  lettres  à  MM.  les  Membres  du  Conseil  municipal  de  Paris 

sur  le   centenaire  de  Voltaire  [Mgr  Dupanloup) 481 

Voltaire  {Adrien  Maggiolo) 484 

Le  Centenaire  du  grand  Voltaire  (Rusticus) 484 

Rêve  d'un  conseiller  municipal  à  propos  du  centenaire  de  Voltaire.     484 
Véritable  portrait  de  Voltaire  peint  par  lui-même  {l'abbé  Tassy).     .     485 

Epitre  du  diable  à  M.  de  Voltaire 485 

Voltaire  {Stoffels  de  Varsberg) 485 

Voltaire!  son  centenaire -186 

Frédéric  II   et  Voltaire,  dédié  à  la   Commission    du  centenaire 

{Vabbé  V.    Benard] 486 

Centenaire    de   Voltaire.  Appel  au  bon  sens,  à  l'honneur  et  au 

patriotisme  des  hommes  dn  tous  les  partis 486 

Souvtinir  du  centenaire,  avec  portrait  de  Voltaire 487 

L'Homme  du  centenaire  :  le  Patriote,  l'Ami  du  peuple,  son  désin- 
téressement, sa  sincérité,  sa  mort,  l'homme  du  centenaire,  jugé 
par  J.-J.  Rousseau,  Marat,  Louis  Blanc  et  Victor  Hugo.  Le  cœur 

français  de  Voltaire.     .     • 486 

Voltaire.  Œuvres  choisies,  édition  di;  centenaire 487 

Histoire  de  France.  Procès  des  Templiers  (/'ciôôé  Léon  iVeueu).    .     174 

Jean  de  Vienne  {le  marquis  Terrier  de  Loray) 435 

La   Domination  bourguignonne  à  Tours  et  le  siège  de  cette  ville 

{Delaville  L,  Roulx) 74 

Le  Livre  d'or  itançais  :  la  Mission  de  Jeanne  d'Arc  {Frédéric  Gode- 

f'oy) 245 

La  Famille  d-^  Jeanne  d'Arc  (£.  de  Bouteiller  et   G.  de  Braux).  .     .511 
Le  Seizième  siècle  en  France  (A.  Darmestete?'  et  Adolphe  Eatzfeld).     334 


—  èiCO  — 

Les  Ducs  de  Guise  et  leur  éjioque  (7f.  FûJîiero??) 337 

Lellivs  d'Antoine  de  Bourbon  et  à  Jehanne  d'Albret  {le  marquis  de 

Rochambeau) 438 

Mémoires-Journaux  de  Pierre  de  l'Estoile.  T,  IV oi3 

La  Fronde  angevine  (A.  DeèiVZoMr) 517 

Le  Cardinal  de  Hetz  et  l'affaire  du  chapeau  (R.  Chantelauze).    .      ,  514 

Souveni's  du  règne  de  Louis  IV.  T.  VI  [le  comte  de  Cosnac)  .     .     .  338 

Louis  XIV  et  Strasbourg  (A.  LegrcUe) 439 

La  Diplomatie  française  au  dix-septième  siècle.  Hugues  de  Lionne 

(J.  Valfrcy).  .     l H2 

Mémoires  du  duc   de  Saint-Sioaon.  T.  XX  [Chéruel  et  Ad.  Régnier 

fils).     .^ 64 

L'Esprit  révolutionnaire  avant  la  Révolution  [Féli^E  Rocqnain).  .     .  440 

Lettres  de  la  marquise  du  Châlelet  (Éd.  Eiig .  Asse) ,     ....  bI8 

Les  Origines  de  la  France  :  la  Révolution.  T.  I"  (//.  Taine) .     .     .  339 

Fouquier-Tinvilie  et  le  tribunal  lévolulionnaire  (Domengei).     .     ,  442 
Le  Portefeuille  d'un  général  de  la  République  {Alfred  de  Besan- 

cenet) 63 

Le  Procès  des  ministres,  [830  (Er^iest  Daudet) 66 

Histoire  de  la  monarchie  de   juillet,  de  1830  à  1848.  T.  I"  (Fîcior 

du  Bled) 443 

Histoire  civile  et  politique.  Les  Eléments  de  l'ancienne  cons- 
titution française  (T*.  t\7;ieO 136 

Essai   sur   les  réformes  des  institutions  politiques   de    la  France 

{Joseph   Ebor) 346 

Etudes  stir  le  régime  financier  de  la  France   avant  la  Révolution 

de  1789  {Ad.  Vuitry) 246 

La  Vie  de  province  au  dix-huitième  siècle  {linatole  de  Gallier)  .     .  155 

Le  Village  sous  l'ancien  régime  (A  .  Babeaii) 155 

Les  Lieutenants  des  maréchaux  de  France  {marquis  de  Belleval).     .  174 
Histoire  des  provinces.   Les  Comtes  et  le  comté  de  Soissons 

{Ed.  de  Barthélémy) 447 

Notice  historique  sur  les  terres  et  seigneuries   de  la  Borde  et  de 

Montdidier  {la  baronne  A.  de  Girard-Vczenobre) 455 

Chronique  de  l'abbaye  de  Saint-Pierre  le  Vif  de  Sens  {G.  Julliot)  .  444 

La  Chartreuse  <te  Valbonne  (L.  Bruguier-Roiire) 74 

Etudes  économiques  sur  l'Alsace  ancienne  et  mederne  {Vabbé  A. 

Hanauer) 248 

La  Grèce  et  l'Orient  en  Provence  (Len^/iéric) 420 

Servières  et  son  petit  séminaire  {l'abbé  J.-B.  Poulbrière).     .      .     .  173 

Une  page  ignorée  de   l'histoire  de  Tulle  (l'abbé  J.-B.  Poulbrière).  173 

Histoire  des  colonies.  La  Martinique  (T/iéop/aVe  ffuc).      .      .      .  234 
Histoire    étrangère.    Storia  degli    Italiini.    T.   XIV-XV   (Cesare 

Caniù) 448 

Victor-Emmanurl  (/e  cornue  dTtia77/e) 529 

Histoire  de  la  Confédération  suisse  (L.  Vulliemin) 342 

Vienne  et  la  vie  viennoise  (Victor  Tissot) 344 

Histoire  de  la  civilisation  heliénique  (Papamt/opoit^o) 243 

Li  Grèce  telle   qu'elle  est  {Pierre  Moraïtinis) 345 

La  Vie  do  province  en  Grèce  {le  baron  d'Estournelle  de  Constant).      .  530 

La  Palfstir.e  et  le  Sinaï  {V.  Hitrovo) 321 

Une  semaine  en  Pa\e<i\ne  {V.  Hitrovo) 521 

Jérusalem  et  la. Palestine  dans  la  littéraiure,  là  science,  la  pein- 
ture russes  et  dans  les  traductions  (S.  Ponomavei) 321 

Sinaï  et  Palestine  (D.  Smychiaicv) 521 

Archéologie.  L'Age  de  la  pierre  dans  1rs  souvenirs  et  supersti- 
tions populaires  {Emile  Carthailhac) 449 

Recherches  archéologiques  sur  les  colonies  phénicienmes  établies 

sur  le  littoral  de  la  Celtoligurie  {J.-J.-L.  Barges)     .     ,     .     ,     .  242 


—  570  — 

Les  Ex-Voto  du  lemple  de  Tanit  à  Carihage (P/iiVtppe  Berger).     .  160 

La  Fiance  archédogiqurt  [Bclisaire  Ledain) 67 

Monographie"  de  la  cathéJrale  de  Oainii)er  {R.  F.  Le  Men)  ...  68 

L'Ei^lise  de  Sainl-Pierr-i  de  Beaulieu  {l'abbé  J.-B.  Poulbrière).     .     .  175 

Promenade  à  Gimel  (Corrèze)  (ra66é  J.-B.  Pû)t/6nere) 175 

La  Panagia  du  dôme  de  Sirasbourg  (Gasiûw  Save) 173 

Histoire  nobiliaire,  Enciclopedia   araldico-cavalleresca   {Gofredo 

di   Crollenza) 524 

Gli  emblemi  d^i  Guelfi  e  Ghibellini  [Gnfredo  di  Crollanza).     .     .     .  524 
Mélanj^es  Les  Curiosités  de  l'histoire  :  le  Rov  des  Ribauds  (Ludovic 

Pichon) ' 250 

Les  Con)ptes  des  bâtiments  du  Roi  [le  marquis  Léon  de  Laborde).     .  227 

Bîo^rapliîe.    Souvenirs  d'nn  magivtrat  {A.-L.  Martin) 171 

Le  Travail  d'une  âme  (Mme  Aug.  Craven) 251 

Histoire  d"une  vocation.  M"'  JNicanora  Izarié  [le  K.  P.  Lescœur).     .  530 
Olbliograpliie.    Lectures   on   the   manuscripi  Materials  of  ancient 

irish  history  (Eug.  O'Cwrr?/) 450 

Inventaire  alphabélique  des  livres  imprimés  sur  vélin  de  la  Biblio- 
thèque nationalfî  (Fan  Praef)  167 

Lettres  d'un  bibliophile  (15' série)  (J.-P.-A.  JUadden) 165 

Tablettes  littéraires  des  b-bli^philes  de  Guyenne.  T.  II,     .     .     .  161 
Catdngue  systématique  des  livres  russes  pour  les  années  1875  et 

1876   [V.  Méjov) 451 


TABLE   DES  AUTEURS 


Aberle  (le  Dr  M.    V,).    .    . 

Accolas  (Emile.) 

Aladet 

Alzog  (le  Dr) , 

A^■coNA  (Aies?,  d') 

Antoine  (Charles) 

Apulée 

Assolant  (Alfred) 

Acbryet  (Xavier) 

AUDOYNAUD  

AviNO  (abb.  V,  d')  .  .  .  . 
AvoR  (Gabrielle  d').    .    .    . 

Babeau  (A.) 

Banxing  (E.) 

Barbey  d'Aurevilly  (J.).    . 

Barbier  (Mlle) 

Barbier  de  Montault  (Mgr) 
Bardenhewer  (Otto).  ,  .  . 
Barges  (l'abbé  J.  J.  L.).  . 
Barthélémy  (A.  de).  .  .  . 
Barthélémy  (Ed.  de)  .    .    . 

Bavelier  (A.) 

Bayle  (l'abbé) 

Béchamp  (A.) 

Belleval  (le  marquis  de)  . 
Bellune  (l'abbé  de)  .  .  . 
Benard  (l'abbé  V.) .    .    .    . 

Benoit  (Emile) 

BÉOR  (L.) 

Berger  (Philippe) 

Bernard-Derosne  (Ch.)  .  . 
Bernardin  de  Saint-Pierre. 


105       Berseâux  (l'abbé) 486 

325      Bertrand  (l'abbé  L.) 58 

458  Besa.nxenet  (Alfred  de)  .    .  35  65 

488  Be^nf.ray  (Mlle  Marie  de)  .    .    .  407 

507       Besson  (M^r) 000 

308  BicKELL  (le  Dr  Gustave)   ....  47 

2;3      Bigot  (Ch.) 000 

302      Bizos  (Gaston) 146 

456       Balzac  (H.  de) 120 

528      Bled  (Victor  du) 443 

487      Bluntschli 50 

20       BoGOR  (Maàe) 37 

155  BoisHAMON  (Claarles  du)  ....  13 

151       Boiteux  (Jules) 214 

349      Bonnaffé  (Edm.) 419 

409      Bonnefoy  (Marc) 123 

53!)      Bonsergent  (Alfred) 452 

104      Bosco  [Sac.) 402 

242      Bosquet  (Emile) 305 

13       HouGAUD  (l'abbé  Em.) 318 

447       Bouteiller  (E.  de) 511 

312       Boutroux  (E.) 319 

101       Bouvier  (le  Dr  Louis) 324 

218       Braux  (G.  de) 511 

174      Bréal  (Michel) 501 

395      Brugnikr-Roure  (L.) 74 

486       Buet  (Ch.rles) 16  290 

308       Buis  (l'abbé) lU 

122       Bdrxaby  (Fred.) 350 

160      BussEuiL  (J.  B.) 347 

32      Caccianiga  (A.) 32 

233      Cacheleu  (Jules  de) 452 


—  57i  — 


Calmette  (G.) ''^ 

Cambier  (L.) ^8 

Cameron  (le  commandant  V.  L.)  lo2 

Canet  (V.) ^3<5 

Canivet  (Charles) 34 

Cantu  (César) 448 

Cappeau  (Placide) Hâ 

Carle  (G.) 3^'9 

Carthailhac  (Emile) 4^f9 

Cazin(A.) 1"<^ 

Chachian  (Bedros-Th.) 308 

Chaillé-Long  (le  colonel)   ...  73 

CHAMARD(le  R.  P.  Do...    Fran-  514 

çois) ^' 

Chambaud  (l'abbé) H7 

Champagny  (le  comte  de) .  ,  .  .     439 
Chandenedx  (Claire  de)  ...    .       i8 

Chantelauze  (R.) 314 

Chantrel  (J.) 293 

Charaux  (Ah  g.) 000 

Chautard  (Ch.) 327 

Cherbuliez  (Victor) 23 

Chérdel *54 

Chevallier  (E.) 313 

CH0CARNE(leR.  P.) 387 

Chrétien  (Victor) 118 

Clair  (l'abbé) 101 

Clair  (le  R.  P.  Ch.) 309 

Claretie  (J.) 233 

Coeur  (Pierre) 42 

Collas  (Emile) 331 

Constant  (Benjamin) 233 

Constant  (Cl.) 314 

CoRDiER  (Max) 434 

CosNAc  (le  comte  de) 338 

Craven  (Mme  Aug.) 231 

Crollanza  ((iofredo  de)  ...   .     524 

Daburon  (F.) 302 

Dameth  (H.) ^14 

Daniel  (André) 419 

Darmesteter  (A.) 334 

Dacdet  (Alphonse) 23 

Daudet  (Ernest) 28      66 

Debidour  (A.) 517 

Degeorge  (Léon) 499 

DeLAVILLE  LE  RouLX 74 

Delsol  (J.  j.) 493 

Deslys  (Charles) 41 

Deulin  (Charles) 29 

Devic  (Marcel) 229 

Didier  (Edouard) 297 

Dieu  (Léon) 32 

Domenget 442 

Domini  DE  Feret  (G.) 233 

Drohojowska  (Mme  la  comles-e)     292 

Dubois  (E.) 309     314 

Duuonteil  (Fulbert) 526 

Ddpanloup  (Mgr) 481 

Durand  (l'abbé) 348 

Dchuï  (V.) 309 


HUVEYRIER  (H.) 424 

Ebers  (Georges) 304 

Ebor  (Joseph) 346 

EcKouD  (Georges) 122 

Enault  (Louis) 25    291 

Eschbach  (le  P.  A.) 433 

Ernouf  (le  bax'on) 531 

Estienne  (Jean  d') 99 

EsTOURNELLE  DE  CONSTANT  (le  ba- 
ron d') 330 

Ethampes  (Mlle  Gabrielle)  ...     407 

Fabiani  (Horace) 173 

Fauconnet  (le  baron  de).   .   .   .       43 

Favre  (l'abbé) ^IS 

FEUX  (le  R.  P.) 233 

Fenet  (C.) 311 

Fertiault  (Mme  Julie) 72 

Feuillet  (Octave) 21 

FÉVAL  (Paul).  6  et  suiv.  294  295     326 

Flaubert  (Gustave) 44 

Fledrigny  (H.  de) '21 

Flocrner  (le  Dr  Cari) 100 

Fonvielt.e  (Wiltrid  de)  ...    .     437 

Foruby  (Rev.  H.) 434 

Formeron  (H.) 337 

FOURNEL  (V.) 632 

Fournier  (Edouard) 413 

FoussÉ  DE  Sage  (Mme) "3 

Fraie  (Edm  ) IJO 

Freppel  (Msr) 1**! 

Gabriag  (le  r.  p.  A.  de).  ...  241 

Galuer(A.  de) "135 

Gapp(J.) 491 

Gaudry  (Alb.) 322 

Gautier  (Léon) ■^36 

Gautier  (Mme  Léon) 458 

Gebhaudt  (Oscar) 16^ 

Gebhandt  (Oscar  de) 220 

Gheur  (J.) l4o 

GiHR(leDrNikolaus) 221 

Gilbert  (Ph.) 223 

GiLLiÉRON  (Alfred) ^^l 

Girard- Vezenobre  (laBne  A.  de)    43o 

Gobineau  (le  comte  de) S13 

Goblet  d'Alvielxa  (le  comte).   .     333 

Godefroy    (Frédéric) 243 

Goemaere  (l'abbé  A.) 393 

Gondry  du  Jardinet  (J.).    .13      20 

Gontcharoff  (Ivan) 29 

Gonzalès  (Emmanuel) 301 

Gonjet 131 

GooLiN(Fr.) 1*9 

Gréville  (Henry) 30     30o 

GRiLUWiTZER(le  Dr  Alex.)  .    •    •     433 
Guerrier  de  Haupt  (Mlle)  .   19     408 

Gutberlet  (le  Dr  C.) 102 

GuTTLER  (Cari) 98 

Halévy  (J.) 49 

Hanaukr  (l'abbé  A.) 248 


—  572 


nAn.\ACK(A.) 12G,  220  240 

Hartmanx  (Ei.  de) 199 

llARTSliN   ^A.) 210 

Hartsex-  (F. -a.) 453 

IIatzfeld  (Adol(ihe) 334 

IIal'momt  (Louis) 43 

HÉiiEUT  (l'abbé) 391 

Hello(E.) 493 

Hen'uion  (Victor) 406 

Hepuell 3oO 

Herbebt-Si'Excer 49 

IIéricadlt  (Ch  d') 29S 

IIeruans  (U.  p.  Berlin)  ....  398 

HiPPOLYTE  (Saint)  , 104 

HiTROvo  (V.) o21 

HoppE  (J.-.I.) 133 

IIoussay  (F.) 405 

ilûviNE  (l'abbé) 117 

Hue  (Théoohilf^) 254 

HuRDEBisE '(l'abbé  G. -J.)  .    .    .    .  389 

Ideville  (le  comte  d').    .    .  253  529 

Jacqmin  (F.) 498 

Janet  (Paul) ;    .    .    .  20(5 

Janin  (Clément) 239 

Jeanvrot 309 

JoLY  (A.) 145 

Jl'lien  (Adolphe) 54 

JuLLioT  (G.) 444 

JussERAND  (Jules) 422 

Laborde  (le  marquis  Léon  de)  .  227 

Labutte  (A.) 13 

La  Fizeltère  (de) 239 

Lafo.nd  (le   comte) 118 

La  Landelle(G.  de) 41 

Lander  (Jpan) 20 

Lapeyre  (Paul) 410 

Lapommeraye  (Henri  de).    .    .    .  234 

Laprade(V.  de) 125  327 

LARGENT(le  R.  P.) 493 

Larochekoucauld  (A.    de)   ...  122 

La  Rochère  (Mme  la  comf  de).   .  405 

Larroque  (P.) 527 

Lasserrk  (Henri) 520 

Launay  (Alphonse  de) 299 

Launay-Overney  (J.  de)   ....  20 

Laurence  (G. -A.) 32 

Laurencin  (Pan!) 171 

Laurent  (l'abbé  A.) 330 

Lavergne  (Mme  Julie) 20 

Le  Bhilton  (Mme  J.) 325 

Leclercq  (Jules) 73 

Ledain  (Bélisaire)  . 67 

Le  Fi-.bvre  (Victor) 40 

Legoyt 252 

Legrelle  (A.) 439 

Lehr  (Ei'nest) 495 

Léman  (Abbé:-) 107 

Le  m  en  (R.-F.) 68 

Lenthéric 426 

Lescœur  (le  R.-P) 530 


Lescœur  (Ch.) 495 

Lescuyer  (P.)  .    ...'.....  2;il 

LiGHTFOOT  (J.-B)   ...'....  46 

LiTTRi':(E.) ■;  229 

LotzELLiER  (l'abbé  F.)  ....    .  403 

LoREAU  (H.) 152 

LuBOMiRSKi  (le  Prince  J.).    .    .    .  300 

Madden  (J.-P.-A.) lt:5 

Maggiolo  (Adrien) 484 

Maguin  (Henri) 497 

Maillet  (Eusr.) 412 

MANNiNG(S.E.leCardinal.H.  E.)  393 

Manzoni(A1.) 504 

Marcel  (Etienne)  .......  13 

MARiiciiAL  (Mlle  Marie)  .    .    .    18  404 

Margollé 70  348 

Maricourt  (René  de) 35 

Maruottan   (P.) 121 

Marqcigny(R.-P.) 506 

Martin  (A. -L.) 171 

Maryan  (Mme) 293 

Maunoir(E.) 424 

Mauroy  (A.) J20 

Maury  (F.) 70 

Maynard  (Id  chevalier  de)  .    .   .  252 

MÉJOv  (VI.) 425  451 

Menendez  Pelayo 327 

Mérat  (Albert) i20 

Meiîger 131 

Merlet  (Gustave) 147 

Meruu.lod  (Mgr) 458 

Mey  (G.) 491 

Meyer  (P.) 195 

Michel  (Fr.) 330 

Miciîelan  (H.) 196 

MiGLioR(Fr.) 97 

Millet  (A.) 311 

MiLLiF.v  (Achille) 331 

Montaiglon  (Anatole  de)  .    .   55  232 

MoNTÉPiN  (X.  de) 37 

MoNY  (S.) 53 

MoRAÏTiNis  (Pierre) 345 

MoRiLLOT  (André) 435 

Moullart(A.) 307 

MuMFORD  (Ir;  P.  Jacques).    .    .    .  401 

Navi:ry  (Rioui  de).    .    .    13,  15  16 

Neteler  (le  Dr  B,) 101 

Neveu  (l'abbé  Léon) 174 

NicoRA  (Luigi) 253 

NlSARD  (Cil.) 336 

NisARD  (D.) 420 

NoLEN(D.) 199 

Normand  (J.) 196 

NrNzoï  Nasi  Virgilio 347 

O'CuRRY  (Eug.) c   .  450 

Ogier  d'Ivry 123 

Otto  (J.-C.  Th.  de) 315 

0/.ANAM  (F.) 34!) 

Paparrigopoclo 243 

Papillon  (Fernind) 213 


—  o73  — 


Paris  (C.) 193  194 

Pascal  (le  R.  P.  Vincent  de)  .   .  i!J2 

Paz  (Abdon  de) 222 

Pecci  (Son  Em.  le  Cardinal)  .   .  410 

PÉLIGOT  (E.) 138 

Pelletan  (Eugène) 39 

Pei.ucani  (P.Ant.) 487 

Pertuiset  (E.) 2b2 

Petit  (Fernand) 72 

Petitalot  (le  R.  P.) 128 

Pkyre  (l'abbé) 399 

Peyebrune  (Georges  de)     ...  306 

Picard  (Germain).    ......  125 

PiCHENOT  (Mgr) 610 

PiCHON  (Ludovic) 2'60 

PicQUÉ  (JHDr) 4;ii 

Picus  (l'abhé) 394 

PiNAMONTi  (le  p.) 399 

Piolet  (Cb.) 308 

Plkssix  (H.) .   .  4o3 

Poitiers  (.Jean  de) 39 

POMMEROL  (B.) lo3 

POXOM.VREV  (S.) o2! 

Pons  (A.) 233 

Poxt-Jest  (René  de) 37 

Pontmarti.\  (A.  de} 238 

PosTEL  (l'abbé  Y.) 130 

PouLBRiÈiiE  (l'abbé  J.-B.).    .    .    .  175 

PouLiN  (Frédéric) 235 

Prévôt  (Gabriel) 35 

PuissAN  (Mme  C.-E.) 111 

Puymaigre  (le  comte  de).    ...  71 

QuiNEï  (EgJ.)  ........  421 

Rampal  (Benjamin) 528 

Rapisardi  (Francesco) 176 

Rayon  (Desyr) 123 

Régnier  lils  (Ad.) 64 

Renaud  (G.) 196 

Reusch  (le  Dr  Fr.  H.) 100 

Réveillaud  (Engène) 459 

Reynaud   (Paul) 210 

Rhonk  (Arthur) 429 

RiiîADENEiRA  (P.  Pedro  de).    .    ,  397 

Ricard  (l'abbé  Ant.) 410 

Riche  (A.) 212 

Reidmatten  (Arm.  de) 50 

Ristelhuber  (P.) 116 

RoBERjoT  (Anna) 124 

Robert  (T.) 194 

RocHAMBEAu  (Ic  marquis  de)  .   .  438 

RocQUAiN  (Félix) 440 

Rolland  de  Villargues.   ...  312 

RoMussi  (C.) 504 

Rondelet  (Aulonin) 140 

RosNY  (Léon  de) 230 

RoTHscun.D(J.  de) 232 

RoLBEN  DE  Couder  (J.)   ....  131 

Roux-Ferrand 108 

RozY j70 

RuBjÉRi(Ern.) 57 


RusTicus 484 

Saint-Patricl: 37 

Saint-Remy  (Jules) 254 

Sand  (George) 30.3 

Sarrau  de  Boynet  (A.  de).    .    .  3H 

Saulcy  (F.  de) 108 

Save  (Gaston) 173 

SAXE(M:irécbal  Maurice  comte  de)  22.5 

Sayce  (Rev.  A.) 00 

ScHANz  (le  Dr  Paul) 105 

Scueler  (A.)   .    .    .    .   196,  197,  198 

Schneider  (le  Dr) 528 

Schrader  (le  p.  Cl.) 409 

Schulze-Delitzsch 528 

ScHURÉ  (Ed.) 121 

Scupoli  (le  P.  Laureni)  ....  401 

Secchi  (le  p.  a.) 325 

Seguin  (Alfred) 297 

Ségur  (Mgr  de) 402 

Sepet  (Marins) fi3 

Sernin-Castex  (B.) 212 

Simonin   (L.) ~\ 

Smychlaiev  (D.) 521 

Snieders  (A.) 32 

SOLVAY  (L.) 121 

SoREL  (Albert) 35 

Spitta  (Fried.) 433 

Spol  (E.) 108 

Stoffels  de  Varsberg 485 

Stolz  (Mme  de) 406 

Stuart-Phelps  (Elisabeth").    ,    .  32 

Taine  (IL) 339 

Tamizey  de  Larroque  (Ph.).  .  .  332 

Tassy  (l'abbé) '.  .  .  485 

Ta VAREL  (Clément) 498 

Terrier  de  Loray  (le  Marquis) .  435 

Théry  (A. -F.) 125 

TiscHENDORF  (Constant  de).   .    .  219 

Tissot  (Viclor) 344 

TOURNAFOND  (P.) 531 

TouRON  (le  p.  P.  Ant.)  ....  400 

TuucAN  (l'abbé  R.) 403 

UssEL  (le  Vicomte  Ph.  d").    .    .  149 

Vacandard  (l'abbé) 316 

VALFRAMBERT(Ch.) 519 

Valfrey   (J.) 62 

Vannier  (IIip[)  ) 454 

Van  Praet 167 

Vazelhes(E.  de) 310 

Véra  (A.) 209 

Verne  (Jules) 42 

Verniolle  (l'abbé  J.) 69 

Veuillot  (Louis) 17  234 

Viel-Lamare  (H.) 454 

Villard  (E.) 124 

Villefranche  (J.) 173 

Villey  (E.) 311 

Vuérat 308 

VuiTRY  (Ad.) 246 

Vulliemin    (L.) 342 


—  574  — 


WAiLLY(Et.  Aug.  de) 327 

Wailly  G.-G.   de) 327 

Willibald-Beyxhlag   (le  Dr).    .  106 

WoELMONT  (le  baron  A.  de)  .    .  3"i0 

WoGAN  (le  baron  de) 299 

WUTTKE  (H.) io8 

Wyville  Thomson  (Sir  G.)  .   .   .  431 


Yger 116 

Yrtal  rCh.) 113 

ZahnITh.) 220 

Zeller  (Ed.) 319 

ZscHOKKE  (le  Dr  Herraann),   .   .  103 

ZURCHER 70  348 


TABLE  DES  VARIETES 


Les  publications  de-  la  Camden  So- 
ciety, par  M.  Gustave  Massori,  75, 
351.  —  Publications  de  la  Cla- 
rendon  press,  par  M.  Gustave 
Masson,  255.  —  A  propos  d'amé- 


ricanisme, par  M.  Baumfeld,  357. 
—  Les  Bibliothèques  di=!s  Etiis- 
Uois.  par  M.  J.  Vaesen,  460,  533.— 
Une  lettre  inédite  de  Voltaire,  par 
M.  Jules  Courtet,  543. 


TABLE  DE  LA  CHRONIQUE 


Nécrologie  :  Alzog  (J.  B.),  545.  ~ 
AsPER  DE  BoAÇA  (le  baron  Frauçois), 
363.  —  AssELiNE  (Louis),  548.  — 
AuBRY  (François-Auguste),  270. — 
AuDiFFRET  (Gh.  L.  G.  marquis  d'), 
464.  —  AuRELLE  DE  Paladines  (le 
général  d'),  83.  —  Baraxte  (M"*  la 
baronne  de),  83.  —  B.\iith  (le  D' 
J.  B.  Ph.),  83.  —  Baudissln  (le 
comte  Wolf-Henri  Fr.  Charles),  467. 

—  Becquerel  (Ant.  César),  176.  — 
Belgrand  (Eugène),  463.  —  Benoist 
(Adolphe),  83.  —  Bères  (Emile), 
82,  —  Berge  (Camille  de  la),  364. 

—  Bernard  (Claude),  270,  358.  — 
BERTHiER(Huguet),270.  — Berthier 
(le  D'  Pierre),  269.  —  Bichi-Bor- 
GHiARi  (Scipion),  367.  —  Bore  (Eu- 
gène), 544.  —  Bouchard  (le  D'), 
469.  —  BouTARic  (Edgard-Paul),79. 

—  Brame  (Jules  Louis  Joseph),  268. 

—  Brossais  Saint-Marc  (Mgr  Gode- 
frov),  361.  —  Cap  (Paul  Antoine), 
269.  —  Cappeau  (Placide),  180.  — • 
Caylus  (J.  B.  E.),  4li9.  —  Chéruel 
(l'abbé  P.  Paul),  363 .  —  Courbet 
(Gustave).  83.  —  Cousin-Montau- 
BAN,  comte  de  Palikao  (le  général 
Ch.),  83.  —  Croiset(G.  E.  C.),83. 

—  Cruikshank  (Georges),  364.  — 
Daubigny  (Ch.  P.),  367.  —  Deberle 
(Alfred),  83.  —  Demoi.ière  (Hippo- 
lyte- Jules),  81.  — Desmoulin  (Adol- 
phe), 180.  —  Dietl  (le  D-- Joseph), 
266.  —  DoLZELL(N.  A.),  469.  — 
Donné  (Alexandre),  364.  —  Doran 
(le  D'),  180,  363.  —  Dours  (M^r  J. 
P.  J.),  363.  —  DuGAS  (le  P.  Joseph), 


82.  —  Ehrard,  367.  —  Ferrero, 
marquis  de  La  Marmora  (Alphonse), 
267.  — FoRBiGER(A.),  469.  —  Gail- 
lard (Léon),  469.  —  Gautier  (Eu- 
gène), 469.  —  GiGNoux(Mgr  Joseph 
Armand),  362.  —  Ginestous  (M.  A. 
vicomte  de),  366.  —  Gintrac  (le 
D'  Elle),  266.  —  Goodwin  (G.  W.), 
469.   —  Grossebach  (Ernest),  469. 

—  Guilhermy  (R.  Fr.  M.  N.  baron 
de),  465.  —  Guillory,  467.  —  Has- 
souN  (Brisk-Allah),  469.  —  Hoffman 
(le  D'),  469.  —  Huzard(J.  B.),  464. 

—  Janin    (François  Eugène),  269. 

—  JoLY  (Adolphe),  469.  —  Jotte- 
rand  (Lucien  Léopold),  268.  — 
Lacurie  (l'abbé  J.  L.  A.),  466.  — 
La  FARE(le  comte  A.  J.  E.  de),  180. 

—  Lamy  (Auguste),  364.  —  La 
Saussaye  (de),  270.  —  La  Saussaye 
(J.  Fr.  de  Paul  Louis  de)  362.  — 
Leitzmann,  367.  —  Lemire  (P.  N. 
Jules),  270.  —  Levot  (Prosper- 
Jean),  267.  —  Ligondès  (Eugène 
de),  469.  —  Liltrow  (Charles  de), 
270.  —  Loméme(L.  L.  de),  465.  — 
Malagutti  (Faustin),  466.  —  Mars- 
hall (Thoma5-^Yilliam),  270.  — 
Martinet  (Achille),  180.  —  Mayer 
(Robert  de),  367.  —  Minutoli  (Carlo), 
367.  —  Moerikoser  (J.  B.),  270.  — 
Monier  de  la  Sizeranne  (P.  j.  A.  H.,) 
178.  —  Montal-Vnd  (Philippe),  180. 

—  Montgouerie  (le  colonel  T.  G.), 
469.  —  Patin  de  La  Fizelière  (Al- 
bert), 268.— Pavy  (l'abbé  L.C1.),179. 

—  Pie  LX,  Mastaï  (J.  M.  J.  B.  P.  P. 
J.  Sa  Sainteté),  259.  —  Piel  de 


—  573  — 


Troismonts  (Ch.),  83.  —  Pommerais 
(Louis  François),  468.  —  Poulet- 
Malassis  (Aug.  P.),  260.  —  Rasch 
(le  D'  Gustave),  367.  —  Raspail 
(François -Vincent),  177,  367.  — 
Regnault  (Henri  Violor),  176.  — 
RiBAN,  469.   —  Rios  (.J.  A.  de  los), 

366.  —  RoMA.NO  (le  P.  Joseph),  468. 
—  RoPAETz  (Sigismond),  547.  — 
RouGEviN  (Auguste),  469.  —  Roulez 
|J.  E.  G.),  366.  —  RoussELLN  Cor- 
beau DE  Saint-Albix  (comte  Hor- 
tensius;,364.  —  RoussET(lldefoase), 

367.  —  Roux  (le  D"-  Jules),  83.  — 
RoYER(P.  H.  E.  de),  179.  — Ruelens 
(MraeC),  367.  — Rydquist  (Johan- 
Erik),  270.  —  Scar abelli  (Luciant), 
367.  —  ScoLPis  DE  Salerano  (le  comte 
Frédéric),  365.  —  Scrugli  (Filippo), 
367.  —  Secchi  (le  R.  P.  Ange),  270, 
360.  —  Seré  (Henri  de),  366 .  —  Se- 
MiEXSKi  (Lucien),  178.  —  Stourm 
(Eugène),  270.  —  Tecffel,  469.  — 
Théry  (Fr.  Aug.),  362.  —  Tscha- 
BucHNiGG  (Ritler-Adolfe  von).  83.  — 
Vang  (Anders  Eidvinson),  469.  — 
ViGNAL  (Amand),  469.  —  Vinet  (Ch. 
E.),  264.  —  Yiollet-Leduc  (Adol- 
phe), 366.  — \Yailly  (Gabriel-Gus- 
tave de),  467.  —  WiLsoN,  469.  — 
WoRNUJi  (Ralph),  270.  —  Wright 
(Thomas),  82.  —  Yvert  (Eugène), 
367. 

In-tiiui,  83,  271,  367,  469,  548. 

Faculté  des  lettres,  84,  180,  368,470. 
549. 

Bureau  des  longitudes,  84. 

Muséum  d'histoire  naturelle,  549. 

Ecole  des  Chartes.  274,  368. 

Concours,  180,  369. 

Congrès,  368,  473,  549. 

Réunion  des  Sociétés  savantes  à  la 
Sorbonne,  470. 

Association  pour  l'enseignement  des 
études  grecques,  473. 

La  Commission  royale  d'hisloire  du 
Belgique,  372. 

Le  British  Muséum,  552. 

S  .ciété  de  géographie,  181. 

Académie  des  Jeux  lloraux,  551. 

Siciélé  de  l'Histoire  de  France,  473. 

Société  des  publications  populaires, 
181.^ 

Sociétés  savantes,  558. 

Lectures  laites  aux  Académies,  84, 
181,274,  371,  473,  552. 

Mélanges  scientifiques  :  L'annuaire 
de  l'économie  sociale,  378.  —  La 
Science  politique,  378.  —  L'édu- 
cation de  l'avenir,  279. 


Mélanges  philologiques  et  littéraires  : 
Les  origines  linguistiques  de  l'A- 
quitaiU'-,  8~.  —  Une  encyclopédie 
chinoise,  188.  —  Une  fée  Mélubine 
au  Dauphiné,  186.  —  Un  exemplaire 
unique  des  tdbles  dt;  Li  Fontaine,, 
375.  —  La  R  VLiH  l'Instruclion  pu- 
blique et  les  Pensées  de  Pascal,  278. 

—  Le  Mouvement  littéraire  en  Cata- 
logne eu  1877,  275.  —  La  Comedia 
de  Dante,  en  Catalan,  279.  —  Un 
poëtne  italien  sur  Lucifer,  188.  — 
Une  rectification  d'histoire  litté- 
raire :  Le  portefeuille  de  M.  L.- 
D.  F.  ***,  185. — Querelle  littéraire 
en  Sicile,  277.  —  Une  mystification 
littéraire,  276.  —  Une  fête  latine 
à  Montpellier,  182. 

Méiaiigr-s  histori'^ues  :  Statuts  de 
l'Université  d'Angers,  374,  —  Dé- 
couverte du  texte  original  du  Livre 
de  Tobie,  85.  —  Corpus  insciptio- 
num  grœcarum  de  Bœ:kn,  86.  — 
Le  Droit  du  seigneur,  88,  278,  376 . 
Cours  d'histoire  de  France  à  l'Uni- 
versité catholique  de  Poris,  184.  — 
Public. tion  des  regisres  de  la 
ville  de  Tours,  280.  —  Documents 
liistoriques  sur  le  Tarn  et  Garonne, 
47S.  —  Le  contrat  dr^  mariige  de 
Racan,  188.  —  Le  duc  de  Saint- 
Simon  et  le  cardinal  de  Gualteria, 
375.  —  Une  lettre  inédite  du  che- 
valier d  Eon,  277.  —  Un  petit- 
neveu  de  Chateaubriand,  89.  — 
M.  Taine  et  la  Revue  politique  et 
littéraire,  378. 

Mélanges  bibliographiques  :  L'éta- 
bli?sHuieut  de  l'imprimerie  daus 
le  Y'ivarais,  86.  —  Bibliographie 
et  iconographie  des  œuvres  .ie  J.-F. 
Regnard,  88.  —  Bibliothèque  sur 
Pascal,  554.  —  Une  bibliothèque 
prxvençal-i.  475.  —  La  biblio- 
thèque dr;  l'Université  d'Hai'ward, 
185.  —  Vente  de  1h  bibliothèque  de 
M.  Roberi  S.  Turn.r,  376.  — 
Y'ente  de  la  bibliothèque  de  M.  Am- 
broise  Firmin-Didot,  552.  —  L'in- 
ventaire de  la  colleciioQ  Payen,  88. 

—  Fautes  d'inifjression  du  Manuel 
du  libraire,  279.  —  Bibliographie 
des  beaux-arts,  474.  —  La  Revue  de 
philologie,  de  littérature  et  d'his- 
toire ancienne,  182.  —  Le  Bulletin 
de  correspondance  hellénique,  183. 

—  La  Gazette  russe  de  Sainl-Péters- 
tiourg,  187.  —  Annales  da  Biblio- 
theca  nacional  de  Rio  de  Janeiro, 
188.  —  La  Presse  catholique,  473. 


o7G 


Renseignemenis  divers  :  Index  expur- 
galoiiiis  anglicanns,  277.  —  Livres 
à  l'index,  273.  —  Mandements  pour 
le  cirènic,  373. 

Notes  diverses  :  Petit  armoriai  ro- 
manais  279.  —  Le  Vivarais  et  le 
Dauphiaé    aux   Jeux    tluraui    de 


Tv)-iloiise,  374.  —  Erreurs  de  la 
Revu-!  des  Deux  Mondes,  187.  — 
Une  méprise  de   M.    .Spuller,  oo.5. 

Revue--,  livres  et  .i<iurnaux,  91,  J89' 
280,  376,  476,  boo. 

Publications  nouvelle.',  92,  190,  282, 
382,  477,  bo6. 


TABLE   DE  LA   CORRESPOND.VXCE,    DES  QUESTIONS   ET  REPONSES 


AUuys  (le  peintre),  558.  —  Andorre 
(le  pays  d'),  384.  — Anecdote  napo- 
léonienne (d'une),  478  —  An^elo 
Catho  (où  et  quand  luourntj,  2S7. 

—  Annales  brèves  ordinis  Prœ- 
monstrattnsis,  93.  —  Bib'e  (tradui- 
tioa  de  la),  286,  384.  —  Bibliogra- 
phie de  Galilée,  par  M.  IL  de 
l'Epinois,  93.  —  Blois  (portrait  d>î 
Charle?  de),  191,  287.  —  Calais 
pendant  l'occupation  britannique 
(l'hislo.re  d-^  la  ville  de),  286.  — 
(Jambis  (la  collection  des  luana- 
scrits  de  M.  de),  537.  —  Carcel, 
479.  —  Cardinaux  (vie  des),  287, 
539.  — Causo  de  S.  Gili  (la),  283. 

—  Clément  (feu  M.  P.)  ot  Ondedeï, 
383.  —  Cijys?ard  (un  livre  du  P.), 
95,  384.  —  Croisade  (la)  de  1239, 
539.  —  Dépopulation  (la).  96.  — 
Dir.tionnai' e  des  synonymes,  384, 
559.  —  Dubuisson-Aubenay  (le 
Journal  de),  286  —  Editions  d'au- 
teurs classiques  mutilées  par  la 
censure  (a-l-il  été  publié,  à  l'épo- 
que du  premier  Empire,  des),  337. 

—  Fonleny  (le  poéie  X.),  96.  — 
Garde  éco.-saise  d^s  rois  de  France 
(la),  286.  —  Gor.ies  (les  Mémoires 
du  baron  d--),  287,  384.  —  Ileifs 
(un  bibliophile  du  siècls  dernier  : 
le  baron  de),  283.  —  Histoire  n'ap- 
prend rien  (V),  286.  —  Hugo  (M. 
Victor)  et  un  coup  d'Etat  qui  n'a  pas 
eu  lieu,  558.  —  habeau  et  Tal- 
lien,  286.  —  Instruction  primaire 
avant  1789  (I'),  par  M.  E,  AUain, 


283.  —  Juifs  :  Seize  cents  juifs  ont- 
ils  été  brûlés  à  \ienne  en  un  an? 
537.  —  Lombard  des  Evers,  559. 

—  Louis  XVI,  sa  mort  fut-elle  votée 
par  la  majorité  de  la  Convention? 
337.  —  l.uuis  XVII  (Vie  de),  Ço  — 
Martyrs  à>-  la  Révolution  (les),  286, 
479.  —  Maury  (sur  un  mot  du  car- 
dinal), 478.  —  Mélusine,  359.  — 
Mentez,  meniez,  il  en  restera  tou- 
jours (juelque  chose,  478.  —  Mon- 
taigne a-t-il  déserté  son  pnste  à 
l'heure  du  danger?  538.  —  Mon- 
tépin  (l'abbé  de),  559.  —  Murât,  r>  i 
de  Naples,  95.  —  Napoléon  l"  (une 
épigramme  dirij^ée  c  mtre),  479.  — 
Notice  sur  Anioine  de  Govéa,  383. 

—  Notre-Dame  de  Garaisoo,  191. 

—  Ophir  signalé  dans  l'histoire  de 
Salomon  (1'),  191.  —  Ordres  (vie  des 
fondateurs  d),  287.  —  Papiers 
trouvés  aux  Tuileries  en  1848  (les), 
28".  —  Parisiens  célèbres  (les),  95. 

—  Pèches  et  le  duc  de  Guienne 
(les),  191.  —  Piémont  (campagnes 
du),  384.  —  Pjivilège  de  librairie 
mis  en  musique  (un),  558.  — Pro- 
verbes, 287.  —  Rossett  (le?),  9.'i, 
539.  —  Sociétés  de  bibliophiles  en 
France,  557.  —  Sol  marqué  (un), 
285,384.  Sor  le  mot  brillante,  384. 

—  Sylvain,  bourgeois  de  Pars 
(leitres  de  M.),  479,  —  Tours  de 
Notre-Dame  (les),  286,  —  Tribu- 
naux de  basse  lo',  93.  —  Trois  por- 
traits à  retrouver,  479.  —  Vengeur 
(la  fin  du),  478.  —  Westphalie  (l 
tribunal  de),  191. 


Saint-Qaentin.  q  Imprimerie  Jules  Moureal". 


POLYBIBLION 


REVUE 
BIBLIOGRAPHIQUE   UNIVERSELLE 


Juillet  1878.  T.  XXIII,  f 


SAINT-QUENTIN 
IMPRIMERIE      JDLES       MOURRAO 


V>/\/W\AA/V 


POLYBIBLION 


REVUE 


BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 


PARTIE  LITTÉRAIRE 


de:i::x.ie:]»ie:  séhie.  —  xome:  huixieme: 

(vingt-troisième  de  la  collection) 


PARIS 
AUX    BUREAUX    DU    POLYBIBLION 

35,    RUE    DE    GRENELLE,    35 

1878 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 

ROMANS,    CONTES   ET   NOUVELLES 

Œuvres  de  Paul  Féval,  soigneusement  revues  et  corrigées  :  la  Loin-e  ;  Valentine  de 
Eohan ;  le  Château  de  velours;  lu  Fille  du  Juif-Errant.  Paris,  Palmé,  1878,  4  vol. 
in- 18  j.  de  300,  380,  348  et  372  p.  Prix  :  3  fr.  le  volume.  —  Le  Baron  d'Ache', 
par  M""  la  comtesse  de  Mirabeau.  Paris,  Didier,  1878,  in-12  de  278   p.  Prix  :  3  fr. 

—  La  Rose-Fleurie  ou  le  Dernier  des  Gorrfe»,  par  Paul  Forestier.  Paris,  Dentu,  1878, 
in-18  j.  de  248  p.  Prix  :  3  fr.  —  Le  Drame  des  Champs-Elyxée^,  par  Hippolyte 
Audeval  (5°  édition).  Paris,  Gh.  Blériot,  1878,  in-18  j.  de  V'il  p.  Prix  :  2  fr.  — 
Le  Filet  et  l'Hameçon,  par  M""  Dorothée  de  Boden.  Paris,  G.  Dillet.  1878,  in-12  j. 
de  314  p.  Prix  :  3  fr.  —  Fleur-des-Glaces  (légende  danoise),  par  Isabelle  France. 
Paris,  Didier,  1878,  in-12  de  315  p.  Prix  :  3  fr.  —  Les  Wildngs  de  la  Baltique,  par 
S.  W.  Basent,  traduit  de  l'anglais  par  Emile  Montégut.  Paris,  Hachette,  1878, 
2  vol.  in-18  j.  de  296  et  265  p.  Prix  :  2  fr.  50.  —  Le  Filleul  d'un  marquis,  par  André 
Theuriet.  Paris,  G.  Gharpentier,  1878,  in-12  de  332  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Une  Page 
d'amour,  par  Emile  Zola.  Paris,  G.  Gharpentier,  1878,  in-12  de  400  p.  Prix  :  3  fr.oO. 

—  Jacques  de  Tréuannes,  par  .Iacques  Vincent.  Paris,  Calmann  Lévy,  1878,  in-18  j. 
de  285  p.  Prix  :  3  fr.  5Ù.  —  Laide,  par  Juliette  Lamber.  Paris,  Galmann  Lévy, 
1878,  in-18  j.  de  310  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Une  Fille  laide,  par  Glaire  de  Ciiande- 
NEUx.  Paris, "^E.  Pion,  1878,  in-18  j.  de  306  p.  Prix  :  3  fr.  —  Vaisseaux  bridés,  par 
LA  MÊME.  Paris,  Th.  Olmer,  1878,  in-18  j.  de  350  p.  Prix  :  3  fr.  —  La  Maison  vide, 
par  Jules  Glaretie,  Paris,  Dentu,  1878,  in-18  j.  de  425  p.  Prix  :  3  fr.  50.  — Le 
Roman  d'une  jirincesse,  par  Paul  BonnaUD.  Paris,  Dentu,  1878,  in-18  j.  de  358  p. 
Prix  :  3  fr.  —  Le  Roman  d'une  créole,  par  André  Surville.  Paris,  Auguste  Ghio, 
1878,  in-12  de  290  p.  Prix  :  3  fr.  —  Cara,  par  Hector  Malot.  Paris,  Dentu,  1878, 
in-18  j.  de  418  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Les  Mariages  dangereux,  par  M"'  AnaïS  SÉGALas, 
Paris,  Dentu,  1878,  in-18j.de  350  p.  Prix  :  3  fr.  50(1). 

Il  y  a  des  gens  bien  difficiles  ;  rien  ne  les  satisfait,  rien  ne  les 
contente.  Un  roman,  à  leurs  yeux,  n'est  irréprochable  qu'à  la  condi- 
tion que  le  mot  amour  n'y  sera  pas  prononcé  et  qu'il  pourra  servir  de 
livre  de  méditation  dans  les  maisons  religieuses.  Ce  rigorisme  frise 
le  ridicule.  Pas  de  roman  du  tout,  ou,  si  vous  admettez  ce  genre  de 
littérature,  il  faut  —  sous  peine  d'en  faire  un  repoussoir  et  une  source 
d'insurmontable  ennui  —  lui  laisser  une  certaine  latitude.  Nos  obser- 
vations s'adressent  à  quelques  a  bonnes  ùmes  charitables  »  qui  n'ont 
pas  trouvé  suffisante  Tépuration  faite  par  Paul  Févai  dans  l'édition 
catholique  de  ses  œuvres.  «  C'est  honnête,  sans  doute,  disent-elles 
avec  componction;  mais  la  lecture  n'en  convient  pas  aux  jeunes 
filles.  »  Un  ennemi  de  Paul  Féval,  dans  sa  haine  de  libre -penseur, 
ne  dirait  pas  mieux.  Et  il  n'est  pas  de  jugement  qui  puisse  nuire 
davantage  au  loyal  et  sincère  auteur  des  Etapes  d'une  conversion. 
D'autant  que  ce  jugement  est  aussi  faux  que  téméraire.  Paul  Féval, 
depuis  sa  conversion,  a  revisé  les  romans  suivants  :  Chdteaupauvrc, 
la  Fée   des  Grèves,  YHomme  de  fer,   les    Contes  de   Bretagne,   Frère 

(1)  Le  manque  d'espace  et  de  temps  nous  oblige  à  renvoyer  au  Polijbiblion  d'octobre 
l'analyse  des  romans  parus  dans  le  courant  du  mois  de  juin.  Nous  les  joindrons  aux 
liouveautés  des  mois  de  juillet  et  d'août. 


—  6  — 

Tranquille^  la  Louve,  Valenllne  de  Rohan,  le  Château  de  Velours  et  la 
Fille  du  Juif-Errant.  Nous  avons  lu  attentivement  ces  diverses  pro- 
ductions. Eh  bien,  en  conscience,  nous  les  déclarons  (sous  le  point 
de  vue  particulier  qui  nous  occupe)  à  Tabri  de  tout  reproche.  La  mère 
peut  parfaitement  en  permettre  la  lecture  à  sa  fille  —  si  cette  dernière 
est  destinée  à  rester  dans  le  monde.  La  pensée  de  Dieu,  l'amour  du 
bien,  le  sentiment  des  grandes  et  nobles  choses  y  éclatent  à  chaque 
page.  Il  est  vrai  que  Paul  Féval  a  une  manière  à  lui  de  raconter  qui 
n'est  pas  celle  de  tout  le  monde  :  il  sème  l'esprit  en  enfant  prodigiie  ; 
il  a  la  note  gaie,  et  sa  gaîté  de  bon  aloi  est  communicative.  C'est 
franc,  salubre  et  très-moral  —  ce  qu'on  ne  peut  pas  dire  de  certains 
romans  dits  religieux  qui,  bien  examinés  de  près,  devraient  être 
rangés  dans  la  catégorie  des  mauvais  livres.  Que  le  maître  du  roman 
chrétien  ne  se  laisse  donc  pas  arrêter  par  des  critiques  trop  exces- 
sives pour  être  justes  ;  qu'il  poursuive  vaillamment  son  œuvre,  sous 
le  soufile  vivifiant  qui  l'inspire,  et,  quand  la  révision  de  ses  productions 
sera  complète,  il  aura  élevé  un  splendide  monument  aux  Lettres 
françaises,  - —  on  lui  rendra  souveraine  justice,  et  la  postérité  dira  de 
lui  :  Paul  Féval  converti  a  fait  la  «  divine  et  humaine  comédie  »  du 
roman  contemporain  ;  c'est  le  Balzac  du  catholicisme. 

—  Le  Pohjbiblion  a  déjà  rendu  compte  de  Chdteaupauvre,  de  la 
Fée  des  Grèves,  de  l'Homme  de  Fer,  des  Contes  de  Bretagne  et  de  Frère 
Tranquille.  Nous  avons  à  parler  aujourd'hui  de  la  Fille  du  Juif-Errant, 
du  Château  de  Velours,  de  la  Louve  et  de  Valentine  de  Rohan.  La 
«  Louve  »  et  Valentine,  c'est  tout  un.  Vous  connaissez  la  devise  de 
la  grande  et  antique  maison  de  Rohan,  fondée  par  Pierre  de  Bretagne  : 
«  Prince  ne  daigne,  Roi  ne  puis,  Rohan  suis.  »  Vers  la  fin  du  dix- 
septième  siècle,  Guy  de  Rohan  Polduc  habite,  boudeur  et  triste,  son 
vieux  manoir  breton.  Il  aime  ardemment  César,  son  fils,  et  Valentine, 
sa  fille  ;  mais  il  hait  la  France  plus  ardemment  encore.  Si  bien  que 
Valentine,  ayant  épousé  un  Français,  et  César,  s'étant  allié  à  une 
Française,  sont  maudits  et  chassés  parleur  père  — lequel  veut  mourir 
Breton  bretonnant,  et  ne  reconnaît  pas  les  droits  du  roi  sur  la  terre 
des  Chênes.  La  malédiction  du  vieillard  tue  César,  et  Valentine  ne  vit 
que  pour  veiller  sur  sa  fille  Marie  et  sur  Raoul,  le  fils  de  son  frère. 
Le  vieux  Rohan  devient  fou  —  et  ses  domaines  tombent  entre  les 
mains  d'un  cousin  à  lui,  Alain  Polduc,  fieffé  coquin,  qui  cherche  à  se 
faire  donner  légalement  l'héritage  des  Rohan,  par  le  parlement  de 
Rennes.  Mais  Valentine  est  là,  sentinelle  vigilante.  Elle  fait  des 
miracles  de  dévouement  et  d'héroïsme  ;  elle  se  métamorphose  ;  elle  a 
le  don  d'ubiquité  ;  ici,  elle  est  la  Sainte-Elme  ;  là,  la  Sorcière  ; 
ailleurs,  la  comtesse  Isaure  ;  plus  loin,  la  Louve  —  c'est-à-dire  la 
tête  mystérieuse  et  puissante  de  cette    association  de   paysans  et  de 


—  7  — 

gentilshommes,  qui,  sous  Louis  XIV  et  la  Régence,  s'insurgèrent, 
sous  le  nom  de  «  Loups,  »  sinon  contre  le  pouvoir  royal,  du  moins 
contre  ses  représentants  en  Bretagne.  L'influence  que  la  Louve  exerce 
sur  les  agitateurs  tient  du  surnaturel.  On  croit  à  un  but  politique  : 
non.  La  politique,  pour  Valentine  de  Rohan,  n'est  qu'un  moyen.  Son 
but,  c'est  que  l'héritage  des  Rohan  ne  soit  pas  injustement  enlevé  à 
ses  héritiers  naturels.  Ce  but,  elle  l'atteint.  Le  parlement  est  assem- 
blé ;  les  magistrats  sont  favorables  à  Alain  Polduc  ;  le  président  va 
prononcer  la  sentence;  encore  une  minute,  l'iniquité  sera  consommée. 
Mais  cette  minute  n'arrive  pas.  On  voit  apparaître  dans  la  grande 
salle  un  cadavre  ambulant  soutenu  par  un  jeune  homme  et  une  jeune 
fille  et  précédé  par  une  femme  d'une  imposante  beauté.  C'est  Valen- 
tine ;  elle  a  arraché  son  père  à  la  tombe  et  l'a  forcé  de  venir  témoi- 
gner en  faveur  de  la  vérité.  Le  moribond  témoigne,  en  effet,  et, 
serrant  ses  petits-enfants  entre  ses  bras  décharnés,  il  dit  très-distinc- 
tement :  «  Raoul  est  le  fils  de  mon  fils  César  et  Marie  est  la  fille  de 
ma  fille  Valentine  ;  ce  sont  les  vrais,  les  seuls  Rohan.  »  Puis,  il 
retombe  inanimé  sur  les  dalles.  Cette  scène  est  des  plus  grandioses 
et  des  plus  dramatiques — et  ce  n'est  pas  la  seule:  elles  abondent  dans 
la  Louve  et  Valentine  de  Rohan.  Nous  voyons  passer,  sous  nos  yeux, 
avec  ses  mœurs  étranges  et  primitives,  la  Bretagne  du  dix-septième 
siècle,  une  Bretagne  encore  toute  féodale.  Que  de  types  curieux,  bons 
ou  méchants,  mis  en  lumière  par  Paul  Féval  !  Un  des  plus  accentués 
est  le  frère  de  lait  de  Valentine,  ce  Josselin  Guitan,  une  sorte  de 
terre-neuve  d'intelligente  abnégation,  si  bon,  si  brave,  si  dévoué,  que 
dame  Michon,  tous  les  jours  que  Dieu  donne,  «  dit  un  ave  à  sainte 
Marie  pour  la  remercier  de  l'avoir  fait  sa  mère.  » 

—  C'est  en  Bretagne  aussi,  en  plein  dix-huitième  siècle,  que  se  dé- 
roule l'action  du  Château  de  Velours.  Le  marquis  de  Noyai,  député  aux 
Etats  de  la  province,  a  deux  filles  charmantes.  L'une  d'elles,  Marielle, 
jeune  personne  accomplie,  mais  beaucoup  trop  fière  de  sa  beauté, 
épouse  Henri  de  Lacuzan,  colonel  des  dragons  de  Conti.  Sur  les 
entrefaites,  un  mal  terrible  sévit  dans  les  environs  de  Rennes.  On 
appelle  cela  le  o  mal  d'enfer.  »  Ceux  qui  en  sont  atteints  meurent  ou 
restent  horriblement  défigurés.  Un  soir,  se  promenant  sur  la  lisière 
d'une  forêt,  la  comtesse  de  Lacuzan  fut  accostée  et  mordue  par  une 
sorte  de  fou  du  nom  de  Malbrouck,  ancien  danseur  de  corde,  qui 
croyait  avoir  à  se  venger  du  comte.  Ce  sauvage  avait  le  mal  d'enfer. 
Sa  morsure  en  communique  le  germe  à  la  comtesse.  Désespoir  du 
comte  de  Lacuzan.  Il  sait  que  sa  femme  mourra  de  perdre  sa  beauté. 
Alors  il  imagine  toutes  sortes  de  combinaisons.  Il  oblige  sa  femme  à 
porter  continuellement  un  masque  ;  il  la  séquestre  dans  son  château 
du  Grail  ;  il  enlève  de  ce  château  toutes  les  glaces,  tous  les  miroirs, 


—  8  — 

et  fait  tapisser  de  velours  les  appartements  de  la  comtesse.  Que 
signifient  de  pareils  mystères  ?  Les  bruits  se  propagent,  grossissent, 
—  et,  aux  yeux  des  commères  de  la  contrée,  Henri  de  Lacuzan  devient 
un  second  Barbe-Bleue.  On  lui  prête  les  plus  noirs  attentats  —  tant 
et  tant  que  la  justice  s'en  émeut  et  que  la  maréchaussée  vient  assié- 
ger le  château  du  Grail.  0  sottise  humaine  !  Henri  de  Lacuzan  n'est 
qu'un  Barbe-Bleue  de  tendresse  conjugale.  Grâce  d'ailleurs  aux  bons 
soins  de  Pichenet,  l'ancien  enfant  de  la  balle,  lequel  est  devenu  le 
docteur  Adrien  Chaumel,  la  comtesse  de  Lacuzan  recouvre  son  an- 
cienne beauté  sans  même  se  douter  qu'elle  ait  jamais  été  laide.  H  y  a, 
dans  ce  roman,  des  détails  ravissants,  principalement  ceux  qui  ont 
trait  à  l'enfance  souffreteuse  et  tourmentée  d'Adrien  Chaumel.  H  y  a 
aussi  un  type  de  jeune  fille  auquel  devraient  ressembler  toutes  les 
demoiselles  :  c'est  celui  de  Blanche  de  Noyai.  H  y  a  enfin  des  portraits, 
excessivement  amusants,,  des  grotesques  delà  ville  de  Rennes.  Comme 
modèles  du  genre,  citons  Guillemette  Barbedor,  Saturnin  Mormichel, 
les  sœurs  Trecoché  et  surtout  l'inénarrable  chevalier  de  Badabreux 
qui,  le  premier  mois  de  son  mariage,  déclama  devant  sa  femme  ahurie 
vingt-deux  millions  de  vers  tragiques.  C'est  fort  réjouissant.  Le 
Château  de  Velours  est  dédié  à  la  mère  de  Paul  Féval.  Quant  à  la 
dédicace  de  la  Fille  du  Juif-Errant,  elle  est  à  Tadresse  d'Edmond 
Biré,  fin  lettré,  critique  délicat,  aimable  érudit,  un  des  meilleurs 
écrivains  de  province.  Qu'est-ce  que  la  Fille  du  Juif-Errant?  Ces 
romanciers,  parole  d'honneur  !  ne  doutent  de  rien.  Non-seulement, 
Paul  Féval  donne  une  fille  au  Juif-Errant  ;  mais  il  y  a,  selon  lui,  trois 
Juifs-Errants  dans  le  monde.  Oser,  Cataphilus  et  Laquedem.  Cataphi- 
lus  reste  coi  et  n'aime  pas  à  faire  parler  de  lui.  Laquedem,  vous  le 
connaissez,  c'est  celui  de  la  complainte  : 

Est-il  rien  sur  la  terre 
Qui  soit  plus  surprenant 
ijue  la  grande  misère 
Du  pauvre  Juif-Errant  ? 

Laquedem  a  du  bon  ;  il  accepte  son  châtiment  avec  résignation.  Oser, 
au  contraire,  est  le  génie  du  mal.  C'est  le  Juif-Errant  du  crime.  Et  il 
en  commet  d'épouvantables.  Heureusement  que  Laquedem,  le  bon 
Juif-Errant,  est  là,  avec  Ruthaël,  sa  fille.  Oser  s'acharne  sur  la  noble 
famille  de  Savray.  Ses  menées  ténébreuses,  ses  opérations  infernales 
3  ettent  un  voile  de  deuil  sur  l'existence  de  Paul  de  Savray  et  de  la 
comtesse  sa  mère.  Mais,  au  dénoùment,  Oser  est  vaincu  et  Laquedem 
triomphe.  —  J'avoue  que,  dans  ce  roman,  le  fantastique  domine.  H  y 
a  des  choses  de  ce  monde-ci  et  des  choses  de  l'autre  monde.  Mais, 
derrière  ces  imaginations  appuyées  des  graves  autorités  de  Schiavone, 


d'Édrisi,  du  docteur  Lunat  et  de  l'abbé  Romorantin,  on  aperçoit 
l'ange  du  pardon  et  de  l'éternelle  miséricorde.  Tout,  d'ailleurs,  n'est 
pas  fantastique.  La  Révolution  de  1830,  à  laquelle  le  Juif-Errant  se 
mêle,  n'est  que  trop  réelle.  En  résumé,  la  Louve,  Valentine  de  Rohan, 
le  Château  de  Velours  et  la  Fille  du  Juif-Errant  joignent  à  l'attrait  du 
roman  moral  le  charme  de  la  bonne  étude  de  moeurs,  l'émotion  du 
drame  historique  et  la  grâce  du  style. 

—  En  fait  do  drame  historique,  ou  plutôt  de  dramatique  histoire,  il 
îâut  signaler  le  Baron  d'Achc,  de  M'^"  la.  comtesse  de  Mirabeau.  Les 
aventures  de  Tintrépide  baron  rappellent,  par  certains  côtés,  celles  du 
chevalier  de  Maison-Rouge,  si  bien  racontées  par  Alexandre  Dumas 
père.  Le  baron  d'Aché  arrive  de  Normandie  à  Paris  pour  sauver 
Marie-Antoinette.  Une  touchante  entrevue  a  lieu,  dans  la  prison  du 
Temple,  entre  le  baron  et  la  reine  de  France.  Le  projet  échoue. 
D'Aché  trouve  un  refuge  au  château  de  Tancarville.  Traqué  plus  tard 
parla  police  de  Fouché,  l'aventureux  baron  est  sauvé  par  la  fille  de 
son  hôte.  Mais  il  est  vendu  par  une  horrible  femme.  M™"  de  Vauba- 
don,  à  qui  il  avait  eu  le  tort  de  faire  la  cour.  Le  baron  d'Aché  fusillé, 
Marie  de  Tancarville  devient  sœur  de  Charité  et  assiste,  à  l'heure  de 
la  mort,  le  Judas  féminin  qui  avait  vendu  son  fiancé.  Ce  roman  se  lit 
avec  plaisir.  Le  caractère  du  baron  d'Aché  est  plein  de  relief.  C'est 
une  àme  chevaleresque,  courageuse,  passionnée,  tempérant  l'ardeur 
par  la  gravité,  possédant  à  la  fois  l'audace  qui  entraîne  ou  fascine  et 
le  calme  qui,  dans  les  raoments^suprêmes,  décide  du  succès;  à  la  tête 
d'une  armée,  il  fût  devenu  une  des  gloires  de  son  siècle.  Les  pages 
consacrées  à  Marie- Antoinette  nous  montrent  l'infortunée  reine, 
splendide  de  majesté  sous  sa  modeste  robe  de  laine  grise  et  transfor- 
mant par  le  seul  ^prestige  de  sa  présence  le  misérable  escabeau  sur 
lequel  elle  était  assise  en  un  trône  plus  radieux  que  celui  qu'elle  oc- 
cupait naguère  aux  Tuileries.  Le  Baron  d'Aché  est  suivi  de  deux 
Nouvelles  qui  ont  aussi  pour  objet  la  Révolution.  L'une  est  le  récit 
de  la  mort  de  la  famille  de  Faudoas  sur  l'échafaud;  l'autre  nous  fait 
assister  à  l'horrible  assassinat  du  major  de  Belzunce,  écharpé  dans 
les  rues  de  Caen  par  la  populace.  Une  mégère,  la  femme  Soisson,  lui 
arracha  le  cœur  avec  un  couteau,  le  fit  cuire  au  fourneau  d'un  rôtis- 
seur et  le  mangea.  M"°  la  comtesse  de  Mirabeau  a  connu  cette  furie, 
—  hideuse  vieille  qui  faisait  peur  aux  enfants  et  qui  mourut  en  se 
tordant  dans  d'horribles  convulsions,  mêlées  d'épouvantables  blas- 
phèmes ! 

—  Passons  à  de  plus  riants  tableaux.  Nous  les  trouvons  dans 
la  Rose-Fleurie  de  M.  Paul  Forestier.  Flamminia,  la  dernière  des- 
cendante des  Garden  de  Meadowfield,  thanes  d'Ecosse  du  temps 
du  roi  Malcom,  a  découvert,  dans  des  papiers  de  famille,  une  eu- 


—  10  — 

rieuse  prophétie.  Les  Garden  formeront  un  jour  deux  branches;  la 
branche  aînée  abandonnera  la  foi  catholique  ;  puis,  au  bout  de  plu- 
sieurs siècles,  les  deux  branches  se  réuniront,  n'en  feront  qu'une  seule 
et  la  branche  hérétique  redeviendra  catholique.  Seule  héritière  de  la 
branche  aînée,  Flamminia  s'enthousiasme  de  cette  prophétie.  C'est 
une  étrange  enfant,  élevée  un  peu  à  la  diable,  très-volontaire,  très- 
espiègle,  mais  sans  haine  ni  préjugés  contre  le  catholicisme.  La  voilà 
en  quête  de  la  branche  cadette  des  Garden.  Elle  voyage,  se  fixe  en 
Italie,  à  Borgho-Marino,  et  le  hasard  veut  qu'elle  sauve  deux  ou  trois 
fois  la  vie  à  un  jeuue  peintre  français  établi  pour  ses  études  chez  le 
brave  Pepe  Rastelli,  hôtelier  de  la  locanda  de  la  Rosa-Fiorila.  Entre 
nous,  la  Rose-Fleurie  était  plutôt  dans  la  maison  que  sur  l'enseigne. 
Mais  n'anticipons  pas.  Il  se  rencontre  que  le  jeune  peintre  est  un 
Garden,  Henri  de  Garden  d'Héronvilliers,  de  haute  et  ancienne  no- 
blesse normande.  Tout  préoccupé  d'art,  Henri  de  Garden  ignore  un 
peu  sa  généalogie  ;  mais  son  frère,  l'abbé  Marc  d'Héronvilliers,  la  sait 
pour  lui.  Le  généalogie  connue,  Flamminia  n'a  rien  de  plus  pressé  que 
de  réunir  les  deux  branches.  Ici,  impédiments  sur  impédiments.  Henri, 
partagé  entre  deux  affections  :  celle  de  Flamminia  et  celle  de  Rosa 
Rastelli,  la  vraie  Rose-Fleurie.  Ce  n'est  qu'une  plébéienne  ;  mais  que 
de  grâce,  que  de  vertus  !  Flamminia  a  sauvé  la  vie  d'Henri  de  Garden  ; 
mais  Rosa  Rastelli  a  fait  plus;  elle  a  sauvé  son  âme.  Lui,  jadis  païen, 
accompagne  maintenant  tous  les  dimanches  la  famille  Rastelli  à  l'é- 
glise de  Notre-Dame  de  Bon-Secours.  Entre  les  deux,  le  cœur  du 
jeune  peintre  balance  et,  pour  se  tirer  d'affaire,  le'scélérat  prend  sans 
mot  dire,  la  poudre  d'escampette.  La  pauvre  Rosa  devine  qu'elle  est 
un  obs'.vicle  au  bonheur  d'Henri  de  Garden,  et,  dévouée  sublime,  elle 
entre  che.'  les  Oblates  de  Borgho-Marino.  D'autre  part,  Flamminia  em- 
brasse la  1  i  catholique.  Dès  lors,  plus  de  difficultés.  La  prophétie 
écossaise  s'accomplit.  Les  Garden  ne  forment  qu'une  branche  et  «  onc- 
ques  ne  fut  plus  heureux  mariage  »  —  quoique  le  sceptre  des  Garden 
eût  Flamminia  pour  maître. Elle  était  Victoria,  son  mari  se  contentant 
du  rôle  de  Prince-Régent.  —  L'œuvre  de  M.  Paul  Forestier  a  fait  peu 
de  bruit;  cela  n'ôte  rien  à  son  mérite.  Œuvre  originale,  unpeujeune, 
un  peu  fruste,  mais  très-attachante,  très-chrétienne.  L'auteur  a  beau 
s'en  défendre,  Rose-Fleurie  est  un  roman  chrétien.  On  j  fait  aimer  le 
catholicisme,  tout  naïvement,  tout  naturellement,  sans  recourir  aux 
sermons  — toujours  déplacés  dans  les  récits  romanesques.  Çà  et  là, 
des  pensées  fines  et  délicates  dans  le  genre  de  celle-ci,  émise  par 
Rosa  au  moment  de  prendre  le  voile  :  «  Faut-il  donc  que  j'ai  gagné 
son  âme  (l'âme  de  Henri  de  Garden)  pour  me  voir  prendre  son 
cœur.  »    C'est  le   dernier  soupir  de  l'amour  humain.   Nos    félicita- 


—  Il  — 

tions  à  M,  Paul  Forestier.  Si  ce  livre  est  son  début,  il  est  tout  à  son 
honneur. 

.  —  Celui  qui  fut  autrefois  le  Père  Hyacinthe  disait  un  jour,  du  haut 
de  la  chaire  de  Notre-Dame  :  «  Pour  être  père,  il  faut  en  être  digne.  » 
M.  Hippolyte  Audeval  semble  s'être  inspiré  de  ces  paroles  dans  le 
Draine  des  Cliamps-Èlysces.  Il  met,  en  effet,  en  scène  un  père  indigne 
qui  se  ruine,  s'adonne  à  la  boisson,  abandonne  sa  femme  et  son  en- 
fant, tombe  dans  tous  les  abîmes,  se  fait  mendiant  et  voleur,  s'associe 
avec  des  bandits  de  la  pire  espèce  et  irait  mourir  au  bagne  s'il  n'était 
sauvé  à  temps  par  son  fils,  Julien  Rambaud.  Celui-ci,  après  la  mort 
de  sa  mère,  a  eu  le  bonheur  d'être  recueilli  et  élevé  par  un  honnête 
homme.  Il  devient  un  homme  à  son  tour  et  ramène  l'auteur  de  ses 
jours  à  de  meilleurs  sentiments,  à  de  meilleures  idées,  en  un  mot  à 
une  vie  irréprochable.  Mais  ce  n'est  ni  sans  combat,  ni  sans  douleur, 
ni  sans  peine.  On  pourrait  intituler  le  roman  de  M.  Hippolvte  Audeval  : 
la  Rédemption  d'un  père  par  son  fils.  —  L'œuvre  de  M"*  Dorothée  de 
Boden  :  le  Filet  et  l'Hameçon,  pourrait  aussi  changer  de  titre  et 
s'appeler  :  le  Roman  de  la  convertisseuse.  Qu'on  en  juge  :  Marie- 
Angélique  Samartin  a  épousé  Gaston  de  la  Marnière,  non  parce 
qu'elle  l'aime,  mais  parce  que,  celui-ci  n'ayant  pas  ses  opinions  reli- 
gieuses, elle  s'est  mise  en  tête  de  le  convertir.  Projet  louable  !  Le 
tout  est  de  savoir  s'y  prendre.  Or,  tel  n'est  pas  le  cas  de  Marie-Angé- 
lique. Très-raisonnable  et  très-suffisante  personne,  Marie-Angélique 
a  une  confiance  présomptueuse  en  elle-même.  Certes,  elle  est  pieuse, 
on  ne  saurait  le  nier.  Mais  c'est  une  piété  chagrine,  morose,  s' atta- 
chant outre  mesure  à  des  minuties  que  la  religion  ne  prescrit  pas.  Son 
incrédule  de  mari  est  pour  M""®  de  la  Marnière  une  sorte  de  tête  de 
Turc  ou  plutôt  une  cible  à  tir  continu.  Elle  ne  lui  passe  aucmie  plaisan- 
terie, attache  de  la  gravité  aux  choses  les  plus  insignifiantes,  le  prend  de 
haut,  fait  la  raisonneuse,  cherchant  moins  à  persuaderqu'à  convaincre. 
Jamais  la  moindre  concession.  Toujours  des  airs  hautains  ou  renfro- 
gnés. En  un  mot,  elle  manœuvre  de  telle  sorte  qu'elle  dégoûte  son 
mari  non-seulement  de  la  religion,  mais  de  la  famille  et  d'elle-même. 
M.  de  la  Marnière, sans  cesse  blessé  par  la  sainteté  épineuse  et  peu  en- 
durante de  sa  femme,  déserte,  à  chaque  instant,  le  toit  conjugal.  Toute 
sympathie  entre  les  deux  époux  est  éteinte,  et  une  séparation  devient 
indispensable.  M™®  de  la  Marnière  se  retire  chez  sa  mère.  La  récon- 
ciliation a  lieu  plus  tard  —  mais  ce  n'est  pas  l'étrange  dévotion  de 
M""'  de  la  Marnière  qui  la  provoque.  Elle  est  due  aux  bons  conseils  du 
père  Michel,  un  excellent  religieux  qui,  à  l'aide  d'une  ingénieuse  pa- 
rabole sur  le  «  filet  et  l'hameçon,  »  démontre  à  M™^  de  la  Marnière 
qu'elle  a  absolument  fait  fausse  route,  et  qu'on  ne  prend  jamais  des 
mouches  avec  du  vinaigre.  Elle  est  due  surtout  aux  délicates  et  affec- 


—  12  - 

tueuses  sollicitatioDS  de  la  sœur  de  M.  de  la  Marnière,  M°"=  Lucie 
d'Ervieu  —  la  femme  vraiment  et  intelligemment  pieuse,  laissant  à 
Dieu  le  soin  de  choisir  ses  heures,  prêchant  d'exemple  sans  fausse 
modestie  ni  ostentation,  douce,  aimable,  patiente,  une  chrétienne  ac- 
complie. Tel  est,  en  deux  mots,  le  Roman  de  la  converlisseuse,  livre 
utile  et  opportun.  Nous  en  conseillons  la  lecture  aux  petites  orgueil- 
leuses qui  seraient  tentées  d'imiter,  après  leur  mariage,  M°*  de  la 
Marnière.  Elles  y  verront  qu'il  faut  présenter  la  piété  dans  son  vrai 
caractère,  sacrifier  quelquefois  ses  goûts  à  la  volonté  d'autrui,  bien 
comprendre  ses  devoirs  d'état —  et  les  pratiquer  au  nom  même  de  la 
religion  qui  n''admet  ni  la  raideur  excessive,  ni  l'obstination  à  accom- 
plir judaïquement  à  la  lettre,  sans  en  saisir  l'esprit,  les  préceptes 
évangéliques.  C'était,  du  reste,  ainsi  que  pensait  saint  François  de 
Sales.  Il  n'y  a  qu'à  ouvrir  Vlntroduciion  à  la  vie  dévote  pour  s'en 
convaincre. 

—  M^^°  Isabelle  France  cultive  le  roman-pocme,  genre  un  peu 
démodé  qu'elle  a  su  rajeunir  :  Fleur-des-Glaccs  est  appelée  à  un  véri- 
table succès.  Qui  ne  connaît  le  légendaire  chant  de  mort  du  grand  roi 
de  mer  Ragnard  Lodbrog  ?  M""  Isabelle  France  a  bâti  sur  ce  thème 
un  récit  poétique  fort  mouvementé  et  d'une  franche  saveur  Scandi- 
nave. On  voit  que  l'auteur  a  lu  VHistoire  de  Danemarck,  de  Mallet,  les 
chants  des  Scaldes,  l'Edda  et  les  poëmes  d'Ossian.  C'est  à  mer- 
veille. 

Maote  animo.  generom  puer,  sic  itur  ad  astra. 

Il  ne  faudrait  pas  croire,  d'ailleurs,  que  Flcirr-dcs-Glaces  soit  un 
pastiche.  Non,  l'œuvre  est  très-originale.  Fleur-des-Glaces,  ou  plutôt 
la  fille  de  Lodbrog,  n'aime  que  son  père,  sa  patrie  et  la  gloire. 
Païenne,  elle  a  dans  le  cœur  des  sentiments  qui  procèdent  du 
christianisme.  Aussi  est-elle  disposée  à  écouter  les  paroles  d'un  vieux 
missionnaire  venu  de  la  terre  française  pour  évangéliser  le  Nord. 
Mais  le  moment  de  la  conversion  n'est  pas  encore  arrivé.  Lodbrog  a 
ramené  d'une  de  ses  expéditions  une  trentaine  de  guerriers  francs.  Ils 
sont  destinés  à  être  immolés  en  holocauste  aux  dieux  qu'adorent  les 
rois  de  mer.  Parmi  ces  prisonniers,  il  s'en  trouve  un,  Raynold,  beau 
et  brave,  doux  et  fier,  que  Fleur-des-Glaces  a  résolu  de  sauver.  Elle 
le  sauve,  en  efi'et,  mais  pour  se  faire  un  ennemi  implacable  d'Osvio,  le 
Danois  qui  convoite  sa  main.  Celui-ci,  furieux  de  l'amour  de  Fleur- 
des-Glaces  pour  Raynold,  entraîne  Lodbrog  dans  une  guerre  contre 
le  Northumberland  et  livre  aux  Saxons  le  vaillant  chef  qui  périt  dans 
un  horrible  supplice.  Fleur-des-Glaces,  folle  de  désespoir,  finit  par 
retrouver  le  calme  etmeurt  chrétienne.  Raynold  se  fait  moine.  Le  por- 
trait de  Raynold  le  Franc  a  été  soigné  par  l'auteur  d'une  façon  toute 


—  i:}  — 

particulière.  On  ne  se  nomme  pas  France  pour  rien.  M"*  Isabelle  France 
sait  faire  vigoureusementrésonner  la  fibre  religieuse  et  la  fibre  patrio- 
tique. C'est  même  là  une  des  notes  dominantes  de  son  roman-poëme. 
Fleur-des-Glaces,  cette  Velléda  danoise,  blonde  et  blanche  comme  les 
flocons  de  neige  du  Jutland,  est  une  sœur  de  notre  Jeanne  d'Arc.  Elle 
chérit  d'un  enthousiaste  amour  le  Readan  des  rois  de  mer,  comme 
Jeanne  d'Arc  chérissait  l'Oriflamme.  Hurrah  pour  Fleur-des-Glaces! 
—  Nous  devons  rattacher  au  roman-poëme  de  M"' France  les  Wikings 
(le  la  Baltique,  qui  sont  aussi  une  légende  danoise  du  dixième  siècle .  Il  est 
seulement  à  regretter  que  le  romancier  anglais,  W.  Dasent,  l'auteur 
des  Wikings,  ait  presque  no3'é  sa  fable  dans  des  amoncellements  de 
détails.  Ons'jperd.  Néanmoins,  certains  chapitres  ont  du  souffle  et  de 
l'ampleur — et  l'évocation  d'HaroldleSuperbe,d'Haroldàla  dent  bleue, 
de  Torkell  le  Gigantesque,  de  Rapple  Saccageur  de  temples,  est  d'un 
efiet  grandiose.  Involontairement,  on  se  remémore  les  dieux  d'Odin, 
se  passant  les  coupes  d'hydromel  dans  les  salles  du  Wahlalla,  chantant 
leurs  faits  d'armes  et  s'excitant  à  de  nouvelles  aventures  ;  ou  bien,  l'on 
se  transporte  par  l'imagination  au  temps  où  les  bardes  norvégiens 
célébraient  les  exploits  d'Éric  à  la  Hache  sanglante.  Mais  nul,  encore, 
n'a  mieux  rendu  que  l'auteur  des  Poèmes  barbares,  les  sauvages  splen- 
deurs de  ces  âges  héroïques.  Elles  lui  ont  inspiré  la  Vision  de  Snor,  la 
Mort  de  Sigura,  la  Légende  des  Nomes,  le  Jugement  de  Komor  et  un 
petit  chef-d'œuvre  qui  commence  ainsi  : 

Dans  Upsal  où  les  Jarls  boivent  la  bonne  bière. 

—  Sauf  le  5aronrf'.lc/ir,  dont  quelques  pages  nécessitent  des  réserves, 
et  les  Wikings  de  la  Baltique,  trop  anglais  dans  les  développements,  les 
romans  que  nous  venons  d'analyser  peuvent  être  mis  entre  toutes  les 
mains.  Il  n'en  est  pas  de  même  (à  deuxoutrois  exceptions  près)  de  ceux 
dont  nous  allons  parler.  Ce  sont  :  Une  page  d'amour,  le  Filleul  d'un  mar- 
quis, Jacques  de  Trêvannes,  Laide,  Une  fille  laide,  Vaisseaux  brûlés,  la 
Maison  vide,  le  Roman  d'une  princesse,  le  Roman  d'une  créole,  Cara  et  les 
Mariages  dangereux.  Commençons  par  Une  page  d'amour.  Emile  Zola 
fecit.  Cette  fois,  M.  Zola  nous  déroute  absolument.  Il  y  a  bien,  dans 
Une  page  d'amour,  deux  ou  trois  chapitres,  consacrés  à  la  peinture 
d'une  passion  adultère  et  coupable,  à  la  marche  de  cette  passion  et  à 
la  triste  chute  qui  en  est  la  conséquence,  où  apparaît  le  Zola  de 
Thérèse  Raquin,  du  Ventre  de  Paris  et  de  Son  Excellence  Eugène  Rougon. 
Mais  pourtant,  que  nous  sommes  loin  des  brutalités  grossières,  des 
orgies  tumultueuses  et  des  crudités  révoltantes  de  VAssommoir.  Le 
livre  sort  de  la  gamme  ordinaire  du  romancier  réaliste  ;  il  n'y  a  pas 
de  thèse  proprement  immorale;  le  naturalisme  bestial  en  est  banni; 
l'auteur  ne  s'y  livre  à  aucune  attaque  contre  les  hommes  et  les  choses 


—  14  — 

du  catholicisme  ;  son  abbé  Jouve,  qui  tient  dans  l'œuvre  une  très-grande 
et  très-utile  place,  est  traité  avec  respect  et  sympathie;  en-dehors  de 
la  mère  Fétu,  une  mendiante  éhontée  qui  mêle  les  patenôtres  au 
proxénétisme,  aucun  des  personnages  n'inspire  de  Tantipathie;  cer- 
taines figures,  telles  que  celle  du  brave  Rambaud,  rayonnent  de  bonté, 
d'abnégation,  de  dévouement;  bref,  Une  page  d'amour  montre  ce  que 
M.  Zola  pourrait  faire,  s'il  voulait,  une  fois  pour  toutes,  tremper  sa 
palette  dans  d'autres  couleurs.  Il  est  à  supposer  qu'en  écrivant  la,  Page 
d'amour,  le  romancier  n'a  pas  été  fâché  d'offrir  à  la  critique  la  contre- 
partie de  VAssommoir.  Nous  devons  cependant  constater  que,  si  le 
peintre  a  changé  de  paysages  et  de  perspectives ,  sa  manière  ne  s'est 
nullement  transformée.  M.  Zola  est  toujours  le  descriptif  exubérant 
que  l'on  connaît.  «  Il  appuie  partout  avec  une  sorte  de  dureté  égale  et 
uniforme.  »  Mais  ne  nous  occupons  pas  du  côté  littéraire  de  l'œuvre. 
M.  Zola  a  des  défauts  —  comme  tous  ceux  de  l'école  dont  Balzac  a  été 
le  grand-maître,  comme  Gustave  Flaubert,  comme  les  Goncourt, 
comme  Alphonse  Daudet  ;  —  mais  son  talent  d'écrivain  est  indéniable. 
Quoi  qu'il  en  soit,  par  coquetterie  ou  par  remords  d'artiste,  M.Zola  a 
voulu,  cette  fois,  sortir  des  bourbes  du  matérialisme.  Il  y  a  réussi, 
relativement,  étant  données  les  précédentes  monstruosités  de  sa  plume. 
L'action  d'une  Page  d'amour  se  réduit  à  peu  de  chose.  Une  jeune 
veuve,  Hélène  Grandjean,  vit  retirée  avec  son  unique  enfant,  Jeanne, 
sur  les  hauteurs  de  Passy.  Jeanne  a  dix  ou  onze  ans.  Elle  est  frêle, 
délicate,  nerveuse,  sujette  à  des  convulsions.  On  dirait  qu'il  n'y  a  point 
de  vie  dans  ce  petit  corps  névrotique;  mais  l'intelligence  et  la  sensi- 
bilité en  sont  accrues  d'autant.  Le  hasard  met  la  veuve  Grandjean  en 
relations  avec  un  médecin  à  la  mode,  le  docteur  Deberle.  Jeanne  va 
mourir;  le  médecin  la  guérit.  Reconnaissance  de  la  mère.  Bientôt  la 
reconnaissance  fait  place  à  un  autre  sentiment.  —  Et,  cette  veuve  qui 
naguère  se  glorifiait  de  ses  trente  ans  de  vertu  et  qui,  dans  sa  beauté 
placide,  semblait  une  statue  de  la  Minerve  antique,  succombe  comme 
la  plus  frivole  et  la  plus  coquette  des  mortelles.  M.  Zola  a  la  précau- 
tion de  nous  avertir  que  M"*^  Grandjean  était  «  peu  dévote  de  son 
naturel.  »  La  précaution  était  inutile.  11  est  bien  évident  qu'une 
femme  vraiment  pieuse  ne  déshonorerait  pas  ainsi  son  veuvage.  Au 
surplus,  Texpiation  ne  se  fait  pas  attendre.  L'amour  coupable  d'Hélène 
Grandjean  pour  le  docteur  Deberle  tue  sa  fille.  Le  jour  où  l'enfant, 
dans  sa  tendresse  maladive  et  dans  son  instinctive  conscience,  s'aper- 
çoit qu'elle  n'occupe  plus  uniquement  la  pensée  de  sa  mère,  elle  meurt 
—  et  la  mort  de  Jeanne  réveille  la  veuve  adultère.  Hélène  Grandjean 
est  à  tout  jamais  guérie  d'imaginations  malsaines.  C'est  la  seule 
moralité  du  livre.  L'amitié  dévouée  de  M.  Rambaud,  le  frère  puîné  de 
l'abbé  Jouve,  rend  à  l'âme  de  cette  Madeleine  le  calme  que  les   pas- 


—  15  — 

sions  en  avaient  banni.  Hélène  Grandjean  devient  M'"'=  Rambaud.  Le 
caractère  le  plus  énergiquement  mis  en  lumière,  dans  Une  page 
d'amour,  c'est  celui  de  la  petite  Jeanne.  De  cette  jalousie  d'enfant  à 
l'égard  de  sa  mère,  jalousie  naïve,  innocente,  irraisonnée,  indéter- 
minée, mais  très-réelle,  permanente  et  fixe,  M.  Zola  a  tiré  des  effets 
d'une  grande  puissance,  d'une  véritable  originalité.  Citons  également, 
comme  tout  particulièrement  réussies,  la  page  par  laquelle  débute  le 
livre  et  que  l'on  a  appelée  la  symphonie  du  sommeil,  tant  le  romancier 
a  su  rendre  palpable  «  l'harmonie  voilée  qui  se  dégage  du  silence  et  de 
l'aspect  de  la  chambre  d'une  personne  endormie.  »  Citons  encore  la 
description  de  Paris,  vu  des  hauteurs  du  Trocadéro,  dans  les  brumes 
vaporeuses  du  matin,  un  bal  d'enfants,  le  jeu  de  l'escarpolette  et  la 
mort  de  la  petite  .Jeanne.  Quant  aux  exercices  du  mois  de  Marie,  ils 
sont  peints  non  sous  un  jour  haineux,  la  haine  et  la  politique  étant 
heureusement  absentes  d'Une  page  d'amour,  mais  sous  un  jour  faux. 
Les  fêtes  catholiques  n'ont  rien  d'énervant.  Ce  qui  est  énervant  et 
malsain,  ce  sont  les  théories  physiologiques  de  M.  Zola  ;  ce  sont  sur- 
tout les  détails  repoussants  dont  il  entoure  la  chute  d'Hélène.  Ces 
détails  nous  gâtent  tout  le  livre  —  un  livre  où  nous  avons  eu  beaucoup 
à  louer.  Et  c'était  justice,  la  critique  devant  toujours  faire  la  part  du 
bien,  même  dans  les  œuvres  où  la  part  du  mal  n'est  que  trop  considé- 
rable. 

—  A  l'école  de  M.  Zola  se  rattache,  par  certains  côtés,  M.  André 
Theuriet.  Celui-ci  est  toutefois  moins  brutal  et  d'une  conscience  plus 
délicate  —  procédant  un  peu,  sous  ce  rapport,  d'Octave  Feuillet.  Mais 
il  est,  comme  M.  Zola,  un  descriptif  :  chose  du  reste,  qui,  renfermée 
dans  des  limites  raisonnables,  est  loin  d'être  un  défaut  et  peut  fort 
bien  s'allier  avec  l'émotion,  la  note  humaine  et  le  sentiment  de  l'idéal. 
Jamais  M.  Theuriet  n'avait  autant  accentué  ses  tendances  naturalistes 
que  dans  sa  dernière  œuvre,  le  Filleul  d'un  marquis.  Filleul  est  ici  un 
euphémisme  et  veut  dire  tout  simplement  fils  naturel.  Laurent  Husson, 
en  effet,  n'est  autre  chose  que  le  fils  naturel  du  marquis  de  Rosières. 
Celle  qu'il  appelle  Tante  Sophie  et  qui  empêche  qu'on  le  roue  de  coups 
est  sa  mère.  Après  une  enfance  morose  et  tourmentée,  Laurent,  grâce 
aux  libéralités  de  son. . .  parrain,  peut  aller  à  Paris  étudier  la  méde- 
cine. Il  en  revient  beau  garçon  et  excellent  médecin.  Le  marquis  de 
Rosières  l'installe  dans  son  château.  Mais  voilà  le  docteur  Laurent  qui 
se  met  à  faire  la  cour  à  Berthe  Fontenille,  la  fille  d'un  riche  proprié- 
taire de  Juvignj-en-Barrois.  Il  demande  Berthe  en  mariage.  Refus 
absolu  des  parents.  Pourquoi?  Parce  que  Laurent  n'est  pas  le  fils 
du  boulanger  Husson,  mais  bien  le  fila  naturel  du  marquis  de  Rosières. 
A  cette  révélation  inattendue,  la  rage  et  le  désespoir  s'emparent 
du  docteur  Laurent»  Il  quitte  le  château  et  va  exercer  la  médecine 


dans  un  village  voisin.  Berthe  Fontenille  se  marie.  Pour  se  venger 
d'elle,  Laurent  essaye  de  la  faire  manquer  à  ses  devoirs  d'épouse. 
Puis,  il  se  plonge  dans  la  débauche.  Rien  ne  le  satisfait.  Il  songe  alors 
à  épouser  Valentine  Maurin,  une  ancienne  amie  d'enfance.  Mais  tou- 
jours le  vice  d'origine  est  là.  Laurent  se  voit  aussi  refuser  la  main  de 
Valentine.  Alors,  il  tombe  gravement  malade.  Ce  que  voyant,  le 
marquis  de  Rosières  qui  aime  au  fond  l'enfant  prodigue,  légitime  la 
naissance  de  Laurent  en  épousant  sa  inère,  Tante  Sophie.  Il  aurait 
bien  dû  commencer  par  là,  cet  insouciant  marquis  !  Il  est  vrai  qu'en 
ce  cas  le  roman  était  inutile.  Le  dénoûment  du  Filleul  d'un  marquis 
est  touchant  et  moral.  Pourquoi  faut-il  que  nous  ne  puissions  pas 
rendre  le  même  témoignage  à  toutes  les  parties  de  l'intrigue  ?  Nous 
blâmerons  aussi  M.  Theuriet  d'avoir  fait  du  mari  de  Berthe  Fon- 
tenille, M.  Sainte-Marie  de  Brieules,  un  abonné  de  YUnivcrs  et  un 
bigot  ridicule  qui  déteste  le  monde,  méprise  le  mariage,  a  horreur 
des  femmes  et  néglige  la  sienne  pour  dom  Calmet.  On  voit  d'ici  la 
tendance.  M.  Theuriet  s'est  cru  obligé  de  pousser,  tout  comme  le 
premier  cabotin  de  lettres  venu,  sa  petite  pointe  voltairienne.  Il  a  eu 
tort.  Outre  que  ces  inepties-là  ne  sont  nullement  une  preuve  d'esprit, 
elles  déparent  une  œuvre  pleine  de  saveur,  de  fraîcheur,  de  talent  et, 
à  tant  d'égards,  digne  d'éloges.  Le  Filleul  d'un  marquis  est  effective- 
ment l'antipode  d'une  œuvre  ordinaire.  Il  y  a,  dans  cette  œuvre,  des 
paysages  lorrains  d'une  vérité  exquise.  On  sent  que  cela  a  été  vu.  La 
récitation  du  Selectx  au  collège,  la  procession  de  la  Fête-Dieu  et  la 
promenade  en  bateau  au  clair  de  lune,  sont  des  tableaux  de  maître. 
M.  Theuriet  est  pocte  à  ses  heures,  et  la  liante  des  Deux  Mondes  donne 
souvent  à  ses  poésies  une  lucrative  hospitalité.  Sa  prose  rhythmée 
dénote  cette  aptitude  ;  elle  charme,  elle  berce,  elle  enchante  —  sans 
nuire  à  la  réalité  et  à  l'esprit  d'observation.  Cet  esprit,  M.  Theuriet 
le  manifeste  principalement  dans  les  types  qu'il  met  en  scène.  Outre 
le  marquis  de  Rosières,  gentilhomme  campagnard,  vigoureusement 
dessiné,  outre  la  douce  Sophie  Hussondont  la  ligure  résignée  rappelle 
certaines  miniatures  de  Greuze,  il  y  a,  dans  le  Filleul  d'un  onarquis,  un 
personnage  qui  est,  à  lui  seul,  une  vraie  création.  Ce  personnage  — 
le  mot  n'a  rien  d'exagéré  —  est,  pour  vous  servir,  Mademoiselle 
Bastienne  de  Fierbois, propriétaire  de  la  verrerie  des  Petites-Isiettes, 
forte  femme  de  cinquante-cinq  ans,  bâtie  comme  un  homme  avec  une 
voix  mâle,  de  gros  traits,  d'épais  sourcils  et  une  légère  moustache  gri- 
sonnante sur  la  lèvre  supérieure.  Elle  ne  s'était  pas  mariée,  la  brave 
demoiselle,  pour  servir  de  mère  à  une  nichée  de  neveux  et  de  nièces 
que  la  mort  avait  rendus  orphelins.  M"^  de  Fierbois  dirigeait  seule 
sa  verrerie  et  faisait  marcher  ses  ouvriers  au  doigt  et  à  l'œil.  Levée 
dès  la  pointe  du  jour,  elle  surveillait  ses  chargements  de  bois  dans 


les  coupes  —  et  rien  n'était  plus  drôlement  admirable  que  ce  grand 
corps  taillé  à  la  serpe,  vêtu  d'une  robe  de  laine,  un  bâton  de  houx  à 
la  main,  les  cheveux  arrangés  à  la  diable,  les  jupes  troussées  jusqu'aux 
jarrets  et  les  pieds  chaussés  de  fortes  bottes  de  chasse.  Toute  petite, 
Bastienne  de  Fierbois  avait  tenu  le  marquis  de  Rosières  sur  les  fonts 
baptismaux  et  lui  avait  voué  une  affection  de  sœur  aînée  que  celui-ci 
lui  rendait  respectueusement.  Le  soir,  ils  jouaient  ensemble  au  tric- 
trac—  et  cette  maîtresse  femme,  qui  était  la  gaîté  et  la  franchise 
personnifiées,  riait  à  tire-larigot  quand  elle  pouvait  faire  son  scélérat 
de  filleul  bredouille.  Voilà  le  portrait.  Que  vous  en  semble  ? 

—  MM.  Theuriet  et  Zola  sont  des  disciples  de  Balzac.  M"^  Jacques 
Vincent  et  M™^  Juliette  Lamber  sont  des  disciples  de  George  Sand. 
La  première  procède  de  la  George  Sand  qui  a  fait  la  Petite  Fadette, 
Mauprat  et  le  Marquis  de  Villemcr.  La  seconde  s'inspire  de  la  George 
Sand  raisonneuse,  prêcheuse  et  humanitaire,  à  qui  nous  devons 
Indiana,  Vakntine,  Évenor  et  Lencippe,  Spiridion  et  les  Sept  cordes  de 
la  lyre.  Pas  n'est  besoin  d'ajouter  que  nous  préférons  de  beaucoup 
M™'=  Jacques  Vincent,  c'est-à-dire  M°'^  Angèîe  Dussaud,  à  M""  Ju- 
liette Lamber,  c'est-à-dire  M"*  Edmond  Adam.  Au  moins.  M™®  Dus- 
saud, dans  Jacques  de  Trévannes,  nous  fait  grâce  de  la  politique,  tandis 
que,  dans  Laide,  M^"  Edmond  Adam  nous  en  sature.  Jacques  de 
Trévannes  est  une  étude  de  psychologie  et  de  mœurs  —  à  laquelle  se 
mêle,  non  par  des  dissertations,  mais  par  la  fatalité  de  l'action  elle- 
même,  la  grave  question  du  divorce.  Tout  d'abord,  on  croirait  que 
l'auteur  prend  parti  contre  l'indissolubilité  du  mariage.  Mais  le 
dénoûment  fait  mentir  la  thèse.  Jacques  de  Trévannes  a  épousé  une 
femme  indigne  qui  lui  reproche  sa  pauvreté.  Comme  il  est  Genevois 
d'origine,  il  demande  le  divorce  d'après  les  lois  suisses,  voulant 
profiter  de  sa  liberté  pour  épouser  une  jeune  veuve  bretonne.  Aurore 
de  Ploeven.  Dans  l'intervalle,  Geneviève  de  Trévannes  est  devenue 
mère,  et  la  maternité  la  métamorphose  ;  elle  revient  à  de  meilleurs 
sentiments  et  désire  de  tout  son  cœur  se  raccommoder  avec  son  mari. 
Celui-ci,  emporté  par  sa  passion  pour  Aurore,  ne  veut  rien  entendre. 
Il  faut  que  Geneviève  s'abaisse  jusqu'à  aller  implorer  le  pardon  de  sa 
rivale.  Aurore  demeure  insensible;  mais,  un  jour,  ayant  entendu  le 
père  de  Jacques  de  Trévannes  parler  d'elle  comme  d'une  femme 
perdue,  l'altière  veuve  comprend  son  abaissement  et  sa  chute.  Elle  se 
retire  aux  Ursulines  de  Nantes  où  elle  meurt.  Jacques,  désillusionné 
par  cette  mort  imprévue,  réintingre  la  maison  paternelle,  et,  le  cœur 
apaisé,  reprend  sa  femme  légitime.  Il  y  a,  dans  Jacques  de  Trévannes, 
des  situations  risquées  et  des  idées  souvent  téméraires.  Cependant, 
nous  devons  dire,  à  la  louange  de  l'auteur,  qu'elle  croit  très-sincère- 
ment à  l'influence  de  la  religion  sur  les  passions  humaines  et  que, 
Juillet  1878.  T.  .\X1II,  2. 


—  lâ- 
chez elle,  le  souffle  chrétien   corrige  maintes  fois  les  caprices  d'une 
imagination  aventureuse.   Dans   tous   les   cas,    écrit  dans  une  langue 
élégante  et  sobre,  Jacques  de  Trévannes  est  une  œuvre  mouvementée, 
vivante,  naturelle  —  caractères  qui,  dans   le  roman  de  M"^  Juliette 
Lamber,  se  trouvent  étouffés  par  d'interminables  discussions  sur  l'es- 
thétique païenne,    sur  la   beauté   grecque,  sur  le    panthéisme  de  la 
renaissance  et  sur  l'art  contemporain.  C'est  impeccable,  comme  style, 
mais  cela  manque  de  cœur  ;  c'est  olympien,  mais  d'une  réalité  problé- 
matique.   L'impassible  Gœthe   se   fût  épris    pour   la    «  Laide  »    de 
M™^  Juliette  Lamber.    La  «  Laide  »  ne  l'a  pas  toujours  été  ;    elle 
l'est  devenue,  étant  enfant,  à  la  suite  d'une  douloureuse  maladie.  Son 
père,  le  sculpteur  Martial,  qui  ne  voit  dans  sa  fille  qu'un  modèle  à  sta- 
tue, la  chasse  uniquement  parce  qu'elle  a  perdu  sa  beauté.  Et  l'auteur 
nous  représente    ce    Martial   comme   un   être   supérieur,  comme   un 
génie.  Mais  c'est  tout  simplement  un  monstre.   Heureusement  que  la 
petite  abandonnée  a,   du  chef  de   sa  mère,  300,000  livres  de  rente 
(pourquoi  pas  trois  millions?)  Grâce  à  sa  fortune,  Hélène  Martial  peut 
contenter  tous  ses  goûts,  tous  ses  caprices  —  et  elle  n'y  manque  pas. 
Ce    sont  seulement   des   caprices   extraordinaires.    Se   croyant  au- 
dessus  du  vulgaire,   elle  po-e  en   prêtresse  de  l'art,  elle  donne  des 
fêtes,  organise  des  conférences,  ouvre  des  concours  de  peinture  ou  de 
sculpture  et  fait  parler  beaucoup  de  sa  marmoréenne  individualité. 
Cela  lui  ramène  le  cœur  de  son  père.  Il  paraît  que  les  sentiments  se 
conduisent  ainsi  dans  la  République  athénienne  dont  M"^  Juliette 
Lamber  prédit  le  définitif  triomphe.  Mais  les  déesses  ont  bien  aussi 
leurs  petites  défaillances.  Hélène  Martial  épouse  Guy  Romain,  le  fils 
d'un  peintre  célèbre.  Ce  Guy  a  de  drôles  d'idées  en  fait  de  morale, 
n  avoue  crûment  qu'il  a  voulu  sa  femme  affreuse,  «  afin  qu'elle  ne  pût 
lui  inspirer  d'amour,  »  et  il  s'en   va  courir  la  prétentaine   avec  nous 
ne  savons  quelle  Italienne.   En  son  absence,  Hélène   Martial  tombe 
malade,  et  la  maladie  qui  l'avait  faite  laide  lui  rend  sa  beauté  —  une 
beauté  resplendissante.   Le  mari  arrive  et  sollicite  le  pardon  de  sa 
femme.  Quant  à  l'odieux  Martial,  il  se  contente  de  trouver  sa  fille 
((  plus  statuaire,  »  En  vérité,  il  y  a  du  marbre  dans  tous  ces  cœurs. 
Au  demeurant,  l'action  ici   n'est  que  l'accessoire  :  l'essentiel  réside 
dans  les  théories,  dans  les  thèses,  dans  les  détails  artistiques.  L'action 
se  passe  à  Paris,  mais  dans  un  monde  factice  qui  nous  transporte  en 
pleine  Grèce,  en  plein  paganisme.  Certes,  Une  fille  laide,  de  M™*  Claire 
de  Chandeneux,  n'est  pas,  pour  la  forme,  comparable  à  la  Laide  de 
M"^   Juliette  Lamber;  mais  combien  elle  est  supérieure  par  la  vrai- 
semblance des  détails,  par  la  vérité  des  situations  et  surtout  par  les 
idées  morales  !  La  «  Fille  laide,  »  de  M"*  de  Chandeneux,  est  préférée 
par  l'homme  même  qui  devait  naturellement  la  délaisser  pour  sa  sœur, 


—  19    - 

la  belle  Paula  de  Béringe.  Eh  bien,  non,  Maxime  de  Saint-Ebre 
choisit  Étiennette  pour  femme,  malgré  sa  laideur.  C'est  que,  si  le  corps 
dans  Étiennette  de  Béringe  est  difforme,  l'âme  resplendit  et  rayonne. 
Pourtant,  ce  n'est  ni  sans  luttes,  ni  sans  souffrances  que  la  pauvre 
Étiennette  conquiert  le  bonheur.  Mais  la  souffrance  n'est- elle  pas  le 
lot  ordinaire  de  la  vie?  Dans  son  remarquable  livre  de  la  Do^^/ei/r, 
Blanc-Saint-Bonntt  a  prouvé  que  la  souffrance  a  son  rôle  dans  le  plan 
divin  et  qu'elle  est  la  chaudière  d'Éson  ou  se  retrempent  les  esprits, 
les  cœurs  et  les  caractères.  M"^  Claire  de  Chandeneux  a  placé 
dans  le  Jura  les  principales  scènes  d'Une  fille  laide.  Les  touristes  y 
retrouvent,  parfaitement  décrits,  les  sites  les  plus  visités  de  cette 
contrée  pittoresque.  —  Nous  aimons  moins  Vaisseaux  brûlés  dn  même 
auteur.  Ce  roman  est  plus  négligé  de  forme,  et,  vers  la  fin,  tombe  dans 
le  mélodrame.  Voici  l'histoire  :  Le  baron  de  Monchenetz,  un  vieux 
célibataire  égoïste,  s'est  laissé  enjôler  par  une  certaine  veuve  Turquet, 
qui  a  résolu  de  mettre  sur  son  front  roturier  un  tortil  de  baronne. 
Mais  Odette,  l'unique  nièce  de  Montchenetz,  se  dresse  devant  la 
Turquet  comme  un  obstacle.  Vite,  baron,  mariez  votre  nièce  !  Pauvre 
Odette  de  Montchenetz,  on  la  marie,  en  effet,  on  la  marie  au  premier 
épouseur  venu,  et  le  malheur  veut  que  ce  soit  le  plus  odieux  gredin 
qui  aitjamais  germé  sur  le  pavé  de  Paris.  Odette  de  Montchenetz  devient 
M"*  Firmerol.  Le  mari  dissipe  au  jeu  la  dot  de  sa  femme,  abandonne 
le  foyer  conjugal,  déshonore  son  vieux  père,  laisse  mourir  ses  parents 
dans  la  misère  et  la  honte,  et  meurt  lui-même  écrasé  par  une  loco- 
motive. Dans  toutes  ces  épreuves,  Odette  n'a  pas  faibli  un  ins- 
tant. Elle  a  été  admirable  de  vertu  et  d'héroïsme.  Aussi  est-elle 
récompensée  en  épousant  Gontran  Clavel,  celui  que  son  cœur  avait 
secrètement  choisi  avant  qu'on  ne  la  livrât  à  l'abominable  Firmerol . 
Quant  au  baron  de  Montchenetz, la  Turquet, devenue  maîtresse,  lui  fit 
une  vie  insupportable.  Il  l'avait  bien  voulu. 

—  La  Maison  vide  !  Quel  excellent  titre,  et  qui  en  dit  long  !  Il  y  avait 
autrefois  dans  cette  maison  une  femme  belle,  jeune,  avenante,  qui 
en  était  la  joie,  l'animation,  l'ornement  et  l'orgueil.  Allons  les  douces 
causeries  de  l'intimité,  les  lectures  à  deux,  la  musique  et  les  rires  ! 
Hélas  !  Bonheur  éphémère  !  Blanche  de  Reynière  est  coquette, 
légère.  Cédant  à  une  minute  d'entraînement,  elle  écoute  les  paroles 
fascinantes  de  Robert  de  Salviac,  et  le  mari  outragé  tue  sa  femme. 
Blanche  morte,  adieu  la  paix  pour  le  contre-amiral  de  Reynière  !  Le 
deuil  irréparable  entre  dans  la  maison  vide;  la  tristesse  et  la  solitude 
en  sont  les  hôtes;  Reynière  est  bourrelé  de  remords  et  il  en  arrive  à 
j  chercher  partout  le  fantôme  de  celle  qui  n'est  plus.  Le  même  phéno- 
'  mène  se  produit  chez  Robert  de  Salviac.  Il  s'accuse  d'être  la  cause  de 
tous  ces  malheurs  ;  il  se  repent   et  Reynière  lui   rend  son  amitié. 


—  20  — 

Cependant,  un  nouveau  motif  de  rivalité  surgit.  Le  hasard  met  sur  la 
route  de  ces  deux  hommes  une  jeune  fille,  Valentine  Trézel,  qui,  trait 
pour  trait,  ressemble  à  l'assassinée.  Le  cœur  humain  est  une  inexpli- 
cable énigme.  Tous  deux,  Reynière  et  Salviac,  aspirent  à  la  main  de 
Valentine  Trézel.  Lequel  choisira-t- elle  ?  Valentine  choisit  Salviac. 
Alors,  dans  un  accès  de  générosité  qui  n'excuse  pas  son  acte,  Reynière 
se  donne  la  mort.  Le  suicide  équivaut  à  un  crime,  M.  Claretie.  Pour 
le  cœur  doublement  brisé  du  contre-amiral  de  Reynière,  vous  aviez 
le  cloître,  la  Trappe  ou  la  Chartreuse.  Il  est  vrai  que  ce  serait  trop 
demander  à  un  libre-penseur,  La  littérature  contemporaine  se  rit  de 
ces  dénoiiments  où  la  religion  et  la  morale  trouvent  leur  compte.  — 
Les  personnages  de  la  Maison  vide  sont  tous  Parisiens,  Parisiens  du 
boulevard.  On  s'en  aperçoit  à  leur  mœurs  faciles.  Toutefois,  si  les 
détails  méritent  à  certains  égards  les  sévérités  de  la  critique,  l'œuvre 
en  elle-même  est  honnête.  —  Elle  se  concentre  dans  un  drame  intime 
qui  touche,  d'un  côté,  aux  choses  sérieuses  de  la  vie  et,  de  l'autre,  à 
celle  des  vices  mondains  habillés  à  la  mode  du  jour,  mais  qui  conclut 
à  la  déification  du  devoir.  M.  Jules  Claretie  a  dédié  son  livre  à  sa 
femme  :  «  A  ma  chère  femme,  dit-il,  je  dédie  ce  livre  dont  la  conclu- 
sion est  le  foyer  paisible  et  le  consolant  amour  de  la  famille,  et  la 
maison  emplie  du  rire  de  l'enfant  !  »  Il  aurait  pu  cependant  arriver, 
par  d'autres  voies,  à  cette  conclusion  consolante.  La  Maison  vide  est 
aussi  une  réponse  aux  fameux  Tue-là,  d'Alexandre  Dumas  fils.  Et  la 
politique  ?  Oh  !  la  politique  s'est  encore  faufilée  dans  la  Maison  vide. 
Un  des  personnages  du  roman  est  un  certain  Monteclair  qui  joue  les 
plus  vilains  rôles.  Eh  bien,  M.  Claretie  n'a  pu  résister  au  facile 
plaisir  de  faire  de  ce  Monteclair  un  conservateur.  Adulation  grossière 
et  de  mauvais  goût  aux  363  !  Il  serait  bien  temps  que  les  romanciers 
laissassent  la  politique  à  l'Académie  française. 

—  Malheureusement,  la  vogue  est  là.  Voici  un  nouveau  venu  dans 
la  carrière,  M.  Paul  Bonnaud.  Il  a  du  talent,  du  style,  l'esprit  d'ob- 
servation. Par  quoi  débute-t-il?  Par  un  roman  politique,  le  Roman  de 
la  princesse.  Cette  princesse  est  une  riche  héritière  bourgeoise  qui 
épouse  le  fils  du  prince  de  Candé  ?  L'auteur  estime  que  son  prince  est 
formé  de  morceaux  divers  et  qu'il  est  la  résultante  de  plusieurs 
individualités.  C'est  possible.  Mais  il  y  a  dans  ce  type,  dominant  toute 
l'œuvre^  des  traits  méconnaissables  —  et,  si  nous  voulions  mettre  un 
nom  au  bout  de  notre  plume,  nous  mettrions  naturellement  le  nom 
d'un  homme  d'Etat  célèbre,  un  vaincu  d'aujourd'hui.  Cependant,  il  y 
a  cette  circonstance  atténuante  :  le  prince  de  Candé  mis  en  scène  par 
M.  Paul  Bonnaud  est  un  personnage  odieux,  malhonnête,  antipathique, 
véreux,  taré,  sceptique,  sans  conscience.  Or,  l'homme  d'État  auquel 
nous  faisons  allusion  est  tout  le  contraire:  si  ses  actes  d'homme  public 


—  21  — 

peuvent  être  critiqués,  sa  vie  d'homme  privé  est  la  vie  d'un   homme 
de  principes,  digne  et  irréprochable.  Si  donc  l'auteur  du  Roman  de  la 
■princesse  avait  voulu  faire  ainsi  la  caricature  d'une  honorable  person- 
nalité,   ce   serait  une   mauvaise   action    dont   nous  ne   croyons   pas 
M.  Paul  Bonnaud  capable.  —  Il  y  a  deux  parties  dans  le  Roman  d'une 
princesse,  le  princesse   avant  et  après  la  lettre.  Autant  la  seconde 
partie  nous  déplaît  et  nous  répugne,  autant  la  première  partie  nous 
ravit  et  nous  charme.  Rien    de  plus  sympathique  que    cette    petite 
Thérèse  Devert,  bourgeoise  de  naissance,  mais  noble  de  goûts,  d'ins- 
tincts et  de  tendances:  une  vraie  châtelaine.  Il  est  vrai  de  dire  qu'elle 
habite  avec  son  père  le  vieux  manoir  des  seigneurs  de  Bissy.  Dansune 
tour  de  ce  manoir,  elle  s'est  construit  un  nid  d'aristocrate.  Armures 
antiques,    panoplies  des    croisades,    archives    nobiliaires,   bouquins 
poudreux  (Moréri,  d'Hozier  et  autres  auteurs  héraldiques).  Là,  tous  les 
jours,  elle  compulse,  elle  étudie  l'histoire  de  la  vieille  famille  seigneu- 
riale et  se  croit  à  certains  moments  la  fille  d'un  Bissy.  Et  de  fait,  elle 
en  a  la  fierté,  la  distinction,  les  signes  de  race.  Quelle  brave  figure 
aussi  que  celle  du  bonhomme  Devert  !  Eh  bien,  dans  la  seconde  partie 
du  roman,  le  bonhomme  Devert,  devenu  le  député  Devert,  se  conduit 
comme  un  véritable  arsouille^  et  sa  fille,  désormais  princesse  de  Candé 
traîne  sa  couronne  de  princesse  dans  les  fanges  de  l'adultère.  C'est 
gâter  à  plaisir  un  tableau  fort  heureusement  commencé.  On  ne  peut 
guère  louer,  dans  la  deuxième  partie  du  Roman  de  la  princesse,  que 
certains  portraits  de  journalistes,  de  bohèmes  et  de  financiers  marrons 
saisis  sur  le  vif.  Tout  ce  monde-là  se  réunit  dans  les   bureaux   de 
YÂctiialité.  Ratés  du  théâtre,   éclopés    du  barreau,   fruits  secs    des 
écoles,  ayant  sept  à  huit  fois  changé  de  carrière,  tour  à  tour  auteurs, 
impresaris^  poètes,  mathématiciens,  professeurs  de  musique,  ils   sont 
venus  échouer  dans  le  journalisme.  Mais  cela  ne  leur  a  pas  donné  des 
convictions.  Aujourd'hui,  ils  se  battent  pour  la  droite,  demain  pour  la 
gauche.  Evidemment,  la  presse  parisienne  possède  de  pareils  drôles. 
Leur  modèle  est  le  sieur   Ricau  dont  les  opinions  se  mesurent  à  la 
pièce  décent  sous.  Ne  se  voyant  pas  récompenser  selon  ses  prétendus 
mérites,  il  dit  :  «  Je   n'en   veux  plus,  je  retourne  à  mon   vomisse- 
«  ment,  j'ai  été  démocrate   autrefois.  Yive  la  République  !  »  Jolie 
recrue  ! 

—  Ily  a  moins  de  politique  dans  le  Roman  d'une  créole;  mais  il 
n'en  vaut  pas  mieux  pour  cela.  La  créole  est  la  terreur  des  villes 
d'eaux.  Elle  a  nom  M™^  d'Algorre  ;  mais  on  la  surnomme  la  Femme- 
Serpent,  la  fée  Mélusine.  Dites  plutôt  Messaline.  Établie  à  Arcachon, 
elle  provoque  l'assassinat  d'une  femme  par  son  mari,  épouse  un 
ingénieur,  le  quitte,  se  livre  à  tous  les  débordements  et  s'empoisonne. 
Ce  mauvais  roman,    sans  talent  et  sans  esprit  d'ailleurs,  à  l'excep- 


tion  d'une  page  sur  les  vieilles  familles  commerçantes  et  du  portrait 
d'une  Russe  excentrique  qui  va,  le  matin,  dans  les  champs  «  boire  les 
larmes  de  l'aurore,  »  ce  miuvais  romin  devrait  finir  au  suicide  de 
la  créole.  Non  !  l'auteur  le  prolonge  inutilement  pour  avoir  le  plaisir 
de  faire  une  apologie  delà  Commune.  Espère-t-il  détourner  ainsi  l'at- 
tention de  sa  répugnante  créole?  Le  moyen  est  étrange.  Il  paraîtrait 
que  cettecréole  n'est  pas  un  mythe  et  qu'elle  aurait  vécu  à  Paris  vers 
la  fin  du  second  Empire.  Réelle  ou  d'invention,  elle  n'en  est  pas  moins 
un  monstre,  comme  la  Cara  de  M.  Hector  Malot  Cara  n'est  qu'un  dimi- 
nutif de  Caravansérail.  — Ce  qui  en  dit  long  sur  les  mœurs  de  la  créa- 
ture. Étant  donnée  la  pieuvre,  il  n'est  pas  étonnant  qu'elle  ruine  Léon 
Haupois,  fils  de  M.  Haupois  d'Aiguillon,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur,  orfèvre -fournisseur  des  cours  d'Angleterre,  d'Espagne, 
de  Grèce  et  de  Belgique,  breveté  de  toutes  les  Expositions  euro- 
péennes. Cara  fait  plus  que  ruiner  ce  fils  de  famille;  elle  l'épouse  en 
Amérique  devant  un  prêtre  catholique.  Mais  la  bonne  foi  du  prêtre  a 
été  surprise,  le  mariage  n'est  pas  valable  ;  M""^  Haupois  en  obtient  de 
Rome  même  l'invalidation,  et  permet  à  son  fils  d'épouser  sa  cousine 
Madeleine  —  qui  lui  avait  été  refusée  dans  le  principe  sous  prétexte 
qu'elle  était  pauvre.  En  résumé,  Cara  n'est  un  chef-d'œuvre,  ni  pour 
le  fonds  ni  pour  la  forme.  Mais,  à  l'instar  de  certains  romans  du  même 
auteur,  ce  n'est  pas  non  plus  un  pamphlet  à  l'adresse  des  idées  et 
des  principes  dont  la  Révolution  fait  aujourd'hui  sa  cible  quoti- 
dienne. 

—  Les  Mariages  dangereux,  de  M°'  Anaïs  Ségalas,  ne  constituent 
pas  un  roman  proprement  dit.  C'est  la  réunion  de  quatre  récits  dont 
la  chasse  à  la  fiancée  et  la  vie  conjugale  font  tous  les  frais.  Les  deux 
dernières  de  ces  Nouvelles  sont  fort  peu  intéressantes.  Il  n'en  est  pas 
de  même  des  deux  premières  :  Les  deux  mariages  du  beau  Gontran, 
Les  trois  femmes  d'Henri  Smirt.  Elles  sont  curieuses  et  originales 
et  l'une  d'elles  serait  parfaite,  si  elle  était  moins  libre.  Le  beau 
Gontran  d'Ablin  épouse,  lui,  homme  de  trente  ans,  une  femme  de 
cinquante-deux  ans,  pour  ses  richesses.  Trente  ans  après,  veuf  de 
soixante  ans,  il  épouse  une  jeune  fille  de  dix-huit  ans.  Il  a  fait  souf- 
frir la  femme  vieille  ;  la  femme  jeune  la  venge  en  faisant  souff'rir 
Gontran.  Telle  est  la  ritournelle.  Quant  à  Henri  Smirt,  c'est  un 
affreux  scélérat  qui  se  marie  avec  des  jeunes  filles  poitrinaires  et  se 
fait  donner  par  testament  leur  fortune.  Il  spécule  sur  la  santé  de  ses 
femmes.  Il  y  a  dans  les  Nouvelles  de  M™=  Anaïs  Ségalas  quelques  traits 
fort  justes.  L'auteur  parle  en  ces  termes  de  la  coquetterie  :  «  Il  ne 
faut  pas  croire  que  la  frivolité  et  le  désir  de  plaire  soient  les 
privilèges  exclusifs  des  femmes.  A  côté  de  la  coquette,  il  y  a  le 
coquet,    qui   semble    vouloir   déplacer  les    rôles   et  qui    attend  les 


—  2;{  — 

adorations.  On  blâme  M'"''  Célimène.  Mais  que  dira-t-on  de  M.  Céli- 
mène  ?  »  Pour  conclure,  toute  la  morale  des  quatre  récits  de 
M"*  Anaïs  Ségalas  peut  se  résumer  dans  ces  vers  d'une  chanson 
populaire  : 

Il  faut  des  époux  assortis 
Dans  les  liens  du  mariage. 

FlRMIN    BOISSIN. 


THÉOLOGIE 

La  Sainte  Bible,  il.ncieii  et  IVouveau  Testament,  Récit  et 
Commentaire,  par  l'abbé  F.  R.  Salmon,  du  diocèse  de  Pari  ^  chanoine 
honoraire  de  Châlons.  Ouvrage  illustré  de  240  gravures,  par  Schnorr.  Pa- 
ris, Firmin-Didot,  1878,  in-4  de  xiv-6i5  p.  Prix  :  20  fr. 
Voilà  un  livre  digne  de  la  maison  Didot  par  la  beauté  des  gravures 
et  la  perfection  de  l'exécution  matérielle.  «  L'illustration,  écrit  jus- 
tement M^"    Mermillod,   reproduit    les    gravures    si    appréciées    de 
Schnorr;  ces  dessins  si  religieux,  si  beaux,  portant  le  caractère  de  la 
foi  et  de  l'art,  complètent  le  récit  sacré.  »  Le  récit,  dû  à  la  plume  de 
M.  l'abbé  Salmon,  mérite  les  ornements  splendides  qui  raccompagnent. 
Le  plus  souvent,  ce  n'est  pas  sa  parole  que   l'auteur  nous  donne,  c'est 
la  parole  même  de  Dieu.  11  entremêle  seulement,  au  texte  sacré  qu'il 
traduit,  quelques  explications  courtes  et  lumineuses,  et  il  donne  ainsi 
un  commentaire  simple  et  clair  qui,  loin  d'entraver  la  marche  du  lec- 
teur, la  lui  rend  facile  et  agréable.  Il  sait  d'ailleurs  s'adresser  abonne 
source  pour  nous  faire  comprendre  la  Bible,  et,  dès  la  première  page, 
Bossuet,  de  sa  grande  voix,  nous  parle  de  la  création  avec  la  majesté 
et  la  magnificence  qui  conviennent  au  sujet. 

M.  l'abbé  Salmon  résout  aussi,  chemin  fiiisant,  toutes  les  difficultés, 
scientifiques  et  autres,  qu'il  rencontre  sur  ses  pas.  C'est  ainsi  qu'il 
montre  avec  beaucoup  de  lucidité  l'accord  de  la  cosmogonie  mosaïque 
avec  les  sciences  naturelles,  et  qu'il  répond  à  toutes  les  objections 
qu'on  peut  faire  contre  le  déluge  et  le  miracle  de  Josué. 

Non  content  de  nous  faire  connaître  l'histoire  proprement  dite  de 
l'Ancien  Testament,  il  nous  fait  connaître  encore  les  passages  les  plus 
remarquables  des  livres  sapentiaux  et  des  grands  prophètes.  Dans  la 
seconde  partie,  le  Nouveau  Testament,  il  nous  donne  une  excellente 
vie  de  Notre-Seigneur  et  un  bon  résumé  des  Actes  des  Apôtres,  où  il 
parle,  à  leur  place  chronologique,  des  Epîtres  de  saint  Paul.  Il  ter- 
mine son  œuvre  par  l'analyse  de  l'Apocalypse. 

M.  l'abbé  Salmon  ne  s'occupe  pas,  et  avec  raison,  dans  son  ouvrage, 
des  inepties  des  rationalistes  contre  la  Bible.  Il  a  jugé  à  propos  de 
dire  quelques  mots  des  difficultés  scientifiques  que  peut  suggérer  la 
lecture  des  saintes  Écritures,  parce  qu'il  est  utile,  en  efl'et,  d'éclairer 


—  24  - 

les  esprits  sur  ces  questions  importantes;  mais,  comme  son  but  n'était 
pas  de  composer  une  œuvre  apologétique,  il  n'avait  qu'à  passer  sous 
silence  les  attaques  de  la  critique  négative.  Le  style  de  Fauteur  est 
élégant  et  correct;  tout  au  plus  pourrait-on  lui  reprocher  de  manquer 
un  peu  çà  et  là  de  simplicité  ;  mais  la  plupart  des  lecteurs  le  lui  par- 
donneront volontiers.  Le  texte  est  donc  digne  de  la  splendeur  de 
l'exécution,  et  nous  ne  pouvons  mieux  faire,  en  terminant,  que  de  répé- 
ter ce  que  M^''  l'évêque  de  Châlons  écrivait  à  l'auteur  :  «  Je  souhaite 
que  votre  livre  se  répande  beaucoup.  Il  substituera  aux  connaissances 
superficielles  ou  partielles  delaBible  des  notions  beaucoup  plus  justes 
et  beaucoup  plus  étendues  ;  il  dissipera  plus  d'un  préjugé.  » 


ISseai    sur  l'Kglîse    anglicane,  par  F.    Segon'dy.   Paris,   Roger   et 

Chernoviez  ;  Montpellier,  Séguin,  1878,  in-8  de  xvii  et  o99  p.  —  Prix  :  6  fr. 

L'ouvrage  que  nous  annonçons  est  divisé  en  trois  parties.  Dans  la 
première,  composée  de  trois  chapitres,  l'auteur  traite  de  l'origine  de 
la  réforme,  en  général,  de  l'origine  de  l'Eglise  anglicane  en  particulier, 
de  la  réformation  et  de  la  conversion  de  l'Angleterre  comparées.  Dans 
la  seconde  partie,  intitulée  Caractères  de  l'Église  anglicane,  l'auteur 
assigne  d'abord  à  cette  Eglise,  les  caractères  qu'elle  présente  au 
point  de  vue  théologique,  à  savoir  d'être  schismatique,  hérétique, 
protestante,  autoritaire  et  protestante,  institution  hybride  et  faite  de 
compromis,  isolée  du  monde  chrétien.  Dans  un  second  chapitre,  l'au- 
teur montre  que  l'Église  anglicane  est  esclave  de  l'Etat  et  sans 
influence  sur  les  masses.  Dans  le  troisième,  il  examine  les  résultats 
qu'elle  a  produits  dans  son  sein  par  la  multiplication  des  sectes  et  par 
le  nationalisme,  et  au  dehors,  par  ses  missions. 

La  troisième  partie  de  l'ouvrage  est  consacrée  à  ce  que  M.  Segondy 
appelle  les  admirateurs  de  l'Église  anglicane,  à  savoir  les  partisans 
de  la  haute  Eglise,  les  puséistes,  les  politiques,  les  économistes. 
Ajoutons  à  cela  l'épilogue  et  les  appendices  contenant  surtout  de 
longues  notes  que  l'auteur  n'a  pas  pu  placer  dans  son  volume  et  nous 
aurons  nos  six  cents  pages. 

L'énoncé  de  ce  plan,  formulé  dans  les  termes  employés  par  l'auteur 
lui-même,  suffit  pour  montrer  que  nous  avons  devant  nous  le  contraire 
de  ce  qu'on  nous  avait  promis  dans  la  préface,  à  savoir,  un  volume  de 
controverse.  Et  il  n'était  peut-être  pas  facile,  en  effet,  à  l'auteur  de 
faire  autre  chose,  car  l'Eglise  anglicane,  comme  toutes  les  choses 
anglaises,  présente  un  système  si  compliqué  qu'il  n'est  pas  toujours 
aisé  de  bien  la  saisir  et  de  bien  la  dépeindre. 

Ce  volume  s'annonce  comme  une  introduction,  A  ce  compte,  il 
faudrait  en  attendre  cinq  ou  six  autres  et,  en  effet,  dans  la  préface, 


on  nous  fait  connaître  cinq  ou  six  sujets  qu'on  se  propose  de  traiter. 
A  notre  avis,  cinq  ou  six  volumes,  c'est  beaucoup  à  propos  d'un 
système  qui  se  meurt. 

Nous  ne  voulons  pas  entrer  dans  la  critique  des  détails  :  cela  nous 
mènerait  loin  ;  au  lieu  d'un  volume  de  controverse,  nous  aurions 
préféré  un  livre  d'exposition  qui  aurait  fait  passer  sous  nos  yeux 
comme  un  tableau  vivant  de  l'Eglise  anglicane.  Mais,  pour  peindre 
une  société,  il  faut  la  connaître  à  fond,  vivre  en  rapports  suivis  avec 
elle,  et  il  nous  semble  que  l'auteur  de  l'Essai  sur  l'Église  anglicane 
connaît  la  société  anglaise  surtout  par  les  livres.  Nous  ajouterons 
même,  sans  craindre  de  beaucoup  nous  tromper,  que  sa  bibliothèque 
est  un  peu  vieillie  et  beaucoup  trop  restreinte. 

Nous  pensons  cependant  que  ce  livre  pourra  rendre  des  services  et 
qu'il  contribuera  à  mettre  un  peu  plus  à  Tordre  du  jour  l'étude  des 
questions  religieuses  anglaises,  qui  sont,  sans  contredit,  des  plus 
intéressantes  que  puissent  étudier  nos  contemporains. 

M.  Segondy  ne  ferait-il  que  rendre  ce  service  à  la  religion,  par  le 
volume  qu'il  vient  de  publier,  qu'il  n'aurait  nullement  lieu  de  regretter 
la  peine  qu'il  s'est  donnée  pour  l'écrire.  Nous  espérons  néanmoins 
que  ce  ne  sera  pas  le  seul  :  et  son  Essai,  sans  faire  exactement  con- 
naître l'Eglise  anglicane  telle  qu'elle  existe  en  1878,  en  donne 
cependant  une  idée  suffisamment  juste  pour  le  commun  des  lecteurs 
français.  P.  M. 


SCIENCES. 

Philosophie  de  lîi  science  politicgiie  et  commentaire  de  la 
déclaration  des  difoits  de  B'^homme  de  ITOS,  par  le  profes- 
seur EuiLE  Accolas.  Paris,  Mareseqaioé,  1877,  in-8  de  vji-j2i-  [>. 
Il  y  a  deux  choses  dans  l'ouvrage  de  M.  Accolas:  avant  tout  une 
négation  absolue  de  Dieu,  un  matérialisme  brutal,  une  haine  violente 
des  institutions  religieuses  et  particulièrement  de  la  doctrine  catho- 
lique dont  il  travestit  les  données  à  un  point  difficilement  explicable 
chez  un  écrivain  dont  les  lectures  ont  été  considérables,  en  quelques 
pages  tranchantes,  banales,  et  renvoyant  pour  la  démonstration  à  des 
ouvrages  aventureux  et  fort  discutés  ;  puis  une  critique  vive  et 
pénétrante  de  tous  les  systèmes  scientifiques  et  sociaux  élaborés  de 
nos  jours,  et  qu'on  a  prétendu  substituer  au  grand  et  compréhensif 
enseignement  du  christianisme.  Dans  cette  tâche,  M.  Accolas  déploie 
de  remarquables  qualités  intellectuelles,  une  grande  précision  de 
style,  une  assurance  de  pensée  qui  dédaigne  toute  atténuation  et  dé- 
chire audacieusement  tous  les  voiles  du  langage.  A  quelque  motif  qu'il 
faille  attribuer  les  exécutions  qu'il  fait  des  socialistes,  de  Comte,  de 


-  2r.  — 

Renan,  de  Littré,  de  Jules  Simon,  d'Herbert  Spencer,  en  unmot  de  tous 
les  contemporains  révolutionnaires  tant  soit  peu  marquants,  ce  n'en 
sont  pas  moins  de  terribles  coups  de  boutoir,  et  les  outres  pleines 
de  vent  sur  lesquelles  ils  portent  sont  dégonflées  pour  toujours. 

Parmi  les  doctrines  que  M.  Accolas  combat  avec  le  plus  de  verve, 
est  le  faux  dogme  de  la  souveraineté  du  peuple  et  de  la  loi  des  ma- 
jorités. Rarement  le  vice  radical  de  cette  idée  avait  été  mieux  montré. 
Il  démontre  également  tout  ce  qu'a  de  faux  la  conception,  si  répan- 
due parmi  les  écrivains  contemporains  que  TEtat,  la  commune,  l'hu- 
manité sont  des  organismes, que  la  métaphore  ne  peut  jamais  prendre  la 
place  d'une  réalité. 

Le  professeur  radical  ne  se  contente  pas  de  renverser  et  de  piétiner 
les  œuvres  de  ses  prédécesseurs  révolutionnaires  :  il  veut  élever  le  mo- 
nument de  la  «CiVnce  politique.  Il  lui  donne  pour  base  l'autonomie  de 
la  personne  humaine,  et  va  en  chercher  un  modèle  approximatif  dans 
la  déclaration  des  droits  de  l'homme  de  1793  et  cette  constitution  de 
l'an  II  que  la  Convention  vota,  mais  ne  put  jamais  mettre  en  vigueur, 
et  qui  reposait  sur  la  législation  directe  par  le  peuple  réuni  en  assem- 
blées primaires. 

Nous  ne  discuterons  pas  ici  la  thèse  de  M.  Accolas;  aussi  bien,  la 
partie  critique  de  son  œuvre  est  la  seule  qui  ait  de  la  valeur.  Il  pré- 
tend conserver  les  idées  de  morale,  de  droit,  d'amour  fraternel  même, 
les  principes  de  la  propriété  et  de  la  rémunération  du  capital,  tout  en 
ne  voyant  dans  l'homme  qu'un  agrégat  d'atomes,  soumis  exclusive- 
ment aux  lois  de  circulation  de  la  matière.  Sur  ce  point-là,  il  n'a  évi- 
demment pas  l'avantage  de  la  logique  vis-à-vis  de  Biichner  et  d'Her- 
bert-Spencer. 

En  résumé,  l'œuvre  de  M.  Accolas  a  beaucoup  d'analogies  avec 
celle  de  Proudhon,  le  seul  des  contemporains  qu'il  ménage  au  milieu 
de  ses  acerbes  critiques. 


Précis  du  cours  d'économie  politique,  professé  à  la  faculté  de 
droit  de  Paris^  jiar  Pacl  Cauwès,  agrégé.  Tome  I",  première  partie.  Paris, 
Larose,  1878,  in-8  de  vin-428  p.  —  Prix:  5  fr. 

M.  Cauwès  comprend  la  science  économique  d'une  manière  large, 
élevée  et  toute  spiritualiste,  qui  lui  fait  honneur.  Nous  le  féliciterons 
tout  spécialement  d'avoir  combattu  la  funeste  doctrine  des  écono- 
mistes anglais,  qui  consiste  à  réduire  toute  l'économie  politique  à 
la  science  des  richesses,  d'avoir  affirmé  que  «  des  intérêts  humains 
de  justice  et  de  morale  planent  au-dessus  de  toute  question  relative 
aux  choses  matérielles,  »  et  que  «  multiplier  les  produits  n'est  pas  le 
but  suprême.  »  L'économie  politique,  selon  lui.  a  pour  objet  les  lois 
sociales  de  l'industrie,  des  richesses  et  des  services,  d'où  cette  triple 


—  27  — 

division   de  son  traité   en   Onjanisation  industrielle,    Economie   des 
richesses  et  Économie  publique. 

Le  volume  que  nous  avons  entre  les  mains,  et  qui  n'est  que  la  pre- 
mière partie  du  tome  I",  eouiientV  Organisation  industrielle  et  les  deux 
premiers  livres  de  V Économie  des  richesses  qui  traitent  de  la  production 
et  consommation  et  de  la  population.  Avec  beaucoup  d'excellentes 
choses,  nous  y  trouvons  quelques  erreurs  nojées,  dans  un  déluge  de 
phrases  et  de  digressions  incidentes.  M,  Cauwès  manque  de  méthode 
dans  la  conception  de  son  plan,  d'ordre  dans  la  disposition  des  diffé- 
rentes parties  de  son  œuvre,  et  de  suite  même  dans  le  développement 
de  ses  idées.  Ainsi,  à  propos  de  l'organisation  industrielle  et  du 
régime  du  travail,  M.  Cauwès  vient  nous  exposer  ses  théories  sur  la 
famille,  les  sociétés  politiques  et  les  services  privés  et  publics,  tout 
en  renvoyant  avec  une  facilité  déplorable  son  lecteur,  pour  la  solution 
d'un  grand  nombre  de  questions  intéressantes,  à  la  seconde  partie  de 
son  livre,  encore  dans  ses  cartons. 

Il  faut  déplorer  également  que  M.  Cauwès  ait  cru  devoir  s'attacher 
aux  doctrines  d'un  économiste  aniéricain,  qui  n'a  pas  fait  un  seul 
disciple  dans  son  propre  pays,  et  que  «  Carey  soit,  entre  tous,  celui 
dont  il  se  plaise  à  reconnaître  l'inspiration  scientifique.  »  C'est  que, 
en  effet,  il  est  tombé,  à  la  suite  de  son  maître,  dans  des  exagérations 
regrettables  qu'un  examen  plus  sérieux  des  faits  lui  eiît  permis 
d'éviter.  Lorsque  M.  Cauwès,  par  exemple,  examine,  dans  la  section 
quatrième  du  premier  livre  de  l'économie  des  richesses,  la  fameuse 
théorie  de  Ricardo  connue  sous  le  nom  de  Rente  du  sol,  il  ne  se  borne 
pas  à  la  réfuter,  mais  il  tombe  dans  l'excès  contraire  en  niant  abso- 
lument l'existence  de  ce  phénomène.  De  même,  après  avoir  combattu 
la  fatale  doctrine  de  Malthus  et  de  Stuart  Mill  sur  la  population,  il  va 
encore  trop  loin  en  refusant  d'admettre,  pour  aucun  pays,  la  possibilité 
d'une  crise  de  saturation  de  population,  puisque  des  faits  contempo- 
rains nous  démontrent  le  contraire. 

Regrettons  enfin  que  M.  Cauwès  se  soit  fait  l'écho  des  vieilles  et 
odieuses  calomnies,  tant  de  fois  rééditées,  contre  les  admirables 
établissements  fondés  au  dix-septième  siècle  par  les  jésuites  en 
Amérique  et  connus  sous  le  nom  de  Réductions  du  Paraguay. 

En  résumé,  ce  livre,  trop  détaillé  et  trop  volumineux  pour  être 
jamais  à  la  portée  des  étudiants,  contient  des  études  fort  appro- 
fondies sur  quelques  points,  des  aperçus  nouveaux  et  surtout  des 
annotations  précieuses  ;  mais  tout  cela  se  suit  sans  ordre  et  sans 
cohésion,  et  trahit  chez  l'auteur,  avec  une  certaine  inexpérience,  une 
grande  précipitation  dans  la  préparation  de  cet  ouvrage  qui  ne  peut 
s'expliquer  que  par  la  crainte  d'être  prévenu  par  quelque  confrère 
plus  diligent. 


—  28  - 

Maintenant  que  M,  Cauwès  a  pris  possession  du  terrain,  qu'il  nous 
permette  de  lui  conseiller  de  revoir  sérieusement  le  volume  qu'il  a 
lancé  un  peu  à  la  légère  dans  la  circulation,  d'en  coordonner  et  d'en 
reserrer  les  parties  éparses,  de  le  pourvoir  d'une  table  des  matières, 
et,  alors,  nous  n'en  doutons  pas,  son  précis  devra  prendre  place 
dans  la  bibliothèque  de  tous  ceux  qui  s'occupent  sérieusement 
d'économie  politique,  H.  de  G. 


Apts  et  Manufactures.  Exposition  sommaire  des  études  et  procédés  de 
V industrie  contem.'por aine,  par  M.  Maig.ne.  Paris,  E.  Belin,  3  vol.  in-12  de 
viii-439,  4i8  et  480  p.  —  Prix  :  9  fr. 

En  écrivant  ce  nouvel  ouvrage,  M.  Maigne  s'est  proposé  de  rendre 
classiques  les  divers  procédés  industriels  actuellement  en  usage  dans 
nos  ateliers  et  dont  l'enseignement  était  resté  jusqu'ici  le  monopole 
des  écoles  spéciales  d'arts  et  manufactures.  Certes,  le  sujet  est  vaste, 
et  il  y  a  lieu  de  féliciter  l'auteur  d'avoir  réussi,  en  aussi  peu  d'espace, 
à  traiter  d'une  façon  très-suffisamment  détaillée,  vu  les  lecteurs 
auxquels  il  s'adresse,  un  ensemble  aussi  considérable.  Ces  trois 
volumes  présentent  un  intérêt  tout  particulier,  en  ce  moment  où  l'Ex- 
position attire  l'attention  générale  sur  l'intérieur  de  nos  usines,  et  il 
nous  semble  difficile  de  trouver  un  guide  plus  instructif  pour  en  par- 
courir les  galeries.  On  y  trouvera  toujours  données,  dans  un  style  clair 
et  précis,  des  explications,  intelligibles  pour  chacun,  si  négligée  qu'ait 
été  jusque  là  son  éducation  scientifique. 

C'est  en  vain  que  nous  avons  cherché  dans  cet  ouvrage  une  notice 
suffisamment  détaillée  sur  les  moteurs  d'ateliers.  Peut-être  trouvera- 
t-elle  sa  place  dans  un  quatrième  volume,  nécessaire  du  reste,  pour 
fournir  au  complet  ce  que  promet,  un  peu  témérairement,  le  titre  de 
l'ouvrage.  On  peut  également  reprocher  à  l'auteur  de  n'avoir  pas  assez 
indiqué  les  perfectionnements  les  plus  récents  apportés  aux  diverses 
industries  ;  mais  ce  défaut,  peu  important  pour  un  livre  aussi  élémen- 
taire, ne  doit  pas  empêcher  d'en  conseiller  l'introduction  dans  toutes 
les  bibliothèques  scolaires,  dont  les  lecteurs  sont  trop  souvent,  comme 
le  fait  remarquer  très-justement  M.  Maigne,  complètement  dépourvus 
de  toute  connaissance  pratique.  F.  de  C. 


—  29  — 


BELLES-LETTRES 

ÎVeue  Studien  iiber  Schrîft,  A.issprï»che  uiict  all^enieine 
Formenlehre  des  ^^tiopîsclieii,  ans  den  Qucllcn  gcschopft,  com- 
parativ  und  physiologisch  erlautert.  (Études  nouvelles  sur  l'écriture,  la  pro- 
noncialion  et  les  formes  générales  des  mots  en  éthiopien,  expliqués  compara- 
tivement et  physiolorjirjucment  d'après  les soui'ces.)  \oa  B''  Edcard  Kœnig, 
Oberlehrer  an  Gymnasium  St.-Tliomee  zu  Leipzig.  Leipzig,  Hinrichs, 
1877,  in-8  de  .\ii-ÏG4  p.  —  Prix  :  18  fr. 

Les  Études  de  M.  Kœnig  sont  un  ouvrage  de  haute  science  philolo- 
gique. Il  ne  saurait  intéresser,  il  est  vrai,  le  commun  des  lecteurs, 
mais  il  se  recommande  à  l'attention  de  tous  les  philologues,  en  général, 
et  des  orientalistes,  en  particulier.  On  a  déjà  fait  beaucoup  pour  la 
grammaire  comparée  des  langues  indo-européennes;  on  a  fait  encore 
fort  peu,  presque  rien,  pour  la  grammaire  comparée  des  langues 
sémitiques  dans  leurs  rapports  avec  les  langues  indo-européennes. 
Pour  que  ce  dernier  travail  soit  possible,  il  faut  que  des  savants  com- 
pétents publient  des  travaux  comme  celui  de  M.  Kœnig  sur  l'éthio- 
pien. 

L'auteur  des  Nouvelles  Études  lésa  dédiées  à  M.  Franz  Delitzsch,  le 
célèbre  professeur  d'exégèse  de  Leipzig,  parce  que  c'est  un  discours 
de  ce  dernier  :  Sur  l' importance  de  la  physiologie  et  de  la  musique  pour 
Vétude  de  la  grammaire  et  en  particulier  de  la  grammaire  hébraïque, 
qui  lui  a  suggéré  l'idée  de  faire  les  recherches  dont  il  nous  communique 
aujourd'hui  les  résultats.  C'est  dire  assez  qu'il  fait  souvent  appel  à  la 
physiologie  pour  rendre  compte  de  plusieurs  phénomènes  de  la  pro- 
nonciation éthiopienne.  Les  Nouvelles  Leçons  surlascience  dulangage, 
de  M.  Max  Mùller,ont  suffisamment  démontré  l'utilité  de  cette  méthode 
en  linguistique,  et  il  est  inutile  d'insister  ici  sur  les  ressources  qu'elle 
offre  à  un  habile  philologue. 

M.  Kœnig  se  propose  de  plus  de  résoudre  certains  points  difficiles 
et  spéciaux  de  la  grammaire  éthiopienne.  Quand  M.Dillmann  a  publié, 
en  1857,  sa  Grammatik  der  œthiopischen  Sprache,  il  reconnut  qu'il  était 
loin  de  regarder  son  travail  comme  définitif.  Notre  auteur  comble 
quelques-unes  de  ses  lacunes,  et  explique  plusieurs  obscurités  de  la 
langue.  Il  pense  aussi,  et  avec  raison,  qu'on  n'estime  pas  à  leur  juste 
valeur  les  travaux  de  Ludolf,  le  fondateur  des  études  éthiopiennes  en 
Europe.  Il  veut  enfin  établir,  contre  Ewald  et  M.  Schrader,  que  l'arabe, 
non  l'hébreu,  est  le  plus  ancien  type  des  langues  sémitiques.  Il  va 
bien  loin  à  ce  sujet.  L'arabe  est,  sans  doute,  le  type  des  langues  sémi- 
tiques sous  plusieurs  rapports,  mais  nous  pensons  que  c'est  surtout 
dans  la  langue  qu'on  parlait  à  Ur  et  àBabylone,  du  temps  d'Abraham 
et  de  ses  pères,  qu''il  faut  chercher  le  type  le  mieux  conservé  de  l'idiome 


—  30  — 


des  enfants  de  Sera.  Nous  ne  pouvons  examiner  en  détail  les  opinions 
de  M.  Kœnig,  mais  nous  en  avons  assez  dit  pour  montrer  que  son  livre 
est  indispensable  à  tous  ceux  qui  s'occupent  d'études  orientales  et 
comparées.  C.  J. 


Cn.  IVaeviu».  Essai  sur  les  commencements  de  la  poésie  à  Rome,  par  D.  de 
MooR.  Tournai,  1877,  in-8  de  vn-176  p. 

Ce  fut  incontestablement  un  puissant  talent  et  un  esprit  plein  d'ori- 
ginalité queCn.  Naevius,  qui,  pauvre,  isolé,  sans  appui,  entreprit  de 
créer  une  littérature  nationale  à  Rome,  à  une  époque  où  la  langue 
latine  elle-même  était  encore  dans  les  langes,  et  où  les  séductions  de 
l'hellénisme  envahissant  offraient  un  tout  autre  but  à  l'activité  intel- 
lectuelle des  Romains.  Entre  le  parti  des  conservateurs  obstinés  qui, 
comme  Caton  ou  Fabius  Maximus,  repoussaient  systématiquement  les 
lettres  grecques,  tout  en  se  voyant  forcés  à  la  fin  de  les  apprendre 
eux-mêmes,  et  celui  des  novateurs  lettrés  et  élégants  qui  prétendaient, 
en  toute  chose,  mettre  Rome  à  l'école  de  la  Grèce,  Naevius  se  traça 
dès  le  commencement  une  ligne  de  conduite  à  laquelle  il  resta  fidèle 
pendant  toute  sa  carrière.  S'il  étudia  la  littérature  grecque;  si,  dans 
presque  toutes  ses  productions,  il  montra  le  parti  qu'il  savait  en 
tirer,  d'autre  part  il  avait  cette  conviction  que  le  génie  national  de 
Rome  était  assez  mûr,  assez  robuste  pour  trouver  dans  l'art  son 
expression  propre,  pour  avoir  une  littérature  à  lui,  une  littérature 
vraiment  romaine,  c'est-à-dire  reflétant  fidèlement  les  mœurs  et  le 
génie  de  la  patrie.  Telle  fut  l'idée  mère  qui  inspira  toute  l'activité 
littéraire  de  Naevius  :  poëte  national  et  romain  par  excellence,  par 
cette  pensée  à  la  fois  hardie  et  patriotique,  il  nous  apparaît  bien  diffé- 
rent de  tous  ces  littérateurs  qui, àla  suite  d'Ennius,  empruntèrent  à  la 
Grèce,  non-seulement  ses  forces,  mais  encore  ses  idées  et  sa  tournure 
d'esprit,  et  créèrent  à  Rome  une  littérature  dont  le  vice  principal 
resta  toujours  le  manque  d'originalité  et  de  nationalité. 

Je  n'ai  pu  qu'indiquer,  dans  ces  quelques  lignes,  les  considérations 
que  M.  De  Moor  développe  largement  dans  son  mémoire.  Il  l'a  fait 
avec  une  sûreté  de  jugement,  une  solidité  d'érudition,  une  élégance  de 
style  qui  assurent  à  ce  travail  un  rang  distingué  parmi  les  productions 
consacrées  à  l'antiquité  classique,  "et  qui  lui  ont  valu,  devant  la  faculté 
de  philosophie  et  lettres  à  l'Université  de  Liège,  le  titre  de  docteur 
spécial  en  sciences  philologiques.  C'est  une  étude  complète  sur  Naevius 
et  son  rôle  dans  les  lettres  romaines  que  nous  avons  sous  les  yeux.  Le 
mémoire  se  divise  en  deux  parties.  La  première  est  consacrée  à  la 
biographie  du  poëte,  à  l'étude  des  fragments  qui  restent  de  ses  œuvres, 
et  à  l'appréciation  de  sa  carrière  dans  les  différents  domaines  qu'il  a 


—  31    - 

abordés.  La  seconde,  plus  technique,  intéressera  surtout  les  philologues 
de  profession,  par  un  examen  approfondi  de  la  langue  et  de  la  versifica- 
tion de  Naevius  :  ce  n'est  pas  le  moindre  mérite  de  l'auteur  de  l'avoir 
rendue  attrayante  même  pour  le  lecteur  ordinaire,  grâce  à  la  clarté 
et  à  l'élégance  soutenues  de  son  exposition, 

M.  De  Moor  fait  bon  marché  de  l'opinion,  presque  universellement 
adoptée,  qui  fait  de  Naevius  un  Campariien,  à  cause  d'un  passage  où 
Aulu-Gelle  lui  reproche  une  certaine  superbia  campana  :  l'emploi  de 
cette  expression  proverbiale  par  un  archéologue  qui  vivait  plusieurs 
siècles  après  notre  poëte  ne  suffit  pas,  pense  M.  De  Moor,  pour  infirmer 
les  conjectures  qui  font  de  lui  un  citoyen  romain  :  et  quelle  que  soit, 
en  pareille  matière  l'autorité  des  noms  de  Bernhardy,  Bergk,  Tuffel 
Welcker,  Niebuhr  et  Mommsen,la  démonstration  me  paraît  concluante 
(p.  4  à  6).  L'auteur  n'est  pas  moins  heureux  dans  l'étude  des  frag- 
ments littéraires  de  son  héros;  la  manière  dont,  au  moyen  de  quelques 
vers,  de  quelques  hémistiches,  il  reconstruit  des  tragédies  entières  et 
parvient  parfois  à  caractériser  des  scènes,  fait  honneur  à  la  délicatesse 
de  son  goût,  à  la  souplesse  de  son  imagination,  et  rappelle  le  procédé 
de  Cuvier  reconstruisant  une  espèce  à  l'aide  de  quelques  ossements. 
Dans  le  chapitre  consacré  à  la  comédie,  M.  De  Moor,  appliquant  avec 
le  même  talent  la  méthode  qui  a  si  bien  réussi  à  M.  G.  Guizot  dans  son 
Etude  sur  Ménandre,  parvient  à  nous  rendre  la  physionomie  générale 
et  même  plus  d'un  trait  particulier  de  ce  théâtre  naissant.  Enfin  le 
chapitre  qui  traite  de  l'épopée  nous  montre  Naevius  supérieur,  par  la 
manière  dont  il  conçoit  son  sujet  et  dont  il  le  traite,  à  son  successeur 
et  rival  Ennius,  au  point  que  Virgile  lui-même  a  emprunté  à  notre 
poëte  plus  qu'on  ne  pense,  et  que  l'idée  principale  de  l'Enéide,  qui 
consiste  à  rattacher  directement  la  grandeur  romaine  à  Enée  et  aux 
prédictions  des  dieux,  se  retrouve  déjà  dans  le  poëme  vieilli  et  oublié 
de  Naevius  (p.  100  et  suiv.). 

C'est  ainsi  que  Naevius  peut  être  vraiment  appelé  le  père  de  la 
poésie  latine,  et  qu'il  a  été  l'initiateur  de  son  peuple  dans  les  trois 
genres  littéraires  :  la  tragédie,  la  comédie  et  l'épopée.  Mais  là  ne 
s'arrête  pas  la  tâche  que  M.  De  Moor  s'est  imposée.  Serrant  mainte- 
nant son  sujet  de  plus  près,  il  étudie,  dans  la  seconde  partie,  la  langue 
et  la  versification  de  Naevius  :  c'est  là  qu'il  trouve  l'occasion  de 
déployer  toutes  les  richesses  d'une  érudition  à  la  fois  sobre  et  solide, 
entièrement  familiarisée  avec  son  sujet  et  mettant  le  lecteur  au  courant 
des  plus  récentes  découvertes  qui  ont  été  faites  dans  le  domaine  de  la 
philologie  latine.  Parmi  les  choses  les  plus  instructives  qu'on  rencontre 
dans  cette  seconde  partie,  je  signalerai  notamment  une  curieuse  liste 
des  archaïsmes  et  des  mots  vieillis  qu'on  rencontre  encore  dans 
Naevius  :  il  eu  est  plus  d'un  qui  aurait  pu  être  conservé  au  plus  grand 


—  32  — 

profit  de  la  langue  :  tels  sont  par  exemple  billo  (faire  rjlouglou),  vitulari 
(bondir  de  joie)  prosjyicus  et  despicus,  qui  sont  d'une  composition  si 
simple  et  si  expressive,  histio,  expression  heureuse  qui  a  en  français 
son  équivalent  et  sa  traduction  litérale  dans  coureur  ;  paiixiUus, 
diminutif  si  gracieux  de  l'obsolète  paucus,  etc.  Une  autre  liste  contient 
les  expressions  qui  ont,  dans  Naevius,  une  acception  autre  que  chez 
les  classiques;  une  troisième,  enfin,  ceux  qui  présentent  dans  leurs 
flexions  des  formes  rares,  incertaines  et  inusitées  pendant  le  siècle 
d'Auguste. 

Quand  à  la  versification  de  Naevius,  elle  fait  l'objet  d'une  étude  fort 
consciencieuse, où  sont  indiqués  et  expliqués  les  divers  mètres  employés 
par  le  père  des  lettres  latines;  j'y  signalerai  surtout  une  étude 
approfondie  sur  le  saturnin,  mètre  original,  conforme  à  la  langue, 
incomplet  encore^  il  est  vrai,  mais  capable  de  se  perfectionner,  et 
qui  aurait  dû  être  amélioré  plutôt  que  supprimé  par  les  poètes  clas- 
siques. M.  De  Moor,  après  avoir  amplement  prouvé  que  le  saturnin 
est  inférieur  à  la  réputation  que  lui  ont  faite  les  hellénistes,  nous 
montre  comment  il  a  été  remplacé  peu  à  peu  par  l'hexamètre  grec, 
incontestablement  plus  riche  et  plus  harmonieux,  mais  dont  on 
peut  se  demander  s'il  convenait  véritablement  à  la  langue  latine. 
L'auteur  n'en  paraît  pas  bien  convaincu  :  une  des  pages  des  plus 
intéressantes  et  les  plus  originales  de  son  livre  c'est,  à  coup  sûr,  celle 
où  il  nous  montre  à  quelles  conditions  l'hexamètre  put  s'introduire 
dans  la  langue  latine.  Il  fallut  renoncer  aux  mots  les  plus  usuels  ou 
les  plus  beaux  de  la  langue  (p.  ex.,  filins,  milltem,  origines,  artifex), 
il  fallut  remplacer  l'expression  propre  par  des  synonymes  qui  étaient 
le  plus  souvent  vagues  et  inexacts  {palmx  pour  vlctorix,  nati  pour 
filii),  changer  la  terminaison  naturelle  et  logique  des  mots  (c'est 
ainsi  que  pcslllcntia  devient  pcstilitas),  ou  bien  encore  recourir  à  la 
périphrase,  substituer  k  Socratcs,  impossible  en  vers,  unanglireus,  à 
Hercules  un  Tirynthius  héros,  etc.  Lo  grand  art  delà  poésie  devint 
ainsi,  trop  souvent,  une  distraction  d'oisif  ou  un  ingénieux  jeu  d'esprit 
{difficiles  nugse)  ;  il  se  plaça  en-dehors  de  la  vie  nationale  et  populaire, 
et  éleva  une  barrière  infranchissable  entre  lui  et  le  peuple  :  Odi  pro- 
fanum  vulgus  et  arceo,  a  dit  plus  tard  un  de  ces  dilettanti  dédai- 
gneux. 

J'aurais  encore  à  signaler  plus  d'une  vue  neuve,  plus  d'un  aperçu 
aussi  intéressant  qu'instructif;  l'espace  restreint  dont  je  dispose 
ne  me  permettant  pas  de  m'étendre  davantage,  je  me  contenterai 
d'indiquer  les  considérations  de  M.  De  Moor  sur  la  tragédie  ro- 
maine. Contrairement  à  l'opinion  presque  unamine  des  critiques,  il 
convient  que  les  Romains  ne  manquaient  nullement  d'aptitude  pour 
la  tragédie^  et  qu'on  leur  fait  tort  en  les  jugeant,  sous  ce  rapport, 


—  33  — 

uniquement  d'après  l'œuvre  informe  de  Sénèque.  Cette  opinion,  que 
M.  De  Moor  expose  avec  chaleur  et  conviction,  n'est  pas  neuve  dans 
le  monde  des  érudits  :  Lange  l'avait  développée  en  1822  dans  un 
mémoire  intitulé  VimUcix  tragœdiœ  romaiix,  mais  c'est,  je  crois,  la 
première  fois  qu'on  la  formule  en  français,  et  le  lecteur  ne  sera 
pas  fâché  d'entendre  au  moins  une  fois  défendre  une  cause  si  peu 
populaire. 

Il  est  quelques  points  sur  lesquels  j'ai  des  réserves  à  faire.  Quand 
M.  De  Moor  ip.  43),  parlant  du  fils  de  famille  de  la  comédie  antique, 
nous  le  montre  se  jetant  tèie  baissée  dans  tous  les  désordres,  vivant 
dans  les  excès  les  plus  dégradants,  et  qu'il  prétend  ensuite  qu'au  fond 
ce  jeune  homme  reste  bon  et  aimable  et  mérite  toutes  nos  sympathies, 
il  n'y  a  là,  sans  doute, qu'une  distraction,  qu'un  écart  de  plume  :  aussi 
me  garderai-je  d'insister.  D"un  autre  côté,  je  ne  puis  pas  accorder  à 
l'auteur  que  Caton  se  soit  moqué  des  vieilles  annales  de  sa  patrie 
(p.  77),  et  qu'il  ne  les  ait  regardées  que  comme  des  espèces  de  calen- 
driers, lui  qui  les  avait  tant  lues  et  tant  consultées,  et  qui  leur  devait 
tant;  il  faut  forcer  le  sens  du  passage  d'Aulu-Gelle,  II,  28,  6,  pour 
arriver  à  cette  conclusion;  ce  qui  est  certain,  c'est  que  le  vieux  Caton 
n'a  jamais  péché  par  excès  de  dédain  pour  les  choses  nationales, 
surtout  quand  il  pouvait  s'en  faire  des  armes  pour  les  opposer  à 
l'influence  étrangère.  Je  ne  saurais  pas  davantage  admettre  que  la  pièce 
de  Naevius  qui  contient  le  célèbre  fragment  satirique  sur  Scipion  ait 
été  écrite  pendant  que  ce  héros  était  encore  en  Espagne,  et  les  preuves 
que  M.  De  Moor  apporte  à  l'appui  de  son  opinion  ne  m'ont  aucune- 
ment convaincu. 

Eliam  qui  res  magnas  manus  s*pe  gessit  glortose. 

Cujus  fada  viva  nunc  vigent,  qui  apud  gentes  solus  prceslai. 

Ces  vers,  le  plus  magnifique  éloge  qu'on  ait  peut-être  jamais  fait 
d'un  adversaire  politique,  n'ont  pu  être  écrits  qu'après  Zama  ;  il  me 
serait  facile  de  le  prouver  pas  des  arguments  tout  techniques  à  ceux 
que  ne  convaincrait  par  l'évidence  morale. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  observations,  je  crois  avoir  suffisamment 
mis  en  relief  la  valeur  scientifique  et  littéraire  de  cette  monographie. 
C'est  le  brillant  début  d'un  érudit  consommé,  qui  est  à  la  fois  une  fin 
critique  et  un  élégant  écrivain.  Godefroid  Kukth. 


JUILLET  {S78.  T.  XXI1I,3, 


—  Si- 


histoire 

Rome  et  ses  monuments,  guide  du  voyageur  catholique  dans  la 
capitale  du  monde  chrétien,  \\Rv  \q  ç,\\d.no\m  de  Bleser.  Troisième  édition, 
revue,  corrigée  et  notableri  eut  améliorée,  enrichie  de  68  plans  an- 
notés. Louvain,  Fonteyn;  Paris,  Hachette,  1878,  iu-i2  de  544  p.  —  Prix: 
10  fr. 

Le  livre  de  M.  de  Bleser  est  devenu  classique  ;  c'est  le  manuel  des 
pèlerins  romains  et  de  beaucoup  de  simples  touristes.  C'est  d'ailleurs 
à  peu  près  le  seul  que  l'on  puisse  recommander  à  des  voyageurs  catho- 
li(|ues.  Aussi  se  sent-on  porté  à  lui  souhaiter  la  perfection  la  plus 
entière.  Si,  dans  le  compte  rendu  que  je  vais  en  faire,  je  ne  m'aban- 
donne pas  à  l'élan  du  panégyrique,  on  m'en  excusera  à  cause  de  la 
considération  que  j'attache  à  cet  ouvrage.  Il  est  peu  de  livres,  je  ne 
dirai  pas  seulement  aussi  instructifs,  mais  aussi  enseignants  que  les 
guides  du  voyageur.  On  les  lit  devant  les  monuments;  leurs  moindres 
phrases  s'entrelacent  avec  les  souvenirs  les  plus  puissants  et  les  plus 
aimés;  leurs  jugements  portent  coup  et  constituent  la  meilleure  part 
de  l'éducation  qui  résulte  du  voyage.  Il  importe  donc  qu'ils  soient 
bien  faits,  complets  autant  que  possible,  mais  surtout  exacts  et  véri- 
diques. 

Je  n'ai  rien  à  redire  au  plan,  sinon  qu'il  y  a  trop  de  plans  surtout  de 
plans  d'églises;  quelques-uns  de  ceux-ci,  qui  se  ressemblent  trop  pour 
être  indispensables^  auraient  pu  être  remplacés  par  une  bonne  carte 
de  la  campagne  romaine  ou  une  série  de  plans  détaillés  des  régions 
les  plus  intéressantes  de  la  ville.  Mais  passons.  Dans  la  partie  consa- 
crée aux  antiquités  classiques,  il  y  aurait  beaucoup  d'améliorations  à 
introduire  :  par  exemple,  on  ne  peut  pas  affirmer  que  le  temple  de 
Jupiter  Capitolin  s'élevait  sur  l'emplacement  occupé  maintenant  par 
l'église  d'Araceli  ;  pour  le  Palatin,  on  aurait  pu  s'aider  de  l'excellent 
guide  de  M.  C.  Visconti,  qui  rectifie  fort  heureusement  plusieurs 
opinions  du  sénateur  Rosa  ;  la  topographie  du  Forum  est  désormais 
fixée  avec  plus  de  certitude  que  ne  le  croyait  il  y  a  cinquante  ans  le 
cardinal  Wiseman,  auquel  se  réfère  encore  M.  de  Bleser. 

Les  églises,  les  musées,  les  établissements  charitables  sont  traités 
avec  plus  de  soin  et  de  compétence.  En  ce  qui  concerne  les  églises,  il 
y  aurait  lieu  de  profiter  des  monographies  publiées  par  M.  de  Rossi 
soit  dans  son  Bulletin,  soit  dans  ses  Mosaïques  chrétiennes.  Pour  les 
mosaïques,  je  constate  avec  plaisir  qu'on  amis  à  contribution  les  études 
de  M.  Vitet.  Mais,  quand  M.  de  Rossi  a  parlé  sur  une  question  quel- 
conque relative  à  la  topographie  ou  à  l'histoire  de  la  Rome  chrétienne, 
n'être  pas  au  courant,  chc  pcccalo  !  M.  de  Bleser  a  eu  l'excellente  idée 


—  :v6  — 

de  mettre  en  tète  de  la  description  de  chaque  sanctuaire  un  abrégé 
de  la  vie  du  saint  auquel  il  est  dédié  ;  mais  je  voudrais  qu'il  eût  séparé 
plus  nettement  la  légende  de  l'histoire.  La  légende  ne  doit  pas  être 
omise,  d'abord  parce  qu'elle  est  vénérable,  ensuite  parce  que  c'est 
d'elle  que  s'inspire  la  décoration  du  monument  ;  mais  il  ne  faut  pas  la 
donner  comme  l'expression  exacte  de  la  vérité.  Culpa  est  mentiri, 
dit  le  rudiment;  une  des  formes  du  mensonge,  c'est  de  donner  comme 
incontesté  ce  qui  est  douteux.  Le  réviseur  de  cette  nouvelle  édition 
l'a  bien  senti,  et,  à  l'article  du  baptême  de  Constantin,  il  a  placé  une 
note  dont  je  le  félicite  sincèrement.  Il  pourra,  dans  les  éditions  fu- 
tures, en  mettre  d'analogues  aux  chapitres  de  saint  Alexis,  de  sainte 
Pudentienne,  de  saint  Laurent,  et  ailleurs  encore. 

Le  chapitre  consacré  aux  Catacombes  m'a  étonné  ;  l'auteur,  c'est-à- 
dire  le  réviseur,  déclare  s'inspirer  des  articles  de  M.  Boissier  dans  la 
Revue  des  Deux  Mondes,  sur  les  découvertes  de  M.  de  Rossi.  C'est  une 
excellente  idée,  car  la  pensée  de  M.  de  Rossi  a  trouvé  bien  peu 
d'interprètes  aussi  intelligents  et  aussi  clairs  que  M.  Boissier.  Mais 
rien  n'est  tel  que  de  recourir  aux  originaux  :  d'ailleurs,  la  lecture  que 
l'on  a  faite  de  M.  Boissier  est  un  peu  rapide.  La  découverte  de  la 
basilique  de  Sainte-Pétronille,  qui  a  eu  tant  de  retentissement  n'est 
pas  même  mentionnée  ;  une  prière  (p.  484),  tirée  d'un  vieux  missel, 
est  donnée  comme  une  inscription  des  catacombes.  Pour  suppléer  à  la 
rapidité  de  cette  étude,  l'auteur  a  eu  une  idée  ingénieuse,  mais  qui  ne 
sera  pas  du  goût  de  M.  de  Rossi:  c'est  de  donner  son  adresse  aux  lec- 
teurs, en  insinuant  qu'on  peut  aller  sonner  sans  crainte  à  la  porte  de 
l'illustre  savant,  qui  se  mettra  très-volontiers  à  la  disposition  des 
voyageurs  pour  visiter  les  catacombes.  C'est  ce  qu'on  appelle  une 
trahison,  et  des  plus  noires. 

Mais,  trêve  à  ces  critiques  qui,  d'ailleurs,  n'atteignent  pas  le  fond 
de  l'ouvrage.  Cette  troisième  édition  marque  un  progrès  très-sensible 
sur  les  précédentes.  Le  réviseur  appartient  à  la  Compagnie  de  Jésus 
et  travaille  dans  le  pays  des  Bollandistes  ;  le  livre  dont  il  a  mainte- 
nant la  responsabilité  est  de  ceux  qui  peuvent  le  plus  influer  sur 
l'éducation  de  ses  frères  dans  la  foi  ;  autant  de  raisons  pour  lui  de  le 
perfectionner  de  plus  en  plus,  de  le  rendre  digne  de  Rome,  ce  grand 
sanctuaire,  et  de  la  piété  du  voyageur  chrétien,  cette  chose  respec- 
table entre  toutes.  L.   DUCHESNE. 

Le  I*apyi*us  funéraire  de  Soutiinès,  d'après  un  exemplaire 
hiéronlyphiquc  du  Livre  des  morts,  par  MM.  Guieysse  et  E.  Lefébcre.  Paris, 
Ei-nest  Leroux,  1877,  gr.  in-fol.  de  21  p.,  avec  23  planches. — Prix  :  oO  fr. 
Les  travaux  archéologiques  de  M.  Lefébure  sont  bien  connus,  et 

c'est  avec  un   véritable    intérêt  qu'on   apprendra  la  nouvelle  publi- 


—  36  — 

cation  faite  par  cet  auteur,  en  collaboration  d'un  autre  savant 
égyptologue,  M.  Guiejsse.  Ces  auteurs  ont  pris  pour  objet  de  la 
présente  étude  i'un  des  points  les  plus  importants  de  l'ancienne 
mythologie  égyptienne;  à  savoir,  l'étude  du  fameux  Livre  des  morts. 
Cet  ouvrage,  qui  nous  donne  de  si  précieux  renseignements,  on  le 
sait,  sur  les  croyances  égyptiennes  relatives  à  la  vie  future  et  à 
l'immortalité  de  Tânie,  présente^in  assez  grand  nombre  de  versions  dif- 
férentes, et  ce  n'est  guère  qu'au  temps  de  la  vingt-cinquième  dynastie 
qu'il  reçut  sa  forme  définitive.  Les  variantes  que  nous  présentent  les 
manuscrits  antérieurs,  lorsqu'ils  auront  été  suffisamment  expliqués, 
nous  permettront,  on  peut  l'espérer,  de  reconstituer  l'histoire  du 
dogme  égyptien  et  des  différentes  écoles  philosophiques  qui  se  suc- 
cédèrent dans  la  vallée  du  Nil  ;  quoi  qu'il  en  soit,  le  manuscrit  publié 
aujourd'hui  par  nos  auteurs,  et  qui  semble  remonter  à  l'époque  de  la 
vingtième  dynastie  (seizième  siècle  avant  Jésus-Christ),  ne  renferme 
qu'une  partie  de  l'édition  complète. 

Les  longues  litanies  dont  il  est  rempli,  et  dont  une  grande  obscurité 
semble  constituer  le  principal  mérite,  n'offrent  sans  doute  d'intérêt 
qu'aux  égyptologues  de  profession  ;  aussi  nous  abstiendrons-nous  de 
faire  passer  le  moindre  spécimen  sous  les  yeux  du  lecteur.  Qu'il  nous 
soit  permis  seulement  de  le  faire  remarquer,  elles  attestent  l'esprit 
profondément  religieux  des  anciens  Egyptiens  et  la  sollicitude  que 
leur  inspirait  les  destinées  d'outre-tombe. 

La  morale  dont  elles  s'inspirent  se  signale  d'ordinaire  par  son  élé- 
vation et  une  pureté  bien  remarquable  chez  un  peuple  païen. 

Peut-être  quelques  savants  jugeront-ils  à  propos  de  faire  des  ré- 
serves en  ce  qui  concerne  le  panthéisme  dont  M.  Lefébure  semble 
faire  la  base  exclusive  de  la  religion  des  riverains  du  Nil;  sans  doute, 
la  croyance  à  l'unité  de  Dieu  ne  pouvait  se  manifester  chez  eux  avec 
la  même  rigueur  que  dans  les  livres  sacrés  des  Hébreux;  mais,  ne 
l'oublions  pas  cependant,  M.  de  Rougé  avait  signalé  dans  le  culte 
égyptien  une  tendance  monothéiste  d'autant  plus  accusée  qu'on 
remonte  plus  haut  dans  l'antiquité.  Le  panthéisme,  dans  ce  cas,  nous 
apparaîtrait  surtout  comme  une  corruption  de  la  donnée  primitive. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  question,  que  nous  n'entreprendrons  pas 
de  vider  ici,  il  convient  de  rendre  une  justice  méritée  à  la  profonde 
érudition  de  nos  deux  auteurs.  Nous  les  voyons  continuer  dignement 
les  traditions  des  Champollion  et  des  Rougé;  et  la  lecture  de  leur 
ouvrage  nous  prouve  les  progrès  immenses  accomplis  dans  le  do- 
maine égyptologique  depuis  trois  quarts  de  siècle. 

H.  DE  Charencey. 


Essai  sur  a'épliéliîe   attaque,  par    Albeut    Dcmont.  Paris,   Firmin- 
Didol,  187o-1876,  2  vol.  in-8,  de  3:]i)  et4Gl  p.  —  Prix  :  3o  fr. 

Si  l'on  n'avait,  pour  connaître  l'éphébie  d'Athènes,  que  les  souve- 
nirs conservés  par  les  auteurs,  on  n'en  pourrait  se  faire  qu'une  idée 
très-vague  ;  comme  un  certain  nombre  d'usages  ou  d'institutions  qui 
faisaient  partie  de  la  vie  commune  à  toute  heure,  il  est  arrivé  aux 
anciens  de  ne  pas  penser  à  donner  de  détails  sur  ce  que  chaque  con- 
temporain connaissait  parfaitement.  Heureusement  que  l'épigraphie 
est  venue  suppléer  le  laconisme  des  textes  grecs  et  latins;  cette 
mine  féconde  et  non  encore  épuisée,  puisqu'il  nous  est  encore  permis 
d'espérer  des  découvertes,  expliquée  par  un  savant  tel  que  M.  Du- 
mont,  a  fourni  les  moyens  de  restituer  d'une  manière  presque  com- 
plète l'histoire  de  cette  importante  institution.  A  notre  époque,  où 
l'on  s'occupe  tant  de  l'instruction  publique,  où  l'on  est  porté  à  mono- 
poliser en  faveur  de  l'État  l'éducation  des  jeunes  générations,  il  est 
très-curieux  de  dire  comment  les  Athéniens,  peuple  si  politique  et 
démocratique,  avaient  compris  les  questions  de  l'instruction  publique, 
obligatoire  mais  non  laïque,  associant  étroitement  l'idée  de  la  patrie 
avec  l'idée  de  la  divinité.  Ils  avaient  sans  doute  raison,  ces  démo- 
crates, car,  en  parcourant  l'histoire,  on  n'a  pas  de  peine  à  reconnaître 
que  l'absence  de  la  religion  éteint  le  patriotisme. 

Vêphébic  était  une  institution  qui  préparait  les  jeunes  Athéniens 
à  devenir  des  citoyens  ;  on  était  inscrit  au  registre  des  éphèbes  à 
l'âge  de  dix-huit  ans,  on  y  restait  jusqu'à  vingt;  l'inscription  au 
nombre  des  éphèbes  donnait  la  qualité  de  citoyen;  on  prêtait  serment, 
on  jouissait  de  tous  les  droits  civils  auxquels  cet  âge  laissait  accès. 
Les  éphèbes  avaient  dos  devoirs  envers  l'Etat;  c'était  le  service  mili- 
taire à  l'intérieur;  il  y  avait  une  surveillance  sévère  pour  leur  faire 
fréquenter  assidûment  les  gymnases  où  ils  se  livraient  aux  exercices 
qui  assouplissent  et  fortifient  le  corps  ;  pour  les  faire  profiter  des 
leçonsdes  écolesetdes  philosophes,  pour  leur  donner  des  connaissances 
solides  dans  la  littérature  et  les  beaux -arts.  Ils  avaient  à  accomplir 
des  devoirs  religieux  multipliés,  car  la  piété,  à  Athènes,  était  une 
vertu  civique  ;  M.  Dumont,  à  ce  sujet,  consacre  quelques  pages  très- 
curieuses,  à  l'esprit  religieux  des  Athéniens  et  de  la  race  grecque. 

L'éphébie  existait  certainement  antérieurement  à  292  avant  Jésus- 
Christ,  date  des  monuments  les  plus  anciens  qui  en  parlent  ;  elle  durait 
encore  au  milieu  du  troisième  siècle  de  l'ère  chrétienne  ;  mais,  sous 
la  domination  romaine,  elle  avait  subi  de  grandes  modifications  ;  ce 
n'était  plus  guère  qu'un  collège  religieux  et  gymnastique,  dans  lequel 
les  exercices  militaires  n'occupaient  plus  qu'une  place  très-secondaire. 

A  la  tête  de  l'éphébie  était  un  nombreux  personnel  de  professeurs 
et  de  fonctionnaires,  sous  la  direction  du  cosmète, magistrat  d'un  ordre 


-  38  — 

élevé  ;  parmi  les  éphèbes,  il  y  avait  toute  une  hiérarchie  calquée  sur 
celle  de  la  cité  elle-même.  Grâce  aux  textes  épigraphiques,  M.  Du- 
mont  donne  sur  cette  organisation  les  détails  les  plus  précis. 

Le  second  volume  forme  un  véritable  corpus  des  inscriptions  rela- 
tives à  réphébie  attique  ;  aux  textes  déjà  publiés,  M.  Dumont  en 
ajoute  un  certain  nombre  qui  sont  édités  ici  pour  la  première  fois.  Ce 
volume  commence  par  une  longue  étude  sur  la  chronologie  des 
archontes  athéniens  postérieurs  à  la  cent  vingt-deuxième  olympiade, 
parmi  lesquels  on  en  remarque  plus  de  cent,  connus  par  les  inscrip- 
tions éphébiques  et  qui  ne  figuraient  pas  jusque-là  dans  les  listes. 
Huit  tableaux  résument  le  travail  général  en  donnant  la  chronologie 
comparée  des  archontes  et  des  magistrats  et  dignitaires  de  Téphébie. 
On  voit  que  cet  ouvrage  considérable  contient  une  ample  collection 
de  documents  sur  l'histoire  intérieure  d'Athènes,  et  sur  les  familles  de 
la  république  ;  il  offre  aussi  un  intérêt  particulier  pour  les  pays  étran- 
gers à  l'Attique,  mais  faisant  partie  du  monde  hellénique,  dont  les 
jeunes  gens  étaient  admis  dans  l'éphébie  sous  le  titre  d'étrangers,  et 
pouvaient  arriver  à  quelques-unes  des  dignités  éphébiques. 

A.    DE  B. 


Dodone  et  ses  ruines,  par  Constantin  Carapanos.  Paris,  Ha- 
chette, 1878.  \  vol.  de  texte,  in-4  de  242  p.  et  un  vol.  de  63  pi.  gravées. 
—  Prix  :  75  fr. 

L'une  des  découvertes  importantes  de  notre  époque  est  celle  de 
l'emplacement  de  Dodone,  le  temple  le  plus  ancien  de  la  Grèce,  où, 
dès  les  temps  héroïques,  on  venait  consulter  l'oracle  de  Zeus  Maïos  et 
de  Dioné.  Homère,  Eschyle,  Sophocle,  Pausanias,  Euripide,  presque 
tous  les  anciens  poètes  et  prosateurs  nous  ont  laissé  de  nombreux 
témoignages  de  la  vénération  attachée  à  l'oracle  de  Dodone  dès  les 
temps  pélagiques,  et  ensuite  aux  temps  historiques.  Ruiné  plusieurs 
fois,  au  troisième  siècle  avant  l'ère  chrétienne,  par  les  Etoliens,  au 
deuxième,  par  les  Romains,  au  premier  par  les  Thraces,  l'oracle  de 
Dodone  resta  abandonné  jusqu'au  second  siècle  après  Jésus-Christ, 
époque  à  laquelle  Pausanias  en  parle  de  manière  à  faire  connaître 
que  les  fidèles  venaient  de  nouveau  le  consulter  :  au  commencement 
du  quatrième  siècle,  Dodone  était  le  siège  d'un  évêché  chrétien.  Au 
milieu  de  tous  ces  bouleversements,  l'emplacement  même  de  Dodone 
était  devenu  un  problème  auquel  les  archéologues  attribuaient  les 
solutions  les  plus  conjecturales.  A  la  suite  des  fouilles  pratiquées 
avec  méthode  sur  une  grande  échelle,  M.  C.  Carapanos  a  fini  par  faire 
cesser  toute  incertitude,  et  à  placer  Dodone  dans  la  vallée  de  Tchara- 
covista,  à  10  kilomètres  au   sud-ouest  de  Janina,  au  milieu  de  ruines 


—  3!l   — 

qui  avaient  déjà  attiré  un  moment  l'attention  de  MM.  Hahn  et  de 
Claubry. 

Les  fouilles  ont  permis  de  reconnaître  Tenceinte  d'une  ville,  un 
théâtre  et  une  vaste  enceinte  sacrée.  —  C'est  dans  cette  enceinte 
que  M.  Carapanos  a  recueilli  une  riche  collection  de  statuettes,  de 
plaques  eu  bronze  couvertes  d'inscriptions,  d'ex-voto,  enfin  une  mul- 
titude de  fragments  de  vases,  d'armes,  d'objets  usuels  en  bronze  et 
en  fer  qui  ont  un  intérêt  tout  particulier,  puisqu'ils  donnent  une  idée 
exacte  de  l'art  grec  dès  le  septième  siècle  avant  l'ère  chrétienne. 
Cette  collection  est  une  des  plus  curieuses  que  l'on  puisse  étudier  à 
l'Exposition  universelle  de  1878. 

Parmi  les  inscriptions,  nous  signalerons  la  plaque  en  bronze  men- 
tionnant l'offrande  à  Jupiter  de  Dodone  d'Agathen  rappelant  ses  an- 
cêtres depuis  trente  générations  à  partir  de  la  guerre  de  Troie,  ce 
qui  permet  de  la  dater  de  l'an  370  environ  avant  notre  ère;  des  actes 
d'achat  d'esclaves;  des  actes  d'affranchissement;  des  questions  posées 
à  l'oracle  par  des  villes  ou  par  des  particuliers.  Parmi  ces  dernières, 
nous  remarquons  la  confiance  avec  laquelle  on  consulte  sur  des  réso- 
lutions à  prendre,  sur  le  sacrifice  à  faire  pour  guérir  des  maladies; 
l'un  demande  si  ses  couvertures  et  oreillers  disparus  ont  été  volés  ou 
égarés;  un  autre,  si  l'enfant  qui  va  naître  est  bien  de  lui,  etc.  En 
parcourant  ces  plaques,  on  se  trouve  transporté  en  pleine  foi  païenne, 
avec  la  curiosité  naïve  des  dévots  et  les  réponses  ambiguës  de  l'o- 
racle. 

Les  fouilles  entreprises  par  M.  Carapanos  ont  un  résultat  impor- 
tant; ce  sont  elles  qui  ont,  pour  la  première  fois,  fourni  une  collec- 
tion de  très-nombreux  objets  fabriqués  par  des  Grecs,  depuis  les 
temps  voisins  des  origines  de  l'art  jusqu'à  l'époque  macédonienne; 
les  planches  nombreuses  et  parfaitement  exécutées  donnent  une  idée 
exacte  des  trépieds,  des  bassins,  vases  et  patères,  des  anses  de  vases, 
des  fragments  de  couronnes  et  d'ornements  de  cuirasses;  de  mille 
objets  usuels,  tels  que  bracelets,  bagues, boucles  d'oreilles,  aiguilles  à 
cheveux,  éperons,  mors  de  chevaux,  serrures,  etc.  —  Il  y  a  là  des 
observations  curieuses  à  faire,  par  exemple^  la  prédominance  des 
armes  en  fer;  celles  de  bronze  y  sont  presque  exceptionnelles;  la  va- 
riété de  forme  des  vases.  —  L'ouvrage  est  terminé  par  trois  com- 
mentaires dus  à  M.  le  baron  de  Witte,  Egger  et  Heuzev,  qui  ont 
ainsi  complété  les  descriptions  et  les  explications  données  par 
M.  Carapanos,  au  triple  point  de  vue  mythologique,  épigraphique  et 
archéologique. 

N'oublions  pas.  à  propos  de  cette  magnifique  publication^  que  l'oracle 
de  Dodone  n'est  pas  étranger  à  l'histoire  antique  des  populations 
occidentales.    Lorsque   les  Hvperboréens    venaient   apporter   leurs 


40  — 


offrandes  à  Délos,  ils  offraient  d'abord  à  Dodone  une  partie  des  objets 
qu'ils  envoyaient  enveloppés  de  paille  de  froment. 


ILsi.  Monnaîe  dans  l'antîtguîté,  leçons  professées  dans  la  chaire  d'ar- 
chéologie près  la  Bibliothèquu  nationale,  en  187."J-1877,  par  François  Lk- 
xoRMA.NT.  To;nes  1"^  et  il.  Paris,  A.  Lévy  et  Maisonneuve,  1878,  in-8  de  280 
ot  4i6p    —  Prix  :  7  fr.  oO  le  vol. 

M.  Fr.  Lenormant  a  eu  la  bonne  pensée  de  publier  les  leçons  pro- 
fessées par  lai  à  la  Bibliothèque  nationale;  c'est  un  service  rendu  aux 
nombreux  archéologues  qui  n'ont  pu  aller  l'écouter  et  à  qui  il  sera 
facile,  désormais,  de  profiter  de  cet  indispensable  enseignement. 
C'est  la  première  fois  que  la  numismatique  antique  fait  le  sujet  d'un 
cours  public  et  officiel  ;  faisons  des  vœux  pour  qu'un  jour  on  songe  à 
en  agir  de  même  pour  la  numismatique  du  moyen  âge.  Nous  sommes 
arrivés  à  une  époque  où  les  nombreux  travaux  éparpillés  des  numis- 
matistes,  doivent  servir  à  former  un  corpus  mis  à  la  disposition  des 
historiens,  ainsi  que  des  économistes;  n'oublions  pas  que  la  numis- 
matique peut  fournir  des  matériaux  aussi  sûrs  et  aussi  multipliés 
que  l'épigraphie  ;  j'ajouterai  qu'au  point  de  vue  de  la  variété  et  de 
l'art,  l'étude  des  monnaies  antiques  est  peut-être  plus  attrayante 
que  celle  des  inscriptions. 

L'ouvrage  est  divisé  en  huit  livres  dont  les  trois  premiers  forment 
seuls  les  deux  premiers  volumes  qui  sont  publiés  en  ce  moment. 
Ceux-ci  comprennent  :  des  prolégomènes  consacrés  aux  monuments 
numismatiques  qui  n'étaient  pas  des  monnaies  officielles;  des  chapitres 
sur  les  noms  génériques  de  la  monnaie  antique,  sur  l'origine  et  la 
propagation  de  celle-ci;  sur  la  matière  et  les  procédés  de  fabrication. 
Le  livre  III,  sous  le  titre  de  la  Loi  dans  les  monnaies  antiques,  traitera 
du  droit  et  des  unions  monétaires  de  peuple  à  peuple,  des  magistrats 
préposés  au  monnayage  et  de  l'organisation  des  ateliers.  Le  premier 
seul  de  ces  trois  chapitres  occupe  le  tome  II. 

Il  y  a  trois  quarts  de  siècle,  Eckhel,  dans  son  Doctrinanummorumve- 
terum,  avait  établi  les  bases  de  la  numismatique  antique;  il  l'avait  si 
bien  fait  que, malgré  plusieurs  tentatives  rêvées,  on  a  reconnu  l'impos- 
sibilité de  donner  une  nouvelle  édition  mise  au  courant  des  décou- 
vertes postérieures.  C'est  que  Eckhel  a  inauguré  une  méthode  parfaite, 
que  l'on  doit  suivre  exactement  et  qu'il  n'est  pas  possible  d'améliorer. 
Les  additions  à  faire  au  Doctrina,  sans  toucher  à  son  système  de  classi- 
fication, nécessiteraient  un  travail  qui  doublerait  au  moins  le  livre 
original  ;  mieux  vaut  le  laisser  tel  qu'il  est,  et  le  faire  suivre  d'un 
autre  ouvrage  distinct  qui,  sans  répéter  tout  ce  ([ue  Eckhel  a  dit  de 
bon,  fait  connaître  les  progrès  de  la  science,  les  conquêtes  dues  à 
des  découvertes  nouvelles,  les  précieuses  indications  dues  aux  prove- 


I 


—  ï-1  — 


nnnces, aux  pesées, à  l'étude  critique  des  types, tous  éléments  d'études 
auxquels  on  ne  pouvait  penser  lorsque  l'on  cherchait  presque 
exclusivement  à  emprunter  aux  textes  tout  ce  qui  était  de  nature  à 
éclairer  la  science  des  monnaies.  C'est  ce  qu'a  compris  M.  Lenormant; 
après  s'être  pénétré  du  Doclrina  d'Eckhel,  il  faut  lire  le  livre  dont 
nous  nous  occupons  en  ce  moment;  il  n'est  pas  permis  à  un  érudit  ou 
à  un  simple  collectionneur  de  négliger  cette  étude  préparatoire. 

Les  Prolégomènes  sont  d'une  lecture  très-intéressante;  le  premier  cha- 
pitre sur  les  médaillons,  les  pièces  d'offrandes  religieuses,  les  bijoux 
monétiformes,  les  toniers,  les  jetons,  forment  une  étude  aussi  nou- 
velle qu'originale.  Je  souligne  ce  mot  jeton,  parce  que,  jusqu'ici,  on 
s'était  peu  douté  que,  dans  le  monde  antique,  il  y  ait  eu  des  pièces 
qui  étaient  parfaitement  analogues  à  nos  jetons  et  à  nos  méreaux  du 
moyen  âge.  —  Dans  le  troisième  chapitre,  l'auteur  aborde  la  question 
de  l'origine  de  la  monnaie,  après  avoir  consacré  plusieurs  pages  très- 
savantes  et  très-concluantes  sur  le  système  d'échange,  par  lingots 
métalliques,  employé  chez  tous  les  peuples  avant  l'établissement  delà 
monnaie  proprement  dite;  disons  en  passant  qu'à  ce  moment,  M.  Le- 
normant constate  en  Egypte  l'existence  de  petits  monuments  en  terre 
cuite  dont  les  inscriptions  sont  de  véritables  obligations,  représen- 
tations fiduciaires  de  valeurs  métalliques.  Quant  aux  inventeurs  de  la 
monnaie,  il  se  déclare  sans  réserve  pour  les  Lydiens  d'Asie  Mineure, 
au  septième  siècle  avant  notre  ère;  de  Lydie,  l'usage  de  la  monnaie 
se  répandit  promptement  dans  le  monde  grec,  par  Egine. 

Les  bornes  d'un  simple  compte  rendu  ne  nous  permettent  pas 
d'aborder  toutes  les  questions  importantes  dont  ces  deux  volumes 
sont  bourrés;  nous  ne  pouvons  guère  que  nous  borner  au  rôle  un  peu 
ingrat  d'énumérateur.  A  tous  ceux  qui  s'occupent  infatigablement  de 
la  question  du  double  étalon,  nous  recommandons  de  lire  ce  que 
M.  Lenormant  expose  si  clairement  et  si  abondamment  sur  les  rap- 
ports de  valeur  de  l'or,  de  l'argent  et  du  cuivre,  sur  le  choix  du  métal 
étalon  aux  diverses  époques,  sur  l'alliage  des  métaux.  L'expérience 
des  anciens  permet,  je  crois,  de  se  faire  une  opinion,  et,  parmi  nos 
économistes  modernes,  il  en  est  certainement  qui,  dans  les  études  de 
numismatistes  tels  que  M.  Lenormant,  trouveraient  de  précieuses 
données.  —  La  monnaie  fiduciaire,  sans  valeur  intrinsèque,  dans 
l'antiquité,  est  aussi  un  sujet  nouveau;  l'altération  des  pièces  offi- 
cielles sous  la  République  romaine,  comme  sous  l'Empire,  à  Athènes, 
à  Milet,  fait  croire  que,  dans  les  temps  antiques,  la  mauvaise  foi  des 
gouvernants,  sénat,  empereur,  tyran  ou  archontes,  avait  de  bien 
plus  graves  conséquences  que  les  malversations  des  agents  de  Phi- 
lippe le  Bel,  par  exemple,  dont  on  a  tant  médit.  A  aucune  époque, 
en  France,  on  n'a  vu  émettre  de«!  pièces  d'orformées  d'un  flan  de  plomb 


recouvert  d'une  pellicule  d'or.  —  Parmi  les  monnaies  fiduciaire?, 
M.  Lenormant  étudie  des  pièces  de  bronze  frappées  sous  les  Antonins, 
qu'il  croit,  très-judicieusement,  avoir  été  destinées  à  courir  dans  des 
exploitations  minières  entre  le  Danube  et  l'Adriatique;  ceci  est  une 
opinion  nouvelle  et  qui  fait  penser  à  certaines  monnaies  carolin- 
giennes qui,  à  l'instar  des  bronzes  romains,  portent  le  mot  metallvm. 

Le  tome  second,  comme  nous  l'avons  dit,  ne  contient  que  le  pre- 
m.ier  chapitre  du  livre  III.  Dans  un  premier  paragraphe,  qui  tient  le 
quart  du  volume,  M.  Lenormant  étudie  avec  grands  détails  le  droit 
de  monnayage  grec  et  asiatique  jusqu'à  la  conquête  romaine;  le  reste 
du  volume  est  consacré  au  monnayage  romain,  République  et  Empire. 

Il  nous  apprend  avec  une  grande  lucidité  le  système  établi  dans  la 
monarchie  persane,  les  modifications  apportées  par  Alexandre  le  Grand; 
les  concessions  faites  aux  satrapes  en  certaines  circonstances,  aux 
villes;  les  unions  monétaires  et  les  monnaies  fédérales  chez  les 
Grecs. 

Dans  le  monde  romain,  il  commence  parles  provinces  sous  la  Répu- 
blique, puis  sous  l'Empire,  presque  exclusivement  en  Orient;  celui  des 
colonies.  C'est  la  transition  pour  arriver  à  la  monnaie  d'Etat  de  la 
République,  à  celle  des  généraux  d'armée  en  campagne,  puis  enfin  à 
celle  des  empereurs  qui  nous  conduit  jusqu'aux  rois  barbares. 

J.  DE  M. 


IVtimismatîque  antique.  —  Les  Médaillons  de  l'Empire  romain  depuis 
le  règne  d' Auguste  jusqu'à  Priscus  Altale,  par  W.  Frœhner,  ancien  conser- 
vateur du  Louvre.  Paris,  J.  Rothschild,  1878,  in-4  de  3!<6  p.,  avec  1,310  gra- 
vures intercalées.  —  Prix  :  40  fr. 

Il  est  difficile  de  trouver  un  livre  plus  instructif  et  plus  intéressant 
que  celui  que  M.  Frœhner  vient  de  publier  sur  les  médaillons  romains; 
les  gravures  qui  accompagnent  le  texte  sont  exécutées  avec  une 
grande  fidélité  et  donnent  une  idée  exacte  de  ces  types  remarquables 
au  point  de  vue  de  l'art.  M.  Frœhner  a  donné  là  un  ouvrage  qui  est 
de  nature  à  intéresser  les  personnes  les  moins  convaincues  de  l'utilité 
de  la  numismatique  ;  ses  interprétations  ne  laissent  rien  à  désirer  ; 
elles  sont  riches  en  aperçus  nouveaux,  en  rapprochements  heureux  ; 
l'érudition  ne  nuit  pas  à  la  lecture  ;  c'est  un  ensemble  de  documents 
nombreux  sur  l'histoire  et  l'art  des  Romains.  J'ajouterai  que  la  grande 
rareté  de  ces  monuments  fait  que  peu  de  personnes  sont  en  mesure 
d'en  voir  un  certain  nombre.  Les  1,310  types  reproduits  dans  ce  livre 
vulgarisent  toute  cette  série  numismatique. 

Un  détail  singulier,  c'est  que  l'on  ne  connaît  pas  de  textes  rappelant 
l'usage  des  médaillons,  pas  plus  que  le  nom  qu'ils  portaient  dans  l'an- 
tiquité, principalement  ceux  de  bronze.  Lampride  nous  laisse  deviner 


—  43  — 

que  les  pièces  de  ce  genre,  frappées  en  or  et  en  argent,  étaient  des- 
tinées aux  libéralités  du  souverain  ;  ce  fait  est  confirmé  par  Grégoire 
de  Tours.  Mais,  au  sujet  des  médaillons  de  bronze,  il  y  a  un  silence 
complet.  Lebeau  et  l'abbé  Barthélémy  supposent  qu'il  y  en  avait  un 
certain  nombre  qui,  encartés,  étaient  destinés  à  être  suspendus  aux 
enseignes  militaires;  Eckhel  pense  que  les  médaillons  étaient  frappés 
par  l'ordre  du  Sénat,  lorsqu'il  émettait  des  vœux  pour  l'empereur. 
M.  Frœhner,  qui  a  si  bien  étudié  la  colonne  Trajanne,  n'admet  pas  la 
conjecture  des  deux  premiers  savants  ;  en  acceptant  l'interprétation 
donnée  par  Eckhel  pour  certaines  pièces  qui  parlent  elles-mêmes,  il 
conclut  très-prudemment  que,  pour  le  plus  grand  nombre,  «nous  igno- 
rons absolument  par  qui  ils  ont  été  frappés  et  distribués.  » 

Il  ressort  des  types  donnés  dans  le  beau  livre  que  nous  avons  sous 
les  yeux  que  les  médaillons  représentent  les  produits  les  plus  parfaits 
de  l'art  du  monnayage  chez  les  Romains  ;  sous  Hadrien  et  Antonin, 
M.  Frœhner  donne  deux  médaillons  offerts  à  ces  princes  parle  Sénat, 
à  l'occasion  du  renouvellement  de  l'année,  pour  leur  souhaiter  rtn?2?^77? 
novum  faustum  felicem.  N'y  aurait-il  pas  lieu  de  donner  une  certaine 
extension  à  cette  idée  et  de  considérer  ceux  des  médaillons  qui  ne 
paraissent  pas  avoir  une  destination  officielle  comme  ayant  été  em- 
ployés aux  strense  kalendarix  que  chacun  se  faisait  pour  célébrer  le 
nouvel  an?  L'auteur  rappelle  lui-même  qu'à  cette  époque  le  cadeau  le 
mieux  vu  était  un  de  ces  grands  as  coulés  du  temps  des  Décemvirs,  ou 
une  monnaie  qui  n'avait  plus  cours.  A  dater  de  Domitien,  et  surtout 
sous  Hadrien,  règne  sous  lequel  la  fabrication  des  médaillons  prend 
un  grand  développement,  les  riches  Romains  se  seraient  offert  en 
étrennes,  de  même  que  le  Sénat  à  l'empereur,  ces  magnifiques  pièces 
qui  rappelaient  l'histoire  antique,  les  croyances  et  les  fêtes  religieuses, 
ainsi  que  les  saisons.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  l'histoire  contempo- 
raine était  retracée  sur  la  monnaie  courante.  —  Les  médaillons  au- 
raient joué  un  rôle  analogue  à  celui  de  nos  modestes  jetons  d'argert 
que  jadis  on  offrait,  à  titre  d'étrennes,  renfermés  dans  une  bourse. 

Une  table  alphabétique  forme  un  catalogue  analytique  et  descriptif 
de  toutes  les  pièces  décrites  et  expliquées  par  M.  Frœhner;  l'auteur 
y  a  intercalé  un  certain  nombre  de  types  qui  n'auraient  pas  trouvé 
place  dans  le  corps  de  l'ouvrage.  Une  seconde  table,  mentionnant  les 
sujets  historiques  et  mythologiques,  permet  de  recourir  à  chaque  page 
du  livre.  —  Nous  espérons  que  cette  rapide  appréciation  donnera  à 
tous  les  hommes  de  goût  le  désir  de  lire  cet  excellent  ouvrage  qui, 
pour  notre  part,  nous  a  singulièrement  intéressé  en  nous  apprenant 
beaucoup  de  choses.  A.  de  B. 


_   /J.J.   _ 


Mémoires  de  René-l*îei*t*iî  IVepveu  de  la  Manouillère,  cha- 
noine de  l'église  du  Mans,  publiés  et  annotés  par  l'abbé  Gcstave  Esnault. 
Tome  II  (1781-1807).  Le  Mans,  Pellecliat,  1878,  in-8  de  436  ip.  —  Prix  : 
G  fr. —  (Publication  de  la  Société  bistoriijue  et  archéologique  du  Maine.) 

Le  Polyblion  a  rendu  compte  (t.  XIX,  p.  158)  du  premier  volume  de 
cette  intéressante  publication.  Tout  ce  que  nous  disions  de  la  pre- 
mière partie  de  ces  mémoires  peut  s'appliquer  à  la  seconde.  —  L'abbé 
de  la  Manouillère,  ayant  à  parler  delà  Révolution,  s'attache  bien  plus 
à  raconter  les  faits  qu'à  les  expliquer;  les  faits  les  plus  importants, 
ceux  qui  ont  un  intérêt  général  ne  sont  pas  toujours  ceux  qui  le  frap- 
pent le  plus  et  dont  il  prend  note.  —  Cependant  la  lecture  de  son 
récit  et  de  ses  observations  est  attachante  et  pleine  d'enseignements. 

Le  digne  chanoine  juge  les  hommes  et  les  choses  de  la  Révolution 
avec  une  rectitude  qui  étonne  de  la  part  d'une  intelligence  aussi 
simple.  Il  résiste  aux  entraînements  de  cette  époque  et  à  la  réelle 
séduction  des  idées  nouvelles,  il  reste  fermement  attaché  à  la  vérité, 
alors  que  tant  d'esprits  supérieurs  hésitaient  où  la  trouver.  Remar- 
quable exemple  de  la  force  des  principes  et  des  lumières  que  donne 
la  foi  ! 

Dans  les  dernières  pages  consacrées  aux  années  qui  ont  suivi  la  Ré- 
volution, on  trouvera  des  observations  vraiment 'curieuses.  Elles  per- 
mettent de  se  rendre  compte  des  impressions  ressenties  par  un  homme 
de  l'ancien  régime  à  la  vue  des  modifications  profondes  que  les  insti- 
tutions et  les  mœurs  ont  eu  à  subir,  u  Ce  n'est  plus  comme  autrefois,  » 
s'écrie  souvent  le  chanoine;  et  on  sent  dans  cette  exclamation  une 
certaine  amertume,  assez  bien  justifiée  parfois.  En  effet,  combien  de 
traditions  respectables,  combien  de  vieux  usages  locaux,  combien  de 
grands  souvenirs  l'ordre  de  choses  nouveau  a  fait  disparaître  pour 
toujours  ! 

Comme  dans  le  premier  volume,  les  notes  sont  nombreuses  et  font 
le  plus  grand  honneur  au  savoir  et  au  tact  de  M.  l'abbé  Esnault  ;  par- 
ticulièrement en  ce  qui  concerne  l'histoire  généalogique,  elles  complè- 
tent très-heureusement  le  texte  des  mémoires. 

Lorsqu'une  table  alphabétique  soigneusement  faite  (on  en  annonce 
une)  sera  venue  s'ajouter  à  cet  ouvrage,  les  anciennes  familles  qui 
tiennent  par  un  lien  quelconque  au  Maine  auront  sous  la  main  un 
véritable  répertoire  généalogique,  très-commode  à  consulter,  rempli 
de  renseignements  utiles  et  curieux.  A  ce  point  de  vue,  la  publication 
de  M.  l'abbé  Esnault  est  appelée,  croyons-nous,  à  rendre  les  plus 
grands  services.  A.  M.  J. 


Les  Convulsions  de  I»aris,  par  Maximk  dc  Cami'.  Tome  l".  Les  Pri- 
sons pendant  la  Terreur.  Paris,  Hachette,  1878,  gr.  in-S  de  iv-oio  p.  — 
Prix  :  7  fr.  30. 

Nous  venons  bien  tard  parler  de  cet  ouvrage  à  nos  lecteurs,  et  nous 
les  prions,  ainsi  que  Tauteur,  de  vouloir  bien  nous  excuser,  dans  l'es- 
poir que  la  diflusion  d'un  livre  de  cette  valeur   n'aura   point  souffert 
de  répoque  tardive  où  nous  le  signalons.  Il  est, en  effet,  pouvons-nous 
dire,  de  ces  volumes  qui  font  leur  chemin  tout  seuls  dans  le  monde  et 
qui  ont,  moins  que  tout  autre,  besoin  de  recommandation.  Il  suffît  que 
l'on  sache  qu'ils  ont  vu  le  jour  et  quel  en  est  Fauteur.  M.  Maxime  du 
Camp  complète   aujourd'hui  ses  six  volumes  si  remplis  sur  Paris,  ses 
organes  et  sa  vie  dans  la  seconde   moitié  du  dix-neuvième  siècle.  L'on 
retrouve,  dans  les  Convulsions  de  Paiis,  les  mêmes  recherches  pro- 
fondes, les  mêmes  études  sérieuses,  la  même  critique  impartiale,  qui 
ont  fait  le  succès  du  précédent  ouvrage.  Seulement,  celui-ci  est,  par 
rapport  à  celui-là,   comme  le  revers  terrible  d'une  belle  médaille. 
Après  s'être  fait  l'historien  du  Paris,  grand,  riche,  actif,  admirable- 
ment organisé,  il   se  fait  celui  du  Paris  révolutionnaire  et  révolu- 
tionné, du  Paris  barbare  et   sanglant...   Le   tableau,  tout  triste  et 
humiliant  qu'il  soit,  est  traité  de  main  de  maître.  C'est  une  œuvre  qui 
restera  avec  la  marque  —  d'une   supériorité  incontestable  —  d'un 
grand  talent  d'écrivain,  d'une  grande  patience  de  recherches,  d'une 
honnêteté  sincère.   M.  Maxime  du  Camp,  et  ce  sera  son  honneur,  n'a 
pas  cru,  en  effet,  qu'on  avait  tout  dit  et  tout  expliqué  en  traitant  la 
Commune  comme  un  cas  particulier  de  je  ne  sais  quelle  maladie  épi- 
démique,  telle  que  la  folie  furieuse  ou  quelque  autre  accès  patholo- 
gique. Il  n'est  pas   l'homme   des  conclusions   matérialistes,   et,  loin 
d'atténuer,   par  la  considération  des  bosses  ou  des  appétits  naturels 
plus  ou  moins  violents,  surexcités  et  inassouvis,  les  crimes  atroces 
commis  contre  Dieu,  la  société,  la  propriété,  il  les  flétrit  énergique- 
ment  au  nom   de  la  morale    et  du  droit.  De  tout  son  livre  ressort, 
comme  conclusion,  la  vérité  du  mot  connu  :  «  la  Révolution  est  sata- 
nique.»  Il  est  vrai  que  le  peuple  en  masse  a  encore,  cette  fois,  été  plus 
trompé  que  coupable,  plus  entraîné  que  volontairement  scélérat.  Mais 
je  ne  parle  ici  que  de  la  masse  :  car,  pour  les  chefs,  pour  les  héros  de  ces 
sinistres  saturnales,  l'odieux  est   sans  excuses,  la  culpabilité  absolu- 
ment complète  et  la  flétrissure  à  peine  égale  au  crime.  A  côté  des 
actes  sanglants  que  tout  le  monde   connaît,  et  que  l'auteur  retrace  en 
tableaux  si  frappants  de  vérité   et   d'indignation,   les   victimes,  les 
martyrs  apparaissent  dans  toute  la  grandeur  de  leur  vertu  et  de  leur 
héroïsme.  Assurément,  l'auteur  n'a  pu  tout  dire  sur  les  bourreaux,  ni 
sur  les  otages,  et  nous  savons  que  le  respect  de  ses  lecteurs  l'a  con- 
damné à  garder  maints  documents  dans  ses  portefeuilles  ;  mais  tel  qu'il 


—  46  — 

est,  son  livre  est  complet  néanmoins,  et  suffit  pour  peindre  cette 
époque  douloureuse,  avec  les  fureurs  des  uns  et  le  courage  des 
autres.  Il  aura  ainsi  servi  à  la  fois  la  vérité  historique  et  la  vérité 
politique,  comme  la  vérité  religieuse,  et  tout  homme  de  bien  Ten 
remerciera  comme  d'un  témoignage  d'un  prix  et  d'un  poids  inesti- 
mables, F.  DE  ROQUEFEUIL. 


Le  Comté  de  Clermont  en  lîeauvai^is,  par    le    comte  de  Luçay. 
Paris,  DuMOL'LiN,  1870,  gr.  in-8,  avec  carte,  de  331  p.  Prix:  6  fr. 

Voici  une  excellente  monographie  provinciale,  qui  fait  complète- 
ment connaître  une  partie  intéressante  du  Beauvaisis,  et  fournit,  en 
même  temps,  les  détails  les  plus  curieux  sur  l'organisation  féodale  au 
quatorzième  siècle, 

M.  le  comte  de  Luçaj  s'occupe  tout  d'abord  des  origines  du  comté 
de  Clermont,  en  regrettant  de  ne  pouvoir  fournir  à  ce  sujet  d'éclair- 
cissements décisifs,  ce  comté  ne  semblant  pas,  en  effet,  avoir,  comme 
d'autres  grands  fiefs  voisins,  correspondu  à  une  division  naturelle 
ou  politique  antérieure;  du  moins  rassemble  t-il  tous  les  documents 
qui  peuvent  apporter  quelque  lumière  sur  cette  question.  Puis,  il  fait 
connaître  l'histoire  du  comté,  depuis  Gildoin  de  Breteuil,  qui  paraît 
le  premier,  au  onzième  siècle.  En  1218, Philippe-Auguste, à  l'extinction 
de  la  descendance  mâle  de  ces  puissants  feudataires,  acheta  le  comté, 
et  nous  suivons  dés  lors,  avec  M.  de  Luçay,  la  succession  des  comtes 
apanagistes  jusqu'à  la  mort  de  Louis  II  de  Bourbon,  au  mois  d'août 
1410. 

La  seconde  partie  de  ce  travail  comprend  le  «  Livre  des  hommages 
du  comté  de  Clermont,  en  1379.  »  C'est  un  document  inédit  et  vérita- 
blement d'une  grande  importance.  M.  de  Luçay  le  reproduit,  à 
l'aide  d'une  analyse  très-détaillée  et  très-complète,  donnant  le  nom 
de  chaque  fief  avec  celui  du  possesseur  et  la  description  de  ses  armes, 
et  le  titre  des  arrière-fiefs.  Les  notes  très-considérables  commentent 
et  éclaircissent  ces  textes.  Quelques  documents  inédits  et  des  tables 
très-détaillées  complètent  ce  volume  en  rendant  les  recherches  très- 
faciles.  N'oublions  pas  une  bonne  carte,  reproduction  de  celle  de  Guil- 
laume de  Lisle. 

Nous  félicitons  sans  réserve  M.  le  comte  de  Luçay,  et  nous  ne 
croyons  rien  exagérer  en  affirmant  que  son  travail  est  un  des  meil- 
leurs qui  aient,  depuis  longtemps,  été  consacrés  àl'histoire  provinciale. 
M.  de  Luçay  y  fait  preuve  d'une  sérieuse  érudition,  d'une  grande 
sagacité  et  d'une  connaissance  approfondie  du  pays  dont  il  s'est 
constitué  l'historien.  E.  de  Barthélémy. 


I 


Collection  rtes  princSpaux  cartulaîres  «lu  diocèse  <le 
Troyes.  Tome  II,  Cartulaires  de  l'abbaye  du  Pamclet.  —  Tome  III,  Car- 
tulaircs  de  V abbaye  de  Basse- Fontaine;  Chartes  de  Beauvoir,  chef-lieu  de 
l'ordre  Toutonique  en  France,  par  M.  l'abbé  Lalore,  ancien  professeui'  de 
théologie.  Paris,  Thoria,  1878,  2  vol.  in-8  de  xxxvni-364  et  41-289.  — 
Prix  :  9  fr. 

M.  l'abbé  Lalore  poursuit  avec  un  zèle  infatigable  la  publication 
des  cartulaires  du  diocèse  de  Troyes;  nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié 
cslui  de  Saint-Loup  de  Troyes,  édité  en  1875,  qui  forme  le  premier 
volume  de  la  collection.  Nous  ne  pouvons  que  nous  réjouir  de  voir 
cet  érudit  ecclésiastique  consacrer  sa  fortune  et  son  temps  à  nous 
fournir,  à  lui  seul,  une  aussi  riche  moisson  de  textes  si  utiles  à  This- 
toire  de  la  province,  ainsi  qu'à  l'étude  du  moyen  âge.  Chaque  volume 
contient  une  introduction  dans  laquelle  M.  Lalore  retrace  succincte- 
ment l'histoire  de  l'abbaye,  et  fait  connaître  les  sources  auxquelles  il 
a  puisé  ;  nous  nous  étonnons  qu'il  n'ait  pas  cru  devoir  donner  une  liste 
chronologique  des  abbés  et  abbesses,  et  reproduire  les  obituaires, 
quand  il  avait  la  bonne  fortune  de  les  rencontrer.  Du  reste,  il  nous 
annonce  son  intention,  lorsque  la  collection  sera  complète,  de  faire  un 
travail  d'ensemble  sur  tout  ce  que  les  pièces  publiées  par  lui  peuvent 
fournir  à  l'histoire  provinciale  et  à  l'histoire  générale. 

Après  l'introduction,  viennent  les  textes  transcrits  avec  soin,  autant 
que  nous  avons  pu  en  juger,  et  deux  tables,  l'une  des  noms  de  lieux, 
l'autre  des  noms  de  personnes.  Ces  tables  paraissent  complètes  ;  nous 
aurions  peut-être  préféré  qu'elles  fussent  rédigées  en  français;  on 
aurait  ainsi  évité  quelques  petites  imperfections,  par  exemple,  de  se 
servir  des  mots  civilas  Provint  (t.  II,  p.  364)  pour  indiquer  la  ville  de 
Provins.  Mais,  dans  un  pareil  labeur,  exécuté  avec  tant  de  soin  par 
une  seule  personne,  nous  ne  chercherons  pas  les  fautes  légères,  les 
quelques  incorrections  typographiques.  Quel  est  celui  d'entre  nous, 
même  parmi  les  plus  méticuleux,  qui  ne  laisserait  pas  prise  à  un  cri- 
tique cherchant  à  la  loupe  ? 

Le  cartulaire  du  Paraclet,  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  donne  80  actes 
du  douzième  siècle,  122  du  treizième,  34  du  quatorzième;  un  grand 
nombre;'d'entre  eux  se  rapportent  àlacélèbre  Héloyse,  d'abord  prieure, 
puis  abbesse  du  Paraclet.  —  L'abbaye  de  Basse-Fontaine,  de  l'ordre 
des  Prémontrés,  fondation  des  comtes  de  Brienne,  fournit  42  chartes  du 
douzième  siècle  et  77  du  treizième .  —  Quant  à  la  commanderie  de 
Beauvoir,  les  archives  de  l'Aube  ont  fourni  à  M.  l'abbé  Lalore  167 
actes  compris  entre  les  années  1143  et  1503. 

Nous  signalerons  ce  recueil  de  chartes  qui  touche  à  un  point  peu 
connu  de  l'histoire  des  ordres  religieux  et  militaires  en  France  ;  il 
appartenait  à  M.  l'abbé  Lalore  de  le  mettre  en  évidence,  puisque  la 
commanderie  de  Beauvoir,  chef-lieu  des  autres  membres  des  Teuto- 


—  48  — 

niques  en  France,  Saint-Michel  de  THermitage  (Eure-et-Loir), 
Orbec  (Nièvre),  Vaudeville  (Meuse),  et  peut-être  Saint- Thomas  de 
Montpellier,  était  situé  dans  le  diocèse  de  Trojes.  Dans  rintroduc- 
tion,  le  savant  éditeur  résume  clairement  l'histoire  de  nos  comman- 
deries  teutoniques  depuis  Torigine,  due  presque  exclusivement  à  la 
reconnaissance  de  chevaliers  croisés,  jusqu'à  la  vente  de  Beauvoir 
faite  à  l'abbaye  de  Clairvaux,  moyennant  16,100  florins  du  Rhin  ;  cette 
commanderie,  du  reste,  depuis  1491,  était  en  pleine  décadence  :  à  cette 
date,  le  commandeur  était  un  laïque  marié  qui,  ainsi  que  sa  femme 
Jeannette,  avait  donné  tous  ses  biens  à  l'ordre,  et  s'y  était  fait 
admettre. 

M.  l'abbé  Lalore  a  encore  trois  cartulaires  sous  presse,  ou  prêts  à 
être  imprimés;  nous  les  attendons  avec  curiosité,  ainsi  que  l'histoire 
du  diocèse  de  Troyes,  que  nul  mieux  que  lui  ne  peut  entreprendre. 

A  DE.  B. 


Uistory  or  the  EInglisli  peopIe,byJoHN  Richard  Green. Tomes  I"  et  II- 
London,  Macmillan  and  Co,  2  vol.  in-8  de  ix-b76  et  300  p.  —  Prix  :  30  fr. 

La  nouvelle  édition  du  livre  de  M.  Green  nous  donne  le  prétexte  de 
revenir  sur  son  ouvrage,  qui  a  été  un  des  grands  succès  de  l'année 
dernière.  Le  premier  volume,  illustré  de  huit  cartes,  nous  conduit 
jusqu'à  la  fin  de  la  guerre  des  Roses  et  à  l'avènement  de  la  maison 
d'York.  Ce  qui  fait  le  charme  de  cette  histoire  d'Angleterre,  c'est,  à 
coup  sûr,  le  style  et  le  talent  avec  lequel  les  matériaux  sont  mis  en 
œuvre.  M.  Green  ne  prétend  pas  nous  donner  rien  de  bien  neuf; 
il  n'a  ni  théories  préconçues  à  soutenir  ni  cause  politique  à  défendre; 
au  frontispice  de  son  monument,  il  a  gravé  les  noms  d'Edouard  Freeman 
et  de  William  Stubbs,  —  c'est-à-dire  la  science  approfondie  et  cons- 
ciencieuse, la  patience  bénédictine  et  l'exactitude  poussée  jusqu'au 
scrupule.  Il  importait  de  faire  honneur  à  de  tels  parrains,  et  c'est  ce 
que  M.  Green  n'a  pas  oublié,  s'estimant  obligé,  en  même  temps,  de  ne 
pas  négliger  le  côté  littéraire.  Chaque  livre  est  précédé  d'un  résumé 
très-exact  et  suffisamment  complet  des  sources,  et  notre  auteur,  en 
indiquant  les  travaux  à  consulter  pour  l'histoire  des  temps  primitifs, 
ne  manque  pas  de  faire  ressortir  le  peu  de  renseignements  sérieux  que 
nous  avons  jusqu'ici  pour  ce  qui  concerne  l'Irlande  et  le  pays  de  Galles. 
Le  recueil  de  lois  qui  régissaient  la  principauté,  publié  parle  gouver- 
nement anglais,  est  une  compilation  de  la  plus  grande  importance  ; 
mais,  pour  en  tirer  tout  le  parti  désirable,  il  faut  attendre  que  le  code 
de  l'ancienne  législation  irlandaise  [Brchon  laws)  soit  entièrement 
édité,  afin  d'étudier  comparativement  deux  monuments  dont  la  rédac- 
tion primitive  remonte  à  une  antiquité  très-reculée. 

Le  second  livre,  intitulé  l'Aïujlelerre  sous  les  rois  étrangers,  nous  inté- 


—   4!l    — 

resse  particulièrement  ;  les  rois  Normands  la  dynastie  angevine 
appartiennent  à  la  France  tout  autant  qu'à  la  Grande-Bretagne,  et, 
parmi  les  sources  à  consulter,  se  trouvent  quelques-uns  des  monuments 
les  plus  remarquables  de  notre  ancienne  littérature.  Ici,  on  peut  se 
former  une  idée  des  services  rendus  par  le  garde  des  archives  en 
ordonnant  la  publication  des  chroniques  nationales  de  nos  voisins  ;  la 
série  des  annalistes  de  saint  Albans  est,  pour  cette  époque,  une  mine 
intarissable,  et,  pour  le  tableau  de  la  société  féodale  aussi  bien  que 
pour  l'histoire  politique  proproment  dite,  il  n'existe  pas  de  pièces  jus- 
tificatives plus  dignes  d'être  prises  en  considération. 

La  grande  charte  forme  le  sujet  du  livre  troisième.  M.  Green  s'arrête 
un  instant,  au  milieu  de  son  récit  des  événements,  pour  nous  décrire  la 
société  anglaise  telle  que  la  conquête  normande  l'avait  reconstituée  : 
relations  entre  le  roi  et  les  barons,  entre  la  noblesse  et  les  vilains; 
commerce,  industrie,  questions  ecclésiastiques,  mouvement  littéraire 
et  philosophique.  Ce  tableau  est  tracé  avec  précision  et  les  points  les 
plus  importants  sont  soigneusement  indiqués.  La  partie  relative  à  l'É- 
glise et  aux  rapports  qui  unissaient  l'Angleterre  au  Saint-Siège  donne 
prise,  on  se  l'imagine  sans  peine,  à  la  critique;  mais  M.  Green  est,  en 
somme,  très-dépourvu  de  préjugés,  et  il  fait  son  possible  pour 
conserver  la  plus  stricte  impartialité.  Le  second  et  le  troisième  cha- 
pitres de  ce  livre  contiennent  quelques-uns  des  morceaux  les  plus 
remarquables  de  l'ouvrage,  ainsi  le  portrait  de  Roger  Bacon,  celui  de 
Mathieu  Paris,  et  l'appréciation  de  la  philosophie  scolastique.  Les 
historiens  de  l'ancienne  école  protestante  ont  écrit,  sur  ce  dernier 
sujet,  tant  de  sottises,  et  vulgarisé  tant  de  faussetés,  qu'il  était  temps 
qu'un  savant  de  la  trempe  de  M.  Green  vînt  replacer  les  choses  dans 
leur  véritable  jour;  c'est  ce  qu'il  a  fait,  notamment  en  ce  qui  concerne 
la  scolastique.  Pour  l'étude  des  détails  sur  le  commerce  et  l'industrie, 
il  a  consulté  les  Ordonnances  des  Giiildes  anglaises,  ouYra.ge  dont  j'ai 
parlé  en  rendant  compte  des  publications  de  VEarly  cnglish  tcxt 
Society. 

Les  règnes  d'Edouard  II  et  de  Richard  II,  les  premiers  symptômes 
de  la  révolution  religieuse,  les  Lollards  et  les  tentatives  d'insurrection 
politique  et  sociale  défrayent  le  quatrième  livre.  Il  est  passablement 
surprenant  de  voir  Froissart  dénoncé  comme  écrivain  de  peit  de  valeur 
historique;  la  liste  des  sources  à  consulter  est  fort  incomplète,  et 
M.  Green  ne  fait  aucune  mention  des  travaux  si  remarquables  de 
M.  Wallon,  qu'il  eût  fallu  au  moins  nommer,  encore  qu'on  ne  partageât 
pas  ses  vues  sur  Richard  II  et  Jeanne  d'Arc. 

I     Le  second  volume  de  VHistonj  of  the  English  people  ne  contient  que 

deux  livres,  le  cinquième  et  le  sixième;  celui-là  traite  du  gouvernement 

de  la  maison  d'York;    celui-ci  nous  raconte  le  règne   d'Elisabeth. 

Jlillet  1878.  T.  XXIII.  :j. 


—  50  — 

M.  Green  est  un  admirateur  décidé  de  la  brillante  étoile  de  l'Occident; 
il  nous  la  représente  comme  essentiellement  Anglaise,  et  il  attribue  la 
loyauté  de  ses  sujets,  l'enthousiasme  qu'elle  leur  inspirait,  à  la  cir- 
constance qu'elle  savait,  d'une  manière  vraiment  merveilleuse,  toucher 
la  fibre  nationale.  Le  passage  suivant,  qui  a  trait  à  la  question  reli- 
gieuse, mérite  d^être  cité. «La majorité  des  Anglais  restèrent  fidèles  à 
l'ancienne  foi,  tout  en  se  conformant  au  nouveau  culte;  il  leur  répugnait 
de  se  mettre  en  opposition  ouverte  au  gouvernement  ;  il  leur  répu- 
gnait de  rallumer  les  haines  religieuses,  de  provoquer  le  retour  des 
scènes  de  Smithfield.  Ils  voyaient,  au  point  de  vue  de  la  doctrine,  peu 
de  différence  entre  les  prières  anciennes  et  les  nouvelles.  Ils  espéraient 
surtout  que  la  patience  viendrait  à  leur  aide.  Ils  avaient  vu  trop  de 
révolutions  religieuses  pour  penser  que  celle-ci  serait  durable;  ils 
croyaient  que  les  innovations  disparaîtraient  comme  elles  avaient 
disparu  jadis;  Elisabeth,  se  disaient-ils,  avait  eu  la  main  forcée, et  ses 
véritables  sentiments  étaient  en  faveur  du  catholicisme  ;  ils  comptaient 
sur  l'influence  de  Philippe,  sur  un  mariage  autrichien,  sur  la  répu- 
gnance qu'éprouvait  la  reine  à  se  brouiller  avec  la  cour  de  Rome,  sur 
la  pression  qu'exerçait  Marie  Stuart.  Cependant,  les  années  s'écou- 
laient, les  souvenirs  du  passé  devenaient  de  plus  en  plus  vagues,  l'ha- 
bitude exerçait  une  autorité  toujours  croissante,  enfin  une  nouvelle 
génération  s'éleva  qui  n'avait  jamais  connu  la  puissance  magique  du 
catholicisme,  et  l'Angleterre,  emportée  loin  des  anciennes  traditions, 
devint  protestante  à  son  corps  défendant.  »  Je  ne  pousserai  pas  plus 
loin  ce  compte  rendu  ;  le  dernier  chapitre  du  second  volume,  traitant 
du  mouvement  littéraire_,  est  très-intéressant,  et  M.  Green  y  explique 
fort  bien,  entre  autres  choses,  le  caractère  essentiellement  national  du 
drame  anglais.  Les  pièces  de  Marlowe,  de  Beaumont  et  Fletcher,  de 
Green,  de  Shakespeare,  ne  s'adressaient  pas  seulement  aux  hommes  de 
goût,  aux  esprits  cultivés  ;  c'étaient  des  ouvrages  populaires  dans 
toute  la  force  du  terme  ;  le  théâtre  pouvait  passer  pour  une  mani- 
festation de  la  vie  du  pays,  et  conséquemment  le  succès  lui  était 
assuré. 

Il  faut  espérer  que  le  troisième  volume  du  livre  dont  je  viens  de 
parler  ne  se  fera  pas  longtemps  attendre.  A  mesure  que  nous  avance- 
rons, nous  verrons  les  changements  se  multiplier  et  les  développements 
prendre  de  plus  amples  proportions,  parce  que,  dans  l'édition  origi- 
nale, la  partie  moderne  est  précisément  celle  que  M.  Green  avait 
négligée.  Gustave  Masson. 


—  51   — 

La  I^rlnceeae  d'Eboll,  par  Gaspar  Muro.  Précédée  d'une  lettre-préface 
de  M.  Can'ovas  del  Castillo.  Traduit  de  l'espagnol  par  Alfred  W'eil.  Pa- 
ris, Charpentier,  1878,  in-8  de  l-296  p.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

Il  est  peu  de  questions  historiques  de  second  ordre  aussi  controver- 
sées que  celle  du  rôle  joué  par  Philippe  II  vis-à-vis  de  la  princesse 
d'Eboli.  Que  l'austère  fils  de  Cbarles-Quint,  malgré  les  quatre  femmes 
légitimes  qu'il  épousa  successivement,  ait  mené  toute  sa  vie  la  conduite 
morale  la  moins  scrupuleuse  ;  et  que,  d'autre  part,  la  belle  Anne  de 
Mendoza  se  soit  rendue  coupable  de  plus  d'une  légèreté,  particulière- 
ment avec  le  célèbre  Antonio  Ferez,  ce  sont  là  des  faits  complètement 
acquis  à  l'histoire,  et  confirmés  par  les  plus  véridiques  témoignages. 

Mais  Philippe  II  fut-il  mu  par  un  vil  sentiment  de  jalousie,  dans  les 
cruelles  condamnations  qu'il  infligea  à  la  princesse  et  à  son  amant? 
C'est  ce  que  M.  Gaspar  Muro  s'est  appliqué  à  infirmer  par  une  dé- 
monstration très-complète  et  très-intéressante,  dans  le  volume  entier 
qu'il  vient  de  consacrer  à  une  cause  qui  ne  paraissait  pas  tout  d'abord 
susceptible  d'aussi  longs  développements. 

L'argumentation  du  savant  auteur  est-elle  absolument  sans  réplique? 
M.  Canovas  del  Castillo,  le  grand  ministre  espagnol,  ne  l'a  pas  pensé, 
puisque,  dans  la  préface  remarquable  qu'il  a  placée  en  tête  du  livre  de 
son  ami,  il  expose  encore  ses  doutes,  lesquels  se  résument  dans  un 
adage  aussi  espagnol  que  français  :  «Il  n'y  a  pas  de  fumée  sans  feu.  » 
Au  fond,  la  plaidoierie  est  plus  curieuse  que  la  cause  elle-même.  Elle 
fournit  une  occasion  d'éclairer  d'un  jour  nouveau  la  figure,  toujours 
obscure  en  quelques  points,  du  sombre  monarque  de  l'Escurial.  On 
rencontre,  en  efi'et,  dans  cette  consciencieuse  étude,  des  documents 
inédits  assez  importants,  des  détails  dignes  de  remarque,  de  fines 
observations  sur  la  cour,  la  société,  le  gouvernement  au  temps  de 
Philippe  II.  C'est  un  ouvrage  qu'il  faudra  désormais  joindre  aux  nom- 
breuses publications  qui  ont  paru,  depuis  quelques  années,  en  France, 
en  Espagne  et  en  Belgique,  sur  les  émouvants  épisodes  de  cette  partie 
du  seizième  siècle.  G.  Bagubnault  de  Puchesse. 


Histoire  de  la  Russie  depuis  les  ori§;ine»  jusqu^à  l'année 

18»,  par  Alfred  Rambaud,  professeur  à  la  faculté  des  lettres  de  Nancy, 
membre  correspondant  de  l'Académie  des  sciences  de  Saint-Pétersbourg. 
Paris,  Hachette,  1878,  gr.  in- 18  de  727  p.  avec  4  cartes.  —  Prix  :  4  fr. 

L'ouvrage  de  M.  Rambaud  a  déjà  recueilli  les  sufî'rages  les  plus 
flatteurs,  et  nous  croyons  que  ces  sufî'rages  sont  mérités.  Il  n'était 
guère  possible  de  mettre  plus  de  talent  à  résumer,  avec  un  juste  sen- 
timent des  proportions,  ce  que  contiennent  les  travaux  de  plus  longue 
haleine;  et,  à  toute  personne  qui  veut  avoir  une  idée  de  l'histoire  de 
Russie,  on  ne  peut  conseiller  un  meilleur  ouvrage. 


Il  faut  cependani  ajouter  que  cette  histoire  a  été  écrite  jusqu'ici,  par 
les  écrivains  russes,  sous  Tcmpire  de  préjugés  nationaux  et  religieux 
et  de  doctrines  politiques  qui  ont  singulièrement  faussé  les  jugements 
et  ont  altéré  bien  des  faits.  Un  vaste  champ  est  ouvert  à  la  critique. 
Ce  travail  ne  peut  tarder  à  se  faire.  D'un  côté,  les  écrivains  russes, 
avec  un  zèle  qui  leur  fait  honneur,  publient  une  masse  de  documents  et 
de  témoignages  qui  jusqu'ici  n'avaient  pas  vu  le  jour.  D'un  autre  côté, 
si  l'on  est  encore  loin  de  s'être  affranchi  de  tous  les  préjugés,  il  y  a 
cependant  une  tendance,  qu'il  ne  faut  pas  méconnaître,  à  juger  les 
événements  et  les  hommes  avec  une  plus  grande  impartialité.  On  peut 
donc  espérer  que  le  jour  est  proche  où  la  critique  soumettra  à  son 
contrôle  sévère  toute  l'histoire  de  Russie  et  modifiera  bien  des  appré- 
ciations. 

Quand  ce  travail  sera  fait,  le  livre  de  M.  Rambaud  ne  répondra  plus 
aux  justes  exigences  du  public;  mais,  dans  l'état  actuel  des  choses, 
nous  pensons  qu'il  n'était  guère  possible  de  mieux  faire.  Il  faut  même 
ajouter  que,  si  le  professeur  de  la  faculté  des  lettres  de  Nancy  évite 
avec  soin  de  froisser  les  opinions  courantes,  il  montre  en  plus  d'un 
endroit  qu'il  ne  les  partage  pas,  et  qu'il  garde  par  devers  lui  la  liberté 
de  ses  jugements.  J.  G. 


^Numismatique  de  l'Orient  latin,  par  Gustave  Schlumberger. 
Paris,  E.  Leroux,  1878,  in-4  de  oOO  p.  et  10  planches  gravées.  — 
Prix  :  7  a  fr. 

Ce  livre,  fait  pour  les  numismatistes,  se  recommande  aussi  aux 
personnes  qui,  sans  s'occuper  spécialement  de  monnaies,  s'intéressent 
à  tout  ce  qui  touche  à  l'histoire  des  Francs  en  Orient.  L'auteur,  vou- 
lant réunir  tout  ce  qui  peut  aider  les  érudits  et  les  collectionneurs  à 
étudier  et  à  classer  les  monnaies  fi^anques,  adonné  un  résumé  histo- 
rique de  chaque  grande  baronnie,  de  chaque  fief,  résumé  qui  est  d'une 
utilité  évidente.  Il  y  a  une  foule  de  faits  et  do  dates  qui  se  trouvent 
là,  et  que  l'on  auraitdû,  jadis,  si  on  en  avait  eu  besoin,  chercher  dans 
une  multitude  de  livres,  peu  répandus,  et  rédigés  en  allemand  ou  en 
grec.  M,  Schlumbergor  a  si  bien  réussi  à  résumer  l'histoire  des 
latins  en  Orient,  que  j'ai  entendu  certaines  personnes  lui  reprocher 
d'avoir  donné,  dans  son  livre,  une  part  trop  large  à  l'histoire. 

Au  point  de  vue  numismatique,  le  livre  de  M.  Schlumberger  est 
aussi  complet  que  possible:  il  a  cherché,  dans  toutes  les  grandes  col- 
lections de  la  France  et  de  l'étranger, les  éléments  de  son  travail;  il  a 
voyagé  en  Orient,  en  Italie,  en  Allemagne  pour  étudier  et  dessiner 
les  monnaies;  il  a  lu  tout  ce  qui  avait  été  publié  jusqu'à  ce  jour  sur 
cette  matière.  L'auteur  s'est  si  bien  approprié  son  sujet,  que  personne, 


—  o3  ~ 

de  longtemps,  ne  pourra  l'aborder,  et  que  lui  seul  sera  à  même  de  le 
compléter  plus  tard  par  les  suppléments  que  des  trouvailles  nécessi- 
teront. J.  DE  M. 


Histoire    du   Orésil    franç'aîs  au   seizième  ei<>cle,  par  M.  P. 

Gaffarel,  professeur  à  la  faculté  de  Dijon.  Paris,  Maisonneuve,  1878,  in-8 
de  512  p.,  avec  2  planches.  —  Prix  :  8  fr. 

L'histoire  de  la  colonisation  française  dans  le  Nouveau  Monde  est, 
depuis  plusieurs  années,  le  sujet  spécial  des  investigations  de  M.  Gaf- 
farel. Les  lecteurs  du  PolyblbUon  connaissent  l'intéressant  ouvrage 
par  lui  consacré  au  récit  des  tentatives  faites  par  les  réformés  fran- 
çais pour  s'établir  dans  la  Floride.  Le  présent  livre  n'est,  à  coup  sûr, 
inférieur  en  rien  au  précédent;  nous  pourrions  même  dire  qu'il  offre 
le  mérite  de  soulever  une  des  questions  les  plus  intéressantes  au  point 
de  vue  de  notre  amour-propre  national. 

Voici  plusieurs  années  déjà  que  certains  indices  ont  été  relevés, 
tendant  à  établir  que  la  découverte  du  Nouveau  Monde  serait  réelle- 
ment due  à  des  Français. 

Un  Dieppois,  du  nom  de  Jean  Cousin,  se  serait,  plusieurs  années 
avant  les  voyages  de  Colomb,  trouvé  jeté  dans  une  terre  inconnue, 
peut-être  bien  identique  au  Brésil,  et  près  de  l'embouchure  d'un  fleuve 
immense  dans  lequel  on  semblerait  fondé  à  reconnaître  l'Amazone. 

C'est  son  lieutenant,  Vincent  Pinçon,  qui,  ayant  par  la  suite  passé 
au  service  du  navigateur  génois,  lui  aurait  indiqué  le  chemin  de  l'A- 
mérique, Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  opinion,  on  ne  saurait  nier  que, 
de  très-bonne  heure,  nos  marins  normands  n'aient  visité  la  côte  bré- 
silienne. Chaque  jour  les  documents  déterrés  dans  nos  bibliothèques 
viennent  en  fournir  de  nouvelles  preuves.  Au  nombre  de  ces  hardis  ex- 
plorateurs, il  convient  de  citer  le  seigneur  de  Gonneville.  Ayant  amené 
en  France  Esomeric,  fils  d'un  prince  indigène,  que,  malgré  sa  pro- 
messe, il  ne  piît  rapatrier,  Gonneville  l'éleva  comme  son  propre 
enfant  et  le  maria  à  sa  fille  Suzanne. 

L'auteur  nous  trace  un  tableau  fort  pathétique  des  aventures  des 
frères  Ango.  Les  richesses  immenses  qu'ils  avaient  acquises,  par  leur 
commerce  dans  l'Amérique  du  Sud,  leur  permirent  d'arriver  à  une 
haute  position  politique.  Après  avoir  été  l'ami  particulier  de  Fran- 
çois P'',  qui  l'anoblit  et  le  nomma  commandant  de  la  ville  de  Dieppe, 
Jean  Ango  vit  l'infortune  s'appesantir  sur  lui;  il  mourut  presque  dans 
la  misère,  misère  due  en  grande  partie  à  ses  folles  prodigalités  et  à 
ses  habitudes  de  faste. 

Nous  ne  pouvons  nous  étendre  sur  les  faits  et  gestes  des  autres 
explorateurs.  Aussi  bien,  l'histoire  du  Brésil  français  et  de  sa  colo- 
nisation se  résume-t-elle,  pour  ainsi  dire,  dansle  nom  deVillegaignon. 


Ce  vaillant  homme  de  guerre,  qui  fut  également  un  intrépide  contro- 
versiste,  avait  conçu  le  projet  d'arracher  au  Portugal  l'empire  des 
mers  et  de  fonder  une  nouvelle  France  sur  les  rives  du  Brésil. 

Fort  du  consentement  de  Henri  II,  roi  de  France,  et  surtout  de 
l'amiral  de  Coligny,  Villegaignon  s'occupe  d'organiser  son  expédi- 
tion. Non-seulement  les  catholiques,  mais  même  les  huguenots,  sont 
appelés  à  en  faire  partie.  Bien  qu'il  s'en  soit  fort  défendu  par  la  suite, 
et  se  soit  montré  un  ennemi  irréconciliable  des  protestants,  il  serait 
difficile  de  ne  pas  admettre  que  Villegaignon  ait,  à  cette  époque,  in- 
cliné vers  les  doctrines  de  la  réforme.  Enfin,  il  met  à  la  voile,  le 
12  juillet  1555.  Après  avoir  commis,  en  route,  plusieurs  actes  de  pi- 
raterie, autorisés  par  les  mœurs  du  temps,  les  colons  arrivent  dans 
la  baie  de  Ganabara  (Rio  Janerio),  le  19  novembre.  Nos  colons  furent 
favorablement  reçus  des  Indiens,  profondément  irrités  de  la  cruauté 
des  Portugais.  Le  fort  de  Coligny  est  fondé,  et  tout  semble  présager 
un  très-heureux  succès  pour  la  colonisation. 

Néanmoins,  l'ardeur  des  premiers  jours  ne  tarde  pas  à  s'affaiblir,  et 
Villegaignon  indispose  son  monde  par  un  excès  de  sévérité.  Après 
avoir  poussé  la  condescendance  jusqu'au  point  incroyable  d'assister  à 
l'office  et  à  la  cène  des  réformés,  Villegaignon  se  réveille  pour  ainsi 
dire  de  sa  torpeur,  et  sent  s'allumer  dans  son  cœur  un  zèle  plus  ardent 
qu'éclairé  pour  les  intérêts  du  catholicisme.  Il  débute  tout  d'abord 
par  d'aigres  discussions  théologiques  avec  les  pasteurs  d'origine  gé- 
noise, puis  en  arrive  à  jouer  le  rôle  de  persécuteur  ;  il  punit  de  mort, 
en  qualité  d'hérétiques,  plusieurs  réformés,  qu'il  n'avait  cependant 
attirés  au  Brésil  qu'en  leur  promettant  le  libre  exercice  de  leur 
culte. 

Cependant  les  colons,  découragés  par  les  privations  qu'ils  ont  à 
subir  et  las  d'obéir  à  un  chef  doué  plutôt  des  qualités  d'un  homme  de 
guerre  que  de  celles  d'un  administrateur,  ne  forment  plus  qu'un  vœu, 
celui  de  retourner  en  Europe.  Villegaignon  lui-même,  dégoûté  de 
l'exercice  d'un  pouvoir  dont  il  n'a  su  user  ni  avec  assez  de  prudence 
ni  avec  assez  de  modération,  se  décide  à  quitter  la  colonie.  Cet  acte 
porte  un  coup  irrémédiable  aux  tentatives  d'établissements  français 
sur  la  côte  du  Brésil. 

Les  Portugais  trouvent  un  puissant  appui  dans  les  néophytes 
indiens,  élèves  des  jésuites  portugais.  Ces  derniers,  en  eff'et,  voyant 
dans  nos  compatriotes  autant  d'ennemis  de  leur  pays  et  de  leur  reli- 
gion, puisqu'un  certain  nombre  des  colons  étaient  huguenots,  ne 
demandent  pas  mieux  que  de  lancer  contre  nos  établissements  les  sau- 
vages qu'ils  avaient  convertis.  Aussi,  malgré  des  prodiges  de  bravoure, 
les  Français  voient  leurs  établissements  tomber  aux  mains  de  l'ennemi. 
Villegaignon,  de  son  côté,  tout  occupé  aux  guerres  de  religion,  ne  songe 


—  55  — 

guère  ni  à  les  secourir,  ni  à  les  venger.  Le  gouvernement  français 
a  trop  à  faire  chez  lui  pour  prendre  en  main  les  intérêts  d'aussi  loin- 
taines colonies;  et  la  couronne  de  Portugal  domine  sans  rivale  dans 
ces  régions  où  nos  compatriotes  avaient  rêvé  l'établissement  d'une 
nouvelle  France. 

Nous  ne  dirons  que  peu  de  mots  des  dernières  années  de  Villegai- 
gnon,  A  peine  de  retour  dans  sa  patrie,  il  commence  par  faire  une 
guerre  de  pamphlets  aux  réformés,  qui,  du  reste,  ne  le  ménagent 
guère,  ni  dans  leurs  discours,  ni  dans  leurs  écrits,  en  attendant  qu'il 
ait  à  les  combattre  les  armes  à  la  main. 

Enfin,  épuisé  par  les  fatigues  d'une  vie  aventureuse,  Villegaignon 
meurt  de  maladie,  pendant  le  cours  de  ces  luttes  religieuses  aux- 
quelles il  prenait  une  part  active.  Quelle  que  soit  la  justesse  de  certains 
des  reproches  adressés  par  les  écrivains  protestants  à  Villegaignon, 
on  ne  saurait  s'empêcher  de  reconnaître  en  lui  un  homme  éminent  à 
bien  des  égards.  S'il  se  montre  parfois  violent,  injuste,  administra- 
teur médiocre,  pendant  son  séjour  au  Brésil,  nous  devons  rendre 
hommage  à  ses  talents  de  capitaine,  à  son  érudition  profonde  et 
variée,  et  surtout  à  son  parfait  désintéressement. 

On  voit,  par  ce  rapide  compte  rendu,  tout  l'intérêt  qu'offre  la  lec- 
ture du  nouveau  livre  de  M.  Gaffarel.  Aucun  de  ceux  qui  s'occupent 
de  l'histoire  extérieure  de  notre  pajs  ne  songera  sans  doute  à  nous 
contredire.  H.  de  Charencey. 


Une    colonie    féotlale   en  A.mérique.     L'Acadie,    1604-1710,    par 
M.  Rameau.  Paris,  Didier,  1877,  ia-12  de  liv-367  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

L'auteur  s'est  occupé,  depuis  plusieurs  années,  de  nos  colonies 
françaises.  Après  avoir  fait  paraître,  en  1859,  la  France  aux  colonies, 
il  nous  donne  aujourd'hui  une  étude  fort  intéressante  sur  TAcadie,  où 
il  prend  patriotiquement  en  main  la  cause  de  la  vérité  et  de  la  jus- 
tice, pour  combattre  des  idées  généralement  reçues  sur  les  causes 
réeUes  du  succès  final  des  Anglo-Américains.  Une  longue  nomen- 
clature des  sources  qui  ont  servi  à  cet  ouvrage  prouve  qu'il  est  le 
fruit  de  recherches  aussi  consciencieuses  que  persévérantes.  L'in- 
troduction est  un  résumé  très-substantiel  du  caractère  de  cette  colo- 
nisation, qui  fixe  aussi  actuellement  l'attention  de  plusieurs  hommes 
d'État  éminents  en  Amérique.  Les  faits  étant  exposés  dans  leur  ordre 
chronologique,  il  eût  été  préférable,  pour  éviter  quelques  longueurs 
dans  la  dernière  partie,  de  reporter  à  la  fin  le  chapitre  des  considé- 
rations politiques,  économiques  et  sociales. 

Rechercher  quels  furent  les  idées,  le  but,  la  manière  d'être  de  ce 
premier  flot  d'émigrants  qui,  pendant  le  dix-septième  siècle,  quit- 
tèrent leur  patrie  pour  aller  se  fixer  dans  les  régions   sauvages  de 


l'Amérique  du  Nord,  tel  est  le  point  de  départ  de  ce  travail;  et  ce  qui 
lui  donne,  pour  nous  Français,  un  prix  particulier,  c'est  que  nous 
avons  été  dans  cette  œuvre  les  premiers  en  date,  et  que  nous  avons 
rempli  autrefois  un  rôle  prépondérant  dans  le  Nouveau  Monde.  En 
fondant  ces  colonies,  nos  compatriotes  voulaient  assurer  des  fiefs  et 
une  fortune  à  ceux  qui  ne  pouvaient  espérer  autant  de  la  mère  patrie  ; 
leur  but  était  de  propager  la  foi  catholique,  de  fonder  et  de  continuer 
une  nouvelle  France  par-delà  les  mers.  Ils  s'exportaient  avec  l'orga- 
nisation féodale  telle  qu'elle  existait  alors,  et  ils  maintinrent  long- 
temps ce  régime  parmi  eux,  sans  modifications  notables.  Ces  colons, 
que  nous  avons  délaissés,  ne  se  sont  point  abandonnés  eux-mêmes  : 
après  deux  siècles  d'un  labeur  obscur  et  patient,  ils  nous  font  savoir, 
par  le  dénombrement  de  1870,  qu'il  y  a  maintenant  1,600,000  Fran- 
çais groupés  dans  le  bassin  inférieur  du  fleuve  Saint-Laurent  et  sur 
les  côtes  du  golfe  de  ce  nom.  M.  Rameau  nous  prouve  péremptoire- 
ment que,  contrairement  à  l'opinion  commune,  leurs  ancêtres  étaient 
plus  vigoureux  de  corps,  plus  énergiques  d'esprit,  plus  ingénieux  et 
plus  intelligents  que  les  Anglo-Américains,  et  que  leur  société  était  plus 
virile.  11  fallut,  en  effet,  à  la  suite  de  cent  cinquante  années  de  luttes 
continuelles,  que  les  Anglais  devinssent  vingt  fois  plus  nombreux  que 
leurs  adversaires  pour  les  vaincre.  Français,  nous  nous  séparerons 
encore  de  Voltaire,  pour  regretter  la  perte  de  cette  colonie  que  notre 
patrie  abandonna  sous  l'empire  de  préoccupations  trop  exclusivement 
européennes.  E.  L.  M. 


China.  A  hiistory  or  the  la^'s,  mannera  nnd  customs  oF  the 
people,  by  John  Henry  Gray,  LL.  D.  archdeacon  of  Hong-Kong.  London, 
Macmillan,  1878,  2  vol.  in-8.  —  Prix  :  20  fr. 

Nous  ne  pouvons  échapper  à  la  question  d'Orient  ;  mais  il  y  a 
fagots  et  fagots,  comme  on  sait,  et  l'Orient  est  heureusement  assez 
vaste  pour  comprendre  d'autres  pays  que  les  Indes,  la  Perse  etl'Asie- 
Mineure  ;  passons  jusqu'en  Chine.  La  littérature  anglaise  fourmille 
d'ouvrages  sur  l'Empire  du  Milieu;  les  deux  plus  remarquables  étaient 
ceux  de  sir  John  Davis  {Chine)  et  du  D""  William  {the.Middle  Empire); 
en  voici  un  troisième,  également  digne  de  l'attention  du  public,  et  qui 
complète  à  merveille  ses  prédécesseurs.  Voulez-vous  savoir  ce  qui 
concerne  la  littérature,  la  philosophie  et  la  religion  chinoises?  Voulez- 
vous  des  renseignements  exacts  sur  l'histoire  de  la  Chine  et  ses  an- 
ciennes institutions?  Lisez  sir  .Tohn  Davis.  Préférez-vous,  au  contraire, 
connaître  la  Chine  d'aujourd'hui  et  vous  rendre  compte  de  la  civilisa- 


tion  mandarine  au  dix-neuvième  siècle?  étudiez  les  deux  volumes  de 
M.  l'archidiacre  Gray.  Etabli  à  Hong-Kong  depuis  près  de  vingt-cinq 
ans,  l'auteur  est  familiarisé  avec  les  mœurs  et  les  coutumes 
des  Chinois  ;  il  a  visité  leurs  temples,  assisté  à  leurs  cérémonies  fu- 
nèbres et  à  leurs  repas  de  noces  ;  bref^il  serait  impossible  de  citer  un 
voyageur  plus  au  fait  de  ce  qu'il  se  propose  de  nous  raconter.  Ajou- 
tons que  le  tableau  n'est  pas   flatteur,  il  s'en  faut  de  beaucoup. 

L'administration  de  la  justice,  au  dire  du  docteur  Gray,  est  exé- 
crable, et  il  ne  lui  est  jamais  arrivé  de  rencontrer  qu'un  honnête 
mandarin  ;  aussi,  les  malheureux  Chinois  sont-ils  sans  cesse  exposés 
à  tous  les  abus  d'un  pouvoir  despotique,  et,  ce  qu'il  y  a  de  plus  regret- 
table, c'est  que  le  spectacle  constant  d'iniquités  commises  ou  du  moins 
sanctionnées  par  les  agents  de  l'autorité,  encourage  dans  la  population 
un  mépris  systématique  pour  les  notions  les  plus  élémentaires  du  juste 
et  de  l'injuste.  Les  prêtres  bouddhistes  ne  semblent  pas  meilleurs  que 
les  mandarins,  et  les  préceptes  de  la  vie  religieuse  sont  violés  à  chaque 
instant  par  ceux  mêmes  qui  devraient  donner  l'exemple  du  respect 
pour  les  institutions  de  Sakyamouni . 

Je  recommande  avec  beaucoup  de  plaisir  l'ouvrage  de  M.  l'archi- 
diacre Gray  aux  lecteurs  qui  désirent  faire  connaître  ce  qui  se  passe 
à  l'extrême  Orient.  Ils  y  trouveront  non-seulement  un  tableau  très- 
intéressant  de  la  société  chinoise,  mais  des  détails  curieux  sur  les 
anciennes  légendes  et  les  récits  mythologiques  du  pays.  Ces  tradi- 
tions méritent  d'être  étudiées  sérieusement,  parce  qu'elles  remontent 
à  une  époque  fort  reculée,  et  la  Chine  est,  sans  contredit,  la  nation 
où  les  cérémonies  populaires  se  sont  conservées  avec  le  plus  de  fidé- 
lité. En  recueillant  ces  matériaux,  notre  auteur  a  rendu  un  service 
signalé  à  la  science  des  religions.  Gustave  Masson. 


Memoirs  of  tlic  Right  Honourable  William,  second  vis- 
count  Melbourne,  by  W.  M.  Torrens,  M.  P.  London,  Macmillan  and 
C°,  1878,  2  vol.  in-8,  ans.  de  880  p.  —  Prix  :  30  fr. 

La  biographie  de  lord  Melbourne  n'avait  pas  encore  été  racontée 
comme  elle  méritait  de  l'être,  et  il  faut  remercier  M.  M'Cullagh 
Torrens  des  deux  excellents  volumes,  si  intéressants, qu'il  vient  depu- 
blier  sur  cet  homme  d'État.  Il  y  a,  dans  la  carrière  du  noble  lord, deux 
cotés  essentiellement  distincts  l'un  de  l'autre  ;  si  ses  actes  politiques 
appartiennent  à  la  nation  et  invitent  l'examen,  personne  n'a  le  droit 
d'exiger  que  l'on  soulève  le  voile  derrière  lequel  se  cachait  sa  vie 
privée.  C'est  pourtant  là  ce  que  bien  des  gens  ne  comprennent  pas; 
aussi  les  amateurs  d'histoires  scandaleuses  ont-ils  été  désappointés 


-  58  — 

de  trouver  dans  l'ouvrage  de  M.  Torrens  fort  peu  de  détails  sur  l'épi- 
sode de  Mistriss  Norton  et  sur  d'autres  incidents  semblables. 

On  sait  que  lord  Melbourne  fut  un  des  membres  les  plus  éminents 
du  parti  whig,  et  qu'il  joua  un  grand  rôle  dans  le  gouvernement  de 
l'Angleterre  à  la  fin  du  règne  de  Guillaume  IV,  et  pendant  les  pre- 
mières années  du  règne  actuel.  Nonchalant  par  caractère  et  ayant  les 
goûts  d'un  épicurien,  il  était  disposé  à  faire  tous  les  sacrifices  imagi- 
nables plutôt  que  de  subir  les  ennuis  d'une  dispute,  même  si  la  vic- 
toire semblait  évidemment  de  son  côté.  Obligé  à  travailler  avec  des 
collègues  dont  l'humeur  n'était  pas  toujours  très-facile,  et  qui  souvent 
ne  s'entendaient  pas  les  uns  les  autres,  il  ne  manquait  jamais  à  son 
rôle  de  pacificateur,  et  il  se  faisait  un  point  d'honneur,  comme  le  dit 
spirituellement  son  biographe,  de  construire  souvent  avec  les  maté- 
riaux les  plus  fragiles  des  voies  de  communication  entre  deux  amitiés 
devenues  très-problématiques.  Les  affaires  étrangères,  confiées  à  lord 
Palmerston,  lui  donnaient  particulièrement  de  l'embarras;  en  effet, fier 
de  ses  éclatants  succès,  Palmerston  le  prenait  souvent,  au  conseil  des 
ministres,  de  fort  haut  avec  les  autres  membres  du  cabinet,  et  les  re- 
présentants des  puissances  étrangères  se  plaignaient  à  juste  titre  de 
ses  manières  rogues  et  peu  conciliantes.  Ce  qu'il  y  avait  de  plus  pé- 
nible, c'est  que  les  doléances  arrivaient  toujours  à  lord  Melbourne,  en 
sa  qualité  de  premier  ministre,  et,  commetel,  il  était  forcé  de  ramener 
la  paix  entre  les  intransigeants  qui  se  croyaient  mortellement  offensés. 
Autre  complication  :  Palmerston  avait  presque  toujours  raison,  et 
malheureusement  il  n'en  était  que  d'autant  plus  difficile  à  manier;  lui 
arracher  un  mot  d'excuse,  une  politesse  banale,  une  réparation,  une 
explication  même,  passait  pour  un  problème  insoluble,  et  c'était  lord 
Melbourne  qui  avait  à  subir  la  responsabilité  de  toutes  ces  entre- 
mangeries  diplomatiques.  En  1840,  dit  M.  Torrens,  le  ministère  fut  sur 
le  point  de  se  dissoudre,  à  propos  de  la  question  d'Orient,  et  il  est 
probable  que  si  le  président  du  conseil  n'avait  pas  été  lord  Melbourne, 
le  traité  de  paix  aurait  fait  naufrage  presque  en  vue  du  port.  Grâce  à 
la  sagacité  et  à  la  résolution  du  premier  ministre,  ni  Palmerston,  ni 
Hollandnese  retirèrent  du  cabinet,  et, lorsque  la  crise  fut  passée,  Hol- 
land  reconnut  très-généreusement  que  les  torts  étaient  de  son  côté. 

L'ouvrage  de  M.  M'Cullagh  Torrens  est  fait  avec  beaucoup  de  soin, 
et  peut  être  considéré  comme  un  excellent  modèle  de  ce  que  de- 
vraient etretouteslesbiographies.il  est  évident  que, pour  qu'untravail 
de  ce  genre  soit  satisfaisant,  il  faut  que  l'auteur  ait  vécu  dans  l'inti- 
mité de  son  personnage,  qu'il  ait  étudié  sa  vie  sous  tous  ses  points  de 
vue,  et  qu'il  connaisse  à  fond  ses  sympathies  politiques.  On  dira  que 
l'impartialité  alors  est  bien  difficile,  soit;  mais  quand  il  s'agit  d'un 
homme  aussi  connu  que  lord  Melbourne,  d'un  homme  dont  les  moindres 


actions  ont  été  contradictoirement  discuté':s  par  tous  les  journaux,  le 
biographe  le  plus  enthousiaste  ne  se  risquerait  pas  à  émettre  des  pa- 
radoxes qui  seraient  relevés  sur-le-champ.  Je  terminerai  cette  notice 
en  indiquant  que  le  premier  volume  de  la  vie  de  lord  Melbourne  nous 
conduit  jusqu'en  1834;  c'est  dans  le  second  que  Ton  trouvera  les  très- 
courts  passages  où  il  est  fait  allusion  à  la  France  et  à  la  politique  de 
Louis-Philippe;  il  s'agit  de  l'échec  essuyé  par  le  cabinet  de  M.  Thiers. 
lorsque  le  traité  du  14  juillet,signé  presque  sous  les  yeux  de  M.  Guizot, 
alors  ambassadeur  à  Londres,  humilia  pour  un  moment  notre  pays  vis- 
à-vis  des  autres  puissances  européennes.  G-ustave  Masson. 


Le  Pénitent  breton,  Pierre  de  Keriolet,  par  Hippolyte  Le  Gon- 
VELLo.   Paris,  Bray  et  Retaux,  1878,  gr.  in-18  de  410  p.  —  Prix:  3  fr.  50. 

La  première  moitié  du  dix-septième  siècle  a  été  féconde  en  figures 
originales  et  très-accentuées;  c'est  une  époque  de  transformation  géné- 
rale en  France  ;  et,  dans  l'ordre  littéraire  comme  dansl'ordre  politique, 
elle  nous  offre  des  physionomies  accidentées  qu'on  rencontre  plus 
rarement  pendant  les  périodes  calmes  et  affermies.  Le  Breton  Pierre 
Le  Gouvello  de  Keriolet  fut  un  de  ces  hommes  étranges  dont  la 
vie  présente  tous  les  contrastes  imaginables,  vie  de  dérèglement  et 
de  scandale  d'abord,  de  mortification  et  d'austère  pénitence  ensuite. 
Son  nom  est  très-populaire  en  Bretagne  ;  les  autres  parties  de  la 
France  doivent  au  moins  le  connaître,  car  il  a  été  l'objet, depuis  deux 
siècles,  de  nombreuses  biographies.  Dès  l'année  1663,  le  Père  carme 
Dominique  en  publiait  une  qui  eut  un  succès  considérable,  sous  ce 
titre  un  peu  trop  long  :  Le  grand  pécheur  converti,  représenté  dans  les 
deux  états  de  la  vie  de  M.  de  Quérlolet,  prêtre,  conseiller  au  Parlement 
de  Bretagne.  Il  n'est  pas  de  vieille  famille  bretonne  qui  n'en  possède 
une  édition  dans  sa  bibliothèque,  et  qui  n'ait  bercé  ses  jeunes  généra- 
tions au  récit  merveilleux  des  aventures  du  grand  pécheur.  Les  apos- 
trophes du  diable  à  Keriolet,  pendant  une  séance  d'exorcisme,  à 
laquelle  il  venait  assister  en  curieux,  sont  gravées  dans  nos  souvenirs 
d'enfance  les  plus  anciens  et  les  plus  profonds.  M.  Hippoljte  Le 
Gouvello,  le  sympathique  auteur  de  l'histoire  de  la  paroisse  de 
Sévérac,  vient  de  les  raviver  en  reprenant  à  fond  la  biographie  du 
serviteur  de  Dieu,  dont  sa  famille  se  montre  le  plus  justement  fier,  et 
en  puisant  dans  ses  propres  archives  des  documents  nouveaux  que 
n'avaient  pas  connus  ses  devanciers.  Son  livre  est  précédé  d'une  lettre 
de  M^'  l'évêque  de  Vannes,  dont  nous  citerons  ce  passage  :  «  Après 
vous  avoir  encouragé,  Monsieur,  dans  votre  louable  entreprise,  je 
peux,  dés  aujourd'hui,  vous  féliciter  de  l'avoir  si  bien  conduite.  Vos 
recherches  ont  été  fructueuses.  Les  sources  auxquelles  vous  avez  puisé 
sotit  pures  et  abondantes.  Vous  n'avez   pas   la  prétention   de  dire  le 


—  fiO  — 

dernier  mot  sur  le  personnage  en  question.  Vous  aurez,  du  moins, 
contribué  largement  à  mettre  en  lumière  cette  figure  originale  et 
très-attachante.  Le  récit  de  ses  chutes  et  de  sa  régénération,  des  ter- 
ribles assauts  qu'il  eut  à  soutenir,  après  son  retour  à  Dieu,  contre  le 
démon,  de  ses  moyens  de  résistance  et  de  persévérance,  vos  réflexions 
personnelles  et  les  conclusions  que  vous  en  tirez,  tout,  dans  ces  pages, 
dont  la  forme  est  aussi  attrayante  que  le  fond,  tient  en  haleine  et 
instruit  le  lecteur.  Le  surnaturel  divin  et  le  surnaturel  diabolique  y 
jouent  tour  à  tour  un  rôle  saisissant.  Que  nos  libres-penseurs  s'ingé- 
nient à  expliquer  d'après  leurs  courtes  vues  les  péripéties  extraordi- 
naires de  cette  existence  tourmentée,  qui  nous  montre  le  bien  et  le 
mal  aux  prises  et  se  portant  mutuellement  des  coups  mortels  !  Ne 
serait-ce  point  le  cas  de  chanter  avec  l'Eglise 

Mors  el  vita  duello 
ConjUxere  mirando  ! 

Finalement,  la  victoire  reste  à  la  vérité  et  à  la  justice...  » 

Un  sujet  délicat  à  traiter  était  celui  de  la  possession  des  reli- 
gieuses de  Loudun,qui  occasionna  la  conversion  éclatante  de  Keriolet. 
M.  Le  Gouvello  s'est  arrêté  un  peu  complaisamment  à  l'histoire  com- 
plète des  victimes  de  l'infâme  Urbain  Grandier  :  la  digression  est 
longue,  mais  elle  est  intéressante  et  consciencieuse  ;  et  nous  devons 
féliciter  l'auteur  d'avoir  suivi  comme  guide  l'étude  fort  bien  faite  de 
M.  l'abbé  Leriche.  On  a  beaucoup  écrit  depuis  vingt  ans  sur  cette 
page  mystérieuse  du  règne  de  Louis  XIII:  matérialistes  et  catholiques 
se  sont  donné  carrière  dans  les  deux  sens,  et  la  question  nous  paraît 
bien  catégoriquement  résolue  par  M.  l'abbé  Leriche,  contre  l'auteur 
du  traité  sur  le  célibat  des  prêtres  :  mais  nous  regrettons  qu'on  n'ait 
pas  fait  plus  d'usage  d'un  livre  fort  curieux  publié  sur  cette  affaire 
délicate  par  un  contemporain,  le  Loudunais  Jules  Pillet  de  la  Mesnar- 
dière,  qui  fut  médecin  de  M"'"  de  Sablé  et  membre  de  l'Académie 
française  :  c'est  l'ouvrage  d'un  spécialiste,  témoin  oculaire  ;  et  ses 
conclusions  sont  formelles  pour  la  constatation  de  phénomènes  que  la 
médecine  est  impuissante  à  expliquer.  Si  M,  Le  Gouvello  veut  appro- 
fondir ce  sujet  au  point  de  vue  de  la  science  du  temps,  il  trouvera 
l'un  des  rares  exemplaires  du  traité  de  Pillet  à  la  Bibliothèque  de 
l'Arsenal. 

De  nombreuses  pièces  justificatives  complètent  le  volume.  Nous 
pourrions,  avec  M.  l'abbé  Chauffier,  censeur  du  livre,  faire  quelques 
réserves  au  sujet  de  quelques  faits  prodigieux  rapportés  par  l'auteur  ; 
mais  nous  préférons  déclarer,  sans  les  accentuer  davantage,  que,  parla 
facilité  du  style,  la  variété  des  épisodes,  le  contraste  des  situations  et 
l'excellence  des  sentiments,  la  vie  de  Pierre  de  Keriolet  offre  une  lec- 
ture attachante,  réunissant  le  double  mérite  d'allier  l'intérêt  le  plus 

vif  aux  leçons  les  plus  directes  et  les  plus  chrétiennes. 

René  Kerviler. 


—  (Il  — 

Xi*ansaetîons  aad  proccetlîngs  of  ihe  conférence  ot*  EjÎ- 
brarians,  hcld  in  hondon,  ociober  1877,  edited  by  Ibe  secretaries  of  Ihe 
conférence,  Edward  B.  Niciiolson  and  Henry  R.  Tedder.  London, 
Printed  at  the  Chiswlck  press,  by  Charles  Whiltingham,  1878,  in-S  de 
276  p. 

Les  secrétaires  de  la  Conférence  des  bibliothécaires,  tenue  à  Lon- 
dres, pendant  l'automne  dernier,  et  dont  nous  avons  parlé  à  diverses 
reprises,  viennent  de  publier,  en  un  beau  volume,  imprimé  en  carac- 
tères elzéviriens,  le  compte  rendu  des  travaux  de  cette  réunion. 

Cet  ouvrage,  divisé  en  deux  parties,  comprend  d'abord  les  mé- 
moires lus  au  Congrès  et  les  procès-verbaux  de  ses  séances;  un 
appendice  réunit  ensuite  une  série  de  modèles,  de  catalogues  et 
d'inventaires,  ainsi  qu'une  notice  sommaire  sur  toutes  les  biblio- 
thèques de  Londres  visitées  par  la  conférence. 

Les  renseignements  déjà  donnés  précédemment  dans  le  Polijbiblion 
sur  la  Conférence  des  bibliothécaires  nous  dispensent  de  nous  étendre 
plus  longuement  sur  ce  volume,  qui  sera  consulté  avec  fruit,  mais 
nous  ne  le  quitterons  pas  cependant  sans  citer  les  reproductions  pho- 
tographiques de  titres  de  livres  qui  accompagnent  le  projet  de 
Photobib  Ho  graphie  proposé  par  M.  Henry  Stevens. 

Ajoutons  que  M.  l'abbé  Mondino,  sous-bibliothécaire  de  Palerme, 
a  publié,  en  une  brochure  in-8,  un  intéressant  rapport  sur  cette  réu- 
nion. (Palerme  1878.)  Cte  de  M. 


Manuel  du  libraire  et  de  l'amateur  de  livres;  supplément  au 
dictionnaire  bibliographique  de  M.J.-Ch.  Drunet,  avec  table  raisonnce  des 
articles,  au  nombre  d'environ  10,000,  décrits  dans  le  présent  supplément,  par 
P.  Deschamps  et  G.  Brunet,  Tome  P',  A. -.M.  Paris,  Firmin-Didot  et  C'^, 
gr.  in-8  de  xv  p.  et  1138  col.  —  Prix  :  20  fr.,  et  en  grand  papier,  40  fr. 

he  Manuel  du  libraire  de  M.  J.-Ch.  Brunet  jouit  d'une  célébrité 
universelle  ;  cinq  éditions  successives,  toutes  refondues  et  fort  aug- 
mentées, en  attestent  le  succès;  mais,  depuis  l'apparition  de  la  der- 
nière (1860-1865),  la  science  des  livres  s'est  transformée;  les 
recherches  persévérantes  de  bibliographie,  de  plus  en  plus  nom- 
breuses, ont  révélé  l'existence  de  bien  des  volumes  qui  étaient  restés 
inconnus.  Tandis  que  la  valeur  des  livres  vraiment  rares  et  curieux 
augmentait  dans  une  proportion  véritablement  extraordinaire,  sur- 
tout pour  certains  genres  d'ouvrages  que  la  mode  a  pris  sous  sa  pro- 
tection toute  puissante  (les  éditions  originales  de  nos  classiques  et 
les  livres  illustrés  par  d'éminents  artistes  du  dix-huitième  siècle,  tels 
qu'Eisen  et  Moreau),  le  Manuel,  était  devenu  forcément  arriéré  ;  il  ne 
répondait  plus  à  la  situation  des  choses;  un  supplément  était  indis- 
pensable; il  a  été  entrepris,  et  son  premier  volume  vient  de  paraître. 
Nous  nous  bornerons  aujourd'hui  à  le  signaler;  il  doit  être  nécessai- 


—  62  — 

rement  consulté  sans  cesse  par  quiconque  veut  ou  acheter  des  livres 
ou  en  vendre. 

Parmi  les  articles  qui  ont  exigé  de  bien  patientes,  de  bien  tenaces 
investigations,  on  peut  signaler  ceux  de  Corneille  (col.  301-316)  et  de 
Molière  (col.  1046-1085).  Comme  exemple  des  prix  insensés  (il  faut 
bien  les  qualifier  ainsi),  nous  mentionnerons  Le  Temple  de  Gnide,  de 
Montesquieu,  1772,  huitième  édition  médiocre,  mais  que  recomman- 
dent aux  amateurs  dix  figures  d'après  Eisen;  un  exemplaire,  ancienne 
reliure, a  été  adjugé  à  7,900  francs  en  1877;  un  autre, avec  lesdessins 
originaux,  a  été,  dans  ces  derniers  temps,  cédé  à  l'amiable  au  prix  de 
10,000  francs;  l'un  et  l'autre  avaient  des  figures  dans  un  état  excep- 
tionnel. X. 


BULLETIN 

Lia  Condiziuue  rîsolutiva  sottintesa  nei  contratti  bila- 
téral!. {La  Condition  résolutoire  sous-entendue  dans  les  contrats  bilaté- 
raux), par  l'avocat  Ldigi  Gallavresi.  Milan,  Lombarda,  1878,  in-8  de 
128  p.  —Prix  :  2  fr. 

S'il  est  dans  la  science  du  droit  une  partie  qui  paraisse  devoir  rester  im- 
muable, c'est  à  coup  sur  la  théorie  des  contrats.  Tandis  que  l'organisation 
de  la  famille  et  de  la  propriété,  l'ordre  des  successions,  la  forme  des  actes, 
subissent  en  raison  des  milieux  de  nombreuses  modifications,  dans  les  con- 
trats toutes  les  règles  se  déduisent  de  principes  invariables  de  logique  et 
d'équité.  Toutefois,  même  dans  cette  théorie,  certains  éléments  ont  changé  : 
la  condition  résolutoire,  sous-entendue  dans  les  contrats  bilatéraux  par  les 
art.  1184  du  Code  Napoléon,  et  1163  du  Code  civil  italien,  n'est  pas  moins 
qu'un  principe  nouveau,  triomphe  de  l'équité  sur  l'inflexible  rigueur  du 
droit  romain  primitif.  Il  est  curieux  d'étudier  les  étapes  de  ce  progrès,  et 
de  voir,  dans  une  législation  voisine  de  la  nôtre,  les  applications  de  la 
jurisprudence.  C'est  à  ce  double  intérêt  que  répond  le  travail  de  l'avocat 
Gallavresi  ;  peu  étendu,  mais  substantiel,  il  a  paru  d'abord  dans  le  Monitore 
dei  tribunali,  et  à  peine  avions-nous  eu  le  temps  d'examiner  la  première 
édition,  que  la  seconde  nous  parvenait.  Il  est  regrettable  que  le  cadre  du 
Polybiblion  soit  trop  général  pour  permettre  de  donner  sur  un  sujet  aussi 
spécial  de  plus  longs  développements.  J.-A.  de  Bernon. 


L'CMEuvre  de  l'exposition   et  de    l'adoration  nocturne    du 
très-saint  Sacrement   en    France   et    à    l'étranger.   Paris, 
Poussielgue,  1877  [sic],  in-12  de  416  p.  —  Prix  :  3  fr. 
11  y  a  dans  ce  livre  de  l'histoire  et  de  la  piété,  de  l'intérêt  et  de  l'édifica- 
tion. La  partie  historique,   étroitement  unie  à  l'autre,  consiste    dans  des 
recheixhes  historiques  sur  l'adoration  du  Saint-Sacrement  pendant  la  nuit, 
dans  le  récit  de  la  fondation  et  des  développements  d'une  œuvre  spéciale,  née 
à  Paris  en  1848,  dans  un  moment  critique  pour  la  France   et  pour  l'Eglise, 
à  l'heure  môme  où  Pie  IX  était  forcé  de  quitter  Rome;  dans  l'exposé  de  sa 
marche  pendant  les  tristes  jours  du  siège  de  Paris  et  de  la  Commune,  et  du 


—  63  — 

mouvement  progressif  de  la  dévotion  envers  le  Saint-Sacrement,  tant  en 
France  qu'à  l'étranger,  mouvement  marqué  par  la  création  d'un  grand 
nombre  d'œuvres  d'adoration.  Il  y  a  là  des  pages  dont  un  Français  et  un 
chrétien  peuvent  être  légitimement  fiers.  A.  la  partie  pieuse  se  rattachent 
le  but  du  livre,  qui  est  de  propager  la  dévotion  au  Saint-Sacrement,  de  faire 
connaître  l'œuvre  de  l'adoration  nocturne  et  de  donner  toutes  les  indica- 
tions pratiques  pour  l'organiser;  les  considérations  qui  accompagnent  les 
faits,  la  nécrologie  des  membres  de  l'œuvre,  qui  renfei'me  des  traits  admi- 
rables ;  l'explication  détaillée  du  règlement,  l'instruction  pour  l'établisse- 
ment de  l'œuvre  et  les  formules  en  usage  dans  l'œuvre  de  Paris,  qui  lui 
donnent  le  caractère  d'un  manuel.  Cette  courte  analyse  suffit  pour  faire 
apprécier  l'utilité  de  cet  ouvrage.  Il  parait  sous  le  patronage  de  Mgr  de  la 
Bouillerie,  qui  est  une  garantie  de  son  mérite  au  point  de  vue  ascé- 
tique et  doctrinal.  Il  laissera  la  plus  salutaire  impression  à  tous  ceux  qui 
le  liront.  V.  M. 


Résurrection  merveilleuse,  en  ISYT,  de  Michel  de  l\îotre- 
Dame,  mort  en  1S66.  Ouvrage  dédié  à  tous  les  savants  de  France 
et  de  Navarre,  à  tous  les  amis  du  surnaturel.  Nantes,  libraire  catholique 
de  Libaros,  1877,  in-8  de  140  p. 

Voici  un  nouveau  commentateur  de  Nostradamus.  Après  M.  Anatole  Le 
Pelletier,  après  M.  Torné-Chavigny  (pour  ne  parler  que  des  commentateurs 
de  notre  époque),  on  pouvait  croire  qu'il  n'y  avait  plus  l'ien  à  découvrir 
dans  les  Centuries  du  prophète  de  Salon.  M.  Monnier,  l'auteur  de  l'opus- 
cule dont  nous  venons  de  donner  le  titre,  nous  prouve  le  contraire.  Il 
trouve  dans  les  Centuries  les  choses  les  plus  extraordinaires  du  monde  :  les 
secrets  du  ciel  et  de  la  terre,  les  mystères  de  la  cabale  et  de  la  philosophie 
hermétique,  la  science  des  nombres  et  la  science  des  étymologies,  le  sacré 
et  le  profane,  le  grand  pape  et  le  grand  roi,  le  régénérateur  de  la  France 
et  de  l'Église,  par  l'intermédiaire  de  Henri  V,  suleil-lune,  la  pierre  philo- 
sophale,  l'élixirdes  sages,  la  fin  de  la  Révolution,  etc.,  etc.  Mais  la  cbose  la 
plus  extraordinaire  trouvée  par  M.  Monnier  dans  les  Centuries,  c'est  qu'il 
n'est,  lui,  Monnier  de  Notre-Dame  du  Frêne,  de  Montrelais-les-Ingrandes, 
sur  les  rives  de  la  Loire,  que  le  continuateur,  Valter  ego,  l'identification  de 
Michel  de  Notre-Dame  de  Salon.  On  comprend  qu'en  ces  sortes  de  matières, 
il  n'y  ait  pas  à  critiquer.  Il  suffit  de  constater  les  faits.  Le  lecteur  en  pense 
ce  qu'il  veut.  Pour  ce  qui  nous  concerne,  nous  estimons  que  les  commen- 
taires de  M.  Monnier  sont  fort  curieux,  fort  étranges,  quelquefois  fort  sa- 
vants ;  mais  qu'ils  ne  tirent  pas  autrement  à  conséquence.  L'ouvrage, d'ail- 
leurs,doit  avoir  cinq  fascicules.  Le  premier  seul  a  paru.  Pour  mieux  juger 
le  livre,  attendons  les  autres.  F,  B. 


I^e»  Massacres  de  Septembre,  par  Georges  de  Cadoudal.  Paris, 
librairie  de  la  Société  Bibliographique,  1878,  gr.  in-18  de  33  p.  {Brochures 
sur  la  Révolution  fra7içaise).  —  Prix  :  20  c. 

Les    suites   du   10   août,  les  préliminaires  des    massacres,  l'Abbaye,   les 
Carmes,  la  Conciergerie  et  la  Force,  la  princesse  de  Lamballe,  les  massacres 


—  64  — 

en  province,  les  responsaLilitôs,  telles  sont  les  principales  divisions  de  cet 
écrit  populaire,  consacré  à  rappeler  un  des  pins  sanglants  souvenirs  de  la 
Révolution,  qui  inscrit  sur  son  drapeau  :  égalité,  fraternité.  Les  épisodes 
comme  ceux  de  M"^  de  Sombreuil  et  de  Mue  Cazotte,  les  détails  sur  les  sup- 
plices infligés  à  la  princesse  de  Lamballe  et  à  MS"^  du  Lau,  archevêque 
d'Ai'les,  tirent  les  larmes. Tous  les  faits  sont  présentés  vivement  et  avec  émo- 
tion par  M.  de  Cadoudal.  qui  n'aura  pas  peu  contribué  à  faire  apprécier, 
comme  ils  le  méritent,  les  tristes  héros  de  ces  massacres.  V. 


Lettres  d'un  rural,  par  le  vicomte  de  Sarcl's.  Dijon,  imprimerie  Da- 
rantière,  in- 12  de  142  p.  —  Prix  :  2  fr. 

Le  livre  de  M.  le  vicomte  de  Sarcus  contient  vingt-cinq  chapitres,  qui 
tous  portent  la  date  du  jour  où  ils  ont  été  écrits,  sous  l'inspiration  des  évé- 
nements politiques  du  moment.  Le  premier  est  du  29  janvier  1877,  le  der- 
nier du  22  décembre;  c'est  donc  l'année  1877  tout  entière  qui  se  trouve 
ainsi  mise  en  lumière,  par  un  homme  qui  voit  les  dangers  de  ce  qu'il 
nomme  la  maladie  politique  dont  nous  mourons.  M.  de  Sarcus  n'admet  les 
compromis  ni  avec  les  intérêts,  ni  avec  les  ambitions.  Voici  les  titres  des 
principaux  chapitres  :  la  Racine  du  mal.  Elle  est,  d'après  l'auteur,  dans 
l'oubli  des  grandes  lois  morales.  —  Nous  nous  lavons  les  mains.  Beaucoup  de 
gens,  par  pusillanimité  ou  par  apathie,  ne  s'opposent  pas  au  mal,  et,  quand  il 
est  arrivé,  rejettent  sur  les  autres  les  conséquences  Je  leurs  propres  fautes. 
—  Us  émargent.  Ici  M.  de  Sarcus  rappelle  les  pai'oles  de  M.  de  Bismarck 
à  M.  d'Arnim  :  «  Il  faut  à  l'Allemagne  une  France  faible,  et  la  France  ne 
saurait  être  plus  faible  que  sous  le  régime  républicain.  »  Il  les  commente 
ensuite;  Puis,  après  avoir  traité  de  la  liberté  radicale  et  de  la  guerre  sociale, 
l'auteur  se  trouve  à  la  date  du  16  mai,  et,  sous  ces  divers  titres  :  la  Trêve 
des  partis,  le  Journal  des  démentis,  Toute  la  nation,  il  cite  tout  ce  que  la 
presse  radicale  répéta  à  cette  époque  :  ruine  du  commerce,  guerre  exté- 
rieure et  le  reste...  Dans  le  chapitre  intitulé  -.Politique  rurale,  \\  donne 
d'excellents  conseils.  Le  mois  d'octobre  arrive;  il  juge  les  élections. 
Vertige!  s'écrie-t-il  dans  le  xxiv''  chapitre.  Et,  jetant  un  regard  vers  Paris, 
M.  de  Sai'cus  termine  par  des  paroles  qui  sont  la  triste  peinture  de  notre 
temps  et  le  cri  indigné  du  moraliste.  A.  de  Besancenet. 


La  Kabylîe  et  le  peuple  kabyle^  par  le  R.  P.  Joseph  Dugas,  de  la 
Compagnie  de  Jésus.  Paris,  Lecofïre,  1877,  in-12  de  266  p.  avec  gravures. 
—  Prix  :3  fr. 

Le  R.  P.  Dugas,  dont  la  perte  récente  a  été  un  deuil  pour  tous  ceux  qui 
l'ont  connu,  avait  été  envoyé  par  ses  supérieurs  en  Algérie,  dans  l'espoir 
que  la  douceur  du  climat  serait  un  remède  efficace  au  mal  qui  l'avait 
frappé.  Les  heures  de  cette  espèce  de  villégiature  furent  mises  à  profit  par 
le  savant  et  pieux  religieux,  et  le  présent  volume  restera  un  des  meilleurs 
ouvrages  qui  aient  été  publiés  sur  les  Kabyles  et  leur  intéressant  pays.  Ces 
montagnards,  si  longtemps  rebelles  à  la  domination  française  et  qui  dif- 
fèrent si  profondément  des  tribus  arabes  environnantes,  méritaient  de 
trouver   enfin  un  historien  aussi  consciencieux,  aussi  bien  informé,  aussi 


—  65  — 

dégagé  de  ce  fatal  et  mesquin  préjugé  qui  a  empêché  tant  d'écrivains  ou 
d'hommes  politiques  de  donner  à  la  question  religieuse  sa  part  légitime 
dans  leurs  études  ou  leur  moyen  de  gouvernement.  Rien  de  plus  intéres- 
sant que  les  chapitres  où  l'auteur,  après  s'être  demandé  si  les  Kabyles  ont 
jamais  été  chrétiens,  et  exposé  l'histoire  de  leur  apostasie,  étudie  les 
vestiges  de  christianisme  qu'on  retrouve  chez  eux  à  l'état  de  vagues 
superstitions.  La  constitution  politique,  l'état  social,  la  vie  domestique  des 
Kabyles,  les  réformes  introduites  chez  eux  par  la  France  ont  aussi  donné 
matière  à  des  pages  empreintes  d'un  vif  patriotisme,  éclairées  par  la 
lumière  catholique  et  s'appuyant  sur  les  sources  d'information  les  plus  nom- 
breuses et  les  plus  exactes.  Citons  enfin  les  détails  qu'un  séjour  personnel 
parmi  ces  peiiplades  a  permis  au  P.  Dugas  de  donner,  en  pleine  connais- 
sance de  cause,  sur  les  missions  et  les  écoles  françaises,  établies  au  milieu 
d'elles,  et  nous  aurons,  sinon  rendu  compte  de  ce  livre  d'une  manière  pro- 
portionnée à  son  méi'ite  et  à  son  charme,  au  moins,  croyons-nous,  inspiré 
le  désir  de  le  parcourir  à  quiconque  prétend  ne  point  rester  étranger  aux 
effets  de  l'influence  catholique  et  de  l'influence  française  dans  la  plus  belle 
de  nos  colonies.  R. 


Etude  sur  la  loi  du  ^B  iiiaî  1  Syy,  relative  aus.  Brevets 
d'invention  dans  l'empire  d'A^llema^ne,  par  Lyon-Caen,  pro- 
fesseur agrégé  à  la  faculté  de  Droit  de  Paris.  Paris,  Cotillon,  1878,  gr.  in-8 
de  31  p.  (extrait  du  Bull,  de  la  Soc.  de  Lég.  comp.) 

Cette  intéressante  brochure  contient  un  court  historique  de  la  législation 
allemande  avant  la  nouvelle  loi.  Elle  montre  les  eilbrts  des  partisans  delà 
suppression  des  brevets  ;  l'appui  très-remarquable  qu'ils  trouvaient  dans 
le  Gouvernement  lui-même  (celui-ci  n'a  proposé  un  régime  de  protection 
que  pai'ce  que  l'Allemagae  ne  pouvait,sans  dommage. rester  isolée  au  milieu 
des  grandes  nations  qui  protègent  les  brevets);  le  système  de  protection 
très-mitigée  qui  en  a  été  la  conséquence,  et  qui  se  distingue  spécialement 
par  l'institution  de  Voffice  des  brevets;  l'examen  préalahle  qu'il  fait  des  de- 
mandes de  brevets;  lu  procédure  provocatoire  (\n.\  n\Qi  \q?,  tiers  à  même  de 
s'opposer  à  leur  délivrance;  la  taxe  proijressive  et  élevée  à  payer  à  l'État,  le 
système  des  licences  obligatoires  qui  force  le  breveté  à  consentir,  dans  cer- 
tains cas,  l'exploitation  de  son  brevet  par  des  tiers,  contre  une  rémunéra- 
tion suffisante.  Enfin,  l'auteur  a  su  par  de  judicieuses  comparaisons  avec 
la  loi  française,  mettre  en  lumière  les  avantages  et  les  inconvénients  de  la 
nouvelle  loi  allemande,  qu'il  considère,  en  somme,  comme  une  des  meil- 
leures qui  aient  été  faites  sur  la  matière.  A.-R. 


'Vieilles    maisons  et    jeunes  souvenirs,    par    Henry   d'Ideville, 
Paris,  Charpentier,  1878,  in-12  de  39l  p.  —  Prix  :  3  fr.  oO. 
Ce  livre  est  écrit  sans  prétention  et  c'est  là  surtout  ce  qui  fait  son  charme. 
L'auteur,  honorablement  connu  déjà  par  plusieurs  volumes  de  souvenirs,  a 
voulu  revenir   en  arrière  et  parcourir  encore  une  fois  les  trois  principales 
étapes  de  sa  jeunesse,  le  collège, l'école  de  droit,  le  ministère  des  bffaires  étran- 
gères.La  troisième  est  incontestablement  la  plu  s  intéressante, celle  à  laquelle  le 
lecteur  s'arrêtera  le  plus  volontiers.  Les  grandes  personnalités  de  la  diplo- 
matie française  sous  le  second  Linpire  ont  chacune   leur  portrait  dans  ses 
pages  purement  écrites,  et  l'on  aime  à  faire  la  connaissance  plus  intime  de 
ces  personnages  divers  qui  ont  tour  à  tour  exercé  une  influence  heureuse  ou 
malheureuse  sur  les  destinées  de  notre  pays.  Les  souvenirs  de  collège  sont 
Juillet  1878.  T.  XXIII,  5. 


—  66  — 

pleins  de  délicatesse  et  de  charme.  Quant  à  ceux  de  l'École  de  droit,  je 
trouve  que  M.  d'Ideville  y  brûle  vraiment  beaucoup  trop  d'encens  en  j'hon- 
nenr  do  tous  pes  am's.dont  quelques-uns  ne  méritent  â  aucun  puint  de  vue 
d'être  tant  vantés.  Un  auteur  de  mémoires  doit,  surtout  arrivé  à  un  âge  où 
les  illusions  de  la  jeunesse  se  sont  dissipées,  se  j.arder  de  prodiguera  tort 
et  .i  travers  des  louanges  sans  mesuie  :  autiement,  on  finirait  par  ne  plus 
le  croire,  et  vraiment  ce  n'est  pas  M.  d'Ideville,  qui,  soit  par  son  esprit,  soit 
par  son  caractère. pourra  méiiter  jamais  un  pareil  alfront.        E.  de  l\  D. 


Histoire  des  uns  et  des  autres,  par  M.  Eue  Berthet.  Paris,  Dentu, 

1878,  in-12  de  348  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Il  s'ag  t,  dans  ces  Histoires  des  uns  et  des  autres^  des  souvenirs  personnels 
de  l'auteur  et  d'anecdotes  inédites  et  j  iquautes  sur  les  choses  et  les  hommes 
de  ce  siècle.  C'est  un  kaléidos  npe  littéraire,  dans  lequel  nous  voyons  passer 
successivement  Méry  et  l.é<m  (jozlan,  Merle  et  M°*  Doival,  les  habitués  de 
l'hôtel  Aguado,  les  rédacteurs  de  la  Quotidienne  et  du  Siècle,  M.  Tliiers, 
M.  Cliambolle,  M.  de  Rianccy,  le  générai  Cavai^nac,  Henri  .Momiier  et  Balzac, 
le  bai  on  Taylo-,  Louis-Philippe,  M.  Sauzet  et  Lamartine,  Ponson  du  Ter- 
rail  et  Jules  Janin.  Le  tout  est  suivi  d'une  demi-douzaine  de  Nouvelles 
qui  out  pour  sujet  quelques  historiettes  se  rattachant  à  la  littérature  con- 
temporaine. C'est  finement  ei  «[liritueilement  raconlé,  et  cela  intéresse 
d'autant  plus  que  les  personnages  évoqués  par  M.  Élie  Berthet,  ayant  vécu 
sous  la  Restauratinn  ou  le  Gouvernement  de  Juillet,  ont  déjà  fait  place  à  une 
géni-ration  dont  les  préoccupations  sont  tout  autres.  La  plupart  des  Histoires 
et  Souvenirs  de  M.  Élie  Berthet  avant  d'être  publiées  en  volumes,  avaient 
paru  dans  la  Revue  de  France.  M.  Élie  Berthet  a  écrit  une  fou!e  de  romans 
qui,  comme  fond  et  comme  forme,  ne  valent  pas  ces  piquants  Souvenirs. 

F.  B. 

•loscph  de  Cissey,  né  le  15  juin  1852,  mort  le  15  mai  1874.  Lyon,  typ. 
et  liti  ographie  J.  Gallet,  1878,  in-8  de  123  p.  (N'est  pas  dans  le  com- 
merce.) 

Pieux  et  paternel  liommoge  rendu  à  im  jeune  homme,  dont  le  Polybiblion 
are.L^retté  la  perte  (Xi,  342)  :  nature  d'élite,  intelligence  supérieure,  cœur 
arJeut  qui  donnait  aux  catholiques  les  pins  grandes  espérances.  Les 
notes  biographiques  réunies  dans  ce  volume  font  connaître  son  caractère,  sa 
volonté  d  èlre  utile,  son  travail,  son  étieri:ie  et  sa  persévérance  :  elles  le 
présentent  comme  un  modèle  et  un  encouragement  à  la  jeune-se  de  notre 
époque.  Quelques-unes  de  ses  lettres  sont  fort  belles.  On  y  a  joint  la  repro- 
duction d'une  brochure  qu'il  avait  [)ubliée  en  1«71  sous  le  titre  de  Ce  qu'il 
faut  à  la  France,  et  quelques-uns  de  ces  meilleurs  articles  dans  la  Décentra- 
lisation, où  il  avait  fait  ses  premières  armes  avec  un  grand  succès.       R. 


VARIETES. 

L 

LES  BIBLIOTHÈQUES  AUX  ETATS-'UNIS 

(Fin.) 
Outre  le  cata'nguc  indisponsnb  e  aux  lecte"rs  i  our  avoir  une  i  'ée  à  peu 
près  CAUCe  de  ce   que-   cui.ticut  une  bibliothèque,  le  rapport  récla;i.e  pour 


eux  un  manuel  de  bibliothèque  qui  traiterait  des  plus  importants  sujets  dé 
recherches  et  des  princijiales  branches  du  savoir  humain,  sans  discussion  et 
par  simple  exposé  de  prim  ipes  avec  renvoi  aux  d"Ciments  et  d  ns  des 
articles  rangés  par  ordre  alphabétique,  comme  ceux  d'un  dictionnaire.  Ces 
aiticles  seraient  rédigés  par  des  spécialistes  croupes  fous  la  direction  d'un 
éditeur,  et  seraient  destinés  surtout  au  commun  des  lecteurs;  les  hommes 
d'étude  ont  en  général  leur  bibliographie  toute  prête  pour  le  sujet  propre 
de  leur  recherches. 

Mais,  malgré  les  immenses  services  que  peut  rendre  un  catalogue  bien 
fait,  un  contât  timmédiit  avec  les  livres,  quand  il  est  possible,  est  toujours 
plus  profit'ible  au  lecteur.  Tel  est  le  cas  notamment  pour  les  bibliotlièques 
existant  dans  les  établissements  d'instruction.  Ce  te  facilité  laissée  aux 
élèves  de  faire  eux-mêmes  leurs  recherches  sur  les  rayons  peut  seule,  de 
l'avis  du  rapporteur,  leur  inspirer  le  désir  de  lire  les  bons  ouvrages,  au 
lieu  de  s'en  rapporter  à  un  compte  rendu,  ou  aux  seules  appréc  ations  de 
leurs  n  aitres  :  c'e^t  le  meilleur  moyen  pour  eux  de  s--  faire  une  opinion 
personnelle  et  un  style  oriL-inal.  Le  rapport  demande  qu'à  certains  jours  et  à 
certaines  heures  le  professeur  conduise  ses  élèves  à  la  bibliothèque,  et 
qu'ofj  leur  fasse  considérer  cette  adms^ion  comme  une  faveur  dont  ils 
peuvent  être,  privés  le  jour  ou  ils  cessent  d'en  être  dignes.  Dans  la  plupart 
des  écoles,  malheureusement,  les  élèves  ne  sont  en  communication  avec  les 
livres  que  p  ir  le^cat  ilouue  et  un  ouverture  aussi  étroite  que  celle  d'un  gui- 
chet de  chemin  de  fer.  Aussi  arrive-t-il  que  l.i  leiture  la  plus  recherchée  est 
celle  du  journal,  c'est-i-dire  celle  qui  convient  le  moins  à  déjeunes  intelli- 
gences et  que  l'on  s'étonne  un  peu  de  voir  figurer  dans  une  bib  iothèque  sco- 
laire. Mais  cette  liberté,  que  le  rapport  ré.-lame  pour  lu  jeunesse  studieuse,  a 
pour  corollaire  indispensable,  le  cho  x  le  plus  sévère  des  livres.  Sans  parier 
des  livres  contre  la  moiale  qui  doivent  être  absolument  écartés,  le  [irofes- 
seur  ne  doit  a^lmettre  sur  les  rayons,  que,  les  ouvrages  véritablement  capa- 
bles de  contribuer  aux  progrès  de  ses  élèves,  car  c'est  lui  qui  est  ici  tout 
désigné  pour  en  faire  le  choix;  la  division  des  cours  doit,  autant  que  l'ossi- 
ble  servir  de  base  à  celle  de  la  bibliothèque,  chaque  professeur  connaîtra 
mieux  ainsi  ce  qu'il  lui  faut  aeheter.  La  bibliothèque  devant  satisfaire  à  des 
besoins  très-variés,  elle  ne  doit  renfermer  pour  chaque  science  que  les  meik 
leurs  ouvrages;  dix  bons  nouveaux  livres  qui  en  résument  les  progrès 
actuels  feront  plus  que  des  centaines  de  volumes  qui  ne  sont  plus  au  cou- 
rant. Les  brochures  sont  désii^nées  aussi  à  l'attenlion  des  professeurs,  quand 
elles  sont  le  résumé  substant  el  de  longues  années  d  éludes. 

Un  cattlogue  aussi  imp  riant;  que  celui  des  livres,  c'est  celui  des  lectures 
Pour  arriver  à  «e  rendre  compte  le  mieux  possible  de  ce  qu'elles  sont,  la 
bibliothèque  de  Boston  a  recours  à  petit  appareil,  qui  consiste  en  une  boite 
de  fer  blanc  lon^nie  de  16  p  luces  de  large  et  haute  de  3,  divisée  en  8  compar-^ 
timents  dont  7  sont  recouverts  chacun  par  une  espèce  d'en'onnoir,  le 
huitième  est  ouvert  et  contient  de  petites  boules  ;  chacun  des  compartiments 
fermés  correspond  à  l'issue  des  divisions  de  la  bibliothèque  et  en  porte  le 
titre  :  Actions  et  ouvrages  pour  la  jeunesse,  histoire  et  biographie,  voyages,- 
sciences  et  arts,  poèmes  et  drames,  littératuiefiançaise,l  ttérature  allemande, 
mélanges.  A  chaque  demande  de  livre,  on  laissn;  tomber  une  petite  b -ule 
dans  laças-"  correspondante;  les  compartiments  sont  ouverts  à  la  fin  de  la 
journée,  on  fait  le  total  de  chacun  d'eux,  le  résuliat  est  consigné  sur  des 
registres.  Nous  avons  dit  déjà  que  la  (endance  du  public  est  plutôt  pour  le» 
ouvrages  d'imagination;  ma;s,  sans  vouloir  proscrire  les  romans  do  peur  de 


—  68  — 

détourner  de  la  bibliothèque  des  lecteurs  qui  ne  voudront  d'abord  y  cher- 
cher que  cela,  il  faut  chercher  à  en  détourner  le  goût  du  public,  ne  pas 
surtout  les  désigner  spécialement  à  son  attention  par  des  catalogues  com- 
posés de  telle  façon  que  le  lecteur  les  trouve  tous  à  un  seul  endroit  sans 
qu'il  soit  forcé  d'arrêter  son  regard  sur  des  ouvrages  plus  sérieux,  c'est  la 
vraiment  cette  tâche  de  professor  of  hroohs  que  doit  se  proposer  le  biblio- 
thécaire. 

Un  annexe  des  plus  utiles  pour  la  bibliothèque,  c'est  le  musée;  il  oilre  à 
l'industrie  nationale  et  aux  ouvriers  qui  s'y  livrent  les  modèles  dont  ils  ont 
besoin  pour  se  perfectionner,  et  certaines  industries,  certains  arts  en  Améri- 
que, l'architecture  entre  autres,  ne  peuvent  se  passer  de  ce  secours.  «  Quand 
les  constructions  de  nos  architectes  ne  tombent  pas  sur  nos  tètes,  a  la  fran- 
chise d'écrire  M.  Fraze,  elles  choquent  trop  souvent  nos  regards  par  leur 
aspect  disgracieux.  Le  remède  à  cette  inféiiorité  est  dans  une  bonne  éducation 
artistique,  dans  l'habitude  donnée  au  peufile  de  voir  de  belles  choses  et  de  les 
apprécier,  et  les  musées  sont  à  ce  point  de  vue  de  la  plus  grande  u-ililé  ;  ils 
rendront  plus  diiticile  un  public  qui  n'exige  rien  aujourd'hui  de  ses  archi- 
tectes, faute  de  rien  entendre  à  leur  art.  On  consacre  de  grosses  sommes  à 
la  création  de  jardins  où  l'on  vise  surtout  à  tlatter  le  regard  par  des  paysages 
gracieux,  mais  la  }>opulation  eu  est  privée  pendant  toute  la  mauvai?e  saison, 
les  musées  sont  une  ressource  à  ce  moment.  Comme  moyen  de  réaliser  celte 
)dée,  l'auteur  du  raj'port,  à  défaut  des  oeuvres  originales  des  grands  maîtres, 
dont  l'Amérique  ne  possède  qu'un  très-petit  nombre,  demande  la  ci'éation  de 
musées  de  copies,  comme  la  France  et  l'Allemagne  n'ont  pas  dédaigné  d'en 
former.  Une  légère  augmentation  de  la  taxe  s.îolaire  suffirait  pour  une  créa- 
tion de  ce  genre,  qui  attirerait  bien  vite  à  elle  les  legs  et  les  libéralités  privées. 
Au  besoin  mêmes  des  associations  pourraient  fonder  des  musées  de  ce  genre. 
Ainsi  serait  comblée  une  lacune,  qui  rend  pour  les  voyageurs  les  villes  amé- 
ricaines bien  moins  intéressantes  que  beaucoup  de  villes  de  l'Europe. 

Nous  ne  pouvons  terminer  sans  dire  quelques  mots  de  deux  institu- 
tions qui  fonctionnent  auprès  de  deux  grandes  bibliothèques  du  gouverne- 
ment, celle  du  Congrès  et  celle  du  iMinislère  de  l'Intérieur,  le  dépôt 
légal  et  celui  des  brevets  d'invention.  Le  dépôt  légal  qui  remonte  aux  États- 
Unis  à  l'année  1790,  et  dont  la  bibliothèque  du  Congrès  a  le  privilège,  n'est 
pas  comme  chez  nous  une  meîure  destinée  simplement  à  enrichir  la 
Bibliothèque  nationale  et  trop  souvent  dépourvue  de  sanction;  c'est  une  con- 
dition indispensable  à  remplir  pour  quiconque  veut  s'assurer  [&5  droits  de  la 
propriété  littéraire;  aussi  certains  ouvrages,  pour  lesquels  cette  propriété  est 
sans  valeur,  ne  sont-ils  jamais  déposés.  La  bibliothèque  du  Congrès  reçoit  le 
livre  et  de  plus  louche  un  droit  d'un  dollar  par  volume  ;  c'est  là  pour  elle  un 
moyen  d'accroissements  et  une  source  de  revenus  très-sensibles.  Cette  recette 
s'élevait, en  1877,  à  13.076  dollars  ou 656,380  fr.,  so)t526 dollars  déplus  qu'en 
1876.  Grâce  au  dépôt,  grâce  aux  riches  annexions  qui  y  ont  été  faites,  ( 'elle 
de  la  bibliothèque  de  l'Institut  Smithsonien  lui  a  apporté,  en  'i 866,  40,000  vo- 
lumes de  sciences  sans  bourse  délier:) elle  a  acquis  auprixde  100,000  dollars 
les  00,000  articles  deli  bibliothèque  Peter  Force,  tous  consacrés  à  l'histoire 
américaine.  La  bibliothèque  du  Congrès  occupe  dignement  le  rang  suprême 
auquel  elle  a  été  placée.  Son  accroissement  est  des  plus  rapides;  du  chiifre  de 
311,097  volumes  et,  60,000  brochures  qu'elle  comptait  au  I''"'  janvier  1877, 
elle  s'est  élevée  à  la  fin  de  celte  même  année  à  celui  de  331,118  volumes  et 
de  110,000  brochures. 
On   peut  rapprocher  du  dépôt  légal  qui  assure  la   propriété  littéraire, 


—  Tift  — 

celui  qui  assure  la  propriété  industrielle,  celui  des  brevets  d'invention;  il  a 
donné  naissance  au  Patent  Office,  bureau  constitué  par  acte  du  Congrès  du 
3  mar.-i  1839,  qui  compte  aiijourd'bui  23,000  volumes.  Un  autre  acte  de  1871 
décida  que  loO  exemplaires  de  la  description  des  brevets  d'invention  avec 
dessins  seraient  désormns  adressés  à  chaque  Etat  pour  être  m  s  à  la  dispo- 
sition du  public,  au  Capitole  de  cet  État,  et  de  plus  qu'un  exemplaire  serait 
fourni  gratuitement  à  touie  bibliothèque  qui  consentirait  à  se  charger  des 
frais  de  transport  et  de  reliure.  Enfin  liuit  exemplaires  de  la  Gazelle  officielle 
où  se  publie,  si  nous  ne  nous  trompons,  la  liste  des  brevet?  nouveaux  pris  au 
Patent  Office,  sont  donnés  à  chaque  représentant,  avec  faculté  de  répartir  ces 
exemplaires  entre  les  bibliothèques  qu'ils  veulent;  favoriser. 

Tel  est,  au  tiout  de  cent  ans  d'existence,  le  bilan  des  efforts  faits  par  les 
Américains  pour  le  développement  intellectuel  de  leur  pays.  Les  résultats 
sont  gratins  et  ils  ont  été  obtenus  dins  des  conditions  qui  font  honneur  aux 
ouvriers  de  cette  grande  œuvre.   Pour  elle,  en  eifet,  comme  pour  le  rapport 
qui  lui  est  consacré,  tout  a  été  fait  par  l'initiative  privée  ;  dans  le  plus  humble 
village,  comme  dans  la  plus  grande  ville  de  l'Union,  une  bibliothèque  n'est 
née   que  le  jour  oii  des  citoyens,  désireux  de  s'instruire,  ont  pensé  que  la 
chose  valait  bien  la  peine  de  faire  quelques  sacrifices  pécuniaires;  le  rôle  de 
l'État  a  été  tout  passif;  il  n'a  fait  qu'autoriser  des  levées  de  taxes  qu'il  ne 
payait  pas  ;  ks  libéralités  des  riches  ont  achevé  ce  que  l'impôt  avait  com- 
mencé, elles  y  ont  suppléé  parfois,  les  bibliothèques  existent  partout  aujour- 
d'hui, elles  sont  riches,  bien  dotées,  souvent  beaucoup  mieux  logées  que 
dans  nos  États  européens,  et  dans  des  bâtiments  faits  pour  elks;  et  chaque 
jour,  à  mesure  que  la  population  s'avance  vers  l'Ouest,  il  s'en  fonde  de  nou- 
velles ;  tous  y  sont  admis,  et  si  l'on  peut  reprocher  sous  ce  rapport  quelque 
chose   aux  Américains,  ce  n'est  pas  de  fermer  la  porte  aux  lecteurs,  c'est 
plutôt  de  l'ouvrir  trop  large.   Que  cette  liberté  presque  illimitée  de  lecture 
produise  de  meilleurs  résultats  que  la  liberté  politique  absolue  dont  on  jouit 
aux  États-Unis  et  dont  elle  est  la  conséquence  naturelle,  c'est  ce  qu'il  est 
permis  de  mettre  en  doute.   Je  compterais  plus  pour  améliorer  l'esprit  de  la 
population  américaine  sur  ces  bibliothèques  de  sociétés  scientifiques  ouvertes 
seulement  à  im  public  sérieux  et  désireux  de  s'instruire,  sur  celles  des  écoles 
soumises  à  un  choix  sévère  et  à  une  surveillance,  que  sur  ces  bibliothèques 
par  trop  publiques  et  ouvertes  à  tout  venant.  Le  rapport  vante,  et  avec  raison, 
les  services  rendus  par  les  bibliothèques  des  prisons;  il  constate,  autant  qu'il 
est  possible,  les  résultats  probables  ou  déjà  obtenus  dans  les  bibliothèques 
ayant  à  quelque  degré  un  caractère  privé.  11  fait  connaître  dans  leurs  moin- 
dres détiiils  les   grandes  bibliothèques  publiques,  leur    organisation,    leur 
confortable,  tout  ce  qui  peut  y  attirer  et  y  retenir  les  lecteurs,   il  nous  dit 
comment  un  certain  nombre  d'entre  eux,  le  plus  grand  nombre,  nous  voulons 
l'espérer,  apprennent  à  goûter  peu  à  peu  les  lectures  sérieuses;  reste  encore 
à  savoir  quelle  intluence  morale  peut  exercer  sur  un  peuple  la  lecture  prise 
à  si  fortes  doses. C'est  de  la  solution  de  cette  question,  que  le  rapport  n'a  pu 
trouver  encore,  que  dépend,  en  somme,  l'avenir  des  bildiotlièques  publiques 
aux  États-Unis  etdans  tous  lesp.iys  qui  leur  emprunteraientcetle  organisation. 

J.  Vaesen. 
II 

M.   BERTRAND   ET  L'ASSOCIATION   SCIENTIFIQUE  DE   FRANCE 

A  l'occasion    du    concours   des    sociétés     savantes    des     départements, 
l'Association  scientifique  de  France  avait  remis   au  jeudi  2o  avril  dernier 


—  70  — 

sa  séance  annuelle;  offrant  ainsi  aux  délégués  de  la  province  l'occasion 
d'assister  à  la  conférence  que  devait  donner  à  la  Sorbonne  M.  Alexandre 
Bertrand.  Devant  ce  public  d'élite,  le  succès  du  savant  conservateur  du 
musée  de  Saint-Germain  a  été  complet.  Ses  auditeurs  ont  été  vivement  im- 
pressionnas par  la  nouveauté  des  aperçus,  la  largeur  de  vues,  l'élévation 
d'idée  qui  ont  présidé  aux  développements  dans  lesquels  il  est  entré  sur 
les  populalions  priniiiives  de  l'Europe  centrale  et  occidenlale  aux  environs  du 
quatrième  siècle  avant  notre  ère. 

(je  sujet,  objet  de  ses  étude>  favorites,  M.  A.  Bertrani  l'avait  déjà  traité 
dans  son  d-rnier  livre  qui  a  obtenu  un  si  légitime  succès,  mais  il  ne  l'avait 
pas  encore  résumé  avec  au'aut  d'autorité  et  de  précision. 

Remontant  par  l'archéologie  à  l'histoire,  comblant  par  les  découvertes  les 
lacunes  profondes  que  présentent  les  textes,  l'orateur  a  démon'ré  qu'il  étiit 
possible,  p  ir  d'ingénieuses  inductions  tiré' s  des  antiijuités  exhumées  des 
sépulturt^s,  de  suppU-er  dans  une  certaint;  mesure  à  l'i^Miorance  où,  de  leur 
aveu  même,  les  auteurs  anciens  étaient  restés,  jusqu'à  C"sar  sur  l'état  inté- 
rieur de  la  Gaule  et  de  la  Germanie.  Cette  thèse  peut  soulever  ilans  ses  dé- 
tails quelques  citiques  ;  mais,  dans  son  ensemble,  elle  repose  sur  des 
faits  observés  et  comparés  scientiliquement. 

Letabeau  tracé  par  M.  A.  Bertrand,  avec  le  secours  de  l'archéologie,  de 
la  Gaule,  a^ant  la  conquête,  parait  donc  devoir  être  ac.;uis  à  Thisloire. 

Le  conférencier  avait  ajouté  à  l'intérêt  de  sa  par.ile  l'attrait  des  représen- 
tations, par  projections  lumineuses,  d'abord  d'une  carte  nrchéologique, 
puis  d'un  grand  dolniea,  d' .n  tumulus  et  de  différentes  antiquités. 

M.  A.  Bertrand  divise,  ou  le  sait,  sa  carte  de  l'Europe  occidentale  et  cen- 
trale en  deux  zones,  d^nt  une  ligne  partant  de  la  Méditerranée  vers  Mar- 
seille, pour  s'élever,  en  les  contournant,  jusque  dans  les  pays  du  Nord, 
indique  la  séparation.  A  l'ouest  et  au  nord  la  région  des  dolmens,  à  l'est 
et  au  sud  la  rét^iondes  tumulus. 

Les  constructions  mégalithiques  de  l'ouest  caractérisent  la  plus  ancienne 
civilisation  de  la  Gaule;  nous  pouvons  dire  la  ]iremière,  en  ce  qu'ils  té- 
moignent éloquemment  d'une  or>;anisation  sociale  dont  aucun  monument 
antérieur  ne  peut  laisser  soupçonner  l'existence.  Sur  celte  civilisation, 
Tantiquité  garde  la  silence,  aussi  M.  A.  Bertiand  en  fait-il  honneur  à  des 
peuples  innoinis.  Si  pendant  une  période  plus  ou  moins  longue,  cette  civili- 
sation n'a  disposé  que  d'instruments  en  pierre  polie,  elle  a  vu  l'introduction 
des  métaux,  elle  en  a  développé  les  applications,  surtout  par  l'emploi 
presque  exclusif  du  bronze.  A  ces  populations  en  possession  de  cette  première 
civilisatii'n,on  peut,  à  notre  avis,  doiiuer  un  nom.  le  nom  le  plus  ancien  que 
nous  aient  transmis  les  textes,  celui  de  Celtes.  Dénomination  ethnique  et 
géographique  qui  existait  en  ore  au  temps  de  Céser,  et  qui  s'accorde  en 
plus  a^ec  les  données  anthropologiques. 

Il  y  a  donc  eu  en  Gaule  une  première  époque  celtique. 
Plus  tari,  l'arcliéoiogie  fait  apparaître  une  autre  civilisation,  dont  les  tu- 
mulus, répandus  sur  la  carte  à  l'est  de  la  ligne  de  démarcation,  affirment 
l'existence;  elle  constitue  une  seconde  phase,  l'époque  proprement  dite 
gauloise.  Les  éléments  de  cette  civ.lisation,  apportés  selon  toute  vraisem- 
blance par  une  conquête,  ont  plutôt  pénétré  l'élé  lient  celtique  qu'ils  ne 
l'ont  absorbé. 

Les  tumulus  s'échelonnent  en  France  et  en  Allemagne  sur  les  deux  rives 
du  Rliio,  sur  les  b^rds  du  Danube,  surtriut  au  sud;  leur  direction  est  de  l'est 
à  l'çuest,  la  route  des  courants  civilisateurs  partis  de  l'Orient.  Une  proieç- 


—  71  — 

tion  montre, en  effet, aux  auditeurs  un  vase  sorti  d'un  tumulus,  dont  le  style 
absolument  archaïque  trahit  une  influence  asiatique. 

L'anilogie  des  antiquités  qu'ont  livrées  les  tumulus  des  deux  contrées  est 
complète;  en  Allemagne  même,  on  leur  reconnaît  si  peu  un  caractère  ger- 
manique, que  M.  A.  Bertrand  a  constaté  que,  dans  les  musées  d'uutre-Rhiu 
q  l'il  a  visités  avec  tant  de  soin,  elles  sont  désignées  sous  le  nom  d'anti- 
quités celtiques  ou  gauloises. 

Si,  au  point  de  vue  de  h  chronologie  générale,  nous  pensons  que  l'é- 
poque celtique  rentre  dans  l'évolution  historique,  avec  l'époque  gauloise, 
caractérisée  par  les  tumulus,  nous  sommes,  sans  contredit,  en  pleine  his- 
toii'e,  en  présence  des  Gaulois  ou  Gâtâtes  des  grandes  invasions,  affirme 
M.  A.  Bertrand,  des  bandes  guerrières  qui  descendirent  en  Italie,  eu  Gièce, 
prirent  Rome,  pillèrent  Delphes.  Avec  la  grande  épée  eu  fer,  à  pointe 
mousse,  qui  ne  frap[iait  que  de  taille,  mentionnée  plusieurs  fois  dans  les 
textes,  que  trouve-t-on  dans  certains  tumulus?  Les  fruits  du  butin,  des 
vases  en  bronze  de  travail  étriisque,  des  vases  peints  dont  les  archéologues 
compétents  peuvent  fixer  la  date. 

bans  la  région  de  l'Est,  il  convient  d'associer  aux  tumulus  les  nombreux 
cimetières  gaulois  de  la  Champagne,  d'une  époque  postérieure,  que  l'ar- 
chéologie peut  encore  fixer  approximativement.  Les  dépôts  funéraires,  'l'une 
signification  toute  guerrière,  nous  montrent  aussi  des  trophées  de  victiires; 
mais  à  la  ])lace  de  la  grande  épée  de  Halstatt,  une  arme  plus  courte  à  pointe 
aiguë,  l'épée  ibérique,  adoptée,  nous  ajiprend  encore  l'histoire,  par  les  Gau- 
lois pendant  les  gu<'rres  puniques. 

Fidèle  à  notre  système  d'assimilation  historique,  nous  attribuons  ces  sé- 
pultures aux  Rèmes  et  aux  Suessions,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'elles  soient 
nécessairement  conlempoi-aines  de  César.  Quelle  que  soii  leur  date,  .V.  A.  Ber- 
trand est  le  premier,  que  nous  sachions, qui  ait  tiré  de  l'élude  de  ces  cime- 
tières des  présomptions  nouvelles  et  très-vraisemblables  sur  l'état  des 
envahisseurs  galates,  lorsqu'il  l'a  comparé  à  l'établissement  des  Francs,  bien 
des  siècles  plus  tard.  Tribus  guerrières,  conservant  leur  homogénéité,  leurs 
rites  funéraires;  nous  les  voyons  d  abord  cantonnées  militairement  dans 
certaines  parties  de  la  Gaule.  Mais  leur  domination  ne  s'en  étendait  pas 
moins  surtout  le  pays,  ainsi  que  de  récentes  découvertes  sur  les  côles  de 
l'Océan  tendent  à  le  prouver;  elles  avaient  même  substitué,  lors  de  l'arrivée 
des  Romains,  l'influence  des  Equités  à  celle  de  la  caste  sacerdotale  des 
Druides. 

Il  fut  un  temps  oîi  l'on  ignorait  qu'avant  ces  époques,  que  nous  appelons 
celtique  et  gauloise,  la  Gaule  était  hal;itée.  Pressé  par  l'heure,  M.  A.  Ber- 
trand n'a  pu  s'étendre  autant  qu'il  aurait  désiré  sur  l'âge  de  la  pierre.  Il 
est  loin  d'en  méconnaître  l'importance;  de  même  qu'il  s'était  appuyé  sur 
les  dérouvertes  et  les  ti  avaux  du  D''  Kellep,il  aurait  voulu  faire  ressortir  ave3 
plus  d'éclat  ceux  de  Boucher  de  Perthes.  de  Larlet  et  de  tant  d'hommes 
distingués  qui  ont  étendu  le  domaine  de  la  science  et  reculé  le  puinl  de 
départ  de  l'archéologie  nationale. 

Si,  dans  son  opinion,  le  tmips  où  l'homme  des  cavernes  vivait  au  milieu 
des  rennes  est  peut-être  nions  éloigné  de  nous  que  ne  le  pensent  les  pa- 
léoethnologues, il  a  fait  une  large  part  à  l'antiquité  de  l'homme  contem- 
porain des  grandes  espèces  animales  disparues. 

Pour  l'étude  de  ret  âge  perdu  dans  une  obscurité  si  lointaine,  la  gé  dogie, 
la  paléontologie,  l'anthropologie  sont  nus  seuls  guides.  Ces  sciences  nous 
montrent  la  Gaule  parcourue  par  des  nomades, dont  la  condition,  les  mœurs, 


Jes  iustincts  élaienl  ceux  des  sauvages  actuels,  et  qui,  par  conséquent,  ne 
doivent  pas  tenir  plus  de  place  dans  la  marche  de  nutre  civilisation  que  ces 
derniers  n'en  occupent  dans  le  développement  humanitaire  générai.  Aussi, 
est-ce  aux  applaudissements  de  l'assemhlée  que  le  conservateur  du  Musée 
de  Saint-Germain  a  terminé  sa  belle  conférence  par  cette  affirmation:  «Que 
les  études  préhistoriques  ne  changent  rien  aux  conditions  de  l'histoire, 
telles  que  les  ont  comprises  un  Polybe,  un  Tacite,  un  Montesquieu.  » 

H. -A.  Mazard. 


CHRONIQUE 

Nécrologie. — M.  Claude-Denis-Auguste  VALETTt:,quiest  mortle  11  mai  1878, 
à  Paris,  était  né  à  Salins  (Jura),  le  lo  mars  180o.Ce  ne  fut  pas  sa  vocation  de 
jurisconsulte  qui  se  manifesta  la  première;  à  neuf  ans,  il  était  reçu  élève  du 
Conservatoire,  et  se  montrait  doué  d'une  faculté  de  musicien  qu'il  continua 
d'ailleurs  de  cul liver.  11  fit  ses  études  au  lycée  de  Versailles,  son  droit  à  Paris, 
y  obtint  la  licence  en  1827  et  le  diplôme  de  docteur  en  1830.  En  1831, 
M.  Valette  publiait  un  factum  assez  rude  contre  la  pairie  héréditaire,  en  y 
indiquant  un  mode  nouveau  de  nomination  d'une  seconde  Chambre. 
Suppléant  d'une  chaire  en  1833,  titulaire  de  la  chaire  de  droit  civil  dès 
1837,  il  l'a  occupée  pendant  quarante  années;  en  184o,  il  devint  l'un  des 
diiecteurs,  comme  il  était  l'un  des  plus  actifs  collaborateurs,  de  la /îevue 
de  droit  français  et  étranger.  Les  électeurs  du  Jura  l'envoyèrent,  après  1848, 
aux  deux  Assemblées  nationales.  Il  y  fut  chargé  de  faire  les  Rapports 
tendant  à  repousser  l'aboliiion  immédiate  des  majorais;  à  s'opposer  à  la 
suppression  de  la  quotité  disponible,  à  demander  la  publicité  des  contrats 
de  mariage  et  la  suppression  légale  du  travail  les  dimanches.  Il  y  fut 
chargé  aussi  des  Rapports  sur  les  journées  de  juin,  sur  les  coalitions,  sur 
le  duel,  sur  la  contrainte  par  corps,  sur  la  révision  des  procès  criminels, 
sur  la  réhabilitation.  M.  Valette  prit  surtout  une  part  prépondérante  à  la 
réforme  hypothécaire,  à  laquelle  il  travaillait  depuis  1845,  comme  membre 
attaché  à  la  commission,  par  décision  ministérielle,  et  comme  délégué  de 
la  faculté  de  droit  de  Paris.  Après  18o2,  il  reprit  ses  fonctions  de  pro- 
fesseur qu'il  n'a  plus  quittées  jusqu'à  la  fin.  On  lui  doit  des  ouvrages  théo- 
riques de  premier  ordre:  en  voici  la  liste  chronologique  :  Notes  au  Traité 
de  l'état  des  personnes  de  Proudhon  (1842-i3,  2  vol.  in-8);  —  l)e  l'effet  ordi- 
naire de  l'inscription  en  matière  de  privilège  sur  les  immeubles  (1842-43,  in-8); 
—  Jurisprudence  en  matière  d'enregistrement  (1843,  in-8);  —  Traité  des  hypo- 
thèques (I8i6,  in-8,  vol.  I);  —  Explication  du  Livre  I  du  Code  Napoléon  (185!), 
in-8);  —  Cours  de  codecivil  (1872,in-12,  vol.  I).  M.  Valette  avaitélé  élu  membre 
de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politique,  le  8  juin  1869,  en  rempla- 
cement de  M.  Troplong.  Il  était  président  de  la  Société  protectrice  des 
animaux. 

