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Full text of "Poëmes: Héléna, Le somnambule, La fille de Jephté, La femme adultère, Le bal ..."

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POËMES 



HÉLÉNA, «Tc. 



DE L'iMPRiarElUE DE OtTIRAUDET, RUB ST .-HONORE, K**. 3l5. 



POÈMES 



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HÈLÈNA, 

LE SOMNAMBULE, LA FILLE DE JEPHTÉ, LA FEMME ADULTÈRE;, 

LE BAL, LA PRISOET, ETC. 




A PARIS, 

Chei PÉUCIER, Librairs, ïlace du Paiam-Royal, k**. 215* 



MPCCCXXII. 



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Dans quelques instaus deMoisirs j'ai fait des 
vers inutiles; on les lira peut-être, mais on 
n'en retirera aucune leçon pour nos temps. 
Tous plaignent des infortunes qui tiennent 
aux peines du cœur , et peu d'entre mes ou- 
vrages se rattacheront à des intérêts politiques. 
Puisse du moins le premier de ces Poëmes 
n'être pas sorti infructueusement de ma plume ! 
Je serai content s'il échauffe un cœur de plus 
pour une cause sacrée. Défenseur de toute 
légitimité, je nie et je combats celle du pou- 
voir Ottoman. 



HÉLÉNA. 



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CHANT PREMIER. 



L'AUTEL. 

Ils ont, Seigneur, afflige votre peuple, ils ont opprimé 

votre héritage. 
Ils ont mis à mort la veuve et l'étranger , ils ont tué les 

orphelins. 

{Pseaumes.) 



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HÉLÉNA. 



JL E téorbe et le lath fils 4ç l'^ntiqm Ijrp^ 

lïe font plus palpiter T Arcl|ipel en ài\^tt ; . 

Son flot, triste et réyfsur ^ lui seu} &(neut l^e^ airs. 
Et la blanche Gyclade a fini 6e$ concerta* 

On n'entend plus Iç sgir les yiefgeç 4^ 9(o^éç , 

Sur le frêle caïque a la ppupe dqr^^ ^ 

Unir en double chœur d^ so|i4 mpjadlict^x. 

Elles saTaient chanter^ npn les |»r€t£m^ 4^^UX| 

Apollon y ou Latone i Délos enfepnée., 

Minerre aux yeux d'azùr. Flore, ou Véi^us anncc. 

Alliés de la Grèce et de la liberté \ . 

Mais la Vierge et son fils entre ses bras porté, 



POËMES. 



HÉ.LÉNA, iTc. 



12 HELENA, 

On a dit que surtout un de ces jeunes hommes^ 
Voyageant d'île en ile^ allait yoir sous les chaumes, 
Dans les antres des monts , sous Fabci des rieux bois.. 
Quels Grecs il trouTerait i ranger sous ses lois: 
Leur faisait entrevoir une nouvelle vie 
Libre et fièreî il parlait d'Athènes asservie , 
D'Athènes , son berceau , qu'il voulait secourir. 
Qu'il y" fut fiancé y qu'il y voulait mourir; 
Qu'il fallait y traîner tout, la faiblesse et l'âge, 
Armer leurs bras chrétiens du glaive de Pelage, 
Et faisant un faisceau des haines de leurs cœurs. 
Aux yeux des nations ressusciter vainqueurs. 



Écoutez, écoutez, cette cloche isolée, 
Elle tinte au sommet de Scio désolée ; 
A ses bourdonnemens, pleins d'un sombre transport. 
Des montagnards armés descendent vers le port, 
Car les vents sont levés enfin pour la vengeance. 
Et la nuit, avec eux, monte d'intelligence. 



• . 



CHANT I. i3 

L'écarlate des Grecs sur leur front s!ari*ondit. 

Tels^ quand la sainte messe à nos autek se dit^ 

Tous les enlans du chœur, d'une pourpre innocente 

Ont coutume d*omer kur tête adolescente. 

Mais à des fronts guerriers ce signe est attaché : 

Lequel osera fuir ou demeurer caché ? 

Une cire enflammée en leurs mains brille et fume ; 

Comme d\in incendie au loin Fair s'en allume ^ 

Le sable de la mer montre son flanc doré, 

£t SUT le haut des monts le cidre est éclairé, 

Le flot rougit lui-même, et ses glissantes lames. 

Ont répété de Tile et balancé les flammes. 

La foule est sur les bords , son espoir curieux 

Sur la yague agitée en vain jetait les- yeux , 

Quand, S0U5 un souffle ami, poursuivant son vol sombre. 

Un nayire insurgé tout à coup sort de l'ombre. 

Un étendard de sang claque à ses légers mats. 

D'armes et de guerriers un éclatant amas 

Surchai^ent ses tr(Hs ponts ; l'airain qu'emplit là poudre 

Par les sabords béans fait retentir sa foudre. 

Des cris Font accueilli , des ctis ont répondu , 

DeJliga, massacré, Thymne s'est entendu. 



i4 HELENA, . 

Et le tocsin hatif,' d'une corde rebelle^ 

Sonne la liborté du liaut de la chapelle; 

On s'assemble, on s'excite, on s'arme, on est armé, 

Et des i^cs, à ce bruit, l'aigle part alarmé. 



a Mais arant de quitter vos antiqiies murailles 
tt II convient de jprier l'arbitre des batailles , » 
Disaient les Galoyers. « Dieu qui tient dans ses mains 
(c Les peuples , pourra seul éclairer nos chemius , 
«c Et si dans ce grand jour sa fureur nous pardonne, 
(( De Moïse à nos pas rallumer la colonne.» 
Ils parlaient, et leurs voix par de sages propos 
Dans cette foule émue amena le repos. 
L'un s'arrache des bras de son épouse en larmes. 
L'autre a quitté les soins du départ et des armes, 

Les cris retentissans , le bruit sourd des adieux 

S'éteignent et font place au silence pieux ; 
Celui de qui les .pieds ont déjà fui la rive 
Revenu lentement, près de l'autel arrive; 



/ 



CHANT L 
L'agile matelot aux yoiles suspeadu 
S'arrête, et son regard est vers l'île tendu. 
Tous ont pour la prière une oreille docile, - 
£t de quelques yieiïlards c'était l'œuvre facile. 
Tels , lorsqu'après neuf ans d'inutiles assauts 
Impatiens d'Argos, couraient à leurs vaisseaux, . 
Les Grecs, des traits d'un Dieu redoutant le supplice, 
On vit le vieux Nestor et le prudent Ulysse 
Du sceptre et du laugs^e unissant le pouvoir, 
Les rattacher soumis au saint joug du devoir. 



iD 



C'était sur le débris d'un vieux autel d'Homère 
Où depuis trois mille ans se brise l'onde aâicrc, 
Qu'un moine , par des Turcs chasse du saint couvent , 
Offrait, au nom des Grecs, l'hostie au Dieu vivant. 
Désertant de l' Athos les cimes profanées , 
£t courbé sous le poids de ses blanches années , 
Révoltant l'île , au jour par ses desseins marqué , 
Il avait reparu tel qu'un siècle évoqué j 



i6 HELÉNA, 

Les peuples Tétoutaient comme un antiiple oracle j 

De son centième hiver admirant k miracle ^ 

Ils le croyaient béni parmi tous les humains^ 

Deux prêtres inclinés soutenaient ses deux mains , 

Et sa barbe tombante en long fleuve d'ivoire 

De sa robe, en parlant, frappait la bure noire. 

fc Le voici y Votre Dieu^ Dieu qui nous a sauvés, u 

S'écriait en pleurant et les bras ^élevés 

Le Patriarche saint : » Il descend, tout s'efiace \ 

a Ses ennemis troublés fuiront devant sa face, 

« Vous les chasserez tous, comme l'effort du vent 

« Chasse la frêle paille et le sable mouvant, 

(( Leurs os, jetés aux mers, quitteront nos campagnes, 

(( Et l'ombré du Seigneur couvrira nos montagnes. 

« Le sang Grec répandu , les sueurs de nos fronts , 

(( Les soupirs qu'ont poussés quatre siècles d'affronts , 

(( De la sainte vengeance ont formé le nuage; 

« Et le souffle de Dieu conduira cet orage. 

« Qu'il ne détourne pas son œil saint et pnissant 

(( Quand nos pieds irrités marcheront dans le sang ; 

« Hélas ! s'il eut permis qu'un prince ou qu'inie reine 

(( Rallumant Constantin ou notre grande Irène , - 



CHANT h ij 

t( D'un rigne légitime eftt reposé les droits 
« Sous les bras protecteurs de l'étemelle Croix ; 
« Jamais de la Morée et de nos belles îles 
« Le tocsin n'eût troublé les rivages tranquilles* 
« Libres du janissaire^ inconnus au bazar , 
*i Notre main eût porté son tribut à César. 
c( Mais quel enfant déchu d'une racé hércnque 
(c Ne saura pas briser son joog asiatiipie ? 
c< Qui, sans mourir de bonté, eût plus long-temps sovffert 
ce De voir ses jours tremblans mesurés par le fer; 
(( Cbez des juges bourreaux , l'or miàrcbander sa teté , < 
a Pour son toit paternel la flamme toujours prête 'y 
ce De meurtres et de sang son air empoisonné; 
<( Au geste dédaigneux d'un soldat couronné , 
« Les fils noyés au sang des mères massacrées, 
ce £t, sur les frcres morts, les sœurs déshonorées ? 
(( Oublierez*-yous, Seigneur, qu'ib ont tous profané 
ce Votre héritage pur, comme un gazon fané? 
c( Qu'ils ont porté le fer sur votre image sainte? 
rc Que des temples bénis ils ont souillé l'enceinte, 
ce Placé sur vos enfans lenis prêtres endurcis, 
*i Et que sur votre a^tel leurs dieux se sont assis? 

2 



i8 HÉLÉ N A; 

« Ils ont dit dans lettrs cœurs despotes et servil^s : 

« £xterminons-le$ tous, et détruisons leurs yiUes. 

(( Leurs jours nous sont yendps, nous réglerons leur temps 

(( Conune celui des Turcs cesse au gré des sultans; 

(( Sur les terres du Glirist, nations, passagères^ : 

(( Que nous fait l'avenir des cités ét^cangères? . . 

(c Passons^ mais que nos bras^ dans leurs larmes ti^empés / 

c( Ne laissent rien aux bords où nous étions oampés« 

« Et TOUS délaisseriez nos iles alarmées? i 

(( Non , partez avec nous^ Dieu fort.> Dieu des armées; 

(( Avancez de ce pas qui trouble les tyrans; 

(( Chercbez dans vos trésors la ioroe.dé nos rangs ; 

<( Doublez à nos vaisseaux la o^lQpdeur des étgil^^. 

fi £t que vos chérubind vienneut gonfler nos voiles! >' 



Il disait , et les Grecs ^ à ces açc^ns yainqueurSi 
Crurent sentir un Dieu s^^nflammor dans leurs. C(œur8>; 
Tous^ les bras étendus vers la paU'i,^ antique ^ 
Ils maudirent troi$ fois la borde asiatique ; 



CHANT t. 19 

TTrois fois la vaste mer à leur voix répondit; 
L'Alcyon soupira longuement , et l'on dit 
Qu'au^-dessus de leur tête un fugitif orage 
En grondant^ par trois fois, roula son noir nuage ; 
Ovt, parmi les feux blancs, des rapides éclairs, 
La Croix de Constantin reparut dans les airs. 



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FIN DU CHANT PREMIER. 



HÉLÉNA. 



CHANT SECOND. 



LE NAVIRE. 

O terre de Cdcrops ! terse où régnent un souffle divin et 
des génies amis des hommes ! 

(Les Martyrs, CHAusAUBiLUirD.) 



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HÉLÉNA. 



Alv cœur priyé d'amour^ c'est bien peu que la gloire. 

Si de quelque bonheur rayonne la victoire ^ 

Soit pour les grands guerriers , soit à ceux dont la voix 

Éclaire les mortels ou leur dicte des lois. 

N'est-ce point qu'en secret^ chaque pas de leur vie 

Retentit dans une âme invisible et ravie 

G)mme au sein d'un écbo^ qui des sons éclatans 

S'empare en sa retraite et les redit long-temps ? 

Ainsi des chevaliers la race simple et brave 

Au servage d'amour rangeait sa gloire esclave \ 

Ainsi de la beauté les secrètes faveurs 

r 

Elevèrent aux Cieux les poètes rêveurs ; 



a4 HELÉNA, 

Ainsi souvent , dit-on , le bonheur d'un empire 

Aux peuples^ par les rois^ descçndit d'un sourire. 



Il s'est trouvé parfois^ comme pour faire voir 
Que du bonheur en nous est encor le pouvoir , 
Deux âmes^ s'élevant sur les plaines dû monde , 
Toujours l'une pour l'autre existence féconde^ 
Puissantes à sentir avec un feu pareil , 
Double et brûlant rayon né d'un même soleil. 
Vivant comme un seul être ^ intime et pur mélange , 
Semblables dans leur vol aux deux ailes d'un ange ^ 
Ou telles que des nuits les jumeaux radieux 
D'un fraternel éclat illuminent les cieux. 
Si l'homme a séparé leur ardenr mutuelle , 
C'est alors que l'on voit et rapide et fidèle 
Chacune , de la foule écartant l'épaisseur^ 
Traverser l'Univers et voler à sa sœur. 



' CHANÏ II. a5 

Belle Scio ^ la nuit cache ta blanche yille 
De tout corsaire .Orec mystérieux aâlif; 
Mais il faut se hâter, de peur que le matin 
"Ne montre tes apprêts au Musulman lointain. 
Tandis qu'au saint disGOun de lenrTieux Patriarche , 
Gomme Israël jadis k l'aj^roche de l'Arche, 
Ainsi qu'un honmie seul ce peuple se leyait, 
Solitaire au riyage un des Grecs se trouvait, 
Triste, et cherchant au loin sur cette mer connue, 
Si d'Athène k ces bords quelque ydile est venue 
Parmi tous ces vaisseaux qui d'un furtif abord 
Du flot bleu de la rade avaient touché le bord ; 
Chaque nef y trouvait ses compagnes fidèles : 
C'est ainsi qu'en hiver, les noires hirondelles 
Au bord d'un lac choisi par le léger conseil , 
Prêtes à s'élancer pour suivre leur soleil , 
Et saluant de loin la rive hospitalière, 
Préparent i grands cris leur aile aventurière. 
Mais rien ne parait plus, que la lune qui dort 
Sur des flots mélangés et de saphir et d'or: 
Il n'y voit s'élever que les montagnes sombres, 
Les colonnes de marbre et les lointaines ombres 



26 HELÉNA, 

Des îles du couchanl y doat Faspect sérieox 
S'oppose au doux sourire et des eaux et des tieux. 
(( O faites-moi mourir ou dcmnei^^moi des ailes l 
<( Gîait-il^ aux dangers nom serons infid^es: 
« Le sang versé peut-être accuse ce retard, 
(( L'ancre de nos vaisseaux se lèvera trop tard, >} 
Ainsi disait sa voix \ mais une voix sacrée 
Ajoutait dans son t^œur : « Attends, vierge adorée> . 
(( Héléna, mon espoir, ayant que le soleil 
(( Des portiques d' Athène ait doré le réveil , 
« Ayant qu'au Minaret, des profanes prières, 
r( L'Iman ait par trois fois annoncé les demière^, 
(( Ma main qui sur ta main ressaisira ses droits , 
(( Sur le seuil de ta porte aura planté la Cr{»ix. 
« Suspends de tes beaux yeux les larmes répandues 
« £t tes dévotes nuits à prier assidues : 
(( C'est à moi de veiller sur tes jours précieux', 
(( De conquérir ta main e^ la. faveur des Gieitx. • 
(( Bientôt lorsque la paix couronnant noire épée 
« Rajeunira les champs de la Grèce usurpée y 
« Quand nos bras alTrancbis sauront tous appuyer 
(( La sainteté des mœurs et l'honneur du foyer , 



ÇHAiNT IL 37 

c< Alors ou nous verra tous d«ux , ma ûàntée, 
<c Traverser lentemetit une Ibole empressée, 
<c Devant nous tes danseurs et le flambeau sacré ; 
(( Puis du voile de fett ton flront sera paré , 
(c Et les Grecs s'écrieront : « Voyez, c'est la plus bdle, 
n C'est la belle Héléba <{ui, pieuse et fidèle , 
« Pour sa patrie et Dieu, sacrifiant son cœur, 
« Devait périr, ou vivre avec MtNra vaimpieur-! 

ce £t le voici, c'est lui dont la main vengeresse 

» 

n Brisa le premier nœud des chaînes de la Grèce , 

<( Et pliant sous sa loi les corsaires domptés, 

« Apprit à leurs vaisseaux des flots inusités. » 

Ainsi loin de la foule émue et tuibulente. 

Auprès de cette mer à la vague indolente 

Rêvait le jeune Grec, et son front incliné 

De cheveux blonds flottanS palissait couronné. 

Tel , loin des pins noircis qu'ébranle un sombre orage , 

Sur une onde voisine où tremble son image , 

Un saule retiré coudant ses longs rameaux , 

Pleure et du fleuve ami trouble les belles eaux. 



^ 



28 HÉLÉNA, 

Mais le cri da départ succède à la prière ; 
D'innombrables flambeaux que voile la poussière , 
Retournent ^aux vaisseaux , il y marche à grands pas) 
Changeant sa rêverie en l'espoir des combats , 
Tandis que l'ancre lourde en criant se retire , 
Sur le pont balancé du plus léger navire > 
Il s'élance joyeux^ comme le cerf des bois, 
Qui de sa blanche biche entend bramer la voix , 
£t prompt au cri plaintif de sa timide amante 
Saute d'un large bond la cascade écuinante. 
La voile est déployée à recevoir le vent. 
Et les regards d'adieu vers le mont s'éleyanjt,, 
Ont vu près d'un feu blanc dont l'île se décore, 
Le vieux moine, et sa Croix qui les bénit encore. 



On partait, on vogiiait, lorsqu'un timide esquif 
Comme aux bras de sa mère accourt l'euCant craintif,, 
Au milieu de la flotte en silence se glisse. 
— tt Étes-vous Grecs? Venez, que l'Ottoijian périsse! » 



CHANT II. 

^^ « On se bat dans Âthène. Une femme est ici 

H Qui vous demande asile, et pleure. La voici. )« 

On voit deux mateloû, puis une jeune fille; 

Ib montent sur le bord, uhe lumière y brille/- 

Un cri part : k H^léna ! » Mais les yeux d'un amant 

Pouvaient seuls le savoîir ; pâle d'étonnement 

Lui-même a reculé > croyant voir lui so'idire 

Le fantôme égaré d'une jeune martyre. 

Il semblait que la mort eût déjà disposé 

De ce teint de seise ans par des pleurs arrosé : 

Sa bouche était bleuâtre, entr'ouverte et tremUainte; 

Sxm sein , sous une robe en désordre et san^nte, 

Se gonflait de soupirs et battait agité 

Gomme un flot blanc des mers par les vents tourmenté. 

Un voile déchiré tombant des tresses blondes 

Qu'entraînait à ses pieds l'kumide poids des ondes , 

Ne savait pas cacher dans ses mobiles plis 

Le sang qui rougissait ses épaules de lis. 

Serrant un cmoiflx dans ses mains réunies, 

Comme un dernier trésor pour les vierges bannies y 

Sur ses traits n'était pas la crainte ou l'amitié^ 

£lle n'implorait point une indigne pitié , 



\ 



3o HÉLÉNA, 

Mais fière , elle scmblart chercher dans sa pensée 

Ce qui vengerait mieux une femme offensée ^ 

Et demander au Dieu d'amour et de douleur 

Des forces pour lutter contre elle et le malheur. 

Le jeune Grec disait ; (( Parlez , ma bieieaimée^ 

« Votre voix à ma voix est-elle inanimée ? 

« Vous repoussez ce bras^ c^ cœur où pour toujours 

(( Se doivent confier et s'appujer vos jours! 

<( Vous le voulez? eh bien! je le veux^ que ma bouche 

(( S'éloigne de vos. mains ^ et jamais ne les touche; 

*i Non , ne m'approchez pas, s'il le faut; mais du moins^ 

a Héléna^ parlez-moi > nous sommes sans témoins : 

<( Voyez, tous les soldats ont connu ma pensée, 

(( Ils n'ont fait que vous voir, la poupe est délaissée. 

(( Ce voyage et la nuit auront un même cours, 

(( Usons d'un temps sacré propice à nos discours, 

<( C'est le dernier peut-être. O! dites, mon amie, 

« Pourquoi pas dans Athcne à cette heure endormie? 

a Et pourquoi dans ces lieux? et comment? etpccurquoL 

ï< Ce désordre et vos yeux qui s'ékrtgnent de moi? » 



CHANT II. 5i 

Ainsi disait Movi^", iaais la jeune exiiée 
A des propos d'amour n'était point rappelée ^ 
Même de chaque mot semblait naître un chagrin ; 
Car^ appuyant alors sa tête dans sa main. 
Elle pleura long-temps. On l'entendait dans l'ombre 
Gomme on entend, le soir, dans le fond d'un bois sombre 
Murmurer une source en un lit inconnu. 
Cherchant quelque discours de son cœur bien yenu , 
Son ami , qui croyait dissiper sa tristesse. 
Regarda vers la mer et parla de la Grèce. 
Lorsque tombe la feuille et s'abrège le jour, 

4 

Et qu'un jeune homme éteint se meurt, et meurt d'amour, 

Il ne goûte plus rien, des choses de la terre : 

Son oeil découragé, que la faiblesse altère, 

Se tourne lentement vers le Ciel déjà gris, 

Et sur la feuille jaune et les gazons flétris. 

Il rit d'un rire amer ai^- deuil de la nature, 

Et sous chaque arbrisseau place sa sépulture ; 

Sa mère alors toujours sur le lit douloureux 

Courbée, ets'efforçant à des regards heureux, 

Lui dit sa santé belle, et vante l'espérance 

Qui n'est pas dans son cœur; lui dit les jeux d'enfance, 



32 HÉLÉNA, 

Et la gloire, et l'étude, et Its fleun du beau temps, 

Et ce soleil ami qui revient au printemps. 



Les navires penchés volaient sur l'eau dorée 
Comme de cygnes blancs une troupe égarée 
Qui cherclie l'air natal et le lac paternel. 
Le spectacle des mei^ est grand et solennel : 
Ce mobile désert, bruyant et monotone, 
Attriste la pensée encor plus qu'il n'étonne ; 
Et l'homme, entre le Ciel et les ondes jeté. 
Se plaint d'être si peu devant l'immensité. 
Ce fut surtout alors que cette mer antique 
Aux Grecs silencieux apparut magnifique. 
La nuit, cachant les bords, ne montrait à leurs yeux 
Que les tombeaux épars, et les temples des dieux. 
Qui, brillant tour à tour au sein des îles sombres. 
Escortaient les vaisseaux , comme de blanches ombres, 
En leur parlant toujours et de la liberté, 
Et d'amour, et de gloire', et d'immortalité. 