—  M.  Pierre-Noël  Martin-Doisy,  mort  à  Paris  le  19  mai,  était  né  à 
Pithiviers  (Loiret),  en  1794.  Avoué  près  la  Cour  d'appel  d'Orléans,  il  vint 
s'établir  à  Paris  comme  avocat,  en  183  4,  et  là  s'occupa  de  littérature,  de 
politique,  et  surtout  d'économie  sociale.  Il  appartenait  à  ce  groupe  d'intel- 
ligences actives  qui  joignaient  la  pratique  à  la  théorie  et  aux  études  des 
questions  qui  touchent  à  l'amélioration  morale  et  matérielle  de  la  situation 
des  classes  ouvrières.  Il  fut  un  des  fondateurs  de  la  Société  d'économie 
charitable,  avec  son  président,  M-   le  vicomte  Armand  de  Melun.   Il  prit 


une  part  active  à  tous  ses  travaux.  Il  était  membre  du  Conseil  de  la 
Société  des  publications  populaires  dont  il  s'est  retiré  cette  année  à  cause 
de  son  grand  âge.  On  était  sûr  de  le  rencontrer  dans  toutes  les  réunions 
de  bonnes  œuvres.  11  fut  nommé,  en  1841,  inspecteur  général  des  étab!i-se- 
ments  de  bienfaisance  du  royaume,  et  occupa  ces  fonctions  jusqu'en  1870. 
Parmi  ces  ouvrages,  nous  cileroDS  :  Coup  d'œil  sur  la  vie  politique  de 
M.  Guizot  (1836,  in-12); —  Manuscrit  de  Louis  XVII I^  précédé  d'un  coup 
d'œil  sur  sa  vie  publique  (1839,  in-8);  —  Origines  et  fondements  de  la  liberté, 
de  l'égalité  et  de  la  fraternité  parmi  les  hommes,  ou  histoire  de  la  charité 
pendant  les  quatre  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne,  pour  servir  d'introduc- 
tion  à  l'histoire   des  secours  publics  dans  les  sociétés   modernes  (1848,  in-8); 

—  Travaux  du  comité  d'extinction  de  la  mendicité  à  la  première  Assemblée 
constituante  (1849);  —  Assistance  comparée  clans  l'ère  chrétienne  et  l'ère 
païenne  {lSo3); — Dictionnaire  d'économie  charitable  {\S^6'^-i%o^,  i  \ol.  in-8, 
t.  V-VIII  de  la  troisième  et  dernière  encyclopédie  théologique,  publiée 
par  M.  l'abbé  Migne);  —  L' Italie  après  la  guerre,  par  M.  Jean  Fabrizi,  traduit 
de  l'italien,  et  précédé  d'une  int'oduclion  et  d'un  mot  de  réponse  à  M.  About 
(18o9,  in-8)  ; —  L'Italie,  l'Allemagne  et  le  Congres  (1860,  broch.  in-8)  ;  —  Solution 
de  la  Question  romaine  ri 867,  broch.  i-n-8);  —  Appela  un  concile  acuméniqm  : 
Appel  au  Gouvernement  de  la  Défense  nationale  (1870);—  La  Turquie  à  l'heure 
présente  (1877).  —  11  a  écrit  dans  plusieurs  journaux  et  revues;  dans  le  Garde 
national  du  Loiret,  des  articles  de  politique  et  littérature  (1830-34);  dans  la 
Presse,  lors  de  sa  fondation  par  M.  Emile  de  Girardin,  des  articles  divers. 
Il  est  l'auteur  d'une  correspondance  politique  adressée  au  journal  belge 
l'Émancipation,  années  1848-ol.  articles  signés  P.  N.  Il  a  écrit  dans  la 
'Revue  du  dix-neuvième  siècle  (1833-37),  des  articles  de  politique,  de  littéra- 
ture et  de  géographie;  dans  la  Revue  de  Paris  (1868-69)  des  articles  de 
voyage  ;  il  a  fondé  avec  M.Rossi  la  Revue  française  qui  n'a  eu  qu'une  existence 
éphémère.  A  diverses  époques,  il  a  collaboré  aux  Annales  de  la  charité  et 
il  a  donné,  dans  le  Contemporain,  revue  d'économie  chrétienne  :  La  Charité 
à  Athènes  [t.  VIII,  ioO);  La  Charité  en  Algérie  (IX,  502);  La  Bretagne 
^X,  413,702);  Un  dépôt  de  mendicité  modèle  à  Montreuil-sous-Laon  'XU\,  348).  Il 
laisse  en  manuscrit,  prêts  à  être  publié  :  une  traduction  en  vers  de  l'Arioste  ; 
une  traduction  en  vers  de  diverses  pièces  de  Shakespeare;  des  voyages,  des 
romans  et  ime  Histoire  du  journalisme, 'mi^Yvom^no.  par  la  mort. 

—  Le  R.  P.  Eugène  Desjardins,  né  le  12  décembre  1820,  à  Toulouse,  reçu 
le  21  octobre  1842  dans  la  Compagnie  de  Jésus,  est  mort  le  6  juin.  Nous 
empruntons  aux  PP.  de  Backer  et  Sommervogel  la  liste  considérable  de  ses 
publications  :  —  Le  Cœur  de  Jésus,  ascétisme  et  littérature  (1853),  Paris,  Julien 
/  Lanier,  in-8  de  a'i-o96  :  cet  ouvrage  contient  l'iconographie  et  la  bib  io- 
graphie  française  du  Sacré-Cœur.  —  A  Notre-Dame  du  Mont-Roland;  bouquet 
spirituel  offert  par  les  enfants  de  Marie  à  leur  tendre  mère  (1838.)  Limoues, 
Barbou,  in-32,  64  p.);  — Le  Cœur  de /é5!«,  principe  et  modèle  de  la  perfection 
chrétienne,  (deuxième  édition,  Mois  du  Sacré-Cœur,  1839,  Paris,  Lecolfre, 
in-18  de  xxiv-266  p.;  troisième  édition.  Mois  du  Sacré-Cœur,  1869,  Paris, 
Palmé,  de  xxiv-300p.;  — Rouquet  spirituel  offert  par  lésâmes  pieuses  au 
Sacré-Cœur  de  Jésus  (1836,  1'^  édition,  sans  date  ni  1  eu;  2''  édition,  1837. 
Limoges,  Barbou,  in-32,  6i  p.  ;  14»  édition,  Bruxelles,  Goemaere,  1836.  a 
été  traduit  en  allemand  par  P.   E.  Dosembach,  en  anglais  et  en  flamand). 

—  Rouquet  spirituel  offert  par  les  enfants  de  Marie  à  leur  tendre  mère, 
1860.  (Limoges,  Barbou,  in-32  de  64  p.,  1'°  édition,  1836,  14'  édition,  1866, 
Bruxelles,  Goemaere);  — Les  douze  mois  de  l'enfant  de  Marie,  ou  chaque  mois 


—  74  - 

de  l'année  sanctifié  par  une  dévotion  spéciale  (1861,  Limoges,  Barbou, 
in-32  de  6i  p.,  sixième  édition,  1866,  Bruxelles.  H.  Goemaere)  ; — La  Semaine 
sanctifiée  par  la  dévotion  au  Sacré-Cœur  de  Jésus,  A.  M.  D.  G.  (41^  édition, 
1866,  Bruxelles,  H.  Goemaere,  est  firrivée  aujourd'iiui  à  sa  so  xantième  édi- 
tion; a  été  traduit  en  quinze  langues,  en  chinois,  par  le  P.  Brueyie);  — 
Les  Images  du  Sacré-Cœur  de  Jésxis  dans  le  Messager  du  Sacré-Cœur  (1864, 
t.  V.  p.  71,  195,  301;  1865,  t.  VI,  p.  102);  —  Un  chapitre  de  la  vie  de 
Mgr  Rendu,  dans  la  Revue  des  sciences  ecclésiastiques  (1807,  p.  364-373); 
—  L'Épiscopat  et  les  lois  confessionnelles  en  Autriche  (1869,  p.  229-24 i);  — ; 
Compte  rendu  de  la  vie  de  saint  Stanislas,  par  le  P.  Pouget,  dans  l'Ami  de  la 
Religion  (t.  CLXXU,  p.  733-736)  ;  —  Du  beau,  élude  mclaphysiqve,  danslesi'fwdes 
religieuses,  philosophiques,  historiques  et  littéraires  (1860,  p.  372-402);  —  Le 
Christianisme  et  le  philosophisme  païen  (1861,  p.  177-208)  ;  —  UÉcole  d'Alexan- 
drie et  sa  lutte  contre  le  christianisme  ^1861,  p.  o37-1j7o);  —  L'Église  et  les 
écoles  ou  étude  historique  sur  une  restauration  des  écoles  au  moyen  âge  (t.  l^""^ 
p.  36i-404];  —De  V unité  italienne  (p.  801-829,  t.  II.,  p.  70-80);  —France  et 
Turquie,  1877,  dans  la  Revue  du  Monde  catholique,  t.  XXX,  page  5-22;  — 
Encore  Galilée!  Polémique,  Histoire,  Philosophie,  (1877,  Pau,  in-8  de  104  p, 
(anonyme), 2^  édition  signée,  1877,  Paris,  Gaume,  tn-32  de  178  p.). 

—  M.  Edouard  Tricotel  t^st  mort  à  Paris  le  3  décembre  dernier  ;  il  y  était 
oé  le  20  décembre  1828.  Avant  d'avoir  quille  lei  bancs  de  l'institution  Ver- 
dot,  il  s'es-ayait  à  des  traductions  de  poésies  latines,  et  publiait  bi>-n1ôt  après 
de  petits  poëmes  île  sa  f.)Çon.  Il  suivit  ensuite  les  cours  de  l'école  de  droit, 
dont  sa  passion  piur  les  livres  le  déuuirtia  quelquefois.  Ce  n'est  qu'en  1836 
qu'il  obtint  le  diplôme  de  licencié  en  droit,  et,  l'année  suivante,  il  achetait 
une  cliarge  d'avoué  dont  il  se  démit,  dix  ans  plas  tard,  pour  se  donner  tout 
entier  à  la  littérature.  On  lui  doit  quel  pies  volumes  de  puésie,  de  nombreux 
recueils  manuscrits  fruits  de  ses  lectures,  des  éditions  nouvelles  d'ouvrages 
rares  et  en  vers,  et  une  foule  d'articles  dans  divers  recueils.  Voici  l'énumé- 
ration  aussi  exacte  que  possible  de  ses  publications,  qui  dénotent  l'ama- 
teur à  la  recherche  de  la  curiosité  plus  que  de  la  science  saine  et  utile. 
Tableau  et  Gtorges,  poëmes  publiés  dans  le  Mousquetaire.  d'Alexandre 
Dumas  (21  et  2i  décembre  1854)  ;  —  Les  Heures  de  poésie  (1837);  —  Mariage 
de  Colomhine,  jioésie  (1868).  11  a  édité  Sandrin  (Bruxelles,  Gay,  1863);  —  la 
traiiuction  du  livre  de  Matheolus  (1864)  ;  —  les  Sati7'es  de  Dulorens  (1868).  Il  a 
collaboré  à  la  publication  îles  trois  premiers  volumes  des  Mémoires  de  l'Estoile, 
de  la  satire  du  Tigre,  donnée  par  M  Cb.  R-^ad  (Paris,  Jou^uit).  11  a  donné 
le  premier  volume  d'une  nouvelle  édition  de  la  Saii're  Mciiyppée  (1877,  Pdris, 
Lemerre),  et  achevait,  au  mimant  de  sa  mort,  les  note>  sur  les  œuvres  dQ 
Chulière-,  destinées  à  la  colleclion  des  conteu'S  de  L.  Jouaust.  Il  était  le 
principal  collaborateur  de  la  Bibliothèque  det  pièces  rares,  curiosités  et  singula- 
rités historiques  et  littéraires,  principalement  des  seizième  et  dix-septième  siècles, 
que  lioit  publier  lé  liteur  A.  CUuiinet  pour  laquelle  il  avait  préparé  [dusieurs 
pièces.  Li'S  lecueils  périodiques  auxquels  il  a  collaboré  sont  ;  le  Bulletin  du 
bibliophile,  l'Amateur  d'autographes,  Y  Ami  des  livres,  l'Intermédiaire  des  cher- 
cheurs et  curieux,  le  Chasseur  bibliographvjue,  l-^s  Archives  du  bibliophile,  la 
Gazette  bibliographique, le  Bulletinde  li  Société  de  l  histoiredii  protesiantisme.Une 
partie  de  ses  article^  a  été  réunie  en  un  vol.ime  :  Variétés  bibliographiques 
(1863,  Pnris,  Gay).  Ses  recueils  niinuscrils  contiennent  d>s  Notes  et  études  sur 
les  poètes  français,  depuis  les  premiers  temps,  jusque  et  y  compris  le  dix-neuvième 
siècle  (4  Vol.).  Ou  y  trouve  la  liste  des  poètes  f.ançus  dont  Cdletet  avait  écrit 
la  vie  dans  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  incendiée  du  Louvre.  —  Mar^us- 


1 


—  75  — 

çritf  de  la  Bibliothèque  nationale.  Poésies,  inventaire  et  dépouillement  des 
piè:es  de  poéues  contenues  d-ms  les  recueils  manuscrits  des  diver;»  fonds  de 
la  Bibliothèque  ualioa-ile.  —  Rec-ueil  de  poésies  historiques  et  satiriques,  prin- 
cipalement des  quinzième,  seiz  è  ne  et  dix-septième  siècles,  copiées  par 
M.  Tricote!  sur  les  manus:rits  et  imprimés  rare^  des  colle :1iins  publiques  et 
jiarliculièrfs,  22  vol.  in-4,  conienant  près  de  cinq  mille  pièce?,  tirées  des 
recueils  des  tiiblioibèques  de  l'Arst^nal,  Mazirine  et  iN'alionale.  —  Notes  sur  les 
poêles  français  des  seizième  et  dix-seplième  siècles;  mîtes  classées  par  ordre 
alpbaliéiique  tt  par  personuage3,avec  l'indicalion  (tes  sources  àconsulter,une 
aniliologie  des  poëes  français  des  seizième  et  dix-septième  sièJr;s,  le  dépouil- 
lement des  poésies  iudiipiées  dans  la  Bililiothèque  française  de  li  Crois  de 
Maine  et  du  Verdii^r,  li  liste  des  vies  écdte^  par  Colletet  et  la  copie  de  quel- 
ques-unes. —  Étudessur  les  poètes  du  temps  de  Louis  KHI,  traviil  inachevé.  — 
Mélanges  (7  vol.  in-4),  analyses,  extraits  de  copies  de  pièces  rares  et  notam- 
ment de  plusieurs  Vies  des  poètes  français  de  Colletet.  —  Noies  et  études  sur 
les  prosateurs  français  et  les  écrivains  étrangers  (2  vol.  in-i).  —  Une  biblio- 
graphie de-i  livres  relatifs  à  la  galanterie.  —  Une  bibliographie  curieuse  (14  vol. 
in-4),  relative  à  ])lus  d-  20,000  ouvrages.  Tous  ces  recueils  ont  éié  adjugés 
aux  eucbères,  dans  la  venle  de  se^  livres  qui  a  eu  lieu  les  20-24  mai,  à  des 
amateurs  qui  sauront  les  conserver  et  même  en  tirer  parti  jiour  la  science. 
—  M.  Fiédéric  André  Ahnaud  (de  l'Ariège),  né  à  Saint  Girons  (Ai  iège),  le 
§  avril  1819,  est  mort  h  Versailles  le  3.)  mai  1878.  Avocat  à  Paris,  au  moment 
de  la  Révolution  de  février,  il  entra  à  cette  époque  dans  la  carrière  politique 
et  fit  part  e  de  la  Cimstitiiante  et  de  l'Assemblé-  lègslative.  Rentré  dans  la 
ie  privée  après  le  coup  d'État,  il  reparut  sir  la  scène  quand  l'Empire  eut 
disparu,  et  fut  meriibre  de  l'Assemblée  nationale  et  du  Sénat.  Il  était  un  des 
ares  représentants  de  ce  qu'on  pourrait  appeler  la  démocratie  catholique, 
a  écrit  :  Programme  poUlique.  A  ses  conciloyens  deVAriège  (181:9,  in-8  );  — 
l'Indépendance  du  Pape  et  les  droils  des  peuples  (1860,  in  8)  ;  —La  Papauté  iem- 
orelle  el  la  nationalité  italienne  (1860,  broch.  in-8);  —L' Italie  (1864,  2  vol. 
n-8);  —  La  Révolution  et  l'Église  (1860,  2  vol.  in-8);  —  La  Révolution  de 
1869  (1869,  broch.  in-12).  —  Il  a  traduit  de  l'itilien  les  Mémoires  sur  l'Italie, 
de  Josepti  M.mtanelli.  11  avait  collaboré  à  YÈre  nouvelle  de  Lamennais. 

—M.  Henri  Cantel  est  mort  à  Saint-Oiien  (Seine),  dans  le  mois  de  juin,  à 
'âge  de  cinquante-trois  ans.  Il  était  né  à  Paris  en  1825.11  avait  donné,  dans 
la  Revue  des  Deux  Mondes,  pksieurs  poésies  :  Stances  à  M.  Alfred  de  Musset 
(1"  août  18o4);  —  L'Amour  el  la  Mort  d^''  juin  1860);  —  La  Nuit  des  Morts 
(15  décembre  18Hj);  —  Nuits  d'Orient  {l"  oc  obre  1862);  et  deux  nouve.les  : 
Le  Prince  Domenli,  scènes  de  la  vie  géorgienne[[ " août  1 862),  —  et Héraclé (1 5  juil- 
et  1863).— Dans  le  Correspondant  :  Émeraude,  scènes  de  la  vie  géorgienne,  nou- 
velle (2o  février  1867).  —  11  a  aussi  collaboré  au  Moniteur  universel.  On  lui 
doit,  en  outre  :  Impressions  et  visions,  poésies  (1839,  in-12);  — 5on  Mouchoir, 
poème  galant  (18118),  et  les  Poèmes  du  souvenir  (1876). 

—  M.  Gustave  Drouineau,  né  à  la  R  ichelle  en  1800,  vient  de  mourir  au 
mois  d'aviil  dans  une  maison  de  santé  de  la  Charente-Inférieure,  où  il 
était  enfe.mé  depuis  quarante-trois  ans,  c-i  qui  explique  que  certains  dic- 
tionnaires biographiques  l'aient  fait  mourir  depuis  1835.  Il  embrassa 
d'abord  la  carrière  de  l'enseignement;  il  a  été  firofesseur  au  collège  de 
Çivray  (Vienne).  Puis  il  vint  à  Paris  où  l'attirait  son  goût  pour  la  1  ttéra- 
ture;  il  fut  entraîné  itans  le  mouvement  politiq  le,  et  prit  une  part  active 
à  la  Révolution  de  1830.  C'est  de  cette  ép  que  que  datent  les  premiers 
symptômes  d'aliénatipn  meutale    qui  inquiétèrent   ses  amis.    11  se    crut 


appelé  à  régénérer  le  monde  et  fonda  une  secte  qui  n'eut  qu'une  courte 
existence.  I.e  coup  fatil  lui  fut  porté  par  l'insuccès  de  son  Don  Jaan  d'Au- 
triclie  à  la  Comédie-Française  (1834). Il  avait  débuté  par  une  Épître  à  Casimir 
Delavigne  ( !  823)  ;  —  Épflres  à  quelques  po'ètcs  panégyristes  (1 82i)  ;  —  Trois  nuih 
de  Napoléon  (1826);  — Rianzy,  Iragédie  (182G);  —  L'Écrivain  public,  drame 
(1828);  —  V Espion,  drame  (1829);  —  Erncsl,  roman  (1829);  —Le  Soleil  de  la 
liberlc,  stances  (1830);  —  Françoise  de  Hiini ni,  dvame  (1830);  —  Le  Mamis- 
crtï  re/'f,  roman  (1831);  —  Résignée,  roman  (1833);  —  Les  Ombrages,  contes 
(1833);  —  L'Ironie  (1833);  —Confessions  poétiques  (183.3). 

—  M.  l'abbé  F.-J.-F.  Fortin,  arcliiprêtre  de  la  cathédrale  d'Auxerre,  est 
mort  à  rage  de  quaire-vingt-douze  ans.  Il  était  l'auteur  d'Homélies  sur  les 
évangiles  de  tous  les  dimanches  de  Vannée  (18o2,  2  vol.  in-12)  ;  —  Sermons 
de  paroisse  pour  les  différents  temps  de  l'an7iée{18ô'6,  2  vol.  in-12);  —  Souve- 
ve7iirs  (l86o,  in-12);  —  Souvenirs,  2^  partie  (1867). 

—  M.  Pierre-Marie-Philippe-Aristide  DRNFERT-RocHERF.AU,néà  Saint-Maixent 
(Deux-Sèvres),  le  H  avril  1823,  est  mort  à  Versailles  le  11  mai.  Ancien  élève 
de  l'École  polytechnique,  colonel  du  génie,  membre  de  l'Assemblée  nationale 
en  1871,  puis  député,  il  doit  sa  renommée  à  la  défense  de  Belfurt  pendant 
la  gueiTe.  C'est  sous  son  contrôle  que  l'histoire  en  a  été  écrite  en  1871,  par 
MM.  Ed.Thiers  et  S.  de  La  Laurentie  :  Histoire  de  la  défense  de  Bel  fort,  écrite- 
sous  Iccontrôle  du  colonel  D  en  fer  l- Rocher  eau,  avec  cartes  et  plans  (1871,  in-8. 
Le  Chevaliei^).  11  a  publié,  dans  la  Revue  d'architecture,  un  Mémoire  sur  les 
voiites  en  berceaux  (!8o9).  Il  a  donné  à  la  Revue  politique  ci  littéraire  :  Droits 
politiques  des  militaires  (13  déc.  1873);  — La  Liberté  d'écrire  dans  l'armée 
(2  mai  1874). 

—  M.  Jacques  Maisstat,  né  à  Nantua  le  23  mars  1805,  est  mort  dans  sa 
ville  natale,  au  mois  de  mars.  Il  était  conservateur  des  collections  de  la 
faculté  de  médecine  de  Paris,  et  avait  représenté  le  département  de  l'Ain 
à  la  Constituante  et  à  la  Législative.  Élève  du  collège  de  Nantua  et  des 
écoles  de  Lyon. Montpellier  et  Paris,  il  fut  reçu  docteur  en  médecine  en  1838, 
et  fut  appelé  à  la  faculté  de  médecine  de  Paris  parOrfila,  en  1847,  comme 
conservateur  adjoint  des  cabinets  de  la  faculté  :  il  obtint, en  18o2,le  titre  de 
conservateur  en  chef.  On  a  de  lui  :  Eludes  de  physique  animale,  (1843);  — 
Lois  générales  de  V optique  ({'è'i^);  —  Notions  statistiques  sur  la  Bresse  et 
la  Dombe  (ISol);  —  Recherches  historiques  sur  les  guerres  des  Gaulois  contre 
les  Romiains  :  tome  I"  Annibal  en  Gaule;  t.  II  et  suivant,  Jules-César  en 
Gaule  (1866-1878,  4  volumes  in-8). 

—  Lord  John  Rdssel,  célèbre  homme  d'État  anglais,  est  mort  à  Londres 
le  28  mai.  Il  était  né  le  18  avril  1792,  et  était  le  troisième  fils  du  duc 
de  Bedford.  11  fit  ses  études  au  collège  de  Sunbury  et  à  l'Université  d'E- 
dimbourg,où  il  eut  pour  maître  Dugaid-Siewart.  Aussitôt  après,  il  voyagea 
sur  le  continent  et  revint  en  Angleterre  à  sa  majorité  pour  siéger  au  par- 
lement en  18)3.  En  1833,  il  eut  un  portefeuille  de  ministre,  et  depuis  il  a 
été  souvent  appelé  à  une  paît  active  dans  la  direction  de  la  politique 
anglaise.  Son  nom  restera  attaché  à  la  réforme  électorale  Reform  bili,  voté  en 
1832  et  au  traité  de  commerce  avec  la  France  en  1860.11  ne  nous  appartient 
pas  ici  d'apprécier  snn  rôle.  Nous  avons  à  signaler  de  lui:  La  Nonne  d' Arronca, 
roman;  —  Don  Carlos,  drame  représenté  en  1822;  — Lofeof  Williams,  lord 
Ritssel  {Vie  de  William  Russcl)  (London,  1813)  ;  —  Shelches,  by  a  gentelman 
{Esquisses);  —  Essay  on  the  brilish  constitution  traduit  en  français  par 
Charles  Bernard-Derosne  (1863,  Denlu,  in-8)  ;  —  Memoirs  on  the  affairs  of 
Europe  from  the  peace  of  Utrech  (1824-1823);  — Establishment  of  the  Turhs  in 


Europe  (1827);  —  The  causes  uf  the  frencli  Revolulion  (1832);  — Sélections  from 
Ihecorrcsponclcnceof  John  Dul<e  of  Dcdford  (1843-1846);  — Memorials  and  cor- 
respondence  of  Charles  Fox  (18i)o)  ;  —  The  lifc  and  Urnes  of  Charles  James  Fox 
3  vol.  (1859-1866);  —  Mémoires,  journal  and  cor  respondence  of  Ihe  Th.  Moore, 
8  vol.  (18b4).  —  Il  a  écrit  anssi  àes  Esquisses  de  mœurs  ;  LcUrcs  ccriles  jwur 
la  posle  et  non  pour  la  presse,  correspondance  politique  fictive  datée  de  1820. 
Il  a  publié  beaucoup  de  volumes  de  circonstance  dans  les  dernières  années 
de  Si  vie,  et  réuni  en  deux  volumes  uu  choix  de  ses  discours.  Il  a  fait  pa- 
raître, en  1875,  les  Souvenirs  de  1813  à  i873,  dont  la  préface  est  datée  de 
1874  :  Recollcctions  and  suggestions,  traduites  en  français,  en  1876,  par 
M.  Bernard-Derosne  (in-8.  Dentu). 

—  Le  comte  Julien-Xavier  Struty.xski,  mort  à  Saint-Pétersbourg,  le23  avril, 
a  eu  une  existence  agitée,  comme  beaucoup  de  Polonais  de  sa  génération. 
Appartenant  par  sa  naissance  aux  premières  familles  du  jrays  (sa  mère  était 
née  princesse  Lubomirska),  ses  parents  le  destinaient  à  une  carrière  diplo- 
matique, mais  par  goût  il  embrassa  de  bonne  heure  l'état  militaire,  et  fit 
la  guerre  au  (Caucase  comme  aide-de-camp  du  général  Naihaidt.  Après  des 
années,  il  se  trouva  attaché  comme  aide-de-camp  au  gouverneur  général 
de  Ivieff,  le  comte  Bibikov.  C'est  alors  qu'il  publia  un  volume  de  poésies, 
intitulé  :  les  Nuages  de  Vavenir  (Vilna,  1838)  et  quelcjues  essais  en  français, 
comme  :  Lydin,  les  Destins  et  les  inspirations  spirilualistes,  etc.  Vinrent  en- 
suite :  Winltopellc,  prince  de  Pomcranie,  roman  (Pétersbourg,  1840),  et 
Études  historiques  et  géologiques  sur  le  Caucase  (Berlin,  18571.  Les  événe- 
ments de  1863  le  forcèrent  d'émigrer,  ses  biens  furent  confisqués,  il  se 
réfugia  en  Galicie,  et  finit  par  se  fixer  à  Cracovie.  — ■  C'est  là  qu'il  se  fit 
connaître,  sous  le  nom  de  Berlioz  Sas,  comme  écrivain  de  beaucoup  de 
verve  et  de  talent  oiiginal.  Il  appartient  à  I  école  du  comte  Henri  Rzewnski, 
dont  les  écrits,  très-populaires  en  Pologne,  tiennent,  pour  ainsi  dire,|le 
milieu  entre  le  roman  historique  et  le  mémoire.  Ses  principaux  ouvrages 
sont  :  La  Castillane  de  Froki,  Moscou,  Causeries,  Les  deux  grand'mamans, 
le  Caucase,  la  Volhynie,  V Ukraine  et  la  Podolie;  Scènes  de  la  vie  d'un  chasseur, 
le  Caléidoscope,  Une  page  de  souvenirs,  Deux  évécpues,  Messire  Jéremie  (manus- 
crit), etc.,  etc.  Ayant  obtenu  la  permission  de  se  rendre  en  Russie,  pour  y 
revendiquer  une  succession,  il  succomba  à  un  mal  de  cœur  c|ui  le  rongeait 
depuis  longtemps.  Il  était  âgé  de  soixante-huit  ans.  La  dernière  pièce  de 
poésie  cjuil  envoya  à  ses  amis  contenait  cette  pensée  que,  chez  lui,  l'ànie  a 
brisé  le  corps,  la  lame  a  usé  le  fourreau. 

—  i(I.  le  pasteur  Napoléon  Roussel,  qui  joua  un  rôle  dans  l'histoire  des 
récentes  variations  des  Églises  pi'otestantes  françaises,  il  y  a  cjiielques 
années,  vient  de  mourir  à  Genève.  11  était  né  à  Sauve  (Gard\  en  1805, 
et  fut  successivement  pasteur  à  l'église  calviniste  de  Saint-Etienne,  à 
.Marseille,  en  Algérie,  à  Lyon,  et  antérieurement  à  cette  résidence,  à  Paris, 
où  il  rédigea  pendant  deux  ans  le  journal  VEspcrance.  Controversiste 
fécond  et  de  tempérament  ardent,  il  avait  parcouru  et  «  apostolisé  »  le 
Limousin,  et  fondé,  dans  la  Haute-Vienne,  douze  églises  protestantes  et 
autant  d'écoles  qui  lui  ont  d'ailleurs  survécu.  11  est  rentré  dans  la  vie 
privée  en  1868,  après  avoir  exercé  alternativement  sa  prédication  à  Cannes 
et  de  nouveau  à  Paris.  —  Nous  citerons,  de  la  très-longue  liste  de  ses  publi- 
cations, les  ouvrages  suivants  :  Prédications  chrétiennes  (1835,  in-8);  — 
Scènes  évangeliques  (.1840,  in-8);  —  Mémoires  d'un  écolier  (1841,  in- 18,  avec 
vi,c;n.);  —  A  mes  enfants  (l&4l'-1844,  3  vol.  in-16);  —  Le  Culte  domestique 
(1843,  o  vol.  in-lti);  —  Mon  (oui-  du  lac  Léman  (1843,  iu-12);   —   Élans  de 


—  78  — 

l'âme  vers  Dieu  (1852,  gr.  in-8);  —  Trois  mois  en  Irlande  (1853,  iû-18)-,  — 
Les  Nations  catholiques  et  les  nations  protestantes  comparées  sous  le  triple 
rapport  du  bien-être,  des  lumières  et  de  la  moralité  (185t,  2  vol.  in-8);  — 
Notes  explicatives  et  pratiques  sur  les  Évangiles  (i82o,  2  vol.  in-8);  —  Le 
Culte  du  dimanche  (18oo,  2  vol.  gr.  in-8);  —  Les  Animaux  (18G2,  in-8):  — 
L'Arc  en  ciel,  récils  et  gravures  de  toutes  les  couleurs  (lxG2,  in-8,  avec  5  pi.); 

—  Plus  de  surnaturel,  donc  plus  de  Dieu  (1864,  iQ-32);  —  A  l'école  des  fourmis 
(1864,  in  12);  —  Les  deux  Jésus,  celui  de  M.  Renan  et  celui  de  l'Évangile  (186i, 
ia-32);  —  Aux  libres  penseurs  (1865,  in-32);  —  Vautre  monde  (1866,  in-32i; 

—  Dieu  dans  l'univers.  Les  Abeilles  {\Sf)l,  iri-l2);  —  A  mes  grands-enfants. 
A  mes  petits-enfants  (1869,  2  vol.  ia-12);  —  Mémoires  intimes  d'une  jeune 
fille  (1869,  in- 18);  —  Petit  théâtre  de  V enfance  ou  leçons  de  morale  en 
action  (1869,  3  vol.  in-18);  —  Dieu,  Conscience,  Avenir  (1872,  in-i8). 

—  Le  poète  américain  William-CuHen  Bryant  vient  de  mourir  à  l'âge  de 
quaire-vingt-quatre  ans,  à  Rosljn,  près  de  New  Yoik,  où  il  demeurait.  Bryant 
était  né  dans  lu  Massachusetts,  en  1794,  et  sa  précocité  poétique  fut  telle  qu'à 
moins  de  quatorze  ans,  en  1808,  il  avait  fait  imprimer  L'Em  Targo,  et  la  Révo- 
lution espagnole,  deux  poëmes,  dont,  le  premier,  une  satire,  eut  une  deuxième 
édition  11  étudia  le  droit,  en  sortant  du  collège,  et.  vers  1813,  il  se  fit  inscrire 
an  barreau;  pendant  dix  an«,  il  plaida,  à  Plainfield  et  à  Great  Barrington.  Il 
n'en  donnait  pas  moins,  en  1816,  dans  la  «  North  American  Review,  »  un 
poème  tn  vers  blancs,  dont  on  a  loué  l'élégance  et  l'haroionie,  Thanatopsis, 
suivi,  en  1821,  de  celui  de  Phi,  Bêla,  Kappa,  et  d'une  allégorie  des  Siècles, 
célébrant  l'alliance  de  la  liberté  et  de  la  civilisation.  —  Le  poêle  était  allé 
s'f  tabUr,  en  1823,  à  New  York,  et  y  fonder  un  Magazine,  réuni  presque 
aussitôt,  au  bout  d'une  année,  à  VUnited  States  Review  and  lilterary 
Gazette;  là  parurent  ses  meilleures  pièces  :  la  Mort  des  fleurs,  le  Guerrier 
déterré,  etc.  11  fut  depuis  successivement  rédacteur  de  la  Monthhj  Review, 
et  du  journal  quotidien  VEvening  Post,  qu'il  dirigea  seul  de  1836  à  1830, 
et  à  laquelle  il  n'avait  pas  cessé  de  collaborer,  en  même  temps  qu'à  d'autres 
recueils  périodiques;  trois  années  durant,  il  avait  publié,  en  outre,  un 
annuaire  littéraire,  le  Talisman,  avec  Sands  (1827-1829,  3  vol.).  —  Ses 
poésies  ont  été  recueillies  en  volumes  en  une  première  fois  en  1829;  en  un 
deuxième  volume  en  1832;  un  troisième  parut  en  18i3;  enfin  une  édition 
complète  de  ses  travaux  poétiques  en  18o8,  New  York,  in-8.  Plus  récemment, 
Bryant  traduisait  V Iliade.  —  Bryant  avait  visité  l'Angleterre  (1834;,  la 
France,  l'Italie,  l'Allemagne,  l'Espagne,  la  Terre-Sainte  '1833);  il  avait 
conservé  et  fait  paraître  les  notes  de  ses  excursions  sous  le  titre  de  :  Lettres 
d'un  voyageur  en  Europe  et  en  Amérique. 

—  On  annonce  encore  la  mort,  à  Constantinople,  du  célèbre  voyageur  M.\c 
Gahan,  l'émule  de  Stanley,  comme  lui  longtemps  corresnondant  du  New 
York  Herald,  qui  fit  toute  la  campagne  russo-turque  comme  correspondant 
du  Daily-News  ;  —  de  M.  Eugène  RoLLAi\n,  rédacteur  en  chef  du  Messa- 
ger de  Paris,  mort  le  13  juin;  —  de  M.  de  Moxforaxd,  rédacteur  en  chef  dé 
L'Appel  au  peuple,  ^onmal  du  Gers;  —  de  M"«  Fanny  Thibault  de  la  Guichar- 
DlÈRE,  auteur  des  Essais  d'une  lyre  bretonne  et  de  Fleurs  d' Ar modique,  à 
Dinan,  à  l'âge  de  quatre-vingt-huit  ans,  dans  le  mois  de  juin;  —  de  M.  le 
général  Charetox,  ancien  député  de  la  Drôme  à  l'Assemblée  nationale,  séna- 
teur inamovible  et  président  du  comité  des  fortifie  lions,  né  à  Moniélimar, 
le  8  juillet  en  1813,  moit  à  Paris  le  13  juin,  auteur  d'un  Projet  motivé  de 
réorganisation  de  Vétat  militaire  de  la  France  (1871,  in-12,  l'lon\  écrit  pen- 
dant Sun  internement  à  Wiesbaden;  —  de  M.  Paul  Buculle,  avocat,  rédac- 


•  —  79  — 

teu^  de  \a. Démocratie  francomtoise,  mort  à  Besançon;  —  de  M.  Paul  Duplan, 
ancien  représentant  du  peufile,  né  à  Bourges  en  1807,  qui  avait  publié,  en 
IS(J2.  Défense  générale  de  la  France,  Établi ssemenls  mililaires  à  Bourges  ;  — 
de  M.  le  bjron  Malouet,  conseiller  à  la  Cour  des  com[)tt>s,  mort  à  Paris 
au  mo  s  de  mai,  qui  a  publié  les  mémoires  de  son  grand-|ière  :  Mémoires  de 
Malouet  publiés  par  son  petit-fils  le  baron  Malouet  (1868,  2  vol.  in-8). 

Institut.  —  Académie  française.  —  Dans  sa  séance  du  13  juin,  l'Académie 
française  a  procédé  à  l'élection  de  deux  membres  en  remplacement  de 
M.  Thiers  et  de  M.  Claude  Bernard,  décédés.  M.  Henri  Martin  a  été  élu  par 
18  voix,  contre  15  accordées  à  M.  Taine  et  1  à  M.  Wallon,  pour  le  fauteuil  de 
5f.  Thiers.  M.  Ernest  Renan  a  été  élu  par  19  voix,  contre  15  accordées  à 
M.  Wallon,  pour  le  fauteuil  de  M.  Claule  Bernard. 

—  Dans  sa  séance  du  27  juin,  l'Acidémie  a  renouvnlé  son  bureau,  qui  se 
trouve  ainsi  composé  pour  le  troisième  ttimestre:  M.  Victor  Hugo,  directeur; 
M.  Victorien  Sardou,  chancelier. 

Académie  des  sciences.  —  Dans  sa  séance  du  10  juin,  l'Académie  a  élu  cor- 
respondant dans  la  section  de  chimie,  M.  Lecoq  de  Doisbiudi-an,en  rempla- 
cement de  M.  Malaguti,  décédé. 

Dans  sa  séance  du  3  juin,  l'Académie  a  nommé  membre,  dans  la  section 
de  phy-ique,  en  remplacement  de  M.  Antoine  Becquerel,  décédé,  M.  Cornut, 
professeur  de  physique  à  l'École  polytechnique,  par  37  voix,  contre  11 
données  à  M.  Mascart,  6  à  M.  Leroux  et  2  à  M.  Quet. 

L'Académie  des  sciences,  dans  sa  séance  du  lundi  l^r  juillet,  a  élu 
M.  Friedel,  ingénieur  des  mines,  membre  de  la  section  de  chimie,  à  la  place 
de  M.  Regnault,  décédé.  Au  premier  tour  de  scrutin,  les  suffrages  ont  été 
ainsi  répartis  :  M.  Friedel,  25;  M.  Cloëz,  18;  M.  Troost,  14.  Au  second, 
M.  Fiiedel,30;  M.  Troost,  14;  M.  Cloëz,  13. 

Académie  des  beaux-arts.  —  L'Académie  des  beaux-arts,  dans  sa  séance  du 
27  avril,  a  décerné  le  prix  d'arciiitecture  Duc  à  M.  François  Boitte,  auteur  du 
tombeau  du  général  de  Lamoricière. 

Observatoire  de  Paris.  —  Par  décret  du  27  juin,  M.  le  commandant 
Mouchez,  membre  de  l'Académie  des  sciences  et  du  Bureau  des  longitudes,  a 
été  nommé  pour  cinq  ans  directeur  de  l'Observatoire  en  remplacement  dô 
M.  Le  Verrier,  décédé. 

M.  Lœwy,  me:nbre  de  l'Académie  des  sciences  et  du  Bureau  des  longitudes 
a  été  nommé  sous-directeur. 

Faculté  des  lettres.  —  .M.  Ernest  Denis,  ancien  é!ève  de  l'École  normale 
supérieure,  agrégé  d  hi-toire,  a  soutenu,  le7juin,  devant  la  facullé  drs  lettres 
de  Paris,  ses  deux  thèses  pour  le  doctorat.  Les  sujets  étaient:  Antonio  Marini; 
—  lluss  et  la  guerre  des  Hussiles. 

—  M.  Raymond  Dumas,  anc  en  élève  de  l'École  normale,  a  soutenu  à  Paris  le 
22  juin,  sts  thèses  pour  le  doctorat  es  lettres.  Les  sujets  étaient  :  Scipio  Mof- 
feius;  —  Marini,  sa  vie,  son  temps. 

—M.  l'abbé  Montant,  ancien  élève  de  l'École  des  Carmes,  professeur  au  petit 
séminaire  de  Paris,  a  soutenu, le  3  juillet,  à  Paris,  ses  thèses  pour  le  doctorat 
es  lettres.  Les  sujets  étaient  ;  i)e  ratione  qua  chrisliani  theologi  linguani 
grsecjrum  philosopkorum  susb  philosophiée  accommodarinl;  —  Revue  critique  de 
quelques  questions  historiques  se  rapportant  à  saint  Grégoire  de  Nazianze  et  à 
son  siècle. 

Congrès.  —  L'Asspmblée  générale  de  l'œuvre  des  Cercles  catholiques  d'ou- 
vriers s'est  tenue  à  Paris,  les  o-9  juin.  De  nombreux  membies  de  l'œure 
étaient  venus  de  tous  les  i>oints  de  la  France  apporter  leur  part  de  rensei- 


—   8U  — 

gnements, demander  des  avis,  exposer  ce  qu'ils  ont  fait.et  ranimer  leur  zèle  au 
contact  de  celui  de  leurs  confrères.  Lesquestions  qui  ont  le  plus  occupé  l'assem- 
blée sont  celles  qui  touchent  directement  aux  cercles, leur  création,  leur  exten- 
sion,aux  commentaires  des  règlements.  D'autres  questions  plus  générales  ont 
été  l'objet  de  discussions  intéressantes, notamment  celle  des  associations  profes- 
sionnelles devant  tenir  dans  notre  société  moderne  la  place  de  l'aucienne  cor- 
poration..\ous  pouvons  ajouter  qu'une  part  a  été  donnée  à  la  Société  Biblio  ■ 
graphique  et  à  ses  publications.  Un  admirable  discours  de  M.  le  comte  Albert 
de  Mun,  très-net  et  très-ferme  dans  ses  déclarations,    a  terminé  la  réunion. 

—  L'Assemblée  des  catholiques  s'est  tenue  la  semaine  suivante  1! -la  juin, 
sous  la  présidence  de  M.  Chesnelong.  Ses  travaux  ont  été  répartis  comme  de 
coutume  entre  un  certain  nombre  de  commissions  :  Œuvres  de  prières,  Œu- 
vres pontificales,  Enseignement,  Œuvres  en  général.  Économie  sociale,  Presse, 
Art  chrétien,  etc.  Le  compte  rendu  devant  être  publié,  nous  n'anal3'serons 
pas  ses  travaux.  Nousciteronsseulementquelques-unsdesrapportsquiont  été 
produilseu  séance  publique  :  de  M.  Baudon,  sur  les  universités  catholiques;  de 
M.Maurice  Aubry.  sur  les  écoles  professionnelles;  de  M.  de  Ribbe,  sur  les 
livres  de  raison  ;  de  M.  Carron,  sur  l'aumônerie  militaire  ;  de  M.  le  comte 
Yvert,  sur  le  denier  de  saint  Pierre  ;  de  M.  L.  Gossin,  sur  l'enseignement 
agricole.  La  Commission  de  la  presse,  présidée  par  M.  de  Beaucourt, 
a  appelé  l'attention  des  catholiques  sur  des  ouvrages  importants  par  leur 
intluence;  M.  l'abbé  Duchesne  a  fait  un  rapport  sur  le  troisième  volume  de 
la  Roma  sotleranca  cristiana  de  M.  de  Rossi;  M.  l'abbé  Variot,  sur  la  Bible  et 
les  découvertes  modernes  en  Égyple  et  en  Assyrie,  par  M.  l'abbé  Vigourou  ; 
M.  Max.  de  la  Rocheterie,  sur  le  deuxième  volume  de  M.  Taine,  des  Origines 
de  la  France  moderne  ;  M.  le  baron  de  Chamborant  sur  les  Convulsions 
de  Paris,  de  M.  Maxime  Du  Camp.  Signalons  aussi  des  discussions  sur  les 
questions  suivantes  :  des  journaux,  des  almanachs,  d'une  agence  télégraphique 
catholique;  des  rapports  sur  la  nécessité  de  s'inspirer  des  enseignements 
pontificaux  tant  dans  la  vie  sociale,  que  dans  les  écrits  que  l'on  publie,  sur 
l'importance  pour  les  catholiques  de  posséder  soit  pour  eux,  soitpour  répandre 
et  faire  connaître  autour  d'eux,  les  ouvrages  doctrinaux  émanant  tant  du 
Saint-Siège  que  de  nos  seigneurs  les  évêques,  documents  que  l'on  parcourt 
dans  les  journaux,  mais  qu'on  lit  peu  et  qu'im  ne  retrouve  pas  quand  on  en 
a  besoin. 

—  Le  Congrès  Bibliographique  international,  organisé  sons  les  auspices  de 
la  Société  Bibliographique,  a  tenu  ses  séances  du  1^''  au  4  juillet. Ouvert  par 
son  président,  M.  le  comte  de  Champagny,  le  lundi  matin  i",  il  a  terminé 
ses  travaux  le  jeudi  4  au  soir,  par  une  séance  solennelle  où.  après  une  allo- 
cution de  réminent  académicien,  d'éloquents  discours  ont  été  prononcés  par 
MM.  de  Lapparent,  professeur  à  l'Université  catholique,  et  Léon  Gautier. 
Dans  l'impossibilité  où  nous  sommes  de  passer  en  revue  tous  les  travaux  du 
Congrès,  lesquels  seront  réunis  en  un  volume,  nous  donnons  ici  l'indication 
des  travaux  communiqués  aux  première  et  troisième  sections. 

Première  section,  —  Mouvement  scientifique  et  littéraire.  —  Droit  :  M.  B. 
Terrât,  professeur  à  l'Université  catholique  de  Paris.  —  Philosophie  et 
morale  :  le  R.  P.  Tondini.  barnabite,  et  M.  Antonin  Rondelet,  prolesseur  à 
l'Université  catholique  de  Paris.  —  Science  sociale  :  M.  Claudio  Jannet,  pro- 
fesseur à  l'Université  catholique  de  Paris. —  Géologie  :  M.  de  Lapparent, 
professpur  à  1  Université  catholique  de  Paris.  —  Anihropologie  et  études 
préhistoriques  :  M.Adrien  Arcelin,  archiviste-paléographe.  —  Linguistique 
et  philologie  :  M.  d'Arbois   de  Jubainville,  correspondant  de  l'Institut.  — 


—  81   — 

Liltéralure  ancienno  :  M.  Charles  Huit,  professeur  à  l'Université  catholique 
de  Paris.  —  Littérature  française  du  moyen  âge  en  général  :  M.  Marius 
Sepet.  —  Littérature  épique  du  moyen  âge  :  SI.  Léon  (iautier. —  Littératures 
du  Midi  :  M.  le  comte  de  Puymaigre.  —  Littératures  Scandinaves  :  M.  Beau- 
vois.  —  Littératures  slaves  :  le  Pi.  P.  Martinov,  de  la  Compagnie  de  Jésus. — 
Littérature  franco-canadienne  :  M.  Hameau.  —  Géographie  et  voyages  : 
M.  Alexis  Delaire,  ancien  élève  de  l'École  polytechnique.  —  Antiquités 
chrétiennes  des  premiers  siècles:  M.  l'abbé  Duchesne,  professeur  à  l'Uni- 
versité catholique  de  Paris. —  Sources  de  l'Histoire  de  France  :  M.  J.  Yaescn, 
archiviste-paléographe.  —  Histoire  de  la  Révolution  française  :  M.  Maxime 
de  la  Rocheterie.  —  Histoire  de  l'instruction  primaire  en  France  :  M.  l'abbé 
Allain.  —  Épigraphie  :  le  R.  P.  Thevenat,  de  l'Oratoire. —  Hittoirc  des  con- 
grès :  M.  le  comte  de  Marsy. 

Périodiques  français  et  des  pays  de  langue  française  :  M.  J.  de  Bcrnon.  — ■ 
Périodiques  anglais  :  M.  Gnst;jve  Masson.  —  Périodiques  italiens  et  espa- 
gnols :  M.  le  comte  de  Puymaigre.  —  Périodiques  russes  :  le  |{.  P. Martinov, 
—  Périodiques  polonais  :  M.  Bronislas  Zaleski.  —  La  Presse  en  Angleterre  : 
M.  de  Bcrnhardt.  —  La  Presse  en  Allemagne  :  M.  Reichembach. 

Troisième  section.  —  Bibliographie  proprement  dite.  —  Bibliologie,  Sys- 
tèmes de  classement,  Bibliographies  générales  collectives  :  M.  F.  Escard.  — 
Bibliographies  périodiques  nationales  contemporaines  :  M.  (1.  Pawlo^vski. — 
Bibliographies  nationales  collectives  :  M.  l'abbé  U.  Chevalier.  —  J5ibliogra- 
phies  générales  ou  nationales  par  spécialités.  (Bibliographie  des  Beaux-Arts, 
Bibliographie  de  la  Gaule,  Répertoire  de  l'abbé  Chevalier,  etc.)  :  M.  G. 
PawJowski.  —  Revues  critiques  de  bibliographie  :  M.  Ch.  Dejace.  —  L'Indi- 
cateur de  la  Presse  en  Russie  :  M.  Léouzon  le  Duc.  —  Monographies  biblio- 
graphiques individuelles,  (Bibl.  moliéresque,  cornélienne,  dantesque,  etc.): 
M.G.Pawlowski.  —  Mouvement  de  la  production  depuis  dix  ans  dans  les  dif- 
férents pays  :  M.  E.  Babelon. —  La  conférence  des  bibliothécaires  de  Londres, 
en  H77  :  M.  le  comte  de  Marsy. 

Concours.  —  L'Académie  do  législation  de  Toulouse,  dans  ?a  séance  du 
"26  mai,  a  décerné  à  M.  Antony  Roulliet,  avocat,  a  Paris,  lauréat  de  l'Institut, 
ancien  conseiller  de  préfecture,  une  médaille  de  100  francs,  prise  sur  le  prix 
de  oOO  francs  donné  par  la  ville;  le  sujet,  mis  au  concours  était  :  Étude  sur 
la  vie  et  les  travaux  de  M.  Ortolan,  criminaliste  fiançais;  —  Elle  a  pnrtagé 
le  prix  du  conseil  général  entre  MM.  Pérouze,  avocat,  à  Lyon  tt  Léon  Smith, 
de  Paris.  Le  sujet  était  :  une  étude  théorique  et  pratique  sur  le  principe  et  le 
fonctionnement  des  juridictions  administratives.  —  Le  yirix  de  l'Académie 
pour  le  concours  spécial  des  lauréats  universitaires  a  été  décerné  à  M.  Darbon, 
docteur  en  droit,  av^  cat  du  barreau  de  Toulouse,  récemment  décédé,  pour 
Fon  mémoire  sur  les  dernières  années  du  Parlement  de  T.)ulouse.  —  Le  prix 
fondé  par  le  ministre  de  l'Iastruction  publique  (300  fr.)  a  été  décerné  à 
M.  Fournier,  lauréatde  la  faculté  d(!  droit  de  Paris,  pour  l'année  1876,  pour  son 
mémoire  sur  les  droit  des  auteurs,  de  leur:;  héritiers  ou  ayanls-causc. 

—  La  Société  Bibliograghique,  dan-;  son  assemblée  générale  du  27  mai,  a 
décerné  à  M.  Hippolytc  Blanc  le  prix  de  1,500  francs  pour  le  concours  qu'elle 
avait  ouvert  en  1876  sur  cettequestion:  «  Établir  la  bibliographie  complète,  le 
catalogue  raisonné  de  tous  les  documents,  livres  ou  pièces  d'archives,  relatifs 
à  l'histoire  des  corporations  ou  confréries  ouvrières  (lepuis  leur  origine  jus- 
qu'à 1789.  » 

—  La  Socicta  Realc  di  Napoli  (Académie  des  sciences  morales  et  poliliques) 
a  mis  au  concours  un  prix  de  700  franc,  qui  sera  décerné  à  l'auteur  du 

Juillet  1878.  T.  XXIIL  G. 


—  82 

meilleur  mémoire  sur  le  sujet  s-ivant  :  <'  Le  mouvement  de  l'esprit  philoso 
phique  najolilain  dans  ses  principes  et  ses  application',  du  seizième  au  dix- 
neuvième  siècle,  depuis  Tolesio,  Bruno  et  Campanella,  jusqu'à  la  publication 
de  la  Scienza  nuova.  »  Le  concours  est  ouvert  aux  écrivains  de  toutes  nations; 
les  mémoires  devront  être  rédigés  en  italien,  en  latin  ou  en  français. 

Société  Bibliographique.  —  La  Société  Bibliographique  a  tenu  son  assem- 
blée générale  annuelle,  le  27  mai,  sous  la  présidence  de  M?''  Isoard,  auditeur 
de  Rote,  membre  de  la  Société.  La  sénnc;  a  été  occupée  par  un  rapport  de 
M.  de  Beaiicourt  sur  les  travaux  de  la  Société  et  ses  développements,  par 
un  rapport  fiiiancier  de  M.  Nœtinger,  par  un  rapport  de  M.  Léon  Gautier  sur 
le  concours  ouvert  en  1876,  et  par  une  allocution  du  président.  M.  de  Beau- 
court  a  constaté  que  la  Société,  commencée  avec  27  membres  titulaires  et 
53  associés-correspondanis,  compte  aujourd'hui  trois  mille  deux  cents  socié- 
taires. Il  a  fait  connaître  les  différentes  publications  qui  sont  venues  augmen- 
ter ses  collections  et  surtout  le  développement  pris  par  les  tracts  à  l'occasion 
du  centenaire  de  Voltaire.  Dans  fon  allocution,  i'sr  Isoard  a  fait  ressortir 
l'importance  de  la  presse  à  notre  époque  et  les  services  qu'elle  peut  rendre 
à  la  cause  de  la  vérité  et  de  la  religion. 

Société  de  l'Orient  latin.  —  La  Société  de  l'Orient  latin  a  tenu,  le  22  mai, 
sa  quatrième  séance  générale,  sous  la  présidence  de  M.  Eugène  de  Rozière. 
Après  avoir  entendu  le  rapport  annuel  de  M.  le  comte  Riant,  elle  a  décidé 
que,  celte  année,  seraient  distribués  les  volumes  suivants  :  Binera  latina  I. 
ILVBelli  sacri  scrii)tores  minores  I,  et  que  quatre  nouveaux  volumes  seraient 
mis  sous  presse  dans  le  courant  de  l'année  :  Itinera  latina  III,  éd.  M.  le  D' 
Thomas-,  Itinéraires  français  I sacri  scriptores,  1187-1291,  éd.  M.  Miciielant; 
V  Belli  sacri  scriptores  minores  II,  éd.  le  D'  R.  Rohricht;  Récit  vei^sifié  de  la 
i''  croisade  d'après  Baudry  de  Dsl. ,  éd.  M.  Paul  Meyer. —  Elle  a  procédé  ensuite 
au  renouvellement  de  son  Comité  de  direction  et  réélu  M.  le  marquis  de 
Vogiié,  président;  M.  Ch.  Schefer,  vice-présideui;  M.  le  comte  Riant,  secré- 
taire; M.  le  comte  de  Marsy,  secrétaire  adjoint;  MM.  de  Barthélémy,  Egger, 
comte  de  Mas  Latrie  et  Eugène  de  Rozière,  commissaires. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Dans  la 
séance  du  7  juin,  M.  E.  Renan  a  f^it  une  communication  sur  les  papyrus 
araméens  provenant  d'Egypte,  que  posi^èJe  la  Bibliothèque  nationale. 
M.  Léopold  Delisle  a  communiqué  une  note  sur  les  monuments  wisigothiques 
de  la  Bibliothèque  nationale.  —  Dans  la  séance  du  14,  M.  de  Wailly  a  lu  une 
note  à  l'occasion  de  l.i  découverte  par  M.  Miller  d'un  texte  du  treizième  siècle 
relatif  à  diverses  susceptions  des  reliques  de  la  Passion.  M.  Wallon  a  donné 
lectuie  d'un  mémoire  de  M.  Th. -H.  Marlia  sur  le  système  astronomique  de  Pto- 
lemée.  M.  François  Lenormant  a  continué  la  lecture  de  sonmémoiremr  les  ma- 
gistrats monétaires  chez  les  Grecs. —  Dans  la  séance  du  21,  M.  Léon  Renier  a  fait 
une  communication  au  sujet  d'une  inscription  trouvée  à  Philippeville  et  dont 
M.  Cherbonneau  avait  envoyé  l'estampage.  M.  Renan  a  présenté  une  note  de 
M.  Clermont-Ganneau  sur  une  insciiplion  de  Bosra.  M.  de  Rozière  a  lu  un 
nouveau  mémoire  de  M.  Finot  sur  la  Bourgogne  cis-juranne.  —  Dans  la 
séance  du  28,  M.  Edmond  Le  Blant  a  fait  une  communication  sur  une  coupe 
en  bronze  étamô  encore  inédite.  M.  Léopold  Delisle  a  fait  connaître  que  la 
Bibliothèque  nationale  venait  de  s'enrichir  d'un  exemplaire  complet  de  la 
collée  ion  chinoise  den  livr^  s  canoniques  boudhiques  composée  de  1,612  vo- 
lumes et  de  plusieurs  acquisitions  faites  à  la  vente  Firmin-Dilot.  M.  Erne-t 
Desjardii  salu,  au  nom  de  M.  Tissot,  ministre  de  Fiance  à  Athènes,  un  mémoire 


—  83  — 

relatif  à  une  inscription  militaire,  découverte  en  Tunisie  par  M.  Duveyrier  en 
1860. 

Lectures  faites  a  l' Académie  des  sciences  morales  et  politiques. —  Dans  la 
séance  1'=''  juin,  M.  Levasseur  a  présenté  des  observations  sur  le  rétablissement 
des  tours.  —  M.  Hippolyte  Passy  a  lu,  dans  les  séances  des  l^^^  22  et  29,  un 
mémoire  sur  l'histoire  dans  ses  rapports  avec  les  sciences  sociales  et  poli- 
tiques. —  Dans  la  séance  du  8,  M.  Henri  Martin,  M.  Nourisson  et  M.  Levasseur 
ont  présenté  des  observations  au  sujet  du  rétablissement  des  tours. —  Dans  la 
séance  du  lèJ,  M.  Victor  Bonnet  a  lu  un  travail  sur  les  imiiôts  sur  les  actes, 

—  Dans  la  séance  du  20,  M.  Drouyn  de  Lhuis  a  communiqué  une  note  com- 
plémentaire à  celle  qu'il  avait  donnée  sur  la  Maison  de  refuge  et  la  Société 
des  prisons  de  Philadelphie. 

Le  Musée  des  archives  départemeistales.  —  Le  Ministère  de  l'Intérieur  va 
publier,  chez  Alphonse  Picard,  rue  Bonaparte,  82,  en  vue  de  l'Exposition  uni- 
verselle, sous  le  titre  de  Musée  des  Archives  départementales,  un  recueil  de  fac 
simile  des  documents  les  plus  intéressants  antérieurs  à  1790,  choisis  dans 
les  dépôts  des  préfectures,  des  mairies  et  des  hospices.  Cet  ouvrage,  destiné 
à  donner  une  idée  des  richesses  historiques  Je  la  France  provinciale,  c  >m- 
prendra  un  album  in-folio  d'environ  cinquante  planches,  de  format  grand 
soleil,  exécutées  d'après  les  procédés  de  l'héliogravure,  et  un  volume  petit 
in-folio  de  texte  imprimé  sur  papier  vergé  à  l'imprimerie  nationale,  con- 
tenant un  rapport  au  Ministre  sur  l'ensemble  du  service  des  archives  et  la 
transcription  des  spécimens  reproduits. 

On  trouvera  dans  ce  recueil  des  titres  de  tous  les  genres  et  de  toutes  les 
époques,  du  vu'  au  xviu^  siècle  :  bulles  de  papes,  diplômes  de  souverains, 
chartes  d"évêques,  d'abbés,  de  seigneurs;  —  traités  de  paix,  d'alliance  et  de 
commerce;  —  procès-verbaux  de  délibérations  municipales,  minutes  de  no- 
taires, comptes,  contrats  de  nolisation,  actes  de  l'état  civil  les  plus  anciens; 

—  premiers  titres  en  langue  vulguaire,  connus  dans  chaque  province;  — 
curieux  documents  relatifs  aux  universités  et  à  l'instruction  primaire  ;  — 
inventaires  de  trésors  de  cathédrale  et  d'abbayes;  —  marchés  passés  avec  des 
architectrs  etJes  orfèvres,  plans  àl'appui; — rouleaux  de  morts; —  cartulaires; 

—  tablettes  de  cire;  —  autographes  de  personnages  célèbres,  etc.  Les  tex'es^ 
seront  publiés  de  manière  à  servir  de  modèles  pour  l'étude  de  la  paléographie 
Le  choix  des  pièces  a  été  fait  par  l'adoninistratiori,  sur  l'avis  de  la  commis- 
sion des  archives  départementales,  communales  et  hospitalières,  qui  a  dé- 
légué, pour  concourir  à  ce  travail,  une  sous-commission,  composée  de 
MM.  Ndtalis  de  Wailly,  Lér-pold  Delisle  et  Jules  Quicherat. 

Bibliothèques,  musées,  etc.,  en  Grèce.  — La  Bibliothèque  nationale,  réunie 
avec  celle  de  l'Université,  comprend  environ  120,000  volumes,  correspondant 
à  47,000  ouvrages.  Son  budget  annuel  est  d'environ  34,000  drachmes  (près  de 
34,000  francs). La  Bibliothèque  de  l'Asseniblée  nationale  comprend  de  23,000 
à  24,000  volumes.  On  y  conserve  les  archives  de  la  guerre  de  l'indépendance. 
La  Bibliothèque  de  l'école  Bizari  possède  4,000  volumes;  celle  de  l'Académie 
de  Corfou,  35,000;  celle  d'Audritzenè,  6,000;  celle  de  Demitzané,  2,500.  Les 
gymnases  ont  aussi  des  bibliothèques;  la  plus  importante,  celle  du  gymnase 
de  Syra,  comprend  5,000  volumes. 

Les  musées  sont  :  le  musée  archéologique,  situé  sur  l'Acropole  ;  celui  du 
lycée  Varvakeion,  appartenant  à  la  Société  archéologique  ;  celui  des  anti- 
quités de  Mycônes,  vt  à  Spata,  au  Polytechneion,  le  musée  piivé  dit  Bernar- 
dakeion,  et  la  section  archéologique  du  ministère  de  l'instruction.  En  pro- 


—  84  — 

vincc,  les  musée  du  Pircc,  de  Tlièhes,  de  Tanagre,  de  Mycon,  de  Sparic  et 
d'Olympie  ;  le  cabinet  des  médailles,  à  la  bibliothèque  nationale,  compre- 
nant aussi  la  collection  appartenant  à  l'Université  et  contenant  les  monnaies 
des  îles  Ioniennes,  ancienne  collection  de  M.  P.  Lambros  ;  le  musée  physio- 
graphique  comprenant  des  collections  paléontologiques,  géologiques  et  zoolo- 
giques. Le  jardin  botanique  renferme  une  collection  très-complète  de  la 
llore  grecque;  on  y  a  fait  entrer  la  très-riche  collection  de  M.  Th.  Orpha- 
nidès,  vendue  par  M.  M.  Rodocanaki,  le  musée  anatomique,  le  musée  pa- 
thologique, le  cabinet  d'histoire  naturelle  et  tous  les  établissements  parfaite- 
ment installés  dans  l'Université  et  dans  ses  annexes. 

On  compte  en  Grèce  d04  imprimeries,  SO  librairies.  Il  a  été  publié,  en  1877, 
57  journaux,  17  recueils  périodiques.  De  1868  à  1872,  on  a  fait  paraître  67o 
ouvrages,  et  de  1873  à  1877,  environ  804.  (Extrait  du  livre  intitulé  :  La 
Grèce  à  V Exposition  universelle  de  1878,  par  M.  A.  Mansolas.) 

La  BiBLioTHÈgUE  de  Voltaire.  —  On  s'est  beaucoup  occupé  de  Voltaire, 
cette  année;  nous  nous  bornerons,  en  ce  moment  à  parler  de  sa  bibliothè- 
que; achetée  en  bloc  par  l'impératrice  Catherine,  elle  est  conservée  au  palais 
de  l'Ermitage  à  Saint-Pétersbourg;  elle  a  été  l'objet  d'une  intéressante  notice 
de  M.  Léouzon  Leduc,  insérée  dans  les  Archives  des  Missions  scientifiques  et 
liltéraires  (  in-8,/mp.  nationale,  1850, 1. 1,  p.  39-o4);  mais  ce  recueil  important 
pour  les  travailleurs,  est  sans  doute  fort  peu  connu  du  gros  du  public;  quel- 
ques détails  auront  ainsi  le  mérite  de  la  nouveauté. 

La  bibliothèque  de  Voltaire  se  compose  d'environ  7,o00  volumes  ;  elle 
n'olfre  par  elle-même  d'autre  intérêt  spécial  que  celui  d'avoir  été  la  propriété 
d'un  homme  célèbre.  Plusieurs  volumes  portent  des  notes  marginales  auto- 
graphes, mais  la  plupart  d'entre  elles  sont  trop  insignifiantes  ou  trop 
indignes  de  leur  autem*  pour  qu'on  les  retire  de  l'oubli.  Les  manuscrits  offrent 
bien  plus  d'intérêt  ;  ils  se  divisent  en  deux  catégories;  la  première,  cinq 
portefeuilles  concernant  l'histoire  de  Russie  sous  Pierre  le  Grand;  la  seconde, 
treize  portefeuilles,  papiers  sur  des  objets  de  tout  genre;  on  y  trouve  de 
nombreux  documents  historiques,  les  premiers  essais,  couverts  de  corrections 
et  de  ratures,  de  diverses  tragédies,  des  lettre?,  une  foule  de  poésies  ;  madri- 
guax,  odes,  épîtres,  chansons  ;  tout  cela  en  grande  partie  inédit. 

Parmi  ces  manuscrits,  il  en  est  un  grand  nombre  «  dont  la  licence  dépasse 
toute  imagination.»  Ainsi  s'exprime  Al.  Léouzon-Leduc,  et  cela  ne  surprendra 
nullement  les  personnes  qui  savent  fort  bien  que,  si  Voltaire,  tout  comme 
Déranger,  a  recueilli  tant  d'hommages,  s'il  conserve  tant  d'admirateurs  fana- 
tiques, c'est  que,  flattant  les  plus  détestables,  les  plus  vils  penchants  de  la  nature 
humaine,  il  a  spéculé  à  outrance  sur  l'impiété  et  sur  l'obscénité.  Du  reste, 
en  vertu  d'un  ordre  suprême,  ces  vers  infâmes,  où  se  révèle  si  bien  la  pensée 
intime  de  leur  auteur,  sont  condamnés  à  ne  jamais  sortir  des  ténèbres  qui 
les  recouvrent. 

Une  ueureuse  trouvaille.  —  Un  de  nos  plus  habiles  chercheurs,  M.  J.  Du- 
kas,  a  rencontré  dernièrement,  dans  un  lot  de  cinq  volumes  qu'il  a  achetés  à 
une  des  ventes  du  soir  de  la  salle  Silvestre,  pour  un  prix  fort  modique,  un 
livre  des  plus  précieux.  C'est  un  recueil  d'opuscules  grecs,  imprimés  chez 
Frédéric  Morel,  en  1583  et  1584,  qui  porte  sur  la  première  page  la  signature 
aCl.  Christiani.  Q.  Sept.  Flor.  f.  »  et  qui,  par  conséquent,  a  appartenu  à 
Claude  Chrestien,fils  du  poète  érudit  bien  connu  dont  Henri  IV  fut  l'élève.  A 
la  fin  du  volume,  Morel  a  réimprimé  une  pièce  d'environ  400  vers  héroïques 
intitulée  :  Pro  felici  inauguratione  Henrici  III  régis  christianiss.  Vota.  Remis 
Idib.  Fcb.  MDLXXIJ  (sic).  Ce  morceau,  sous  un  titre  un  peu  différent,  et 


—  8:;  — 

aussi  avec  une  erreur  dans  la  date,  est  attribué,  par  le  P.  Lelong  (N*  18310) 
à  Jacques  Amyot;  mais  les  biographes  de  cet  illustre  prélat,  et  notamment 
Arth.  de  Blignières,  n'ont  pas  su  qu'elle  existe.  Elle  fissure  cependant  au 
Catalogue  de  lldstoire  de  France  de  la  Bibliothèque  nationale,  sous  la  cote 
Lb^'',  109;  ce  n'est  pas  non  plus  l'édition  originale  de  cette  pièce  rare. 
M,  Dukas  compte  en  donner  prochainement  l'analyse  que  M.  Êgger  vou- 
drait faire  insérer,  à  défaut  du  poëme  entier,  dans l'/l n?umire  de  l'Association 
pour  l'encouragement  des  éludes  grecques  cnFrante.  Mais  le  plus  beau  bijou 
de  récria  est  ailleurs. 

Entre  le  second  opuscule  la  traduction  latine  de  ïurnèbe,  à  la  suite  du 
texte  de  Lapidibus  de  Théophraste)  et  le  dernier  (les  Exhortations  de  l'empe- 
reur Basile  le  Macédonien  à  son  fils  Léon  le  Philosophe,  édition  princeps 
en  grec  et  en  latin),  se  trouvent  quatorze  feuillets  imprimés  à  Venise, 
en  Voii,  chez  Barthélémy  leCalligraphe.  C'est  la  traduction  en  grec  vulgaire 
du  traité  do  Plutarque  sur  l'é  lucation  des  enfants,  par  Nicolas  Sophianos. 

Or,  en  1874,  M.  Emile  Legrand, —  le  même  dont  le  rapportsur  sa  mission 
littéraire  en  Grèce  vient  d'être  publié  —  a  édité  chez  Maisonneuve,  d'après 
unms.  de  la  Nationale,  un  second  tirage  à  100  exemplaires  d'une  grammaire 
romaïque  de  Sophianos,  et  il  y  a  joint  une  réimpression  du  natoaYwy6;.  Cette 
réimpression  a  été  l'objet  de  soins  tout  exceptionnels,  le  prince  Démé- 
trius  Rodocanachis  ayant  envoy-é  à  l'éditeur  des  photographies,  page  pour 
page,  de  l'exemplaire  unique  qui  se  trouve  à  la  bibliothèque  Bodléienne 
d'Oxfor  d . 

Aujourd'hui,  cet  exemplaire  n'est  plus  le  seul  :  il  en  existe  un  second,  et 
c'est  M.  Dukas  qui  en  est  l'heureux  possesseur.  —  T.  de  L. 

Les  Œuvres  poétiques  de  Marie  de  Romieu.  —  M.  Prosper  Blanchemain  vient 
de  publier,  dans  le  Cabinet  du  bibliophile  (Paris,  Jouaust),  \in  délicieux  petit 
volume  (tiré  à  350  exemplaires)  renfermant  les  oîuvres  poétiques  de  Marie  de 
Romieu  avec  une  préface  et  des  notps.  Nous  devons  de  doubles  remercîments 
à  M.  Blanchemain,  d'abord  parce  que  les  œuvres  de  la  sœur  du  poète  Jacques 
de  Romieu  sont  devenues  d'une  excessive  rareté,  ensuite  parce  que  ces  œuvres 
ont  paru  à  un  juge  tel  que  feu  Violiet-le-Duc,  remplies  d'esprit,  de  grâce  et  de 
naturel,  à  un  juge  tel  que  feu  Léoa  Feugère,  remarquables  par  le  mouvement 
et  la  verve.  Tout  le  monde  voudra  se  délecter  à  lire  ce  volume,  auquel  rien  ne 
manque  de  ce  qui,  aux  yeux  des  bibliophiles  les  plus  exigeants,  conslilue, 
selon  le  mot  consacré,  un  véritable  bijou.  —  T.  de  L. 

L'Acte  de  décès  de  La  Graxge-Ciuncel.  —  On  a  réimprimé,  dans  les  Éphé- 
mérides  de  Périgueux  de  mai-juin  1878  (p.  09),  le  document  suivant,  qui  avait 
été  publié  déjà  dans  le  Bulletin  de  la  Semaine,  de  la  même  ville,  le  29  novembi'e 
1863,  mais  qui  ne  parait  pas  avoir  été  remarqué  :  «  Le  29  décembre  1758,  est 
décédé,  au  château  d'Antoniat,  messire  François-Joseph  de  Sansel  (sic),  âgé  de 
87  ans  ou  environ,  et  a  été  inhumé  dans  l'église  de  Razac.  »  Cet  extrait  des 
registres  mortuaires  de  la  paroisse  de  Razac,  déposés  aux  archives  du  greffe 
du  tribunal  civil  de  Périgueux,  permet  de  rectifier  l'erreur  de  ia  plupart  des 
biographes,  y  compris  les  biographes  périgourdins,  lels  que  M.  de  Lescure, 
Mémoires  historiques  et  littéraires  sur  La  Grange-Chancel  (en  tête  des  Philip- 
piques,  Paris,  1858,  p.  186),  lesquels  font  mourir  le  virulent  pamphlétaire 
trois  jours  trop  tôt,  le  26  décembre.  Mais  le  rédacteur  de  l'acte  de  décès  s'est 
trompé  en  faisant  mourir  son  paroissien  à  87  ans  ou  environ  :  La  Grange- 
Chancel,  né  le  1"  janvier  1677  dans  ce  même  château  d'Antoniat,  où  il  devait 
rendre  le  dernier  soupir,  avait  seulement  quatre-vingt-un  ans  quand  le  bon 
curé  de  Razac  lui  en  attribu'^it  quatre-vingt-sept.  —  T.  de  L. 


—  86  — 

La  Revue  historique  et  la  Société  Bibliogiiaphique.  — Les  succès  croissants 
obtenus  par  laSociété  Bibliographique  semblent  émouvoir  ]Si  Revue  historique. 
Dans  sa  dernière  livraison,  après  avoir  annoncé  la  publication  du  deuxième 
fascicule  du  Rrpertoire  des  sources  historiques  du  moyen  âge,  de  notre  éminent 
collaborateur  M.  l'abbé  Chevalier,  elle  ajoute  :  «  Cette  même  Société  Biblio- 
graphique, qui  a  le  tort  de  consacrer  la  plus  grande  partie  de  ses  ressources 
à  des  écrits  de  propagande  et  de  polémique  dont  le  caractère  passionné  et 
violent  jette  du  discrédit  sur  ses  publications  sérieuses,  vient  de  faire  pa- 
raître une  œuvre  d'histoire  intéressante,  etc.»  (il  s'agit  du  livre  de  M.  le  mar- 
quis de  Loray  sur  Jeande  Vienne).  Que  veut  dire  la  Revue  historique?  En  quoi 
la  publication  de  la  Bibliothèque  à  25  centimes,  des  Brochures  sur  la  Révolution 
(d'un  caractère  si  sévèrement  historique),  et  même  des  Lettres  de  M^f  l'évê- 
que  d'Orléans  sur  le  Centenaire  (tirées  à  quatre-vingt  mille  exemplaires),  ou 
des  irac<5  sur  Voltaire  (tirés  à  huit  cent  mille  exemplaires),  peut-elle  «jeter 
du  discrédit  »  sur  le  Répertoire  de  l'abbé  Chevalier  et  le  Jean  de  Vienne  de 
M.  de  Loray?  Nous  voudrions  le  savoir.  Et  si  notre  curiosité  n'est  pas  in- 
discrète, nous  lui  demanderons,  parmi  les  publications  de  la  Société  Biblio- 
graphique, de  citer  celles  qui, d'après  elle,  ont  un  «caractère  passionné  et  vio- 
lent. »  Dans  une  revue  qui  prétend  à  «  l'impartialité  scientifique,  »  et  qui 
a  déclaré  hautement,  à  ses  débuts  (t.  1er,  p.  2),  que  «  chaque  affirmation 
serait  accompagnée  de  preuves,  »  il  est  assez  étrange  de  trouver  de  telles 
attaques  et  de  telles  insinuations. 

Le  Catalogue  de  la  Bibliothèque  de  Troyes.  —  Nous  avons  déjà  eu  l'occa- 
sion d'insister  sur  les  services  que  rend  à  la  bibliographie  la  publication 
des  catalogues  des  bibliothèques  publiques  ;  celui  que  nous  avons  sous  les 
yeux  donne  une  idée  fort  satisfaisante  de  ce  que  possède  la  ville  de  Troyes  ; 
les  deux  volumes  que  nous  venons  d'examiner  (xi-547,  ol6  pages)  ne  con- 
cernent qu'une  partie  de  la  section  historique  :  chronologie,  géographie, 
voyages,  histoire  ancienne,  histoire  religieuse,  histoire  de  France)  en  s'arrê- 
tant  à  l'an  1635;  ils  enregistrent  3,667  articles  divers,  auxquels  il  faut 
joindre  une  multitude  d'opuscules  formant  des  recueils  factices  dont  le  con- 
tenu est  enregistré  en  détail;  du  reste,  pas  une  seule  note. 

La  bibliothèque  de  Troyes  possède  de  nombreux  et  bons  ouvrages  des 
siècles  passés,  mais  elle  est  bien  pauvre  en  fait  de  livres  modernes; 
il  en  est  ainsi  de  toutes  les  villes  de  province,  le  chapitre  du  crédit  que  leur 
allouent  les  divers  conseils  municipaux  est  d'une  modicité  affligeante. 

l'arnii  b's  livres  rares,  parmi  les  éditions  du  quinzième  siècle,  nous  pouvons 
indiquer  l'Hisiorm  Alexandri  Magni,  de  preîiis,  Argentine,  1486,  in-fol.  (His- 
toire fnbuleuse  des  conquêtes  du  roi  de  Macédoine);  Sallustius,  De  bcllo 
Jugurthe,  de  Catilineconjuratione,  Parisiis  per  Udabricum  Gering,  s.  d.  (vers 
1474,  in-4,undes  plus  anciens  produits  de  la  typographie  parisienne);  Sueto- 
nms,  Venetiis,  per  Simonem  Bevilaqua,  1496,  in-fol.;  Boccacius,  Genea/o^'m 
deorum,  Venetiis,  1492  et  {sine  loco)  1481.  —  Eu  fait  d'anciens  livres  fran- 
çais, les  Chroniques  de  Froissart,  Paris,  A.  Verard  (s.  d..  mais  après  15.00), 
in-fol.  (un  bel  exempl.  de  cette  édition  fort  rare  a  été  adjugé  à  4,500  fr.  à  la 
vente  des  livres  de  M.  Léopold  Double);  Monstrelet,  A.  Verard  (s.  d.,  après 
1500),  in-fol.;  —  Un  exemplaire  sur  peau  vélin  des  Grandes  Chroniques  des 
rois  de  F ratice,  composées  par  Pierre  Gaguin  (Paris,  Poucet  le  Preux,  1554, 
in-fol  ), mériterait d'èlre  mis  aurang  des  livres  précieux;  malheureusement, 
il  y  manque  37  feuillets. 

Nous  pouvons  signaler  encore,  comme  ouvrages  d'une  hauttî  valeur,  un 
exemplaire  de  l'une  des  éditions  du  curieux  voyage  du  Bolonais  Lud  ivico 


—  87  — 

Vartheraaen  Orient  (publié  pour  la  première  fois  àRome  en  loi  )  et  le  Pre- 
mier (le  seul)  volume  contenant  40  tableaux  en  histoires  diverses  qui  sont  mimo- 
rahles  touchant  les  guerres^  massacres  et  troubles  advenus  en  France  (ioo9-io70), 
par  J.  Perritissinet  J.  Tortorel,  recueil  des  plus  intéressants  sous  le  triple  rap- 
port de  l'histoire,  de  l'art  et  du  costume;  il  a  été  l'objet  d'intéressantes 
études  de  la  part  des  monographt-s  les  mieux  autorisés. 

Il  est  impossible  que,  dans  un  catalogue  considérable,  quelques  erreurs  de 
classement  ne  viennent  pas  à  se  produire,  car  il  n'y  a  pas  moyen  de  tout  lire, 
et  parfois  on  s'en  rapporte  à  un  titre  qui  prête  à  l'équivoque.  Indiquons 
deux  méprises  de  ce  genre,  que  nous  avons  observées  :  le  Voyage  de  Jacques 
Sadeur  autour  du  monde  (n°  414)  est  un  voyage  imaginaire,  une  fiction  sati- 
rique et  allégorique,  dans  le  genre  des  Voyages  de  Gulliver;  le  Violier  des 
histoires  romaines  (W  3866)  est  un  recueil  de  légendes,  de  contes,  de 
rétlexions  morales  où  il  n'y  a  absolument  rien  d'historique;  il  n'a  de  romain 
que  les  noms  des  personnages;  il  doit  être  placé  dans  la  classe  des  fictions. 

La  Librairie  américaine.  —  Le  catalogue  que  la  Commission  des  éditeurs 
américains  vient  de  publier  à  l'occasion  de  l'Exposition  universelle  nous 
donne  de  curieux  renseignements  sur  l'industrie  du  livre  de  l'autre  côté  de 
l'Atlantique  ;  notons-en  ici  quelques-uns  sur  la  production  croissante  des 
ouvrages  indigènes,  sur  le  nombre  et  les  catégories  des  éditeurs  eux-mêmes, 
sur  les  prix  faits  aux  auteurs,  sur  les  bibliothèques,  sur  la  reliure,  et  sur  un 
procédé  de  vente  à  l'encan  des  livres  nouveaux  qui  est  biea  la  caractéristique 
de  ces  populations  pour  qui  les  affaires  sont  la  chose  capitale. 

En  ce  qui  regarde  la  production  des  livres  d'origine  américaine,  la  pro- 
portion n'a  cessé  de  croître  considérablement  jusqu'à  nos  jours,  depuis  la 
fondation  de  la  plus  vieille  maison  de  librairie  connue  d'Amérique,  celle  de 
Sower,  Potts  et  G",  dont  le  premier  titulaire,  Christophe  Sauer,  établi  près  de 
Philadelphie  en  1740  (à  Germantown),  éditait  des  almanachs  et  des  Bibles 
en  langue  allemnade  :  en  1820.  sur  une  vente  de  2,300,000  dollars,  la  part 
des  ouvrages  originaux  américains  était  de  30  pour  cent  ;  en  1830,  elle  s'éle- 
vait à  une  proportion  de  40  pour  cent,  sur  3,000,000  de  dollars  de  vente  ; 
12,000,000  de  volumes,  en  1840,  fournissaient  une  proportion  de  85  pour 
cent  américains  ;  en  1856,  elle  était  de  80  pour  cent,  sur  16,000,000  de  volumes. 
D'après  l'encyclopédie  d'Appleton.  il  a  été  publié,  en  1871,  pour  40,000,000 
de  dollars  de  livres,  aux  Etats-Unis.  Le  nombre  des  ouvrages  originaux,  en 
1877,  a  été  de  4,476. 

C'est  pourtant  entre  une  cinquantaine  d'éditeurs  seulement  que  se  trouvent 
partagés  les  9/10  des  ouvrages  qui  se  publient  en  Amérique;  la  librairie 
proprement  dite  comprend  environ  3,000  marchands  dont  800  sont  considé- 
rés comme  éditeurs  intermittents;  une  dizaine  de  mille  négociants  adjoignent 
à  d'autres  spécialités  la  vente  des  livres,  revues  et  journaux  ;  en-dehors  de  la 
vente  par  entremise  des  libraires,  les  éditeurs  d'ouvrages  par  souscription  en 
font  le  placement  exclusivement  par  colporteurs,  envoyés  dans  des  régions 
déterminées  pour  solliciter  les  ordres  de  maison  en  maison;  en  outre,  un  type 
tout  à  fait  particulier  le  «  Jobber,  »  commissionne  à  un  éditeur  de  grandes 
quantités  d'un  ouvrage,  parfois  1,000  exemplaires  à  la  fois,  à  ses  risques  et 
périls,  puis  les  place  comme  il  peut  chez  les  petits  détaillants  de  tout  le 
pays.^ 

A  l'écoulement  du  stock  de  librairie  annuelle  par  des  canaux  si  divers, 
vient  s'ajouter  la  vente  à  l'encan,  de  New  York  :  deux  lois  par  an,  au  prin- 
temps et  à  l'automme,  les  éditeurs  y  envoient  leurs  nouveaux  ouvrages,  et 
leurs  livres  de  fonds;  de  tous  les  États  de  l'Union  accourent  les  libraires, 


—  88  — 

et  la  cession  leur  on  est  faite  au  plus  oflVant  et  dernier  enchérisseur,  —  En- 
dehors  de  cette  vente  en  hloc.  les  «  Dollar  Stores,  o  magasins  à  prix  fixe  où 
l'on  vend  de  tout  au  taux  unique  d'un  dollar,  ofirent  à  leur  clientèle  des 
ouvrages  pour  ce  prix. 

Cependant,  les  formats  adoptés  aux  Etats-Unis,  ]'in-12  pour  romans  et 
poésies,  riu-8  pour  tes  ouvrages  scientifiques,  par  exemple,  sont  côtés  plus 
haut  ordinairement  :  le  premier  format  se  paye  \  dot.  50,  le  second  2  d.  [JO. 
Il  est  vrai  de  dire  aussi,  que  deux  formats  nouveaux  plus  petits,  rin-24  cari'é, 
très-en  vogue  sous  le  nom  de  «  The  Little  Classic,  »  et  le  «  Vest-Pocket  Size^  » 
tout  récent,  sont  d'un  prix  moins  élevé. 

Les  éditeurs  américains  emploient  le  papier  teinté  de  préférence  au  papier 
hlanc  ;  la  plupart  de  leurs  ouvrages  sont  mis  en  vente  dans  un  style  uniforme 
de  cartonnage  toile,  plus  ou  moins  ornementé  de  dorures;  enfin,  par  appli- 
cation d'une  récente  invention,  ils  hrochent  leurs  livres  par  une  couture 
de  fil  de  laiton  qu'un  mécanisme  rapide  vient  river  sur  les  parties  assemblées. 
La  partie  matérielle  du  livre  ainsi  réglée,  les  auteurs  reçoivent  un  droit 
do  10  pour  cent  sur  toutes  les  ventes;  s'ils  ont  écrit  leurs  ouvrages  sur  la 
demande  des  éditeurs,  ceux-ci  leur  allouent  une  somme  en  sus  de  cette  con- 
vention d'usage;  elle  est  moindre,  au  coatraire,  o  pour  cent,  s'il  s'agit  d'ou- 
vrages par  souscription,  ceux-ci  produisant  des  ventes  plus  élevées. 

Les  prix  sont  calculés,  en  Amérique,  de  façon  à  pouvoir  allouer  de  25  à 
40  pour  cent  d'escompte  aux  libraires;  les  «  Jobbers  »  reçoivent  générale- 
ment S  pour  cent  en  plus  (45  pour  cent);  l'escompte  atteint  quelquefois 
50  pour  cent  pour  les  livres  d'enfants. 

On  voit  quel  développement  a  déjà  la  librairie  au-delà  de  l'Atlantique; 
combien  on  y  recherche  la  lecture  généralement.  —  Terminons  ces  relevés 
par  quelques  indications  relatives  à  l'une  des  principales  bibliothèques  des 
Ltats-Unis,  dont  tous  les  habitants  ont  le  droit  d'utiliser  les  collections  en 
em[)ortant  les  livres  chez  eux,  sous  certains  conditions.  —  La  «  Boston  Public 
Library  »  contient,  en  deux  parties  distinctes,  o.ïO, 000  vol.  d'une  part,  250, COO 
de  l'autre.  Elle  a  huit  succursales  dans  la  ville  et  aux  environs,  et,  en  outre, 
des  ac^enc^s  chargées  de  la  distribution  des  livres;  la  salle  de  lecture  en  est 
ouverte  toute  l'année  de  9  heures  du  matin  à  10  heures  du  soir;  l'année 
dernière,  le  chiffre  de  la  circulation  a  été  de  140,572  volumes,  dont  129  seule- 
ment ont  été  perdus.  Ainsi,  les  Américains  aiment  les  livres,  comme  une 
affaire,  comme  un  délassement;  puissent-ils  bientôt,  grâce  à  une  vulgarisa- 
tion de  plus  en  plus  considérable,  les  aimer  aussi,  plus  généralement,  coaame 
un  besoin  élevé  du  cœur  et  de  l'esprit.    —   F,  Esc.mn. 

La  Ventic  de  la  liiiiLioTHÈQCE  DE  M.  Amcroise  Firuin-Didot.  — Cette  vente 
quia  eu  lieu  du  0  au  15  juin,  restera  célèbre  dans  les  fastes  de  la  bibliophilie; 
c'est  la  plus  importante  qu'on  ait  jamais  vue  en  France;  elle  a  produitpour 
715  articles,  la  somme  énorme  de  857,204  fr.,  allant  ainsi  au-delà  du  double 
de  ce  qu'à  des  époques  déjà  éloignées  avaient  rendu  deux  collections  célè- 
bres; celle  du  duc  de  la  V£\,llière,  en  1784(404,677  fr.),  et  celle  du  comte  de 
Mac   Carthy,  en  1816  (40'i,746  fr.). 

C'est  avoc  une  véritable  frénésie  que  les  amateurs  se  sont  disputé  ces 
beaux  livres,  si  rares  et  somptueusement  reliés,  ces  exemplaires 
uniques  ({ue  M.  A.F.-Didot  avait  eu  le  bonheur  de  rencontrer  danslecours 
de  sa  longue  carrière;  indiquons  les  prix  auxquels  sont  arrivés  les  articles 
les  plus  dignes  d'attention,  et  pour  quelques-uns  d'entre  eux  nous  mention- 
nerons ce  qu'ils  avaient  été  payés  dans  des  ventes  précédentes;  c'est  une 
constatation  éi.'latante  de  la  housse  qui,   depuis  vingt-cinq  ou   trente   ans, 


—  89  — 

s'est  déclarée  sur  certains  genres  de  livres.  —  Janua  (  Joli,  de)  CaloUcon 
(volume  imprimé  à  Mayence,  daté  de  liOO  et  attribué  aux  presses  de  Gutem- 
berg),  7,900  fr.  —  Bossuet,  Oraison  funèbre  d'Henriette  de  France,  reine 
d'Angleterre,  J660  —  de  la  duchesse  d'Orléans,  1670,  in-i,  5,000 fr. — Oraison 
funèbre  du  prince  de  Condé,  1087,  3,100  fr.  (exemplaire  avec  envoi  auto- 
graphe). BiON  ET  Mosciius,  Idylles,  1G86,  in-8,  10,900  fr.  Prix  énorme  venant 
de  ce  que  ce  volume  (qui,  en  condition  ordinaire,  ne  vaudrait  que  quelques 
francs)  était  revêtu  d'une  fort  belle  reliure  aux  insignes  du  traducteur 
de  Longepierre;  payé  1,;»00  fr.  à  la  vente  de  M.  le  baron  J.  Picbon. 

Sannazarii  Opéra,  1533,  in-8,  exempt.  Grolier,  o,800  fr.  (volume  successive- 
ment adjugé  13  1,  st.,  à  Londres,  en  1827,  et  2,050  fr.,  à  Paris,  en  mars  1863). 
— Le  roman  de  la  Rose  (première  édition,  Lyon,  vers  1485),  in-fol.  5,500  fr. 

—  Une  autre  édition  du  même  ouvrage  (Paiis,  vers  1496),  exeaipl.  sur  vélin, 
8,000  fr.  —  Franc  (Martin).  l/Estrifde  forttuie  (volume  sans  lieu  ni  date, 
imprimé  à  Bruges  par  Colard  Mansion,  vers  1477),  21,500  fr.  (On  ne  can- 
nait que  deux  exempl.  ;  l'un  est  à  la  bibliothèque  Sainte-Geueviève  ,  celui-ci 
fut  adjugé  7,000  fr.  à  la  vente  Yemeniz  eu  1807.  —  Villox,  OEuvres, 
Paris,  1533,  pet.  in-8,  2,000  fr. — Grinrjore,  Heures  de  Nostre-Dame, Vavis.  s.  d. 
(vers  1530)  2,200  fr.  — Le  Chevalier  aux  dames  (en  vers)  Metz,  1516  in  4, 
1 1 ,100  fr.Payé  2,07;)fr.  vente  Yemeniz. ^ALvrut,  V Adolescence  clémentine,  Lyon, 
3,200  fr.  (1,800  fr.,  Yemeniz).  — Vauqi'eijx  di:  la  Fres.nave,  diverses  poésies, 
Caen,  1012,  1,200  fr.—  L.v  Fontai.ne,  Fables,  1755,  fig.  d'Oudry,  4  voL  in-fol. 
3,530  — Airs  de  cour,  Paris,  1G12-1G28,  10  parties  en  un  volume  in-8  oblong 
(exempl.  de  dédicace  à  Louis  XIH)  2,550  fr.  —  La  Borde,  Choix  de  chansons, 
i773,  4  vol.  in-8,  2,550  fr.  (vers  trés-médiocres,  mais  de  jolies  estampes  d'a- 
près les  dessins  de  Moreau  et  autres,  donnent  une  grande  valeur  à  ce  recueil). 

—  yLi-LhET,  La  Destruction  de  Troyes,  1498,  in-fol.,  1,400  l'r.  (Payé  290  fr., 
vente  Soleime  en  1844.) 

Mystère  de  la  passion  iouée  à  Paris  et  Angier  (Paris  avant,  1490)  in-fol., 
1,600  fr.  —  Gresban,  le  Triomphant  mystère  des  actes  des  apostres,  Paris  1537, 
ia-fol.  4,000  fr.  —  Maistre  Pierre  Pathelin  (Paris,  vers  1500),  in-4  5,100  fr. 

—  Corneille,  OEuvres  1644-1052,  3  vol.  in-12,  5,050  fr.  (première  édition 
cjlleclive  très-rare,  le  premier  volume  surtout  qui  contient  les  huit  pièces 
anlèrienres  au  Cid.  Quel  que  soit  l'empressement  fort  légitime  avec  lequel 
les  éditions  originales  de  nos  classiques,  longtemps  dédaignées,  sont  recher- 
chées aujourd'hui,  on  ne  peut  s'empêcher  de  regarder  ce  prix  comme  fort 
élevé. 

Corneille,  Théâtre,  et  Thomas  Corneille,  OEuvres  dramatiques,  1664-1666,  0 
voL  in-8,1 4,400  fr.  (ex.  psyé  140  fr.  vente  Rertiu,  et  487  fr.,  S^lar,  en  1860).il/o/- 
/îV?'e,  OEuvres,  Paris  1666,2  vol.  in-12  (première  édition  avec  une  pagination 
suivie)  1,950  fr.— Autre  édition,  1674-75,  6  vol.  in-12,  2.000  fr. —  Les  éditions 
originales  du  M  santhrope,  Paris  16G7  et  Tartuffe,  Paris  1669,  <300etl,8oO  fr., 
les  Plaisirs  de  l'Ile  enchantée,  1664,  in-fol.  (comprenant  la  première  éditionde 
la  Princesse  d'Élide),  exempl.  de  Colbert.  4,500  fr.  — Racine,  OEuives, Paris, 
1676,  3  vol.  in-12,  2,040  fr.  (édition  originale  collective  des  neuf  pièces  repré- 
sentées jusqu'à  cette  date).  —  Esther  etAthalie,  in-4,  1689  et  1691;  éditions 
jriginales  de  cette  date,  1.600  fr. 

Passons  à  ces  vieux  romans  de  chevalerie  dont  le?  anciennes  éditions  sont 
lovenues  si  rares  et  dont  les  exemplaires  se  couvrent  de  pièces  d'or,  M.  Didni 
ivait,  en  ce  genre,  réuni  des  volumes  du  plus  grand  prix  ;  nous  mention- 
lerons  : 

Fler-n-hras,  Lyon,  1480,  3,000  fr.  (payé  855  fr.,  vente  Bourdiîlon   en  1830, 


—  90  — 

et  d,700  fr.  en  18fi7),  Ogier  le  Danois,  1325,  2,800  fi'.  Les  Quatre  fils  Aymon 
1306,  2,9G0  fr.;  Mabrian,  1325,  2,900  fr,  ;  le  Saintgreccal,\o2'i  (exempl.  aux 
armes  de  Louis  XII,  2/300  payé  4,930  fr.,  vente  Techener,  en  1863.  Lancelol 
(lie  lac,  1464,  6,800  fr.  (4,400  fr.,  vente  Yemeniz);  Perceval,  le  Galloys, 
2,800  fr.;  Cleriadus,  1493,  exempl.  sur  velia,  le  seul  connu,  19,100  fr.  (payé 
10,000  fr.  par  M.  Didol  à  la  vente  Yemeniz);  Olivier  de  Castille  [s.  l.  n.  d., 
mais  imprimé  à  Genève,  vers  1492),  seul  exeoifil.  connu,  20,000  fr.  ;  les  Sept 
Sages  de  Rome,  Genève,  1494  (un  des  deux  exempl.  connus,  l'autre  est  à  la 
hibliothèque  de  l'Arsenal),  3,330  fr.  ;  les  Neuf  preux,  Abbeville,  1487,  3,960  fr.; 
Robert  le  diable,  Ly.m,  1343,  2,610  fr.  ;  Mélusine  (en  allemand),  Augsbourg 
1480,2,300  ff.);  Beaudoimi  de  Flandre,  Lyon,  1478,  6,000  fr.;  Guerin  Mes- 
quin, Lyon  1330,  4,000 fr.;  l'Histoire  du  petit  Jehan  de  Saintré,  Paris,  1317, 
3,500  fr. 

Une  édition  des  deux  premiers  livres  de  Rabelais,  Lyon,  1542,  2,600  fr. 
(exempl.  payé  603  fr.,  vente  Solar,  et  1,108  fr.,  L.  Double).  En  fait  de  livres 
espagnols,  n'oublions  pas  ua  roman  de  chevalerie  d'une  extrême  rareté  : 
Eisioria  de  l'inucncible  cavallero  don  Po^mdo,  To'edo,  1526,  in-4,  2,990  fr.;Un 
exempl.  de  Don  Ouixote,  1608-16i3,  2^  édition  de  la  première  partie  et  édi- 
tion originale  de  la  seconde)  2,500  fr.  Un  exempl.  d'un  Plutarque  latin  ayant 
appartenu  à  la  reine  Marguerite,  2,100  fr. 

Dans  la  classe  de  l'histoire  nous  rencontrons,  les  Chroniques  de  Saint-Denis, 
1517,4  vol.ia-fol.,  3,000  fr.;pAULUS  Jovius,  Vita  Leonis  decimi,  1549,  exempl., 
Grolier,  3,830  fr.  ;  Xenophontis  Opéra,  graece,  1381,  in-fol.  exemple  de  dédicace 
au  roi  d'Angleterre  Jacques  P',  6,000  fr.  (à  cause  d'une  fort  belle  reliure  du 
temps;  ce  volume  en  condition  ordinaire,  a  fort  peu  de  valeur);  Procopius 
de  Bello  persico,  1309,  in-4,  6,000  fr.  (à  cause  d'une  belle  reliure  aux  insi- 
gnes de  Thomas  Maioli,  bibliophil»^  italien);  Froissart  (?ans  date, 3  vol.  in-foI. 
première  édition),  3,300  fr.;  Monstrelet  (vers  1310,  2  vol.  in-fol.,  exempl. sur 
peau  vélin  avec  6  grandes  et  159  petites  miniature-)  très-riche  reliure 
30,300  fr.  (M.  Didot  avait,  en  1862,  acheté  cet  exempl.  18,000  fr.  au  libraire 
Techener);  Valerius  Maximus,  Mayence,  1471,  2,930  fr.  exempl.  sur  vélin. 

Indépendamment  de  ces  livres  imprimés,  le  catalogue  que  nous  parcou- 
rons énumère  70  manu>crits  qui  ont  obtenu  de  leur  côté  des  prix  fort  élt^vés; 
les  Chroniques  de  Normandie,  xv«  siècle,  13  grandes  et  belles  miniatures, 
51,000  fr.,  les  Chroniques  de  Bourgogne,  fin  du  xve  siècle,  15  miniatures 
seulement,  20,300  fr. 

La  vente  qui  vient  de  se  termieer  ne  contient  d'ailleurs  qu'une  portion 
des  trésors  réunis  par  M  Didot;  tous  les  ouvrages  relatifs  à  la  théologie,  à 
la  jurisprudence,  aux  ;-ciences  et  arts  ont  été  réservés;  leur  tour  viendra 
plus  tard  ;  on  trouvera  là,  parmi  les  ouvrages  liturgiques  et  parmi  les  livres 
ornés  de  figures  sur  b  lis  (un  des  objets  spéciaux  des  é'udes  de  M.  Didol), 
des  raretés  qui  exciteront  iiien  des  convoitises. 

La  Bibliothèque  du  comte  Dzialynski.  —  Un  journal  allemand,  con- 
sacré à  l'érudition,  le  Philologus,  publié  à  Gœttingue,  nous  apprend  que 
cette  bibliothèque  est  conservée  dans  la  petite  ville  de  Kurnik  (grand- 
duché  de  Posen);  elle  est  fort  digne  d'attention.  On  y  trouve  une  réunion 
importante  d'ouvrages  relatifs  à  la  Pologne  et  à  son  histoire,  ainsi  qu'une 
collection  des  classiques  grecs  et  latins  sortis  des  pi-esses  polonaises;  il  y  a 
aussi  des  manuscrits,  entre  autres,  un  de  Juvénal,  transcrit  à  Florence 
en  1441  et  offrant  parfois  des  leçons  différentes  de  celles  des  textes  impri- 
més. Fort  peu  explorée,   ce   nous  semble,  jusqu'à  ce  jour,  la  bibliothèque 


—  91  — 

Dzialynski  mériterait  de  devenir  l'objet  d'un  examen  atientif  de  la  part  de 
quelque  érudit  de  Berlin  ou  de  Varsovie. 

La  Presse  PARisiENxNE.  —  On  estime  à  110  en  moyenne  le  nombre  des 
journaux  qui  naissent  annuellement  à  Paris,  et  à  un  cbiffre  légèrement 
inférieur  celui  des  morts.  La  première  feuille  quotidienne  a  été  le  Journal 
de  Paris,  fondé  en  1777.  De  1789  à  1799,  il  en  surgit  à  Paris  plus  de  600. 
Napoléon  l"  réduisit  le  nombre  des  journaux  politiques  à  13;  Napoléon  III 
en  tolérait  14,  en  18o3.  (Il  n'est  question  ici  que  de  la  presse  parisienne.) 
En  1877,  Paris  possédait  830  journaux  et  revues,  ainsi  distribués  :  51  jour- 
naux et  14  revues  politiques  ;  49  journaux  ou  revues  ayant  un  caractère 
religieux  et  d'histoire;  74  consacrés  aux  belles-lettres;  20  de  pédagogie; 
66  de  droit;  8o  d'économie  politique;  20  de  géographie;  52  de  littérature; 
15  d'art;  3  de  photographie;  9  d'architecture;  4  d'archéologie;  8  de  mu- 
sique; 7  de  théâtre;  68  de  modes;  77  de  technologie;  74  de  médecine  et 
de  pharmacie;  43  de  science;  22  sur  l'armée  et  l'art  militaire;  31  d'agricul- 
ture; 16  sur  les  chevaux  et  17  divers. 

Les  journaux  politiques  se  divisent,  quant  à  la  couleur,  ainsi  qu'il  suit  : 
22  républicains;  7  bonapartistes;  6  légitimistes;  5  orléanistes;  le  reste  offi- 
ciel ou  indécis.  Les  journaux  républicains  ont  1,100,000  abonnés;  les 
orléanistes  230,000;  les  bonapartistes  90,000;  les  légitimistes  24,000;  les 
incolores  180,000.  Aux  deux  extrémités  de  l'échelle  des  prix,  sont  placés 
VArt,  qui  coûte  120  fr.  par  an,  et  la  Bonne  pensée,  journal  d'édification  qui 
demande  à  ses  abonnés  la  modeste  somme  de  60  cent,  par  an.  {Revue  poli- 
tique et  littéraire.) 

—  Notre  collaborateur,  M.  Muïse  Schwab,  de  la  Bibliothèque  nationale, 
vient  de  publier,  à  la  librairie  Maisonneuve,  le  tome  second  de  sa  traduction 
du  Tahnud  de  Jérusalem.  Ce  second  volume  comprend  les  traités  Péa,  Demaï, 
Kilaïm  et  Schchiith. 

—  M.  Milà  y  Fontanals  a  donné,  dans  la  belle  revue  de  Madrid,  la  Aca- 
demia,  un  article  fort  détaillé  et  très-favorable  sur  la  nouvelle  édition  des 
Épopées  françaises  de  M.  Léon  Gautier. 

—  L'intéressante  revue  catalane,  le  Gay  Saber,  a  publié,  dans  son  dernier 
numéro,  un  examen  du  Petit  romancero  du  comte  de  Puymaigre.  Dans  cet 
article  très-bienveillant,  on  regrette  que  le  traducteir  n'ait  pas  donné  le 
texte  des  chants  catalans  dont  on  reconnaît  d'ailleurs  que  lu  traduction  est 
très-fidèle.  Les  cinditions  dans  lesquelles  a  été  publié  le  Petit  romancero  ne 
permettaient  pas  cette  augmentation  de  texte.  Nous  croyons  savoir,  du  reste, 
que  notre  collaborateur  se  propose  de  donner  tout  un  volume  de  romances 
catalans  traduits  avec  le  texte  en  ivgard. 

—  Le  catalogue  de  la  bibliothèque  espagnole  de  don  José  Miro  (vente 
17-20  juin,  A.  Lecat,  successeur  de  Bacheiin-Detlorenne,  in-8,  de  xvi-180  p.), 
imprimé  avec  soin,  est  très-digne  de  l'attention  des  bibliographe- ;  il  se 
compose  exclusivement  de  livres  en  langue  espagnole,  publiés  aux  quin- 
zième, seizième  et  dix-septième  siècles;  tous  sont  plus  ou  moins  rares,  et, 
parmi  les  651  articles  énumérés,  il  en  est  beaucoup  qui  étaient  restés 
inconnus  jusqu'ici  aux  bibliographes.  Nous  citerons,  entre  autres,  l'édition 
donnée  à  Burgos,en  1562, par  Phelippe  de  Junta,  d'un  de  ces  romans  de  che- 
valerie que  dévorait  Don  Quichotte  :  la  Historia  del  muy  valienie  y  e/forcado 
cavallero  Clamcules,  hijo  de  Marcuditas,  rey  de  CastiUa  {n°  355);  nous  signa- 
lerons aussi  l'étrange  production  d'Alvaro  Guttierez  de  Torres  :  El  Sumario 
delas  maravillosas  y  espantublcs  cosas  que  en  el  mundo  han  aconlescidos, 
Toledo,  Remon  de  Petras,  152i,  in-4  (n°45i). 


—  92   - 

— Lapresse  socialiste  en  Allemagnene  compte  pas  moins  de  soixante-quinze 
puiilications  diverses,  journaux  ou  revues,  avec  un  chiffre  total  d'abonnés 
de  13;j,000.  L'année  dernière,  le  nombre  de  ces  publications  n'était  que 
de  cinquante-sept. 

—  Voici  un  nouvel  ouvrage  a  ajouter  à  toutes  les  publicaiions  de  M.  le 
comte  Riant,  sur  l'Orient  et  les  croisades.  Ce  sont  les  Exuvix  sacrx  Conslan- 
tinopolitanx,  recueil  de  deux  volumes  de  tous  les  renseignements  qui  se 
rattachent  aux  reliques  dont  les  croisés  s'emparèrent  après  la  prise  de 
Conslantioople  (1204)  et  qui  furent  ensuite  transportés  en  Occident. 

—  Encore  un  catalogue  qui  mérite  d'être  conservé;  c'est  le  Catalogue  de 
la  bibliothèque  de  feu  le  marquis  de  Morante  (Paris,  ancienne  librairie  Bache- 
lin-Dellorenne,  1878,  in-8  de  vi-4i7,  3, Îi9i  numéros);  il  ne  signale  point  quel- 
ques-unes de  ces  raretés  qu'on  paye  au  poids  de  l'or;  on  y  chercherait  inu- 
tilement ces  Dorât,  ces  Chansons  de  Laborde  et  autres  livres  du  même 
genre  qu'un  caprice  de  la  mode  vient  de  porter  à  des  prix  insensés.  Non, 
M.  de  Morante,  savant  laborieux  et  sévère,  n'admettait  dans  sa  vaste  collec- 
tion que  des  livres  d'étude  ;  les  auteurs  grecs  et  latins,  la  philologie,  l'his- 
toire étaient  l'objet  de  ses  prédilections,  mais,  en  ce  genre,  il  recherchait 
avec  passion  les  bons  livres  peu  communs,  et  il  voulait  les  posséder  en  con- 
ditions irréprochables.  Pareils  bibliophiles  sont  rares  aujourd'hui;  en  vérité, 
c'est  dommage. 

Le  catalogue  dont  il  s'agit  s'écarte  de  la  méthode  habituellement  suivie 
en  France,  il  abandonne  la  classiûcation  par  ordre  de  matière  ;  les  livres 
sont  rangés  dans  l'ordre  alphabétique  des  noms  des  auteurs  ou  des  titres 
lorsqu'il  s'agit  d'anonymes;  ce  système  ne  semble  pas  le  meilleur.  Supposé 
qu'un  travailleur  veuille  coimaitre  quels  sont  les  ouvrages  relatifs,  par 
exemple,  à  l'histoire  de  Krancc,  qu'on  va  mettre  en  vente;  pour  se  rensei- 
gner exactement  à  cet  égard,  il  faudra  qu'il  parcoure  en  entier  le  catalogue; 
ce  sera  long  et  fatigant. 

—  La  Rivista  di  letlcretura  popolare,  publiée  à  Rome  sous  la  direction  de 
MM.  G.  Pitre  et  Sabatini,  a  fait  paraître  sa  seconde  livraison.  Elle  dé- 
bute par  des  contes  que  M.  de  Gubernatis  a  appris  d'ime  jeune  paysanne 
de  Santo  Stefano  di  Celcinaia.  Ils  sont  suivis  de  chants  populaires  romains 
rassemblés  par  M.  Sabatini,  d'un  travail  de  Pitre  sur  la  fête  du  mois  d'août 
en  Sicile,  de  chants  populaires  que  le  pays  messin  a  fournis  à  M.  de  Puy- 
maigre,  d'un  article  de  M.  Braga  sur  les  contes  populaires  portugais,  d'un 
essai  sur  les  jeux  enfantins  des  Marches  et  de  nombreux  mélanges.  Ce  nu- 
méro nous  semble  devoir  être  indiqué  aux  amis  de  la  littérature  populaire, 
comme  très-intéressant  et  comme  donnant  bonne  opinion  de  l'avenir  de 
cette  publication. 

—  On  annonce  la  publication  du  premier  fascicule  d'une  Iconographie 
Voltairienne,  histoire  et  description  de  tout  ce  quia  été  publié  sur  Voltaire  par 
fart  contemporain,  par  M.  Gustave  Desnoiresterres;  il  y  aura  en  tout  quatre 
fascicules, 

—  Une  société  vient  de  ce  former  aux  États-Unis  pour  combattre  les  pro- 
grés du  catholicisme. 

—  11  vient  de  se  fonder  à  Paris  une  société  du  Sou  des  écoles  laïques,  pour 
faire  concurrence  aux  œuvres  cléricales. 

Publications  nouvelles.  —  L' Imitation  de  Jésus-Christ,  traduit  de  Michel 
de  Marillac  (in-8,  Quantin).  —  Conférences  sur  l'Église  prêchées  à  Sainte- 
Croix  de  Nantes,  TpaiT  le  P.  V.  Guibé  (in-12,  Angers,  Lachèse-Dolbeau).  — 
Le  Socialisme  devant   la  Société,  parle  R.  P.  Félix,  S.  J.   (in-8^  Roger  et 


—  '13  — 

Chernoviz).  —  Coup  d'œil  historique  sur  la  géologie  et  sur  les  travaux  d'Élie 
de  Beaumont.  par  Sainte-Claire  Deville  (in-8,  Masson).  —  Leçons  sur  la  pro- 
tection des  aniviaux .  Les  Quadrupèdes,  par>'.  Claudon  (in-12,  Paul  Dupont). 

—  Droit  familier.  Nos  petits  procès,  par  A.  Cai'ré  (in-18,  Bibliothèque  du 
Magasin  des  Demoiselles).  —  Coutumes  et  institutions  de  l'Anjou  et  du 
Maine,  par  C-J.  Beaulemps- Beaupré  (l'e  partie,  t.  II,  in-8,  Durand).  — 
Assemblées  du  diocèse  de  Castres,  par  E.  A.  Rossignol  (in-8,  Toulouse, 
A.  Chauvin).  —  Le  bon  sens  dans  les  doctrines  morales  et  politiques,  par 
Amb;oise  Clément  (2  vol.;  Guillaumin).  —  Actualités  ou  réponses  aux 
objections  de  la  science  antichrétienne,  par  l'abbé  Victor  Aubin  (in-18.  Palmé). 

—  L'Année  liturgique  :  Temps  après  la  Pentecôte  (t.  I,  in-12,  Oudin).  — 
Somme  ascétique  de  saint  François  de  Sales,  par  l'abbé  N.  Albert  (iii-12, 
Oudin).  —  Révélations  de  sainte  Gertrudc  (2  vol.  in-12,  Oudin).  —  Manuel  de 
l'art  chrétien,  parle  comte  Grimouard  de  Saint-Lauront  (in-8,  Oudin).  — 
La  Tunisie  chrétienne,  par  E.  de  Sainte-Marie  (iu-8,  Bureaux  des  Missions 
catholiques).  —  La  Hollande  pittoresque,  le  Cœur  du  pays,  par  Henry  Ilavard 
(in-i8.  Pion).  — Rome  et  Dcmétrius,\)diV  le  P.  Pierling,  S.  J.^in-8,  Leroux).  — 
Histoire  du  luxe  privé  et  public  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours,  par  H. 
Baudrillart  (t.  I,  in  8,  Hachette).  —  Le  Comte  de  Fersen  et  la  cour  de  France, 
par  le  baron  U.  M.  de  Klinckowstrom  (2  vol.  in-8,  Didot).  —  La  Philosophie 
de  l'histoire  en  Allemagne,  par  H.  Flint  tin-8,  Gerraer-Baillière).  —  La 
Découverte  du  livre  de  la  loi  et  de  la  théorie  du  coup  d'Etat,  par  l'abbé  A. 
Deschamps  (in-8.  Palmé). —  Histoire  de  sainte  Solange,  vierge  et  martyre 
patronne  du  Berry,  par  l'abbé  J.  Bernard  (in-12,  Palmé).  —  Barnave,  par 
Jules  Janin  (2  vol.  in-]8,  librairie  des  Bibliophiles).  —  Dictionnaire  histo- 
rique d'argot,  par  Lorédau  Larchey  i,in-18,  Dentu).  —  Catalogue  de  l'expo- 
sition du  Ministère  de  l'Instruction  publique  de  Russie  (in-8,  Hachetle).  — 
Madame  Elisabeth  devant  le  tribunal  révolutionnaire,  par  Maxime  de  la 
UocHETEniE  (ia-18,  librairie  de  la  Société  Bibliographique).         Vise.not. 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 

QUESTIONS.  (mentionné   pour  la   première  fois 

dans  le  Grand  Alcibiadc  de  Platon), 

Quel  est  ïe  plus  fécond  de  ni  l'époque  où  il   a  vécu  (o,000  ans 

tous  les  poètes*.»  — Ce  titre  ap-  avant    la    guerre     de    Troie,    selon 

partieudraitde  droit,  ce  semble,  à  Zo-  Diogène  Laerce  :  chiffre  fabuleux);  et 

roastre,  du  moins  s'il  faut  s'en  rappor-  dans  les  ouvrages  qui  lui  sont  attri- 

ter  à  Pline  le  Naturahste,  qui  nous  bues,  il  y  a  bien  des   interpolations 

apprend  dans  son  Htstoirc  naturcUc  et  des  remaniements  plus  modernes, 

(hv.  X\X,   ch.  II)    qu'Hermippe,   de  Disons  aussi  que   M.  C.   de  Harlez, 

bmyrne  (2Ô0  ans  avant   l'ère  chré-  professeur  à  l'Université  de  Louvain, 

tienne),  avait  commenté  les  deux  mil-  a  publié,  en  187o-76  (Liège,  2  vol. 

lions  de  vers  laissés  par  Zoroastre,  et  gr.  in-8),  une  traduction  de  YAvesta, 

({u  il  avait  fait  des  tables  aux  ouvrages  la^re  sacré  des  sectateurs  de  Zoroastre, 

de  cet  immense  recueil,  afin  de  facili-  travail  important  auquel  M.  Barthé- 

ter  de  bien  pembles  recherches.  Ce  jeniy  Saint-Hilaire  vient  de  consacrer 

rhillre  de  deux  millions  est  une  de  ces  deux   articles  dans   le   Jour?ial   des 

exagérations  que  l'absence  de  critique  Savafils  (janvier,  février  1878).  Ecar- 

chez  les  écrivains  de  l'antiquité  fai-  tons   Zoroastre,    et,  sans    prétendre 

sait  admettre  sans  examen.  Obser-  déterminer  du  premier  coup  quel  est 

vons  en  passant  qu  on  ne  sait  pas  au  l'écrivain  qui  a  tracé  le  plus  grand 

juste  m  le  nom  véritable  de  Zoroastre  nombre  de  vers,  mentionnons,  comme 


—  Oi  — 


ayant  quelques  droits  à  cet  honneur, 
Lope  de  Vega,  dont  les  compositions 
dramatiques  atteignirent,  au  dire  de 
son  ami  Montalvan,  le  chiffre  de  deux 
mille  deux  cents  (1,800  comedias  et 
400  autos)  ;  il  n'a  été  imprimé  que 
cinq  cents  de  ces  pièces  :  c'est  déjà 
quelque  chose;  et  il  faut  y  joindre 
di's  poèmes,  des  pastorales,  des 
satires,  etc.  A.  P. 

Oollection§«  sur  la  Itévolu- 
tion  française.  —  Que  sont  de- 
venues les  importantes  colle,  tiens  de 
journaux,  pièces  et  documetits  (im- 
primés (lU  inaniiscrit>«)  de  Dtschiens 
et  de  La  Bédoyèiô,  sur  la  Révolution 
franç.iiee?  Ces  collections  ont-elles 
éié  dispersées  dans  les  ventes  publi- 
ques, ou  se  trouvent-elles  dans  quel- 
qu'ur  e  de  rjos  Bib  iolhèques  na- 
tionales? F.  B. 

CongréjBfatîon  du  Três- 
S^aiiit  Sacrement. —  Il  existait, 
au  siècle  dernier,  un  ordre  ensei- 
gnant, connu  ?ous  le  nom  de  Congré- 
gation du  TièsSaint  Sacrement,  de 
Sarramentaires,  qui  dirigeaient  nn 
certain  nombre  de  collèges,  notrim- 
ment  ceux  de  Thiers  et  de  Brioude, 
en   Al  vergne,   de  Chabeui!,  en  Dau- 

phiué,  etc Où  pourrait-ou  trouver 

des  rt^nseignements  si;r  cet  ordre  qui 
semb'e  être  une  léf  Tme  de  celui  des 
Prêtres  de  la  Do  trine.         A.  V. 

Sur  l'article  IPaydit  de 
la    Oîograpliie     universelle. 

—  Dans  la  livraison  d'  vril  de  la 
Revue  des  questions  historiques,  j'ui 
cité  {De  l'emprisonnement  de  l'abbé 
Faydit.  Notes  et  documents  inédits, 
p.  581,  no  e  2),  en  l'atinbuant  à 
Charte-  Nodier,  l'article  Faydit  de  la 
Biographie  universelle.  Un  s  ;vant  b'- 
blingraphe,  que  nous  avi'us  la  joie 
d^'  compter  parir)]  nosroUiiborateurs, 
m'a  écr  t  pour  me  fai'  e  o'  servir  que 
Nodier  n'a  pas  écrit  cet  arti-de.  Js-  ne 
demande  pas  mieux  que  de  ni'incl'- 
ner  devant  l'autorité  ''e  ceux  qui  sont 
mes  maîtres,  mais  pourtant,  av  nt  dd 
répéter  le  Magisler  dixit  du  bon  vieux 
temps,  je  désireras  connaître  la  vé- 
ritable traduction  des  lettres  N-R, 
imprimées  'ous  l'article  Faydit.  Je  le 
désire  d'autant  plus  que  les  éditeurs 
mêmes  du  recueil  m'apprennent 
[signatures  des  auteurs  du  treizième 
volume,  à  la  fin  dudit  volume),  que 


N-R  itoit  se  lire  Charles Nodier,ei(i\iP., 
entre  ces  éditeurs  qui  s  .nt,  il  faut  le 
supposer,  des  gens  bien  informés  et 
le  très-consid  rable  érudit  qui  me 
conseille  de  n'en  rien  croire,  je  suis 
dans  la  situation  de  l'âne  célèbre 
qu'av  it  si  ingénieusement  imaginé 
Buridan,  T.  he  L. 

©ur  le  prieuré  de  Cassan. 

—  Tallemaut  des  Réaux  {Historiettes, 
3'  édition,  tome  VII,  lS;o8,  p.  ioS) 
nous  apprend  que  «  Hullon  tivoit  un 
bon  prieuré  de  buict  mide  livres  de 
renie,  en  Languedoc,  nomn  é  Cas- 
san. »  En  quelle  partie  du  Languedoc 
faut- il  chercher  ce  prieuré?  L'éiliteur, 
dans  une  note  marginale,  l'étaldit  à 
deux  heures  d'Agen,  mais  les  plus 
doctes  Àgennis  ne  connai?sent  pas 
du  tout  un  prieuré  qui  aurait  été  si 
voisin  d'eux. xVucune  localité  du  nom 
de  Cass.n  n'est  indiquée  dans  le  Dic- 
tionnaire J  lantie.  A  Messieurs  les 
Languedocien?  à  m'éclairer! 

Ux  CURIEUX  DE  PROVINCE. 
Lies     Laqueuille      députés 
aux^      Ktats       généraux      de 

IT89.  —  Deux  membres  de  la 
famille  de  Laqueuille  fur  nt  députés 
aux  Eta's  généraux.  Le  premier  des 
sénéchaus  ées  de  Tulle,  Brives  et 
Uzerches,  la  second  '!e  la  séné- 
ciiaussée  de  Riom.  Quels  étaient,  au 
just^^,  les  rapports  de  parenté  de  ces 
deux  pers  mnage."?  Dans  un  curieux 
mémoire  sur  rémit,ratiou,  le  mar- 
quis deM'.rcillac  parle  souvent  de 
son  onde  le  marquis  de  L'iqueuille. 
C'est  très-ceitaii  ement  du  député  de 
la  sénéchaussée  de  Riom  dont  il  est 
question.  Une  de  «es  sœurs  avait  dû 
épouser  le  père  du  marquis  de  M  ir- 
cil'ac.  Pourrait-on  avoir  les  noms  et 
prénoms  et  la  date  du  mariage  de 
cette  dame?  Pourrait-on  également 
dire  quels  liens  de  parenté  exis- 
taient entre  le-  Laqueuille  el  M.  delà 
Rouzière,  lui  au?si  député  de  la  sé- 
néchaussée d'Auvergne  aux  mêmes 
Etals  généraux.  A.  V. 


RÉPONSES. 

La  Collection  des  manus- 
crits du  marquis  de  Cambis 

(XXII,  oit").  —  VI.  Paul  Meyer  a  établi 
que  cette  collection  forme  en  grande 
partie  le  fonls  du  cabinet  des  ma- 


nuscrils  rie  la  Bibliothèque  nationale 
de  Madrid. 

Croisade  de  l^SO (XXII,  5  j9). 

—  Les  documents  s;ir  cett^  croisade 
sont  extrêmemeTit  nombrenx.  Le 
principal  est  ÏErades  {Ilist.  occid.  des 
Croisades,  t.  II)  ;  les  textes  des  chro- 
niqueurs sont  prasquH  tous  dans  le 
Recueil  des  Historiens  de  la  France.  M. 
de  G.  fera  bien  de  consulter  ensuite: 
Ma-  Laine,  Histoire  de  Chypre;  d'Ar- 
liois  de  J'tbainvil!e,7/i5ioire  des  comtes 
de  Champagne, ai  Y  Index  des  écrivains 
du  dix-huitième  siècle,  dnns  l'Histoire 
littéraire  de  la  France  au  mot  Croi- 
sades ;  et  aussi  de  dépouiller,  —  bien 
qu'avec  précaution,  —  les  trois  pre- 
miers volumt^s  de  la  Bibliothèque  des 
Croisades  de  Michaud ,  R . 

La  mort  de  Loiii»  X."VI 
fait-elle  votée  par  la  majo- 
rité de  la  Convention  (XXII, 
557).  —  Le  livre  de  M.  R.  est  de  M. 
J.-B.  Magloiic  Roberi.  Le  titre  exact, 
avec  une  note  csmcernant  le  fait  de  lu 
condamnation  de  Louis  XVI,  se  trouve 
dansŒttinger,  Bibliographie  biogra- 
phique (Bruxelles,  1834),  p.  2039.  On 
peut  aussi  consulter  la  note  de  Qiié- 
rard,  France  littêïaire,^\\\,l'i.  Le  li- 
vre n'est  pas  rare  et  vaut  au  plus  10 
à  12  fr.         S.  Calvaky  (de  Beriin). 

La  On  du  Vengeur  (XXII, 578). 

—  M.  R.  S.  trouvera  d'excellents 
éclaircissements  sur  cette  question 
dans  un  article  du  Dictionnaire  cri- 
tique de  biographie  et  d'histoire,  de  M. 
A.  Jal,  ancien  historiographe  et  ar- 
chiviste de  la  marine,  article  intitulé 
Le  Vengeur  du  peuple  (p.  1243-1230 
de  la  !■■«  édition,  Paris,  1867). 

T.  DE  L. 

Xroîs  portraits  à  retrou- 
ver (XXII,  499).  —  Le  portrait  de 
Gault  de  Saint-Germain  a  été  littio- 
graphié  vers  1840  par  Alluys,  pein- 
tre auvergnat,  d'après  une  peinture 
faite  par  Gault  lui-même,  devant  un 
miroir.  A.  V. 

Un  sol  marqué  (XXII,  283, 
384).  —  En  répondant  à  une  ques- 
tion sur  le  sou  marque,  l'un  des  cor- 
respondants du  Polybiblion  a  com- 
jmis  plusieurs  erreurs.  Cette  petite 
'monnaie  valait,  non  pas  deux  sous 
et  demi  (ce  qu'on  appelait  alors  six 


blancs),  mais  un  sou  et  demi,  ou  dix- 
huit  deniers. Plate  comme  une  feuille 
de  papier,  elle  n'était  point  «  tordue 
avec  une  pince  et  relevée  d'un  côté,  ■>•> 
et  pouvait  parfaitement  se  «  tenir  en 
pile;  »  c'est  même  pour  cela,  afin 
d'alléger  le  poids  delà  monnaie,  ren- 
fermée dans  les  bourses  de  cuir  des 
marchands,  qu'elle  avait  été  inven- 
tée. On  en  faisait  un  très-grand 
usage  dans  tout  l'Ouest  de  la  France. 
Si  l'on  en  a  vu  des  spédmens  tordus 
et  employés  comme  ràcloirs,  c'était 
le  fait  de  quelques  industriels  pour 
leur  usage  propre  ;  mais  le  sou  mar- 
qué était  absolument  plat  et  régu- 
lier. On  s'en  servait  encore  en  1840. 

V.  P. 

l^ïartyrs   de  Ja  Révolution 

(XXII,  286,479). —  Voyage  à  Cayennc, 
dans  les  deux  Amériques  et  chez  les 
Anthropop)hages. Ouyrage  orné  lie gra- 
vures; contenant  le  tableau  général 
des  déportés,  etc.,  par  L.-A.  Pitou, 
déporté  à  Cayenne  en  1797.  Paris, 
chez  L.-A.  Pitou,  1807,  2  vol.  in-8. 
(A  la  fin  du  deuxième  volume,  on 
trouve  la  liste  des  morts  à  Cayenne 
et  dans  les  cantons;  la  liste  des  éva- 
dés et  des  rappelés;  celle  des  dépor- 
tés établis  à  Cayenne;  de  ceux  reve- 
nus eu  France  par  la  Martinique,  et 
enfin  de  ceux  pris  par  les  Anglais 
en  revenant  par  le  Canada.) 

Dans  les  indications  fournies  pré- 
cédemment par  moi  et  insérées 
pages  47')  et  480  du  tome  XXII,  on  a 
imprimé  :  page  480,  ligne  28,  Barbet 
au  lieu  de  Barbât,  et  ligne  30,  Mas- 
sart  au  lieu  de  Mussart.     B.  de  F. 

Les  Sociétés  de  bîblio- 
pliiles  en  France  (XXII,  537).  — 

Un  travail  spécial  sur  les  publications 
Ile  ces  sociétés  serait,  à  coup  sîir, 
chose  utile  et  intéressante;  en  atten- 
datit  qu'il  s'effectue,  nous  tenterons 
du  moins  de  fournir  quelques  indi- 
cations. La  Société  des  bibliophiles  de 
Guyenne  a  mis  au  jour  des  o.ivrages 
fort  dignes  d'attention.  La  Relation 
de  la  Floride,  par  Dominique  de  Cour- 
gues  (édition  revue  par  M.  T.  mizey 
de  Larroque  et  bien  supérieure  à 
toutes  les  çrécédenes)  ;  \es  Remarques 
et  corrections  d'Elienne  de  la  Boeiie 
sur  Plutarque  publiées  par  R.  De- 
zeymerii-),  les  Mémoires  inédits  de  J. 


'.10  — 


do  Fubasi]iubliésiiat  II.Barckhausen), 
etc.  N  oublions  pas<1eux  publications 
•iniportanU'S  :  le?  Essais  de  Montaigne, 
lextc  original  de  lo80,  avec  les  va- 
rianles   des  éditions    de  lo82  et  de 
I088    (publiés  par  R.  Dezeymeris  et 
H.  Biirckhausen),et  la  Chronique  bor- 
delaise de   J.  de  Gaufreteau  (mise  au 
jour  par  J.  Delpii),  importante  pour 
l'histoire   de  la  Guyenne  pendant  le 
seizième  siècle.  —  Parmi  les  travaux 
de  la  Sociiic  des  bibliophiles  7îormands, 
on    remarque  la  réimpression   (avec 
une    inlro'iiictioii  par  M.  André  Po- 
tier) de  \d.  Friquassve  crotestyllonce  des 
antiques    modernes   chansons     (1864, 
iD-8,  XVI,  82  p.),  li're  dont  l'impres- 
sion  originale,  1012,   était    devenue 
introuval)ie,  et  qui,  au  point  de  vue 
du  langage   et  des  usages  rouennais 
à  celte   époque,  présente  un  intérêt 
très-vif.  —  La.  Sociiic  des  bibliophiles 
de   Toiiraine  a  fait  preuve  d'un  zèle 
actif  et  éclairé;  nous  mentionnerons 
seulement  :   la   Vie   de    Monseigneur 
Sainl-MaiHin  de  Toitrs  (en  vers),  par 
Peau    Gatineau,  poëte  du  treizième 
siècle,  publiée  d'après  un    manuscrit 
par  M.  r;<bbé  J.-J.  Bourassé,  Tours, 
1860,  pet.  in-i  à  ISO  exempl.  La  So- 
ciHc  des   bibliophiles  lyonnais,  due  à 
l'initiative  zélée  de  M.  J.-B.  Monfal- 
con,  a  donné  des  réimpressions  d'ou- 
yrages  devenus  fort  i-are; nous  croyons 
qu'elle  a   cessé  de   ''onner  signe  de 
vie.  Li  Socictc  des  bibliophiles  bretons, 
dont  l'origim;   <■^t  récente,  vient  de 
donner   une  'rès-bonn'^,  édition  des 
OEurres  françaises  d'O  ivier  Maillard, 
sermons   1 1  p 'ési*  s,  d'après  les  ma- 
nuscrits et   les    éditions   oiiginales, 
avec    introducli  -u    et  notes  par  iM. 
Arthur  de   la  B^rderie;  elle  fournit 
les  élément?  d'ui^e  afipréciation  exacte 
de  ce  prédicateur  célèbre  jugé  avec 
boaucjup  trop  de  légèreté  par   des 
écrivains  superficiels.  É.  T. 

IVotre-Danie  de  Garalson 

(XXII,  191). — Vo'ciles  titres  .les  publi- 
cations que  nous  connaissons  à  ce 
sujet  :  1°  Les  Conjurations  faites  à 
un   dcmon  possédant   le  coj'ps  d'une 


grande  dame.  Ensemble,  les  étranges 
léponcs    [iir   lui  faites   aux    saints 
exorcisme»  en  la  chapelle  de  No'rc- 
Dame    "le   la  Guaraison,   au  diocèse 
d'Auche,  le  19  novembre  1G18.  Paris, 
L  Mesnier.  in-8  pièce.  — 2°  Le  Lis  du 
Val  de  Guaraison,  où  il  est  traité  en 
générW    de    tous  les  points  qui  con- 
cernent   la   dévotion    des   chapelles 
votives  de  la  Vierge,   en  particuht-r 
de  l'origine  et  des  mu  acles  de  la  cha- 
pelle de  Guarnisoii,  par  E.  Molinier. 
Toulouse,  R.  Colomiez,   1030,  in-12-, 
2»  éd.  Auch,  in-8  s.  d.,  (1640)  ;  3'  éd. 
ib.,    1700;    4«  é  I.,    Garaison,    1847, 
in-16.  —  3'  les  Mcneilles  de  Guarai- 
son, par  M"'  Alabert.  Toulouse,  s.  d. 
(1694), in-12.  —  4-  Histoire  de  la  cha- 
pelle de  Garaison,    par  M.  Suberviile 
et    M.    Duchein.     Toulouse,     18'!0, 
in- 18.  —  0°  Histoire    abrégée    de   la 
chapelle      de     Garaison     (anonj-mpj. 
Lyun,  1839,  in-18.  —   0*   l'ne  notice 
dé  8  p.  dans  le   gr.nnd    ouvrage    du 
curé  de   Saint-Suipice  :  yotre-Dame 
de  Frame,  t.  IV,  p.  4o0-57.  —  Sch. 

Lorsqu'il   subsiste  des  traces  de  la 
langue  des  Indiens,qui  disparaît  tous 
1.  s  jours,    il    importe   de   leï  consi- 
gner bien  vite,  de  crainte  de  les  voir 
s'échapper.    A  ce   propos,  notons  le 
titre  d'un  livre  bien  rare  que    vient 
d'acquérir  la  Bibliothèque  nationale: 
«  Lecciones  espirituales  para  las  tan- 
a  das  de  ejercicios  de  S.  Ignacio,  da- 
«    dai    a   los   lodios    en   el    idioraa 
«  mexicano.  Compuesta  por   un   sa- 
<c  cerdote  del  Obispado  de  la  Puebla 
8  de   los  Angele-.  Puebla,  imprenta 
0  antigua,  1841.  »  Malgré  cette  dite, 
cette  version  d'une  œuvre  de    saint 
Ignace  remonte  à  1835,  selon  la  date 
que  portent  la  dédicice  et    l'autori- 
sation ecclésisstique  d'imprimer,  ré- 
digées en  espagnol.  Grâce  au  travail 
de  ce  prêtre  anonyme,  on  a  des  res- 
sources suffisantes  pour  reconstituer 
un    vocabulaire    respectable    de    la 
langue  quichua.  en  prenant  le  texte 
original    de    saint  Ignace    que  l'on 
confronterait  avec  la  traduction  pla- 
cée sous  nos  veux.  —  Sch. 


Le  Gérant  :  L.  Sa^dret. 


Saint-Onentiu.  —  Iiiip.  Jule?  Moukeav. 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 


PUBLICATIONS    RÉCENTES  SUR   L'HISTOIRE 
DE  LA   PHILOSOPHIE. 

Dictionnaire  des  sciences  philosophiques,  par  une  Société  de  professeurs  et  de  savants, 
sous  la  direction  de  M.  Ad.  Franck,  membre  de  l'Institut.  2"  édition.  Paris,  Ha- 
cliette,  gr.  in-8  de  xii-lSO»)  p.  ;i  2  col.  Prix  :  30  fr.  —  Etudes  historiques  et  critiques 
sur  le  rationalisme  contemporain,  par  Hyac.  DE  ValrouER,  prêtre  del'Ûratoire.  2*  édi- 
tion, augmentée  de  divers  opuscules  du  P.  H.  de  V.  et  publiée  par  P.  de  Valroger, 
prêtre  de  Saint-Sulpice.  Paris,  LecotVre,  1878,  in-8  de  XXlV-i>)6  p.  Prix  :  6  fr. —  Histoire 
de  la  philosophie,  par  Joseph  Fabre.  Première  partie  :  Antiquité  et  moyen  âge.  Paris, 
Germer-Ballliére,1878.  in-8  de  Vli-474  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Sancti  Thomœ  de  Origine 
idearum,  doctrina,  qualis  quum  ab  ipso  proposita  tum  a  Liberatore  defensa  fuit,  breviter 
recensetur  et  dijudicatur  [a]  D.  Delal.nav.  Lutetiœ  Paris..  Ern.  Thorin,  1876,  in-8 
de  103  p.  —  S.  Thomas  d'Aquin  et  l'idéologie.  Discours  lu  dans  une  séance  de  l'Aca- 
démie de  la  Helinjion  catholique  ii  Home,  le  18  août  1870,  par  M;-'i-  Pierre-Marie 
Ferré,  évèque  de  Casale-Monferrato.  1'  édition,  suivie  de  documents  relatifs  aux 
œuvres  de  Rosmini.  Paris.  Douniol.  1877,  gr.  in-8  de  53  p.  —  Documents  inédits 
sur  Gassendi,  par  Pu.  Ta.mi/.ey  de  Larroqce.  Paris,  V.  Palmé.  1877,  gr.  in-8  de 
30  p.  (Extrait  de  la  /{«i-ue  rfe?  questions  historiques.)  —  Dieu,  Vhomme  et  la  béa- 
titude, par  Spinoza,  traduit  pour  la  première  fois  en  français  et  précédé  d'une 
introduction  par  Paul  Janet.  Paris.  Germer-Baillière,  1878,  in-IS  de  1,11-130  p. 
{Bibliothifqne  de  philosophie  ronlemporaine .)  Vnyi  :  2  fr.  50.  —  Kantii  theologia  ex  lege 
morali  ducta  expenditur,  a  Ferd.  Dcçiesnot,  presb.  Paris,  •'.  Delagrave,  s.  d.,  in-8 
de  111  p.  Prix  :  2  fr.50.  —  Etude  sur  la  philosophie  en  France  au  dix-neuvième  siècle. 
Le  Socialisme,  le  naturalisme  et  le  positivisme,  par  M.  Ferraz,  professeur  de  philoso- 
phie il  la  faculté  des  lettres  de  Lyon.  1'  édition.  "Paris,  Didier,  1877.  in-18  de 
XXXi-482  p.  Pri.x  :  4  fr.  —  Saint-Simon  et  le  sainl-simonisme,  par  Paul  .IaNET. Paris, 
Germer-HaïUière,  1878,  in-18  de  171  p.  {Bibliothèque  de  philosophie  contemporaine.) 
Prix  :  2  fr.  50.  —  Notice  sur  Laromiguière,  par  M  Gabriel  Compayré.  Toulouse, 
imp.  Douladoure,  in-8  di^  l'J  p.  (Extrait  des  Mémoires  de  l'Académie  des  sciences  de 
Toulouse.) —  Les  Logiciens  anglais  contemporains,  par  l.ocis  LiARn,  professeur  de  phi- 
losophie il  la  faculté  des  lettres  de  Bordeaux.  Paris,  Germer-Baillière,  1878,  in-18 
de  179  p.  (Bibliothèque  de  philosophie  contemporaine.)  Prix  :  2   fr.   50. 

Le  PohjbibUon  est  bien  en  retard  avec  l'une  des  plus  importantes 
publications  de  la  librairie  Hachette,  la  nouvelle  édition  (succédant 
après  un  quart  de  siècle  à  la  première)  du  Diclioimaire  des  sciences 
philosophiques.  Aux  six  volumes  achevés  de  publier  en  1852,  on 
a  substitué  un  seul  gros  volume,  d'une  masse  énorme  et  d'une 
impression  fort  compacte,  mais  qui,  par  là  même,  paraîtra  peut-être 
d'un  usage  plus  commode  à  certains  travailleurs,  et,  en  tout  cas, 
assortira  mieux  la  collection  de  répertoires  alphabétiques  où  ce  pré- 
cieux recueil  vient  prendre  une  des  meilleures  places.  A  ce  change- 
ment matériel  devait  coïncider  un  remaniement  plus  difficile  et  plus 
important  dans  le  fond  même  de  l'ouvrage.  Il  fallait  mettre  au 
courant,  soit  de  l'histoire  de  la  philosophie,  qui  a  fait  dans  les  années 
écoulées  tant  d'acquisitions  et  de  pertes  considérables,  soit  des  doc- 
trines elles-mêmes,  si  renouvelées  sur  plusieurs  points,  ce  monument 
Août  1878.  T.  X\III,  7. 


—  98  — 

élevé  par  une  société  de  philosophes  de  la  même  école,  à  une  époque 
où  l'enseignement  officiel  en  France  avait  son  programme  et  ses 
mots  d'ordre,  que  cette  école  respectait  très-sincèrement  sans  doute, 
mais  avec  une  singulière  unanimité .  L'impression  générale  a  été  la 
nôtre  :  quoique  les  besoins  aient  singulièrement  changé,  on  nous 
offre,  à  très-peu  près,  en  1876,  la  même  denrée  qu'en  1850;  et  c'est 
pourquoi,  sans  vouloir  nuire  au  succès  parfaitement  légitime  d'un 
recueil  indispensable  aux  professeurs,  nous  ne  sentions  pas  la  nécessité 
de  le  juger  à  nouveau.  N''avait-il  pas  été  jugé  suffisamment  à  tous 
les  points  de  vue  par  des  critiques  compétents  dès  sa  première  appa- 
rition ?  Nous  citerons,  en  particulier,  en  ce  qui  touche  l'esprit  reli- 
gieux de  cette  vaste  entreprise,  les  articles  du  regretté  P.  de  Val- 
roger  dans  le  Correspondant  de  décembre  1844. 

Toutefois,  les  parties  modifiées  ou  tout  à  fait  nouvelles  de  cette 
seconde  édition  forment  une  masse  considérable.  Nous  l'avons  reconnu 
par  un  usage  fréquent  et  par  une  comparaison  soigneuse.  De  plus, 
nous  avons  été  frappé  de  ces  paroles  du  nouvel  avertissement  de 
M.  Ad.  Franck  :  «  Nous  avons  fait  ce  qui  était  en  notre  pouvoir  pour 
ne  rien  omettre  d'important  et  ne  rien  laisser  subsister  de  trop 
défectueux.  La  partie  ancienne  aussi  bien  que  la  partie  nouvelle  de 
ce  Biclionnaire^  a  été  soumise  à  un  contrôle  attentif  ;  mais,  bien  loin  de 
nous  croire  à  l'abri  des  observations  de  la  critique,  nous  les  attendons 
et  même  nous  les  sollicitons.  Quelque  sévères  qu'elles  puissent  être, 
pourvu  qu'elles  soient  justes,  elles  peuvent  compter  sur  notre  recon- 
naissance. »  C'est  donc  un  devoir  pour  nous,  dette  de  reconnaissance 
et  service  à  rendre  à  la  vérité,  d'offrir  au  savant  éditeur  de  ce  Diction- 
naire quelques-unes  de  nos  remarques  sur  la  révision  qu'il  lui 
a  fait  subir.  Commençons  par  la  partie  historique,  de  beaucoup  la 
plus  remarquable  et  la  plus  considérable,  et  à  laquelle  est  réellement 
surbordonnée  ici,  comme  dans  la  plupart  des  meilleurs  travaux  inspirés 
par  l'éclectisme  français,  la  partie  doctrinale. 

L'histoire  de  la  philosophie  n'a  pas  été  bien  sérieusement  revue  ; 
on  l'a  mise  à  jour,  soit  en  complétant  la  bibliographie  annexée  à 
quelques  articles  (encore  ce  point  laisse-t-il  beaucoup  à  désiser),  soit 
en  ajoutant  ou  en  retranchant  quelques  alinéas  dans  d'anciens  articles, 
soit  surtout  en  composant  des  notices  sur  quelques  auteurs  autrefois 
omis  ou  morts  depuis  la  première  publication;  mais  la  révision  minu- 
tieuse des  articles  même  peu  importants , d'après  les  sources  authentiques, 
ne  paraît  pas  avoir  été  tentée.  En  voici  une  preuve  frappante.  Dès  la 
première  livraison,  on  lit  à  l'art.  Ac/iillini{p.  9)  :  «...  Il  mourat  en  1512, 
sans  avoir  laissé  aucun  écrit  qui  soit  parvenu  jusqu'à  nous.  »  Exactement 
ce  qu'on  lisait  dans  la  première  édition.  Or,  tous  les  hommes  studieux 
pouvaient  dès  lors  corriger  cette  erreur,  en  consultant  le  dictionnaire 


—  99  — 

historique  où  la  liste  des  ouvrages  et  des  éditions  d'Achillini  tient  une 
assez  large  place,  et,  de  plus,  cette  erreur  avait  été  signalée  comme 
surprenante  dans  un  livre  qui  n'aurait  pas  dû  échapper  à  Tattentionde 
M.  Franck;  je  veux  parler  de  r.4rerro('.y  de  M.  Renan.  (Voyez  la  2^  édit., 
1861,  p.  362.) 

Les  philosophies  orientales  n'ont  pas  subi  de  changement  ou  d'ad- 
dition notable;  seule,  la  philosophie  juive  a  exigé  un  article  nouveau, 
grâce  aux  recherches  qui  ont  fini  par  résoudre  une  des  énigmes  de 
l'histoire  des  ancêtres  de  la  scolastique  ;  nous  voulons  parler  de  l'au- 
teur du  Fons  vitx,  Avicebron,  auquel  un  des  hommes  qui  ont  le  plus 
et  le  mieux  contribué  à  l'enrichissement  de  cette  édition  du  Diction- 
naire des  sciences  philosophiques,  M.  Em.  Charles,  a  consacré  un  article 
remarquable  (p.  127-131).  —  Dans  la  philosophie  grecque  et  latine, 
l'amélioration  la  plus  importante  concerne  raristotélisme.M.B.Saint- 
HiJaire  a  complété  son  article  Arislotc,  où  la  partie  doctrinale  était 
restée  notablement  imparfaite,  et  par  surcroît  M.  Ch.Levêque  a  fourni 
une  bonne  étude  sur  le  péripatétisme.  Il  y  a  de  petits  articles  neufs  sur 
Hippocrate,  Eschine  d'Athènes  (il  faut  supprimer  comme  faisant  double 
emploi  l'art.  Eschine,  p.  12),  ApoUophanc,  Eudoxe,  Eurytus,  Socrate 
le  Jeune,  et  des  retouches  à  Phérécyde,  aux  divers  Ammonius...  Mais 
n'y  avait-il  pas  quelques  modifications  plus  importantes  à  introduire 
dans  d'autres  morceaux,  pour  les  mettre  au  courant  de  la  critique 
philosophique  ?  Ne  serait-il  pas  bon  qu'on  trouvât  ici  quelque  chose  des 
points  de  vue  nouveaux  qu'elle  a  ouverts,  par  exemple  sur  la  doctrine 
de  la  liberté  dans  Épicure  et  dans  Platon  ?  —  Un  singulier  oubli  (car 
c'est  un  pur  oubli,  sans  doute,  puisque  le  nom  se  trouve  à  la  Table 
synthétique  qui  termine  l'ouvrage),  c'est  celui  du  grand  poète  de  l'épi- 
curisme,  Lucrèce. 

La  philosophie  chrétienne  des  Pères  et  des  scolastiques  pouvait  être 
bien  améliorée,  soit  quant  à  l'esprit,  soit  quant  au  nombre  et  à  l'expo- 
sition des  faits  :  mais  il  n'a  été  presque  rien  fait  dans  ce  sens  ;  et  il 
faut  bien  se  dire  qu'on  ne  nous  offre  toujours  que  des  fragments,  en 
marge  desquels  il  conviendrait  très-souvent  d'écrire  le  caute  lege  des 
anciens  censeurs  de  livres.  La  plupart  des  maîtres  du  moyen  âge,  en 
particulier,  ont  été  interprétés  par  des  hommes  trop  étrangers  à  leur 
foi  et  même  à  leur  science.  Que  dire  (pour  ne  citer  qu'un  exemple) 
d'un  article  sur  Durand,  où  l'on  n'apprend  rien  de  sa  double  négation 
capitale,  à  divers  points  de  vue,  de  l'intellect  agent  et  du  concours 
divin?  N'était  Tarticle  très-fouillé  de  M.  Em.  Charles  sur  Roger 
Bacon,  substitué  à  une  esquisse  insuffisante  de  M.  Ch.  Jourdain,  le 
Dictionnaire  ferait  croire  que  l'étude  de  la  philosophie  du  moyen  âge 
n'a  pas  fait  un  pas  en  France  depuis  1850  et  qu'à  cette  époque  elle  y 
était  à  peine  ébauchée. 


La  philosophie  moderne  était  bien  plus  exactement  exposée  dans  ce 
recueil;  aussi  n'a-t-on  jugé  à  propos  d'y  faire  aucun  changement 
important,  aucune  addition  bien  frappante,  sauf  un  article  de  premier 
ordre  qui  vient  combler  une  lacune  des  plus  caractéristiques.  Le  nom 
de  Galilée  manquait  dans  la  première  édition  !  Nul  ne  se  plaindra  de 
la  longueur  exceptionnelle  (une  trentaine  de  colonnes)  du  travail 
consacré  par  M.  Th.-Henri  Martin  au  véritable  père  de  la  philosophie 
naturelle  dans  les  temps  modernes,  et  M.  Franck  pouvait  se  dispenser, 
dans  son  avertissement,  de  chercher  des  motifs  ou  des  excuses  pour 
laisser  au  savant  doyen  de  Rennes  «  Tespace  et  la  liberté  dont  il  avait 
besoin  »  pour  cette  étude  capitale.  Des  lacunes  moins  graves,  mais 
encore  fâcheuses,  auraient  dû  être  comblées  aussi  :  Martinez  à  un 
article  ;  pourquoi  son  disciple  plus  célèbre  que  lui,  Saint-Martin,  n'en 
a-t-il  aucun  ?  On  a  peut-être  trop  parlé  dans  ses  derniers  temps  de  la 
philosophie  de  Gœthe  ;  était-ce  une  raison  de  ne  pas  lui  accorder  ici 
au  moins  une  ou  deux  colonnes  ? 

C'est  dans  le  domaine  de  la  philosophie  contemporaine  que  la  mort, 
mettant  les  rédacteurs  en  possession  d'une  foule  de  noms  plus  ou 
moins  illustres,  a  fait  la  plus  consibérable  part  de  la  nouveauté  dans 
ce  gros  volume.  Indiquons  les  principaux  articles,  en  commençant  par 
la  France.  —  .l/y/j^è/r  (André-Marie),  longue  et  importante  étude  de 
M.  Th.-Iienri  Martin.  —  Cousin,  article  de  M.  Franck, vraiment  par 
trop  officieux  ;  dans  cette  apologie,  qui  roule  principalement  sur  la 
théorie  de  la  raison  impersonnelle  et  sur  la  classification  générale  des 
systèmes  philosophiques,  fallait-il  oublier  la  philosophie  de  l'histoire 
et  l'apothéose  du  succès?  —  Bautain,  article  fort  sévère  du  même 
auteur  ;  j'ai  cru  y  reconnaître  une  pure  et  simple  réduction  d'une 
vieille  critique  publiée  dans  la  Revue  de  r instruction  publique  de  1842; 
mais  il  n'aurait  été  que  juste  d'accorder  une  mention  aux  travaux 
postérieurs  de  l'abbé  Bautain,  qui  ne  gardent  guère  plus  trace  des 
excentricités  de  ses  débuts.  —  Gratry,  étude  sympathique,  assez 
étendue,  de  M.  Em.  Charles.  —  Pierre  Leroux,  Jean  Reynaud,  notices 
fermes  et  compétentes  de  M.  Franck.  —  Bordas-Demoulin,  Bûchez, 
Lamennais,  articles  consciencieux,  mais  peut-être  insuffisants  quant 
à  la  critique,  par  M.  Em.  Charles.  —  C'est  encore  ce  même  écrivain 
élégant  et  judicieux,  qui  a  très-convenablement  enseveli  ces  maîtres 
de  son  école,  Ad.  Garnier  etEm.  Saisset.  Nous  pourrions  signaler  ici 
les  articles  consacrés  à  un  certain  nombre  de  professeurs  français  de 
moindre  valeur  et  qui  auraient  pu,  quelques-uns  du  moins,  être  omis 
sans  inconvénient.  Mais  fallait-il  omettre  Proudhon,  et,  à  un  degré 
inférieur,  M.  Fréd.  Morin  ?  —  Parmi  les  noms  appartenant  à  la  phi- 
losophie étrangère,  citons:  fia/'/Jici",  article  favorable,  mais  gâté  par 
le  rationalisme    de  M.  Em.  Beaussire  [Donoso  Cartes  est  prorais  dans 


—   101   — 

YAvertissemrnl,  mais  oublié  dans  le  livre).  —  M.  Beaiissire  est  encore 
l'auteur  de  deux  bons  articles  sur  Galluppi  et  Miceli;  ce  dernier  ap- 
partient au  dix-huitième  siècle,  mais  il  a  été,  pour  ainsi  dire,  révélé 
de  nos  jours  par  M.  di  Giovanni,  —  Les  notices  do  M.  Em.  Charles 
sur  Gioberti  et  sur  Rosmiiii  sont  rédigées  avec  conscience  et  talent  : 
mais  elles  n'ont  paru  aux  critiques  italiens,  même  les  plus  étrangers 
aux  deux  systèmes  rivaux,  ni  complètes  ni  parfaitement  équitables. — 
Ikwnlton,  Slitart  Mlll,  Schopeuhauer,  trois  morceaux  très-estimables 
du  même  critique. 

Quant  à  la  doctrine^  la  nouvelle  édition  du  Dictionnaire  des  sciences 
philosophiques  vaut  à  peu  près  exactement  l'ancienne,  vu  le  parti  pris 
de  ne  rien  changer  au  fond,  vu  surtout  le  peu  d'importance  de  la 
plupart  des  modifications  et  des  additions,  parmi  lesquelles  il  y  en  a 
de  trop  insignifiantes,  comme  les  noms  techniques  des  modes  de  syl- 
logisme, mis  à  leur  ordre  alphabétique,  y  compris  un  mode  Barbari, 
dont  j'ignore  l'état  civil.  Il  faut  cependant  saluer  quelques  bonnes 
contributions  à  la  psychologie  expérimentale,  par  feu  M .  Alb.  Lemoine, 
et  surtout  son  article  Insliuci.  11  faut  remarquer  aussi  l'article  Devoir 
de  M.  P.  Janet,  incomparablement  supérieur  à  celui  de  Charma  qu'il  a 
remplacé.  Notons  en  passant  que  tous  les  autres  articles  de  ce 
pauvre  Charma  ont  également  disparu;  sans  les  regretter,  ne  peut-on 
pas  soupçonner  qu'ils  ont  un  peu  porté  la  peine  de  la  dernière  évolu- 
tion morale  et  politique  de  l'auteur?  La  nouvelle  édition  vaut  donc 
juste  l'ancienne  au  point  de  vue  doctrinal.  Peut-être  cependant 
quelques-uns,  parmi  les  critiques  religieux,  lui  feront-ils  meilleur 
visage  :  le  déisme  correct  de  l'école  de  Cousin  et  son  respect  officiel 
pour  l'Eglise,  justement  suspects  à  la  génération  précédente,  pour- 
ront paraître  de  bon  exemple  en  face  d'une  hostilité  aujourd'hui  plus 
profonde  et  moins  tempérée  par  le  sentiment  des  convenances  et  des 
nécessités  sociales.  A  un  autre  point  de  vue,  on  pourrait,  au  contraire, 
se  plaindre  que  la  nouvelle  édition  ne  soit  pas,  comme  l'ancienne  l'était 
à  son  heure,  suffisamment  munie  contre  les  hérésies  philosophiques 
du  moment.  Il  aurait  été  possible  à  M.  Franck  et  à  ses  collaborateurs, 
restés  étrangers,  nous  aimons  à  le  reconnaître,  aux  graves  erreurs  de 
notre  temps  dans  le  domaine  de  la  pure  philosophie  et  de  la  religion 
naturelle,  de  battre  en  brèche  des  systèmes  qui,  outre  le  charme  de 
la  nouveauté,  ont  l'avantage  de  tenir  aujourd'hui  la  plus  grande 
place  dans  la  presse,  et  môme,  ou  peu  s'en  faut,  dans  l'enseignement. 
Sans  doute  ils  n'avaient  pas  à  rédiger  des  articles  Vacherol,,  Renan, 
Renoiivier,  Taine,  Fouillée,  etc.  Mais  en  augmentant  de  quelques 
considérations  nouvelles  d'anciens  articles  dont  le  fond  subsiste,  en 
ajoutant    quelques    articles    nouveaux,   ils  pouvaient    atteindre  les 


—  102  — 

principales  formes  nouvelles  de  l'erreur,  sans  s'attaquer  directement 
aux  personnes  vivantes . 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'inspiration  constante  d'un  spiritualisme  éclairé, 
l'abondance  des  renseignements,  le  mérite  habituel  de  la  rédaction, 
la  commodité  de  la  forme ,  recommandent  assez  ce  répertoire  indis- 
pensable à  un  grand  nombre  de  travailleurs.  Il  faut  d'autant  plus 
regretter  que  le  rationalisme  discret  et  poli,  mais  d'autant  plus  dan- 
gereux, en  gâte,  non  pas  (bien  s'en  faut)  tous  les  articles,  mais  un 
grand  nombre,  surtout  de  ceux  qui  touchent  à  l'histoire  et  aux  dé- 
fenseurs de  l'Eglise  catholique.  On  s'est  même  étonné  que  le  seul 
progrès  des  études  critiques  n'eût  pas  amené  quelques  modifications 
sur  ces  points.  Il  n'y  a  rien  littérairement  de  plus  agréable,  mais  en 
même  temps  de  plus  contestable  historiquement,  et  moralement  de 
plus  suspect,  que  la  leçon  de  M.  Cousin  sur  le  Mysticisme.  Et  on  la 
laisse  tout  entière  à  son  rang  alphabétique,  par  un  privilège  qui  était 
déjà  étrange  il  y  a  vingt-cinq  ans,  comme  si  elle  représentait  le 
dernier  mot  de  la  science  ?  On  oublie  qu'un  juge,  que  personne  n'ac- 
cusera ni  d'incompétence  en  philosophie,  ni  de  fanatisme  en  religion, 
M.  Ravaisson,  a  porté  cet  arrêt  [La  Philosophie  en  France  au  dix-neu- 
vième siècle,  p .  19)  :  Le  mysticisme  exposé  et  combattu  par  Cousin 
embrasse   «  évidemment  toute  la  théologie  chrétienne.  » 

—  Parmi  les  travaux  opposés  par  l'apologétique  chrétienne  à  ce 
rationalisme  qui  subsiste  trop  dans  le  Dictionnaire  des  sciences  philo- 
sophiques, il  n'y  en  a  pas  eu  de  plus  solide,  de  plus  modéré,  de  plus 
complet,  sous  de  modestes  proportions,  qu'un  livre  du  vénérable 
P.  do  Valroger  publié  dès  1846,  épuisé  bientôt  après,  et  dont  nous 
réclamions  depuis  longtemps  une  édition  nouvelle.  Cette  édition,  à  la 
fois  diminuée  et  augmentée,  un  prêtre  de  Saint-Sulpice,  frère  du 
regrettable  oratorien,  nous  l'offre  aujourd'hui,  et  tous  les  lecteurs 
chrétiens  lui  doivent  un  accueil  empressé.  Ne  fussent-elles  qu'un 
travail  instructif  sur  une  école  de  philosophie  dont  la  grande  vogue 
est  passée^  mais  dont  les  œuvres  et  l'influence  ne  périrent  pas  si  tôt, 
les  Études  historiques  et  critiques  sur  le  rationalisme  contemporain  ont 
leur  placemarquée  dans  toute  bibliothèque  philosophique  et  religieuse. 
Mais  elles  renferment,  sous  une  forme  remarquable  de  précision  et  de 
netteté,  une  forte  somme  de  considérations  et  d'arguments  qui  seront 
toujours  utiles  à  l'apologétique  historique,  objet  constant  des  efforts 
de  Téminent  auteur.  Le  livre  est  dégagé  aujourd'hui  de  tout  ce  qui 
paraissait  tenir  principalement  aux  préoccupations  particulières  des 
années  qui  précédèrent  la  révolution  de  1848  ;  il  reste,  dans  la  pre- 
mière partie,  une  critique,  à  mon  avis  trop  peu  complète,  mais,  certes 
très-décisive,  du  syncrétisme  de  M.  Cousin,  au  double  point  de  vue 
de  la  philosophie  et  de  la  religion  ;  et,  dans   la   seconde  partie,    qui 


—  103  — 

l'emporte  de  beaucoup  en  variété  et  en  étendue,  un  examen  non 
moins  judicieux  de  son  histoire  de  la  philosophie  et  de  sa  philosophie 
de  l'histoire,  surtout  en  ce  qui  concerne  le  christianisme  et  les  fausses 
religions.  Les  idées  de  M.  Cousin  et  de  Jouffroy,  sur  les  origines, 
l'influence  et  l'avenir  de  la  religion  chrétienne,  ces  idées  dominantes 
encore  parmi  beaucoup  d'esprits  qui  se  regardent  comme  impartiaux, 
respectueux  et  conservateurs,  n'ont  jamais  été  soumises  à  une  critique 
plus  calme  et  plus  concluante.  Au  reste,  un  des  tenants  de  l'école  si 
bien  combattue  par  l'abbé  de  Valroger,  M.  Em.  Saisset,  ne  put 
s'empêcher  de  saluer  en  lui,  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes  (15  sept. 
1847),  «  un  prêtre  éclairé,  un  adversaire  très-habile  et  très-courtois, 
un  homme  parfaitement  renseigné  sur  tous  les  écrits  de  la  philosophie 
contemporaine,  et  qui  connaît  les  hommes  et  les  choses.  » 

Parmi  les  additions  qui  occupent  plus  du  tiers  de  cet  élégant  volume 
et  qui  n'ajoutent  pas  peu  à  sa  valeur  déjà  si  considérable,  nous  cite- 
rons :  la  préface  du  nouvel  éditeur,  qui  fait  l'histoire  du  livre  et  justifie 
les  modifications  qu'il  lui  a  fait  subir,  sans  jamais  altérer  le  texte  de 
l'auteur;  une  excellente  notice  sur  ce  dernier,  par  le  P.  Largent,  de 
l'Oratoire,  notice  déjà  remarquée  dans  la  Reviie  des  questions  histO" 
riques;  des  Noies  inédites  du  P.  de  Valroger  sur  M.  Cousin,  qui  conti- 
nuent et  achèvent  l'appréciation  du  maître  commencée  dans  l'ouvrage; 
l'importante  étude  sur  Spinoza  et  la  jeune  école  éclectique,  publiée  dans 
le  Correspondant  de  1845;  une  Leçon  au  collège  de  France  en  2547,  spi- 
rituelle et  judicieuse  critique  du  mythisme  de  Strauss,  ajoutée  en  1847 
à  la  fin  d'une  traduction  de  Tholuck,  mais  que  tous  les  lecteurs  des 
présentes  Etudes  seront  ravis  de  lire  et  de  relire  à  cette  place  ;  enfin 
et  surtout  un  Choix  de  pensées  philosophiques  et  religieuses  inédites^  qui 
pourraient,  selon  la  pensée  du  pieux  éditeur  qui  les  a  recueillies  et 
coordonnées  avec  tant  de  soin  et  de  succès,  être  intitulées  :  «  Le  P, 
de  Valroger  peint  par  lui-même.  »  Elles  offrent,  d'ailleurs,  sur  les 
rapports  de  l'enseignement  philosophique  et  de  la  foi,  du  rationalisme 
et  de  lareligion,  soit  naturelle,  soit  révélée,  de  la  science,  des  sciences 
et  de  la  philosophie,  et  sur  la  nécessité  et  les  conditions  de  l'accord 
entre  la  science  sacrée  et  les  sciences  profanes,  beaucoup  de  données 
précises,  solides,  fécondes,  également  fermes  et  modérées.  Je  n'en 
détache  qu'une,  qui  en  montre  bien  l'esprit  général,  aussi  scientifique 
que  religieux  :  «  A  mesure  qu'on  cesse  de  croire  à  la  révélation  chré- 
tienne, les  révélateurs  et  les  prophètes  deviennent  plus  nombreux.  Le 
doute  méthodique  et  l'ironie  socratique  sont  chaque  jour  plus  néces- 
saires pour  défendre  la  raison  et  la  foi  contre  cette  invasion  d'illumi- 
nés hautains  et  fougueux.  » 

—  M.  Joseph  Fabre  a  bien  raison  de  dire,  dans  la  courte  préface  de 
son  Histoire  de  la  philosophie,  que  son  livre  n'est  pas  un  manuel,  quoi- 


—   104  — 

qu'il  en  ait  la  brièveté.  Il  y  manque  la  proportion  et  la  méthode.  Je 
comprends  que  l'auteur  se  soit  promis,  comme  pour  compléter  l'ensei- 
gnement scolaire,  d'être  succinct  sur  les  points  très-connus  et  d'ac- 
corder ((  unelarge  place  aux  périodes  de  transition  et  d'enfantement.» 
Mais  il  ne  me  paraît  pas  qu'il  ait  sérieusement  rempli  ce  programme 
difficile,  quoiqu'il  ait  fait  un  livre  où  ne  manquent  ni  l'intérêt  ni  le 
talent.  Ce  qui  frappe  le  plus  dans  la  lecture,  très-attrayante  (je 
l'avoue)  de  ce  volume  sur  la  philosophie  de  l'antiquité  et  du  moyen 
âge,  ce  sont  les  préoccupations  morales,  politiques  et  sociales  de 
l'auteur.  Il  raconte  en  courant,  avec  un  très-mince  souci  du  fait  his- 
torique et  des  textes  précis.  Mais,  à  tout  propos,  ses  prédilections  lui 
font  quitter  les  voies  battues,  et  surtout  l'engagent  en  des  prédica- 
tions passionnées,  honnêtes  d'intention  sans  doute,  mais  presque 
toujours  sentant  plus  ou  moins  le  fagot. 

Dès  les  premières  pages,  par  exemple,  nous  lisons  une  diatribe 
fougueuse  contre  ceux  qui  confondent  l'histoire  universelle  avec  un 
petit  coin  d'histoire  particulière,  allusion  trop  évidente  à  ce  pauvre 
Bossuet  qui  n'avait  lu  ni  Confucius  ni  les  Védas.  Mais  qui  donc,  ô 
trop  bouillant  discoureur,  qui  donc  amis  hors  de  l'histoire  ces  peuples 
longtemps  inconnus  qui  vous  tiennent  au  cœur?  Qui  a  seulement 
insinué  qu'ils  fussent  étrangers  à  la  lumière  morale  qui  éclaire  tout 
homme  venant  en  ce  monde  ?  Excessive  et  déplacée,  cette  tirade  a 
d'ailleurs  l'inconvénient  de  faire  attendre  une  histoire  approfondie,  et 
nous  n'avons  ici,  sur  les  Egyptiens,  les  Hébreux,  les  Perses,  que  des 
aperçus  très -fugitifs  et  qui  sont  loin  de  suppléer  à  l'étendue  par  la 
précision  et  la  sûreté.  Les  Indiens  sont  un  peu  mieux  étudiés  dans 
ces  trois  évolutions  de  leur  pensée  religieuse  :  les  Védas,  Brahma,  le 
bouddhisme.  INI.  Fabre  n'est  pas  loin  d'adorer  Çakia-Mouni;  quanta  la 
philosophie  proprement  dite  de  l'Inde,  avec  ses  diverses  écoles  révélées 
par  Colebrooke,  il  n'en  dit  pas  un  mot!  Évidemment  le  titre  du  livre 
est  fautif.  Nous  avons  une  histoire,  ou  plutôt  un  tableau  éloquent  des 
idées  morales  et  religieuses  de  l'humanité,  et  non  pas  une  histoire  de 
la  philosophie.  En  Chine,  Confucius  et  Mencius,  ayant  une  tendance 
exclusivement  pratique,  ont  obtenu  l'attention  et  les  sympathies  de 
l'auteur;  mais  en  Grèce,  la  philosophie  antisocratique  est  traitée  à 
vol  d'oiseau;  Socrate  lui-même  est  à  peine  indiqué  :  Platon  et  Aristote 
ont  trois  ou  quatre  pages  chacun,  M.  Fabre  dira  qu'il  s'agit  «  de 
systèmes  très-connus.  »  Mais,  hélas!  c'est  tout  le  contraire;  et, 
parmi  ses  lecteurs,  y  compris  ses  anciens  auditeurs  de  la  faculté  des 
lettres  de  Bordeaux  et  ses  anciens  élèves  de  divers  collèges  et  lycées, 
et  en  dernier  lieu  du  lycée  de  Louis-le-Grand,  on  peut  parier  que  la 
plupart  seraient  beaucoup  plus  empêchés  d'exposer  la  dialectique 
platonicienne  ou  la  métaphysique  du  Lycée  que  la  morale  du  Portique, 


—   iOo    - 

à  laquelle  M.  Fabre  ne  craint  pas  d'accorder  de  si  longues  pages. 
Encore  une  fois,  ces  disproportions  sont  inconciliables  avec  Tordre  et 
l'unité  de  l'œuvre;  mais  elles  s'expliquent  toujours  par  des  tendances 
et  des  idées  personnelles.  Pour  l'auteur,  «  le  stoïcisme  représente  le 
plus  noble  effort  de  la  philosophie  ancienne  pour  le  gouvernement 
des  âmes,  »  et  il  l'annonce  d'avance  comme  devant  reparaître  avec 
Kant  au  point  de  vue  culminant  de  la  philosophie  moderne  (p.  251). 

Le  morceau  le  plus  considérable,  après  l'étude  sur  le  stoïcisme  ro- 
main, c'est,  non  pas  la  philosophie  alexandrine,  qui  est  d'ailleurs 
exposée  nettement  dans  son  rôle  actif  plutôt  que  dans  ses  spécula- 
tions, mais  le  chapitre  sur  la  philosophie  chrétienne.  Il  y  a  là  de 
chaudes  effusions  de  sympathie  pour  l'Evangile  et  son  divin  héros, 
pour  les  grandes  idées  religieuses  de  l'Eglise  primitive  et  de  ses 
docteurs.  Mais  on  y  trouverait,  dans  des  assertions  ou  des  insinua- 
tions rapides  qui  échappent  à  toute  discussion,  quelques-uns  des  pré- 
jugés rationalistes  sur  l'origine  du  christianisme  et  sur  les  prétendues 
lacunes  de  la  morale  chrétienne.  Platonisme  originel  de  l'Eglise,  ab- 
solutisme politique  et  ascétisme  exagéré  favorisés  par  les  Pères, 
telles  sont  les  taches  principales  de  ce  tableau,  dont  plusieurs  traits 
sont  d'ailleurs  moins  répréhensibles  que  beaucoup  de  détails  jetés  à 
tort  et  à  travers,  en  façon  d'allusion,  dans  les  pages  consacrées  à 
l'antiquité  païenne . 

Dans  la  philosophie  du  moyen  âge,  malgré  les  allures  peu  scientifi- 
ques de  la  rédaction,  M.  Fabre  a  plus  d'exactitude  que  tel  auteur, 
moins  suspect  de  fantaisie.  M,  Fouillée,  par  exemple.  Beaucoup  de 
parties  sont  bien  senties  et  bien  rendues,  et,  à  travers  maintes  notes 
fausses  ou  suspectes,  le  ton  général  reste  assez  favorable  aux  scolas- 
tiques,  aux  grands  mystiques  du  moyen  âge,  jusqu'à  la  conclusion 
exclusivement.  Là  se  trouvent  amassés,  en  deux  pages,  tous  les  pré- 
jugés, tous  les  malentendus,  toutes  les  calomnies  contre  le  gouver- 
nement moral  de  rÉglise  à  cette  grande  époque.  L'or  est  rare  et  le 
fumier  épais. . .  La  science  est  une  espèce  de  sacrilège...  La  nature 
est  maudite. . .  La  grâce  d'en  haut  appelle  l'arbitraire  d'en  bas... 
L'oppression,  la  misère  et  l'ignorance  sont  d'institution  divine...  Pour 
appuyer  des  sottises  on  commet  des  atrocités ...  La  raison  peut  ù 
peine  lever  la  tête  sous  une  pluie  de  sang  et  d'anathèmes. —  On  a  une 
idée  à  peine  de  cette  invective  à  fond  contre  l'inspiration  religieuse 
du  moyen  âge.  Au  reste,  ces  préjugés  percent  en  mille  endroits  du 
livre,  même  à  propos  de  Bouddha  ou  de  Confucius.  D'autant  mieux 
que  l'auteur  n'a  pas  de  règle  sûre  pour  gouverner  sa  pensée  et  que 
toute  place  à  peu  prés  lui  paraît  bonne  pour  décharger  son  cœur.  En 
vérité,  plus  de  méthode  et  moins  de  sentiment  vaudraient  mieux, 
même  au  seul  point  de  vue  d^^  la  composition  et  de  l'ordre.  C'est  un 


—  106  — 

horsi-d'œuvre  risible,  à  propos  des  sophistes  d'Athènes,  qu'une  longue 
sortie  (122-124)  contre  les  sophistes  de  toute  couleur  d'autres  pays  et 
en  particulier  du  nôtre.  A  propos  des  impostures  attribuées  à  Pytha- 
gore,  il  y  a  une  tirade  contre  le  mensonge  bien  intentionné  (p.  108), 
qui  n'existerait  pas  sans  une  réflexion  saugrenue  d'un  manuel  fort  ou- 
blié de  M.  Charma.  Ailleurs  l'apostrophe  du  nom  de  Jeanne  d'Arc  est 
éliminée  d'autorité^  parce  que  l'héroïne  était  plébéienne,  ce  qui  est 
une  pure  niaiserie,  comme  le  savent  tous  les  paléographes.  Mais 
cette  erreur  est  en-dehors  de  la  philosophie. Sur  son  domaine  propre, 
nous  croyons  M.  Fabre  plus  solide,  quoique  la  rapidité  de  sa  rédaction 
et  le  peu  de  sévérité  de  sa  méthode  l'exposent  à  faire  mal  juger  de  sa 
science,  réelle  au  fond.  Ce  qui  ne  peut  guère  être  corrigé  dans  son 
livre,  c'est  cet  esprit  de  libéralisme  radical  qui  paraît  à  l'auteur 
l'essence  même  de  la  morale  et  qui,  à  nos  yeux,  en  est  très-réellement 
la  négation  absolue  quoique  inconsciente.  —  Au  reste,  si,  contre  notre 
habitude,  nous  avons  beaucoup  plus  jugé  qu'exposé  dans  cet  examen, 
c'est  un  tort  dont  l'auteur  est  le  premier  responsable  ;  nous  lui  avons 
emprunté,  sans  le  vouloir,  une  partie  de  sa  méthode.  Mais  nous  es- 
pérons réparer  ce  défaut  dans  l'examen  du  volume  qu'il  doit  publier 
très-prochainement  pour  compléter  celui-ci,  et  qui  traitera  de  la  re- 
naissance et  de  l'époque  moderne. 

—  La  scolastique  n'est  plus  seulement  objet  de  recherches  curieuses 
et  d'appréciations  purement  historiques;  elle  renaît.  Que  dis-je?  elle 
a  pris  en  quelques  années  un  vaste  développement,  et,  comme  toute 
philosophie  vivante,  elle  donne  lieu  (nous  le  verrons  dans  une  pro- 
chaine étude)  à  des  discussions,  soit  intérieures,  soit  extérieures.  Ces 
dernières  sont  pourtant  assez  peu  communes.  Beaucoup  d'écrivains 
paraissent  ignorer,  méconnaître,  mépriser  la  nouvelle  scolastique, 
bien  qu'un  peu  d'attention  suffise  pour  constater  qu'elle  a  déjà  en 
Espagne,  en  Italie,  en  Allemagne  des  représentants  d'une  haute  valeur 
personnelle.  Mais  peu  l'attaquent  de  front.  Nous  produirons  cependant 
bientôt  un  adversaire  déclaré  de  la  théorie  thomiste,  de  la  connais- 
sance sensible,  M.  l'abbé  Duquesnoy.  Voici  un  précurseur  de  ce 
maître,  qui  s'attaque,  dans  une  thèse  latine  dont  les  intentions  graves, 
conservatrices,  religieuses,  ne  méritent  que  le  respect,  à  la  doctrine 
de  saint  Thomas  sur  l'origine  des  idées.  D'après  le  titre  même  de  son 
travail,  M.  Delaunay  combat  cette  théorie,  en  la  prenant  soit  dans  le 
saint  docteur  lui-même,  soit  dans  le  plus  connu  de  ses  vulgarisateurs 
contemporains,  le  P.  Liberatore.  Mais,  à  la  lecture,  on  ne  retrouve 
guère  plus  que  des  citations  de  saint  Thomas.  La  vérité  est  que  le 
critique  est  remonté  de  son  mieux  à  la  source,  mais  qu'il  a  pourtant 
suivi  en  tout  comme  guide  le  respectable  auteur  du  traité  de  la  con- 
naissance intellectuelle.  C'est  déjà  fâcheux;  car,  enfin,  quelque  con- 


—  107  — 

fiance  que  mérite  ce  savant  interprète  de  saint  Thomas,  certains 
thomistes  contemporains  d'un  grand  mérite  lui  reprochent  d'avoir 
altéré  la  théorie  scolastique  de  l'origine  des  idées  sur  tel  point  essen- 
tiel. Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Delaunay  lui-même  ne  satisfera,  je  crois, 
ni  dans  son  exposition  les  vrais  connaisseurs  en  scolastique,  ni  dans 
sa  discussion  les  esprits  vraiment  larges  et  impartiaux.  La  plus  grande 
partie  de  sa  thèse  attaque  les  préliminaires  métaphysiques  de  la 
théorie  :  pourquoi,  dit-il,  partir  de  données  ontologiques  dans  une 
question  de  science  expérimentale  ?  Ici,  M.  Delaunay  peut  abonder 
dans  son  sens;  la  scolastique  ne  perdra  pas  pour  cela  la  partie.  C'est 
affaire  de  substituer  l'analyse  à  la  synthèse.  L'aristotélisme  ne  passe 
pas  pour  tellement  opposé  à  l'expérience  qu'il  doive  redouter  cette 
épreuve;  et  beaucoup  de  thomistes  de  ma  connaissance  partiront, 
juste  comme  M.  Delaunay,  de  la  conscience  et  des  faits  intérieurs  pour 
arriver  à  cette  ontologie  qui  lui  répugne.  Mais  ce  sont  surtout  ses 
paragraphes,  les  seuls  essentiels,  sur  les  opérations  intellectuelles  et 
sur  la  formation  des  universaux  (10,  11,  12),  qui  sont  loin  de  repré- 
senter complètement  les  théories  de  saint  Thomas.  Et  ce  qu'il  y  a  de 
plus  curieux,  c'est  que  l'auteur,  rejetant  l'ontologisme  et  sans  doute 
les  idées  actuelles  innées,  no  peut  guère  enseigner,  quoi  qu'il  pense, 
qu'une  théorie  de  la  connaissance  à  peu  près  identique  au  fond  à  celle 
des  seolastiques.  Pour  peu  même  qu'il  admette,  avec  le  commun  des 
professeurs  de  ce  temps,  que  l'expérience  est  la  loi  de  la  raison,  voilà 
cette  doctrine  des  idées  rationnelles  obtenues  par  l'abstraction,  doc- 
trine qui  lui  paraît  si  peu  logique  dan*:  saint  Thomas,  la  voilà  devenue 
la  sienne.  Car  il  dira,  sans  doute,  que  la  raison  dégage  l'élément 
rationnel  des  données  expérimentales  dans  lesquelles  il  est  primitive- 
ment enveloppé;  et  un  thomiste  dira  que  l'intellect  agent  dégage 
l'universel  des  fantômes  ou  des  éléments  sensibles  et  par  cette  abstrac- 
tion le  rend  intelligible.  11  est  vrai  qu'on  pourra  demander  au  thomiste 
en  quoi  consiste  précisément  cette  force  propre  à  l'intellect  agent 
ûHlluminer  les  fantômes,  de  faire  du  sensible  l'intelligible,  et  je  ne 
garantis  pas  que  sa  réponse  soit  parfaitement  claire.  Mais,  ô  psycho- 
logues de  routine,  rhabilleurs  de  manuels  universitaires,  ne  voyez-vous 
pas  que  cette  question  se  pose  aussi  devant  vous  et  que  vous  n'y  ré- 
pondez rien? 

—  Si  M.  Delaunay  est  un  adversaire  de  l'idéologie  transmise, 
Mgi'  Ferré  en  est  l'admirateur  le  plus  prononcé.  De  plus,  tandis  que 
le  professeur  français  s'en  tient  trop  aux  surfaces,  le  prélat  piémon- 
tais  va  au  fond,  complète  même  par  des  rapprochements  ingénieux  et 
des  raisonnements  subsidiaires,  les  parties  flottantes  ou  douteuses  de 
la  doctrine.  Mais  c'est  ici  que  l'ami  de  saint  Thomas  a  mécontenté, 
plus  qu'un  adversaire  déclaré  n'aurait  pu  le  faire,  les  partisans  de  la 


—   lOS  — 

théorie  thomiste.  Tranchons  le  mot,  Ms''  Ferré  leur  a  paru  défigurer 
gravement  cette  théorie,  ou  plutôt  y  substituer  une  théorie  absolument 
différente,  en  aggravant  ses  torts  par  des  finesses  de  commentateur 
qui  font  souvent  dire  à  saint  Thomas  le  contraire  de  sa  pensée. 
Më''  Ferré,  en  effet,  est  rosminien  pur.  Sa  théorie  de  la  connaissance 
consiste  à  professer  avec  le  philosophe  de  Rovereto  qu'une  seule  idée 
innée,  celle  de  l'être  possible,  s'unissant  à  l'expérience,  suffit  à  ex- 
pliquer l'origine  de  toutes  nos  connaissances.  Il  est  certain  que  ce 
n'est  pas  là  la  théorie  scolastique.  M?''  Ferré  ne  peut  guère  avoir  de 
doute  sur  ce  point;  mais  il  peut  croire  avec  son  maître  que  cette 
théorie  sauve  toutes  les  parties  constitutives  de  l'idéologie  thomiste  en 
la  complétant  sur  le  point  le  plus  central.  Voici  comme  parle  sur  cette 
question  un  des  meilleurs  thomistes  de  notre  siècle  :  «  Rosmini  en- 
seigne que  Y  illumina  lion  des  imagos,  sensibles,  admise  par  saint  Tho- 
mas, consiste  en  ce  que  l'intellect  agent  applique  et  accommode  l'idée 
de  l'être  possible,  qui  lui  est  innée,  à  ces  représentations  de  l'imagi- 
nation, et  les  rend  ainsi  universelles  et  actuellement  intelligibles. 
Cette  explication  est  ingénieuse  assurémenl,  mais  elle  est  gratuite, 
s'appujant  sur  l'hypothèse,  rejetée  par  saint  Thomas,  de  l'idée  innée 
de  l'être  possible.  »  Ce  dernier  point  nous  paraît  incontestsble.  Ms^ 
Ferré  pouvait  plaider  pour  Rosmini,  modifiant  et  complétant  la  théo- 
rie thomiste.  Il  a  préféré  faire  dire  de  force  à  saint  Thomas  ce  que  dit 
Rosmini  lui-même,  sans  nommer  seulement  ce  dernier.  Le  procédé 
n'était  ni  légitime  ni  prudent.  Un  critique  anonyme  très-compétent 
(Ms^"  Sauvé?)  a  relevé,  dans  la  Revue  des  sciences,  ecelèsiasliriues  de 
février  1877  de  nombreuses  altérations  de  la  pensée  de  saint  Thomas 
dans  l'exposition  du  savant  évêque  de  Casale-Monferrato  ;  il  est  diffi- 
cile de  ne  pas  lui  donner  raison  sur  la  plupart  des  points.  Mais  on 
pourra  le  trouver  un  peu  trop  rigoureux  pour  l'illustre  Rosmini,  dont 
les  ouvrages  philosophiques  restent  à  l'abri  de  toute  censure  doctri- 
nale,comme  le  rappellent,  à  l'encontre  d'attaques  injustes  et  injurieuses, 
diverses  pièces  romaines  officielles  qui  ont  été  annexées  au  travail 
sVn  ^°'  Ferré,  dans  cette  traduction  française  inspirée  par  le  supé- 
maitré^®^  Pères  rosminiens  de  Londres. 

conservatT^  Gassendi  fut  appelé  de  son  temps  le  plus  savant  des  phi- 
de  saint  Thù^^  P^^^  philosophe  des  savants.  La  postérité  ne  lui  a  con- 
travail  M.  D  V^^^  ^l^e  la  première  moitié  de  cette  qualification  trop 
saint  docteur  1^  ^'^^t  assez,  avec  le  rôle  important  qu'a  joué  le  doyen 
contemporains,^^  mouvement  littéraire  et  scientifique  de  son  époque, 
guère  plus  que  dô^s  les  esprits  curieux  aux  événements  de  sa  vie.  On 
critique  est  remon^  <^6tte  vie  était  surabondamment  connue  par  les 
suivi  en  tout  commtconsacrées  autrefois  et  de  nos  jours  encore  à  l'au- 
naissance  intellectue'"^o-'^'^P^'>  epicure.v,  et  surtout  par  l'ouvrage  assez 


—    Kl!)  — 

considérable  du  P.  Bougerei  {Vie  de  Pierre  Liassciidi.  Paris,  17o7). 
Mais  voici  des  documents  très-neufs  et  très-instructifs  qui  ajoutent 
par  eux-mêmes  à  ce  qu'on  savait  du  philosophe  provençal,  et  qui  sont 
encore  enrichis  d'un  commentaire  plus  long  que  le  texte,  sans  renfer- 
mer pourtant  rien  d'utile,  par  le  plus  infatigable  et  le  plus  érudit  des 
chercheurs  contemporains  ;  nous  avons  nommé  notre  excellent  colla- 
borateur M.  Tamizey  de  Larroque.  Il  a  raison  de  croire  et  d'affirmer 
que  M.  Cousin,  s'il  avait  eu  la  bonne  fortune  de  mettre  la  main  sur  ce 
recueil,  aux  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale,  «  aurait  été  ravi 
de  la  longue  et  curieuse  lettre  autographe  adressée(par  Gassendi)  aux 
consuls  de  Digne,  le  29  mars  1650,  et  surtout  des  notes  sur  la  vie  de 
réminent  critique  rédigées,  sous  la  forme  d'un  journal,  par  quelqu'un 
qui  l'avait  parfaitement  connu,  puisque  c'était  un  de  ses  meilleurs 
amis,  son  secrétaire  Antoine  de  la  Poterie,  dont  le  travail,  transcrit 
et  sur  certains  points  retouché  par  un  neveu  de  Gassendi,  acquiert 
ainsi  toute  l'autorité  d'un  mémorial  de  famille.  »  Ce  journal,  en  effet, 
dont  on  ne  séparera  pas  les  notes  plantureuses  de  rcditeur_,  nous  fait 
parcourir,  avec  des  détails  familiers  et  naïfs,  mais  d'autant  plus  pré- 
cieux, toute  la  carrière  de  Gassendi  ;  et,  dans  ses  dernières  pages  sur 
sa  K  piété,  sa  façon  d'étudier,  sa  façon  d'observer,  particularités 
diverses,  »  il  restitue  et  remet  dans  son  vrai  jour  cette  bonne  et  véné- 
rable figure  du  savant,  qui  fut  malheureusement  pur  sensualiste  en 
philosophie, ce  que  l'éditeur  de  ces  documents  paraît  à  tort  mettre  en 
doute  (p.  4),  mais  en  même  temps  homme  admirable  dans  tout  le  cours 
de  sa  vie  par  sa  foi  et  ses  vertus  chrétiennes  et  sacerdotales.  M.  Th.- 
Henri  Martin  l'a  bien  jugé  en  deux  lignes  :  «  Philosophe  médiocre, 
mais  honnête  et  calomnié,  chrétien  sincère,  excellent  prêtre  et  savant 
distingué  {Galilée,  p.  249).  »  M.  Tamizey  de  Larroque,  par  cette  publi- 
cation érudite  et  curieuse,  aura  apporté  une  excellente  contribution, 
non  à  la  philosophie  gassendiste,  mais  à  la  biographie  de  Gassendi. 

—  C'est,  au  contraire,  au  seul  point  de  vue  de  l'histoire  des  idées  de 
Spinoza  que  l'on  consultera  le  petit  livre  publié  par  M.  Paul  Janet 
avec  cet  avant-titre  :  Supplérnent  aux  œuvres  de  Spinoza.  Assurément 
la  métaphysique  et  la  morale  n'ont  rien  à  gagner  à  ces  pages  sur  Dieu, 
l'homme  et  sa  bcalilude,  dont  le  plus  clair  est  passé  dans  l'Éthique  avec 
plus  de  clarté  et  de  précision  et  avec  des  développements  nouveaux. 
Mais  il  est  curienx,  pour  ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  des  systèmes 
et  particulièrement  du  travail  d'élaboration  qui  en  précède  l'éclosion 
définitive,  d'étudier  le  spinozisme  dans  sa  première  forme.  Or,  c'est 
précisément  cette  forme  que  nous  offre  l'opuscule  traduit  en  français 
pour  la  première  fois. 

L'édition  princeps  du  texte  hollandais,  avec  une  médiocre  tra- 
duction latine,  a   paru   à   Amsterdam  (Fr.  Mueller),  en  1862,  et  une 


—  HO  — 

édition  plus  correcte,  d'après  un  autre  manuscrit,  dans  la  même  ville 
en  1869.  Depuis,  l'ouvrage  a  donné  lieu  à  beaucoup  de  discussions 
critiques  dont  il  résulte  :  1°  qu'il  est  bien  de  Spinoza  lui-même,  qui  l'a 
composé  en  latin  et  dont  le  texte  est  perdu  ;  2°  que  les  notes  qui  l'ac- 
comgnent  peuvent  être,  quelques-unes  du  moins,  d'une  autre  main, et 
d'une  main  chrétienne  ;  3°  que  cette  ébauche  du  système  métaphy- 
sique de  Spinoza  n'est  pas  postérieure,  et  probablement  est  antérieure 
à  Tannée  1661. 

Pour  l'analyse  de  ce  traité,  nous  renvoyons  à  l'introduction  trés- 
soignée  et  très- judicieuse  du  traducteur  français.  11  suffira  de  remar- 
quer ici:  que,  dans  cette  première  conception  de  son  système,  Spinoza 
ne  part  pas  de  la  définition  cartésienne  de  la  substance,  mais  des 
preuves  de  l'existence  dç  Dieu  et,  avant  tout,  de  l'argument  a 
priori  de  saint  Anselme  ; 

Qu'en  établissant  déjà  sa  distinction  célèbre  entre  la  nature  natu- 
rante  et  la  nature  naturée,  le  philosophe  sauve  encore  un  peu  mieux 
que  dans  l'Éthique  l'intelligence  divine  accompagnée  de  conscience, 
puisqu'il  en  fait  le  moyen  d'une  félicité  parfaite  ; 

Qu'enfin,  la  théorie  des  passions  est  ici  empruntée  à  Des- 
cartes, et  part  de  Vadmiration,  tandis  que  plus  tard  Spinoza  se  fit, 
comme  on  sait,  une  théorie  différente  dont  le  désir  est  le  premier 
élément. 

Le  traducteur  ne  s'est  pas  occupé  de  réfuter  le  .«pinozisme  ;  tou- 
tefois, il  a  marqué  très-judicieusement  le  caractère  purement  hypo- 
thétique des  propositions  sur  l'essence  de  Dieu,  qui  sont  le  fondement 
de  la  doctrine  de  Spinoza  sous  sa  première  forme  (p.  xiv).  Ses  rares 
annotations  sont  purement  exégétiques.  Il  a,  du  reste,  rendu  très-lisible 
le  traité  parfois  assez  informe  du  juif  d'Amsterdam,  où  l'on  passe,  un 
peu  brusquement,  de  démonstrations  subtiles  à  des  pages  plus  litté- 
raires, par  exemple  à  deux  dialogues,  l'un  entre'  des  êtres  de  raison, 
l'autre  entre  des  personnages  fictifs  sur  les  principes  de  la  théodicée 
(p.  19-28).  La  conclusion  (p.  125)  montre  que  cet  écrit  avait  un  ca- 
ractère confidentiel  et  ésotérique,  la  prudence  obligeant  l'auteur  de 
prendre  pour  lui-même  et  à  recommander  à  ses  disciples  de  grandes 
précautions  dans  la  manifestation  de  ces  idées  subversives  de  toute 
religion.  Au  seul  point  de  vue  de  l'intérêt  littéraire,  rien  n'empêche 
d'adopter  le  jugement  final  de  M.  Janet  sur  le  De  Deo  et  homine  : 
«  ...  L'ouvrage  est  intéressant,  puisqu'il  nous  montre  le  premier  degré 
d'où  Spinoza  est  parti  pour  s'élever  jusqu'à  V Éthique.  Le  fond  de  la 
pensée  est  le  même  ;  mais  le  développement  n'est  encore  qu'ébauché. 
On  y  trouve  à  la  fois  richesse  et  difl'usion  :  ce  sont  les  premières  lignes 
d'un  grand  tableau.  Ce  travail  ne  nous  apprendra  rien  de  nouveau  sur 
la  philosophie  de  Spinoza  ;  mais  il  nous  instruira  utilement  sur  l'histoire 


—  m  — 

de  son  génie.  »  A  ce  titre,  il  prendra  sa  place,  avec  l'excellente  intro- 
duction de  M.  Janet,  à  côté  de  l'édition  française  des  œuvres  de  Spi- 
noza avec  l'excellente  introduction  de  M.  Em.  Saisset,  dans  ces  bi- 
bliothèques philosophiques  où  doivent  se  trouver  non-seulement 
les  trésors  de  la  vraie  sagesse  recommandés  à  tous  les  esprits  stu- 
dieux, mais  encore  les  mélanges  suspects  et  les  poisons  mortels,  utiles 
à  ceux  qu'une  vocation  spéciale  oblige  à  étudier  les  lois  et  l'histoire 
de  l'erreur. 

—  M,  l'abbé  Duquesnoj,  dont  j'ai  eu  l'occasion  de  signaler  tout  à 
l'heure  la  thèse  française  contre  la  théorie  thomiste  de  la  connais- 
sance sensible,  a  publié  en  même  temps  une  thèse  latine  d'un  intérêt 
moins  actuel,  mais  d'un  mérite  sérieux,  sur  la  Théodicée  de  Kant  dé- 
duite de  la  loi  morale.  Ce  travail  se  fait  remarquer  d'abord  par  un 
style  latin  d'une  pureté  relative  et  d'une  clarté  absolue,  également 
rares  dans  les  publications  de  ce  genre.  Le  latin  manié  par  l'auteur  a 
gardé  sa  saveur  propre,  son  allure  synthétique,  et  cependant  il  a  toute 
la  netteté,  toute  la  précision  du  français  de  Condillac  ou  de  La  Romi- 
guiére.  C'est  dire  que  la  composition  de  M.  Duquesnoy  brille  elle-même 
par  la  méthode  et  par  l'ordre  le  plus  lumineux.  L'objet  de  cette  thèse 
est  de  bien  définir  et  de  juger  la  théodicée  kantienne.  Tout  le  monde 
sait  que  le  philosophe  de  Kœnigsberg  a  voulu  relever  dans  la  Critique 
de  la  raison  pratique,  la  théologie  naturelle  abattue  dans  la  CritiqtM 
de  la  raison  pure.  Mais  le  scepticisme  de  l'une  est-il  éliminé  par 
le  dogmatisme  de  l'autre  ?  C'est  ce  que  l'on  n'ose  communément  dé- 
cider. Après  l'enquête  minutieuse  à  laquelle  se  livre  M.  Duquesnoy, 
il  paraît  évident  que  Kant  pouvait  dire,  à  la  fin  comme  au  début  de  sa 
carrière,  la  phrase  de  Protagoras  :  De  Diis  neque  ut  sint  neque  ut  non 
sint  habeo  dicere.  La  pensée  de  Kant  est  poursuivie  dans  les  évolutions 
de  ses  écrits  successifs,  et  la  portée  purement  pratique  du  seul  argu- 
ment qu'il  admette  pour  démontrer  l'existence  et  les  attributs  de  Dieu 
ne  suffit,  ni  dans  la  vérité  des  choses,  ni  dans  l'intention  même  de 
l'auteur  à  exclure  l'inguérissable  scepticisme  religieux  de  sa  première 
critique,  toujours  maintenue  par  le  philosophe  prussien.  Il  est  difficile 
de  ne  pas  donner  raison  dans  cette  polémique  à  M.  Duquesnoy,  d'autant 
mieux  que  le  criticisme  actuel  paraît  avoir  interprété  dans  ce  sens  la 
pensée  de  son  maître.  Ce  n'est  pas  que  sur  quelques  points  de  détail 
on  ne  pût  défendre  Kant  ;  par  exemple,  quand  il  donne  surtout  une 
valeur  personnelle  à  l'argument  moral,  il  a  saisi,  en  grand  moraliste 
qu'il  était,  l'importance  de  la  préparation  vertueuse,  la  part  de  la  vo- 
lonté dans  le  procédé  de  la  raison  s'élevant  à  Dieu.  Sur  la  doctrine 
que  M.  Duquesnoy  a  jugé  à  propos  de  mêler  à  la  discussion,  nous  au- 
rions d'autres  réserves  à  faire.  Qu'il  rejette  tel  et  tel  argument  méta- 
physique  de  l'existence   de  Dieu,   c'est  son   droit  et  nous   sommes 


heureux  de  nous  rencontrer  avec  lui.  Mais  qu'il  réduise  toute  démons- 
tration divine  à  trois  propositions  essentielles  dont  la  seconde  a  bien 
l'air  de  ne  s'appuyer  que  sur  une  prétendue  tendance  naturelle  de 
l'esprit  constatée  par  M.  Ad.  Garnier  (le  plus  faible  métaphysicien  de 
son  école,  et  pour  lequel  l'auteur  professe  une  admiration  très-exa- 
gérée), c'est  ce  qui  nous  paraît  faire  tache  dans  un  si  estimable 
travail. 

—  L'étude  de  M.  Ferraz  Sur  lu  philosophie  en  Frajice  au  dix-neu- 
vième siècle  est  loin  d'embrasser  toute  l'étendue  de  ce  grand  sujet.  Le 
sous-titre  le  réduit  à  trois  systèmes  :  le  sociulisme,  le  naturalisme  et 
le  positivisme,  dont  l'ensemble  constituerait  à  peine  le  tiers  d'une  his- 
toire de  la  philosophie  française  contemporaine,  comme  l'auteur  lui- 
même  la  comprend.    En  effet,  dans  son  introduction,  à  côté  de  cette 
école  matérialiste  qui  poursuit  la  réhabilitation  de  la  chair,  et  qui,  par 
ses  tendances,  se  rattache  si  bien  au  dix-huitième  siècle  dont  elle  veut 
pourtant  se  détacher,  M.  Ferraz  montre  deux  autres  grandes  écoles  : 
le  traditionalisme,  représenté  à  divers  degrés  par  J.  de  Maistre,  Bo- 
nald  et  La  Mennais  ;  le  rationalisme,  qui  remplace  par  des  analyses 
plus  sévères  et  plus  profondes  l'analyse  empirique  de  Condillac  et  des 
idéologues,  et   qui,  parti  de  Maine  de  Biran  et  de  Cousin,  se  poursuit 
jusqu'aux  travaux,  également  remarquables  avec  des  «  tendances  dif- 
férentes, »  de  MM.  Ravaisson,  Janet  et  Vacherot.  «Nous  voudrions, 
dit  M.  Ferraz,  pouvoir  écrire  en  détail  l'histoire  de  ces  trois  écoles... 
Mais  comme  nous  ne  savons  pas  si  nous  réaliserons  jamais  une  aussi 
grande  entreprise,  nous  offrons,  en  attendant,  au  public,  un  essai  sur 
l'école  socialiste  qui  peut  se  lire  à  part  et  qui  constitue  une    œuvre 
indépendante   (p.  xvii).  »  Nous   l'avons  lue,  en  effet,  avec  intérêt,  et 
nous  croyons   que  les  amis  de  la  philosophie  et  de  l'histoire  littéraire 
remercieront,  comme  nous,  le  savant  professeur  de  Lyon  de  cette  con- 
tribution à  l'étude  des  écoles  qui  ont  exercé  tour  à  tour  leur  influence  j 
sur  les  esprits   et  sur  les  faits,  à  notre  époque,   dans  notre  patrie,  j 
Nous  le  félicitons   aussi  d'avoir   établi  un   lien   sérieux,  une  certaine  f 
unité  entre  les  études  qui  remplissent  ce  volume.  Toutefois,  il  y  avait  | 
peut-être  quelque  chose  de  mieux  à  faire  à  cet  égard.  Le  saint-simo-  i 
nisme  a  des  liens  étroits  avec   le  sensualisme,  mais  il  s'en  distingue  p 
aussi  pourtant,  et  Gall  et   Broussais   appartiennent  à  une  tout  autre  f, 
province  du  domaine  philosophique.  Pour  faire  une  œuvre  vraiment 
une  et  bien  liée,  il  nous  semble  que  M.  Ferraz  devait  ou  s'en  tenir  aux 
systèmes  socialistes,  ou  embrasser   en   son  entier  l'école  sensiste  du 
dix-neuvième  siècle,  depuis  Volney  et  Tracy  jusqu'à  M.  Littré. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  critique,  relative  à  la  disposition  de 
l'œuvre  et  non  à  son  fond,  M.  Ferraz  étudie  dans  ce  volume  sept 
écoles  plus  ou  moins  importantes,  dans  autant  de  chapitres,  divisés  au 


Ijcsùiii  en  seclious  et  paragraphes  munis  do  sommaires  qui  ne  sont  pas 
à  dédaigner  dans  la  lecture  de  pages  si  sérieuses.  Sur  chacune  de  ces 
écoles,  il  fournit,  avec  assez  de  détails,  les  notions  historicjues,  bio- 
graphiques, bibliographiques  utiles,  ce  qui  ojoute  toujours  à  rintérêt, 
tout  en  éclairant  plus  d'une  fois  Texposition.  Il  analyse  soigneusement 
les  doctrines  et  les  critiques,  avec  une  extrême  modération,  mais  sans 
se  refuser  les  développements  utiles  pour  la  défense  de  ce  qui  lui 
paraît  la  vérité.  Il  juge  aussi  les  hommes,  mais  avec  une  facilité  cons- 
tante à  trouver  quelque  sujet  de  louange  dans  ces  maîtres  d'erreur 
qui  Tont  seuls  occupé  dans  ce  long  travail.  Maîtres  d'erreur,  en  effet, 
que  Saint-Simon  et  les  saints-simoniens  (ch.  i)  ;  Ch.  Fourier  avec  son 
attraction  passionnelle  (ch.  ii)  ;  Cabet  et  son  communisme  icarien  (m); 
Pierre  Leroux  et  Jean  Rejnaud,  que  M.  Ferraz  unit  sous  le  titre  do 
seml-saint-simonis>ne  {i\);  Gall  et  Broussais,  qui  sont  rangés  sous  le 
nom,  peut-être  mal  choisi,  de  naluralisnie  (v);  Auguste  Comte  ou  le 
positivisme  (vi);  enfin  Proudhon  ou  le  socialisme  semi-rationaliste  (vu)  : 
dénomination,  pour  le  dire  en  passant,  assez  malheureuse  ;  car 
M.  Ferra/,  a  voulu  dire  sans  doute  que  Proudhon  avait  au  moins 
un  principe  rationnel  qu'il  établit  fort  incomplètement,  celui  du  respect 
de  la  liberté,  mais  c'est  ce  que  le  mot  seml-ratlonallsle  ne  fait  guère 
entendre. 

Nous  ne  dirons  rien  des  études  sur  Saint-Simon,  Fourier,  Cabet, 
Pierre  Leroux,  qui  nous  ont  fait  revenir  avec  agrément  et  utilité  sur 
des  sujets  si  bien  vulgarisés,  il  y  a  tantôt  trente  ans,  par  M.  Louis 
Reybaud  et  d'autres  écrivains,  préoccupés  de  politique,  il  est  vrai, 
plus  que  de  philosophie.  A  propos  de  Jean  Reynaud,  il  est  permis  de 
regretter  qu'en  rejetant  les  arguments  trop  poétiques  de  l'auteur  de 
Terre  et  Ciel,  le  savant  professeur  ne  soit  pas  toujours  assez  explicite 
sur  le  fond  môme  de  la  doctrine,  par  exemple,  sur  la  prétendue  infinité 
de  l'univers  dans  le  temps  et  dans  l'espace,  et  aussi  qu'il  ait  l'air  de 
reprocher  une  excessive  sévérité  à  l'éminent  adversaire  de  Jean 
Reynaud,  M.  Th. -Henri  Martin,  de  Rennes  (p.  23(5).  En  se  plaçant 
u  au  point  de  vue  de  la  stricte  orthodoxie,  »  ce  dernier  était  d'autant 
plus  dans  son  droit  et  dans  son  devoir,  que  Jean  Reynaud  (M.  Fevraz 
Ta-t-il  oublié?)  se  prétendait  rinterprote  fidèle  de  la  doctrine  chré- 
tienne. Cette  réserve  essentielle  peut  bien  modifier  le  jugement  final 
d'un  lecteur  sérieux  et  l'empêcher  de  souscrire  à  ces  phrases  indul- 
gentes de  M.  Ferraz  sur  l'œuvre  étrange  de  Jean  Reynaud  :  «  Si  son 
livre  nous  arrivait  en  droite  ligne  de  l'Inde  ou  de  la  Grèce,  ou  mémo 
simplement  de  l'Allemagne,  nous  n'hésiterions  pas  à  lui  faire  bon 
accueil  et  à. rendre  justice  aux  idées  ingénieuses,  ainsi  qu'aux  géné- 
reux sentiments  qu'il  contient.  Nous  ne  devons  pas,  à  ce  qu'il  me 
semble,  être  plus  sévère  pour  lui  parce  qu'il  est  né  à  notre  époque  et 
AoL-T  187S.  T.  XXllI,  8. 


—  114  — 

dans  notre  pays.  »  —  Sur  le  docteur  Gall,  M.  Ferraz,  sans  repousser 
absolument  l'opinion  de  beaucoup  de  .phrénologistes  et  môme  de  spi- 
ritualistes  non  suspects,  comme  M.  Janet,  qui  ne  le  croient  ni  maté- 
rialiste, ni  fataliste,  montre  que  Fauteur  des  Fondions  du  cerveau  a 
surabondamment  prêté  le  flanc  à  ce  double  reproche.  Quant  à  Brous- 
sais,  son  matérialisme  formel  et  raisonné  donne  lieu  au  critique  de 
rappeler,  avec  une  insistance  dont  nous  le  remercions,  les  arguments 
pour  la  spiritualité  de  Tâme  empruntés  à  l'identité,  à  Tunité,  à  la  cau- 
salité consciente  du  moi  (p.  295-304). —  L'étude  sur  Comte  et  le  posi- 
tivisme est  peut-être  la  plus  nette  et  la  plus  intéressante  du  volume. 
Des  remarques  judicieuses,  démêlant  une  part  de  vérité  à  travers 
l'exagération  et  l'absurde,  aident  à  juger  la  théorie  des  trois  états 
(empruntée  à  Saint-Simon  et  à  Turgot),  la  classification  des  sciences, 
la  physiologie  cérébrale,  la  sociologie  de  Comte.  Un  examen  non 
moins  attentif  et  qui  fait  admirer  Timperturbable  sang-froid  du  cri- 
tique en  face  de  vraies  folies,  est  consacré  au  jwsUivlsme  mystique,  où 
M.  Littré  n'a  pas  voulu  suivre  Aug.  Comte,  mais  qui  est  toujours  la 
foi  d'un  groupe  assez  nombreux  en  Angleterre  et  en  France.  —  Nous 
pouvons  également  recommander,  particulièrement  aux  personnes  qui 
regrettent  l'absence  de  l'article  Proudhon  dans  le  Dictionnaire  des 
sciences  philosophiques,  le  dernier  chapitre  du  livre  de  M.  Ferraz,  où 
l'économie  antinomique,  l'anarchie,  l'antithéisme,  la  morale  indépen- 
dante sont  l'objet  de  bonnes  réflexions.  Partout,  en  un  mot,  fidélité 
louable  aux  doctrines  spiritualistes,  mais  parfois  défaut  de  fermeté  et 
de  décision,  qui  se  reflète  jusque  sur  la  forme  un  peu  lâche  du  style. 
—  Au  contraire,  rien  n'est  écrit  avec  plus  de  vigueur,  de  précision 
et  de  netteté  que  le  petit  livre  où  M.  Paul  Janet  a,  pour  ainsi  dire, 
refait  le  premier  chapitre  de  l'ouvrage  que  nous  venons  d'examiner. 
Rencontre  fortuite  d'ailleurs  :  chacun  des  auteurs  a  travaillé  de  son 
côté,  presque  en  même  temps,  et  M.  Ferraz  n'a  pu  que  citer  en  note 
le  premier  article  publié  sur  Saint-Simon,  dans  la  Revue  des  Deux 
Mondes  du  15  avril,  par  son  éminent  collègue  de  la  Sorbonne.  De  la 
Revueiï  était  naturel  que  le  travail  de  M.  Janet  passât  chez  le  libraire, 
sous  forme  de  volume.  Saint-Simon  et  le  saint-simonisme  reproduit,  ou 
peu  s'en  faut,  dans  le  même  ordre,  les  principales  divisions  du  cha- 
pitre correspondant  de  M.  Ferraz.  Avant  d'être  un  article  et  un  livre, 
l'exposition  du  professeur  de  Paris,  comme  celle  du  professeur  de 
Lyon,  a  été  un  cours,  mais  non  un  cours  de  faculté  :  il  a  été  professé 
à  l'École  des  sciences  politiques,  fondée,  en  1871,  par  M.  Em.  Boutmy. 
M.  Janet,  appelé  à  y  faire  «  un  cours  sur  les  grandes  théories  sociales 
de  notre  époque,  en  d'autres  termes  sur  l'histoire  du  socialisme  (p.  6],  » 
consacra  trois  années  (1872-1874)  à  cet  enseignement,  qui  lui  agréait 
fort.  Car,  dit-il  lui-même,  «  nous  étions,  sinon  préparé,  du  moins  na- 


—  115  — 

turellement  amené  à  ce  sujet,  d'une  part,  par  nos  études  antérieures 
sur  l'histoire  des  théories  politiques,  de  l'autre,  par  l'enquête  que  nous 
nous  étions  proposé  de  faire  sur  toutes  les  grandes  écoles  contempo- 
raines. (Nouvelle  rencontre  avec  M.  Ferraz!)  Enfin,  ayant  vu  par 
nous-méme,  en  1848,  le  naufrage  de  ces  célèbres  utopies,  nous  étions 
bien  aise  de  nous  en  faire  une  idée  fidèle  :  ce  qui,  disons-le,  n'est  pas 
toujours  le  fait  de  ceux  qui  en  parlent.  »  C'est  pour  cela,  sans  doute, 
sans  compter  d'autres  motifs,  que  peu  de  professeurs  savent  intéresser 
l'auditeur  ou  le  lecteur  à  leurs  expositions  aussi  bien  que  M.  Janet  a 
su  le  faire  dans  ce  livre,  qui  ne  représente  qu'une  année  d'enseigne- 
ment sur  trois.  Qu'il  nous  soit  permis,  à  ce  sujet,  d'espérer  la  publi- 
cation des  deux  autres  fractions  de  cette  histoire  complète  du  socia- 
lisme, à  laquelle  M.  Janet  voudra  sans  doute  attacher  son  nom. 

Ce  travail,  quoique  fort  court,  embrasse  deux  livres  :  un  sur 
Saint-Simon  lui-même,  si  oublié,  si  elfacé  par  ses  disciples  et  surtout 
par  Enfantin;  un  autre  sur  l'école  saint-simonienne.  Dans  le  premier, 
qui  aurait  été  bien  difiîcile  à  faire  sans  la  publication  récente  des 
oeuvres  volumineuses  de  l'inventeur  du  socialisme  industriel,  M.  Janet 
étudie  avec  une  finesse  judicieuse  l'esprit  général  du  socialisme  do 
Saint-Simon,  analyse  ses  trois  plans  successifs  d'organisation  sociale, 
poursuit  avec  une  patience  et  une  clarté  constante  les  variations  de 
son  industrialisme  et  de  sa  religion,  et  termine  par  un  portrait  dont 
voici  les  dernières  lignes  :  «  Utopiste  et  positif  à  la  fois,  un  pied  dans 
la  réalité,  l'autre  dans  la  chimère,  comptant  sur  Louis  XVIII  et 
M.  Lafîitte  pour  en  faire  les  apôtres  d'un  nouveau  christianisme; 
homme  d'esprit,  d'ailleurs,  quand  il  lui  plaisait,  ce  qui  donne  à  penser 
qu'il  a  pu  quelquefois  se  moquer  du  monde  ;  médiocre  écrivain,  pauvre 
philosophe,  savant  frelaté,  apprenti  économiste,  historien  par  cette 
occasion,  amateur  en  tout,  et  avec  cela  ayant  entraîné  l'espèce  hu- 
maine dans  une  voie  nouvelle  ;  type  étrange,  supérieur  même  dans  sa 
bassesse,  et  qui  ne  pourrait  être  peint  dans  toute  sa  vérité  que  par  un 
autre  Saint-Simon  (p.  72).  » 

Le  second  livre  n'a  garde  de  faire  double  emploi  avec  le  premier. 
L'école  saint-simonienne  est  loin  d'avoir  exactement  reproduit  les 
idées  de  son  fondateur;  elle  l'a  dépassé  de  beaucoup  sur  trois  points 
qui  sont,  dit  très-bien,  M.  Janet,  les  bases  essentielles  de  toute  so- 
ciété :  la  propriété,  la  religion,  la  famille.  Dans  autant  de  chapitres, 
toujours  brillants  d'ordre  et  de  clarté, l'auteur  nous  montre  cette  secte 
aventureuse  cherchant  la  destruction  du  prolétariat  dans  un  vaste  sys- 
tème communiste,  la  rénovation  religieuse  dans  une  sorte  de  pan- 
théisme stoïcien  et  dans  la  morale  de  la  réhabilitation  de  la  chair, 
enfin  la  solution  du  problème  de  l'amour  dans  les  plus  honteuses  et 
les  plus  ridicules  utopies.  Aussi,  après  avoir  exposé  à  peu  près  cons- 


—   IKÎ  — 

tamment  sans  critiquer  ex  profcsso,  M.  Janet  n'a-t-il  pas  à  craiudre  de 
trouver  dans  un  seul  lecteur  sérieux  la  moindre  opposition  à  ce  juge- 
ment sommaire  touchant  les  saint-simoniens,  qui  termine  son  livre  : 
«  11  est  à  regretter  que,  de  leur  système,  il  soit  reste  si  peu  d'idées 
pratiques,  quoi  qu'il  fussent  personnellement  doués  à  un  haut  degré 
de  facultés  pratiques.  11  faut  regretter  qu'ils  aient  poussé  l'opinion 
démocratique  dans  un  sens  où  elle  n'avait  que  trop  do  penchant,  à 
savoir  l'absorption  de  l'individu  par  l'État.  Ils  ont  eu  par  là  leur  part 
de  responsabilité  dans  l'établissement  de  l'Empire  avec  lequel  ils  ont, 
en  général,  trop  complaisamment  sympathisé,  mais  surtout  ou  repro- 
chera à  cette  école,  et  en  particulier  à  son  dernier  chef,  qu'elle  appe- 
lait le  Père,  de  s'être  laissé  glisser  sur  la  pente  dangereuse  d'une  des 
doctrines  les  plus  énervantes  et  les  plus  honteuses,  le  mysticisme 
sensuel  et  voluptueux  (p.  151).  » 

Le  rationalisme  de  l'éloquent  professeur  se  laisse  soupçonner  çà  et 
là  dans  quelques  mots  suspects  touchant  l'Eglise  ou  ses  institutions; 
mais  il  n'y  a  pas  d'attaque  directe,  et,  somme  toute,  nous  pouvons  louer 
et  recommander  cette  lumineuse  exposition  du  premier  système  so- 
cialiste de  notre  siècle.  On  a  vu  qu'à  la  différence  de  M.  Ferraz, 
M.  Janet  ne  discute,  ne  réfute  pas;  mais  il  a  su  presque  toujours 
souffler  aux  faits  qu'il  laisse  parler  le  langage  le  plus  propre  à  les  faire 
bien  juger.  Il  raconte  aussi  beaucoup  moins  que  M.  Ferraz;  mais 
cette  lacune  est  en  partie  comblée  par  le  premier  des  deux  appen- 
dices qui  complètent  ce  petit  volume  :  Notice  biographique  sur  Saint- 
Simon  (p.  155-104).  Le  second  est  une  Notice  bibliographique  fort 
utile  pour  les  nombreux  lecteurs  qui  n'aborderont  jamais  les  quarante 
volumes  des  OEuvres  (incomplètes)  de  Sainl-Simon  et  d'Enfantin^  pu- 
bliées par  feu  Laurent  de  l'Ardèche. 

—  Il  a  paru,  l'an  dernier,  un  cours  de  philosophie  en  quatre  volumes, 
œuvre  posthume  d'un  prêtre  d'Albi,  curieuse  par  ce  singulier  anachro- 
misme  d'une  réfutation  minutieuse  de  Cousin  et  d'une  pure  et  simple 
réédition  de  l'empirisme  de  La  Romiguière  en  1877.  Or,  l'auteur  de 
cet  ouvrage,  à  plusieurs  égards  estimable,  avait  été  en  correspon- 
dance avec  le  célèbre  professeur  que  je  viens  dénommer.  Son  éditeur 
et  exécuteur  testamentaire  a  communiqué  à  M.  Compayré,  professeur 
à  la  faculté  de  Toulouse,  les  quelques  lettres  de  La  Romiguière  à 
l'abbé  Roques;  et  M.  Compayré  les  a  étudiées  avec  d'autant  plus  d'in- 
térêt que  le  recueil  des  manuscrits  et  de  la  correspondance  de  ce  phi- 
losophe, longtemps  promis  aux  nombreux  admirateurs  de  son  talent 
d'analyste  et  d'écrivain,  est  destiné,  par  la  volonté  suprême  du 
dernier  possesseur,  à  être  brûlé.  11  ne  faut  pas  exagérer  pour  cela 
l'importance  des  révélations  qu'ont  apportées  les  lettres  de  La  Ro- 
miguière. Traits  de  caractère,  qui  font  aimer  l'homme  modeste,  affec- 


tueux,  complaisant;  mêmes  détails  de  discussion^  qui  portent  habi- 
tuellement   sur    des    points    secondaires  plutôt  que    sur  les   hautes 
parties  de  la  doctrine  (on  remarquera  pourtant  Topposition  absolue 
du  maître  à  ce  qu'on  a  nommé    depuis  morale  indépendante  (p.    13)  : 
c'est  ce  que  M.  Compayré  expose  agréablement,  sans  la  moindre  illu- 
sion d'éditeur,  dans  ses   deux  premiers  paragraphes.  Un  troisième, 
bon  à  consulter  pour  quelques  points  de  la  biographie  et  surtout  de  la 
bibliographie  de  La  Romiguière,  roule  sur  la  correspondance  épisto- 
laire  qui  dura  de  longues  années  entre  ce  bon  abbé  Roques  et  un  autre 
admirateur  du  maître,  feu  M.  Chabrier,  le  même  qui,  pour  des  raisons 
restées  inconnues,  a  voué  au  feu  le  trésor  si  longtemps  choyé  des 
œuvres  inédites  de   son  idole,  ce  n'est  pas  trop  dire  :  car  si  le  culte 
de  l'abbé  Roques  pour  La  Romiguière  fut  excessif,  celui  de  Chabrier 
dépassa  toutes  les  limites.  En  rapporteur  sympathique  et  respectueux, 
M.  Compayré  se  contente  do  sourire  discrètement  de  ces  exagéra- 
tions d'un  sentiment  louable  dans  de  si  zélés  serviteurs  de  la  science. 
Son  petit  mémoire  intéresse  même,  surtout  par  cette  singularité  d'un 
excellent  prêtre  s'adressant  avec  une  confiance  absolue  à  un  homme 
qui  paraissait  bien  avoir  oublié  qu'il  avait  lui-même  dit  la  messe,  —  une 
seule  fois,  il  est  vrai,  au  collège  de  l'Esquille,  et  un  témoin  oculaire 
atteste  «  qu'il  eut  toutes  les  peines  du  monde  de  s'en  tirer.  »  —  C'est 
au  prêtre  que  La  Romiguière  citait  un  texte  de  saint  Paul,  un  peu  dé- 
figuré dans  ce  mémoire  où  le  nom  à' Appelle  a  été  substitué  à  celui 
d'Apollon  (p.  10,   cf.  I  Cor.,  i,   12).  M.  Compajré   n'a  pas  jugé  à 
propos  de  toucher  à  cette  particularité  délicate;  sa  notice  n'en  est  pas 
moins  un   excellent  complément  de  tout  ce  que  nous  avons  déjà  sur 
La  Romiguière  :  petits  discours  de  Cousin,  notices  d'A.  Marrast  et  de 
Daunou,   mémoires   de    Saphary   et   de  Mallet,  surtout   étude   très- 
curieuse    de  M.  Paul  Janet  dans   la  Liberté   de  penser  de    1848,  et 
fragments  épistolaires  publiés,  il  y  a  quelques  années,  si  j'ai  bonne 
mémoire,  par  M.  Gatien-Arnoult  dans  la  Bévue  de  Toulouse. 

—  Un  livre  important,  dont  M.  Compayré  a  publié  une  excellente 
traduction  française,  nous  a  déjà  fourni  l'occasion  d'indiquer  les  tra- 
vaux considérables  par  lesquels  l'école  anglaise  contemporaine  a  pré- 
tendu enrichir  et  renouveler  la  logique.  Dans  un  résumé  substantiel  et 
rapide,  un  autre  professeur  de  faculté,  M.  L.  Liard,  nous  présente 
sous  le  même  coup  d'œil  ces  travaux  dont  on  ne  peut  nier  l'intérêt  et 
la  nouveauté.  —  Les  deux  premiers  chapitres  des  Logiciens  anglais 
contemporains  sont  consacrés  aux  études  qui  ont  eu  pour  objet  la 
logique  inductive,  soit  en  elle-même,  soit  comparée  au  syllogisme.  Le 
nom  de  Stuart  Mill  domine  ici  sans  contestation.  Herschell,  plutôt 
savant  que  dialecticien,  avait  déjà  déterminé,  avec  une  remarquable 
précision   analytique,    les   conditions    normales    des   groupes  requis 


—  il8  — 

pour  l'application  du  raisonnement  inductif  ;  Whewell  avait  défini  et 
analysé  l'induction  elle-même  et  décrit  les  diverses  méthodes  qui  per- 
mettent souvent  de  lui  donner  une  expression  numérique.  Mais  Stuart 
Mill,  creusant  plus  profondément  le  même  sujet,  a  dressé  une  vaste 
législation  inductive_,  qu'on  peut  apprécier  favorablement  sans  accepter 
Tempirisme  exclusif  qui  gâte  toute  la  logique  et  en  particulier  l'idée 
du  syllogisme  dans  cet  auteur,  ainsi  que  dans  son  continuateur,  à  ce 
point  de  vue,  M.  Herbert  Spencer.  —  Le  reste  de  ce  petit  volume  est 
rempli  par  les  travaux  des  logiciens  anglais  relatifs  à  la  logique  for- 
melle ou  déductive.  C'est  ici  que  les  maîtres  trop  sévères  ou  trop 
indulgents,  qui  supprimaient  si  volontiers  le  syllogisme,  ou  du  moins 
ses  modes  et  ses  figures,  sont  loin  de  leur  compte.  Loin  d'être  un  sys- 
tème trop  vaste  et  trop  lourd  pour  l'esprit  humain,  il  va  se  trouver  que 
VOrganon  d'Aristote  requiert  des  suppléments  fort  considérables; 
et,  après  les  cercles  d'Euler  et  la  rose  syllogistique  du  P.  Gratry,nous 
aurons  les  équations  de  Boole  et  les  claviers  mécaniques  de  Stanley 
Jevons.  Il  est  inutile  d'énumérer  ici  tout  cela  :  les  hommes  spéciaux 
consulteront  l'exposition  très-compétente  de  M.  Liard.  On  nous  per- 
mettra seulement  une  remarque  en  passant.  Le  premier  révolution- 
naire du  syllogisme  est  Hamilton,  qui  a  plus  que  triplé  le  nombre  des 
modes  admis.  On  a  trouvé  un  antécédent  à  sa  théorie  dans  une  page 
de  Bentham.  Mais,  au  fond,  il  faut  aller  plus  loin  :  la  quantité  de  Fat- 
tribut  avait  été  considérée  avant  ces  philosophes,  et  l'on  savait  bien 
que  dans  toute  proposition  affirmative  où  l'attribut  est  exclusivement 
propre  au  sujet,  cet  attribut  est  un  terme  universel,  de  sorte  que  cer- 
tains modes  rejetés  comme  inutiles  par  eux-mêmes  deviennent  utiles 
dans  ces  cas  particuliers.  Hamilton  s'est  donné  la  peine  d'étudier  ces 
cas  en  détail,  et  il  a  eu  le  mérite  d'en  tirer  un  supplément,  plus  curieux 
qu'utile,  mais  certes  digne  d'attention,  à  la  logique  d'Aristote.  Il  faut 
en  dire  autant  des  recherches  simplificatives  du  mathématicien  Morgan 
sur  le  mécanisme  de  la  proposition  et  du  syllogisme.  Quant  à  l'algèbre 
logique  de  Boole,  qui  a  au  moins  le  défaut  de  briser  le  moule  naturel 
et  ordinaire  du  raisonnement  déductif  ;  quant  à  la  machine  logique  de 
M.  Stanley  Jevons,  qui  a  au  moins  le  mérite  d'une  invention  ingénieuse, 
il  ne  peut  s'agir  ici  ni  de  les  juger,  ni  seulement  de  les  exposer. 
M.  Liard  s'est  acquitté  fort  bien  de  ce  dernier  soin,  non  sans  le  secours 
de  M.  Jevons  lui-même,  à  qui  est  dédié  son  travail;  mais  il  n'a  pas 
voulu  mettre  de  critique  dans  ce  petit  livre,  qui  mérite  de  prendre 
place,  dans  les  collections  d'histoire  de  la  philosophie,  à  côté  du  tra- 
vail de  M.  de  Rémusat  sur  la  philosophie  anglaise  et  du  livre  spécial 
de  M.  Th.  Ribot  sur  la  psychologie  anglaise  contemporaine. 

LÉONCE  Couture. 


—  Ilfl  — 
THÉOLOGIE 

La  sainte  Bible,  texte  de  la  Vulgate,  traduction  française  et  commen-^ 
taircs.  —  Les  Juges  et  Ruth,  introduction  critique  et  commentaires,  par 
M.  l'abbé  Cl.\ir,  traduction  française  par  M.  l'abbé  Bayle.  Paris,  Letbiel- 
leux,  1878,  182  p.  —  Prix  :  3  fr.  60. 

L'éditeur  Lethielleux  poursuit  ayec  persévérance  la  difficile  tache 
commencée,  il  j  a  quelques  années,  d'une  manière  si  brillante  par 
M.  l'abbé  Drach.  Un  nouveau  commentaire  biblique  s'ajoute  à  ceux 
qui  ont  déjà  été  publiés.  Il  est  dû  au  savant  abbé  Clair  qui,  après  avoir 
interprété  le  livre  de  Josué,  étudie  celui  des  Juges  et  le  livre  de  Ruth. 

Le  livre  des  Juges  raconte  l'histoire  des  Israélites  depuis  la  mort 
de  Josué  jusqu'au  prophète  Samuel.  Il  en  est  peu  qui  aient  exercé 
davantage  la  sagacité  des  exégètes.  Il  embrasse  une  période  de 
300  années  environ,  durant  lesquelles  le  peuple  hébreu  continue  la 
lutte  contre  les  Chananéens,  et  tantôt  remporte  la  victoire,  tantôt 
essuie  de  grandes  défaites,  selon  qu'il  est  fidèle  ou  infidèle  à  la  loi  de 
Dieu.  M.  Clair  expose  d'abord  le  but  et  le  sujet  du  livre  ;  il  en  défend 
ensuite  l'authenticité,  l'intégrité  et  la  véracité;  il  résout  enfin  les 
principales  difficultés  proposées  par  les  incrédules.  On  trouvera,  dans 
ces  pages,  le  résumé  consciencieux  des  travaux  modernes,  surla  chro- 
nologie des  Israélites  durant  cette  longue  période.  Peut-être  n'adop- 
tera-t-on  aucun  des  systèmes  qui  y  sont  énumérés  :  du  moins  on  res- 
tera convaincu  que  les  objections  des  rationalistes  sur  ce  sujet  ne 
subsistent  pas  devant  une  étude  approfondie.  M.  Clair  a  écrit  quelques 
excellentes  pages  sur  l'histoire  de  Gédéon,  celle  de  Jephté  et  celle  de 
Samson.  Ces  trois  épisodes  forment  une  partie  considérable  du  livre 
des  Juges;  le  merveilleux  s'y  trouve  tellement  mêlé  aux  faits  humains, 
que  plusieurs  s'en  étonnent  et  que  les  Allemands  prétendent,  voir,  en 
ces  récits  historiques,  des  mythes  évidents.  Notre  auteur  est  loin  de 
nier  l'élément  divin  et  l'intervention  surnaturelle;  cependant,  toutes 
les  fois  que  cela  est  possible,  il  explique  les  faits  d'une  manière  natu- 
relle. 

Le  livre  de  Ruth  est  un  des  plus  courts  de  la  Bible.  Il  a  cependant 
une  importance  capitale,  puisqu'il  donne  les  origines  de  la  maison  de 
David.  Rien  de  plus  gracieux,  de  plus  vivant,  de  plus  chaste  que  cette 
histoire  de  Ruth  la  Moabite,  qui,  en  épousant  Booz,  devient  l'une  des 
ancêtres  du  Messie.  Il  semble  qu'un  tel  livre  défie  les  attaques  de  la 
critique  rationaliste  :  n'a-t-il  pas  les  caractères  les  plus  évidents  de 
vérité?  Est-ce  ainsi  que  l'on  invente?  Quelques-uns  cependant  y  ont 
vu  un  roman  moral.  M.  Clair  fait  justice  de  ces  doctes  rêveries  :  il 
relève  sans  peine  les  traits  inimitables  de  vérité  que  l'on  trouve  près- 
qu'à  chaque  ligne  dans  ce  charmant  récit. 


—   120 


La  traduction  de  M.  l'abbé  Bayle  est  facile,  exacte  et  serre  de  près 
la  Vulgate.  Nous  avons  cependant  regretté  que  le  commentaire  et  la 
traduction  ne  fussent  pas  du  même  auteur.  Il  arrive  çà  et  là  que  l'un 
rende  d'une  façonle  texte  latin,  lorsque  l'autre  déclare  qu'il  faut  expri- 
mer d'une  autre  manière  la  phrase  de  la  Yulgato.  E.  Pousset. 


tt'^ttid©  star  !'hîstoîi*e  lîtl,éi*aîî*t»,  ïî»    fornio  pyîiiiîtive  et     It^s 

Si':insroir*inî.iïîons  «les  K^'Mngàîes  apocryphes,  par  M.  l'abbé 
.lûsEPii  Vaiuot,  ancien  élève  de  l'École  des  Cannes.  Paris,  Berche  et 
Tralin,  1878,  in-8  de  xiii-jOO  p.  —  Prix  :  C  fr. 

Il  j  a  plus  de  trois  siècles  que  les  savants  étudient  les  Apocryphes 
et  recherchent  l'origine  do  ces  écrits  étranges  qui  ont  prétendu  vivre 
à  côté  des  livres  inspirés  et  obtenir  parmi  le  peuple  chrétien  une 
autorité  égale  à  celle  des  Evangiles  et  des  Epîtres.  L'exégèse  rationa- 
liste a  longtemps  voulu  trouver  dans  ces  documents  une  arme  puis- 
sante contre  les  livres  canoniques  :  l'invention  humaine,  la  légende 
populaire,  le  mythe  en  un  mot  paraissaient  d'une  manière  si  évidente 
dans  les  Apocryphes  ;  on  y  voyait  si  bien,  à  côté  des  plus  sublimes 
enseignements  du  dogme  et  de  la  morale,  les  fictions  naïves  de  l'ima- 
gination^ qu'il  suffisait,  au  dire  des  critiques,  de  comparer  les  Évan- 
giles aux  Apocryphes  pour  reconnaître  l'entière  similitude  des  uns  et 
des  autres  et  établir  la  théorie  du  mythe.  Mais  ici  encore  le  résultat 
définitif  a  été  contraire  à  tout  ce  qui  avait  été  annoncé:  cette  compa- 
raison, poursuivie  pendant  trois  cents  ans  par  les  hommes  les  plus 
doctes  et  les  moins  favorables  à  la  révélation  évangélique,  a  démontré 
qu'entre  les  Evangiles  et  les  livres  dont  nous  parlons,  il  y  a  la  dif- 
férence absolue  qui  sépare  les  œuvres  humaines  des  œuvres  divines. 

M.  l'abbé  Variot  publie  sur  les  Evangiles  apocryphes  une  étude 
magistrale  qui  lui  a  mérité  les  honneurs  du  doctorat  es  lettres.  Non- 
seulement  il  résume  avec  un  rare  bonheur  tout  ce  qu'ont  dit  les 
nébuleux  savants  d'Allemagne,  non-seulement  il  montre  le  vide  de 
tous  leurs  systèmes  et  les  incohérences  de  leurs  théories  créées  de  toutes 
pièces,  mais  il  tire  des  Apocryphes  un  argument  invincible  en  faveur 
de  nos  Évangiles.  Il  fait  d'abord  l'histoire  littéraire  des  Évangiles 
apocryphes,  et,  par  un  savant  travail  d'élimination,  il  dégage  quatre 
rédactions  principales,  qui  ont  servi  de  point  de  départ  à  toutes  les 
autres  compositions;  ce  sont:  le  Protéoaugile  dr  Jacques,  les  Récits 
de  Thomas  risraêlitc,  les  Aclcs  de  Pilate^  la  Desrente  de  Jésus-Christ 
aux  enfers.  Mais  quelle  est  la  forme  primitive  de  ces  Évangiles? 
Comment  et  pourquoi  ont-ils  été  composés?  On  se  plaisait,  au  dix- 
septième  et  au  dix-huitième  siècles,  avoir  en  eux  une  sorte  de  contre- 
façon malhabile  que  les  hérétiques  opposaient  aux  livres  canoniques; 
M.  Variot,   sans  nier  que   la  main   des  hérétiques  n'ait  travaillé  à  la 


composition  de  plusieurs  de  ces  documents,  aime  mieux  y  voir  une 
tentative  du  peuple  chrétien  s'efforçant  de  peindre  et  de  se  repré- 
senter à  lui-même  la  figure  de  Jésus-Christ^  brodant  sur  la  trame  des 
Evangiles  canoniques  une  image  dont  tous  les  contours  fussent  accu- 
sés, une  histoire  qui  ne  laissât  aucune  lacune,  un  Christ  enfin  Dieu  et 
homme,  tel  que  se  le  représentait  Tàme  ardente  des  chrétiens. 
M.  Variot  examine  tour  à  tour  les  quatre  principales  compositions 
qu'il  a  choisies  entre  toutes  les  autres.  Une  dernière  partie  expose 
la  propagation  et  le  développement  des  Évangiles  apocryphes.  Une 
place  considérable  est  donnée  à  ÏKcangile  des  Hébreux,  qui  eut  une 
autorité  si  considérable  auprès  de  plusieurs  des  anciens  Pères,  et  qu'ils 
regardèrent  même  comme  le  texte  original  de  TEvangile  de  saint 
Matthieu.  Notre  auteur  démontre  d'une  façon  victorieuse  que  ce  docu- 
ment est,  au  contraire,  dans  la  forme  actuelle,  postérieur  au  premier 
des  Evangiles.  Si  les  deux  textes  sont  identiques  pour  le  fond  des 
choses,  celui  qui  porte  le  nom  d'Evangile  des  Hébreux  contient  des 
interpolations  et  des  additions  qui  ont  défiguré  l'œuvre  primitive  de 
saint  Matthieu  et  ont  mérité  à  cette  composition  d'être  rangée  parmi 
les  Apocryphes. 

Félicitons  M.  Tabbé  Variot  de  son  docte  et  intéressant  travail.  S'il 
a  bien  mérité  des  lettres,  il  a  mieux  mérité  encore  de  l'apologétique 
chrétienne  et  de  l'exégèse  évangélique.Son  livre  est  digne  de  prendre 
place  parmi  les  bons  travaux  de  notre  temps.  E.  Pousset. 


Patrwm  apostolîcorum  Opéra.  Texlum  ad  fidcm  codicum  et  grx- 
corum  et  latinorum  adhibilis  jv^staritissimis  cdiiionibus  rcceiisucnoit, 
cormnentario  cxegetico  et  historico  Uluslraverxint.  apparaiio  critico,  ver- 
sione  latina  passim  correcta,  protegomenis,  indicihus  instruxerxint  Osc.vn  df. 
Gebhardt,  AnoLKUs  Harnach,  TiiEODORrs  Zau.n.  Editio  post  Dresselianam  alte- 
ram  tertia.  Fasciculi  primi  partis  secunda?  editio  altéra.  —  Oarnabte 
Epistula  gr.'cce  et  latine  rccensuentnt  et  iUustraverunt,  Papiœ  qii<r  supcrsunt, 
presbyterorum  reliquias  ab  Ircnœo  servatos,  vêtus  EceJcsix  romanx  Symbo- 
lum,  Epistulam  ad  Diognetum  adjecerunt  Oscar  de  Gebuardt,  Adolfus 
H.uiNACH.  LipsicC,  Hinrichs,  1878,  in-8  de  lxxix-172  p. 

La  librairie  Hinrichs,  de  Leipzig,  vient  de  compléter,  par  la  publi- 
cation de  la  seconde  partie  du  premier  fascicule,  sa  nouvelle  édition 
des  Pères  apostoliques.  Les  éditeurs  avaient  déjà  publié,  en  1875, 
l'Êpître  de  saint  Barnabe.  Hs  n'ont  pas  hésité  à  la  publier  de  nouveau 
pour  mettre  à  profit  les  leocns  fournies  par  le  manuscrit  de  Constan- 
tinople,  de  Brjennios,  et  par  trois  autres  manuscrits  grecs,  jusqu'ici 
non  collationnés,  de  la  bibliothèque  Bourbonnienne  de  Naples,  de  la 
bibliothèque  Nationale  de  Paris,  et  de  la  bibliothèque  de  l'Université 
de  Liège.  Le  texte  de  cette  édition  est  d'ailleurs  le  même  que  celui 
de  Vedilio  rninor  dont  nous  avon?  rendu  compte  précédemment. 


•  4 22  

Le  Codex  Sinaiticus^  découvert  par  Tischendorf,  et  le  Codex  Coiv- 
stantinopolitanus,  découvert  par  le  métropolite  de  Sères,  Bryennios, 
contiennent  le  texte  grec  complet  de  TEpître  de  saint  Barnabe.  Tous 
les  autres  manuscrits  grecs  sont  tronqués  et  n'ont  pas  le  commence- 
ment de  la  lettre,  de  sorte  qu'avant  que  Volkmar  eût  publié  l'épître 
en  1864,  d'après  le  Codex  Slnâiticus,  on  n'en  connaissait  les  cinq 
premiers  chapitres  que  par  une  traduction  latine.  M.  Hilgenfeld,  qui 
a  publié  la  lettre  de  saint  Barnabe,  d'après  les  deux  manuscrits  grecs, 
préfère  celui  de  Constantinople  à  celui  du  Sinaï;  M.  de  Gebhardt  fait 
avec  raison  le  contraire,  et  il  justifie  invinciblement  sa  préférence 
dans  les  Prolégomènes,  dans  son  étude  critique  du  texte,  de  la  version 
latine  et  des  diverses  éditions.  Dans  les  mêmes  Prolégomènes,  M.  Har- 
nack  établit  l'intégrité  de  l'Epître  de  saint  Barnabe  ;  il  pense  qu'elle 
ne  peut  pas  avoir  été  composée  après  120-125.  Quant  à  l'auteur,  dans 
l'impossibilité  où  est  la  critique  de  le  découvrir,  il  n'examine  même 
pas  la  question  ;  il  se  borne  à  émettre  Ta  vis  que  c'était  un  païen 
converti.  Le  texte  grec  et  la  traduction  latine  de  l'Epître  sont 
reproduits  ensuite  d'une  manière  très-correcte,  avec  les  variantes 
et  des  notes  critiques,  comme  dans  les  autres  parties  de  cette  sa- 
vante édition  des  Pères  apostoliques.  Un  appendice  renferme  les 
Fragments  de  Papias,  les  Presbijtcrorum  reliquix,  le  Symbole  de 
l'Eglise  romaine  et  l'Epître  à  Diognète,  le  tout  sans  traduction.  Le 
texte  du  Symbole  de  l'Eglise  romaine  (ou  des  Apôtres)  est  accompa- 
gné d'un  travail  important,  celui  de  la  collection  de  tous  les  textes 
des  premiers  auteurs  ecclésiastiques  qui  confirment  ce  symbole.  On 
regrette  seulement  d'y  lire,  page  138,  que  les  paroles  de  saint  Luc, 
XXIV,  51,  addimenta  sunt.  L'Epître  à  Diognète  est  reproduite  seule- 
ment en  grec.  Il  n'en  existait  qu'un  manuscrit  ancien  qui  a  péri  en 
1870  dans  lïncendie  de  la  bibliothèque  de  Strasbourg.  Les  nouveaux 
éditeurs  ont  pris  pour  base  ce  manuscrit,  tel  qu'il  avait  été  colla- 
tionné  par  Cunitz.  Ils  nient  que  l'épître  soit  de  saint  Justin  et  se  dé- 
clarent incapables  de  fixer  le  lieu  et  la  date  de  sa  composition,  se 
bornant  à  dire  qu'elle  a  été  écrite  entre  170-300.  G.  K. 


Reinedio   aile  dispute   de'   eattolîeî   in   Francia,   proposto 

nel  MOCltH,  da  S.  Francesco  di  Sales,  e  commentato  dal  sacerdote 

Santé  PiERALisi,  bibliothecario  délia  Bsrberiniana,  aggiunte  tre  lettere  del 

medesimo  santo.  Roma,  topografia  délia  Propaganda,  in-fol.  de  47  p. 

La  bibliothèque  Barberini,  depuis  des  siècles  propriété  d'une  des 

plus  illustres  familles  de  la  noblesse  romaine,  a  pour  conservateur  le 

R.  don  Santé  Pieralisi,  chanoine  de  la  basilique  de  Sainte-Marie-in- 

Trastevere,  qui  vient  d'y  découvrir  l'original  d'une  lettre  de  saint 


—  123  — 

François  de  Sales,  reproduite,  mais  bien  imparfaitement,  dans  les 
éditions  de  Migne  et  de  Vives.  Elle  fait  partie  d'un  dossier  se  rappor- 
tant à  cette  année  1612  qui  vit  les  premières  luttes  de  ceux  que  l'on 
a  appelés  plus  tard  gallicans  et  ultramoutains,  et  qui  vit  la  condam- 
nation d'Edmond  Richer. 

Ce  téméraire  théologien  avait  soutenu,  on  le  sait,  que  l'Eglise  a 
reçu  immédiatement  les  clefs,  en  sorte  que  le  pape  et  les  évoques  ne 
sont  que  ses  ministres,  et  doivent  subir,  comme  l'on  dit  de  nos  jours, 
la  loi  du  suflrage  universel.  C'était  la  négation  virtuelle  de  l'infailli- 
bilité pontificale. 

Ce  fut  au  plus  fort  des  vives  disputes  excitées  en  France  et  en  Italie 
par  ces  questions  ardues,  que  saint  François  de  Sales  écrivit  une 
longue  lettre  italienne  au  pape  Paul  V,  par  l'intermédiaire  de  l'arche- 
vêque de  Tarentaise,  M^""  Germonio.  Il  proposait,  pour  de  graves  rai- 
sons, déduites  très-longuement,  d'imposer  silence  aux  deux  partis. 
C'est  cette  lettre  que  le  chanoine  Pieralisi  reproduit  en  un  beau  fac- 
simile,  sous  le  titre  significatif,  que  lui  donna  M^''  Germonio,  de 
Remède  aux  disputes  des  catholiques  en  France,  l'an  1612.  On  y  verra 
que  le  saini  évêque  de  Genève  savait  allier  la  plus  sage  prudence  à  la 
fermeté  des  vues  et  à  une  très-rare  perspicacité. 

Le  long  et  savant  commentaire  dont  le  bibliothécaire  de  la  Barberini 
a  entouré  cette  lettre,  les  détails  qu'il  fournit  sur  tous  les  personnages 
engagés  dans  les  polémiques  dangereuses  du  moment,  les  pièces  nou- 
velles qu'il  apporte  dans  le  débat,  et  qui  viennent  toutes  du  dépôt 
confié  à  sa  garde,  donnent  à  cette  œuvre,  imprimée  avec  un  luxe  de 
papier  et  de  caractères  vraiment  princier,  une  grande  valeur  et  une 
place  à  part  dans  les  publications  théologiques  de  cette  année. 

Les  éditeurs  des  œuvres  du  nouveau  docteur  de  l'Église,  comme  ses 
futurs  biographes,  consulteront  avec  fruit  cette  dissertation  savante, 
aussi  bien  que  ceux  qui  étudient  l'histoire  du  dix-septième  siècle.  Le 
chanoine  Pieralisi  y  a  joint,  en  appendice,  trois  lettres  peu  connues 
du  même  saint  sur  le  chapitre  général  des  moines  feuillants  d'Italie, 
qu'il  fut  chargé  de  présider  en  1622. 

D.  Théophile  Bérengier. 


A.nanie  ou  Guide  de  lliomme  dans  son  retour  à  Dieu,  par  Je  R.  P. 
Caussette,  vicaire  général  de  Toulouse.— Paris, Palmé,  1878,  2  vol.  in-18  j. 
de  vi-380-485  p.  —  Prix  :  6  fr. 

Saint  Paul,  se  relevant  sur  le  chemin  de  Damas,  trouva  dans 
Ananie  le  guide  appelé  à  faire  de  l'aveugle  un  sublime  voyant  :  le  P. 
Caussette,  en  écrivant  Ananie,  s'est  proposé  de  donner  un  guide  aux 
égarés.  «  Dans  ce  but,  dit-il,  nous  offrons  aux  sceptiques  et  aux  in- 
difi'érents  un  livre  de  religion  qu'ils  pourront  accepter  sans  respect 


-  12i  — 

humain,  lire  sans  répugnance,  et  peut-être  relire  avec  utilité.  »  Et  il 
explique  que  les  grands  traités  religieux  ne  sont  plus  à  la  mesure  de 
l'attention  et  du  loisir  des  lecteurs  contemporains.  Il  faut  un  ouvrage 
portatif,  facile  à  manier  comme  à  comprendre,  tenant  le  milieu  entre 
le  livre  de  lecture  et  le  manuel  de  prière  :  ce  livre  s'attachera  à  réduire 
â  néant  les  préjugés  de  rincroyance,  à  mettre  devant  ses  yeux  les 
divines  clartés,  et  de  partir  de  cette  illumination  pour  réformer  la 
vie  troublée  et  faussée.  Le  vénérable  auteur  s'appuie  sur  trois  idées 
fondamentales  :  1^  les  motifs  de  croire  envisagés  principalement  dans 
leurs  rapports  avec  la  situation,  les  besoins  et  les  obstacles  actuels; 
2"  les  raisons  d'agir  désormais  d'une  manière  conforme  à  cette 
croyance  ;  S»  les  devoirs  essentiels  dans  lesquels  vient  se  réduire  une 
existence  ainsi  reconstituée.  En  d'autres  termes,  les  bases  de  la  foi, 
l'action  qu'elle  commande,  les  pratiques  qui  en  sont  l'expression  lé- 
gitime et  nécessaire  :  telle  est  la  substance  de  ce  beau,  éloquent  et 
intéressant  travail.  Et  par  là,  observe  le  P.  Caussette,  les  trois  ten- 
dances les  moins  religieuses  de  notre  nature  se  redressent  dans  un  sens 
contraire  à  leur  pente,  par  des  correctifs  appropriés  :  les  scepticismes 
sans  cesse  renaissants  de  l'esprit  disparaissent  devant  les  preuves  de 
la  foi;  les  découragements  de  la  volonté  se  corrigent  par  la  vertu 
fortifiante  qu'exhalent  tant  de  motifs  de  ne  point  rester  chrétien  in- 
conséquent, croyant  platonique,  en  face  de  dangers  si  graves  et  d'en- 
nemis toujours  éveillés;  enfin,  les  incertitudes  pratiques  cessent  par 
la  claire  détermination  des  actes  qui  constituent  le  devoir  chré- 
tien. 

Voilà  certainement  un  très-magnifique  cadre,  où  rien  ne  manque 
quant  à  l'objet  poursuivi.  L'auteur  a  du  mouvement,  du  style,  une 
logique  serrée,  il  sait  aborder  tour  à  tour  le  cœur  et  l'intelligence, 
faire  agir  les  meilleurs  sentiments,  écarter  de  la  main  les  autres,  et 
réhabiliter  à  ses  propres  yeux  le  lecteur  que  l'expérience  d'hier  fait 
souvent  douter  de  lui-même.  Nous  pensons  que  plus  d'une  conversion 
est  en  germe  dans  ces  deux  volumes  ;  nous  sommes  sûr,  en  tout  cas, 
que  bien  des  fidèles  y  puiseront  une  nouvelle  ardeur  pour  la  vérité 
qu'ils  possèdent,  un  nouveau  zèle  pour  la  vertu  qu'ils  aiment. 

Dans  la  première  partie,  Motifs  de  croire,  après  avoir  montré  l'im- 
portance de  la  question,  l'auteur  s'étend  sur  ces  idées  :  que  la  reli- 
gion est  le  caractère  essentiel  de  notre  espèce,  l'irréligion  son  amoin- 
drissement; que  l'objet  de  la  religion  n'est  point  du  tout  imaginaire; 
qu'il  est  absurde,  du  reste,  de  vouloir  se  composera  soi-même  sa  re- 
ligion, comme  si  on  était  le  seul  facteur  en  un  tel  problème;  que  la 
religion,  dans  sa  notion  première,  est  essentiellement  surnaturelle, 
c'est-à-dire  doit  venir  du  ciel  puisqu'elle  enseigne  à  nous  relever 
de  ce  côté;  que  ce  surnaturel  ne  peut  exister  sans  des  faits  du  même 


ordre,  et  que,  au  résuiuc,  ces  faits  se  rencontrent  dans  le  seul  christia- 
nisme :  d'où  il  suit  que  le  christianisme  est  certainement  divin,  et  par 
conséquent  absolument  vrai  en  lui-même.  Les  objections  de  détail 
disparaissent  d'elles-mêmes  devant  une  thèse  ainsi  construite. — La 
seconde  partie,  Motifs  de  }watiquei\  est  traitée  avec  le  même  succès. 
Il  y  a  du  neuf  quant  à  l'ordre  des  arguments  puisés  dans  le  devoir  et 
l'intérêt  de  la  société,  de  la  famille  et  de  l'individu,  et  dans  l'inanité 
des  prétextes  pour  s'en  dispenser.  —  En  troisième  lieu,  Ce  qu'il  faut 
pratique)-  amène  à  parler  des  sacrements,  et  spécialement  de  la  Pé- 
nitence et  de  l'Eucharistie,  au  point  de  vue  philosophique,  tliéolo- 
gique,  social,  etc.  Et  puis  viennent  les  commandements  de  Dieu  et 
ceux  de  la  sainte  Eglise,  présentés  dans  leurs  grandes  lignes,  sous 
leur  jour  pratique.  C'est  donc  quelque  chose  de  bien  complet. 

V.  POSTEL. 

lie  Dîrecteui*  des  catéchismes  <le  pi'cmîèi'e  communion 
et  de  persévéï-ance,  par  M.  l'abbé  Turca.\,  chanoine  honoraire 
directeur  au  grand  séminaire  de  Séez.  Paris,  Bray  et  Retaux,  1878, 
3  vol.  in-12  de  xvii-45i,  421,  4G7  p.  —  Prix  :  12  fr. 

La  plupart  des  méthodes  do  catéchisme  exposent  les  vérités  chré- 
tiennes et  n'enseignent  point  assez  les  vertus  et  la  piété  ;  elles  parlent 
beaucoup  à  l'esprit  et  peu  au  cœur.  M.  Turcan,  dans  le  remarquable 
livre  qu'il  publie,  mêle  heureusement  aux  instructions  dogmatiques  les 
paroles  de  l'exhortation  morale  :  il  embrasse  donc  toute  la  formation 
religieuse  des  enfants.  Chacune  des  leçons  est  divisée  en  six  parties . 
de  longueur  et  d'importance  fort  diverses.  L'auteur  commence  par 
des  avis  pratiques  qu'il  adresse  au  catéchiste  ;  il  indique  ce  qu'il  y  a  de 
principal  dans  le  chapitre  ;  il  suggère  les  dispositions  dans  lesquelles 
doit  entrer  le  prêtre  pour  parler  aux  enfants,  le  but  supérieur  qu'il 
faut  se  proposer.  Le  bon-point,  — fort  connu  de  ceux  qui  ont  fait  leurs 
études  théologiques  au  séminaire  Saint-Sulpice,  —  consiste  en  une 
discussion  animée  entre  le  chef  du  catéchisme  et  quelques  enfants^ 
sur  l'instruction  qui  a  été  faite  huit  jours  auparavant  :  un  bon- 
point  récompense  celui  qui  a  répondu  d'une  façon  satisfaisante.  Le 
mérite  de  cette  conversation  est  en  la  vivacité  de  l'interrogation,  en 
l'à-propos  des  remarques  ;  il  faut  présenter  la  même  vérité  sous  plu- 
sieurs formes,  profiter  des  réponses,  piquer  la  curiosité,  ramener 
sans  cesse  à  la  question  les  esprits  prompts  à  s'échapper.  Notre  auteur 
indique  les  idées  principales,  la  marche  à  suivre  dans  cet  utile  exer- 
cice ;  c'est  au  catéchiste  de  trouver  la  mise  en  œuvre. 

La  troisième  partie  est  l'instruction.  M.  Turcan  y  procède  par 
demandes  et  par  réponses.  Nous  croyons  avec  lui  qu'un  discours  de 
longue  haleine  ne  peut  captiver  l'attention  d'un  auditoire  enfantin  ; 


—  120  — 

cependant  nous  pensons  que  des  questions  trop  répétées  ont  le  tort 
de  ne  pas  laisser  voir  avec  assez  d'évidence  Fenchaînement  des 
pensées.  L'expérience  que  donnent  les  catéchismes  de  Paris  nous  a 
laissé  la  persuasion  que  l'instruction  ne  doit  pas  être  trop  morcelée; 
que  s'il  faut  la  varier  par  des  questions  et  tenir  toujours  en  alerte 
Tesprit  des  enfants,  il  est  utile  de  développer,  d'exposer  avec  éten- 
due, en  un  mot  de  parler  plus  encore  qu'on  ne  fait  parler  l'auditoire. 
Le  catéchisme  de  M.  Turcan  est  enrichi  d'un  nombre  très-considé- 
rable d'histoires  empruntées  à  l'Ecriture  sainte  ou  à  la  vie  des  saints. 
Le  fait  est  seulement  rappelé  en  quelques  lignes.  C'est  au  catéchiste 
qu'il  appartient  de  choisir  le  trait  historique,  de  donner  les  dévelop- 
pements et  la  mise  en  scène  qui  sont  indispensables  s'il  veut  intéresser 
les  enfants. 

Les  deux  dernières  parties  sont  les  pratiques  et  les  prières.  A  la 
fin  de  chaque  chapitre,  l'auteur  propose  quelques  résolutions  en  rap- 
port avec  le  sujet  qui  vient  d'être  traité  ;  il  conseille  avec  raison  de 
demander  aux  enfants,  durant  la  réunion  suivante,  s'ils  ont  fidèle- 
lement  observé  la  pratique  qu'on  leur  avait  indiquée.  «Pourvu,»  dit-il, 
«  que  vous  fassiez  cette  question  à  deux  ou  trois,  vous  pouvez  être 
sûr  que  la  plupart  feront  ce  que  vous  leur  aurez  dit.  »  Avec  les  pra- 
tiques, les  prières  forment  l'âme  à  la  vie  et  aux  habitudes  chré- 
tiennes. Ce  sont  de  rapides  élévations  du  cœur  vers  Dieu  à  faire 
durant  le  catéchisme.  Nous  voulons  citer  les  paroles  si  touchantes  et 
si  sacerdotales  de  l'auteur  :  «  Après  avoir  exposé  une  vérité  saisis- 
sante, on  dit  aux  enfants  :  a  Maintenant,  chers  petits,  vous  allez 
«  demander  à  Dieu  telle  grâce.  Soyez  bien  attentifs.  Je  vais  vous 
«  suggérer  tout  haut  ce  que  vous  devez  dire  tout  bas  au  fond  de  votre 
«  cœur.  »  Puis  on  se  recueille  profondément,  et  l'on  fait  la  petite 
prière.  Les  enfants  ne  manquent  jamais  de  vous  imiter.  Rien  n'est 
beau  comme  ce  petit  exercice.  Les  résultats  en  sont  admirables... 
J'en  ai  fait  l'expérience  bien  des  fois  :  c'était  pour  moi  le  moment  le 
plus  doux  de  ces  douces  réunions,  n 

Tel  est,  en  résumé,  cet  excellent  livre,  un  des  meilleurs  assurément 
et  des  plus  complets  qui  aient  été  publiés  sur  ce  sujet.  Il  contribuera 
à  relever  encore  l'enseignement  du  catéchisme,  déjà  fort  en  honneur 
dans  notre  pays  :  utile  à  tous,  il  deviendra  le  manuel  nécessaire  des 
jeunes  prêtres,  des  parents  chrétiens,  des  maîtres-  et  maîtresses 
d'école  qui,  dociles  à  la  voix  de  l'Eglise,  ne  séparent  pointTwstruc- 
tion  religieuse  de  l'instruction  profane.  E.  Pousset. 


—  127  — 

Manuel  pour  le  e.lioîx  d'un  état  de  vie.  Ouvrage  destiné  au 
clergé,  à  la  jeunesse,  aux  parents  chrétiens,  aux  maîtres  et  aux  mai- 
tresses  de  pension,  par  le  P.  Auguste  Dama?<et,  S.  J.  Tournai  et  Paris, 
Casterman,  in- 12  de  378  p.  —  Prix  :  2  fr. 

Un  homme  de  grande  expérience,  habile  dans  la  direction  des  âmes, 
le  R.  P.  Damanet,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  a  publié,  en  1862,  un 
ouvrage  dont  nous  recommandons  aujourd'hui  la  seconde  édition.  Cet 
ouvrage,  comme  le  portait  dès  lors  l'approbation  de  l'évêché  de 
Tournai,  se  recommande  far  la  pureté  de  doctrine^  la  sagesse^  la  clarté 
et  la  méthode  des  conseils,  et  par  là  a  paru  particulièrement  utile  aux 
directeurs  des  consciences  et  à  la  jeunesse  chrétienne  qui  veut  faire  choix 
d'un  état  de  vie. 

L'auteur  procède  avec  un  ordre  et  une  logique  sévères,  puisant  ses 
principes  aux  sources  les  plus  pures,  dans  les  ouvrages  des  Pères  de 
l'Eglise,  des  princes  de  la  théologie  et  des  meilleurs  ascètes,  saint 
Augustin,  saint  Thomas  d'Aquin,  saint  Bernard,  sainte  Thérèse,  saint 
François  de  Sales,  le  vénérable  Louis  Dupont,  Suarez,  Lessius,  Bos- 
suet,  Bourdaloue,  etc.,  etc.  Il  élucide  leur  doctrine  par  des  exemples 
choisis  et  des  applications  heureuses,  toujours  empreintes  d'une  rare 
modération,  menant  pas  à  pas_,à  la  double  lumière  de  la  théorie  et  de 
l'expérience,  l'âme  indécise  jusqu'à  une  parfaite  et  claire  décision. 
La  méthode  aussi  ne  laisse  rien  à  désirer  :  l'auteur  fait  d'abord  com- 
prendre à  l'âme  la  nécessité  d'examiner  sa  vocation  et  de  choisir 
l'état  de  vie  marqué  par  la  Providence  divine  :  il  la  met  ensuite  en 
présence  des  vérités  fondamentales  de  la  fin  de  l'homme  et  des 
créatures;  il  insiste  sur  le  devoir  d'arrêter  son  choix  sous  l'œil  de 
Dieu  et  aux  seules  lumières  de  la  raison  et  de  la  foi.  Les  différentes 
carrières,  l'état  de  mariage  et  de  célibat,  l'état  ecclésiastique  et  l'état 
religieux  sont  tour  à  tour  étudiés  avec  profondeur,  justesse  et  préci- 
sion dans  leur  nature,  leurs  devoirs,  leurs  avantages.  L'homme  a  ré- 
fléchi, il  a  prié,  il  est  appelé  à  faire  son  élection,  le  choix  d'un  de  ces 
états;  ici  l'auteur  indique  la  marche  à  suivre  dans  cette  grave  déter- 
mination, empruntée  au  livre  des  exercices  de  saint  Ignace  et  qui  doit 
emporter  le  suffrage  de  tout  homme  raisonnable.  Ensuite,  après  avoir 
développé  magistralement  les  enseignements  de  l'Eglise  et  des  Pères 
sur  les  conseils  évangéliques,  le  savant  auteur  donne  les  motifs  et  les 
caractères  distinctifs  d'une  vocation  religieuse  véritable  et  des  règles 
sages  et  prudentes  pour  le  choix  d'un  ordre  religieux  en  particulier; 
enfin  l'auteur  aborde  la  question  des  difficultés  qui  surgissent  à  l'oc- 
casion d'une  vocation  religieuse,  et  traite  d'une  manière  sûre,  sage, 
prudente,  mais  ferme,  la  conduite  à  garder  en  présence  de  l'opposi- 
tion des  parents  ou  des  prétextes  allégués  pour  arrêter  ou  retarder 
l'entrée  en  religion. 


Co  résumé  succinct  fait  comprendL-c  l'importance  des  matières  trai- 
tées dans  cet  ouvrage.  Le  style  de  l'auteur,  simple,  grave,  tel  qu'il 
convient  à  ce  sujet,  toujours  clair,  correct  et  châtié,  rend  la  lecture 
de  ce  livre  aussi  attrayante  qu'utile. 

Depuis  sa  première  apparition,  l'ouvrage  du  P.  Damanet  a  été 
traduit  en  allemand,  en  italien,  en  anglais,  etc.,  et  nous  ne  doutons 
pas  que  cette  seconde  édition,  soigneusement  revue  et  augmentée,  ne 
soit  reçue  avec  plus  de  sympathie  et  d'empressement  encore  que  la 
première.  X. 


JURISPRUDENCE. 

M>e8  Actes   inexistante  et   des   effets    de    l'erreur,  par  Fer- 
.NAND  TiiiRY.  Liège,  Léon  de  Thicr,  1878,  in-8  de  221  p. 

La  loi,  la  jurisprudence  et  la  doctrine  confondaient  à  tout  instant 
la  nullité  avec  VaiinulabiliU,  lorsque  Zachariœ  publia,  en  1837.  son 
remarquable  ouvrage,  dans  lequel  il  distingua,it  nettement  entre  les 
deux  nullités.  Nous  ne  connaissons  personne,  qui  ait  plus  approfondi 
après  lui  cette  délicate  question  que  M.  Laurent,  dans  son  travail  sur 
les  principes  du  droit  civil. 

Mais  cette  distinction  est-elle  fondée  en  droit  et  en  raison?  — 
M.  Thiry  s'eiforoe  de  le  prouver  dans  la  première  partie  de  son 
étude,  et  il  expose  successivement  les  systèmes  du  droit  romain,  du 
droit  coutumier  et  du  droit  civil.  L'exposition  du  droit  coutumier 
mérite  particulièrement  notre  attention;  elle  est  originale,  neuve  et 
intéressante.  Mais  elle  est  loin  d'avoir  dissipé  tous  nos  doutes,  et 
nous  ne  comprenons  pas  comment  des  coutumes  qui  admettent 
l'inexistence  peuvent  parler,  quelques  lignes  plus  loin,  de  la  ratiftca- 
llon  de  semblables  nullités  (Bruges,  p.  20,  n.  1)  ou  de  leur  validité 
dans  certaines  circonstances  déterminées  (Ostende,  p.  20). 

Domat  ne  nous  paraît  pas  non  plus  avoir  saisi  la  distinction  mo- 
derne, puisqu'il  appelle  nulles  dès  l'origine  des  conventions  que  nous 
considérons,  les  unes  comme  absolument  nulles,  les  autres  comme 
annulables,  et  qu'il  accorde,  dans  tous  les  cas,  une  véritable  action  en 
annulation,  quoi  qu'en  dise  M.  Thiry,  ainsi  qu'il  ressort  du  texte  de 
la  loi  1,  C.  4-44,  cité  en  note,  et  du  renvoi  à  deux  sections  où  il  s'agit 
évidemment  de  l'annulabilité.  Quant  à  Pothier,  la  question  est  plus 
que  douteuse,  et  la  comparaison  du  passage  donné  comme  décisif 
à  la  page  39,  avec  celui  qui  est  cité  à  la  page  35,  enlève  absolument 
toute  force  à  l'argument  tiré  du  premier. 

Quelle  que  que  soit  l'opinion  admise  sur  nos  anciens  auteurs,  on  ne 
peut  refuser  au  travail  de  M.  Thiry  le  mérite  d'une  grande  érudition 
et  d'une  profonde  sincérité  dans  la  recherche  de  la  vérité.  Mais  nous 


—  129  — 

aurions  désiré  de  l'auteur  une  étude  historique  sur  la  fameuse  dis- 
tinction de  Cujas  et  de  Pothier  en  choses  qui  sont  de  l'essence  du  con- 
trat, et  choses  qui  lui  sont  accidentelles.  Peut-être  aurait-il  pu  trouver 
dans  cette  voie  quelques  renseignements  nouveaux  qui  auraient  jeté 
une  vive  lumière  sur  la  question  de  l'inexistence. 

Dans  la  seconde  partie  de  son  livre,  l'auteur  applique  ses  principes 
à  la  théorie  de  l'erreur.  Il  ne  reconnaît  dans  cette  matière  qu'une 
règle  fondamentale.  «  L'erreur  Jaisse-t-elle  subsister  le  consente- 
ment? la  convention  est  parfaitement  véritable;  l'erreur  anéantit- 
elle  le  consentement  la  convention  n'existe  pas.  »  Que  l'erreur  porte 
sur  l'objet,  sur  la  substance,  sur  la  personne,  sur  les  motifs,  rien 
n'y  fait,  le  principe  est  toujours  le  même.  Et  cette  règle  n'est 
pas  seulement  vraie  dans  les  conventions,  elle  l'est  aussi  dans  le 
mariage.  Assurément,  les  controverses  de  nos  législateurs  sur  l'ar- 
ticle 146  furent  longues,  diffuses,  pleines  d'équivoques  et  de  malen- 
tendus, mais  ne  s'est-on  pas  rallié  enfin,  suivant  toute  probabilité,  à 
l'opinion  du  président  Tronchet?  Le  résumé  le  plus  net  de  ce  long 
débat  nous  est  donné  par  Bouteville,  disant  au  Corps  législatif  :  «  Le 
plus  grand  acte  du  législateur  est  de  s'en  remettre  à  la  justice  des 
tribunaux.  »  Aussi  le  code  se  contente  de  poser  le  principe  dans  l'ar- 
ticle 146.  «  L'article  180  n'est  que  le  développement  et  la  conséquence 
de  cette  opinion.  «  Notre  législation  ne  procède  donc  pas  en  cette 
matière,  de  l'enseignement  étroit  de  Pothier,  mais  des  vues  saines  et 
rationnelles  du  droit  canonique,  dont  on  ne  peut  nier  l'immense  in- 
fluence sous  l'ancien  régime. 

Dans  les  efi"ets  de  l'erreur,  M.  Thirj"  n'admet  pas  non  plus  de 
distinction.  A  la  différence  du  dol  ou  de  la  violence,  l'erreur  ne  peut 
qu'anéantir  ou  laisser  subsister  la  convention,  suivant,  qu'elle  est 
essentielle  ou  non.  C'était  là  l'opinion  de  Pothier,  et  notre  code  a  eu 
le  tort  de  déroger  à  ces  sages  principes.  Puis  vient  une  longue  con- 
troverse (p.  70-81)  dans  laquelle  l'auteur  soutient,  contrairement  à 
M.  Laurent,  que  Pothier  n'a  jamais  reconnu  de  contrats  annulables 
pour  erreur,  qu'il  les  regardait  comme  n'existant  pas  ou  comme  va- 
lables. Nous  ne  pouvons  nous  rallier  à  ce  système,  et  nous  en  appe- 
lons à  Pothier  lui-même,  dans  un  passage  qui  a  échappé,  nous  ne 
savons  comment,  à  la  perspicacité  de  M.  Thiry,  et  qui  nous  paraît 
formel  :  «  A  l'égard  de  l'erreur  sur  la  cause^  dit  le  grand  juriscon- 
sulte d'Orléans,  elle  détruit  la  convention,  non  pas  de  plein  droit, 
mais  elle  donne  lieu  à  la  rescision  de  l'engagement....  L'erreur  sur 
la  qualité  des  choses  peut  aussi  donnerlieu  à  la  rescision.  •>y {Procédure 
civ.,  p.  4,  ch.  II,  sect.  13,  art.  3,  §  4.)  J.  Vanbexheuvel. 

AoL-T  1878.  T.  XXIII,  9. 


—  d30  - 

SCIENCES    ET    ARTS 

t.e  Socialisme  devant  la  société.  Conférences  ■prononcées  à  Notre- 
Dame  de  Grenoble  dans  le  carême  de  1878,  par  le  R.  P.  Félix,  de  la  Com- 
pagnie de  Jésus.  Paris,  Ruger  et  Chernovicz,  1878,  in-8  de  xii-313  p.  — 
—  Prix  :  5  fr. 

Ce  nouveau  volume  continue  et  complète,  d'une  façon  très-appropriée 
aux  besoins  de  l'heure  présente,  l'enseignement  religieux  et  social 
que  l'éminent  orateur  donnait  il  y  a  quelques  années  dans  la  chaire 
de  Notre-Dame,  avec  tant  d'autorité  doctrinale  et  de  précision  scien- 
tifique. 

En  vain  Vopportunisme  prétend-il  nier  le  péril  social;  le  socialisme 
affirme  tous  les  jours,  avec  plus  de  netteté  et  plus  de  confiance,  son 
existence  et  ses  revendications.  Minorité  encore  aujourd'hui,  si  l'on 
veut,  il  a  tous  les  caractères  qui,  en  temps  de  révolution^  assurent  à 
une  minorité  audacieuse  un  prochain  triomphe.  Aussi  est-ce  avec  une 
haute  perspicacité  que  le  R.  P.  Félix  a  voulu,  à  la  veille  d^une  nou- 
velle explosion,  signaler  Vidée-mere  du  socialisme,  —  les  caractères 
de  passion  populaire  et  de  conspiration  universelle  qu'il  revêt  de  notre 
temps,  —  son  erreur  fondamentale  sur  le  siège  du  mal  qu'il  fait  re- 
poser dans  la  société  au  lieu  de  le  chercher  dans  l'homme  déchu,  son 
hallucination  d'un  pai^adis  sur  la  terre,  et  enfin  son  origine  dans  les 
concupiscences  humaines,  sa  généalogie  contemporaine  dans  la  triple 
révolte  contre  l'autorité  de  l'Église,  contre  le  gouvernement  des 
choses  humaines  par  Dieu  et  contre  la  légitimité  politique.Voilà  bien  le 
socialisme  tout  entier,  et  ces  larges  aperçus  contiennent  toute  sa  ge- 
nèse, tous  ses  développements.  Le  P.  Félix  s'est  à  dessein  abstenu 
de  pénétrer  dans  le  détail  des  écoles  socialistes,  aussi  nombreuses  et 
aussi  contradictoires  entre  elles  que  le  sont  en  toutes  choses  les  mani- 
festations de  l'erreur.  C'est  là  un  travail  qui  appartient  aux  écono- 
mistes, et  ils  ont  beau  jeu  à  faire  à  leur  tour  la  critique  de  tous  ces 
plans  de  transformation  de  la  société.  Mais  cette  critique  elle-même 
est  insuffisante,  et  il  appartient  aux  représentants  de  cette  science 
sociale  qui  fait  partie  de  l'enseignement  moral  de  l'Église  de  ramener 
les  luttes  scientifiques  des  économistes  et  des  socialistes  au  point  de 
vue  vraiment  dominant,  à  celui  de  la  vérité  complète  et  totale. 

La  notion  de  la  vie  future,  la  pratique  des  préceptes  de  la  religion, 
l'amour  de  Dieu  commun  à  tous  les  hommes^  quelle  que  soit  leur  con- 
dition sociale,  tels  sont  les  fondements  essentiels  de  la  réfutatiun  du 
socialisme.  Combattre  Proudhon  ou  Karl  Marx,  en  se  plaçant  uni- 
quement à  leur  point  de  vue  d'une  fin  terrestre  pour  l'humanité,  c'est 
sinon   leur   donner  d'avance  raison,  au  moins  perdre  la  plupart  des 


-  131  — 

avantages  de  sa  position  et,  en  tout  cas,  s'enlevertousmoyens  de  per- 
suasion efficaces  sur  le  grand  nombre  des  hommes  souifrants  et 
déshérités.  Voilà  ce  que  les  écrivains  qui  veulent  réfuter  les  erreurs 
sociales  modernes  perdent  trop  souvent  de  vue.  L'œuvre  magistrale 
du  P.  Félix  contribuera  puissamment  à  replacer  le  débat  sur  son 
véritable  terrain.  Qu'on  nous  permette  de  signaler  particulièrement 
les  admirables  développements  qu'il  donne  aux  notions  de  Yharmonie 
sociale,  dont  le  vrai  fondement  est  l'union  des  hommes  dans  l'amour 
du  même  Dieu  et  de  la  paix  sociale,  dont  la  seule  base  est  le  combat 
de  chaque  homme  contre  ses  passions  intérieures. 

On  retrouve,  dans  cette  nouvelle  série  de  conférences,  la  puissance 
de  raisonnement,  la  précision  philosophique,  la  large  érudition  histo- 
rique et  surtout  ce  sens  si  juste  des  vérités  sociales  qui  assurent  une 
place  à  part  au  P.  Félix  parmi  les  orateurs  chrétiens  contem- 
porains et  font  de  ses  volumes  des  livres  dans  toute  l'acception  du 
mot,  c'est-à-dire  des  œuvres  destinées  à  être  étudiées  et  méditées  avec 
le  plus  grand  fruit.  Claudio  Jannet. 


L.a  tilberté  de  penser,  fin  du  pouvoir  spirituel ,  par  Victor 
GuicHARD,  député.  Deuxième  édition.  Paris,  Germer  Baillière,  1878,  inl2, 
de  vi-560  p.  —  Prix  :  3  fr.  50 

Trop  volumineux  pour  s'appeler  un  pamphlet,  trop  passionné  pour 
être  un  livre  d'histoire,  ce  volume  rentre  dans  la  catégorie  des  ou- 
vrages qu'on  lit  pour  se  divertir  aux  dépens  de  l'auteur.  M.  Guichard 
a  voulu  écrire  l'histoire  du  pouvoir  spirituel  :  on  va  juger  de  sa  sûreté 
de  critique. 

Pour  lui,  les  croisés  ne  sont  que  «  d'exécrables  brigands  (p.  128)  » 
qui  voulaient  enlever  aux  musulmans  la  liberté  de  penser  ;  aussi,  «  les 
croisades  qui  se  succédèrent  pendant  près  de  deux  siècles,  de  1090  à 
1270,  n'offrent-elles  qu'une  succession  non  interrompue  d'atrocités 
(p.  129).  »  Pendant  tout  le  moyen  âge,  pour  étouffer  la  liberté  de 
penser,  l'Eglise  a  recours  à  l'emprisonnement  et  au  meurtre,  et,  a  les 
hérétiques  vivants  n'offrant  plus  une  proie  suffisante,  le  pouvoir  spi- 
rituel déterre  les  morts,  promène  les  cadavres  et  dispute  aux  vers 
leur  affreuse  pâture  (p.  200).  »  —  «  Au  treizième  siècle,  comme  plus 
tard  aux  seizième,  dix-septième  et  dix-huitième  siècles,  la  royauté, 
protectrice  du  peuple,  selon  ses  historiographes,  livra  ses  sujets  à  la 
fureur  exterminatrice  de  l'Église  romaine  (p.  201).  »  Décidément,  il 
est  bien  vrai  que  les  rois  et  les  papes  étaient  anthropophages  au 
moyen  âge.  «  Les  cruels  persécuteurs  faisaient  écorcher  les  Vaudois; 
après  quoi  on  les  attachait  à  des  poteaux  dans  des  lieux  remplis  de 
frlons,  de  guêpes  et  d'abeilles,  qui  les  tourmentaient  nuit  et  jour, 


—  i32  — 

jusqu'à  ce  qu'ils  expirassent  (p.  350).  »  Voici  encore  un  point  de  vue 
nouveau,  et  que  les  historiens  protestants  eux-mêmes  n'avaient  pas 
soupçonné:  «  La  Saint-Barthélémy  et  toutes  ses  horreurs  n'ont  été 
que  l'exécution  des  décrets  rendus  par  les  conciles  contre  les  héréti- 
ques, exécution  sollicitée,  exigée  par  le  pape  Pie  V.  Aussi  Pie  V 
a-t-il  été  mis  au  nombre  des  saints  par  l'Eglise  (p.  429).  »  —  «  La 
terreur  révolutionnaire  a  duré  quatorze  mois,  la  terreur  de  l'Eglise 
romaine  quinze  siècles,  etc.,  etc.  (p.  545).  » 

M.  Guichard  a  pourtant  l'âme  tendre  et  généreuse.  Il  me  semble 
même  bien  indulgent  pour  ceux  qui  ordonnaient  et  exécutaient  toutes 
les  atrocités  qu'il  révèle  :  «  La  réunion  des  biens  du  clergé  au  do- 
maine de  l'Etat,  dit-il,  parfaitement  légitime  (la  propriété,  c'est  le  vol), 
n'en  faisait  pas  moins  aux  ecclésiastiques  une  position  tout  à  fait  digne 
(Tintérct  (p.  498).  »  Mais  ce  n'est  pas  tout  :  «  Si  nous  fouillons  dans 
le  passé,  dit-il  encore^  ce  n'est  pas  pour  en  exhumer  des  souvenirs 
de  haine;  c'est  pour  y  puiser  des  motifs  de  concorde  (p.  233).  » 
Je  m'en  étais  douté,  et  il  faut  voir  avec  quelle  éloquence  indignée 
M.  Guichard  repousse  l'accusation  d'outrage  à  la  religion  catholique 
(p.  235]. 

Enfin,  voici  la  conclusion  du  volume:  «  Aujourd'hui,  dit  l'auteur,  le 
pouvoir  spirituel  ne  renie  aucun  de  ses  décrets,  aucun  de  ses  actes 
d'extermination.  Sans  doute  le  temps  des  bûchers  et  des  massacres 
religieux  est  passé  ;  mais  le  pouvoir  spirituel  est  là,  qui  veille  inces- 
samment,pour  envenimer  toutes  les  questions  qui  agitent  notre  époque. 
Il  agite  les  nations  contre  les  nations,  les  gouvernements  arriérés  contre 
les  progrès  des  peuples,  les  peuples  ignorants  contre  les  gouvernements 
éclairés  ;  il  divise  les  familles,  il  enseigne  à  la  jeunesse  à  mépriser  ses 
pères,  les  lois,  les  institutions,  la  gloire  de  la  patrie;  il  empoisonne  à 
sa  source  la  vie  morale  des  générations  futures;  ne  pouvant  ressus- 
citer le  passé,  il  s'eff'orce  de  tuer  le  présent  et  l'avenir;  la  société  se 
remettra  sous  son  joug  ou  périra.  Voilà  Son  plan,  œuvre  d'orgueil  et 
d'anarchie.  » 

Affamé  de  liberté  de  penser,  l'esprit  de  M.  Guichard  en  a  étran- 
gement" abusé;  il  a  produit  un  livre  qui  ne  relève  certainement  pas  de 
la  critique.  E.  B. 

I-.0  Mal  et  le  lîicn.  —  H.  Les  Siècles  chrétiens,  par  Eugène  Loudcx. 
Paris,  Société  générale  de  librairie  catholique,  1878,  in-8  de  xvi-340  p. — 
Prix  :  7  fr. 

M.  Loudun  poursuit  courageusement  la  grande  œuvre  qu'il  a  entre- 
prise. Après  l'antiquité^  ses  gloires  apparentes,  ses  misères  secrètes 
et  sa  publique  dégradation,  voici  les  siècles  chrétiens  avec  leur  fé- 
conde et  incessante  floraison  de  vertus.    Tout  n'y   est  point  parfait 


—  133  — 

sans  doute,  mais  si  Ton  y  voit  des  chutes  lamentables^  on  y  assiste  à 
des  relèvements  superbes.  Le  savoir  de  l'auteur  s'allie  à  la  plus 
louable  modestie,  u  On  ne  prétend  pas,  écrit-il  dans  son  Introduc- 
tion, présenter  ici  le  tableau  complet  de  la  société  chrétienne,  la  vie 
d'un  homme  n'y  suffirait  pas  :  ce  travail  a  d'ailleurs  été  fait  en  grande 
partie  par  les  écrivains  les  plus  éminents.  Ce  qu'on  se  propose,  c'est 
de  montrer  le  principe  qui  animait  cette  société  et  quelques-unes  de 
ses  plus  importantes  applications.  »  Nul  n'ignore  les  efforts  déses- 
pérés tentés  de  divers  côtés  par  l'incrédulité  moderne  pour  révoquer 
en  doute  les  origines  divines  du  christianisme.  Tout  esprit  sincère  qui, 
sur  les  pas  de  M.  Loudun,  consentira  à  approfondir  l'histoire,  sera 
involontairement  amené  à  s'écrier  :  a  Oui,  le  doigt  de  Dieu  est  là.  » 

Le  moyen  âge  a  été  témoin  d'un  admirable  épanouissement  de  la 
pensée  chrétienne  :  c'en  était  assez  pour  lui  attirer  l'enthousiasme 
parfois  excessif  des  uns,  et  surtout  les  calomnies  passionnées  des 
autres.  Certes  on  ne  fera  pas  à  M.  Loudun  le  reproche  de  nous  pré- 
senter un  moyen  âge  de  convention.  S'il  n'a  aucun  penchant  à  flatter 
l'humanité  en  général,  il  se  montre  bien  sévère  pour  les  barbares  qui 
n'avaient,  dit-il,  que  des  ruines  et  des  vices  à  mettre  en  commun 
avec  les  débris  du  vieux  monde  vaincu.  En  racontant  mainte  scène 
d'alors,  il  nous  fait  assister  «  aux  soubresauts  gigantesques  de  la  bar- 
barie oicore  indomptée.  »  Il  va  même  jusqu'à  emprunter  à  saint 
Bernard  et  à  sainte  Catherine  de  Sienne  leurs  apostrophes  éloquentes 
contre  les  scandales  de  leur  temps.  Pourquoi  cette  rigueur  inexo- 
rable? Afin  de  mettre  dans  tout  son  jour  et  de  faire  mieux  comprendre 
l'action  civilisatrice  de  l'Eglise,  aux  prises  avec  des  éléments  aussi 
rebelles.  »  Pour  que  le  christianisme  changeât  le  monde,  il  fallait 
qu'il  eût  des  moyens  énergiques,  d'immenses  ressources,  une  force 
puissante.  »  Et  quelle  était  cette  force?  D'une  part,  l'amour  de  Dieu, 
avec  les  merveilles  de  grandeur  et  d'inspiration  dont  il  est  l'âme,  de 
l'autre,  l'amour  du  prochain,  et  plus  particulièrement  des  faibles  et 
des  déshérités^  avec  les  prodiges  de  tendresse  et  de  dévouement  dont 
il  contient  le  secret. 

«  Un  peuple  est  toujours  en  révolution,  quand  il  n'est  pas  conduit.  » 
La  même  maxime  s'applique  au  gouvernement  moral  de  chacun  de 
nous.  Aussi  le  christianisme  n'a-t-il  rien  négligé  pour  abattre  l'or- 
gueil de  l'homme  et  le  convaincre  de  sa  faiblesse;  il  a  édifié  ou  raf- 
fermi l'autorité  dans  les  croyances,  dans  la  morale,  dans  l'Etat  et 
dans  la  famille.  D'une  extrémité  à  l'autre,  la  hiérarchie  sociale  tout 
entière  a  été  régénérée  par  la  justice  et  par  la  charité. 

Le  plan  de  l'ouvrage  pourrait-il  être  plus  méthodique,  Tenchaîne- 
ment  plus  serré?  Les  anecdotes  et  les  événements  cités  par  l'auteur 
avec  une  érudition  inépuisable  vont-ils  toujours  droit  au  but?  Cer- 


—  134  — 

taines  conclusions  ne  sont-elles  pas  de  nature  à  soulever  des  objec- 
tions ou  tout  au  moins  à  éveiller  des  susceptibilités?  Je  laisse  la  ré- 
ponse au  lecteur  :  ce  qui  est  certain,  c'est  que,  sous  la  plume  de 
M.  Loudun,  la  philosophie  ne  cesse  pas  d'élever  l'histoire,  et  l'his- 
toire, d'animer  et  de  soutenir  la  philosophie.  Lorsque,  par  exemple,  il 
entreprend  sur  les  pas  de  Pascal,  d'analyser  la  profonde  inquiétude 
innée  au  cœur  de  l'homme,  il  est  digne  de  son  modèle  et  marque  sa 
place  parmi  nos  premiers  moralistes. 

Le  style,  parfois  étrange  à  force  d'originalité,  poétique  par  l'abon- 
dance des  métaphores  et  des  images,  contribue  pour  sa  part  au  charme 
du  livre.  M.  Loudun  n'est  pas  un  écrivain  ordinaire,  et  il  faut  lui 
souhaiter  d'achever  bientôt  le  monument  qu'il  construit  à  l'hon- 
neur et  pour  la  défense  de  la  foi  catholique.  C.  Huit. 


L>a  Femme  romaine,  élude  de  la  vie  antiqup,  par  M"e  Clarisse  Bader. 
Paris,  Didier,  1878,  in-8  ai  xv-502  p.  —  Prix  :  7  fr. 

M''^  Bader,  qui  a  entrepris  et  qui  continue  si  vaillamment  l'histoire 
complète  de  son  sexe,  n'est  point  une  inconnue  pour  les  lecteurs  du 
Polijbiblion.  La  Femme  romaine,  à  laquelle  succédera  bientôt,  nous 
l'espérons,  la  Femme  chrétienne,  vient  se  ranger  dignement  à  côté  de 
ses  aînées,  la  Femme  biblique, Isi  Femme  dans  l'Inde  antique^  eilsiFemme 
grecque. 

Au  point  de  vue  moral,  les  annales  de  la  Rome  païenne  se  divisent 
en  deux  périodes,  séparées  par  la  chute  de  Carthage  :  l'une  où  brillent 
les  robustes  vertus  et  les  vieilles  traditions:  l'autre,  où  s'étale,  à  la 
suite  d'une  fastueuse  décadence,  la  plus  effrayante  des  corruptions. 
Nous  ne  dirons  rien  de  cette  dernière  :  la  transition  y  est  trop  rapide 
des  peintures  licencieuses  d'Ovide  aux  hideux  tableaux  de  Juvénal. 
Sous  le  règne  des  Néron  et  des  Domitien,  la  superstition  et  la 
cruauté  se  joignent  aux  vices  les  plus  impurs  pour  flétrir  la  matrone 
romaine,  dont  le  nom  était  jadis  synonyme  de  noblesse  et  d'honneur. 

A  l'origine,  au  contraire,  la  famille  romaine  se  présente  à  nous  avec 
le  même  caractère  de  grandeur  que  Rome  elle-même.  La  femme,  asso- 
ciée aux  fonctions  religieuses  du  chef  de  famille,  est  vraiment  la  gar- 
dienne du  foyer.  Le  patriotisme, dont  elle  donne  à  ses  fils  tout  à  la  fois 
le  précepte  et  l'exemple,  n'étouffe  pas  ses  affections  domestiques,  et 
par  l'institution  des  vestales,  elle  touche  au  côté  le  plus  profond  et  le 
plus  mystérieux  du  culte  national. 

Sans  doute  les  lois  romaines  se  montraient  sévères  pour  la  femme  : 
mais  les  mœurs  tempéraient  l'âpreté  des  lois  :  on  en  a  la  preuve  dans 
les  pages  consacrées  par  M-^®  Bader  à  quelques-unes  des  Romaines  les 
plus  célèbres  dans  l'histoire  des  lettres  ou  de  la  politique.  L'érudity 


—  13b  — 

trouvera  des  renseignements  curieux,  le  moraliste  une  source  inépui- 
sable d'observations. 

A  considérer  l'ouvrage  dans  son  ensemble,  on  peut  y  regretter  cer- 
taines longueurs,  et,  au  point  de  vue  juridique,  certaines  inexactitudes. 
Mais  ces  légers  défauts  sont  rachetés  par  un  incontestable  talent 
d'écrivain;  c'est  ainsi  qu'est  raconté  en  traits  émouvants  le  supplice 
des  Vestales  infidèles, a  la  plus  épouvantable  torture  que  puisse  rêver 
une  imagination  en  délire.»  Il  est  vrai  que,  pour  plaire  à  ses  lecteurs, 
l'auteur  n'avait  qu'à  suivre  pas  à  pas  les  narrations  si  dramatiques  de 
Tite-Live  et  de  Denys  d'Halicarnasse;  qui  voudrait  lui  reprocher 
d'avoir  répété  avec  trop  de  confiance  ces  antiques  légendes  dont  la 
portée  morale  est  rehaussée  par  le  tour  gracieux  du  récit;  ou  même 
d'avoir  commenté  avec  tant  d'esprit  les  coutumes  allégoriques  et  les 
cérémonies  traditionnelles  en  usage  dans  le  mariage  et  les  funé- 
railles ? 

Ajoutons  que  la  pensée  chrétienne  répand  ici  partout  sa  douce 
lumière  :  et,  tandis  que  la  Romaine  des  premiers  âges  fait  songer  à 
des  vertus  encore  plus  hautes,  la  Romaine  de  la  décadence  montre  ce 
que  serait  la  femme,  si  le  christianisme  ae  l'avait  relevée  de  sa  lamen- 
table déchéance.  C.  Huit. 


I^es  diPants  assistés,  par  M.  Ouer  Sarract.  (Cet  ouvrage  a  obtenu  le 
prix  unique  de  2,000  fr.  dans  le  Concours  ouvert  par  le  Conseil  général 
du  Rhùne  en  1874.)  Lyon,    1877,  in-8  de  xxviii-383  p. 

Cet  ouvrage,  après  quelques  considérations  en  forme  d'introduction, 
renferme  1  histoire  de  la  condition  des  enfants  trouvés  depuis  les  Ro- 
mains, —  le  tableau  de  leur  situation  à  l'étranger,  notamment  en  Bel- 
gique en  Allemagne,  en  Italie  et  en  Chine,  —  l'organisation  actuelle 
et  administrative  de  ce  service;  là  se  placent  les  questions  de  la  mor- 
talité des  enfants,  du  tour,  du  placement  des  enfants,  des  orphelinats 
agricoles,  et  les  conclusions  de  l'auteur,  avec  diverses  réflexions  sur 
la  population,  la  condition  et  le  travail  des  femmes,  le  divorce,  etc. 
L'objet  principal  de  l'auteur  paraît  avoir  été  de  prouver  que  la  religion 
catholique  a  toujours  fait  le  malheur  de  l'humanité  ;  —  on  y  voit  que  le 
servage,  remplaçant  l'esclavage,  n'a  été  qu'une  aggravation  de  misère 
—  que,  depuis  les  Pères  de  l'Eglise,  éncrgiimènes  atteints  du  delirium 
tremens,  jusqu'à  saint  Vincent  de  Paul,  intrigant  et  homme  de  parti, 
l'histoire,  dans  les  officines  jésuitiques,  a  été  systématiquement  falsifiée, 
au  profit  du  rôle  prétendu  civilisateur  du  au  christianisme, —  qu'encore 
aujourd'hui,  le  cléricalisme  nous  rend  nos  orphelins  complètement  per- 
vertis, etc.  —  Nous  ne  dirons  pas  qu'on  ne  trouve  dans  ce  livre  des 
renseignements  intéressants  sur  divers  points  de  législation  et  de 
statistique,  mais  sa  principale  utilité  sera  certainement  de  provoquer 


—  136  — 

quelque  esprit  de  bonne  volonté,  soucieux  de  la  vérité  historique  et 
de  la  vérité  sociale,  à  réfuter  les  innombrables  erreurs  dont  ce  travail 
est  rempli.  R.  de  L.  S. 

Êlénieiits  de  géologie,  par  A.  Leymerie,  membre  de  l'Institut.  3^  édi- 
tion, illustrée.  Toulouse,  Privât,  1878.  in-8  —  Pris  :  7  fr. 

Éléments  de  minéralogie  et  de  lithologie,  par  le  MÊME.  Tou- 
louse, Paul  Privât,  1878,  ^  vol.  in-12.  —Prix  :  3  fr. 

Pour  condenser  les  notions  complexes  et  parfois  assez  abstraites 
de  la  géologie,  et  les  présenter  au  lecteur  sans  le  rebuter,  il  est 
nécessaire  de  posséder  à  fond  les  diverses  branches  du  sujet  et 
d'avoir  acquis  une  longue  expérience  de  l'enseignement  public.  Nul 
mieux  que  M.  Leymerie,  Téminent  professeur  de  la  faculté  de  Tou- 
louse, ne  pouvait  remplir  dans  toute  leur  étendue  ces  conditions. 
Aussi  ses  Éléments  de  minéralogie  et  de  géologie  sont-ils  un  des  bons 
ouvrages  dont  on  puisse  conseiller  la  lecture  à  un  homme  du  monde 
voulant  connaître  les  grandes  lignes  de  la  science.  Il  y  trouvera,  réuni 
en  moins  de  neuf  cents  pages,  tout  un  monde  de  faits,  de  principes  et 
de  théories  exposés  avec  une  grande  clarté  de  méthode  et  de  style.  Il 
y  constatera  avec  plaisir  l'absence  de  ces  discussions  aujourd'hui  de 
mode,  où  la  science  est  absolument  incompétente.  Il  y  remarquera  le 
sage  éclectisme  adopté  par  l'auteur  au  milieu  de  la  multiplicité  des 
systèmes  en  lutte. 

L'ouvrage  que  nous  signalons  est  certainement  trop  connu  pour 
qu'il  soit  utile  d'en  donner  l'analyse.  Disons  seulement  que  l'édition 
nouvelle  diffère  assez  notablement  de  celles  qui  l'ont 'précédée.  Les 
Éléments  de  géologie,  séparés  aujourd'hui  des  Éléments  de  minéra- 
logie, ont  reçu  diverses  additions  importantes,  notamment  en  ce  qui 
touche  la  description  des  terrains  crétacés  du  Midi  de  la  France  et 
l'étude  de  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  les  temps  préhistoriques. 
Le  nombre  des  illustrations,  choisies  avec  un  sens  pratique  qu'on  ne 
saurait  trop  louer,  s'est  accru  de  plusieurs  gravures  de  fossiles  et  de 
deux  planches  hors  texte. 

On  peut  regretter  que  M.  Leymerie  n'ait  pas  développé,  dans  cette 
nouvelle  édition,  la  partie  trop  brève  consacrée  à  l'analyse  chimique 
des  minéraux,  aujourd'hui  en  si  grand  honneur.  Il  eût  été  bon  de 
donner  aussi  des  aperçus  moins  succincts  sur  les  caractères  des  faunes 
et  des  flores  qui  se  sont  succédé  à  la  surface  du  globe.  G.  M. 


La  neliure  ancienne  et  moderne,  recueil  de  116  planches, 
reliures  artistiques  des  seizième,  dix-septième,  dix-huitième  et  dix-neu- 
vième siècles  ayant  appartenu  à  Grolier,  Henri  II,  François  Ire,  Diane 
de  Poitiers,  Marguerite  de  Valois,  Louis  XIII.  Mazarin,  etc.,  et  exécutées 
par  Le  Gascon,  Clovis  et  Nicolas  Eve,  Hardy-Mennil,  Bauzonnet,  Nelz- 


—  137  -- 

Niedrée,  etc.  Introduction  par  Gustave  Brunet,  accompagnée  d'une  table 

explicative  avec  notice  descriptive  de  30  reliures  des  plus  remarquables. 

Paris,  Paul  Daffis,  1878,  in-4  de  viii  p.,  106  planches  en  couleur  et  8  p.  — 

Prix  :  oO  fr.,  et  3  fr.  avec  les  cartons  (27  fr.  le  petit  format). 

Les  belles  reliures  anciennes  ont  toujours  été  l'objet  des  désirs  des 
bibliophiles; mais, depuis  quelques  années  surtout,  ce  goût  est  devenu 
une  passion  ;  on  ne  recale  devant  aucun  sacrifice  pour  se  procurer 
des  volumes  ayant  appartenu  aux  amateurs  célèbres  du  seizième 
siècle,  tels  que  Grolier,  Maioli,  le  président  de  Thou  ;  les  livres  que 
décorent  les  emblèmes  de  François  I"  ou  de  Diane  de  Poitiers  sont 
hors  de  prix;  on  s'arrache  les  in-octavo  qu'ont  habillés,  au  siècle 
dernier,  Boyet,  De  Seuil,  Padeloup  etDerome  ;  on  se  dispute  à  coups 
de  billets  de  1,000  fr,  des  volumes  qui  n'ont  d'autre  mérite  que  celui 
de  porterie  blason  de  quelque  amateur,  objet  de  la  vénération  profonde 
des  bibliophiles. 

C'est  ainsi  que  la  Toison  d'Or,  insigne  adopté  par  Longepierre, 
auteur  d'une  tragédie  fort  oubliée  de  Médée,  a  récemment  fait 
monter  à  dix  mille  neuf  cents  francs,  à  la  vente  A.  F.-Didot,  un  vo- 
volume  qui,  sans  cette  circonstance,  n'aurait  obtenu  qu'un  prix  des 
plus  modestes. 

Nous  n'osons  pas  blâmer  avec  vicacité  cet  engouement,  où  se  mêle 
sans  doute  l'exagération;  nous  constatons  un  fait,  et  nous  en  tirons 
une  conséquence  fort  naturelle,  c'est  qu'à  moins  d'appartenir  aux  som- 
mités de  la  finance  ou  de  la  propriété  territoriale,  il  est  impossible  de 
devenir  possesseur  de  ces  joyaux  si  convoités  ;  il  n'est  pas  facile  d'avoir 
du  moins  la  satisfaction  de  les  contempler,  car  ils  sont  déposés  dans 
des  cabinets  souvent  inaccessibles. 

Réunir  des  reproductions  fidèles  des  chefs-d'œuvre  de  la  reliure 
ancienne  et  moderne,  les  offrir  aux  amateurs  à  des  conditions  fort  mo- 
dérées, telle  est  l'idée  heureuse  qui  s'est  offerte  à  un  éditeur  intel- 
ligent et  qu'il  a  exécutée  avec  succès.  Des  spécimens  de  reliure,  au 
nombre  de  106,  avaient  successivement  vu  le  jour  dans  une  publication 
périodique  qui  a  cessé  d'exister  ;  les  dégager  des  éléments  divers  dans 
lesquels  ils  étaient  plongés,  les  faire  paraître  séparément,  en  former 
un  album  disposé  avec  élégance,  tel  a  été  le  but  que  s'est  proposé 
M.  Daffis  ;  nous  aimons  à  croire  que  tous  les  amis  des  livres  lui  en 
sauront  gré. 

La  plupart  des  reliures  dont  nous  avons  la  reproduction  sous  les 
yeux,  appartiennent  à  la  bibliothèque  Mazarine  ou  à  la  riche  col- 
lection de  M.  Ambroise  Firmin-Didot,  dont  nous  avons  déjà  parlé. 
C'est  de  là  que  sort  ce  volume  isolé  de  Vincent  de  Eeauvais,  qu'une 
reliure  aux  armes,  chiffre  et  devise  {Force  m'est  trop)  du  comte  de 
Mansfeld,  a  porté  au  prix  de  1,400  fr. 


—  138  — 

Henri  II  et  Diane  de  Poitiers  figurent  onze  fois  dans  VAlbum  dont 
nous  parlons;  Grolier  s'y  montre  quatre  fois  ;  plusieurs  planches  donnent 
des  échantillons  du  faire  de  Le  Gascon  qui  travaillait  à  l'époque  de 
Louis  XIII  ;  on  remarquera  la  planche?;  c'est  un  in-4  habillé  par  cet 
artiste,  qui  a  eu  des  rivaux  dignes  de  lui,  mais  qui  n'a  pas  trouvé  de 
vainqueurs.  La  tranche  est  dorée  avec  des  fleurs  peintes  en  rouge  et 
en  vert  ;  le  fond  est  en  maroquin  rouge,  relevé  par  des  médaillons  en 
maroquin  de  couleurs  différentes,  vert,  citron  et  brun.  «  Le  Gascon 
atteignit  la  perfection  absolue  de  la  dorure,  et  jamais  son  secret  ne 
fut  retrouvé.  C'est  une  netteté,  une  finesse  qui  découragent  les  mains 
des  plus  illustres  et  des  plus  habiles.  »  (Ainsi  s'exprimait  M.Fejdeau, 
dans  la  Presse.) 

L'ouvrage  que  nous  signalons  est,  en  quelque  sorte,  l'histoire  de  la 
reliure  par  la  reliure  elle-même  ;  il  complète  le  volume  fort  intéressant, 
mais  trop  peu  étendu,  que  M.  Fournier  a  fait  paraître  en  1864,  volume 
dont  le  savant  auteur  devrait  bien  donner  une  édition  nouvelle  et  con- 
sidérablement augmentée. 

Bien  des  amateurs  penseront  sans  doute  que  la  publication  dont  il 
s'agit  réclamerait  une  continuation  ;  on  aimerait  à  voir  reproduire 
les  insignes  de  quelques  bibliophiles  célèbres  du  siècle  dernier,  le 
comte  d'Hoym  et  Girardot  de  Préfond,  entre  autres;  on  serait  heu- 
reux de  posséder  des  reproductions  des  travaux  de  De  Seuil,  deBojet, 
de  Derome  (notamment  ces  deux  volumes  de  La  Fontaine  qui,  grâce 
aune  reliure  en  maroquin  fauve,  avec  compartiments  rouges  et  verts, 
ont  atteint,  à  la  chaleur  des  enchères,  les  prix  énormes  de  7,000  fr. 
d'abord,  de  11,000  ensuite);  des  spécimens  du  faire  de  M.  Trautz- 
Bauzonnet,  le  plus  illustre  des  relieurs  contemporains,  seraient  ac- 
cueillis avec  plaisir.  Nous  recommandons  à  M.  Daffis  l'idée  de  cette 
série  nouvelle.  X. 


Lias  Bibliotecas  europeas  y  algunas  delà  America  latina, 

por  ViCENTE  G.  QuESADA.  Tome  I".  Buenos  Ayres,  1877,  in-4  de  630  p. 

M.  Vicente  Quesada  a  entrepris  une  grande  œuvre  sur  les  biblio- 
thèques de  l'Europe  et  quelques-unes  de  l'Amérique  latine.  Le  pre- 
mier volume  de  cet  important  travail  est  sous  nos  jeux;  il  comprend 
la  bibliothèque  nationale  de  Paris,  la  bibliothèque  du  Musée  britan- 
nique, la  bibliothèque  royale  de  Munich;  celles  de  Berlin.  Dresde, 
Vienne,  Bruxelles,  Madrid,  Milan,  Turin,  Florence,  Bologne,  Rome 
arrêtent  ensuite  l'auteur  dans  leurs  plus  importantes  collections  de 
livres.  Les  détails  réunis  par  M.  Quesada  nous  ont  paru  en  général 
exacts.  Nous  lui  signalerons  toutefois  une  erreur  de  nom  :  Morel 
Tatio  au  lieu  de  Morel  Fatio  (p.  109).  M.  Quesada,  qui  s'est,  en  pre- 


—  139  — 

mière  ligne,  occupé  de  Paris,  ne  cache  pas  les  sympathies  que  lui 
inspire  cette  ville  :  «  On  ne  réside  point,  dit-il,  pendant  quelque 
temps  dans  cette  capitale  sans  se  la  rappeler  toujours.  C'est  avec  une 
juste  raison  qu'on  l'appelle  la  capitale  du  monde  entier...  A  Paris,  le 
temps  manque,  les  heures  volent,  la  vie  errante  du  voyageur  ne  peut 
suffire  pour  les  patientes  recherches...  »  Peu  d'établissements  ont  ins- 
piré à  M.  Quesada  autant  d'intérêt  que  notre  bibliothèque  tour  à  tour 
royale,  impériale  et  nationale  (p.  74).  Aussi  lui  consacre-t-il  une 
longue  étude.  Ses  travaux  comprennent  ce  qu'il  appelle  la  bibliothé- 
conomie  et  la  bibliothécographie.  Il  a  examiné  l'installation,  l'orga- 
nisation de  ces  établissements  dans  la  vue  d'apporter  d'utiles  ensei- 
gnements au  projet  de  réorganisation  de  la  bibliothèque  de  Buenos 
Ayres,  et  nous  croyons  que  les  détails  rassemblés  par  lui  auront  pour 
son  pays  d'heureux  résultats.  X. 


BELLES-LETTRES 

Dictionnaire  de  l'Académie  française.  Septième  éiition,  dans 
laquelle  on  a  reproduit  pour  la  première  fois  les  préfaces  des  six  éditions 
précédentes.  Paris,  Firmin-Didot,  1878,  2  vol.  in-4  de  lxi-903  et  967  p.  — 
Prix  :  36  fr. 

Entrer  dans  un  examen  détaillé  de  la  nouvelle  édition  du  Diction- 
naire de  l'Académie  française,  ce  serait  entreprendre  une  étude 
philologique  qui  demanderait  trop  de  temps  et  trop  d'espace.  Il  suffira 
de  dire  brièvement  en  quoi  cette  édition  diffère  de  la  précédente,  pu- 
bliée en  1835. 

L'Académie  y  a  introduit  deux  mille  deux  cents  mots  nouveaux,  les 
uns  appartenant  à  l'usage  ordinaire,  les  autres  qui  sont  des  termes  de 
philosophie,  d'archéologie,  de  philologie,  ou  des  expressions  emprun- 
tées à  l'économie  politique,  à  l'industrie,  à  l'agriculture.  La  politique 
en  a  fourni  un  bon  nombre,  ainsi  que  les  sciences  proprement  dites 
et  les  inventions  nouvelles  :  chemins  de  fer,  navigation  à  vapeur,  té- 
légraphie électrique,  etc.  Des  articles  ont  été  remaniés,  ceux,  par 
exemple,  qui  ont  trait  aux  prépositions  à  et  de  ;  des  définitions  amélio- 
rées, notamment  celles  des  mots  de  science.  Trois  cents  mots  environ 
ont  été  supprimés,  comme  décidément  vieillis. 

Pour  l'orthographe,  les  changements  sont  en  petit  nombre.  L'accent 
grave  a  été  substitué  à  l'accent  aigu  dans  les  mots  comme  piège,  siège, 
collège.  Quelques  lettres  doubles  ont  été  supprimées  :  consonnance,  i^a,r 
exemple,  est  écrit  consonance.  Dans  certains  mots  tirés  du  grec,  une 
des  lettres  étymologiques  a  été  enlevée  :  phtisie,  rythme  au  lieu  de 
phthisie,   rhythme.  L'accent  grave   a  pris  la  place  du  tréma  dans 


—  140  — 

poème,  poète,  etc.  Le  trait  d'union  a   disparu  de  beaucoup   de  mots 
composés. 

L'Académie  a  eu  l'heureuse  idée  de  réunir,  dans  cette  nouvelle  édi- 
tion, toutes  les  préfaces  des  éditions  précédentes.  On  y  pourra 
utilement  étudier  les  changements  de  l'art  d'écrire.  La  préface  de  l'é- 
dition de  1835  était  de  M.  Villemain.  Celle  de  l'édition  de  1877  est 
due  à  la  plume  de  M.  S.  de  Sacy,  qui,  à  la  vérité,  heureusement  pour 
elle,  ne  représente  guère  le  style  ordinaire  de  nos  jours. Nous  y  avons 
noté  avec  peine  (p.  iv,  1.  22)  l'expression  sous  ce  rapport. 

ViSENOT. 


Oîctîonnaîre  liîstorîque  d'argot,  par   Lorédan  Larchey.  Septième 
édition.  Paris,  Dentu,  1878,  in-18  de  xlii-377  p.  —  Prix:  5  fr. 
Au-dessous  de  la  langue  littéraire,  il  y  a  la  langue  populaire;  c'est 
même  de  la  langue  populaire  latine  qu'est  né,  en  grande  partie,  notre 
idiome.  Ainsi,  tandis  que  les  lettrés  disaient  iter,  os,  ignls,  eqiius,  pugna, 
le   peuple    disait    viaticum,  bucca,  fociis,  cabaUus,  battalia,  dont  nos 
aïeux  ont  fait  :  voyage,  bouche,  feu,  cheval,  bataille...  Nous  citons  ces 
exemples    d'emprunts   et   de  transformations  —  ils  pourraient   être 
multipliés  —  pour  que  ceux  de  nos  lecteurs  auxquels  notre  langue 
populaire  actuelle  inspire  trop  de  dédain,  veuillent  bien  comprendre 
qu'elle  a  son  importance,  et  que  le  livre  de  M.  Larchey  offre  un  réel 
intérêt.  Le  public,  du  reste,  en  a  jugé  ainsi,  puisque  le  Dictionnaire 
historique  d'argot  est,  en  peu  de  temps,  arrivé  à  sa  septième  édition. 
Ce  titre  est-il  d'ailleurs  parfaitement  exact?  Il  y  a  plus  et  mieux  que  de 
l'argot  dans  l'ouvrage  de  M.  Larchey  ;  il  y  a  un  idiome  auquel  tous,  plus 
ou  moins,  nous  empruntons  des  expressions  que  n'a  pas  encore  accueil- 
lies le  Dictionnaire  de  V Académie,  mais  dont  quelques-unes  peut-être 
ont  déjà  trouvé  place  dans  le  supplément  de  M.  Littré.  ^  Bien  des 
termes  admis  par  M.  Larchey  n'appartiennent  pas  en  effet  à  l'argot  : 
Highlife,  intransigeant;  beaucoup  d'autres  mots  sont  de  la  langue  des 
journalistes,  —  argot  spécial  :  —  Yhomme  malade,  dont  parlait  un 
ministre  anglais  à  propos  de  la  Turquie,  l'adage  tant  de  fois  répété! 
aléa  jacta  est  —  mis  à  la  mode  par  un  discours  de  Lamartine,  — touteâi 
ces  manières  de  dire,  rigoureusement,  n'auraient  pas  dû  figurer  dans 
le  dictionnaire  de  M.  Larchey;  mais  il  faut  se  rappeler  que  ce  diction- 
naire  s'est  appelé  d'abord  les  Excentricités  du  langage.  C'est  l'argot^ 
après  tout  qui  a  été  le  point  de  départ  du  livre,  et  M.  Larchey,  dans 
une  introduction  très-bien  faite  où  il  a  mis  autant  de  soin  à  déguiserl 
une  vraie  érudition  que  d'autres  en  mettent  à  en  afficher  une  douteuse,] 
a  parfaitement  indiqué  quels  ont  été  les  divers  éléments  de  la' langue! 
vivace,  imagée,  dont  il  a  fait  une  longue  étude.  Les  termes  anciens' 


-   141  — 

y  ont  une  bonne  part,  et,  à  leur  sujet,  l'auteur  a  cité  avec  beaucoup 
d"à-propo3  un  livre  de  Caillères,  les  Mots  à  la  mode.  Que  M.  Larchej 
nie  permette  de  lui  rappeler  que  Boursault  a,  sous  le  même  titre,  écrit 
une  comédie  qui  pourrait,  pour  une  nouvelle  édition,  lui  offrir 
quelques  révélations,  et  qui,  en  tous  cas,  l'amusera  certainement. 

Pour  composer  son  volume,  M.  Larchey  a  dû  lire  énormément 
d'ouvrages,  de  journaux,  de  documents  de  toute  espèce.  — A  propos 
du  mot  célèbre  attribué  à  Cambronne,  il  a  toutefois  oublié  un  passage 
de  l'Esprit  dcins  rhistoirc,  de  M.  Ed.  Fournier.  —  Le  Dictionnaire  de 
Varr/ot,  on  ]e  voit,  n'est  pas  du  tout  un  livre  futile,  comme  quelques 
personnes  le  supposent  peut-être,  ce  n'est  pas  certainement  une  œuvre 
que  les  jeunes  filles  consulteraient  avec  fruit  ;  mais,  au  Irain  dont  va 
notre  langue,  ce  sera  bientôt,  malheureusement,  un  glossaire  indis- 
pensable, une  bonne  partie  du  Dictionnaire  de  l'Académie  de  l'avenir. 

Th.  de  Puymaigre. 


Nouvelles   études    siu*   la    littérature     grecque    moderne, 

par  M.  Ch.  Gidel,  professeur  de  rhétorique  au  Ivcée  de  Fontanes.  Paris, 
Maisonneuve,  1S78,  in-8  de  613  p.  —  Prix  :  10  fr. 

En  1866,  M.  Gidel  publia  un  volume  sur  la  littérature  grecque  mo- 
derne. Il  y  recherchait  quelles  traces  avaient  pu  laisser  dans  cette 
littérature  nos  anciens  poëmes  français  et  en  retrouvait  d'assez  nom- 
breuses; ce  qui  n'a  rien  de  surprenant,  car,  à  Athènes  et  dans  la 
Morée,  on  parlait,  suivant  Rajmon  Muntaner,  un  aussi  bon  français 
qu'à  Paris  :  «  E  parlaven'  axi  bell  fraccs  com  dins  en  Paris.  »  M.  Gidel 
continue  aujourd'hui  l'œuvre  commencée,  et,  après  nous  avoir  montré 
l'influence  que  nos  vieux  écrivains  exercèrent  en  Grèce,  il  nous 
prouve  que  la  langue  de  ce  pays  ne  fut  jamais  aussi  abandonnée 
en  France  et  chez  les  peuples  voisins  qu'on  a  pu  le  supposer.  La  pre- 
mière et  la  plus  importante  partie  de  son  livre  est  consacrée  à  cette 
démonstration  assez  curieuse.  Il  y  examine  quelles  furent  les  études 
grecques  en  Europe  depuis  le  quatrième  siècle  jusqu'en  1453.  II  cons- 
tate que  l'Europe  n'ignora  jamais  complètement  le  grec,  et  qu'en 
France  il  jouit  d'une  véritable  faveur,  à  trois  époques  surtout  :  l'éta- 
blissement du  monastère  de  Lérins,  le  règne  de  Charlemagne  et  le 
treizième  siècle.  M.  Gidel  fait  voir  que  rien  n'est  plus  faux  que 
Tassertion  exprimée  dans  une  phrase  trop  répétée  par  d'ignorants 
écrivains  :  Grxcum  est,  non  legitur.  C'est  ainsi  que,  chaque  jour  et  de 
tous  côtés,  arrivent  des  lumières  nouvelles  sur  cette  époque  du  moyen 
âge,  si  longtemps  mal  étudiée  et  mal  connue.  Toute  cette  partie  du 
travail  de  M.  Gidel  offre  des  renseignements  souvent  nouveaux.  En 
effet,  on  s'était,  jusqu'ici,  très-peu  occupé  de  l'action  exercée  par  les 
lettres  grecques;  cette  action,  on  ne  l'avait  guère  entrevue  qu'avec 


—  142  — 

la  renaissance,  et  nous  ne  savons  même  si,  avant  le  livre  de  Villori, 
on  avait  soupçonné  tous  les  emprunts  faits  par  Machiavel  aux  écri- 
vains grecs. 

La  suite  du  livre  de  M.  Gidel  est  composée  de  travaux  isolés  sur 
diverses  productions  grecques,  auxquelles  il  a  souvent  l'occasion  de 
rechercher  des  analogies  dans  notre  ancienne  littérature.  Il  s'occupe 
longuement  de  la  légende  d'Aristote,  mais  peut-être  en  laissant  trop  de 
côté  ce  que  les  Arabes  ont  dit  du  philosophe,  devenu  quelquefois  pour 
eux  le  sage  Kender,  et  de  son  glorieux  élève.  Parmi  les  poëmes  exami- 
nés par  M.  Gidel,  un  des  plus  intéressants  est  la  dramatique  Chanson 
d'Arodaphnousa.  Le  Physiologus,  qui  n'est  pas  sans  quelque  ressem- 
blance avec  nos  vieux  Bestiaires  et  volucmires^  nous  donne  sur  la  tour- 
terelle un  détail  que  nous  voyons  assez  singulièrement  apparaître  dans 
certaines  poésies  populaires  :  «  Si  elle  perd  son  tourtereau,  elle  ne 
s'unit  plus  à  aucun  autre  ;  elle  le  pleure  sans  retour  ;  elle  ne  boit  plus 
sans  troubler  l'eau  qu'elle  doit  boire.  »  Ce  dernier  trait,  qui  figure 
aussi  dans  un  chant  populaire  grec  recueilli  par  Tommaseo,  mais  où 
une  biche  remplace  la  tourterelle,  a  été  reproduit  dans  la  jolie  ro- 
mance castillane,  Fonte  frida,  où  le  rôle  principal  est  rendu  au  tendre 
oiseau  : 

Que  si  el  a,2;ua  hallo  clara, 
Turbia  la  bebia  yo. 

D'autres  petits  rapprochements  de  ce  genre  ont  pu  échapper  à 
M.  Gidel.  Quant  au  Physiologus,  dont  il  croyait  avoir  découvert  les 
manuscrits  à  la  Bibliothèque  nationale,  il  avait  été  précédé,  comme 
il  le  reconnaît  lui-même  dans  une  note  (p.  442),  par  le  P.  Cahier.  Le 
style  n'est  pas  toujours,  dans  ces  nouvelles  études,  aussi  pur  qu'on  est 
en  droit  de  l'exiger  d'un  professeur  de  rhétorique  au  lycée  Fontanes. 
Il  y  a  de  l'amphibologie  dans  une  phrase  de  la  page  362,  où  l'on  ne 
sait  d'abord  s'il  est  parlé  de  Virgile  ou  de  Comparetti,  l'auteur  du  beau 
livre  Virgilio  ncl  medio  evo.  Ailleurs  (p.  410),  nous  voyons  plusieurs 
mots  au  singulier  précédés  d'un  adjectif  au  pluriel.  C'est  une  manière 
de  dire  très-fréquente  aujourd'hui,  mais  que  les  grammaires  les  plus 
élémentaires  condamnent. 

Ce  sont  là  de  très-petites  chicanes  ;  elles  n'empêcheront  pas  l'ouvrage 
de  M.  Gidel  d'être  accueilli  avec  intérêt  par  les  lecteurs  qui  s'occu- 
pent un  peu  sérieusement  de  l'étude  du  moyen  âge. 

Th.  p. 


JLa  Princesse  de  Clèves,  par  M™^  de  La  Fayette,  préface  de  H.  TaineJ 
Eaux-fortes  de Masson. Paris,  Quantin  1878, pet. in-8,  de  302p.  — Prix:  10fr« 
Il  est  quelques  anciens  et  beaux  romans  que  Ton  s'est  un  peu,  et  biel 

à  tort,   déshabitué  de  lire.  Tel  est  le  délicieux  livre  de  M'"*  de  La 


—  143  — 

Fayette,  la  Princesse  de  Clèves.  Ce  volume  a  fait  une  révolution  dans 
notre  littérature.  Son  succès  a  été  la  condamnation  et  la  fin  des  inter- 
minables fictions  de  M"e  de  Scudéry  et  de  la  Calprenède  ;  il  a  été  une 
peinture  de  la  vie  réelle  substituée  aux  fatigantes  intrigues  que  les 
romanciers  se  plaisaient  à  enchevêtrer.  En  recevant  le  beau  volume 
que  la  librairie  Quantin  vient  d'éditer,  et  qui  suit  Paul  et  Virginie  et 
Adolphe,  charmé  de  retrouver  une  fiction  qui  jadis  m'avait  tant  inté- 
ressé et  ému,  je  me  proposais  d'entrer  dans  quelques  considérations 
sur  le  chef-d'œuvre  de  M"''  de  La  Fayette.  C'est  une  pensée  auda- 
cieuse à  laquelle  j'ai  bien  vite  renoncé,  en  lisant  la  notice  de  M.  Taine 
dont  on  a  fait  précéder  la  nouvelle  édition.  Il  est  impossible  d'expri- 
mer plus  brillamment  des  aperçus  plus  justes  !  M.  Taine  fait  admira- 
rablement  comprendre  ce  qu'était  cette  société  du  dix-septième  siècle, 
si  différente  de  la  nôtre.  Cette  notice,  je  l'ai  lue  et  relue,  et  j'en  ai 
recueilli  bien  des  passages  dans  mes  notes.  Le  roman  de  M""^  de  La 
Fayette  ne  pouvait  être  précédé  d'une  étude  mieux  écrite,  mieux 
pensée;  il  ne  pouvait  non  plus  être  publié  avec  plus  de  soin  et 
d'élégance  :  il  est  orné  d'un  beau  portrait  de  l'amie  de  M™^  de  Sévigné, 
d'eaux-fortes  de  Masson  et  d'un  fac-similé  de  l'écriture  de  l'auteur. 
A  la  fin  du  volume,  se  trouvent  les  variantes  et  une  bibliographie  de 
la.  Princesse  de  Clèves.  —  M.  Quantin,  en  entreprenant  cette  splendide 
collection  de  nos  meilleurs  romans,  a  mérité  toute  la  reconnaissance 
des  lettrés  et  des  bibliophiles.  En  1878,  la  Princesse  de  Clcves  reiro\i\era, 
le  succès  qui  l'accueillit,  il  y  a  juste  deux  cents  ans,  en  1678;  voilà 
de  bons  centenaires!  Th.  P. 


HISTOIRE 


Les  Ages  de  la  pierre;  instruments,  armes  et  ornements  de  la  Grande- 
Bretagne,  par  John  Eva.ns.  Traduit  de  l'anglais  par  E.  Barbier.  Paris, 
Germer  Baillière,  1878,  gr.  in-8  de  603  p.  et  476  fig.  s.  pi.  —  Prix  :  12  fr. 

Poursuivant  une  tâche  utile  aux  études  préhistoriques,  M.  E.  Bar- 
bier, auquel  on  doit  déjà  la  traduction  de  deux  ouvrages  de  John 
Lubbock,  a  donné  cette  année  une  édition  française  du  livre  de 
M.  John  Evans:  The  ancient  stone;  implements,  iveapons,and  ornaments 
of  Great  Britain,   paru  en  1872,  édition  revue  et  corrigée  par  l'auteur. 

Ce  livre  volumineux,  malgré  un  titre  qui  semblerait  restreindre  sa 
spécialité  à  l'Angleterre,  est,  par  le  fait,  un  traité  complet  sur  l'in- 
dustrie des  âges  de  la  pierre.  M.  J.  Evans  ne  s'est  pas  contenté  d'y 
décrire  avec  un  soin  minutieux,  trop  minutieux  même,  les  nombreux 
instruments  trouvés  dans  son  pays,  mais  il  les  a  rapprochés  de  tous 
ceux  des  autres  contrées,  pour  faire  ressortir  la  ressemblance  ou  la 
diasemblauce  des  types. 


Sans  manquer  à  la  déférence  qu'impose  l'autorité  scientifique  de 
l'auteur,  nous  nous  permettrons  d'abord  une  critique  d'ensemble  sur 
la  profusion  de  descriptions  qui  surchargent  son  remarquable  travail. 
Cette  méthode,  empruntée  aux  sciences  naturelles,  auxquelles  elle  est 
nécessaire,  et  dont  on  prétendrait  étendre  l'application  à  l'archéo- 
logie, entraîne  à  des  répétitions  constantes,  fatigantes  même,  à  des 
distinctions  subtiles,  pour  aboutir  à  des  classements  ingénieux,  mais 
dont  la  valeur  et  l'utilité  sont  contestables. 

Il  faut  le  reconnaître  :  l'archéologie  préhistorique,  qu'il  n'est  pas 
indispensable  de  confondre  avec  l'anthropologie  —  le  livre  que  nous 
avons  sous  les  jeux  le  prouve  —  est  bornée  par  son  défaut  de  variété, 
surtout  aux  époques  de  la  pierre,  les  seules,  qu'à  vrai  dire,  elle  soit 
en  droit  de  revendiquer.  L'intérêt  qu'elle  a  soulevé  a  été  grand  ; 
mais,  en  somme,  les  antiquités  dont  elle  traite  se  réduisent  à  un 
nombre  de  types  très-restreint,  qui  ne  présentent  plus,  dans  chaque 
classe  d'instruments,  que  des  différences  insignifiantes. 

M.  J.  Evans  divise  ainsi  son  traité  en  deux  parties,  répondant  à 
deux  phases  successives  de  l'industrie  de  la  pierre  :  l'époque  paléo- 
lithique ou  de  la  pierre  simplement  taillée;  l'époque  néolithique,  ou  de 
la  pierre  taillée  et  polie.  Les  spécimens  de  la  seconde  époque  étant  de 
beaucoup  les  plus  nombreux  en  Angleterre,  c'est  par  elle,  après  une 
courte  introduction,  que  commence  le  livre.  Nous  eussions  passé 
sur  cette  introduction  où  l'auteur  se  montre  partisan  de  la  suc- 
cession, dans  l'Europe  occidentale,  des  trois  âges  de  la  pierre, 
du  bronze  et  du  fer,  s'il  n'y  affirmait,  avec  raison,  et  à  plusieurs 
reprises,  que  cette  théorie,  étendue  aux  divers  pays,  n'impli- 
quait aucun  synchronisme,  ni  que  la  connaissance  d^une  matière 
supérieure  sous  forme  de  métal  ait  fait  disparaître  l'emploi  de  la 
pierre. 

Après  des  détails  curieux  sur  les  anciens  puits  d'extraction  des 
silex,  de  la  craie,  la  fabrication  des  instruments,  les  ateliers,  M.  J. 
Evans  passe  en  revue,  en  les  décrivant  avec  la  plus  scrupuleuse  exac- 
titude, tous  les  différents  types  d'outils  et  d'armes,  en  usage  à 
l'époque  néolithique.  Haches  ou  celts,  lames,  grattoirs,  pointes  de 
flèches  et  de  lances,  etc.,  jusqu'aux  simples  éclats,  pièces  obtenues 
par  le  choc  et  terminées  par  la  retaille,  et  qui,  dans  leur  ensemble, 
présentent  peu  de  différence  avec  le  travail  de  l'époque  anté- 
rieure. 

Le  progrès  réalisé  consiste  dans  la  pratique  d'un  mode  de  fabri- 
cation nouveau,  le  polissage,  permettant  d'utiliser  les  roches  qui  ne 
se  clivent  pas  ou  se  clivent  mal. 

Jusqu'à  quel  point  le  polissage  des  instruments,  la  présence  de 
celts  en  jadeïte,  matière  dont  le  gisement  est  encore  inconnu  en 


Occident,  viennent-ils,  en  corélation  avec  d'autres  faits,  appuyer 
la  présomption  d'une  origine  extra-européenne  de  la  civilisation  néo- 
lithique? C'est  ce  que  nous  n'examinerons  pas  ici.  En  tout  cas,  la  mise 
en  œuvre  de  roches  non  utilisées  jusqu'alors  augmente  notablement 
l'outillage  et  répond  à  des  besoins  plus  nombreux,  amenés,  sans  nul 
doute_,  par  le  développement  des  populations. 

La  partie  du  livre  consacrée  aux  instruments  en  pierre  polie  est 
très-étendue;  tous  les  spécimens  trouvés  dans  la  Grande-Bretagne 
y  figurent;  aucun  détail  de  forme,  de  dimension,  de  matière,  de 
provenance  n'est  négligé.  D'ingénieuses  comparaisons  avec  les  ins- 
truments en  usage  chez  les  sauvages  actuels  en  font  comprendre  l'uti- 
lisation. 

De  nombreuses  planches  dans  le  texte  font  une  diversion  nécessaire 
au  côté  par  trop  technique  de  ces  descriptions.  Privée  de  leur  secours, 
une  énumération  même  succincte,  serait  beaucoup  trop  aride,  et, 
d'autre  part,  nous  ne  pouvons  suivre  le  savant  archéologue  dans  ses 
développements  sur  les  haches  avec  ou  sans  perforation,  les  pics,  les 
ciseaux,  les  gouges,  les  couteaux,  les  pointes  de  flèches,  etc.,  etc. 

La  seconde  partie  de  l'ouvrage  traite  de  l'industrie  paléolithique  ; 
de  celle  qui,  par  son  association  avec  les  restes  d'une  faune  disparue, 
révèle,  dans  les  terrains  quaternaires,  les  traces  les  plus  anciennes 
de  la  présence  de  l'homme  dans  nos  contrées. 

M.  J.  Evans  ne  remonte  pas  plus  loin  dans  les  temps  primitifs;  en  ce 
qui  concerne  l'être  humain  ;  il  déclare  absolument  insuffisantes  les 
preuves  qu'on  a  prétendu  donner  de  son  existence  dans  des  couches 
plus  profondes.  Nous  ajouterons  que  ces  preuves  perdent  chaque  jour 
de  leur  crédit. 

Dans  ses  derniers  chapitres,  l'auteur,  plus  sobre  de  définitions 
techniques,  entre  dans  des  considérations  géologiques  sur  la  forma- 
tion des  cavernes,  leur  remplissage  et  sur  les  dépôts  du  gravier  des 
rivières.  L'horizon  s'élargit,  et  ces  pages  présentent,  à  notre  avis,  un 
intérêt  plus  élevé  que  celles  où  l'abus  des  détails  descriptifs  rend 
parfois  bien  laborieuse  la  lecture  d'un  traité  remarquable  à  tant  de 
titres. 

L'Angleterre  possède  peu  de  cavernes  ;  toutes  sont  dans  le  sud,  et  les 
instruments  qu'on  y  a  rencontrés  rappellent  ceux  du  type  du  Moustier 
en  France.  Quant  aux  instruments  recueillis  un  peu  partout,  dans  les 
graviers  des  rivières,  principalement  dans  le  bassin  de  la  Tamise  et 
de  ses  affluents,  ils  appartiennent  en  général  au  type  de  Saint-Acheul. 
La  haute  antiquité  de  certains  d'entre  eux  ressort  des  restes  de  Vélé- 
phas  anliquus  et  de  Vliippopotamus  major  que  contenaient  les  dépôts 
fluviatiles  où  ils  ont  été  trouvés. 

Ce  compte  rendu  du  livre  de  M.  J.  Evans  resterait  incomplet,  si 
.\0LT  187R.  T.  XXIII,  10. 


—   I4(i  — 

nous  ne  terminions  comme  nous  avons  commencé,  en  rendant  justice 
au  traducteur,  M.  E.  Barbier  qui,  unissant  la  lucidité  à  la  correction, 
a  très-heureusement  triomphé  des  obscurités  qui  pouvaient  naître 
de  la  technologie  de  cette  sorte  d'ouvrages.  Nous  ne  pouvons  que  le 
féliciter  d'avoir,  par  une  traduction  exacte,  dénotant  un  auteur  très- 
versé  dans  les  connaissances  préhistoriques,  mis  à  la  portée  des  lec- 
teurs peu  familiers  avec  la  langue  anglaise  un  traité  indispensable 
à  tous  ceux  qui  étudient  spécialement  cette  préface  de  l'archéologie 
générale  :  Tâge  de  la  pierre.  H.  A.  Mazard. 


Des  lieux  cuusacrés  à  l'admiuistration  du  baptême  (cours 
d'eau,  baptistères,  églises  baptismales,  fonis  baptismaux,  lieux  exception- 
nels), par  l'abbé  J.  CoRBLET.  Paris,  Baur,  1878,  grand  ia-8  de  151  p.  — 
Prix  ;  0  fr.  (Extrait  de  la  Jlewue  de  l'art  chrétien.) 

Ce  travail  de  M.  l'abbé  Corblet  mérite  d'être  signalé  aux  théolo- 
giens, aux  archéologues  et  aux  membres  du  clergé  paroissial.  Il  y 
a  ici  de  l'archéologie,  du  symbolisme,  de  la  liturgie,  du  droit  cano- 
nique, de  l'histoire  de  l'art.  Au  point  de  vue  de  la  science  spéculative, 
je  signalerai  deux  longs  catalogues  :  Tun  de  tous  les  baptistères, 
l'autre  de  toutes  les  cuves  baptismales  antiques  ou  du  moyen  âge, 
dont  l'auteur  a  pu  recueillir  ou  tracer  lui-même  la  description.  Je  ne 
dis  pas  qu'un  aussi  vaste  dépouillement  ait  été  partout  également 
précis  et  minutieux  ;  une  archéologie  d'un  champ  si  vaste  et  de 
tendances  aussi  pratiques  ne  saurait  être  toujours  d'une  rigueur 
absolue.  Ainsi,  les  baptistères  du  mont  Athos  pourraient  être  effacés 
du  catalogue.  Des  baptistères  au  mont  Athos  !  et  pour  qui,  grand  Dieu  ? 
M.  Corblet,  ou  plutôt  M.  Didron,  qu'il  paraît  avoir  suivi  sur  ce  point, 
a-t-il  donc  oublié  que,  dans  la  sainte  montagne,  nul  ne  naît  que  les 
oiseaux  des  bois?  On  a  pris  les  fontaines  claustrales  pour  des  baptis- 
tères. 

Au  point  de  vue  pratique,  on  trouvera  dans  cette  dissertation  de 
très-intéressants  renseignements  sur  le  rite  baptismal  primitif,  et  sur 
ses  modifications  à  travers  les  siècles  et  suivant  les  pays. 

L'auteur  traite  aussi,  avec  la  compétence  que  le  monde  savant  lui 
connaît  depuis  longtemps,  du  mobilier  des  baptistères,  des  prescrip- 
tions liturgiques  relatives  aux  fonts,  des  conditions  requises  pour 
qu'une  église  soit  canoniquement  en  droit  d'en  posséder,  de  l'adminis- 
tration du  baptême  dans  les  missions,dans  les  maisons  particulières, etc., 
en  un  mot  de  toute  la  législation  ecclésiastique  relative  au  pre- 
mier de  nos  sacrements.  Je  pourrais  citer  mille  détails  curieux  et 
instructifs;  j'aime  mieux  me  borner  à  transcrire  une  phrase  où  le 
prêtre,  plus  encore  que  l'archéologue,  a  déposé  un  regret  trop  légi- 


—  147  — 

time  :  «  Nous  devons  regretter  la  vulgarité  de  certaines  chapelles 
(baptismales),  où  rien  ne  rappelle  leur  sublime  destinalion  et  l'in- 
curie qui  les  métamorphose  parfois  en  magasins  de  débarras,  comme 
aussi  l'ignorance  et  la  négligence  de  certains  architectes  modernes 
qui  ne  songent  point,  dans  leurs  plans,  à  ménager  une  place  hono- 
rable pour  les  fonts,  et  qui  les  accolent  après  coup  contre  un  mur  ou 
contre  un  pilier,  comme  un  simple  bénitier  (p.  103).  »  Hélas  1  il 
n'est  que  trop  vrai,  et  le  cœur  saigne  quand  on  voit,  dans  certaines 
paroisses  de  campagne,  la  cuve  baptismale  remplacée  par  une  sou- 
pière, et  la  chapelle  des  fonts  transformée  en  magasin  à  balais.  Le 
livre  de  M.  Corblet,  en  faisant  passer  sous  nos  yeux  les  témoignages 
du  respect  de  nos  pères  envers  les  édifices  et  les  objets  qui  servaient  à 
ces  mystères  augustes,  ne  peut  manquer  de  contribuer  à  la  correction 
d'abus  véritablement  condamnables,  et  pour  lesquels  la  pauvreté 
même  n'est  qu'une  excuse  insuffisante. 

L.    DUCHESNB. 


Topographie    des   voies  romaines   de    la   Belgique.     Statis- 
tique archéologique  et  bibliographie,  par  Camille  Van  Desse::.,  membre  cor- 
respondant de  l'Académie    d'archéologie   de   Belgique.   Avec  une  carte, 
Braxelles,  Muquardt,  1S77,  in-8,  xi-2o8  p.  —  Prix  :  8  fr. 
L'archéologie  romaine,  étudiée  principalement  sur  le  sol  même, 
au  moyen  de   fouilles  et  de  recherches  locales,  a  toujours  eu  le  pri- 
vilège de  passionner  un  bon  nombre  d'esprits  en  Belgique.  Il  n'est 
pas  de  province  qui  n'ait  une  ou  plusieurs  sociétés  dont  l'activité  est 
en  grande  partie  dirigée  de  ce  côté,  et  Ton  pourrait  citer  dans  chaque 
ville  un  peu  importante   au  moins  un  érudit  qui   s'est  acquis  un  nom 
des  plus  estimables  dans  ces  intéressantes  études.  Mais  les  résultats 
de  ces  nombreuses  recherches,  disséminés  dans  une  multitude  de  re- 
vues et  de   publications   peu  répandues,  ont  souvent   besoin   d'être 
recueillis  et  résumés  à  l'usage  des  travailleurs,  qui,  autrement,  pour- 
raient bien  des  fois  en  ignorer  l'existence.  Il  y  a  déjà  longtemps  qu'un 
érudit  belge,  M.  Schayes,  avait  pourvu  à  ce  besoin  par  un  grand  tra- 
vail d'ensemble,  où  il  avait  tracé  le  tableau  delà  civilisation  romaine 
en  Belgique,  et  dressé  la  statistique  de  toutes  les  découvertes  faites 
dans  nos  provinces.  C'est  en  1838  qu'il  publia  son  important  ouvrage 
intitulé  :  La  Belgique  avant  cl  pendant  la  domination  romaine,  dont  il 
donna,  en  1858,  une  seconde  édition  considérablement  augmentée.  Sur- 
pris par  la  mort,  Schayes  ne  put  achever  son  travail,  dont  le  troisième 
volume  parut  en  1859,  sous  les  auspices  de  M.  Charles  Piot.  Ce  livre, 
riche  en  renseignements  et  à  peu  près  complet  de  son  temps,    avait 
subi  la  destinée  commune  à  tous  les  ouvrages  de  cette  espèce  :  grâce 


aux  nombreux  progrès  de  la  science  archéologique  depuis  une  vingtaine 
d'années,  il  avait  cessé  de  pouvoir  être  utile  à  ceux  qui  désirent  se 
tenir  au  courant  de  cette  étude  essentiellement  mobile  et  changeante, 
puisque  chaque  jour  vient  augmenter  le  nombre  des  matériaux. 
M.  Van  Dessel  a  donc  été  heureusement  inspiré  en  publiant  son  tra- 
vail, dont,  avec  beaucoup  de  modestie,  il  n'a  voulu  faire  qu'une  conti- 
nuation de  celui  de  Schayes,  un  quatrième  volume  de  l'œuvre  de  son 
prédécesseur.  Un  des  meilleurs  connaisseurs  de  l'antiquité  romaine  en 
Belgique,  M.  le  conseiller  Schuermans,  a  enrichi  le  livre  d'une  excel- 
lente introduction,  à  laquelle  je  ne  reprocherai  que  d'être  trop 
courte  :  ce  patronage  et  le  nom  même  du  jeune  érudit,  déjà  fort 
avantageusement  connu  dans  le  monde  scientifique  par  ses  recherches 
personnelles,  sont  faits  pour  gagner  d'avance  la  confiance  du  lec- 
teur. 

Les  trente  premières  pages  sont  consacrées  à  la  Topographie  des 
voies  romaines  €71  Belgique.  C'est  un  relevé  aussi  complet  que  possible 
des  nombreux  chemins  qui,  dans  les  premiers  siècles  de  notre  ère, 
sillonnaient  en  tous  sens  le  territoire  belge,  et  dont  on  a  retrouvé  des 
traces  plus  ou  moins  considérables.  M.  Van  Dessel  avait  été  précédé 
ici  par  un  remarquable  mémoire  de  M.  Van  der  Rit,  publié  en  1852 
dans  le  Journal  dr  l'architecture,  et  trop  peu  apprécié  dans  notre  pays, 
comme  M.  Van  Dessel  en  convient  lui-même.  Il  va  sans  dire  que 
M.  Van  Dessel  est  beaucoup  plus  complet  et  plus  exact  :  on  peut  re- 
gretter seulement  qu'il  ait  jugé  convenable  d'être  si  succinct  dans 
l'exposition  du  tracé  de  chaque  voie  :  il  ne  donne  guère  que  les  points 
de  départ  et  d'aboutissement  avec  les  localités  actuelles  qu'elles  tra- 
versent :  je  ne  connais  qu'une  exception  pour  la  route  militaire  de 
Heims  à  Cologne,  que  l'auteur,  avec  tous  les  érudits  belges,  fait  partir 
à  Carignan  (Epoissiis)  de  la  voie  qui  allait  de  Reims  à  Trêves,  tandis 
que  les  archéologues  français  admettent  deux  voies  qui  se  bifurquent 
à  partir  de  Reims  môme. 

La  deuxième  partie,  beaucoup  plus  considérable  que  la  première, 
forme  à  elle  seule  en  quelque  sorte  le  corps  de  l'ouvrage.  Comme  le 
fait  deviner  son  titre  de  Statistique  archéologique,  c'estl&Usie  ^ar  ordre 
alphabétique  de  tous  les  endroits  dans  lesquels  on  a  retrouvé  des  an- 
tiquités, avec  l'indication  de  la  nature  et  de  l'importance  de  ces 
découvertes  et  des  ouvrages  où  elles  sont  signalées.  Ce  travail  avait 
déjà  été  fait  par  Schayes,  mais  il  constituait  précisément  la  partie  de 
son  livre  qui  avait  le  plus  vieilli,  et  le  lecteur  aura  une  idée  de  l'im- 
portance de  l'ouvrage  que  nous  avons  sous  les  yeux,  quand  il  saura 
que  M.  Van  Dessel  a  triplé  la  liste  de  son  prédécesseur. 

La  troisième  partie  contient  une  riche  et  abondante  bibliographie. 
Enfin,  ce  qui  donne  au  livre  sa  principale  valeur,  c'est  la  carte  qui  y 


—   IV'.  I  — 

est  annexée,  et  qui  met  sous  les  jeux,  avec  le  tracé  des  voies,  toutes 
les  localités  où  on  a  fait  des  découvertes;  des  signes  particuliers  en 
indiquent  l'espèce,  selon  que  ce  sont  des  substructions,des  autels,  des 
tumulus,  des  débris  de  poteries,  des  monnaies,  etc.  Il  est  inutile 
d'ajouter  que  les  antiquités  barbares  de  cette  période  rentrent  dans 
le  cadre  de  ce  travail,  et  qu'elles  y  sont  indiquées  avec  la  même  pré- 
cision. 

Cette  carte,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  est  une  carte  parlante.  Il 
suffit  d'y  jeter  un  coup  d'œil  pour  se  rendre  compte  de  l'état  actuel 
de  nos  connaissances  relativement  à  l'époque  romaine  de  notre  his- 
toire. De  vastes  parties  y  sont  laissées  en  blanc;  d'autres,  au  con- 
traire, y  paraissent  à  peu  prés  aussi  remplies  qu'une  carte  du  pays 
actuel  pourrait  l'être.  C'est  ainsi  qu'entre  Bavay  et  Maestricht,  de 
même  qu'entre  Arlon  et  Tongres,  on  voit  se  presser  et  se  multiplier 
les  traces  de  l'antiquité  romaine,  tandis  que  la  partie  septentrionale 
de  notre  pays  semble  presque  entièrement  inexplorée,  et  qu'on  ne 
signale  pas  une  seule  voie  romaine  dans  toute  la  Campine.  L'état  de 
la  science  n'est  pas  encore  assez  avancé  pour  qu'on  puisse  tirer  une 
conclusion  de  ces  faits  :  il  suffit  de  les  constater,  et,  grâce  à  la  carte 
de  M.  Van  Dessel,  les  antiquaires  se  trouveront  à  même  de  choisir  le 
terrain  qui  leur  promet  les  découvertes  les  plus  abondantes. 

Naturellement,  un  travail  comme  celui-ci  peut  moins  que  tout 
autre  avoir  la  prétention  d'être  complet.  Celui  de  Schayes  ne  l'a  pas 
été  tout  à  fait  de  son  temps';  celui  de  M.  Van  Dessel  ne  l'est  pas  da- 
vantage aujourd'hui.  Cela  est  d'ailleurs  impossible.  Pendant  que  le 
travailleur  s'arrête  pour  mesurer  le  chemin  parcouru,  la  science  à  la 
suite  de  laquelle  il  se  trouve,  continue  sa  marche  lente  mais  inces- 
sante, et  le  livre  a  déjà- vieilli  sous  certains  rapports  avant  d'être  im- 
primé. Pour  ne  parler  ici  que  d'une  province  que  je  connais  particu- 
lièrement, M.  VanDessel  auraitpu ajouter  à  sa  statistique  les  indications 
suivantes,  dont  je  puise  les  éléments  dans  le  Lucillburgum  Romanum 
du  Père  Wiltheim,  dans  les  Publications  de  l'Institut  d' Arlon,  et  en 
partie  dans  des  observations  personnelles  : 

Bleid.  Vastes  substructions,  poteries,  sépulture  ;  nombreux  indices 
d'antiquités  encore  inexplorées  au  champ  des  Sarrazins.  —  durbuy. 
Statuette  romaine  de  Constantin.  —  Ethe.  Bas-relief  romain  au  cime- 
tière. —  A  Hamavé,  sépultures  barbares.  —  A  Delmont,  urne  et  pa- 
telles. —  Flamizoul.  Substructions.  —  Forrières.  Les  pieiTes  du  diable 
(dolmens). — Freykinge.  Monnaies,  tombes,  poteries. — Habay-la-Vieilkj 
Substructions,  hypocauste,  monnaies.  —  Marche.  Monnaies,  tombes 
romaines.  —  Melreux.  Belles  poteries,  tombes  romaines  et  franques. 

—  Pellt  Han.  Tombe  romaine.  —  Poncel.  Urnes,  poteries  grossières. 

—  Salm-Châtpau.  Tombes  romaines,  pierres  meulières.  —  Sprimont 


—    loO   — 

près  Amberloux.  Tombes  barbares.  —  Sterpenich.  Nombreuses  mon- 
naies de  Vespasien  à  Galiien  et  à  Posthumus. 

Il  serait  facile,  sans  doute,  de  grossir  cette  liste  pour  les  autres 
provinces;  mais  le  livre  de  M.  Van  Dessel  est  de  ceux  qui  doivent  être 
complétés  au  jour  le  jour  par  les  érudits  auxquels  il  est  destiné.  Les 
observations  qui  précèdent  n'enlèveront  donc  rien  à  la  valeur  du  tra- 
vail, qui  est  excellent,  et  digne  de  tous  les  éloges.  On  ne  peut  que  féli- 
citer l'auteur  de  s'être  soumis  à  une  tâche  pénible  et  ingrate,  dont 
tout  le  profit  est  pour  le  lecteur,  et  l'on  peut  espérer  qu'armé  d'une 
érudition  aussi  solide,  il  ne  tardera  pas  à  justifier  par  des  travaux 
originaux  la  confiance  du  public  savant.  Godefroid  Kurth. 


Itome  et  Oémétrîus,  d'après  des  documents  nouveaux,  avec  pièces 
justificatives  et  fac-simile,  p^r  le  P.  Pierling,  S.  J.  Paris,  Leroux,  1878, 

gr.  in-8  de  xxvi-224  p.  —  Prix  :  7  fr.  50 

Il  s'agit  du  mystérieux  personnage  plus  connu  dans  l'histoire  sous 
le  nom  de  Faux  Démétrius  —  nom  consacré  parla  tradition  de  plus  de 
deux  siècles  et  demi,  —  et  que  toutes  les  investigations  de  la  critique 
moderne  ne  parviennent  pas  à  modifier,  tant  est  profond  le  mystère 
qui  enveloppe  les  origines  de  l'étrange  individu!  tant  il  est  difficile 
d'apporter  une  solution  définitive  aux  questions  qui  s'y  rattachent  ! 
Était-il  le  vrai  fils  d'Ivan  IV  et  a-t-il  réellement  échappé  à  la  main 
des  meutriers?  Qui  fut  l'auteur  du  meurtre  accompli  à  Ouglitch? 
Est-ce  Boris  Godounov?  est-ce  son  parti  agissant  à  l'insu  du  maître  ? 
Le  tsar  éphémère  qui  régna  en  1605  sous  le  nom  de  Démétrius  est-il 
identique  avec  le  moine  défroqué  Grichka  Otrépiev?  Si  non,  était-il 
de  bonne  foi,  pouvait-il  l'être?  Faut-il  voir  en  lui  l'instrument  du  roi 
de  Pologne,  du  pape  ou  des  jésuites,  méditant  la  conquête  politique 
et  religieuse  de  laMoscovie  ?  Autant  de  questions,  autant  d'opinions, 
dont  chacune  a  ses  défenseurs  et  ses  contradicteurs,  et  qui,  presque 
toutes,  restent  encore  ouvertes. 

Le  travail  que  nous  annonçons  se  borne  à  l'examen  de  la  dernière 
de  ces  questions,  c'est-à-dire  de  la  part  que  le  Saint-Siège  et  les 
jésuites  ont  prise  dans  l'afi^aire  de  Démétrius,  des  rapports  qu'ils  ont 
eus  avec  ce  prétendant  au  trône  des  Rurik.  La  question  n'est  point 
oiseuse;  bien  des  auteurs  tombent,  en  la  traitant,  dans  des  erreurs 
plus  ou  moins  graves,  qui  passent  de  livre  en  livre  et  acquièrent 
ainsi  le  droit  de  cité.  — Tout  récemment  encore,  M.  Rambaud  les  a 
reproduites  dans  son  Histoire  de  la  Russie,  en  donnant  pour  certain  ce 
qui  est  controversé,  quand  ce  n'est  pas  entièrement  dénué  du  vrai. 
(V.  p.  280  et  suiv.).  A  son  exemple,  d'autres  vont  répéter  les  mêmes 
erreurs,  sans  avoir  l'excuse  de  celui  qu'ils  copieront,  et  qui  aura  pu 
igrnorer  le  travail  sur  Rome  et  Démétrius. 


—    loi    — 

Le  livre  du  R.  P.  Pierling  ne  manque  donc  pas  d'opportunité,  et 
c'est  un  de  ses  moindres  mérites.  Le  mérite  principal  de  son  ouvrage, 
celui  qui  le  fera  rechercher  par  quiconque  s'intéresse  à  la  question, 
ce  sont  les  nombreux  documents  qui  y  sont  produits  pour  la  première 
fois,  et  dont  on  ne  saurait  nier  l'importance  historique.  C'est  appuyé 
sur  ces  irréfragables  preuves  que  l'auteur  retrace  les  rapports  de 
Démétrias  avec  Rome,  le  nonce  Rangoni,  les  jésuites,  et  répond  aux 
historiens  qui  les  accusent  d'avoir  soudoyé  un  vil  usurpateur  en  vue  de 
subjuguer  la  Russie.  D'autres,  avant  lui,  ont  répondu  dans  le  même 
sens;  personne  cependant  ne  l'a  fait  avec  autant  de  force,  ni  traité  le 
sujet  d'une  manière  plus  complète,  plus  approfondie  que  lui. 

Dans  l'introduction,  le  lecteur  est  mis  au  courant  de  l'état  de  la 
question,  de  la  catastrophe  d'Ouglitch  (1591),  et  des  diverses  opinions 
sur  le  Faux  Démétriiis,  résumées  à  grands  traits.  Le  tableau 
chronologique  de  la  correspondance  de  Démétrius  avec  Rome 
et  les  jésuites  donne  un  aperru  sommaire  du  principal  sujet  du 
livre.  Les  documents  mentionnés  dans  ce  tableau,  et  encore  inédits, 
figurent  à  la  fin  du  volume,  parmi  les  pièces  justificatives;  pour 
la  plupart  ils  proviennent  des  archives  du  prince  Borghèse.  Les 
conclusions  auxquelles  l'auteur  est  arrivé,  à  la  lumière  de  ces  précieux 
documents,  et  qui  résument  son  travail,  peuvent  être  formulées  ainsi  : 
L'opinion  d'après  laquelle  Démétrius  aurait  été  soudoyé,  soit  par  le 
pape,  soit  par  son  nonce  en  Pologne,  soit  par  les  jésuites,  n'a  aucun 
fondement  historique  sérieux.  Le  Saint-Siège  et  les  jésuites  ne  sont 
entrés  en  rapport  avec  Démétrius  qu'en  1604,  au  mois  de  mars,  lors- 
qu'il passait  déjà  à  la  cour  de  Pologne  pour  le  vrai  fils  de  Jean  IV  et 
était  entouré  de  ses  compatriotes.  Ils  ont  fait  ce  qui  dépendait  d'eux 
pour  découvrir  la  vérité  touchant  la  personne  du  prétendant,  et  en  le 
secondant  discrètement  dans  son  entreprise,  ils  ont  agi  de  bonne  foi, 
d'autant  plus  que  Démétrius  a  réellement  abjuré  le  schisme  grec, 
embrassé  la  foi  catholique  entre  les  mains  du  nonce,  et  promis  d'en 
favoriser  la  propagation  parmi  ses  futurs  sujets.  L'auteur  croit  que 
cette  conversion  fut  sincère,  quoiqu'elle  ait  été  démentie  ensuite  par 
la  conduite  désordonnée  de  Démétrius,  qui  ne  tint  aucune  de  ses  pro- 
messes (p.  118). 

Ces  conclusions,  déduites  avec  une  stricte  impartialité,  sont  déve- 
loppées dans  le  corps  de  l'ouvrage  avec  beauconp  de  clarté  et  de 
méthode.  En  général,  le  livre  se  lit  avec  intérêt,  et  les  preuves  de 
l'auteur  portent  la  conviction  dans  l'esprit  du  lecteur.  Ce  qui  ressort 
avec  évidence  de  cette  étude,  c'est  l'injustice  de  ceux  qui  accusent 
le  Siège  apostolique  et  ses  ministres  dévoués  d'avoir  manqué  de  bonne 
foi  en  se  servant,  pour  l'accomplissement  d'une  sainte  cause,  d'un 
personnage  dont  la  fausseté  n'était  alors  rien  moins  que   démontrée, 


ei  sur  le  caractère  historique  duquel  les  auteurs  ne  parviennent  pas 
à  tomber  d'accord,  après  des  débats  de  deux  siècles. 

Ces  mêmes  historiens  assurent  cependant  que,  par  exemple,  le 
métropolitain  de  Kiev,  Job  Boretski,  a  agi  de  bonne  foi  en  accor- 
dant toute  sa  confiance  à  l'aventurier  Ahia  ou  Alexandre  Ottomanus 
qui  se  donnait  pour  fils  légitime  de  Mahomet  III,  en  le  prenant  sous 
sa  protection  et  en  le  recommandant  chaudement  au  tsar  Michel 
Romanov  (1626).  Eh  bien,  s'ils  veulent  être  conséquents,  ils  devraient 
appliquer  la  même  règle  à  la  conduite  du  Saint-Siège  et  des  jésuites 
à  l'égard  de  Démétrius.  Le  travail  du  R.  P.  Pierling  est  de  nature 
à  concilier  les  esprits  les  plus  prévenus.  A  la  lueur  des  documents 
réunis  dans  ce  beau  volume,  tout  esprit  impartial  pourra  apprécier  la 
sagesse  du  Saint-Siège,  et  réduire  à  néant  les  calomnies  élevées  contre 
lui.  Désormais  la  part  que  les  papes  ont  prise  dans  l'afl'aire  de 
Démétrius  cessera  d'être  un  grief  historique  contre  Rome. 

J.  M. 


A.necclote8  historiques,  légendes  et  apologues  tirés  du  recueil 
inédit  d'Etienne  de  Bourbon,  dominicain  du  treizième  siècle,  publiés  pour 
la  Société  de  l'Histoire  de  Frauce,  par  A.  Lecoy  de  La  Marche,  Paris,  Re- 
nouard  (Henri  Loones,  successeur),  1877,  gr.  in-8  de  xLviii-4r66  p.  — Prix  ; 
9  fr. 

La  Société  de  l'Histoire  de  France  a  publié  peu  de  chroniques  aussi 
intéressantes  que  le  recueil  dont  nous  allons  donner  un  aperça  som- 
maire. Les  anecdotes  d'Etienne  de  Bourbon  nous  font  pénétrer  dans 
la  vie  intime  du  treizième  siècle,  et  elles  nous  révèlent  tout  un  côté 
de  la  société  du  moyen  âge  que,  jusqu'à  présent,  l'érudition  moderne 
n'avait  pas  suffisamment  mis  en  lumière.  M.  Lecoy  de  La  Marche  était 
préparé  mieux  que  tout  autre  à  éditer  un  texte  semblable  :  son  étude 
si  remarquable  sur  la  Chaire  franraise  au  moyen  âge  et  ses  longues 
recherches  sur  la  vie  privée  au  treizième  siècle  l'avaient  désigné 
d'avance  pour  cette  publication. 

Etienne  de  Bourbon,  dominicain,  mort  vers  l'an  1261,  était  peu 
connu  jusqu'à  ce  jour;  M.  Lecoy  de  La  Marche  essaye  de  tracer  sa 
biographie,  puis  il  critique  son  œuvre.Prédicateur  avant  tout,  Etienne 
de  Bourbon,  en  composant  son  recueil  d'anecdotes,  n'a  eu  d'autre  but 
que  d'être  utile  aux  prédicateurs  en  leur  ofl'rant  des  exemples  à  l'appui 
de  tous  les  sermons  qu'ils  pourraient  avoir  à  prononcer.  Il  a  donc 
rassemblé  tous  les  traits  historiques  ou  légendaires,  tous  les  récits 
moraux  qu'il  a  pu  rencontrer,  et,  suivant  le  mot  de  son  savant  éditeur, 
«  son  livre  est,  pour  ainsi  dire,  une  morale  en  action.  »  Nous  pouvons 
ajouter  que  le  recueil  d'Etienne  de  Bourbon  est,  jusqu'à  un  certain 
point,  le  complément  de  Joinville,  car  il  nous  montre  la  société  sous 


—  io:^  — 

un  aspect  différent  ;  il  est  seulement  :\  regrette i-  qu'Etienne  de 
Bourbon  ait  préféré  écrire  dans  un  mauvais  latin  plutôt  qu'employer 
la  langue  naïve  du  bon  sénéchal.  Pour  composer  son  œuvre, il  a  puisé 
à  deux  sources  principales.  En  premier  lieu,  les  auteurs  sacrés  ou 
profanes,  les  traditions  populaires,  les  vies  de  saints,  etc.  ;  en  second 
lieu,  les  événements  contemporains,  les  faits  qui  se  passaient  sous  ses 
yeux.  Afin  de  donner  un  aperçu  de  la  science  d'Etienne  de  Bourbon, 
M.  Lecoy  de  La  Marche  a  dressé  la  liste  des  ouvrages  utilisés  par  le 
dominicain  :  on  voit,  par  là,  que  l'antiquité  sacrée  et  l'antiquité  pro- 
fane étaient  largement  représentées  dans  l'enseignement  des  monas- 
tères au  moyen  âge.  Quant  aux  anecdotes  empruntées  aux  événements 
contemporains,  elles  sont  importantes  pour  Thistoire,  bien  qu'une 
grande  part  doive  être  faite  à  la  légende  par  la  critique  moderne.  Les 
traits  se  rapportant  à  Philippe-Auguste,  aux  Albigeois,  à  saint  Louis, 
à  l'évêque  de  Paris  Guillaume  d'Auvergne  sont  particulièrement  inté- 
ressants ;  nous  signalerons  encore  de  curieux  détails  sur  les  danses, 
les  sorciers,  le  luxe  des  femmes,  etc. 

Etienne  de  Bourbon  a  suivi,  pour  la  distribution  de  ses  anecdotes, 
un  plan  bizarre,  mais  qui  ne  surprendra  point  ceux  qui  s'adon- 
nent à  l'étude  du  moyen  âge.  Il  a  réparti  sa  collection  entre  les  sept 
dons  du  Saint-Esprit  ;  chacune  de  ces  sept  parties  est  divisée  elle- 
même  en  tiluli,  subdivisés,  à  leur  tour,  en  chapitres.  Mais  cet  ordre 
n'était  pas  très-clair  pour  l'auteur  lui-même,  car  illui  arrive  quel- 
quefois de  raconter  la  même  anecdote  à  trois  ou  quatre  reprises. 
De  plus,  Etienne  de  Bourbon  n'a  pas  achevé  son  travail,  et  nous 
n'avons  que  ce  qui  regarde  les  dons  de  Crainte,  de  Piété,  de  Science, 
de  Force  et  de  Conseil  ;  manquent  les  dons  d'Intelligence  et  de  Sa- 
gesse. 

M.  Lecoy  de  La  Marche  a  respecté  la  division  d'Etienne  de  Bourbon; 
mais  il  n'a  pas  donné  le  texte  intégral  de  tout  le  volumineux  manus- 
crit du  dominicain;  il  s'est  contenté  de  recueillir  tout  ce  qui  pouvait 
intéresser  l'histoire,  laissant  de  côté  les  réflexions  morales,  les  pas- 
sages de  la  sainte  Ecriture,  les  commentaires  théologiques.  Enfin, 
pour  rendre  plus  clair  et  plus  facile  à  consulter  le  livre  d'Etienne  de 
Bourbon,  il  a  placé  en  tête  un  sommaire  détaillé  des  cinq  parties  de 
l'ouvrage,  où  chaque  anecdote  est  brièvement  analysée.  Il  eût  été 
difficile  d'établir  ce  texte  avec  plus  de  soin  et  plus  d'érudition. 

Ernest  Babelon. 

Actes  et  correspondance  du  coauétal>le  de  L<esdi§^uière9, 

publiés  sur  les  manuscrits  originaux,  par  le  comte  Douglas  et  J.  Roman. 
Tome  1".  Palis,  Alph.  Picard  et  J.-B.  Dumoulin,  1878,  in-4  de   lxxi   et 
596  p.  —  Pris  :  20  fr. 
La  correspondance  de  Lesdiguières   est,  sans  contredit.  Tune  des 


—   loi  — 

sources  les  plus  abondantes  de  renseignements  sur  l'histoire  de  France 
et  sur  l'histoire  du  protestantisme  pendant  la  seconde  moitié  du  sei- 
zième et  la  première  moitié  du  dix-septième  siècles.  A  plusieurs 
reprises  déjà,  l'intérêt  incontestable  de  ces  documents  avait  attiré 
l'attention  des  curieux,  mais  il  semble  que  l'abandance  même  des  maté- 
riaux avait  effrayé  les  plus  patients.  MM.  Douglas  et  Roman,  plus 
intrépides,  ontenfin  entrepris  ce  rude  labeur.  Ils  ont  cherché  et  récolté 
partout  ;  dans  les  dépôts  publics  comme  dans  les  archives  particulières, 
en  France  et  à  l'étranger.  Le  premier  volume,  qui  vient  de  paraître, 
—  l'ouvrage  doit  en  avoir  trois  —  comprend  486  pièces,  allant  de  Tan- 
née 1575  à  l'année  1610. 

Dans  une  introduction  écrite  avec  impartialité  et  sobriété,  les  édi- 
teurs ont  résumé  la  vie  du  connétable  ;  ils  font  connaître  ses  grandes 
qualités  et  ses  défauts;  ils  apprécient  avec  calme  et  équité  le  carac- 
tère de  cet  homme  éminent  qui,  parti  d'une  position  modeste,  arriva  au 
plus  haut  degré  de  la  hiérarchie,  sans  charger  sa  conscience  de  mé- 
faits aussi  graves  et  aussi  nombreux  que  la  plupart  de  ses  contempo- 
rains. Autoritaire,  ambitieux  et  fidèle  à  son  souverain,  sans  défaillances, 
Lesdiguières  est  un  type  complet  du  politique,  aussi  expérimenté  à  la 
guerre  que  bon  administrate'ur,  qui  aspirait  à  monter  aussi  haut  que 
possible  sans  cesser  d'être  sujet  du  roi  de  France,  sans  oublier  un 
moment  les  intérêts  de  sa  province  où  il  était  presque  souverain. 

Trois  indices  complètent  ce  premier  volume.  L'un  énumère  les  des- 
tinataires des  documents  publiés  ;  le  second  les  dépôts  où  MM.  Douglas 
et  Roman  ont  puisé  ;  enfin  le  troisième  donné  les  noms  d'hommes  etde 
lieux  mentionnés.  Dans  le  premier  index,  les  éditeurs  ont  eu  l'heu- 
reuse idée  de  consacrer  à  chaque  personnage  quelques  lignes  indispen- 
sables pour  les  faire  connaître.  — •  En  terminant  cet  article,  nous 
croyonsdevoir  insister  sur  un  point.  C'estque  lapublicationdeMM. Dou- 
glas et  Roman,  indiquée  modestement  comme  recueil  de  Docume7its 
inédits  pour  servir  à  l'histoire  du  Dauphiné,  a,  par  le  fait,  un  intérêt 
général.  Un  ouvrage  de  ce  genre,  par  la  valeur  des  pièces  publiées, 
par  le  soin  apporté  à  la  transcription  et  à  l'annotation,  eût  été  digne 
de  figurer  parmi  les  Documents  inédits,  édités  par  le  Ministère  de 
l'Instruction  publique,  pour  servir  à  l'histoire  de  France. 

A.  DE  6. 


Histoire  de  l'enseignement  primaire  avant  ITS©  dans  les 
eommunes   tful   ont  formé  le   département  du  IVord,  par 

le  comte  de  Fontaine  de  Resbecq,  membre  de  la  commission  historique  du 
Nord.  Lille,  Quarré;  Paris,  H.  Champion,  1878,iQ-8  de  iv-426  p.  —  Prix:  6  fr. 

Voici  un  nouvel,  et  nous  pouvons  ajouter  tout  de  suite,  un  excellent 
ouvrage  à  ajouter  à  tous   ceux  qu'a  provoqués  l'enquête   entreprise 


—   15.)  — 

sur  l'instruction  populaire  avant  1789.  C'est  une  étude  très-claire, 
reposant  sur  des  documents  sérieux  et  locaux,  dégagée  par  un  choix 
fort  intelligent  de  l'accumulation  souvent  fatiguante  des  preuves  et 
des  faits  que  l'on  trouve  en  détail  dans  les  documents  statistiques  et 
les  pièces  justificatives. 

M.  de  Resbecq  consacre  son  travail  à  l'histoire  de  l'instruction 
primaire,  au  régime  des  écoles,  aux  maîtres,  à  l'enseignement  et 
à  l'état  de  l'instruction  primaire  en  1789.  Il  établit  la  lutte  persistante 
de  l'Église  et  du  clergé  contre  l'ignorance,  l'élan  donné  à  l'instruction 
du  peuple  par  le  mouvement  communal  et  par  la  réforme.  L'établis- 
sement des  communes  produisit  une  heureuse  émulation  entre  le 
clergé  qui  voulait  maintenir  ses  droits  et  sa  réputation  et  les  pouvoirs 
municipaux  qui  veulent  justifier  leur  ambition.  Grâce  à  elle,  Gand 
jouit  de  la  liberté  d'enseignement  de  1192  à  1235,  et,  à  Ypres,  il  est 
reconnu  au  treizième  siècle  que  le  droit  d'enseigner  est  libre  pour  les 
écoles  inférieures,  et  certainement  plus  d'un  laïque  en  a  usé.  L'appari- 
tion de  la  réforme  fit  sentir  plus  vivement  aux  catholiques  la  nécessité 
de  prémunir  les  âmes  par  l'instruction  contre  les  séductions  de  l'er- 
reur. De  là  une  vive  impulsion  qui  releva  l'instruction  et  fit  multiplier 
les  écoles.  Les  provinces  du  Nord  ont  vu  naître  le  premier  ordre, 
sans  doute,  créé  pour  tenir  des  écoles  élémentaires,  celui  des  jéro- 
mites,  fondé  au  quatorzième  siècle  par  Gérard  van  Groot,  et  approuvé, 
en  137(3,  par  Grégoire  XL  On  peut  aussi  leur  attribuer  la  première 
organisation  régulière  des  écoles  dominicales. 

Pour  les  écoles,  il  est  facile  de  constater  leur  nombre  considérable  dû 
au  zèle  de  l'épiscopat,  excité  par  les  souverains-pontifes  et  les  conciles, 
et  soutenu  par  l'autorité  civile.  Malgré  leur  caractère  et  leur  but 
essentiellement  religieux,  elles  ne  sont  point  de  simples  catéchismes. 
On  trouve,  au  contraire,  sur  le  temps  consacré  à  l'enseignement 
religieux,  comme  sur  la  séparation  des  sexes,  sur  les  écoles  d'adultes, 
sur  les  heures  de  classes,. les  prières  delà  fin  et  du  commencement, 
l'hjgiène  et  la  propreté,  la  surveillance  et  l'inspection,  beaucoup  de 
prescriptions  que  nos  règlements  nouveaux  n'ont  eu  qu'à  renouveler. 
Pour  les  punitions  et  les  récompenses,  nos  ancêtres  montraient  à  la  fois 
plus  de  sévérité  et  de  largeur.  D'intéressants  et  curieux  renseigne- 
ments sont  fournis  sur  la  nomination  des  «  magisters,  »  «  recordeurs,  » 
dont  le  nom  d'  «  instituteurs  »  ne  remonte  qu'à  1792,  sur  les  conditions 
exigées  d'eux,  sur  leur  traitement,  sur  les  fonctions  qu'ils  pouvaient 
cumuler,  sur  leur  costume,  leurs  associations  et  leurs  conférences. 
Dès  la  fin  du  seizième  siècle,  on  voit  poindre  l'idée  d'école  normale 
pour  préparer  à  l'enseignement. 

La  gratuité,  générale  d'abord,  fut  réduite  aux  pauvres  ;  l'obligation 
était  reconnue  par  les  conciles  et  les  synodes  et  par  les  ordonnances 


municipales.  Lille  et  Valenciennes  avaient  des  sergents  chargés  de 
rechercher  les  enfants  qui  n'allaient  pas  à  l'école.  On  apprenait,  avec 
la  religion,  la  lecture  et  l'écriture,  souvent  le  grammaire,  l'histoire 
sainte  et  l'arithmétique.  L'enseignement  professionnel  existait  ;  ainsi,  à 
Cambrai,  en  1G33, les  jeunes  filles  apprenaient  à  «  coudre,  soit  en  drap 

ou    en  linge  ;  à  filer,  faire  dentelles  et  semblables  ouvrages les 

ouvrages  qui  sont  à  faire  dans  un  ménage,  comme  laver,  faire  le  pain, 
cuisiner.  »  L'horticulture  était  également  enseignée.  Signalons  aussi 
quelques  renseignements  sur  les  méthodes  et  les  livres  en  usage,  et  un 
très-remarquable  règlement  de  MS''  de  Bruyères-Chalabre,  évêque  de 
Saint-Omer  (1781). 

Dans  le  chapitre  sur  la  «  situation  de  l'enseignement  primaire  en 
1789,  »  nous  relevons  une  demande  d'enquête  faite  par  Chaptal  en 
l'an  IX  et  qui  ne  paraît  pas  avoir  abouti,  les  vœux  des  trois  ordres 
demandant  que  l'instruction  soit  confiée  aux  ordres  religieux,  puis  la 
décadence  constatée  par  tous  les  documents  officiels. 

Dans  ses  notes  sur  l'organisation  scolaire  dans  les  communes  avant 
1789,  M.  de  Resbecq  a  relevé,  par  arrondissements  et  par  communes, 
tous  les  renseignements  qu'il  a  pu  recueillir  :  noms  des  maîtres, 
contrats  passés  par  eux,  fondations,  etc.  Il  ajoute  la  statistique  des 
conjoints  et  conjointes  signant  leur  acte  de  mariage  de  1750  à  1790 
et  en  1789.  Les  pièces  justificatives,  au  nombre  de  cinquante-neuf 
donnent  des  règlements,  des  instructions  et  des  contrats  qui  seront 
consultés  avec  intérêt.  René  de  Saint-Mauris. 


Irréels  d'iiistoire  natSonale  de  Mgr  A..-«f.  rVamèche,  recteur 
de  l'Université  catholique  de  Louvain,  disposé  pour  l'enseignement  moyen, 
par  J,-J.  D.  SwoLFS,  professeur  d'histoire  au  petit  séminaire  de  Malines. 
'2'  édition,  revue  avec  soin,  ornée  de  deux  cartes  coloriées  et  augmentée 
d'un  tableau  synchronique  pour  les  temps  féodaux.  Louvain,  Charles 
Fonteyn,  1878,"in-12  de  340  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Le  légitime  succès  de  cet  ouvrage,  tiré  à  3,000  exemplaires  et 
épuisé  en  moins  de  trois  ans_,  ne  fera  pas  défaut  à  la  seconde  édition. 
Le  Cours  d'histoire  nationale  de  M^^'  Namèche,  publié  en  huit  vo- 
lumes in-8  demandait  à  être  restreint  aux  proportions  d'un  livre 
classique,  propre  à  servir  de  base  à  l'enseignement  des  collèges  en 
Belgique,  Ce  travail,  quelque  peu  ingrat,  a  été  entrepris  avec  bon- 
heur par  M.  Swolfs  :  son  manuel  est  méthodique,  précis,  complet. 

La  clarté  de  l'exposition,  la  disposition  de  l'ensemble  s'y  rencontrent 
peut-être  à  un  moindre  degré;  mais  était- il  possible  à  l'auteur  de 
faire  mieux?  Comment,  à  travers  l'inextricable  dédale  de  la  pre- 
mière époque  féodale,  retrouver  ce  qui  se  rattache  uniquement  aux 
provinces    qui  constituent  la  Belgique  actuelle?  Et,  dans  l'histoire 


municipale  du  treizième  siècle  et  des  siècles  suivants,  quand  chaque 
ville  a  son  autonomie  propre,  sa  vie  individuelle,  lorsque  chaque  cité^ 
chaque  bourg  forme  à  lui  seul  un  Etat,  comment  retrouver  le  fil 
conducteur  qui  doit  mener  à  la  formation  du  petit  royaume  moderne? 
Il  résulte  nécessairement  de  toutes  ces  difficultés  une  complication 
extrême,  qui  est  l'argument  le  plus  solide  de  M.  Swolfs  contre  ceux 
qui  lui  reprocheraient  l'absence  de  synthèse  et  de  généralisation. 
Si  son  livre  n'est  pas  un  drame,  mais  une  série  de  tableaux,  ce  n'est 
pas  tout  à  fait  sa  faute.  Il  a  fait  son  possible  pour  composer  son  his- 
toire nationale  de  la  Belgique  avec  l'histoire  des  Francs  sous  les 
deux  premières  races,  l'histoire  du  comté  de  Flandre,  de  la  Lotha- 
ringie, du  Hainaut,  du  comté  de  Namur,  des  duchés  du  Luxembourg, 
de  Lunebourg,  de  Brabant,  de  la  principauté  de  Liège,  pays  tantôt 
vassaux  de  la  France,  tantôt  rattachés  à  l'Empire  d'Allemagne.  Pour 
les  temps  plus  rapprochés  de  nous,  M.  Swolfs  a  été  obligé  de  passer 
en  revue  la  domination  bourguignonne  dans  les  Pays-Bas  (1384- 
1482),  la  domination  austro-espagnole,  jusqu'à  la  révolution  bra- 
bançonne et  à  la  soumission  de  la  Belgique  à  la  France  (1791-1794). 
Ce  n'est  qu'en  1830,  comme  on  le  sait,  que  commence  véritablement, 
pour  la  Belgique,  la  période  de  l'indépendance  nationale,  et  que  son 
histoire  devient  d'une  synthèse  facile . 

Il  n'y  avait  pour  M.  Swolfs  qu'un  moyen  de  lutter  contre  cet  épar- 
pillement  de  l'histoire  des  pays  qui  forment  la  Belgique  :  c'était  la 
précision  des  faits  et  surtout  des  dates  ;  il  s'en  est  généralement  bien 
acquitté.  En  même  temps  qu'il  a  rectifié  quelques  erreurs  chronolo- 
giques qui  lui  ont  été  signalées  dans  la  première  édition,  il  a  ajouté 
en  appendice  à  son  ouvrage,  un  tableau  synchronique  pour  les  temps 
féodaux;  de  plus,  il  ne  cite  par  un  fait  sans  l'accompagner  de  sa  date. 
Grâce  à  cette  excellente  méthode ,  son  livre  seramis  non-seulement  entre 
les  mains  des  élèves  des  collèges  de  Belgique,  mais  qu'il  sera  aussi 
consulté  avec  fruit  par  les  érudits  qui,  à  l'appui  de  leurs  travaux, 
cherchent  une  date,  un  personnage,  un  point  de  repère  souvent  diffi- 
cile à  retrouver  dans  les  histoires  longues  et  détaillées. 

Ernest  Babelon. 


Histoire    de    la   claarîté     à    IS.oiue,  par   Leon  L ALLEMAND.   Paris, 

Poussielgue,  1878,  ia-8  de  vii-o84p.  —  Pi'ix  :  7  fr. 

L'introduction  de  ce  livre  nous  présente  l'organisation  des  œuvres 
charitables  de  la  ville  de  Rome  avant  1870,  et  les  profonds  change- 
ments qu'y  a  apportés  le  nouveau  gouvernement.  11  passe  ensuite  en 
revue  les  oeuvres  eu  faveur  des  pauvres  —  des  malades  —  de  l'en- 
fance et  de  la  jeunesse  —  des  prisonniers.  Il  fait  connaître  la  condition 
économique  du  peuple  romain,  la  situation  des  indigents,  les  diverses 


—   i.'iH   — 

institutions  pour  leur  procurer  des  secours  à  domicile,  du  travail,  un 
asile,  le  mont-de-piété,  les  caisses  d'épargnes  ;  —  l'histoire,  l'origine 
et  l'organisation  des  hôpitaux  romains  ;  —  les  hospices  et  asiles  pour 
les  enfants,  et  notamment  l'Hospice  «  Tata  Giovanni  »  qui  a  eu  Pie  IX 
pour  aumônier,  les  oeuvres  pour  les  orphelins,  pour  la  dotation  des 
jeunes  filles,  pour  les  aveugles  et  les  sourds-muets,  pour  l'instruction 
du  peuple  ;  —  la  législation  du  système  pénitencier,  le  régime  adopté 
à  Rome,  les  confréries  pour  la  visite  des  prisonniers,  les  maisons  de 
refuge  et  les  établissements  de  correction.  Il  termine  par  des  pièces 
justificatives  et  un  index  bibliographique  des  ouvrages  consultés,  qui 
n'occupe  pas  moins  de  onze  pages. 

Le  tableau  des  institutions  charitables  d'une  grande  ville  est  tou- 
jours un  intéressant  sujet  d'études  ;  mais  la  portée  du  livre  de  M.  Lal- 
lemand  est  plus  haute  :  il  nous  fait  connaître,  par  des  faits,  par  des 
chiffres,  par  des  statistiques,  par  des  renseignements  précis,  ce 
qu'étaient  et  ce  gouvernement  tant  de  fois  calomnié,  et  cette  nation  à 
qui  on  a  si  souvent  témoigné  une  hypocrite  compassion.  On  apprend 
dans  ce  tableau,  sérieusement  et  complètement  tracé  par  un  homme 
compétent,  en  raison  de  ses  fonctions  et  de  ses  longs  séjours  à 
Rome,  ce  qu'il  faut  penser  de  la  prétendue  ignorance  et  indigence  de 
ce  peuple  que  plusieurs  se  représenteraient  volontiers  comme  une 
nation  de  mendiants  :  qu'on  lise,  par  exemple,  les  chapitres  consacrés 
aux  écoles  pontificales  et  aux  écoles  révolutionnaires,  —  à  l'hygiène 
dans  les  hôpitaux  romains,  —  aux  asiles  d'aliénés,  —  aux  prisons 
avant  et  après  1870.  Pour  chacune  des  branches  d'assistance  qu'il 
passe  en  revue,  l'auteur  en  retrace  l'histoire  ;  il  nous  fait  pénétrer 
dans  les  détails  d'organisation,  dans  la  vie  intérieure  des  oeuvres; 
puis  il  indique  ce  que  l'école  révolutionnaire,  à  Rome  comme  ailleurs, 
par  ses  procédés  constants,  et,  hélas  !  trop  connus,  a  fait  de  tant 
d'antiques  institutions,  de  tant  de  fondations  utiles  et  respectables. 
Nous  ne  dirons  pas  seulement  que  ce  livre  fait  honneur  à  son  auteur, 
mais  encore  qu'il  fait  honneur  à  la  ville  de  Rome  et  rend  service  à  la 
cause  de  l'Eglise.  R.  de  L.  S. 


BULLETIN 

Manuale  pastoruni,  in  qiio  omnigenm  pietatis  et,  ecclesiasticx  perfeclionis 
elucescunt  monita,  accurante  V.  Postel.  Paris  Lethielleux,  1878,  in-32 
de  480  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Dans  ce  petit  volume,  M.  l'abbé  Postel  a  réuni  et  mis  en  ordre  les  meil- 
leures pages  des  Pères  et  des  écrivains  ascétiques  sur  la  sainteté  sacerlotale. 
Nous  avions  déjà  le  Paradisus  animœ  christianas,  Je  Cœleste  palmeîicm,  le 
Memoriale  vitw  sacerdolalis,  et,  avant  tous  les  autres  livres,  le  Pastoral  de 
saint  Grégoire  le  Grand.  Mais  on   pouvait  reprocher  à  ces  délicieux  écrits 


—  lo9  — 

quelques  longueurs,  des  répétitions  fréquentes;  on  pouvait  désirer  un  ordre 
meilleur  :  M.  Postel  a  corrigé  ces  défauts.  Son  livre  est  l'un  de  ceux  que  l'on 
doit  conseiller  aux  nouveaux  prêtres.  Ils  y  trouveront,  condensés  en  peu  de 
paroles,  les  meilleurs  enseignements  ;  ils  pourront,  après  une  journée  de 
fatigue,  durant  laquelle  ils  auront  à  peine  eu  le  temps  nécessaire  pour 
réciter  l'office  divin  et  accomplir  les  devoirs  essentiels  de  la  piété,  ouvrir  ce 
petit  livre  et  y  rencontre:-,  comme  dans  V Imitation,  les  paroles  qui  parlent 
à  l'âme,  qui  relèvent  et  la  reposent.  Eug.  Poussf.t. 


Courtes   méditations    «   I*iisage    de    l'enfance     suivies    de 
quelques  visites  au  Saint-Sacrement,  par  le  P.  H.-C  Fourxel, 

de  la  Congrégation  de  Notre-Sauveur.  Benoite-Vaiix,  par  Souilly  (Meu?e), 

chez  les  religieux  du  B.  Pierre  FouriC,  1878,  in-32  de   334  p.  —  Prix  : 

1  fr. 

Le  petit  livre  duR.  P.  Fournel  est  revêtu  de  Vimprimatur  de  MerFévêque 
de  Verdun  :  on  peut  donc  le  mettre  de  confiance  entre  les  mains  des  jeunes 
enfants;  il  ne  leur  fera  que  du  bien.  La  manière  dont  il  est  conçu,  la  sim- 
plicité du  style,  la  disposition  des  matières  nous  semblent  le  rendre  très- 
propre  à  atteindre  le  but  modeste  et  pourtant  difficile  que  l'auteur  a  visé. 
Les  méditations  se  divisent  en  quatre  séries  bien  distinctes,  qui  forment  le? 
quatre  parties  de  ce  petit  livre  :  d'abord  les  Méditations  préparatoires,  on  sont 
exposées  brièvement  et  simplement  les  vérités  et  les  pratiques  fondamen- 
tales de  la  religion;  les  méditations  pour  le  jeudi  et  le  dimanche  de  chaque 
semaine,  ainsi  que  pour  les  principales  fêtes  des  saints;  les  méditations  sur 
le  Fruit  de  vie,  où  se  trouvent  indiqués  le  caractère  et  les  effets  de  la  mission 
du  Rédempteur,  avec  deux  méditations  préparatoires  à  la  première  commu- 
nion; enfin  les  visites  au  Saint-Sacrewenl,  an  nombre  de  douze,  qui  peuvent 
servir  d'aliment  à  la  piété  des  enfants  dans  leurs  visites  à  l'église.  Nous 
recommandons  spécialement  ce  petit  livre  aux  directeurs  d'œuvres  et  aux 
ecclésiastiques  chargés  plus  particulièrement  des  catéchismes  :  il  leur  appar- 
tient d'expérimenter  par  une  pratique  quotidienne  si  cet  opuscule  mérite 
vraiment  le  bien  que  nous  en  avons  dit.  F.  de  la  D. 


Oiblloteca  délia  Gioventù  italiana.  Torino,  typografia  e  libreria 
Salesiana,  1878  ;  Paris  Lethielleux.  —  Prose  di  Michel  Colombo.  3  vol.  de 
247,  139  et  188  p.  —  Rime  Scelte  di  Rerni.  1  vol.  de  272  p.  —  L'Uomo  di 
lettere,  del  Padre   Bartoli.  1  vol.  de  332  p.    —  Lettere  di   G.  Pergamino. 

I  vol.  de  3b9  p.  —  Saggio  di  alcune  voci  Toscane.  1  vol.  de  136  p.  —  Prose 
letterarie  di  Cesa  i.  1  vol.  de  269  p.  —  Novelle  di  Franxesco  Soave.  1  vol. 
de  302  p.  —  La  Gerusalemme  liberata.  2^  edit.,  1  vol.  de  o78  p. 

II  y  a  quelque  temps  que  nous  n'avons  parlé  de  la  collection  si  estimable 
qui  paraît  sous  ce  titre  :  Biblioteca  délia  Gioventù  italiana.  Mettons-nous  au 
courant.  Les  livraisons  d'octobre,  novembre  et  décembre  1877  ont  été 
fournies  par  le?  Prose  de  Michel  Colombo,  que  nous  connaissons  trop  peu 
en  France,  qui  renferment  d'excellents  préceptes  de  style  et  de  goût,  et  qui 
offrent  une  lecture  très-variée.  Francesco  Berni,  le  créateur  d'un  genre,  le 
poète  qui  refit  VOrlando  innamorato,  a  laissé  des  poésies  fort  originales;  un 
bon  choix  en  a  été  fait  par  M.  Celestin  Durando,  car  toutes  n'étaient  pas 
à  mettre  sous  les  yeux  des  jeunes  lecteurs.  Un  livre  didactique  d'un  écrivain 
du  dernier  siècle,  l'Homme  de  lettres  du  P.  Bartoli,  a  ensuite  été  publié; 
puis  sont  venues  les  Lettere  de  Giacomo  Pergamino,  le  Saggio  di  alcune  voci  to^' 
cane   de  Bresciani^   un  bon   volume   tiré  des  oeuvres   de    Cesari,   et    les 


—    1(10  — 

classiques  nouvelles  de  Soave .  Le  succès  obtenu  par  la  Bibliolcca  délia 
Gioventn  a  nécessité  la  réimpression  de  certains  ouvTages  publiés  dans  cette 
collecliou  et  vite  épuisés  ;  c'est  ainsi  qu'on  s'est  vu  obligé  de  donner  une 
nouvelle  édition  de  ]s.  Jérusalem.  On  se  ra.[)\)e\\e  ce  que  Boileau  a  dit  du 
Tasse  : 

H  n'eut  point  de  son  livre  illustré  l'Italie, 
Si  son  sage  héros,  toujours  en  oraison, 
N'eût  fait  que  mettre  enfin  Satan  ii  la  raison, 
Et  si  Renaud,  Argant,  ïancrède  et  sa  maîtresse, 
N'eussent  de  son  sujet  égayé  la  tristesse. 

Les  éditeurs  ont  été  moins  indulgents  que  Deppréaux,  et  onfait  disparaître 
quelques  octaves  qui  se  ressentent  un  peu  trop  de  l'esprit  de  la  renaissance. 
Grâce  à  ces  suppressions,  d'ailleurs  en  petit  nombre,  \a  Jérusalem  peut  être 
mise  sous  les  yeux  les  plus  timorés.  Quand  on  réimprimera  cette  édition,  on 
devra  corriger,  dans  la  vie  du  Tasse,  page  '6,  un  lapsus  qui  a  substitué 
Charles  MI  à  Charles  IX.  P. 


Dos  principes  qui  président  à  l'exercice  du  droit  de 
punii%  par  J.  Thiry.  Liège,  Léon  de  Thier,  1878.  in-8  de  28  p. 
Esquisser  rapidementles  divers  principes  qui  ont  servi  de  base  aux  anciennes 
législations  pénales,  exposer  et  critiquer  les  théories  de  Beccaria  et  de 
Bentham,  de  Kant  et  de  Rossi,  puis  formuler  comme  conclusion  le  véritable 
fondement  du  droit  de  punir,  tel  est  le  plan  de  cette  petite  brochure.  Mais 
nous  regrettons  que  l'auteur  ait  insisté  sur  la  partie  historique  au  détriment 
de  la  partie  moderne,  qu'il  se  soit  borné  à  citer  la  théorie  delà  correction  ou 
de  l'amélioration  du  coupable,  la  théorie  en  vogue  du  dix-neuvième  sièc'e, 
sans  discuter  aucun  de  ces  arguments,  et  qull  n'ait  point  parlé  du  système 
dialectique  de  Hegel  ou  de  la  tutela  giuridica  du  savant  Carrara.  Nous  ne 
pouvons  enfin  adopter  son  opinion  et  admettre  la  nécessité  comme  base  de 
notre  dràt  pénal,  car  l'utilité,  à  n'importe  quel  degré  on  la  considère,  ne 
peut  jamais  donner  naissance  à  un  droit  et  surtout  au  droit  pénal,  droit  sui 
generis,  qui  prive  l'homme  de  sa  liberté.  D'ailleurs  la  conséquence  fo^-cée  de 
cette  doctrine,  c'est  la  théorie  d'intimidation,  telle  que  la  formulait  logique- 
ment Feuerbach,  et  M.  Thiry  lui-même  repousse  de  toutes  ses  forces  un 
système  aussi  odieux  et  aussi  immoral  (p.  15).  J.  Vamdenheuvel. 


flistoirc  nouvelle  des  arts  et  des  sciences,  par  Alphonse 
REXALn.  Paris,  Charpentier,  1878,  in-i2  de  iv-401  p.  — Prix  :  3  fr,  ^0. 
Cet  ouvrage  est  meilleur  dans  son  but  que  dans  son  exécution.  «  .J'ai 
cherché,  nous  dit  l'auteur,  à  présenter  l'histoire  sous  une  forme  nouvelle, 
comme  la  louange  de  la  divinité.  Il  sera  facile  as-urément  de  trouver, 
dans  cette  série  de  tableaux,  des  inexactitudes  et  des  omissions;  mais  il 
sera  facile  aussi  de  corriger  ces  défauts.  Puis,  qu'importent  les  noms  et  les 
chiffres?  Ou  changera  des  mois,  on  eu  ajoutera,  on  en  retranchera  :  mais 
l'idée  restera-t-elle  ?  » 

M.  Renaud  fait,  dans  quatre  chapitres,  l'histoire  des  «arts  utiles»  (alimen- 
tation, chauffage  mécanique,  médecine,  éclairage)  ;  —  des  a  beaux-arts  » 
(a't  culinaire,  parfumerie,  arts  décoratifs,  musique,  divertissements);  —  des 
«  sciences  spéculatives  »  (sciences  naturelles,  géographiques,  astronomiques, 
historiques,  philosophiques);  —  et  des  «  sciences  politiques  »  (moraJe, 
justice,   commerce,  charité,   unité).    Sous  ces    divers   titres   et  beaucoup 


—   1(31    — 

d'autres  qui  en  dérivenl,  il  accumule  les  faits,  les  citations  et  les  renvois 
aux  auteurs  qu'il  a  consultés.  Une  table  a'phaLétique  permet  heureusement 
de  trouver  sans  trop  de  difficulté  les  renseignements  que  l'on  peut  désirer. 
C'est  une  compilation  qui  n'est  point  suffisamment  digérée,  où  il  y  a  beau- 
coup de  superlluités  et  de  lacunes  qui  sont  des  fautes. 

Les  divisions  et  subdivisions  peuvent  exercer  la  critique.  On  se  deman- 
dera ce  que  c'est  que  1'  «  histoire  de  l'Unité.  »  L'unité,  pour  M.  Renaud, 
est  un  des  fondements  de  l'union  des  hommes;  sous  ce  titre,  il  range 
l'histoire  du  langage,  de  l'écriture,  des  insignes  et  des  unités.  Nous  espérions 
trouver  dans  l'histoire  de  la  charité  quelques  notes  sur  des  œuvres  de  bien- 
faisance, tand's  qu'il  ne  s'agit  que  de  l'organisat'on  de  la  famille  et  des 
institutions  sociales.  L'auteur  fait  vivre  les  premiers  hommes  sans  société 
(no  2il)  et  attribue  l'inslitution  du  mariage  à  des  Chinois,  à  des  Égyptiens,  à 
des  Grecs,  sans  parler  des  Hébreux,  et  tout  en  disant  une  ligne  plus  bas  que 
r  «  amour  conjugal  fut  le  premier  amour  terresti'e  »  (ri"  242).  «Les  premiers 
hommes  n'avaient  aucune  idée  de  religion  ■>  (,n°  112).  «  Pour  nous,  la  vérité 
n'est  que  la  résultante  des  opinions»  (n.°  110).  Iln'estpas  besoin  d'un  grand 
luxe  de  citations  pour  établir  que  les  hommes  étaient  primitivement  nus 
ji"  10)  ;  comment  auraient-ils  été  autrement?  Si  les  honmies  ont  commencé 
par  se  couvrir  de  feuilles  et  qu'Ailam,  i-éalisant  un  progrès,  se  soit  couvert 
de  peaux,  en  résulterait-il  qu'il  ne  soit  pas  le  premier  homme? 

R.  S.  M. 

E^seenas  de  la  vida  pag^esa,  per  Jo.vQUiM  Rii:ra  y  Bertran.  Barcelone, 
les  principales  librairies,  1878,  in-12  de  203  p. —  Pris  :  2  réaux. 
Sous  le  titre  de  Scènes  de  la  vie  rustique,  M.  Joaquim  Riera  y  Bertran  a 
publié,  en  langue  catalane,  un  volume  qui  contient  vingt  petites  nouvelles, 
dontplusieurs  sont  des  contes  populaires. FcrnanCaballero  a  donné  l'exemple 
d'o?uvres  de  ce  genre,  dans  ses  jolis  Cuadros  de  costumbrcs,  et  l'on  ne  peut 
qu'encourager  M.  Riera  y  Bertran  à  suivre  les  traces  de  l'illustre  romancière; 
il  raconte  bien,  met  ses  personnages  en  scène  avec  vérité,  et  prouve,  après 
beaucoup  d'autres,  que  l'idiome  dans  lequel  il  écrit,  et  qu'on  a  parfois  traité 
de  dialecte,  est  uue  langue  en  même  temps  énergique  et  souple,  fort  propre 
à  expriuier  toutes  choses  et  tous  sentiments.  L'auteur  n'en  est  pas  à  ses 
débuts,  du  reste,  et  la  couverture  des  Esccnas  de  la  vida  pagcsa  nous  donne 
les  titres  des  ouvrages  nombreux  dont  il  les  a  fait  précéder.  Th.  P. 

Une  gerbe  :  Fleurs  cueillies  dans  les  œuvres  de  ^i.  I^ouia 
Veuillot.  Paris.  Société  générale  de  librairie  catholique,  in-8  de 
vn-232  p.  —  Prii  :  2  fr. 

Ls.  Gerbe  est  l'œuvre  d'un  disciple  de  J.-B.  de  la  Salle,  qui  nous  cache 
modestement  son  nom,  mais  au  goût  duquel  nous  nous  faisons  un  devoir  de 
rendre hooamage.  L'introduction,  formée  de  quelques  pages  cl;armantes,  que  ' 
les  lecteurs  de  Rome  et  Lorette  n'ont  pas  oubliée,  est  tout  entière  exquise  : 
c'est  l'histoire  d'un  humble  enfant  du  peuple  qui,  des  bas-fonds  de  l'igno- 
rance et  des  préjugés,  s'élève,  avec  la  gràcede  Dieu,  jusqu'aux  radieux  som- 
mets delà  foi  et  de  l'espérance  chrétiennes.  Les  extraits  sont  ensuite  grou- 
pés autour  de  sept  chefs  :  Religion;  l'Église,  Rome  et  le  Pape;  Clergé  et 
religion;  Descriptions  et  voyages;  Histoires,  légendes  et  contes  ;  Histoire,  philoso- 
phie,  sciences  et  arts;  Saints  personnages  et  célébrités  contemporaines  ;  Conclu- 
sion. Ces  détails  sommaires  laissent  deviner  l'intérêt  et  le  charme  que  la  lec- 
ture d'un  tel  livre  dnit  faire  éprouver.  I!  offre  au  suprême  degré  deux 
AOUT  1878.  T.  XXIII  11. 


—  162  — 

qualités  qu'il  est,  hélas!  trop  rare  de  trouver  réunies  :  éminemment  popu- 
laire de  ton,  il  est  tout  entier  é^rit  d'un  siyle  qui  doit  satisfaire  le  plus  diffi- 
ciles et  contenter  les  plus  délicats,  A  lire  ce  livre,  on  trouvera  donc  un 
double  avantage,  celui  de  s'édifier  et  d'apprendre  en  même  temps  à  parler 
français.  E.  de  la  D. 

Dix-huit  mois  dans  Fi%.iiiérique  du  Sud,  le  Brésil, 
l'Uruguay,  la  République  il.rgentine,  les  Pampas,  et 
Voyage  au  Chili,  par  la  Cordillère  des  ^ndes,  par  le  comte 
Eugène  de  Robiano.  Paris,  Ploo,  2878,  in-12de  372  p.  —Prix  :  4  fr. 

C'est  un  pays  généralement  peu  connu  que  l'Amérique  du  Sud  :  la  grande 
chaleur  qui  y  règne,  la  fièvre  jaune  qui  la  désole,  et  les  révolutions  pério- 
ques,  non  moins  meurtrières  que  la  fièvre  jaune,  font  reculer  la  plupart 
les  voyageurs.  Elles  n'ont  point  effrayé  cependant  le  comte  Eugène  de 
Robiano.  Parti  avec  un  ami,  secrétaire  de  l'ambassade  belge  au  Brésil,  il  a 
exploré  l'Amérique  du  Sud  de  part  en  part,  de  l'Atlantique  au  Pacifique. 
Il  a  visité  successivement  le  Brésil,  l'Uruguay,  la  République  Argentine, 
pour  gagner  le  Chili  à  travers  les  Pampas  et  la  Cordillère  des  Andes.  Il  a  vu 
beaucoup  et  il  a  bien  vu.  Il  a  habité  les  fazendas  du  Brésil  et  les  estancias 
de  l'Uruguay  ;  il  a  accepté  la  large  hospitalité  des  fazenderos,  et  vécu  de  la 
vie  des  gauchos,  à  cheval,  le  fusil  à  la  main,  parcourant  les  p'antations  de 
café  des  environs  de  Rio  Janeiro,  les  forêts  vierges  de  l'intérieur,  les 
prairies  à  perte  de  vue  des  Pampas,  chassant  les  singes  hurleurs,  les 
autruches  et  les  carpinchos.  C'éiait  la  vie  libre,  au  grand  air,  sous  un  ciel 
brûlant,  mais  admirable,  avec  des  horizons  sans  bornes,  des  émotions  et  des 
surprises  sans  cesse  renouvelées.  Il  semble  que  cette  existence  des  champs 
ait  plus  séduit  le  comte  de  Robiano  que  celle  des  villes;  au  moins  la  décrit-il 
avec  plus  de  complaisance.  Ses  descriptions  sont  neuves,  colorées,  intéres- 
santes; il  aime  la  nature  et  la  peint  bien.  Ce  n'est  pas  qu'il  soit  indifférent 
aux  entreprises  utiles  ci  aux  merveilles  de  l'industrie;  les  détails  qu'il  donne 
sur  la  grande  usine  Liebig  sont  des  plus  curieux.  Mais,  sauf  au  Brésil,  où 
l'initiative  habile  du  souverain  donne  au  progrès  une  vive  impulsion,  les 
merveilles  de  l'industrie  sont  rares  dans  l'Amérique  du  Sud  ;  la  nature  y 
est  plus  riche  et  plus  généreuse  que  les  hommes;  la  race  espagnole,  trans- 
portée dans  ce  climat  torride,  y  a  perdu  sa  vigueur,  et  la  race  indienne, 
reléguée  à  l'intérieur,  est  retombée  à  l'état  sauvage  d'où  les  jésuites  l'avaient 
tirée  pendant  deux  siècles  au  Paraguay.  Le  sentiment  religieux  lui-même 
a  en  grande  partie  disparu,  ou  a  dégénéré  en  superstition  :  tout  pour  les 
yeux,  peu  pour  l'àme  et  le  cœur.  Le  Chili  est-il,  sous  tous  ces  rapports, 
dans  une  voie  meilleure  que  les  républiques  de  l'Est?  C'est  ce  que  M.  de  Ro- 
biano nous  apprendra  dans  un  second  volume,  dont  nous  souhaitons  vive- 
ment la  prochaine  publication,  M.  dé  la  R. 


Une  question  d'Orient  au  moyen  âge.  Documents  inédits  et  notes 
pour  servir  à  l'histoire  du  commerce  de  la  Flandre  avec  le  Levant,  par 
Emile  Vanden  Bussche.  Bruges.  Daveluy,  1878,  gr.  in-8  de  48  p. 

Sous  ce  titre  piquant,  l'auteur  a  réuni  en  brochure  quelques  articles  pu- 
bliés dans  la  revue  la  Flayidre,  et  ayant  pour  objet  l'histoire  du  commerce 
entre  Bruges  et  le  Levant.  Tous  les  écrivains  qui  se  sont  occupés  de  l'his- 
toire de  Bruges  ont  signalé  les  importantes  relations  commerciales  de  la 
«  Venise  du  Nord  «  avec  les  pays  du  midi  de  l'Europe  et  de  l'Orient,  mais 


I 


—  J63  — 

fort  peu  nous  disent  en  quoi  ce  trafic  consistait,  et  quelles  étaient  les  cités 
avec  lesquelles  Bruges  se  trouvait  en  rapports  suivis  avant  le  seizième  siècle. 
M.  Vanden  Bussche  publie  aujourd'hui  certaines  pièces  inédites,  destinées 
à  jeter  quelque  lumière  sur  ce  point  obscur.  De  l'ensemble  de  ces  pièces,  il 
résulte  qu'au  début  du  quatorzième  siècle,  les  Flamands,  quant  au  c  immerce 
avec  le  Levant,  étaient  tributaires  des  Orientaux;  ceux-ci  se  procuraient  les 
produits  levantins  par  l'entremise  des  Génois  et  des  Vénitiens  qui  les 
tiraient  de  Trébizonde.  Plus  tard,  les  traficants  orientaux  organisèrent  des 
comptoirs  à  Bruges  même,  et  furent  bientôt  imités  par  les  Brugeois,  qui 
établirent  à  leur  tour  des  bureaux  de  négoce  dans  les  pays  les  plus  éloignés. 
Ne  jouissant  point  toutefois  de  privilèges  suftisants  dans  ces  pays,  les  Fla- 
mands renoncèrent  à  leurs  établissements  et  se  contentèrent  d'opérer  les 
échanges  sur  la  place  même  de  Bruges.  De  leur  côté,  les  Levantins,  devenus 
mahométans  à  la  su.te  de  la  prise  de  Constantinople,  furent  dès  lors  honnis 
en  raison  de  leurs  opinions  religieuses  ;  troublés  par  les  projets  de  croisade 
de  Philippe  le  Bon  contre  les  Turcs,  ils  partirent  vers  le  commencement  du 
seizième  siècle  pour  des  parages  plus  hospitaliers,  et  l'on  en  revint  aux 
anciens  usages  du  commerce  par  l'intermédiaire  des  Génois  et  des  Véni- 
tiens. Ch.  D. 

lL<e  Pajrs.  —  Polignan  et  Comminges,  leur  passé,  leur  pré* 
sent,  parD.DuFOR,  ancien  missionnaire  et  professeur  d'humanités.  Tou- 
louse, Edouard  Privât;  Paris,  Victor  Palmé,  1878,  in-12  de  xn-379  p.  — 
Prix  :  3  fr. 

Ce  livre  porte  un  titre  dont  les  promesses  ne  sont  pas  suffisamment  tenues. 
Ce  n'est  pas  une  histoire  locale,  pleine  d'érudition  et  de  recherches,  que  nous 
offre  M.  Dufor,  et  l'histoire  générale  ne  saurait  tirer  un  gi'and  profit  des 
trente  courtes  pages  qu'il  consacre  aux  origines  de  Polignan,  depuis  l'époque 
des  Barbares  jusqu'en  l'an  de  grâce  182i.  Qu'il  change  donc  son  titre,  ou 
qu'il  s'applique  à  le  rendre  exact  et  nous  n'aurons  plus  à  lui  faire  que  des 
compliments.  Ses  souvenirs  de  collège  sont,  en  effet,  charmants,  etc'estainsi, 
croyons-nous,  que  ce  genre  de  livres  doit  être  compris.  L'auteur  ne  s'attarde 
pas  aux  enfantillages  de  la  vie  de  collège  :  exposer  les  méthodes  pédago- 
giques, entre  lesquelles  il  en  est  plusieurs  qui  mériteraient  d'être  signa- 
lées, retracer  la  physionomie  des  directeurs  et  des  professeurs  les  plus  mar- 
quants, rappeler  par  quels  moyens  des  maîtres  ingénieux  et  dévoués  peuvent 
faire  aimer  le  collège  et  rendre  fécondes  et  joyeuses  les  longues  années  que 
l'on  passe  sur  ses  bancs  :  tel  est  le  but  de  M.  Dufor,  et  nous  ne  serons  pas 
flatteurs  en  disant  qu'il  l'a  pleinement  atteint.  Ses  portraits  sont  vivants  et 
tous  ses  récits  pleins  d'entrain.  Polignan  peut  être  fier  de  son  élève  d'autre- 
fois et  de  son  professeur  d'aujourd'hui,  et  rien  ne  justifie  mieux  le  choix 
qu'on  a  fait  de  M.  Dufor  pour  professer  la  littérature  au  petit  séminaire  de 
Polignac,  que  les  pages  aimables  et  brillantes  qu'il  lui  a  consacrées. 

E.  DE  LA  D. 


ties  Désordres  du  lundi,  par  l'abbé  F.  J.   d'Ézerville.   Paris,   René 

Haton,  1878,  in-32  de  59  p.  —  Prix  :  15  cent, 
Les    Bienfaits    du   diiuanelie,    par  LE    MÊME,    in-32    de    85  p.    — 

Prix  :  20  cent . 

Deux   excellentes  brochures    de  propagande  qui  traitent  à  nouveau  la 
question  du  travail  du  dimanche.  L'auteur  ne  se  place  pas  au  point  de  vue 


—  lui  — 

exclusivement  religieux.  Il  s'adresse  à  la  libre  sensible,  celle  de  l'intérêt.  Il 
montre  que  le  chômage  du  lundi  fait  perdre  plus  de  temps  que  la  cessation 
du  travail  le  dimanche  ;  qu'il  n'est  pas  le  repos,  mais  l'oisiveti^,  d'où  naissent 
tous  les  vices,  et  qui  a  pour  compagne  inséparable  l'ivrognerie.  Dans  la 
question  du  dimanche,  il  établit  que  le  travail  du  dimanche  n'a  jamais  en- 
richi personne;  que  l'observation  du  précepte  n'a  jamais  appauvri  personne, 
qu'il  est  indispensable  à  la  santé  de  l'ouvrier,  favorable  à  son  instruction, 
sauvegarde  de  la  famille.  Ce  sont  Ik  de  grandes  et  pratiques  vérités  qu'on 
ne  saurait  trop  répéter.  V.  M. 


Les  Opérations  maritimes  commerciales  et  industrielles 
cle  Alarseiilc.  Comparaisons  statistiques.  Résultat  éco- 
nomiffue,  par  S.  JoniAii.  Paris,  Amyot;  Marseille,  Bérarl,  {878,  in-12 
de  3i2  p.  —  Prix  :  2  fr. 

Cet  ouvrage  est  le  second  des  frois  qui  se  ?ont  partagé?,  pour  le  concours 
de  1877,  le  prix  de  25,000  fr.  établi  par  le  baron  Félix  de  Bonjour  pour 
des  ouvrages  relatifs  au  commerce  de  Marseille.  Par  sa  spécialité  même, 
il  se  refuse  à  l'analyse  dans  cette  Revue  et  se  recommande  en  même  temps 
aux  hommes  qui  se  consacrent  à  l'étude  des  questions  commerciales  et 
industrielles.  C'est  l'histoire  par  la  statistique  des  quinze  dernières  années 
du  mouvement  de  notre  grand  poit  de  Marseille,  avec  des  considérations 
souvent  très-justes  et  bien  exprimées,  et  l'indication  des  mesures  à  prendre 
pour  donner  plus  d'essor  au  commerce.  La  première  partie  est  consacrée 
à  la  navigation.  Nous  recommandons  particulièrement  le  chapitre  sur  les 
<(  relations  maritimes  avec  l'Algérie,  »  dont  l'auteur  fait  ressortir  l'importance 
pour  la  prospérité  de  la  colonie,  qui  se  rattache  si  directement  à  la 
prospérité  de  Marseille.  Dans  la  seconde  sont  étudiés,  article  par  article, 
les  différents  objets  du  commerce  et  de  l'industrie  (voyageurs,  blé,  sucre, 
vins,  café,  etc.).  Le  troisième  traite  de  questions  diverses,  et  spécialement 
de  réformes  à  introduire  :  notons  ce  qui  concerne  la  marine,  les  tarifs  des 
chemins  de  fer  et  les  t  formalités  administratives,  »  ainsi  que  les  encoura- 
gements à  donner  aux  établissements  d'instruction.  «Tout  ce  qui  favorisera 
la  littérature  et  les  arts  rejaillira  utilement  sur  le  commerce.  » 

M.  Jouham  constate  une  diminution  consiérable  dans  le  nombre  des  voya- 
geurs (111, o9d  en  187'.>,  au  lieu  de  189,801  en  1870),attrib  ée  à  la  concur- 
rence des  chemins  de  fer  italiens  et  espagnols.  Il  redoute  aussi  la  concur- 
rence des  navires  italiens  pour  les  l'elations  avec  Tunis,  du  moment  où  ils 
auront  une  marche  supérieure  aux  nôtres.  Le  résultat  ser  it  le  même, 
ajoute-t-il,  «  notre  influence  politique  venant  à  baisser  dans  l'administration 
dubey  et  du  territoire  de  la  Régence.  Nous  voudrions  voir  aussi  les  maisons 
françaises  s'y  établir  en  plus  grand  nombre.  La  colonie  française  de  Tunis 
tend  à  y  être  absorbée  par  la  population  italienne,  el  les  relations  dii'cctes  du 
gouvernement  du  bey  avec  celui  de  Victor-Emmanuel  se  multiplient  ;  il  y 
a  là,  croyons-nous  un  sujet  sérieux  de  préoccupation.  »  Ces  réflexions,  qui 
datent  sans  doute  de  187(3,  ront  à  citer  au  lendemain  du  congrès  de  Berlin. 

R. 


—  lOo  — 

CHRONIQUE 

Nécrologie. — M.  l'abbé  Louis  Bourgeois,  né  en  1819,àArtins  (Loir-et-Cher), 
est  mort  le  20  juin  à  l'École  de  Pontlevoy,  dont  il  était  directeur.  Il  a  pour- 
suivi avec  un  égal  succès  deux  nobles  cari'ières  :  celle  de  l'enseignement  et 
celle  de  la  science.  C'est  dans  un  modeste  presbytère  qu'il  commença  ses 
études,  achevées  au  petit  séminaire  de  Blois.  Dès  l'Age  de  vingt  et  un  ans, 
il  fut  capable  d'enseigner  la  philosophie  au  grand  séminaire.  Il  n'abandonna 
sa  chaire  que  quatorze  ans  plus  tard,  lorsque  cet  établissement  ne  fut  plus 
dirigé  par  les  prêtres  du  diocèse.  Le  petit  séminaire  Saint-François  de  Sales 
en  profita  :  il  y  fut  professeur  d'histoire.  Eu  18oi,  il  entra  à  Pontlevoy 
comme  professeur  d'histoire  naturelle  et  chargé  des  conférences  religieuses 
pour  la  division  supérieure;  il  l'evint  à  l'enseignement  de  la  philosophie 
de  1854  à  1808,  et,  en  1867,  il  fut  appelé  à  la  direction  de  l'École.  Il 
était  membre  du  Conseil  supérieur  de  l'instruction  publique.  Ses  travaux 
scientifiques  ont  eu  plus  de  relief  et  lui  ont  valu  une  plus  grande  renommée. 
Les  questions  spéculatives  qui  passionnèrent  son  esprit  ne  purent  point 
diminuer  l'attrait  qu'il  éprouvait  pour  l'élude  de  la  nature.  Dès  1840,  nous  le 
voyons  consacrer  les  lo'sirs  que  lui  laisse  l'enseignement  à  explorer  la 
vallée  du  Loir  et  les  coteaux  du  Cher,  recueillant  des  matériaux,  collection- 
nant des  fossilles  :  c'est  ainsi  qu'il  put  prêter  un  utile  concours  à  Alcide 
d'Oibigny  pour  son  Histoire  naturelle  et  pour  fixer  la  constitution  géologique 
du  département.  Vers  1862,  il  est  entraîné  sur  le  terrain  brûlant  do  l'ar- 
chéologie préhistorique  à  la  suite  de  M.  Boucher  de  Perthe?,  qui  vient  de 
découvrir  la  mâchoire  du  Moulin-Quignon,  et,  en  compagnie  de  son  voisin, 
le  marquis  de  Vibraye,  il  poursuivit  ses  recherches  dans  les  grottes  de  la 
Charente,  plus  riches  incomparablement  en  silex  que  Pontlevoy  et  ses  en- 
virons. Ses  connaissances  géologiques  lui  servaient  à  contrôler  des  décou- 
vertes qui  soulevaient  beaucoup  d'objections  et  de  contradictions,  conme 
toutes  les  nouveautés.  La  Sorbonne,  le  Muséum,  l'École  des  mines  s'éle- 
vèrent contre  lui;  on  l'accusa  de  contredire  le  récit  de  l'Écriture  sainte, 
de  prêter  des  armes  à  la  libre  pensée,  de  reculer  à  des  milliards  d'années 
la  création  de  l'homme.  Et,  loin  de  s'étonner  qu'on  pût  craindre  de  voir  la 
parole  de  Dieu  entamée  par  un  fait  :  «  Ce  sont  les  théories  géologiques  qui 
changent,  «  disait-il.  Il  est  un  fait  trop  à  son  honneur  de  savant  pour  que 
nous  ne  le  citions  pas  :  la  simplicité  charmante  avec  laquelle  il  reconnut, 
au  congrès  scientifique  de  Bruxelles,  dans  une  séance  solennelle,  une 
erreur  qu'il  avait  commise.  Quoiqu'il  ait  peu  écrit,  il  a  tracé  un  profond 
sillon  :  »  Son  esprit  sérieux,  dit  un  de  ses  collaborateurs,  M.  l'ablié  De- 
launay,  ne  voulait  dire  quelque  chose  qu'avec  la  certitude  de  le  bien  dire, 
perôuadé  qu'il  ferait  tort  au  vrai,  s'il  n'en  était  pas  l'interprète  accompli.  -> 
Le  R.  P.  C-irbonnelle  s'empressa  de  rechercher  sa  collaboration,  lors- 
qu'il fonda  la  Revue  des  questions  scientifiques.  Mais  si  l'abbé  Bourgeois  laisse 
peu  d'écrits,  il  laisse  des  idées,  des  découvertes,  des  disciples  et  un  ad- 
mirable monument  dans  sa  remarquable  collection,  classée  avec  le  plus 
grand  soin  et  fruit  de  quarante  années  de  recherches.  Nous  ne  savons  quel 
sort  est  réservé  à  cette  collection,  ni  quelles  seront  pour  elle  les  conséquences 
de  la  mort  de  son  auteur.  Mais  nous  faisons  des  vœux  pour  qu'elle  ne  sorte 
pas  de  France,  et  qu'un  généreux  ami  des  sciences  en  enrichisse  quelqu'une 
de  nos  universités  catholiques,  si  elle  ne  doit  pas  rester  à  Pontlevoy. 

Voici  la  liste  aussi  complète  que  possible  des  divers  mémoires  dus  à  la  plume 


—  166  — 

de  M.  l'abbé  Bourgeois  :  Distribution  des  espèces  dans  les  terrains  crétacés  du 
Loir-et-Cher,  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  t.  XIX,  mars  1862; 

—  Essai  de  détermination  des  caractères  propres  à  distinguer  les  instruments 
en  silex  des  diverses  époques;  —  Notice  sur  l'âge  des  instruments  de  'pierre  du 
Grand-Pressigmj ;  —  Note  sur  des  silex  travaillés,  trouvés  dans  une  brèche  os- 
seuse à  Vallière  (Loir-et-Cher),  extraits  du  Bulletin  de  la  Société  géologique 
de  France,  t.  XX,  1863;  —  Note  sur  le  Diluvium  de  Vendôme,  extrait  du 
Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Veudômois  (1865);  —  Étude  sur  les 
silex  travaillés,  extrait  des  comptes  rendus  du  Congrès  international,   1867; 

—  Nouvelle  affirmation  de  l'homme  tertiaire,  Matériaux  pour  servir  à  l'his- 
toire primitive  de  l'homme,  mai -juin,  1869;  —  Sur  les  silex  considérés 
comme  portant  les  marques  d'un  travail  humain  découverts  dans  le  terrain 
miocène  de  Thenoy,  extrait  du  compte  rendu  du  Congrès  international  d'an- 
thropologie et  d'archéologie  préhistoriques,  1872,  Bruxelles  ;  —  Note  sur 
l'Amphimoschus  Pont-Leviensis,  extrait  du  journal  de  zoologie  Gervais,  t.  II, 
1873;  —  Grotte  de  la  Roche-Berthier  (Charente),  avec  M.  G.  Delaunay,  Maté- 
riaux pour  servir  à  l'histoire  primitive  de  l'homme,  avril,  1875  ;  —  Une 
sépulture  de  l'âge  de  bronze  dans  le  département  de  Loir-et-Cher,  extrait  de 
la  Revue  archéologique,  1875;  —  La  Question  de  l'homme  tertiaire,  extrait 
de  la  Revue  des  questions  scientifiques,  1877,  Louvain.  On  lui  doit  aussi  : 
Grotte  sépulcrale  de  Vilhonneur  (Charente),  dans  les  Matériaux  pour  servir 
à  l'hi-toire  de  l'homme.  Il  laisse  également  des  travaux  inédits  :  un  cours 
de  philosophie,  des  conférences  religieuses,  des  sermons,  des  notes  sur  la 
géologie  et  sur  le  magnétisme.  Ils  sont  entre  les  mains  de  son  ami  et  col- 
laborateur, M.  l'abbé  G.  Delaunay,  qui  est  plus  que  tout  autre  capable  d'en 
tirer  ce  qui  peut   servir  à  la  cause  de  la  vérité  et  de  la  science. 

—  M.  Guillaume -Marie-Paul-Louis  Hdrault,  marquis  de  Vibraye,  né  le 
28  juillet  1809,  est  mort  à  Paris,  le  14  juillet  1878.  On  l'a  parfaitement 
caractérisé  lorsqu'on  a  dit  de  lui  qu'il  était  «  un  homme  de  bien,  un  chrétien 
fervent,  un  grand  seigneur  qui  ne  regardait  jamais  à  sa  peine  pour  cultiver 
tout  ce  qu'il  y  avait  de  beau,  de  vrai  et  d'utile.  »  Devoirs  de  famille, 
devoirs  de  société,  devoirs  de  grand  propriétaire,  dont  il  s'acquittait  scrupu- 
leusement, ne  l'empêchèrent  pas  de  devenir  un  savant  distingué.  Joignant  la 
pratique  à  la  théorie,  il  a  transformé  la  belle  terre  de  Chevei'ny  (Loir-et-Cher), 
héritage  paternel,  et  il  y  a  réuni,  parmi  beaucoup  d'autres  richesses,  une  des 
plus  considérables  et  des  plus  précieuses  collections  géologiques,  minéralogi- 
ques  et  d'objets  préhistoriques;  on  en  peut  admirer  un  magnifique  échantillon 
l'exposition  rétrospective  du  Trocadéro,  et  l'Université  catholique  de  Paris  en 
a  plusieurs  fois  bénéficié.  M.  de  Vibraye  peut  être  considéré  comme  un  des 
prumoteurs  des  recherches  préhistoriques.  Il  a  particulièrement  exploré 
les  grottes  d'Arcy-sur-Cure  (Yonne)  et  les  stations  de  l'Augeris  (Dordogne), 
et  ne  fut  point  étranger  à  la  vocation  de  M.  l'abbé  Bourgeois,  qui  l'a 
précédé  de  quelques  semaines  dans  la  tombe.  On  peut  bien  citer  ici, 
comme  un  de  ses  meilleurs  titres,  l'initiative  qu'il  prit,  avec  le  prince  de 
Chalais,  pour  sauver  l'École  de  Pontlevoy,  en  s'en  rendant  propriétaire, 
pour  la  remettre,  restaurée,  entre  les  mains  de  Mer  l'évêque  de  Blois. 
M.  le  marquis  de  Vibraye  était  correspondant  de  l'Institut.  Il  fut  élu, 
le  23  février  1863,  en  renplacement  de  Bracy-Clark,  dans  la  section  d'écono- 
mie rurale.  Le  17  avril  1867,  il  avait  été  appelé  à  remplacer  le  duc  Decazes, 
comme  associé  ordinaire  de  la  Société  centrale  d'agriculture  de  France, 
dans  la  section  de  grande  culture.  Voici  la  liste  de  ses  publications  : 

Quelques  notes  sur  la  découverte  d'une  nouvelle  fontaine  et  sur  les  chances, 


—  167  — 

de  trouver  de  l'eau  jaillissante  daiis  le  département  de  Loir-et-Cher,  mémoire 
lu  à  la  séance  publique  de  la  Société  royale  d'agriculture  du  département 
de  Loir-et-Cher,  1834;  —  Communication  sur  la  géologie  du  département 
de  Loir-et-Cher,  faite  au  Congrès  scientificjue  de  France  tenu  à  Blois  en 
septembre  1836;  —  Études  géologiques,  méaioire  lu  à  l'Institut  catholique 
dans  la  séance  générale  du  2  février  1843;  —  Rapport  sur  les  travaux  agrono- 
miques et  sylvicoles  de  la  terre  de  Cheverny^  extr.  du  Bulletin  de  la  Société 
d'agriculture  de  Loir-et-Cher  (1844);  —  Rapport  au  Congrès  central  d'agri- 
culture sur  le  reboisement  des  montagnes  et  des  terrains  en  pentes,  l'^  session 
{1845);  2*  session  (1846/;  —  Observations  sur  la  pisciculture,  extr.  du 
Bulletin  de  la  Société  d'acclimatation,  8  octobre  1834;  —  Sur  la  découverte 
d'un  nouveau  gisement  de  vertébrés  à  Chilenay  [Loir-et-Cher)^  extr.  du 
Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  séance  du  5  mars  1860;  — 
Note  sur  les  ossements  fossiles  accoynpagnés  d'une  mâchoire  humaine  trouvés 
dans  les  grottes  d'Arcy-sur-Cure,  extr.  du  Bulletin  de  la  Société  géologique 
de  France,  séance  du  16  avril  1800;  —  Quelques  observations  sur  un  article 
de  la  <(  Sentinelle  du  Jura,  »  le  Monde,  21  novembre  1861;  —  Note  en 
réponse  à  un  article  de  M.  Hoefer  attribuant  aux  castors  la  construction  des 
habitations  lacustres  de  la  Suisse,  le  Monde,  1"  octobre  1863;  —  Travaux 
agricoles  étrangers  à  la  sylviculture  exécutés  par  le  marquis  de  Vibraye  (1863); 

—  Les  Silex  ouvrés  dans  le  Diluvium  de  Loir-et-Cher,  extr.  des  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences,  séance  du  30  uiars  1863.  — •  Note  sur  de 
nouvelles  preuves  de  l'existence  de  l'homme  dans  le  centre  de  la  France  à  une 
époque  où  s'y  trouvaient  aussi  divers  animaux  qui,  de  nos  Jours,  n'habitent  pas 
cette  contrée,  extr.  des  comptes  rendus  de  l'Académie  d^^s  sciences,  séance 
du  29  février  1864;  —  Sur  la  reproduction  en  bois  de  renne  d'une  tête 
(présumée)  de  mammouth  et  sur  quelques  morceaux  d'ivoire  travaillé  provenant 
plus  particulièrement  des  stations  du  Périgord,  extr.  des  Comptes  rendus 
de  l'Académie  des  sciences,  séance  du  4  septembre  1863;  —  La  Terre  de 
Chevermj  [Loir-et-Cher).  Ses  améliorations  de  1829  à  1866,  concours  pour  la 
prime  d'honneur  à  décerner  dans  le  département  de  Loir-et-Cher  en  1867; 

—  Notice  historique  et  biographique  sur  Achille  Valenciennes,  extr.  de  la 
Société  impériale  et  centrale  d'agriculture  (1868);  —  Notice  historique  sur 
M.  Valenciennes,  extr.  du  «Journal  de  l'Agriculture»  (18m8);  — La  Prime 
d'honneur  du  Loiret  (1868)  ;  — Rapport  de  M.  le  marquis  de  Vibraye  sur  le  trans- 
port de  la  marne,  de  la  chaux  et  de  la  pierre  à  chaux,  extr.  des  Annales  du 
Comité  central  de  Sologne,  n°  18  (1870);  —  Sur  l'apparition  spontanée  en 
France  de  plantes  fourragères  exotiques  à  la  suite  du  séjour  des  armées  belligé- 
rantes en  1870  et  1871,  extr.  des  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences, 
séance  du  27  mai  1872.  —  Il  faut  ajouter  à  cette  liste  les  discours  pro- 
noncés par  M.  le  marquis  de  Vibraye  aux  comices  acricoles  de  l'arrondisse- 
ment de  Blois,  depuis  1839,  et  qui  constitu^^nt  un  véritable  cours  d'agri- 
culture, spécialement  applicable  à  la  Sologne  et  à  la  Beauce. 

—  M.  Eugène-François-Joseph  Taillard  est  mort  là  6  juillet  à  Douai, 
où  il  avait  vu  le  jour  le  7  avril  180"^.  C'est  là  qu'il  fit  ses  éludes,  com- 
plétées à  l'École  de  droit  de  Paris,  d'où  il  revint  avocat  en  1824.  En  1827,  il 
entra  dans  la  magistrature,  qu'il  ne  quitta  qu'à  l'heure  de  la  retraite  comme 
président  à  la  Cour  de  Douai.  Il  jouissait  |iarmi  ces  concitoyens  de  cette 
estime  universelle  qui  accompagne  les  hommes  à  la  fois  modestes  et  émi- 
nents  dont  les  vertus  et  les  talents  ne  peuvent  être  contestés  par  personne. 
Chrétien  fervent,  il  était  aussi  un  savant  distingué.  Dès  1826,  il  entrait  dans 
la  Société    d'agriculture,   sciences   et  arts,  à  laquelle   il  fut   peu   d'années 


-    108  — 

sans  dofiiier  quelques  travaux  considérables.  H  a  abiirJé,  eu  histoire,  les 
questions  les  plus  importantes, coimne  celles  des  origines  communales  et  de 
Tapostolicité  des  Églises  de  France,  et  c'est  toujours  aux  sources  qu'il  allait 
chercher  les  documents.  Voici  une  liste,  malheureusement  incomplète,  de 
ses  productions  :  U Affranchissement  des  communes  dans  le  nord  de  la  France 
(1837);  —  Recueil  d'actes  des  onzième  et  treizième  siècles  en  langue  romano- 
wallone  du  nord  de  la  France  avec  une  introduction  et  des  notes  (i8i9,  in-8); 

—  Essai  sur  l'histoirij  des  institutions  du  nord  de  la  France  :  ère  celtique 
(i8o2,  2*  édition,  tSOl ,  in-8)  ;  —  Le  Livre  des  usavjes  el  anciennes  coustumes  de 
la  comté  de  Guijsnes,  avec  une  introduction  et  des  notes  (t8o6.  in-8):  —  Ori- 
ijine  des  communes  du  nord  de  la  France  (18o8,  in-8);  —  Essais  sur  l'histoire 
des  institutions  (18o9,  in-8);  —  .\otice  sur  l'origine  cl  la  formation  des  vil- 
lages du  nord  de  la  France  (1863,  in-8);  —  Les  Lois  de  Dieu  dans  l'histoire,  nu 
essai  sur  les  lois  providentiell-.s  qui  régissent  les  nations  et  le  genre  humain 
(1867,  grand  in-8j;  —  Essais  sur  les  origines  elles  développements  du  christia- 
nisme dans  1rs  Gaules  (1868,  in-8)  ;  —  Apostolat  de  saint  Dengs  dans  les  Gaules 
en  250  (1869,  in-8);  —  Études  sur  les  institutions  dans  leurs  rapports  avec  les 
monuments.  Deuxième  étude.  Domination  romaine,  période  antérieure  à  Vavé' 
nement  de  Dioctétien  en  284  (1869,  in-8); —  La  Féodalité  en  Picardie,  frag- 
ment d'un  cartulaire  de  Philippe-Auguste  (1869,  in-8);  —  Fragment  d'une 
étude  sur  les  Gaulois  au  temps  de  Jules-César  (1871,  in-8)  ;  —  Défense  du  terri- 
toire des  Gaules  au  cinquième  siècle,  villes  de  guerre  et  places  fortes  (1875,  in-8)  ; 

—  Chroniques  de  Douai,  recueillies  et  mises  en  ordre  par  M.  le  président  Taillard 
(I87;i-1877,  3  vol.  in-8i. 

—  M.  le  Dr  Achille-Louis  de  Foville,  mort  à  Toulouse,  le  22  juillet  1878,  à 
l'tige  de  soixanle-dis-neuf  ans,  était  Rouonnais  d'origine,  mais  né  à  Fontoise,  le 
0  août  1799,  Il  lit  à  Paris  ses  études  médicilcs,  et  se  distingua  dès  lors  par  des 
recherches  originales  sur  l'aliénation  mentale  et  sur  l'anatomie  tant  normale 
que  pathologique  du  système  nerveux.  En  182o,  sur  la  recommandation  d'Es- 
quirol,il  fut  nommé  médecin  en  chef  de  l'asile  de  Saint- Yvon,  qu'on  ouvrait 
à  cette   époque,  au  faubourg  Saint-Sever  de  Rouen.  Il    occupa   cette   place 
jusqu'en  183i,  et  fut  aussi  professeur  de  physiologie  ù  1  École  de  médecine  de 
la  même  ville.  L'altératioa  de  sa  s  mté  l'obligeant  à  rechercher  le  climat  du 
Midi,  il  séjourna  de  1834  à  1837,  tantôt  à  Toulouse  et  tantôt  dans  les  Pyré- 
nées; mais  il  ne  se  rétablit  complètement  que  dans  un  voyage  de  long  cours 
(1837-38),  où  il   accompagna,  comme  naturaliste,  le  prince  de  Joinville,  en 
Afrique,  au  Brésil  et  aux  États-Unis.  Fixé  à  Paris  depuis  son  retour,  il  succéda 
à  son  maitre  Esquirol  comme  médecin  en  chef  de  la  maison  de  Charenton. 
Destitué  en   1848,   il   ne  vécut  que  pour  sa  clientèle   et  pour   sa  famille. 
C'est  au  sein  de  celle-ci   qu'il  viat  prendre  à  Toulouse,  à  partir  de  1869, 
une  retraite  encore  active,  comme  médecin  d'une  importante  maison  de  santé, 
fondée  depuis  quarante  ans,  au  faubourg  Saint-Cyprien,  par  son  ancien  col- 
lègue et  ami  le  D'  Délaye.  C'est  à  cette  maison  que  le  D'  Foville  a  consacré 
les  six  dernières  année;  de  sa  vie  médicale.  Les  travaux  qu'il  a  laissés  sont  : 
Un  mémoire  fait  en  commun  avec  son  collègue  Délaye,  Sur  les  causes  et  le 
siège  des  maladies  meniales{iS-2ù].  Ce  mémoire,  qui  obtint  le  prix  du  concours 
Esquirol,  ne  fut  pas  imprimé.  Mais  la  substance  en    est  reproduite  dans  le 
Traité  du  ramollissement  du  cerveau  de  Rostan  et  dans  l'article  Folie  de  Geor- 
get,  inséré  dans  le  Dictionnaire  de  médecine  rédigé  par  MM.  Adelon,  Bèclard. 
—   En    collaboration    avec    son    collègue   Paul    Grai.cliamp,  il  écrivit  un 
mémoire    relatif  f  ux    FonctiG?is    des    coudics   optiques,    des    corps   striés   et 
du  cervelet  .1822^-,    —   Observai  ions   clini^^ues   propres   n  éclairer    certaines 


-    160  — 

questions  relatives  à  V aliénation  mentale.  Thèse  de  doctorat  (182i-);  — 
VAnatomie,  la  physiologie  et  la  pathologie  du  système  nerveux  cérébro-spinal^ 
mémoire  couronné  par  l'Académie  de  médecine  (182o);  —  Mémoire  sur 
l'encéphale  (1826),  adre-sé  à  l'Académie  des  sciences,  où  il  fut  l'objet 
d'an  rapport  de  M.  de  Blainvi.le;  —  Plusieurs  articles  spéciaux  du 
Dictionnaire  de  médecine  et  de  ehiruryie  pratique  (1828);  —  La  Défor- 
mation du  crâne  par  l'usage  de  certaines  coiffures  employées  pour  les  nou- 
veaux-nés (brochure,  1833);  —  Mémoire  sur  le  système  cérébro-spinal  et 
spécialement  sur  les  connexions  de  la  moelle  avec  le  cerveau  et  sur  les  rapports 
entre  le  cerveau  et  le  crâne  (1839).  L'Académie  des  sciences  et  l'Académie  de 
médecine  ordonnèrent  l'impression  de  ce  mémoire  dans  leurs  recueils,  sur 
les  rapports  de  M.  de  Blainville  et  du  Dr  Blaudin.  —  Trois  autres  mémoires 
adressés  à  l'Académie  de  médecine  (1841-1842);  —  L' Anatomie  du  système 
nerveux  cérébro-spinal  (1844),  avec  un  atlas.  Ce  volume  devait  être  suivi  de 
deux  autres  sur  la  physiologie  et  la  pathologie  du  même  système.  Les 
manuscrits  en  sont  restés  inachevés  et  ont  péri  dans  l'inondation  de  Tou- 
louse en  1875.  Parmi  les  idées  neuves  contenues  dans  ces  divers  ouvrages, 
l'une  des  plus  importantes  et  des  mieux  confirmées  par  les  progrès  ulté- 
rieurs de  la  science  est  celle  qui  fait  regarder  la  substance  corticale  du 
cerveau  comme  l'organe  des  manifestations  intellectuelles. 

Un  spiritualisme  élevé  préside  à  lous  les  travaux  du  l)""  Foville  sur  les 
fonctions  du  système  nerveux.  Ce  savant  était  d'ailleurs  un  chrétien  pratique, 
et  est  mort  entouré  de  tous  les  secours  de  la  religion. 

—  M.  François-Emmanuel-Joseph  Bazin,  membre  de  l'Institut,  est  mort 
subitement  à  Paris  le  2  juillet,  enseveli  fn  quel'iue  sorte  dans  le  triomphe 
qu'il  venait  de  rempoi'ter  au  concert  des  orphéons  dirigé  par  lui.  Il  était 
né  à  Marseille  le  4  septembre  18IG.  Fa  1840,  il  obtint  le  prix  de  Rome 
pour  sa  cantate  L'«ys3  de  Mnitfort.  11  était  j  rofes^eur  au  Conservatoire, 
et  avait  succédé  à  M.  Gounol  comme  directeur  de  l'Orphéon  municipal  de 
Paris.  En  1872,  il  entra  à  l'Institut,  en  remplacement  de  Carafa  .  Pormi 
ses  œuvres  musicales,  nous  citerons  le  Trompette  de  M.  le  Prince  (1846); 
—  Le  Voyage  en  Chine  {ISC)6);  —  L'Ours  et  le  Pacha  [[S(>d).  l\  a  publié  il  y 
a  vingt  ans,  un  traité  d'harmonie. 

—  .M.  Jules-Romain  Barni,  ancien  membre  de  l'Assemblée  nationale  (1871) 
et  ancien  dèputé(l876), est  mr.rt  àMer=  (Somme),  le  i- juillet.  Il  était  néàLille, 
]e  T'juin  1818.  Il  entra  à  l'École  normale  en  1837,  obtint  le  diplôme  de 
docteur,  et  enseigna  la  philosophie  à  Reims,  à  Paris^  puis  à  Rouen,  où  il 
était  au  moment  du  Coup  d'État.  Il  donna  alors  sa  démission,  se  retira  à 
Genève,  où  il  continua  son  enseignement  pliilo--ophique  dans  une  chaire 
d'histoire  de  la  philosophie  à  l'Académie  de  cttte  ville.  Ce  n'est  qu'après  le 
4  septembre  1870  qu'il  rentra  en  France, pour  bénéficier  de  la  situation  que 
lui  avait  faite  son  opposition  au  gouvernement  tombé.  Après  avoir  travaillé 
à  vulgariser  par  des  traductions  et  des  commentaires  la  fimeste  doctrine  de 
Kant,  il  se  voua  à  la  propagation  des  idées  républicaines,  dans  ce  qu'elles 
ont  de  plus  contraire  à  la  religion.  11  fondi  la  Société  d'instruction  républi- 
caine, et  donna  son  pat(onage  à  toutes  les  sociétés  inspirées  de  la  même 
pensée.  11  fut  nommé  à  ladéputation  en  1871  et  en  1876. Voici  la  liste  de  ses 
ouvrages:  Critique  du  Jugement,  suivie  des  observations  sur  le  sentiment  du 
beau  et  du  sublime,  traduction  de  l'allemand  (Paris,  1840,  2  vol.  in-8);  — 
Critique  de  la  raison  pfatique,  précédée  des  fondements  de  la  métaphysique  des 
mœurs,  traduction  de  l'allemand  (1848,  in-8);—  Philosopiiie  de  Kant, 
examen   de  ta  critique  du  jiuirmrnt  ^ISoO,    ia-8)  :    —    Philosophie  de  Kant. 


—  170  — 

examen  des  fondements  de  la  métaphysique  des  mœurs  et  de  la  critique  de  la 
raison  2)ratique  (ib^i ,  in-8)  ;  —  Éléments  métaphysiques  de  la  doctrine  de  la 
vertu  suivis  d'un  essai  philosojjJiique  sur  la  paix  perpétuelle,  d'un  traité  de 
pédagogie  et  de  divers  opuscules  relatifs  au  droit  naturel  et  à  la  morale,  trad.  de 
l'allemand  de  Kant  (1853-1855)  ;  —  Les  Martyrs  de  la  libre  pensée,  cours  pro- 
fessé à  Genève  (1862,  in-12);  —  Napoléon  et  son  historien  M.  TAiers  (1865, 
in-12);  —  Histoire  des  idées  morales  et  politiques  (1865-1866,  2  vol.  in-12); 
—  La  Morale  dans  la  démocratie  (1868,  in-8);  —  Critique  de  la  raison  pure, 
traduit  de  l'allemand  (1869,  2  vol.  in-8);  —  Napoléon  1"  (1870,  in-12)  ;  — 
Manuel  républicain  (1872, in-12);  —  Les  Priticipes  et  les  mœurs  de  la  République 
(1873,  broch.  in-18)  ;  — Les  Moralistes  français  au  dix-huitième  siècle  (1874, 
in-12).  —  De  1847  à  1851,  M.  Barni  avait  collaboré  à  la  Liberté  de  penser  jus- 
qu'en 1855;  à  l'Avenir,  à  la  Revue  de  Paris,  entre  les  dates  1854-1857,  et  à 
d'autres  recueils  philosophiques,  politiques  ou  littéraires. Il  avadt  été, en  1841, 
secrétaire  de  M.  Cousin,  et  inspecteur  général  de  l'instruction  publique. 

—  La  Belgique  vient  de  perire,  en  M.  Barthélémy-Charles  Duuortier,  un 
citoyen  émineut  et  dévoué,  un  vaillant  champion  de  sa  liberté  et  de  son 
indépendance,  et  le  catholicisme  un  énergique  et  infatigable  défenseur.  Né 
à  Tournai,  le  3  avril  1797,  il  est  mort  dans  sa  ville  natale,  le  9  juillet  der- 
nier. C'est  à  Tournai  également  qu'il  fit  ses  études,  qu'il  vint  compléter  à 
Paris.  Dès  1828,  il  est  à  la  tète  du  mouvement  politique  dans  son  pays,  et 
organise  un  vaste  pétitionnement  contre  les  abus  du  gouvernement  hollan- 
dais. En  1830,  il  est  des  premiers  sur  la  brèche,  les  armes  à  la  main.  Aussi 
fut-il  nommé  député  suppléant  au  Congrès  national,  et,  en  18J1,  il  entra  au 
Parlement  et  fut  plus  tard  ministre  d'État.  Il  a  joui  d'une  popularité 
immense.  Nous  ne  le  suivrons,  dans  sa  carrière  politique,  que  pour  rappeler 
ses  discours,  parmi  ses  titres  littéraires;  ses  rapports,  notamment  le  rapport 
sur  l'organisation  communale;  des  écrits  politiques  comme  la  Belgique  et  les 
vingt-quatre  articles,  et  le  mainlien,  dû  à  ses  efforts,  de  la  bibliothèque  de 
Bourgogne,  de  l'Académie  et  de  l'Observatoire,  que  la  section  centrale  de  la 
Chambre  voulait  supprimer  en  1830.  En  même  temps  qu'un  homme  politique, 
lîl.  Dumoitier  était  un  ;im:)teur  passionné  des  ar's,  un  littérateur  distingué  et 
un  botaniste  instruit.  II  fut  le  correspondant  du  Journal  des  beaux-arts  et  de  la 
littérature  de  Belgique;  il  prit  part  à  la  discussion  sur  la  naissance  de  Rubens, 
qu'il  plaçait  à  Anvers.  Iléiait  'membre  de  l'Académie  royale  des  sciences  des 
lettres  et  des  arts,  et  président  des  sociétés  royales  de  botanique  de  Bel- 
gique et  d'horticulture  dt  Tournai.  'Voici  la  liste  de  quelques-unes  de  ses 
publications  scii-ntifiques  :  Analyse  des  familles  des  plantes,  avec  l'indication 
des  principaux  genres  qui  s'y  rattachent  (1842,  in-8.  Tournai,  Casterman)  ;  — 
Bryozoaires  fluviatiles.  Histoire  naturelle  des  polypes  composés  d'eau  douce 
(1850,  in-4  avec  6  pi.  coloriées,  Tournai,  Casteraian);  —  Pomone  tournai- 
sienne  (1870,  in-8,  Tournai,  Casterman)  ;  —  Opuscules  de  botanique:  1862-73 
1873,  in-8.  F.  Savy). 

—  M.  le  D'  Louis  Laussedat,  né  à  Moulins  (Allier),  le  30  juillet  1809,  vient 
de  mourir  dans  cette  ville  le  27  juillet  dernier.  Il  a  fait,  par  intermittence,  de 
la  médecine  et  de  la  politique.  Comme  homme  politique,  il  rédigea  le  Pa- 
triote de  Moulins,  fit  de  l'opposition  sous  la  monarchie  de  Juillet,  fut  nommé 
représentanl  du  peuple  en  1848,  exilé  après  le  coup  d'État,  puis,  à  son  retour 
de  Belgique,  en  1870,  devint  député  de  l'Allier.  Comme  médecin,  on  lui  doit 
Une  cure  au  Mont-d'Or,  La  Bour boule  et  Saint-Nectaire  (1868,  Bruxelles  et 
Paris); —  Les  Villes  d'eaux  et  l'hydrologie  médicale  de  la  Belgique; — La 
Suisse,  études  médicales  et  spéciales;  —  Les  Stations  sanitaires  de  la  Suisse.  Il  a 


—  m  — 

fondé  et  dirigé  VAri  médical,  en  Belgique.  Il  était  membre  honoraire  de 
l'Académie  de  médecine  de  Belgique  et,  depuis  peu,  correspondant  de  l'Aca- 
démie de  médecine. 

—  M.  Henri-François  Gaultier  de  Claubry  est  mort  à  Paris  le  4  juillet.  11 
était  né  à  Paris  en  1792.  La  position  de  son  père,  médecin  du  comte  d'Artois, 
lui  fit  quitter  dans  son  enfance  la  capitale  où  sa  famille  était  menacée;  mais 
il  y  rentra  bientôt  pour  y  faire  ses  études  et  y  passer  toute  sa  carrière.  Il 
alla  de  l'étude  de  la  pharmacie  à  celle  de  la  chimie,  enseigna  les  sciences, 
dès  l'âge  de  dix-huit  ans,  à  la  Société  des  Bonnes  Études  et  au  Collège  Sta- 
nislas, fut  préparateur  du  baron  Thénard,  répétiteur  de  chimie  à  l'École 
polytechnique,  professeur  de  chimie  et  de  toxicologie  à  l'École  de  pharmacie 
H.825)  et  membre  de  l'Académie  de  mé  'ecine  (1848).  Il  s"est  signalé  par  son 
dévouement  dans  l'épidémie  du  choléra  en  1849  et  dans  les  ambulances 
de  1870;  à  ses  occupations  scientifiques  et  professionnelles,  il  joignit 
toujours  la  pratique  des  bonnes  œuvres  :  les  œuvres  de  la  propagation  de 
la  foi,  des  pèlerinages  en  Terre-Sainte  et  de  Saint-François-Xavier  ont  eu 
une  grande  part  dans  son  existeuce. 

M.  Gaultier  de  Claubry  a  traduit,  en  1812,  les  Élémenls  de  chimie  expéri- 
mentale de  H.  Willam  et  publié  le  Cours  de  chimie,  de  Gay-Lussac,  en  1828, 
dont  il  avait  recueilli  les  leçons  ;  le  Répertoire  de  chimie  scientifique  et  indus- 
trielle (1837,  5  vol.  in-8),  avec  MM.  Charles  Martin  et  F.-L.  Hoffmann.  —  On  lui 
diot  :  un  rapport  sur  la  Panification  par  le  pétrissage  à  bras  et  par  les  machines 
(1838,  in-8)  ;  —  Des  nouveaux  perfectionnements  apportés  à  la  vidatige  des  fosses 
d'aisance  et  des  résultats  qui  en  sont  la  conséquence  (18ol,  in-8);  —  Du  système 
d'égout  de  l'Angleterre  et  en  particulier  de  la  ville  de  Londres,  et  des  modifi- 
cations qu'il  convient  de  lui  faire  subir  (1857,  in-8).  —  Il  a  revu  la  septième 
édition  du  Manuel  complet  de  médecine  légale  des  docteurs  Briand  et  Chaude, 
et  l'a  augmentée  d'un  Traité  de  chimie  légale  (1863,  in-8).  Il  a  traduit  1'^- 
tude  chimique  sur  Vair  atmosphérique  de  Madrid,  de  don  Ramon  de  Lunay, 
et  a  collaboré  aux  Annales  d'hygiène  publique,  au  Dictionnaire  de  l'industrie 
manufacturière,  et  à  Y  Encyclopédie  du  dix -neuvième  siècle . 

—  M.  Henri  Léo,  historien  allemand,  est  mort  au  mois  de  mai  dernier; 
il  était  né  le  19  mars  1799,  à  Rudolstadt,  où  il  commença  ses  études  qu'il 
acheva  à  l'universiié  de  Breslau.  11  se  destinait  à  la  médecine,  qu'il  aban- 
donna, pour  se  livrer  à  la  carrière  de  l'enseignement;  il  s'y  prépara  à  léna 
où  il  fut  reçu  docteur  en  1820;  à  Gœttingue,  à  Berlin,  où  il  suivit  les  cours 
de  Hegel,  et  en  Italie,  où  il  recueillit  des  matériaux  importants  pour  ses 
études.  Vers  1824,  il  fut  nommé  professeur  adjoint;  en  1826,  employé  à  la 
bibliothèque  de  Berlin;  de  1823  à  1830,  où  il  fut  nommé  professeur  d'his- 
toire à  Halle,  il  occupa  divers  positions  dans  renseignement.  Il  avait  été 
nommé,  en  1863,  membre  à  vie  de  la  Chambre  des  seigneurs.  Disciple  fer- 
vent d'Hegel  au  début  de  sa  carrière,  il  revint  aux  idées  conservatrices  et 
orthodoxes  ;  tandis  que  ?a  chute  lui  eût  obtenu  des  applaudissements  et 
une  plus  grande  renommée,  sa  convei'sion  fit  faire  autour  de  lui  un  silence 
qu'il  ne  méritait  pas.  Voici  les  titres  de  quelques-uns  de  ses  ouvrages  :  Sur 
la  constitution  des  villes  lombardes  (1820);  —  Sur  le  culte  d'Odin  en  Allemagne 
(1822); —  Développement  de  la  constitution  des  villes  lombardes  (182i);  — 
Guide  pour  servir  à  l'enseignement  de  l'histoire  universelle  (1828-1840,  4  vol); 
—  Les  Preuves  de  la  langue  des  anciens  Saxons  et  des  Anglo-Saxons  (1829);  — 
Histoire  des  États  italiens  (1829-1830,  S  vol.);  —  Maiiuel  de  l'histoire  du  moyen 
âge  (1830);  —  Rectitudines  singularum.  personnarum  (1831);  —  Douze  livres  de 


—    17-2  — 

rhisloire  des  Pays-Bas  (1832-1831;,  2  vol.);  —  M.  le  dodeur  Dieslenvcg  el  les 
universités  alle^nandes  (1836);—  Lettres  à  Goerrci  (1838);  —  Les  Hégéliens 
(1838);  —  Éludes  et  esquisses  sur  l'histoire  naturelle  du  gouvernement  (1839); 
—  Beowulf,  poëme  en  dialecte  anglo-saxon  (1840);  —  Leçons  sur  l'histoire 
du  peuple  et  de  VEmpire  allemand  (1854-1856).  Son  Histoire  des  États  italiens 
a  été  traduite  en  français  par  M.  Docliez  (1838-18iO,  3  vo).  gr.  in-8). 

—  M"'  Marie  Pape  Caupe.ntier,  inspectrice  générale  des  salles  d'asile,  vient 
de  mourir  à  Paris,  le  1"  août.  Elle  était  née  à  la  Flèche,  le  10  septembre  1815. 
Le  travail  des  mains,  nécessaire  au  début  de  sa  carrière  pour  pourvoir  aux 
premiei's  besoins  de  la  vie,  ne  l'empêchait  pas  de  tourner  son  esprit  vers  la 
poésie.  Elle  lui  donna  plus  tard  une  direction  plus  pratique  :  appelée,  avec 
sa  mère,  à  organiser  à  la  Flèche  la  première  salle  d'asile,  elle  compléta  son 
instructiun  et  prit  goût  aux  questions  pédagogiques.  En  1848,  elle  fut  mise 
à  la  tète  de  l'École  normale  maternelle,  et,  depuis,  elle  a  été  nommée  ins- 
pectrice générale  des  salles  d'asile.  Elle  est  auteur  d'un  grand  nombre  d'ou- 
vrages pédagogiques,  souvent  réédités,  en  général  excellents,  mais  où  la 
peuîée  religieuse  ne  se  dégage  pas  assez  ne.tement.  Elle  a  beaucoup  con- 
tribué à  l'importation  allemaniJe  dd  ce  procédé  qu'on  appelle  «  Leçons  des 
choses.  »  Voici  la  liste  de  ses  principales  publications  :  Préludes^  poésies,  avec 
préface  de  M"'  Amab'e  ïastu  (IS'tl,  iu-12);  —  Conseils  sur  la  direction  des 
salles  d'asile,  couronné  par  l'Académie  française  (18i7,  in-18);  —  Histoire 
des  leçons  et  des  choses  pour  les  enfants  (1858,  in-12);  —  Enseignement  'pra- 
tique dans  les  salles  d'asile,  ou  premières  leçons  à  donner  aux  petits  enfants, 
suiv;es  de  Chansons  et  de  jeux  pour  les  récréations  de  l'enfance,  couronné  par 
lAcadémie  française  (1859)  ;  —  Jeux  gymnastiques  pour  les  enfants  avec  chants 
notés  (1863,  in-8);  —  Petites  lectures  variées,  avec  commentaires,  à  l'usage  des 
enfants  (1863,  iu-lS);  —  Le  Secret  des  grains  de  sable,  et  géométrie  de  la  na- 
ture, suivi  d'un  appeadice  pour  la  théorie  et  l'exécution  des  figures  géo- 
métriques (1803,  in-12);  —  Conférences  sur  l'introduction  de  la  méthode  des 
salles  d'asile  dans  l'enseignement  primaire,  faites  aux  instituteurs  réunis  à  la 
Sorbonne  à  l'occasion  de  lExposilion  universelle  de  1867  '1868,  in-12);  — 
Cours  d'éducation  et  d'instruction  primaire  (1869-1875);  —  Enseignement  par 
les  yeux.  Nouvelles  images  en  chromolithographie  à  l'usage  des  salles  d'asile  et 
des  écoles  primaires,  accompagné  d'histoire  et  lectures  explicatives  (1869-1875)  ;  — 
Les  Animaux  sauvages,  illustré  de  12  planches  en  chromolithographie  (1870, 
in-4)  ;  —  Les  Animaux  domestiques  (1872,  in-4);  —  Histoire  du  blé  (1873, 
in-18);  —  Lecture  et  travail  pour  les  enfants  et  les  mères  {iSl S,  in-12);  —  Ma- 
nuel  des  maîtres,  comprenant  le  dévelop;)ement  des  principes  pédagogiques 
et  le  guide  pratique  de  la  période  élémentaire  (1876,  in-12);  —  Notice  sur 
l'éducation  des  sens  et  quelques  instruments  pédagogiques  (1878,  broch.  in-12). 

—  M.  Pierre-Marie-Alfred  Desvignes  dk  Slrigny  est  mort  à  Prisse  (Saône- 
et-Loire\  le  26  juin.  Né  à  Mâcon,  le  10  féaier  1805,  il  fit  ses  éludes  à  Cluny 
et  à  Saint-Acheul.  Il  puisa,  dans  ses  traditions  de  famille  et  l'éducation 
qu'il  reçu',  les  principes  qui  ont  fait  l'honneur  de  sa  vie.  Chrétien  fervent, 
royaliste  convaincu,  il  cultivait  les  lettres,  l'archéologie  et  les  arts  avec 
amoiir  et  succès.  Les  nombreuses  sociétés  savantes  dont  il  était  membre 
ont  inséré  ses  communications  dans  leurs  Mémoires;  il  a  exécuté  de  belles 
peintures  murales  dans  son  église  de  Prisse,  et  afait  quantité  de  dessins  pour 
la  restauration  des  églises  de  son  pays,  dessins  qu'il  accompagnait  de 
conseils  éclairés,  il  était,  depuis  1833,  membre  de  l'Académie  de  Màcon,  qu'il 
présida  en  1855,  de  l'Institut  des  provincesdeM.  deCaumonf,  correspondant 


de  la  Saciété  archéologique  de  Chaion-sur-Saùne,  de  la  Société  édueniie,  de 
la  Société  d'Arundel.  11  a  publié,  dans  les  Annales  de  l' Académie  de  Mdcon  : 
Analyse  raisonnce  à  propos  d'une  «  Histoire  de  Notre-Dame  de  Relleville  » 
par  Chambeyron  (18ii);  —  Compte  rendu  de  «  l'Analyse  critique  du  fourié- 
risme, »  par  Gaspard  Belin  (I8±3)  ;  —  Rapport  sur  la  question  mise  au  con- 
cours pour  l'année  ISoO  :  «  Rechercher  quel  fut, au  onzième  siècle,  linlluenre 
de  l'abbaye  de  Cluny  sur  le  mouvement  de  ce  siècle,  sous  le  triple  rapport 
religieux,  intellectuel  et  politique.  »  (Le  1"  pris  fut  décerné  à  l'abbé  Cuchc- 
rat,  et  une  mention  d  honneur  à  Th.  Chavot)  (I80O);  —  Noie  relative  au  grand 
candélabre  de  Vahhaye  de  Cluny,  au  sujet  de  l'ouvrage  fait  par  M.  Cucherat 
(Bibliothcca  Cluniacensis)  ;  —  Rapport  sur  un  ouvrage  intitulé  «  des  Libertés  de 
la  Bourgogne,  »  par  Rossignol  ;  —  Réponse  au  discours  de  réception  de  M.  Cam- 
peaux,  professeur  de  rhétoriqutî  au  lycée  deMàcon;  —  Réponse  au  discours 
de  l'abbé  Martigny;  — Communication  concernant  le  k  Cartulaire  de  Sa  nt- Vin- 
cent de  Màcon,  »  publié  par  l'Académie  en  ISoC;  —  Rapport  sur  la  question 
mise  au  concours  pour  l'année  iSciS,  <'  Greuze  et  Prudhon;  »  —  Rapport  suv 
la  «Numismatique  bourbonnaise»  de  M.  Georges  de  Soultrait  (1839).  —  Huit 
jours  à  Aix-la-Chapelle.  Lettre  à  M.  de  Caumont  {\8Q\)].  —  Dans  les  Annaks 
archéologiques  de  Didrou  :  Le  Tabernacle  et  la  Vierge  par  Orcagna,  dans 
l'église  d'Or-San-Michcle  à  Florence,  décrit  par  Alfred  de  Su rign y  {[8(j9,  in-8, 
vol.  XXVI).—  Dans  les  Mémoires  de  la  Soci-Hé  d'archéologie  de  Chalon-sur- 
Saône,  entre  autres  :  Xoticc  sur  deux  peintures  murales  de  Saint-Vincent  de 
Mdcon  (avec  gravures);  —  Deux  mots  sur  le  tombeau  de  Pierre  le  Vénérable 
(1802).  Il  laisse  de  nombreuses  notes  sur  les  mosa'iques  chrétiennes,  sur  les 
manuscrits  grecs  de  la  Bibliothèque  Vaticane  à  Rnme,  des  études  sur  l'art 
chrétien,  etc. 

—  M.  Alexandre  Moreau  de  Joxnès,  fils  du  célèbre  stalisticlen  français  qui 
dirigea  la  Statistique  générale  de  la  France,  entreprise  par  le  gouvernement 
c'e  la  Restauration,  est  mort  à  la  fin  de  juillet.  Il  était  né  en  1808  à  la  Marti- 
nique. Chef  de  bureau  au  ministère  des  Finances,  puis  chef  de.  cibinet  du 
môme  ministère,  sous  la  présidence  de  Louis-Napoléon,  il  avait  débuté  par 
la  traduction  d'un  ouvrage  allemand  :  La  Prusse,  son  progrés  politique  et  so- 
cial, suivi  d'un  Exposé  économicpie  statistique  des  réformes  opérées  depuis  180G 
jusqu'éi  répoque  actuelle  (1848,  in-8).  Continuant  ses  éludes  sur  les  peuples,  il 
avait  fait  paraître,  en  1861,  une  Ethnogénie  caucasienne,  recherches  sur  la  for- 
mation et  le  lieu  cVorigine  des  peuples  éthiopiens,  chaldéens,  syriens,  hindous, 
perses,  hébreux,  grecs,  celtes,  arabes,  etc.  (in-8,  Cherbuliez),  dont  semble  sorti 
son  onvrage  le  plus  connu  :  L'Océan  des  anciens  et  les  peuples  préhistoriques 
(1873,  in-1'2),  sorte  d'hypothèse  érudite  qui  tend  à  faire  commencer  aux  bords 
de  la  mer  Noire  l'histoire  de  tous  les  grands  peupUs  de  l'antiqui'é. 

—  M.  Josoph-Adrien-Félix  Lavali.é,  né  à  Paris,  le  8  août  1801,  est  mort 
récemment  dans  le  département  de  l'Allier.  Il  fut  le  fondateur  du  Journal  des 
Chasseurs;  licencié  en  drrif,  a  écrit  dans  la  Gazette  des  Tribunaux^  ainsi  que 
dans  une  foule  de  revues  et  magazines  sur  les  question?  cynégétiques.  On  lui 
doit  aussi  des  livre;  d'histoire  et  des  tra  ludions.  La  cécité  dont  il  était  atteint 
l'avait  condamné  au  repos.  Il  a  publ  é  l'Espagne,  dans  l'Univers  pittoresque, 
édité  par  Didot,  collaboration  avec  Adolphe  Guéroult  (1844-1847,  2  vol).  — 
La  Chasse  de  Gaston  Phœbus,  comte  de  Foix,  erivoyée  par  lui  à  messire  Philippe  de 
France.,  duc  de  Rourgorjne.  collationnée  sur  un  manuscrit  ayant  appavleau  à 
Jean  1"  de  Foix  avec  des  notes  et  la  vie  de  Gaston  Phuîbus  (1834,  in-8)  ;  —  La 
Chasse  à  tir  en  France  {\8'6i,  in-IO;  2*  édition,  1800);  —  La  Chasse  à  courre  en 


—  174  — 

France {IS^Q,  in-12);  —  Les  Récits  d'un  vieux  chasseur  (1838);  —  Zurga  le  Chas- 
seur (1860).  —  Il  a  traduit  un  conte  espagnol  :  Le  Mari  qui  se  fait  garçon,  et 
a  travail'é  avec  M.  L.  Bertrand  au  Code  des  chasseurs  (1841). 

—  M.Henri  Guys, ancif^n  consul  de  France  en  Orient,  vient  de  mourir  à  Mar- 
seille, à  l'âge  de  qua1re-vingt-onze  ans.  Pendant  sa  long  le  carrière,  il  ne 
cessa  d'être  en  Orient  le  défenseur  de  nos  intérêts  religieux,  et  il  y  conquit 
d'illustres  amiiiés,  comme  celle  de  Lamartine.  Les  dernières  années  de  sa 
vie  ont  été  données  aux  bonnes  œuvies.  lia  écrit  :  Relation  d'un  séjour 
de  plusieurs  années  à  Beyrouth  et  dans  le  Liban,  précédé  d'une  lettre  de 
M.  Povjoulat  (1847,  2  vol.  in-8)  ;  —  Un  derviche  algérien  en  Syrie.  Peinture 
des  mœurs  musulmanes  chrétiennes  et  israélites,  confirmée  par  un  séjour  de 
trente-six  années  dans  cette  partie  de  l'Asie  (1853,  in-8)  ;  —  Voyage  en  Syrie;  — 
Statistique  du  pachalic  d' Alep  (18oo,  in-8);  —  Esquisse  de  l'état  politique  et 
commercial  delà  Syrie  (1862,  iii-16);  —  Théogonie  des  Druses,  ou  abrégé  de 
leur  système  religieux,  traduit  de  l'arabe  (1863,  in-8;;  —  La  Nation  druse, 
son  histoire,  sa  religion,  ses  mœurs  et  son  état  politique  (1864,  in-8);  —  De  la 
condition  des  femmes  en  Turquie  {[SQb,  in- 18)  ; —  Étude  sur  les  mœurs  des  Arabes 
et  sur  les  moyens  d'amener  ceu-t  de  l' Algérie  à  la  civilisation  (1863,  in-8);  — 
Recherches  sur  la  destruction  du  chnstianisme  dans  l'Afrique  septentrionale 
et  sur  les  causes  qui  ont  retardé  la  colonisation  française  en  Algérie  (1863,  br. 
in-8). 

—  M.  René-Louis  Gobillon,  né  à  Montgaudri  (Orne),  le  23  octobre  1828,  est 
mort  à  Chartres  le  27  avril  dernier.  Élevé  à  Técole  primaire  de  son  village, 
c'est  par  son  travail  persévérant  qu'il  arriva  à  se  faire  une  position.  A 
vingt  ans,  clerc  de  notaire,  il  subit  la  loi  du  sort,  qui  l'appelait  sous  les  dra- 
peaux, où  il  resta  jusqu'en  1863.  Il  fut  ensuite  greflier  de  la  justice  de  paix 
de  Tiron-Gardais  (Eure-et-Loir),  conseiller  d'arron^isssement  de  ce  canton, 
puis  directeur  d'une  compagni-^  d'assurances,  à  Chartres.  Il  aimait  et  cul- 
tivait les  lettres.  On  lui  doit  un  bon  livre  populaire  :  Mémoires  du  troupier 
Chapusot;  scènes  de  la  vie  militaire  (1869,  in-12,  Daupley,  à  Morlagne),  et, 
pendant  treize  ans,  il  a  rédigé  l'Ami  du  foyer,  almanach  du  Perche  et  du 
Saonnois,  conçu  dans  un  bon  esprit  et  sur  un  bon  plan,  où  l'on  remarquait 
des  récits  pleins  de  verve  en  patois  de  la  B^auce.  Plusieurs  journaux  de 
Paris  ont  publié  des  articles  de  lui,  ainsi  que  le  Courrier  d'Eure-et-Loir. 

—  M.  Maurice  Joly,  né  à  Neublans  (Jura),  en  1837,  vient  de  mettre  misé- 
rablement fin  à  ses  jours,  à  Paris,  le  16  juillet.  Avocat  depuis  183G,  il  fut 
tenté  par  l'ambition,  voulut  arriver  vite  à  une  situation,  jouer  un  rôle  poli- 
tique, et  ne  trouva  guère  que  des  déceptions,  auxquelles  il  crut  mettre  fin 
par  un  suicide.  Il  fit  du  bruit  sous  l'Empire,  par  des  brochures  d'opposition 
violente  ;  il  chercha  à  marquer  sous  la  Commune  ;  il  essaya  plus  tard  de 
suivre  une  voie  moins  scabreuse,  et  écrivit,  en  1873,  des  lettres  signées  «  Ju- 
nius,  ))  dans  Paris- Journal.  Mais  le  succès  qu'il  recherchait  ne  lui  vint  pas. 
On  lui  attribue  des  Recherches  sur  Vart  de  parvenir,  qui  remonteraient  à  1868, 
et  un  roman,  les  Déclassés,  qui  aurait  été  sa  dernière  œuvre  et  son  propre 
portrait.  Mais  ce  que  nous  pouvons  lui  attribuer,  ce  sont  les  ouvrages  sui- 
vants :  Sur  l'adresse  du  Corps  législatif  {[861,  in-S,  Dumineray)  ;  —  La  Question 
bridante,  par  J***,  anonyme  (1861,  in-8,  Dumineray);  —  Le  Barreau  de  Paris, 
études  politiques  et  littéraires  (1863,  in-12)  ;  —  Dialogue  aux  enfers  entre  Ma- 
chiavel et  Montesquieu,  ou  la  politique  de  Machiavel  au  dix-neuvième  siècle,  par 
un  contemporain  (1864,  in-12,  Bruxelles,  Mertens),  qui  valut  à  l'auteur  une 
condamnation;  —  César  (1863,  br.  in-32}  ;  —  Les  Principes  de  89  (1863,  br. 


—  175  — 

ia-8)  ;  —  Maurice  Joly^  son  passé,  son  programme,  par  lui-même  (1870,  in-8, 
Lacroix)  ;  —  Les  Affamés,  études  de  mœurs  contemporaines  (1876,  in-iS). 

—  M.  Aleardo  Aleardi  est  mort  à  Vérone,  le  18  juillel,  à  soixante-huit 
ans.  Poëte  comme  Manzoni,dont  il  était  le  disciple,  il  chercha  surtout  à  faire 
vibrer  la  fibre  patriotique.  Ses  opinions  républicaines,  qui  le  firent  expulser 
de  Venise  par  les  Autrichiens,  en  1849,  et  plus  tard,  lorsqu'il  revint  de  France, 
jeter  dans  les  cachots  de  la  forteresse  de  Josephstadt,  en  Bohème,  lui  valu- 
rent, dans  ses  dernières  années,  un  siège  au  sénat  italien.  On  lui  doit  :  Ugo, 
le  Mariage,  Arnoldi  di  Rocca,  le  Citta  italiane,  Un'  ora  de  giovinezza,  i  selte 
soldati  littere,  —  Maria,  Raffacle  e  la  Fornarina,  Monte  Circello. 

Institut.  —  Académie  française.  —  Le  jeudi  1er  août  a  eu  lieu  la  séance  pu- 
blique annuelle  de  l'Académie  française,  sous  la  présidence  de  M.  J.-B.  Dumas, 
directeur.  Elle  a  été  remplie  par  le  rapport  de  M.  Camille  Doucet,  secrétaire 
perpétuel,  sur  les  concours  de  Tannée,  —  par  des  lectures  de  fragments  des 
discours  couronnés,  faites  par  M  Legouvé,  —  et  par  le  discours  de  M.  Dumas 
sur  les  prix  de  vertu.  \  oici  les  listes  des  prix  décernés  : 

Prix  d'éloquence.  —  L'Académie  avaft  proposé  pour  sujet  du  prix  d'élo- 
quence à  décerner  en  1878  :  Éloge  de  Buffon.  Deux  prix  égaux,  de  deux  mille 
fran  s  chacun,  sont  décernés  à  feu  M.  Narcisse  Michaut,  licencié  en  druit, 
docteur  es  lettres,  mori  à  Nancy,  à  l'âge  de  trente-deux  ans,  et  à  M.  Félix 
Hémon,  agrégé  des  lettre?,  professeur  de  seconde  au  lycée  de  Rennes. 

Prix  Montyon  destiné  aux  ouvrages  les  plus  utiles  aux  mœurs. —  L'Académie 
française  a  décerné  trois  prix  de  deux  mille  francs  :  A  M.  le  marijuis  Costa 
de  Beauregard,  auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  Un  homme  d'autrefois,  1  vol. 
in-8;  —  A  .M.  Ch.  de  Bjnnechose,  auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  Montcahn 
et  le  Canada  français,  1  vol.  in-12;  —  A  M^e  Henry  Gi'évillc,  auteur  d'un 
ouvrage  intitulé  :  Dosia,  1  vol.  in-12.  — Cinq  prix  de  quinze  cents  francs  : 
A  M.  Octave  Noël,  auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  Aulour  du  foyer,  i  vol, 
iu-12;  —  A  M.  Gustave  Levavasseur,  auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  Dans  les 
herbages,  1  vol.  in-12;  —  A  M.  Prosper  Blanchemaiu,  auteur  d'un  ouvrage 
intitulé  :  Poèmes  et  poésies,  1  vol.  in-12;  —  A  M  Emile  Gossot,  auteur  d'un 
ouvrage  intitulé  :  Mademoiselle  Servan,  i  vol.  in-12;  —  A  M.  Charles  Durier, 
auteur  d'ua  ouvrage  intitulé  :  le  Mont-Blanc,  I  vol. in-8; — Trois  prix  de  mille 
francs  :  A  M.  Arthur  Rhoné,  auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  l'Egypte  à  petites 
journées,  1  vol.  in-8;  —  A  M.  Lucien  Dubo.s,  auteur  d'un  ouvrage  intitulé  :  le 
Pôle  et  l'Equateur,  2  vol.  in-12;  — A  M.  A.  Bougot,  auteur  d'un  ouvrage  inti- 
tulé :  Essai  sur  la  critique  d'art,  1  vol.  in-8. 

Prix  fondé  par  M.  le  baron  Gobert.  —  L'Académie  a  décerné  le  grand  prix 
de  la  fondation  Gobert  à  M.  Chantelauze,  pour  son  ouvrage  intitulé  :  le  Ca?-- 
dinal  de  Retz  et  l'Affaire  du  chapeau,  2  vul.  in-8,  et  le  second  luùx  de  la  même 
fondation  à  M.  L.  Pingaud,  pour  ses  deux  volumes  intitulés  :  l'un,  les  Saulx- 
Tavannes,  1  vol.  in-8  ;  l'autre,  Correspondance  des  Saulx-Tavanncs  au  seizième 
siècle,  I  vol.  in-8. 

Prix  Maillé  Latour-Landry.  —  Le  prix  institué  par  feu  M.  le  comte  de 
Maillé;Latour-Landry,  en  faveur  d'un  écrivain  ou  d'un  artiste,  a  été  partagé 
également  entre  M.  Gustave  Toudouze  et  Emile  An  Irieu. 

Prix  Lambert.  —  L'Académie  a  décidé  que  la  récompense  honorifique 
fondée  par  feu  M   Lambert  serait  attribuée  à  M.  Xavier  Aubryet. 

Prix  Bordin.  —  Le  prix  de  trois  mille  fi'ancs  a  été  ainsi  réparti  :  1°  Un 
prix  de  deux  mille  francs,  à  M.  Gustave  Merlet,  pour  son  ouvrage  inUtulé  : 
Tableau  de  la  littérature  française,  de  1800  à  1813,  1  vol.  in-8;  —  2°  Un  prix 
de  mille  franc?,  à  M.  le  comte  de  Gobineau  pour  son  livre  intitulé  :  la  Re- 
naissance, {  vol.  in-12. 


Vrix  detradiiclionjfondèparfeuM.  Lamjluis. —  Le  prix  de  la  fondation  Lan- 
glois  a  été  décerné  à  M.  Henri  Bellanger,  pour  sa  traduction  de  l'ouvrage 
anglais  intitulé  :  la  Russie,  le  pays,  les  institutions,  les  mœurs,  par  M.  Mac- 
kensie-Wallace,  2  vol.  in-8. 

Prix  Halphen.  —  Ce  prix  a  été  décerné  à  M.  le  général  comte  Pajol,  pour 
deux  ouvrages  intitulés  :  Pajol,  1772  à  1796,  3  vol.  in-8,  avec  atlas  ;  Kléber, 
sa  vie,  sa  correspondance,  1  vol.  in-8. 

Prix  Tliirouannc.  —  L'Académie  a  décidé  que  le  prix  de  la  fondation  Thé- 
rouanne,  pour  l'encouragement  des  travaux  liist'  riques  serjit  ainsi  réparti  : 
1"  Un  prix  de  mille  francs  à  M.  H.  Forneron,  pour  son  ouvrage  intitulé  :  les 
Ducs  de  Guise  et  leur  époque,  2  vol.  ia-8.—  1°  Deux  prix  de  mille  francs  chacun  : 
à  M.  Debidour  pour  son  ouvrage  intitulé  :  la  Fronde  angevine,  \  vol.  in-8, 
et  à  M.  A.  Luchaire,  pour  son  ouvrage  intitulé  :  Alain  le  Grand,  1  vol   in-8. 

Prix  Guizot.  —  Le  prix  triennal  de  trois  mille  francs,  f-ndé  par  M.  Guizot, 
est  décerné  à  M,  Louis  Vian,  pour  son  ouvrage  intitulé  :  Histoire  de  Mon- 
tesquieu, [  vol.  in-8. 

Prix  Marcelin  Guérin.  — ■  .Sur  cette  fondation,  l'Académie  a  accordé  :  Un 
prix  de  deux  mille  francs  à  M.  Alfred  Rambaud,  pour  son  ouvrage  intitulé  : 
la  Russie,  I  vol.  in-12.  —  Trois  prix  de  mille  francs  chacun:  A  M.Hippeau, 
pour  son  ouvrage  intitulé  :  Vlnsiruclion  publique  dans  les  Étals  du  Nord,  1 
vol.  in-12.  —  A  M.  II.  Jouin,  pour  son  ouvrage  intitulé  :  David  d'Angers, 
2  vol.  gr.  in-8;  —  A  M.  Rambosson,  pour  son  ouvrage  intitulé  :  les  Har- 
monies du  son  et  les  instruments  de  musique,  1  vol.  gr.  in-8. 

Prix  fondé  en  1873  par  un  ancien  membre  de  l'Académie,  pour  être  dé- 
cerné dans  l'intérêt  des  lettres  .  —  L'Académie  a  partagé  également  ce  prix, 
de  la  valeur  de  cinq  mille  sept  cent  cinquante  francs,  entre  M.  Edouard 
Grenier  et  M.  Joséphin  Soulary. 

Prix  Archon-Despcrouses .  —  Ce  prix  annuel,  de  la  valeur  de  quatre  mille 
francs,  afiecté  à  la  philologie  française  et  à  des  ouvrages  ayant  pour  objet 
l'étude  de  notre  langue  et  de  ses  monuments  de  tout  âge,  a  été  ainsi  dé- 
cerné: Un  (irix  de  deux  mille  cinq  cents  francs,  à  M.  Charles  Marty-Laveaux. 
—  Un  prix  de  quinze  cents  francs,  à  M.  Arsène  Darmesteter. 

Prix  à  décerner  : 

Prix  de  poésie  à  décerner  en  1879.  —  L'Académie  propose  pour  sujet  du 
prix  de  poésie  à  décerner  en  1879  :  La  poésie  de  la  science.  La  limite  de 
trois  cents  vers  ne  peut  pas  être  dépassée  par  les  concurrents, 

Prix  d'éloquence  à  décerner  en  1880.  —  L'Académie  propose  pour  sujet  du 
prix  d'éloquence  à  décerner  en  1880  :  Éloge  de  Marivaux.  Nous  nous  con- 
tentons d'énumérer  les  autres  pi'ix  : 

Prix  Gobert,  pour  les  ouvrages  nouveiux  sur  l'histoire  de  France,  qui 
auront  paru  depuis  le  1"  janvier  1878.  Les  concurrents  devront  déposer  au 
secrétariat  de  l'in  titut  trois  exemplaires  de  leur  oivrage  avant  le  31  dé- 
cembre 1878. 

Prix  Maillé-Laiour-Landry,  en  faveur  d'un  écrivain  ou  d'un  artiste  sera, 
dans  les  conditions  de  la  fondation,  décerné  par  l'Académie,  en  1880,  •  à 
un  jeune  écrivain  dont  le  tilent,  déjà  remarquable,  parald'a  mériter  d'être 
encouragé  à  poursuivre  sa  carrière  dans  les  lettres.  » 

Prix  Rordin. 

Prix  Lambert. 

Prix  Langlois,  —  Ce  prix  sera,  d'après  les  termes  du  testament,  décerné 
en  1879,  à  l'auteur  de  la  meilleure  traduction  en  vers  ou  en  prose  d'un  ou- 
vrage grec,  latin  ou  étranger  publi'''c  dans  le  cours  des  années  1877  et  1878. 


Prix  Halphen  sera  décerné  à  l'auteur  de  l'ouvrage  que  «  l'Académie  ju- 
gera à  la  fois  le  plus  remarquable  au  point  de  vue  littéraire  ou  historique,' 
et  le  plus  digne  au  point  de  vue  moral.  » 

Prix  Tliiers,  sera  décerné  en  1880  (de  trois  mille  francs), à  l'ouvrage  d'his- 
toire, publié  dans  les  trois  années  antérieures  au  l"  Janvier  1880,  que  l'A- 
cadémie jugerait  le  plus  digne  de  cette  distinction. 

Prix  Thérouanne. 

Prix  Guizot,  sera  décerné  en  1881  (3,000  francs)  au  meilleur  ouvrage,  pu- 
blié dans  les  trois  années  précédentes,  «  soit  sur  l'une  des  gr.jnde3  époques 
de  la  littérature  fr.inçaise  depuis  sa  naissance  jusqu'à  nos  jours,  soit  sur  la 
vie  et  les  œuvres  des  grands  écrivains  français,  prosateurs  ou  poètes,  philo- 
sophes, historiens,  orateurs  ou  critiques  érudits.  « 

Prix  Marcelin-Guérin  (5,000  francs). 

Prix  de  Joiiy,  de  la  valeur  de  quinze  cen's  francs,  sera  décerné  en  1879,  à 
l'ouvrage  publié  dans  le  cours  des  années  1877  et  1878. 

Prix  fondé  en  1873  pai  un  ancien  membre  de  l'Académie,  pour  être  dé- 
cerné dans  l'intérêt  des  lettres. 

Prix  A  rchofi-Despérouses. 

Prix  Botta,  sera  décerné  pour  la  première  fois,  en  1881,  au  meilleur  ou- 
vrage publié  en  français  dans  les  cinq  années  précédentes  «  sur  la  condition 
des  femmes.  » 

Prix  Monbimie  (3,000  francs). 

Prix  de  M.  Jules  Janin  (3,000  francs),  sera  décerné  à  la  meilleure  traduc- 
tion d'un  ouvrage  latin. 

Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  M.  Wallon,  secrétaire  per- 
pétuel de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  a  lu,  le  19  juillet, 
un  rapport  sur  l'état  des  publications  de  l'Académie.  Le  texte  du  tome  XXIV 
du  Recueil  des  historiens  de  France  est  prêt  pour  l'impression  ;  les  anno- 
tations seules  sont  à  terminer;  on  ne  peut  les  espérer  avant  la  fin  de 
l'année.  La  transcription  des  matériaux  qui  doivent  composer  la  seconde 
partie  est  faite,  et  les  anDotations  sont  commencées.  Pour  le  Recueil  des 
historiens  des  croisades,  le  tome  IV  des  Historiens  occidentaux  est  en  partie 
tiré  et  toute  la  copie  remise  à  l'imprimeur.  Les  Historiens  grecs  (t.  Il)  et  les 
Historiens  arabes  (t.  111),  avancent  lentement.  Le  recueil  des  chartes  et  di- 
plômes relatifs  à  l'histoire  de  France  antérieurs  à  Philippe-Auguste  est  tou- 
jours en  préparation.  Le  tome  XXVIII  de  V Histoire  littéraire  de  la  France  est 
à  la  veille  d'être  mis  sous  presse.  L'impression  du  Corpus  inscriptionum  scmiti- 
carum,  entravée  par  les  retards  apportés  au  budget  de  1878,  commencera 
dès  que  l'Académie  aura  prononcé  sur  les  moyens  d'exécution  qui  lui  seront 
soumis. 

Académie  des  beaux-arts.  —  L'Académie  des  beaux-arts  vient  de  juger, 
le  20  juillet,  le  concours  du  prix  Bordin  pour  l'année  1878.  Le  sujet  était 
«  Rechercher  les  différences  théoriques  et  pratiques  qui  existent  entre  les 
corps  des  ingénieurs  et  celui  des  architectes.  Se  rendre  compte  des  avan- 
tages et  des  inconvénients  de  la  division  entre  les  deux  professions,  et  dé- 
duire de  celte  étude  ce  qui  devrait  être  fait  dans  l'intérêt  de  l'art,  soit  une 
division  absolument  marquée,  soit,  au  contraire,  une  fusion  complète.  «  Sept 
mémoires  ont  été  adressés  à  l'Acidémie,  M.  Davioud,  architecte  au  Troci- 
déro,  a  obtenu  le  prix,  à  l'unanimité. 

—  L'Académie  des  beaux-art?,   qui  vient  d'être  mise  en  possession  delà 
Tente  de  6,000  francs  léguée  par  Rossini,  a,  conformément  au  vœ  »  d  i  testateur, 
pris  la  décision  suivante  :  un  concours  entre  les  artistes  français  e.-t  ouvert  pour 
AOUT  1878.  T.  XXIII,  12. 


]a  production  dune  œuvre  pocMi'iue  destinée  à  ê  re  misi;  eu  musique  et  dans 
les  conditions  in'ii^juées  par  le  testateur.  L'auteur  de  la  composition  de  mu- 
sique lyrique  et  religieuse  devra  s'attacher  principalement  à  la  mélodie. 
L'auteur  des  paroi  s  .-ur  Itsquelles  devra  s'ap[iliquir  la  musiquf,  et  y  être 
pnrfaitemenl  appropriée,  devra  oViseiver  les  lois  de  la  morale. 

Les  manuscrits  devront  être  déposés  au  seciélari4  de  l'Institu',  avat^t  le 
30  novembre  1878.  Le  jugement  S' ra  rendu  le  3.1  décembre  suivant.  L'auteur 
de  l'œuvre  [loélique  jugée  la  meilleure  et  la  plus  conforme  aux  conditions  du 
concour?,  recevi'a  nn  [trix  do  3,f)00  francs. 

—  L'Académie,  dans  sa  séance  du  samedi  20  juillet,  a  nommé  Ci^rrespon- 
dant,  M.  Scholonder,  architecte  du  roi,  à  Stockholm. 

Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  Dans  sa  séance  du  6  juillet, 
l'Académie  a  élu  membre  de  la  section  d'histoire  générale  et  de  philosophie, 
en  remplacement  de  M.  Thiers,  décédé,  M.  Georges  Picot,  juge  au  tribunal 
de  la  Seine,  par  21  sufi'rages,  contre  8  à  M.  F.  T.  Perrens;  —  Membre  de  la 
S'  ction  d'économie  politique,  en  remplacement  de  M.  d'Audiffret.  décédé, 
M.  Paul  Leroy-Beaulieu,  par  20  voix  contre  9  à,  M.  Maurice  Blor'.c; —  Membre 
de  la  section  de  législation  et  de  jurisprudence,  en  remplacement  de  M.  Va- 
lett'^,  décédé,  M.  Rodolphe  Dareste  de  la  Chavanne,  avocat  au  Conseil  d'État, 
par  20  voix  contre  10  à  M.  Laronibière  et  1  à  M.  Gide. 

—  L'Académie  des  sciences  morales  et  po'iliques,  dans  sa  f-éance  du  27  juillet, 
a  rendu  son  jugement  dani  le  concours  Morogues,  relatif  au  paupé  isme  et 
au  moyen  d'y  remédier.  L'Académie  n'a  pas  déccné  de  prix,  mais  elle  a  ac- 
cordé deux  mentions  honurdb'es  de  la  valeur  de  1,000  francs  chacune,  l'une 
à  M.  Jules  Siegfried,  pour  son  ouvrage  intitu'é  :  la  Misère,  son  Jiistoire,  ses 
causes^ses  remèdes;  l'autre  à  M.  de  La  Landelle,  pour  son  ouvrage  ayant  pour 
titre  :  Pauvres  et  mendiants^  roman  des  questions  sociales. 

Concours.  —  La  Société  des  études  historiques  met  les  sujets  suivants  au 
concours  pour  le  prix  de  la  fondation  Raymond.  Concours  de  1879  :  un 
pi'ix  de  mille  francs  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur  l'histoire  des  pro- 
vinces danubiennes,  depuis  l'invasion  des  Turcs  jusqu'au  traité  dUnkiar 
Skelessi.  —  Concours  de  1880  :  Histoire  des  origines  de  la  langue  française 
et  de  son  développement  jusqu'à  la  fin  du  dix-'eptième  siècle,  un  prix  de 
1,000  fr.mcs.  —  Concours  de  1881  :  Histoire  des  institutions  de  prévoyance 
en  France.  —  Un  premier  prix  de  1,500  fr.;  un  deuxième  prix  de  500  fr. 
—  Les  mémoires  manuscrits  devront  être  adressés  à  l'administrateur,  M.  le 
comte  de  Bussy,  rue  Gay-Lussac,  40,  à  Pari-,  avant  le  !«''  jauvier  de  l'année 
du  concours.  Ils  devront  être  inédits  et  n'avoir  pas  été  présentés  à  d'au'res 
concours. 

—  La  Société  académique  de  Saint-Quentin  met  au  concours  pour  1879  : 
1°  Poésie.  Le  sujet  est  laissé  au  choix  des  concurrents; 

2o  Litléralure.  Étude  sur  le  théâtre  contemporain  en  France; 

3°  Raconter  la  vie  et  apprécier  les  travaux  d'un  personnage  célèbre  du 
département  de  l'Aisne. 

Les  travaux  des  concurrents  devront  êtte  envoyés  avant  le  1er  mars  1879 
au  président  de  la  Société  académique,  à  Saint-Quentin. 

Société  des  anciens  textes  français.  —  La  Société  des  anciens  textes  fran- 
çais, fondée  on  1875  pour  publier  les  monuments  de  notre  ancienne  langie 
et  de  notre  ancienne  littérature,  a  donné  en  1877  :  Aiol.,  chanson  de  geste, 
publié  par  MM.  J.  Normand  et  G.  Rnynaud,  et  Les  Miracles  de  Xostre  Dame, 
par  perso}i7iages,  puhliés    par-  MM.    G.  Paris  et  U.  Robert,   t.  IL   Elle  a  sous 


—  179  — 

presse  :  Le  Débat  des  ht'raiils  de  France  et  d'Angleterre,  suivi  de  The  Debate 
between  the  Heraldes  of  Englande  and  Fraunce,  compiled  bij  Johne  Coke,  édi- 
tion commencée  par  L.  Pannier,  et  achevée  par  M.  P.  Meyer.  —  La  Vie  de 
saint  Gilles^  en  vers,  par  Gnill.  de  Berneville,  publiée  par  MM.  A.  Bos  et 
G.  Paris. —  Les  Œuvres  d'Eustache  Deschamps,  publiées  par  M.  le  marquis 
de  Queux  de  Saint-Hilaire.  —  L'Evangile  de  Nicodème,  trois  versions  en 
vers,  publiées  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Bos.  —  Le  Voyage  à  Jérusalem  du  sei- 
gneur d'Anglure.  publié  par  MM.  F.  Bonnardot  et  A.  Longnon.  —  Un  de  ses 
membres,  M.  le  baron  James  E.  de  Rothschild,  fait  actuellement  imprimer  à 
ses  frais  une  nouvelle  édition  du  Mystère  du  vieil  Testament,  avec  commen- 
taires et  glossaire.  Cette  édition,  qui  ne  formera  pas  moins  de  six  ou  sept 
volumes  in  8,  sera  d  stribuée  gratuitement  aux  membres  de  la  Société. 

Lectures  faites  a  l'Acadkmie  des  inscriptions  et  belles-lettres. —  Dans  la 
séance  du  o  juillet,  M.  Miller  a  communiqué  une  note  sur  un  Glossarium 
greco-latinum,  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Laon.  M.  Ernest  Desjardins  a 
communiqué  une  lettre  de  M.Ro!  ert  Mowat  au  sujet  il'une  inscription  de  sar- 
cophage découvert  pjr  M.  l'abbé  Htmard,  à  Hermès  (Oisf).  M.  Schlieraann  a 
communiqué  des  observations  sur  les  antiquités  qu'il  a  recueillies  à  Mycènes. 
—  Dans  la  séance  du  12,  M.  Ernest  Desjaniins  a  achevé  la  lecture  du  mémoire 
de  M.  Tissot,  min  stre  de  France  en  Grèce,  sur  une  in-cription  militaire  dé- 
couverte en  Tunisie  par  M.  Duveyrier  en  18G0.  —  Dans  la  séance  du  19, 
M.  Carapanos  a  communiqué  le  texte  d'une  inscription  inédite  provenant  de 
ses  fouilles  de  Dodone.  M.  Albert  Dunioiit  a  fait  connaitie.  dans  une  lettre, 
le  résultat  des  fouilles  entreprise,  à  Délos  par  un  membre  de  l'École  française 
de  Rome  ;  elles  permettront  de  restituer  l'architecture  intérieure  du  temple 
d'Apollon.  —  Dins  la  séance  du  26,  M.  Michel  Bréal  a  fait  une  communication 
sur  une  inscription  de  l'ile  de  Ciète,  conservée  au  Louvre  et  rapportée 
en  1837  par  M.  l'abbé  Thenon.  M.  Paillard  a  lu  une  étude  sur  le  voyage  de 
Charles-Quint  en  Franci*,  en  lo39  et  lo4(). 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  Dans 
la  séance  du  6  juillet,  ?«1.  Hippolyte  Passy  a  achevé  la  lecture  de  son  mémoire 
sur  l'histoire  dans  ses  rapports  avec  les  sciences  politiques  et  sociales.  — 
Dans  la  séance  du  13,  M.  Barthélémy  Saiut-Hilaire  a  lu  un  mémoire  siir  la 
composition  de  la  Métaphysique  d'Aristote.  —  Dans  les  séances  du  20  et  du  27, 
M.  0.  Gréard  a  commencé  la  lecture  d'un  mémoire  sur  les  résultats  de  l'en- 
seignement primaire  à  Paris,  de  1807  à  1878,  au  sujet  duquel  MM.  Frédéric 
Passy  et  Jules  Simon  ont  présenté  des  observations. 

Exposition  de  la  Bibliothèque  Sainte-Geneviève.  —  Nous  empruntons  au 
Journal  Officiel  les  détails  suivants  sur  l'exposition  qui  vient  de  s'ouvrir  à 
la  bibliothèque  Sainte-Geneviève.  On  sait  que  le  ministre  de  l'Instruction 
publique  ayant  décidé  que  les  richesses  des  dilférentes  bibliothèques  ne 
soi  tiraient  pas  de  ces  établissements,  chaque  bibliothèque  fera  son  exposi- 
tion particulière,  laquelle  sera  comme  une  annexe  de  l'exposition  rétrospec- 
tive au  Trocadéro. 

La  bibliothèque  Sainte-Geneviève  continue  celle  qui  avait  été  formée  dans 
l'ancienne  abbaye  Sainte-Geneviève.  Des  bustes  décoraient  les  galeries  de 
la  bibliothèque  du  célèbre  couvent  ;  on  les  retrouve  disséminés  dans  les 
salles  actuelles. 

D'après  un  inventaire  de  1790,  ces  bustes  étaient  au  nombre  de  106;  il 
n'en  reste  plus  que  94  Quelques-uns  sont  fort  beaux  ;  ils  sont  de  Girardon. 
Coysevox,  Coustou,  Caffleri,  etc.  Nous  signalerons  entre  autres  ceux  de  Michel 
Le  Tellier,  chancelier   de  France,  de  Jules  Hardouin,  Mansart,  de  Robert  de 


—   180  — 

Cotte,  d'Antoine  Arnauld  ou  le  grand  Arnauld,  le  célèbre  janséniste,  etc. 
Le  buste,  en  marbre,  de  ce  dernier  est  un  des  plus  vivants  qui  soient  sortis 
des  mains  de  Gii'ardon. 

N'oublions  pas  non  plus  ceux  du  cardinal  François  de  la  Rochefoucand,  et 
de  Charles-Maurice  Le  Teliier,  archevêque  de  Reims.  Ces  deux  personnages 
ont  été  les  bienfaiteurs  de  la  bibliotlièque  de  la  communauté.  Le  premier 
en  est  le  fmdateur,  le  second  lui  légua  une  collection  de  10,000  volume?,  la 
plupart  reliés  en  maroquin  rouge,  à  ses  armes. 

Une  autfe  collection  intéressante  est  celle  des  poi  traits  des  rois  de  France, 
paslels  dont  on  ignore  l'auteur  et  qui  furent  exécutés  de  1680  à  1682.  Mais 
un  détail  qu'on  ne  connaissait  pas  et  qui  vient  seulement  d'êlre  révélé  lurs 
du  nettoyage  des  cadres,  c'et  la  provenance  de  ces  vingt-deux  portraits 
comprenant  la  série  des  rois  de  France  depuis  Louis  IX  jusqu'à  Louis  XIV. 
Une  note  que  nous  recommandons  aux  amateurs  indique  aujourd'hui  cette 
pi'ovenance.  Ainsi,  l'effigie  de  saint  Louis  —  pour  ne  parler  que  de  celle-là 
—  a  été  faite  d'après  l'original  en  ronde-bosse  qui  ornait  le  portail  de  l'an- 
cienne église  des  Cordeliers,  à  Paris.  D'autres  ont  été  reproduites  d'après 
les  tombeaux  de  Saint-Denis. 

A  côté,  il  faut  adminer  des  épreuves  de  choix,  supérieurement  conservées, 
de  gravures  d'Edelinck,  de  Van  Schuppen,  de   Drevet,  de  Vermeulen,  etc. 

L'exposition  a  lieu  dans  les  salles  du  rez-de-chaussée,  au  milieu  du  dépar- 
tement de  la  Reserve,  là  où  sont  renfermés,  dans  des  ai'moires  vitrées,  la 
collection  entière  des  manuscrits,  ainsi  qu'un  choix  des  livres  les  plus  pré- 
cieux et  les  plus  lares  que  possède  la  bibliothèque.  La  section  dont  il  s'agit 
est  arrangée  avec  un  goût  parfait,  et  celte  installation  fait  honneur  à  l'ad- 
minisl ration  ainsi  qu'au  personnel  de  l'établissement.  On  est  étonné  d'ap- 
prendre que  le  nombre  des  ouvrages  qui  y  sont  contenus,  incunables, 
éditions  princeps,  livres  à  gravures,  à  reliure  de  luxe,  etc.,  dépasse  13,000, 
sans  comptei"  les  3,000  manuscrits. 

Ce  qui  frappe,  dans  une  promenade  à  travers  ces  galeries,  c'est  que  la 
bibliothèqur-  Sainte-Geneviève  vous  apparaît  sous  un  jour  tout  autre  et  avec 
un  caractère  bien  différent  de  celui  qu'on  est  habitué  à  lui  accorder.  Cette 
bibliothèque,  à  l'usage  surtout  des  collégiens  et  des  étudiants,  est,  il  faut 
bien  le  reconnaître  une  bibliothèque  de  curiosités  et  de  raretés. 

Un  coup  d'œil  jeté  sur  les  vitrines  de  l'exposition  de  la  bibliothèque  prou- 
vera la  vérité  de  ce  que  nous  avançons.  Voici  un  trésor  :  la  Cité  de  Dieu,  de 
saint  Augustin,  manuscrit  de  la  tin  du  quatorzième  siècle;  quelles  plus 
belles  miniatures  peut  on  voir  que  celles  dont  il  est  orné?  Plus  loin,  un 
Tite-Live,  du  quariozième  siècle,  traduit  pf>ur  le  roi  Jean  le  Bon,  ayant 
appartenu  au  duc  de  Bedford,  qui  le  donna  en  1527,  à  son  beau-frère,  le  duc 
de  G'ocester.  Bien  d'autres  manuscrits  d'écrivains  classiques,  manuscrits 
provenant  de  la  bibliothèque  du  pape  Pie  VI,  auraient  pu  également  être 
exposés;  car  la  bibliothèque  en  possède,  croyons-nou«,  un  bon  nombre. 
Citons  encore  un  Évdngéliaire  du  neuvième  siècle;  une  Bible  anglo-nor- 
mande, du  treizième  siècle,  en  trois  volumes;  des  Heures,  des  Chroniques 
de  S  int-Deni-!,  où  l'on  voit  dans  une  des  majus  ules  un  poitrail  de  saint 
Denis,  qu'on  dit  authentique,  etc. 

Plu>  loin,  soui  d'autres  vitrines,  consacrées  aux  livres  imprimés  :  VEstrif 
de  fortune,  dont  on  ne  connaît  que  trois  exemp'aires  (l'un  d'eux  vient  d'être 
adjugé  21,000  fc  à  la  ven'e  Didot);  un  chois  de  reliures,  à  partir  du 
quinzième  siècle,  reliures  françaises  et  italiennes,  des  Grolier,  des  Ma- 
joli,  etc. 


—   181   - 

Hecceil  de  poésies  françaises  des  quinzième  et  seizième  siècles.  —  La  li- 
brairie Paul  Daffis  vient  de  mettre  au  jour  ua  nouveau  volume  de  la  7?;- 
bliothèque  elzcvirienne,  entrepris  il  y  a  vingt  ans  environ,  par  un  laborieux 
et  intelligent  éditeur  (qui  était  en  même  temps  doué  d'une  rare  instruction), 
P,  Jannet,  mort  au  mois  de  novembre  1870.  Cette  Bibliothèque,  qui  a  lemis 
en  circulation  bien  des  ouvrages  curieux  et  devenus  fort  rares,  a  reçu  l'ac- 
cueil dont  elle  était  digne;  elle  s'enrichit  aujourd'hui  du  treizième  volume 
annoncé  comme  le  dernier  du  Recueil  des  poésies  françaises  des  quinzième  et 
seizième  siècles,  recueillies  et  annotées  par  MM.  Anatole  de  Monlaiglon  et  Ja)nes 
de  Rothschild,  in- 18,  432  pages  (prix  :  5  fr.).  Vingt-six  pièces  forment  le 
volume  en  question,  ce  qui  porte  à  300  la  totalité  de  celles  dont  se  composent 
les  treize  volumes  du  Recueil;  toutes  sont  extrêmement  rares,  on  ne  connaît 
de  la  plupart  d'entre  elles  qu'un  seul  exemplaire;  un  opuscule  du  docteur 
Adonville  :  le  Bannissement  de  malheur^  en  donnant  à  Bon  Temps  faveur  (Paris, 
vers  loOO)  était  resté  inconnu  à  tous  les  bibli  grapbesj'son  titre  même  n'a- 
vait jamais  été  cité;  cette  plaquette  s'est  r/'.ncoiitrée  dans  la  bibliothèque 
Méjanè«,  riche  collection  léguée  à  la  ville  d'Ais  pnr  un  fervent  bibliopbile 
qui,  vers  les  dernières  années  du  règne  de  Louis  XVI,  avait  fait,  aux  ventes 
parisiennes  (notamment  à  celle  du  duc  de  la  Vallière),  d'importantes  et 
heureuses  acquisitions  en  obtenant  à  5  ou  10  francs  ce  qu'un  payerait  au- 
jourd'hui de  300  à  oOO  francs.  —  La  bibliothèque  municipale  de  Versailles 
a,  de  son  côté,  fourni  quelques  pièces  qu'on  ne  trouve  pas  ailleurs  :  la 
Complainte  du  temps  passé  par  le  commun  du  temps  présent  (écho  des  souf- 
frances du  peuple  pendant  les  guerres  incessantes  qui  désolèrent  le  règne 
de  François  I'^'';  le  Credo  du  commun  peuple  selon  le  temps  qui  court  (fin  du 
quinzième  siècle),  était  resté  inconnu  à  tous  les  bibliographes;  un  exem- 
plaire, qu'on  peut  regarder  cjmme  unique,  fait  partie  de  bi  ricbe  collection 
de  feu  M.  Ambroise  Fii'min-Didot.  On  ne  c  muait  également  qu'un  seul 
exemplaire  (il  appartient  à  M.  de  LigneroUes)  des  Erreurs  du  pcuplecommun 
qui  pronostiquent  la  famine  (pièce  écrite  à  l'occasion  de  la  disette  qui  frappa 
la  P'rance  en  lo2n.  Il  existe  diverses  éditions  du  Giroufflier  aulx  Dames,  mais 
elles  sont  introuvables,  et  ce  poëme  est  curieux  à  plus  d'un  titre;  le  giro- 
flier dans  notre  ancienne  langue,  désignait  une  sorte  d'œillet;  Raison  s'en 
élance  afin  de  défendre  le  beau  sexe  contre  les  traits  malins  que  décocbe 
sans  cesse  le  célèbre  Roman  de  la  Rose.  Nous  n'émuinérerons  pas  les  autres 
pièces  reproduites  dans  le  treizième  volume;  toutes  sont  dignes  d'attention 
au  point  de  vue  de  l'histoire  et  à  celui  de  l'étude  des  mœurs  de  nos  ancêtres; 
nous  dirons  seulement  que,  loin  de  se  bornera  un  système  de  réimiiression, 
les  savants  éditeurs  ont  multijdié  des  notes  fort  instructives,  attestant  de 
vastes  et  judicieuses  lectures;  nous  mentionnerons  seulement,  au  hasard, 
celles  relatives  au  fou  Triboulet,  page  2;  au  Sec  arbre  (ou  Arbre  sech),  dont 
une  rue  de  Paris  a  conservé  le  nom  depuis  plusieurs  siècles,  page  157;  aux 
livres  sibyllins,  pages  242. 

N'oublions  pas  le  sixième  volume  du  Branthôme  publié  tout  récemment 
et  faisaut  partie  de  la  Bibliothèque  elzéviricnne  (312  pages);  il  contient  la 
suite  'ies  Vies  des  grands  capitaines;  le  texte  augmenté  de  fragments  inédits 
et  de  nombreuses  varian'es,  est  accompagné  de  notes  nombreuses  de 
Prosper  Mérimée  et  de  M.  Louis  Lacour;  il  serait  inutile  d'insister  sur  l'in- 
térêt qu'elles  présentent. 

Un  opuscl'le  de  Charles  de  Neqfchaises.  —  M.  L.  Pingaud,  dans  son 
ouvrage  sur  les  Saulx-Tavannes,  signale  l'excessive  rareté  (Introduction  à  la 
correspondance,  \i.   vi)  de  l'opuscule   que  M.Henri   Chevreul   vient  de  faire 


—  182  — 

réimprimer  à  205  exemplaires  sous  ce  titre  :  Inslruction  et  devis  d'un  vray 
chef  de  guerre  ou  gênerai  d'armée;  Hecuilly  des  Mémoires  de  feu  messire  Gaspard 
de  Saulx,  sieur  de  Tavannes,  et  mareschal  de  France,  par  Charles  de  Neuf- 
cuAisES,  sieur  des  Francs  et  neveu  dudict  sieur  de  Tavannts,  gentilhomme  ordi- 
naire de  la  Chambre  du  Roy  et  escuyer  d'escurie  de  Monseigneur  le  Duc,  frère  de 
Sa  Majesté^  nouvelle  édition,  précédée  d'une  introduction  (Paris,  Aubry, 
4878,  in-8  de  xiv-128  p.)-  L'Instruction  parut  en  1574  chez  Jean  Hulpeau  et 
de  la  Noue,  à  Paris,  une  année  après  la  mort  de  Gaspard  de  Saulx-Tavannes, 
vingt-six  ans  avant  les  Mémoires  qu'on  lui  attribue.  C'est  cette  Instruction 
qui,  selon  le  savant  éditeur,  a  servi  de  point  de  départ  à  Jean  de  Tavannes 
pour  la  rédaction  de  ces  mémoires  apocryphes,  le  maréchal  n'ayant  laissé 
qu'une  correspondance  et  quelques  avis  adressés  au  roi  ou  à  Catherine  de 
Médicis,  dont  six  figurent  dans  l'œuvre  de  Jean  et  quatre  dans  les  Mémoires 
de  Guillaume,  son  frère.  M.  A.  Chevreul  a  eu  raison  de  penser  «  qu'à  une 
époque  où  l'on  s'occupe  avec  tant  de  zèle  de  notre  histoire  militaire,  il  y 
aurait  quelque  inférùt  à  remettre  au  jour  les  opinions  d'un  maiéchal  de 
France  qui  fut  un  des  plus  grands  hommes  de  guerre  de  son  temps.  » 
Ajoulons  qu'il  a  été  admirablement  secondé  par  l'habile  imprimeur  de 
Dijon,  M.  Darantière,  et  que  rien  vraiment  n'a  meilleure  mine  que  leur 
édition  en  si  ntts  caractères  et  en  si  beau  papier,  du  curieux  travail  de 
Charles  de  Ntufchaises.  —  T.  de  L. 

La  Bibliographie  des  Sociétés  savantes  de  Fr.\nce,  —  M.  Ulysse  Robert 
a  été  chargé  par  le  Comité  des  travaux  his'oriques  de  coordonner  tous  les 
renseignements  transmis  au  ministère  de  l'Instruction  publique  par  les 
prés  dt^nts  de  nos  diverses  sociétés  savantes,  au  sujet  d'un  relevé  général 
des  morceaux  contenus  dans  les  recueils  de  ces  sociétés.  Le  travail  était 
immense.  Ces  milliers  de  renseignements,  venus  de  tous  les  points  de  l'ho- 
rizon; il  a  fallu  les  vérifier,  parfois  les  compléter.  M.  Robert  a  tant  et  si 
bien  fouillé  les  collections  de  la  Bibliothèque  nationale  et  de  la  Bibliothèque 
des  Sociétés  sav.intes,  que  bien  peu  de  lacunes  pourront  être  remarquées 
dans  la  Bibliographie  des  Sociétés  savantes  de  la  France.  Première  partie.  Dé- 
partements (Pais,  Imprimerie  nationale,  1878,  gr.  in-8  de  83  p.).  Toutes 
nos  Sociétés  sont  là,  rangées  par  ordre  alphabétique,  à'Agen  à  Vesoul,  avec 
l'indication  précise  de  l'année  de  leur  fondation,  de  la  dite  et  du  nombi'e 
des  volumes  qu'elles  ont  mis  au  jour.  Cet  inventaire,  aussi  clairement 
qu'exactement  dressé,  est  de  l'usage  le  plus  facile,  et  il  rendra  à  tous  les 
travailleurs  des  services  sans  nombre,  en  attendant  le  jour  où  nous  aurons 
la  liste  complète  et  détaillée  des  mémoires  contenus  dans  chacun  des  VO' 
lûmes  qu'il  a  fallu,  cette  fois,  îe  contenter  d'énumérer.  —  T.  de  L. 

Deux  résurrections  littéraires  :  Claude  Mermet  et  René  Macé.  — J'aime  à 
rapprocher,  comme  b^s  lecteurs  sans  doute  aimeront  à  le  faire  aussi,  les 
deux  attrayantes  et  excellentes  notices  qui  viennent  d'être  publiées  en  même 
temps,  sous  les  titres  que  voici  :  Un  poète  oublié.  Claude  Mermet  de  Saint- 
Rambcrt  en  Bugey,  notice  lue  à  la  Société  nationale  d'éducation,  le  8  no- 
vembre 1877,  par  Aimé  Vixgtrinier  (Lyon,  Glairon-Mondei,  1878,  gr.  in-8 
de  32  p.);  — Notice  sur  René  Macé  et  ses  œuvres,  par  Gaston  Raynaud  (Parie, 
Alphonse  Picard,  1878,  in-8  de  lo  p.).  Lî  brochure  de  lancien  président  de 
la  Société  littéraire  de  Lyon  ne  nous  fait  pas  seulement  très  bien  connaître 
la  vie  et  les  livres  de  Claude  Mermet,  mais  encore  tous  les  hommes,  plus  ou 
moins  célèbres,  nés  à  Saint-Rambert  en  Bugey,  dont  la  charmante  descrip- 
tion occupe  les  deux  premières  pages  de  la  notice,  laquelle  est,  de  plus, 


I 


—  183  — 

ornée  d'un^  ea'i-forte  représentant  la  pittorresque  petite  vil'e  où  l'nuteur 
de  la  Pratique  de  l' orthographe  française  et  du  Temps  passé  exerça  si  long- 
temps et  si  paisiblement  les  fonctions  de  notaire  ducal.  —  La  brochure  de 
M.  Gaston  Raynaud,  extraite  du  Cabinet  historique,  n'a  été  tirée  qu'à 
43  exemplaires.  Il  n'était  pas  besoia  de  cela  pour  donner  un  grand  prix  à 
un  travail  excessivement  bien  fait.  Tout  ce  que  l'on  pouvait  trouver  de 
nouveau  à  dire  sur  René  Macé,  «  un  des  poi'tes  les  plus  oubliés  du  seizième 
siècle,  »  le  jeune  érudit  l'a  dit.  Il  nous  apprend  notamment  que  l'historio- 
graphe de  François  I"'  obtint  an  prieuré  bénédictin,  le  prieuré  de  Meaurain, 
dépendant  de  la  grande  abbaye  de  Mai'moutiers,  L'habile  élève  de  l'École 
des  chartes  signale  tous  les  manuscrits  latins  ou  français  que  l'on  possède 
du  chroniqueur  surnommé  le  Petit-Moine,  et  il  n'oublie  même  pas  le 
poème  en  l'honneur  de  la  ville  d'Angers,  dédié  à  Louise  de  Savoie,  qui 
est  conservé  dans  la  bibliothèque  de  Gotha.  M.  Raynaud  nous  annonce  qu'il 
publiera  prochainenii-nt  le  meilleur  de  tous  les  ouvrages  de  R.  Macé,  le 
Voyage  de  Charles-  Quint  par  la  France.  C'est  une  heureuse  nouvelle,  car  le 
poème  renferme  d'abondants  détails  sur  la  plupart  des  personnages  histo- 
riquf's  du  temps,  ^otre  joie  serait  complète  si,  de  son  côté,  M.  Vingtrinier 
nous  donnait  un  choix  des  plus  jolis  vers  de  Claude  Mermet.  —  T.  de  L. 

La  Chronique  bordelaise.  —  La  Chronique  bordelaise,  par  Jean  de  Gau- 
FRETEAU,  ci-devant  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux,  commissaire  des 
requêtes  au  palais,  dont  le  manuscrit  se  trouve  aux  Archives  du  chùtean  de 
la  Brède,  où  naquit  l'illustre  Montesquieu,  vient  d'être  publiée  pour  la  pre- 
mière fois  par  les  suins  delà  Socielc  des  Bibliophiles  de  la  Guyenne  (Bordeaux, 
Société  des  Bibliophiles  de  Guyenne,  1878,  2  vol.  in-8).  Commencée  vers 
la  fin  du  seizième  siècle,  elle  donne  de  curieux  renseignements  sur  de 
nombreux  faits  qui  se  sont  passés  dnns  un  pays  des  plus  importants  du 
royau^iie  de  France.  Le  mérite  historique  de  cette  chronique  ne  saurait 
être  contesté.  Ce  qui  concerne  l'histoire  locale  y  tient  une  grande  place; 
pourtant  elle  offre  par  les  faits  qu'elle  révèle,  un  sérieux  intérêt  pour  celui 
qui  désire  étudier  les  usages  de  nos  anciennes  provinces.  Jean  de  Gaufre- 
leau,  nous  fait  connaître  ce  (jui  se  passait  du  temps  des  guerres  civiles.  Or, 
comme  on  l'a  dit,  à  chaque  instant  les  assemblées  du  parlement  «  faisaient 
de  l'histoire.  )>  On  y  trouve  aussi  de  nombreuses  anecdotes  qui  circulaient 
en  ville  et  au  palais;  elles  donnent  du  piquant  et  de  l'attrait  à  cette  chro- 
nique, écrite  dans  un  style  original.  —  A.  de  Brezetz. 

Chorographie  de  Provence.  —  Les  secondes  additions  de  Bouche  à  sa 
Chorographie  ou  description  de  Provence  manquent  dans  presque  tous  les 
exemplaires.  Brunet  note  cette  circonstance,  mais  il  en  a  ignoré  le  motif. 
Mazaugues,  président  au  parlement  de  Provence,  nous  en  donne  la  raison 
dans  une  lettre  adressée  au  président  Bouhier,  le  6  juillet  1828.  (Ms.  de 
la  Bibliothèque  nationale,  Fr.  n°  24416).  a  Les  secondes  additions  de 
Bouche  sont  presque  introuvables.  Mon  père  ne  les  avoit  point.  J'ai  esté  à 
les  chercher  jusques  à  l'année  passée.  Je  fus  mesme  obligé,  pour  les  avoir, 
d'achetter  uue  histoire  de  Bouche  en  entier.  On  compte  ici  les  exemplaires 
où  elles  se  trouvent.  La  cause  de  cette  grande  rareté  vient  de  ce  que  le  fils 
du  libraire  qui  a  imprimé  ce'te  histoire  vendit  à  des  épissiers  ces  2des  addi- 
tions, croyant  que  c'estoient  la  mesme  chose  que  les  premières  dont  il  estoit 
desjà  tissez  fourny.  »  Comme  on  le  voit,  les  épiciers  jouent  un  certain  rôle 
dans  la  littérature;  une  des  victimes  de  Boileau  en  savait,  parait-il,  quelque 
chose.  —  J.  Bauquier. 


-    184  — 

Livres  saisis  par  la  police,  dans  les  Hautes-Pyrénées  de  1809  a  1820. — 
On  trouve,  dans  les  archives  des  Hautes-Pyrénées  un  dossier  de  lettres  du 
directeur  général  de  la  police  au  préfet  des  Hautes- Pyrénées,  ordonnant  la 
saisie  de  ditférents  livres  et  brochures  dont  voici  la  liste  : 

Correspondance  aiitlieiiLique  de  la  cour  de  Rome  avec  la  France,  in-8  de  87 
pages.  (Lettre  du  15  septembre  1809.)  —  Réfutation  des  calomnies  contre  le 
général  Charctle,  commandant  en  chef  des  armées  catholiques  et  royales  dans  la 
Vendée.  (18  décembre  1809.)  —  Doléances  des  peuples  du  contiiient  de  V Europe 
au  sujet  de  l'interruption  de  leur  commerce,  adressées  à  tous  les  princes  de  cette 
partie  du  monde.  (7  lévrier  1810.)  —  Procès  des  Bourbons  (probablement  im- 
primé à  Hambourg).  (19  mars  1810.)  —  La  Campagne  du  Portugal  de  1810  et 
1811.  (2i  juillet  1811.)  —  Attention!  (Imp.  de  la  dame  Jeunehomme.)  (22 
mai  1820.)  —  Encore  une  brochure!  (Même  imp.  (27  mai  1820.)  —  Examen 
impartial  d'un  article  extrait  de  la  brochure  intitulée  :  Apperçus  historiques . 
Imp.  de  Lanoé.)  (8  juin  1820.)  —  Avis  aux  citoyens  (Imp.  de  la  veuve  Jeuue- 
homme.  (13  juin  1820.)  —  Lisez  !  (Même  imp.)  (lo  juin  1820.)  —  IJisloire  de 
la  première  quinzaine  de  juin  1820,  par  M.  Raymondin  de  Cex.  (21  juin  1820.) 
—  Lettre  adressée  aux  membres  du  club  Lorencini,ù Madrid.  (9 juillet  1820.) — 
Biographie  pittoresque  des  députés  (18  juillet  1820).  —  Bon  à  savoir.  (Imp.  de 
Lanoé  Abel.)  (2  août  1820.) —  Prenez-y  garnie.  (Môme  imp.)  (2  août  1820.)  — 
Les  deux  cloches  ou  Us  accusateurs  en  regard.  (Même  imp.)  (2  aoîit  1820.)  C.  D. 

Bibliothèque  médicale  de  Washington.  —  Aux  États-Unis,  un  projet  est 
actuellement  soumis  au  Cmgrès,  projet  qui  intéresse  la  science  médicale. 

A  Washington,  il  existe  une  bibliothèque  médicale  fort  complète,  laquelle 
dépend  du  bureau  du  chirurgien  en  chef  de  l'armée  (Surgeon's  gênerai 
office).  Cette  bibliothèque  est  naturellement  à  l'usage  presque  exclusif  des 
médecins  qui  y  trouvent  tous  les  ouvrages  dont  ils  ont  besoin^  relatifs  à  la 
médecine  et  aux  sciences  qui  s'y  rattachent. 

Les  directeurs  de  l'établissement  ont  fait  la  remarque  que  ce  dont  les 
médecins  qui  viennent  travailler  là  ont  surtout  besoin,  c'est  la  statistique 
aussi  complète  que  possible  d'une  maladie,  d'une  opération  ou  d'un  remède 
donnés.  Or,  les  éléments  de  cette  statistique  sont,  ]  our  la  plus  grande 
partie,  contenus  dans  les  journaux  de  médecine  et  dans  les  mémoires  ou 
transactions  des  sociélés  médicales.  Pour  rendre  ces  renseignements  acces- 
sibles au  public  spécial  qui  a  b.^soin  de  les  consulter,  il  a  été  dressé  un  ca- 
talogue, sur  cartes,  de  tous  les  mémoires  importants  publiés  dans  les  jour- 
naux et  transactions. 

Pendant  les  quatre  dernières  années  surtout,  les  achats  de  l'établissement 
se  sont  portés  principalement  sur  les  périodiques  de  médecine,  et  la  biblio- 
thèque en  possède  aujourd'hui  la  collection  la  plus  considérable,  composée 
de  8  à  9,000  volumes,  ou  plus  de  75  p.  100  de  tous  les  recueils  de  ce  genre 
publiés  jusqu'à  ce  jour.  Tout  journal  médical  un  peu  important  actuelle- 
ment en  cours  de  publication  sur  le  globe  est  acheté  par  la  bibliothèque 
dont  nous  parlons,  et  les  mémoires  originaux  contenus  dans  chaque  livrai- 
son de  ces  recueils  sont  relevés  et  cat ilogués,  dans  l'espace  des  trois  jours 
qui  suivent  leur  réception  à  la  bibliotlièque.  Les  relevés  des  livres,  bro- 
chures et  articles  périodiques  relatifs  à  la  médecine,  se  montent  actuelle- 
ment à  400,000  titres. 

.  Le  chirurgien  ea  chef  à  soumis  au  congrès  une  proposition  tendant  à  ce 
que  l'impression  de  cet  immense  répertoire  se  fasse  aux  frais  de  l'État.  On 
calcule  que  ce  catalogue  formera  7  volumes  d'un  format  grand  in-octavo, 


—  185  — 

de  1.000  pages  chaque.  En  y  joiguant  le  catalogue-alphabétique  par  noms 
d'auteurs,  ce  seront  3  volumes  de  plus,  total  :  10. 

L'impression  de  l'ouvrage,  à  3,000  exemplaires,  en  y  comprenant  la  re- 
liure, coûterait,  d'après  les  évaluati  ms  du  projet,  12,500  dollars  par  volume 
(le  dollai-  vaut5fr.);  il  serait  publié,  dit  le  Libranj  parîial,  2  Yolumes 
par  an. 

Nouvelle  interprétation  d'un  fragment  d'Ulpien.  —  M.  le  professeur  Sera- 
tini  publie,  dans  VArchivio  guiiHdicOjdei  études  exégé tiques  sur  les  Pandectes; 
nous  les  avons sigualéesplusieursfoisdéjà  àl'attention  des  romanislesfrançais. 
Il  vient  de  donner  dans  ce  recueil  [Archivio,  XX,  403-426)  une  nouvelle  interpré- 
tation du  célèbre  fragment  d'Ulpien  (Loi  25  §  17,  De  hered. petit.  D.  V.,3),oà 
les  mots  Nisi  emplores  regressum  ad  bonœ  fiâti possessorem  hahent  ont  fait  le 
désespoir  des  commentateurs.  Rejetant  les  explications  et  les  corrections 
proposées  jusqu'à  ce  jour,  il  admet  le  texte  tel  qu'il  existe  dans  tous  les  ma- 
nuscrits et  dans  la  version  grecque  des  Basiliques  {d  ar]  apa  à  àywpajTT^ç 
TO'jto'j  yivoijLÉvou  ôûvaiai  Évayîiv  Tto-paTr,,  XLIF,  I,  25),  mais  il  donne  à  nisi  le 
sens  de  sed,sedta7nen,verumtamen,  qu'il  prouve  par  de  nombreux  exemples: 
Plante,  Térence,  Cicéron  {Ad  Atlicum  xi,  23,  etc.;  Pro  Roscio  Amer.,  xxxv,  99  ) 
C^sar,  Salluste,  Aulu-Gelle,  Apulée,  Suétone.  On  conçoit  l'importance  juri- 
dique et  philologique  d'un  tel  travail.  Deux  observations  toutefois  nous  pa- 
raissent nécessaires  :  d'une  part,  pour  que  la  démonstration  fût  comjilèle,  il 
faudrait  prouver  qu'en  grec  £t' ,u.r)  est  synonyme  de  àXXà;  d'autre  part  l'iuter- 
prétalion  n'a-t-elle  pas  été  déjà  donnée  en  France?  C'est  un  problème  biblio- 
graphique que  nous  n'avons  pas  actuellement  le  loisir  de  résoudre. —  J.-A.  B. 

Une  errf.ur  de  M.  Littré.  —  Le  Dictionnaire  de  la  langue  française,  publié 
par  M.  Littré,  est  un  très-savant,  très-utile  travail;  toutefois,  il  ne  serait  pas 
difficile  d'y  rt lever  quelques  erreurs,  inévitables  d'ailleurs  dans  une  œuvre 
aussi  considérable;  en  voici  une  que  nous  avons  remarquée.  Au  mot  maca- 
ronique,  le  laborieux  lexicographe  s'exprime  ainsi  ;  «  Le  latin  macoronique 
fut  inventé,  dit-on,  par  Merlin  Couaic  (pseudonyme  de  Théophile  Folengu), 
pour  se  venger  des  dominicains.  » 

Assez  longtemps  avant  la  première  édition  (Venise, Alexandre  Paganini, 
■1517)  du  Merlini  Coccaii  macaronices,  plusieurs  Italiens  s'étaient  exercés  dans 
le  même  genre;  un  peu  avant  l'année  1490,  Tifi  OJassi  (en  latin  Typhus 
Odaxius)  avait  mis  au  jour  un  Macharonea  in-4  (10  f.)qui  a  étéplusieurs  fois 
réimprimé  (voir  le  Manuel  du  libraire,  oe  édition,  t.  IV,  156).  D'autres  p;o- 
ductions  macaroniques  devancèrent  le  poëme  de  Jolengo.  Voir  les  ouvrages 
spéciaux  de  MM.  F.-W.  Gi'nlhe, Geschichte  der  rnacaro7iischenPoesie, Halle,  1820, 
in-8  (livre  curieux  auquel  M.  Raynouard  a  consacré  xm  article  dans  le  Jowr- 
nal  des  savants,  décembre  1831),  et  Oct.  Delepierre  :  Macaroncena,  Paris,  1852, 
in-8.  —  B. 

Collection  lyonnaise.  —  La  Revue  du  Lyonnais  nous  annonce  la  publi- 
cation, faite  par  la  librairie  Mongin-Rusand,  à  Lyon,  d'une  Collection  lyon- 
naise, dans  le  format  in-18,  entreprise  sous  la  direction  de  M.  Guigne,  le 
savant  archiviste  de  la  préfecture.  Le  ri"  1  reproduit,  d'après  un  témoin 
oculaire,  une  relatioii  du  Supplice  de  Cinq-Mars  et  de  Thou,  décapités  à  Lyon 
sur  la  place  des  Terreaux,  le  12  septembre  1642.  Le  n»  2,  qui  vient  de  pa- 
raître, est  intitulé  :  Destruction  de  l'église  de  Saint-Just,  du  cloître  et  d'une 
partie  du  faubourg,  par  les  protestants  en  1562.  Enquête  et  procès-verbaux.  Le 
troisième,  qui  paraîtra  bientôt,  nous  donnera  l'Histoire  de  l'abbaye  de  Saini- 
Pierre.   s  Ces  charmantes  petites   plaquettes,  tirées  à  petit  nombre,   dit  la 


—  186  — 

Revue  du  Lyonnais,  sont  dignes  de  figurer  à  c6t-!  des  œuvres  raris-imes 
publiées  il  y  a  quelques  années,  par  la  Société  des  Bibliophiles  lyonnais.  » 
Bibliographie  de  l.v  Ch.vnson  de  Roland.  —  M.  Joseph  Biuquier  a  publié 
(Heilbronns,  llenninger  frères;  F.  Vieweg,  1877,  in-8  de  24  p.),  une  Biblio- 
graphie de  la  Chanson  de  Roland  qwt  nous  venons  de  recevoir.  Cet  utile 
travail  est  ainsi  divisé  :  I.  Manuscrits.  II.  Éditions  et  traductions  III.  Dis- 
sertations et  notes  diverses.  IV.  Index  alphabétique.  M.  Banquier  a  com- 
pris —  et  nous  l'en  remercions  —  parmi  les  travaux  classés  dans  la  qua- 
trième division,  la  dissertation  sur  le  Drapeau  de  la  France  insérée  dans  la 
Revue  des  questions  historiques  et  où  il  est,  en  eftet,  question  de  la  Chanson  de 
Roland  (1871,  t.  X,  p.  idG-63),  mais  c'est  surtout  dans  uoe  seconde  disser- 
tation sur  le  même  sujet,  publiée  dans  le  même  recueil  (187o,  p.  506  et  sui- 
vantes), que  diverses  obervations  ont  été  faites,  dont  on  pourrait  peut-êlre 
tirer  parti  dans  l'étude  critique  de  notre  ancien  poome.  —  M.  S. 

i.iTERARisciiE  RcNDSCHAU.  —  Fondé  à  Padcrboru  (Westphalie),  par  des 
catholiques,  ce  recueil  est  à  la  fois  critique  et  littéraire.  Grâce  à  la  collabo- 
ration des  savant,  les  plus  distingués  de  l'Allem  gne  catholique,  il  gagne  de 
jour  en  jour  du  terrain  et  tient  di.;nement  sa  place  dans  la  presse  ortho- 
doxe. —  J.  A.  B. 

La  Gœrresgesellschaft,  —  Al'occision  du  centenaire  de  Gcerre?,  il  s'est 
fondé  en  Allemagne  une  société  destinée  à  favoriser  le  développ-^ment  de  la 
science  dans  l'Allemagie  catholique.  C^^tte  société  est  intitulée  :  Gœrres- 
gesellschaft  ziir  Fflege  der  Wisscnschaft  im  Katholischen  Deutschland.  Elle  doit 
sa  niissance  à  M.  le  baron  von  Hertling,  qui,  aujourd'hui  encore,  se  trouve 
à  la  tête  du  conseil  d'ad  ninistntion.  Elle  compte  quatre  sections  :  philo- 
sophie, sciences  naturelles,  histoire  et  droit.  Afin  d'encourager  l'activité  de 
ses  membres,  la  société  organise  de  sérieux  concours  et  accor  Je  des  bourses 
de  voyage  aux  jeunes  gens  catholiques,  pour  les  mettre  à  même  de  pour- 
suivre leurs  travaux  avec  plus  de  succès.  A  la  fin  de  l'année  1877,  la  société 
comptait  mille  qiatre  vingt-onze  membres  (10  marks  par  an,  ou  200  marks 
en  une  fois),  quatre  cent  quatre-vingt  neuf  correspondants  [3  marks  par  an) 
et  douze  membres  honoraires.  Elle  a  e-itrepris  la  publication  d'un  répertoire 
catholique  de  la  science  politique. 

Revue  univrrselle  de  la  presse  catholique.  —  Cet  annuaire,  publié  par 
Léo  Wœrl  à  Wurzbourg,  est  déjà  connu  de  nos  lecteurs.  Les  renseigne- 
ments statistiques  et  les  appréciations  critiques  qu'il  renferme  se  distin- 
guent par  l'exactitude,  la  précision  et  la  clarté.  C'est  avec  plaisir  que  nous 
apprenons  le  développement  qu'il  prendra  l'année  prochaine  :  il  parlera 
non-seulement  des  périodiques  catholiques,  mais  des  périodiques  neutres  ou 
hostiles.  —  J.  A.  B. 

Journaux  en  ixdien.  —  C'est  en  1819  que  parurent  à  Calcutta  les  premiers 
journaux  rédigés  en  indien.  En  18(i7,  ils  étaient  au  nombre  de  140.  Depu's 
1873,  ils  se  sont  multipl  es  très-rapidement;  on  en  comptait  373  en  1873,  et, 
deux  ans  après,  l'Inde  possédait  6i4  feuilles  imprimées  en  langue  nationale. 

Bibliographie  hongroise.  —  L'Acadérnie  des  sciences  hongroise  s'est  chargée 
d'éditer  l'ouvrage  du  professeur  Karl  Szabo  sur  la  bibliographie  de  l'annenne 
Hongrie,  ouvrage  abondant  en  renseignements  inédits.  On  y  voit  que  le 
premier  en  date  des  livres  imprimés  en  langue  magyare  est  du  quinzième 
siècle;  il  sorlit.  en  148't,  d'une  presse  de  Nuremberg,  et  il  existait  encore  des 
exemplaires  de  l'édition  princeps  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle   Le  premier 


—  187  — 

livre  qui  ait  été  imprimé  en  Hongrie  même  est  dii  1531  ;  c'est  le  Puerilium 
colloquiorum  formulée,  de  Sebaldus  Ileyden,  avec  texte  latin,  allemand, 
polonais  et  magyare.  11  fut  suivi,  dans  le  courant  du  même  siècle,  de  369 
autres  ouvrages  en  langue  magyare,  dont  48  ne  nous  sont  connus  que  par 
leurs  titres  et  dont  un  certain  nombre  ne  sont  plus  repré.-en'és  que  par  un 
seul  exemplaire.  Sur  ces  370  ouvrages,  323  ont  été  écrits  par  des  protest  mts,  33 
par  des  citholique'^,  9  par  d^-s  unitaiies;  le  dernier  sortait  de  la  plume  d'un 
anabaptiste;  141  étaient  t-n  ves  ;  un  grand  nombre  consistaient  eu  traductions 
du  latin  (Cicéron,  Quinte-Curce,  Ovide,  Salluste,  Pline),  du  grec  (Ésope, 
Josèphe,  Plutir.jue,  Sophocle,  Xénophoîi),  de  l'itdien  (Boecace),  de  1  espa- 
gnol, du  polonais,  de  l'.ileaaand,  de  l'hébreu.  Il  y  arait  16  traductions  de  la 
Bible,  tant  catholiques  que  protestantes,  4  pièces  de  théâtre,  37  chroniques 
en  vers  sur  des  sujets  tirés  de  l'histoire  de  Hongrie,  39  sur  l'histoire  des  pays 
étrangers  et  46  sur  l'histoire  biblique.  Enfin,  les  imprimeurs  magyares  étaient 
au  nombre  de  31  [Revue  politique  et  littéraire.) 

La  Stampa  in  Ancona.  —  S  ms  ce  titre,  M.  Ottino  a  publié,  avec  un  grand  luxe 
typographique,  une  toute  petite  biochiire,  tirée  seulement  à  60  exemplaires. 
C'est  une  lectiflcalioti  de  ce  qui  a  été  dit.  par  les  bibliog-aphes  sur  le  premier 
ouvrage  imprimé  à  Ancône.  Ce  livie,  iutilu  é  II  perché,  et  qu'il  ne  fiut  pas 
confondre  avec  le  Libro  del  Perché  ouvrage  tiè^-libre  de  l'Arétin,  a  pour 
auteur  (îirolemo  Manfredi,  et  date  de  lol2,  et  non  de  1314.  La  rect'fication 
n'a  pas  une  importance  cipitale,  ma  s  le  Polyhiblion  ne  devait  pas  la  négliger. 

—  Voici  deux  nouveaux  ouvrages  intéressant  l'histoire  de  la  profession 
médicale;  l'un  est  du  docteur  Reué  Brian,  bibliothécaire  de  l'Académie  de 
médecine  et  auteur  d'un  grand  nombre  de  trav.iux  historiques  sur  le  même 
sujet:  il  a  pour  titre  V Archiatrie  romaine  ou  médecins  officiels  dans  V Empire 
romain.  (Paris,  Masson,  br.  in-8);  l'autie  est  une  thèse  de  droit  romain  pour 
le  doctorat,  soutenue  par  M.  Jules  Jaquey,  devant  la  faculté  de  droit  de  Nancy  : 
tion  juiidiqne  de<  m-^decins  privés  et  de  médecins  officiels  ou  archiatre?. 
Condition  juridique  des  médecins  privés  et  dis  médecins  officiels  ou  archiatres. 

—  M.  .\iarchegiy  vient  de  publier  le  Cartulaire  du  Bas-Poitou,  comprenant 
des  chartes  du  onzième,  du  douzième  et  du  treizième  siècles,  dont  les  plus 
importantes  sont  tirées  des  archives  de  Saint-Fl  nent,  de  Saumur,  de  Mar- 
moutier  et  de  Bois-Grolland. 

—  La  bibliothèque  du  roi  Victor-E  nmanuel  possédait  un  certain  nombre 
de  livres  rares,  parmi  lesquels  vingt-sept  incunables  inconnus  des  biblio- 
graphes. M.  Castellani  les  décrit  dans  sa  Notizia  di  alcune  edizioni  del  secolo 
IV°,  non  conosciute  dei  hihliographi . 

— M. le  comte  de  Villafranca  aréuniune  très-rennrquable  collection  d'anciens 
livres  liturgiques.  La  partie  la  plus  curieuse  et  la  plus  ancienne  de  son  trésor 
est  révélée  au  public  par  les  Descriptions  des  livres  de  liturgie  imprimés  aux 
quinzième  et  seizième  siècles,  faisant  partie  de  la  bibliothèque  du  comte  de 
Villafranca,  que  M.  Anatole  Aies  a  été  charjjé  par  lui  de  rédiger.  Les  notices 
décrivent  avec  exactitude  beaucoup  d'ouvrages  inconnus  ou  non  encore 
décrits  et  donnent  uq  relevé  complet  des  gravures  des  livres  d'heures. 

—  M.  Em.  Picot,  qui  fait  depuis  longtemps  des  recherches  sur  les  origines 
du  théâtre  français,  a  réuni  un  Irès-gran  (  nombre  de  documents.  Il  s'est 
particulièrement  occupé  des  sotties,  qui  sont  pour  lui  l'i  ccasion  d'un  premier 
ouvrage  :  La  Sottie  en  France.  Fragment  d'un  répertoire  historiques  et  biblio- 
graphiciue  de  l'ancien  théâtre  français.  Les  pièces  qu'il  a  pu  recueillir  sont 
rangées  dans  un  ordre  méthodique,  chronologique  a':tant  que  possible,  et 
se  rapportent  aux  quinzièuie  et  seizième  siècle-.  (1440-1330). 


—   188  — 

—  M.  François  Drnjoi  vient  de  publier  un-,  nouvelle  édition,  considt'ra- 
blement  augmentée  et  suivie  de  lu  table  des  noms  d'auteurs  et  d'éditeuis,  et 
accompagnée  de  no'es  bibliographiques  et  analytiques,  do  son  Catalogue  des 
ouvrages  écrits  et  dessins  de  toute  nature,  poursuivis,  supprimés  ou  condamnés, 
depuis  le  21  octobre  1874  jusqu'au  31  juillet  1877.  Ce  citalogue  formera 
un  beau  et  fort  volume^  gr.  in-8,  de  plus  do  4o0  pages  et  sera  publié  en 
cinq  livraisons. 

■ —  Le  Bulletin  de  la  commissio?i  archéologique  et  littéraire  de  l'arrondissement 
de  Narbonno  pour  l'année  1876-1877,  qui  a  paru  récemment,  renferme  un 
certain  nombre  de  dissertations  importantes.  Nous  citerons  particulièrement 
une  étude  de  M.  E.  Cauvet  sur  le  Mariage  des  serfs  au  moyen  âge.  L'auteur 
commente  deux  traités  de  parcjuis  passés,  l'un  entre  le  vicomte  de  Nar- 
bonne  et  sfs  feudatàires,  l'autre  entre  le  chapitre  d^  Sainl-Just  et  le  cha- 
pitre de  Saint-Paul  de  Narbonne.  Nous  trouvons  ensuite  le  texte  complet  du 
Carlulairc  de  la  seigneurie  de  Fontjomouse,  publié  par  M.  Mougnès,  archiviste 
de  l'Aude;  les  (îocuraents  renfermés  ilans  ce  cartulaire  remontent  jusqu'aux 
temps  carolingiens  et  ne  s'arrêtent  qu'au  dix-septième  siècle.  Knfin, 
M.  Cauvet  a  encore  publié,  dans  le  même  recueil,  une  Élude  historiquesur  l'éta- 
blissement des  Esrpagnols  dans  la  Seplimanie  aux  huitième  et  neuvième  siècles, 
et  sur  la  fondation  de  Fontjoncouse  par  l'Espagnol  Jeaa,  au  huitième  siècle. 
Ces  trois  longs  mémoires  contribueront, dans  une  large  mesure, à  éclairer  l'his- 
toire du  diocèse  de  Nai-bonne  au  moyen  âge. 

Publications  nouvelles.  —  Les  Prophéties  contenues  dans  les  deux  premiers 
livres  des  Rois,  par  M^""  Meignan  (in-8,  Palmé).  —  La  sainte  Bible  :  Évangiles 
selon  saint  Mathieu,  par  l'abbé  Cl.  Fillion,  trad.  de  l'abbé  Bayle  (ia-8,  Lelhiel- 
leux).  —  Catéchisme  de  la  famille  chrétienne,  par  Mst"  Mirliu  (in-18,  Lyon, 
Ville  et  Lutrin).  —  Le  Guide  des  délégués  cantonaux,  par  E.  d'Ollendoa 
(in-J2,  Ch.  Delagrave).  —  Cours  élémentaire  de  droit  criminel,  par  E.  Trébu- 
lien.  T.  L  Droit  pénal  (in-8,  Lahure).  —  Essai  sur  le  droit  de  chasse,  par 
Auguste  Me.iche  de  Loi-ne  (in-8,  Marescq).  —  Du  rôle  social  des  idées  chré- 
tiennes, par  Paul  Hibot.  T.  I  (in  8,  Pion).  —  LÉijlise  et  l'État  ou  les  deux 
puissances,  par  L;  chanoiue  J.  Moulart  (iu-8,  Louvain,  Peelers).  —  Diction- 
naire général  d'administration,  publié  sous  la  direction  d'Alf.  Blanche  (l^""  fasc, 
in-8,  P.  Dupont).  —  La  Question  sociale,  p^r  E.  Fauconnier  (in-18,  Germer 
Eaillière).  —  La  Pratique  de  l'éducation  chrétienne,  par  le  P.  A.  Montât  (in-18, 
Bray  et  Retaux).  —  La  Méthode  graphique  dans  les  sciences  expérimentales,  par 
E.  J.  Marey  (in  8,  (î.  Masson).  —  Cinq  chapitres  d'une  philosophie  pour  tous; 
essais  sur  le  gouvernement  de  ta  vie  (in-32,  Puiliers,  Oudin).  —  LiS  Méthodes  de 
guerre  actuelles  et  vers  la  fin  du  dix-neuviéme  siècle,  par  le  lieutenaut-colonel 
Pierron  (2  vol.  in-18,  Dumaine).  —  Les  Récits  et  les  élégies,  par  François 
Coppée  (in- 18,  Lomerre).  —  Les  Sonnets  de  Maurice  Du  Mazel  (in-8,  Dentu). 
—  Le  Livre  final  de  l'épopée  des  âges,  par  le  chevalier  de  Maynard  (in-12, 
Halon).  —  Feuilles  volantes,  par  Ch.  Louvet  (in-8,  Didier).  —  Contes  et 
Légendes  de  l'Inde  ancienne,  par  Mary  Summer  (in-12,  Leroux).  —  Le  Secret 
du  pôle,  par  A.  de  Lamothe  (in-18,  Blériot).  —  Le  Cap  aux  ours,  par  A.  de 
Lîmotlie  (in-i8,  Blériot).  —  Les  Errantes,  par  Alex.  Hepp  (in- 12,  Sandoz  et 
Fischbacher).  —  Kermadiou,  par  Léun  Noble  (in-12,  Téijui).  —  Les  Fiancés  de 
Danemark,  par  Marie-Anne  Catheiine  (ia-ii,  Téqui).  —  Primavera,  par 
Maryan  (in-12,  Bray  el  Retaux).  —  Le  grand  vaincu,  par  H.  Cauvaiu  (2  vol. 
in-12,  Lecoll're).  —  Les  Récits  du  capitaine  Paul,  par  Lucien  Thonin 
(in-i2,  Téq  i).  —  Géographie  militaire  :  France,  (1"  et  2«  fasc,  in-12, 
Dumaine).  —  Le  Pôle  et  l'équateur,  par  L.  Dubois  (2  vol.  in-12,   LecofFre). 


—  189  — 

—  Fontainebleau,  par  Ad.  Joanne  (in-lS,  Hachelte).  —  Pékin  et  l'inté- 
rieur de  la  Chine,  par  le  comte  J,  de  RocUechoiiart  (in-18,  Pion).  —  Les 
Opérations  maritimes,  commerciales  et  industrielles  à  Marseille.  Comparaisons 
statistiques,  résultats  économiques,  par  Jouham  (in-12,  Paris  Amyot).  — 
Sainte  Jeanne  de  Valois  et  l'ordre  de  l'Annonciade,  par  l'abbé  Hèbrand 
(in-18,  Poussitîlf^ue).  —  La  Vie  admirable  du  bienheureux  mendiant  et  pèlerin 
Benoit  Joseph  Labre,  par  Léon  Aubineau.  4^  éiiition  (in-12,  Pilmé).  —  M.  Léon 
Hubert,  docteur  en  médecine,  séminariste  et  prêtre  de  Saint-Sulpice.  'Notice  bio- 
graphique par  un  prclre  de  Saint-Sulpice  (in-12,  Vie).  —  La  Papesse  Jeanne, 
ré(ioase  à  M.  Emnnnuel  Rliuïlès,  pn'  Cli.  Buet  (ia-I2,  Palmé).  —  Les  Albi- 
geois devant  Vhistoire,  par  Mathieu  Witche  (in-12,  libr.  de  la  France  illustrée). 

—  Pevue  critique  de  quelques  questions  historiques,  par  l'abbé  Louis  Montant 
(in-8,  Tiiorin).  —  Actes  et  Correspondance  du  connétable  de  Lesdiguières,  par  le 
comte  Douglas  et  J.  Roman  (t.  I,  in-4,  Picard).  —  Scènes  et  portraits  de  la 
dévolution  en  Bas-Limousin,  par  le  comte  V.  de  Seilhac  (in-8,  Libr.  générale). 

—  Danton,  par  G.  Lennos.  (in-12,  Sandoz  et  Fischbacher).  — Albert  Dilrer,  sa 
vie  et  ses  œuvres,  par  Moriz  Tliausing  (in-4,  Didoi).  —  Louise  Lateau,  la  stig- 
matisée de  Bois-d  Haine  {Belgique)  (in-32,  Lyon,  Josserand).  —  Notice  biogra- 
phique sur  JV.  S.  P.  le  P.  Léon  XIII  (in-18,  Poitiers,  Dupré).  —  Histoires 
d'enfants,  par  G.  Théodore  (in-18,  Hachette).  Visenot. 


QUESTIOiNS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS. 

Les  Catalogues  des  biblio- 
thèques des  -villes  de  pro- 
vince. —  Il  serait  intéressant  à 
connaître  quelles  sont,  hors  de  Paris, 
les  villes  en  France  qui  ont  publié 
les  catalogues  des  livres  qu'elles 
possèdent. 

En  fait  d'imprimés,  nous  pouvons 
nommer  Amiens,  Bordeaux,  Boii- 
logne-sur-Mer,  Clermont-Ferrand , 
Grenoble,  la  R  clielle,  Libourne, 
Lille,  Limoges,  Lyon  (rédigé  par 
Delandine,in-4  et  in-8,et  iiien  arriéré 
aujourd'hui;  il  existe  aussi  un  inven- 
taire en  2  vol.,  rédigé  avec  beaucoup 
de  soin,  de  la  bibliothèque  spécia- 
lement lyonnaise  de  M.  Coste,  ac- 
quise par  la  ville),  Marseille  (en  cjurs 
de  publication),  Montpellier,  Nan'es, 
(5  gros  volumes,  travail  des  plus 
remarquables) ,  Napoléon-Vendée , 
Reims,  Rouen  (Belles-lettres,  1830, 
in-8  ;  le  catalogue  de  la  bibliothèque 
Leber,  acquise  par  la  ville  de  Rouen 
a  été  publié  par  le  i'ropriétaiie\ 
Strasbourg  (détruit  par  l'incendie), 
Yesoul. 

11  en  existe  sans  doute  d'autres, 
mais  je  ne  crois  pas  qu'il  ait  rien  été 
mis  au  jour  à  l'égard  de  villes  im- 


portantes, telles  que  Toulouse,  Pau, 
etc.  C'est  une  l.cune  qu'il  serait 
bien  désirable  de  voir  combler. 

Les  catalogues  des  manuscrits  sont 
encore  plus  dignes  d'attention  que 
ceux  des  imprimés,  et  leur  rédaction 
réclame  des  connaissances  étendues. 

On  possède  en  ce  genre  ce  qui  con- 
cernelesdépùtid'Angers,  de  Bourges, 
de  Carpentras,  de  Lyon  (rédigé  par 
Delandine,  1812,  3  vol.  in-8),  d'Or- 
léans (1820,  in-8),  de  Rennes,  de 
Valenciennes. 

Le  catalogue  des  manuscrits  ap- 
partenant à  la  ville  de  Bordeaux, 
dont  l'impression  est  commencée  de- 
puis assez  longlemps,  n'est  pas  en- 
core achevé. 

Une  publication  entrepri-e  en 
1857,  parorde  du  gouvernem-^nt  et 
à  laquelle  ont  pris  pari  divers  éru- 
dils  (MM.  J.  V.  Le  Clerc,  Libri  et  Ra- 
Vcti-soo,  entre  autres),  concerne  les 
manuscrits  de  diverses  bibliothèques 
éparses  dans  les  départements 
(Laon,  Montpellier,  Alby,  Troyes); 
elle  ne  se  borne  pas  à  donner  un 
inventaire,  même  fort  détaillé  ;  elle 
entre,  à  l'égard  de  certains  manus- 
crits dans  des  développements  très- 
étendus,  accompagnés  de  longs  ex- 
traits. Un  catalogue  e.itrepris  d'après 


190 


CH'ystème  réclamerait,  s'il  s'étendait 
àlaFiauce  entière,  une  centaine  de 
volumes,  tout  au  moins. 

B.C. 

La  Dibliothècfue  du  sultan 
à  Constantinople.  —  A-t-il  été 
donné  à  quelque  savant  d^  l'examiner 
d'une  façon  s^rieu-e,  de  se  rendre 
un  comp  e  exact  des  richesses  qu'elle 
peut  conte-iir?  Un  document  à  cet 
égard  (et  bien  peu  de  pers  mnfs  en 
France  en  connaissent  l'existence)  se 
trwuve  dans  une  publication  alle- 
mande :  Pfiilologus,  Zcitschriftfur  clas 
Klassische  AUcrVmm,  Goettitigen, 
18b4,  t.  tX,  p.  582-584.  C'est  une 
lii-te  dressée  par  M.  Mordtmann  ;  elle 
enumère  46  manuscrits:  22  en  grec. 
(Homère  avec  les  scholies  d'Eusatlie, 
Diogène  L^erce,  Hésiod^*,  Pindare); 
19  manuscrits  latins  (Cicér.m,  Ji.les- 
César),  un  très-curieux  tiaité  de  chi- 
jurgie  avec  de  nombreuses  figures, 
un  recueil  d'hymnes  ;  il  offrirait 
peut-êtie  un  utile  complémpnt  au 
Thésaurus  Itymnologicus  de  H.  E. 
Daniel,  Ilalis,  1841-1856,  5  vol,  in-8. 
Deux  manuscrits  slaves  (es  quatre 
Evangibs,  les  légendes  des  saints); 
en  italien,  Dante  avec  des  figures;  en 
langue  catalane,  un  traité  sur  la  na- 
vigation de  la  Méditerranée,  une 
description  des  iles  de  l'Archipel, 
signalée  comme  sehr  merkivïtrdig 
(très-remarquable). 

Le  sultan  a,  pour  le  moir.ent,  à 
s'occuper  de  tout  autre  >  hose  que  de 
sa  bibliothèque,  et  il  ne  serait  peut- 
être  pas  difticile  à  un  érudit  appuyé 
par  quelque  diplomate,  de  savoir 
à  quoi  s'en  tenir  ^ur  le  mérite  des 
manuscrits  qu'indique  M.  Mordtmann. 

B.  C. 

I*ortraîtïii  rares.  —  Quel- 
qu'un pourrait-il  dire  si  le  portrait 
gravé  de  Baudclot  de  Dah'val,  iamen'n 
antiquaire, qui  ne  se  trouve  pas  dans 
la  collection  de  la  Bibliothèque  na- 
tionale, mais  qui  est  mentionné  dans 
la  liste  du  Père  Le  Long,  existe  ail- 
leurs ?  On  pense  que  ce  portrait 
n'existe  pas.  Voici,  de  plus,  une  liste 
de  portraits  rares  signalés  aux  ico- 
nophiles  et  iconographes.  Prière 
d'indiquer,  dans  la  réponse,  si  ces 
portraits  figurent  dans  certains  ou- 
vrages ou  recueils  :  Carcel,  horloger, 
mort  en  1812;  Carmontelle.  graveur 
(lithographie)  ;  Dcvéria   [Achille),  cé- 


lèbre dessinateur,  mort  en  1857  ; 
Christophe  Justd,  généalogiste,  mjrt 
en  16i9  ;  le  marquis  de  Jaucourt^  mi- 
nistre, mort  en  1852  ;  dom  Mariner, 
bénédictin,  moii  en  1644,  par  Mon- 
cornct;  Jacques  II  de  Sanlecque,  im- 
primeur, mort  en  i 660;  Vestris  Lis, 
danseur,  par  Prudhon.  Soit  dit  en 
passant,  la  Bibliothèque  nationale 
possède  (section  des  estampes)  la 
plus  importante  collection  de  por- 
traits g  avés  ou  lithographies  qui 
existe  en  Europe.  Cette  collection 
comprenl  120,000  portraits,  classés 
alphabétiquement  dans  14,000  vo- 
lumes. Il  est,  toutefois,  regrettable 
qu'un  grand  nombre  de  portraits 
d'hommes  célèbres  ne  figurent  pas 
dans  cette  collection.  Un  travail  des 
plus  nécessaires  serait  le  catalogue 
imprimé  des  120,000  portraits  de  la 
Bibliothèque.  Il  rendrait  un  service 
réel  aux  chercheurs,  aux  érudits.  Es- 
pérons qu'il  paraîtra  un  jour.      X. 

RÉPONSES 
Les  Hlîirtyrs  cle  la  Révo- 
lution (XXII,  286,  479).  —  Journal 
de  la  dcportation  des  ecclésiastiques  du 
département  de  la  Meurthe  dans  la  rade 
de  l'île  d'Aix,près  Rochefort,  en  1794 
et  1795,  par  un  de  ces  déportés,  sans 
date,  ni  nom  d'imprimeur,  mais  à 
Bruyères,  chez  la  veuve  Vivot,  1796, 
in-8.  La  seconde  édition  De  cet  ou- 
vrage a  paru  à  Nancy  en  1840,  1  vol. 
in- 12.  L'auteur  est  feu  ,M,  le  chanoine 
Michel,  curé  de  la  cathédrale  de 
Nancy.  —  La  Semaine  religieuse,  his- 
torique et  littéraire  de  la  Lorraine 
(Nancy,  in-8,  1867,  livraisons  du  14 
avril  au  16  juin)  :  Le  martyrologe  lor- 
rain, ou  noms  des  prêtres  lorrains  qui, 
pendant  les  troubles  de  la  Révolution, 
ont  généreusement  confessé  la  foi  dans 
les  prisons,  dans  l'exil  ou  sur  Vécha- 
faud,  par  M.  le  chanoine  Guillaume. 
—  Histoire  eccléciastique  et  civile  de 
Verdu7i  avec  le  Fouillé... psiT}i..Ronssel. 
Edition  revue  et  annotée.  Verdun, 
1863,  in-4.  t.  II,  p.  102-109  :  Nécrologe 
des  prêtres  du  département  de  la  Meuse 
qui  sont  morts  pour  la  foi  pendant  (a 
Révolution  française.  —  On  trouvera 
des  renseignements  très-intéressants 
pour  le  Val  d'Orbey,  dans  la  Vie  de 
l'abbé  Moye,  fondateur  des  sœurs  de 
la  Providence  en  Lorraine,  par  M. 
l'abbé  Marchai.  Paris,  Bray.  et  Re- 
taux, 1872,  in-8.  A.  B. 


191 


Le  Martirolo(]e  ou  l'histoire  des 
Martyrs  de  la  Révolution.  A.  Co- 
blentz,  et  se  trouve  à  Paris,  chez 
Artaud,  1792,  in-8.  Volume  attri- 
bué par  Barbier  {Dictionnaim  des 
anonymes)  à  J.  G.  Peltier,  auteur  des 
Actes  des  apôtres.  Livre  utile  à  con- 
sulter sur  la  persécution  contre  la 
religion  et  ses  ministre?,  au  début 
de  II  Révolution  ;  il  est  orné  de  trois 
c  rieuses  gravures,  linement  gra- 
vées el  représentant  :  la  France 
éplorée  à  la  vue  des  meurtres  et  des 
incendies,  la  nuit  du  a  au  6  octobre 
1789  el  les  ténèbr.  s  constitution- 
nelles.—  Tahleaudu  massacre  des  mi- 
nistres catholiques  et  des  martyrs  de 
l'honneur  exécutes  dans  le  couvent  des 
Carmes  et  à  l'abbaye  de  Saint-Oer- 
main  le  2  et  i  septembre  1792  :  suivi 
d'une  histoire  parordre  alphabétique 
desdéi'Utés  qui  ont  voté  pour  le 
jugement  de  Louis  XVI,  par  Jean- 
Gabriel  Peltier.  Lyon,  1797,  in-12.  — 
Les  Héros  chrétiens  ou  les  martyrs  du 
sacerdoce,  par  feu  l'abbé  Dubois  avec 
les  noms  et  les  qualités  de  la  ma- 
jeure partie  de  ces  respectables 
victimes.  Paris,  Gerniain-Mathiut, 
1822,  1  vol.  in-8,  orné  d'un  frontis- 
pice représentant  la  mort  de  l'arche- 
vêque d'Arles  aux  Carmes  de  la  rue  de 
Vaugirard.  — Histoire  delà  Déporta- 
tion à  Cayenne,  de  M.  l'abbé  Âubert, 
curé  de  Fromentières,  suivie  de  la 
liste  de  tous  les  prêtres  déportés  à 
Cayenne,  éditée  par  l'abbé  Boitel, 
chanoine  à  Châlons-sur-Varne.  Clià- 
lons-sur-Mai  ne,  Le  Roy,  1868,  in-8  de 
136  p.  B.  DE  F. 

—  Souvenirs  de  la  persécution  souf- 
ferte par  le  clergé  du  diocèse  de  Mau- 
rienne  pendant  la  période  révolution- 
naire de  1792  à  1802.  Fragments 
extraits  d'un  mémoire  é^  rit  pendant 
cette  période,  par  l'abbé  Molain. 
Chambéry,   in-8,    1069.  R. 

—  Résultat  d'une  conférence  ecclé- 
siastique du  diocèse  du  Puy,  tenue  en 
l'année  184i,  sur  les  Martyrs  du 
diocèse  du  Puy,  pendant  la  Révolution 
française,  imprimé  par  ordre  de 
Mgr  J  Darcimole^,  évêque  du  Puy. 
Le  Puy,  1845.  La  l""*  partie  seule  a 
paru  par  les  soins  de  M.  A.  Péala, 
supéritur  du  qrand  séminaire,  (Ta- 
bleau du  diocèse  du  Puy  pendant  les 
différentes  phases  de  la  Révolution.) 
Lt  2=  pa^le  devait    se  composer  de 


la  biographie  des  prêtres  et  fidèles 
immolés  à  celte  époque. 

G.  Arsac. 

Un  Livre  <lii   I*.   Coyssard 

(XXII,  9o,  384).  —  Une  demande  a  eu 
lieu  au  sujet  d'un  raiissime  ouvrage 
du  célèbre  jésuite  auvergnat  Michel 
Coyssard,  né  à  Besse,  près  du  Mont- 
Dorc.  Nous  donnons  quelques  nou- 
veaux détails  et  supplément  à  la  ré- 
ponse qui  a  été  adressée. Le  précieux 
volume  en  quesiion  porte  ce  titre  : 
Abrégé  de  l'histoire  et  miracles  très- 
bien  avérez  de  Notre-Dame  de  Vassi- 
vières,  2^>'ès  du  grand  Mont-Dore,  en 
Auvergne,  à  une  lieue  de  Besse Ae  tout 
fidèlemenl.  tiré  dos  Mémoires  authen- 
tiques de  M.  Jean  Cladiere,  notaire 
juré  en  l'offic  alité  de  Clerinont,  en- 
voyez à  Ly.m  au  R.  P.  Michel  Coys- 
sard, lésuite  ;  à  Ly^  n,  chez  Loras 
Muguet, 1615. petit  in-12  de  92  pages. 
Le  premier  feuillet  porte,  au-dessous 
du  titre  de  l'ouvi'age,  une  curieuse 
gravure  sur  cuivre,  représentant  No- 
tre-Dame de  Vassivières,  placée  dans 
une  niche  et  sur  un  autel  en  style 
renaissance.  Derrière  lautel,  l'en- 
semble des  montagnes  du  Mont- 
Dore;  la  ville  de  Besse,  entourée  d'un 
mur  d'enceinte;  la  chapelle  de  Vas- 
sivières, un  chemin  escarpé  à  travers 
dujuel  pa-se  une  procession  .'•e  diri- 
geant, croix  en  tète,  à  sa  chapelle  ; 
des  pèlerins  h  cheval  ;  plus  loin,  des 
chiens  de  ch;!sse  qui  poursuivent  un 
sanglier.  Au-dessous  de  la  statue  de 
la  Vierge,  on  lit  ce  quatrain  : 

Mère  de  nostre  rédempteur, 
Qui  d'habiter  ne  te  desdaignes, 
D'Auvergne  aux  plus  haultes  montaignes, 
Avec  ton  tils,  loge  en  mon  cœur. 

Un  de  nos  collègues,  bibliophile 
et  iconophile,  possède  l'unique  exem- 
plaire de  ce  très-précieux  ouvrage, 
que  l'on  ne  trouve  ni  à  la  Biblio- 
thèque nationale, ni  à  la  bibliothèque 
de  Clermout-Ferrand,  et  que  l'i^n  ne 
rencontre  dans  aucune  collection 
privée.  Cet  exemplaire  a,  certaine- 
ment, une  grande  valeur  dans  un 
temps  oii  ces  livres  rart-s  sont  cotés 
des  prix  très-é'evés, ainsi  quelecons- 
taîent  les  veutei  publiques.        X. 

Xnoîs  portraits  à  trouver. 
Le  peintre  Alluys  (XXII.  479, 
bo8,  XXIII,  95).  Le  portrait  litLogra- 


—  192  — 


phié  du  pein're  Gault  de  Saint-Ger- 
main (né  à  Paris  en  d75i,  mort  en 
1842)  n'est  pas  commun.  Nous  en 
avons  vu  un  exemplaire  chezunicono- 
phile  d'Auvergne,  E .  François  Boyer. 
Le  pein're  Alluys,  qui  a  dessiné 
ce  porirait,  était  Auvergnat,  d'après 
notre  collègue  A.  V.  Cela  est  pos- 
sible :  Gault  de  Saint-Germain  a 
exercé  les  fonctions  de  professeur  à 
l'école  centrale  de  Clermont-Ferrand, 
à  la  !in  du  dix-huitième  siècle.  Il  a 
publié,  avec  Rabany  Beaurcgard,  un 
volume  in-8  des  plus  in'éiessantsavec 
planches,  concernant  les  antiquités 
de  1  Auvergne.  Toutefois,  nous  n'a- 
vons jamais  rencontré  le  nom  d'Al- 
luys  en  Auvegne.  Tardieu. 

La    Fin    du   "Vengeur  (XXII, 

478).  —  La  Biographie  moderne  (Pa- 
ris, 1816)  rapporte  que  les  opéra- 
tions militaires  sont  toujours  déna- 
turées dans  les  rapports  de  Barrère, 
au  point  que  Saint-Just  lui-même  lui 
dit  un  jour  :  /  Tu  fais  trop  mousser 
nos  victoires.  »  C'est  aussi  de  là  qu3 
ses  rapports  ont  été  appelés  Carma- 
gnoles. Kugène  Lepoitevin  envoya, 
en  1830,  à  l'Exposition  de  peinture, 
une  toile  représentant  la  «  Glorieuse 
fin  du  vaisseau  le  Vengeur  ■>•>  (n"  1226). 
Le  livret  donne  27  lignes  de  texte, 
sans  citer  aucune  source.  Le  Magasin 
Tpiltoresque  (même  année,  p.  81), 
reproduit  un  épisode  du  tableau, 
accompagné  du  rapport  de  Barrère, 
de  l'ode  de  Lebrun  et  du  décret  de 
la  Convention.  Mais  ce  ne  sont  pas 
là  des  preuves.  On  peut  lire,  dans  la 
France  militaire  (Paris,  1837,  t.  I, 
p.  257),  un  récit  très-impartial  de 
l'héroïque  combat  du  13  prairial. 
Abei  Hugo  s'étpnne  que  les  peintres 
et  les  sculpteurs  n'aient  pas  encore 
mis  le  Vengeur  sous  la  consécration 
de  leurstalents.il  cite  l'ode  deLebnm 
et  une  strophe  du  Chant  des  vicloires 
de  Chénier.  Bien  entendu  que  le  rap- 
port de  Villaret  ne  figure  pas  dans 
la  France  militaire;  encore  moins 
dans  VHistoire  de  la  Révolution  fran- 
çaise de  M.  Thiers  :  «  Le  vaisseau  le 
Vengeur,  démâté,  à  moitié  détruit, 
refusa  d'amener  son  pavillon,  aimant 
mieux  s'abimer  fous  les  eaux  que  de 
se  rendre.  Les  Anglais  se  retirèrent, 
étonnés  de  notre  résistance...  L'ami- 


ral .lean  ••  Bon  -  Saint  -  André,  s'op- 
posant  à  un  nouveau  combat,  ils 
purent  regagner  tranquillement 
leurs  ports... )^ Jean-Bon-Saint-André 
était  pasteur  réformé  et  conventionnel 
en  mission  et  non  amiral.  Les  marins 
eurent  de  cette  affaire  une  bien  plus 
triste  opinion  de  lui.  L'historien 
anglais,  Ch.  Coote,  qui  continua 
Goldsmitli,  s'exprime  ainsi  :  «  Un 
vaisseau  de  ligne,  appartenant  aux 
Français,  coula  à  fond,  après  avoir 
été  pris, et  300  hommes  de  l'équipage 
furent  noyés  ;  il  en  aurait  péri  un 
plus  grand  nombre,  si  les  vainqueurs 
n'avaient  exercé  en  cette  circonstance 
leur  humanité  ordinaire  (?),  en  sau- 
vant l'ennemi  du  péril  qui  le  mena- 
çait [Hist.  d'Angleterre,  traduction  de 
M"^*  Alexandrine  Aragon,  Paris,  1837, 
t.  m,  p.  233).  Le  Vengeur  succomba 
donc  ;;lorieusement  devant  l'ennemi; 
mais  où  se  trouve  le  rapport  de  l'a- 
miral Villaret?  A.  B. 

Traductions    de    la    Bible 

(XXII,  286,  384).  —  M.  B.  C,  après 
avoir  cité  la  traduction  Genoude,  plus 
brillante  qu'exacte,  celle  de  M.  l'abbé 
Delnmay,  etc.,  regrette  qu'im  com- 
mentaire n'e.xisle  pas  pour  mettre  à 
profit  les  immenses  travaux  accomplis 
à  l'étranger.  Il  me  semble  que  ce 
commentaire  magistral  nous  l'avons, 
ou  plus  exactement  nous  en  avons  le 
commencement.  La  maison  Lethiel- 
leux,  de  Paris,  ne  donne-t-elle  pas 
depuis  plusieurs  années,  avec  ime 
louable  exactitude,  une  traduction 
enrichie  d'un  commentaire  de  nature 
à  satisfaire  les  plus  difficiles  ?  Le 
digne  héritier  de  la  science  du  célèbre 
chevalier  Drach,  M.  l'abbé  Drach, 
curé  de  Sceaux,  groupe  autour  de  lui 
une  réunion  de  savants  ecclésiasti- 
que-^. Lfî  traJucteur  à  été  M.  l'abbé 
Bayle,  dt;  la  fa  uUé  d'Aix,  dont  on 
regrette  la  perte.  Josué,  les  juge?, 
Riith  ont  eu  pour  commenta' eur  M. 
l'abbé  Clair,  du  diocèse  d'Autun; 
l'Ecclésiaste,  M.  l'abbé  Motais,  du  dio- 
cèse de  Rennes;  Isaïe,  M.  l'abbé  Tro- 
chon,  du  diocè  e  de  Coutanc  s;  enfin 
Siint  Paul,  les  Épîtres  catholiques, 
l'Apocalypse,  M.  l'abbé  Drach.  L'or- 
Iholoxie  est  garantie  par  Vimprima- 
tur  du  vénéré  archevêque  de  Paris  et 
pnr  un  br  f  de  Ko.  IX,  de  sainte  raé- 
rno're.  A.  T. 

Le  Gérant  :  L.  Sandret. 


Saint-Quentin.         Inijirimerie  Jules  Moureau, 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 

POÉSIE 

Le  Pape,  par  Victor  Hugo.  Paris,  .Caïman,  1878,  gr.  in-18  de  140  p.  Prix  :  1  fr.  — ' 
Les  Récita  tt  les  élégies,  par  F;  Coppée,  Paris,  Lemerre,  1878,  gr.  in-18  de  198  p. 
Prix  ;  3  fr.  — Edel,  par  P.  Bourget.  Paris,  Lemerre,  1878,  gr.  in-18  de  166  j).  Prix  3  fr. 

—  La  Justice,  poème,  par  Sully-Prudeomme.  Paris,  Lemerre,  1878,  gr.  in-18  de 
216  p,  Prix  :  3  fr.  —  La  Cité  divine,  poèwe  de  la  religion,  par  A.  Fayet,  chanoine 
honoraire  du  diocèse  de  Moulins.  Paris,  H.  Allard,  gr.  in-18  de  Vl-461  p.  Prix  :  3  fr.- 

—  Œuvres  poéti(ntes  de  Louis  Veuillot.  Paris,  Palmé,  1878,  gr.  in-8  de  443  p. 
Prix  :  4  fr.  —  Le  Roland  de  l'Arioste,  raconté  en  vers  français,  par  MarC-Monnieu. 
Paris,  Sandoz  &  Fischbacher,  1878,  gr.  in-18  de  iii-242  p.  Prix  :  3  fr.  —  La  Patrie 
en  danger,  par  Albéric  d'Antully.  Paris,  Denta,  1878,  gr.  in-18  de  224  p.  Prix  3  fr. 

—  Prométhée,  drame  antique,  par  Gii.  GraND.mongin.  Paris,  Sandoz,  1878,  gr.  in-18  de 
64  p.  Prix  :  2  fr.  — Les  Noces  d'or  de  Jupiter,  par  Jean  LoySeau.  Paris,  Blériot,  1878, 
gr.  in-18  de  96  p.  Prix  :  1  fr,  —  Les  Errantes,  par  Al.  Hepp.  Paris,  Sandoz,  1878, 
gr.  in-18  de  138  p.  Prix  :  3  fr.  —  Ebauches  el  reflets,  par  Paul  Réyoil.  Paris,  Lemerre, 
1878,  gr.  in-18  de  104  p.  Prix  :  2  fr.  —  Les  Ephémères,  par  He.nry  Chautard. 
Paris,  Librairie  des  bibliophiles,  gr.  in-18  de  1.t9  p.  Prix  :  3  fr.  —  Les  Gallo-Fran- 
ques,  par  J.  Larchet.  Paris,  Librairie  des  bibliophiles.  !878,  gr.  in-18  de  80  p. 
Prix  :  2  fr.  —  Deux  ans  de  jeunesse,  par  LÉ0.\  Bonadier.  Paris,  A.  Ghio,  1878, 
in-18  de  152  p.  Prix  2  fr.  50.  —  Premières  embauches,  par  E.  ViON.  Paris,  Sandoz, 
1878,  gr.  in-18  de  118  p.  Prix  2  fr.  —  France  et  Lorraine,  par  A.  ChaRRAUX.  iMont- 
de-Marsan,  Leclercq,  1876,  in-18  de  101  p.  Paris,  2  fr.  —  Strophes  et  sonnets,  par 
F.  Pilate.  Paris,  Sandoz,  1878,  gr.  in-18  de  107  p.  Prix  :  1  fr.  —  Les  Soinets  de 
Maurice  du  Moncel,  illustrés  à  l'eau-forte  par  G.  du  Kegy.  Paris,  Dentu,  1878,  i'n-8 
de  67  p.  Prix  :  5  fr.  —  Les  Vibrations,  par  L.  Vébé.  Paris,  Librairie  des  bibliophiles, 
1878,  gr.  in-18  de  164  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Du  grave  au  doux,  par  P.  Collin. 
Paris,  Hachette,  1878,  gr.  in-18  de  198  p.  Prix  :  3  fr.  — Les  Aspirations  au  travail; 
études  politiques  et  critiques  sur  les  antithèses  sociales,  par  E.  .lOUHAM.  Paris,  Amyot, 
1878,  gr.  in-18  de  228  p.  Prix  :  2  fr.—  Libres  et  pures,  par  E.  Gauthier.  Paris,  Le- 
merre, 1878,  in-8  de  147  p.  Prix  :  3  fr.  —  De  Bruxelles  à  Tervueren,  par  J.  Bailly. 
Paris,  Quantin,  1878,  in-8  de  16  p.  —  Au  jardin  d'acclimatation,  par  le  mè.me.  Paris, 
Quantin,  1878,  in-8  de  1 1  p.  —  L'Egide,  par  Al.  Cheteau.  Paris,  Ghio,  1878,  gr. 
in-18  de  23  p.  Prix  :  1  fr.  —  Poésies  posthumes  de  PhilOTHÉe  O'Neddy.  Paris,  Char- 
pentier,  1878,  gr.  in-18  de  494  p.   Prix  :  3  fr.  50. 

Il  ne  s'est  pas  fait  autant  de  bruit  que  de  coutume  autour  du  der- 
nier ouvrage  de  M.  V.  Hugo.  La  conception  de  ce  poème,  qui  a  pu 
sembler  obscur  à  certains  lecteurs,  a  dû  aider  à  cette  indifférence.  Il 
se  peut  même  fort  bien  que,  parmi  les  nouveaux  amis  de  M.  Hugo, 
il  s'en  soit  trouvé  qui  n'aient  point  parfaitement  compris  l'idée 
satirique  du  livre  ^  qui  se  soient  scandalisés  de  voir  un  pape  parler 
souvent  un  trop  noble  langage.  Un  hémistiche  à  la  première  page,  une 
fin  de  vers  à  la  dernière,  donnent  seuls  à  ce  langage  le  sens  que 
M.  Hugo  a  voulu  lui  prêter.  Cet  hémistiche  de  la  première  page  est 
plus  que  bizarre.  Le  Pape  estreprésenté  au  Vatican,  dans  sa  chambre, 
dans  son  lit,  et  il  s'écrie  :  ' 

Ah  1  je  m'endors  enfin. 

Ce   qui  serait  un  excellent  moyen  de  chasser  le  sommeil  sur  le 
Septembre  1878.  T.  .\\III,  13. 


—  194  — 

point  d'arriver  et  ce  qu'on  trouverait  fort  ridicule  ailleurs  que  dans 
un  livre  de  M.  Hugo.  Tout  ce  qui  suit  n'est  qu'un  songe  où  le  person- 
nage mis  en  scène  par  le  poète  est  un  pape  idéal,  dont  la  conduite,  les 
propos  sont  destinés  à  faire  le  procès  du  pape  réel.  Mais,  en  dépit  des 
intentions  du  poète,  son  pape  modèle,  dans  ce  qu'il  a  de  grand,  de  bon, 
de  juste,  n'est  souvent  pas  aussi  dissemblable  de  plusieurs  des  souve- 
rains-pontifes véritables  que  le  poète  l'eût  bien  voulu.  Il  a  souvent  de 
belles  paroles  de  charité,  de  mansuétude,  d'abnégation,  d'équité, 
mais  il  a  aussi  des  discours  étrangement  impies  (p.  57).  11  fallait  bien 
que,  de  temps  en  temps,  le  poète  se  donnât  la  satisfaction  d'apparaître 
lui-même.  Dans  une  succession  de  rapides  chapitres,  le  pape  du  rêve 
est  mis  en  rapport  avec  les  rois,  avec  les  peuples,  avec  les  combat- 
tants, avec  les  insurgés,  — M.  Hugo  a  un  faible  peureux, —  avec  une 
nourrice,  avec  un  archevêque  bâtissant  une  église,  etc.,  etc.  Le  pape 
tient,  dans  toutes  ces  circonstances,  des  discours  qui,  je  le  répète,  sont 
fréquemment  beaux  et  chrétiens;  mais,  in  cûuda  venenum,  le  vrai  pape 
se  réveille,  le  rôle  qu'il  a  joué  dans  le  songe  lui  semble  horrible  et  il 
s'écrie  : 

Quel  rêve  affreux  je  viens  de  faire! 
C'est  indiquer  l'antithèse  entre  le  pape  tel  qu'il  devrait  être  et  tel 
qu'il  est  suivant  M.  Hugo,  c'est  la  pointe  de  cette  longue  épigramme. 
Une  autre  cause  du  succès  médiocre  de  ce  poème,  c'est  que  l'on  se 
fatigue  d'un  style  qui  est  toujours  le  même,  de  ce  mélange  de  belles 
pensées  et  d'incohérences,  de  vers  merveilleusement  frappés  et  devers 
grotesques,  d'images  colossales  et  de  vulgarités,  de  ce  cliquetis  d'an- 
tithèses. On  retrouve  là  ce  qu'on  a  trouvé  dans  toutes  les  dernières 
œuvres  du  poète.  Ce  sont  toujours  les  mêmes  procédés,  le  même  stjle; 
c'était  trop  de  publier  coup  sur  coup  les  deux  derniers  volumes  de  la 
Légende  des  siècles,  V Art,  d'être  grand-père  et  le  Pape,  il  fallait  laisser  un 
peu  d'espace  entre  tous  ces  livres,  il  fallait  laisser  au  lecteur  fatigué 
le  temps  d'oublier  un  peu.  M.  Hugo  a,  jadis,  appelé  l'un  de  ses 
meilleurs  volumes  les  Rayons  et  les  Ombres.  Ce  titre  caractérise  par- 
faitement tout  ce  qu'il  fait;  seulement  les  rayons  diminuent  et  les 
ombres  grandissent  :  on  sent  bien  qu'on  est  au  soir  et  près  de  la  nuit. 

Majoresque  cadunt  altis  de  montibus  umbrœ. 

—  M.  Hugo,  dans  plusieurs  de  ses  livres,  dans  la  Légende  des  siècles, 
notamment,  a  manié,  avec  un  admirable  talent,  le  vers  narratif  qui 
semblait  d'un  usage  si  difficile  dans  notre  langue.  Il  l'a  dégagé  des 
épithètes  oiseuses  qui  aidaient  à  le  façonner,  il  lui  a  donné  une 
fermeté  de  bas-relief.  M.  Coppée  se  rattache  à  son  école,  il  a  aussi 
l'art  de  bien  faire  le  vers  épique,  mais  sa  manière  diffère  toutefois  en 
divers   points  de  celle  de  M.  Hugo.   Il  a  moins  d'ampleur,  moins 


—  19o  — 

d'images,  plus  de  précision.  Ceux  qui  ne  sont  pas  quelque  peu  du  mé- 
tier ne  comprendront  pas  aisément  toutes  les  difficultés  de  cette 
poésie  qui  a  par  moment  la  simplicité  de  la  prose,  mais  qui  a  aussi 
une  vigueur,  une  netteté  que  la  prose  ne  saurait  posséder.  Qu'on  lise 
avec  attentioQ  les  récits  de  M.  Coppée,  on  sera  frappé  du  très-petit 
nombre  d'épithètes  qu'ils  renferment,  et  ce  sont  les  épithètes,  si  com- 
modes pour  allonger  un  alexandrin  trop  court  ou  pour  fournir  une 
rime,  qui  affadissent  le  stjle.  Dante  était  très-économe  d'épithètes  : 
dans  les  douze  vers  qui  terminent  l'épisode  de  Françoise  de  Rimini, 
on  n'en  trouve  qu'une  et  celle-là  admirablement  placée. 

M.  Coppée,  dans  les  Récils  et  les  Élégies,  s'est  plu  à  raconter,  avec  les 
éminentes  qualités  que  nous  venons  d'indiquer,  divers  épisodes,  les 
uns  ayant  un  fond  réel^  les  autres  d'invention.  Tous  les  pays,  tous  les 
temps,  ont  fourni  des  scènes  au  poète.  Son  premier  tableau  plein  de 
grâce  et  de  couleur,  les  Yeux  de  la  femme,  nous  transporte  dans 
l'Eden,  à  la  création  d'Eve.  Nous  voudrions  avoir  l'espace  suffisant 
pour  parler  de  plusieurs  de  ces  beaux  petits  poèmes  :  du  Jugement  de 
l'Épée,  du  Liseron,  de  la  Tête  de  la  sultane  où,  tour  à  tour,  nous  appa- 
raissent les  hommes  du  moyen  âge  et  de  l'Orient.  Le  récit  intitulé 
rUn  ou  l'Autre,  emi^rnnté  kVÉpoque  ré iwlutio7inaire,  est  fort  dvsimsi- 
tique;  le  poème  :  la  Veillée,  inspiré  par  notre  dernière  guerre,  offre 
une  situation  poignante,  et,  dans  quelques  pages,  l'émotion  arrive 
à  son  comble.  Il  y  a  une  grande  variété  dans  ces  narrations,  et  c'est 
avec  un  empressement  que  les  volumes  de  poésies  ont  rarement  le  don 
de  provoquer,  que  l'on  passe  d'un  récit  à  Tautre.  Tous  ces  petits 
poèmes  n'ont  pas  cependant  la  même  valeur  :  la  donnée  de  quelques- 
uns  n'est  pas  suffisamment  intéressante,  l'espèce  de  légende  intitulée 
la  Honte  aurait  pu  rester  dans  les  cartons  de  l'auteur.  Si  la  Moisson 
d'Épées,  où  Jeanne  d'Arc  a  un  rôle,  n'est,  comme  je  le  crois,  empruntée 
à  aucune  chronique,  à  aucune  tradition,  on  peut  regretter  que 
M.  Coppée  n'ait  pas  cherché  un  épisode  réel  dans  la  vie  de  laPucelle 
pour  le  redire  avec  cette  simplicité  et  à  la  fois  cette  énergie  qui 
donnent  à  son  talent  un  caractère  original. 

Les  Récits  épiques  sont  suivis,  sous  ce  titre  l'Exilée,  de  pièces  de 
rhytmes  différents,  dont  quelques-unes  fort  gracieuses,  de  morceaux 
de  courte  haleine  sur  les  douze  mois,  et,  sous  l'intitulé  :  Jeunes  Filles, 
de  six  compositions  :  dont  les  sujets  sont  empruntés  à  notre  époque, 
et  qui  pâlissent  un  peu  quand  on  les  compare  aux  Récits  épiques. 

—  J?de^,  deM.Paul  Bourget,  dontle  nom  apparaît  en  tête  de  l'une  des 
poésies  de  M.  Coppée,  appartient  à  l'école  de  ce  dernier.  C'est  l'écolier 
auprès  du  maître.  M.  Bourget,  dans  sa  préface,  entrevoit  pourtant  un 
genre  nouveau.  Entre  la  poésie  historique  représentée  par  M.  Leconte 
de  Lisle  et  la  poésie  romantique  de  M.  Hugo  et  de  ses  disciples,  il 


—   196  — 

croit  comprendre  ce  qu'il  faudrait  pour  que  cette  poésie  fût  créée, 
et  il  ajoute  cette  pensée,  aussi  peu  neuve  que  peu  consolante  :  a  Hélas  ! 
il  me  suffit  de  relire  Edel  pour  constater  une  fois  de  plus  que,  dans  la 
littérature  comme  dans  la  vie,  l'homme  réalise  malaisément  ses 
rêves.  » 

En  effet,  Edcl  n'est  pas  appelé  à  faire  une  révolution  dans  la  répu- 
blique des  lettres.  C'est  une  histoire  d'amour,  se  passant  de  nos  jours 
à  Paris,  et,  pour  raconter  les  détails  de  la  petite  vie  intime,  Fauteur 
s'efforce  —  et  n'y  réussit  que  trop  —  de  donner  à  la  poésie  toutes  les 
allures  de  la  prose.  Mais  ce  n'est  pas  là  le  style  net  et  ferme  de 
M.  Coppée.  La  langue,  dans  ce  poème,  n'est  pas  toujours  trés-res- 
pectée.  On  y  lit,  par  exemple  : 

Ce  fut  l'étincelle 
Qui  fit  sauter  la  mine  et  mou  bonheur  avec. 

Les  néologismes  abondent;  et  parfois,  sans  doute,  parce  qu'il  écrit 
trop  vite,  le  poète  ne  voit  pas  qu'il  se  contredit  ;  c'est  ainsi  qu''il  parle 
de  cheveux  bruns  qui  blondissent  autour  d'un  front.  Il  pense  faire  grand 
éloge  de  beaux  yeux  en  les  qualifiant  de  noyés,  ce  qui,  du  reste,  ne 
les  empêche  pas  d'avoir  une  flamme  intense.  Trop  de  vers  à  la  césure 
dédaignée  manquent  complètement  d'harmonie.  A  côté  de  cela^  à  côté 
de  pensées  vulgaires  comme  celle-ci  : 

Le  temps  qui  guérit  tout,  le  temps  que  rien  n'arrête... 

il  y  a,  dans  Edel,  quelques  pages  assez  brillamment  écrites,  des  des- 
criptions réussies,  des  analyses  de  sentiments  bien  faites.  Les  morceaux 
lyriques,  qui  coupent  de  temps  en  temps  la  trame  des  alexandrins,  sont 
très-faibles.  M.  V.  Bourget  est  privé  d'une  source  féconde  d'inspi- 
ration :  il  est  sceptique,  et  met  le  plus  grand  soin  à  le  répéter. 

—  Depuis  longtemps,  M.  SuUy-Prudhomme  occupe  une  place  glo- 
rieuse parmi  nos  poètes  contemporains.  Son  nouveau  livre,  la  Justice, 
est  une  œuvre  grave,  pleine  de  hautes  pensées,  mais  ne  s'adresse  pas 
à  ceux  qui  croient  que  la  poésie  est  faite  seulement  pour  charmer 
et  distraire.  La  Justice  s'adresse  plutôt  à  des  esprits  anxieux  et 
préoccupés  de  grands  problèmes  qu'il  semblerait  que  la  prose  soit  plus 
que  la  poésie  apte  à  résoudre.  Les  catastrophes  dont  nous  avons  ré- 
cemment été  témoins  et  victimes  ont  profondément  ému  et  troublé  le 
poète  ;  il  en  est  venu  à  se  demander  ce  qu'est  la  Justice,  et  à  ne  plus  y 
croire.  Puis,  à  ce  découragement,  ont  succédé  la  recherche,  et  enfin 
l'apaisement.  Le  poème  renferme  dix  chants,  ou  veilles;  les  sept  pre- 
miers se  composent  de  l'expression  des  doutes  du  chercheur  —  con- 
centrés dans  le  cadre  du  sonnet  si  habilement  manié  par  M.  Sully- 
Prudhomme  —  et  par  la  réponse  d'une  voix  mystérieuse,  réponse  qui 
provoque  une  observation  sceptique  du  chercheur.  Cette  invariable 


I 


—  197  — 

forme  de  discussion,  il  faut  bien  le  reconnaître,  a  de  la  monotonie,  et 
la  riposte  ironique  par  laquelle  se  termine  chaque  veillée,  riposte  de 
deux  vers  seulement,  a  quelque  chose  de  sec  et  quelquefois  de  singu- 
lièrement prosaïque.  C'est  sans  doute  un  contraste  cherché,  mais  il 
n'est  pas  toujours  d'un  effet  heureux. 

Dans  la  huitième  veille,  le  poète  résume  les  phases  de  la  crise  qu'il  a 
traversée.  Repoussé  par  le  monde  extérieur,  qu'il  a  vainement  inter- 
rogé sur  la  Justice,  il  en  revient  au  témoignage  de  sa  conscience.  Je 
copie  exactement  l'argument  de  la  neuvième  veille  :  «  Une  série 
d'êtres,  successivement  apparus  sous  des  formes  de  plus  en  plus  com- 
plexes, animés  d'une  vie  de  plus  en  plus  riche  et  consciente,  rattache 
l'atome  dans  la  nébuleuse  à  l'homme  sur  la  terre.  Les  révélations  de 
la  conscience  humaine  semblent  concorder  avec  cette  loi  d'évolution, 
et  il  en  peut  sortir  une  définition  de  la  dignité  et  de  la  justice.  » 

L'idée  du  dernier  chant  n'est  pas  moins  abstraite  :  «  11  n'j  a  pas  de 
justice  hors  de  la  sympathie,  et  c'est  la  conscience  et  la  science  qui 
développent  la  sympathie.  Le  progrès  de  la  justice  est  lié  à  celui  des 
connaissances  et  s'opère  à  travers  toutes  les  vicissitudes  politiques.  » 

Voilà  quel  est  le  sujet  du  poème  de  M.  Sully-Prudhomme,  sujet  tout 
métaphysique,  et  que  l'auteur  a  du  aborder  en  songeant  à  Dante. 
Mais  Dante  trouvait,  dans  la  manière  dont  il  avait  compris  son  œuvre, 
des  ressources  que  n'a  pas  eues  M.  Sully-Prudhomme.  Quelque  étrange 
que  soit  le  monde  où  Dante  nous  transporte,  il  y  a,  dans  ses  créations, 
une  vraisemblance  relative,  nécessaire  à  toutes  les  productions,  même 
à  celles  où  l'imagination  se  développe  avec  le  plus  de  liberté.  Il  y  a, 
dans  la  Divine  comédie,  une  unité  due  à  la  présence  du  poète,  constam- 
ment en  scène  ;  il  y  a  un  mouvement  produit  par  tous  les  personnages 
qui  sans  cesse  s'}^  succèdent,  par  les  épisodes  qu'invente  le  poète  ;  les 
dissertations  y  sont  subtiles  ou  profondes,  mais  sont  amenées  d'une 
manière  pour  ainsi  dire  dramatique.  Il  faut  le  reconnaître,  il  n'en  est 
pas  ainsi  dans  la  Justice;  cependant  M.  Sully-Prudhomme  y  est  resté 
poète  en  devenant  philosophe,  et  poète  il  faut  qu'il  soit  à  un  degré 
éminent  pour  conserver  ses  lecteurs  jusqu'au  bout  d'une  œuvre  si 
sévère.  Une  langue  harmonieuse,  l'éclat  des  images,  font  oublier 
l'austère  obscurité  de  la  donnée  générale.  Charmé  par  la  douce  musique 
des  vers,  souvent  on  s'y  tient  à  peu  près  et  sans  chercher  à  sonder  bien 
profondément  les  pensées  qui  peuvent  se  trouver  au  delà.  M.  Sully- 
Prudhomme  a  fait  une  tentative  hardie,  dont  la  difficulté  ne  l'a  pas 
vaincu,  mais  il  serait  fâcheux  qu'il  eût  des  imitateurs,  et  dangereux 
peut-être  pour  lui-même  qu'il  persévérât  dans  cette  voie  nouvelle. 

—  C'est  une  grande  entreprise  qu'a  tentée  M.  Fayet  en  écrivant  la 
Cité  divine.  Le  sujet  de  son  poème  est,  comme  il  le  reconnaît,  aussi 
vaste  que  l'univers.  C'est  l'histoire  de  la  religion  depuis  la  création 


—  198  — 

jusqu'à  des  époques  qui  pour  nous  sont  l'avenir,  que  nous  ne  connais- 
sons que  par  les  prophéties,  jusqu'à  la  fin  du  monde,  jusqu'à  la  résur- 
rection, jusqu'au  jugement  dernier.  Que  de  siècles,  d'événements,  de 
transformations,  de  révolutions,  le  poète  passe  en  revue  dans  cette 
longue  œuvre  à  travers  les  âges  !  Il  traverse  l'Ancien  et  le  Nouveau 
Testament,  les  temps  barbares,  le  moyen  âge,  la  renaissance,  les 
temps  modernes,  peignant  tour  à  tour  les  hommes  qui  exercèrent  le  plus 
d'action  sur  leur  époque,  d'abord  les  personnages  de  la  Bible,  puis 
ceux  de  l'histoire.  M.  Fayet  ne  voulait  rien  inventer;  son  imagina- 
tion se  trouvait  nécessairement  contenue  dans  des  limites  infran- 
chissables ;  mais  s'il  ne  lui  était  pas  permis  de  l'employer  à  créer  des 
épisodes,  il  ne  lui  était  pas  défendu  de  lui  demander  le  coloris  qui 
donne  de  l'intérêt,  de  l'éclat  à  une  œuvre  de  poète.  C'est  ce  que 
M.  Fayet  a  fait  trop  de  fois  pour  que  je  les  puisse  indiquer.  Plusieurs 
des  nombreux  portraits  qu'il  a  été^amené  à  tracer  sont  habilement 
peints.  Après  avoir  nommé  Clovis,  M.  Fayet  a  un  beau  mouvement, 
dans  lequel  il  retrace  les  grandeurs  futures  de  la  France. 

Quelquefois  en  voulant  trop  grouper  les  événements  et  les  hommes, 
M.  Fayet  produit  un  peu  de  confusion,  comme  dans  ce  passage,  qui 
termine  son  beau  tableau  des  arts  au  moyen  âge  : 

Ainsi  que  l'art  bientôt,  tout  renaît  tout  grandit^ 
La  langue  par  degré  s'épure  et  s'enhardit. 
Comme  les  gais  oiseaux,  dans  la  Provence  en  fêtes 
Sous  les  orangers  d'or  gazouillent  les  poètes. 
Colomb  vers  l'Occident  a  lancé  ses  vaisseaux  : 
Gimabue  déjà  prépare  ses  pinceaux 
Pétrarque  va  chanter,  et,  de  son  aile  ardente, 
La  Muse  avait  touché  le  front  sombre  de  Dante. 

Inutile  de  rappeler  que  Cimabue  est  antérieur  à  Colomb,  qui  semble 
là  le  contemporain  des  troubadours  et  que  Ton  paraît  vouloir  faire 
vivre  avec  Pétrarque.  Ces  vers,  du  reste,  peuvent  donner  une  idée  du 
style  de  l'auteur,  style  un  peu  classique,  un  peu  ralenti  par  les  épi- 
thètes,  mais  pur  et  harmonieux.  Si  nous  disions  à  l'auteur  que  la 
critique  n'aurait  rien  à  reprocher  à  son  livre,  qu'elle  ne  pourrait  lui 
signaler  quelques  défauts  de  proportions,  quelques  vers  négligés  ou 
prosaïques,  quelques  défaillances,  si  nous  ajoutions  qu'ayant  à  refaire 
des  tableaux  exécutés  déjà  dans  le  Paradis  perdu  et  la  Messiade,  il  n'a 
rien  eu  à  craindre  de  la  concurrence  de  Milton  et  de  Klopstock, 
certes  le  poète  ne  nous  croirait  pas  ;  mais  enfin  il  a  fait  un3  œuvre 
qu'il  est  glorieux  d'avoir  entreprise  et  que  Dante  lui-même  n'aurait 
sans  doute  pas  complètement  réussie,  tant  le  sujet  est  immense. 

—  M.  Veuillot,  il  y  a  quelques  années,  a  fait  paraître  ses  premiers 
vers.  Voici  toutes  ses  poésies  réunies  en  un  volume,  qui  suffirait  cer- 


_  190  — 

tainement  à  faire  la  réputation  d'iin  poète,  mais  qui  souffre  peut-être 
de  la  réputation  plus  grande  du  prosateur.  M,   Veuillot  a  toutefois 
conservé,  dans  cette  transformation,  beaucoup  des  éminentes  qualités 
qui  l'ont  placé  si  haut  et  ne  semble  aucunement  gêné  par  les  entraves 
du  rhjtme,  il  manie  tous  les  genres,  de  la  satire  au  sonnet,  de  l'ode 
à  l'épigramme  avec  une  remarquable  facilité.  Cette  diversité  de  ton 
donne  un  grand  attrait  à  la  lecture  de  son  livre,  dont  Tensemble  offre 
un  aspect  tout  à  fait  à  part.  La  verve  n'y  languit  pas,  dans  ce  livre, 
et  la  satire  j  a  une  large  place.  Il  j  a  du  Boileau,  du  Régnier,  du 
Juvénal  dans   beaucoup  de  ses  pages  :    qu'on  lise  Rimes  et  Raisons, 
Lanterne,  r Art  poétique,  le  Crevé.  Certains  sonnets  sont  excellents,  tel 
est  celui  qui  a  déjà  paru  dans  les  Odeurs  de  Paris,  et  qui  est  intitulé 
Nos  païens.  Le  trait  qui  le  termine  est  tout  gaulois.  Bien  des  pièces  de 
M.  Veuillot  pourraient  sembler  écrites  par  nos  meilleurs  épigramma- 
tistes  du  dix-huitième  siècle.  Quelquefois  elles  les  rappellent  même  un 
peu  trop  par  la  crudité  de  la  pensée  et  de  l'expression,  comme  dans  Une 
mort  subite{^.  250),  Un  réformateur  (ç.  2^5),  De  ceux  qu'on  laisse  passer 
(p.  259).  Peut-être,  dans  la  partie  satirique  du  livre,  sera-t-on  tenté  de 
trouver  M.  Veuillot  peu  charitable  à  l'égard  de  ses  adversaires  et  de 
regretter  de  les  voir  désignés  si  clairement  ou  même  souvent  nommés 
en  toutes  lettres.  Mais  ces  adversaires  personnifiant,    aux  yeux   de 
M.  Veuillot,  Terreur,  les  mauvaises  doctrines,  le  poète  croit  accomplir 
un  devoir  en  leur  portant  de  rudes  coups  ;  d'ailleurs  ces  adversaires 
eux-mêmes  l'ont  attaqué  souvent  avec  des  armes  du  même  genre  —  mais 
moins  bonnes  —  et  il  peut  se  croire  dans  le  cas  de  légitime  défense. 
A  côté  de  ces  vers  mordants,  parfois  —  pourquoi  n'en  pas  convenir? 
—  d'une  expression  un  peu  triviale,  M.  Veuillot  se  livre  aux  inspira- 
tions les  plus  élevées,  comme,  par  exemple,  quand  il  traduit  des  pas- 
sages des  livres   saints.  La  fin  du  volume  est  remplie  par  des  vers 
écrits  pendant  ou  depuis  nos  désastres.  Le  Rêve  d'un  assiégé,  composé 
de  stances   de  trois  vers  à  rimes  masculines  et  ayant  pour  refrain 
Alléluia,  les  Rapports  de  l'espion,   la  Chanson  pour  les  enfants,  qui 
semblent  avoir  emprunté  quelque  chose  à  la  poésie  populaire,  nous 
paraissent  devoir  être  loués  tout  particulièrement.  Obligé  de  quitter 
ce  recueil,  nous  nous  reprochons  de  ne  pas  en  avoir  donné  une  idée 
suffisante.  Ceux  de  nos  lecteurs  qui  aiment  les  poètes  voudront  le  lire 
d'un  bout  à  l'autre  ;  ils  pourront  penser  que  plus  mince  le  volume  eût 
été  meilleur,  et  cependant  ils  ne  le  trouveront  pas  trop  long.  Ils  en , 
retiendront  bien  des  traits  excellents.  M.  Veuillot  a  dit  qu'il  aime  : 

Un  vers  que  la  raison  impose  à  la  mémoire, 
et,  des  vers  de  ce  genre, il  y  en  a  beaucoup  dans  ses  Œuvres  poétiques. 
—  Traduire  Roland  furieux  en  vers  est  une  entreprise  difficile,  qui  a 


—  200   -- 

tenté  plus  d'un  audacieux.  Dès  1555,  Jean  Fournier  en  faisait  pa- 
raître les  quinze  premiers  chants  en  rime  française .  En  1580,  Jean  de 
Boessières  recommençait  le  même  travail,  mais  le  limitait  à  douze 
chants.  De  nombreux  fragments  furent  ensuite  imités  par  plusieurs  de 
nos  vieux  poètes  en  renom.  De  nos  jours,  M.  de  Frenilly  et  M.  Daran 
de  Chavagne  ont,  chacun  de  son  côté,  composé  en  vers  une  traduction 
complète  de  VOrlando.  Plus  récemment,  M.  Ragon  en  a  donné  une 
traduction  partielle  dans  de  longs  fragments  reliés  par  une  analyse 
rapide  en  prose.  Voici  enfin  M.  Marc-Monnier  qui  entre  en  lice.  Il 
n'a  pas  voulu  nous  donner  tout  le  Roland.  Il  s'est  borné  à  recueillir 
dans  le  poème  italien  ce  qui  concerne  ce  personnage  et  n'a  traduit 
littéralement  que  les  passages  où  le  paladin  est  en  scène.  Mais,  on  le 
sait,  ses  aventures  s'enchevêtrent  avec  d'autres  ;  une  foule  de  che- 
valiers, de  damoiselles,  qui  se  rattachent  plus  ou  moins  à  l'histoire  de 
Roland,  qui,  par  conséquent,  ne  pouvaient  entièrement  être  laissés 
de  côté,  apparaissent  ici  dans  de  si  rapides  analyses  que  l'intérêt  n'a 
pas  le  temps  de  naître  pour  ces  créations  épisodiques  et  qu'une  cer- 
taine confusion  se  produit.  On  se  prend  à  regretter  alors  les  détails  du 
poème  italien,  toutes  les  aventures  quel'Arioste  mêlait  si  habilement, 
les  charmants  débuts  de  ses  chants.  Cette  critique  exprimée,  il  ne  reste 
qu'à  féliciter  M.  Marc-Monnier  de  la  manière  dont  il  a  rendu  les  vers 
de  l'original.  Il  n'a  pu  en  calquer  exactement  le  rhytme,  —  l'octave  avec 
ses  six  premiers  vers  sur  deux  rimes  croisées,  serait  impraticable  dans 
uneproductionfrançaise  de  longue  haleine;  mais  le traducteura  combiné 
une  stance  qui  reproduit,  autant  que  possible,  l'harmonie  et  l'aspect  de 
l'octave  italienne.  Sa  stance  commence  par  deux  rimes  plates,  puis  le 
troisième  vers  rime  avec  le  cinquième,  le  quatrième  avec  le  sixième, 
et  enfin  les  deux  derniers,  comme  dans  l'octave,  ont  la  même  conson- 
nance.  M.  Marc-Monnier  a  choisi  le  vers  dissyllabique,  qui  répond 
bien  à  Vindecassillabo,  en  plaçant  la  césure  après  le  quatrième  pied  et 
quelquefois  après  le  sixième.  Cette  dernière  combinaison,  employée 
dans  quelques  vers  de  nos  vieux  poèmes,  dans  le  roman  à'Aiol,  par 
exemple,  est  d'ailleurs  peu  harmonieuse.  Je  le  répète,  la  stance  de 
M.  Marc-Monnier  donne  bien  une  idée  du  texte  ;  le  style  de  l'Arioste 
a  été  aussi  soigneusement  étudié  et  souvent  heureusement  imité.  Il 
me  serait  facile  d'en  donner  de  nombreuses  preuves,  et  je  n'aurais 
garde  d'oublier  la  traduction  de  l'octave  xlii  et  de  l'octave  xliii  du 
premier  chant,  des  vers  si  jolis  et  si  connus  : 

La  Yirginella  e  simile  alla  rosa..... 

Le  traducteur  les  a  fait  très-habilement  passer  dans  notre  langue 
et,  en  le  voyant  se  tirer  si  bien  d'affaire,  on  est  tenté  de  regretter  qu'il 
n'ait  pas  voulu  aborder  la  traduction  complète  de  Roland.  Tel  qu'il 


—  201  -- 

est,  du  reste,  son  livre  forme  un  petit  poème  presque  régulier,  il  inté- 
ressera et  amusera,  et,  il  faut  bien  en  convenir,  trouvera  plus  facile- 
ment des  lecteurs  que  s'il  eût  oifert  une  traduction  des  quarante-six 
chants,  des  cinquante  mille  vers  environ  de  VOrlando  furioso. 

—  Dans  la  Patrie  en  danger,  M.  Albérie  d'Antullj  —  est-ce  un 
pseudonyme  ?  —  a  reproduit  deux  phases  de  nos  désastres  :  les  hor- 
reurs de  l'invasion  et  celles  de  la  Commune.  M.  d'Antullj  a  le  talent 
du  vers  dramatique,  ses  tirades  sont,  en  général,  fermement  écrites, 
son  dialogue  est  énergique  et  bien  coupé.  Il  pourra  aborder  le  théâtre 
quand  il  aura  trouvé  un  sujet  propre  à  la  scène.  Dans  les  deux  œuvi^es 
qu'a  réunies  ce  volume,  outre  certaines  inexpériences,  les  données 
sont  trop  rapprochées  de  nous  pour  qu'on  ose  les  risquer  sur  un 
théâtre.  Il  y  a,  dans  les  deux  drames,  une  grande  ressemblance  de 
situation  ;  le  dénoûment  du  premier  VEnnemi,  est  à  peu  près 
le  même  que  celui  du  second,  le  Peuple. —  Pourquoi  aussi  avoir  donné 
le  nom  gascon  de  Goyac  à  un  propriétaire  des  environs  de  Mézières  et 
le  nom  par  trop  romantique  de  Sylvane  à  sa  fille  ?  Les  plus  petits 
détails  ont  leur  importance,  dans  une  œuvre  dramatique  surtout,  où 
tout  doit  concourir  à  une  ressemblance  relative...  Mais  nous  tenons  à 
le  répéter,  ces  deux  essais  ne  sont  pas  dépourvus  détalent;  ils  offrent 
de  belles  scènes,  de  beaux  passages.  La  tirade  du  communard  Jean, 
dans  le  dernier,  est  d'une  sauvage  énergie.  M.  d'Antully  ne  s'en 
tiendra  pas  à  ce  volume,  son  coup  d'essai,  nous  le  croyons,  il  a 
évidemment  le  style  dramatique . 

—  Prométhée,  de  M.  Grandmongin,  est  la  glorification  de  la  révolte 
de  l'homme  contre  le  ciel  et  de  l'anéantissement  de  la  divinité.  Un 
chant,  qui  suit  la  délivrance  de  Prométhée,  étale  sans  réticence  la 
néfaste  pensée  du  poète  : 

Rien  ne  reste  de  nous  dans  les  cieux  dépeuplés 

Ne  cherchons  plus  là  haut  de  maîtres  inutiles. 
Et,  marchant  librement  dans  les  pleines  fertiles, 
Vers  un  même  idéal,  unissons  nos  efforts. 
Adorons  la  splendeur  des  êtres  et  des  choses, 
La  grâce  de  la  femme  et  le  parfum  des  roses, 
Hommes,  vivons  enfin,  puisque  les  dieux  sont  morts, 

M.  Grandmongin  a  du  talent,  et  il  est  triste  de  le  lui  voir  employer 
à  exprimer  des  idées  d'athéisme  qui.  lors  de  la  première  révolution, 
envoyaient  Anacharsis  Clootz  à  l'échafaud  et  que  combattait  Robes- 
pierre. —  Que  de  progrès  nous  avons  faits  ! 

—  Voici  encore  un  poème  mythologique,  mais  d'un  tout  autre  genre  ; 
c'est  de  la  mythologie  burlesque,  à  ia  façon  de  celle  d'Orphée  aux 
enfers,  sauf  toutefois  toutes  les  questions  de  convenance  observées 
par  l'auteur.  Nous  n'aimons  pas  beaucoup  cette  espèce  de  comique 


-  202  — 

produit  par  des  anachronismes,  et  qui  consiste  à  transporter  dans 
l'Olympe  les  idées,  les  mœurs  et  les  usages  de  la  vie  parisienne,  à 
faire  de  Jupin  un  bon  bourgeois;  ce  sont  des  plaisanteries  dont  on  se 
lasse  vite  et  d'un  accès  facile.  Une  fois  le  genre  admis,  il  faut  recon- 
naître que  Jean  Loyseau  a  spirituellement  écrit  son  petit  poème,  et 
que  les  vers  n'ont  nullement  gêné  cet  esprit  à  la  fois  juste  et  piquant. 
Jupiter,  après  avoir  célébré  ses  noces  d'or  avec  Junon,  a  juré  par  le 
Styx  de  ne  rien  refuser  de  ce  qu'on  viendrait  lui  demander  dans  ce 
grand  jour.  Il  se  voit,  par  son  serment,  obligé  d'exaucer  les  vœux 
d'une  députation  qui  le  prie  de  marier  le  jour  et  la  nuit.  De  cette 
union  funeste  naissent  une  foule  de  maux  et  tous  les  désordres  ima- 
ginables... On  voit  d'ici  l'idée  allégorique  de  l'œuvre;  le  poète, 
d'ailleurs,  l'expose  dans  un  épilogue,  où  l'on  remarque  des  vers  bien 
frappés,  celui-ci  entre  autres  : 

Où  tout  est  respecté  rien  n'est  plus  respectable. 

Le  poète  ne  veut  pas  qu'on  cherche  à  unir  des  choses  incompa- 
tibles : 

Le  faux  avec  le  vrai,  le  saint  avec  l'immonde.,. 
Le  Christ  et  Bélial,  et  le  jour  et  la  nuit. 

La  langue  de  Jean  Loyseau  est  bonne;  nous  signalerons  cependant, 
page  92,  l'adverbe  de  suite  employé  au  lieu  de  tout  de  suite,  dont  le 
sens  est  fort  différent. 

—  Si,  dans  quelques  années,  M.  Al.  Hesp  continue  à  faire  des  vers, 
comme  cela  est  probable,  car  son  volume  semble  indiquer  une  vocation 
réelle,  et  s'il  relit  les  Errantes,  il  trouvera  sans  doute  qu'il  s'est  trop 
pressé  de  le  publier.  A  côté  de  pièces  assez  réussies,  il  en  est  d'autres 
faibles,  et  sur  lesquelles  les  reflets  de  Musset  sont  visibles.  Quand  l'âge 
plus  mûr  sera  venu,  l'auteur  pourra  trouver  encore  qu'il  a  fait  au 
public  bien  des  confidences  d'un  médiocre  intérêt;  enfin,  devenu  plus 
sévère  sur  la  langue,  il  se  reprochera  d'avoir  parlé  d'un  aigle  fixant  le 
soleil  (p.  6),  et  d'avoir,  par  besoin  d'une  rime,  inoculé  le  mot  gazouillis 
(p.  18).  Mais  reconnaissons-le  aussi,  il  est  beaucoup  de  vers  bien 
frappés,  harmonieux,  faciles,  rimes  richement,  qui  provoqueroKtun 
très-légitime  sourire  de  satisfaction  sur  les  lèvres  devenues  plus  sé- 
rieuses du  poète. 

—  Ébauches  et  reflets:  En  appelant  ainsi  son  volume,  M.  Paul  Revoil 
Ta  bien  caractérisé.  Ses  vers  sont,  en  efl'et,des  esquisses,  des  essais,  et 
les  reflets  n'y  manquent  pas.  Le  livre  se  termine  par  une  sorte  de  petit 
conte  :  le  Plateau,  que  l'auteur  aurait  pu,  sans  risque, laisser  au  fond  de 
son  tiroir.  A  l'exemple  de  deux  ou  trois  vieux  poètes  espagnols,  imités 
par  Orante,  M.  Revoil  fait  assez  bizarrement  désespérer  l'espérance 
(page  39). 


—  203  — 

—  Nous  espérons  ne  pas  être  indiscret  en  nous  arrêtant  un  instant 
devant  un  volume  qui. n'a  pas  été  mis  en  vente,  les  Éphémères.  Nous 
nous  arrêtons  devant  ce  volume  avec  les  mêmes  sentiments  que 
devant  une  tombe.  M.  Henri  Chautard  est  mort  le  19  janvier  1876,  à 
trente-un  ans.  Des  mains  pieuses  ont  recueilli  les  vers  assez  nombreux 
qu'il  a  laissés,  et  qui  inspirent  de  si  vives  sympathies  pour  leur  jeune 
auteur.  M.  Henri  Chautard  était  à  bonne  école  ;  on  doit  à  son  père 
une  très-remarquable  traduction  en  vers  des  œuvres  d'Horace,  Il  en  a 
été  parlé  dans  cette  Revue. 

—  Il  y  a  une  certaine  verve,  mais  aussi  un  peu  de  décousu  dans 
les  Gallo-Franques  de  M.  Jean  Larchet.  Le  livre  débute  par  des 
stances  où  l'imitation  de  Musset  est  visible.  La  pièce  intitulée  Blanche, 
dont  la  fin  ne  me  plaît  pas  beaucoup,  offre  un  touchant  portrait  d'une 
jeune  fille  mourante.  Des  fragments  d'un  poème  sur  lord  Byron  sont 
peut-être  la  meilleure  partie  du  volume.  Je  n'aime  pas  l'Empire,  mais 
je  n'aime  pas  non  plus  une  sorte  d'ode  d'un  stjle  étrange,  adressée  à 
Napoléon  IV.  Innocent  des  fautes  de  sa  race,  exilé,  le  prince  a  droit 
à  des  égards  trop  oubliés  par  le  poète. 

—  M.  Léon  Bonardier  a  chanté  Deux  ans  de  jeunesse.  Comme  on 
peut  le  penser,  l'amour  a  un  grand  rôle  dans  ce  livre,  ainsi  que  les 
découragements  qu'à  cet  âge  il  est  un  peu  trop  de  mode  d'afficher. 
En  résumé,  vers  assez  faciles,  sans  rien  de  saillant. 

—  M.  Ernest  Vion,  dans  ses  Premières  ébauches,  ne  manque  ni  de 
verve,  ni  d'originalité.  11  a  souvent  l'image  imprévue  et  vraie,  mais 
le  goût,  le  tact,  font  fréquemment  défaut  dans  ces  essais,  et  l'auteur 
tombe  aisément  dans  l'étrangeté.  M.  Vion  dédie  son  livre  à  Mistral, 
mais  il  est  républicain,  et  a  soin  d'écrire  le  Roi  avec  un  y;  il  est  de 
plus  impie,  ce  qu'il  proclame  dans  une  épître  à  M.  Veuillot,  épître  où, 
malgré  ses  opinions,  il  avoue  son  admiration  pour  le  grand  prosateur. 
M.  Vion  n'est  pourtant  pas  du  côté  de  la  république  aimable  ;  il  nous 
promet  du  sang  (p.  8)  : 

î_e  sang  nous  rougira  comme  une  sorbe  mûre, 
Quand  nous  nous  prendrons  corps  à  corps. 

Belle  perspective  !  On  peut  se  demander  si,  au  fond  des  opinions  de 
M.  Vion,  il  n'j  a  pas  quelque  chose  de  ce  sentiment  qui  fait  dire  au 
personnage  d'une  comédie  :  «  Soyons  tous  grands  seigneurs,  c'est 
comme  cela  que  j'ai  toujours  compris  l'égalité  !  »  —  Dans  une  pièce 
à  Mistral,  le  poète  s'écrie  que   : 

si  comme  l'argent  cela  pouvait  se  prendre, 

il  n'hésiterait  pas,  plein  d'une  convoitise  folle  et  le  poignard  à  la  main, 
à  voler  le  génie  de  celui  à  qui  il  s'adresse,  et  à  devenir  assassin. 


—  20i  — 

L'aimable  Lomme  !  et  que  l'illustre  félibre  doit  être  flatté  de  ce  com- 
pliment singulier.  Je  l'ai  dit,  et  on  le  voit,  M.  Vion  a  des  idées 
bizarres  ;  il  voudrait  avoir  pour  encrier  le  creux  de  la  main  d'une 
femme.  Alors,  il  en  est  certain,  il  ne  tracerait  plus  que  des  vers  ad- 
mirables. Souhaitons-lui  cette  gracieuse  ccritoire. 

—  M.  Franck  Pilate  est  républicain  aussi,  et,  de  plus,  fort  irré- 
ligieux ;  il  attaque  ce  que  je  vénère,  il  écrit  en  italien  un  mauvais 
sonnet  sur  le  B.  Labre  ;  cela  ne  doit  pas  m'empêcher  de  reconnaître 
qu'il  y  a  dans  son  livre  des  vers  bien  faits.  Son  petit  poème  sur 
Geoffroy  Rudel  n'est  pas  mal  narré  ;  seulement  Geoffroy  Rudel,  trou- 
badour, n'était  nullement  un  ménestrel  des  comtes  de  Bretagne. 
Le  Fils  de  Ganelon,  inspiré  par  un  drame  célèbre  et  écrit  la  Légende 
des  siècles  sous  les  yeux,  a  de  bonnes  stances;  mais  M.  Pilate  a  eu  tort 
de  mêler  des  créations  des  poètes  italiens,  Marphise,  Bradamante, 
aux  guerriers  chantés  par  les  trouvères. 

—  Les  sonnets  de  M.  Maurice  du  Moncel  ne  manquent  pas  d'origi- 
nalité. L'auteur  a  son  franc  parler  sur  la  politique  — il  aime  peu  celle 
qui  se  fait  aujourd'hui  —  et  sur  les  grands  personnages  du  jour,  dont  il 
n'est  pas  du  tout  le  courtisan.  Les  peintures  réalistes  n'effrayent  pas 
—  pas  assez  peut-être  —  M.  du  Moncel.  Il  n'est  pas,  lui,  un  poète  lan- 
goureux, et  ne  craint  pas  de  célébrer,  à  l'exemple  de  nos  pères,  les 
crîis  de  Champagne  et  de  Bourgogne.  Il  crayonne  aussi  des  impres- 
sions de  voyage  ;  les  voyages,  il  les  aime,  surtout  pour  avoir  le  plaisir 
de  revenir  à  Paris. 

—  La  moue  de  lord  Byron  a  fait  grimacer  bien  des  innocents 
visages,  disait  A.  de  Vigny.  On  peut  maintenant  remplacer  dans  cette 
phrase  Bj^ron  par  Musset.  Voici  un  livre  de  plus  qui  le  prouve  ;  mais 
ce  n'est  pas  du  tout  être  original  que  d'imiter  l'originalité  d'un  autre 
et  les  Vibrations  sont  surtout  des  réverbérations.  Nous  avons  peu  de 
chose  à  dire  de  ce  volume,  orné  d'une  préface  cavalière  qui  prévient 
peu  en  sa  faveur,  parsemée  d'expressions  vulgaires,  gavé  par  exemple, 
et  émaillé  de  stances  dans  le  goût  de  celle-ci  : 

Te  souviens-tu  de  ma  voix  rauque 
Quand  je  t'ai  dit  :  Madame,  et  puis. 
Après  un  long  soupir  baroque 
«  Il  fait  bien  chaud!  »  Ah  !  ah!  j'en  ris, 

Le  livre  de  M.  Vébé  n'est  tiré  qu'à  cent  exemplaires  ;  c'est,  au  point 
de  vue  typographique,  un  charmant  volume. 

—  C'est  en  187G  que  M.  A.  Charra-ux  a.  \mh\ié  France  et  Lorraine  ; 
par  sa  date,  ce  livre  n'a  plus  droit  à  figurer  dans  cette  revue.  Nous 
croyons  que  l'on  nous  permettra  de  faire  une  exception  en  sa  faveur. 
Nous  aurions  un  vif  regret  de  ne  pouvoir  signaler  des  vers  où  les  plus 
nobles  sentiments  de  foi,  de  patriotisme,  de  dévouement  sont  exprimés 


—  20o  — 

avec  un  talent  réel.  M.  Charraux  est  Lorrain;  il  a  cruellement  souffert 
du  triste  sort  réservé  à  son  pays;  mais  aux  douleurs  se  mêle  l'espérance. 
Ce  qui  domine  dans  tout  ce  livre,  c'est  une  inspiration  vraie;  le  poète 
ne  s'est  pas  mis  en  quête  de  sentiments  à  rimer  ;  il  a  fait  des  vers  pour 
rendre  ce  qu'il  éprouvait.  Nous  voudrions  voir  une  nouvelle  édition 
de  France  et  Lorraine  un  peu  plus  soignée  typograpliiquement, 
émondée  de  quelques  pièces  inférieures,  et  corrigée  de  quelques 
négligences. 

—  Plusieurs  des  poésies  qui  composent  le  volume  de  M.  Paul 
Collin  :  Du  grave  audoux,  ont  para  dans  diverses  revues  parisiennes. 
Elles  ont  reçu  du  public  un  accueil  qui  est  de  favorable  augure  pour  le 
volume  où  elles  se  présentent  de  nouveau.  L'inspiration  sous  laquelle 
il  a  été  composé  ne  cesse  d'être  élevée  et  pure.  Ce  sont  de  nobles  et 
bons  sentiments  que  M.  Collin  se  plaît  à  exprimer,  et  qu'il  exprime 
parfaitement,  que  ses  productions  soient  graves  ou  douces.  M.  Collin 
a  plusieurs  fois  repris  la  forme  du  rondel,  non  du  rondeau  dont  Voi- 
ture définissait  les  règles  : 

Ma  foi,  c'est  fait  de  moi,  car  Isabeau 
M'a  conjuré  de  lui  faire  un  rondeau... 

Mais  du  rondel  primitif,  antérieur  à  Marot,  tel  que  l'écrivait  Charles 
d'Orléans.  Pourquoi  ne  citerions-nous  pas  un  des  rondels  de  M.  Collin, 
pris  au  hasard,  car  ils  sont  tous  jolis. 

Las  !  c'est  fini,  nulle  clarté 

Aux  cieux  blêmis  plus  ne  rayonne 

Le  vent  effeuille  la  couronne 

Du  doux  printemps,  du  bel  été, 

Et  devient  Fbiver  redouté  ; 

Bientôt  aussi  fuira  l'automne 

Las  !  c'est  fini,  nulle  clarté 

Aux  cieux  blêmis  plus  ne  rayonne. 

Avec  même  rapidité 

Le  plaisir  qu'un  matin  nous  donne 

Dès  avant  le  soir  abandonne 

Notre  pauvre  cœur  attristé, 

Las!  c'est  fini,  nulle  clarté 

Aux  cieux  blêmis  plus  ne  rayonne. 

M.  Collin  affectionne  aussi  le  sonnet,  et  d'ordinaire  le  réussit  bien... 
Peut-être  quelquefois  le  poète  ne  respecte-t-il  pas  assez  la  césure? 
Il  n'est  cependant  point  partisan  de  récentes  innovations,  et  a  môme 
spirituellement  protesté  contre  elles  dans  le  morceau  intitulé  Nou- 
velle école.  Nous  nous  attarderions  volontiers  devant  ce  bon  et  joli 
volume,  et  ne  nous  consolons  de  le  quitter  sitôt  que  par  la  pensée 
que  nous  avons  inspiré  à  nos  lecteurs  le  désir  de  le  connaître  dans 
son  entier. 


—  206  — 

—  Les  Aspirations  du  travail,  études  politiques  et  critiques  sur  les 
antithèses  sociales  :  le  lecteur  va  certainement  croire  que  ce  titre 
s'est  fourvoyé  au  milieu  de  mon  article,  qu'il  s'agit  d'un  livre  dont 
l'examen  doit  appartenir  à  une  autre  partie  de  cette  Revue.  Non,  il 
n'y  a  pas  d'erreur,  ce  titre  est  celui  d'un  recueil  de  vers,  et  il  abrite 
peut-être  plus  de  poésie  vraie  que  beaucoup  de  sémillantes  couver- 
tures roses  que  nous  avons  eu  à  soulever.  Il  abrite, en  tout  cas, de  gé- 
néreux sentiments  :  la  religion,  la  résignation,  l'amour  du  travail  ont 
bien  inspiré  M.  Jouham  ;  ses  vers,  qui  semblent  surtout  destinés  aux 
classes  laborieuses,  offrent  une  lecture  saine,  fortifiante,  consolante. 
Tous  ne  sont  pas  excellents,  mais  toutes  les  pensées  qu'ils  expriment 
sont  bonnes,  et  très-souvent  elles  sont  rendues  avec  originalité,  avec 
verve,  avec  gaîté  même,  comme  dans  la  pièce  intitulée  le  Luxe,  où 
chaque  stance  amène  ce  refrain  : 

...  Que  de  choses 

Dont  je  n'aurai  besoin  jamais. 

Nous  croyons  qu'il  y  aurait  à  extraire  de  ce  volume  un  choix  de 
poésies  qui  recevrait  un  bon  accueil  des  ouvriers  honnêtes. 

—  Rien  de  très-nouveau  ni  de  très-original  dans  Libres  et  pures  de 
M.  E.  Gauthier.  Quelques  paysages  assez  bien  réussis,  des  souvenirs, 
des  espérances,  de  l'amour,  un  peu  de  politique,  pas  trop  pourtant, 
mais  assez  pour  que  le  poète  coiffe  un  archange  du  bonnet  phrygien 
(p.  51),  rien  qui  puisse  faire  promettre  au  poète  un  avenir  éclatant, 
rien  non  plus  qui  autorise  à  l'engager  à  renoncer  aux  vers,  tels  sont 
les  souvenirs  que  laisse  la  lecture  de  ce  volume. 

—  Sila  plupart  des  poètes  modernes  se  plaisent  à  réunir  leurs  œuvres 
en  charmants  volumes,  d'autres  n'ont  pas  la  patience  d'attendre  que 
le  volume  puisse  être  complet,  et  nous  donnent  leurs  vers  au  fur  et  à 
mesure  qu'ils  les  composent;  c'est  ainsi  que  M.  Jules  Bailly  a  publié 
la  relation  d'un  voyage  de  Bruxelles  à  Tervueren,  relation  facile  et 
souvent  harmonieusement  écrite  ;  c'est  ainsi  encore  qu''il  fait  paraître 
un  petit  poème  sur  le  Jardin  d'acclimation. 

—  L'Égide  de  M.  Albert  Chanteau  est  aussi  une  brochure,  et  cette 
brochure  est  un  proverbe.  Est-ce  que  M.  Emile  Augier,  il  y  a  une 
trentaine  d'années,  en  écrivant  Ga6r<e//e,  n'aurait  pas  pris  à  M.  Chan- 
teau l'idée  de  sa  petite  pièce  ? 

—  Un  mot  pour  finir  sur  un  poète  qui  a  eu  son  rôle  il  y  a  une  quaran- 
taine d'années,  et  que  l'on  tire  de  l'oubli.  Ceux  de  nos  lecteurs 
qui  vivaient  déjà  au  temps  des  enthousiasmes  romantiques  se  rappel- 
leront sans  doute  le  nom  de  Philothée  O'Neddy,  anagrame  qui  cachait 
le  nom  plus  vulgaire  de  Théophile  Dondey.  Dondey  n'a  point  passé 
inaperçu  au  milieu  de  cette  grande  effervescence  littéraire.  Son  livre 


—  207  — 

Feu  et  Flamme,  oflfre  des  qualités  poétiques  qui  frappèrent  Chateau- 
briand, Béranger  et  M.  V.  Hugo,  alors  moins  prodigue  qu'aujour- 
d'hui de  brevets  de  génie.  Les  oeuvres  posthumes  de  Dondey  ont  été 
récemment  publiées;  elles  méritaient  de  l'être,  tant, —  malgré  bien  des 
exagérations  et  des  défauts  de  goiit,  —  à  cause  d'un  talent  dont  elles 
révélaient  quelques  traces,  que  parce  qu'elles  caractérisent  bien  une 
période  de  notre  histoire  littéraire.  Ces  œuvres  posthumes  sont  pré- 
cédées d'une  étude  détaillée  de  M.Ernest  Havet.Une  petite  remarque: 
malgré  son  républicanisme,  M.  Dondej  semble  avoir  eu  un  faible 
pour  les  noms  à  apparence  aristocratique;  non  content  de  son  pseu- 
donyme de  Philothée  O'Neddy,  il  y  avait  ajouté,  sur  le  manuscrit  pu- 
blié aujourd'hui,  le  titre  de  vidame  deThyannes;  en  tête  d'une  nou- 
velle parue  en  1842,  il  avait  déjà  fait  suivre  son  nom  véritable  de 
celui  de  Santeny.  Nous  n'avons  pas,  dans  cet  article,  destiné  à  des 
œuvres  contemporaines,  à  examiner  avec  détail  des  poésies  remontant 
à  de  lointaines  années;  mais  nous  tenons  à  constater  leur  apparition; 
elles  doivent  avoir  leur  place  sur  le  rayon  que,  dans  toute  biblio- 
thèque un  peu  complète,  on  réserve  aux  romantiques. 

Jean  de  Villemaury. 


THEOLOGIE 


L.'^Binitatioa  de  •lésus-Chrîst.  Traduction  de  iMichel  de  Marillac, 
garde  des  sceaux  de  France.  Compositions  par  J.-P.  Laurens,  gravées  à 
l'eati-fortepar  LéupoldFlamong.  Paris,  A.  Quantin,  1878,  ia-8  de  xix-407p. 
—  Prix  :  25  fr. 

Ceci  est  plutôt  un  livre  d'amateur  qu'un  livre  de  dévot.  La  traduc- 
tion de  Michel  de  Marillac  a  été  réimprimée  plusieurs  fois  de  nos 
jours,  et  en  particulier  en  un  joli  volume  faisant  partie  de  la  Bi- 
bliothèque spirituelle  de  M.  S.  de  Sacy  (Paris,  Techener,  1853).  Cette 
nouvelle  édition  se  distingue  par  le  luxe  de  l'impression,  exécutée, 
avec  le  soin  qui  caractérise  les  publications  de  M.  A.  Quantin,  sur 
papier  Turkey-Mill,  et  encadrée  de  filets  rouges,  et  par  dix  compo- 
sitions de  J.-P.  Laurens,  un  peu  fantaisistes,  mais  fort  bien  gravées  à 
l'eau-forte  par  Léopold  Flameng,  qui  constituent  l'originalité  du 
livre.  Mais  pourquoi  n'avoir  pas  mis  au  courant  de  la  science  la  pré- 
face, signée  du  nom  de  M.  A.-J.  Pons?  Est-il  permis  de  ne  parler  que 
de  MM.  J.  J.  Ampère  et  Michelet,  comme  partisans  «  du  moine  al- 
lemand A.  Kempis  {sic),  et  de  M.  Eraest  Renan,  «  expert,  lui  aussi, 
en  ces  matières,  »  comme  partisan  de  «  l'abbé  de  Gersen?  »  Il  nous 
semble  que  la  controverse  a  été  assez  prolongée  et  assez  retentissante 
pour  qu'on  n'en  soit  pas  encore  à  ce  qu'on  appelle  «  des  autorités  si 


—  208  — 

imposantes.  »  En  vain  veut-on  introduire  dans  le  débat  un  nouvel 
auteur,  Thomas  de  Gerson,  neveu  du  célèbre  chancelier  de  l'Univer- 
sité de  Paris,  et  faire  sortir  le  De  imiiationc  Christi  «  d'une  plume 
excommuniée.  »  Il  j  aurait  bien  d'autres  choses  à  reprendre  dans  ces 
dix-neuf  pages  de  préface,  qui  accusent  une  plume  peu  exercée  en  pa- 
reille matière  et  en  tout  cas  fort  peu  orthodoxe.  A  tant  faire  que  de 
nous  donner  une  édition  nouvelle  de  la  remarquable  traduction  de 
Michel  de  Marillac,  au  moins  fallait-il  apporter  plus  de  circonspection 
et  d'érudition  dans  le  commentaire  qu'on  lui  donne,  et  qui  n'est  digne 
ni  du  sujet,  ni  de  la  critique  contemporaine.  Nous  le  répétons  donc  : 
c'est  aux  curieux  et  aux  mondains  que  s'adresse  cette  jolie  publica- 
tion, dont  le  mérite  est  purement  arllslique.  E.  d'A. 


2^e  Koran  analvsé,  par  Jules  La  Beaume.  Paris,   Maisonneuve,  1878; 
in-4  de  793  p.  —  Prix  :/^0  fr. 

Le  Koran  a  six  mille  cent  soixante-six  versets,  qui  sont  répartis  de 
la  manière  suivante  par  les  docteurs  musulmans  :  mille  versets  ren- 
ferment des  commandements;  mille,  des  défenses  ;  mille,  des  pro- 
messes de  félicité  ;  mille,  des  menaces  terribles;  mille,  des  préceptes 
de  pratiques  religieuses;  mille,  des  récits  et  histoires  ;  cinq  cents,  les 
principes  du  bien  et  du  mal;  cent,  des  invocations  et  la  glorification 
du  nom  et  des  attributs  de  Dieu;  soixante-six,  des  décrets  annulant 
d'autres  décrets  antérieurs  à  la  constitution  de  la  loi,  et  qui  ont  dû 
être  abrogés  par  de  nouvelles  dispositions.  On  divise  le  Koran,  pour 
l'usage  ordinaire  des  lectures  en  public,  soit  dans  la  mosquée,  soit 
dans  les  écoles,  en  trente  sections.  Chacune  de  ces  parties  est  divisée 
en  deux  haz'ô,  et  chaque  hazb  se  partage  en  quatre  coupures.  Nous 
empruntons  ce  renseignement  à  la  traduction  du  Précis  de  Sidi-Khelijl 
par  le  docteur  Perron. 

Mais  cette  manière  de  scinder  la  substance  du  livre  ne  se  rapporte 
en  aucune  façon  à  nos  habitudes  de  travail.  Ce  qu'il  nous  faut, en  effet, 
pour  connaître  un  ouvrage  et  le  consulter  avec  frait,  c'est  une  table 
raisonnée,  où  les  matières  soient  rangées  par  ordre, et  détaillées,  avec 
l'indication  des  chapitres,  des  pages,  des  alinéas  ;  en  un  mot,  un  index 
méthodique  servant  à  faire  trouver  facilement  les  phrases  et  les  mots 
qui  y  sont  contenus.  Or,  la  rédaction  du  Koran  se  présente  à  nous  avec 
des  caractères  tout  à  fait  particuliers  et  dont  on  ne  rencontre  l'ana- 
logue dans  aucune  littérature.  Ce  n'est,  dit  l'auteur  de  l'Histoire  des 
langues  sémitiques,  ni  le  livre  écrit  avec  suite,  ni  le  texte  vague  et 
indéterminé  arrivant  peu  à  peu  à  une  leçon  définitive,  ni  la  mise  en 
oeuvre  des  enseignements  du  maître  d'après  les  souvenirs  de  ses  dis- 
ciples ;  c'est  le  recueil  des  prédications,  des  avertissements,  des  ordres 


—    2(1!)    — 

du  jour  de  Mohammed,  portant  encore  la  date  du  lieu  où  ils  parurent 
et  la  trace  de  la  circonstance  qui  les  provoqua.  Chacune  de  ces  pièces 
était  écrite,  après  la  récitation  du  Prophète,  sur  des  peaux,  sur  des 
omoplates  de  mouton,  des  pierres  lisses,  des  branches  de  palmier. 
Quelques  parties  même  du  Koran  n'avaient  point  été  fixées  par  l'écri- 
ture^ et  n'existaient  que  dans  la  mémoire  des  principaux  disciples,, 
que  l'on  appelait  «  porteurs  du  Koran.  »  La  perte  de  ces  pieux  com- 
pagnons du  Prophète,  tués  à  la  journée  d'Acrabâ,  fit  sentir  au  khalife 
Abou-Bekr  la  nécessité  de  réunir  les  Recitations  sacrées  en  un  corps 
d'ouvrage,  afin  que  le  dépôt  de  la  loi  musulmane,  laissé  par  Mohammed 
à  ses  contemporains,  put  être  transmis  dans  son  intégrité  aux  géné- 
rations suivantes.  Une  commission  composée  des  disciples  survivants 
et  des  sectateurs  les  plus  instruits,  fut  chargée  de  mettre  bout  à  bout 
les  fragments  épars  et  souvent  contradictoires  des  discours  de  l'apôtre 
de  Dieu.  On  en  fit  une  compilation,  on  en  forma  un  ensemble,  et 
l'exemplaire  type,  à  la  rédaction  duquel  avait  présidé  Zeyd-ben- 
Thabet  fut  confié  à  la  garde  de  Hafsa,  fille  d'Omar,  l'une  des  veuves 
de  Mohammed. 

Mais  il  convient  de  remarquer  qu'aucun  travail  de  coordination  ou 
de  conciliation  ne  fut  tenté  ;  on  se  borna  à  mettre  en  tète  les  plus 
longs  morceaux  ;  on  réunit  à  la  fin  les  plus  courtes  sourates,  en  sorte 
que  le  Mémorial,  descendu  du  ciel,  se  prête  difficilement  à  l'analyse, 
dans  l'état  de  désordre  où  les  idées  s'y  amalgament,  avec  les  contra- 
dictions flagrantes  qui  l'obscurcissent.  Que  nous  importe  cette  élé- 
gance inimitable  du  style,  ce  langage  pénétrant,  qui  ne  peut  toucher 
que  les  Arabes?  Les  recherches  des  érudits  ne  s'arrêtent  point  à  la 
magie  des  paroles.  Aujourd'hui,  l'on  se  préoccupe  de  l'e  spritdu  Koran; 
on  veut  pouvoir  apprécier  sainement  la  pensée  de  Mahomet,  ce  réfor- 
mateur dont  l'imagination  était  trop  vive  pour  être  réglée. 

C'est  pour  satisfaire  un  besoin  de  cette  nature  que  J.  La  Beaume  a 
consacré  ses  méditations  à  l'étude  du  Koran,  et  qu'il  a  entrepris  de 
dégager  les  différents  éléments  qui  entrent  dans  cet  alliage  dogmatico- 
législatif.  On  lui  saura  d'autant  plus  gré  de  l'effort  réalisé,  que  les 
orientalistes  eux-mêmes  ne  l'avaient  point  tenté.  Mais  on  reconnaît 
que  le  système  adopté  par  lui  n'a  pas  été  combiné  du  premier  coup.  La 
couleur  de  prédication,  répandue  également  sur  toute  l'œuvre  de 
Mahomet,  et  qui  en  pénètre  les  moindres  parties,  rendait  la  tâche 
ardue,  en  empêchant  de  distinguer  l'idée  principale  qu'il  s'agit  dô 
mettre  en  relief.  Ainsi,  pour  ne  citer  qu'un  passage  pris  au  hasard, 
nous  sommes  forcé  de  nous  séparer  de  l'opinion  de  J.  La  Beaume^ 
lorsqu'il  écrit  dans  l'Litroduction,  p.  13  :  «  Il  a  été  tenu  compte  de  es 
que  le  Koran  contient  de  promesses  et  de  conditions  quant  au  pro- 
grès. »  Ne  pouvant  pas  traiter  ici  longuement  une  thèse  qui  a  sou- 
Sei'te.mbue  1878.  T.  XXIII,  14. 


—  210   - 

levé  tant  de  discussions,  nous  opposerons  aux  paroles  de  J.  Le  Beaume, 
la  déclaration  formelle  d'un  arabisant  justement  renommé,  le  docteur 
Perron.  En  voici  les  termes  :  «  Mahomet  n'a  pas  reconnu  la  loi  du 
progrès  incessant,  ou  bien  il  a  cru  pouvoir  clouer  sur  place  l'huma- 
nité; il  a  fait  de  rislamisme  un  cercle  de  fer,  au  lieu  d'en  faire  une 
voie  droite,  vivante,  prolongeable  ;  et  il  a  dit  au  monde  :  «  Tu  n'iras 
pas  plus  loin!  »  [L'islamisme,  son  institution,  etc.,  p.  5.  Paris,  1877.) 
A  part  cette  appréciation  et  quelques  autres  du  même  genre,  qui 
ne  laisseront  pas  de  provoquer  la  critique,  le  Koran  analysé  doit  être 
considéré  comme  un  livre  très-utile,  en  ce  sens  qu'il  rend  les  re- 
cherches plus  commodes,  par  suite  de  la  disposition  logique  de  la 
plupart  des  matières.  L'index  placé  à  la  fin  du  volume  range  sous  nos 
yeux  toute  la  substance  du  Guide  sacré  des  Arabes,  des  Turcs  et  des 
Persans,  le  Guide  des  vrais  voyants. 

Une  biographie  de  Mahomet,  jugé  au  point  de  vue  politique  (p. 6-26), 
précède  le  catalogue  raisonné  de  ses  prédications,  et  en  forme,  pour 
ainsi  parler,  le  préliminaire  indispensable.  C'est  une  notice  très- 
substantielle,  qui  aide,  à  la  fois,  à  comprendre  la  portée  du  prédica- 
teur, et  à  étudier  la  matière  qu'il  avait  à  remuer.  On  y  embrasse, 
comme  dans  un  tableau  synoptique,  les  troubles  considérables  qui 
régnaient  dans  le  monde,  au  sixième  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Et,  ce 
début,  qui  n'est  ni  une  réfutation  amère,  ni  une  apologie  emphatique, 
se  rapproche  effectivement  de  la  vérité,  par  une  tendance  visible  à 
l'impartialité.  Mahomet  se  détache  de  la  légende  et  se  peint  dans  ces 
quelques  pages,  avec  ses  aspirations,  son  enthousiasme  et  ses  luttes. 
Les  eff'orts  qu'il  fait,  pendant  dix  ans,  pour  imposer  le  culte  du  Dieu 
unique  à  un  peuple  plongé  dans  l'idolâtrie  et  désuni,  sortent  de  la 
pénombre,  sont  motivés,  et  reçoivent  là  leur  légitimation.  On  ne  peut 
s'empêcher  de  reconnaître  qu'il  est  supérieur,  sous  le  rapport  de  la 
morale,  à  tous  ceux  qui  l'entouraient.  Le  trait  qui  nous  charme,  dans 
cette  nature  énergique,  c'est  la  recommandation  adressée  aux  jeunes 
garçons  en  des  termes  dont  la  tendresse  égale  la  simplicité  :  «  Un  fils 
gagne  le  paradis  aux  pieds  de  sa  mère  (p.  601).  » 

Nous  ne  saurions  donner  une  meilleure  idée  de  l'utilité  qui  ressort 
du  répertoire  analytique  de  J.  La  Baume,  qu'en  examinant,  par  exem- 
ple, la  série  de  versets  relatifs  à  l'état  social  de  la  femme  chez  les 
musulmans.  C'est  là  qu'on  voit  combien  il  a  fallu  de  pénétration  pour 
saisir  la  plausibilité  du  sens,  à  travers  les  teintes  vagues  et  les  données 
fuyantes  du  langage  prophétique.  Les  soixante-quinze  versets,  qui 
ont  été  rapprochés  dans  le  chapitre  des  Femmes  (p.  573-603),  sont  tirés 
d'une  quarantaine  de  sourates  ;  en  sorte  que  l'on  en  vient  à  se  deman- 
der, comment  un  écrivain  qui  veut  disserter  sur  le  sujet,  s'astreindrait 
à  chercher  lui-même  les  éléments,  si  disséminés,  et  si  éloignés  les 


-   211   — 

uns  des  autres  par  le  hasard  de  la  prédication.  La  patience  lui  man- 
querait assurément,  parce  que  la  lecture  du  Koran,  tel  qu'il  se  pré- 
sente, est  insoutenable.  Bien  des  gens  en  ont  fait  l'expérience,  sans 
pouvoir  atteindre  à  la  dixième  page.  Quel  est  l'orientaliste  qui  n'a 
pas  eu  besoin,  cent  fois,  de  feuilleter  le  compendium  de  l'idée  moham- 
medienne  pour  y  puiser  un  argument,  une  déclaration,  se  rapportant 
à  l'objet  de  ses  études  ?  Est-ce  qu'en  Algérie,  il  n'arrive  pas,  chaque 
jour,  à  un  magistrat  de  recourir  au  Koran,  en  vue  de  s'éclairer  sur  le 
statut  personnel?  Eh  bien  !  qu'il  entreprenne  seulement  de  découvrir 
la  recommandation  adressée  aux  polygames  !  Si  son  astre,  en  naissant, 
ne  l'a  doué  d'une  persévérance  à  toute  épreuve,  il  lui  semblera  bien 
fastidieux  de  se  voir  réduit  à  lire  scrupuleusement  toutes  les  pages  et 
tous  les  alinéas,  au  moins  cinquante  feuillets,  depuis  le  commencement 
de  la  traduction  française,  jusqu'à  tel  ou  tel  passage  de  la  sourate  iv, 
où  figurent  les  versets  3  et  123,  ainsi  conçus  : 

«  Si  vous  craignez  de  ne  pas  être  équitables  envers  les  orphelins, 
n'épousez,  parmi  les  femmes  qui  vous  plaisent,  que  deux,  trois  ou 
quatre.  Si  vous  craignez  encore  d'être  injustes,  n'en  épousez  qu'une 
seule  ou  bornez-vous  à  une  esclave. . .  » 

((  Vous  ne  pouvez  jamais  traiter  également  toutes  vos  épouses, 
quand  même  vous  le  désireriez  ardemment.  Gardez-vous  de  suivre 
entièrement  la  pente,  et  d'en  laisser  une  comme  en  suspens...  » 

Le  temps  consacré  aux  recherches  dans  de  pareilles  conditions  est 
une  valeur  perdue.  Tandis  que,  si  l'on  prend  le  Koran  analysé,  on 
trouve  immédiatement  et  Sans  peine  les  versets  sus-mentionnés,  dans 
le  chapitre  qui  concerne  les  femmes  (p.  599).  C'est  donc  ce  classement 
philosophique  qui  devait  porter  remède  à  la  situation,  et  nous  mettre 
en  main  le  fil  conducteur.  Explorons  nous-mêmes  le  Koran,  et  lan- 
çons-nous à  la  poursuite  des  265  articles  qui  prescrivent  la  «  guerre 
sainte.  »  La  question  en  vaut  la  peine,  ayant  failli  nous  séparer  des 
musulmans.  Mais  quel  espace  à  parcourir,  bon  Dieu  !  Les  265  articles 
vont  de  la  sourate  ii  à  la  sourate  lxi,  c'est-à-dire  d'une  extrémité 
du  livre  à  l'autre  extrémité.  Lecteur,  avez  vous  une  journée  à  perdre? 
Vous  sentez-vous  le  courage  d'étudier,  la  plume  à  la  main,  quatre 
cents  pages  ?  Il  y  a  lieu  d'en  douter.  Vous  seriez  rebuté,  avant  d'avoir 
fini  votre  enquête  dans  les  premières  sourates,  et,  de  guerre  lasse, 
vous  aimeriez  encore  mieux  rester  sous  l'impression  des  préjugés  qui 
courent  ;  en  d'autres  termes,  vous  continueriez  à  croire  que  le  Koran 
contient  un  appel  aux  armes,  officiel,  sanctionné  par  l'inspiration 
divine,  ainsi  que  le  supposent  la  plupart  des  Européens.  Prenons  de 
nouveau  le  Koran  analysé,  et  consultons  le  §  37,  intitulé  :  Appel  aux 
armes.  Tous  les  versets  concernant  la  guerre  sont  venus  s'y  ranger, 
comme  pour  permettre  d'envelopper  d'un  seul  coup  d'œilles  fragmente 


épars  de  la  perpétuelle  proclamation  de  Mahomet  contre  ses  ennemis, 
les  ennemis  de  sa  doctrine  naissante.  Plus  d'équivoque,  plus  de  fausse 
interprétation.  Les  textes  entrent  en  pleine  lumière  et  parlent  avec 
précision.  Ainsi  le  verset  13  de  la  sourate  ix  (voir  la  p.  650,  1.  20), 
nous  initie  à  la  politique  du  Prophète  arabe  :  «  Ne  combattez-vous  pas 
contre  un  peuple  qui  a  violé  ses  serments,  qui  s'efforce  de  chasser 
votre  prophète  ?  Ce  sont  eux  qui  ont  été  les  agresseurs. Les  craindrez- 
vous?  Dieu  mérite  bien  plus  que  vous  le  craigniez,  si  vous  êtes  croyants.» 
Quant  aux  principes  militaires  de  Mahomet,  ils  sont  expliqués  par  le 
verset  186  de  la  sourate  ii,  que  Ton  trouve  à  la  page  645  :  «  Combattez 
dans  la  voie  de  Dieu,  contre  ceux  qui  vous  feront  la  guerre  ;  mais  ne 
commettez  point  d'injustice  en  les  attaquant  les  premiers,  car  Dieu 
n'aime  pas  les  hommes  injustes.  » 

Le  lecteur  voit  qu'en  un  instant,  à  l'aide  du  répertoire  logique  du 
Koran,  dont  nous  devons  la  publication  posthume  à  une  tendre  affec- 
tion, il  devient  facile  de  comparer  et  d'apprécier  les  idées,  décousues 
en  apparence,  de  la  guerre  sainte.  On  acquiert  en  même  temps  cette 
notion  positive  que,  dans  le  principe,  l'islamisme  n'eut  pas  d'autre 
tactique  que  de  vaincre  par  le  tranchant  du  sabre  des  peuplades 
acharnées  contre  ses  débuts. 

A  elle  seule,  la  conception  de  ce  travail  scabreux,  où  les  Arabes 
seront  bien  surpris  de  rencontrer  un  chapitre  consacré  à  la  démocratie, 
fait  honneur  à  J.  La  Beaume,  et  demeurera  comme  un  témoignage 
durable  de  son  dévouement  à  la  science. 

Auguste  Cherbonneau. 


JURISPRUDENCE. 

EIncycIopadie  der  ïteelits-wissenschafY,  hrg.  V.  Fr.  voN   Holt- 

ZENDORFF.  —  ErstcT  systcmalischer  Theil,  3^  Anll.  Leipzig,  Duncker,  1877, 
in-8  de  1240  p.  —  Prix  :  2o  fr.  —  Zweiter  Theil  :  Rechtslexikon,  2«  Aufl. 
Leipzig,  Duncker,  1873-76,  2  vol.  in-8  de  846  et  de  1012  p.  — 
Prix  ;  33  Ir. 