J 



CHANT IL 33 

Alors Mora , semblable aux antiquies Rapsodes 
Qui chantaient sur ces flots d'harmonieuses odes. 
Enflamma ses discours: de ce feu précieux 
Que conseryent aux Grecs l'anlour et leurs beaux çieux : 
(c Û regarde^ Héléna ! ({ue ta tête affligée 
« Se soulére un 8A>ment pour Toir la mer Égée^. 
« O respirons cet air ! c'est l'air de nos aïeux ^ 
n L'air de la liberté qui fait les demi<-dieux , 
« La rose et le laurier qui l'embaument sans cesse , 
« De victoire et de paix lui portent la promesse , 
« Et ces beaux champs captifs qui nous sont destinés 
K Ont encor dans leur sein des germes fortunés : 
« Le soleil affiranchi ta tous les faite éclore. 
« Vois ces îles : c'étaient les coil>eilles de Flore; 
c( Rien n'y fut sérieux, pas même les malheurs; 
u Les Tilles de ces bords avaient d^ noms- de fleurs ; 
<( Et, comme le parfum qui survit à la rose, 
<( Autour àes murs tombés leur souvenir repose. 
(( Là, sous ces oliviers au feuillage tremblant, 
te Un autel de Yénus lavait son marbre blanc ; 
f( Vois cet astre si pur dont la huit se décore 
« Dans ce ciel amoureux, c'est Cythérée encore: 



\ 
V 



34 HÉLÉNA, 

(( Par nos rians ftïettx. ce ciel.est tDchanlé, 

« Son plus beau ien reçeâ le- nom de la beauté , 

c( La beauté leur déette. Ame àt la natttve, 

a DisaieDt'^tb, l'unrrer» FOule duas sa ceinture: 

(( Elle vient 9 le yent tOBibe et k te»€; (lettrît; 

« La mer y sous ses pieds blancs s'apaise et bn sourit^. 

n Mensonges gracieux ^ relig^n cbarmante 

<( Que réye encor l'amant auprès de sen ankante ! » 



Quand un lis parfumé qu'arrose Fllis^iSj, 
De son beau yêtement courbe les blancs tissus, 
Sous l'injure des yenfs et de la lourde pluie , 
S'il adyieut qu'un rayon pou]r un moment l'essuie , 
Son front alors s'élèye> et^ fier dans son réyeil, 
Entr'ouyre un sein bomide et chercbe son soleil; 
Mais l'eau qui l'a flétri ,. prolongeant son supplice , 
Tombe encor lentement des bords de son calice; 
Hélç'na releya son front et ses beaux yeux , 
Les égara long-temps sur la mer et les cieux , 



i 



.^ 



CHANT IL 55 

Ses pleun ataieBt ceasé > mais non pas sa tristesse. 
D'un rire dédaigneux : te C'est donc une autre Gfioe , 
« Dit-*ellei où yo«s rofet des temples et dies le«rs? 
t( Moi; je vois dea toiobeanx brisés par des mallieiirs. 
n «^ Eh qnoi! dernirenoas, yois^ta pas, mon amie, 
n Telle qu'une Svène en ses flots endormie > 
« Lesbos au blano rivage , où l'on dit (pi'atttrelMs 
<c Les premiers cbaAts biimniDS mtambtetiX les voîx ? 
ic Une vague y îeta comme un divin troj^éo 
« La tête barmoniense et la lyre d'Oi|^e ; < * 

H Avec le même flot, la Mélodie alors 
(c Aborda : tous les sons connurent les accords ; 
a Pbilomèie en ces lieux gémissait plus savante. 
« Fière de ses enfans, cette île encor se vante 
(( Des pleurs mélodieux et des tristes concerts 
« Qu'à leur mort soupiraient les Muses datts les airs* » 
Mais Héléna disait ^ en secouiant sa teto 
Et ses cberyeux flottaos : à Votre bouche s'airéte^ 
(c Vous craignes ma tristesse et ne me dite» pas , 
« Sapbo, son abandon^ sa Ipe et son trépas. 
« Elle était comme moi > jeane^ faible ,- amoureuse ; 
« Je vais mourir aussi ; mais bien plus malheureuse ! 



36 HÉLÉNA; 

<c — ' Tu ue. peux pas mourir , puisque je ôombattrài; 

«c ^- Oui , TOUS serez yainqueur ^ et pourtant je mourrai ! 

il Que les yeiitt> sont tardifs l quel est dotfc ce tirage ?' ' 

« -*Hé)iéna^ détournons un lugubre présage. 

«c Bientôt nous abordons : né yois^tu pas déjà > 

« La flottante Délos, qu'ApoUon protégea? 

« Paros au macbre ,pur ,: sous le ' biseau docile ? 

« Scyros. où bel enfant, se travestit Acbille? 

«( Vers le nord o'est Zéa qui s'éliye à nos jreux ; 

K Vois r Attique *^ à présent reconnais^tu tes cieûx ? » 



Héléna se leva : « Lune mélancolique; 
<( l!)it-elle) ô montre^moi les riyes 4e l'Attique ! 
<( Que tes cbastes rayons dorant ses bois anciens ^ 
« L'éclairent à mes yeux sans m^éclairer aux siens! 
(( O Grèce ! je,t'aimais comme on aime sa mère ! 
c( Que ce yent conducteur qui rase Fonde amère/ 
c( Emporte mon adieu ^ que tu. n'entendras pas^ 
u Jusqu'aux lauriers amis de mes plus jeunes pas , 



CHANT II. 3; 

« De mes pas curieux. Lorsque seule y égarée/ 
« Sous un pudique yoiW, aux riyes du Pirée , 
(( J'allais 9 de Tbémistocle inyoquant le tombeau ^ 
<( Réyer un jeune époux , fidèle ^ iUustre et beau , ' 
« Couple fier et joyeux^ de n<^ temples antiques , 
« Nous aurions d'un pas libre admiré les portiques ; 
« >Mes destins bienbenreux ne seraient plus rêvés , 
«c Et sur les murs deux noms auraient été grayés y 
c( Mon sein aurait connu les douceurs maternelles , 
<( £t^ comme sur l'oiseau sa mère étend se& ailes , 
« J'eusse éleyé les jours d'un jeune Athénien , 
*i Libre dès le berceau, dès le berceau chrétieu^ . 
c( Mais d'où me yient encor ce regret de la yie? 
<( Ma part dans ses trésors m'eçt à jamais rayie : 
« Comment autour de moi se yiennent-ils offrir? 
c< Deyrait-^elle y penser, celle qui ya mourir? 
« Hélas I je suis semblable à la jeune noyice 
c( Qui change au yoile noir, et les fl;eurs, sou délice, 
« £t les bijoux du monde, et, prête a les quitter, 
(( Les touche et les admire ayant de les jeter. 
c< Des maux non mérités je me suis étonnée , 
« Et jç n'ai pas compris d'abord ma destinée ; 



38 HÉLÉNA, 

« Car j'ai des exuimis^ je demande le sang, 

u Je pienre, et cependant mon cœur est innocent, 

<( Mon cœur est iancscent, et je suis erimtBelle. » 

Et puis sa voix s'éteiat, et sa lèvre décèle 

Ce murmure ^9^ brait fkx le vent apporté : 

(c Et j'unis l'iiiifaiiie avec la p^ete ! n 



D'abord Iç jeui^e Grec , à^mie oreille ravie y 
Écoutait ces accens de bonheur et dévie. 
A genoux devant elle , il admirait ses yeux , 
Humides , languîssans et tournés vers les Geux y 
Immobile ; attentif ^ il laissait fuir à peine 
De sa bouche entt'ouverte une brûlante haleine; 
^ Il la voyait renaître : oubliant^ de souffirir. 
Dans son heureuse extase il .eût voulu mourir. 
Mais lorsqu'il entendit sa mobile pensée 
Kedescendre & se plaindre^ il la dit insensée ; 
Prenant ses blanclres mains qu^il arrosait de pleurs. 
Habile à détourner le cours de ses douleurs ^ 



/ 



CHANT lï. 39 

Il dit : « Hélas ! ton àme est comme la coloiabe 

n Qui monte vers le Ciel, puis gémit et retombe. 

M Que n'as-tu pounuiri tes discours gracieux? 

« Je voyais l'ayenir passer deyaut mes yeux. 

a Cliasse le repentir^ l'inquiétude ^mhrty 

fi L'époux fait pardonner d'ayoir quitté la mère. 

c( Qu'as- tu fait 9 dis-le-moi , de la noble fiçrtc 

« Qui souleyait ton cœur au nom de liberté ? , 

(c Tu t'endors aux cbagrins de quelque yain scrupule , , 

« Quand mon yaiaseau t'emporte à la terre d'Hercuk ! » 



Des longs pleurs d^Héléna par torrens écbappés y 
Il sentit ses cbeyeux long-temps encor trempés^ 
Mais bonteuse y bientôt elle éleya la tête y 
Et l'on reyit briller sur sa boucbe muette y 
Au trayers de ses pleurs, un sourire yermcil/ 
Gomme à trayers la pluie un rayon du soleil. 
Son regard s'allumait comme une double [étoile ; 
Sa main rapide enlève et jette aux flots son voile ; 



/ 



4o HÉLÉNA, 

Elle tremble et rougit : ya^t-elle raconter 

Les secrets de son cœur qu'elle ne peut dompter? 

« J'avais baissé les yeux en implorant le glaive > 

c< J'ai trouvé le vengeur , ma tête se relève^ 

(c Dit-elle : o donnez-moi ce luth ionien y 

(c BTul amour pour les cbants ne fut égal au mieu« • 

« Se mesurait en cbœur^ que vos voix cadencées • 

« Suivent le mouvement des poupes balancées. 

« o jeunes Grecs! cbantons; que la nuit et ces bords 

« Retentissent émus de nos derniers accords : 

« Les accords précédaient les combats de nos pères ; 

ce Et nous^ n'avons-nous pas nos trois Muses sévères, 

« La Douleur et la Mort toujours devant nos yeux , 

(C Et la Vengeance aussi, la volupté des Dieux ? » 



LE CHOETTR StZS GRECS. 



O jeune fiancée ! ô belle fugitive ! 

Les guerriers vont répoudre à la Vierge plaintive ; 

Le dur marin sourit à la faible beauté , 

Et son bras est vainqueur quand sa voix a cbauté. 



CHANT IL 4i 



9£l]&NA< 



Regardez^ c'est la Grèce; ô regardez! c'est eUé! 
Salut, reine des Arts! salut, Grèce immortelle! 
Le monde est amoureux de ta pourpre en lambeaux , 
Et l'or des nations s'arraclie tes tombeaux. 

O fille du Soleil! la Force et le Génie 
Ont couronné ton front de gloire et d'harmonie. 
Les générations ayec ton souvenir 
Grandissent ; ton passé règle leur avenir. 

Les peuples froids du Nord, souvent pleins àfi ta gloire. 
De leurs propres aïeux ont perdu la mémoire; 
Et quand, las d'un triomphe, il dort dans son repos, 
Le cœur des Francs palpite aux noms de tes héros. 

O terre de Pallas! contrée au doux tangage! 
Ton front ouvert sept fois, sept fois fit naître un sage. 
Leur génie en grands mots dans les temps, s'est inscrit, 
Et Socrate mourant, devina Jésufr-Christ. 



42 HELENA, 



LE CHOCUR. 



O VOUS, de qui la yoile çst proclie de nos voiles/ 
Vaisseaux HellénienS; oubliez les étoiles! 
Approchez ; écoutez la Yiei^e aux sons touchans: 
La Grèce; notre mcre, est belle dans ses chants. 



HÉLiMA. 



O fils des héros d'Homère ! 
Des temps vous êtes exclus; 
Telle n'est plus votre mère, 
V Et vos pères ne sont plus. 
Chez nous l'Asie indolente 
S'endort supeibe et sanglante -, 
Et tranquilles sous ses yeux. 
Les esclaves de l'esclave 
Regardent la mer cpii lave 
L'urne vide des aïeux. 



CHANT IL 45 



Ii£ CHOEUR. 



Mais la nuit asra tu ces eaux moins malheureuses ^ 
Laver avec amour nos poupes généreuses ; 
£t ces tombes sans morts, Teuves de nos païens , 
Regorgeront demain des os de nos tyrans. 



Non , des Ajax et des Aclûiles 
Vous n'ayez gardé que le nom: 
Vos vaisseaux se eadient aux îles 
Que cachaient ceux d'Agamemnon ; 
Mahomet règne dans nos villes^ 
Se baigne dans les Thermopyles, 
Chaudes encor d'Un sang pieux; 
Son croissant dans l'air se balance..... 
Diomède a brisé sa lance : 
On n'ose plus frapper les dieux. 



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44 HELENA, 

LE CHŒUR. 

L'aube de; sang viendra , tous verrez qui nous sommes : 
Vos chants n'oseront plus redemander des honunes. 
Compagnon mutilé de la mort de B.iga 
£t pirate sans fers, fugitif de Parga y 

Le marin >\)rude eQfjint de l'Ue y 
Loin de ses bords .cbéris flotte sans l'oublier ^ 

Il sait combattre comme Achille, 

Et son bras est sans bouclier. 

O, nous pourrions déjà les entendre crier.! 
Ces filles, ces enfans, inkiocentes victimes^ 
Tos ennemis rians les foulent sous, leurs pas,; 
Et leur dernier soupir s'étonne de ces crimes' 
Que leur âge ne savait pas. 

Vous avez évité ces horribles trépas, 

Vous, sœurs de mon destin, plus heureuses compagnes,. 

Votre pudeulr tremblante a fui dans les montagnes y 



CHANT II. 45 

Appelant de leurs mains et plaignant Héléna^ 
Leur troupe poursuivie arriye à €!olona ; 
Puis sur le cap vengeur , l'une à l'autre enlacée , 
Chanta d'une yoix ferme ^ exempte de sanglots , 
£t leur hymne de mort^ sur le mont commencée^ 
S'éteignit sous les flots* 



t£ OHOCtTB. 

O tardive vengeance ! ô vengeance sacrée ! 
Par trois cents ans captifs sans espoir implorée, 
As-ttt rempli ta coupe avec ces flots de sang ? 
Quand la verséras-tu sur eux? 

* 



Elle descend. 
Voyez-vous vaà lés monts ces feux patriotiques 
S'agiter aux sommets de leurs croupes antiques? 
Et Cplone , et l'Hymète , et le Pœcile altier, 
Que l'olivier brûlant éclaire tout entier? 



46 HJÈLÉNA, 

Gomme aux fils de Léda U flamme est sur leur iêté ; 

Les Grecs les ont pares pour quelque grande fête: 

C'est celle de là Grèce et de la liberté; 

Le signal de nos feux à leurs yeux est porté. 



Quittez vos trônes d'or, Nations de la terre ; 
Ëntoiurez-^nous et dépofiillez le deuil ^ 

Votre sœur soulève la pierre 

Qui la couvrait dans sou cercueil. 

A la fois pâle> faible et fière^ 

Ses deux mains implorent vos mains; 
Ses yeux 9 que du sépulcre aveugle la poussière, 
Vers ses anciens lauriers demandent leurs chemins. 

La victoire la rendra belle ; 
Tendez-lui de vos bras le secours belliqueux , 

Les Dieux combattaient avec elle ; 

Éfies-votts donc plus grandes qu'eux? 
pu moins contre la Grèce , é n^ayee pomt de baine! 

£ncouragest-U danS) l'arène ; 
Par des cris fraternels secondez ses effiarts; • 

Et comme autr.efois Rome en leur sanj^ante lutte. 



._ 



•CHANT II, 4/ 

De ses gladiateurs jugeait de loin la chute ; 
Que Tos oisives mains applaudissent nos morts. 



Elle disait. Ses bras^ sa tête prophétique 
Se penchaient sur les eaux et tendaient vers l'Attique. 
£n foule rassemblés , remplis d'étonnement^ 
Quand pale, enveloppée en son blanc vêtement, 
Elle s'élevait seule au sein de l'ombre noire , 
Les Grecs se rappelaient ces images d'ivoire 
Qu'aux poupes des vaisseaux consacraient leurs aïeux, 
Pour les mieux assurer de la faveur des Dieux. 



FIN DU CHANT SECOND. 



HÉLÉNA. 



TCHANT TROISIÈME. 



L'URNE. 

(Dette vahOé ^ {e Ûeaà itoiitient-elte il eettdre? 
O vous ! à ma douleur, .ob|«ît terrible et tendre , 
Etemel entretien de haîiie et de pitié ! 

(tlORKETLLE.) 



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.V'k^^/^A*»*/^^* 







« Avx armes y fils d'Ottman^ car de sa voix roulante 

ce Le tatâbonr tous rappelle à la tache sanglante > 

ce Le canon gronde encor sur le fort de Phylé. 

K Le cœur des Giaours âcxe brait a tremblé^ 

n Sous leurs tombeaux détruits ils ont caché leur tête; 

c( Mais le sabre courbé Ta sortir , et s'apprête 

a A confondre bientôt leurs crânes réyoltés 

<( Aux cendres des aïeux qui les ont exaltés. 

a Poursuivons desTÎls Grecs le miséirable reste ^ 

« Abandonnez ces vins que Mahomet déteste , 

« Et ces femmes en pleurs qui meurent dans les cris, 

(( Indignes des guerriers qu'attendent les houris ! » 



52 ÏIÉLÉNA, 

Ainsi criait l'Emir, et dans sa main sanglante 
S'agitait de Damas la lame étincelante; 
Son cheyal bondilsanl éciuil«ù|sous4e inords. 
Et ses fers indignés gUssaieét au sang âes tnorts> 
Quand le maître animait sa hennissante bouche , 
Et d'un large étrier pressait son flanc farouche. 
Éveillés à ses cris, ses soldats basanés 
S'ayancent d'un pas ivre et les yeux étonnés* 






Quand le tigre indolent sorti de sa mollesse 
De ses flancs tachetés lUployànt la souplesse, 
A saisi dans ses bonds le pheVreuil innocent , . ; 
Long-temps après sa mort il lèche encor son sang. 
Il disperse sa chair d'un ongle plein de joie , 
Eoule en broyant les os et s'endort sur sa proie* ' 
ISon moins lâche et cruel, le Musulman trompeur 
Se venge sur les morts d'avoir senti la peur : 
Il demandé la paix, il l'obtient par la feinte; 
Puis, latcte ennemie, offerte à lui sans crainte. 



CHANT m. , 53 

Tombe et lui sert de coupe à ce oiêiiie festin 

Qu'avait , pour le traité y pijéparé le OMiiiH. 

En de telles hoireur^ Athine étdit plongée » 

Et tant de cris sortaient d'wie f<»le é^aq^ , 

Que f si f osais conter d'nnç îaq^dente yoix 

Ces attentats, un jour le repentir des rois. 

Le guenier briserait son impuissante épée 
Dans son élan vengeur par le devoir trompée ; 
La mire , des chrétiens accusant la lenteur , 
Regardant vers le seuil > sur un sein protecteur 
Presserait son enfant; et la vierge innocente 
Cacherait dans ses mains sa tête, rougissante. 
Au bruit de la timbale et des clairons d'airaiu 
Les. coursiers se cabrant, font résonner le frein ; 
Leurs fronts jettent l'écume et leurs pieds la poussière , 
Du sultan de Stamboul élevant la bannière 
Le Pacba vient, on part. Les Spabis en 'marebent 
Acgient leur pas sonore aux mots sacrés du.chan^ ^ 



Allab prépare Jçur défaite j, 

Vrht, chantez : Dieu seul est Dieu-,. 



54 HÉLÉNA, 

Et MalMMBet ett «m PrOpbite. 
Le Korau gonVêrne ec.Keu ;* 
Que le Giaotir tombe et meure. 
Bans k ikmhoysocïte demeure 
Par Monkir * il sefâ jeté; 
La terre bràlera rimpie. 
Car sa tombe ^ëra sans pluie 
Sous les dards ploibbyés dé l'été. 



Le Croyant superbe &'aTAnls« s 
Il est brave -^ il sait que son sort 
Avec lui marche 9. écrit d'avance 
Sur l'invisible colUer d'or; ** 
Son front sous le dernier génie ^ 
Dont le vol a de l'hipinonie^ 
Se courbe sansi être irrité^ 
La prévoyance est inhabile 
A reculer l'heure immobile 
Que marque la fatalité. 

* Monkir^ l'ange des Enfers. [Alkoran.) 
** Alkoran, 



II 



-I I >•> ) . 



1 /• I / « • 1 1 



• • « I 



• . • • I 



CHANT JII. 55 

» . É.T . t 

Quittanl <oi}. jiaorfidjs.TexmeU 
Et déployant l'or de son aile, 
La Péri * viendra du Soleil. 
Ses chants le (xarceiùnt de îoù , 
Ses doigts ont tonràille lasois 
Où le brate doîl reposer; 
L'entourant d'une éclmpe verte , 

_ < 

Sa bouche de rose entr'ouyerte 
L'accueillera par un baiser. 



• » > I * 



Qui puisera les eaux sacrées 
Dans là fontaine de Cafour, ^^ 
Où les ho'uris désaltérées 

Chancellent et tombent d'amour ? 

• • . ^ • • ^ •*. > 
Leurs yeux doux, qu'un cil noir protège , 

. ' 'ï . . . 

Vous regardent : leurs bras de nei^e 
Applaudiront au combattant ; 

£t dans des coupes d'émeraude 

t ' ' 

* Ange féminin chez les Mahomëtans : il vit ikms le So)qil et parmi 
Il's astres. [Alkoran,) 
** Fontaine du Paradis^tucc,: oUcf roule des pienleriét. {jiibôran.) 



56 HÉLÉP^AV 

Une liqueur yermeiUe cf charade 
Coule de lents doigts et Pâtterid. '' '" ' 



Allab prçparç leaxÂiiak»y • 

Il a pris le f^w de ieiif • 

liriez, chantez z^Dieq seul est-Dien^ • • 

Et Mah<miet,esk j0n Profiiiite.' 



Si de pands bœu£;i errans sur les bords 4'an marais 
Çjombattént le loup noir sorti de sfis forêts ^ 
Long-temps en ceçcle étroit leur foule ran^ssée 
Présente à ses assaut3 nnç corne abaissée, 
£t^ reculant ainsi jusqiie daqs les roseaux y 
Cherche un abri fangeux sous les dornuintes eaux. 
Le loup rode en hurlant autour du marécage : 
II arrache les \^ci, ^u^fi pioie à sa rage. 
Car, au lieu du poil jaune et des flancs imp^issans , 
Il yoit nager de^ fronts armés et mugissans. 



CHANT m. 57 

Mais que les aboienkéii i^àaû ineute lointaiiie 

' • • • ■ 
Rendent sûrs ses dangers tt sa faite ineert^nc ; ^ 

li s'éloigne à regret ; son àsû menace et luit ' ' 
Sor Fennemi sauyé (jtie lui rendra la nuit : 
Tandis que , rassuré dans 'sa retraité bomide , 
Le troupeau laboureur, devenu moins timide , 
Sortant des eaux ses pieds fbnrchus et limoneux, 
Contemple U combat des limieis généreux. 
Tels les Athéniens , du bant de leurs murailles , 
Écoutaient, regardaient les poudreuses batailles. 
«^ Quels pas ont souleré ce nuage lointain? 
c< Ces sables volent-ils sous le vent du matin? 
« Se disaient*ils : quittant l'Afrique dévorée, 
« Le Semoun flamboyant souffle-t-il du Pyréé? 
« n accourt vers Athine et renverse en courant 
ce L'Ottoman qui résiste , et le laisse mourant. 
« Ce sont des Grecs : voyez, voyez notre bannière ! 
c( Elle est resplendissante à travers la poussière. » ' 
Mora la soutenait, et ses exploits errans 
Bien loin derrière lui laissaient les premiers rangs. 
Tenaat sa main, parait la belle et jeune fille, 
Pâle; un crucifix d'or au-dessus d'elle brille: 



\ 



nt . 



58 HÉLÉNA, 

Elle osait l'élever d'un bras. lionne et pieitx ,'.; . 

« 

Sans craincbre d'appder la moi|t av^ I^ yeux ,. 
Marchait , et d'un m} sûr comme sacligut Uars.crigvesj i 
Au Grec avec sa croix désigaaiis^a yictimes. j 
Lui^ suspendait ses pas^, et sa froide fureur . ^^ 

Frappait; en souriant.de ^d^€t di'Jiorir^Uf. ; 
Alors on entendit, du haut des cdifioe$« . 

Des femmes applaudir ces sanglant sacrifio^; 

Elles criaient ; a O Grèce ! ô Grèce ! lèvç-toi J ,. : 

(( L'ange exterminateur vient ^ |;uidé par la fpj !» 

Et; la joie et les pleurs se mêlant aux prières , 

De leurs murs démolis précipitaient les pierres > 

Et l'huile bouillonnante, et le plomb ruisselant 

Jetés avec fracas en fleuve étincelant^ 

Répandaient aux turbans que choisissaient leurs haines^ 

Des maux avant-coureurs des étemelles peines , 

Tandis que, soulevant les pierres des tombeaux ^ 

Leurs pères, leurs ejifans, leurs épo^x.en lambeaux ^ 

Sortaient; pour le combat; de leurs retraites sombres ;. • 

Et de leurs grands aïeux représentaient les ombres. 



j i 



.» 



CHANT' III. 59 

Les Turcs tombent alors wiDcus^ les deusr^Bians • 
D'un pied tiioiiq[»liatear foukient ces corps (dmans. 
Ckïinine on Toit d'un vdlcan ië feu long-temps esclave^ 
Tonner ; couler, descendre en une ardenie lâvC; 
Et, confondant les loes et les loîts anfacUs > 
Aux cadavres biAbutis des chines <dedsécliés, ' . - • ' • * 
Renouveler le Styx pour les tremblaiftefli plaines,' 
Tels marcbaient après eux les rapides HelUnes. 
Leurs bras rassasiés, déso9uvrés de martyrs, 

Arrachaient en passait <^e}^aes derniers soupirs^ 

♦ 

Mais leurs yeux; et leurs pas tendaient Vers la fumée 

Qui roulait en flots noirs, sur r^;lise enflammée* 

Là tombaient des chrétiens au pied de leur autel; 

On entendait le cri sans voir le coup mortel. 

Car l'incendie en vain éclairait tant de crimes : 

Les piMrtes dérobaient et bourreaux et victimes. 

On les frappe à grand bruit. Calme comrnç. un vainqueur, 

Mora pressait alors Héléna s»rson cœur. 

« Viens, disait- il, viens voir la maison paternelle, 

<( Puisque ses murs quittés te font si citeiinelle ; 

(( Cest là ta seule peine. Allons, viens avec moi, 

« Le vainqueur amoureux va supplier pour toi ; 



Go HELÉNA; 

fi J'y vais tcouter ensemble et ta main et ta gt^ce:* 

« Qu'as-tu fait que la gloire et notre amour n'efface? * 

Mais* elle s'avançait : <c Ne parlez pas ainsi , 

<c Tous allez m'affaîblir ; Dieu m'a conduite ici ! » 

Et le délire alors «emblait troubler fa vue 

Vers le temple brûlant toujours, toujours toidue. 

« CestDieu qui me fait voir quel doit être mon sort! 

<c Silence ! taisons-nous ; j'entends venir ma mort ! >« 

On entendait; au fond de l'église en tumulte , 

Des burlemens, des cris de femmes , et Finsulte, 

Et le bruit de la poudre et du fer. Cependant 

Un nuage de feu sortait du toit ardent. 

<c Mon ami, disait-elle, o soutenez mon âme ! 

« Rendez-moi forte : hélas ! je ne suis qu'une femme ; 

a Quand je vous vois, je sens que j'aime encor le joiir^ 

« Il ne me reste plus à vaincre que l'amour ^ 

<c Pour l'autre sacrifice, il est fait. » Et ses larmes. 

Qu'-elle voulait cacher, l'ornaient de nouveaux charinesy 

Lui, la priait de vivre, et ne comprenait pas 

Quels chagrins l'appelaient à vouloir le trépas. 

Elle était sur son cœur \ sa tête était penchée. 

On croyait qu'à ses cm elle serait touchée^ 



CHANT JÏI. Cl 

I 

Mais la porte du Hiiple est éoferte^ et^ron Voit • i 

Tous ceux que menaçait le poids bruknt du toit; 

Tous les Turcs étaient là j mais chacun d'eux s'arrête, 

Croise ses bras*, jetant son fer, lève la tête, 

Et sur la mort qui tombe ose fixer les yeux. 

Un seul cri de terreur s'élèye jusqu'aux Geuxj 

Le dôme embrasé craque , et dans l'air se balance. 

« Je les reconnais tous! » dît-elle. Elle s'ebîicé, ^ 

Et sur le senil*fumâiit monté: « 3Rb m«uh ici'!' ' ' ' ' - . 

« — Sans ton épOux'? dit4l. — Mes cpbux? les vbidf ' '''''" 

« Je meurs vengée! Adieu*, tombez, knuts que j'ùûpïôrej ' 

(c Les Cieux me sont ouverts, mon âmé' est ^etgé cticorii T )» ' 

Et le clocher, les nnirs, les marbrés reiiversës,' 

Les vitraux en éclats, les lambris dispersés, " ' ' ' *' 

£t les portes dé ftér, et les châsses antique^,' 

Et lès lampes dont l'or surchargeâh les portiques, ' 

Tombent^ et dans sa* chute ardente, leur grand poids ' 

De cette foule écrase et la vie et la voix. - ' 

Lopg-temps les flots épais d'une rouge poussière 

Du*«oleil et du ciei étouffent la lumière y 

On espère qu'enfin ses voiles dissipés 

Montreront quelques Grecs au désastre échappés; 



6» HELBNA, 

Mais la flamnue.-^enlit ^ piue et.belle^ii'féfence'> ^ 'j - 

£t sur les moitfrîcadbés brillie eti^ioiitetciosiléiiô^ii' >-''^ * - ^ 



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Cependant, y^w Iç soir,. les Ç9iïi)3atft5^)îaisé» .^. ,;;, .,.$. 

Livrèrent toute^ Alliée, aux vAiDqa,eursr^po$^«,t,; y- 1 >' 
Après Teffroi d'ni} joup.qiM; Jj^ ga«i;Die etJ^.ftrpîfRv. -il ... . \ 
•AvaienJtreInf^de5g^g^et.,d/5b^lit;Ct;4'a^ ,.:;•> - 

Sur les, wurs^éyasté^^ sur Iç^ toits. epdjoiçais,, . /^ . ., ...r 
La iune prpwpfijt iy,4iefs^jf^ux a^pii^. tr: . ,: r r ,; . kI <) 
Athène sommeillait j^ïfais d«,çlar};é^ epîf^eg^i ^...j .,]. .| ;■ 
Puis, dans l'ombre ^.dç5.çriy^w4^n5,;des,yoix,jip9^ 
De quelques fugitifs ;y^^e^aient.glacer IjB^ cœui]^^; . . , , 
Ils craignaient Jçsr .vaincus nQft ijDi9i^^. que ^es, y^inqueurs : ; ^ 
Ils étaient Juif».. Surtout, en ^baut de ; la: çç^i^fs ^ ] ;> m f' ' 
Que du vieux Paribeifon couronne la mine^ ; i ,; . . . 
Dans ses piliens mpns3us, seSeanguleux dçbris, , . . , 
Ils avaient cru trouver de plusseopets abris., ....[.• - 

Comme l'bumble araignée et sa frêle tenture, , 
Des lambris d^un palais dérobent la sculpture , 






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CriÂ3*T III. 65 

Une Mosqaéis, âi1 ifoin dti'téihple chancelant'; 
Suspendait sa coupole ^cachait ^n front Blatlc :' 
Cert là qu'unef fâmafe, encèr d'effroï troublée, "''' ' ' ' 
£& cercle ténéBi^élix -/éthit t^ate assemblée j 
Autour d'un csÀidéhbre anit 'àiitëb déroba >' 
Ils comptaient Fainàs'd^br entre lieurs mains tombe '^ ' '" ' 
Les sabres àé Dttiaki ciUe lê'soldat adntirè, ^ ' * "' ' '' ' '' 
Et les habits moellcii^ tissus i Cachemire, ' ''" ^ ''"'' ' 
Les calices chrétiens^, les ttoHiérs, les crtâsiaîii/ '* '' ' 
Cesboucles; de l'ëteilfe orhemens innocéns-': ^ "* ^•'^'^^•^^ »* 
Car aux fil» di Ju*asnoùte'chose^iEist pehnîsè,' ''* ' ' ''' "*; '' 
Comme dans leurs trésoirs toute chos« est admise. ^ ' ' ^ ' 
D'avance épouvantée 'ffîmigfes dé trépas , * '"'" *'" * '' ' '" " 
Tous ces Juifs oirt' frémi; Pbn «ntetidaît déferas, " '' '' ' ^ 
Les pak'd'iiïi hommie seul soùs la voûte sonore :■ ' ' 






Il marchait, s'aii^êtait, et puis marchait encore.' 

Et récho des degrés , eil bruits sourds et Coisfûs .'•''' 

Leur renvoya ces mots vifa^ fMà- ihterrompius : ^ - 



, . 1 . ' . .•^.'f '5 î>I. , >> 






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m HELENA, . 

a Le sang du fer yeugeur s'es^iiesra 4^ns Ja terre. 
<c Je yeux qu'il creuse là ta fosse, scJkdine; . 
<( Dans l^urne inat^ndue ou ne luit aucun nom ^. 
<c Ta cendre ya doreur, au pied du. Partbenon. 
«c Dans ce yase de ^ort^ teint d'une anti^pie ^ji^Up^ i 

« On ne yersa jamais plus (ngi|^re 4^poj||iUg> . . ..;. , i . 
cf Tant de malheurs dedans ;; et tant de pleurs* dehors .^ 
« N'ont jamais affligé ses funéraires bords, 
(c Et certes cette gloire au moins ,np vus, est lûç]^ dyç^^^ • 
« D'ayoir de tout maUieur dépas^ Fétendv^e^* ' > ; ;;.'<?, i . 
« — Ni l'homme d'aujourd'hui , ni la pojijtéiité. . r 
ce N'oseront te sonder jusqu'à l^yinX^,» , , , . , - . 
« Jeune cendre; et des, maux de ccyo^r de i|Aisères 

4 

ce La moitié suffirait aux déses^oir^ ynlgaifqs... ^. 

(( Quand un passant yiendira chercher, en se.courb^ntj,, 

« Quelques yieux noms de morts dérpbés au turbain , , . . 

« Il trouyera cj^e umey et, déterrant sa proie, 

<( Rassasiera de nous sa curieuse joie;; i . 

c( Il tournera long-temps ce bronze , et pour jamais 

« Dispersera dans l'air la beauté que j'aimais. 

(c Et si son cœur tressaille à l'aspect de sa cendre, 

« Si dans des maux passés il consent à descendre; 






CHAKT IIL C5 

ti Que pottira sâ pitié? Ct que toujours on vit/ 
H Plaindre, non l'être nioit, ttais l'être cpii sunrit* 

* 

« Moi-même fai bien cm que la mon d'une amante 

«c Était le plus grand mal dont l'énfcr nou» tourmentei 

n Ab! que ne puis-je en paix savourer ce malheur! 

« n serait peu de chose aupris de ma douleur. 

« Dans son temps Yiif;inal que ne l'ai"- je perdue ! 

te A se la' rappeler ma tristesse assidue 

« La pleurerait sans tache , et distillant mon fîel) 

<( Je n'aurais qu^à gémir et maudire le GeL 

(c Je dirais : Héléna ! que n'es-tu sur la terre? 

n Tu laisses après toi ton ami solitaire , 

« Renais! Que ta beauté y belle de ta vertu/ 

<c Vienne au ]0ur> et le rende à mon cœur abattu» 

ce Mais de pareils regrets la douceur m'est ravie > 

n II faut pleurer sa mort sans regretter sa vie ; 

(C Et si ces restes froids cédaient à mon amour / 

« J'hésiterais peut-être à lui rendre le jour. 

« Malheur ! je ne puis rien vouloir en assurance > 

(( Et dédaigne le bien qui fut mon espérance I 

'( Héléna! nous n'aurions qu'un amour sans honneur i 

« YaS; j'aime mieux ta cendre encor qu'un tel bonheufi 



6G HÉLÉNAy CHANT III. 

<f Descends; descends en paix; attends ici i^a gkire, 

n Eu te la rapportant après noire victoire > 

c( Je la mépriserai pour te pleurer toujours > 

u Et; ton urne à la main , \e. compterai mes |ouil.; >> 



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FIK DU TROISIÈME ET DERNIER CHAKT. 



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V/n éprouve un grand charme à remonter par 
la pensée jusqu'aux temps antiques : c'est peut- 
être le même qui entraîne un vieillard à se 
rappeler ses premières années d'abord , puis le 
cours entier de sa vie. La Poésie , dans les âges 
de simplicité , fut toute entière vouée aux 
beautés des formes physiques de la nature et 
de l'homme ; chaque pas qu'elle a fait ensuite 
avec les sociétés , Vers nos temps de civilisation 
et de douleurs , a semblé la mêler à nos arts 
ainsi qu'aux souflfrances de nos âmes ; à présent ^ 
enfin, sérieuse comme notre Religion et la Des- 
tinée, elle leur emprunte ses plus grandes 
beautés. Sans jamais se décourager , elle a 
suivi l'homme dans son grand voyage , comme 
une belle et douce compagne . 

J'ai tenté dans notre langue quelqUes-unes 
de ses couleurs , en suivant aussi sa marche 
vers nos jours^ 



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POÈMES 



ANTIQUES. 



LA DRYADE. 



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LA DRYADE 



Vois-tu ce yieax tronc d'arbre aux immenses raciues? 
Jadis il s'anima de paroles divines; 
Mais, par les noirs hiyers, le chêne fut yainçu, 
Et la Dryade aussi comme l'arbre a vécu : 
( Car y tu le sais, berger , ces Déesses fra|[iles , 
Enyienses des jçux et des danses agiles, 
Sous l'écorce d'un bois ou les fixa le sort. 
Reçoivent avec lui la naissance et la mort. ) 

Celle dont la présence enflamma ces bocages, 

\ 

Répondait aux pasteurs du sein des verts feuillages, 
Et, par des bruits secrets, mélodieux et sourds, 
Donnait le prix du cbant, ou jugeait les amours. 



n LA DRYADE, 

Bathylle aux blonds chcyeux^ Ménalque aux noires tresses. 

Un jour lui racontaient leurs riyales tendresses. 

JJvLn parait son îro^t hlaoifi de nnrrte e^ de lotuç^ 

Ventre y ses clieyeux bruns de pampres revêtus, 

Offrait k la Dryade une coupe d'argile; 

Et les rose^u^ çhantans enchaînés par Bathylle ; 

4insi que le dieu Pan renseignait aux mortdk^t 

S'agitaient y suspendus aux verdoyans autels. 

J'entendis leur prière , et de leur simple histoire 

lies Muses et le temps m'ont laissé la n^émoire^ 

Q Déesse propice! Écoute, écoute-moi! 
Les Faunes, \e$ Sylyains dansent autour de toi» 
Quand Bacchus a reçu leur bruyant sacrifice i 
Ombrage n^es amours, 8 Déesse propice ! 

BATHYLLE. 

{)ryade du vieux cl^êne, écoute mes aveux i 
(tes vierges, le matin, dénouant leius cheveux; 



POEME ANTIQUE. 73 

Quand du brûlant amour la saison est prockaine, 
T'adorent y \e t'adore > ô Dryade du cbéiie I 



Mi^NALQUB, 



Que Liber protecteur , pire des longs festins^ 
Entoure de ses dons tes champétees destins , 
Et qu'en écharpe d'or la vigne tortueuse 
Serpente autour de toi, fraiclie et yoluptuense^ 



BATHYIiLB. 



Que Vénus te protège et t'épargne ses maux , 
Qu'elle anime, au printemps, tes superbes rameaux^ 
Et, si de quelque amour, pour nous niysttriense , 
Le cbarme te liait i quelque jeune yeuse. 
Que ses bras délic9ts et ses feuillages yerts 
A tes bras amoureux se mêlent dans les airs. 



74 . : l'A DRYABE, 



M EN AL QUE. 



Ida} j'adore Ida, la légère baccbante: 
Ses cheyeux noirs, mêlés de grappes et d'acantLe, 
Sur le tigre, attacKçpar une gri^e d'or. 
Roulent abandonnés f'Sa, bouche rit encor 
En chantant Éyoë; s^ démarche chancelle, 
Ses pieds nus, ses genoux que la robe décèle, 
S'élancent , et son œil, de feux étincelant, 
Brille comme Phébus sous le signe brftlant. 



BATHYLLE. 



C'est toi que je préfètç , 8 toi , viet^ nouvelle 

Que l'heure du matin i nos àésirs retèltf ! 

Quand la lune au front pur^ reine des nuits d'hélé, 

Yerse au gazon bleuSltiHy ntt regard afirgènté, 

Elle est moins belle epcor que ta paUpièfé bloncide , 

Qu'un rayon chapte et doux sous son long yoile inonde. 



POËMÈ ÀNTÎCjUE. 7S 



MÉKALQÙIE. 

Si le fier léopard, epic les jeunes^ Sylvanns 
Attachent rugissant ait char du IKeti des tiôs , * 
Voit amener au loin Finquiète tigrèsse 

■ 

Que les Faunes, troublés par la joyeuse ittcssc, 

PTont pas su dérober à seè regardis brOdans , 

Il s'airête, il s'agite, et ^ïe ses ctis rûtdans 

Les bois sont ébranlés } de sa gu^uté béante, 

L'écume coule en flots sur une langde àrdeùte r 

Furieux, il bonfdit,^ il brise ses liens. 

Et le collier f ivoire et les jbugs PE'rygîens ; 

Il part, et datis tes cham^ qu'écraietit &e^ cariasses, 

Prodigue à ses amours de foi^ueuses tendresses. 

Ainsi, quand tu descende des tiihtÈ de nos t)ôis, 

Ida ! lorsque j'entends ta* voix, ta jeune voix 

Annoncer par des cbants là fête bàcbbànalë, 

Je laisse les troupeairx, la bêcBe matinale. 

Et la vigne et la gerbe ou mes jours sont' liés : 

Je pars, je cours, je tombe et je brûle à tes pieds. 



/ 



7^ LA BRYADE, 



VATHTJiX.^. 



Qaand la vive hirQQdelle es| enfin réveillée^: 

Elle sort de l'étang, encor toute mouillée. 

Et, se montrant au jour avec un cri joyeux ; 

Au cbarme d'un beau cielyt^raintiye, ouvre le^yeui^;, 

Puis, sur le pale saule, ayec lenteur voltige, 

Interroge avec soin le bouton et la tige; 

Et sûre du printemps, alors, et de l'amour, 

Par des cris triomphais célèbre leur retour. 

Elle chante sa joie aux rochers, aux campagnes. 

Et, du fond des rQseau3( excitant ses compagnes; 

Tenez ! dit- elle y allons ! paraissez , il est tempa ! 

Car voici la chaleur et voici Iç printemps. 

Ain^i, quand je te vQi3, Q modeste bergère ! 

Fouler de tes pieds nus la riante fougère , 

J'appelle, autour de moi , les patres nonchalans 

A quitter le gazon, selon mes vœux, trop lents; 

Et crie, en te suivant dans ta' course rebelle : 

Venez ! ô venez vçir comme GUccre esl; bçllç { > 



tOËMÊ AKÎfQCt. 77 



MJNALQtrS. 



Un jour i jour de fiaccbuB>|lpii^:.4efi^ X^y^^W^^^^ 
Seule y je la suipiis.m.fioxi4 du ))oi4.sa,cf;ç f. 
Le soleil et les ve^U.^ dans ce» hoiçagfs soii)hres> 
Des feuilles sur si^. traits. SaisaieDlj flotter les oinbres; 
Lascite, elle donnait sur le thjrse brisé; 
Une molle sueur > sur son front épuisé, 
Brillait comme la perle en gouttes transparentes', ' 
Et ses mains , autour d'elle, et sôus le' lin errantes > 
Touchant la coupe vide, et son sein tour à tour, 
Redemandaient encore et Baccbus et TÂmour. 



HAI^ItYliLlgi 



Je ro\& adjure ici, Nymphes de la Sicile, 
Dont les doigts, sous des fleurs, guident Tonde docile ^ 
Vous reçûtes ses dot», alors que sous nos bois, 
{lougifisante , elle Tint pour la première fois^ 






78 %A D»3rAI>R/.^<.> ; 

Ses bras blancs souteDaient sur sa tété inclinée 

L'ampbore , œuvre divine aux fêtes destinée , 

Qu'emplit la molle poire ^ et le raisin doré, 

Et la pêche au duvet de pourpre coloré : 

Des pasteurs emjnrëiséëràtlèiitibti^jûlbùsie ^* ^î» ^''^'i t « ! ' ' 

m ^Cré*<F8p6tièir}''' • ' 'i : 

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Mais en vain; util rëgat^nè^tta leur aî-Sbui-j; ' ^^ »' 
Elle fut toute atiit Dieiit^^ tbtrfé k'U^\iieW, '^'^ «^'^^i^ "' ^' 

Ici. îe vis rouler la coupe aux ilancs.d^areilc ; 
Le chêne ému trembl<iit.,la flûte de.Balhylle 
Brilla d'un feu divin, l^ Dryade un moment 
Joyeuse , fit entendre un dou^fi frcmi^ment , . , . 

•^ ' i....(.rT. I .^ . w . i;^ ^T ', îr.-) ^ ,<i >i, ;„r. .., .' ..î 

Doux comme les échos dont la voix incertaine 
Murmure la chanson d'une flûte lointaine. 



. y . .. 









".'■• -jJ:' Uiruv, 



SYMÉTHA. 



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t/^»^^%^/%»%'%»^^<^^i%^^fc%^>r^»^^ ^ Oy%^<»%|^^^m<»^V»%/»/»%/%^^»<%^^)^%H^^4,.^X%V^ % 



SYMÈTHA, 



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« JNAViiiÉ aux larges ilancSj Ae rosés coUronnes/ 
Aux Dieux d'ivoire , aux mâ(^ de guirlandes ornés t 
O qu'Éole^ du moihs^ jsoit facile à tés Voiles t 
Montres vos feux amis^ fraternelles étoiles ! 
Jusqu'au port de LeâK)s^ guidez le nautonier^ 
Et de mes yœUXj^ ce Toèu montera le dernier : 
Je Vais mourir, hélas ! Syinétlia s'est liée 
Aux flots profonds ; l' Attique est par elle oubliée* 
Insensée ! elle f|uit nos bordi métodieu:!^', 
El les bob odorans, berceaux des dettliniieux ^ 
Et les cbœurs cadencés dans lies molles prairies > 
Et| sous les marbres frab, les saintes Théories* 



82 SYMÉTHA, 

Nous ne la verrons plus , au pied du Parthcuon , 

Invoquer Âtbéqée^^eu répétant SQn nom y 

Ta, d'utiè main tinude, à nos rit^ fidèle , « 

Ses longs cheveux dorés couronnés d'asphodèle^ 

Consacrer oU le voile ^ ou le vase d'argent , . 

Ou la pourpre attachée au fuseau diligent* 

O vierge de Lesbos ! que ton île, abhorrée 

S'engloutisse dans l'onde à jamais ignorée^ 

Avant que ton navire ait pd toucher ses bords ! 

Qu'y vas^tu faire? hélas! quel palais^ quels trésors 

Te vaudront notre amour! Yieige, qu'y vas-tu fairç ?, 

!N'es-tu pas Lesbiepne, a Lesbos étjrangère? ,, 

Athène a vu long-temps s'accroître ta beauté ;[ 

£t depuis que trois fob t'éclaira son été,, , 

Ton front s'est élevé jusqu'au front de ta mère ; 

Ici , loin des chagrins de ton enfance amère, 

Les Muses t'ont souri» Les doux chants de ta voix 

Sont nés Athéniens; c'est ici< soUs nos bqis. 

Que l'amour t'enseigna le joug ^u? tu n^'imposes ^ . . | 

Pour toi y mon ^uil joyeux s*est revêtu de roses. . , 



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POiÈME 'AHTI<îtJE. ' 83 

Tu pars; et cependant m^as^tû toujonn hai/ 

Symétha? Non, ton cœnr quelquefois s'est ti*iAii; " ' ' 

Car, lorsqu'un mot-flatteur* stbordaît ton oreiIlè>V ^ 

1 • • • 

La pudeur souriait shr ta- IcHrre rermeUle : ' 

Je l'ai yu; ton sourire aussi beau que le jour; 

Et l'heure du sourire est l'heure de l'amour. 

Mais le flot sur le flot en mugissant s'élève , , 

Et yoile à ma douleur le yaisseau qui t'enliye. 

C'en est fait, et mes pieds déjà sont chez les morts ^ 

Va, que Ténus, du moins, t'épargne les remords: 

Lie un nouyel hymen ! ya, pour moi, je succombe^ 

Un jour, d'un pied ingrat, tu fouleras ma tombe. 

Si le destin yengeur te ramine en ces lieux , 

Ornés du monument de tes cruels adieux. ï» 



Dans le port du Pyrée; un jour fut entendue 
Cette plainte innocente, et cependant perdue; 
Car la yierge enfantine, aupris des matelots. 
Admirait, et la rame, et l'écume des flots; 
Puis, sur la haute poupe accourue et couchée, 
Saluait, dans la mer, son image penchée, 



84 SVMÉTHA, èio 

Et lui l'était des fleuis et des rameaux flottans ^ 
Et riait dé leur chute etïfis suiyait long-temps^ 
Ou, tout à coup reye.usey joutait le Zéphyre 
Qui| d'une aile inyisil)le« avait ému sa lyre. 



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SOMNAMBULE. 



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D. . 
ijA> mou jeune époux? Quoi 1 aube parait-cUe? 

Non y la lumière au fond de l'albâtre étincelle ' 

Blanche et pure , et suspend son jour mystérieux y 

La nuit règne profonde et noire dans les Cieux. 