L'Allemagne  possède  depuis  longtemps  d'excellents  dictionnaires 
de  droit.  Ce  ne  sont  pas  des  recueils  pratiques  où  les  hommes  d'af- 
faires viennent  chercher  à  la  hâte  la  solution  de  la  jurisprudence  ou 
le  résumé  de  la  doctrine,  mais  plutôt  des  ouvrages  de  théorie,  com- 
posés dans  un  but  purement  scientifique  et  où  l'histoire  du  droit 
occupe,  comme  partout  en  Allemagne,  une  des  places  les  plus  impor- 
tantes. 

Le  volumineux  Rechts-Lexikoii  de  Weiske,  Arndts  et  Gans,  publié 
de  1842  à  1802,  et  qui  ne  comprend  pas  moins  de  quinze  volumes  de 
texte  et  d'un  volume  de  tables,  quoique  très-utile  encore  aujourd'hui, 


—  213  — 

n'offrait  cependant  plus  un  tableau  exact  de  la  législation  et  de  la 
doctrine.  On  désirait  une  œuvre  moins  vaste  et  au  courant  des  pro- 
grès de  la  science. 

L'infatigable  professeur  de  Munich,  M.  von  Holtzendorflf,  a  cru  ré- 
pondre à  ce  désir  en  publiant  une  nouvelle  Eneyclopédie  en  trois 
volumes  grand  in-octavo.  Il  s'est  écarté  du  plan  généralement  suivi 
par  ses  devanciers,  et  il  a  divisé  son  travail  en  deux  parties,  l'une 
systématique,  l'autre  alphabétique.  De  sorte  que  le  possesseur  de 
cette  encyclopédie  trouve  une  savante  synthèse  dans  le  premier  vo- 
lume et  un  dictionnaire  de  droit  dans  les  deux  autres. 

L'exécution  de  ce  grand  ouvrage  a  été  confiée  à  des  professeurs 
éminents  qui  ont  traité  chacun  leur  partie  spéciale.  Ainsi,  nous  avons, 
dans  la  partie  systématique,  un  résumé  de  droit  naturel  écrit  et  revu 
par  Ahrens  peu  de  jours  avant  sa  mort,  une  histoire  et  un  exposé  du 
droit  romain  par  Bruns,  une  histoire  et  un  précis  de  droit  canonique 
par  Hinschius,  une  histoire  du  droit  allemand  et  des  sources  du  droit 
■français  et  anglais  par  Brunner,  quelques  notions  sur  le  droit  privé 
allemand  par  Behrend,  sur  le  droit  commercial  par  Endemann,  sur  le 
droit  français  par  Rivier  (de  Bruxelles.)  —  La  procédure  civile  et 
pénale,  le  droit  criminel,  constitutionnel,  administratif,  international, 
ont  chacun  leur  petit  traité  de  quatre-vingts  à  cent  pages,  dû  à  la 
plume  des  von  Holtzendorff,  Geyer,  John,  Meyer.  Le  premier  volume 
se  termine  par  un  aperçu  des  plus  intéressants  sur  les  différences  du 
droit  privé  allemand  dans  les  divers  pays  de  l'empire,  en  Mecklem- 
bourg,  en  Bavière,  en  Prusse,  etc. 

La  partie  la  plus  remarquable  de  cette  Encyclopédie  me  paraît  être 
le  travail  de  Bruns,  le  savant  professeur  de  l'université  de  Berlin.  Les 
deux  cents  pages  dans  lesquelles  il  expose  le  droit  romain  sont 
écrites  avec  une  clarté,  une  profondeur  et  une  érudition  dignes  des 
plus  grands  éloges.  Je  voudrais  vivement  les  voir  traduites  en  fran- 
çais ;  elles  formeraient  un  excellent  précis  de  droit  romain,  dans 
lequel  l'élève  trouverait  un  guide  sûr  et  éclairé  et  qui  pourrait  servir 
de  base  au  professeur  pour  une  exposition  plus  détaillée.  L'esquisse 
historique  de  Brunner  est  un  autre  modèle  de  concision  et  de  netteté, 
dans  lequel  les  derniers  résultats  des  patientes  investigations  de 
l'école  de  Savigny  et  de  Eichhorn  sont  exposées  avec  la  plus  minu- 
tieuse précision. 

Le  droit  français  n'a  trouvé  place,  dans  le  recueil  de  M.  von  Holt- 
zendorff, que  d'une  manière  tout  à  fait  accessoire,  parce  qu'il  était 
encore  en  vigueur  dans  certains  pays  de  l'Allemagne  et  que  son  his- 
toire était  indispensable  à  l'intelligence  du  droit  germanique.  C'est 
ce  qui  explique  pourquoi  les  deux  travaux  qui  lui  sont  consacrés  ne 
sont  que  des  ouvrages  de  seconde   main.  Le  précis  des  sources  du 


—  214  — 

droit  français  est  un  résumé  du  premier  volume  de  Warnkoenig  et  la 
trop  courte  synthèse  de  M.  Rivier  un  abrégé  du  cours  belge  de 
M.  Arntz. 

La  seconde  partie  de  Y  Encyclopédie  forme  un  dictionnaire  de  droit 
qui  comprend  environ  deux  mille  articles.  Son  auteur  rencontra  tout 
d'abord  un  obstacle  très-sérieux  dans  le  plan  même  qu'il  avait  adopté 
pour  l'ensemble  de  son  ouvrage.  Le  premier  volume,  qui  embrassait 
toute  la  science  du  droit  dans  une  synthèse  générale,  n'examinait-il 
pas  les  mêmes  questions,  les  mêmes  difficultés  que  celles  d'un  dic- 
tionnaire ?  Comment  éviter  les  redites,  les  contradictions?  M.  von 
Holtzendorif,  crut  échapper  à  cet^inconvénient  en  ne  traitant  dans  sa 
partie  alphabétique  que  les  détails  et  les  applications  de  la  loi  posi- 
tive, dont  les  dispositions  générales,  les  principes  seraient  exposés 
dans  le  premier  volume.  Qu'il  soit  parvenu,  grâce  à  ce  moyen,  à  atté- 
nuer considérablement  les  périls  et  les  défauts  de  sa  division  princi- 
pale, nous  ne  le  nions  pas,  mais  nous  sommes  obligé  de  constater 
qu'il  n'y  a  point  réussi  d'une  manière  complète,  notamment  dans  les 
matières  traitées  par  des  professeurs  différents  pour  la  première  et 
pour  la  seconde  partie,  ainsi,  par  exemple,  dans  le  droit  romain  et  dans 
le  droit  commercial.  Nous  trouvons  aussi  étrange  que,  le  droit  naturel 
ait  été  absolument  écarté  du  dictionnaire,  et  que,  dans  un  ouvrage  de 
cette  valeur,  on  ne  trouve  pas  la  moindre  ligne  sur  les  mots  les  plus 
importants  du  langage  juridique,  ainsi  les  mots  :  droit,  loi,  chose, 
liberté,  fortune,  etc. 

Les  articles  les  plus  remarquables  de  cette  seconde  partie  sont  ceux 
de  Gneist  {Armengesetsgebung,  Venraltiingsjustiz,  etc.),  de  Glaser,  le 
savant  ministre  autrichien  (les  articles  sur  la  procédure  criminelle), 
de  Gierke,  l'historien  si  connu  des  anciennes  corporations  (Ge?nem(Ze, 
juristische  Persoun,  Corporation,  etc.), puis  ceux  de  Schûtze,  de  AVahl- 
berg,  de  Brunner  et  de  Lewis. 

M.  Teichmann,  professeur  de  droit  pénal  à  l'université  de  Bâle, 
s'est  chargé  de  tous  les  articles  biographiques.  C'était  une  besogne 
pénible  et  aride,  dont  il  s'est  parfaitement  acquitté.  Nous  nous  per- 
mettrons cependant  de  relever  un  détail  et  de  lui  reprocher  de  ne 
pas  avoir  indiqué,  à  propos  de  chaque  auteur,  le  nombre  de  volumes 
que  comprennent  leurs  ouvrages.  Nous  avons  aussi  regretté  l'absence 
de  plusieurs  noms  illustres,  parmi  lesquels  nous  citerons  entre  autres  : 
Delvincourt,  Duranton,  Guizot,  Laferrière,  Proudhon,  Raepsaet, 
Rosmini. 

Nous  avons,  en  France,  de  bons  dictionnaires  de  philosophie, d'éco- 
nomie politique^  d'administration,  mais  nous  n'avons  aucun  bon  dic- 
tionnaire de  droit.  Il  est  à  souhaiter  que  cette  lacune  soit  bientôt 
comblée  et  que  nous  puissions  comme  nos  voisins  d'Outre-Rhin,  mon- 


—  21o  — 

trer  une  encyclopédie  où  se  trouvent  réunis  tous  les  grands  principes 
de  la  science  juridique,  exposés  avec  clarté  et  précision,  et  où  l'on 
trouve,  dans  une  riche  bibliographie,  l'indication  des  sources  qui  sont 
nécessaires  à  des  études  sérieuses  et  approfondies.  Qu'un  esprit  de 
sagesse  et  de  modération  chrétienne  préside  à  cette  œuvre  et  qu'on 
n'y  rencontre  aucune  assertion  contraire  au  catholicisme,  telles  qu'on 
en  trouve  malheureusement  quelques-unes  dans  l'encyclopédie  d'Holt- 
zendorff,  notamment  dans  les  articles  d'Hinschius  [Elie  Episcopat). 
Notre  législation  est  bien  moins  compliquée  que  la  législation  de 
l'empire  allemand,  grand  avantage  dont  nous  devrions  profiter,  afin 
d'être  encore  plus  nets  et  plus  concis.  Pourquoi  les  professeurs  d'une 
université  catholique  ne  se  chargeraient-ils  pas  d'une  pareille  entre- 
prise? Ce  serait  un  immense  service  rendu  à  la  science  et  à  la  jeunesse, 
et,  dans  ces  temps  malheureux  où  l'on  veut  nous  effacer,  une  preuve 
manifeste  d'érudition  et  d'activité,  à  laquelle  les  plus  malveillants 
seraient  obligés  de  rendre  hommage.  .J.  Van  den  Heuvel 


SCIENCES     ET    ARTS 

encyclopédie  populaire,  par  Pierri-^  (Ionil.  Paris,  Poussielgue  frères, 
1877-78,  gr.  in-8  j.  (En  cours  de  publication.) 

Cette  encyclopédie  contient,  comme  nous  l'annonce  le  sous-titre 
du  recueil:  Dictionnaire  français  avec  tous  les  mots  nouveaux  créés 
depuis  quelques  années  par  l'industrie,  la  science,  la  politique.  — 
Biographie  ancienne  et  contemporaine  jusqu'à  l'heure  présente.  — 
Histoire  ^usq\ïk  l'événement  de  la  veille.  — Géographie  physique  et 
commerciale  (cette  partie  du  livre  contient  un  très-grand  nombre  de 
noms  nouveaux  dus  aux  relations  des  grands  voyageurs  français, 
anglais,  allemands,  russes,  italiens,  portugais,  etc.).  —  Mythologie.  — 
Antiquités.  —  Description  des  grandes  oeuvres  de  la  peinture  et  de  la 
sculpture.  —  Architecture.  —  Technologie,  dont  les  procédés  récents 
sontlonguement  développés,  afin  de  donner  satisfaction  aux  ingénieurs 
comme  aux  ouvriers.  —  Inventions.  —  Physique.  —  Chimie.  —  Méca- 
nique. —  Astronomie.  —  Topographie  (lecture  des  cartes).  —  Cos- 
mographie, —  Arithmétique .  —  Algèbre.  —  Hygiène.  —  Médecine 
usuelle.  —  Zoologie.  —  Botanique.  —  Agriculture.  —  Économie  poli- 
tique. —  Jurisprudence  usuelle.  —  Droit  administratif  nsnel.  —  Dic- 
tionnaire militaire  et  maritime  très-complet.  —  Histoire  (inédite)  des 
vaisseaux  célèbres.  —  Dictionnaires  spéciaux  de  la  Presse,  de  la 
Musique,  du  Sport.  Résumé  de  toutes  les  œuvres  littéraires  demandées 
pour  le  baccalauréat  es  lettres,  etc. 

^'Encyclopédie  populaire  formera  un  volume  de  1600  pages  environ. 


_  216  — 

J'en  ai  sous  les  yeux  les  480  premières  pages  (A-Constantin  X).  Le 
recueil  est  généralement  bien  fait,  et  l'on  doit  beaucoup  d'éloges  à 
M.  Pierre  Conil  et  à  ses  collaborateurs,  parmi  lesquels  on  re- 
marque des  spécialistes  justement  renommés.  Le  style  est  sobre 
et  net;  les  idées  sont  excellentes;  les  renseignements  souvent  nou- 
veaux, notamment  dans  les  articles  géographiques  et  tout  particuliè- 
rement dans  Tarticle  Afrique,  sont  presque  toujours  exacts.  Amélioré 
dans  de  successives  éditions,  le  recueil  deviendra  digne  d'être  mis 
entre  toutes  les  mains,  et  tiendra  lieu  de  toute  une  bibliothèque. 

Je  vais  rapidement  indiquer  quelques-uns   des    articles  qui  gagne- 
raient à  être  modifiés.  —  Aagesen  nous  est  présenté  comme  le  premier 
des  historiens  danois.    C'est  une   erreur  que  l'on  a  eu  la  maladresse 
d'emprunter  à  la  Nouvelle  biographie  générale.  Aagesen  est  si  peu  le 
premier  en  date  des  historiens  du  Danemark,   que  son  livre  {Compen- 
diosa  hisloria  regitm  Daniœ)  n'est  autre  chose  qu'un  court  et  sec  abrégé 
du  grand  ouvrage  de  Saxo  Grammaticus,  le  véritable  père,  celui-là,  de 
l'histoire  danoise.  —  Aaron,  le  frère  de  Moïse,  était  âgé  de  cent  vingt- 
trois  ans,  quand  il  mourut,  et  non    de    cent-vingt-deux,  chiffre  que 
l'on  a  encore  eu  le  tort  d'aller  prendre,  les  yeux  fermés,  dans  la  Nou- 
velle  biographie  générale.  —  Aaron  d' Alexandrie  n'a  pas  écrit  vers  1530 
(faute    d'impression  pour  630),  un  ouvrage  sur  la   petite  vérole,  mais 
bien  un  ouvrage  dans  lequel  il  décrit  la  petite  vérole,  maladie   déjà 
mentionnée,  au  siècle  précédent,  dans  la  chronique  de  Marins,  évêque 
d'Avenches.  — Je  voudrais  que  l'on  supprimât  (article  Abailard)  la  sin- 
gulière petite  phrase  sur  les  amours  mystiques  avec  Héloïse.  Notons,  de 
plus,  qu'Abailard  n'est  pas  né  à  Palais,  mais  au  Palais  ou  Palet.  —  Peut- 
être  n'était-ce  pas  bien  le  cas  de  parler  (article    Abdication)  de  l'abdi- 
cation de  M.  Thiers  (1873).  Le  mot  démission  suffisait,  ce  me  semble. 
—  Pourquoi  prendre  la  peine  de  citer,  sous  le  mot  Abatage,  l'opinion 
de  deux  lexicographes  tels  que  Landais   et  Bescherelle  ?  Leurs  com- 
pilations  ont  été   trop   dépassées  par  le   Dictionnaire   de  M.  Littré, 
pour  que   l'on  puisse  continuer  à   s'en  servir.  Leur  fort   contestable 
autorité  d'autrefois  n'est  à  peu  près  plus   rien    aujourd'hui. —  Trop 
d'importance  a  été  donnée  à  M.  Edmond  About,   lequel  a    obtenu  un 
article  de  18  lignes,  alors  que  sept  ou  huit  lignes  à  peine  ont  été  ac- 
cordées à  des  hommes  comme  i'Aguesseau,  Ampère  et  Du  Cange.  J'en 
dirai  autant  de  l'article  consacré   à  M.  Jules  Amigues  :  on  souffre  de 
voir  la  disproportion  qui    règne  entre  les  notices  sur  ces  petites   et 
éphémères   célébrités   du  journalisme,  et  les  notices   sur    nos  plus 
grandes  et  nos  plus  durables  illustrations.  Il  y  a  là  une  question   de 
mesure  sur  laquelle  je  crois  devoir  appeler  l'attention  des  éditeurs  de 
V Encyclopédie  populaire.  —   S'il   est   vrai  que  Bernard   Palissy   est 
contesté  à  la  ville   même  d'Agen,  il  n'est  pas  moins  vrai  que  le  grand 


—  217  — 

artiste  est  né,  d'après  les  témoignages  de  deux  de  ses  contemporains 
dans  le  diocèse  d'Agen.  —  Agnrs  Sorcl  ne  contribua  ^&,s  puissaynment 
à  pousser  Charles  VII  à  guerroyer  contre  les  Anglais  et  à  recon- 
quérir son  royaume  :  M.  de  Beaucourt  a  parfaitement  prouvé  que  c'est 
là  une  légende  du  seizième  siècle  qui  a  trop  longtemps  été  admise 
dans  nos  livres  les  plus  sérieux.  —  Gabriel  à'Aramon  était  seigneur 
de  Liiet::,  non  de  Siiets.  Ceci  doit  être  une  faute  d'impression, 
comme  le  nom  de  Hiré  (pour  Lire),  donné  au  berceau  de  Joachim  du 
Bellay. — Les  séances  de  V Aréopage  ne  se  tenaient  pas  pendant  la  nuit  : 
c'est  Lucien  qui  a  imaginé  cette  particularité,  comme  c'est  le  Gas- 
con Bernard  du  Haillan  qui  a  imaginé  de  transformer  Agnès  Sorel  en 
une  héroïque  conseillère  de  Charles  VII.  — Arnauld  de  Villeneuve 
n'a  jamais  été  «  médecin  languedocien;»  il  faut  l'appeler  médecin 
espagnol,  car  il  nous  apprend  lui-même,  dans  un  Traité  de  géométrie 
pratique  dont  j'ai  vu  tout  récemment  le  manuscrit  à  la  bibliothèque 
de  Carpentras  (n°  323),  qu'il  est  né  en  Catalogne.  —  Balzac  (J.-L. 
Guez  de)  n'est  pas  né  en  1588,  car,  comme  le  prouve  un  document 
irrécusable,  il  fut  baptisé  le  l"juin  1597.  —  Barreaux  (J.  Vallée  des) 
n'est  pas  un  enfant  de  Paris  :  il  vit  le  jour  à  Chàteauneuf-sur-Loire 
(Loiret),  d'après  les  registres  de  la  paroisse  de  Saint-Martial  de 
Châteauneuf.  Ces  mêmes  registres  nous  apprennent  qu'il  est  venu  au 
monde  en  novembre  1599  et  non  en  1602.  —  En  revanche,  il  faut 
restituer  à  la  ville  de  Paris,  Savinien  Cyrano  de  Bergerac,  lequel  n'a 
jamais  été  un  Périgourdin_,  comme  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  le  rappeler 
plus  d'une  fois,  en  m'appuyant  sur  des  témoignages  de  la  plus  haute 
valeur.  —  Remercions,  en  passant,  les  éditeurs  de  VEnryclopcdie  po- 
pulaire d'avoir  bien  voulu  (p.  252)  déclarer  que  le  Pohjhiblion  est  un 
des  meilleurs  journaux  de  bibliographie,  mais  reprochons-leur,  sans 
nous  laisser  attendrir  par  leurs  compliments,  d'avoir  donné  tout  juste 
autant  de  lignes  à  la  notice  sur  M.  Aristide  Boucicaut,  le  fondateur 
de  la  maison  du  Bon  Marché,  qu'à  la  notice  sur  le  grand  homme  de 
guerre  que  Ton  appelle  le  maréchal  de  Boucicaut.  —  A  l'article 
Caballero  (Fernan),  on  a  oublié  de  mentionner  la  mort  du  charmant 
écrivain.—  Il  n'est  pas  prouvé  que  Cambronne,  u  sommé  de  se  rendre, 
répondit  le  mot  cité  par  Victor  Hugo  dans  les  Misérables,  et  traduit 
ordinairement  par  la  phrase  célèbre  :  la  garde  meurt  et  ne  se  rend 
;jfl5.  »  Voir  diverses  notes  à  ce  sujet  publiées  dans  nos  Questions  et 
Réponses.  —  Le  maréchal  Canrobert,  cet  autre  Cambronne,  appar- 
tient-il par  sa  naissance  au  département  du  Gers?  J'avoue  que  j'ai 
toujours  cru  et  que  je  crois  encore  qu'il  est  originaire  du  département 
du  Lot.  —  La  ville  de  Caumont  (Vaucluse),  a  été  confondue  avec  la 
ville  de  Caumont  (Lot-et-Garonne)  dans  cette  phrase  :  «  berceau  de 
la  famille  de  ce  nom  ;  ancienne   place  forte   prise   par   les  huguenots 


—  218   — 

•1'  en  1029  [ce  fut  en  1621],  et  reprise  par  Mayenne.  »  —  On  a  mis  un  G 
i*  devant  le  nom  de  Chapelain  :  l'auteur  de  la  Pucellc  portait  le  prénom 
de  Jean.  —  Alain  Chartier  est  né  à  Ba3^eux,  non  en  1386,  mais  vers 
1395,  comme  M.  de  Beaucourt  l'a  établi  dans  ses  Recherches  sur 
Guillaume,  Alain  et  Jean  Chartier  (1869,  in-4).  Quant  au  fameux  baiser 
que  les  rédacteurs  de  Y EncijclopccUe  populaire  font  donner  a.n  poëte 
par  Marguerite  d'Ecosse,  M.  de  Beaucourt  (îb/c?.,  p.  35)  a  signalé  les 
dovtes  sérieux  exprimés  jadis  à  ce  sujet  par  moi,  doutes  dans  lesquels 
je  persiste  plus  que  jamais.  Je  suis  persuadé  que  l'historiette  du  baiser 
de  la  Dauphine  a  la  même  authenticité  que  l'historiette  de  l'aspic  par 
lequel,  selon  l'auteur  de  l'article  Cléopâtre,  cette  reine  d'Egjpte  «  se 
fit  piquer,  »  expression  malheureuse  qui  semble  attribuer  un  aiguillon 
au  serpent.  J'aurais  encore  d'autres  observations  à  soumettre  aux 
éditeurs  de  Y  Encyclopédie  populaire  (sur  Clémence  Isaure,  sur  l'étjmo- 
logie  de  Cocagne,  sur  le  Colosse  de  Rhodes,  etc.),  mais  mon  article  est 
déjà  bien  long,  et  je  ne  veux  pas  que  mes  lecteurs,  en  frémissant  à  son 
aspect,  s'écrient,  comme  dans  l'épigramme  :  «  rendons  le  court  en  ne 
le  lisant  point.  »  T.  de  L. 


l>e    bon  sens  dans  les  doctrines  morales  et  politiques,  ou 

application  de  la  méthode  expérimentale  à  la  philosophie,  d  la  inorale,  à  l'é- 
conomie politique  et  à  la  politique,  par  Ambroise  Clément,  correspondant  de 
l'Institut.  Pans,  Guiilauniin,  1878,  2  vol.  in-8  de  xix-d50  et  630  p.  —  Prix  : 
16  fr. 

«  L'étude  de  la  conduite  humaine  ne  doit  constituer  qu'une  même 
science  générale...  Si,  sans  nous  écarter  du  domaine  incontestable 
de  l'économie  politique,  nous  avons  pu  saisir  un  grand  nombre  de 
vérités  principales  se  rattachant  à  la  morale  ou  à  la  politique, n'est-ce 
point  parce  que  toutes  les  parties  de  notre  conduite  sont  inévitable- 
ment liées  entre  elles?  Souvent  elles  le  sont  si  intimement  que, 
nonobstant  la  convenance  d'appliquer  autant  que  possible  à  leur  étude 
la  division  du  travail  scientifique,  on  ne  saurait  manquer  de  s'égarer 
en  persistant  dans  la  pensée  que  l'on  peut  avec  fruit  les  examiner 
séparément  sans  tenir  nul  compte  de  leurs  relations  et  dépendances 
mutuelles.  C'est  ce  qui  nous  a  déterminé  à  comprendre  dans  un  même 
ouvrage  les  quatre  divisions  principales  qui  formeront  un  jour  la 
science  de  la  conduite  humaine  :  —  Philosophie,  —  économie  poli- 
tique, —  morale,  —  politique.  »  —  Nous  avons  voulu  citer  en  entier 
cette  page,  parce  qu'elle  est  la  seule  de  ces  deux  volumes  compactes 
qui  ait  une  valeur  réelle.  En  effet,  si  M.  Ambroise  Clément  se  fait  une 
idée  juste  de  l'ensemble  de  la  science  sociale  et  proteste  à  bon  droit 
contre  Yautonomie,  V indépendance  que  certains  écrivains  revendiquent 
pour  l'économie  politique,  son  insuffisance  au  point  de  vue  philoso- 


—  210  — 

phique  et  les  préjugés  dans  lesquels  il  est  cristallisé  lui  ont  fait  très- 
.^al  remplir  le  cadre  qu'il  s'est  tracé. 

La  partie  consacrée  à  la  philosophie  est  employée  à  combattre  le 
spiritualisme  et  à  exalter  l'école  sensualiste  de  Locke_  et  de  Con- 
dillac.  M.  Ambroise  Clément,  tout  en  repoussant  le  témoignage 
de  la  conscience  à  l'égal  de  la  révélation,  déduit  de  sa  méthode  expé- 
rimentale l'existence  de  Dieu  et  d'une  autre  vie.  Quant  à  la  morale, 
il  lui  donne  pour  critérium  le  perfectionnement  de  nos  facultés  phy- 
siques, intellectuelles  et  morales  généralisé  le  plus  possible  dans  toutes 
les  classes  de  la  population  et  caractérisé  lui-même  par  l'accroissement 
de  la  puissance  utile  ou  bienfaisante  de  ces  facilités.  C'est  à  peu  près 
celui  des  positivistes  et  des  socialistes  contemporains;  nous  ne  voyons 
pas  comment  notre  représentant  du  bon  sens  se  tirerait  d'une  discus- 
sion à  fond  avec  eux,  étant  données  ces  bases  philosophiques.  La 
majeure  partie  de  ces  deux  volumes  est  remplie  de  déclamations 
contre  le  socialisme  sacerdotal  romain  et  le  16  mai!!!  N'était  cette 
date,  on  croirait  vraiment  que  l'auteur  en  est  resté  à  la  lecture  du 
journal  le  Siècle  en  1856.  La  supposition  serait  d'autant  plus  vraisem- 
blable qu'en  fait  de  socialisme  révolutionnaire,  il  cite  seulement 
l'ouvrage  de  M.  Vacherot  sur  la  Démocratie,  publié  en  1860,  et  paraît 
ignorer  complètement  les  travaux  des  écoles  collectivistes,  mutuel- 
listes  et  communistes  actuelles. 

La  partie  consacrée  à  l'économie  politique  est  la  plus  considérable 
et  la  meilleure.  Là  M.  Ambroise  Clément  est  sur  son  terrain.  Quoi 
qu'il  se  borne  à  reproduire  les  idées  du  livre  de  M.  Dunoyer  sur  la 
Liberté  du  travail,  il  a  cependant  quelques  chapitres  intéressants  pour 
les  personnes  qui  s'occupent  spécialement  de  cette  science,  tels  sont 
les  définitions  des  termes  usités  en  économie  politique,  le  chapitre 
critique  sur  les  nouveaux  principes  affirmés  par  Bastiat,  le  chapitre 
sur  les  industries  commerciales,  celui  sur  les  mines.  L.  A. 


La  Genèse  du  septîeisme  érudit  chez  Bayle,  par  A  Deschamps. 
Liège,  Vaiilant-Carmanne,  1878,  in-8  de  235  p. 

S'occupant  depuis  plusieurs  années  de  l'étude  de  tout  ce  qui  touche 
à  la  vie  et  aux  doctrines  de  Bayle,  M.  A.  Deschamps  à  choisi, 
pour  sa  thèse  du  doctorat  spécial  en  sciences  philosophiques,  l'une 
des  nombreuses  questions  qu'il  a  rencontrées  dans  ses  recherches: 
comment  Bayle  est-il  devenu  sceptique.  M.  Deschamps  consacre  deux 
chapitres  à  retracer  le  mouvement  sceptique  depuis  la  Renaissance  et 
à  établir  les  rapports  généraux  du  dix-septième  siècle  avec  l'auteur 
du    Dictionnaire   historique   et  critique  :  c'étaient  là   des    questions 


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—  222  — 

a  résumé  les  coutumes  des  familles  et  des  ateliers  prospères  reposent 
elles-mêmes  sur  la  pratique  de  la  vérité  religieuse  :  c'est  donc 
rÉglise  qui  possède  seule  le  secret  de  la  réforme  et  de  la  reconstitu- 
tion réclamée  par  la  société  contemporaine  en  détresse.  Nous  avons 
une  vraie  satisfaction  à  signaler  particulièrement  les  pages  dans  les- 
quelles M.  Ribot  apprécie  les  tentatives  de  réorganisation  écono- 
mique faites  dans  ces  derniers  temps  par  les  œuvres  catholiques, 
notamment  par  les  cercles  d'ouvriers  ;  elles  abondent  en  observations 
judicieuses  qui  témoignent  d'un  esprit  très-éclairé. 

Quelques  phrases  relatives  à  l'ordre  politique  nous  ont  paru,  au  milieu 
d'une  affirmation  très-nette  des  principes  généraux,  susceptibles 
d'une  interprétation  qui,  sans  doute,  rendrait  mal  la  pensée  de  l'au- 
teur. Nous  ne  doutons  pas  que  le  second  volume  ne  dissipe  cette 
impression,  et  ce  nous  est  une  raison  de  plus  pour  souhaiter  sa 
prompte  publication.  C.  J. 


t.a  Liberté  dans  l'ordre  intellectuel  et  moral.  Études  de  droit  na- 
turel, par  Emile  Beaussire,  ancien  député,  professeur  honoraire  de  faculté. 
Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française.  2'"  édition,  revue  et  corri- 
gée. Paris,  Didier  1878,  in- 12  de  xlyiii-436  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

En  refaisant  cet  ouvrage,  publié  pour  la  première  fois  en  1866,  l'an- 
cien député  a  concentré  ses  efforts  sur  quatre  libertés  particulières, 
qui  sont  plus  ou  moins  l'objet  de  conflits  législatifs  :  la  liberté  d'ensei- 
gnement, —  la  liberté  de  conscience,  —  la  liberté  de  la  presse,  —  la  li- 
berté d'association. 

Dans  une  introduction  fort  élégamment  écrite,  il  a  exposé  quelques 
vues  historiques  ingénieuses  sur  les  causes  qui  ont  assuré  la  liberté  de 
la  vie  privée  chez  les  modernes,  tandis  que  le  développement  de  la 
vie  publique  l'étouffait  presque  complètement  chez  les  anciens.  Mais 
nulle  part  M.  Beaussire  ne  précise  nettement  le  principe  générateur 
de  la  liberté.  D'où  vient  l'homme  ?  —  Quelle  est  sa  fin  et  celle  de  la 
société  ?  —  Dieu  a-t-il  donné  aux  hommes  le  moyen  assuré  de  con- 
naître la  vérité  et  leur  en  a-t-il  constitué  une  règle  infaillible?  —  Ce 
sont  tout  autant  de  questions  préjudicielles  dont  le  professeur  de  fa- 
culté ne  s'est  pas  préoccupé,  ou  qu'au  moins  il  a  résolues  in  petto,  soit 
par  une  négation,  soit  par  doute  absolu.  La  liberté  de  l'individu  lui 
paraît  à  la  fois  le  commencement  et  la  fin  de  tout  l'ordre  des  choses. 
Cette  donnée  première  supposée,  il  en  tire  les  conséquences  avec  une 
logique  qui  parut  jadis'au  spirituel  rapporteur  del'Académie,  M.  Ville- 
main,  de  la  candeur.  Ainsi  il  réclame  avec  persévérance  la  liberté 
absolue  de  propager  des  écrits  obscènes  et  d'enseigner  des  théories 
immorales  dans  les  écoles.  L'État  et  les  tribunaux  lui  semblent  radi- 


—  223  — 

calement  incompétents  pour  réprimer  ces  faits,  et  il  compte  sur  l'in- 
fluence contraire  des  gens  vertueux  pour  en  neutraliser  les  mauvaises 
conséquences. 

Voilà,  certes,  un  auteur  conséquent  avec  lui-même.  Nous  relevons 
ce  point  pour  bien  faire  juger  le  système;  mais  nous  avons  hâte  d'ajou- 
ter qu'à  en  juger  parle  ton  du  livre,  M.  Beaussire  paraît  être  un  fort 
honnête  homme,  bon  père,  bon  époux,  etc.  Il  revendique,  d'ailleurs, 
avec  une  fermeté  honorable,  même  pour  l'Eglise  catholique  le  droit 
de  vivre  de  sa  vie  propre,  à  enseigner,  à  exercer  librement  sa  disci- 
pline vis-à-vis  de  ses  membres.  Ce  sont  là  pour  lui  des  droits  impres- 
criptibles de  l'individu,  qu'il  peut  faire  valoir  par  l'association  et 
qu'aucune  majorité  ne  peut  supprimer. 

Même  en  admettant  son  point  de  départ,  ce  qui  manque  à  cet  ou- 
vrage, c'est  le  sens  pratique  et  historique.  Ainsi,  en  traitant  de  la  li- 
berté d'association,  il  passe  à  peu  près  complètement  sous  silence  la 
question  de  la  liberté  des  fondations  et  celle  de  la  propriété  corpora- 
tive. Cependant  toute  la  fécondité  du  droit  d'association  dépend  de 
ces  deux  libertés  pratiques  :  sans  elles  on  n'a  que  des  clubs  ou  des  so- 
ciétés secrètes. 

La  même  remarque  s'appliquerait  au  chapitre  sur  la  liberté  de  l'en- 
seignement. M.  Beaussire  la  défend  avec  beaucoup  de  zèle,  mais  il 
veut  réserver  à  l'État  le  monopole  absolu  de  la  collation  des  grades, 
et  ces  grades  sont,  dans  son  système,  nécessaires  pourla  grande  majo- 
rité des  carrières  libérales.  Il  n'a  pas  aperçu  la  contradiction  qu'il  y  a 
à  proclamer  la  liberté  d'enseignement,  alors  que  l'Etat  entretient  des 
institutions  d'enseignement  avec  les  fonds  du  budget  et  transforme 
ses  professeurs  en  examinateurs.  Les  économistes,  que  M.  Beaussire 
traite  si  dédaigneusement  dans  son  introduction,  lui  auraient  appris 
ce  qu'est  une  liberté  dans  de  pareilles  conditions. 

Malgré  la  fausseté  du  système  et  le  côté  légèrement  chimérique  de 
certaines  de  ces  solutions,  ce  livre  contient  en  grand  nombre  des  aper- 
çus intéressants  et  des  pages  très-littéraires.  Le  mouvement  des  faits 
se  produit  de  plus  en  plus  dans  un  sens  absolument  opposé  à  la  thèse 
libérale  de  l'auteur;  mais  cette  thèse  exerce  encore,  dans  certaines 
régions  de  l'opinion,  une  influence  incontestable, quoiqu'intermittente 
et  traversée  par  bien  des  inconséquences.  Il  peut  donc  y  avoir  de 
l'intérêt  à  en  trouver  un  exposé  aussi  franc,  aussi  sincère,  aussi  can- 
dide, si  l'on  veut.  C.  J. 


Précis  de  l'histoire  des  beaux-arts,  par  Lubre,  traduit  de 
l'allemand,  par  E.  Molle.  Bruxelles,  Muquardt,  1877,  in-12  de  271  p., 
avec  100  gravures.  —  Prix  :  5  fr. 

Si  l'on  possède,  dans  la  Grammaire  des  arts  du  dessin  de  M.  Ch. 


—  224  — 

Blanc,  un  excellent  travail  théorique,  il  n'existe  aucune  histoire 
simple  et  claire  où  l'on  puisse,  clans  un  court  aperçu,  étudier  les 
grandes  phases  de  la  peinture,  de  l'architecture  et  de  la  sculpture. 
Depuis  nombre  d'années, cette  lacune  est  remplie  en  Allemagne.  On 
y  trouve  dans  toutes  les  bibliothèques  les  beaux  ouvrages  de  Kugler 
et  de  Liibke.  M.  Molle  nous  donne,  dans  son  précis,  un  rapide  résumé 
du  travail  de  Lûbke.  L'idée  de  l'auteur  est  très-bonne.  Mais  pourquoi 
faire  un  livre  pour  les  écoles  (Lcitfaden),  alors  que  les  jeunes  gens, 
les  hommes  faits  ne  savent  où  puiser  un  enseignement  exact  et  mé- 
thodique sur  l'histoire  de  l'art?  Pourquoi  ne  pas  traduire  le  grand 
ouvrage  en  deux  volumes  du  professeur  de  Stuttgard,  en  s'attachant  à 
développer  particulièrement  la  partie  française  de  l'ouvrage.  C'eût 
été  une  œuvre  d'autant  plus  utile  qu'on  eût  pu  l'accompagner  sans 
grande  difficulté  d'une  publication  française  des  grands  monuments 
de  Vs-vt,  Denkmxlc)- der  Kunst,  dont  envient  de  commencer  la  troi- 
sième édition  en  Allemagne.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  remercions 
M.  Molle  de  son  livre, et  nous  formons  le  vœu  de  le  voir  entreprendre 
bientôt  une  .publication  plus  étendue,  plus  intéressante,  et  qui  ob- 
tiendra, nous  n'en  doutons  pas,  le  plus  légitime  succès. 

J.  Van  den  Heuvel. 


Les  Ûilitions  illustrées  de  Racine,  par  A.-J.  PoNS.  Deux  portraits 
à  l'eau-forte.  Paris,  Quentin,  1878,  in-8  de  80  p.  —  Prix  :  10  fr.  (Bi- 
bliothcqiic  de  l'art  et  de  la  curiosité.) 

On  attribue  à  M"'^  de  Sévigné  un  mot  sur  Racine  que  je  n'ai  jamais 
pu  découvrir  dans  ses  lettres.  On  peut  donc  croire  qu'elle  ne  l'a  pas 
dit.  En  tout  cas,  la  prophétie  aurait  était  complètement  fausse  ;  c'est  ce 
que  prouverait  à  lui  seul  le  beau  volume  de  M.  A-J.  Pons.  Racine  n'a 
jamais  été  oublié.  Quelle  longue  liste  des  éditions  illustrées  du  poète!  Et 
cela  à  partir  de  son  vivant,  à  partir  de  l'édition  donnée  en  1675,  avec  les 
figures  de  Chauveau  et  de  Sébastien  Le  Clerc,  d'aprèsLe  Brun,  jusqu'aux 
deux  admirables  volumes  édités  par  M.  Mame  en  1876-1877.  Deux 
siècles  se  sont  écoulés  entre  ces  deux  publications,  et  ils  ont  été  rem- 
plis par  de  fréquentes  réimpressions  des  œuvres  de  Racine,  réim- 
pressions auxquelles  d'éminents  artistes  n'ont  cessé  de  prêter  leur 
concours.  Les  recherches  de  M.  A.-J.  Pons  sur  ce  sujet  sont  curieuses 
et  bien  faites.  Le  volume  commence  par  une  bonne  étude  sur  Racine 
et  sur  Le  Brun  ;  vient  ensuite  la  nomenclature  des  éditions  illustrées 
par  ce  peintre  ou  d'après  lui.  Après  un  chapitre  plein  de  judicieux 
aperçus  sur  les  dessinateurs  du  dix-huitième  siècle,  notamment  sur  le 
contraste  fâcheux  qui  existait  entre  leurs  mignardises  hors  de  propos 
et  les  conceptions  du  poète,  on  arrive  à  la  description  de  l'édition  de 
1743  et  à  une  révélation  sur  l'exemplaire  de  Nodier  qui  figure  aujour- 


d'iiui  dans  le  catalogue  de  M.  A.  Fontaine,  où  il  est  coté  350  francs  ; 
puis  la  nomenclature  reprend,  et  se  termine  par  Tindication  des  oeuvres 
de  Racine  imprimées  chez  Didot  en  1796.  Des  remarques  sur  l'école 
de  David  précèdent  la  série  des  éditions  appartenant  à  notre  siècle. 
Celles  qui  ne  contiennent  qu'un  portrait  ont  ensuite  leur  tour. 
M.  A.-J.  Pons  donne  encore  des  détails  sur  diverses  éditions  remar- 
quables, mais  non  illustrées,  les  titres  des  traductions  du  poète  faites 
en  différentes  langues,  et,  enfin,  des  renseignements  sur  les  tableaux 
et  dessins  où  figure  Racine,  et  sur  les  bustes  et  statues  que  Ton  con- 
naît de  lui.  Ce  beau  volume  est  orné  de  deux  magnifiques  eaux-fortes  : 
l'une  nous  offre  le  portrait  dont  l'original  appartient  au  musée  de 
Langres;  l'autre  un  tableau  de  R.  Tournières,  Chapelle  cl  Racine, 
qu'on  voit  au  musée  de  Caen.  Le  portrait  emprunté  au  musée  de 
Langres  est  accompagné  d'une  notice  due  à  M.  Jullien  de  La  Boulloye, 
archiviste  de  cette  ville.  Cette  notice  contient  une  généalogie,  où  nous 
voyons  que  la  postérité  du  poète  subsiste  encore  dans  la  Haute-Marne. 
Le  volume  de  M.  A.-J.  Pons,  si  splendidement  édité  par  Quantin, 
n'a  été  tiré  qu'à  trois  cents  exemplaires  numérotés.  Combien  de  biblio- 
philes seront  désolés  de  ne  pouvoir  le  placer  à  côté  de  leur  plus  beau 
Racine!  Th.  P. 


BELLES-LETTRES 

Homaii  et  patois,  par  Louis  de  CoiiBETTES-LABOURELiK,  oflicier  d'Aca- 
démie. Gaillac,  P.  Ducourg,  1878,  in-8  de  xvii-149  p. 

M.  de  Combettes-Labourelie  a  composé  son  livre  de  deux  parties  : 
la  première  contient  le  texte  et  la  traduction"  en  vers  d'un  assez  grand 
nombre  de  pièces  dues  aux  troubadours  les  plus  en  renom,  à  dater  du 
comte  de  Poitiers,  le  plus  ancien  d'entre  eux.  La  seconde  est  formée 
d'une  série  de  proverbes  en  patois  provençal,  qui  est  l'héritier  du 
roman  ou  langue  d'oc,  dont  l'auteur  a  précédemment  donné  de  nom- 
breux échantillons;  et  ainsi  se  trouve  expliqué  le  titre  de  ce  volume. 
Reproduire  dans  notre  langue  les  rhytmes,  souvent  fort  compliqués^ 
des  troubadours,  et  dans  lesquels  les  mêmes  rimes  se  répondent  avec 
une  fréquence  possible  seulement  dans  les  idiomes  méridionaux,  était 
une  œuvre  impraticable  et  que  l'auteur  n'a  pas  tentée.  Mais,  sans 
essayer  un  calque  inexécutable,  par  la  disposition,  la  coupe  de  ses 
vers,  il  a  parfois  reproduit  quelque  chose  de  l'aspect  des  chants  ori- 
ginaux, notamment  dans  une  aubade  (p.  105)  et  dans  une  ballade  (p.  110). 
Peut-être  M.  de  Combettes-Labourelie  aurait-il  dû  s'efforcer  de  rendre 
de  môme  d'autres  morceaux,  où  les  alexandrins  ne  remplacent  pas 
avantageusement  les  allures  lyriques  du  texte. 

Les  proverbes  réunis  par  M.  de  Combettes-Labourelie  me  semblent, 
Septembre  1878.  T.  XXIII,  15. 


—  226  — 

pour  la  plupart,  beaucoup  plus  originaux  que  ne  le  sont  d'ordinaire 
les  adages  de  ce  genre.  En  effet,  j'ai  eu  Toccasion  de  remarquer,  à 
propos  des  proverbes  siciliens  recueillis  par  MM.  di  Giovanni  et  Pitre, 
que,  de  même  que  les  contes  et  les  poésies  populaires,  les  proverbes 
sont  très-fréquemment  semblables  dans  des  pays  fort  éloignés  les  uns 
des  autres,  et  je  constate  que  les  dictons  provençaux  ont,  bien  plus 
souvent  que  ceux  des  autres  contrées,  un  caractère  particulier. 

Une  étude,  qui  a  été  lue  en  partie  au  congrès  archéologique  tenu  à 
Toulouse  en  1874,  sert  d'introduction  au  livre  de  M.  de  Combettes- 
Labourelie.  J'y  remarque  une  petite  erreur  :  page  xiii,  l'auteur  place 
le  Catalan  Jordi  parmi  les  poètes  italiens.  Un  autre  passage  de  cette 
introduction  me  semble  peut-être  en  contradiction  avec  ce  qui  a  été 
généralement  admis  sur  la  langue  des  troubadours  ;  celle-ci,  la  dreita 
parladura,  était,  on  le  prétend,  une  langue  de  choix,  une  langue  lit- 
téraire qui  n'appartenait  en  propre  à  aucune  province,  et  M.  de 
Combettes-Labourelie  dit  (p.  vm)  que  le  patois  est  l'idiome  que  par- 
lèrent les  troubadours.  Par  son  origine,  par  ses  études,  l'auteur  a  sur 
ce  sujet  une  compétence  que  je  ne  puis  posséder;  aussi  n'ai-je  nulle- 
ment l'intention  de  donner  à  ma  simple  remarque  le  caractère  d'une 
critique.  Th.  P. 

Oas  Steinbuch.  Ein  altdeutsches  gedicht  von  Volmar,  mit  einleitung, 
anmerkungen  und  einem  Anhanpe,  herausgegeben  von  Hans  Lambel. 
Heilbronn,  Gebr.  Henninger,  1877,  in-12  de  xxxiii-173  p. 

Ce  poème  de  haut-allemand,  que  M.  Hans  Lambel  intitule  Le  Lapi- 
daire ou  livre  des  pierres^  d'après  le  titre  de  l'un  des  plus  anciens  ma- 
nuscrits qui  le  renferme,  est  une  sorte  de  définition  et  de  commen- 
taire en  vers  des  pierres  précieuses  connues  au  moyen  âge.  Les 
manuscrits  que  l'éditeur  a  dû  consulter  pour  l'établissement  du  texte 
sont  au  nombre  de  dix,  répartis  entre  les  grandes  bibliothèques  de 
l'Europe  :  Vienne,  Hambourg,  Dresde,  Saint-Gall,  Londres,  etc.  Le 
poème,  qui  contient  un  peu  plus  de  mille  vers,  a  déjà  été  publié  une 
fois,  en  1498,  mais  d'après  un  seul  des  manuscrits  que  nous  venons 
d'indiquer. 

A  chacune  des  pierres  précieuses  est  consacrée  une  laisse  ou  cou- 
plet, dans  lequel  Volmar  en  célèbre  la  couleur  et  l'éclat.  Son  œuvre 
aurait  un  intérêt  historique  et  artistique  réel,  si  le  poète  avait  décrit 
quelques-uns  des  beaux  camées  ou  des  intailles  de  l'antiquité,  que  le 
moyen  âge  conservait  dans  ses  reliquaires  en  les  transformant  en  ob- 
jets de  piété,  ou  bien  qu'il  faisait  servir  à  la  décoration  des  châsses 
renfermant  les  corps  saints.  Mais  Volmar  ne  cite  pas  un  seul  de 
ces  bijoux  qui  font  aujourd'hui  l'ornement  de  nos  musées;  il  se  con- 
tente d'un   dithyrambe  philosophique,  d'un  goût  souvent  risqué,  en 


—  227  — 

riionneur  d'une  améthyste,  d'un  rubis  ou  d'une  topaze.  Aussi,  son 
œuvre  n'offre-t-elle  qu'un  intérêt  purement  philologique,  et  c'est  à  ce 
point  de  vue  que  l'a  envisagée  M.  Hans  Lambel. 

L'érudit  allemand  a  étudié  avec  le  plus  grand  soin  les  sources 
signalées  plus  haut.  Il  a  consacré  son  introduction  au  classement  des 
manuscrits  par  ordre  d'ancienneté  et  par  familles;  il  a  aussi  fait  de 
nombreuses  remarques  philologiques  et  littéraires  sur  la  langue  de 
Volmar.  Le  poème,  d'après  M.  Hans  Lambel,  aété  composé  vers  le  mi- 
lieu du  treizième  siècle,  mais  on  ne  saitrien,ouplutôt,  l'éditeurnenous 
apprend  rien  sur  la  vie  de  Volmar.  Il  a  fait  suivre  sa  publication 
d'un  appendice  considérable,  qui  renferme  un  autre  lapidaire  tiré  d'un 
manuscrit  de  Saint-Florien  de  Linz;  ce  nouveau  poème,  qui  a  beau- 
coup d'analogie  avec  l'œuvre  de  Volmar,  ne  remonte  pas  au-delà  du 
quinzième  siècle.  Lapublication  de  M.  Hans  Lambel  est  importante  pour 
l'étude  du  haut  allemand  du  moyen  âge.  Er.  B. 


OEuvres    poétiques  complètes   de  Nicolas    Defrechedx.    Liège, 
Gothier,  décembre  1877,  in- 12  de  287  p. 

L'existence  de  la  petite  principauté  de  Liège,  maintenant  de  longs 
siècles  son  indépendance  au  milieu  d'un  pays  presque  toujours  sou- 
mis à  la  domination  étrangère,  constitue  l'un  des  phénomènes  les  plus 
intéressants  de  l'histoire  de  Belgique.  Si  depuis  la  révolution  fran- 
çaise, Liège  a  perdu  son  autonomie  et  suivi  le  sort  des  autres  pro- 
vinces belges,  ce  grave  événement  politique  n'a  pu  ni  changer  les 
mœurs  de  sa  population,  ni  briser  la  chaîne  des  traditions  locales,  ni 
arrêter  dans  son  essor  le  développement  de  la  littérature  nationale. 
L'emploi  de  ce  terme  ambitieux,  «  littérature  nationale,  »  amènera 
sans  doute  un  sourire  sur  les  lèvres  de  plus  d'un  des  lecteurs  de  cette 
Revue  qui  ignorent  l'existence  et  la  vitalité  de  l'idiome  liégeois  ;  et 
cependant  ce  terme,  je  le  crois  exact,  et  le  poète  dont  je  désirerais 
faire  connaître  l'œuvre  est  un  poète  dans  toute  la  grande  et  noble 
acception  du  mot. 

Le  peuple  liégeois  a  à  sa  disposition  deux  langues  ;  l'une,  le  fran- 
çais, d'importation  étrangère;  l'autre,  le  wallon,  idiome  naïf  et  origi- 
nal, antique  forme  du  roman  ou  vieux  français.  Cet  idiome,  qui  joint 
à  une  précision  et  à  une  clarté  toute  gauloises  la  richesse  des  images 
et  une  énergie  pittoresque,  est  celui  dont  s'est  servi  Defrecheux,  le 
dernier  venu  parmi  les  poètes  populaires  dont  s'honore  la  vieille  cité 
de  saint  Lambert  et  de  Notger.  Liège  avait  eu  avant  lui  son  Molière, 
dans  la  personne  du  tréfoncier  de  Harlez,  l'auteur  du  théâtre  lié- 
geois ;  les  improvisateurs  de  la  «  place  du  Marché  »  cultivaient  avec 
succès,  depuis  nombre  d'années,  le  genre  épigrammatique.  Li  Côparéi^ 


—   21H  — 

(le  coup  pareil)  de  Simenon  et  Li  K'ktpc  mancgc  (le  ménage  en  dé- 
sordre) de  Forir  avaient  révélé  chez  l'un  un  génie  lyrique  de  pre- 
mier ordre,  chez  l'autre  un  véritable  talent  d'observation.  Dans  les 
temps  plus  rapprochés,  la  Société  liégeoise  de  littérature  wallonne 
donna  une  impulsion  plus  vive  encore  au  mouvement,  et  les  palmes 
qu'elle  décerna  provoquèrent  l'émulation  des  littérateurs  les  plus 
distingués  du  pays. 

Avec  Defrecheux,  la  muse  wallonne  trouva  son  poète  élégiaque  ; 
ce  n'est  point  que  la  plume  de  notre  poète  ne  se  soit  exercée  avec 
succès  dans  des  genres  différents.  Sa  lyre  a  tour  à  tour  chanté  les 
grands  faits  de  la  patrie,  célébré  ce  vieux  nom  liégeois  qui  vâi 
tiV  di  noblesse  (qui  vaut  titre  de  noblesse),  remémoré  les  poétiques 
légendes  du  pays  ou  même  abordé  la  satire  et  les  scènes  de  mœurs  ; 
mais  son  talent  se  manifeste  avec  bien  plus  de  charme  et  de  grâce 
dans  la  peinture  des  sentiments  les  plus  délicats  et  les  plus  tendres 
du  cœur  humain.  Chaque  fois  qu'il  s'agit,  soit  d'évoquer  des  souvenirs 
d'enfance  comme  dans  la  poésie  Li  rlour  a  pays,  soit  de  peindre  les 
joies,  du  foyer,  comme  dans  cette  berceuse  adorable.  Tôt  hossant  (en 
berçant),  ou  de  remuer  les  fibres  de  la  mélancolie  et  de  la  pitié, 
Defrecheux  trouva  des  accents  d'une  fraîcheur  et  d'une  délicatesse 
exquises. 

Que  de  grâce  naïve,  que  d'émotion  dans  cette  ravissante  idylle  : 
L'avez-vc  veyou  passer!  Chaque  année,  elle  obtient  un  nouveau 
succès  d'enthousiasme  dans  les  fameux  crâmignons  ou  rondes  popu- 
laires des  fêtes  paroissiales  de  Liège. 

Quels  accents  touchants,  quelle  sensibilité  profonde  dans  cette 
autre  pièce  :  Leyiz-  ou'  plorer!  (laissez- moi  pleurer),  ou  bien  dans  les 
Orphilins. 

Il  faudrait  tout  citer  dans  ce  charmant  recueil,  et  nous  regrettons 
de  devoir  nous  borner  et  surtout  de  ne  pouvoir,  par  quelques  extraits, 
mettre  le  lecteur  à  même  d'apprécier  la  saveur  de  l'idiome  liégsois, 
et  le  mérite  d'un  de  ses  plus  grands  et  de  ses  plus  doux  poètes. 

«  Si  quelque  jour,  répéterons-nous  avec  l'un  des  critiques  les  plus 
éminents  en  cette  matière  (Alph.  Le  Roy,  Palria  Belgica,  t.  III, 
p.  555),  on  a  l'heureuse  idée  de  publier  une  anthologie  wallonne, 
Defrecheux  y  figurera  au  premier  rang.  »  Ch.  D. 


l<ibre  d»Or  de  la  poesîa  moderua  catelana.  —  La  Reneixeiisd\ 
1878,  in-8  de  306  p. 

Il  paraît  que  les  Castillans  ont  quelque  peine  à  admettre  que  h 
langue  catalane,  qui,  pendant,  si  longtemps,  a  marché  de  pair  avec  h 
leur,  qui  a  produit  tant  de  poètes,  soit  autre  chose  qu'un  dialecte.  Del 


—  220  — 

nombreuses  revues,  des  œuvres  de  genres  divers,  le  beau  poème  de 
VAUantide  devraient  suffire  pour  prouver  que  l'idiome  d'Auzias  Mareh 
de  Jordi  et  de  Febrer  est  apte  à  peindre  tous  les  sentiments  et  à 
traiter  tous  les  sujets.  De  cette  faculté,  voici  une  preuve  nouvelle,  c'est 
un  recueil  de  vers  publiée  par  la  rédaction  de  la  Renalxensa.  Il  ne 
contient  pas  moins  de  soixante-sept  pièces  toutes  d'auteurs  difi'érents, 
chaque  poète  n'a  dû  j  figurer  qu'une  fois.  De  cette  variété  de  col- 
laboration est  née  tout  naturellement  une  variété  non  moins  grande 
dans  la  manière  dont  le  livre  est  composé.  Les  ballades,  les  odes, 
les  élégies,  les  idées,  les  rhytmes  les  plus  difi'érents  s'y  succèdent. 
Nous  trouvons  là  les  noms  d'Antoni  de  Bofarull,  de  Manuel  Milà  y 
Fontanals,  de  Pelay  Briz,  de  Joaquim  Rubio  y  Ors,  de  Jacinto  Verda- 
guer.  Evidemment  toutes  les  pages  qui  composent  ce  livre  n'ont  pas 
une  valeur  égale,  mais  cette  collection  présente  un  ensemble  fort 
remarquable,  et  qui  indique  un  complet  réveil  de  la  littérature  ca- 
talane. Th.  p. 


Un  poète  latin  du  onzième  siècle.  Oaudri,  abbé  de  Bour- 
^ueil,  arclievèqae  «le  Ool,  (1040-1130),  d'après  des  documents 
inédits,  par  l'abbé  Henri  Pasquier,  chanoine  honoraire,  directeur  de  l'école 
Saint-Aubin  d'Angers,  docteur  es  lettres.  Paris,  Ernest  Tliorin  ;  Angers, 
Lachèse  et  Dolbeau,  1878,  in-8  de  29o  p.  —  Prix  :  .o  fr. 
Le  onzième  siècle,  qu'on  a  appelé  l'âge  de  fer  du  moyen  âge,  est 
encore  assez  mal  connu  aujourd'hui,  malgré  d'excellents  travaux  pu- 
bliés sur  cette  époque  par  les  érudits  contemporains.  On  constate 
cependant  qu'il  fut  témoin  d'une  véritable  renaissance  dans  les  lettres 
et  dans  les  arts.  L'architecture  se  dégage  de  la  barbarie  dans  laquelle 
vint  sombrer  l'empire  carolingien  ;  elle  se  développe  et  prend  son 
essor,  non  point  par  une  servile  imitation  des  monuments  romains  qui 
couvraient  encore  la  Gaule,  mais  elle  devient  originale,  elle  invente 
la  voûte.  De  cet  élément  primordial,  lourd,  massif,  sortiront  un  peu 
plus  tard  les  arcs  d'ogive  et  l'élégante  silhouette  des  cathédrales 
gothiques.  Dans  les  belles -lettres,  il  en  est  de  même  :  la  littérature 
populaire  s'affranchit  de  l'étreinte  du  latin;  les  langues  romanes  se 
forment,  et  déjà  apparaissent  les  premiers  poèmes  épiques  français,  les 
chansons  de  geste.  La  littérature  latine  essaye  aussi  de  renaître.  Elle 
a  des  poètes  comme  Baudri  de  Bourgueil,  qui  lui  donnent  quelque 
temps  une  vie  factice;  mais,  pour  employer  une  expression  de  M.  l'abbé 
Pasquier,  «  ce  ne  fut  qu'une  floraison  tardive  d'un  arbre  qui  a  donné 
ses  meilleurs  fruits.  »  La  poésie  latine  était  une  plante  exotique  trans- 
portée chez  des  peuples  pour  qui  elle  n'était  pas  faite  :  elle  dut  faire 
place  à  la  poésie  romane. 

Quoi  qu'il  en    soit,  les   poètes   latins  forent  nombreux  ù  la  fin  du 


—  230  — 

onzième  siècle  :  chaque  école  épiscopale  ou  monastique  avait  les  siens 
et  la  littérature  latine  de  cette  époque  ne  fut  pas  sans  gloire,  Baudri 
de  Bourgueil  en  est  peut-être  le  plus  illustre  représentant.  Elève  de 
Fécole  de  Meung-sur-Loire,  fondée  à  la  demande  de  Charlemagne  par 
l'évêque  Théodulfe^  il  eut  pour  maître  Hubert,  peut-être  disciple  de 
Fulbert  de  Chartres.  Il  j  apprit  la  grammaire  et  passa  ensuite  à  l'école 
d'Angers,  alors  célèbre  par  le  bruit  qui  se  faisait  autour  de  l'hérésiarque 
Bérenger,  et  où  il  fut  condisciple  de  Hildebert  du  Mans,  de  Geoffroy 
de  Vendôme,  de  Marbeuf  de  Rennes  :  avec  ses  illustres  amis,  Baudri 
s'initia  aux  éléments  de  la  versification  latine. 

Emporté  par  cet  irrésistible  élan  religieux  qui  caractérisa  le  onzième 
siècle  et  qui  vit  naître  presque  tous  les  ordres  monastiques,  Baudri  se 
fit  moine  à  Saint-Pierre  de  Bourgueil,  sur  les  confins  de  l'Anjou  et  de 
la  Touraine  :  le  25  décembre  1089,  il  fut  élu  abbé  du  monastère.  Ce  fut 
alors  qu'il  s'adonna  à  son  goût  pour  les  vers  latins.  Il  les  répand  à 
profusion,  à  tout  propos;  il  n'écrit  qu'en  vers  à  ses  amis.  «  Baudri, 
dit  son  savant  biographe,  abusait  de  cette  facilité  à  revêtir  sa  pensée 
de  la  forme  du  vers  latin.  Il  l'emploie  pour  faire  part  de  ses  joies  ou 
de  ses  tristesses,  pour  inviter  à  venir  le  voir,  à  partager  son  dîner. 
A-t-il  été  frappé  d'une  chose  extraordinaire  ?  il  la  décrit  en  vers 
latins...  Il  n'est  pas  jusqu'à  ses  cauchemars  qu'il  ne  raconte  en  vers.» 
Poète  didactique  à  ses  heures,  Baudri  entreprit  d'exposer,  dans  un 
long  traité,  tout  le  cycle  des  études  monastiques  ;  il  ébaucha  aussi  un 
poème  épique  sur  la  conquête  de  l'Angleterre,  dans  lequel  il  prodigue 
surtout  les  leçons  d'astrologie  et  de  géographie.  Enfin,  poète  élégiaque, 
parmi  les  nombreuses  pièces  de  vers  inscrites  sur  les  Rouleaux  des 
morts,  il  n'en  est  pas  de  "plus  remarquables  que  celles  de  Baudri. 
M.  l'abbé  Pasquier  étudie  avec  érudition  la  grammaire  et  la  versifi- 
cation du  poète  ;  il  passe  en  revue  les  principales  particularités  du 
vocabulaire  et  de  la  syntaxe  de  Qa  langue  ecclésiastique  au  onzième 
siècle  ;  les  jeux  poétiques  fort  en  honneur  au  temps  de  Baudri  sont 
aussi  l'objet  de  judicieuses  remarques.  Cette  manie  des  jeux  poétiques 
qu'on  retrouve  à  toutes  les  époques  de  barbarie  littéraire,  fut  le  fléau 
de  la  poésie  latine  au  siècle  qui  nous  occupe.  Cependant,  selon  M.  l'abbé 
Pasquier,  «  Baudri  mérite  que  nous  le  placions  parmi  ces  hommes  d'un 
jugement  plus  droit,  qui  ne  sacrifient  à  l'engouement  de  leur  époque 
que  bien  rarement,  en  se  jouant  et  comme  pour  s'en  moquer.  » 

Jusqu'en  1872,  on  ne  connaissait  des  œuvres  de  Baudri  de  Bourgueil 
que  ses  ouvrages  en  prose,  comme  VHistoria  Hierosolymitana,  et  ses 
poésies  pouvant  off'rir  quelque  intérêt  historique.  C'est  M.  Léopold 
Delisle  qui,  à  cette  époque,  publia  dans  la  Romania  une  description 
détaillée  d'un  manuscrit  du  Vatican  qui  contient  les  autres  oeuvres  du 
poète  angevin.  D'après  les  données  imparfaites  qu'ils  possédaient,  les 


—  231  — 

bénédictins  avaient  jugé  Baudri  assez  sévèrement.  Ils  l'accusèrent 
d'avoir  eu  peu  de  zèle  pour  la  discipline  ecclésiastique  et  lui  repro- 
chèrent d'être  mauvais  poète.  L'abbé  Le  Bœuf,  de  son  côté,  écrivit 
que  les  œuvres  de  Baudri  étaient  singulièrement  gâtées  par  l'exagé- 
ration et  l'emphase.  «  Baudri,  dit  son  nouvel  historien,  était  mal 
connu.  On  avait  eu  la  pensée  de  le  juger  sur  ses  poésies  historiques, 
sur  des  vers  faits  pour  la  publicité.  Or,  Baudri  est  un  causeur  aimable 
qui,  dans  une  conversation  en  vers  aussi  rapprochée  que  possible  de 
la  prose,  s'épanche  librement  avec  ses  amis.  On  l'avait  donc  jugé  sans 
le  connaître,  puisqu'on  avait  fait  sa  vie  sans  avoir  sous  les  jeux  les 
documents  où  elle  est  le  plus  fidèlement  racontée.  »  Grâce  à  l'éru- 
dition de  M.  l'abbé  Pasquier,  Baudri  de  Bourgueil  prendra  désormais 
le  rang  auquel  il  a  droit  dans  la  renaissance  littéraire  du  onzième 
siècle.  Néanmoins,  on  pourrait  craindre  peut-être  que  cette  réhabi- 
litation n'eût  le  caractère  d'un  panégyrique.  Mabillon,  l'abbé  Le  Bœuf, 
et  les  auteurs  de  VHistoire  littéraire  se  sont  montrés  trop  sévères  pour 
Baudri  ;  M.  l'abbé  Pasquier  n'est-il  point  à  son  tour  trop  enthousiaste 
pour  son  héros?  Les  bénédictins,  ces  géants  de  l'érudition,  se  sont 
trompés  quelquefois,  mais  rarement,  et  sur  des  points  de  détail. 
Baudri  de  Bourgueil  fût-il  le  plus  grand  poète  latin  du  onzième 
siècle,  restera  toujours,  croyons-nous,  un  médiocre  poète. 

Ernest  Babelon. 


Hainlet  le  Danois,  par  Alexandre  Buchxer,  professeur  de  littérature 
étrangère  à  la  Faculté  des  lettres  de  Caen.  Paris,  Hachette,  1878,  in-8  de 
x-220  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Partant  de  cette  idée  qu'il  j  a  dans  l'examen  de  toute  œuvre  dra- 
matique deux  parts  à  faire,  celle  du  talent  de  l'auteur  et  celle  des 
circonstances  où  s'est  exercé  ce  talent  ainsi  que  de  la  matière  qui  a 
reçu  son  empreinte,  M.  Bùchner  s'est  proposé  de  rechercher  les 
causes  historiques  des  anomalies  que  l'on  remarque  dans  VHamlet  de 
Shakespeare.  Il  a  pensé  qu'il  serait  plus  aisé  de  les  expliquer  ainsi  que 
par  les  considérations  de  psychologie  transcendante  auxquelles  de 
nombreux  interprètes  se  sont  trop  facilement  abandonnés,  en  prêtant 
au  poète  leurs  propres  quintessences.  Il  a  passé  en  revue  les  sources 
présumées  de  VHamlet:  la  chronique  de  Saxo  Grammaticus,  la  version 
de  Belleforest,  la  traduction  anglaise  de  cette  version  et  la  chronique 
rimée  danoise,  où  se  trouve  un  abrégé  de  la  même  histoire,  d'après 
Saxo.  Il  a  recueilli  les  mentions  d'où  l'on  peut  conclure  qu'il  a  existé 
sur  le  théâtre  anglais  uuEamlet  antérieure  celui  de  Shakespeare,  noté 
les  ressemblances  que  diverses  autres  pièces  de  ce  vieux  théâtre,  et 
notamment  la  Tragédie  espagnole  de  Thomas  Kyd,  offrent  avec  le  cé- 
lèbre drame,  et  rappelé  les  conventions  auxquelles  les  auteurs  des 


232 

tragédies  d'alors  ne  pouvaient  pas  se  soustraire.  Il  a  ensuite  rapporté 
la  plupart  des  systèmes  soutenus,  notamment  en  Allemagne,  pour 
expliquer  VHumlel  et  examiné  les  pièces  sur  le  môme  sujet,  écrites 
depuis  Shakespeare.  Il  a  enfin  conclu  que  les  anomalies  du  drame 
s'expliquent  par  ce  fait  que  le  grand  poète,  remaniant  un  drame 
antérieur  dont  il  n'a  pas  pu  ou  dont  il  n'a  pas  voulu  entièrement  changer 
la  structure  et  les  caractères,  a  mélangé  dans  la  personne  de  son 
Hamlet  deux  types  contradictoires  :  le  type  traditionnel  et  celui  que 
son  génie  avait  conçu.  Cette  conclusion  est  ingénieuse  et  l'idée  gé- 
nérale du  livre  de  M.  Biichner,  dirigé  surtout  contre  les  admirateurs 
exagérés  de  Shakespeare,  qui  en  veulent  faire  un  poète  infaillible  et 
trouver  des  raisons  profondes  à  toutes  ses  étrangetés,  dont  beaucoup 
sont  purement  accidentelles,  cette  idée  nous  paraît  fort  juste  et  elle 
serait  d'une  application  féconde.  Mais  nous  reprocherons  à  l'auteur 
des  défauts,  tenant  peut-être  aux  circonstances  de  son  travail,  qui  a 
l'air  d'une  thèse  de  doctorat:  un  peu  de  diffusion  dans  le  développement 
desa  pensée,  un  déploiement  exagéré  d'érudition  qui  ne  va  pas  toujours 
au  but,  la  tendance  à  prouver  longuement  ce  que  tout  le  monde  sait: 
par  exemple,  que  Shakespeare  a  donné  à  son  Hamlet  les  mœurs  du  sei- 
zième siècle;  des  rapprochements  d'une  critique  douteuse  :  par  exem- 
ple, cette  assertion  que  le  passage  de  Virgile  relatif  au  premier 
époux  de  Didon  a  donné  l'idée  du  fameux  spectre  ;  enfin  nous  lui 
reprocherons  la  réflexion  enfantine  de  la  page  22,  à  propos  du  combat 
singulier  des  princes  Collerus  et  Horwendillus.  «  Pourquoi,  dit  en 
note  M.  Biichner,  les  princes  de  nos  jours  n'en  font-ils  pas  autant?  » 
Parce  que  cela  ne  servirait  à  rien.  Marius  Sepet. 


Délia  vîta    e  délie  opéra    dl  i%ntonio   Urceo  dette  Codro, 

Studi  e  ricerclie  di  Cablu  Malagola,  Bologae,    Fava  et   Garagnani,  187S, 
in-8  de  xx-597  p. 

L'Italie  rompit  moins  qu'aucun  autre  peuple  avec  les  souvenirs  de 
l'antiquité,  et  produisit,  dèsle  moyen  âge,  et  au  quinzième  siècle  sur- 
tout, une  grande  quantité  d'hommes  profondément  érudits.  L'un  des 
plus  remarquables  de  ces  savants  fut  Antonio  Urceo,  plus  connu  sous  le 
nom  de  Codro,  né  en  1446  et  mort  en  1500.  Ce  docte  personnage  a 
semblé  à  M.  Malagola  digne  d'une  étude  détaillée,  et  a  inspiré  un 
gros  volume  où  se  reproduit  une  période  fort  intéressante  de  l'histoire 
littéraire  de  l'Italie.  L'auteur  débute  par  un  chapitre  sur  l'étude  des 
lettres  grecques  et  latines  au  quinzième  siècle,  et  par  un  chapitre  sur 
riiellénisme  à  Bologne  jusqu'à  la  moitié  du  seizième  siècle.  Ce  n'est 
qu'après  ces  préliminaires,  qui  occupent  plus  de  cent  pages,  que 
M.  Malagola  nous  parle  de  la  famille,  delà  naissance  et  de  l'éducation 


—  233  — 

d'Urceo.  Quelques  feuillets,  une  trentaine,  suffisent  ensuite  pour  ra- 
conter la  vie  peu  accidentée  du  savant,,  qui  mourut  à  l'âge  de  cinquante- 
quatre  ans,  d'une  manière  plus  édifiante,  parait-il,  qu'on  n'aurait  pu 
l'attendre  d'un  homme  qui,  tant  de  fois,  avait  affecté  le  septicisme. 
M.Malagola  déclare  pourtant  n'avoir  pas  la  certitude  que  le  testament 
attribué  àUrceo  par  son  disciple  et  son  premier  biographe,  Bianchini, 
soit  d''une  incontestable  authenticité  (p.  188  et  502).  Malgré  son  incrédu- 
lité, Urceo  avait  les  plus  ridicules  superstitions,  et  c'est  une  faiblesse 
que  ne  dissimule  pas  son  historien .  La  vie  d'un  savant  est  ordinairement 
plus  dans  ses  travaux  et  dans  ses  relations  que  dans  des  événements 
exceptionnels;  aussi  M.  Malagola  est-il  entré  dans  beaucoup  de  détails 
sur  ces  points,  dont  il  s'occupe  après  avoir  raconté  la  mort  d'Urceo. 
De  nombreux  appendices  complètent  ce  volume.  Th.  P. 


Feuilles    volnnies^,  par    Ch.   Louvet.    Paris,    Didier,    1877,    in-8    de 
•298  p.  —  Prix  :  o  fr. 

Ayant  toujours  eu  l'habitude  de  consigner  par  écrit  les  pensées  qui 
lui  étaient  suggérées  soit  par  ses  lectures,  soit  par  les  conversations 
auxquelles  il  assistait,  soit  par  les  événements  qui  se  produisaient 
autour  de  lui,  M.  Louvet  n'a  eu  qu'à  choisir  pour  former  un  volume 
auquel  nous  sommes  heureux  d'accorder  des  louanges  qu'aucune 
réserve  n'affaiblira.  La  vie  de  famille,  ses  tristesses  et  ses  joies,  les 
douceurs  de  l'amitié,  les  fluctuations  de  la  politique,  les  spectacles 
variés  d'un  monde  qui  change  à  chaque  instant  sans  cesser  de  se  res- 
sembler toujours,  les  grandes  vérités  morales  et  religieuses,  ont  servi 
tour  à  tour  de  thème  à  ces  pensées,  souvent  charmantes  et  toujours 
justes.  L'ensemble  du  livre  respire  d'ailleurs  une  foi  profonde,  et  laisse 
deviner  un  homme  qui,  par  sa  situation,  a  acquis  le  droit  de  juger  les 
autres,  et  conserve  à  l'endroit  des  faiblesses  et  des  contradictions  dont 
il  a  été  le  témoin,  une  pitié  sincère,  tempérée  par  beaucoup  d'indul- 
gence. Le  lecteur  se  sent  tout  de  suite  en  face  d'un  vieillard  que  son 
âge  préserve  des  illusions  et  que  ses  vertus  empêchent  d'être  grondeur 
et  morose.  Entre  tous  les  livres  de  ce  genre,  celui  de  M.  Louvet  est 
certainement  l'un  des  meilleurs  que  nous  ayons  jamais  lus.  Point  de 
paradoxe,  mais  du:bon  sens,  une  observation  fine,  un  style  juste,  une 
inspiration  constamment  chrétienne,  ce  sont  là  des  qualités  trop 
sérieuses  pour  que  les  Feuilles  volantes  de  M.  Louvet  aient  besoin 
d'être  recommandées  davantage.  Elles  bénéficieront,  d'ailleurs,  de  la 
mémoire  du  vénéré  Ms''  Fruchard  et  de  l'illustre  Dom  Guéranger, 
sous  le  patronage  desquels  l'auteur  les  a  modestement  placées.  Ces 
deux  noms  amèneront  bien  des  gens  à  ouvrir  ce  livre  :  le  charme  qui 
s'en  exhale  suffira  pour  les  engager  à  ne  pas  le  fermer  sans  l'avoir  lu. 

E,    DE    LA    D. 


-  234  — 

HISTOIRE 

Le  I*ôle  et  l'Equateur,  Études  sur  les  dernières  explorations  du  globe, 
par  Lucien  Dubois,  des  sociétés  géographiques  de  Paris  et  de  Berlin.  — 
Nouvelle  édition  mise  au  courant  des  plus  récentes  découvertes.  Paris, 
J.  Lecoffre,  1877,  2  vol.  in-12  de  xi-306  et  328  p.  —  Prix  :  4  fr. 

La  première  édition  de  cet  ouvrage  a  paru  en  1863,  elle  ne  for- 
mait qu'un  volume  de  478  pages,  avec  une  seule  carte.  —  L'auteur  a 
eu  à  cœur  de  tenir  son  œuvre  au  courant  des  plus  récentes  décou- 
vertes, et  pour  dire  tout  d'abord  combien  il  y  a  réussi,  nous  rap- 
pellerons que  la  Société  libre  d'instruction  et  d'éducation,  et  la  Société 
nationale  d'encouragement  au  bien,  lui  ont  décerné  chacune  une 
médaille  d'honneur,  et  que  l'Institut,  dans  sa  séance  solennelle  du 
P'  août  dernier,  lui  a  accordé  le  second  des  trois  prix  Monthyon  de 
1,000  francs.  Ces  distinctions  nous  dispensent  d'un  plus  long  éloge,  et 
sont  par  elles-mêmes  une  recommandation  parfaitement  justifiée,  tant 
de  la  part  des  sociétés  savantes  que  de  celle  de  Fauteur  qui  en  est 
l'objet. 

Cet  ouvrage  de  vulgarisation  scientifique,  en  ce  qui  concerne  les 
découvertes  géographiques  et  l'ethnographie,  est  un  de  ceux  qui  rem- 
plissent le  mieux  leur  but.  D'une  exposition  parfaitement  méthodique 
et  claire,  son  premier  volume  est  consacré  à  Vextrême  froid,  et  comprend 
deux  parties  d'égale  importance  :  un  résumé  succinct  des  expéditions 
à  la  recherche  du  passage  du  Nord  Ouest  et  de  la  mer  libre  depuis 
^infortuné  Franklin,  et  une  exposition  remarquable  dans  sa  simplicité 
de  la  météorologie  des  régions  polaires  (courants  de  l'atmosphère  et 
courants  de  l'Océan).  Un  appendice  relatif  aux  expéditions  américaine 
et  suédoise,  aux  voyages  du  Tegcthoff  et  du  Challenger,  montre  que 
l'auteur  a  poussé  ses  études  jusqu'à  ces  derniers  temps.  Tandis  que 
la  première  partie  n'offre  dans  cette  nouvelle  édition  qu'un  chapitre 
de  plus  que  dans  la  première,  la  seconde  partie  a  été  plus  que  doublée  : 
l'étude  des  courants,  si  importante  à  tant  de  points  de  vue,  a  fourni, 
en  efi'et,  depuis  quelques  années,  une  masse  considérable  de  données 
nouvelles  présentant  le  plus  vif  intérêt,  même  pour  les  profanes  qui 
n'auront  peut-être  jamais  à  en  poursuivre  l'application  pratique. 

Le  second  volume,  conduisant  le  lecteur  aux  régions  de  l'extrême 
chaleur,  a  une  portée  plus  haute  encore  que  le  premier,  en  raison  des 
questions  ethnographiques  qui  s'y  trouvent  traitées  après  un  résumé 
des  explorations  de  l'Afrique  centrale  dans  leurs  grandes  lignes.  Nous 
recommandons  surtout  aux  hommes  de  bonne  foi  les  trois  derniers 
chapitres  où  l'auteur  a  tracé  une  esquisse  rapide  des  principales  races 
africaines  au  double  point  de  vue  de  l'anthropologie  et  de  la  linguis- 
tique, et  fait  ressortir  leur  parenté  originelle  avec  les  autres  branches 


—  23b   - 

du  règne  humain  ;  sans  être  l'objet  d'une  étude  ex  professa,  le  chapitre 
des  langues  est  particulièrement  intéressant. 

Au  mérite  scientifique  et  populaire,  l'œuvre  de  M.  Dubois  ajoute 
celui,  trop  rare  aujourd'hui,  d'avoir  non-seulement  respecté,  mais 
justifié  les  traditions  et  l'enseignement  catholique,  au  lieu  de  s'être 
mis  à  la  remorque  des  théories  spécieuses  et  décevantes  du  matéria- 
lisme et  du  darwinisme.  De  Roquefeuil. 


Itinéraire  descriptif,  liistorîque  et  arcliéologiciue  de 
l'Orient,  par  le  docteur  Emile  Isambert,  professeur  agrégé  à  l'École 
de  médecine  de  Paris,  membre  de  la  Société  de  géographie.  Deuxième 
partie  :  Malte^  Egypte,  Nubie,  Abyssinie,  Sinaî.  —  Deuxième  édition,  avec 
6  cartes,  19  plans  et  4  gravures.  Paris,  Hachette,  1878,  in-8  de  771  p. 
—  Prix  :  00  fr. 

Ce  nouveau  guide,  fruit  de  longues  et  de  consciencieuses  recher- 
ches, résume,  sur  les  divers  pays  qui  y  sont  décrits,  des  renseigne- 
ments très-précis  et  une  foule  de  données  puisées  aux  meilleures 
sources  et  embrassant  à  la  fois  l'état  passé  et  la  situation  présente  de 
ces  régions  célèbres.  L'auteur  a  été  malheureusement  arrêté  par  la 
mort,  avant  d'avoir  eu  le  temps  d'achever  son  ouvrage  ;  mais  de 
savants  collaborateurs,  voyageurs  eux-mêmes,  ont  corrigé  et  com- 
plété son  travail;  en  outre,  il  avait,  de  son  vivant,  recouru  aux 
lumières  de  tous  ceux  qui  pouvaient  l'éclairer  sur  les  contrées  à 
travers  lesquelles  il  conduit  son  lecteur.  Ce  qui  concerne  l'Egypte 
notamment  est  traité  avec  beaucoup  de  netteté  et  de  méthode,  et 
nous  possédons  là,  sur  les  principaux  monuments,  soit  en  partie  ren- 
versés, soit  encore  debout,  qui  parsèment  le  Delta  et  la  vallée  du  Nil, 
des  indications  très-précieuses,  empruntées  aux  égyptologues  les  plus 
compétents,  parmi  lesquelles  il  convient  de  signaler  en  première  ligne 
M.  Mariette-bey,  auteur  de  tant  d'importantes  découvertes  qui  ont 
justement  honoré  son  nom. 

Le  paragraphe  des  divinités  égyptiennes,  remanié  d'après  les 
travaux  récents  de  M.  Maspéro,  a  été  illustré  des  figures  des  dieux 
qui  composent  le  panthéon  égyptien.  Des  paragraphes  nouveaux  ont 
été  consacrés  à  la  civilisation  et  aux  moeurs  des  anciens  habitants  de 
l'Egypte.  L'architecture  arabe  a  été  l'objet  d'une  section  spéciale  ; 
des  plans  insérés  dans  le  texte  ont  permis  de  mettre  sous  les  yeux  des 
lecteurs  les  types  les  plus  remarquables  des  mosquées,  étudiés  et 
expliqués  d'après  les  travaux  de  Pascal  Coste,  de  Bourgeois  et  de 
M.  Charles  Blanc. 

Les  routes  de  la  Haute-Nubie  jusqu'à  Khartoum  ont  été  décrites 
sommairement,  au  moyen  des  renseignements  fournis  par  Caillaud  et 
par  Lepsius. 


—  23G  — 

Le  Soudan  et  les  contrées  du  Haut-Nil  forment  un  chapitre  nouveau 
et  le  lecteur  jieut  ainsi  remonter  ce  grand  fleuve  qui  fait  la  vie  de 
l'Egypte  jusqu'aux  régions  lointaines,  encore  imparfaitement  connues, 
d'où  il  descend. 

L'Abyssinie  a  fourni  une  partie  spéciale,  et,  sur  ce  point,  comme 
ailleurs,  nous  avons  une  excellente  anal^'se  des  ouvrages  les  plus 
sérieux  qui  aient  été  composés  sur  cette  contrée. 

Enfin,  comme  le  voyage  du  Sinaï  est,  pour  un  certain  nombre  de 
touristes,  le  complément  de  celui  de  FEgypte,  un  appendice  court, 
mais  substantiel,  est  consacré  à  la  description  de  la  route  qui  conduit 
à  cette  montagne  fameuse.  Y.   G. 


Mémoires  de  Charles  Perrault,  précédés  d'une  notice,  par  Paul 
Lacroix.  Paris,  librairie  des  bibliophiles,  J878,  gr.  in-18  de  xxxri-la2p. 
—  Prix  :  4  fr. 

M.  Paul  Lacroix  a  fait  précéder  ces  il/éw?o/re5  d'une  notice  écrite 
avec  soin  et  pleine  de  compétence,  mais  qui  peut  leur  faire  supposer 
plus  d'importance  qu'ils  n'en  ont  en  eifet.  Nous  ne  voulons  pas  dire, 
de  reste,  qu'ils  soient  sans  valeur,  ni  qu'ils  n'aident  pas  à  éclairer 
certaines  parties  du  règne  de  Louis  XIV,  ni  qu'en  dépit  de  longueurs 
à  propos  des  jansénistes  et  des  questions  relatives  à  l'architecture,  ils 
n'offrent  pas  une  lecture  agréable.  Le  Perrault"  qui  les  a  écrits,  était 
un  littérateur  éminent,  un  érudit  ;  mais  c'est  un  recueil  de  contes  de 
fées,  que  nous  avons  tous  lus  dans  notre  enfance,  qui  lui  a  donné  la 
célébrité:  quant  à  ses  Mémoires,  il  ne  les  destinait,  paraît-il,  qu'à  sa 
famille:  aussi  ne  se  gêne-t-il  pas  pour  parler  avec  une  satisfaction 
naïve  de  tout  ce  qu'il  fait,  vers  ou  prose.  Cette  satisfaction  s'affiche 
dès  le  début  du  volume,  à  propos  d'une  parodie  du  vi*  livre  de 
l'Énéidr,  parodie  entreprise  avec  son  frère.  C'est  là  que  se  trouvent 
deux  vers  vraiment  plaisants,  dont  on  ne  manque  pas  de  faire 
toujours  honneur  à  Scarron.  C'est  là  qu'il  est  parlé  de  l'ombre  d'un 
cocher 

*Jui  tenant  l'ombre  d'une  brosse 
Nettoyait  l'ombre  d'un  carrosse. 

Il  serait  facile  de  citer  plus  d'une  jolie  page,  dans  ces  Mémoires 
de  Perrault  ;  il  ne  faudrait  pas  oublier  celle  où  il  raconte  comment  il 
alla  à  Orléans,  prendre,  à  dix  heures  du  soir,  ses  licences,  en  com- 
pagnie de  deux  de  ses  amis.  Les  bons  docteurs,  avec  leurs  bonnets  dej 
nuit,  sous  leurs  bonnetscarrés,  sontpeints d'une  manière  très-amusante. j 
Fort  en  faveur  près  de  Colbert,  Perrault  parle  beaucoup  de  ce  ministre 
et  de  l'Académie  française.  Elle  lui  doit  plusieurs  pratiques  encore  en 
usage  aujourd'hui,  notamment  l'invention  des  jetons  de  présence.  On  a 


dans  ces  Mémoires  un  complet  récit  du  séjour  en  France  du  fameux 
cavalier  Bernier,  dont  Perrault  fut  loin  d'être  l'admirateur  ;  on  y 
rencontre  aussi  des  détails  sur  d'autres  personnages  remarquables  de 
l'époque,  sur  Louis  XIV  lui-même,  et  tout  cela  est  dit  dans  cette  belle 
langue  du  dix-septième  siècle  que  Perrault  maniait  avec  beaucoup 
d'élégance,  quoique,  nous  le  répétons,  M.  Lacroix  ait  peut-être  exa- 
géré le  mérite  du  livre  qu'il  publiait.  Ce  livre  qui,  depuis  1750,  n'avait 
été  imprimé  que  trois  fois,  était  fort  digne  d'être  remis  sous  presse 
par  M.  Jouaust,  qui  nous  en  a  donné  une  charmante  édition. 

Th.  p. 

Les  Évè<iues  et  archevêques  de  Paris,  par  le  vicomte  G.  d'A- 
VENEL.  Paris,  Casterman,  1878,  2  vol.  gr.  in-8,  de  439  et  429  p.  — 
Prix  :  12  fr. 

Nous  arrivons  un  peu  tard  pour  parler  de  cet  ouvrage,  publié  déjà 
depuis  quelques  mois,  et  jugé  diversement  par  la  presse.  Les  uns  ne 
lui  épargnent  pas  les  éloges,  les  autres  le  traitent  avec  rudesse  ;  d'un 
côté  comme  de  l'autre,  il  y  a  de  l'exagération.  M.  d'Avenel  est  un 
catholique  convaincu,  qui  s'est  efforcé  de  remettre  sous  les  yeux  des 
Parisiens  de  nos  jours,  oublieux  et  peu  religieux,  les  gloires  et  les 
services  rendus  à  leur  cité  par  les  évêques  et  archevêques  de  Paris. 
Il  a  apporté  à  son  travail  une  ardeur  qui  respire  dans  toutes  les 
pages.  Mais  cette  piété  filiale  n'absout  pas  les  défauts  de  l'écrivain. 
L'imagination  de  l'auteur  est  peu  réglée;  elle  l'emporte  parfois  à 
travers  des  tableaux,  des  descriptions,  des  épisodes,  deshors-d'œuvre, 
des  discussions  théologiques.  Le  style  est  léger,  diffus^  romanesque^ 
parfois  emphatique,  cherchant  puérilement  l'effet,  obscurément  sen- 
tencieux, en  un  mot  éloigné  de  la  gravité,  de  la  dignité  et  de  l'élé- 
vation qu'un  pareil  sujet  impose.  Ajoutons  qu'aux  incorrections  gram- 
maticales dont  le  livre  est  parsemé  çà  et  là,  se  joignent  quelques 
inexactitudes  historiques.  Citons  comme  exemple  que  «  les  chrétiens, 
à  l'instigation  de  Sainte-Geneviève,  élevèrent  la  magnifique  église 
de  Saint-Denis,  que  l'on  admire  encore  aujourd'hui  (p.  57);  »  que 
«  saint  Mellon,  successeur  de  saint  Denis,  venait  de  Rouen,  (p.  59)  :» 
saint  Mellon  n'a  jamais  quitté  son  diocèse,  où  il  mourut  en  314; 
que  «  Goiovefa,  Geneviève,  signifie  fille  du  ciel  en  celtique  ;  »  que 
«Jean  du  Bellay  n'a  pas  pris  assez  de  part  à  la  défense  de  l'unité  reli- 
gieuse au  seizième  siècle  :  »  c'est  le  contraire  qui  est  vrai,  et  si  le  rôle 
diplomatique  de  l'évêque  de  Paris  eût  été  mieux  connu  de  l'auteur, 
il  aurait  plus  justement  apprécié  les  efforts  vaillants  de  ce  champion 
de  l'unité  religieuse,  surtout  dans  l'affaire  du  schisme  d'Angle- 
terre, etc. 

Nous  ne  prolongerons  pas  nos  citations.  Un  auteur  catholique  ne 


—  238  — 

peut  trop  se  garder  de  ces  lapsus,  dont  les  ennemis  de  la  religion  font 
leur  profit. 

Le  lecteur,  une  fois  accoutumé  à  la  manière  de  l'auteur,  lit  avec 
intérêt  ces  pages  où  l'anecdote  foisonne,  où  la  curiosité  des  citations 
fait  pardonner  leur  longueur,  où  le  piquant  des  récits  amuse.  Il  faut  un 
peu  oublier  le  titre  sérieux  du  livre,  et  Ton  suit  l'auteur  avec  agrément 
dans  sa  promenade  à  travers  cette  galerie  de  portraits,  plus  ou  moins 
ressemblants,  mais  étincelants  de  couleur.  Le  second  volume  surtout, 
commençant  au  dix-huitième  siècle,  renferme  des  notices  détaillées, 
des  anecdotes  peu  connues,  des  documents  inédits,  depuis  M.e'^  de 
Vintimille  (1729)  jusqu'àMë'"Darboy(1871), qui  permettent  à  l'ouvrage, 
malgré  son  imperfection,  d'espérer  une  place  à  côté  des  sources  de 
l'histoire  de  l'Église  de  Paris.  L.  Sandret. 


Histoire   des  corporations   françaises  d'arts  et  métiers, 

avec  préface  historique  et  conclusion  pratique,  par  J.-P.  Mazaeoz.  2"  édition, 
Paris,  Germer-Baillière,  1878,  in-8  de  485  p.  —  Prix  :  o  fr. 

M.  Mazaroz  est  un  partisan  déclaré  de  la  forme  corporative  ;  il 
estime  que  les  anciennes  corporations  ont  rendu  à  la  société  d'inappré- 
ciables services,  qu'elles  devaient  être  réformées,  non  détruites,  et 
que  Turgot  n'a  tué  le  mal  qu'en  tuant  aussi  le  malade  ;  il  pense  que 
le  principe  des  corporations  est  appelé  à  revivre,  et  que  ce  sont  les 
chambres  syndicales  qui  lui  donneront  la  forme  appropriée  à  notre 
époque.  Du  reste,  le  livre  est  moins  une  histoire  des  corporations 
qu'un  recueil  des  documents  relatifs  à  cette  histoire,  depuis  la  préface 
du  (c  Livre  des  Métiers  »  d'Etienne  Boileau,  jusqu'au  réquisitoire  de 
l'avocat  général  Séguier  en  1776,  et  aux  débats  de  l'Assemblée  cons- 
tituante en  1791.  On  y  trouve  aussi  plusieurs  ordonnances  relatives 
au  rôle  des  corporations  dans  nos  guerres  civiles  de  diverses  époques. 
Malheureusement,  l'ouvrage  est  précédé  d'une  préface  et  terminé  par 
une  conclusion,  deux  morceaux  fort  nébuleux,  pour  ne  pas  dire  da- 
vantage, où  il  est  parlé,  entre  autres  choses,  de  la  lutte  incessante  du 
droit  romain  et  du  droit  celto-gaulois  ;  on  y  voit  que  si  l'auteur  ne 
croit  pas  en  un  Dica  individu,  en  revanche  il  déteste  Voltaire,  So- 
crate,  les  lois  de  1791,  et  surtout  le  droit  romain,  source  de  tous  nos 
maux.  Nous  doutons  que  ces  considérations  ajoutent  beaucoup  à  Pin- 
térêt  des  documents  historiques  reproduits  dans  cet  ouvrage. 

R.  L.  S. 

Études  sisr  l'industrie  et  la  classe  industrielle  à  Paris 
au  treizième  et  au  quatorzième  siècles,  par  Gustave  Fagmez. 
Paris,  Vieweg,  1877,  iii-8  de  426  p.  —  Prix  :  12  fr. 

Voici  un  livre  composé  avec  le  luxe  de  recherches  et  la  critique    • 


—  2\\)  — 

dont  l'enseignement  de  l'Ecole  des  chartes  apprend  à  faire  usage.  Ce 
n'est  pas  la  première  fois  que  l'École  pratique  des  hautes  études  a  la 
bonne  chance  de  prendre  sous  son  patronage  et  de  publier  des  ouvrages 
élaborés  par  d'anciens  élèves  de  l'Ecole  des  chartes.  MM.  Girj, 
Robert  de  Lasteyrie  ont  trouvé  à  la  Sorbonne,  comme  M.  Fagniez,  de 
généreux  éditeurs  des  travaux  qu'ils  avaient  faits  comme  paléographes, 
quelquefois  même  à  titre  de  thèses  pour  obtenir  le  diplôme  d'archiviste. 

Le  volume  que  nous  signalons  en  ce  moment  à  l'attention  de  nos 
lecteurs  est  divisé  en  deux  livres.  Dans  le  premier,  l'auteur  étudie 
l'organisation  civile,  religieuse  et  économique  de  la  classe  industrielle  ; 
on  y  trouve  tout  ce  que  l'on  peut  dire  sur  l'histoire  des  apprentis,  des 
ouvriers,  des  maîtres  et  des  chefs  d'industrie,  sur  les  gardes  jurés  et 
la  juridiction  industrielle.  Dans  le  second  livre,  M.  Fagniez  fait  la 
monographie  des  principales  industries  :  les  meuniers  et  les  boulan- 
gers, les  bouchers,  les  maçons  et  charpentiers,  les  industries  textiles, 
la  teinturerie,  la  confection  des  vêtements  tissés,  les  orfèvres.  Dans 
un  appendice,  on  trouve  soixante  et  un  documents  inédits  qui  viennent 
à  l'appui  de  tout  ce  qui  est  exposé  par  l'auteur  et  de  ses  conclusions  ; 
des  tables  détaillées  permettent  de  trouver  facilement  les  mille  détails 
intéressants  qu'il  serait  parfois  très-long  de  chercher,  page  à  page, 
dans  un  volume  bourré  de  citations  et  de  faits. 

Le  livre  de  M.  Fagniez  est  très-important^,  parce  qu'il  ne  satisfait 
pas  seulement  la  curiosité  de  ceux  qui  recherchent  tout  ce  qui  touche 
à  la  vie  du  moyen  âge  ;  il  donne  en  outre  une  idée  exacte  de  l'histoire 
du  commerce  et  de  l'industrie  à  Paris  ;  il  fait  connaître  ce  que  l'on 
doit  penser  des  corporations  de  métiers,  dont  les  uns  disent  tant  de 
mal,  dont  les  autres  disent  tant  de  bien  qu'ils  seraient  presque  tentés 
d'en  souhaiter  le  retour.  M.  Fagniez  établit  parfaitement  que 
l'organisation  de  l'industrie,  aux  treizième  et  quatorzième  siècles, 
garantissait  aussi  solidement  que  possible  le  sérieux,  la  perfection  et 
la  sincérité  du  travail,  en  même  temps  qu'elle  établissait  entre  les 
artisans,  maîtres  et  ouvriers,  une  solidarité  salutaire  au  double  point 
de  vue  de  la  moralité  et  des  intérêts  de  chacun.  Mais  il  reconnaît, 
très-judicieusement,  que  cette  organisation,  admirablement  conçue 
pour  la  société  à  laquelle  elle  était  adaptée,  serait,  aujourd'hui,  par- 
faitement inapplicable.  Les  institutions  humaines  sont  faites  pour 
certaines  époques  et  certains  milieux  ;  les  rapports  sociaux  changent, 
les  institutions  antérieures  deviennent  incomplètes,  quelquefois  même 
dangereuses.  Ce  ne  sont  pas  les  corporations  qui,  de  nos  jours,  por- 
teraient remède  aux  imperfections  calculées  du  commerce  moderne, 
à  ses  falsifications,  à  son  charlatanisme,  et  aux  exigences  des  ouvriers, 
à  celles  des  patrons.  Là,  il  y  a  quelque  chose  qui  est  encore  à  trouver. 

Les  Etudes  sur  Vindustrie  et   la  classe  industrielle  à  Paris  consti- 


—  240  — 

tuent  un  livre  qui  restera  et  qui  ne  vieillira  pas  ;  il  appartient  à  ce 
genre  de  recherches  dont  M.  L.  Delisle  a  donné  un  excellent  modèle 
dans  ses  Éludes  sur  ta  condition  de  la  classe  agricole  en  Normandie. 

A.    DE    B. 

BLiCS  Oues   (le  Savoie    aux    quinzième    et   seizième  siècles9 

par  Charles  Bl'eï.  Tours,  Alfred  Manie  et  fils,  1878,  gr.  in-8,  de  360  p  — 
Prix  :  3  fr.  2u. 

En  inscrivant  au  frontispice  de  sa  préface  cet  axiome  de  Pascal: 
((  Il  y  a  des  gens  qui  voudraient  qu'un  auteur  ne  parlât  jamais  des 
choses  dont  les  autres  ont  parlé  :  autrement  on  l'accuse  de  ne  rien 
dire  de  nouveau,  »  M.  Charles  Buet  nous  fait  connaître  le  caractère 
de  son  livre  :  nous  ne  devons  pas  y  chercher  l'érudition.  L'auteur 
nous  apprend  encore,  quelques  pages  plus  loin,  que  son  ouvrage 
«  n'est  pas  une  œuvre  absolument  personnelle.  Nous  avons,  dit-il, 
puisé  largement  dans  tous  les  auteurs  que  nous  avons  consultés;  mais,  au 
lieu  d'indiquer  par  des  guillemets  les  emprunts  que  nous  avons  faits, nous 
nous  sommes  borné  à  indiquer  en  note  les  ouvrages,  qui  sont  presque 
toujours  ou  textuellement  cités,  ou  interprétés,  ou  résumés,  selon  les 
besoins  de  notre  cadre.  C'est  donc  une  mosaïque  que  nous  avons 
composée,  ne  nous  réservant  que  le  choix  des  matériaux,  leur  agen- 
cement, leur  mélange.  »  Je  ne  sais  si  un  livre  fait  avec  un  pareil  pro- 
cédé de  compilation  rentre  dans  le  domaine  de  la  critique.  On  n'est 
pas  en  présence  de  l'œuvre  de  M.  Charles  Buet,  puisqu'il  nous  dit 
lui-même  que  son  livre  peut  être  renfermé  entre  deux  guillemets. 
Ces  réserves  faites,  je  n'éprouve  aucune  difficulté  d'ajouter  que, 
contrairement  à  toutes  les  compilations,  celle  de  M.  Charles  Buet  est 
d'une  lecture  facile  et  agréable.  C'est  ce  qu'on  était  en  droit  d'exiger 
d'un  romancier  de  renom.  Au  reste,  le  rôle  que  les  ducs  de  Savoie  ont 
rempli  au  quinzième  et  au  seizième  siècle  est  si  intéress-^ut  par  lui- 
même  !  C'est  Amédée  IX  et  ses  rapports  avec  l'astucieux  Louis  XI  ; 
ce  sont  les  intrigues  et  les  mœurs  bizarres  de  la  duchesse  Yolande 
qui,  sous  plus  d'un  rapport,  ressemblait  à  son  frère  le  roi  de  France. 
Viennent  ensuite  le  duc  Charles  P""  qui  reçut  Bayard  à  sa  cour,  et^ 
plus  tard,  Charles  III  qui  dut  réprimer  les  troubles  de  Genève  et  les 
premières  tentatives  de  révolte  des  calvinistes.  Il  y  a  là  des  épisodes 
dignes  de  la  plume  d'un  romancier  et  même  d'un  poète.  Le  livre  de 
M.  Charles  Buet  pourra  servir  de  prix  dans  les  écoles  primaires, 
récréer  et  instruire  de  jeunes  oisifs  pendant  leurs  vacances. 

Er.  B. 


Cronieque  contenant  l'estat  ancien  et  moderne  du  pays  et* 
conté  de  iVamur,  la  vie  et  les  gestes  des  seig7ieurs,  contes  et  marquis  ^ 
d'iccluy,  par  Paul  de  Croonendael,  greffier  des  finances  du  roy,  publiée  inté- 


—  J-il  — 

gralement  pour  la  première  fois  et  annotée  par  le  comte  de  Limminghe. 
Première  partie,  comprenant  depuis  les  origines  jusqu'à  la  mort  de  Phi- 
lippe le  Noble  (1212).  Bruxelles,  J.  Olivier,  1878,  in-4  de  xvi-36o  p.,  car- 
tonné. 

Les  annales  du  comté  deNamur  n'intéressent  pas  seulement  la  Bel- 
gique et  les  pays  qui  formaient  le  comté  de  Flandre  au  moyen  âge. 
Par  sa  position  topographique,  la  ville  de  Namur,  placée  entre  les 
duchés  de  Liège,  de  Brabant  et  de  Luxembourg,  non  loin  des  fron- 
tières de  la  France  et  de  l'Allemagne,  servit  souvent  de  champ  de 
bataille  aux  armées  des  pays  voisins,  et  les  plus  grands  drames  histo- 
riques se  déroulèrent  sous  ses  murs.  N'est-ce  pas,  en  effet,  près  de 
Namur  que  César  dompta  les  dernières  tribus  insoumises  des  Belgii  ; 
que  les  Francs  livrèrent  leurs  premiers  combats  aux  légions  romaines? 
A  partir  du  quatorzième  siècle,  Namur  vit  les  luttes  des  rois  de 
France  contre  les  Flamands  ou  contre  les  empereurs  d'AUemagne;  et 
pour  nous  rapprocher  davantage  des  temps  modernes,  n'est-ce  pas 
dans  les  plaines  de  Namur  que  Louis  XIV  remporta  ses  plus  grandes 
victoires,  qu'il  essuya  ses  plus  sanglants  revers?  Malgré  l'importance 
de  ses  souvenirs  historiques,  le  comté  de  Namur  n'avait  pas  d'histoire, 
et  l'on  n'avait  pas  encore  publié  une  longue  chronique  qui  en  contînt 
les  annales.  Écrite  au  seizième  siècle  par  Paul  de  Croonendael,  gen- 
tilhomme commis  des  finances  du  roi,  cette  chronique  avait  été  signalée 
par  les  savants  dès  le  dix-septième  siècle,  en  raison  de  son  importance, 
mais  on  avait  toujours  reculé  devant  les  difficultés  de  la  publication. 
Aujourd'hui,  le  comté  de  Namur  se  trouve  dédommagé.  M.  le  comte 
de  Limminghe,  dans  l'édition  qu'il  livre  au  public,  a  fait  preuve  non- 
seulement  d'une  grande  érudition  dans  l'établissement  du  texte  et 
dans  les  notes  qui  l'accompagnent,  mais  il  a  témoigné  aussi  d'un  goût 
exquis  et  d'une  générosité  rare  :  son  édition,  tant  par  la  beauté  du 
papier  et  des  caractères  que  par  le  luxe  des  gravures,  des  blasons  et 
des  sceaux,  peut  passer  pour  une  belle  œuvre  de  typographie. 

Au  point  de  vue  historique,  la  Chronique  du  pays  et  comté  de  Namur 
comble  donc  une  lacune,  puisqu'on  ne  connaissait  l'histoire  deNamur 
que  par  des  fragments  de  chroniques  étrangères  au  pays  namuroia , 
Quelle  en  est  donc  la  valeur  ?  Voici  comment  l'apprécie  M.  le  comte 
de  Limminghe  ;  «  Nous  devons  l'avouer,  dit-il,  et  les  notes  que  nous 
ajoutons  au  texte  en  sont  l'indice,  le  chroniqueur  recourt  parfois  à 
des  sources  historiques  peu  dignes  de  foi  (ainsi  :  de  Rosières,  R.  de 
Wassebourg).  Cependant  ses  recherches  ont  dû  être  immenses;  nous 
qui  l'avons  relu,  nous  devons  dire  que  rien  n'approche  de  ce  travail 
accompli  avec  une  persévérance  que,  de  nos  jours,  l'on  ne  rencontre 
guère.  Depuis  Jean  d'Outremeuse  jusqu'au  poème  flamand  sur  la  guerre 
de  Grimberghe,  depuis  Lambert  d'Aschaffenbourg  jusqu'au  continua- 
Septembre  1878.  T.  XXIII,  16. 


—  242  — 

.  teur  de  Sigebert  de  Gembloux,  rien  n'avait  échappé  à  P.  de  Croonen- 
dael.. .  Le  treizième  siècle  passé,  notre  cLroniqueur,  bien  que  s'ins- 
pirant  de  Froissart,  de  Monstrelet  et  des  autres  écrivains  de  l'époque, 
prend  sa  place  comme  historien.  Le  premier,  il  nous  révèle  les 
comptes  de  la  ville  de  Namur  :  c'est  là  que  nous  reconnaissons  son 
allure  plus  libre  ;  il  a  sous  les  yeux  tous  les  documents,  son  œuvre  à  lui 
commence,  et  il^nous  mène  à  travers  les  faits,  les  narrant  simplement, 
jusqu'au  jour  où  Jean  III  signait  l'acte  de  vente  du  comté  de  Na- 
mur, dont  il  se  dépossédait  en  faveur  de  Philippe  le  Bon,  duc  de 
Bourgogne.  » 

Nous  ne  pouvons  apprécier  cette  dernière  partie  de  l'œuvre  de  Paul 
de  Croonendael  et  qui  semble  la  plus  originale,  puisque  le  premier 
volume  de  M.  le  comte  de  Limminghe,  que  nous  avons  seul  sous  les 
yeux,  s'arrête  en  1212.  Mais,  pour  tout  ce  qui  précède  cette  date,  on 
peut  dire  que  le  chroniqueur  fait  généralement  preuve  d'une  critique 
mieux  inspirée  que  les  auteurs  du  moyen  âge  et  même  que  les  histo- 
riens du  seizième  siècle.  Ainsi^  par  exemple,  il  re  jette  les  légendes 
qui  avaient  cours  à  son  époque  sur  l'origine  et  l'antiquité  de  Namur  : 
«  Nous  ne  pouvons  avec  raisons,  dit-il,  rechercher  aucune  chose  du 
pays  et  conté  de  Namur  devant  que  Cœsar  vînt  en  la  Gaule-Belgique  ; 
tout  ce  que  on  dict  du  pays  devant,  ne  sont  que  fables  monstrueuses  ou 
comptes  faicts  à  plaisir.  »  A  plusieurs  reprises,  il  repousse  ainsi  des 
traditions  universellement  accréditées  de  son  temps.  Mais  il  a  aussi 
donné  droit  de  cité  à  un  grand  nombre  d'erreurs.  Parlant  des  villes 
closes  du  comté  de  Namur,  il  attribue  la  fondation  du  château  de  Sam 
son,  «  à  Albericq,  second  lils  de  Clodion  le  Chevelu,  régnant  es  lisières 
de  la  Gaule-Belgique  vers  Tan  451,  et  par  lui  appelé  Temple  de  Mercure.  y> 
De  même,  il  copie  servilement  d'anciennes  chroniques  où  il  est  écrit 
qu'un  fils  de  Charles  Martel  appelé  Grifon  fut  archevêque  de  Reims. 
Ses  tableaux  généalogiques  des  comtes  de  Namur,  bien  que  fournissant 
des  renseignements  utiles,  sont  souvent  invraisemblables.  Enfin,  pour 
le  douzième  siècle,  Paul  de  Croonendael  n'a  guère  fait  que  copier  les 
chroniqueurs  contemporains,  tels  que  Bigord,  Guillaume  le  Breton  et 
la  chronique  de  Gislebert. 

Malgré  ces  critiques,  l'œuvre  du  compilateur  namurois  est  impor- 
tante. On  y  rencontre  fréquemment  des  textes  de  chartes  d'une  au- 
thenticité incontestable  et  qui  révèlent  des  faits  nouveaux.  Pour  ne 
pas  trop  scinder  le  récit,  le  savant  éditeur  les  a  réunies,  en  les  anno- 
tant, à  la  fin  de  sa  publication,  sous  le  titre  de  Codex  diplomaticus.  Enfin 
dans  le  récit  historique  des  faits,  depuis  la  conquête  de  César  jusqu'en 
1212,  il  en  est  un  grand  nombre  que  Paul  de  Croonendael  nous  a  con- 
servés seul,  et  qu'il  a  recueillis  dans  des  chroniques  qui  semblent 
aujourd'hui  perdues.  Nous  reviendrons  sur  cette  grande  publication 


—  243 


lorsque  M.  le  comte  de  Limminghe  nous  aura  livré  la  seconde  partie 
de  son  œuvre:  il  nous  sera  alors  permis  de  mieux  apprécier  dans  son 
ensemble  la  chronique  de  Paul  de  Croonendael  et  le  mérite  de  son 
savant  éditeur,  Ernest  Babelon. 


Cartas  de  îndias,  publicadas  por  la  primera  vez  por  el  Ministerio  de 
Fomenio.  Madrid,  imp.  de  Manuel  G.  Hernandez,  1877,  in-folio  de  xvi- 
877  p.,  avec  fac-similé,  planches  et  cartes. 

Le  gouvernement  espagnol  vient  de  publier,  en  un  magnifique  vo- 
lume in-folio,  un  choix  de  lettres  inédites  (au  nombre  de  108),  écrites 
des  Indes  occidentales  ou  relatives  aux  Indes  occidentales,  pendant 
le  seizième  siècle.  Les  auteurs  de  ces  lettres  portent  les  noms  illustres 
de  Christophe  Colomb,  d'Améric  Vespuce,  de  Barthélémy  de  las 
Casas,  de  Bernai  Diaz  del  Castillo,  de  Pierre  de  la  Gasca,  de  Mar- 
tinez  de  Irala,  etc.  Elles  racontent  les  faits  les  plus  remarquables  de 
la  découverte,  de  l'histoire,  de  l'administration  première  des  pro- 
vinces de  la  Nouvelle-Espagne  ou'^Mexique,  de  l'Amérique  centrale, 
du  Pérou  et  de  la  Plata.  Ce  simple  énoncé  indique  suffisamment  la 
haute  valeur  de  ces  documents.  Le  gouvernement  espagnol  a  rendu, 
par  cette  publication,  un  service  inappréciable  à  l'histoire  de  l'Amé- 
rique, en  même  temps  qu'il  met  en  lumière  des  pièces  authentiques 
pouvant  servira  présenter,  sous  un  jour  plus  favorable  à  l'Espagne, 
les  actes  des  premiers  explorateurs  du  Nouveau  Monde,  des  vain- 
queurs et  des  gouverneurs  de  ces  contrées. 

La  commission,  nommée  par  le  ministre  pour  préparer  et  diriger 
cette  édition,  n'y  a  admis  que  des  lettres  autographes,  dont  elle  a 
reproduit  en  fac-similé  les  principales,  se  contentant,  pour  les  pièces 
et  les  auteurs  d'une  moindre  importance,  du  fac-similé  des  signatures. 
Le  recueil  est  suivi  de  notes  historiques  servant  d'éclaircissement  aux 
lettres,  d'un  vocabulaire  géographique,  de  notices  biographiques  très- 
complètes  touchant  les  personnages  auteurs  des  lettres  ou  cités  dans 
les  lettres,  d'un  glossaire  des  vieux  mots  de  la  langue  tombés  aujour- 
d  hui  en  désuétude.  Viennent  ensuite  de  nombreuses  planches  de  fac- 
similé  et  les  cartes  de  plusieurs  contrées  du  Nouveau  Monde,  dressées 
au  seizième  siècle  par  des  navigateurs  espagnols. 

Espérons  que  le  gouvernement  de  ce  pays,  et  en  particulier  M.  le 
comte  deToreno,  le  ministre  éclairé  sous  l'impulsion  duquel  a  été  en- 
treprise cette  remarquable  publication,  ne  s'arrêteront  pas  dans  cette 
voie,  et  qu'ils  continueront  à  faire  part  au  monde  savant  des  trésors 
de  leurs  archives  nationales,  si  riches  en  documents  pour  l'histoire 
des  deux  mondes. 

Ajoutons  que  cette  édition  est  splendide  :  papier,  impression,  gra- 


vure,  tout  est  espagnol,  et  n'en  est  pas  moins  digne  d'être  présenté 
comme  un  modèle  aux  éditeurs  de  grandes  publications, 

L.  Sandret. 

S^tude  sur  IVicoIas  de  Grouchy  et  son  fils  T'imothée  de 
Groucliy,  S''  de  la  Rivière,  par  le  vicomte  DE  Grouchy  et  Emile 
Travers.  Paris,  H.  Champion;  Caen,  Le  Blanc-IIardel,  1878,  in-8  de  230  p. 
—  Prix  :  .■)  fr, 

M.  le  vicomte  de  Grouchy,  secrétaire  d'ambassade,  voulant  faire 
connaître  un  personnage  de  sa  famille  qui  a  le  droit  de  ne  pas  être 
oublié,  s'est  adjoint  un  ancien  élève  de  l'Ecole  des  chartes,  son  ami, 
pour  publier  le  joli  volume  dont  je  viens  de  transcrire  le  titre. 
Nicolas  de  Grouchy,  en  sa  qualité  de  puîné,  dut  chercher  à  se  faire 
une  carrière  ;  ses  goûts  le  portèrent  vers  le  professorat,  et  il  com- 
mença par  occuper  une  chaire  à  Sainte-Barbe  ;  puis  il  vint  professer  à 
Bordeaux,  au  collège  de  Guyenne,  à  Coïmbre,  en  Portugal;  il  mourut 
au  moment  où  il  était  appelé  au  collège  protestant  de  la  Rochelle.  Il 
édita  plusieurs  ouvrages  qui  lui  donnèrent  une  grande  réputation  de 
savant  parmi  ses  contemporains.  Bien  différent  fut  son  fils,  catholique 
ardent,  homme  de  guerre,  qui,  lorsqu'il  laissa  reposer  son  épée,  s'es- 
crima de  la  plume  et  fut  un  zélé  adversaire  des  réformés  du  pays  de 
Caux.  Autant  le  père  avait  été  un  huguenot  calme,  autant  le  fils  se 
montra  catholique  militant.  Cette  étude,  consciencieusement  faite  et 
agréablement  écrite,  offre  un  véritable  intérêt;  les  recherches  bio- 
graphiques et  bibliographiques  sont  très-complètes  ;  les  pages  rela- 
tives au  collège  de  Guyenne  et  à  la  tentative  malheureuse  d'établir 
des  professeurs  étrangers  en  Portugal  fournissent  des  détails  inédits 
ou  peu  connus  sur  l'histoire  du  haut  enseignement  au  seizième  siècle. 
Nous  appelons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  ce  livre,  dans  lequel  ils 
trouveront  autre  chose  que  la  simple  biographie  d'un  savant. 

A.   DE  B. 


jVouveaux  éloges  historiques,  par  M.  Migxet,  de  l'Académie  fran- 
çaise, secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques. 
2"'  édition.  Paris,  Didier,  1878,  in-8  de  333  p.  —  Prix:  6  fr. 

Cette  nouvelle  série  d'éloges  comprend  les  biographies  de  MM.  de 
Savigny,  Alexis  de  Tocqueville,  Victor  Cousin,  lord  Brougham, 
Charles  Dunoyer,  Victor  de  Broglie  et  Amédée  Thierry.  Ils  ont 
été  prononcés  en  séance  publique  de  l'Académie  des  sciences  morales 
et  politiques,  et  M.  Mignet  a  eu  surtout  pour  but  «  d'honorer  les  vies 
généreuses  de  savants  amis  du  bien,  et  de  célébrer  les  mémorables 
travaux  d'utiles  serviteurs  de  l'esprit  humain.  »  M.  Mignet  est  un 
maître  dans  l'art  de  bien  dire,  et  nous  ne  nous  attarderons  pas  ici  à 
faire  l'éloge  de  son  style  académique  ;  mais  dit-il  toujours   d'excel- 


I 


lentes  choses  ?  La  mission  qu'il  s'est  imposée  de  retracer  la  vie  et 
d'apprécier  les  œuvres  des  savants  que  nous  avons  cités  plus  haut, 
était  délicate.  Ces  philosophes,  ces  moralistes^  ces  jurisconsultes,  ces 
économistes,  ces  historiens  ont  été  mêlés  au  mouvement  intellectuel 
et  politique  de  notre  siècle  ;  plusieurs  d'entre  eux  ont  même  joué  un 
rôle  considérable  dans  la  marche  des  idées  et  des  événements,  et  dès 
lors,  il  devenait  difficile  de  juger  d'une  manière  impartiale  leurs 
travaux  et  leurs  actes.  Aussi,  on  peut  dire  que  le  jugement  que  porte 
sur  eux  M.  Mignet  ne  sera  pas  toujours  ratifié  par  l'histoire  :  il  a 
prononcé  devant  l'Académie  des  panégyriques.  Et  puis,  l'esprit  ré- 
volutionnaire de  l'auteur  se  laisse  entrevoir  en  maints  endroits.  Dans 
l'éloge  du  grand  jurisconsulte  allemand,  M.  de  Savigny,  par  exemple, 
nous  ne  voyons  pas  bien  les  raisons  qui  font  que  ^I.  Mignet  appelle 
la  révolution  «  un  grand  jurisconsulte  (p.  57).  «  Jetant  un  regard  sur 
les  destinées  du  droit  et  de  la  science  juridique  en  Allemagne  et  en 
France,  il  trouve  la  cause  de  l'infériorité  prétendue  de  nos  voisins 
d'Outre-Rhin  dans  leur  respect  des  traditions  nationales,  tandis 
que  la  France,  au  contraire,  est  le  pays  du  progrès.  Ces  lignes  étaient 
écrites  en  1864  ;  les  événements  survenus  depuis  cette  époque  ont 
dû  modifier  sur  ce  point  les  idées  de  M.  Mignet.  Nous  pourrions  faire 
des  réserves  analogues  sur  l'appréciation  de  la  philosophie  de  Victor 
Cousin  et  des  théories  libérales  de  Charles  Dunoyer.  Il  nous  suffit  de 
les  signaler,  en  regrettant  que  les  sophismes  révolutionnaires  trouvent 
ainsi  leur  place  dans  un  recueil  qui  intéresse  à  un  haut  degré  l'histoire 
contemporaine.  Er.  B. 

Bibliothèque  liturgique.  Description  des  livres  de  liturgie  imprimés  aux 
quinzième  et  seizième  siècles,  faisant  partie  delà  bibliothèque  de  S.  A.  R. 
Monseigneur  Charles-Louis  de  5owr&07i  (comte  de  Villafranca),  par  Anatole 
Alès.  Paris,  typographie  A.  Hcnnuyer,  1878,  gr.  in-8,  vi-oo8  p.  (Non 
destiné  au  commerce.) 

M.  le  comte  de  Villafranca  a  réuni  une  collection  unique  d'anciens 
livres  liturgiques;  M.  Anatole  Alès  en  fait  connaître  les  richesses  les 
plus  remarquables  dans  un  magnifique  catalogue,  tiré  à  cent  cinquante 
exemplaires,  tous  sur  papier  de  Hollande. 

Il  décrit,  avec  une  minutieuse  exactitude,  trois  cent  trente-huit 
volumes  liturgiques  à  l'usage  de  trente-huit  couvents  et  d'une 
centaine  de  diocèses,  parmi  lesquels  plusieurs  n'existent  plus  (tels 
que  ceux  d'Agde,  d'Apt,  de  Die,  de  Lisieux,  de  Màcon,  de  Saint- 
Malo,  etc.). 

Les  livres  d'Heures  publiés  à  Paris,  vers  la  fin  du  quinzième  siècle, 
par  Yérard,  par  Simon  Yostre,  par  Hardouyn,  par  Kerver  (l'intro- 
ducteur en  France  du  caractère  italique,  inventé  par  le  Vénitien 
Aide  Manuce),  sont  d'autant  plus  recherchés  qu'ils  sont  ornés  d'un 


—  246  — 

grand  nombre  de  figures  sur  bois,  où  se  révèle  souvent  un  talent  très- 
réel. 

Ces  illustrations  sont  fréquemment  les  mêmes  dans  les  productions 
des  divers  libraires  ;  M.  Aies  a  dressé  un  tableau  offrant,  pour  soixante- 
dix  livres  d'Heures  différents,  le  nombre,  le  sujet  etla  distribution  des 
planches  dont  ils  sont  ornés  ;  c'est  la  première  fois  que  la  lumière  est 
portée  dans  cette  portion  de  l'iconographie. 

Parmi  les  ouvrages  qu'a  décrits  M.  Alés^  il  s'en  trouve  qui  ont 
échappé  aux  recherches  de  l'auteur  du  Manuel  du  Libraire,  et  c'est  là 
un  témoignage  éclatant  de  leur  rareté.  Nous  indiquerons  en  ce  genre 
les  Heures  à  lusaige  de  Lengres,  1542  (n°  70)  ;  les  Heures  à  lusaige  de 
Paris,  Jehan  de  Brie,  1509  (n"  112);  les  Hore  beale  Marie  virginis, 
Thielman  Kerver,  1502,  sur  vélin  (n°  180),  etc. 

M.  Aies  ne  s'est  pas  contenté  de  dresser  une  nomenclature  forcé- 
ment quelque  peu  aride  ;  il  a  eu  le  soin  d'j  faire  entrer  certains  dé- 
tails qui  ont  de  l'intérêt.  Les  vieux  livres  d'//^(«re5  renferment  souvent 
des  compositions  poétiques  plus  ou  moins  étendues;  il  en  a  cité  des 
extraits  :  voir  page  151  des  quatrains  sur  chacun  des  douze  mois  de 
l'année;  page  185  diverses  oraisons;  page  321,  un  spécimen  d'une 
traduction  des  vers  sibyllins;  un  extrait  du  dialogue  des  Trois  morts 
et  des  Trois  vifs,  sujet  fort  goûté  à  cette  époque,  se  trouve  page  474. 

La  belle  collection  dont  M.  Aies  nous  donne  le  catalogue,  n'est 
d'ailleurs  qu'une  portion  (la  plus  précieuse,  il  est  vrai),  de  la  bi- 
bliothèque formée  par  M,  le  comte  de  Villafranca,  laquelle,  résultat 
de  quarante  années  de  recherches,  comprend  cinq  mille  cinq  cents 
ouvrages  (18,000  volumes  environ),  dont  les  deux  tiers  relatifs  à  la 
liturgie  et  à  l'histoire  religieuse.  Il  convient  d'y  joindre  cinquante 
manuscrits.  Unenote  (page  116-119),  donne  la  liste  d'une  réunion  presque 
complète  des  missels  et  des  bréviaires  gallicans  (au  nombre  de  81), 
imprimés  pendant  le  siècle  dernier,  et  concernant  quarante -sept  dio- 
cèses. 

Les  livres  catalogués  par  M.  Aies  sont  revêtus  de  fort  belles  re- 
liures, sorties  des  habiles  mains  de  M.  Lortic  ;  il  n'y  a  d'autres  excep- 
tions que  celles  qui  résultent  du  respect  dû  à  d'anciennes  couvertures 
bien  conservées. 

Des  tables,  rédigées  avec  beaucoup  de  soin  (diocèses  et  ordres  reli- 
gieux, imprimeurs  etlibraires),  rendent  les  recherches  très-faciles.  A  tous 
les  points  de  vue,  rien  ne  manque  pour  faire  du  catalogue  rédigé  par 
M.  Aies,  un  volume  des  plus  remarquables  et  complètement  digne  de 
la  riche  collection  dont  il  fait  connaître  les  trésors  ;  ajoutons  que  son 
rédacteur  avait  déjà  donné  une  preuve  de  l'étendue  de  ses  connais- 
sances bibliographiques  dans  une  intéressante  étude  sur  les  Moines  im- 
primeurs (Paris,  Techener,  1872).  B. 


—  24-; 


BULLETIN 

Conférences  sur  l*É:9lise,  prêchées  àSainfe-Croix  de  Nantes,  pen- 
dant le  carême  de  1878,  par  le  R.  P.  Guibé.  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
offertes  aux  œuvres  catholiques.  Angers,  imprimerie  Laclièse  et  Dolebau, 
1878,  in- 18  de  ii-15d  p.  —  Prix  :  50  cent. 

L'Église,  copie  fidèle  de  Jésus-Christ,  ou  vue  d'ensemble  sur  l'Église,  l'unité 
de  foi  dans  l'Église  catholique  et  le  dogme  de  l'infaillibilité  pontificale,  l'Église 
et  la  science^  l'Église  et  l'intolérance,  tels  sont  les  sujets  traités  par  le  R.  P. 
Guibé  dans  les  quatre  conférences  prèchées  à  Sainte-Croix  de  Nantes,  et 
réunies  aujourd'hui  en  un  petit  volume  destiné  à  devenir  un  excellent 
opuscule  de  propagande.  Le  format  est  en  effet  commode,  le  prix  peu  élevé, 
le  sujet  éminemment  actuel  et  le  ton  tout  à  fait  populaire.  Montrer  que 
l'Église  est  la  copie  vivante  de  Jésus-Christ  dans  sa  constitution,  dans  sa 
mission,  dans  sa  vie,  dans  ses  luttes,  dans  ses  triomphes,  et  déduire  de  ces 
considérations  les  devoirs  que  nous  sommes  tenus  de  remplir  envers  elle; 
prouver  la  permanence  de  l'unité  de  foi  dans  l'Église,  sans  que  cette  unité 
soit  exclusive  de  la  proclamation  de  dogmes  nouveaux  ;  démontrer,  par  les 
raisonnements  et  par  les  faits,  que  l'Église  complète,  conserve,  suscite  et 
propage  la  science  ;  établir  que  l'intolérance  de  l'Église  est  purement  doc- 
trinale, et  qu'en  fait  jamais  autorité  ne  fut  plus  douce  et  plus  bénigne  que 
la  sienne,  c'est  ce  que  fait  très-bien  le  P.  Guibé.  Sans  doute,  ces  questions 
si  graves  pourraient  être  approfondies  davantage  ;  mais  un  livre  plus  sé- 
rieux sur  ces  matières  effrayerait  peut-être  plus  d'un  lecteur.  Telles  qu'elles 
sont,  les  Conférences  que  nous  annonçons  produiront  un  très-grand  bien 
et  dissiperont  bien  des  préjugés.  E.  de  la  D. 


La  Question  sociale.  Reiitc,  intérêt,  société  de  l'avenir,  par  E.  Fau- 
connier, docteur  en  droit.  Paris,  Germer-Baillière,  1878,  in- 12  de  329  p. 
—  Prix  :  3  fr.  30. 

Des  quatre  chapitres  que  comprend  ce  petit  volume,  les  deux  premiers 
répètent  tous  les  lieux  communs  socialistes  contre  la  propriété  foncière  et  la 
productivité  du  capital,  le  troisième  esquisse  le  plan  d'une  société  telle  que 
la  rêve  M.  Fauconnier,  où  la  terre  serait  la  propriété  collective  des  communes, 
comme  en  Russie,  et  où  l'État,  devenu  le  grand  directeur  de  l'industrie, 
ferait  vivre  ou  mourir  à  son  gré  les  entreprises,  en  leur  donnant  ou  en  leur 
refusant  le  crédit  gratuit  dont  il  s-erait  le  souverain  dispensateur.  Le  qua- 
trième et  dernier  chapitre,  consacré  aux  voies  et  moyens,  place  au  premier 
rang  la  guerre  aux  congrégations  religieuses  et  particulièrement  aux  jésuites, 
contre  lesquels  t  utes  les  vieilles  calomnies  du  Constitutionnel  de  la  Restau- 
ration sont  rééditées.  Dans  ces  trois  cents  pages,  on  ne  trouve  pas  un  seul 
élément  nouveau  de  di'cussion.  En  revanche,  les  citations  de  l'antiquité  clas- 
sique et  des  écrivains  modernes  y  abondent  ;  c'est  une  sorte  de  Recueil  de  mor- 
ceaux choisis,  à  l'usage  des  socialistes,  et,  comme  dans  toutes  les  compilations 
de  ce  genre,  ces  morceaux  sont  tronqués  à  plaisir.  Telles  sont,  notamment, 
les  citations  de  quelques  Pères  de  l'Église  qui,  replacées  dans  l'ensemble  des 
œuvres  dont  elles  sont  extraites,  ont  un  tout  autre  sens  :  mais  c'est  là  un 
procédé  connu  depuis  longtemps. 

L'auteur  nous  apprend, sur  la  couverture,  qu'il  est  docteur  en  droit.  Il  est 


—  248  -- 

nécessairement  bachelier  es  lettres,  et  son  mince  volume  pourrait,  s'il  était 
besoin,  servir  de  nou\e\le  illustration  au  spirituel  pamphlet  de  Bastiat:  Bac- 
calauréat et  socialisme .  C.  J. 

Droit  familier.  IVoa  petits  procès,  par  A.  Carré,  juge  de  paix  du 
I"  arrondissement  de  Paris.  Paris,  Bibliothèque  du  Magasin  des  demoi- 
selles, 1878,  in-i2  de  vi-i46  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

M.  Carré  est  l'auteur  de  plusieurs  ouvrages  sérieux  :  Code  annoté  des  juges 
de  paix,  compétence  judiciaire  des  juges  de  paix  en  matière  civile  et  pénale, 
Manuel  encyclopédique  d'Alain.  Son  nouveau  livre  fait  partie  d'une  collection 
à  l'usage  des  jeunes  filles,  et  [prend  rang  entre  le  Magasin  des  demoiselles, 
l'Histoire  de  la  mode  et  la  Lecture  en  famille  ;  il  est  dédié  à  la  famille  de 
l'auteur.  Dédier  un  livre  de  droit  à  une  jeune  fille,  avoue  M.  Carré,  est  une 
de  ces  idées  étranges  qu'un  père  seul  peut  avoir.  Pas  un  mot  de  Vantichrèse, 
de  l'anatocisme,de  la  réintégrandc, des  hypothèques, des  c/M>og'rap/ifli>e5, de  la 
paraphernalitc.  Mais  on  y  trouve,  après  quelques  détails  sur  l'organisation 
judiciaire,  des  règles,  entremêlées  d'anecdotes,  sur  les  rapports  entre  maîtres 
et  domestiques,  propriétaires  et  locataires,  assureurs  et  assurés,  hôteliers, 
voituriers  et  voyageurs,  cafetiers, restaurateurs  et  consommateurs,  marchands 
et  acheteurs,  fournisseurs  et  clients.  Ce  n'est  pas  un  traité,  ce  sont  des  notes, 
«  griffonnées  au  coin  du  feu,  dit  l'auteur  à  sa  petite  Lily,  pendant  que  ton 
crayon  moqueur  me  croquait  irrévérencieusement  de  profil  et  de  trois 
quarts.»  On  voit  quel  ton  d'enjouement  règne  partout  dans  ces  pages: 
mais,  en  même  temps,  les  renseignements  qu'elles  donnent  sont  exacts  et 
précis.  C'est  beaucoup  dans  un  tel  genre:  aussi  suis-je  prêt  à  penser,  comme 
M.  Carré,  que  son  travail  pourra  servir  à  d'autres  qu'aux  jeunes  filles. 

J.-A.  DE  Bernon. 


Le  Droit  et  les  bômmes  de  loi  dans  les  œuvres  de  Mo- 
lière. Discours  de  rentrée  prononcé  à  l'ouverture  des  conférences  des 
avocats  de  Bordeaux,  le  7  janvier  1878,  par  Louis  Barde,  avocat.  Bor- 
deaux, in-8  de  60  p. 

Le  discours  de  M.  Barde  est  une  œuvre  ingénieuse  et  patiente,  où  sont 
relevés  avec  soin  les  passages  des  comédies  de  Molière  relatifs  au  droit  et 
aux  hommes  de  loi.  Cette  étude  fait  le  plus  grand  honneur  à  l'auteur  et  ré- 
vèle chez  lui  une  connaissance  approfondie  de  notre  ancienne  législation. 
Toutes  ces  formalités  de  procédure  civile  ou  criminelle  si  minutieusement 
décrites  par  le  grand  comique,  tous  ces  détails  précis  donnés  sur  les  testa- 
ments et  les  contrats  de  mariage  et  autres  points  de  droit  fort  délicats 
semblent  des  raisons  suffisantes  à  M.  Barde  pour  l'amener  à  conclure  que 
Molière  a  fait  son  droit.  Je  n'y  contredis  pas.  J'avouerai  cependant  que  je 
ne  suis  pas  convaincu,  et  j'attends,  pour  me  prononcer  sur  cette  question, 
assez  indifférente  en  somme,  à  mon  avis  (il  est  vrai  que  je  ne  suis  pas  avo- 
catj,  que  l'on  puisse  s'autoriser  dedonaées  moins  incertaines  et  de  documents 
plus  précis.  Adhuc  sub  judice  lis  est,  E.  de  la  D. 


l^etites  lectures  du  foyer  clirétien.  La  vérité  sur   Voltaire,  par 
H.    G.    (de   VEspérance   du    Peuple).    Nantes,    Libaros,  1878,   in-32    de 

Le  Centenaire  de  Voltaire.  (Extrait  de  la  Sentinelle  du  Midi).  Tou- 
louse, imprimerie  Castel,  1878,  in.32  de  31  p. 
Nous  dirons  peu  de  choses  du  premier  de  ces  deux  opuscules  :  la  raison 


—  249  — 

en  est  qu'ayant  analysé  ici  même  un  petit  livre  sur  Voltai^'e,  signé  Armel 
de  Kervan,  nous  n'apprendrions  rien  au  lecteur  en  résumant  un  opuscule  qui 
n'est  que  la  reproduction  textuelle  de  quatre-vingt  dix  pages  coupées  çà  et 
là  dans  ce  livre,  et  rattachées  avec  un  fil  qui,  malheureusement,  ne  dissimule 
pas  les  coutures.  Le  ciseau  seul  a  travaillé  :  c'est  donc  à  lui  que  nous  ren- 
voyons tous  nos  compliments.  Il  nous  semble,  d'ailleurs,  avoir  été  tenu  par 
une  main  assez  adroite  pour  qu'à  l'occasion  la  propagande  puisse  tirer 
profit  de  cette  compilation. 

Le  second  opuscule,  plus  court  que  le  premier,  s'attache  surtout  à  mettre 
en  relief,  par  une  série  de  citations  bien  choisies,  les  vices  hideux  de  Vol- 
taire. Il  n'est  pas  difficile  à  l'auteur  de  montrer  que  Voltaire  est  le  dernier 
homme  à  qui  le  peuple  de  France  devrait  décerner  les  honneurs  d'une  apo- 
théose :  car  il  détesta  son  pays,  méprisa  le  peuple,  insulta  Jeanne  d'Arc, 
flatta  toutes  les  puissances,  même  les  plus  méprisables  et  les  plus  viles,  et  fit 
étalage  de  tant  de  vices,  que  les  apologies,  même  les  plus  habiles,  même  les 
plus  impudentes,  ne  parviendront  pas  à  redorer  cette  gloire  à  jamais  ternie. 
Voltaire  restera,  quoi  qu'on  fasse,  le  dernier  des  hommes  par   le  cœur. 

E.    DE   LA    D. 


Voltaire  à   l'Exposition  universelle.  Lialogues  entre  Candide  el 
Philalète.  Montpellier,  imprimerie  Grollier,  mai  1878.  in- 32  de  82  p. 

Encore  une  nouvelle  brochure  contre  Voltaire  !  L'intention  de  l'auteur 
est  trop  bonne  pour  que  je  dise  du  mal  de  lui;  mais  enfin  mon  humble  avis 
est  qu'il  vaudrait  beaucoup  mieux  répandre  et  faire  lire  les  excellents  opus- 
cules de  propagande  écrits  sur  le  même  sujet,  que  d'en  faire  d'autres  qui 
ne  les  valent  pas,  à  beaucoup  près.  Les  dialogues  de  M.  C,  R...  ne  font 
guère  que  répéter,  sous  une  forme  moins  claire,  moins  vive,  moins  popu- 
laire, par  conséquent,  les  diverses  appréciations  sur  Voltaire  que  nous  avons 
lues  ailleurs.  Irai-je  jusqu'à  dire  que  c'est  ennuyeux,  mal  écrit?  non  !  Seu- 
lement tous  ces  dialogues  fictifs,  entre  personnages  auxquels  le  lecteur  ne 
s'intéresse  guère,  me  paraissent  peu  favorables  à  la  propagande. Sortons  un 
peu  de  la  convention  pour  rentrer  dans  le  naturel  et  la  vérité  :  à  ce  prix  seul 
on  se  fera  lire.  Et  puis,  que  vient  faire  ici  l'Exposition  universelle  ?  Je 
cherche  et  je  ne  trouve  pas  :  puisse  le  lecteur  être  plus  heureux  ! 

E.  DE  L\  D. 


Petits  portraits,  par  Théophile  d'Antimorre.  Paris,  Palmé.  1878,  in- 12 
de  279  p.  —  Prix:  3  fr. 

Rendons  justice  à  M.  d'Antimorre  :  il  y  a  du  savoir  faire,  de  la  verve,  de 
l'esprit  dans  ses  portraits.  Mais,  en  général,  il  faut  bien  le  dire,  les  person- 
nages sont  peints  en  laid,  et  l'artiste  ne  se  montre  pas  toujours  observateur 
suffisamment  exact.  C'est  un  premier  défaut. Il  y  en  a  d'autres  :  les  portraits 
sont,  en  général,  beaucoup  trop  longs,  trop  prodigues  de  ces  petits  détails 
qui  n'ajoutent  absolument  rien  à  une  physionomie  et  empêchent  plutôt  d'en 
j  discerner  le  vrai  caractère.  Que  l'auteur  s'attache  à  mieux  observer,  qu'il 
s'étudie  à  devenir  plus  naturel  et  plus  concis  et  ses  portraits,  déjà  pleins 
d'humour,  seront  excellents.  D'aillewrs,  tel  qu'il  est,  le  livre  de  M.  d'Anti- 
morre est  un  bon  livre.  Le  vice  y  est  llagellé,  le  ridicule  persiffié;  la  chanté, 
d'ailleurs,  n'en  est  pas  un  moment  absente;  elle  adoucit  la  critique  et  faci- 


—  250  — 

lite  à  ceut  qui   se  reconnaîtront  dans  ces  portraits  l'accès  des  Térités  qui 
les  rendront  meilleurs.  E.  de  la  U. 


Lieeturoa  extralto»  do  «livei*M  auteur»,  à  l'usage  de  la  Société  de 
Sainl-V incent-dc-Paul  et  utiles  à  tous  les  fidèles,  par  F.-B.  Gallon,  officier 
supérieur  des  services  de  la  Marine  en  retraite,  ancien  vice-président  da 
Conseil  des  conférences  de  Marseille.  Paris,  Victor  Sarlit,  1877,  in-8  de 
3'2t  p.—  Prix  :3  fr. 

Cédant  aux  conseils  d'hommes  autorisas,  M.  Gallon  vient  de  publier  un 
choix  de  lectures  qui,  apn''s  avoir  alimenté  la  piété  des  membres  des  con- 
férences de  Saint-Vincent-de-Paul  de  Toulon  et  de  Marseille,  va  maintenant 
édifier  les  fidèles  et  leur  fournir,  suivant  la  parole  de  Mrr  de  Mazenod,  les 
moyens  d'avancer  dans  la  perfection.  Ces  lectures,  au  nombre  de  cinquante, 
ont  été  très-judicieusement  choisies  dans  les  auteurs  les  plus  éminents  et 
me  semblent  parfaitement  appropriées  aux  diverses  nécessités  de  la  vie  chré- 
tienne. F. a  charité,  l'aumône,  la  prière,  l'espérance,  le  péché,  la  sainteté, 
l'humilité,  la  pauvreté,  tels  sont,  pris  au  hasard,  quelques-uns  des  sujets 
traités  dans  ces  pages  :  les  auteurs  se  nomment  Bourdaloue,  Massillon,  de 
la  Luzerne,  Ralmùs,  cardinal  Giraud,  Lacordaire,  Ravignin,  Félix,  Louis 
Venillot,  Auguste  Nicolas,  Ozanam,  tous  noms  familiers  aux  amis  de  la  grande 
littérature  religieuse.  C'est  donc  aux  sources  les  plus  pures  que  M.  Gallon  a 
puisé.  Noiis  ne  lui  ferons  qu'un  seul  reproche,  celui  de  n'avoir  pas  indiqué 
exactement  les  livres  auxquels  il  a  emprunté  ses  extraits.  En  réparant  cette 
lacune,  il  nous  fournira  le  moyen  de  recourir  aux  sources  et  de  nous  édifier 
en  lisant  dans  leur  entier  certains  passages  qui  doivent  avoir  été  nécessai- 
rement écourtés.  C'est  le  seul  desideratum  que  nous  ayons  relevé  dans  ce 
livre  modeste,  appelé,  croyons-nous,  à  faire  peu  de  bruit  mais  beaucoup  de 
bien.  E.  de  la  D. 


Méthoilo  nou\'cllo  pour  apprendre  la   langue  allemande, 

par  MM.  II.  et   W.  Weil.  Paris,  Ghio,  3   vol.  in-8  de  viii-163,  viii-194  et 
viii-222  p.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

On  ne  peut  apprécier  une  méthode  d'instruction,  surtout  pour  les  langues, 
quand  on  ne  l'a  pas  vue  fonctionner.  Aussi  me  bornerai-je.  pour  l'ouvrage 
de  iVlM.  Weil,  à  en  faire  connaître  le  mécanisme,  sans  recommandation 
spéciale.  Leur  méthode  part  de  deui'principes  pédagogiques  fort  en  honneur 
de  l'autre  côté  du  Rhin  :  l'enseignement  par  l'aspect,  la  concen'ration  de 
l'étude  des  langues  et  des  sciences.  On  montre  à  l'élève  chacun  des  objets 
dont  il  est  question;  on  lui  donne,  dans  la  langue  qu'il  doit  apprendre,  les 
notions  relatives  aux  autres  parties  do  l'enseignement.  Ceux  qui  n'ont  pas 
vu  pratiquer  ce  système  seront  tentés  de  le  trouver  un  peu  transcendantal, 
ce  qui  est  un  défaut.  La  méthode  OUendorlf,  à  laquelle  .M.M.  Weil  reprochent 
de  s'en  tenir  au  langage  usuel  et  de  négliger  le  langage  élevé,  a  du  moios 
l'avantage  d'une  simplicité  plus  grande.  Ceux  qui  auront  eu  la  patience  de 
la  suivre  pendant  six  mois,  conformément  au  programme,  pourront  ensuite 
passer  à  la  méthoie  Weil  :  ils  apprendront,  sans  le  secours  de  la  traiuc- 
lion  mise  en  regar  1,  l'histoire  sainte,  la  gymnastique,  l'histoire  naturelle, 
la  géographie,  l'histoire,  réduites  à  quelques  centaines  de  pages  et  accom- 
pagnées de  dialogues,  de  fables,  de  contes  et  de  poésie. 

J.-A.  DE  Berno?(. 


IVouvelle    bibliothèque    classique.  Xhéàtre   de   Corneille, 

publié  en  cinq  volumes  et  précédé  d'une  préface,  par  V.  Folrnel.  Paris, 
librairie  des  Bibliophiles,  1878,  trois  vol.  in- 18  de  Lin-261 3-37-388  p. 
—  Prix  du  vo'.  :  3  fr. 
Œuvres  choisies  de  D.  Diderot,  publiées  en  quatre  volumes  et 
précédées  d'une  introduction,  par  Paul  Albert.  Même  librairie,  1878, 
t.  I  et  II,  2  vol.  in-18  de  xxxi-281  et  37j-  p.  —Prix  du  vol.  :  3  fr. 

Quoique  le  Corneille  publié  par  la  librairie  des  Bibliophiles  ne  soit  pas 
terminé,  nous  ne  voulons  pas  tarder  davantage  à  en  parler  aux  amis  des 
bons  et  des  beaux  livres.  Cette  nouvelle  édition  ne  se  recommande  pas  seu- 
lement par  son  élégancettypographique  ;  elle  olfre  un  recueil  plus  complet 
que  d'habitude  des  œuvres  du  grand  poète.  On  a  été  trop  accoutumé  à  ne 
lire  que  quelques  pièces  de  Corneille;  on  en  a  trop  oublié  ou  méprisé 
d'autres  dans  lesquelles,  comme  le  remarque  M.  Fournel,  Corneille  apparaît 
encore  ça  et  là,  «  en  un  acte,  en  une  scène,  en  une  tirade  que  lui  seul  pou- 
vait faire.  »  Aux  douze  pièces  qui,  d'ordinaire,  composent  les  œuvres 
choisies  du  père  de  notre  théâtre,  M.  Fournel  en  a  ajouté  cinq  autres  : 
Mcdée,  i Illusion  perdue,  Andromède,  OEdipe  el  Pulctu^rie.  Peut-être  aurait- on 
bien  fait,  pour  montrer  le  point  de  départ,  d'y  joindre  encore  Milite  et  môme 
Clitandre.  L'introduction  de  M.  Fournel  est  intéressante;  il  semblait  pour- 
tant difficile  de  parkr  de  nouveau  d'un  poète  qui  déjà,  tant  de  fois,  a  été 
examiné  et  commenté.  M  Fournel  a  fait  ressortir  la  hardiesse  avec  laquelle, 
sur  bien  des  points,  le  poète  a  dénoncé  les  théories  modernes;  mais  il 
regrette  qu'il  n'ait  pas  vu  tout  ce  que  pouvait  lui  donner  l'histoire  de  notre 
pays.  Hemarquons-le,  chose  étrange  et  désolante,  au  dix-septième  siècle,  ce 
furent  nos  mauvais  poètes,  La  Mesnardière,  Scudéry,  Chapelain,  le  Père 
Le  Moyne,  qui  comprirent  seuls  quel  intérêt  et  que  de  ressources  pouvaient 
présenter  des  faits  nationaux.  Les  autres  poètes,  les  grands,  en  furent  em- 
pêchés par  des  préjugés  classiques.  Kt  avant  eux,  cependant,  au  siècle  pré- 
cédent, on  avait  deviné  déjà  le  parti  qu'il  y  avait  à  tirer  de  certaines 
phases  de  notre  histoire.  Le  Père  Duduc  avait  fait  si  tragédie  de  la  Pucelle, 
Nicolas  Crétien,  —  de  Houen  comme  Corneille,  —  avait  mis  Jeanne  d'Arc  en 
scène  dans  une  œuvre  étrange  où  apparaissaient  aussi  Clovis,  Charlemagne, 
Godefroy  de  Bouillon  et  saint  Louis.  —  M.  Fournel  le  dit  très-bien,  il  n'a 
manqué  à  Corneille  «  que  de  puiser  [dans  les  entrailles  de  notre  histoire,  de 
transporter  sur  la  scène  les  grands  épisodes  de  nos  vieilles  annales  reli- 
gieuses et  patriotiques,  alors  trop  peu  connues  ou  dédaignées,  pour  revêtir 
cette  physionomie  presque  sacerdotale  qu'Eschyle  a  conservée  dans  l'histoire 
du  théâtre  grec.  » 

Ce  n'était  pas  trop  d'avoir,  dans  la  Nouvelle  bibliothèque  classique,  donné  cinq 
volumes  à  Corneille.  Était-il  nécessaire  d'en  accorder  quatre  à  Diderot? 
Attendons,  pour  en  juger,  que  ses  OEuvres  choisies,  dont  il  n'a  paru  jusqu'ici 
que  deux  tomes,  soient  complètement  publiées.  Ta.  P. 


La  Hollande  pittoresque,  le  Cœur  du  pays.  A'oyage  dans 
la  Hollande  méridionale,  la  Zélande  et   le  Brabant,  par 

H.  Havard.  Paris,  Plou,  1878,  in-12  de  435  p.,  avec  1  carte  et  8  gravures. 
—  Prix  :  4  fr . 

Dernière  partie  d'une  trilogie  qui  présente,  avec  un  charme  et  un  intérêt 
toujours  croissant,  l'histoire  artistique,  héroïque,  populaire  d'un  pays  trop 
peu  connu.  M.  H.  Havard  a  réalisé,  à  notre  sens,  le  guide  le  plus  complet 
du  voyageur  en  Hollande;  les  renseignements  techniques  s'y  trouvent,  mais 


-  252  — 

dépouillés  de  la  sécheresse  et  de  la  minutie  ordinaires,  et  animés  du  souffle 
littéraire  et  historique  qui  rendent  vivantes  '  pour  le  lecteur  les  villes  et 
les  campagnes,  les  musées  et  les  monuments.  Les  vieilles  chroniques  sont 
mises  à  contribution  et  rajeunies,  et  les  descriptions  d'œuvres  d'art  révè- 
lent un  artiste  véritable,  non  moins  que  celles  de  la  campagne,  de  la  mer, 
des  canaux,  des  ruines.  Joanne  est  dépassé,  soit  dit  sans  lui  faire  tort,  et 
tout  en  reconnaissant  d'ailleurs  son  mérite  et  sa  nécessité...  pour  les  heures 
des  trains  et  les  prix  des  hôtels.  Que  de  souvenirs  évoqués  !  Dordrecht, 
Berg-op-Zoom,  Veere,  Flessingue,  Aliddlebourg,  Breda,  etc..  Ce  volume 
est-il  donc  sans  tache?  Hélas  !  non,  et  nous  sommes  obligé  d'y  relever  çà  et 
là  quelques  indices  de  tendances  libres-pejiseiises.  un  peu  trop  accusées  pour 
les  lecteurs  catholiques.  Ils  ont  droit,  eux'^aussi,  de  bénéticier  du  fameux 
principe  de  la  liberté  de  conscience,  et  de  réclamer  le  respect  et  la  justice 
pour  leurs  croyances  et  leurs  traditions.  Une  fois  faite  cette  réserve  néces- 
saire, nous  n'éprouvons  aucun  embarras  à  accorder  un  juste  éloge  à  ce 
troisième  volume,  complétant  fort  heureusement,  par  ailleurs,  les  Villes 
mortes  et  les  Frontières  menacées.  Roquefedil. 


Le  I^îvre  final  de  l'épopée  des  Ag:es  ou  la  Démocratie  socialiste  et 
le  dernier  des  despotes,  par  le  chevalier  de  Maynabd,  ex-conseiller  de  pré- 
fecture, membre  de  l'Institut  des  provinces.  Paris,  René  Haton,  1878, 
in-12  de  95  p.  —  Prix  :  t  fr.  30. 

Cet  opuscule  a  trait  à  la  «  fin  du  monde.  »  C'est  le  résumé  de  deux  pu- 
blications faites  sur  cette  question  par  M.  de  Maynard,  en  \8'61  et  en  1873. 
L'auteur  passe  d'abord  en  revue  les  croyances  et  les  traditions  des  divers 
peuples  sur  la  grande  catastrophe  de  la  fin  des  âges.  Il  examine  ensuite  les 
diverses  théories  émises  par  des  écrivains  de  nos  jours  sur  le  cataclysme 
final.  Puis,  il  pose  ses  conclusions.  M.  de  Maynard,  avec  tous  les  catholiques, 
est  d'avis  que  nul  ne  peut  pénétrer  l'époque  précise  de  ce  cataclysme.  Mais 
il  estime  qu'en  étudiant  avec  attention  certains  signes  précurseurs,  on  peut 
en  pressentir  l'approche  plus  ou  moins  éloignée.  Nous  ne  suivrons  pas 
M.  de  Maynard  dans  ses  conjectures.  Elles  sont  très  ingénieuses,  fort  inté- 
ressantes. Toutefois,  ce  ne  sont  que  des  conjectures,  et,  en  pareille  matière, 
d'ailleurs,  on  ne  saurait  arriver  à  autre  chose.  Par  exemple,  là  où  M.  de 
Maynard  est  aussi  éloquent  qu'irréfutable,  c'est  dans  la  peinture  qu'il  trace 
de  l'invasion  et  des  effrayants  progrès  des  idées  socialistes,  nihilistes  et  dé- 
magogiques. 11  nous  donne  l'Internationale  comme  le  précurseur  direct  de 
l'Antéchrist.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  l'Internationale  est  l'anli- 
christianisme  dans  toute  sa  laideur,  l'athéisme  organisé.  Toute  cette  partie 
de  l'opu'^cule  de  M.  de  Maynard  est  à  lire  et  elle  peut  donner  lieu  à  de  sé- 
rieuses et  utiles  réflexions.  F.  B. 


VARIETES 

I 

l'état  actuel  de  la  presse  anglaise  (1) 

Il  est  écrit,  [quelque  part  dans  les  Lettres  de  Junius^  que  «  la  liberté  de  la 
presse  est  le  palladium  de   l'indépendance  des  États.  »  Cet  aphori  me  a 

{))  Ce  travail   a   été  communiqué    au    Gnngrès    Bibliograpliique   international,    et 
paraîtra  dans  le  recueil  des  travaux  du  Congrès. 


tellement  fait  son  chemin  dans  toutes  les  parties  de  l'empire  Britdnnique 
qu'un  journal  microscopique,  qui  se  publie  dans  l'Ile  de  Saint- Christophe, 
une  des  petites  Antilles,  l'imprime  fièrement  dans  chaque  numéro  en  tête 
de  ses  colonnes,  —  lesquelles,  du  reste,  sont  exclusivement  consacrées  à 
annoncer  les  pilules  de  HoUoway,  la  Revalescière  Du  Barry  et  autres  pa- 
nacées analogues.  Mais  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  les  autres  journaux  de 
l'empire  Britannique,  surtout  ceux  qui  s'impriment  dans  le  Royaume-Uni, 
revendiquent  la  liberté  de  la  presse  pour  en  faire  ensuite  un  usage  aussi 
modeste.  Ils  s'en  sont  servis  comme  d'une  arme  redoutable  pour  livrer  des 
combats  sérieux,  vifs,  incessants,  et  c'est  ainsi  qu'ils  ont  conquis  pour  le 
journalisme  le  titre  pompeux,  mais  justifié,  de  a  quatrième  pouvoir  de 
l'Etat.  »  Les  trois  autres  sont  la  Reine,  les  Lords  et  les  Communes. 

Hàtons-nous  de  le  déclarer,  la  presse  anglaise  se  montre  généralement 
digne  de  la  haute  position  qu'elle  occupe.  Si  elle  est  jalouse  de  sa  liberté, 
elle  ne  donne  jamais  dans  la  licence  ;  si  elle  est  universellement  respectée, 
c'est  qu'elle  a  commencé  par  se  respecter  elle-même.  Des  accusations  de  vé- 
nalité se  sont  rarement  élevées  contre  elle  et  ont  été  justifiées  plus  rare- 
ment encore.  Le  ton  de  sa  polémique  est  d'ordinaire  convenable  ;  elle  évite 
les  personnalités  et  ne  donne  jamais  dans  ce  travers  des  feuilles  du  conti- 
nent, —  les  querelles  de  journal  ajournai,  lesquelles  sont  aussi  stériles  que 
peu  édifiantes.  Grâce  à  sa  richesse,  elle  peut  rémunérer  largement  ses  écri- 
vains, et  elle  s'assure  ainsi  la  collaboration  d'hommes  doués  d'un  vrai  mé- 
rite littéraire  :  les  ariicles  de  fond  de  certains  journaux  sont  de  véritables 
essais  dont  la  pensée  et  le  style  sont  également  dignes  d'admiration.  Nous 
nous  hâtons  d'écrire  tout  ceci,  dans  la  crainte  que  ce  qui  était  vrai  hier  ne 
cesse  de  l'être  demain  :  certains  indices  donnent  à  croire  que,  sous  le  rap- 
port de  la  dignité  du  moins,  les  journalistes  anglais  commencent  à  se  lasser 
de  l'ordre  de  choses  actuel.  Peut-être  ne  sont-ce  que  des  défaillances;  c'est 
dans  l'espoir  qu'il  en  est  ainsi,  que  nous  ne  voulons  pas  nous  appesantir 
sur  ce  point.  En  même  temps  il  y  a  beaucoup  de  réserves  à  faire  sur  ces 
correspondances,  —  non  de  l'étranger,  mais  de  l'intérieur,  —  que  les  jour- 
naux d'Outre-Manche  publient  avec  une  facilité  regrettable.  Le  barbier  d'un 
fameux  souverain  de  la  Phrygie  ayant  observé  que  son  auguste  client  avait 
été  contraint  d'adopter  un  genre  de  coiffure. . .  insolite,  ne  put  garder  son 
secret  pour  lui  et  alla  le  confier  aux  roseaux  qui,  agités  par  le  vent,  ap- 
prirent à  tout  venant  que  «  .Midas,  le  roi  Midas  avait  des  oreilles  d'âne.  « 
Les  journaux  anglais  remplacent  avec  avantage  les  roseaux  de  la  Phrygie. 
Tout  citoyen  britannique  dont  le  beefsteack  était  trop  cuit  ou  pas  suffisam- 
ment cuit,  qui  a  manqué  le  train  ou  qui  n'a  pas  obtenu  l'impossible  d'un 
employé  du  gouvernement,  s'empresse  aussitôt  d'écrire  à  son  journal.  Ce- 
lui-ci accueille  dans  ses  colonnes  la  lettre  du  plaignant,  et  livre  à  l'exécration 
publique  le  restaurateur,  le  chef  de  gare  ou  le  commis.  —  sans  se  préoccu- 
per de  savoir  si  la  plainte  était  fondée  ou  non. 

Sous  le  rapport  de  l'administration,  les  journaux  anglais  diffèrent  de 
ceux  du  continent  et,  en  particulier,  de  ceux  de  France,  en  ce  sens  qu'ils 
n'ont  pas  de  feuilles  d'abonnements.  Chacun  achète  soi-même  son  journal. 
Les  personnes  qui  veulent  s'épargner  cette  légère  fatigue  traitent  à  forfait 
avec  l'un  des  innombrables  marchands  de  journaux,  libraires,  papetiers, 
débitants  de  tabac,  à  la  porte  desquels  on  voit  s'étaler  de  larges  affiches 
contenant  en  termes  affriolants  le  menu  du  jour,  les  nouvelles  à  sensation 
et  le  dernier  scandale.  Du  reste,  à  Londres,  la  difficulté  consiste  moins  à  se 
procurer  un  journal  qu'à  se  soustraire  à  l'importunité  de  cette  nuée  d'in- 


—  254  — 

dustiiels  qui  viennent  offrir  les  feuilles  publiques  à  tous  les  coins  de  rue  et 
escaladent  les  marchepieds  des  omnibus.  L'administration  des  journaux 
accorde,  en  général,  une  remise  de  2o  0/0  à  tous  les  vendeurs. 

Le  nombre  des  journaux  qui  se  publient  dans  le  Royaume-Uni  est 
de  1,040,  sur  lesquels  342  paraissent  à  Londres.  Parmi  ces  derniers,  19  seu- 
lement sont  quotidiens,  à  savoir  quatorze  du  matin  et  cinq  du  soir. 

Notre  intention,  dans  cette  courte  note,  est,  de  nous  occuper  exclusivement 
de  la  presse  politique.  Nous  laisserons  donc  de  côté  les  feuilles  purement 
commerciales  comme  le  Daily  Index,  moniteur  des  commissaires-priseurs  ; 
le  Daily  Recorder  of  Commerce,  représentant  de  tous  les  intérêts  mercantiles, 
maritimes  et  industriels  du  royaume;  le  Financier,  dont  le  nom  indique 
suffisamment  l'objet  ;  le  Public  Ledger,  organe  de  tous  ceux  qui  ont  à  vendre 
ou  à  acheter.  Nous  ne  nous  occuperons  pas  davantage  de  la  feuille  intitulée 
Lloyd's  List,  fondée  en  1726,  qui  fournit  chaque  matin  de  précieux  rensei- 
gnements sur  l'état  de  la  navigation  dans  toutes  les  parties  du  globe;  ni 
du  Sporisman,  consacré  à  toutes  les  phases  de  cette  chose  intraduisible 
qu'on  appelle  le  «  Sport  »  et  qui  comprend  tous  les  exercices  imaginables, 
depuis  la  chasse  au  tigre  jusqu'à  la  pêche  à  la  ligne,  en  passant  par  les 
vélocipèdes. 

A  tout  seigneur  tout  honneur  :  commençons  par  le  Times  notre  rapide 
revue  des  journaux  politiques  du  matin.  Cette  feuille,  fondée  en  1788,  est 
aujourd'hui  la  propriété  de  M.  Walter,  membre  du  Parlement  :  son  rédacteur 
en  chef  est  M.  Chinnery.  Elle  se  publie  dans  Printing-House  Square,  dans  la 
cité  de  Londres,  et  son  tirage  quotidien  est  d'environ  30,000  numéros. 
En  cas  de  nouvelles  extraordinaires,  elle  publie  une  seconde  édition,  et 
parfois  même  une  troisième.  Les  annonces  forment  une  propriété  indépen- 
dante du  reste  du  journal,  et  la  colonne  des  naissances,  mariages  et  décès 
appartient  à  deux  vieilles  demoiselles  à  qui  elle  rapporte  une  véritable 
fortune.  Une  autre  particularité,  c'est  la  seconde  colonne  de  ce  journal,  dite 
Agony  column,  dans  laquelle  les  amants  séparés  par  un  sort  cruel  corres- 
pondent en  chiffres  connus  ou  en  signes  hiéroglyphiques,  tandis  que  les 
Arianes  abandonnées  réclament  leurs  Thésées,  —  et  réciproquement.  Sous 
le  rapport  religieux,  le  Times  défend  les  doctrines  de  l'Église  d'Angletei're 
(plus  aisées,  soit  dit  en  passant,  à  défendre  qu'à  définir)  ;  —  en  matière 
commerciale,  il  soutieri.t  le  iibi'e  échange.  Quant  aux  principes  politiques,  il 
est  à  peu  près  impossible  de  dire  quels  sont  ceux  du  Times.  Fidèle  à  son 
titre,  il  change  selon  «  les  temps.  »  Ce  prétendu  guide  de  l'opinion  publique 
a  pu  prendre  à  son  compte  en  plus  d'une  circonstance  le  mot  fameux  de 
Ledru-Rollin  :  «  Il  faut  bien  que  je  les  suive,  puisque  je  suis  leur  chef.  » 
Il  a  fatigué  le  mépris  public  par  ses  palinodies.  Le  dernier  exemple  qu'il  a 
donné  de  ces  contradict  ons  avec  lui-même  est  tout  récent.  Il  avait  embrassé 
le  parti  de  la  Russie  dans  la  question  d'Orient  avec  une  chaleur  telle  que 
certaines  gens  ont  pensé  que  son  zèle  n'était  pas  désintéressé.  Il  attaquait 
le  ministère  et  Lord  Beaconsfield  avec  autant  de  violence  que  le  Golos  lui- 
même  ;  et  un  jour  les  agents  de  change  de  Londres,  irrités  de  cette  attitude 
antipatriotique,  brûlèrent  publiquement  un  de  ses  numéros  en  pleine 
Bourse.  Le  Times  se  serait  facilement  consolé  de  cet  affront;  mais,  son  tirage 
diminuant  rapidement,  il  jugea  que  le  moment  était  venu  d'effectuer  un 
changement  de  front.  Il  le  fit  complètement.  Aujourd'hui  il  s'incline  devant 
lord  Beaconsfield  aussi  bas  que  le  Daily \Telegraph.  Malgré  ces  défaillances, 
tout  le  monde  lit  le  Times.  Ses  correspondant^  lui  ont  conquis  une  renom- 
mée européenne.  Non-seulement  il  entretient  dans  les  principales  capitales 


—  253  — 

des  rédacteurs  qui  le  tiennent  au  courant  de  tout  ce  qui  se  passe  d'intéres- 
sant, par  des  lettres  quotidiennes,  aujourd'hui  transmises  par  voie  télégraphi- 
que, —  mais,  sur  quelque  point  du  globe  que  survienne  un  événement 
important,  que  s'organise  une  expédition,  le  Times  y  dépèche  un  corres- 
pondant. On  se  rappelle  la  sensation  profonde  causée  en  Angleterre  par 
les  lettres  de  Crimée  du  D'  Russell.  Le  Times  ne  recule  devant  aucune 
dépense  pour  se  procurer  des  informations  :  il  est  vrai  que,  lorsqu'il  peut  les 
avoir  sans  bourse  délier,  il  ne  se  laisse  pas  arrêter  par  les  scrupules  d'une 
délicatesse  exagérée.  Du  reste,  même  sous  le  rapport  des  correspondances,  le 
Times  vit  aujourd'hui  de  sa  réputation  passée.  La  révolution  cosmopolite  a 
poussé  en  Auglett'rre,  depuis  vingt-cinq  ans,  un  grand  nombre  d'hommes 
intelligents  qui  ont  vite  appris  la  langue  anglaise,  si  facile  à  écrire.  Ces 
individus,  parfaitement  au  courant  des  choses  du  continent,  entreprennent 
volontiers  les  fonctions  de  correspondants  :  c'est  ainsi  que  MM.  Gallenga, 
Arrivabene,  de  Blowitz,  Karl  Blind,  et  beaucoup  d'autres,  ont  otl'ert  leurs 
services  au  Times,  qui  les  a  acceptés.  Il  en  est  résulté  pour  le  journal  une 
véritable  détérioration  sous  le  triple  iMpport  des  sentiments  conservateurs, 
du  patriotisme  et  du  style.  Ceci  s'applique  à  la  plupart  des  autres  feuilles 
de  Londres,  chez  lesquelles  l'élément  étranger  (pas  toujours  très-recom- 
mandable  sous  le  rapj-ort  de  la  qualité)  tend  chaque  jour  à  se  développer 
davantage. 

Le  piix  du  numéro  du  Times  est  de  3  pences  (30  c).  Depuis  le  mois  de 
janvier  1877,  le  Times  publie  tous  les  vendredis  une  édition  hebdomadaire 
qui  contient  les  articles  de  fon  1  de  la  semaine,  avec  la  plupart  des  corres- 
pondances étrangères  et  les  articles  les  plus  intéressants. 

Le  Times  ne  donne  pas  dans  ses  colonnes  une  grande  place  à  la  littéra- 
ture, aux  théâtres,  ni  aux  arts;  mais  les  articles  de  critique  qu'il  contient  se 
recommandent  par  le  style,  sinon  par  une  impartialité  et  un  goût  parfaits. 
En  matière  de  finances,  il  fait  autorité. 

Le  Morning  Post  esi  peut-être  le  plus  ancien  des  journaux  politiques  de 
Londies,  puisqu'il  date  de  1772.  Il  se  vend  à  raison  de  3  pences  (30  centimes 
le  numéro).  Quant  à  son  tirage,  il  est  difficile  d'eu  donner  le  chitfre,  mais  il 
ne  doit  pas  dépasser  10,000,  si  tant  est  qu'il  s'é'ève  jusque  là.  En  religion,  il 
est  du  parti  de  la  Haute-Église  ;  en  politique,  il  était  naguère  whig;  mais, 
comme  beaucoup  de  gens  appartenant  à  ce  parti,  etfiayé  des  tendances  et 
de  la  pré[iondérance  croissante  d'  s  radicaux,  il  s'est  rapproché  des  conserva- 
teurs. Le  propiiétaire  et  le  directeur  du  journal  est  M.  Borthv/ick,  qui  aime 
beaucoup  la  France,  à  telles  enseignes  qu'il  vint  s'enfermer  avec  sa  femme 
dans  Paris  pendant  le  siège.  Organe  naguère  de  Lord  Palmerston,  qui  ne 
dédaignait  pas  d'y  prendre  la  plume,  le  Morning  Post  est  resté  fidèle  à  sa 
mémoire,  et  se;r.ble  encore  inspiré  par  l'ombre  de  l'dlustie  homme  d'État. 
Dans  la  question  d'Oritnt,  il  n'a  cessé  de  défendre  la  politique  traditionnelle 
de  l'Angleterre  et  a  vigoureusem>'nt  appuyé  Lord  Beaconsfield.  Le  Morning 
Post  rachète  le  nombre  comparativement  faible  de  ses  abonnés  par  la  qualité 
de  ses  lecteurs:  c'est  le  journal  de  l'aristocratie  et  le  chroniqueur  du  beau 
monde.  11  ne  se  passe  aucun  événement  dan^  les  hautes  régions  de  la  so- 
ciété qui  ne  soit  rapporté  dans  ses  colonnes:  c'est  le  Dangeau  de  la  cour 
anglaise.  Le  Morning  Post  ne  s'est  pas  laissé  envahir  par  l'élément  étranger; 
il  est  Anglais  pour  la  forme  comme  pour  le  fond.  Il  a  de  nombreux  corres- 
pondants, suitout  dans  les  colonies  ;  et  ces  derniers  paraissent  toujours 
admirablement  renseignés.  Ses  articles  de  critique  en  matière  de  littérature, 
de  science  et  d'art,  sont  hautement  estimé=.  Nous  avons  dit  que  le  Morning 


—  2;i(i 

Post  se  faisait  l'avocat  des  principes  de  la  Haute-Église  en  tant  que  ceux-ci 
fe  distinguent  des  tendances  calvinistes  du  a  parti  évangélique,  »  autrement 
appelé  Basse-Église  ;  mais  il  n'est  pas  favorable  aux  Ritualistes.  On  assure 
que  la  nymphe  Égérie,  sous  les  traits  de  M.  Montagu  Coray,  l'aimable  se- 
crétaire de  Lord  Beaconsfield,  apparaît  parfois  au  Numa  du  Morning  Post. 
Le  Daily  Telegraph,  fondé  le  29  juin  18b5,  prix:  un  penny  (10  centimes). 
Voilà  bien  la  Briarée  de  la  presse  anglaise,  seulement  il  a  plus  de  cent  bras, 
il  tire  chaque  jour  à  170,000  exemplaires  et  revendique  le  privilège  d'avoir 
«  la  plus  grande  circulation  du  monde.  »  Le  Daily  Telegraph  est  la  propriété 
d'un  Israélite,  M.  Lévy,  qui,  avec  l'instinct  commercial  de  sa  race,  a  compris 
l'avenir  auquel  était  appelée,  dans  un  pays  comme  l'Angleterre,  la  presse  à 
bon  marché.  11  a  fondé  le  premier  journal  à  un  penny  et  le  succès  a  dépassé 
ses  espérances.  Écrit  pour  le  peuple,  le  Daily  Telegraph  est,  en  général,  rédigé 
dans  un  style  ampoulé  et  de  mauvais  goût  ;  son  patriotisme  est  du  chauvi- 
nisme, et  tous  ses  sentiments  sont  également  faux  et  exagérés.  En  même 
temps  il  vise  à  «  faire  grand  »  et  à  rivaliser  d'entreprise  avec  le  journalisme 
américain  :  témoin  l'expédition  de  M.  Stanley  en  Afrique,  faite  à  compte  et 
demi  avec  le  JVei^  York  Herald,  et  celle  de  M.  George  Smith  que  l'administra- 
lion  du  Daily  Telegraph  avait  préalablement  envoyé  explorer  les  ruines  de 
l'Assyrie.  On  ne  saurait  nier  que  ces  deux  entreprises  aient  rendu  service  à 
la  science,  et  que  le  journal  déploie  un  grand  zèle  pour  tenir  ses  lecteurs  au 
courant  de  tout  ce  qui  arrive  d'intéressant  sur  la  surface  du  globe.  Quant  à 
ses  principes  politiques  et  autres,  il  n'affecte  pas  à  cet  égard  un  rigorisme 
exagéré.  Fondé  ostensiblement  pour  soutenir  les  doctrines  libérales, il  a  jugé 
depuis  qu'il  valait  mieux  soutenir  le  gouvernement,  quel  qu'il  fût,  et,  à 
l'instar  du  Meunier  ?  de  Sans-Souci, 

De  quelque  côté  vînt  à  souffler  le  vent, 
Il  y  tournait  son  aile  et  s'endormait  content. 

Après  avoir  naguère  adulé  M.  Gladstone,  qu'il  avait  surnomaié  «le  William 
du  peuple,  »  il  a  brûlé  son  idole  avec  une  désinvolture  charmante,  et  il 
encense  à  tour  de  bras  le  comte  de  Beaconsfield.  Il  gagne  à  ce  petit  manège 
des  communications  précieuses,  et  puisque  ses  lecteurs  en  profilent,  ils  au- 
raient tort  de  se  plaindre.  Du  reste,  son  attitude  dans  la  question  d'Orient 
a  éié  fort  correcte,  les  intérêts  anglais  s'étant  trouvés,  fort  heureusement 
pour  eux,  du  même  côté  que  les  intérêts  du  Daily  Telegraph.  En  matière  re- 
ligieuse, ce  journal  affecte  également  une  grande  latitude.  Toutefois,  quand 
les  libres-penseurs  parisiens  se  réunirent  dans  un  ignoble  banquet  pour 
manger  de  la  charcuterie  le  jour  du  Vendredi-Saint,  le  Daily  Telegraph  pro- 
testa contre  ces  saturnales  dans  un  article  indigné.  Les  ancêtres  de  M.  Lévy 
ont  pu  s'oublier  au  point  de  danser  autour  du  veau  d'or  ;  mais,  quant  à  lui,  il 
ne  veut  pas  qu'on  adore  le  cochon.  Et  il  a  raison. 

Le  Standard  est  l'heureux  rival  du  Daily  Telegraph.  Ce  dernier  se  vantait 
«d'avoir  la  plus  grande  circulation  du  monde;  »  le  Standard  a  voulu  se  glo- 
rifier ((  d'avoir  le  plus  grand  format,  »  —  et  il  y  a  réussi.  Du  reste,  sa 
publicité  égale  aujourd'hui  celle  de  son  émule.  Créé  en  1827  pour  soutenir 
les  doctrines  du  parti  conservateur,  le  Standard  était  d'abord  une  édition 
du  soir  du  Morning  Herald,  mais  il  a  fini  par  se  substituer  entièrement 
à  ce  journal.  Il  est  rédigé  dans  un  style  plus  sobre,  plus  sérieux 
et  surtout  plus  digne  que  le  Daily  Telegraph;  on  y  rencontre  souvent 
des  articles  très-remarquables.  Quoiqu'il  soit  l'organe  attitré  des  conserva- 
teurs, le  Standard  conserve,  à  l'égard  des  chefs  de  son  parti,  une  grande 
indépendance,  et  leur  dit  parfois  des  vérités  un  peu  dures.  Sous  le  rapport 


religieux,  il  s'ellbrce  de  coucilier  entre  elles  les  trois  sections  de  TËglise 
anglicane,  —  la  Haute-Église,  la  Basse-Église  et  l'Église  L  rgc  ;  — nous  re- 
connai-sons  volontiers  que  la  tâche  n'est  pas  facile.  Pendant  la  guerre  dé- 
sastreuse de  1870-71,  seul  à  peu  près  parmi  les  journaux  anglais,  le  Stan- 
dard prit  généreusement  parti  pour  la  France,  dont  il  soutint  la  cause  avec 
un  talent  et  un  enthousiasme  extraordinaires.  Il  fut  récompensé  de  cette 
noble  attitude  par  une  vente  inouïe  :  la  majorité  de  la  nation  anglaise  sym- 
pathisant avec  la  France,  tout  le  monde  achetait  le  Standard,  dont  plus'eurs 
éditions  étaient  rapidement  enlevées  chaque  matin.  De  cette  façon,  les  prin- 
cipes conservateurs  dont  ce  journal  était  l'organe  se  répandaient  partout, 
—  comme  le  pollen  des  Heurs  porté  sur  l'aile  des  vents.  Bientôt  une  con- 
naissance plus  approfondie  de  la  doctrine  des  tories,  joinie  au  mépris  qu'ins- 
pirait l'attitude  du  gouvernement  de  M.  Gladstone  vis-à-vis  de  la  France,  et 
sa  politique  étrangère  complètement  effacée,  amenèrent  la  réaction  de  1873. 
Le  Standard  est  le  seul  journal  qui  ait  une  édition  du  soir. 
Le  Daily  Ncivs  a  été  fondé  le  21  janvier  1846,  si  nous  ne  nous  trompons, 
sous  l'inspiration  et  par  l'influtnce  du  comte  Russell,  —  alors  Lord  John 
Rnssell.  Aujourd'hui,  il  est  la  propriété  de  M.  Labouchère,  et  il  a  pris  rang 
dans  la  presse  à  un  penny.  Les  doctrines  qu'il  défend  sont  celles  du  libéra- 
lisme avancé.  Bien  que  rédigé  avec  un  talent  incontestable,  ce  journal  vé- 
gète aujourd'hui,  et  peut-être  avant  peu  finira-t-il  par  dispai'aitre.  C'est  qu'il 
a  fait  deux  fois  fausse  route.  Pendant  la  guerre  franco-allemande,  il  a  pris 
parti  avec  acharnement  contre  la  France,  et,  malgré  le  talent  de  ses  corres- 
pondants particuliers,  notamment  MM.  F'orbes  et  Reay,  le  public  anglais  lui 
a  prouvé  qu'il  avait  peu  de  goût  pour  la  cause  qu'il  soutenait.  En  1873,  â" 
l'époque  de  la  grève  des  laboureurs  du  Statïordshire,  le  Daily  News  eut  un 
regain  de  popularité,  grâce  au  même  M.  Forbes,  qui  explora  en  personne 
les  districts  habités  par  les  grévistes  et  fit  connaître  au  peuple  anglais, qui 
ne  la  soupçonnait  pas,  la  misère  affreuse  des  travailleurs  des  campagnes. 
Les  lettres  de  M.  Forbes,  écrites  d'un  style  à  la  fo's  sobre  et  imagé,  et  avec 
une  émotion  sincère,  obtinrent  un  vif  succès.  Malheureusement  pour  le 
Daily  News,  la  question  d'Orient  surgit.  Cejournal  prit  fait  et  cause  pour  les 
Russes,  avec  autant  de  passion  qu'il  l'avait  fait  naguère  pour  les  Allemands, 
et  le  résultat  de  cette  campagne,  c'est  qu'on  voit  aujourd'h  «i  le  Daily  News 
s'empiler  sur  le  comptoir  desmirchands  de  journaux  ou  pendre  mélanco- 
liquement sous  le  bras  de>  industriels  qui  vendent  les  feuilles  publiques 
dans  les  rues  :  personne  ne  l'achète  plus.  Il  est  juste  d'ajouter  que,  de- 
puis 1873,  les  idées  libérales  avancées  ne  sont  plus  en  faveur  en  Angleterre. 

Le  Morning  Advertiser  remonte  à  l'année  1794,  et  se  vend  3  pences. 
Néanmoins  nous  avons  cru  devoir  ne  pai  1er  de  lui  qu'après  les  journaux 
qui  précèdent,  parce  qu'il  leur  cède  de  beaucoup  en  influence  et  en  publi- 
cité. D'après  son  programme,  cet'e  feuille  serait  libérale,  indépendante  et 
constitutionnelle;  mais  elle  est  l'organe  reconnu  des  cabaretiers,  ce  qui 
revient  à  dire  qu'elle  attaque  ou  défend  le  gouvernement,  selon  que  les  ca- 
barets sont  ou  ne  sont  pas  contents  de  lui.  Elle  se  distingue  aus-i  par  sou 
animoMté  contre  le  catholicsme,  ce  qui  s'explique  parfaitement,  attendu 
que  la  doctrine  catholique  ne  pousse  pas  préiiisément  les  gens  à  fréquenter 
les  tavernes.  Du  reste,  le  Morning  Advertiser  a  mérité  récemment  un  bon 
point;  il  a  refusé  de  publier  le  projet  de  mémorandum  que  le  copiste  Charles 
Marvin  offrait  de  lui  livrer. 

Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  le  Daily  Chronicle,  fondé  en  18do,  et 
dont  le  coût  est  un  penny,  car  ce  champion  du  libéralisme  ne  jouit  pas  d'une 

Septkmbbe  1878.  T.  XXÏIf.   17, 


—  2o8  — 

grande  influence;  —  et  les  Corning  Events,  datant  de  1877,  dont  la  clientèle 
et  le  succès  sont  relégués  dans  l'avenir  comme  les  événements  dont  s'oc- 
cupe ce  journal.  Nous  arrivons  maintenant  aux  journaux  du  soir  qui,  à 
Londres,  sont  au  nombre  de  cinq.  Lai^;sant  de  côlé  la  Shipping  and  Mercan- 
tile Gazette,  qni  s'occape  exclusivement  des  inléiêts  du  commerce  et  delà 
navigation,  nous  parlerons  d'abord  du  principal  journal  du  soir,  qui  tend 
à  devenir  l'un  des  plus  imporlants  du  Royaume-Uni,  —  la  F  ail  Mail  Gazette. 
Cette  feuille  olfre  un  grand  avantage  qui  la  recommande  tout  d'abord  aux 
lecteurs:  elle  a  un  format  commode;  elle  se  compose  d'un  fascicule  d'en- 
viron 16  pages  in-oclavo.  Mais  ce  n'est  là  que  le  moindre  de  ses  mérites: 
elle  est  rédigée  avec  un  rare  talent,  et  évidemment  destinée  à  la  partie  cul- 
tivée, de  la  population.  On  pourrait  lui  reprocher  un  léger  pédantisœe  en 
politique  coaime  en  littérature.  Da  reste,  elle  est  d'une  indépendance 
parfaite  et  pourrait  prendre  pour  épigraphe  ce  vers  d'Horace  : 
Nullius  addiclus  jurare  in  verba  magislri, 

Dans  le  f-iit,  ce  sont  leslbéraux  qui  reçoivent  la  meilleure  part  des  coups 
de  boutoir  que  cet  organe  du  libéralisme  distribue  avec  impartialité  à 
droite  et  à  gauche.  En  religion,  li  Pall  Mail  Gazette  aiîecie  de  soutenir 
l'Église  établie  d'Angleterre;  mais  elle  rappelle  en  cela  «  l'ombre  du  cocher 
frottant  l'ombre  d'an  carrosse  avec  l'ombre  d'une  brosse.»  Son  christianisme 
est  des  plus  nébuleux  et  ressemble  à  celui  de  M.  Renan.  La  Pall  Mail  Gazette, 
comme  ou  le  voit,  est  le  Journal  des  Débats  de  Londres  ;  elle  se  rapproche 
également  de  cette  feuille,  qu'elle  semble  avoir  pris  pour  modèle,  par  la 
large  place  qu'elle  donne  aux  sujets  littéraires.  Ceci  s'explique  parle  fait  que 
la  Pall  Mail  Gazette  est  la  propriété  de  MM.  Smith,  Elder  et  C°,  qui  sont  à 
la  tête  d'une  des  principales  maisons  de  librairie  de  Londres.  Ces  négociants 
sont  aussi  en  relations  d'affaires  avec  l'Inde.  C'est  pour  cette  raison  que  leur 
journal  s'occupe  beaucoup  des  intérêts  iudien=,  et  sout  ent,  en  Orient,  la  po- 
litique traditionnelle  de  l'Angleterre.  La  Pall  Mail  Gazette  publie,  en  général, 
trois  éditions,  et  se  vend  2  pences  (20  c-^ntimes).  A  l'instar  du  Times,  elle 
donne  tous  les  samedis,  sous  le  titre  de  Pall  Mail  Budget,  une  compilation  de 
ses  principaux  articles  da  la  semaine. 

La  Pall  Mail  Gazette  s'est  constituée  le  zoïle  du  Times,  et  semble  avoir 
pour  programme  de  prendre,  sur  chaque  question,  le  contre-pied  du  journal 
de  la  Cité. 

L' Euemng  Sfawdarci  appartient  à  la  même  administration  que  le  journal 
du  matin    du    même   nom  :  il  professe  donc  en  tout  les  mêmes  doctrines. 

Le  Globe,  qui  date  de  1803,  soutient  la  cause  du  parti  constitutionnel  et 
conservateur.  11  est  la  propriété  de  M.  Cubitt,  membre  du  Parlement.  Ce 
journal  a  toujours  demandé  l'extension  de  suffrage  et  l'application  de  toutes 
les  réformes  constitutionnelles.  L'administration  fait  preuve  d'une  grande 
•  énergie  pour  se  procurer  les  dernières  nouvelles,  —  trop  grande  peut-être, 
car  elle  a  accueilli  les  i-fTres  de  Marvin  au  sujet  du  mémorandum  anglo- 
russe,  après  que  le  Morning  Advertiser  les  avait  rejetées.  L'opinion  pu- 
blique a  été  également  étonnée  de  ce  double  fait.  Le  prix  du  Globe  est  de  1 
peuny,  son  format  est  celui  de  la  Pall  Mail  Gazette,  et  il  s'imprime  sur  un 
papier  teinté  de  rose. 

VEcho,  fondé  en  1865,  est  le  plus  petit  des  journaux  de  Londres;  c'est 
aussi  le  moins  cher  puisqu'il  ne  coûte  qu'un  demi-penny,  un  sou.  Il  donne 
toutes  les  nouvelles  du  jour  et  aussi  un  résumé  des  principaux  articles  des 
journaux  du  matin.  Du  rele,  celte  petite  feuille  est  fort  t  rne  :  elle  appelle 
cela  être  in^iépendante.  Mais,  si  nous  en  croyons  certains  bruits,  l'adminis- 
tration ne  fait  pas  de  brillantes  affaires. 


—  2b9  — 

Parmi  les  autres  journaux  de  Londres,  quatre  paraissent  trois  fois  par 
semaine,  et  onze  deux  fois.  Au  nombre  de  ces  derniers,  il  faut  compter  la 
London  Gazette,  qui  est  à  l'Angleterre  ce  que  le  Journal  officiel  est  à  la  France. 
Trente-sept  autres  publications  sont  mensuelles  ou  bi-mensuelles.  Tout  le 
reste  se  compose  des  journaux  hebdomadaires,  dont  l'immense  majorité  sont 
des  feuilles  locales  ou  vouées  aux  intérêts  particuliers  d'une  secte,  d'une 
science,  d'un  commerce  ou  d'une  industrie.  Tous  les  métiers,  l'épicfrie,  la 
boulangerie,  la  cordoimerie,  ont  chacun  leur  organe  spéc'al  ;  quelques-uns 
en  ont  deux.  Cependant  plusieurs  des  journaux  hebdomadaires  sont  aussi 
politiques,  et  parmi  ceux-là  on  en  distingue  quatre  dont  nous  croyons  devoir 
dire  quelques  mots. 

L'Examiner,  fondé  en  1808,  et  qui  paraît  le  samedi,  au  prix  de  G  pences 
(60  centimes),  est  consacré  à  la  défense  de^  doctrines  radicales.  Cependant,  il 
est  rédigé  avec  un  talent  et  surtout  avec  un  sentiment  d'équité  qu'on  n'est 
pas  habitué  à  associer,  sur  le  conlinent.  avec  l'idée  du  radicalisme. 

UObserver,  établi  en  1794,  ofi're  cette  particularilé  qu'il  est  le  seul  journal 
qui  publie  le  dimanche  matin  les  dernières  nouvelles  de  l'intérieur  ou  de 
l'étranger.  C'est  dans  ses  colonnes  qu'on  cherche  invariablement  la  dernière 
rumeur  politique,  le  dernier  «  on  dit.  »  Ajoutons  qu'il  est  souvent  favorisé 
de  communications  oflicieuses,  sinon  officielles.  Pendant  la  guerre  de  1870-71, 
il  publiait  chaque  dimanche  plusieurs  éditions,  qu'on  s'arrachait  dans  les 
rues.  Ses  critiques  théâtrales  jouissent  d'une  grande  autorité.  Le  prix  est  de 
4  pences  (40  c). 

La  Saliirday  Review  n'est  pas  un  journal  proprement  dit.  Elle  ne  donne 
pas  de  nouvelles,  elle  commente  celles  de  la  semaine.  Dès  son  apparition, 
en  1855,  cette  publicatiun  attira  l'attention  par  le  caractère  acerbe  de  ses 
critiques  et  par  le  mystère  légèrement  théâtral  dans  leqnel  ses  rédacteurs 
cherchaient  à  s'envelopper.  On  a  pu  les  comparer  à  une  troupe  d'écoliers 
mutins  se  cachant  derrière  un  mur  pour  arroser  les  passants  d'eau  sale. 

Le  Spectator  (qui  date  de  1828)  publie,  entête  de  ses  colonnes,  un  résumé 
des  nouvelles  de  la  semaine,  rédigé  dans  un  style  fort  original,  avec  une 
pointe  de  ce  que  les  Anglais  appellent  «  Dry  humour.  »  laquelle  est  à  l'es- 
prit ce  que  le  Champagne  sec  est  au  vin  mousseux.  On  peut  ne  pas  parta- 
ger les  idées  du  Spectator,  on  ne  saurait  trouver  à  redire  à  la  manière  dont 
il  les  expose.  C'est  un  journal  essentiellement  littéraire  et  artistique,  dont 
les  jugements  s'éloignent  également  d'une  louange  fastidieuse  et  d'un  dé- 
nigrement systématique.  Comme  la  Saiurday  Reviciv,  le  Spectator  coûte 
6  pences  (60  c). 

Un  journal  hebdomadaire  financier,  The  Economiste  fondé  en  1843,  publie 
aussi  (les  articles  politiques,  lesquels  étaient  fort  remarqués  quand  le  célèbre 
M.  Bagehot  dirigeait  cette  publication,  qui  est  aujourd'hui  un  peu  déchue 
de  son  ancienne  splendeur.  Une  nouvelle  feuille  financière,  The  Statist, 
s'élève  en  ce  moment  à  côté  d'elle,  et  le  premier  résultat  de  cette  concur- 
rence sera  probablement  de  faire  baisser  le  prix  de  V Economiste  lequel  est 
de  8  pences  (80  c). 

Nous  hésitons  à  mentionner  ici  un  nouveau  journal  heblomadaire,  qui 
s'est  fon  !é  en  1874,  sous  ce  titre  :  The  Englishman.  On  regrette  les  quatre 
sous  qu'on  donne  pour  cette  feuille,  véritable  Père  Puchène  biitannique,  — 
moins  la  verve  du  vieux  jacobin.  Le  bon  sens  et  l'honnêteté  du  peuple 
anglais  font  bunne  justice  de  cette  publication,  qui  est  en  train  de  mourir 
d'inanition.  Encore  quelques  jours,  et  elle  aura  vécu. 
C'est   dans  la  presse   hebdomadaire  qu'il   faut    chercher  en  Angleterre 


—  200  — 

les  organes  du  catholicisme.  Certes  dans  un  pays  comme  celui-ci,  où  la 
pressa  quotidienne  joue  un  rôle  si  important;  où  chaque  malin  l'Anglais  dé- 
ploie, entre  sa  tasse  de  thé  et  sa  tartine  beurrée,  son  journal  qui  fait  partie 
intégrante  de  son  déjeuner,  il  eût  été  à  souhaiter  que  les  catholiques  possé- 
dassent une  feuille  à  eux,  jouissant  d'une  influence  égale  à  leur  m  mbre  et 
à  leur  importance  politique.  Un  publiscite  éminent,  M.  Kent,  l'avait  com- 
pris; et  quand,  par  suite  de  la  retraite  de  son  beau  père,  le  Sun  passa 
entre  ses  mains,  —  il  s'efforça  d'en  faire  un  journal  catholique.  Malheu- 
reusement, il  fut  faiblement  soutenu  par  l'épiscopat,  et  point  du  tout  par  les 
laïques,  —  de  telle  sorte  que  le  Sun  ne  tarda  pas  à  disparaître. 

M.  Capel  no  voulut  pas  que  les  talents  de  M.  Kent,  qui  est  non-seulement 
un  journaliste  éminent,  mais  un  poète  distingué,  fussent  perdus  pour  la 
cause  catholique,  et,  quand  il  fonda  le  WeeJdy  Register.  —  sorte  de  phénix,  né 
des  cendres  du  Caiholic  Standard,  avec  lequel  il  se  confond  aujourd'hui,  — 
il  mit  ce  piibliciste  à  la  tète  de  son  oeuvre.  Sous  cette  habile  direction,  le 
Wcchly  Reglsler  ne  tarda  pas  à  devenir  une  publication  importante,  qui  ne 
coûte  que  4  pences.  Il  forme  im  gros  fascicule  d'environ  vingt-quatre 
pages  de  text-^,  dans  lequel  on  trouve,  non-seulement  toutes  les  nouvelles 
importantes  politiques  et  religieuses,  mais  une  foule  de  détails  intéressants, 
d'anecdotes  piquantes  et  des  revues  littéraires  et  artistiques  d'un  vrai  mérite. 
Le  style  du  Weekly  Register  rappelle  celui  du  Spectator.  Ce  qui  fait  le 
charme  de  ce  journal,  c'est  qu'il  est  animé  d'un  véritable  esprit  catholique 
et  que,  sans  rien  sacrifier  de  son  pati'iolisme,  il  tend  la  main  à  toutes  les 
nations  qui  partagent  sa  foi,  et  qu'il  professe  en  particulier,  pour  la  fille 
aînée  de  l'Église,  une   sympathie  qui  va  jusqu'à  l'admiration. 

Le  Tablet,  qui  est  le  second  journal  catholique,  se  distingue  par  un  esprit 
opposé.  Il  semblerait  qu'il  ait  pris  à  tâche  de  renverser  le  mot  célèbre  du 
comt-^  de  Denbigh,  et  qu'il  dise  :  «  Je  suis  Anglais  d'abord  et  catholique 
ensuite,  si  vous  le  voulez  bien.  »  Hâtons  nous  de  dire  que  nous  ne  voulons 
nullement  porter  at:einte  à  la  parfaite  orthodoxie  de  ce  journal  qui,  sous 
le  rapport  du  dogme  et  de  la  morale,  est  en  communion  complète  avec 
l'Église.  Nous  vouluns  seulement  dire  qu'il  ne  manifeste  pas,  à  l'égard  des 
autres  nations  catholiques,  ces  sentiments  de  fraterniié,  ces  effusions  de 
charité  qui  semblent  dans  l'essence  de  notre  foi.  De  là  une  certaine  raideur 
de  style,  une  certaine  sécheresse  de  rédaction,  qui  rendent  la  lecture  du  Tablet 
moins  attrayante  qu'elle  pourrait  l'être.  Mais  nous  devons  rendre  hommage 
à  la  persévérance  consciencieuse  avec  laquelle  ce  journal  défend  tous  les 
intérêts  et  to  .s  les  droits  des  catholiques  anglais.  Le  Tablet  se  vend 
a  pences. 

La  Westminster  Gazette,  qui  parait  le  vendredi  (prix  4  pence),  a  été 
fondée  en  1866,  sous  l'influence,  dit-on,  de  S.  Em.  le  cardinal  Manning. 
Ce  t  un  journal  sérieux,  bien  rédigé. 

Wniverse  coûte  1  penny.  C'est  le  jourml  des  Irlandais  de  Londres.  Sous 
le  rapport  de  l'orthodoxie  religieuse,  il  est  irréprochable  ;  mais,  aupoint  de 
vue  politique,  nous  le  soupçonnons  d'être  entaché  de  féuiani:=me. 

On  parle  d'un  nouveau  journal  catholique,  qui  paraîtrait  le  mercredi,  et 
qui  serait  destiné  à  défendre  la  cause  libérale,  —  car  les  autres  feuilles 
catholiques  (à  l'exception  de  VUniverse)  sont  conservatrices.  Nous  avons  vu 
le  premier  numéro  de  ce  journal,  mais  nous  ne  savons  s'il  en  a  eu  un 
second  :  en  tout  cas,  étant  donnée  sans  opinion,  il  est  probable  qu'il  n'aura 
pas  une  longue  existence.  F.  de  Bkrnhardt. 


—  2«1  — 

II 

PETIT  SUPPLÉMENT  A  LA.  BIBLIOGRAPHIE   MOLIÉRESQUE 
DE  M.  PAUL  LACROIX   (BIBLIOPHILE  JACOB). 

Molière  est  de  plus  en  plus  à  la  mode,  el  il  ne  se  passe  guère  de  mois 
que  l'on  ne  publie  ou  x'éédite  quelque  ouvrage  x'elalif  à  noire  grand  poète 
comique.  Nous  avons  donc  pensé  que  les  lecteurs  du  Polyhihlion  accueil- 
leraient avec  intérêt  un  supplément  à  la  Bibliographie  moliéresque  de  M.  P. 
Lacroix.  Nous  laissons  de  côté  les  productions  de  la  librairie  française  pos- 
térieures à  1875. 

Notre  supplément  se  compose  principalement  de  dissertations  et  d'édi- 
tions étrangères  :  quelques- '.mes  sont  postérieures  à  !a  publication  du 
travail  de  M.  P.  Lacroix,  mais  il  n'y  a  nul  inconvénient  à  les  admettre  ici, 
puisque  les  Français  ignorent  trop  généralement,  et  la  littérature  nationale 
des  étrangers  et  ce  que  les  étrangers  disent  de  nous. 

r.  Dissertations, 

Alexandre  :  Molière  et  les  Médecins. 

M.  Lacroix,  no  1472,  n'indique  pas  que  cet  ouvrag-e  est  extrait  des  Mé- 
moires de  l'Académie  d'Amiens,  t.  IX,  p.   503, 

F. -M.  Baudouin  :  Les  Femmes  dans  Molière. 

Il   fallait    indiquer,  no    1488,  que  cet   ouvrage  est   extrait   de  la    {(ecu9  de 
Normandie,  t.  V.  1865,  p.  7-21-38. 

Brindel  :  Zur  Geschichte  der  dramatischen  Werke  Molière's.  Hamm,1875, 
in-4,  13  p.  (Programme.) 

Brocchoud  :  Notice  sur  les  origines  du  théâtre  de  Lyon,  mystères,  farces  et 
tragédies,  troupes  ambulantes.  —  Molière.  (Mémoires  lus  à  la  Sorbonnc,  i86a. 
Histoire,  philologie  et  sciences  morales,  p.  249 -o-i.) 

M.  Lacroix,  n"  1103,  n'indique  pas  cette  première  édition. 

C.  BuRGTORF  :  Étude  critique,  esthétique  sur  le  Festiti  de  Fiente  (ou  Don 
Juan),  comédie  de  Molière.  Gœttingue,  1874,  in-8,  40  p.  (Dissertation  pré- 
sentée à  l'Université  de  Rostock.) 

Das  Urteil  des  Hernn  vo7i  Schack  i'cber  Molière's.  Femincs  savantes.  (Arch. 
de  Herrig,  t.  XXIil,  1838,  p.  63-90.) 

H.  Fritsche  :  Molière-Studien. 

M.  Lacroix  n'indique  pas  les  comptes  rendus  de  Brandstater,  dans  les 
Archives  de  Herrig,  t.  XLIII,  1868,  p.  205-12,  et  de  Karl  Bartsch  dans  le 
Centralblalt  de  1868,  n"  21. 

II.  Fritsche  :  Zuswtze  und  Verbesserungen  z-u  den  Molière-Studien.  {Arch. 
de  Herrig,  t.  LUI.  1874,  p.  381-8.) 

E.  GossELiN  : 

11  fallait  indiquer,  n»  1065.  que  l'acte  authentique  constatant  la  présence 
de  Molière  à  Rouen  en  1643,  avait  déjà  été  irablié  avec  un  fac-similé 
dans  la  Revue  de  Normandie  du  30  avril  1870,  p.  239-40. 

Groon  :  Comparaison  entre  l'Avare  de  Molière  et  l'Aululairc  de  PI  vite. 
Verden,  187o,  in-4, 32  p. 


—  262  — 

B.  VAN  HoLLEBF.KE  :  Étude  sur  Molière.  Molière  et  ses  contemporains  dans 
le  Misanthrope.  Bruxelles,  Decq,  1862,  in-8,  12  p. 

B.  VAN  IIoLLEBEKE  :  MoUéve  et  ses  contemporains  dans  le  Misanthrope. 
2*  édition.   Louvain,  Foateyn,  1864,  in-8,  32  p. 

A.  HoppE  :  Die  Sprache  Moliere's.  {Archiv  de  Ilenig,  t.  XXXVI,  1864, 
p.  159-74.) 

C.  IluMBERT  :  Moliere's  Avare"  und  Plautus'  Aidularia.  {Archiv  de  Herrig, 
t.  XVIII,  185o,  p.  376-410.) 

C.  IIuMBERT  :  Molière  und  seine  Gegner  in  Deutschland.  {Archiv  de  Herrig, 
t.  XX,  p.  83-100.) 

C.  HuMBERT  :  Molière  und  der  conventionelle  Standpunht  seiner  Zeil.  [Archiv 
de  Herrig,  t.  XXIIl,  18b8.  p.  10040.) 

Cfr.  Adolf  Laun,  Archiv  de  Herrig,  t.  XXIV,  1858,  p.  221-2. 

C.  HuMBERT  :  Le  Phormion  de  Térence  et  les  Fourberies  de  Scapin  de  Molière. 
Programm  der  Realscbule  zu  Elberfeld,  18o9. 

C.  IIuMBfcRT  :  Molière  in  England.  Bielefeld,  1874,  in-4,  22  p.  (Pro- 
gramme.) 

JosuPEiT  :  CharaJitere  ans  Molière  {Archiv.  de  Herrig,  t.  LIV,  1875, p.  331  6.) 

W.  Klingelhœffer  :  Plante  imité  par  Molière  et  Shakespeare.  Berlin,  Cal- 
vary,  1874. 

Machart  père  :  Du  rire  et,  incidemment,  du  comique  dans  Molière.  {Mé- 
moires de  V Académie  d'Amiens^  t.  IX,  p.  30o.) 

R.  Mahrenholtz  :  Molière  und  die  ra'mische  Komœdie  {Archiv  de  Herrig, 
t.  rVI,  1876,  p.  241-64.) 

Karl  Vjtus  Meurer  :  Larivetfs  Les  Esprits  als  Quelle  zu  Moliere's  Avare, 
tinter  Beriicksichtigung  der  Aidularia  des  Plautus.  Coblenz,  1873,  in  8,  3o  p. 
(Disserlation  présentée  à  l'Université  d'Iéna.) 

Ch.  Monselet  :  Les  Souliers  de  Sterne.  Paris,  Michel  Lévy,  1874. 

Contient,  p.  145-8,  un  chapitre  relatif  aux  voyages  de  Molière  à  Bordeaux. 

M.-V.  :  Biclionnaire  de  morale  et  de  littérature  par  Molière.  (Revue  du 
Nord,  2=  série,  t.  II,  1837,  p.  289-97.) 

A.  Reissig  :  Jean-Baptiste  Moliere's  Leben  und  Schriften  und  sein  Don  Juan. 
Leipzig,  Siegismund  und  Volkening,  1876,  in-8,  88  p. 

Reynaud  :  Les  Médecins  au  temps  de  Molière. 

Il  fallait  indiquer,    no   1474,   que  l'analyse  de  ce   livre  par  Alexandre  est 
extraite  des  Mémoires  de  V Académie  d'Amiens,  2e  série,  t.  IV,  p.   259. 

Casimir  Richter  :  Sur  le  Tartuffe  de  Molière.  Recklinghausen,  1874,  in-4, 
24  p.  (Programme.) 

RoBOLSKY  :  Moliere's  Sprache.  {Archiv  de  Herrig,  t.  XXIV,  18o8,  p.  385-400.) 

Engei.bert  Saegelken  :  De  Mollerii  fabula  Avari  nomine  inscripta.  Dispu- 
tatio.  Brema^,  Geisler,  1856,  in-4,  24  p. 

G.  TiBURTifs  :  Molière  und  das  Precieusenthum.  Jena,  Deistung,  1875 
in-8,  42  p.  (Dissertation  présentée  à  l'Université  de  d'Iéna.) 

X.  Z.  Révélation  de  relations  amicales  entre  Molière  et  Rotrou  {Revue  de  la 
Normandie,  t.  VII,  1867,  p.  437-9.) 

2"  ÉDITIONS    ET  TRADUCTIONS. 

K.  Brunnemann  :  Moliere's  aasgeivselte  Lustspiele.  Berlin,  Weidmann,  1877- 
1878,  in-8.  —  IjC  Misanthrope.  — Le  Tartuffe,  xvi-88  p.  —  L'Avare,  xxiv-9o  p. 
—  Le  Bourgeois  gentilhomme,  xvi-105  p.  —  Les  Précieuses  ridicules,  58  p.  — 
Les  Femmes  savantes,  106  p.  — Les  Fâcheux.  Erklxrt  von  H.  Fritsche,  70  p. 


—  263  — 

Oreste  Bruxi  :  //  Misantropo,  commedia  in  o  atti  di  Molière,  iradolta  in 
rersi  martelliani  con  prologo  originale.  Parma,  Aiioroi,  Tyh.,  1878,  in-8, 

Jules  Bue  :  Molière.  Le  Tartuffe,  comédie,  with  grammatical  and  expla- 
natory  Notes.  London,  Hachette,  1874,.  in-12. 

H.  J.  V.  DE  Candole  :  Molière.  Les  Fourberies  de  Scapin,  with  gramma- 
tical and  explanatory  Notes.  London,  Hachette,   1874,  in-12,  72  p. 

Chefs-d'œuvre  des  classiques  français  avec  un  choix  des  meilleurs  com- 
mentaires   français  et   des    remarques,  par  0.    Fiebing   et   Leporiier 

Dresden,  Ehlermann  ;  —  N"  16.  V Étourdi  ou  les  Contre-Temps,  comédie  par 
Molière.  1868,  vi-130  p.;  —  X"  19.  Les  Fourberies  de  Scapin,  comédie  par 
Molière.  1873,64  p.; —  N°  20.  Les  Femmes  5arrtnk'5,  comédie  de  Molière 
1873,88  p.;  —  N»  11.  L'/l rare,  comédie  de  Molière.  2«  édition.   1870,   139  p. 

Collection  d'auteurs  français.  Sammlung  franzœsischer  Schriftsteller. . . 
Von  D''  G.  van  Muyden  undOberlehr,  Ludwig  Rudolph.  Altenburg,  Pierer, 
in-8.  —  {'•  série,  n°2.  Le  Misanthrope,  comédie  en  cinq  actes,  par  J.-B.  Po- 
quelin  de  Molière.  1867,  104  p.  — 3*  série,  n"  1,  2.  L'Avare,  comédie  en 
cinq  actes,  par  J.-B.  Poquelin  de  Mjlière,  1864,  148  p. 

Alexandre  Dupuis  :  Les  Précieuses  ridicules,  comédie  en  un  acte.  With  bio- 
graphical  memoir,  and  grammatical  and  explanatory  notes.  London,  Hachette, 
1876,  ia-12. 

Gombert's  French  Drama.  New  éditim.  London,  Bell,  in-18  :  Le  Tartuffe  ou 
l'Imposteur.  With  arguments  in  English  at  te  head  of  each  scène,  and  notes 
critical  and  explanatory .  Carefally  revised,  witli  a  tdilional  notes  by,  F.  E.  A. 
Gasc.  and  Rev.   W.  Holmes.  1875,  104  p. 

Gombert's  Le  Misanthrope,  With  arguments  in  English,  and  notes,  etc. 
Revised  by  F.  E.  A.  Gasc  and  Rev.  W.  Hjlmes.  1875,  90  p. —  Le  Bourgeois 
gentilhomme.  With  arguments,  etc.  1875,  106  p.  —  Le  Médecin  malgré  lui. 
With,  etc.  Revised  by  F.  E.  A.  Gasc.  1875,  56  p,—  L'École  des  femmes,  etc. 
1876,  98  p. —  L'École  des  Maris,  etc.  1876,  64  p. —  Le  Malade  imaginaire, etc. 
1876.  —  Les  Précieuses  ridicules,  etc.  1876.  —  Les  Femmes  savantes,  etc. 
187e.  —  Les  Fourberies  de  Scapin,  etc.  1876. 

Edward  S.  Joynes  :  Le  Misanthrope.  A  comedy,  edited  loith  explanatory  Notes 
forthe  use  ofstudents.  New  York,  Holt  et  Williams,  1872,  ia-12,    130  p. 

B.  Arnesen  Kall  :  Molieres  Lystspiloversatte.  Kjubenhavn,  HOst,  1870-1871, 
in-8. 

A.  Korell:  Le  Bourgeois  gentilhomme,  comédie  de  Molière.  Texte  revu  et 
accompagné  de  7xombreuses  remarques  en  français,  en  allemand  et  en  anglais. 
Leipzig,  Teubner,  1877,  in-8. 

V,  KouTouzoF  :  Molière. Les  Femmes  savantes,  comédie. Vedenie  i primietchanial 
Leipzig,  Haessel,  1872,  in-8,  iv-156  p. 

H.  Lallemand  :  Molière.  Le  Médecin  malgré  lui,  comédie.  With  grammatica 
and  explanatory  Notes.  London,  Hachette,  1874,  in-12,  60  p. 

Adolf  Laun  : 

M.  Lacroix,  n"  493,  a  mal  lu  l'abréviation  du  prénom  de  M.  Laun  :  il 
écrit  Eldf.  au  lieu  de  Adf.;  il  n'indique  pas  les  comptes  rendus 
publiés  dans  la  Revue  critique,  par  MM.  Ch.  Joret  et  H.  Schucbardt. 
Cette  édition    est  encore    en  cours  de  publication. 

Henri  van  Laun  :  Molieres  dramatic  Jf'orhs  rcndered  into  English.  With  a 
prefatory  memoir,  introductory  notices,  appendices  and  notes.  Edinburgh, 
Paterson,  Sirajikin,  in-8. 

En  cours  de  publication  depuis  1874, 


—  2(>4  — 

Le  Médecin  malgré  lui,  comédie  en  trois  actes,  réduite  â  l'usage  de  la  jeu- 
nesse. Como,  Franchi,  imprimeur,  1875,  in-I6,  48  p. 

C.  Th.  Lïon  :  Les  Femmes  savantes,  comédie,  mit  einer  Einleilung  und 
erkldrenden  Anmerkungen.  Leipzig,  Tenbner,  1871,  in-S,  iv-144  p.  Cfr. 
Lacruix,  n»  1623.  —  Le  Tartuffe,  etc.  1872,  iv-182  p. 

Le  Misanthrope,  etc.,  1877,  144  p. 

A.  Malmstrôm  :  Molieres  Lustsinel  i  svensk  cefversœttning  af  sigge  Sparre  med 
teckningar.  Christiaustad,  MôUer,  1870. 

Gustave  Masson  :  Molière.  L'Avare,  comédie.  With  grammatical  and  explana- 
tory  Notes.  London,  Hachette,  in-12,  vi-90  p. 

E.  Perkéaz  :  Les  Frècieuses  ridicules.  2^  édition  revue  avec  soin.  Schalïhouse, 
C.  Baader,  1873,  in-8,  xx-145  p.  Cfr.  Lacroix,  n»  81. 

Ant.  Roche:  Molière.  Les  Femmes  savantes.  With  grammatical  andexplana- 
tory  Notes.  Londjn,  Hachette,  1871,  ia-12,  iv-94  p. 

Chr.  Sick  :  Les  Précieuses  ridicules.  Komedie  i  een  Act  med  Anmaerkninger . 
Kjobenhavn,  Host  et  Son,  1874,  in-8,  68  p. 

Chr.  Sick  :  Le  Misanthrope.  Komedie,  par  Vers  i  fem  Acter,  med  Anmaerk- 
ninger. KjobeDhavn,  Huit  et  SoQ,  1875,  in-8,  108  p. 

Tacj  :  De  ingeheelde  zicke.  Blijspel  in  drie  bedrijven.  Vertaling  naar  het 
Fransch.  Zutphen,  Plantenga,  1872,  in-8,  75  p. 

Framcis  Tarver  :  Molière.  Le  Bourgeois  gentilhomme .  With  grammatical 
notes,  and  a  French  and  English  vocabulary.  Loiidon,  Hachette,  1871,  in-8, 
iv-108  p. 

Théâtre  français  publié  par  C.  Schûtz,  Biolefeld,  -Velhagen  et  Klassing, 
in-16.  —  xviu'=  série,  8'  Vivr.  L'École  des  maris,  corné  jie  en  trois  actes  et  en 
vers  par  Mdière    1874,  63  p. 

Charles  Héron  Wall  ;  Moliere's  dramatic  Works  translated  into  english 
prose,  loith  short  introductions  and  explanatory  noies.  London,  Bell  et  Sons, 
187(1-1877,  3  vol.  in-12. 

W.  J.  VAN  Zeggeiîn  :  Tartuuf{le  Tartuffe).  Blijspel  in  vijf  bedrijven .  Naar  het 
Fransch.  Haarlera,  Kruseinan  en  Tjeenk  Willink,  187o,  in-8,  vin-98  p. 

Nota.  Ce  supplément  est  composé  depuis  assez  longtemps  déjà,  et  nous 
n'avons  pu  y  faire  entrer  sur  épreuves  tous  les  ouvrages  dont  nous  avons  eu 
connaissance  ces  derniers  mois.  J.  Bauquier. 


III 

LA  LITTÉRATURE  FRANÇAISE  EN  ESPAGNE 

(1874-1878) 

H  est  inléresTant  de  se  rendre  compte  de  l'inlluence  que  notre  littérature 
exerce  dans  les  pays  étrangers.  Quels  sont  les  ouvi âges  français  qui  sont 
surtout  recherchés  au-delà  de  nos  frontières?  Ce  sont  évidemment  ceux  qui 
ont  l'honneur  d'être  traduits  en  langues  étrangères.  Nous  avons  étudié  cette 
question  pour  l'Lspagne,  au  moyen  du  Boletin  de  la  libreria  Obras  antiguas 
y  mod'>rnas,  qui  parait  d»^puis  cinq  ans  à  Madrid,  à  la  librairie  Murillo.  Cet'e 
Bibliographie  espagnole  est-elle  aussi  complète  que  notre  Journal  de  la 
librairie?  Nous  ne  le  pensons  pas.  Quoi  qu'il  en  soit,  elle  l'est  assez  pour 
nous  permettre  de  constater  le  goût  du  pays  relativement  à  notre  littérature. 

Le  lecteur  sera  frappé,  comme  nous  l'avons  été,  de  ce  fait  :  on  traduit  en 


-   263  — 

espagnol  surtout  les  romans  —  et  les  moins  bons  —  et  les  ouvrages  de 
médecine.  Cependant  nous  avons  remarqué  que,  dans  ces  derniers  mois, 
quelques  livres  religieux  ont  été  traduits  ;  ce  qui  semble  indiquer  un  réveil 
bien  désii'abJe  en  ce  sens.  Certes,  ce  n'est  pas  la  littérature  légèie,  —  et 
les  romans  de  Paul  et  Henri  de  Kock  en  particulier,  —  qui  peut  donner,  de 
l'autre  côté  des  Pyrénées,  une  idée  bien  juste  de  nos  productions  littéraires. 

Ajoutons  que  souvent  les  titres  des  ouvrages  français  sont,  dans  les  traduc- 
tions, modifiés  assez  sensiblement  pour  qu'il  soit  difficile  de  les  retrouver 
dans  la  bibliographie  de  tel  ou  tel  écrivain.  Cette  observation  s'applique 
principalement  aux  nouvelles  et  romans. 

About  (Edmond).  Ro7ne  contemporaine.   Trad.  par  Juan  Belza.  i87o,  in-8. 

AiMARD  (Gustave).  Carmela.  3^ partie  des  Trappeurs  de  l'Arkinsas.  Trad.  par 
J.  V.  y  Caravantes.  Édition  illustrée,  1874,  in-fol.  à  2  col.  —  Le  Destructeur 
blanc.  4*  partie.  IbiJ^  1874,  in-fol.  à  2  col.  —  Balle  franche.  Trad.  par  Juan 
Sala.  1875,  in-fol,  à  2  col.  —  L'Explorateur.  Trad.  pai'  M.  F.  Cuesta.  1875, 
in-fol.  à  2  col.  — Les  deux  rivaux.  Épisode  de  la  révolution  du  Mexique  en  1860. 
Trad.  par  Franc.  Nacente.  187o,  iu-fol.  à  2  col.  —  Les  Flibustiers.  Ibid,,  187o, 
in-fol.  à  2  col,  —  Les  Outlaios  du  Missouri.  Trad,  par  Juan  Sala,  1870, 
in-4  à  2  col.  —  Le  Fils  du  soleil.  Trad,  par  N.  F.  Cuesta.  1876,  in-i  à  2  col. 
—  Les  Côtes  de  Maracaibo.  Trad,  par  M.  T.  del  Real.  1876,  in-4  à  2  col. 

Archambault,  Leçons  sur  les  maladies  des  enfants,  trad,  de  l'anglais  de 
G.  West  et  annotées.  Trad.  par  J.  G,  Hidalgo.  1876,  2  Vul.  in-4. 

Assolant  (Alfred).  Aventures  du  capitaine  Corcoran.  Trad.  par  Fi-anc.  Na- 
cente.  1875,  in-fol.  à  2  col. 

At  (le  R,  P.),  Le  Vrai  et  le  faux  enmaticre  d'autorité  et  de  libcrté.lvàd.  par  J, 
S,  y  G.,  modifié  et  annoté  par  le  censeur  ecclésiastique D,  Salvador  Casanas. 
1878,  2  vol.  in-8. 

A UBER  (Edouard).  Physiologie  de  la  médecine.  Trad.  par  Gaudencio  Ares. 
1877,  in-8, 

Balzac  (Honoré).  Le  Contrat  de  mariage  et  la  Bourse.  Trad.  par  Victoriano 
Victoria.  1875,  in-8,  —  Une  fille  d'Eve.  187o,  in-8.  —  La  Peau  de  chagrin. 
Trad.  par  Ramon  Ortega  y  Frias.  1876,  in-8,  —  Le  Centenaire.  Trad.  par 
E.  Roger  Bofarull.  1876,  2  vol.  in-8.  —  La  Femme  de  trente  ans.  Trad.  par 
AngelRomeral.  1876,  in-8. — Le  Lysdan.t  la  vallée.  Tvâà.  parEstebanHernandez 
y  Fernandez,  1876,  2  vol.  in-8.  —  Contes  fantastiques.  1877,  in-8.  — Le 
Cœur  d'un  père.  Trad,  par  Ramon  Ortega  y  Frias.  1877,  in-8.  —  Les 
Bivalités.  Le  Célibataire.  Trad.  par  Angel  Romeral.' 1877,  in-8,  —  La  Femme 
abandonnée.  Le  Bal  de  Sceaux.  La  Bourse.  Trad.  par  Angel  Romeral.  1877, 
in-8.  —  Honorine.  Maître  Cornélius.  Trad.  par  Juan  Gimeno.  1877,  in-8,  — 
Écueils  de  la  vie.  Trad.  par  Angel  Romeral,  1877,  in-8, 

Barni  (J.).  Critique  du  jugement,  par  Kant,  avec  une  introducti ^n,  Trad. 
par  Alejo  Garcia  Moreno  et  Juan  Ruvira,  187o,  2  vol.  in-8. 

Baudrillart  (Henri),  Manuel  d' économie  politique  Trad.  parB.  Estasen  y  C. 
1877, in-8. 

Beal'graxd  (E.).  La  Médecine  et  la  pharmacie  domestiques.  1877,  in-8. 

Beaunis  (H.)  et  Bouchard  (A.).  Manuel  d'anatomie  et  de  dissection.  Trad. 
par  Gerardo  F,  Jeremias  y  Devesa.  1877,  in-8. 

Belhomue  (L.)  et  Martin  (Aimé).  Traité  pratique  et  élémentaire  de  patholo- 
gie siphilitique.  Trad.  par  Enrique  Simancas  y  Larsé.  2*  édit.,  187.T,  in-4. 

Belot  (Adolphe)  et  Daudet  (Ernest).  La  Vénus  de  Gordes.  Trad.  par  A  de 
Oteiza  v  Barinaga,  187'i-,  in-4. 


—  266  — 

Brlot  (Adolphe).  La  Femme  de  feu.  Trâd.  par  José  Bustillo.  1874,  in-8,  — 
Trad.  libre,  par  Amancio  Perantoner,  1876,  in-8. 

BiART  (Lucien).  La  Terre  chaude.  Scènes  de  mœurs  mexicaines.  1876,  in-8. 

BiLLAUDEL  (Ernest).  Les  Scrupules  de  Christine.  Trad.  par  José  Maria  Almato. 
1877,  in-8. 

Blanc  (Charles).   Grammaire  des  arts.  Trad.  par  Justo  Zapaler  y  Jareiïo, 

1876,  in-4. 

Blot  (le  P.).  Au  ciel  on  se  reconnaît.  Trad.  par  Trinidad.  1877,  in-8. 
Bouchot  (E.).  Traité  dei   maladies  nerveuses.  Trad.   par  Augustin  Talens. 

1877,  in-4. 

BouGAUD  (l'abbé).  Histoire  de  sainte  Monique.  Trad.  par  ***  et  revue  par 
l'abbé  G.  V.  1878,  in-8. 

BoDRGEois  (X.).  Les  Passions  au  point  de  vue  de  la  santé  et  des  maladies. 
Trad.  par  J.  Saenz  y  Criado.  3«  édit.  1878,  in-8. 

Butler  (Joséphine).  Morale  publique.  Une  voix  dans  le   désert.   1877,  in-4. 

Capefigue  (M.).  Les  Déesses  de  la  liberté.  Les  Femmes  de  la  Convention  et 
du  Directoire.  Trad.  par  Fduardo  Blasco.  1876,  in-8. 

Caro  (E,).  Le  Pessimisme  au  dix-neuvième  siècle.  —  Un  précurseur  de  Scho- 
penhaiier,  Leopardi.  Trad.  par  Armando  Palacio  Valdès.  1878,  in-8. 

Caussette  (le  R.  P.).  Le  bon  se7is  de  la  foi.  Trad.  parCayetano  Vidal  y  de 
Valenciano.  Avec  prologue  de  l'abbé  Buenaventura  Privas  y  Quintana.  1878, 
in-é. 

Chevalier  (Emile).  Drames  du  nouveau  monde.  Le  Dompteur  de  buffles.  Trad. 
et  arrangé  par  Telesforo  Corada.  1877,  in-8.  —  Peaux  rouges  et  peaux 
6/anc/ies,  par  le  même.  1878,  in-8. 

Conscience  (Henri),  Belge.  Le  Chemin  de  la  fortune.  Trad.  par  J.  A.  P.,  1874, 
in  8.  —  Le  Co7iscrit.  187o,  in-8.  —  Le  Martyre  d'une  mère.  Trad.  par  E.  H. 
y  F.  1876,  in-8.  —  Les  deux  ouvriers.  Trad.  par  Angel  Romeral.  1877, 
in-8.  —  La  Tombe  de  fer.  Trad.  par  Aguilar  y  Lara.  1877,  in-8. 

CoppÉE  (François).  L'Amour  qui  passe.  Idylle  en  deux  scènes.  Trad.  en  vers, 
par  Fr.  Luis  de  Retes  et  Franc.  Perez  Echevarria.  1873,  in-4. 

CoRLiEu  (A.).  Mémorandum  de  médecine.  Trad.  par  José  Saenz  y  Criado. 
1876,  in-4. 

CoRMENiN.  Livre  des  orateurs,  par  Timon.  Trad.  par  S.  Saenz  de  Romero. 
1876,  2  vol.  in-8. 

Craven  (M").  Fleurange.  Trad.  par  Telesforo  Corada.  1875,  in-fol.  à 
2  colonnes. 

DEBA.Y  (A.).  Les  Mystères  du  sommeil  et  du  magnétisme.  Trad.  sur  la  7e  édit., 
par  Manuel  Aranda  y  Sanjuan.  1874,  in-8.  —  Hygiène,  physiologie  et  philoso- 
phie du  mariage.  Trad.  par  A.  Blanco.  Nouv.  édit.  1874,  in-8.  —  Histoire 
naturelle  dé  l'homme  et  de  la  femme.  1874,  in-8;  —  2^  édit.,  1877,  in-8.  —  La 
Vénus  féconde  et  calHpédique.  Trad.  par  R.B.  Moraton.  1875,  in-8.  — Hygiène 
et  perfectionnement  de  la  beauté  humaine.  Trad.  par  Manuel  Aranda  y  San 
Juaa.  187o,  in-8. —  Description  physiologique  des  trente  beautés  de  la  femme. 
Trad.  par  Marino  Blanch.  1873,  in-4. 

Depping  (Guill.).  La  Force  et  l'adresse  de  l'homme,  d'après  les  œuvres  de 
Depping.  Trad.  par  G.  R.  y  M.  1877,  in-8. 

Descartes.  Œuvres  philosophiques.  Trad.  par  Manuel  de  la  Revilla.  1878. 
2  vol.  in-4. 

Descuret  (F.-B.).  LaMédecine  des  passions.  Tral.  par  Pedro  Felipe  Monlau. 
4e  édit.,  1874,  in-8. 


—  267  — 

Deslys  (Charles).  La  Vendeuse  de  plaisirs.  Trad,  par  Eusehio  A.  Escobar. 
1877,  in-8. 

DoMET  DE  VoRGES  (A.).  Le  RoyauTtie  humain.  Trad.  par  R.  de  M.  1878,  in-8. 

DozY  (R.).  Histoire  des  musulmans  d'Espagne.  Trad.  et  annoté  par  F.  de 
Castro.  1877,  3  vol.  in-8;  —  2^  édit.,  1878. 

DuBARRY  (Armand).  La  Belle-Sœur  d'un  pape.  ViedeDona  Olympia.  Trad. 
par  J.  Orlega  y  Garcia.  1878,  in-8. 

Du  Bois  (J.).  La  Comtesse  de  Monte  Cristo.  Trad.  par  José  de  Palma  y  Rico. 
2e  édit.,  1875,  2  vol.  in-8. 

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CHRONIQUE 

Nécrologie,  —  M.  Augustin-Charles  Renouard,  sénateur  et  membre  de  ITns- 
titut,  né  à  Paris  le  22  octobre  1794,  est  n  ort  dans  son  château  de  Stors,  près 
de  Paris,  le  17  août.  Fils  d'un  libraire,  il  entra  à  l'École  normale  en  1817,  fut 
répétiteur  de  la  conférence  de  philosophie,  puis  aborda  le  barreau,  et  eut  une 
Carrière  brillante  dans  l'administration,  la  magisti'ature  et  la  politique.  11  fut 
conseiller  d'État  en  1830,  secrétaire  général  du  ministère  de  la  justice,  député, 
conseiller  à  la  Cour  de  cassation,  pair  de  France,  et,  malgré  son  grand  âge,  il 
accepta,  en  1871,  les  fonctions  de  pi  ocureur  général  près  la  Cour  de  cassation, 
et  en  1877,  le  mandat  de  sénateur  inamovible.  Il  était  depuis  1861  membre  de 
l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  où  il  remplaça  Laferrière,  et  l'un 
des  présidents  de  la  Société  d'économie  politique.  Il  laisse  un  grand  nombre 
d'ouvrages  :  Sur  le  style  des  prophètes  hébreux  et  De  idoititate personali  (I8[i); 

—  Projet  de  quelques  améliorations  dans  V éducation  publique  (1815,  in  8)  ;  — 
Éléments  de  la  morale{\8\S)  ;  —  Considérations  sur  les  lacunes  de  l'éducatioii 
secondaire  en  France  (1824,  in-8);  —  Mélanges  de  morale,  d'économie  et  de 
politique,  extraits  des  ouvrages  de  B.  Franklin  (1824,  2  vol.  in-8);  —  Traité 
des  brevets  d'invention  (1825);  —  Examen  du  projet  de  loi  contre  la  presse  ; 
Aide-toi  le  ciel  V aidera;  Il  faut  semer  pour  recueillir  (1827,  brochures  in-8);  — 
V  Éducation  doit-elle  être  libre?  (1828);  —  Mémoire  sur  la  statistique  de  la  jus- 
tice civile  en  France  (1834)  ;  —  Traité  des  droits  des  auteurs  dans  la  littérature , 
les  sciences  et  les  beaux-arts  (1838-1839,  2  vol.  in  8;  ;  —  Traité  des  faillites  et 
banqueroutes  (1842,  2  vol.  in-8,  3^  édit.,  1857,  2  vol.  in-8);  —  Du  droit  in- 
dustriel dans  ses  rapports  avec  les  principes  du  droit  civil  sur  les  personnes  cl 
sur  les  choses  (1860,  in-8);  —  Tableaux  de  la  composition  personnelle  delà  Cour 
de  cassation  depuis  son  origine  jusqu'à  la  Constitution  de  Van  Vlll  (1861,  in-8). 

—  M.  Renouard  a  écrit,  en  outre,  beaucoup  de  lettres,  notices  eirapports  sur 
des  questions  politiques  et  littéraires,  et  a  collaboré  au  Dictionnaire  d'éco- 
nomie politique  (1819-1859),  à  la  Thémis,  à  la  Revue  encyclopédique,  au  Globe, 
à  la  Revue  de  Législation,  au  Journal  des  économistes,  où  il  a  donné  sur  le 
travail  du  dimanche  un  article  qui  ne  faisait  pas  pressentir  le  sénateur  de  la 
gauche . 

—  M.  Joseph  Naudet  est  mori;  à  Paris  le  16  août;  il  y  était  né  le  8  dé- 
cembre 1786.  H  remporta  deux  prix  d'honneur  au  Lycée  Napoléon,  où  il  fit 
ses  études  et  où  il  occupa  ensuite  des  chaires  de  professeur.  En  1816,  il 
était  maître  de  conférences  à  l'École  normale,  et  en  1817  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  lui  ouvrit  ses  portes  pour  remplacer  M.  Garran 
de  Coulon.  A  partir  de  cette  époque,  il  suppléa  M.  de  Pastoret  au  Collège  de 
France,  comme  professeur  de  droit  naturel,  et,  en  1821,  il  occupa  la  chaire 


de  poésie  latine  après  M.  Tissot.  En  1822,  il  entra  à  l 'Académie  d-s 
fciences  niora'es  et  politiques,  lors  de  sa  reconstitution,  et,  de  1850  à  1862, 
il  fut  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  de?  inscriptions  et  b-lles-lettres.  Il 
était  président  de  la  commission  des  travaux  littéraires,  et  il  a  fait  encore 
cette  année  une  leclure  sur  l'administration  romaine.  Il  a  été  inspecteur 
général  des  études  de  1830  à  1840,  et  de  I8i0  à  18i8  directeur  de  la  Biblio- 
thèque royale.  En  faisant  son  éloge  funèbre,  M.  Vacherot  l'a  ainsi  apprécié  : 
«  Joseph  Naudet  fut  un  brillant  élève,  un  professeur  élégant,  aussi  goûté 
qu'aimé  de  la  jeunesse, dont  il  fut  plutôt  l'ami  que  le  maître, un  érudit  plein 
de  finesse,  de  goût  et  d'esprit.  Il  ne  le  céda  à  personne  pour  l'érudiiion  et 
le  goût  ;  il  n'eut  de  supérieur,  en  esprit  et  en  talent,  que  les  écrivains  qui 
ont  illustré  ce  siècle  ;  mais  on  peut  dire  que  nul  n'a  réuni  dans  une  aussi 
parfaite  proportion  tout  ce  que  d'autres  ont  pu  posséder  dans  une  plus 
éclatante  mesure.  Histoire  ancienne  et  moderne,  littérature,  rUélorique, 
politique,  législation,  administration  dans  toutes  ses  part  es,  le  droit  civil, 
la  police,  l'armée,  les  finances,  etc.,  il  a  touché  à  tout,  en  laissant  sur  tout 
objet  de  son  étude  la  marque  d'une  érudition  choisie,  d'une  critique 
judicieuse,  d'un  goût  exquis.  » 

M.  Naudet  était  auteur  des  ouvrag's  suivants:  Histoire  de  la  guerre  des 
esclaves  en  Sicile  sous  les  Romains,  traduit  de  Scrofoni  (1807,  in-8)  ;  —  His- 
toire de  Vélablisseinent,  des  progix's  et  de  la  décade)ice  de  la  monarchie  des  Goths 
en  Italie  (1811,  in-8),  couronné  par  l'Institut  ;  —  Essai  de  rhétorique  (1813)  ; 
—  Conjuration  d'Etienne  Marcel  contre  l'autorité  royale  (1815,  in-8);  —  His- 
toire des  changements  opérés  dans  toutes  les  parties  de  V administration  de  l'Em- 
pire RomaiJi  depuis  D  iodé  lien  jusqu'à  Julien  (1817,  2  vol.  in  8\  courimnépar 
l'Institut;  —  Dans  la  bibliothèque  Lemaire,  traduction  de  Tacite  (1821),  de 
Catulle  (1825)  ;  —  Dans  la  Bibliothèque  Panckoucke,  traduction  des  Odes  d'Ho- 
race (\S3i-\S38,  2  vol.  in-8)  et  de  Plaute  (1836)  ;  —  Rapport  sur  la  situation 
du  catalogue  des  imprimés  (1847);  —  Lettre  à  M.  Libri  (1849);  —  De  l'adminis- 
tration des  postes  chez  les  Romains  (1863,  in-4)  ;  —  De  la  noblesse  et  des  récom- 
penses d'honneur  chez  les  Romains  (1863,  in-8);  —  Tableau  historique  de 
l'Académie  des  inscriptions  cl  bclles-lellres  (1863,  in-4);  —  Notices  sur  le  baron 
Walckenaèf- (iS^'i)  ;  sur  Burnouf.  père  et  lils  (1854);  sur  Pardessus  (185  5)  ;  sur 
Guérard  (1857);  sur  Boissonade  (1858).  —  Nous  citerons  encore  ses  travaux 
sur  VÉtat  des  personnes  en  France  sous  les  rois  de  la  première  race,  sur  les 
Secours  publics  chez  les  Romains,  sur  VInstruction  publique  chez  les  anciens, 
sur  la  Police  chez  les  Romains,  et  d'autres  encore  qui  ont  paru  dans  les 
recueils  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  et  de  l'Académie  des 
sciences  morales  et  politiques,  ainsi  que  dans  le  Journal  des  savants,  la 
Revue  encyclopédique,  etc.  — M.  Naudet  adonné,  en  outre,  des  articles  à  la  Bio- 
graphie universelle  de  Michaud  et  à  l'Encyclopédie  des  gens  du  monde. 

—  M.  l'abbé  Robert-Auguste  Latouche,  né  à  Avranches  le  12  avril  1783,  est 
mort  à  Paris,  le  8  août,  dans  sa  quatre-vingt-seizième  année.  Ordonné  prêtre  en 
1808,  il  professa  la  rhétorique  au  collège  d'Avranches  et  prit  une  part  active 
aux  missions  données  sous  la  Restauration  dans  les  diocèses  de  Coutances  et 
d'Avranches.  Son  zèle,  auquel  se  joignait  un  talent  remarquable,  obtint  de 
très-grands  succès.  11  devint  ensuite  aumônier  du  collège  royal  de  Strasboug, 
puis  principal  du  collège  de  Colmar.  Il  y  resta  peu  de  temps,  et  quitta  l'Uni- 
versité pour  se  consacrer  à  la  prédication  et  à  l'étude  de  l'hébreu.  On  lui 
doit  :  Psaumes  de  David,  traduction  tîdèle  d'après  le  texte  hébreu  (Liège, 
1849,  in-12,  et  Rennes,  1845,  in-12}  ;  —  Philosophie  des  langues  et  introduc- 
tion par  l'hébreu  à    la  connaissance  élémentaire  des  racines  et  des  formes  de 


—  273  — 

touks  h's  langues  (Rennes,  186o,  gr.  in-8)  ;  —  Biclionnairc  licbreu  raisonné, 
initiant  à  la  contiaissancc  de  toutes  les  langues  (Rennes,  1843,  in-8); —  Chres- 
tomathic  hébraïque  raisonnéc  et  comparée,  renfermant  la  Création,  le  Meurtre 
d'Abel,  le  Déluge,  la  Tour  de  Babel,  avec  dts  réflexions  scientifiques  pour  la 
just  fication  des  livres  sacrés  (Paris,  1840,  in-8)  ;  —  Controverse  a)nicale  erdrc 
un  ministre  prolestant  et  un  ministre  catholique  sur  le  culte  de  Marie  (1849, 
ia-18); —  Dictionnaire  idéo-étymologique  hébreu  et  dictionnaire  grec-hébreu 
(1855,  in-8);  —  Bacines  grecques,  ramenées  aux  langues  orientales  et  occiden- 
tales, raisonnées  et  rcduilcs  à  un  petit  nombre,  apprises  facilement  et  retenues 
pourtouJoii,rs{[8'6(J,  in-12)  ;  —  Conciliation  de  la  cosmogonie  mosaïque  avec  les 
données  des  sciences  naturelles  (1838,  in-i2). 

—  M.  Jean-Pierre  Charpentier,  né  à  Saint-Priest  (Eure-et-Loir),  le  20  juin 
1797,  est  mort  à  Chantilly  en  août  1878.  Ancien  élève  du  Lj'cée  Louis-le- 
(irnn  1,  il  y  professa  la  rliéiorique.  Aprè;s  avoir  obtenu  le  titre  d'agrégé  de  la 
Faculté  de  Paris,  il  suppléa  Ch.-J.-V.  Leclerc  à  la  Soibonne,  dans  la  chaire 
d'éloquence  latine  (1833-1844).  En  1843,  il  fut  nommé  inspecteur  de  l'aca- 
démie de  Paris  ;  il  a  rempli  cei  fonctions  pendant  dix  ans.  Voici  ses  princi- 
paux ouvrages  :  A  laquelle  des  deux  littératures,  greccjuc  ou  latine,  la  litlératurc 
française  est-elle  le  plus  redevable  (1 828,  in-8),  mémoire  couronné  par  l'institut  ; 
—  Éludes  morales  et  historiques  sur  la  liltvraturc  romaine  {\S2d,  in-8); — Essai 
sur  r histoire  littéraire  du  moyen  âge  (1833,  in-S)  ;  —  Tableau  historique  de  la 
littérature  française  aux  quinzième  et  seizième  siècles  (I83J,  in-8;  ;  —  Cahiers 
d'histoire  littéraire  ancienne  et  moderne  (1836-1838)  ;  —  Abrégé  de  lliistoirc  de 
la  littérature  grecque  (1837,  in- 12)  ;  —  Histoire  de  la  renaissance  des  lettres  en 
Eurupe  au  quinzième  siècle  (1843,  2  vol.  ia-8)  ;  —  Tertullien  et  Ajmlée  (1830, 
in  8);  —  Études  sur  les  Pères  de  l'Église,  2  vol.  in-8,  tome  I,  Église  latine; 
tome  H,  Église  grecque  (f8o3);  —  Les  Ecrivains  latins  de  l'Empire  (1838, 
in-12);  —  La  Littérature  française  au  quatorzième  siècle  (1875,  iu-12). 

—  M.  Dallet,  prêtre  des  Missions  étrangères,  est  mort  récemment  au 
Tong-King.  11  é'.ait  né  à  Langres,  en  1829,  et  après  avoir  fait  ses  études 
au  petit  séminaire  de  cette  ville,  il  était  rentré  au  séminaire  des  Missions 
étrangères  où  il  reçut  les  ordres  sacrés  en  même  temps  que  deux  de 
ses  amis,   le  P.   Théophane   Vénard  et  Mgr    Theuzel,   évoque    d'Acanthe. 

Désigné  po  ir  le  Tong-King,  le  P.  Dallet,  qui  avait  appris  la  profession  de 
compositeur  d'imprimerie  dans  la  maison  Didot,  fonda  à  Bangalore  une 
imprimerie  puur  la  mission  catholique  de  cette  contrée,  et  publia  A  contro- 
versist  catechism  or  short  answcrs  to  the  objections  of  protestants  against  the 
true  religion,  dont  il  donna,  en  186-i,  une  nouvelle  édition  considérablement 
augmentée,  et  dont  a  on  imprimé  une  é  lition  française.  Il  a  publié  éga- 
lement :  1"  Vie  et  correspondance  de  Théophane  Vénard,  prêtre  de  la  société 
des  missions  étrangères,  décapité  pour  la  foi  au  Tong-King,  le  2  février 
1861,  avec  portrait  et  fac-similé  de  son  écriture  (Poitiers,  1863,  in- 18);  — 
2»  Histoire  de  l'église  de  Corée,  précédée  d'une  introduction  sur  l'histoire,  les 
institutions,  la  langue,  les  mœurs  et  coutumes  coréennes,  avec  cartes  et 
planches  (1868,  2  vol.  in-8];  —  3°  Cantique  pour  l'anniversaire  des  martyrs 
{Missions  étrangères),  musique  de  Ch.  Gounod.  11  a  fait  en  o  tre  graver,  en 
1863,  par  M.  Bertrand  Lœuillet,  des  caractères  télégous  et  canaras,  des 
caractères  lamouls  qui  se  trouvent  à  l'imprimerie  nationale.  M.  Dallet 
emporta  aux  Indes  une  police  de  ces  deux  types,  et  fit  imprimer  un  dic- 
tionnaire tamoul  et  un   dictionnaire   canara.   C'est  également   M.   Dallet 

Septembre  1878.  T.  XXIII,  18. 


—  274  — 

qui  a  édité  Les  sauvages  Ba-Hnars  (Cochinchinc  orientale)  souvenirs  d'un 
missionnaire,  par  M.  l'abbé  0.  Dourisboure  (Paris,  1873,  in-12). 

Rentré  en  France,  en  raison  de  son  état  de  santé,  il  adressa, le  ."^O  décem- 
bre 1876,  une  lettre  circulaire  à  Mcsseigneurs  les  vicaires  apostoliques  et 
MM,  les  missionnaires  de  la  Société  des  missions  étrangères  (48  p.,  gr.  in-8). 
Il  se  proposait  d'écrire  l'histoire  des  missions,  et  avait,  en  conséquence, 
dressé  un  questionnaire  concernant  les  missions  et  missionnaires  :  1°  géo- 
graphie, ethnographie,  histoire,  état  actuel  de  la  mission,  constitutions,  scliis- 
matiques  et  hérétiques;  2o  les  croyances,  le  culte,  les  pratijues,  l'organisa- 
tion, les  juifs  et  mahométans;  ?,oy  état  social  :  cooslitution,  classes  du  peuple, 
propriété,  famille,  mœurs  et  coutumes,  arts  et  métiers,  beaux-arts,  belles- 
lettres,  sciences,  commerce,  voies  de  communication  ;  4o  enfin  les  Institu- 
tions: gouvernement,  administration,  justice,  finances,  armée.  Un  appendice 
concerne  les  légendes.  On  doit  aussi  à  M.  Dallet  la  traduction  de  l'anglais, 
commencée  par  M.  l'abbé  Godard,  et  achevée  par  lui,  de  l'ouvrage  du  Père 
Dalgairns  sur  la  Communion  (Paris,  Bray).  —  J.  Cabnandet. 

On  annonc'i  encore  la  mort  de  M.  Jean-Mirie  Gctiehrez,  professeur  et 
reclenr  de  l'iniversité  de  la  Républiq  le  Argentine,  auteur  de  travaux  sur  les 
origincii  de  l'art  de  l'imprimerie  dans  l'Amérique  espagno'e,  de  poèmes  de 
biographies  des  hommes  île  son  pays  ;  —  de  M.  Hart,  membre  de  l'Univer- 
sité de  Rio  Janeiro,  auteur  de  travaux  géologiques  et  de  mémoires  sur  les 
langues  et  les  races  de  l'Amérique  du  Sud;  — de  sir  Thomas  Diffus-Hardy, 
f^arde  adjoint  des  archives,  à  Londres;  —  de  M.  O'Quin,  ancien  député, tréso- 
rier-payeur général  des  Hautes-Pyrénées,  ancien  rédacteur  du  Mémorial  des 
Pyrénées  ;  —  de  M.  IMartin-Dal'ssigny,  directeur  des  musées  de  Lyon;  —  de 
M. Decoive-DenUiNCQUEs,  journaliste,  ancien  préfet,  mort  à  Compiègne,  âgé  de 
soixante-huit  ans,  le  5  mai  ;  —  de  M.  Hermann,  de  Strasbourg,  correspondant 
de  l'Académie  dans  la  section  de  médecine,  ancien  doyen  de  la  faculté  de 
Strasbourg;  —  de  M.  Groi-hel,  directeur  du  Journal  du  Morbihan,  mort  le 
1"  août;  —  de  M.  Octave  Gastineau,  ancien  rédacteur  au   Corps  législatif; 

de  M.  Maxime  DE  Ferry,  mort  àPari^,le  14  juillet, collaborateur  àelaGazette 

de  Nîmes,  dont  il  a  été  le  co  resp  mdant  à  Rome  ;  —  de  M.  Ch.  Rokitanski, 
professeur  d'anatomie  pathologique  à  l'Université  de  Vienne;  —  de  M.  Bar- 
thélémy PocQUET,  rédacteur  du  Journal  de  Rennes  ;  —  de  M.  Raoul-Hen"ri  Le- 
lièvre,  rédacteur  de  l'Estafette,  mort  à  Bagnères-de-Luchon,  à  dix-neuf  ans  ; 

de  M.  V.  de  Saint-Albin,  mort  à  Paris,  le  29  aoùf,  à   soixante-douze   ans, 

ancien  diiecteur  du  Journal  des  Earas,  de  la  Patrie,  e<.  proiiriétaire  du  Sport. 

Institct.. —  Académie  française.  —  L'Académie  française  vient  d'être  au- 
toris  e  à  accepter  le  legs  de  40,000  francs  laissé  par  M.  Lelevain,  pour  être 
employé  à  la  fondation  d'un  prix  annuel  de  sagesse,  de  vertu  et  de  probité. 

Académie  des  inscriptioyis  et  belles-lettres.  —  L'Académie  des  inscriptions  et 
belles-lettres,  dans  sa  séance  du  12  juillet,  a  décerné  le  premier  prix  Gobert 
à  notre  collaborateur,  M.  Auguste  Longuon,  pour  sa  Géographie  de  la  Gaule 
au  onzième  siècle  :  \e  second  à  M.  Giry,  pour  son  Histoire  municipale  de 
Saint-Omer . 

Le  pi'ix  annuel  de  numismatique,  destiné  au  meilleur  ouvrage  de  numis- 
matique ancienne,  a  été  décerné  à  M.  Gustave  Schlumberger. 

Dans  sa  séance  du  26  juillet,  l'Académie  a  rendu  son  jugement  dans  le 
concours  relalif  à  V Histoire  du  Sénat  romain.  Elle  a  décidé  qu'il  n'y  avait 
pas  lieu  de  décerner  le  prix,  mais  seulement  un  encouragement  de  1,500  fr. 
à  M.  Mispoulet. 


—  275  — 

La  commission  chargée  de  juger  les  ouvrages  adressés  au  concours  des 
antiquités  nationales  a  réparti  a  nsi  les  récompenses  : 

Quatre  médailles  ont  été  décernées:  1°  à  M.  Fagniez,  pour  ees  Études  sur 
l'industrie  et  la  classe  industrielle  à  Paris  aux  treizième  et  quatorzième 
siècles;  2°  à  M.  Corroyer,  pour  sa  Description  de  l'ahbaye  du  mont  Saint- 
Michel;  3*  à  M.  Julien  Havet,  pour  son  ouvrage  sur  les  Cours  royales  des  îles 
normandes  (1200-1677),  et  ses  recherches  relatives  à  la  Série  chronologique  des 
gardiens  et  seigneurs  des  îles  normandes  (1198-1661)  ;  4°  à  M.  l'abbé  Hanauer, 
pour  ses  Études  économiques  sur  l'Alsace  ancienne  et  moderne.  —  Six  men- 
tions honorables  ont  été,  en  outre,  accordées  à  :  M.  Marins  Sepet  pour  les 
Prophètes  du  Christ  et  le  Drame  chrétien  au  moyen  âge;  à  M.  Aurès,  pour  sa 
Monographie  des  bornes  militaires  du  département  du  Gard;  à  M.  Le  Alen, 
pour  sa  Monographie  de  la  cathédrale  de  Quimper;  à  M.  l'abbé  Dacheux, 
pour  Un  ir formateur  catholique  à  la  fin  du  quinzième  siècle,  Geiler  de  Kaysers- 
berg  ;  à  M.  Guibert,  pour  son  Histoire  de  la  destruction  de  Vordrc  de  Grand- 
mont  ;   à  M.  Luchaire,  pour  les  Origines  linguistiques  de  l'Aquitaine. 

Académie  des  sciences.  —  Dans  sa  séance  du  29  jui  let,  l'Académie  a  élu 
M.  Azah  Gray,  correspondant,  pour  remplir  la  place  vacante  dans  la  section 
de  botanique,  par  suite  du  décès  de  M.  Braun,  de  Berlin,  par  32  voix,  contre 
5  à  M.  Ch.  Darwin,  2  à  M.  Henri,  et  1  à  M.  Gœppert. 

Dans  sa  séance  du  3  août,  l'Académie  a  élu  M.  Darwin  coi'respondant  pour 
remplir  la  place  vacante  dans  la  section  de  botanique,  par  suite  du  décès  de 
M.  Weddal,  de  Poitiers,  par  26  voix,  contre  4  à  M.  de  Bari,2  à  M.  Nœgeli,  1  à 
M.  Herr,  1  à  M.  Gœppert,  et  o  bulletins  blancs. 

L'Académie  vient  d'être  autorisée  à  accepter  le  legs  de  20,000  fr.  que  lui 
a  fait  le  dernier  des  commandeurs,  Da  Gama  Machado. 

Académie  des  beaux- arts.  —  L'Académie  des  beaux-arts,  dans  sa  séance 
du  20  juillet,  a  nommé  correspondant  M.  Schohonder,  architecte  du  roi  à 
Stockholm, 

Dans  sa  séance  du  27,  l'Académie  des  beaux-arts  a  élu  correspondant  libre 
sir  Richard  Wallace. 

Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  L'Académie  des  sciences  mo- 
ralesetpolitiques,  dans  sa  séance  du  27  juillet,  a  rendu  son  jugement  dans  le 
concours  Morogue,  relalif  au  paupérisme. 

—  L'Académie  des  sciences  morales  et  politiques  vient  d'être  autorisée  à 
accepter  le  legs  de  M.  Wolowski,  pour  la  fondation  d'un  prix  triennal  de 
3,000  fr.,  qui  prendra  le  nom  de  prix  Wolowski. 

Collège  de  Fkaxce.  —  Par  décret  du  3  août,  M.  Charles-Edmond  Browu- 
Sequard  a  été  nommé  pi'ofesseur  titulaire  de  la  chaire  de  médecine  au  Col- 
lège de  France,  en  remplacement  de  AJ.  Claude  Bernard,  décédé. 

Facl'lté  des  lettres.  —  M.  Raoul  Baret,  licencié  de  la  faculté  des  lettres 
de  Paris,  a  soutenu  ses  thèses  pour  le  doctorat  es  lettres.  Les  sujets 
étaient  :  De  jure  apud  Terentium.  —  Essai  historique  sur  la  prononciation 
du  grec. 

M.  L.  Massebieau,  maitre  de  conférences  à  la  faculté  de  théolosie 
protestante  de  Paris,  a  soutenu  le  17  juin  ses  thèses  pour  le  doctorat  es 
lettres  devant  la  faculté  des  lettres  de  Paris.  Les  sujets  étaient  ;  De  Ravisii 
Textoris  comœdiis  seu  de  comœdiis  collegiorum  in  Gallia,  prœsertim  ineunte 
sexto  decimo  seculo. —  Les  Collociues  scolaires  du  seizième  siècle  et  leurs  ardeurs. 
(1470-1570). 

Bureau  des  Lo.ngitcdes.— M.  d'Abbadie,  membre  de  l'Institut,  a  été  nommé, 


—  276  — 

par  décret  du  fl  ao\it,  membre  titulaire  du   Bureau  des  longitudes,  dans  la 
section  de  Géographie. 

M.  Arinind-Hippolyte-Louis  Fizeau,  membre  de  l'InsUtut,  a  clé  nommé, 
])ardéc;etdu  31  août,  membre  titulaire  du  Bureau  des  longitudes,  dans  la 
section  d'Astronomie,  en  remplacement  de  M.  Le  Verrier,  décédé. 

ÉcoLK  DE  Dnorr  —  Le  '2  août,  a  eu  lieu,  à  l'Egale  de  droit  de  Paris,  sous  la 
présidence  de  M.  de  Valroger,  la  distribution  des  prix  pour  le  concours 
établi  entre  les  docteurs  et  entre  les  licenciés.  Le  sujet,  pour  les  docteurs, 
était  de  rechercher  les  actes  de  l'administration  qui  peuvent  être  attaqués 
par  la  voie  contentieuse.  Les  lauréats  ont  été  M.  Paul-Louis  Lucas,  de 
Reims  (médaille  d'or"»,  et  M.  Georges  Jules-Antoine  Piganiol,  de  Figeac 
(mention  honorable). 

Concours.  —  La  Société  des  sciences,  des  arts  et  des  lettres  de  Hainaut 
jiict  au  concours  les  questions  suivantes  : 

Biogra[ihie  d'un  homme  remarquable  par  ses  talents  ou  par  les  services 
qu'il  a  rendus  et  appartenant  au  Hainaut.  —  Établir,  au  moyen  de  preuves, 
la  chronologie  des  comtes  de  Hainaut.  —  Écrire  l'histoire  d'une  des  an- 
ciennes villes  du  Hainaut,  excepté  Soignies,  Péruwelz,  Saint-Ghislain, 
Enghien,  Beaumont  et  Fontaine-l'Évêquo.  —  Faire  l'histoire  de  l'art  typo- 
graphique dans  le  Hainaut.  Les  mémoires  doivent  être  adress.;s,  avant 
le  31  décembre  1878,  à  M.  le  président  de  la  Société,  rue  des  Compagnons 
H,  à  Mons. 

La  Société  de  géographie  de  Paris,  dans  sa  séance  du  "20  juin,  a  décerné, 
une  grande  médaille  d'or  à  l'illustre  voyageur  Henri  Stanley,  une  seconde 
médaille  à  Jl.  Vivien  de  Saint-Martin  pour  ses  travaux  géographiques;  et  le 
]U'ix  Logerot,  donné  pour  la  première  fois,  à  M.  le  D'  J.  Harmand,  mé- 
decin de  la  marine  pour  ses  voyages  à  travers  le  Cambodge  et  le  Laos. 

Le  prix  annuel  de  2;i,000  fr.,  institué  par  le  roi  des  Belges,  vient 
d'èlrc  décerné  pour  le  concours  de  1878,  à  M.  Alphonse  Wauters,  archi- 
viste de  la  ville  de  Bruxelles,  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique, 
pour  son  ouvrage  sur  les  Libertés  communales,  essai  sur  leur  origine  cl  leurs 
•premiers  cléveloppemenls  en  Belgique,  dans  le  nord  de  la  France  et  sur  les  bords 
du  Rhin  (2  vol.  in-8). 

CoxGRKs.  —  L'Association  bretonne  a  tenu  son  congrès  annuel  à  Auray, 
du  26  août  au  l*^""  septembre  dernier.  M.  le  sénateur  Audren  de  Kerdrel  a 
été  élu  président  général  du  congrès  et  président  delà  section  d'agriculture  ; 
M.  de  la  Borderie,  président  de  la  section  d'archéologie.  Les  lectures  et 
méinoires  les  plus  remarqués  ont  été  les  suivants:  1'  dinsla  section  d'agri- 
culture :  Etude  d'économie  rurale,  par  M.  Simon;  Des  engrais  chimiques,  par 
M.  Georges  Ville  ;  De  V ostréiculture,  par  M.  Gressy  ;  De  l'udomélrie  depuis 
les  Égyptiens  jusqu'à  nos  jours,  par  M.de  la  Rochemacé  ;  Des  maladies  conta- 
gieuses, par  M.  Abadie  ;  Des  reboisements  en  Bretagne,  par  M.  de  Quéné- 
tain,  etc.  —  2"  dans  la  section  d'archéologie  :  Guidel  et  ses  antiquités,  par 
M.  l'abbé  Euzenot;  Une  conspiration  en  Bretagne  à  la  /in  du  quinzième  siècle, 
documents  inédits  par  M.  A.  de  la  Borderie  ;  La  Hache  celtique  emmanchée, 
de  Saint-Nazaire,  par  M.  René  Kerviler;  De  l'usage  des  cellx  en  inerre  polie, 
par  MM.  Lallemant,  de  la  Villemarqué,  Kervibr  et  Euzenot;  sur  la  Choré- 
graphie bretonne,  par  M. Du  Laurens  de  la  Barre  ;  Origines  de  l'imprimerie  en 
Bretagne,  parM.de  la  Borderie  ;  Du  patronage  de  Saint- Corneille  sur  les 
vaches  ci  les  bœufs,  par  M.  Lallemant  ;  Légendes  de  la  sainte  Vierge  chez  les 
Bretons  aux  premiers  siècles,  par  M.  de  la  Villemarqué;    Quelle  part  peut-on 


—  277  — 

attribuer  aux  Bretons  dans  la  civilisation  en  France  et  dans  la  consiilulion  de 
la  nationalité  française,   par  M.  de  Kerdrel. 

Le  vendredi  30  août,  une  excursion  a  eu  lieu  aux  monuments  mégali- 
thiques de  Carnac.  On  pense  que  la  prochaine  ses-ion  se  tiendra  à  Saint- 
Brieuc.  —  R.  K. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Dans 
la  séance  du  2  août,  M.  Paillard  a  communiqué  an  mémoire  concernant  ses 
rechei'ches  sur  les  négociations  relatives  au  v  yage  de  CharUs-Quint  en 
France  (1539).  —  Dans  la  séance  du  9,  il  a  été  communiqué  une  note  de 
M.  Dumont  sur  les  fouilles  exécutées  à  Délos  par  M.  HomoUe.  M.  Chrmont- 
Ganneau  a  lu  un  mémoire  sur  l'interpréta' ion  des  scènes  figurées  de  la 
coupe  découverte  en '1876  sur  l'emplacement  de  Préneste. —  Dans  les  séances 
des  23  et  30  août,  M.  Victor  Duruy  a  lu  un  chapitre  inédit  de  son  Histoire 
romaine  sur  l'Emiiire  au  milieu  du  troisième  siècle. 

Lectures  faites  a  l'Ac4démie  des  sciences  morales  et  politiques. —  Dans 
la  séance  du  3  aoiif,  M.  E.  Caro  a  lu  une  notice  sur  Montesquieu,  d'après 
l'histoire  de  Montesquieu  que  vient  de  publier  M.  Vian.  —  Dans  la  séanco 
du  10  août,  M.  Garo  a  lu  un  travail  de  M.  Guyau,  professeur  de  philosophie, 
sur  la  doctrine  morale  d'Épicure.  M.  Charles  Vergé  a  lu  un  mémoire  de 
M.  du  Chàtellier  sur  l'Église  pendant  la  Révolution.  —  Dans  les  séances  des 
24  et  31  août,  M.  Guillaume  Depping,  de  la  Bibliothèque  Sainte-Gene- 
viève, a  donné  lecture  d'un  mémoire  sur  Barthélémy  Herwcirt,  contrù- 
leur  général  des  finances  sous  Louis  XIV.  —  Dans  la  séance  du  31  août, 
M.  Giraud  a  commencé  la  lecture  d'un  mémoire,  de  M.  J.-J.  Thouissen, 
correspondant  de  l'Académie,  sur  le  Droit  de  vengeance  dans  la  législation 
mérovingienne. 

Manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Salins.  —  La  petite  ville  de  Salins 
(Jura)  possède  une  bibliothèque  riche  d'ouvrages  manuscrits  et  imprimés 
sur  la  Franche-Comté.  Le  catalogue  n'en  est  point  encore  réiligé,  mais  on 
y  travaille.  En  attendant  c|u'il  soit  mis  à  la  disposition  des  hommes  d'étude, 
M.  Bernard  Prost  donne  un  inventaire  sommaire  des  nijnuscrits  les  plus 
intéressants.  (Catalogue  dts  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Salins. 
Paris,  Picard,  1878,  in-8  de  35  p.  extrait  du  Cabinet  historique.)  Il  inJique 
la  provenance  des  manuscrits,  donne  une  place  spéciale  à  ceux  qui  concer- 
nent l'histoire  de  la  Franche-Comté,  et  termine  par  une  table  des  noms 
d'auteurs.  Nous  remarquons  plusieurs  manuscrits  du  treizième,  du  qua- 
torzième et  du  quinzième  siècles  sur  la  théologie.  Dans  l'un  d'eux,  se  trouvent 
intercalées  plusieurs  recettes  dont  l'une  mérite  d'être  citée.  «  Pour  faire 
venir  les  cheveulx  ea  la  leste,  prenez  miel  crud  et  huille  roset,  et  faictes 
Dignement,  puis  en  frotez  la  teste,  et  ses  cheveulx  lui  reviendront.  Proha- 
tum  est.  »  —  Des  fi*agments  de  comptes  en  latin  et  en  provençal  du  qua- 
torzième siècle;  —  Un  dictionnaire  latin-français  et  des  éléments  de  gram- 
maire latine  et  fra- çaise  du  treizième  siôle;  — Des  recueils  de  receltes 
médicales;  —  Des  recueils  de  lettres  des  dix-septième  et  dix-huilième 
siècles  où  l'on  pourra  peut-être  trouver  des  pièces  inédites;  —  et,  sur  la 
Franche-Comté,  de  nombreux  documents  sur  le  parlement  de  la  Franche- 
Comté,  recueils  d'arrêts,  de  délibérations,  sur  les  états  de  la  province^,  des 
armoriaux,  des  nobiliaii'es^des  cjpes  de  pièces  introuvables  et  des  niémoii^es 
du  président  Boquet  de  Cornbouzon,  de  dom  Grappio,  de  dom  Sornet,  de 
dom  Berthod,  etc.  M.  Prost  en  inventorie  17i. 

AssEMBLÉr^js  DU  DIOCÈSE  DE  Castres,  —  Sous  OC  titre,  M.  Elie-A.  Rossignol  a 


—  278  — 

publié  (Toulouse,  Chauvin,  i878)  un  travail  excellent  et  nouveau  en  grande 
partie,  travail  dont  les  principaux  éléments  ont  été  puisés  dans  les  archives 
départementales  du  Tarn.  On  trouvera  là  les  détails  les  plus  précis  sur  le 
rôle  joué,  pendant  plus  de  ceux  cents  ans,  par  les  assemblées  du  diocèse 
de  Castres,  et  sur  l'histoire  des  guerres  civiles  et  religieuses  des  seizième  et 
dix-septième  siècles,  d'après  les  procès-verbaux  de  ces  assemblées.  Le  livre 
de  M.  Rossignol  sera  utilement  consulté,  dans  ses  premières  pages,  par  ceux 
qui  s'occupent  surtout  d'économie  poliiique,  et,  dans  ses  dernières  pages, 
par  ceux  qui  s'occupent  surtout  d'histoire  provinciale.  —  T.  de  L. 

Discours  véritable  du  siège  de  Montbard.  —  Nous  annoncions  ici  tout  ré- 
cemment la  réimpression,  par  les  soins  de  M.  Henri  Chevreul.d'un  opuscule 
rarissime.  Le  même  bibliophile  nous  donne  aujourd'hui  une  nouvelle  édi- 
tion (tirée  à  cent  exemplaires,  sur  papier  de  Hollande,  le  25  juillet  1878, 
par  Darantière,  à  Dijon)  d'un  livret  imprimé  à  Paris  (chez  Denis  Binet),en 
1590  et  que  l'on  ne  trouve  presque  dans  aucune  des  plus  riches  collections  : 
Discours  vcritable  du  siège  mis  devant  la  ville  de  Montbard  en  Bourgongne  par 
le  sieur  de  Tavane  associé  des  Rcistres  du  Biarnois,  avec  la  résistance  et  deffaicte 
des  dicts  Reistres,  par  les  habitans  de  la  dicte  ville  (15  p.,  in-16).  .M.  Che- 
vreul  nous  apprend  que,  si  cette  publication  a  quelque  succès,  il  la  fera 
suivre  d'une  série  de  pièces  intéressantes  et  l'ares  sur  la  ligue  en  Bourgogne. 
Comme  la  réimpression  du  Discours  véritable  du  siège  de  Montbard  ne  peut 
qu'être  parfaitement  accueillie,  nous  saluons  d'avance  avec  joie  la  série  de 
curieuses  brochures  qui  nous  est  conditionnellement  promise  par  le  plus 
zélé  de  tous  les  bibliophiles  bourguignons.   —  T.  de  L. 

Les  Livres  cartonnés.  —  Un  bibliographe  d  i  plus  grand  mérite,  qui  est 
un  de  nos  plus  actifs  collaborateurs,  a  fait  paraître,  ces  jouis  derniers,  un 
recueil  excessivement  curieux  dont  voici  le  titre  :  les  Livres  cartonnés,  essais 
bibliographiques, par  Philomneste  Junior  (Bruxelles,  Gay  et  Douce,  1878, in-8, 
de  101  p.).  On  trouve  des  milliers  de  piquants  renseignements  dans  ce 
recueil  où  sont  mentionnés  les  ouvrages  les  plus  variés  :  le  De  incertitudine 
et  vanitatc  acientiarum  d'Agrippa,  à  côté  de  Vllistoria  de  vitis  romanorum 
pontificum  d'Anastase  ]eBihlioihéca.ire;l' Histoire  généalogique  du  P.  Anselme, 
à  côté  de  V Apologie  des  femmes;  les  OEuvres  de  Bacon,  à  côté  de  celles  de 
Bayle  ;  le  Décameron  de  Boccace,  à  côté  du  Don  Juan  de  Lord  Byron  ;  la 
Sagesse  de  Charron,  à  côté  du  Voyage  eyi  Grèce  de  Choiseul-Gouffier;  le 
Choix  des  Mazarinades  de  M.  Moreau,à  côté  de  la  Cymiade  de  G.  Colletet,etc. 
Ce  n'est  fias  seulement  dans  le  texte,  c'est  encore  dans  les  notes  que  Phi- 
lomneste Junior  répand  à  pleines  mains  son  inépuisable  érudition,  et  je 
recomrnande  aux  friands  lecteurs  les  notes  sur  la  Bibliothèque  curieuse  de 
David  Clément,  sur  le  Catalogue  des  livres  de  M.  Cigongne,  sur  le  remar- 
quable archéologue  Edelestand  du  Méril,  sur  les  éditions  diverses  du  cé- 
lèbre traité  de  Charron,  sur  le  chevalier  de  Jant,  sur  le  Catalogue  Leber, etc. 
Le  précieux  petit  volume  est  complété  par  un  chapitre  sur  les  Livres  à  re- 
tranchements (p.  8i-!)8),  et  par  des  indications  diverses,  parvenues  pendant 
l'imj  ression,  la  plupart  communiquées  par  un  bibliographe  dont  la  réputa- 
tion est  aussi  étendue  que  méritée,  M.  le  baron  Jérôme  Pichon.  —  T.  de  L. 

L'Auteur  du  Combat  spirituel.  —  Le  Combat  spir-ituel  est  uu  des  livres  de 
piété  les  plus  répandus  tt  le-,  plus  goûtés  :  on  porte  jusqu'à  quatre  cents  le 
nombre  des  éditions  qui  eu  ont  été  faites.  Souvent  il  a  été  publié  .'■ons  le  nom 
du  P.  Scu[ioli,  de  l'ordre  des  théatins. 

Nous  croyons  voir  ici  une  erreur,  ou  du  moins  xive  confusion.  La  Lucha  o 
oombate  espiritual  del  aima  ron  sus  afectos  desordenados  (Lutte  ou  combat  spiri- 


1 


—  279  — 

tuel  de  î'àmeavec  ses  affections  désordonnées),  qui  est  le  titre  priuiitit  de  l'ou- 
vrage, a  été  écrit  en  espacifnol  par  le  savant  et  saint  bénédictin  espagnol  du 
Monastère  de  Oaa  daos  la  Vieille-Castille,  le  vénérable  Père  Juan  de  Castaîiiza, 
prédicateur  du  rui  Philippe  il,  mort  à  Salamanque  le  18  octobre  1599.  L'il- 
lustre théatin  italien,  le  P.  Scupoli,  la  traduisit  dans  cette  langue  sans  nom 
d'auteur,  et,  en  vue  du  î-uccès  qu'elle  obtint,  il  la  publia  encore",  additionnée 
et  augmentée,  de  sur>e  qu'il  vint  à  former  comme  un  nouveau  livre  qui, 
depuis  lors,  a  été  toujoarà  intitulé  Combat  spirituel,  dont  on  a  fait,  dont  on  con- 
tinue à  faire  de  nombreuses  éditions  dans  toutes  les  langues,  et  auxquelles 
on  ajoute  u'ordinaire  le  traité  du  même  auteur,  la  Paix  intérieure.  Voici  d'où 
vient  l'opinion,  généralement  reçue  et  soutenue,  qui  attribue  cet  ouvrage  au 
P.  Scupoli,  opinion  contre  laquelle  on  peut  citer  et  consulter  la  Bibliotheca 
hispana  de  M.  Nicolas  Antonio,  Mabillon  dins  ses  Annales,  et  Moiéri  dans  son 
Dictionnaire.  Le  livre  du  père  Castaniza,  traduit  en  llamand  par  le  R.  P.  jé- 
suite Zoes,  fut  publié  en  l'année  1618,  à  Matines  :  il  le  tut  aussi  à  Paris,  mis  en 
latin  par  Loricbius,  en  lGi4.  Dans  cette  même  ville,  le  libraire  Bertliier  en 
publia  en  167o,  la  traduction  française,  pour  laquelle  il  se  servit  d'une  copie 
très-soign»  usement  piise  sur  le  manuscrit  uriginal  de  Ona.  On  l'avait  d'ail- 
leurs publ.é  en  Espagne,  sous  le  titre  de  Perfeccion  de  la  vida  cristiana 
(Perfection  de  la  vie  chiétitrine),  au  lieu  de  Lucha,Batalla  (on  lui  donne  aussi 
ce  nom)  ou  Combat  spirituel. 

Les  citilions  que  saint  Frai.çois  de  Sales  tait  de  cet  ouvrage,  qu'il  porta 
dans  sa  pochr,  dit  on,  plus  de  trente  ans,  s-e  rapportent  sans  aucun  doute  à  ce 
petit  livre  et  non  au  livre  augmenté  par  le  P.  Scupoli  (qui,  dans  presque  toutes 
les  éditions  espagnoles,  est  de  deux  vohinii^s  in-8).  On  peut  remarquer  la 
correspondance  exacte  dans  les  renvois  qu'il  y  fait  lor.-qu'il  conseille  la  lecture 
des  chapitres  xv,  xvi  et  xvii,  dans  sa  lettre  liv  à  l'abbesse  du  Puits-d'Orbe. 

L'édition  primitive  n'ayant  pas  été  réimprimée  en  Espagne  depuis  le  dix- 
septième  siècle,  c'est  ce  qui  a  fdit  oublier  l'auteur  de  ce  livre;  car,  depuis  lors, 
nous  ne  sachons  qu'on  ait  fait  aucune  réimpression  juiqu'à  18o7. Cette  année-là, 
on  publia  à  Burgos  une  «nouvelle  édition,  considérablement  corrigée  et  aug- 
mentée, avec  la  biographie  de  l'auteur,  par  C.  11.  R.,  docteur  en  théologie,  » 
que  nous  croyons  être  le  digne  évêque  d'Orenîe,  M?''  Cesareo  Rodrigo.  La 
«  Librairie  religieuse  »  en  fil  une  reproduction  en  186o,  dansun  volume  in-16 
qui  se  \end  à  liU  prix  m'uinie. 

Vers  la  moitié  du  siècle  dernier,  un  Rapport  historique  sur  l'origine  du 
Combat  spirituel  a  été  publié  sans  le  nom  imaginaire  de  D.  Jaime  Eipidio 
(Cajetano  de  Thiennel;  mais  nous  n'avons  pu  le  tr.puver,  à  notre  grand 
regret,  car  il  aurait  pu  nous  fuurnir  d'iniéressants  renseigaements  pour 
éclairer  ce  point  de  critique  bibliographique. 

Le  vénérable  bénédiclin  espagnol  publia  aus^i  la  Vie  de  saint  Benoit, 
qui  est  une  traduction__de  celle  de  sa  nt  Grégoire  le  Grand,  en  y  ajoutant  celés 
de  saint  Maur  et  de  saint  Placide,  Il  publia  aussi  ['Approbation  et  Règles  de 
saint  Benoit,  avec  le  catalogue  ('es  princes,  docteurs  et  saints  qui  ont  illustré 
l'ordre  de  Saint-Benc  it.  Toutes  deux  ont  été  imprimées  à  Salaïuanque,  en  1523. 
Il  écrivit  enfin  l'Histoire  de  saint  Romuakl  le  Camaldule,  imprimée  à  Madrid, 
en  1597;  la  Déclaration  du  Pater  nosttr,  des  sermons  et  d'autres  ouvrages. 
—  M.  SiLVAs,  de  Madrid. 

—  Henri  Marchand  et  le  globe  terrestre  dk  la  bibliothèque  de  Lyon.  — 
Sous  ce  titre,  M.  Aimé  Vingtrinier  publie  une  très-intéressante,  mais  trop 
courte  biographie  d'un  illustre  Lyonnais,  dont  la  gloire  était  jusqu'ici  restée 
trop  longtemps  dans   l'ombie.  Henri  Marchand  (né  en  1674),  en  religion  le 


—  280  — 

P.  Grégoire,  est  l'auteur  d'un  magnifique  globe  terrestre  où  l'on  a  été  tout 
étonné  de  voir  retracées  avec  une  l'emarquable  exactitude, ces  régions  cen- 
trales de  l'Afrique,  ces  mers  intérieures  de  l'Asie,  ces  chaînes  de  montngnes, 
ces  îles,  ces  lacs,  que  les  Grant,  les  Baker,  les  Speke,  les  Livingstone,  les 
Stanley  croyaient  sincèrement  avoir  découverts.  Renaercions  M.  Vingtrinier 
de  s'être  fait  le  promoteur  d'une  justice  un  peu  tardive  et  d'avoir  sauvé  un 
nom  illustre  de  l'oubli.  Sa  note  est  toute  à  la  gloire  de  l'Église  catholique. 
Car  elle  montre  que  les  franciscains,  les  dominicains,  les  jésuites  ont  pré- 
cédé nos  savants  modernes  dans  la  voie  du  progrès.  Notre  société,  si  fière 
d'elle-même,  peut  pousser  l'injustice  jusqu'à  méconnaître  les  vertus  de  ces 
saints  religieux,  mais  il  ne  lui  est  pas  permis  d'être  ingrate  au  point  d'ou- 
blier que  c'est  d'eux  qu'elle  a  l'cçu  ce  splendide  héritage  scientifique  dont 
elle  a  su  d'ailleurs  si  bien  tirer  profit.  —  E.  de  la  D. 

Plaquettes  gontaudaises.  —  Notre  érudit  et  infatigable  collaborateur, 
M.  Tamizey  de  Larroque,  vient  de  commencer  une  série  nouvelle  de  publi- 
cations, sous  le  titre  de  Plaquettes  gontaudaises.  Il  y  traite  de  particularités 
peu  connues  de  notre  histoire  liltéraire.  Nous  avons  sous  les  yeux  les  n" 
1  et  2. 

Dans  le  n"  1  (petit  in-8  de  49  p.),  il  est  question  d'un  poète  presque 
ignoré  aujourd'hui,  E'istorg  de  Beaulieii,  dont  la  vie  ne  fut  pas  plus  édifiante 
que  ne  le  sont  ses  poésies.  Après  avoir  reproduit  sa  vie  par  Guillaume  Col- 
letet,  le  savant  éditeur  se  livre  à  une  foule  de  remarques  philologiques  et 
littéraires  fort  intéressantes,  et  donne,  en  appendice,  un  aperça  de  deux  dos 
productions  d'Eustorg  de  Beaulieu  :  les  hivers  rapports  et  la  Chrestieiine 
re:ijoui/ssancc. 

Dans  le  no  2  :  Quelques  lettres  inédites  d'Isaac  de  La  Peyrère  ù  Bouilliau,  pu- 
bliées avec  une  notice,  des  notes  et  un  appendice  (petit  in-8  de  iiO  p.),  M.Tumi- 
zey  de  I.arroqae  étudie  ïsaac  La  Peyrère,  écrivain  paradoxal,  né  à  Bordeaux 
en  lo94,  mort  en  i()78,  qui,  en  16o5,  fit  paraître  un  gros  volume  latin:  Prœa- 
'iamiYc'/',  dans  lequel  il  s'eiForçait  d'établir  qu'il  avait  exis'.é  des  hommes  avant 
Adam.  M.  T.  de  L.,  a  dtcouvert  trois  lettres  que  cet  excentrique  personnage 
adressait  à  Ismael  Bouilliau,  savant  distingué  que  les  rédacteurs  du  Moréri 
de  1759  [U'oelamcnl  «  l'un  des  génies  les  plus  universels  de  son  temps,  >■>  mais 
qui  est  oublié  aujourd'hui,  faute  d'une  élude  sérieuse  dont  il  devrait  être  le 
sujet  et  qui  mantpio  encore;  ces  trois  lettres  sont  accompagnées  de  noies  f -rt 
érudit  s-,  el'es  épuisent  ce  que  Guy  Palin,  Richard  Simon,  le  Menagiana,  et  les 
écrits  de  l'époque  renferment  au  sujet  de  La  Peyrère  qui,  ^e  plai-ant  toujours 
à  traiter  de  questions  singulières,  mit  au  jour,  en  1657,  un  livre  intitulé  : 
Bu  rappel  des  Juifs,  volume  qui  lit  moins  de  bruit  que  les  Prœadamilœ; 
qiioique  frapi.é  d'une  conlamnation,  il  n'attira  les  regards  de  personne. 
Abordant  des  questions  moins  sujettes  à  controverse,  La  Peyrère  profita  d'un 
voyage  en  Scandinavie  pour  écrire  une  Relation  du  Groenland,  1644,  et  une 
Ilelation  de  l'Islande  qui  ne  parut  qu'en  1003;  il  accompagna  le  prince  de 
Coudé  dans  qu»  Iques-unes  de  s-is  campa^çne?,  ce  qiii  lui  fournit  l'occasion 
d'écrire  un  récit  de  la  bataille  de  Lens  ;  trois  éditions  ie  succédèrent  rapi- 
dement; nue  seule  porte  le  no  n  de  l'auteur;  la  dé  licace,  adressée  à  la  reine 
Christine,  méritait  l'honneur  d'uuo  repro  luction  ;  elle  l'a  obtenue. 

Les  Plaquettes  gontaudaises  sont   tirées  h.  cent  exemplaires  et  publiées  à 
Paris,  chez  H.  Champion,  et  à  Cordeaux,  chez   Ch.   LefeLvre. 

Les  BiBLiOTufcguES  publiql'es  a  Londres, —  il  est  question  de  fonder  à  Lon- 
dres to'it  un  gr.  upe  de  bibliothèques  métropolitaine'^,  du  genre  de  celles 


—  281  — 

qu'on  appellerait  en  France  communales  ou  municipales,  et  qui  font  toat  à 
fait  défaut  dans  une  ville  aussi  vaste  et  aussi  peuplée  que  Londres. 

Londres  compte  plus  de  trois  millions  d'habitants,  et  la  principale  biblio- 
thèque, celle  qui  ressemble  le  plus  à  la  bibliothèque  nationale  de  Paris,  le 
British  Muséum,  n'admet  les  lecteurs  qu'à  l'âge  de  vingt  et  un  ans  ;  en  oulre, 
elle  ferme  ses  portes  à  quatre,  cinq  ou  six  heures  du  soir,  suivant  les  saisons, 
et  elle  ne  prête  point  ses  livres  au  dehors.  Les  autres  bibliothèques  de  Lon- 
dres ne  peuvent  soutenir  la  comparaison  avec  cet  établissement,  connu  dans 
le  monde  entier,  et  pour  le  développement  duquel  les  Anglais  font  les  plus 
grands  sacrifices. 

Il  s'agirait  donc  de  créer  dans  la  métropole  des  bibliothèques  plus  à  la 
portée  de  li  masse  de  la  population,  et  cela  sous  le  bénéfice  de  la  loi  de 
Î8oO.  Il  est  assez  singulier  que  Londres  n'ait  pas  tiré  jusqu'à  présent  un 
meilleiir  parti  de  celte  loi  sur  les  bibliothèques  publiques,  dont  les  villes  de 
province  se  sont  emparées  avec  empressement,  et  qui  a  produit  de  mer- 
veilleux résultats. 

Ce  qui  le  prouve,  c'est  le  succès  des  bibliothèques  municipales,  fondées 
depuis  celte  époque  à  Birmingham,  à  Loed'?,  à  Liverpool,  à  Manchester,  à 
Rochdale,  à  Westminster,  et  ailleurs.  Les  chifiVes  qui  viciment  d'être  publiés 
par  le  comité  pour  l'organisation  des  bibliothèques  de  même  genx'e  :\  Lon- 
dres sont  vraiment  remarquables. 

A  Leeds,  par  exemple,  la  bibliothèque  municipale,  fo:idée  en  1871  seule- 
ment, contient  déjà  72,177  volumes,  et  elle  n'a  pa5  moins  de  quatorze  suc- 
cursales en  ville.  Et  pourtant,  Leeds  a  treize  fois  moins  d'habitants  que  la 
capitale.  La  circulation  des  volumes,  dans  cette  bibliothèque  municipale  est 
de  449,963  par  an.  On  peut  observer  les  mêmes  faits  dans  les  bibliuthèques 
municipa'es  de  Birmingham,  de  Liverpool,  de  Manchester  et  autres. 

L'organisation  de  ces  bibliothèques  municipales  anglaises  est  assez 
curieuse  :  il  y  a  d'abord  un  établissement  central  composé  de  trois  sections  : 
l"  une  collection  fixe,  dont  les  libres  ne  sont  point  prêtés  en  dehors  ;  2"  une 
bibliothèque  de  prêt,  Lending  department;  3"  une  salle  pour  la  lecture  des 
publications  périodiques  et  même  des  journaux. 

L'établissement  principal,  situé  aul'.nt  que  possible  au  centre  de  la  ville, 
établit  ensuite,  dans  les  diflerents  quartiers,  au  fur  et  à  mesure  des  besoins, 
des  succursales,  organisées  sur  le  même  modèle,  mais  dont  le  but  principal 
est  de  prêter  des  livres  moraux,  utiles  et  instructi's  aux  classes  peu  aisées. 
Des  statistiques,  jointes  au  document  publié  par  le  comité  dont  nous  avons 
parlé,  prouvent  combien  les  petits  artisans  tt  les  ouvriers  des  deux  sexes 
usent  de  la  facilité  qui  leur  est  olferte.  11  en  sera  s-.ns  doute  de  même  à  Lon- 
dres, quand  la  ville  présentera  les  mêmes  avantages. 

La  Presse  périodique  dans  la  Grande-Bretagne.  —  Il  paraît  actuellement, 
dans  la  Grande-Bretagne,  I,8So  journaux  et  818  recueils  périodiques.  Ajou- 
tez-y 50  recueils  servant  d'organes  à  des  sociétés  savant,  s  et  aures,  tt  vous 
aurez  le  chiffre  exact  de  h  presse  totale,  dans  la  Grande-Bretagne,  soit  2,759 
feuille.-. 

Dans  ce  nombre,  Londres  figure  pour  un  contingent  de  486  Newspapers  ou 
journaux,  et  598  revues  ou  recueils  périodiques,  Periodicals. 

Les  feuilles  de  la  catégorie  des  journaux  s'occupent,  pour  la  plupart,  de 
malièes  politiques  :  5i2  sont  libérales,  331  onservatrices,  71  coiiserva- 
Irices -libérales  ;  941  sont  neutres. 

Parmi  les  revu- s,  308  ne  traitent  'jne  les  questions  religieuses. 


—  282  — 

Un  fait  qui  ressort  de  celte  statistique,  c'est  le  nombre  toujours  froissant 
des  journaux  illustrés;  on  en  compie  présentement  287,  dont  33  avec  illus- 
trations coloriées. 

Les  questions  ouvrières  sont  traitées  par  14  jour//aux,  sans  compter  104 
feuilles  qui  sont  les  organes  de  sociétés  de  métiers.  —  (Journal  officiel.) 

—  La  librairie  Docher  met  en  souscription  le  Journal  d'un  bourgeois  de 
Gisors,  relation  bistcrique  c(  ncernant  les  événements  accomplis  à  Paris  et 
dans  les  environs,  et  notimment  d-ins  et  entre  les  villes  de  RoU'  n,  Amiens, 
Beauvais,  Pootoise  (1.Ï88-I617),  publié  pour  la  première  fois,  et  en  entier, 
d'après  le  manuscrit  de  la  Bibliotbèque  nationale,  par  .MM.  H.  Le  Charpi-n- 
tier,  archiviste-bibliothécaire  de  la  Société  historique  •  e  Pontoise,  et  AÎf  ed 
Filan,  membre  de  la  Société  historique  et  arehéoligique  du  Vexin.  —  Cet 
ouvrage,  précédé  d'une  introduction,  d'une  étude  sur  le  Dianuscrit,  accom- 
pagné de  nombreu>es  notes  et  duu  index  alphabétique,  sera  orné  d'un 
magnifique  portrait  du  duc  de  Longueville,  gouverneur  de  Xormandie  et  de 
Picardie,  d'une  carte  géngraphique  gravée,  ia-4,  montée  sur  onglet,  et  de 
plusieurs  fac-similé:  il  formera  un  beau  volume  in-8  raisin,  imprimé  en 
caractères  elzéviriens,  tiré  sur  p.tpier  vergé  de  choix,  titre  rouge  et  noir,  du 
prix  de  8  francs. 

L'auteur  du  Journal  d'un  bourgeois  de  Gisors,  contemporain,  et  Irès-souvent 
témoin  oîulaire  d^-s  événements  si  variés  et  si  dramalifues  qu'il  relate,  nous 
a  transmis  les  plus  curieux  défais  sur  l'iuléressanle  période  des  guerres  de, 
la  Ligue  et  sur  l'état  de  nos  provinces  pendant  cette  lin  si  troublée  du  sei- 
zième siècle  ;  son  récit  embra^"se  même  le  corumencemeut  du  règne  de 
Louis  XIII.  Le  manuscrit  <^e  la  Bibliothèque  nationale,  d'apiès  lequel  on 
a  transcrit  en  entier  celte  chronique,  ne  comprend  pas  moins  de  518  pages 
(259  feuillet'-)  ;  l'édition  à  laquelle  M.\!.  Le  Charpentier  et  Fitan  ont  apporté 
leurs  soins  e,>t  encore  anguientée  de  notices,  de  trè-;-nombreu-es  notes, 
de  commentaires  historique-,  d'un  index  contenant  près  de  700  noms  de 
personnes  1 1  de  lieux;  elle  comprend  aussi  des  extraits  de  divers  autres  do- 
cuments de  l'époque,  inédits  ou  non  réimpiirnès. 

—  L'imprimerie  Émilienne  de  Venise  fait  apptl  aux  souscripteurs  pour 
pouvoir  éditer  la  table  générale  du  grand  Uizionario  di  erudizione  storico- 
icclesiasdca,  ouvrage  du  chevalier  G.  Caïetan  Moroni,  travail  considérable, 
véritable  encyclopédie  caiholique,  où  les  recherches  n'étaient  pas  sans  diffi- 
culté en  l'absence  d'une  table  analytique.  Cette  table  comprendra  six 
volumes  de  ol2  pages,  du  même  format  que  le  Dictionnaire,  qui  paraîtront 
de  quatre  mois  en  quatre  mois,  au  pris  i^e  8  fr.40  pour  Tltalie.et  de  9  francs 
pour  les  autres  pays  de  l'Europe.  Le  premier  volume  est  publié. 

—  On  annonce,  â  Assise,  l'apparition  du  premier  numéro  d'une  revue 
fiériodique  pour  le  2(3  de  chaque  mois  :  Il  settimo  centenario  délia  nascita  di 
S.  Francesco  d'Assist,  periodico  publicato  per  cura  del  comitato  promotore. 
Assisi,  tipografia  Sensi,  à  l'occasion  du  septième  anniversaire  du  centenaire 
de  la  naissance  de  saint  Fr.iuçois  d'Assise,  qui  aura  lieu  en  1882. 

Ce  premier  numéro,  de  24  pages,  renferme,  entre  autres  articles,  la  première 
vie  de  saint  François,  par  Celano  ;  S.  François  et  le  Datite;  Dopo  Gesà  Cristo  e  la 
Madonna,  il  santo  piu  caro  a  Dante  fa  S.  Francesco.  Abonnement  ordinaire, 
4  francs,  illustré  8  francs.  Pour  l'étranger,    le  port  en  sus. 

—  Le  quatrième  volume  ilalien  des  discours  de  Pie  L\  a  paru  chez  Paravia, 
à  Rome,  suivi  d'un  volume  comme  si  pplément. 

—  Don  Ber-nardino  Negroni  a  publié,  à  Bologne  (t  pogralia  dei  composi- 
tori),  un  ouvrage  en  G  volumes  in-1 2.  intitulé  :  Storia  passata,  présente  e  futura 


—  283  — 

délia  setta  anticristiana  ed  antisociale,  ora  Massoneria,  où  il  étudie  le  dévelop- 
pement du  «  Mystère  de  l'iniquité  »  depuis  le  commeacement  jusqu'à  la  fin 
des  temps,  c'est-à-dire  au  règne  de  l'Antéchrist. 

—  M.  Ad.  Delvigne,  curé  de  Notre-Dame  au  Sablon,  publie  pour  la  Société 
des  bibliophiles  de  Belgique  une  intéressante  étude  littéraire  et  bibliogra- 
phique, ayant  pour  titre  :  l'Oraison  funèbre  de  quelques  souverains  des  Pays- 
Bas  au  seizième  siècle.  On  y  trouve  l'a^ialyse  el  les  passages  les  plus  remar- 
quables des  oraisons  funèbres  prononcées  sur  Ferdinand  le  Catholique,  par 
Michel  Davye;  sur  Marguerite  d'Autriche, par  Jean  Fabri;  sur  Charles-Quint, 
Mai'iede  Hongrie  et  la  reine  Marie  d'Angleterre,  par  François  Richardot;  sur 
Philippe  II,  par  Jean  Buucher  et  Jacques  Blasacus. 

—  L'Université  de  Tûbingue  a  compté,  pour  le  semestre  courant  d'été, 
1,144  étudiants,  chiffre  qui  n'avait  jamais  été  atteint.  Celle  de  Berne  n'est 
pas  aussi  prospère.  Elle  a  perdu  un  certain  nombre  d'étudiants.  La  plus 
grande  diminution  s'est  fait  sentir  dans  la  partie  féminine  de  l'Université, 
qui  ne  compte  plus  que  seize  représentantes,  dunt  quinze  pour  la  médecine 
et  une  p  jur  la  philosophie. 

—  The  Academy  annonce  que  la  troisième  partie  du  Lapidarium  Wallise, 
publié  par  le  professeur  Westwood  pour  la  Société  cambrienne  d'archéologie, 
va  paraître.  Elle  est  consacrée  aux  pierres  couvertes  d'inscriptions  et  de 
sculptures  du  pays  de  Galles,  antérieures  à  la  période  gothique.  L'auteur  y 
donne  la  description  et  le  dessin  d'une  centdne  de  ces  anciens  monuments, 
dont  un  grand  nombre  présente  des  inscriptions  bilingues  tracées  en  carac- 
tères romaids  et  celtiques. 

—  Laseconle  édition  du  savant  ouvrage  du  regretté  Ad.  Pictet,  les  Ori- 
yines  indo-européennes  ou  les  Aryas  primitifs,  vient  de  paraître.  Elle  avait 
été  revue  par  l'auteur  avant  sa  mort,  et  enrichie  par  lui  d'une  préface  nou- 
velle et  de  nombreuses  notes.  Cette  édition  forme  trois  volumes. 

—  Par  un  décret  en  date  du  211  juillet  1878,  la  S.  Congrégation  de  V Index 
a  interdit  la  lecture  des  ouvrages  suivants  ; 

Jesualdus  (P.)  a  Broute  Ord.  Cappuciiiorum.  Consecrator  christiani  matri- 
monii  in  verum  et  proprium  Sacramentuni  Novœ  Legis.  Secunda  editio. 
Catana?,  1876.  lJ"cr.  S.  Off.  Fer.  IV  die  17  juUi  1878.  Auclor  laudabiliter  se 
subjecit  et  opus  reprobavit. —  Lazz.\retti  (David).  Opuscula  omnia  quocumque 
idiomate  édita,  id  est  :  Rescritti  profetici,o  il  Risveglio  dei  popoli,  prcyhiere, 
profeziv,sentenze  e  discorsi  morali  e  famigliari,  dedicati  ai  miei  fratelii  italiani. 
Arcidosso,  1870.  Decr.  S.  Off.  Feria  IV  die  24  julii  1878;  —  Regole  del  Pio 
Instituto  degli  eremiti  peniienzieri  e  penitenti.  Montetiascone,  tip.  del  Seminario, 
1871.  Eod.  Decr.  —  Avrtst  e  predizioni  di  un  incognito  prof eta .  Pralo,  187i. 
Eod.  Decr. — Lettera  diretta  ai  parrochi.  Arcidosso.  tip.  Gorgoni,  [SI 3.  Eod. 
Decr.  —  Lettera  anonima  di  profetici  avvenimenti  diretta  a  tutti  i  miei  fratelii 
in  Cristo.  Arcidosso,  1873.  Eod.  Decr.  —  Lettere  profetiche  di  San  Francesco  di 
Paola,  re'ative  al  gran  Monurca  ed  ail'  Ordine  dei  Santi  Crociferi  di  Gesu  Christo, 
lettere  ai  Romani  e  popoli  d'Italia,  avvisi  allé  Nazioni  e  Monarchi  di  Earopa. 
INapoli,  1873.  Eod.  Decr.  —  Sogni  e  visioni.  Prato.  Eod.  Decr.  —  Cristo  duce  e 
giudice.  Compléta  redenzione  degli  uomini.  La  mia  lotta  cou  Dio,  ossia  lihro  de 
sette  sigilti,  descrizione  e  natura  délie  sette  città  eternali.  Bourg,  lip.  Ville- 
franche.  Eod.  Decr.  —  Le  livre  des  fleurs  célestes.  Lyon,  Pitrat.  Eod.  Decr.  — 
Manifeste  aux  peuples  et  aux  princes  chrétiens,  suivi  d'opuscules  inédits  du  même 
auteur,  et  de  quelques  documents  justificatifs  relatifs  à  son  procès.  Lyon,  Pitrat. 
Eod.  Decr. 

—  L'.4thenxum  nous  apprend  que   la  Société  paléographique  de  Londres 


—  28i  — 

va  faire  parùitre  la  troisième  partie  de  la  série  orientale  de  fac-similé. 
Cette  livraison  contiendra  une  remarquaLle  colleclion  de  textes  en  sanscrit, 
arabe,  syriaque,  hébreu  et  copte  :  trois  planches  pour  le  sanscrit;  cinq 
four  l'arabe;  une  pour  le  syriaque;  deux  pour  l'hébreu  et  une  pour  le 
copte.  L'activité  que  la  Société  paléographique  apporte  à  ses  travaux,  lui 
permet  d'affirmer  que  les  publications  qu'elle  a  entreprises  seront  achevées 
dans  cinq  ar  s  au  plus, 

—  La  Société  genevoise  des  Bibliothèques  populaires,  issue  elle-même  de 
la  Société  genevoise  d'utillité  publique,  a  chargé  un  comité  spécial  de 
publier,  à  partir  du  l"'  avril  de  cette  année,  un  bulletin  bibliographique 
mensuel,  sous  le  litre  de  la  Lcclure.  Ce  bulletin  est  destiné  à  venir  en  aide 
aux  directeurs  de  bibliothèques,  aux  pasteurs,  aux  instituteurs  et  aux 
parents  dans  le  choix  des  livres  qu'ils  sont  appelés  û  fouruir  à  une  classe 
nombreuse  de  lecteurs. 

—  L'ouvrage  la  Vie  et  les  verlus  de  saint  Louis,  publié  par  M.  de  L'Espi- 
nasse,  et  faisant  partie  de  la  collection  de  Petits  mémoires  sur  l'histoire  de 
Fran  e  publiée  par  la  Société  Bibliographique,  a  été  adopté  par  la  commis- 
sion des  Biblio'hèques  scolaires,  dans  sa  séance  du  27  juin. 

—  Ou  sait  de  qdel  intérêt  peuvent  être  pour  la  connaissance  du  passé  les  an- 
ciens inventaires.  C'est  un  document  de  ce  genre  que  M.  A.  Menno  a  pu- 
blié, avicl)eaucoup  de  soin,  en  le  faisant  précéder  d'une  introduction  détaillée 
et  suivre  d'un  glossaire  :  Arredi  ed  Anni  de  Sinibaldo,Fieschi  (Gênes,  impri- 
merie de  rifistitut  des  Sourds-Muets,  gr.  in-8  de  68  pages).  (îràce  à  ce 
document  fort  curieux,  nous  pouvons  nous  faire  une  idée  de  la  richesse  et 
du  luxe  qui  régnaient  chez  les  Génois  du  seizième  siècle.  Ces  inventaires 
nous  font  connaître  que's  étaient  les  meubles,  les  effets,  les  armes  de  Si- 
nibaldo  Fieschi,  et  aussi  les  objets  appartenant  ii  sa  femme. 

—  Le  Journal  des  beaux-arts  et  de  la  littérature  de  Bruxelles  propose  une 
étude  de  littérature  comparée, qui  aurait  le  plus  grand  intérêt,  à  propos  des 
oraisons  funèbres  qui  ont  été  prononcées  sur  Pie  IX  daos  le  monde  entier. 
Pour  parfaire  ce  travail,  il  faudrait  la  réunion  de  plusieurs  littérateurs, 
les  uns  résumaiit  les  panégyriques  de  l'Orient, les  autres  analysant  ceux  de 
l'Europe  et  desdeux  Amériques  ,  et,  sur  l'un  comme  sur  l'autre  des  deux  hé- 
misphères, on  trouverait  d'admirables  sentiments  et  des  pensées  véritaMe- 
ment  sublimes,  émanant  toujours  d'un  seul  et  unique  sujet.  Rarement 
riiisto're  des  littératu'es  comparées  aurait  offert  un  plus  curieux  sujet  de 
réflexions. 

—  Les  traditions  helvétiques  ont  trouvé  un  nouveau  défenseur  dans  M.  le 
colonel  Cliarles-Léun  .Muller,  d'Altalorf  qui,  à  l'âge  de  plus  de  quatre-\iugt- 
deux  ans,  vient  de  publier  un  mémoire  intitulé  :  Critique  et  preuves  de  l'au- 
Ihenlicilé  d'un  document  de  1387  prouvant  l'existence  historique  de  Guillaume 
Tell  conformément  à  la  tradition  (50  p.).  Ce  document  et  une  décision 
de  la  Langdesgemeinde. 

—  Voici  un  ouvrage  nouveau  à  signaler  sur  l'histoire  de  la  période  révo- 
lutionna're  ;  c'est  la  Terreur  dans  la  Manche,  les  habitants  de  la  Manche 
devant  le  Tribunal  nvolulionnaire  de  Paris,  par  E.  Sarot. 

—  M.  Sigismond  Ropartz,  savant  distingué  et  laborieux,  do:it  notre 
dernière  livraison  a  enregistré  la  perte,  se  proposait  de  réunir,  sous  le  litre 
de  Musa  Dritanno-Armoricana,  toutes  les  pièces  de  poésie  (antiennes, 
i-épons,  hymnes,  légendes],  composées  pendant  le  moyen  âge  à  la  louange 
des  suints  de  la  lîretagne.  Il  devait  accompagner  une  partie  des  textes 
latins   dune  traduction    en   vers  français    de  sa  composition    et    même   y 


—  28o  — 

joindre  la  notation  ancienne  du  chant  au  moins  pour  les  principales.  Noms 
espérons  que  ce  projet,  dont  l'exécution  reste  inachevée,  sera  poursuivi  par 
rpielque  savant  breton. 

—  On  annonce  la  publication  d'un  savant  travail  du  R.  P.  J.  Brucker, 
qui  établit  que  les  voyageurs  anciens,  depuis  des  siècles,  connaissaient  la 
source  du  Zaïre,  du  Zambèze  et  du  Nil  ;  il  porte  ce  titre  :  Découvreurs  et 
Missionnaires  dans  l'Afrique  centrale  (Lyon,  Pitrat,  in-8). 

Publications  nouvelles.  —  Lettres  de  Mgr  Czacki  et  le  Thomisme,  réponse  à 
lin  récent  opuscule,  et  les  Constitutions  de  la  Compagnie  de  Jésus  et  le  Tho- 
misme, par  R.  P.  Paul  Bottalla  (in-8,  Oudin).  —  Méditations  sur  ie  Pater 
Noster  et  l'Ave  Maria,  par  Adam  Franz  Lenniq,  trad.  de  l'abbé  Mabire  (in-iO, 
Caen  Chéuel).  —  DemoJislratio  catholica  sive  tractatus  de  Ecclesia  vera  Christi 
et  de  romano  pontifici,  auctore  11.  P.  Raphaële  Cercia,  S.  J.  (2  vol.  in-18, 
Lelhielleux).  —  Antico  e  Nuovo  Testamento,  par  Mgr  de  Nardis  (in-18,  Torino, 
P.  Rlarictti).  —  S.  Aurelii  Augustini  Confessionum,  cum  notis,  R.  P.  H. 
Waugneruk.  S.  J  (in- 12,  Torino  P.  Marielti). —  Meditationes  brevissimx,  del 
A.  P.  Michaele  Cuveihier  (ia-12,  Torino,  P.  Marietti).  —  Ave  Maria,  d  1 
Sac.  Séverine  Ferreà  (in-i2,  Torino  P.  Marietti).  —  Rptgionamcnli  sacri,  del 
P.  Antonis  da  Torino  (in-i2,  Torino,  P.  Mariât  i).  —  Mélanges  philoso- 
phiques^ par  Dupont  Whitc  (in-8,  Guillaurain).  —  Le  Congrès  en  miniature, 
par  un  diplomate  (in-8,  OUcn'iorlf).  —  L'Union  des  peuples  (in-8,  Pion).  — 
Le  Travail  humain,  par  Méliton-Martin  (in-18,  (juillaumin).  —  Bastial  et  le 
libre-échange,  par  A.  Bouchié  de  Belle  (in-8,  Guillaumin).  — Histoire  des 
corporations  françaises  d'arts  et  métiers  avec  préface  historique  et  conclusion 
pratique,  par  J.  P.  Mazaroz  (in-8,  Germer-Bail lière).  —  Législation  et  Juris- 
prudence concernant  les  instituteurs  communaux,  par  Auzias  (in-8,  Oudin). — 
L'Enfant  né  hors  le  mariage,  par  E.  Acollas  (in~i2,  Marescq).  —  Des  Sociétés 
commerciales  françaises  et  étrangères,  par  R.  Rousseau  (2  vol.  in-8,  Marescq 
aîné).  —  Traité  de  droit  commercial  maritime,  par  A.  Desjardins  (t.  I^"",  in-8, 
Durand).  —  Les  Éditions  illustrées  de  Racine,  par  Pons  (in-8,  Quentin).  — 
Recueil  de  morceaux  choisis  en  vieux  français,  par  Eugène  Ritter  (in-12, 
Genève,  H.  Georg).  —  Une  douzaine  de  sonnets,  par  A.  Weil  Cin-16,  lib.  des 
Bibliophiles).  — Fleurs  aimées,  poésies,  par  Ernest  A 'rjeline  (in-i8,  lib.  des 
Bibliophiles).  —  Las  Mocedades  del  Cid  de  D.  Guilleni  de  Castro  (in- 10, 
Bonn,  Ed.  Weber).  —  Éloge  de  Buffon,  par  N.  Michaut  (in-18,  Hachette).  — 
OEuvres  de  Synésius,  par  H.  Druon  (in-8,  Hachette).  —  Essai  historique  sur 
la  cathédrale  et  le  chapitre  de  Séez,  par  H.  Marais  et  H,  Beaudouin  (in-8, 
Alençon,  Ch.  Tiioraas).  —  Les  grands  ports  de  commerce  de  la  France,  par 
L.  Simonin  (in-18.  Hachette).  — Histoire  de  l'instrumentation,  par  H.  Lavoix 
fils  (in-8,  Didot).  —  Le  Patriotisme  en  France,  par  Ed.  Goepp  et  G.  Ducou- 
dray  (iu-12,  Hachette).  —  Vie  intime  et  édifiante  de  Pie  IX  le  bien-aimé,  par  le 
R.  P.  Huguet  (in-8,  Casîermao).  —  Saint  Biaise,  son  histoire,  son  culte  et  son 
insigne  relique  dans  la  basilique  du  Sacré-Cœur  de  Paray-le-Monial,  par 
l'abbé  L.  Gauthey  (in-12,  Paray-le-Monial,  V.  Lamberot).  —  Vie  de  saint 
Anthelme,  par  l'abbé  A.  Marchai  (in-8,  Lecofïre).  —  Philibert  Simon,  mis- 
sionnaire en  Mandchouric,  par  l'abbé  E.  Briand  (ia-12,  Oudin).  —  Pascarel, 
par  Ouida  (ia-18.  Hachette).  —  L'Impôt  du  sang  de  J.  François  d'Hozier, 
publié  par  M.  Louis  Paris.  T.  IH.  !''«  partie  (in  8,  H.  Champion).  — Histoire 
du  protestantisme  et  de  la  Ligue  en  Bourgogne,  par  M.  Baudoin.  Introduction 
(in-8,  Vosgien  et  Thomes,  Auxerre).  —  Enfermé  dans  Paris.  Journal  du  siège, 
par  M.  Shcppard;  trad.  par  M.  C,  B.  (in-r2,  Dentu).  Visenot. 


286  — 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS. 

Bui*    Madame   <le   Flamyii. 

—  Que  pourra-t-on  m'apprendre  sur 
la  dame  de  Flamyn  dont  il  est  ques- 
tion dans  le  document  suivant,  que 
je  crois  inédit,  et  que  je  tire  d'un  ma- 
nuscrit de  la  Bibliothèque  nationale 
(F.  F.  6618.  fo  20)? 

Lettre  à  la  reine  Catherine 
de  Médicis. 

a.  Madame,  je  rereuz  cejourd'liier 
aune  heure  de  relevée  voz  lettres 
du  XXVI  de  ce  moys  lesquelles  re- 
ceues  à  l'instant  me  transporté  au 
lieu  où  estoient  les  coffres  et  bahutz 
■  de  la  feue  dame  de  Flamyn,  lesquelz 
ay  veuz  et  visitez  et  en  iceulx  trouvé 
les  lettres  et  mémoires  que  je  vous 
envoyé  avecq  nostre  procès  verbal 
sur  ce  faict  par  ce  présent  porteur 
greffierduChasteletde  Paris,  et  pro- 
ceddant  par  nous  à  la  recherche  des 
pappiers,  les  Escossois  serviteurs  de 
la  feue  dame  de  Flamyn  nous  appor- 
tèrent une  lettre  du  Roy  pour  leur 
faire  délivrance  des  biens  délaissés 
par  le  trespas  de  la  dicte  dame,  les- 
quelz nous  importunent  de  quart 
d'heure  en  quart  d'heure  de  ce  fere, 
disans  que  ne  voulions  satistt'ere  à 
ce  qu'il  a  pieu  au  Roy  me  comman- 
der, ce  que  differeray  toutesfois  le 
plus  qu'il  me  sera  possible  ainsi  que 
par  vos  dictes  lettres  m'avès  mandé 
et  jusques  à  ce  que  sur  ce  aye  sceu 
plus  amplement  vostre  volonté. 

«  Madame,  nous  prierons  le  Sei- 
gneur Dieu  qu'il  vous  donne  en  sa 
grâce  et  paix  heureuse  et  longue 
vie. 

«  A  Paris,  ce  xxvii  novembre  1d61. 
«  Vostre  très  humble  et  très  obéis- 
sant serviteur  le  lieutenant  civil  de 
la  prevosté  et  vicomte  de  Paris. 

«  HUILLIER.  » 

Ou  a  rédigé  pour  ce  document  un 
sommaire  ainsi  conçu  :  ■<  Lettre  fort 


curieuse,  écrite  le  27  novembre  Ibol 
par  le  lieutenant  civil  de  la  prévôté 
de  Paris  à  la  Reyne  mère,  touchant 
l'ouverture  de  la  succession  de  la 
feue  dame  de  Flamyn.  Signé  Mor- 
viUier.  »  Au  sommet  de  la  page,  on 
a  écrit  Zuillier.  MorvjUier  et  Zuillier 
sont  d'évidentes  fautes  de  lecture 
que  condamnent  à  la  fois  l'histoire 
et  la  paléographie.  T.  de  L. 

Pouvoir  temporel  des 
Papes.  —  Quels  sont  les  ouvrages 
imprimés  et  les  recueils  manuscrits 
qui  ont  traité  des  origines  et  des 
vicissitudes  du  pouvoir  temporel  des 
Papes  d'après  les  documents  origi- 
naux ? 

Quelles  sont  les  histoires  spéciales 
publiées  sur  ce  sujet,  en  France 
et  à  l'étranger?  V.  de  St-G. 

Xraductîon  de  Xennyson. 

—  Quels  sont  les  ouvrages  à' Alfred 
Tennyson  qui  ont  été  traduits  en 
français  ?  G.  K. 

IVotre-Dame  de  la  Guillo- 
tine. —  M.  Achille  Chereau,  doc- 
teur en  médecine,  nous  apprend 
qu'en  1793,  un  libraire  facétieux  de 
ia  rue  Saint-Jacques,  choisit,  pour 
attirer  les  chalands,  cette  magnifique 
enseigne  : 

A  Notre-Dame  de  la  Guillotine 

(Guillotinet  la  Guillotine  Paris,  1870, 
in-8.  p.  4-2).  Cette  facétie  dispense  de 
tout  commentaire;  elle  donne  une 
idée  exacte  de  cette  époque. 

Je  m'occupe  de  réunir  les  maté- 
riaux d'une  histoire  de  la  librairie 
parisienne,  et  je  désirerais  bien  con- 
naître, s'il  était  possible,  le  nom  du 
libraire  de  la  rue  Jacques  dont  il 
s'agit,  E.  M. 

Les  Asturlea,  —  Quels  ou- 
vrages consulter  sur  l'histoire,^  la 
géographie,  le  commerce  et  l'in- 
dustrie, etc.,  des  Asturies         G.  S. 


A.ntoiiie  de  Fénelon  de  Sa- 
lignae.  —  Bxistait-il  un  lien  de 
j>arenté  entre  J.-B.  de  Fénelon  de 
Salignac,  fondateur  de  l'œuvre  des 
Petits-SavayarJs.el  Antoine  de  Féne- 
lon de  Salignac,  chanoine,  c  imîe  du 
chapitre  de  Brioude?  Serait-il  pos- 
sible d'avoir  quelques  détails  sur 
la   vie  de   ce   der.iier  personnage? 

M.  P. 

I^a  reine  Edith,  veuve 
d'Edouard  le  Confesseur . — 

Comment  l'histoire  explique-t-elle 
le  séjour  et  la  reine  Edith,  v^uve 
d'Edouard  le  Confess.iur,  r  li  d'An- 
gleterre, à  la  Chaise-Dieu?  Se  fon- 
dant sur  le  témoignage  d'Augiistin 
Thierry  (dans  son  Histoire  de  la  con- 
quête d'Angleterre  parles  Norma7ids), 
mais  dont  les  preuves  sont  battues 
en  brèche  par  d'autres  témoignages 
contemporains,  tous  les  auteurs  qui 
ont  écrit  sur  celte  abbaye  auver- 
gnate disent  qu'elle  y  mourut  en 
exil.  Cependant,  GuillauQie  le  Con- 
quérant dut  traiter  avec  tons  les 
égards  la  sœur  de  son  injuste  com- 
pétiteur, Hrirold,  devenue  la  sîinte 
compagne  du  roi,  qui,  en  m  «urant, 
le  désigna  pour  soa  successeur  au 
trône  d'Angleterre.  G.  B. 

I^ettres  de  Voltaire  sur  le 
chevalier  d'A^ssas.  —  A-t-on 
connaissance  de  trois  lettres  de  Vol- 
taire ayant  trait  à  l'acte  héroïque 
de  d'Assas  dont  le  récit  avait  été 
fait  inexactement  da  is  le  siècle  de 
Louis  XIV,  ce  qui  valut  à  son  auteur 
une  lett  e  du  chevjlier  de  Lorry 
alors  lieutenant-co'onel  des  garde-- 
françji  es?  Comte  de  L. 

Heures  de  Metz^  14ÎT8. — 
Quelq  le  bibliophile  aurait-il  re  i- 
co  itré  un  volume  richement  relié 
des  Heures  de  Metz,  1478.  Il  a  dispiru 
de  ma  bibliothèq  le  lor-  du  pa^«age 
des  Prussins,  en  1870.  Ce  volume 
a  dû  être  relié  chez  Engelman,  et  la 
date  é!ait  au  dos,  chagrin  vert  avec 
cuivre.  C'^mte  be  L. 

Culte  de  saint  Verniel.  — 

Existe-t-il    des    documetits    sur     le 
culte  de  saint  Verniel  ou  Verny,  en 
Auvergne,  en  Bourgogne,  à  Auxerre? 
Abbé  B.  Y. 


Enfance  de  sainte  do- 
tilde?  —  Quels  sont  les  docu:nents 
à  consulter  s  ir  l'enf-tnce  de  sainte 
C'otiMe,  épouse  de  Clovis,  et  sur  son 
séjour  à  la  cour  de  Gondebaud,  en- 
deliori  de  l'histoire  de  Dom  Plan- 
clier?  Abbé  B,  Y. 

Sixte    HV   et    les   I*azzî.    — 

Qut'ls  sont  b's  documents  à  consulter 
sur  les  rappoits  di  pape  Sixte  IV 
avec  les  Pazzi?  X. 

Collections  sur  la  I\évolu- 
tion  Trançaise.  —  Que  sont  de- 
venues les  importantes  coUectio  is  de 
j  Hiraaux,  pièces  et  documents  (im- 
primés ou  manuscrits)  de  Deschiens 
et  de  La  Bédoyère,  sur  la  Révolution 
française?  Ces  c  illections  ont-elies 
été  dispersées  dans  des  ventes  publi- 
ques ou  se  trouveiit-elles  dans  quel- 
qi l'une  de  nos  Bibliothèques  na- 
tionales? D.  B. 

Congrégation  du  Xrès- 
Saint-Sacrenient.  —  Ilexistiit, 
au  siècle  dernier,  un  ordre  ensei- 
gnant, connu  soa->  le  nom  d^  Congré- 
gUion  du  Tiès-Sai  it-S  .cremeut,  de 
Sacramentaires,  qui  dirigeaient  un 
certain  nombre  de  collèges^  notam- 
ment Ceux  de  Thiers  et  de  Brioude 
en  Auvergne,  de  Chabeuil  en  Dau- 
phiné,  etc....  Où  pourrait-on  trouver 
des  ren  eign^ments  sur  cet  ordre  qui 
s  mble  è  re  une  réforme  de  celui  des 
Prêtres  de  la  Doctrine.         A.  V. 

Le  Eivre  des  Etats,  empires 
et  principautés  du  monde. — 

Un  des  lec'eurs  du  Polybiblion  pour- 
rait-il donn  T  d.-s  renseignements 
sur  un  ouvrage  intitulé  :  Le  Livre  des 
Etats,  empires  et  principautés  du 
monde?  Ce  livre  a  é  é  cité  a  i  siècle 
dernier, par  l'abbé  Travers,  dans  son 
Histoire  de  la  ville  et  comté  de  Nantes, 
à  projtoà  d'un  évèqiie  de  Nantes, 
nommé  Salvius.  X. 

Ouvrages  relatifs  à  l'île 
de  Chypre.  —  Cette  île,  à  peu 
près  oubliée  depuis  longtemps, attire 
les  regards  de  l'Europe  entière  de- 
puis qu'elle  a  passé  sous  la  domina- 
tion de  la  Grande-Bretagne.  Existe- 
t-il  quelques  ouvrages  spéciaux  la 
concernant  ?    Je    connais    déjà     le 


—  288   - 


Voi/ar/c  en  Chypre  (Paris,  1791,  2  vul. 
in-8  ;  Ncuwied,  1791 ,  2  vol.  pet.  in-8) 
traduit  de  ritjlien,  de  l'abbé  Mariti, 
et  je  possède  le  très-e?tiniablc  tra- 
vail de  M.  de  Mas  Latrie, //îiioù'c  de 
Vile  de  Chypre  sous  la  dominalion 
des  musulmans,  18oi-62,  3  vol,  in-8. 
S.  D. 

Un  ouvrage  peu  eoiinu  du 
tliéosoplic   ISaint-Murtin.    — 

Louis-Claude  de  Saint-Martin ,  le 
philosophe  inconnu  (nom  qu'il  avait 
adopté) ,  est  l'auteur  d'un  livre 
pi'esque  ignoré,  je  crois,  et  que  je 
n'ai  jamais  pu  léussir  à  me  procu- 
rer :  le  Crocodile,  ou  larjucrre  du  bien 
cl  du  mal,  arrivée  sous  le  ràjne  de 
Louis  XV,  poème  épiquo-magique  en 
102  chants.  Œuvre  posthunii  d'un 
amateur  des  choses  cachées.  Paris, 
impr. du  Cercle  social,  an  VII,  2  vol. 
in-8. 

Ce  titre  bizarre  a  piqué  ma  cu- 
riosité ;  cent  deux  chants!  C'est 
effrayant;  mais  il  faut  qu'ils  n'aient 
chacun  que  i  à  o  paye?,  puisque  le 
volume  ne  dépasse  pas  400  pages. 
Observons  d'ailleurs  que  Saint-Mar- 
tin étant  mort  au  mois  d'octobre 
1803,  les  mots  ouvrage  posthume 
constituent  une  innocente  super- 
cherie. 

Quelques  informations  sur  le  Cro- 
codile seront  reçues  avec  reconnais- 
sance. T.  G. 

RÉPONSES. 

Mélusiue  (XX,  191).  —  Ce  n'est 
posdanslhistoire  du  paradis  terrestre 
qu'il  faut  chercher  la  clef  de  la  lé- 


gende de  Mvlusine,  qui  est  loin  d'être 
unique  en  son  genre.  Ce  fait  et  ceux 
analogues  n'ont-ilsaucuu  fondement? 
Il  serait  peut-être  téméraire  de  l'af- 
lirmer.  A  mon  avis,  les  femmes  chan- 
r/ces  en  dragons  de  l'antiquité  et  du 
moj'en  Age,  comme  aussi  les  Faunes, 
ies  Syrénes,  les  .Erjypans,  les  Sylvains, 
etc.,  appartiennent  à  la  catégorie 
des  apparitions  d'origine  satanique 
spectres,  revenants,  fé  s,  dames 
blanches,  chasseurs  noirs,  etc.)  ou 
encore  à  celle  des  métamorphoses 
ayant  la  même  origine  et  qui  forment 
une  des  branches  des  sciences  oc- 
cultes. —  On  peut  co  .sulter  à  ce 
sujet  l'ouvrage  de  Bézouard  :  Des 
rapports  de  l'homme  avec  le  démon 
(t.  II,  paue  90  et  t.  I",  page  lo7)-, 
celui  de  M.  Gougenotdes  Mous'^eaux; 
La  magie  au  dix-neuvième  sciclc  ; 
M.  Albert  de  Ri'sie,  Traité  des 
sciences  occultes^  etc. 

A  ce  propos,  je  me  permettrai  de 
faire  observer  que  beaucoup  d'écri- 
vains, même  sincèrement  religieux, 
tournent  en  ridicule  les  fiits  de  ce 
genre,  quand  ils  se  rencontrent  sous 
leur  plume  ;  en  quoi  il?  ont  double- 
ment tort;  d'iibord  parce  que,  en 
général,  ces  faits  sont  réels,  au-si 
réels  que  n'importe  quels  faits  his- 
toriques ;  en  second  lieu,  parce  qu'ils 
ébranlent  par  là  la  croyance  due  aux 
faits  surnaturels  divins.  Ln  tournant 
en  dérision  les  uns,  ils  enseignent  à 
mépriser  les  autres.  Je  ne  parle, 
bien  entendu,  que  de  ceux  qui  sont 
solidement  étayés  par  des  témoi- 
gnages et  des  preuves  irrécusables, 
—  et  il  y  en  a  beaucoup. 


ERRATA.  —  La  note  sur  le  Recueil  do  poésies  françaises  qui  se  trouve  à  la 
p.  181,  ayant  été  insérée  par  l'imprimerie  sans  les  corrections  d'auteur, 
contient  quelques  erreurs  qui  doivent  être  rectifiées  :  à  la  ligne  3,  il  faut 
lire  entreprise  et  non  entrepris  ;  à  la  ligne  13,  il  s'agit  du  poète  DadonviUe  et 
non  du  docteur  Adonville;  à  la  ligne  35,  on  a  imprimé  émumcrerons  pour 
émimcrerons!  —  Page   79,  ligne  40,  Parini,   au  lieu   de  Marini. 

Le  Gérant  :  L.  Sandret. 


Saint-ijwentin.  —  Imprimerie  Jules  Moureau. 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 

ROMANS,    CONTES    ET   NOUVELLES 

Le  Journal  d'une  femme,  par  M.  Octave  Feuillkt,  de  l'Académie  française.  Paris, 
Calmann-Lévv,  1878.  in-18J.  de  343  p.  3  fr.  —  Un  scandale  en  province:  un  Mari,  par 
PiERHE  L'ESTOILE.  Paris,  Calmann-Lévy,  1878,  in-18  j.  de  368  p.  3  fr.  50.  — 
Ariadne,  par  Henry  Grévili.e.  Paris,  E.  Pion,  1878.  in-18  j.  de  315  p.  3  fr,  50.  — 
La  Bague  d'opale,  par  Edouard  Didier.  Paris,  Caïman n-Lévj-,  1878,  in-18  j.  de 
302  p.  3  fr.  50.  —  Les  deux  berceaux,  par  Emile  Richebourg.  Paris,  Dentu,  1878, 
2  vol.  in-18  j.  de  382  p.  6  fr.  —  Les  deux  amies,  par  Xavier  de  Momépin.  Paris, 
E.  Dentu,  1878,  in-18  j.  de  310  p.  S  fr.  —  Jean  Canada,  par  Raoul  de  Navery. 
Paris,  Gh.  Blériot,  1878,  in-12  de  328  p.  3  fr.  —  Le  Juif  Ephraïm,  par  Raodl  de 
Navery.  Paris,  Gh.  Blériot,  1878,  in-12  de  338  p.  3  fr.  —  Le  double  louis  d'or,  par 
Auguste  de  Barthélémy.  Paris,  librairie  Fénelon,  1878,  in-18  de  262  p.  2  fr.  50. 
—  Jules  Darbelle,  par  J,  d'Ar?ac.  Paris  et  Tournai,  veuve  Gasterman,  1878,  in-12 
de  246  p.  2  fr.  —  La  Pupille  d'Hilarion,  par  M"e  Marie  Maréchal.  Paris, 
Ch.  Blériot,  1878,  in-12  de  302  p.  3  fr.  —  Histoire  d'une  corbeille  de  noces,  par 
Etienne  Marcel.  Paris,  Didier,  1878,  in-12  de  318  p.  3  fr.  —  Le  Chemin  de  Damas, 
par  le  général  Ambert.  Paris,  V.  Palmé,  1878,  in-12  de  457  p.  4  fr.  —  Les  Contes 
d'Auteuil;  les  Lis  rouges,  par  Charles  Dubois.  Paris-Auteuil,  librairie  de  la  France 
illustrée,  2  vol.  in-12  de  181  et  195  p.  2  fr. 