Yoisj la Clepsydre encor n'a pas versé trois heures; ; 

Dors près, de ta Néra, sous nos chastes demeures; 

Viens, dors près de mon sein. )> Mais lui^ furtif et Içuj^ 

Descend du lit d'ivoire et d'or étincelant. 

Il va d'un pied prudent chercher la lampe errante^ 

Dont il garde les feux dans sa main transparente. 



88 LE SOMNAMBULE, 

Son coips blanc est sans voile , il marche pas à pa&> 
!L'œil ouvert immo])ilo en murmurant ^ut bas \ 



a — Je la vois la parjure..,. » interrompez vos fctes^ 
Aux Mânes vin ^utel.... ^^ clés cyprès sur yos^cfes.^.. 
Ouvrez I ouvrez la tombe. m* Allons.... qui desceudi'a? » 
Cependant à genoux et tremblante , Néra ^ 
Ses blonds cheveux épar^, se tra^e. m — Arrête , écoute, 
Arrêtç, ami;^ les, Dieux te poursuivent, sans doute ^ 
Au nom de la pitié tourne tes yeux sur moi: 
Vois, e'esj^t mçi, ton çpo.u^e eu l^umes devant toi : 
Mais tu fuis.; par tes cris ma voix est étouffée ! 
Fhœ^é, pardonne-lui; pardonne-^Iui, Morphée. )> 



(( — J'irai...., je frapperai...., le glaive est dans ma main, 
Tous les deux.... Pollion.... c^est un jeune Romain...^ 
11 ne résiste pas. Dieux ! qu'il e^ faible encore ! 
D'un blond duvet , son front à peine $e décore , 
L'amour a couronné ce luxe éblouissant.... 
|iicar^ ce manteau,, je ne yob pas le sang, n 



«♦ >_ 



POEME ANTIQUE. 83 

Mais elle : « O mon amant ! compagnon de ma vie \ 
Des foyers maternels si ton char m'a ravie 
Tremblante , mais complice > et si nos vœux sacrés 
Ont fait luire à l'Hymen des feux prématurés^ 
Par cette sainte amour nouvellement jurée. 
Par l'antique Yesta , par l'immorteUe Rhée 
Dont j'embrasse l'autel, jamais nulle autre ardeur 
De mes pieux seimens n'altéra la candeur; 
Non, jamais! Pénélope à l'aiguille pudique , 
Plus chaste n'a vécu sous la foi domestique^ 
Pollion, quet estril? » -^ a Je tiens tes longs cheveuj^...., 
Je dédaigne tes pleurs et tes tardifs aveux > 
Corinne, tu mourras... » r-r ce Ce n'est pas moi, ma mcrç. 
Il ne m'a point a^mée, q ta sainte co\hre 
A comme un Dieu vengeur pouniuivi nos amoun! 
Que n'ainje cru ma mère , et ses prudens di^icoiirs l 
Je ne détourne plus ta sacrilège épéc; 
Tiens, frappe, fai vécu, puisque tu m'as trompée. 
.... Ah! cruel.... mon sang coule... Ah! reçois mes adieux> 
Puisse^-tu ne jamais t'éveiller ! » — « Justes Dieux ! » 



• • 



POEMES 



judaïques. 



LA FILLE DE JEPHTÉ. 



Et de là vient la coutume qui s'est toujours observée 

depuis en Israël , 
Que toutes les filles d'Israël s'assemblent une fois 

l'année, pour pleurer la fille de Jephté de Gralaad, 

pendant quati« jours. 

(Juges, C. XI, V. 40.) 



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FILLE DE JEPHTÉ. 



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otLA té 4uW diante W filles dlsrael, 
Et leurs pkurs \xtX «onle siir l'beîroé du CariiM;! \. 



Le ier de Gal^d a tarage Tingk tiltesi 

.««•■. . ■ ■ ' 

Ahel, la flalxiià^ a lui sur 1f/^ Vigpes fertiles) 
Aroër sous la ceildre éteignit ses chansons^ 
Et Sfennith s'est assise tn pteurant ses moissonsi 



84 StMÉTHA, ^\^ 

Et lai jetait des fleufs et des rameaux flottans ^ 
Et riait dé leur chute et ti^s suivait long-tenqpsjr 
Ou y tout à coup rêveuse, joutait le Zéj^yre 
Qui, d'une aile invisible » avait ému sa lyre* 



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SOMNAMBULE. 



^è Là FILLE DE JERBTÉ> 

Et ses bras à Jephté donnés avec tepàxease, 
Suspendant k son cou Içur. pieuse caresse: 
t( Mon père, émbrassez-mçii ! d'dù naiâisenl vos retards? 
« Je ne yois que vos pleurs et non pas vos j^egards. 



<c Je n^ai point oùfclié l'encens du sacrifice i 
« Poifrais pour vous hier la naissante génisse ; 
« Qui peut vous affliger? le Seigneur nVt-il pas 
« Kënversé les cités au seul bruit dé vos. pas? » 



ce C'ett vous iiélasi c'est Vous, ma iïUe ^ien^^aimée ? 
iMt le père en rouvrant sa paupière enflantffîi^.^ . 
« Faut-il que ce soit voin? o do)ileut& deç. douleurs! 
« Que vos embrassçmens feront cooler de. pleurs! 



a Seigtieiir 9 Vous êtes bicft le Dieu dé la Vengoaitce^ 
« En échange du crime il vous faut l'innocence. 
H C'est la vapeur du sang qui plaît au Diea jaloux ! 
R Je lui dois une ho«tie , o ma fiUe! et c'est vi>utf I » 



toi ME judaïque. » , 

« Moi? dit-elle. Et ses yeux se remplirent de larmes» 
Elle était jeune et beQe^ et k yie a des charmes. 
Puis elle répcmdit : cf O si T0tr6 seimemt 
n Dispose dermes )4iirsj pennoettes sen^esMiit 



W 



« Qu'emmenant aVeC ïnoi les yier^s mes compares ^ 
M J'aille^ deux mois entiers^ sur le haut des montagnes , 
t( Pour la dernière fois etrànte en liberté , 
M Pleurer sur ma jeunesse tt ma yirginité 1 



« Car je n'aurai jamais demes mains ôi^eillcttscs 
fc Purifié mon fils sous les eaux merveilleuses ; 
ic Vous n'aurez pas béni sa tetiûè , et mes pleurs 
«I Et mes chants n'auront pas endormi ses douleurs; 



tt Et, le jout de ma mort, nulle vierge jalouse 
w Ne viendra demander de qui je fus l'épouse , 
w Quel guenier prend pour moi le cilice et le deuil 
« Et seul tous pleurerei autour de mon cercueil. » 

7 




98 LA FILLE DE JEPHTÉ, etc. 

Après cts- mois, i'ànace.asiUe tout entière 
Pleurait , et sur son front répandait la pQUssiere* 
Jephté sous un manteau tenait ses pleiin voilés, 
MaiS; parmi les éanglots, on entendit : n Alle& » 



Elle inclina la tête ^ pa];tit. Ses compagnes^ 
Comme nous la pleurons^ pleuraient -sur les. montagnes. 
Fuis elle vint s'offrir au couteau paternel. 
Yoîlà ce qu'ont c)unté les filles d'Israël* 



LE BAIN. 



FRAGMENT D'UK POEME DE SUZANNE. 



i%%»»%i%i»»%<,%i»%,»/^<»»>%i^»>i i^ >»^»^jfc'»iMli»<»%%4»%4£<ii%%ri^%i*/%/%><^<%'%^^*' 



LE BAIN. 



Cétait près d'une source i l'onde pure et sombre. 
Le lai^e sycomore y répandait son ombre: 
Li; Suzanne, cachée aux cieux déjà brùlans. 
Suspend sa réyeriq et ces pas indolenaj 
Sur unq jeune enfant , que son amour protège > 
S'appuie y çt sa ypix douce appelle le cortège 
Des filles de JucU> de Gad et. de ^nbeo > 

Qui.doivent la servir et la descendre au bain; 

^ .',11'. '* 

Et toutes à l'envi;. riyales attentives, 
Détachent sa parure entre leurs mains actives.^ 



"to7 ' tE-B'AïN, • 

L'une ote la tiare où brille le saphir 
Dafis l'éclat arrondi de l'or poli d'Ophir; 
Au^ cheyeux parfumés dérobe leurs Idn^ voiles^ 

» 

Et la gaz9 brodée en tremblantes étoiles; 
La perle ^ sur son front enlacée en bandeau^ 
Ou pendante a l'oreillç en mobile fardeau; 
Les colliers de rubis, et , par d,es bandelettes, 
' L'ambrç au cou suspendu dans l'or des cassolettes^ 
L'autre fait succéder les tapis préparés 
Aux cothurnes étroits dont ses pieds sont parés; 
Et y puisant l'eau du bain, d'àyancé elle en arrose 
Leurs doigts encore empreints de santal et de rose. 
Puis, tandis que Suzanne enlevé lentement 
Les anneaux de .ses mains, son plus cher ornement. 
Libres des nœuds dorés dont sa poitrine es| ceinte. 
Dégagés des lacets, lé manteau d'Hyacinte, 
Et le lin pur et blanc comme la Ûefàt du lis, ' 
Jusqu'à ses chastes pieds laissent couler leurs plis. 
Qu'elle fut belle alors ! Une rougeur èri*ante 
AniniA de son'teiii^ la blancheur transparente; 
Car, sous l'arbre oh du jour vient s^ctciridre' l'ardeur ,. 
Un œil accoutumé blesse encor sa pudeur ; 



POEME JUDAÏQUE. 
Mais^ soutenue enfin par une esclave noire , 
Dans un cristal liquide on croirait que Tiroire 
Se plonge 9 quand son corps, souk l'eau même éclairé^ 
Du ruisseau pur et frais touche le fond doré. 



io5 



LA 



FEMME ADULTÈRE 



Qu'an tourbillon ténébieux règne dans cette nuit; qu'elle 
ne toit pas comptée dans les ^oors^de Tannée ! . 

Que cette nuit soit dans une affreuse solitude, et que les 
cantiques de joie ne s'y fessent point entendre ! 

Que les étoiles de son crépuscule se voilent de ténèfafes! 
Qu'elle attende la lui^ière, et qu'il n'en vienne point! et 
qu'elle ne voie pas les paupiéiies de l'Aurore ! (Job,) 



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LA 



FEMME ADULTÈRE. 



« JVI ON lit est parfam^ d'aloes et d£ myrrhe, 
<c L'odorant cinnamome et le nard de Palmyre 
c( Ont chez moi de l'Egypte embanmé le$ tapis. 
(( J'ai placé sur mon front et l'or et le lapis; 
(( Venez, mion bien-aimé, m'enivrer de délfces 
(( Jusqu'Â l'heure où le jour appelle aux sacrifices : 
« Aujourd'hui que. l'époux n'est plus dans la cité ; 
« Au nocturne bonheiur soyez donc invité^ 



iû8 LA FEMME ADULTÈRE, 

n II est allé bien loin. » C'était ainsi, dans l'ombre y 

Sur les toits aplanis, et sous l'oranger sombre 

Qu'une femme parlait ^ et son bras abaissé 

Montrait la porte étroite- à l'amant «npressé. 

Il a franchi le seuil où le cèdre s'entrouvre 

Et qu'un verrou secret rapidement recouvre ; 

Pu}s ces mots ont frappé le cyprès des lambris: 

ic Voilà ces yeux si purs, dont mes yeux sont épris f 

<c Votre front est semblable au lis de la vallée/ 

« De vos lèvres toujours la rose est exhalée; 

« Que votre voix est douce, et douces vos amours!' 

<c O quittez ces colliers et ces brillans atours ! 

« -^ Non, ma main veut tarir cette humide rosée 

ce Que l'air sur vos cheveux a long-tems déposée : 

« C'est pour moi que ce front s'est glacé sousla nuit ! 

m — Mais ce cœur est brûlant et l'amour l'a conduit ! 

« Me voici devant vous , 6 belle entre les belles ! 

« Qu'importent les dangers? Que sont les nuits cruelles, 

(c Quand du palmier d'amour le fruit va se cueillir, 

« Quand sous mes doigts tremblans je le sens tressaillir ? 

« — Oiii.... mais d'où vient ce cri, puis ces pas sur la pierre?^ 

f< rr C'est un des fils d'Aaron qui sonne la prière. 



V 



POKME JUÎ>A;ÏQUE. * 109 

fc Eh! quoi ! ifous pâlb^ez! Que le feu dub^i^er 
(c Q>iisume no9 ajnpms qu'il peut seul apaiseï:; .... 
« Qu'il yieane rempUc^r. cette craii»|e(a|]Ni6)ie . 
« Et fermer au refiuia pouqve de.ta bouche I..;. » 
On n'entendît p)i^ iktt,. et l«ftieux abrégés 
Dans les lampes d'aîram moururent affligés. . ■ • 



Quand le soleil leyani embrasa la caçipagne 
Et 1^ yerts oliviers de la sainte montagne , 
A cette heure paisible oii les chameaux poudreux . 
Apportent du désert leur tribut aux Hébreux ; 
Tandis que de sa tente , ouvrant la blanche toile , 
tf pafleur, qui ie l'aube a vu pâlir l'étoile , 
Appelle sa famille au lever solennel, . 
Et salue 9 en ses chants , le jour et l'éternel, 
Le séducteur, content du succès dç son crime ; 
FuitTennui des plaisirs et sa jeune victime: 
Seule, elle reste assise, et son. front sans couleur 
De l'immortel remords a déjà la pâleur ; 



tio LA FËMl^Ë ÀDULÏÉRÈ, 

Elle veut retenir cette nuit ; sa cbta^ce / 
Et la première aurore est son prétnier'Sûpplttîë ï' ''' 
Cest alors qu*eHc tit et lafetrte ictle'Ktftt^' ' ' ' 
S'étonna d'elle-méâie et-doixta dé son Diëa ; 
Une terne bknchéur/ cJSi»»me-inii-Ti>iW'é^ûi»e,'' 
Entoura tristement sa ^rttntèlleobsdirci'e , " * "^ - * 
Et semblable à la mort, seulement quelques pleurs 
Montraient encor sa vie eii.montrant'ses douleurs^ 
Telle Sodome a vu cette femme imprudente 
Frappée au jour oii Dieu yersa la pluie ardente > 
Et brûlant d'un seul feu deux peuples détestés ^ 
Étjeignit leurs palais dans des flots empestés; 
Elle Youlut^ bravailt la céleste défense , 
Yoir une fois encor les lieux de son enfance^ 
Ou peut-être ^ écoutant un cœur ambitieux , 
Surprendre d'un Iregiard le grand secret des Ceux; 
Mais son pied tout k coup , à là fuite inhabile, 

* • • 

Se fixe : elle pâlît sous un sel immobile , 

Et le juste yieUlàrd, en marchant vers Segbr, 

M'entendit plus ses pas qu'il écoutait encor. 



POjEME judaïque. m 

Tel est le front glacé .de 14 Jiûye iufiilUçr . 
Maù quel est cet esâmlf qui parait aiqpr Jni-d'eUe: ? 
Il Toit des plenis, il pleuve ^ et d'im. geste, îi|çeiEtaift: 
Demande^ comme liierv lé babea daiUMlio*^ * 
Sur ses pieds chancelans.ilia'etimce^ çt ^inid^. 
De sa mire ose enfin presser la; )<vie humide-; 
Qu'on baiser serait donk.f EJle yeut l'essayer.^. , 
Mais répoQx, dans^fe êis,.U reyieut ef&dyer> . 
Devant ce lit ^ ces mnoic^t c^s youtes sacrées 

* 

Du secret conjiq^eiièofe pénéhréeSy 

Où yient de Mwùtj^vmixtmumK ^nai^\^ 

Hélas! elle rougit do L'amovr.matfsnfJjy .. 

Et tremble de pOser, dam cei^ çbambce austère; 

Sur une bouche puri^y une liyr« adultère. 

Elle youlut parler', mto.l^s scms.en sa yoix , 

Sourds et demirflumés y moururent à la fois>. 

Et sa parole y éteinte et yaine > fut suiyie 

D'un soupir qui sembla, lé dender de sa yle^ 

Elle repousse alors son eubnt étonné , 

S'arrache ayec fucéur au lit empoisonné , 

Court yen le seuil) l'entr^o!uyrf&> et là tombe abattue^ 

Telle que de sa base une blanche statue. 



na LA FEMME ADULTÈRE, 

Or, fcpoux rcTcnait, en «e ré)Ouittaiit \ 
Jusqu'au fond de «m c«ttr. Le lin éktooiiiuit 
Becottvrait dès faideatix, Irttitt de aoa «q^ulence ; 
Guidés nonchalamiftcnt par le «w d'une lanee.,.. 
Fléchissaient, sons ces dons, et Fenagrerayc 
Et l'indolent chameau, par son ginde effraye , 
Et douze serviteurs suivant l'étroite Voie > 
Courbaient leurs fionU brû-és soua la poiafpre.^t la soir ; 
Et le maître disait t « Maintenant Sephora 
« Chercte dans ITioriMn si l'époux rtrioidra; 
« Elle pleure ; eUe dit : Il est bien kia encote !. 
« Des feux du jour poururit lé disert se eolwe', 
« Et son amour pcut-4tre inteWé mon trépas ! . 
« Mais elle va courir au-devant de mes pa» , 

« Et je dirai : Tenez, Uvrezrvous à la joie ! 

„ Ces présens sont pour vous, et U pourpre et la soie 

« Et les moeUeux tapis, et l'ambré précieux 

« Et l'acier des miroira que souhaitaient vos yeux. 

., MaU queUc est cette femme étendue i la porU? 

« Dieu de Jacob ! c'est elle ; accourez : elle eSt^morte ! » 
Il dit ; les serviteurs /empressent. Sut son cteur 
Il l'enlève en ses bras; sa voix, avec douceiir. 



POËME JUDAÏQUE; it3 

L^inVite ila lilinièrty et, par une eau glacée > 
Veut voir de sou beau front la p&leur effacée. 
Mais son fils^ d'une épeme igsorant le dAii(^r> 
L'appelle^ et dans ses pleun accuse Pétranger. 
« L'étranger ! <[uél csl^il? Barcourèns la deniéure> 
« Dit le maître nrité c que cet assassin meure i n 
Des suivantes alors ^ le cortège appelé 
Se tait ; mais le désordre et hrar troid^le ^t pariév 
Il reyienty arrachant ses ebeyeux et sa robe ; 
Sous la cendre du deuil sa bonté se dérobe; 
Sts pieds sont nus^ il dit : « Malheur! malbe^ ji yoiu 1 
« Venez ; fennie> à l'autel rassurer yotreipoux^ 
K Ou 9 par le Dieu Yiyant, qui déjà yous contemple I.^».. n 
£lle dit y en tremblant t <( Seigneur > allons au temple> » 



UmU 



On marche. De l'époux les amis empressés 
L'entourent tristement; et tous, les yeux baissés > 
Se disaient : ce Nous verrons si, dans la grande épreuye^ 
« Sa bouche de l'eau sainte impunément s'abreuve. >» 

8 



ii4 LA FEMME ADULTÈRE, 

On arrive en silence au pi«14^ Jumis degrés 
Où s'élève un aatei^. Couvert d^habiu satrés, 
Et croisant ses deux bras sur sa poitrine sainte , 
Le prêtre monte seul' dans la pieuse enceinte; 
La poussière de- forgé ^ holocauste jaloux ^^ 
Est, d'une main tremblante , ofiecte pari'époux. 
Le pontife la jette à la femme interdite ^ 
Lui découvre ia tête; et tenant L'eau maudite' : 
u Si rétranger , jamais n'a su vous approcher, 
il Que l'eau , cpi de ce vase en vous va s'épancher, 
<( Djevienne d'heureux jours une soivce féconde; 
« Mais si, l'horreur du peuple et le mépris du monde , 
(( Par un profane ^mour votre eœtir s'est souillé, 
(( Que, flétri par ces eaux, votre front dépouillé , 
fi Porte de son péché l'abominable signe, 
(( Et que, juste instrument d'une vengeance insigne, 
' <( Leur poison poursuivant l'adultère larcin, 
(( En dévore le fruit jusque dans votre sein. » 

* L'autel des bdocaustes. le peuple ne:pouvwjt pas entier dans le 
temple ; il restait dans une cour où était cet autel. 

{Mœurs des Isr» Ghap. XX.) 
•• Foyez ks Nbmbies, C3iap. V, V. 46, 16, etc. 






POEME JUDAÏQUE- ii5 

Il dit, écrit ces mots, l€9 coBSome, etknr cendre 

Paraît, avec la mort, ao fond des eaux descendre ; 

Puis, il offre la coupe : tm bras mal assuré 

La re$oit ^ on se tait : m Par ce vase épuré, 

a Dit l'épouse, mon coeur..*..* » De poursuivre incapable. 

(c Giace ! dit-^eUe enfin ; grâce ! je suis coupable ! » 

La foule la saisit. Son époux fiirieux 

S'éloigne avec les siens, en détournant les yeux. 

Et du sang de l'amant sa colère altérée, 

Laisse au peuple vengeur l'adultère livrée^ 



C 



Tout Juda, cependant, aux fêtes introduit , 
Vers le temple, en courant, se pressait à grand bruit» 
Les vieillards, les enfans , les femmes affligées 
Dans les longs repentirs et les larmes plongées , 
Et celles que frappait un mal secret et lent. 
Et l'aveugle aux longs. cris, ^ le boiteux tremblant. 
Et le lépreux impur, le dégoût de la terre. 
Tous , de leurs maux guéns racontant le mystère , 



ii6 LA TEMME ADULTÈRE, 

Aux pieds de leur Sauveur l'adoraient prosternés. 
Lui, né dans les douleurs, roi des infortunés, 
D'une féconde main prodiguait les mirades, 
Et de sa yoix sortait une source d'oracles. 
De la vie, avec l'homme, il partageait l'ennui, 
Venait trouver le pauvre et s'égalait i lui. 
Quelques hommes > formés à sa divine école, ' 
Nés simples et grossiers, mab forts de sa parole , 
Le suivaient lentement, et son front sérieux 
Portait les feux divins en bandeau glorieux. 



par ses cheveux épars une femme entraînée, 
Qu'entoure avec clameurs la foule déchaînée, 
Parait : ses yeux brulans au Ciel sont dirigés; 
Ses yeux , car de longs fers ses bras nus sont chargés* 
Devant le fils de l'homme on l'aminé en tumulte ; 
Puis , provoquant l'erreur et méditant l'insulte , 
Les Scribes assemblés s'avancent; et l'un d'eux : 
(( Maître, dit-il, jugez de ce péché hideux : \ 



POEME JUDAÏQUE. 

ce Cette femme adultère est coupable et surprise; 

« Que doit faire Israël de la loi de Moïse ? » 

Et l'épouse infidèle attendait , et ses yeux 

Semblaient cbercher encor quelqu'^autre dans ces lieux. 

Et, la pierre à la main, la foule sanguinaire 

S'appelait, la montrait ; n G est la femme adultère ! 

« Lapide£<-la : déjà le séducteur est mort! » 

Et la femme pleura. -— Mais le juge d'abord : 

a Qu'un homme d^entre vous, dit-*il, jette une pierre 

« S'il se croit sans pécbé, qu'il jette la première. » 

Il dit, et s'écartant des mobiles Hébreux, 

Apaisés par ces mots, et déjà moins nombreux, 

Son doigt mystérieux , sur l'arène légère , 

Ecriyait une langue, aux Hommes étrangère ,^ 

()n caractères saints dans le Gel retracés...... 

Quand il se releva tous s'étaient dispersés^ 



117 



r 



POEMES 



MODERNES. 



LA PRISON. 



Cest d^ns la tombe qu'on est à oouyert du bruit qu'ex- 
citent les impies. 

C'est là que ceux qui étaient enchainës ne souffirent plus , 
et qu'Us n'entendent i4us la Toix de l'exacteur. 

(Jeb.) 



>.Vfc»v^f%^»^»^%/<i/%i»^<%»^/«.%^)^%%;%»%%»/»^%%%i»^%/%»%^^»^^>,.^ 



LA PRISON. 