Le  Journal  d'une  femme  n'ajoutera  rien  à  la  gloire  littéraire  de 
M.  Octave  Feuillet.  L'action  de  ce  roman  n'égale  pas,  en  effet,  l'inté- 
rêt du  Roman  d'un  jeune  homme  pauvre,  et  Julia  de  Trécœur  lui  est 
supérieur  par  le  style.  Il  n'en  vaudra  pas  moins  à  celui  qu'on  a  ridi- 
culement surnommé  le  «  Musset  des  familles  »  les  sympathies  des 
femmes  du  monde,  qui  aiment,  dans  les  œuvres  d'imagination,  la  ré- 
serve et  l'élégance,  la  distinction  et  Thonnêteté,  le  décorum  et  le 
savoir-vivre.  M.  Octave  Feuillet  met  en  scène  les  passions  multiples 
qui  tourmentent  le  cœur  humain.  Mais,  en-dehors  de  deux  ou  trois 
expressions  assez  risquées,  nous  devons  reconnaître  que  jamais  l'auteur 
de  Monsieur  de  Camors  n'avait  peint  les  passions  d'une  plume  plus  sobre 
et  plus  décente.  Par  exemple,  nous  ne  jurerions  pas  que  la  peinture 
y  gagne  en  force  et  en  vérité;  mais  là  n'est  pas  la  question.  La  ques- 
tion est  celle-ci  :  étant  donnée  une  jeune  fille  très-romanesque  et  très- 
passionnée,  en  faire  une  femme  qui  ne  manque  jamais  à  son  devoir,  et 
dont  la  vie  soit  une  perpétuelle  série  de  sacrifices.  Charlotte  d'Erraré- 
soud  ce  difficile  problème. Elle  aime  «passionnément»  le  commandant 
d'Eblis,  et  elle  sacrifie  son  amour  à  l'amitié,  favorisant,  autant  qu'il 
est  en  son  pouvoir,  le  mariage. du  commandant  avec  Cécile  de  Stèle. 
Parmi  les  soupirants  qui  font  la  cour  à  Charlotte,  se  trouve  un  tronçon 
d'homme,  un  mutilé,  Roger  de  Louvercy,  à  qui,  dans  la  dernière 
guerre,  un  obus  a  enlevé  la  jambe  droite  et  cassé  le  bras  gauche  : 
Octobre  1878.  T.  XXIII,  19. 


—  290  — 

c'est  Roger  que  Charlotte  épouse,  se  constituant  volontairement  et 
«  passionnément  »  sa  sœur  de  charité,  son  ange  gardien.  L'influence  sa- 
lutaire de  ce  dévouement  ramène  à  Dieu  Roger  de  Louvercy.  Le 
pauvre  mutilé  meurt  avec  regret,  mais  sans  désespoir.  Charlotte  est 
libre;  le  prince  Vivane  lui  adresse  ses  hommages,  hommages  de 
libertin  et  d'hypocrite  ;  il  est  repoussé  dans  ses  avances,  sur  un  tel  ton, 
qu'il  n'a  plus  envie  de  recommencer  le  jeu;  Charlotte  préfère  le  veu- 
vage à  un  mariage  de  ce  genre,  quelque  brillante  que  fût  la  fortune 
du  prince.  Cependant  l'union  du  commandant  d'Eblis  avec  Cécile  de 
Stèle  n'est  pas  heureuse  ;  le  commandant  aime  le  travail,  le  foyer,  la 
famille;  Cécile  n'a  du  goût  que  pour  les  bals,  les  fêtes,  les  distrac- 
tions, les  dissipations  :  dans  une  heure  d'affolement,  ce  cœur  dévoyé 
devient  infidèle,  et,  comme  Cécile  n'a  jamais  eu  la  notion  vraie  du 
devoir,  elle  va  ensevelir  sa  honte  et  son  remords  en  s'enterrant  elle- 
même  toute  vivante  dans  la  neige.  Le  commandant  d'Eblis  est  libre, 
lui  aussi.  Cette  fois,  Charlotte  pourrait  parler.  —  Un  mot,  et  elle  se- 
rait la  femme  du  commandant,  et  ce  serait  pour  elle  le  bonheur.  Mais 
les  péripéties  du  roman  mettent  Charlotte  dans  cette  cruelle  nécessité 
qu^en  déclarant  son  amour,  il  faudrait  dévoiler  au  commandant  la 
cause  du  suicide  de  Cécile.  L^infamie  pour  la  mémoire  de  la  morte! 
Jamais!  Charlotte  préfère  se  taire  et  souffrir.  Le  commandant  d'Eblis 
part  pour  la  Russie  en  qualité  d'attaché  d'ambassade.  Que  reste-t-il  à 
la  ((  romanesque  et  passionnée  »  Charlotte?  Il  lui  reste  une  compen- 
sation inappréciable.  Dieu  lui  a  donné,  de  son  mariage  avec  Roger  de 
Louvercy,  une  charmante  petite  fille,  qui  sera  (car  une  mère  qui  a  de 
tels  principes  ne  peut  que  les  inculquer  à  ses  enfants)  la  joie  de  sa 
maturité  et  l'orgueil  et  l'honneur  de  sa  vieillesse.  Il  y  a  beaucoup  de 
femmes  dans  le  roman  de  M. Octave  Feuillet.  A  vrai  dire,  comme  type, 
un  seul  caractère  est  réellement  accusé,  celui  de-  Charlotte  :  les 
autres  défilent,  vagues  et  faiblement  dessinés,  mais  néanmoins  fort 
sympathiques.  Du  côté  des  hommes  :  mômes  défauts  et  mêmes  qualités. 
Le  Journal  cVune  femme  serait_,  paraît-il,  une  autobiographie,  et  nous 
n'aurions  en  M.  Octave  Feuillet  qu'un  éditeur.  Il  le  déclare  du  moins 
dans  une  préface  de  quelques  lignes.  Mais  il  ne  faudrait  pas  prendre 
ceci  trop  au  pied  de  la  lettre.  Coquetterie  d'artiste!  voilà  tout. Qu'im- 
porte d'ailleurs,  si  l'œuvre  est  intéressante,  et  elle  l'est!  Nous  ne  re- 
procherons à  l'auteur  que  deux  choses  :  avoir  poétisé  le  suicide  et 
avoir  méconnu  le  dévouement  de  la  religieuse  qui  se  consacre  à  l'ins- 
truction des  enfants.  M.  Octave  Feuillet,  à  propos  du  mariage  de 
Roger  de  Louvrecy  avec  Charlotte  d'Erra,  met  dans  la  bouche  de  la 
jeune  fiancée  ces  regrettables  paroles  :  «  Dévouement  pour  dévoue- 
ment, celui  dont  l'occasion  se  présente  à  moi  n'a-t-il  pas  un  caractère 
'plus  élevé,  plus  pieux,  plus  attachant,  moins  égoïste  enfin  que  le  simple 


—  291  — 

renoncement  au  monde  et  l'abnégation  un  peu  banale  de  l'institu- 
trice ?  »  Nullement,  mademoiselle  :  votre  dévouement  est  admirable, 
sublime,  surhumain,  tout  ce  que  vous  voudrez;  mais  il  n'est  ni  plus 
élevé,  ni  plus  pieux,  ni  moins  égoïste,  ni  plus  attachant  que  le  dé- 
vouement de  l'institutrice.  Ce  sont  deux  dévouements  d'un  genre  dif- 
férent, et  vous  avez  tort  de  les  mettre  en  parallèle  et  de  déprécier 
celui  que  vous  n'êtes  pas  dans  les  conditions  de  pratiquer.  Par 
exemple,  nous  sommes  tout  à  fait  d'accord  avec  M.  Octave  Feuillet 
quand  il  blâme  les  esprits  étroits  qui  opposent  sans  cesse  la  passion 
au  devoir,  comme  si  l'un  était  nécessairement  le  contraire  de  l'autre. 
On  peut  très-bien  mettre  de  la  passion  dans  le  devoir  —  qui  alors  de- 
vient l'héroïsme.  Certes,  la  génération  présente  ne  périt  pas  par 
l'enthousiasme;  elle  périt  par  la  platitude.  Aussi  n'en  voulons-nous 
pas  trop  à  la  grand'mére  de  Charlotte  de  ce  conseil  :  u  Mesdames  et 
mesdemoiselles,  tâchez  d'avoir  un  grain  de  poésie  dans  la  tête;  vous 
en  serez  plus  facilement  honnêtes  et  plus  sûrement  heureuses.  Le 
sentiment  poétique,  au  foyer  d'une  femme,  c'est  la  musique  et  l'encens 
dans  une  église,  c'est  le  charme  dans  le  bien.»  En  résumé,  M. Octave 
Feuillet  tend  à  se  séparer  de  plus  en  plus  de  l'école  malsaine  à  laquelle, 
dans  ces  dernières  années,  il  avait  malheureusement  donné  quelques 
gages. 

—  Voici  un  nom  nouveau,  Pierre  l'Estoile,  qui  pourrait  bien,  sous 
peu  de  temps,  devenir  un  nom  célèbre.  Nous  dévoilerons  plus  loin  le 
secret  de  ce  pseudonyme.  Disons,  en  attendant, que  le  début  de  Pierre 
l'Estoile  est  d'un  maître.  Pierre  l'Estoile  procède  à  la  fois  de  Balzac 
et  de  Mérimée  :  il  procède  de  Mérimée  par  le  style  vigoureux  et 
sobre;  de  Balzac  par  l'esprit  d'analyse  et  l'observation  pénétrante. 
Un  scandale  en  prooince  et  Un  mari  sont  deux  romans  psychologiques. 
Le  thème  du  premier  de  ces  romans  est  vieux,  usé,  rebattu.  Il  s'agit 
d'une  histoire  d'adultère,  l'éternelle  histoire  du  mari  trompé  et  de  la 
femme  coupable.  Mais  les  détails  sont  nouveaux,  les  scènes  sont  vi- 
vantes, les  types  sont  vrais,  —  et  le  dénoûment  est  aussi  imprévu 
que  terrible.  Le  mari  trompé,  le  vieux  et  brave  général  Labassère,  a 
fait  la  folie,  en  prenant  sa  retraite,  d'épouser  la  trop  jeune  et  très- 
frivole  Régine  de  Reigny.  R  arriva  ce  qui  arrive  souvent  quand  des 
principes  sérieux  de  religion  font  défaut  :  le  beau  capitaine  Guy  de 
Mauzac,  fils  adoptif  et  commensal  du  confiant  général,  induisit  en 
tentation  la  comtesse  Régine,  et  la  comtesse  Régine  eut  l'impardon- 
nable faiblesse  d'écouter  Guy  de  Mauzac,  Vous  le  voyez,  outre  que 
l'histoire  en  elle-même  n'a  aucune  des  qualités  requises  pour  figurer 
dans  la  Morale  en  action,  c'est,  comme  invention  et  comme  sujet,  peu 
intéressant.  Où  donc  est  l'intérêt?  H  est  dans  les  intrigues  vérita- 
blement infernales  qui  s'agitent  entre  des  méchants,  des  envieux,  des 


orgueilleux,  des  imbéciles  et  des  grotesques,  pour  éclairer,  non  par 
sympathie  pour  lui,  mais  pour  des  motifs  inavouables,  le  général  La- 
bassère,  sur  l'infidélité  de  sa  femme.  Ici,  dans  la  peinture  des  carac- 
tères et  des  personnages,  dans  les  vils  mobiles  qui  les  poussent,  dans 
leurs  combinaisons  méphistophéliques^  le  talent  de  Pierre  l'Estoile 
s'affirme.   Il  pose  franchement  ses  types  :  Laruelle  le  percepteui% 
c'est  la  platitude  haineuse  ;  les  dames  Robin  et  Desrivières  incarnent 
Tenvie  vulgaire,  à  l'œil  fauve  et  louche;  dans  Herminie  deLabassère, 
nous  avons  l'orgueil  de  famille  poussé  jusqu'à  la  sottise,  et  dans  les 
vieilles  filles  qui  fréquentent  la  sœur  du  général,  l'esprit  de  commé- 
rage à  la  plus  haute  puissance  ;  quant  aux  deux  gommeiix  de  Péronne, 
Fauconpret  et  Bruneau,  ce  sont  deux  imbéciles.  Mais  tout  ce  monde- 
là  forme  un  tout  et  a  un  lien  commun,  ce  qu'on  pourrait  appeler  la 
franc-maçonnerie  de  la  lâcheté, de  la  jalousie  et  de  la  haine.  Le  résultat 
de  ces  multiples  passions  est  celui-ci  :  le  général  meurt  de  la  faute 
de  sa  femme;  Guy  de  Mauzac,  ne  pouvant  survivre  à  la  honte  d'avoir 
trompé  la  confiance  de  son  père  adoptif,   se  suicide,  et  la  comtesse 
Régine  se  condamne  à  expier,  toute  sa  vie  durant,  dans  un  couvent 
de  règle  austère,  son  ingratitude  et  son  coupable  amour.  Dénoûment 
cruel!  Mais  peut-être  était-il  nécessaire  à  la  moralité  de  l'œuvre,  — 
quoique,  à  notre  avis  et   au   point  de   vue   chrétien,  le  suicide  soit 
toujours  blâmable   et  ne  puisse  jamais  être  une  expiation.   Aussi, 
préférons-nous   Un   mari.   Nous   trouvons   cette  seconde  production 
plus  morale,  au  fond,  sinon  dans  les  détails,  que  la  première.  Qu'on 
en  juge  :  M.   Rabutel,   un   médecin  qui  jouit  à  Amiens  d'une  belle 
clientèle  et  qui  est  tout  à  sa  profession,  s'aperçoit,  un  jour,  de  cer- 
tains changements  dans  le   caractère  et  les  habitudes  de  sa  femme. 
Hélène  Rabutel  n'est  pas  une  personne  vicieuse  ;  elle  a  d'excellentes 
qualités;  mais  elle  est  fille  d'Eve;   elle   se  sent  entraînée  vers  le  mal 
par  la  curiosité,  par  le  vague   de  Tâme,  par  l'inquiétude  de  l'esprit 
(ici  encore,  absence  de  ces  sentiments  religieux  que,  chez  la  femme 
surtout,  rien  ne  remplace).  Dès  lors,  il  n'est  pas  de  prévenance,  d'in- 
dulgence et  de  bonté  que  le  docteur  Rabutel  n'emploie  pour  retenir 
dans  le  devoir  son  inconséquente  moitié.  Néanmoins,  Hélène  Rabutel 
glisse   peu   à    peu   sur   la  pente  de  la  chute  morale,    aussi   rapide 
que    celle    du    radicalisme,   et    elle  tomberait  infailliblement    dans 
le  précipice  si,  par  un  trait  de  courage,  de  bon  sens  et  d'esprit  qui 
est  en  même  temps  un  trait  de  génie,  son  honnête  homme  de  mari  ne 
la  sauvait  une  dernière  fois  et  ne  lui  rendait  enfin  pour  toujours,  avec 
le  calme  d'une  conscience  tranquille,  l'amour  pur   et  sincère  du  mé- 
nage. Mais,  avant  de  rentrer  dans  le  droit  chemin,  Dieu  du  ciel!  que 
de  heurts,  que  de  secousses,  que  d'hésitations,  que  de  luttes,  que  de 
fluctuations,  que  de  volontés  contraires  dans  cette  imagination  éner- 


—  29:]  — 

vée!  Ces  fluctuations,  ces  ballottements  et  ces  angoisses  sont  décrits 
par  Pierre  l'Estoile  d'une  main  sûre  et  d'une  plume  habile.  Les  scènes 
d'Un  mari  et  d'Un  scandale  nous  initient  d'ailleurs,  complètement  et 
à  fond,  aux  mœurs  d'une  certaine  bourgeoisie  de  province.  Ce  n'est 
point  la  province  rurale,  primitive,  presque  sauvage  ;  c'est  une  pro- 
vince spéciale,  tenant  le  milieu  entre  le  hameau  et  la  capitale,  province 
moitié  civile,  moitié  militaire,  que  l'on  retrouve  dans  tous  les  chefs- 
lieux  d'arrondissement  pourvus  d'une  garnison.  Pierre  l'Estoile  met 
en  présence  des  officiers  et  des  bourgeois.  Sauf  le  docteur  Rabutel, 
qui  est  un  maître  homme,  ses  bourgeois  sont  généralement  vulgaires; 
ses  officiers,  au  contraire,  sauf  Gontran  de  Villenoy  qui  est  un  fat, 
ont  les  plus  aimables  qualités.  Evidemment,  Pierre  l'Estoile  a  un 
faible  pour  les  officiers.  Nous  ne  lui  en  faisons  pas  un  crime.  Mainte- 
nant, qui  est  Pierre  l'Estoile?  Notre  ami  Dancourt,  dans  un  de  ses 
spirituels  et  substantiels  Courriers  parisiens  de  la  Gazette  de  France,Y& 
nous  le  dire.  Sous  Pierre  l'Estoile  se  cachent  deux  jeunes  écrivains 
du  meilleur  monde,  poussés  vers  la  carrière  des  lettres  par  une  voca- 
tion irrésistible.  Le  fait  est  qu'Un  scandale  en  province  et  Un  mari  se 
distinguent  par  ces  traits  saillants  :  une  connaissance  vraie  des 
usages  de  la  vie  aristocratique,  un  langage  de  bonne  compagnie.  Les 
romanciers  en  collaboration  ne  rejettent  pas  les  situations  scabreuses; 
mais  il  est  juste  de  dire  qu'ils  n'imitent  en  rien  les  Goncourt  :  ils 
traitent  ces  situations  avec  honnêteté,  tact  et  réserve.  Il  est  néan- 
moins essentiel  d'ajouter  que  Pierre  l'Estoile  n'écrit  pas  pour  les 
jeunes  filles. 

—  Mme  Henry  Gré  ville  continue  la  série  de  ses  romans  russes.  On 
dit  qu'en  France  tout  passe,  tout  casse,  tout  lasse.  Dans  l'espèce,  le 
proverbe  est  en  défaut.  L'étude  des  mœurs  de  la  société  slave  est  en- 
core chez  nous  un  élément  de  succès  et  forme  même  une  branche  rela- 
tivement importante  de  notre  littérature.  Cette  fois,  M™'=  Henry  Gré- 
ville  consacre  la  majeure  partie  de  son  nouveau  roman  à  la  peinture 
des  instituts  dans  lesquels  on  élève  les  jeunes  filles  riches  de  Saint- 
Pétersbourg.  Une  orpheline  pauvre,  Ariadne,  grâce  à  de  puissantes 
protections,  est  recueillie  dans  un  de  ces  instituts.  Ariadne  a  reçu  du 
ciel  r  «  influence  secrète  »  dont  parle  notre  classique  Boileau.  Elle 
est  poète,  elle  est  musicienne,  elle  est  artiste.  Elle  chante  malgré 
elle  comme  le  rossignol,  parce  qu'il  est  dans  sa  nature  de  chanter. 
Expulsée  de  l'institut  pour  une  faute  qu'elle  n'avait  point  commise, 
Ariadne  embrasse  la  carrière  théâtrale.  Elle  obtient  dans  le  Prophète 
un  triomphe  inespéré.  Les  dilettantes  saluent  en  elle  une  nouvelle 
étoile  —  quand  Ariadne  disparaît  tout  à  coup.  C'est  une  étoile  filante. 
Qu'est-elle  devenue?  On  ne  l'apprend  que  par  les  journaux  français  : 
Ariadne,  par  désespoir  d'amour,  s'est  noyée  sur  la  plage  d'Etrétat.  Lu 


—  294  — 

critique  superficielle  a  fait  les  plus  grands  éloges  de  la  dernière  pro- 
duction de  M°"^  Henrj  Gréville.  On  nous  permettra  de  ne  pas  par- 
tager de  tels  engouements.  Ce  froufrou,  ce  remuement,  ce  papillotage 
de  pensionnaires  recevant  dans  l'intérieur  d'un  institut  russe  de 
petits  jeunes  gens  qui  viennent  avec  elles  manger  des  confitures  et 
nouer  des  intrigues  dont  Tenfantillage  ne  détruit  pas  le  danger;  ce 
romantisme  faux  qui  consiste  à  vouloir  nous  intéresser  à  une  canta- 
trice assez  mijaurée  pour  sacrifier  l'art  à  des  prétentions  irréali- 
sables ;  ces  berquinades  sentimentales  enfin  qui  enferment  l'esprit 
dans  les  boudoirs  capitonnés  de  la  vie  factice  et  dans  les  serres 
chaudes  des  vagues  rêveries,  tout  cela  a  quelque  chose  d'énervant, 
d'agaçant  et  de  malsain.  Comme  caractères  réellement  observés,  il 
n'y  a  guère  à  noter  que  ceux  de  la  Grubinof  (une  sous-maîtresse),  du 
brave  professeur  Morini  et  de  la  supérieure  de  l'institut.  Mais  que 
nous  sommes  loin  de  YExpiation  de  Saveli  !  C'était  là  véritablement 
une  œuvre,  originale,  colorée,  bien  rendue,  la  seule  peut-être  qui 
restera  des  innombrables  productions  de  M™*  Henry  Gréville. 

—  Naguère,  avec  la  Rose  d'Antibes,  M.  Edouard  Didier  nous  prou- 
vait qu'il  excelle  dans  l'analyse  et  l'observation  du  cœur  humain.  A 
ces  qualités,  il  unit  dans  la  Bogue  d'opale  un  intérêt  dramatique  des 
plus  saisissants.  Pour  un  motif  des  plus  futiles,  Charles  Lecomte, 
jeune  ingénieur  français,  se  bat  en  duel  avec  Wilkie  Robertson,  le 
plus  excentrique  indigène  de  l'excentrique  Angleterre.  Ce  duel  fait 
de  Lecomte  et  de  Robertson  deux  amis  inséparables.  Ils  ne  se 
quittent  plus  et  partent  ensemble  pour  la  Louisiane  où  l'ingénieur 
français  est  appelé  par  un  planteur  irlandais,  possesseur  de  riches 
minières.  Mac  Dowel,  tel  est  son  nom.  C'est  encore  un  excentrique 
des  mieux  réussis,  et  les  trois  font  plus  que  la  paire.  Mac  Dowel  s'est 
mis  dans  la  tête  de  donner  sa  fille  Nancy  en  mariage  à  l'ingénieur 
Lecomte  —  non  parce  qu'il  est  ingénieur,  mais  parce  que  le  bon- 
homme croit  voir  dans  Lecomte  un  descendant  des  Rohan  ou  des 
Montmorency.  Il  ne  se  trompe  pas  autant  que  l'on  pourrait  le  croire. 
Tant  il  y  a  que  mademoiselle  Nancy  se  prend  de  belle  amitié 
pour  le  prince  charmant  déguisé  et  lui  donne,  en  guise  de  souvenir, 
une  bague  d'opale  d'un  grand  prix  qu'un  joaillier  de  New  York  dit 
être  l'Iris  des  anciens  Hellènes.  Hélas!  la  bague  d'opale  s'égare  et 
mille  obstacles  surgissent  pour  empêcher  le  mariage.  Nous  ne  sui- 
vrons pas  M.  Edouard  Didier  dans  le  dédale  de  péripéties,  d'événe- 
ments et  d'aventures  où  il  promène  ses  héros.  Qu'il  nous  suffise  de 
dire  que  tous  —  même  la  bague  —  se  retrouvent  au  bon  moment,  que 
Charles  Lecomte  qui  a  pris  part  à  la  guerre  de  la  sécession  réappa- 
raît avec  les  épaulettes  de  général  de  division,  et  que  Nancy  devient 
madame  la  générale  comtesse  de  Renneville.   Il  y  a,   dans  la  Bague 


—  29o  — 

d'opale,  des  descriptions  fort  pittoresques  des  pittoresques  contrées 
de  la  Louisiane. 

—  M.  Edouard  Didier   suit  les  traditions  de  Fenimore   Cooper  ; 
M.   Emile  Richebourg,  lui,  s'inspire  d'Eugène    Sue,   non   certes  de 
l'Eugène  Sue  libre  penseur  et  socialiste,  mais  du  peintre  à  l'eau-forte 
de  la  «  pègre  parisienne.»  Les  Z)eui;5frcmz/J7  nous  transportent  dans  un 
monde,  où  les  «  chourineurs  »  et  les  «  escarpes  »  font  la   loi.  Il  j  a 
là  un  certain  Ramoneau  qui,  pour  le  cynisme  du  vice  et  le  sang-froid, 
est  bien  le  frère  cadet  du  fameux  Maître  d'Ecole  des  Mystères  de  Paris. 
Mais  il  n'y  a  pas  que  des  criminels  et  des  bandits  dans  le  roman  de 
M.  Emile  Richebourg;  il  s'y  trouve  aussi  de  bien  braves   gens:  le 
comte  et  la  comtesse  de   LuceroUe,  Louise  Verdier,  l'ouvrier  Pierre 
Ricard,  la  famille  Blanchard.  En  deux  mots,  le  sujet  est  celui-ci  : 
Louise  Verdier,  une  honnête  Lorraine,  de  la  patrie  de  Jeanne  d'Arc, 
a  épousé  un  mauvais  ouvrier,  brutal,  ivrogne  et  libertin.  Abandonnée 
par  Ricard  (c'est  le  nom  de  son  mari),  Louise  Verdier,  un  enfant  sur 
les  bras,  se  retire  dans  son  village.  Là,  par  l'intervention  du  docteur 
Gervais,  elle  trouve  à  nourrir  le  fils  du  comte  et  de  la  comtesse  de 
Lucerolle.  Entre  deux  berceaux,  l'épouse  délaissée  bénit  encore  la 
Providence.  Mais   voilà   qu'un    soir   Ricard,  ivre,   arrive  de   Paris, 
s'introduit  furtivement  dans  la  chaumière  de  Louise,  et,  entendant 
pleurer  un   enfant,  s'en  empare,  croyant  emporter  son  fils.  Il   s''était 
trompé  de  berceau  et  avait  ravi  Léon  de  Lucerolle.  Réveillée  par  le 
bruit  de  l'effraction,  Louise  s'aperçoit  (trop  tard)  du  rapt  et  de  la 
méprise.  Qu'avait-elle  à  faire?  Tout  déclarer  à  la  comtesse  de  Luce- 
rolle. La  pauvre  femme  n'en  eut  pas  le  courage.  Il   en  résulta  que  le 
fils  de  l'ouvrier  Ricard  fut  élevé  comme  le  fils  du  comte  de  Lucerolle 
et  que  le  vrai  Léon  de  Lucerolle  devint  serrurier  sous  le  nom  de 
Pierre  Ricard.  Or,  et  nous  félicitons  à  ce  propos  M.  Richebourg  de 
n'avoir  pas  méconnu  cette  grande  loi  de   l'hérédité  qui  —  générale- 
ment parlant,  car  il  y  a  des  exceptions  —  se  rattache  au  dogme  de  la 
chute  originelle,  le  faux  Léon  de  Lucerolle  a  absolument  tous  les 
vices  de  son  triste  père,  le  crapuleux  Ricard.  Il  est  débauché,  il  est 
grossier,  il  est  insolent,  il  a  tous  les  mauvais  instincts  —  et  l'éduca- 
tion soignée  qu'on  lui  donne  sert  tout  simplement  de  dorure  à  ses 
ignobles  penchants.  Le   faux  Pierre  Ricard,   le  vrai  Lucerolle,   au 
contraire,  enfant  perdu,  laissé  sur  la  voie  publique   par  celui  qu'il 
croit  être  son  père,  élevé  par  d'humbles  concierges,  est  un  ouvrier 
comme  il  en  faudrait  beaucoup  ;  il  a  des  goûts  distingués;  il  aime  à  la 
fois  le  travail  manuel  et  le  travail  intellectuel  ;  il  a  la  passion  du  bien; 
il  ne  va  jamais  au  cabaret;  il  consacre  la  moitié  de  ses  épargnes  au 
soulagement  de  ses  camarades  dans  le  besoin  ou  dans  la  misère  ;  on 
le  cite  dans  l'atelier  comme  le  travailleur  modèle,  si  bien  que  les  ou- 


—  29G  - 

vriers  fainéants,  ceux  qui  font  du  socialisme  au  lieu  de  faire  des  ser- 
rures, ceux  qu'un  des  leurs  a  si  pittoresquement  appelés  «  les  Su- 
blimes, »  se  liguent  contre  Pierre,  le  calomnient^  l'insultent  et 
trempent  dans  le  plus  odieux  complot  contre  sa  personne.  Le  chef  de 
ce  complot  n'est  autre  que  le  faux  Léon  de  LuceroUe.  Bourrelée  de 
remords  et  s'apercevant  que  Tinconduite  de  son  fils  abrège  la  vie  du 
comte  et  de  la  comtesse  de  Lucerolle,  ses  bienfaiteurs,  Louise  Yerdier 
n'y  tient  plus:  elle  dévoile  à  ce  jeune  sacripant  le  mystère  de  sa 
naissance,  la  substitution  qui  s'est  opérée  en  sa  faveur,  le  nom  maudit 
de  l'auteur  de  ses  jours,  et  l'existence  du  véritable  héritier  d'un  titre 
dont  il  n'est  lui,  l'enfant  substitué,  que  l'usurpateur.  A  cette  révéla- 
tion, le  faux  Léon  de  Lucerolle  forme  un  projet  :  celui  de  faire  dispa- 
raître l'ouvrier  Pierre  Ricard.  Pour  ce,  il  s'affilie  à  des  bandits  de  la 
pire  espèce  dont  le  chef,  Ramoneau,  n'est  autre  que  son  vrai  père.  Les 
méfaits  de  Pticard  père  l'ont  mené  au  bagne,  et,  à  l'expiration  de  sa 
peine,  il  s'est  payé  tout  naturellement  le  luxe  d'un  pseudonyme.  Un 
guet-apens  s'organise  donc  contre  le  jeune  ouvrier  Pierre  Ricard,  et 
il  est  exécuté  avec  une  infernale  habileté.  Mais  Louise  Verdier,  à 
qui  ses  remords  ont  rendu  le  sentiment  du  devoir,  veille.  Elle  sauve  à 
la  fois  Pierre  Ricard  de  l'assassinat  et  de  Tèchafaud  ;  elle  fait  plus  : 
elle  dévoile  à  la  justice  les  crimes  odieux  de  Ramoneau,  qui  couronne 
sa  vie  d'horreurs  par  le  meurtre  de  son  propre  fils,  le  faux  Léon  de 
Lucerolle.  Le  vrai  Lucerolle,  l'ouvrier  Pierre  Ricard,  est  amené  par 
Louise  Yerdier  elle-même  en  présence  de  son  père  e.t  de  sa  mère. 
L'ancienne  nourrice  raconte  alors  en  détail  la  scène  de  la  substitution , 
Tout  s'explique,  et  une  grande  iniquité  se  répare.  C'est  un  peu  com- 
pliqué, mais  c'est  très'émouvant  et  très-pathétique.  On  nous  dit  que 
le  roman  de  M.  Richebourg  a  paru  en  feuilleton  dans  un  journal  ré- 
publicain :  c'est  possible.  Dans  tous  les  cas,  sauf  quelques  détails  de 
mœurs  trop  libres,  on  ne  trouve,  dans  les  i)e?<x5erce«Ma7,  pas  la  moindre 
déclamation  contre  les  riches,  pas  la  moindre  tirade  contre  les  prêtres 
et  pas  la  moindre  flatterie  à  l'adresse  des  a  nouvelles  couches.  »  Le 
plus  beau  rôle  est,  sans  doute,  donné  à  un  ouvrier,  Pierre  Ricard  ; 
mais  cet  ouvrier  a  du  sang  aristocratique  dans  les  veines  ;  il  est  issu 
d'une  des  plus  anciennes  et  des  plus  respectables  familles  de  l'est  de 
la  France.  Il  apporte  logiquement  dans  sa  modeste  condition  les  qua- 
lités natives  de  sa  race  >—  et  le  roman  de  M.  Richebourg  donne  rai- 
son au  vieux  proverbe  :  «  Bon  sang  ne  peut  mentir.  »  Evidemment,  le 
directeur  du  journal  républicain  qui  a  accueilli  cette  œuvre  a  été  vic- 
time d'une  singulière  distraction. 

—  Les  principales  scènes  des  Deux  Berceaux  se  passent  dans  le 
monde  des  coquins.  Toute  l'action  des  Deux  Amies,  de  M.  Xavier  de 
Montépin,  se  concentre  dans  le  monde  des  coquines.  Les  deux  amies 


—  297  — 

en  question,  filles  d'anciens  officiers  sans  fortune,  ont  été  élevées  à 
Saint -Denis.  Elles  se  destinent  au  théâtre  et  toutes  les  deux  tournent 
mal,  mais  avec  des  nuances.  Blanche  Courtenay  devient  une  drolesse 
fieffée.  Elle  accapare  un  vieux  célibataire  à  qui  elle  essaye  d'enlever 
sa  fortune  parles  moyens  les  plus  criminels.  Miranda  Sidney  est  une 
Madeleine,  une  vierge-folle  ;  elle  se  livre  à  toutes  les  excentricités, 
sans  jamais  cependant  se  rendre  coupable  de  ce  que  les  gens  dont  le 
seul  code  est  l'honneur  appellent  une  indélicatesse.  Eu  égard  à  la  dé- 
moralisation profonde  qui  règne  en  souveraine  absolue  dans  le  per- 
sonnel des  théâtres,  Miranda  Sidnej'  pouvait  passer  pour  relativement 
honnête,  en  ce  sens  qu'elle  était  serviable,  .charitable,  dévouée, 
pleine  d'excellentes  intentions,  en  résumé,  pour  nous  servir  d'un 
terme  de  l'argot  des  comédiens,  une  bonne  fille.  A  l'exception  de 
Lionel  de  Cadignan  et  de  sa  sainte  mère,  les  Deux  Amies  ne  nous  font 
faire  connaissance  qu'avec  des  gandins  et  des  actrices.  Lionel,  lui- 
même,  n'est  vertueux  que  dans  la  pauvreté  ;  quand  il  devient  riche,  il 
écoute,  comme  les  autres,  la  voix  des  charmeuses  et  des  sirènes.  Voici 
le  portrait  du  gandin;  il  est  curieux  et  pris  sur  le  vif  :  «  Au  physique, 
chapeau  de  forme  anglaise  trop  petit  pour  la  tête  et  placé  sur  une 
chevelure  séparée  en  deux  parties  égales  par  une  raie  allant  du  front 
à  la  nuque  ;  moustaches  en  crocs;  favoris  en  tire-bouchons  ;  beaucoup 
de  poudre  de  riz  sur  le  visage  ;  monocle  dans  l'arcade  sourcilière  ou 
pince-nez;  col  de  chemise  empesé  à  trois  empois;  ruban  noir  ou  bleu 
au  lieu  de  cravate  ;  gilet  fantastique  ;  paletot  prodigieux  à  manches  à 
gigot  ;  pantalon  également  à  gigot  et  se  rétrécissant  sur  le  cou-  du 
pied  ;  bottines  de  femme  ;  gants  de  peau  de  chien  à  la  capucine  ;  stick 
à  la  main;  aux  courses,  voile  vert  sur  le  chapeau  et  lorgnette-jumelle 
en  bandoulière.  Quant  au  moral  —  le  moral  du  gandin,  grand  Dieu, 
qu'allais-je  dire?  Le  gandin  est  forcément  idiot;  s'il  n'était  pas  idiot, 
il  ne  serait  pas  gandin.  »  Lecteur,  que  vous  en  semble?  C'est  bien 
cela. 

—  Les  romans  que  nous  venons  d'analyser,  le  dernier  surtout,  ne 
sont  pas,  moralement  parlant,  irréprochables.  Il  en  va  différemment 
des  romans  et  des  nouvelles  dont  il  nous  reste  à  rendre  compte,  et 
dont  voici  les  titres  :  Jean  Canada,  par  Raoul  de  Navery  ;  le  Juif 
Ephraîm,  par  le  même  auteur;  le  Double  louis  d'or,  par  Auguste  de 
Barthélémy  ;  Jules  Darbelle,  par  J.  d'Arsac  ;  la  Pupille  d'Hilarion,  par 
M"*^  Marie  Maréchal  ;  Histoire  d'une  corbeille  de  noces,  par  Etienne 
Marcel  ;  le  Chemin  de  Damas,  parle  général  Ambert  ;  les  Contes  d'Au- 
teuil  et  les  1/5  rouges^  par  Charles  Dubois.  Ceux-ci  n'ont  pas  tous  une 
égale  valeur  littéraire;  mais  tous  peuvent  enrichir  les  bibliothèques 
paroissiales,  et  la  mère  en  peut  permettre 
la  lecture  à  ses  filles. 


—  298  — 

—  Commençons  par  Jean  Canada.  Ce  roman  forme  la  suite  de 
Pâtira  et  du  Trésor  de  f abbaye,  dont  nous  avons,  en  leur  temps,  donné 
l'analyse.  Les  péripéties  de  Jean  Canada  se  déroulent  dans  cette  belle 
colonie  que  le  vaillant  Montcalm  avait  si  bravement  essayé  de  con- 
server à  la  France  et  qui  est  devenue  la  proie  de  l'Angleterre  sans 
cesser  d'être  française  de  cœur,  de  mœurs  et  de  langage.  Après  l'in- 
cendie du  château  de  Coetquem  par  les  révolutionnaires,  le  marquis 
de  Tanguy,  son  fils  Hervé,  son  beau-père  Halgan  et  Pâtira,  leur 
sauveur  à  tous,  se  réfugient  en  Amérique.  Ils  aident  Jean  Canada, 
Tun  des  derniers  survivants  indigènes  des  compagnons  de  Montcalm, 
à  secouer  le  joug  étranger.  Mais  la  trahison  rend  impuissante  leur 
tentative.  Si  les  Abénakis  sont  pour  la  France,  les  Hurons  sont  pour 
l'Angleterre.  Jean  Canada,  un  type  homérique,  arbore  vainement  le 
drapeau  de  l'indépendance.  Il  meurt  dans  sa  foi  et  dans  sa  gloire  — 
comme  aussi  dans  le  regret  de  voir  sa  patrie  retomber  sous  la  domi- 
nation anglaise.  Tanguy,  Hervé,  Halgan  et  Pâtira  retournent  en 
Bretagne.  Le  Premier  Consul  a  fait  rentrer  les  jacobins  sous  terre  ; 
—  quelques-uns,  les  églises  étant  réouvertes,  vont  même  à  la  messe. 
Les  proscrits  pardonnent  à  leurs  féroces  persécuteurs.  Ils  retrouvent 
aussi  à  Coetquem,  Claudie,  la  femme  souffre -douleur  de  l'horrible 
Jean  Lenclume,  et  Jeanne  la  Fileuse,  qui  prophétise  toujours. 
Pâtira  a  ramené  en  France  une  jeune  Canadienne,  la  Non-Pareille.  Il 
la  prend,  devant  Dieu  et  devant  la  loi,  d'autant  plus  volontiers  pour 
femme  que  cette  fille  des  Abénakis  a  sauvé  Hervé  de  la  mort;  ils 
seront  ainsi  deux  à  aimer  l'enfant  de  Blanche  Halgan,  la  martyre  du 
devoir  conjugal  et  de  l'amour  maternel.  En  apercevant  le  marquis 
Tanguy,  Jeanne  la  Fileuse,  qui  est  comme  la  sybille  des  vieilles  tradi- 
tions, s'écrie  à  la  barbe  de  tous  les  enrichis  de  la  Révolution:  «  Sois 
le  bienvenu,  Tanguy  de  Coetquem,  dans  cette  terre  qui  est  la  tienne.  » 
Hélas  !  de  cette  terre,  autrefois  si  puissante,  il  ne  reste  que  quelques 
arpents  de  guérets  et  de  fougères  —  et  l'antique  château  n'est  qu'un 
amas  de  décombres.  Mais  (ce  qui  vaut  peut-être  mieux)  il  reste  aux 
derniers  des  Coetquem  l'amour  de  tous  les  braves  gens  en  qui  les 
«  idées  nouvelles  »  n'ont  pas  éteint  la  mémoire  du  cœur  ni  étouffé  les 
sentiments  de  reconnaissance.  Telle  est  la  fin  de  cette  trilogie: 
Pâtira,  le  Trésor  de  l'abbaye,  Jean  Canada.  Quant  au  Juif  Éphraïm, 
il  appartient  à  un  tout  autre  ordre  d'idées  :  c'est  également  une  suite, 
la  suite  des  Héritiers  de  Judas.  Nous  y  retrouvons  Jude  Malœuvre 
qui  s'acharne  toujours  après  les  héritiers  de  M.  de  Pontjoubert; 
Marie-Ange, sauvée  parle  bon  nègre  Pampy  ;  Cyrille  que  Malœuvre  fait 
enfermer  comme  fou;  le  chien  Morse,  un  chien  au  cou  duquel  le  ruban 
de  la  Légion  d'honneur  serait  mieux  placé  que  sur  la  poitrine  de 
certains   hommes;   l'honnête    Parasol;    Lucien    Lavergne,     l'ancien 


—  299  — 

précepteur;  enfin,  le  juif  Éphraïm.  Celui-ci  est  parti  pour  la  Terre- 
Sainte,  avec  la  mission  sacrilège  de  faire  mentir  le  Christ  et  de 
rebâtir  le  Temple.  Mais  si  les  fils  d'Israël  proposent,  Dieu  dispose. 
Grâce  aux  admirables  exhortations  de  Lucien  Lavergne,  et  sans 
doute  sous  l'influence  des  Lieux-Saints,  Ephraïm  voit  se  renouveler 
en  sa  personne  le  miracle  de  saint  Paul.  De  persécuteur  qu'il 
était  parti  pour  la  Palestine,  Ephraïm  revient  catholique  et  fran- 
ciscain. Ce  roman,  au  point  de  vue  dramatique^  n'a  pas  d'intérêt. 
Mais  il  vaut  par  le  cadre  —  et  l'on  aime  à  parcourir,  avec  l'au- 
teur, ces  terres  d'Orient  d'où  nous  vient  la  lumière  physique  et  d'où 
nous  vient  la  lumière  morale  :  d'abord,  l'Egypte,  le  pays  où  des 
sphinx  mystérieux  gardent  le  seuil  des  temples  ;  les  lieux  amers  de 
la  captivité  ;  le  Nil,  qui  vit  surnager  le  berceau  de  Moïse  arraché  au 
courant  des  eaux  par  les  papyrus  du  rivage  ;  la  masse  imposante  des 
orgueilleuses  pyramides;  puis,  la  Syrie,  la  Palmyrène,  le  Mont- 
Liban;  enfin,  le  sol  sacré  ■ — la  vallée  des  Térébinthes;  Ramatha, 
patrie  de  Samuel,  ce  prophète  qui  sacrait  rois  les  bergers;  Jérusalem, 
la  ville  déicide  ;  les  restes  du  palais  de  David;  la  fontaine  de  Siloé, 
le  torrent  de  Cédron,  le  Jardin  des  Oliviers,  le  champ  du  sang, 
Gethsémani,  la  Voie  douloureuse,  et,  couronnant  le  tout,  ce  mont 
Golgotha  où  fut  prononcé  et  réalisé  le  Consummatvm  est  qui  a  racheté 
le  monde.  M™"  Raoul  de  Navery  n'oublie  rien.  On  voit  qu'elle  n'a 
pas  lu  en  étourdie  Vltinéraire  de  Chateaubriand. 

—  Revenons  à  Paris.  M.  Auguste  de  Barthélémy,  sans  crier  gare, 
nous  mène  dans  la  rue  de  Nevers,  une  des  rues  les  plus  étroites  et  les 
plus  infectes  de  la  ville  que  M.  Prudhomme  nomme  avec  conviction 
—  et  il  n'a  pas  tout  à  fait  tort  —  la  Babylone  moderne.  Rue  de 
Nevers,  habite^  ou  plutôt  perche  Ledray,  un  avare  qui  en  remontre- 
rait à  Harpagon  et  au  père  d'Eugénie  Grandet.  Si  Ledray  n'était 
qu'avare  !  Mais  c'est  un  afi'reux  gredin  qui  s'est  trouvé  mêlé  aux 
Massacres  de  Septembre  et  a  ruiné  de  fond  en  comble  la  famille 
d'Oberval.  Le  locataire  de  Ledray  est  un  charmant  garçon,  Raoul  de 
Bizanceuil,  qui  n'a  pour  toute  fortune  que  de  bons  sentiments,  une 
solide  instruction,  des  jarrets  d'acier  et  un  double  louis  d'or.  «  Tiens, 
lui  dit  sa  mère  en  lui  donnant  ce  double  louis  le  soir  de  son  départ 
pour  la  capitale  ;  tu  sais  d'où  il  nous  vient,  il  te  portera  bonheur.  » 
Le  double  louis  d'or  avait  fait  partie  du  douzain  donné  à  la  grand' 
mère  de  Raoul,  le  jour  du  mariage  de  la  vénérable  aïeule,  et  il  devint 
effectivement  un  talisman  pour  le  petit-fils.  S'il  tenait  à  son  double 
louis,  Raoul  de  Bizanceuil,  je  vous  le  laisse  à  penser.  Et  cependant, 
voilà  qu'un  dimanche,  au  sortir  de  la  messe  de  Saint-Sulpice,  il  offre 
gaîment  et  délicatement  l'amulette  tant  caressée  à  une  jeune  femme 
de  ses  voisines  dont  il  connaissait  le  dénûment  et  la  misère.  Or.  cette 


—  30O  — 

jeune  femme,  cela  se  devine,  n'est  autre  qu'une  d'Orbeval.  Dès  lors, 
le  dénoûment  est  indiqué  de  lui-même.  M""  d'Orbeval  devient 
M""  de  Bizanceuil,  et  Raoul  fait  rendre  gorge  à  l'ancien  coupe-tête. 
Le  Double  louis  d'or  est  une  œuvre  bien  écrite.  Elle  ne  vaut  pas  Pierre 
le  Peillarot,  mais  elle  est,  à  notre  avis,  de  beaucoup  supérieure  à 
l'Affiquet  de  la  marquise. 

—  Dans  Jules  Darbelle,  M.  d'Arsac  nous  raconte  l'émouvante  et 
édifiante  histoire  du  fils  d'un  professeur  au  lycée  Saint-Louis.  Élevé 
à  la  fois  très-chrétiennement  et  très-solidement,  Jules  Darbelle 
remporte  les  plus  brillants  succès  universitaires.  Il  sort  le  premier  de 
l'Ecole  des  chartes,  il  est  nommé  archiviste  à  Orléans,  lorsque  la 
guerre  de  1870  éclate.  Jules  Darbelle  n'hésite  pas  :  il  se  range  sous 
le  drapeau  de  Charrette,  et  y  trouve  la  mort,  une  mort  glorieuse, 
héroïque,  sainte,  enviable.  Cela  donne  occasion  à  M.  d'Arsac  de 
raconter  la  résistance  héroïque  de  Loigny  et  la  charge  désormais 
légendaire  de  Patay.  C'est  un  sujet  qui  ne  vieillira  jamais  et  qu'on 
relira  toujours  avec  émotion.  Ça  et  là,  M.  d'Arsac  entremêle  son 
récit  de  réflexions  fort  judicieuses  sur  l'éducation  (il  doit  être, 
comme  on  dit,  du  métier).  Nous  ne  résistons  pas  au  plaisir  de  repro- 
duire les  lignes  suivantes:  «  L'externat  est  le  type  parfait;  ce  système 
honore  la  famille  en  lui  faisant  accomplir  par  elle-même  la  partie  la 
plus  importante  de  l'œuvre  de  l'éducation,  et  il  ennoblit  la  jeunesse 
en  lui  accordant  plus  de  confiance,  plus  de  tendresse,  plus  de  liberté, 
plus  d'inititiave  personnelle.  L'apprentissage  de  la  vie  est  doux,  le 
devoir  est  facile  pour  l'enfant  qu'abrite  l'ombre  protectrice  de  la 
famille.  Malheur  à  la  nation  assez  insensée  pour  méconnaître  la 
salutaire  infiuence  de  la  famille  sur  l'éducation  !  En  poursuivant  une 
chimère,  elle  se  briserait  contre  un  écueil,  car  la  famille,  c'est  la 
force,  c'est  l'union,  c'est  le  sanctuaire  où  se  conservent  et  se  trans- 
mettent les  traditions  de  l'ordre  moral,  principe  vital,  héritage  sacré 
que  de  vains  paradoxes  osent  parfois  attaquer  pendant  les  jours 
d'orage  !  »  M.  d'Arsac  n'a  que  trop  raison.  Malheureusement,  en  la 
plupart  des  cas,  son  système,  qui  est  le  meilleur,  est  impraticable. 
Dans  cette  conjoncture,  qu'ont  à  faire  les  parents?  Confier  leurs 
enfants  à  des  maîtres  dont  ils  soient  sûrs  et  qui  les  élèveront  dans  les 
principes  de  religion  et  de  respect  qu'ils  auraient  inculqués  eux- 
mêmes  à  ces  jeunes  et  malléables  intelligences.  Bien  choisir,  tout 
est  là. 

—  Avez-vous  lu  la  description  du  château  de  la  Misère  dans  lel 
Capitaine   Fracasse,   de   Théophile   Gautier  ?  C'est   ce   qu'on  appelle 
décrire.  Ut  pictura  poesis.  La  plume  même  a  cette  fois    surpassé  le 
pinceau.  Elle  ressuscite,  elle  évoque,  elle  réalise,  elle  fait  tout  voir, 
tout  comprendre.  Incontestablement,  c'est  le  dernier  mot  de  la  des- 


-  301  — 

cription  —  et  le   tableau  que  nous   donne   M'"^  Marie   Maréchal  du 
château  d'Apremont  n'est  à  comparer  en  rien  avec  celui  que  nous 
a  donné  Théophile  Gautier  delà  gentilhommière  délabrée  du  baron  de 
Sigognac.  Et  cependant,  quand  il  s'agit  de  la  nature,  voyez  ce  que 
c'est  de  ne  pas  s'en  tenir  au  poncif,  au  convenu,  au  factice,  et  de  faire 
vivre  les  choses.  Ce  château  d'Apremont,  perché  sur  un  volcan  d'Au- 
vergne, est   esquissé   en  quelques  lignes  ;  les  étranges  personnages 
qui  l'habitent  sont  présentés  à  la  diable  ;  les  accessoires  sont  à  peine 
indiqués.   N'importe  !   Tout    cela  forme  un   ensemble   saisissant  qui 
force  l'attention  et  se   grave  dans  la  mémoire.  Pourquoi  ?  Parce  que 
l'auteur  de  la  Pupille  d'Hilarion  s'est  attachée   à  être  vraie.  Très- 
certainement,  M'"'  Marie   Maréchal  a  vu,  sinon   habité,  un  château 
d'Apremont  quelconque.  Par  exemple,  un  type  qui    doit  être  de  son 
invention,  c'est  cette  incomparable  Corisandre  Polym  nie  de  Barben- 
tane,    chanoinesse  de   Munich,    héritière  d'une   race     guerrière  qui 
remonte  à  l'invasion  des  Barbares.  Il  y  a  bien  un  autre    rejeton,  mais 
pas  mâle.  Est  arrivée  d'Amérique   une    amour   de   fillette,  née  d'un 
Barbentane  et  d'une  Yankee:  on  l'a  baptisée  la  Frileuse.   Quant  la 
mort  frappe  la  terrible   chanoinesse,  la  Frileuse  représente  seule  ce 
grand   nom   de   Barbentane  qui   faisait    fuir  Alaric.  Pauvre  petite! 
Qu'elle  est  à  plaindre  dans   ce  manoir  aux  salles  froides,  aux  corri- 
dors   sombres,  aux  tourelles  silencieuses,  entre   le  grave    intendant 
Hilarion  et  sa  non  moins  grave  sœur,  dame  Vénérande  !  C'est  la  vie 
à  cote  de  la  mort,  l'imprévu  à  coté  de  l'étiquette,  la  pétulance  à  côté 
du  glacial  décorum.  Comme  elle   s'ennuie,  la  Frileuse!  Ma  foi,  il  ne 
faut  pas  trop  lui   en   vouloir.  A  sa  place,  nous  ne  serions  pas   plus 
joyeux.  Remémorez-vous  les  premières  pages  des  Mémoires  (VOuire- 
Tombe.  Heureusement,  il  y  a   la   Chataigneraye.  La  Chataigneraye, 
malgré  sa  première   syllabe,  est    loin  d'être   un  château.  C'est  une 
maisonnette,    humble,   modeste,    discrète    comme   la   violette.    Mais 
comme  elle  est  riante,  vivante,  animée  !  Comme  les  vertes  pelouses 
qui  l'entourent  sont   attrayantes  !  Comme  ses   volets  verts   ont  des 
charmes!  Là  habitent  les  bons  amis    de   Frileuse,  M.   Salvage,  un 
ancien  notaire  peu  fortuné,  Jacques,  son  fils  aîné,  Francine  sa  fille, 
et  Mauve,  une  orpheline  qu'on  a   recueillie  et   qui  s'improvise   ins- 
titutrice   volontaire     de    M"'^   Frileuse    de    Barbentane.   L'institu- 
trice se  fait  tellement  aimer   de   son  élève  que    celle-ci,  montée  sur 
Brown,  un  poney  passablement  ardent,  descend   à   grand   galop,  au 
risque  d'être  vingt  fois  désarçonnée,  le   chemin   capricant  et  rapide 
qui  sépare   son   nid   d'aigle,  Apremont,   de  son   nid  de    fauvette,  la 
Chataigneraye  !  Hilarion  a  beau  adresser  à  sa  pupille  de  très-respec- 
tueuses remontrances,  la  pupille   n'en    a   cure.  Fantasque,  bizarre, 
folâtre,  un  vrai  moineau  franc,  Frileuse  n'agit  qu'à  sa  tête.  Heureu- 


—  302  — 

sèment,  elle  a  un  cœur  d'or.  Hilarion  ne  s'en  doute  pas.  Aussi,  perd-il 
son  patois  à  vouloir  corriger  M"®  de  Barbentane.  Il  en  est  tout 
autrement  à  la  Chataigneraye.  On  connaît  Frileuse  et  on  manœuvre 
en  conséquence.  Mauve  la  conseille  et  l'instruit;  Jacques  lui  donne  des 
leçons  de  savoir-vivre,  mortifie  sa  jeune  vanité,  détruit  ses  mauvais 
penchants.  Mauve  lui  enseigne  la  musique  ;  Jacques  l'initie  aux 
beautés  littéraires  de  Corneille,  de  Schiller  et  de  Shakespeare.  Et 
tout  cela,  en  riant,  en  se  jouant,  sans  prétentions  et  sans  pédantisme! 
Frileuse  prend  si  bien  goût  aux  enseignements  des  Mentors  de  la 
Chataigneraye  qu'on  ne  la  voit  plus  à  Apremont.  Ce  qui  scandalise 
fort  dame  Vénérande  !  Préférer  une  bicoque  à  un  château  qui  «  compte 
quarante  chambres  de  maîtres  et  est  inscrit  sur  les  registres  des  con- 
tributions pour  quatre  cents  portes  ou  fenêtres,  »  seriez-vous  une 
petite  jacobine,  mademoiselle  de  Barbentane?  Tout  doux,  dame 
Vénérande.  C'est  parce  qu'il  y  a,  à  Apremont,  trop  de  chambres  et  pas 
assez  d'habitants,  trop  de  portes  et  pas  assez  de  liberté,  trop  de 
fenêtres  et  pas  assez  de  vie,  que  Frileuse  préfère  la  bicoque.  Elle  a 
vraiment  raison.  Vous  l'élevez  là  haut  en  serre-chaude,  vous  lui  parlez 
comme  à  une  sainte  dans  sa  niche,  vous  lui  faites  un  crime  de  la 
moindre  infraction  à  l'étiquette  —  l'étiquette,  cet  affreux  boulet  de 
plomb  quia  abrégé  les  jours  de  tant  de  reines  d'Espagne,  belles, 
gracieuses,  spirituelles,  aimables.  Là-bas,  au  contraire,  on  la  corrige, 
mais  on  l'aime;  on  l'instruit,  mais  on  lui  pardonne  ses  frasques 
enfantines,  ses  vivacités  juvéniles;  on  la  redresse,  mais  on  la  laisse 
vivre.  Et  le  procédé  ne  doit  pas  être  mauvais,  car,  dans  quelques 
années.  Frileuse  de  Barbentane,  amendée,  modifiée,  bonne  et  douce 
à  tous,  instruite,  bien  élevée,  sérieuse,  demande  en  mariage  celui 
qui  a  fait  d'elle  la  femme  forte  dont  parlent  les  Proverbes. 

Hilarion  et  Vénérande  jettent  d'abord  les  hauts  cris  :  les  Barben- 
tane s'allier  avec  les  Salvage,  mais  c'est  la  fin  du  monde  !  Leur 
mauvaise  humeur  ne  tarde  pas  à  s'apaiser.  L'héritière  des  Barbentane 
ne  veut  que  des  heureux  auprès  d'elle.  Ce  roman  commence  et  se  ter- 
mine comme  un  conte  de  fées.  Une  leçon  très-utile  s'en  dégage 
pourtant:  c'est  qu'il  y  a  divers  systèmes  d'éducation,  et  que  ce  n^est 
point  (nous  recommandons  ceci  à  certains  pédagogues)  en  roulant 
des  yeux  sévères,  en  interdisant  toute  distraction,  en  ne  pardonnant 
pas  la  moindre  espièglerie,  en  rendant  l'étude  antipathique  et  repous- 
sante, que  l'on  a  raison  des  caractères  amoureux  de  l'indépendance, 
pour  ne  pas  dire  de  l'indiscipline.  On  désirerait,  dans  la  Pupille 
d'Hilarion^  une  forme  plus  châtiée,  un  style  moins  négligé,  un  récit 
moins  diffus.  Le  début  et  le  dénoûment  sont  parfaits.  Mais,  dans  les 
détails,  que  d'inutilités,  que  de  longueurs  ! 

—  Ces  reproches   ne  s'adressent  pas  à  M""*   Etienne  Marcel.  Son 


—  303  — 

Histoire  d'une  corbeille  de  noces  est  un  modèle  de  sobre  élégance. 
Emmeline  Duval  sort  du  couvent,  et  ses  parents  vont  la  marier  à  un 
jeune  homme  des  mieux  doués.  Rajmond  Lagrange, 

selon  l'usage  antique  et  solennel, 
offre  à  sa  fiancée  une  corbeille  de  noces  de  vingt  mille  francs. 
On  consulte  Emmeline  sur  ses  goûts  :  diamants,  dentelles,  cache- 
mires, que  désire  Mademoiselle?  Horreur!  Mademoiselle  désire 
que  l'on  convertisse  les  vingt  mille  francs  en  actions  de  chemins  de 
fer  et  qu'on  les  lui  donne.  Stupéfaction  générale.  Quoi!  cette  enfant 
rieuse,  poète,  artiste,  aime  l'argent...  Fi  !  Pour  un  peu,  le  mariage 
va  se  rompre.  Pas  si  vite,  jeune  homme.  Vous  méconnaissez  Emme- 
line. Emmeline  n'est  ni  avare,  ni  thésauriseuse  ;  Emmeline  est  adora- 
blement  charitable.  Savez- vous  ce  qu'elle  veut  faire  de  vos  vingt 
mille  francs?  Elle  veut  en  constituer  une  dot  pour  son  amie  de 
pension,  Emma  Verner,  dont  le  père,  autrefois  riche  à  millions,  vient 
de  tomber  dans  la  misère.  Cela  n'empêcha  pas  les  envieuses  et  les 
mauvaises  langues  de  dire,  en  chuchotant,  le  jour  des  noces  d'Emme- 
line  :  «  Vous  voyez  cette  belle  mariée,  eh  bien,  elle  a  un  chiffre  à  la 
place  du  cœur  !  »  Mais  ceux  qu'elle  aime,  son  père,  sa  mère,  son 
mari,  Emma  Verner  et  le  bon  Dieu  savent  le  contraire.  Cela  suffit  à 
Emmeline.  —  L'Histoire  d'une  corbeille  de  noces  est  suivie  de  deux 
autres  Nouvelles:  Entre  voisins,  et  le  Roman  de  deux  jeunes  filles.  Ces 
deux  récits  n'offrent  pas  le  même  intérêt  que  la  Corbeille  de  noces.  Ils 
sont  littérairement  insignifiants,  et  —  malgré  leur  valeur  morale  — 
font  tache  au  premier  tableau.  Que  ne  publiait-on  seule  la  Corbeille  de 
noces  ? 

—  Par  exemple,  un  recueil  de  Nouvelles  dont  il  ne  faut  abso- 
lument rien  retrancher,  c'est  celui  que  nous  devons  au  général 
Ambert,  sous  ce  titre  :  le  Chemin  de  Damas.  Il  y  a  là  une  vingtaine 
de  récits  dont  chacun,  fond  et  forme,  constitue  un  petit  chef-d'œuvre. 
Le  général  Ambert  manie  aussi  bien  la  plume  qu'il  a  autrefois  bien 
manié  l'épée.  La  plume  du  général  Ambert  est  avant  tout  chrétienne 
et  française.  Dans  le  Capitaine  de  la  garde  royale,  la  Croix  de  Saint- 
Louis,  l'Histoire  d'un  soldat,  l'Aumônier  militaire,  l'auteur  se  plaît  à 
relater  les  traits  d'héroïsme  et  de  dévouement  dont  nos  armées  ont 
été  si  souvent  prodigues.  Aujourd'hui,  la  Révolution  dit:  «  La  reli- 
gion n'est  pas  nécessaire  au  soldat;  »  le  général  Ambert  répond,  et  il 
le  prouve:  «  Le  christianisme  donne  le  vrai  courage;  les  soldats  qui 
se  battent  le  mieux,  qui  font  le  mieux  leur  devoir,  sont  les  soldats 
qui  croient,  qui  ont  la  foi,  non  une  foi  de  routine,  mais  une  foi 
sérieuse  et  qui  en  font  les  œuvres.  »  Citons  encore  :  Rois  et  Commis, 
où  Louis  XIV  est  mis  en  scène  avec  ses  grands  ministres  ;  le  Tambour 
Mathieu,  qui,  de    simple   paysan,  devient,   sans  quitter  le  régiment^ 


—  30i  — 

bachelier  es  lettres    ot  bachelier   es  sciences;  Poî^r  7J/r/',  naïve  his- 
toire  d'un   pioupiou  de   la  Dordogne  qui  se  croit  tenu   à  venir   une 
fois  par  semaine,  monter  une  faction  volontaire  d'une  heure  dans  la 
cathédrale  de  la  ville  où  il  est  en  garnison;  le  Faclionnaire  de  Pompéï, 
martyr  de  la  consigne  et  de  la  discipline  ;  enfin  le  Père  et  le  Fils,  tout 
un  drame.  C'est  évidemment  la  meilleure  page  du  livre  —  une   page 
que  Paul  de   Molènes  eût   signée  avec  bonheur.  Connaissez-vous  ce 
type  militaire  qu'on   appelle   YeiHrahieur?  C'est   celui  qui  allume  le 
régiment  pour  l'escarmouche  ou  pour  la  bataille.  N'est  pas  entraîneur 
qui  veut.  Le  courage  n'y  suffit  pas.  Il  faut  autre  chose  ;  il  faut  s'em- 
parer par  un  mot,  par  un  geste,  par  un  regard,  par  ce  nescio  qiiid  que 
César  trouvait  seulement  dans  la  légion  qu'il  avait  formée  de  recrues 
gauloises  et  qu'il  avait  surnommée  i/oi/ia;  l'Alouette.  L'entraîneur 
est  un  poète  en  action.  Tel  était  le  capitaine  Roumajoux  —  un  dur 
à  cuire,  n'aimant  guère  «  la  calotte  »  comme  le  Robert  de  V Aumônier 
du  régiment,  mais  bon  au  fond  et  susceptible  de  mieux.  Il  finit  par  se 
marier.  Sa  femme  meurt  en  lui  laissant  un  fils.  Ce  fils,  plus  tard,  devient 
un  brillant   officier  et   un   officier  chrétien  ;  il  convertit   son  père. 
Roumajoux  est  heureux.   Dieu  soumet  sa  foi   à  la  plus  terrible  des 
épreuves.  Son  fils  est  tué  dans  une  expédition  contre  les  Arabes —  et 
le  vieux  capitaine,  qui  eût  blasphémé  naguère  à  faire  trembler  le  ciel 
s'incline  en  pleurant,  comme  le  patriarche  de  la  terre  de  Hus,  devant 
les  volontés  de   la  Providence.  —  Il    est  facile  de  s'apercevoir  que, 
dans  le  Chemin  de  Damas,  tout  est  portrait.  Le  général  Ambert  n'a 
point  inventé  les  figures  :  elles  ont  posé  devant  lui,  et  il  les  a  mises 
dans  le  cadre  le  plus  attrayant,  en   pleine   lumière.  Excellent  livre 
qu'on  ne  saurait  trop  propager,  surtout  dans  les  bibliothèques  mili- 
taires. 

—  Pareillement,  ce  sont  deux  recueils  d'utile  et  catholique  pro- 
pagande que  les  Contes  d'Auteuil  et  les  Lis  ronges  de  M.  Charles 
Dubois.  Le  conteur  n'en  est  pas  à  son  coup  d'essai:  il  a  déjà  publié 
Sophie,  Madame  Agnès,  les  Récits  d'un  Alsacien,  Foui  et  Cécile,  Maître 
Olivier,  la  Vierge  de  la  Creuse,  toutes  œuvres  qui  placent  M.  Charles 
Dubois  parmi  nos  meilleurs  conteurs  religieux.  Les  Lis  rouges  et  les 
Contes  d'Auteuil  ne  le  feront  pas  déchoir  d'un  rang  qu'il  occupe  avec 
talent  et  distinction  :  au  contraire!  Ces  deux  opuscules  sortent  des 
presses  de  l'admirable  Orphelinat  de  l'abbé  Roussel,  dont  le  Figaro  a 
su  parler  avec  tant  d'éloquence  et  de  conviction  qu'il  en  est  résulté 
la  plus  belle  souscription  charitable  qu'ait  jamais  enregistrée  la  presse 
fv&nçaiise.  Les  Lis  rouges  et  les  Contes  d'Auteuil  se  vendent,  croyons- 
nous,  au  profit  de  la  même  œuvre.  Ils  ne  produiront  certes  pas 
400,000  francs.  Mais  la  modeste  obole  qu'ils  représentent  est  d'autant 
moins  à  dédaigner  que,   pour  cette  obole,  le  lecteur  fait  provision 


I 


d'histoires  édifiantes,  de  pensées  utiles  et  de  réâexioiis  chrétiennes. 
Ce  stock-là  en  vaut  bien  un  autre.  Dans  les  Lis  rouges,  M.  Charles 
Dubois  nous  transporte  en  Alsace,  sa  chère  Alsace,  à  l'époque  où  le 
protestantisme   luthérien   —  l'opportunisme  de  ces    temps-là  —  se 
sentit  débordé  par  les  anabaptistes  de  Munster.  C'est  un  roman  his- 
torique .  On  y  voit  aux  prises  la   féodalité  favorable  à  Luther  et  la 
féodalité    fidèle  à  l'Église.   Celle-ci   est   représentée   par  Thierry, 
comte  de  Kœnigsheim,  qui  n'hésite  pas  à  donner  sa  vie  pour  sa  foi. 
Une  légende  se  forma  sur  sa  tombe  :  les  lis  blancs  qui  entouraient  la 
tête  ensanglantée  du  héros  devinrent  rouges  et  ne  se  fanèrent  plus. 
Le  roman  intéresse  ;  mais  il  eût  gagné  à  être  moins  concis,  —  Sauf  une 
légende  qui  se  rapporte  aux  luttes  que  soutinrent,  au  seizième  siècle, 
les  bourgeois  de  Strasbourg  pour  leurs  franchises  municipales,  les 
Contes  d'Auteuil  sont  tous  empruntés  à  la  vie  moderne.  Deux  d'entre 
eux  :  la  Fille  d'un   millionnaire  et  Pauvre  enfant,  pauvre  mère,  ont 
pour  but  de  nous  intéresser  plus  spécialement  aux  orphelins.  Sauvés 
par  l'épreuve  est  une  poignante  histoire,  d'où  il  résulte  que  la  religion 
reste  encore  et  restera  toujours,  dans  les  plus  terribles  souffrances, 
la  grande    Consolatrice.  Marie-Edmée   est  un  résumé  fort  bien   fait 
de  l'autobiographie  de  Marie-Edmée  Pau,  cette  admirable  jeune  fille 
qui  mourut,  il  y  a  quelques  années  àpeine,  des  douleurs  de  la  patrie, 
qui  fut  à  la  fois  une  âme  d'élite  et  un   esprit  supérieur,  et  qui   nous  a 
laissé    ce  touchant  récit  :  Vie  de  notre   petite  sœur  Jeanne  d'Arc. 
M.  Charles  Dubois  fait  revivre,  en  quelques  lignes  émues,  cette  sym- 
pathique figure.  FiRMiN  BoissiN. 


HAGIOLOGIE  ET  BIOGRAPHIE   RELIGIEUSE 

SURius.  Historiœ  seu  vitœ  sanctorutn,  Juxta  optimam  Coloniensem  editionem  nunc 
vero  ex  recentioribus  et  probatiss.  monumentîs  numéro  auctae,  mendis  expiir- 
gatœ  et  notis  exornatœ,  quibus  accedit  romanum  Martyrologium  breviter  illustra- 
tum.  Taurin,  presbytero  e  congr.  Glerr.  Regg.  S.  Pauli  curante.  Vol.  VIII.  Augustus. 
Augustœ  Taurinorum,  ex  tip.  Eq.  Pétri  Marietti,  MDGCGLXXVIII,  in-8,  de  783  et 
687*-784*  p.  Prix  :  10  fr.  50.  —  Saint  Biaise.  Son  histoire,  son  culte  et  son  insigne  relique 
dans  la  basilique  du  Sacré-Cœur  de  Paray-le-Monial,  par  l'abbé  L.  Gauthey,  chape- 
lain de  la  même  basilique.  Paray-le-XIonial,  V=  Lambordot,  1878,  in-18  de  142  p. 
avec  1  photogr.  Prix  :  1  fr.  —  Sainte  Monique,  modèle  et  patronne  des  mères  chre'- 
tiennes, 'jtar  l'abbé  Adolphe  Legoupils,  œuvre  posthume  publiée  par  l'abbé  Eugène 
SoYER.  Tours,  Cattier;  Paris,  Larcher,  in-12  de  2(32  p.  Prix  :  1  fr.  50.  —  Saint 
Patient,  évéque  de  Lyon  et  l'Egliie  de  Lyon  à  la  fin  de  la  domination  romaine  dans  la 
province  Lyonnaise,  par  l'abbé  L.  S.  Tatu.  Lyon,  Brlday,  1877,  in-8  de  vn-i;]2  p. 
Prix  :  2  IV.  —  Histoire  de  sainte  Geneviève,  vierge  et  patronne  de  Paris  et  de  son 
culte,  précédée  d'une  introduction  sur  l'apostolat  des  vierges  chrétiennes  dans 
l'Eglise  catholique,  par  un  serviteur  de  Marie.  Paris,  Pion,  1878,  in-8  de  535  p. 
Prix  :  7  fr.  —  Sainte  Radegonde  à  Saix,  pages  d'histoire  locale,  suivies  d'une  neu- 
vaine  de  prières  préparatoires  à  la  fête  de  sainte  iladegonde  pour  la  paroisse  de 
Saix,  par  l'abbé  D.  Leroux.  Poitiers,  Oudio,  1877,  in-12  de  iv-211  p.  avec  un 
cantique  annoté  6  p.  Prix  :  2  fr.  —  Saint  Hubert,  sa  légende,  son  histoire,  par 
Joseph  Demarteau.  Liège,  impr.  Demarteau,  1877,  in-12  de  64  p.  avec  1  pi.  Prix  : 
1  fr.  —  Histoire  de  sainte  Solange,  vierge  et  martyre,  patronne  du  Berry,  par  l'abbé 

Octobre,  1878.  T.  X.XIIi,  20. 


—  30(i  — 

Joseph  Bernard,  de  Montmélian.  Paris,  Palmé,  1878,  in-12   de  xni-383  p.  Prix  : 

3  fr.  —  Vie  intime  de  saint  Anselme-au-Bec,  ou  Etude  historique  et  psychologique  sur 
saint  Anselme,  considéré  comme  le  représentant  le  plus  accompli  de  la  vie  intime  du 
cloître,  au  onzième  siècle,  par  le  R.  P.  Ragey,  mariste,  professeur  de  théologie  au 
grand  séminaire  d'Agen.  Paris,  Téqui,  1877,  in-12  de  vii-XXI-2.j9  p.  Prix  :  2  fr.  — 
Reliques  des  trois  tombeaux  de  saint  Bernard,  de  saint  Malachie,  de  saint  Eutrope  et 
autres  martyrs,  reconnues  et  transférées  solennellement  à  Ville-sous-la-Ferté  (Aube), 
par  M.  l'abbé  Charles  Lalcjre,  ancien  professeur  de  théologie  au  grand  séminaire 
de  ïroyes.  Troyes,  inipr.  Brunard,  1877.  in-8  de  80-lxxx  p.  Prix  :  2  fr.  —  Vie 
de  saint  Anthetme,  septième  prieur  de  la  Grande-Chartreuse,  premier  général  de  Cordre, 
évêque  de  Belley,  par  M.  l'abbé  A.  Marcual,  vicaire  général  de  Belley.  Paris  et  Lyon, 
Lecoffre,  in-8  de  xvi-322  p  avec  1  portr.  Prix  :  5  fr.  —  Vie  de  saint  François 
d'Assise  (1182-1226),  par  l'abbé  H.  Gazalis,  curé  d'Auzon.  Paris,  Baltenweck,  1877, 
in-r2  de  xvn-463  p.  Prix  :  3  fr.  —  Saint  Vincent  Ferrier  à  Lyon,  étude  historique  et 
biographique,  par  l'abbé  M.  Bernard.  Lyon.  P.  Pitrat,  1877,  in-8  de  27  p. 
Prix  :  50  cent.  —  Sainte  Jeanne  de  Valois  et  l'ordre  de  l'Annonciade,  précédée  d'une 
introduction  sur  la  vie  religieuse,  par  M.  l'abbé  Hébrard,  chanoine  de  la  cathé- 
drale d'Agen.  Paris,  Poussielgue,  1878,  in-12  de  475  p.  Prix:  4  fr. —  Les  Domini- 
cains en  Amérique,  ou  aperçu  historique  sur  la  fondation  des  diverses  provinces  de 
Vordre  des  frères  prêcheurs  dans  le  Nouveau  Monde,  par  le  R.  P.  Marie-AuGUSTIN 
RozE,  du  même  ordre.    Paris,  Poussielgue,    1878,  in-12    de    xi-492  p.  Prix  :  4  fr. 

—  Un  nouveau  docteur  de  l'Eglise.  Saint  François  de  Sales,  évêque  et  prince  de 
Genève,  par  un  ecclésiastique,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes.  Lyon,  Josse- 
rand;  Paris,  Jules  'Vie,  1878,  in-8  de  xxiv-490  p.,  avec  1  grav.  Prix  :  7  fr.  —  La 
Philothée  de  saint  François  de  Sales.  Vie  de  Madame  de  Charmoisy,  par  Jules  'Vuy. 
Paris,  Palmé,  1878,  in-r2  de  XViii-392  p.  Prix  :  3  fr.  —  Histoire  des  capucines  de 
Flandre,  écrite  au  dix-huitième  siècle, par  un  religieux  de  cet  ordre.  Tome  I".  Paris, 
Poussielgue,  1878,  in-8  de  xv-559  p  avec  1  portr.  Prix  :  10  fr.  —  Vie  du  vénérable 
Gérard-Marie  Majella,  frère  servant  de  la  Congrégation  du  Très-Saint  Rédempteur,  par 
un  Père  rédemptoriste.  Paris,  Leipzig  et  Tournai,  Casterman,  1878,  in-12  de  xvi- 
526  p.  Prix  :  4  fr.  50.  —  La  Vie  admirable  du  bienheureux  mendiant  et  pèlerin  Benoit- 
Joseph  Labre,  par  LÉON  Aubineau.  4e  édition,  Paris,  Palmé,  1878,  in-12  de  xii- 
552  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Notice  sur  M,  l'abbé  Charles  Jouguet,  vicaire  de  Chênes, 
martj'risé  à  Cluses,  le  14  août  1794,  par  M,  Fleory,  vicaire  général.  Genève, 
Grosset  et  Trembley,  1877,  in-12  de  vni-75  p.  Prix  :  80  cent.  —  Histoire  de  Ma- 
dame Barat,  fondatrice  de  la  Société  du  Sacré-Cœur  de  Jésus,  par  M.  l'abbé  BaDNARD. 
3<=  édition.  Paris,  Poussielgue,  1878,  2  vol.  in-8,  de  xxiv-568  et  668  p.  Prix  :  10  fr.  50. 

—  Histoire  de  Madame  Duchesne,  religieuse  de  la  Société  du  Sacré-Cœur  de  Jésus,  et 
fondatrice  des  premières  maisons  de  cette  société  en  Amérique,  par  le  même.  Paris, 
Poussielgue,  1878,  in-8  de  xxxii-563  p.  Prix  :  6  fr.  25.  —  Vie  de  M.  P.  Fr.  Néron, 
prêtre  de  la  Société  des  missions  étrangères,  né  à  Bornay,  au  diocèse  de  Saint-Claude, 
décapité  pour  la  foi*au  Tonkin.  le  3  novembre  1860,  par  M.  l'abbé  Chère,  direc- 
teur au  séminaire  diocésain  de  Saint-Claude.  Lons-le-Saunier,  Gauthier,  1877,  in-12 
de  xii-351  p.  avec  portr.,  fac-similé  et  carte.  Prix  :  2  fr.  —  Vie  de  M.  Pierre  Aumattre, 
prêtre  du  diocèse  d'jingouléme,  dt  la  Société  des  missions  étrangères,  mort  pour  la  foi 
en  Corée,  le  30  mars  1866,  par  M.  Léand're  Poitou,  curé-doyen  de  la  Rochefoucauld, 
La  Rochefoucauld,  chez  l'auteur,  1877,  in-12  de  xni-339  p.  Prix  :  3  fr.  —  Philibert 
Simon,  missionnaire  en  Manichourie,  mort  le  13  décembre  {81  i,  sa  vie,  sa  correspondance, 
ses  œuvres,  par  l'abbé  Emile  Briand,  curé  de  Saint-Benoît-de-Quinçay.  Poitiers  et 
Paris,  Oudin,  1878,  in-12  de  XiX-334  p.  Prix  :  2  fr.  75.  —  3f.  Léon' Hubert,  docteur 
en  médecine,  séminariste  et  prêtre  de  Sainl-Sutpice,  Notice  biographique,  par  un  prêtre 
de  Saint-Sulpice.  Paris,  Jules  Vie,  1878,  in-12  de  xi-316  p.  Prix  :  2  fr.  50. 

Nous  continuons  à  grouper  sous  ce  titre  tous  les  ouvrages  qui  n'ont 
pas  eu  ou  qui  ne  pourraient  avoir  un  compte  rendu  spécial  et  qui  re- 
tracent soit  desvies  de  saints,  soit  des  vies  de  pieux  personnages.  Les 
uns  visent  surtout  l'édification,  les  autres  donnent,  sans  négliger  ce 
but,  une  large  part  à  la  critique  historique  et  apportent,  soit  des  faits, 
soit  des  documents  nouveaux.  C'est  encore  par  Surius  que  nous  débu- 
terons :  nous  n'en  avons  qu'un  nouveau  volume,  le  huitième,  consacré 
au  mois  d'août.  C'est  le  mois  de  saint  Alphonse  de  Liguori,  de  saint 
Dominique,  de  saint  Gaétan,  fondateur  des  théatins,  de  saint  Lau- 


—  307  — 

rent,  de  sainte  Claire,  de  sainte  Radegonde,  de  saint  Bernard,  de 
sainte  Françoise  de  Chantai,  de  saint  Ouen,  de  saint  Louis,  de  saint 
Yriex,  de  saint  Césaire,  de  saint  Joseph  Calasanz,  de  saint  Augustin, 
de  sainte  Rose  de  Lima, pour  ne  parler  que  des  plus  connus, que  de  ceux 
qui  occupent  une  place  plus  considérable  dans  le  volume  et  présentent 
le  plus  d'intérêt.  La  vie  de  saint  Dominique  est  de  Théodoric  d'Appol- 
dia;  celle  de  saint  Laurent  est  tirée  de  saint  Ambroise;  Fortunat  et 
l'abbesse  Bandomine  ont  été  mis  à  contribution  pour  sainte  Rade- 
gonde; pour  saint  Bernard,  il  en  est  donné  trois  vies  différentes 
(436-557);  la  vie  de  saint  Ouen  est  de  Frédégod,  diacre  de  saint 
Odon;  celle  de  saint  Louis,  de  Geoffroy  de  Beaulieu,  son  confes- 
seur; celles  de  saint  Césaire,  de  Cjprien,  son  disciple  ;  celle  de  saint 
Augustin,  de  Possidius.  Parmi  les  vies  nouvelles,  nous  n'en  voyons 
qu'une  Ijui  soit  originale,  celle  de  saint  Alphonse  de  Liguori,  écrite 
pour  cette  nouvelle  édition  par  un  Père  rédemptoriste  anonyme  ;  les 
bulles  de  canonisation  sont  le  fond  des  notices  sur  sainte  Françoise 
de  Chantai,  saint  Gaétan,  saint  Joseph  Calasanz  et  sainte  Rose  de 
Lima.  L'éditeur  est  toujours  sobre  de  notes;  il  les  consacre 
en  grande  partie  à  des  éclaircissements  géographiques.  Cherchant 
l'utilité  du  commun  des  lecteurs  qui  possèdent  le  latin  et  ne  faisant 
point  œuvre  d'érudition  à  l'usage  des  savants,  il  a  eu  une  heureuse 
pensée  en  traduisant  souvent  dans  la  langue  du  pays,  —  soit  dans  des 
notes,  soit  entre  parenthèses,  —  certains  noms  propres  de  personnes 
et  de  lieux  qui  s'éloignent  beaucoup  du  latin.  Il  rend  service  à  une 
infinité  de  lecteurs  en  leur  apprenant  que  Odocnus  est  Ouen  en  fran- 
çais; i4rec?n/5.  Yriex;  Caàilio,  Châlou-sur-Saône  ;  Cenlumccllum,  en 
italien,  Civita  Vecchia.  C'est  en  vue  du  même  public  que  nous  vou- 
drions une  indication  bien  nette,  dans  le  corps  de  l'ouvrage  et  dans  la 
table,  pour  les  additions  au  texte  primitif.  La  date  de  la  vie  des  saints 
et  des  documents  publiés  sur  eux  peut  suffire  pour  les  travailleurs; 
mais,  outre  qu'on  peut  avoir  à  insérer  des  textes  omis  par  Surius,  par 
conséquent  antérieurs  à  lui,  combien  peu  de  lecteurs  savent  exaî- 
tement  la  date  essentielle, celle  de  la  publication  de  Surius  ei  pourront 
être  entraînés  à  des  recherches  que  le  moindre  signe  de  convention 
eiit  évitées.  Nous  devons  signaler  dans  la  table  une  place  particulière 
pour  les  instructions  sur  les  fêtes  de  l'Eglise,  comme  la  Transfigura- 
tion, l'Assomption,  la  Décollation  de  saint  Jean-Baptiste.  La  partie  du 
Martyrologium  romanum  Ulustratum  annexée  à  ce  volume  ne  concerne 
que  le  mois  d'août.  Nous  n'avons  qu'à  louer  l'éditeur  de  sa  persé- 
vérance et  à  faire  des  vœux  pour  le  prompt  achèvement  de  l'œuvre 
utile  qu'il  a  entreprise. 

—  A  propos  des  fêtes  de  la  translation  de  la  relique  de  saint  Biaise, 
évêque  de  Sébaste  et  martyr,  à  Paray-le-Monial,  fêtes  qui  ont  eu  lieu 


—  30»  — 

le  29  juillet  sous  la  présidence  de  NN.  SS.  les  évêques  d'Autun  et  de 
N  evers,  M.  l'abbé  Gauthey  a  publié  sur  ce  saint  une  notice  capable 
d'éclairer  la  dévotion  que  les  fidèles  ont  pour  lui  et  d'augmenter  leur 
piété,  en  leur  faisant  connaître  sa  vie  sainte,  sa  mort  glorieuse,  et  sa 
puissante  intercession  attestée  par  des  miracles.  Il  entre  en  matière 
par  un  coup  d'œil  historique  sur  l'histoire  de  l'Église  à  la  fin  du  troi- 
sième siècle  ;  il  fixe  la  date  du  martyre  du  saint  à  l'an  320,  contre 
l'opinion  des  Bollandistes  et  de  Baronius  qui  la  rapportent  à  l'an  316, 
et  cela  pour  ce  motif  qu'à  cette  époque  il  n'y  avait  pas  de  persécu- 
tion ;  il  raconte  la  vie  de  saint  Biaise  d'après  les  actes  donnés  par  les 
Bollandistes  au  3  février,  les  commentant  et  les  amplifiant  avec  un 
poème  composé  en  son  honneur  par  Baptiste  de  Mantoue,  carme  du 
seizième  siècle,  dont  un  exemplaire,  imprimé  à  Lyon,  en  1516,  se  trouve 
à  la  bibliothèque  du  grand  séminaire  d'Autun.  Il  termine  par  des  dé- 
tails sur  le  culte  de  saint  Biaise,  les  églises  qui  lui  sont  consacrées, 
ses  reliques,  ses  panégyriques,  les  prières  en  son  honneur,  et  spécia- 
lement à  Rome  et  dans  les  diocèses  d'Autun,  de  Moulins  et  de  Dijon 
où  il  est  particulièrement  invoqué  pour  les  enfants  et  pour  les  maux  de 
gorge.  Le  dernier  chapitre  est  consacré  à  la  relique  de  Paray,qui 
vient  de  l'ancienne  abbaye  des  bénédictins.  Nous  relèverons  à  la 
page  48  un  lapsus  de  l'auteur,  qui  renvoie  au  volume  du  13  décembre 
des  Bollandistes,  volume  dont  bien  peu  d'entre  nous  verront  la  publi- 
cation . 

—  La  Sainte  Monique  de  M.  l'abbé  Adolphe  Legoupils  n'est  pas,  à 
proprement  parler,  une  vie  de  saint.  La  narration  des  faits  cède  le 
pas  aux  considérations  et  aux  instructions  adressées  aux  mères 
chrétiennes.  Il  fait  passer  sous  nos  yeux  Monique  dans  toutes 
les  phases  de  la  vie,  et  la  présente  comme  modèle  :  jeune  fille, 
maîtresse  de  maison,  épouse,  mère  et  veuve  ;  il  fait  ressortir, 
de  ses  défauts  mêmes,  d'utiles  leçons.  Ce  qui  ne  l'empêche  pas 
de  donner  les  détails  essentiels  sur  sa  vie  et  de  faire  quel- 
ques excursions  intéressantes  dans  le  domaine  de  l'histoire  sur 
l'éducation  au  quatrième  siècle,  sur  la  discipline  de  l'Église  relati- 
vement à  l'administration  du  baptême,  sur  la  condition  des  esclaves. 
Jeune  fille,  Monique  reçoit  une  éducation  chrétienne,  subit  l'heu- 
reuse influence  d'une  bonne  domestique  qui  la  corrige  de  quelques 
défauts,  et  se  soumet  à  ses  parents  pour  son  mariage.  Maîtresse 
de  maison,  elle  sait  diriger,  surveiller  ceux  qui  lui  sont  soumis, 
gagner  l'affection  de  sa  belle-mère  et  se  faire  aimer,  par  sa 
douceur,  de  tous  ceux  avec  qui  elle  est  en  rapports.  Obéissante 
et  respectueuse  envers  son  mari,  elle  supporte  tout  patiemment,  et 
obtient  sa  conversion  au  christianisme.  Dans  la  manière  dont  est 
exposé  son  rôle  de  mère,  on  voit  ce  qu'il  faut  faire  et  ce  qu'il  faut 


—  309  — 

éviter  dans  réducation  des  enfants  ;  veuve,  son  exemple  servira  à 
beaucoup  de  mères  cruellement  éprouvées  par  la  conduite  de  leurs 
enfants.  C'est  un  bon  livre,  qui  aurait  mérité  une  forme  plus  soi- 
gnée. 

—  Nous  avons  une  véritable  étude  historique  dans  le  travail  de 
M.  l'abbé  Tatu  sur  saint  Patient,  travail  qui  lui  a  valu  le  grade  de 
docteur  en  théologie  à  la  faculté  de  Lyon.  Evêque  de  Lyon  au 
cinquième  siècle,  saint  Patient  a  joué  un  grand  rôle  dans  son  temps; 
mais  les  traces  en  sont  peu  considérables  ;  comme  œuvres  littéraires, 
il  laisse  deux  homélies  dont  l'authenticité,  pour  l'une  au  moins, 
n'est  pas  absolument  incontestable  ;  comme  création,  la  fondation  des 
basiliques  de  saint  Juste  et  de  saint  Irénée  ;  peu  de  chose  dans  les 
historiens.  Aussi,  si  M.  Tatu  n'a  pu  le  faire  revivre  tel  qu'il  a  vécu, 
en  l'absence  de  documents  suffisants,  du  moins  il  a  pu  faire  revivre  la 
société  que  le  saint  a  édifiée  de  ses  vertus,  dirigée  par  ses  exemples  et 
ses  instructions.  L'auteur  nous  montre  ce  qu'était  Lyon  au  cinquième 
siècle,  sa  population,  l'état  de  la  religion  ;  il  nous  initie  aux  règles  et 
aux  cérémonies  pour  l'élection  des  évêques,  la  consécration  des  églises. 
Nous  voyons  saintPatient  au  milieu  des  Burgondes, infestés  de  l'aria- 
nisme  et  contre  lesquels  il  défend  la  foi  et  la  discipline  de  l'Eglise.  Les 
écoles  de  Lyon  sont  le  sujet  d'une  étude  dont  nous  regrettons  la  briè- 
veté et  pour  laquelle  l'auteur  aurait  pu  consulter  les  travaux  mo- 
dernes. Un  appendice  donne  le  texte  des  deux  homélies  attribuées  au 
saint  évêque. 

—  C'est  une  œuvre  de  foi,  de  science  et  de  charité  qu'un  écrivain, 
caché  sous  le  titre  modeste  d'  «  un  serviteur  de  Marie,  »  vient  de 
produire  en  l'honneur  de  l'humble  bergère,  patronne  de  la  grande 
cité  parisienne.  Sa  foi  paraît  dans  l'inspiration  et  dans  l'introduction 
sur  l'apostolat  des  vierges  chrétiennes  dans  l'Eglise  catholique  :  il  les 
montre  perpétuant  le  type  rédempteur  de  Jésus-Christ,  qui  nous  a 
rachetés  et  qui  a  relevé  l'homme  de  la  dégradation  où  le  paganisme 
l'avait  entraîné  ;  faites  à  la  ressemblance  du  Sauveur,  vierges,  apôtres 
et  victimes;  à  la  ressemblance  de  Marie  par  leur  pureté,  leur  humilité 
et  leur  amour  de  Dieu  et  des  hommes.  Lat  science  a  réuni  et  mis  en 
œuvre  tous  les  matériaux  dont  se  compose  ce  volume  ;  la  charité  con- 
sacre une  partie  du  prix  de  la  vente  au  soulagement  des  prêtres  suisses 
persécutés.  Nous  venons  de  dire  de  l'introduction  (1-80)  un  mot  qui 
suffit  à  la  caractériser.  Une  seconde  partie  donne  la  vie  de  la  sainte 
(81-221)  ;  une  troisième  l'histoire  du  culte  et  de  l'abbaye  (221-493). 
Enfin,  dans  un  appendice,  se  trouvent  un  extrait  du  poème  du  moine 
Héric,  relatif  à  sainte  Geneviève  et  écrit  au  neuvième  siècle  ;  le  poème 
d'Erasme,  en  action  de  grâces  de  sa  guérison  en  1496,  et  différentes 
pièces  liturgiques.  Le  biographe  anonyme  n'apprend  rien  de  nouveau 


—  310  — 

sur  la  sainte  ;  mais  il  raconte  bien  et  il  discute  les  faits.  Nous  vou- 
drions voir  ses  indications  de  sources  plus  fréquentes  et  plus  précises,  et 
nous  aurions  aimé  qu'un  travail  aussi  considérable  fût  précédé  d'une 
étude  sur  la  valeur  des  textes  les  plus  importants,  comme  les  vies  de 
lasainte.Toutle  monde  connaît  les  lignes  principales  de  cette  existence; 
on  la  trouvera  ici  dans  tous  ses  détails  les  plus  circonstanciés,  et  bien 
faits  pour  inspirer  confiance  et  dévotion  envers  Le  faible  instrument 
dont  Dieu  se  servit,  à  une  époque  plus  troublée  encore  que  la  nôtre, 
pour  sauver  Paris.  Ce  n'est  plus  seulement  une  petite  bergère,  une 
jeune  fille  contemplative;  c'est  une  héroïne  agissant  pour  le  salut  du 
peuple,  allant  lui  chercher  des  vivres  pendant  la  famine,  distribuant 
elle-même  les  aumônes  qu'elle  a  recueillies,  et  soufïrant  persécution. 
La  critique  aurait  peut-être  à  faire  quelques  réserves  :  ainsi  nous  ne 
sommes  point  convaincu  par  ce  que  dit  notre  auteur  sur  la  fondation 
attribuée  à  sainte  Geneviève  de  la  basilique  de  Saint-Denis. 

Son  culte  prit  naissance  sur  son  tombeau,  placé  à  côté  de  ceux  de 
sainte  Clotiide  et  de  Clovis,  dans  l'église  Saint-Pierre  et  Saint-Paul, 
dont  les  fondements  furent  jetés  par  notre  premier  roi  chrétien.  On 
vint  se  placer  sous  sa  protection  :  il  y  eut  bientôt  autour  de  la  basi- 
lique une  agglomération  de  population  qui  fit  sortir  Paris  de  l'enceinte 
de  la  Cité  et  où  l'université  vint  s'établir  ;  une  abbaye  fut  construite 
pour  le  service  de  la  basilique  ;  une  nouvelle  église  s'éleva  sur  le  mont 
au  treizième  siècle,  puis  Louis  XV  fit  construire  l'édifice  grec  que  la 
Révolution  a  appelé  du  nom  de  Panthéon  et  dont  elle  expulse  la  pa- 
tronne de  Paris  toutes  les  fois  qu'elle  vient  à  triompher.  Il  n'y  a  pas 
un  grand  événement,  pas  une  calamité  qui  n'ait  son  écho  au  pied  du 
tombeau  de  sainte  Geneviève;  la  Providence  encourage  celte  confiance 
en  son  humble  servante  par  de  nombreux  miracles.  Malgré  les  révo- 
lutions, malgré  les  tentatives  de  l'impiété,  la  confiance  persiste,  comme 
l'atteste  l'immense  concours  de  pèlerins  à  l'époque  de  la  neuvaine.  Ce 
sont  tous  ces  faits  qui  occupent  la  troisième  partie,  la  plus  neuve  peut- 
être  et  la  plus  intéressante.  Elle  fait^également  connaître  les  alterna- 
tives de  gloire  et  de  décadence  de  l'abbaje,  dont  le  souvenir  se  per- 
pétue dans  la  bibliothèqijjp  Sainte-Geneviève  qui  conserve  une  partie 
de  ses  trésors.  Nous  n'avons  pas  été  surpris  d'j  trouver  à  une  place 
d'honneur,  dans  l'exposition  de  ses  richesses,  ce  bel  ouvrage  rehaussé 
d'une  remarquable  reliure. 

—  Quand  Clotaire  répudia  Radegonde,  il  lui  donna  comme  résidence 
sa  villa  de  Saix  {Susedas)  en  Poitou.  C'est  ce  souvenir  que  M.  Leroux, 
curé  de  Saix,  a  voulu  rappeler  aux  habitants  de  sa  paroisse  pour  ranimer 
leur  foi,  en  racontant  la  vie  de  la  sainte  reine  qui  a  sanctifié  ces  lieux 
par  son  séjour,  et  en  donnant  des  formules  de  prières  pour  implorer  son 
intercession.  Le  récit  de  la  vie  de  sainte  Radegonde  est  animé,  intéres- 


—  ;<ii  — 

sant;  on  y  trouve  des  considérations  pieuses,  et  il  est  terminé  par  un 
historique  du  village  de  Saix,  de  sa  belle  église  du  onzième  siècle,  élevée 
sur  remplacement  de  celle  où  la  sainte  reine  venait  s'agenouiller,  des 
relations  avec  le  monastère  de  Sainte-Croix  de  Poitiers  et  l'abbaye 
de  Fontevrault.  Tout  respire  la  piété  dans  ce  livre  où  Ton  voit  une 
esclave  devenir  reine,  puis  se  consacrer  au  service  des  pauvres  et 
mériter  d'être  proposée  comme  modèle  à  tous  les  chrétiens;  il  est  en 
même  temps  une  page  instructive  de  notre  histoire  sous  la  dynastie 
des  Mérovingiens. 

—  Il  y  a  beaucoup  à  louer  dans  l'étude  de  M.  Joseph  Demarteau 
sur  saint  Hubert.  Ce  n'est  qu'une  conférence  faite  au  Cercle  catholique 
de  l'Est,  à  Liège  ;  elle  a  l'élégance  de  la  forme  qui  convient  à  ce  genre 
de  composition;  on  ny  voit  aucune  des  aspérités  de  l'érudition,  et 
cependant  il  y  a  au  fond  beaucoup  de  critique  et  beaucoup  de  science; 
il  en  fallait  pour  un  pareil  sujet.  Saint  Hubert,  fondateur  de  Liège, 
patron  des  chasseurs,  successeur  de  saint  Lambert  sur  le  siège  de 
Tongres  au  commencement  du  neuvième  siècle,  providentiel  instru- 
ment d'un  miracle  de  guérison  qui  se  perpétue  à  Liège,  a  eu,  en  rai- 
son même  du  culte  populaire  dont  il  est  l'objet,  une  biographie  semée 
de  légendes  ajoutées  par  chacun  de  ses  historiens.  Comment  démêler 
la  vérité?  M.  Demarteau  a  pris  la  bonne  méthode  en  appréciant  la 
valeur  des  témoignages  d'après  le  caractère  du  personnage  et  l'époque 
plus  ou  moins  rapprochée  du  saint  où  ils  ont  été  produits.  On  voit» 
par  la  bibliographie  mise  en  tête  de  sa  brochure,  qu'il  a  puisé  aux 
bonnes  sources,  notamment  à  la  vie  de  saint  Hubert,  écrite  par  un  des 
disciples  du  saint  et  revue  par  Jonas,  évêque  d'Orléans  au  neuvième 
siècle,  dont  le  texte  primitif,  retrouvé  à  Valeuciennes,  en  1874,  et 
plus  récemment  à  Namur,  vient  d'être  publié.  Nous  devons  dire  que 
l'histoire  si  connue  de  l'apparition  du  cerf  ne  trouve  pas  grâce  devant 
M.  Demarteau. 

—  n  n'existe  point  d'actes  contemporains  de  sainte  Solange.  Les  deux 
vies  données  au  10  mai  par  les  Bollandistes  sont  tirées  des  leçons  de 
l'office,  qui  ne  font  que  se  conformer  à  la  tradition.  C'est  sur  ces  docu- 
ments qu'ont  été  écrites  toutes  les  biographies  de  la  sainte,  dont  la 
plupart  ne  font  que  les  commenter  et  les  amplifier,  sans  chercher  à  en 
contrôler  les  assertions  par  la  critique.  M.  l'abbé  Bernard  n'a  pas 
négligé  le  côté  historique  ;  il  a  beaucoup  vu  et  consulté  ;  mais  il  n'a 
pu  trouver  ce  qui  n'existait  pas.  Aussi,  pour  composer  un  volume  res- 
pectable, ne  s'est-il  pas  borné  au  simple  récit  de  la  vie  de  la  patronne 
du  Berry,  humble  bergère  comme  sainte  Geneviève  ;  il  l'a  gracieuse- 
ment encadré  dans  des  descriptions  du  pays  qu'elle  a  édifié  et  du 
temps  au  milieu  duquel  elle  a  vécu.  Puis,  il  raconte  les  miracles 
obtenus  par  son  intercession,  le  concours  des  fidèles  à  son  tombeau, 


—  312  — 

le  pèlerinage  annuel  du  lundi  de  la  Pentecôte,  et  il  ne  peut  que  faire 
pressentir  les  solennités  du  millénaire  qui  ont  été  célébrées  cette 
année.  Solange  était  née  de  parents  pauvres  et  se  livrait  aux  travaux 
des  champs;  pieuse  et  pleine  de  vertus,  elle  avait  consacré  son  cœur 
à  Dieu.  La  beauté  de  son  âme  se  reflétait  sur  son  visage,  qui  séduisit 
un  jeune  seigneur;  celui-ci,  entraîné  par  sa  passion,  lui  demanda  de 
l'épouser;  comme  elle  résista  à  toutes  ces  instances,  il  lui  trancha  la 
tête. Tel  est,  en  deux  mots,  l'histoire  de  la  sainte  si  populaire  du  Berry. 
Les  moindres  faits  recueillis  par  la  tradition  sont  consciencieuse- 
ment rapportés  par  le  nouvel  historien,  qui  y  joint  beaucoup  d'édi- 
fiantes réflexions  pour  en  faire  ressortir  la  valeur.  Il  y  a  deux  intéres- 
sants tableaux,  celui  du  neuvième  siècle  et  celui  de  la  cour  des 
comtes  de  Bourges,  une  dissertation  pour  établir  quel  fut  le  meurtrier, 
et  quelques  pièces  justificatives.  Mais  l'accessoire  n'absorbe-t-il  pas 
un  peu  le  principal?  et,  puisque  nous  nous  permettons  de  critiquer, 
ne  peut-on  pas  reprocher  à  l'auteur  de  grossir  outre  mesure  la  liste 
des  sources  à  consulter  en  citant  des  ouvrages  dont  il  a  pu  tirer  parti 
pour  l'ensemble  de  son  travail,  mais  tout  à  fait  étrangers  à  sainte 
Solange  ? 

—  Le  nom  de  saint  Anselme  évoque  naturellement  la  pensée  d'un  sa- 
vant illustre,  d'un  grand  philosophe,  qui  fut,  pour  son  siècle  et  les  siècles 
suivants,  une  lumière  dont  l'origine  monastique  n'a  point  afl'aibli l'éclat. 
Mais  présentez  sa  biographie  à  un  homme  du  monde,  vous  recevrez  la 
plupart  du  temps  cette  réponse  :  c'est  beaucoup  trop  savant  pour  moi. 
En  efi"et,la  plupart  des  travaux  consacrés  à  saint  Anselme,  —  nous  en 
trouvons  une  assez  longue  nomenclature  au  commencement  de  cet 
ouvrage,  —  négligent  presque  complètement  le  saint,  l'homme.  Le 
P.  Ragey,  qui  l'a  beaucoup  étudié  par  profession,  a  découvert  en  lui 
autre  chose  que  le  père  de  la  scolastique;  il  nous  le  fait  aimer  autant 
qu'admirer  en  nous  introduisant  dans  son  intimité,  au  milieu  de  sa 
famille  et  dans  le  cloître.  C'est  le  but  de  cet  ouvrage,  qui  s'arrête  à 
l'élévation  du  saint  àladignité  d'abbé  duBec(1078),  etfait  présager  une 
vie  complète.  Il  justifie  cette  parole  de  M.  de  Montalembert  :  «L'his- 
toire des  peuples  est  une  grande  chose...  Mais  combien  l'histoire  des 
âmes  n'est-elle  pas  plus  rare  et  plus  féconde  encore.  »  Les  documents 
ne  manquent  pas,  et  ils  sont  aussi  authentiques  que  nombreux  :  outre 
quatre  vies  écrites  par  des  contemporains,  il  en  est  une,  écrite  par  le  se- 
crétaire du  saint,  le  moine  Eadmer,  dont  les  nombreux  extraits  forment, 
par  leur  touchante  simplicité  et  leur  naïveté,  les  pages  les  plus  atta- 
chantes de  cette  histoire.  Né  au  milieu  du  onzième  siècle,  dans  le  pit- 
toresque pays  d'Aoste,  en  Savoie,  Anselme  fut  élevé  par  sa  mère 
Ermenberge,qui  peut  être  appelée  une  nouvelle  Monique.  C'est  à  elle 
qu'il  doit  les  principes  qui  survivent  à  une  jeunesse  orageuse;  ce  sont 


—  313  — 

sans  doute  ses  prières  et  celles  de  sa  fille  Richera  qui  l'ont  conduit  du 
monde,  dont  les  plaisirs  l'enivrèrent,  à  la  célèbre  école  du  Bec,  où 
le  goût  de  l'étude  le  retint  jusqu'à  ce  que  l'amour  de  Dieu  revînt 
dans  son  cœur  et  lui  fit  embrasser  la  vie  monastique.  Sa  précoce  piété, 
qu'éteignit  un  instant  l'orage  des  passions,  sa  tendresse  pour  tous  les 
siens,  le  constant  intérêt  qu'il  porta  à  ceux  qui  lui  tenaient  par  les 
liens  du  sang,  les  touchantes  amitiés  qu'il  noua  dans  le  cloître,  sa 
douceur  et  sa  charité,  le  charmant  épisode  du  jeune  moine  rebelle, 
Osbern,  gagné  par  la  douceur,  font  oublier  l'auteur  du  Monologium 
pour  ne  montrer  que  le  saint  auquel  on  s'attache  et  que  l'on  voudrait 
imiter.  Avec  lui,  on  apprend  à  connaître  la  société  au  milieu  de  la- 
quelle il  vécut,  les  institutions  de  cette  époque  si  décriée  de  nos  jours, 
le  cloître  où  les  aveugles  s'obstinent  à  ne  voir  qu'une  prison  et 
un  fojer  d'ignorance.  On  lira  avec  un  particulier  intérêt  le  tableau 
du  mouvement  intellectuel  du  onzième  siècle,  les  détails  donnés  sur 
les  écoles  dont  celle  du  Bec  était  la  plus  renommée,  les  aperçus  sur  la 
vie  monastique  telle  qu'elle  était  alors,  et  sur  l'institution  des  oblats, 
renouvelée  de  nos  jours  dans  les  petits  noviciats  que  fondent  un  grand 
nombre  de  congrégations  religieuses.  Quant  à  ceux  qui  recherchent 
avant  tout  les  douces  émotions,  ils  trouveront  satisfaction  dans  les 
deux  chapitres  sur  l'amitié  dans  le  cloître. 

—  Il  suffira  aux  lecteurs  du  Polybiblion  de  voir  le  nom  de  M.  l'abbé 
Lalore  pour  être  assurés  qu'il  s'agit  ici  d'une  œuvre  scientifique  où  la 
critique  et  l'érudition  ont  une  égale  part.  En  effet,  nous  avons  sous 
les  yeux  un  mémoire,  rédigé  à  la  demande  de  Ms^"  de  Troyes,  sur 
l'authenticité  des  reliques  des  trois  tombeaux  de  l'abbaye  de  Clairvaux^ 
dont  l'un  gtait  celui  de  saint  Bernard.  Ces  tombeaux  furent  ouverts 
en  1793,  etl|s  ossements  furent  transportés  àVille-sous-la-Ferté.  C'est 
là  qu'ils  se  trouvaient  encore  en  1872,  dans  la  sacristie  de  l'église,  dans 
un  triste  et  déplorable  abandon  ;  qu'ils  furent  solennellement  reconnus 
en  1874  après  une  étude  dont  ce  travail  donne  la  substance,  et  placés 
dans  une  châsse  le  12  juin  1875.  L'inhumation  des  saints  dans  leurs 
tombeaux,  le  culte  dont  ils  ont  été  l'objet  jusqu'à  la  Révolution,  l'ou- 
verture des  tombeaux  en  1793,  le  transfert  des  ossements  à  Ville,  ce 
qu'ils  sont  devenus  jusqu'en  1872,  époque  où  ont  commencé  les 
études  qui  devaient  amener  leur  reconnaissance,  la  translation  des 
reliques,  telles  sont  les  principales  divisions  de  ce  mémoire,  auquel 
sont  jointes  treize  pièces  justificatives,  documents  liturgiques  sur 
saint  Bernard,  procès-verbal  d'examen,  arrêté  du  Directoire,  catalogue 
des  reliques  détachées  du  corps  de  saint  Bernard,  etc. 

—  La  ville  et  le  diocèse  de  Belley,  ont  célébré  cette  année  le  sept 
centième  anniversaire  de  la  mort  d'un  de  leurs  plus  grands  évêques,  saint 
Anthelme.  Cette  circonstance  n'a  pas  été  sans  influence  sur  la  composi- 


—  r^l4  — 

tion  de  la  nouvelle  vie  du  saint,  par  M.  l'abbé  Marchai,  vicaire  général 
de  Belley.  C'était  une  excellente  occasion  de  rappeler  les  titres  de  ce 
grand  saint  à  la  vénération  des  fidèles.  M.  Marchai  l'a  heureusement 
saisie,  et  a  très-habilement  conduit  l'exécution  de  son  dessein.  La  vie 
de  saint  Anthelme  par  un  de  ses  contemporains  est  le  principal  élé- 
ment de  son  travail;  mais  il  j  a  ajouté  beaucoup  de  recherches  pour 
faire  connaître  la  famille  et  Fenfance  du  saint  qui  était  d'illustre  race, 
pour  ressusciter  les  personnages  et  la  société  au  milieu  de  laquelle 
s'écoula  sa  vie  ;  et  on  lui  saura  tout  particulièrement  gré  d'avoir  un 
instant  supprimé  la  sévère  clôture  de  la  Chartreuse  pour  nous  faire  pé- 
nétrer dans  l'intérieur  du  couvent  et  nous  faire  vivre  de  la  vie  intime 
des  austères  moines.  Du  reste,  par  elle-même,  la  vie  de  saint  Anthelme 
ne  manque  pas  d'intérêt,  et  cet  intérêt  redouble  quand  elle  est  bien 
racontée  comme  dans  ce  livre.  Le  saint  a  joué  un  rôle  important 
au  douzième  siècle.  Ses  premières  années  chez  ses  parents,  au  châ- 
teau de  Chignin,  en  Savoie,  ses  premiers  pas  dans  la  cléricature 
à  Belley,  son  entrée  à  la  chartreuse  de  Portes,  son  séjour  à  la  grande 
Chartreuse,  où  il  remplit  les  charges  de  procureur  et  de  prieur, 
sa  nomination  comme  premier  général  de  l'ordre,  son  retour  à  Portes 
comme  prieur,  et  son  élévation  au  siège  épiscopal  de  Belley  ne 
sont  qu'un  côté  de  sa  vie  extérieure;  il  faut  le  voir  encore  à  l'œuvre 
dans  son  administration,  soutenant  le  pape  Alexandre  III  contre  le 
cardinal  Octavien, proclamé  par  Frédéric  Barberousse,  et  contribuant 
puissamment  à  préserver  la  France  du  schisme,  servant  d'arbitre  dans 
les  querelles  des  rois,  sévère  mainteneur  de  la  discipline,  vigilant 
défenseur  des  droits  de  l'Eglise.  Deux  chapitres  sont  consacrés  aux 
miracles  opérés  par  son  intercession  et  à  son  culte,  et  quelques  pièces 
et  notes  justificatives  terminent  ce  volume,  dont  nous  n'ajirons  point 
à  nous  repentir  d'avoir  recommandé  la  lecture. 

—  Quand  on  a  des  loisirs,  il  n'y  a  pas  de  plus  douce  jouissance 
pour  un  homme  sérieux  que  de  les  consacrer  au  travail.  C'est  le 
légitime  plaisir  que  vient  de  se  procurer  à  notre  profit  un  curé 
d'une  petite  paroisse  des  Cévennes,  en  écrivant  une  nouvelle  vie 
de  saint  François  d'Assise.  Ce  saint  admirable,  le  plus  étonnant  peut- 
être  que  l'Église  propose  à  notre  vénération,  est  trop  connu  pour 
qu'il  y  ait  la  moindre  utilité  à  rappeler  ici  les  principaux  événements 
de  sa  vie.  Il  n'y  a  rien  de  nouveau  à  apprendre  sur  lui.  M.  l'abbé 
Cazalis  ne  s'est  point  aventuré  dans  des  recherches  qui  n'eussent  pas 
abouti;  il  a  étudié  le  saint  dans  ses  œuvres  et  d'après  ses  biographes 
contemporains  et  dignes  de  foi.  Il  a  réussi  à  faire  un  livre  où  l'in- 
térêt et  l'exactitude  se  concilient  avec  l'édification  des  âmes.  On 
se  demande  vraiment  comment  on  pourrait  écrire  une  vie  de  saint 
François,  si  sèche  qu'elle  soit,  sans  édifier  le  lecteur.  L'auteur  suit 


—  315  — 

généralement  l'ordre  chronologique  ;  il  a  cru  devoir  cependant,  et 
nous  ne  saurions  l'en  blâmer,  réunir  tous  les  faits  relatifs  aux. 
stigmates,  et  il  interronapt  le  récit  pour  s'arrêter,  au  livre  IV,  à  la 
contemplation  des  vertus  du  saint.  Nous  signalerons  un  point  par- 
ticulièrement iniéressant,  celui  de  l'indulgence  de  la  Portioncule, 
que  gagnent  beaucoup  de  fidèles  sans  en  connaître  l'origine. 

—  C'est  une  page  d'histoire  lyonnaise  que  nous  donne  M.  l'abbé 
Bernard,  en  reproduisant,  sous  forme  de  brochure,  des  articles  publiés 
dans  la  Semaine  catholique  de  Lyon  sur  saint  Vincent  Ferrier.  Ayant 
découvert,  dans  les  Actes  consulaires  de  la  ville,  quelques  rensei- 
gnements sur  les  différents  passages  du  grand  thaumaturge  dans  cette 
ville,  il  les  a  groupés  et  les  a  commentés,  à  l'aide  surtout  de  la  vie  du 
saint  par  M.  l'abbé  Bayle,  et  n'y  a  trouvé  que  la  confirmation  de  ce 
que  rapportent  les  historiens  sur  la  méthode  de  l'infatigable  mission- 
naire. Ses  prédications  ont  laissé  des  traces  dont  M.  Bernard 
trouve  un  témoignage  dans  les  nombreuses  éditions  de  ses  œuvres 
faites  à  Lyon  :  cette  curieuse  étude  bibliographique  n'est  faite  que 
pour  le  quinzième  siècle. 

—  I/ordre  de  l'Annonciade  et  la  vie  religieuse  occupent  plus  de 
place  dans  l'ouvrage  de  M.  l'abbé  Hebrard  que  la  vie  de  la  sainte 
fille  de  Louis  XI.  Son  but  était  de  rappeler  à  l'amour  et  à  l'admiration 
des  fidèles  cet  ordre  si  florissant  autrefois  dans  le  Nord,  la  Belgique  et 
la  Franche-Comté,  et  qui  ne  possède  plu:*,  depuis  la  Révolution,  que 
trois  maisons  ;  celle  qui  a  pu  seule  conserver,  dans  sa  pureté  et  son 
intégrité,  l'esprit  et  la  règle  de  Jeanne  de  Valois,  est  à  Villeneuve- 
sur  Lot,  dans  le  diocèse  auquel  l'auteur  appartient.  De  là  une  glori- 
fication de  la  vie  religieuse,  étudiée  d'après  l'Evangile,  et  de  longs 
développements  sur  la  règle.  Nous  n'avons  pas  à  apprécier  cette  pre- 
mière partie,  œuvre  de  théologie  mystique  presque  exclusivement 
composée  de  textes  et  de  commentaires  de  l'Écriture  sainte,  et 
nous  n'avons  qu'à  nous  abriter  sous  l'autorité  de  M^^  d'Agen  qui  nous 
garantit  la  solidité  de  la  doctrine.  La  vie  de  la  sainte  fondatrice 
n'occupe  guère  que  cinquante  pages,  et  est,  en  grande  partie, 
tirée  de  son  histoire  par  Louis  Dony  d'Attichy,  évoque  de  Riez,  et  de 
la  chronique  manuscrite  de  l'Annonciade,  conservée  aux  archives  de 
Bourges.  Avec  toutes  les  épreuves  que  Jeanne  eut  à  subir  de  la  part 
de  son  père,  Louis  XI,  on  voit  sa  constante  piété,  sa  vie  retirée  à 
Bourges,  après  le  prononcé  du  jugement  qui  déclarait  nul  son  mariage 
avec  le  duc  d'Orléans,  les  faveurs  divines  dont  elle  fut  honorée, 
les  révélations  qu'elle  reçut  de  la  sainte  Vierge  et  la  laborieuse 
fondation  d'un  ordre  en  l'honneur  de  la  Vierge,  et  du  mystère  de 
l'Annonciation.  Son  confesseur,  qui  eut  une  si  grande  part  dans  cette 
œuvre,  le  Père  Gilbert  Nicolas,  de  l'ordre  de  Saint-François,  —  auquel 


—  310  — 

Léon  X  donna  le  nom  de  Gabriel-Maria,  nom  sous  lequel  il  est  connu  et 
qui  répondait  bien  aux  sentiments  de  son  cœur,  —  a  aussi  une  grande 
part  dans  ce  livre,  moins  pour  les  détails  de  sa  vie  que  pour  sa 
coopération  à  la  fondation  de  l'ordre,  dont  il  rédigea  les  règles  et  dont 
il  fut  le  premier  supérieur  général.  L'auteur  fait  connaître  l'esprit 
et  le  but  de  l'ordre,  les  trois  ordres  dont  il  fut  composé,  les  nombreux 
privilèges  dont  il  fut  enrichi  par  les  souverains-pontifes,  et  trace  son 
histoire  jusqu'à  notre  époque  enpassantparla  période  révolutionnaire 
où  il  fut  supprimé  comme  tous  les  autres.  Ce  n'est  que  sous  la  Res- 
tauration que  l'Annonciade  put  reprendre  vie  :  une  communauté 
se  fonda  à  Tirlemont,  en  Belgique,  qui,  en  1823,  poussait  un  rejeton 
à  Gheel;  une  autre  à  Boulogne-sur-Mer,  en  1828;  toutes  deux  se 
vouent  à  l'enseignement,  accommodant  ainsi  la  règle  aux  nécessités 
du  temps;  une  troisième,  celle  de  Villeneuve-sur-Lot,  est  uniquement 
adonnée  à  l'oraison.  Si  l'auteur  a  eu  en  vue  les  gens  du  monde,  nous 
croyons  que  le  ton  général  de  son  livre  est  trop  mystique. 

—  Tandis  que  l'impiété  s'allie  à  l'ignorance  et  à  la  mauvaise  foi 
pour  nier  les  services  qu'ont  rendus  et  que  rendent  tous  les  jours  les 
ordres  religieux  à  la  cause  de  l'instruction,  de  la  civilisation  et  dui 
progrès,  voici  qu'un  fils  de  saint  Dominique,  le  R.  P.  Roze,  pensant 
sans  doute  que  ceux  qui  nient  ce  qu'ils  voient  accepteront  plus 
volontiers  ce  qui  leur  vient  des  pays  lointains,  entreprend  de  nous 
raconter  les  travaux  de  ses  frères  dans  le  Nouveau  Monde.  Fera-t-il 
ouvrir  les  yeux  à  ceux  qui  ne  veulent  point  voir?  nous  n'en  pouvons 
répondre;  mais  il  intéressera  certainement  tous  les  lecteurs  qui 
cherchent  à  s'instruire,  et  si  nous  parlons  ici  de  son  livre,  c'est  que  la 
vie  des  dominicains  en  Amérique  est  une  vie  d'apôtres  et  quelquefois 
de  martyrs.  Sur  les  questions  d'histoire,  de  mœurs  et  coutumes,  de 
géographie,  on  trouve  beaucoup  de  pages  curieuses.  Si  l'auteur  avait 
cherché  surtout  les  suffrages  du  grand  public,  nous  lui  aurions 
reproché  de  trop  s'arrêter  à  des  détails  techniques  sur  les  questions 
d'organisation  et  de  création  de  nouvelles  provinces,  importantes,  pour 
l'ordre  et  ses  membres,  mais  qui  toucheront  peu  la  masse  des  lec- 
teurs. Il  est  inutile  d'insister;  autant  vaudrait  comdamner  les  in- 
tentions de  l'auteur,  qui  écrit  surtout  pour  ses  frères  en  saint 
Dominique,  et  espère  même  que  l'ébauche  qu'il  donne  aujourd'hui,  sur 
des  renseignements  rapportés  de  ses  voyages  en  Amérique,  donnera  à 
quelques-uns  la  pensée  de  retracer  les  annales  de  leur  maison.  Il  ne 
faudrait  pas  s'attendre  à  trouver  là  l'histoire  complète  des  missions 
dominicaines  en  Amérique  ;  ce  n'est  qu'un  essai,  mais  bien  suffisant 
pour  exciter  l'admiration  en  faveur  de  ces  fils  de  l'Eglise  catholique, 
marchant  derrière  les  conquérants  pour  corriger  les  excès  de  la 
victoire,  en  apportant  les  lumières  de  la  foi  et  en  prêchant  les  règles 


—  317  — 

de  la  morale.  Sans  cesse  les  dominicains  se  sont  montrés  les  in- 
trépides défenseurs  des  Indiens  contre  la  rapacité  et  la  cruauté  des 
conquérants,  auxquels  la  soif  de  l'or  fit  trop  souvent  perdre  tous 
sentiments  de  justice  et  d'humanité.  Ils  ne  reculent  devant  aucune 
démarche,  aucun  voyage  en  Espagne,  à  Rome,  pour  obtenir  que  les 
Indiens  soient  traités  comme  des  créatures  de  Dieu  ;  ils  ne  craignent 
pas  d'affronter  la  colère  des  cupides  colons,  et  plusieurs  sont  victimes 
de  leur  dévouement.  Ils  élèvent  des  hôpitaux,  construisent  des  écoles, 
impriment  des  ouvrages_,  fondent  des  universités  à  Hispanola,  Mexico, 
Lima,  Quito,  Santiago  ;  partout  ils  sont  à  la  suite  des  conquérants  et 
des  explorateurs,  l'Evangile  et  la  Croix  à  la  main,  et,  parmi  eux, 
nous  voyons  Pierre  de  Cordoue,  l'immortel  Barthélémy  de  Las  Cases, 
le  bienheureux  Martin  de  Porrez,  Jérôme  de  Loaysa,  Réginald  de 
Lizarraga,  et  nous  les  suivons  à  Saint-Domingue,  au  Mexique,  au 
Pérou,  au  Chili  et  à  la  Plata.  Nous  devons  ajouter  à  ces  noms  celui 
du  P.  Diego  de  Deza,  professeur  à  l'Université  de  Salamanque,  pré- 
cepteur d'un  des  enfants  de  la  famille  royale,  ami  de  Christophe 
Colomb,  qui  contribua  plus  que  tout  autre  à  dissiper  les  préventions 
du  roi  e  ta  lui  faire  patronner  son  entreprise. 

—  Par  un  décret  du  7  juillet  1877,  Pie  IX  a  décerné  à  saint  Fran- 
çois de  Sales  le  titre  de  docteur  de  l'Eglise  :  c'était  le  dix-neuvième 
saint  auquel  un  tel  honneur  était  accordé.  La  ville  de  Lyon,  à  la- 
quelle le  nouveau  docteur  tenait  par  tant  de  liens,  a  été  la  première 
à  témoigner  sa  joie  par  des  solennités  religieuses, célébrées  les  26-28 
décembre.  Un  prêtre  de  Lyon  a  voulu  s'associer  à  ces  pieuses  mani- 
festatioi^s,  et  comme  les  justifier,  en  faisant  imprimer  dans  cette 
même  ville,  sous  le  voile  de  l'anonyme,  un  ouvrage  destiné  à  faire 
ressortir  les  titres  de  l'évêque  de  Genève  au  suprême  doctorat.  Nous 
sommes  obligé  de  constater  que  c'est  une  œuvre  de  circonstance, 
rédigée  à  la  hâte,  point  suffisamment  mûrie,  allourdie  par  de  nom- 
breuses digressions  et  n'apprenant  rien  de  nouveau  sur  le  saint. 
Parmi  ses  autorités,  l'auteur  cite  l'abbé  Migne,  faisant  allusion  sans 
doute  aux  ouvrages  qu'il  a  édités  mais  non  écrits,  et  madame  de 
Menton  [sic).  Le  contingent  fourni  par  les  sources  nouvelles  n'est 
pas  considérable  ;  il  faut  relever  quelques  rectifications  aux  travaux 
des  précédents  biographes,  et  quelques  lettres  inédites.  Parmi  les 
pièces  justificatives,  ou  plutôt  les  documents,  au  nombre  de  26,  nous 
mentionnerons  un  extrait  du  procès  du  doctorat  et  le  texte  du  décret 
du  Saint-Siège  :  ce  sera  pour  nous  l'occasion  de  louer  l'éditeur  d'avoir 
donné  le  tableau  de  toutes  les  pièces. 

Malgré  les  critiques  que  nous  venons  de  formuler,  ce  livre 
aura  une  place  utile.  Ecrit  avec  facilité,  se  lisant  avec  plaisir,  il 
communiquera  aux  lecteurs  l'admiration  de  l'auteur  pour  saint  Fran- 


--  :5I8  — 

çois  de  Sales,  et  le  désir  de  mettre  en  pratique  les  leçons  que  donne 
sa  vie.  Il  expliquera,  en  outre,  comment  celui  qu'on  a  souvent  appelé  le 
plus  aimable  des  saints,  mérite  aussi  d'être  appelé  docteur.  Une  pre- 
mière partie  est  consacrée  à  saint  François  de  Sales  apôtre  ;  c'est  la 
plus  intéressante  par  le  récit,  mais  aussi  la  moins  neuve  :  on  trouve 
dans  toutes  les  biographies  le  détail  des  travaux  de  saint  François 
pour  la  conversion  du  Chablais  ;  la  seconde  considère  saint  François 
comme  docteur.  Ses  ouvrages  sont  classés  sous  quatre  chefs  :  con- 
troverse, ascétisme,  dogme,  polémique.  Sous  le  premier  titre,  nous 
trouvons  une  étude  du  livre  de»  Controverses  et  le  récit  des  entre- 
vues avec  Bèze.  L'ascétisme  est  représenté  par  l'Introduction  à  la  vie 
dévote^  le  Traité  de  l'amour  de  Dieu  et  la  direction  où  excellait  l'évêque 
de  Genève,  Comme  dogmatiste,  nous  le  voyons  préparer  les  décisions 
relatives  aux  dogme  de  l'Immaculée  Conception  et  de  l'Infaillibilité  du 
Pape,  et  l'expansion  de  la  dévotion  au  Sacré-Cœur.  Quant  aux  deux 
chapitres  sur  le  polémiste,  ils  servent  de  prétexte  à  de  très-solides 
et  de  très-justes  observations  sur  les  ravages  faits  par  la  presse  im- 
pie et  la  nécessité  pour  les  catholiques  de  s'unir  et  lutter  sous  le 
patronage  du  nouveau  docteur  de  l'Église.  Nous  serions  ingrats  si 
nous  ne  remerciions  pas  l'auteur  d'avoir  constaté  les  efforts  faits  en 
ce  sens  par  quelques-uns  de  ceux  qui  dirigent  ce  recueil. 

—  11  n'est  pas  possible  de  séparer  saint  François  de  Sales  de  sa 
Philotliée,  dont  il  se  proposait  d'écrire  lui-même  la  vie.  Son  projet  n'a 
pas  été  réalisé,  et  c'est  M.  Jules  Vuy  qui  entreprend  aujourd'hui 
de  le  suppléer,  et  qui,  après  nous  avoir  montré  que  Philothée  était 
un  personnage  réel,  nous  donne  la  vie  de  M"^  de  Charmoisy,  avec  la 
promesse  de  publier  un  second  volume  composé  de  documents  la 
plupart  inédits  :  on  y  trouvera  certainement  une  partie  de  la  cor- 
respondance qui  est  entre  ses  mains,  et  qui  a  servi  de  base  à  son 
travail.  Nous  avons  ici  une  œuvre  originale,  un  sujet  neuf.  On  sa- 
vait généralement  que  c'était  à  M™*  de  Charmoisy  qu'avaient  été 
adressées  ces  instructions  qui,  soigneusement  gardées  et  même, 
paraît-il,  mises  en  ordre  par  elle,  sont  devenues  l'incomparable 
Introduction  à  la  vie  dévote.  C'était  tout,  et  encore  était-ce  la  part  des 
lettrés  ;  tandis  qu'aujourd'hui  nous  apprenons  que  M™®  de  Char- 
moisy appartenait  à  cette  race  de  grandes  et  nobles  chrétiennes  qui 
ont  eu  une  si  bonne  influence  sur  la  société  du  grand  siècle,  dont  elles 
étaient  l'ornement,  et  qu'elle  n'était  point  indigne  des  conseils  que  lui 
donnait  saint  François  de  Sales;  on  retrouve  le  saint  à  chaque  page, 
et  ce  n'est  pas  un  des  moindres  charmes  de  ce  livre.  Nous  voyons  là 
un  côté  peu  connu  de  sa  vie,  qui  ne  pouvait  servir  qu'à  le  faire  aimer 
davantage. 

Une  large  place   n'en    est   pas   moins   réservée  à  M.  et   M"'  de 


—  3)0  — 

Charmoisy,  dont  tout  le  mérite  n'est  pas  d'avoir  été  connus  et  aimés 
du  saint  évêquede  Genève.  M.  de  Charmoisy  nous  introduit  dans  la 
société  de  la  Savoie,  dans  la  petite  cour  du  duc  de  Nemours,  qui,  pas 
plus  que  les  grandes,  n'était  exempte  d'orages.  Il  en  ressentit  les 
effets  ;  tombé  en  disgrâce,  il  fut  iniquement  arrêté.  Il  mourut  jeune 
encore,  au  moment  où  la  faveur  revenait  à  lui.  M"'"  de  Char- 
moisy appartenait  à  une  famille  de  Normandie;  c'est  à  la  cour 
de  France  qu'elle  connut  son  mari,  dont  la  famille  était  unie  à 
celle  des  Sales.  Son  rôle  est  plus  modeste,  mais  non  moins  glorieux; 
c'est  l'épouse  fidèle  qui  soutient  son  mari  dans  l'adversité  et  re- 
nonce à  tout  pour  lui  ;  c'est  la  mère  dévouée,  à  laquelle  rien 
ne  coûte  quand  il  s'agit  de  ses  enfants,  et  qui  se  donne  tout  en- 
tière à  leur  éducation  ;  veuve,  elle  administre  leurs  bieus  comme  si 
c'eût  été  sa  vocation,  elle  les  établit,  et  supporte  avec  une  courageuse 
résignation  tous  les  chagrins  que  lui  cause  son  fils  aîné.  Nous  aimons 
à  voir,  dans  cet  intérieur,  une  de  ces  bonnes  et  attachantes  figures  de 
vieux  et  dévoués  serviteurs  ;  nous  nous  plaisons  aussi  à  signaler,pour 
montrer  que  les  choses  en  apparence  insignifiantes  ont  bien  souvent 
leur  importance,  que  c'est  par  le  livre  de  comptes  du  fermier  que  nous 
connaissons  la  date  de  la  mort  de  ^I"*  de  Charmoisy.  Dans  sa  société, 
nous  trouvons  fréquemment  le  président  Favre,  qui  se  fait  connaître 
tout  à  son  avantage  ;  M"*  de  Chantai,  qui  entretenait  avec  Philothée 
une  correspondance  suivie,  laquelle  n'est  peut-être  point  perdue  et 
serait  fort  intéressante  à  connaître.  Si  nous  n'avions  lu  ce  livre  que 
pour  nous,  nous  ne  nous  serions  sans  doute  pas  aperçu  de  quelques 
défauts  quul  est  de  notre  devoir  de  signaler.  Nous  aurions  voulu  plus 
d'ordre;  M.  Vuy  s'égare  quelquefois  dans  des  citations  inutiles,  dans 
des  digressions  oiseuses  et  des  considérations  qui  allourdissent  le  ré- 
cit :  ainsi  on  a  peine  à  se  rendre  compte  de  la  mort  de  M.  de  Char- 
moisy;puis  est-ilbien  nécessaire  de  prévenirqu'on  estobligé  d'abréger, 
de  passer  rapidement?  Le  lecteur  demande  tout  ce  qui  peut  l'intéres- 
ser; pour  le  reste,  il  ne  s'en  soucie  guère. 

—  L'éditeur  de  VHistoire  des  capucines  de  Flandre  est  si  modeste 
qu'il  s'en  est  fallu  de  peu  qu'il  ne  demeurât  ignoré.  Cependant  le  nom 
du  Frère  Apollinaire  de  Valence  se  trouve  au  bas  d'une  note  qui  ter- 
mine la  préface.  Mais,  pour  faire  la  part  de  la  critique,  nous  expri- 
merons le  regret  quïl  se  soit  contenté  de  nous  renseigner  sur  le 
manuscrit  qu'il  publie,  en  mettant  sur  la  couverture  :  «  écrit  au  dix- 
huitième  siècle,  »  et  en  reproduisant  les  quelques  détails  fournis  par 
l'auteur  anonyme  dans  sa  préface.  L'éditeur  y  a  ajouté  des  notes  sur  des 
personnages  cités  dans  ce  premier  volume  et  un  travail  assez  considé- 
rable sur  l'établissement  des  capucins  en  Belgique  et  dans  les  provinces 
du  Nord.  La  religieuse  à  qui  nous  devons  cette  histoire  a  écrit  en  vue  de 


—   320  — 

cette  obéissance  «  qui  est  le  caractère  et  la  règle  des  âmes  religieuses,  » 
assurée  que  «  n'ayant  point  recherché  ce  commandement,  elle  serait 
aidée  du  divin  secours.  »  Cette  humilité  et  cette  simplicité  prédis- 
posent en  sa  faveur,  et  nous  pourrions  dire  que  c'était  superflu,  car  ces 
mêmes  qualités  se  reproduisent  dans  son  style.  Ce  volume  donne  la  vie 
de  Françoise  de  Saint-Omer,  dont  le  nom  dans  le  monde  était  Taffin,  et 
qui  établit  le  premier  couvent  de  la  réforme  de  l'ordre  de  Saint-François 
àBourbourg;  raconte  sa  naissance,  son  éducation,  sa  vie  pieuse  et  les 
nombreuses  fondations  qui  suivirent,  au  dix-septième  siècle,  celles  de 
Bourbourg  :  Bergues,  Saint-Omer,  Aire,  Liège,  Lille,  Courtrai,  Douai 
et  Saint-Trond  ;  on  peut  ajouter  à  cette  liste  les  couvents  de  Cologne, 
de  Paderborn  et  de  Bonn^  qui  s'unirent  à  ceux  de  la  réforme.  Aux 
détails  de  ses  travaux,  est  joint  le  tableau  des  vertus  qui  brillaient 
en  elle  dans  le  cloître.  Déjà  elle  avait  édifié  le  monde  avant  de  se  con- 
sacrer à  Dieu.  Elle  avait  été  une  épouse  modèle,  et  Dieu  la  récompensa 
en  faisant  de  ses  filles  des  auxiliaires  dévouées.  Dans  ce  récit,  les  faits 
parlent  d'eux-mêmes  ;  mais  l'auteur  édifie  aussi  par  sa  naïve  candeur, 
qui  contraste  avec  le  genre  de  son  siècle. 

—  Gérard-Marie  Majella,  delilaré  vénérable  en  1847  par  Pie  IX,  qui, 
par  un  décret  promulgué  le  8  juin  1877,  a  proclamé  l'héroïcité  de  ses 
vertus,  n'est  guère  connu  en  France.  Nous  devons  savoir  gré  au  Père 
rédemptoriste  qui  vient  de  nous  donner  sa  vie,  toute  remplie  de  surna- 
turel, et  écrite  sur  les  documents  les  plus  authentiques.  Né  dans  le 
royaume  de  Naples  en  172G,  mort  en  1755^  entouré  de  la  vénération 
publique,  Majella  se  rapproche,  par  plus  d'un  côté,  de  ces  saints  que 
nous  connaissons  par  les  naïves  légendes  du  moyen  âge,  de  saint  Fran- 
çois d'Assise  et  même  du  curé  d'Ars.  Ses  luttes  avec  le  démon,  ses 
saintes  extravagances,  son  zèle  pour  le  salut  des  âmes,  son  dévoue- 
ment au  milieu  des  épidémies,  sa  charité  sans  bornes  qui  lui  valut  le  nom 
de  père  des  pauvres,  les  faveurs  célestes  dont  il  fut  honoré,  les  gué- 
risons  qu'il  opéra^  les  miracles  dont  il  fut  l'instrument  sont  une  mani- 
festation perpétuelle  de  la  puissance  divine,  une  louange  incessante 
en  son  honneur,  et  réveillent  la  confiance  en  Dieu  en  montrant  com- 
ment elle  est  récompensée.  L'auteur  n'a  rien  caché  des  merveilles 
qui  éclatent  partout,  et  son  œuvre  est  destinée,  comme  le  dit  Ms''  Mer- 
millod,  «  à  donner  aux  âmes  une  leçon  et  un  exemple  fortifiant.  » 

—  Nous  n'accorderons  qu'une  mention  à  la  quatrième  édition  de  la 
vie  du  bienheureux  Labre,  par  M.  Aubineau.  Cet  ouvrage  a  déjà  été 
signalé  plusieurs  fois  (t.  X,  p.  143;  t.  XIV,  p.  103)  par  le  Polybi- 
blion.  Nous  n'avons  qu'à  nous  applaudir  d'un  succès  qui  témoigne  que 
le  goût  des  bonnes  et  saines  lectures  n'est  pas  perdu.  Quelle  vie 
plus  en  opposition  avec  nos  mœurs  raffinées  que  celle  de  ce  mendiant, 
blessant  notre  délicatesse  par   le  mépris  que  lui  impose  l'amour  de 


—  321  — 

Dieu,  pour  son  corps  et  pour  tous  ces  soins  dont  nous  serions  tentés 
de  nous  faire  des  devoirs  d'obligation  !  La  bienvenue  à  cette  nouvelle 
édition,  qui  d'ailleurs  ne  nous  paraît  être  que  la  reproduction  de  la 
précédente. 

—  La  courte  notice  de  M.  l'abbé  Fleury  sur  un  de  ses  prédéces- 
seurs, M.  l'abbé  Joguet,  vicaire  de  Chênes,  est  du  plus  émouvant 
intérêt.  Ce  saint  prêtre  avait  d'abord  fui  la  persécution,  avec  son  curé, 
en  allant  demander  asile  à  l'Italie.  Mais,  pris  d'un  ardent  amour  des 
âmes,  il  demanda  à  son  évêque  la  permission  de  venir  reprendre  les 
charges  de  son  ministère  au  milieu  de  tous  les  périls  qui  menaçaient 
les  prêtres  fidèles.  Sa  présence,  révélée  par  un  dénonciateur  avide  de 
recevoir  la  prime  promise  par  le  gouvernement,  amena  son  arrestation. 
Les  agents  révolutionnaires  vont  commettre  un  sacrilège  en  profa- 
nant les  hosties  consacrées;  Use  jette  à  leurs  pieds  pour  leur  demander 
d'éviter  un  si  grand  crime.  «  Chacun  a  ses  opinions,  répond  le  chef  de 
la  bande  ;  laissons-lui  ce  qu'il  demande.  »  Et  il  put  consommer  les 
saintes  espèces  qui  lui  servirent  de  viatique.  Traduit  devant  le  conseil 
de  guerre,  il  ne  voulut  pas  se  sauver  par  un  mensonge,  et  mourut 
fusillé.  Son  corps  fut  retrouvé  intact  au  bout  de  dix-sept  ans,  pré- 
servé de  la  corruption  par  une  grâce  particulière  de  Dieu  :  il  a  été 
transféré  solennellement  dans  l'église  de  Cluses  en  1857.  Tous  ces  faits 
sont  rapportés  d'après  la  narration  d'un  ami,  et  tirés  en  grande  partie 
d'un  mémoire  présenté  par  l'auteur  à  la  Société  florimontane  d'Annecy 
sur  l'histoire  du  diocèse  de  Genève  durant  la  période  révolutionnaire, 
de  1792  à  1800  :  nous  attendons  avec  impatience  la  publication  de  ce 
mémoire. 

—  En  parlant  aujourd'hui  de  VHistoîrc  de  Madame  Barat,  nous 
n'avons  plus  qu'à  constater  le  mérite  et  l'intérêt  de  cet  ouvrage, 
dont  l'étendue  et  le  caractère  sérieux  n'ont  pas  été,  par  excep- 
tion, un  obstacle  à  une  prompte  et  large  diffusion.  Il  a  rapide- 
ment atteint  sa  troisième  édition;  ce  succès  ne  nous  étonne  pas  :  l'au- 
teur le  méritait,  et  le  sujet  plus  encore.  Il  nous  donne  le  portrait 
d'une  belle  âme  et  d'un  grand  caractère  :  il  fournit  une  page  pleine  d'in- 
térêt à  l'histoire  de  notre  temps  et  traite,  par  son  côté  pratique,  un  des 
sujets  actuels,  objet  de  nos  plus  vives  et  légitimes  préoccupations: 
l'éducation  et  l'instruction  religieuse  de  la  jeunesse.  Nous  venons 
trop  tard  pour  avoir  à  donner  utilement  un'apercu  de  la  vie  féconde  et 
active  de  la  fondatrice  de  la  Société  du  Sacré-Cœur  de  Jésus,  qui 
occupe  aujourd'hui  un  rang  si  élevé  parmi  les  congrégations  vouées  à 
l'enseignement, pour  raconter  ses  incessantes  pérégrinations  en  France 
et  en  Italie  pour  établir  des  maisons  nouvelles,  nous  arrêter  à  l'étude 
des  constitutions,  apprécier  le  bien  qu'elle  a  produit,  faire  revivre 
tous  les  personnages  qui  l'ont  secondée  dans  ses  œuvres  et  dont  nous 

Octobre  1878.  T.  XXIII,  21, 


322  

ne  citerons  qu'un  seul^  le  P.  Varin.  Nous  craindrions,  en  insistant,  de 
nous  attirer  de  la  part  de  nos  lecteurs  le  reproche  de  parler  de  choses 
qu'ils  connaissent  déjà  et  mieux  que  nous. 

—  Aussi  ne  chercherons-nous  pas  de  transition  pour  passer  à  l'i/is- 
toi7'e  de  Madame  Duchesne,  parue  cette  année,  et  qui  n'est  dans  l'esprit 
de  l'auteur,  que  «  le  complément  de  celle  de  M™^  Barat.  »  Ce  que 
celle-ci  fait  en  Europe,  l'autre  Ta  réalisé  en  Amérique  ;  elle  est  morte 
laissant  comme  semence  dans  le  Nouveau  Monde  trente  et  un  établis- 
sements, mille  deux  cents  religieuses,  trois  mille  pensionnaires  et 
quatre  mille  cinq  cents  enfants  dans  les  écoles  gratuites.  Déjà  nous 
avions  fait  connaissance  avec  M"'^Duchesne  dans  la  vie  de  M™^ Barat; 
c'est  avec  elle  qu'elle  fonda  la  seconde  maison  à  Grenoble  ;  c'est  d'elle 
que  le  P.  Varin  écrivait  :  «  Vous  trouverez  là  des  compagnes  qui  vous 
seconderont,  mais  une  surtout  !  N'y  eùt-il  que  celle-là,  il  faudrait 
aller  la  chercher  au  bout  du  monde,  » 

Née  en  1769,  morte  en  1852,  Philippine  Duchesne  tenait  de  près  à 
deux  familles   qui  ont  marqué,  par  quelques-uns  de  leurs  membres  du 
moins,   d'une  façon  toute  différente.   Sa  mère  était  une  Périer,  sa 
grand'mère  une  Enfantin. Chrétiennement  élevée  dans  sa  famille  et  chez 
les  visitandines  de  Sainte-Marie  d'en-Haut,  elle  se  sentit,  dès  l'âge  de 
huit  ans,  un  attrait  pour  les  missions  auquel  elle  ne  put  céder  que 
beaucoup  plus  tard.   Sortie  du  couvent  a  cause  de   la  Révolution, 
en     1791,    elle    s'occupa     pendant   cette     douloureuse    époque     de 
procurer    des   secours  aux  confesseurs   de  la  foi,  et   d'instruire   les 
pauvres.  Elle  racheta  Saint-Marie  d'en-Haut,  avec  l'intention  d'y  rap- 
peler ses   anciennes   maîtresses,  sans  prévoir  qu'elle  avait  préparé 
un  asile  à  la  société  naissante    dont   elle  devait  être  une    des   plus 
fécondes  ouvrières.  Dans  un  voyage  à  Paris,  elle  fut  mise  en  relations 
avec  M^''   Dubourg,   évêque  de  la  Louisiane.  Il  fut   question  d'une 
fondation   en   Amérique;    promesse    fut   donnée,    et,   en  1818,   M™' 
Duchesne  s'embarquait  pour  l'accomplir.   On  connaît  son  succès;  on 
lira  avec  le  plus  vif  intérêt  les  travaux  et  les  sacrifices  qu'il  coûta.  Ce 
n'était  point  assez  pour  l'ardeur  de  son  zèle  :  elle  voulait  évangéliser  les 
sauvages  ;  pendant  un  an,  elle  vécut  au  milieu  des  Potowatomies,  les 
prêchant  par  ses  exemples  et  par  ses  prières.  Nous  retrouvons  ici  bien 
des  personnages  que  nous  avions  déjà  rencontrés  avec  M™"  Barat;  mais 
M.  Baunard  sait  les  présenter  de  façon  à  ce  que  le  lecteur  soit  charmé 
de   les  revoir  ;  il  j  a  une  variété  de  situations,  d'œuvres,  de  travaux, 
de  caractères  et  de  milieux  qui  préservent  de  la  monotonie.  Nous  repro- 
cherions volontiers  à  l'auteur  un  peu  de  recherche  et  d'apprêt,  et  nous 
croyons  que  les  faits  parlent  assez  d'eux-même  pour  rendre  superflues 
beaucoup  de  citations,  de  textes  et  de   considérations  dont  le  lecteur 
pourrait  se  fatiguer.  Une  carte  aurait  été  utilement  placée  dans  ce  vo- 


-  323  -  V 

lume,  où  l'on  regrette  de  ne  pas  trouver  le  portrait  de  M""'  Duchesne. 

—  Singulier  nom  pour  un  martyr  de  la  foi  que  celui  de  Néron  !  Le 
missionnaire  dontM.  l'abbé  Chère  raconte  la  vie  avait  été  son  condis- 
ciple au  petit  séminaire  de  Vaux,  dans  le  diocèse  de  Saint-Claude. 
Né  en  1818,  dans  les  rangs  les  plus  infimes  de  la  société,  il  n'entr.i 
qu'à  dix-neuf  ans  au  séminaire  pour  faire  ses  études  littéraires.  Le 
travail  est  divisé  en  quatre  parties  :  la  vocation,  la  préparation, 
(les  études  et  le  séjour  au  presbytère,  au  petit  et  au  grand  séminaires 
et  au  séminaire  des  Missions  étrangères)  ;  la  vie  apostolique  (les 
voyages  et  les  travaux  des  missionnaires  au  Tonkin)  ;  la  consomma- 
tion par  le  martyr  (relation  émouvante  rédigée  par  M^''  Theurel, 
coadjuteur  de  M.^'  Retord,  sur  le  récit  du  diacre  Nhat,  témoin  ocu- 
laire). 11  serait  difficile  d'analyser  cette  vie  ;  mais  nous  aimons  à  in- 
diquer, en-dehors  de  l'étude  du  saint  prêtre,  des  détails  très-intéres- 
sants sur  le  séminaire  des  Missions  étrangères,  sur  la  religion  dans 
l'empire  d'Annam,  et  sur  les  missions  du  Tonkin.  La  correspondance 
de  M.  Néron  sera  aussi  un  des  souvenirs  que  l'on  gardera  de  ce  livre. 
Sur  la  terre  qu'il  arrosa  de  ses  sueurs  en  attendant  qu'il  l'arrose  de  son 
sang,  il  n'oublie  point  sa  patrie  et  sa  famille.  On  y  trouve  sans  cesse 
cette  pensée  qu'il  exprima  ainsi  une  fois  à  ses  parents  :  «  Mettez-moi 
tous  les  petits  détails  de  famille  ;  rien  ne  m'intéresse  et  ne  me  fait 
plaisir  autant  que  ces  détails.  Tout  ce  qui  a  rapport  au  pays  est  poui- 
moi  comme  un  mets  délicieux.  —  Se  figurent-ils  donc,  écrit-il  une  autre 
fois,  que  parce  que  j'ai  quitté  le  pays  pour  venir  chercher  les  âmes 
dans  ces  contrées  lointaines,  je  suis  insensible  à  tout  ce  qui  part  d'un 
cœur  humain,  d'un  cœur  de  compatriote  et  d'ami?  » 

—•Pierre  Aumaître,  qui  fut  martyr  en  Corée,  était  né  à  Aizecy,  dans 
le  département  de  la  Charente,  de  parents  pauvres  et  bons  chrétiens. 
Il  entra  au  séminaire  île  Richement,  et  commença  au  grand  séminaire 
d'Angoulême  ses  études  théologiques,  qu'il  vint  terminer  à  Paris  au  sé- 
minaire des  Missions  étrangères.  11  cédait  à  l'attrait  d'une  vocation 
qu'il  avait  ressentie  dès  son  bas  âge,  et  dont  sa  mère  avait  eu  comme 
une  révélation  avant  sa  naissance.  Ordonné  prêtre  en  juin  18(32,11  s'em- 
barqua en  août,  à  Marseille,  pour  la  Corée.  Au  milieu  de  la  persécution 
qui  sévit  en  1866  contre  les  chrétiens,  Pierre  Aumaitre  fut  décapité,  le 
30  mars,  avec  M^""  Daveluy,  M^'  Berneux  et  cinq  autres  missionnaires. 
C'est  cette  courte  existence,  terminée  par  une  mort  cruelle  et  sublime, 
qu'a  racontée  M.  Léandre  Poitou,  curé-doyen  de  la  Rochefoucauld 
et  membre  de  la  Société  archéologique  de  la  Charente.  Condisciple 
et  ami  de  Pierre  Aumaître  au  petit  et  au  grand  séminaires,  il  était 
mieux  placé  que  personne  pour  faire  connaître  le  jeune  missionnaire. 
Il  a  recueilli  la  correspondance  de  son  ami  avec  ses  parents,  ses 
condisciples,    M'^"   de  Saluces,   M"^    Dexier  de  Chenon.  Il  transcrit 


un  grand  nombre  de  ses  lettres.  Quelle  foi  !  quelle  ardeur  !  Comment 
ce  paysan  charentais  a-t-il  pu  aspirer  ainsi  au  martyre?  où  a-t-il 
puisé  cette  soif  de  souffrances,  cet  amour  du  Christ,  et  cette  élévation 
de  pensées?  Il  faut  lire  ces  pages,  dont  quelques-unes  sont  vraiment  re- 
marquables. M.  Poitou  a  bien  fait  de  les  iftsérer  dans  le  récit.  Elles 
sont  un  des  attraits  de  son  livre.  On  trouvera  aussi  dans  ce  volume 
des  détails  intéressants  sur  la  Corée,  ses  mœurs,  ses  habitants,  et  aussi 
une  description  émouvante  des  supplices  du  martyre. Tout  cela  est  écrit 
avec  beaucoup  de  simplicité  et  de  charme.  Ce  sont  les  faits  qui  louent. 
M.  Poitou  s'est  contenté  de  laisser  parler  et  agir  son  héros.  Il  a  fait 
ainsi  un  livre  excellent. 

—  M.  Philibert  Simon  est  aussi  un  missionnaire  ;  celui-là  n'a  pas 
eu  le  bonheur  d'obtenir  la  couronne  du  martyre,  mais  a  eu  du  moins 
l'honneur  de  mourir  au  service  de  Dieu,  enlevé  par  la  fièvre  chaude,  à 
l'âge  de  trente-deux  ans,  dans  le  pays  qu'il  évangélisait.  Ami  de 
M.  Simon,  Poitevin  comme  lui,  M.  l'abbé  Briand  connaissait  bien  son 
héros.  Il  s'applique  à  nous  le  faire  connaître  plus  encore  que  ses  œuvres, 
peu  nombreuses  naturellement,  puisqu'il  est  mort  si  jeune.  L'auteur  a 
un  style  noble,  élégant  et  vif;  son  admiration  pour  son  saint  ami  lui 
communique  de  la  chaleur,  et  il  a  trouvé  une  précieuse  ressource,  pour 
colorer  et  animer  le  récit,  dans  la  correspondance  du  missionnaire. 
M.  Simon  avait  l'âme  aussi  poétique  que  le  cœur  généreux  ;  son  esprit 
fin  brillait  dans  ses  lettres,  à  côté  de  ses  sentiments  délicats  et  de  la 
sublimité  de  ses  aspirations,  avec  un  laisser-aller  et  un  abandon  qui 
rendent  la  lecture  de  cette  correspondance  pleine  de  charmes.  Sa  pre- 
mière conquête  est  celle  d'un  vieillard  :  «  Un  premier-né  de  soixante- 
quinze  ans,  »  écrit-il,  «  ne  trouvez-vous  pas  que  c'est  un  joli  début?  » 
Quand  il  apprend  qu'il  est  envoyé  en  Mandchourie  :  c(  M^""  Berneux  a 
évangélisé,  dit-on,  la  Mandchourie  avant  d'aller  cueillir  en  Corée  la 
palme  du  martyre  :  Jésus  pourrait  bien  me  réserver  la  même  faveur  î  n 
Il  entre  dans  d'intéressants  détails  sur  les  lieux,  sur  les  personnes,  sur 
les  usages.  A  ce  point  de  vue,  sa  vie  peut  être  considérée  comme  un 
piquant  et  curieux  récit  de  voyage  en  Mandchourie  ;  son  biographe  l'a 
complétée  sur  plusieurs  points,  en  recourant  au  livre  de  M.  l'abbé  Du- 
rand sur  les  missions  catholiques.  Nous  voyons  apparaître  des  figures 
attachantes,  comme  celles  des  carmélites  'de  Poitiers  —  parmi  les- 
quelles Xavérine  de  Maistre,  la  Mère  Marie-Thérèse  de  Jésus,  sœur  du 
brave  général  de  Sonis.  Avec  quel  intérêt  M.  Simon,  suit  de  loin  toutes 
les  périodes  de  la  guerre,  pensant  à  son  pays,  à  son  frère  qui  porte  les 
armes  et  va  trouver  la  mort  sur  le  champ  de  bataille,  à  sa  bonne  mère 
qui  meurt  seule,  mais  avec  une  foi  digne  de  lui.  Bien  des  pages  font 
couler  les  larmes  et  toutes  produisent  une  douce  émotion  qui  ré- 
chauffe et  fortifie  le  cœur. 


—  :32:j  — 

—  Si  modeste  pour  ses  membres  vivants,  la  communauté  de  Saint- 
Sulpice  ne  craint  pas  de  présenter  au  public  ceux  de  ses  prêtres 
défunts  dont  la  vie  peut  servir  à  l'édification  des  fidèles.  Après  les 
biographies  récentes  de  M.  MoUevaut,  de  M.  Faillon  et  de  M.  Hamon, 
voici  celle  d'un  jeune  prêtre,  portant  un  nom  bien  connu  dans  le 
monde  scientifique,  écrite  par  un  ami  sans  doute,  peut-être  un  con- 
disciple qui  n'aura  pas  voulu  laisser  ignorés  les  trésors  qu'il  avait  pu 
découvrir  dans  cette  âme  d'élite.  Nous  n'avons  pas  ici  un  récit  com- 
plet :  dans  cette  vie  d'à  peine  trente  ans,  les  faits  sont  peu  nombreux; 
l'étude  de  l'âme  occupe  la  plus  grande  place.  M.  Léon  Hubert- 
Valleroux,  fils  du  docteur  de  ce  nom,  se  livra  d'abord  à  l'étude  de 
la  médecine,  concourut  pour  l'internat,  brigua  et  obtint  le  grade 
de  docteur,  bien  que  depuis  longtemps  il  entendît  la  voix  secrète  qui 
l'appelait  au  sacerdoce.  Mais  il  attendait  avec  confiance  le  moment  de 
répondre  à  l'appel  divin,  travaillant  comme  un  homme  qui  remplit  un 
devoir,  édifiant  ses  camarades  d'étude,  dont  il  était  aussi  aimé  que  res- 
pecté, et  apportant  la  gaîté  et  la  joie  au  sein  de  sa  famille.  Il  gardait  pour 
lui  le  secret  de  sa  vocation  qui  surprit  tout  le  monde,  et  pratiquait  déjà 
la  mortification  à  un  degré  qui  provoque  l'admiration  malgré  tout  ce 
qu'on  peut  y  trouver  d'excessif.  C'est  un  point  que  l'auteur  étudie  en 
directeur  et  en  théologien,  et  sur  lequel  nous  appelons  l'attention.  Nous 
ne  pouvons  raconter  la  vie  du  saint  jeune  homme  au  séminaire,  mettre 
en  relief  toutes  les  vertus  qu'il  pratiqua,  les  qualités  par  lesquelles  il  se 
distingua,  ni  relever  les  pages  remarquables  dues  à  son  ami  anonyme. 
Nous  nous  bornons  à  transcrire  les  titres  des  chapitres  :  le  Séminaire 
d'Issy,  le  Séminaire  de  Saint-Sidpice,  la  Solitude,  le  Séminaire  à  Dijon, 
où  il  fut  trois  mois  comme  directeur,  Dernier  hiver  à  Paris^  Dernière 
maladie  à  Bellevue.  Nous  no  pouvons  mieux  prendre  congé  de  nos 
lecteurs  qu'avec  cette  touchante  biographie,  qui  contient  de  si  pré- 
cieux enseignements.  Victor  Moryat. 


THÉOLOGIE 

CJommentarîus  in  Evangelium  S.  «Joannis,  quem  in  usum  pro- 
lectionum  scripsit,  P.  Josephus  Corluy,  S.  J.,  in  coUegio  theologico  Socia- 
tatis  Jesu  Lovaniensi,  Sacrae  Scripturee  professer.  Gandavi,  excudebat 
C.  Poelman,  1878,  in-8  de  457  p. 

Ce  commentaire,  un  des  plus  remarquables^  sans  contredit,  qui  ait 
paru  de  nos  jours,  est  l'œuvre  d'un  savant  professeur  de  Louvain,  le 
P.  Corluy.  Le  dessein  de  l'auteur  a  été  de  déterminer  le  sens  littéral 
de  saint  Jean.  Quelques  mots  précis  et  lumineux  luisufiisent  habituel- 
lement pour  expliquer  la  parole  sainte,  marquer  l'ordre  des  faits  et  la 
suite  des  idées.  Il  n'en  est  pas  de  même  des  passages  difficiles  et  con- 


—  32r.  — 

troversés  :  le  P.  Corluy  fait  de  chacun  d'eux  une  étude  approfondie, 
expose  les  opinions  des  exégètes,  et  prononce  entre  eux  avec  une 
sûreté  de  jugement  qui  ne  se  dément  jamais.  Quand  nulle  interpréta- 
tion ne  le  satisfait,  il  le  déclare  avec  la  loyauté  qui  est  le  propre  des 
vrais  savants,  et  laisse  à  d'autres  le  soin  déporter  dans  le  texte  sacré 
une  lumière  définitive.  On  sent  le  prix  d'une  pareille  méthode,  et  com- 
ment le  lecteur,  rapidement  guidé  dans  les  parties  du  récit  qui  s'en- 
tendent d'elles-mêmes,  s'arrête  volontiers  aux  endroits  difficiles,  et, 
les  trouvant  mis  en  relief,  apporte  une  attention  plus  soutenue  à  les 
comprendre. 

Si  concise  que  soit  l'interprétation  du  P.  Corluy,  elle  n'échappe 
pas  au  désavantage  de  tout  commentaire,  à  savoir  que  l'esprit,  ap- 
pliqué aux  détails,  perd  bientôt  de  vue  l'euscmble.  Pour  parer  à  cet 
inconvénient,  l'habile  professeur  fait  suivre  chaque  chapitre  d'une 
paraphrase,  où  le  lecteur  retrouve,  avec  la  suite  des  faits,  les  solutions 
données  aux  principales  difficultés.  Par  une  innovation  non  moins 
heureuse,  il  résume,  dans  des  scolies  dogmatiques,  les  nombreuses 
conclusions  que  la  théologie  a  tirées  de  l'évangile  de  saint  Jean.  Rien 
ne  fait  mieux  voir  que  toute  la  substance  du  dogme  se  trouve  comme 
ramassée  dans  ces  pages  saintes,  et  qu'il  y  a  là,  selon  la  parole  de 
Bossuet,  des  profondeurs  à  faire  trembler. 

Nous  ne  pouvons  nous  étendre  sur  chacune  des  dissertations  insé- 
rées dans  ce  commentaire  :  plusieurs  d'entre  elles,  publiées  dans  les 
Études  relir/icusps,  sont  connues  déjà  et  justement  appréciées.  Nous 
nous  contenterons  de  distinguer  enlre  toutes  la  savante  discussion  où 
le  P.  Corluy  établit  que  la  pécheresse  de  saint  Luc  (vu,  37),  Made- 
leine, et  Marie,  sœur  de  Lazare,  ne  sont  qu'une  même  femme.  On  sait 
avec  quel  dédain  les  critiques  du  dix-septième  siècle  rejetèrent  cette 
tradition  ;  leur  opinion  prit  une  telle  autorité  que  les  bréviaires  galli- 
cans modifièrent  la  légende  du  bréviaire  romain.  L'antique  senti- 
ment de  rÉglise,  cependant,  garda  toujours  d'illustres  défenseurs 
(Baronius,  les  BoUandistes,  Maldonat,  Lightfoot,  et,  de  nos  jours, 
Schegg,  Sepp,  Pusey,  Farrar,  dans  sa  belle  Vie  de  Jésus).  Le  P. 
Corluy  résume  et  complète  les  travaux  de  ses  devanciers.  C'est  avec 
bonheur  que  nous  voyons  la  science  la  plus  exacte  rendre  à  la  piété 
et  à  l'art  chrétien,  l'unique  Madeleine  dont  tant  de  chefs-d'œuvre  ont 
immortalisé  la  touchante  histoire. 

Le  seul  regret  que  nous  nous  permettrons  d'exprimer,  c'est  que  le 
savant  commentateur  ait  peut-être  trop  sacrifié  au  désir  d'être 
concis.  Une  étude,  dans  les  prolégomènes,  sur  le  style  de  saint  Jean, 
une  comparciison  entre  sa  manière  de  narrer  et  celle  des  synoptiques, 
quelques  détails  archéologiques  sur  la  fête  des  Tabernacles  et  de  la 
Dédicace,  une  peinture    rapide    des    lieux   que    parcourut  le    Sau- 


—  327  — 

veur  ajouteraient  certainement  à  l'intérêt  déjà  si  vif  de  ce  commen- 
taire . 

Tel  qu'il  est, du  reste,  l'ouvrage  nous  semble  bien  près  de  sa  perfec- 
tion, et  nous  ne  pouvons  trop  le  recommander  aux  facultés  de  théo- 
logie et  aux  séminaires.  Il  ne  sera  pas  moins  utile  à  tous  les  esprits 
sérieux  qui  aiment  à  méditer  les  paroles  de  la  vie  éternelle.  Les 
nombreux  lecteurs  qu'effraj.  nt  les  in-folio  de  Maldonat,  de  Jansénius, 
de  Cornélius,  trouveront,  dans  le  P.  Corluy,  la  science  profonde  de 
ces  interprètes,  dégagée  de  toute  longueur  et  présentée  sous  une 
forme  vive  et  élégante. 

Il  ne  nous  reste  qu'un  vœu  à  exprimer,  c'est  que  le  savant  jésuite 
joigne  au  commentaire  de  saint  Jean  celui  des  trois  synoptiques, 
et  achève  ainsi  l'œuvre  qu'il  a  si  heureusement  entreprise. 

C.  FOUARD. 


Oer  hl.  Cyprîan.  Sei7i  Lehen  xind  seine  Lehre  (Sahit  Cyprien,  sa  vie  et  ses 
travaux).  Dargestellt  von  Lie.  Behnhard  Ffxhtrup.  Pocent  an  der  Aca- 
démie zur  Mûnsler.  I.  Cypriam  Lehen.  Munster,  Theissing,  1878,  in-8  de 
VIII  et  264  p. 

Les  études  patrologiques  attirent  de  plus  en  plus  les  savants  catho- 
liques, et  l'on  ne  saurait  trop  s'en  applaudir,  car  rien  n'est  plus  propre 
à  nous  faire  connaître  et  à  nous  faire  aimer  le  christianisme  que  de  le 
considérer  à  sa  source  et  dans  ses  origines.  Saint  Cyprien  en  particu- 
lier exerce,  sur  qui  le  connaît,  un  attrait  irrésistible.  Quels  enseigne- 
ments dans  la  vie  de  ce  païen  converti  à  la  vraie  religion  par  la  pu- 
reté de  sa  morale  et  la  beauté  de  sa  doctrine,  écrivant,  sur  le  siège 
épiscopal  de  Carthage,  de  si  admirables  pages  et  scellant  sa  foi  par 
son  sangl  M.  Fechtrup  a  très-bien  raconté  cette  vie  dans  le  premier 
volume  de  son  Saint  Cyprien,  en  attendant  qu'il  étudie  ses  écrits  dans 
un  second,  et  en  fasse  connaître  l'importance  dogmatique.  Cette  divi- 
sion de  son  travail  ne  sera  peut  être  pas  du  goût  de  tous  les  lecteurs. 
Quelques-uns  trouveront  sans  doute  qu'il  eût  été  plus  naturel  de  ne 
pas  séparer  dans  l'exposition  ce  qui  avait  été  uni  dans  la  réalité,  et 
qu'il  eût  mieux  valu,  par  conséquent,  étudier  les  écrits  du  saint  doc- 
teur au  fur  et  à  mesure  de  leur  publication,  àleurdate  chronologique. 
Cependant  le  plan  adopté  par  l'auteur,  quoiqu'il  paraisse  en  soi 
moins  logique,  est  préférable  au  point  de  vue  scientifique.  Quoi  qu'il 
en  soit,  le  volume  que  nous  avons  sous  les  yeux  est  très  intéressant  et 
la  lecture  en  est  édifiante  en  même  temps  qu'instructive.  La  narration 
est  simple,  sobre,  claire;  la  critique  sage  et  modérée.  M.  Fechtrup 
rejette,  cela  va  sans  dire,  l'opinion  de  Tizzani,  qui  a  nié  la  réalité  de 
la  célèbre  contestation  entre  le  pape  saint  Etienne  et  l'évêque  de 
Carthage,  et  il  reconnaît  l'erreur  de  saint  Cyprien  en   cette  circons- 


—  328  — 

tance,  tout  en  en  expliquant  les  causes.  Puisse  l'érudit  professeurde  l'A- 
cadémie  de  Munster  nous  donner  bientôt  la  seconde  partie  de  son 
travail!  G.  K. 


lue  Sacerdoce,  conférences  prêchées  à  VOraloire,  par  Mgi"  Isoard,  audi- 
teur de  Rote  pour  la  France.  Paris,  Victor  Palmé,  1878,  2  vol.  in-12  de 
479  etoOl  p.  — Prix  :7  fr. 

Mgr  Isoard  a  réuni,  dans  ces  deux  volumes,  les  conférences  qu'il  a 
prêchées  à  Paris  durant  trois  années  consécutives.  Ces  conférences 
s'adressent  surtout  aux  laïques;  c'est  à  eux  que  l'éminent  orateur  a 
voulu  faire  connaître  les  divers  ordres  qui  composent  la  hiérarchie 
catholique,  les  fonctions,  les  droits,  les  devoirs  de  ces  ordres,  les 
relations  que  tout  chrétien  sérieux  doit  avoir  avec  ceux  qui,  à  quel- 
que titre  que  ce  soit,  font  partie  du  clergé.  Nul  ne  transige  moins  avec 
la  loi,  nul  n'accepte  moins  les  relâchements  et  les  adoucissements,  les 
compromis  et  les  dissimulations.  L'auteur  établit  fortement  et  répète 
presqu'à  chaque  page  le  principe  fondamental  que  le  prêtre  est  l'in- 
termédiaire institué  par  Jésus-Christ  entre  Dieu  et  les  hommes  ;  il 
veut  que  le  prêtre  agisse  toujours  comme  le  demande  une  telle  di- 
gnité ;  il  entend  bien  que  les  chrétiens  se  souviennent  sans  cesse  de 
cette  dignité  et  aident  le  prêtre  à  la  montrer  dans  un  éclat  divin.  Le 
lecteur  trouvera  peut-être  que  telle  remarque  de  détail  est  quelque 
peu  sévère,  que  telle  condamnation  l'atteint  directement  et  frappe 
bien  fort  l'humaine  faiblesse  ;  mais  il  ne  fermera  pas  le  livre  sans 
avoir  une  très-grande  idée  du  sacerdoce  catholique  et  des  actes  que 
le  prêtre  doit  accomplir  parmi  les  fidèles.  Le  style  est  incisif,  admi- 
rable d'entrain  et  de  vie  :  rien  ne  ressemble  moins  à  ce  que  l'on  ap- 
pelle un  sermon  que  ces  conférences  animées,  dans  lesquelles  l'orateur 
présente  une  suite  de  tableaux,  montre  à  l'œuvre,  avec  leurs  défauts, 
les  chrétiens  de  tout  rang  et  de  tout  âge,  et  leur  rappelle  impitoya- 
blement la  loi  et  la  pratique  des  siècles  de  foi.  E.  Pousset. 


j%.veeta,  livre  sacré  des  sectateur»  de  Zoroastre,  iraduii 
du  texte  zend,  par  E.  de  H.\rlez.  Tome  III.  Paris,  Maisonneuve;  Liège,  Grand- 
mont-Donders,  1877,  iu-i  de  vi  et  137  p.  —  Prix  :  '6  fr. 

M.  de  Harlez  a  mené  à  bonne  fin  la  difficile  entreprise  de  la  traduc- 
tion de  l'Avesta.  Avec  ce  troisième  volume  se  terminent  l'Avesta  et 
tout  ce  qui  nous  est  resté  des  monuments  de  la  littérature  zende .  Il 
contient  les  onze  derniers  Yeshts,  diverses  prières  du  rituel  mazdéen, 
afrîns,  nyâyishs,  gahs,  sîrozah,  et  divers  fragments.  On  y  trouve, 
entre  autres,  la  Vistaçp  Yesht,  dont  personne  jusqu'ici  n'avait  osé  en- 
treprendre la  traduction. 


—   320  — 

Le  volume,  après  quelques  mots  de  préface,  s'ouvre  par  des  notions 
sur  les  antiquités  éraniennes,  notions  nécessaires  pour  l'intelligence 
des  Yeshts.  Comme  dans  les  deux  volumes  précédents,  des  notes 
courantes,  au  bas  des  pages,  expliquent  le  texte  ou  les  difficultés  de 
détail  et  justifient,  en  certains  cas,  le  sens  adopté  par  le  traducteur. 
L'ouvrage  doit  être  complété  par  des  tables,  rédigées  par  M.  le  doc- 
teur Charles  Michel;  elles  n'ont  pas  encore  paru. 

En  terminant  cette  œuvre  si  laborieuse  et  si  difficile  de  la  traduc- 
tion d'un  livre  rempli  d'allusions  obscures,  écrit  dans  un  courant 
d'idées  tout  à  fait  différentes  des  nôtres  et  en  une  langue  bien  peu 
connue,  M.  de  Harlez  pourrait  bien  dire  :  Exegi  monumentum.  Toute 
l'Europe  savante  a  été  unanime  à  reconnaître  le  mérite  et  la  valeur 
de  son  travail,  pris  dans  son  ensemble.  A  une  époque  où  l'étude  com- 
parée des  religions  tend  à  se  faire  une  place  de  plus  en  plus  large,  on 
ne  saurait  trop  remercier  le  savant  professeur  de  Louvain  d'avoir  mis 
à  la  portée  de  tous  le  livre  sacré  de  Zoroastre,  traduit,  non  pas  d'a- 
près les  faux  principes  d'une  critique  aventureuse  qui  met  ses  propres 
pensées  dans  les  œuvres  des  temps  primitifs,  mais  d'après  la  méthode 
exacte  et  irréprochable  d'P^ugène  Burnouf  et  de  Spiegel.  Tous  ceux 
qui  voudront  s'occuper  désormais  parmi  nous  du  zoroastrisme  ne  de- 
vront plus  se  fier  à  la  version  trop  imparfaite  de  l'Avesta  par  Anquetil- 
Duperron,  et,  s'ils  peuvent  consulter  encore  celle  de  Spiegel,  ils 
devront  du  moins  prendre,  pour  base  fondamentale  de  leurs  études, 
celle  de  M.  le  chanoine  de  Harlez.  J.  K. 


l<a  Oogmatîque,  par  le  Dr  M.  J.  Scheeben,  professeur  au  séminaire  ar- 
chiépiscopal de  Cologne.  T.  I".  Paris,  Victor  Palmé  ;  Bruxelles,  Lebroc- 
quy,  1877,  in«8  de  728  p.  —  Prix  :  7  fi".  bO,  et  6  fr.  pour  les  sous- 
cripteurs aux  25  volumes.  (Bibliothèque  théologique  du  dix-neuvième  siècle, 
rédigée  par  les  principaux  docteurs  des  universités  catholiques.  Tome  II. 
Traduction  de  l'abbé  P.  Belet.) 

M.  le  docteur  Scheeben,  professeur  au  grand  séminaire  de  Cologne, 
a  commencé  à  publier,  en  1873,  dans  la  Bibliothèque  théologique  édi- 
tée par  M.  Herder,  à  Fribourg-en-Brisgau,  une  théologie  dogmatique 
fort  remarquable.  La  librairie  catholique  de  M.  Palmé  qui,  comme  le 
Polybiblion  a  eu  déjà  l'occasion  de  l'annoncer,  a  entrepris  de  nous 
donner  la  traduction  de  cette  Bibliothèque  théologique,  vient  de 
mettre  en  vente  le  premier  volume  de  l'œuvre  de  M.  Scheeben.  Il 
contient  le  livre  premier,  qui  expose  la  Théorie  de  la  connaissance  théo- 
logique. Le  premier  volume  de  l'édition  allemande  contient  en  plus  le 
livre  second,  mais  il  est  d'une  grosseur  démesurée,  et  les  éditeurs 
français  ont  été  bien  inspirés  en  le  divisant. 
Le  livre  premier  est  partagé  en  deux  parties  :  Principes  objectifs 


—  330  — 

de  la  connaissance  théologique,  et  la  connaissance  théologique  consi- 
dérée en  elle-même.  L'auteur  étudie  successivement  la  révélation, 
l'Écriture  sainte,  la  tradition  et  l'autorité  enseignante  de  l'Eglise 
dans  la  première  partie.  Après  avoir  ainsi  exposé  les  principes  de  la 
science  théologique,  il  s'occupe,  dans  la  seconde  partie,  de  la  foi  con- 
sidérr'c  sous  tous  ses  divers  aspects. 

Ce  premier  volume  se  termine  par  une  histoire  abrégée  de  la  théo- 
logie, qui  n'est  pas  la  partie  la  moins  importante  de  ce  travail  :  elle 
mérite  d'être  tout  spécialement  recommandée  aux  théologiens.  C'est 
une  œuvre  neuve  et  presque  sans  antécédents,  qui  est  le  fruit  de  re- 
cherches personnelles  (p.  648).  Elle  s'étend  depuis  l'origine  du  chris- 
tianisme jusqu'à  nos  jours  (p.  648-720). 

Du  reste,  toute  cette  théologie  dogmatique  est  une  production 
digne  des  plus  grands  éloges.  Elle  n'est  point,  comme  un  grand  nom- 
bre d'autres  ouvrages  de  ce  genre,  une  compilation  plus  ou  moins 
heureuse  des  manuels  antérieurs,  c'est  une  exposition  nouvelle  de  la 
doctrine  catholique  qui  joint  au  mérite  de  la  sûreté  de  la  doctrine  et 
de  la  solidité  des  preuves,  celui  d'une  grande  érudition  et  de  la  réfu- 
taiiou  péremptoire  des  erreurs  contemporaines.  M.  Scheeben  est  fa- 
miliarisé avec  les  écrits  des  théologiens  de  tous  les  siècles,  et  l'on 
trouve  dans  sa  Dogmatique  des  passages  importants  de  leurs  œuvres 
qui,  jusqu'ici,  étaient  demeurés  à  peu  près  inconnus.  Nous  ne  possé- 
dons pas  en  France  de  iheologie  composée  sur  ce  plan.  On  ne  saurait 
donc  trop  en  recommander  la  lecture  ou  plutôt  l'étude  parmi  nous.  La 
manière  de  penser  et  d'exposer  de  l'auteur  n'est  pas,  il  est  vrai,  tout  à 
fait  confirme  à  nos  habitudes,  mais  il  est  facile  de  s'accoutumer  à  sa 
méthode  et  à  ses  procédés,  et  l'on  sera,  en  peu  de  temps,  amplement 
dédommagé  de  la  peine  qu'on  aura  prise  d'ahord  pour  le  comprendre. 

L.  M. 


JURISPRUDENCE. 

Essai  historique  et  critique  sur  I»  Iégîsl»tioa  des  sociétés 
commerciales  en  France  et  à  l'étranger,  parC.  I.escœor, 
doctfur  en  dr.ùt,  professeur  à  l'Université  catholique  de  Paris.  Mémoire 
couronné  par  la  faruUé  de  droit  de  Paris.  (Concours  de  1873-74.  Médaille 
d'or.)  I*aris,  Mirescq,  1878,  in-8  de  3oO  p.  —  Prix  :  6  fr. 

On  ne  peut  reprocher  aux  universités  catholiques  d'avoir  un 
personnel  enseignant  au-dessous  de  la  tâche  qui  leur  est  im- 
posée. En  tous  cas,  il  serait  mal  venu  à  l'université  de  l'État  de 
formuler  cette  critique,  car  c'est  devant  elle  que  les  docteurs  pouvant 
enseigner  ont  jusqu'ici  pu  prendre  leurs  grades;  plusieurs  ont 
même  reçu  si\s  suffrages.   Dans  un  concours  ouvert  devant  la  faculté 


—  33f  — 

de  FEtat  à  Paris,  on  proclamait,  en  1874,  le  lauréat  qui  avait  la 
première  médaille  d'or  :  c'était  l'auteur  du  présent  mémoire  sur  la 
législation  des  sociétés  commerciales  en  France  et  à  l'étranger. 
Depuis  M.  Lescœur  occupe  une  chaire  à  la  faculté  catholique. 

Au  point  de  vue  juridique,  la  valeur  de  l'ouvrage  est  surabondamment 
attestée  par  les  juges  du  concours  qui  lui  ont  conféré  la  distinction 
qu'il  a  obtenuf^.  C'est,  disent  les  rapporteurs,  <(  une  œuvre  de  très- 
grand  mérite,  une  œuvre  tout  à  fait  hors  ligne.  »  Il  est  donc  inutile 
de  revenir  sur  ce  point  qui  serait  plutôt  affaibli  partout  ce  que  nous 
pourrions  dire.  Nous  devons  seulement  faire  connaître  l'ensemble  de 
l'ouvrage  et  les  matières  qui  y  sont  développées. 

Le  but  indiqué  par  le  programme  était  d'exposer  les  réformes 
opérées  dans  la  législation  des  sociétés  commerciales  depuis  le  Code 
de  commerce  de  1807,  et  d'en  apprécier  les  résultats.  Les  soixante-dix 
ans  qui  se  sont  écoulés  depuis  lors  ont  laissé  peu  de  chose  de  la  loi 
de  cette  époque. 

Pour  bien  asseoir  le  terrain,  il  était  nécessaire  de  constater  d'abord 
l'état  des  mœurs  et  des  habitudes  commerciales  à  l'époque  du  premier 
Empire.  On  a  d'ailleurs  alors  moins  innové  en  beaucoup  de  choses  qu'on 
ne  le  suppose,  et  le  tableau  de  la  législation  antérieure  n'est  pas  inutile 
à  ce  point  de  vue.  C'est  donc  l'objet  d'un  chapitre  plein  de  détails.  Mais, 
depuis,  les  progrès  industriels  ont  modifié  les  conditions  économiques 
et,  par  conséquent,  nécessité  bien  des  changements  dans  les  habitudes 
et  les  usages  commerciaux.  Peu  d^^  sujets  sont,  en  eff'et,  aussi  sensibles 
que  celui  dont  il  s'agit  aux  besoins  et  aux  nécessités  des  aff'aires- 
Les  temps  modernes  en  sont  une  preuve,  et  les  époques  qui  ont  suivi  la 
confection  du  Code  de  commerce,  jusqu'à  nos  jours,  témoignent  des 
oscillations,  en  sens  souvent  divers,  d'une  législation  dont  les  idéSs 
courantes  réclament  la  révision. 

On  n'attend  pas  de  ce  compte  rendu  qu'il  les  expose,  ou  même  les 
résume.  Il  suffira  de  dire  qu'àmesure"que  les  réformes  s'opèrent,  l'au- 
teur les  suit  et  les  commente.  Il  en  fait  l'historique  et  la  critique 
judicieuse  en  même  temps,  montrant  impartialement  à  quelle  nécessité 
on  a  voulu  répondre,  quels  avantages  on  pensait  retirer,  comme  aussi 
quels  inconvénients  ont  pu  se  présenter  et  se  présentent  encore 
aujourd'hui  dans  l'état  actuel  de  la  législation. 

Chemin  faisant,  une  excursion  est  faite  à  l'étranger,  en  Angle- 
terre, en  Allemagne,  dans  d'autres  pajs  encore,  pour  faire  connaître 
les  lois  qui  régissent  la  même  matière.  Ici  les  détails  sont  moins 
nombreux;  c'est  moin^  une  discussion  qu'un  résumé  sobre  et  concis. 

Enfin  l'ouvrage  se  termine,  en  manière  de  conclusion,  par  un  chapitre 
consacré  à  la  législation  française  à  l'époque  actuelle.  M.  Lescœur 
en  expose  l'état  un  peu  précaiie;  il  prédit  des  modifications  nouvelles. 


—  332  — 


qui,  depuis  la  composition  de  son  mémoire,  ont  déjà  reçu  un  commen- 
cement d'exécution.  G.  S. 


SCIENCES    ET     ARTS 

Histoire   des  philosophes  et  des  tiiéologiens  musulmans, 

par  Gustave  Dugat.  Paris,  Maisonneuve,  1878,  ia-8  de  38o  p. — Prix  :  7  fr.  oO. 

Dans  une  introduction,  pleine  d'aperçus  intéressants,  M.  G.  Dugat 
annonce  qu'après  le  concours  de  1874,  demeuré  sans  résultat,  il  s'est 
décidé  à  publier  en  volume  le  Mémoire  qui  contient  le  fruit  de  ses 
recherches  sur  les  questions  posées  par  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres,  et  dont  voici  le  texte  : 

«  I.  Faire  l'histoire  de  la  lutte  entre  les  écoles  philosophiques  et 
les  écoles  théologiques  sous  les  Abassides  ;  montrer  cette  lutte  com- 
mençant dès  les  premiers  temps  de  l'islamisme  avec  les  motazélites, 
se  continuant  entre  les  acharites  et  les  philosophes,  et  se  terminant 
par  la  victoire  complète  de  la  théologie  musulmane.  —  II.  Exposer 
les  méthodes  dont  se  servaient  les  deux  écoles,  et  la  manière  dont  les 
théologiens  ont  emprunté  les  procédés  de  leurs  adversaires. — III. 
Montrer  l'influence  que  le  soufisme  a  exercée  à  plusieurs  reprises  sur 
ces  luttes.  —  IV.  Mettre  en  lumière  les  circonstances  principales  qui 
ont  pu  contribuer  à  la  ruine  de  la  philosophie  dans  le  khalifat  d'O- 
rient.  » 

Si  l'on  ne  veut  pas  voir  clairement,  dans  ce  programme,,  l'histoire 
de  la  pensée  arabe  depuis  ses  débuts,  il  faut  au  moins  comprendre 
que  TAcadémie  désirait  l'exposé  des  luttes  qui,  sous  les  Abassides, 
ont  été  livrées  aux  stationnaires  par  les  hommes  de  progrès, 
en  d'autres  termes  le  développement  des  efforts  de  l'esprit  d'amé- 
lioration et  de  perfectionnement  contre  le  rigorisme  de  l'ortho- 
doxie. Et  d'abord,  il  serait  plus  juste  de  dire  pensée  musulmane,  cav, 
à  l'exception  de  quelques  philosophes,  tels  que  El-Kendi,  la  plupart, 
à  cette  époque,  étaient  d'origine  persane,  turque  ou  espagnole.  El- 
Farabi  était  Syrien,  et  Ibn-Sinâ  (Avicenne)  naquit  près  de  Bokhara. 
D'un  autre  côté,  on  sait  que  tout  ce  que  l'Orient  sémitique  eut  de 
philosophie,  il  le  tenait  de  la  Grèce. 

Voilà  donc  le  sujet  que  M.  G.  Dugat  avait  à  traiter.  A-t-il  adopté 
la  méthode  naturelle  tracée  par  le  programme  ?  Son  érudition,  dontlo 
fonds  est  aussi  riche  que  varié,  lui  a-t-elle  fourni  les  éléments  néces- 
saires pour  un  développement  logique  où  il  soit  facile  de  suivre  les 
différentes  phases  de  cette  tentative  de  réforme  qui  passionna  un 
monde  où  la  pensée  était  le  plus  comprimée  ?  Enfin,  le  livre  que 
nous  avons  sous  les  yeux  contient- il  la  réponse  aux  questions  posées 
par  l'Académie?  M.  G.  Dugat  déclare,  avec  une  réserve   qui  lui  fait 


—  333  — 

honneur,  que,  s'il  a  publié  son  ébauche,  c'est  parce  qu'il  attache  un 
grand  prix  à  la  décision  future  du  problème  ;  il  espère  cependant  que, 
malgré  ses  imperfections,  son  travail  attirera  l'attention  des  jeunes 
orientalistes  (pourquoi  plutôt  les  jeunes  ?j  sur  ces  sujets  difficiles. Nos 
études  sur  la  philosophie  et  la  théologie  des  musulmans  ne  lui  parais- 
sent pas  assez  avancées  pour  permettre  de  présenter  une  solution  sa- 
tisfaisante. A  cela  nous  nous  hâtons  de  répondre  qu'il  est  douteux 
que  les  bibliothèques  de  l'Asie  et  de  lAfrique  nous  réservent  de 
grandes  surprises,  tant  la  dévotion  mahométane  a  mis  de  zèle  à 
anéantir  les  ouvrages  propres  à  la  scandaliser.  Il  n'y  a  plus  rien  à 
apprendre  de  ce  côté,  dût  la  ville  de  Fez  offrir  à  nos  investigations  les 
mystérieuses  richesses  de  ses  manuscrits.  Pourquoi  alors  ouvrir  de- 
A-ant  nos  yeux  de  pareilles  perspectives,  en  disant,  au  sujet  des  livres 
d'Ibn-Sinâ,  qu'en-dehors  de  ceux  que  nous  avons  lus,  d'autres  se  trou- 
vent dispersés  un  peu  partout  en  Europe  et  en  Orient  (p.  205)  ? 

Si  l'on  prend  la  peine  de  remonter  à  l'origine  des  controverses  qui 
ont  bouleversé  la  société  constituée  par  le  prophète  Mahomet,  on 
reconnaîtra  que  la  première  impulsion  émane  des  motazélites,  gens 
d'affaires  et  de  travail,  auxquels  il  fallait  des  horizons  plus  larges. 
Ils  avaient  étudié  les  traités  grecs,  et  c'est  là  qu'ils  avaient  puisé 
leur  doctrine  négative  des  attributs  de  Dieu,  Ce  fut  l'un  d'eux,  El- 
Mozdar  ou  El-Mozar,  qui  osa  établir  le  dogme  de  la  création  du 
Koran,  premier  brandon  de  discorde.  Au  sein  de  leurs  sectes  nom- 
breuses, brillaient  des  hommes  aux  conceptions  hardies,  tels  queWâcil, 
El-Allaf,  Bichr,  En-Radhâm  et  El-Djahid.  Mais  aucun  de  ces  éner- 
giques penseurs  ne  s'est  dégagé  complètement  de  la  religion  officielle. 
Toutefois,  la  lutte  devint  encore  plus  intéressante,  lorsque  les  acha- 
rites  firent  disparaître  de  l'arène  les  champions  du  motazélisme. 
El-Achari,  fondateur  du  système  qui  porte  son  nom,  florissait  vers  la 
fin  du  neuvième  siècle,  et  mourut  au  milieu  du  dixième.  Il  proclama, 
dans  la  grande  mosquée  de  Basra,  sa  croyance  à  la  préexistence  du 
Koran,  aux  attributs  de  Dieu  et  à  la  prédestination  des  actions  hu- 
maines. Avec  ce  docteur^  commence  le  second  âge  de  la  théologie 
scolastique.  Ses  adhérents  furent  nombreux  ;  on  compte,  parmi  les 
propagateurs  de  ses  principes,  El-Bakillani,  que  les  Arabes  mettent 
au  rang  de  leurs  saints  ;  Aboul-Maali,  auteur  du  Kitab  El-irchdd,  et 
Chahrastani,  qui  fut  l'historien  des  doctrines  religieuses  et  philoso- 
phiques de  l'islamisme. 

Le  troisième  âge  de  la  scolastique  arabe  est  représenté  par  le  cé- 
lèbre Ghazzali,  qui  appartenait  à  l'école  acharite.  A  l'exemple  des 
autres  motekallemin,  il  supprima  toute  causalité  autre  que  la  volonté 
divine;  il  combattit  le  système  des  atomes  et  du  vide;  il  rejeta  le 
principe  admis  par  El-Bakiilani,  à  savoir  que  la  nullité  de  la  preuve 


—  ;j34  — 

impliquait  ccllo  delacliosG  qu'on  croyait  avoir  prouvée.  Ce  système, 
d'où  émergent  tant  de  points  de  différence  avec  l'ancien,  fut  désigné 
sous  le  nom  de  système  des  modernes. 

Le  quatrième  âge  de  la  scolastique  comprend  les  théologiens,  tels 
que  El-Beidhawi  et  Er-Razi,  qui,  confondant  les  problèmes  de  la  dog- 
matique avec  ceux  de  la  philosophie,  virent  échouer  leurs  pénibles 
recherches  sur  les  substances,  les  accidents  et  leurs  lois.  Le  motif 
qui  décide  M.  G.  Dugat  à  ne  pas  s'étendre  sur  la  notice  des  mokkal- 
leniui,  c'est  que  tous  les  éclaircissements  relatifs,  soit  à  leurs  idées, 
soit  aux  preuves  qu'ils  donnent  de  la  nouveauté  du  monde,  de  l'unité 
et  de  l'immatérialité  de  Dieu,  sont  consignés  dans  le  Guide  des  égarés 
de  Maimonide. 

Entre  les  années  970  et  980  de  Jésus- Christ,  on  vit  s'établir  à  Baara, 
foyer  des  lumières,  une  société  philosophique,  sous  le  nom  de  Frères 
de  la  pureté  «  ikhoiùin  es-safa.  »  Les  membres  de  cette  associa- 
tion composèrent  une  encyclopédie,  .dont  il  existe  une  traduction 
hébraïque,  faite  par  le  rabbin  Kalonymos.  Cet  ouvrage,  demeuré 
anonyme,  contient  cinquante  traités  didactiques  sur  les  sciences  ma- 
thématiques, la  philosophie  naturelle,  et  la  vie  spirituelle.  Mais,  selon 
le  sentiment  de  Munk,  il  n'eut  pas  grand  accueil  auprès  des  véritables 
philosophes,  moins  à  cause  du  mélange  des  opinions  qui  s'y  ren- 
contrent, que  parce  qu'on  n'y  voit  point  de  système  arrêté.  En  ce 
temps-là,  naquit  Ibn-Sinâ.  On  peut  dire  que  le  dernier  effort  de  la 
pensée  libre  dans  l'Orient  musulman  date  de  ce  docteur,  auquel  la 
Providence  avait  accordé  une  vaste  intelligence,  avec  le  talent  de  la 
faire  rayonner  sur  son  époque.  Ibn-Sinâ  a  beaucoup  écrit;  on  lui 
attribue  cent  sept  ouvrages,  grands,  moyens  ou  petits,  sans  compter 
diverses  compositions  qui  ne  peuvent  être  rigoureusement  classées. 
Mais  ce  que  ses  œuvres  gagnent  en  étendue,  elles  le  perdent  en  pro- 
fondeur. Séduit  par  les  idées  péripatéticiennes,  il  parcourut  le  cercle 
du  savoir  humain;  il  étudia  avec  succès  la  Métaphysique^  les  Analy- 
tiques et  YUistoire  naturelle  d'Aristote,  dont  la  traduction  arabe  avait 
été  introduite  dans  ses  Etats  par  le  khalife  EI-Mamoun  ;  il  en  fit  un 
commentaire,  où  l'originalité  de  ses  conceptions  a  beaucoup  de  peine 
à  se  faire  jour  à  travers  les  idées  grecques.  Nous  ne  voyons  pas  qu'il 
y  ait  la  moindre  imprudence  (p.  208)  à  porter  actuellement  un  juge- 
ment sur  ce  philosophe,  puisqu'il  est  constant  que  la  partie  essentielle 
de  ses  travaux  a  été  examinée  et  reproduite.  Si  Ibn-Sinâ  avait  ajouté 
une  seule  pierre  à  l'édifice  du  Slagirite,  si  son  esprit  avait  enfanté 
une  seule  pensée  de  valeur  positive,  en  matière  de  métaphysique,  la 
postérité  ne  l'aurait  point  illustré  seulement  comme  médecin.  C'est 
qu'il  n'y  a  rien  dans  ses  travaux  qui  ne  soit  le  reflet  de  son  modèle. 
L'influence    qu'il  a   exercée   sur  ses   contemporains   légitime   donc 


—  XVi   — 

jusqu'à  un  certain  point  l'enthousiasme  un  peu  exagéré  de  M.  G.  Dii- 
gat;  c'est  même  cette  considération  qui  l'empêche  de  confesser  qu'Ibn- 
Sinâ  fit  souvent  des  concessions  aux  théologiens,  en  raison  de  son 
attachement  à  la  religion  officielle.  Mais  M.  G.  Dugat  hésite  encore, 
puisqu'il  dit  (p.  207)  :  «  Notre  philosophe  ne  vivait  pas  dans  un  temps 
de  libre  examen.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  ici  qu'aurait  dû  se  placer  une  dissertation 
solide  sur  les  controverses  soutenues  par  lui  contre  ses  adversaires 
acharnés,  sur  les  eff'orts  inutiles  qu'il  a  déployés  incessamment  pour 
purifier  et  perfectionner  l'islamisme,  dont  il  comprenait  si  bien  les 
défauts.  Il  convenait  de  prendre  texte  de  l'insuccès  d'Ibn-Sinà,  pour 
nous  expliquer  que  l'avortement  de  la  philosophie  provient  de  l'imper- 
fection même  de  ces  nouvelles  doctrines,  qui  n'étaient  pas  acceptables 
pour  les  peuples  musulmans,  au  moment  de  leur  manifestation.  Nous 
aurions  voulu,  d'un  autre  côté,  que  le  plan  fût  suivi  tel  qu'il  a  été 
marqué  ;  que  l'histoire  des  khalifes  servît  de  cadre  pour  le  dévelop- 
pement successif  de  ces  grandes  disputes  ;  que  les  progrès  et  les  échecs 
alternatifs  de  la  philosophie,  dans  ce  milieu  réfractaire,  fussent  indi- 
qués d'une  façon  large,  en  un  style  grave  et  soutenu,  sans  trop  d'a- 
necrlotes,  afin  que  l'œil  ne  perdît  pas  un  instant  les  évolutions  du 
sujet.  Les  faits  n'ont  d'importance  qu'en  raison  des  résultats  qu'ils 
amènent.  Les  ennemis  les  plus  redoutables  du  philosophisme  musul- 
man ne  furent  pas,  comme  on  le  suppose,  les  khalifes  piétistes,  ce 
furent,  au  contraire,  les  docteurs  Abou-Hanifa,  Mâlek,  Ech-Chaféi  et 
Ibn-Hanbal,  qui  ont  fondé  les  quatre  écoles  de  théologie  pratique. 
M,  G.  Dugat  ne  s'y  est  pas  trompé,  et,  en  nous  les  montrant  sous  un 
jour  nouveau,  il  a  fait  preuve  de  sagacité.  Il  a  vu,  dans  cet  appareil 
doctrinal,  la  ruine  de  l'esprit  nouveau.  Là  où  siégeaient  les  quatre 
docteurs,  le  combat  a  été  conduit  avec  une  ténacité  qui  égalait  l'ha- 
bileté de  la  tactique.  Chacun  d'eux,  comme  une  âme  qui  se  répand 
sur  les  organes  de  la  nation,  a  opéré  une  réaction  lente,  mais  efficace, 
en  vue  de  vivifier  la  soumission  passive  au  Koran  et  à  la  Sonna.  Qu'on 
ne  cherche  donc  pas  ailleurs  la  cause  de  la  défaite  des  motazélites  et 
de  leurs  successeurs.  L'islamisme  a  pour  rempart  un  cercle  de  fer, 
que  le  progrès  essayerait  en  vain  de  briser. 

Est-ce  à  dire  que  l'ensemble  de  cette  ébauche  (l'expression  appar- 
tient à  l'auteur)  soit  invulnérable  à  la  critique?  Non  :  car  celle-ci  a 
prise  sur  les  défauts  d'une  composition,  où  l'on  voudrait  trouver  plus 
d'unité_,  plus  d'uniformité,  un  enchaînement  plus  naturel  de  causes  et 
d'eff'ets,  enfin  une  dissertation  à  peu  près  afl'ranchie  des  pompes  de 
l'érudition.  Entraîné  par  une  facilité  naturelle,  trop  prompt  aussi  à 
se  dépenser  en  étincelles,  M.  G.  Dugat  semble  préférer  le  procédé  de 
l'analyse  à  celui  de  la  synthèse.  Au  lieu   d'observer  strictement  la 


—  :j3ti  — 

continuité  d'un  récit  complexe,  il  s'est  borné  à  faire  une  sorte  de 
galerie  de  tableaux.  On  se  demande,  par  exemple,  dans  quel  but  il  a 
divisé  sa  matière  par  groupes  distincts  de  faits  homogènes,  décrivant 
d'abord  tous  les  règnes  des  khalifes,  puis  la  notice  des  philosophes, 
puis  l'histoire  des  théologiens,  puis  les  méthodes  dont  se  servaient  les 
deux  écoles,  puis  l'influence  du  soufisme  sur  ces  luttes,  et  en  dernier 
lieu  les  circonstances  qui  ont  contribué  à  la  ruine  de  la  philosophie 
sous  le  khalifat  d'Orient.  Une  ordonnance  plus  méthodique  exigeait 
que  M.  G.  Dugat  distribuât  selon  l'ordre  chronologique  les  documents 
qui  se  rapportent  à  sa  thèse,  et  en  fît  sortir  le  commentaire  du  milieu 
où  ils  auraient  été  replacés.  Nous  avons  encore  un  reproche  à  adresser 
à  l'auteur.  Qu'il  se  mette  en  garde  contre  les  hypothèses  séduisantes  1 
Celle  qui  tend  à  faire  admettre  que  le  poète  Ibn-er-Roumi  aurait 
exercé  une  certaine  action  sur  la  direction  métaphysique  d'Ibn-Sinâ 
(p.  133)  est  d'autant  moins  plausible,  que  le  goût  de  ce  dernier  pour 
les  écrits  d'Aristote  fut  en  réalité  le  prélude  de  sa  vocation  scientifique. 
Venons  maintenant  aux  censures  décochées  contre  plusieurs  de  nos 
orientalistes  émérites.  Ont-elles  la  portée  que  leur  suppose  M.  G.  Du- 
gat? Nous  sommes  loin  de  le  croire. La  traduction  écrite  par  M.  Barbier 
de  Meynard  (p.  80,  n.)  répond  parfaitement  à  celle  que  propose  son 
contradicteur  :  proclamer  l'absence  ou  l'existence  des  attributs  en 
Dieu,  c'est  la  même  chose  que  maintenir  la  négation  et  l'affirmation 
d'attributs  en  Dieu.  Les  subtilités  de  ce  genre  ne  prouvent  rien.  Dans 
un  même  ordre  d'idées^  nous  aurions  souhaité  ne  pas  lire  ici,  dans  un 
livre  soumis  à  l'appréciation  de  l'Académie,  cette  remarque  blessante 
pour  la  mémoire  d'un  de  ses  membres  les  plus  regrettés  :  «  Tout  en 
louant  la  manière  large  et  libérale  avec  laquelle  M.  Mohl  traitait  les 
questions  philosophiques  et  religieuses,  qu'il  me  soit  permis  de  dire 
qu'il  a  parlé  quelquefois  des  doctrines  musulmanes  avec  bien  peu  de 
maturité  (p.  161).  » 

Une  réflexion  avant  de  finir.  Si  les  sectateurs  de  Mahomet,  moins 
préoccupés  des  jouissances  du  paradis  et  des  peines  de  l'enfer,  s'é- 
taient efforcés  de  comprendre  l'immortalité  de  l'âme,  seule  sanction 
possible  d'une  religion  pure,  ils  auraient  échappé  à  l'abrutissement 
systématique  où  nous  les  voyons  végéter  en  face  de  la  civilisation 
moderne. 

Je  dois  reconnaître,  en  terminant,  que  la  matière  qu'avait  à  traiter 
M.  G.  Dugat  était  d'une  difficulté  extrême,  et  qu'aucun  orientaliste 
n'avait  osé  l'aborder.  Cette  tentative  honore  M.  G.  Dugat.  Depuis 
Vlntroduction  à  l'exposé  de  la  religion  des  Druscs^  par  S.  de  Sacy,  au- 
cun livre  n'a  jeté  autant  de  lumières  que  le  sien  sur  les  sectes  musul- 
lûanes.  Aug.  Cherbonnè.\U4 


—  337  — 

Mélunges  £»liilosopIiiques,  par  M.  Dci'ONT-Wiuïe,  Paris,  (iuillaumin, 
1878,  in-8  de  xxiii-406  p.  —  Prix  :  G  fr. 

Ce  volume  est  formé  par  quatre  séries  d'articles^  qui  ont  paru,  de 
18G5  à  1877,  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes  et  dans  la  Revue  de  France. 
Dans  la  première  qui  a  pour  titre  :  Impuissance  polUiquc  de  la  religion 
ri  de  la  philosophie,  M.  Dupont-White  prétend  que  les  religions,  et 
particulièrement  le  christianisme,  ne  peuvent  plus  inspirer  la  vie 
sociale,  maintenant  que  Thumanité  est  parvenue  à  une  époque  de 
critique  et  de  souveraineté.  Cette  mission  appartient  à  la  philosophie; 
malheureusement  les  philosophes  jusqu'ici  n'ont  pas  su  ou  n'ont  pas 
voulu  s'en  charger.  Cent  vingt-deux  pages  sont  employées  à  réfuter 
leurs  scrupules  ou  leurs  objections;  mais  M.  Dupont-White  s'arrête 
là,  sans  nous  dire  quelle  direction  la  philosophie,  dans  l'avenir,  devra 
donner  à  la  société. 

Il  faudrait  pour  cela,  qu'il  fût  lui-même  plus  assuré  de  sa  philoso-' 
phie.  Or,  les  essais  suivants  sur  le  positivisuie,  le  malèrialisnie  et  le 
spiritualisme,  nous  montrent  à  combien  peu  se  réduisent  les  données 
dont  notre  auteur  se  croit  certain.  Il  y  a  un  Dieu  et  une  substance 
spirituelle  dans  l'homme.  L'instinct  universel  est  une  preuve  que 
cette  substance  survit  à  la  destruction  du  corps  ;  mais  survit-elle  in- 
déliniment,  quelle  est  sa  destinée?  Umbrarum  hic  locus  est,  répète 
mélancoliquement  M.  Dupont-White.  Cette  citation,  à  laquelle  il 
revient  à  plusieurs  reprises,  pourrait  servir  d'épigraphe  à  son  livre, 
et  au  moins  personne  ne  serait  tenté  d'aller  lui  demander  la  lu- 
mière. 

La  meilleure  partie  de  ce  volume  est  un  essai  sur  l'état  actuel  de 
la  philosophie  anglaise,  où  sont  analysées  quelques-unes  des  œuvres  de 
Buckle  et  d'Herbert  Spencer.  X. 


Sastiat  et  le  libre-échange,  par  A.  Bouché  de  Belle,  avocat  à  la  Cour 
d'appel  de  Paris.  Ouvrage  couronné  par  la  Chambre  de  commei'ce  de  Bor- 
deaux. Paris,  Guillaumin,  1878,  in-8  de  329  p.  —  Prix  :  o  fr. 

L'oeuvre  de  Bastiat,  dans  sa  lutte  pour  le  libre-échange  contre  le 
système  protectionniste,  dans  sa  vive  polémique  avec  Proudhon,  et 
enfin  dans  sa  tentative  pour  rectifier  certaines  notions  de  la  science 
économique,  est  très-bien  analysée  dans  le  mémoire  de  M.  Bouché  de 
Belle.  Il  formera  une  introduction  d'autant  plus  utile  à  l'étude  des 
œuvres  du  grand  économiste,  que  sa  doctrine  sur  certains  points  se 
trouve  disséminée  dans  de  nombreux  opuscules,  qu'une  mort  précoce 
ne  lui  a  pas  permis  de  condenser.  M.  Bouché  de  Belle  termine  son  mé- 
moire par  une  étude  sur  les  résultats  du  nouveau  régime  inauguré  en 
France  en  1860,  et  qui  est  venu  réaliser  en  partie  la  thèse  de  Bastiat. 
Octobre  1878.  T.  XXIII,  Ji. 


—  338  — 

Cotte  étude  est  puisée  aux  documents  les  plus  sûr^  et  nous  paraît  fort 
judicieuse,  sauf  le  chapitre  consacré  à  la  marine  marchande,  qui  nous 
semble  entaché  d'un  optimisme  par  trop  confiant.  En  se  consolant  de 
la  diminution  de  notre  marine  à  voile  par  le  développement  de  notre 
navigation  à  vapeur,  M.  Bouché  de  Belle  oublie  que  cette  dernière  est 
en  grande  partie  subventionnée  par  l'État.  C'est  une  raison  de  plus 
pour  accorder  à  la  navigation  libre  ces  dix  millions  de  primes  par  an 
que  réclament  si  impérieusement  des  intérêts  nationaux  supérieurs,  et 
que,  depuis  deux  ans,  la  majorité  de  la  Chambre  des  députés  lui  refuse. 

Le  mémoire  couronné  au  concours  est  précédé  d'un  rapport  dû  à 
M.  Marc  Maurel,  membre  de  la  Chambre  de  commerce  de  Bordeaux, 
qui  ne  comprend  pas  moins  de  76  pages  de  petit  texte.  L'historique  de 
ce  rapport  a  bien  son  prix,  et  nous  fait  voir  la  Chambre  de  commerce 
de  Bordeaux  confiant  l'examen  du  concours  ouvert  par  elle  à  des 
légistes  officiels,  puis  bientôt  amenée  à  le  leur  retirer,  par  suite  de 
dissidences  d'opinions  à  peine  indiquées  dans  le  rapport,  mais  fort 
curieuses,  ce  nous  semble. 

En  tout  cas,  le  public  est  loin  d'y  avoir  perdu;  car  le  travail  de 
M.  Marc  Maurel  est  l'œuvre  d'un  véritable  économiste.  Il  met  en 
lumière  d'une  façon  fort  remarquable  les  quelques  notions  scientifiques 
que  Bastiat  a  cherché  à  rectifier  (celles  de  la  valeur,  de  l'utilUc  gratuite 
de  la  voile,  de  la  population  notamment).  —  Quoique  la  tentative  de 
Bastiat  ne  nous  paraisse  pas  avoir  eu  d'autre  résultat  qu'une  améliora- 
tion dans  la  terminologie,  nous  rendons  volontiers  hommage  à  des  dis- 
ciples aussi  habiles  et  aussi  convaincus.  D'ailleurs,  il  y  a  dans  le  rap- 
port de  M.  Marc  Maurel  des  passages  qui  ont  un  mérite  propre,  par 
exemple,  celui  où  il  traite  d'une  façon  originale,  et  avec  toute  la  com- 
pétence d'une  longue  pratique  des  affaires,  la  question  de  savoir  si  le 
régime  protecteur  est  vraiment  nécessaire  aux  pays  neufs,  comme  on 
l'a  prétendu.  En  finissant,  il  signale  l'infériorité  que  crée  à  la  France 
le  régime  du  partage  forcé  des  successions.  C.  J. 


Les  grand»  ports  de  commeree  de  la  France,  par  L.  Simonin. 
Paris,  Hachette,  1878,  gr.  in-18  de  iv-360  p.  —  Prix:  3  fr.  oO. 

Marseille,  le  Havre,  Bordeaux,  Nantes  et  son  annexe  de  Saint-Na- 
zaire,  forment  ce  qu'on  peut  appeler  le  quadrilatère  maritime,  les 
quatre  grands  ports  de  commerce  de  la  France.  C'est  à  l'étude  de  leur 
situation  topographique,  économique  et  commerciale,  que  M.  Simonin 
consacre  aujourd'hui  ce  volume,  dédié  à  M.  Krantz,  et  composé  de 
notices  publiées  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes.  Ses  précédents  ou- 
vrages sur  la  constitution  terrestre  et  sur  le  développement  industriel 
du   continent  américain,  l'avaient  depuis  longtemps  préparé  à  cet 


—  33'J  — 

examen  de  nos  industries  maritimes,  dont  l'actualité  oflVe  un  intérêt 
tout  spécial,  au  moment  où  tant  de  gémissements  s'élèvent  sur  le  dé- 
périssement de  notre  marine  marchande,  où  de  grands  travaux  s'achè- 
vent dans  un  grand  nombre  de  nos  ports, et  où  de  gigantesques  projets 
s'élaborent  pour  leur  donner  un  puissant  outillage,  en  harmonie  avec 
l'augmentation  continue  du  mouvement  commercial. 

M.  Simonin  a  su  augmenter  encore  cet  intérêt  pour  les  gens  du 
monde,  en  écartant  de  son  livre  tout  ce  qui  aurait  pu  paraître  trop 
didactique.  Les  chiffres  cités  sont  amenés  si  naturellement  qu'on  n''y 
sent  point  la  recherche,  et  que  jamais  ils  ne  fatiguent.  Qui  ne  serait 
pas  attiré,  du  reste,  par  les  importantes  questions  de  toutes  sortes 
que  soulève  l'étude  de  chacun  de  nos  grands  ports?  Marseille,  c'est  le 
point  où  viennent  nécessairement  aboutir  toutes  nos  relations  avec 
la  Méditerranée,  l'Inde  et  l'extrême  Orient.  Le  Havre,  c'est  notre 
principal  port  d'attache  avec  l'Amérique  septentrionale  et  les  diverses 
places  du  nord  de  l'Europe.  Bordeaux  et  Nantes,  disposés  comme  en 
façade  sur  l'Atlantique,  sont  une  des  clefs  de  nos  communications 
avec  l'Amérique  du  Sud,  l'Océan  Indien,  l'Afrique  occidentale,  les 
places  de  la  mer  du  Nord  et  de  la  Baltique,  sans  toutefois  qu'elles  ra- 
vissent à  Marseille  ou  au  Havre  la  prépondérance  sur  la  plupart  de 
ces  divers  marchés.  Comme  fret  de  sortie,  Bordeaux  a  ses  vins  qu'elle 
expédie  sur  tout  le  globe  ;  enfin,  par  les  fleuves  sur  lesquels  elles  sont 
assises  assez  loin  de  l'embouchure,  Bordeaux  et  Nantes  pourraient 
distribuer  jusqu'au  cœur  du  paj^sles  denrées  exotiques  plus  facilement 
et  plus  économiquement  que  Marseille  et  le  Havre. 

Il  nous  est  impossible  de  nous  arrêter  ici  sur  tous  les  problèmes 
d'économie  commerciale  ou  d'aménagement  de  régime  des  fleuves, 
discutés  et  souvent  heureusement  résolus  dans  ce  livre.  M.  Simonin 
combat  toutes  les  routines  :  ayant  visité  les  merveilleux  appareils  de 
chargement  et  de  déchargement  en  usage  en  Angleterre  et  aux  Etats. 
Unis,  il  voudrait  en  voir  doter  tous  nos  ports,  et  il  réclame  une  éner- 
gique intervention  du  gouvernement,  pour  leur  donner  une  longueur 
de  quais  ou  de  bassins  en  rapport  avec  le  tonnage  déchargé  et  avec 
les  améliorations  des  ports  étrangers  :  dans  cet  ordre  d'idées,  tout 
stationnement  devient  un  recul  ;  car  les  autres  marchent  pendant 
qu'on  s'arrête;  et  il  suffit  souvent  d'un  outil  qui  manque  dans  un  port, 
pour  occasionner  un  déplacement  de  mouvement  commercial  à  son 
détriment.  M.  Simonin  s'oppose  aussi  aux  entraves  à  la  circulation 
générale  par  les  impôts  de  transport  et  par  la  douane  :  il  a  raison  sous 
bien  des  points  de  vue  ;  mais  il  ne  nous  dit  pas  suffisamment  par 
quels  autres  impôts  on  pourrait  remplacer  ceux  dont  il  demande  la 
suppression  :  il  faut  des  recettes  quelconques  pour  combler  le  goufi're 
des  dépenses,  et  bien  difficile  est  le  problème  à  résoudre  pour  trouver 


—  340  — 

l'impôt  qui  serait  le  moins  onéreux  pour  l'économie  générale.  La 
question  des  canaux  le  préoccupe  aussi  à  très-juste  titre  :  que  de  ma- 
tières pourraient  être  transportées  à  0  fr.  05  par  tonne  et  par  kilo- 
mètre, quand  on  dépense  pour  elles  0  fr.  25  en  véhicule  terrestre  et 
0  fr.  10  en  chemin  de  fer  !  Mais  ne  va-t-il  pas  un  peu  loin  en  deman- 
dant de  doubler  certaines  de  nos  lignes  ferrées?  La  France,  dit-il, 
est  comme  un  isthme  à  l'occident  de  l'Europe.  Sur  la  Méditerranée, 
Marseille  occupe  la  tête  de  cet  isl^Jime  :  sur  la  Manche,  c'est  Calais, 
Boulogne,  le  Havre.  L'isthme  français  évite  aux  voyageurs  et  aux 
marchandises  qui  se  rendent  dans  la  Grande-Bretagne,  ce  centre 
commercial  vers  lequel  tout  converge  et  duquel  tout  part,  le  détour 
par  Gibraltar  ou  par  l'Europe  orientale  ou  centrale,  par  le  Danube 
ou  par  les  Alpes  helvétiques.  11  faut  donc  percer  en  quelque  sorte 
notre  isthme  par  la  voie  la  plus  courte,  la  plus  accélérée,  la  moins 
coûteuse,  par  un  chemin  de  fer  direct  de  Marseille  à  Calais...  On  sait 
la  résistance  que  pareil  projet  a  éprouvée  en  1872  de  la  part  des 
grandes  compagnies.  Sans  adopter  la  mesure  radicale  de  la  construc- 
tion d'une  ligne  complète  isolée,  nous  pensons  qu'il  y  aurait  cepen- 
dant quelque  chose  à  faire  pour  les  dégagements  directs  de  Mar- 
seille. 

Le  mouvement  total  de  marchandises  importées  et  exportées  par 
l'intermédiaire  de  nos  ports  de  commerce  a  été,  en  1877,  de  plus  de 
14  millions  de  tonnes  sur  23  millions,  chiffre  total  du  mouvement  qui 
comprend  les  frontières.  Sur  ces  1  i  millions,  Marseille  en  absorbe 
deux  et  demi,  le  Havre  et  Bordeaux  chacun  un  et  demi  :  viennent 
ensuite  Dunkerque  et  le  groupe  de  Nantes  et  Saint-Nazaire,avec  près 
d'un  million  pour  chacun.  A  ce  dernier  propos,  nous  ferons  une 
observation  au  sujet  de  quelques-uns  des  chiffres  cités  par  M.  Simo- 
nin. Il  remarque  dans  une  note  que  le  mouvement  de  tonnage  des 
navires  entrés  et  sortis  pour  le  port  du  Havre,  est  plus  élevé  dans  les 
statistiques  de  l'ingénieur  du  port  que  dans  le  tableau  général  du 
commerce  de  la  France.  Nous  citerons  quelque  chose  d'analogue  pour 
Saint-Nazaire.  Le  mouvement  commercial  des  ports  de  la  Loire  ma- 
ritime, Nantes,  Paimbœuf  et  Saint-Nazaire,  a  été,  en  1876,  dit  M.  Si- 
monin, d'un  peu  moins  de  1,200,000  tonneaux  de  navires  entrés  ou 
sortis  :  or,  nous  relevons  à  peu  près  ce  chiffre,  pour  le  seul  Saint-Na- 
zaire, dans  les  registres  du  port.  Les  causes  de  cette  divergence  nous 
échappent. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  recommandons  le  livre  de  M.  Simonin  à 
tous  ceux  qui  s'intéressent  au  développement  de  notre  commerce 
extérieur.  René  Kerviler. 


—  3  il 


BELLES-LETTRES 

Remarques  sur  quelques  expressions  usitées  en  I\'or- 
niandie,  leur  emploi  par  certains  auteurs,  leur  origine,  leur  élymologie, 
par  M.  GrsTAVE  Levavasseur.  Caen,  Leblanc-Hardel,  1878,  in-8  de 
106  p. 

Malgré  ses  modestes  dimensions,  ce  petit  ouvrage  ne  manquera 
pas,  nous  en  sommes  certain,  de  piquer  vivement  la  curiosité  du 
littérateur  de  profession,  et  de  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'étude 
de  notre  vieil  idiome  français.  Il  ne  pouvait,  du  reste,  être  entrepris 
par  un  maître  plus  compétent.  M.  G.  Levavasseur,  dont  les  titres  lit- 
téraires sont  déjà  bien' connus  des  lecteurs  de  ce  recueil,  a  fait  une 
étude  toute  spéciale  du  dialecte  de  son  pays,  du  patois  normand.  Son 
but,  en  écrivant  ce  livre,  a  été  non-seulement  de  satisfaire  la  curio- 
sité des  érudits,  mais  encore  d'appeler  l'attention  sur  un  certain 
nombre  d'expressions  patoises  sans  équivalents  dans  la  langue  litté- 
raire, et  que  celle-ci  aurait  tout  intérêt  à  reprendre.  On  sait,  en  effet, 
quel  heureux  parti  Georges  Sand  a  su,  dans  plusieurs  de  ses 
romans,  tirer  de  termes  spéciaux  au  parler  des  paysans  berrichons. 
Quoi  de  plus  gracieux,  de  plus  expressif,  que  les  vocables  normands 
amainhonir  (gérer  en  bon  père  de  famille,  tenir  en  bonne  main); 
alosé  (loué,  célébré);  ahanner  (être  essouflé  par  le  travail),  etc.  Pour 
en  rendre  la  force  et  le  sens,  notre  français  académique  est  obligé  de 
se  servir  de  longues  périphrases  qui  ne  peuvent,  pour  ainsi  dire,  que 
fatiguer  et  allonger  le  discours.  La  perte  des  deux  mots  amont  et  aval 
nous  semble,  comme  à  l'auteur,  tout  particulièrement  regrettable. 
Anuy,  annuit  n'est-il  pas  dix  fois  plus  vif,  plus  joli  que  son  synonyme 
aujourd'hui,  et  n'a-t-il  pas,  de  plus,  le  mérite  de  nous  rappeler  les 
croyances  de  nos  anciens  aïeux  les  Gaulois?  César  nous  apprend 
qu'ils  comptaient  par  nuits,  non  par  jour,  en  l'honneur  de  leur  père 
Pluton  (sans  doute  Tentâtes],  dieu  des  ténèbres  infernales.  On  ne  voit 
pas  trop  pourquoi  nous  avons  remplacé  bliaud,  bkinde  (sans  doute 
d'origine  gauloise)  par  blouse,  qui  signifiait  à  l'origine,  soit  la 
pochette  du  billard  où  tombent  les  billes,  soit  une  terre  emblavée. 
Bigne  n'est-il  pas  autrement  alerte  que  son  équivalent  littéraire 
bosse  au  fronl  ?  Le  terme  anglais  dans  le  sens  de  créancier  a  quelque 
chose  de  réellement  plaisant;  c'est  un  souvenir  des  vieilles  luttes  que 
nos  pères  eurent  à  soutenir  contre  les  hommes  d'outre-Manche.  Le 
mot  manichéen,  employé  par  les  étudiants  allemands,  avec  une  valeur 
identique,  semble  moins  gracieux  et  sent  trop  son  origine  théolo- 
gique. 

Nous  pourrions  multiplier  les  exemples  à  l'infini;  mais  il  faut  savoir 


—  342  -- 

se  borner.  Nous  n'oserions,  sans  crainte  de  nous  montrer  injuste, 
reprocher  à  M.  Levavasseur  l'omission  de  quelques  expressions  nor- 
mandes encore  usitées  dans  nos  campagnes,  mais  qui  peut-être  n'ont 
jamais  été  en  crédit  auprès  des  écrivains.  De  halbis,  cidre  moitié 
pommé,  moitié  poiré,  il  eiit  pu  rapprocher  boubic,  employé,  dans  l'ar- 
rondissement de  Mortagne,  avec  le  même  sens,  et  qui  semble  avoir  une 
étjmologie  à  peu  près  identique.  L'anglais  travel,  existe  encore  aux 
environs  d'Aleneon,  sous  la  forme  Iraveler,  c'est-à-dire  voyager.  Le 
paysan  percheron  dira  rucher  pour  «  lancer,  »  ouUe  et  oue  pour  «  elle,  » 
un  bestial  pour  «  une  tête  de  bétail,  n  En  raison  de  son  habitude  de 
transformer  le*oi  français  en  c,  il  prononce  dret  pour  «  droit,  »  fcré 
pour  ((  je  crois;  »  d'autres  fois,  cette  même  diphthongue  deviendra 
oué,  et  l'on  aura  roué  pour  «  roi,  »  ouésiau  pour  «  oiseau.  »  L'r  final 
tombe  d'ordinaire  en  patois  percheron,  et  four  y  devient  fou, 
«  quelque  part  »  se  change  en  queuque  pa.  C'est  par  une  corruption, 
soit  dans  la  forme  du  mot,  soit  dans  la  signification,  que  le  Rouennais 
prononce  déchiffrer  pour  u  défricher,  »  qu'une  maison  en  ruines  est 
dite  par  lui  «  en  démence,  »  etc.,  etc. 

Somme  toute,  nous  sommes  bien  loin  du  purisnie  dédaigneux  des 
académiciens  du  dix-septième  siècle,  auxquels  La  Bruyère  reprochait 
leur  manie  d'exclusivisme  à  l'égard  de  bon  nombre  de  mots  du  voca- 
bulaire, et  qui,  suivant  l'expression  de  M"*"  de  Scudéry,  tendaient  à 
faire  de  la  langue  française  «  un  bouillon  d'eau  claire,  sans  impureté, 
mais  sans  saveur.  »  Les  tendances  démocratiques  de  la  société  actuelle, 
si  elles  menacent  de  produire  certaines  conséquences  fâcheuses  au 
point  de  vue  de  la  perfection  littéraire,  ont  eu,  du  moins, ce  bon  résul- 
tat de  remettre  en  honneur  plusieurs  formes  du  langage  populaire. 
Il  nous  semble  même  que  maints  écrivains  sont  allés  trop  loin  en 
voulant  réhabiliter  jusqu'à  l'argot.  Tenons-nous  dans  un  sage  milieu; 
prenons,  dans  le  parler  de  nos  paysans,  ce  qu'il  peut  y  avoir  de  sain, 
de  gracieux,  de  naïf;  mais  ne  donnons  pas  dans  le  trivial  et  l'ignoble. 
A  coup  sûr,  si  l'ouvrage  de  M.  Levavasseur  contribue  à  pousser  notre 
public  dans  cette  voie,  il  aura,  comme  disaient  nos  grands-pèpes, 
assez  mérité  des  muses,  et  l'auteur  se  trouvera  dignement  récompensé 
de  sa  peine.  H.  de  Charencey. 


Eloge  de  BuflTon,  par  jNarcisse  Michaux.  Ouvrage  couronné  par  l'Aca- 
démie française,  précédé  d'une  notico  par  M.  Emile  Gebhart,  professeur  à 
la  faculté  des  lettres  de  Nancy.  Pari=!,  Hachette,  gr.  in-18  de  xxxii-236  p. 
—  Prix:  3  fr.  50. 

Lorsque  l'Académie  française,  nous  apprend  M.  Gebhart,  entreprit 
de  décerner  le  prix  du  dernier  concours  d'éloquence,  dont  le  sujet 
était  l'éloge  de  Buffon,  deux  mémoires  parurent  se  distinguer  de  tous 


les  autres  par  des  qualités  si  rares,  que  l'illustre  compagnie  du 
prendre  une  résolution  extraordinaire  :  elle  décida  que  le  prix  serait, 
non  point  partagé,  mais  attribué  également  tout  entier  à  chacun  des 
deux  ouvrages.  Ij'un  d'eux,  qui  s'était  fait  particulièrement  remarquer 
par  la  sûreté  des  connaissances  scientifiques  et  par  la  gravité  du  lan- 
gage, portait  une  double  devise:  Majcstfiti  natitrœ  par  ingrjihim,  et: 
Pendent  opéra  interrupta.  La  première  de  ces  maximes  répondait 
bien  à  l'idée  noble  que  Tauteur  s'était  faite  de  Buffon;  l'autre  pou- 
vait sembler  d'abord  comme  un  aveu  de  ce  qui  manquait  encore  au 
complet  achèvement  de  l'œuvre.  En  réalité,  ce  mot  de  Virgile  cachait 
une  révélation  douloureuse.  Le  bulletin  fut  ouvert,  et  l'Académie  y 
lut  avec  émotion  cette  note  :  «  Narcisse  Michaut,  docteur  es  lettres, 
mort  à  Nancy  le  li  juin  1877.  »  Né  dans  la  Meuse,  à  Robert-Espagne, 
le  5  mai  1846,  professeur  au  collège  de  Vitry-le-Franeais,  puis  cloué 
à  Nancy  par  une  maladie  mortelle  contre  laquelle  il  lutta  six  années, 
Narcisse  Michaut  avait  écrit  au  crayon  les  pages  de  son  livre  sur  le 
lit  d'agonie  de  son  dernier  hiver.  Quand  les  forces  manquèrent  à  sa 
main  défaillante,  il  s'était  arrêté.  Après  sa  mort,  sa  mère  recueillit 
pieusement  et  recopia  elle-même  ces  feuillets  épars,  auxquels  l'Aca- 
démie a  décerné,  sans  le  savoir,  une  couronne  posthume. 

Il  est  assurément  regrettable  qu'une  mort  prématurée  ait  arrêté 
la  plume  de  Narcisse  Michaut,  car  il  nous  a  donné,  dans  ce  fragment 
d'éloge,  une  remarquable  étude  sur  le  génie  philosophique  des  travaux 
de  Buffon,  étude  qui,  sur  certains  points,  eût  encore  gagné  plus  de 
relief  dans  la  dernière  révision,  et  qui  malheureusement  n'est  pas 
complétée  par  l'étude  de  l'écrivain  :  nous  ne  voyons  ici  que  le  savant 
et  le  philosophe,  échappant  aux  préjugés  de  son  siècle  et  s'attachant 
à  découvrir  de  solides  méthodes  de  synthèse  pour  élever  un  impéris- 
sable monument  à  l'histoire  naturelle.  De  la  biographie  même  de 
Buffon,  de  son  style,  de  son  caractère  intime,  il  est  peu  question  : 
mais,  en  revanche,  nous  possédons  la  plus  complète  analyse  qui  ait 
encore  été  faite  de  son  génie  scientifique,  et  de  la  philosophie  de  son 
œuvre  gigantesque. 

Un  grand  nombre  de  réflexions  judicieuses  et  d'aperçus  pleins  de 
finesse  accompagnent  les  remarques  sur  les  théories  et  les  procédés 
du  grand  naturaliste.  Il  est  aisé  de  dédaigner  les  off'enses,  dit  par 
exemple  M.  Michaut,  lorsqu'elles  n'altèrent  pas  la  bonne  opinion  que 
nous  avons  conçue  de  nous-mêmes  :  «  Prenons-y  garde,  en  eff'et;  la 
colère  que  les  critiques  nous  inspirent  vient  d'une  crainte  secrète 
qu'elles  ne  soient  fondées,  d'une  sorte  de  complicité  involontaire  qui 
nous  met  du  parti  de  nos  agresseurs.  »  Et  ailleurs  :  «  Nulle  vérité  ne 
saurait  en  contredire  une  autre,  et  si  les  savants  se  querellent  souvent, 
les  sciences  sont  toujours  d'accord.  •»  Il  y  aurait  bien  quelques  réserves 


—  34i  — 

;i  faire  sur  le  caractère  de  la  morale  épicurienne  adoptée  par  Buffon 
dans  son  étude  sur  Thomme  :  en  particulier  au  sujet  de  son  attitude  à 
l'égard  du  grand  problème  de  la  mort.  Si  l'on  trouve  ces  consolations 
insuffisantes,  dit  M.  Micliaut,  il  faut  songer  que  ce  sont  les  seules 
qu'il  soit  permis  de  demander  à  la  philosophie  que  Buffon  avait 
adoptée  :  «  Elles  ne  sont  point  d'un  ordre  très- élevé,  mais  peut-être, 
par  là  même,  conviennent-elles  mieux  au  commun  des  hommes,  qui 
resterait  insensible  aux  nobles  consolations  qu'une  doctrine  plus  pro- 
fonde et  plus  religieuse  saurait  sans  doute  lui  offrir.  En  tout  cas,  il 
était  difficile  d'en  trouver  qui  fussent  mieux  appropriées  à  l'esprit  du 
dix-huitième  siècle  ;  car  le  plus  sage  est  de  faire  oublier  la  mort, 
lorsqu'on  n'ose  rien  promettre  au  delà.  »  Cette  observation  finit  mal 
un  chapitre  et  l'auteur  nous  avait  paru  mieux  inspiré  lorsqu'il  avait 
dit  un  peu  plus  haut  :  «  Ceux-là  seuls  échappent  à  ce  découragement, 
qui  n'ont  pas  fait  du  bonheur  le  but  de  leur  existence,  ou  qui  ont  placé 
assez  haut  leurs  espérances  pour  que  l'expérience  de  la  vie  ne  puisse 
les  atteindre  :  mais  Buffon  ne  s'élève  pas  jusqu'à  ce  suprême  degré  de 
sagesse.  »  A  la  bonne  heure  ;  voilà  de  la  critique  fortifiante  :  mais 
nous  n'avons  pas  le  courage  de  pousser  plus  loin  nos  regrets  dans 
certaine  coordination  de  cette  puissante  étude.  La  mort  a  empêché 
l'auteur  de  lui  donner  le  dernier  poli.  Nous  n'avons  qu'une  ébauche; 
mais  comme  ces  statues  inachevées  de  Michel-Ange  qui  captivent 
l'attention  et  vous  rendent  songeur,  bien  que  l'artiste  n'ait  pu  les 
mettre  au  point,  l'éloge  de  Buffon  par  M.  Michaut  restera,  tout 
incomplet  qu'il  est,  comme  l'un  des  plus  beaux  monuments  élevés  à  la 
mémoire  du  grand  écrivain,  René  Kerviler. 


Histoire  fie  Montesquieu,  sa  vie  et  ses  enivres  d'après  des  documents 
nouveaux  et  inédits,  par  Louis  Vian,  avocat  à  la  Cour  de  Paris,  précédée 
d'une  préface  par  Ed.  Laboulaye,  de  l'Institut.  Paris,  Didier,  1878,  in-8 
de  XX- 41 2  p.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

Une  propension  naturelle  nous  porte  à  étudier  de  prés  la  vie  in- 
time des  grands  hommes,  à  rechercher  s'ils  sont  réellement  au-dessus 
des  conditions  ordinaires  de  l'existence  humaine,  à  découvrir  les 
secrets  motifs  qui  ont  dicté  leurs  actions,  à  scruter  leurs  faiblesses  et 
à  les  surprendre  dans  le  déshabillé  des  simples  mortels.  Il  semble 
qu'en  les  examinant  ainsi,  dépouillés  de  l'auréole  lumineuse  qui  cache 
leurs  défauts  et  dont  les  a  décorés  la  légende,  nous  cherchions  à  nous 
élever  nous-mêmes  de  toute  la  hauteur  dont  nous  les  faisons  des- 
cendre de  leur  piédestal  :  on  est  presque  heureux  de  parvenir  à  dé- 
couvrir en  eux  des  taches  jusqu'alors  inconnues,  et  de  reconnaître 
enfin  que  ce  ne  sont  pas  des  sortes  de  demi-dieux,  mais  des  hommes. 
C'est  sans  doute  cette  espèce  de  jalousie  instinctive  à  l'égard  des 


grands  noms  de  tout  ordre,  qui,  depuis  Ja  renaissance  des  travaux 
historiques,  a  mis  en  faveur  auprès  du  public  les  biographies  si  nom- 
breuses et  si  variées,  dont  notre  période  littéraire  gardera  l'empreinte 
caractéristiq.ie.  Une  vogue  incontestable  s'attache  à  ce  genre  de 
travaux,  et  nous  aurions  mauvaise  grâce  à  nous  en  plaindre,  puisque 
depuis  plusieurs  années  nous  nous  attachons  nous-même  à,  la  suivre 
en  restituant  la  physionomie  des  vieux  académiciens  du  dix-septième 
siècle  :  il  y  a  lieu  cependant  de  se  demander  à  qui  revient  le  profit 
de  ces  études  :  au  lecteur,  sans  doute;  qui  trouve  en  les  savourant 
des  éléments  d'instruction  et  de  plaisir  :  ensuite  aux  personnages  ex- 
humés, si  la  postérité  n'a  consenti  à  leur  accorder  jusqu'ici  qu'un 
faible  souvenir,  mais  nous  doutons  que  la  mémoire  des  réputations  de 
premier  ordre  y  trouve  un  grand  avantage,  et  nous  avons  fait  cette 
réflexion  amère  en  achevant  la  lecture  de  l'histoire  impartiale  et 
complète  consacrée  par  M.  Louis  Yian  à  Montesquieu,  que  bien  petit 
,  est  le  nombre  des  hommes  vraiment  grands  dont  le  puissant  génie 
peut  tenir  en  bride  les  misérables  passions  attachées  à  notre  pauvre 
nature.  Ceux  qui  ne  prennent  pas  Dieu  pour  guide,  seront  toujours 
des  génies  incomplets. 

Plus  on  étudie  les  écrits  de  Montesquieu,  dit  M.  Laboulaye,  plus 
on  est  frappé  de  la  profondeur  et  de  la  justesse  de  ses  vues.  Je  ne 
crois  pas,  ajoute-t-il,  que  depuis  Aristote  le  monde  ait  connu  un 
politique  de  cette  trempe.  En  revanche,  il  ignora  complètement  les 
charmes  de  la  vie  de  famille  :  et  s'il  se  maria,  ce  fut  en  vrai  sceptique, 
avec  une  protestante  et  pour  la  fiénéalogie.  Voyageur,  grand  pro- 
priétaire, vigneron  fanatique,  ami  du  grand  monde  et  des  salons, 
sorte  de  lord,  instruit,  libéral  et  non  moins  curieux  d'étudier  les 
hommes  que  les  livres,  prêt  à  obliger  tous  ceux  qui  avaient  besoin 
de  lui,  il  fut  bon  pour  tout  le  monde,  excepté....  pour  sa  femme. 
C'est  une  lacune  que  nous  ne  pouvons  consentir  à  lui  pardonner.  Il  y 
en  eut  d'autres  encore  dans  cette  existence  assez  épicurienne,  mais 
nous  voulons  laisser  aux  lecteurs  de  M.  Vian  le  plaisir  de  la  surprise; 
et  ceux  qui  n'ont  pas  déjà  parcouru  les  principaux  chapitres  de  cette 
intéressante  monographie  dans  le  Correspondant,  en  rencontreront 
beaucoup  dans  leur  pérégrination  à  la  suite  de  l'éditeur  de  tant 
d'œuvres  anonymes  et  piquantes.  On  sait,  en  effet,  que  Montesquieu 
n'a  jamais  mis  son  nom  au  bas  de  ses  ouvrages,  tous  publiés  hors  de 
France  :  or,  les  Lrttres  Persanes  eurent  pour  prote  un  abbé,  la  Gran- 
deur des  Ro7nains,  un  jésuite,  et  l'Esprit,  des  lois,  un  pasteur  protes- 
tant! 

M.  Vian  a  travaillé  pendant  quinze  années  consécutives  à  cette 
biographie,  rassemblant  toutes  les  éditions  primitives  des  œuvres 
de  Montesquieu,  visitant  toutes  ses  demeures,  recueillant  tous  ses 


—  346  — 

portraits  et  suivant  ses  moindres  traces  sur  tous  les  points  de  l'Eu- 
rope. Quand  on  a  cette  persévérance,  on  est  certain  de  faire  çà  et  là 
de  véritables  découvertes  ;  et  M.  Vian  a  eu  la  main  fort  heureuse  : 
quantité  de  lettres  et  de  documents  inédits  lui  ont  permis  d'éclaircir 
une  foule  de  points  obscurs  de  la  vie  de  son  héros,  et  donnent  à  son 
récit  un  intérêt  de  premier  ordre.  On  remarquera  surtout  l'acte  de  ma- 
riage, jusqu'ici  inconnu,  de  Montesquieu  et  ses  conséquences,  l'histoire 
de  ses  candidatures  académiques,  celle  des  éditions  de  ses  ouvrages  et 
de  leurs  procès  en  Sorbonne  et  à  Rome,  sa  biographie  par  son  petit- 
fils,  et  la  bibliographie  complète  non-seulement  de  son  œuvre  mais  de 
tout  ce  qui  la  concerne.  L'Académie  française,  en  décernant  kVHistoirr 
de  Monlesquieu  l'un  de  ses  prix  les  plus  importants,  vient,  du  reste, 
de  montrer  publiquement  à  quel  taux  elle  a  jugé  le  livre  et  l'écrivain. 
Nous  ne  quitterons  cependant  pas  M.  Vian  sans  lui  adresser  quelques 
critiques.  Il  reproclie  plusieurs  fois  à  Montesquieu  d'avoir  trop  pro- 
digué les  divisions  dans  VEsprit  des  Lois  :  nous  ne  dirons  pas  qu'il  l'a 
trop  imité  sur  ce  point,  mais  il  n'a  pas  mis  assez  de  variété  dans  les 
transitions  qui  lui  servent  à  relier  ses  nombreux  chapitres;  cela  re- 
froidit un  peu  un  récit,  du  reste  très-animé.  Qu'il  évite  aussi  quelques 
rares  trivialités  de  stjle  :  il  j  en  a  une,  entre  autres,  sur  les  gasco- 
nismes  de  Montesquieu,  qu'il  a  cru  pouvoir  autoriser,  sans  doute,  par 
les  libertés  de  langage  du  rival  de  Montaigne,  mais  qu'il  fera  bien  de 
faire  disparaître  dans  une  nouvelle  édition.  Ce  livre  est  de  ceux  aux- 
quels on  a  le  droit  de  demander  d'être  parfaits. 

M.  Vian  a  bien  apprécié  l'œuvre  de  Montesquieu,  en  montrant  que 
si,  dans  ses  plus  grands  écarts,  il  n'a  jamais  médit  du  christianisme 
directement,  il  a  donné  l'indifférence  en  religion  pour  base  commune 
aux  lois  de  tous  les  peuples,  négligé  les  idées  chrétiennes  sur  l'ori- 
gine et  la  mission  du  pouvoir,  et  fait  dériver  l'ordre  social  de  l'in- 
fluence des  climats.  Aussi  l'infériorité  de  ses  écrits  vient-elle  de  ce 
qu'ils  ne  procèdent  que  de  l'intelligence  et  ne  s'adressent  qu'à  elle, 
sans  passionner  notre  cœur  ni  enthousiasmer  notre  âme  sensible  aux 
grandes  choses.  Le  souffle  divin  est  absent.  René  Kerviler. 


JTours  de  solitude,  par  Octave  Pirmez.  3e  édit.  Paris,  Jouaust  ;  G^nftVe, 
Sandoz,  in-8  de  311  p.  —  Prix  :  6  fr. 

Voici  un  livre  dont  le  Polybiblion  a  laissé  passer  les  deux  premières 
éditions  sans  compte  rendu;  réparons  aujourd'hui  cette  omission.  Il 
est  vrai  qu'il  ne  porte  point  de  date  ni  au  titre  ni  dans  le  texte,  et  que 
le  sujet  bien  indéfini  qu'il  traite  n'a  rien  à  voir  avec  l'actualité.  Ce 
n'est  pas  une  relation  de  voyage,  ce  n'est  pas  un  recueil  de  médi- 
tations, mais  c'est  quelque  chose  qui  tient  de  l'un  et  de  l'autre  :  des 


—  347  — 

feuilles  volantes,  écrites  un  peu  partout,  au  jour  le  jour,  pleines  des 
impressions,  des  pensées  et  des  souvenirs  les  plus  intimes  de  l'auteur. 
On  part  avec  lui  de  Vaucluse,  sans  savoir  pour  quelle  cause,  ni  pour 
quel  objet;  il  vous  promène  au  hasard  à  travers  l'Italie,  la  Suisse  et  l'Al- 
lemagne. Il  ne  semble  pas  s'attacher  à  l'étude  des  monuments,  des  pro- 
ductions ni  des  mœurs;  il  a  déjà  vu  tout  cela,  il  le  revoit,  il  rêve  et  voilà 
tout  :  «  Mes  journées,  dit-il,  s'écoulent  à  contempler. .»  De  ces  contem- 
plations, il  est  resté  des  tableaux  tour  à  tour  gracieux  et  sauvages, 
des  réflexions  sérieuses,  élevées  et  souvent  mélancoliques.  Les  pages 
animées  d'un  grand  souffle  de  poésie,  d'éloquence  ou  de  haute  philo- 
sophie, abondent.  La  forme  est  soignée  avec  un  goût  amoureux; 
jamais  de  défaillance  ni  la  moindre  vulgarité  :  un  sourire  discret,  à 
de  rares  intervalles,  est  la  plus  grande  licence  que  se  permette  l'au- 
teur. Mais  cette  extrême  recherche,  cette  élégance  immaculée,  cette 
exquise  délicatesse  n'effleurent-elles  pas  parfois  la  préciosité?  Que  de 
détours,  que  de  périphrases  pour  éviter  un  mot  malsonnant!  M.  Pirmez 
ne  dira  pas  qu'il  a  rencontré  à  Marseille  des  décrotteurs  auvergnats. 
Fi  donc!  «  De  pauvres  enfants,  venus  des  montagnes  de  l'Auvergne, 
se  pressaient  sur  les  pas  des  promeneurs  pour  essuyer  la  poussière  de 
leurs  pieds.  »  Il  appellera  le  nord,  .S^/iïen^rc'o/?,  et  l'Allemagne,  Ger- 
manie. Il  oublie  si  complètement  qu'il  ne  parle  pas  envers  que  sa  prose 
s'émaille  d'épithètes  étrangement  placées.  «  J'ai  longé  les  murs  d'en- 
ceinte... m'arrêtant  volontiers  aux  inscriptions  profondes.  Je  me  suis 
aventuré  hors  la  ville,  à  la  chanson  d'un  oiseau  qui  chantait  un  air 
^/r/'dansles  jardins  abandonnés.  Des  collégiens,  vètusde  robes  longues, 
marchaient  sur  les  chemins  verts...  »  Mais  souvent  aussi  cette  belle 
mélopée,  artistement  cadencée,  tient  le  lecteur  sous  le  charme  ;  elle 
produit  même  à  la  longue  une  sorte  d'enchantement  que  je  ne  saurais 
mieux  comparer  qu'aux  effets  de  la  musique.  Tandis  que  l'artiste 
exécute  ses  fantaisies  les  plus  éblouissantes,  ses  modulations  les  plus 
suaves,  le  lecteur  se  prend  à  rêver  de  son  côté,  au  bruit  de  ces  phrases 
mélodieuses  dont  il  perd  le  sens  strict,  et  tout  bas  s'éveille  en  lui  le 
chœur  confus  des  plus  lointains  et  des  plus  intimes  souvenirs,  des 
rêves  autrefois  caressés,  des  visions  jadis  entrevues,  des  émotions 
depuis  longtemps  oubliées.  Tout  cela  chante  en  sourdine,  comme  une 
résonnance  naturelle,  et  l'on  est  tout  étonné  de  se  retrouver  tout  à 
coup  au  milieu  d'un  paysage  napolitain  ou  d'une  méditation  sur  les 
misères  de  l'humanité. 

Je  me  permettrai  cependant  une  critique  grave  :  ces  méditations  ou 
contemplations  sont  fortement  imprégnées  d'effluves  de  far  niente.  On 
y  reconnaît  sans  peine  le  jeune  homme  riche,  qui  promène  au  hasard 
sou  inactivité  de  bon  ton,  ses  langueurs  et  ses  ennuis  poétiques,  son 
dégoût  élégant   de  la  vie.  M.  Pirmez  le  remarque  lui-même  à  chaque 


—  :Vf8  — 

instant  et  le  déplore  :  «  J'oublie  la  perte  irréparable  de  mes  jours.. . 
u  Aurais-je  atteint  ma  vingt-sixième  année  pour  ne  produire  que  de 
l'ombre?...  .Te  ne  me  rassure  qu'en  me  disant  que  mes  sentiments  se 
sont  formulés  par  la  seule  force  de  ma  vie,  qu'ils  sont  en  consonance 
avec  les  phénomènes  extérieurs  qui  éveillèrent  mon  imagination... 
Celui  qui  eût  voulu  sommeiller  dans  les  songes,  par-dessus  une  terre 
muette  qui  ne  le  réveillât  jamais,  doit  un  jour  se  tourner  vers  les  luttes 
de  la  vie...  Il  va  ainsi  de  la  fleur  à  la  plaie,  et  de  la  plaie  à  la  fleur, 
hésitant  entre  la  contemplation  de  la  beauté  et  la  compassion  des 
infortunes.  »  Les  efforts  qu'il  fait  pour  secouer  cette  indolence  mo- 
rose ne  sont  pas,  on  le  voit,  bien  énergiques.  Parfois  il  en  prend  son 
parti  :  «  Vivons,  profondément  sereins,  laborieux  au  fond  de  notre 
âme.  »  D'autres  fois,  après  s'être  excité  à  sortir  de  sa  torpeur,  il 
finit  par  maudire  «  tous  les  malfaiteurs  et  tous  les  sinistres  ouvriers 
du  néant.  »  Et  il  s'en  tient  là.  Ce  qui  lui  manque  pour  être  parfaite- 
ment heureux  —  et  sa  philosophie  aurait  déjà  dû  le  lui  faire  dé- 
couvrir —  est  une  chose  essentielle  à  la  vie  de  l'homme  sur  cette  terre, 
du  riche  comme  du  pauvre,  l'obligation  du  travail.  Iti  sudore  vultua 
lui  veserris  pave.  Emm.  de  Saint-Albin. 


HISTOIRE 

Oéographie  militaipe.  France  l^^  et  2*"  fascicules.  Paris,  Dumaine, 
1878,  2  volumes  in-12  de  109  et  de  264  p.  —  Prix  de  chaque  fascicule  : 
2fr.  30. 

L'ouvrage  que  nous  avons  sous  les  yeux  ne  porte  pas  de  nom  d'au- 
teur; mais  il  n'est  pas  téméraire,  croyons-nous,  d'en  attribuer  la 
paternité  à  l'infatigable  auteur  de  travaux  historiques  et  géogra- 
phiques déjà  fort  remarqués,  M.  le  capitaine  d'état-major  Niox, 
professeur  de  géographie  àl'Ecole  supérieure  de  guerre. Déjà,  en  1876 
ou  1877,  M.  le  capitaine  Nioxa  publié,  sous  le  titre  :  Géographie  mili- 
taire, —  première  partie,  Notions  de  géologie —  un  volume  qui  semble 
l'introduction  naturelle  de  ceux  dont  nous  nous  occupons  aujourd'hui. 
D'ailleurs,  dans  le  texte  de  ces  nouveaux  fascicules,  on  renvoie  fré- 
quemment à  ces  Notions  de  géologie. 

Ceux  qui  ont  lu  ce  dernier  opuscule  ne  seront  pas  surpris  de  voir 
l'auteur  commencer  sa  Géographie  militaire  de  la  France  par  une 
étude  géologique  de  notre  pays.  «  Avant  de  commencer  la  description 
des  accidents  superficiels  d'un  pays,  il  est  utile  de  faire  connaître 
quelle  est  la  nature  du  sol  qui  le  constitue.  Avant  d'entrer  dans  les 
détails  de  construction  d'un  édifice,  ne  commenee-t-on  pas  par  indiquer 
s'il   est  en  marbre,  en  pierre  on  en  briques,  et  cette  indication  ne 


—  340  — 

donne-t-elle  pas  tout  d'abord  une  première  notion  approximative  des 
proportions  de  l'architecture  et  parfois  de  la  destination  même  du 
monument  ?  Ainsi  doit-on  procéder  dans  toute  description  géogra- 
phique. »  Suivant  cette  méthode,  le  capitaine  Nîox  divise  la  France, 
d'après  Texamen  de  la  carte  géologique,  en  un  petit  nombre  de 
grandes  régions  bien  caractérisées  : 

1°  Deux  massifs  de  terrains  cristallisés  :  le  Plateau  central  et  la 
Bretagne;  2°  Trois  grands  bassins  géologiques:  le  Bassin  parisien  ou 
(la  Nord,  le  Bassin  de  la  Garonne  ou  da  sud-ouest,  le  Bassin  du  Rhdne 
ou  du  sud-est,  qui  se  subdivise  en  étage  supérieur  et  étage  inférieur; 
3"  Cinq  pays  de  soulèvements,  formant  la  ceinture  de  la  région  gau- 
loise :les  Pyrénées,  \q^  Alpes,  le  Ju/'rt,les  Vosges  et  le  massif  Hunsrilck- 
Ardennes. 

Si  notre  auteur  faisait  de  la  géographie  agricole  ou  climatologique, 
peut-être  se  conformerait-il  jusqu'au  bout  à  ces  divisions  géologiques, 
mais  il  s'agit  de  géographie  militaire,   et  «  si  l'on  veut  comparer  la 

France    à  une  vaste   forteresse    hexagonale »  on   trouve    a  six 

théâtres  d'opérations  bien  distincts,  quoique  n'ayant  pas  de  limites 
absolument  définies,  correspondant  à  peu  près  à  chacun  des  fronts  de 
l'hexagone,  et  une  septième  région,  celle-ci  surtout  montagneuse,  et 
pouvant  offrir  un  dernier  refuge  aux  débris  des  armées  obligées 
d'abandonner  les  grandes  vallées.  —  Ce  sont  : 

V  Le  front  Nord  ou  de  la  frontière  belge,  compris  entre  l'Oise,  la 
Seine  et  la  mer  ; 

2°  Le  front  Nord-Est  ou  de  la  frontière  allemande,  lo  plus  impor- 
tant de  tous  ; 

3°  Le  front  de  l'Est  ou  de  la  frontière  du  Jura  ; 

A"  Le  front  Sud-Est  ou  des  Alpes  et  de  la  Méditerranée  ; 

5°  La  Bretagne  ; 

6"  Le  front  Sud-Ouest  ou  de  la  frontière  des  Pyrénées  et  du  golfe 
de  Gascogne  ; 

7°  La  région  du  Plateau  central. 

On  le  voit,  il  n'est  plus  ici  question  des  «  matériaux  qui. entrent 
dans  la  construction  de  l'édifice,  »  mais  bien  des  difterentes  expositions 
des  façades  et  pignons  du  dit  édifice,  —  ce  qui  présente  bien  aussi,  ce 
semble,  quelque  intérêt  au  point  de  vue  de  Thabitation.  Le  change- 
ment de  méthode  est  donc  complet  ;  c'est  qu'en  effet  la  géologie  est 
pour  la  géographie  militaire  un  auxiliaire  incontestablement  utile  ; 
elle  ne  saurait,  seule,  lui  servir  de  guide. 

Ce  sont  donc  les  six  «  fronts  »  de  la  France  que  le  capitaine  Niox 
étudie  successivement,  en  s'attachant  surtout  aux  grandes  lignes  et 
aux  traits  généraux  des  régions  qu'il  examine,  et  en  élucidant,  par  des 
exemples  tirés  des  guerres  anciennes  et  de  la  campagne  1870-71,  le 


—  3oO  — 

rôle  que  sont  susceptibles  de  jouer  les  obstacles  naturels,  aussi  bien 
que  les  fortifications  récemment  élevées  et  les  lignes  ferrées  existantes 
ou  en  construction.  —  Disons  avec  regret  qu'au  point  de  vue  de  la 
facilité  des  concentrations  par  chemins  de  fer,  nous  paraissons  être 
encore  vis-à-vis  des  Allemands  dans  un  état  réel  d'infériorité.  —  On 
reconnaît  bientôt,  à  la  lecture  de  la  description  de  la  France,  qu'on  a 
affaire  non-seulement  à  un  géographe,  mais  encore  à  un  professeur, 
en  ce  sens  que,  divisant  sa  tâche  autant  qu'il  convient,  l'auteur 
partage  ses  diiférents  fronU  en  régions  on  en  massfs  dont  il  décrit 
tour  à  tour  riiydrographie,  l'orographie,  les  propriétés  militaires.  Le 
procédé  n'est  pas  exempt  de  sécheresse  ;  mais  il  aide  singulièrement 
la  mémoire . 

Les  dénominations  géographiques,  l'orthographe  des  noms  de  lieux, 
de  rivières,  de  chaînes  de  montagnes,  sont  généralement  celles  des 
meilleurs  auteurs,  en  particulier  celles  de  Stieler.  Toutefois  nous  ne 
savons  pourquoi  le  capitaine  Niox  écrit  Conzarbruck  pour  Conz- 
Saarbruck,  et  surtout  le  Spircbach  pour  le  Speyerbach  ou  le  ruisseau  de 
Spire.  Nous  disons  bien  Spire,  Mayence^  Cologne,  etc,  pour  Speyer^ 
Maiiiz,  K'oln,  mais  on  ne  peut  franciser  un  mot  à  moitié.  Ce  procédé 
appliqué  aux.  mots  tels  que  Obcrland^  Schwarzœald  aurait  des  consé- 
quences bizarres.  On  voit  de  combien  peu  d'importance  sont  les  plus 
graves  critiques  que  nous  ayons  à  adresser  à  l'auteur. 

Avec  le  deuxième  fascicule  se  termine  l'étude  du  quatrième  front 
(frontière  sud-est),  la  suite  de  l'ouvrage,  nous  l'espérons,  ne  tardera 
pas  à  paraître.  J.    Gouethal, 


Géographie  de  l'Algérie,  pai'  0.  NiEL.  Bônc,  Legeudre,  187G,  2  vol. 
in  12  de  333  el  342  p.  —  Prix  :  10  fr. 

L'auteur,  professeur  d'histoire  et  de  géographie  au  collège  de 
Bône,  a  pu  recueillir  sur  place  une  quantité  de  renseignements  qu'on 
chercherait  vainement  dans  les  autres  ouvrages  de  ce  genre  ;  en  outre, 
une  connaissance  approfondie  du  pays  qu'il  décrit  le  met  à  même  de 
rectifier  bien  des  erreurs  commises  par  ses  devanciers.  Le  premier 
volume  est  consacré  à  la  géographie  physique,  agricole,  industrielle 
et  commerciale.  Rien  n'est  plus  intéressant  à  lire.  Au  milieu  de  ses 
descriptions  de  montagnes,  de  rivières  ou  de  côtes,  il  a  su  faire 
entrer  avec  art  mille  détails  attachants  :  ici  une  anecdote,  là  une 
légende,  plus  loin  un  renseignement  historique.  Tout,  dans  son  livre, 
repose  le  lecteur  et  excite  en  même  temps  sa  curiosité.  Les  gens  qui 
s'imaginent  que  l'Aurès  est  près  d'Alger,  que  les  montagnes  de  sel 
n'existent  que  dans  l'imagination  des  romanciers,  ou  que  le  Sahara 
est   une   contrée  maudite,  sans  végétation,  sans  eau,  où  l'on  peut 


tomber  sous  la  dent  féroce  d'un  lion  (comme  on  l'écrit  encore  dans 
certaines  revues  sérieuse>).  seront  heureux  de  trouver,  dans  l'ouvrage 
de  M,  Niel,  un  supplément  d'informations  auxquelles  ils  peuvent 
ajouter  une  entière  confiance.  Les  ressources  de  l'Algérie  y  sont 
exposées  d'une  façon  précise,  nette  et  claire.  Sans  parler  des  pro- 
ductions naturelles  de  ce  sol  merveilleusement  fertile,  il  est  bon  de 
constater  les  résultats  donnés  par  certaines  cultures  nouvelles,  au 
nombre  desquelles  on  peut  bien  faire  entrer  la  vigne,  si  peu  en  hon- 
neur avant  la  conquête,  ou  Vcuralyptiis  récemment  acclimaté,  et  qui 
est  appelé  à  jouer  le  plus  grand  rôle  dans  le  reboisement  de  notre 
grande  colonie,  à  cause  du  revenu  certain  et  élevé  qu'il  donne  si  rapi- 
dement. 

Dans  un  autre  ordre  d'idées^  une  des  richesses  de  l'Algérie  est,  sans 
contredit,  l'industrie  minière,  qui  y  a  pris  un  développement  toujours 
croissant.  M.  Niel  lui  a  consacré  un  excellent  chapitre,  dans  lequel  ou 
trouvera  la  liste  de  tous  les  gisements  minéralogiques  connus.  Qui 
pourrait  dire  combien  sont  encore  ignorés  ?  Tous  cependant  ne  sont 
pas  en  exploitation,  mais  le  temps  approche  où  le  développement  des 
chemins  de  fer  et  des  routes  permettra  de  créer  de  nouveaux  centres 
et  facilitera  aux  cuncessionnaires  la  jouissance  de  ces  capitaux  qui 
dorment  depuis  tant  de  siècles!  —  Le  second  volume  comprend  la 
géographie  politiiiue.  Il  est  divisé  en  trois  parties  correspondant  à 
chacune  des  provinces  de  l'Algérie.  C'est  un  véritable  itinéraire 
indispensable  à  tous  les  voyageurs  qui  veulent  visiter  le  nord  de 
l'Afrique  :  ils  j  trouveront,  avec  les  cartes  des  étapes,  mille  rensei- 
gnements agréables  et  utiles,  non-seulement  au  point  de  vue  du  com- 
merce et  de  l'industrie^  mais  encore  sous  le  rapport  de  l'histoire  de 
chaque  localité,  depuis  l'époque  de  la  domination  romaine  jusqu'à  nos 
jours.  Aussi  la  publication  de  cet  ouvrage  mérite-t-elle  d'être  vive- 
ment encouragée. 

L'auteur  est  de  ceux  qui  aiment  l'Algérie  et  qui  la  connaissent. 
Il  se  considérerait  comme  largement  payé  de  ses  peines,  si  la  lecture 
de  son  livre  faisait  naître  dans  le  coeur  de  quelques  bons  P'rançais,  les 
mêmes  sentiments  qui  agitent  le  sien.  Il  est  si  facile  aujourd'hui  de 
passer  en  Afrique  et  d'y  séjourner  un  mois  ou  deux,  qu'on  ne 
s'explique  pas  l'indifférence  de  nos  compatriotes.  Tous  ceux  qui  ont 
vu  l'Algérie  y  retournent  avec  passion  et  s'intéressent  à  son  avenir. 
Pourquoi  faut-il  constater  que,  parmi  les  touristes  intelligents  qui 
parcourent  ce  merveilleux  pays,  les  Anglais,  les  Russes,  les  Autri- 
chiens ou  les  Allemands  sont  plus  nombreux  que  les  Français?  Souhai- 
tons que  le  livre  de  M.  0.  Niel,  en  faisant  mieux  connaître  notre  belle 
colonie,  détermine  chez  nous  un  mouvement  sérieux  en  sa  faveur. 

AXÏ.  HÉROX  DE  ViLLEFOSSE. 


—  Xrl  — 

lia  la  eunteliiution  et  des  uia{i;ii!>ir»turei9  roniuiiies  hous  la 
I&épultlitaue,  par  Albert  Dupo.nd,   docteur  es  lettres.   Paris,   Laluue, 

1877,  in-12  de  337  p.  —  Prix  :    3  fr. 

l^^ssaî  sui-  ratliiliniigti'atgoEt    «les  provincei^   rouiainei?»   »ou» 

la  Républitjiuo,  par  E.  Pkrso.n,  dooteur  es  lettres.   Pari^,  E.  Thorin, 

1878,  iu-S  de  388  p.  —  Prix  •    8  fr. 

Le  Sénat  (Se  la  I4éir»uB>SB(iiue  romaine,  par  P.  Willeus,  professeur 
àl'universitéde  Louvain.  T  1".  La  Composition  du  Sénat.  Paris,  A.  Du- 
rand et  Pedone-Lauriel,  1878,  iu-8  de  038  p.  —  Prix  :  !6fr. 

Le  livre  de  M.  Dupond  est  un  manuel  destiné  à  faciliter  l'intelli- 
gence  de  Thistoire  romaine  en  faisant  connaître  rapidement  les  rouages 
de  la  constitution  ;  je  dis  l'ajndemeJit,  car  on  comprend  qu'il  faut  sa- 
voir se  tenir  dans  des  limites  assez  étroites  pour  traiter  un  aussi  vaste 
sujet  en  250  pages.  Les  travaux  de  MM.  Duruy  et  Mommsen,  les  ma- 
gnifiques recueils  épigrapliiques  publiés  depuis  quelques  années  n'ont 
pas  peu  contribué  à  mettre  en  faveur  les  recherches  sur  la  constitu- 
tion politique  de  Rome  et  sur  le  mécanisme  de  son  administration. 
L'archéologie  est  venue  en  aide  à  Thistoire  et,  à  elle  seule^  a  fourni 
une  inépuisable  collection  de  documents,  nouvellement  mis  en  lumière, 
qui  complètent  le  laconisme  des  auteurs. 

Après  avoir  rappelé  la  constitution  primitive  de  Rome,  essentielle- 
ment aristocratique,  maintenue  jusqu'à  la  réforme  de  Servius  Tullius, 
qui  substitua  le  privilège  de  la  fortune  au  privilège  de  la  naissance, 
M.  Dupond  parle  du  droit  de  cité  ;  ensuite  des  comices,  du  sénat,  des 
magistratures  ordinaires  (consulat^  prêtrise,  censure,  questure);  des 
magistratures  extraordinaires  (dictature,  maîtrise  de  la  cavalerie, 
décemvirat,  tribunat  consulaire,  interroyauté,  préfecture  de  la  ville); 
des  magistratures  plébéiennes  (tribunat,  édilité).  Un  appendice  con- 
tient trois  chapitres  relatifs  aux  chevaliers,  aux  affranchis  et  aux 
fastes  consulaires.  Le  résumé  de  M.  Dupond  est  utile  à  consulter, 
amant  meminisse  periti;  ceux  qui  abordent  ces  questions  pour  la  pre- 
mière fois  ne  doivent  le  lire  qu'avec  une  certaine  prudence;  l'auteur,  en 
effet,  avance,  sans  restriction,  certaines  opinions  qui  sont  encore 
contestées.  Par  exemple,  il  voit  dans  les  plébéiens  les  habitants  des 
villes  voisines  de  Rome  assujetties  à  sa  domination,  ainsi  que  les 
clients  laissés  sans  patron  par  suite  de  l'extinction  des  familles  qui 
les  avaient  sous  leur  patronage  ;  il  semble  très-probable  que  ces  der- 
niers seuls  formèrent  la  plèbe.  Ailleurs,  dans  la  dénomination  de 
Paires  consciipii  donnée  aux  sénateurs,  M.  Dupond,  comprenant  Paires 
ctconscriptl,  y  voit  la  différence  des  sénateurs  patriciens  et  des  séna- 
teurs plébéiens;  cette  interprétation,  admise  par  plusieurs  auteurs 
sérieux,  peut  être  combattue,  et  la  formule  traduite  littéralement  peut 
simplement  signifier  u  les  Pères  inscrits  sur  la  liste  (du  Sénat).  » 
Cette  distinction,  peu  importante  au  premier  abord,  mérite  cependant 


—  oo3  — 

de  fixer  l'attention,  puisque,  suivant  que  l'on  adopte  l'une  ou  l'autre 
opinion,  on  est  amené  à  affirmer  ou  à  nier  l'admission  des  plébéiens 
au  Sénat  dès  les  premiers  temps  de  la  République,  voire  dès  l'époque 
des  rois. 

—  Si  M.  Dupond  s'occupe  de  Rome  même,  M.  Person  n'a  d'autre  but 
que  de  rechercher  ce  que  l'on  sait  de  l'administration  des  provinces. 
Tous  deux  s'accordent  à  juger  les  Romains  avec  une  sévérité  justi- 
fiée. Celui-ci  avoue  que  le  peuple  romain  fut  nécessairement  amené 
à  se  livrer  à  Auguste,  qui  lui  assurait  la  sécurité  et  l'ordre.  Le  pre- 
mier de  ces  auteurs  dit  quelque  part  que  les  Romains  finirent  par 
avoir  le  seul  gouvernement  que  leurs  fautes  et  leurs  crimes  avaient 
rendu  possible  :  Vimperium  d'un  seul.  C'est  la  plus  amère  critique 
que  l'on  puisse  faire  d'une  grande  nation  livrée  à  une  aristocratie  dé- 
générée et  à  une  démocratie  avide  et  corrompue. 

Le  livre  de  M.  Person  traite  de  la  formation  chronologique  des 
provinces  et  de  leur  organisation  ;  des  différents  types  provinciaux 
(colonies,  villes  latines,  municipes,  etc.);  des  charges  et  tributs  qui 
devaient  être  payés  à  Rome  et  des  modes  de  perception  ;  des  gou- 
verneurs, sans  omettre  le  personnel  qui  les  accompagnait,  la  prise  de 
possession  et  la  transmission  des  pouvoirs;  de  leur  juridiction  admi- 
nistrative, militaire  et  judiciaire;  de  leur  reddition  de  comptes  et  de 
leurs  émoluments.  —  J'estime  que,  tout  en  rendant  justice  au  génie 
d'organisation  administrative  des  Romains,  M.  Person  a  un  peu  as- 
sombri son  tableau.  Loin  de  moi  la  prétention  de  contester  l'égoïsme 
âpre  du  peuple  romain,  les  concussions  des  proconsuls,  l'impunité  de 
ceux  qui  s'enrichissaient  scandaleusement  aux  dépens  des  provinces. 
Cependant  il  faut  reconnaître  que  celles-ci,  à  en  juger  par  la  docilité 
avec  laquelle  elles  arrivaient  toutes  à  se  laisser  absorber,  devaient  y 
trouver  quelques  avantages.  Jetons  seulement  un  coup  d'œil  sur  la 
Gaule,  et  remarquons  avec  quel  empressement  cette  grande  fédéra- 
tion de  peuples  divers  se  romanisa. 

—  L'ouvrage  de  M.  AVillems,  intitulé  :  Le  Sénat  romain  sous  la  Répu- 
blique, est  un  véritable  traité  sur  la  matière;  il  est  composé  avec  une 
érudition  et  une  critique  dignes  du  nom  de  l'auteur.  Ce  livre  est  conçu 
de  telle  façon  qu'en  le  lisant,  on  oublie  complètement  certaines  tour- 
nures de  style  qui  laissent  deviner  que  l'auteur  est  étranger.  Ces 
incorrections  mêmes  ne  laissent  pas  que  d'avoir  une  certaine  origina- 
lité. M.  Willems  passe  successivement  en  revue  la  composition  du 
sénat  pendant  la  période  royale;  ensuite  depuis  le  commencement  de 
la  République  jusqu'à  Tadmission  des  plébéiens,  à  la  fin  du  cinquième 
siècle,  lorsque  le  tribunat  consulaire  fut  accessible  à  la  plèbe  ;  puis  il 
passe  à  la  constitution  du  sénat  modifiée  par  la  loi  Ovinia,  vers 
318  ou  312  avant  l'ère  chrétienne,  qui  conféra  aux  censeurs  la  com- 

OcTOBRE  1878.  T.  XXIII,  23. 


—  354  — 

position  quinquennale  de  ce  corps  jusque  là  confiée  aux  consuls;  il 
examine  ensuite  ces  lectloncs  senatus  jusqu'à  l'an  50,  donnant,  sur  les 
radiations  et  les  nouvelles  promotions,  mille  détails  curieux.  Il  termine 
par  un  coup  d'œil  sur  le  recrutement  et  la  composition  du  sénat  de- 
puis la  dictature  de  César  jusqu'au  principat  d'Auguste.  A  ce  moment, 
le  sénat  était  devenu,  selon  le  témoignage  de  Suétone,  deformis  el 
incondila  turba.  Les  triumvirs  avaient  multiplié  sans  contrôle  les 
fonctions  qui  donnaient  accès  au  sénat,  dont  les  membres  étaient  au 
nombre  de  plus  de  mille;  des  esclaves  même  s'y  étaient  glissés. 

On  est  étonné  de  l'érudition  patiente  avec  laquelle  M.  WillemS 
met  ses  lecteurs  au  courant  de  la  société  romaine;  il  a  colligé  tous 
les  textes,  il  a  consulté  toutes  les  inscriptions  antiques  récemment 
publiées,  de  manière  à  connaître  les  familles  patriciennes  et  les  fa- 
milles plébéiennes  ;  un  certain  nombre  ont  le  même  gentilice,  il  fait 
distinguer  clairement  les  membres  de  chacune  qui  appartenaient  au 
patriciat  ou  à  la  plèbe.  —  Nous  signalerons  particulièrement  les  cha- 
pitres XI  et  XV  qui  ont  dû  coûter  à  l'auteur  un  travail  de  nature  à 
décourager  les  plus  zélés  chercheurs.  Dans  le  premier,  M.  Willems 
reconstitue  le  sénat  de  l'an  179,  dans  le  second,  le  sénat  de  l'an  55. 
Des  tableaux  détaillés  énumèrent  les  noms  de  chacun  des  sénateurs 
dont  le  souvenir  s'est  conservé,  avec  une  courte  notice  sur  leur  car- 
rière, appuyée  sur  l'indication  consciencieuse  des  sources. 

Lorsque  la  dictature  perpétuelle  eût  été  conférée  à  César,  celui-ci 
profita  de  ses  pleins  pouvoirs  pour  reviser  et  compléter  le  sénat,  qui 
n'avait  plus  alors  ni  crédit  ni  autorité;  la  majorité  était  composée 
d'avocats,  de  politiciens  et  de  légistes  {p.  556),  chez  lesquels  la  soif 
des  richesses  et  du  pouvoir  éteignait  le  patriotisme.  Comme  M.  Du- 
pond,  comme  M.  Person,  M.  Willems  laisse  voir  que  la  République 
romaine  était  arrivée  à  un  tel  état  de  désorganisation,  que  l'arrivée 
d'Auguste  au  pouvoir  fut  le  salut  de  la  ville  éternelle  et  des  provinces. 

A.  DE  B, 

I>*un  siècle  à  l'autre,  correspondances  inédites  entre  gens  connus  et 
inconnus  du  dix-huilième  et  du  dix-neuvième  siècle,  par  J.-B.-G.  Galiffe, 
membre  honoraire  O'i  ordinaire  des  principales  sociétés  historiques  et 
archéologiques  suisses,  etc.  Deuxième  partie  (de  1798  jusqu'après  la 
Restauration).  Genève  pendant  sa  réunion  à  la  France,  sous  le  Directoire,  le 
Consulat  et  V Empire.  Restauration  de  la  Ripublique  et  son  incor^poration  à 
la  Suisse.  Genève,  Paris  et  Neufchâtel,  Sandoz,  1878,  in-8  de  vi-SOO  p.  — 
Prix  :  8  fr.  50 

L'année  dernière,  je  rendais  compte,  ici  même,  du  premier  volume 
de  l'ouvrage  de  M.  GalifFe.  Je  pourrais  aujourd'hui,  à  propos  du  se- 
cond volume  qui  vient  d'être  publié,  répéter  ma  critique  d'alors  :  le 
cadet  reproduit  fidèlement  les  traits  caractéristiques  de  son  aîné. 
L'accueil  fait  à  celui-ci  par  le  public  a,  paraît-il,  tellement  surpassé 


—  335  — 

l'attente  de  son  auteur,  que,  dans  un  court  avant-propos,  M.  Galiffe 
s'engage  auprès  de  ses  admirateurs  à  leur  donner  un  troisième  vo- 
lume. Je  le  félicite  de  ce  succès  que  je  ne  prévoyais  pas  plus  que  lui. 
En  attendant,  ce  second  volume  comprend  Thistoire  de  Genève  à 
l'époque  de  sa  réunion  à  la  France,  pendant  le  Directoire,  le  Consu- 
lat et  l'Empire.  Signé  d'un  Genevois  et  publié  à  Genève,  ce  livre 
s'adresse  plus  particulièrement  aux  lecteurs  genevois,  mais  l'histoire 
de  Genève  pendant  cette  période  se  trouve  tellement  dépendante  de 
l'histoire  de  l'Europe  entière,  alors  bouleversée  par  Napoléon,  que  les 
incidents  purement  genevois  y  disparaissent  dans  le  grand  drame 
européen.  Les  archives  de  la  famille  Galifle  fournissent  les  princi- 
paux documents.  Peu  de  lettres  cependant  sont  datées  de  Genève. 
Tandis  que  le  père  et  la  mère  restaient  au  pays,  une  fille  se  mariait 
en  Savoie  ;  l'un  des  fils,  au  service  de  l'Angleterre,  faisait  la  cam- 
pagne d'Espagne  ;  un  autre  était  l'homme  de  confiance  du  banquier 
delà  cour  de  Russie;  un  troisième,  d'abord  officier  dans  l'armée  prus- 
sienne, se  voyait  obligé  de  demander  à  la  France  de  nouvelles  épau- 
lettes.  La  campagne  de  Prusse,  en  1806,  la  guerre  d'Espagne,  la 
campagne  de  Russie,  les  succès  de  la  coalition,  en  1814  et  1815,  se 
trouvent  ainsi  racontés  par  des  témoins  oculaires  ;  les  bruits  qui 
couraient  partout  sont  soigneusement  recueillis  ;  les  mouvements 
de  crainte  ou  d'espoir  qui  passionnaient  l'opinion  publique  se 
montrent  dans  toute  leur  vivacité.  A  cette  correspondance  de  famille 
viennent  se  mêler  des  lettres  inédites  de  M™®  de  Staël,  de  lord  Brou- 
gham,  de  Pictet  de  Rochemont,  nommé  par  la  coalition  «  secrétaire 
général  pour  l'administration  des  provinces  conquises  ou  à  con- 
quérir, »  et  d'autres  de  personnages  plus  ou  moins  connus.  Il  y  en  a 
en  anglais,  et  la  correction  du  texte  laisse  parfois  à  désirer  ;  il  y  en 
a  deux  ou  trois  en  allemand.  L'auteur  reproduit  aussi  un  certain 
nombre  de  documents  officiels,  proclamations,  décrets,  arrêtés  ou 
circulaires  ministérielles,  etc., et,  parmi  eux,  il  en  est  de  curieux.  Ainsi 
l'administration  municipale  de  Genève  supprime,  faute  de  ressources, 
l'éclairage,  les  patrouilles  nocturnes,  les  réparations  aux  pavés,  aux 
fontaines,  à  la  maison  communale,  et  informe  l'administration  cen- 
trale du  département  qu'elle  n'a  pu  payer  aux  commissaires  de  police, 
aux  appariteurs  et  aux  employés  leur  traitement  mensuel  (avril  1799). 
Et  le  même  dénuement  persiste  jusqu'à  la  fin  de  l'Empire  :  pendant 
tout  cet  heureux  temps,  il  n'est  question  d'éclairage  public  que  pour 
les  illuminations  forcées  en  l'honneur  des  fêtes  impériales. 

Il  faut  louer  M.  Galiffe  du  commentaire  érudit  qui  accompagne  ses 
textes,  de  la  modération  dont  il  fait  preuve  dans  ses  jugements,  de  sa 
précision  et  de  son  exactitude.  Je  regrette  seulement,  comme  je  l'ai 
déjà  fait  pour  le  premier  volume,  que  la  langue  dont  il  se  sert  ait 


—  3;;n  - 


une  teinte  par  trop  genevoise  et  que  le  choix  des  lettres  ne  soit  pas 
plus  sévère  :  beaucoup  d'entre  elles  auraient  pu,  je  crois,  sans  que  le 
public  eût  à  les  regretter,  rester  dans  les  archives  de  la  famille 
Galiffe .  Emm.  de  Saint-Albin. 


BULLETIN 

Choix  de  prières,  d'après  les  manuscrits  du  neuvième  au  dix-septième 
siècle,  par  Li';o.\  Gautier.  Edition  populaire.  Paris,  Palmé,  1878,  ia-32  de 
xvi-a74  p.  —  Prix  :  2  fr. 

Nous  n'avons  qu'à  annoncer  celte  nouvelle  édition,  à  plus  bas  prix,  d'un 
ouvrage  que  la  plupart  de  nos  lecteurs  ont  depuis  longtemps  entre  les  mains. 
Fruit  de  l'alliance  de  la  piété  dans  le  choix,  et  de  la  science  dans  les  recher- 
ches, il  contraste  avec  beaucoup  d'ouvrages  du  même  genre.  Nous  avons 
ici  comme  la  quintessence  des  prières  dont  nos  pères  réchauiïaient  leurs 
âmes  aux  siècles  de  foi.  La  solidité  delà  doctrine,  l'inspiration  surnaturelle, 
la  naïveté  et  la  grâce  du  style,  un  suave  parfum  de  piété  en  sont  les  carac- 
tères essentiels.  L'esprit  s'y  repose;  le  ca:'ur  s'y  nourrit  et  s'y  console.  Ce 
recueil  embrasse  toutes  les  situations  et  toutes  les  circonstances  de  la  vie;  il 
donne  des  prières  pour  tous  les  actes  de  la  journée  chrétienne,  poui  tous  les 
jours  de  la  semaine,  pour  les  fêtes  de  l'année,  et  pour  tous  les  besoins  de  la 
vie  chrétienne,  il  est  terminé  par  les  textes  liturgiques  pour  la  messe  et  les 
vêpres.  L'indication  de  l'origine  est  presque  toujours  donnée.  R.  S. 

Les  Bienséances  sociales,  ou  traité  de  politesse,  par  le  R.  P.  Cuampkal', 
supérieur  de  Notre-Dame  de  Sainte-Croix,  i*  édition.  Paris,  Pahné,  1877, 
in-12  de  vii-244  p.  —  Prix  :  3  fr, 

La  politesse  n'est,  en  réalité,  que  l'application  des  préceptes  évangéliques 
dans  les  relations  avec  le  monde  :  elle  a  pour  base  le  respect  et  la  charité. 
Une  partie  des  règles  qu'elle  impose  est  générale  et  fixe;  l'autre  dépend  des 
usages.  Dans  cette  quatrième  édition  d'un  ouvrage  qui  remonte  au  moins  à 
18b8,  le  R.  P.  Champeau  aborde  en  même  temps  les  deux  aspects  de  la 
question  ;  son  livre  a  d'autant  plus  d'importance  et  d'attrait  qu'il  a,  tout  en- 
semble, le  mérite  d'un  ouvrage  de  morale,  d'une  étude  de  mœurs  et  l'utilité 
pratique  d'un  code  de  civilité.  Il  y  a  beaucoup  de  finesse  et  d'observation 
dans  le  tableau  des  défauts  à  éviter,  des  devoirs  à  pratiquer  envers  Dieu,  les 
supérieurs,  les  amis,  les  étrangers,  enfin  envers  soi-même  et  envers  le 
monde.  C'est  avec  intérêt  et  profit  qu'on  lira  cet  ouvrage.  V.  M. 

La  parole  est  à  «leanne  d'Are,  inspirée,  secondée,  condamnée,  glori^ 
fice^  canonisée.  Paris,  Féchoz,  1878,  in-i2  de  oO  p,  —  Prix  :  bO  cent.,  par 
la  poste,  60  cent,;  la  douzaine;,  4  fr,;  par  la  poste,  4  fr.  50. 

Voici  une  vraie  brochure  de  propagande,  vive,  alerte,  pleine  de  feu  et 
d'entrain.  L'auteur,  dont  malheureusement  il  ne  nous  est  pas  permis  de 
citer  le  nom,  a  voulu,  si  nous  osons  nous  servir  de  cette  expression,  tirer,  à 
tous  les  points  de  vue,  la  moralité  de  Jeanne  d'Arc,  mais  il  s'est  attaché  sur- 
tout au  point  de  vue  du  droit  national.  Il  nous  montre  l'héroïne  lorraine 
directement  chargée  par  Dieu  de  sauver  le  pays  en  le  ramenant  au  respect 
de  la  véritable  tradition  française.  Impossible  de  parcourir  les  éloquentes 
pages  de  cette  brochure  sans  se  sentir  plus  d'espérance  au  cœur,  plus  de 
confiance  dans  les  destinées  de  la  France.  H.  de  Charencev. 


—  ;3o7  — 

ï^a  Xarentalse  historique,  monumentale,  •pittoresque,  géologique, 
orographique,  avec  la  flore,  la  station  des  fiantes,  le  mois  où  elles  se  récol- 
tent, par  l'abbé  Pont,  chanoine.  Nouvelle  édition.  Paris,  Bray  et  Retaux, 
1878,  in-12  de  139  p.  —  Prix  :  2  fr. 

Le  titre  si  développé  de  ce  petit  livre  dit  à  peu  près  ce  qu'il  contient. 
C'est  un  guide  pour  les  touristes  qui  s'engagent  dans  cette  partie  si 
pittoresque  et  si  peu  fréquentée  de  la  Savoie  qu'on  appelle  la  Tarentaise.  11 
est  fait  par  un  écrivain  qui  connaît  et  aime  son  pays,  et  veut  le  faire  con- 
naître et  aimer.  Il  donne,  sur  chaque  centre  de  population,  les  détails  histo- 
riques que  lui  ont  fourni  les  auteurs,  et  sur  leur  situation  actuelle,  ce  qu'il 
a  pu  en  apprendre  par  lui-même.  Il  y  a  de  tout  :  à  côté  des  indications  pra- 
tiques pour  le  voyageur,  des  renseignements  historiques,  statistiques,  archéo- 
logiques, scientifiques,  commerciaux,  etc.,  etc.  Une  note  sur  l'origine  du 
gâteau  de  Savoie  à  côté  d'une  page  sur  le  passage  des  Alpes  par  Annibal. 
En-dehors  des  notices  consacrées  à  chaque  localité,  il  y  a  des  chapitres  spé- 
ciaux pour  l'orographie,  la  géologie  et  la  tlore.  V.  M. 


Madame    Elisabeth    devant   le    XplbunnI    révolutlonnaii*e 

(10  mars  1794),  par  Maxime  de  lv  Rocheterie.  Paris,  librairie  de  la  Société 
Bibliographique,  1878,  in-I8  de  3G  p.  —  Prix  :20  cent.  (.N"  18  des  Brochures 
sur  la  Révolution  française .) 

Parmi  les  victimes  illustres  de  la  Révolution  française,  nous  ne  croyons 
pas  qu'il  en  est  une  sur  laquelle  la  fureur  sanguinaire  eut  moins  de  raison  de 
s'assouvir  que  sur  Madame  Elisabeth.  L'  «  Ange  de  la  famille  royale,  » 
comme  on  l'appelait,  n'avait  contre  elle  que  sa  vertu  et  sa  qualité  de  sœur  de 
rinfortuné  Louis  XVI.  C'est  un  crime  sans  excuse.  Pour  montrer  tout  ce 
qu'il  a  d'odieux,  M.  de  la  Rocheterie  n'a  eu  qu'à  emprunter  aux  documents 
historiques,-  —  les  frais  de  mise  en  scène  seraient  ici  superflus,  —  quelques 
traits  sur  le  caractère  de  la  vertueuse  princesse,  sur  sa  comparution  devant  le 
Tribunal  révolutionnaire,  son  interrogatoire,  son  jugement,  sa  condamnation 
et  les  scènes  émouvantes  de  sou  exécution.  Voilà  des  pages  qu'il  faut  lire 
et  faire  lire.  R.  S. 


Fouquîer-Xînvîlle,  par  Louis  Teste.  Paris,  librairie  de  la  Société  Bi- 
bliographique, 1878,  in-i8  de  30  p.  —  Prix  :  20  cent.  (N°  17  des  Brochures 
sur  la  Révolution  française,) 

Après  la  sainte  victime,  voici  le  hideux  bourreau.  Ce  n'est  point  une  bio- 
graphie du  «  pourvoyeur  de  la  guillotine  »  que  nous  donne  M.  Teste  :  c'est 
un  portrait  d'après  nature,  dont  tous  les  trails  sont  empruntés  à  l'histoire. 
Quel  personnage  que  ce  fils  de  cultivaieur,  devenu  pr()cureur,  s'affublant 
d'une  particule,  tournant  des  vers  à  riionuenr  du  roi,  finissant  comme  accu- 
sateur public  du  Tribunal  criminel  révolutionnaire,  jusqu'à  ce  que  la  Révo- 
lution le  sacrifie  comme  les  autres.  Il  n'est  pas  d'imagination  assez  féconde 
pour  charger  un  homme  d'autant  de  crimes  que  ceux  dont  il  s'est  rendu 
coupable  pendant  les  dix-sept  mois  qu'il  exerça  ses  fonctions.  Il  plaisante 
avec  les  accusés,  que  disons-nous,  les  condamnés,  car,  pour  lui,  c'est  tout  un. 
Il  ne  respecte  ni  l'innocence,  ni  l'amitié  ;  il  accepte  de  l'argent  et  fait  con- 
damner ceux  dont  il  l'a  accepté.  Des  tètes,  de?  tètes,  il  ne  demande  que 


—  .3o8  — 

cela.  L'indignation,  laolère  vous  saisissent  en  iiiant  ces  pages.  Comment,  en 
pleine  civilisation,  de  tt^lsacte?  de  barbarie  ont-ils  pu  se  curamettre,  comment 
Ja  France  et  Paris  ont-ils  pu  subir  si  longtemps  le  joug  honteux?  Voilà  où 
l'ambition  conduit  les  hommes,  quand  la  religion  n'est  pas  là  pour  mettre 
un  frein  à  leurs  passions!  Voilà  ce  que  deviennent  la  migislrature  et  la 
justice  soumises  aux  caprices  du  premier  venu!  R.  S. 


Au-x.  /kntillee,  par  Victor  Weignan.  Ouvrage  enrichi  de  huit  gravures; 
par  Breton,  d'après  des  photographies  et  des  croquis  de  l'auteur.  Paris, 
Pion,  1878,  in-12  de  xvi-344  p.  —  Prix  :  4  fr. 

Ce  n'est  pas  seulement  en  simple  touriste  que  voyage  M.  Victor  Meianan, 
c'est  en  observateur  et  en  pliilosophe.  Il  admire  sans  doute  les  splendeurs 
de  la  nature,  et  il  décrit  avec  enthousiasme,  dans  un  style  attrayant,  les 
richesses  d»-s  forêts  vierges  et  les  féeries  des  nuits  tropicales  ;  mais  il  tient 
avant  tout  à  étudier  les  mœurs  du  pays  et  à  en  analyser  l'état  social.  De  ce 
travail  résultent  d'-s  conclusions  bien  tristes  pour  nos  deux  îles  de  la  Marti- 
nique et  de  la.  Guadeloupe,  ces  deux  derniers  débris  de  notre  riche  cou- 
ronne coloniale.  Les  réformes  irréiléchies  lie  la  première  et  de  la  seconde 
république  ont  porté  un  coup  mortel  à  la  prospérité  de  ces  belles  contrées, 
si  richement  douées  par  la  nature.  La  Convention,  en  supprimant  le  code 
noir,  cette  sage  et  humaine  réglementation  de  l'esclavage  par  nos  rois,  a 
amené  des  abus  qui  ont  conduit  les  législateurs  de  184S  à  abolir  brusque- 
ment l'esclavage  ;  et  celte  abolition  subite,  mal  étudiée  et  nullement  préparée, 
a  été  la  ruine  de  nos  colonies.  Aujourd'hui,  l'ancienne  organisation  du  travail 
a  été  remplacée  par  les  engagements  volontaire*,  qui  ne  soiit  qu'un  esclavage 
déguisé,  esclavage  même  sans  les  garanties  et  les  compensations  qu'assurait 
le  code  noir.  La  population  blanche  a  émigré;  la  population  noire  reste 
inactive;  tout  est  abandonné  à  la  population  de  couleur,  race  sans  moralité 
et  sans  principes,  la  pire  ennemie  de  la  France  dont  elle  ne  rêve  que  de 
secouer  la  domination,  dit  M.  xMeignan,  C'est  à  cette  race  que  le  suffrage 
universel  a  livré  l'avenir  de  nos  colonies;  les  blancs,  se  sentant  les  plus  fai- 
bles, s'abstiennent;  les  noirs  ne  votent  pas,  par  insouciance;  les  mulâtres 
seuls  prennent  part  au  vote,  et  l'on  a  vu  des  élections  faites  par  sept  voix. 
Or,  ce  que  devient  la  population  de  couleur  livrée  à  elle-même,  on  le  sait  : 
elle  retourne  forcément  au  noir;  ce  qu'elle  est  capable  de  faire  au  point  de 
vue  politique,  on  le  sait  aussi  par  ce  qui  se  passe  à  notre  ancienne  colonie 
de  Saint-Domingue.  Florissante  sous  le  gouvernement  de  la  France,  la  mal- 
heureuse île  est  devenue,  depuis  que  les  noirs  et  les  mulâtres  y  sont  maîtres, 
le  type  effrayant  de  l'anarchie  et  de  la  décadence.  Il  faut  lire  le  récit  de  ces 
misères  dans  le  livre  de  M.  Meignan  :  —  ce  fort  dont  la  porte  vermoulue  est 
renversée  d'un  coup  de  pied,  cette  armée  de  dix-neuf  mille  hommes  qui  ne 
compte  pas  moins  de  onze  mille  généraux, ces  rues  qui  sont  des  cloaques,etc. 
Y  a-t-il  pour  nos  colonies  un  moyen  d'éviter  de  pareils  désastres?  Oui,  dit 
M.  Meignan  ;  il  faut  réduire  la  race  de  couleur  à  l'état  d'infériorité  pour 
lequel  elle  est  née  et  dont  elle  n'eût  jamais  dû  sortir,  et  appliquer  le  ré- 
gime colonial  anglais.  Ces  réformes,  les  opérera-t-on,  et  la  troisième  répu- 
blique cherchera-t-elle  à  réparer  aux  Antilles  le  mal  fait  par  les  deux  pre- 
mières? Hélas!  qui  oserait  l'espérer?  M.  de  la  Rocheterie. 


—  359  — 

E^nrermé  dans  Paris.  «Tournai  du  siège,  du  9  septembre 
l»YO  au  «8  janvier  ISTl,  par  M.  N.  Sheppard.  Dijon,  impri- 
merie Darantière ;  Paris,  Dentu,   1877,  in- 12  de  411  p.   —  Prix  :  3  fr.  50. 

Ce  livre  viendrait  bien  tard  s'il  pai'aissait  avec  la  prétention  de  fournir  des 
détails  nouveaux  sur  le  siège  de  Paris  :  que  de  témoins  oculaires  ont  écrit 
leur  récit  !  Son  mérite  est  de  venir  d'un  étranger,  citoyen  de  la  grande  répu- 
blique américaine,  et  de  donner,  avec  une  franchise  un  peu  rude  quelque- 
fois, ses  appréciations  sur  nous  autres  Français  et  néo-républicains  :  ses  con- 
citoyens et  lui  nous  ont  témoigné  assez  de  sympathies,  par  leur  générosité  à 
cette  triste  et  douloureuse  époque  du  siège,  pour  que  la  liberté  de  son  lan- 
gage mérite  notre  indulgence.  Ce  sont,  à  tout  prendre,  de  fort  bonnes  leçons 
données  sous  la  forme  attrayante  d'un  journal  écrit  au  jour  le  jour.  Publié 
en  anglais,  l'ouvrage  a  été  traduit  par  une  étrangère  qui  manie  bien  noire 
langue,  et  s'abrite  sous  les  trois  lettres  M.  C.  B.  —  C'est  assez  dire  qu'il  ne 
faut  y  chercher  que  des  appréciations  ;  il  y  a  bien  quelques  faits  : 
M.  Gambetta  ayant  une  fi'ayeur  horrible  du  voyage  en  ballon  (99)  ; 
M.  Laboulaye  faisant  partie  d'un  cortège  de  Victor  Hugo  (40)  ;  des  traits 
piquants  sur  tous  les  grands  hommes  du  temps,  des  anecdotes,  des  dé- 
tails de  mœurs,  des  documents  comme  ceux  qui  font  connaître  le  prix 
des  denrées,  le  cours  de  la  Bourse  semaine  par  semaine,  etc.  Mais,  ce  qui 
fait  l'intérêt  principal  du  livre,  ce  sont  les  jugements  sur  la  France  et  ses 
institutions.  S.  M. 


Mer  de  L.adoue,  évêque  de  IVevers,  esquisse  biographique,  par 
M^'"ToLJiA  DE  Bordas,  prélat  de  la  Maison  de  Sa  Sainteté  Léon  XIH,  suivie 
du  résumé  des  conférences  centrales  de  Nevers  surle  libéralisme  catholique. 
Paris,  Tolra,  1878,  in-8  de  187  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Ami  intime  du  regretté  évêque  de  Nevers,  Msi"  Tolra  de  Bordas  a  pu,  mieux 

que  tout  autre,  faire  ressortir  ses  hautes  vertus,  son  humilité,  sa  charité,  sa 
fermeté,  son  zèle  pastoral,  son  amour  de  la  vérité.  Il  nous  raconte  les  pre- 
mières années  de  son  enfance;  ses  débuts  dais  le  sacerdoce,  son  passage  à 
Amiens,  où  il  est  appelé,  dès  l'âge  de  trente-deux  ans,  à  remplir  les  fonctions 
de  vicaire  général;  sa  retraite  ensuite;  ses  travaux  dans  la  solitude;  son  rôle 
au  concile;  son  avénementau  trône  épiscopal  de  Nevers.  L'auteur  s'arrête  sur- 
tout sur  le  rôle  que  joua  Ms^  de  Ladoue  depuis  1873  jusqu'à  sa  mort.  La  bio- 
graphie si  intéressante  du  prélat  est  accompagnée  d'un  appendice  contenant 
le  résumé  des  conférences  centrales  du  diocèse  de  Nevers  sur  le  libéralisme 
catholique.  Eugène  Menu. 


VARIÉTÉS 

l'exposition    de    la    BIBLIOTHÈQUE    NATIONALE 

Parmi  les  expositions  spéciales  organisées  à  l'occasion  de  l'Exposition  uni- 
verselle, l'une  des  plus  curieuses  et  en  même  temps  des  plus  instructives 
est  assurément  celle  de  la  Bibliothèque  nationale.  Elle  se  partage,  au  point 
de  vue  des  locaux  qui  y  ont  été  affectés,  en  trois  grandes  sections.  L'exposition 
géographique,  disf>osée  dans  l'ancienne  salle  dite  des  Globes  et  les  salles 
avoisinantes,  existe  depuis  le  Congrès  international  de  géographie  tenu  il  y 


—  3flO  — 

a  deux  ans.  L'exposition  dn  département  des  estampes  est,  depuis  plus 
longtemps  encore,  établie  d'une  façon  permanente  dans  la  salle  d'entrée  et 
la  galerie  de  travail  de  ce  déparlement.  L'exposition  du  département  des 
imprimés  a  été  réunie  ajuste  titre  à  celle  du  département  des  manuscrits, 
les  plus  anciens  imprimé?,  qui  sont  les  objets  dont  surtout  elle  se  compose, 
n'étant  que  la  reproduction,  aussi  exacte  que  possible,  des  manuscrits  de  la 
même  époque.  L'éminent  directeur  de  la  Bibliothèque,  M.  Léopold  Delisle,  a 
donné  personnellement  tous  ses  soins  à  cette  double  exposition,  assisté  de 
MM.  Micbelant  et  Wescher,  et  de  M.  Thierry-Poux.  Elle  est  établie  dans  la 
galerie  appelée  Galerie  Mazarine,  le  plus  important  morceau  qi:i  subsiste  du 
palais  du  cardinal  Mazarin,  Les  peintures  mythologiques  delà  voûte  sont 
l'œuvre  de  Romanelli. 

Le  centre  de  cette  galerie  est  occupé  par  le  Parnasse  français,  monument 
en  bronze  de  l'année  1718,  qu'Evrard  Titon  du  Tillet  fit  exécuter  par  le 
sculpteur  Louis  Garnier,  pour  honorer  la  mémoire  de  Louis  XIV  et  des  il- 
lustres poètes  et  musiciens  français. 

Les  objets  dont  se  compose  l'exposition  du  département  des  manuscrits 
peuvent  se  rattacher  à  onze  groupes  : 

i°  Origine  de  la  Bibliothèque.  Débris  des  collections  qu'avaient  formées, 
au  quatorzième  et  au  quinzième  siècle,  le  roi  Jean  et  les  princes  de  sa  fa- 
mille :  Charles  V,  Jean,  duc  de  Berry,  les  ducs  d'Orléans,  les  comtes   d'An- 
goulème  et  les  ducs  de  Bourgogne  (.irmoire  X); 
2°  Manuscrits  et  xylographes  orientaux  et  américains  (Armoire  XV)  ; 
.3»  Manuscrits  grecs  (Armoire  XVII)  ; 

4°  Paléographie  latine,  depuis  Tantiquité  jusqu'à  l'époque  carlovingienne 
(Armoire  XIU)  ; 

■)0  Paléographie  de  l'Ilalie,  de  l'Espagne,  de  l'Angleterre  et  de  l'Alle- 
magne, depuis  Charle;;  agne  jusqu'à  la  lin  du  moyen  âge  (Armoire  XII)  ; 

n»  Paléographie   de  la    France,    depuis    Charlemagne  jusqu'à  la  fin  du 
moyen  âge  (Armoire  XI)  ; 
7"  Peintures  des  manuscrits  (Armoire  XIX); 
8°  Manuscrits  des  rois  et  des  reines  de  France  (Armoire  XX)  ; 
9°  Reliure  des  manuscrits,  principalement  formées  d'ivoires,  de  plaques 
d'orfévz-erie,  etc.  (Vitrines  XXX  et  XXXI)  ; 
10"  Documents  divers  et  pièces  autographes  (Vitrines  XVI,  XVIII  et  XXXII); 
M°  Documents  diplomatiques  et  pièces  diverses  sur  papyrus  et  sur  par- 
chemin. Cadres  accrochés  au  mur  méridional  de  la  galerie  annexe. 

Dans  la  galerie  Mazarine,  les  armoires  et  les  vitrines  numérotées  X-XIII, 
XV-XX  et  XXI-XXXII  sont  consacrées  à  l'exposition  des  manuscrits  ;  le  com- 
plément de  cette  exposition  se  trouve  dans  la  galerie  de  bois,  dite  Galerie  des 
Charles,  qui  unit  les  anciens  bâtiments  du  palais  Mazarin  aux  nouvelles 
conslructioas  donnant  sur  la  rue  Richelieu. 

Parmi  les  objets  exposés  dans  les  diverses  armoires  ou  vitrines,  nous  si- 
gnali-rons  particulièrement  les  suivants  : 

Portrait  du  roi  Jean.  Peinture  sur  bois  du  quatorzième  siècle,  donnée  à  la 
Bibliothèque  par  Roger  de  Gaignières. 

Rouleau  contenant  le  plus  ancien  catalogue  de  la  librairie  du  Louvre.  Il  est 
intitulé  :  «  Cy  après  en  ces  rouliez  sunt  escrips  les  livres  de  très-souverain 
et  très-excellent  prince  Charles  le  quint  de  son  nom,  par  la  grâce  de  Dieu 
royde  France,  lesquielx  estoient  en  son  chastel  du  Louvre,  en  trois  cham- 
bres, l'une  sus  l'autre,  l'an  de  grâce  mil  CGC  soissante  et  treze,  enregistrés 
de  son  commandement  par  moy  Gilet  Malet.  »  (Chartes  de  Baluze,  n°  703,)  — 


—  361  — 

Un  estampage  de  la  dalle  tumulaire  de  (iille?  Malet,  premier  garde  de  la 
librairie  du  Louvre,  mort  en  janvier  1411,  se  voit  appendu  au  mur  de  la 
salle  qui  précède  la  galerie  Mazerine. 

Rational  des  divins  offices,  dont  le  frontispice  nous  offre  les  portraits  de 
Charles  V,  de  Jeanne  de  Bourbon  et  de  leurs  enfants. —  Au  bas  du  fol.  403,  note 
autographe  du  roi  Charles  V,  ainsi  conçue  :  «  Cest  livre  nommé  Rasional  des 
divins  offises,  est  à  nous  Charles  le  V«  de  notre  nom,  et  le  finies  tranlater, 
escrire  et  tout  parfere,  l'an  MCCCLXXIIII.  »  Porté  en  Angleterre  après  la 
mort  de  Charles  VI,  ce  manuscrit  fut  acheté  à  Londres  en  14il  par  Jean, 
comte  d'Angoulême.  (Français  437.) 

Divers  traités  de  dévotion.  Manuscrit  du  quatorzième  siècle,  à  la  fm  duquel 
les  deux  frères  Charles,  duc  d'Orléans,  et  Jem  le  Bon,  comte  d'Angoulême 
(1407-1467),  ont  mis  leurs  signatures.  (Français  180'2.) 

La  belle  Bible  historiée  de  Philippe  le  Hardi,  duc  de  Bourgogne.  Ce  vo- 
lume, que  le  mariage  d'Agnès  de  Bourgogne  fit  passer  de  la  librairie  de 
Bruges  dans  celle  de  Moulins,  renferme  pTus  de  o,000  tableaux,  qui  paraissent 
avoir  été  commencés  en  1401  par  les  enlumineurs  Polequin  Manuel  et  Jane- 
quin  Manuel.  (Français  167.) 

Les  Comédies  de  Térence,  avec  dessins  imités  de  l'antique.  Ce  manuscrit, 
du  neuvième  ou  du  dixième  siècle,  qui  fut  longtemps  conservé  dans  l'abbaye 
de  Saint-Denis,  est  relié  aux  armes  et  au  chiffre  de  Charles  IX.   (Latin  7899.) 

Commentaire  de  saint  Jérôme  sur  les  Psaumes.  Manuscrit  de  l'année  1488, 
exécuté  pour  Mathias  Corvin,  roi  de  Hongrie.  L'écriture  est  de  la  main  de 
«  Antonius  Sinibaldus  Florenlinus  ;  »  les  peintures  sont  signées  par  Atta- 
vante.  (Latin  16839.  De  la  bibliothèque  du  duc  de  La  Vallière.) 

Pontifical  de  l'église  de  Scherbourne,  connu  sous  le  nom  de  Pontifical  de 
saint  Dunstan.  Manuscrit  de  la  fin  du  dixième  siècle,  contenant  quelques 
morceaux  en  anglo-saxon  et  orné  de  dessins  au  trait.  (Latin  943.  De  la  bi- 
bliotbèque  d'Antoine  Faure.) 

Pontifical  d'Egbert,  archevêque  d'York.  Écriture  saxonne  du  dixième  ou 
du  onzième  siècle.  Il  y  a,  entre  les  feuillets  157  et  138,  une  formule  d'abso- 
lution en  anglo-saxon.  (Latin  10575.  De  la  bibliothèque  du  chapitre 
d'Évreux.) 

Polyptyque  de  l'abbé  Irminon,  contenant  l'état  des  biens  de  l'abbaye  de 
Saint-Germain  des  Prés  au  commencement  du  neuvième  siècle.  Document 
auquel  les  travaux  de  Benjamin  Guérard  ont  donné  une  grande  célébrité. 
(Latin  12832.) 

Lois  des  Wisigoths.  Écriture  wisigothique,  du  huitième  ou  du  neuvième 
siècle.  (Latin  4667.) 

Procès  des  Templiers  en  1309.  Manuscrit  original  sur  papier,  qui  avait  été 
déposé  au  trésor  de  Notre-Dame  de  Paris,  et  qui,  dans  les  temps  modernes,  a 
successivement  appartenu  au  président  Brisson,  à  l'avocat  général  Servin  et 
au  président  de  Harlay.  (Latin  11796.) 

Psautier  en  lettres  semi-onciales,  de  la  fin  du  huitième  siècle.  Les  invoca- 
tions qui  suivent  le  psautier  contiennent  la  mention  du  pape  Léon  III  et  de 
Charles,  roi  des  Francs  et  des  Lombards  et  patrice  des  Romains,  ce  qui  cor- 
respond à  la  période  comprise  entre  les  années  795  et  800.  (Latin  13159.  De 
la  bibliothèque  de  Harlay.) 

Procès  de  condamnation  et  procès  de  justification  de  Jeanne  d'Arc.  Exem- 
plaire du  quinzième  et  du  seizième  siècle,  ayant  fait  partie  de  la  biblio- 
thèque de  Claude  d'Urfé.  (Latin  8838.) 

Emblèmes  bibliques.  Manuscrit  exécuté  en  France,  au  treizième  siècle,  et 


—  362  — 

dont  chaque  page  est  ornée  de  huit  médaillons  renfermant  des  peintures. 
(Latin  lloCO.  De  la  bibliothèque  du  chancelier  Séguier.) 

Vie  de  saint  Louis,  par  le  confesseur  de  la  reine  Marguerite.  Volume  écrit 
au  quatorzième  siècle,  orné  de  beaucoup  de  peintures  et  ayant  fait  partie  de 
la  librairie  de  Charles  V.  (Français  o7i6.) 

La  Passion  et  Résurrection  de  Notre  Sauveur  et  Rédempteur  Jésus-Christ, 
ainsi  qu'elle  fut  jouée  en  Valenciennes,  en  l'an  1547.  Manuscrit  orné  de 
peintures  exécutées  par  Hubert  Cailleau.  (Français  12o36.  Acquis  en  1855.) 

Psautier  avec  peintures,  de  la  fin  du  douzième  siècle,  paraissant  avoir  été 
fait  dans  la  province  de  Cologne.  (Latin  17961.  De  la  bibliothèque  de  l'Ora- 
toire.) 

Evangéliaire  de  Charlemagne,  écrit  sur  parchemin  pourpré,  en  lettres 
onciales  d'or.  Il  a  été  exécuté,  en  l'année  781,  par  Gode-scalc.  Conservé  jus- 
qu'à la  Révolution  dans  l'abbaye  de  Saint-Sernin  de  Toulouse  ;  donné  par 
la  ville  de  Toulouse  à  Napoléon  1";  déposé  successivement  à  la  bibliothèque 
du  Louvre  et  au  Musée  des  Souverains;  attribué  en  1872  à  la  Bibliothèque 
Nationale.  (Nou?.  acq.  lat.  lO'JS.) 

Bible  latine,  offerte  à  Charles  le  Chauve  par  Vivien,  abbé  de  Saint-Martin 
de  Tours,  et  qui,  après  avoir  été  longtemps  conservée  au  trésor  de  la  cathédrale 
de  iMetz,  fut  olferle  à  Colbert,  en  1(575,  par  le  chapitre  de  cette  église.  Les 
bénédictins  ont  supposé  que  cette  bible  a  pu  être  faite  à  Saint-Martin  de 
Tours,  par  les  soins  d'Alcuin,  pour  Charlemagne,  et  que,  la  présentation  à 
Charlemagne  n'ayant  pas  eu  lieu,  le  livre  fut  offert  à  Charles  le  Chauve  par 
l'abbé  Vivien.  La  ressemblance  de  cette  Bible  avec  le  manuscrit  du  Musée 
britannique,  attribué  à  Alcuin,  donne  beaucoup  de  vraisemblance  à  la  con- 
jecture des  bénédictins.  (Latin  1.) 

Bible  de  Blanche  de  Castiile,  reine  de  France,  qui  la  donna  à  l'abbaye  de 
Saint-Victor  de  Paris.  Manuscrit  de  la  première  moitié  du  treizième  siècle. 
(Latin  14397.) 

Psautier  de  saint  Louis,  copié  et  peint  après  le  retour  de  la  première 
croisade.  En  tête  (fol.  A  v°),  on  lit  cette  note  :  «Cest  Psaultier  fu  saint  Loys, 
et  le  donna  la  royne  Jebanne  d'Evreux  au  roy  Charles  filz  du  roy  Jehan.  l'an 
de  Nostre  Seigneur  mil  troys  cens  soissante  et  nuef,  et  le  roi  Charles  présent 
filz  du  dit  roy  Charl-'s  le  donna  à  madame  Marie  de  France,  sa  fille,  reli- 
gieuse à  Poyssi,  le  jour  Snnt-Michel,  l'an  mil  IllI".  »  (Latin  10525.) 

Commémoration  et  avertissement  de  la  mort  de  la  reine  Anne  de  Bretagne, 
par  le  hérault  Bretaigne.  Exemplaire  exécuté  pour  Louise  de  Savoie.  (Fran- 
çais 5094.) 

Les  Campagnes  de  Louis  XIV.  Volume  se  rapportant  à  l'année  1676.  (Fran- 
çais 7892.) 

Heures  de  Louis  le  Grand  faites  dans  l'hôtel  royal  des  Invalides.  1 693.  (Latin 
9477.) 

Le  Livre  des  quatre  Évangiles,  copié  en  lettres  d'or  au  commencement  du 
onzième  siècle,  probablement  entre  les  années  1002  et  1014,  dans  une  église 
soumise  à  l'Empire.  Ce  beau  volume,  que  Charles  V  donna  à  la  Sainte-Cha- 
pelle en  1379,  y  était  connu  sous  le  nom  de  VApocalice,  L'un  des  plats,  exé- 
cuté à  la  fin  du  treizième  ou  au  commencement  du  quatorzième  siècle, 
représente  Jésus  en  croix,  et  a  conservé  une  partie  des  perles  et  des  pierres 
dont  il  était  orné  et  dont  nous  avons  les  détails  dans  un  inventaire  de 
l'année  1480.  L'autre  plat  offre  l'image  de  saint  Jean,  gravée  d'après  celle 
qui  est  peinte  à  l'intérieur  du  volume,  au  folio  115  v°.  L'exécution  du  second 
plat  date  du  règne  de  Charles  V;  la  donation  du  roi  y  est  rappelée  par  une 


—  363  — 

inscription  ainsi  conçue  :  «  Ce  livre  bailla  à  la  Sainte-Chapele  du  palais 
Charles  le  V'  de  ce  nom,  roi  de  France,  qui  fu  filz  du  roi  Jehan,  l'an  mil 
troiz  cens  LXXIX.  «  (I.atin  880 i.) 

Missel  de  l'abbaye  de  Saint-Denis,  avec  notation  musicale  en  neumes.  Écri- 
ture du  onzième  siècle.  Le  premier  plat  de  la  reliure  était  orné  d'une  repré- 
sentation du  crucifiement,  dont  il  ne  reste  plus  que  les  petites  statuettes  de 
la  sainte  Vierge  et  de  saint  Jean,  en  ivoire;  tout  autour,  sur  des  bandes  de 
métal  repoussé,  se  voient  les  bustes  de  plusieurs  patriarches  et  prophètes, 
les  symboles  des  évangélistes  et  deux  grands  séraphins;  la  plupart  des 
figures  sont  accompagnées  d'inscriptions;  les  bandes  de  métal  sont  bordées 
de  perles  et  de  pierres.  L'ensemble  de  celte  décoration  doit  remonter  au 
onzième  ou  douzième  siècle.  L'autre  plat,  refait  à  une  époque  moderne,  est 
recouvert  d'une  plaque  de  cuivre  du  quinzième  siècle,  sur  laquelle  est  gravée 
l'image  d'un  martyr,  en  pied.  (Latin  9i3fi.) 

Diptyque  consulaire  de  l'année  517.  Les  deux  feuilles  de  ce  dyptique,  sur 
lesquelles  sont  représentés  les  jeux  du  cirque,  ont  été,  au  moyen  âi;e,  em- 
ployées à  couvrir  le  catalogue  des  archevêques  de  Bourges.  Sur  le  revers  des 
plaques  d'ivoires,  plusieurs  mains  du  douzième  et  du  treizième  siècle  ont 
aussi  inscrit  les  noms  des  archevêques,  avec  la  durée  du  pontificat  de  chacun 
d'eux.  (Latin  0861.) 

Les  quatre  Évangiles,  en  lettres  onciales  d'argent,  sur  parchemin  pour- 
pré, du  onzième  siècle.  Les  plats  du  volume  sont  formés  de  plaques  d'ivoire 
très-anciennes,  peut-être  du  cinquième  siècle,  sur  lesquelles  sont  sculptées 
des  scènes  de  l'Évangile.  Ce  manuscrit  vient  de  l'église  de  S:unt-Lupicin 
(Jura,  arrondissement  et  canton  de  Saint-Claude),  où  il  était  connu  sous  le 
titre  de  l'Apocalyps-^  de  Saint-Lupicin.  Le  conseil  municipal  de  Laucone 
l'envoya  à  la  Bibliothèque  le  21  août  1794.  (Latin  9384.) 

Les  quatre  Évangiles,  à  l'usage  de  l'église  de  Metz.  Écriture  du  onzième 
siècle.  Ivoire  carlovingien,  sur  lequel  sont  sculptées  à  jour  trois  scènes  du 
Nouveau  Testament.  (Latin  9393.  Envoyé  de  Metz  à  la  Bibliothèque  en  1802.) 

Lettre  de  Jean,  sire  de  Joinville,  au  roi  Louis  X,  en  1315.  Sur  papier. 

Lettre  du  roi  Jean,  datée  de  Londres,  le  19  juillet  1337  ou  1358,  avec  la 
signature  autographe  du  roi. 

Lettre  du  roi  Charles  V,  pour  Henri  de  Colombières,  chevalier  normand. 
4  décembre  1364,  Signature  et  post-scriptum  autographe  du  roi. 

Quittance  de  Bertran  du  Guesclin,  datée  de  Pontorson,  le  23  novembre 
1374,  avec  signature  autographe. 

Quittance  d'Agnès  Sorel,  du  18  avril  1448,  avec  signature  autographe. 

Lettre  de  Marie  Stuart,  datée  de  Lislebourc,  le  26  octobre. 

Lettre  de  saint  François  de  Sales,  du  17  mai  1611. 

Quittance  de  saint  Vincent  de  Paul,  du  12  octobre  1634. 

Lettre  de  Henri  IV  au  duc  de  Sully.  (Français  4047,  —  Don  de  l'abbé  de 
Louvois.) 

Lettre  de  Malherbe  à  Peiresc.  (Français  9333.) 

Les  deux  premiers  actes  de  la  tragédie  d'Achille  ;  manuscrit  autographe 
de  La  Fontaine.  (Français  12704.  Volume  donné  en  1740  par  l'abbé 
d'Olivet.) 

Les  Pensées  de  Pascal,  manuscrit  original.  (Français  9202.) 

Premier  volume  des  Mémoires  du  Cardinal  de  Retz.  (Français  10323.) 

Sermons  de  Bossuet.  manuscrit  autographe.  (Français  12821.) 

Les  Aventures  de  Télémaque,  manuscrit  autographe  de  Fénelon.  (Fran- 
çais 14944.) 


-   Wi-  — 

Premier  volume  dos  Mémoires  de  Louis  XIV,  écrit  de  la  main  du  Roi. 
(Français  10329.) 

Lettre  de  Pierre  Corneille  à  M.  d'Argenson. 

Lettre  de  Thomas  Corneille, 

Quittance  de  Molière,  du  2ti  juin  1608. 

Lettre  de  Boileau  à  Racine. 

Lettre  de  Racine  à  Boileau. 

Lettre  de  Turenne  à  la  marquise  d'Uzès. 

Lettre  de  M»iede  Sévigné  ù  M"^  de  Grignan. 

Lettre  de  M™"  de  Maiiitenon  au  roi  d'Espagne, 

Lettre  de  La  Bruyère  à  Phelypeaux,  du  Ifi  juillet  1695. 

Partie  d'un  exemplaire  du  Livre  des  morts,  en  caractères  hiéroglyphiques, 
au  nom  del'Osiris  Amen-em-ua.  (Papyrus  égyptien  33.) 

Fragment  de  compte  relatif  à  un  deuil  de  Mnévis,  l'an  159  avant  Jésus- 
Christ,  (Supplément  grec  l'>96;  n°  3o  bis  au.  recueil  de  Letronne.) 

Notes  de  dépenses.  (Supplément  grec  59o;  n^  66  bis  du  recueil  de  Le- 
tronne,) 

Actes  d'ouverture  de  testaments  devant  le  magistrat  de  Ravenne.  Le  rou- 
leau de  papyrus  dont  ces  actes  ont  fait  partie  a  été  écrit  en  oo2. (Latin  8842. 
Acquis  en  1750.) 

Diplôme  du  roi  Cbildeberl  IH  pour  le  monastère  d'Argenteuil ,  3  avril  69G, 
(Latin  9007). 

Instructions  données  par  Charlemagne  aux  députés  qu'il  envoyait  en 
Italie.  785  .  (Latin  9008.) 

Traité  conclu  à  Arras,  le  21  septembre  1435,  entre  Charles  VII  et  Philippe 
le  Bon,  duc  de  Bjurgogne.  Exemplaire  original,  signé  et  scellé  par  les  am- 
bassadeurs du  roi  Charles  VU,  savoir  :  Charles,  duc  de  Bourbonnais;  le  con- 
nétable Artur,  comte  de  Richemont  ;  Louis  de  Bourbon,  comte  de  Vendôme; 
le  chancelier  Renaud  de  Chartre-,  archevêque  de  Reims;  Christophe  de  Har- 
court;  le  maréchal  Gilbert  de  La  Fayette;  Adam  de  Cambrai, premier  président 
du  Parlement;  Jean  Tudert,  doyen  de  Paris;  Guillaume  Charretier;  Etienne 
Moreau;  Jean  Chastenier  et  Robert  Mallière.  (Chartes  de  Colbert,  n»  203.) 

Original  du  traité  de  Cambrai,  conclu  entre  les  ambassadeurs  de  Fran- 
çois P""  et  ceux  de  l'empereur  Maximilien  et  de  Charles,  roi  d'Espagne. 
Aoiit  1510.  Signatures  et  sceaux  des  ambassadeurs.  (Chartes  de  Colbert, 
n»295,) 

Bulle  sur  papyrus,  du  pape  Silvestre  II,  pour  Théotard,  évêque  du  Puy, 
23  novembre  999,  Au  bas  est  une  signature  en  notes  tironienes,  qui  parait 
devoir  être  lue  :  «  Silvester  qui  et  Gerbertus  papa,  w  (Nouv.  acq.  lat,  2507. 
Acquis  en  1875.) 

B(i!b;  du  pape  Léon  IX  pour  l'abbaye  de  Brauveiler,  au  diocèse  de  Cologne, 
7  mai  1052.  Avec  la  bulle  du  pape.  (Collectiou  de  Lorraine,  vol,  981.) 

Lettre  dTanocent  III  relative  au  mariage  de  Baudouin  d'Avesnes  et  de  Mar- 
guerite de  Fl^.ndre.  20  février  1215.  Bulle  du  pape.  (Chartes  de  Colbert, 
no  406.) 

Constitutions  promulguées  par  Grégoire  X  au  concile  de  Lyon,  i"  no- 
vembre 1274.  Bulle  du  pape.  ((Chartes  de  Colbert.) 

Donation  faite  par  Alphonse  \I,  l'oi  de  Léon  et  de  Castille,  à  l'abbaye  de 
Cluni.  d'un  monastère  situé  en  Castille,  22  mai  1077.  (Chartes  de  Cluni, 
no  134.) 

Donation  de  l'église  de  Saint-Pancrace  en  Angleterre,  faite  à  l'abbaye  de 


—  :>(;;;  — 

Cluni  par  Guillaume  de  Varenne.  Au  bas  de  l'acte  sont  les  signes  de  (iuil- 
laume  le  Conquérant,  de  la  reine  Mathilde  et  de  Guillaume  leur  fils.  Vers 
l'année  1080.  (Chartes  de  Cluni,  Uo  121.) 

Lettre  adressée  par  le  doge  de  Venise  à  l'ambassadeur  de  la  République 
près  de  Charles  le  Téméraire,  au  sujet  des  affaires  de  l'Orient.  19  juillet  1473. 
Bulle  du  doge  en  plomb.  (Chartes  de  Colbert,  n°  695.) 

Pouvoirs  donnés  à  des  procureurs  par  Christiern,élu  roi  de  Danemark, pour 
traiter  de  son  mariage  avec  Isabelle,  nièce  de  l'empereur  Maximilien.  !•'  jan- 
vier 1514:.  Sceau  de  Christiern.  (Chartes  de  Colbert,  no  747.) 

L'exposition  de  la  Bibliothèque  a  donné  lieu  à  la  rédaction  de  plusieurs 
notices^  dont  deux  sont  sous  nos  yeux.  La  Notice  des  objets  exposés  du 
département  des  Estampes  est  l'œuvre  de  M.  le  vicomte  Henri  Delaborde 
(Paris,  Champion,  1878,  in-8  de  38  pages);  la  Notice  des  objets  exposés  du. 
déparlement  des  Manuscrits  est  due  à  M.  Léopold  Delisle  [Ibid.,  in-8  de 
78  pages).  M.  S. 


CHRONIQUE 


Nécrologie.  —  M.  William  Mac  Gockin,  baron  de  Sla.xe,  membre  de  l'Ias- 
titut,  est  mort  à  Paris  le  4  août.  Il  était  né  en  Irlande,  à  Belfast,  le  12  août 
1801, "et  avait  obtenu,  en  France,  des  lettres  de  grande  naturalisation.  Il  y 
vint  vers  1830,  et  suivit  h  Paris  le  cours  d'arabe  de  Sylvestre  de  Sacy,  dont 
il  devint  un  des  plus  habiles  élèves.  11  possédait  parfaitement  l'arabe  et  le 
turc  :  le  Mobacher  l'a  compté  parmi  ses  collaborateurs.  Il  a  été  interprète  à 
l'armée  d'Afrique,  après  une  mission  en  Algérie  et  à  Constantinople,  dont  il 
s'acquitta  en  1843-1845.  Il  était  professeur  de  langue  arabe  à  l'École  des 
langues  orientales  vivantes,  et  fut  chargé,  en  1849,  du  cours  de  turc  à  la 
même  école  ;  il  succéda  à  M.  Charles  Magnin  à  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres  en  1862.  Cliargé  du  catalogue  des  manuscrits  arabes  de  la 
Bibliothèque  nationale,  il  n'a  cessé  de  donner  des  preuves  de  son  vaste  sa- 
voir, et  l'on  peut  dire  qu'il  a  été  un  de  nos  premiers  arabisants.  Outre 
de  nombreux  articles  au  Journal  asiatique,  on  lui  doit  :  Notice  sur 
Cadama  et  ses  écrits  (Paris,  1862,  in-8,  pièce);  —  Divan  d'Amrolkaisy 
texte,  traduction  et  notes  (Paris,  1837,  in-4);  —  Description  de  V Afrique  sep- 
tentrionale par  El-Berri,  texte  et  traduction  parM.de  S.  (Paris,  1857-59,  2  vol. 
in-8);  —  Ibn-Batuta,  texte  arabe  de  l'Histoire  des  Berbères  (2  vol.  in-4,  Alger, 
1847-51)  ;  —  Voyages  dans  le  Soudan,  traduits  sur  les  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque nationale  (1843,  in-8);  —  Ibn-Khaldoun ,  Histoire  des  Berbères  ci  des 
dynasties  musulmanes  de  l'Afrique  septentrionale  (Alger,  1852-56,  4  vol.  in-8), 
(par  ordre  du  ministre  de  la  guerre)  ;  — Les  Prolégomènes  d' Ibn-Khaldoun,  tra- 
duits en  français  et  commentés  par  M.  de  S.,  publiés  dans  :  Notices  et  Extraits 
des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  (2  parties  in-4,  Paris,  1863-65)  ;  le 
texte  arabe,  publié  par  Quatremère,  a  été  soumis  à  de  nombreuses  cor- 
rections par  M.  de  S.;  ouvrage  hérissé  de  diflicultés.  —  Géographie 
d'Aboulféda,   texte  arabe  et  traduction  par  Reinaud  et  de  Slane  (1840-42, 


—  366  — 

in-4).  —  C'est  sous  sa  direction  encore  qu'ont  paru  :  la  traduction  d'/fcn- 
Deïthar,  par  le  D""  Leclercq;  Wopke,  Trois  Traités  sur  le  compas  parfait 
{Not.  etExtr.,  t.  XXII  et  XXIII)  ;  Ibn-Khallican,  Kitah  Wafayat  al-Aiyan 
(Vie  des  hommes  illustres  de  l'islamisme),  en  arabe,  publiée  d'après  les 
manuscrits  de  la  Bibliothèque^  la  traduction  a  paru  à  Paris,  1842-71,  en 
4  vol.  in-i,  pour  la  société  Oriental  translation  fund,  en  anglais).  —  Enfin, 
il  a  publié,  pour  l'Académie,  le  Recueil  des  historiens  des  a'oisades,  section  des 
historiens  orientaux,  t.  I'"'  (Paris,  1872,in-foI.,  texte,  et  Irad.;  t.  II,  2*  partie; 
t,  III,  dont  plus  de  la  moitié  est  tirée);  celte  publication  remonte,  pour  les 
premiers  soins,  à  Dom  Beithereau;  elle  a  été  continuée  par  Reinaud,  mais 
entièrement  l'eprise  par  M.  de  Siane. 

—  M.  Joseph-Héliodore-Sagesse- Vertu  Garcin  de  Tassy,  néàMai'seille  le  20jan- 
vier  I79i,  est  moi't  k  Paris  le  2  septembre.  Au  retour  d'une  mission  diploma- 
tique, il  vint  à  Paris,  en  1817,  pour  s'y  livrer  à  l'étude  des  lanoues  orientales 
sous  la  direction  de  Sylvestre  dn;  Sicy  ;  à  si  bonne  école,  il  acquit  une  connais- 
sance parfaite  de  l'Orient,  qui  a  été  l'objet  de  tous  ses  travaux.  11  était  très- 
recherché  de  tous  ceux  qui  s'occupent  de  l'Orient.  «  Dans  l'Inde  même,  on 
attachait  un  grand  prix  à  ses  jugements,  dit  M.  Laboulaye;  aussi  son  nom 
était-il  plus  populaire  là-bas  qu'en  France.  Les  journaux  indiens  reprodui- 
saient son  portrait,  et  chantaient  en  prose  et  en  vers  le  célèbre  critique 
d'Occident.  Chrétien  sincère  et  pratiquant^  tout  dévoué  k  la  religion  de  ses 
pères, il  est  mort  avec  autant  de  résignation  que  de  fermeté.  »  II  était,  depuis 
1836,  membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  où  il  avait  suc- 
cédé à  M.  deTalleyrand  ;  il  était  en  outre  professeur  d'hindoustani  à  l'École  des 
langues  orientales  vivantes,  fondateur  et  président  de  la  Société  asiatique  de 
Paris,  membre  de  la  Société  asiatique  de  Londres,  membre  du  conseil  de  la 
Société  académique  indo-chinoise,  etc.  , 

lia  écx'it  :  Les  Oiseaux  et  les  fleurs,  texte  arabe  et  trad.  (Paris,  1821,  in-8);  — 
Notice  sur  l'Akhlak-i-Muhsini [Paris,  1 837,  in-8) ;  —Grammaire persane,  traduite 
de  Jones  (1845,in-12); —  Los  Auteurs  hindoustanis  et  leurs  ouvr  âges  (Paris,  18o3, 
in-8};  —  Cours  d'hindoustani.  Discours  d'ouverture  (Revues  annuelles  de  cette 
littérature,  dont  l'une,  en  janvier  1871,  a  paru  à  Caen;  ces  revues  annuelles 
sont  le  répertoire  le  plus  précieux  et  le  plus  complet  de  l'Inde  moderne;  la 
première  a  paru  en  1833);  —  Les  Femmes  poètes  dans  l'Inde  [Paris,  1834,  in-8); 
—  Mémoire  sur  des  particularités  de  la  religion  musulmane  dans  l'Inde  {Pa- 
ris, 1831,  in-8);  —  Mémoire  sur  les  noms  propres  et  les  titres  musulmans 
(Paris,  1854,  in-8)  ;  —  Notice  des  biographies  originales  des  auteurs  qui  ont  écrit 
en  langue  indienne  ou  hindoustanie  (Paris,  1836,  in-8). —  11  a  traduit:  Abbas 
Khan  surwdni  Ahmâdi  :  Un  chapitre  de  l'histoire  de  l'Inde  musulmane  ^Paris, 
1863);  —  Miskin  mir  Abdullah,  Elegia  (Paris,  1845,  in-8)  ;  —  Mohammed  ben 
Pir  Ali  El-Berkevi,  Expositiofi  de  la  foi  musulmane  (Paris,  1822,  suivi  du 
Pend-Nameh,  de  Saadi;  —  Les  Animaux,  extrait  du  Tuhfat  .Ikhivan  TJssafa 
[Cadeau  des  frères  de  la  pureté),  traduit  d'après  la  version  hindoustanie  (Paris, 
186i,  in-8,  extrait  de  la  Revue  de  l'Orient,  des  colonies  et  de  V Algérie)  ;  — 
Chrestomathie  kindie  et  hindouie,  à  l'usage  des  élèves  de  l'École  des  langues 
orientales  vivantes  (Paris,  1849,  in-8);  —  Description  des  monuments  de  Delhi 
en  1832,  d'après  le  texte  hindoustani  de  Sagid  Ahmed  Khan  (Paris,  1861, 
in-8); —  Doctrines  et  devoirs  de  la  religion  musulmane,  tirés  du  Coran,  suivis 
de  VEucologe  musulman,  traduit  de  l'arabe  (Paris,  1827,  in-8;  2«  éd., 1840);  — 
Ristoire  de  la  littérature  hindouie  et  hindoustanie  (Paris,  1839-47,  2  vol.  in-8; 
t.  I".  Biographie  et  bibliographie;  t.  II.  Extraits  et  analyses;  2^  éd.,  3  vol. 
in-85  1871);—  La  Poésie  philosophique  et  religieuse  chez  les  Persans,  d'après  le 


—  367  — 

Nantie  uttair,  ou  le  langage  des  oiseaux  de  Farid-Uddin,  Attar  et  pour  servir 
d'introduction  à  cet  ouvrage  (Paris,  1856,  iii-8;  4«  éd.  1864,  gr.  in-8);  le  texte 
persan  publié  par  lui  (Paris,  18o7,  in-8);  —  Rudiments  de  la  langue  hindouie 
(Paris,  1847,  in-8);  —  Mémoire  sur  le  système  métrique  des  Arabes  appliqué  à 
Vhindoustani  (Paris,  1832,  in-8);  —  Chrest.  hindousla7iie  {Pa.Tis,  1847,  in-8); 
—  Manuel  de  Vaudileur  du  cours  d'hindousta7ii  {Paris,  1836,  in-8;  —  Les 
OEuvresde  Wfl?i',texte  hindoustani  ettrad.  (Paris,  1834-36, in-8);  —Rudiment 
de  la  langue  Mndoustanie,  à  l'usage  des  élèves  de  l'École  des  langues  orien- 
tales (Paris,  1"  édit.,  1829,  in-4;  2^  édit.  adaptée  aux  dialectes  indu  et 
dakhni,  Paris,  1863,  in-8);  —  Rhélorique  et  prosodie  des  langues  de  l'Orient 
musulman,  à  l'usage  des  élèves  de  l'École  des  langues  orientales  (Paris, 
1848,  in-8;  2«  éd.  1873,  in-8);  —  Science  des  religions.  L'Islamisme  d'après  le 
Coran^  l'enseignement  doctrinal  et  la  pratique  (3°  éd.,  Paris,  1874,  in-8);  — 
La  Doctrine  de  l'amour,  ou  Taj  ul-Muluk  et  Rakawali  (Paris,  1858,  in-8);  — 
Les  Avcntiaxs  de  Kamrup,  texte  hindoustani  ettrad.  (Paris,  1835-36, in-8);  — 
Bag-o-bahar  (le  Jardin  et  le  printemps),  roman  hindoust.,  traduit  en  français 
(Paris,  1878,  in-8). 

—  Mgr  Michel  HoRWATH,  évèque  inpartibus  de  Trébigne,  en  Bosnie,  est  mort 
à  Carlsbad,  le  19  août,  à  l'âge  de  soixante-neuf  ans.  Mgr  Horwath  était  né  le 
30  octobre  1809  à  Szentes.  En  1841,  le  gouvernement  autrichien  lui  avait 
confié  la  chaire  de  littérature  hongroise  au  gymnase  de  Marie-Thérèse,  à 
Vienne;  il  était  évéque  de  Czanad  et  membre  de  la  Chambre  haute,  après 
avoir  rempli  les  fonctions  d'aumônier  d'un  corps  des  troupes  impériales, 
lorsque  la  révolution  de  1848  vint  le  porter  au  ministère  des  cultes.  Après 
la  guerre  de  1866,  l'empire  autrichien,  réorganisé,  se  rouvrit  devant  lui; 
il  fut  ministre  de  la  justice  pour  la  Hongrie;  l'unanimité  des  suffrages 
l'avait  élu  au  Parlement  hongrois  de  1869.  —  Mgr  Horwath  avait  écrit,  en 
allemand,  une  Histoire  du  commerce  et  de  l'industrie  en  Hongrie  pendant  les 
trois  derniers  siècles  (1840,  Ofen);  —  une  Histoire  de  la  Hongrie,  en  hongrois 
Papa,  1842-1846,  (4  vol.),  traduite  en  allemand  en  18o0-18o2,  et  publiée  à 
Pesth;  —  Monumenta  Hungariw  historica  (1857  et  suiv.,  4  vol.  Pesth);  — 
Vingt-cinq  ans  de  l'histoire  de  Hongrie,  en  hongrois  (1863,  Genève,  2  vol.), 
puis  en  allemand  (1866,  Leipzig);  —  une  Histoire  de  l'indépendance  de  la 
Hongrie  en  1848-1849,  publiée  en  1865  (Genève,  3  vol.).  Mgr  Horwath  a  été 
le  collaborateur  de  M.  Le  Play  pour  l'intéressante  monographie  consacrée 
aux  lobajjy  ou  Paysans  à  corvées  des  plaines  de  la  Tlieiss,  dans  les  Ouvriers 
européens. 

—  M.  l'abbé  Guthll\,  chanoine  et  vicaire  général  d'Orléans,  a  été  en- 
levé subitement,  le  20  août,  au  château  de  Lacombe,  près  de  Grenoble. 
Avant  que  M?""  Dupanloup  l'attirât  dans  son  diocèse,  il  professait  la  philo- 
sophie au  collège  de  Colmar.  Au  moment  où  il  a  été  frappé,  il  réunissait 
des  documents  pour  écrire  la  vie  deM.  Hestch,  ancien  supérieur  du  petit 
séminaire  de  la  Chapelle,  et  préparait  un  ouvrage  important.  Il  avait 
déjà  publié  :  La  Pologne  et  la  diplomatie  (in-18,  1863,  Strasbourg);  —  La  Ré- 
ponse du  prince Gortschakoff  (in-18,  1863,  Strasbourg);  —  Le  Réveil  de  la 
Pologne  (in-18,  1863,  Paris);  —  Les  Doctrines  positivistes  en  France,  étude  sur 
les  œuvres  philosophiques  de  MM.  Littré,  Renan,  Taine,  About  (in-8,  1863, 
Paris),  ouvrage  qui  a  eu  de  nouvelles  éditions  en  1873. 

—  Le  R.  P.  Gabriel  Palatre,  né  à  Châteaugiron  (Hle-et- Vilaine),  le 
2  juillet  1830,  entré  dans  la  Compagnie  de  Jésus  le  27  septembre  1853, 
parti  pour  la  Chine  en  1863,  y  est  mort,  à  Chang-Hai,  le  13  août  1878.  U 
a  écrit  des  lettres  dans  les  Annales  de  la  propagation  de  la  foi,  t.  XLV, 


—  3(18  — 

p.  400-428;  —  dans  les  Annales  de  la  sainte-enfance,  18(m,  p.  !)2-100  et 
1867,  p.  3i-3o;  dans  les  Missions  catholiques,  i869,  p.  386,  393  et40b,et  1873, 
p.  14-19.  Il  a  publié  :  Le  Pèlerinage  de  Notre-Dame  Auxiliatrice  à  Zo-sè,  dans  le 
vicariat  apostolique  de  Nankin  (Chang-Hai,  imprimerie  de  la  Mission  catho- 
lique, à  l'orphelinat  de  Tou-sai-vai,  1873,  in-8,  xii-147  p.);  —  Relation  de  la 
mission  de  Nankin  confiée  aux  religieux  de  la  Compagnie  de  Jésus.  I  (1873- 
1874)  (Anonyme).  Chang-Hai,  imprimerie  de  la  Mission  catholique  à  l'or- 
phelinat de  Tou-sai-vai,  1875,  in-8,  x-133  p.  ■—  II.  (1874-1873).  Ibid.,  1876, 
in-8,  260  p. 

—  Le  R.  P.  Félix  Poirré,  né  à  Paris,  le  8  juillet  1837,  est  mort  à 
Lille,  le  20  août  1878.  Il  était  entré  dans  la  Compagnie  de  Jésus  le  l*''  oc- 
tobre 1863,  et  avait  professé  les  belles-lettres  et  la  rhétorique.  Il  a  écrit 
Sainte  Cécile,  dans  les  Études  religieuses,  IV'  série,  t.  II,  p.  620-641.  —  Les 
deux  orphelins.  Scène  contemporaine  en  un  acte  et  en  vers,  représentée  à 
l'école  libre  Saint-François-Xavier  (Vannes),  le  31  janvier  1869  (Vannes,  imp. 
Lamarzelle)  (Anonyme),  1869,  in-12,  29  p.);  —  insérée  dans  le  Messager  du 
Sacré-Cœur,  1869,  t.  XVI,  p.  9-23;  —  Saint  Pierre  chez  Néron.  Drame  en 
3  actes,  envers  (Vannes,  imp.  Galles,  1870,  in-8,  13  p.); —  Saint  Pierre 
aux  liens.  Drame  en  un  acte;  — dans  le  Messager  du  Sacré  Cœur,  1874, 
t.  XXVI,  p.  19-43;  —  La  Frivolité.  Discours  prononcé  le  2  août  1873  à  la 
distribution  des  pi'ix  du  collège  Saint-Joseph  de  Poitiers  (Poitiers,  Oudin, 
1873,  ia-8,  13p.);  —  Le  Concile  et  Virgini  pariturx,  insérés  dans  le  Mes- 
sager du  Sacré  Cœur  (1869,  p.  339,  363  et  1872,  t.  XXII,  p.  172. 173). 

—  Le  R.  P.  Régis  Terret,  né  à  Lyon,  le  28  juin  1824,  est  mort  à  Mar- 
seille, le  21  août  1878.11  entra  dans  la  Compagnie  de  Jésus,  le  13  mars 
1844,  et  passa  toute  sa  vie  dans  les  collèges.  Il  a  écrit:  Mes  élèves  en  Suisse, 
Vacances  de  1862  (Villefranchc,  imprimerie  de  Léon  Pinet,  in-8,  569.  p., 
lithographie);  —  derniers  jours  du  R.  P.  Charles  Rion,  mort  à  Mongré, 
le  Q  jui7i  1874.  (Anonyme,  Trévoux,  typogr.  Jeannin,  1874,  in-8,  23  p.). 

—  M,  Henri  Lot,  archiviste  aux  Archives  nationales,  est  mort  le  30  asTil 
dernier.  Il  était  né  à  Pai'is,  en  mai  1834.  Ses  humanités  terminées  au  lycée 
Saint-Louis,  il  avait  simultanément  suivi  les  cours  de  droit  et  ceux  de 
l'École  des  chartes.  Une  place  d'auxiliaire  lui  fut  donnée  aux  Archives  na- 
tionales, au  mois  de  mai  1860,  et  il  s'y  vit  attaché  à  la  section  judiciaire, 
qu'il  n'a  plus  quittée,  et  où  l'appelait  naturellement  sa  thèse  soutenue  à 
l'École  des  chartes  sur  V Histoire  et  l'organisation  du  greffe  du  Parlement  de 
Paris,  dont  un  fragment  a  été  publié  en  1863  :  Essai  sur  Vaulhenticiié  et  le 
caractère  officiel  des  0/i»i(in-12,Gay)  ; —  une  étude  biographique  consacrée  à 
son  grand-oncle,  le  Président  Berlhereau  (in-8,  1863),  suivit  de  près,  et,  deux 
ans  plus  tard,  une  brochure  sur  la  Liberté  de  la  presse  (anonyme  avec 
M.  J.  Guiffrey)  ;  signalons  aussi,  pour  cette  période,  une  série  d'articles  sur 
((  l'enseignement  populaire  »  publiée  dans  le  journal  VÉcole  pendant  le 
ministère  de  M.  Duruy. —  Guillaume  Dubreuil.  Les  Frais  de  Justice  au  quator- 
zième siècle,  et  le  Style  du  Parlement,  publié  peu  avant  sa  mort,  forment, 
pour  l'ancien  droit  français,  une  série  d'œuvres  qu'il  sera  longtemps  profi- 
table de  consulter.  La  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes,  la  Revue  historique 
et  la  Revue  critique  ont  reçu  les  meilleurs  de  ses  travaux  historiques,  sous 
forme  d'articles  séparés  de  critique.  M.  Henri  Lot  préparait  une  Correspon- 
dance de  Dumouriez,  et  un  recueil  de  Testaments  du  quatorzième  siècle. 

—  M.  le  D"^  Herman  Lebert,  né  à  Breslaw,  le  9  juin  1813,  vient  de 
mourir  dans  cette  ville  à  l'âge  de  soixante  ans.  Il  avait  fait  à  Berlin  ses  études 
classiques;  i!  fut  reçu  docteur  en  médecine  à  Zurich,  en  1834,  et  y  prit  pour 


à 


—  o6'c)  — 

sujet  de  thèse  les  Gmiianes  de  la  Suisse;  il  avait  suivi  ensuite  les  cliuiques 
des  hôpitaux  de  Paris.  En  1836,  il  était  médecin  à  Bex,  canton  de  Vaud 
(Suisse),  et  en  1838,  médecin  des  bains  de  Lavey.  11  avait  passé  tous  ses 
hivers  à  Paris,  depuis  1842.  en  coopération  d'étude  avec  les  praticiens  les  plus 
éminents.  11  fut  chargé  par  Orfila  d'aller,  avec  M.  Ch.  Robin,  recueillir  en 
Normandie  et  en  Bretagne  les  objets  d'histoire  naturelle  qui  font  aujour- 
d'hui partie  du  Musée  d'anatomie  comparée  de  la  faculté  de  médecine  de 
Paris;  il  obtint  l'autorisation  de  se  fixer  et  d'exercer  à  Paris;  il  accepta  ce- 
pendant, en  18o3,  les  places  de  professeur  de  clinique  méiiicale  de  l'Univer- 
sité de  Zurich  et  de  médecin  de  rhù;iital  cantonal;  enfin,  il  fut  appelé,  en 
1839,  aux  mêmes  titres,  à  Breslaw,  sa  ville  natale.  — M.  Leberi,  a  publié 
presque  tous  ses  travaux  dans  notre  langue.  Nous  devons  citer  :  Mémoires 
sur  les  eaux  minérales  de  Lavey  (1839-1842);  —  Mémoire  sur  la  formation  des 
organes,  de  la  circulation  et  du  sang  'avec M.  Prévost,  de  Genève);  —  Physio- 
logie pathologique  ou  recherches  cliniques  expérimentales  sur  V inflammation, 
la  tuherculisation  (Paris,  '1845,  2  vol.  in-8  avec  22  pi.);  —  Mémoires  sur  les 
maladies  des  os  que  l'on  observe  chez  les  scrofuleux  (couronné  par  l'Académie 
de  médecine);  —  Traité  pratique  des  maladies  scrofuleuses  et  tuberculeuses 
(1849,  in-8);  —  Traité  pratique  des  maladies  cancéreuses  (1831,  in-8);  — 
Traité  d'anatomie  pathologique  générale  et  spéciale  (1833-1860,  4  vol.  in-4,  dont 
2  vol  de  pi.  coloriées);  —  Mémoires  sut  les  maladies  des  vers  à  soie  (1839,  Zu- 
rich, in-8  avec  planches)  ;  —  Traitement  de  l'angine  couenneuse  par  la  glace, 
suivi  d'un  appendice  sur  le  meilleur  moyen  de  se  procurer  cette  substance  en 
toute  saison  (1873,  in-8,  Delahaye).  —  Les  deux  ouvrages  suivants  ont  été 
publiés  en  allemand  :  Mémoires  de  chirurgie  et  de  physiologie  (Berlin,  1848, 
in-8);  —  Manuel  de  médecine  pratique  (Tnbingue,  2  vol  in-8).  M.  Lebert, 
qui  était  membre  correspondant  de  l'Académie  des  sciences,  de-;  sociétés 
anatomique,  de  biologie,  de  chirurgie  médicale,  a  publié,  en-dehors  de 
leurs  recueils,  de  nombreuses  études  dans  \es  Annales  des  sciences  naturelles, 
dans  les  i4rc/ifre5  de  physiologie  de  J.  Muller,  dans  les  Archives  générales  de 
médecine  et  dans  le  Bulletin  de  la  Société  anatomique. 

—  M.  André-Alexandre  JàcoB,  connu  sous  le  nom  d'EnDAN'T.  vient  de  mourir 
à  Frascati  (Italie),  le  23  septembre.  Correspondant  des  journaux  le  Temps  et 
le  Siècle,  il  était  ancien  séminariste  et  a  retrouvé  à  ses  derniers  moments 
les  lumières  de  la  foi  avec  les  consolations  de  la  religion.  Né  à  Angles 
(Vienne),  il  avait  fait  ses  humanités  à  Poitiers,  passé  par  le  petit  séminaire 
de  Montmorillon  et  le  séminaire  de  Siint-Sulpice,  d'où  il  sortit  en  1848.  Il 
entra  aussitôt  dans  le  journalisme,  écrivit  dans  le  Temps,  l'Événement  dont  il 
fut  gérant  (1830),  le  Courrier  du  Dimanche,  la  Presse,  qu'il  quitta  avec 
M.  Neftzer,  lorsque  celui-ci  fonda  le  Temps,  et  où  ses  correspondances  ita- 
liennes étaient  remarquées  par  la  sûreté  de  leurs  informations,  leur  modé- 
ration et  l'impartialité  de  leurs  jugements.  Après  une  condamnation  que  lui 
valut  un  ouvrage  contraire  à  la  religion,  il  passa  en  Belgique  d'où  il  se  fit 
expulser,  en  Suisse  et  en  Italie,  où  il  est  mort.  Il  a  écrit  :  Petites  lettres  d'un 
républicain  rose  (1849);  —  le*  Révolutionnaires  de  l'A  B  C  (1854);  —  Lettres 
concernant  Hoéné  Wronski  (1834);  —  La  France  mystique,  ou  tableau  des  excen- 
tricités religieuses  de  ce  femps  (1832),  pour  lequel  il  fut  condamné,  et  dont  la 
première  édition  fut  imprimée  avec  une  application  partielle  de  son  système 
d'orthographe,  la  «  fonographie,  »  —  écriture  où  les  mots  sont  écrits  comme 
ils  sont  prononcés. 

—  Le  colonel  Guillaume  Rustow,  écrivain  militaire  allemand,  jadis  atta- 
ché avec  le  titre  de  chef  d'état-major  général  à  l'expédition  de  Garibaldi  en 

Octobre  1878.  T.  XXIII,  24. 


—  370  — 

Sicile  et  eu  Italie,  s'est  donné  volontairement  la  mort.  11  était  né  dans  le 
Brandebourg,  le  2o  mai  1821.  Soldat  à  dix-sept  ans,  officier  du  gt^nie  hu  1830, 
il  avait  été  poursuivi,  à  celte  dernière  date,  pour  un  écrit  publié  dans  sa 
langue  sur  V Organisation  militaire  allemande  avant  et  pendant  la  Révolution 
(1830,  Zurich).  Il  se  réfugia  en  Suisse,  y  professa  la  science  militaire,  et 
reçut  dans  la  petite  ville  de  Bauma,  piès  île  Zurich,  le  droit  de  cité;  là,  il 
fut  nommé  major  dans  l'état-major  du  génie.  Après  avoir  participé  à  l'ex- 
pédition contre  le  royaume  de  Naples,  en  18(51;  il  rentra  en  Suisse  et  s'oc- 
cupa de  ses  travaux  d'écrivain.  —  Il  a  |»ublié  :  Histoire  de  la  guerre  chez  les 
Grecs  (1852.  Afirau);  —  L'Armée  et  les  expéditions  de  César  (1832,  Gotha);  — 
Commentaire  de  l histoire  de  César  de  Napoléon  ] II  {\ii&l,  Stuttgart);  —  une 
collectioij  des  Écrivains  militaires  grecs,  avec  M.  Kœckly  (1 834-35,  2  vol. 
Zurich);  —  La  Guerre  de  1803,  en  Allemagne  et  en  Italie  (1834,  Frauenfeld); 

—  Première  cainpagne  de  Bonaparte  en  Italie  et  en  Allemagne  (1867,  Zurich); 

—  puis  une  série  de  relations  des  guerres  contemporaines  en  Russie,  en 
Italie,  en  Hongrie,  en  Danemark,  en  Allemagne;  —  Le  Commandement  mi- 
litaire au  quatorzième  siècle  (1837,  Zurich);  —  Histoire  de  l'infanterie  (1837- 
1858,  2  vol.);  —  Tactique  générale  (1838,  Zurich);  —  La  nouvelle  guerre  de 
places  (1860,  2  vol.  in-4,  Leipzig);  —  La  Guerre  italienne  (1871,  2  vol.  gr. 
in-8,  Zurich),  traduite  en  français,  par  Vivien  (1861,  iii-8,  Genève);  — 
L'Enseignement  de  la  petite  guerre  (1864,  gr.  in-8,  Zurich);  —  La  Guerre  de 
1866  (1867,  gr.  in-8,  Zurich);  —  La  Guerre  du  Rhin  de  1870  (1871,  gr.  in-8, 
Zurich),  traduite  en  français  par  Savin  de  Lasciause  (1873,  in-8);  —  des 
biographies  militaires,  et  un  Dictionnaire  de  Vo.rt  militaire  (1839,  in-8, 
2  vol). 

—  M.  DE  TouNENS,  ancien  avoué  à  Périgueux,  connu  sous  le  nom  d'Orllie- 
Antoine  I",  roi  d'Araucanie  et  de  Patagonie,  né  vers  1820  à  Thourgnac 
(Dordogne),  est  mort  au  mois  de  septembre,  à  Tourtoirac  (Doi dogue), 
sinon  avec  la  grandeur  d'un  roi,  au  m.uins  avec  la  foi  et  la  confiduce  d'un 
ch  étien.  Voyageur  en  Amérique,  il  acquit  une  grande  influence  sur  les 
Araucans  qui  le  nommèrent  roi.  11  les  or,:anisait  déjà  à  l'européenne,  lors- 
qu'il fut  renversé  de  son  trône,  jeté  en  prison,  puis  libéré  par  l'inierven- 
tion  française.  Il  a  raconté  ses  aventures  et  exposé  ses  druits  dans  un  grand 
nombre  de  brochures  et  de  conférences  :  Orllie-Antoine  I",  roi  d'Araucanie  et 
de  Patagonie,  so)i  avènement  au  trône  et  sa  captivité  au  Chili,  relation  écrite 
par  lui-même  (1863,  in-8),  Qi  àdiW?,  Historique;  appel  à  la  7iation  française,  par 
Orllie-Antoine  l*'"'  (1863,  in-8);  —  Manifeste  d' Orllie-Antoine  /",  roi  d'Arau- 
canie et  de  Patagonie  (1864,  in-8)  ;  —  Une  page  d'histoire;  Pétition  adressée  au 
Sénat  français  (1867,  in-8);  —  Orllie-Antoine  1^'',  roi  d'Araucanie  et  de Pata^ 
gonie.  Lettre  à  MM.  les  députés  français  par  M.  le  prince  de  Tounens  (1868, 
in-8);  —  Aujjeuple  français.  Retour  en  France  du  roi  d'Araucanie  et  de  Pata- 
gonie ou  Nouvelle- France.  Invention  de  neutralisation  des  projectiles  lancés  par 
des  armes  à  feu,  par  le  prince  O.-A.  de  Tounens,  roi  d' Araucanie  et  de  Pata- 
gonie (1871,  in-8,  Marseille),  et,  enfin.  Le  Royaume  d' Araucanie  et  leChili.  Mé- 
morandum de  S.  M.  Orllie-Antoine  P^,  sous  forme  de  lettre,  en  réponse  aux 
attaques  du  consul  général  du  Chili  à  Paris  i\8~3,  in-12,  Paris,  Lachaud). 

—  M.  Dabas,  ancien  professeur  de  littéralurr;  ancienne  à  la  faculté  des 
lettres  de  Bjrdeaux,  ancien  recteur  de  l'Académie  de  celte  ville,  a  été  enlevé 
par  une  mort  subite,  le  19  septembre,  à  Bordeaux.  Chrétien  fervent,  savant 
des  plus  distingués,  il  était  l'objel  des  sympathies  universelles  et.de  i'eiti[î:e 
la  mieux  justiliée.  Il  est  à  regretter  que  sa  modestie  l'ait  empêché  de  publier 
les  résultats  de  ses  profondes  études  sur  k  littérature  classique;  il  a  iniéré 


plusieurs  mémoirfs  dans  le  recueil  des  Actes  de  l'Académie  des  sciences,  belles- 
lettres  et  arts  de.  Bordeaux. 

—  M.  Joseph  Yves  Pageot,  né  au  Cnp,  à  Saint-Domingue,  en  1803,  qui  eut 
une  brillante  carrière  dans  la  diplomatie,  jusqu'à  ce  ^ue  U  Révolution 
de  février  18i8  lui  fit  Honn  r  sa  démis-ion  d'envoyé  extraordinaire  et  mi- 
nistre plénipotentiaire  à  Washington,  est  mort  à  Paris  le  1«'  août.  Il  a  écrit, 
durant  les  dernières  années  de  sa  vie  plusieurs  articles  fort  remarqués  daiis 
plusieurs  journaux,  notamment  dans  l'Union.  Il  laisse  une  correspondance 
diplomatique  que  l'on  dit  intéressante  et  où  l'on  pourra  trouver  des  documents 
sur  les  événements  et  les  négociations  auxquels  il  a  été  mêlé  en  Espagne, 
où  il  était  premi^^r  secrétaire  d'ambassade  sous  M.  de  Salvandy. 

—  M.  Clément  Laurier,  né  à  Sainte-Radegonde  (Indre-et-Loire),  le  3  fé- 
vrier 1832,  est  mort  subitement  à  Marseille  le  20  septembre.  Avocat,  ancien 
secrétaire  de  M.  Crémieux,  il  s'était  fait  sous  l'E'upire  une  réputation  dans  les 
procès  politiques  de  V^rmorel,  Baudin,  Victor  N^r  et  de  rinternaliouale.  Ce 
n'est  qu'au  4  septembre  qu'il  trouva  sa  place  dans  la  vie  politique  ;  il  fut  direc- 
teur du  ministère  de  l'intérieur  à  la  déléga  ion  de  Tours,  député  du  Var,  puis 
de  rimlre,  et  de  ra'liial  il  devint  conservateur.  Ou  lui  doit  un  ouvrage  inti- 
tulé :  De  la  liberté  de  l'argent  (1838). 

IxariTUT.  Académie  française.  —  L'Académie  a  renouvelé  son  bureau,  qui 
se  trouve  ainsi  composé  pour  le  dernier  trimestre  de  1878  :M.  John  Lemoine, 
directeur;  M.  Saint-Hené  Taillandier,  chancelier. 

Le  Congrès  géologique  international. — Pour  la  première  fois,  les  représen- 
tants les  plus  autorisés  de  la  science  de  laterre  se  réunissaient  pour  résoudre 
en  commun  quel  jues  questions  générales  qui  intéressent  au  plus  haut  degré 
le  progrès  de  leurs  études.  Le  congrès  a  surtout  porté  son  attention  sur  la 
nécessité  d'établir,  en  tous  pays,  une  uniformité  méthodique  dans  le  figuré 
des  cartes  géoloiiiques  et  dans  la  nomenclature  des  terrains.  Dans  une 
courte  session  (29  août  -  4  septembre],  des  problèmes  aussi  délicats 
peuvt-nt  seulemen!  être  préparés  :  c'est  déjà  beaucoup  de  les  avoir  bien 
posés  et  d'avoir  ébauché  la  tâche  des  commissions  internationales  qui  en 
poursuivront  la  solution.  Le  Congrès,  sur  la  prO(  osition  d'un  émiuent  géo- 
logue italieu.  M.  Capellini,  s'est  ajourné  à  Bologne  en  1881,  et  a  chaleu- 
reusement acclamé,  pour  [.résident  d'honneur  de  sa  future  ses-ion,  M.  Sella, 
ancien  ministre  des  travaux  publics  à  Rome.  Le  gonvernement  italien  et 
la  munie  palité  de  B  dogn^  ont  immédiatement  transmis,  par  télégrammes, 
les  promesses  les  plus  bienveillantes  de  patronage  et  de  concours.  Tout 
semble  donc  prés  iger  que  l'œuvre  commencée  à  Paris  en  1838  aura  d'heureuses 
conséquences  pour  le  progrès  de  la  science. 

Le  Congrès  provincial  des  orientalistes  a  Lyon.—  Les  Congrès  sont  si  nom- 
bre X  cette  année,  que  les  pages  du  Polybiblion  ne  suftiraient  pas  à  donner  une 
analyse,  même  somniairr-,  de  charun  d'eux.  Partout  dans  Paris,  au  Trocadéro, 
aux  Tuileries,  à  la  Société  d'Encouragement,  les  personnes  qui  s'occupent 
des  mêmes  études  profitent  de  l'Exposition  pour  se  réunir  et  traiter  en 
commun  les  questions  qui  les  intéressent.  Nous  ai  corderons  quelques 
lignes  à  un  congrès  qui  vient  d'avoir  lieu  en  province,  à  Lyon. 

Tous  les  arch'^ologues  et  les  artistes  ont  pu  vo  r,  dans  les  galeries  du  Troca- 
déro, les  mei veilles  rapporté^'S  [a.'  M.  Emile  Guimet,du  voyage-  scientifique 
qu'il  a  eut  repris  U  y  a  deux  an-,  sous  les  auspices  du  gouvernement  français, 
et  dans  lequel  il  a  particulièrement  étudié,  .u  point  de  vue  de  leur- doctrines 
religieuses  et  de  leurs  usages,  les  Indes,  la  Chine  et  le  Japon.  Mais,  ce   que 


—  372  — 

nous  trouvons  au  Trocadéro  n'est  qu'une  faible  partie  des  collections  que 
M.  Guimet  s'est  proposé  de  réunir  dans  un  musée  spécial  qu'il  a  fait 
construire  à  Lyon,  près  du  parc  de  la  Tête-d'Or.  Pensant  que  le  meilleur 
moyen  d'inaugurer  cette  fondation,  qui  doit  êlre  en  même  temps  le  centre 
d'une  école  orientale  pratique,  pour  laquelle  il  a  appelé  à  Lyon  des  jeunes 
gens  venus  de  diverses  conti'ées  de  rExtrême-Orient,  M.  Guimet  a  accepté 
d'organiser  dans  sa  ville  natale  le  troisième  congrès  provincial  des  orien- 
talistes, et,  malgré  les  nombreuses  difficultés  que  présentait  ce  projet,  nous 
devons  déclarer  qu'il  y  a  très-heureusement  réussi.  Afin  de  rendre  plus 
fructueux  les  résultats  de  cette  réunion,  les  questions  posées  étaient  peu 
nombreuses  et  se  rapportaient  pi'esqiie  toutes  à  l'étude  des  doctrines  reli- 
gieuses de  l'Orient.  Quelques  questions  pratiques,  commerciales  et  indus- 
trielles, avaient  été  joiutes  au  programme,  atin  de  permettre  aux  habitants 
de  Lyon  d'apporter  au  congrès  un  concours  efficace,  et,  de  ce  coté  aussi,  le 
succès  a  été  réel.  Un  assez  grand  nombre  de  négociants  lyonnais,  ayant 
parcouru  la  Chine  et  le  Japon,  ou  y  possédant  des  comptoirs,  ont  pris,  en 
même  temps  qu'un  délégué  du  gouvernement  chitiois,  M.  Cordier,  une  part 
active  k  ces  discussions.  Et  puis,  hàtons-nous  de  le  reconnaitre  avec  M.  Gui- 
met, en  Orient,  tout  se  rattache  aux  idées  religieuses,  et  lorsque  l'ont  voit 
les  Cliiuois  laisser  les  parasites  dévorer  les  larves  de  vers-à-soie,  il  faut  se 
rappeler  qu'en  agissant  autrement,  ils  craindraient  d'enfreindre  les  lois 
religieuses  qui  leur  défendent  d'ùter  la  vie  à  un  être  an^mé. 

Les  séances,  tenues  dans  la  grande  salle  de  l'hôtel  de  ville  de  Lyon,  ont 
été  successivement  consacrées  à  l'étude  des  dogmes  religieux  des  Égyptiens, 
des  Arabes,  de-:  Perses,  des  Assyriens,  des  Indous,  des  Japonais  et  des 
Chinois.  Une  grande  question,  qui  s'est  re[iroduite  sous  des  formes  diverses 
et  a  toujours  occupé  la  place  la  plus  importante  dans  toutes  les  discussions, 
est  celle  de  savoir  quelles  ont  été  à  différentes  époi|ues  et  quelles  sont 
encore  aujourd'hui  les  croyances  des  Orientaux  relativement  à  l'immortalité 
de  l'âme,  ou,  pour  parler  plus  exactement,  au  sort  réservé  à  l'homme  après 
sa  mort. 

WM.  Maspéi'o  et  Naville,  Guimet  et  le  baron  Textor  de  Ravisi;  M.CailIemer, 
doyen  de  la  faculté  de  droit;  M.  l'abbé  Guinand,  doyen  de  la  faculté  de 
théologie  ;  M.  le  grand-rabbin  Weinberg  ;  MM.  Cordier,  Hignard,  le  duc 
Lancia  «ie  Brolo,  R.  Cust,  l'abbé  de  Meissas,  du  Mazet,  le  Rév.  Long,  le 
comte  de  Mar-y,  M\I.  Bro-?ard,  Berhend,  Pélagaud,  labbé  Favre,  et  beau- 
coup d'autres,  dont  le  manque  d'espace  ne  nous  permet  pas  de  citer  les 
noms,  ont  pris,  ainsi  que  MM.  Picquet  et  Chantre,  secrétaires  du  Congrès, 
une  paît  active  à  ces  discussions.  En  même  temps,  les  jeunes  Japonais 
Imaidzoumi,  Tumii  et  Haurada,  et  les  Singhalais  da  Silva  et  Panditilèke  ont 
présenté  des  trtductions  de  textes  japonais  et  indiens  et  des  résumés 
originaux,  qui  laissent  entrevoir  dès  aujourd'hui  les  résultats  que  donnera 
dans  peu  d'années  l'utile  fondation  de  M  Guimet. 

Rien  n'avait  été  négligé  pour  rendre  aussi  attrayant  que  possible,  pour  les 
étrangers,  le  séjour  delà  ville  de  Lyon.  Dès  le  premier  jour,  M.  Guimet 
réunissait  dans  un  banquet,  à  sa  propriété  de  Neuville,  sur  les  bords  de  la 
Saône,  tous  les  membres  du  Congrès,  et,  les  jours  suivants,  les  soirées  étaient 
occupées  par  des  conférences  accompagnées  de  projections,  des  concerts  de 
musique  orientale,  et  aussi  par  ces  conférences  en  dessin  improvisées  par 
M.  Régamey,  l'artiste  de  talent,  compagnon  de  voyage  de  M.  Guimet,  qui  s'est 
acquis  dans  ce  genre  original  une  célébrité  bien  justifiée.  Des  visites  aux 
musées  de  Lyon  ont  achevé  d'employer  le  temps,  et  MM.  Maspéro  et  Naville 


—  373   — 

ont  su  notamment  donner  un  attrait  tout  particulier  à  la  matinée  consacrée 
à  la  visite  de  la  collection  égyptienne  du  Palais-des-Arts. 

Dans  deux  ans,  U  quatrième  congrès  se  réunira  à  Nancy,  et,  en  attendant 
celte  réunion,  la  plupart  des  membres  du  Congrès  ont  pris  la  route  de 
Florence,  pour  assister  au  congrès  international  des  orientalistes,  organisé 
dans  la  ville  des  Médicis,  sous  la  présidence  du  séuciteur  Amari. 

Assemblée  générale  de  la  Gœrres-Gesellschaft.—  La  GœrresGesellschaft, 
société  destinée  à  réveiller  et  à  répandre  la  vie  scientifique  dans  l'Alle- 
magne catholique,  a  t^nu  cette  année  sa  troisième  assemblée  générale  à 
Cologne,  If^s  27,  28  et  29  août.  Cette  société,  jenne  eni^ore,  et  s'inspirant  des 
mêmes  principes  que  la  Société  Bibliographique,  compte  aujourd'hui  au-delà 
de  2,000  meiiibres.  Elle  a  à  sa  tèt>;  !e  baron  von  Hertl  ng,  député  catholique 
au  Reichsta?.  Des  quatre  sections  que  doit  compter  la  société,  deux  sont 
c  instituées  depuis  le  début,  celle  de  philosophie  et  celle  de  droit  et  d'éco- 
nomie sociale.  La  section  historique  a  été  organisée  dans  la  session  actuelle, 
et  possédera  bientôt  comme  organe  une  revue  trimestrielle.  Quant  à  la 
quatrième  section,  celle  des  sciences  naturelles,  tout  fait  espérer  que  l'on 
aura  réuni  sous  peu  les  éléments  nécessaires  à  sa  création.  Une  messe  so- 
lennelle, célébrée  au  Dôme,  a  précédé  les  travaux  de  l'assemblée.  Immédia- 
tement après  la  cérémonie,  les  membres  se  sont  rendus  au  Pius-Bau,  à  l'effet 
d'entendre  la  lecture  des  différents  rapports  de  la  commission  administra- 
tive, ainsi  que  des  travaux  des  sections. 

Ces  rapports  constatent  l'état  prospère  de  la  société  et  l'extension  qu'elle 
prend  :  ils  mentionnent  spécialement  les  relations  qui  se  sont  engaçjées 
avec  la  Société  Bibliographique,  à  l'occasion  du  Congrès  international  du 
l"  juillet. 

Les  travaux  de  la  section  philosophique  ont  été  parliculièrement  actifs; 
plusieurs  discours  ont  été  prononcés,  entre  autres  par  le  baron  von  Hertling, 
sur  le  problème  de  la  matière;  cette  question  ardue  a  été  traitée  d'une  façon 
magistrale  par  le  savant  philosophe. 

La  section  des  études  juridiques  et  sociales  a  discuté  le  plan  d'un  dic- 
tionnaire complet  des  sciences  politiques  et  juridiques;  ce  dictionnaire, 
s'inspirant  des  principes  catholiques,  se  composerait  de  trois  volumes,  com- 
prenant chacun  huit  cents  pages  environ  de  texte,  et  serait  publié  sons  les 
auspices  de  la  société. 

Nous  avons  déjà  dit  que  la  section  historique  avait  été  constituée  dans 
cette  assemblée;  elle  a  appelé  à  la  présidence  le  D""  Janssen,de  Francf  rt. 

Outre  les  séances  de  sections,  la  Gœrres-Gesellschaft  a  tenu  deux  séances 
plénières.  Dans  l'une,  elle  a  entendu  un  travail  fort  instructif  du  D''  Heuffer 
sur  les  principaux  édifices  religieux  de  Cologne,  et  un  discours  du  D'  Mosler 
sur  la  littérature  dramatique  aux  débuts  de  l'ère  moderne;  dans  l'autre, 
M.  Haffner,  membre  du  chapitre  métropolitain  de  .Mayence,  a  esquissé,  dans 
une  brillante  causerie,  la  vie  et  les  doctrines  du  philosophe  de  l'identité, 
Schelling.  Dans  cette  même  séance,  le  président  a-  annoncé  que  la  société 
mettait  au  concours  pour  l'année  1881  une  nouvelle  question  :  «  L'histoire 
critique  de  l'école  de  Manchester  en  Allemagne.  »  Le  l^""  prix  sera  de 
1,500  marks,  le  second  de  800.  —  Ch.  D. 

Concours.  —  L'Académie  royale  des  sciences,  des  helles-lettres  et  des  beaux- 
arts  de  Belgique  met  au  concours  pour  1880  les  questions  suivantes  : 
Esquisser  à  grands  traits  l'histoire  littéraire  de  l'ancien  comté  de  Hainaut. 
Prix  :  600  francs.   —  Une  étude  sur  l'organisation  des  institutions  chari- 


—  374  — 

tables  en  Belgique  au  moyen  âge,  jusqu'au  commencement  du  quatorzième 
siècle.  On  adoptera,  comme  point  de  départ,  les  modifications  introduites 
dans  la  société  à  léioque  de  1  abolition   presque  générale  du  servage,   au 
douzième    et   au  treizième   siècle.     Les  auteurs  des   mémoires  feront  pré- 
céder leur  travail  d'une  introduction  traitant  sommairement  de  l'organisa- 
tion  de  la  charité  dans  les  temps  antérieurs.  Prix  :  600  fraacs.  —  Faire 
connaître  les  règles  de  la  poétique  et  de  la  versification   suivies  par  les 
Rederykers,   au   quinzième   et  au   seizième  siècle.  Prix  :  1,000    francs.  — 
Écrire  l'histoire   de  la  réunion   aux  Pays-Bas  des  provinces    fie  Gueldre, 
d'Utrecht,  de  Frise  et  de  Groningue.  Prix  :  1,000  francs.  —  Faire  l'histoire 
des  classes  rurales  de  la  Belgique  jusqu'à  la  fin  du  dix-septième  siècle. 
Étudier  leur  manière  de  vivre   et  déterminer  quelle  était  dans  les  cam- 
pagnes, la  constitution  de  la  famille  et  de  la  propriété.  Prix  :  1,000  francs. 
Lectures  faites  a  l'Académie  dks  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Dans 
les  séances  des  6  et  13  septembre,  M.  Victor  Duruy  a  continué  la  lecture  de 
son  travail  sur  l'empire  lomain  au  milieu  du  troisième  siècle. — Dans  la  séance 
du  6,  M.  Egger  a  fait  une  communication  au   sujet  d'un  volume  tissé  avec 
des  fils  de  soie  et  que  M.  Hcfuy,  de  l.yon,  a  présenté  à  1  Exposition.  M.  De- 
loclie.  fait  une  communi'  ation  au  sujet  «l'un  sou  royal  de  Da^iobert,  décou- 
vert à  Merton,  en  Angleterre.— Dms  la  séance  du  13,  M.  le  secrétaire  perpé- 
tuel a  donné  lecture  de  la   suite    du    mémoire  de  M.    Th.    H.    Martin    sur 
l'hypothèse  astronomique  de  Platon;  M.  de  Lnngpérier  a  lu  une  note  sur  le 
méreau  de  saint  Paul,  à  Saint-Den's  en  Fiance. —  D^ns  la  séance    du  20, 
M.  Curtius  a  sonmis  à  l'Académie  des  photugraphies  de  sculptures  trouvées 
dans  les  fouilles  d'Olympie;  M.   (icffroy  a  fait  une  communication   au  sujet 
du  recueil  des  inscrijition^doliaires  latinesentrepri>  par  M.  Charles  Des';emet, 
archiviste  Idbliotliécaire  de  l'École  française  de  Rome.  M.  Gei'main  a  lu  une 
notice  sur  Arnould  de  Verdale,  évêque  de  Maguelone,  destinée  à  servir  d'in- 
troduction à  l'édition  qu'il  prépare  de  la  chronique  de  cet  auteur. — Dans  la 
séance  du  27,  M.  Derenbourg  a  lu  une  note  sur  un  cachet  en  cristal  trouvé 
en  Mésopotamie  ;  M.  de  Saulcy  a  lu  une   note   sur  une  sterce  monétaire; 
M.  Halévy  a  commencé  la  lecture  d'un  mémoire  sur  l'hiérographie  assy- 
rienne. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  Dans 
la  se  nce  du  7  septembre,  M.  Giraud  a  achevé  la  lecture  du  mémoire  de 
M.  Thonissen  sur  le  droit  de  vengeance  dans  la  législation  mérovingienne  ; 
M.  le  baron  de  Czœrnig,  correspi-ndant,  a  lu  une  note  sur  l'emplacement 
d'une  ville  gauloise  mentionnée  par  Tite-Live,  dans  le  FriouL  —  Dans  les 
séances  des  7  et  21,  M.  Ch.  Vergéalu  la  suite  du  mémoire  deM.  duChâtellier 
sur  l'Église  pendant  la  Révolution.  —  Dans  la  -éance  du  14,  M  Ch.  Giraud  a 
lu  une  notice  sur  un  ouvrage  de  M.  Alex.  Eyssète,  consacré  à  la  jurispru- 
dence de  Pondichéry  en  matière  de  droit  indou  et  de  d'oit  musulman: 
M  Martha  a  lu  une  notice  de  M.  d'Olivecrona  sur  h  colonie  d'essai  de  Val 
d'Yèvre  et  la  théorie  de  l'amendement  de  l'enfant  par  la  terre  et  de  la  terre 
par  l'enfant  ;  M.  Vacherot  a  commencé  la  lecture  d'un  mémoire  de  M.  Magy 
sur  les  pouvoirs.  — Dans  la  séance  du  21,  M.  R.  Dareste  a  lu  un  mémoire  sur 
la  législation  et  la  pr"cédure  en  matière  criminelle  à  Athènes.  —  Dans  la 
séance  du  28,  M.  Geffroy  a  lu  une  note  bibliograph  que  sur  le  Corpus  juris 
Sueo-Gotorum  antiqui.  en  treize  volumes  que  pO'^sède  la  bibliothè  :ue  de 
l'Institut:  .M,  Ch.  Giraud  a  commencé  la  lecture  d'un  mémoiie  sur  les  é'.o- 
lutions  du  droit  civil  dms  la  Bretagne  armoricaine;  M.  Worms  a  lu  un  tra- 
vail sur  l'économie  politique  devant  les  congrès  de  la  p<<ix. 


—  378  — 

—  Le  Maréchal  de  Bellefonds  et  le  Père  Le  Valois.  —  Le  R.  P.  Sommer- 
vogel  a  naguère  raconté  la  noble  vie  du  maréchal  de  Bellefonds,  dans  un 
livre  des  plus  intéressants  consacré  à  deux  héros  {Comme  on  servait  au- 
trefois :  le  Marquis  de  Montcalm:  le  Maréchal  de  Be??e/bnds,  Paris, 1872,  in-18). 
Mais  bien  des  détails  lui  avaient  échappé,  «  qui  auraient,  sans  doute,  con- 
tribué à  faire  mieux  ressortir  la  haute  vertu  de  ce  courtisan  chrétien.  »  Par 
exemple,  au  nombre  des  plus  belles  qualités  de  Charles-Bernardin  de  Belle- 
fonds,  le  R.  P.  Sommervogel  avait,  faute  de  documents,  négligé  de  signaler 
sa  bienfaisance.  Il  a  heureusement  mis  la  main  sur  de  rares  plaquettes  qui 
lui  ont  permis  de  montrer  combien  fut  grande  la  charité  de  l'ami  de  Bossuet 
envers  les  malheureux.  Et  il  nous  donne,  dans  un  opuscule  extrait  des  AYuc^es 
religieuses  (gr.  in-8  de  25  p.),  d^s  détails  fort  curieux,  tant  sur  les  généro- 
sités particulières  du  maréchal,  que  sur  les  secours  donnés  aux  pauvres,  en 
France,  dans  la  seconde  moitié  du  dix- septième  siècle.  Il  a  retrouvé  aussi 
une  lettre  autographe  du  Père  Louis  Le  Valois  à  son  pénitent,  du  18  mai  1686, 
laquelle  fait  bien  saisir  la  nature  des  relations  qui  existèrent  entre  le  maré- 
chal et  le  religieux.  Autour  de  ce  document  inédit,  le  R.  P.  Sommervogel  a 
réuni,  soit  dans  le  texte,  soit  dans  les  notes  de  la  brochure,  un  grand  nombre 
de  renseignements  aussi  variés  qu'instructifs.  Il  est  piquant  de  voir  (p.  23, 
note  1),  un  membre  de  la  Compagnie  de  Jésus  faire  cadeau  à  la  France  pro- 
testante  du  nom  d'un  ministre  (M  Sion),  qui  manque  même  à  la  liste  des 
pasteurs  du  Hauphiné  donnée  par  M.  le  pasteur  Arnaud  dans  le  tome  XXII  de 
son  Histoire  des  prolestants  du  Daupliiné.  Relevons  cette  observation  de  la 
page  1 1  (note  6)  :  «  A  propos  de  cet  évêché  de  Saint-Pons  de  Tomières,  on 
peut,  une  fois  de  plus,  constater  les  inexactitudes  des  dictionnaires  histo- 
riques les  plus  répandus.  L'abbé  Glaire  ne  le  cite  pas  dans  son  Dictionnaire  des 
sciences  ecclésiastiques  Bouillet  ^t  rtezobry  disent  que  cet  évêché  a  été  supprimé 
en  1611,  tandis  qu'il  ne  l'a  été  qu'en  1760.  »  La  notice  du  R.  P.  Sommervogel 
serait  irréprochable  si,  trompé  par  notre  mauvaise  écriture,  il  n'avait  mal  lu 
quelques  lignes  que  nous-même  avons  eu  l'honneur  de  lui  communiquer,  et 
n'avait  plicé(p.  21,  note  2),  dans  les  Basses-Pyrénées  et  sur  une  petite  rivière 
qui  se  jette  dans  le  Gave  de  Pau,  la  ville  de  Trie,  qui  appartient  aux  Hautes- 
Pyrénées,  et  qu'arrose  une  rivière  qui  se  jette  dans  la  Garonne,  et  qui  porte 
le  même  nom  que  son  humble  rivale.  —  Quant  au  mot  de  M°°  de  Sévigué 
sur  Pellis«on  (p.  8,  note  3)  :  «  11  est  bien  laid,  mais  qu'on  le  dédouble,  et 
l'on  trouvera  une  belleâme,  »  nous  ne  croyons  pas,  malgré  l'autorité  de  la 
Nouvelle  biographie  générale,  que  la  spirituelle  marquise  l'ait  jamais  écrit, 
et  nous  nous  demandons  même  si  elle  l'ajamaisdit.  Ce  qui  est  plus  sûr,  c'est 
qu'elle  a  répété  l'épigramme  de  Guilleragnes  :  Pellisson  abuse  de  la  permission 
qu'ont  les  hommes  d'être  laids.  —  T.  de  L. 

Poésies  inédites  de  l'adtedr  des  Philippiqces.  —  M.  Jules  Delpit  possède, 
parmi  les  inappréciables  trésors  de  sa  bibliothèque,  un  recueil  excessivement 
curieux,  qu'il  vient  de  publier  sous  ce  titre  :  Poésies  inédites  de  F.  J .  de 
Chancel-Lagra7ige  {Par\s,  Ed.  Rouveire  ;  Sauveterre,  Chollet,  1878,  in-8  de 
79  p.).  Le  volume,  tiré  sur  fort  papier  à  474  exemplaires,  et  très-soigneuse- 
mentimprimé,  est  orné  d'un  beau  portrait  à  l'eau-forte  du  poète  périgourdin, 
œuvre  de  P.  Teyssonnières.  Le  savant  et  habile  éditeur  a  eu  raison  de  dire 
{Introduction,  p.  1  et  2)  que  la  verve  de  l'auteur  des  Philippiques,  deveuu 
septuagénaire,  n'était  pas  refroidie,  et  que  sa  muse  distillait  dans  sa  vieillesse 
contre  ses  ennemis  personnels  le  même  genre  de  fiel  qu'elle  avait  distillé 
dans  sa  jeunesse  contre  le  Régent.  Fraiçois-Joseph  de  Chancel,  seigneur  de 
Lagrange,  avait  soixante-neuf  ans,  en  1746,  quand  il  composa  ces  poésies  iné- 


—  376  — 

dites  contre  son  lils  Charles-François- Victor  de  Chancel,  seigneur  de  Nizor,  con- 
tre la  femme  de  son  fils  (Marie  Martin,  de  Nantiac,  près  de  Limoges),  et  enfin 
cootreles  magistrats  qui  avaient  refusé  d'invalider  le  contrat  de  mariage  signé 
malgré  l'autorité  paternelle.  O'i  lira  avec  un  grand  intérêt  les  sfiirituelles 
pages  tracées  d'une  plume  aussi  facile  qu'acérée  parle  seigneur  de  Lagrang'^, 
Antoniat  et  autres  lieux.  Si  quelques-unes  de  ces  pages  {Mémoires,  requêtes, 
placets,  etc.,  publiés  envers  dans  le  procès  en  nullité  de  contrat  de  mariage 
intenté  devant  le  Parlement  de  Bordeaux)  avaient  été  déjà  imprimées,  personne 
ne  connaissait  la  longue  pièce  intitulée  :  La  Lcmovicade  ou  le  mariage  de 
l'amour  et  de  la  pauvreté,  poème  héroïque  en  /y  chants,  avec  cette  épigra- 
phe :  Facit  indignatio  versum,  M.  Dvlpit,  à  la  suite  de  ce  poème  où  pétillent 
les  plusvives  saillies, où  flamboient  les  plus  terribles  épigrammes,a  reproduit, 
d'après  un  recueil  factice  de  la  bibliothèque  publique  de  Bordeaux  qui  lui 
H  été  indiqué  par  un  bibliojibile  dont  l'obligeance,  dit-il,  égale  le  savoir, 
M.  l'abbé  Louis  Bertrand,  une  pièce  de  vers  adressée  à  M.  de  Touruy, 
l'illustre  iotendant  de  Guyenne;  et,  d'après  les  autographes  conservés  aux 
Archives  départementales  de  la  Gironde,  des  lettres  en  prose  et  des  placets 
en  vers  adressés  au  ministre  des  finances,  et  au  Roi  lui-même  (ce  dernier 
morceau  est  particulièrement  remarquable),  pour  obtenir  le  dégrèvement  de 
quelques  impôls.  Tout  cela,  animé  par  une  verve  endiablée,  assaisonné  de 
notes  excellentes,  est  digne  de  l'attention  de  tous  les  bibliophiles. 

Du  reste,  Lagrange-Chancel  (je  demande  à  M.  Delpitla  permission  de  con- 
tinuer à  donner  au  poète  le  nom  qu'il  prenait  lui-même  dans  sa  signature, 
le  nom  sous  lequel  tout  le  monde  le  connaît  et  le  désigne)  a  du  bonheur  en 
ce  momemt.  M.  A.  Dujarric-Descombes,  quelques  semaines  seulement  avant 
l'apparition  des  Poésies  inédites,  a  donné  une  édition  meilleure  qu'aucune 
autre  des  Philippiques,  d'après  le  manuscrit  et  les  annotations  de  l'auteur, 
avec  une  attachuile  préface  (Périgui^ux,  Dupont,  in-i8),  et  il  promet  de 
publier  incessamment,  d'après  des  docnmms  inédits  et  autographes,  une 
étude  historique  et  littéraire  sur  Xa^an^e-C/iflnce^,  sa  vie,  ses  œuvres  et  son 
temps,  ouvrage  auquel  il  a,  dit-il,  cunsacré  de  longues  et  laborieu>es  recher- 
ches. D'un  autre  côté,  un  écrivain  de  beaucoup  de  goût  et  de  beaucoup  de 
talent,  M.  Gustave  Mouravif,  l'heureux  auteur  du  Livre,  prépare  une  publi- 
cation qui  ne  laisst-ra  plus  rien  à  dire  sur  a  poète,  lequel  restera  une  des 
physionomies  les  plus  originales  du  dix-huitième  siècle.— T.  de  L. 

Prix  payés  a  des  auteurs  pour  leurs  ouvrages.  —  Aux  informations  qu'on 
trouve  disséminées  en  divers  endroits,  sur  ce  point  curieux  de  Thistoire  litté- 
raire, nous  ajouterons  quelques  faits  q^^e  nous  fournit  le  catalogue  de  la 
belle  coiledion  d'autographes  de  M.  B.  Fillon  livrée  récemment  aux  enchères 
(juillet  1878). Un  catalogue  d'autographes  reste  fort  inconnu  du  gros  du  public; 
il  ne  circule  que  dans  un  cercle  d'amateurs  ;  les  détails  que  nous  relevons 
auront  ainsi  le  mérite  d'une  noufeauté  presque  complète.  Par  un  acte  en 
date  du  10  juillet  1811,  Delille  céda  à  l'éditeur  Michaud  le  droit  de  donner 
une  première  édition  du  poème  delà  Conversation,  ei  une  seconde  édition 
de  la  traduction  de  l'Enéide  et  du  poème  de  Y  Imagination,  moyennant  la 
somme  de  douze  mille  francs.  Un  traité  passé  avec  l'éditeur  Maradon  (5  mai 
1802)  constate  que  M""^  de  Staël  céda  le  roman  de  Delphine  au  prix  de  3,000 
francs.  En  1825,  le  libraire  Wurtz,  voulant  donner  une  édition  des  OEuvres  de 
Duplessis-Mornay,  s'adres-a  à  M.  Guizot,  filin  d'avoir  une  notice  biographi- 
quHsurcet  h  niime  d'État.  Le  futur  ministre  des  affaires  étrangères  répondit 
que,  si  cette  notice  ne  dépassait  pas  six  feuilles,  elle  devrait  lui  être  payée 
1,000  fr.,  et  1,300  fr.,  si  elle  arrivait  à  huit  feuilles, 


-  377  — 

Observons  d'ailieurè  que  le  catalogue  de  lavente  Fillon  est  très-digne  d'être 
recherché  ;  il  contient  des  fac-similé  nombreux  de  signatures  ou  de  passages 
autographes;  il  reproduit  tout  au  long  diverse?  lettres  fort  intéressantes  ;  il 
donne  des  extraits  de  bien  d'autres. 

Indiquiius  à  quels  prix  ont  été  adjugées  quelques  pièces  d'un  mérite 
spécial,  objet  de  luties  acharnées:  une  lettre  d'Améric  Vespuce  en  latin, 
Florence,  18  octobre  1476  (peut-être  unique  dans  les  collections  particu- 
lières), 2,600  fr.  Une  lettre  d'André  Chénier,  Londres,  24  novembre  1789 
(elles  sont,  d'une  rareté  excessive)  signée  :  Clienier  de  Saint-André,  700  fr. 
Rabelais  :  lelti'e  à  Geoffroy  d'Estissac,  évêque  de  Maillezais.  Rome,  28  janvier 
1536,  1.000  fr.  (publiée,  mais  d'une  façon  peu  exacte).  Une  lettre  de  Newton 
500  fr.  Une  lettre  du  Tasse  écrite  de  Ferrare  à  son  ami  G.  Vinelii  et  toute 
relative  à  la  Jérusalem  délivrée,  6U0  fr.  Trnis  lignes  avec  la  signature  de 
Cervantes,  600  fr.  Une  préface  de  Lope  de  Véga  pour  une  de  ses  comédies, 
399  fr. 

On  remarque  dans  le  catalogue  Fillon,  n°  1424,  une  lettre  delà  princesse 
Christine  de  Belgiojoso  (12  aoiît  1848)  qui,  se  fâchant  tout  rouge  contre  des 
journaux  français,  revendique  très-hautement  pour  les  meilleurs  patriotes 
milanais  d'avoir  mis  le  feu  à  quelques  palais  de  Milan.  Le  projet  de  brûler 
la  ville  était  arrêté  depuis  longtemps  ;  mais  il  ne  put  être  effectué  com- 
plètement, lorsque  les  Piémontai?  battus  à  Goito,  évacuèrent  la  capitale 
de  la  Lombardie;  quelques  jours  après,  ils  devaient  éprouver  de  nouvelles 
défaites  à  Novarre.  S'il  reste  de  Milan  autre  chose  qu'un  tas  de  cendres,  ce 
n'est  la  faute  ni  de  la  princesse  Belgiojoso,  ni  de  ses  amis.  On  n'avait  pas 
besoin  de  l'assertion  de  cette  dame  (aujourd'hui  plus  que  septuagénaire) 
pour  savoir  que  l'incendie  est  le  procédé  favori  du  parti  révolutionnaire; 
l'usage  l'autorise  :  Paris  en  sait  quelque  chose.  —  E.   D. 

Histoire  de  la  Bibliothèque  nationale.  — M.  E.  Mortreuil,  secrétaire  de  la 
Bibliothèque  nationale,  vient  de  publier,  à  la  librairie  Chauipion,  iine 
Notice  historique  intitulée  :  La  Bibliothèque  nationale,  son  origine  et  ses  ac- 
croissements jusqu'à  nos  jours  (in-8  de  174  p.).  Cette  notice,  comme  le  déclare 
l'auteur  dans  son  Avertisscmeiit,  s'apfmie  princi[»alement  sur  l'jEssai  publié 
en  1782,  par  Le  Prince,  et  dont  une  seconde  édition  avait  été  donnée,  en  1836, 
par  M.  Louis  Paris.  M.  Morlreuil  a  pu  enrichir  sa  notice  de  larges  emprunts 
faits  à  la  récente  putilication  de  M.  le  vicomte  Delaborde  sur  le  département 
des  Estampes,  et  surtout  au  savant  ouvrage  de  M.  Léopold  Delisle,  intitulé  : 
Le  Cabinet  des  Manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale.  Il  a  aussi  utilisé  les 
documents  conservés  dans  les  archives  «^e  la  Bibliothèque.  La  Notice  se 
termine  par  une  liste  des  Gardes,  directeurs  et  conservateurs  de  la  Bibliothèque, 
depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours. 

—  M.  Paul  de  Fleury,  archiviste  de  la  Charente,  prépare  une  publication, 
mise  en  souscription,  qui  serait  certainement  bien  accueillie  de  tous  les  tra- 
vailleurs. C'est  une  table  du  Gallia  Christiana,  donnant,  par  ordre  alpha- 
bétique, les  noms  des  abbayes,  avec  la  congrégation  et  le  diocèse  auxquels 
elles  appartenaient,  l'indication  du  volume  et  la  page.  Il  y  aura  deux  édi- 
tions :  une  in-folio  (5  fr.),  et  une  in-8  (3  fr,). 

—  M.  P.  M.  Baudoin,  d'Avallon,  prépare  une  Histoire  du  Protestantisme 
et  de  la  Ligue  en  Bourgogne.  Elle  paraîti'a  en  2  volumes  in-8,  terminés  par  des 
pièces  jiistilicatives  et  des  tabb  s  de  noms  ^t  de  lieux.  L'introduction  vient  de 
paraître  (Auxerre,  Vosgien  et  Thomas  1878,  in-8  de  lxxxiv  p.)  :  elle  donne 
un  résumé  de  l'histoire  de  l'étabiissement  du  protestantisme. 

—  M.   l'abbé    Charles   Bellet,  de  Tain,  commence   la  publication  d'une 


—  378  - 

Histoire  religieuse  du  Dauphiné  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'au  Concor- 
dat de  180i.'>t  ouvrage  aura  2  vol.  in-8  :  le  premier  d'>it  paraître  sous  peu. 

—  Parmi  li's  discours  de  distrihiitinns  de  prix,  il  nous  en  fSt  parvenu  un 
qui  métit'-  d'être  siLmalé,  mêineàrépo  ue  «le  la  rentrée,  parce  qu'il  restera 
comme  un  travail  d'hi-toire.  C'est  celui  qu'a  prononcé  M.  l'abt  é  Poquelle 
de,  F((lleriay,  à  la  di-tribution  des  prix  de  la  maîtrise  métropolitaine  de  Paris  : 
JSotice  historique  sur  VÉcole  épiscopale  de  Notre-Dame  de  Paris  (Paris,  de 
Soye,  d878,  iti-8  de  56  p.).  Après  un  historique  rapide  d-^  l'É  oie  de  Notre- 
Dame,  d'où  sont,  sorties  toutes  les  écoles  de  Parrs,  on  y  trouve  d'intéressantes 
éludes  sur  son  emplacement,  snn  notn,  ses  constitutions,  ses  usages  litur- 
giques, les  élu  les  le  costume,  les  maîtres  et  élèvts  célèbres. 

—  La  puh  icaiion  de  VIm^^ôt  du  sang,  ou  la  noblesse  de  France  sur  le  champ 
de  bataille,  s<'  poursuit  sous  la  dircion  de  M.  Louis  P.iri*.  Le  changement  d'é- 
diteur a  amené  un  retard  dont  l'activité  de  M.  H.  Champion  (le  nouvel  éiliteur, 
15,  quni Miiaipi  lis)  dédommiuera  ceriainement  les  souscri[(teurs.  Iln'a  encore 
donné  que  la  première  p  irtie  du  t.  III  (in-8  de  198  p.)  qui  comprend  les 
lettres  de  N  à  Q,  où  l'on  trouve,  parmi  les  noms  connus,  les  Noailles,  les 
d'Orléans,  les  Poli^^nac,  les  Quatrebarbes.  les  Quelen,  les  du  Quesne.  M.  Louis 
Paris  n'a  rien  ajouté  au  manuscrit  de  d'Huzif^r  :  nous  signalons,  à  la  page  182, 
un  nom  que  non*  croyons  mal  écrit  :  Puech  de  Coneiros,  qui  es-t,  croyons- 
nous.  Puecb  de  Conieiros. 

—  M  B.  de  Fouchères  achetait, il  y  a  peu  de  temps,  à  vil  prix,  chez  un 
broc^nteur,une  liasse  de  vieux  papiers.  Il  ne  fut  pas  neu  surpris  d  y  trouver 
la  correspondance  intime  de  Ms''  de  l'rilly,  mort  en  1860,  évêque  de  Cliàlons- 
sur-Marue,  avec  une  f  mille  amie.  Il  en  détache  aujourd  hui  -ix  lettres  [Six 
lettres  de  Mgr  M.  J.  F.  V.  Monycr  de  Pn'lly,  cvéque  de  Châlons-sur-Marne, 
tirées  d'un  cabinet  champenois  1823-1849.  Pans,  Jules  Martin,  successeur 
d'Aug.  Aubry;  Châl  ns-sur-.Varne,  imp.  T.  Martin,  1878,  in-18  de  27  p.), 
dont  il  a  fait  di-pa-aitre  tou  ce  qui  pourrait  donner  prétexte  à  une  indis- 
crétion :  elles  font  le  jiius  ^rand  lionneur  au  caractère,  à  l'esprit,  au  cœur 
et  au  jugement  du  vénérable  prélat. 

—  La  librairie  Didier  annonce  comme  étant  sous  presse  les  publications 
suivantes  :  Lettres  intiînes  de  Mlle  de  Coudé  à  M.  de  la  Gervaisais,  publiées 
avec  une  int  oduction  et  es  notes,  —  Camoens  et  les  Lusiades,paT  M.  Glovis 
Lamarre.  —  La  Duchesse  d' Aiguillon,  nièce  du  cardinal  Richelieu,  par  M.  Bon- 
neau  Avenant;  — Réminiscences  :  Souvenirs  d'Angleterre,  par  M°'  Craven. 

Publications  nouvelles.  —  Manuel  pour  le  choix  d'un  état  de  vie,  par  le 
P.  Auguste  Oamanet  (in-18,  Casterman).  —  Les  Enseignements  de  Notre-Dame 
de  Lourdes,  par  l'ybbé  Ginestet  (t.  I,  in-18,  Palmé)  —  Le  Travail^  sa  dignité 
et  ses  droits,  pir  J.  A.  de  Conny  (iri-12,  Pous-ielgiie).  —  Le  Téléphone^  le 
microphone  et  le  phonographe,  par  le  comte  du  Moncel  (in  18,  H  ichette).  — 
Lettres  de  Mademoiselle  Aïssé  à  Madame  Calandrini,  avec  préface,  par  A. 
Piedagnel  (in-12,  Lit.r.  des  Bildiophiles).  —  Valérie,  par  M'"^  de  Krûdener 
(in-8,  U'iantm).  —  L'Llée  de  Jean  Téterol,  par  V.  Cherbuliez  (m-18,  Hachette). 

—  Mond".  et  solitude,  par  M'"  Jenny  Maria  (in-18,  Reichel).  —  Fables  com- 
plètes, ytav  \e  marq'ns  de  Ségiir  (iu-18,  Bray  et  R  taux).  —  Petite  histoire 
a-ncienne  des  peuples  de  rOrient,  par  Van  den  B  rg  (in-12,  Hicheite).  —  Saint 
Julien  et  les  origines  de  l'Église  du  Mans,  par  1'  .bué  de  Meis^as  (in-8,  Sauton). 

—  Histoire  de  la  guerre  de  Trente  uns,  par  E.  Chai  veriat  (2  vol  m-8,  Pion).  — 
Lord  Palmerstun,  par  Ans.  Craven  (in-8.  D.dier^.  —  Léopold  I"  et  Léopold  II, 
rois  des  Belges,  leur  vie  et  leur  régne,  par  Th.  Juste  (in-8,  Bruxelles,  C.  M.i- 
quardt).  —  CoJistantinople,  par  Ed.  de  Amicis  (in-18,  Hachette). 

ViSENOT. 


379  — 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS 

Bévues    historiques.    —    A 

l'époque  des  premiers  troubles  de 
l'Ouest,  l'émotion  fut  grande  à  An- 
gers, et,  parmi  les  innombrables  im- 
j. rimes  de  circonstance,  parut  la 
relation  d'une  prétendue  assemblée 
des  femmes  an-evines.  tenue  le  6  fé- 
vriei-  1789  dans  la  grande  salle  de 
l'hôtel  Liberias;  1h  vote  de  c-tte  as- 
se  bl^e  se  résume  ^n  cette  phrase 
fonore  :  «  Nous  pé  irons  plutôt  que 
d'ab  I  iidonner  nos  amants  nos  époux, 
nos  fils  tt  nos  fières,  i  référant  la 
gloire  d--  partager  leurs  dangers  à  la 
sécuiité  'l'une  honteuse  inaction,  » 

Il  -uffi  de  lire  les  ruims  des  oratrices 
pour  savoir  à  <|Uoi  s'en  tenir  sur  le 
séiieux  de  ce'  Oi'uscule;  c'vs'  M°*Kc5- 
publica  qui,  la  première,  prend  la  pa- 
role ;  M""  t'rœcipitatio  r-'pond:  maî- 
tresse Proverbia  répViq^ae:  Prudcniia, 
la  vieiil-'  Timor  et  M""  Fmna  s'élan- 
cent tour  à  tour  à  la  tribune. 

Cetie  f  cétie  est  citée  par  de 
graves  écrivnins  comm  ■  relatmt  un 
fait  rpel,  comme  un  ti-moignage  au- 
then  ique  du  patriotism  •  des  feuimes 
angevines. 

Llleest  pompeusement  mentionnée 
par  F.  Huau  Granaville  dans  son 
Introduction  au  Moniteur  universel 
(édit.in-fol.,p.  207;  m-4,t.I.  p.  o41)  ; 
M.  Amédée  Rénf-e,  le  continua  eur 
de  Y  Histoire  des  Français  'eSismon  li, 
mentionne  cet  arrêté  fameux  X-  XXX, 
p.  441)  ;  ce  qu  il  y  a  d^  plusétrang-, 
cestque  M.  B  >r  ^i^'r-l.angll)i-,  auteur 
dïAngers  sous  le  régime  révolution- 
naire lare^arHe  comme  un  document 
P'isitif,  u  I  pacte  sacrp.  Redite  par  de 
prêt  nius  historieris q  .i  copient  l^^urs 
devanciers  cette  f  ble  s'est  imposée 
comme  article  de  foi;  person'l^-  n'a 
pris  la  p  in^^  de  remonter  au  texte  on- 
ginal,  dont  la  bouffonn-r  e  saut^  mix 
yeux.  V.  ir,  enfin  autres,  la  kyrielle 
de  pioverbi^s  que  détùte  \l^'*  Prover- 
bia  :  n  II  ne  faut  pas  dormi  les  U"S 
sans  les  autres;  le  meilleur  moyen 
de  ne  pas  se  quitter  est  d'aller  e  i- 
semble;  réflAc  ir  chez  les  f.  inmes  est 
le  moyen  de  mal  dgir;  il  ne  faut  pas 


tant  de  be  irre  pour  faire  un  quar- 
teron   »  etc. 

M.  F.  Grille,  biblo  héca  re  de  la 
ville  d'Ani^ers,  écrivain  féconde  <  ri- 
ginal,  a  signalé  cette  étrange  bévue 
dans  nn^"  let  re  a  ressée  au  bitilio- 
graphe  Qu^^rar  i,  et  imp  iraée  à  An- 
fiers  en  1845.  chez  Cosnier  et  La- 
chaise  (in-8,  14  l'ages). 

N'y  a-t-il  pas  nomlire  de  so'tises 
pareilles  'tans  es  écrits  des  histor  ens 
qui  ont  ce  ébré  les  gloir  s  de  la  Re- 
vo'u  ion?  Ne  serait-il  pas  cuiieux 
deu  relever  quelju.  s  unes?  A.  M. 

Camille  Selden.  —  Un  pseu- 
donyme    à     découvrir.     —    U 

existe  divers  ouvrages  publiés  dans 
les  dernières  années  du  second  em- 
pire avec  lasignat'ire  :  Camille  Selden 
(Esprit  des  femmes  de  notre  temps; 
portraits  de  femmes,  etc.).  C'e-t  sans 
doute  un  psiui'  nyme;  il  ne  igure 
p. s  dans  la  seconde  édition  des  5m- 
percheries  littéraires  de  Qu^rard,  pu- 
bliée par  MM.  P.  Jannet  et  G.  Brunet, 
ouvra;:e  fort  utile  ^t  fort  intéressant, 
mais  qui  ,  résente  de  nombreuses  li- 
cun  s  Que  lu'un  l'O  rr  lit-ii  nous 
faire  c  nnaitre  le  vé  itable  n  m  de 
t  amille  Selden?  F.  B. 

Frédéric  A.ugustel^r,petit- 
nis    de    Louis    X.IV.    —   On    lit 

dans  les  Souvenirs  et  Mélanges  de 
M.  le  comte  d'Haussonville  (p,  209), 
que  Frédéric-Angu-te  I*"-,  roi  d»-  Saxe, 
était,  <omue  Louis  XVllI,  petit-fils  de 
Louis  XIV,  et  que,  par  ce  motif,  il 
trouva  dans  le  eprésentant  de  la 
France  au  congrès  e  Vienne  un  dé- 
fens- ur  de  ses  mtérèts?  Comment 
étaldir  sa  descendance  du  grand  Roi, 

Comte   DE  LA  S. 

La  Ciguë  employée  comme 
instrument   de    supplice.    — 

A  quHJle  époqu-^  l'usage  de  la  ciguë 
pour  donner  la  uiort  aux  C'odamnés 
>'in  rodni  it  il  à  Athènes?  Q  and 
est-c  que  l'emploi  de  ce  poison  fut 
abandonné?  tonnait  -  on  que'que 
autre  p  rsonn  ge  que  So  rate,  qui  ait 
p  ri  de  cette  ma  ièr  ?  La  >•  guë 
était-elle  également  en  u^age  d.ins 
d'auues  cites  grecques  ?         V.  D. 


-    380 


Jleucly-Dugoui*.  — Homme  de 

lettres  et  libraire  à  Paris.  Jeudy- 
Dugour,  né  en  Auvergne,  fil  ses 
é  udes  à  Riom  chez  les  <>r.itorieas  et 
devint  professeur  d«  belleslelt'Bs  au 
collège  des  doctrinaires  de  la  Flèche. 
Lors  de  la  mise  en  jugement  de 
Louis  XVI,  Judy  prit  la  défense  de 
ce  malheiireux  roi,  dans  un  M/moire 
en  réponse  à  l'acte  d'accusation  qui  lui 
avait  été  lu  le  i\  décembre  1*92 
(Pa  is,  1793,  in-8.)  Après  le  9  Ther- 
midor, il  publia  nne  Hisloire  de 
Cromwell  où  il  démontrait  l'inconsé- 
quetice  dfs  communes  d'Angleterre 
qui,  au  moment  où  elif^s  pouvaient 
établir  leur  indépendance,  se  lais- 
sèrent as-ervir  en  substituant  au  des- 
potisme de  la  royauté  celui  du  pro- 
tec'orat.  Enfin,  lors  de  la  création 
des  écoles  (  entrales,  il  fut  nommé 
professeur  d'histoire  près  de  l'école 
du  département  du  Puy-de-Dôme  ; 
mais, ayant  acquis  vers  la  même  épo- 
que le  fonds  du  1  braire  Cuchet,  il 
n'accepa  pas  cette  cliaire  et  alla  se 
fixer  à  Paris,  où  il  publia  comme 
éditeur  un  grand  nombre  d'ouvrages, 
entre  autres  le  tome  X  du  Cours  com- 
plet d'agriculture  de  l'abbé  Rozier 
(1800,  in-4). 

Pourrait-on  me  donner  des  ren- 
seignements bioiïraphi ijues  sur  cet 
écrivaia  et  m'indiquer  surtout  les 
lieux  et  les  dates  de  sa  naissance  et 
de  sa  mort?  A.  V. 

tl'ingénieur   Génuyt    —  Ne 

ser<jit-il  ras  possible  de  savoir  de 
quelle  province  était  originaire  Gé- 
niiytjingénieur  du  roi,  qui  construisit, 
vers  1641,  plusieurs  ponts  dans  la 
province  d'Auvergne?  Appartenait-il 
à  la  famille  Sinet  de  Génnyt?  N'é- 
tait-il pns  Champeaois?  Existe-t-il 
enrore  en  France  des  f.imilles  de  ce 
nom?  DocTROvÉE. 

Un  livre  de  «Iules    'Vallèn. 

Le  catalogue  des  livres  et  des  auto- 
graphes formant  la  bibliothèque  de 
M.  Poulet-M^ilassis  indique  une  let- 
tre de  Jule-  Vallès,  dans  laquelle  il 
annonce  qu'il  travaille  à  un--  Histoire 
des  journées  de  juin  :  «  J'y  travai  le 
avec  passion,  et  j'espère  venger  les 
vaincus.  »  Cet  ouvrage  a-t-ii  paru? 
S.  G. 


RÉPONSES 

Le    Pays   d'Andorre    (XXII, 

384).  —Voir  sur  le  pays  d'Andorre  : 
La  Vallée  d'Ariège  et  la  république 
d'Andorre,  par  Michel  Chevalier 
(dans  la  Revue  des  Deux  Mondes, 
1"  décembre  1837).  —  Notice  sur 
l'Andorre,  par  Rocssillox,  ancien 
viguier  d'Andorre.  —  De  l'Andorre. 
(Anonyme,  1828  in-8).  —  Lettre  d'un 
voyageur  écossais  sur  l'histoire  d'An- 
dorre (  Anonyme,  Gazette  littéraire, 
2  octobre  1830,  t.  II,  p.  11-29).— 
Ariège,  Andorre  et  Catalogne,  guide 
historique,  pittoresque  et  descriptif 
aux  bains  d'Ussat  et  d'Ax,  par  L. 
BoucoiRAN  (Paris,  Giraud,  18b4,  in-8). 
F.  E. 

—  On  peut  aussi  consulter  un 
manuscrit  mis  à  la  disposition  du 
public  à  l'Exposition  universelle, 
section  de  la  République  d'Andorre, 
et  faisant  connaître  le  mode  d'admi- 
nistration du  pays.  B. 

Sur  le  prieuré  de  Cassan 
(XXIII.  94).  —  Le  prieuré  de  Cassan, 
dont  parle  Tallemant  des  Réaux, 
était  un  bénéfice  simple,  dépendant 
de  l'église  de  Béziers.  Il  est  question 
du  prieuré  royal  de  Notre-Dame  de 
Cassan  [Beala  Maria  de  Cassiano.  de 
Carsano  de  Cazano,  de  Caisano)  dans 
le  Gallia  christiana,  t.  VI,  inst.,  c.  151 , 
417.  Le  nécrologe  de  ce  prieuré, 
manuscrit  du  treizième  siècle,  est 
conservé  aux  archives  de  Roujan; 
c'est  de  cette  commune  (arro  idisse- 
mentde  Pézénas)  que  dépend  aujour- 
d'hui Cassan.  J.  C. 

Une  épigramme  dirigée 
contre  IVapoléon  (XXII.  470j.  — 
VAcanthologie  par  Fayolle  (Paris, 
1817)  cite  l'épigramme  sans  don- 
ner le  nom  de  l'auteur.  On  trouve, 
dans  ce  petit  livre,  dix-huit  épi- 
grammes  contre  «  Biionaparte.»  Qua- 
tre sont  signées  par  Lebrun,  une 
par  Guichard,  et  une  par  Parceval 
Deschênes,  A.  B. 

lllentez,  mentez,  il  en  res- 
tera toujours  quelque  chose 

(XXII,  478).  —  On  d^-mande  où  et 
sous  quelle  forme  Voltaire  a  dit 
quelque  chose  qui  puisse  passer 
pour  l'original  du  mot  traditionnel  : 
«  Meotez,  mentez;  il  en  restera  tou- 
jours quelque  chose.  » 


—  381  — 


Le  voici,  je  crois;  et  quoique  ce 
ne  doive  plus  être  une  nouveauté  à 
riieure  qu'il  est,  à  cause  de  tout  ce 
qui  a  été  cité  de  Vollaire  dans  ces 
derniers  lemps,  je  vous  l'envoie  ad 
abundantiam  juris.  C'est  dans  sa 
lettre  du  21  octobre  1736,  à  Tliériot, 
à  propos  de  la  mauvaise  comédie  de 
V Enfant  prodigue,  qu'il  tenait  abso- 
lument à  faire  démentir,  conime  on 
le  voit  par  plusieurs  autres  lettres 
du  même  volume  (t.  LU  de  l'édition 
Beuchot;  celle-ci  s'y  trouve  p.  426). 

«  Le  men-onge  n'est  un  vice  que 
quand  il  fait  du  mal;  c'est  une  très- 
grande  vertu  quand  il  f^iit  du  tien. 
Soyez  donc  plus  vertueux  que  jamais. 
Il  faut  mt'niir  comme  un  diab  e,  non 
pas  timidement,  non  pas  pour  un 
temps,  mais  hardiment  et  toujours.» 
Suivent  des  recommandations  spé- 
ciales pour  chacun  de  ses  amis  :  le 
tout  ainsi  conclu  :  «  Mentez,  mes 
amis,  mentez  ;  je  vous  le  rendrai 
dans  ^occa^ion.  »  L.  B. 

Un  ouvrage  peu  connu 
du   théosoplie   fi^aint-Martin 

(XXIIl,  288).  —  Le  p-ème  du  Cro- 
codile se  trouve  dans  les  bibliothèques 
bien  montées.  M.  T.  G.  le  trouvera 
facilement  à  P.iris,  où  on  pourra  le 
mettre  à  sa  di  positi(jn,  sins  donner 
ici  des  infurmdtiûfis  qui  intéresse- 
raient peu.  M. 

I*ouvoîr  temporel  des  Pa- 
pes (XXIIl,  286).  —  On  peut  con- 
sulter :  De  la  puissance  temporelle  des 
Papes,  par  J.  Ga  inet,  avocat.  Paris, 
Béchet,  mars  1818,  in-8.  —  Les  vrais 
principes  de  l'Église  catholique  touchant 
l'autorité  du  Pape,  pai  F.  J.  Cadart, 
chanoine  de  CI  âulns-sur-Ma  ne.  Châ- 
lons-sur-Marne,Bouiez-Lambert,l834, 
in-8. 

Collections  sur  la  Révo- 
lution française  (XXIII,  287K  — 
La  bibliothèque  La  Bédoyère,  conte- 
nant les  bibliothèques  Deschiens, 
Maurice,  et  une  foule  d'autres  riches- 
ses, a  été  achetée,  à  la  mort  de  M.  de 
la  Bédoyère,  par  la  bibliothèque  na- 
tionale. L.  DE  P- 

Sixte  IV  et  les  Pazzi  (XXIII 

287). — Dans  les  Négociations  diploma- 
tiques de  la  France  avec  la  Toscane,  pu- 
bliées en  1839  par  MM.  Canostrini  et 
Desjardins  {Collect.  des  documents  inc- 


dilssur  l'histoirede  France),  il  y  a,  p.  1 69 
et  suivantes,  un  certain  nombre  de 
pièces  importantes  qui  s-e  rattachent 
à  la  conjur.uion  desPazzi.  —  J'ai  vu 
à  Rome  les  dé|.ê  hes  de  la  légation 
d'Alamanno  Rinuccini  (1475-1  i76) 
qui  sont  insérées  dans  Memorie  di 
casa  Rinuccini,  publiés  à  Florence  en 
1844  ;  il  s'y  trouve  des  renseigne- 
ments sur  la  conspiration.  —  Fa- 
broni,  à  la  s  àte  de  sa  Vita  Laurentii 
de  Medicis,  a  donné  des  Monumenta 
parmi  lesquels  plusiemsse  rappor- 
tent à  cet  épis  ide. —  En  18o6,  on  a 
publié  à  Florence  un  petit  volume 
in-12  :  Congiura  de'  Pazzi  da  Agnolo 
Polizi^no.  On  a  tra  luit  en  italien  le 
tex  e  lat  n  de  Poliz  ano.  Mais  il  y  a 
des  notes  de  Bonucci  qui  contiennent 
plusieu'  s  documents  importants,  dont 
un  est  à  rpprocher  a'une  huile  de 
Sixte  IV  qui  est  dans  le  t.  IV  du 
Codex  Ilalix  diplomaticus  d--  Lunig. — 
Le  texte  latiu  de  Poliziano  est  dans 
l'ouvrage  d'Ademari,  qu'il  faut  voir. 
—  La  Civiltà  cattolica  du  20  juin  1868 
a  un  article  sur  Sixte  IV,  où  il  y  a 
des  détails  intéressants  sur  ses  ne- 
veux ;  enfin  les  Archives  théologiques 
(avril  1 857)  ont  un  article  (mais  faiblef 
de  labbé  Laubeau  sur  Sixte  IV  et  les 
Pazzi,  en  réponse  à  un  article  des 
Archives  ecclésiastiques.     IL  de  L'E. 

Les  i%sturies  (XXIII,  286).  —Il 
existe,  je  crois,  peu  d'ouvrages  spé- 
ciaux relatifs  à  l'iîistoire  de  cette  pro- 
vince de  l'Espagne  ;  citons,  du  moins, 
un  in-folio  publié  à  Madii  i  en  1695  : 
Anlii^uedades  y  casas  mémorables  del 
principado  de  Asturies,  par  L.  Alph. 
de  Carvalho.  A.  F. 

A.-t-il  été  publié  à  l'époque 
du  premier  Empire  des  édi- 
tions d'auteurs  classiques 
mutilées  par  la  censure  (XXII, 

557.)  —  En  1810,  un  libraire  intelli- 
gent et  actif,  bibliuphile  très- 
zélé,  bibliographe  distingué,  A.  A. 
Renouard,  publia  une  belle  et  bonne 
édition  de  Massillon  en  13  vol.  in-8; 
on  dit,  on  écrivit,  on  imprima  que 
cette  édition  était  mutilée,  que  la 
censure  impériale  y  avait  fait  de 
nombreux  changements,  de  scanda- 
leuses altérations.  Renouard  démenti! 
formellement  c  'tte  allégation,  même 
sous  le  régime  impérial  ;  elle  reparu) 


toutefois  ea  1817  dans  le  Journal  de 
Paris,  qui  siga  la  l'Hd  ti 'n  à<^  Mas- 
siliou  comme  diminuée  à  l'usaqe  des 
sujets  des  conqw'ranls.  Renouard  ré- 
pliqua en  publiant  qu'il  .tiran  diï 
louis,  n)n-st)  ilem  nt  pour  tout  pas- 
sitj;e,  mai^  eiCDie  (lour  i  ute  ex.  res- 
jion  supprimer-,  cha  igée,  allé  ée, 
adoucie,  et  non  conforaie  à  l'é  litioa 
de  17i."),  qu'on  pourrait  lui  repré- 
senter diiis  son  Massi  Ion.  (Voirie 
Calaloijne  de  la  bibliothèque  d'un  ama- 
teur, 1819,  4  vol.  in-8,  t.  I,  |..  89.) 
Nul  e  récla  nation  ne  se  piod  isit. 

T.  B. 

L,e  Peintre  /klluys  (XXU.  479, 
5o8  ;  XXIII,  9,-î,  191).—  Nous  p  tisons 
que  .M.  Tar  I  eu  appondra  avec  idni- 
sir'la  date  de  la  naissance  d'Alluys. 
Ce  peintre  st  né  à  Biioud^,  ^n  Au- 
vergne, le  6  gntiin  1  an  XI,  é  oque 
à  laquelle  sa  fam  lie  compt  it  encore 
d^ns  cete  vihe  pi  .s  euro  représen- 
tants. 

Lor-^que  nous  d  «nn  >ns  un  r  n-ei- 
gneiueiii  au  Polybihlion,  u  'US  teno  s 
à  iionnea'  'lu'ii  s^oit  de  la  plus  en- 
tière exactitude.  Le  même  aniou  'le 
la  vériiè  nous  engage  à  fair^  remar- 
quer à  notre  c  >nfi  ère,  pour  la  s^^- 
conde  édiu-n  d''  son  giani  Diction- 
naire biographique,  que  Rabany- 
Beauregard  n^sl  pas  né  à  Guéret, 
mais  qu'il  a  vu  le  jour  le  23  ma' s 
1765  à  Rri  lude,  où  il  est  dé  éd-  le 
22  oct  bre  1843.  Il  existai  de  1  i  un 
portrait  lithographe  par  Delorieux. 

A.  V. 

I-.'Ophîr  signalé  dans  Tliis- 
toîre  de  Saloiuon  (XXII,  191). 
—  L'Ophir  est  placé  par  le-  uns  d  ms 
l'Inde,  par  les  autres  dans  l'Arabie. 
Pour  l'Inde  se  sont  déclarés  Vitriuga 
[Geogr.  s.  p.,  114),  Varerius  *  De 
Ophira  in  Criticis  sacris  VI,  439), 
Lipenius  {Diss.  de  Ophir  in  fasc.  diss., 
1678,  n*3),  Reland  (Z>j.ss.  misceUan.,  ' 
I,  4).  (;es  auteurs  s'appuient  sur  des 
autorités  considérables  et  sur  des 
raisons  tirées  de  la  nature  d'-s  choses. 
L'autorité  la  l'ius  ancienne  est  four- 
nie par  la  Bible  des  Se;itante,  où  l'on 
tro  ive  les  transcriptions  2oj-ir,'o, 
Sou-f Et'p,  i^wft'p,  Swyapx,  Sco^rjpi.  '  Or, 
d'après  les  lexicographes  'coptes, 
Sophir  est  le  nom  copte  de  l'Inde, 
(voy.  Kirclieri,  Lex  copt..  p.  210; 
ChampoUion,  L'Egypte  sous  les  Pha- 


382  — 

raons,  F,  68).  Les  Septante  ont  été 
suivis  par  Josèphe  [ArchxoL,  VIII,  6, 
Si). 

Les  raisons  intrinsèques  qui  con- 
firment cette  opinion  so  t  :  I*  que 
tous  les  produits  venant  d'Ophir 
appartiennent  à  l'Inde,  alors  que 
l'ébène  et  le  bois  de  sandal  ne  se 
rencontrent  pas  en  Arabie;  de  plus, 
certains  de  ces  produits  portent  en 
hébreu  des  noms  indiens  :  le  singe, 
en  hébreu  koph,  s'appelle  en  sans- 
crit et  e  I  malabar  kapi,  en  réalité 
Yaqile,  d'où  vient  le  grec  k/j-o;, 
Krjèo;,  qui  s'applique  principalemeut 
aux  singes  à  queue.  Le  paon  s'ap- 
pelle en  sanscrit  sikhi,  le  bois  de 
sandal  mocha.  2°  La  d  irée  de  la  m- 
vigati')n  (t  ois  ans)  suppos  •  un  but 
plu-  lointai'i  qu'un  port  arabiq  e, 
où  les  (produits  le  l'Inle  ne  serai^^nt 
arrivés  que  par  le  commerce  d'en- 
trepôt 3°  Dans  llnde,  sur  la  côte  d-. 
Malibar,  se  trouve  un  anci.^n  port 
au  nom  indigène  duquel  se  r  ttache 
facilement  le  nom  hébieu  d'Ophir, 
de  même  que  1--  nom  o[rec  de  Sophir; 
nou^  voulons  parler  du  Soj-ipa  de 
Ptolémée,  de  lO^r.r.ocpx  d'Arrien,  du 
Sofdla  (i'Ai)i>nl-Féda.  aujourd'hui 
Sef-r,     dans    le    v  isinage   de  Goa. 

Voici  le  passage  d'A  oul-Féda  : 
«  L'Inde  a  un  Sofàla  comm  •  li  Ni- 
gri'ie.  D'après  Edrisi.  Sufàra  est  une 
ville  liche  en  maisons  et  en  habi- 
tants, avec  des  marcliés  et  d'-s  ca- 
naux. Elle  a  un  port  sur  la  mer 
Indienne,  avec  pêcheries  de  [>oi-sons 
et  de  perles.  Entre  elle  t  Sindan, 
il  y  a  cinq  jours  de  marche.  »  La 
vraie  forme  est  Sofâra,  la  forme 
Sofàla  est  antique. 

Les  savants  qui  tiennent  pour  l'A- 
rabie sont  :  Michaelis  'Spicileg.,  I(, 
184);  Vincent,  sur  Néarque  (lï,  237); 
Bre  ow  {Hist.  Untersucliungen,  II, 
253);  Tychsen  (Comment,  Soc.  Gott., 
X"VI,  loO  ;  Seetzen  [Uber  Ophir,  dans 
Zach,  Correspondenz  (XIX,  331);  Vol- 
ney  [Ruines,  notes). 

Leurs  raisons  principales  sont  : 
1°  dans  Moïse  (1,  10,  29),  Ophir  est 
placé  parmi  des  peuples  el  des  ;iro- 
vinces  de^  loktanites.  qui  tous  sont 
situés  dans  l'Arabie  du  sud,  et,  en 
par  iculier.  entre  deux  pays  a'iri- 
fères,  Seba  et  Chavila,  d  ni  le  pre- 
mier est  certainement  à  chercher  en 
Arabie,   2"  Des  produits  cités  plus 


—  383 


haut,  il  n'y  a  d'affectables  à  l'Arabie 
qtie  les  pierres  précieuses  t-t  les 
singes;  l'Arabie  n'offre  actuellenie^nt 
point  d'or.  Mais  l'Ancien  Testament 
n'est  pas  seul  à  attribu-  r  l'or  à  cer- 
taines peuplades  arabiques  (Moïse, 
4.31;  Juges,  8.  24).  liiodure  (11,  .50; 
III,  441;  Agatharchide,  dans  Photius 
(Cod.  230  ;  Artémidore,  dans  Strabon 
(XVI.  4,322);  Pline  (VI,  28,  32),  men- 
tionnent dans  le  voisinage  de  Saba 
la  présence  de  l'or  sous  forme  de 
masses  grandes  comme  d^s  châtai- 
gnes. 3°  L'Arabie  offre  aussi  des 
noms  qui  se  rapi  rochent  de  celui 
d'Ophir.  Dans  un  fraiiment  d'Eupo- 
lemus  chez  Eusèbe  iPrep.  évang., 
IX,  .30).  un  lit  :  «  David  (il  parait  mis 
à  la  place  de  Salomon)  envoya  des 
mineur.'^  dans  l'ile  à'Urphe  (Ôùff^i, 
île  riche  en  mines  d'or,  située  ans 
la  mer  Rouge,  d'où  ils  portèr.nt  l'or 
en  Judée.  »  Seetzen  a  signalé  un 
lieu  El  Ophir  dans  le  pays  d'Oman, 
quatre  lieues  sud  de  la  ville  de 
Sohar.  —  Gesenius  a  résumé  ces  di- 
verses opinions  sans  prendre  pjiti  : 
nous  avons  fait  comme  lui 

RiSTELHUBER. 

Ouvrages  relatifs  à  l'île 
de  Chypre  (XXII,  287).  —  Lusi- 
Gx\N  (le  P.  E-tienne  de),  de  la  maison 
royale  de  Chjp\  e.Chorograffia  e  brève 
historia  universale  dell'  isola  di  Cipro^ 
principiando  al  tempo  di  Nue.  ins  no 
al  1372,  per  il  R.  P.  Stefl'ano  Lusi- 
gnano  di  Cipro.  Bologna,  Al.  Benac- 
cio,  1373,  in-4;  traduite  en  français 
sous  ce  litre  :  Description  de  toute 
l'isle  de  Cypre  et  des  roys,  princes  et 
seigneurs  qui  ont  commandé  en  icelle, 
ju.^qu'en  l'an  1372,  compo.^ée  pre- 
mièrement en  it4ien  et  imprmiée  à 
Bolog  e-la-Gras^e,  et  ma  nteuant 
aiij^mentée  et  iradu  te  en  françois. 
Paris,  Guillauiue  Chaudière,  138 1, 
in-4. 

Du  MÊME.  Histoire  contenant  une 
sommaire  description  des  généalogies, 
alliances  et  gestes  de  tous  les  princes  et 
grans  seigneurs  "  dont  la  pluspart  es- 
toient  François,  qui  ont  jadis  com- 
mandé es  royaumes  de  Hierusalem, 
Cypre,  Arménie  et  lieux  circonvoisins. 
Paiis,  Chaudière,  1379,  in-4. 

GiBLET.  Histoire  des  rois  de  Chypre 
de  la  maison  de  Lusignan,  et  des  dif- 
férentes guerres  qu'ils  ont  eues,  traduite 


de  l'italien  du  chevalier  Henri  Giblet, 
cypriot.  I^'aris,  Cailleau,  1732,  2  vol. 
in-12.  (Voir  sur  ct'  livre:  Mercurede 
France  février  1732.) 

Jau.n'a.  Histoire  générale  des  royau- 
mes de  Chypre,  de  Jérusalem,  etc  ,  cohi- 
prenant  les  croisades  par  D.  Jauna). 
Leide  et  Fraiicker,  1783,  2  vol.  in-4, 

Mas  Latrie  (comte  Louis  de).  Eis- 
toire  de  Chypre  sous  le  règne  des  prin- 
ces de  la  maison  de  Lusignan.  Paris, 
Imi'.  imp.,  3  vol.  in-8. 

Du  MÊME.  Nouvelles  preuves  de  l'his- 
toire de  Chypre  sous  le  règne  des  prin- 
ces de  la  maison  de  Lusignan,  fe  li- 
vaison,  Pars,  Bauf,  1873.  (Ext.  de 
la  Bibl.  de  l'Ecole  des  char.es,  t.  XXXllI 
et  XXXIV).—  Carte  de  l'ile  de  Chypre  (à, 
1/250,000)  et  non  e  sur  la  construc- 
tion de  la  carte.  Pari-,  1862  {Id  ; 
t.  XXV).  —  Mémoire  sur  les  relations 
politiques  et  commerciales  de  l'Asie- 
Minture  avec  l'île  de  Chypre  au  moyen 
âge.  18i4  -id.;  t.  II).  —Notes  d'un 
voyage  archéologique  en  Orient  ;  his- 
criptions  du  moyen  âge  à  Chypre  dd.; 
t.  U,  et  Magasin  pittoresque).  —Notice 
sur  l'état  actuel  de  t'îl^  de  Chypre, 
1847,  in-8.  —  Description  des  églises 
et  des  châteaux  de  construction  fran- 
çaise dans  l'ile  de  Chypre,  1830,  in-8. 
(Arch.  des  Miss,  sci^-ntif.,  1. 1,  l '^  série). 
—  Nicosie,  ses  souvenirs  historiques  et 
sa  situation  présente,  1846,  in-8.  — 
Notice  sur  les  monnaies  et  l>r'S  sceaux 
des  rois  de  Chypre  de  la  maison  de 
Lusignan.  {Dibl.  de  l'Ecole  des  chartes; 
t.  V.) 

RoziÈRE  (Eug.  de)  Monnaies  des 
rois  de  Chypre  (à  la  suite  de  1  «  Nu- 
mismatique des  croisades,  de  M.  de 
S  'ulcy.  in-4). 

ScHLUMBERGER  (G.).  Numismatîque 
de  l'Orient  latin. 'Pad:^,  Leroux,  1878, 
in-4. 

Du  Cange.  Les  Familles  d'Outre-Mer, 
de  Du  Gange,  {lublii^es  par  M.  E.  G. 
Eey.  Pari,  Imp.  imp.,  1X69,  in-4. 
{Les  Rois  de  Chypre,  p.  49-103;  les 
grands  officiers,  663-693;  les  Arche- 
vêques et  évêquts   843-868). 

Machaut  :  La  Prise  d'Alexandrie,  ou 
chronique  du  roi  Pierre  /«"■  de  Lusi- 
gnan, lar  Guillaume  de  Mac  aut,  pu- 
bliée pour  la  Société  de  l'O  ient 
latin,  par  L.  de  Mhs  La  rie  Genève, 
1877,  in-8.  —  L'excellente  préface  da 


—  384  — 


comte  de  M.  L.  nous  dispense  de  ren- 
voyer aux  travaux  antérieurs  dont 
cet  ouvrage  avait  été  l'objet  et  no- 
tamment à  la  dissertation  de  Gaylus. 
(Mém.  de  l'Acad.  des  inscriptions, 
t.  XX.) 

Sathas.  Dibliotheca  grceca  medii 
xvi.  Paris,  Maisonneuve,  i872,  in-8, 
3  vol.  Le  deuxième  volume  de  cette 
collection  est  composé  de  pièces  et  de 
récits  relatifs  pour  la  plupart  au 
royaume  de  Chypre. 

Sereno  (Birtli.).  Commentari  délia 
guerra  di  Cipro  e  délia  lega  dei  prin- 
cipi  crisliani  conlro  il  lurco,  di  Bar- 
tolomeo  Sereno,  ora  per  la  prima 
volta  pubblicati  da  ms.  autografo, 
con  note  e  documenti,  per  cura  de 
M  «naci  délia  Badia  Cassinese.  Tip. 
de  Monte  Cassino.   1843,  in-8. 

Pie  II.  De  Bello  Cxjprio  (Historiai 
rerumubiqiie  gestarumin  Asia.C.97). 

Galérien  (Ange).  Discours  sur  la 
prinse  de  Nicosie  et  sur  la  prinse  de 
Famagousle  (à  la  suite  de  VHisloire 
du  P.  de  Lusignaa). 

Vogué  (mirquis  Melchior  de).  Coup 
d'œil  sur  les  monuments  de  Chypre  et 
de  Rhodes  (Les  Eglises  de  la  Terre- 
Sainte.  P.iris,  Didron,  1860,  in-4,  fig., 
p.  376-389.)  —  Depuis,  M.  de  Vogué 
a  relevé  avec  M.  Duthoit  les  plans  et 
dessins  de  l'abbaye  de  Lapais  et  dfi 
la  caihé.lrale  de  Nicosie.  (,Exp.  géo- 
graph.,  1875.) 

Rey  (Guillaume).  Châteaux  de  Chy- 
pre. (Éludes  sur  les  monuments  de 
l'archileclurc  militaire  des  croises  en 
Syrie.  [P^n^,  Imp.  Nat.,  1871,  in-4, 
p.  229-23 2.) 

Gaudry  (Albert).  Vile  de  Chypre, 
souvenirs  d'une  mission  scientifique. 
(Revue  des  Deux  Mondes,  l*""  novembre 
1861.)  M.  Gaudry  a  entrepis  la  pu- 
blication d'un  grand  travail  géolo- 
gique et  paléontologique  sur  l'ile  de 
Chypre. 


Louis  Salvator  d'Autriche  (S.  A. 
l'archiduc).  Leukosia,  die  Rauptstadl 
vonCypren.Prdig,  Heiar.  Mercy,  1873, 
in-4,  lig. 

Orgeï  (G.  d')  :  Chypre.  Une  des  gué- 
rites de  risthme  de  Suez.  (Revue  bri- 
tannique, sept.  1877  et  supplément 
an  Soleil,  9  octobre  1877.) 

A  ces  indications  historiques  ou 
géographiques,  il  faut  ajouter  la 
mention  des  historiens  des  croisades, 
et  pour  la  période  postérieure  celle 
lies  auteurs  qui  ont  écrit  sur  l'his- 
toire de  Venise. 

Quant  aux  voyageurs, presque  tous 
les  voyngeurs  et  les  pèlerins  q'ii  se 
rendaient  en  Terre-Sainte,  au  tnoyen 
âg--  et  jusqu'à  nos  jours  s'arrêtaient 
à  Chypre.  Il  serait  trop  l"ng  de  ciier 
tous  leurs  noms,  et  le  mieux  est  de 
renvoyer  à  la  Ribliographia  geogra- 
phica  Palestine  de  Tobler  (Leipzig, 
1867)  et  aux  ouvrages  de  Boucher  de 
la  Hicharderi'^  et  de  Ternaui-Gum- 
pans.  Cependant,  on  peut  indiquer 
particulièrement.  B.  de  Brevdenbach 
(1483),  Villamont  (1388),  Henri  de 
B-auvau  (1604),  Sandys  (1610),  Le 
Brun  (1681),  Pococke  (1738),  Mariti 
(1767)  (voici  le  tiire  de  l'édition 
italienne  :  Viaggiper  l'isole  di  Cipro  e 
per  la  Soria  e  Palestina  fatti  da  Giov. 
Mariti  Fiorentino,  delV  anno  1760  al 
1768,  Luccae  Firenze,  1769-76,9  vol. 
in-8);  Henry  Light  (1814),  Wilde 
(1838),  et  le  marquis  deVogûé  (1833-61) 
Le  numéro  d'août  du  Geographical 
Magazine  renferme  une  notice  sur 
Chypre,  accompagnée  d'une  carte. 

Il  existe  aussi  sur  les  antiquités  de 
l'île  de  Chypre  un  certain  no  nbre  de 
travaux  de  M.  Colonna-Ceccaldi,  du 
général  Cesnola,  etc.,  mais  il  ne  m'est 
pas  possible  d'en  donner  l'indication 
précise.  (Voir  Revue  archéologique. 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  ins- 
cj'iptions,  etc.)  Comte  de  Marsy. 


Le  Gérant  :  L.  Sandret. 


Saint-Quontin.  —  Imp.  .Iules  Moureau. 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 

•PSYCHOLOCHE    (» 

La  Vie,  éludes  et  jn-oblèmes  de  biologie  générale,  par  E.  Chalfiard,  professeur  h  la 
Faculté  de  médeciue  de  Paris,  etc.  Paris,  J.-B.  Baillière,  1878,  in-8  de  J25  p. 
Prix  :  7  fr.  50.  —  La  Vie  dans  l'esprit  et  da7is  la  matière,  par  E.  MÉRic,  professeur  ii 
la  Faculté  de  théologie  en  Sorbonne.  3'  édition.  Paris,  E.  Baltenweck,  1877,  ^r. 
iii-18  de  524  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  Essai  sur  la  iransmifsion  de  l'âme,  par  le  baron 
DE  Lambert.  Paris,  Douniol,  1877,  gr.  in-18  de  185  p.  Vt\x  :  I  fr.  50.  —  Le  Lende- 
main de  la  mort,  ou  la  vie  future  selon  la  science,  par  L.  Figuier.  7^  édition,  revue 
et  corrioée.  Paris,  Hachette,  1878,  gr.  in-iS  de  472  p.  Prix\  3  fr.  50.  —  Psychologie 
comparée,  L'Homme  et  l'animal,  par  H.  Joly,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Dijon.  Ouvrage  couronné  par  l'Académie  des  sciences  morales  -et  politiques.  Paris. 
Hachette,  1877,  in-8  de  436  p.  Prix  :  7  fr.  50.  —  Essai  de  psychologie.  La  Bête  et 
l'homme,  par  le  D'  Ed.  Fournie,  médecin  à  l'Institution  nationale  des  sourds- 
muets.  Paris,  Didier,  1877,  in-S  de  xvi-566  p.  Prix  :  7  fr.  50.  —  La  Raison  et  l'âme, 
principes  du  spiritualisme,  par  F.  Magy,  agrégé  de  philosophie.  Paris,  Durand  et 
Pedone-Lauriel,  1877,  in-8  de  iii-423  p.  Prix  :  7  fr.  50.  —  Psychologie  de  Hume.  Traité 
de  la  nature  humaine  (livre  premier  ou  de  l'entendement),  traduit  pour  la  première 
fois  par  MM.  Cn.  Renolvier  et  F.  PillOX,  et  Essais  philosopliiques  sur  l'entendement, 
traduction  de  Mérian,  corrigée,  avec  une  introduction  par  M.  F.  Pillox.  Paris, 
Leroux,  gr.  iu-18  de  xxi-581  p.  Pri.x  :  6  fr.  —  La  Perception  des  sens,  opération 
exclusive  de  l'âme,  par  l'abbé  F.  Duquesnoy,  docteur  es  lettres.  Paris,  Delagrave, 
1877,  2  vol.  petit  in-8  de  404  et  280  p.  Prix  :  5  fr.  50.  —  L' Imagination,  étude  psy- 
chologique, par  H.  Joly,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon.  Pams,  Hachette, 
1877,  gr.  in-18  de  264  p.  [Bibliothèque  des  merveilles).  Prix  :  2  fr.  25.  —  Du  plaisir 
et  de  la  douleur,  par  Fr.  Bouillier,  membre  de  l'Institut.  2"  édition,  revue  et  cor- 
rigée. Paris,  Hachette,  1877,  gr.  in-18  de  xii-o65  p.  Prix  :  3  fr.  50. 

Les  études  réunies  sous  ce  titre  :  la  Vie,  par  l'éminent  professeur 
de  pathologie  générale  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  sont  avant 
tout  physiologiques  ;  mais  elles  touchent  aussi  à  la  psychologie  et, 
comme  l'auteur  le  déclare  lui-même  (p.  7),  à  toutes  les  questions  phi- 
losophiques :  elles  «  s'y  mêlent,  les  pénètrent  et  leur  communiquent 
ainsi  un  caractère  substantiel  que  l'abstraction  métaphysique  ne  four- 
nit pas  toujours   suffisamment.  »  Elles  constituent,  d'ailleurs,  malgré 

(1)  Je  dois  prévenir  ici  que,  dans  mon  dernier  article  d'ensemble (f/tsioirerfe  la  philosophie, 
p.  97  du  présent  tome),  il  est  resté  bon  nombre  de  fautes,  dont  quelques-unes  altèrent 
ou  détruisent  le  sens.  Ainsi,  les  derniers  mots  de  la  p.  98  et  le  premier  de  la  p.  99 
doivent  être  lus  :  les  diction7iaires  historiques,  —  P.  105,  1.  7,  au  lieu  de  point  de  vue 
culminant,  lisez  point  culminant.  —  P.  107,  première  ligne  de  l'alinéa,  au  lieu  de 
l'idéologie  transmise,  lisez  l'idéologie  thomiste,  —  P.  109,  1.  5,  au  lieu  de  rien  d'utile, 
UsQZ  rien  d'inutile.  —  P.  113,  1.  6,  les  doctrines  et  les  critiques,  avec  une  extrême  modé- 
ration; lisez  :  les  doctrines,  et  les  critique  avec.  —  P.  117,  1"  ligne  :  mêmes  détails, 
lisez  menus  détails,  —  De  plus,  les  compositeurs  ayant  négligé  des  additions  essen- 
tielles placées  en  marge  ou  eu  interligne,  je  dois  noter  quelques  omissions  impor- 
tantes. Page  100,  premier  alinéa,  je  signalais,  l'art.  Lamarck  de  M.  A.  Lemoine;  et 
p.  101,  1.  18,  son  art.  Animisme,  et,  à  la  dernière  ligne  de  la  même  page,  après  ces 
mots  articles  nouveaux,  l'art.  Positivisme  de  M.  Em.  Charles.  P.  117,  fin  du  premier 
alinéa,  je  n'avais  pas  manqué  de  citer,  parmi  les  travaux  consacrés  à  Laromiguière, 
la  notice  de  M.  Mignet,  —  Revenant  sur  ce  que  j'ai  dit,  p.  101,  1.  15,  du  mode 
Bartari.  je  m'empresse  de  reconnaître  qu'il  vient  de  Port-Royal. 

.Novembre  1878.  T.  XXIII,  '2'à. 


—  380  — 

leur  état  fragmentaire,  un  traité  presque  complet  de  biologie,  d'au- 
tant plus  précieux  que  M.  le  D"  Chauffard,  attaché  aux  meilleures 
traditions  philosophiques  et  religieuses,  est  en  même  temps  attentif 
et  dévoué  aux  progrès  de  la  science  contemporaine.  Il  connaît,  il  dé- 
plore les  contradictions,  les  confusions,  les  témérités  affirmatives  et 
négatives  de  beaucoup  de  ses  collègues,  et  non  des  moins  fameux; 
mais  il  ne  s'en  émeut  pas  plus  que  de  l'impopularité  qui  semble 
éteindre  et  annuler  son  enseignement,  courageusement  conforme  aux 
saines  doctrines.  «  On  est  écouté,  quoique  contredit,  écrit-il  lui- 
même;  quelques  paroles  recueillies  demeurent  et  germent  au  fond  des 
esprits  ;  elles  accomplissent  leur  travail  mystérieux;  et,  quand  la 
fougue  des  années  bruyantes  et  vouées  à  la  vaine  acclamation  des 
systèmes  est  passée,  ces  paroles  se  font  entendre  de  nouveau  et 
retrouvent  peu  à  peu  l'autorité  qu'on  leur  avait  déniée  (p.  17).  » 

Il  suffira  d'indiquer  ici  (car  une  analyse  exacte  irait  beaucoup  trop 
loin)  l'idée  principale  des  quatre  grands  morceaux  placés  vers  le  mi- 
lieu de  ce  volume  et  qui  constituent  cette  sorte  de  traité  que  nous 
indiquions  tout  à  l'heure.  —  I.  Le  moi  et  l'unité  vivante.  Malgré  les 
explications  monistes  de  M.  Taine,  que  l'auteur  qualifie,  avec  une 
juste  sévérité,  d'absolu  non-sens^  la  vie  n'est  pas  un  amas  de  faits, 
mais  une  force  vraiment  une,  dont  il  ne  faut  pas  chercher  à  propre- 
ment parler  le  siège,  puisqu'elle  domine  et  informe  tous  les  éléments 
organiques.  Unité  vraie,  elle  n'exclut  pas  la  multiplicité,  mais  la  con- 
tient et  la  domine,  devenant  ainsi  une  hiérarchie.  A  cette  vue,  justi- 
fiée par  l'observation  directe,  par  l'histoire  des  systèmes,  par  les 
aveux  forcés  de  l'organicisme  qui  prétend  éliminer  l'unité  vitale, 
M.  Chauffard  ajoute  une  pénétrante  discussion  des  difficultés  accu- 
mulées à  rencontre  :  on  remarquera  surtout  la  réponse  faite  à  l'ob- 
jection tirée  des  segmentations  par  lesquelles  d'un  seul  animal  on 
fait  deux  ou  trois  animaux.  Ce  fait  est  ramené  avec  raison  à  la  scissi- 
parité :  diviser,  dans  ce  cas,  c'est  engendrer.  —  II.  La  spontanéité  vi- 
vante et  le  mouvement.  Après  avoir  nié  l'unité  vitale,  la  fausse 
science  veut  exclure  aussi  l'autonomie  de  la  vie  par  la  théorie  méca- 
niste  des  mouvements  réfiexes.  Cette  théorie  est  profondément  discu- 
tée par  l'auteur,  qui,  en  acceptant  la  doctrine  de  la  conservation  et  de 
la  transformation  des  forces  physiques,  démontre  en  même  temps  que 
l'impression  extérieure  est  absolument  irréductible  aux  actes  vitaux, 
ainsi  qu'aux  sensations,  aux  pensées  et  aux  volitions.  —  III.  de  la 
finalité  dans  les  êtres  vivants  et  de  la  doctrine  de  l'évolution.  Excellent 
développement  de  ce  mot  de  Cl.  Bernard  :  «  La  vie  est  une  idée  direc- 
trice, »  que  l'auteur  traduit  encore  plus  énergiquement  en  disant 
«  une  idée  finale.  »  Étudiant  d'abord  le  germe  où  réside,  quoique  par- 
faitement inaccessible   à  l'observation,  la  vie  propre   et  spécifique, 


—  387  — 

parcourant  ensuite  la  période  de  croissance  où  elle  élabore  l'orga- 
nisme (cet  organisme  dont  une  science  mjope  Ta  crue  le  résultat), 
aboutissant  avec  elle  au  moment  du  déclin  et  de  la  mort,  M.  le  D"" 
Chauffard  n'a  pas  de  peine  à  juger  de  haut  certaines  doctrines  fort 
acclamées  aujourd'hui.  L'évolution,  sainement  comprise,  peut  garder 
sa  valeur,  mais  en  s'adaptant  à  ces  deux  évidences  niées  par 
l'athéisme  scientifique  :  comme  point  de  départ,  l'acte  créateur; 
comme  terme,  le  but  final  assigné  par  une  cause  intelligente.  — 
IV.  De  la  puissance  génératrice  clans  l'âme  et  dans  la  vie.  C'est  le  fond 
même  de  la  doctrine  de  l'éminent  professeur,  et  l'on  y  admirera  plus 
qu'ailleurs  sa  puissance  d'intuition,  tout  en  réclamant  peut-être  un 
surcroît  d'explications  et  de  preuves  en  matière  si  difficile.  Aux 
yeux  de  M.  Chauffard,  l'activité  génératrice  est  le  caractère  essentiel 
de  la  force  unique  qui  est  à  la  fois  principe  de  vie  et  principe  pensant. 

Avant  ces  quatre  morceaux  (p.  167-449),  l'auteur  a  placé  une 
inl7vduction  dont  nous  avons  donné  quelque  idée  au  début  de  cet 
article;  plus  trois  études  critiques  :  la  première  sur  l'Ame  et  la  vie,  à 
propos  de  l'animisme  renaissant  dans  les  travaux  universitaires  de 
MM.  Tissot  et  Bouillier  ;  la  seconde,  De  l'idée  de  vie  dans  la  'physio- 
logie contemporaine,  sur  la  réfutation  du  matérialisme  par  MM.  Caro 
et  Janet,  et  du  darwinisme  par  M.  E.  Faivre,  de  la  faculté  des 
sciences  de  Lyon  [Considérations  sur  la  variabilité  de  l'espèce  cl  sur  ses 
^t?7u7f6-,  1864)  ;  la  troisième,  après  une  discussion  des  théories  vita- 
listes  de  Virchow  et  de  Cl.  Bernard,  tend  surtout  à  établir  l'unité 
substantielle  de  l'âme  et  de  la  vie,  brisée  par  le  spiritualisme  carté- 
sien. —  A  la  fin  du  volume,  on  lira  avec  un  vif  intérêt  un  morceau 
remarquable  sur  le  patriotisme  et  la  science  allemande,  écrit  en  1872, 
avec  post-scriptum  de  1877,  ainsi  qu'une  leçon  sur  les  vérités  tradi- 
tionnelles en  médecine,  où  la  tradition  se  présente  comme  la  base  et 
l'un  des  facteurs  essentiels  du  progrès  scientifique. 

A  cette  rapide  esquisse,  nous  n'avons  pu  mêler  aucune  critique 
doctrinale.  Acceptant  d'ailleurs  le  fond  des  principes  que  M.  Chauffard 
défend  avec  tant  de  talent  et  d'autorité,  nous  n'en  avons  aucune  à 
exposer  ici.  Tout  au  plus,  à  titre  de  doute  sur  des  points  qui  nous  ont 
paru  obscurs  ou  contestables  dans  son  livre,  lui  adresserions-nous 
deux  questions  :  La  vie  animale  se  multiplie  par  la  génération  ;  mais 
l'âme  spirituelle  ?  —  Nier  la  spontanéité  de  la  vie  végétative,  est-ce 
vraiment  et  nécessairement  «  nier  la  spontanéité  pleine  et  achevée 
de  l'homme,  nier  sa  liberté  et  par  suite  sa  responsabilité  morale 
(p.  314)?» 

—  La  vie  physiologique,  si  profondément  étudiée  par  M.  le 
D''  Chauffard,  n'est  l'objet  que  de  la  seconde  partie,  la  moins  étendue 
(p.  355-518),  du  livre  de  M.  l'abbé  Elle  Méric,  dont  nous  ne  pouvons 


—  388   -  • 

parler  qu'en  courant,  puisque  la  troisième  édition,  qui  est  sous  nos 
yeux,  ne  diffère  pas  de  là  première,  analysée  ici  en  1873  par  M.  G.  Ba- 
guenault  de  Puchesse  (t.  IX,  p.  105).  Cette  exposition  biologique 
est  remarquable  par  la  largeur  des  idées  et  par  l'accent  d'une  âme 
naturellement  élevée,  qui  rencontre,  sans  la  chercher,  la  véritable 
éloquence.  Mais  on  pourra  trouver  que  les  problèmes  relatifs  à  la  vie 
non-seulement  restent  encore  discutables,  ce  que  le  modeste  auteur 
déclare  lui-même,  mais  sur  quelques  points  ne  sont  pas  posés  avec 
toute  la  netteté  désirable  en  si  délicate  matière.  L'animisme  stahlien 
est-il  le  «  complément  »  du  système  aristotélicien  et  scolastique  ? 
Peut-on  condamner  la  duplicité  des  principes  dans  l'homme,  sans  tou- 
cher au  vitalisme  de  Montpellier  ?  Faut-il  même  demander  si  la  ma- 
tière du  corps  est  (mimée  (p.  504)  avant  l'infusion  de  l'âme?  Mais 
peut-être  quelques  négligences  de  rédaction  sont-elles  la  seule  cause 
de  nos  scrupules  ;  au  fond,  la  théorie  biologique  de  l'auteur  nous 
paraît  analogue  à  celle  de  M.  Henri  Martin  (de  Rennes)  et  au  scotisme 
complété  par  la  physiologie  moderne,  et  par  là  même,  nous  croyons 
que,  sans  répondre  à  toutes  les  difficultés,  elle  échappe  à  tout  l'e- 
proche  doctrinal. 

Mais  nous  mettons  au-dessus  de  ce  second  livre,  pour  la  valeur 
comme  pour  l'importance  de  la  discussion,  le  premier,  qui  est  con- 
sacré à  prouver  et  à  défendre  l'immatérialité  du  principe  pensant.  Au 
début,  l'auteur  trace  un  tableau  frappant  de  la  décadence  philoso- 
phique de  ce  temps  et  insiste  avec  une  mâle  éloquence  sur  la  néces- 
sité de  relever  l'enseignement  spiritualiste  ;  on  pourra  lui  reprocher 
de  s'appuyer  trop  exclusivement  sur  la  tradition  platonicienne,  y 
compris  Malebranche,  a  le  plus  grand  des  métaphysiciens  (?).  »  Mais 
comme  ailleurs  il  exprime  sa  haute  admiration  pour  saint  Thomas, 
nous  croyons  qu'il  n'y  a  là  qu'une  certaine  exagération  de  langage  à 
corriger.  C'est  sans  réserve  aucune  que  nous  recommandons  l'exposi- 
tion et  la  réfutation  de  Moleschott  et  de  Biichner  et  du  positivisme 
français,  en  ce  qui  touche  soit  l'éternité  de  la  matière,  soit  l'explica- 
tion matérialiste  de  la  vie,  de  la  liberté  et  de  la  pensée.  L'argumen- 
tation contre  ces  vieilles  erreurs,  rajeunies  par  un  certain  appareil 
scientifique,  est  menée  avec  vigueur  ;  elle  repose,  aussi  bien  que  les 
preuves  directes  fournies  par  M.  Méric  en  faveur  du  spiritualisme,  sur 
un  fond  doctrinal  souvent  exploité,  mais  elle  n'est  pas  moins  solide 
pour  cela,  et  l'auteur  y  a  mis  du  sien  l'intérêt  d'une  analyse  péné- 
trante et  la  chaleur  d'une  vive  conviction.  Son  livre  a  vraiment  le 
double  mérite  que  lui  reconnaît,  dans  une  lettre  placée  en  tête,  l'é- 
vêque  d'Orléans  :  d'abord  celui  d'une  exposition  nette  et  claire.  «  Ce 
point,  remarque  M^""  Dupanloup,  est  d'une  importance  capitale;  car 
exposer  et  mettre  à  nu  de  telles  erreurs';  c'est  déjà  les  avoir  refutées. 


—  380  — 

—  A  ce  préambule  nécessaire,  poursuit  réminent  prélat,  vous  avez 
fait  succéder  une  argumentation  forte  et  lumineuse,  dans  laquelle, 
vous  plaçant  sur  le  terrain  même  de  vos  adversaires,  empruntant  leur 
langage,  vous  appuyant  de  leurs  assertions  et  de  leurs  aveux,  vous 
faites  toucher  au  doigt  les  contradictions  où  ils  tombent  et  l'inanité 
de  leurs  prétendues  démonstrations.  » 

—  Dans  son  Essai  sur  lu  transinission  de  l'âme,  M.  le  baron  de  Lam- 
bert aborde  un  problème  psychologique  insoluble  peut-être  à  la 
science  humaine.  Présenté  par  l'auteur  avec  une  grande  défiance  de 
lui-même  (p.  28),  un  zèle  prononcé  pour  la  saine  philosophie  et  pour 
la  vraie  religion,  et  de  plus  avec  une  connaissance  assez  étendue  des 
derniers  travaux  biologiques,  ce  petit  volume  n'en  est  pas  moins  dé- 
pourvu (nous  le  disons  à  regret)  de  toute  valeur  sérieuse.  M.  de  Lam- 
bert soutient  un  système  bien  connu  et  qui  n'a  pu  garder  sa  place 
dans  l'enseignement  orthodoxe,  le  génêratianismc;  et,  dans  ce  plai- 
doyer tardif,  ce  système  ne  s'appuie  que  sur  de  vagues  et  contestables 
probabilités,  et  donne  lieu  à  plus  d'un  reproche  d'incohérence  et  de 
contradiction.  Franc  spiritualiste,  l'auteur  admet  pourtant  que  Tâme 
est  divisible .  D'après  lui,  l'âme  passe  de  la  mère  seule  à  l'enfant, 
avant  la  fécondation,  de  sorte  que  des  milliards  d'âmes  sont  mises  à 
chaque  instant  en-dehors  des  conditions  de  leur  développement.  L'âme 
de  l'enfant  ne  se  distingue  pourtant  et  ne  se  sépare  de  celle  de  la 
mère  qu'assez  tard,  peut-être  seulement  au  moment  de  la  naissance. 
L'âme  se  transmet,  mais  ne  s'engendre  pas  :  elle  a  aujourd'hui,  en 
chacun  de  nous,  quelque  six  mille  ans,  etc.,  etc.  —  A  la  faiblesse  du 
raisonnement  et  à  l'inconsistance  de  la  doctrine,  s'ajoutent,  pour  faire 
rejeter  cet  essai,  malgré  les  excellentes  intentions  de  l'auteur,  des 
inexactitudes  théologiques  assez  graves  et  une  rédaction  presque 
partout  trop  négligée. 

—  Nous  n'avons  ni  à  rétracter  ni  à  modifier  le  jugement  que  nous  por- 
tions en  1874  (p.  XII,  1. 13)  sur  le  Lendemain  de  la  mort,  de  M.  Figuier. 
Les  menus  changements  faits  à  la  septième  édition,  que  nous  venons 
de  comparer  à  la  troisième,  ne  nous  obligent  pas  à  de  nouvelles  ex- 
plications. Ce  ne  sont  que  des  retouches  ou  des  additions  fort  acces- 
soires, par  exemple  (à  la  p.  424)  ce  mot  de  Luther  à  propos  des  habi- 
tants d'un  cimetière  :  Beati  siint  quia  rcquicscunt,  cité  avec  deux 
grosses  fautes  d'impression  ;  car  la  charité  nous  porte  à  imputer  ces 
erreurs  aux  seuls  typographes.  Mais  c'est  toujours,  dans  l'ensemble  de 
ce  travail,  la  même  nullité  scientifique .  Partant  d'un  duodynamisme 
aujourd'hui  abandonné  partout,  l'auteur  n'élève  son  système  de  psy- 
chologie solaire  que  sur  un  lourd  échafaudage  d'hypothèses  phy- 
siques et  cosmologiques,  dont  le  moindre  défaut  est  d'être  absolument 
invérifiables.  Pourtant  un  détail  nous  touche   dans  ce  mémoire,  qui 


—  390  — 

n'a  rien  à  démêler  avec  la  philosophie  ni  avec  la  science  :  «  Pendant 
la  plus  grande  partie  de  sa  vie,  l'auteur  avait  cru,  comme  tout  le 
monde  (?!),  que  le  problème  de  la  vie  future  est  hors  de  notre  portée 
et  qu'il  était  sage  de  ne  point  en  embarrasser  notre  esprit.  Mais  un 
jour,  jour  funeste,  un  coup  de  tonnerre  l'a  frappé.  Il  a  perdu  le  fils 
adoré  en  qui  se  résumaient  tout  l'espoir  et  toutes  les  ambitions  de  sa 
vie.  Alors  et  dans  l'amertume  de  sa  douleur,  il  a  longuement  réflé- 
chi... (p.  3).  »  Mais  quoi!  chrétien,  ne  connaissait-il  pas  Celui  qui  a 
les  paroles  delà  vie  éternelle?  savant,  n'avait-il  pas  ouï  parler  de  tel 
savant  de  premier  ordre  qui  a  écrit  précisément  de  la  vie  future  sui- 
vant la  foi  et  suivant  la  raison  ?  et  ne  voyait-il  pas  que  la  méthode 
scientifique  et  le  simple  bon  sens  lui  défendaient  de  confondre  la 
psychologie  avec  la  physique  ou  l'astronomie,  et  de  mettre  partout 
l'imagination  à  la  place  du  raisonnement? 

—  M.Henri  Joly,  vainqueur  au  concours  ouvert  par  l'Académie  des 
sciences  morales  et  politiques  sur  la  grave  question  de  la  psychologie 
comparée  de  l'homme  et  de  l'animal,  mérite  d'obtenir  auprès  du  pu- 
blic philosophique  tout  entier  un  succès  pareil.  Son  mémoire  est  un 
livre  remarquable  par  le  talent  de  l'écrivain  comme  par  la  sagacité 
du  psychologue.  L'introduction  venge  la  nécessaire,  l'éternelle  mé- 
thode psychologique,  l'observation  par  la  conscience,  des  reproches 
contradictoires  do  certains  positivistes  ;  en  ce  qui  concerne  la  psycho- 
logie comparée,  le  psychologue  doit  encore  observer,  étudier  les  ma- 
nifestations extérieures,  les  effets  de  nos  facultés,  en  les  comparant 
aux  faits  analogues  des  bêtes,  de  façon  à  constituer  une  synthèse  de 
l'animal  qu'une  vérification  assidue  peut  rendre  pleinement  scienti- 
fique. Cette  méthode,  dictée  par  le  bon  sens,  est  très-bien  suivie  dans 
l'ouvrage  entier  de  M.  Joly,  dont  voici  le  plan,  qui  est  des  plus  heu- 
reux, unissant  la  simplicité  à  la  largeur  :  éléments  essentiels  de  la  vie 
animale;  —  déterminations,  activité  extérieure  de  cette  vie,  ou  ins- 
tinct; —  évolution  psychologique  de  l'homme;  —  principe  de  la  vie 
et  de  la  pensée.  Une  cinquième  partie  est  purement  historique  et 
critique. 

Les  deux  premières  parties  constituent  une  psychologie  animale 
complète.  La  vie  de  l'animal  se  réduit  à  ces  éléments  coordonnés  : 
activité  organique,  sensation,  image  (qui  est  le  renouvellement  spon- 
tané de  la  sensation),  désir,  action.  De  là,  une  étude  de  l'instinct,  oîi 
M.  Joly,  ne  changeant  rien  à  la  théorie  qu'il  a  développée  dans  son 
beau  livre  sur  ce  sujet,  a  su  l'exposer  avec  une  rigueur  et  une  luci- 
dité encore  plus  remarquables^  en  un  cadre  plus  resserré,  non  sans 
l'appuyer  sur  des  observations  nouvelles  :  nous  avons  noté  spéciale- 
ment un  emprunt  fait  aux  recherches  sur  la  Bête  du  P.  de  Bonniot. 
—  Quant  à  la  psychologie  humaine,  objet  de  la  troisième  partie  de 


—  391   — 

l'ouvrage,  elle  tend,  par  une  analyse  rigoureusement  exacte,  à  mar- 
quer dans  l'intelligence  un  caractère  absolument  irréductible  à  l'acti- 
vité animale  étudiée  précédemment.  Le  langage  fournit  à  l'auteur  un 
excellent  point  de  départ  :  il  dérive,  en  effet,  d'une  association  d'idées 
qui  n'est  pas  une  pure  accumulation  de  sensations  ou  d'images,  mais 
qui  implique  la  raison;  celle-ci  à  son  tour  suppose  la  conscience,  non 
pas  purement  passive,  mais  réfléchie,  laquelle  nous  donne  l'activité 
simple,  le  moi!  —  La  quatrième  partie  satisfera  probablement  un  peu 
moins  que  la  précédente,  parce  qu'il  n'y  règne  ni  la  même  netteté  de 
doctrine,  ni  la  même  sévérité  d'exposition.  Il  est  vrai  que  la  question 
du  principe  de  la  vie  et  de  la  pensée,  confinant  à  la  métaphysique, 
n'offre  pas  la  même  prise  à  un  esprit  que  distinguent  surtout  la  saga- 
cité de  l'observation  et  la  finesse  de  l'analyse.  La  théorie  de  l'auteur 
est  désignée  par  lui-même  du  nom  assez  mal  fait  de  polyvitaltsme^ 
nom  plus  adouci,  relativement  à  la  multiplicité  vitale,  que  celui  de 
]jo/?/ro'i5m(',  employé  par  M.  Durand  de  Gros;  cette  théorie  consiste 
surtout  à  expliquer  l'unité  de  l'animal,  qui  domine  la  multiplicité  des 
éléments  vivants  et  réalise  ainsi  Vidée  directrice  de  Cl.  Bernard,  par 
une  monade  centrale.  Ainsi  la  vie  est  multiple,  bien  que  l'âme  soit 
simple  et  une,  même  dans  l'animal.  On  ne  peut  s'empêcher,  après 
avoir  lu  les  pages  ingénieuses  ot.  se  développe  cette  doctrine,  de  se 
rappeler  celle  de  M.  le  D'"  Chauffard  que  nous  résumions  tout  à 
l'heure.  A  notre  humble  avis,  M.  Joly  montre  bien  ce  que  l'éminent 
professeur  de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris  étudiait  moins  spécia- 
lement :  l'unité  profonde  et  incommunicable  du  moi  conscient  et  per- 
sonnel; mais  il  explique  moins  bien,  et,  pour  parler  franchement,  il 
détruit  sans  le  vouloir  l'unité  de  la  vie  animale^  que  sa  piquante  com- 
paraison du  chef  d'orchestre  dirigeant  une  troupe  de  chanteurs  est 
loin  d'atteindre  dans  sa  réalité.  Au  reste,  nous  recommandons  aux 
vrais  juges  l'examen  de  cette  quatrième  partie, ou  seulement  de  la  lettre 
de  M.  Naudin,  membre  de  l'Institut,  à  M.  Joly,  et  de  la  réponse  de 
celui-ci.  Ces  deux  morceaux  fort  curieux,  qui  ont  établi  une  entente 
à  peu  près  complète  entre  la  science  quasi  matérialiste  de  M.  Nau- 
din  et  le  spiritualisme  prononcé  de  M.  Joly,  forment  un  appendice 
instructif  (p.  322  et  ss.)  de  la  partie  la  plus  délicate  et  la  plus  contes- 
table du  travail  de  ce  dernier. 

Les  dernières  pages  du  livre,  consacrées  à  la  critique  des  systèmes 
antérieurs,  ne  seront  pas  lues  avec  moins  d'intérêt.  L'auteur  a  su 
distinguer  dans  la  masse  des  faits  ceux  qui  comptent  sérieusement 
pour  le  progrès  de  la  vraie  doctrine  sur  l'animal.  Aristote  en  offre 
déjà  un  essai  incomplet,  mais  profond;  en  distinguant  l'homme  par  le 
caractère  universel  de  son  intelligence,  il  a  fixé  le  point  essentiel  que 
trop  de  savants  ont  méconnu  depuis.  La  scolastique  a  perfectionné 


-  392  — 

encore  la  psychologie  animale  :  l'auteur  ne  lui  fait  guère  d'autre  re- 
proche que  de  n'avoir  pas  su  rattacher  à  la  sensation  la  faculté  esti- 
mative, par  laquelle  les  docteurs  du  moyen  âge  expliquent  les  faits 
les  plus  frappants  de  l'instinct  de  la  brute.  Il  reprend  Bossuet,  admi- 
rable dans  sa  partie  réfutative,  pour  sa  faiblesse  à  l'égard  de  l'auto- 
matisme cartésien  qu'il  accepte  au  fond,  tout  en  l'associant  à  la  doc- 
trine de  la  sensibilité  animale.  Au  dix-huitième  siècle,  Buffon  pro- 
fesse encore  plus  expressément  cette  doctrine,  mais  il  sacrifie  aussi 
à  l'automatisme,  qui  trouve  son  expression  la  plus  absolue  dans  La 
Mettrie  ;  tandis  qu'un  autre  matérialiste  français,  Lamarck,  pose  les 
fondements  de  la  théorie  de  l'évolution,  développée  par  le  darwinisme 
contemporain.  Ce  dernier  système  obtient  ici  les  honneurs,  non  d'une 
réfutation  en  règle,  mais  d'une  exposition  discrètement  hostile,  qui 
suffit  et  au-delà  pour  quiconque  aura  su  lire  les  meilleures  pages  de  ce 
remarquable  travail  sur  l'autonomie  de  la  vie  animale,  d'une  part,  et 
de  la  raison  humaine  de  l'autre. 

—  M.  le  D""  Ed.  Fournie,  dans  la  Bête  et  l'homme,  a  traité  le  même 
sujet  que  M.  H.  Joly  dans  l'Homme  et  l'animal,  et  il  l'a  traité  avec 
le  même  attachement  au  spiritualisme  ;  il  a  même,  semble-t-il,  plus 
d'aversion  que  lui  pour  les  doctrines  évolutionnistes,  et  cependant  il 
satisfera  beaucoup  moins  les  amis  de  la  philosophie  traditionnelle.  On 
ne  saurait  pourtant  lui  refuser  une  certaine  attention,  précisément 
parce  que,  dans  des  questions  où  la  physiologie  et  la  psychologie  sont 
intéressées  à  la  fois  et  qui  n'ont  guère  été  traitées  que  par  des  psy- 
chologues exclusifs,  il  représente  plutôt,  par  ses  études  précédentes, 
l'anthropologie  physique.  Il  est  d'ailleurs  préservé,  par  ses  préoccu- 
pations spéciales  et  par  ses  ouvrages  sérieux  sur  les  sourds-muets, 
du  danger  qui  menace  les  physiologistes  purs  sur  le  terrain  de  l'étude 
de  l'homme  moral;  il  a  observé^  étudié,  surpris,  dans  les  plus  piquants 
détails  de  leur  activité  intellectuelle,  les  âmes  de  ses  jeunes  clients. 
Mais  il  n'a  pourtant  pas  su  échapper  à  tout  péril  de  ce  côté,  comme 
le  démontrent,  dès  l'ouverture  de  son  livre,  les  quelques  pages  inti- 
tulées Vocabulaire  psychologique  (p.  vii-xvi).Il  a  été  frappé  de  ce  grave 
défaut  de  notre  littérature  philosophique  contemporaine  :  a  il  est  rare 
que  de  nos  jours  deux  intelligences  emploient  le  même  mot  dans  un 
sens  identique.  »  Quel  moyen  d'y  remédier?  «  Ramener  chacune  des 
expressions  psychologiques  à  son  phénomène  physiologique  corres- 
pondant. »  Tout  psychologue  éclairé  répondra  :  1°  que  cela  est  plus 
d'une  fois  absolument  impossible  ;  2'=  que  c'est  toujours  dangereux. 
Au  reste  le  D''  Fournie  a  été  conduit  par  ce  système  à  exagérer  au- 
tant que  possible  le  rôle  de  l'organisme  dans  la  vie  psychique  :  à 
moins  que  cette  persuasion  préexistante  ne  l'ait  amené  précisément  à 
ce  système  abusif  de  langage.  On   comprend  d'ailleurs  les  difficultés 


-  393  — 

que  prépare  à  tout  lecteur  de  son  livre  cette  effrayante  néologie. 
Il  offre  d'abord  une  nouvelle  division  des  facultés  de  Tâme,  division 
que  l'on  pourrait  laisser  passer  après  tant  d'autres,  sauf  le  double  tort 
qu'elle  a  de  condamner  les  précédentes  et  d'être  incomplète  :  1°  Per- 
ception, soit  sensible,  soit  intellectuelle  ;  2°  pouvoir  moteur;  3°  con- 
servation des  connaissances  ou  acquisitions  cérébrales.  Ce  qu'on  a 
nommé  facultés,  en-dehors  de  ces  trois,  constitue  simplement  des 
modes  d'activité  :  ainsi  la  conscience  est  le  sentiment  de  l'activité 
cérébrale,  etc.  —  Ce  n'est  pas  à  dire  qu'on  puisse  révoquer  en  doute 
le  spiritualisme  du  respectable  auteur.  Quelque  défectueux  à  cet 
égard  que  nous  paraissent  les  divers  chapitres  de  sa  première  partie, 
relative  aux  phénomènes  de  perception  qui  proviennent  de  la  vie  orga- 
nique et  fonctionnelle,  ils  n'ont  pas  un  sens  matérialiste  ;  et  dans  la 
seconde,  s,\xvVactiviU'' fondamentale  de  l'âme, 'M..  Fournie  fait  la  part 
du  principe  actif  de  la  vie  et  de  la  pensée,  là  où  tant  d'autre  physio- 
logistes de  nos  jours  ne  veulent  voir  que  des  mouvements  réflexes.  Un 
schème  détaillé  (p.  217-219)  met,  de  plus,  en  face  les  uns  des  autres  les 
caractères  spéciaux  de  la  vie  sensible  et  ceux  de  la  vie  intellectuelle. 
Tout  en  y  reprenant  les  termes  inexacts  à'examen,  de  motif,  de  juge- 
mejit,  appliqués  à  la  psychologie  animale,  on  y  reconnaîtra  l'idée  ra- 
tionnelle attribuée  exclusivement  à  l'homme  dans  les  divers  degrés  de 
son  activité  :  notion,  souvenir,  raisonnement,  libre  direction  du  mou- 
vement, habitudes  actives.  Dans  le  développement  de  cette  phase  de 
la  psychologie  humaine,  le  D'  Fournie  est  d'ailleurs  loin  de  nous 
satisfaire  entièrement.  Ainsi  sa  théorie  du  langage,  qui  se  rapproche 
par  la  base  de  celle  de  M.  Garnier,  admettant  comme  irréductible  la 
faculté  du  signe  ou  de  Vinter prétalion,  s'égare  dans  d'évidentes  exagé- 
rations lorsque,  non  content  d'enseigner  que  l'intelligence  ne  peut  se 
développer  sans  le  secours  du  langage,  soit  mimique,  soit  phoné- 
tique, il  reproche  comme  une  erreur  à  M.  H.  Joly  d'avoir  dit  que 
«l'animal  ne  parle  pas  parce  qu'il  ne  pense  pas.  »  Etait-il  d'ailleurs 
utile  de  répéter  ici  une  théorie  sur  l'instruction  des  sourds-muets,  que 
l'auteur  pouvait  laisser  dans  l'étude  spéciale  qu'il  a  publiée  en  1866? 
—  Dans  la  troisième  partie.  Modes  supérieurs  de  l'activité,  conscience, 
volonté,  raison,  unité  du  moi,  il  n'arrive  jamais  à  dégager  suffisam- 
ment de  l'organisme  le  principe  psychique  dont  il  défend  les  droits; 
nous  croyons,  par  exemple,  qu'en  affirmant  la  liberté,  il  en  donne 
une  explication  qui  la  supprime  ou  qui  ne  l'atteint  pas.  A  côté  de  cette 
exagération  du  rôle  de  l'organisme,  se  place  d'ordinaire,  dans  ses 
pages,  l'exagération  de  la  nécessité  du  langage.  Le  tout  se  résume 
assez  bien  dans  cette  double  formule  (p.  440)  :  «  1°  La  matière  fonc- 
tionnelle cérébro-motrice  fournit  à  la  pensée  son  aliment;  2°  la  fonc- 
tion-langage lui  fournit  le  mouvement  indispensable    à  ses  opéra- 


—  395-  - 

tions.  »  —  Le  même  esprit  systématique  gâte  le  résumé,  d'ailleurs 
savant  et  curieux,  qui  constitue  le  premier  chapitre  de  la  quatrième 
partie,  l'Ame  au  point  de  vue  histoi'ique  et  critique,  où  Bichat  tient 
plus  de  place  que  saint  Thomas,  d'ailleurs  sérieusement  analysé  et 
fort  admiré  par  l'auteur.  Quant  à  l'autre  chapitre,  Constitution  de 
l'âme,  il  n'aboutit  qu'à  remettre  en  relief  la  seule  idée  assez  bien  dé- 
mêlée dans  ce  gros  volume  si  incomplet,  savoir  la  distinction  essen- 
tielle de  la  notion  sensible  et  de  la  notion  intelligente . 

—  La  Raison  et  l'âme  de  M.  F.  Magy,  travail  achevé  par  le  fond 
et  parla  forme,  termine  l'exposition  de  sa  métaphysique,  commencée 
dans  un  livre  publié  en  1865  sous  ce  titre  :  De  la  science  et  de  la 
nature,  essai  de  philosophie  première.  M.  Magy  n'a  pas  fait  grand  bruit 
dans  le  monde  des  journaux  et  des  cercles  littéraires;  son  influence 
n'a  même  pas  été  bien  sensible  dans  l'Université  ni  dans  la  presse 
savante.  Il  n'en  est  pas  moins,  aux  yeux  de  plus  d'un  juge  compétent, 
le  plus  profond  métaphysicien  que  la  France  ait  produit  depuis 
Bordas-Demoulin.  M.  Ravaisson  l'a  rattaché,  non  sans  motif,  à  ce 
dernier,  mais  en  marquant  la  différence  essentielle  qui  les  distingue  et 
qui,  d'après  lui,  assurerait  une  haute  supériorité  au  dernier  sur  le 
premier  :  Bordas  étant  physicien  en  métaphysique  parce  qu'il  juge 
l'étendue  inséparable  de  la  force,  et  Magy  seul  vrai  métaphysicien, 
parce  qu'il  professe  l'indépendance  du  principe  supérieur.  Ce  jugement 
ne  serait  pas  le  nôtre,  pour  plusieurs  raisons,  mais  surtout  à  cause 
du  dynamisme  absolu  de  M.  Magy,  qui  ne  nous  paraît  pas  nettement 
démontré  par  ce  profond  dialecticien.  Mais,  sans  entrer  ici  dans  la 
discussion,  donnons  une  idée  de  chacune  des  deux  parties  qui  forment 
les  Principes  du  spiritualisme  exposés  par  l'éminent  philosophe. 

Il  offre  d'abord  une  Théorie  de  la  raison  humaine.,  puis  un  Essai 
sur  la  nature  de  l' âme  humaine.  La  théorie  de  la  raison  traite,  en 
deux  chapitres,  de  sa  loi  fondamentale  et  de  son  essence.  —  La  loi  fon- 
damentale de  la  raison  se  déduit  de  l'analyse  exacte  de  ses  fonctions. 
Or,  ces  fonctions,  faciles  à  démêler  quand  on  a  bien  distingué  la  rai- 
son des  autres  facultés  intellectuelles  dont  elle  accompagne  l'exercice 
et  qui  sont  la  conscience,  la  perception  sensible,  l'imagination  (fa- 
culté d'invention)  et  la  mémoire,  —  ces  fonctions,  dis-je,  sont  au 
nombre  de  six,  que  M.  Magy  établit  et  définit  très-scientifiquement 
l'une  après  l'autre,  en  les  vengeant  aii  besoin  des  interprétations  pu- 
rement empiriques  des  positivistes  et  surtout  de  Stuart-Mill.  Voici 
un  résumé  de  ces  fonctions  fourni  par  l'auteur  lui-même  (p.  95)  :  "  La 
raison  (1)  assigne  et  spécifie  les  divers  objets  de  la  science;  elle  dis- 
tingue et  met  en  évidence  telle  ou  telle  détermination,  telle  ou  telle 
propriété  qu'elle  isole  et  définit,  pour  l'étudier  en  soi  et  dans  ses 
rapports  avec  les  autres  déterminations  ou  propriétés,  soit  analogues. 


—  393  — 

soit  différentes;  (2)  elle  affirme  à  priori,  que  toutes  ces  relations  sont 
régies  par  des  lois  générales;  (3)  elle  suscite  et  impose  à  toutes  les 
sciences  les  axiomes  qui  les  dirigent;  (4)  elle  contraint  l'esprit  hu- 
main, quel  que  soit  l'objet  qu'il  étudie  et  à  quelque  point  de  vue  qu^il 
l'envisage,  à  s'enquérir  des  principes  et  des  causes  ;  (5)  elle  conçoit 
au-dessus  du  monde  sensible  un  monde  idéal  dont  le  premier  n'est 
que  la  dérivation  et  l'image;  (6)  elle  aspire  sans  cesse  non-seulement 
à  l'inconditionné  relatif,  qui  rend  raison  de  telle  ou  telle  classe  d'êtres 
ou  de  phénomènes,  mais  encore  à  l'inconditionné  absolu,  raison  suffi- 
sante et  universelle  de  tout  ce  que  l'intelligence  constate  ou  ima- 
gine. »  Or,  ces  diverses  fonctions,  soigneusement  analysées  et  com- 
parées, suggèrent  cette  formule  de  la  loi  de  la  raison  :  «  Tout  objet 
de  la  pensée  est  conçu  par  la  raison  comme  une  pluralité  d'éléments 
homogènes  et  harmoniques,  ou  comme  la  raison  suffisante  d'un  sys- 
tème qui  lui-même  satisfait  à  ces  trois  conditions  de  pluralité,  d'ho- 
mogénéité et  d'harmonie.  »  — Notons  en  passant  dans  ce  terme,  cher 
à  l'auteur,  V homogénéité,  un  des  points  où  ses  adversaires  viseront  le 
plus  volontiers  :  V homogénéité  T^ou.Ya,nt  s'étendre  jusqu'au  panthéisme, 
que  M.  Magy  réprouve  avec  tant  de  vigueur,  et  la  distinction  qu'il 
admet  pouvant  s'étendre  jusqu'à  l'existence  objective  et  simultanée 
du  simple  et  de  l'étendu,  qu'il  rejette.  —  Nous  ne  dirons  rien  de  l'é- 
preuve que  fait  l'auteur  de  sa  formule  en  l'appliquant  aux  principales 
sciences  où  la  raison  s'exerce;  il  est  difficile  de  trouver  des  pages 
d'une  méthode  plus  ferme  et  d'une  pensée  plus  fortement  nourrie. 

Passons  au  chapitre  de  l'Essence  de  la  raison.  Cette  essence  se  dé- 
gage des  caractères  essentiels  suivants  que  l'analyse  assigne  à  la 
faculté  rationnelle  :  elle  unifie;  —  elle  juge  synthétiquement  a  priori 
(au  sens  de  Kant);  —  elle  prononce  que  l'ordre  est  nécessaire,  non 
pas  d'une  nécessité  fatale,  mais  d'une  nécessité  de  convenance,  qui 
suppose  l'intelligence  de  la  cause  première  :  ici,  longue  digression 
(car,  à  notre  sens,  c'est  une  digression  et  non  une  dépendance  essen- 
tielle de  la  thèse)  contre  le  mécanisme  ;  le  P.  Secchi  est  accusé  d'in- 
conséquence, et  les  belles  expériences  de  Millier  sur  les  impression^ 
des  sens  sont  données  comme  une  démonstration  de  la  pure  subjecti- 
vité de  l'étendue  matérielle  ;  —  les  lois  affirmées  par  la  raison  sont 
vérifiées  dans  l'expérience  (passage  remarquable  sur  l'antinomie  mo- 
rale de  l'homme  porté  au  mal);  —  elles  sont  universelles;  —elles  ont 
la  portée  de  vrais  axiomes  ;  —  elles  ne  peuvent  être  conçues  et  prati- 
quées que  par  un  être  simple  (examen  du  spiritualisme  de  Descartes 
et  de  Maine  de  Biran).  —  Ces  caractères  étant  donnés,  voyons  si  les 
hypothèses  émises  jusqu'ici  sur  l'essence  de  l'âme  peuvent  s'y  adapter. 
A  cette  épreuve  ne  saurait  résister  :  1°  ni  l'empirisme  de  Stuart-Mill, 
amené  à  déclarer  qu'il  peut  y  avoir  des  efi'ets  sans  cause,  que  la  pro- 


—  306  — 

position  2  -f-  2  —  5  est  possible,  que  de  deux  propositions  particu- 
lières on  peut  tirer  une  conclusion  légitime  ;  2°  ni  l'instinct  rationnel 
de  Reid  ou  l'apriorisme  subjectif  de  Kant;  ce  dernier  supprimant  la 
connaissance  rationnelle  «  par  des  subtilités  inadmissibles  dont  il  a, 
pour  ainsi  dire,  jonché  le  sol  de  la  philosophie,  »  et  prêtant  à  la  raison 
de  prétendues  antinomies,  a  qui  ne  sont  que  des  conséquences  de  son 
hypothèse  et  de  vains  artifices  pour  la  confirmer;  »  3°  le  matérialisme, 
auquel  l'auteur  fait  la  part  aussi  belle  que  possible  en  montrant,  ce 
que  ses  partisans  n'ont  guère  vu,  qu'il  n'exclut  point  Tinnéité  de  la  loi 
fondamentale  de  la  raison,  mais  qui  n'en  est  pas  moins  dans  l'impos- 
sibilité absolue,  avouée  par  ses  meilleurs  défenseurs,  d'expliquer  soit 
la  conscience,  soit  la  pensée  dans  sa  portée  générale;  4"  ni  le  pan- 
théisme, qui,  dans  ses  diverses  formes_,  dans  Hegel  comme  dans 
Spinoza,  contredit  l'expérience  des  sens  et  de  la  conscience  en  affir- 
mant l'unité  de  substance,  et  par  là  même,  contredit  aussi  l'entende- 
ment, qui  ne  saisit  et  n'affirme  l'ordre  qu'en  admettant  la  pluralité  des 
êtres.  —  Reste  l'hypothèse  spiritualiste  dynamique  exposée,  comme 
satisfaisant  seule  aux  conditions  du  problème,  dans  des  pages  que 
nous  n'analyserons  pas. 

Nous  nous  contentons  encore,  pour  abréger,  d'une  simple  indica- 
tion touchant  les  deux  chapitres  de  la  seconde  partie  :  Essai  sur  la 
nature  de  l'âme  humaine.  — I.  «  L'âme  est  une  force  simple  et  hyper- 
organique.  »  C'est  au  point  de  vue  dynamiste  pur  que  l'auteur  dé- 
montre cette  proposition  ;  et  ses  preuves  très-vigoureuses  s'appuient 
sur  ces  deux  faits  généraux  :  que  l'âme  est  en  lutte  avec  l'objet  de  son 
action,  et  qu'elle  est  soumise  à  une  règle.  Il  répond  ensuite  aux  objec- 
tions fondées  sur  l'hétérogénéité  des  deux  substances  unies  dans  la 
nature  humaine,  sur  la  corrélation  constante  du  physique  et  du  moral, 
sur  la  génération,  sur  le  principe  de  l'invariabilité  de  la  force  vive.  — 
II.  Caractères  spécifiques  de  l'âme  humaine.  Ces  caractères  sont  savam- 
ment déduits  des  deux  lois  de  la  lutte  et  de  la  règle,  ainsi  que  de 
l'existence  d'une  cause  créatrice.  En  définitive,  notre  âme  diffère 
profondément  :  1°  de  la  matière,  parce  que  les  éléments  dynamiques 
qui  forment  celle-ci  ignorent  et  leur  propre  loi  et  l'ordre  universel 
dont  ils  font  partie;  2°  de  l'âme  des  bêtes,  à  laquelle  M.  Magy  accorde 
beaucoup  trop  à  notre  avis,  mais  qui  ne  saurait  s'élever  à  la  conception 
de  la  loi  générale  de  l'ordre.  Elle  peut  se  définir  «  une  force  libre  sous 
la  souveraineté  de  Dieu.  »  Citons,  pour  finir,  quelques  lignes  de 
M.  Magy  :  «  Pascal  a  dit  de  l'homme  que  quand  l'univers  l'écraserait, 
il  serait  encore  plus  noble  que  ce  qui  le  tue,  parce  qu'il  sait  qu'il 
meurt  et  que  l'avantage  que  l'univers  a  sur  lui,  l'univers  n'en  sait  rien. 
Mais  il  est  un  sort  plus  beau  que  de  mourir  écrasé  par  l'univers,  même 
avec  la  conscience  de  la  douleur  et  de  la  mort.  C'est  de  vivre  libre 


—  3'.>7  — 

SOUS  la  loi  de  l'être  cibsolument  parfait;  et  cette  condition  est  précisé- 
ment la  nôtre,  la  condition  naturelle  et  propre  de  l'âme  humaine 
(p.  403).  » 

Plus  d'un  point  amènerait  quelque  objection  dans  ce  savant  traité, 
outre  l'idée  systématique  déjà  signalée;  mais  ce  n'est  pas  ici  le  lieu 
d'un  tel  examen.  Les  vrais  juges  doivent  étudier  par  eux-mêmes  et  de 
près  ce  beau  volume  qui,  avec  le  précédent  publié  par  le  même  auteur, 
a  sa  place  marquée  dans  la  collection  des  principales  œuvres  philoso- 
phiques du  dix-neuvième  siècle. 

—  C'est  une  œuvre  psychologique  assez  importante  du  siècle  passé 
que  nous  offrent  MM.  Renouvier  et  Pillon,  en  traduisant  pour  la 
première  fois  en  français  le  Traité  de  la  nature  humaine  de  Hume.  On 
peut  s'étonner  que  ce  livre  n'ait  pas  trouvé  plus  tôt  un  interprète  parmi 
nous,  d'autant  plus  que  Fauteur  a  obtenu  de  bonne  heure  en  France 
une  renommée  et  une  influence  considérables.  Mais,  d'abord,  le  système 
psychologique  de  Hume  se  trouve  aussi  bien,  et  môme  avec  un  agré- 
ment de  forme  supérieur  qui  compense  passablement  l'absence  de 
rigueur  méthodique,  dans  ses  Essais  philosophiques  sur  VoUendemcnt, 
traduits  dès  le  dernier  siècle  par  Mérian,  dont  les  nouveaux  éditeurs 
nous  rendent  le  travail  soigneusement  revu,  dans  le  dernier  tiers  de 
ce  volume.  De  plus,  le  succès  avait  manqué,  même  en  Angleterre,  au 
premier  livre  de  Hume  :  «  Jamais,  dit-il  lui-même,  il  n'y  eut  d'entre- 
prise littéraire  plus  malheureuse  que  mon  Traité  de  la  nature  humaine; 
il  mourut  en  naissant...  »  Nous  croyons  cependant,  avec  M.  Pillon, 
que  la  lecture  de  ce  traité  est  loin  d'être  inutile  à  qui  veut  étudier  à 
même  l'évolution  philosophique  de  Hume,  et  qu^il  forme  le  point  de 
départ  des  systèmes  encore  vivants  qui  portent  les  noms  d'associatio- 
nisme  et  de  criticisme.  M.  Pillon  rend  d'ailleurs  pleine  justice  à  l'ex- 
position, sinon  à  la  critique,  de  ce  Traité,  faites  en  1873  par  M.  Com- 
payré  dans  un  travail  dont  nous  avons  parlé  avec  de  justes  éloges. 
L'étude  qu'en  donne  à  son  tour  le  fidèle  disciple  de  M.  Renouvier,  dans 
V Introduction  de  ce  volume,  est  entièrement  conçue  au  point  de  vue 
des  doctrines  particulières  de  la  Critique  philosophique.  Elle  a  du 
.  moins  le  mérite  de  souligner  avec  intelligence  les  points  les  plus  carac- 
téristiques du  Traité,  par  exemple,  l'explication,  «  si  admirablement 
ingénieuse,  »  de  la  façon  dont  l'esprit,  ayant  passé  du  fait  de  l'asso- 
ciation aux  liaisons  causales,  en  vient  à  affirmer  le  monde  extérieur; 
cette  explication,  qui  ne  se  trouve  pas  dans  les  Essais,  est  d'ailleurs 
loin,  d'après  M.  Pillon  lui-même,  d'être  aussi  solide  qu'ingénieuse.  Mais, 
à  son  jugement,  la  gloire  de  Hume  est  d'avoir  fait  une  critique  de 
l'entendement  plus  profonde  à  quelques  égards  que  celle  de  Kant;  et 
le  progrès  essentiel  de  la  philosophie,  accompli  dans  ce  siècle  par 
M.  Renouvier,  a  été  d'unir  le  phénoménisme  de  Hume  à  l'apriorisme 


—  398  — 

de  Kant.  Les  dernières  pages  de  cette  Introduction  sont  un  frappant 
exemple  d'idolâtrie  philosophique.  Mais  la  traduction  du  livre  de  Hume 
nous  a  paru  très-réussie.  Ce  livre,  qui  constitue  tout  un  système  de 
phénoménologie  empirique  et  sceptique  de  l'esprit,  traite,  en  quatre 
parties  que  nous  n'analyserons  point  :  des  idées  en  général,  des  idées 
d'espace  et  de  temps,  de  la  connaissance  et  de  la  probabilité,  du  sys- 
tème sceptique  et  des  autres  systèmes  de  philosophie.  —  Quant  aux 
Essais,  qui  approfondissent  moins  les  mêmes  théories  et  touchent  à 
d'autres  applications,  ils  sont  au  nombre  de  douze,  et  voici  les  titres  de 
quelques-uns  :  sur  l'origine  des  idées,  sur  l'association  des  idées,  de 
l'idée  de  connexion  nécessaire,  de  la  liberté  et  de  la  nécessité,  des 
miracles,  d'une  providence  particulière  et  d'un  état  à  venir,  etc.  Il 
n'est  pas  besoin  de  prévenir  les  lecteurs  des  visées  impies,  sous  la 
forme  respectueuse  d'une  foi  non  fondée  sur  la  raison,  qui  caracté- 
risent ces  derniers  essais. 

—  La  perception  des  sens,  point  de  départ  du  scepticisme  de  Hume, 
a  été  naturellement  reprise  et  étudiée  à  nouveau  par  les  philosophes 
qui  ont  essayé  depuis  d'établir  la  connaissance  du  monde  extérieur  sur 
un  fondement  solide.  Reid  ni  Cousin  n'ont  complètement  réussi  a  bien 
appuyer  l'objectivité  de  la  perception  soit  sur  un  instinct  spécial,  soit 
sur  le  principe  abstrait  de  causalité.  M.  l'abbé  Duquesnoy,  observateur 
exact,  dialecticien  rigide,  sévère  et  lucide  écrivain,  a  très-bien  fait  de 
s'appliquer  à  son  tour  à  l'étude  psychologique  des  sens.  H  est  peut-être 
fâcheux  qu'il  ait  commencé  cette  étude  par  le  côté  métaphysique,  en 
montrant  que  la  perception  sensible  est  un  fait  de  l'âme  et  non  du 
corps.  Nous  sommes  persuadés  que  sa  Perception  des  sens,  opération 
exclusive  de  l'âme,  aurait  gagné  beaucoup  à  être  précédée  d'un  ou- 
vrage qu'il  a  en  préparation  et  dont  certaine  page  trop  courte  du 
présent  livre  (I,  242)  permet  de  concevoir  une  idée  avantageuse  :  la 
Description  de  la  perception  des  sens. 

Le  but  de  son  travail  actuel  est  donc  de  montrer  que  le  sujet  qui 
perçoit  par  les  sens  le  monde  physique  (ou  plutôt  quelques  objets  phy- 
siques) est  non  le  corps,  ou  tel  ou  tel  organe  corporel,  ni  non  plus  le 
composé  qui  résulte  de  l'union  de  l'âme  et  du  corps,  mais  l'âme  seule. 
Par  le  premier  point,  il  réfute  le  matérialisme  ;  par  le  second  point, 
le  système  scolastique  le  plus  répandu  et  qui  est  commun  aux  tho- 
mistes et  aux  scotistes,  mais  qui  a  été  rejeté  par  quelques  maîtres,  soit 
anciens,  comme  Grégoire  de  Rimini,  soit  modernes,  comme  Arriaga. 
—  Voici  maintenant  Téconomie  générale  de  son  travail  :  Première 
partie,  démonstration.  Après  un  chapitre  d'exposition,  où  la  psycho- 
logie intellectuelle  de  l'auteur  nous  paraît,  comme  celle  deM.Garnier, 
son  maître  de  prédilection,  plus  soucieuse  de  précision  que  de  profon- 
deur, un  second  chapitre  démontre,  par  le  témoignage  irrécusable  de 


—  399  — 

la  conscience  et  par  divers  raisonnements  qui  le  supposent,  Timmaté- 
rialité   du  principe  percevant,  de  ce  moi,  qui  est  d'ailleurs  connu 
directement  et  non  objet  de  démonstration  ou  de  pure  croyance.  Un 
troisième  chapitre,  qui  aurait  dû  être  renvoyé  à  la  deuxième  partie, 
reproche  à  la  doctrine  scolastique  qui  attribue  la  connaissance  sensible 
au  composé,  de  compromettre  la  démonstration  de  la  spiritualité  de 
l'âme  et  d'établir  dans  l'âme  une  dualité.  Le   quatrième  chapitre,  un 
des  plus  intéressants,  roule  sur  le  rôle  des  organes  sensoriels  dans  le 
fait  de  la  perception,  dont  ils  ne  sont,  d'après  l'auteur,  ni  des  instru- 
ments, ui  des  intermédiaires,  mais  les  principaux  objets  et  les  excita- 
teurs. Les  deux  chapitres  suivants,  démontrant  que  l'âme  humaine  est 
présente  dans  les  diverses  parties  du  corps  et  qu'elle  est,  dans  le  fait 
de  la  perception  ainsi  que  dans  la  plupart  de  ses  manifestations,  à  la 
fois  active  et  passive,  obtiendront  probablement,  au  moins  dans  leurs 
principaux   détails,    même   le   suffrage    des  néo-scolastiques,   si   peu 
agréablement  traités  dans  la  plupart  des  pages  de  M.  l'abbé  Duquesnoy . 
—  Deuxième  partie,  réfutation.  C'est  d'abord  contre  le  matérialisme 
que  l'habile  dialecticien  dirige  son  argumentation  ;  il  poursuit  l'expli' 
cation  physiologique  de  la  perception  sous  ces  trois  formules,  à  peine 
saisissables  ou  distinctes  :  le  rapport  de  l'impression  à  la  sensation  est 
incompréhensible;  la  perception  est  un  mouvement;  la  perception  est 
une  transformation  des  centres  nerveux.  Nous  ne  connaissons  rien  de 
plus  patiemment  et  de  plus  logiquement  démêlé  que  cette  discussion^ 
où  MM.  Vogt,  Moleschott,  G.  Pouchet  et  Luys  sont  mis  avec  une 
irréprochable  équité  hors  de  la  philosophie  (II,  5-74).  Les  chapitres 
suivants  sont  dirigés  contre  la  théorie  scolastique  étudiée  dans  le 
P.  Liberatore  ;   nous  regrettons  fort  que  l'auteur  s'en  soit  tenu  à  ce 
défenseur  très-estimable,  mais  sur  certains  points  assez  controversé^ 
des  théories  de  saint  Thomas.  M.  Duquesnoy  repousse  d'abord  ses 
preuves  de  raison,  puis  ses  autorités  :  ce  qui  Tamène  à  faire  une  his- 
toire critique  fort  intéressante  de  la  théorie  de  la  perception  sensible 
dans  les  Pères,  les  docteurs  et  les  philosophes  chrétiens.  Le  volume 
se  termine  par  la  réimpression  d'une  Question  tirée  du  Commentaire  de 
Grégoire  de  Rimini  sur  Pierre  Lombard  (II,  235-267).  M.  Duquesnoy 
a  copié  ce  texte  curieux  dans  une  édition  de  1494,  et  l'a  revu  sur  deux 
manuscrits,  l'un  de  la  Bibliothèque  nationale,  l'autre  de  l'Arsenal;  son 
travail,  attentif  et  intelligent,  est  un  vrai  service  rendu  aux  études, 
aujourd'hui  en  faveur,  de  philosophie  scolastique. 

Les  partisans  de  ces  études,  ou  du  moins  ceux  qui  adhèrent  avec 
une  rigueur  absolue  aux  théories  psychologiques  de  saint  Thomas  ,  au- 
ront d'ailleurs  bien  des  pages  à  combattre  dans  le  livre  de  l'ancien  pro- 
fesseur au  lycée  de  Rodez.  Nous  n'entrons  pas  dans  cette  discussion. 
Nous  ferons  remarquer  seulement  :  1°  Qu'on  ne  saurait  guère  contester 


—  ioa  — 

la  justesse  de  certains  reproches  faits  au  P.  Liberatore,  soit  sur 
quelques  points  de  critique,  comme  l'opinion  de  Descartes  sur  la  per- 
ception (II,  211),  soit  sur  des  formules  doctrinales  aussi  malheureuses 
que  celle-ci  (I,  151)  :  «  Si  le  corps  tient  de  l'âme  la  faculté  de  sentir, 
il  faut  dire  que  le  corps  sent  bien  qu'il  tient  cette  faculté  de  l'âme  ;  » 
2°  Qu'on  peut  trouver  des  raisons  plausibles  pour  défendre  contre  les 
attaques  de  M.  Duquesnoy  soit  la  distinction  des  facultés  d'avec  la 
substance  de  l'âme,  soit  la  doctrine  sainement  entendue  qui  attribue 
la  sensation  (y  compris  la  connaissance  purement  sensible  et  animale)^ 
au  composé  et  non  exclusivement  à  l'âme;  3°  Que,  du  reste,  sa  doc- 
trine sur  ce  point  ne  s'éloigne  pas  autant  qu'il  paraît  le  croire  lui- 
même  de  celle  des  scolastiques,  puisqu'il  admet  la  localisation  de  la 
perception  dans  l'organe  et  l'inséparabilité  de  l'excitation  active 
(organique)  et  de  l'excitation  passive  (psychologique)  qu'il  ne  dis- 
tingue pas  de  la  perception  ;  4"  Que  les  scolastiques  reprendront 
encore  plus  facilement  l'avantage  en  ce  qui  concerne  le  dualité  qu'il 
leur  reproche.  Ils  ont  bien  raison  de  distinguer  profondément  l'in- 
tellect actif  (perception  rationnelle)  de  toute  faculté  dépendant  de 
l'organisme;  et  la  théorie  de  la  raison  dans  M.  Duquesnoy  nous  paraît, 
au  contraire,  la  partie  faible  de  sa  psychologie  :  c'est  au  point  qu'en 
affirmant  notre  supériorité  <(  énorme  »  sur  l'animal,  il  ne  connaît  pas 
la  ligne  de  démarcation  de  la  connaissance  animale  et  de  la  connais- 
•sance  intellectuelle  (X,  223)  ;  comme  si  la  perception  de  runiversel, 
privilège  de  l'homme,  si  bien  indiqué  par  les  scolastiques,  n'y  suf- 
fisait pas  ! 

•—  Cette  dualité  incontestable  de  la  connaissance,  en  partie  subor- 
donnée aux  sens,  en  partie  les  dominant,  se  déploie  dans  le  judicieux 
et  agréable  livre  de  M.  Joly  sur  Vlmagination.  Par  ses  deux  premiers 
chapitres  sur  la  notion  de  l'imagination  instinctive  et  habituelle,  dé- 
rivant de  la  sensation,  ce  livre  se  rattache  au  traité  de  psychologie 
comparée  du  môme  auteur,  que  nous  analysions  plus  haut.  Les  pages 
suivantes  sur  le  somnambulisme,  l'extase  et  les  autres  états  où  l'ima- 
gination suspend  les  fonctions  de  la  vie  intellectuelle  normale  ;  sur 
l'hallucination,  l'idée  fixe  et  autres  phénomènes  qui  renversent  l'ordre 
des  facultés  sans  les  suspendre  :  sur  le  rêve,  diminutif  des  états  pré- 
cédents ;  enfin  sur  des  désordres  plus  légers  imputables  à  l'imagi- 
nation, comme  imitation  irréfléchie,  crédulité, rêverie  habituelle,  etc.; 
ces  pages,  également  philosophiques  et  littéraires,  constituent  un 
petit  traité  spécial  bien  lié,  bien  déduit,  où  se  pressent  d'ailleurs  des 
faits  curieux,  qui  en  rendent  la  lecture  fort  attrayante.  Ce  traité  se 
complète  par  un  chapitre  synthétique  (vu)  où  M.  Joly  a  essayé  de  ra- 
mener à  des  lois  précises  la  double  action  des  sens  sur  les  images  et 
des  images  sur  les  sens.  Les  sens  déterminent,  il  le  montre  fort  bien, 


—  iOl  — 

1°  la  quantité  ;  2°  la  qualité  ;  3°  la  nature  spéciale  de  beaucoup 
d'images.  Mais,  à  leur  tour,  les  images  :  P  produisent  une  tendance  à 
exécuter  le  mouvement  qu'elles  représentent  ;  2°  peuvent  faire 
éprouver  la  sensation  qu'elles  rappellent  ;  S°  communiquent  les  sen- 
timents, par  l'intermédiaire  de  tout  mouvement  expressif,  et  4°  les 
produisent  même  dans  le  sujet  par  la  seule  idée  de  ce  mouvement  ; 
5°  la  seule  imagination  d'un  acte  incline  à  l'exécution  de  cet  acte  ; 
6°  la  vue  ou  l'audition  d'actes  qui  s'imposent  à  l'imagination  poussent 
à  l'exécution  de  ces  mêmes  actes.  Ces  lois  ne  nous  paraissent  pas  irré- 
ductibles, et  il  y  a  quelque  chose  à  faire  sur  ce  point  après  le  travail 
de  M.  Joly.  Mais  ce  travail  est  en  somme  fort  louable,  et  sera  consulté 
avec  fruit  par  tous  les  psychologues.  Il  y  a  autant  de  charme  littéraire 
et  de  saine  philosophie  dans  les  derniers  chapitres  (viii-xi)  sur  l'ima- 
gination gouvernée  par  l'intelligence,  ou  plus  précisément  sur  l'ima- 
gination esthétique,  ou  sur  l'expression  dans  la  nature  et  dans  l'art 
avec  ses  diverses  branches^  ainsi  que  sur  l'influence  de  l'imagination 
poétique  dans  la  science  et  dans  la  vie.  Mais  cette  esquisse  ingénieuse 
est  évidemment  très-incomplèt3  et,  par  là,  inférieure  à  la  première 
partie  de  l'ouvrage. 

Ce  n'est  pas  que  cette  première  partie  elle-même  soit  exempte  de 
tout  reproche.  M.  Joly  a  bien  vu  que  son  sujet  (somnambulisme, 
extase,  hallucination)  côtoyait  à  tout  instant  ce  que  les  théologiens 
appellent  le  surnaturel.  Il  a  voulu  l'exclure  de  son  cadre,  il  le  déclare 
à  plusieurs  reprises.  C'était  son  droit.  A  ce  titre,  il  aurait  très-bien 
fait  de  demandera  ses  éditeurs  d'arracher  de  son  volume  une  horrible 
représentation  de  sainte  Thérèse  en  extase,  d'autant  plus  que  cette 
fâcheuse  eau-forte  contredit  le  témoignage  de  la  sainte,  cité  par 
M.  Joly  lui-même,  sur  le  caractère  purement  intellectuel  de  ses  visions. 
Mais  ce  qui  est  plus  grave,  c'est  qu'il  suggère  çà  et  là  des  explications 
naturalistes  de  faits  miraculeux,  et  fournit  plus  souvent  encore  de 
vagues  données  qui  inclineront  les  lecteurs  peu  réfléchis  à  un  natura- 
lisme absolu  en  pareille  matière.  A  propos  des  stigmatisés,  nous  le 
renverrons  à  la  discussion  médicale  très-approfondie  et  très-compé- 
tente du  D''  Lefebvre  sur  Louise  Lateau;  à  propos  de  l'extase  et  des 
phénomènes  analogues,  aux  recherches  psychologiques  publiées  der- 
nièrement dans  les  Études  religieuses  par  un  observateur  qu'il  tient 
justement  en  grande  estime,  le  R.  P.  de  Bonniot. 

—  Avec  le  livre  de  M.  Francisque  Bouillier,  Du  plaisir  et  de  la  douleur, 
nous  arrivons,  pour  finir  cet  article  d'ensemble,  qui  a  touché  aux  plus 
hautes  parties  de  la  psychologie  intellectuelle  et  métaphysique,  à  la 
plus  humble  question  de  la  psychologie  expérimentale,  celle  de  la 
sensation.  Sur  ce  point,  l'esquisse  publiée  en  1865  par  Féminent  aca- 
démicien semble  avoir  fait  loi  dans  l'enseignement  commun  de  la 
Novembre  1878.  T.  XXllI,  26. 


—  402  — 

philosophie  ;  et,  sous  la  forme  plus  complète  et  plus  soignée  qu'il  lui 
donne  aujourd'hui,  amis  et  adversaires  peuvent  consulter  ce  traité 
comme  l'expression  d'une  théorie  psychologique  à  peu  près  reçue  dans 
l'Université,  à  cette  heure  de  doctrines  très-variées  et  très-peu  arrêtées. 
—  En  voici  les  points  principaux,  auxquels  nous  ne  nous  refuserons 
pas  le  plaisir  d'ajouter,  au  besoin,  quelque  critique  ou  quelque  doute. 
Les  deux  premiers  chapitres  déterminent  et  caractérisent  l'objet  du 
livre.  Admettant  comme  un  progrès  nécessaire,  quoique  tardif,  des 
études  psychologiques,  la  division  trichotomique  des  facultés  (sensi- 
bilité, connaissance,  volonté),  M.  Bouillier  appelle  la  première  la 
faculté  de  souffrir  et  de  jouir  :  ce  qui  paraîtra  trop  étroit  à  quiconque 
reconnaît  des  faits  purement  subjectifs  et  immanents  qui  n'ont  le  carac- 
tère ni  du  plaisir  ni  de  la  peine.  De  plus,  en  défendant  l'autonomie  des 
faits  affectifs  contre  le  système  de  L.  Dumont,qui  ne  leur  reconnaissait 
qu'un  caractère  relatif,  il  affaiblit  peut-être  d'avance  sa  propre  théorie 
du  plaisir,  pure  efflorescence  de  l'activité. —  Le  troisième  chapitre,  le 
plus  important  de  tous,  a  pour  titre  :  De  la  cause  du  plaisir  ;  il  expose 
la  théorie  créée  par  Aristote  [Mor.  à  Nicom.,  X,  m,  iv)  et  pleinement 
développée  par  W.  Hamilton  {Lectures  on  Métaph.,  ii),  qui  attribue  le 
plaisir  au  développement  libre  et  régulier  de  l'activité  ;  ce  qui  se 
vérifie  a  contrario  dans  le  chapitre  iv  (qui  est  plus  d'un  littérateur 
moraliste  que  d'un  psychologue  rigoureux)  :  De  la  crainte  de  la  mort, 
et  plus  directement  dans  le  v^  :  Des  diverses  sortes  de  plaisir  et  dans 
le  vie  :  Point  de  plaisirs  passifs.  Tout  cela  est  juste  au  fond,  et  ici  comme 
sur  bien  d'autres  points,  le  psychologisme  étroit  de  notre  siècle  a  bien 
fait  de  revenir  aux  formules  d' Aristote.  Mais  il  faut  prendre  garde  à 
l'exagération  en  sens  contraire.  Dés  que  tout  fait  de  l'âme  implique 
l'activité,  la  formule  en  renom  sur  la  cause  du  plaisir  n'a  pas  une  portée 
si  profonde  qu'on  croirait  de  prime  abord.  Les  réponses  de  M. Bouillier 
aux  difficultés  que  Stuart  Mill  opposait  à  Hamilton  sont  parfois  con- 
testables. Dans  les  plaisirs  de  l'ordre  moral  surtout,  la  notion  d'acti- 
vité perd  infiniment  de  son  importance,  et  celle  de  finalité  la  domine  de 
beaucoup.  M.  Bouillier  insiste  sur  le  plaisir  du  rire,  en  adoptant  sur 
la  cause  de  ce  phénomène  la  théorie  de  L.  Dumont  (double  impulsion 
donnée  rapidement  à  l'esprit  par  deux  jugements  contradictoires),  qui 
favorise  sa  thèse  générale,  et  qui  est  d'ailleurs  assez  plausible  ;  mais  il 
passe  rapidement  sur  le  plaisir  esthétique,  où  le  mouvement  est  moins 
facile  à  constater.  Nous  signalerons  le  même  embarras  dans  les  cha- 
pitres ingénieux  du  plaisir  dans  la  douleur  {vu)  et  de  la  sympathie  {yiii). 
Parmi  les  explications  psychologiques  recueillies  dans  vingt  auteurs 
par  M.  Bouillier,  et  d'ordinaire  jugées  avec  une  grande  largeur  d'esprit, 
combien  y  en  a-t-il  qui  ont  leur  justesse  au  moins  partielle,  et  qui  ne 
sont  pas  facilement  réductibles  à  l'unique  loi  de  l'activité  libre  et  régu- 


-  403  — 

liére  !  —  Tel  est  le  défaut  général  de  cette  première  moitié  du  traité, 
où  d'ailleurs  cent  passages  offriraient  matière  à  de  justes  éloges  et 
quelques-uns  à  des  critiques  de  détail.  Citons  un  de  ces  derniers.  En 
rapportant  le  mot  de  Lessing  :  «  Si  la  Providence  me  montrait 
enfermée  dans  une  main  la  vérité  absolue  ne  laissant  plus  aucune  place 
au  doute  et  à  la  recherche,  et,  dans  l'autre^  la  vérité  incomplète  et 
imparfaite  qui  provoque  les  recherches  et  les  efforts,  je  dirais  :  Garde 
celle-là,  donne-moi  celle-ci,  »  M.  Bouillier  aurait  dû  y  montrer 
l'empreinte  du  spinozisme  et  le  rejeter  au  nom  de  la  vraie  notion 
du  bonheur  soit  en  DieU;,  soit  dans  Tâme  humaine.  Mais  sa  formule 
l'a  trop  préoccupé  ! 

Les  autres  chapitres  donnent  peut-'être  moins  de  prise  à  la  critique, 
tandis  qu'ils  appellent  à  tout  instant  la  reconnaissance  du  lecteur  pour 
une  masse  énorme  d'excellents  matériaux,  tantôt  empruntés  à  toute 
la  littérature  philosophique  et  même  extra-philosophique,  tantôt  plus 
ou  moins  propres  à  l'auteur,  soigneusement  agencés  et  exprimés  avec 
une  grâce  sévère  et  une  sagesse  pleine  de  bonhomie.  Signalons  le  cha- 
pitre XI  :  Continuité  de  la  sensibilité,  que  nous  n'admettrions  qu'en 
étendant  la  notion  de  sensibilité  à  des  états  affectifs  indifférents  ; 
le  xii^,  Antériorité  du  plaisir  sur  la  douleur,  fondé  sur  l'existence  d'in- 
clinations antérieures  aux  faits  de  sensibilité  ;  le  xiii"  et  le  xiv^,  apo- 
logie ingénieuse  et  sensée  de  la  douleur  au  point  de  vue  physique  et 
moral,  où  manque  l'idée  religieuse  de  la  souffrance  garantie  de  l'im- 
mortalité. Les  derniers  chapitres  renferment  une  classification  des- 
criptive, judicieuse,  mais  peu  originale,  des  peines  et  des  plaisirs.  — 
En  somme,  comme  plus  d'un  autre  livre  du  même  auteur,  le  traité 
du  plaisir  et  de  la  douleur  est  plein  d'excellents  détails  et  mérite  d'être 
consulté  par  tous  les  amateurs  de  psychologie  ;  mais  c'est  une  oeuvre 
de  bonne  littérature  philosophique  plutôt  qu'une  œuvre  de  philosophie 
profonde  et  nettement  arrêtée.  Léonce  Couture. 


INSTRUCTION  CHRÉTIENNE  ET  PIETE 

1.  Révélations  de  sainte  Gerlrude,  vierge  de  [ordre  de  Saint-Benoît,  tradmles  sur  la  nouvelle 
édition  latine  des  Pères  Bénédictins  de  Solesmes.  Paris  et  Poitiers,  Oudin,  1878, 
•Z  vol.  in-12  de  lv-364-395  p.  Prix  ;  5  fr.—  2.  Catéchisme  de  la  vénérable  Mère  Marie 
de  i Incarnation,  fondatrice  des  Ursulines  de  Québec,  ou  Explication  familière  de  la 
doctrine  chrétienne.  Paris  et  Tournai,  Gasterman,  1878;,  in-12  de  xil-359  p.  Prix  : 
2  fr. —  3.  De  la  venue  glorieuse  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  et  de  son  règne  avant  le 
jugement  dernier,  par  M.  l'abbé  Gabriel  Gras,  curé  de  Beaulieu  (diocèse  de  Nice). 
-Mce,  Cauvin,  1878,  in-18  Jésus  de  270  p.  Prix  :  1  fr.  75.  —i.Cinq  chapitres  d'une 
philosophie  pour  tous  :  Essai  sur  le  gouvernement  de  la  vie.  Poitiers,  Oudin,  1878,  in-32 
de  64  p.  Prix  :  50  cent. — 5.  Du  don  de  soi-même  à  Dtew, par  le  R.  P.  Gr'ou.  Paris, 
Vie,  1878,  in-32  de  64  p.  Prix  :  30  cent,  —  6.  Méditations  sur  le  Pater  noster  et 
l'Ave  Maria,  traduites  de  l'allemand,  de  Fbanz  Lennig,  vicaire  général  de  Mayence, 
par  l'abbé  M.^bire,  vicaire  général  de  Bayeux.  Gaen,  Chénel;  Paris,  Heicbel,  1878, 
in-18  carré  de  xiii-194    p,  Prix  :  2  fr.  —  7.  La  Religion  comprise  et  aimée  des  petits 


—  404  — 

enfants,  ii&ï  M.  l'abbé  Fourrière,  curé  d'Oresmaux  (Somme).  Paris,  Sarlit,  1878, 
iQ-24  de  107  p.  Seconde  édition,  ornée  de  gravures.  Prix  :  40  cent.  —  8.  Une  heure 
en  paradis,  par  L.  de  PlaSMAN.  Paris,  Olmer,  1878,  in-12  de  213  p.  Prix:  2  fr. — 
9.  Le  Psautier  du  pèiertn,  par  dom  Ldigi  Tosti,  abbé  du  Mont-Cassin  ;  traduit,  avec  la 
permission  de  l'auteur,  sur  la  10e  édition  italienne,  par  Isin.  Boucdet,  ancien  no- 
taire. Poitiers  et  Paris,  Oudin,  1878,  in-24  de  iv-307  p.  Prix  :  1  fr.  25.—  10.  Caté- 
chisme de  la  famille  chrélieniie^  par  Mgnor  Martin,  protonotaire  apostolique.  Lyon, 
Vitte  et  Lutrin,  1878,  in-)  2  de  vni-373  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  11.  ia  Vie  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ,  par  Louis  Veuillot  (neuvième  édition).  Paris,  V.  Palmé; 
Bruxelles.  Albanel,  1878,  in-12  de  525  p.  Prix  :  3  fr.  50.  —  12.  Les  Enseignements 
de  Notre-Dame  de  Lourdes,  et  leurs  harmonies  avec  les  besoins  de  notre  époque,  par 
M.  l'abbé  Ginestet,  curé  de  Noailles.  Paris  et  Bruxelles,  V.  Palmé,  1878,  tome  I, 
in-12  de  428  p.  Prix:  3  l'r.  50. —  {o.  Somme  ascétique  de  saint  François  de  Sales,  ou  la 
Vie  chrétienne  étudiée  à  l'école  du  Docteur  de  la  piété,  par  l'abbé  N.  Albert,  aumônier 
des  Sœurs  de  Saint-Joseph  à  Annecy.  Poitiers  et  Paris,  Oudin,  1378,  in-12  de 
XXix-543  p.  Prix  :  4  fr. —  14.  LaParure  spirituelle  des  Enfants  de  Marie,  par  le  R.  P. 
Baylot,  de  la  Société  de  Marie.  Paris,  Vie,  1878,  in-18  oblong  de  ix-370  p.  Prix: 
3  fr.  —  15.  Dieu  et  son  amour  pour  ses  créatures  :  Elévations  philosophiques  etreligieuses 
par  M.  l'abbé  de  Bellune,  secrétaire  de  Mgr  l'archevêque  de  Tours.  Tours,  Cattier; 
Paris,  Larcher,  1878,  in-18  carré  de  352  p.  Prix  :  3  fr. —  16.  Les  Pleurs  de  David.  Ma- 
nuel de  pénitence  composé  des  psaumes  traduits  et  médités,  par  M.  l'abbé  A"*, 
curé  au  diocèse  de  Lj'on.  Lyon,  Vitte  et  Lutrin,  1878,  in-32  de  xx-306  p.  Prix  : 
1  fr.  25. —  17.  Meditationes  brevissimce,  in  usum  sacerdotum,religiosorum,  missionuriorum, 
iter  agentium,  et  in  totum  annum  distribut;G,  auctore  P.  Michaele  Cuvelhier,  So- 
cietatis  Jesu.  Turin,  Marietti,  1878,  in-18  de  352  p.  Prix:  2  fr. —  18.  Direction 
chrétienne,  par  Fénelon,  avec  une  préface  de  Mgr  Dupanloup.  Paris  et  Bruxelles, 
V.  Palmé,  1877,  in-18  oblong  de  Xii-405p.  Prix  :  3  fr. —  19.  Directions  spirituelles  de 
saint  François  de  Sales,  recueillies  et  mises  en  ordre  par  .M.  l'abbé  Chaumont.  Paris 
et  Bruxelles,  Palmé,  1877,  volumes  in-18  carré.  Prix  :  3  fr. —  20.  Mois  du  Sacré-Cœur 
de  Jésus,  Xvii-409  p.  Prix  :  3  l'r.  —  21.  Des  Tentations,  xiX-316  p.  Prix  :  3  fr.  — 
22.  De  la  sainte  espérance  et  de  la  Simplicité,  XXil-393  p.  Prix  :  3  fr. —  23.  Durelour  de 
l'âme  à  Dieu,  xxx-445  p.  Prix  :  3  fr.  (Bibliothèque  de  piété  des  gens  du  monde.)  — 
24.  La  Morale  chrétienne,  par  Bodrdaloce,  avec  une  préface  du  R.  P.  Félix.  Mêmes 
librairies,  1877.  Même  format,  XXI-5G8  p.  Prix  :  3  fr. —  25.  Le  Directeur  des  enfants  au 
saint  tribunal  de  la  Pénitence,  par  M.  l'abbé  Tcrcan,  in-24  de  32  p.  Séez,  Mon- 
tauzé,  1878.  Prix  :  25  cent. —  26.  Le  Verilà  catloliche  esposte  al  popolo  e  otdo«i(nella 
spiegazione  del  Credo)  e  la  moderna  incredulità  confusa  dalle  scienze  moderne,  par 
ldg°or  Antonio  -  Mahia  Belasio.  missionario  apostolico,  camariere  d'onore  di 
SuaSantità.   Turin,  librairie  salésienne,  1878,  in-12  de   xvi-392    p.    Prix  :  2  fr.  50. 

—  27.  La  Missione  interiore  dello  Spirito-Santo,  di  Mgr  Manning,  volta  in  italiano, 
sulla  2a  edizione  inglese,  dal  sacerdote  Andréa  Fantoli,  parroco  di  Agrate.  Turin, 
Marietti,  1878,  in-12  de  Viii-322  p.  Prix:  2  fr.  50.  —  28.  La  Missione  temporale 
dello  Spirito-Santo,  ovvero  la  ragione  e  la  revelazione.  per  Mgr  Mannlng  ;  versione 
dair  inglese  par  Fr.  Panfilo  da  Magliano.  3a  edizione,  in-12  de  xi-283  p.  Turin, 
Marietti.  Prix  :  2  fr.  50.  —  29.  Omelie  di  Mg^or  Aniceto  Ferrante,  vescovo  di 
Gallipoli.  Turin,  P.  Marietti,  1878,  in-12  de  vii-292p.  Prix  :  2  fr.  50.—  iO.  RaccoUa 
di  orazioni  sacre  inédite  di  Mg°or  Vixo  Corallo,  vicario  générale  di  Siracusa. 
Turin,  Marietti,  1878,  in-12  de  266  p.  Prix  :  2  fr. —  31.  Fatti  di  maggior  rilievo  delV 
Antico  e  Nuovo  Testamento,  illustrati  con  120  incisioni  ed  analoghe  moralità,  per 
Mgnor  Pasquale  DE  Nardis.  Turin,  Marietti,  1878  in-12  de  243  p.  sur  papier 
épais.  Prix:  3  fr.  50. —  32.  Ragionamenti  sacri  suite  feste  di  Maria  Vergine  Sanctissima, 
e  cenni  storico-morali  su  alcuni  suoi  sanctuari,  del  P.  Antoning  da  TorinO,  mission, 
apost.,  cappuccino.  Turin,  P.  Marietti.    1878,  in-12  de   vili-436  p,  Prix  :   2  fr.   50. 

—  32.  Ave  Maria  :  Traliato  popolare  sulla  divozione  à  Maria  ss.,  del  sacerdote  -  Severino 
Ferreri,  da  Torino.  Turin,  Marietti,  1878,  in-12  de  xiii-310  p.  Prix  :  1  fr.  50. 

1.  La  lecture  des  Révélations  de  sainte  Gertrude  ne  convient,  évi- 
demment, qu'à  une  âme  profondément  chrétienne,  habituée  à  la  vie 
intérieure  et  ne  s'effrayant  point  des  évolutions  et  des  grandes  choses 
de  la  mystique  divine.  Co  livre  a  toujours  été  en  grande  estime  dans 
l'Eglise  catholique,  où  l'on  admet  volontiers  la  réalité  des  communi- 
cations célestes  rapportées  par  la  sainte.  Elle-même  raconte,  en  ter- 
minant sa  rédaction,  que  le  Sauveur  se  lit  voir  à  elle  et  lui  adressa 


—  i05  — 

ces  paroles  :  «  Je  presse  ton  livre  contre  ma  poitrine,  afin  d'en  péné- 
trer toutes  les  lettres  de  la  douceur  de  ma  divinité,  ainsi  qu'un 
suave  hydromel  imprègne  une  bouchée  de  pain  frais  de  pure  farine 
de  froment,  afin  que  celui  qui  pour  ma  gloire  ^ira  ces  pages  avec 
une  humble  dévotion  en  perçoive  un  fruit  de  salut  éternel  (t,  II, 
p.  385).  »  Alors,  continue  Gertrude,  je  priai  le  Seigneur  de  vouloir 
bien  préserver  le  livre  de  toute  erreur.  Jésus,  étendant  sa  main  ado- 
rable, fit  sur  le  volume  le  signe  de  la  croix  en  disant  :  «  Ainsi  qu'à  la 
messe  j'opère  la  transsubstantiation  du  pain  et  du  vin  pour  le  salut 
de  tous,  je  sanctifie  en  ce  moment,  par  ma  céleste  bénédiction,  tout 
ce  qui  est  écrit  en  ce  livre,  pour  le  salut  de  tous  ceux  qui  voudront 
y  lire  avec  une  humble  dévotion,  a  C'est  dans  cet  esprit,  en  eff'et, 
qu'il  faut  aborder  de  tels  écrits^  ou  ils  sont  illisibles.  Mais  aussi,  pour 
le  sincère  croyant,  ils  renferment  de  précieuses  délices.  —  La 
présente  traduction  est  publiée  avec  un  soin  que  nous  devons  louer  : 
biographie  de  la  sainte,  appréciation  de  son  œuvre,  table  analy- 
tique, style  aisé  et  précis,  rien  ne  nous  paraît  y  manquer.  Le  nou- 
veau traducteur  anonyme  a  parfaitement  résumé  le  livre  :  tantôt 
remarque-t-il,  le  Cœur  divin  apparaît  à  G-ertrude  comme  un  trésor 
où  sont  renfermées  toutes  les  richesses;  tantôt  c'est  une  lyre  tou- 
chée par  l'Esprit-Saint,  au  son  de  laquelle  se  réjouissent  la  très- 
sainte  Trinité  et  la  cour  céleste, Puis  c'est  une  source  abondante,  dont 
le  courant  va  porter  le  rafraîchissement  aux  âmes  du  purgatoire,  les 
grâces  fortifiantes  aux  chrétiens  vivant  encore  sur  la  terre.  C'est  un 
encensoir  d'or,  d'où  s'élèvent  autant  de  parfums  différents  qu'il  y  a 
de  races  diverses  d'hommes  pour  qui  Notre-Seigneur  a  souifert.  Une 
autre  fois,  c'est  un  autel  sur  lequel  les  fidèles  déposent  leurs  offrandes, 
les  saints  du  ciel  leurs  hommages,  les  anges  leurs  respects,  et  où  le 
prêtre  éternel  s'immole  lui-même.  C'est  une  lampe  suspendue  entre 
le  ciel  et  la  terre,  une  coupe  où  s'abreuvent  les  élus.  —  On  voit  ce 
qu'est  un  tel  livre,  le  charme  religieux  qu'il  renferme^  et  à  qui  il  s'a- 
dresse spécialement. 

—  2.  Le  Catéchhme  de  la  véuérahlc  Mère  Marie  dje  f  Incarnation  est 
une  œuvre  du  dix-septième  siècle,  due  aussi  à  une  éminente  religieuse, 
Marie  de  l'Incarnation,  qui  est  la  seconde  gloire  de  l'ordre  célèbre 
des  Ursulines.  C'est  elle  qui  créa  le  monastère  de  Québec,  maintenu 
jusqu'à  nos  jours;  et  elle  est,  ajuste  titre,  honorée  comme  l'une  des 
plus  actives  coopératrices  à  la  colonisation  française  du  Canada.  L'é- 
diteur actuel,  M.  l'abbé  Richaudeau,  aumônier  des  ursulines  de  Blois, 
a  déjà  publié  sa  Vie.  Imprimé  pour  la  première  fois  en  1084,  par  les 
soins  de  dom  Claude,  ce  catéchisme  a  été  jugé,  par  le  P.  Charlevoix 
et  parMoréri,  l'un  des  meilleurs  que  Ton  possédât  de  leur  temps.  On 
a  fait  sans  doute,  depuis,  des  traités  du  même  genre  autrement  éten- 


—  406  — 

dus,  développés,  variés  et  instructifs 'mais  celui-ci  demeurera  parmi 
les  plus  utiles.  A  la  clarté  de  Texposition,  à  l'ordre  parfait  de  la  marche, 
à  la  douce  piété  qui  en  orne  toutes  les  pages,  aux  citations  nombreuses 
de  la  sainte  Écriture,  il  joint  cet  avantage  non  médiocre  d'avoir  été 
écrit  par  une  sainte.  La  bonne  ursuline  emploie  peu  le  raisonnement 
subtil  et  froid.  Elle  expose  chaque  point  de  doctrine,  de  manière  à 
ne  laisser  dans  l'esprit  aucune  obscurité,  et  se  contente  de  cette 
exposition,  en  y  ajoutant  néanmoins,  pour  le  cœur,  le  commentaire 
pieux  qui  est  comme  la  moelle  de  toute  instruction  religieuse. En  un  mot, 
c'est  bien,  ainsi  que  le  dit  le  sous-titre,  une  «  explication  familière  de 
la  doctrine  chrétienne.  »  —  On  n'y  procède  point  par  demandes  et  par 
réponses. Le  plan  se  compose  de  quatre  parties,  après  un  chapitre  pré- 
liminaire sur  le  Signe  de  la  croix,  Dieu,  la  Trinité,  l'Incarnation. 
Dans  la  première,  comprenant  vingt-trois  instructions,  on  explique, 
article  par  article,  le  Symbole  des  Apôtres.  La  seconde,  de  quinze 
instructions,  embrasse  la  morale  ou  les  commandements  de  Dieu.  La 
troisième  traite  de  nos  relations  directes  et  volontaires  avec  Dieu  par 
la  prière,  et  commente  l'Oraison  dominicale.  A  la  quatrième  a  été  ré- 
servé ce  qui  concerne  les  sacrements. —  Composé  pour  les  religieuses 
et  leurs  jeunes  pensionnaires,  l'ouvrage,  qui  ne  suffirait  pas  pour  un 
grand  catéchisme  de  persévérance,  atteint  très-heureusement  son  but, 
et  mérite  d'être  signalé  à  qui  de  droit. 

—  3.  L'enseignement  que  nous  présente  M.  l'abbé  Gabriel  Gras, 
dans  son  ouvrage  De  la  venue  glorieuse  de  Notre-Seigneiir,  relève  ex- 
clusivement de  la  haute  théologie.  C'est  un  travail  digne  de  la  plus 
sérieuse  attention,  et  qui  accuse  une  rare  pratique  des  saints  Livres 
et  des  Pères  de  l'Église.  Écartons  ce  qui  regarde  la  langue  :  on  sent 
dans  ces  pages  l'écrivain  italien,  peu  familiarise  avec  notre  idiome  et 
dominé  souvent  par  la  terminologie  du  sien.  C'est  là,  en  pareil  sujet, 
un  inconvénient  de  second  ordre.  Tl  s'agit  de  l'une  des  questions  les 
plus  débattues  autrefois,  les  moins  connues  aujourd'hui^  et  au  sujet 
desquelles  circulent  le  plus  d'idées  fausses  parmi  ceux  qui  s'occupent 
des  matières  religieuses  :  le  millénarume.  Chose  remarquable  :  à  peu 
près  oublié  pendant  de  longs  siècles,  il  retrouve  faveur  auprès  de  bon 
nombre  d'esprits  graves,  pour  qui  il  paraît  démontré  que  .Jésus-Christ 
reviendra  sur  la  terre  régner  visiblement  pendant  mille  ans  avant  la 
résurrection  universelle.  Il  faut  se  hâter  de  dire  que  cette  opinion, 
prise  dans  sa  vraie  expression,  ne  fut  jamais  condamnée  par  l'Église. 
C'est  ce  que  notre  savant  et  logique  auteur  s'attache  à  établir  avant 
tout  :  car,  dit-il,  il  est  prêt  à  déchirer  son  livre  si  le  Saint-Siège  y 
surprend  une  syllabe  offensive  du  dogme  catholique.  Nous  ne  l'y  avons 
p^às  découverte,  pour  notre  part.  M.  l'abbé  Gras  a  le  précieux  talent 
de  poser  très-précisément  sa  thèse,  de  l'appuyer  sur  des  autorités  se- 


—  407  — 

rieuses,  de  discuter  clairement  les  nuances,  les  termes,  les  objections, 
et  de  n'avancer  qu'après  avoir  montré  la  solidité  du  terrain  où  il  s'en- 
gage. Il  est,  en  outre,  dans  tout  cet  exposé,  d'une  piété  qui  parle  au 
cœur.  Quoi  qu'on  pense  de  la  thèse  en  elle-même,  on  est  obligé  de 
convenir  qu'elle  ne  pouvait  être  discutée  avec  plus  de  conviction 
personnelle,  plus  de  modération  et  de  discrétion  dans  la  forme,  plus 
de  science  et  de  clarté  dans  le  raisonnement.  Pour  M.  l'abbé  Gras, 
donc,  la  venue  de  Jésus-Christ  pour  un  règne  triomphant  sur  la  terre 
avant  la  fin  des  temps  a  été  la  croyance  consolante  de  milliers  de 
chrétiens  depuis  l'époque  des  Apôtres;  elle  est  le  principal  objet  de 
l'Apocalypse  de  saint  Jean,  et  l'adoption  de  cette  croyance  par  plu- 
sieurs saints  Pères  la  rend  au  moins  probable  :  il  ne  va  plus  loin,  et 
c'est  pourquoi  nous  avons  parlé  de  sa  discrétion.  Le  Seigneur,  écrit- 
il,  revenant  ici-bas,  glorieux  et  triomphant,  exterminera  l'Antéchrist 
et  son  armée;  il  rappellera  à  la  vie  plusieurs  saints,  principalement 
les  martyrs,  qui,  ressuscites  et  jouissant  de  la  vision  béatifique,  habi- 
teront avec  lui  la  Jérusalem  descendue  du  ciel  et  transportée  sur  la 
terre,  comme  la  maison  de  la  très-sainte  Vierge,  où  le  Verbe  fait 
chair  habita,  a  été  transportée  de  la  Galilée  à  Lorette.  En  même 
temps  Lucifer  sera  enchaîné  ;  les  guerres  seront  partout  supprimées, 
et  Notre-Seigneur  gouvernera  lui-même,  religieusement  et  politique- 
ment, tous  les  hommes.  Ce  sera  un  commencement  de  réparation  des 
outrages  faits  à  son  saint  nom  par  les  méchants  qui  l'ont  combattu  et 
qui  ont  refusé  de  le  connaître.  Les  Israélites,  devenus  chrétiens,  ras- 
semblés de  nouveau  en  Palestine  et  dans  Jérusalem  rebâtie,  seront 
unis  avec  tous  les  peuples  de  la  terre,  convertis  aussi,  et  formeront 
avec  eux  un  seul  bercail  régi  par  le  divin  pasteur,  et  cela  pendant 
bien  des  siècles;  après  lesquels  aui-a  lieu  une  grande  tiédeur  qui  occa- 
sionnera le  déchaînement  de  Satan  et  une  immense  révolte  d'un  grand 
nombre  de  Gentils,  révolte  qui  sera  suivie  du  feu  du  ciel,  de  la  résur- 
rection générale,  du  jugement  dernier  et  de  la  sentence  finale.  Nous 
ne  nous  permettrons  certes  pas  de  prononcer  nous-même,  en  telle 
matière;  mais  deux  choses  frappent  dans  le  volume  de  M.  l'abbé  Gras  : 
le  sens  presque  obvie  des  textes  sacrés  qu'il  commente,  et  la  quantité 
de  personnages  éminents  dans  l'Église  qui  ont  été  millénaristes  en  ce 
sens.  Il  nous  suffit  de  provoquer  à  la  lecture  de  ce  livre  particuliè- 
rement intéressant,  malgré  les  défectuosités  de  la  forme  littéraire. 
L'auteur  annonce,  d'ailleurs,  qu'il  donnera  une  continuation  à  son 
travail  et  le  complétera,  s'il  est  bien  accueilli  parmi  nous.  Il  va  sans 
dire  que  la  grosse  question  de  la  succession  des  âges  et  de  la  fin  du 
monde  est  abordée  par  M.  l'abbé  G.  Gras. 

—  4.  Après  avoir  rédigé,  à  l'usage  de  son  fils,  une  série  de  conseils 
pour  le  gouvernement  de  sa  vie,  ce  jeune  homme  étant  venu  à  mourir, 


—  408  — 

M.  Ducliesne  de  Saint-Léger  a  pensé  que  le  travail  serait  utile  à 
d'autres,  et  il  se  décide  à  le  publier  sous  le  titre  de  Philosophie  pour 
tous.  De  cet  ouvrage  il  a  extrait  cinq  chapitres,  qu'il  donne  dans  une 
brochure  à  part,  comme  prospectus  et  spécimen  précurseur.  «  Un  re- 
cueil de  ces  règles  et  de  ces  principes  existe-t-il2  Mes  recherches  ne 
m'en  ont  fait  découvrir  aucun  qui  soit  suffisamment  complet  et  appré- 
ciable à  notre  époque  (p.  4).  »  Si  l'on  en  juge  par  les  extraits  dont 
nous  parlons,  la  Philosophie  pour  tous  répondra  bien  à  son  titre. 
L'auteur  écrit  avec  distinction  ;  ses  citations  fréquentes  des  classiques 
font  voir  en  lui  le  lettré  ;  l'esprit  chrétien  forme  le  fond  de  sa  doctrine. 
Non  qu'il  ait  entendu  prendre  le  ton  du  prédicateur;  il  est  simple, 
pratique,  homme  du  monde  s'adressant  à  des  personnes  qui  vivent 
dans  le  monde  ;  c'est  l'honnête  homme  qu'il  veut  former,  plutôt  que 
ces  âmes  héroïques  qu'on  appelle  des  saints.  Son  chapitre  sur  «la  vie» 
est  tout  à  fait  remarquable. 

—  5.  Petit  livre  de  propagande  pour  les  catéchismes  et  les  commu- 
nautés, que  le  Don  de  soi-même  à  Dieu,  du  R.  P.  Grou,  réédité  par 
la  librairie  Vie.  L'éditeur  le  destine  spécialement  à  ces  «  étrennes 
pieuses  »  qui  se  distribuent  entre  chrétiens.  Pensée  louable,  vraiment, 
et  qui  a  présidé  à  la  collection  plus  étendue  dont  le  Don  de  soi-même 
fait  partie.  Le  P.  Grou  est  du  siècle  dernier.  Chassé  de  France 
par  la  Révolution  spoliatrice  et  persécutrice,  il  séjourna  plusieurs 
années  à  Londres,  et  il  y  fit  imprimer,  en  1796,  ses  Méditations  sur 
Vamour  de  Dieu,  si  connues  des  fidèles,  et  le  Don  de  soi-même.  Ce  der- 
nier opuscule  occupe  peu  de  place  dans  cette  petite  brochure,  mais  il 
est  encore  assez  développé,  l'édition  en  étant  fort  compacte.  L'écrit  se 
termine  par  des  maximes  ou  pensées  résumant  en  peu  de  lignes  les 
principes  de  la  vie  selon  l'esprit  de  l'Evangile.  Le  P.  Grou  possède  la 
grâce  de  parler  avec  suavité;  il  est  très-solide,  et  en  même  temps  on 
ne  se  lasse  pas  de  l'écouter,  pour  l'incomparable  douceur  de  son 
langage. 

—  6.  Les  deux  principales  prières  du  chrétien  sont  le  Pater  et  VAve 
Maria;  elles  renferment,  pour  qui  sait  les  y  voir,  tous  les  principes  de 
renseignement  catholique  et  de  l'union  à  Dieu.  L'une  est  l'œuvre 
même  de  Notre-Seigneur,  l'autre  est  venue  en  partie  du  ciel  et  a  été 
complétée  par  l'Eglise.  Il  n'y  a  donc  point  de  sujet  de  méditation  plus 
riche,  plus  adapté  à  nos  besoins,  plus  fécond  pour  le  bon  maintien  du 
cœur.  Aussi  les  commentaires  ne  manquent-ils  pas,  depuis  celui  de 
saint  Cyprien  et  des  Pères  des  premiers  siècles  jusqu'aux  nombreux 
ouvrages  publiés  de  nos  jours.  Celui  que  vient  de  traduire  de  l'allemand 
M.l'abbé  Mabire, vicaire  général  de  Bayeux,  se  distingue  par  des  qualités 
fort  louables,  et  sera  pour  les  fidèles  une  ressource.  L'auteur,  M.  l'abbé 
Franz  Lennig,  camérier  du  Pape  et   vicaire    général  de  Mayence, 


—  400  — 

l'avait  présenté,  sous  forme  de  simples  allocutions,  à  un  nombre 
restreint  d'auditeurs  ;  plus  tard,  il  l'écrivit  à  la  manière  des  médita- 
tions, après  avoir  constaté  combien  les  fidèles  aiment  ce  genre  d'ins- 
tructions pratiques.  C'est  son  neveu,  le  chanoine  docteur  Moufang, 
qui  l'a  fait  imprimer  après  la  mort  du  vénérable  auteur.  Les  Médita- 
tions sont  au  nombre  de  quatorze,  et  suivent  l'ordre  des  demandes. 
Les  premières  pages  ont  été  consacrées  à  l'auteur  de  l'oraison  domi- 
nicale et  à  l'ensemble  de  ce  qu'elle  contient  :  examen  général  et  préli- 
minaire, où  nous  observons  la  dignité  de  cette  prière  révélée,  la  vertu 
qui  y  est  attachée,  les  grandes  choses  qu'en  ont  dites  les  saints,  le  cas 
et  le  perpétuel  usage  qu'en  fait  l'Église  dans  sa  liturgie.  Tertullien 
l'appelle  «  un  abrégé  de  l'Evangile,  breviarium  Evangelii.  »  Chacune 
des  sept  demandes  contient  le  remède,  et  est  en  quelque  sorte  l'an- 
tidote d'un  des  sept  péchés  capitaux;  chacune  va  directement  à  dé- 
truire l'une  de  ces  racines  maudites,  ainsi  que  le  démontre  en  détail 
M.  l'abbé  Lennig.  Pensée  neuve  et  très-juste.  Le  traité  tout  entier, 
du  reste,  en  est  rempli.  C'est  une  nourriture  solide,  un  trésor  de 
doctrine,  dont  on  peut  tirer  les  meilleurs  sujets  de  lecture  spiri- 
tuelle, et  d'abondants  matériaux  pour  la  prédication,  surtout  pour 
l'homélie.  Le  livre  eût  été  cependant,  à  notre  sens,  plus  intéres- 
sant et  plus  complet  si  l'on  y  avait  inséré  des  exemples  tirés  des 
vies  des  saints  :  ce  qui  semble  venir  tout  seul  en  maint  endroit. 
Nous  n'omettrons  pas  de  dire  aussi  que  ces  méditations  respirent 
une  piété  tendre  et  communicative  qui  en  rend  la  lecture  tout  à  fait 
édifiante. 

—  7,  La  Religion  comprise  et  aimée  des  petits  enfants  n'est  qu'un 
catéchisme  abrégé,  par  demandes  et  par  réponses,  avec  quelques 
images  :  l'enfant  aime  toujours  les  images,  et  retient  mieux  le  texte 
qu'elles  accompagnent.  Ce  texte  est  ici  très-bien  distribué,  très-clair, 
et  fait  voir  dans  l'auteur  un  homme  habitué  à  parler  à  l'enfance  et  à 
se  faire  comprendre  d'elle.  Cette  édition  est  la  seconde  :  ce  qui 
indique  le  succès  de  la  première.  «  Votre  ouvrage,  écrit  à  l'auteur 
M^Me  cardinal  Donnet,  appartient  à  la  famille  de  ces  petits  livres  que 
le  zèle  multiplie  aujourd'hui  en  faveur  de  l'enfance,  et  dont  chacun 
mérite  l'épigraphe  :  Aiireolus  liber,  et  ad  litteram  ediscendus.  Le  vôtre. 
Monsieur  le  Curé,  justifie  le  titre  que  vous  lui  donnez.  S'il  est  bien 
appris,  vous  atteindrez  le  but  que  vous  poursuivez  :  la  religion  sera 
bien  comprise  et,  par  suite,  aimée  des  petits  enfants,  pour  ne  rien  dire 
de  plus.  » 

—  8.  Uiie  heure  en  paradis.  N'allez  pas  croire  que  M.  de  Plasman 
ait  eu  l'intention  de  se  donner  pour  plus  fort  que  saint  Paul,  et  nous 
ait  décrit  les  joies  du  ciel  au  point  de  vue  théologique  et  mystique.  Il 
se  livre  simplement  à  une   fiction.  Il  voit  en  songe  Socrate  arriver 


—  410  — 

dans  un  nuage  ;  le  philosophe  l'appelle  auprès  de  lui,  l'enlève  dans  les 
régions  supérieures,  et  le  rend  témoin  des  merveilles  de  l'autre 
monde.  C'est  assez  bien  écrit,  riche  d'imagination,  mais  trop  peuplé 
de  païens.  Mettre  à  peu  près  sur  le  même  pied  Socrate  et  saint  Pierre, 
Platon,  Cicéron,  Virgile  et  saint  Vincent  de  Paul,  saint  Augustin  et 
le  juif  Halévj,  n'est-ce  pas  se  lancer  dans  un  éclectisme  par  trop  léger  ? 
Les  réc'ompenses  éternelles,  si  elles  ont  été  accordées  à  Descartes , 
Leibnitz,  Corneille,  Lesueur,  Chérubini,  Haydn,  Rossini,  également 
couronnés  par  M.  de  Plasman,  ne  reposent  sûrement  ni  sur  leurs 
tableaux,  ni  sur  leurs  dissertations,  ni  sur  l'harmonie  de  leurs 
compositions  musicales,  mais  bien  sur  leurs  seules  vertus  et  sur 
ce  qui  les  a  unis  à  Dieu.  En  outre,  bien  des  points  sont  d'une  doctrine 
très-contestable.  Au  surplus,  cette  boutade,  qui  fournit  son  titre  au 
livre,  n'en  forme  qu'une  minime  partie.  Nous  avons  ensuite,  en  vers 
et  prose  mêlés,  VHlstoire  romanesque  d'un  oiseau  spirite.  Cet  oiseau, 
qui  fut  un  corsaire,  un  mousquetaire,  un  cardinal,  un  cheval  (il  fallait 
la  rime),  est  chargé  de  parcourir  ce  monde  et  d'aller  en  donner  au 
bon  Dien  des  nouvelles  fraîches.  Il  parle  donc,  à  tort  et  à  travers,  de 
ce  qu'il  a  vu,  et  dans  une  versification  où  la  cheville  fait  rage,  où  la 
suite  des  idées  se  perd  en  lacunes,  et  où  M.  de  Plasman  assure  qu'il 
habita  autrefois  lui-même  la  planète  de  Vénus  :  ce  qui  amène  une 
excursion  capricieuse  au  domaine  de  l'astronomie,  d'où  l'on  retombe 
sur  le  chapitre  des  femmes  et  des  mœurs  échevelées  d'un  certain 
monde.  Est-il  besoin  de  dire  que  tout  cela  manque  d'unité  et  de  va- 
leur? Le  livre  est  une  macédoine  :  car  voici  un  troisième  morceau, 
plus  grave,  datant  de  1869,  intitulé  :  D'où  vient  rame,  et  comment  se 
transmet-elle?  Question  ardue,  qui  préoccupa  grandement  saint  Au- 
gustin et  que  l'Église  n'a  point  définie,  pas  plus  que  la  philosophie 
simplement  rationnelle  n'en  a  découvert  la  solution.  M.  de  Plasman 
examine,  l'un  après  l'autre,  les  systèmes  divers  qui  se  sont  produits, 
les  repousse,  et  expose  le  sien.  Il  voudrait  (p.  128)  que  ce  sujet  fût 
discuté  dans  un  concile.  —  Le  volume  ne  se  termine  pas  encore  là- 
dessus  :  il  contient  des  réflexions  sur  la  musique  d'église,  réflexions 
justes  et  fondées,  et  enfin  une  exhortation  à  la  charité,  sur  l'exemple 
d'Ozanam. 

—  9.  Il  est  peu  de  réputations  littéraires, en  Italie,  supérieures  à  celle 
de  Dom  Louis  Tosti,  abbé  du  Mont-Cassin;  et  cette  réputation  a  de- 
puis longtemps  franchi  les  monts  pour  venir  jusqu'à  nous.  Historien, 
antiquaire,  critique,  poète,  théologien,  le  P.  Tosti  a  produit  des 
œuvres  multipliées  et  considérables,  plusieurs  fois  réimprimées.  Le 
Psautier  du  pèlerin  nous  montre  en  lui  le  poète  chrétien,  déjà  connu 
pour  son  Méalech,  délicieux  poème  d'un  incomparable  parfum  d'anti- 
quité biblique.  Personne  ne  peint  mieux,  personne  n'abonde  davan- 


-  4H  — 

tage  en  comparaisons  et  images  fraîches  et  gracieuses,  personne  ne 
sait  plus  sûrement  le  chemin  et  les  secrets  du  cœur.  La  traduction  de 
M.  Bouchet  nous  a  paru  aisée,  élégante,  agréable.  De  sorte  que  ce 
Psautier  forme  un  livre  d©  piété  d'un  genre  à  part,  et  qui  sera  goûté 
des  âmes,  sensibles  au  mérite  littéraire  et  à  Téclat  de  l'imagination,  se 
délectant  en  Dieu.  Les  psaumes  sont  au  nombre  de  cinquante.  La  place 
nous  manque  pour  pouvoir,  par  des  citations,  donner  au  lecteur  une 
idée  de  ces  gracieuses  compositions. 

—  10.  Le  Catéchisme  de  la  famille  chrétienne,  par  M.  l'abbé  Martin, 
mérite  une  mention  à  part  dans  cette  galerie.  Nous  le  regardons 
comme  le  trésor  des  mères.  Ce  sont  elles,  au  surplus,  qui  y  dialoguent 
et  dissertent  doucement  avec  leurs  petits  enfants.  Procédé  toujours 
excellent,  et  pour  l'instruction  directe,  et  pour  porter  ces  jeunes 
esprits  à  lire  avec  plaisir  des  leçons  dont  ils  s'imaginent  composer 
eux-mêmes  la  bonne  moitié  :  M .  l'abbé  Martin  s'est  fait  connaître 
déjà,  et  grandement  estimer  par  plusieurs  ouvrages  qui  accusent  en 
lui  une  science  peu  commune  et  un  réel  talent  d'écrivain.  C'est  à  la 
mère  surtout,  observe-t  il  à  bon  droit,  qu'incombe  le  devoir  de  former 
à  la  religion  ces  chères  créatures  que  Dieu  lui  a  confiées,  et  qui  l'en- 
tourent affectueusement,  attendant  tout  d'elle,  pain  du  corps  et  pain 
de  l'âme.  Or,  la  mère  commencera  dès  le  premier  éveil  de  la  raison  à 
leur  parler  des  destinées  supérieures  de  l'homme  et  des  devoirs  de  la 
vie.  «  Prenez  et  lisez,  dit  l'auteur.  Une  lecture  de  cinq  minutes  suf- 
fira pour  allaiter  pendant  huit  jours  l'âme  de  vos  enfants.  Pour  cette 
œuvre  de  première  éducation  chrétienne,  qui  prend  l'enfant  au  ber- 
ceau, j'ai  dû  bégayer  le  langage  de  l'enfance.  Ce  n'est  pas  vous  qui 
me  reprocherez  d'être  trop  simple  ,et  d'être  descendu  à  des  détails 
trop  familiers.  »  Më^  Martin,  en  efiet,  n'omet  pas  une  notion  utile, 
si  élémentaire  qu'elle  soit;  en  homme  habitué  à  l'éducation,  il  ne 
souffrira  pas  un  nuage,  un  à  peu  près,  dans  l'esprit  de  son  petit  dis- 
ciple. Ce  disciple  est,  de  par  son  âge,  mobile,  distrait,  avide,  curieux, 
impressionnable  à  l'extrême  :  c'est  sagesse  et  habileté  de  le  prendre 
par  ses  instincts,  autant  que  possible,  sans  violenter  la  nature.  La"mé- 
thode  ici  adoptée  fait  du  catéchisme  un  enseignement  qui  se  mêle  et 
s'associe  à  tous  les  événements  et  à  toutes  les  impressions  de  l'en- 
fant; une  suite  de  légendes  et  d'histoires  qui  satisfont  sa  curiosité  et 
retiennent  son  attention.  Il  faut  citer  ces  belles  lignes  de  dédicace  : 
—  «  Mères  chrétiennes,  l'avenir  et  le  salut  de  la  France  sont  entre 
vos  mains.  Le  berceau  de  Moïse  sur  les  eaux  du  Nil  portait  la  déli- 
vrance du  peuple  de  Dieu.  Les  anges  ont  chanté  sur  le  berceau  de 
Bethléem  :  Gloire  à  Dieu  au  plus  haut  des  cieux,  paix  sur  la  terre 
aux  hommes  de  bonne  volonté  !  L'adorable  Trinité  dans  le  ciel  et  la 
sainte  famille  sur  la  terre,  voilà  l'idéal  que  je  mets  sous  vos  yeux.  Ne 


dites  pas  qu'il  est  trop  élevé  1  l'Évangile  vous  répond  :  Soyez  par- 
faits comnae  notre  Père  céleste  est  parfait.»  —  Le  plan  comprend  les 
premiers  principes  de  piété,  puis  l'histoire  de  la  création,  la  promesse 
et  la  venue  du  Messie,  les  commandements  de  Dieu,  la  vie  de  Notre - 
Seigneur  et  l'explication  des  principales  fêtes.  Il  y  a  également,  à 
chaque  chapitre,  un  avis  pour  la  mère  elle-même. 

—  11.  L'ouvrage  de  M.  Louis  Veuillot  sur  la  Vie  de  Jésus-Chrlsl  est 
connu  de  tout  le  monde  ;  il  est  superflu  d'en  parler.  Nous  avons  sous  les 
yeux  la  neuvième  édition.  On  se  rappelle  que  l'auteur  n'a  pas  eu  pour 
but  de  faire  de  la  polémique  et  de  la  démonstration,  mais  une  exposi- 
tion simple  et  suivie  qui  parle  assez  d'elle-même.  «  Il  ne  faut  pas  courir 
tant  de  pays,  ramasser  tant  de  langues  mortes,  tant  d'histoire,  tant 
de  physique  et  de  philosophie,  pour  connaître  avec  certitude  Celui  qui 
a  voulu  la  foi  et  l'amour  des  petits  et  des  ignorants.  Le  pain  de  vie 
est  facile  à  trouver,  comme  le  pain  matériel,  aux  mêmes  conditions 
(p.  7).  »  Du  reste,  ainsi  que  l'observe  aussi  l'auteur,  l'Évangile  est 
toujours  jeune,  et  beaucoup  de  lecteurs  le  trouvent  encore  très-nou- 
veau :  car  chez  les  incrédules  l'ignorance  de  l'Évangile  est  ordinaire- 
ment complète  et  totale,  et,  chez  bon  nombre  de  chrétiens,  qui  se 
croient  instruits,  elle  confond  !  On  sait  le  texte  sacré  par  cœur 
quelquefois,  et  on  ne  le  connaît  pas  dans  son  vrai  sens;  on  ne  l'a  pas 
lu  avec  suite^  on  ne  coordonne  dans  son  esprit  ni  les  faits  ni  les  pa- 
roles. Un  livre  tel  que  celui-ci,  consulté  sérieusement,  comble  une 
pareille  lacune,  ouvre  les  saines  et  vraies  perspectives. 

—  12.  Nous  n'avons  entre  les  mains  que  le  premier  volume  des  En^ei- 
gnemenU  de  Notre-Dame  de  Lourdes  {leurs  harmonies  avec  les  bcsoÏJis 
de  répoque),  par  M.  le  curé  Ginestet.  L'auteur  a  pour  but  de  dé- 
velopper les  grandes  vérités  dogmatiques  et  morales  du  catholicisme, 
déduites,  dans  une  suite  de  conférences,  des  paroles  de  la  sainte 
Vierge  à  Bernadette. C'est  là  une  pensée  très-bonne. L'orateur  relie  son 
sujet  à  la  proclamation  du  dogme  de  l'Immaculée  Conception  de  Marie, 
dont  les  apparitions  de  Lourdes  ont  été  le  point  de  départ  providen- 
tiel. N'avions-nous  pas  des  besoins  nouveaux  et  pressants,  dans  cet 
orage  si  grave  qui  allait  être  déchaîné  contre  l'Église,  en  Italie,  en 
Allemagne,  en  France,  en  Suisse,  on  pourrait  même  dire  en  Bel- 
gique? La  Reine  du  ciel  intervient  de  sa  personne  pour  raffermir  les 
courages,  amener  les  âmes  au  repentir,  et,  en  guérissant  les  corps 
mêmes,  rendre  manifeste  la  vérité  des  croyances  catholiques,  ainsi  jus- 
tifiées comme  elles  le  furent  au  temps  des  Apôtres.  Cette  histoire  est 
peinte  à  grands  traits  par  M.  Ginestet,  dès  l'abord  de  son  livre.  Le 
style  est  plein  de  mouvement  et  de  dignité,  et  les  idées  se  pressent. 
Çà  et  là  pourtant,  des  fautes  qu'on  ne  comprend  guère  sous  une  telle 
plume.  N'en   alléguons  qu'une  (p.  4)  :  «  A  ce  monde  livré  sans  me- 


sure  aux  plus  ignobles  instincts,  à  ce  monde  voué  aux  plaisirs  éner- 
vants, etc.,  il  fallait  lui  offrir  un  tableau,...  etc.  »  Un  peu  plus  loin, 
c'est  le  Vatican  devenu  pour  le  Pape  une  servitude.  N'insistons  pas  sur 
ces  négligences,  faciles  à  effacer,  et  assez  fréquentes  pour  qu'on  pense 
à  le  faire.  — Nous  avons,  naturellement,  l'historique  des  apparitions 
dans  un  autre  chapitre  préliminaire,  afin  que  le  terrain  soit  bien  fixé 
pour  ces  discours  ;  l'authenticité  des  apparitions,  et  tout  ce  qui  rentre 
dans  cet  ordre  d'avant-propos.  —  La  première  leçon  qui  ressort  du 
miracle  de  Lourdes,  c'est  le  souvenir  du  ciel,  d'où  descend  Marie  et 
auquel  nous  sommes  appelés  à  notre  tour.  Quel  est-il,  ce  ciel?  que 
faut-il  faire  pour  l'obtenir?  Il  y  a  là  tout  un  tableau  de  la  vie  chré- 
tienne et  des  conditions  du  salut.  Mais,  par  sa  présence  en  pareil  cas, 
Marie  montre  encore  à  quel  point  elle  mérite  ce  nom  de  Refuge  des 
pécheurs  que  nous  aimons  à  lui  donner  :  elle  peut  les  secourir,  et 
elle  le  veut.  A  la  vue  des  iniquités  de  la  terre,  la  Vierge  divine 
s'abandonne  à  la  tristesse  ;  elle  crie  à  tous  :  Pénitence  !  Pénitence  ! 
Ceci  nous  amène  au  dogme  de  l'expiation,  à  cette  loi  fondamentale 
devenue  étrangère,  ou  à  peu  près,  à  notre  siècle,  mou,  avide  de  jouis- 
sances et  de  lucre,  qui  ne  fait  .rien  pour  conjurer  efficacement  la 
céleste  colère.  Et  quelle  misère  en  lui  de  ne  songer  qu'aux  avantages 
temporels  !  Quels  sont-ils  ces  avantages  ?  Méritent-ils  une  telle 
poursuite  et  de  tels  oublis  ?  Non  :  c'est  à  Jésus-Christ  qu'il  faut  s'at- 
tacher. M.  l'abbé  Ginestet  nous  entretiendra  donc  du  Sauveur,  et  il  le 
fera  amplement,  en  remontant  aux  prophéties  et  à  l'Ancien  Testament. 
C'est  la  vingt-sixième  conférence,  et  le  volume  se  ferme  sur  elle.  — 
On  conçoit  qu'avec  un  tel  procédé,  que  plusieurs  estimeront  un  peu 
forcé,  mais  qui  part  d''une  idée  heureuse,  on  peut  amener  successive- 
ment, et  sans  exception,  tous  les  points  de  l'enseignement  chrétien. 
Cet  ouvrage  ne  s'adresse  pas  aux  seuls  pasteurs  comme  répertoire 
pour  la  prédication  ;  il  peut  servir  à  tout  fidèle  pour  ses  lectures 
pieuses. 

— 13.  M.  l'abbé  N.  Albert,  aumônier  de  Saint-Joseph  à  Annecy,  placé 
sur  les  lieux  mêmes  où  vécut  saint  François  de  Sales,  s'est  occupe  de 
donner  aux  fidèles  un  recueil  extrêmement  précieux,  qu'il  intitule 
Somme  ascétique  de  saint  François  de  Sales,  docteur  de  l'Église,  ou  «  la 
vie  chrétienne  étudiée  à  l'école  du  docteur  de  la  piété.  »  Il  suffit  de 
peser  les  termes  de  ce  sous-titre  pour  savoir  ce  qu'est  le  livre.  Le 
grand  évêque  de  Genève  avait  eu  de  tout  temps  le  privilège  d'attirer 
à  lui  les  âmes  pieuses,  de  les  former  à  une  piété  plus  solide  encore,  et 
de  faire  autorité  dans  l'Église  ;  mais,  depuis  le  16  novembre  1877,  où 
Pie  IX  proclamait  docteur  saint  François,  cette  autorité  s'est  fortifiée 
de  toute  la  puissance  d'un  décret  apostolique,  décret  tout  à  fait  expli- 
cite. Saint  François  de  Sales  fut  un  savant  controversiste,  un  prédi- 


—  414  — 

cateur  éminent,  un  théologien  profond,  mais  il  fut  plus  encore  un 
directeur  des  âmes.  Il  avait  reçu  d'en-haut  la  triple  mission  d'opposer 
une  digue  aux  dévastations  du  calvinisme,  de  briller  comme  un  phare 
à  la  veille  des  ténébreuses  manœuvres  du  jansénisme,  et  de  préparer 
contre  les  erreurs  modernes  un  arsenal  où  l'on  pût  toujours  puiser.  Il 
en  eut  une  quatrième  :  réduire  à  leurs  plus  belles  expressions  pra- 
tiques les  règles  de  la  vie  intérieure,  dé  l'ascétisme.  «  Placé,  nous 
dit  M.  l'abbé  Albe't't,  dans  la  théologie  pratique,  à  un  degré  au-des- 
sous du  mysticisme,  mais  dans  une  sphère  supérieure  à  la  (simple) 
morale,  l'ascétisme  a  pour  rôle  de  conduire  les  âmes  de  vertu  en 
vertu,  des  confins  de  la  (stricte)  morale  à  ceux  du  mysticisme, 
des  ornières  d'une  vie  déjà  marquée  au  sceau  d'une  certaine  régu- 
larité, mais  encore  imparfaite,  aux  cimes  de  la  sainteté  (p.  xxiii).  » 
C'est,  au  demeurant,  l'art  des  arts.  Il  avait  été  de  tout  temps  cultivé 
par  d'illustres  maîtres,  sainte  Thérèse,  saint  Ignace  de  Loyola,  sainte 
Gertrude;  mais  il  n'était  pas  encore  précisément  représenté  dans 
l'aréopage  des  docteurs  de  l'Eglise.  Les  Mémoires  de  Trévoux  disaient, 
en  juillet  1736  :  «  Dieu  a  choisi  le  saint  évêque  de  Genève  pour  être 
et  l'apôtre  des  calvinistes  et  le  docteur  de  la  dévotion.  »  —  Pénétré 
de  ces  pensées,  notre  auteur  s'est  résolu  à  parcourir  attentivement 
toutes  les  œuvres  de  saint  François,  pour  en  extraire  l'ensemble  des 
principes  de  la  vie  chrétienne  et  parfaite,  de  la  vie  que  Thomme 
puise  dans  son  union  avec  le  Sauveur.  Ici  donc,  dans  les  pages  de  ce 
volume,  sous  la  plume  du  saint  docteur,  nous  voyons  cette  vie  se  pré- 
senter sous  toutes  ses  faces  :  dans  son  but,  la  fin  de  l'homme  et  le 
ciel  ;  dans  ses  devoirs  et  conditions,  vertus  communes  du  chrétien  et 
obligations  respectives  de  chacun  des  trois  états  (séculier,  religieux, 
sacerdotal)  qui  se  partagent  le  monde  ;  dans  ses  obstacles,  le  péché,  la 
tentation,  la  tristesse  ;  dans  ses  secours  et  moyens,  Jésus-Christ  et 
l'Esprit-Saint,  vivant  et  agissant  dans  l'homme  par  la  grâce  ;  dans 
ses  sources,  dans  ses  exercices,  la  prière,  la  messe,  les  sacrements,  la 
parole  de  Dieu,  les  retraites,  la  sanctification  des  fêtes.  Dans  ces 
riches  et  amples  frontières,  nous  avons  partout  avec  nous  l'admi- 
rable docteur;  tous  nos  pas  se  font  en  sa  compagnie.  —  C'est  pour- 
quoi nous  avons  dit  que  c'est  là  un  ouvrage  très-recommandable, 
dont  les  âmes  aimeront  à  faire  leur  manuel,  leur  conseil,  leur  recours 
aux  heures  de  la  récollection.  —  M.  Albert  ajoute  parfois,  comme 
commentaire  vivant  des  principes,  les  exemples  de  saint  François  de 
Sales  lui-même,  d'après  son  Histoire  par  M.  l'abbé  Hamon,  Pour  le 
style,  on  a  eu  le  bon  goût  de  le  conserver  dans  sa  forme  naïve,  avec 
l'orthographe  actuelle. 

—  14.  C'est  encore  de  la  vie  spirituelle  que  traite  le  P.  Baylot,  ma- 
riste,  dans  la  Parure  spirituelle  des  enfants  de  3Iarie,  volume  qui  plaît 


—  415  — 

au  premier  regard  par  la  beauté  de  l'exécution  typographique.  Tout 
le  monde  sait  à  quel  point  la  jeune  fille  tient  à  sa  toilette.  Fénelon 
l'avait  observé.  «  Elles  naissent,  dit-il,  avec  un  désir  violent  de 
plaire  :  de  là  vient  qu'elles  aspirent  tant  à  la  beauté  et  à  toutes  les 
grâces  extérieures,  qu'elles  sont  si  passionnées  pour  les  ajuste- 
ments, »  «  Voilà  qui  est  bien,  ajoute  le  P.  Baylot;  je  viens  vous  en- 
gager, mes  enfants,  à  suivre  ce  goût,  à  en  faire  l'objet  incessant  de 
vos  préoccupations  :  seulement,  nous  stipulerons  ensemble  les  condi- 
tions et  la  forme  de  vos  ajustements.  Ainsi  que  le  veut  saint  Paul, 
Revêtez-vous  des  armes  spirituelles  ;  nous  changerons  la  vanité  en 
vertu,  la  personnalité  en  charité,  nous  tournerons  vers  Dieu,  seul 
digne  d'attirer  et  de  fixer  les  yeux  de  sa  créature,  ce  «  violent  désir 
«  de  plaire.  »  Et  le  bon  Père  exhibe  aussitôt  sa  corbeille.  Qu'y  trouvons- 
nous?  abondance  de  fines  parures,  ornements  de  premier  goût.  Exa- 
minez, s'il  vous  plaît  :  c'est  la  robe  de  la  grâce  sanctifiante  blanchie 
dans  le  sang  de  l'Agneau  qui  purifie  toute  chose  ;  —  la  ceinture  de 
l'innocence,  qui  fait  le  cœur  joyeux,  et  protège  contre  toute  atteinte 
la  perle  du  baptême;  —  les  rubans  de  la  mortification,  destinés  à 
affermir,  en  l'embellissant,  cette  ceinture  précieuse  ;  —  ce  seront  la 
'montre  du  bon  emploi  du  temps,  l'anneau  de  la  fidélité  aux  bonnes 
résolutions  et  aux  principes  de  la  vie  fermement  chrétienne,  les  bra- 
celets de  la  soumission,  le  collier  de  la  patience,  le  bouquet  de  la 
ferveur,  la  chaussure  de  Timitation  du  Seigneur,  qui  porte  aux  sen- 
tiers de  la  vertu,  etc.,  etc.  Reprenant  successivement  tous  ces  cha- 
pitres, sur  cette  fiction  qui  fait  penser  au  genre  de  saint  François  de 
Sales,  notre  auteur  explique  à  ses  lectrices  l'art  divin  de  faire  de  la 
vie,  sans  illusions,  ce  qu'elle  est  pour  l'homme  :  le  lieu  du  combat,  le 
marchepied  du  séjour  véritable.  Ouvrage  écrit  avec  le  cœur,  digne  de 
celles  à  qui  il  est  destiné,  et  qui  leur  fera  du  bien. 

—  15.  Encore  un  livre  splendidement  imprimé,  chef-d'œuvre  typo- 
graphique, que  Dieu  et  son  amour  pour  ses  créatures,  i^air  MA' ahloé  de 
Bellune.  M.  l'abbé  de  Bellune  nous  a  déjà  donné  de  bien  touchantes 
pages  sur  la  soufî'rance;  il  sait  écrire,  il  pense,  il  sent  profondément. 
En  ce  nouveau  travail,  le  lecteur  attentif,  dit  M^''  de  Tours  dans  son 
approbation,  «  apprendra  à  réfléchir  sur  lui-même,  sur  le  monde  visible 
et  le  monde  invisible,  sur  les  grandes  choses  qui  l'environnent  ici- 
bas  ou  l'attendent  par-delà  le  tombeau.  Les  conséquences  de  cette 
lecture  seront  de  mieux  connaître  Dieu,  et  de  sentir  plus  vivement 
à  quel  point  il  mérite  notre  admiration,  nos  adorations  et  notre 
amour.  »  Ce  sont,  ainsi  qu'il  est  marqué  au  titre,  des  méditations 
philosophiques  et  religieuses  sur  l'homme  dans  ses  rapports  avec  Dieu; 
autrement  Dieu  cherché  par  la  raison,  Dieu  connu  par  la  foi.  —  Il  est 
impossible  qu'aucun  homme  ne  se  demande  parfois  d'où  il  vient,  où  il 


—  416  — 

va_,  quel  est  le  mot  de  sa  destinée  ;  les  plus  grossiers,  les  plus  igno- 
rants, ont  une  heure  pour  ce  retour.  C'est,  au  fond,  la  première  ques- 
tion de  la  raison  qui  s'éveille  ;  et  nous  nous  écrions,  comme  GœtKe  et 
Michelet  mourants  :  «  De  la  lumière  !  de  la  lumière  !  »  Mais,  au  lieu 
d'en  attendre  l'apparition,  on  se  jette  les  uns  sur  une  vie  évaporée, 
les  autres  sur  les  affaires,  ceux-ci  sur  les  sciences  ou  sur  l'ambition, 
ceux-là  sur  les  plaisirs,  sur  la  poésie,  sur  tout  ce  qui  manque  de  con- 
sistance et  de  fond.  Tous  ont  une  âme,  et  bien  peu  y  songent;  une 
âme  pleine  d'énergies  latentes,  pleine  de  trésors  qui  pour  le  grand 
nombre  n'en  sortiront  pas.  S'ils  en  sortaient,  le  monde  serait  restauré, 
purifié.  Et  cet  oubli  arrachait  à  Pascal  les  plaintes  éloquentes  qui  sont 
dans  toutes  les  mémoires.  Or,  comme  au  printemps  se  renouvelle 
la  nature,  mon  âme  a  senti  affluer  en  elle  la  vie;  elle  s'est  tournée 
vers  le  ciel,  elle  y  a  vu  le  Créateur,  et  il  s'est  trouvé  que  le  Créateur 
était  pour  elle  surtout  un  ami,  le  maître  de  la  maison,  le  bienfaiteur 
de  l'hôte  qu'il  y  a  placé.  Il  n'est  rien  dans  la  nature  qui  ne  me  parle 
de  lui  et  de  son  amour.  «  Il  y  a,  disait  Virgile,  des  larmes  dans  les 
choses;  »  et  moi  je  me  dis  :  «  Il  y  a  de  l'amour  dans  les  choses,  » 
l'amour  si  tendre  de  Dieu,  qui  se  révèle  parles  harmonies  de  la  créa- 
tion avec  tout  mon  être.  Étudions  donc  l'âme,  qui  voit  cela,  qui  en  jouit, 
qui  doit  l'adorer,  qui  doit  s'y  harmoniser.  Étudions-la  dans  la  raison 
seule,  étudions-la  dans  les  clartés  de  la  révélation.  —  Telle  est  la 
marche  de  M.  l'abbé  de  Bellune;  mais  combien  de  suavité,  de  doux 
recueillement,  de  réflexions  élevées,  de  sainte  conviction,  dans  ces 
nobles  pages  !  La  lecture  en  est  fortifiante;  on  la  sent  chargée  d'ef- 
fluves qui  poussent  au  bien  et  à  Dieu. 

— 16.  Les  Pleurs  deDavid  forment  un  manuel  de  piété  d'une  nature  dif- 
férente :  c'est  la  prière,  mais  la  prière  sous  une  rédaction  heureuse, 
car  elle  est  toute  tirée  de  la  sainte  Écriture.  Le  Roi-Prophète  peut 
aussi  justement  être  appelé  le  Roi-Pénitent.  C'est  par  son  repentir 
qu'il  a  mérité  de  devenir,  dans  ses  psaumes  inspirés,  l'instrument  de 
l'Esprit  divin  et  l'interprète  de  tout  ce  qui  pleure  ses  fautes  sous  le 
regard  du  Dieu  prêt  à  pardonner.  Ces  sentiments  de  regret  et  d'amour 
du  Seigneur  étant  mélangés  et  confondus  dans  les  nombreux  psaumes, 
l'auteur  de  ce  petit  et  excellent  livre  les  a  recueillis,  rangés  par  groupes 
semblables,  coordonnés  et  disposés  pour  des  prières  suivies.  Du  moins, 
ayant  trouvé  ce  travail  fait  anciennement  par  un  religieux,  il  l'a  tra- 
duit du  latin,  retouché,  et  orné  de  réflexions  destinées  à  en  étendre  et 
augmenter  le  fruit.  On  a  joint  au  volume  les  prières  usuelles  du  matin 
et  du  soir,  de  la  messe  et  des  vêpres,  de  la  confession,  de  la  commu- 
nion et  pour  les  indulgences.  Ces  quatre-vingt-un  psaumes,  ainsi 
rédigés,  sont  divisés  en  trois  livres  ;  dans  l'ordre  de  la  vie  purgative, 
de  la  vie  iliuminative,  de  la  vie  unitive.  M.  l'abbé  A...  les  présente 


-     ilT  — 

avec  une  modestie  craintive  qui  lui  fait  lionneur.  Il  peut  se  rassurer; 
car  très-certainement  ce  manuel  sera  chéri  des  âmes  intérieures,  qu'il 
édifiera. 

— 17.  Nous  devons, depuis  quelque  temps, de  nombreuses  publications 
religieuses  à  la  librairie  Pierre  Marietti  de  Turin.  C'est  elle  qui  nous 
donne  encore  les  Meditationes  brevisslnuc  pour  toute  Tannée.  La  langue 
dans  laquelle  elles  sont  écrites  marque  assez  à  qui  les  avait  destinées 
le  P.  Cuvelhier,  jésuite.  Cette  édition  est  la  troisième.  Nous  avons, 
précédemment,  fait  remarquer  combien  l'impression  italienne  des 
textes  latins  est  fatigante  pour  nous,  soit  par  suite  d^une  ponctuation 
absolument  illogique,  soit  pour  les  a  c  qu'on  ne  sait  point  contracter  en 
X,  soit  surtout  à  cause  de  la  confusion  perpétuelle  de  Yi  avec  le  j,  et 
encore  par  la  suppression  inintelligente  des  accents  d'ablatifs  et  d'ad- 
verbes. L'édition  des  Meditationes  est  purgée  d'une  partie  de  ces  négli- 
gences. Nous  y  avons  trouvé,  le  plus  ordinj&irement,  le  J  à  sa  place,  et 
une  ponctuation  moins  étrangère  à  la  construction  des  phrases.  Restent 
les  a  e,  qu'il  serait  aisé  d'amener  à  bien  ;  en  quoi  M.  Marietti  aurait 
rendu  service  à  la  typographie  de  son  pays,  que  nous  ne  calomnions 
pas  en  assurant  qu'elle  en  a  grand  besoin.  —  Les  Meditationes  elles- 
mêmes  sont  courtes,  claires,  pratiques,  et  conviennent  aux  ecclésias- 
tiques et  aux  religieux  à  qui  elles  sont  destinées.  Leur  petit  volume  les 
rend  d'un  usage  commode  en  voyage.  Il  y  en  a,  notamment,  une  pour 
chaque  retraite  du  mois.  Les  autres,  suivant  les  trois  voies  indiquées 
ci-dessus,  parcourent  tous  les  mystères  de  la  religion,  les  fêtes,  les 
vertus  fondamentales,  les  fins  dernières. 

—  18.  Que  pouvons-nous  dire  de  la  Direction  chrétienne,  extraite  des 
œuvres  de  Fénelon  ?  Le  nom  de  l'auteur  suffit  à  recommander  le  re- 
cueil. Il  se  recommande  aussi  par  la  préface  qui  l'accompagne,  et  qui  est 
de  l'illustre  et  si  regretté  évêque  d'Orléans,  M^''  Dupanloup.  Fénelon  fut 
le  François  de  Sales  du  dix-septième  siècle.  A  l'un  comme  à  l'autre  il 
appartient  de  donner  aux  âmes  des  règles  sûres  de  direction.  Ce  vo- 
lume-ci fait  partie  de  la  Bibliothèque  de  piété  des  gens  dit  monde,  dont 
nous  avons  eu  plusieurs  fois  l'occasion  d'entretenir  nos  lecteurs,  et  qui 
est  riche  déjà.  C'est  aussi  ce  qu'on  a  fait  de  mieux  comme  format  et 
comme  luxe  d'impression  :  détail  qui  n'est  jamais  iudiiférent  au  vrai 
bibliophile.  —  La  distribution  du  livre  est  la  suivante  :  —  Pensées  de 
Fénelon  sur  la  direction  des  âmes;  —  Lettre  au  duc  de  Bourgogne; 
—  Lettre  de  direction  à  M"''  de  Maintenon;  —  Direction  chrétienne 
pour  les  personnes  de  la  cour;  —  Sujets  de  méditation  pour  chaque 
jour  du  mois.  C'est  Fénelon  seul  qui  parle  :  quel  plus  bel  éloge  attendre 
d'un  tel  ouvrage? 

—  19.  Et  voici,  à  son  tour,  dans  le  même  format,  si  ce  n'est  dans  la 
même  collection,  les  Directions  spiritueUes  de  saint  François  de  Sales, 

Novembre  1878.  T.  XXIII,  27. 


—  418  — 

d'où  M.  l'abbé  H.  Chaumont  a  tiré  un  Mois  du  Sacré  Cœur  de  Jésus.  Com- 
bien le  pieux  compilateur  a  raison  de  le  dire  !  ce  II  est  si  difficile  de 
parler  comme  les  saints,  que  le  moyen  le  plus  sûr  de  faire  le  bien 
comme  eux  consiste  à  les  laisser  parler.  »  On  est,  Dieu  merci,  revenu 
à  ces  fortes  lectures,  où  rien  n'est  de  surface,  où  tout  est  lumière, 
charité,  doctrine,  profondeur.  Honneur  aux  hommes  dévoués  qui  favo- 
risent ce  retour  par  leurs  publications!  Un  point  manque  pourtant  : 
l'indication  des  lieux  d'où  a  été  extrait  chaque  morceau,  dans  la  col- 
lection complète  des  œuvres  du  saint  docteur. 

—  20.  Le  volume  des  Tentations  rentre  dans  les  mêmes  Directions  de 
saint  François  de  Sales,  et  a  pour  auteur  encore  M.  l'abbé  H.  Chau- 
mont. Une  des  plus  cruelles,  mais  la  plus  inévitable  des  épreuves  de  la 
vie,  c'est  cet  entraînement  au  mal  qui  combat  notre  volonté  du  bien, 
et  qui  surgit  en  nous  ou  de  la  nature  seule,  ou  de  ce  qui  nous  entoure, 
ou  des  esprits  malfaisant4  et  maudits  attachés  à  notre  perte.  Saint 
François  nous  expliquera  l'origine  et  la  formation  de  la  tentation  en 
nous;  il  nous  fera  sentir  la  différence  qu'il  y  a  entre  la  subir  et  l'ac- 
cepter ;  il  nous  enseignera  les  détails  de  la  conduite  à  tenir  envers  elle 
quand  elle  se  produit,  les  remèdes  communs  à  toutes  les  grandes  ten- 
tations, puis  en  particulier  ceux  qui  regardent  les  tentations  de  tris- 
tesse et  d'inquiétude,  si  amères  pour  l'âme  et  parfois  si  décourageantes. 
Ces  diverses  matières,  qui  réellement  n'en  font  qu'une,  sont  étudiées 
et  présentées  avec  la  sagesse,  la  clairvoyance,  la  douceur^  qui  font  de 
saint  François  de  Sales  un  guide  incomparable. 

—  21.  Guide  aussi  aimable  à  entendre  sur  la  sainte  Espérance  et 
sur  la  Simplicité.  La  sainte  espérance,  dont  il  nous  dira  la  nature,  le 
fondement,  la  pratique  habituelle  et  les  fruits  ;  et  aussi  les  vertus 
qu'elle  fait  éclore  et  entretient  dans  le  cœur  :  confiance,  abandon 
filial,  parfaite  indifférence  de  la  volonté  propre;  et  encore  les 
épreuves  que,  comme  toute  vertu,  elle  doit  subir,  pour  être  un  jour 
récompensée.  La  simplicité,  qui  se  résout  en  intention  sans  mélange 
de  plaire  à  Dieu,  et  qui  est  une  vertu  bien  purement  chrétienne,  la 
simplicité  est  la  porte  du  ciel,  on  peut  l'affirmer;  sans  elle  nul  ne 
saurait  prier  comme  il  faut;  en  manquer,  c'est  se  rendre  victime  d'une 
foule  de  troubles.  Dieu  aime  à  la  rencontrer  dans  une  âme  :  car  elle 
donne  l'intelligence  pratique  des  choses  de  l'Évangile,  et  elle  peut 
devenir  la  perfection  de  toutes  les  perfections.  L'aimable  docteur 
nous  en  montre  de  frappants  exemples  dans  Notre-Seigneur,  la  sainte 
Vierge,  saint  Joseph,  les  bergers  de  Bethléem,  saint  François  d'As- 
sise, et  une  jeune  novice  dont  il  raconte' un  trait  charmant  :  et  en 
quel  délicat  et  délicieux  langage  !  Qui  donc  se  lassera  de  lire  saint 
François  de  Sales? 

—  22.  Nous  le  retrouvons  au   volume  du  Retour  de  l'âme  à  Dieu, 


—  410  — 

même  collection  :  livre  du  converti,  soit  qu'il  revienne  des  extrémités 
de  Tégarement,  soit  qu'il  se  résolve  à  une  fidélité  plus  complète  et 
plus  généreuse.  Or,  qui  jamais  a  su  le  chemin  du  cœur  comme  l'é- 
vêque  de  Genève?  Bien  peu  de  pécheurs,  à  notre  avis,  résisteraient  à 
la  suavité,  au  parfum  céleste  de  ces  exhortations  paternelles,  à  la 
claire  exposition  de  ces  principes  du  service  de  Dieu.  Dans  le  recueil 
présent,  on  traite  d'ahord  du  retour  de  l'esprit  par  la  foi  :  ce  qui 
amène  une  exposition  de  cette  vertu  même  de  la  foi,  de  sa  nécessité, 
de  ses  fondements,  de  ses  huit  règles,  de  son  objet  précis,  de  ses 
qualités  et  de  ses  rapports  avec  les  autres  vertus.  En  second  lieu, 
c'est  la  conversion  du  cœur  par  le  changement  de  vie.  Notre  cœur 
est  évidemment  fait  pour  Dieu  :  or,  le  péché  arrache  notre  cœur  à 
Dieu,  et  nous  avons  pour  suprême  devoir  d'arracher  nous-mêmes  de 
notre  cœur  le  péché,  désordre  souverain.  Du  reste,  à  quelque  degré 
de  l'abîme  que  l'on  soit  tombé,  quelles  que  soient  les  plaies  reçues, 
les  blessures  mortelles,  les  conséquences  désastreuses  déjà  acquises, 
le  retour  à  Dieu  est  toujours  possible  tant  qu'on  est  sur  cette  terre  : 
telle  est  la  promesse  divine,  tel  l'enseignement  de  l'expérience.  Et 
maintenant,  admirons  et  bénissons  cette  longanimité  de  Dieu,  en 
prenant  garde  d'en  abuser.  Ce  qui  retient,  c'est  la  paralysie  spirituelle, 
le  respect  humain,  les  inclinations  mauvaises  ;  mais  que  de  moyens 
surnaturels  pour  venir  à  bout  de  ces  obstacles  !  On  nous  les  marquera, 
et  saint  François  de  Sales  y  joindra  le  détail  des  conditions  pour  le 
retour  sincère.  —  Nous  venons  d'analyser  cet  excellent  volume,  cou- 
ronné par  de  belles  prières  du  même  saint. 

—  23.  Nous  pouvons  lui  associer  la  Morale  chrétienne  extraite  de 
Boicrdaloue ,  autre  volume  de  la  «  Bibliothèque  de  piété  des  gens  du 
monde.  »  A  quoi  bon  nous  étendre  sur  le  mérite  d'un  écrivain,  d'un 
docteur,  d'un  orateur,  d'un  convertisseur  pareil?  Il  n'est  personne, 
dans  les  choses  de  la  religion,  au-dessus  de  Bourdaloue.  Exactitude 
de  la  doctrine,  précision  et  justesse  dans  l'expression,  mouvement, 
sentiment,  pratique  achevée  du  cœur  humain,  tout  le  recommande 
aux  âmes  chrétiennes.  «  Sa  parole,  écrit  le  P.  Félix  (dans  la  Pré- 
face), sera  toujours  pour  les  âmes  un  aliment  salutaire  ;  la  lecture 
en  est  essentiellement  substantielle  et  nutritive.  Elle  est  pour  l'âme 
à  peu  près  ce  que  le  pain  est  pour  le  corps.  On  se  dégoûte  vite  de 
certains  auteurs  qui  offrent  un  aliment  de  prime  abord  plus  appé- 
tissant :  on  ne  se  dégoûte  guère  de  Bourdaloue,  quand  une  fois  on  a 
pu  le  goûter.  »  Nous  dirons  même  que  cette  lecture  est  de  nos 
jours  plus  particulièrement  de  circonstance  :  à  nos  faiblesses  inima- 
ginables il  faut  la  force  d'un  Bourdaloue  ;  en  lui  les  fadeurs  litté- 
r  aires  du  jour,  que  nous  subissons  tous  à  des  degrés  divers,  trouvent 
leur  correctif,  et  l'ignorance  religieuse  que  nous  voyons  autour  de 


—  42U  — 

nous  a  besoin  de  cette  instruction  fondamentale  et  rocheuse  (qu'on 
nous  pardonne  le  mot)  dont  Bourdaloue  est  le  docteur  si  remar- 
quable. —  Les  extraits  qu'on  lui  emprunte  sont  disposés,  dans  ce 
livre,  en  lectures  pour  les  temps  distincts  de  l'année  chrétienne  : 
Avent,  Noël,  Carême,  fêtes  de  Pâques,  etc.  C'est  un  plan  simple, 
mais  très-bon.  L'éditeur  eiit  bien  fait  d'indiquer  en  note  les  sources. 
On  aimera  quelquefois  à  faire  la  lecture  complète  du  sujet  dans  les 
œuvres  générales  de  Bourdaloue. 

—  Nous  nous  bornerons  à  indiquer  aux  ecclésiastiques,  pour  la 
confession  des  enfants,  un  parfait  petit  manuel  qui  vient  de  pa- 
raître à  Seès,  le  Directeur  des  enfants  au  saint  tribunal  de  la  Pénite7ice, 
par  M.  l'abbé  Turcan.  C'est  court,  complet^  clair,  intéressant  même  à 
cause  de  la  forme  nouvelle. 

—  Une  défense  plus  vivante  des  vérités  chrétiennes  a  surgi  des 
malheurs  du  temps.  Là  même  où  naguère  on  vivait  dans  la  tranquille 
possession  des  titres  sacrés,  on  se  voit  obligé  de  s'armer,  de  monter 
sur  la  brèche,  et  de  tenir  tête  à  d'incessantes  attaques,  plus  passionnés 
et  plus  odieuses  communément  qu'appuyées  sur  un  savoir  quelconque. 
On  fait  grand  bruit  de  la  science  ;  les  cri^urs  la  mettent  en  avant 
avec  aplomb,  et  les  plus  ignorants  ne  sont  pas  les  moins  tapageurs. 
La  vraie  science  agit  d'autre  sorte,  et  se  connaît  trop  bien  pour  se 
livrer  à  de  telles  campagnes.  En  réalité,  tout  ce  feu  est  nourri  de 
paille  ;  c'est  un  éblouissement  que  l'on  veut  produire,  un  épouvantail 
(Jestiné  à  la  multitude^  et  que  ses  auteurs,  au  fond,  estiment  tout 
juste  comme  nous.  L'apologétique  catholique  n'en  doit  pas  moins 
parer  aux  coups,  et  suivre  l'ennemi  sur  tous  les  terrains  où  il  lui 
plaît  de  se  cantonner.  C'est  ce  qu'a  voulu  faire  pour  l'Italie  M.  l'abbé 
Antoine  Belasio,  missionnaire  apostolique,  dans  ses  Verità  cattoliche 
esposte  al  popolo  c  ai  dotti.  C'est  une  série  de  discours  sur  le  Credo, 
adressés  du  haut  de  la  chaire,  et  se  terminant  invariablement  par 
l'exhortation  pratique.  Il  est  bon  que  le  peuple  entier  soit  ainsi  pré- 
muni contre  lessophismesetles  notoires  faussetés  qu'une  presse  hon- 
teuse s'ingénie  à  lui  inculquer,  et  qui  sont  devenus  pour  les  multitudes 
comme  une  partie  de  l'air  respirable.  L'abbé  Belasio  n'en  est  point  à 
son  coup  d'essai;  déjà  même  il  avait  publié  des  Conférences  'pour  les 
besoins  des  peuples  des  temps  présents  qui  témoignaient  de  sa  connais- 
sance de  la  matière,  de  son  talent  d'exposition  et  de  l'éloquence  da.sa 
parole.  L'orateur  n'a  pas  peur  de  la  prétendue  science  :  il  va  droit  à 
elle,  l'entend  dérouler  ses  affirmations,  les  scrute,  les  pèse,  les  divise 
selon  le  mal  ou  le  bien  que  l'on  en  tire,  et  surtout  selon  leur  base 
solide  ou  fragile,  et  montre  que  le  I)eus  scientiarum  est  glorifié  par  le 
vrai  savoir  comme  par  la  nature  entière.  Du  reste,  il  fuit  l'étalage  de 
la  phrase.  «Nous  devons,  dit-il  (p.  ix),  dans  les   instructions  sur  la 


—  i2l   — 

doctrine  chrétienne,  faire  comme  si  nous  étions,  avec  la  dignité 
d'un  bon  père,  assis  à  la  table  de  famille,  parlant  au  nom  de  ce 
Rédempteur  qui  se  fit  connaître,  à  Emmaiis,  dans  la  fraction  du 
pain.  Nous  parlerons  le  langage  maternel  de  la  sainte  Eglise,  cette 
tendre  mère  qui  distribue  à  ses  petits  enfants  les  aliments  néces- 
saires. »  Les  approbations  épiscopales  insistent  sur  ce  qu'un  pareil 
traité  oratoire  aurait  d'utilité  dans  les  séminaires,  pour  mettre  le 
jeune  clergé  au  courant  des  nécessités  du  moment. —  Obligés  de  nous 
restreindre,  limitons- nous  à  un  simple  aperçu.  En  suivant  les  articles 
du  symbole  des  apôtres,  il  établit  renseignement  chrétien  sur  chaque 
point,  et  immédiatement  après  s'occupe  des  erreurs  contraires.  La 
création  l'amène  à  réfuter  les  athées,  les  déistes,  les  darwinistes,  les 
inventeurs  d'antiquités  imaginaires,  les  géologues  de  surface;  il  a 
même  tout  un  traité  de  géologie  élémentaire,  où,  prenant  l'œuvre  des 
six  jours,  il  fait  voir  la  frappante  conformité  du  texte  biblique  avec 
les  découvertes  modernes  et  contemporaines.  Les  aveux  des  adver- 
saires n'y  manquent  pas  plus  que  les  fermes  démonstrations.  Espé- 
rons que  le  savant  auteur  achèvera  ce  travail,  qui  ici  ne  dépasse  pas 
les  premières  lignes  du  symbole.  Une  telle  œuvre  rie  doit  pas  en 
rester  là. 

—  26, 27.  Nous  réunissons  ces  deux  ouvrages  :  La  Missione  temporale 
et  La  Missione  interiore  dello  Spirito-Santo,  qui  ne  sont  que  des  tra- 
ductions du  cardinal  Manning,  l'une  sur  la  seconde  édition  anglaise.  Il 
y  a  environ  onze  ans  que  le  savant  prélat  publia  la  Mission  temporelle, 
la  dédiant  aux  religieux  oblats  de  Saint-Charles  du  diocèse  de  West- 
minster. Il  avait  eu  d'abord  la  pensée  d'en  faire  des  sermons,  projet 
qu'il  abandonna  ensuite  à  cause  de  la  difficulté  de  soumettre  aux  con- 
ditions oratoires  une  matière  aussi  élevée,  aussi  subtile,  aussi  profonde. 
Il  y  est  question  des  relations  de  l'Esprit  de  vérité  avec  l'Eglise,  avec 
la  raison  humaine,  avec  les  Écritures  et  avec  les  dogmes  de  la  foi.  «  Il 
m'a  semblé  aussi  impossible  de  concevoir  les  rapports  de  la  raison  et 
de  la  révélation  sans  y  renfermer  la  personne  et  l'action  de  l'Esprit 
de  vérité,  que  de  concevoir  un  cercle  dépourvu  du  centre  d'où 
sortent  les  rayons.  »  Le  but  du  livre  est  donc  d'établir  que  la 
raison  de  l'homme  n'a  d'autre  alternative,  en  ce  monde,  que  de  se 
ranger  simplement  et  humblement  à  ce  qui  a  été  révélé  de  Dieu,  ou 
d'oser  s'établir  juge  de  Dieu  lui-même.  L'état  normal  de  la  raison  est 
celui  d'un  disciple,  illuminé,  guidé,  porté  à  la  vertu  et  à  la  perfection, 
par  l'action  du  Maître  divin.  Toute  autre  attitude  envers  Dieu  est 
illégitime  et  désordonnée  ;  c'est  un  faux  rationalisme,  où  ce  qui  est 
sacrifié  est  précisément  l'acte  authentique  et  vivant  de  la  raison 
même.  Car  la  raison,  par  cela  seul  qu'elle  est  intelligence  et  pensée, 
doit  de  toute  nécessité  se  tourner   vers   son  auteur,  et  agir  selon  la 


—  422  — 

volonté  de  celui  qui  l'a  faite  ;  autrement,  elle  est  pervertie.  C'est 
pourquoi  Më^  Manning  montrera  :  1°  que  croire  la  révélation  est  l'acte 
le  plus  élevé  de  la  raison;  2°  que  croire  à  la  révélation  tout  entière, 
sans  distinctions  ni  réserve,  est  la  perfection  de  la  raison;  3°  que  se 
soumettre  à  la  voix  de  l'Esprit-Saint  dans  l'Église  est  la  condition 
absolue  pour  arriver  à  la  parfaite  connaissance  de  la  révélation  ; 
4°  que  le  témoignage  divin  de  TEsprit-Saint  dans  PÉglise  renverse 
les  prétentions  de  la  seule  raison  et  la  domine  absolument  ici.  —  Ce 
sont,  on  le  voit,  de  grandes  thèses,  et  magistralement  présentées.  — 
L'idée  mère  du  second  volume,  La  Missione  interiore,  est  que,  si  la 
présence  de  l'Esprit-Saint  dans  l'Eglise  est  la  source  de  son  infailli- 
bilité, cette  même  présence  dans  l'âme  est  également  la  source  de  la 
sanctification  :  car  la  sainteté  n'est  que  la  préservation  de  l'erreur 
en  tout  genre.  Or,  ces  deux  opérations  du  divin  Esprit  sont  entre 
elles  dans  une  entière  harmonie.  L'auteur,  en  conséquence,  parcourt 
les  vertus  qui  sanctifient  le  chrétien  dans  leur  rapport  nécessaire  avec 
l'Esprit-Saint,  et  ensuite  les  dons  propres  de  cet  adorable  Esprit. 
C'est  de  la  pure  et  très-sublime  doctrine.  Nous  n'en  dirons  pas  da- 
vantage, l'ouvrage  anglais  étant  déjà  connu  de  beaucoup  de  nos 
lecteurs. 

—  28.  Voici  les  Omelie  de  M?^  Anicet  Ferrante,  évêque  de  Gallipoli, 
dont  le  recueil  est  dédié  à  la  mémoire  du  pieux  archevêque  que  Na- 
ples  perdait  naguère,  le  cardinal  Riario-Sforza.  Ces  homélies  ne 
forment  point  une  suite  d'instructions  sur  un  sujet  choisi;  elles  sont  de 
circonstance  pour  la  plupart,  et  assurément  fort  pieuses,  bien  nour- 
ries d'Ecriture  sainte  et  d'excellentes  pensées.  Un  détail  intéresserait 
le  lecteur,  et  il  a  été  omis  partout,  à  l'exception  de  l'Éloge  funèbre 
de  Pie  IX  prononcé  par  l'orateur  dans  l'église  collégiale  d'Alvito,  du 
panégyrique  de  sainte  Thérèse,  et  d'un  discours  sur  le  Sacré-Cœur  : 
nous  voulons  dire  la  date  de  ces  discours.  Le  premier  que  l'on  ren- 
contre a  été  donné  dans  l'église  de  Saint-François  de  Paule,  restaurée 
et  nouvellement  rendue  au  culte  :  quand?  où?  S'agit-il  de  la  belle 
rotonde  de  Naples,  en  face  du  Palais-Royal,  fermée  et  confisquée  par 
MM.  les  Piémontais  à  la  suite  de  leurs  brillants  exploits  garibaldiens? 
Si  cela  est,  on  se  sentirait  doublement  heureux  en  lisant  ces  pages 
substantielles  ;  de  grand  cœur,  on  s'associerait  à  la  joie  des  Napoli- 
tains voyant  cesser  une  des  iniquités  dont  leur  pays  a  souffert. 
Ainsi  de  l'autre  homélie  pour  la  réouverture  de  la  chapelle  des  Ames- 
du-Purgat(5ire  :  encore  une  fois,  où  et  quand  ?  —  Il  y  a  de  la  sorte 
quatre  exhortations  pour  des  réouvertures  d'églises.  Les  autres  sujets 
sont  des  fêtes  patronales  :  sainte  Thérèse,  sainte  Claire,  sainte  Chris- 
tine, saint  Joseph  ;  puis  des  solennités  universelles  :  la  Pentecôte, 
Noël,  l'Epiphanie,  la  Purification  ;  puis  encore  les  quatre  dimanches 


—  423  — 

du  Carême,  des  fins  d'années,  la  dévotion  à  la  sainte  Vierge,  etc.  La 
prédication  des  Italiens  est  assez  différente  de  la  nôtre,  ainsi  que  l'a 
si  justement  remarqué  le  cardinal  Maury,  qui  l^avait  longtemps  fré- 
quentée ;  cependant,  les  discours  et  homélies  de  Me"^'  Ferrante  pour- 
raient être,  avec  grand  fruit,  prêches  parmi  nous  tels  qu'ils  sont. 

—  29.  Nous  avons  parcouru  avec  la  même  satisfaction  la /îacco/i:ï 
di  orazionî  sacre  inédite  de  M.  l'abbé  Vito  Corallo,  vicaire  général  de 
Syracuse,  mort  tout  récemment.  Ce  n'est  pas  lui  qui  a  publié  le  vo- 
lume, ce  sont  ses  anis  après  qu'il  eut  disparu  de  ce  monde. Le  recueil 
se  compose  de  vingt- deux  discours,  tous  panégyriques,  et  plusieurs 
sur  le  même  saint;  il  y  en  a  quatre  pour  le  martyr  saint  Vite,  trois 
pour  saint  Jean-Baptiste,  deux  sur  saint  Joseph.  Qu'on  y  reconnaît 
bien  la  prédication  italienne  !  Foi  ardente,  vivante  piété,  des  apos- 
trophes, des  dialogues,  des  tableaux,  le  culte  de  l'hyperbole,  une 
étrangeté  de  langage  qui  confond  nos  habitudes  du  Nord.  C'est  cette 
originalité  surtout  qui  plaît,  mais  elle  se  recommanderait  peu  chez 
nous.  Le  goût  français  n'est  pas  plus  heureux  auprès  des  Italiens,  si 
j'en  juge  par  le  discours  que  me  tint  un  jour  un  prédicateur  de  renom 
de  l'autre  côté  des  Alpes  :  «  Vous  n'avez  point  d'orateurs  sacrés  chez 
vous,  me  dit-il  avec  quelque  fierté  :  on  m'avait  conseillé  le  plus 
célèbre,  Bourdaluue  :  je  l'ai  étudié,  mais  qu'est-ce  qu'il  y  a  là  de- 
dans? Ni  doctrine,  ni  élégance,  ni  vie;  rien...  »  Il  est  sûr  qu'entre  le 
genre  de  M.  l'abbé  Corallo  et  celui  deBourdaloue,  longue  est  la  route 
dissemblables  des  mérites.  Une  des  péroraisons  du  premier  (p.  72)  est 
charmante  de  naïveté  :  h  Heureux  de  terminer  avec  vos  acclamations 
le  cours  de  mes  élucubrations  laborieuses,  je  finis  en  m'écriant  : 
Vive  saint  Jean-Bapiiste  !  n  —  La  vieille  mode  de  rabaisser  quel- 
que peu  les  autres  saints  en  faveur  de  celui  dont  on  célèbre  actuelle- 
ment la  fête  n'a  point  péri  aux  chaudes  régions  de  l'Etna.  «  Que  sont 
donc  les  autres  saints  à  côté  de  saint  Joseph  (p.  25)?  »  Suit  un  léger 
dénigrement  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  ce  qui  n'empêchera  pas 
(p.  95)  de  placer  carrément  sainte  Agathe  au-dessus  de  n'importe  quel 
élu:  «  0  Agathe,  où  chercherais-je  ici -bas  qui  que  ce  soit  qui  te 
puisse  être  comparé?  »  Mais  ailleurs  saint  Biaise,  saint  Gaétan, 
sainte  Rosalie,  sainte  Lucie,  saint  Jacques,  reprennent  tous  leurs 
avantages.  —  En  fait  d'exordes,,  nous  marquerons  celui  de  saint  Vite  : 
«  Donc,  pour  annihiler  toutes  les  forces  de  l'Enfer,  »  etc.  ;  un  autre, 
de  saint  Gaétan  :  a  Comment  !  il  n'y  a  pas  de  Providence  !  N'allez 
pas  dire  cela,  car  tout  le  monde  vous  démentirait  (p.  220)...  « 
Ce  sont,  à  la  lettre,  les  premiers  mots  de  ces  discours,  attachants 
néanmoins,  nous  le  répétons.  La  belle  ordonnance  de  nos  sermon- 
naires  endormirait  les  fidèles  de  Girgenti,  de  Catane,  de  Syracuse,  de 
Messine  et  de  Païenne,  à  l'heure  où  elle  ne  les  scandaliserait  pas. 


—  ^n  — 

—  Les  Fntti  di  mafjglor  rilicvo  (leU'Antic.o  e  Nuovo  Testamento,  iUiis- 
trati  con  120  incisioni,T^Q.r  Pascal  de  Nardis,  forment  un  gros  et  beau 
volume,  parfaitement  imprimé,  où  il  faut  distinguer  texte  et  gravures. 
Le  texte  se  résume  dans  ces  mots  de  la  préface  :  «  Unissant  Futile  à 
l'agréable,  l'auteur  a  voulu  attirer  la  jeunesse,  et  aussi  l'âge  adulte, 
à  l'étude  des  faits  principaux  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testa- 
ment, »  C'est  donc  une  série  de  lectures,  chacune  de  deux  pages, 
sur  les  grands  événements  rapportés  par  la  Bible,  depuis  la  création 
jusqu'à  la  descente  du  Saint-Esprit  sur  les  Apôtres.  Chaque  chapitre 
se  termine  par  une  réflexion  morale,  pour  le  profit  de  la  vie.  Certaines 
parties  de  l'histoire  sainte  ont  été  omises  :  ainsi  la  captivité  de  Baby- 
lone,  les  Machabées,  Esther,  Tobie.  Ailleurs,  c'est  la  chronologie  en 
défaut  :  par  exemple,  Elie  placé  avant  David.  Quant  aux  gravures, 
exécutées  à  Rome,  en  forme  de  médaillons,  on  en  trouve  une  par  lec- 
ture, avec  les  versets  latins  de  l'Ecriture  qui  énoncent  le  sujet.  C'est 
donc  une  sorte  de  Bible  de  Royaumont,  qui  chez  nous  deviendrait  un 
manuel  parfait  pour  initier  les  enfants  à  la  langue  italienne,  tout  en 
leur  enseignant  l'histoire  sainte. 

—  Le  Père  capucin  Antonin  de  Turin  nous  offre  un  Mois  de  Marie  dans 
ses  Ragionamenti  sacri  sulle  [este  di  Maria  Vrrf/ine  santissima,  placées, 
comme  les  volumes  précédents,  dans  la  collection  Marietti.  Ici  ce 
sont  des  sujets  suivis,  une  suite  de  discours  formant  un  tout,  et  don- 
nant la  vie  entière  delà  sainte  Vierge,  de  sa  naissance  à  son  assomp- 
tion  ;  ce  qui  conduit  au  9  mai;  après  quoi  nous  avons  l'histoire  d'un 
certain  nombre  de  sanctuaires  élevés  à  Marie,  et  des  considérations 
sur  la  dévotion  des  chrétiens  pour  elle.  Ces  sermons  nous  ont  paru 
vraiment  bons  et  intéressants. 

—  Enfin,  le  Trattato  popolare  sulki  divozione  a  Maria  Saiitissima,  in- 
titulé aussi  Ave  Maria,  renferme  d'excellentes  leçons.  On  y  a  joint  un 
recueil  d'indulgences.  La  première  partie  roule  sur  les  grandeurs  de 
Marie,  la  seconde  sur  sa  tendresse,  la  troisième  sur  le  culte  qui  lui  est 
rendu.  L'auteur  mêle  le  récit  et  la  légende  à  ses  considérations.  A  la 
page  195,  il  cite  et  regarde  comme  authentique  la  fameuse  lettre  de 
la  sainte  Vierge  aux  Messinais,  l'an  42  de  l'ère  chrétienne  :  rien  pour- 
tant n'est,  aux  yeux  de  la  critique,  même  très-bienveillante,  moins 
démontré  que  les  titres  d'une  telle  pièce,  inconnue,  paraît-il,  avant 
le  quinzième  siècle,  et  que  sa  rédaction  seule  condamne,  —  Pourquoi 
sommes-nous  obligé  d'ajouter  que  le  malheureux  auteur  du  Trattato 
popolare,  connu  en  Italie  pour  plusieurs  bons  ouvrages  précédents, 
vient  de  contrister  l'Eglise  par  son  apostasie  ?  Puisse-t-il  bientôt  ren- 
trer dans  les  régions  de  la  lumière  qu'il  n'eût  dû  jamais  quitter! 

V.    POSTEL. 


—  i2;i  - 
THÉOLOGIE 

L,'Année  lîturgîciae,  par  le  R.  P.  Dom  Propper  Guèranger,  abbé  de 
Solesmes.  Premier  volume  delà  continuation:  Letempsapj'ès  la  Penicade. 
Tome  K.  Poitiers  Oudin,  1878,  in-12  de  vii-olG  p.  —Prix  3  fr.  75. 

Dom  Guéranger,  Tillustre  abbé  de  Solesmes,  est  mort,  laissant 
inachevé  son  principal  ouvrage,  rAnnée  liturgique.  Un  des  disciples 
du  docte  bénédictin  reprend  le  travail  interrompu,  et  publie  un  volume 
sur  le  temps  après  la  Pentecôte.  Nous  avouons  que  ce  n'est  pas  sans 
quelque  appréhension  que  nous  avons  ouvert  le  nouveau  livre  ;  com- 
ment continuer,  nous  disions-nous,  une  oeuvre  de  cette  valeur  ?  ne 
valait-il  pas  mieux  laisser  le  monument  inachevé?  Nos  craintes  se  sont 
bientôt  dissipées.  Celui  que  l'obéissance  monastique  a  appelé  à  la 
lourde  tâche  de  mettre  fin  à  l'Année  liturgique  était  digne  de  ce 
noble  labeur.  Il  a  la  science  de  la  sainte  liturgie,  non-seulement  de 
celle  qui  est  maintenant  en  usage  dans  l'Eglise  romaine,  mais  aussi 
de  celles  qui  Font  précédée  en  Orient  comme  en  Occident.  Il  sait  mer- 
veilleusement interpréter  et  rehausser,  par  de  doctes  citations,  les 
prières  que  nous  lisons  dans  le  missel  et  le  bréviaire.  Il  emprunte  à 
l'Ecriture,  aux  saints  Pères,  leur  parole  imagée  pour  exposer  le 
dogme  ou  la  mystique  de  nos  fêtes. 

L'auteur  parle  d'abord  eu  général  du  temps  après  la  Pentecôte,  il 
en  fait  l'histoire,  il  dit  quel  est  le  travail  divin  que l'Esprit-Saint  pour- 
suit, durant  ces  longues  semaines,  dans  les  âmes  chrétiennes  ;  il  indique 
les  formes  de  prières  qui  conviennent  surtout  à  ce  temps.  Une  courte 
étude  est  consacrée  à  la  fête  de  la  très-sainte  Trinité;  instituée  en 
Belgique  dès  le  commencement  du  dixième  siècle,  elle  se  répand  peu  à 
peu  dans  toute  l'Eglise  et  est  reconnue  par  le  Saint-Siège  au  quatorzième 
siècle. 

La  Fête-Dieu  réclamait  une  étude  plus  développée,  car  le  culte  du 
très-saint  Sacrement,  sous  ses  diverses  formes^  le  sacrifice,  la  com- 
munion, les  processions,  est  le  sommet  de  toute  la  liturgie.  Aussi  la 
plus  grande  partie  du  volume  est  consacrée  à  cette  fête.  Le  sublime 
office  composé  par  saint  Thomas  d'Aquin  est  là  tout  entier,  admira- 
blement commenté  en  peu  de  paroles;  là  aussi,  on  rencontre  la  théo- 
logie eucharistique,  non  point  exposée  avec  la  sécheresse  d'un  traité, 
mais  dite  en  un  langage  enflammé  et  vibrant  qui  part  du  cœur  et  pénètre 
jusqu'au  cœur.  La  fête  du  Sacré-Cœur  termine  le  volume,  comme  elle 
est,  selon  la  volonté  même  de  Jésus-Christ,  le  couronnement  de  l'octave 
du  très-saint  Sacrement. 

Ce  beau  livre,  nous  n'en  doutons  pas,  aura  le  même  succès  et  fera 
le  même  bien  que  ceux  de  Dom  G-uéranger.  Les  fidèles  connaîtront 
chaque  jour  davantage  les  cérémonies  catholiques,  si  pleine^  d'ensei- 


—  426  — 

gnements^  et  qui  mallieureusement  sont  pour  un  grand  nombre  vides 
de  sens.  Ils  aimeront  à  y  assister,  à  en  relever  l'éclat  par  leurs  offrandes, 
par  le  chant  sacré;  ils  ne  préféreront  plus,  comme  ils  le  font  quelque- 
fois, les  exercices  d'une  confrérie  ou  une  messe  solitaire  aux  pompes 
de  la  grand'messe  et  au  chant  de  l'office  du  soir.  C'est  à  bon  droit 
que  notre  auteur  proteste  contre  cet  abus.  L'Année  liturgique  est  un 
des  meilleurs  livres  de  piété  que  nos  chrétiens  puissent  choisir  ;  ils  y 
trouvent,  sous  une  forme  vivante,  le  dogme  qui  se  développe  dans  les 
divers  mystères,  la  morale  qui  toujours,  dans  la  vie  de  Jésus-Christ  et 
des  saints,  est  la  conséquence  du  dogme,  le  plus  haut  et  le  plus  suave 
mysticisme . 

Nous  aimerions  que  Tauteur  n'employât  pas,  çà  et  là,  quelques  mots 
non  usités  ;  il  dirait  :  pratique  de  l'ascétisme  et  non  ascèse,  religieuse 
et  non  moniale,  sans  que  son  livre  perdît  rien  de  son  prix  et  de  son 
charme.  E.  Pousskt, 


Exposition  du  dogme  catholique.  Existence  et  personne  de  Jésus- 
Christ,  par  le  T.-R.  P.  Monsabré,  des  Frères  Prêcheurs.  Carême  de  1878. 
Deuxième  édition.  Paris,  Ed.  Baltenweck,  d878,  in-12  de  378  p. — Prix  :  3  fr. 

Dans  ses  conférences  de  1877,  le  R  P.  Monsabré  avait  traité  de  la 
Itréparation  de  l'Incarnation  ;  il  lui  restait,  en  1878,  à  établir  l'indé- 
niable et  indestructible  réalité  de  ce  mystère,  à  ruiner  les  objections 
qui  en  combattent  la  possibilité  ;  à  montrer  enfin  que,  pour  qui  rejette 
l'affirmation  chrétienne,  l'histoire  demeure  inexplicable,  et  que  les 
faux  Christs,  inventés  par  le  rationalisme,  sont  impuissants  à  occuper 
la  place  du  Christ  véritable,  à  combler  le  vide  immense  que  sa  dispa- 
rition laisserait  dans  les  âmes  et  dans  le  monde.  Tel  est  le  sujet  que 
l'éminent  dominicain  a  abordé  dans  ses  conférences  de  cette  année. 
Sur  le  terrain  des  faits,  en  présence  des  adversaires  qui  essayent 
d'obscurcir  l'histoire  de  nos  origines,  d'en  renvoyer  le  récit  au  monde 
des  légendes,  d'infirmer  le  témoignage  que  ce  récit  rend  à  la  divinité 
de  Jésus-Christ,  l'argumentation  du  P.  Monsabré  est,  certes,  solide 
et  vigoureuse;  je  le  dirai  cependant,  c'est  surtout  dans  la  sphère  pu- 
rement métaphysique  et  théologique  qu'elle  déploie  toutes  ses  mer- 
veilleuses ressources.  La  trente-quatrième  conférence  {la  possibilité  de 
l'Incarnation),  et  la  trente-cinquième  (l'Union  hypostatique)  sont,  à  mes 
yeux,  celles  où  l'éloquent  disciple  de  saint  Thomas  révèle  le  mieux  la 
puissante  originalité  de  son  talent.  Elles  réfutent,  avec  une  clarté  qui 
ne  coûte  rien  à  la  profondeur,  les  erreurs  diverses  dont  le  dogme  de 
rincarnationaété  l'objet;  j'espère  qu'elles  préciseront,  qu'elles  rectifie- 
ront, s'il  le  faut,  dans  plus  d'un  esprit  sérieux  la  notion  de  ce  mystère. 

Le  R.  P.  Monsabré  excelle  à  nous  conduire  sur  les  sommets  de  la 
théologie,  et  de  là  à  nous  découvrir  un  horizon  sans  égal.  Pourquoi 


_  427  — 

donc  nous  arrache-t-il  lui-même  de  temps  en  temps  à  ce  spectacle,  par 
l'emploi  d'expressions  et  d'images  qui  nous  ramènent  sur  la  terre,  qui 
nous  replongent  dans  les  réalités  infimes?  Ces  familiarités  de  langage 
que  je  rencontre  parfois  dans  les  conférences  du  P.  Monsabré,  et 
aussi  dans  l'index  dogmatique  et  historique  qui  les  suit,  m'apparais- 
sent  comme  des  taches  dans  un  manteau  de  pourpre,  et  la  splendeur 
de  cette  pourpre  me  fait  regretter  les  taches  qui  la  déparent, 

A.  Largent. 


SCIENCES    ET    ARTS 

Oictionnaire    de    pédagogie    et     d'instruction     primaire, 

publié  fOus  la  direction  de  V.  Buisson,  agrégé  de  l'Université,  ancien 
inspecteur  de  l'enseignement  primaire,  avec  le  concours  d'un  grand 
nombre  de  collaborateurs.  Paris,  Hachette,  1878,  gr.'  in-8  à  2  col.  Pre- 
mière série,  première  partie,  168  p.  Prix:  2  fr.  oO  ;  Seconde  partie, 
160p.  Prix:  2  fr.  50. 

Rien  n'est  commode  comme  un  dictionnaire,  mais  aussi  rien  n'est 
moins  scientifique.  Utile  à  ceux  qui  savent  pour  leur  rappeler  ce  qu'ils 
ont  oublié  ou  leur  mettre  sousles  yeux  des  renseignements  précis  dont 
ils  ont  besoin,  le  dictionnaire  est  un  instrument  détestable  pour 
apprendre  à  ceux  qui  ignorent,  et  son  emploi  de  plus  en  plus  fréquent 
n'est  pas  sans  influence  sur  l'abaissement  du  niveau  intellectuel  ;  il 
entretient  la  paresse  aussi  bien  que  l'orgueil  de  l'esprit  et  contribue  à 
répandre  des  notions  erronées,  parce  qu'elles  sont  incomplètes  et  sans 
liaisons  les  unes  avec  les  autres. 

Cette  critique  générale  peut  s'appliquer  particulièrement  au  nouveau 
ou  plutôt  aux  nouveaux  dictionnaires  entrepris  par  la  maison  Hachette, 
—  qui  s'est  fait  une  spécialité  dans  ce  genre,  —  sous  la  direction  de 
M.  Buisson,  spécialiste  fort  compétent  en  cette  matière.  Nous  avons 
dit  «  les  »  dictionnaires,  bien  qu'il  n'y  en  ait  qu'un,  parce  que  deux 
parties  difi"érentes,  deux  séries  alphabétiques  forment  bien  en  réalité 
deux  dictionnaires  :  c'est  un  défaut  dont  nous  ne  voyons  pas  l'excuse  : 
il  exige  des  renvois  de  l'un  à  l'autre,  des  pertes  de  temps,  une  plus 
grande  division  des  matières.  La  première  partie,  partie  générale  ou 
théorique,  comprend  la  doctrine,  la  législation  et  l'histoire  de  l'ensei- 
gnement. La  deuxième  partie,  partie  spéciale  ou  pratique,  fait 
l'application  de  ces  principes  à  toutes  les  branches  de  l'enseignement 
primaire.  Cette  division,  logique  dans  un  traité,  n'est  ici  qu'une  anomalie 
et  une  complication. 

Nous  n'avons  sous  les  yeux  que  la  première  série  des  deux  parties, 
qui  ne  comprend  pas  toute  la  lettre  A.  Dans  la  première  partie,  nous 
relevons  les  titres  de  quelques  articles  :  abaque,  abécédaire,  abréviation, 
absentéisme,  abstraction  (son  rôle  pédagogique),  académie,  accentua- 


—  428  — 

lion,  accidrnt,  (icr/imataUon  {jardin  et  soririi'  d),  nclrs  de  l'état  rivil, 
actes  sous-seing  pinvé,  etc.,  etc.,  sans  compter  des  notices  biogra- 
phiques et  bibliographiques  sur  tous  les  personnages  qui  se  sont  occupés 
de  pédagogie,  des  notices  sur  les  revues  et  ouvrages  pédagogiques, 
sur  les  œuvres  et  sociétés  s'occupant  de  renseignement  primaire  ;  à 
chaque  département,  une  notice  historique  et  statistique  sur  renseigne- 
ment primaire,  puis  toutes  les  questions  de  législation,  étudiées  au 
double  point  de  vue  de  l'histoire  et  de  la  situation  actuelle  en  France 
et  dans  les  pays  étrangers.  Ainsi,  pour  adultes  (instruction  primaire 
des),  nous  avons  l'état  de  la  législation  en  Allemagne,  en  Angleterre, 
en  Autriche,  aux  Etats-Unis,  et  puis,  en  ce  qui  concerne  la  France, 
une  notice  plus  développée,  où  se  trouve  l'historique,  la  législation  et 
l'organisation  pédagogique.  Dans  la  seconde  partie,  nous  trouvons 
abdication  (l'histoire  des  principales  abdications  de  souverains);  abeille 
(un  traité  d'apiculture)  ;  fl^réi'iaiion.y  (nomenclature  des  abréviations 
usuelles);  absorption  (en  physique, en  chimie  et  en  histoire  naturelle); 
abstraction  (détinition  et  exemples)  ;  académie  française  ;  accentuation 
(ses  règles  et  des  exercices  ;  accidents  (soins  à  donner),  etc.,  etc. 

Ces  exemples  nous  paraissent  suffisants  pour  donner  une  idée  des 
notions  et  des  renseignements  intéressants  et  variés  que  fournit  ce 
dictionnaire.  La  rédaction  en  est  confiée  à  beaucoup  d'écrivains 
connus;  nous  citerons  :  M.  Gervais,  de  l'Institut,  pour  l'histoire  natu- 
relle; M.  G.  Meissas,  pour  la  géographie;  M.  Sonnet, pour  les  mathé- 
matiques; M.  Maggiolo,  pour  l'histoire  de  l'instruction  primaire: 
M.  Compayré,  pour  la  philosophie;  M.  Barrai,  pour  l'agriculture; 
MM.  de  Fontaine  deResbecq  et  Armagnac  pour  les  questions  d'admi- 
nistration et  de  législation,  qui  sont  étudiées  avec  un  soin  parti- 
culier ;  M.  Michel  Bréal;M,  VioUet-le-Duc,  pour  l'architecture. 
C'est  dire  qu'il  serait  difficile  de  choisir  des  collaborateurs  plus  au 
courant  des  questions.  Nous  n'avons  donc  pas  besoin  de  louer  la 
rédaction  des  notices,  généralement  nettes,  claires,  substantielles. 
Mais  le  nom  du  directeur,  M.  Buisson,  autour  duquel  assez  de  bruit 
s'est  fait  il  }■  a  quelques  années,  indique  l'esprit  de  la  direction.  Il  n'a 
rien  d'agressif,  mais  il  est  tout  ce  qu'il  y  a  de  moins  favorable  au 
catholicisme  :  aucune  occasion  n'est  perdue  de  lui  décocher  un  trait, 
d'autant  plus  dangereux  qu'ensemble  s'abriter  sous  le  couvert  de  l'im- 
partialité scientifique,  et  en  même  temps  de  faire  l'éloge  de  ses  adver- 
saires. Vous  n'avez  qu'à  lire  l'article  Albigeois  ;  le  petit  article  sur  le 
P.  Aquaviva,  à  supposer  qu'il  soit  exact,  indique  la  même  tendance  ; 
elle  est  très-accusée  dans  l'article  Allemagne,  où  M.  Michel  Bréal 
assigne  la  Réforme  comme  une  des  causes  de  la  supérioritié  de  nos 
voisins  d'outre-Rhin  en  fait  d'instruction;  d'où  la  conséquence  que 
l'infériorité  de  la  France  doit  être  attribuée  à  sa  fidélité  au  catholi- 


—  i2U   — 

cismc.  A  l'article  Anecdote,  l'auteur,  dans  ses  applications  de  l'usage 
qu'on  peut  en  faire,  a  recours  à  l'histoire  ancienne  et  à  l'histoire  étran- 
gère plus  qu'à  l'histoire  de  France,  et  n'indique  pas  lamine  si  féconde 
de  l'histoire  sainte  et  de  l'histoire  de  l'Eglise.  M.  Buisson  paraît 
goûter  le  système  anglais_,  qui  laisse  le  plus  d'action  possible  à  l'ini- 
tiative individuelle  (1™  partie,  p.  81),  tandis  que  M.  Brouard  (p.  20) 
ne  trouve  rien  de  meilleur,  en  France,  que  la  centralisation  adminis- 
trative, et  ne  tient  aucun  compte,  pas  plus  que  la  plupart  de  ses 
collaborateurs,  de  la  part  due,  dans  le  progrès  de  l'instruction,  aux 
institutions  libres,  aux  individus  dont  les  efforts  sont  sans  cesse 
entravés  par  l'État.  Voilà  ce  qu'on  appelle  être  libéral  et  partisan  de 
l'égalité  !  Ne  devrait-on  pas,  du  moins,  en  tenir  un  compte  plus  sérieux 
dans  les  notices  historiques  des  départements  ?  Relevons,  en  passant,  des 
fauies  d'impression  regrettables  :  Hagé-le-Chatel,  pour  Bagé-le-Chalel 
(V^  partie,  p.  39)  ;  Sauvigny  pour  Souvigny,  la  fameuse  abbaye  de 
l'Allier  (/ôùL,  p.  54).  René  de  Saint-Mauris. 


Les  ^i>ts  à  la  cour  des  papes  peudant  le  quiuziènie  et 
le  seizième  siècles.  Recueil  des  documents  inédits  tirés  des  Archives  et 
bibliothèques  romaines,  par  M.  Eugène  Muntz.  Première  partie  :  1417- 
U64.  Paris,  E.  Thorin,  1878,  in-8  de  363  p.  —  Prix  :   10  fr. 

L'école  française  de  Rome,  fondée  il  y  a  quelques  années  à  peine, 
a  déjà  témoigné  de  son  utilité  et  de  son  importance,  et,  en  marchant 
sur  les  traces  de  son  aînée,  l'école  d'Athènes,  a  conquis  des  droits  sé- 
rieux à  la  reconnaissance  des  savants.  Jusqu'à  ce  jour,  les  questions 
relatives  aux  beaux-arts  avaient  paru  assez  peu  préoccuper  les  jeunes 
érudits  qui  avaient  été  admis  à  profiter  de  cette  institution  profondé- 
ment libérale.  Aucun  travail  sur  les  arts,  pendant  la  renaissance 
proprement  dite,  n'avait  été  publié  dans  la  Bibliothèque  des  écoles  fran- 
çaises d' Athènes  et  de  Rome;  aussi  sommes-nous  particulièrement  heu- 
reux de  signaler  le  volume  de  M.  Muntz  sur  l'Art  à  la  cour  des  papes. 
C'est  un  livre  essentiellement  utile  et  véritablement  neuf.  Ce  qu'il  a 
nécessité  de  recherches  patientes,  de  lectures  difficiles  et  de  veilles 
est  incalculable.  Les  documents  sans  nombre  publiés  pour  la  première 
fois  par  M.  Muntz  sont  «îommentés  avec  une  sûreté  de  jugement  qui 
accuse  une  connaissance  approfondie  de  l'histoire  générale  de  l'I- 
talie. Non  content  de  transcrire  les  extraits  des  registres  officiels 
qu'il  a  dépouillés  avec  une  persévérance  que  rien  ne  rebutait, 
M.  Muntz  a  voulu  se  rendre  compte  de  tout,  fouiller  à  fond  les  ques- 
tions les  plus  compliquées,  élucider  les  côtés  les  plus  obscurs  de  l'his- 
toire de  l'art,  et  il  est  parvenu  à  mettre  au  jour  un  liv^^e  dont  ne 
pourront  plus  se  passer  aucun  des  historiens  qui  entreprendront  d'écrire 
l'histoire  des  artistes  italiens.  Souhaitons  qu'une  table  alphabétique 


—  430  — 


de  tous  les  noms  cités  vienne,  lorsque  les  trois  volumes  qui  doivent 
former  cet  ouvrage  auront  paru,  permettre  aux  travailleurs  de  pro- 
fiter amplement  et  facilement  de  ce  beau  et  utile  travail,  qui  fait  le 
plus  grand  honneur  à  celui  qui  a  osé  l'entreprendre.  G.  D. 


Albert  Diirer,  sa  vîe  et  ses  ceuvres,  par  MorizThausi.xg.   Traduit 

de  l'allemand  avec  l'autorisation  de  l'auteur,  par  Gustave  Grdyer.  Paris, 

Didot,  1878,  gr.  ia-8  de  x-563  p,,  fig.  —  Prix  :  40  fr. 

Depuis  quelques  années,  les  travauxsur  Albert  Diirer  se  multiplient; 
les  ceuvres  du  grand  maître  allemand  ont,  dans  tous  les  pays  à  la  fois, 
été  étudiées  à  nouveau,  et,  à  cet  examen  plus  approfondi,  Diirer  a 
plutôt  gagné  qu'il  n'a  perdu.  Il  en  sera  toujours  ainsi  pour  les  artistes 
de  race.  Le  livre  de  M.  Thausing,  que  M.  Gustave  Gruyer  vient  de 
traduire  avec  une  conscience  au-dessus  de  tout  éloge,  résume  les  tra- 
vaux antérieurs  et  apporte  un  grand  nombre  de  faits  nouveaux  ;  l'his- 
torien a  fouillé  toutes  les  archives,  interrogé  tous  les  dépôts  publics, 
profité  amplement  des  recherches  de  ses  devanciers,  et,  à  l'aide  de  ces 
documents  puisés  aux  bonnes  sources,  il  a  composé  un  livre  qui  lui 
fait  grand  honneur.  Sur  certains  points,  on  peut  différer  d'opinion  avec 
M.  Thausing,  qui  se  garde  bien  toutefois  d'avancer  un  fait  sans  pro- 
duire ses  preuves;  sur  certaines  questions  de  détail,  on  serait  quelque- 
fois tenté  de  réfuter  les  opinions  de  l'auteur  :  il  n'est  que  juste  de  re- 
connaître cependant  que  la  biographie  d'Albert  Diirer  n'est  plus  à 
faire,  et  que,  pour  connaître  l'artiste  à  fond,  il  faut  avoir  lu  le  volume 
que  nous  signalons. 

La  tâche  du  traducteur  était  très-difficile.  Un  grand  nombre  de 
termes  techniques,  employés  par  l'historien,  exigeaient  une  connais- 
sance approfondie  de  la  langue  allemande;  des  citations  empruntées 
aux  contemporains  de  Durer  nécessitaient,  pour  être  traduites  fidèle- 
ment, de  longues  et  pénibles  recherches.  M.  Gustave  Gruyer  n'a  re- 
culé devant  aucune  peine  pour  rendre  la  traduction  digne  du  travail 
qu'il  entendait  faire  connaître  à  ses  compatriotes,  et,  bien  qu'il  ait  cru 
devoir,  dans  sa  préface, remercier  publiquement  les  collaborateurs  qu'il 
s'était  donnés,  sa  modestie  nous  pardonnera  de  dire  que  les  emprunts 
faits  à  autrui  sont  insignifiants  à  côté  de  la  peine  qu'il  se  donna  lui- 
même  pour  transmettre  fidèlement  aux  lecteurs  français  le  texte  de 
l'auteur  allemand.  De  nombreuses  planches  (soixante-quinze)  accom- 
pagnent ce  beau  et  bon  volume,  dont  la  place  est  marquée  dans  toutes 
les  bibliothèques  où  les  ouvrages  véritablement  sérieux  sont  seuls 
admis.  Georges  Duplessis. 


—  43i   — 

BELLES-LETTRES. 

La  Fontaîne's  Fabeln,  mit  Einleitung  und  dculschcn  Commentar 
(Fables  de  La  Fontaine,  avec  introduction  et  commentaire  allemand),  von 
D"' Adolf  Laun,  professer.  Heilbronn,  Henninger;  Paris,  Vieweg,  1877-78, 
2  vol.  in-8  de  iv-235  et  271  p.  —  Prix  :  6  fr.  70. 

Moliere's  'Werke,  mit  deutschem  Commentai^  Einleitungen  und  Excur^ 
SOI  (OEuvres  de  Molière,  avec  commentaire  allemand,  etc.).  Herausgeg. 
von  D'  Adolf  Laun,  professer.  XL  George  Dandin,  Monsieur  de  Pourceau- 
gnac.  Leipzig,  Oskar  Leiner;  Paris,  Sandoz  et  Fischbacher,  1878,  in-8  de 
152  p. 

M.  le  D""  Laun  publie  une  édition  des  Fables  de  La  Fontaine, 
avec  une  introduction  qui  contient  une  vie  de  La  Fontaine,  et  des 
annotations;  tout,  sauf  les  fables,  est  en  allemand.  Cet  érudit  éditeur 
de  nos  classiques  a  déjà  donné,  sous  la  même  forme,  les  œuvres  de 
Racine;  il  poursuit  aussi,  depuis  des  années,  la  publication  des 
oeuvres  de  Molière.  J'en  ai  annoncé  ici  même  les  premières  livrai- 
sons. M.  le  D""  Laun  fail  remarquer,  dans  une  courte  préface,  que 
son  nouvel  ouvrage  est  la  première  édition  savante  de  notre  grand 
fabuliste  qu'on  publie  en  Allemagne.  Il  a  compulsé  les  meilleurs 
commentaires  et  les  meilleurs  éditions  :  il  ne  s'est  pourtant  pas  cru 
obligé  de  rapporter  toutes  les  variantes,  et  s'est  contenté  de  celles 
qui  modifiaient  le  sens.  Ses  annotations  ont  surtout  pour  but  l'ex- 
plication littérale  des  mots  vieillis  et  des  locutions  tombées  en  désué- 
tude. Elles  sont  fort  exactes,  en  général.  Je  n'ai  relevé,  en  les  par- 
courant, qu'une  opinion  inadmissible.  Au  lieu  de  :  «  un  plus  savant  le 
fasse,  »  le  commentateur  prétend  que  l'usage  actuel  voudrait  qu'on 
fît  précéder  cette  phrase  exclamative  de  que,  ou  qu'on  la  modifiât 
ainsi  :  «  fasse-le  un  plus  savant.  » 

M.  le  D''  Laun  élucide  les  expressions  dont  le  sens  lui  semble 
offrir  quelque  difficulté,  par  des  rapprochements  avec  les  vieux  au- 
teurs français,  avec  les  contemporains  de  La  Fontaine,  avec  les  clas- 
siques latins  ;  il  donne  des  indications  biographiques  ou  géographi- 
ques à  propos  des  noms  propres,  et,  «  sans  imiter  les  Français  dans 
leurs  continuelles  exclamations  d'admiration,  »  fait  à  l'occasion  quel- 
ques remarques  littéraires.  Les  sources  et  les  migrations  de  ces  fables 
sont  soigneusement  consignées.  Enfin,  quoique  «  La  Fontaine  soit 
plutôt  intraduisible  qu'inimitable,  »  il  s'est  essayé  à  traduire  cinq 
ou  six  fables  en  vers  allemands,  et  il  en  a  fort  bien  reproduit  le 
caractère. 

Je  m'en  voudrais  de  terminer  ce  court  aperçu  sans  profiter  de  l'oc- 
casion pour  consoler  M.  le  D""  Laun  sur  un  point  qui  l'afîlige.  Il 
se  plaint  que  la  fable  soit  morte  en  Allemagne,  tandis  qu'elle  produit 
encore  des  fleurs  magnifiques  en  France,  et  il  cite  Lachambaudie  et 


Viennet.  Pauvre  Lachambaudie!  infortuné  Viennet!  ils  ont  bien 
besoin  d'admirateurs  convaincus  :  on  ne  parle  guère  de  leurs  fables 
que  pour  donner  un  exemple  de  poésies  qui  ne  se  lisent  pas.  Et  je 
crains  bien,  sans  en  être  aussi  certain,  que  le  sort,  envié  aussi,  des 
jolies  fables  espagnoles  de  Hartzenbusch,  parfois  un  peu  naïves, 
parfois  un  peu  longues,  ne  soit  pas  mieux  fait  pour  inspirer  des 
rédexions  mélancoliques  ni  de  patriotiques  regrets  à  M.  le  D'' 
Laun. 

—  Mais  La  Fontaine  ne  fait  pas  oublier  Molière  à  notre  commentateur 
Il  vient  d'ajouter  à  son  édition  George  Dandin  et  Monsieur  de  Pour- 
ceaugnac.  Cette  édition  est  un  travail  tout  nouveau  pour  l'Allemagne, 
et  ce  n'est  sans  doute  pas  trop  s'avancer  que  de  prédire  qu'elle  sera 
définitive.  M.  le  D'  Laun,  par  sa  connaissance  approfondie  de  notre 
langue  et  de  notre  littérature,  par  ses  travaux  sur  Molière,  ses  tra- 
ductions des  comédies  sur  Molière,  était  plus  capable  que  personne  de 
commencer  cette  grande  entreprise  et  de  la  mener  à  bien. 

Emm.  de  Saint-Albin. 


HISTOIRE. 


Reise  nach  cler  grossen  Oase  El  Khargeh  in  der  liby- 
schen  l^iisle,  Beschrcibiing  Ihrer  Denkmaler  und  wissenschaftlichen 
Untersuchungen  ubcr  das  Vorkommen  der  Oasen  in  dcn  altaegyptischen  In- 
schriften  aicf  Stein  und  Papyrus.  (  Voyage  à  la  grande  Oasis  El  Khargch,  dans 
le  désert  de  Libye,  etc).  Von  Hei.nrich  Brugsch-Bey.  Leipzig,  Hinrichs,  1878, 
in-4  de  vi  et  93  p.  —  Prix,  sans  les  planches,  \o  fr.;  avec  27  planches  li- 
thographiées  :  72  fr. 

M.  Brugsch,  le  savant  égyptologue  allemand,  fut  chargé,  au  com- 
mencement de  janvier  1875,  par  le  khédive  Ismaël-Pacha  de  servir 
de  guide  au  prince  Auguste  d'Oldenbourg,  dans  un  voyage  de  la 
Haute-Egvpte  et  de  la  Nubie.  C'est  ainsi  qu'il  put  réaliser  l'entre- 
prise difficile,  et  même  inexécutable  pour  un  voyageur  ordinaire, 
d'arriver  à  la  grande  Oasis  El  Khargeh,  du  désert  de  Libye. 
M.  Brugsch  décrit  le  désert  entre  le  Nil  et  l'oasis,  l'oasis  El  Khargeh 
elle-même  et  les  ruines  environnantes.  Il  étudie  ensuite  le  temple 
de  Hib,  l'ancienne  capitale  de  la  grande  oasis,  et  donne  la  traduction 
de  chants  de  louanges  inédits,  composés  en  l'honneur  de  Darius  II,  et 
importants  pour  la  connaissance  de  la  religion  égyptienne.  Cette  tra- 
duction a  paru  déjà  en  1877  dans  les  Nachrichten  der  GesellscJiaft  der 
Wissenschaften  zu  Gdttmgen,  mais  elle  est  améliorée  dans  le  présent 
volume.  La  description  du  temple  de  Hib  se  termine  par  l'exposé  du 
mystère  d'Osiris,  tel  qu'il  y  est  représenté.  On  y  remarque  en  parti- 
culier, parmi  les  listes  d'offrande,  une  curieuse  énumération  des  vins 


—  433  — 

sacrés  réputés  les  meilleurs  par  les  Egyptiens.  Le  vin  de  l'oasis  figure 
en  tête  de  cette  liste. 

M.  Brugsch  nous  apprend  dans  ce  livre  bien  des  choses  utiles  et 
intéressantes,  soit  au  point  de  vue  scientifique,  religieux  et  égyptolo- 
gique,  soit  au  point  de  vue  géographique  et  ethnologique.  Il  est  le 
premier  à  faire  ressortir  toute  l'importance  historique  du  temple  de 
Hib,  fondé  par  Darius  I",  achevé  par  Darius  II,  et  restauré  par  Nec- 
tanèbes  I".  Ce  temple  a  44  mètres  de  long  sur  19  de  large.  Il  est 
construit  en  grès  rouge,  transportés,  à  travers  le  désert,  des  carrières 
de  la  Basse-Nubie.  La  divinité  principale  qu'on  y  adorait  était 
Ammon. 

Quant  à  Toasis  elle-même,  elle  n'a  de  charme  que  par  contraste 
avec  le  désert  qui  l'entoure.  Elle  servait  de  lieu  de  bannissement 
dans  l'antiquité.  Les  habitants  actuels  sont  au  nombre  d'environ  six 
mille.  Ils  prétendent  descendre  des  Egyptiens,  mais  M.  Brugsch  croit 
qu'ils  sont  un  mélange  de  sang  égyptien,  libyen,  éthiopien,  phénicien. 
Ils  parlent  arabe  et  sont  la  plupart  musulmans.  Autrefois  il  y  a  eu  des 
chrétiens  dans  la  grande  oasis  :  le  savant  égyptologue  allemand  a 
trouvé  à  Nadurah  un  vieux  cimetière  chrétien.  L.  M. 


Cartilage  antl  tïie  Cartliagînlans,  by  R.  Bosworth  Smith,  M.  A.  as- 
sistant master  in  Harrow  School.  London,  Lougm.in,  1878,  in-S  de  xxvii- 
440p.  —Prix  :   12  fr.  50. 

M.  Bosworth  Smitli,  un  des  professeurs  les  plus  distingués  du  collège 
de  Harrow,  s'était  déjà  fait  connaître  par  une  histoire  de  Mahomet  et 
du  mahométisme  (V.  t.  XIII,  p.  34)  ;  aujourd'hui,  il  aborde  une  autre 
époque  :  il  s'attache  à  décrire  les  destinées  de  Carthage,  et,  dans  un 
tableau  fort  animé,  il  nous  raconte  la  lutte  terrible  qui  se  termina  par 
la  ruine  complète  de  la  grande  puissance  maritime  si  longtemps  la  rivale 
de  Rome.  M.  Smith  n'avait  pas,  pour  ce  nouveau  travail,  la  richesse  de 
matériaux  qui  lui  rendait  si  facile  la  rédaction  de  son  premier  volume. 
Que  nous  reste-t-il,  en  effet,  de  la  littérature  phénicienne?  Deux  ou 
trois  inscriptions,  un  tarif  des  prix  fixés  pour  les  victimes  offertes  au 
dieu  Baal,  un  petit  nombre  de  statues,  quelques  textes  dont  l'interpréta- 
tion est  encore  douteuse.  «  Les  documents  historiques,  »  dit  notre  au- 
teur, «  qui  auraient  pu  jeter  sur  Carthage  un  jourvéritable,  ont  disparu 
pour  jamais.  Le  Grec  Philinus,  natif  d'Agrigente,  avait  écrit  sur  la 
première  guerre  punique  une  histoire  carthaginoise  ou  quasi- car- 
thaginoise; nous  ne  le  connaissons  que  par  quelques  passages  de  Polybe. 
Sosilus  et  Silanus,  Grecs  comme  Philinus,  et  historiens  ainsi  que  lui, 
auraient  pu  nous  donner  un  journal  des  conversations  d'Annibal  aussi 
complet  que  le  fameux  ouvrage  de  Boswell  sur  le  D'"  Johnson  ;  ils  n'ont 
Novembre  1878.  T.  XXIII,  28. 


—  434  — 

rien  laissé  derrière  eux;  les  richesses  des  bibliothèques  carthaginoises, 
abandonnées  négligemment  par  les  Romains  aux  chefs  numides,  — 
richesses  que  Salluste,  un  siècle  plus  tard,  doit  avoir  eues  entre  les 
mains,  —  ont  subi  une  destruction  aussi  entière  que  celle  qui  fit  dis- 
paraître la  bibliothèque  d'Alexandrie  elle-même.  » 

M.  Bosworth  Smith  remonte  toujours  aux  sources;  il  a  consulté  avec 
le  soin  le  plus  scrupuleux  tous  les  détails  que  les  écrivains  g.'ecs  et 
latins  nous  donnent  sur  la  grande  colonie  phénicienne,  et  c'est  d'après 
ces  textes  qu'il  s'est  formé  une  opinion,  au  lieu  d'emprunter,  comme 
trop  de  ses  confrères,  des  appréciations  toutes  faites  aux  travaux 
d'Arnold  ou  de  Niebuhr.  Non  pas  qu'il  néglige  la  lecture  attentive  des 
grand  monuments  de  la  critique  moderne,  mais  c'est  seulement  quand 
il  s'agit  de  questions  douteuses  et  de  points  encore  mal  éclaircis  ;  c'est 
alors  que  l'opinion  d'un  Gesenius,  d'un  Movers,  d'un  Mommsen  doit 
être  prise  en  sérieuse  considération,  et  vérifiée  d'après  l'étude  appro- 
fondie des  documents  originaux. 

Il  était  impossible,  dans  un  volume  de  quatre  cent  quarante  pages, 
de  ménager  une  place  aux  discussions  minutieuses,  sur  des  détails  que 
l'état  actuel  de  la  science  ne  nous  permet  pas  encore  de  fixer.  Ainsi, 
M.  Bosworth  Smith  s'est  fait  un  devoir  de  lire  tout  ce  qu'on  a  publié  sur 
le  passage  des  Alpes  par  Annibal,  sur  le  champ  de  bataille  de  la  Trébie 
et  sur  la  topographie  de  Carthage;  mais  on  ne  saurait,  en  bonne  jus- 
tice, lui  demander  que  le  résultat  de  ses  investigations  condensé  en 
cinq  ou  six  lignes,  et  non  vingt  ou  trente  pages  d'arguments  pour  et 
contre. 

Les  deux  premiers  chapitres  du  volume  contiennent  un  tableau 
général  de  la  civilisation  carthaginoise,  de  son  influence  et  de  ses  traits 
distinctifs  :  politique,  relations  commerciales,  vie  domestique,  litté- 
rature, religion  ;  tels  sont  les  points  que  notre  auteur  examine  succes- 
sivement, et  sur  lesquels  il  a  réuni,  avec  une  patience  dont  on  ne  peut 
lui  savoir  trop  de  gré,  toutes  les  particularités  disséminées  dans  les 
ouvrages  d'Appien,  de  Salluste,  d'Hérodien,  de  Diodore  de  Sicile  et 
des  autres  historiens  de  l'antiquité  classique.  Doit-on  regretter,  en 
définitive,  que  les  Carthaginois  n'aient  pas  eu  l'empire  du  monde,  et 
que  le  rôle  joué  d'une  manière  si  brillante  parla  cité  aux  sept  collines 
n'ait  pas  échu  à  la  race  phénicienne?  Non,  sans  doute,  dit  M.  Bosworth 
Smith,  parce  que  Carthage  n'avait  pas  le  don  de  s'assimiler  les  peu- 
plades qui  l'entouraient,  de  détruire  les  antipathies  nationales  et  de 
fondre  dans  une  puissante  unité  les  éléments  divers  avec  lesquels  elle 
se  trouvait  en  contact.  Un  empire  carthaginois  ne  nous  aurait  jamais 
donné  une  langue  et  une  littérature  communes  à  toute  l'Europe  ;  il 
n'aurait  pas  frayé  la  route  à  une  civilisation  plus  avancée,  à  une 
religion  infiniment  plus  pure  ;  il  aurait  encore  moins  fondé  ce  majes- 


—  435  — 

tueux  système  de  législation  qui  sert  aujourd'hui  de  base  aux  codes 
des  États  de  l'Amérique  et  de  l'Europe. 

Les  chapitres  iv-ix  traitent  de  la  première  guerre  punique  ;  c'est 
un  sujet  que  la  plupart  des  historiens,  le  D"^  Arnold  par  exemple, 
sacrifient  avec  un  peu  trop  de  sans  façon,  sous  prétexte  qu'il  n'offre 
aucun  intérêt.  M.  Bosworth  Smith  se  place  à  un  point  de  vue  diamé- 
tralement opposé  ;  il  prétend,  et  selon  nous  avec  beaucoup  de  raison, 
que  si  l'on  veut  se  rendre  un  compte  exact  de  l'énergie  et  des  res- 
sources des  Carthaginois,  c'est  Thistoire  de  la  première  guerre  punique 
qu'on  doit  surtout  étudier  ;  la  personnalité  d'Annibal  remplit  la  seconde. 
D'ailleurs  nous  pouvons  marcher  d'un  pas  sûr,  guidés  par  Polybe,  qui, 
lui-même,  avait  pour  autorité  deux  écrivains  au  moins  à  peu  près 
contemporains  des  événements  qu'ils  nous  racontent.  Il  faut  remarquer, 
de  plus,  que  le  génie  d'Annibal  a  singulièrement  fait  tort  à  la  répu- 
tation d'Amilcar  Barca  ;  M .  Bosworth  Smith  s'est  imposé  la  tâche  de 
réhabiliter  ce  grand  homme  ;  et  il  nous  trace  de  son  héros  favori  un 
portrait  écrit  d'enthousiasme,  et  qui  rejette  un  peu  au  second  plan  le 
vainqueur  de  Cannes , 

Le  temps  me  manque  pour  suivre  de  chapitre  en  chapitre  l'inté- 
ressant récit  de  M.  Bosworth  Smith;  mais  il  faut  que  je  dise  quelques 
mots  des  deux  derniers,  parce  qu'ils  traitent  de  la  destruction  de  Car- 
thage  et  de  l'état  actuel  des  ruines  de  cette  cité  jadis  si  puissante.  Les 
autorités  pour  l'histoire  de  la  troisième  guerre  punique  sont  Appien 
et  Polybe  :  ou  plutôt  Polybe  seul,  s'il  est  vrai  que  cet  écrivain  célèbre 
ait  fourni  à  Appien  les  matériaux  d'après  lesquels  est  composé  le  récit 
de  la  catastrophe  finale.  Polybe  n'a  jamais  été  mieux  jugé  que  par 
notre  auteur;  l'ami  et  le  commensal  des  Scipions  mérite  sans  doute  la 
place  que  lui  assigne  M.  Smith  à  côté  de  Thucydide,  et  quoiqu'il  ait  été 
jusqu'à  un  certain  point  influencé  par  son  illustre  entourage,  il  a  tou- 
jours su  se  garder  de  la  tentation  si  dangereuse  et  si  naturelle  à  la  fois 
de  fausser  la  vérité  et  de  se  mettre  au  service  de  rancunes  ou  de  sym- 
pathies personnelles.  Le  dernier  chapitre  est,  à  proprement  parler, 
une  impression  de  voyage;  on  y  trouvera  le  récit  d'une  excursion  faite 
pendant  le  mois  d'avril  1877  sur  la  côte  septentrionale  de  l'Afrique  ; 
les  détails  d'archéologie  abondent,  et  on  s'aperçoit  sans  peine  que 
M.  Smith  a  étudié  avec  le  plus  grand  soin  la  topographie  de  Car- 
thage. 

J'ajouterai,  avant  de  terminer,  que  le  volume  dont  je  viens  d'entrete- 
nir mes  lecteurs,  comme  celui  que  l'auteur  a  consacré  à  l'islamisme, 
avait  déjà  reçu  une  certaine  publicité  sous  forme  de  conférences,  et  qu'il 
est  accompagné  de  onze  vignettes,  cartes  et  plans. 

Gustave  Masson. 


—  430  — 

HIsiloîre  lie  l-i'i-aiiee,  depuis  Les  premiers  temps  jusqu'à  nos  jours,  d'ii])ri:s 
les  sources  et  ies  travaux  récents,  par  Edmond  Démolies,  Tomes  I  et  II 
Paris,  librairie  delà  Société  Bibliographique,  1879,  2  vol,  in-12  dexv-410 
et  490  p,  —  Pris  :  3  fr.  le  volume. 