« vJ NE TOUS jouez plus^an yieillard et d'un prêtre ! 
(c Passager dans ces lieux , commetit les reconnaître? 
« Depuis une heure au moins cet impOTtun bandeau 
« Presse mes yeux souffrans de son épais £udean. 
c( Soin stérile et cruel ! car de ces édifices 
« Ils n^ont jamai» tenté les sombres artifices. 
n Soldats ! tous outragez le ministre et le Dieu , 
<c Dieu même que mes mains apportent dans ce lieu. » 
n parle; mais en yain sa crainte les prononce: 
Ces mdts et d'autres cris se taisent sans réponse. 
On l'entraîne toajour» en des détours sayans: 
Tantôt craque à ses pieds le hais des. ponts mouvànsy 






122 LA PRISON, 

Tantôt sa voix s'éteint à de courts intervalles^ 
Tantôt fait retentir Fécho des vastes salles; 
D'un esbalier rapide on avertit ses pas : 
Il monte à jia prUoi^ que }ui seul ne voit pas y 
Et les bras étendus^ le vieux prêtre timide 
D'un mur qui le conduit tate l'obstacle humide. 
On s'arrête; il entend le bruit des pieds mourir, 
Sous de bruyantes clefs une porte s'ouvrir. 
Il descend quelques pas sur la pierre glissante; 
Et f privé du secours de sa vue impuissante, 
La chaleur l'avertit qu'on éclaire ces lieux j 
Enfin, de leur bandeau l'on délivre, $es yeux. 
Dans un étroit cachot' dont les torcher funèbres 
Ont peine à ditf^r leâ.éj^isses.ténébrjes. 
Un vieillard expirant attendait 9^ seeoiUrs. 

Du moins ce fut ain6i>qu'«n un brusque discours 

Ses sombres conducteur» le lui firent entendre. 

Un instant, eh jilencb > on le pria d'atlendre^ 

« Mon Prince , rdit quelqu'un > le saint .honuae est venu. 

(( — Eh ! que m'importe à moil » soupîiaj l'inconnu. 

Cependant vers le Ut qué.dxux lousdc» tentures 

yoilent du luxe ancien de leurs pales peinturés, 



. -f 



POEME MODERSE. ia3 

Le prêtre s'avança kntement, et, sans Tcir 
Le malade cache, se mit à son devoir. 



r^E paéTHE. 



r 

Ecoutez-^moi , mon fils. 



LE OUEANT. 



Hélas! malgré ma haine, 
J'écoute votre voix • c'est une voix humaine : 
J'étais né pour l'entendre , et je ne sais pourquoi 
Ceux qui m'ont fait du mal ont tant d'attraits poiir moi. 
Jamais je ne connus Ciftte tare parbU 
Qu'on appelle amitié, )fû, dit-r on /vous ■console. 
Et les chants matemek qijj^ channient voà betocattx , 
M'ont jamais résonné souis mestristes areeaiu; 
Et pourtant; lorsqu'un :n)Ot m'aniva moins isévère^ 
Il ne fut pas perdu pour i^on cœur solitaîreit 
Mais puisque vous m?aimex> 4 vieilbrd inconnu ! 
DiteS; pourquoi déjà n'étes-^v^iis pas'venu? 



ia4 LA PKISON, 

Vous m'appelez mon fils? Si tous étiez mo» père. 
Vos pas seraient tardifs en ces lieux. Et ma mère 
Ne yiendra-^-'elle pas me regarder mourir? 
Aujourd'hui cpie leur fils va cesser de souffrir^ 
Qu'ils viennent tous les deux voir ma reconnaissance. 
Mais ne les a-*t-on pas punis de ma naissance? 
Ils ont dû l'expier , car , devant votre loi , 
Si je suis crimixiel ils le sont plus que moi. 



IiE PRÀTRE. 



O qui que vous soyez! vous que tant de mystère 
Avant le temps prescrit sépara de la terre , 
Vous n'aurez plus de fers dans l'asile des morts y 
Si vous avez failli ^ rappelez les remoids, 
Versez -les dans le -sein du Dieu qui vous écoute^. 
Ma main du repelitir vous montrera la route ; 
Entrevoyez le Ciel par vos maux adieté: 
Je suis prêtre, et vous p(Mte ici la liberté. 
Pc la confession j'accomplis l'œuvre sabte^ 
]uc tribunal divin siège dan9 cette enceinte. 



POEME MODERNE. ia5 

Répondez, le pardon déjà vous est offert, 
Dieu même 



T,% MOITRAKT. 



Il est un Dieu! j'ai pourtant bien souffcit! 



LE FRâTKE. 



Vous arez moins souffert qu'il ne l'a fait lui-même. 

Votre dernier soupir sera-t-il un blasphime? 

£t quel droit avez-yous de plaindre tos malheurs, 

Lorsque le sang du Christ tomba dans les douleurs? 

O mon fils! c'est pour nous, tout ingrats que nous sommes. 

Qu'il a daigné descendre aux misères des hommes. 

A la viC) en son nom , dites un mâle adieu. 



LB MOURANT* 



J'étais peut-être roi. 



ia6 lA PRISON^ 

liE PRÊTRE. 

Le Sauveur était Dieu; 
Mai8> sans nous élever jusqu'à ce divin Maître; 
Si j'osais après lui nommer encor le prêtre^ 
Je vous dirais : Et moi^ pour combattre l'enfer, 
J'ai resserré mon sein dans un corset de fer; 
Mon corps a revêtu l'inflexible cilice 
Ou chacun de mes pas troave un nouveau supplice. 
Au cloître est un pavé que, durant quarante ans. 
Ont usé, dans les pleurs, mes genoux pénitens. 
Et c'est encor trop peu que de tant de souffrance 
Pour acheter du Ciel l'ineffable espérance. 
Au creuset douloureux tout notre être épuré 
S'envole en bienheureux vers le séjour sacré* 
Le temps nous presse : au nom de vos douleurs passées, 
Par des larmes montrez vos fautes effacées; 
Et devant cette Croix, où Dieu monta pour nous, 
Souhaitez comme moi de tomber à genoux. 
Sur le front du vieux moine une rougeur légère 
Fit renaître une ardeur à son âge étrangère; 



POEME MODERNE. 127 

Se$ yeux gonflés de jdeius» fixés aTidetiient^ 
Au chevet da captif 3 tomba pesamment^ 
Et ses mains présentaient le crucifix dfébène. 
Et tremblaient en Toffirâiit^ et le testaient à peinei 
Pour le «œnr du Chrétien demandant des remords > . 
Il murmurait tout bas la prière des morts ^ 
Et sur le lit, sa tête ayec douleur penchée , ' 
Cherchait du jmsonnier la figure cachée. 
Un flambeau la réyèle entière : ce n'est pas 
Un front décoloré par tm prochain trépas, 
Ce n'est pas l'agonie et son dernier rayage. 
Ce qu'il yoit est sans traits, et sans yie , et sans âge: 
Un fantôme immobile à ses yeux est offert, 
Et les feux ont relui sur un masque de fer. 



Plein d'horreur, à l'aspect de ce sombre mystère, 
Le prêtre se souvint que, dans le monastère, 
Une fois, en tremblant, on se parla tout bas 
D'un prisonnier d'État que Ton ne nommait pas; 



Î28 LA PRISON, 

Qu'on racontait de lui des choses merveillénse^^ 

De berceau dérobé , de craintes orgueilleuses , 

De royale naissance, et de droits arrachés , 

Et de ses jours capti£i sous un m^scpie cachés. 

Quelques pares disaient qu'à sa descente en France , 

De secouer ses fers il conçut l'espérance; 

Qu'aux geôliers un instant il s'était dérobé , 

Et quoiqu'entre leurs mains aisément retombé. 

L'on avait yu ses traits, et qu'une Provençale, 

Arriyée au couvent de Saint-François^e-Sale 

Pour y prendre le voile, avait dit, en pleurant y 

Qu'elle prenait la Vierge et son fUs pour garant 

Que le Masque de fer n'avait point fait de crime ^ 

Et que son jugement était illégitime ; 

Qu'il tenait des discours pleins de grâce et de foi, 

Qu'il était jeune et beau, qu'il ressemblait au roi, ' 

Que de vertus c'était un céleste mélange, 

Et que c'était un prince, ou que c'était un ange* 

11 se souvint encor qu'un vieux Bénédictin 

S'étant acheminé vers la tour, un matin. 

Pour rendre un vase d'or tombé sur son passage , 

N'était pas revenu de ce triste voyage; 



POËME MOBERNE. 109 

Sur quoi l'abbé du liea pbur toujours défendit ' ,. 

Les entretieus touchant le prisonnier maudit : '< . / 

a Cet homme de Fenfer était une imposture; ) 

te Le Ciel ayait puni la coupable lecture 
Xi Des mystères gravés sur le vase indiscret. » 
Le temps fit oublier ce dangereux secret*. 



Le prêtre regardait le n^lhçureux célèbre^ 
Mais ce cachot, tout plein d'un appareil funèàve. 
Et cette mort voilée , et cesJongs cheveux bkncs ' 
Nés captifs et jetés sur des n^embres tremblans, 
L'arrêtèrent long-temps en un sombre silence. 
Il va parler, enfin -y mais, tandis qu'il balance , 
L'agonisant du lit se soulève et Ipi, dit : 
Vieillard, vous abaisser. votre front interdit, 
Je n'entends plus le bruit de vos conseils frivoles, 
L'aspect de mon malheur fait taire vos paroks. 
Oui , regardez-moi bien , et puis dites après. . 
Qu'un Dieu de l'innocent défend les intérêts; 



i3o LA PHlJSONv 

Des pécbés tant proscrits o»'tou}otiftv l'on SHceembe, 

Aucun n'a sépare: mon berc^AU de ma tombe , 

Quand les viyan^ au jour montraient des attentats^ 

Mon enfance au cachot ne lès soupçonnait pas. 

Du récit de mes raailx you3 êtes bien avide : 

Pourquoi venir fouiller dans ma mémoire vide , * . 

Où stérile de jours le temps dort effacé ? 

Je n'eus point d'avenir et n'ai point de passé ; 

J'ai tenté d'en avoir^ etHhMg-temps mes journées 

Ont tracé sur les murs mes lugubres années; 

Mais je ne pus les suivre eii leurs douloureux cours:' - 

Les murs étaient remplis et' je vivais toujours* 

Tout me devint aloxs obsciirilé profonde ^ • ' 

Je n'étais rien pour lui^qa'otait pour moi le monde? 

Que m'importaient des temps où je ne comptais pas 

L'heure que j'invoquais : c'est l'beôre du trépas. 

Écoutez, écoutez : quand je tiendrais la vie 

De l'homme qui toujours tint la mienne asservie , 

J'hésiterais, je crois,' à le frapper des maux 

Qui rougirent mes jo^rs , brûlèrent mon repos } 

Quand le règne inconna;,d'une impuissante ivresse 

Saisit mon cœur oisif d^une vague tendresse, 



r. 



POEME MODERNE. iJi 

j'^appelais le bonheur , et ces êtres amis 
Qu'à mou âge brûlant un sojige avait promis. 
Mes larmes ont rouillé mon masque de torture.^ 
J'arrosais de mes pleivs ma uoirc nourriture , 
Je déchirais mon sein par mçs gémissemens y 
J'efTra jais mes geôliers- de mes longs, horlemens ; 
Des nuits ; par mes soupirs ^ je mesurais l'espace; 
Aux hiboux des créneaux j[e di^utais leur place , 
Et y pendant aux barreaux bu s'arrêtaient mes pas^ 
Je vivais hors des murs d'où je ne sortais pas. 
Ici tomba sa voix. Comme après le tonnerre 
De tristes sons encore épouvantent la terre 
Et y dans l'antre sauvage où l'effroi l'a placé , ■_ 
Retiennent^ eu grondant ^ le voyageur glacé y 
Long^temps on entendit sqs larmes retenues 
Suivre encore une fois dés routes bien connues; 
Les sanglots murmuraient dans ce cœur expirant. 
Le vieux prêtre toujours priait en soupirant , 
Lorscpi'un des noirs geôliers se pencha pour lili dire 
Qu'il fallait se hâter , qu'il craiguait le délire. 
Un nouveau zèle alors ralluma ses discours : 
« O mon fils! criait-il, votre vie eut son cou^s^ 



.; 



» > 



y 



i52 LA PRISON, 

a Heureux ^ trois fois heureux celui que Dieu corrige f 
<( Gardons de repousser les peines qu'il inflige: 
<( Voici l'heure où vos maux vous seront précieux ; 
u II vous a préparé lui-même pour les Gieux. 
« Oubliez votre corps, ne pensez qu'i votre âme ; 
« Dieu lui-même Fa dit : L'homme né de la femme * 
u Ne vit que peu de temps, et c'est dans les douleurs. 
c( Ce monde n'est que vide et ne vaut pas des pleurs.] 
« Qu'aisément de ses biens notre âme est assouvie! 
c( Me voilà, comme vous, au bout de cette vie : 
ce J'ai passé bien des jours, et ma mémoire en deuil 
<( De leur peu de bonheur n'est plus que le cercueil. 
<f C'est à moi d'envier votre longue souffrance, 
M Qui d'un monde plus beau vous donne l'espérance ; 
<( Les anges à vos pas ouvriront le saint lieu : 
m Pourvu que vous disiez un mot à votre Dieu, 
u II sera satisfait. » Ainsi , dans sa parole , 
Mêlant les saints propos du livre qui console , 
Le vieux prêtre engageait le mourant à prier,. 
Mab eu vain : tout à coup on l'entendit crier, 

• /o&. Chap. Xn^, V. 1. 



POEME MODERINE. i3J 

D'une yoix qu'animait la ûèyrc du délire, 
Ces reyes du passé : Mais enfin je respire. 
O bords de la Provence ! ô lointain horizon f 
Sable jaune où des eaux murmure le doux son ! 
Ma prison s'est ouverte ; ô que la mer est grande 1 
Est-il vrai qu'un vaisseau jusque là-bas se rende? 
Dieu ! qu'on doit être heureux parmi les matelots l 
Que je voudrais nager dans la fraîcheur des flots i 
La terre vient, les pieds à marcher se disposent, 
Les mâts baissent leurs bras, les voiles s'y reposent. 
Ah! j'ai fui les soldats; en vain ils m'ont cherché } 
Je suis libre, je cours, le iuasque est arraché; 
De l'air dans mes cheveux j'ai senti le passage f. 
Et le soleil un jour éclaira «mon visage. 
O pourquoi fuyez-vous? restez sur vos gazons,. 
Vierges! continuez vos pas et vos chansons: 
Pourquoi vous retirer aux cabanes prochaines? i^' 

Le monde autant que moi déteste donc les chaînes?- 
Une seule s'arrête et m'attend sans terreur: 
Quoi ! du Masque de fer elle n'a pas horreur? 
Non, j'ai vu les beautés de sa démarche, et celles 
Qui venaient de ses- yeux en vives étincelles. 



134 LA PRISON, 

Soldats! que voulez-vous? encor ce masque froid? 

Que vous ai-je donc fait ? Le soleil est à moi, • 

11 ranime ma vie. O V03rei-4a ! c'est elle 

Avec qui je veux vivre , cUe est là, i[«i m'appelle ; 

Je ne fais pas le mal; allez, dites au Roi 

Q'aucun homme jamais ne se plaisidra de moi ; ' ^ 

Que je serai content si , près de ma compagne, 

Je puis mener nos jours de montagne en montagne, 

Sans jamais arrêter nos loisirs voyageurs^ 

Que je ne chercherai ni parens ni vengeurs; 

£t si l'on me demande où j'ai passé ma vie, 

Je saurai déguiser ma liberté ravie; ' 

J'inventerai des jours où je vous cacherai : 

Ah! laissez-moi )e Ciel, je vous pardonnerai. 

Non.... y toujours des cachots.... Je suis né votre proie... 

Mais je vois mon tombeau , je suis ravi de joie , 

Car vous ne m'aurez plus, et je n'entendrai plus 

Les verroux se fermer sur l'étemel reclus. 

Que me veux donc cet homme avec sa robe sombre? 

De quelque prisonnier sans doute que c'est l'ombre ; 

11 pleure. AU ! malheureux ! est-ce ta liberté? 



POEME MODERNE. i35 



Z<£ PRÊTBE. 



Non^ mon fils^ c'est sur yous; yoici l'éternité. 



LE MOURANT. 



O moi! je n'en yeux pas, j'y trouyerais des chaînes. 



LE PRÊTRE. 



Non y yous n'y trouyerez que des fayeurs prochaines. 
Un mot de repentir^ un mot de yotre foi^ 
Le Seigneur yous pardonne. 



LE MOURANT. 



o prêtre! laissez-moi! 



LE PRÊTRE. 



Dites ^ Je crois en Dieu. La mort yous est rayie. 



i36 LA PRISON, 



L.B MOURANT. 



Laissez ea paix ma Eiort^ on y laissa ma vie. 

£t d'un dernier effort l'esclave délirant. 

Au mur de la prison brise son bras mourant. 

n Mon Dieu ! yei^ez vous-même au secours de cette âme ! )> 

Dit le prêtre, animé d'une pieuse flamme. 

Au fond d'un vase d'or , ses^ doi^ saints ont cberché 

Le pain mystérieux où Dieu même est cacllé ; 

Tout se prosterne alors en un morne silence , 

La èlarté d'un flambeau sur le lit se balance -y 

Le cbevet sur deux bras s'avance supporté , 

^ais en vain : le captif était en liberté.^ 



' Resté seul au cacbot , durant la nuit entière , 
Le vieux religieux réciu U prière; 
Auprès du Ut funèbre il fut toujours assis. 
Quelques larmes, souvent; de ses yeux obscurcis, 



V 

I 



POEME MODERNE. iSy 

laterrompant sa yoix^ tombaient sur le saint livre} 
£t, loi^ne la dduleur l'empêchait de poursuivre , 
Sa main jetait alors Veau du rameau béni 
Sur celui qui du Ciel peut-être était banni. 
Et puis^ sans se lasser, il reprenait encore 
De sa voix qui tremblait dans la prison sonore i 
Le dernier chant de paix ; il disait : «c O Seigneur ! ^ 
« Ne brisez pas mon âme avec votre fureur ; 
<( Ne m'enveloppez pas dans la mort de l'impie. » *^ 
Il ajoutait aussi : « Quand le méchant m'épie , 
« Me ferez-vous tomber, Seigneur, entre ses mains? *^, 
a C'est lui qui sous mes pas a rompu vos chemins; 
<( Ne me châtiez point, car mon crime est son crime. 
« J'ai crié vers le Ciel du plus profond abîme. **** 
<( O mon Dieu! tirez^^moi du milieu des méchans! » 
Lorsqu'un rayon du jour eut mis fin à ses chants , 
Il entendit monter vers les noires retraites, 
Et des voix résonner dans ces voûtes secrètes. 



* Pseaume XXXVII, V. 1. 
Pseaumc XXVH , V. 5. 
Pseaume XXSYl, Y. 52, 
De Profonâis,,,. 



*/» 



i38 LA PRISON, etc. 

Uo moment lui restait , il eut voulu du moins 
Voir le mort qu'il pleurait, sans ces cmek témoins; 
Il s'approche, en tremblant , de ce fils du mystèjûe 
Qui vivait et mourait étranger à ta. terre ; 
Mais le Masque de fer soulevait le linceuil , 
Kt la captivité le suivit au cercueil. 



LE BAL 




■%f%/%/%fv^%/%/^*/%t^^%/%^%^^%fm^^/*/%%0*f%mn^^v^m/%k/%/%m^*/%%^*^' 



<^<%vyi 



LE BAL. 



JuA harpe tremble encore et la flûte soupire; 
Car la Walse bondit dans son sphérique empire ; 
Des couples passagers éblouissent lés yeux ^ 
Tolent entrelacés en cercle gracieux y 
Suspendent des repos balancés en mesure ^ . 
Aux reflets d'une glace admirent leur parure ^ 
Repartent; puis, troublés par leur groupe riant , 
Dans leurs tours moins adroits se heurtent en criant , 
£t la yiei^e, eniyrée aux transports de la fête, 
Sème et foule en passant les bouquets de sa tête. 
MaiS) dans les airs émus, la musique a cessé : 
La danseuse est asâse en un cercle pressé; 



i43 LE BAL, 

Toat se tait. Et pourquoi, graves, mais ingénues, 
Ces trois jeunes beautés vers un homme venues? 
Cette douleur secrète , errante dans ses yeux 
N'a pas déconcertàd'xboiad lujstfirieux ^ , l _ 
Elles ont supplié^ puis, s'aidant d'un sourire, 
Elles ont dit : « Les vers ont sur nous tant d'empire ! 
c( Ils manquaient à la fête, et le bal les attend. )i 
Le sujet est donné , c'est la danse ; on entend : 



« » ► r * 

Courez, jeunes boautés, formez la double danse: 
Entendez -vous l'arcbet du bal |oy«uji ,. 
Jeunes beautés ? Bientôt la légère cadence 
Toutes va, tout i coup, tous mêlera mes yeux* 



Dansez, et couronnez, de fleurs vos {ronUs d'alLatrc; 
Liez au blanc muguet Uhyaciothc bleuâtre , 



POEME MODERNE. 
Et que vos pas .nioeUieti:!^^^ déliées d« l'amatitv 
Sur le chêne poli glissent légèrement ^ 
Dansez , cardes demain yos boiètes exigea^t^ , 
A Tos jeunes travaux vous diront négli^ntes i 
L'aiguille détestée aura fui de vos doigts , 
Ou, de la mélodie interrompant les lois, 
Sur l'instrument mobile , harmonieux ivoire / 
Yos mains auront perdu la touche blanche et noire ; 
Demain , sous l'humble habit du jour Iftbori^ax , 
Un livre, sans plaisir, fatiguera. vos yeux...; 
Ils chercheront en vain, sur là feuille indocile, 
De ses simples discours le sens clair et facile^, 
Loin du papier noirci. Votre esprit égaré > 
Partant, seul et léger, vers le bal adoré. 
Laissera de vos yeux l'indécise prunelle 
Recommencer vingt fois une page étemelle. 
Prolongez, s'il se peut , ô' prolongez la nuit 
Qui d'un pas diligent plus que vos pas s'enfuit! 



i43 



i44 LE BAL; 

Le signal est donné; Fatrcliet frémit encore: > 
Élancez-vous, liez ces pas nonyeooK 
Que l'Anglais ittyettla> noeiiâs ehen à Tei^cbote; 
Qui d'une molle chaîne imitent les anneanx. 



Dansez ; un soir encore lise:^ de votre vie i 
L'étincelante nuit d'un long jour est suivie ] 
A l'orchestre bri^ant le silence fatal 
Succède ^ et les dégoûts aux doux propos du hal« 
Ah! reculez le jour, où, surveillante]^ mères. 
Vous saurez du berceau les angoisses amireS! . 
Car^ des que de l'enfant le cri s'est élevé ,? 
Adieu plaisir , long voile à demi-relevé , 
Et pantre éclatante, et beaux joyaux des fêtes ; 
Et le soir, en passant, les riantes conquêtes. 
Sous les ormes , le soir , aux heures de l'amour, 
Quand les feux suspendus ont rallumé le jour. 
Mais, aux yeux maternels, les veilles inquiète» 
Ne manquèrent jamais, ni les peines muettes 



POEME MODERNE. US 

Qaè dédaigne l'é^iu^.qae l'eofaiit méconnaît > 
Et dont le ^onycfliir dalas Us «anges Tenait. 
Ainsi; toute au berceau ^ôi la lient .asMTvie '9 • 
La mère avec ses. pleuia yeit a'éiCOQler sa TÎè». 
Rappelez les plaisirs, ils fiiironliTOtre yixue , - : 
Et leurs cliaines de flein» se t^înpront sons' yos doi|^. : 



» I ■ » I < . »■ . 



•»« '.!>.• >■ • 



Ensemble y à pas légers^ traversez la cj^rci&re'; 
Que votre main tpu,che7i^e bjçpreusç.ti^iii^ _. 
Et que vos pieds sa^iia^ A Ikllfl |i^e.t>rQ9nièip0^ , 
Reviennent; baiaqeéâ dims lewT; doubje. cfaemip. 

• '■ ! • • • ; I 

• • : • , ♦. i. vi'.î ■;';■•• « '.If l ".r 



Daâsez : un jour, hélas ! o reines éphémères! 
De votre jeune empire auront îfui les chimères ; 
Rien n'occupera plds.vos cœurs idéaenoha^tès;. i 
Que des rêves d'amour Uen vite;éponvantés> 
El le regret lointain de ceS'j&aiehes années 
Qu'un souffle a fait mourir; en moins de temps fanées 



10 



i46 Xi S* BAL; 

Que la rose et l'œiUet, l'bomidiir de toM fimnft^' , 

£t^ du temps indomplé^ loi^qiit ^ndff» r&ffipont. 

Quelles seront alors ¥0S ^aniivd» alaisMft? 

Un teint, déjà flétri, fllim «01» ks hxmei, > . 

Les larmes, à présent doux trésor ^des amoun. 

Les larmes, contre l'Ige inutile secomrs : 

Car les ans maladifs, avec un doigt de glace, 

Des chagrins dans vos cœiH» auront marqué la place, 

La morose yieillesse... O Itères beautés ! 

Dansez ; multipliez tos 'pas prédpilés, 

£t dans les Manches mainis.ks mains entrelacées^ 

Et les regards dé fen , les fsîrkindeis fiMissées, 

£t le rire éclatant , cri des jâyeux loiÂls, 

Et que la salle au loin tremble de yos plaisirs. 



■ ■ » • 



Où donc est la gailé de la danse légère? 
Ces mots ont-ils détraît sa^grioe ipassagite? 
Au lieu du rire étetnt qui n'oise (tins s*ofFrir, 
L'éventail déplojré nous dérobe on soupir. 



]?0£ME MODERNE. xij 

Hélas ! lonqa'nn serpent est mort dans nue source; ^ 

D'âne eau nre et limpide elle poursuit sa ooaife > 
Mais son matin n'a plus de fécondes Tapeurs ^ 
Et le gazon s'abreuve à des trésors trompeurs; 

La reine-maiguerite a perdu sa couronne^ ^ 

Le bleuet incliné de pâleur s'environne, 
Et l'enfant qui, joyeux , vient et s'y rafraîchit, 
Pleure et crie en fuyant , car son genou fléchit, 
Son cœur traîne un feu soUrd , une torture amère ; 
Et des maux dont jamais n'avait parlé sa mère» 



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ODE. 



LE MALHEUR. 



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LE MALHEUR. 



dvivi du Suicide impie ^ 
A travers les pâles cités , 
Le Alallieur rôde, il nous épie^ 
Près de nos seuils épouvantés. 
Alors il demande sa proie j^ 
La jeunesse > au sein de la joie, 
L'entend, soupire et se flétrit j 
Comme au temps où la feuille tombe ; 
Le vieillard descend dans la tombe ; 
Privé du feu qui le nourrit. 



l52 



LE MALHEUR, 

Oii fuir? Sur le seuil de ma porte 
Le Malheur^ un jour^ s'est assis; 
Et depuis ce jour je l'emporte 
A triaydrs; nies jours obscurcis. - 
Au soleil^ et dans les ténèbres, 
En tous lieux ses ailes funèbres 
Me couvrent comme un noir manteau ; 
De mes douleurs ses bras avides 
M'enlacent ; et ses mains livides 
Sur mon cœur tiennent le couteau* 



J'ai jeté ma vie aux délices , 
Je souris à la volupté ; 
£t les insensés, mes complices, 
Admirent ma félicité. 

1 

d^ > * • . • r 

ûle à ma joie , 

J'enivre mon coeur ^ je me noie 

Aux torrens d'un riant orgueil ; 

Mais le Malheur devant ma face 

A passé : le rire s'efface , 

Et mon front a repris son deuil. 



ifc^jfcfcifc « ■■ < ■■■ 



.Lr-^ 



' ' OI>E: i53 

En vain je redemande aux (êtes 
Leurs premiers éblouissemens^ • 
De mon cœur les molles défaites 
Et les vagues enchantemèns : 
Le spectre se mêle à la danse; - 
Retombant avec la cadence y 
Il tache le sol de ses pienr^ y 
Et de mes yeux trompant Fattetkte^ 
Passe ^ tête dégoûtante 
Parmi des fronts ornés de fleurs. 



Il me parle dans le silenee. 
Et mes nuits entendent sa voix ; 
Dans Tes arbres il se balance 
Quand je cbercbe la paix des bois., 
Près de mon oreille il soupire , 
On dirait qu'tin mortel expire , 
Mon cœur se serre épouvanté : 
Vers les astres mon œil se lève y 
Mais il y voit pendre le glaive 
De l'antique fatalité. 



i54 I^E MALHEUR, 

Sur qkOB maips ma tête penchcc 
Croit trouver Viunocent somn^eil. 
Mais , hélas ! elle m^est cachée , 
Sa fleur au calice vermeil. 
Pour toujours die m'est ravie, 
La douce absence 4©. la vie, 
Ce bain qui rafraîchit les jours; 
Cette mort de Vâmc affli&éç 
Chaque nuit à tous partagée. 
Le sommeil m'a fui pour toujours! 



Ah ! puisqu'une étemelle veille 
Brûle mes yeux toujours ouverts , ' 
Viens, ô Gloire! ai-je dit, réveille 
Ma sombre vie au bruit des vers. 
Fais qu'au moins mon pied périssable 
Laisse une empreinte &ur le «able. 
« La Gloire a dit i Fils de douleur, 
« Où veux-tu que je te conduise ? 
« Tremble, si je t'immortalise, 
n J'immortalise le malheur* » 



ODE. i55 

Malheur! ô quel jour favorable 
De ta rage sera yainquenr ? 
Quelle main forte et secourable 
Pourra t'arracher de mon cœur y 
Et dans cette fournaise ardente^ 
Pour moi noblement imprudente ; 
N'hésitant pas à se plonger , 
Osera chercher dans la flamme , 
Avec force y saisir mon àme. 
Et l'emporter loin du danger ? - 



FIN. 



-gas=^ I I I 1 I ■! i l r . , , I I / 



TABLE DES MATIÈRES 



CONTENUES DANS CE y,OLUMÈ. 



• • w 



• • » 



• • 



I 



NT&oDucTioy. :..;::;....::..:.: 7 ; *: V : 7 Toge 5 

POËME. 

HEL£NA, Poème. 

Gkakt rasHiBii, TAutel ..........:: 9 

Ghaht SBoasHf le Navire, 23 

CHAirr T&QisiâxB, rUrne 51 

NOTE. 67 

POEMES ANTIQUES. 

LA DRYADE. ; . . : . 7i 

STMETHA ' 81 

LE SOMNABIBÎJLE * 87 



i58 TABLE DES MATIÈRES. 

POEMES. JUDAÏQUES. 

LA FILLE DE JEPHTÉ. ; : . . . gS 

LE BAIN, Fragment d'un poème de Suainne. 101 

LA FEBMÊ ÀinjLÏÈHE. 107 

POEMES MODERNES. 

LA PRISON 121 

LE BAX^ 142 

LE MALHEUri, Ode. 151 

I 

• ■ » ' * 

• • •» 

FIN D2 LA l^ABLE. 



LE TRAPISTE, 



POEME. 



Je suis devenu ëtraDger à mesfrereSj fuirce- 
que le zèle de votre maison m'a dëTx>rë, et que 
les outrages de ceux qui vous insultaieut sont 
tombés sur moi. 

( Ps. c. Lxyiii: V. 8. ) 



^ 



/ I 



Imprimerie de GUIRAUDET, 
rnc Saint-Honoré, u» 3i5» vû-n-visSaiut-Roch. 



LE TRAPISTE, 



POEME. 



PAR l'auteur 



(Mes ^oeiueS cviiûaued et luodet^ue^ : 






TROISIÈME ÉDITION 

AU BÉNÉFICE DES TRAPISTES D'ESPAGNE. 



CHEZ 



A PARIS, 

[ GUIRAUDET ET GALLAY, IMPRIMEUR ET LIBRAIRE, 

RVB SAIHT-HONORit, N® 3l5, TIS-À-VIS 8AIUT-R0CH; 

PAINPARRE^ LIBRAIRE, palais-royal, galeries de boisj 
PÉLICIER, LIBRAIRE, place du palais-royal. 



i%,'%i\jyiv\ 



1823. 



.'r^ 



KJérAtT tme des nuits qui des feux de TEapagné 
Par des froids bienfaisans consolent la campagne : 
L'ombre était transparente y et le lac argenté 
Brillait à lliorizon sous uii voile enchanté ; 



6 LE TRAPISTE. 

Une lune immobile <^clairait les valides. 
Où des citronniers verts serpentent les allées; 
Des milliers de soleils, sans offi^nser les yeux, 
Tels quWe poudre d'or semaient Fazur des cieux , 
Et les monts inclinés , verdoyante ceinture 
Qu'en cercles inégaux enchaîna la nature, 
De leurs dômes en fleurs étalaient la beauté, 
Revêtus d'un manteau bleuâtre et velouté. 
Mais aucim n'égalait dans sa magnificence 
Le Mont-Serrat paré de toute sa puissance : 
Quand des nuages blancs sur son dos arrondi 
Roulaient leurs flots chassés par le vent du Midi , 
Les brisant de son front, comme un nageur habile. 
Le géant semblait fuir sous ce rideau mobile ; 
Tantôt un piton noir, seul dans le firmament, 
Tel qu'un fantôme énorme, arrivait lentement; 
Tantôt un bois riant , sur une loche agreste , 
S'éclairait, suspendu conmie une île céleste* 



LE TRAPISTE. 

Puis enfin 9 des vapeurs délivrant ses contours, 
Comme une forteresse au milieu de ses tours. 
Sortait le pic immense : il semblait à ses plaines 
Des vents frais de la nuit partager les haleines, 
Et l'orage indécis, murmurant à ses pieds , 
Pendait encor d'en haut sur les monts eifrayés. 



%^^^^>'V^^i^>%i%^V%^ 



En spectacles pompeux la nature est féconde ^ 

Mais l'homme a des pensers bien plus giands que le monde. 

Quelquefois tout un peuple endormi dans ses maux 

S'éveille, et, saisissant le glaive des hameaux, 

Maudissant la Révolte impure et tortueuse, 

Elève tout à coup sa voix majestueuse : 

Il redemande à Dieu ses autels profanés , 

Il rappelle à grands cris ses Rois emprisonnés; 



8 LE TRAPISTE. 

G>mme un tigre > il arrache , il emporte sa chaîne; 
Il se lève y il grandit y il s'étend comme un chêne. 
Et de ses miUe bras il couvre en liberté 
Les sillons paternels du sol qui Fa porté. 
Ainsi, terre indocile, à ton Roi seul constante^ 
Vendée, où la chaumière est encore une tente. 
Ainsi de ton bocage aux détours meurtriers 
Sortirent en priant les paysans guerriers : 
Ainsi, se relevant, l'infatigable Espagne 
Fait sortir des héros du creux de la montagne. 



%^4^^o^>%<%^^^%»*>^ 



Sur des rochers, non loin de ces antres sacrés 
Où Pélag# appela les Goths désespérés, 
IVoù sort toujours la gloire, et qui gardent encore^' 
Helas I les os français mêlés à ceux da More^ 



LE TRAPISTE. 

Âu-dessus de la nue, au-dessus des torrens, 
Viennent de s'assembler les montagnards écrans^ 
La pourpre du réseau dont leur front s'environne 
Forme autour des cheveux une maie couronne. 
Et la corde l^ère, avec des nœuds puissan&> 
S'est tressée eu sandale à leurs pieds bondissans» 
Le silence est profond dan& la foule attentive ^ 
Car la hache pesante , avec la flamme active , 
D'un chêne que cent ans n'ont pas su protéger 
Ont fait pour leur prière un autel passager* 



Là , ce chef dont le nom sème au loin l'épouvante 
Dépose devant Dieu son oraison fervente-, 
Triomphateur sans pompe , il va d'une humble voix 
Chanter le Te Deum sous le déme des bois. 



10 LE TRAPISTE. 

EUt-ce un guerrier farouche? est-ce un pieux apôtre? 
Sous la robe de Fun il a les traits de l'autre : 

11 est prêtre, et pourtant promptement irrité 5 
U est soldat aussi , mais plein d^austérité ^ 

Son front est triste et pâle j et son œil intrépide ; 
Son bras frappe et bénit, son langage est rapide ^ 

1 

n passe d^ns la foule , et ne s'y mêle pas ; 
Un pain noir et grossier composa ses repas -, 
U parle, on obéit; on tremble s'il commande. 
Et nul sur son destin ne tente une demande. 
Le Trapiste est son nom : ce terrible inconnu , 
Sorti jadis du monde, au monde est revenu; 
Car, soulevant l'oubli dont ces couvens funèbres 
 leurs moines muets imposent les ténèbres, 
Il reparut au jour , dans une main la croix , 
Dans l'autre secouant, au nom des anciens Rois, 
Ce fouet dont Jésus-Christ, de son bras pacifique < 
Du haut des longs degrés du Temple magnifique 



LE TRAPISTE. u 

Renversa les vendeurs qui souillaient le saint mur y 
Dans les débris épars de leur trafic impur. 
Soit que la main de Dieu le couvre ou se retire,. 
Le condamne à la gloire ou Félëve au martyre , 
S'il vit, il reviendra, sans plainte et sans orgueil , 
D'un bras sanglant encore achever son cercueil, 
Et reprendre, courbé, l'agriculture austère 
Dont il s'est trop long-temps reposé dans la guerre. 
Tel un mort, évoqué par de magiques voix ^ 
Envoyé du sépulcre , apparaît pour les Rois^ 
Marche, prédit, menace, et retourne à sa tombe, 
Dont la pierre éternelle en gémissant retombe* 



%^^/mii%/^'% ^ ^^t^^m/^%/%r»r 



Parmi ces montagnards , ces robustes bergers, 
Aventuriers hardis, chasseurs aux pieds légers , 



ja LE TRAPISTE, 

I 

Qui rangent sous sa loi leur troupe volontaire^ 
Nul n'a voulu savoir ce qu'il a voulu taire. 
Dieu l'inspire et l'envoie, il le dit : c^t assez 9 
Pourvu que leurs combats leur soient toujours laissés^ 
Joyeux, ils voyaient donc, sanctifiant leur gloire,^ 
Ce prêtre offrir à Dieu leur première victoire. 
Pour lui, couvert de l'aube et de l'étole orné, 
Devant l'autel agreste il s'ëtàit retourné. 
Déjà, soldat du Christ, près dWtrer dans la lice, 
Il remplissait son coeur des baumes du calice. 
Mais des soupirs, des bruits, s'élèvent^ un grand cri 
Xi'interrompt ; il s'étonne, et, lui-même attendri , 
Voit un jeune inconnu, dont la tète est sanglante , 
Traînant jusqu'à Fàutel sa marche faible et lente. 
Montrant un fer brisé qui soutenait sa main , 
Qui défendit sa fuite et fraya son ch^in. 
C'est un de ces guerriers dont la constante veille 
Fait qu^en se9 |>alais d'or la Royauté sQmmeille. 



LE TRAPISTE. i3 

n tombe i Bfiais il parle , et sa tremblante voix 

S^orcé à ce discours entrecoupé trois fois : 

<^ Pour qui donc cet autel au milieu des ténèbres ? 

PTy chantez pas, ou bien dites des chants funèbres. 

Quel Espagnol ne sait les hymnes du trépas ? 

Les nouveaux noms des morts ne vous manqueront pas : 

rapporte sur vos monts de sanglantes nouvelles 1 

— Quoi! le Roi n'estnil plus? disaient les voix fidèles. 

—^Pleurez. — Il est donc mort? — Pleurez, il est vivant! )» 

Et le jeune martyr , sur un bras se levant , 

Tel qu'un gladiateur dont la paupière errante 

Cherche le sol qui tourne et fuit sa main mourante : 

«c Nos combats sont finis , dit-il , en un seul jour i 

Les taureaux ont quitté le cirque, et sans retour. 

Puisque le spectateur à qui s'offrait la lutte 

N'a pas daigné lui-même applaudir à leur chute. 

Pour vous, si vous savez les secrets du devoir, 

Partez, je vais mourir avant de les savoir. 



i4 LE TRAPISTE, 

Mais si vous rencontrez, non loin de ces montagnes , 
Des soldats qui vont vite à travers les campagnes. 
Qui portent sous leurs bras des glaives renversés, 
Et passent en silence et leurs fronts abaissés, 
Ne les engagez pas à cesser leur retraite; 
Ils vous refuseraient en secouant la tête : 
Car ils ont tous besoin, mon Père, ainsi que moi , 
De retremper leur âme aux sources de la foi. 
Nul ne sait s'il succombe ou fidèle ou parjure. 
Et si le dévoûment ne fut pas une injure. 
Vous , habitant sacré du mont silencieux , 
Instruit des saintes morts que préfèrent les Ciçux, 

Jugez-nous, et parlez Vous savez quelle proie 

Le peuple osa vouloir dans sa féroce joie ? 

Vous le savez , un Roi ne porte pas des fers 

Sans que leur bruit s'entende aux bouts de l'univers. , 

Nous qui pensions encore, avant l'heure où nous sommes, 

Qu'un serment prononcé devait lier les hommes, 



LE TRAPISTR i5 

Partant avec le jour, qui se levait sur nous 

Brillant, mais dont le soir n'est pas venu pour tous y 

Au palais, dont le peuple envahissait les portes , 

En silence, à grands pas, marchaient nos trois cohortes : 

Quand le Balcon Royal à nos yeux vînt s'offrir, 

Nous l'avons salué, car nous venions mourir. 

IVIais comme à notte voix il n'y parait personne, 

Aux cris des révoltés, à leur tocsin qui sonne , 

A leur joie insultante, à leur nombre croissant, 

Nous croyons le Roi mort, parce qu'il est absent; 

Et, gémissant alors sur de fausses alarmes, 

Accusant nos retards, nous répandions des larmes. 

Mais un bruit les arrête, et, passé dans nos rangs , 

Fait presque de leur mort repentir nos mourans. 

Nous n'osons plus frapper, de peur qu'un plomb fidèle 

N'aille blesser le Roi dans la foule rebelle. 

Déià, le fer levé, s'avancent ses amis. 

Par nos bourreaux sanglans à nous tuer admis ; 



\ 



i6 LE TRAPISTE. 

Nous recevons leurs coups long-temps avant d'y croire. 

Et notre ëtonnement nous 6te la victoire : 

En retirait vers vous nos rangs irrésolus , 

Nous cotnbattions toujours , mais nous ne pleurions plus. » 



Il se tut. Il régna, de montagne en montagne ^ 
Un bruit sourd qui semblait un soupir de l'Espagne. 
Le Trapiste incliné mit la main sur ses yeux. 
On ne sait s^il pleura ; car , tranquille et pieux , 
Levant son front creusé par les rides antiques , 
Sa voix grave apaisa les bataillons rustiques : 
Gomme au vent du midi la neige au loin se fond , 
La rumeur s'éteignit dans un calme profond. 



LE TRAPISTE. 17 

La lune alors plus belle ëcartait un nuage , 

Et du moine héroïque éclairait le visage; 

Troublé sur ses sommets et dans sa profondeur^ 

Le mont de tous ses bruits déployait la grandeur \ 

Aux mots entrecoupés du vainqueur catholique 

Se mêlaient d'un torrent la voix mélancolique 9 

Le froissement léger des mélèzes touffus , 

D^un combat éloigné les coups longs et confus , 

Et des loups affamés les hurlemens funèbres ^ 

Et le cri des vautours volant dans les ténèbres : t-^ 



■ « • 



<x Frères, il faut mourir : qu'importe le moment! 
Et si de notre mort le fatal instrument 



i8 LE TRAPISTE. 

Est cette main des Rois qui, jadis salutaire. 
Touchait pour les guérir les peuples de la terre 5 
Quand même, nous brisant sous notre propre effort, 
L'arche que nous portons nous donnerait la mort^ 
Quand même par nous seuls la couronne sauvée 
Écraserait ^n jour ceux qui Tont relevée, 
Seriez-vous ét^qnés ? et vos fidèles bras 
Seraient-ils moins ^dens à servir les ingrats ? 
Vous seriez-vous fibttés qu'on trouvât sur la terre 
La palme réservée au martyr volontaire ? 
Hommes toujours déçus , j'en appelle à vous tous : . 
Interrogez vos cœurs , voyez autour de vous y 
Rappelez vos liens, vos premières années, 
Et d'un juste coup d'œil sondez nos destinées. 
Amis , frères , amans , qui vous a donc appris 
Q'un dévoûment jamais dût recevoir son prix? 
Beaucoup semaient le bien d'une main vigilante. 
Qui n*ont pu récolter qu'une moisson sanglante. 



LE TRAPISTE. 19 

Si la couche est trompeuse et le foyer pervers , 
Qu'avez-vous attendu des Rois de l'univers ? 
O faiblesse mortelle ! 6 misère profonde! 

■ 

Le poids d'un grand service est trop lourd pour le monde. 
On s'immole plutôt qu'on n'est reconnaissant , 
D'un élan généreux tant l'attrait est puissant, 
Et tant est fugitif le souvenir des hommes 1 
Plaignons notre nature et le siècle où nous sommes ^ 
Gémissons, en secret, sur les fronts couronnés , 
Mais servons*les pour Dieu qui nous les à donnés. 
Notre cause est sacrée, et dans les cœurs subsiste. 
En vain les Rois s'en vont : la Royauté résiste , 
Son principe' est en haut, en haut est son appui \ 
Car tout vient du Seigneur, et tout retourne à lui. 
Dieu seul est juste , enfans \ sans lui tout est mensonge , 
Sans lui le moitfant dit : « La vertu n'est qu'un songe. » 
Nous allons le prier, et pour le prince absent, 
Et pour tous les martyrs dont coule encor le sang. 



io LE TRAPISTE. 

Je donne cette nuit à vos dernières larmes : 
Demain nous chercherons , à la pointe des armes, 
Pour leRoîlaoourotme, et des tombeaux poiu nous. » 



ÂMBN , dit l'assemblée en tombant à genoux^ 



#^#^#^#^#\#vr^#^J'^#^#^#^#\#^#^#\r^#^#\y^#^ur#^#^#^#«#^jr^^^ irsjH 



DOCUMENS 



SUR LES TRAPISTES D'ESPAGNE. 



C'est du couvent de âainte-Suzanne , en Aragon ^ qu^est 
sorti le Trapiste célèbre. 

Plusieurs fois (les religieux ses frères le racontent ainsi), il 
fut averti par des songes , et vint trouver le vieil abbé de la com- 
munauté , lui disant , comme autrefois Samuel à Héli t Me 
voici ^ carie Seigueur vient de m* appeler. 

Mais fabbé croyait d'abord que c'était un souvenir de son 
ancien métier des armes qui lui donuait ces pensées de guerre 
durant la nuit, et lui disait aussi : Jkton fils^ retournez et 
dormez. 

Cependant , comme il revint encore disant toujours : QuUl 
savait bien qu'on se battait pour le roi, et qu'il y devait 
être^ l'abbé ne douta plus que ce ne fût, comme ils le disent, 
la sainte volonté de Dieu; et sur les économies da couvent^ 
il lui fut acheté un cheval. Il partit comme Bayard ^ armé et 
aoumé par sa famille, pour bien servir son roi naturel ^ et 
il a combattu comme lui. 

Ces détails , et ceux que je vais dire encore , on les peut en* 



la DOCUifENS 

tendre de la bouche même de plusieurs de ces bons péres^ qui 
sont maintenant à Paris. Voici leur histoire entière et comment 
ils y sont venus. 

Il arriva qu'en l'hiver de Tannée 1 796 une colonie de trapistes 
partit du monastère de la Val-Sainte , en Suisse , que notre 
révolution avait comblé de malheureux , et peut-être de péni- 
tens. On les vit marcher deux à deux et en silence à travers des 
peuples révoltés et des armées , ne sachant pas bien où la Pro- 
vidence les arrêterait > et passant parmi les nations, comme 
Piérire l'Ermite et sa croisade , sans autre guide que la croix. 
« Partout on refusait le passage à nos fondateurs , m'écrivait 
«un de cçs religieux 5 mais ayant recours à Dieu, partout U 
« leur fut ouvert. En Savoie , comme ils se présentèrent à une 
(i ville où il y avait sentinelle^ elle leur dit 1 Mes pères , quand 
« vous seriez des anges du ciel , vous ne passerez pas. Et ils se 
« trouvaient dans un grand embarras , quand il se montra tout 
« à coup, et comme par miracle , un colonel qui avait été à la 
« Trappe de Mortagne^ et reçu par le même supérieur de la 
a colonie, qui parlait pour tous et qu'il reconnut de suite. Il se 
« jeta à son cou , et le conduisit chez lui avec les autres , leur 
« fit mille amitiés , et leur donàa le passage en les accompa- 

«gnant lui^^méme.» 