L'Histoire  de  France  en  quatre  volumes,  dont  M.  E.  Demolins  publie 
aujourd'hui  les  deux  premier;?,  est  conçue  d'une  façon  tout  à  fait 
nouvelle.  L'auteur,  qui  s'adresse  à  la  fois  aux  hommes  du  monde  et  à 
la  jeunesse,  a  réuni  dans  le  plan  qu'il  s'est  tracé  les  avantages  de  la 
méthode  philosophique  et  de  la  méthode  narrative.  «  Éliminant  les 
faits  qui,  malgré  leur  importance  relative,  sont  restés  sans  résultat 
sur  la  marche  de  la  société,  nous  nous  sommes  attaché,  dit-il,  à  ceux 
dontl'influence  a  été  décisive  sur  le  développement  social.  Après  avoir 
ainsi  séparé  les  faits  généraux  des  faits  particuliers,  nous  avons 
cherché  le  lien  qui  unit  les  premiers,  nous  les  avons  classés,  moins 
d'après  leur  date  que  d'après  Tordre  logique  de  leur  enchaînement. 
Devant  nous  s'est  alors  développée  une  chaîne  continue  qui,  partant 
des  origines  do  la  société  française,  s'est  prolongée  à  travers  les  âges 
jusqu'à  notre  époque...  Les  faits,  une  fois  coordonnés  dans  leur  ordre 
logique,  d'après  la  méthode  philosophique,  nous  avons  appliqué  aux 
détails  de  l'exécution,  à  l'exposé  du  récit^  la  méthode  de  l'école  nar- 
rative. G-râce  à  l'élimination  des  faits  secondaires,  il  nous  a  été  pos- 
sible de  donner  aux  événements  quo  nous  racontons  plus  de  détails 
que  dans  les  histoires  d'une  étendue  considérable.  L'action  n'est  plus 
arrêtée  à  chaque  instant  par  une  nomenclature  aride  de  noms,  de  faits 
et  de  dates.  L'intérêt  se  concentre  sur  les  faits  et  sur  les  personnages 
principaux  qui  peuvent  être  présentés  avec  toutes  les  circonstances 
propre  à  leur  donner  du  relief,  de  la  couleur,  de  l'originalité.  Ce  ne 
sont  plus  des  personnages  de  théâtre  qui  passent  et  repassent  sous 
les  jeux  du  spectateur,  sans  se  donner  la  peine  de  changer  de  cos- 
tume; ce  sont  les  hommes  du  passé  eux-mêmes,  avec  leurs  idées,  leurs 
passions,  leurs  faiblesses,  qui  viennent  jouer  devant  nous,  dans  tous 
ses  détails  nécessaires,  le  rôle  qu'ils  ont  joué  autrefois  sur  la  scène 
du  monde.  En  outre,  par  le  groupement  méthodique  des  faits,  nous 
obtenons  de  véritables  tableaux;  par  leur  enchaînement  logique,  un 
récit  continu.  Nous  transportons  dans  l'histoire  ce  qui  fait  l'intérêt  et 
le  charme  du  roman  ou  du  drame,  non- seulement  sans  affaibir  la 
vérité  historique,  mais,  au  contraire,  en  restituant  au  passés  on  véri- 
table caractère.  » 

Les  deux  volumes  publiés  conduisent  le  récit  jusqu'à  la  mort  de 
Charles  VII.  En  voici  les  divisions,  qui  montreront,  non  plus  seule- 
ment en  théorie,  mais  en  effet,  les  qualités  du  plan  de  M.  Demolins, 
Livre  preûiier  :  Les  Origines  de  la  société  française.  (Chapitre  I.  La 
Société  romaine.  IL  La  Société  chrétienne.  III.  La  Société  germa- 


nique.)  —  Livre  deuxième:  Lutte,  entre  fa  société  romaine  et  la  société 
germanique.  Les  Méromugiens.  Établissement  des  Francs  dans  la 
Gaule.  Clovis  et  ses  fils.  II.  Rivalité  de  l'Austrasie  et  de  la  Neustrie. 
Brunehaut  et  Frédégonde.  III.  Prépondérance  de  l'Austrasie.  Les 
Maires  du  palais.)  —  Livre  troisième  :  Triomphe  de  la  société  germa- 
nique. Les  Carolingiens.  (I.  L'Empire  chrétien  et  germanique.  Cliar- 
lemagne.  II.  Démembrement  de  l'empire  de  Charlemagne.  Louis  le 
Débonnaire  et  ses  fils.  III.  Naissance  de  la  féodalité.  Les  Ducs  de 
France.)  —  Livre  quatrième  :  L'Église  et  la  féodalité.  La  Chrétienté, 
il.  Les  Guerres  féodales.  Les  premiers  Capétiens.  II.  LaRéforme  ecclé- 
siastique et  sociale.  Les  Moines  et  la  Papauté.  III.  La  Monarchie  de 
l'Eglise.  Saint  Grégoire  VII.)  —  Livre  cinquième  :  La  Royauté  et  la 
féodalité.  Louis  le  Gros.  Philippe-Auguste.  1108-122,3.  (I.  Répression 
des  guerres  féodales.  Louis  VI  le  Gros.  Les  communes.  II.  Afi'ermis- 
sement  de  l'autorité  royale.  Suger.  Saint  Bernard.  1139-1180. 
III.  Suprématie  de  la  royauté  sur  la  féodalité.  Philippe-Auguste. 
1180-1223.)  —  Livre  sixième  :  Apogée  de  la  monarchie  féodale.  Saint 
IjOuis  1223-1285.  (I.  Soumission  des  grands  seigneurs  féodaux. 
Blanche  de  Castille.  Saint  Louis.  1223-1243.  II.  Le  Gouvernement 
royal.  Saint  Louis.  1244-1267.  III.  Suprématie  intellectuelle  et  morale 
de  la  royauté.  Saint  Louis,  1229-1285.)  —  Livre  septième  :  Transfor- 
mation de  la  royauté.  Philippe  le  Bel  et  ses  fils.  1285-1328.  (I.  Déca- 
dence de  la  féodalité  judiciaire.  Les  Légistes.  1285-1314.  II.  Déca- 
dence de  la  monarchie  de  l'Eglise.  Boniface  VIII.  Clément  V.  1294-1314. 
III.  Réaction  féodale  et  légiste.  Louis  X.  Philippe  V.  13141328.  — 
Livre  huitième.  Décadence  de  la  féodalité  militaire.  Guerre  de  Cent  ans. 
1328-1461.  (I.  Période  de  revers.  Philippe  V.  Jean  le  Bon.  1328-1364. 
IL  Période  de  succès.  Charles  V  et  Du  Guesclin.  1364-L380.  IIL  Période 
de  désastres.  Les  Armagnacs  et  les  Bourguignons.  1380-1422.  IV.  Pé- 
riode de  triomphe.  Charles  VII  et  Jeanne  d'Arc.  1422-1461.) 

Mêlant  avec  raison  à  la  trame  des  récits  de  nombreux  emprunts  aux 
chroniques  et  autres  documents  originaux,  ou  s'appuyant  pour  chaque 
période  sur  les  travaux  les  plus  récents,  M.  Demolins  a  rempli  le  cadre 
qu'il  s'était  tracé  avec  le  talent  qui  lui  est  habituel  et  la  sûreté  de 
doctrine  que  l'on  devait  attendre  d'un  ouvrage  publié  par  la  Société 
Bibliographique.  M.  S. 


"Vie  de  saint  L.ainbert,  écrile  en  vers  par  Hiicbald  de  Saint-Amand,  et 
documents  du  dixième  siècle,  par  Joseph  Demarteau.  Liège,  Deniarteau,  1878, 
in-8  de  138  p. 

li'histoire  de  saint  Lambert  a  toujours  été  une  des  plus  discutées 
par  les  historiens  et  les  hagiographes,  et  elle  se  rattache  intimement 
à  celle  de  la  dynastie  carolingienne  elle-même.  Le  Saint  a-t-il  péri 


-  438  — 

victime  des  pillards  qui'  dévastaient  les  biens  de  son  église,  et  qui 
voulaient  venger  quelques-uns  de  leurs  compagnons  tués  par  ses 
parents?  C'est  ce  qu'affirme  son  plus  ancien  biographe,  qui  fut  son 
contemporain,  et  c'est  aussi  ce  que  soutiennent,  avec  un  vrai  luxe 
d'arguments,  les  maîtres  de  la  critique  historique,  les  Bollandistes  et 
les  Bénédictins,  Henschenius  et  Mabillon  à  leur  tête.  Ou  bien  sa  mort 
doit-elle  être  attribuée  au  ressentiment  delà  concubine  Alpaïde,  irritée 
du  courage  apostolique  avec  lequel  il  avait  reproché  à  Pépin  d'Herstal 
ses  relations  adultères  ?  C'est  ce  que  prétendent,  dès  le  commence- 
ment du  dixième  siècle,  tous  les  autres  biographes  de  saint  Lambert 
et  tous  les  chroniqueurs  liégeois,  en  s'appuyant  sur  une  tradition 
immémoriale  dont,  dès  le  milieu  du  neuvième  siècle, on  retrouve  des  té- 
moignages écrits.  Cette  discussion,  plusieurs  fois  séculaire,  semblait 
avoir  été  tranchée  définitivement  dans  le  sens  le  plus  défavorable  à  la 
tradition  liégeoise,  lorsque,  tout  récemment,  celle-ci  a  rencontré  plu- 
sieurs champions  nouveaux  et  déterminés.  Celui  qui  écrit  ces  lignes 
a  publié  en  1877,  dans  les  Annales  de  l'Académie  d'archéologie  de  Bel- 
gique^ nne  Étude  critique  sur  saint  Lambert  et  sur  son  premier  biographe, 
où  les  sources  de  l'histoire  de  notre  Saint  sont  examinées  en  détail,  et 
la  haute  antiquité  de  la  tradition  liégeoise  mise  en  lumière.  Peu  après, 
le  R.  P.  Desmedt,  qui  prépare  pour  le  recueil  des  Bollandistes  la  vie 
de  saint  Hubert  (3  nov.j,  était  amené  par  son  travail  à  rechercher  la 
date  de  la  mort  de  saint  Lambert,  et,  contrairement  aux  conclusions 
de  ses  confrères  du  dix-huitième  siècle, qui  paraissaient  inattaquables, 
il  établissait  d'une  manière  péremptoire  qu'il  était  impossible  défaire 
descendre  cette  date  plus  bas  que  706.  Il  renversait  ainsi  l'argument 
principal  invoqué  par  les  adversaires  de  la  tradition,  en  écartant  les 
impossibilités  chronologiques  invoquées  jusqu'à  présent  contre  elle, 
Enfin,  voici  M.  Demarteau  qui  descend  à  son  tour  dans  l'arène,  pour 
défendre  les  chers  et  glorieux  souvenirs  de  la  patrie  liégeoise  contre 
les  négations  d'une  critique  abritée  sous  les  plus  grands  noms  de  la 
science. 

M.  Demarteau  possède  une  connaissance  approfondie  de  l'histoire 
de  son  pays  natal,  et,  dans  la  Gazette  de  Liège,  dont  il  est  le  rédacteur 
en  chef,  il  a  publié  à  diverses  reprises  des  travaux  remarquables, 
dont  plusieurs  ont  été  ensuite  édités  à  part.  Tout  récemment  encore, 
la  Revue  générale  (novembre  1877)  donnait  un  article  signé  de  lui, 
où  l'histoire  de  saint  Hubert  était  l'objet  d'une  étude  dont  l'érudition 
n'excluait  pas  l'élégance  de  la  forme.  Le  travail  dont  je  dois  entre- 
tenir aujourd'hui  le  lecteur  a  paru  d'abord  dans  le  Bulletin  de  l'Ins- 
titut archéologique  liégeois. 

Les  Bollandistes  avaient  publié,  dans  le  tome  V  de  septembre,  des 
fragments  d'une  biographie  en  vers  de  saint  Lambert,  écrite  sous   les 


--  439  — 

auspices  de  l'évêque  Etienne  de  Liège,  dans  les  premières  années  du 
dixième  siècle.  Ce  qui  donnait  à  cet  écrit  sa  principale  valeur,  c'est 
qu'il  mentionnait  déjà,  comme  une  tradition  fort  répandue  de  son 
temps,  la  version  liégeoise  sur  les  causes  de  la  mort  du  Saint  :  cir- 
constance d'autant  plus  remarquable  qu'Etienne  lui-même,  à  qui 
l'œuvre  était  dédiée,  avait  remanié  la  première  biographie  sans  y 
parler  aucunement  de  cette  tradition  populaire  Mais  le  manuscrit 
dont  s'étaient  servis  les  Bollandistes  présentait  un  grand  nombre  de 
lacunes,  et  ils  durent  se  contenter  de  disséminer  les  fragments  du 
poème  dans  leur  Commentarius  Prxvius.  M.  Demarteau,  en  ayant 
retrouvé  dans  la  bibliothèque  vaticane  un  manuscrit  complet,  a  pensé 
qu'il  valait  la  peine  d'être  publié  intégralement.  C'est  ce  qui  lui  a 
donné  l'occasion  de  discuter  plusieurs  points  très-intéressants,  no- 
tamment ces  deux-ci:  Quel  est  l'auteur  vrai  de  ce  poème  anonyme? 
Que  faut-il  croire  de  la  tradition  sur  les  causes  de  la  mort  de  saint 
Lambert,  telle  qu'elle  y  est  rapportée? 

C'est  à  Hucbald  de  Saint-Amand  que  M.  Demarteau  croit  pouvoir 
attribuer  la  paternité  du  poème,  et  les  raisons  qu'il  invoque  à  l'appui 
de  cette  conjecture  sont  si  nombreuses,  si  concluantes,  qu''il  est 
difficile  de  ne  pas  se  rendre  à  sa  démonstration.  L'auteur  y  montre, 
avec  une  parfaite  connaissance  des  procédés  littéraires  du  dixième 
siècle,  beaucoup  de  finesse  et  de  perspicacité  dans  la  critique  :  cette 
partie  de  son  travail,  entièrement  neuve  et  originale,  peut  être  con- 
sidérée comme  une  vraie  découverte,  (p.  40  à  72). 

Dans  la  discussion  du  second  point,  qui  remplit  le  reste  de  l'ouvrage, 
M.  Demarteau  reprend  et  développe,  en  les  appuyant  çà  et  là  de 
considérations  nouvelles,  les  arguments  présentés  par  les  anciens 
défenseurs  de  la  tradition  liégeoise.  Ici,  tout  en  partageant  sa  ma- 
nière de  voir  sur  le  fond  de  la  question,  je  ne  voudrais  pas  être  aussi 
aflSrmatif  que  lui,  et  je  maintiendrais  prudemment  le  point  de  vue  où 
je  me  suis  placé  dans  mon  Étude  critique.  Ce  n'est  pas  le  lieu  de 
discuter  ces  divergences,  inévitables  d'ailleurs,  dans  toutes  les  re- 
. cherches  scientifiques;  je  me  contenterai  de  signaler  les  points  sur 
lesquels  je  crois  pouvoir,  antérieurement  à  toute  discussion  contradic- 
toire, me  séparer  de  lui.  Il  admet  encore  l'origine  aquitanique  et 
même  mérovingienne  de  saint  Hubertde  Liège:  pour  ma  part,  je  crois 
qu'après  les  travaux  de  MM.Rabanis,  en  France,  et  Bonnell,  en  Alle- 
magne, il  n'est  plus  possible  de  soutenir  cette  thèse  un  seul  instant. 
Il  voudrait,  pour  concilier  son  point  de  vue  avec  les  exigences  de  la 
chronologie, placer  en  695  la  date  de  la  naissance  de  Charles  Martel: 
cette  supposition  me  paraît  tout  à  fait  inadmissible  ;  on  ne  saurait  faire 
descendre  cette  date  plus  bas  que  691.  C'est  sans  doute  aussi  par 
suite  d'un  simple  malentendu  que  M.  Demarteau  prend  la  peine  de 


—  440   - 

combattre  plusieurs  opinions  qu'il  m'attribue,  quoique  je  ne  les  aie  pas 
formulées  dans  mon  Etud/'  critique.  Selon  lui,  j'aurais  prétendu  que  la 
première  biographie  de  notre  Saint  venait  de  Stavelot  :  j'ai  simplement 
supposé  que  la  tradition  liégeoise,  dont  cette  biographie  ne  parle  pas, 
pouvait  avoir  été  conservée  et  même  consignée  par  écrit  à  Stavelot, 
d'où  elle  se  serait  répandue  plus  tard  dans  les  écrits  d'Adon  et  des 
autres.  Je  n'ai  pas  prétendu  non  plus  que  cette  tradition  n'a  été  écrite 
qu'au  neuvième  siècle:  il  est  évident,  au  contraire,  qu'elle  doit 
l'avoir  été  avant  la  fin  du  huitième;  mais,  comme  je  n'en  ai  aucune 
preuve  positive,  je  me  contente  de  la  montrer,  dès  le  neuvième, 
dans  le  martyrologe  d'Adon,  qui  l'aura  empruntée  à  une  chronique 
monastique  du  pajs  de  Liège. 

M.  Demarteau  a  ajouté  à  son  travail  quelques  autres  documents  du 
dixième  siècle,  relatifs  à  l'histoire  de  saint  Lambert;  plusieurs  parties 
de  l'office,  composé  par  Etienne,  et  des  relations  de  miracles  qui  eurent 
lieu  vers  l'époque  des  Normands.  Rien  de  ce  qui  concerne  le  patron 
du  diocèse  de  Liège  ne  saurait  manquer  d'intérêt  pour  les  chercheurs 
qui  poursuivent  avec  un  soin  pieux  les  moindres  traces  de  sa  glorieuse 
mémoire.  Godefroid  Kurth. 

Histoire  de  la  jçuerre  de  Trente  ans,  1618-1648,  par  E.  Charvé- 
RiAT.  Paris,  E.  Pion,  1878,.  2  vol.  in-8  de  viii-o84  et  732  p.  —  Prix  :  16  fr. 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  rendre  compte  avec  tout  le  déve- 
loppement qu'il  comporterait  de  l'important  ouvrage  publié  récem- 
ment sur  la  guerre  de  Trente  ans.  C'est  un  travail  d'ensemble  consi- 
dérable, pour  lequel  l'auteur  est  constamment  remonté  aux  sources, 
non  pas  originales,  —  la  vie  d'un  homme  n'y  aurait  pas  suffi,  —  mais 
aux  récits  et  aux  témoignages  imprimés  dans  diverses  langues,  dont 
aucun,  presque,  n'était  à  notre  portée.  Une  telle  œuvre  manquait  en 
France,  où  l'histoire  de  la  guerre  de  Trente  ans  a  souvent  passé  pour 
une  époque  embrouillée  et  confuse,  que  nous  laissions  volontiers 
démêler  aux  cerveaux  allemands, 

M.  Charvériat  divise  naturellement  son  sujet  en  quatre  périodes  : 
les  périodes  palatine,  danoise,  suédoise  et  française.  Son 'récit  re- 
monte même  un  peu  plus  haut,  et  va  de  la  paix  d'Augsbourgau  traité 
de  Westphalie.  Les  causes  multiples  d'une  lutte  gigantesque,  qui  a 
ruiné  l'Allemagne  en  voulant  l'émanciper,  sont  exposées  avec  beau- 
coup de  clarté  et  de  méthode.  Le  style  est  constamment  simple  et 
précis,  bien  que  l'auteur  ne  s'interdise  point  les  tableaux  et  les  por- 
traits, très-propres  à  distraire  un  peu  le  lecteur,  auquel  on  demande 
une  si  longue  attention.  Les  grandes  figures  de  Tilly,  Wallenstein, 
Mercy,  Gustave-Adolphe,  Torstenson,  Weimar  sont  éclairées  d'une 
lumière  nouvelle  et  appréciées  en  général  à  leur  juste  valeur.  A  côté 


—  4il   — 

des  guerriers,  les  diplomates  ont  aussi  leur  place,  et  nous  retrouvons 
aux  premiers  rangs  Richelieu,  Mazarin,  d'Avaux,  Oxenstierna. 

L'ordre  le  plus  parfait  règne  dans  la  disposition  de  l'ouvrage  :  des 
sommaires  détaillés  précèdent  chaque  chapitre  et  sont  reproduits  dans 
la  table  des  matières  avec  une  pagination  spéciale.  Une  table  géné- 
rale analytique,  très- détaillée,  permet  en  un  instant  de  se  reporter  à 
un  fait,  à  une  date,  à  la  "circonstance  particulière  de  la  vie  du  moindre 
personnage.  Après  le  travail  de  la  composition,  cette  mise  en  œuvre 
doublait  presque  la  tâche.  On  ne  peut  que  féliciter  M.  Charyériat  d'a- 
voir mené  à  si  bonne  fin  une  œuvre  devant  laquelle  beaucoup  de  tra- 
vailleurs opiniâtres  auraient  reculé.  Son  livre  restera  donc,  et  fera 
autorité  pour  l'époque  de  l'histoire  moderne  qu'il  a  su  si  bien  étudier. 

Cr.  B.  DE  p. 


Scènes  et  portraits  de  la  Hévolutîon  en  Oas^lLiniousîn,  par 

le  comte  V.  de  Seilhac.  Paris,  librairie  générale,   1878,   in-8  de   719  p. 
—  Prix  :  7  fr.  30. 

Il  est  à  désirer  que  la  période  révolutionnaire  soit  dans  chaque  dé- 
partement l'objet  d'une  étude  semblable  à  celle  que  M.  le  comte  de 
Seilhac  vient  de  faire  paraître  sur  les  commencements  de  la  Révolu- 
tion et  sur  la  Terreur  dans  le  département  de  la  Corrèze.  Il  importe 
de  faire  connaître  au  public  que  l'esprit  révolutionnaire  a  partout 
produit  les  mêmes  maux.  On  serait  tenté  de  croire  que,  dans  une  con- 
trée éloignée  de  Paris,  n'ayant  aucun  centre  naturel  d'agitation,  et 
qui  ne  fut  le  théâtre  d'aucune  insurrection,  la  Révolution  n'a  dii  faire 
que  fort  peu  de  ravages.  Le  travail  si  consciencieux  de  M.  de  Seilhac 
ne  permet  point  de  conserver  une  pareille  illusion.  Dans  le  Bas-Li- 
mousin, comme  dans  le  reste  de  la  France,  un  petit  groupe  d'intri- 
gants et  d'hommes  pervers  a  soulevé  les  plus  détestables  passions  et 
opprimé  la  majorité.  Après  le  14  juillet,  des  paysans,  affolés  par  les 
contes  les  plus  absurdes,  ont  pillé  et  les  châteaux  et  les  maisons  des 
bourgeois  ;  les  révolutionnaires  modérés  ont  invoqué  en  leur  faveur 
des  excuses  aussi  ridicules  qu'odieuses,  et  entravé  l'action  des  auto- 
rités. L'assassinat  de  M.  de  Masset,  commis  à  Tulle,  le  10  mai  1791, 
mérite,  à  cause  de  sa  froide  préméditation,  d'être  cité  parmi  les 
crimes  les  plus  atroces  de  la  Révolution. 

M.  de  Seilhac,  s'appuyant  sur  les  documents  les  plus  authentiques, 
montre  les  populations  du  Bas-Limousin  réduites  à  la  misère  la  plus 
affreuse  par  les  lois  de  la  Révolution  sur  les  subsistances.  Toute 
plainte,  tout  murmure  leur  était  interdits  ;  et  leurs  despotes,  pour  mieux 
terrifier,  cherchaient  systématiquement  des  victimes  dans  toutes  les 
classes  de  la  société  :  1,500  suspects,  parmi  lesquels  on  ne  comptait 
que  250  nobles,  furent  emprisonnés. Le  tribunal  criminel,  jugeant  révo- 


—  442  — 

lutionnairement,  promena  plusieurs  fois  la  guillotine  dans  le  départe- 
ment de  la  Corrèze.  Il  vint  d'abord  à  Uzerche,  pour  faire  tomber  la 
tête  d'un  vieux  mendiant  de  soixante-cinq  ans,  coupable  seulement  d'a- 
voir trouvé  les  temps  bien  durs,  et  qui  fut  condamné  à  mort  pour 
propos  contre-révolutionnaires.  Quelque  temps  après,  à  Mej^mac,  il 
faisait  guillotiner  un  notaire  et  quatre  paysans;  ces  derniers  cou- 
pables d'avoir,  le  jour  de  la  Raison,  battu  un  cheval  auquel  on  fai- 
sait traîner  dans  l'église  les  ornements  sacerdotaux.  A  Brives  et  à 
Tulle,  il  lit  aussi  plusieurs  victimes. 

L'auteur  a  donné  des  détails  très-curienx  sur  les  conventionnels  et 
les  tyrans  subalternes  de  la  Corrèze;  sur  Brival  qui,  procureur  du  roi, 
au  début  de  la  Révolution,  courut  après  la  popularité,  en  prenant  le 
parti  des  pillards  et  des  insurgés,  et  en  dénonçant  et  outrageant  les 
juges;  sur  les  girondins  Chambon  et  Lidon,  leur  odyssée  après  le 
31  mai,  et  leur  fin  tragique.  Il  est  seulement  à  regretter  que  le  livre 
si  intéressant  de  M.  de  Seilhac  ne  contienne  pas  un  chapitre  complé- 
mentaire sur  le  Directoire  et  les  effets  du  18  Fructidor  dans  le  départe- 
ment de  la  Corrèze.  Ludovic  Sciout. 


Histoire  «l'Outlenl»ourg,accomj)a^née  de  pièces  justificatives  comprenant 
le  cartulaire  de  la  ville  et  de  nombreux  extraits  des  comptes  communaux^  par 
E.  Feys  et  D.  Van  DE  Casteele.  Bruges,  De  Zuttere,  1873-78,  2  vol.  in-4 
de  724  et  548  p.  (Publié  par  la  Société  d'émulation  de  Bruges).  —  Prix  :  60  fr. 

Y  a-t-il,  de  par  le  monde,  beaucoup  de  grandes  villes  qui  puissent 
se  vanter  d'avoir  la  bonne  fortune  de  ce  petit  bourg  de  1,600  âmes, 
dans  la  Flandre-Occidentale?  Je  n'en  connais  guère,  pour  ma  part, 
qui  aient  inspiré  un  travail  historique  aussi  vaste,  aussi  soigné,  aussi 
complet  sous  tous  les  rapports,  dans  lequel  le  passé  tout  entier 
semble  revivre  jour  par  jour,  sans  la  moindre  solution  de  conti- 
nuité. Il  est  vrai  que  les  destinées  d'Oudenbourg  ont  été  plus 
brillantes  autrefois  qu'aujourd'hui.  Quoique,  à  l'époque  de  sa  plus 
grande  splendeur,  la  ville  n'ait  jamais  compté  plus  de  4  à  5,000  ha- 
bitants, c'était,  si  je  puis  ainsi  parler,  un  petit  monde  féodal  complet 
et  se  suffisant  à  lui-même,  quelque  chose  comme  une  miniature  de  la 
société  d'alors,  et  permettant,  grâce  à  ses  petites  proportions,  d'étudier 
celle-ci  de  près,  de  la  voir  fonctionner  avec  tous  ses  rouages.  Ouden- 
bourg,  en  effet,  a  contenu  dans  l'étroite  enceinte  de  ses  murailles  les 
trois  éléments  essentiels  de  la  vie  sociale  au  moyen  âge  :  une  commune 
libre, un  château  avec  une  seigneurie,  et  une  abbaye.  Le  rôle  modeste 
mais  actif  qu'Oudenbourg  a  joué,  et  les  nombreux  matériaux  que  les 
auteurs  ont  pu  mettre  en  oeuvre  pour  le  raconter,  permettent  au 
lecteur  de  suivre  de  près,  à  Toccasion  de  cette  monographie,  l'histoire 
de  la  Flandre  elle-même  dans  cette  partie  de  ses  annales  qui  échappe 


—  443  — 

le  plus  aux  travaux  d'ensemble  :  j'entends  le  fonctionnement  des  ins- 
titutions, le  développement  de  la  vie  religieuse  et  surtout  cette  riche 
eftloreseence  de  coutumes  et  de  traditions,  si  vivace  aujourd'hui  encore 
sur  le  noble  sol  de  la  Flandre. 

L''ouvrage  est  divisé  en  cinq  parties.  La  première,  qui  sert  d'in- 
troduction, s'étend  de  l'époque  romaine  à  la  fin  du  onzième  siècle,  et 
comprend  toute  la  partie  fabuleuse  ou  obscure  de  l'histoire  de  la 
localité,  jusqu'au  morcent  où  saint  Arnould, l'apôtre  delaFlandre,  vient 
y  bâtir  un  monastère  qui  deviendra  le  noyau  de  l'agglomération  habitée. 
Et  qu'on  ne  s'étonne  pas  de  la  date  relativement  récente  où  commence 
pour  Oudenbourg l'époque  historique.  Dans  cette  Flandre-Occidentale, 
aujourd'hui  si  rich3  si  populeuse,  si  chrétienne,  le  paganisme  et  la 
barbarie  ont  eu  la  vie  dure,  et  déjà  les  seigneurs  des  bords  de  la  Lys 
et  de  l'Escaut  partaient  pour  les  croisades,  quand  les  côtes  de  la 
mer  du  Nord  étaient  encore  occupés  par  une  population  farouche  et 
brutale.  Là  vivaient,  comme  de  vrais  sauvages,  des  hommes  d'origine 
saxonne  qui,  sous  le  nom  de  Karls,  se  montrèrent  dans  tous  les 
troubles  intérieurs  de  la  Flandre  au  moyen  âge,  et  dontles  descendants 
écrasèrent  sous  leurs  pesantes  massues  toute  la  chevalerie  française 
dans  les  plaines  de  Courtrai.  Au  onzième  siècle,  quand  saint  Arnould 
évangélisait  leurs  rivages,  il  y  rencontra  des  hommes  qui  se  prome- 
naient tout  nus  dans  les  champs,  et  qui,  aux  observations  qu'il  leur 
faisait,  répondaient  crûment:  «  Mêlez- vous  de  vos  affaires.  »  Cepen- 
dant Oudenbourg  émerge  peu  à  peu,  et,  dès  le  douzième  siècle,  nous 
le  trouvons  constitué  complètement.  Les  auteurs  racontent  séparé- 
ment l'histoire  de  la  seigneurie,  de  l'abbaye  et  de  la  commune,  et 
leur  narration,  sous  forme  de  chronique  locale,  est  d'une  précision, 
d'une  minutie  telle  qu'on  la  croirait  écrite  au  jour  le  jour  par  des 
contemporains.  On  n'en  sera  pas  étonné,  quand  on  saura  l'emploi 
judicieux  et  vraiment  original  qu'ils  ont  su  faire  des  comptes  com- 
munaux de  la  ville,  dont  ils  ont  eu  entre  les  mains  une  longue  et 
volumineuse  série.  Tous  les  mille  faits  petits  et  grands  qui  étaient 
consignés  dans  ces  comptes  ont  été  fondus  dans  leur  récit,  qui  est  de- 
venu de  la  sorte  une  vraie  photographie  du  passé.  Sous  ce  rapport, 
leur  livre  est  un  exemple  fort  curieux  de  l'usage  qu'un  historien  peut 
faire  de  ce  genre  de  documents. 

C'est,  sans  contredit^  la  cinquième  partie  qui  est  la  plus  intéressante 
pour  la  majorité  des  lecteurs.  Sous  le  titre  de  ;  Administration,  Us  et 
Coutume  s,  les  auteurs  ont  groupé  une  multitude  de  détails,  bien  des 
fois  ignorés  ou  imparfaitement  connus,  sur  tout  l'ensemble  de  la  vie 
publique  et  privée  dans  l'ancienne  Flandre  flamingante;  aussi  je  la 
recommande  d'une  manière  spéciale  à  l'attention  du  public.  Chaque 
connaisseur  trouvera  quelque  chose  de  nouveau  à  glaner  dans   les 


chapitres  désignés  par  les  rubriques  suivantes  :  Adminislration 
générale  —  Justice  —  Finances  —  Travaux  publics.  —  Guerre  — 
Hygiène  et  assistanée  publique.  —  Instruction  —  Gkildes.  —  Fêtes  — 
Réceptions  cl  courtoisies  —  Industrie  et  commerce.  —  Église  parois- 
siale. 

Tout  le  tome  I",  est  consacré  aux  pièces  justificatives.  Il  seternaine 
par  une  copieuse  table  onomastique,  contenant  à  elle  seule  55  pages 
in -4,  à  deux  colonnes.  Plusieurs  belles  gravures,  entre  autres,  un  plan 
de  l'ancien  Oudenbourg,  sont  jointes  au  texte.  L'exécution  matérielle 
est  irréprochable.  Cet  ouvrage,  auquel  les  deux  auteurs  ont  travaillé 
pendant  dix  ans  avec  un  zèle  et  un  désintéressement  patriotiques,  est 
digne  du  roi  protecteur  des  lettres  auquel  il  est  dédié,  et  fait  honneur 
à  la  Société  d'émulation  de  Bruges,  sous  les  auspices  de  laquelle  il  a 
vu  le  jour.  Godefroid  Kurth. 

Listes  ties  évèquea  et  «les  supérieurs  de  couvents  de 
l'Kglîse  russe  {Spishi  irrarhhov  i  nastoiatélei  monastyreï  Bossiislioï 
tserkvi),  faites  d'après  des  documents,  par  Paul  Stroïev.  Édition  de  la 
Commission  archéographique.  Saint-Pétersbourg,  1877,  gr.  in-8  de  x.- 
iOVi'o  et  68   p.  à  deux  co) .  —  Prix  :  15  fr. 

Dans  son  ouvrage  intitulé  Nestor  ou  Aîinales  russes  en  langue  sla- 
vonne,  Schlôzer  faisait  des  vœux  pour  que  quelqu'un,  parmi  les  Russes 
savants,  écrivît  une  histoire  ecclésiastique  de  son  pays.  «  Pour  com- 
mencer, ajoutait-il,  on  pourrait  se  contenter  d'indiquer  exactement 
les  dates  d'érection  de  chaque  évêché  et  les  noms  des  évêques,  ainsi 
que  l'ordre  dans  lequel  ils  se  sont  suivis  :  même  de  simples  registres 
auraient  été  non  sans  importance  pour  le  commentateur  des  chro- 
niques, obligé  si  souvent  de  chercher  les  dates  ;  ils  l'auraient  dispensé 
d'une  rude  besogne  et  préservé  de  nombreuses  fautes.  »  Le  desidera- 
tum du  célèbre  historien,  émis  il  j  a  trois  quarts  de  siècle  environ, 
ne  fut  pas  oublié. 

L'Église  trouva  plus  d'un  historien;  la  hiérarchie  russe  fut  étudiée  à 
son  tour  et  inspira  au  savant  évêque  Ambroise  son  important  ouvrage, 
auquelles  travaux  postérieurs  relatifs  au  même  sujet  n'ont  point  ôté  sa 
valeur.  Mais  l'Histoire  de  la  hiérarchie  russe  ne  tarda  pas  à  devenir 
fort  rare,  et  surtout  incomplète,  depuis  la  publication  de  tant  de  do- 
cuments demeurés  jusque  là  inconnus  au  public.  —  Paul  Stroïev 
sentait  mieux  que  tout  autre  l'urgence  de  combler  une  si  importante 
lacune;  aussi, pendant  quarante  ans, il  ne  cessa  de  recueillir  des  maté- 
riaux destinés  à  entrer  dans  ses  listes  chronologiques,  non-seulement 
des  évêques,  mais  encore  de  tous  les  supérieurs  de  couvents,  depuis 
le  dixième  siècle  jusqu'à  nos  jours.  —  On  peut  lire,  dans  le  beau  tra- 
vail de  M.  Barsoukov  sur  la   Vie  et  les  travaux  de  Paul  Stroïev,  la 


genèse  et  les  destinées  de  cette  publication  posthume  qui  a  coûté  à 
son  infatigable  auteur  tant  de  labeurs,  et  par  laquelle  il  a  si  dignement 
couronné  sa  longue  et  studieuse  existence.  Le  nombre  des  documents 
qu'il  a  dû  consulter  se  compte  par  plusieurs  dizaines  de  milliers;  et  il 
n'a  cessé  d'en  rechercher  de  nouveaux  que  lorsque  les  forces  lui 
firent  complètement  défaut. 

En  publiant  les  Listes  des  hiérarques  et  des  supérieurs  de  couvents, 
la  Commission  archéographique  a  voulu  respecter  l'œuvre  de  leur 
auteur;  elle  les  donne  telles  qu'il  les  a  laissées  dans  ses  papiers,  sans 
y  mêler  rien  du  sien,  sans  ajouter  des  notes  critiques  qui  auraient  de- 
mandé beaucoup  de  temps  et  de  place.  La  seule  addition  qu'elle  y  fit, 
c'est  l'index  alphabétique  de  tous  les  monastères  dont  il  est  fait  men- 
tion dans  le  texte.  On  le  doit  aux  soins  de  M.  Semevski,  rédacteur 
de  l'excellente  revue  historique  intitulée  Antiquité  russe,  à  qui  fut 
confiée  l'édition  du  volume. 

Le  texte  original  contient  parfois  des  appréciations  critiques  qui 
peignent  bien  leur  auteur.  Ainsi,  à  propos  du  couvent  de  Simonov, 
on  lit  à  la  page  154  :  «  Tout  ce  que  Karamzine  et  autres  ont  écrit  à 
ce  sujet  est  du  pur  galimatias.  .;>  Et  ailleurs  :  «  Les  savants  qui 
parlent  de  ce  monastère  (il  s'agit  du  couvent  de  Saint-Nicolas  l'An- 
cien, à  Moscou)  sont  ridicules^  au  lieu  d'inventer,  ils  auraient  dû  lire 
les  documents  (p.  189).  »  Peut-être,  Stroïev  aurait-il  retranché  les 
additions  de  ce  genre,  si  le  volume  avait  été  imprimé  de  son  vivant; 
comme  aussi,  il  n^aurait  pas  manqué  d'indiquer  partout  les  sources  où 
il  a  puisé  ses  dates,  quoique  son  exactitude  soit  reconnue  de  tous. 
Cela  eût  été  d'autant  plus  à  désirer,  que  ses  indications  ne  s'accordent 
pas  toujours  avec  celles  des  autres  écrivains  :  qu'on  compare,  par 
exemple,  sa  liste  des  métropolitains  de  Kiev  avec  une  liste  pareille 
que  donne  l'archimandrite  Serge,  à  la  fin  de  son  grand  Calendrier 
oricnlal. 

La  Commission  archéographique  a  sagement  fait  de  conserver  à 
l'œuvre  de  Stroïev  sa  physionomie  propre,  et  de  ne  pas  en  différer 
davantage  la  publication,  attendue  depuis  si  longtemps,  et  devenue 
vraiment  indispensable. 

11  est  curieux  d'étudier  la  statistique  des  couvents,  dont  le  chiffre 
total  s'élève  à  2.868.  Dans  ce  nombre,  plus  de  000  sont  placés  sous  la 
protection  de  la  Mère  de  Dieu,  dont  177  sous  le  vocable  de  l'As- 
somption. Notre-Seigneur  Jésus-Christ  en  a  478,  dont  127  sous  le 
vocable  du  Sauveur,  et  122  sous  celui  de  la  Transfiguration.  En  troi- 
sième lieu  vient  la  très-sainte  Trinité  (228  couvents)  ;  puis  Saint- 
Nicolas  (214).  Le  reste  suit  l'échelle  descendante  suivante  :  Saint- 
Jean-Baptiste  (57,  sans  compter  les  15  couvents  dédiés  à  Saint-Jean, 
tout  court);  Saint-Esprit  (31),  Saiut-Élie  (31),   Saint-Jean  l'Évangé- 


—  446  — 

liste  (30),  SS.  Boris  et  Gleb  (29),  Sainte-Parascéve  (24),  Saint- 
Georges  (24),  Saint-Pierre  et  Saint-Paul  (21),  Saint-Démétrius  (16), 
Saint-Pierre  seul  (13).  —  Tout  couvent  possède  une  église,  et  souvent 
plus  d'une.  On  voit  combien  est  grande  la  dévotion  des  Russes  en- 
vers la  sainte  Vierge  et  saint  Nicolas,  mais  on  est  surpris  de  ne  voir 
aucun  monastère  qui  porte  les  noms  des  saints  Cyrille  et  Méthode, 
apôtres  des  Slaves.  J.  Martinov,  S.  J. 


Xhe    metallic  History    of  the  United  Htates  of  i%.inerica, 

1776-1876,  by  J.  F.  Lodbat.  With  170  etchings  by  Jdles  Jacquemart.  New 
York,  published  by  the  Author,  1878,  2  vol.  in-4. 

Un  de  nos  graveurs  les  plus  distingués,  M.  Jules  Jacquemart,  vient 
de  terminer  un  ouvrage  auquel  il  travaillait  depuis  de  longues  années. 
M.  Loubat,  voulant  écrire  une  histoire  métallique  des  États-Unis  d'A- 
mérique, eut  l'heureuse  pensée  de  faire  graver  les  médailles  qu'il  en- 
tendait commenter  et  décrire  ;  il  s'adressa  à  notre  compatriote  et  fit  en 
cela  preuve  de  bon  goût;  les  cent  soixante-dix  eaux-fortes  qui  accompa- 
gnent le  beau  livre  que  nous  annonçons  sont  exécutées  avec  cette  pré- 
cision et  ce  savoir  qui  ont  valu  à  M.  Jacquemart  une  renommée  eu- 
ropéenne. Plusieurs  des  modèles  qui  étaient  soumis  au  graveur  ne 
présentaient  pas  une  valeur  d'art  égale  à  la  valeur  qu'ils  présentaient 
au  point  de  vue  de  l'histoire,  et  souvent  l'artiste  a  dû  se  faire  violence 
pour  respecter  les  incorrections  qu'il  avait  le  devoir  de  transporter 
sur  le  métal  ;  lorsque  des  médailles  exécutées,  au  contraire,  par  des 
maîtres  de  l'art  lui  étaient  offertes,  se  retrouvant  sur  son  terrain,  il 
savait  les  rendre  avec  cette  adresse  que  donne  seul  un  savoir  réel,  et 
nous  ne  voudrions  pas  jurer  que  certaines  planches  de  M.  Jacquemart 
ne  soient  mieux  dessinées  que  les  originaux  qu'elles  multiplient. Dans 
l'œuvre  de  l'artiste  français,  YHistoire  métallique  des  États-Unis  d'A- 
mérique occupera  une  place  fort  honorable,  et  quiconque  voudra  dé- 
sormais savoir  comment  il  faut  traduire  par  la  gravure  en  taille  douce 
des  médailles  devra  étudier  ce  recueil  et  s'efforcer  d'imiter  M.  Jac- 
quemart; il  apprendra  que  l'exactitude  n'exclut  pas  l'art  proprement 
dit  et  que  la  reproduction  ne  perd  rien  de  sa  fidélité  à  être  traitée  par 
un  artiste  rompu  à  toutes  les  difficultés  de  son  métier.  G.  D. 


Catalogue  des  incunables  de  la  Bibliothèque  de  Xoulouse» 

rédigé  par  le  D""  Desbarreaux-Bernard.  Imprimé  aux  frais  de  la  ville.  Tou- 
louse, Paul  Privât,  1878,  gr.  in-8  de  lxxiii-266  p. 

Le  travail  de  M.  le  D"^  Desbarreaux-Bernard  est  un  des  plus 
importants  de  tous  ceux  qui  ont  été  consacrés  à  la  science  des  livres. 
On  y  admire  tous  les  trésors  d'une  expérience  qui,  chez  le  vaillant 


—  447  — 

octogénaire,  est  accompagnée  de  toute  la  finesse  d'un  esprit  resté  des 
plus  jeunes  et  des  plus  vifs.  Personne  peut-être  en  notre  pays  n'était 
mieux  préparé  que  M.  Desbarreaux-Bernard  à  rédiger  magistralement 
un  catalogue  d'incunables.  Dès  sa  jeunesse,  il  a  aimé  les  livres,  sur- 
tout les  vieux  livres,  avec  la  plus  noble  ardeur;  il  ne  cesse,  depuis 
plus  de  soixante  ans,  de  les  étudier,  de  les  comparer,  de  les  décrire. 
Bibliographe  aussi  savant  qu'enthousiaste  bibliophile,  il  a  consacré, 
pour  ainsi  dire,  sa  vie  entière  à  résoudre  les  problèmes  qui  avaient 
lassé  la  patience  et  trahi  la  sagacité  des  plus  célèbres  historiens  de 
l'imprimerie.  Aussi  ne  sera-t-on  pas  surpris  de  trouver  dans  le  Cata- 
logue des  incunables  de  la  Bibliothèque  de  Toulouse  les  plus  curieuses 
observations  et  même  parfois  les  plus  précieuses  révélations. 

Indiquer  le  titre  des  divers  chapitres  qui  constituent  V Avant-propos, 
ce  sera  donner,  ce  me  semble,  la  meilleure  idée  des  richesses  qui  y 
sont  réunies  dans  un  ordre  parfait.  Disons  donc  qu'après  avoir  répété 
le  cri  d'alarme  poussé  par  M.  Madden,  qu'il  appelle  Véminent  biblio- 
graphe :  «  Les  incunables  s'en  vont,  »  le  D''  Desbarreaux-Bernard  s'oc- 
cupe successivement  du  signalement  de  ces  épaves  typographiques  : 
des  papiers  et  filigranes,  des  caractères,  des  cahiers,  du  registre,  de 
la  préface  et  des  notes  marginales,  des  réclames,  des  chiflfres,  des  si- 
gnatures, de  la  ponctuation,  des  guillemets,  des  majuscules,  des  traits 
d'union,  de  la  parenthèse,  des  formats,  des  dates  curieuses,  bizarres  ou 
énigmatiques  de  quelques  incunables,  des  marques  et  monogrammes 
d'imprimeur,  des  errata,  des  approbations,  privilèges  et  permissions 
d'imprimer,  enfin  de  la  reliure.  U Avant-propos  de  M.  Desbarreaux- 
Bernard  est  un  traité  complet  et  destiné  à  faire  loi  désormais  en  la 
matière.  Tout  y  est  remarquable,  mais  si  l'on  me  demandait  quelles 
pages  y  sont  remarquables  entre  toutes,  j'indiquerais  celles  qui  sont 
relatives  aux  papiers  et  filigranes,  aux  signatures  et  réclames,  et  aux 
livres  imprimés  sur  des  papiers  de  différents  formats. 

La  même  rigoureuse  méthode,  le  même  profond  savoir,  le  même  net 
et  excellent  style  qui  recommandent  V Avant-propos,  nous  les  retrou- 
vons dans  le  Catalogue.  Ce  catalogue  comprend  285  articles,  où  les 
descriptions  sont  si  précises,  si  minutieuses,  qu'elles  ne  laissent  rien 
à  désirer.  Quelques-uns  des  incunables  que  nous  fait  si  bien  connaître 
M.  Desbarreaux-Bernard  sont  d'une  excessive  rareté,  tels  sont  :  le 
n"  85,  probablement  unique,  et,  dans  tous  les  cas,  non  cité  par  les 
bibliographes;  le  no  141,  resté  mystérieux  pour  tous  les  chercheurs; 
les  n°^  148, 149, 150, 151,  plaquettes  à  peu  près  introuvables,  etc.  Aux 
descriptions  s'ajoutent  des  notes  fort  intéressantes.  Je  mentionnerai 
particulièrement  celles  où  sont  relevées  les  erreurs  et  les  lacunes  du 
Manuel  du  Libraire  (p.  5,  6,  10,  12,  21,  22,  26,  27,  29,  34,  35,  39,  45, 
46,  47,  48,  50,  58,  71,  80,  83,  87,  89,  99,  131,  136,  138, 156,  181, 184, 


—  4i8  — 

187,  196,  198,  205,  206,  207,  216,  217).  Dans  quelques  autres  notes 
sont  discutées  et  redressées  diverses  assertions  de  Gabriel  Peignot^ 
de  La  Serna  Santander,  de  C.  Leber,  de  A.  Pcricaud,  surtout  de 
M.  P.  Deschamps.  Au  bas  de  la  p.  171,  indiquons  un  document  inédit, 
tiré  des  archives  départementales  de  la  Haute-Garonne,  et  relatif  à 
rentrée  d'Etienne  Baluze  au  collège  de  Saint-Martial  de  Toulouse. 

A  la  suite  du  Catalogue,  viennent  :  1°  Appendice  et  notes  diverses; 
2"  Table  des  noms  de  villes  ;  3°  Table  des  noms  d'imprimeurs;  4°  Table 
des  auteurs;  5°  Table  des  ouvrages  sans  nom  d'auteur;  6°  Table  des 
filigranes  ;  7°  25  planches  où  sont  très-exactement  représentés  les  fili- 
granes déjà  décrits  dans  le  texte;  8°  Diverses  autres  planches  qui  nous 
montrent  la  première  lettre  capitale  du  psautier,  imprimé  à  Majence, 
en  1457,  et  de  la  même  grandeur,  un  assez  grand  nombre  de  types,  de 
marques  d'imprimeurs  et  de  figures.  Toute  cette  partie  du  volume  est 
supérieurement  exécutée,  et  tous  les  connaisseurs  la  jugeront  digne 
de  servir  de  complément  et  d'éclaircissement  à  un  texte  qui  ne  saurait 
être  trop  loué.  T.  de  L. 


BîblioUieea  ^mericana.  Hntoire,  géographie,  voyages,  archéologie  et 
linguistique  des  deux  Amériques  et  des  îles  PhUij^pincs,  rédigée  par  M.  Ch. 
Leclerc.  Paris,  Maisonneuve,  1878,  in-8  de  xx-737  p.  —  Prix  :  lo  fr. 

Ce  livre,  imprimé  avec  luxe,  n'est  pas,  comme  son  titre  pourrait 
peut-être  le  faire  croire,  une  bibliographie  générale  du  nouveau 
continent.  C'est  le  catalogue  d'une  collection  d'ouvrages  anciens  et 
modernes  qui  depuis  longues  années  sont  la  spécialité  très-connue  de 
la  librairie  Maisonneuve.  L'auteur,  M.  Charles  Leclerc,  n'en  est  pas 
à  son  début  dans  ce  genre  de  travail;  déjà,  en  1867,  il  avait  dressé,  par 
ordre  alphabétique  de  noms  d'auteurs,  un  catalogue  de  vente  de  la 
même  librairie,  dans  lequell'esprit  de  recherches  se  faisait  particuliè- 
rement remarquer.  Le  nouveau  catalogue,  beaucoup  plus  considérable, 
se  signale  en  même  temps  par  plus  de  méthode,  d'exactitude  et  de  cri- 
tique. Il  forme  deux  grandes  divisions,  dont  l'une  embrasse  l'histoire, 
la  géographie,  les  voyages,  l'archéologie,  etc.,  et  renferme  six  parties  : 
Amérique  en  général,  îles  de  VAllantiquc,  Amérique  septentrionale,  An- 
tilles, Amérique  méridionale  et  lies  Philippines.  Ces  parties  ont  elles- 
mêmes  des  subdivisions  qui  correspondent  aux  grandes  régions  géo- 
graphiques. 

La  seconde  division  se  rapporte  exclusivement  aux  travaux  de  lin- 
guistique. Elle  groupe  d'abord  cinquante-cinq  recueils  qui  sont  relatifs 
aux  langues  américaines  en  général,  puis  classe  alphabétiquement  par 
langue  et  par  noms  d'auteurs  un  assez  grand  nombre  d'ouvrages  qui 
ne  concernent  pas  moins  de   quatre-vingt-sept  idiomes.  Parmi  les 


I 


_   14!  t  — 

langues  comptant  le  plus  d'ouvrages,  il  faut  citer  le  caraïbe,  Tesqui- 
mau  ou  groenlandais,  le  moya,  le  nahuall  ou  mexicain,  qui  ofl're  à 
lui  seul  quarante-trois  publications,  et  enfin  le  quichua  usité  parmi 
les  Indiens  du  Pérou.  Cette  partie  du  livre  de  M.  Leclerc  est  extrê- 
mement intéressante  et  doit  avoir  exigé  de  sa  part  plus  particu- 
lièrement des  soins  et  des  recherches. 

Un  supplément  de  cent  quatre-vingts  articles  renferme  l'analyse  de 
ce  qui  avait  pu,  dans  une  longue  élaboration,  échapper  à  l'attention 
de  l'auteur,  ainsi  que  l'indication  des  ouvrages  acquis  pendant  Fim- 
pression.  C'est  un  total  de  2,638  articles. 

Enfin,  un  index  général  des  noms  d'auteurs,  sur  deux  colonnes, 
termine  le  volume  et  renvoie  aux  numéros  d'ordre  qui  se  suivent 
sans  interruption.  Cette  table  est  infiniment  commode  pour  les  re- 
cherches. 

Telle  est  la  Bibliotheca  Americana.  Remarquable  par  la  précision  et  la 
multiplicité  des  renseignements  très-utiles  que  ce  livre  renferme,  il 
laisse  peu  de  place  à  la  critique.  Néanmoins,  il  y  aurait  peut-être 
lieu  de  signaler  quelques  répétitions  ;  mais  elles  ne  sont  nullement 
embarrassantes  surtout  dans  un  semblable  travail;  certaines  notices 
aussi,  rendues  un  peu  courtes,  manqueraient  de  clarté  ;  ainsi,  pour 
citer  un  exemple,  nous  croyons  qu'au  n*"  2325,  le  lecteur,  s'il  ne  con- 
naît pas  déjà  le  vocabulaire  mexicain  de  Fray  Alonso  de  Molina,  aura 
de  la  peine  à  découvrir  que  cet  ouvrage  renferme  deux  parties  :  le 
dictionnaire  espagnol- mexicain  et  le  dictionnaire  mexicain  espagnol. 
On  reconnaîtra,  du  reste,  que  ces  taches  sont  légères  ;  si  nous  les  in- 
diquons c'est  pour  remplir  exactement  et  trop  scrupuleusement  peut- 
être  notre  devoir  d'appréciateur. 

Nous  aurions  bien  voulu  mentionner  ici  les  raretés  les  plus  remar- 
quables portées  sur  ce  catalogue  ;  mais  le  travail  a  été  fait  par  M. Le- 
clerc lui-même  dans  son  avant-propos,  et  nous  y  renvoyons  le  lecteur, 
malgré  l'étendue  que  l'auteur  s'est  plu  à  donner  à  cette  partie.  Un  signe 
particulier,  tel  qu'un  astérisque,  placé  en  regard  de  chaque  numéro 
important  eût  peut-être  suffisamment  rempli  l'objet  de  ce  classement. 
Nous  eussions  préféré  trouver  une  classification  générale  et  succincte 
des  ouvrages  par  siècles,  qui,  tout  en  servant  de  résumé,  aurait  guidé 
les  travailleurs  s'occupant  plus  spécialement  de  certaines  époques . 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  livre  de  M.  Leclerc  est  bon,  fait  avec  soin  et 
vraiment  digne  de  fixer  l'attention  des  bibliophiles  et  des  érudits.  Ils 
y  puiseront  des  indications  précises  qu'il  leur  serait  quelquefois  dif- 
ficile de  se  procurer  pour  certains  ouvrages,  tellement  ils  sont  rares 
et  peu  connus.  R.  S. 


Novembre  1878.  T.  XXIII,  "29. 


-  450  — 

BULLETIN 

S.  iHurelii  i%.u$;usf:.ini  Coufeesionum  libri  ^111,  cum  notis 
H.  Wangnkbech,  s.  J.  Turai,  M  aietti,  1878,  in-lS  de  xvi-56o  p.  —  Prix  : 

Nous  n'avons  pas  à  faire  ici  l'éloge  de  l'éditiou  des  Confessions  de  saint 
Augustin,  publiée  à  Cologne  en  1630,  par  le  jésuite  Wangnerech  :  des  notes 
nombreuses  et  substt-ntielles,  des  titres  clairs  et  concis,  des  réflexions  pra- 
tiques ont  valu  à  cette  édition  sa  juste  renommée.  C'est  celte  excellente 
édition  que  reproduit  l'éditeur  deTurin,  M,  Pierre  Marielti,  en  comblant  une 
lacune  que  l'on  regrcitiità  bon  droit  dans  le  travail  du  P.Wangnerech.  Celui- 
ci, en  eiTei, s'était  arrêté  au  dixième  livre  des  Confessions,  laissant  de  côté  les 
trois  derniers,  qui  coatiennent  un  cjmmeataire  du  premier  chapitre  de  la 
Genèàe,  ainsi  que  des  dissersations  fort  abstraites  sur  les  matières  les  plus 
difficiles  de  la  théologie.  Lo  tixte  de  la  nauvelle  éditioa  ejt  clair;  les  notes 
et  pratiques, imprimées  en  petit  caractère,  sont  bienvenues;  deux  tables  très- 
complètes  terminent  le  volume  :  c'est  donc  à  la  foi-,  comme  la  plupart  des 
publications  de  M.  Manetti,  un  liv-e  à  trèi-basprix  et  un  livre  bien  exécuté. 

E.   POUSSPT. 

Bi'eve  esame  «leir  opuecolo  «lel  sac.  Clurcî  :  Il  modei*no 
dissidio  tvtx  la  Ctiieea  e  I*Italia,  Rome,  imprimerie  de  la  Propa- 
gande, in-8  de  93  p. 

Le  silence  s'est  fait  autour  du  livre  publié  par  l'abbé  Curci  sur  le  Démêîé 
moderne  entre  l'Église  et  l'Italie.  Les  catholiques  ont  appris  avec  joie  que 
celui  qui  avait  été  un  des  hommes  les  plu?  en  vue  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
et  qui  avait  le  plus  vaillamment  défendu,  durant  de  longues  années,  les 
droits  du  Saint-Siège,  reconnaissait  son  erreur,  et  se  soumettait  pleinement 
à  la  sentence  qui  frappait  son  livre.  Cependant  la  brochure  dont  nous  ren- 
dons compte, si  elle  a  perdu  quelque  peu  de  son  actualité,  conserve  un  grand 
intérêt  pour  tous  ceux  qui  ont  connu,  au  moins  par  les  journaux  catholiques, 
le  livre  du  P.  Curci.  Il  suffit  de  remarquer  que  c'est  une  réponse  officielle, 
car  elle  est  signée  par  wn  Padî^e  délia  Compagnia  di  Gesù;  elle  est  publiée  à 
Rome  même,  avec  toutes  les  permissions,  et  à  l'imprimerie  de  la  sacrée  Con- 
grégation de  la  Propagande.  L'auteur  divise  son  travail  en  deux  parties  à 
peu  près  égales;  dans  la  première,  il  expose  et  réfute  les  idées  de  l'abbé 
Curci  ;  dans  la  seconde,  il  raconte  toute  la  suite  des  faits  qui  ont  amené  la 
sortie  du  religieux  de  la  Compagnie  de  Jésus,  à  laquelle  il  appartenait  déjà 
depuis  cinquante  et  un  ans. 

Puisse  le  retour  du  P.  Curci  être  imité  par  tous  ceux  qui  se  sont  laissé 
égarer  par  les  décevantes  théories  du  libéralisme  contemporain,  et  qui  visent 
encore  à  une  conciliation  impossible  entre  l'erreur  et  la  vérité  ! 

E.    POUSSET. 

Lia  I*ratlque  de  l'éducation  chrétienne,  d'après  les  vrais  prin- 
cipes. Ouvrage  dédié  aux  maisons  d'éducation  et  aux  familles  chrétiennes, 
par  le  P.  A.  Monfat.  Paris,  Bray  et  Retaux,  1878,  in- 12  de  xv-d24  p.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 

Ce  nouvel  ouvrage  du  P.  Monfat  fait  suite  à  celui  qu'il  a  publié  en  I8T3 
sous  ce  titre  :  Les  vivais  pri?icipes  de  V éducation  chrétienne  rappelés  aux  maîtres 
et  aux  familles,  et  dont  il  a  été  rendu  compte  dans  ce  recueil  (t.  XIV,  p.  543). 


—  431  — 

Après  avoir  donné  les  principes,  l'auteur  expose  la  pratique,  en  homme  du 
métier  guidé  par  la  raison  et  par  la  foi,  et  nous  pouvons  ajouter  par  l'amour 
de  la  jeunesse  et  l'amour  des  âmes.  L'introduction  est  consacrée  à  la  distinc- 
tion de  l'éducation  proprement  dite,  qui  forme  le  cœur,  et  de  l'enseignement 
qui  développe  l'esprit,  distinction  essentielle,  nécessaire,  parce  qu'elle  repose 
surla  nature  mèmedes  choses, que  l'on  violente  tropsouvent,maisjamais  impu- 
nément. L'éducation  n'est  guère  qu'un  mot  aujourd'hui  ;  elle  est  absorbée 
par  l'instruction,  au  point  de  vue  utilitaire,  non  pas  celle  qui  forme  l'esprit, 
parallèlement  au  cœur,  mais  celle  qui  mène  aux  succès  dan-,  les  examens,  à 
l'entrée  dans  une  carrière,  sans  souci  de  la  volonté  chargée  de  mettre  à  pro- 
fit les  connaissances  acquises.  Celte  distinction  solidement  établie,  appuyée 
sur  de  sages  considérations  et  sur  les  témoignages  les  plus  autorisés,  conduit 
à  la  division  du  sujet  en  deux  parties.  Le  P.  Monfat  réser^'e  la  pratique  de  l'en- 
seignement pour  un  autre  volume  ;  celui-ci  est  tout  entier  consacré  à  l'édu- 
cation. Il  place  à  la  base  une  bonne  discipline,  qui,  dans  son  sens  propre, 
règle  les  i-apports  entre  les  maîtres  et  les  disciples.  Il  la  définit  et  en  déter- 
mine le  but;  c'est  la  condition  de  l'ordre.  11  montre  sa  nécessité,  avant 
tout,  pour  les  maîtres  qui  doivent  concourir  ensemble  à  la  formation  des 
âmes,  travailler  à  assouplir  les  volontés  en  leur  faisant  accepter,  par  l'amour 
qu'ils  témoignent,  un  joug  salutaire,  et  rendre  le  devoir  aimable  en 
prouvant  qu'ils  l'aiment,  autrement  dit  en  pratiquant  la  vertu.  Il  leur  faut 
le  désintéressement  qui  ici  est  caractérisé  par  le  don  de  son  temps,  l'égalité 
d'humeur,  la  condescendaiice  à  assouplir  la  règle  aux  exigences  raisonnables. 
Tout  un  chapitre  est  consacré  à  l'émulation,  au  mobile  de  l'hooneur  qu'elle 
fait  mouvoir,  aux  récumpenses  qui  en  sont  les  conséquences.  Vient  ensuite  la 
surveillance  et  la  question  si  délicate,  de  notre  temps  surtout,  de  la  répression. 
Le  P.  Monfat  insiste  pour  qu'on  punisse  au  moment  favorable,  sans  passion, 
et  en  laissant  toujours  espérer  le  pardon. 

Dans  une  seconde  partie,  l'auteur  étudie  les  principaux  chefs  de  devoirs 
dont  il  faut  donner  l'habitude  aux  élèves,  ce  qui  est  le  but  de  l'éducation  : 
devoirs  envers  Dieu,  envers  les  parents,  envers  les  maîtres,  envers  les  élèves, 
et  ces  devoirs  généraux  qui  se  résument  dans  la  politesse.  C'est  assez  dire 
qu'on  y  trouve  traité  tout  ce  qui  touche  à  l'instruction  religieuse,  aux  pi'a- 
tiquesdo  piété,  aux  relations  avecla  famille,  à  l'obéissance  vis-à-vis  des  maîtres, 
à  la  charité  et  à  la  pureté  qui  doivent  régler  les  rapports  entre  condisciples, 
ecau  respect  humain  qui  en  est  l'écueil.  En  un  mot,  c'est  un  traité  complet, 
méthodique,  clair,  où  tout  est  bien  déduit  et  bien  pensé.  Il  sera  bien  utile 
aux  maîtres  ;  mais  les  parents,  qui  doivent  seconder  ceux-ci,  ne  le  liront  pas 
avec  mo-ns  de  profit.  R.  de  St-M. 

Traité  pratique  «3e  8'éducaîioîi  oiaterneSle,  précédé  d'insir ac- 
tions préliminaires  sur  l'Archiconfrérie  des  mères  chrétiennes,  par 
Mgi'  PicHENOT,  archevêque  de  Chambéry.  Nouvelle  édition,  revue  et  aug- 
mentée d'une  seconde  partie.  Paris,  Bray  et  Retaux,  d878,  in-i2  de  447  p. 
—  Prix:  3  fr.  50. 

La  première  édition  de  cet  ouvrage  a  été  signalée  en  1809  (t.  IV,  p.  72). 
M.  Pichenot  était  alors  vicaire  général  de  Sens.  La  question  qu'il  traite, 
avec  autorité  est  de  celles  dont  l'importance  r.e  fait  que  s'accroître.  Il  s'agit 
de  l'éducation  religieuse.  C'est  la  mère  qui  est  la  première  éducatrice;  c'est 
elle  que  MS'"  Pichenot  veut  diriger  dans  l'accomplissement  de  sa  difficile 
n:is:ion.  Il  s'adresse  aux  mères  chrétiennes;  il  les  engage  à  s'associer  pour  le 
soutenir  ei  l'encourager,  et  il  leur  donne  d'abord  des  instructions  sur  les 


—   -io-'  — 

principales  fête-;  en  honneur  dans  l'Arebiconlrérie  des  mères  chrétiennes. 
Abordant  ensuite  directement  son  sujet,  il  leur  expose  leurs  devoirs,  traite 
de  la  :  première  éducation,  du  baptême,  des  parrains,  des  noms,  de  l'allai- 
tement qui  a,  au  point  de  vue  moral,  une  non  moins  grande  importance 
qu'au  point  de  vue  physique.  M?r  Pichenot  passe  à  la  seconde  éducation, 
alors  que  l'enfant  commence  à  parier;  il  montre  comment  il  lui  faut  inculquer 
l'amour  de  Dieu,  développer  en  lui  la  piété,  l'instruire  de  la  religion,  com- 
battre ses  défauts,lui  faire  aimer  et  pratiquer  la  vertu. Puis  vient  le  catéchisme, 
la  confession  et  la  première  communion,  qui  conduisent  à  la  jeunesse.  C'est 
le  terme  de  l'éducation  maternelle:  h  première  édition  n'allait  pas  plus 
loin.  Mais  l'influence  de  la  mère  ne  doit  pas  cesser  de  se  faire  sentir  :  aussi 
Mgr  Pichenot  a-t-il  ajouté,  en  rééditant  fon  ouvrage,  des  instructions  sur  les 
questions  principales  où  la  mère  doit  intervenir  :  la  vocation,  le  mariage,  où, 
même  dans  les  familles  chrétiennes,  les  considérations  mondaines  ont  trop 
souvent  le  plus  de  poids,  les  rapports  entre  parents,  la  perte  des  enfants,  le 
veuvage,  etc.  On  ne  pouvait  aborder  une  plus  grave  question,  ni  la  traiter 
avec  plus  d'autox'ilé  et  de  sens  pratique.  R- 


L^KcIueation  cléricale  eu   Kraace,  par  un  ancien  missionnaire. 
Paris,  Ghio,  1877,  in-12  de  51  p.  —  Prix  :  50  cent. 

L'ancien  missionnaire  qui  a  porté  cette  brochure  chez  un  éditeur  dont  les 
publications  ne  se  distinguent  pas  généralement  par  leur  caractère  religieux, 
a  eu  la  pudeur  de  ne  point  signer  de  son  nom.  C'est  la  seule  chose  dont 
nous  ayons  à  le  louer.  On  sent  un  mécontent,  peut-être  un  malheureux, 
blessé  dans  son  orgueil,  qui  ne  sait  s'en  prendre  qu'aux  autres  de  ses  insuc- 
cès, de  ses  déboires,  —  devons-nous  dire  de  ses  fautes?  Il  est  ridicule  dans  ses 
critiques  sur  l'éducation  dans  les  grands  séminaires,  et  surtout  sur  la  Société 
de  Saint-Sulpice,  et  il  est  d'une  insigne  maladresse  quand,  dans  ses  obser- 
vations sur  le  droit  canonique,  il  s'appuie  de  l'autorité  de  M.  Emile  OUivier, 
«  un  homme  éminent  dont  le  cœur  déborde  de  la  lave  incandescente  d'une 
vraie  liberté.  »  R.  S.  M. 


L.'Union  des  peuples.  Paris,  Pion,  juin  1878,  in-8  de  2o  p. 

L'auteur  anonyme  de  cette  brochure  propose  l'établissement  d'un  conseil 
non  politique  des  nations  civilisées  formé  par  les  représentants  des  différents 
gouvernements,  et  qui  aurait  pour  mission  de  promouvoir  les  entreprises 
intéressant  la  civilisation  tout  entière,  telles  que  les  grandes  voies  de  com- 
munication entre  les  continents,  l'union  postale,  monétaire  et  commerciale, 
la  suppression  de  la  traite  et  les  mesures  hygiéniques  contre  les  fléaux, 
comme  le  choléra,  etc.  Ce  conseil  devrait  s'occuper  aussi  de  la  rédaction 
du  code  du  droit  des  gens,  et  pourrait  avec  le  temps  servir  à  l'arbitrage  des 
dilférends  entre  les  nations. Notre  génération  verra-t-elle  se  réaliser  un  pa- 
reil projet?  nous  n'avons  pas  à  l'examiner.  Qu'il  nous  suftise  de  dire  que 
l'auteur  fait  une  profession  très-nette  de  foi  catholique,  et  que  rien  dans  sa 
brochure  ne  rappelle  les  projets  destructeurs  de  toutes  les  nationalités  qui 
se  cachent  dans  la  plupart  des  congrès  et  ligues  de  la  paix.  X. 


—  453  — 

IjO  Travaiî  humain,  son  analyse,  son  t'V-oïutîon,  par    Mkliton 

iMartix,  ingénieur  civil,   membre  du  jury  de   l'Exposition  universelle  de 

1878.  Paris,  Guillaumin,  1878,  gr.  in-18  de  xx-vn-368  p.  —  Prix  :  5  fr. 

Ce  livre  est  une  nouvelle  manifestation  du  besoin  de  rattacher  la  science 
sociale  à  la  science  générale  de  l'homme  et  de  l'ensciiible  des  choses,  qui 
travaille  à  l'heure  présente  tous  les  espiûts  ayant  une  certainr^  firiginalité. 
M.  Méliton  Martin  est  du  nombre  ;  il  est  l'auteur,  comme  nous  l'apprend  sa 
préface,  d'un  ouvrage  en  quatre  volumes  publié  en  1863,  à  Madrid,  sous  le 
titre  de  Ponos.  Le  volume  que  nous  avons  entre  les  mains  en  est  heureuse- 
ment un  résumé  très-abrégé. 

L'idée  fondamentale  de  M.  Martin  est  que  l'homme  étant  un,  il  ne  faut 
jamais  séparer  en  lui  les  jouissances  matérielles  des  besoins  intellectuels  et 
affectifs  :  en  conséquence,  il  veut  refaire  l'économie  politique  pour  y  donner, 
à  la  satisfaction  des  sentiments  et  des  besoins  intellectuels,  une  place  que  les 
économistes  ne  lui  ont  pas  faite.  Il  y  a  du  vrai  dans  sa  critique;  mais  elle 
est  exagérée  et  surtout  trop  générale,  car  M.  Méliton  Martin  est  bien  ou- 
blieux en  écrivant,  s'il  ne  l'a  pas  été  dans  ses  lectures,  en  ne  mentionnant 
point  les  doctrines  sociales  qui  font  partie  intégrante  de  la  tradition  chré- 
tienne, et  qui  répondent  précisément  aux  desiderata  relevés  par  lui  dans 
l'économie  politique  contemporaine. 

Mais  l'auteur  du  Po7ios,  absorbé  par  l'effort  intellectuel  considérable  qu'il 
à  fait  individuellement,  est  tout  entier  à  l'enthousiasme  de  son  eurêka.  Le 
travail,  dit-il,  est  la  grande  loi  de  l'humanité;  elle  domine  l'être  collectif, 
aussi  fatalement  que  les  lois  du  monde  physique,  mais  en  laissant  à  l'indi- 
vidu une  élasticité  d'action  qui  constitue  la  liberté.  Le  travail  amène  le 
progrès,  et  le  pi'ogrès,  à  son  tour,  engendre  une  morale  qui  porte  l'homme  à 
dompter  ses  sentiments  par  la  vue  de  son  intérêt  bien  entendu  :  le  culte  du 
devoir  se  réalise  finalement  dans  les  expositions  universelles.  Nous  ne  sui- 
vrons pas  M.  Méliton  Martin  dans  les  développements  qu'il  donne  à  cette 
idée  et  qui  remplissent  près  d'un  quart  de  son  volume.  On  y  trouve  heu- 
reusement autre  chose,  notamment  une  analj^se  fort  judicieuse  des  conditions 
économiques  actuelles,  des  rapports  des  travailleurs  et  du  capital,  de  l'utilité 
sociale  de  la  richesse.  L'homme  pratique  s'y  révèle,  et  ce  n'est  pas  sans  profit 
qu'on  lira  quelques-uns  de  ses  chapitres.  X. 


Leçons  sur  la  protection  des  animaux.  —  Les  Quadrupèdes,  ani- 
maux domestiques,  bêtes  de  somme,  animaux  carnassiers^  animaux  nuisibles, 
petits  carnassiers  et  rongeurs,  par  N.  Claddon,  instituteur  à  Vic-sur-Leille 
(Lorraine).  Paris,  P.  Dupont,  1878,  in-12  de  98  p.  —  Prix  :  1  fr. 
Cet   ouvrage  a  été  approuvé  par  la  Société  protectrice  des  animaux;  il 
méritait  de  l'être.  Dans  les  cent  pages  dont  il  se  compose,  l'auteur,  passant 
en  revue  tous  les  quadrupèdes,  d'une  façon  aussi  attrayante  qu'instructive, 
s'attache  à  combattre  de  vieux  préjugés,  universellement  répandus,  sur  bon 
nombre  d'entre  eux,  préjugés  qui  ont  pour  résultat  de  faire  disparaître  peu  à 
peu  beaucoup  d'espèces  d'animaux  fort  utiles.  Ce  petit  traité  d'histoire  natu- 
relle s'adresse  aux  enfants.  Il  est  fait  sous  forme   de  leçons,   dans  un  style 
parfaitement  approprié  au  jeune  âge.  C'est  une  idée  excellente  de  s'adresser 
ainsi  à  l'enfance.  Les  fausses  notions  datent  presque  toujours  de  cette  époque 
de  la  vie.   Il   importe  donc  de  dire  de  bonne  heure  aux  enfants    la  vérité 
sur  toutes  choses,  et  de  les  prémunir  contre  des  erreurs  qu'ils  entendront 
formuler  journellement.  —  Ajoutons  que  M.  Claudou  ne  manque  jamais,  en 
faisant  remarquer  les  merveilles  que  l'on  découvre  dans  l'étude  de  la  nature, 
de  rendre  hommage  à  leur  suprême  auteur.  L.  de  B. 


■ —  4o4  — 

Raccolta  dî  testi  latini,  tralli  daaulori  classici  cltr istiani. Turin,  Ma. - 
rietti,  1876  et  1877.  —  Prix  :  60  cent,  le  volume.  —  Thom^  Vallaurii 
Opem.  I,  Epitome  hùtorix  grxcas.  7«  édition.  Prix  :  1  fr.  II.  Epitome  his- 
toriieroinanse.Q''  édition.  Prix:  1  fr.  50.  Augustœ  Taurinorum,  ex  ofiicina 
Salesiana,  1878. 

A  des  titres  divers,  ces  opuscules  sont  un  heureux  indice  de  la  sollicitude 
avec  laquelle  en  Italie,  à  l'heure  présente,  les  esprits  sérieux  s'occupent  des 
questions  d'enseignement.  Tous  ceux  qui  se  rappellent  la  polémique  ar- 
dente soulevée,  il  y  a  quelque  trente  ans,  par  l'emploi  des  classiques,  savent 
avec  quelle  sagesse  l'Église,  par  la  liouche  du  regretté  Pie  IX,  a  tranché  ce 
grand  débat  :  sans  enlever  aux  auteurs  de  l'antiquité  la  place  qui  leur  était 
assignée  depuis  plusieurs  siècles  dans  Téducation  de  la  jeunesse,  il  fallait 
leur  associer  les  Pères  de  l'Église,  fréquents  modèles  d'élégance  littéraire,  et 
en  tout  cas,  sources  inépuisables  de  fortes  et  religieuses  inspirations.  L'Italie 
catholique  n'a  pas  voulu  demeurer  sourde  à  cet  appel  :  de  là  une  série  d'é- 
ditions, d'un  format  commode,  d'une  impression  en  général  irréprochable, 
et  cependant  d'un  bon  marché  surprenant,  destinées  à  répandre  tout  à  la 
fois  la  connaissance  des  lettres  lalims  et  le  goiit  de  la  piété  chrétienne. 

Les  quatre  spécimens  que  j'ai  en  ce  moment  sous  les  yeux  se  recomman- 
dent et  par  l'habile  choix  des  textes  et  par  d'intelligentes  annotations.  C'est 
tout  d'abord  une  série  de  récits  empruntés  aux  Actes  des  martyrs,  avec  une 
assez  longue  préface  sur  l'origine,  aussi  authentique  que  vénérable,  de  ce  livre 
d'or  du  christianisme  naissant;  puis  des  extraits  de  saint  Jérôme,  tirés  des 
Vies  de  saint  Paul,  premier  ermite,  de  saint  Hilarion,  de  saint  Népotien  et 
du  traité  sur  les  Écrivains  ecclésiastiques  :  ensuite  un  recueil  de  morceaux  de 
saint  Cyi^ rien,  pris  dans  ses  plus  célèbres  ou\Tages;  enfin,  pour  montrer 
que  la  religion  peut  admirablement  inspirer  la  Muse.  Juvencus,  Lactance, 
Victorinus,  saint  Hilaire,  Ausone  et  saint  Paulin  ont  fourni  les  éléments 
d'un  charmant  volume  de  poésies.  11  y  a  là  un  modèle  et  un  exemple  pour 
ceux  de  nos  établissements  libres  qui  ne  sont  point  encore  entrés  dans  cette 
voie. 

Destinées  aux  classes  élémentaires,  les  deux  compilations  de  M.  Vallauri 
ont  l'avantage  d'offrir  aux  jeunes  élèves  un  résumé  méthodique  et  complet 
de  l'histoire  grecque  et  romaine.  C'est  par  ce  côté  qu'elles  l'emportent  peut- 
être  sur  deux  ouvrages  depuis  longtemps  populaires,  le  second  surtout  :  je 
veux  parler  de  V Epitome  de  Siret  et  du  De  viris  illustribits  de  Lhomond. 
Mais  pourquoi  Fauteur  a-t-il  complètement  négligé  l'histoire  des  lettres,  au 
moins  aussi  digne  d'attention  au  collège  que  celle  de  la  politique  ? 

C.  Huit. 

DEstoîre  du  moyen  âge,  par  le  R.  P.  Padl  Mury,  S.  J.  Bruges, 
imprimi^rie  cla?siqne  de  Saint-Augustin,   1878,  in-16  de   iii-379  p. 

Tout  le  monde  convient  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  difficile  à  faire  que  de 
bons  livres  classiques.  Parmi  ces  livres,  les  plus  malaisés  sont  les  précis 
d'histoire,  et,  plus  que  tous  les  autres,  de  l'histoire  du  moyen  âge.  Comme 
on  ne  peut  mettre  entre  les  mains  des  élèves  de  gros  manuels,  aujourd'hui 
surtout  que  leur  mémoire  est  surmenée  par  les  exigences  des  programmes 
universitaires,  on  est  dans  la  nécessité  de  se  renfermer  dans  un  cadre  étroit, 
où  manquent  plus  ou  moins  la  clarté,  l'ordre  et  l'intérêt.  Or,  telles  sont  pré- 
cisément les  qualités  qui  distinguent  le  livi'e  que  nous  annonçons.  En  380 
pages  d'un  modeste  format,  l'auteur  a  su  exposer,  dans  un  récit  simple  et 
lumineux,  plein  de  vie  et  de  mouvement,  l'histoire  de  onze  siècles,  «  accom- 


—  455  — 

pagnant  les  faits,  comme  il  en  prend  l'ongagement (préface,  p.  2),  d'un  épisode, 
d'un  trait,  d'une  parole,  et  nous  ajouterons,  d'une  citation  de  grand  écri- 
vain, qui  servent  à  les  graver  dans  la  mémoire  des  jeunes  gens.  ï»  Cette  his- 
toire, où  rien  d'important  n'a  été  omis,  est  partagée  en  quatre  périodes, 
alLint  de  la  dissolution  de  l'Empire  (391),  à  travers  Charlemagne  et  les  croi- 
sades, jusqu'à  la  prise  de  Constantinople  (1453).  Nous  aurions  mieux  ainié 
que  la  dernière  pério  le  fût  poussée  jusqu'à  la  Réforme  -.  car  là  est  réelle- 
meot  la  fin  du  moyen  âge.  La  part  de  la  France,  durant  toutes  ces  périodes, 
est  ce  qu'elle  doit  être  dans  un  ouvrage  particulièrement  destiné  à  la  jeu- 
nesse française.  De  nombreux  tableaux  (p.  361-376)  donnent  la  suite  chrono- 
logique des  faits  et  la  succession  des  souverains  en  Orient  et  pn  Occident, 
d'abord  des  papes  ilont  l'autorité  domine  le  moyen  âge.  Il  va  sans  dire  que 
le  livre,  étant  sorti  de  la  plume  d'un  tils  de  saint  Ignace,  «  a  été  conçu 
dans  l'esprit  catholique,  »  et  c'est  un  mérite  de  plus  ajouté  à  tous  les  autres. 
Aussi  les  collèges  catholiques  s'empresseront-ils  d'adopter  un  ouvrage  si 
propre  à  faire  aimer  l'Église  et  ses  institutions  :  nous  ne  connaissons  pas  de 
meilleure  histoire  classique  du  moyen  âge.  X. 


VARIETES 

I 

LA  LITTÉRATURE   FRANÇAISE   EN  ESPAGNE   Cf'n)- 
(1874-1878) 

PcNsiN  (J.  N.).  Coûtas  complet  de  prestidigitation.  Trad.  libre  par  Ricardo 
Palenca  y  Lita,  1874,  in-8. 

PuNsoN  BU  Tbrbail.  Im,  Vengeance  (Ï  Une  femme  ouïe  pacte  de  sang.  1876, 
in-4.  —  Un  fou  de  Bedlam.  Trad.  par  Pi-dro  Munoz  de  Quiroga.  1878,  2  vol. 
in-8. 

Prévost  (.l'abbé).  Histoire  de  Manon  Lescaut  et  du  chevalier  des  Grieux. 
Trad.  par  Angel  Romeral.  1876,  in-8. 

Ramière  (le  P.  Henri),  S.  J.  L'Apostolat  de  la  prière.  Trad.  par  le  chanoine 
José  Morgades  y  Tiili.  3e  édit.  1876,  in-8. 

Rapet  (J.  J.).  Manuel  populaire  de  morale  et  d" économie  politique.  Trad.  p.r 
A.  P.  Valencia.  1876,  in-4. 

Raspaii,  (F  V.).  Manuel  de  la  santé,  o»  édit.  1876,  iii-8.  —  Bibliothèque 
de  Raspaii  ou  publication  de  toutes  ses  auvrcs  médicales  et  scientifiques.  Trad. 
sous  la  direction  Je  Joaquin  Puigferrer.  1877,  'n-4. 

Ratisbonne  (.Louis).  La  Comédie  enfantine.  Trad.  par  F.  Miguel  et  C.  Ba- 
rallat.  4' édit.  1877,  i..-8. 

Raymo.\d  (M"*  Emeliqe).  Une  disgrâce  à  temps.  Trad.  et  arrangée  par  Ant. 
Ca^till  i  y  Guttierez.  1873,  in-fol.  à  2  col.  —  L'Héritage  de  l'oiicle.  Trad.  et 
arrangée  par  le  même.  1875,  in-fol.  à  2  col. —  Ur^  femme  élégante.  Id.,  1875, 
in-fol.  à  2  col. 

Renax  (Ernest).  Dialogues  philosophiques.  Trad.  par  A.  R.  Chaves.  1876, 
in-8.  — Fragments  philosophiques.  Trad.  par  Chaves  y  Orgaz.  1877,  iu-8. 

Revoil  (B.  Ë.).  Drames  du  nouveau  monde.  —  L'Ange  des  prairies.  Trad.  et 
arrangé  par  Telesfoio  Corada.  1878,  in-8. 

Riant  (A.).  Leçons  d'hygiène  privée  et  publique.  2^  édit.  1876,  in-4. 


—  436  — 

RiBOT  (Th.).  La  Psycholoc/ie  anglaise  contemporaine.  Trad.  avec  appendice 
par  Mariano  Ares.  1877,2  vol.  in-8. 

Richard.  Le  Magicien  des  salons  ou  le  diable  couleur  de  rose.  Trad.  libre  par 
Juan  Traver  de  BaviSy.  i87y,  in-8. 

RicHÊT  (G.).  Les  Poisons  de  l'intelligence.  Trad.  par  Manuel  de  Tolosa  y 
Latour.  1878,  in-8. 

Roger  (A.).  Voyage  sous-marin.  Aventures  extraordinaires  du  docteur 
Trinitus.  Trad,  par  F.  N.  Nouvelle  édit.  1878,  in-8. 

Roux-Ferrand  (Hippolyte).  Ni  plus,  ni  moins.  Trad.  par  Telesforo Corada. 
187fi,  in-8. 

RuLHiKRE  (M.).  Histoire  de  la  révolution  de  Russie  en  1762.  Trad.  par  Jude. 
rias  Bender.  1878,  in-8. 

Saint-Pierre  (Camille).  Des  remèdes  incompatibles  au  point  de  vue  de  l'art 
des  ordonnances.  Trad.  par  Marceline  Gesta  y  Leceta.  1875,  in-4. 

Saint-Vel  (0.)  Hygiène  des  Européens  dans  les  climats  tropicaux.  Trad.  par 
J.  Jauregiii  et  J.  Saenz  Criado.  1877,  in-8. 

Saint-Vincent  (A.  C.  dej.  Nouvelle  médecine  des  familles  à  la  ville  et  à  la 
campagne.  Trad.  par  José  Saenz  y  Criado.  1877,  in-8. 

Sand  (George).  Le  Secrétaire  intime.  Trad.  par  le  vicomte  de  San  Javier. 
1876,  in-4.  --  La  Coupe.  1877,  in-8. 

ScHERER.  Histoire  du  commerce  de  toutes  les  nations.  1874,  2  vol.  in-4. 

Scribe  (Eugène).  Maurice.  Trad.  libre  par  Natalio  R.  Padilla.  1877,  in-8. 

—  Le  Prix  de  la  vie.  1877,  in-8. 

Ségur  (Mê*"  de).  Les  Merveilles  de  Lourdes.  Trad.  par  José  Sarda.  1874,  in-8. 

—  La  grande  question  du  jour.  La  Liberté.  Trad.  par  A.  G.  F.  2*  édit.  1874. 
in-8.  —  L'Enfer.  Tra.d.  par  Antonio  de  Valbuena.  1877,  in-8.  —  La  foi  de- 
vant  la  science  moderne.  Trad.  par  F.  L.  Obiols.  2"  édit.  1878,  in-8. 

Simonin  (L.).  Le  Monde  souterrain,  d'après  L.  Simonin.  Trad.  par  Florencio 
Janér,  avec  des  notes  sur  l'Espagne.  1874,  in-8. 

Sonrel  (L.).  Le  Fond  de  V Océan,  d'après  L.  Sonrel.  Trad.  par  G.  R.  y  N. 
187:;,  in-8. 

SouBEiRAN  (J,  L.).  Nouveau  dictionnaire  des  falsifications  et  altérations  des 
aliments.  Trad.,  augm.  et  annotée  par  J.  R,  Gomez  Pamo.  1876,  in-4. 

Souvestre  (Emile).  Le  Monde  tel  qu'il  sera  en  l'an  3000.  Trad.  par  F.  N. 
1876,  in-8. 

TiBERGHiEN  (Guillaume),  belge.  ^Enseignement  obligatoire.  Trad.  par  Her- 
ménégilde  Ginér.  1874,  in-8.  —  Introduction  à  la  philosophie.  Trad.  par 
Vicente  Pino  y  Vilanova,  précédé  d'un  prologue  par  Facnndo  de  los  Rios  y 
Portilla.  187o,  in-4.  —  Les  Commandements  de  V humanité  ou  la  vie  morale. 
Trad.  par  Alejo  Garcia  Moreno.  1875,  in-8. —  Essai  théorique  et  historique  sur 
la  génération  des  connaissances  humaines.  Trad.  par  A.  Garcia  Moreno.  1875, 
4  vol.  in-8.  —  Études  sur  la  philosophie.  Trad.  par  A.  Garcia  Moreno, 
187S,  in-8. 

TissoT  (J.).  Logique  de  Kant.  Trad.  par  Alejo  Garcia  Moreno.  1875,  in-8.  — 
Métaphysique  de  Kant.  Trad.  par  Juan  Una.  1876,  in-8. 

TissoT  (Simon-André).  L'Onanisme.  Trad.  avec  notes  par  Manuel  M.  Car- 
reras Sanchis.  1877,  in-4. 

Torné-Chavigny  (l'ab.).  Prophéties  de  Nostradamus  selon  les  commentaires  de 
H.  Thorné-Chavigny .  Trad.  par  Victor  Rossello.  1878,  in-8. 

TouRTODLON  (Ch.  de).  Don  Jaime  1"  le  Conquérant.  2e  édit.  1874,  2  v.  in-4. 

Ulbach  (Louis).  Les  Fils  de  Vadullère.  Trad.  par  E.  H.  y  F.  1875.  in-8. 


—  4o7  — 

Venette  (M.),  i'emiiire  de  l'amour  conjugal.  Trad.  de  la  87''  édition  par 
Demetrio  San  Martin.  187o,  in-8. 

Verne  (Jules).  Le  Docteur  Ox.  Trad.  par  Vicente  Guimerâ.  i875,  in-4.  — 
les  Excursions  aérostatiques,  Trad.  par  Felipe  de  Burgos.  1875,  in-foi.  —  Le 
Tour  du  monde  en  huit  jours.  Trad.  par  Vicente  Guimerâ.  1875,  in-4.  — 
Histoire  des  grands  voyages  et  des  grands  voyageurs.  1875,  in-8.  —  Un  hiver- 
nage au  milieu  des  glaces.  Trad.  par  Vicente  Guimerâ.  187o,  in-fol.  — 
Maître  Zacharias.  —  Un  drame  dans  les  airs.  Trad.  par  Vicente  Guimerâ. 
1875,  in-fol.  à  2  col.  —  Le  Chancellor.  Trad.  par  Manuel  Etranda  y  Sanjuan. 
1875,  in-fol.  à  2  col.  —  L'Ile  mystérieuse.  Trad.  par  F.  N.  1875,  2  vol.  in-8. 
—  Michel  Strogaff.  Trad.  par  Nemesio  Fernandez  Cuesta.  1870.  in-8.  —  Le 
Pays  des  cuirs.  Trad.  par  Vicente  Guimerâ.  1876,  in-4  à  2  col.  —  Un  drame 
de  l'indépendance  du  Mexique.  \%1Ç>,  in-H. —  Les  Indes  noires.  Trad.  par  F, 
Picatoste.  1877,  in-fol.  à  2  col. —  Hector  Servadac.  Trad.  par  N.  F.  Cuesta. 
1877,  in-4.  à  2  col. 

Véron  (Pierre).  Le  nouvel  art  d'aimer .  Trad.  par  TelesforoCorada.  1877,  in-S. 

Vjal  (J.).  Histoire  abrégée  des  campagnes  modernes.  Guerres  de  Bohème  et 
d'Italie  en  1866.1877,  in-8.  —  Guerre  franco- allemande  de  1870-71.  Trad. 
avec  prologue  et  notes  par  Arturo  Cotarelo.  1878,  in-8. 

ViLLEFRANCHE  (J.  M.).  Pie  IX,  stt  vic  et  son  siècle.  Trad.  par  Juan  Ant.  Almela 
et  José  Tora.  1877,  in-4. 

Villeneuve  (E.).  Êpagathus  ou  les  martyrs  de  Lyon.  Trad.  par  J.  J.  U. 
1877,  in-8. 

Vincent  (Ch.)  et  David  (R.  G.).  Le  Chasseur  de  bandits.  Trad.  par  E.  H.  y  F. 
1875,  in-8. 

Vivien  DE  Saint-Martin.  Histoire  de  la  géographie.  Trad.  et  annotée  par 
Manuel  Sales  y  Ferré.  1878,  2  vol.  in-8. 

Wallut(C.).  Grandeur  et  décadence  d'un  oasis.  Trad.  par  Fr.  Macente. 
1875, in-fol.  à  2  col;  X. 


II  ' 

BIBLIOGRAPHIE    DES     NOELS   (1). 

L'infatigable  Quérard,  mort  en  1865,  a  laissé,  on  le  sait,  de  vastes  travaux 
consacrés  à  la  science  des  livres;  la  France  littéraire  (1827-1842,  10  vol.  ;  tomes 
XI  et  XII,  1854-1862);  les  Supercheries  littéraires  dévoilées,  1845-53,  5  vol. 
in-8  (2\  d'autres  publications  non  achevées,  attestent  un  dévouement  qui  ne 
se  démentit  jamais;  il  avait  entrepris  une  œuvre  gigantesque,  VEncyclopédie 
du  bibliothécaire;  il  n'a  pu  en  faire  paraître  que  le  prospectus.  Conçu  sur 
un  plan  trop  vaste,  cet  immense  répertoire  ne  saurait  être  publié  en  en- 
tier; d'ailleurs,  par  la  force  des  choses,  il  devient  de  plus  en  plus  incomplet. 
L'auteur  en  avait  détaché  quelques  articles  {La  Roumanie.,  Maral,  Marie- 
Antoinette)  qu'il  a  insérés  dans  un  journal  auquel  il  avait  donné  son  nom, 
mais  dont  il  n'a  paru  que  deux  volumes  (1855-1856). 

Acquéreur  des  papiers  inédits  de  Quérard,  nous  n'avons  pas  voulu  laisser 

(1)  Ce  ti'avail  est  extrait  de  VEncyclopédie  (inédite)  du  Bibliothécaire,  par  M.  .1.  M.  Oué- 
rard. 

(2)  Pne  seconde  édition,  fort  augmentée,  de  ce  curieux  travail,  revu  par  MM.  P.  Jau- 
net  et  G.  Brunet,  a  paru  à  la  librairie  Daffis.  1869-1871,  I!  vol.  in-8. 


—   i58  — 

perdre  en  entier  les  résultats  de  ses  longues  recherches;  les  notes  que  nous 
avons  trouvées  sur  les  livres  perdus  et  sur  les  livres  à  clef  nous  ont  fourni  la 
base  de  deux  publications  qui  ont  vu  le  jour  en  1873. 

Profitant  de  l'hospitalité  que  veut  bien  nous  accorder  le  Polijbiblion,  nous 
reproduirons  les  notes  que  Quérard  avait  recueillies  sur  les  Noëls,  en  les 
complétanl  sur  quelques  points;  ce  travail  ne  saurait  prétendre  à  être  com- 
plet; nous  espérons  cependant  qu'il  offrira  quelque  intérêt;  c'est  la  première 
fois,  ce  no  is  semble,  que  ce  sujet  est  abordé. 

iNous  sortirions  des  limites  que  nous  devons  nous  prescrire  si  nous  voulions 
envisager  le  noël  au  point  de  vue  littéraire  :  disons  seulement  que,  sans  pré- 
tendre au  mérite  poétique,  il  offre  souvent  une  naïveté  pleine  de  charme. 

Il  h'expj'ime  maintes  fois  en  dialecte  vulgaire,  puisqu'il  est  surtout  ré- 
pandu parmi  les  populations  rurales  et  illettrées;  à  ce  point  de  vue,  il  offre  de 
précieux  éléments  pour  l'étude  des  patois  qui  disparaissent  de  plus  en  plus  et 
qui  offrent  taut  de  ressources  à  des  recherches  sérieuses  de  linguistique. 

Il  n'est  pas  rare  de  trouver  le  noël  formé  du  mélange  de  deux  idiomes  dif- 
férents; empruntons,  à  cet  égard,  quelques  lignes  à  im  article  de  M.  Ferdi- 
nand Denis,  inséré  dans  la  Revue  de  Paris  : 

a  Q  ^elquefois,  quand  le  noël  était  chanté  au  fond  de  quelque  province 
reculée,  c'était  le  patois  populaire  qui  servait  à  l'expi'ession  du  langage  de 
la  terre,  des  pensées  des  pauvres  berger?,  tandis  que  le  français  des  villes  se 
trouvait  être  un  langage  intermédiaire  que  les  anges  parlaient  aux  hommes. 
En  voici  un  exemple  plein  de  naïveté,  en  patois  fran  :-comtois  : 


Pauvres  pasteurs,  quittez  vos  bergeries, 
Et  venez  voir  votre  Dieu,  votre  roi  ; 
Tous  vos  moutons  paîtront  dans  ces  prairies. 
En  sûreté,  partez  et  s»ivez-raoi. 

Malgré  l'envie, 

La  jalousie, 
De  Lucifer,  il  nous  appelle  à  lui, 

LES  PASTEURS. 

Nous  ne  sçant  pas  ce  que  vous  nous  veut  dire, 
Les  pouvre  gens  ne  vont  pas  chez  leu  roi. 
Messieurs,  messieurs,  de  nous  vous  veulez  rire, 
Et  d'y  entra  nous  n'ont  pas  le  pouvoi. 

Et  nous  guenilles 

Et  nous  mandrilles, 
Ne  peuvent  pas  lougié  desous  son  toit. 

On  devine  aisément  ce  que  répond  l'ange,  et  avec  quel  sentiment  de  reli- 
gieuse béatitude  les  pauvres  bergers  pénètrent  dans  l'étable  qu'illumine  de 
sa  splendeur  le  Dieu  enfant. 

Dès  le  onzième  siècle,  on  trouve  des  noëls;  d'antiques  manuscrits  en  con- 
tiennent, et  les  compositions  latines  qui  rentrent  dans  ce  genre  de  composi- 
tions ne  sont  pas  rares  au  moyen  âge. 

Les  recueils  de  noëls  étant  destinés  à  un  public  qui  a  peu  de  soin  des  livres 
qu'il  achète,  il  s'ensuit  que  toutes  les  éditions  anciennes  sont  devenues 
très  rares  et  d'un  grand  prix;  parmi  les  impressions  du  siècle  dernier,  il  en 
est  qu'on  aurait  beaucoup  de  peine  à  se  procurer. 

Quérard  se  proposait  de  signaler,  indépendamment  des  recueils  de  noëls, 
les  auteurs  qui  ont  abordé  ce  sujet;  miis  il  n'eut  pas  le  temps  d'exécuter  son 


—  4o9  — 

intention.  Bornons-nous  à  mentionner  le  Grand  Dictionnaire  universel  du  dix- 
neuvième  siècle,  publié  par  Larousse  (tome  XI,  1047;  un  noël  est  transcrit  avec  la 
musique  notée),  et  V Intermédiaire,  journal  des  curieux  (t.  IV,  col.  189  et  221). 

Il  y  a  quelque  temps,  M^f  Pelletier,  chapelain  de  S.  S.  et  chanoine  de 
rÉglise  d'Orléans,  a  publié  une  série  d'articles  sur  la  ou  les  Bibles  des  noëls. 
Ces  articles  ont  paru  dans  la  Semaine  du  Clergé,  recueil  publié  par  l'éditeur 
Louis  Vives . 

Alsenois  (le  comte  d').  Cantiques  du  iwemier  advenement  de  Jesus-Christ. 
Paris,  veuve  Maurice  La  Porte,  1353,  petit  in-8,  avec  les  airs  notés.  L'auteur 
est  Nicolas  Denisot  qui,  tout  comme  Rabelais,  Tabourot,  Noël  du  Fail,  Guil- 
laume des  Autelz  et  bien  d'autres,  eut  recours  à  l'anagramme,  afin  de  dissi- 
muler son  nom.  Il  y  a  treize  cantiques  dans  ce  petit  volume,  fort  rare  et  re- 
cherché; de  beaux  exemplaires  ont  été  payés  72  fr.,  vente  Nodier;  6  liv.  st. 
6  sh.,  Libri  en  1862  ;  et  jusqu'à  200  fr.,  vente  Decq.  Une  jolie  réimpression, 
due  aux  soins  de  M.  de  Clinchamps,  et  tirée  à  oO  exemplaires  seulement,  a 
été  imprimée  au  Mans  en  1847,  petit  in-8.  — Ces  noéls,  parfois  obscurs,  pré- 
sentent çà  et  là  quelques  traits  heureux,  quelques  touches  fortes  ou  naïves. 
Les  airs  sont  ceux  de  chansons  profanes  de  l'époque  : 

iVoé7  sur  le  chant  :  Nous  irons  tousiours, 
Coucher  sans  chandelle,  sans  lanterne, 
Noël  sur  le  chant  :  Commère  il  m'y  fault, 
Ung  servant,  qui  sache  bien  tout  faire. 

Andichox  (Henri  d'),  ci-devant  curé  d'Aucanville.  Noëls  choisis,  corrigés, 
augmentés  et  nouvellement  comjyosés  sur  les  airs  les  plus  agréables.  Pau,  G. 
Dagné,  s.  d.,  in-12,  1  f^  et  65  pages. 

Aneau  (Barthélémy).  Chant  natal  C07ïte7iant  sept  noelz,  ung  chant  pastoural 
et  ung  chant  royal  aucc  ung  mystère  de  la  nativité  par  personnages.  Lugduni, 
S.  Gryphius,  in-4,  1339,  16  f'^  —  Livret  très-rare  et  fort  précieux.  Un  bel 
exemplaire,  qui  avait  été  payé  286  francs  à  la  vente  Yéméniz  en  1869,  a  été 
adjugé  à  735  francs  à  celle  de  M.  L.  de  M.,  en  1876. 

Amul  (J.  F.),  La  Lyre  de  Judée,  ou  recueil  de  nouveaux  noëls  provençaux  et 
français.  Nyons,  L.  Gros,  1860,  pet.  in-8. 

Belamy  (F.).  Recueil  de  noëls  anciens  en  imtois  de  Besançon,  nouvelle  édi- 
tion, corrigée  et  augmentée  de  notes  explicatives  et  historiques.  Besançon, 
Bintot,  1849,  in-12.  Recueil  bien  fait,  contenant  les  noëls  du  Père  Christin 
Prost,  capucin,  mort  en  1696,  et  ceux  de  François  Gauthier. 

BucHON  (Max.).  Salins-les-Bains ,  ses  eaux  minérales  et  ses  oiviroï^s.  Lons-le- 
Saulnier,  Gauthier,  1862,  in-12.  Un  noël  en  patois  de  Salins,  p.  10-13. 

Cantiques  de  l'âme  dévote.  Marseille,  1708,  in-12^  H  y  ^^  divers  noëls  dans  ce 
recueil,  très-souveot  réimprimé  à  Marseille  et  dans  le  midi  de  la  France,  et  qui 
est  l'œuvre  d'un  prêtre  du  diocèse  de  Toulon,  Laurent  Durand,  lequel  vivait 
au  seizième  siècle.  Les  éditions  modernes  ont  en  partie  défiguré  le  texte  ori- 
ginal, maladroitement  retouché  ;  celle  donnée  en  1856  {Périsse  frères),  ne  con- 
serve nullement  la  physionomie  primitive. 

Cantiques  de  noelz  anciens  les  mieux  faicts  et  les  plus  requis  du  commun 
peuple.  Le  Mans,  Gervais  Olivier,  s.  d.  (fin  du  seizième  siècle),  pet.  in-8, 
goth.,  30  p.  Un  bel  exemplaire,  150  fr.,  vente  de  M.  le  baron  J.  Pichon, 
en  1869. 

Cantiques  sur  la  naissance  de Notre-Seig7ieur  Jésus-Christ.  Lyon,  1757,  in-12. 

Chancons  joyeuses  de  Noël  très  doulces  et  récréatives.  S.  1,  n.  d.  pet.  in-8, 
goth.,  8  f*',  260  fr,,  vente  de  M.  le  baron  J.  Pichon. 


—  im  — 

Ghantzons  sainctes  pour  vous  esbattre, 

Elegantement  exposées. 

Par  ung  prisonnier  composées 

Cest  an  mil  cinq  cent  vingt  et  quatre. 

J.  D.(Jeaii  Daniel),  organiste.  S'ensuyvent  plusieurs  (six)  Noélz  nouveaulx. 
S.  1.  n.  d.  (vers  IKOO),  pet.  ia-8,  8  f'^;  260  fr.,  même  vente. 

Chansons  spirituelles  et  autres  poésies  dédiées  à  la  naissance  de  Jésus-Christ 
et  à  sa  gloire  par  le  plus  indigne  de  ses  serviteurs.  Lyon,  Ant.  Molin, 
M.DC.LIII,  in-8. 

Chants  de  cantiques  et  no'êls  avec  la  musique  notée.  Paris,  Ballard,  1705,in-8. 

Choix  de  noïis  anciens  et  nouveaux  françois  et  gascons.  Bayonne,  veuve  La- 
maignères,  s.  d.,  in-12.  Réimpression  du  ren.ueil  publié  en  1845  sous  le 
titre  de  Fleur  des  noëls  (voir  ce  mot). 

Dictionnaire  des  noëls  et  des  cantiques,  Paris,  Migne,  1867.  grand  in-8,  vi; 
et  1439  colonnes.  Ce  volume  forme  le  tome  LXIII  de  la  troisième  Encyclo- 
pédie théologique;  sa  rédaction  est  due  à  M.  Perennès. 

Etcheverry  (Jean  d'),  prêtre.  Noëls  en  langue  basque.  Voir  un  article 
de  J.  Vinson,  Bulletin  du  bouquiniste  (Paris,  Aubry),  15  août  1877. 
Etcbeverry  vivait  au  commencement  du  dix-septième  siècle;  la  première 
édition  de  ces  noëls  n'a  pas  été  retrouvée;  il  en  existe  plusieurs,  imprimées 
à  Bayonne  sans  date.  La  plus  ancienne  qui  soit  bien  connue  est  celle  de 
1645,  imprimée  à  Bordeaux  [Bordelen,  Guillen  Milanges),  petit  in-8, 251  pag.; 
Noelai  etaberie  canta  espiritual,  etc.  Autres  éditions  :  Bayonan.,  Maffre,  1669, 
in-8,  240  pag.;  Bayonan,  Fauvet,  s.  d.  in-8,  250  p.;  Ibid.  Id.  s.  d.  240  p.\ibid. 
id.  230  pages.  M.  Vinson  ajoute  que  le  Britisli  Muséum  est  la  seule  biblio- 
thèque qui  possède  des  exemplaires  de  ce  recueil  fort  rare;  sur  les  six  édi- 
tions connues,  le  Muséum  en  conserve  Irois.  La  riche  collection  du  prince 
Louis-Lucien  Bonaparte  renferme  aussi  des  exemplaires  des  Noelai. 

Fleur  (la)  des  noëls  nouveaux  (s.  /.  ni  d.),  iQ-12  (Cat.  de  la  bibliothèque  lyon- 
naise de  M.  Coste). 

Grande  [la)  Bible  des  noëls  vieux  et  7iouveaux.  Nancy,  F.  Messin,  s.  d., 
in-12,  80  et  84  pages. 

Grande  Bible  des  noëls.  Tours,  veuve  Poinsot,  1673,  in-12. 

Grande  (la)  Bible  des  noëls  de  la  nativité  de  Jésus-Christ,  augmentée  de  plu- 
sieurs beaux  noëls  nouveaux.  Tours,  Mame,  s.  d.,  in-12,  179  pages. 

Grande  (la)  Bible  des  noëls  angevins.  Angers,  1808,  in-12. 

Grande  Bible  renouvelée  des  noëls  nouveaux.  Troyes,  s.  d.,  2  tomes  ia-12. 

Grande  [la]  Bible  d.es  noëls  tant  anciens  que  nouveaux  composés  en  Vhonneur 
de  la  nativité  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  et  de  la  Vierge  Marie,  Angers, 
1602,  in-8,  caractères  gothiques. 

Grands  [les)  Noelz  nouveaulx,  composez  sur  plusieurs  chansons  tant  vieilles 
que  nouvelles,  en  françoys,  en  poytsevin  et  en  escossois.  (A  la  fin  :  On  les  vend  a 
Paris...  Jaque  Nyverd,  s.  d.,  petit  in-8,  goth.  de  24  f*^.  320  francs;  vente  Pi- 
hon, 661 . 

Grosjean  (P.),  organiste  de  la  cathédrale  de  Saint-Dié.  Airs  des  noëls  lor- 
rains, recueillis  et  publiés  par — .  Sainl-Dié,  1863,  in-8, 

Hoffmann  (Francis),  A  Christmas  Carol  on  Peko-Tea.  London,  1720,  in-S, 
16  p.  L'auteur  de  cet  opuscule,  dédié  à  la  reine  Caroline,  expxnme  la  pensée 
que  ces  vers  auront  toute  la  bonté  du  thé  le  plus  parfait  et  qu'ils  seront  tou- 
jours en  faveur,  d'un  jour  de  noël  à  l'autre.  L'idée  est  bizarre. 

Jouve  (L.)  Noëls  patois  anciens  et  nouveaux,  chantés  dans  la  Meurthe  et  dans 
les  Vosges,  recueillis,  publiés  etannotéspar — .  Paris,  Firmin-Didot,  1869, in-12. 


—  461  — 

Lambert  (Babat),  curât  de  Sant-Gervasi.  Dctclen.  Pouèmo  en  nouvé  prouven- 
t'flu.  Obro  postumo  (avec  une  introduction  par  le  P.  G.  Bouffier  et  traduc- 
duction  littérale}.  Avignon,  Aubanel,  1872,  in-8,  xi-643  p. 

La  Monnoye  (Bernard  de).  Hioei  tû  novea,  ai  Dijon  chi  Jan  Resayre,  1701, 
in-i2,  90  pages.  C'est  l'édition  originale  de  ces  célèbres  noëls  en  patois  bour- 
guignon, souvent  réimprimés.  Nous  n'avons  pas  à  nous  en  occuper  puis- 
qu'ils sortent  du  cadre  des  noëls  religieux,  les  seuls  que  nous  envisageons 
ici;  on  trouvera  d'ailleurs  d'amples  renseignements  à  leur  égard  dans  le  Ma- 
nuel  du  Libraire  de  J.  Ch.  Brunet,  5e  édit.,  au  mot  La  Monnoye,  et  dans 
l'Histoire  de  r idiome  bourguignon,  par  M.  Mignard.  Voij:  aussi  Nodier,  Mé- 
langes extraits  d'une  petite  bibliothèque,  1828,  p.  i'62  et  suiv. 
Langardière  (de).  La  Bible  des  nocls,  1863,  in-12.  Recueil  intéressant. 
Le  Houx  (J.).  Noëls  virais,  publiés  pour  la  première  fois  avec  une  introduc- 
tion et  des  notes  par  Armand  Gasté,  d'après  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
de  Caen.  Caen,  1861,  in-8,  xviii  et  73  p. 

Le  Moigne.  S'en  suivent  plusieurs  chansons  de  noëls.  Nouelz  nouveaulx,  Paris, 
1320,  pet.  iu-8,  goth.,  63  P.  L'auteur  était  curé  de  Saint-Georges  du  Puy- 
la-Garde,  en  Poitou.  Ce  volume,  où  se  montre  une  grande  naïveté,  est  d'une 
rareté  extrême  ;  un  exemplaire  fait  partie  de  la  belle  bibliothèque  de  M.  Ci- 
gongne,  achetée  en  bloc  par  Mgi'  le  duc  d'Aumale  (catalogue,  n°  1284).  La  So- 
ciété des  bibliophiles  français  en  a  donné  une  édition  nouvelle  (Paris,  La- 
hure,  1860,  in-16,  xvi  et  172p.);  elle  n'a  été  tirée  qu'à  36  exemplaires; 
on  y  a  joint  les  noëls  composés  (vers  lo24),  par  les  prisonniers  de  la  Con- 
ciergerie et  deux  autres  tirés  du  Recueil  des  noëls  du  plat  d'ai'gent. 

Leroy  (Toussaint),  chanoine  du  Mans.  Cantiques  de  noels  nouveaux.  Au 
Mans,  F.  Olivier,  ]-379,  pet.  in-8;  1605,  pet.  in-8.  Ces  deux  éditions  sont 
devenues  d'une  extrême  rareté. 

Lucifar  prijn  au  baytan,  par  J.-B.-F.-D.  L.  C.  (Foulon  de  la  Chartre,  cha- 
noine de  Saint-Etienne  de  Dijon,  mort  en  1663).  Ses  noëls,  imprimés  en 
1666(5i)'o/!,  .7.  Grangics),  sont  devenus  extrêmement  rares.  M.  Fertiault  en 
a  reproduit  dans  son  édition  des  noëls  de  La  Monnoye,  p.  232. 

Macée  (Claude).  Pastorale  sur  la  naissancede  Jésus-Christ.  Saint-Malo,  1805- 
1819,  in-12.  On  trouve  vingt  noëls  à  la  fin  de  ce  volume. 

Martin  (Nicolas),  musicien  à  Saint-Jean  de  Maurienne,  en  Savoie.  Noël z  et 
chansons  nouvellement  composez  tant  en  vulgaire  françoys  que  savoisien  dict 
patois.  Lyon,  Macé-Bonhomme,  1336,  pet.  in-8,  104  p.  Ce  petit  volume, 
d'une  rareté  extrême,  contient  la  musique  notée.  Un  exemplaire  se  trouva 
dans  une  vente  faite  à  Paris  en  1836,  de  livres  ayant  appartenu  à  un  célèbre 
bibliophile  anglais,  Richard  Heber(voir  \e  Ma7iuct  du  Libraire):,  il  fut  adjugé 
à  120  fr.;  c'est  probablement  le  môme  que  celui  qui  figure  au  n"  17231 
de  la  Bibliothèque  lyonnaise  de  M.  Coste,  acquise  par  la  ville  de  Lyon.  Le 
catalogue  de  cette  très-importanle  collection,  rédigé  avec  le  plus  grand  soin 
par  M.  Vingtrinier,  forme  un  volume  grand  in-8  de  vu  et  769  p.  à  deux 
colonnes  ;  il  contient  18,641  articles.  Ne  serait-il  pas  bien  désirable  qu'il 
existât  dans  le  même  genre  des  bibliothèques  marseillaise,  bordelaise,  tou- 
lousaine ?... 

Matthieu,  choriste  dans  la  Confrérie  des  pénitents  blancs .  Nouveau  recueil 
de  noëls.  Avignon,  Seguin  (vers  1816),  in-12. 

[A  suivi^e).  Gustave  Bri_x:t. 


—  i62  — 

CHRONIQUE 

Nécrologie.  —  Ms""  Félix-Antoine-Philippe  Dupanloup,  évêque  d'Orléans, 
membre  du  Sénat  et  de  l'Académie  française,  né  le  3  janvier  1802,  à  Saint- 
Félix,  en  Savoie,  est  mort  le  11  octobre,  au  château  de  la  Combe  de  Laneey 
(Isère).  Il  lit  ses  études  littéraires  et  théologiques  à  Paris,  aux  séminaires  de 
Saint-Nicolas  et  de  Saint-Sulpice.  Ordonné  prêtre  en  1825,  il  fut  attaché  à  la 
paroisse  de  l'Assomption.  Il  y  Ut  des  catéchismes  où  brillèrent  les  premières 
lueurs  d'un  talent  destiné  à  jeter  un  si  vif  éclat.  Les  dons  particuliers  qu'il 
avait  reçus  pour  l'enseignement  se  déployèrent  ensuite  au  petit  séminaire  de 
Paris,  à  la  tête  duquel  il  fut  placé  à  deux  reprises,  comme  préfet  des  études 
(1834),  et  comme  supérieur  (1837).  Ses  qualités  oratoires  se  révélaient  à  la 
même  époque  dans  la  chaire  de  Notre-Dame  (1834),  et  dans  la  chaire  de 
Saint-Roch  (1836  et  1837).  Ce  fut  lui  qui,  au  mois  de  mai  1838,  fut  appelé 
au  lit  de  mort  de  M.  de  Talleyrand.  Grand  vicaire,  puis  chanoine  titulaire 
de  l'Église  de  Paris,  il  occupa  aussi  un  moment  la  chaire  d'éloquence  sacrée 
à  laSorbonne  (1841).  Il  prit  part  aux  grandes  luttes  pour  la  liberté  de  l'en- 
seignement, qu'il  contribua  singulièrement  à  faire  triompher;  pour 
l'instruction  secondaire,  après  les  événements  de  1848,  comme  membre 
de  la  commission  instituée  au  ministère  de  Finstruction  publique  et 
par  qui  fut  esquissée  la  loi  du  15  mars  1837.  Nommé  évêque  d'Orléans 
le  G  avril  1849,  il  fut  préconisé  à  Portici  le  28  septembre,  et  sacré  à  Paris 
le  9  décembre  de  la  même  année.  Cette  situation  nouvelle  ne  l'enleva  point 
aux  luttes  d'intérêt  général,  qui  sont  plus  que  jamais,  en  ce  siècle  troublé, 
la  vie  de  l'Église  et  l'honneur  de  ses  enfants.  Parmi  les  nombreuses  polé- 
miques auxquelles  il  prit  part  avec  un  zèle  infatigable  et  un  talent  d'écri- 
vain, dont  ses  adversaires  sentirent  rudement  l'énergie,  il  faut  citer  sur- 
tout les  combats  qu'il  livra,  sous  le  second  Empire,  pour  la  défense  du 
pouvoir  temporel  du  Saint-Siège,  et  contre  l'invasion  du  matérialisme  et  de 
l'athéisme  doctrinal,  ce  tléau  des  esprits  de  notre  temps.  Durant  la  guerre 
de  1870,  il  tint  dans  Orléans  une  conduite  vraiment  épiscopale  et  vraiment 
française.  Envoyé  à  l'Assemblée  nationale  par  les  électeurs  du  Loiret,  il  y  livra 
et  y  soutint,  en  187o,  la  bataille  à  jamais  mémorable,  par  laquelle,  complétant 
le  succès  de  1850,  il  conquit  la  liberté  de  l'enseigocment  supérieur,  qu'il 
défendit  ensuite  contre  le  retour  oÛensif  des  adversaires  de  cette  liberté, 
dans  la  discussion  qui  eut  lieu  en  1877  au  Sénat,  dont  il  était  devenu  membre 
inamovible.  Membre  de  FAcadémie  fi'ançaise  depuis  le  mois  de  ir,ai  1834,  il 
donna,  lors  de  l'élection  de  M.  Littré,  sa  démission,  que  la  compagnie  n'accepta 
point.  Sa  dernière  bataille,  livrée  à  l'occasion  du  centenaire  de  Voltaire,  fut  la 
dernière  victoire,  et  non  la  moins  éclatante,  d'une  vie  si  orageuse  et  si  féconde. 
Ses  principales  préoccupations,  en-dehors  des  combats  que  nous  venons  de 
rappeler,  furent  les  questions  théoriques  et  pratiques  d'enseignement  se- 
condaire et  supérieur,  pour  lesquelles  il  semblait  avoir  retrouvé  le  génie  de 
Fénelon;  et  le  culte  qu'il  avait  voué  à  la  mémoire  de  Jeanne  d'Arc,  dont  il 
a  fait  à  deux  repri-^es  l'éloquent  panégyrique,  et  dont  il  avait  entrepris  de 
faire  proclamer  la  sainteté.  Mais  rien  de  ce  qui  touchait  aux  choses  de 
l'esprit,  surtout  dans  leur  rapport  avec  la  religion  et  la  société  menacées,  ne 
lui  était  étranger.  Personne  n'a  compris  mieux  que  loi  l'importance  des 
œuvres  de  préservation,  de  propagande,  de  charité  intellectuelle.  Aussi 
ful-il  l'un  des  premiers  et  des  plus  chaleureux;  patrons,  l'un  des  amis  les 
plus   efficaces  de  la  Société    Bibliographique,  qui  avait   l'honneur  de   le 


—  4B3  — 

compter  parmi  se?  membres  titulaires  Écrivain,  orateur,  avant  tout  polé- 
miste, capitaine  et  soldat  au  service  de  Jésus-Christ  ef  de  son  Église,  ayant 
cet  élan  des  âmes  guerrières,  qui  parfois  enti-aîne  à  des  erreurs,  mais  qui 
est  si  puissant  pour  enlever  d'assaut  le  bien,  en  une  époque  tourmentée, 
Mgr  Dupanloup  n'était  pas  sans  ressemblance  avec  quelqu'un  de  ces  grands 
évêques  du  quatrième  et  du  cinquième  siècle,  qui  maintinrent,  debou 
au  milieu  des  ruines,  comme  le  signe  d'un  prochain  et  meilleur  avenir,  la 
Croix,  à  l'ombre  de  laquelle  allaient  se  ranger  de  nouveaux  et  nombreux 
enfants. 

Voici  la  nomenclature,  aussi  complète  que  possible,  des  œuvres  de  Mg*"  l'é- 
vêque  d'Orléans,  que  nous  avons  classées  en  quatre  séries  :  Livres,  Lettres, 
Discours,  M-andeme.nts. 

—  LivTiEs  :  La  Chapelle  Saint-Hyacinthe,  Souvenirs  des  catéchismes  de  la 
Madeleine,  recueillis  par  un  ancien  disciple  de  Mg''  l'évêque  d'Orléans,  1825- 
1835.  Instructions,  Homélies,  Sermons,  etc.  (1872,  2  vol.  in-18);  —  Évangiles 
choisis  pour  tous  les  jours  de  Vannée,  avec  notes,  etc.  (1831 ,  in-18)  ;  —  Manuel 
des  catéchismes  (1832,  in-12;  30«  édition  en  1858  );  —  Exposition  des  princi- 
pales vérités  de  la  foi  catholique  (1832,  2  vol.  in-18),  composée  d'extraits  de 
Fénelon  (nouv.  édit  on,  1870,  in-8);  —  Evangiles  des  dimanches  et  fêtes  de 
Vannée  il83o,  in-18);  —  La  Journée  du  chrétien,  conseils  choisis  d'après 
Bossuet  (1838,  in-18);  —  La  vraie  et  solide  vie  sacerdotale,  recueillie  des  ou- 
vrages de  Fénelon  (1838,  in-8);  —  Méthode  générale  de  catéchisme,  recueillie 
des  ouvrages  des  Pères  et  des  Docteurs  de  l'Église,...  depuis  saint  Augustin 
jusqu'à  nos  jours...  (1839,  2  vol.  in-8;  2'  édit.,  1861,  3  vol.  in-12);  —  Élé- 
ments de  rhétorique  sacrée,  d'après  Fénelon  (1841,  in-12); —  Manuel  des 
petits  séminaires  et  des  maisons  d'éducation  chrétienne  (1843,  in-18;  13*  édi- 
tion, 1876);  —  Le  Christianisme  présenté  aux  hommes  du  monde,  d'après 
Fénelon  (1844,  6  vol.  in-8,  8  éditions);  —  De  la  pacification  religieuse,  etc. 
(184o,  in-8,  2  éditions);  —  Bu  nouveau  projet  de  loi  sur  la  liberté  de  Vensei- 
gnement,  etc.  (1847,  in-12)  ;  — De  laliberté  d'enseignement,  état  de  la  question 
(1847,  in-12);  —  Delà  souveraineté  temporelle  du  Pape  (1849,  in-8  et  in-12); 

—  De  Véducation  (1830-1857-1862,  3  vol.  in-8  et  in-12.  T.  P%  De  l'édu- 
cation; tome  II,  De  l'autorité  et  du  respect  dans  l'éducation;  tome  IIF,  Les 
hommes  d'éducation;  —  De  la  haute  éducation  intellectuelle  (1855-1857, 
3  vol.  in-8  et  in-12.  Tome  I„,  Les  Humanités;  tome  II,  L'Histoire,  la  Philo- 
sophie et  les  Sciences;  tome  III,  Lettres  aux  hommes  du  monde  sur  les  études 
qui  leur  conviennent);  —  Programme  pour  les  études  du  clergé  (1856,  in-8); — 
Instruction  et  règlements  sur  les  études  ecclésiastiques  (1856,  in-12);  — 
La  Souveraineté  pontificale,  selon  le  droit  catholique  et  le  droit  européen 
(1860,  in-8); —  La  Brochure,  le  Pape  et  le  Congrès.  Lettre  à  un  catho- 
lique  (1860,  in-8); — Défense  de   la   liberté   de  VÉglise  (1861,2  vol.  in-8) 

—  Les  Sociétés  de  charité,  les  Francs-Maçons  et  la  circulaire  du  16  octobre 
1861  (1861,  in-8);  —  Souvenirs  de  Rome,  offerts  au  clergé  de  son  diocèse 
(1862,in-8);  —  Avertissement  à  la  jeunesse  et  aux  pères  de  famille  sur  les  attaques 
dirigées  contre  la  religion  (1863,  in-8);  —  La  Charité  chrétienne  et  ses  œuvres 
(1863,  in-8);  —  Réponse  à  la  prière  adressée  par  M .  E.  Quinet  au  clergé  catho- 
lique en  faveur  de  la  Pologne  (1863,  in-8); —  Le  Catéchisme  chrétien,  ou 
Exposé  de  la  doctrine  de  Jésus-Christ  offert  aux  hommes  du  monde  (1865, 
in-8);  —  La  Convention  du  15  septembre  et  V Encyclique  du  8  décembre 
(1863,  in-8);  —  Quelques  conseils  à  un  jeune  militaire  (1865,  in-8);  —  Entre- 
tiens sur  la  prédication  populaire  (1866,  in-8);  —  L'Athéisme  et  le  Péril 
social  (1866,  in-8);  —  Femmes  savantes  et  femmes  studieuses  (1867,  in-8);  — 


—  i()i  — 

Les  Alarmes  de  l'épiscopat  jusUfices  par  les  faits, . .  (18(38,  in-8);  —  La  LiberU: 
de  renseignement  supérieur  (18G8,  in-8);  —  L'CEuvre  par  excellence  ou  En- 
Ircliens  sur  le  calichisme  (1809,  in-8); —  Histoire  de  N.-S.  Jésus-Christ 
(1869,  in-4,  et  4871,  in-8);  —  VEnfant  (1869,  in-16;  2*  édition,  1874);  — 
Le  Mariage  chrétien  (1869,  in-8;  4'  édition,  187o);  —  La  Femme  studieuse 
(1869,  in-16;  3^  édition  i874)  ;  —  Conseils  aux  jeunes  geyis  sur  l'étude  de 
l'histoire;  —  Idem  sur  l'étude  de  la  philosophie  (1872,  in-12);  —  L'Election  de 
M.  Littré  à  l'Académie  française,  suivi  d'une  réponse  au  Journal  des  Débats 
(1872,  in-8);  —  Quelques  mots  sur  l'instruction  primaire  en  Prusse  (1872, 
in-8)  ;  —  Du  dimanche  (1873,  in-12)  ;  —  Etude  sur  la  franc-maçonnerie  (1873, 
in-8).  —  Où  allons-nous?  (1876,  in-8  et  in-18)  ;  —  Lettres  sur  l'éducation  des 
filles  et  sur  les  études  qui  conviennent  aux  femmes  dans  le  monde^  auxquelles 
il  mettait  la  dernière  main  quand  la  mort  est  venue  le  frapper.  (T.  1,  in-8; 
t.  Il,  sous  presse); —  Pensées  de  Leibniz]  —  Pensées  de  Bacon,  Kepler,,  etc., 
avec  une  introduction  (1870,  in-8). 

Lettres  :  Lettres  à  M.  le  duc  de  Broglie,  rapporteur  du  projet  de  loi  relatif 
à  l'instruction  publique  (1844,  in-8);  Seconde  lettre  à  M.  te  duc  de  Broglie 
(1844,  in-8); — Lettres  sur  l'éducation  particulière  (18ol,  in-8):  —  Lettre 
sur  l'emploi  des  auteurs  profanes,  grecs  et  latins,  dans  l'enseignement  clas- 
sique ;  mandement  au  sujet  des  attaques  dirigées  contre  les  instruc- 
tions relatives  au  choix  des  auteurs  pour  l'enseignement  classique  dans 
les  séminaires  (1852,  in-18);  —  Lettre  à  un  catholique  sur  le  démembre- 
ment dont  les  États  pontificaux  sont  menacés  (1860,  in-8)  ;  —  Lettre  à  M.  Grand- 
guiïlot,  rédacteur  en  chef  du  Constitutionnel  (1860,  in-8)  ;  —  Lettre  à  M.  le 
baron  Molroguier  (1860,  in-8);  —  Lettre  à  M.  le  vicomte  de  la  Guéronnicre, 
en  réponse  à  la  brochure:  la  France,  Rome  et  l'Italie  (1861,  in-8);  — 
Lettre  de  Mgr  l'évéque  d'Orléans  au  clergé  de  son  diocèse,  sur  l'esclavage  (1862, 
in-8);  —  Lettre  demandant  une  quête  générale  en  faveur  des  pauvres  ouvriers 
rouennais.  (1863,  in-8);  —  Lettre  à  un  membre  de  l'Académie  de  Sainte-Croix 
sur  les  études  qui  peuvent  convenir  aux  loisirs  d'un  homme  du  monde  (1863, 
in-S;  —  Lettre  sur  l'étude  du  droit  (1865,  in-8);  —  Lettre  pastorale  sur  les 
malhexirs  et  les  signes  du  temps  (1866,  in-8);  —  Lettres  sur  l'élude  de  la  reli- 
gion (1866,  in-8);  —  Lettre  à  M.  Ratazzi,  président  du  conseil  des  ministres 
du  roi  d'Italie,  sur  les  entreprises  de  Garibaldi  (1867,  in-8);  —  M.  Duruy  et 
l'éducation  des  filles,  lettre  k  un  de  ses  collègues  (1867,  in-8)  ;  —  Seconde 
lettre  sur  M.  Duruy  et  sur  l'éducation  des  filles  (1867,  in-8);  — Lettres  au 
clergé  et  aux  fidèles  de  son  diocèse,  à  l'occasion  des  fêtes  de  Rome  et  pour 
leur  annoncer  le  futur  concile  œcuménique  (1867,  in-8);  —  La  Femme  chré- 
tienne et  française.  Dernière  réponse  à  M.  Duruy,  et  à  ses  défenseurs  (1868, 
in-8);  —  Lettre  sur  le  futur  concile  œcuménique  (1868,  in-8);  —  Lettre  au 
clergé  de  son  diocèse  relativement  à  la  définition  de  V infaillibilité  au  prochain 
concile  (1869.  in-8);  — Lettre  aux  prêtres  de  son  diocèse  pour  leur  donner 
communication  de  son  avertissement  à  M..  Louis  Veuillot  (1869,  in-8)  ;  —  Ré- 
ponse à  Mgr  Manning,  archevêque  de  Westminster  (1869,  in-8);  —  Réponse 
à  Mgr  Deschamps,  archevêque  de  Matines  (1870,  in-8);  —  Répoiise  à  Mgr 
Spalding  (1870,  in-8);  —  Lettre  à  un  homme  politique,  à  propos  de  la  guerre 
actuelle  (1870,  in-8);  —  Lettre  sur  les  prochaines  élections.  Du  devoir  des 
honnêtes  gens  dans  les  élections  (1871,  in-8);  —  Lettre  à  M.  Gambetta 
(1872,  in-8); — Lettre  au  clergé  de  son  diocèse  relative  à  la  souscription  natio- 
nale pour  la  libération  du  territoire  (1872,  in-8);  —  Lettre  à  son  clergé  rela- 
tive à  la  collation  des  grades  théologiques  dans  le  diocèse  d'Orléans  (1872,  in-8); 
—  Lettre  (seconde),  aux  professeurs  et  supérieurs  des  petits  séminaires  sur 


la  circulaire  de  M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique,  relative  à  l'enseigne- 
ment secondaire  (1873,  in-8);  —  Lettre  à  M.  Minghetti,  ministre  des  finances 
du  roi  Victor-Emmanuel,  sur  la  spoliation  de  l'Église  à  Rome  et  en  Italie 
(1874,  in-8)  ;  —  Lettres  à  un  père  de  famille  sur  le  volontariat  d'un  an  (1874, 
in-8);  —  Lettre  sur  les  élections  (1877,  in-8);  —  Le  journal  le  Monde  avait 
reçu  et  publié,  depuis  plusieurs  années,  des  Lettres  de  l'infatigable  évêque, 
où  l'on  retrouvera  l'écho  de  toutes  nos  agitations  contemporaines  ;  il  en  in- 
dique les  sujets  en  ces  termes  :  Le  Péril  actuel  dit  Saint-Siège  (1867);  —  Sur 
la  mort  du  cardinal  Altieri  (1867);  —  Sur  les  écoles  secondaires  de  filles 
qu'on  se  propose  d'établir  {iSQl); —  Sur  une  ligue  dite  de  l'enseignement 
(1869); —  Sur  le  ministère  pastoral  à  l'égard  des  hommes  (1869); —  Sur 
la  vie  commune  dans  le  clergé  séculier^  à  l'occasion  des  établissements  de 
''Oratoire  diocésain  (1869);  —  La  gravité  des  mœurs  ecclésiastiques  (1869)  ;  — 
ar  les  projets  de  l'unitarisme  politique  en  Suisse  (1872);  —  Réponse  à  la  lettre 
de  M.  le  pasteur  Pressensé  (1873);  —  Sur  les  prophéties  publiées  dans  ces  der- 
niers temps  (1874)  ;  — Lettre  à  V occasion  de  l'élection  de  S.  S.  Léon  XIII  (1878). 

Nous  devons  ajouter  à  cette  nomenclature  :  les  Lettres  à  Messieurs  les  mem- 
bres du  Conseil  municipal  de  Paris  sur  le  centenaire  de  Voltaire,  qui  forment 
qu^'tre  fascicules  in-8  dans  l'édition  originale,  non  mise  en  vente,  et  que  la 
Société  Bibliographique  a  eu  l'honneur  de  publier,  d'abord  en  trois  bro- 
chures gr.  in-18,  puis  en  une  seule,  de  17o  pages  avec  la  lettre  à  M.  Victor 
Hugo,  publiée  aussi  séparément  (in-8  et  in-12)  ;  —  le  chaleureux  Appel  à  la 
France,  pour  la  restauration  du  monument  expiatoire  élevé  à  Jeanne  d'Arc, 
à  Orléans,  détruit  pendant  la  Révolution; —  et  la  Lettre  sur  le  Denier  de 
Saint-Pierre,  qui  porte  le  n»  21  du  dernier  volume,  le  dixième,  des  Lettres, 
Circulaires  et  Mandements  de  Mg"^  Dupanloup. 

Discours  :  Discours...  à  la  distiibution  des  prix  du  petit  séminaire  de  Paria 
1843,  in-8); — /d.  (1845,  in-8);  —  Discours  sur  l'enseignement  des  lettres, 
prononcé  à  la  distribution  des  prix  du  petit  séminaire  de  Saint-Mesmin 
(1834,  in-8);  — Discours  de  réception  de  Mqr  l' évêque  d'Orléans  à  l'Académie  fran- 
çaise,le  9  novembre  18j4.  Réponse  à  M.  le  comte  de  Salvandy,  directeur... 
(1854,  in-8);  —  Panégyrique  de  Jeanne  d'Arc,  prononcé  le  2  mai  1833  (1833, 
in-8,  nouv.  édition,  1869);  —  Discours  sur  l'utilité  des  bonnes  études  littéraires, 
prononcé  à  la  distribution  des  prix  du  petit  séminaii'e  (1856,  in-8);  — 
Paroles  prononcées  aux  obsèques  du  R.  P.  dcRavignan  (1838,  in-8);  —  Discours 
sur  l'enseignement  de  l'histoire  (1838,  iii-8);  —  Oraison  funèbre  des  volontaires 
catholiques  de  l'armée  pontificale  morts  pour  la  défense  du  Saint-Siège, 
prononcée  le  9  octobre  1860  (1860,  in-8);  —  Discours  sur  l'Agriculture,  pro- 
noncé dans  la  cathédrale  de  Sainte-Croix,  le  9  inai  1861  (1861,  in-8);  — 
Discou7's...  en  faveur  des  Pauvres  catholiques  d'Irlande,...  dans  l'église 
Saint-Roch,  le  23  mars  1861  (1861,  in-8);  —  Éloge  funèbre  de  Mgr  Menjaud 
(1861, in-8)  ; — Panégyrique  de  saint  Martin...  prononcé  àTours,  le  16  novembre 
1862  ^1862,  in-8);  —  Discours  prononcé  au  Congrès  de  iMalines,  le  31  août 
1864,  sur  l'enseignement  populaire  (1864,' in-8);  —  Oraison  funèbre  du  général 
de  La  Moricière,  prononcée  dans  la  cathédrale  de  Nantes,  le  19  octobre  1863 
(1863,  in-8);  —  Discours  prononcé  au  Congrès  de  Matines  en  1867,  sur  la  Lutte 
chrétienne  (1868,  in-8);  —  Paroles  prononcées  aux  funérailles  de  Berrycr,!  dé- 
cembre 1868  (1868,  in-8);  —Panégyrique  (second)  de  Jeanne  rî'irc  (1869, in-8);  — 
Discours  prononcé  à  l'Assemblée  nationale,  sur  l'Indépendance  nécessaire  du 
Saint-Siège  et  les  calomnies  répandues  dans  ces  derniers  temps  contre  le  clergé 
(1871,  in-12);  —  Discours  prononcé  à  l'Assemblée  nationale,  dans  la  séance 
du  29  mai  1872,  sur  la  loi  militaire  (1872,  in-8};  —  Discours  (deuxième  et 
Novembre,  1878.  T.  XXIlî,  30. 


—  4<i6  — 

troisième),  prononcés  à  l'Assemblée  naiionale,  dans  les  séances  des  21  et  22 
juin  187Î,  sur  la  loi  militaire  (1872,  in  8};  —  Discours  prononcés  à  l'ou- 
verture des  cours  de  l'école  libre  des  hautes  études,  précédés  de  la  confé- 
rence faite  au  cercle  catholique  du  Luxembourg,  le  22  janvier  1874,  sur  la 
haute  éducation  de  la  jeunesse  (1874,  in-8)  ; —  Allocution  prononcée  àl'assem- 
blée  générale  de  la  Société  bibliographique  (187o,  in-8  ;)  —  Discours  prononcés  à 
l'Assemblée  nationale  sur  l'Organisation  de  Vaumôncrie  militaire  (séance  du  20 
mai  1874)  (1874,  in-8)  ;  —  Discours  prononcés  à  l'Assemblée  nationale  dans 
les  séances  des  4  et  5  décembre  1874,  pour  appuyer  le  projet  de  loi  présenté 
par  M.  le  comte  Jaubert  sur  la  liberté  de  l'enseignement  supérieur  (1874,  in-8); 

—  Discours  prononcés  à  l'Assemblée  nationale,  dans  les  séances  des  15  mars, 
18  mai,  7,  12,  14  et  16  juin  1875,  pour  appuyer  le  projet  de  loi  sur  la 
liberté  de  renseignement  supérieur  (1875,  in-8); — Discours  prononcés  au  Sénat, 
les  21  22  et  23  décembre  1874,  dans  la  discussion  du  budget  (1876,  in-8)  ;  — 
Discours  sur  la  liberté  de  l'enseignement  supérieur,  prononcé  au  Sénat  dans  la 
séance  du  19  juillet  1876  (1876,  in-8),  dont  le  texte  a  été  publié  par  la  So- 
ciété Bibliographique  dans  ses  Questions  politiques,  religieuses  et  sociales, 
n"  5.  Venseignement  supérieur  (Sénat),  (1876,  in-18);  —  Discours  prononcé 
au  Sénat  dans  la  séance  du  21  mai  1878  pour  interpeller  le  gouvernement 
sur  la  conduite  qu'il  se  propose  de  tenir  vis-à-vis  des  fêtes  du  Centenaire  de 
Voltaire. 

Mandements  :  Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  donner  la  liste  des  mandements 
de  carême  de  Mgr  l'évêque  d'Orléans,  pendant  une  période  ininterrompue  de 
vingt-neuf  aas  ;  les  titres  en  sont  les  suivants  :  Sur  la  Loi  (1850);  —  Le 
Jubilé  (1851);  —  Nécessité  de  se  convertir  (1852  et  1853);  —  Sur  la  visite  du 
diocèse  (1854);  —  L'Immaculée  Conception  (1855);  Les  grands  devoirs  de  la  vie 
chrétienne  (1856)  ;  —  La  Pénitence  (1857);  —  La  Pensée  de  la  mort  (1858)  ;  — 
Le  Respect  humain  (1859);  —  Encyclique  de  S.  S.  Vie  LY(1860);  —  Reconnais- 
sance que  l'Europe  doit  au  christianisme  (1861);  — La  Charité  (1862);  — Saint 
Vincent  de  Paul  et  ses  œuvres  (1863);  —  Entrelien  paternel  avec  ses  diocésains 
(1864);  —  Le  Jubilé  (1865);  —  La  Charité,  à  l'occasion  des  victimes  de  la  Guade- 
loupe (1 866)  ;  —  La  Providence  (1 867); — L'Encyclique  (1868); — Sur  le  Dimanche 
(1869);  — Quelques  avis  pour  le  Carême  (1870);  — Les  Evénements  présents  et  la 
réception  des  Sacrements  (1871)  ;  —  Nécessité  de  la  Prière  (1872)  ;  —  Les  Sociétés 
ouvrières  chrétiennes  et  les  autres  œuvres  d'hommes  et  de  jeunes  gens  d'Orléans 
(1873);  —  Épreuves  de  l'Église;  nos  Devoirs  envers  elle  (1874);  — Le  Jubilé, 
son  origine;  moyen  de  conversion  et  de  salut (i'^lo); — Le  Voyage  de  Rome  {\^1Q); 

—  Le  Retour  à  Dieu,  (1877;)  édition  publiée  par  la  Société  Bibliographique 
in-18);  —  La  Prière  et  les  Sacrements  (1878). 

Une  grande  partie  des  œuvres  Ms"  Dupanloup  a  été  recueillie  sous  les  titres 
généraux  de  :  OEuvres  choisies  (1861,  4  vol.  in-8,  avec  portrait.  Paris,  Périsse 
frères)  ;  —  Nouvelles  œuvres  choisies.  Tome  I"  à  VU  (1873-1875.  Pion,  7  vol. 
in  8);  — Tome  I".  OEuvres  oratoires,  dans  lesquelles  on  trouve  V Oraison  funèbre 
du  P.  de  Ravignan;  —  Tome  !I.  Défense  de  la  religion.  —  Tome  III.  Contro- 
verse sur  l'éducation  des  filles.  —  Tome  IV.  Défense  de  Rome  et  du  Saint- 
Siège.  —  Tome  V,  VI,  VII.  Œuvres  pastorales. 

Mgr  Dupanloup  avait  encore  publié  :  Le  véritable  esprit  du  Jubilé  expliqué 
par  Bossuet,  Fénelon  (1847,  in-18);  —  Histoire  de  la  B.  Marie  de  l'Incarnation, 
par  l'abbé  Boucher  (1854,  2  vol.  iD-12);  —  La  vraie  et  solide  piété  (1846,  4  vol. 
in-18);  —  Lettre  de  piété;  —  Manuel  pratique  de  piété  de  Fénelon;  —  Lettre  de 
Fénelon  sur  la  fréquente  communion  (1855,  in-12);  —  Direction  chrétienne  de 
Fénelon,  avec  une  préface  (1869). 


-  467  — 

Ou  pourra  consulter,  pour  connaître  en  détailla  vie  et  l'œuvre  de  l'illustre 
prélat  :  Mgr  Diipanloup,  par  E.  de  Lavedan  (1849,  in-8);  —  La  Biographie 
que  lui  a  consacrée  M.  Hippolyte  Castille,  dans  ses  «  Portraits  historiques  et 
politiques  du  dix-neuvième  siècle,  »  in-32.avec  portr.;  — M^r  Ihipanloup,^a.v 
Pierre  et  Paul  (1860,  in-32.  Havard,  avec  portrait  et  autographe);  — 
Jtf.  Dupanloup  devant  l'opinion  publique  (1867,  in-8,  Dentu);  —  Deux  mots 
relatifs  à  Mgr  Dupanloup  et  à  M.  Littré,  par  Ervas  (1872,  in-12)  ;  —  Mgr  Du- 
panloup, biographie  et  souvenirs,  par  J.  Hairdet  (1878,  in-8). 

P. -S.  —  Nous  recevons,  au  dernier  moment,  une  Liste  bibliographique  des 
écrits  de  Mgr  Dupanloup,  pvêque  d'Orléans,  publiée  par  M.  H.  Ilerluison 
(Orléans,  H.  Herluison,  1878,  in-8  de  31  p.)  qui  doit  être  suivie  de  la  Liste 
des  mandements  et  lettres  pastorales.  Cette  bibliographie,  sans  être  absolu- 
ment complète,  servira  de  contrôle  et  de  complément  à  celle  que  nous  don- 
nons. 

—  M.  Gabriel  Delafosse,  membre  de  l'Institut  (Académie  des  sciences), 
est  mort  le  13  octobre  dernier.  Il  était  né  en  1796,  à  Saint-Quentin  (Aisne). 
Élève  de  l'École  normale  en  1813,  il  y  était  devenu  professeur  de  minéra- 
logie; il  continua  ensuite  son  enseignement  à  la  Sorbonne  et  au  Muséum 
d'histoire  naturelle;  et,  à  la  suite  de  travaux  importants  sur  la  cristallo- 
graphie, il  remplaça  M.  Elie  de  Beaumont  à  l'Institut,  en  1857.  Ses  études, 
recueillies  en  partie  dans  les  comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences, 
ont  été  le  point  de  départ  d'observations  fécondes,  —  M.  Delafosse  avait 
publié  aussi  plusieurs  ouvrages  élémentaires,  sur  l'ensemble  de  l'histoire  na- 
turelle, et  dont  voici  la  liste,  avec  celle  des  études  auxquelles  il  s'était  plus 
particulièrement  attaché  :  Précis  élémentaire  d'histoire  naturelle  {{^Z\ ,  in-12 
avec  planches;  10«  édition  en  1872);  —  Notions  élémentaires  d'histoire  natu- 
relle (1840,  3  vol.  in-i8  avec  planches; nouvelle  édition  en  1836,  3  vol.  in-12); 
—  Leçons  d'histoire  naturelle,  dans  le  «  Cours  complet  d'éducation  pour  les 
filles  »  (I8o6,  gr.  in-8;  nouvelle  édition,  1863);  —  Nouveau  cours  de  minéra- 
logie (1858-1862,  3  vol.  in-8  avec  atlas);  —  Rapport  sur  les  progrès  de  la 
minéralogie  (1867-1868,  in-8);  —  enfin  des  Mémoires  insérés  dans  le  recueil 
de  la  section  de  l'Institut  à  laquelle  il  appartenait  ;  nous  devons  citer,  entre 
autres  :  Recherches  sur  la  cristallisation  considérée  dans  les  rapports  physiques 
et  mathématiques  (1840);  —  Mémoire  sur  une  relation  importante  qui  se 
manifeste  dans  certains  cas  entre  la  composition  atomique  et  la  forme  cristal- 
line (1848  et  1831); —  Mémoire  sur  le  plésiomorphisme  des  espèces  minérales 
(1831).  Il  a  été  publié  une  «  Étude  sur  les  travaux  scientifiques  de  Dela- 
fosse »  (ISol,  in-4). 

—  M.  Hippolyte  Babod,  né  en  1824,  à  Peyrac  (Aude),  est  mort  à  Paris,  le 
18  octobre  dernier.  Entré  de  bonne  heure  dans  le  journalisme,  il  avait  col- 
laboré au  Corsaire,  au  Charivari,  à  l'Illustration,  à  la  Patrie,  à  la  Revue  de 
Paris,  sous  le  pseudonyme  de  Camille  Lorrain  ;  à  YAthenseum,  à  la  Revue 
française.  On  lui  doit  la  seconde  édition  des  Mémoires  de  M"  de  La  Guette, 
publiée  dans  la  Bibliothèque  elzévirienne  (18d6,  in-16);  —  Les  Païens  in- 
nocents. Nouvelles  :  récits  et  impressions  du  Minervois,  son  pays  natal  ('l8o8, 
in-18); —  Lettres  d'Italie,  du  président  de  Brosses  (18o8,  2  vol.  in-12);  — 
Lettres  satiriques  et  excentriques,  avec  un  défi  au  lecteur  (1860,  in-12);  — 
Les  Amoui'eux  de  M''  de  Sévigné;  les  femmes  vertueuses  dit  grand  siècle,  son 
œuvre  la  plus  importante  (1862,  in-8);  —  Vive  le  luxe!  La  comédie  de  M.  Du- 
pignac,  réponse  à  M.  Dupin;  par  une  grande  dame  et  une  petite  dame  {d.no- 
nyme)  (186»,  in-8);  —  Montpensier,  roi  d'Espagne  (anonyme)  (1868,  in-8);  — 
L'homme  à  la  lanterne, sons  le  pseudonyme  de  Jean  Sans-Peur  (1868,  in-18); 


—  4(i8  — 

—  Les  liclalions  d'un  juré,  vingt  figures  contemporaines  (187o,  in-12).  —  Un 
de  ses  articles  de  la  Revue  française  avait  été  publié  à  part  sous  ce  titre  : 
La  Vérité  sur  le  cas  de  M.  Champ  fleur  y  (1837,  in-8). 

—  M.  Artliur  Forgeais,  fondateur  et  président  de  la  Société  sphragislique, 
né  à  Paris  en  1822,  est  mort  le  22  juillet  dernier,  11  avait  débuté,  dans  ses 
publications  sur  la  science  spéciale  à  laquelle  il  avait  appliqué  son  intelli- 
gence, par  une  Notice  sur  les  plombs  historiés  trouvés  dans  la  Seine  et  recueil- 
lis par  Arthur  Forgeais  (18o8,  in-8,  avec  figures);  —  une  nouvelle  publica- 
tion sur  le  même  sujet  fut  couronnée  par  l'Institut  :  Collection  de  plombs 
historiés  trouvés  dans  la  Seine,  ouvrage  orné  de  800  gravures  sur  bois  ;  série 
I  à  IV  [\"  série  :  Méreaux  des  corporations  de  métiers;  2^  série  :  Enseignes 
de  pèlerinages;  3"  série  :  Variétés  numismatiques;  l^  série  :  Imagerie  reli- 
ligieuse]  (1862-1863)  ;  il  fut  bientôt  suivi  de  son  complément  :  Collection  de 
plombs  historiés  trouvés  dans  la  Seine,  b«  série  :  Numismatique  populaire 
(1866,  in-8).  Dans  ces  dernières  années.  M.  Forgeais  avait  renouvelé  ces 
travaux  en  un  travail  définitif,  sous  ce  titre  :  Numismatique  des  corporations 
parisiennes,  métiers,  etc.,  d'après  les  plombs  historiés  trouvés  dans  la  Seine 
(1874,  in-8);  en  1877,  il  avait  publié  le  tome  VI  de  ses  études  sphragistiques 
sous  le  titre  de  :  Blasons  des  chevaliers  du  moyen  âge  (1  vol.  in-8.) 

—  La  presse  russe  annonce  la  mort  de  M.  Etienne  Gédéonov,  conseiller  privé, 
décédé, après  une  longue  maladie,  le  27  septembre  1878.  Pendant  plusieurs 
années,  il  avait  été  simultanément  directeur  de  l'Ermitage  impérial  et  des 
théâtres.  Son  nom  est  également  connu  aux  savants  et  aux  artistes. 
L'histoire  lui  doit  un  important  ouvrage,  en  2  volumes,  sur  les  Varégo-Russes, 
qui  a  valu  à  l'auteur  le  prix  Ouvarov,  et  a  été, en  grande  partie,  publié  dans 
les  Mémoires  de  l'Académie  de  Saint-Pétersbourg.  Trente  ans  auparavant, 
Gédéonov  avait  commencé,  avec  le  concours  de  Pouclikarev,  à  publier  :  La 
Description  de  la  Russie  au  point  de  vue  historique,  géographique  et  statistique, 
qui  resta  inachevée.  En  1872,  il  écrivit  une  bi'ochure  intitulée:  VEnfant 
porté  par  un  dauphin,  et  imprimée  à  un  très-petit  nombre  d'exemplaires. 
C'est  la  description  du  fameux  groupe  de  marbre  qu'on  attribue  à  Raphaël 
et  qu'on  peut  voir  à  l'Ermitage.  Parmi  les  pièces  de  théâtre  composées 
par  lui,  la  Mort  de  Lapounov  est  celle  qui  a  eu  le  plus  de  vogue.  Cette 
tragédie,  écrite  il  y  a  trente  ans,  eut  plusieurs  représentations.  Gédéonov  a 
collaboré  aussi  au  drame  connu  d'Ostrovski,  intitulé  :  Vassilissa  Mélen- 
tievna. 

—  On  annonce  encore  la  mort  :  à  Bône,  de  M.  Marius  Nicolas,  secrétaire  de 
la  Société  scientifique  d'Hippone,  et  ancien  maitre-imprimeur,  à  qui  fut 
décernée  la  médaille  d'or  au  premier  congrès  des  orientalistes  tenu  à  Paris 
il  y  a  cinq  ans;  —  de  M"°  Petel,  née  Marie-Alexandre  Dumas,  morte  reli- 
gieuse à  Paris,  à  l'âge  d'environ  cinquante  ans,  après  avoir  obtenu  des 
succès  au  salon  et  composé  plusieurs  ouvrages,  entre  auti'es  Un  lit  de  mort; 
—  de  MM.  Larivière,  rédacteur  de  VUnion  de  la  Sarthe,  mort  à  Almenèche 
(Orne),  à  l'âge  de  vingt-cinq  ans;  —  de  M.  Constantin  Descat,  ancien  dé- 
puté à  l'Assemblée  nationale,  ancien  maire  de  Roubaix  et  conseiller  gé- 
néral, mort  à  Roubaix,  le  14  octobre;  —  de  M.  Ménissier,  mort  à  Paris,  à  l'âge 
de  quatre-vingt-cinq  ans,  auteur  dramatique  et  collaborateur  de  M.  de 
Saint-Georges,  dans  ÏÉclair,  de  Scribe,  dans  les  Malheurs  d'un  amant  peu- 
reux, etc.  —  de  M.  James  Johnstone,  à  Londres,  propriétaire  du  Standard  et 
de  VEvening  Standard;  —  de  M.  Cheverondier,  membre  du  Conseil  général  de 
la  Loire,  président  de  la  Chambre  de  commerce  de  Roanne,  auteur  d'un 
Traité  sur  la  culture  de  la  vigne,  mort  à  Roanne  ;  —  de  M.  Jules  de  Lamarque, 


—  469  — 

fondateur  de  la  Société  du  patronage  pour  les  libérés  adultes,  mort  à  Paris 
le  28  octobre;  —  de  M.  Albert  Alerter,  dont  nos  lecteurs  ont  pu  voir  quel- 
quefois le  nom  dans  nos  colonnes,  mort  à  Fleury  (Cùte-d'Or),  le  29  octobre, 
à  l'âge  de  trente-un  ans. 

IxsTiTUT.  —  La  séance  publique  annuelle  des  cinq  académies  a  eu  lieu  le 
25  octobre,  sous  la  présidence  de  M.  Laboulaye.  La  séance  a  été  remplie 
par  un  discours  du  président,  un  rapport  de  M.  Wallon  sur  le  concours 
de  1878  pour  le  prix  Volney  et  la  proclamation  du  pris,  et  les  lectures  sui- 
vantes :  Un  directeur  des  musées  (M.  de  Cailleux),  par  M.  Perrin;  les  Enfants 
et  les  domestiques,  par  M.  Legouvé;  V Empereur  Barherousse  et  le  siège  de 
Milan,  par  M.  Zeller;  Progrés  de  la  géographie  et  de  la  navigation,  par 
M.  Ferdinand  de  Lesseps. 

Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  L'Académie,  dans  sa  séance 
du  23  octobre,  a  choisi  pour  sujet  des  concours  de  1880  les  questions  sui- 
vantes :  —  Prix  ordinaire  :  Étude  grammaticale  et  lexicologique  sur  la  la- 
tinité de  saint  Jérôme.  —  Prix  Bordin  :  Étude  sur  les  opérations  de 
change,  de  crédit  et  d'assurances  pratiquées  chez  nous  par  des  commer- 
çants français  ou  résidant  en  France  avant  le  quinzième  siècle. 

Académie  des  beaux-arts.  —  L'Académie  des  beaux-arts  a  tenu  sa  séance 
publique  annuelle  le  19  octobre,  sous  la  présidence  de  M.  Hébert.  La  séance 
a  été  remplie  par  l'exécution  de  deux  scènes  lyriques  qui  ont  valu  les  grands 
prix  à  leurs  auteurs,  M.  Clément-Jules  Broutin  et  M.  Samuel-Alexandre 
Rousseau  ;  le  discours  du  président,  la  proclamation  et  la  distribution  des 
prix,  et  ia  lecture  d'une  notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  M.  Henri  La- 
bi'ouste,  membre  de  l'Académie,  par  le  vicomte  Henri  Delaborde. 

Collège  de  France.  —  Par  décret  du  13  octobre,  M.  Paul  Albert,  docteur 
es  lettres,  maître  de  conférences  à  l'École  normale  supérieure,  a  été  nommé 
professeur  titulaire  de  la  chaire  de  langue  et  de  littérature  française  mo- 
derne, en  remplacement  de  M.  de  Loménie,  décédé. 

Association  dés  bibliothécaires  anglais  a  Oxford.  —  L'Association  des 
Bibliothécaires  anglais,  fondée  à  la  suite  du  Congrès  tenu  à  Londres  l'an  der- 
nier, a  eusa  première  réunion  à  Oxford,  du  l"au3  octobre,  sous  la  présidence 
du  R.  D'  Coxe,  bibliothécaire  de  la  Bodléienne.  Les  séances  ont  été  remplies 
par  de  nombreuses  et  intéressantes  communications,  dont  nous  donnerons 
le  résumé  dans  un  de  nos  prochains  numéros.  Les  membres  de  la  conférence 
ont  été,  en  outre,  mis  à  même  de  visiter  en  détail  les  riches  et  nombreuses 
bibliothèques  d'Oxford,  la  Bodléienne,  la  Radcliffe  et  son  annexe  du  New 
Muséum,  la  Codrington,  etc.  L'acceuil  le  plus  cordial  a  été  fait  aux  savants 
réunis  dans  cette  circonstance  par  MM.  le  D'  Coxe,  les  professeurs  Akland, 
Max  Muller,  Rolleston,  Jeweth,  etc,  ainsi  que  par  les  secrétaires  et  trésoriers 
de  l'association,  MM.  Tedder,  Thomas  et  Harrisson.  Plusieurs  biblio- 
graphes étrangers,  membres  honoraires  de  l'association,  ont  pris  part  aux 
travaux  de  cette  session.  Le  gouvernement  français  y  était  officiellement 
représenté  par  deux  délégués,  M.  le  baron  de  Watteville,  directeur  des 
Lettres  et  Sciences,  et  M.  le  comte  de  Marsy. 

La  seconde  réunion  de  l'Association  aura  lieu  l'an  prochain, à  Manchester, 
sous  la  direction  du  bureau,  dont  les  pouvoirs  ont  été  renouvelés  à  l'unani- 
mité. —  En  outre,  l'Association  des  Bibliothécaires  américains  a  fait  con- 
naître son  intention  de  se  réunir,  en  juin  1879,  à  New  York,  et  a  invité  les 
membres  de  l'Association  anglaise  à  assister  à  ce  nouveau  congrès  de  biblio- 
thécaires. » 


—  470  — 

Société  des  vieux  textes  russes,  —  Il  existe  en  Russie,  depuis  1877, 
une  société  ayant  pour  but  de  publier  les  vieux  manuscrits  écrits  en  lai- 
gues  slavonne  ou  russe,  ou  bien  de  reproduire  en  fac-similé  des  anciens  livres 
imprimés  devenus  exiiêmement  rares. —  La  jeune  société  s'annonce  favora- 
blement, et  les  publications  qu'elle  a  déjà  mises  au  jour  permettent  de 
lui  prédire  un  grand  succès.  Elles  se  partagent  eti  plusieurs  catéf^oiies, 
dont  chacune  a  déjà  fourni  des  spécimens,  Nous  avons  sous  les  yeux  le 
compte  rendu  qui  vient  de  paraître  sous  le  titre  :  Rapport  de  la  Société 
des  vieux  textes  pour  1877  (Ottchot  Obstchestva  lubiteleï  drevneï  pisinennosti), 
avec  XVI  appendices  et  5  fac-similé  lithographies.  (Saint-Pétersbourg,  1878, 
in-8,  de  20,  88  et  4  pages). 

Après  un  court  exposé  du  programme  de  la  Société,  de  l'état  Hqancier 
et  un  tribut  payé  à  la  mémoire  de  Georges  Tolstoï,  un  de  ses  membres 
récemmentdécédé,le  rapport  passe  en  l'evue  les  seize  publications  exécutées 
durant  l'année  1877,  en  y  ajoutant  autant  d'appendices  qui  en  donnent  une 
analyse  plus  détaillée. 

Voici  la  liste  de  ces  publications  :  {'  Description  do  douze  monastères  du 
Mont-Athos,  fac-similé  de  l'édition  rarissime  faite  en  1839  à  Thessalonique  ; 
2»  Recueil  d'anciennes  images  gravées  de  la  sainte  Vierge;  elles  sont  au 
nombre  de  neuf,  et  forment  la  première  série,  qui  sera  continuée;  3°  La  re- 
quête du  Vspolukhov,  présentée  au  tzar  Alexis  ;  4»  Vie  du  métropolite  Alexis, 
mort  en  1378,  remarquable  par  les  Jessins  dont  le  texte  est  orné  ;  5°  Qesta 
Romanorum  ou  le  Violier  des  histoires  romaines,  édité  par  le  prince  Paul 
Viazemski,  qui  l'a  fait  précéder  d'une  étude  fort  intéressante  et  non  moins 
érudite  ;  6°  Quatrième  Sagesse  ou  musique,  un  des  nombreux  manuscrits 
contenant  des  neumes,  qu'on  connaît  si  peu,  mais  dont  l'étude  est  pourtant 
indispensable  ;  7°  Représentation  allégorique  de  la  prise  de  Kizi-Kirmen, 
fac-similé  d'un  manuscrit  dédié  au  feld-maréchal  comte  Boris  Chérémétev  ; 
8°  Alphabet  civil,  corrigé  de  la  main  de  Pierre  P',  avec  échantillons  de 
cette  nouvelle  écriture,  imprimée  pour  la  première  fois  ;  9°  Invention  du 
chef  de  saint  Jean-Baptiste;  10°  Homélie  de  Jean-Chrysostome  sur  la  décol- 
lation de  saint  Jean-Bapiiste,  où  il  s'agit  aussi  de  bonnes  et  de  méchantes 
femmes;  11°  Trois  anciens  ofiices  du  même  saint  précurseur;  12°  Homélie  de 
Jean  Damascène  sur  l'Annonciation,  avec  le  dialogue  entre  l'Archange  et  la 
Mère  de  Dieu;  13°  L'obituaire  du  monastère  de  Dédovsk  à  Totma,  espèce 
à'ars  moriendi  ;  14'  L'alphabet  slavon  ou  baukvitsa,  chef-d'œuvre  de 
calligraphie  exécuté  à  la  plume  sur  un  rouleau  long  de  douze  aunes;  15°  Super 
fiumina  Rabylonis,  onze  fragments  détachés  d'un  psaytier  illustré  ;  enfin 
16°  La  célèbre  légende  deStephanite  et  d'Ikhnilate,  commentée  par  M.  Boul- 
gakov,  secrétaire  de  la  Société  et  rédacteur  du  rapport. 

La  seule  énumération  des  morceaux  publiés,  montre  gsspz  l'intérêt  qu'ils 
offrent  à  tous  ceux  qui  cultivent  la  littérature  et  les  atts  du  moyen  âge,  sans 
parler  de  ce  qu'en  pourraient  tirer  les  amis  de  l'histoire  et  des  lettres 
russes.  Un  de  leurs  mérites  vient  de  ce  qu'ils  apportent  à  la  science  occi- 
dentale de  nouveaux  éléments,  et,  sous  ce  rapport,  il  faut  espérer  que  la 
Société  saura  rendre  ses  belles  et  riches  publications  accessibles  à  ceux  qui 
ignorent  la  langue  du  pays. 

Plus  dune  d'entre  elles  mériterait  les  honneurs  d'une  traduction  fran- 
çaise; de  ce  nombre  sont,  par  exemple,  l'étude  du  prince  Paul  Viazemski  sur 
les  Histoires  romaines,  et  celle  de  M.  Boulgakov  sur  Stéphanite  et  Ikhnilate. 
Toutefois,  ce  n'est  là  qu'une  minime  partie  des  travaux  de  la  Société.  Parmi 
ceux  qu'elle  prépare, ^1  y  aura  de  vrais  trésors.  Nous  en  indiquerons  seule- 


—  471  — 

ment  deux  :  la  Vie  de  saint  Nicolas,  nmnuscrit  de  400  pages  avec  autant  de 
dessins,  du  seizième  siècle,  et  le  Recueil  (Izbornik)  de  Sviatoslav,  de  1073, 
orné  également  de  miniatures,  mais  surtout  précieux  comme  monument 
littéraire.  —  Nous  aurons  l'occasion  de  revenir  sur  les  splendides  éditions 
de  la  Société,  car  elles  méritent  une  étude  spéciale;  le  peu  que  nous  en 
avons  dit  suffira  pour  attirer  sur  elles  l'attention  du  public  français,  qui 
certainement  sera  bien  aise  de  les  connaître  plus  en  détail. 

J.  Martinov,  s,  J. 

Lectobes  faites  a  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  —  Dans 
la  séance  du  4  octobre,  M.  Egger  a  communiqué  des  renseignements  sur 
l'exploration  de  M.  Scbilemann  dans  l'Ile  d'Ithaque;  M.  Casati  a  lu  des  notes 
complémentaires  de  sa  précédente  communication  sur  le  musée  du  château 
de  Rosenbourg;  M.  Menant  a  fait  une  communication  sur  les  cachets  assy- 
riens, imprimés  sur  des  tablettes  acquises  par  le  British  Muséum;  M.  de 
Saulcy  a  lu  une  note  sur  un  sesterce;  M.  Joseph  Derenbourg  a  fait  une  com- 
munication sur  un  cachet  en  cristal  «le  roche  trouvé  en  Mésopotamie.  — 
Dans  les  séances  des  M  et  18,  M.  Victor  Duruy  a  continué  la  lecture  d'un 
chapitre  inédit  de  son  Histoire  romaine.  —  Dans  la  séance  du  11,  M.  Halévy 
a  lu  un  mémoire  sur  la  prétendue  existence  d'une  langue  accadienne  ou 
sumérienne.  —  Pans  la  séance  du  23,  M.  Renan  a  fait  une  communication 
au  sujet  d'une  inscription  latine  conservée  à  Rome  et  dont  il  a  déjà  entre- 
tenu l'Académie,  M.  Léopold  Delisle  a  fait  une  communication  au  sujet  d'un 
manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Lyon  qui  contient  une  partie  de  l'Écriture 
sainte  en  latin  et  remonte  au  sixième  siècle.  M.  B.  Haureau  a  achevé  la  lec- 
ture de  sa  biographie  d'Arnaud  de  Villeneuve. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  Dans 
la  séance  du  3  octobre,  M.  Jules  Zeller  a  lu  un  fragment  inédit  de  son  His- 
toire d'Allemagne,  relatif  à  la  lutte  des  cités  de  la  Haute-Italie  contre  Frér- 
déric  Barberousse;  M.  Aucoc  a  analysé  un  travail  de  M.  Charles  Tranchant 
sur  les  réformes  à  introduire  dans  l'enseignement  politique  et  administratif; 
M.  Getfroy  a  analysé  une  dissertation  de  M.  Frédéric  Schiem,de  l'Université 
de  Copenhague,  surl'origne  de  quelques  traditions  ottomanes  et  particu- 
lièrement sur  l'emblème  du  croissant,  —  Dans  les  séances  du  12  et  du  26, 
M.  Barthélémy  Saint-Hilaire  a  lu  une  préface  de  la  métaphysique  d'Aris- 
tote. 

Cours  d'apologétique  a  l'Université  catholique  de  Toulouse.  —  Dès  la 
première  formation  de  la  faculté  catholique  de  droit  à  Toulouse,  les  organi- 
sateurs de  cette  institution  eurent  soin  d'y  adjoindre,  non-seulement  les 
deux  cours  si  essentiels  de  droit  naturel  et  de  droit  canonique,  confiés  à 
deux  religieux  de  la  Compagnie  de  Jésus,  mais  encore  deux  cours  d'apolo- 
gétique, l'un  scientifique,  l'autre  historique.  Ces  deux  cours  sont  suivis 
avec  le  plus  constant  empressement,  et  produisent  les  plus  heureux  fruits. 
Dès  ce  moment,  on  peut  se  faire  une  idée  de  l'un  d'eux  par  deux  brochures 
publiées  à  Toulouse  (chez  Paul  Privât',  sous  la  rubrique  commune  :  Université 
catholique  de  Toulouse  :  Apologie  scientifique  du  christianisme,  et  sons  ces  deux 
titres  particuliers  :  Discours  d'ouverture,  décembre  1877  (39  p.  in-12),  et 
Résumé  de  l'enseignement  du  •premier  semestre,  mai  1878  (3o  p.  in-8).  M.  le 
chanoine  Duilhé  de  Saint-Projet  y  a  déterminé  avec  une  netteté  parfaite  le 
terrain  de  l'apologétique  contemporaine  :  il  s'agit  pour  elle  de  faire  cesser 
l'antagouisme  partoul  proclamé  entre  la  science  et  la  foi,  en  démêlant 
d'abord  les  vraies  difficultés  qu'oppose  à  nos  croyances  l'esprit  prétendu 


—  472  — 

scientifique  de  ce  temps,  ce  qu'on  a  nommé  la  «  foi  nouvelle;  »  en  détruisant 
ensuite  toutes  ces  difficultés,  sans  léser  aucun  droit,  sans  diminuer  aucune 
conquête  de  la  science.  —  Ce  beau  programme,  l'éloquent  professeur  l'a 
déjà  réalisé  en  partie  ;  il  a  montré  l'accord  de  la  vraie  science  avec  la  vraie 
philosophie,  et  de  celle-ci  avec  la  vraie  religion,  sur  les  grands  problèmes 
de  l'origine  du  monde,  de  la  vie,  de  l'âme  raisonnable;  il  a  victorieusement 
défendu  les  dogmes  de  l'existence  de  Dieu,  de  la  création,  de  la  Providence, 
de  la  dignité  et  de  la  destinée  humaines,  contre  les  vaines  et  avilissantes 
théories  du  monisme  et  du  transformisme  matérialistes.  L'ordre,  la  solidité, 
l'élocution  brillante,  qui  caractérisent  les  deux  leçons  publiées,  inspireront 
à  tous  les  lecteurs  le  même  désir  :  que  le  cours  tout  entier,  sous  sa  forme 
oratoire  ou  autrement,  soit  mis  à  la  disposition  de  toutes  les  âmes  qu'attirent 
les  funestes  mirages  de  la  fausse  science.  Si  l'auteur  écoute  ce  vœu,  il  aura 
rendu  à  la  science  et  à  la  foi  un  service  signalé,  et  enrichi  notre  littérature 
philosophique  et  religieuse  d'une  œuvre  aussi  belle  qu'utile.  —  L.  C. 

i"  Les  CATALOGUES  DES  HiBLioTUÈQUES  DES  DÉPARTEMENTS .  —  Le  Catalogue  de 
l'Exposition  du  ministère  de  l'instruction  publique  fournit  les  indications 
suivantes  sur  les  catalogues  des  villes  de  province,  en  réponse  à  la  question 
posée  dernièrement  (t.  XXIII,  p.  189).  —  Catalogue  général  des  vianuscrils 
des  bibliothèques  imbliques  des  départements.  Paris,  imprimerie  nationale, 
1849-1872.  4  volumes  in-40.  Tome  I  :  Séminaire  d'Autun.  Ville  de  Laon. 
École  de  médecine  de  Montpellier.  Ville  d'Albi.  —  Tome  II  :  Ville  de  Troyes. 
—  Tome  m  :  Villes  de  Saint-Omer,  Épinal,  Saint-Dié,  Saint-Mihiel,  Sche- 
lestadt.  — Tome  IV  :  Arras,  Avranches,  Boulogne-sur-Mer.  —  Angers.  Cata- 
logue des  imprimés  de  la  bibliothèque  de  la  ville  (Sciences,  arts,  belles- 
lettres  et  histoire),  par  Albert  Lemarchand.  Angers,  Lachèze,  1871-1875, 
4  volumes  in-4.  —  Catalogue  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  la  ville, 
par  Lemarchand,  conservateur.  Angers,  Cosnier,  1863,  in-8.  — Arras.  Ca- 
talogue des  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  la  ville,  par  Caron,  biblio- 
thécaire. Arras,  Courtin,  !8G0,  in-8.  —  Aubenas  (Ardèche).  Catalogue  des 
livres  contenus  dans  la  bibliothèque  de  la  ville.  Aubenas,  Cheynet,  1873, 
in-8.  —  AutU7i.  Catalogue  des  manuscrite  contenus  dans  la  bibliothèque 
du  séminaire,  par  Libri.  Paris,  imprimerie  royale,  1846,  in-4.  —  Auxerre. 
Catalogue  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  la  ville  (s.  n.  d.  I.  n.  d.) 
in-8.  —  Besançon.  Catalogue  des  livres  imprimés  de  la  bibliothèque  de  la 
ville  (histoire,  sciences,  lettres).  Besançon,  imprimerie  de  Sainte -Agathe, 
1842-1846-1873,  4  vol.  in-4  —  Béthune.  Catalogue  des  ouvrages  composant 
la  bibliothèque  communale.  Béthune,  Reybourbon,  1863,  ia-8.  — Bourgts. 
Catalogue  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  la  ville,  avec  dessins. 
Autographié.  Paris,  Didier,  18b9,  in-4  (par  le  baron  de  Girardot).  —  Brest. 
Catalogue  méthodique  de  la  bibliothèque  communale  (théologie,  juris- 
prudence), par  E.  Fleury;  Brest,  Gadreau,  1877,  in-4.  —  Cannes  et  Grasse. 
Catalogue  de  la  bibliothèque  de  la  société  des  sciences  naturelles  et  histo- 
riques, des  lettres  et  des  beaux-arts.  Cannes,  Vidal,  1875,  in-8.  —  Carpentras. 
Catalogue  descriptif  et  raisonné  des  manuscrits  de^  la  bibliothèque  de  la 
ville,  par  C.-C.-A.  Lambert.  Carpentras,  Rolland,  1862,  3  vol.  in-8.  —  Charn- 
ier ij.  Catalogue  de  la  bibliothèque  publique  de  la  ville,  rédigé  par  B. -A. 
Bouchet.  Chambéry,  Puthod,  1846,  in-8.  —  Chartres.  Catalogue  des  ma- 
nuscrits de  la  bibliothèque  de  la  ville.  Chartres,  Garnier,  1840,  in-8.  — 
Clermont-Ferrand.  Catalogue  des  livres  imprimés  et  manuscrits  de  la 
bibliothèque  de  la  ville,  par  Ed.  Vimont.   Clermont-Ferrand,  Mont-Loui?, 


—  473  — 

1878,  in-8.  —  Bieppe.  Catalogue  de  la  bibliothèque  de  la  ville,  par  A. 
Morin,  bibliothécaire.  Dieppe,  Levasseui-,  1857,  in-8.  —  Bôle.  Catalogue 
des  livres  imprimés  de  la  bibliothèque  de  la  ville,  par  Jean-Joseph  Fallu. 
Dôle,  Prudont,  1848,  2  in-8.  —  Douai.  Catalogue  méthodique  des  im- 
primés de  la  bibliothèque  publique .  (Théologie,  droit) .  Douai,  Dechristé, 
1869-1874,  2  vol.  in-8.  —Catalogue  descriptif  et  raisonné  des  manuscrits  de  la 
bibliothèque  de  la  ville,  par  H. -R;  Duthillœul.  Douai, Carpentier,  1848,3vol. 
in-8.  —  Notice  sur  la  bibliothèque  publique  de  la  ville, par  l'abbé  Dehaisnes, 
bibliothécaire  adjoint.  Douai,  Dechristé,  1866,  in-8.  —  Grenoble.  Cata- 
logue des  livres  que  renferme  la  bibliothèque  publique  de  la  ville,  classés 
méthodiquement,  par  Pierre-Antoine-Amédée  Ducoin.  Grenoble,  Baratier, 
1831,  2vol. in-8.  —Laval.  Catalogue  des  livres  de  la  bibliothèque  de  la  ville. 
Laval,  Feillé-Grandpré,  1839,  in-8.  — Limoges.  Catalogue  méthodique  de 
la  bibliothèque  communale  de  la  ville  (sciences  et  arts,  belles-lettres,  his- 
toire), par  Ruben,  bibliothécaire.  Limoges,  Chapoulaud,  1838-1863,  3vol.  in-8. 

—  Louviers.  Catalogue  de  la  bibliothèque  de  la  ville,  par  L.  Bréauté. 
Rouen,  Alf.  Péron,  1843,  in-8.  —  Lyoïi:  Manuscrits  de  la  bibliothèque  de 
la  ville,  ou  notice  sur  leur  ancienneté,  leurs  auteurs,  par  A. -F.  Delandine. 
Paris,  Renouard,  1812,  3  vol.  in-8.  —  Bibliothèque  delà  ville.  Catalogue  des 
livres  (belles-lettres,  théâtre,  histoire),  par  A. -F.  Delandine.  Paris  et  Lyon, 
Renouard,  5  vol. in-8.  —  Catalogue  de  la  bibliothèque  lyonnaise  de  M.  Coste, 
par  Aimé  Vingtrinier.  Lyon,  Perrin,  1853,  in-8.  —  Mâcon.  Catalogue  de 
la  bibliothèque  de  la  ville  (s.  1.  n.d.),  in-8.  —  Marseille.  Catalogue  de  la 
bibliothèque  de  la  ville.  (Ouvrages  relatifs  à  la  Provence.)  '-  Essai  d'intro- 
duction et  de  classement  méthodique,  par  Lieutaud,  Marseille,  Gravière, 
1877,  in-4.  — Montbrison.  Catalogue  de  la  bibliothèque  de  la  ville.  Mont- 
brison,  Courot,  1860,  in-8.  —  Montpellier.  Catalogue  de  la  bibliothèque 
de  la  ville,  dite  du  musée  Fabre.  Montpellier,  Grollier,  1875-1876,  2  vol.  in-8. 

—  Nantes.  Catalogue  méthodique  de  la  bibliothèque  de  la  ville,  par  M.  Pehant. 
Nantes,  Forest,  1861-1874,  6  vol.  in-8.  —  JSarbonne.  Catalogue  de  la  biblio- 
thèque publique  de  la  ville,  par  E.  Roussel.  Narbonne,  Caillaux,  1867,  in-8. 

—  Niort.  Catalogue  de  la  bibliothèque  de  la  ville.  Niort,  Mercier,  1861- 
4863,  5  vol. in-8.  — Orléans.  Manuscrits  de  la  bibliothèque  de  la  ville,  ou  no- 
tice sur  leur  ancienneté,  leurs  auteurs,  etc.,  par  A.  Septier.  Orléans,  Rou- 
zeau,  1820.  (Additions  et  corrections  autographiées,  par  J.  Loiseleur.  biblio- 
thécaire, 1856-1877.)  —  Perpignan.  Catalogue  des  livres  imprimés  et 
manuscrits  de  la  bibliothèque  de  la  ville,  dressé  par  A.  Fourquet.  Perpignan, 
Alzine,  1866,  in-8.  —  Pontivy.  Catalogue  de  la  bibliothèque  communale, 
s.  n.  d.  1.  n.  d.,  in-8.  —  Rennes.  Catalogue  des  livres  de  la  bibliothèque 
delà  ville,  par  Maillet.  Reunes,  Jausions,  1823-1828,  4vol. in-8.—  Description, 
notice  et  extraits  des  manuscrits  de  la  ville.  Rennes,  MoUin,  1837,  in-8.  — 
Sens.  Bibliothèque  pédagogique  fondée  par  les  instituteurs  de  l'arron- 
dissement. Catalogue,  1877,  iri-8.  —  Torigni-sur-Vire.  Catalogue  des  ou- 
vrages composant  la  bibliothèque  de  la  ville.  Saint-Lô,  Delamare,  1856,  in-4. 

—  Troyes.  Catalogue  de  la  bibliothèque  de  la  ville,  par  E.  Socard.  Troyes, 
Bertrand,  1875-1878,  4  vol.  in-8.  — Liste  des  dons  faits  à  la  bibliothèque  delà 
ville  de  Troyes,  avec  les  noms  des  donateurs.  Troyes,  Dufour,  1864-1876, in-8. 

—  Règlement  de  la  bibliothèque  publique  de  la  ville.  Troyes,  Brunard, 
1862,  in-8.  —  Catalogue  d'ouvrages  et  pièces  concernant  Troyes,  la  Cham- 
pagne méridionale  et  le  département  de  l'Aube,  provenant  du  cabinet  du 
docteur  Fr,  Carteron  et  appartenant  à  la  bibliothèque  de  la  ville,  par  L.  Pi- 
geotte.  Troyes,   Bertrand-Hù,    1875,    in-8.  —  Valenciennes.  Catalogue   des- 


—  474  — 

criptif  et  raisonné  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  la  ville,  par  Man- 
Pfeart.  Paris,  Techener,  4860,  in-8.  —  Versailles.  Catalogue  de  livres  de  la 
bibliothèque  relatifs  à  l'histoire  de  la  ville.  Versailles,  Aubert,  1875,  in-8.— 
Catalogue  des  sciences  médicales.  Versailles,  Aubert,  1865,  in-4.  —  Vesoul. 
Catalogua  des  manuscrits  et  livres  imprimés  de  la  bibliothèque  de  la  ville, 
Vesoul,  Sunchaux,  1863,  in-8.— Règlement  de  la  bibliothèque  publique  delà 
ville.  Vesoul,  Suchaux,  1878,  in-8.  —  Vienyie.  Catalogue  des  livres  de  la  biblio^ 
thèque  publique  de  la  ville.  Vienne,  Timon,  1876,  in-8. 

Nous  devons  ajouter  à  cette  liste  le  catalogue  des  manuscrits  de  la  bi- 
bliothèque de  la  ville  de  Salins,  par  M.  Bernard  Prost,  archiviste  du  Jura. 
Paris,  Picard,  1878,  in-8  de  40  p.  (Extrait  du  Cabinet  historique,  iome  XIV.) 

Travaux  sur  la  Réforme  et  la  Ligue. —  Nous  sommes  heureux  d'annoncer 
la  prochaine  publication  d'une  Histoire  du  protestantisme  et  delà  Ligue  en 
Bourgogne,  par  M.  Baudouin.  L'Introduction  a  déjà  paru  à  Auxerre,  en  un 
petit  fascicule  de  80  pages,  et  l'ouvrage  entier  formera,  paraît-il,  deux 
volumes.  Ce  sera  donc  une  étude  complète,  qui  viendra  se  placer  auprès 
des  travaux  similaires  qui  ont  été  faits,  depuis  une  vingtaine  d'années,  sur 
beaucoup  de  nos  provinces. 

Sans  faire  une  énumération  générale,  nous  pouvons  rappeler  :  La  Ligue  à 
Abbeville,  par  PrarondjLe.?  Guerres  de  religion  dans  les  Hautes-Alpes,  par  Char- 
bonnet;  Le  Protestantisme  en  Alsace,  par  le  vicomte  de  Bussière;  L'Histoire  de 
la  Réforme  et  de  la  Ligue  à  Autun,  par  Abord  ;  L'Histoire  des  Guerres  du  Cal- 
vinisme dans  VAuxerrois,  par  A.  Challe;  La  Ligue  à  Beauvais^  par  M.  Dupont- 
White  ;  Les  Guerres  de  religion  en  Bourbonnais,  par  Bouchard  ;  La  Ligue  en 
Bretagne^  par  L.  Grégoire;  L^^^otestantisme  en  Champagne  ;  La  Réforme  et  la 
Ligue  à  Reims,  par  E.  Henri  ;  LaRéformeet  lesguerresde  religion  en  Dauphiné  ; 
Langres  petidant  la  Ligue;  Mémoire  sur  la  Ligue  dans  le  Laonnois,  par  A- 
Richart;  Le  Protestantisme  dans  le  Maçonnais  et  la  Bresse;  La  Ligue  en  Nor- 
mandie, par  le  vicomte  d'Estaintot  ;  V Histoire  du  Protestantisme  en  Norman- 
die, par  G.  Le  Hardy  ;  ^Histoire  des  Protestants  en  Picardie,  par  L.  Rossier  ; 
La  Ligue  en  Provence,  par  Legré  ;  L'Histoire  des  guerres  de  religion  dans  le 
Velay  ;  La  Ligue  à  Pontoise,  par  M.  Le  Charpentier,  etc. 

Comme  on  le  voit,  les  exemples  ne  manquent  pas.  Espérons  que  M.  Bau- 
doin aura  pris  la  bonne  méthode,  celle  de  l'impartialité  la  plus  rigoureuse, 
jointe  à  l'abondance  des  documents  de  première  main.  Son  Introduction  a 
le  tort  d'être  un  peu  vague  et  de  présenter  un  tableau  inutile  de  l'origine 
de  toutes  le.«  hérésies  modernes.  Il  nous  tarde  de  le  voir  entrer  dans  le  vif  du 
sujet,  et  nous  aurons  plaisir  à  profiter  des  renseignements,  fort  intéressants 
pour  l'histoire  générale  du  seizième  siècle,  qu'il  ne  manquera  pas  de  nous 
donner.  — >  G.  B.  de  P. 

La  Bibliomanie  en  1878.  —  L'infatigable  bibliographe  dont  nous  vantions  ici, 
tout  récemment,  le  travail  sur  les  livres  cartonnés,  vient  de  publier  un  recueil 
non  moins  intéressant  intitulé  :  La  Bibliomanie  en  1878.  Bibliographie  ré- 
trospective des  adjudications  les  plus  remarquables  faites  cette  année  et  de  la 
valeur  primitive  de  ces  ouvrages  par  Philomneste  Junior  (Bruxelles,  Gay  et 
Douce,  1878,  petit  in-8  de  100  p.). 

On  y  trouve  les  détails  les  plus  précis  sur  la  vente  Turner,  la  vente  Didot,  la 
vente  Pcrkins.  Suit  dans  les  trois  chapitres  consacrés  à  chacune  de  ces  ventes, 
qui  resteront  à  jamais  célèbres,  soit  dans  le  chapitre  qui  sert  d'introduction 
au  recueil,  le  digne  émule  de  Gabriel  Peignot  (le  Philomneste  aîné)  ne  se 
contente  pas  de  nous  donner  les  plus  abondantes  énumérations;   il  a  soin 


—  47o  — 

d'ajouter  aux  listes  des  livres  précieux  vendus  en  la  présente  année  toutes 
sortes  de  renseig  .ements  instructifs  et  curieux.  On  voit  figurer,  dans  le  très- 
agréable  petit  volume  imprimé  sur  beau  papier  et  en  beaux  caractères,  les 
notes  les  plus  variées  sur  les  livres  relatifs  à  l'histoire  de  la  bibliophilie, 
sur  les  livres  à  figures  et  le  guide  spécial  que  l'on  doit  à  M,  Henri 
Cohen,  sur  les  éditions  originales  de  nos  grands  écrivains,  sur  les 
Contes  de  Perrault,  sur  le  chef-d'œuvre  de  l'abbé  Prévost,  sur  les  relieurs 
d'autrefois  et  d'aujourd'hui,  sur  la  bibliothèque  de  J.-A.  de  Tuou,  sur  celle 
du  cardinal  Dubois,  sur  celle  du  comte  d'Hoym,  sur  celle  du  duc  de  la  Val- 
lière,  du  comte  de  Mac  Carthy,  sur  les  gravures  d'Holbein  (avec  citation 
d'un  piquant  passage  d'une  lettre  de  M.  Léon  de  Laborde),  sur  Grolier,  le 
prince  des  bibliophiles  du  seizième  siècle,  dont  M.  Gustave  Brunet  s'était 
occupé  dans  ses  Fantaisies  bibliographiques  (1864),  avant  que  M.  Le  Roux  de 
Lincy  s'en  fût  occupé  dans  un  travail  spécial  (1866);  sur  Calvin  et  Servet, 
sur  Olivier  de  Maguy,  sur  M.  Armand  Cigongne,  sur  nos  anciens  romans 
de  chevalerie,  notamment  Ogier,  les  Quatre  fils  Aymon,  le  Sai?it-Greaal, 
Merlin,  etc.  Afin  de  montrer  quelle  est  la  lùchesse  des  indications  biblio- 
graphiques fournies  parle  savant  auteur  de  la  Bibliomanie  en  1878,  citons 
ces  lignes  de  la  page  85  :  «  Voir  sur  la  légende  de  Robert  le  Diable,  VHist. 
littér.  de  la  France,  t.  XXH,  p.  879-887,  une  notice  de  M.  Edelestand  du 
Méril  (extrait  de  lai  Revue  contemporaine,  lo  juin  1854),  la  Nouvelle  Bibliothèque 
è/ewe,  Paris,  1842,  p.  xviii-xxv.  M.  Florentin  Richomme  a  inséré  un  article 
sur  cette  légende  dans  les  Annales  de  philosophie  chrétienne,  3"  série,  t.  II, 
p.  149.  L'ancienne  rédaction  anglaise  :  Life  of  Robert  the  Bevyll  est  insérée 
dans  le  curieux  recueil  publié  par  M.  J.  Ttioms  :  Early  prose  romances 
London,  1832,  3  vol.  in-16).  »  —  T.  de  L. 

L'Exposition  du  département  des  imprimés  de  la  Bibliothèque  nationale.  — 
La  Notice  des  objets  exposés  du  département  des  imprimés  a  vu  le  jour  depuis 
notre  dernière  livraison.  (Champion,  in-8  de  130  pages.  Prix  :  2  fr.).  Cette 
notice  est  l'œuvre  de  M.Thierry-Poux.  Elle  contient  la  description  de  669  vo- 
lumes, répartis  en  quatorze  sections  formant  les  cadres  de  l'exposition  des 
imprimés,  à  savoir  :  1°  Des  impressions  xylographiques;  2°  Les  premières 
impressions  de  Mayence  et  quelques  spécimens  des  impressions  attribuées 
aux  Pays-Bas  avant  1473;  3°  Des  livres  imprimés  par  Pfister  à  Bamberg; 
4°  Des  livres  imprimés  à  Mayence  par  Fust  et  Schœifer;  5*  Des  livres  impri- 
més à  Strasbourg  ;  6°  Des  livres  imprimés  en  Italie  ;  7°  Des  livres  imprimés 
en  Espagne:  8°  Des  livres  imprimés  en  Allemagne,  en  Bohême  et  en  Hol- 
lande; 9°  Des  livres  imprimés  en  Belgique,  en  Angleterre,  en  Suisse  et  en 
Danemark;  10°  Des  livres  imprimés  à  Paris;  H"  Des  livres  imprimés  en  dif- 
férentes villes  de  France;  12°  Des  livres  à  figures;  13°  Des  livres  relatifs  à  la 
découverte  de  l'Amérique,  des  livi'es  annotés  par  des  personnages  célèbres 
et  quelques  monuments  de  la  collection  musicale  ;  14°  Des  spécimens  des 
plus  remarquables  genres  de  reliure,  du  quinzième  au  dix-huitième  siècle. 
—  M.  S. 

Découverte  d'un  écrit  contre  Bérenger-  —  L'abbé  Uccelli,qui  avait  déjà 
mis  au  jour  plus  d'un  écrit  inédit  de  saint  Thomas,  vient  de  découvrir  un 
intéressant  opuscule,  de  Veritate  corporis  Christi,  qu'il  attribue  au  B.  Gré- 
goire Barbarigo,  cardinal  et  évêque  de  Bergame  d'abord  (1133-1146),  puis 
de  Padoue.  L'upuscule  fait  partie  du  recueil  publié  par  l'abbé  Uccelli  sous 
ce  titre  :  Scritti  inediti  del  B.  Gregorio  Darbarigo,  etc.  Parma,  1877.  Parmi 
ceux  qui  ont  pris  la  défense  du  dogme  catholique  contre  l'hérésie  de  Bé- 
renger. il  en  est  peu  qui  l'aient  fait  avec  autant  de  clarté  et  de  netteté  que 


—  470  — 

le  docte  et  pieux  cardinal.  Il  est  aussi  un  de  ceux  qui  parlent  formellement 
du  nombre  septennaire  des  sacrements  institués  par  ^^otre-Seigneur. 

L'IxvENTECR  DE  LA  PHOTOGRAPHIE,  —  Dans  la  séauce  publique  annuelle  des 
cinq  académies  qui  s'est  tenue  le  23  octobre,  M.  Emile  Perrin,  de  l'Académie 
des  beaux-arts,  a  lu  une  notice  sur  M.  de  Cailleux,  intitulée  :  Un  directeur 
de  musée.  Il  débute  par  une  description  du  tableau  de  Heim,  connu  sous  le 
nom  de  distribution  des  récompenses  aux  artistes,  après  le  Salon  de  1824. 
Parmi  les  figures  reproduites  par  l'artiste,  est  celle  de  Daguerre,  «  qui,  dit-il, 
en  étudiant  les  effets  de  la  lumière,  devait  arracher  un  secret  de  plus  à  la 
nature  et  doter  l'humanité  d'une  des  plus  surprenantes  découvertes  de  la 
science.  «  Devrait-on  ignorer,  à  l'Institut,  le  corps  le  plus  savant  de  la 
France,  que  l'inventeur  de  la  photographie  est  Nicéphore  Nièpce,  auquel 
Chalon-sur-Saône,  sa  ville  natale,  élève  présentement  une  statue. 

Publications  dans  l'Inde. — On  sait  qu'une  loi  passée  par  le  gouvernement 
des  Indes  en  1867  a  décidé  qu'il  serait  conservé  un  certain  nombre  d'exem- 
plaires de  tous  les  livres  publiés  dans  les  Indes  britanniques  et  qu'il  en  se- 
rait formé  un  catalogue.  Pendant  l'année  1876,  —  la  dernière  année  dont 
on  possède  la  statistique  complète,  —  le  nombre  des  livres  réunis  et  enre- 
gistrés aux  Indes  britanniques  était  de  4,865,  soit  un  ouvrage  par  40,000  ha- 
bitants. Près  de  la  moitié  de  ce  nombre  consistait  en  nouvelles  éditions  et 
réimpressions.  En  examinant  ces  diverses  publications  par  rapport  à  leur 
sujet,  on  en  trouve  1,216  s'occupant  de  religion,  c'est-à-dire  exactement 
2o  p.  iOO.  La  poésie  vient  après,  avec  801  ouvrages;  œuvres  d'imagination, 
191,  et  131  drames;  ol8  consacrés  à  l'étude  des  langues,  194  au  droit,  149  à 
la  médecine,  147  aux  mathématiques  et  à  la  mécanique,  133  aux  sciences 
naturelles  et  autres,  81  ouvrages  d'histoire,  64  de  philosophie,  30  de  bio- 
graphie, 11  de  voyages  sur  terre  et  sur  mer  et  4  seulement  sur  la  politique. 
Les  1,195  autres  ouvrages  sont  rangés  sous  le  nom  de  «  mélauges.  » 

Toutes  les  publications  peuvent  être  aussi  classées  en  1,180  ouvrages  d'é- 
ducation et  3,685  étrangers  à  l'éducation.  Quant  aux  langues  dans  lesquelles 
ces  livres  ont  été  écrits,  on  en  compte  d6,H  en  anglais  ou  autres  langues  eu- 
ropéennes, 3,325  en  idiomes  du  pays,  503  en  indien  classique  et  412  en  plu- 
sieurs langues.  De  ces  livres,  le  Bengale  avait  fourni  1,512;  le  Punjab,892; 
Bombay,  831  ;  Madras,  823  ;  les  provinces  du  nord-ouest,  387:  Oude,  243  ;  le 
Burmah  britannique,  69;  Mysore,  68;  Assam,  38;  Berar  et  le  centre  de  la 
péninsule,  seulement  1  chacun.  En  remarquant  que  la  population  des  pro- 
vinces centrales  dépasse  8  millions  d'âmes  et  est  égale  à  environ  la  moitié 
de  celle  du  Punjab,  l'énorme  différence  entre  les  productions  littéraires  de 
ces  deux  divisions  territoriales  de  l'Inde  britannique  est  tout  à  fait  surpre- 
nante; aussi  peut-on  soupçonner  que  les  prescriptions  de  la  loi  de  1867  n'ont 
pas  été  observées  fidèlement  dans  les  provinces  centrales.  —  {Pall  Mail  Ga- 
zette.) 

—  A  l'exemple  de  l'Angleterre,  de  l'Autriche  et  d'autres  pays,  la  Prusse 
va  commencer  la  publication  des  documents  liistoriques  contenus  dans  ses 
archives  d'État.  La  collection  comprendra  60  volumes  et  paraîtra  sous  le 
titre  de  :  Documents  tirés  des  archives  royales  de  l'Etat  prussien. 

En  même  temps  la  Prusse  va  faire  publier,  sous  les  auspices  de  l'Académie 
des  sciences  de  Berlin,  la  correspondance  politique  de  Frédéric  II. 

Cette  correspondance  remplira  une  trentaine  de  volumes.  Les  journaux 
allemands  annoncent  que  les  deux  premiers  volumes  de  cette  collection  doi- 
vent paraître  avant  la  fin  de  l'année  courante.  Ils  embrassent  la  correspon- 


dance  du  roi  de  Prusse  jusqu'à  l'an  1743,  inclusivement.  Déjà,  on  le  sait, 
le  gouvernement  avait  fait  publier  les  œuvres  de  Frédéric  II,  dans  une  édi- 
tion qui  ne  comprend  pas  également  moins  de  trente  volumes  in-quarto. 

—  Un  compte  rendu  publié  on  Italie  fait  connaître  le  nombre  des  lecteurs 
dans  les  trente-deux  bibliothèques  publiques  du  royaume.  Le  total,  en  1877, 
est  de  806,388  lecteurs,  La  bibliothèque  de  Turin  est  la  plus  fréquentée; 
viennent  après  celles  de  Naples  et  de  Rome.  Palerme  compte  environ 
bO.OOO  lecteurs,  et  Modène  seulement  1,292.  Les  dons  et  le  dépôt  des  livres 
ont  procuré,  dans  le  cours  de  la  même  année,  aux  bibliothèques  d'Italie, 
32,014  ouvrages. 

—  Le  D"^  NYalter  Parow,  de  Berlin,  va  publier,  pour  la  Société  des  anciens 
textes  anglais,  la  traduction  des  poésies  de  Charles,  duc  d'Orléans,  d'après 
le  manuscrit  unique  du  British  Muséum,  On  croit  que  l'auteur  avait  lui- 
même  traduit  en  anglais  ses  poésies  durant  sa  longue  captivité  en  Angleterre 
au  commencement  du  quinzième  siècle.  (Academy.) 

—  La  librairie  Longmans,  de  Londres,  vient  de  publier  la  seconde  partie 
des  Fac-similé  des  manuscrits  nationaux  de  l'Irlande.  Elle  contient  les  spéci- 
mens en  couleur  des  principaux  manuscrits  relatifs  à  cette  contrée,  de  1100 
à  1299:  entre  autres  d'un  missel  irlandais,  de  poèmes  gaéliques,  d'une  des- 
cription topographique  illustrée  de  l'Irlande,  de  la  vie  de  saint  Patrice  par 
Jocelin,  de  chartes,  lettres,  rôles,  comptes,  cartulaires,  etc.  La  première 
partie  de  cette  belle  publication  est  déjà  épuisée. 

—  Les  changements  survenus  en  Orient  en  ont  amené  un  dans  l'écriture 
de  quelques  nations.  Le  gouvernement  austro-hongrois  a  prescrit,  pour  le 
dialecte  croato-slave,  parlé  en  Bosnie  et  en  Herzégovine,  l'emploi  des 
caractères  romains,  au  lieu  des  caractères  cyrilliques  employés  par  le  gouver- 
nement ottoman.  L'occupation  de  la  Dobrutja  par  les  Roumains  y  établira 
l'usage  des  lettres  romaines;  mais,  par  compensation,  la  Bessarabie,  en 
devenant  russe,  prendra  probablement  l'alphabet  de  ses  nouveaux  maîtres. 

—  Une  commission,  composée  d'Espagnols,  s'est  formée  à  New  York,  pour 
ouvrir  une  souscription  destinée  à  élever,  dans  cette  ville,  une  statue  en 
l'honneur  de  Cervantes.  Le  modèle  a  été  exécuté  par  D,  Fernando  Miranda. 
La  statue  est  placée  sur  un  piédestal  de  granit.  Cervantes  tient  de  la  main 
droite  une  plume,  et  porte  sous  le  bras  gauche  son  immortel  roman.  Quatre 
médaillons  de  bronze  ornent  les  quatre  faces  du  piédestal  :  le  premier 
représente  Don  Quichotte  monté  sur  Rossinante,  et  Sancho  sur  son  grison, 
trottant  à  côté  de  son  maître  ;  le  second  renferme  une  chaise,  une  table, 
quelques  livres,  une  écritoire  et  des  plumes,  un  manteau,  un  chapeau,  une 
épée  et  des  chaînes,  emblèmes  de  la  cairière  si  accidentée  de  l'illustre  écri- 
vain ;  sur  le  troisième  médaillon  se  voit  la  bataille  de  Lépante;  le  quatrième, 
placé  sur  la  face  antérieure  du  monument,  porte  le  nom  et  les  armes  de 
Cervantes  et,  au-dessous,  cette  inscription  :  «  Au  génie  immortel  de  Miguel 
Cervantes  Saavedra,  les  Espagnols  et  Hispano- Américains  du  Nouveau  Monde.  » 
{Athenxum.) 

Publications  nouvelles.  —  Dictionnaire  de  pédagogie  et  d'instruction  pri- 
maire^ publié  sous  la  direction  de  F.  Buisson.  Première  série.  Première  et 
deuxième  parties.  Feuilles  1  à  10  (in-8,  Hachette).  —  Le  saint  homme  de 
Tours,  par  Léon  Aubineau  (in-12,  Palmé),  —  Le  Fils  de  l'ouvrier,  par  Henri 
Baju  (in-12,  Limoges,  Barbier).  —  Législation  et  jurisprudence  concernant  les 
instituteurs  communaux,  par  M.  Auzias  (in-8,  Oudin).  —  Histoires  d'enfants 
à  l'usage  des  salles  d'asile  et  des  écoles,  par  G.  Théodore  (in-12,  Hachette),  — 
Annuaire  de  l'économie,  politique  et  de  la  statistique  pour  1878,  par  Garnier, 


—  478  — 

et  Maurice  Bloch  (in- 12,  Guiilauinin).  —  Jeanne  d'Arc,  poème,  par  Paul 
Blier  (in-12,  Pion).—  La  Mare  aux  chasseurs,  par  M"'  de  Stoltz  (in-12,  Dillet). 

—  Le  Pierrot  de  cire,  par  Simon  Boubée  (in-18,  Pion).  — Jacqueline  Bon- 
homme, par  Edouard  Grenier  (in-18,  Hachette).  —  Le  Protectorat  de  Cromwe II. 
Armand  de  Riamboy  et  la  ferme  de  Cardonnell.,  par  José  de  Campos  (in-12, 
Martinon).  —  Le  petit  marquis  de  Carabas^  par  M°"  de  Pitray  (in-12,  Didot). 

—  Histoire  du  mont  Blanc  et  de  la  vallée  de  Chamonix,  par  Stéphen  d'Arvo 
(in-12,  Delagrave).  —  Vie  et  voyages  du  docteur  David  Livingstone,  par  A. 
Gavard  et  A.  Périer  (in-12,  Delagrave). —  Sainte  Marie-Magdeleine  et  la 
France,  par  l'abbé  Martial  Sicard  (in-12,  Lille,  Lefort).  — La  Vénérable  Anna- 
Maria  Taigi.,  par  le  R.  P.  Marie-Antonin  (in-12,  Tours,  Marne).  —  Le  Siège  de 
Maestricht,  par  E.  Hardy  (in-8,  Dumaine).  —  La  Question  d'Orient  au  dix-hui- 
tième siècle,  par  Albert  Sorel  (in-8,  Pion).  —  Le  Secret  du  roi:  Correspondance 
secrète  de  Louis  XV,  etc.,  par  M.  le  duc  de  Broglie  (2  vol.  in-8,  Calmann 
Lévy).  —  Mémoires  et  lettres  du  cardinal  de  Bernis,  publiés  par  M.  Fréd.  Masson 
(2  vol.  in-8,  Didot).  —  Le  Pape  Léon  XIII,  par  l'abbé  Vidieu  (in-12,  Pion).  — 
Monseigneur  Dupanloup,  biographie  et  souvenirs,  par  J.  Hairdet  (in-8,  Bray  et 
Retaux).  —  Souvenirs  d'un  officier  de  chasseurs  à  pied,  par  le  R.  P.  Chauveau 
(in-8.  Tours,  Marne).  —  Les  Soldats  français,  par  le  général  Ambert  (2  vol. 
in-12.  Tours,  Marne).  —  Les  Frères  des  écoles  chr étieJines,  i>ar  le  général 
Ambert  (in-Ti,  Palmé).  —  Le  Palais  du  Trocadcro  (in-12,  Morel). 

VlSENOT. 


QUESTIONS  ET  RÉPONSES 


QUESTIONS. 

Ouvrages  eui*l'A.nteclirist. 

—  Quels  sont  les  ouvrages  relatifs  à 
l'Antechrist.sur  lequel  tantd'opinions 
se  sont  produites  ?  G.  M. 

Travaux  de  M.  Xurquety 
sur  les  anciens  poètes  fran- 
çais. —  M.  Turquety  avait  formé 
une  collection  fort  intéressante  des 
œuvres  des  poètes  français,  notam- 
ment de  ceux  du  seizième  siècle; 
elle  fut  livrée  aux  encbères  en  1808; 
à  cette  occasion,  une  publication  pé- 
riodique qui  vécut  peu  de  temps,  la 
Gazette  bibliographique,  éditée  par 
M.  Lemerre,  annonça  que  M.  Tur- 
quety avait  laissé,  sur  l'objet  favori 
de  ses  études,  des  notes  nombreuses, 
qui  étaient  aux  mains  d'un  libraire 
fort  connu,  M.  Claudin,  lecjuel  avait 
l'intention  de  les  publier.  Je  n'ai 
trouvé  nulle  trace  de  celte  publica- 


tion projetée;  si  elle  n'a  pas  eu  lieu 
(ce  qui  est  fort  probable),  faut-il  re- 
noncer à  tout  espoir?  11  serait  bien 
à  dé-irer  que  M.  Claudin  fournît  à 
cet  égard  quelques  explications  aux 
amis  de  l'histoire  littéraire  de  la 
France?  E.  V. 

RÉPONSES. 

Le    Pays    <l*A.ndorre  (XXII, 

384;  XIII,  380).  —On  peut  ajouter 
aux  indications  données  dans  le  nu- 
méro d'octobre  :  Histoire  d'Ax  et  de 
la  vallée  d'Andorre.,  par  H.  Gastillon 
(Toulouse,  1851,  in-8).  —  Histoire 
d'un  peuple  qui  n'a  pas  d'histoire, 
par  Alfred  de  Bougy  [Revue  de  Paris, 
S  février  1863,  p.  499  à  522).  —  La 
République  d'Andorre.,  ses  mœurs,  ses 
lois  et  ses  coutumes,  par  Léon  Jaybert 
(Paris,  Durandin,  1865,  in-8,  30  p.; 
réimprimé  dans  :  Les  trois  petites 
républiques.  Saint-Marin  —  Andorre 


—  479  — 


—  Moresnet,  par  L.  Javbert.  Paris, 
Durandin,  1873,  in-8,  75  p.),  —  Le 
mémoire  anonyme  :  De  l'Andorre^ 
1828,  est  aussi  de  M.  Roussillou, 
auquel,  par  erreur,  ajoute  Bougy,  les 
bibliographes  s'obstinent  à  donner 
le  nom  de  Roussillon. 

Comte  DE  Marsy. 

Ouvrages  sui*  l'île  de 
Chypre  (XXIII,  287,  383).  —  En 
passant  à  Londres,  cette  semaine, 
j'y  trouve  les  publications  suivantes, 
parues  depuis  deux  mois  environ  : 
Cypriis,  its  place  in  Bible  History,  by 
R.  J.  Thain-Davidson  (London,  in-12, 
1  sch.).  —  Cyprus,  its  value  and  im- 
po7HanceloEngland,a.\ecc3iTte{()den.). 

—  Cyprus  and  Asiatic  Turkey.  — 
Cyprus,  our  nciv  conquest  (in-12).  — 
Cyprus,  liislorical  and  descriptive 
adapted  from  thc  german  of  Franz, 
von  Luher,  with  much  additional 
matter,  by  Mrs,  A.  Batson  Joyner 
(London,  W.  Allen). 

Comte  DE  Marsy. 

Madame  de  Flamyn  (XXIII, 

286).  —  J'ai  formé,  il  y  a  bien  long- 
temps, le  projet  de  publier  la  Vie  et 
les  poésies  de  Henri  d'Angoulême,  et  j'ai 
déjà  réuni  un  grand  nombre  de  docu- 
ments, inédits  pour  la  plupart,  sur 
ce  frère  naturel  des  quatre  fils  de 
Henri  II.  J'ai  même  commencé  à 
mettre  ces  matériaux  en  œuvre,  mais 
j'ai  été  interrompu;  il  m'est  abso- 
lument impossible  de  prévoir  quand 
il  me  sera  donné  de  reprendre  un 
travail  fort  attrayant,  mais  aussi  très- 
difficile,  puisque  chaque  jour  une 
découverte  peut  modifier  roidniou 
que  je  m'étais  formée  de  telle  ou 
telle  circonstance  de  lavie  du  prince, 
qui  fut  grand-prieur  de  la  langue 
de  France  dans  l'Ordre  de  Saint-Jean 
de  Jérusalem,  et  qui  mourut  à  Aix, 
en  lo86,  à  l'âge  de  33  ans,  de  la 
façon  tragique  que  l'on  sait. 

La  question  posée  dans  le  numéro 
de  septembre  du  Polybiblion,  par  un 
correspondant  sous  les  initiales  du- 
quel j'ai  facilement  reconnu  une  si- 
gnature amie,  vient  me  prouver  que 
j'ai  raison  de  temporiser  ;  car  la  lettre 
à  l'occasion  de  laquelle  on  demande  : 
Qui  est  M"*  Flamyn?  m'apporte  une 
très-précieuse  information.  Je  mon- 
trerai plus  tard  tout  le  prix  qu'elle 
aura  eue  pour  moi.  Je  veux  siuiple- 


ment  aujourd'hui  satisfaire  la  cu- 
riosité du  très-aimable  questionneur 
et  des  lecteurs,  qui  prennent  certai- 
nement autant  que   moi  le  plus  vif 
intérêt  à  toutes  ses  communications. 
La  dame  Flamyn  qui   mourut  en 
novembre  1361    est  justement  celle 
dont   parle    Brantôme    (Dames  gai., 
vi"^  discours,  tome  il,  p.  410  de  l'éd. 
eu  2  vol.  in-8,  Paris.  R.  Sabe,  1848). 
Son  véritable  nom  était  Jonet  ou  Jo- 
channa  Stewart.  Elle  était  fille  natu- 
relle du  roi  Jacques   IV  d'Ecosse   et 
d'Agnès  de  Buchan,  comtesse  de  Bo- 
thwelL  En  1323,  elle  épousa  Malcolm, 
troisième    lord    Fleming,    comte   de 
Wigton,  et  de  ce  mariage  naquirent 
deux  fils  et  quatre  filles.   L'une   de 
ces    dernières   est    du    nombre  des 
«  Quatre  Marie  »   que  M.    Mignet  a 
rendues  célèbres.   Lord  Fleming  fut 
tué  le  10  septembre  1547,  à  la  bataille 
de  Pinkie  (voir  les  éditions  du  Pee- 
rage  of  Scotland  de  Robert  Douglas  et 
de  Wood).   Sa  veuve  accompagna  en 
France, l'année  d'après,  Marie  Stuart 
dont  elle  était   la  tante  et  aussi  la 
gouvernante  désignée  par  le  Conseil 
de  Régence.  En  1551,  le  18  avril,  sir 
John  Mason,  l'ambassadeur  anglais, 
mande  au   Conseil  privé  que  «  Lady 
Fleming  a  quitté  Amboise  ayant  un 
enfant  du  roi  de  France.  »  {Calendar 
of  State  Papers,  1347-1333).   Cet  en- 
fant ïeçut  à  son  baptême  le  nom  de 
son  père.  A  seize  ans,    il   fut  admis 
dans  l'Ordre  de  Malte,  ce  qui  rend 
raison  du  nom  de  chevalier  d'Angou- 
lême sous  lequel  il   est  désigné   par 
quelques  historiens,  dans  leurs  récits 
de  la  Saiiit-Barthélemy.   Il  fut   élu 
grand-prieur  l'année  suivante,  étant 
alors  commandeur  de  Saint-Jean  de 
Latran,   en  remplacement  de  Pierre 
de  La  Chapelle.  Quand  les  Lettres  de 
Catherine  de  Médiois  seront  publiées, 
on  y  pourra  lire,  à  la  page  39  (dont 
la  feuille  d'épreuve  m'a  été  autrefois 
très-obligeamment    communiquée), 
qu'à  la  même  date,  18  avril  1531,  la 
reine  écrit  à   la  duchesse  de  Guise  : 
«  La  Contese  (de  Wigton)  prynt  avent 
yer  congé  de  moy  mes  ay  n'a  lésé, 
pour  sella  de  venir  ar  souyr  coucher 
en   sete  vylle    san    se    montrer   au 
moyns  à  Madame  de  Valantynois  ny 
a  moy...»  Lady  Fleming  se  retira  en 
Ecosse,  et  je  croisqu'il  faut  renoncer 
à  apprendre  quelle  fut   sa  vie  pen- 


—   .iSU  — 


danlles  neuf  années  qui  suivirent.  Au 
boutde  ce  temps,  elle  revint  en  France 
avec  son  fils.  J'ai  la  copie,  prise  au 
Public  Record  Office  de  Londres,  des 
pièces  authentiques  relatives  à  ce 
voyage,  que  M.  Thorpe,  dans  le  Ca- 
lendar  of  State  Papers  (Scottish  Sé- 
ries, 1509-1589,  tome  I,  1858,  page 
160),  a  seulement  analysées.  La  de- 
mande officielle  de  sauf-conduit 
adressée  au  nom  de  la  reine  d'Ecosse 
par  les  lords  du  conseil  privé  à  Eli- 
sabeth, est  libellée  en  faveur  «  de 
notre  cousin  lord  Harye  de  Valoys, 
fils  naturel  de. , .  notre  très-cher  père 
le  roi  très-chrétien  de  digne  mé- 
moire et  Jane  lady  Fleming  sa  mère, 
avec  vingt-quatre  personnes  qui  les 
accompagnent  et  autant  de  che- 
vaux. »  ( . . .  Our  coivsingc  lord  Ha- 
rxje  de  Valoys  sotie  naturalh  io... 
cure  derrest  fader  the  maist  cristin 
king  of  worthie  memorie  and  Jane 
lady  Fleming  lus  moder  wîtli  xxiiij 
personne  with  thème  in  companye  and 
as  many  horscs).  Elle  est  datée  d'E- 
dinbourg,  25  août  1560.  En  admet- 


tant que  le  passeport  ait  été  accordé 
sans  délai  et  que  le  voynge  ait  eu 
lieu  avec  une  extrême  promptitude, 
il  ne  di!it  guère  s'écouler  qu'un  peu 
moins  d'une  année  entre  le  retour 
de  lady  Fleming  et  sa  mort. 

Ce  qui  précède  explique  tout  na- 
turellement quel  intérêt  avait  la 
reine-mère  à  prescrire  à  Huillier, 
lieutenant  civil,  de  minutieuses  re- 
cherches dans  les  papiers  de  «  Ma- 
dame Flamyn.  »  Mais  les  sévérités  de 
Catherine  de  Médicis  ne  s'étendirent 
pas  jusqu'au  iils  de  celle  qui  avait  été 
sa  rivale.  Tout  au  contraire,  c'est  à 
elle  qu'Henri  d'Augoulême  dut  en 
grande  partie,  d'abord  l'éducation, 
puis  les  honneurs  et  la  fortune  qu'il 
reçut  très-libéralement  en  partage, 
il  s'en  montra  d'ailleurs  reconnais- 
sant. Ses  lettres  à  la  reine,  écrites 
durant  son  gouvernement  de  Pro- 
vence, sont  le  témoignage  d'une  défé- 
rence sur  laquelle  nous  en  sommes 
malheureusement  réduits  aux  suppo- 
sitions, puisque  cette  correspondance 
est  à  Saiat-Pétersbourg.  J.  D. 


Le  Gérant  :  L.  Sandret. 


SAINT-QUENTIN. 


IMP.  JULES  MOURE.VU. 


POLYBIBLION 

REVUE  BIBLIOGRAPHIQUE  UNIVERSELLE 

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seigneur  de  Bayart,  par  A,  Pkudho.mme,  ancien  élève  .pensionnaire  de  l'Ecole  des 
chartes,  342  p.  —  2.  Histoire  de  Henry  de  la  Tour-d' Auvergne,  vicomte  de  Turenne, 
maréchal  de  France,  par  L.  Armagnac,  sous-chef  de  bureau  au  ministère  de  l'In- 
térieur, 346  p. 

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Marie.  —  4.  Montluc  le  Rouge,  par  A.  Assollant.  Deuxième  partie.  Vol.  de  271  p,, 
illustré  de  44  gravures  dessinées  sur  bois,  par  Sahib.  —  b.  Le  Neveu  de  Voncle  Placide, 
par  J.  GiRARDiN.  Deuxième  partie  :  A  la  recherche  d'un  héritage.  Vol.  de  288  p., 
illustré  de  104  grav.  sur  bois,  par  A,  Alarie,  —  6.  L'Héritière  de  Vauclain.  par 
M"*  GoLOMB.  Vol.  de  335  p.,  illustré  de  104  grav.  par  C.  Delort.  —  7.  Le  Charmeur 
de  serpents,  par  Louis  Rousselet.  Vol.  de  238  p.  illustré  de  68  grav.  sur  bols  par 
A.  Marie. —  8.  Mœurs  et  caractères  des  peuples  [Europe,  Afrique).  Morceaux  extraits  de 
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293  p.,  illustré  de  89  vignettes  sur  bois,  par  Riou  et  A.  Mesnel,  et  accompagné 
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Vol.  de  350  p.,  illustré  de   115  gravures,  par  Gelbert  et  Bounafous. 

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line rouge,  tr.  dorées  :  \.  Le  Fils  du  maquignon,  par  M""  la  vicomtesse  de  Pitray. 
260  p.  —  2.  La  Maison  modèle,  par  M"^  Marie  Maréchal.  309  p.  —  3.  Les  Vacances 

DÉCEMBRE  1878.  T.  XXIII,  31. 


—  482  — 

d'Elàabelh,  par  JI"^DE  Marxignat.  299  p.  —  4,  Le  Secret  de  Laurent,  par  M""  de  Stolz, 
273  p.  —  5.  La  Quarantaine,  par  M™*  de  Witt,  née  GuizOT,  295  p.  —  6.  Le  D'  David 
LiviNGSTONE  :  Dernier  journal,  abrégé  d'ajirès  la  traduction  de  Mme  H.  Loreau,  par 
J.  Belix  de  Laiinay.  xxin-306  p. 
Vie  et  voyagcH  du  D'^  Livingstone,  par  A.  Gavard  et  A.  Périer,  ouvrage  orné  de  gra- 
vures et  précédé  d'une  lettre  par  P.  Ghaix.  Paris,  Delagrave,  1878,  in-12  de  290  p. 
Prix  :  3  fr.,  relié. —  Le  petit  marquii  de  Carabas,  par  la  vicomtesse  de  Pitray,  née  de 
SÉGUR.  Ouvrage  orné  de  10  gravures,  par  Boutel.  Paris,  Didot.  1878,  in-12  de  312  p. 
Prix.:  3  fr. 

La  librairie  parisienne  offre,  pour  les  étrennes  de  1879,  de  nombreux 
et  remarquables  spécimens  de  publications  illustrées. 

La  maison  Hachette  nous  donne,  avec  le  splendide  Roland  furieux 
que  rehausse  le  crayon  de  Gustave  Doré,  et  la  Suisse  de  M.  Jules  Gour- 
dault,  un  nouveau  volume  de  la  Nouvelle  (jéographie  universelle  de 
M.  Elisée  Reclus;  les  premiers  volumes  de  VHistoire  des  Romains  par 
M.Victor  Duruj,et  de  VHistoire  de  France  de  1789  à  1848,  par  M.Guizot; 
deux  beaux  volumes  de  Stanlej  :  A  travers  le  continent  mystérieux  ; 
les  Fouilles  de  Mycènes,  d'Henri  Schliemann;  un  ouvrage  de  M.  Louis 
Figuier  :  Connais-toi  toi-même^  que  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  louer 
sans  réserve,  et,  indépendamment  des  divers  séries  illustrées  dont  les 
volumes  sont  énumérés  dans  notre  sommaire,  la  suite  du  Tour  du 
monde  et  duJournal  de  la  Jeunesse. 

La  maison  Mame  se  présente  avec  deux  ouvrages  magnifiquement 
illustrés  :  le  Saint  Louis  et  la  Sainte  Elisabeth  de  Hongrie,  succédant  au 
Charlemagne  de  M.  Vétault,  honoré,  en  1877,  du  grand  prix  Gobert 
par  l'Académie  française,  et  avec  le  deuxième  volume  du  Théâtre  choisi 
de  Molière,  faisant  partie  de  la  belle  Collection  des  chefs-d'œuvre  de  la 
langue  française  au  dix-septième  siècle. 

La  maison  Didot  nous  a  envoyé  les  deux  remarquables  volumes  de 
M.  Alphonse  Dantier  :  les  Femmes  dans  la  société  chrétienne  ;  l'His- 
toire abrégée  des  beaux-arts,  de  M.  Félix  Clément,  et  la  charmante 
Galerie  des  rues  du  vieux  Paris,  par  M.  Victor  Fournel, 

La  maison  Palmé  a  fait  paraître  le  superbe  Christophe  Colomb  de 
M.  Roselly  de  Lorgnes,  et  deux  volumes  illustrés  qui  se  recommandent 
d'eux-mêmes  à  nos  lecteurs  :  Au  service  du  pays,  par  le  R.  P.  Chauveau, 
et  La  Première  aventure  de  Corentin  Quimpcr,  par  M.  Paul  Féval. 

La  maison  Pion  nous  donne  une  nouvelle  édition  du  bel  Album  de 
M.  A  Magaud  :  le  Génie  civilisateur  du  catholicisme,  tableaux  histo- 
riques; une  édition,  illustrée  de  douze  eaux-fortes  et  de  nombreuses 
gravures  d'après  le  maître,  de  Sahara  et  Sahel,  d'Eugène  Fromentin, 
et  des  Nouvelles  historiques  de  Raoul  de  Navery,  réunies  sous  le  titre 
de  :  Cœurs  vaillants,  et  illustrées  de  50  gravures  sur  bois.  Nous  re- 
grettons d'avoir  reçu  ces  remarquables  publications  trop  tard  pour 
en  parler  plus  longuement  dans  la  présente  livraison.  —  Il  en  est  de 
même  pour  un  ouvrage  qui  nous  arrive  à  la  dernière  heure  :  les  Bébés 
d'Hélène,  imité   de  J.  Habberton,  par  M.  "V\'iIIiam  L.  Hughes,  avec 


—  483  — 

illustrations  de  Bertall,  publié  à  la  librairie  du  Magasin  des  Demoi- 
selles. 

Enfin  nous  devons  une  mention  aux  belles  publications  de  la  librairie 
Oudin  :  les  Châteaux  historiques  de  France,dont  dix  fascicules  ont  paru, 
offrant  le^  monographies  des  châteaux  de  Sully,  de  la  Rochefou- 
cauld, d'Amboise,  de  Serrant,  de  Josselin,  etc. ,  et  le  Manuel  de  l'art 
chrétien,  extrait  du  grand  ouvrage  si  estimé  de  M.  le  comte  Gri- 
mouard  de  Saint-Laurent. 

La  présente  livraison  ne  pourrait  suffire  à  présenter,  d'une  façon  ap- 
profondie, cet  ensemble  de  travaux  remarquables.  Nous  en  passerons 
du  moins  en  revue  une  bonne  partie,  parmi  lesquels  le  lecteur  n'aura 
que  l'embarras  du  choix. 

—  LA  propos  du  tome  II  du  Théâtre  choisi  de  Molière,  qui  termine 
l'édition  donnée  dans  la  belle  collection  de  la  maison  Mame,  nous  ne 
pouvons  que  répéter  les  éloges  que  nous  donnions  à  celui  dont  il  a  été 
précédé.  Le  papier  est  superbe,  l'impression  est  admirable.  En  tête 
non-seulement  de  chaque  pièce,  ce  qui  serait  déjà  un  grand  luxe,  mais 
de  chaque  acte,  une  charmante  eau-forte  de  V.  Foulquier  réjouit  le 
regard  en  s'inspirant  de  la  scène  principale  de  cet  acte.  Nous  voyons 
ainsi  défiler  tous  cec  personnages  si  vrais,  si  amusants  :  Harpagon, 
Maître  Jacques,  M.  de  Pourceaugnac  et  ses  docteurs, le  Bourgeois- 
Gentilhomme  et  le  Maître  à  danser,  Scapin,  Géronte,  la  pédante  Ara- 
minte,  le  bonhomme  Crjsale,  Trissotin,  Vadius,  le  Malade  imaginaire, 
M.  Purgon,  M.  Diafoirus,  tout  ce  monde  qui  est  sorti  du  génie  de  Mo- 
lière et  qui  vivra  éternellement.  Nous  n'avons  qu'un  regret^et  nous  l'a- 
vons déjà  exprimé  l'année  dernière;  quelques  comédies  ontété  laissées 
de  côté  :  l'Étourdi,  l'Amour  médecin,  la  Comt'.'sse  d'Escarbagnas,  le  Ma- 
riage forcé,  le  Sicilien...  Ce  sont,  il  est  vrai,  les  productions  inférieures 
de  Molière  ;  mais,  dans  chacune  d'elles_,  il  y  a  des  scènes  que  Molière 
seul  pouvait  trouver.  Nous  pensions  que  la  proscription  aurait  au 
moins  épargné  les  Fâcheux,  où  il  j  a  tant  de  jolis  vers,  tant  de  scènes 
charmantes.  Au  reste,  cette  espèce  de  critique  n'est  peut-être  pas 
très-fondée  :  toutes  les  bibliothèques  renferment,  et  à  plus  d'un  exem- 
plaire, desMoliéres  complets,  où  l'on  pourra  toujours  relire  les  pièces 
exclues  de  cette  édition  ;  celle-ci  n'est  destinée  qu'aux  chefs-d'oeuvre, 
dont  elle  est  si  digne  à  tous  égards. 

—  Nous  avons  déjà  (t.  XXII,  p.  509)  signalé  à  nos  lecteurs  la 
nouvelle  édition  illustrée  de  l'Histoire  des  Romains  de  M.  Victor  Duruy, 
publiée  par  livraisons  dans  le  cours  de  cette  année,  et  dont  le  premier 
volume  vient  d'être  en  entier  livré  au  public.  S'aidant  de  toutes  les 
ressources  que  les  progrès  de  la  science  archéologique  ont  mises  à 
leur  disposition,  les  habiles  éditeurs  ont  donné  à  cette  publication  une 
valeur  artistique  de  premier  ordre,  et  c'est  une  vraie  jouissance  que 


—  ibi  — 

de  feuilleter  ces  pages,  ornées  d'environ  cinq  cents  gravures  dessinées 
sur  bois  d'après  l'antique,  de  sept  planches  en  couleur,  et  qu'accom- 
pagnent onze  cartes  géographiques.  Nous  ne  sommes  ici  qu'au  début 
de  cette  grande  publication,  qui  ne  comptera  pas  moins  de  six  à  sept 
volumes  et  qui  formera  comme  un  véritable  musée  où  la  vieille  Rome 
se  révélera  tout  entière.  Nous  renouvelons  le  vœu  exprimé  il  y  a  six 
mois  relativement  au  texte  :  car  il  serait  profondément  regrettable 
qu'un  si  beau  livre  ne  pût  être  accueilli  avec  faveur  par  tous  ceux  qui 
ont  le  culte  du  beau  et  du  vrai. 

—  A  côté  de  VHistoire  des  Romains,  la  maison  Hachette  nous  donne 
une  suite  à  VHistoire  de  France  de  M.  Guizot,  comprenant  la  période  qui 
s'étend  de  1789  à  1848,  et  qui  doit  former  deux  volumes.  Le  premier  a 
paru  ;  il  contient  plus  de  cent  gravures  dessinées  sur  bois  par  les 
meilleurs  artistes.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'insister  sur  les  quelques 
réserves  que  nous  pourrions  avoir  à  formuler  ça  et  là  :  nous  aurons 
occasion  d'y  revenir.  Bornons-nous  à  dire  que  c'est  une  œuvre  digne 
de  l'illustre  historien  et  où  brillent  les  qualités  de  style  de  M'"*'  de 
Witt,  qui  a  recueilli  avec  un  soin  pieux  leis  récits  et  les  conver- 
sations de  son  père  pour  en  former  le  présent  ouvrage. 

—  Nous  retrouvons  chaque  année  le  Journal  de  la  Jeunesse,  parvenu 
à  ses  tomes  XI  et  XII,  et  chaque  année  nous  n'avons  que  des  éloges  à 
donner  à  l'heureux  choix  des  matériaux,  à  rintJtêt  soutenu,  à  l'abon- 
dance et  à  la  bonne  exécution  des  illustrations.  La  collection  de  1878 
nous  oiïre,  comme  nouvelles,  la  seconde  partie  de  Montluc  le  Rouge, 
par  M.  Alfred  Assollant;  Cousine  Marie,  par  M"*'  Gouraud;  l'Héritière 
de  Vauclain,  par  M™"  Colomb  ;  les  Pilotes  d'Ango,  par  M.  Léon  Cahun; 
le  Charmeur  de  serpents,  par  M.  Louis  Rousselet  ;  Grand  Cœur,  par 
M"^  Zénaïde  Fleuriot  ;  la  deuxième  partie  du  Neveu  de  l'oncle  Placide, 
par  M.  Girardin,  travaux  que  nous  retrouverons  dans  la  collection  illus- 
trée à  6  francs  ;  comme  récits  de  voyages  :  l'Afrique  centrale,  la  Tra- 
versée de  V  Afrique  par  Cameron;  deux  articles  de  M.  Louis  Rousselet;  — 
comme  récits  d'histoire  :  Laio  et  la  mer  du  Sud,  par  M™^  de  Witt  ;  — 
comme  mélanges  littéraires  :  des  Contes  japonais,  catalans,  tartares,  etc.; 
les  Œufs  de  Pâques,  de  M.  Aimé  Géron,  etc.; —  comme  causeries 
scientifiques  :  des  articles  sur  les  Esquimaux,  les  glaces,  les  champi- 
gnons, l'industrie  du  papier,  les  mollusques,  le  phonographe,  le  télé- 
phone, le  ballon  captif,  le  brochet,  la  carpe,  les  madrépores,  etc.  — 
M.  A.  Saint-Paul  a  continué  sa  revue  intitulée  :  A  travers  la  France; 
l'Exposition  de  1878  a  fourni  le  sujet  de  très-nombreux  articles  ; 
M"*^  Zénaïde  Fleuriot  a  rappelé  à  grands  traits  la  vie  de  Pie  IX ;  M.  P. 
Vincent  a  donné  une  série  d'articles  sur  le  Verre.  Tel  est  le  cadre, 
toujours  varié  et  instructif,  de  cette  publication,  dont  le  succès  va 
croissant. 


—  48o  — 

—  On  ne  saurait  rien  imaginer  de  plus  désopilant  que  les  Aventures  et 
mésaventures  du  bm-on  deMûnchhansen,  imitées  de  l'allemand  par  M.  J. 
Levoisin,  et  si  bien  illustrées  de  dix-huit  planches  en  chromolithogra- 
phie par  M.  E.  Bichard,  C'est  un  des  plus  jolis  albums  de  la  maison 
Hachette,  et,  soit  qu'on  contemple  le  noble  baron  attachant,  unjour  de 
neige,  son  cheval  à  un  «  petit  arbre  gelé  »  qui  se  trouve  être  la  flèche 
d'un  clocher;  ou  enfourchant  un  boulet,  en  uniforme  de  colonel  de  hus- 
sards rouges,  pour  rejoindre  les  siens  à  travers  les  airs;  ou  dégringolant 
avec  une  bande  de  canards,  qui  l'avaient  enlevé,  dans  la  cheminée  de 
son  manoir;  ou  enfin,  enlevant  sa  voiture  sur  son  dos  et  ses  chevaux 
sous  ses  bras,  pour  céder  le  pas  à  des  dames  dans  un  chemin  trop  étroit, 
on  ne  pourra  s'empêcher  de  rire  de  ces  aventures  véritablement  fantas- 
tiques. 

—  Les  Cent  récits  d'histoire  natiirelle,  de  M.  Ch,  Delon,  présentent 
la  disposition  suivante  :  une  page  est  réservée  au  récit,  et,  en  regard, 
on  trouve  une  grande  gravure  se  rapportant  au  texte,  lequel,  lui  aussi, 
contient  souvent  une  ou  plusieurs  petites  gravures.  L'ordre  suivi  est 
scrupuleusement  scientifique.  L'ouvrage  qui,  d'ailleurs,  est  bien  à  la 
portée  des  jeunes  lecteurs,  s'étend  aux  espèces  éteintes  et  anté- 
diluviennes; conçu  dans  d'heureuses  proportions,  il  est  de  nature  à 
développer  le  goût  de  l'histoire  naturelle  chez  les  enfants,  et  à  les 
porter  vers  une  science  qu'ils  pourront  cultiver  amplement  plus  tard. 

—  L'album,  avec  gravures  coloriées,  publié  par  la  maison  Delagrave, 
sous  ce  titre  :  Nos  gloires  nationales,  a  pour  but  de  faire  aimer  aux 
enfants  leur  pays  par  l'histoire  des  événements  mémorables  dont  il  a 
été  témoin,  et  des  grands  hommes  dont  l'exemple  peut  exciter  leur 
émulation  pour  le  bien.  Il  y  a  vingt-quatre  récits,  se  succédant  dans 
l'ordre  chronologique,  depuis  les  druides  jusqu'aux  armées  de  la 
République  (Vercingétorix,  sainte  Geneviève,  Clovis,  Charlemagne, 
Godefroy  de  Bouillon,  les  Communes,  saint  Louis,  Jeanne  d'Arc, 
Henri  IV,  le  grand  Condé,  Mathieu  Mole,  Louis  XIV,  les  États 
généraux  de  1789,  etc.),  occupant  une  page  de  texte  et  accompagnés 
d'une  grande  image  coloriée,  répétant  aux  yeux  ce  que  l'esprit  vient 
de  saisir.  Ce  n'est  point  parfait  au  point  de  vue  de  l'art,  mais  c'est 
mieux  que  ce  que  l'on  met  souvent  aux  mains  des  enfants.  Le  texte, 
s'il  n'est  point  emprunté  à  M.  Hubault,  est  du  moins  inspiré  par  le 
même  excellent  esprit  qui  recommande  ses  Histoires  de  France  :  il 
est  catholique  et  antirévolutionnaire.  Nous  aurions  voulu,  toutefois, 
quelque  chose  de  plus  saisissant  pour  les  enfants,  qui  devront  recourir 
aux  explications  de  leurs  parents. 

II.  —  La  Collection,  de  biographies  nationales  entreprise  par  la 
maison  Marne,  avec  tant  de  succès,  s'est  enrichie  de  deux  nouveaux 
volumes  sur  Bayart  et  Turenne.  L'Histoire  de  Pierre  Terrail,  seigneur 


—  486  — 

de  Bayart,  par  M.  A.  Prudhomme,  sans  être  un  travail  d'érudition, 
est  pourtant  rédigé  avec  toute  la  précision  et  la  sûreté  de  critique 
qui  distinguent  généralement  les  travaux  des  anciens  élèves  de  l'Ecole 
des  chartes.  Ce  livre  n'est  donc  point  une  sorte  d'imitation  ou  de 
reproduction  des  nombreuses  histoires  populaires  du  Chevalier  sans 
peur  et  sans  reproche^  qu'on  retrouve  partout.  Il  a  une  physionomie  ori- 
ginale qui  lui  crée  une  plaoe  à  part.  Déplus,  dans  l'histoire  de  Bayart, 
il  fallait  surtout  viser  à  reproduire  en  quelque  sorte,  l'humeur  gaie  et 
naïve  de  la  chronique,  tout  en  la  rajeunissant  et  en  la  revêtant  du 
langage  moderne.  Tâche  délicate  qu'on  devait  nécessairement  confier 
à  des  mains  habituées  à  manier  les  textes  du  moyen'  âge.  M.  Pru- 
dhomme s'en  est  habilement  tiré;  comme  la  chronique,  son  livre  est 
divisé  en  un  grand  nombre  de  chapitres  courts,  ce  qui  en  rend  la 
lecture  facile  et  lui  conserve  une  partie  de  la  naïveté  des  récits  du 
Loyal  Serviteur. 

—  'L'Histoire  de  Turenne,  de  M.  L.  Armagnac,  a  été  soigneusement 
écrite,  sur  les  meilleures  sources.  L'auteur  a  pris  pour  épigraphe  ces 
paroles  de  Turenne  :  «  Il  ne  faut  pas  qu'il  y  ait  un  homme  de  guerre 
en  repos  en  France,  tant  qu'il  y  aura  un  Allemand  en-deçà  du  Rhin 
en  Alsace.  »  Son  livre  ne  s'adresse  pourtant  pas  à  des  hommes  de 
guerre,  mais  aux  enfants,  aux  jeunes  gens,  qui  trouveront  dans  ces 
pages,  écrites  dans  un  style  ardent,  d'éloquentes  leçons  de  patriotisme. 
Grâce  à  des  renseignements  puisés  dans  les  anciens  manuscrits, 
M.  Armagnac  a  pu  ajouter  de  nouveaux  traits  à  la  biographie  de 
Turenne,  tant  de  fois  essayée  et  toujours  imparfaite.  Tout  en  conser- 
vant à  son  livre  son  caractère  de  vulgarisation,  il  a  pu  corriger  plu- 
sieurs erreurs  de  ses  devanciers,  et  arriver  à  plus  de  précision  sur 
différents  points.  Turenne  guerrier,  diplomate,  homme  d'Etat,  écri- 
vain, est  très-judicieusement  apprécié,  et  nous  ne  pouvons  que  recom- 
mander la  lecture  de  ce  livre,  qui  se  termine  par  cette  pensée  patrio- 
tique :  «  Que  notre  jeune  génération,  appelée  tout  entière  à  porter 
les  armes,  imite  cette  vie  de  devoir  et  de  dévouement;  elle  ne  peut 
se  proposer  un  plus  bel  exemple.  L'illustre  et  modeste  Turenne  sut 
allier  les  vertus  privées  au  génie  militaire.  Ce  grand  homme  fut  un 
homme  de  bien.  » 

—  III.  Huit  volumes  de  la  Nouvelle  collection  illustrée  à  l'usage  de 
la  jeunesse  ont  paru  à  la  librairie  Hachette. 

—  l.Les  Pilotes  d' Ango  nous  offrent  le  récit  très-varié  d'expéditions 
maritimes  très-intéressantes,  comme  on  en  rencontrait  au  seizième 
siècle,  époque  où  l'auteur  s'est  transporté.  Ce  récit  est  mis  dans  la 
bouche  même  on  plutôt  sous  la  plume  de  l'un  de  ces  hardis  marins 
si"  bien  ressuscites  par  M.  Léon  Cahun.  C'est  René  Binot  Paulmier 
de   Gonneville   qui   nous   raconte   sa  vie  accidentée,   à  laquelle  se 


—  487  — 

mêlent  les  aventures  de  nombreux  personnages,  peints  avec  beaucoup 
de  vérité,  à  commencer  par  maître  de  Quercu  et  par  Braguibus.  On 
voit  que  M.  Cahun  a  fait  une  sérieuse  étude  des  temps  où  il  a  placé 
son  récit  et  une  étude  très -attentive  aussi  de  notre  ancienne  langue. 
Sans  tomber  dans  des  exagérations  archaïques,  il  reproduit  très-bien 
les  allures  du  charmant  français  du  seizième  siècle. 

—  2.  C'est  encore  un  marin  dont  M"^  Fleuriot  nous  parle  dans  Grand 
Cœur,  mais  un  marin  de  notre  temps,  et  à  l'époque  de  sa  vie  où  elle 
nous  le  présente,  il  vit  retiré  dans  un  petit  manoir  de  la  Bretagne. 
Il  y  vit  dans  lasolitude,  car  une  nièce  qu'il  avait  élevée  s'étant  mariée 
contre  son  gré,  i^  n'a  plus  voulu  la  voir.  Il  a  appris  qu'elle  avait  perdu 
son  mari,  qu'elle  était  malheureuse,  presque  pauvre.  La  marquise  de 
Kernigal  a  essayé  d'amener  une  réconciliation  ;  le  vieux  marin  est 
resté  impitoyable.  La  guerre  de  1870  éclate  ;  il  ne  peut  se  résoudre  à 
rester  inactif;  bravement,  il  s'engage  comme  volontaire,  et  se  trouve 
en  fréquents  rapports  avec  un  jeune  homme,  un  enfant  plutôt,  qui 
lui  sauve  la  vie  et  qu'il  se  prend  à  aimer  tendrement.  Il  faut  lire  dans 
le  livre  même  par  quelle  suite  d'événements  le  marin, dans  cet  enfant, 
finit  par  reconnaître  son  petit-neveu,  et  par  pardonner  à  la  mère  de 
celui-ci.  Ce  récit  nous  a  paru  charmant  d'un  bouta  l'autre.  M"e  Fleuriot, 
autour  de  ses  personnages  principaux,  en  agroupé  d'autres  fort  vrais, 
fort  amusants.  Certes  le  père  qui,  avant  de  donner  ce  volume  à  son  fils, 
l'ouvrira  lui-même,  ne  le  quittera  pas  sans  le  lire  jusqu'à  la  fin. 

—  3.  La  contagion  du  bien!  On  est  heureux  d'en  être  atteint,  quand 
elle  nous  est  communiquée  par  une  charmante  personne  comme 
Cousine  Marie.  Tout  se  transforme  autour  d'elle,  sous  l'influence  de  sa 
solide  éducation,  de  son  aimable  caractère,  de  son  bon  cœur  et  de  son 
dévouement.  Seule  avec  «on  père,  un  brave  militaire,  elle  est  mise 
dans  une  pension  où  maîtresses  et  élèves  concourent  à  développer  ses 
bonnes  qualités.  Son  père  la  reprend  avec  lui,  lorsque  des  blessures  le 
forcent  à  se  retirer  avec  une  modeste  pension  et  peu  de  fortune.  Marie 
Cormery  est  au  comble  du  bonheur  de  pouvoir  se  dévouer  à  lui  ;  elle 
relève  son  courage,  et,  quand  les  ressources  s'épuisent,  c'est  par  son 
travail  qu'elle  les  augmente  :  eUe  écrit  des  livres  pour  les  enfants. 
C'est  sur  les  conseils  de  son  ancien  professeur  d'histoire,  M.  Delorme, 
qu'elle  a  pris  cette  détermination  :  il  dirige  ses  premiers  pas  dans  la 
carrière  littéraire,  et  témoigne  au  père  et  à  la  fille  un  admirable  dé- 
vouement. Quelles  bonnes  et  attachantes  figures  que  celles  de  Colette, 
la  domestique,  et  de  l'ordonnance!  Marie  recueille  son  ancienne  sous- 
maîtresse,  M"''  Angélique,  que  le  besoin  allait  réduire  au  désespoir, 
et  dont  la  compagnie  lui  devient  une  précieuse  ressource.  Elle  sera 
l'instrument  qui  ramènera  à  la  vie  sérieuse  et  raisonnable  la  sœur 
et  la  mère  du  cousin  Paul,  M"^  des  Tourelles  et  sa  mère,  M™'  Sola- 


—  488  — 

ville,  tout  occupées  de  frivolités  mondaines,  de  toilettes  et  de  fêtes. 
Ces  dames  n'avaient  autrefois  que  de  la  pitié  pour  Marie,  pauvre  fille 
sans  fortune  et  sans  élégance.  Son  cousin  Paul  seul  s'intéressait  à 
elle  et  l'amusait  les  jours  de  sorties  de  la  pension.  Il  en  est  resté,  au 
fond  de  leur  cœur,  une  affection  discrète,  que  l'éloignement  n'a  pas 
affaiblie,  et  qui  conduit  à  un  mariage.  C'est  là  un  charmant  et  bon 
livre.  Toutefois,  on  pourrait  se  demander  s'il  n'est  pas  fâcheux  de  faire 
entrevoir  aux  jeunes  filles  l'horizon  de  la  carrière  littéraire  ?  s'il  est 
conforme  à  la  vraisemblance  que  Paul  reconduise  seul  sa  petite  cou- 
sine au  pensionnat?  s'il  n'est  pas  anormal  de  proposer  à  des  jeunes 
filles  des  mères  frivoles  à  convertir?  et  surtout  pourquoi,  au  mépris 
de  tant  de  graves  considérations  religieuses  et  morales,  on  nous  donne 
ici  pour  dénoûment  —  comme  d'ailleurs,  dans  une  foule  d'ouvrages 
écrits  pour  la  jeunesse  —  un  mariage  entre  cousin  et  cousine?... 

—  4.  Les  aventures  de  Montluc  le  Rouge  auront,  auprès  des  jeunes 
gens,  le  succès  de  Cousine  Marie  auprès  des  jeunes  filles.  Ce  ne  sont 
que  coups  de  sabre  et  coups  de  canon,  expéditions  sur  terre  et  sur  mer, 
morts  et  blessés,  et  tout  cela  pour  la  France.  Il  y  a  là  vie  et  mou- 
vement et  un  sentiment  patriotique  très-prononcé.  On  se  rappelle 
pent-être  que,  l'année  dernière,  M.  Assollant  avait  laissé  Montluc  le 
Bouge  débarquant  d'Amérique  chez  le  curé  de  Gimel  ;  il  était  venu 
chercher  en  France  des  renforts  pour  conserverie  Canada  à  la  France. 
La  cour  et  les  ministres  ont  d'autres  soucis  ;  nous  le  voyons  repartir 
avec  les  seuls  auxiliaires  qu'il  a  pu  se  procurer  par  lui-même.  Ce  sont 
le  brave  curé  de  Gimel,  véritable  apôtre,  prêt  à  donner  sa  vie  pour  la 
France  et  pour  la  religion;  Beaupoil  et  Marion,  la  gouvernante  chargée 
de  faire  la  cuisine  à  la  française  et  d'égayer  la  société  par  ses  bou- 
tades; le  capitaine  Gandar,  véritable  Marseillais  de  la  Canebière. 
Comment  raconter  tous  les  épisodes  de  la  traversée  et  de  l'abordage, 
toutes  les  ruses  stratégiques  de  Montluc,  ses  exploits  quasi-fabuleux, 
comme  cette  expédition  contre  les  Anglais,  dont  le  héros  est  le  sauvage 
et  fidèle  BufFalo  à  la  tête  d'un  régiment  de  serpents  à  sonnettes  qu'il  a 
charmés  et  qu'il  conduit  au  combat  au  son  de  son  instrument.  Il  faudrait 
raconter  les  déguisements  de  M.  de  Kildare,  qui,  avec  son  costume  de 
ministre  protestant,  pénètre  à  Boston,  laisse  soupirer  la  fille  de  la 
maîtresse  d'hôtel,  Angelina  Porter,  surprend  les  secrets  des  Anglais, 
est  reconnu,  arrêté,  comparaît  devant  la  justice,  où  il  provoque  les 
scènes  les  plus  comiques,  est  condamné  à  la  prison  et  à  la  mort,  et 
échappe  à  tous  les  dangers.  Finalement,  la  victoire  reste  aux  Montluc, 
qui  s'emparent  de  Boston.  On  voudrait  avoir  la  suite,  tant  ce  récit  inté- 
resse et  excite  de  nobles  et  généreux  sentiments.  Mais  la  suite  serait 
la  perte  du  Canada,  et  il  est  mieux  de  rester  sur  une  impression  plus 
consolante  pour  notre  patriotisme. 


—  48;)  — 

—  5.  Le  Neveu  de  l'oncle  Placide;  A  la  recherche  de  l'héritage  est  aussi 
la  seconde  partie  d'un  livre  dont  nous  avons  parlé  l'an  dernier  (t.  XX, 
p.  473).  Un  héritage  et  une  blessure  sont  venus  fondre  sur  le  héros  au 
moment  de  nos  désastres,  en  1870.  Comme  il  s'agit  d'un  oncle  d'A- 
mérique, c'est  en  Améripue  que  nous  sommes  transportés.  Comment 
et  à  travers  quelles  aventures?  C'est  ce  que  voudront  savoir  tous 
ceux  qui  ont  lu  la  première  partie  de  YOmlc  Placide,  et  qui  con- 
naissent le  charme  des  récits  de  M.  Girardin, 

—  6.  La  marquise  de  Vauclain  n'a  qu'un  fils.  Paul,  qui  s'éprend  en 
Angleterre  d'une  jeune  institutrice,  et  l'épouse  malgré  sa  mère.  De 
là,  rupture  entre  la  mère  et  le  fils;  celui-ci,  désespéré,  part  pour 
l'Australie,  et  le  bruit  court  qu'il  a  été  dévoré  par  les  sauvages.  Sa 
femme,  sur  le  point  de  mourir  dans  un  hôpital  de  Londres,  envoie  sa 
fille  en  France  en  la  confiant  à  la  marquise,  qui  reçoit  l'enfant  avec 
répugnance,  puis  finit  par  s'y  attacher,  car  elle  reconnaît  en  elle  le 
sang  de  son  fils.  La  mère,  cependant  n'est  pas  morte;  elle  vient 
comme  institutrice  dans  un  château  voisin  de  Vauclain,  puis  bientôt 
à  Vauclain  même,  où  la  marquise,  qui  ne  la  connaît  pas,  se  prend  à 
l'aimer.  Deux  ans,  elle  reste  là,  ignorée  ;  mais  elle  peut  voir  son 
enfant,  la  soigner,  l'élever.  Un  jour  vient  pourtant  où  le  secret  se 
découvre  :  lutte  terrible  entre  l'orgueil  de  la  marquise  et  son  cœur, 
touché  de  la  douceur  et  des  vertus  de  la  jeune  femme.  C'est  le  cœur 
qui  l'emporte,  grâce  à  l'intervention  d'un  vieil  oncle,  excellent  homme, 
le  baron  de  Thoisay.  Pour  comble  de  bonheur,  Paul,  qu^on  croyait 
mort,  revient  d'Australie.  Tel  est  le  thème  que  M™°  Colomb  a  déve- 
loppé avec  les  qualités  qui  assureront  à  ce  nouvel  ouvrage  le  succès 
des  précédents. 

—  7.  En  1857,  au  moment  de  la  révolte  des  Cipayes  dans  l'Inde 
anglaise,  une  factorerie  française  est  saccagée  par  Nana  Sahib.  Le 
fils  du  propriétaire,  André,  sauvé  par  le  nât  Mali,  le  Charmeur  de 
serpents^  parcourt,  à  la  recherche  de  son  père  et  de  sa  sœur  Berthe, 
toute  la  péninsule  gangétique.  Déguisé  en  mendiant,  sous  l'escorte  de 
Mali  et  d'un  jeune  mendiant  nommé  Miana,  il  pénètre  dans  les  sanc- 
tuaires inaccessibles  aux  Européens,  traverse  des  forêts  gigantesques, 
n'échappe  à  un  cyclone  que  pour  tomber  entre  les  mains  de  sauvages 
sanguinaires,  les  I\Ietchis,  traverse  l'Himalaya,  et,  après  mille  péri- 
péties émouvantes  où  toutes  les  splendeurs  de  la  nature  et  de  la 
civilisation  indiennes  se  déroulent  devant  lui,  il  finit  par  retrouver 
les  siens.  M.  Louis  Rousselet  a  su  répandre  dans  ce  nouvel  ouvrage 
toutes  les  ressources  de  son  imagination  et  de  sa  profonde  con- 
naissance de  cette  contrée. 

—  8.  L'année  dernière,  M.  Cortambert  avait  publié  un  Voyage  pit- 
toresque à  travers  le  monde.  Cette  année,  il  décrit  les  Mœurs  et  les  ca- 


-  4%  — 

ractercs  des  peuples.  Son  travail  est,  comme  le  précédent,  une  com- 
pilation :  au  lieu  de  parler  lui-même,  l'auteur  réunit  ce  qu'ont  dit  les 
écrivains  les  plus  compétents  :  Chateaubriand,  Guizot,  Thiers,  Mon- 
tesquieu, Lamartine,  M""^  de  Staël,  parmi  les  morts  ;  et,  parmi  les 
vivants,  MM.  le  duc  d'Aumale,  Taine,  Mézières,  Elisée  Reclus, 
Victor  Hugo.  A  la  leçon  de  géographie  et  d'histoire  naturelle,  se 
joint,  pour  le  jeune  lecteur,  la  leçon  de  style  :  double  plaisir,  double 
profit.  De  jolies  gravures,  extraites  la  plupart  du  Tour  du  Monde, 
éclairent  le  texte  presque  à  chaque  page. 

—  IV.  Dans  un  volume  intitulé  Au  service  du  pays,  et  enrichi  d'une 
grand  nombre  d'illustrations,  le  R.  P.  Chauveau  retrace  la  vie,  et 
surtout  les  derniers  moments  de  dix-huit  anciens  élèves  de  l'École 
préparatoire,  dirigée  avec  tant  de  succès  depuis  un  quart  de  siècle, 
par  les  religieux  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Ces  jeunes  gens, 
l'honneur  de  leurs  maîtres,  la  joie  et  l'espérance  de  leurs  parents 
ont  été  frappés  devant  l'ennemi,  laissant  à  leurs  proches  et  à  leurs 
amis,  avec  le  souvenir  d'une  brillante  jeunesse,  pleine  de  foi,  celui 
d'un  héroïsme  piein  de  simplicité  de  grandeur,  et, aux  générations  qui 
leur  succéderont  sur  les  bancs  de  la  même  école,  l'exemple  recon- 
fortant de  cœurs  prêts  au  sacrifice,  parce  qu'ils  savent  prier,  et  que 
Tamour  de  la  patrie  est,  pour  eux,  inséparable  de  l'amour  de  Dieu 
et  de  la  fidélité  aux  nobles  traditions  de  leurs  pères.  «  Dans  nos 
écoles,  dit  le  pieux  auteur  de  ces  notices  si  palpitantes  d'un  doulou- 
reux intérêt,  dans  nos  écoles  où  l'éducation  est  à  la  fois  catholique 
et  française,  —  et  elle  est  vraiment  française  parce  qu'elle  est 
par-dessus  tout  catholique,  —  ils  avaient  reçu  des  leçons  de  patrio- 
tisme qu'ils  n'oublièrent  jamais.  Souvent  on  leur  avait  dit  qu'au  jour 
des  grands  périls  le  jeune  homme  chrétien  doit  donner  à  sa  patrie 
son  temps,  sa  fortune,  ses  sueurs,  sa  vie,  tout,  excepté  sa  conscience, 
qu'il  ne  garde  inviolable  que  pour  mieux  servir  son  pays  et  pour 
mieux  l'aimer.  Ce  programme  de  nos  écoles  si  indignement  calomniées, 
nos  jeunes  héros  l'ont  signé  de  leur  sang.  »  Oui,  le  sacrifice  a  été 
jusque  là!...  Les  élèves  des  jésuites  sont  morts  tués  à  l'ennemi,  pour 
infliger  un  démenti  sans  réplique  à  certains  hommes  d'Etat  trop  en- 
clins à  croire  et  à  dire  que  les  jésuites  étaient  incapables  de  faire  un 
bon  chrétien  et  un  bon  Français  !...  Outragés  par  des  assertions  aussi 
mensongères  qu'ineptes,  ils  ne  répondirent  rien;  mais,  au  jour  des 
grands  périls,  à  l'appel  de  la  patrie  et  de  la  religion,  ils  prirent  tranquil- 
lement leur  chapelet  des  mains  de  leurs  mères,  allèrent  se  confes- 
ser, bouclèrent  leur  ceinturon,  et  partirent  modestement  pour  rem- 
plir, et  en  tête  de  tous,  leur  devoir  sacré  de  bons  chrétiens  et  de  bons 
Français  ;  et  ils  le  remplirent  jusqu'au  bout,  soit  que  la  mort  leur  vînt 
du  Prussien  ou  du  garibaldien,  soit  qu'il  leur  falhU  la  recevoir  du 


—  491  — 

communard  parisien...  Quelques-unes  de  ces  notices,  plus  longues 
que  d'autres,  —  l'auteur  aj^anteu  plus  de  renseignements  à  sa  disposi- 
tion, —  renferment  des  traits  de  caractères,  des  saillies,  des  portraits, 
et  surtout  des  extraits  de  correspondance  qui  font  de  ce  livre,  malgré 
la  tristesse  bien  naturelle  qui  plane  sur  toutes  ses  pages,  —  une  des 
lectures  les  plus  attachantes  que  nous  puissions  recommander  :  et 
comme  cette  lecture  est  en  même  temps  des  plus  fortifiantes  pour  le 
cœur  et  pour  l'âme,  par  les  exemples  qu'elle  rappelle,  nous  n'hésitons 
pas  à  conclure  que  l'auteur  à  réalisé  l'idéal,  qu'il  recherchait  sans 
doute,  d'un  beau  et  bon  livre  d'étrennes  joignant,  par  l'illustration 
dont  le  texte  est  enrichi,  Tutile  à  l'agréable  dans  la  meilleure  acception 
du  mot 

—  La  première  aventure  de  Corentin  Qulmper!...  Nous  n'avons 
donc  là  qu'un  commencement,  et  ce  titre  à  lui  seul  est  une  double  pro- 
messe, promesse  pour  ce  que  contient  le  présent  volume,  et  promesse 
pour  les  volumes  suivants  :  car  l'histoire  de  Corentin  Quimper  est  plus 
qu'une  légende,  c'est  tout  une  épopée;  jugez-en  par  ce  titre  complet 
que  l'auteur  rétablit,  dès  la  première  page,  comme  un  engagement 
pour  l'avenir  :  «  Victoires  et  conquêtes  de  Quimper  (Corentin)  de 
Saint-Malo,  dans  le  commerce,  la  marine,  l'industrie,  les  arts,  la 
noblesse,  la  politique  et  tout,  avec  les  aventures  de  Petit-Guern, 
gentilhomme,  du  cousin  Jean  Piteux  et  de  la  cousine  Fanchette  Le- 
goff,  histoire  utile  et  agréable,  donnant  les  moyens  de  faire  fortune 
dans  Paris  comme  ailleurs.  »  Et  l'on  comprend  que  le  Pohjbiblion 
ne  va  pas  déflorer  cette  histoire  —  que  dis-je!  ce  chapelet  d'histoires 
et  d'aventures  —  en  en  donnant  ici  une  pâle  et  sèche  analyse.  D'ail- 
leurs, les  épisodes  s'y  multiplient  tellement  (naufrages,  prison, 
assauts,  incendie,  évasions,  etc.,  etc..)  que  la  besogne  serait  bien 
ardue,  et  de  semblables  récits  ne  se  résument  point  :  et  puis  il  faut 
laisser  toute  la  surprise  aux  jeunes  lecteurs,  auxquels  nous  espérons 
bien  que  de  bons  parents  ou  de  bons  amis  donneront  ce  livre  en 
souvenir  du  premier  jour  de  l'an  de  grâce  1879.  Beaucoup  de  gra- 
vures en  illustrent  le  texte  qui,  vraiment,  n'en  avait  pas  si  grand 
besoin  que  cela.  Car  c'est  du  Féval  et  du  meilleur.  Nous  nous 
bornerons  donc  à  dire  de  la  Première  aventure  de  Corentin  Quimper  : 
«  Prenez  et  lizez,...  et  puis  faites  des  vœux  pour  que  l'auteur  ne  nous 
fasse  pas  attendre  la  suite  trop  longtemps.  » 

—  V.  Nous  avons  reçu  trois  volumes  de  la  Bibliothèque  des  mer- 
veilles. L'un  est  consacré  aux  3Iigrations  des  oiseaux;  il  est  le  fruit 
d'observations  nombreuses  et  compétentes,  faites,  non-seulement  par 
l'auteur,  mais  encore  par  des  correspondants  donnant,  sur  les  contrées 
éloignées,  des  renseignements  qui  n'auraient  pu  être  receuillis  direc- 
tement par  un  seul.  Mais  pourquoi  tant  de  digressions,  et  dans  un 


—  492  — 

ouvrage  qui  devrait  avoir  un  caractère  scientifique,  un  ton  qui  n'est 
point  à  sa  place  ?  Certaines  gravures  laissent  aussi  à  désirer  comme 
exactitude,  et  déparent  un  livre  qui,  sans  ce  double  défaut,  tiendrait 
dignement  et  utilement  sa  place  dans  la  collection. 

—  2.  Le  Voyage  aux  sept  merveilles  du  monde  est  un  livre  d'une 
érudition  facile  et  enjouée.  La  plupart  des  choses  que  désignait  ainsi 
l'antiquité  hellénique  ont  complètement  disparu,  ou  ne  laissent  que  des 
ruines,  tels  le  colosse  de  Rhodes,  le  temple  de  Diane  à  Ephèse,  le 
Jupiter  d'0l3^mpie_,  le  phare  d'Alexandrie,  Babylone.  Seules,  les 
Pyramides  d'Egypte,  bâties  près  des  sables  mouvants  du  désert,  ont 
bravé  les  siècles  et  défient  encore  l'avenir.  Mais  partout  le  cadre  reste, 
et  le  cadre,  ce  sont  des  contrées  dont  le  nom  seul  échauffe  l'imagi- 
nation. M.  Lucien  Auge  de  Lassus  nous  y  promène  en  guide  conscien- 
cieux :  renseignements  tirés  des  écrivains  antiques,  traditions  pri- 
mitives ou  mythologiques,  fables  gracieuses  ou  terribles,  souvenirs 
historiques,  état  actuel  des  lieux  et  des  ruines,  rien  n'est  oublié.  Un 
tel  livre  sera  pour  la  jeunesse  de  nos  collèges  un  excellent  commen- 
taire des  auteurs  classiques.  Des  gravures  intelligemment  exécutées 
par  Sidney-Barclay  accompagnent  le  texte  :  celles  qui  donnent  le 
dessin  restauré  des  sept  merveilles  du  monde  ont  été  composées 
sur  les  croquis  et  d'après  les  indications  de  M.  Louis  Bernier,  ar- 
chitecte. 

—  31  Nous  ne  ferons  que  mentionner  Touvrage,  très-soigné_,  à  tous 
égards,  que  nous  donne  M.  C.  Colomb,  sur  la  Musique,  dans  la  même 
collection.  Le  Polijbiblion  doit  consacrer,  prochainement  un  article 
spécial  aux  publications  relatives  à  ce  sujet,  et  nous  pourrons  alors 
revenir  sur  ce  volume. 

—  VL  Arrivons  aux  nouveaux  volumes  de  la  Bibliothèque  rose. 

—  1.  Le  Fils  du  maquignon,  de  M™"  la  vicomtesse  de  Pitray,  est 
une  charmante  histoire,  pleine  d'épisodes  dramatiques  qui  tiendront 
en  éveil  l'attention  des  jeunes  lecteurs.  Robert  Hardy  vit  honora- 
blement dans  une  ferme  en  Normandie^  jusqu'à  ce  qu'il  se  laisse 
débaucher  par  un  ami,  qui  l'entraîne  à  de  folles  dépenses  et  à  des 
actes  d'improbité  ;  sa  malheureuse  femme  tombe  malade,  et  le  docteur 
fait  comprendre  au  mari  que  c'est  lui  qui  est  cause  de  la  maladie. 
Robert  revient  à  de  meilleurs  sentiments  ;  mais,  la  santé  rendue  à 
Julienne,  lui  retourne  à  ces  mauvaises  habitudes,  si  bien  qu'un  beau 
jour  on  vient  saisir  le  mobilier  de  la  ferme.  Sa  femme  en  devient 
folle;  ils  se  retirent  alors  dans  un  petit  bien,  au  Vallon-Vert,  où  leur 
fils  Germain,  qui  avait  été  tenu  éloigné  jusque-là  comme  un  témoin 
importun,  vient  les  rejoindre.  Robert  meurt  subitement.  Les  cris 
déchirants  de    son  repentir,  à  ses  derniers  moments,  font  une  telle 


—  i'J3    - 

impression  sur  Julienne  qu'elle  recouvre  l'usage  de  son  esprit.  Germain 
travaille  avec  ardeur  pour  faire  vivre  sa  mère,  et  tout  l'argent  qu'il 
recueille  sert  à  payer  les  dettes  de  son  père  et  à  dédommager  les 
personnes  qu'il  a  trompées.  Cette  conduite  lui  attire  des  sympathies  :  un 
général,  auquel  il  rembourse  le  prix  d'un  cheval;  le  docteur,  qui  avait 
été  bien  à  même  de  l'apprécier,  s'intéressent  à  son  sort.  Habile 
sculpteur,  il  fait  le  buste  de  la  fille  du  docteur,  puis  il  l'épouse,  et 
heureux  par  suite  de  sa  bonne  conduite,  il  fait  des  heureux  autour 
de  lui. 

—  2.  La  Maison  modelé,  par  Miie  Marie  Maréchal. —  Meltzy  de  Morey 
a  passé  les  premières  années  de  sa  vie  au  sein  de  l'opulence,  et  elle 
a  été  singulièrement  gâtée.  Mais  de  malheureuses  spéculations  en- 
traînent la  ruine  de  son  père  ;  il  faut  renoncer  à  la  satisfaction  de  ses 
caprices.  M.  et  M™*"  de  Morey  partent  pour  l'Amérique,  et  laissent  leur 
fille  au  soin  de  son  oncle,  M.  de  la  Bruniére,  qui  l'accepte  volontiers 
comme  un  douzième  enfant.  Meltzy  tombait  dans  la  Maison  modèle, 
qui  était  loin  de  réaliser  ses  rêves.  On  était  plein  d'affection  pour 
elle  ;  mais  on  ne  craignait  pas  de  la  contrarier;  il  n'y  avait  plus  cette 
large  existence  qu'elle  avait  goûtée  chez  ses  parents,  et,  quant  à  ses 
fantaisies,  personne  ne  se  souciait  de  les  satisfaire.  Elle  était  maussade, 
désobéissante,  et  trouvait  tout  le  monde  déplaisant.  C'était  cepen- 
dant le  meilleur  milieu  pour  la  former.  Longtemps  rebelle,  elle  finit 
par  subir  l'influence  de  cette  famille  où  l'on  vit  unis,  heureux  de 
se  rendre  service  les  uns  aux  autres.  Meltzy  grandit  au  milieu  de  ses 
cousins  et  cousines.  Tous  prennent  une  position,  plusieurs  se  marient. 
Le  tour  arrive  pour  Meltzy  lorsque  ses  parents  reviennent  d'Amé- 
rique avec  une  honnête  fortune  :  c'est  un  de  ses  cousins  qu'elle  épouse. 
Nous  reprocherons  ce  dénoùment  à  M""  Maréchal  ;  son  imagination 
aurait  pu  en  trouver  un  autre.  Du  reste  Thistoire  est  fort  bien 
conduite,  d'un  intérêt  soutenu,  et  pleine  d'utiles  enseignements  pour 
les  enfants.  C'est  assurément  ce  qu'on  peut  appeler  un  bon  livre  dans 
toute  l'acception  du  mot. 

—  3.  Les  Vacances  d'Elisabeth,  par  M""  de  Martignat.  —  Elisabeth 
arrive  en  vacances;  elle  ne  retrouve  plus  son  frère;  son  grand-père  Ta 
renvoyé,  parce  qu'il  veut,  à  toute  force,  se  faire  artiste,  et  il  dit  à 
Elisabeth  de  ne  jamais  lui  en  parler,  et  de  ne  jamais  lui  demander 
ce  qu'il  est  devenu.  Mais  cela  ne  satisfait  pas  le  cœur  de  la  jeune 
fille.  Son  petit  ami  Nel,  enfant  de  bohémien  recueilli  par  ses  grands- 
parents,  vient  à  son  aide.  Ils  réussissent  à  trouver  la  trace  de  Maurice, 
qui  s'était  réfugié  au  chalet  des  Genévriers,  chez  son  ami  Olivier, 
ou  plutôt  Lord  Rutholwan,  qui  paraît  au  début  de  l'histoire.  Elisabeth 
le  ramène  à  son  grand-père,  et  le  réconcilie  avec  lui;  comme  le  dit 
l'auteur,  elle  avait  bien  employé  ses   vacances.  Les   aventures  du 


—  494  — 

cousin  Robert  viennent  allonger  et  égayer  le  récit,  et  suffiraient 
à  elles  seules  pour  remplir  un  livre  :  c'est  un  aimable  gamin,  qui  se 
fait  renvoyer  du  collège  à  cause  de  ses  escapades,  et  joue  tous 
les  tours  possibles  au  général,  son  tuteur.  L'intérêt  n'est  point  pal- 
pitant, et  l'on  ne  voit  pas  bien  quelle  leçon  les  enfants  pourront  tirer 
de  ce  récit. 

^  4.  Il  y  a  plus  de  vie  dans  le  Secret  de  Laurent,  par  M™^  de  Stolz. 
Une  jeune  et  élégante  dame  sort  de  chez  un  papetier  avec  un 
paquet  d'enveloppes,  qui  tombe  dans  la  rue  :  une  petite  fille,  Marie  Du- 
breuil,  l'aide  à  les  ramasser;  en  voulant  la  remercier,  elle  remarque  sur 
la  figure  de  Marie  les  traces  de  la  souffrance;  s'inquiète  de  ce  qu^elle 
éprouve,  et  la  petite  lui  expose  la  misère  de  sa  famille;  alors  la  dame 
lui  remet  quelques-unes  de  ses  enveloppes,  en  lui  recommandant  de 
s'en  servir  pour  lui  écrire  quand  elle  aura  besoin  de  quelque  chose.  La 
marquise  répondait  toujours  par  quelques  générosités  qui  tombaient 
bien.  Elle  avait  à  son  service  un  petit  domestique,  Laurent,  dont  la 
mère  était  aussi  dans  le  besoin,  et  qui  allait  être  poursuivie  faute  du 
payement  de  cent  francs.  Laurent  trouva  un  jour  une  de  ces  fameuses 
enveloppes,  contenant  la  somme  qu'il  aurait  fallu  à  sa  mère;  la  ten- 
tation était  forte  :  il  succomba,  mais  pour  se  repentir  bieutôt,  surtout 
quand  il  eut  lu  la  lettre  de  la  petite  Marie,  à  laquelle  répondait  le  billet 
volé.  Plus  tard,  la  marquise  prit  Marie  à  son  service.  Les  deux  jeunes 
gens  ne  vécurent  pas  longtemps  sous  le  même  toit  sans  ressentir  une 
mutuelle  affection,  présage  d'un  mariage  que  tout  le  monde  approu- 
vait. Mais  Laurent  paraissait  triste,  ne  disait  rien  et  dépérissait. 
La  cause  de  son  chagrin  n'était  un  mystère  pour  personne.  Pourquoi 
ne  faisait-il  pas  l'aveu  de  son  sentiment  ?  C'était  là  son  secret,  que  sa 
maîtresse  réussit  à  lui  arracher.  Il  se  rappelait  sa  faute  ;  il  ne  voulait 
pas  la  faire  connaître  à  Marie,  qui  l'aurait  méprisé  et  refusé  ;  d'un 
autre  côté,  il  n'aurait  pas  voulu  l'épouser  en  lui  cachant  son  vol.  On 
devine  que  ces  difficultés  furent  levées  et  qu'ils  firent  un  heureux 
ménage. Toutes  ces  aventures  composent  un  récit  intéressant,  qui  laisse 
la  meilleure  impression. 

—  5.  En  quarantaine,  par  M""^  de  Witt.  —  La  fièvre  scarlatine 
s'abat  simultanément  sur  tous  les  enfants  de  M.  et  M""^  d'Avrigny,  au 
moment  des  vacancesdu  jour  de  l'an.  Les  bons  soins  de  leurs  parents  et 
de  leur  grand'mère,  M™''  Delbarre,  assurent  leur  rétablissement  :  mais 
il  faut  mettre  ce  petit  monde  en  quarantaine  pendant  la  longue  con- 
valescence :  de  là  le  titre  du  livre.  Pour  l'occuper  et  le  distraire, 
les  parents  inventent  des  jeux  auxquels  nous  prenons  part  —  loto- 
dauphin,  conséquences,  bouts  rimes,  etc.,  —  et  racontent  des  histoires 
que  nous  écout"ns;  les  unes  sont  émouvantes,  comme  celle  de  la  jeune 
fille  directrice  du  télégraphe  qui  se  rapporte  à  la  guerre  Je  1870,  ou 


—  49o  — 

celle  du  petit  mousse,  toutes  aboutissant  à  une  morale  très-nette.  Il  y 
a  de  la  variété,  suffisamment  d'intérêt,  quoiqu'il  n'y  ait  pas  d'action; 
l'esprit  chrétien  est  très-accusé;  des  curés  sont  mis  en  scène  avec  un 
beau  rôle,  comme  aussi  un  pasteur  protestant  qui  perd  sa  femme  en 
soignant  des  malades  ;  c'est  le  seul  fait  qui  accuse  les  opinions  protes- 
tantes de  l'auteur.  Il  y  a  bien  aussi  un  mot  sur  la  liberté  de  conscience, 
mais  c'est  pour  dire  qu'elle  est  menacée  par  ceux  qui  ne  croient  pas 
en  Dieu. 

—  7.  Le  PolybibUon  a  rendu  compte  (tome  XIV,  p.  509)  du  dernier 
journaldu  D^  Livingstone, publié  en  2  volumes  in-8par  Waller,  lorsque 
la  traduction  de  M"*  H.  Loreau  en  a  paru,  par  les  soins  de  la  librairie 
Hachette.  Aujourd'hui  M.  J.  Belin  de  Launay  donne,  dans  la  Biblio- 
thèque rose,  un  abrégé  de  ce  Dernier  journal,  qui,  assurément,  méritait 
bien  d'être  ainsi  vulgarisé  et  mis  à  la  portée  de  ceux  qui  ne  peuvent 
aborder  les  ouvrages  plus  considérables.  Ce  volume  complète  l'histoire 
de  la  vie  et  des  travaux  de  l'homme  de  bien  qui  a  ajouté  une  si 
grande  masse  de  connaissances  au  trésor  scientifique  du  dix-neuvième 
siècle,  et  restera  une  des  gloires  les  plus  pures  et  les  plus  incontes- 
tables de  l'Angleterre.  Nous  croyons  n'avoir  besoin  que  de  signaler  cet 
abrégé,  qui  contient  tant  de  récits  émouvants,  et  se  termine  par  les 
derniers  moments,  pleins  de  grandeur  chrétienne,  du  héros  de  l'Afrique 
centrale  ;  il  est  enrichi  de  seize  vignettes  sur  bois  et  une  carte  d'en- 
semble, présentant  les  tracés  des  grandes  cartes  antérieurement 
publiées.  Une  introduction  de  vingt-quatre  pages  résume  à  grands 
traits  toute  l'histoire  des  découvertes  de  Livingstone,  et  donne,  sur 
quelques  questions  ethnographiques  ou  d'histoire,  de  précieuses  indi- 
cations. 

—  VII.  Terminons  par  deux  publications  illustrées  qui  peuvent  se 
rattacher  aux  précédentes. 

Résumer  en  un  petit  volume,  accessible  à  tous  par  son  prix  et 
vulgarisant  une  masse  considérable  de  renseignements  et  de  décou- 
vertes, la  vie  si  remplie  et  les  travaux  si  mémorables  du  héros  de 
l'Afrique  centrale  n'était  pas  une  besogne  facile.  Plusieurs  écrivains 
ont  dû,  croyons-nous,  éprouver  cette  tentation  de  présenter  dans  leur 
ensemble  et  leur  enchaînement  logique  une  série  de  voyages,  d'aven- 
tures, de  découvertes  scientifiques  du  plus  haut  intérêt,  renfermés 
jusqu'ici  dans  une  dizaine  de  gros  volumes.  Nous  félicitons  MM.  Ga- 
vard  et  Perler  d'avoir  entrepris  et  mené  à  bon  terme  cette  délicate 
entreprise.  Ils  ont  dû  éliminer  —  et  ils  l'ont  fait  avec  beaucoup 
de  tact  —  une  quantité  considérable  d'anecdotes  qui,  pour  intéres- 
santes, curieuses  et  même  instructives  qu'elles  sont,  ne  pouvaient 
trouver  place   dans   le  cadre    qu'ils   s'étaient   proposé    de    remplir. 


-  ilil)  — 

Le  choix  intelligent  qui  a  présidé  à  leur  travail  est  déjà  un  mérite 
dont  il  leur  faut  tenir  compte  ;  car,  dans  ce  travail,  rien  d'essentiel 
n'a  été  omis.  Il  y  manque  seulement  une  carte  des  voyages  et 
découvertes  de  l'intrépide  explorateur;  elle  eût  remplacé  avec 
avantage,  selon  nous, les  gravures  intercalées  dans  le  texte,  et  permis 
de  se  rendre  plus  aisément  un  compte  exact  de  tout  ce  que  la  science 
géographique  et  ethnographique  doit  au  D""  Livingstone.  Tel  est 
notre  seul  desideratum  au  sujet  de  ce  petit  volume  qui,  après  avoir 
retracé  à  grands  traits  les  premières  années  et  les  premières  études 
de  cet  homme  incomparable,  expose,  dans  une  suite  de  récits  clairs  et 
attachants,  les  diverses  phases  de  la  grande  œuvre  à  laquelle  il  a 
consacré  sa  vie  tout  entière  avec  un  dévouement  sans  bornes. 

—  C'est  un  enfant  gâté  comme  il  y  en  a  peu  que  le  Petit  marquis  de 
Carabas.llâ  perdu  d'abord  son  père,  puis  sa  mère,  et  reste  confié  aux 
soins  d'un  grand-père  qui  va  vite  en  besogne.  Il  lui  raconte  qu'il  est 
très-riche,  qu'il  possède  de  nombreuses  propriétés;  il  consent  à  ce 
que,  à  quatre  ans,  on  l'appelle  M.  le  comte;  il  lui  cède  son  lit;  il  lui 
donne  pour  joujou  une  pendule  que  h  M.  le  comte  i>  se  plaît  à  briser. 
Le  petit-fils  va  aussi  vite  en  besogne;  à  mesure  qu'il  grandit,  ses 
caprices  se  développent;  il  mange  beaucoup  d'argent  en  chevaux  et  en 
parties  de  plaisir,  relativement  honnêtes;  avec  des  camarades  heureux 
de  s'amuser  à  ses  dépens.  Le  faible  grand-père  est  bien  obligé  de  lui 
déclarer  que  ce  train  ne  peut  continuer,  et  le  force  à  s'engager  sur 
un  bâtiment.  Le  petit  marquis,  d'abord  contrit,  revient  bientôt  à  ses 
plaisirs  avec  des  camarades  qui  ne  le  quittent  pas,  et  qui  l'entraînent 
à  déserter.  C'est  alors  qu'il  trouve  sur  son  chemin  de  bons  amis  qui 
lui  font  comprendre  l'énormité  de  la  faute  qu'il  vient  de  commettre  et 
lui  font  sentir  la  honte  de  sa  conduite.  Il  n'est  alors  d'actes  de  dévoue- 
ment qu'il  n'accomplisse  pour  se  réhabiliter  :  sauvetages  au  milieu 
du  feu  et  au  milieu  de  l'eau  ;  secours  aux  cholériques  à  bord.  Il  revient 
sur  le  bâtiment,  où  son  dévouement  et  son  repentir  font  oublier  sa 
mauvaise  conduite.  Il  revient  auprès  de  son  grand-père,  se  met  à  la 
tête  de  son  exploitation,  répare,  par  son  travail  courageux,  les  folies 
de  sa  jeunesse,  et  prouve  que  la  véritable  noblesse  consiste  à  faire  le 
bien.  Il  couronne  sa  nouvelle  vie  par  un  mariage  selon  son  cœur,  en 
épousant  sa  cousine.  Beaucoup  d'enfants  trouveront  là  de  bonnes  et 
utiles  leçons.  Visenot. 


—  io:  — 
OUVRAGES    SUR   LE   PAPE   PIE    IX 

1.  Histoire  de  Pie  IX,  son  pontificat  et  son  siècle,  par  l'abbé  A,  PoUGEOiS.  Deuxième 
volume.  Paris,  Pougeois,  1877.  in-8  de  466  p.  Prix  :  7.50  —  2.  La  Captivité'  de  Pie  JX, 
histoire  des  huit  dernières  années  de  son  pontificat,  par  Alex,  de  Saint-Albix.  Paris, 
Palmé.  1878,  in-8  de  632  p.  Prix  :  6  fr.  —  3.  Histoire  de  Pie  fX  le  Grand  et  de  son  pon- 
tificat, par  un  membre  de  l'Académie  des  arcades  de  Rome.  Ouvrage  approuvé  par 
Msr  l'évèque  de  Poitiers  et  précédé  d'une  lettre  de  Mgr  Gay.  Paris.  Ressayre  & 
Ulmer,  1878,  2  vol.  in-1'2  de  512-460  p.  Prix  :  G  fr.  —  4.  Vfe  intime  et  édifiante  de 
Pie  IX  le  Bien-Aimé,  par  le  R.  P.  Huguet,  S.  M.  Paris  et  Tournai,  Castermann,  1878, 
in-8  de  592  p.  Prix  :  G  l'r,  —  5.  Pie  IX.  par  Louis  Veuillot.  Paris,  Palmé,  1878, 
in-12  de  123  p.  Prix  :  1  fr.  —  6.  Pie  IX  avant  et  pendant  son  pontificat,  pages  d'his- 
toire contemporaine  et  récits  anecdotiques,  par  l'abbé  Dd.max.  Paris,  Palmé,  1877, 
in-12  de  325  p.  Prix  :  3  fr.  —  7.  Le  Pape  Pie  IX  et  l'empereur  Napoléon  III,  par 
M.  l'abbé  Marty,  chanoine  honoraire  d'Alger.  Paris,  Douniol,  1878,  in-8  de  100  p. 
Prix  :  1  fr.  50 — 8.  Vie  du  pape  Pie  IX,  ses  œuvres  et  ses  douleurs,  par  S,  P.  Taedirel, 
rédacteur  du  Canadien  et  membre  du  cercle  catholique  de  Québec.  Québec,  J.  N, 
Duquet,  1878,  iu-S  de  121  p, 

La  douce  et  grande  figure  de  Pie  IX  appartient  désormais  à  l'his- 
toire ;  elle  domine  dès  maintenant,  et  de  très-haut,  toutes  les  per- 
sonnalités plus  ou  moins  fameuses  et  célèbres  qui  ont  fait  Tornement, 
la  gloire,  la  risée  ou  le  déshonneur  des  trois  premiers  quarts  de  ce 
siècle.  La  postérité  sera  évidemment  un  jour  en  mesure  de  puiser  à 
pleines  mains  dans  une  foule  de  documents  diplomatiques  ou  autres 
encore  inconnus  aujourd'hui.  Néanmoins  les  données  actuelles  sont 
telles,  que  nous  ne  croyons  pas  que  l'aspect  général  de  cette  ferme  et 
paternelle  physionomie  soit  jamais  grandement  modifié  de  ce  que 
Ta  sentie,  connue  et  aimée  tout  catholique  de  notre  temps.  La 
sainteté  est  la  note  dominante  et  constante  de  ce  caractère,  de 
cette  âme.  C'est  celle  qui  paraît  ressortir  plus  clairement  de  toutes 
les  histoires  déjà  composées  en  l'honneur  de  l'immortel  Pontife  qui  a 
dépassé  les  années  de  Pierre,  au  milieu  de  désastres  inouïs,  avec  la 
placidité  des  plus  grands  héros.  La  liste  des  ouvrages  que  nous  venons 
d'en  donner,  outre  qu'elle  n'est  pas  actuellement  complète,  le  de- 
viendra de  moins  en  moins,  car  la  Vie  de  Pie  IX  est  faite  assurément 
pour  tenter  longtemps  encore  bien  des  écrivains. 

—  1.  Le  travail  de  l'abbé  Pougeois  embrasse,  dans  leur  ensemble, 
tous  les  aspects  de  ce  vaste  sujet  :  la  grande  histoire  du  Pontificat 
et  du  siècle  de  Pie  IX  qu'il  a  entreprise  doit  avoir  dix  volumes.  Les 
deux  premiers  seuls  ont  paru.  Nous  avons,  ici  même,  parlé  du  premier. 
Le  second  s'applique  à  une  période  mémorable  entre  toutes  celles  des 
premières  douleurs  (1848-1849).  C'est  le  commencement  des  épreuves. 
Le  saint  Pontife  y  est  aux  prises,  pour  la  deuxième  fois,  avec  la  révo- 
lution. Une  complication  d'événements  terribles  marque  cette  partie 
de  l'histoire  pontificale,  qui  comprend  trois  phases  successives  :  le 
triomphe  de  la  démagogie  romaine,  l'exil  du  Saint-Père,  et  l'interven- 
tion laborieuse  des  puissances  catholiques  pour  la  délivrance  de  la 
ville  éternelle.  Le  troisième  volume  doit  s'ouvrir  par  le  récit  des  né- 
gociations relatives  au  retour  du  Souverain -Pontife  dans  sa  capitale. 
DHCK.MHRE  1878.  T.  .WIII,  32. 


—  498   — 

Nous  doutons  que  l'auteur  puisse  le  rendre  plus  intéressant,  plus 
dramatique  que  celui  dont  nous  parlons  en  ce  moment.  Ce  second 
volume,  en  effet,  est  plein  des  scènes  les  plus  palpitantes  d'émotions. 
C'est  d'abord  le  ministère  Mamiani  et  la  guerre  contre  l'Autriche,  puis 
bientôt  la  révolution  à  Rome  même,  l'assassinat  de  Rossi  préparé  et 
répété  par  les  sociétés  secrètes,  la  fuite  du  Pape  à  Gaëte,  les  hauts 
faits  dutriumvivat  républicain  de  Rome,  etc.,  etc.  Chaleur  de  style, 
exactitude  d'informations,  pureté  de  doctrine,  ^tout  concourt  à  rendre 
ce  volume  de  M.  l'abbé  Pougeois  le  livre  obligé  de  toute  bibliothèque 
sérieuse. 

—  2.  J'en  dirai  autant  de  la  CaptlvUé  de  Pie  IX,  par  M.  de  Saint- 
Albin,  avec  cette  différence  pourtant  qu'il  s'agit  d'époques  différentes. 
M.  de  Saint-Albin  a  voulu  donner  une  suite  aux  deux  remarquables 
volumes  publiés  par  lui  antérieurement,  et  qui  allaient  à  peine  jusqu'au 
Concile.  Son  dernier  travail  comprend  les  douleurs  des  dernières 
années,  comme  celui  de  M.  l'abbé  Pougeois  raconte  les  douleurs  du 
commencement  du  pontificat.  Car  il  semble  qu'à  quelque  instant  de 
sa  durée  que  l'on  considère  ce  règne  de  trente-deux  ans,  on  ne  trouve 
toujours  que  ruines,  désastres,  invasions.  Mais,  pour  une  bataille 
matérielle  perdue,  que  de  victoires  morales  et  qui  un  jour  apparaîtront 
comme  le  salut  du  monde  !  M.  de  Saint-Albin  ouvre  son  volume  par 
un  chapitre  consacré  au  Concile  et  aux  négociations  politiques  et 
religieuses  y  relatives;  le  dernier  chapitre  raconte  les  funérailles  du 
Pontife.  Cette  période  de  huit  années  est  exposée  en  plus  de  600  pages, 
avec  un  grand  talent  et  un  esprit  élevé  qui  embrasse  les  événements 
d'un  coup  d'œil  sûr  et  large,  et  les  résume  avec  clarté  ;  beaucoup  de 
faits,  nulle  digression  :  c'est  le  complément  nécessaire  de  toute  his- 
toire politique  sur  cette  période  du  siècle  comprise  entre  1869  et  1877. 

—  3.  Avant  de  passer  aux  histoires  particulières,  ou  plutôt  écrites 
à  un  point  de  vue  spécial,  je  veux  encore  signaler  une  histoire  géné- 
rale de  Pie  IX  fort  bien  faite,  et  qui  se  présente  au  public  avec 
deux  recommandations  précieuses,  celles  de  M"'  Pie  et  de  M^^'  Gay, 
UHistoire  de  Pie  IX  le  Grand  et  de  son  pontifical  a  été  écrite  par  un 
membre  de  l'Académie  des  Arcades  à  Rome;  elle  considère  surtout 
le  Souverain-Pontife  dans  sa  lutte  gigantesque  contre  la  Révolution. 
C'est  un  véritable  livre  d'histoire,  exact  et  complet,  où  les  documents 
précieux  abondent  et  sont  bien  mis  en  relief,  et  dont  l'orthodoxie, 
comme  doctrine, est  garantie  par  les  éminents patrons  que  je  viens  de 
citer.  Il  suit  l'ordre  chronologique  et  paraît  écrit  au  jour  le  jour,  mais 
non  pas  certes  avec  la  sécheresse  ordinaire  aux  annalistes  de  métier. 
Cet  ouvrage  tient  le  milieu  entre  la  grande  histoire  de  M.  Pougeois  et 
celle  de  M.  de  Saint  Albin,  et,  en  raison  même  de  son  volume, 
s'adressera  à  un  public  plus  nombreux  que  la  première.  Il  n'en  présente 


—  500  — 

point  les  récits  dramatiques,  mais  on  y  trouvera  les  documents  publics, 
diplomatiques,  pontificaux  et  autres,  cités  plus  souvent  et  plus  in  ex- 
tenso que  dans  la  seconde. 

—  4.  Le  R.  P.  Huguet  a  eu  en  vue  de  satisfaire  surtout  la  piété 
des  fidèles  en  leur  proposant  la  méditation  des  vertus  éminentes  du 
Pontife  Roi.  Il  a  écrit  principalement  un  livre  d'édification  qui  s'adresse 
à  rame  et  au  cœur,  et  le  titre  qu'il  a  choisi  :  Yic  intime  et  édifiante  de 
Pie  IX  le  Bien-Aimé,  répond  parfaitement  à  ce  que  tout  lecteur  trouvera 
dans  ces  pages  pleines  de  souvenirs  pieux,  d'anecdotes  parfois  char- 
mantes, de  réparties  fines  et  spirituelles.  Est-ce  à  dire  que  l'auteur  ne 
s'élève  point  parfois  aux  considérations  comme  au  genre  et  au  style  de 
la  grande  liistoire  ?  Je  n'en  disconviens  pas,  et  il  est  telle  page  que 
l'on  pourrait  citer  et  qui,  à  ce  point  de  vue,  ne  laisse  rien  à  désirer; 
mais  si  c'est  la  majesté  qui  a  touché  surtout  le  membre  de  l'Académie 
des  Arcades  dont  je  parlais  tout  à  l'heure,  et  qui  lui  a  fait  donner  à 
Pie  IX  ce  titre  de  grand,  refusé  par  lui  de  son  vivant,  et  que  Fhistoire 
confirmera  sans  doute,  on  sent  parfaitement  que  c'est  la  tendresse  du 
Pontife  et  sa  paternité_,  plutôt  que  sa  royauté,  qui  ont  ému  le  docte 
religieux  et  lui  ont  mis  la  plume  à  la  main  pour  consoler  et  fortifier 
les  âmes  par  le  spectacle  d'une  vertu  pleine  de  charmes  et  d'onction. 
Le  R.  P.  Huguet  n'a  point  négligé  pourtant  les  faits  purement  maté- 
riels, comme  ceux  de  l'usurpation  piémontaise  et  autres,  sans  l'exposé 
desquels  toute  histoire  de  cet  incomparable  pontificat  est  impossible  à 
concevoir.  Mais  il  y  a  tout  un  ordre  défaits  auxquels  je  suis  un  peu  sur- 
pris de  voirie  P.  Huguet  laisser  son  lecteur  étranger,  et  je  le  suis  d'au- 
tant plus  qu'il  semble  que  ces  faits  rentraient  plus  dans  le  cadre  qu^il 
s'est  choisi  que  dans  celui  des  historiens  précédemment  cités.  Je  veux 
parler  de  tout  ce  qu'a  fait  le  Saint-Père  pour  les  missions  étrangères, 
non-seulement  pour  le  rétablissement  de  la  hiérarchie  catholique  en 
Angleterre  et  en  Amérique,  mais  pour  la  prédication  de  l'Evangile 
dans  les  immenses  contrées  de  l'Asie,  objet,  nous  le  savons,  de  sa 
sollicitude  pontificale,  et  auquel  il  a  imprimé  une  grande  activité.  Quel 
sujet  d'édification  et  d'instruction  !  quelle  mine  précieuse,  à  peine 
abordée  malheureusement  !  Il  nous  faut  attendre  probablement,  pour 
être  pleinement  édifiés  sur  ce  sujet  si  vaste,  la  publication  dnBuUaiye 
de  Pie  IX,  qui  suivra,  nous  l'espérons,  celle  de  ses  Discours,  laquelle 
forme  déjà  trois  volumes. 

—  5,6.  Les  ouvrages,  moins  considérables  que  les  précédents,  consa- 
crésà  Pie  IXpar  M.L.  Veuillot  et  M.l'abbéDumax,  ne  nous  donneront 
pas,  au  point  de  vue  des  missions,  ce  que  nous  regrettions  de  ne  pas 
trouver  chez  le  P.  Huguet;  mais  ils  ne  méritent  pas  moins  nos  sincères 
éloges.  Tout  le  monde  ne  peut  se  procurer  ni  lire  des  ouvrages 
considérables,  et  les  auteurs  chrétiens  qui  consacrent  leur  talent  à 


—  ;iOO  ~ 

vulgariser,  pour  ainsi  dire,  l'histoire  des  héros  de  l'Église  ont  droit  à 
toute  notre  reconnaissance.  Le  petit  volume  de  M.  Veuillot  est  bien 
ce  que  Ton  pouvait  attendre  de  cette  plume  si  littéraire,  de  ce  chrétien 
si  fervent  et  si  ardent.  Ces  quelques  pages  magistrales  et  tendres,  où 
Ton  sent  vivre  Tamour  du  Christ  et  de  son  vicaire,  où  l'on  voit  resplendir 
sa  doctrine  sûre  d'elle-même  parce  qu'elle  repose  sur  le  roc  de  Finfailli- 
bilité  catholique, ces  pages  ont,  dansleur  simplicité, un  charme  incompa- 
rable, et  elles  portent  avec  elles  une  grande  puissance  de  conviction 
et  de  propagande. —  L'abbé  Dumax,  aussi,  offre  une  lecture  entraînante 
par  les  souvenirs  et  anecdotes  dont  il  compose  sa  gerbe  en  l'honneur 
du  Saint-Père.  Son  livre  nous  paraît  le  livre  type  destiné  aux  biblio- 
thèques d'œuvres,  patronages,  cercles,  etc.,  et  c'est  là,  dans  notre 
esprit,  un  éloge  aussi  complet  que  mérité. 

—  7.  L'abbé  Martj,  chanoine  honoraire  d'Alger,  a  considéré 
Pie  IX  sous  un  tout  autre  aspect.  Il  a  fait  une  œuvre  de  polémique,  et 
a  placé  résolument  la  victime  en  face  de  son  persécuteur  :  le  Pape 
vis-à-vis  de  l'empereur.  Hélas!  il  n'apprend  rien  à  personne.  Les 
plus  aveugles  ont  été  forcés,  à  la  fin,  d'ouvrir  les  yeux  à  la  lumière 
et  de  se  rappeler  toutes  les  circonstances^  toutes  les  duplicités  de  la 
politique  napoléonienne,  depuis  la  lettre  à  Edgar  Ney  et  le  «  faites 
vite  »  de  Chambéry,  jusqu'aux  «  jamais  »  de  M.  Rouher.  Mais  il  n'est 
pas  mauvais,  selon  nous,  de  remettre  les  faits  les  plus  avérés  sous  les 
yeux  des  contemporains,  attendu  que,  de  nos  jours,  la  mémoire  est 
parfois  singulièrement  courte  à  l'endroit  des  choses  les  plus  sérieuses. 
La  brochure  de  l'abbé  Marty  a  donc  le  mérite  de  l'actualité  quand 
même;  elle  a  aussi  celui,  plus  rare  qu'on  ne  pense,  de  la  clarté,  de  la 
sobriété,  de  la  sincérité.  L'antithèse  est  écrasante  pour  l'un,  et  fait 
de  l'autre,  tout  vaincu  qu'il  a  été  pendant  trente  ans,  un  victorieux 
définitif  et  sans  réserve. 

—  8.  Terminons  cette  revue  en  signalant  un  petit  opuscule  qui 
nous  arrive  du  Canada  :  les  enfants  de  l'ancienne  France  se  sont 
souvenu  que  leur  mère  patrie  les  avait  jadis  engendrés  fils  aînés  de 
l'Eglise!  Beaucoup  d'entre  eux  se  sont  enrôlés  sous  la  bannière  des 
zouaves  pontificaux  et  sont  venus  se  ranger  sous  les  ordres  de  notre 
Lamoricière.  Quelques-uns,  après  la  bataille,  laissant  là  leur  épée 
en  attendant  un  nouvel  appel,  ont  pris  la  plume  pour  continuer  leur 
œuvre,  et  nous  sommes  heureux  d'avoir  à  présenter  à  nos  lecteurs, 
parmi  un  certain  nombre  de  compositions  en  l'honneur  de  la  Papauté^ 
le  petit  livre  de  M.  Tardivel.  C'est  une  biographie  populaire,  fort 
bien  faite,  et  revêtue  de  ïimprimaluràe  l'archevêque  de  Québec.  Elle 
comprend,  en  quarante  chapitres,  le  résumé  complet  de  ce  long  et 
glorieux  pontificat,  et  se  termine  par  quelques  mots  sur  Léon  XIII  et 
par  la  liste  chronologique  de  tous  les  papes  depuis  saint  Pierre. 

F.  DE  ROQUEFEUIL. 


—  'M)\   - 

JURISPRUDENCE. 

Explication  sommaire  du  code  civil,  par  J.-J.  Delsol.  3«  éd.; 
avec  le  collaboration  de  Charles  Lescœl'r.  Paris,  Cotillon,  1878,  3  vol. 
in-S  de  vn-583,  736,  730.  p.  —  Prix  :  10  fr.  le  volume. 

J'annonçais,  il  y  a  six  mois  (t.  XXII,  p.  495),  la  réimpression  de 
cet  ouvrage,  dont  le  premier  volume  avait  paru  au  commencement  de 
l'année.  Maintenant  que  la  publication  est  terminée,  il  n'est  pas  inutile 
de  consacrer  à  l'œuvre  entière  un  coup  d'œil  d'ensemble.  On  connaît 
les  mérites  du  livre  :  je  les  rappellerai  brièvement.  M.  Delsol  a  long- 
temps professé  :  son  travail  est  uniquement  conçu  au  point  de  vue  de 
l'enseignement.  Le  texte  du  Code  Napoléon  est  intercalé  dans  le  com- 
mentaire, la  distribution  des  matières  correspond  rigoureusement  au 
programme  de  chaque  examen  :  c'est  ainsi  que  le  titre  de  la  pres- 
cription, le  dernier  code,  est  ajouté  au  second  volume,  quoique  la  loi 
de  1855  sur  la  transcription  demeure  à  la  fin  du  troisième.  On  aurait 
pu,  engagé  dans  cette  voie,  scinder  le  titre  de  l'absence  :  tel  avait 
été  le  plan  de  M.  Valette  {Coings  de  code  civil,  155,  Paris,  Marescq, 
1873).  Les  explications  sont  simples  et  courtes  :  en  peu  de  mots,  les 
systèmes  sont  exposés,  appuyés  ou  écartés.  Les  citations  d'arrêts  ne 
sont  pas  multipliées  :  mais,sur  les  grandes  questions, on  donne  toujours 
ce  que  j'appellerai  Yarrct  type,  et,  dans  un  livre  élémentaire,  il  n'en 
faut  pas  davantage.  Jusr  de  Bernon. 


SCIENCES    ET    ARTS. 

IL.e  Monde  des  plantes  avant  l'apparition  de  l'homme,  par 

le  comte  de  Saporta,  correspondant  de  l'Institut.  Paris,  A.  Masson,  187'.), 
gr.  in-8  de  il 6  p.  avec  13  planches  et  118  fig.  —  Prix  :  IG  fr. 

En  coordonnant  suivant  un  plan  d'ensemble  des  études  parues  à  de 
longs  intervalles,  éparses  dans  différents  recueils,  séparées  en  ap- 
parence par  la  diversité  des  sujets,  mais  reliées  en  réalité  par  l'unité 
de  la  pensée,  l'éminent  auteur  n'a  pas  eu  seulement  pour  but  de  re- 
construire les  flores  anciennes  et  de  résumer  les  découvertes  récentes 
de  la  paléontologie  végétale.  Il  a  visé  plus  haut.  Avec  la  grande  au- 
torité que  donnent  à  ses  recherches  des  travaux  justement  admirés, 
il  a  voulu  toucher  le  phénomène  de  la  vie  dans  le  mystère  de  ses 
origines,  dans  l'harmonie  de  sa  marche  et  dans  l'histoire  de  son  dé- 
veloppement graduel.  Delà  deux  parties  dans  son  oeuvre  :  l'une  con- 
sacrée à  l'exposé  des  vues  générales  que  suggère  l'examen  des  êtres 
organisés,  l'autre  retraçant  la  succession  des  périodes  végétales  et 
la  physionomie  des  paysages  d'autrefois. 

La  première  partie,  sous  un  même  titre,  les  Phènomi-nes  et  les  théo- 


—  •;02  - 

ries,  présente  trois  tableaux  :  la  naissance  de  la  vie,  qui  a  dû  quitter 
le  sein  des  eaux  pour  se  manifester  à  l'air  libre^  origine  commune  au 
règne  végétal  et  au  règne  animal,  qui  en  ont  Tun  et  l'autre  gardé 
l'empreinte,  malgré  les  différences  qui  ont  peu  à  peu  séparé  les 
règnes,  les  classes,  les  familles,  par  des  adaptations  de  plus  en  plus 
exclusives;  —  la  théorie  de  l'évolution  ou  le  transformisme,  qui,  pour 
M.  de  Saporta,  comme  pour  M,  Gaudry,  dont  il  cite  souvent  le  der- 
nier ouvrage  (Polybiblion,  t.  XXII,  p.  322),  n'est  plus  une  théorie 
mais  un  fait  qu'imposent  à  la  fois  l'ensemble  des  investigations 
et  l'impossibilité  de  toute  autre  explication  en  face  de  l'enchaî- 
nement continu  des  êtres;  —  enfin  les  anciens  climats,  avec  leurs 
nuits  transparentes,  leurs  jours  à  demi  voilés,  la  tiède  température 
des  contrées  polaires,  l'extension,  puis  le  retrait  de  la  zone  torride, 
réunion  complexe  de  phénomènes  que  la  science  aujourd'hui  est 
encore  impuissante  à  expliquer  autrement  que  par  d'ingénieuses  hy- 
pothèses. 

Dans  la  seconde  partie,  M.  de  Saporta  passe  en  revue  les  périodes 
végétales,  depuis  les  traces  charbonneuses  des  roches  laurcatiennes 
ou  les  bilobites  du  terrain  silurien,  jusqu'aux  flores  si  variées  des 
temps  tertiaires,  en  faisant  une  large  part  à  la  végétation  exubérante 
de  l'âge  de  la  houille.  Puis,  une  vue  générale  sur  l'ensemble  des 
périodes  permet  de  saisir,  au  moins  par  les  grandes  lignes,  les  chan- 
gements orographiques  que  TEurope  a  subis  pendent  les  dernières 
époques  géologiques,  les  variations  et  l'abaissement  final  du  climat, 
enfin  les  modifications  du  règne  végétal  en  lui-même.  En  terminant, 
M.  de  Saporta  affirme,  comme  conclusion  de  ses  recherches,  «  la 
continuité  de  l'ancienne  végétation,  la  solidarité  intime  de  toutes  les 
parties  dont  elle  se  compose,  reconnaissable  à  travers  les  modes,  les 
stades  et  les  variétés  innombrables  que  le  temps  a  fait  naître  et  que 
les  circonstances  ont  développées, en  éveillant  les  tendances  inhérentes 
à  l'organisme.  »  En  d'autres  termes,  ce  qui  frappe  M.  de  Saporta 
comme  M.  Gaudry,  dans  le  tableau  de  la  création,  c'est  l'enchaîne- 
ment des  phénomènes  soit  organiques,  soit  physiques,  et  l'unité  du 
plan  divin. 

Il  n'est  pas  besoin  de  dire  avec  quel  charme  dans  la  pensée,  quel 
bonheur  dans  l'expression,  ce  livre  est  écrit.  Ceux-mêmes  qui  ne  se 
rendront  pas  dès  l'abord  à  une  argumentation  aussi  séduisante  auront 
peine  à  ne  pas  en  subir  au  moins  la  puissante  influence.  Quanta  l'exé- 
cution matérielle,  elle  fait  honneur  à  l'éditeur,  qui  n'a  rien  négligé 
pour  que  les  planches  et  les  figures  soient  dignes  de  l'importance  du 
livre  et  de  Tautorité  de  son  auteur.  A.   Delaire. 


—  ;i03  — 

t.e  L.inion  des  plateaux  du  nord  de  la  France  et  les  silex 
travaillés  qu'il  renferme,  par  M.  E.  d'Acy.  Paris,  F.  Savy,  1878, 
in-4  de  72  p.  avec  l  car.'e  et  10  pi.  —  Prix  :  12  fr. 

Ce  travail  a  été  l'objet  d'une  communication  au  congrès  d'anthro- 
pologie préhistorique,  tenu  en  août  dernier  au  Trocadéro.  L'auteur 
ne  se  dissimulait  pas  le  peu  do  faveur  dont  jouit  dans  cette  sorte  de 
réunion  toute  étude  tendant  à  établir  un  accord  entre  la  tradition  et 
les  faits  géologiques  ;  nous  le  félicitons  donc  d'avoir  exposé  ses  rigou- 
reuses déductions  avec  une  clarté  qui  a  saisi  ses  auditeurs. 

S'appuyant  sur  l'autorité  incontestable  de  feu  M.  Belgrand,  le 
mémoire  nous  montre  une  grande  masse  d'eau  sillonnant  les  plaines 
du  nord  de  la  France  et  la  Belgique.  Ses  courants,  chargés  d'une 
forte  proportion  de  matières,  ont  recouvert  d'un  manteau  l'étendue  de 
ces  contrées,  déposant,  suivant  les  lois  de  la  pesanteur,  si  bien  ob- 
servées par  le  savant  ingénieur,  à  la  base  un  limon  grossier,  à  la  partie 
supérieure  un  limon  fin,  la  terre  à  briques,  et  formant  des  terrasses 
dans  les  tournants  convexes.  Un  géologue  distingué,  M.  de  Mercey, 
qui  s'est  livré  à  une  étude  spéciale  des  alluvions  de  la  Picardie,  attribue 
l'origine  de  ces  dépôts  au  transport  des  boues  glaciaires  qui  auraient, 
aux  temps  quaternaires,  envahi  tout  le  nord  de  notre  pays.  La  réfuta- 
tion de  cette  hypothèse  fait  en  grande  partie  l'objet  du  remarquable 
travail  dont  nous  rendons  compte. 

M.  D'Acy  n'admet  pas  que  l'état  fragmentaire  des  silex  à  la  base  du 
dépôt  soit  nécessairement  l'effet  d'un  froid  intense;  cet  éclatement  est 
d'ailleurs  loin,  d'après  ses  observations,  d'être  général.  Les  limons, 
dit-il  encore,  n'ont  pas  coulé  à  l'état  de  boue  ;  ils  forment,  ainsi 
que  le  montre  une  photographie  d'une  coupe  de  terrains  à  Saint- 
Acheul,  une  stratification  régulière  qui  ne  s'accorde  pas  avec  la 
structure  des  dépôts  glaciaires.  La  terre  à  briques  est  régulièrement 
séparée  des  matières  grossières,  elle  les  surmonte;  tout  enfin  indique 
le  résultat  d'un  seul  et  même  phénomène  aqueux. 

Quant  aux  renseignements  qu'on  voudrait  tirer  de  la  paléontologie, 
M.  D'Acy  ne  les  regarde  pas  comme  assez  précis  pour  en  déduire  la 
preuve  d'une  température  polaire.  Ne  reconnaît-elle  pas,  en  effet, 
l'association  dans  les  mêmes  gisements  d'animaux  qui  semblent  n'avoir 
du  vivre  que  sous  des  climats  opposés,  ne  les  rencontre-t-elle  pas 
souvent  au  milieu  d'une  faune  malacologique  et  d'une  flore  qui  subsiste 
encore?  M,  D'Acy  constate,  en  plus,  que  cette  faune  est  composée 
d'espèces  terrestres,  qui,  dans  les  formations  géologiques  dont  il 
traite,  exclut  même  l'idée  d'une  origine  fluviatile  opérant  par  une 
série  de  crues.  Ces  crues  n'auraient  pu  atteindre  les  sommets  et  auraient 
remanié  les  straies  sous  jacentes,  ce  qui  n'est  pas  le  cas. 

L'origine  diluvienne  est  seule  satisfaisante  pour  expliquer  le  dépôt 


—  :;0i  — 

du  limon  des  plateaux,  lequel  s'étend  en  deux  couches  régulières  sur 
la  formation  postpliocène  dans  laquelle  apparaissent  les  silex  travaillés 
par  l'homme,  instruments  qu'on  rencontre  associés  aux  ossements 
d'éléphants,  de  rhinocéros,  etc. 

La  conséquence  de  ces  constatations  géologiques  est  que  le  limon 
des  plateaux,  produit  d'un  cataclysme  diluvien,  s'est  déposé  posté- 
rieurement à  l'apparition  de  l'homme,  alors  que  les  vallées,  complè- 
tement creusées,  avaient  pris  leur  configuration  actuelle. 

M.  D'Acy,  qui  possède  la  belle  collection  d'instruments  en  pierre 
des  divers  gisements  de  la  Somme  qu'on  a  pu  admirer  à  l'Exposition 
universelle,  a  fait  un  choix  des  principaux  types  pour  les  planches 
dont  il  a  enrichi  son  mémoire.  H.  A.  Mazard. 


L.eH  Méthode»  de  guerre  actuelle  et  vers  la  fln  du  dlx- 
neuvlènie  siècle,  par  le  lieutenant-colonel  Pierron.  Conférences 
faites  à  l'École  supérieure  de  guerre  en  1876-1877.  Tomes  I  et  II.  Paris, 
Dumaine,  1878,  2  vol.  in-12  de  809  et  913  p.—  Prix  :  G  fr. 

L'apparition  de  l'ouvrage  que  M.  Dumaine  vient  d'éditer  sous  le  titre 
—  assez  singulier —  qui  précède,  était  faite  pour  exciter  la  curiosité 
des  militaires  qui  lisent.  L'Ecole  supérieure  de  guerre  est  encore  à 
ses  débuts,  et  tout  ce  qui  se  rattache  à  cet  essai  de  haut  enseignement 
militaire,  encore  assez  discuté,  provoque  dans  l'armée  un  vif  intérêt. 
D'autre  part,  M.  le  lieutenant-colonel  Pierron,  ancien  secrétaire, 
croyons-nous,  de  Maximilien,  au  Mexique,  hier  encore  choisi  pour  chef 
de  notre  mission  militaire  en  Espagne,  passe  pour  une  figure  originale, 
et  l'on  sait  que  ses  conférences  d'art  militaire  avaient  absolument  captivé 
l'attention  de  MM.  les  officiers  élèves,  auditoire  peu  suspect  d'un 
enthousiasme  irréfléchi . 

La  curiosité  ne  diminue  pas  lorsque,  en  ouvrant  le  premier  volume, 
on  lit,  sous  la  rubrique  Préface^  les  deux  lignes  suivantes  :  «  L'esprit 
dans  lequel  le  présent  ouvrage  a  été  conçu  sera  facilement  saisi  en 
lisant  les  documents  ci-après.  »  Ces  documents  sont  :  un  extrait  du 
mémoire  de  Dupleix,  sur  son  gouvernement  dans  l'Inde; —  cinq  lignes 
de  Condillac  ;  —  un  extrait  d'une  conversation  de  Napoléon  avec  le 
sénateur  Rœderer;  —  un  rapport  du  maréchal  Pélissier,  commandant 
en  chef  de  l'armée  d'Orient,  au  maréchal  Vaillant,  ministre  de  la  guerre. 
Si  nous  avons  bien  «  saisi  l'esprit  dans  lequel  le  livre  est  conçu,  »  la 
pensée  de  l'auteur,  telle  qu'elle  se  dégage  des  documents  cités,  est 
celle-ci  :  il  est  nécessaire  de  chercher,  par  un  travail  assidu,  à  s'éclairer 
des  résultats  de  l'expérience  acquise  dans  les  guerres  précédentes 
Nous  n'y  contredirons  point. 

Telle  qu'elle,  cette  soi-disant  «  préface  »  peut  donner  une   idée 


exacte,  non-seulement  de  l'esprit  dans  lequel  est  conçu  l'ouvrage; 
mais  du  procédé  à  l'aide  duquel  il  a  été  rédigé.  Ce  livre  est,  en  eiFet, 
une  vaste  compilation.  Hâtons-nous  de  dire  que  nous  ne  prenons  point 
ce  mot  dans  le  sens  défavorable  où  il  est  quelquefois  employé.  Pre- 
nant son  bien  partout  où  il  l'a  trouvé,  M.  le  colonel  Pierron  a  ras- 
semblé une  foule  de  documents,  de  rapports  et  de  données  authen- 
tiques que  le  lecteur  doit  méditer,  parcourir  ou  s'assimiler.  Nous 
disons  méditer,  parcourir  ou  s'assimiler,  cela  suivant  la  gravité  et  la 
provenance  des  divers  documents,  dont  la  profusion  est  telle  qu'on  ne 
voit  pas  toujours  très-nettement  quelle  importance  il  faut  attribuer  à 
chacun.  Les  auteurs  militaires  les  plus  souvent  cités  dans  l'ouvrage 
sont  —  en  première  ligne,  et  naturellement,  Napoléon  —  puis  Wel- 
lington, Frédéric  II,  Washington,  et,  parmi  les  contemporains,  le 
général  Lewal,  le  général  prussien  Bronsart  von  Schellendorf,  le 
journal  d'un  officier  du  2^  zouaves  (le  capitaine  Pierron)  pendant  l'ex- 
pédition du  Mexique.  Cela  est  fort  bien,  mais  beaucoup  d'autres 
documents,  surtout  à  l'Appendice,  consistent  simplement  dans  l'exposé 
d'un  inconvénient  qui  s'est  présenté  ou  d'une  lacune  qui  a  été  signalée 
à  la  guerre  ;  d'autres  sont  simplement  des  avis  exprimés  par  tel  ou  tel 
officier  subalterne  de  médiocre  expérience  ;  d'autres  enfin  ne  pré- 
sentent que  des  renseignements  numériques  d'une  assez  grande  séche- 
resse, tout  cela  fait  de  cet  appendice  un  chaos  où  l'on  a  quelque  peine 
à  ((  se  débrouiller.  »  Assurément,  et  nous  en  croyons  volontiers  nos 
camarades  de  l'École  supérieure,  aux  conférences  qui  leur  étaient 
faites,  le  commentaire  lumineux  du  colonel  éclairait  ce  cahos,  et  sa 
brillante  parole  portait  le  mouvement  et  la  vie  dans  toutes  les  parties 
de  ce  cours.  Mais,  pour  qui  n'a  pas  entendu  la  parole  du  professeur, 
cette  fin  du  livre  manque  un  peu  de  cohésion. 

Nous  avons  dit  quelle  est  la  forme  de  l'ouvrage,  disons  maintenant 
quelle  en  est  la  substance.  Les  deux  volumes  parus  —  le  troisième 
traitera  de  la  tactique  des  difi"érentes  armes  sur  le  champ  de  bataille 
—  sont  divisés  en  cinq  chapitres  d'importance  inégale,  comme  il  suit  : 
Chapitre  I.  Conditions  à  remplir  pour  commander.  —  Chapitre  II.  Unité 
de  commandement .  —  Chapitre  III.  Relations  du  général  en  chef  avec  le 
ministre  de  la  guerre.  —  Chapitre  IV.  Organisation  des  quartiers  gé- 
néraux. —  Chapitre  V.  Relations  du  général  en  chef  avec  ses  lieu- 
tenants. 

■  On  le  voit,  tout  ici  est  rapporté  au  général  en  chef,  de  qui,  en  efi'et, 
tout  part  et  tout  dépend.  Ab  Jove  principium.  C'est  là,  dans  un  ouvrage 
didactique  militaire,  une  méthode  d'exposition  nouvelle,  qui  ne  manque 
ni  d'originalité,  ni  de  logique. 

En  tête  de  chaque  chapitre  sont  exposés  les  Principes  généraux  qui 
résument  très-brièvement  l'ensemble  des  documents  cités  à  la  suite, 


—  o06  — 

—  En  campagne,  dit  l'auteur,  il  suffira  de  lire  les  «  Principes  géné- 
raux. »  Il  vaudra  mieux,  pensons-nous,  les  avoir  lus  avant  d'entrer 
en  campagne;  ou,  si  on  croit  réellement  utile  d'avoir  sous  la  main 
cette  sorte  d'aide-mémoire,  que  l'auteur  nous  donne  de  son  livre  une 
édition  réduite,  ne  ronUnniU  qne  ces  principrsgênérniix.  Mais  passons. 
La  cruelle  expérience  de  la  guerre  de  1870-71  a  prouvé  que  les  capi- 
tulations ne  sauraient  être  trop  rigoureusement  proscrites;  aussi  ne 
faut-il  pas  s'étonner  de  voir  rappeler,  dès  le  premier  chapitre,  les 
sévères  prescriptions  de  Napoléon,  aussi  bien  que  de  nos  lois  militaires 
actuelles.  Mais  le  commandant  en  chef  ne  peut  posséder  l'énergie 
nécessaire  que  s'il  est  affranchi  de  toute  autorité  latérale  ou  parallèle; 
l'unité  du  commandement  est  une  condition  de  sa  liberté,  partant,  de 
son  activité.  C'est  ce  que  démontrent  surabondamment  les  documents 
cités  au  chapitre  II.  Le  IIP  chapitre  traite  des  mesures  à  provoquer 
par  le  général  en  chef,  lors  de  l'entrée  en  campagne,  près  du  ministre 
de  la  guerre  et  aussi  des  autres  ministres,  et,  en  outre,  des  obliga- 
tions du  ministre  envers  l'armée  en  campagne.  Prévoir  les  besoins  do 
l'armée,  y  pourvoir  à  temps,  ne  pas  oublier  que  le  succès  final  ne 
s'obtient  qu'à  coups  de  renouvellements  en  ressources  de  toute  nature, 
telle  est  sa  tâche.  Le  chapitre  IV^  en  indique  suffisamment  l'objet; 
l'auteur  y  donne  comme  exemples,  les  méthodes  de  travail  de  Napo- 
léon et  de  Vellington.  Enfin,  le  chapitre  V,  sous  un  titre  très-large, 
embrasse  tout  ce  qui  concerne,  en-dehors  du  champ  de  bataille  propre- 
ment dit,  la  direction  des  troupes,  les  prescriptions  à  mettre  à  l'ordre, 
les  règles  de  la  correspondance,  la  préparation  et  l'exécution  des 
ordres  et,  spécialement,  des  ordres  de  marche.  Les  travaux  récents  des 
généraux  Verdy  du  Vernois,  Lewal,  Bronsart,  sur  cette  branche  si 
importante  de  l'art  militaire,  sont  ici  largement  mis  à  contribution, 
sans  que  l'auteur  marque  sa  préférence  pour  l'un  des  dispositifs  de 
marche  proposés. 

Le  deuxième  volume  se  termine  par  un  appendice  composé  de  do- 
cuments entre  lesquels,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  il  j  a  un  choix 
à  faire.  Nous  attendons  impatiemment  le  troisième. 

J.    GOUETHAL.  ■ 


BELLES-LETTRES 

Arioâte  t  Roland  furieux,  poèn  e  héroïque,  traduit  par  A.  J.  do 
Pays,  et  illustré  par  Gustave  Doré.  Paris,  Hachette,  1879,  in-folio  de  viii- 
608  p.,  richement  cartonné,  avec  fers  spéciaux.  —  Prix  :  150  fr. 

IjQ  Roland  furieux  n'a  jamais  été  présenté  aux  lecteurs  sous  une 
forme  plus  belle  et  plus  satisfaisante,  au  triple  point  de  vue  littéraire, 


—   nO?  — 

artistique  et  typographique,  que  dans  la  splendide  édition  que  nous 
avons  sous  les  yeux.  M.  A.  J.  du  Pays,  aidé  de  M.  E.  Villetard,  a 
apporté  tous  ses  soins  à  faire  passer  le  texte  dans  notre  langue  ;  il  l'a 
faitprécéder  d'unenotice  biographique  et  littéraire,  et  l'a  accompagné 
de  notes,  rejetées  à  la  fin  du  volume,  où  il  a  donné  un  utile  commen- 
taire du  poème  et  reproduit  dans  leur  version  originale  certains  pas- 
sages trop  libres  pour  lesquels  il  a  dû  reculer  denant  une  traduction 
littérale,  —  ce  qui  ne  veut  pas  dire  que  l'édition  expurgée  puisse  être 
mise  sans  réserve  entre  toutes  les  mains.  M.  Gustave  Doré  a  composé, 
lui  aussi, avec  le  talent  et  la  fougue  qui  lui  sont  habituels,  tout  un  poème, 
sur  lequel  il  conviendrait  de  s'étendre,  avec  la  sérieuse  attention  que 
mérite  l'œuvre  d'un  maître,  si  nous  n'étions  à  la  fois  bornés  par  le 
temps  etl'espace.  Jamais  l'imagination  de  l'artiste  ne  s'est  montrée  plus 
brillante,  plus  inépuisable;  jamais  les  ressources  d'un  crayon  auquel 
tous  les  tours  de  force  sont  familiers  ne  s'étaient  révélées  avec  plus 
de  puissance  et  d'éclat.  Nous  craindrions  de  faire  un  choix  parmi  ces 
quatre-vingts  grandes  compositions  qui  toutes  ont  leur  valeur,  dont 
plusieurs  sont  d'une  touche  vraiment  magistrale  ;  et,  s'il  fallait  entrer 
dans  l'examen  de  cette  multitude  de  sujets  de  moindre  importance  (il 
y  en  a  550),  marqués  au  coin  de  l'originalité,  de  la  vigueur,  d'une 
incomparable  verve,  d'une  liberté  d'allures  qui  va  peut-être  jusqu'à  la 
licence,  notre  embarras  serait  encore  plus  grand.  Mieux  vaut  renvoyer 
le  lecteur  à  ce  magnifique  in-folio,  qui  a  sa  place  marquée  dans  toute 
bibliothèque  d'amateur,  et  qui  tient  dignement  son  rang  à  côté  des 
autres  productions  du  grand  artiste  qui  a  su  donner  à  tant  de  chefs- 
d'œuvre  un  si  merveilleux  commentaire.  E.  d'A. 


L.as  Mocedades  del  Cid,  de  D.  Guillem  de  Castro.  Reimpresion 
conforme  a  la  edicion  original  de  Valencia.  Bonn,  Ed.  Weber,  1878,  in- 
12  de  viii-214  p.   -  Prix  ;  8  fr. 

Tout  le  monde  sait  que  Corneille  s'est  inspiré  pour  le  Cid  d'une 
pièce  composée  par  Guillem  de  Castro,  et  qu'ensuite  un  autre  poète 
espagnol,  Juan  Bautista  Diamante,  fit  à  son  tour  de  l'œuvre  française 
une  imitation  à  laquelle  Voltaire, envieux  de  son  illustre  prédécesseur, 
s'efforçait  de  reconnaître  des  caractères  d'originalité.  Il  eûtvolontiers 
désiré  voir  dans  Corneille  un  imitateur  de  Diamante,  tandis  qu'au  con- 
traire il  fut  imité  par  celui-ci.  Mais,  on  ne  peut  le  nier,  si  Corneille  ne 
dut  rien  à  Diamante,  il  dut  à  Guillem  de  Castro  l'idée  première  de  ce 
combat  si  pathétique  entre  le  devoir  et  l'amour  qui  fait  le  fond  de  la 
tragédie  française,  que  Guillem  n'avait  qu'entrevu  et  que  Corneille 
éclaira  tout  entier  de  son  génie,  Guillem  de  Castro  a  écrit  deux  pièces 
sur  le  Cid  :  la  première  est  celle  qui  a  servi  de  modèle  à  Corneille  ; 


—  o08  — 

la  seconde,  d'un  intérêt  beaucoup  moindre,  est  empruntée  aune  autre 
partie  de  la  vie  du  Campeador.  Ce  sont  ces  deux  pièces,  las  Mocedades 
dcl  Cidy  qui  viennent  d'être  publiées  par  M.  Foerster  en  un  élégant 
volume  édité  à  Bonn  par  Ed.  Weber.  Il  en  existait  trois  éditions 
seulement;  l'édition  que  nous  annonçons  a  été  faite  d'après  l'exem- 
plaire de  la  bibliothèque  de  Vienne,  et  offre  un  texte  meilleur  que 
celles  qui  l'ont  précédée.  Elle  se  recommande  à  tous  ceux  qui  s'occu- 
pent de  la  littérature  espagnole  ou  qui  sont  amenés  à  faire  une 
comparaison  entre  le  poète  espagnol  et  le  poète  français.  Des  Moce- 
dades dcl  Cid,  il  a  été  fait  un  tirage  in-8  à  400  exemplaires  seulement, 
sur  grand  papier,  dont  25  sur  vélin.  Th.  P. 