Lorsqu'on leur interdisait l'entrée d'une ville ^ il fallait pas- 
ser la nuit etposés à un froid très-cruel. Alors , coïkimë les ca- 
banes étment révolutionnaires et se fermaieiEt k des moines , ils 
se retiraient dans quelque cimetière , demandant l'hospitalité- 
et un abri sous leur tombe > à ces morts auxquels ils étaient 
aussi semblables par l'abandon et l'oubli du monde entier, que 



SUn LES TRAPI8TES d'eSPAGNB. 23 

4 

par teur pâleur et ces longues robes blancbes qui les faisaieiït 
paraître comme des ombres errantes. Là , ils priaient, et se fë- 
Uèitai^nt dans leurs cœurs de ce que Dieu leur donnait des mi- 
sères plus grandes encore que celles qu'ils avaient inventées 
pour eux-mêmes. 

Malgré tant de fatigues , la colonie silenoieuse parvint jus- 
qu'au royaume d'Espagne , alors paisible. Le peuple-moine 
baisa la robe des Trapistes } et le roi Charles IV, se souvenant 
qu'un vêtement semblable ayait eu vain tenté de contenir l'em- 
pereur Charles-Quint, et pensant que cette robe plus pesante 
t'eût pu faire > de peur qu'elle ne manquât à quelqu'un de se$ 
descendans , s'il savait jeter le manteau royal , laissa vivre dans 
son royaume ceux chez qui l'on va mourir, voulut être le patron 
de leur maison , leur donna un peu de cette terre qu'il devait 
quitter plus tôt qu'eux 5 et le souvenir de Saint - Jqst créa 
{Sainte-Suzanne. 

Là s'arrêtèrent enfin les bons religieux , quand on leur eut dit> 
comme au peuple de Dieu : Israël habitera sut cette terre 
dans une pleine assurance ^et y habitera seul. Ils reprirent 
avec joie leurs travaux douloureux. Un grand nombre d'£spa« 
gnols vinrent chercher l'oubli de la vie et la paix de l'âme dans ce 
continuel souvenir de la mort et ces fatigues assidues du corps. 
Dom Gerasime d'Alcantara remplit le premier cette dignité 
d'abbé , où l'on n'a d'autre privilège ( selon leurs expressions ) 
que de se lever plus tôjt et de se coucher plus tard^ c'est-à-dire 
quelques peines de plus. Tout en vivant dans les patiques de la 
régularité primitive , la république muette marchait à son but 
de se suffire à elle-même. Les frères labouraient , semaient et 



moissonnaient eux-mêmes, afin d'acquérir de quoi donner 
rhospitalité à des voyageurs qui souvent sont venus chercher 
dans (eur cloître un alin^ent à de lâches piaisantecies et à des 
rcScits ironiques et mensongers. Ce couvent, le seul de Tordre qui 
fût en Espagne , y inspirait cependant une admiration univer- 
selle^ En 1 8p8, les troupes françaises, toujours généreuses quand 
on les laisse à la pente naturelle de leur caractère, ont respecté 
l'enceinte du monastère , et des soldats furent placés à toutes 
les portes pour le garantir des insultes. 

Mais une invasion vaut mieux que la prudence d'une révo- 
lution. 

Un décret de^ Cortès de 1821 a déclaré ufile le terrain que 
les Trapistes occupaient ; des commissaires aux portes , des 
c\és saisies , les scellés de la nation partout , et le bannisse- 
mept, rien ne leur a manqué , pour leur malheur, des sages me- 
sures du bien public; et maintenant les voilà qui se présentent 
au seuil de nos maisons , pour demander un troisième tombeau, 
après qu'on les a dépouillés des deux premiers. 

Hetureux du moins sont les Français qui se trouvent parmi 
eux , que leur bouche si long-temps muette ne se soit ouverte 
que pour prononcer le langage de France. Aucun mot étranger 
n'a séparé leur adieu à la patrie des nouvelles paroles qu'ils lui 
%ûennent adresser^ mais c'est un langage bien douloureux qu'ils 
lui tiennent: «Gomment se peut-il, viennent-ils nous dire, 
f que des vieillards ne puissent pas trouver un coin de terre 
« pour mourir, sans qu'une révolution ne la vienne labourer. 
« Hélc^s ! elle la dit plus féconde dans ses mains } mais elle n'y 



/SUR LES TRÀPIST^D^EftPAGNE. .25 

« sème que di^ sang, et nous y faisions germer de saints exem- 
ff pies de repentir et de désintéressement. A notre entrée a la 
« Val-Sainte, notre oreille fut long-temps poursuivie dans le 
« silence du cloître par les gémissemens de vos guerres civiles: 
« c'était la dernière voix de la terre que nous eussions enten- 
ft due, et elle nous avait paru comme son dernier cri. Et ce- 
« pendant voilà que, vingt ans après, au sortir de Saintc-Su- 
^ zanne, les .premiers bruits' du monde que nous entendons sont 
« tout semblables à ces bruits ; la mémeliberté fait couler les mé- 
« mes MrDQies et. le même sang ..Vos révolutiops n'ont donc pas 
« cessé leur cours ? Gomment existe-t-il encore des peuples , 
« et comment se.trouve-t-il encore quelques rois à leur jeter ? » 

O que n'ai-je acquis plus de gloire ! J'emploierais à être utile 
à ses hommes vénérables le crédit miraculeux qu'elle donne sur 
les âmes , et j'ajouterais mon nom à leur éloge , comme pour 
le sceller de toute son autorité 5 mais si je suis trop jeune pour 
avoir ie droit.de faire tant de bien , j'ai du moins celui de rap- 
peler pour eux l'intérêt qu'un homme illustre leur a porté. 

La main qui nous a donné le Génie du Christianisme n'a 
pas dédaigné de transcrire à la suite d'un si beau livre les let- 
tres naïves d'un Trapiste * de Sainte-Suaumne, qui forment 
comme une histoire complète , où l'on voit son entrée au cou- 
vent, ses pieuses souffrances et sa fin. 

Une dernière lettre , qui annonce la mon précieuse qu'il a 



* M. de Cbuzel, frère de Bf. deQauzel de G>ussei^ues. 



^ DOCUMENS SUR LE» TRAPISTIS d'csI^ACNE. 

faite y et engage son frère à ne le point pleurer, est du ré- 
vérend père Jean-Baptiste de Martres , prieur des Trapistes 
d'Espagne, Français de naissance, et maintenant à Paris, où 
Mgr l'atchevéque Ta reçu dans son palais. 

Ce religieux vieillard vient chercher quehjiies apeaiars p<Mir 
SQs frères qui ont repassé les Pyrénées avec lui. 

Il m'a fait Thoimettr de me visiter, et je n'ai rien vu dans 
toute sa personne qui ne fût digne dé Tidée que l'on se fut de 
ces austères cénobites : il unit la simplicité d'un enfant aux traita 
sotiiTrans d'un anachorète, et dit avec naïveté de ces belles cho- 
ses qui transportent d'admiration dans les hautes productions 
du génie. Ces âmes épurées vivent si loin du monde ^ que son 
langage ordinaire n'est guère compris par elles , et que le su- 
blime est devenu la nature de leurs pensées. 

Puissent leurs prières faire èur beaucoup de cœuYS Pimpres-^ 
sion que fit sur le mien leur simple vue. Quant à moi, voici 

sans doute fat dernière fois qu'il m'est permis d'élever ma voix 
en leur faveur. Destiné à prêter une autre arme aux émigrés 
espagnols , je penserai du moins que personne n'aura acquis, 
sans leur avoir fait un peu de bien *, ce livre^ où je purlais de 
leur infortune. 

* Cet ouvrage se vendra Ati profit des Trapistes espagnols. 



IMPRIMERIE DE GUIRAUDET , RUE SAINT-HONORE , N» 9i5„ 

VIS-A«V1S 6AIM1>-R0CU. 



r 



ÈLOA, 



OU 



LA SŒUR DES ANGES 



Mn^tne. 



\ 



AMBROISE TARDIEU, EDITEUR. 



IMPRlMElilC AS FIRMiir DIDOT, RTJE /ACOB, IT** 04* 



ÉLOA, 



OU 



LA SOEUR DES ANGES. 

PAR LE C" ALFRED DE YIGNl, 

AUTEUR DU TRAPISTE, etC. 



C'est le serpent . dit-elle ; je l'ai écoaté , 
et il m*a trompée. (GvirèsK.) 



|)arb , 



Auguste BOULLAND ET C'«, libraires, 

RUE DU BATTOIR, N® la. 

i8a4. 



C^) 



CHANT PREMIER. 



ïlai^^anir^. 



n 






r ■ 



ÈLOA. 



»«^KH 



Cljattt Ptemiev. 



NAISSANCE. 



XL naquit sur la terre un Ange, dans le temps 
Où le Médiateur sauvait ses habitants. 
Avec sa suite obscure et comnie lui bannie, 
Jésus avait quitté les murs de Béthanie; 



I. 



4 ELOA. 

A travers la campagne il fuyait d'un pas lent. 

Quelquefois s'arrêtait, priant et consolant, 

Assis au bord d'un champ le prenait pour symbole, 

Ou du Samaritain disait la parabole, 

La brebis égarée, ou le mauvais pasteur, 

Ou le sépulcre blanc pareil à l'imposteur; 

Et de là poursuivant sa paisible conquête , 

De la Chananéenne écoutait la requête, 

A la fille sans guide enseignait ses chemins. 

Puis aux petits enfants il imposait les mains. 

L'aveugle-né voyait sans pouvoir le comprendre 

Le lépreux et le sourd se toucher et s'entendre, 

Et tous lui consacrant des larmes pour adieu. 

Ils quittaient le désert où l'on exilait Dieu. 

Fils de l'homme et sujet aux maux de la naissance. 

Il les commençait tous par le plus grand, l'absence, 

Abandonnant sa ville et subissant l'Édit , 

Pour accomplir, en tout, ce qu'on avait prédit. 



CHANT I. 5 



îi 



Or, pendant ces tempj&*tà, ses amis en Judée 
Voyaient venir leur fin qu'il avait retardée; 
Lazare qu'il aimait et ne visitait plus 
Vint à mourir I ses joiirs étant tous révolus. 
Mais l'amitié de Dieu n'est^elle pas la vie ? 
Il partit dans la nuit;' sa marche était suivie 
Par les deux jeunes sœurs du malade expiré , 
Chez qui dans ses périls il s'était retiré. 
C'était Marthe et Marie; or, Marie était celle 
Qui versa les parfums et fit blâmer son zèle* 
Tous s'affligeaient ; Jésus disait en vain : Il dort. 
Et lui-même en voyant le linceul et le mort, 
Il pleura. Larme sainte à l'amitié donnée, 
Oh! vous ne fûtes point aux vents abandonnée! 
Des Séraphins penchés Tume. de diamant, 
Invisible aux mortels vous reçut mollement, 
Et comme une merveille, au Ciel même étonnante^ 
Aux pieds de l'Etemel, vous porta rayonnante., 



r) ELOA. 

De Tceil toujours ouvert un regard complaifiant 

Émut et fit briller l'ineffable présent; ^ 

Et l'Esprit-Saint sur elle épanchant sa puissance, 

Donna l'ame et la vie à. la divine essence. 

Comme Fencens qui brûle aux rayons du soleil 

Se change en un feu pur, éclatant et vemneil^ 

On vit alors du sein de l'urne éblouissante , 

S'élever une forme et blanche et grandissante, 

Une voix s'entendit qui disait : Éloa! 

Et l'Ange apparaissant répondit t Me voilât 



■p—^i 



Toute parée, aux yeux du Ciel qui ia contemple, 
Elle marche vers Dieu comme uHie épouse au Temple. 
Son beau front est serein et pur comme un beau lis , 
Et d'un voile d'azur il soulève les plis; 



CHANT I. 7 

Ses cheveuK partagés compne des gerbes blondes , 
Dans les Vapeurs de l'air perdent leui*8 injolles oi^des, 
Gomme on voit la Comète errante dans les cieux 
Fondre au sein de la nuit ses rayons gracieux; 
Une rose aux lueurs de Taube matinale 
N'a pas de son teint frais la rougeur virginale ; 
Et la lune, des in^is éolain^nt l'épaisseur, ^4/ 
D'un de ses éoox regards HatteiÀjf pas la douceur. 
Ses ailes sont d'argent; sot]$ une pâle robe. 
Son pkd blanc toiir<-à*l0iir se montre ist se dérobe , 
Et son sein agité, mais à peine aperçu, 
Soulève les contj^urs du céteste tif su. 

■ ■ 

C'est une femme aussi, c'est uîie Ange charmante; 
Car ce peuple d'Esprits, cette famille aîmaiyte , 
Qui, pour nous:, près de nous, prie et veille toujours, 
Unit sa pure essence en de saintes amours: . r 

L'Archange Raphaël, lorsqu'il vint^ur la Terne,- 7 
Sous le berceau d'Ëden oo&ta ce doux mystère. 



8 ÉLOA. 

Mais nulle de ces sœurs que Dieu créa pour 
N'apporta plus de jme au cid des Bienheureux 



Les Chérubins brûlants 'qu'envek>pp«it six ailes. 
Les tendres Séraj^ns , Dieux 4e6 amours fi<fèles , 
Les Trônes, les Vertus, les Princes, les Ardeurs., 
Les Dominations, les Gardiens 9 les Splendeurs, 
Et les Rêves: pieux , et les saintes Louanges , 
Et tous les Anges purs , et tous les grands Archanges, 
Et tout ce. que le Ciel renferme d%abîtants, 
Tous, de leurs ailes d'or voilés en même temps. 
Abaissèrent leurs fronts jusqu'à ses pieds de neige. 
Et les Vierges ses sœurs s'unissant en cortège, 
Comme autour de la Lune on voit les feux du soir, 
Se tenant par la main coururent pour la voir^ 



CHANT I. 9 

I 

Des harpes d'or p^idaient à leur chaste ceinture;. 
Et des fleurs qu^au Ciel seul fit germer la nature, 
Des fleurs qu'on ne voit pas dans l'Été des humains , 
Comme une large pluie abondaient sous leurs mains. 



«Heureux, chantaient alors des voix incomparables, 
(K Heureux le monde offert à ses pas secourables! 
«Quand eile aura passé parmi les malheureux, 
« L'esprit consolateur se répandra sur eux. 
<c Quel globe attend ses pas ? Quel siècle la demande ? 
<( Naîtra-t-il d'autres Cieux afin qu'elle y ccmimande? 



t 



10 ELOA. 

Un jour.... Comineiit oser nommer du nom de jour, 
Ce qui na pas de fuite et n'a pas de retour, 
Des langages humains défisAit l'indigence, 
L'Éternité se voile *à notre intelligence, 

m 

Et pour nous faire entendre un de ses courts instants, 

11 faut chercher pour eux un nom parmi les Temps. 
Un jour les habitants de l'immortel empire. 
Imprudents une fois , s'unissaient pour l'instruire. 

ff Eloa , disaient^ils, oh! veillez bien ^vir vous : 
c< Un Ange peut tomber; 1^ plus bf^au de jaous tofis 
« N'est plus iqi : poprt^Qt d^n$ sa vertu pr^p^ère 
(c On le nommait celui qui porte lu, lufnière; 
« Car il portait l'^iinQur et la vie en tput lieu , 
(i Aux astres il portait tops les ordres d^ Dieu ; 
« La Terre consacrait sa beauté sans égale, 
« Appelant Lucifer l'étoile matinale, 
« Diamant radieux que sur son front vermeil ^ 
« Parmi ses cheveux d'or, a posé le Soleil. 



CHANT I. Il 

« Mais on dit quà présent il est sans diadème, 
i( Quil gémit, qu'il est seul, que personne ne Taime, 
« Que la noirceur d'un crime appesantit ses yeux, 
« Qu'il ne sait plus parler le langage des Cieux; 
« La mort est dans les mots que prononce sa bouche ; 
« Il brûle ce qu'il voit, il flétrit ce qu'il touche ; 
(c II ne peut plus sentir le mal ni les bienfaits; 
« Il est même sans joie aux malheurs qu'il a faits. 
« Le C\e\ qu'il habita se trouble à sa mémoire, 
« Nul Â^ge n'osera vous conter son histoire, 
(c Aucun Saint n'oserait di^re une fois son nom. » 
£t l'on crut qii'Ëloa le maudirait. Mais non, 
L'efitoi n'itéra point scm paisible visage; 
Et ce fut pour le Ciel un alarmant présage. 
Son premier mouvement ne fut pas de frémir, 
Mais plutôt d'approcher comme pour secourir; 
La tristesse apparut sur sa lèvre glacée 
Aussitôt qu'un nialheur s'offirit à sa pensée ; 



?.»» 



12 ELOA. 

Elle apprit à rêver, et son front innocent 
De oe trouble inconnu rougit en s'abaissant ; 
Une larme brillait auprès de sa paupière. 
Heureux ceux dont le cœur verse ainsi la première ! 



Un Ange eut ces ennuis qui troublent tant nos jours, 
Et poursuivent les grands dans la pompe des cours; 
Mais au sein des banquets , parmi la multitude , 
Un homme qui gémit trouve la solitude; 
Le bruit des Nations , le bruit que font les Rois , 
Rien n'éteint dans son cœur une plus forte voix. 
Harpes du Paradis, vous étiez sans prodiges! 
Chars vivants dont les yeux ont d'éclatants prestiges, 

« 

Armures du Seigneur, pavillons du saint lieu, 
Étoiles des bergers tombant de^ doigts de Dieu , 



CHANT I. i3 

Saphirs des encensoirs, or du céleste dôme, 

Délices du Nebel, senteurs du Cinnamome, 

Vos bruits harmonieux, vos splendeurs, vos parfums, 

Pour un Ange attristé devenaient importuns; 

Les cantiques sacrés troublaient sa rêverie. 

Car rien n'y répondait à son ame attendrie; 

Et soit lorsque Dieu même, appelant les esprits. 

Dévoilait sa grandeur s^ leurs regards surpris. 

Et montrait dans les Cieux, foyer de la naissance, 

Les profondeurs sans nom de sa triple puissance; 

Soit quand les. Chérubins représentaient entre eux 

Ou les actes du Christ ou ceux des Bienheureux, 

Et répétaient au Ciel chaque nouveau mystère 

Qui , dans les mêmes temps , se passait sur la Terre, 

Ija crèche offerte aux yeux des Ma^s étrangers, 

La famille au désert, le salut des bergers: 

Éloa s écartant de ce divin spectacle , 

Loin de leur foule et loin du brillant Tabernacle, 



i4 ÉLOA. 

Cherchait quelque nuage où dans lobscurité 
EUe pourrait du moins rêver en liberté. 



Les Anges ont des nuits comme la nuit humaine. 
Il est dans le ciel même une pure fomaine ; 
Une eau brillante y court sur un sable vermeil. 
Quand un Ange la puise, il dort, mais d'un sommeil 
Tel que le plus aimé des amants de la terre 
N'en voudrait pas quitter le charme solitaire; 
Pas même pour revoir dormant auprès de lui 
La beauté dont la tête a son bras pour appui. 
Mais en vain ÉI^ s'abrenvait de son onde , 
Sa douleur inquiète' eii était plus profonde; 
Et toujours dans là nuit un rêve lui montrait 
Un Ange malheureux qui de loin Timplorait. 



CHANT L i5 

Les Vierges quelquefois pour connaître sa peine 

Formant une prière inentendue et vaine, 

L'entouraient, et prenant ces soins qui (<mi souffrir, 

Demandaient quels trésors il lui fallait dBfrir, 

Et de quel prix serait son étemelle vie , 

Si le bonheur du Ciel flattait peu son envie ; 

Et pourquoi son regard ne cherchait pas enfin 

Les regards d'un Archange ou ceux d'un Séraphin. / 

Eloa répondait une seule parole : 

(( Aucun d'eux n'a besoin de ceUe qui oxisole. 

« On dit qu'il en est «n...»Mais détournaat leurs pas , 

Les Vierges s'enfuyaient et ne le nommaient pas. 



Cependant, seule un jour, leur timide compagne 
Regarde autour de soi la céleste campagne , 
Etend l'aile et sourit, s'en vole,, et dans les airs 
Cherche sa Terre amie ou des astres déserts. 



i6 ÉLOA. 



Ainsi dans les forêts de, la Liouisiane, 
Bercé sous les bambous et la longue liane, * 
Ayant rompu Fœuf d'or par le soleil mûri, 
Sort de son nid de fleurs l'éclatant Colibri; 
Une verte émeraude a couronné sa tête , 
Des ailes sur son dos la pourpre est déjà prête, 
La cuirasse d'azur garnit son jeune cœur; 
Pour les luttes de l'air l'oiseau part en vainqueur... 
Il promène en des lieux voisins de la lumière 
Ses plumes de corail qui craignent la poussière'; 
Sous son abri sauvage étonnant le ramier, 
Le hardi voyageur visite le palmier. 
La plaine des parfums est d'abord délaissée; 
Il passe, ambitieux, de l'érable à l'alcée. 
Et de tous ses festins croit trouver les apprêts 
Sur le front du palmiste ou les bras du cyprès. 



CHANT I. 17 

Mais les bois sont trop grands pour ses ailes naissantes, 
Et les fleurs du berceau de ces lieux sont absentes , 
Sur la verte savane il descend les chercher ; 
Les serpents-oiseleurs qu'elles pourraient cacher 
L'effarouchent bien moins que lés forêts arides. 
Il poursuit près des eaux le jasmin des Florides, 
La nompareille au fond de ses chastes prisons, 
Et la fraise embaumée au milieu des gazons. 
C'est ainsi qu'Éloa forte dès sa naissance, 
De son aile argentée essayant la puissance, 
Passant la blanche voie oîi dés feux immortels 
Brûlent aux pieds de Dieu comme un amas d'autels, 
Tantôt se balançant sur deux jeunes planètes, 
Tantôt posant ses pieds sûr le front des Comètes , 
Afin de découvrir les êtrcfs nés ailleurs, 
Arriva seule au fond des Ciéux inférieurs. 



i8 ÉLOA. 

L'Éther a ses degrés d'une grandeur immense 
Jusqu'à Tombre étemelle où lé Chaos commence. 
Sitôt qu'un Ange a fui lazur illimité, 
Coupole de saphirs qu'emplit la Trinité, 
Il trouve un air moins pur; là passent des nuages, 
Là tournent des vapeurs, serpentent des orages, 
Comme une garde agile et dont la profondeur 
De l'air que Dieu respire éteint pour nous l'ardeur. 
Mais après nos soleils et sous les atmosphères 
Où dans leur cercle étroit se balancent nos sphères, 
L'espace est désert, triste, obscur et sillonné 
Par un noir tourbillon lentement entraîné. 
Un jour douteux et pâle éclaire en vain la nue; 
Sous elle é&t le Chaos et la nuit inconnue ; 
Et lorsqu'un vent de feu brise son sein profond. 
On devine le vide impalpable et sans fond. 

Jamais les purs esprits enfants de la lumière 
De ces trois régions n'atteignent la dernière, 



y 



CHANT I. i<) 

Et jamais ne s'égare aucun beau Séraphin 
Sur ces degrés confu^ dont l'Enfer est ia fin. 
Même les Chérubins, si forts et si fidèles! 
Craignent que l'air impur ne manque sous leurs ailes ^ 
Et qu'ils ne soient forcés dans ce vol dangereux 
De tomber jusqu'au fond du Chaos ténébreux. 
Que deviendrait alors l'exilé sans défense? 
Du rire des Démons l'inextinguible offense; 
Leurs mots, leurs jeux railleurs, lent et cruel affront, 
Feraient baisser ses yeux, feraient rougir son front. 
Péril plus grand ! peut-être il lui faudrait entendre , 
Quelque chant d'abandon voluptueux et tendre , 
Quelque regret du Ciel, un récit douloureux^ 
Dit par la douce voix d'un Ange malheureux. 
Et même en lui prêtant une oreille attendrie 
Il pourrait oublier la céleste patrie, 
Se plaire sous la nuit, et dans une amitié 
Qu'auraient nouée entre eux les chants et la pitié. 



'2. 




20 ELOA. 

£t comment remonter à la voûte azurée , 

Offrant à la lumière éclatante et dorée 

* 

Des cheveux dont les flots sont épars et ternis , 
Des ailes sans couleurs, des bras, un col brunis^ 
Un front plus pâle, empreint de traces inconnues, 
Parmi les fronts sereins des habitants des nues. 
Des yeux dont la rougeur montre qu'ils ont pleuré^ 
Et des pieds noirs encor d'un feu pestiféré ? 