La  Atlantîtla,  poema  deMossen  Jascinto  Verdaguer,  ab  la  traduccio  caslel- 
lana,  par  Melcior  de  Palau.  Barcelone,  estampa  de  Jaume  Jepus,  1878. 
in-S  de  xxiii-3io  p. 

Il  a  été  parlé  ici  avec  détails  du  beau  poème  qui,  si  vite,  a  rendu 
célèbre  le  nom  de  M.  Jascinto  Verdaguer,  Depuis  cette  époque,  il  a 
paru  une  édition  de  V Atlantide  à  Buenos  Ayres,une  autre  à  Barcelone, 
offrant,  à  côté  du  texte  catalan,  une  traduction  en  vers  castillans,  il 
vient  enfin  d'en  être  publié,  dans  la  même  ville,  une  édition  nouvelle 
que  nous  venons  de  recevoir,  et  dans  laquelle  les  beaux  vers  du  poète 
ont  été  rendus,  en  regard,  dans  l'excellente  prose  espagnole  de 
M.  Melcior  de  Palau,  M.  Verdaguer  a  fait  à  son  œuvre  divers  chan- 
gements ;  d'après  les  conseils  d'éminents  critiques  tels  que  Milà  y 
Fontanals,  Menendez  Pelayo,  Mariano  Aguilo,  il  a  fait  subir  à  son 
livre  certaines  modifications.  Cette  nouvelle  édition  est  précédée 
d'une  lettre  de  Mistral.  Ce  juge  si  compétent  complète  par  ses  louanges 
ce  que  nous  avons  déjà  dit  de  l'Atlantide,  et  nous  traduisons  quelques 
passages  de  l'épître  adressée  au  jeune  poète  par  l'illustre  félibre, 
«  J'achève  de  lire  attentivement  l'Atlantide,  et  je  vous  envoie,  sans 
perdre  de  temps, l'expression  de  mon  plus  ardent  enthousiasme.  Depuis 
Milton  (dans  son  Pamdise  lost),  depuis  Lamartine  (dans  la  Chute 
d'un  Ange),  personne  n'avait  traité  des  traditions  primitives  du  monde 
avec  autant  de  grandeur  et  de  profondeur.  La  conception  de  VAtla7i- 
tidc  est  colossale, et  le  développement  en  est  resplendissant.  On  trouve 
là,  répandues,  disposées  et  rendues  à  la  vie  avec  une  extraordinaire 
vraisemblance,  les  traditions  les  plus  antiques,  les  plus  vénérables  de 
la  terre  catalane, et  l'imagination,  unie  à  la  science,  embellit  prodigieu- 
sement vos  superbes  descriptions,  0  illustre  poète,  vous  avez,  et  au 
delà,  tenu  les  promesses  de  votre  jeunesse...  De  tout  cœur,  je  vous 
envoie  mes  félicitations  et  mes  remercîments..,La  magnifique  épopée 
que  vous  avez  élevée  sous  l'inspiration  de  l'idéal  appartient  non-seule- 


—  :m  — 

ment  à  la  Catalogne,  mais  aussi,  mais  surtout,  à  la  renaissance  de 
notre  langue,  etlsi  Félibmic  entière  se  glorifie  de  votre  œuvre.  » 

Nous  n'avons  rien  à  ajouter  à  de  pareils  éloges,  si  ce  n'est  qu'au- 
jourd'hui, grâce  à  la  traduction  castillane  dont  elle  est  accompagnée, 
l'œuvre  de  Verdaguer  est  devenue  accessible  à  beaucoup  plus  de  lec- 
teurs, en  attendant  qu'une  traduction  française  la  popularise  encore 
davantage.  La  nouvelle  édiiton  de  l'Atlantide  se  trouve  à  Paris  même, 
à  la  librairie  Maisonneuve.  Th.  P. 

I^ettres  de  M"e  ii.ïssé  à  Mme  Calandrini,  précédées  d'une  notice 
par  A,  PiEDAGNEL.  Librairie  des  bibliophiles,  1  vol.  de  xviii-183  p.  — 
Prix  :  o  fr. 

Ourika,  par  M™«=  de  Duras.  Avec  une  notice  par  M.  de  Lescdre.  Même 
librairie.  1  vol.  de  xxiii-61  p.  —  Prix  :  2  fr.  50  le  volume.  (Les  petits 
chefs-d'œuvre.) 

Cela  a  été  une  excellente  idée  de  publier  les  lettres  de  M"®  Aïssé 
dans  la  Collection  des  petits  chefs-d'œuvre.  Ces  lettres,  écrites  d'un 
style  agréable,  renferment  bien  des  anecdotes  sur  le  dix-huitième 
siècle  et  aident  certainement  beaucoup  à  faire  connaître  cette  époque. 
Celle  qui  a  écrit  ces  lettres  intéresse  elle-même  le  lecteur,  malgré  les 
erreurs  de  sa  vie.  Achetée,  à  l'âge  de  quatre  ans,  d'un  marchand  d'es- 
claves, par  le  comte  de  Ferréol,  Aïssé,  il  faut  le  reconnaître,  eut  une 
situation  assez  équivoque  dans  la  maison  de  son  bienfaiteur.  Plus  tard, 
son  long  attachement  pour  le  chevalier  d'Aydie  l'a  rendue  presque  esti- 
mable aux  yeux  d'une  société  profondément  corrompue.  La  fin  de  la 
belle  Circassienne  fut  tout  à  fait  touchante  et  chrétienne,  et,  chose 
étrange,  elle  fut  aidée  dans  saconversion par M™«  duDefFand  et  M*"*  de 
Parabère  (p.  162)!  —  M.  Piedagnel  a  fait  précéder  cette  nouvelle 
édition  d'une  notice  très-intéressante. 

Ourika,  joli  roman  de  M"»®  de  Duras  qui  a  paru  aussi  dans  la  Collec- 
tion des  petits  chefs-d'œuvre,  n'est  pas  sans  quelque  ressemblance  avec 
l'histoire  de  M"''  Aïssé;  seulement,  ici,  c'est  une  jeune  négresse  qui  a 
été  achetée,  et  ce  n'est  pas  un  comte  de  Ferréol,  dont  les  intentions 
pouvaient  être  très-suspectées,  qui  prend  soin  de  sa  jeunesse,  c'est  une 
femme  respectable.  Ourika  n'est  pas  du  tout  une  Traviata  et  va  pleu- 
rer dans  un  couvent  sur  un  amour  qu'elle  ne  s'avouait  d'abord  pas. 
C'est  un  récit  bien  simple  que  celui  de  M^^  de  Duras,  mais  il  est  pro- 
fondément attachant.  M.  de  Lescure  a  écrit,  sur  l'auteur  et  sur  son 
œuvre,  d'excellentes  pages  où  il  rattache  la  fiction  touchante  inventée 
par  M^^^  de  Duras  à  l'histoire  de  M"*'  Aïssé  et  à  celle  d'une  jeune  né- 
gresse élevée  par  la  maréchale  de  Beauveau.  Inutile  de  dire  que  ces 
deux  volumes,  publiés  par  la  Librairie  des  bibliophiles  et  imprimés 
par  JouaustjSont  tout  à  fait  dignes  de  ceux  sous  le  patronage  desquels 
s'est  placée  cette  librairie  d'élite.  Th.  P, 


—   ;)10  — 

CK^uvrcB  diverses  de  «Iiilcs  Janiii,  publiées  sous  la  direction  de 
M.  DE  L.\  FizixiÈRE.  L'Ane  mort.  Vol.  in-18  de  lviii-218  p.  —  Mélanges. 
2  vol.  petit  in-8  de  310  et  3!5  p.  —  Contes  et  Nouvelles.  2  vol.  de  311  et 
318  p.  —  Crilique  dramatique.  4  vol.  de  317,  316,  318,  314  p.  —  Corres- 
pondance. 1  vol.  de  316  p.  —  Barnave.  2  vol.  de  340  et  de  308  p.  Paris. 
Librairie  des  bibliophiles,  1876-1878.  —  Chaque  vol.  3  fr.  aO. 

Barnave,  ce  livre  singulier  qui,  à  son  apparition,  causa  une  émotion 
si  vive,  le  meilleur  roman  de  J.  Janin,  vient  de  s'ajouter  à  la  char- 
mante collection  de  ses  œuvres  diverses  et  de  compléter  les  douze 
volumes  annonces  par  Féditeur.  Nous  nous  sommes  déjà  occupé  des 
quatre  tomes  où,  sous  ce  titre  :  Crilique  dramatique,  ont  été  réunis  les 
plus  brillants  articles  que  le  feuilletoniste  des  Débats  ait  écrits  sur  le 
théâtre  contemporain.  Nous  avons  essayé  de  faire  remarquer  combien 
était  peu  fondé  ce  reproche  adressé  à  J.  Janin  d'écrire  trop  souvent  à 
côté  du  sujet  et  de  montrer  que,  quand  le  sujet  en  valait  la  peine,  le 
critique  savait  l'apprécier  avec  goût  et  érudition.  Nous  avons  entre- 
tenu aussi  nos  lecteurs  des  lettres,  recueil  inédit,  séduisant,  qui  nous 
montrent  Fauteur  sous  un  aspect  nouveau,  qui  nous  le  font  connaître 
comme  homme  et  aimer  davantage.  Mais  ces  divers  livres  ont  été 
précédés  de  quelques  autres  dont  nous  n'avons  rien  dit  et  auxquels  il 
est  opportun  peut-être  de  revenir,  maintenant  que  la  collection  est 
complète.  Exécutée  avec  une  élégance  bien  digne  du  bibliophile  dont 
elle  ravive  la  renommée,  cette  collection  a  débuté  par  le  roman  de 
VAne  mort  et  la  Femme  guillotinée^  la  première  œuvre  qui  ait  appris  au 
public  un  nom  que,  depuis,  il  devait  tant  de  fois  répéter.  Sous  le  titre 
de  Mékmgcs  et  Variétés,  ont  paru  ensuite  des  pages  tour  à  tour  char- 
mantes ou  émouvantes  qu'il  eût  été  bien  dommage  de  ne  pas  tirer  des 
recueils  où  elles  étaient  oubliées.  Elles  ont  été  suivies  de  trois  tomes 
de  Contes  et  Nouvelles  y  c'est  là  qu'on  peut  relire  le  Mariage  vendéen  et 
une  quantité  de  petites  œuvres  qui  sont  de  petits  chefs-d'œuvre.  Ces 
volumes  ont  précédé  ceux  que  nous  avons  rappelés  tout  à  l'heure. 
Ceux-ci  sont-ils  bien  les  derniers  de  la  collection?  Nous  espérons  un 
peu  qu'ils  seront  suivis  d'autres  encore.  En  effet,  on  nous  laisse  entre- 
voir une  édition  nouvelle  de  cette  traduction  d'Horace  qui  a  tant  et  si 
longtemps  préoccupé  l'auteur  et  qui  couronnerait  dignement  cette 
série  de  charmants  volumes.  C'est  M.  de  la  Fizelière  qui  a  présidé  à 
leur  composition.  Il  a  montré  là  un  goût  bien  fait  pour  augmenter 
encore  les  regrets  que  sa  perte  récente  cause  aux  amis  des  lettres.  Il 
a  placé  en  tète  du  premier  volume,  de  l'Ane  mort,  une  judicieuse  pré- 
face où  sont  exposés  les  motifs  qui  ont  guidé  ses  recherches  dans  tant 
d'ouvrages  où  l'abondance  des  richesses  rendait  les  choix  si  diffi- 
ciles. Une  ample  autobiographie,  empruntée  à  J.  Janin,  lui-même, 
met  ensuite  le  lecteur  en  relation  directe  et  intime  avec  l'écrivain. 


—  ;j  1 1  — 

Sans  doute,  sur  quelques  points,  ses  idées,  ses  opinions  ne  sont  pas  les 
nôtres.  A  son  arrivée  à  Paris,  au  moment  de  son  avènement  dans  la 
littérature,  Jules  Janin,  quoiqu'il  ait  donné  des  articles  à  la  Quotidienne 
et,  nous  le  croyons,  à  la  Mode,  avait  certains  préjugés  inspirés  par  le 
vieux  libéralisme.  Il  avait  toutefois  un  esprit  droit  autant  que  brillant, 
il  ne  cessa  jamais  de  proclamer  les  lois  du  beau  et  du  bien,  et  la  lec- 
ture de  sa  correspondance, notamment,  inspire  une  idée  favorable  de 
son  caractère.  La  jolie  édition  de  ses  œuvres  choisies  est,  à  tous  les 
points  de  vue,  digne  d'occuper  une  place  dans  toute  bibliothèque  com- 
posée avec  goût.  Il  y  a  grand  plaisir  à  lire  ou  à  relire  tant  de  pages 
spirituelles  ou  éclatantes.  Mais, disons-le,  c'est  un  plaisir  qu'il  faut  savoir 
prolonger,  le  style  de  Janin,  à  cause  même  de  ses  qualités  un  peu  uni- 
formes, malgré  leur  abondance  et  leur  scintillement,  ne  gagnerait  pas 
à  une  lecture  trop  assidue  et  trop  suivie.  Il  en  est  un  peu  de  ce  style 
comme  de  ces  vins  au  parfum  pénétrant,  dont  on  n'apprécie  plus  la 
saveur,  si  on  le  boit  à  trop  amples  gorgées.  Th.  P. 


HISTOIRE 

La  Puisse,  éludes  et  voyages  dans  les  vingt-deux  cantons,  par  Jcles  Gour- 
DAULT.  Paris,  Hachette,  1870  gr.  ia-i  de  800  p.,  orné  de  300  grav.  — 
Prix:  50  fr. 

A  la  fin  de  l'année  1876,  M.  Jules  Gourdault  faisait  paraître  un 
magnifique  volume  sur  V Italie  (voir  tome  XVII,  p.  499).  Aux  amis 
des  beaux  livres,  il  offre,  pour  les  étrennes  de  1879,  un  livre  non 
moins  magnifique,  inspiré  par  la  Suisse.  Nous  voyons  là  se  succéder 
les  grands  lacs  encadrés  de  rochers,  les  pics  que  les  nuages  entourent 
comme  des  guirlandes,  les  sombres  vallons  où  grondent  les  torrents, 
les  cascades  aux  écumes  aussi  blanches  que  les  neiges  des  hautes 
montagnes,  les  jolis  chalets  sous  les  sapins;  des  villes,  des  villages, 
des  costumes...  toute  la  Suisse  enfin.  Près  de  huit  cents  gravures 
nous  la  représentent  ainsi  sous  tous  ses  aspects,  dans  tous  ses  détails. 

La  plupart  sont  d'une  excellente  exécution.  Les  dessins  que  nous 
aimons  le  moins  sont  ceux  (en  petit  nombre  d'ailleurs)  qui  n'ont 
pas  pour  sujets  des  vues  ou  des  scènes  vraiment  helvétiques.  Une 
grande  page  consacrée  à  la  mort  de  Calvin  nous  semble  un  peu 
tourner  à  Vimage.  Le  personnage,  d'ailleurs,  n'était  guère  digne  de  ce 
souvenir.  —  A  côté  de  ces  gravures  fort  belles,  en  général,  nous  le 
répétons,  la  plume  vient,  dans  des  pages  animées,  compléter  l'œuvre  du 
crayon.  M.  Gourdault,  cette  fois,  a  mêlé  les  impressions  du  voyageur 
aux  enthousiasmes  de  l'artiste,  ce  qui  donne  quelquefois  plus  de  mouve- 
ment à  son  nouveau  livre.  Il  y  a,  de  plus,  fait  une  place  assez  large  à 
l'histoire,  et  avec  raison,  car  le  passé  de  la  Suisse  ne  nous  est  qu'impar- 


faitement  connu,  il  se  présente  à  nous  avec  une  certaine  confusion 
causée  par  le  morcellement  de  petits  cantons,  différents  par  la  langue, 
par  l'esprit,  par  l'aspect.  Études  et  voyages  laisse  à  l'auteur  une  lati- 
tude complète,  dont  il  profite  pour  traiter  son  sujet  plus  à  fond  qu'il  ne 
l'avait  fait  dans  Vltalie.  Son  œuvre  a  donc  un  côté  instructif.  De  nom- 
breuses recherches  ont  été  faites  par  l'auteur;  il  est  curieux  de  voir 
ce  que  les  Romains  pensaient  de  la  Suisse,  ils  ne  semblent  nullement 
en  avoir  admiré  les  âpres  beautés.  Il  eût  été  intéressant  peut-être  de 
rechercher  vers  quelle  époque  la  Suisse  a  exercé  ses  séductions 
sur  les  voyageurs.  A  la  fin  du  seizième  siècle,  Montaigne  en  parcou- 
rait une  partie,  et  le  récit  de  son  voyage  n'offre  aucune  trace  des 
émotions  qu'elle  a  depuis  tant  de  fois  inspirées.  Il  y  aurait,  du  reste, 
tout  un  livre  et  un  curieux  livre  à  faire  sur  la  naissance  et  le  déve- 
loppement de  l'admiration  des  beautés  de  la  nature.  C'est  un  senti- 
ment assez  nouveau.  Pas  plus  que  dans  le  voyage  de  Montaigne  on 
n'en  rencontre  de  vestiges  dans  les  lettres  d'un  grand  poète,  de  Pé- 
trarque... Mais  revenons  à  M.  Gourdault  :  il  y  a  deux  ans,  nous  avions 
eu  à  regretter  l'intrusion  dans  son  livre  de  quelques  passages  qui 
pouvaient  ne  pas  plaire  à  tous  les  lecteurs,  à  ceux  du  Polybiblion  no- 
tamment. Dans  son  nouvel  ouvrage,  M.  Gourdault  nous  a  paru  un  peu 
plus  réservé  sur  cesujetdélicat.  Cependant,  comme  pendant  à  l'admi- 
ration que,  dans  l'Italie,  l'auteur  témoignait  pour  la  maison  de  Gari- 
baldi,  nous  trouvons  une  déplorable  phrase  sur  le  Lion  de  Lucerne, 
sur  les  Suisses  qui,  au  10  Août,  moururent  avec  un  héroïsme  digne 
d'une  meilleure  cause.  Après  tout,  l'esprit  qui  régnait  dans  le  pre- 
mier ouvrage  n'a  pas  disparu  du  second.  Ce  qui  suffirait  à  le  prou- 
ver, ce  sont  ces  pages  et  cette  grande  gravure  consacrées  à  Calvin. 
Dans  plus  d'un  passage,  on  devine  quels  sont  sur  certains  points  les 
pensées  et  les  préjugés  de  l'auteur.  En  parlant  de  l'Italie,  nous  di- 
sions que  M.  Gourdault  ne  nous  paraissait  pas  hésiter  assez  devant 
l'emploi  de  hardis  néologismes  et  péchait  par  excès  de  couleur.  La 
même  observation  peut  encore  être  faite  à  l'égard  de  la  Suisse,le  style 
en  est  souvent,  selon  nous,  trop  maniéré,  trop  prétentieux,  la  langue 
n'en  est  pas  toujours  très-correcte.  Nous  ne  savons  si  c'est  la  même 
main  qui  a  tenu  tour  à  tour  le  crayon  et  la  plume.  S'il  en  était  ainsi, 
nous  nous  consolerions  de  ne  pouvoir  accorder  sans  des  restric- 
tions nos  éloges  à  l'écrivain  en  les  donnant  bien  complètement  à  l'ar- 
tiste. 

La  Suisse  formera  deux  volumes,  se  vendant  séparément.  Le  tome 
premier  a  seul  paru;  le  tome  second  sera  terminé  dans  un  an,  aux 
approches  du  1'"' janvier  1880.  Th.  P. 


—  ;ii3  — 

Sainte  ÉlisabelU  de  Hongrie,  par  M.  le  comte  de  Montalemclrt, 
avec,  une  préface  par  Lkon  Gai:t(er.  Tours,  Marne,  1870,  gr.  in-8  de 
xxii-ooO  p.  Ouvrage  illustré  de  8  chromolithographies  et  de  28  gravures 
hors  texte,  de  77  gravures  et  40  lettrines  dans  le  texte.  —  Prix  :  2o  fr.  br,, 
et  relié,  33  fr. 

La  vie  de  sainte  Elisabeth  est  une  des  plus  belles  œuvres  de  M.  de 
Montalembert,  qui  la  produite  à  vingt-six  ans,  dans  la  jeunesse 
de  son  âge  et  de  son  talent,  et  c'est  en  même  temps  un  des  chefs- 
d'œuvre  de  notre  littérature  contemporaine,  qui  a  eu  des  résultats  con- 
sidérables, dont  nous  ressentons  encore  les  effets  :  œuvre  de  poésie 
qui  transporte  Tàme  dans  les  régions  sereines  :  œuvre  d'histoire  qui 
réhabilite  le  moyen  âge,  œuvre  de  piété  qui  glorifie  TEglise  et  met 
en  honneur  le  miracle.  M.  Léon  Gautier,  avec  sa  plume  savante  et 
son  cœur  ardent,  nous  dit,  en  un  langage  entraînant,  et  la  profonde 
impression  produite  par  cette  œuvre  en  1836,  et  la  révolution  qui  s'o- 
péra par  son  influence  dans  les  études  historiques  et  dans  les  récits 
de  vies  de  saints.  Il  eût  été  difficile  de  faire  un  meilleur  choix  pour 
un  livre  d'étrennes,  et  il  faut  convenir  aussi  qu'on  ne  pouvait  trouver 
un  meilleur  éditeur  pour  illustrer  ce  volume  et  mettre  la  forme  à  la 
hauteur  du  fond.  Il  n'est  pas  un  de  nos  lecteurs  qui  ne  connaisse  cette 
vie;  beaucoup  voudront  la  relire  en  regardant  et  admirant  les  belles 
gravures  qui  l'accompagnent,  lui  donnent  un  intérêt  et  un  charme  nou- 
veaux et  en  font  un  véritable  objet  d'art.  L'exécution  et  le  choix  ne 
nous  paraissent  rien  laisser  à  désirer.  Les  gravures  hors  texte  (huit 
belles  chromolithographies  et  vingt-huit  gravures)  représentent  toutes 
des  scènes  de  la  vie  de  la  sainte,  soit  d'après  de  grands  maîtres,  soit 
d'après  des  œuvres  anciennes,  dont  l'origine  est  toujours  soigneuse- 
ment indiquée  ;  les  soixante-dix-sept  gravures  dans  le  texte,  donnent 
soit  des  monuments  auxquels  se  rattache  le  souvenir  de  la  sainte 
(Presbourg,  Marbourg,  Eisenach,  la  Wartburg),  soit  quelques  scènes 
de  sa  vie,  et  toutes  ces  richesses  sont  cataloguées,  d'une  façon  fort 
intelligente  et  commode  dans  une  table  finale.  Nous  signalerons  plu- 
sieurs représentations  du  poétique  miracle  des  roses,  des  composi- 
tions faites  spécialement  par  Olivier  Merson,  des  reproductions  de 
vitraux,  de  statues  et  d'objets  d'art  provenant  de  collections  célèbres, 
comme  celle  du  prince  Czatoriski  et  de  M.  Bazilewski;  un  médaillon  de 
M.  de  Montalembert,  un  bénitier  donné  par  le  duc  de  Norfolk  à 
M"*  Thérèse  de  Montalembert  pour  son  baptême.  Nous  regrettons  de 
ne  pouvoir  donner  la  liste  complète  —  elle  est  trop  nombreuse,  —  des 
artistes  qui  ont  si  bien  secondé  l'éditeur  ;  voici  seulement  les  noms 
des  aquarellistes  :  MM.  Olivier  Merson,  Housset,  Sellier  et  Toussaint. 
Les  chromolithographies  ont  été  imprimées  chez  Lemercier. 

Renk  de  Saint-Mauris, 
Décembre  1878.  ï.  XXIIt,  33. 


Oli    — 

L.a  Philosophie  de  l'histoire  de  France,  par  Robert  Flint, 
traduit  de  l'anglais,  par  Ludovic  Carrau.  Paris,  Germer-Baillière,  1878, 
in-8  de  cv-423  p .  —  Prix  :  7  fr.  50. 

M.  Robert  Flint,  à  peine  âgé  de  quarante  ans,  aujourd'hui  profes- 
seur à  l'Université  d'Edimbourg,  a  occupé  pendant  douze  années  la 
chaire  de  philosophie  morale  et  d'économie  politique  à  l'Université  de 
Saint-Andrews.  L'auteur  ne  cherche  pas  quelle  peut  être  la  philo- 
sophie morale  de  l'histoire  de  France,  mais  il  indique  les  tentatives 
faites  en  France  par  des  auteurs  français,  pour  montrer  la  philosophie 
de  l'histoire,  c'est-à-dire,  comme  il  le  dit,  pour  découvrir  les  lois  de 
l'ordre  qui  gouverne  les  affaires  humaines.  Dans  une  longue  intro- 
duction de   105    pages,  M.  Flint   expose   comment   et   pourquoi   la 
philosophie  de  l'histoire  a  été,  selon  lui,  si  peu  cultivée  jusqu'aux 
temps  modernes,  et  pourquoi  on  a  pu  depuis  s'en  occuper.  Il  retrace 
alors  le  développement  à  travers  les  siècles  de  l'idée  du  progrés,  et 
de  l'idée  de  l'unité  du  genre   humain    étroitement   liée    à  celle  du 
progrès,  car  l'objet,  sinon  exclusif,  au  moins  principal  de  la  philo- 
sophie de  l'histoire  est  précisément,  dit  l'auteur,  de  déterminer  les 
lois  du  progrès.  Enfin  sans  l'idée  de  la  liberté  véritable  ou  rationnelle 
la  constitution  d'une  philosophie  de  l'histoire  est  impossible.  M.  Flint 
expose  sur  ce  sujet  les  idées  émises  au  seizième  siècle  par  Bodin,  au 
dix-septième  par  Bossuet,  au  dix-huitième  par  Voltaire,  Montesquieu, 
Turgot  et  enfin  au  dix-neuvième  siècle  par  les  écoles  théocratique  de 
de  Maistre  et  de  Bonald,  éclectique  de  Guizot  et  de  Cousin,  socialiste 
de  Comte  et  de  Fourier,  démocratique  de  Tocqueville  et  de  Laurent. 
L'auteur  excelle  à  démontrer  les  côtés  faibles  des  systèmes  et  des 
observations  :  il  observe  très-bien  que,  dans  l'œuvre  de  Montesquieu, 
«  les  fausses  généralisations  sont  aussi  nombreuses  que  les  vraies.  Il 
est  riche  en  vérités,  dit-il   et  il    est  rempli   d'erreurs.  »  M.  Flint 
montre  aussi  judicieusement  «  l'injustice  de  Voltaire  à  l'égard  de  la 
plus  noble  de  toutes  les  causes,  celle  du  christianisme  ;  »  il  signale 
«  sa  haine  fanatique  qui  eut  le  plus  désastreux  effet  sur  son  caractère, 
même  comme  historien  ;  »  il  reconnaît  dans  VEssai  sur  les  mœurs  «  un 
caractère  de  médiocrité  qu'il  est  difficile  de  rendre,  »  car  ail  manque 
décidément  de  philosophie.  »  Vainement  l'auteur    admet   en   même 
temps  que  Voltaire  «  a  rendu  à  la  fois  à  l'art  et  à  la  science  de  l'his- 
toire les  plus  grands  services,  »  vainement  il  loue  «  son  jugement  libre 
et  indépendant,  »  on  doit  retenir  son  arrêt  que,  a  avec  son  propre  esprit, 
il  n'était  pas  possible  à  Voltaire  de  comprendre  l'esprit  véritable  » 
du  moyen  âge,  et  qu'ainsi  «  Voltaire  s'efforce  de  faire  servir  toute 
l'histoire  à  une  polémique  contre  l'Église  et  représente  celle-ci  comme 
la  source  principale  de  tous  les  maux  des  siècles  qu'elle  a  traversés.  » 
M. Flint  critique  également  avec  justesse  beaucoup  d'idées  antiphilo- 


sophiques  de  M.  Cousin  et  antihistoriques  de  M.  Guizot.  Il  réfute 
très-bien  ce  que  dit  le  premier  sur  la  moralité  du  succès,  et  montre 
que  les  articles  fondamentaux  du  second  sur  les  avantages  de  la  trans- 
plantation en  France  des  institutions  politiques  de  l'Angleterre  sont 
faux  et  trompeurs.  Il  fait  toucher  du  doigt  la  prolixité  et  la  fausseté 
chimérique  du  sj'stème  de  Bûchez,  puis  le  mélange  bizarre  de  féti- 
chisme, de  scepticisme,  de  catholicisme  et  de  science  qui  forme  la 
religion  de  l'humanité  ;  il  dit  avec  raison  que  «  la  religion  positiviste 
est  l'aveu  que  Thumanité  ne  peut  se  passer  d'une  religion  et  qu'elle  ne 
peut  en  construire  une  sur  la  base  de  la  philosophie  positiviste.  » 
Les  vérités  sont  donc  nombreuses  dans  l'ouvrage  du  savant  professeur  ; 
mais  pourquoi,  après  avoir  dit  excellemment  qu'il  y  a  «  des  défaites 
beaucoup  plus  méritoires  que  beaucoup  de  brillants  triomphes,  »  citer 
comme  exemple,  pêle-mêle,  «  le  sang  d'un  Polycarpus,  d'un  Huss,  d'un 
Arnaud  de  Brescia,  d'un  Savonarole  ?  »  Pourquoi  ranger  Mazzini  et 
Garibaldi,  avec  Manzoni,  Balbo,  Rosmini,  Pellico^  parmi  «  les  citoyens 
éminents  par  le  talent  et  le  caractère  que  l'Italie  a  produits  et  qui  lui 
présagent  un  retour  à  de  brillantes  destinées?  »  Ne  doit- on  pas  s'éle- 
ver contre  cette  appréciation  que  «  les  études  de  M.  Laurent  sont  tout 
à  fait  remarquables  et  magistrales»  et  contre  celle-ci  que  «  les  écrits 
de  Quinet  peuvent  être  pour  la  jeunesse  de  France  d'une  incalculable 
valeur,  parce  qu'il  n'y  en  a  peut-être  pas  dans  la  littérature  française 
récente  qui  soient  plus  appropriés  aux  besoins  par  la  semence  morale 
dont  ils  sont  remplis!  »  Que  dire  aussi  de  ce  jugement  contre  l'expé- 
dition française  à  Rome  en  1849,  signalée  comme  un  «  acte  odieux?  » 
L'esprit  ordinairement  élevé  du  professeur  n'a  pu  ainsi  se  dégager  de 
tous  les  préjugés  protestants  :  philosophe  spiritualiste,  il  a  raison 
contre  le  matérialisme  et  découvre  facilement  les  sophismes  du 
rationalisme  ;  mais  élevé  dans  la  religion  protestante,  il  manque  de 
certaines  lumières,  ne  découvre  pas  toute  la  vérité,  que  son  esprit 
cultivé  et  évidemment  désireux  d'être  impartial  serait  si  digne  de 
connaître  et  d'embrasser. 

11  faut  remercier  M.  Carrau,  professeur  de  philosophie  à  la  faculté 
des  lettres  de  Besançon  d'avoir  traduit  un  ouvrage  où  les  appréciations 
(chaque  fois  que  la  question  religieuse  n'intervient  pas)  sont  généra- 
lement judicieuses.  11  nous  promet  de  donner  dans  un  second  volume 
les  appréciations  de  M.  Flint  sur  les  écrivains  qui,  en  Allemagne,  ont 
traité  de  la  philosophie  de  l'histoire.  Ce  sera  rendre  un  nouveau 
service.  H.  de  L'É. 


Bmuehaut,  par  Lucien  Double.  Paris,  Sandoz  et  Fisclibacher,  1878,  in-18 
de  241  p.  —  Prix  :  3  fr.  SO. 

M.  Double  est   nfatigable.  A  peine  ses  Césars  de  Polmyre  ont-ils 


clos  la  série  de  ses  études  sur  l'antiquité,  et  voici  un  nouveau  livre  sur 
les  commencements  de  notre  histoire.  Les  Récits  des  temps  mérovin- 
giens ont  fait  brillamment  ressortir  la  figure  de  Frédégonde  et  laissé 
dans  l'ombre  celle  de  sa  rivale  :  M.  Double  a  voulu  la  remettre  en 
lumière.  Sa  Brunehaut  a  les  modestes  apparences  d'un  livre  de  vul- 
garisation fait  par  un  homme  du  monde  :  et  il  fout,  à  ce  propos,  féli- 
citer l'auteur  de  ne  point  rougir  de  ce  titre  que  la,  Revice  historique  lui 
reprochait  dernièrement  avec  tant  d'aigreur.  Il  a  bien  raison  de  ne 
point  se  laisser  émouvoir  par  les  critiques  acerbes  de  notre  confrère. 
N'écrit  pas  qui  veut  pour  le  public  autre  que  les  savants  de  profes- 
sion. 

C'est  à  ce  public-là  que  M.  Double  s'adresse,  et  lorsqu'il  affirme 
que,  dans  son  volume,  «  il  n'y  a  pas  un  fait,  pas  un  détail  qui  ne  soit 
tiré  d'un  auteur  contemporain  »  de  la  reine  d'Austrasie,  il  sait  qu'il 
sera  cru  sur  parole.  En  face  des  érudits  qui  contesteraient  ses  asser- 
tions, il  tient  sous  la  main  ses  preuves,  empruntées  aux  sources 
mêmes,  et  cela  lui  suffit. 

Nous  retrouverons  dans  Brunehaut  les  mêmes  qualités  que  dans  les 
précédents  ouvrages  de  M,  Double  :  des  divisions  bien  établies,  une 
grande  clarté  d'exposition,  un  style  coloré  et  toujours  trés-élégant, 
sauf  peut-être  quelques  inversions  trop  hardies.  Nous  y  retrouvons 
aussi,  comme  excès  de  ces  qualités,  les  emportements  d'appréciation 
qui  ont  causé  un  certain  bruit  autour  du  Claude  et  du  Titus.  Ainsi, 
pour  ne  citer  qu'un  seul  exemple  (p.  138),  «  le  génie  du  progrès,  » 
inspirant  du  même  souffle  a  Socrate,  Brunehaut,  Stephenson,  »  plaira 
aux  imaginations  vives,  mais  sera  froidement  accueilli,  je  le  crains, 
par  les  esprits  méthodiques.  Malgré  tout  cela,  le  livre  se  fait  lire 
d'un  bout  à  l'autre  avec  un  intérêt  croissant.  Le  chapitre  x  :  «  l'inté- 
rieur de  Brunehaut  :  une  villa  royale  sous  les  Mérovingiens,  »  et  le 
chapitre  xiii  :  «  l'opinion  de  l'histoire,  »  ainsi  que  les  «  notes  et 
éclaircissements,  »  sont  surtout  fort  remarquables.  Ils  attestent  chez 
l'auteur  des  connaissances  archéologiques  très-variées,  une  lecture 
approfondie  de  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  Brunehaut.  Depuis  Gré- 
goire le  Grand  jusqu'à  la  thèse  (de  1853),  de  feu  Antoine  Flobert,  et 
d'excellents  principes  de  critique  historique.  '  J.  D. 


tàaiiit  Louis;  par  H.  Wallon,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  doyen  de  la  faculté  des  lettres  de  Paris. 
Tours,  Alfred  Marne,  1879,  gr.  in-8  de  xviii-oo4  p.  —  Prix  :  25  fr.,  et 
relié  :  33  fr. 

Nous  n'avons  pas  aujourd'hui  à  insister  sur  la  valeur  historique  du 
Saint  Louis  de  M.  Wallon,  auquel  le  Polybiblion  a  consacré,  en  1875, 
un   éloge  mérité,  mêlé   seulement  de  quelques  réserves,  en  disant 


(t,  XXIV,  p.  48)  que  cet  ouvrage  «  demeurerait  comme  un  des  plus 
importants  travaux  historiques  élevés  à  la  gloire  du  plus  grand  de  nos 
rois.  »  La  troisième  édition,  qui  vient  de  paraître  à  la  librairie  Marne, 
88  distingue  des  précédentes  par  son  caractère  artistique,  et  offre,  à  ce 
titre,  un  intérêt  tout  spécial  et  un  incomparable  attrait.  «  C'est  l'image 
du  saint  roi,  lit-on  dans  la  Préface,  que  l'auteur  a  voulu  surtout 
mettre  en  relief,  non  pas  en  l'isolant  du  milieu  qui  lui  forme  un  cadre 
naturel,  mais  en  abrégeant  l'histoire  étrangère,  en  réduisant  à  un 
simple  aperçu  tout  ce  qui  concerne  l'état  social  et  l'administration,  le 
développement  des  sciences,  des  lettres  et  des  arts  pendant  son  règne, 
pour  faire  une  plus  large  place  aux  représentations  mêmes  des  choses 
de  son  temps  :  monuments  de  l'architecture  religieuse,  civile  et  mili- 
taire, statues,  bas-reliefs,  chapiteaux,  autels,  stalles,  tombeaux,  reli- 
quaires, vitraux,  miniatures,  objets  d'art  ou  ornements  de  tous 
genres.  »  L'illustration,  qui  a  été  dirigée  par  notre  ami  et  collabora- 
teur M.  Léon  Gautier,  est  véritablement  splendide  :  c'est  comme  un 
musée  du  treizième  siècle,  où  apparaît  tout  ce  que  l'art  du  temps  a 
produit  de  plus  pur  et  de  plus  remarquable  ;  c'est  en  même  temps  une 
histoire  du  saint  roi  au  point  de  vue  iconographique,  car  on  a  repro- 
duit,dans  les  grandes  planches,  tout  ce  qui  a  été  fait  de  meilleur  jus- 
qu'à nos  jours.  A  côté  du  buste-reliquaire  de  la  Sainte-Chapelle,  détruit 
en  1793  ;  du  vitrail  de  la  Sainte-Chapelle,  exécuté  du  vivant  de  saint 
Louis;  du  portrait  à  genoux  d'après  le  tympan  de  la  porte  rouge  à 
Notre-Dame,  qui  est  de  la  même  époque;  de  Vlmarje  du  manuscrit  JJ 
57  des  Archives  nationales;  des  miniatures  du  quinzième  et  du  sei- 
zième siècle,  voici  un  saint  Louis  dans  le  Couronnrmenl  de  Fra  An- 
gelico  ;  un  autre,  sous  les  traits  de  Charles  VII  (ce  qu'on  aurait  dû 
dire  ici)  dans  le  beau  Crucifiement  du  Palais-de-Justice,  faussement 
aitribné  kYan  Eyck;  le  Saint  Louis  en  prière,  àQ  Charles  Le  Brun; 
Saint  Louis  enlevé  au  ciel,  de  Simon  Vouet;  le  Saint  Louis  du  vitrail 
de  la  chapelle  de  Dreux,  d'après  un  carton  d'Ingres;  \sl  Bataille  de 
Taillebourg ,  d'Eugène  Delacroix;  le  Saint  Louis  cm  ciel  dans  le  groupe 
des  confesseurs,  d'Hippolyte  Flandrin,  et  un  autre  du  même  artiste;  le 
Saint  Louis  à  genoux,  stsiiue  de  Marochetti;  la  Mort  de  saint  Louis, 
peinture  murale  de  Leloir  ;  le  Siècle  de  saint  Louis,  par  Cabanel,  la 
statue  du  Palais-de-Justice,  par  Guillaume  :  Saint  Louis  rendant  la 
justice,  etc. 

Si  nous  ajoutons  qu'au  texte  de  M,  Wallon,  viennent  s'ajouter,  dans 
cette  édition,  des  Éclaircissements  sur  le  costume  au  temps  de  saint 
Louis,  d'après  les  sceaux  et  les  miniatures  ;  sur  les  monnaies  de 
France  sous  saint  Louis  ;  sur  la  géographie  de  la  France  au  treizième 
siècle,  dus  à  des  plumes  expérimentées,  comme  de  MM.  G.  Demay,  A. 
de  Barthélémy  et  Aug.  Longnon  ;  que  quatre  cartes,  nous  offrant  la 


—  ;ns  — 

Fran<!e  en  1223-20,  la  France  en  1270,  la  France  ecclésiastique  et  la 
France  universitaire,  accompagnent  le  texte,  et  qu'il  est  encore  illustré 
de  plusieurs  reproductions  en  fac-similé  de  diplômes,  lettres  patentes, 
testament  et  autres  documents  contemporains,  nous  aurons  donné  une 
idée  de  la  valeur  et  de  l'attrait  de  cette  nouvelle  publication,  et  nous 
aurons  en  même  temps,  par  ce  bref  aperçu,  donné  au  lecteur  le  désir 
de  posséder  une  œuvre  vraiment  digne  du  sujet  et  des  presses  juste- 
ment célèbres  d'où  elle  est  sortie.  G.  de  B. 


I^e  Clievalîei*  <le  «fanl:.  Relatio7is  de  la  France  avec  le  Portugal  au  temps 
de  Mazarin^  par  Jules  Tessier,  professeur  suppléant  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Caen.  Paris,  Sandoz  et  Fischbacber,  1877,  in-8  de  viii-326  p.  —  Prx  : 
7  fr.  50. 

M.  Jules  Tessier  s'est  déjà  fait  connaître  comme  historien,  par  une 
thèse  de  doctorat  es  lettres  sur  l'amiral  Coligny  et  par  quelques  travaux 
sur  le  seizième  siècle.  S'il  franchit  aujourd'hui  d'un  coup  un  espace 
de  plus  de  cent  années,  c'est  qu'il  a  eu  la  bonne  fortune  de  trouver, chez 
un, libraire  de  Caen,  la  relation  manuscrite  d'un  court  épisode  diploma- 
tique du  ministère  de  Mazarin.  Cette  copie  qui,  du  reste,  n'est  pas 
unique^  a  été  soigneusement  collationnée  par  M.  Tessier, qui  la  publie, 
en  la  faisant  précéder  d'une  introduction  très-complète. 

Envoyé  en  Portugal  dans  l'année  1655,  pour  resserrer  l'alliance  de 
la  France  avec  la  cour  de  Lisbonne,  le  chevalier  de  Jant,  —  qui  était 
un  lettré,  un  bel  esprit,  un  collectionneur,  en  même  temps  qu'un  di- 
plomate assez  avisé,  —  fit  de  son  mieux  pour  mettre  le  roi  Jean  IV 
dans  les  intérêts  de  son  maître  ;  mais  il  faut  avouer  qu'il  aboutit  à  un 
maigre  résultat,  et  ne  put  arriver  qu'à  conclure  un  traité  qui  ne  fut 
même  pas  ratifié  par  son  gouvernement.  L'histoire  ne  fera  donc  point, 
avec  la  publication  nouvelle  de  M.  Tessier,  une  bien  importante  dé- 
couverte. Des  détails  assez  curieux,  une  biographie  du  chevalier  de 
Jant,  quelques  pièces  diplomatiques  publiées  avec  soin  :  c'est  là  tout 
ce  que  contient  ce  petit  volume,  destiné  à  servir  de  corollaire  à  la 
belle  collection  des  papiers  du  cardinal  Mazarin,  dont  M.  Chéruel 
continue  en  ce  moment  même  le  volumineux  recueil.     G.  B.  de  P. 


Maret  duc  de  Bassano,  par  le  baron  Ernouf.  Paris,  Charpentier  1878, 
in-8  de  iu-691  p.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

11  j  a  eu,  sous  le  premier  Empire,  des  personnalités,  plus  éclatantes 
que  celle  de  Maret  duc  de  Bassano  ;  mais  l'auteur  déclare  qu'il  n'y  en  a 
pas  de  plus  honorable;  il  a  reconnu  en  lui  a  une  des  figures  les"  plus 
respectables,  les  plus  sympathiques  de  notre  histoire  moderne,  »  et  il 
a  cherché  avec  amour  à  montrer  quel  fut  ce  ministre  «  aussi  capable 


qu'honnête,  qui  jusqu'ici  n'avait  pas  été  apprécié  à  sa  juste  valeur, 
ayant  poussé  jusqu'à  l'exagération  les  qualités  les  plus  estimables  de 
Fhomme  d'Etat  :  la  discrétion,  le  dévouement  et  la  modestie.»  Maret 
ne  conduisit  seul  aucune  grande  affaire,  mais  il  se  trouva  mêlé  à 
toutes  celles  du  premier  Empire,  et  nul  mieux  que  lui  n'a  connu  la 
pensée  de  Napoléon,  auprès  duquel  ses  fonctions  le  retenaient. 
M.  Thiers  a  été  injuste  envers  Maret.  M.  Ernouf  le  dit  et  le  prouve. 
En  effet,  et  c'est  là  un  des  mérites  de  cette  étude,  de  nombreux  docu- 
ments, dépêches  ou  notes  inédites  émanées  de  la  plume  de  Maret, 
font  pénétrer  plus  d'une  fois,  mieux  qu'on  n'avait  pu  le  faire  jusqu'ici, 
dans  la  connaissance  de  certains  faits  importants.  Ses  missions  diplo- 
matiques à  Londres  et  à  Naples,  en  1792  et  1793,  d'où  dépendent  jus- 
qu'à un  certain  point  le  sort  du  roi  et  celui  de  la  reine,  les  négocia- 
tions avec  l'Angleterre  en  1797,  les  événements  de  1805  et  de  1807, 
ceux  de  Bayonne  en  1808,  les  négociations  avec  l'Autriche,  etc.  sont 
tour  à  tour  passés  en  revue,  donnent  de  l'intérêt  au  récit  et  reçoivent 
aussi  une  lumière  nouvelle.  Il  y  a  là  des  documents  inédits  importants, 
la  note  sur  le  congrès  de  Prague  en  1813,  la  lettre  au  duc  de  Vicence, 
du  5  août  1813,  dictée  par  Napoléon  (et  qui  n'a  pas  été  insérée  dans 
la  Correspondance),  le  précis  des  négociations  de  Francfort  et  de  Châ- 
tillon  par  le  comte  de  la  Besnardière,  etc. ..  Maret  fut  autre  chose  qu'un 
écho  monotone  de  la  pensée  de  l'empereur.  Il  savait  lui  donner  un 
bon  conseil,  et  son  dévouement  était  éclairé.  M.  le  baron  Ernouf  aime 
son  sujet  :  le  gouvernement  de  l'Empire  et  celui  qui  l'a  servi  ont  toutes 
ses  sympathies  :  il  ne  s'en  cache  point,  et  quelquefois  cette  sympathie, 
le  rend  indulgent  pour  des  actes  difficiles  à  justifier.  Maret  avait  voué 
un  culte  au  gouvernement  impérial;  il  fut,  selon  son  historien,  l'or- 
gane le  plus  actif  de  la  réaction  napoléonienne  sous  la  Restauration. 
Ce  fut  lui  qui  fournit  des  notes,  des  indications  aux  ouvrages  du  baron 
Fain,  de  Gourgaud,Norvins,  Bignon.  Rallié  à  la  monarchie  de  Juillet, 
Maret  en  devint  ministre  pendant  huit  jours  et  une  note  écrite  par  lui 
sur  ce  court  ministère  a  le  plus  grand  intérêt.  C'est  ainsi  qu'avec 
talent  M.  le  baron  Ernouf  a  utilisé  les  papiers  qu'il  a  recherchés  et 
publiés.  H.  DE  L'É. 

t,a  Terreur  blanche.  Épisodes  et  Souvenirs  de  la  réaction  dans  le  Midi 
en  1815,  par  Ernest  Daudet.  Paris,  Quantin,  1878,  in-8  de.  x(-405  p.  — 
Prix  :  o  fr. 

Parler  de  la  terreur  blanche  de  1815  comme  on  parle  de  la  terreur 
rouge  de  1793,  c'est  évidemment  faire  preuve  d'ignorance  ou  de 
calomnie  :  voilà  ce  qui  est  bien  démontré  par  l'étude  des  faits.  Il  y  a 
eu  sans  doute,  dans  certaines  localités  du  Midi,  des  actes  criminels, 
perpétrés  par  des   hommes  brutaux,  oui;  mais  si,   comme    le    dit 


M.  Daudet,  on  ne  saurait  sans  injustice  en  faire  peser  la  re.sponsïa- 
bilité  sur  le  gouvernement  de  Louis  XVIII,  faut-il  croire  avec  l'au- 
teur que  cette  responsablité  «  doit-être  imputée  surtout  aux  fatales 
passions  dont  la  Chambre  introuvable  allait  être  l'expression  et  re- 
produire, sous  des  formes  légales,  les  inexorables  ardeurs?  n  Nous  ne 
le  pensons  pas,  car  c'est  déplacer  la  question  et  ne  pas  entrer  dans  la 
vérité  de  l'histoire.  En  1814,  aucun  excès  n'avait  été  commis  contre 
les  hommes  de  la  Révolution  et  de  l'Empire  :  mais,  en  1815,  après  que 
la  criminelle  folie  de  Bonaparte,  favorisée  par  la  trahison  et  la  vio- 
lation des  serments  prêtés,  eut  amené  sur  la  France,  avec  la  honte 
d'une  nouvelle  invasion,  d'incalculables  malheurs,  il  se  trouva  que 
certaines  âmes  furent  exaspérées,  et  comme  quelques-unes  étaient 
grossières  et  brutales,  leurs  actes  furent  cruels  et  brutaux,  leur  exas- 
pération les  entraîna  au  crime. 

Pendant  les  Ce7U  jours,  des  bonapartistes  et  des  révolutionnaires 
avaient,  malgré  les  autorités,  assassiné  des  royalistes  ;  après  les 
Cent  jours,  et  malgré  les  autorités,  des  royalistes  assassinèrent  des 
révolutionnaires  et  des  bonapartistes.  Voilà  ce  qui  s'est  passé.  Quel- 
ques autorités  purent  être  faibles,  comme  le  dit  l'auteur  ;  mais,  pour 
se  faire  obéir,  quelle  force  avaient-elles  sous  la  main  ?  Du  reste,  si 
elles  étaient  impuissantes  à  empêcher  le  crime,  elles  ne  l'approu- 
vèrent jamais.  Aussi  M.  Daudet  est-il  bien  exact  lorsqu'il  s'écrie,  en 
se  plaçant  au  point  de  vue  où  nous  sommes,  que  «  tous  les  partis  en 
France  ont  commis  des  fautes,  »  et  «  que  voilà  le  fait  brutal,  évident,  in- 
déniable? »  Non,  car  on  peut  dire  que  les  scènes  racontées  ici  ne  furent 
pas  l'œuvre  d'un  parti,  puisqu'il  ne  faut  pas  oublier  ce  fait,  lui  aussi 
brutal,  évident,  indéniable,  que  d'une  part  les  républicains  ont  assas- 
siné au  nom  de  la  Loi  en  suivant  logiquement  leurs  doctrines  sociales 
et  en  obéissant  à  leurs  chefs  montés  au  pouvoir,  que  d'autre  part  des 
royalistes  ont  assassiné  malgré  la  Loi,  en  marchant  à  l'encontre  de 
toutes  leurs  idées  religieuses,  et  en  désobéissant  à  leur  Roi,  à  leurs 
princes ,  Ces  réserves  faites  contre  des  appréciations  où  l'auteur  veut 
trop  établir  une  balance  égale  entre  des  actes  différents,  nous  re- 
connaissons que  le  récit  tracé  par  M.  Daudet  est  animé  et  offre  des 
tableaux  émouvants.  Néanmoins  l'historien  devra  toujours  consulter 
le  travail  de  M.  de  Larcy,  inséré  dans  le  tome  second  de  l'excellente 
Histoire  de  la  Restauration,  de  M.  Nettement.  Soixante  pages  de 
pièces  justificatives  contiennent  des  extraits  de  dépositions  et  de 
l'apports  de  commissaires  de  police,  des  extraits  de  registres  du  com- 
missaire général  où  sont  relatés  les  dénonciations  et  les  procès  ver- 
baux parvenus  à  ce  magistrat  au  sujet  des  crimes  commis  dans  le 
département  du  Gard.  H.  de  L'K. 


Une  famille  au  seizième  siècle,  d'après  des  dûcunienls  originaux, 
par  Charles  de  Ribbe.  Troisième  édition,  oompléteoaent  refondue  et  très- 
augmentée.  Tours,  Marne,  1879,  iu-12  de  220  p.  — Prix;  2  fr. 

L<e  livre  de  famille,  par  Charles  de  Ribbf..  Tours,  Marne,  1879,  iu-12 
devi-283  p.  —Prix:  2  fr. 

Ces  deux  ouvrages  vont  bien  à  côté  l'un  de  l'autre,  car  non-seule- 
ment ils  ont  la  môme  origine,  mais  encore  ils  ont  le  même  but  et  trai- 
tent du  même  sujet.  Une  farnlllo  au  scizicmc  siècle  est  le  début  des 
publications  de  M.  de  Ribbe  sur  les  <»  livres  de  raison»  ou  mernorium 
de  famille,  qu'il  lui  a  suffi  de  faire  connaître  pour  les  mettre  en  vogue. 
Les  deux  premières  éditions  (de  1866  et  1867)  étant  épuisées,  cette 
troisième  ne  contient  plus  seulement  le  texte  de  Jeanne  du  Laurens 
(p.  1-96);  elle  donne,  en  outre,  des  éclaircissements  et  des  documents 
(p.  103-220)  qui  doublent  le  volume  et  en  font  un  ouvrage  nouveau  ; 
ce  sont  des  testaments  avec  des  notices  sur  Honoré,  André  et  Jean 
du  Laurens,  avec  des  considérations  dont  quelques-unes  nous  ont  par- 
ticulièrement frappé,  telle  que  celle  du  chapitre  :  «  Comment  les  du 
Laurens  s'élevèrent  à  la  noblesse.  » 

Ce  n'était  point,  dans  les  vues  de  l'auteur,  une  publication  purement 
littéraire.  Ses  œuvres  postérieures:  Les  familles  et  la  Société  en  France 
avant  la  Révolution,  la  Vie  domestique,  ont  clairement  indiqué  son 
but.  Régénérer  la  famille  par  le  retour  aux  traditions,  et  montrer  que 
ces  traditions  sont  conformes  aux  préceptes  divins,  qu'elles  se  retrouvent 
partout  et  dans  tous  les  temps.  Il  en  est  une  qu'il  s'est  particuliè- 
rement appliqué  à  mettre  en  évidence,  moins  à  cause  de  sa  valeur  en 
elle-même  que  parce  qu'elle  implique  l'amour  même  de  ces  traditions 
et  indique  le  moyen  employé  par  nos  pères  pour  les  conserver  fidè- 
lement. Nous  voulons  parler  de  la  rédaction  des  livres  de  raison,  où 
les  parents  enseignent  l'histoire  de  leur  famille  et  déposent  les  con- 
seils que  leur  expérience  et  leur  affection  dictent  pour  le  bien  de  leurs 
enfants.  Après  les  avoir  fait  revivre  dans  ses  livres,  M.  de  Ribbe 
voudrait  les  ressusciter  complètement,  trouvant  là  un  moyen  efficace 
de  revenir  aux  anciennes  et  saines  coutumes.  Il  a  donc  rédigé  un  type 
de  livre  de  raison,  pouvant  s'appliquer  à  toutes  les  conditions,  ne 
donnant  point  de  formules  à  remplir,  mais  traçant  le  cadre  et  donnant 
des  points  de  repaire.  Après  avoir  bien  précisé  ce  que  sont  les  livres 
de  raison,  leur  nécessité  à  notre  époque,  le  moyen  d'en  rétablir  l'usage, 
il  entre  dans  son  sujet,  qui  lui  fournit  trois  divisions  :  le  passé  de  la 
famille,  son  présent,  son  avenir.  Pour  le  passé,  les  portraits  des  an- 
cêtres, les  dates  des  principaux  anniversaires,  leur  histoire  et  celle 
des  parents.  —  Pour  le  présent,  l'état  des  personnes,  le  mariage,  les 
naissances,  les  éducations,  l'établissement  des  enfants,  les  principaux 
événements  domestiques  ;  puis  l'état  des   biens.  —  Pour  l'avenir,  le 


—  .S2-i  — 

testament  et  les  conseils  aux  enfants.  C'est  la  substance  des  ouvrages 
de  M.  de  Ribbe.  Il  a  poussé  l'attention,  secondé  qu'il  était  par  son 
éditeur,  encouragé  par  des  personnes  considérables,  désirant  que  la 
pratique  suivît  la  théorie,  jusqu'à  faire  imprimer  un  livre  de  raison  à 
pages  blanches^  que  chacun  pourra  remplir  suivant  son  inspiration. 
Nous  serions  téméraires  en  préjugeant  les  résultats  de  cette  expé- 
rience; mais  nous  faisons  les  vœux  les  plus  ardents  pour  son  succès, 
qui  assurerait  dans  les  esprits  un  heureux  mouvement  plein  de  pro- 
messes pour  l'avenir.  Ce  n'est  pas  demain,  c'est  aujourd'hui  que  doivent 
se  mettre  à  l'œuvre  ceux  qui  ont  soin  de  régénérer  la  famille  et,  par  elle, 
la  société  ;  le  nouvel  an  est  une  occasion  favorable  pour  faire  con- 
naître et  le  Livre  de  famille  et  le  livre  de  raison  à  pages  blanches  dont 
il  n'est  que  l'introduction.  Nous  sommes  assurés  du  concours  de  beau- 
coup de  nos  lecteurs.  R.  S.  M. 


I^es  Femmes  tlann  la  société  chrétienne,  par  Alphonse  Dan- 
TiER.  Ouvrage  illustré  de  4  photogravures  et  de  "00  gravures  sur  bois, 
d'après  les  monuments  de  l'art.  Paris,  Didot  1879,  deux  vol.  in-4  de 
xii-008  et  518  p.  —  Prix  :  broché,  40  tr.,  relié,  60  fr. 

Dégradées  et  dédaignées  parle  paganisme,  réhabilitées  et  ennoblies 
par  le  christianisme,  les  femmes  ont  été  un  des  plus  actifs  éléments  de 
la  civilisation  chrétienne.  C'est  un  lieu  commun  de  le  dire  ;  mais  c'est 
une  œuvre  utile  de  le  démontrer  quand  on  a  une  plume  aussi  déli- 
cate, aussi  savante,  aussi  poétique  et  aussi  chrétienne  que  celle  de 
M.  Alphonse  Dantier.  L'érudit  et  artistique  auteur  des  Monastères 
bénédictins  et  des  Études  historiques  sur  l'Italie  s'est  proposé  de  mon- 
trer l'action  civilisatrice  des  femmes  chrétiennes  dans  une  série  de 
tableaux  commençant  aux  patriciennes  romaines  et  se  terminant,  de 
nos  jours,  avec  Mme  Swetchine,  Eugénie  de  Guérin,  la  sœur  Ro- 
salie et  Mme  Barat.  Dans  presque  tous  ces  tableaux,  une  figure  se 
détache  et  l'on  a  ainsi  une  galerie  de  portraits  qui  peut  faire  l'orne- 
ment de  tous  les  intérieurs  chrétiens.  Ce  sont,  pour  citer  quelques 
noms,  Plautilla,  sainte  Symphrose,  sainte  Cécile,  sainte  Agnès,  sainte 
Hélène,  Fabiola,  sainte  Monique,  sainte  Paula,  sainte  Clotilde,  Pul- 
chérie,  Eudoxie  et  Théodelinde,  représentant  la  femme  dans  le  ma- 
riage, la  famille  et  l'état;  Hroswitha,  sainte  Hildegarde  et  sainte 
Elisabeth  de  Hongrie,  sous  le  titre  de  a  la  Poésie  et  le  drame  dans  le 
cloître  ;  »  Blanche  de  Castille,  Marguerite  de  Provence,  Béatrix,  l'ins- 
piratrice d'un  grand  poète,  Jeanne  d'Arc,  sainte  Thérèse^  Marie 
Stuart,  sainîe  Chantai, la  mère  Angélique,  la  sœur  Cornuau,  Elisabeth 
Seton,  qui  nous  transporte  aux  Etats-Unis,  où  elle  établit  les  Filles  de 
la  Charité.  On  devine,  à  la  seule  lecture  de  ces  noms,  où  M.  Dantier 
est  allé   puiser  ses   inspirations  et  ses  renseignements,  car  ils  rap- 


—  :?2:\  — 

pellent  nos  meilleurs  travaux  d'histoire  et  d'hagiologie.  Mais  Tins- 
piration  et  le  travail  personnel  ont  transformé  tous  ces  matériaux  de 
choix  et  en  font  un  enserable  où  l'âme,  l'esprit  et  le  cœur  du  chrétien 
et  du  Français  trouvent  une  égale  satisfaction.  Nous  avons  été  sur- 
pris de  trouver  dans  cette  société  la  mère  Angélique,  la  mère  Agnès 
et  tout  Port-Royal.  Elles  étaient  assurément  des  femmes  remarqua- 
bles, mais  elles  étaient  jansénistes,  autrement  dit  hérétiques,  et 
M.  Dantier,  dans  son  admiration  pour  elles,  traite  bien  légèrement  la 
condamnation  de  leur  erreur  et  laisserait  facilement  entendre,  par  ses 
termes  indulgents,  qu'il  n'y  avait  au  fond  de  tout  cela  que  cabales, 
intrigues,  vexations  et  jalousies. 

L'œuvre  de  M.  Dantier  a  été  éditée  avec  un  grand  soin  par  la  mai- 
son Didot,  si  renommée  pour  ses  éditions  illustrées.  On  est  dédom- 
magé, autant  que  possible,  des  belles  chromolithographies  auxquelles 
elle  nous  a  habitués,  par  de  remarquables  photogravures  et  un  grand 
nombre  de  gravures  sur  bois  reproduisant  soit  des  portraits,  — comme 
ceux  de  saint  François  de  Sales,  sainte  Chantai,  Mme  de  Touloujon, 
la  mère  Angélique,  la  mère  Agnès,  Antoine  Arnauld,  Bossuet,  Mme  de 
Mortemart,  Mme  Swetchine,  M>ne  de  Miramion,  Elisabeth  Seton,  soit 
des  scènes,  soit  des  monuments  se  rapportant  au  texte,  et,  comme  tou- 
jours, l'indication  de  l'origine  est  marquée.  Les  éditeurs  ont  recherché, 
dans  les  illustrations  des  tètes  et  fins  de  chapitres  et  des  lettres,  à 
donner,  autant  que  possible,  une  idée  de  la  décoration  ornementale  de 
l'époque  où  vivaient  les  femmes  qui  font  le  sujet  de  ce  bel  ouvrage. 

Rkné  de  Saint- Mauris. 


ILiord  Palinerston,  sa  correspondance  intime  pour  servir 
à   l'Iiistoire  diplomatique  de  l'Europe  de  ISSO  à  1S6C?9 

traduite  de  l'anglais,  précédée  d'une  introduction  et  suivie  d'un  ap;'en- 
dice  pdr  Augustus  Craven.  Paris,  [îidier,  1878,  in-8  de  LXii-oi2.  —  Prix: 
8fr. 

Cet  ouvrage  est  important  pour  la  politique  et  pour  l'histoire." 
MM.  Bulwer  et  Evelyn  Ashley  ayant  publié  à  Londres  la  vie  de  Pal- 
merston  avec  un  choix  de  ses  dépêches  et  de  sa  correspondance, 
M.  Augustus  Craven  a  eu  l'heureuse  pensée  d'en  extraire  et  de  tra- 
duire en  français  les  lettres,  qu'en-dehors  des  dépêches  officielles, 
mais  également  sur  les  affaires  politiques,  le  célèbre  secrétaire  d'Etat 
adressait  aux  représentants  du  gouvernement  anglais,  lord  Granville, 
à  Paris;  sir  William  Temple,  son  frère,  àNaples;  lord  Ponsonby,  à 
Constantinople  ;  sir  Bulwer,  à  Madrid,  etc..  On  conçoit  le  grand  in- 
térêt qu'offre  une  pareille  publication.  La  dépêche  officielle  peut  parfois 
dissimuler,  amoindrir,  colorer  l'expression  toujours  étudiée  de  la 
pensée,  mais  la  lettre  intime  qui  traduit  au  jour  le  jour,  avec  abandon, 


les  impressions  du  moment  sur  les  hommes  et  sur  les  choses,  en  des 
termes  Vifs,  un  peu  rudes  peut-être,  a  un  prix  inexprimable,  venant 
d'un  tel  ministre  et  traitant  de  telles  affaires  :  affaires  de  Belgique,  de 
Portugal  et  d'Espagne,  affaires  d'Orient  et  de  Syrie,  mariages  espa- 
gnols, etc...  La  correspondance  doit  aller  de  1830  à  1865  ;  nous  n'a- 
vons ici  que  la  première  partie  qui  s'arrête  en  1847.  La  première  lettre 
est  du  7  janvier  1831.  L'auteur  a  souvent  intercalé  entre  les  lettres 
des  notes  pour  nous  faire  suivre  la  marche  des  événements;  il  les  a 
fait  précéder  d'une  introduction  où  il  raconte  la  vie  de  Palmerston 
depuis  sa  naissance  en  1784  jusqu'en  1830.  On  trouve  en  Palmerston 
un  zélé  partisan  de  l'émancipation  des  catholiques,  et,  dans  nn  Joio-mU 
très-intéressant,  écrit  pendant  son  séjour  à  Paris  en  1829  et  1830,  on 
le  voit  observateur  sagace  des  hommes  et  des  choses.  Indiquer  ici  les 
mille  détails  que  cette  correspondance  nous  fait  connaître  est  impos- 
sible ;  pour  choisir  môme  des  exemples,  l'embarras  serait  grand,  disons 
seulement  que,  même  après  les  publications  qui  ont  eu  lieu  sur  la  po- 
litique de  1830  à  1848,  on  trouve  ici  plus  d'un  trait  à  retenir,  et  on 
admirera  avec  quelle  fertilité  d'esprit,  quelle  clarté  et  précision,  le 
grand  ministre  whig  savait  traiter  les  affaires.  JNI.  Craven  a  voulu 
venger  Palmerston  des  accusations  qu'on  lui  a  souvent  adressées  au 
sujetdes  mariages  espagnols,  et,  dans  un  appendice,  il  s'est  appliqué 
à  montrer  par  la  correspondance  de  Guizot,  du  roi  Louis-Philippe,  de 
M.  Bresson,  etc..  que  ces  attaques  étaient  dénuées  de  fondement.  La 
lecture  si  instructive  de  ce  premier  volume  de  la  correspondance  in- 
time de  Palmerston  fait  désirer  vivement  que  le  second  ne  se  fasse 
pas  attendre.  On  ne  saurait  trop  bien  accueillir  des  publications  de 
ce  genre,  si  rudes  que  soient  souvent  les  coups  qu'elles  portent  à 
notre  amour-propre  de  Français.  H.  de  l'E. 


L«éopold  I'"'  et  Léopold  II,  b*oîs  des  Belges,  îew;'  vie  et  leur  règne, 
par  Tbkodoue  Jlste.  Bruxelles,  G  Muquardt,  1878,  in-8  de  xvi-6i0  p.  — 
Prix  :  10  fr. 

Un  écrivain  honorablement  connu  par  l'Histoire  du  congrès  national 
belge,  la  Vie  de  M.  Lebeau,  etc.,  M.  Théodore  Juste,  vient  de  publier  un 
gros  volume  sur  la  vie  et  le  règne  des  deux  rois  des  Belges  Léopold  1" 
et  Lcopold  II  :  Léopold  1",  confident  souvent  consulté  et  écouté  des 
autres  rois  et  jouissant  en  Europe  d'un  ascendant  incontestable; 
Léopold  II  nature  plus  délicate,  d'une  prudence  égale  et  qui  s'est 
récemment  honoré  en  devenant  le  promoteur  d'explorations  à  travers 
l'Afrique  pour  hâter  la  marche  de  la  civilisation  en  ce  pays.  Plus  d'un 
historien  s'est  iléjà  occupé  de  Léopold  I":  M.  Thonissen,dans  son  livre 
la  Belgique  sous  le  règne  de  Léopold;  M.  Ch.  Woeste,  dans  le  Roi  Léopold, 
sa  politique;  M.  Faider,  dans  le  Roi  Léopold  7"'  et  le  royaume  belge^  etc.  ; 


des  publications  nombreuses  ont  également  raconté  les  péripéties  de 
la  formation  du  nouveau  royaume.  Cependant  M.  Théodore  Juste  a  pu 
encore  donner  ici  des  renseignements  nouveaux  et  mettre  mieux  en 
relief  la  physionomie  du  roi  dont  il  raconte  la  vie.  Ce  que  M.  Juste  a 
fait  surtout  ressortir,  c'est  la  participation  personnelle  de  Léopold  I" 
aux  négociations  de  1831  et  de  1832.  11  s'appuie  surtout  sur  la  cor- 
respondance du  roi  avec  le  général  Goblet,  avec  le  général  Chazal, 
avec  M.  Le  Hon...  L'intérêt,  en  eiïet,  se  concentre  tout  d'abord  sur  la 
grande  question  de  la  reconnaissance  de  la  Belgique  et  de  sa  neutra- 
lité. Or,  ce  qui  dominait  dans  l'esprit  de  Léopold  F'',  c'était  la  néces- 
sité d'être  Belge,  de  ne  s'inféoder  ni  à  l'Angleterre,  ni  à  la  Prusse, 
ni  à  la  France  :  «  On  nous  accuse  d'être  entièrement  Français,  écrivait- 
il  en  septembre  1831  ;  nous  sommes  amis,  mais  nous  ne  désirons  autre 
chose  que  notre  indépendance.  »  La  nationalité  belge  est  devenue 
ainsi  un  des  fondements  du  droit  public  européen.  Napoléon  111  vou- 
lut la  supprimer,  et  M.  Juste  nous  raconte  cette  négociation  étrange 
menée  au  nom  de  l'empereur  par  M.  Benedetti.  11  nous  fournit  éga- 
lement sur  d'autres  points  des  renseignements  curieux,  soit  qu'il  nous 
montre  Léopold,  en  1831,  blessé  parles  soupçons  de  la  France,  soit 
qu'il  nous  représente  Louis-Philippe  inquiet  de  l'agitation  constitu- 
tionnelle en  Belgique  et  aveuglé  sur  la  situation  de  la  France,  malgré 
les  avis  de  son  royal  gendre.  Grâce  aux  nombreuses  lettres  écrites  par 
le  roi  à  ses  ministres,  qui  sont  insérées,  ou  dans  le  corps  du  récit,  ou 
dans  les  documents  historiques  rejetés  à  la  fin  du  volume,  M.  Juste  a 
donné  un  ouvrage  attachant.  C'est  là  qu'est  le  grand  intérêt  de  ce 
Volume.  Un  peu  trop  libéral  peut-être,  l'auteur  ne  semble  pas  avoir 
beaucoup  de  sympathie  pour  les  ministères  catholiques.  Ses  amitiés 
sont  évidemment  dans  l'autre  camp  ;  mais  les  luttes  de  l'opinion  sont 
rejetées  sur  le  second  plan,  et  les  figures  des  deux  rois  occupent  pres- 
que tout  le  tableau.  Or,  il  est  impossible  de  ne  pas  être  séduit  par  ces 
physionomies  de  princes  dont  l'un  fonda  et  l'autre  affermit  chaque 
jour  encore  le  royaume  de  Belgique.  H.  de  L'E. 


Liiste  et  blasons  des  chevaliers  de  l'Annonciade  appar« 
tenant  au  duché  de  Savoie,  do  1362  à  1860,  par  le  comte  Amkdée 
DE  Foras.  Grenoble,  Ed.  Allier,  1878,  in-fol.  de  30  p.  avec  108  blasons,  — 
Prix  :  oO  fr. 

Nous  avons  appelé,  dans  le  temps,  l'attention  du  public  curieux  des 
glorieux  souvenirs  de  l'ancien  duché  de  Savoie  sur  les  travaux  généa- 
logiques de  M.  le  comte  Amédée  de  Foras,  qui  dévoue  des  trésors 
d'érudition  à  la  conservation  de  cette  branche  essentielle  des  richesses 
historiques  de  sa  patrie.  Ce  que  Pompeo  Litta  fit  pour  les  «  Familles 
illustres  de  l'Italie,  »  M.  de  Foras  a,  dans  plus  d'une  occasion,  réussi 


—  o2(3  — 

à  le  faire  pour  les  maisons  d'une  contrée  que  les  liens  les  plus  étroits, 
formés  soit  par  la  communauté  de  la  langue  et  des  coutumes,  soit  par 
le  dévouement  aux  mêmes  souverains  et  la  participation  aux  mêmes 
destinées,  ont  successivement  rattachée  aux  deux  grands  pays  que 
séparent  les  Alpes  pcnnines  ;  union  qui  subsistera  longtemps,  nous 
l'espérons,  dans  les  affections  et  les  souvenirs.  L'histoire  des  trois 
familles  des  sires  de  Beaufort,  des  barons  de  Blonay^  et  des  Bonivard 
abonde  en  documents  d'un  grand  intérêt  dont  nous  avons  essayé  de 
préciser  la  nature.  Ce  n'étaient  que  des  parties  d'un  vaste  travail  qui 
comprend  tout  l'armoriai  de  la  Savoie.  Aujourd'hui,  nous  voulons 
signaler  particulièrement  une  livraison  qui  complète  l'armoriai  et  qui, 
dans  son  genre,  n'est  pas  moins  intéressante.  Elle  présente  l'histoire 
de  la  fondation  de  l'ordre  du  Collier  de  Savoie,  dit  de  l'Annonciade , 
et  la  liste  des  chevaliers  admis  dans  cette  célèbre  confrérie  jusqu'à  la 
réception,  en  1858,  du  prince  alors  appelé  duc  de  Savoie,  qui  règne 
actuellement  sous  le  nom  d'Humbert,  successeur  de  Victor-Emmanuel 
sur  le  trône  d'Italie.  La  généalogie,  dressée  avec  un  soin  judicieux  sur 
les  documents  authentiques  de  la  maison  souveraine  de  Savoi_e  depuis 
Amédée  VI,  sert  de  préambule  nécessaire  à  la  liste  des  chevaliers.  Le 
Résumé  historique  qui  vient  ensuite  établit  la  date  de  la  création  d'un 
ordre  qui  prit  presque  aussitôt  son  rang  parmi  les  plus  illustres  de  la 
chrétienté,  et  qui  est  encore  considéré  comme  la  récompense  la  plus 
flatteuse  du  mérite.  Le  fondateur,  Amédée  VI,  qu'on  appela  le  Comte 
Yerl,  peut  être  regardé  comme  un  des  modèles  du  souverain  belli- 
queux, soigneux  du  bonheur  de  son  peuple,  entreprenant  et  judicieux 
à  la  fois,  dont  les  âges  de  la  chevalerie  ont  conservé  la  mémoire  et  qui 
mérite  de  vivre  dans  le  souvenir  des  peuples  ;  son  exemple  a  été 
suivi  par  plus  d'un  de  ses  descendants.  La  fondation  de  l'ordre,  qui, 
dans  le  principe,  n'était  que  de  quinze  compagnons,  remonte  à  l'année 
13G2,  et  la  rédaction  actuelle  de  ses  statuts  à  l'année  1409  :  celle-ci 
est  l'œuvre  d'Amédée  VIII,  petit-fils  du  fondateur.  L'ordre  est,  dit  le 
Comte  Vert,  expressément  consacré  aux  «  quinze  mystères  si  joyeux  de 
la  a  sainte  Vierge  ;  »  et  le  collier,  dans  sa  forme  définitive,  porte  sur  un 
médaillon  la  figure  en  relief  de  la  Très-sainte  Aiino7iciation,à'ovi  \ieni 
le  nom  à'Annonciade,  qui,  dans  l'usage  commun,  a  remplacé  la  dési- 
gnation de  Collier  de  Savoie.  Plus  tard,  une  addition  de  «  chevaliers 
étrangers,  »  choisis  pour  la  plupart  dans  les  maisons  souveraines,  et 
de  chevaliers  surnuméraires,  désignés  par  des  services  d'un  éclat 
extraordinaire,  augmenta,  mais  toujours  dans  une  faible  proportion, 
le  nombre  des  Colliers  de  l'ordre  dont  les  possesseurs,  à  la  cour  de 
Turin,  qualifiés  de  «  cousins  du  roi,  »  prenaient  rang  dans  les  céré- 
monies, immédiatement  après  les  princes  du  sang.  La  devise  FERT, 
qui.  dans  la  composition  du  collier,  alterne  avec  les  lacs  d'amour^  est 


une  des  énigmes  les  plus  difdciles  à  résoudre  parmi  les  jeux  d'esprit 
de  l'âge  ingénu  et  tout  à  la  fois  héroïque  de  la  chevalerie. 

Le  nombre  total  des  chevaliers  admis  dans  cette  insigne  confrérie, 
appartenant  au  duché  de  Savoie,  pendant  les  cinq  siècles  qui  se  sont 
écoulés  entre  la  date  de  sa  fondation  et  l'année  1860^  qui  a  changé  les 
conditions  politiques  de  ce  pajs,  s'élève  à  cent  huit;  le  comte  Rodolphe 
de  Maistre  et  le  comte  Hector  de  Gerbais  de  Sonnaz  précèdent  immé- 
diatement, dans  la  période  finale,  «  Humbert,  prince  de  Piémont, 
héritier  de  Casa  Savoja.  »  Le  nombre  des  familles  illustrées  par  la 
promotion  d'un  ou  plusieurs  de  leurs  membres  ne  dépasse  pas  trente- 
neuf;  beaucoup  sont  éteintes.  Celle  des  Comtes  de  Genève  eut  succes- 
sivement dix  chevaliers  ;  on  en  comptait  trente-quatre  de  la  Maison 
de  Savoie;  on  voit  combien  demeure  restreint  le  nombre  des  familles 
de  particuliers  récompensées  par  cet  honneur.  Il  est  curieux  d'y 
trouver,  parmi  les  chevaliers  les  plus  anciennement  admis,  Amédée 
Bonivard,  dont  le  nom  était,  après  un  laps  de  près  de  deux  siècles, 
réservé  à  un  genre  si  différent  d'illustration.  Celui  du  comte  de  Foras 
appartient  à  la  première  promotion,  dans  la  personne  de  Berlion, 
seigneur  de  Foras  en  Genevois. 

L'exécution  des  blasons  en  couleur,  au  nombre  de  109,  qui  couvrent 
14  pages  in-folio,  celle  des  encadrements  et  des  lettres  orn'es  histo- 
riquement d'après  les  dessins  de  l'auteur,  font  le  plus  grand  honneur 
à  la  typographie  provinciale,  si  richement  représentée  à  l'Exposition 
de  l'année  1878.  On  ne  saurait  qu'admirer  le  courage  de  l'éditeur  qui 
a  entrepris  et  mené  à  fin  avec  une  telle  perfection  une  publication  de 
cette  nature  et  de  telle  importance. 

Les  notes  placées  par  l'auteur  à  la  suite  de  chaque  nom  montrent 
avec  quel  scrupule  il  s'est  efforcé  d'établir  à  tous  les  points  de  vue, 
l'exactitude  des  désignations  généalogiques  et  la  position  véritable 
des  personnages.  Les  rares  dépositaires  de  la  science  héraldique  (qui 
n'est  pas  un  des  moindres  accessoires  de  la  connaissance  des  temps 
anciens),  trouveront  à  se  satisfaire  de  toutes  façons  dans  l'ouvrage 
que  nous  venons  d'annoncer.  Adolphe  de  Circourt. 


Les  Monnaies  royales  de  France,  depuis  Hiigues-Capct  jusqu'à 
Louis  XVI,  publiées  par  U.  Hoffmann,  expert  en  médailles  anciennes. 
Paris,  Hoffmann,  1878,  gr.  in-4  de  21  o  p.  et  118  pi.  gravées  par  DarJd. 
—  Prix  :  120  fr. 

Voici  un  des  ouvrages  les  plus  remarquables  qui  aient  été  publiés 
jusques  à  ce  jour  sur  notre  numismatique  nationale;  il  laisse  bien  en 
arrière  les  travaux  de  Fougères  et  Cambronne,  qui  étaient  les  recueils 
les  plus  complets;  la  perfection  des  planches  ne  laisse  rien  à  désirer; 
un  grand  nombre  de  pièces  sont  dessinées  ici  pour  la  première  fois, 


—  028  — 

et  chaque  exemplaire  décrit  est  suivi  de  l'indication  de  sa  valeur 
pour  les  amateurs.  Ces  évaluations,  proposées  sur  des  bases  raison- 
nables, ne  pouvaient  être  mieux  calculées  fjue  par  M.  Hoffmann,  dont 
Texpérience  est  bien  connue  et  appréciée  par  tous  ceux  qui  s'oc- 
cupent de  vieilles  monnaies.  On  comprend  que,  dans  ces  conditions, 
le  livre  dont  nous  parlons  soit  indispensable  à  tous  les  numismatistes, 
qui  ne  seront  pas  effrayés  de  son  prix,  lorsqu'ils  réfléchiront  aux  sacri- 
fices considérables  faits  par  l'auteur  par  dévouement  à  la  science. 

Les  monnaie^  des  Capétiens  sont  rangées  par  règnes  ;  chaque  roi 
fait  l'objet  d'un  chapitre  spécial,  contenant  un  très-court  résumé  his- 
torique, une  analyse  des  faits  et  des  documents  numismatiques,  la 
description  des  monnaies  frappées  par  le  souverain  et  une  liste  des 
monnaies  seigneuriales  contemporaines. 

On  comprend  que,  dans  une  si  riche  collection  de  documents,  il 
peut  se  présenter  des  assertions  contestables  ;  nous  croyons  que  les 
errala  sont  très-rares.  Nous  n'en  signalerons  qu'un,  que  M.  Hoff- 
mann pardonnera  à  notre  susceptibilité  de  Champenois;  nous  croyons 
qu'il  sera  le  premier  à  reconnaître  que  les  pièces  d'Henri  IV  portant 
la  marque  C  H,  sont  de  Chàlons-sur-Marne  et  non  Chalon-sur-Saône. 
Nous  recommandons  tout  spécialement  les  Monnaies  royales  de  France 
à  nos  lecteurs.  A  ce  moment  de  l'année,  les  personnes  qui  voudront 
offrir  à  un  numismatiste,  un  souvenir  qui  comblera  ses  vœux  n'auront 
qu'à  songer  au  livre  de  M.  Hoffmann.  A.  de  B. 


Histoire  numismatique  de  Henri  V  et  Henri  Y'I,  rois  d'An- 
gleterre pendant    qu'ils   ont  régné   en   France,  par  F.  DE 

Saulcy,  membre  de  l'Institut.  Paris,  Van  Peteghem,  1878,  in-4  de  HO  p.  et 
4  pi.  gravées. 

M.  de  Saulcy  vient  encore  d'ajouter  un  nouveau  fascicule  à  la 
collection  dans  laquelle  il  publie  les  documents  et  classe  les  monnaies, 
en  se  limitant  à  certains  régnes  ;  rappelons  les  Éléments  de  l'histoire 
des  ateliers  monétaires  du  royaume  de  France,  depuis  Philippe-Auguste 
jusqu'à  François  I"  et  V Histoire  numismatique  de  François  1".  Nous 
espérons  que  le  docte  et  infatigable  académicien  ne  s'en  tiendra  pas 
là,  et  que  son  éditeur  n'hésitera  pas  à  mettre  entre  les  mains  des 
collectionneurs  et  des  travailleurs  de  nouveaux  cahiers  non  moins 
riches  en  documents  et  en  appréciations  judicieuses. 

L'histoire  de  l'occupation  anglaise,  en  ce  moment,  est  à  l'ordre  du 
jour  :  sous  peu,  la  Société  de  l'histoire  de  Paris,  doit  donner  un 
volume  des  pièces  historiques  relatives  à  cette  triste  époque;  riiis- 
toire  des  monnaies  frappées,  pendant  cette  période,  aux  noms 
d'Henri  V  et  d'Henri  VI,  en  sera  le  complément  obligé. 

Après  l'exposé  dos  textes,  M.  de  Saulcy  décrit,  par  ateliers,  toutes 


—  o29  — 

les  pièces  qu'il  a  pu  retrouver  en  nature,  en  les  classant  d'après  les 
documents  signalés  par  lui;  il  reste  celles  qui  sont  encore  à  chercher. 
Les  planches,  gravées  par   M.   Dardel,   contiennent   quarante-sept 
types  différents,  portant  des  numéros  qui  permettent  de  recourir  à  la 
description.  A.  de  B. 

Christophe  Colomb,  par  le  comte  Roselly  de  Lorgues.  Édition  illus- 
trée d'encadrements  variés  à  chaque  page  et  de  chromolithographies, 
scènes,  paysages,  marine,  portraits  et  cartes.  Paris.  Palmé,  1878,  in-4  de 
380  p.  —  Prix  :  25  fr.  broché,  et  relié,  33  fr. 

Le  directeur  de  la  Société  générale  de  librairie  catholique  s'est  senti 
piqué  d'une  noble  émulation  à  la  vue  des  ouvrages  de  grande  illus- 
tration sortis,  ces  dernières  années,  des  presses  de  Didot.  de  Mame 
et  autres.  Un  premier  essai,  qui  fut  un  premier  succès,  Nolvc-Damc 
de  Lourdes,  l'a  encouragé,  malgré  les  sacrifices  que  nécessitent  ces 
sortes  d'entreprises_,  à  composer  encore  cette  année  un  livre  d'étrennes 
digne  de  sa  maison  et  de  ses  clients,  autant  par  l'exécution  que  parle 
sujet.  Il  ne  pouvait  mieux  choisir  que  le  bel  ouvrage  de  M.  Rosellj 
de  Lorgnes  sur  la  vie  et  les  travaux,  sur  les  vertus  et  les  déboires  de 
ce  chrétien  incomparable,  découvreur  d'un  monde,  Christophe  Colomb  ! 
Le  Polybibliou  a  parlé  du  livre,  lorsqu'il  parut,  et  de  ses  suites  :  car 
l'auteur,  comme  il  convient  à  un  écrivain  rempli  de  son  sujets  no  l'a 
point  abandonné  après  un  récit  d'ensemble,  si  consciencieusement 
étudié  et  présenté  qu'il  fût.  Il  est  revenu  plusieurs  fois  à  son  héros, 
et,  dans  le  présent  volume  illustré,  nous  trouvons  comme  un  résumé 
de  tous  les  volumes  précédents.  Nous  nous  dispenserons  donc  de  rap- 
peler ses  recherches  patientes,  ses  qualités  d'écrivain^  le  succès 
mérité  de  ses  travaux.  Nous  voulons  principalement  ici  parler  de 
Villustration  présente,  et  pour  tout  dire,  annoncer,  — mieux  que  cela, 
recommander,  et  chaleureusement  —  un  des  plus  magnifiques  livres 
d'étrennes  de  cette  année.  Ce  n'est  pas  que  les  chromolithographies, 
qui  sont  ordinairement  la  great  attraction  de  ce  genre  de  publi- 
cations, j  soient  meilleures  ou  en  plus  grand  nombre  que  dans  tel  ou 
tel  ouvrage  illustré  que  nous  pourrions  lui  comparer.  Il  y  en  a  six  seu- 
lement :  mais  ce  qui  distingue  les  illustrations  de  la  maison  Palmé  des 
autres,  c'est  le  système  adopté  d'encadrer  chacune  des  pages  du  texte. 
—  Il  y  a  là  une  source  artistique  des  plus  précieuses,  et  l'éditeur, 
aidé,  sous  l'habile  direction  de  M.  Mathieu,  d'une  pléiade  de  dessi- 
nateurs et  de  graveurs,  en  a  tiré  le  plus  heureux  parti.  C'est  quelque 
chose,  assurément,  de  posséder  une  vie  de  Christophe  Colomb  puisée 
aux  origines  authentiques,  écrite  dans  le  seul  esprit  catholique  qui 
piit  convenir  à  un  tel  héros,  mais  c'est  quelque  chose  aussi  de  lire 
cette  vie  dans  un  texte  continuellement  accompagné  ou  rehaussé  d'un 
Décembre  1878.  T.  XXIÎf,  34. 


—  530  — 

commentaire  vivant,  artistique  et  archéologique,  exact,  sérieux  et 
supérieurement  exécuté.  Je  dis  sérieux,  car  des  illustrations  fantai- 
sistes n'eussent  rencontré  que  peu  de  vogue  ;  et  nous  engageons  les 
lecteurs  à  se  reporter  à  la  Table  des  gravures  pour  se  rendre  mieux 
compte  de  la  valeur  réelle  de  ces  encadrements  déjà  si  gracieux  pour 
l'œil.  Outre  un  grand  nombre  de  faits  tirés  de  la  vie  même  de  Colomb, 
outre  la  reproduction  fréquente  d'ornements  tirés  de  manuscrits  ou 
monuments  contemporains,  ils  représentent  tantôt  des  personnages 
historiques,  tantôt  des  vues  intéressantes  de  villes  :  Gênes,  Lisbonne, 
La  Rabida,  etc.,  etc.,  ou  de  monuments  :  églises  de  la  Giralda,  pont 
et  tour  de  Cordoue,  cathédrale  de  Salamanque,  siège  de  Gre- 
nade^ etc.;  tantôt  des  paysages  du  Nouveau  Monde  tout  remplis  de 
fleurs  et  d'oiseaux  singuliers.  Nous  ne  pouvons  tout  citer  :  mais  nous 
pouvons  dire  que  la  richesse  et  le  bon  goût  de  ces  illustrations  sont 
encore  supérieurs  par  le  choix  comme  par  le  fini  à  celles  qui  ornent 
le  livre  si  beau  à.é}k  àe  Notre-Dame  de  Lourdes.  M.  Rosellj  de  Lorgues 
a  pris  un  magnifique  sujet  pour  but  de  ses  études,  et  son  travail  est 
magnifiquement  interprété.  R. 


BULLETIN 

Li'Idée  moderne  du  droit  en  il.lleniagne,  eu  A.ngleterrc  et 
en  France,  par  Alfred  Fouillée,  mail rii  de  conférences  à  l'Ecole  nor- 
male supérieure.  Paris,  Hachette,  1878,  in-12  de  364  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Dans  ces  études,  qui  ont  d'abord  paru  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  l'au- 
teur analyse  les  écrits  allemands,  anglais  et  français  contemporains  sur 
l'origine  et  l'essence  du  droit,  en  les  ramenant  à  une  dominante,  qui  est 
ridentiiication  du  droit  et  de  la  force  physique  ou  intellectuelle  par  les  Alle- 
mands, l'identification  du  droit  et  de  l'utilité  sociale  par  les  Anglais,  enfin, 
la  notion  idéale  du  droit  par  les  Français.  M.  Fouillée  cherche  ensuite  à 
combiner  et  à  syncrétiser  ces  trois  points  de  vue.  Le  procédé  n'est  pas  bien  neuf 
et  rappelle  celui  que  pratiquait  par  M.  Cousin,  il  y  a  quarante  ans.  Le  droit 
idéal  français  du  maître  de  conférences  à  l'École  normale  est  un  droit  qui 
prend  sa  source  dans  l'idée  que  l'homme  a  de  sa  liberté,  et  il  a  pu  achever  ses 
364  pages  sans  même  nommer  Dieu.  Quel  que  soit  le  peu  de  valeur  intrinsèque 
de  ce  livre,  il  mérite  d'être  remarqué,  quand  on  se  reporte  à  la  fonction 
officielle  de  son  auteur,  qui,  avec  l'autorité  de  l'État  et  l'argent  des  contri- 
buables, dirige  les  études  des  futurs  professeurs  de  philosophie  de  l'État. 

X. 


Liégislatîon  et  Jurisprudence  concernant  les  instituteurs 
comniunauv,  par  M.  Auzias,  ancien  bâtonnier  de  l'ordre  des  avocats  à 
la  cour  de  Grenoble.  Paris  et  Poitiers,  Oudin,  in-8  de  40  p. —  Prix  :  30  c. 

Il  est  inutile  de  faire  ressortir  l'intérêt  et  l'actualité   de  cette  brochure 
dans  la  crise  que  nous  traversons.  Elle  rappelle  le5  lois  et  leur  application 


—  531  — 

par  les  tribunaux  aux  autorités  chargées  de  l'exécation,  et  les  fait  connaître  à 
ceux  qui  doivent  s'y  soumettre  et  ignorent  bien  souvent  leurs  droits.  Qui 
nomme,  révoque  e\  remplace  les  instituteurs?  quandest-ce  qu'il  y  a  vacance 
d'un  poste?  quand  les  conseils  municipaux  ont-ils  à  donner  leurs  avis?  quelle 
est  l'autoriié  du  maire?  comment  se  règle  la  question  du  traitement?  quelle 
différence  légale  existe  entre  l'instituteur  laïque  et  l'instituteur  congréga- 
niste?  voilà  un  aperçu  des  principales  questions  traitées  par  M.  Auzias.  11 
a  ajouté  à  son  travail  une  consultation  signée  de  nos  plus  éminents  juris- 
consultes sur  la  validité  des  conti'ats  intervenus  eotre  les  congrégations  et 
les  communes  et  une  autre  consultation  sur  l'âge  d'admission  des  enfants 
dans  les  écoles.  Il  y  aura,  dans  la  prochaine  édition,  à  l'endre  (p.  24)  leur 
vrai  nom  aux  Frères  des  écoles  chrétiennes.  S.  M. 


I^a  Science  de  la    jeune  mère,    par  M°^°  Julie  Fertiault.   Paris, 
Didier,  1878,  in-12de  viii-3ol  p.—  Prix  :  3  fr. 

C'est  un  livre  d'éducation  que  M'^e  Ferliiult  adresse  aux  jeunes  mères  sous 
le  litre  que  nous  venons  de  transcrire.  Voici,  par  la  lable  des  matières, l'indi- 
cation des  sujets  qu'il  traite  :  Entente  des  patents.  La  Mère  trois  fus  nour- 
rice. L'Obéissance.  Première  idée  de  Dieu.  Les  Caresses.  L'Enfant  aban- 
donné aux  domestiques.  La  Peur.  Gronderies,  Corrections,  Punitions  et 
Récompenses.  Les  Jouets.  Polichinelle.  L'Enfant  gâté.  Mensonge  et  Dissimu- 
lation. La  Gourmandise.  La  Colère.  Les  Contes  de  fées.  L'Enfant  raisonneur. 
L'Entètetuent.  Les  Conversations  avec  et  devant  les  enfants.  Les  petits  pro- 
diges. La  Mémoire.  La  Raison.  L'Amour-propre.  Jeux  et  Plaisirs  de  l'en- 
fant. Frères  et  Sœurs.  Le  Respect.  Cruauté  envers  les  animaux.  L'Amour  de 
la  parure.  Conscience  et  Délicatesse.  La  Moquerie.  L'Egoïiue.  Activité, 
Ordre  et  propreté.  La  Politesse.  Orgueil  et  Vanité.  Paresse  et  Travail.  Le 
Goût.  Puissance  de  léducation  sur  les  passions  naissantes.  — On  y  trouvera 
d'excellents  et  pratiques  conseils  sur  h  manière  de  prévenir  et  combattre  les 
défauts  et  de  développer  les  qualités;  les  jeunes  mères  y  ont  beaucoup  à 
prendre.  Cependant  nous  ne  voudrions  pas  qu'elles  s'en  tinssent  là.  Mn"5  Fer- 
tiault a  bien  un  chapitre  sur  la  première  idée  de  Dieu  :  mais  c'est  à  peu 
près  le  seul  où  a  nom  soit  prononcé,  et  encore  ne  pouvons-nous  pas  ap- 
prou-^er  la  recommandation  de  ne  pas  faire  faire  aux  enfants  la  prière  de 
a  devenir  bie  1  sages  »  sous  le  prétexte  p\iéril  que  s'ils  ne  le  devenaient  pa«, 
on  serait  fort  embarrassé  de  leur  répondre.  La  religion  n'a  point  de  part 
dans  cette  éducation  et  c'e-t  cependant  la  maîtresse  éducattice  et  pour  la 
mère  et  pour  l'eufant.  L'autorité  est  trop  mise  de  coté  et  presque  raillée 
à  l'avantage  de  la  raison  qui  est  évidemment  à  cultiver  avec  soin,  mais  qui 
ne  suffit  point.  Le  système  autoritaire  n'est  point  si  commode  :  car,  quand 
on  commmiie,  il  faut  toujours  commander  avec  raison.  L'au'eur  réprouve 
absolument  les  corrections  corporelles  :  mais,  quand  l'enfant  ne  répond  ni 
aux  arguments  de  la  raison,  ni  à  ceux  du  cœur,  que  devenir?  C'est  très-bien 
de  fjire  le  procès  de  Polichinelle  et  des  Cv;ntes  de  fées;  mais,  parmi  les  nom- 
breux ouvrages  de  nos  jours  à  l'usage  de  la  jeunesse,  n'en  est-il  pis,  parmi 
les  plus  recommandés,  qui  sont  plus  dangereux?  L'enfant  naît  avec  le 
germe  de  ses  qualiiés  et  de  ses  défauts  :  c'est  une  dangereuse  erreur  de 
laisser  croire  aux  mères  que  tout  leur  vient  de  l'éducation.  Il  y  a  quelques 
exemples  qui  manqueront  leur  but  :  tel  que  celui  de  cette  petite  fille  de  huit 
ans,  maltraitée  par  ces  parents,  qui  va  se  noyer  avec  sa  poupée,  parce  qu'il 
n'y  aurait  personne  pour  la  soigner.  R.  S.  M. 


—  o32   — 

^^Dïnuaire   de   9'JÉeoiiomic   politique    ei   de    la    ststlif^tique, 

1  S'y©,  par  Maurice  Block  et  divers   collaborateurs.  Paris,    Guillaurain, 
1878,  gr.  iQ-32,  de  7i0  p.  —  Prix  :  o  fr. 

Chaque  année.la  lilirairie  (inillaumia  fait  paraître  cet  annuaire,  et  choque 
année, on  est  heureux  de  trouver  réunis  dans  ce  petit  volume  bien  compacte, 
bourré  de  chiliVes  et  de  documents,  tous  les  renseignements  qui  ont  été  suc- 
cessivement publiés  un  peu  partout  et  que  presque  personne,  sans  cette  pu- 
blication, ne  saurait  retrouver  qu'avec  une  peine  extrême.  Enuniérer  les 
diverses  matières  qui  y  sont  contenues  serait  répéter  ce  que  nous  en  avons 
dit  les  années  précédentes,  car  les  diverses  publications  officielles  pério- 
diquessont  reproduites  ou  tout  au  moins  analysées  comme  d'habitude.  Toute- 
fois, lorsque  des  renseignements  nouveaux  sont  mis  au  jour,  bien  que  se 
référant  à  des  années  antérieures,  on  les  utilise  pour  l'annuaire  de  l'année 
courante.  C'est  ainsi,  pour  en  donner  un  exemple,  que  la  statistique  com- 
merciale de  la  Perse  se  rapportant  aux  années  1872  et  J873  est  publiée  dans 
le  présent  volume.  Aussi  les  tables  sont-elles  nécessaires  dans  les  ouvrages 
de  ce  genre  plus  encore  que  dans  les  autres.  Pourquoi  n'admettrait-on  pas 
le  principe  des  tables  décennales.  La  dernière  parue,  contient  l'indication 
des  matières  de  l'origne  de  la  publication  jusqu'en  1867,  nous  émettrions  le 
vœu  qu'une  table  portative  vint  s'aj'iuter  au  volume  prochain  relevant  les 
matières  renfermées  de  1868  à  1877.  Bien  des  recherches  se  trouveraient 
facilitées,  et  cette  publication  déjà  précieuse  acquerrait  encore  une  nouvelle 
valeur.  G-  S. 


Li^Éconoinie  poSîtiquc,  conférences  données  à  l'Université  catholique 
de  Lyon,  par  M.  Jcles  Michel,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  directeur 
adjoint  de  Texploitation  à  la  Compagnie  Paris-Lyon-Méditerranée.  Paris, 
1878,  gr.  in-8  de  83  p.  (Extrait  de  V Association  catholique,) 

L'autorité  justement  reconnue  de  M.  .Iules  Michel  et  l'importance  des  su- 
jets qu'il  traitait  suffisent  à  expliquer  l'intérêt  qu'ont  excité  ses  conférences 
sur  le  but  de  l'économie  politique,  véritable  h\giène  sociale,  dont  la  loi  ne 
peut  être  une  liberté  absolue,  mais  qui  veut  être  guidée  par  des  règles  pré- 
cises ; —  sur  le  travail,  c'est-à-dire  l'effort  que  chacun  fait,  avec  plus  ou 
moins  de  dévouement  au  bien  général,  pour  obtenir  quelque  chose  d'utile 
pour  soi  ou  pour  les  autres  ;  —  sur  Vépargne,  fruit  de  la  prévoyance  sans  la- 
quelle il  n'y  a  ni  bonheur  durable  pour  l'individu,  ni  prospérité  réelle  pour 
l'État,  et  sur  le  capital,  produit  d'un  travail  antérieur  épargné  en  vue  de 
faciliter  un  travail  ultérieur;  —  enfin  sur  la  rrparlilion  des  produits  du  travail 
qui  engendre  d'inextricables  difficultés  quanil  on  ne  veut  faire  appel  qu'aux 
inventions,  coopération,  participation,  association,  etc.,  et  qui  n'a  qu'une 
solution  équitable,  le  patronage  chrétien.  Tous  ceux  qui  scrutent  ainsi,  par 
l'observation  méthodique,  la  vie  des  sociétés,  retrouvent  dans  les  faits  cette 
pensée  que  Bastiat  empruntait  à  Kepler  pour  en  faire  l'épigraphe  d'un  de 
ses  lumineux  écrits  :  Digitus  Dci  est  hic.  A.  D. 


lit»  Cî*îse  comiMeii*cîale  et  îndustr'îeîle.  Moyen»  d*étendre 
les  déboucSiésde  l'industrie  beJge,  par  E.  Van  der  LaaT,  ingé- 
nieur, professeur  de  géocrraphie  économique  à  l'Université  de  Louvain. 
Louvain,  A.  Peeters,  1878,  in-8  de  102  p. 

Ce  double  rapport  est  fait  au  nom  d'une  commission  nommée  par  l'Union 
des  ingàiicurs  de  Louvain.  L'auteur  décrit  d'alord  les  caractères  de  la  crise 


—  o;j3  — 

que  subit  rindiislrie  belge;  il  en  rapporte  les  causes  à  la  diminution  de  la 
consommalion  et  à  l'exagération  de  la  production;  il  indique,  comme  remède 
la  recherche  de  plus  grands  débouchés  soit  par  de  nouveaux  emplois  des 
produits,  soit  par  l'ouverture  de  pays  encore  fermés.  La  seconde  partie  con- 
tient l'étude  des  obstacles  à  vaincre  et  des  réformes  à  réaliser  ;  l'examen  comparé 
de  la  colonisation  par  l'Angleterre  et  par  ia  France  conduit  l'auteur  à  cette 
conclusion  que,  pour  les  établissements  coloniaux,  la  liberté  testamentaire  est 
sinon  la  principale,  du  moins  l'une  des  principales  conditions  de  prospérité. 
A  défaut  d'un  retour  à  cette  liberté  si  féconde,  M.  Van  der  Laat  expose  les 
moyens  pratiques  de  réaliser  au  moins  Us  réformes  secondaires  auxquelles  il 
consacre  son  second  rapport  et  qu'jj  résume  eu  trois  points  :  réforme  de 
l'institution  consulaire,  création  de  maisons  de  commerce  belges  àl'étranger 
et  restauration  de  l'industrie  des  transports  maritimes.  Nous  avons  tenu  à 
signaler  particulièrement  ce  travail  du  jeune  professeur  de  Louvain,  parce 
que  les  mêmes  questions  s'agitent  en  France.  Tout  récemment,  le  président 
de  la  Société  de  géographie  de  Lyon,  M,  Desgrands,  avec  sa  haute  compé- 
tence commerciale,  indiquait  aussi,  devant  le  congrès  des  orientalistes,  la 
liberté  de  tester  comme  uae  conquête  nécessaire  à  l'extension  de  nos  comptoirs 
et  à  la  prospérité  de  nos  colonies.  A.  D. 


I^e  Travail;  sa  (li§;nie»  et  ses  droits,  par  Mgp  dk  Conny,  protono- 
taire  apostolique.  Paris,  Poussielgue;  Moulins,  Desroziers,  1878,  in-12  de 
90  p.  —  Prix:  1  fr.  oO. 

11  y  a,  dans  celte  brochure,  l'ampleur  et  la  valeur  d'un  livre.  L'auteur  y 
traite  complètement  de  la  mission  du  travail  humain  dans  l'ordre  provi- 
dentiel —  de  la  propriété  —  de  la  fonction  sociale  de  la  richesse  et  des 
droits  du  capital.  La  grande  question  du  droit  de  tester  y  est  exposée  avec 
une  profondeur  de  vues  très-remarquable,  et  est  résolue  dans  le  sens  de  la 
liberté  du  père  de  famille,  qui  a  devant  Dieu  le  droit  et  la  responsabilité 
de  transmettre  ses  biens  de  façon  à  eu  assurer  le  meilleur  usage,  comme 
pendant  sa  vie  il  a  eu  le  droit  et  le  devoir   d'en  faire  le  meilleur  emploi. 

C.  J. 


L'Année  scientifique  et  industrielle,  par  Louis  Figuier,  21  "année, 
1877.  Paris,  Hachette,  1878,  iri-l8  j.  de  574  p.  —  Prix  :  3  fr.  30. 

S'il  est  un  ouvrage  qui  puisse  se  passer  d'introducteur  auprès  du  public 
éclairé,  c'est  bien  l'Année  scientifique,  qui  dépasse  maintenant  son  vingt  et 
unième  volume.  Mais  tout  en  donnant  le  pas  aux  nouveaux  venus,  nous 
devons  cependant  une  mention  à  ceux  dont  le  succès  s'est  maintenu  pendant 
une  carrière  déjà  longue.  Le  dernier  volume  paru  est  tout  particulièrement 
intéressant.  On  en  jugera  par  quelques  titres  de  chapitres  :  découverte  des 
satellites  de  Mars;  invention  de  ce  merveilleux  téléphone  de  Bell,  qui  permet 
de  converser  avec  un  ami  ou  d'entendre  un  opéra  à  200  kilomètres  de  distance; 
éclairage  Jablochkof,  obtenu  par  l'incandescence  du  kaolin  substitué  aux 
charbons  ;  manomètre  Cailletet  pour  la  liquéfaction  dei  gaz  réputés  perma- 
nents; nivellement  de  la  région  des  cholts  et  projet  d'une  mer  intérieure  au 
Sahara.  Ensuite  viennent  les  comptes  rendus  de  ia  session  tenue  au  Havre 
par  l'Association  française  pour  l'avancement  des  science?,  et  des  notices 
nécrolog'iques  sur  MM.  Dolbeau,  Rarth,  Cunneau,  Cazin,  Ruhmkorff,  etc. 

A.D. 


—  534  — 

I^'A-rt    ancien     à     l'Exposition    universelle    de     18^8,    par 

M.  ÉnouARD   FoRESTiK,  Secrétaire  de  la  Société  archéologique  de  Tarn-et- 
Garonnc.  Montauban,  impr.  Forestié,  1878,  in-8  de  26  p. 

M.  Edouard  Forestié,  déjà  connu  par  une  histoire  estimée  des  faïenceries 
de  la  région  montalbanaise,  a  résumé  dans  la  brochure  dont  on  vient  de  lire 
le  titre  ses  observations  sur  les  collections  de  l'art  rétrospectif  exposées  dans 
Je  palais  du  Trocadéro.  Sans  s'attacher  à  une  description  détaillée  qui  deman- 
derait UQ  volume,  l'auteur  signale  les  principaux  objets  qui  ont  fixé  l'atten- 
tion des  amateurs  et  accompagne  ses  remarques  de  quelques  réflexions 
générales  sur  l'ensemble  des  collections.  Cette  étude  est  assurément  bien 
incomplète;  mais  elle  a  le  mérite  de  fixer  dans  l'esprit  le  souvenir  des  prin- 
cipales merveilles  réunies  dans  les  salles  de  l'art  ancien.  En  parcourant  ces 
quelques  pages,  on  se  prend  à  désirer  q  le  le  comité  d'organisation  puisse 
réaliser,  même  après  coup,  le  vœu,  exprimé  en  tivs-bons  termes  par  M.  Fo- 
restié, de  voir  publier  le  catalogue  de  l'Exposition  rétrospective,  qui  ne 
pourrait  plus  être  un  guide  du  visiteur,  mais  qui  resterait  un  précieux  docu- 
ment à  consulter.  G.  B. 


Histoires    d'enfants  à    l'usage     des    salles  d'asile   et  des 
écoles,    par   G.    Théodore.    Paris,    Hachette,    1878,  in-12   de  344  p., 

orné  de  71  gravures.  —  Prix  :2fr. 

C'est  un  recueil  de  vingt-sept  charmantes,  courtes  et  presque  toujours 
émouvantes  histoires  que  nous  recommandons  en  toute  confiance  aux 
maîtres  et  aux  parents.  Elles  captiveront  les  enfants  :  de  jolies  gravures 
leur  donnent  un  intérêt  de  plus.  Elles  tendent  toutes  à  un  but  bien  précis, 
à  une  morale  bien  définie  et  sont  inspirées  par  un  esprit  profondément 
catholique.  Elles  visent  toutes  soit  un  défaut  à  corriger,  soit  une  vertu  à 
pratiquer  et  mettent  en  cause  un  enfant  désobéissant,  paresseux,  mal- 
propre, menteur,  gourmand,  voleur,  qui  s'amende,  par  l'effet  de  sa  bonne 
volonté,  de  bons  conseils,  de  bonnes  leçons,  en  un  enfant  courageux, 
dévoué,  soumis,  charitable,  laborieux,  qui  est  proposé  comme  exemple  et 
que  le  récit  porte  à  estimer  et  à  imiter. 


Histoire   du  mont  Blanc   et  de    la  vallée  de   Chamonîx  — 

Ascensmis  et  Catastrophes  célèbres  depuis  les  premières  explorations  (1876) 
jusqu'à  nos  jours,  par  H.  d'Arve,  avec  une  préface  par  Francis  Wey.  I?aris, 
Delagrave,  1878,  in-12  de  xxi-494  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

«  Avant  1741,  où  un  voyageur  célèbre,  Richard  Pococke,  de  Southampton, 
au  retour  de  sa  première  excursion  en  Orient,  partit  de  Genève,  pourvu 
d'un  costume  arabe,  armé  jusqu'aux  dents,  avec  un  compagnon  nommé 
Wiiidham,  et  une  imposante  escorte,  la  vallée  de  Chamonix,  dont  ces  mes- 
sieurs ont  prétendu  faire  li  découverte,  n'avait  attiré  aucun  étranger,  et  la 
chaîne  du  mont  Blanc,  la  Roche  blanche  pour  les  Savoyards,  s'appelait 
encore  eu  Suisse  :  les  Monts  maudits. . .  C'est  que  l'effroi  des  âges  supersti- 
tieux avait  laissé  longtemps  inexplorées  des  régions  considérées  comme 
horrifiques  et  maudites...  »  —  Aujourd'hui,  d'après  la  1  ste  officielle 
reproduite  par  M.  d'Arve  à  la  fin  de  son  livre,  on  compte,  de  1786  à  1878, 
six  cent  vin^t-neuf  ascensions  du  mont  Blanc,  accomplies  par  ^ept  cent 
quatre-vingt-une  personnes,  d  mt  cent  trente-trois  Français  et  Irente-six 
femmes.  (Notons,  en   passant,  à  l'honneur  du  sexe  prétendu  faible,  que  le 


—  535  — 

premier  Français  qui  ait  faitl'asceusion  complète  est  une  Française,  M"^  M.  Pa- 
radis 11809),  et  il  fallut  attendre  juste  un  quart  de  siècle  pour  qu'un  second 
Français,  le  comte  II.  de  TiJly  se  décidât  à  suivre  l'exemple  de  sa  compa- 
triote.) C'est  le  récit  de  ces  diverses  ascensions,  publié  d'abord  soit  dans  des 
notices  et  relations  spéciales,  soit  dans  le  recueil  V Abeille  de  Chamonix^ 
rédigé  par  M.  d'Arve  lui-même,  que  contient  le  volume  dont  nous  parlons. 
—  Récit  souvent  tro,)  abrégé  au  gré  du  lecteur,  mais  toujours  dramatique, 
même  lorsqu'il  ne  se  termine  point  par  quelque  effroyable  catastrophe... 
Après  un  chapitre  préliminaire  —  consacré  au  Vieux  Chamonix,  d'avant 
M.  de  Saussure  ^origines  et  chroniques)  et  aux  premiers  excursionnistes, 
Mandrin,  Pococke,  Saussure  (et  ses  douze  voyages  d'exploration), —  et  une 
première  partie  formée  de  quinze  chapitres  qui  mènent  l'histoire  des  ascen- 
sions et  celle  f-i  intéressante  de  la  Compagnie  des  Guides  jusqu'en  1860, 
l'auteur,  dans  sa  seconde  partie,  s'étend  tout  particulièrement  sur  le  Cha- 
monix  moderne  et  les  péripéties  répétées  dont  il  a  été  le  témoin  et  le  chroni- 
queur depuis  tautôt  vingt  ans.  Dans  ce  livre,  qui  forme  comme  un  appendice 
nécessaire  à  la  collection  des  mémoires  du  Cluh  alpin^les  conseils  pratiques, 
les  détails  techniques  trouvent  place  à  côté  des  anecdotes  les  plus  drama- 
tiques,des  descriptions  les  mieux  réussies,  et  des  résultats  scientifiques  les 
plus  précieux,  et  nous  ne  croyons  pouvoir  mieux  terminer  cette  note  qu'en 
nous  unissant  à  l'auteur  de  le  préface  pour  le  'c  recommander  comme  un 
ensemble  unique  de  documents.  »  R. 


Clonatantinople,  par  Edmondo  de  Amicis,  ouvrage  traduit  de  l'italien, 
avec  l'autorisation  de  l'auteur,  par  M°*  J.  Colomb.  Paris,  Hachette,  1878, 
in-18  j.  de  393  p.  —  Prix:  3  fr.  oO. 

Qui  n'a  rêvé  un  voyage  à  Constantinople?  Constantinople,  cette  reine  de 
l'Orient,  ce  confluent  de  deux  civilisations  qui  se  rencontrent  sans  se  mêler, 
avec  cette  variété  innombrable  de  peuples  qui  se  pressent  dans  son  sein, 
son  ciel  éclatant,  sa  mer  splendide,  son  passé  étincelant,  son  avenir  incer- 
tain! Ce  voyage,  M.  Edmondo  de  Amicis  l'a  fait,  en  compagnie  d'un  ami 
intime,  M.  Vunk;il  l'a  fait  en  artiste  et  en  poète.  Il  a  erré  dans  les  rues 
de  Stamboul;  il  s'est  assis  mélancoliquement  dans  les  cimetières,  à  l'ombre 
des  cyprès;  il  a  glissé  sur  le  Bosphore  en  caïque  aux  voiles  de  pourpre;  il  a 
parcouru  les  bazars, pénétré  dans  les  mosquées,  admiré  Sainte-Sophie,  visité 
même  les  palais  impériaux,  en  évoquant  les  souvenirs  des  glorieux  sultans 
et  des  belles  sultanes,  et,  du  haut  de  la  tour  du  Séraskier,  contemplé  l'é- 
blouissant spectacle  de  la  grande  cité  assise  voluptueusement  au  bord  de  la 
Corne-d'Or,  avec  sa  ceinture  de  villes,  dej'îrdins  et  de  kiosques.  A  vrai  dire, 
il  est  impossible  d'analyser  ce  volume;  c'est  une  série  de  descriptions,  les 
imes  enthousiastes,  les  autres  mélancoliques,  toutes  chaudes  et  colorées,  trop 
colorées  peut-être  et  d'un  réalisme  parfois  un  peu  sensuel,  notamment  dans 
les  chapitres  sur  les  Turques  et  le  vieux  sérail.  On  dirait  que  les  pages  de  ce 
livre  soQt  comme  éclairées  d'un  reflet  du  ciel  d'Orient;  mais  ce  reflet  est  si 
vif  que  quelquefois  il  éblouit  et  qu'on  a  peine  à  distinguer  et  surtout  à  se 
rappeler  les  sujets. 

Qu'adviendr.i-t-il  de  cette  race  dont  Constantinople  est  la  capitale,  de  cet 
empire  dont  elle  est  le  siège?  Resteront-ils  immobiles  ou  se  transformeront- 
ils?  M.  de  Amicis  ne  croit  pas  à  la  transformation  des  Turcs.  Ils  ont  trop  de 
haine  et  de  mépris  du  giaour  pour  adopter  ses  mœurs  et  ses  coutumes.  Ceux 
d'entre  eux  qui  se  sont  frottés  à   la  civilisation  européenne,  n'en  ont  pris 


—  530  — 

que  les  vices,  mais  n'en  ont  pas  cumpris  les  vertus.  lis  ont  adopté  Je  costume 
occidental;  mais  sous  le  fez  comme  sous  le  turban,  le  Turc  subsiste;  il  est 
devenu  seulement  moins  fier,  moins  sobre,  plus  amolli,  et  cet  exemple 
même  dégoûte  de  la  civilisation  des  Francs  la  masse  des  Ottomans  qui  de- 
meure fidèle  à  ses  traditions,  à  ses  préjugés^  à  son  orgueilleuse  paresse. 
«  Toute  l'œuvre  réformatrice  qu'on  essaye  depuis  cinquante  ans  n'a  fait  en- 
core qu'effleurer  l'épiderme  de  la  nation.  On  a  changé  les  noms,  mais  les 
choses  sont  restées.  »  Comment  donc,  se  demande  M.  de  Amicis,  se  résoudra 
cette  question?  Pas  plus  que  lui  nous  n'avons  la  prétention  de  répondre. 

M.  DE   LA   ROCHETERIE. 


La  Bloilande.,  par  E0MONDO  de  Amicis,  ouvrage  traduit  avec  l'autori- 
sation de  l'auteur,  par  Frédéric  Bernard.  Paris,  Hachette,  1878,  in-18j. 
de  413  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

Cet  ouvrage,  publié  sans  préface  ni  rien  qui  fasse  connaître  son  auteur, 
le  but,  l'époque  et  les  circonstances  de  sa  rédaction,  fera  passer  d'agréables 
moments  aux  amateurs  de  récits  de  voyages.  Il  leur  fait  parcourir  la  contrée 
la  plus  curieuse,  croyons-nous,  de  l'Europe,  celle  qui  conserve  avec  le 
plus  de  soin  son  autopomie  et  ses  vieilles  traditions,  mais  l'auteur  est 
plutôt  un  touriste  qu'un  voyageur;  il  raconte  et  décrit  bien  ce  qu'il  voit; 
mais  il  ne  cherche  pas  à  deviner,  à  approfondir,  à  scruter  l'histoire,  à 
rechercher  l'origine  et  la  raison  des  coutumes.  Il  se  plaît  aux  détails  de 
mœurs  qu'il  pousse  parfois  un  peu  loin;  il  parle  des  femmes  en  un  langage 
où  l'on  voudrait  plus  de  réserve;  il  abuse  des  descriptions  des  maisons 
qui  penchent  d'un  côté  et  de  celles  qui  penchent  de  l'autre,  et  met  autant 
de  temps  à  décrire  un  repas  de  Hollandais  que  ceux-ci  à  le  consommer. 
Si  l'on  regrette  l'absence  de  réminiscences  historiques,  c'est  à  la  condition 
qu'elles  ne  ressembleraient  point  à  celles  dont  est  l'occasion  Delft,  où  fut 
assassiné  le  prince  d'Orange  :  M.  de  Amicis  en  profite,  en  effet,  pour  mettre 
au  compte  des  jésuites  qu'on  retrouve  partout,  des  dominicains  et  du  clergé 
catholique,  l'apologie  de  l'assassinat  politique.  La  partie  relative  aux 
beaux-arts  est  la  plus  sérieusement  étudiée  ;  dans  les  autres,  si  l'on  n'y 
trouve  pas  de  la  science,  le  pittoresque  des  descriptions,  la  variété  des 
observations,  l'esprit  avec  lequel  elles  sont  fréquemment  présentées  sont 
un  dédommagement  pour  le  lecteur  et  suffisent  pour  captiver  son  attention. 

B.  S.  M. 


excursions  autour  du  monde.  —  I*ékîu  et  l'intérieur  de  la 

Cliine,  par  le  comte  Julien  de  Rochechouart,  ministre  plénipotentiaire; 

ouvrage  orné    de  gravures.  Paris,   Pion,   1878,  gr.  in-18  de  3o8  p.  — 

Prix  :  4  fr. 

Quel  est  l'avenir  de  la  Chine,  et  que  faut-il  penser  de  cette  civilisation 
tant  vautée,  antérieure  et,  suivant  quelques-uns,  supérieure  à  la  civilisation 
européenne?  Telle  est  la  question  que  se  pose,  après  tant  d'autres,  M.  le 
comte  de  Rochechouart  et  qu'il  est  mieux  à  même  de  résoudre  que  bien 
d'autres;  car  il  a  séjourné  dix  ans  en  Chine.  Ce  qu'il  y  a  vu  ne  l'a  pas 
rendu  sympathique  à  la  race  jaune.  Elle  a,  suivant  lui,  beaucoup  de  vices 
et  peu  de  vertus.  Le  Chinois  ne  tue  pas  ses  enfants,  comme  on  l'en  a  accusé; 
mais  il  les  abandonne,  ce  qui  revient  au  même;  car  ces  malheureux  sont 
par  la  même  condamnés  à  mort.  Il  est  égoïste,  sale,  sottement  vaniteux, 
menteur,  voleur,  incapable  de  vrai  progrès.  On  l'a  dit  conservateur;  il  n'est 


—  537  — 

qu'immobile.  Sa  prétendue  civilisation  n'est  qu'un  formalisme  puéril,  son 
administration,  un  despotisme  corrupteur.  Ses  seules  qualités  sont  des  qua- 
lités inférieures;  il  est  adroit  ouvrier,  marchand  habile,  I)on  domestique; 
mais  il  n'a  nulle  grandeur  dans  l'esprit,  et  même  nul  sentiment  de  la 
véritable  Lonté.  C'est  une  humanité  inférieure,  a  dit  M.  Renan,  et  M,  Renan 
a  raison.  Le  christianisme  seul  pourrait  rendre  quelque  vigueur  à  cette  race 
abâtardie.  Les  communautés  chinoises  chrétiennes  sont  infiniment  su- 
périeures aux  autres;  elles  sont  plus  sociables,  plus  policées  ;  elles  s'ouvrent 
mieux  et  plus  intelligemment  à  la  civilisation  européenne.  Grâce  aux  mis- 
sionnaiies,  —  et  le  fait  est  bon  à  s-ignaler  par  ce  temps  de  guerre  au  cléri- 
calisme, —  giùce  aux  missionnaires,  le  nom  de  la  France  est  respecté  et 
aimé  parmi  ces  populations  de  l'extrême  Orient.  M.  de  Rochechouart  affirme 
qu'un  Français  pourrait  aller  de  Pékin  à  Canton,  sans  bourse  délier, 
toujours  hébergé  et  guidé  par  les  chrétiens  indigènes.  Malheureusement 
le  christianisme  a  fait  peu  de  progrès  en  Chiae,  à  cause  de  l'hostilité  qu'il 
rencontre  chez  les  lonclionnaires  de  tout  ordre.  Les  mandarins  sentent  bien 
que  le  jour  où  la  majorité  du  pays  serait  catholique,  leur  règne  à  eux  serait 
fini  et  ils  font  à  la  prédication  de  l'Évangile  une  opposition  sourde,  opiniâtre, 
tortueuse,  exploitant  contre  le  christianisme,  avec  une  mauvaise  foi  et  une 
fourberie  sataniques,  tous  les  préjugés  et  toutes  les  mauvaises  passions 
populaires.  Dans  ce  genre-là,  ils  sont  passés  maîtres,  et  ainsi  s'évanouit  la 
seule  chance  pour  la  Chine  de  sortir  de  la  torpeur  où  elle  agonise. 

M.  le  comte  de  Rocheciiouart,  après  avoir  étudié  les  Chinois  chez  eux, 
promet  de  les  étudier  liors  du  Céleste-Empire.  A'ous  attendons  le  second 
volume  avec  impatience,  certain  d'avance  qu'il  n'olfrira  pas  moins  d'intérêt 
que  le  prea)ier.  Maxime  de  la  Rocheterie. 


Les  i^lbigeois  devfiiat  l'histoire,  par  Mathieu  Witche.  Paris,  Biblio- 
thèque de  la  France  iUustrce,  1878,  in-12  de  408  p.  —  Prix  :  2  fr. 
Voici  un  bon  livre  qui  répond  à  un  véritable  besoin.  La  croisade  des 
Albigeois  est,  en  effet,  l'un  des  faits  de  notre  histoire  de  France  qui  ont  été 
le  plus  défigurés  à  plaisir,  et  le  grand  nom  de  Simon  de  Montfort  est  un  de 
ceux  que  les  historiens  ont  le  plus  rabaissé  par  des  appréciations  injustes  et 
passionnées.  Dans  un  livre  écrit  d'un  style  simple  et  calme,  émaillé  çà  et  là 
de  citations  heureuses  prises  dans  les  chroniqueurs  contemporains  des  faits 
racontés,  ou  dans  les  historiens  les  plus  dignes  ih^.  foi,  M.  Mathieu  Witche 
n'a  aucune  peine  à  montrer  qu'entre  les  Albigeois  et  les  pires  révolution- 
naires d'aujourd'hui,  il  y  a  de  nombreuses  ressemblances  et  qu'en  travail- 
lant à  soumettre  ces  dan;:,ereux  insurgés,  Simon  de  Montfort  et  ses  vaillants 
compagnons  ont  noblement  servi  la  cause  de  la  civilisation  chrétienne  de 
la  France.  Ce  livre  a  déjà  paru  dans  l'excellent  journal  la  France  iUnstrée. 
Sous  sa  nouvelle  forjue,  il  sera  lu  plus  facilement  et,  par  conséquent,  fera 
plus  de  bien.  E.  de  la  D. 

Ij£i  P'apesse  Jeanue,  réponse  à  M.  Emmanuel  Rhoïdis,  par  Charles 
BuET.  Paris,  Palmé,  1878,  in-12  de  96  p.  —  Prix  :  1  fr. 
Cet  opuscule  est  une  œuvre  de  polémique.  La  manière  est  d'un  journa- 
liste, non  d'un  historien.  L'occasion  est  un  libelle  de  M.  Rhoïdis,  récemment 
traduit,  où  la  fable  de  la  papesse  Jeanne  est  de  nouveau  présentée  à  de  cré- 
dules lecteurs.  M.  Buet  s'indigne  du  procédé  et  repousse  l'assertion  :  il  a 
raison.  Mais  l'opuscule  aurait  beaucoup  gagné,  si  le  langage  souvent  violent 


—  538  — 

employé  par  l'auteur  eût  été  plus  retnnii.  —  La  modération  est  une  grande 
force  dans  une  discussion.  —  11  eût  gagné  également  si  l'argumentation  eût 
été  mieux  conduite,  plus  serrée.  «  Nous  aurions  pu  produire  des  textes  plus 
précis  encore,  »  dit  l'aute  ir.  Sans  doute  et  il  eût  fallu  les  produire!  il  eût 
fallu  invoquer  l'autorité  du  savant  auteur  du  De  nummo  aureo  Benedicli  III, 
dont  le  nom  n'est  pas  cité  une  seule  fois!  Le  résumé  de  l'argument  décisif 
produit  par  Girampi  eût  tenu,  avec  avantage  pour  la  discussion,  la  place  de 
plusieurs  citations  et  digressions  indifférentes.  H.  de  l'E. 


I^es  Réja^îincnts  francaiis.  Historique  des  régiments  d'infanterie  de 
ligne,  appartenaiit  aux  1",  "2«,  3»,  4"  et  o*  corps  d'armée  (1813-1878).  Lois  mi- 
litaires votées  et  promulguées  en  juin  1878.  Paris,  Ghi),  1878,  in-18  de  82  j). 
—  Prix  :  1  fr . 

Cet  ouvrage,  avec  un  historique  de  l'infanterie  française,  formant  avant- 
propos,  est  un  résumé  clair  et  succinct  des  états  de  service  de  chacun  des 
régiments  des  cinq  premiers  corps  d'armée,  contenant  les  indications  relatives 
à  l'état-major  général  de  l'armée  française,  aux  drapeaux  décorés,  aux  états- 
majors  des  corps  d'armée,  divisions  et  brigades  des  'égiments  dont  il  fait 
l'historique.  11  peut  rendre  de  réels  services  par  l'ensemble  de  cfs  rensei- 
gnements qu'il  présente  sous  une  forme  aussi  restreinte  que  possible;  il 
n'est  d'ailleurs  que  le  premier  tome  d'une  série  d'ouvrages  analo;^ues  à 
paraître  sur  tous  les  régiments  de  l'armée  française,  y  compris  les  troupes 
de  mer,  et  qui  sera  une  collection  indispensable  à  quiconque  porte  intérêt  à 
un  titre  quelconque  à  notre  belle  armée.  E.  de  B. 


Souvenirs  d'un  officier  de  chasseurs  à  pied,  extrait  des  Notices 
sur  les  élèves  de  l'École  Sainte-Geneviève  tués  à  l'ennemi,  par  le  R.  P. 
Chauvkau,  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Tours,  A.  Mame,  1878,  in-8  de 
240p.  —Prix  :  1  fr.  30. 

Il  est  peu  de  lecteurs  du  Polybiblion  qui  n'aient  lu  les  émouvantes  notices 
consacrées  par  le  R.  P.  Chauveau  aux  élèves  de  l'École  Sainte-Geneviève 
tués  à  l'ennemi  pendant  notre  dernière  et  désastreuse  campagne.  Je  ne  con- 
nais pas  de  plus  saisissante  apologie  de  l'éducation  chrétienne,  et  les  hommes 
qui  per.eistent  à  suspecter  le  patriotisme  des  chrétiens  de  France  n'ont  cer- 
tainement pas  lu  ce  livre-là.  Une  fois  déjà  le  R.  P.  Chauveau  avait  eu  la 
bonne  idée  de  choisir  quelques-unes  de  ces  notices  et  d'en  former  un  livre 
pour  figurer  dans  cetie  Bibliothèque  de  la  jeunesse  chrétienne,  éditée  par  la 
mais  m  IVIame,  qui  a  fait  et  fera  encore  tant  de  bien.  Avec  les  Souvenirs 
d'un  officier  de  chasseurs  à  pied,  notice  éloquente  sur  l'héroïque  Gustave  de 
Boissieu,  cette  Bibliothèque  s'augmente  d'un  excellent  livre  bien  propre  à 
alimenter  dans  les  jeunes  cœurs  la  tlamme  pure  du  patriotisme.  Boissieu 
est  tombé  au  premier  rang,  sous  les  murs  d'Orléans,  au  mument  même  où 
il  semblait  qu'une  lueur  d'espoir  venait  enfin  briller  au  ciel  de  la  France.  Il 
put  croire  que  l'heure  de  la  revanche  avait  sonné  et  versa  volontiers  son 
sang,  pensant  peut-être  fournir  à  son  pays  a'ioré,  le  gage  d'une  décisive 
victoire.  Heureux  fut-il  de  mourir  dans  cet  espoir,  hélas!  si  tôt  trompé.  Re- 
mercions le  P.  Chauveau  de  nous  avoir  conservé  si  vivante  cette  physio- 
nomie bien  faite  pour  noui  consoler  du  passé  et  raviver  en  nous  ce  noble 
couragiî,  seul   capable   de   nous    préparer  ua   avenir   meilleur. 

E.    DE  LA  D. 


—  539  — 

Hie  saint  bomme  de  Tours,  par  Léon  Aubinead.  Paris,  Palmé,  1878, 

in-12  de  vii-406  p.  —  Prix  :  3  fr. 

Le  saint  homme  dont  M.  Aubioeau  esquisse  le  portrait  est  M.  Dupont,  mort 
à  Tours  le  18  mars  1876,  âgé  de  soixante-dix-neuf  ans.  M.  l'abbé  Janvier  a  été 
chargé  par  Msf  l'archevêque  de  Tours  d'écrire  la  vie  merveilleuse,  admirable, 
dece  chrétien  des  premiers  temps,  animé  d'unefoià  transporter  les  montagnes, 
d'un  aiïiour  de  D'eu  que  rien  ne  pouvait  arrêter.  M.  Aubineau  l'a  connu  lors- 
qu'il habitait  Tours,  a  vécu  dans  son  intimité,  l'a  vu  à  l'œuvre;  il  vient  témoi- 
gner ce  qu'il  sait  sur  ce  serviteur  de  Dieu  ;  on  sent  percer  s-ms  chacun  de  ses 
mots  une  admiration  qui  gagne  le  lecteur.  Qu'a  donc  fait  M.  Dupont  pour  que 
sa  mémoire  soit  en  vénération?  Il  est  surtout  réfuté  pour  son  zèle  pour  la  pro- 
pagation de  li  ci'oix  de  Saint-Ben  ît  et  pour  son  culte  ervers  la  sainte  Face, 
à  laquelle  il  avait  élevé  chez  lui  un  sanctuaire,  devenu,  depuis  sa  mort  sur- 
tout, le  centre  d'un  pèlerinage  très- fréquenté.  En-dehors  de  cela,  on  trouve 
M.  Dupoat  partout  où  il  y  a  du  bien  à  faire  pour  les  âmes,  des  actes  de  ré- 
paration à  accomplir  vis-à-vis  du  Christ.  On  peut  dire  qu'il  fut  un  des  pre- 
miers restaurateurs  du  pèlerinage  en  France,  un  des  pr.'moteurs  de  la  re- 
construction de  la  basilique  de  Saint-Martin.  Il  fonde  des  œuvres  de  prières, 
encourage  les  vocations  ecclésiastiques,  contribue  à  l'établissement  des  pe- 
tites soîurs  des  pauvres,  s'jutient  et  édifie  la  conférence  de  Saint-Vincent  de 
Paul,  fait  r-vivre  l'œuvre  de  l'adjration  nocturne  et  entretient  des  relations 
de  piété  dans  toutes  les  parties  du  monde  avec  les  missionnaires,  avec  les 
âmes  éprises  de  l'amour  de  Dieu.  Il  faut  être  familiarisé  avec  les  choses  de 
la  foi  pour  goûter  ce  livre  :  mais  il  est  un  chapitre  qui  emportera  les  suf- 
frages de  tous  les  cœurs  chrétiens  :  c'est  celui  où  est  raconté  sa  sublime 
conduite  vis-à-vis  de  sa  fille  ^XII).  Ceux  qui  ne  se  sentent  pas  le  courage  de 
l'imiter  ne  pourront  lui  refuser  leur  admiration.  R. 


Monseigneui*  Dupanloup,  biographie  et  :iouvenirs,  par  J.  Hairdet, 
rédacteur  de  la.  Dèfeme.  Paris,  Bray  et  Retaux,  1878,  in-8  de  72  p.  — 
Prix  :  1  fr. 

Cette  brochure  écrite  au  lendemain  de  la  mort  de  Msi"  Dupanloup,  sous 
l'impression  de  la  douleur  causée  par  cet  événement,  retrace  rapide- 
ment et  avec  émotion  les  faiîs  principaux  de  sa  vie,  fait  ressortir  les  traits 
saillants  de  son  caractère,  donne  de  touchantes  anecdotes,  analyse  les 
œuvres  les  plus  importantes,  apprécie  [a  part  qu'il  a  prise  dans  les  événe- 
ments contemporains,  résume  les  jugements  des  organes  les  plus  considé- 
rables de  la  presse  et  termioe  par  une  bibliographie  des  œuvres  de  l'illustre 
prélat.  En  attendant  que  sa  vie  soit  publiée,  cet  écrit  donne  bien  une  vue 
générale  du  sujet  et  servit  à  faire  aimer  et  regretter  davantage  ce  vaillant 
champion  du  catholicisme.  V.  M. 


L,a 


a  Jeunesse  de  Lord  Oeaconsfield,  par  Victor  Valmont.  Paris, 
Théodore  Olmer,  1878,  in-12  de  71  p.—  Prix:  75  fr. 

L'ouvrage  de  M.  Valmont  est  une  étude  aussi  politique  que  littéraire  sur 
le  minisire  anglais,  préambule  d'un  tnvail  exclusivement  consacré  à  sa  vie 
publique.  A  la  différence  de  plus  d'un  homme  d'Etat  contemporain, 
M.  Benjamin  Disraeli  a  un  passé.  La  littérature  ne  fut  pour  lui  qu'une  pré- 
paration à  la  vie  poli'ique  qu'il  rêvait  dès  sa  jeunesse.  M.  Valniout,  après 
avoir  donné  quelques  détails  sur  son  é  lucation,suit  la  trace  de  ses  aspirations 
dans  ses  romans:  Vivian  Grey,  Poponilla.the  Young  duke,  Çontarini  Fleming. 


—  540  — 

Le  merveilleux  conte  d'Alroy.  Henrietta  Temple.  La  facture  en  est  souvent  défec- 
tueuse, la  moralité  très-contestable.  Mais  ils  sont  curieux  à  étudier  parce  que 
l'auteur  s'y  peint  très-souvent,  ainsi  que  la  société  au  milieu  de  laquelle  il 
a  vécu;  il  y  expose  les  doctrines  qu'il  mettra  en  pratique  et  le  but  qu'il 
poursuivra.  Était-il  doué  de  seconde  vue,  lorsqu'il  fait  dire  au  père  de 
Contarini.  «  Mon  fils,  vous  serez  premier  ministre...  et  peut-être  quelque 
chose  de  plus  grand  encore!  » 


Le  IPsitriotisme  en  France,  par  Ed.  Gœpp  et  G.  Ducouduay.  Paris, 
Hachette,  1878,  in- 12  de  xri-3oi  p.  —  Prix  :  1  fr.  2o. 

C'est  une  louable  pensée  qui  a  inspiré  les  auteurs  de  cet  ouvrage,  et  dont 
ils  ont  trouvé  la  furinulc  dans  Montesquieu,  quand  il  dit  :  «  Je  voudrais  que 
les  noms  de  ceux  qui  meurent  pour  la  patrie  fussent  conservés  dans  des 
temples  et  écrits  dans  des  registres  qui  fussent  comme  la  source  de  la  gloire 
et  de  la  noblesse.  »  Sur  les  bancs  du  collège,  les  héros  plus  ou  moins  légen- 
daires d'Hérodote  et  de  Tite-Live  sont  seuls  donnés  comme  exemples,  et  peu 
s'en  faut  que  l'histoire  nationale  ne  soit  complètement  délaissée.  C'est  contre 
cet  abus  déplorable  qu'ont  voulu  réagir  MM.  Gœpp  et  Ducoudray.  «  Rome 
et  la  Grèce,  disent-ils,  n'ont  pas  eu.  certes,  le  monopole  du  patriotisme. 
On  nous  cite  Horatius  Codés,  Clélie;  mais  on  oublie  Bayart  au  Garigliano, 
le  général  Dumas  au  pont  de  Brixen,  etc.  »  La  France  a  vu  vingt  fois  des 
Régulus  retournant  chercher  la  mort  au  camp  ennemi,  et  l'antiquité  n'a 
rien  qui  puisse  soutenir  le  parallèle  avec  saint  Léger,  qui  se  livre  lui-même 
entre  les  mains  d'Ebroïn. 

MM.  Gœpp  et  Ducoudray  ont  donc  réuni  une  galerie  de  portraits  natio- 
naux. A  côté  des  exploits  de  du  Guesclin  et  de  Bayart,  connus  de  tous,  ils 
ont  surtout  cherché  à  mettre  en  lumière  les  actes  et  le  dévouement  de  per- 
sonnages peu  connus,  comme  le  grand  Ferré,  Guillaume  de  Prieuse,  Primo- 
guet,  Marie  Fourée,  Porçon  de  la  Barbinais.  Le  choix  du  sujet  est  généra- 
lement judicieux;  on  pourrait  cependant  soutenir  que  le  patriotisme  de 
quelques-uns  n'est  pas  à  l'abri  de  la  critique  :  par  exemple,  l'amiral  de 
Coligny,  dont  la  conduite  semble  plutôt  dictée  par  l'ambition  que  par  le 
désintéressement.  Il  serait  facile  aussi  de  contester  certaines  appréciations 
des  auteurs.  L'ère  désastreuse  qu'ouvre  pour  la  France  la  révolution  de  1789 
est  ainsi  caractérisée  d'un  mot  :  «  Dans  cette  nouvelle  et  grandiose  période 
de  notre  histoire,  l'amour  de  la  patrie,  toujours  si  vivace  chez  les  Français, 
se  confondit  avec  l'amour  de  la  liberté.  »  Malgré  quelques  phrases  regret- 
tables, comme  celles  que  nous  venons  de  signaler,  malgré  quelques  omissions, 
l'ouvrage  de  MM.  Gœpp  et  Ducoudray  nous  semble  néanmoins  recomraan- 
dable.  C'est  un  livre  de  lecture  utile  pour  les  jeunes  gens;  c'est  une  sorte  de 
morale  et  de  patriotisme  en  action,  qui  leur  apprendra  que  la  France  a  eu 
de;^  grands  hommes  comme  Rome  et  la  Grèce,  et  que  le  patriotisme  dans 
notre  pavs  ne  date  pas  de  la  Révolution. 

Er.  B. 


@ei*nionâ  et  tiomé9ies,  par  Ernest  Dhombres,  pasteur  de  l'Eglise  réfor- 
mée de  Paris.  Deuxième  série.  Paris,  Grassart,  Î878,  in-12  de  319  p.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 

Il  peut  être  utile, pour  quelques  lecteurs  de  Polybiblion,de  connaître  ce  que 
sont  les  publications  de  la  chaire  protestante.  M.  Dhombres  vient  de  faire 
paraître  une  nouvelle  série  de  Sermonii  et  homélies,  qui  renferme  les  sujets 


suivants  :  Paul  et  David;  V Évangile  cl  les  individuatilés ;  Vivre,  c'est  Christ; 
Ingratitude  et  recomiaissancc ;  la  Parabole  des  ouvriers;  Nalhanael;  le  Geôlier  de 
Philippes;  Travail  et  prière;  Richesse  et  pauvreté;  les  Amitiés;  V Immortalité 
chrétienne;  les  Témoins;  le  Temple.  Cette  simple  énumération  des  treize  dis- 
cours contenus  dans  ce  recueil  permet  déjà  de  se  faire  une  idée  du  recueil 
lui-même.  On  peut  remarquer  d'abord  que  tous  les  sujets  dogmatiques 
proprement  dits  en  sont  absents,  à  part  un  seul  prêché  le  jour  de  Pâques, 
qui  est  d'ailleurs,  en  partie  au  moins,  philosophique,  celui  qui  traite  de  l'im- 
mortalité de  l'âme  et  dans  lequel  l'orateur  développe  ces  deux  pensées  : 
la  vie  serait  désespérante  sans  l'immort.Tlité,  et  l'immortalité  serait  déses- 
pérante sans  l'Évangile.  La  seconde  partie  n'est  développée  que  d'une  ma- 
nière très-vague.  On  voit  que  le  prédicateur  ne  sait  pas  au  juste  quel  est  le 
symbole  de  foi  admis  par  ses  auditeurs  et  alors,  pour  être  en  communauté 
d'idées  avec  eux,  il  reste  sur  le  terrain  de  la  morale.  11  dit  de  bonnes  et  utiles 
vérités  morales  ii  ceux  qui  l'écoutent  :  ii  tire  de  le  sainte  Écriture  des  rappro- 
chements ingénieux  et  des  rétlexions  instructives  ;  mais  le  vrai  fondement 
chrétien,  le  dogme,  y  manque,  ou  du  moins  n'y  apparaît  pas  d'une  manière 
suffisante.  L'individualisme  y  occupe  aussi  une  trop  large  place.  Les  Ser- 
mons et  homélies  de  M.  Dhombres  sont  d'autant  plus  intéressants  à  étudier 
pour  ceux  qui  désirent  connaître  l'état  actuel  du  protestantisme  en  France, 
que  l'auteur  est  un  des  prédicateurs  les  plus  renommés  dans  sa  communion 
et  que  plusieurs  des  discours  contenus  dans  ce  volume  ont  été  prêches  en 
divers  lieux  :  Ingratitude  et  reconnaissance  a  été  prêché  aux  conférences 
pastorales  du  Vigan  (Gard),  en  octobre  1876;  les  Témoins,  à  Chàteauroux, 
pour  l'inauguration  d'un  temple,  le  16  juillet  1877;  le  Temple,  à  l'inaugura- 
tion d'un  autre  temple,  le  27  septembre  1877,  à  Saiut-Ambrôix  (Gard),  devant 
le  conseil  municipal  de  l'endroit  et  vingt-trois  pasteurs  réunis  pour  la  cir- 
constance. L.  M. 


VARIÉTÉS 

BIBLIOGRAPHIE     DES     NOELS 

(Suite). 

Naissance  (la)  du  Sauveur  ou  Noëls  nouveaux  en  français  cl  en  patois  composés 
jmr  divers  auteurs.  Narbonne,  Decamps,  s.  d.  in- 12,  32  p.—  C'est  uce  édition 
un  peu  différente  du  Recueil  des  plus  beaux  noëls.  Narbonne. 

Nalis  (.lean-Baptiste).  Cantiques,  noëls  et  autres  ouvrages  en  vers,  partie  en 
français  et  partie  en  langue  vulgaire  de  la  ville  de  Beaucairc.  Arles,  J.  Beuf, 
1761,  in-8^';  autre  édit.,  1766,  in-8. 

Noël  ancien  du  diocèse  de  Bayeux  avec  la  musique,  18d0,  iu-8. 

Noèl  en  patois  commingeois,  signé  :  un  curé  de  Comminges.  Inséré  dans  la 
Bévue  dit  Gascogne,  t.  XVill,  1877,  p.  408;  il  parait  inédit.  C'est  du  gascon 
très-authentique,  avec  un  fort  mélange  de  mots  languedociens. 

Noèl  nouveau  pour  les  artisans.  Toulouse,  Robert,  s.  d,  in-12. 

Noël  nouveau  sur  quatre  airs  différents.  Toulouse,  veuve  Hinault,  s.  d. 
(dix-huitième  siècle),  in-12  de  H  p. 

Noèls.  Vers  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV,  et  pendant  le  dix-huitième  siècle, 
des  pièces  de  vers  satiriques  sur  les  ministres,  les  courtisans,  les  gens  en 


—  B42  — 

place,  circulèi'eut  sous  la  forme  de  noëls  ;  plus.eurs  d'entre  elles  ont  été 
insérées  dans  divers  recueils  ;  elles  doivent  nous  rester  étrangères. 

Noèls  anciens  et  nouveaux  et  cantiques.  Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée. 
Bourgo-,  Ménagé,  1838,  in-18. 

Noëls  dévots  sur  la  naissance  de  Notre-Seigncur  Jésus-Christ.  Bourg., 
Brottier,  181 4,  in-12.  —  Ces  noëls  sont  de  Jacque»  Brossarû  dr  Montaney. 
La  plus  anciLnne  édition  remonte  à  1081  environ;  elle  est  d'une  extrême 
rareté . 

Noèls  de  Vaucieux,  canton  de  Vercel,  arrondissement  de  Beaumes  (Doubs),  s.  d., 
in-18. 

Noèls  doubles  composez  à  V honneur  de  V incarnatio7i  de  Jésus-Christ.  Bor- 
deaux, J.  Lowalle,  s.  d.  (Qn  du  dix-huitième  siècle),  in-8,  96  p. 

Noèls  en  français  et  en  languedocien .  Manuscrit  in-fol.,  à  la  bibliothèque 
d'Avignon. 

Noëls  en  langue  anglaise,  depuis  le  commencement  du  quinzième  jusqu'à  la 
fin  du  dix-septième  siècle.  —  Ces  noëls,  au  nombre  de  trente-quatre,  se 
trouvent  dans  l'ouvrage  de  William  Sandj's  (voir  ce  nom)  Christmas  Carols, 
p.  1-60;  ils  sont  accompagnés  ( —  p.  21-160)  de  quarante  autres  noëh  encore 
en  usa^e  dan^  le  nord  de  l'Angleterre.  Le  tout  est  suivi  de  la  comédie  de 
Noël  et  de  Saint-George,  telle  qu'elle  était  jouée  dans  la  com'é  de  Cor- 
nouailles;  les  personnages  étaient  :  le  père  Noël,  le  docteur,  Saint-George, 
le  roi  d'Egypte,  le  chevalier  turc,  le  dragon,  le  géaat  Turpin.  Mentionnons 
un  recueil  dû  à  un  habitant  de  Birmingham,  nommé  Bloomer  :  The  cristians 
sacred  Lyre,  or  choice  Assortmcnt  of  Original  and  Select  Carols  for  Christmas. 

Il  existe  des  noëls  en  dialecte  du  pays  de  Galles;  un  recueil  publié 
à  Shrewsbury  en  1744,  in-12,  est  annoncé  comme  une  4"  édition;  il  ren- 
ferme soixanle-onze  noëls;  on  en  trouve  soixante-qnatre  dans  un  volume 
intitulé  :  Blodtengerdd  Cymrii,  ou  Anlhologxjof  Wales  (Shrewsbury,  1779,  in-8). 

Noèls  en  patois  de  Grenoble.  —  Champollion-Figeac,  dans  ses  Recherclies  sur 
les  patois,  1809,  p.  147,  transcrit  cinq  strophes  de  huit  vers  chaque. 

Noèls  et  cantiques  imprimés  à  Troyes  depuis  le  dix-septième  siècle  jusqu'à 
nos  jours,  avec  des  notes  bibliographiques,  par  Alexis  Socard.  Paris,  Aubry 
1865,  in-8. 

Noéls  et  cantiques  nouveaux.  Metz,  CoUignon,  1824,  in-12. 

Noëls  joyeulx  plain  de  plaisir.  A  chauler  sans  nul  desplaisir.  —  Jeh.  Da- 
niel, org.  S.  1.  ni  d.,  petit  in-8,  goth.  12  fis.  Un  exemplaire  richement  relié, 
230  fr.  vente  Pichon,  n°  662. 

Noëls  lorrains,  publiés  par  M.  Drouet,  avec  les  airs  notés,  dans  le  Journal 
de  la  Société  d'archéologie  et  du  comité  du  Musée  lorrain.  Nancy,  1833,  p.  189- 
212. 

Noéls  maçonnais,  ou  dialogues  sur  la  naissance  de  Jésus-Christ,  en  patois  ma- 
çonnais. Pont-de-Vaux,  Moirond,  1797,  in-12,  72  p.  L'auteur  est  l'abbé 
Lhuillier,  plus  connu  sous  le  nom  du  parrain  Bliaise,  originaire  et  curé  de 
Fuisse,  près  Màcon.  Il  le5  composa  vers  l'an  1720.  C'est  à  tort  que  le 
Manuel  du  libraire  indique  Chambéry  comme  lieu  d'impression.  L'édition 
originale  {Mâcon,  Jean  Adrian  de  Saint  (s.  d.),  68  p.  in-12)  a  pour  titie; 
«  Dialogues  entre  de  Bregye  et  Bregire;  »  elle  est  devenue  introuvable. 

Noëls  nouveaux.  Clermont,  G.  Jacquard,  s.  d.  (vers  1670),  in-12.  Attribué 
à  Laborieux,  chanoine.  (Noulet.  Hist.  litt.  des  patois  du  Midi.) 

Noelz  (lij)  nouveaulx  composés  à  Vhonneur  de  VIncarnation  et  Nativité  de 
Nûtre-Seigneur  Jésus-Christ.  Pont-à-Mousson,  Melchior  Bernard,  s.   d.  (vers 


-  543  — 

1600),  petit  in-8.  Fort  rare;  un  bel  exempL,  I  ITi  fr..  vente  Cailhava,  en  1862. 

Noëls  nouveaux.  Pont-à-Mou?son  (vers  1620),  in-8. 

Noëls  nouveaux  composés  par  un  pasteur.  Fontenay,  1738,  in-12;  1742,  in-12 
(quatre  en  patois,  f'%  10,  23,  27  et  30);  cette  édition  renferme,  de  plus  que 
la  précédente,  des  notes  et  une  pastorale  en  cantiques. 

Noëls  nouveaux,  en  fiançais  et  en  auvergnat.  Clermont-Ferrand,  V'iallanes, 
1739,  in-12,  30  p.  Réimpression  dans  la  même  ville,  veuve  Delcros  et  fils,  s. 
d.,  in-18. 

Noëls  nouveaux  et  cantiques  spirituels,  par  M"«  F.  C,  1673,  in-12. 

Noelz  nouveaulx  fais  par  les  prisonniers  de  la  Conciergerie  sur  les  chans  des 
chançons  qui  sensuyient.  S.  1.  n.  d.,  petit  in-8,  goth.  de  4  f%  2  fig.  sur  bois. 
Un  bel  exemplaire  de  ce  livret  très-rare,  300  fr.,  veale  Pichon,  6b9. 

Noelz  nouveaux  failz  soûls  le  litre  :  Du  plai  d'argent  dont  maint  se  cour- 
rouce. Parie,  Jehan  Olivier,  s.  d.,  petit  in-8,  16 f^ 

Noëls  nouveaux  français  et  bourguignons  par  divers  auteurs.  Dijon,  Ant.  de 
Fay,  171o,  in-12,  23  p.  Livret  devenu  introuvable. 

Noëls  nouveaux  françois  et  gascons  sur  de  beaux  airs  cosinus  pour  l'année 
1767.  Bordeaux,  veu*e  Calamy,  1767,  in-12,  24  p.  Ces  noëls  ne  sont  pas  les 
mêmes  que  ceux  qui  se  trouvent  dans  le  volume  publié  en  1740. 

Noelz  nouveaux  imprimez  nouvellement.  Paris,  Jehan  Olivier,  s.  d.,  petit 
in-8,  8  f^;  opuscule  rarissime;  360  fr.,  vente  Pichon. 

Noëls  nouveaux  pour  estre  chantez  à  la  cresche  du  Sauveur,  Bordeaux,  Ca- 
lamy, 1740,  petit  in-8,  24  p.;  on  trouve  dans  ce  livret  deux  noëls  en  patois 
gascon. 

Noëls  nouveaux  pour  le  peuple,  par  un  vendangeur.  Lyon,  A.  Delaroche, 
1730. 

Noëls  nouveaux  sur  les  plus  beaux  airs  du  temps.  Toulouse,  veuve  J.  Boude, 
1707,  in-8,  8  p. 

Noëls  patois  anciens  et  nouveaux  chantes  dans  la  Meurlhe  et  dans  les  Vosges., 
recueillis,  corrigés  et  annotés  par  L.  Jouve.  Paris,  Didot,  1864,  petit  in-8, 
122  p. 

Noëls  poitevins  (au  nombre  de  87);  manuscrit  indiqué  au  Bulletin  du  biblio- 
phile., publié  par  la  librairie  Tecliener,  2^  série,  n"  371 . 

Noëls  provejiceaux  en  français  sur  les  plus  beaux  airs  du  temps,  chantés  en 
musique  en  l'année  1708.  Orange,  C.  Marchy,  1708,  iQ-12,  24  p.  Ce  livret 
comprend  onze  cantiques,  dont  neuf  en  patois  d'Avignon  et  deux  en  français. 

Noëls  sur  les  airs  les  plus  nouveaux,  par  M"^  de  B.  (de  Beauuiont).  Paris, 
Guvelier,  1706,  in-8. 

Noëls  très-nouveaux  dans  tous  les  siècles,  par  un  pasteur,  à  l'usage  de  sa 
paroisse.  Fontenay,  J.  Poirier,  1738,  in-12,  48  p.  Un  avertissement  dit  : 
quelques-uns  de  ces  noëls,  quoyque  imprimez  ailleurs,  sont  du  même  au- 
theur.  Cette  autre  impression  est  restée  inconnue. 

Noelz  vieux  et  nouveaux  en  l'honneur  de  la  Nativité  lESVS  Christ  et  de  sa 
très-digne  mère.  Lyon,  Jeao  de  Tournes,  1357,  petit  in-8,  48  p.  Précieux 
livret  qui  paraît  n'avoir  été  cité  par  aucun  bibliographe,  jusqu'à  ce  qu'un 
exemplaire  se  montrât  en  1869,  à  une  vente  faite  parle  libraire  Tross;  vive- 
ment disputé,  il  fut  adjugé  au  prix  de  350  fr. 

Nouels  noubels  par  un  pasteur  d'el  canton  de  Cordos,  départomen  del  Tarn. 
Albi,  Baurens,  1814,  in-12. 

Nouveau  Recueil  des  Nouëls.,  édition  corrigée  et  augmentée.  Bordeaux, 
Lafargue,  1801,  in-18, 70  p.  Ce  recueil  contient  trente-trois  uoëls  modernes, 


onze   qualifiés  irancicns;   parmi  ces  derniers,  il   on   est  dont  ]e  début  est 
assez  singulier  :  «  Hasardons-nous,  bergère—  Attends,  mon  cherClitandre.  « 

—  Un  noël  en  patois  gascon;  dans  un  autre,  un  ange  parle  en  français,  et  un 
berger  lui  répond  en  patois. 

OnTiGUE  (Joseph  d').  Dictionnaire  lilurgique,  historique  et  théorique  du 
plain-chant  d  de  musique  d'église.  Paris,  Migne,  18")3,  gr.  in-8.  De  longs 
détails  sur  les  noL'ls,  col.  928-067;  il  fait  connaître  des  noëls  allemands, 
anglais,  polonais,  espagnols;  il  en  transcrit  en  dialectes  franc-comtois,  pro- 
vençal, etc.,  il  reproduit  le  fameux  noël  Bei  très  Boonmians  (lies  trois  Bohé- 
miens), le  soixante-neuvième  du  recueil  de  Saboly;  mais  plusietirs  criti  mes 
l'attribuent  à  un  autre  Provençal,  Louis  Puech. 

Pelleguin  (l'abbé).  Noëls  nouveaux  sur  les  chants  des  noëls  anciens  pour  en 
faciliter  léchant.  Paris,  1711,  1722,  l72o,  1727,  1729,  173:j,  178:i.  Malgré 
ces  éditions  multipliées,  les  vers  de  l'abbé   Pellegrin  sont  loin  d'être  bons. 

Péyrol,  menuisier  à  Avignon.  Recueils  de  nocls  provençaux.  Avignon,  A. 
Fez  (s,  d.,  mais  vers  1780),  in-12;  autre  édit.  178.');  une  autre,  revue  et 
corrigée  par   le  fils  de  l'auteur,    a    paru   à  Avignon,  Chaillot,  1818,  in-lS. 

—  Citons  aussi  Li  nouvè  di  Artoni  Peijrol  et  de  Danis  Cassan,  eni  uno  n~;utiço 
biografico  sur  Peyrol,  per  Teodor  Aubanel.  Avignon,  1863,  in-8. 

PiLLOT.  Recueil  de  poésies  contenant  des  noëls  en  patois  d'Arbois,  et  des  can- 
tiques pour  les  principales  fûtes  de  Vannée.  Arbois,  an  X,  petit  in-12,  80  p. 

PiRON  (Aimé).  Noëls  en  partie  inédits,  recueillis  et  rais  en  ordre  avec  un 
avant-propos,  un  glossaire  et  la  musique  des  airs  les  plus  anciens  par  Mi- 
gnard.  Dijon,  Lamarche,  18j8,  in-12. 

R.  (.1.  C.)  (Pbitou)  de  S.  P.,  dioucèse  de  Car-iassonoe.  Noucls.  Carcassonne, 
Teissié,  1810,  in-12,  32  p. 

Recueil  de  noëls  anciens  en  j^atois  de  Besançon.  iNouvelle  édition  corrigée, 
suivie  du  sermon  de  la  Crèche,  augmentée  de  notes  explicatives  et  historiques 
par  Th.  Belamy.  Besançon,  Birlot,  1842,  in-f2,  431  p.  nmsique  notée.  — Ce 
recueil  renferme  quatre-vingt-trois  noëls  en  patois;  quarante-quatre  sont 
avec  la  musique. 

Recueil  de  noëls  et  de  cantiques.  Manuscrit  in-4,  seizième  siècle,  contenant 
227  f».  Beaucoup  de  ces  noëls  sont  inédits.  A  la  lin,  se  trouve  le  Recueil  des 
noëls  du  comte  d'Alsinois  (iNicolas-Denisot),  écrit  de  la  même  main.  Ce  ma- 
nuscrit a  figuré  à  la  vente  du  baron  Jérôme  Pichon.  n»  665;  il  a  été  adjugé 
à3:;0fr. 

Recueil  de  cantiques  et  de  noëls  à  l'usage  du  diocèse  de  Dijon.  Dijon,  Méot. 
183o,  petit  in-12. 

Recueil  de  cantiques  et  de  noëls,  traduits  en  languedocien.  Montpellier. 
Seguin,  1825,  in-18. 

Recueil  de  divers  7ioëls,  soit  français,  soit  patois,  composés  par  divers  auteur?. 
Narbonne,  Dccamp,  s.  d.  (liix-huitièmc  siècle),  in-12,  24  p.  Il  existe  deux 
autres  éditions,  également  ?ans  date,  48  p. 

Recueil  de  noëls.  Aix,  Gaudibert,  s.  d.,  in-12. 

Recueil  des  vieux  noëls.  Angers,  Hinault,  lo82,  in-16.  Un  exempt,  de  ce 
volume  très-rare  est  à  la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  fonds  La  Vallière  (Nvon, 
no  138o;i0 

Hoche  (le  B.).  Noëls  français  ci prorcncaua;, auxquels  on  en  a  joint  quelques 
autres  qui  n'ont  jamais  élé  imprimés.  Marseille,  Mossy,  1829,  in-12. 

Reflexions  morales  sur  la  naissance  de  Noslrc-Scigne.  Faitos  por  R.  D.  X.  T. 
Tolose,  Arnaud  Colomies,  s.  d.,  petit  in-8, 10  p.  C'est  la  plus  ancienne  édition 
connue  des  noëh  en  languedocien. 


Roux  (Laurent),  organiste  à  Angers.  Tteiw;  nocls.  Angers,  liiS'J.  in-8,  caract. 
gotliiques.  Volume  d'une  très-grande  rareté  ;  il  s'en  trouve  un  exemplaire  à 
la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  fonds  La  Vailière.  (Xyon,  no  i38b6.) 

Roux  (l'abbé  F.),  curé  de  Bayuls  de  la  Marande.  La  Revue  des  langues 
romanes,  1873,  p.  6!t9,  annonçait  qu'il  préparait  un  recueil  des  noëls  cata- 
lans, chantés  dans  les  églises  du  Roussillon  et  de  la  Cerdagne. 

Saboi.y  (Nicolas"!,  maître  de  musique  de  l'église  Saint-Pierre  d'Avignon. 
Recueil  de  nocls.  Avignon,  1699,  in-12;  — ihid.^  Malurit,  1734,  in-12;  —  ihid., 
s.  d.  (1737),  in-12,  90  p.;  —  ibid.,  1701,  in-12  (édition  augmentée  du  noël 
fait  à  la  mémoire  de  Saboly  et  de  relui  des  rois,  fait  par  J.  F.  D.  (Do- 
mergce),  doyen  d'Arençon),  1772,  in-12;  — ihid.,  Chaillot,  1791,  in-12;  Car- 
pentras,  1820,  in-12;  Avignon,  1820.  1824,  183(3,  1839,  1845;  —  ibid..  1856, 
in-4. 

Deux  éditions  plus  récentes,  et  préférables  à  celles  qui  les  ont  précédées, 
méritent  d'être  signalées  : 

Li  Xouvè  di  Saboly.  Peyrol.  Roumanille,  un  paça  d'aquély  de  l'abat  Lam- 
bert, eni  uno  mescladisso  de  Nouvè  viei  e  noué  de  vers  de  J.  Reboul. 
Avignoun,  li  fraire  Aubanel,  18o8,  iu-12. 

Li  Nouvè  de  Micoulau  Saboly  eni  uno  chabradisso  per  Frédéric  Mislral, 
se  gui  d'un  pau  d'aquéli  de  l'abat  Lambert,  émai  d'aiiuéli  de  Troubaire 
mouderne.  Avignoun,  li  fraire  Aubanel,  1863,  in-12. 

Nouvè  {li)  di  Micoulau  Saboly.,  e  di  felibre  Arnavieille,  Booaparte-Wyse, 
Castil-Blaze,  Canonge,  etc.,  eni  uno  charadisso,  per  Frédéric  Mistral  (173 
noué).  Avignon,  Aubanel,  1871,  in-12,  180  p. 

Saboly,  né  à  Montreux  en  1614.  mourut  à  Avignon  eu  1673;  la  première 
édition  de  ses  noëls  parut  en  six  recueils,  imprimés  de  1C69  à  1674,  sans  nom 
d'auteur. 

Le  soixante-sixième  noc  se  rattache  au  genre  des  épitres  farcies,  mélange 
alternatif  de  français  et  de  latin  dans  le  moyen  âge'. 

Voici  le  Roi  des  Nations 
Natus  ex  sacra  Virgine, 
Ce  fils  de  bénédiction 
Orius  de  David  semine, 
Voici  l'Étoile  de  Jacob 
Quam  prxdixerat  Balaarn, 
Ce  Dieu  qui  détruisit  Jéricho 
In  clara  terra  Chanaam. 

Consulter,  au  sujet  de  Saboly,  le  Diclionnaire  de  la  Provence^  d'Achard;  le 
Dictionnaire  hislorique  et  biographique  du  département  de  Vaucluse,  par  Bar- 
javel;  la  Biographie  universelle,  art.  de  Fortia  d'Urban. 

Sandys  (William).  Christinas  Carols  ancient  and  modems,  with  an  intro- 
duction and  notes.  London,  R.  Beckley,  1833,  in-S,  cxLiv  et  188  p.,  avec  dl  p. 
de  musique.  Livre  fort  intéressant;  on  trouve  quarante-six  noëls  en  anglais 
et  cinq  en  divers  patois  français  à  la  suite  de  l'introduction.  Il  serait  fort 
à  désirer  qu'un  travail  semblable  fût  exécuté  pour  ce  qui  concerne  les  noëls 
français. 

Sensuyvent  2)lusieurs  (six)  noelz  nouvcaulx.  Titulus  :  Chansons  nouvelles 
de  Nouel  ;  composées  tout  de  nouvel,  esquelles  verrez  les  pratiques  de  con- 

1.  Voirie  Dictionnaire  de  plain-chanl.  jiar  M.  J.  d'Ortigue.  Paris.  Migne,  1853,  col. 
Ô66-580. 

Décembre  1878.  T.  .XXllI,  33. 


—  346  — 

fondre  les  helvétiques.  J.  Danïellus  organiste.  S.  1.  n.  d.  (vers  lo20),  petit 
ia-8,  de  8  ftslgoth.,  280  fr.,  vente^Pichon,  G60. 

Trésor  (le)  des  Noëls  tant  vieux  que  nouveaux,  nouvellement  dressez  sur  les 
plus  beaux  airs  de  ce  temps.  Pont-à-Mousson,  Maret,  1718,  in-12.  Quelques- 
iins  de  ces  noëls  en  patois. 

Trésor  [le)  du  chrétien.  Toulouse,  Bellegarigue,  an  X,  in-12.  Les  pages  199- 
400  renferment  des  noëls  et  des  cantiques  en  français  et  en  gascon. 

Gustave  Brc.net. 


CHRONIQUE 

Nécrologie.  —  Le  D' Jean-Chrétien-Ferdinand  Hœfer,  ancien  directeur  de 
la  Nouvelle  biographie  générale  de  MM.  Didot,  vient  de  mourir.  Il  était  né  à 
Dœschnitz  (Thuringe),  le  21  avril  1811 .  D'abord  destiné  à  l'état  ecclésiastique, 
il  avait  altéré  sa  santé  par  l'excès  du  travail.  Après  un  long  voyage  en 
Allemagne,  en  Hollande  et  en  Belgique,  destiné  à  lui  rendre  des  forces, 
mais  qui  avait  épuisé  ses  ressources,  il  dut  se  faire  soldat  et  prit  part  à 
l'expédition  de  Morée.  Son  régiment  ayant  été  licencié  en  1831,  il  se  tourna, 
ayant  vingt  ans  à  peine,  vers  la  carrière  de  l'enseignement  j  une  énergie 
remarquable  soutenant  sa  résolution,  il  fut  successivement  attaché  aux 
collèges  de  Nantua,  de  Saint-Etienne  et  de  Roanne.  L'inspecteur  général 
Burnouf  le  remarqua  dans  une  de  ses  tournées  (1832),  et,  pour  le  récom- 
penser, le  chargea  de  traduire  en  français,  la  Critique  de  la  raison  pure 
de  Kant,  pour  M.  V,  Cousin,  ministre  de  l'Instruction  publique;  c'est  alors 
que  celui-ci,  satisfait  de  ce  travail,  l'appela  auprès  de  lui  en  qualité 
de  secrétaire,  M.  Hœfer  remplit  ce  poste  de  confiance  jusqu'en  18.36, 
époque  à  laquelle  eut  lieu,  entre  lui  et  le  célèbre  apôtre  de  l'éclectisme, 
une  séparation  qui  fit  assez  de  bruit,  à  propos  d'un  passage  du  Sic  et 
iVon  d'Abélard.  —  M.  Hœfer  n'avait  pas  cessé  ses  travaux  de  professeur; 
il  les  continua  en  y  joignant  l'étude  de  la  médecine,  et  en  1840,  il  obte- 
nait le  titre  de  docteur  de  cette  faculté,  après  une  thèse  sur  la  Chlorose, 
et  se  livrait  à  la  pratique  de  cette  nouvelle  profession.  Le  gouvernement 
vint  l'eu  éloigner,  en  le  chargeant  d'aller  étudier  en  Allemagne  l'ensei- 
gnement de  cette  science  d'abord  (1843);  puis,  en  1846,  par  une  nouvelle 
mission,  l'enseignement  de  l'économie  rurale;  décoré  en  cette  même  an- 
née, M.  Hœfer  était  naturalisé  Français  en  mars  1848.  C'est  en  1831  que 
MM.  Didot  plaçaient  le  D^  Hœfer  à  la  tête  de  la  Nouvelle  biographie  générale; 
peu  d'hommes  étaient  plus  aptes  que  lui  à  bien  conduire  cette  savante 
publication,  avec  l'esprit  de  persévérance  et  l'immense  érudition  qui 
le  caractérisaient;  en  effet,  il  avait  déjà  écrit,  presque  de  omni  re  sci- 
bili,  et  publié  sous  son  propre  nom,  à  cette  date  :  Observations  sur  le 
platine,  dont  il  avait  le  premier  introduit  l'usage  dans  la  thérapeutique 
(1840,  in-8);  —  Histoire  de  la  chimie  (1842-1843,  2  vol.  in-8,  traduite  depuis 
en  plusieurs  langues,  et  qui  a  eu  une  2*=  édition  en  1869)  ;  —  La  Médecine 
en  Prusse  (1844,  in-8),  le  premier  de  ses  deux  Rapports  sur  ses  missions  en 
Allemagne  et  qui  avaient  paru  d'abord  dans  le  Moniteur  ;  —  Nomenclature  et 
classification  chimiques  (1845,  in-12);  —  Dicliowiaire  de  chimie  et  de  physique 
(1846,  in-12,  3e  édition,  1847);  —  Dictionnaire  de  médecine  pratique  (1847, 
in-12);  —  Le  Maroc,  La  Chaldée,  l'Assyrie  (1848-1852,  2  vol.  in-8),  dans  la 
collection  de  l'Univers  pittoresque;  —  deux  Mémoires  sur  les  tremblements  de 


letvret  sur  les  ruines  de  Ninive  (1840,  in-S);  —  Un  Dictionnaire  de  botanique 
(1850,  in-12);  —  Un  Dictionnaire  d'agriculture  {I8o0,  in-12).  Le  Df  Hœfer  avait 
aussi  traduit  et  publié  pour  la  première  fois  en  français  l'Économique  d'A- 
ristote  (1843,  in-12};  — puis  le  Tmifé  de  chimie  de  Berzélius  (184o-18o0, 
6  vol.  in-8);  —  La  Bibliothèque  historique  de  Diodore  de  Sicile  (1846,  4  vol. 
in-12);  —  Les  Tableaux  de  la  nature  d'Alex,  de  Humboldt  (IBbO,  2  vol. 
in-8).  —  Enfin,  en-deliors  de  ces  travaux  individuels,  le  D""  Hœfer  avait 
coopéré  à  un  grand  nombre  d'oeuvres  collectives,  et  fourni  des  articles 
de  science  et  de  critique  aux  Annales  d'anatomie  et  de  physiologie^  à 
V Encyclopédie  catholique^  et  l'Interprète^  dont  il  avait  été  rédacteur  en 
chef.  —  Il  était  donc  éminemment  prùt  à  diriger  l'œuvre  encyclopédique, 
et  sous  forme  de  biographie  qu'il  a  menée,  on  le  sait,  à  bonne  lin,  de  1852  à 
1866,  en  46  volumes  in-8,  qui  forment  comme  le  complément  de  VEncyclo- 
pédie  moderne  ;  un  grand  nombre  d'articles  sortis  de  sa  plume,  parmi 
lesquels  :  Alexa7idre,  Aristote,  César,  Christophe  Colomb,  Descartes, Erasme,  Fré- 
déric P'^,  Herschell,  méritent  d'être  signalés.  Entre  temps,  M.  Hœfer  collabo- 
rait à  Vîlluslration,  au  Dictionnaire  pratique,  et  à  d'autres  recueils  périodi- 
ques, et  donnait,  avant  même,  la  lin  de  sa  grande  publication  :  la  Chimie 
enseignée  fmr  la  biographie  de  ses  fondateurs  (1863,  in-8).  Depuis,  le  D'^  Hœfer 
fit  encore  paraître:  Le  monde  et  les  bois  (1867,  gr.  in-8  illustré);  —  Les 
Saisons  (1867-1869,  2  vol.  in-12  iWustr.};  —  Histoire  delà  botanique  {1812, 
in-12)  ;  —  Histoire  de  la  physique  (1872,  in-12);  —  V  Homme  devant  ses  œu- 
vres (1872,  in-12);  — Histoire  de  la  zoologie  (1873,  in-12); — Histoire  de  Vastro- 
nomie  (1874,  in-12);  —  Histoire  des  mathématiques  (1874,  in-12;.  Ajoutons, 
afin  de  ne  rien  omettre,  un  Mémoire  sur  le  système  qui  transforme  l'éditeur 
en  auteur  et  co-auteicr,etdela  composition  des  dictionnaires  biographiques  (18o3, 
in-4). 

L'œuvre  considérable  du  D»"  Hœfer  a  été  étudiée  dans:  Travaux  de  Hœfer 
(s.  d.,  [1852]  in-4);  —  Gazette  universelle  d'Augsbourg  (31  mai  1846);  —  La 
Presse  (6  février  1854);  —  Revue  contemporaine  (1835). 

—  M.  Julien-Joseph-Hippolyte  Lucas,  romancier  et  auteur  dramatique,  l'un 
des  fondateurs  de  la  Société  des  gens  de  lettres,  bibliothécaire  de  l'Arsenal, 
né  à  Rennes  le  20  décembre  1807,  est  mort  à  Paris  le  14  novembre  dernier. 
Il  avait  été  d'abord  avocat;  en  1857,  il  entra  au  Siècle,  comme  critique  dra- 
matique et  littéraire,  après  avoir  collaboré  à  divers  revues  et  journaux. 
M.  Hippolyte  Lucas, qui  devait  faire  jouer  à  la  Comédie-Française  ou  à  l'Odéon 
une  vingtaine  de  pièces  originales  ou  imitées  de  l'antique  et  de  l'espaguol, 
avait  publié,  de  1840  à  1843,  une  Histoire  du  théâtre  français  (3  vol.  in-12),  qui 
eut  une  seconde  édition  (1862-1863).  C'est  lui  qui  avait  écrit  le  livret  de 
Lalla-Rouck  (1862),  ainsi  que  quelques  autres  d'opéras  comiques  :  Bélisaire 
(1842);  —  l'Étoile  de  Séville  (1845).  Voici,  par  ordre  de  publication,  les  titres 
de  ses  autres  œuvres  draniatiques:  La  double  épreuve  (1842);  —  Une  aven- 
ture suédoise  (1842)  ;  —  Maria  Padilla  (1843);  —  Linda  de  Chamounix  [iSi^); 
—  L'Hameçon  de  Phénice  (1843),  l'une  de  ses  bonnes  pièces,  avec  la  suivante, 
d'après  Calderon,  deux  succès:  Le  Médecin  de  so7i  honneur  {ISii);  —  Champ- 
mesié  (1844);  —  Les  Nuées  (1844),  imitation  d'Aristophane  (1844),  et,  d'après 
Lope  de  Vega,  le  Tisserand  de  Ségovie  (1844),  qui  fut  un  moment  célèbre;  — 
Diable  ou  femme  (1847)  ;  — M"'' rie  Navarre  (1847);  —  Alceste  (1847);  —  La 
Bouquetière  (1847);  —  Le  Collier  du  roi  (1848);  —  Rachel  (1849);  —  Les  Baisers 
(1850,  in-12);  —  La  Fille  mousquetaire  (1854,  in-8);  —  Médée  (1853);  — 
L'Homme  sa7is  ennemis  (1853,  in-12).  Avant  d'aborder  le  théâtre,  M.  Hippolyte 
Lucas  avait   publié   des  études    dans   plusieurs  recueils    ou  en  volumes, 


—   oiH   — 

sous  les  titres  suivants:  Le  < -cour  cl,  le  monde  (I8:U,  iu-l:2,  et  1812,  2  vol. 
jp.g)  ;  —  Garaclèrcs  et  portraits  de  femmes  (t830-i84o,  2  vol.  in-8);  —  Z,7n- 
conslance  (1838,  2  vol.  in-8);  —  Le  Foxjer  du  Théâtre-Français  (1840,  in-8). 
On  lui  doit,  postérieurement  à  ses  débuts  dramatiques  :  Heures  d'amour 
184i,  in-12;  18(ii-,  4''  édition);  —  Théâtre  espagnol  (1850, in-8);  — Curiosités 
dramatiques  et  littéraires  (18oo,  in-12);  —  Le  Portefeuille  d'un  journaliste 
(18i)C,  in-12);  —  Documents  relatifs  à  l'histoire  du  Cid  (1861,  in-8  et  in-12); 

—  Le  Péché  d'un  mari  (1862,  Jn-12);  —  il/"»'"  de  Miramion  (1866,  in-12). 
M.  H.  Lucas  avait  publié  l'Isle  d'Alccnc^  comédie  inédite  de  Regnard,  et 
l'Oublieux,  de  Ch.  Perrault.  Il  avait  traduit  de  l'anglais  Les  derniers  jours  de 
Tompéi.  de  Buhver. 

—  M.  Louis-Antoine  Garnier-Pagès, ancien  membre  du  gouvernement  de  la 
Défense  nationale,  ancien  membre  du  gouvernement  provisoire  de  18-48, 
précédemment  député  de  l'Eure  (1842),  et  maire  de  Paris,  vient  de  mourir. 
Né  en  1807,  à  Marseille,  où  son  père  tenait  une  pension  scolaire,  il 
était  le  frère  utérin  du  chef  du  parti  républicain,  mort  en  1841 .  Il  fut  d'abord 
courtier  de  commerce  à  Paris,  et  prit  part,  en  1830,  aux  journées  de  Juillet. 
Peu  après,  l'arrondissement  de  Verneuil  l'envoya  à  la  Chambre,  et,  après  la 
mort  de  son  frère,  dont  le  souvenir  ne  lui  laissa  qu'un  rôle  un  peu  effacé,  il 
s'occupa  d'affaires  et  de  finances,  jusqu'au  mouvement  réformiste  de  1847; 
mais,  à  cette  époque,  il  fut  l'un  des  plus  ardents  champions  de  la  campagne 
des  banquets.  La  révolution  le  fit  membre  du  gouvernement  provisoire,  et, 
comme  ministre  des  finances,  il  eut  l'initiative  de  l'impôt  si  impopulaire  des 
«  quarante-cinq  centimes.  »  Membre  de  la  Constituante  et  de  la  Com- 
missisn  executive  renversée  par  l'insurrection  de  .luin,  il  n'avait  été  réélu, 
depuis  1871,  qu'aux  élections  de  1864.  il  s'était  remis  jusqu'à  cette  époque 
aux  affaires  et  à  la  publication  de  ses  souvenirs  politiques.  C'est  ainsi  qu'il 
a  écrit  :  Épisode  de  la  révolution  de  1848  (1850,  in-8);  —  Histoire  de  la  révolu- 
tion de  1848  (1860-1862,  8  vol.  in-8;  1861-1872,  II   vol.  in-8,  1868,  in-4)  ; 

—  V Opposition  et  l'Empire  (1872-1874,  2  vol.  in-32).  —  Il  existe  une  Biogra- 
phie de  Garmier-Pagès  (1848,  in-8). 

—  M.  le  marquis  Tristan  de  Villenedve-Arifat  est  mort,  le  12  octobre,  à 
Paris,  pendant  un  voyage  fait  dans  cette  ville  avec  sa  famille.  M.  de  Ville- 
meuve-Arifat  était  âgé  de  quatre-vingt-six  ans;  il  appartenait  à  une  des  plus 
anciennes  et  des  plus  nobles  familles  du  Midi.  Pas  une  guerre  importante 
n'a  eu  lieu,  dit  un  vieil  historien,  sans  que  les  champs  de  bataille  de  la 
Palestine,  de  la  Flandre,  de  l'Italie,  de  l'Espagne,  du  Roussillon,  de  la  Pro- 
vence et  du  Languedoc,  n'aient  vu,  de  temps  immémorial,  le  sang  d'un 
Villeneuve  couler  pour  la  religion,  le  droit,  la  justice  et  l'honneur.  Fidèle 
aux  glorieuses  traditions  de  sa  famille,  M.  de  Villeneuve -Arifat  avait,  lui 
aussi,  embrassé  la  carrière  des  armes.  Mais  la  Révolution  de  1830  brisa  son 
épée.  Il  était  alors  capitaine  au  sixième  régiment  d'infanterie  de  la  garde 
royale.  Depuis  cette  époque,  M.  Villeneuve-Arifat,  retiré  à  Toulouse  ou  dans 
ses  terres  du  Tarn  et  de  la  Haute-Garonne,  a  partagé  son  temps  entre  le 
culte  des  lettres  qu'il  aimait  avec  passion,  les  travaux  agronomiques  et 
la  pratique  des  bonnes  œuvres.  11  est  mort  fidèle  aux  convictions  religieuses 
et  monarchiques  de  toute  sa  vie.  M.  de  Villeneuve-Arifat  était  mainteneur  de 
l'Académie  des  jeux  Floraux  (il  avait  été  reçu  en  1847).  On  lui  doit  les  travaux 
suivants  :  Discours  prononcé  à  Voitverture  de  V école  réglementaire  des  sous- 
officiers,  le  27  décembre  1828,  à  la  caserne  de  la  Pépinière  (Paris,  1828,  broch. 
in-S);  —  Remcrcime?it  2^ro7ioncé  dans  la  séance  publique  de  l'Académie  des 
jeux  Floraux  du  26  décembre  1847  (Toulouse,  1847,  broch.  in-8);  —  La  Levée  en 


—  oii)  — 

masse  du  bon  sens,  opuscule  de  propagande  contre-révolutionuairê,  dédié 
aux  ouvriers,  aux  petits  commerçants  et  aux  habitants  de  la  campagne  (Tou- 
louse 1 848,  in-fûl.); — Notice  sur  M.  le  marquis  Louis-Florent-Marie  de  Viltcneuve- 
Arifat  (le  père  de  l'auteur).  Cette  notice,  parue  à  Toulouse  en  l8o2,  est  des 
plus  intére.-santes.  Nous  y  trouvons  l'anecdote  suivante,  qui  mérite  d'être  re- 
cueillie •.  «  C'était  aux  commencements  des  mauvais  jours  d'^.  la  Révolution. 
M.  de  Villeneuve,  avec  la  noblesse  fidèle  de  l'époque,  était  allé  aux  Tuileries 
rendi'e  ses  devoirs  à  la  famille  royale.  Dans  une  salle,  le  jeune  Dauphin 
jouait  avec  un  lièvre  apprivoisé.  En  voyant  M.  de  Villeneuve,  l'enfant  s'ap- 
procha de  lui,  et,  souriant,  lui  dit  tout  bas  :  «  Je  sais  que  vous  nous  aimez!  » 
Puis,  lui  montrant  son  lièvre,  il  lui  apprit  qu'il  battait  le  tambour  pour  le  roi, 
et  il  ajouta  aussitôt  sur  le  ton  du  mystère  :  «  Mon  lièvre  est  royaliste^  mais  ne 
«  h  dites  pas-,  car  on  me  le  tuerait.  »  —  On  doit  aussi  à  M.  de  Villeneuve-Arifat 
des  semonces  littéraires,  des  discours  et  des  rapports  de  concours,  qui  se 
trouvent  dans  la  collection  des  Bulletins  de  l'Académie  des  jeux  Floraux.  Ce 
sont  des  morceaux  de  style  remarquables.  Nourri  des  traditions  du  grand 
siècle,  M.  de  Villeneuve-Arifat  ne  méprisait  pas  la  littérature  de  notre 
époque  dans  ce  qu'elle  a  d'avouable,  et  telle  de  ses  semonces  académiques 
contient  des  pages  vraiment  belles  sur  Chateaubriaiid,  Lamartine  et  Victor 
Hugo  —  le  Lamartine  des  Harmonies  et  des  Méditations,  le  Victor  Hugo  des 
Odes  et  des  Feuilles  d'automne.  La  respectable  veuve  do  M.  de  Villeneuve-Arifat 
prépare, sur  la  vie  et  les  oeuvres  de  son  mari  une  étude  détaillée.  Cette  étude 
sera  lue  avec  plaisir  par  tous  les  amis  du  regretté  maialeneur,  —  et  l'on  peut 
augurer  qu'elle  seia  parfaite  de  fonds  et  de  forme.  M"^"  la  marquise  de 
Villeneuve-Arifat, est  depuis  1836,  maîtresse  es  jeux  Floraux;  on  lui  doit  un 
Eloge  académique  de  Joseph  de  Maistrc,  et  des  pièces  de  poésie  d'un  goût 
très-pur,  dont  plusieurs  ont  obtenu  les  tleui's  d'Isaure.  —  F.  B. 

—  M.  Jean  RoiDOT-DÉLÉAGf,  architecte,  mort  le  22  septembre  dernier  à 
Aitlun,  entouré  de  la  considération  et  du  respect  de  ses  concitoyens,  était  né 
aux  Guyare  (canton  de  Tavernay,  commune  d'.Aututi,  le  23  seplembe  1794. 
Membre  du  Conseil  municipal  d'Autuu  pendant  trente-trois  ans,  et  chargé  à 
plusieurs  reprises  de  la  direction  des  travaux  de  la  voierie  et  des  édifices 
publics,  il  trouva  dans  l'exercice  Je  ces  fonctions  de  grt-ndes  f.icilités  pour 
l'étude  des  ruines  de  l'antique  Augustodunum,  et  parvint  à  dresser  i.n  plan 
exact  de  la  ville  romaine,  qu'il  soumit  à  la  Société  franc  lise  de  nuaismatique 
et  d'archéologie  et  pour  lequel  il  obtint  une  médaille  d'argent.  Déjà,  en  1830, 
il  avait  tracé  la  Carte  des  voies  romaines  du  pays  éduen,  qui  fut  publiée  eu 
tète  de  VEssai  sur  le  système  défensif  des  Romains  de  M.  Gabriel  Bulliot.  Au 
moment  où  la  mort  est  venue  le  surprendre,  il  achevait  pour  la  Société 
éduenne  les  plans  d'un  grand  ouvrage  sur  les  antiquités  d'Autun  et  de  ses 
environs,  qui  sera  publié  par  ses  collaborateurs. 

Botaniste  distingué,  M.  Roidot  avait  rédigé,  pour  la  première  édition  de  la 
Flore  du  centre  de  la  France.,  par  M.  Boreau  {1840,\  ie  Catalogue  des  plantes 
de  l'Autunois  et  du  Morvan.  Parmi  les  manuscrits  et  dessins  qu'il  a  laissés, 
on  remarque  une  collection  de  1,200  papillons,  peints  à  l'aquarelle  avec 
beaucoup  d'exactitude  et  de  talent. 

—  M.  Al.  Levmerie,  professeur  de  géologie  et  de  minéralogie  à  la  Faculté 
des  sciences  de  Toulouse,  est  mort  dans  cette  ville  le  .3  octobre  dernier.  An- 
cien élève  de  l'École  polytechnique,  il  enseigna  d'abord  les  mathématiques 
et  les  sciences  physiques,  devint  directeur  de  l'Ecole  Lamartinière  à  Lyon, 
et  enfin  professeur  de  faculté.  Depuis  le  20  avril  1873,  il  était  correspondant 
de  rinstitu*:,  où  il  avait  remplacé  Haidinger,  le  créateur  de  l'Institut  géolo- 


—  o50  — 

gique  d'Autriche,  Pendant  «(uarante  ans,  il  a  parcouru  la  Haute-Garonne  ou 
Jes  départements  voisins,  et  a  contribué  largement  à  en  faire  connaître  la 
constitution.  Indépendamment  de  travaux  relatifs  aux  Pyrénées  et  qui  se 
trouvent  épars  soit  dans  les  comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences, 
soit  dans  les  mémoires  publiés  par  la  Société  géologique  de  France, 
par  l'Académie  de  Toulouse  et  par  la  Société  linnéenne  de  Bordeaux, 
on  doit  à  M.  Leymerie  :  plusieurs  Notes  sur  la  géologie  du  Lyonnais  (1836- 
1838);  —  Mémoires  sur  lu  terrain  crétacé  du  département  de  l'Aube  (in-4, 
1841);  — Statistique  miner alogique  et  géologique  du  département  de  l'Aube 
(in-8,  avec  atlas,  1846)  ;  —  Esquisse  géognostique  des  Pyrénées  (in-8,  1851)  ;  — 
Notice  géologique  sur  le  pays  toulousain  (Société,  impériale  d'agriculture  de 
la  Haute-Garonne  (18o4-18o9);  —  Statistique  et  carte  géologique  du  départe- 
ment de  l'Yonne  (avec  M.  Raulin)  (gr.  in-8  avec  cartes,  1855-1858);  —  Elé- 
ments de  minéralogie  et  de  géologie  (2  vol.  in-12,  nombreuses  figures,  3  édi- 
tions de  1861  à  1878);  — Éléments  de  minéralogie  (2  vol.  in-8.  nombreuses 
figures,  2  éditions  de  1857  à  1867),  — Enfin  M.  Lej'merie  terminait  un  grand 
ouvrage  sur  les  Pyrénées  de  la  Haute-Garonne  (gr,  in-8,  20  pi.  de  coupes, 
30  pi.  de  fossiles),  avec  une  grande  carte  coloriée  sur  les  feuilles  du  Dépôt 
de  la  guerre. 

—  M.  Jules  DE  Lamarque,  né  à  Toulouse  le  29  juillet  1820,  est  mort  à  Pari 
le  28  octobre  1878.  Fils  de  Nestor  de  Lamarque,  qui  fut  l'un  des  publicistes 
émineuts  de  la  Restauration,  il  marqua  lui-même  de  bonne  heure  sa  place 
dans  la  littérature  par  des  travaux  d'histoire  et  des  œuvres  poétiques.  Entré 
fort  jeune  dans  l'administration,  il  se  voua  sans  réserve  à  l'étude  des  ques- 
tions relatives  aux  détenus  et  aux  libérés. Devenu  chef  de  bureau  au  minis- 
tère de  l'Intérieur,  il  fit  partie  notamment  de  la  commission  d'enquête  sur 
les  établissements  pénitentiaires  nommée  par  l'Assemblée  nationale.  Depuis 
1871,  il  s'est  consacré  à  l'amélioration  des  détenus  repentants;  et,  en  s'inspi- 
rantdes  exemples  de  l'étranger,  il  a  réussi  à  fonder  une  société  générale 
pour  le  patronage  des  libérés.  Cette  œuvre  éminemment  utile  a  reçu  les 
plus  hauts  encouragements,  et  son  succès  a  été  constaté  récemment  par  le 
Congrès  international  du  patronage  des  libérés.  M.  de  Lamarque  était  che- 
valier de  la  Légion  d'honneur  depuis  1866.  Parmi  ses  œuvres  littéraires,  on 
doit  citer  :  Histoire  de  la  Révolution  française  (1845,  6  vol.  in-8);  —  Les  Figu- 
rines, choix  de  poésies;  —  Thérèse;  —  La  Danse  des  morts;  —  Le%  Héros  de 
Rabelais  (in-12);  —  et  bon  nombre  de  discours  ou  de  pièces  fugitives, 
pour  la  société  appelée  la  Cigale,  Parmi  ses  œuvres  administratives, 
nous  rappellerons  diverses  brochures  publiées  de  1871  à  1876  :  Les  Libérés  de- 
vant la  charité  chrétien7ie;  —  La  Réhabilitation  des  libérés  par  le  travail;  — 
Le  Patronage  des  libérés  dans  les  départements;  —  Le  Patronage  des  libérés  ex- 
pliqué aux  détenus  ;  —  La  Société  moderne  et  les  repris  de  justice;  —  Le  Patro- 
nage des  libérés  jugé  par  les  Anglais,  etc.;  et  surtout  la  Réhabilitation  des  libé- 
rés, manuel  du  patronage  {\  vol.  in-12,  Berger-Levrault,  1877). 

—  M.  l'abbé  Achille  Charle?  de  Valroger,  prêtre  de  la  Compagnie  de 
Saiat-Sulpice,  est  mort  à  Bayeux,  le  30  août.  Né  à  Avranches,  le  3  juin  1801, 
il  était  l'aîné  d'une  famille  où  la  culture  des  lettres  était  en  honneur  et  où  les 
sentiments  chrétiens  étaient  Irès-prononcés.  Il  fit  ses  études  au  collège 
d'Avranches  et  eutra  au  séminaire  d'Issy  le  2  avril  1818.  Nous  le  voyoas 
enseigner  la  philosophie,  l'écriture  sainte,  le  dogme  aux  séminaires  d'I-^sy, 
de  Lyon,  de  Nante-;,  de  Rodez  et  de  Coutances.  Sa  santé  l'ayant  condamné 
au  repo',  il  était  venu  se  retirer  en  1862  à  l'Oratoire,  auprès  de  s>on  frère  le 
P.  de  Valroger,  qu'il  aida  dans  ses  travaux  scientifiques.  Lorsque  la  mort  le 
lui  eut  enlevé,  il  obtint  d'aller  tf-rmiuer  se^  jours  au  séminaire  de  Bayeux. 


—  Sol   — 

M.  de  Valroger  venait  de  publier  une  seconde  édition  des  Études  historiques 
et  critiques  sur  le  rationcàisme  contemporain  du  P.  de  Valroger,  son  frère 
(Paris,  Lecoffre,  in-12,  1878).  Il  a  donné  un  recueil  d'extraits  de  Bossuet,  et 
a  laissé  tm  choix  de  pensées  de  M.  de  Maistre,  qu'il  a  recueillie  avec  son 
frère  l'oratorien,  et  qui  est  en  cours  d'impression. 

—  M.  Victor-Edmond  Leharivel-Durocher,  sculpteur  médaillé  de  3*  classe 
en  4849,  de  2''  classe  en  1857,  rappelé  en  1861,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur  en  1870,  né  à  Cbanu,  canton  de  Tinchebniy  (Orne),  le  24  no- 
vembre 1816,  est  mort  au  mémo  lieu  le  9  octobre  1878.  Dans  son  œuvre  on 
remarque  :  le  Groupe  d'enfants  représentant  le  chant  grégorien,  à  Saint-Sislpice; 
—  Le  'Rédempteur  et  la  Vierge  (salon  de  1847);  —  La  Cène,  bas-relief  en  ferre 
cuite  (1849);  —  Le  buste  de  Jean  Racine,  en  plùtre  (1849);  — La  Rêverie, 
statuette  en  marbre  (1832);  —  La  Sainte  patronne  de  Paris  (1833);  —  Ecce 
ancilla  Bomini,  deux  statues  en  marbre,  placées  l'une  au  Tuileries,  l'autre  au 
petit  séminaire  de  Chartres  (1857)  ;  —  La  Gloire,  statue  en  marbre  destinée  à 
la  cour  de  l'ancien  Louvre  (1838);  —  La  statue  de  Visconti,  qui  décore  son 
tombeau  au  Père-Lachaite  (1839);  — LaRosa  mystica  {iSGi)  ;  —  Être  et  paraître, 
sucessivement  exposé  à  Paris  et  à  Londres,  puis  admis  au  Luxembourg;  — 
La  Filature  et  le  Tissage,  bas-reliefs  en  bronze  pour  la  rue  du  Pont-Neuf,  à 
Paris  (1868);  —  Une  jeune  fille  et  l' Amour  (ISQd)  ;  —  Notre-Dame  de  Bon-Secours, 
exécuté  en  1870-1871  pour  l'église  de  Montrouge;  —  Pour  la  même  église  et 
vers  la  même  époque,  La  Vierge  et  l'Enfant  Jésus,  L'Adoration  ;  —  La  restitution 
du  groupe  Vénus  désarmant  Mars,  d'après  la  Vénus  de  Milo  du  Louvre  et  le 
Mars  du  musée  de  Dresde  (1873);  —  Le  Juif-Errant  (1877);  —  enfin  Sainte 
Théodechilde  (1878).  La  gravure  a  reproduit  Être  et  paraître  et  Notre-Bame  de 
Bon-Secours .  On  doit  encore  à  cet  éminent  artiste  d'autres  productions  en 
grand  nombre.  L'n  de  ses  traits  caractéristiques  était  une  correction  scrupu- 
leuse. 

—  M.  Jacques-Antoine-Charles-Albert  Albrier  est  mort  à  Fleury  (Côte- 
d'Or)  le  29  octobre,  dans  sa  trente-deuxième  année.  Il  était  né  à  Arnay- 
le-Duc  le  9  octobre  1846,  d'une  honorable  famille,  originaire  de  Savoie, 
établie  en  Bourgogne  depuis  la  fin  du  siècle  dernier.  Il  avait  commencé 
ses  études  au  collège  d'Arnay-le-Duc  et  les  termina  au  lycée  de  Dijon. 
Dirigé  par  son  père,  il  contracta  dès  son  jeune  âge  cet  amour  du  travail 
qui  ne  l'abandonna  jamais.  Les  études  historiques  avaient  un  attrait  par- 
ticulier pour  lui;  la  liste  de  ses  œuvres  publiées  pourra  donner  une  preuve 
de  son  activité;  nous  savons  qu'il  laisse  un  nombre  considérable  de  tra- 
vaux inachevés  et  de  notes  à  mettre  en  ordre.  Un  grand  nombre  de  socié- 
tés savantes  s'honoraient  de  le  compter  parmi  leurs  membres  et  de  l'associer 
à  leurs  travaux.  Il  s'était  affilié  à  la  Société  Bibliographique  dès  son 
début  et  lui  donnait  un  concours  dévoué,  que  sa  modestie  n'a  pas  toujours 
permis  de  révéler  aux  lecteurs  du  PoZ7/&t6iion.  Il  donnait  également  sa  col- 
laboration à  la  Revue  des  questions  historiques  et  à  d'autres  recueils.  Délégué 
cantonal,  il  usait  de  l'influence  que  lui  donnaient  ses  fonctions  pour  faire  le 
bien,  encourageant  la  saine  instruction  et  l'éducation  chrétienne  par  des 
distributions  de  bons  écrits  et  de  cartes  géographiques.  Son  ardeur,  qui 
aurait  pu  être  ralentie  par  sa  santé  délicate,  se  fortifiait  dans  la  foi  et  la 
charité  ;  car  les  pauvres  avaient,  après  sa  famille  et  ses  livres,  la  meilleure 
part  de  son  cœur.  Voici,  en-dehors  de  divers  articles  nécrologiques,  biogra- 
phiques et  bibliographiques  donnés  dans  les  journaux  et  revues  de  sa  province, 
la  liste  de  ses  principales  publications  :  La  Noblesse  savoisienne  aux  États 
de  Bourgogne  (1867,  Chambéry,  br.  in-8  de  24  ip.);  — Recherches  généalogiques 


—  ;;:;2  — 

sur  la  famille  Chevîgnavd  (1867);  —  Le  Colonel  baron  MarlenoL  de  Cordon 
(1867,  Dijon  br.  ia-8)j;  —  La  Noblesse  de  Poitou  aux  Étals  de  Bourgogne  (1867 
Poitiers,  br.  in-8);  —  La  Noblesse  de  Picardie  aux  États  de  Bourgogne  (1867, 
Amiens, br.  ia-8)  ;  —  Les  Maires  de  la  ville  d'Arnay-le-Duc  (1868,  Dijon,  in-8); 
Testament  de  Jean-François  Berliet^  arcJiCvéque  de  Tarentaise  (1868,  Chambéry, 
in-8);  —  Notice  généalogique  et  biographique  sur  la  famille  Nadaud  (1868, 
Limoges,  in-8);  —  Les  Anoblis  de  Bourgogne  sous  l'Empire  de  1806  à  1815 
(1868-1869);  —  Les  Atioblis  de  Bresse,  Bugey  et  du  pays  de  Vab^omey  soies  les 
princes  delà  maison  de  Savoie  (1870);  Les  naturalistes  de  Savoie  en  Bour- 
gogne, lo08  H  1769  (1872)  ;  —  La  Famille  Varenne  de  Fenille  d'aj)rès  les  docu- 
ments authentiques  fl872)  ;  —  Les  Anoblis  de  VAin,  de  1408  à  1829(1873)  ;  — 
La  Famille  Daubenton  (1874);  —  La  Famille  de  Brosses  (1875);  —  Le  Baron 
Puton,  sa  vie  et  sa  famille  (1876);  —  Charles  Chevenaux  de  Morande  (1875). 
Il  avait ,  fondé  une  vev\ie,  la  Bourgogne  (histoire  archéologie,  littérature, 
sciences  et  arts),  qui  a  paru  de  mars  1868  à  octobre  1871.  N'ous  citerons, 
parmi  ses  œuvres  inédites,  des  notices  généalogiques  sur  les  Vauban,  It-s 
I.eclerc  de  Bulfon,  les  Rabutin,  les  Tliétot,  une  notice  sur  Bonaventure  Des- 
piéres,  une  galerie  bourguignonne,  un  Armoriai  arnaitois,  et  un  Armoriai  de 
l'Empire  français,  auquel  il  travaillait  encore  quelques  instants  avant  sa  mort, 

—  M.  le  vicomte  Jules  de  Gkres,  né  à  Caudéran  (Gironde),  en  1817,  a  été 
enlevé  par  une  mort  subite,  le  27  octobre,  au  château  de  Mony.  Chrétien  sin- 
cère, ge/zf/eman  accompli,  il  a  été  l'objet  de  vifs  et  xmanimes  regrets.  Indi- 
quons quelques-unes  des  productions  de  ce  poêle  délicat,  qui  fut  aussi  un 
prosateur  ingénieux,  et  dont  les  écrits,  ne  cherchant  ni  le  bruit  ni  les  suffrages 
de  la  foule,  s'adressaient  à  des  lecteurs  d'élite  :  Les  premières  fleurs  {\8iO)  ;  — 
Récits  de  Suisse  et  d' Italie [iSoi)  ;  — Rose  des  Alpes,  légende,  (1856);  —  Le  Roitelet, 
poésies (1859);  —  Cinq  dizaines  de  sonnets (\81 '6);  —  Le  Phylloxéra  devant  la  Bible 
(1875,  extrait  du  journal  L'Univers).  M.  de  Gères  a  inséré  d'autres  productions 
dans  divers  journaux,  ainsi  que  dans  les  Mémoires  de  rAcadémie  des  sciences, 
belies-lettros  et  arts  de  Bordeaux,  qui  le  comptait  au  nombre  de  ses  membres. 

—  M.  Pierre-Sophie-Léon  Duval,  né  à  Marseille  le  14  janvier  1804,  avocat 
réputé  du  barreau  de  Paris,  où  il  était  inscrit  depuis  1823,  est  mort  le 
2  septembre,  à  Blonville  (Calvados);  il  était  auteur  du  Droit  dans  ses  maximes 
ou  Essai  sur  la  théorie,  la  logique  et  la  classification  des  maximes  ou  régies  géné- 
rales du  droit  (1837). 

—  M.  Ambroise-Phiiipps  Ue  Lisle  est  mort  à  Garendoa-Park,  dans  le  comté 
de  Leicester,  le  5  mars  dernier.  C'est  là  qu'il  était  né,  le  13  mars  1809.  Son 
père,  membre  du  Parlement,  était  protestant,  ainsi  que  sa  mère,  issue  d'une 
famille  française,  les  Ducarel.  marquis  deChâteauny,  qui  s'était  réfugiée  en 
Angleterre,  après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes.  A  onze  ans,  il  fut  envoyé 
près  de  Gloucester,  dont  son  oncle  (le  R.H.Ryden)était  évèque  anglican,  dans 
un  collège  dirigé  par  un  archidiacre  protestant.  C'est  là  qu'il  fit  la  connaissance 
d'un  prêtre  émigré,  l'abbé  Giraud,  qui  lui  donna  des  leçons  de  français.  La  fré- 
quentation de  ce  vertueux  ecclésiastique  lit  tomber  ses  préjugés  sur  l'Église 
romaine;  il  lui  demanda  des  livres  propres  à  lui  bien  faire  connaître  les 
questions  religieuses;  et,  la  grâce  complétant  ses  dispositions  naturelles,  qui 
lui  avaient  toujours  fait  goxiter  les  splendeurs  du  culte  catholique,  dont  il  avait 
pu  juger,  dans  un  voyage  à  Paris,  il  fit  son  abjuration  en  1825  entre  les  mains 
de  M.  Macdonell.  Au  retour  de  son  voyage  dePari.'^,  alors  qu'il  n'avait  encore 
que  l'âge  de  douze  ans,  il  fit  introduire  par  le  ministre,  dans  son  église  parois- 
siale deShepsed,  des  cérémonies  que  l'on  peut  considérer  comme  le  début  du 
mouvement  ritualiste.  Il  se  mit  en  relations  avec  les  chefs  les  plus  distingués 


—  Tir)3    - 

du  mouvement,  religieux,  le  \)'  Pusey,  le  I)''  Newman,  le  D,.  Ward,  gaf;n;i 
leur  confiance,  et  acquit  un  grand  ascendant  sur  eux.  Sa  résidence  de  Gra- 
cedieu-Manor,  où  il  se  fixa  en  1835,  avec  sa  magniQque  chapelle  où  se 
déployaient  toutes  les  pompes  de  l'Eglise,  devint  un  centre  de  réunion  pour 
les  puséistes  :  ce  fut  pour  plusieurs  l'occasion  de  revenir  à  la  vérité.  Le 
zèle  de  M.  de  Liste  ne  se  renferma  pas  dans  les  limites  de  son  pays  natal  : 
dans  ses  nojibreux  voyages  sur  le  continent  il  se  lia  avec  un  bon  nombre  des 
grands  écrivains  de  l'époque  et  entretint  avec  eux  une  correspondance  sou- 
tenue; ils  travaillaient  de  concert  à  la  réunion  si  désirable  de  tons  les  peuples 
chrétiens  dans  un  même  sentiment  de  foi  et  de  charité.  C'est  à  Paris,  en  1836, 
qu'il  établit  avec  le  R.  P.  Ignatius  Spencer,  une  de  ses  créations,  l'associa- 
tion de  prières  pour  la  conversion  de  l'Angleterre.  Parmi  ses  amis,  nous  pou- 
vons citer  le  P.  Laeordaire,  M?"' de  Forbin-Janson,  M.  d'Abbadie,  dom  Gué- 
ranger.  M.  de  Montalembert  avait  pour  lui  une  affection  toute  fraternelle.  Il 
traduisit  la  Vie  de  sainte  Élisaheth  el  ce  fut  pendant  une  excursion  que  les 
deux  amis  firent  ensemble  aux  ruines  des  anciennes  abbayes  de  l'ordre  de 
Citeaux,  que  Montalembert  conçut  l'idée  d'écrire  les  Moines  d'Occident.  M.  de 
Lisle  avait  fondé,  sur  ses  terres,  près  deGracedieu,  un  monastère,  où  soixante 
moines  louent  et  servent  Dieu  dans  le  travail  et  la  prière  ;  il  lit  aussi  construire 
dans  ses  domaines  des  chapelles,  des  écoles  pour  les  pauvres,  et  il  travailla  de 
cette  manière  à  la  conversion  de  son  pays  autant  qu'il  le  fil  par  ses  écrits. Parmi 
ses  nombreux  ouvrages,  nous  citerons  principalement  :  Mahometanism  in  its  rela 
tion  to  prophecy  ;  —  Maniial  of  dévotion  ;  —  The  future  unity  of  christendom  ;  —  A 
few  ivords  on  Lord  John  Eussel's  letter  to  the  bishep  of  Durham;  —  Letter  to  Lord 
Shreivsbury  on  the  establishment  of  the  Catholic  Ilierarchy  in  England.  —  11  écri- 
vit aussi  différents  articles  pour  la  Union  Revieio  et  pour  la  Wesminster  Gazette, 
et  quelques  brochures;  les  plus  remarquables  sont  deux  réponses  admirables 
au  Vaticanism  de  M.  Gladstone,  dont  il  conserva  l'amitié  tout  eu  réfutant 
ses  écrits  polémiques. 

11  est  mort  en  chrétien,  forLilié  par  les  secours  de  la  religion  et  la  bénédic- 
tion de  Pie  IX,  qui  l'a  précédé  de  quelques  jours  dans  la  tombe,  laissant  onze 
enfants  de  sa  digne  épouse  Laura  Mary,  petite-lille  de  Lord  Clifford. 

—  Le  28  octobre,  est  mort  à  Wiesbaden,  A.  Th.  Guimm,  conseiller  privé  au 
service  de  la  Russie.  Né  en  1806,  dans  la  principauté  de  Schwarzbourg,  il  se 
rendit  en  Russie  à  l'âge  de  vingt  et  un  ans.  En  1834,  il  fut  nommé  précep- 
teur du  grand-duc  Constantin  d'abord,  puis  des  grand- ducs  Nicolas  et  Mi- 
chel, ses  frères.  Il  a  été  aussi  chargé  de  l'éducation  du  feu  tsarévitch  Nico- 
las, héritier  présomptif  du  trône,  décédé  à  Nice.  Obligé  de  quitter  la  capitale 
en  1832,  Grimmse  tixa  à  Dresde  et  employa  ses  loisirs  à  publier  ses  Wandc- 
rungen  am  Sudosten  (Berlin,  1830,  3  vol.).  Il  est  aussi  l'auteur  d'une  biogra- 
phie détaillée  de  l'impératrice  Alexandra  Téodorowna,  mère  des  princes 
nommés  plus  haut.  L'ouvrage  a  paru  en  1866,  à  Leipzig,  sous  le  titre  : 
Alexandra  Téodorouma,  Kaiserin  von  Bussland  (2  vol.  in-8).  Six  mois  après, 
parut  une  nouvelle  édition.  Cette  vie  a  été  écrite  sur  l'invitation  du  roi 
Guillaume  IV,  aujourd'hui  empereur,  frère  d'Alexandra  Téodorowna.  Plus 
tard,  Grimm  s'est  établi  à  Wiesbaden,  où  sa  maison  de  campagne  servait 
de  rendez-vous  à  une  société  d'élite. 

—  L'Université  de  Cracovie  a  perdu  un  de  ses  professeurs,  Joseph  Kova- 
LEVSKi,  célèbre  orientaliste,  mort  subitement  le  7  novembre  dernier.  Il  était 
doyen  à  vie  de  la  faculté  d'histoire  et  de  philologie,  et  venait  de  célébrer  sa 
cinquantaine  de  professorat.  Né  en  1800,  dans  le  gouvernement  de  Grodno, 
il  fit  ses  études  à  l'Université  de  Vilna,  et  enseigna  d'abord  au  gymnase  de 


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cette  ville.  Transféré  à  Kazan,  il  s'adonna  à  l'étude  du  persan,  du  turc  et  du 
mongol,  fit  un  voyage  en  Mongolie  et  même  en  Chine.  De  retour  de  Pékin, 
il  obtint  la  chaire  de  la  littérature  mongole  à  l'Université  de  Kazan,  qui  le 
choisit  bientôt  après  pour  son  recteur.  En  1862,  on  lui  offrit  la  chaire  d'his- 
toire générale  à  l'université  de  Varsovie,  avec  le  titre  de  doyen  de  la  faculté 
historico-philologique,  qu'il  accepta  et  garda  jusqu'à  sa  mort.  —  On  a  de  lui 
un  grand  nombre  d'écrits  qui  sont  fort  estimés  ;  mais  son  ouvrage  capital, 
c'est  le  Dictiotmaire  mongol-russe- français,  en  deux  gros  volumes  (Kazan, 
1844-1846).  11  a  laissé,  assure-l-on,  beaucoup  de  précieux  manuscrits. 

—  On  vient  de  perdre,  à  l'â^e  de  soixante-un  ans,  un  autre  orientaliste 
russe,  fort  connu  en  France,  M.  Nicolas  Khaxykov,  mort  à  Rambouillet  le 
15  novembre.  Après  avoir  achevé  ses  études  au  lycée  de  Tsarskoé-Selo,  il 
fut  attaché  au  ministère  des  affaires  étrangères,  séjourna  longtemps  en 
Perse  et  visita  l'Asie  centrale.  La  Description  du  Khanat  de  Bukharie,  publiée 
en  1843,  fut  le  fruit  de  son  séjour  en  Orient.  Le  baron  Clam  en  a  donné  une 
édition  anglaise,  sous  le  titre  ;  Bokhara,  ils  amer  and  ils  people.  Il  a  écrit 
beaucoup  aussi  dans  diverses  revues  russes  et  étrangères;  entre  autres,  il 
donna  une  description  détaillée  du  British  Muséum,  dans  la  revue  russe  de 
rinstructiiin  publique  de  1863,  et  un  examea  du  livre  de  Melgounov  inti- 
tulé :  le  Bivagc  méridional  de  la  mer  Caspienne,  dans  le  Journal  asiatique 
de  186n.  Son  principal  travail,  publié  en  1874  par  la  Société  géographique 
russe, est  la  traduction  de  VIran,  de  Ritter.  M.  Khanykov  avait  une  belle 
collection  de  manuscrits  orientaux,  qu'il  a  donné  à  la  bibliothèque  de  Saint- 
Pétersbourg.  Il  était  établi  depuis  plusieurs  années  à  Paris. 

—  On  annonce  la  mort  d'un  autre  archéologue  russe  et  bibliophile  dis- 
tingué, M.  Dimitri  Polénov,  conseiller  privé,  mort  le  25  octobre.  Cette 
perte  sera  ressentie  surtout  par  la  commission  archéographique,  qui  le 
comptait  parmi  ses  membres  les  plus  actifs.  Le  défunt  avait  publié  plusieurs 
écrits  fort  estimés  sur  l'histoire  et  les  antiquités  russes;  il  préparait  un 
vaste  répertoire  bibliographique  contenant  tous  les  livres  qui  ont  été  im- 
primés en  lettres  civiles  introduites  par  Pierre  l^^^  Malheureusement, ce  tra- 
vail, qui  lui  avait  demandé  des  recherches  sans  fin,  est  resté  inédit,  ainsi 
que  bien  d'autres  dont  il  est  auteur.  Dimitri  Polénov  avait  étudié  à  l'Univer- 
sité de  Saint-Pétersbourg;  ses  études  achevées,  il  fut  attaché  au  ministère 
des  affaires  étrangères  dont  l'organisation  actuelle  avait  été  faite  sous  la 
direction  de  son  père.  Envoyé  à  Athènes,  comme  secrétaire  de  la  légation,  il 
y  prit  goût  aux  études  d'archéologie  et  les  cultiva  le  reste  de  sa  vie.  Ayant 
quitté  la  carrière  diplomatique,  il  resta  à  la  deuxième  section  de  la  chan- 
cellerie particulière  de  l'empereur,  où  il  demeura  jusqu'à  sa  mort. 

Institut.  — Académie  des  Inscriptions  et  Belles- Lettres.  L'Académie  des  ins- 
criptions et  belles-lettres  a  procédé  le  29  novembre  à  l'élection  de  trois  de 
ses  membres  ordinaires,  en  remplacement  de  MM.  deSlane,  Naudetet  Garcin 
de  Tassy.  Trente-six  académiciens  étaient  présents  :  le  chiffre  de  la  majorité 
absolue  s'élevait  donc  à  19  voix. 

Pour  le  fauteuil  de  M.  de  Slane,  les  voix  se  sont  réparties  de  la  manière 
suivantes  :  MM.  Barbier  de  Weynard,  21  voix  ;  Schefer,  13;  Wescher,  1  ;  un 
bulletin  blanc.  M.  Barbier  de  Meyuard  a  été  élu. 

M.  Eoucart  a  été  élu  de  même  au  premier  tour  de  scrutin,  en  remplace- 
ment de  M.  Naudet,  par  24  voix  contre  11  données  à  M.  Alex.  Bertrand,  et 
1  à  M.  Wtscher. 

La  succession  de  M.  Garcin  de  Tassy  a  été  plus  disputée.  Au  premier  tour, 
six  concurrents  se  sont  partagés  les  suffrages  :  M.  François  Lenormant  a  ob- 


—  ;ioH  — 

tenu  9  voix;  M.  Schefer,  9;  M.  Weil,  7  ;  M,  de  Mas-Latrie,  5  ;  M.  J.  Oppert, 
4;  M.  Wescher,  1.  —  Au  second  tour,  M.  Schefer,  15  voix;  M.  Lenormant, 
40;  M.  Weil.  7;  M.  Oppert,  4. —  Au  troisième  tour,  M.  Schefer,  18  voix; 
M.  Lenormant,  9;  M.  Weil,  7;  M.  Oppert,  1  ;  un  bulletin  blanc.  Après  une 
discussion  sur  la  question  de  savoir  si  le  bulletin  blanc  doit  entrer  en  compte 
pour  le  calcul  de  la  majorité  absolue,  on  a  procédé  à  un  quatrième  tour 
de  scrutin,  à  la  suite  duquel  M.  Schefer  a  été  élu  par  32  voix,  contre  3  don- 
nées à  M.  Lenormant,  1  à  M.  Weil. 

Académie  des  sciences.  —  L'Académie  des  sciences  a  procédé,  le  lundi 
2  décembre,  à  la  nomination  d'un  membre  titulaire  dans  la  section  de  mé- 
decine et  de  chirurgie,  en  remplacement  de  M.  Claude  Bernard.  Nombre  de 
votants  :  59;  majorité  absolue,  30.  Au  premier  tour  de  scrutin,  M.  Marey  a 
été  élu  par  40  voix,  contre  15  voix  données  à  M.  Bert,  3  à  M.  Charcot,  l  à 
M.  Gubler. 

Académie  des  beaux-arts,  —  C'est  le  30  novembre  que  l'Académie  des 
beaux-arts  s'est  réunie  afin  de  pourvoir  à  la  vacance  produite  dans  la  sec- 
tion de  musique  par  la  mort  de  François  Bazin,  professeur  au  Conservatoire 
de  musique.  Cinq  candidats  aspiraient  à  l'honneur  de  succéder  à  François 
Bazin.  C'étaient,  dans  l'ordre  de  présentation  dressé  par  la  section  de  mu- 
î-ique,  MM.  Saint-Saëns,  Massenet,  Boulanger.  Membrée,  Duprato.  Le  nombre 
des  votants  était  de  34;  majorité  absolue,  18.  Au  premier  tour,  les  voix 
se  sont  ainsi  partagées  :  MM.  Saint-Saéus,  13  voix;  Massenet,  12;  Boulan- 
ger, 6;  Membrée,  2;  Diiprato,  1.  Au  deuxième  tour,  six  des  voix  données  à 
MM.  Boulanger,  Membrée,  Duprato,  se  sont  reportées  sur  M.  Massenet,  qui 
a  été  élu  par  18  voix  contre  13  données  à  M.  Saint-Saëns  et  3  à  M.  Bou- 
langer. 

Faculté  DES  LETTRES.  —  M.  l'abbé  Bozon,  ancien  élève  de  l'École  des 
Carmes,  a  soutenu  à  Paris,  le  4  novembre,  ses  thèses  pour  le  doctorat  es 
lettres.  Les  sujets  étaient  :  De  Vitali  Blesansi;  —  Le  cardinal  de  Retz  à 
Rome. 

Conseil  supérieur  de  l'Lnstruction  publique.  —  La  mort  de  M^''  l'évêque 
d'Orléans  avait  créé  dans  le  sein  du  Conseil  supérieur  de  l'Instruction  pu- 
blique, une  vacance  à  laquelle  il  a  fallu  pourvoir  avant  la  prochaine  réunion 
de  cette  assemblée,  dont  la  deuxième  session  ordinaire  pour  l'année  1878  de- 
vait commencer  le  12  décembre.  Conformément  aux  prescriptions  de  la  loi 
du  19  mars  1873  et  du  décret  du  28  avril  même  année,  réglementant  le  mode 
d'élection  des  membres  appelés  à  représenter  dans  le  conseil  les  grands 
corps  de  l'État,  le  ministre  de  l'Instruction  publique,  président  du  Conseil 
supérieur,  après  avoir  invité  les  archevêques  et  évoques  à  lui  faire  connaître 
le  candidat  de  leur  choix,  a  chargé  du  dépouillement  des  votes  une  commis- 
sion composée  de  S.  Em.  le  cardinal-archevêque  de  Paris,  de  M^'"  l'évêque  de 
Chartres,  du  ministre-président  et  de  M .  Charmes,  chef  du  cabinet  secré- 
taire. La  commission  s'est  réunie  le  4  décembre.  Le  dépouillement  a  eu  lieu 
suivant  les  formalités  prescrites.  S.  Em.  M^''  le  cardinal  Caverot,  archevêque 
de  Lyon,  ayant  obtenu  le  plus  grand  nombre  de  suflrages,  a  été  proclamé 
membre  du  Conseil  supérieur  de  l'instruction  publique. 

École  des  chartes.  —  Par  arrêté  du  ministre  de  l'Instruction  publique, 
des  Cultes  et  des  Beaux-Arts,  en  date  du  22  novembi'e  1878,  ont  été  nom- 
més élèves  de  l'École  nationale  des  chartes,  à  la  suite  des  derniers  exa- 
mens d'admission  et  dans  l'ordre  de  mérite  suivant,  les  candidats  ci-après 
désignés,  savoir  :  1 .  M.  Berthelé,  2.  M.  Bion-Malavagne,  3.  M.  Rousseau,  4. 


—  5;ic  — 

M.  Kahn,  o.  M.  Moriz,  0.  M.  Devèze,  7.  M.  Icres,  8.  làbon,  9.  M.  iJehodencq, 
10.  M.  Ville,  11.  M,  deGhainesde  Bourmont,  12.  de  Roisandre,  13. M.  Hu- 
gues, 14.  Lecestres.  Et,  ù  titre  étranger,  M.  Scliweisthal,  du  grand-duché  de 
Luxembourg. 

Congrès  des  orientalistf.s  de  Florenxe.  —  En  attendant  la  publication 
officielle  du  comjite  rendu  complet,  le  bureau  du  congrès  de  Florence  vient 
de  faiie  distribuer  à  ses  souscripteurs  une  brochure  renfermant  les  cinq 
bulletins  publiés  pendant  la  durée  du  congrès  (Bolletini  del  quarto  congresso 
intemazionale  degli  orientalisti  in  Firenze.  Firenze,  Le  Moîinier,  1878,  in-8, 
24,  32,  44,  48  et  SI  p.)  Les  trois  premiers  bulletins  sont  consacrés  aux  comptes 
readus  sommaires  du  congrès,  le  quatrième  est  le  catalogue  de  l'exposition 
orientale  organisée  à  Florence  et  le  cinquième,  que  nous  croyons  devoir  si- 
gnaler tout  spécialement,  renferme  la  bibliographie  des  membres  préseuls 
au  congrès  (83),  ou,  pour  parler  plus  exactement,  la  liste  de  tous  les  travaux 
relatifs  à  l'Orient  publiés  par  chacun  d'eux.  En  même  temps  que  ces  bul- 
letins, les  souscripteurs  ont  reçu  un  exemplaire  de  «  Gli  scritti  del  padre 
Marco  délia  Tomba,  mis«ionario  nelle  Indie  Orientali,  raccolli...  Ua  Angeio 
de  Giibernatis.  »  {Firenze,  Le  Monnier,  1878,  in-12,  xlviu  et  W6  p.),  et  d'une 
ravissante  publication  du  chanoine  A.  M.  Bandini  ;  «  La  Staoïperia  Mediceo- 
Orientale,  frammento  di  una  memoria  in  parle  iuedila.  »  {Firenze,  pei  tipi 
deir  arte  délia  Stampa,  1878,  in-18,  44  p.)  —  O^  de  M. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  inscriptions  et  iiELLES-LETTREs.  —  Dans 
la  séance  du  8  novembre,  M.  Miller  a  communiqué  des  lettres  de  M.  Chris- 
tidès,  de  l'ile  de  Thasos,  relatives  à  des  découvertes  archéologiques  qu'il  a 
faites  dans  cette  île  et  à  un  chrysobule  signé  de  l'empereur  Alexandre 
Commène  I*'.  M,  Renan  a  fait  une  communication  au  sujet  d'un  ouvrage  de 
la  comtesse  de  Lovatalli  sur  le  cachet  Crescens.  —  Dans  la  séance  du  15, 
M.  Miller  a  donné  le  texte  des  inscriptions  grecques  des  Thasos.  M.  Maxime 
Deloche  a  lu  un  mémoire  ayant  pour  titre  :  De  l'association,  sur  un  sou  d'or 
mérovingien,  du  nom  gallo-romain  et  du  nom  plus  récent  d'une  ville  gau- 
loise. 

Lectures  faites  a  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques.  —  Dans 
les  séances  du  9  et  du  1 G  novembre,  M.  Ad.  Franck  a  lu  une  étude  sur  les 
sentences  et  proverbes  du  Talmud  et  du  Midrasch  et  sur  le  traité  d'Aboth. 
—  Dans  la  séance  du  9,  M.  Vacherot  a  fait  une  communication  au  sujet  de 
l'ouvrage  de  M.  Chauffard  sur  la  vie,  et  M.  Fustel  de  Coulanges,  sur  l'éloge 
de  Buffon,par  M.  llémon.  —  Dans  la  séance  du  16,  M.  Jules  Simon  a  fait  une 
communication,  au  sujet  d'un  rapport  de  M.  Camille  Séo,  député,  sur  l'en- 
seignement secondaire  des  jeunes  filles.  M.  Levasseur  a  lu  une  étude  sur  la 
valeur  des  monnaies  de  l'ancienne  Rome. 

Catalogue  des  manuscrits  belges  et  hollandais.  —  Ce  qui  a  été  fait  par 
Valentine'.li  pour  les  bibliothèques  d'Espagne  et  d'Italie  (187J  et  18G0),  par 
Petzholdt  pour  les  bibliothèques  d'Allemagne,  d'Autriche  et  de  Suisse  (1874), 
par  RuUmann  pour  celles  d'Allemagne  (1875),  par  M.Ulysse  Robert  pour  les 
bibliothèques  de  France  (1877),  ce  dernier,  aujourd'hui,  vient  de  le  faire  pour 
celles  de  Belgique  et  de  Hollande  avec  le  zèle  et  le  soin  qui  lui  sont  habituels 
{Etat  des  Catalogues  des  manuscrits  des  bibliothèques  de  Belgique  et  de  Hollande. 
Paris,  Alph.  Picard,  1878,  in-8  de  24  p.).  Devancé  dans  ce  travail  par  Voyel 
(1840),  et  par  Valentinelli  (1871),  le  savant  paléographe  a  de  beaucoup  aug- 
menté le  nombre  des  indications  fournies  par  ses  deux  guides.  Aidé  par  les 
libérales  communications  de  plusieurs  archivisteset  bibliothécaires  belges  et 


hollandais,  il  a  pu  donner  les  meilleurs  renseignements,  d'abord  sur  les  ou- 
vrages relatifs  à  l'ensemble  des  bibliothèques  de  chacun  des  deux  pays  ou 
relatifs  seulement  à  quelques-unes  d'cfitre  elles,  ensuite  sur  les  catalogues, 
rangés  par  ordre  chronologique, sous  le  titre  de  chaque  ville,  des  manuscrits 
conservéi  en  Belgique  et  en  Hollande.  .Naturellement,  l'excellent  directeur  du 
Cabinet  historique  a  signalé  les  recueils  de  Haenel,  de  l'abbé  Aligne  et  de 
Pertz,  sans  oublier  même  le  vieux  recueil  de  Sanderus  (1641),  qui  devait 
donner  à  Bernard  l'idée  de  son  travail  sur  les  bibliothèques  d'Angleterre,  et 
à  dom  de  Montfaucoa  l'idée  de  son  travail  sur  les  bibliothèques  de  l'Europe. 
Souhaitons  que  M.  V,  Robert  continue  si  activement  ses  consciencieuses  inves- 
tigations, qu'il  mette  bientôt  dans  nos  mains  un  ouvrage  qui,  soit  par  l'étendue 
du  plan,  soit  par  le  mérite  de  l'exécution,  devienne  aussiprécieux  pour  nous 
qu'a  été  précieux  pour  les  savants  du  xviir  siècle  l'ouvrage  du  glorieux  bé- 
nédictin. —  T.  DE  L. 

L'AniNuairk  de  l'archéologue.  —  Déjà  à  plusieurs  reprises,  on  a  tenté  de 
réunir,  sous  forme  d'annuaire  et  dans  un  format  portatif,  les  renseigne- 
ments utiles  aux  archéologues,  ainsi  que  cela  a  lieu  annuellement  pour  un 
certain  nombre  de  spécialités.  M.  Dureau,  et  plus  récemment  M,  de  Caix  de 
Saint-Aymour,  avaient  essayé  de  faire  paraître  des  publications  de  ce  genre. 
Depuis  trois  ans,  M.  Antliyme  Saint-Paul,  connu  par  divers  travaux  archéo- 
logiques et  par  sa  collaboration  aux  guides  de  M.  Joanne,  a  renouvelé  cette 
tentative,  et,  après  plusieurs  tâtonnements,  l'ouvrage,  qu'il  nous  donne  au- 
jourd'hui, nous  paraît  bien  remplir  le  but  auquel  il  est  destiné.  Une  première 
partie  renferme  une  revue  rapide  des  travaux  archéologiques  les  plus 
récents,  des  principaux  congrès,  ainsi  que  la  liste  des  monuments  histo- 
riques actuellement  en  cours  de  restauration  ;  cette  partie  contient  également 
quelques  travaux  originaux,  parmi  lesquels  nous  citerons  notamment  quelques 
pages  sur  les  villes  neuves. Viennent  ensuite  :  la  composition  de  l'Académie 
des  ioscriplious  et  du  comité  dr;s  travaux  historiques,  la  liste  des  sociétés 
savantes  de  Paris  qui  s'occupent  principalemeni  d'archéologie  ou  d'histoire, 
la  liste  par  départements,  des  sociétés  savantes,  avec  la  composition  de  leur 
bureau  et  l'indication  de  leurs  publications,  l'état  des  musées;  les  noms  des 
archivistes,  architectes  diocésains  et  correspondants  du  ministère. 

Une  bibliographie  archéologique  sommaire  complète  ce  volume;  elle  ren- 
ferme les  revues  et  les  principaux  ouvrages  archéologiques  parus  dans  l'année 
classés  par  spécialités.  L'auteur  a  eu  ici  le  mérite  de  savoir  se  borner  et  de 
ne  donner  dans  ce  travail  que  des  publications  d'une  certaine  importance. 
Quelques  comptes  rendus  terminent  VAmiuaire  de  l'archéologue  qu'accom- 
pagnent 15  planches  gravées.  (Paris,  Hachette,  1878,  in-12  de  180  p.  Prix  : 
2  fr.  :îO.)  —  Cte  DE  M. 

Une  édition  nouvelle  de  l'ouvrage  de  Quaresmius  sur  la  Terre-Sainte.  —  On 
sait  l'importaace  que  les  spécialistes  attachent  à  l'ouvrage  de  Quaresmius 
sur  la  Terre-Sainte  {Terrx  Sandx  elucidatio,  etc.,  Antverp,,  1G37,  2  vol. 
in-fol.).  Depuis  longtemps  cet  ouvrage  du  savant  fransciscain  est  devenu 
une  l'areté  bibliographique.  Nous  apprenons  qu'il  s'en  prépareune  nouvelle 
édition  qui  formera  i  volumes  in-fol.,  que  les  souscripteurs  pourront  ac- 
quérir au  prix  de  fiO  francs.  L'édition  se  fera  sous  la  directiou  de  P.  Cypriea 
de  Treviso,  commissaire  actuel  de  la  Terre-Sainte,  qui  ne  manquera  pas 
nous  l'espérons,  d'y  ajouter  des  notes  explicatives  et  les  corrections  les 
plus  indispensables,  ahn  de  rendre  le  livre  de  Quaresmius  encore  plus  utile. 
Les    demandes  peuvent-être  adressées   soit  audit   commissaire  lui-même. 


(Venise,  S.  Francesco  délia  Vjgna),  soit  au  couvent  des  R.  P.  Franciscains,  à 
Vienne  (en  Autriche). 

Une  découverte  archéologique  a  Tchernigov.  —  Dans  la  ville  de  Tcher- 
nigov,  une  dame  a  trouvé,  à  l'endroit  des  anciennes  forlificalions,  sur  les 
bords  de  Ftryge,  un  vase  d'argile  contenant  dix  grivnas  d'argent,  dont  cha- 
cune pèse  environ  une  livre.  Leur  fonte  est  tout  à  fait  grossière.  Au  même 
endroit,  l'archéologue  Kibaltchitch  entreprit  de  nouvelles  fouilles  qui 
furent  couronnées  par  de  brillants  résultats.  Il  y  découvrit  les  traces  d'un 
ancien  temple  dont  les  murs  gardaient  encore  quelques  fresques.  En  outre, 
on  trouva  dans  les  couches  supérieurs  de  la  terre  plusieurs  squelettes,  dont 
un  avait  des  restes  d'une  riche  étoffe.  On  trouva  aussi  des  fragments  de 
mosaïque,  la  tête  en  os  d'une  flèche,  une  partie  de  croix  ouvrante  avec 
l'image  de  la  Mère  de  Dieu,  des  morceaux  d'une  courroie  de  chaussure, 
deux  grandes  clefs  de  fer,  des  morceaux  d'une  étoffe  d'argent,  des  mors  de 
fer,  des  clous,  etc.,  etc.  M.  Kibaltchitch  engagea  les  autorités  ecclésiastiques 
de  l'endroit  à  établir  dans  la  ville  un  musée  diocésain,  dans  lequel  on  réuni- 
rait tous  les  anciens  objets  religieux  ou  non  du  diocèse. 

Les  Noyades  de  Nantes.  —  M.  Alfred  Lallié  vient  de  publier  (in-8.  104  p. 
chez  Vincent  Forest  etE.  Grimand,  à  Nantes)  son  importait  mémoire  sur 
Les  Noijades  de  ISantes,  qu'on  avait  déjà  remarqué  dans  la  Revue  de  Bi^etagne 
et  de  Vendée,  Cette  étude,  faite  presque  uniquement  avec  des  documents 
inédit'.,  puisés  aux  archives  de  la  Loire-Inférieure,  aux  archives  nati-^nales 
et  dans  divers  dépôts  publics,  forme  un  chapitre  intéressant  de  l'histoire  de 
la  Révolution.  C'est  un  exposé  aussi  complet  que  possible  de  tous  les  cimes 
de  Carrier  et  de  ses  séides.  Ces  documents  confirment,  du  reste,  ce  qu'on 
savait  déjà  :  «  Que  le  supplice  de  la  noyade  fut,  à  Nantes,  par  les  ordres  de 
Carrier  et  la  complicité  du  comité  révolutionnaire,  un  moyen  raisonné  de 
destruction,  employé  à  des  intervalles  plus  ou  moins  rapproché3,  depuis  le 
milieu  de  novembre  1793  ju?qu'à  la  fin  de  janvier  1794.  »  M.  Lallier,  pro- 
cédant sans  passion  et  avec  une  sage  critique,  compte  onze  noyades  comme 
absolument  certaines;  mais  il  n'a  point  fait  entrer  dans  son  énumération, 
plusieurs  faits  que  le  défaut  de  date^,  même  approximatives,  n'ont  pas 
permis  de  classer.  Il  compt»^,  au  minimum,  13.283  personnes  entrées  dans 
les  prisonsdurant  la  mission  de  Carrier. Le  total  des  prisonniers  dont,  le  sort 
est  connu  monte  au  chiffre  i^e  8.423,  sur  lesquels  4,8ti0  ont  été  noyés.  On 
doit  nécessairement  ajouter  à  ce  chiffre  un  grand  nombre  d'arrestations  et 
d'exécutions  qui  n'ont  point  été  mentionnées  dans  les  procès-verbaux.  Tel 
est  le  résultat  du  travail  consciencieux  de  M.  Lallié;  il  serait  à  souhaiter 
que  de  semblables  études  fussent  entreprises  sur  chacun  des  commissaires 
envoyés  par  la  Convention  dans  les  provinces. 

Un  nouveau  manuscrit  paléo-sl.4.ve.  —  Le  prince  Diraitri  Gortchakov  possède 
un  évangéliaire  slavon  qui  se  rapproche  des  monuments  les  plus  anciens 
qu'on  connaisse  dans  ce  genre.  La  langue,  l'orthographe  et  l'écriture  en  res- 
semblent tout  à  fait  à  celle  de  l'évangéliaire  d'Ostromir  écrit  en  i0o6-1057. 
L'un  et  l'autre  manuscrit  sont  ornés  de  belles  miniatures  représentant  les 
évangélistes  avec  leurs  animaux  symboliques.  Malheureusement,  il  n'y  a  dans 
le  manuscrit  vraiment,  ancien  que  le  commencement  et  la  fin,  c'est-à-dire 
cinquante-sept  feuillets  en  tout;  le  reste  a  été  ajouté  au  quatorzième  siècle. 
Le  manuscrit  parait  avoir  été  écrit  à  Prémysl,  en  Galicie,  parce  qu'il  fait 
mention  d'Hilarion,  évêque  de  cette  ville,  et  est  destiné  au  prince  de  Galitch, 
Léon.  Le  moine  qui  l'a  transcrit  s'appelait  Vasilko.  Il  est  à  remarquer  qu'on 


—  539  — 

retrouve  dans  son  texte  les  mêmes  fautes  de  gra;Dmaire  que  dans  celui 
d'Ostromir,  ce  qui  indiquerait  une  parenté  bien  proche  de  ces  deux  évan- 
géliaires. 

Livre  des  adresses  de  Paris. — M.  Paul  Daffis,  le  laborieux  continuateur  de 
Id  Bibliothèque  elzévirienne,  entreprise  en  1833,  par  rintelli£;ent  P.  Jannet, 
et  que  la  librairie  parisienne  vient  de  perdre,  avait  publié  tout  récemment 
un  volume  qui  sera  accueilli  avec  une  vive  sympathie  par  toutes  les  per- 
sonnes qui  s'intéressent  au  Paris  d'autrefois,  aux  hommes  et  aux  choses  de 
l'époque  de  Louis  XIV.  11  s'agit  du  Livre  commode  des  adresses  de  Paris  pour 
1692,  par  Abraham  de  Pradel  (masque  de  Nicolas  de  Blegg)  ;  devenu  très- 
rare,  ce  volume,  fort  recherché,  se  payait  fort  cher;  il  a  dépassé  100  francs 
en  vente  publique;  ce  n'est,  si  l'on  veut,  qu'un  Annuaire^  mais  il  est  rempli 
de  détails  curieux,  et  ce  qui  donne  à  l'édition  nouvelle  une  valeur  excep- 
tionnelle, c'est  que  le  texte  original  est  accompagné  d'un  ample  commen- 
taire des  plus  instructifs.  Pour  eu  faire  ressortir  tout  le  mérite,  il  suffit  de 
dire  que  ces  annotations  sont  l'œuvre  de  M.  Edouard  Fournier,  dont  l'érudi- 
tion est  connue,  et  auquel  on  doit,  entre  autres  ouvrages  si  justement  esti- 
més, le  Yieux-lSeuf  [àoni  une  seconde  édition  fort  augmentée  a  vu  le  jour 
récemment),  et  l'Esprit  des  autres,  dont  une  cinquième  édition  refondue  est 
sous  presse.  Ajoutons  qu'en  tète  du  volume  dont  il  s'agit  (c'est  le  premier 
tome  du  Livre  commode),  M,  Fournier  a  joint  une  très-intéressante  introduc- 
tion de  60  pages.  Bornons-nous, pour  le  moment, à  signaler  cette  publication 
sur  laquelle  il  faudra  revenir  avec  détails. 

Lettres  inédites  de  Madame  Louise  de  France.  —  M.  Maurice  Faucon,  élève 
de  l'École  des  chartes,  a  publié  récemment, dans  le  Cabinet  historique^an  cer- 
tain nombre  de  Lettres  inédites  de  Louise  de  France,  fille  de  Louis  XV,  qui 
viennent  de  paraître  dans  un  tirage  à  part  (A.  Picard,  Paris,  in-8  de  36  p.). 
M.  Faucon  a  fait  précéder  ces  lettres  d'une  notice  biographique,  pleine  d'é- 
rudition, sur  Louise  de  France,  religieuse  du  Carmel  de  Saint-Denis,  sous 
le  nom  de  sœur  Thérèse  de  Saint-Augustin.  Les  lettres  sont  adressées  à 
M.  de  Bonal,  évèque  de  Clermont  et  à  la  supérieure  des  carmélites  de 
Chalon-sur-Saône.  Elles  n'ont  point  un  grand  intérêt  historique;  le  style  en 
fait  tout  l'attrait,  mais  les  remarques  judicieuses  de  M.  Faucon  et  ses  éclair- 
cissements historiques  doivent  être  signalés  à  ceux  qui  s'occupent  de  l'his- 
toire du  dix-huitième  siècle. 

—  W  J.  Tolra  de  Bordas  vient  de  publier  (.\miens,  Delattre-Lenoél,  ia-8, 
7  p.)  un  rapport  sur  un  ouvrage  manuscrit  de  M.  Eugène  Menu,  intitulé 
Aurifodina,  sive  flores  illustrium  poetarum,  complectens  axiomata,  proverbia,  sen- 
tentias,  dicta  sapientium,  eruditioties  et  prœcepta,  latinitatis  flores  leporesque,  etc. 
Cet  ouvrage,  que  M.  E.  Menu  a  présenté  à  la  Société  des  études  historiques 
et  qu'il  se  propose  de  mettre  prochainement  au  jour,  sera  un  immense 
répertoire  où  l'on  trouvera,  rangés  dans  l'ordre  alphabétique,  tous  les  pas- 
sages des  poètes  latins  se  rapportant  à  des  sujets  aussi  variés  qu'intéres- 
sants, depuis  Ahstinentia,  Adolescentia,  Adulatio,  Adversitas,  jusqu'à  Voluptas, 
Vulgus,  Vubiera,  Vultus. 

—  Ms''  J.  Tolra  de  Bordas  vient  également  de  faire  un  tirage  à  part 
d'une  lecture  faite  à  la  Société  des  études  historiques,  intitulée  :  Du  Mouve- 
ment historique  en  France  pendant  l'année  1877  (Amiens,  Delattre-Lenoël,  in-8 
46  p.).  C'est  un  résumé  complet  et  méthodique  de  tous  les  travaux  parus 
en  France,  dans  le  courant  de  l'année  1877,  sur  toutes  les  branches  de  l'his- 
toire.  Le   savant  auteur  a   eu  soin  d'accompagner  cette  nomenclature  de 


—  oCO  -- 

rétlcxioiis  judicieuses  sur  la  valeur  scieutilique  des  ouvrages  et  rcsjirit  dans 
lequel  ils  sont  composés. 

—  Une  des  iictions  qui  ont  obtenu  au  moyen  âge  le  plus  long  succùs,  c'est 
ce  fameux  roman  du  Renard,  où  la  satire  a  été  souvent  plus  qu'ordinaire. 
Ou  annonce  un  poème  provençal  on  douze  chants  tiré  de  l'ancien  poème  et 
des  traditions.  Cette  omvre,  couronnée  aux  fêtes  littéraires  de  Montpellier 
et  précédée  d'une  lettre  de  Mistral,  a  pour  auteur  lou  Felibre  d'Entre-Moiml, 
et  sera  publiée  sous  le  patronage  de  la  Société  pour  l'étude  des  langues 
romanes. 

—  Depuis  bien  des  années,  M.  Sclimit,  conservateur  adjoint  à  la  biblio- 
thèque nationale  et  compatriote  de  (jilbert,  a  recherché  avec  le  soin  le  plus 
infatigable  tout  ce  qui  pouvait  concerner  le  grand  satirique  du  dix-huitième 
siècle.  II  a  découvert  sur  lui  quantité  de  détails  is^norés,  il  a  pu  lui  restituer 
aussi  des  o-uvres  dont  on  ne  le  savait  pas  l'auteur  et  améliorer  singulière- 
ment les  textes  de  celles  qui  étaient  déjà  connues.  Toutes  ces  investigatious 
vont  avoir  un  résultat  dont  se  réjouiront  les  lettrés,  une  nouvelle  édition 
qui  sera  digne  enfin  du  malheureux  poète.  Publiée  sous  les  auspices  de 
l'Associatioti  vosgienne,  elle  sortira  des  presses  de  la  maison  Pion  et  C^, 
aussitôt  que  cinq  cents  souscriptions  auront  été  réunies.  Le  prix  du  volume, 
in-8   conqjosé  d'environ  500  pages,  sera  de  7  fr.  ;J0  sur  papier  ordinaire  et 

10  fr.  oO  sur  papier  de  Hollande.  Les  souscriptions  peuvent  être  adressées 
soit  à  M.  Schmit,  boulevard  Saint-Germain,  i 73,  soit  à  MM.  Pion,  Set  10, 
rue  Garancièrc. 

—  Le  bibliothécaire  de  l'Université  de  Gand  vient  de  faire  paraître  le 
prospectus  d'une  Bibliotheca  fcc/j!ca, ou  bibliographie  générale  des  Pays-Bas. 

11  doit  y  insérer  une  description  détaillée  de  tous  les  livrer  imprimés  dans 
les  Pays-Bas  au  quinzième  et  au  seizième  siècle,  et  des  principaux  ouvrages 
publiés  depuis,  do  tous  les  livres  écrits  par  des  Belges  et  des  Hollandais,  des 
livres  relatifs  aux  Pays-Bas  imprimés  à  l'étranger,  etc.  Cette  publication 
ne  paraîtra  pas  en  volumes,  mais  en  feuillets  séparés,  chacun  desquels  ren- 
fermera la  description  d'un  ouvrage  séparé,  avec  toutes  les  informations 
qui  y  ont  rapport,  ainsi  que  l'indication  des  bibliotlièques  où  on  le  peut 
trouver.  La  Bibliotheca  belgica  doit  paraître  en  paquets  de  cent  feuillets,  au 
prix  de  2  fiancs.  {Acadomj.} 

—  Le  Catalogue  américain  est  sous  presse.  11  formera  deux  volumes,  dont 
le  premier  contient  les  titres  détaillés  des  articles  sous  le  nom  des  auteurs; 
le  second,  les  titres  sommaires  classés  par  ordre  de  matières.  Tous  les  livres 
imprimés  en  Amérique,  y  compris  les  réimpressions  d'ouvrages  anglais, 
seront  placés  dans  ce  catalogue.  On  estime  que  le  premier  volume  ne  con- 
tiendra pas  moins  de  soixante-dix  mille  articles.  Le  prix  de  souscription 
pour  tout  l'ouvrage  est  de  25  dollars. 

—  On  annonce  à  Londres,  la  publication  d'une  traduction  anglaise  du 
Télémaque,  ^oViV  laquelle  l'auteur,  M.  C.  Chester  Waters,  a  écrit  une  nou- 
velle vie  de  l'archevêque  de  Cambrai  d'après  ses  lettres,  qui  redressent,  il  le 
prétend  du  moins,  plusieurs  erreurs  accréditées  par  tous  les  biographes  de 
Fénelon. 

—  Le  principal  bibliothécaire  et  secrétaire  du  British  Muséum,  M.  J.  Win- 
ter  Jones,  vient  d'être  admis  àprendi-e  sa  retraite,  avec  une  pension  annuelle 
de  1,000  livres  sterling  (25,000  fr.).  C'est  le  docteur  Gunther  qui  occupe  sa 
place. 

—  Le  même  établissement  vient  d'acquérir  un  fragment  de  tablettes  en 


—  561  — 

terre  cuite  contenant  une  portion  des  annales  du  roi  assyrien   Nabucho- 
donosor . 

—  VAthenxum  annonce  que  le  D''  Bershadski,  professeur  de  droit  à  Saint- 
Pétersbourg,  prépare  une  bistoire  des  Juifs  de  Pologne,  de  Litbuanie,  d'U- 
kraine et  de  Volbynie,  durant  les  trois  derniers  siècles,  en  s'appuyant  sur 
des  documents  d'archives.  Visenot. 

Le  Gérant  :  L.  Sandret, 


TABLE  MÉTHODIQUE 

DES    OUVRAGES    ANALYSÉS 


THEOLOGIE 

Ecriture  sainte,  La  Sainte  Bible  (r«6Z)é  F.  E.  Sa/mon)     ....  23 

La  Sainte  Bible  (/'a66é  C/air,  trad.  de  ra66é  £«2/ /c) dl9 

Coramentarius  in  Evangelium  S.  Joannis  [le  R.  P.  J.  Corluy)    .     .  32o 
Etude  sur  rbistoire  littéraire,  la  forme  primitive  et  les  transfor- 
mations des  Evangiles  apocryphes  (/'a65é  Jose^j/i  FarwO     .     .     .  120 
I^itup^ic.  L'Année  liturgique.  T.  X  {leR.  P.  Bom  Prosper  Guéranger).  423 

Chois  de  prières  [Léon  Gautier) 356 

Saints  i*ères.    Patruni  apostolicoruni  Opéra  {Oscar  de  Gebhardt, 

Adolf.  Harnach,  Theod.  Zahn) 121 

Derhl.  Cyprian  (Bern/iard  i^ec/iirup) 327 

S.  Aurelii  Augustini  Confessionum  libri  XIII  (P.  H.  Wangnerech)  .  430 
Remedio  aile  dispute  de  cattolici  in  Francia,  proposto  nel  MDCXII 

[S.  Francesco  di  Sales  ecommeniaio  di  Santé  Pieralisi) .     .     .     .  122 

Somme  ascétique  de  saint  François  de  Sales  [l'abbé  N.  Albert).     .  413 
Directions  spirituelles  (de  saint  François  de  Sales,  recueillies    par 

l'abbé  Chaumont) 417 

Mois  du   Sacré-Cœur  [saint  François   de  Sales,  recueilli  par  l'abbé 

Chaumont).     .     .     ^     .     .     .     .  ' 418 

Des  Tentations  [saint  François  de  Sales,  recueillies  par  Vabbé  Chau- 
mont)     1 418 

De   la  sainte  espérance  et  de  la  simplicité  [sai7it  François  de  Sales^ 

recueillies  par  l'abbé  H.  Chaumont) 418 

Du  retour  de  l'âme  à  Dieu   [saint  François  de   Sales^  recueilli  par 

l'abbé  H.  Chaumont) 418 

Théologîcdosmatîque.LaDogmatique. Tome  I{/eH. P.  J.ScAesfee», 

trad.  de  l'abbé  P.  Bclet) 329 

Exposition  du  dogme  catholique.  Existence  et  personne  de  Jésus- 
Christ  [le  T.  R.  P.  Monsabré) 42H 

Conférences  sur  l'Eglise  [le  R.  P.  Guibé) 247 

La  SRcerdocà  [Mgr  Isoard) 328 

Le  Directeur  des  catéchismes  de  première  communion  et  de  persé- 
vérance [l'abbc  Turcan) 123 

Catéchisme  de  la   famille  c'arélienne  (ra66c  Martin) 411 

La  Vie  de  >'otre-Seigneur  Jésus-Christ  [Louis  Veuillot)    ....  412 
Théologie  ascétique.  L'Imitation  de  Jésus-Christ  (trad.  de  Michel 

de  Marillac.  avec  préface,  A.  J.  Pons) 207 

Révélations  de  sainte  Gertrude,  vierge  de  Saint-Benoit    ....  404 
Catéchisme  de  la  vénérable  Mère  Marie  de  l'Incarnation,  fondatrice 

des  Ursulines  de  Québec 403 

DÉCEMBnE  1878.  T.  XXIIÎ,  30. 


—  562  — 

De  la  venue  glorieuse  de   Notre-Seigaeur  Jésus-Christ  (l'abbé  Ga- 
briel Gras) 406 

Cinq  chapitres  d'une  philosophie  pour  tous  :  Essai  sur  le  gouverne- 
ment de  1.1  vie  {Duchesne  de   Saint-Léger) 407 

Du  don  de  soi-même  à  Dieu  (le  R.  P.  Grou) 408 

Ananie  (/e  R.  l\  Caussette) 123 

Manuel  pour  le  choix  d'un  état  de  vie  (le  P.  Auguste  Damanet)   .     .  127 
Méditations  sur  le  Pater  noster  et  l'Ave  Maria  {Franz  Lennig^  trad. 

de  l'abbé  Mabire) 408 

La  Religion  comprise  et  aimée  des   petits  enfants  (l'abbé  Fourrière)  409 

Une  heure  en  Paradis  (L.  de  Plasman) 409 

Le  Psautier  du  pèlerin  (Dom  Luigi  Tosti,  trad.  de  Isid.  Bouchet).     .  410 
Les  Enseignements  de  Notre-Dame  de  Lourdes.  Tome  I  {l'abbé  Gi- 

nestet) 412 

La  Parure  spirituelle  des  Enfants  de  Marie  {le  R.  P.  Baylot).     .     .414 
Courtes  méditations  à  l'usage  de  l'enfance  suivies  de  quelques  vi- 
sites au  Saint-Sacrement  (le  P.  II.  C.  Fournel) 139 

L'CEuvre  de  l'exposition  et  de   l'adoration  nocturne  du  très-saint 

Sacrement  en  France  et  à  l'étranger 62 

Dieu  et  son  amour  pour  ses  créatures  {l'abbé  de  Bellune),     .     .     .  415 

Les  Pleurs  de  David  (Vabbé  A***) 416 

Manuale  pastorum  (V.  Postel) ,     ...  138 

Meditationes  brevissimaî  in  usum  sacerdotum,  religiosorum,mi3sio- 

nariorum  iler  agenflun  (P.  Michaele  Cuvelhier) 417 

Direction  chrétienne  (Fénelon,  préface  de  Mgr  Dupanloup).     .     .     .  417 

La  Morale  chrétienne  (Bourdaloue,  avec  préface  du  R.  P.  Félix).     .  419 
Le  Directeur  des  enfants  au  saint  tribunal  de  la  Pénitence  (l'abbé 

Turcan) 420 

Le  Verità  cattoliche  esposte  al  popolo  e  ai  dotti  {Mgr  Antonio-Maria 

Bclasia) 420 

La  Missione  interiore   dello   Spirito-Santo  (Mgr  Manning,  trad.  do 

l'abbé  Andréa  Fantoli) 421 

La  Missione  temporale  dello  Spirito-Santo  (Mgr  Manning^  trad.  de 

Fr.  Panfilù  da  Magliano) 421 

Amélie  {Mgr  Anicete  Ferrante) 422 

Raccolta  di  orazioni  sacre  inédite  {l'abbé  Vito  Corallo) 424 

Fatlidimaggior  rilievo  dell'  Antico  e  Nuovo  Testamento  (Mgr  Pas- 

quale  de  ISardis) 424 

Ragionamenti  sacri  suUe  feste  di  Maria    Vergine  santissima  (P. 

Antoni7io  da  Torino) 424 

Ave  Maria  :  Trattato  popolare  suUa  divozione  a  Maria  {l'abbé  Séve- 
rine Ferreri) 424 

Religions  dei»  peuples  orientaux.  Ave$ta,  livre  des  sectateurs 

de  Zoroaslre.  T.  III  (£.  de  Earlez) 328 

Le  Koran  analysé  (Jules  La  Beaume) 208 

Cultes  dissidents.  Essai  sur  l'Eglise  anglicane  (F.  Segondy)    .    .  24 


JURISPRUDENCE. 


Encyclopédies.  Encyclopàdic  der  Rechtwissenschaft  {Fr.  von  Eolt- 

zendorff) 212 

Droit  civil.  Explication  sommaire  du  code  civil   (J.  J.   Delsol  et 

Lescœur) 501 

Droit  familier.  Nos  petits  procès  {A.  Carré) 248 

Des  Actes  inexistants  et  des  effets  de  l'erreur  (Fmiand  r/iiry)    .     .     128 
La  Condizione  risolutiva  ;  sottintesa  nei  contratti  bilaterali  (lutâfi 
Gallavresi) 62 


—  oG3  — 

Droit  pénal.  Des  principes  qui  président  à  l'exercice  du  droit  de 

punir  (J.  Thiry) 160 

Droit  comparé.  Essai  historique  et  critique  sur  la  lésislatioîi  des 

sociétés  commerciales  en  France  et  à  l'étranger  (C.  Lescœur)  .  .  330 
Etude  sur  la  loi  du  25  mai  1877,  relative  aux  Brevets  d'invention 

dans  l'empire  d'Allemagne  [Lyon-Cam] 63 

L'Idée  moderne  du  di-oit  en  Allemagne,  en  Angleterre  et  en  France 

[Alfred  Fouillée) 530 

Droit  administratif.  Législation  et  jurisprudence  concernant  les 

instituteurs  communaux  (Auzias) o31 

SCIENCES   ET   ARTS. 

Encyclopédies,  Encyclopédie  populaire  {Pierre  Conil) 215 

Philosoptiie .  Essai  sur  la  transmission  de  l'âme  (le  baron  de  Lambert)  389 
Le  Lendemain  de  la  mort  ou  la  vie  future  selon  la  science  (L.  Fi- 
guier)     _ 389 

Psychologie  comparée.  T/Homrae  et  l'animal  (fl.  joïy).     ....  390 

Essai  de  psychologie.  La  Bote  et  l'homme  {le  D^  Ed.  Fournie)    .     .  392 

La  Vie  dans  l'esprit  et  dans  la  matière  (£.  3/éric) 387 

La  Vie,  études  et  problèmes  de  biologie  générale  (E.  Chauffard).     .  387 

La  Raison  et  l'àme,  principes  du  spiritualisme  (F.  Magy)    ....  394 
Psychologie  de  Hume.  Traité  de  la  nature  humaine  (trad.  de   Ch. 
Renouvier  et  F.  Pillon).  Essais  philosophiques  sur  l'entendement 

(trad.  de  iMerian,  avec  introd.  de  F.  Pz7/o«)  . 397 

La  Perception  des  sens,  opération  exclusive  de  l'âme  [l'abbé  F,  Du- 

quesnoy) 398 

L'Imagination,  étude  psychologique  {H.  Joly) 400 

Du  Plaisir  et  de  la  douleur  {Fr.  Bouillier) 401 

Dictionnaire  des  sciences  philosophiques  {Ad.  Franck) 97 

Etudes  historiques  et  critiques  sur  le  rationalisme  contemporain 

{Eyac.  de  Valroger) 102 

Histoire  de  la  philosophie  (Josep/i  Faôre) 103 

Sancti  Thomse  de  Origine  ideariim,  do  trina,  qualis  quum  ab  ipso 

proposita  tum  a  Liberatoredefeosa  fuit  (D.  Àe/aMnay)    ....  106 

Saint  Thomas  d'Aquin  et  l'idéologie  (Mgr  Pierre  Marie  Ferré)     .     .  107 

Documents  inédits  sur  Gassendi  (Ph.  Tamizey  de  Larroque)     .     .     .  108 

Dieu,  l'homme  et  la  béatitude  (Spmoza,  trad.  de  Paul  Janet).     .     .  109 
Kaniii  theologia  ex  lege  morali  ducta  expenditur  {Vabbé  Ferd.  Du- 

quesnoy) 111 

La  Genèse  du  scepticisme  érudit  chez  Bayle  (A  Deschamps).     .     .219 

Etude  sur  la  philosophie  en  France, au  dix-neuvième  siècle  {Ferraz)  112 

Saint-Simon  et  le  saint-simonisme  {Paw/ JaneO 114 

Notice  sur  Laromiguière  (Ga6ne/ Compaj/ré) 116 

Les  Logiciens  anglais  contemporains  (Louis  Iiard)     ,•....  117 
Histoire  des  philosophes  et  des  théologiens  musulmans  [Gustave 

Dugat) 332 

Mélanges  philosophiques  {Dupont-White) 337 

Morale.   Le  Mal  et  le  Bien.  T.   lï   {Eugène  Loudun) 132 

La  Liberté  dans  l'ordre  intellectuel  et  moral  {Emile  Beaussire)    .     .  222 

Du  rôle  social  des  idées  chrétiennes  (PauZ  RiôoO 221 

Les  Bienfaits  du  dimanche  [l'abbé  F.  J.  d Ezerville) 162 

Les  Désordres  du  lundi  (/'a66é  F.  J.  d'£ierL77/e) 163 

Education  et  enseignement.  La  Pratique  de  l'éJucation  chré- 
tienne (ie /{.  A.  Monfat) 430 

Traité  pratique  de  l'éducation  maternelle  [Mgr  Pichenot)  ....  451 

La^  Science  de  \a.  jenne  mère  [Mme  Julie  Fertiault) 531 

L'Education  cléricale  en  France 452 


.l(>^-  — 


Les  Bienséances  sociales  (Ze  Jl.  p.  Champeau).     .......  3oG 

Dictionnaire  de  pédagogie  et  d'instruction  primaire,  l'«  série,  1" 

partie,  2c  partie  (F.  Buisson) 427 

I»olîtiqae.  Pliilosopliie  de  la  science  politique  et  commentaire  de 

la  déclaration  des  droits  de  l'homme  de  1793  {Emile  Accolas)    .  2'6 

La  Liberté  de  penser,  iiu  du  pouvoir  spirituel  {Victoi^  Guichard)  .  i'M 
Economie  sociale.   Précis  du  cours  d'économie  politique  T.    I 

Paul  Gauwès) 2G 

Le  Socialisme  devant  la  société  (/e  11 .   'P.Félix) i30 

L'Economie  politique  [Jules  Michel) S32 

Les  Enfants  assistés  [Orner  Sarrout) 13o 

Le  Travail,  sa  dignité  et  ses  droits  (il/gfr  (te  Conn^/) 533 

Le  Travail  humain,  son  analyse,  son  évolution  [Mcliton-Marlin)     .  4o3 

L'Union  des  peuples 4o2 

Le  bon  sens  dans  les  doctrines  morales   et  politiques  (Ambroise 

Clément) 218 

La  Question  sociale  [E.  Fauconnier) 247 

Bastiat  et  le  libre-échange  (A.  J5ouc/ié  rfe  BeZ/e) 337 

Annuaire  de  l'Economie  politique  et  de  la  statistique  1878  {Maurice 

Block) S32 

Leçons  sur  la  protection  des  animaux  [H.  Claudon) 453 

Industrie  et  Commerce.  Arts  et  Manufactures  (Maigne)  ...  28 
La  Crise  commerciale  et  industrielle.  Moyens  d'étendre  les  débou- 
chés de  l'industrie  belge  (£.  Va7i  der  Laat) u33 

Les  Opérations  maritimes  commerciales  et  industrielles  de  Mar- 
seille (S.   Jouham) 104 

Les  grands  ports  de  commerce  de  la  France  (L.  Simonin)    .     .     .  338 

Sciences  naturelles.  Eléments  de  géologie  (A.  Z.e2/merie)  ...  136 

Le  Monde  des  plantes  [le  comte  de  Saporta) b49 

Eléments  de  minéralogie  et  de  lithologie  (A.  Le^/??^er^■e)  ....  130 

Le  limon  des  plateaux  du  nord  de  la  France  (£.  D'Acij).     .     .     •  308 

Cent  récits  d'histoire  naturelle  (0/i.  l'eZon) 48o 

La  Migration  des  oiseaux  (A.  de  Brévans) 492 

A.rt  militaire.  Les  méthodes  de  guerre  actuelles  et  vers  la  fin  du 

dix-neuvième  siècle  [lient. -colonel  Picrron) 504 

Mélanges.  L'Année  scientitique  et  industrielle  (louis  Figuier)     .     .  o33 
Beau:K-A.rts.  Histoire  nouvelle  des  arts  et  des  sciences  {Alphonse 

Renaud) 100 

Histoire  abrégée  des  beaux-arts  (Fe/ia;  CZémenf) 

Précis  de  l'histoire  des  beaux-arts  [Lubke  traid.  de  £.  Molle)  .     .  223 

L'Art  ancien  à  l'Exposition  universelle  de  1878  (Edouard  For estié).  534 
Les  Arts  à  la  cour  des  papes  pendant  le  quinzième  et  le  seizième 

siècles.  Ire  partie  (Eugène  Muntz) 429 

Albert  Durer,  sa  vie  et  ses  œuvres  (Morif:;  Thausi7ig,Xra.A.  de  Gus- 
tave Grwjer) 430 

Les  sept  merveilles  du  monde  (Auge  de  Lassus) 492 

Les  Editions  illustrées  de  Racine  (A.  J.  Pons)    .......  221 

La  Reliure  ancienne  et  moderne  {Gustave  Brunet) 137 


BELLES-LETTRES. 

Philologie  et  linguistique.  Neue  Studien  ùber  Schriff,  Anspra- 
cbe  und  allgemcine  Formenlehre  des  .Etiopischen  {D°  Eduard 

Koenig) 29 

Raccolta  di  testi  latini  (Thomas  Vallarii) ioi 

Dictionnaire  de  l'Académie  française 139 

Dictionnaire  historisque  d'argot  (Lorédan  Larchey) 140 


—  oGo  — ' 

Kemarques  sur  quelques  expressions  usitées  en  Normandie  (Gîts- 

tave  Levavasseur) 34I 

Méthode  nouvelle  pour  apprendre  la  langue  allemande  Œ.  Weîl 

et  W.  Weil) 250 

I*oésîe.  La  Fontaine's  Fabeln  (/e  Z))'AdoZ/'Iaîm) 431 

Le  Pape  {Victor  Hugo) 193 

Les  Récits  et  les  élégies  {F.Coppéc) ^  1 95 

Edel  (P.  Bourget).     ..." •    .  195 

La  Justice  ;  poëme  (SuZ/y-Prud/iOTOme) 196 

La  Cité  divine,  poème  de  la  religion  (A.  Paî/ef). 197 

Œuvres  poétiques  {Louis  Veuiltot) 198 

Le  Roland  de  l'Arioste  raconté  en  vers  français  {Marc  Monnier).     .  199 

La  Patrie  en  danger  {Albéric  d'Antully)     .   " 201 

Prométhée,  drame  antique  (C/i.  Granàmongin) 201 

Les  Noces  d'or  de  Jupiter  (Jean  Loyseau) 201 

Les  Errantes  {Al.  Hepp) 202 

Ebauches  et  reflets  {Paul  Revoit) 202 

Les  Ephémères  {Henry  Chautard) 203 

Les  Gallo-Franques  (J.  Larchet) 203 

Deux  ans  de  jeunesse  (Léon  Bonadier) 203 

Premières  ébauches  (E.  Vion).     . 203 

France  et  Lorraine  {A .  Charraux) 204 

Strophes  et  sonnets  (F.  Pilate) •     .     .  204 

Les  Sonnets  de  (iHaurice  dw  Monce/) 204 

Les  Vibrations  (L.  Vébé) 204 

Du  grave  au  doux  (P.  Collin) 205 

Les  Aspirations  au  travail  (£.  Zouham) 20G 

Libres  et  pures  (E.  Gauthier)  ' 206 

De  Bruxelles  à  Tervueren  (J.  Bailly) 206 

Au  jardin  d'acclimatation  (/.  Bailly) 206 

L'Egide  [Albert  Chanteau) 206 

Poésies  posthumes  (Philothée  O'Neddy) 206 

Roland  furieux  (trad.  par  A.  J.  du  Pays) 506 

Libre  d'Or  de  la  poesia  moderna  catelana 228 

La  Atlanlida  {Jac.  Verdaguer) 508 

Das  Steinbuch  {Hans  Lambel) 226 

Œuvres  poétiques  complètes  {Nicolas  Defrecheux) 227 

Théâtre.  Théâtre  de  Corneille  (F.  Fournel) 251 

Théâtre  choisi  de  Molière 483 

Uolieres^erkà  {le  Dr  Adolf  Laun  ) 431 

Las  Mocedades  del  Cid  {Guillem  de  Castro,  éd.  Fœrster)  ....  507 

Romans  et  iVouvelles.  La  Princesse  de  Clèves  (Mmede  Lafayette 

préf.  de  H.  Tame) 142 

Ourika  {Mme  de  Duras) 509 

La  Louve  {Paul  Féval) 5 

Valentine  de  Rohan  {Paul  Féval), 5 

Le  Château  de  Velours  (Paul  Féval) 5 

La  Fille  du  Juif-Errant  {Paul  Féval) 5 

Le  Baroa  d'Aché  {Mme  la  comtesse  de  Mirabeau) 9 

La  Rose-Fleurie  ou  le  dernier  des  Garden  {Paul  Forestier)   ...  0 

Le  Drame  des  Champs-Elysées  (fiipjooZyie  At/deua^) 11 

Le  Filet  et  l'Hameçon  (Mwe  Doroiftée  rfe  Bocien) 11 

Fleurs  de  glaces  (Isaôei/e  Fra?zce) 12 

Les  Wikings  de  la  Baltique  (S.  W.Dasent,  trad.  de  Emile  Montégut).  13 

Le  Filleul  d'un  marquis  {André  Theuriet) 13 

Une  page  d'amour  {Emile  Zola) 13 

Jacques  de  Trévannes  {Jacques  Vincent) 17 

Laide  [Juliette  Lambert) 18 

Une  aile  laidi^j  {Claire  de  Chandeneux) .  . 18 


—  566  — 

Vaisseaux  brûlés  (Claire  de  Chandeneux) ».    »  19 

La  Maison  vide  (Jules  Claritee) 19 

Le  Roman  d'une  princesse  (Pau^  Bonnaud)  . 20 

Le  Roman  d'une  créole  {André  Surville) 21 

Cara  (Hector  Malo) 21 

Les  Mariages  dangereux  (Mme  Anais  Ségalas) ........  22 

Le  Journal  d'une  femme  (Octave  Feuillet) 289 

Un  scandale  en  province;  un  Mari  (Pierre  l'£s<oz7e) 291 

Ariadne  (ïlenry  Gréville) 293 

La  Bague  d'opale  (Edouard  Didier)    ...........  294 

Les  deux  berceaux  (Emile  Richebourg)     ..........  293 

Les   deux  amies  (Xavier  de  Montépin).  ..........  296 

Jean  Canada  (Raoul  de  Navery) 298 

Le  Juif  Ephraïn  (Raoul  de  Navery) 298 

Le  double  louis  d'or  (Auguste  de  Barthélémy) 299 

Jules  Darbelle  (J.  d'Arsac) 390 

La  Pupille  d'Hilarion  (Mlle  Marie  Maréchal) 300 

Histoire  d'une  corbeille  de  noce  (Etienne  Marcel) 302 

Le  Chemin  de  Damas  (le  général  Amhert) 303 

Les  Contes  d'Auteuil  (Charles  Deslys) 304 

Les  Lis  rouges  (Charles  Dubois) 304 

Escenas  de  la  vida  pagesa  (JoagtMm  Riera  7/ Berfmn 161 

Bibliotcca  délia  Gioventù  italiana 159 

Ouvrage»  pour  la  jeunesse.  Biblioteca  délia  Gioventù  italiana.  159 

Journal  de  la  jeunesse,  1878 484 

Aventures  et  mésaventures  du  baron  de  Mimclihausen  (J,  Levoisin).  484 

Les  Pilotes  d'Ango  (L.  Cahun) 484 

Grand  Cœur  (Ze'naïde  Fleuriot) 486 

Cousine  Marie  {Julie  Gouraud) 487 

Montlucle  Rouge  (2°  partie)  (A-^sso/Za/i?) 487 

Le  Neveu  de  l'oncle  Placide  (J.  Girardin) 488 

L'Héritière  de  Vauclain  (Mme  Colomb) 489 

Le  Charmeur  de  serpents  (L.  Rousselet) 489 

Mœurs  et  caractères  de?  peuples  (R.  Cortambert) 490 

La  première  aventure  de  Corentin  Quimper  (Paw/ Fei;a/)   ....  491 

Le  Fils  du  maquignon  (la  vicomtesse  de  Piiray) 492 

La  Maison  modèle  (Marie  Maréchal) 493 

Les  Vacances  d'Elisabeth  (Mlle  de  Martignat) 493 

Le  Secret  de  Laurence  (Mme  de  Sfo/0) 494 

En  quarantaine  (Mme  de  Witt) 494 

Le  petit  marquis  de  Carabas  (vicomtesse  de  Pitrf) 496 

Histoires  d'enfants  à  l'usage  des  salles  d'asile  et  des  écoles  (Gf.  Théo- 
dore)   534 

Histoire  et  critique  littéraire.  Essai  sur  le  commencement  de 

la  poésie  à  Rome.  Cn.  Naevius  (D.  de  Moor) 30 

Nouvelles  études  sur  la  littérature  grecque  moderne  {Ch.  Gidel).    .  141 
Un  poète  latin  du  onzième  siècle.  Baudri,  abbé  de  Bourguei),  ar- 
chevêque de  Dol  (l'abbé  Henri  Pasquier) 229 

Le  Droit  et  les  hommes  de  loi  dans  les  œuvres  de  Molière  (Louis 

Bardé 248 

Histoire  de  Montesquieu  (Louis  Vian,  préface  d'hd.  Laboulaye)  .     .  344 
Eloge  de  Buffon  (Narcisse  Michaut^  précédé  d'une  notice  de  Emile 

Gébhart) 342 

Roman  et  patois  (Louis  de  Combeties-Labourelie) 225 

Hamlet  le  Danois  (A/eicandre  Bwc/mer) 231 

Délia  vita  e  délie  opéra  di  Antonio  Urceo  dette  Codro  (Carlo  Malgala)  232 
Kpistolaires.  Lettres  de  M"*  Aïssé  à  M™^  Calandrine  (publiées  par 

A.  Piedagnel) o09 

I»olygraphes.  œuvres  choisies  de  D.  Diderot  (Paiti  AZ6er<)  ...  251 


—  S67  — 

Œuvres  diverses  de  Jules  Janin  (publ.  par  A.  de  la  Fizelière)    .    .  510 
Mélanges.  Une  gerbe  :  Fleurs  cueillies  dans  les  œuvres  de  M.   Louis 

Veuillot 161 

Feuilles  volantes  (Ch.  Louvet) 233 

Petites  lectures  du  foyer  chrétien  (JT.  J***) 248 

Jours  de  solitude  {Octave  Pirmez) 346 

Petits  portraits  {Théophile  d'Antimorre) 249 

Lectures  extraites  de  divers  auteurs  (F.  B.  Gallon) 250 

Le  Livre  final  de  l'épopée  des  âges  (Ze  chevalier  de  Maynard).     .     .  252 

HISTOIRE. 

Géographie  et  voyages.  Topographie  des  voies  romaines  de  la 

Belgique  {Qamille  Van  Dessel).    .    .     .^ 147 

Géographie  militaire  If^' et  2*  fasc.     .     .' 348 

Géographie  de  l'Algérie  (0.  Niel) 350 

Itinéraire  descriptif,  historique  et  archéologique  de  l'Orient  (le   B' 

Emile  Isambert) 233 

Rei?e  nach  der  grossen  Oase  El  Khargeh  in  der   libyschen  Wiiste 

{Heinrich  {Brugsch-Bey) 432 

La  Suis'e  (J.  Gourdault) 511 

Histoire  du  mont  Blanc  et  de  la  vallée  de  Chamonix  (H  d'Arre, 

préface  de  François  Jf^ey) 534 

Rome  et  ses  monuments  (/e  c/ianoine  de  B/eser) 34 

La  Hollande  pittoresque,  le  cœur  du  pays.  Voyage  dans  la  Hollande. 

méridionale,  la  Zélande  et  le  Brabant  (ff.  Bavard) 251 

La  Hollande  {Edmondo  de  Amîcis,  trad.  de  Fréd.  Bernard).     .     .    .  536 

Constantinople  (Edmond  de  Amicis.  trad.  de  Mme  J.  Colomb)  .     .     .  535 

La  Kabylie  et  le  peuple  kabyle  {le  R.  R.  Joseph  Dugas) 64 

Pékin  et  l'intérieur  de  la  Chine  (Cie  Julien  de  Roehechouart) .     .     .  537 

Aux  Antilles  {Victor  Meigna7i] 358 

Le  Pôle  et  l'Equateur  {Lucien  Dubois) 234 

Dernier  journal  {Livingstone)  (publié  par  Belin  de  Launay)    .    .     .  495 
Dix-huit  mois  dans  l'Amérique  du  Sud,  le  Brésil,  l'Uraguay,  la 

République  Argentine,  les  Pampas  et  Voyage  au  Chili,  par  la 

Cor dillève  des  Andes  {le  comte  Eugène  de  Robiano) .  .     .    .     .     .  162 

Histoire  ecclésiastique.  Histoire  de   Pie  LX,   son  pontificat  et 

son  siècle  T.  II  (ra66é  A.  Pow^eots). 497 

La  Captivité,  de  Pie  FX,  histoire  des  huit  dernières  années  de  son 

pontificat  (Alex,  de  Saint-Albin) 498 

Histoire  de  Pie  IX  le  Grand  et  de  son  pontificat 498 

Vie  intime  et  édifiante  de  Pie  IX  le  Bien-Aimé  {le  R.  R.  Huguet).    .  499 

Pie  IX  {Louis  Veuillot) "...  500 

Pie  IX  avant  et  pendant  son  pontificat  {Ikibhé  Dumax) 500 

Le  Pape  Pie  IX  et  l'empereur  Napoléon  III  {l'abbé  Marty) ....  500 

Vie  du  pape  Pie  IX,  ses  œuvres  et  ses  douleurs  (S.  P.  Tardirel).  .     .  500 

Hagiologie.  Historiée  seu  vitse  sanctorum  {Surius) 306 

Saint  Biaise.  Son  histoire,  son  culte  et  son  insigne   relique  dans 

la  basilique  du  Sacré-Cœur  de  Parav-le-Monial  {l'abbé  L.  Gau- 

they) ' 307 

Sainte  Monique,  modèle  et  patronne  des  mères  chrétiennes  {Vabbé 

Adolphe  Legoupils,  publ.  par  l'abbé  Eugène  Soyer) 308 

Saint  Patient,  évêque  de  Lyon,  et  l'Eglise  de  Lyon   à  la  fin  de  la 

domination  romaine  dans  la  province  Lyonnaise  {l'abbé  L.  S. 

Tatu) 309 

Histoire  de  sainte  Geneviève,  vierge  et  patronne  de  Paris  et  de  son 

culte 309 


—  :)68  — 

Sainte  KadegondeùSaix,  pages  d'iiisloire  locale  {l'abbé  D.  Leroux).  310 

Saint  Hubert,  sa  légende,  son  histoire  (Josef)/i  Bemarteau).     .     .     .  311 

Yic  de  saint  Lamberi  {Joseph  Bemarteau) 437 

Saiote  Elisabeth  de  Hongrie  (/e  comte  de  Mo/îîa/em6er^) 513 

Histoire  de  sainte  Solange  (ra66ê  Joscp/i  Bernard) 311 

Vie  intime  de  saint  Anselme  au  Bec  (/e  R.  P.  Ragey) 312 

Reliques  des  trois  tombeaux  de  saint  Bernard,  de  saint  Malachie, 

de  saint  Eutrope  et  autres  martyrs  {l'abbé  Charles  Lalore)  .    .     .  313 
Vie  de  saint  Anthelrae,  septième  prieur  de  la  Grande-Chartreuse 

{Vabbé  A.  Marchai) 313 

Vie  de  saint  François  d'Assise  {l'abbé  H.  Cazalis) 314 

Saint  Vincent  Ferrier  à  Lyon  (Z'a66é  iïf.  Bernard) 31o 

Sainte  Jeanne  de  Valois  et  l'ordre  de  l'Annonciade  {l'abbé  Eébrard).  315 

Les  Dominicains  en  Amérique  {le  R.  P.  Marie-Augustin  Roze)  .     .  316 
Un  nouveau  docteur  de  l'Eglise,  saint  François  de  Sales,  évoque  et 

prince  de  Genève 317 

La  Philothée  de  saint  François  de  Sales.  Vie  de  Mme  de  Charmoisy 

{Jules  Vuy) 318 

Histoire  des  capucins  de  Flandre.  T.  I •     .     .     .  319 

Vie  du  vénérable  Gérard-Marie  Majella  .     .     .     .     • 320 

La  Vie  admirable  du  bienheureux  mendiant  et  pèlerin  Benoît  Labre 

{Léon  Auhineau) 320 

Notice  sur  M.  Tabbé  Charles  Jonquet  (rû66éF/eurj/) 321 

Histoire  de  Mme  Bnat  (rat6é  Bau/iard)  .     . 321 

Histoire  de  Mme  Duchesne,  religieuse  de  la  Société  du  Sacré-Cœur 

de  Jésus  (ra66é  Baunard) 322 

Vie  de  M.  Pierre  Aumaître  (raôôé  Léandre  PoîYom) 323 

Philibert    Simon,    missionnaire    en    Mantchcurie    {l'abbé    Emile 

Briand] 324 

Le  Pénitent  breton,  Pierre  de  Kériolet  {Hippolyte  Le  Gouvello)    .     .  39 

Le  saint  homme  de  Tours  {Léon  Aubineau) î>39 

M.  Léon  Hubert,  docteur  en  médecine,  séminariste  et  prêtre  de 

Saint-Sulpice 32o 

Hérésies.  Les  Albigeois  devant  l'histoire  {Mathieu  Wilche).     .     .     .  537 

Histoire  ancienne.  Essai  sur  l'éphébie  attique  {Albert  Dupont)     .  37 

Dodone  et  ses  ruines  (Constantin  Carapanos) 38 

Essai  sur  l'administration  des  provinces  romaines  sous  la  Répu- 
blique (E.  Person) 352 

Histoire  des  Romains  {Victor  Duruy) 483 

Le  Sénat  de  la  République  romaine  (P.  Willems) 352 

De  la  Constitution  et  des  magistratures  romaines  sous  la  Répu- 
blique {Albert  Dupond) 332 

Ldi  Femme  TomaiïH'.  {Mlle  Clarisse  Bader) 134 

Cartilage  and  the  Carthaginiaus  (R.  £osti'orf/i  SrnzYA) 433 

Histoire  du  moyen  àget  Histoire  du  moyen  âge  {le  R,  P.  Paul 

Mury) 454 

Une  question  d'Orient  au  moyen  âge  {Emile  Van  den  Bussche)     .  102 
Histoire  moderne.  Histoire  de  la  guerre  de  Trente-Ans  (E.  Char- 

vériat) 440 

Questions  contemporaines.    Brève    esame  dell'   opuscolo  del 

sac.  Curci  :  Il  moderno  dissidio  tra  la  Chiesa  e  l'italia  ....  450 

Lettres  d'un  rural  (Ze  vicomte  de  SarcMs) 64 

Le  Centenaire  de  Voltaire 248 

Voltaire  à  l'Exposition  universelle 249 

La  Parole  est  à  Jeanne  d'Arc 336 

Paris  et  le  radicalisme  (Rawzes) 540 

Résurrection  merveilleuse  en  1877  de  Michel  de  Notredame,  mort 

en  1566 63 

Histoire  de  France.  L^  Philosophie  de  l'histoire  de  France  {Robert 


Fliut,  traJ.  de  Ludovic  Carrau) 514 

Histoire  de  France.  T.  \  el  \l  (Edmond  Demolim)     ......  436 

Brunehaut  (Lucie/i  DoMÔ/e) 516 

Saint  Louis  [H.  Wallon) S17 

Anecdotes  historiques,  légendes  et  apologues  d'Etienne  de  Bour- 
bon, dominicain  du  treizième  siècle    (A.  Lecoy  de  La  Marche)     .  io2 

Histoire  de  Bayart  (A.  Prudhomme) 485 

Le  Chevalier  de  Jant  [Jules  Tessier) 518 

Actes  et  correspondance   du   connétable   de  Lesdiguières.  T.  I  {le 

comte  Douglas  et  J.  Roman)    ....     » 153 

Histjire  de  Turenne  (L.  Armagnac) 486 

Mémoires  de  Charles  Perrault  (Paul  Lacroix) 236 

Mémoires  de  René-Pierre   Nepveu  de  la  Manouillère.  T.  Il  (l'abhé 

Gustave  EsnauU) 44 

Histoire  de  France  depuis  1789  jusqu'en  1808  (Guùoi) 484 

Les  Massacres  de  septembre  [Georges  de  Cadoudal) 63 

Fouquier-Tinville  (Louis  Teste) 357 

Madame  E'.isabetli  devant  le  Tribunal  révolutionnaire  [Maxime  de  la 

Rocheterie) 357 

Scènes  et  portraits   de  la  Révolution   en  Bas-Limousin  [le  comte 

V.  de  Seilhac) 441 

Maret,  duc  de  Bassano  (le  baron  Ernouf) 519 

Enfermé  dans  Paris.  Journal    du   siège,  du  2   septembre  1870  au 

28  janvier  1871  [N.  Sheppard) 339 

Les  Convulsions  de  Paris.  T.  l  [Maxime  du  Camp) 45 

Histoire   relîg-îeuse,  politique    et    civile.  Les   Evoques  et 

Archevêques  de  Paris  [le  vicomte  G.  d'Avenel) 237 

Histoire  de  renseignement  primaire  avant  1789  dans  les  com- 
munes qui  ont  formé  le  département  du  Nord  [le  comte  de  Fon- 
taine de  Resbecq) 154 

Etudes  sur  l'industrie  et  la  classe  industrielle  à  Paris  aux  treizième 

et  quatorzième  siècles  [Gustave  Fagniez) 328 

Histoire  des  corpoi-ations  françaises  d'arts  et  métiers  (J.-P.  Ma- 

zaroz) /■ 238 

Nos  gloires  nationales,  grands  hommes  et  grandes  journées.     .     .  488 

Une  famille  au  seizième  siècle  (C'/î .  de  7îi6&e) 521 

Le  Livre  de  famille  [Ch.  de  Ribbe) 521 

Les  Régiments  françai'?,  etc 538 

Histoire  des  provinces.  Collection  des  principaux  cartulaires  du 

diocèse  de  Troyes.  T.  U  et  III  (Vabbé  Lalore) 47 

Le  Comté  de  Clermont  en  Beauvaisis  (le  comte  de  Luçay) 46 

La  Tarentaise  historique  (Vabbé  Vont) 357 

Le  Pays.  —  Polignau  et    Comminges,  leur  passé,  leur   présent 

(D.Dufor) 163 

Histoire  étrangère.  Précis  d'histoire  nationale  de  Mgr  A.-J.  Na- 

mèche  [J.-J.  D.  Swolfs) 156 

Cronicque  contenant  l'esiat  ancien  et  moderne  du  pays  et  conté  de 

Namur   [le  comte  de  Limminghe) 240 

Histoire  d'Oudenbourg  (E.  Feys  et  D.  Yan  de  Casteele) 442 

History  of  the  English  people  (Jo/m/?î'c/ia?'d  Green) 48 

Memoirs  of  the,  Right  Honourable  William,  second  viscount  Mel- 
bourne [W.  M.  Torrens) 57 

Lord   Palmerston,    sa    correspondance    intime,    etc.    [Augustus 

Crave7i) 523 

Léopold  1er  et  Léopold  H,  ro'is  des  Belges  (T/iéodore  Jusie) 524 

La  Princesse  d'Eboli  [Gaspar  Muro,  précédée  d'une  lettre  préface  de 

Canovas  del  CastiUo,  trad.  de  Alfred  Weil) 51 

Histoire  de  la  Charité  à  Rome  [Léon  Lallemand) 157 

Histoire  de  la  Russie  depuis  les  origines  jusqu'à  l'année  1877  [Alf. 


—  570  — 

Rambaud) SI 

Rome  et  Démétrius  (Ze  P.  Ptcr^mg) 150 

Liste  des  évêques  et  des  supérieurs  de  couvents  ue  l'Eglise  russe 

(Paul  Stroîev) » 444 

Les  Ducs  de  Savoie  aux  quinzième  et  seizième  siècles  (Charles  Buet)  240 

Histoire  du  Brésil  français  au  seizième  siècle  (P.  Ga^are/) 53 

Carias  de  Indias 243 

The  Metallic  History  of  the  United  States  of  America  (J.  F.  Loubat 

et  Jules  Jacquemart) 440 

China.  A  history  of  the  laws,  raanners  and  cusioms  of  the  people 

(John  Henry  Gray) 50 

I%obIesse.  Liste  et  blasons  des  chevaliers  de  l'Annonciade  apparte- 
nant an  duché  de  Savoie  (le  comte  Amédée  de  Foras) 264 

A.rchéoIogie.  Les  Ages  de  la  pierre  (John  Evans,  trad.  de  E.  Barbier).  143 

Le  Papyrus  funéraire  de  Soutinès  (Guieysse  et  E.  Lefébure.     ...  35 

Des  lieux  consacrés  à  l'administration  du  baptême  [l'abbé  J.  Corblet).  146 

IVumismatique .   La  Monnaie  dans  l'antiquité  (François  Lenormant).  40 

Numismatique  antique  (W.  Froehner) 42 

Numismatique,  de  l'Orient  latin  (Gustave  Schlumberger)    ....  52 
Les  Monnaies   rovales  de   France  depuis  Hugues  Capet  jusqu'à 

Louis  XVI  (//.  Hoffmann) 528 

Histoire  numismatique  de  Henri  V  et  de  Henri  VI,  rois  d'Angle- 
terre (F.  de  Saulcy) 528 

Mélanges.  Nouveaux  éloges  historiques  (Mignet) 244 

La  Papesse  Jeanne  (Charles  Buet) 538 

Les  Femmes  it ans  la  société  çhiétienne  (i)an<ier) 522 

D'un  siècle  à  l'autre,  2e  partie  (J.  B.   G.  Galiffe) 354 

Vieilles  maisons  et  jeunes  souvenirs  (Henri  dldeville) 65 

Au  service  du  pays  (fi.  P.  Chauveau) 490 

Souvenirs  d'un  officier  de  chasseurs  à  pied  (/?.  P.  Chauveau)     .     .  538 

Biograpliie.  Histoire  des  uns  et  de?  autres  (£^ie  JBerfftcf)   ....  66 

Christophe  Colomb  (le  comte  Roselly  de  Lorgnes) 529 

Etude  sur  Nicolas  de  Grouchy  et  son  iils  Timothée  de  Grouchy,  Sr 

de  ]b.  KmèreAle  vicomte  de  Grouchy  et  Emile  Travers  )     ....  244 

Mgr  Dupanloup,  biographie  et  souvenirs  (/.  Hairdet) 539 

Mgr  de  Ladoue,  évèque  de  Nevers  (Mgr  To/ra  de  Borrfas)  ....  359 

La  Jeunesse  de  Lord  Beaconsfield  (Victor  Valmont) 540 

Joseph  de  Cissey 06 

Bibliographie.  Manuel  du  libraire  et  de  l'amateur   de  livres  T.  1 

(P.  Deschamps  et  G.  Branet) 61 

Catalogue  des  incunables  de  la  bibliothèque  de  Toulouse  (le  Dr  Des- 

barreaux-Bernard) 446 

Bibliothèque  liturgique  (Anatole  Aies) 245 

Bibliotheca  Americana  (Ch.  Leclerc) 448 

Las  Bibliothecas  europeas  y  algunas  delà  America  LHtiaa{Ftce7i<e 

G.  Quesada) 138 

Transactions    and   proceedings  of  the  conférence  of  Librarians 

Edward  B.  Nicholson  et  Henry  R.  Tedder) 61 


TABLE   DES  AUTEURS 

A*»*  (l'dbbé) 416   Albert  (l'abbé  N.) 413 

AcY  (E.  d') 503   Albert  (Paul) 251 

Accolas  (Emile) 25   Alès  (Anatole) 245 

Aïssk  (Mlle) 509   Ambert  (le  général) 303 


571 


Amicis  (Edmondo  de).   .    .     S35  b36 

Antimorre  (Théophile  d')  .    .    .  249 

Antully  (Alberic  d')   *   .  .   .   .  201 

Armagnac  (L.) 486 

Absac  (J.  d') 300 

Arve  (A.  d') 534 

ASSOLLANT  (A.) 488 

AuBiNEAU  (Léon) 320  539 

AuDEVAL  (Hippolyle) 11 

AuGÉ  DE  Lassos .  492 

AuziAS 531 

AvENEL  (le  vicomte  G.  d')  .   .   .  237 

Bader  (Mlle  Clarisse) 134 

Bailly  (J.) 206 

Barbier  (E.) 143 

Babde  (Louis)   ........  248 

Barthélémy  (Auguste  de)  .   .   .  299 

Badnard  (l'abbé) 321  322 

Bauqcier  (Joseph) 186 

Bayle  (l'abbé) 119 

Baylot  (le  R.  p.) 414 

Beaussire  (Emile) 322 

Belano  (Mgr  Antonio  Maria).  .  420 

Belet  (l'abbé  P.) 329 

Belin  de  Launay 495 

Bellune  {l'abbé  de) 411 

Bernard  (Frédéric) 537 

Bernard  (l'abbé  Joseph).    ...  315 

Bernard  (l'abbé  M.).   .....  315 

Berthet  (Elle) 64 

Blanchemain  (Prosper) 85 

Bleser  (le  chanoine  de).    ...  36 

Block  (Maurice) 532 

Boden  (Mme  Dorothée  de) .   .   .  H 

BoNADiER  (Léon)  .......  203 

BoNNADD  (Paul) 20 

BoswoRTH  Smith  (R.) 433 

BoDCHÉ  DE  Belle  (A.) 337 

BoucHET  (Isid.) 410 

BouiLLiER  (Fr.) ,  401 

BOURDALOUE 419 

BODRGET   (P.), 195 

Brévans  (A .  de) 492 

Briand  (l'abbé  Emile) 324 

Brugsch-Bey  (Heinrich) ....  435 
Brunet  (Gustave),  61,  137,  378, 

374 475 

Buchner  (Alexandre) 231 

Buet  (Charles) 240  538 

Buisson  (F.) 427 

Cadoudal  (Georges  de)  ...   .  63 

Cahdn  (Léon) 486 

Camp  (Maxime  du) 45 

Canovas  de  Castillo 51 

Carapanos  (Constantin) ....  38 

Carrau  (Ludovic) .  514 

Carré  (A.) .  248 

Castro  (Guillem  de) 507 

Caussette  (le  R.  P.) 123 


Caowès  (Paul) 26 

Cazalis  (l'abbé  H.)  .....   .  314 

Champeau  (le  R.  P.) 356 

Chandeneux  (Claire  de).    .   .  18  19 

Chanteau  (Albert) ♦  .  206 

Charraux  (A-) 204 

Charvériat  (E.).   ..*...,  440 

Chauffard  (E.) 387 

Chauuont  ('abbéH.)   .    .    .  417  418 

Chautard  (Henny)    ......  203 

Chadveau  (le  P.) 490  538 

Chevredl  (Henri) ^8^  278 

Clair  (l'abbé) 119 

Claretie  (Jules) 19 

Claudin  (N.) 453 

Clément  (Ambroise) 218 

COLLIN  (P.) ■    .  205 

Colomb  (Mlle) 489 

Colomb  (Mme  J.) 535 

Combettes-Labourelie  (Louis  de)  225 

Compayré  (Gabriel) 116 

CoNiL  (Pierre)  ........  215 

CoNNY  (Mgr  de)    .......  533 

CoppÉE  (F.) 195 

Corallo  (l'abbé  Vito) 424 

CoRBLET  (l'abbé  J.) 146 

CoRLUY  (le  R.  p.  J.) 325 

Cortambert  (R.) 490 

Craven  (Augustus) 523 

CuvELHiER  (P.  Michaele).   ...  417 

Damanet  (le  P.  Auguste).   ...  127 

Dantier  (Alph.) 522 

Dasent  (S.  W.) 13 

Daudet  (Ernest) 520 

Defrecheux  (Nicolas) 227 

Delaunay  (D.) 106 

Delon  (Ch.) 485 

Delsol  (J.  J.),  . 501 

Demarteau  (Joseph).    .    .    .311  437 

Demolins  (Edmond) 436 

Desbarreaux-Bernard  (le  Dr).  .  446 

Deschamps  (A.) ,   .  219 

Deschamps  (P.) 61 

Didier  (Edouard) 294 

Double  (Lucien) 516 

Douglas  (le  comte) 153 

Dubois  (Charles) 30i 

DuROis  (Lucien) 234 

Duchesne  de  Saint-Leger  .    .    .  407 

DuFOR  (D.) 163 

Dugas  (le  R.  P.  Joseph)  ....  61 

Dugat  (Gustave) 332 

Dcmax  (l'abbé) 500 

DuPANLOup  (Mgr) 417 

DupoND  (Albert) 352 

Dupont  (Albert) 37 

Dupont-White 337 

Duquesnoy  (l'abbé  Ferd.)  .   111  398 

Duras  (Mme  de) 519 


DuRUY  (Victor) 483 

ËRNOUF  (le  baron) 519 

EsNAULT  (l'abbé  Gustave)  ,   ,   .  44 

EvA.Ns(John) 143 

EzERviLLE  (l'abbô  F.  .1.  d').  .   .  163 

Fabre  (Jose])b) 103 

Faguiez  (Gustave) 238 

FAi\roLi  (l'abbé  Andréa).   .  .   .  421 

Fauconnier  (E.) 247 

FiYET  (A.) 197 

Féciitrup  (Berribard) 327 

Félix  (le  R.  P.)  •   •   •   •       130  419 

Fénelon 417 

Ferrante  (Mgr  Aniceto)  ....  422 

Ferraz 112 

Ferré  (Mgr  Pierre-Marie)  .   .   .  107 

Ferreri  (l'abbé  Severino)  .    .    .  424 

Fertiault  (Mme  Julie)   ....  o31 

Feuillet  (Octave) 289 

Féval  (Paul) 491 

Feys  (E.) 442 

Figuier  (Louis) 533 

FizELiÈRE  (A.  de  la) 510 

Fleuriot  (Zénaïde) 486 

Eleury  (l'abbé) 321 

Flint  (Robert) 514 

Foerster 507 

Fontaine  de  Resbecq  (le  comte 

de) 154 

Foras  (le  comte  Amédée  de).   .  526 

FoRESTiÉ  (Edouard) 534 

Forestier  (Paul) 9 

Fouillée  (Alfred) 530 

FouRNEL  (le  p.  H.  G.) 159 

FOURNEL  (V.) 251 

Fournie  (le  Dr  Ed.) 392 

Fourrière  (l'abbé) 409 

France  (Isabelle) 12 

Franck  (Ad.) 97 

Froehner  (W.) 42 

G"*  (H.) 248 

Gaffarel  (P.) 53 

Galiffe  (J.  B.  G.) 354 

Gallavresi  (Luigi) 62 

Gallon  (F.  B.) 250 

Gauthey  (l'abbé  L.) 307 

Gauthier  (E.) 206 

Gautier  (Léon) 356  513 

Gavart  (A.) 495 

Gebhardt  (Oscar  de) 121 

Gebuart  (Emile) 342 

Gidel  (Ch.) 141 

Ginestët  (l'abbé) 412 

GlRARDlN  (J.) 488 

GouRAUD  (Julie) 487 

Gourdault  (Jules) 511 

Grandmongin  (Ch.) 201 

Gras  (l'abbé  Gabriel) 406 

Gray  (Johu  Henry) 56 


Green  (John  Richard) 48 

Grkville  (Henry) 293 

Grou  (le  R.  P.) 408 

Grouchy  (le  vicomte  de).   .   .   .  244 

Gruyer  (Gustave) 430 

Guéranger  (le  R.  P.  Dom  Pros- 

per) 425 

GuiBÉ  (le  R.  P.) 247 

Guichard  (Victor) 131 

guieysse 35 

Guizoï 483 

Hairdet  (J.) 539 

Harlez  (E.  D.) 328 

Harnach  (Adolf.) 121 

Havard  (H.) 251 

Hkurj\rd  (l'abbé) 315 

Hei'H  (Al.) 202 

Hoffmann  (H.) 528 

Holtzendorff  (Fr.  von)  ....  212 

Hugo  (Victor) 193 

Huguet  (le  R.  P.) 499 

Ideville  (Henri  d') 63 

IsAMBERT  (le  Dr  Emile) 233 

IsoARD  (Mgr) 328 

Jacquemart  (Jules) 446 

Janet  (Paul) 109  114 

Janin  (Jules) 510 

Joly  (H.) 390  400 

JOUHAM  (E.) 206 

JONHAM    (S.) 164 

Juste  (Théodore) 524 

Koenig  (le  Dr  Edouard) ....  29 

La  Beaume  (Jules) 208 

Laboulaye  (Ed.) 344 

Lacroix  (Paul) 236 

La  Fayette  (Mme  de) 142 

Lallemand  (Léon) 137 

Lalore  (^l'abbé  Cbarles).  .   .  47  313 

Lambel  (Ilans) 226 

Lamber  (Juliette) 18 

Lambert  (le  baron  de) 389 

Larchet  (J.) 203 

Larchey  (Lorédan) 140 

La  Rochëterie  (Maxime  de)  .    .  357 

La  UN  (le  Dr  Adolf.) 431 

Leclerc  (Ch.) 448 

Lecoy  de  La  Marche  (A.)  ...  152 

Lefébure  (E.) 35 

Legoupils  (l'abbé  Adolphe)  .   .  308 

Le  Gouvello  (Hyppolyte)   ...  59 

Lennig  (Franz) 408 

Lenormant  (François) 40 

Leroux  (l'abbé  D.) 310 

Lescœur  (C.) 330  501 

Lescure  (M.  de) 509 

L'Estoile  (Pierre) 291 

Levavasseur  (Gustave) 341 

Levoisin  (J.) 484 

Leymerie  (A.) 136 


LiARD  (Louis) 117 

LiMMiNGHE  (le  comte  de).    .    .    .  240 

LiVINGSTONE 495 

LouBAT  (J.  F.) 446 

LouDUN  (Eusène) 132 

LouvET  (Ch.y 233 

LoYSEAU  (Jean) 201 

LuBKE 223 

LuçAY  (le  comte  de) 46 

Lyon-Caen 65 

Mabire  (l'abbé) 408 

Magliano  (Fr.  Panfilo  de)  .    .   .  421 

Magy  (F.) 394 

Maigne 28 

Malagola  (Carlo) 232 

Malo  (Hector) 22 

Manning  (Mgr) 421 

Marcel  (Etienne) 302 

Marchal  (l'abbé  A.) 313 

Marc-Monnier 109 

Maréchal  (Mlle  Marie).  .   .  300  493 

Marillac  (Michel  de) 207 

Martignat  (Mlle  de) 493 

Martin  (l'abbé) 411 

Marty  (l'abbé) oOO 

Maynard  (le  chevalier  de) .    .    .  2.i2 

Mazaroz  (.J.  P-) 238 

Meignan  (Victor) 338 

Méliton-Martin 433 

Mérian 397 

MÉRic  (E.) 387 

MicHAUT  (Narcisse) 342 

Michel  (Jules) 532 

MlGNET 244 

Mirabeau  (Mme  la  comtesse  de)  9 

Molle  (E.) 223 

Mo.NCEL  (Maurice  de) 204 

Monfat  (le  p.  a.) 430 

MoNSABRÉ(le  T.  R.  P.)  .    .    .    .  426 

MoiN'TAiGLON  (Anatole  de)  ...  181 

MoNTALEMBERT  (le  comte  de).    .  313 

MoNTÉGUT  (Eiuile) 13 

MoNTÉpiN  (Xavier  de) 296 

MooR  (D.  de) 30 

MORTREUIL  (E.) .'^77 

MuNTZ  (Eugène) 429 

MuRO  (Gaspar) 31 

MuRY  (leR.  P.  Paul) 454 

Nardis  (Mgr  Pasquale  de)  .    .    .  424 

Navery  (Raoul  de)  .    .    .    •    .    .  298 

NicuoLsoN  (Edward  B .  )  ....  61 

NiEL  (0.) 330 

O'Neddy  Phi  Jetée) 206 

Palau  (Melcior) 508 

Pasquier  (l'abbé  Henri) ....  229 

Pays  (A.  J.  du) 306 

Pêrier(A.). 493 

Person  (E.) 332 

Pichenot  (Mgr) 431 


iJ/O    — ■ 

Pidagnel  (A.) 309 

Pierling  (le  p.) 150 

Pierron  (It-col.) 304 

PlLATE(F.) 204 

PiLLoN  (F.) 397 

PiRMEz  (Octave) 348 

PiTRAY  (la  vicomtesse  de)  .  492  496 

Plasman  (L.  de) 409 

Poitou  (l'abbé  Léan-ire) ....  323 

Pons  (A.-J.) 207  224 

Pont  (l'abbé) 337 

Postel  (V.) 138 

PouGEois  (l'abbé  A.) 497 

Prudhomme  (A.) 483 

Quesada  (Viceute  G.) 138 

Ragey  (Je  R.  P.) 312 

Rambaud  (Alf.) ol 

Rameau 51 

Rames 340 

Ragnaud  (Gaston) 182 

Renaud  (Alphonse) 160 

Rknouvier  (Ch.) 397 

Revoil  (Paul) 202 

Ribbe  (Ch.  de) 321 

Ribot  (Paul) 221 

Richebourg  (Emile) 293 

Riera  Y  Bertran  (Joaquim)    .    .  lOl 

RoBiANO  (le  comte  Eugène  de),  162 

Rochechouart  (Julien  de)  .   .   .  337 

Roman  (J.) 133 

RosELLY  DE  LoRGUES  (le  comtc).  329 

Rothschild  (James  de)    ...   .  181 

ROUSSELET  (L.) 489 

RozE  (le  R.  P.  Marie  Augustin).  316 

Saint-Albin  (Alex,  de)  ...  .  498 
Sales   (saint  François   de)  122. 

417, ' 418 

Salmon  (l'abbé  F. -R.) 23 

Santé  Pieralisé  . 122 

Saporta  (le  comte  de) 301 

Sarcus  (le  vicomte  de)    ....  64 

Sarraut  (Orner) 135 

Saulcy  (F.  de) 528 

ScuEEBEN(le  R.  P.  J.) 329 

SCHLUMBERGER  (GustaVC).     ...         52 

Ségalas  (Mme  Anaïs) 22 

Segondy  (F.) 24 

Seilhac  (le  comte  V .  de)  .   .    .  441 

Sheppard  (H.) 359 

Simonin  (L.) 338 

Sommervogel  (R.-P.) 375 

SoYER  (l'alDbé  Eugène)  ....  308 

Spinoza 109 

Stolz  (Mme  de) 494 

Stroïev  (Paul) 444 

Sully-Prudhomme 196 

SuRius 306 

Surville  (André) 21 

SwoLFs  (J.-J.  D.) 156 


574 


Taine  (H.) 102 

Tamizey  de  Larroque  (Ph.).  108,  280 

TardirelCS.-?."» 500 

Tatu  (l'abbé  L. -S.) 309 

Tedder  (Henry  (R.) 61 

Tessier  (Jules) 518 

Teste  (Louis) 357 

Thausing  (Moriz) 430 

Théodore  (G.) 534 

Theuriet  (André) 15 

Thiry  (Fernand) 128 

Thiry  (J.) 160 

Tolra  de  Bordas  (Mgr.).   ■    .    .  359 

Torino  (P.  Antonino  da).  .    .    .  424 

T0RRENS(W.-M.) 57 

TosTi  (Dom  Luigi) 410 

Travers  (Emile) 244 

ToRCAN  (l'abbé) 125,  420 

Vallaurii  (Thomse) 434 

Valmont  (Victor) 540 

Valroger  (Hyac.  de) 102 

Van  de  Casteele  (D.) 4i2 

Van  denBussche  (Emile).   ...  162 


Van  der  Laat  (E.) 533 

Van  Dessel  (Camille) 147 

Variot  (l'abbé  Joseph) 120 

VÉBÉ(L.). 204 

Verdaguer  (Jascinto) 508 

Veuillot  (Louis)    ..  198,  412,  500 

Vian  (Louis) 344 

ViNCENY  (Jacques) 17 

ViNGTRiNiER  (Aimé).   .    .   .182,  279 

VioN  (E.) 203 

VoY  (Jules) 318 

Wallon  (H.) 517 

Wangnerech  (P. -H.) 450 

Weii.  (Alfred) 51 

Weil  (R.) 250 

Weil  (W.) 250 

Wey  (Francis) 534 

WlLLEMS(P.) 352 

WiTCHE  (Mathieu) 537 

WiTT  (Mme  de) 483,  494 

Zahn  (Théod.) 121 

Zola  (Emile) 13 


TABLE  DES 

Les  Bibliothèques  aux  Etats-Unis, 
par  M.  J.  Vaesen,  66.  —  M.  Ber- 
trand etl'association  scientifique  de 
France,  par  M.  H.  A.  Mazard,   69. 

—  L'Etat  actuel  de  la  presse  an- 
glaise, par  M.  F.  de  Bernhardt,  252. 

—  Petit  supplément  à  la  bibliogra- 
phie moliéresque,  de  M.   Paul  La- 


VARIETES 

croix  (Bibliophile  Jacob),  par  M.  J. 
Bauquier,  261.  —  La  Littérature 
française  en  Espagne  1874-1878, 
par  M.  X"*,  264,  455.  —L'Expo- 
sition de  la  Bibliothèque  nationale, 
par  M  S.,  359.  —  Bibliographie 
des  Noëls,  par  M.  Gustave  Brunet, 
457,  540. 


TABLE  DE   LA   CHRONIQUE. 


Nécrologie  :  Albbier  (Albert),  551. — 
Aleardi  (Aleardo),  175.  —  Arnaud 
[de  l'Ariège],  (Frédéric-André),  75. 

—  Babou  (llippolyte),  467.  — 
Barni  (Jules-Romain),  169. —  Bazin 
(François-Emmanuel-Joseph),  169. 

—  Bourgeois  (l'abbé  Louis),  165, — 
Bryant  (William-Cullen),  78.  — 
Bucaille  (Paul),  78.  —  Cantel 
(Henri),  75.  —  Chareton  (le  géné- 
ral), 78.  —  Charpentier  (Jean- 
Pierre),  273.  — Cheverondier,  468. 

—  Dacas,  370.  —  Dallet  (l'abbé), 
273.  —  Delafosse  (Gabriel),  467. 

—  Denfert-Rochereau  (Pierre-Ma- 
rie-Phil. -Aristide),  76.  —  Descat 
(Constantin),  468.  — Desjardins  (le 
R.  P.  Eugène),  73.  —  Desvignes 
DE  SuRiGNY  (Pierre-Marie-Alfred), 
172.  —  Drocineau  (Gustave),  73. — 
DuFFUs-H.ARDY  (sir  Thomas),  274, 
— Dumortier  (Barthélémy-Charles), 
170.  — Dupanloup  (Mgr  Félix-Ant.- 


Philibert),  462.—  DuPLAN(Paul),  79. 

—  Duval  (Pierre-Sophie-Léon), 532. 

—  Ferry  (Maxime  de),  274.  — 
Forgeais  (Arthur),  468.  — Fortin 
(l'abbé  F.  J.  F.),  76.  —  Foville 
le  D'  Achille  Louis  de),  168.  — 
Garcin  de  TAssY(Joseph-Héliudore- 
Sagesse- Vertu),  366.  —  Garmer- 
Pagès  (Louis-Antoine),  548. —  Gas- 
TiNEAU  (Octave),  274. —  Gaultier  de 
Claubry  (Henri-François),  171.  — 
Gédéonov  (Etienne),  468 .  —  Gères 
(le  vicomte  Jules  de),  552.  —  Go- 
BiLLON  (René-Louis),  174.  —  Grimm 
(A  Th.),  553.  —  Grouhel,  274.— 
Gothlin  (l'abbé),  367.  —  Gutierrez 
(Jean-Marie),  274.  —  Guys  (Henri), 
174.  —  Hart,  274.  —  Hermann, 
274,  —  Hœfer  (le  D^  Jean-Chris- 
t'an-Ferdinand),  545.  —  Herwath 
(Mgr  Michel),  367 .  —  Jacob  [Erdant] 
(André-Alexandre),  369.  —  Joh.ns- 
TONE  (James),  468.—  Joly  (Maurice), 


—  b75  - 


174,  —  KovALEvsKi   Joseph),  554. 

—  Khanykov  (Nicolas),  554.  — 
Lamarque  (Jules  de),  550.  — 
L.ARIVIÈRE,  468.  —  I.ATOUCHE  (l'abbé 
Robert-Auguste),  272.  — Laurier 
(Clément),  371.  —  Laussedat  (le 
Dr  Louis),  170.  — Lavallée  (Joseph- 
Adrien-Félix),  173.  —  Lebert  (le 
Dr  Herman),  368.  —  Leharivel- 
DoROCHER  (Victor-Edmond),  551. — 
Lelièvre  (Raoul-Henri),  274. —  Léo 
(Henri),  171.  —  Lemerye  (Al.),  550. 

—  Lisle  (Ambroise-Philippe  De), 
552.  —  Lot  (Henri),  368.—  Lucas 
(Julien  -  Joseph  -  Hippolyte),    547 . 

—  Mac  Gahan,  78.  —  I\LiC  Guckin 
(William),  365.  —  Maissiat  (Jac- 
ques), 76.  —  Malouet  (le  baron), 
79.  —  Martin-Daussigny,  274.  — 
Martin-Doisy  (Pierre-Noël),  72.  — 
Menissier,  468.  —  Monforand  (de, 
78.  —  Moreau  de  Jonnès  (Alexan- 
dre), 173.—  Naddet  (Joseph),  271. 

—  Nicolas  (Marins),  468.  —  O'Quin, 
274.  —  Pageot  (Joseph-Yves),  371. 

—  Palatre  (le  R.  P.  Gabriel),  367. 

—  Pape-Carp entier  (Mme  Marie), 
172.  —  Petel,  née  Marie-Alexan- 
dre Dumas  (Mme),  468.  —  Pocquet 
(Barthélémy),  274.—  Poirré  rie  R.  P. 
Félix),  368.  —  PoLÉxov  (Dimitri), 
554.  —  Renouard  (Augustin-Char- 
les),271.  —  Roidot-Déléage  (Jean), 
349.  —  Rokitanski  (Ch.),  274.  — 
Rolland  (Eugène),  78. —  RoussELde 
pasteur  Napoléon),  77. —  Russell 
(Lord  John),  76.  —  Rustovv  (le  co- 
lonel Guillaume),  369.  —  Saint- 
Albin  (V.  de),  274.  —  Strutynski 
(le  comte  Julien-Xavier),  77.  — 
Taillard  (Eugène-François-Joseph), 
167.  —  Terret  (le  R.  P.  Régis), 
368.  —  Thibault  de  La  Guichar- 
DiÈRE  (Mlle  Fanny),  78.  —  Todnens 
[Orèlie-Antoine  l"  (de),  370.  — 
Tricotel  (Edouard),  74.  —  Valette 
(Cl.  D.  Aug.),  72.  —  Valroger 
(l'abbé  Achille-Charles  de),  551.- 
Vibraye  (Guillaume  -  Marie  -  Paul  - 
Louis  Hurault,  marquis  de),  166. — 
Villeneuve -Akifat  (le  marquisTris- 
tan  de),  548. 

Institut,  79,  175,  274,  371,  469,555. 
Collège  de  France,  275,  469. 
Observatoire  de  Paris,  79. 
Faculté  des  lettres,  79,  275,  555. 
Ecole  de  Droit,  276. 
Ecole  des  chartes,  556. 
Bureau  des  Longitudes,  275. 
Société  Bibliographique,  82. 


Société  de  rOrient  latin,  82. 

Société  des  vieux  textes  russes,  178, 
470. 

La  Gœrresgesellschaft,  186,  373. 

Concours,  81,  178,  276,  373. 

Congrès,  79,  276. 

Le  Congrès  des  Orieutalistes,  37 1,556. 

Le  Congrès  géologique  internatio- 
nal, 371. 

Association  des  bibliothécaires  an- 
glais, à  Oxford,  469. 

Lectixres  faites  aux  Académies,  85, 
179,  277,  374,  471,  556. 

Mélanges  philologiques  et  littéraires  : 
Nouvelles  interprétations d'unfrag- 
ment  d'Ulpien,  185.  —  Recueil  de 
poésies  françaises  des  quinzième 
et  seizième  siècles,  181.  — L'Acte 
de  décès  de  la  Grange-Chancel,  85. 

—  Poésies  inédites  de  l'auteur  des 
Philippiques,  375.  —  Découverte 
d'un  écrit  contre  Bérenger,  475.  — 
Les  Œuvres  poétiques  de  Marie  de 
Romieu,  85.  —  Un  opuscule  de 
Charles  àfi  Neufehaises,  181.  — 
Deux  résurrections  littéraires,  182. 

—  L'Auteur  du  Combat  spirituel, 
278.  —Une  erreur  de  M,  Littré, 
185.  —  L'Inventeur  de  la  photo- 
graphie, 476. —  Publications  dans 
l'Inde,  476. 

Mélanges  historiques  :  Henri  Mar- 
chand et  le  globe  terrestre  de  la 
bibliothèque  de  Lyon,  279.  — 
Cours  d'apologétique  à  l'Université 
catholique  de  Toulouse,  471.  — 
Assemblées  du  diocèse  de  Castres, 
277.  —  Discours  véritable  du  siège 
de  Montbard,  278.  —  Travaux  sur 
la  Réforme  et  la  Ligue,  474.  —  Le 
Maréchal  de  Bellefonds  et  le  Père 
Le  Valois,  375.  —  Le'tres  inédites 
de  M"»e  Louise  de  Francp,  559.  — 
Livre  des  adresses  de  Paris,  559.— 
La  Chronique  bordelaise,  183.  — 
Chorographie  de  Provence,  183.  — 
Collection  lyonnaise,  185.  —  Pla- 
quettes gontaudaises,  280. 

Mélanges  archéologiques  ;  Un  nouveau 
manuscrit  paléo-slave,  558.  —  Une 
découverte  archéologique  à  Tcher- 
nigov,  558.  —  L'Annuaire  de  l'Ar- 
chéologue, 557. 

Mélanges  bibliographiques  :  Histoire 
de  la  Bibliothèque  Nationale,  377. 

—  L'Exposition  du  département 
des  imprimés  de  la  Bibliothèque 
Nationale,  475.  —  Exposition  de  la 
Bibliothèque  Sainte-Geneviève, 179. 

—  Le  Musée  des  archives  départe- 


■..•i7(j  — 


mentales,  83.  —  Les  Calalogues 
des  bibliothèques  des  départe- 
ments, 472.  —  Manuscrits  de  la 
bibliothèque  de  Salins,  277.  —  Le 
Cataloglie.de  la  Blbliothècfue  «le 
Troyes,  86  —  La  fei'bliographie  des 
Sociétés   savantes  de  France;  182. 

—  Livres  s'aisis  par 'la  police  dans 
les.  Hautes-Pyrénées  de  1809  à 
1820,  .184.  —  Les  Bibliothèques 
publiques  à  Londres,  280.  —  Bi- 
iDliographie  hongroise,  ^  186.  — 
Catalogue  des  manuscrits  belges  et 
hollandais,  556.  —,  Bibliothèques, 
musées,  etc., en  Grèce, 83. —  Biblio- 
thèque médicale  de  Washington, 
184.  —  La  librairie  américaine,  87. 

—  Bibliographie  de  la  Chanson  de 
Roland,  186.  —  La  Bibliothèque 
de  Voltaire,  84.  —  La  Bibliothèque 
du  comte  Dzialj^nski,  00.  — La  Bi- 


bliomanie  en  1878,  474.  —  Prix 
payés  à  des  auteurs  pour  leurs  ou- 
vrages, 376.  —  La  Stampa  in 
Ancona,  187.  —  Les  Livres  carton- 
nés, 278.  —  La  Vente  de  la  biblio- 

*  thèque  de  M.  Aipbroise  Firmir.- 
Didot,  88. 

Journaux  et  revues  :  la  Presse  pari- 
sienne, 91.  —  Revue  universelle  de 
la  presse  catholique,  186.  —  La 
Presse  périodique  dans  la  Grande- 
Bretagne,  281.  —  Literarische 
Rundschau,  186.  —  Journaux  en 
indien,  186.  —  La  Revue  histo- 
rique et  la  Société  Bibliographi- 
que, 86.  —  Livres  mis  à  l'Iadex, 
283. 

Revues,  livres  et  journaux,  91,  187, 
282,  .377,  476. 

Publications  nouvelle?,  92,  188,  285, 
378,  477. 


TABLE  DES  QUESTIONS  ET  REPONSES. 


AUuys  (le  peintre),  382.  —  Anciens 
poètes  français  (travaux  de 
M.  Turquety  sur  les),  478.  —  An- 
dorre (le  pays  d'),  380,  478.  — 
Antéchrist  (ouvrages  sur  1'),  478. 
—  Asturies  (les),  286,  381.  —  Bé- 
vues historiques,  379.  —  Bible 
(Traduction  de  la),  192.  —  Bi- 
bliothèque du  sultan  à  Constan- 
tinople  (La),  190.  —  Cambis  (La 
collection  des  manuscrits  du  mar- 
quis de)  94-  —  Camille  Selden, 
un  pseudonyme  à  découvrir , 
379.  —  Cassan  (sur  le  prieuré  de) 
94,  380.  —  Catalogues  des  biblio- 
thèques des  villes  de  province  (les) 
189.  —  Chypre  (Ouvrages  relatifs 
à  rilede),  287,383,  479.  —  Cigmi 
employée  comme  instrument  de 
supplice  (le),  379.  —  Clotilde  (En- 
fance de  sainte),  287.  —  Coysard 
(Un  livre  du  P.j,  191.—  Croisade 
de  1239,  95.  —  Edith,  veuve 
d'Edouard  le  Confesseur  (la  reine), 
287.  —  Editions  d'auteurs  classi- 
ques mutilées  par  la  censure  (A- 
t-il  été  publié  à  l'époque  du  pre- 
mier Empire  des),  381.  — 
Epigramme  dirigée  contre  Napo- 
léon I",  380.  —  Faydit  (sur 
l'article)  de  la  Biographie  univer- 
selle, 95.  —  Fénelon  de  Salignac 
(Antoine  de),  287.  —  Flamyn 
(sur  la  dame  de),  286,  479.  —  Fré- 
déric-Auguste I*"",  petit-fils  de 
Louis  XIV,  479.  —  Genuyt  (l'In- 


génieur) 380.  —  Heures  de  Metz 
1478,  287.  —  Jeudy-Dugour.  380. 

—  Laqueuiîîe  (Les),  députés  aux 
Etats  génèiMux  de  1789,  95. —  Li- 
vres des  Etats,  empires  et  princi- 
pautés du  monde  (Le)^  287.  — 
Louis  XVL  sa  mort  fut-elle  votée 
par  la  majorité  de  la  Convention? 
95.  —  Martyrs  de  la  Révolution 
(les),  96,  190.  —  Mélusine,  288.  — 
Mentez  mentez,  il  en  restera  tou- 
jours quelque  chose,  380.  —  Notre- 
Dame  de  Garaisoo,  96.  —  Notre- 
Dame     de     la    Guillotine,    286. 

—  Orphir  signalé  dans  l'histoire 
de  Salomon  (1'),  382.  —Papes 
(Pouvoir  temporel  des),  286,  381. 

—  Poètes  (Quel  est  le  plus  fécond 
de  tous  les)  ?  93.  —  Portraits  à  re- 
trouver (Trois),  95,  191.  —  Por- 
traits rares,  190.  —  Révolution 
française   (Collections  sur  la),  94, 

287,  381.  —  Saint-Martin  (Un  ou- 
vrage  peu  connu  du  Théosophe) 

288,  381.  —  Sixte  IV  et  les  Pazzi 
287,  381.  —  Sociétés  de  biblio- 
philes en  France  (les),  95.  —  Sol 
marqué  (Un),  95.  —  Tennyson 
(Traduction  de),  286.  —  Très-Saint 
Sacrement  (Congrégation  du),  94, 
287.  —  Vallès  (Un  livre  de  Jules  , 
380.  —  Vengeur  (La  fin  du),  95, 
192.  —  Verniel  (Culte  de  saint), 
287.  —  Voltaire  sur  le  chevalier 
d'Assas  (Lettres  de),  287. 


SAINT-QUE.NTi.N.  —  IMP.  JULES  MOURE.VU. 


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2       Polybiblion;  revue  bibli- 
]_007       ographique  universelle 

P73 
t^2-23 


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