Voilà pourquoi , toujours prudents et toujours sages , 
Ijes Anges de ces lieux redoutent les passages. 



C'était là cependant , sur la sombre vapeur , 
Que la Vierge Élpa se reposait sans peur; 
Elle ne se troubla qu'en voyant sa puissance, 
Et les bienfaits nouveaux causés par sa présence. 



CHANT I. 21 

Quelques inondes punis semblaient se consoler; 
Les globes s'arrêtaient pour l'entendre voler. 
S'il arrivait aussi qu'en ses routes nouvelles, 
Elle touchât l'un d'eux des plumes de ses ailes, 
Alors tous les chagrins s'y taisaient un moment. 
Les rivaux s'embrassaient avec étonnement; 
Tous les poignards tombaient oubliés par la haîhe ; 
Le captif souriant, marchait seul et sans chaîne; 
Le criminel rentrait au temple de la loi ; 
Le' proscrit s'asseyait au palais de son Roi ; 
L'inquiète Insomnie abandonnait sa proie; 
Lés pleurs cessaient partout, hors les pleurs de la joie; 
Et surpris d'un bonheur rare chez les mortels. 
Les amans séparés s'unissaient aux autels. 



/ 



CHANT SECOND. 



^élfuciion. 



y 



CHANT IL 



Cl)ant èecontf. 



»•* 



SEDUCTION, 



Souvent parmi les monts qui dominent la terre 
S'ouvre un puits naturel, profond et solitaire; 
L'eau qui tombe du ciel s'y garde, obscur miroir 
Oîi dans le jour on voit les étoiles du soir. 
Là, quand la villageoise a sous la.coi^de agile 
De l'urne au fond des eaux plongé la frêle argile, 
Elle y demeure oisive , et contemple long-temps 
Ce magique tableau des astres éclataats^ 



26 ÉLOA. 

Qui semble orner son front, dans Tonde souterraine, 
D'un bandeau qu'envîraient les cheveux d'une Reine. 
Telle, au fond du Chaos qu'observaient ses beaux yeux , 
La Vierge en se penchant croyait voir d'autres Cieux. 
Ses regards éblouis par des Soleils sans nombre , 
N'apercevaient d'abord qu'un abîme et que l'ombre. 
Mais elle y vit bientôt des feux errants et bleus , 
Tels que des froids marais les éclairs onduleux; 
Ils fuyaient, revenaient, puis s'échappaient encore; 
Chaque étoile semblait poursuivre un météore; 
Et l'Ange, en souriant au spectacle étranger, 
Suivait des yeux leur vol circulaire et léger. 
Bientôt il lui sembla qu'une pure harmonie 
Sortait de chaque flamme à l'autre flamme unie : 
Tel est le choc plaintif et le son vague et clair 
Des cristaux suspendus au passage de l'air, 
Pour que dans son palais la jeune Italienne 
S'endorme en écoutant la Harpe*Ëolienne. 



I 



I 



CHANT IL ii7 

Ce bl*uit lointain devint un chant surnaturel , 

Qui parut, s'approcher de la fille du ciel y 

£t ces feux réunis furent comme l'aurore 

D'un jour inespéré qui semblait près d'éclore. 

A sa lueur de ro$e un nuage embaumé 

Montait en longs détours dans un air enflammé , 

Puis lentement forma sa couche d'ambroisie. 

Pareille à ces divans où dort la molle Asie. 

Là 9 comme un Ange assis, jeune, triste et charmant, 

Une forme céleste apparut vouement.. 



Quelquefois un enfant de la Clyde écumeuse 
En bondissant parcourt sa montagne brumeuse , 
Et chasse un daim léger que son cor étonna ,. 
Des glaciers de l'Arven aux brouillards du Croha, 



a8 ÉLOA. 

* 

Franchit les rocs moussus, dans les gouffres s'élance, 
Pour passer le torrent aux arbres se balance , 
Tombe avec un pied sûr, et s'ouvre des chemins 
Jusqu'à la neige encor vierge des pas humains., 
Mais bientôt s'égarant au milieu des nuages , 
Il cherche les sentiers voilés par les orages; 
Là, sous un arc-en-ciel qui couronne les eaux, 
S'il a vu dans la nue, et ses vagues réseaux. 
Passer le plaid léger d'une Écossaise errante, 
£t s'il entend sa voix dans les échos mourante, 
Il s'arrête enchanté, car il croit que ses yeux 
Viennent d'apercevoir la sœur de ses aïeux. 
Qui va faire frémir , ombre encore amoureuse , 
Sous ses doigts transparents la harpe vaporeuse ; 
Il cherche alors comment Ossian la nomma. 
Et debout sur sa roche appelle Évir-Coma. 

Non moins belle apparut, mais non moins incertaine. 
De l'Ange ténébreux la forme encor lointaine , 



CHANT IL 

Et des enchantements non moins délicieux 
De la Vierge céleste occupèrent les yeux. 



Comme un cygne endormi qui seul , loin de la rive , 

Livre son aile blanche à l'onde fugitive , 

Le jeune homme inconnu mollement s'appuyait 

Sur ce lit de vapeurs qui sous ses bras fuyait. 

Sa robe était de pourpre, et flamboyante ou pâle^ 

Enchantait les regards des teintes de Topale. 

Ses cheveux étaient noirs, mais pressés d'un bandeau; 

C'était une couronne ou peut-être un fardeau : 

L'or en était vivant comme ces feux mystiques 

Qui tournoyants, brûlaient sur les trépieds antiques. 

r 

Son aile était ployée, et sa faible couleur 
De la brume des, soirs imitait la pâleur. 



3o ELOA. 

Des diamants nombreux rayonnent avec grâce 

Sur ses pieds délicats qu'un cercle d'or embrasse; 

Mollement entourés d'anneaux mystérieux, 

Ses bras et tous ses doigts éblouissent les yeux. 

Il agile sa main d'un sceptre d'or armée , 

Comme un Roi qui d'un mont voit passer son Armée , 

Et craignant que ses vœux ne s'accomplissent pas , 

D'un geste impatient accuse tous ses pas. 

Son front est inquiet, mais son regard s'abaisse. 

Soit que sachant des yeux la force enchanteresse, 

Il veuille ne montrer d^abord que par degrés 

Soit qu'il redoute aussi l'involontaire flamme 
Qui dans un seul regard révèle l'ame à l'ame. 
Tel que dans la forêt le doux vent du matin 
Ck>mmence ses soupirs par un bruit incertain 
Qui réveille la terre et fait palpiter l'onde ; 
Élevant lentement sa voix douce et profonde , 



CHANT II. 3i 

Et prenant un accent triste camme un adieu , 
Voici les niots qu'il dit à la fille de Dieu : 



«D'où viens-tu , belle Archange? où vas-tu?quelle voie 

« Suit ton aile d'argent qui dans l'air se déploie ? 

« Vas-tu te reposant au centre d'un Soleil , 

« Guider Tardent foyer de son cercle vermeil, 

« Ou^ troublant les amants d'une crainte idéale, 

« Leur montrer dans la nuit l'Aurore boréale; 

« Partager la rosée aux calices des fleurs, 

ce Ou courber sur les monts Técharpe aux sept couleurs? 

(c Tes soins ne sont-ils pas de surveiller des âmes, 

« Et de parler, le soir, au cœur des jeunes femmes; 

c< De venir comme un rêve en leurs bras te poser, 

« Et de leur apporter un fils dans un baiser ? 

ce Tels sont tes doux emplois , si du moins j'en veux croire 

ce Ta beauté merveilleuse et tes rayons de gloire. 



3îi ELOA. 

ff Mais plutôt n'es- tu pas un ennemi naissant 

« Qu'instruit à me haïr mon rival trop puissant ? 

(c Ah! peut-être est-ce toi qui m'offensant moi-même, 

«c Conduiras mes païens sous les eaux du baptême ; 

(c Car toujours l'ennemi m'oppose triomphant 

« Le regard d'une vierge ou la voix d'un enfant. 

« Je suis un exilé que tu cherchais peut-être y 

« Mais s'il est vrai, prends-gardeauDieu jaloux, ton maître; 

« C'est pQur avoir aimé, c'est pour avoir sauvé, 

ce Que je suis malheureux, que je suis réprouvé. 

ce Chaste beauté ! viens-tu me combattre ou m'absoudre ? 

« Tu descends de ce Ciel qui m'envoya la foudre , 

a Mais si douce à mes yeux, que je ne sais pourquoi 

a Tu viens aussi d'en haut, belle Ange, contre moi. >> 



Ainsi l'Esprit parlait. A sa voix caressante, 
Prestige préparé contre une ame innocente, 



CHANT II. 33 

A ces douces lueurs , au magique appareil 
De cet Ange si doux à ses frères pareil , 
L'habitante des Cieux , de sou aile voilée , 
Montait en reculant sur sa route étoilée ^ 
Comme on voit la haineuse au milieu des roseaux 
Fuir un jeune fiageur qu'elle a vu sous les eaux. 
Mais en vain ses deux pieds s'éloignaient du nuage , 
Autant que la colombe en deux jours de voyage 
Peut s'éloigner d'Alep et de la blanche tour 
D'où la Sultane envoie une lettre d'amour : 
Sous l'éclair d'un regard sa force fut brisée; 
Et dès qu'il vit ployer son aile maîtrisée, 
L'ennemi séducteur continua tout bas : 



« Je suis celui qu'on aime et qu'on ne connaît pas. 

3 



M ELOA. 

a Sur l'homme j ai foudé mon empire de flamme 

« Dans les désirs du cœur, dans les rêves de l'ame, 

« Dans les liens des corps, attraits myiatérieux, 

(c Dans les trésors du sang, dans les regards des yeilx. 

(c C'est moi qui fais parler l'épouse dans ses songes ; 

(c La jeune fille heureuse apprend d'heureux mensonges ; 

« Je leur donne des nuits qui consolent des jours , 

<c Je suis le Koi secret des secrètes amours. 

(C J'unis les cœurs, je romps les chaînes ri^ureuses, 

« Comme le papillon sur ses ailes poudreuses 

(( Porte aux gazons émus des peuplades de fleurs , 

« Et leur fait des amours sans périls et ^ns pleurs. 

(C J'ai pris au Créateur sa faible créature ; 

« Nous avons, malgré lui, partagé la nature : 

« Je le laisse, orgueilleux des bruits du jour vermeil, 

« Cacher des astres d'or sous l'éclat d'un Soleil; 

« Moi, j'ai l'ombre muette, et je donne à la terre 

« La volupté des soirs et les biens du mystère. 



CHANT IL 35 

« Es- tu venue, avec quelcpies Anges des Cieux, 
c( Admirer de mes nuits le coûts délicieux ? 
c< As-tu vu leurs trésors ? Sais^tu quelles merveilles 
« Des Anges ténébreux accompagnent les veilles ? 



c( Sitôt que balancé sous le pâle horizon 

« Le Soleil rougissant a quitté le gazon , 

« Innombrables esprits^ nous volons dans les Ombres 

(t En secouant dans l'air nos chevelures sombres : 

(c L'odorante rosée alors jusqu'au matin 

« Pleut sur lès orangers, les lilas et le thym. 

« La nature , attentive aux lois de mon empire, 

« M'accueille avec amour, m'écoute et me respire; 

« Je redeviens son ame, et pour m«s doux projets 

« Du fond des éléments j'évoque mes sujets. 

<( Convive accoutumé dé ma nocturne fête , 

« Chacun d'eux en chantant à s'y rendre s'appriête. 

3. 



36 ÉLOA. 

c( Vers le ciel étoile, dans l'orgueil de son vol , 

c( S'élance le premier l'éloquent rossignol ; 

a Sa voix sonore, à l'onde, à la terre, à Ja nue, 

■ 

u De mon heure chérie annonce la venue; 
a II vante mon approche aux pâles aliziers, 

* 

« Il la redit encore aux humides rosiers ; 

«Héraut harmonieux, partout il me proclame; 

« Tous les oiseaux de l'ombre ouvrent leurs yeux de flamme. 

u Le vern^isseau reluit; son front de diamant 

« Répète auprès des fleurs les feux du firmament, 

« Et lutte de clartés avec le météore 

(( Qui rôde sur les eaux comme une pâle aurore. 

ce L'étoile des marais que détache ma main 

ce Tombe et trace dans l'air un lumineux chemin. 



ce Dédaignant le remords et sa triste chimère , 
ce Si la Vierge a quitté la couche de sa mère , 



CHANT II. 37 

« Ces flambeaux naturels s'allument sous ses pas, 
ce £t leur feu clair la guide et ne la trahit pas. 
« Si sa lèvre s'altère et vient près du rivage 
« Chercher comme une coupe un profond coquillage, 
a L'eau soupire et bouillonne, et devant 'ses pieds nus 
« Jette aux bords sablonneux la Conque-de-Vénus. 
(c Des Esprits lui font voir de merveilleuses choses , 
(c Sous des bosquets remplis de la senteur des roses ; 
'' Elle aperçoit sft* l'herbe où leur main la conduit 
c( Ces fleurs dont la beauté ne s'ouvre que la nuit, 
« Pour qui l'aube du jour aussi sera cruelle, 
t( Et dont le sein modeste a des amours comme elle. 
« Le silence la suit, tout dort profondément; 
>c L'ombre écoute un mystère avec recueillement. 
(C Les vents des prés voisins apportent l'ambroisie 
u Sur la couche des bois que l'amant a choisie. 
« Bientôt deux jeunes voix' murmurent de-s propos 
(( Qui des bocages sourds animent le repos ; 



38 ÉLOA, CHANT IL 

« Au fond de lorme épais dont l'abri les accueille , 
« L'oiseau réveillé chante et bruit sous la feuille. 
« L'hymne de volupté fait tressaillir les airs, 

« 

« Les arbres ont leui's chants, les buissons leur concerts, 
« £t sur les bords d'une eau qui gémit et s'écoule, 
a La colombe de nuit languissamment roucoule. 



« La voilà sous tes yeux l'œuvre du^alfaiteur; 
(c Ce méchant qu'on accuse est un consolateur 
a Qui pleure sur l'esclave et le dérobe au maître, 
(( Le sauve par l'amour des chagrins de son être, 
« Et dans le mal commun lui-même enseveli, 
(( Lui donne un peu de charme, et quelquefois l'oubli. » 
Trois fois , durant ces mots , de l'Archange naissante 
La rougeur colora la joue adolescente, 
Et luttant par trois fois contre un regard impur. 
Une paupière d'or voila ses yeux d'azur« 



CHANT TROISIÈME. 

é 



(KIjuU. 



CHANT III. 4« 



imimm 



CIjant ^royieme. 



CHUTE 



LJ^ov venez- vous , Pudeur, noble crainte, 6 Mystère 

Qu'au temps de son enfance a vu naître la terre , 

Fleur de ses premiers jours qui germez parmi nous, 

Rose du Paradis! Pudeur, d'où venez- vous? 

Vous pouvez seule encor remplacer l'innocence ; 

Mais l'arbre défendu vous a donné naissance; 

Au charme des vertus votre chaime est égal , 
Mais vous êtes aussi le premier pas du mal. 



4a ÉLOA. 

D'un chaste vêtement votre sein se décore; 
Eve avant le serpent n'en avait pas encore, 
Et si le voile pur orne votre maintien, 
C'est un voile toujours , et le crime a le sien. 

9 

Tout vous trouble; un regard blesse votre paupière; 
Mais l'enfant ne craint rien ^ et cherche la lumière. 
Sous ce pouvoir nouveau la Yi(^ge fléchissait. 
Elle tombait déjà , car elle rougissait ; 
Déjà presque soumise au joug de l'esprit sombre, 
Elle descend, remonté et redescend dans l'ombre. 
Telle on voit la perdrix voltiger et planer 
Sur des épis brisés qu'elle voudrait glaner , 
Car tout son nid l'attend; si son vol se hasarde, 
Son regard ne peut fuir celui qui la regarde.... 
Et c'est le chien d'arrêt, qui, sombre surveillant, 
La suit, la suit toujours d'un œil fixe et brillant. 



CHANT JIl. 43 

O des instants 4'ainour inQffsiblo dalir^ ! 
Le cœur répond au cçeur comme Tair à la lyre. 
Ainsi qu'un jeunci amant, interprète adoré. 
Explique le déair par lui^mêmie inspiré, 
Et contre la pudeur aidant sa bien-aîmée, 
Entraînant dans s^s bra$ sa faible^^e charmée , 
Tout enivré d'espoir, plus qu'à demi vainqueur, 
Prononce les serments qu'elle fait dans son cœur ; 
Le prinqç deis Esprit» 9 d'une voix pppre^ée , 
De la Vierge timide expliquait la pensée. 
Éloa sans parler, disait : je suis à toi; 
Et l'Ange ténébreux dit tout haut : Sois à moi! 



a Sois à moi , sois ma sœur ; je t'appartiens moi-même , 
«Je t'ai bien méritée, et dès long-temps je t'aime; 



44 ÉLOA. 

« Car je t'ai vue un jour. Parmi les fils de l'air 
«Je me mêlais, voilé comme un Soleil d'hivet. 
a Je revis une fois Imeffisible contrée , 
« Des peuples lumineux la patrie apurée ; 
« £t n'eus pas un regret d'avoir quitté ces lieux 
K Où la crainte toujours siège parmi des Dieux. 
ce Toi ^seule m'apparus comme une jeune étoile 
ce Qui de la vaste nuit perce à l'écart le voile ; 

a Toi seule làe parus ce qu'on cherche toujours, 
fc Ce que l'homme poursuit dans l'ombre de ses jours 
n Le Dieu qui du bonheur connaît seul le mystère, 
« £t la Reine qu'attend mon trône solitaire. 
« Enfin, par ta présence habile à me charmer, 
a II me fiit révélé que je pouvais aimer. » 



CHANT III. 45 

c< Soit que tes yeux voilés d'une ombre de tristesse, 
(( Aient entendu les miens qui les cherchaient sans cesse, 
« Soit que ton origine aussi douce que toi , 
« T'ait fait une patrie un peu plus près de moi,* 
« Je ne sais, mais. depuis l'heure qui te vît naître, 
« Dans tout être créé j'ai, cru te reconnaître ; 
c( J'ai trpis fois en pleurant passé dans l'Uuivers. ^ 
(( Je te cherchais partout, dans. un souffle des airs, 
c( Dans un raypn tombé du disque de la lune, 
« Dans l'étoile qui fuit le ciel qui l'importune, 
«Dans l'arc^en-ciel, passage aux apges familier ^ . 
ce Ou sur le lit moelleux des neiges du glacier; 
« Des parfums de ton vol je respirais la trace ; 
a En vain j'interrogeai les globes de l'espace; 
ce Du char des astres purs j'obscurcis les essieux, 
ce Je voilai leurs rayons pour attirer tes yeux , 
ce J'osai m^e, enhardi par mon nouveau délire, 
(n Toucher les fibres d'or de la céleste lyre. 



^ 



46 ÉLOA 

(c Mais tu n'entendis fien, mais tu ne tne vis pas. 
ff Je revins à la Terre et je glîs^i mes pas 
(( Sous les abris de l'homme dît tu reçus naissance, 
te Je croyais t'y trouver protégeant l'innocence , 
c< Au berceau balancé d'un enfant endormi 
« Rafraîchissant sa lèi/re avec un souffle ami; 
(( Ou bien comme un rideau développant ton aile , 
<c £t gardant contre moi , timide sentinelle , 
<c Le sommeil de la TÎerge aux côtés de sa sœiir, 
ce Qui, rêvant sur son sein, le pressé avec douceur. 
(c Mais seul je rétournai sôus ma belle demeure, 
« J'y pleurai comme ici, j^y gémis, jusqu'à l'heure 
«Où le son de ton vel m'émut, me fit trembler, 
« Comme un prêtre qui sent que son Dieil va parier. » 



CHANT III. 47 

Il disait; et bientôt comme une jeune Reine, 
Qui rougit de plaisir au nom de souveraine, 
£t fait à ses sujets un geste gracieux, 
Ou donne à leurs transports un regard de ses yeux, 
Éloa soulevant le voile de sa tète, 
Avec un doux sourire à lui parler s*appï<ête, 
Descend plus près de lui , se penche , et mollement 
Contemple avec orgueil son immortel amant. 
Son beau sein cpmme un flot qui s.ur la rive expire, 
Pour la première fois se soulève et soupire ; 
Son bras comme un lis blanc sur le lac suspendu 
S'approche sans effroi lentement étendu ; 
Sa bouche parfumée eti s'ôuVrant semble éclore 
Comme la jeune rose aux faveurs de Faurore, 
Quand le matin lui verse une fraîche liqueur , 
£t qu'un rayon du jour entre jusqu'à son cœur. 
Elle parle, et sa voix dans un beau son rassemble 
Ce que les plus doux bruits auraient de grâce ensemble; 



48 ÉLOA. 

Et la lyre accordée aux flûtes dans les bois, 
Et Foiseaii qui se plaint pour la première fois, 
Et la mer quand ses flots apportent sur la grève 
Les chants du soir aux pieds du voyageur qui rêve. 
Et le vent qui se joue aux cloches des hameaux, 
Ou fait gémir les joncs de la fuite des eaux : 



« Puisque vous,étes beau , vous êtes bon , sans doute ; 
« Car sitôt que des Cieux une ame prend la route , . 
c( Comme un saint vêtement, nous voyons sa bonté 
« Lui donner en entrant 1 éternelle beauté. 
« Mais pourquoi vos discours m'inspirçnt-ils la crainte? 
c( Pourquoi sur votre front tant de douleur empreinte? 
a Comment avez-vous pu descendre du saint lieu ? 
« Et comment m'aimez-vous, si vous n'aimez pas Dieu ?i> 



CHANT III. 49 



Ce trouble des regards , grâce de la décence , 
Accompagnait ces mots forts comme l'innocence; 
Ils tombaient de sa bouche aussi doux, aussi purs 
Que la neige en hiver sur les coteaux obscurs ; 
Et comme tout nourris de l'essence première, 
Les Anges ont.au cœur des sources de lumière. 
Tandis qu'elle parlait, ses ailes à l'entour, 
Et son sein et ses bras répandirent le jour : 
Ainsi le diamant luit au milieu des ombres. 
L'Archange s'en effraie, et sous ses cheveux sombres 
Cherche un épais refuge à ses yeux éblouis; 
Il pense qu'à la fin des Temps évanouis , 
Il lui faudra de même envisager son maître , 
Et qu'un regard de Dieu le brisera peut-être; 
Il se rappelle aussi tout ce qj^'il a souffert 
Après avoir tenté Jésus dans le désert* 



5o ÉLOA. 

Il tremble; sur son cœur où l'enfer recommence, 
Comme un sombre manteau jette son aile immense, 
Et veut fuir. La terreur réveillait tous ses maux. 



Sur la neige des monts, couronne des hameaux, 
L'Espagnol a blessé l'Aigle des Asturies , 
Dont le vol menaçait ses blanches bergeries ; 
Hérissé, l'oiseau part et fait pleuvoir le sang. 
Monte aussi vite au ciel que l'éclair en descend, 
Regarde son Soleil , d'un bec ouvert l'aspire , 
Croit rejprendre la vie au flamboyant empire; 
Dans un fluide d'or il nage puissamment , 
Et parmi les rayons se balance un momeni: 
Mais l'homme l'a frappé d'une atteinte trop sûre; 
.11 sent le plomb chasseur 'fondre dans sa blessure; 



CHANT IIL 5i 

Son aile «e dépouille , et son royal manteau 
Vole comme un duvet qu'arrache le couteau ; 
Dépossédé des airs, son poids le précipite; 
Dans la neige du mont il s'enfonce et palpite, 
Et la glace terrestre a d'un pesant sommeil 
Fermé cet œil puissant respecté du Soleil. 



Tel retrouvant ses maux au fond de sa mémoire , 
L'Ange maudit pencha sa chevelure noire, 
Et se dit , pénétré d'un chagrin infei^nal : 
— « Triste amour du péché ! sombres désirs du mal ! 
« De l'orgueil , du savoir gigantesques pensées ! 
«Comment ai-je connu vos ardeurs insensées? 
« Maudit soit le moment où j'ai mesuré Dieu! 
« Simplicité du cœur ! à qui j'ai dit adieu , 



5a ELOA. 

«Je tremble devant toi, mais pourtant je t'adore, 
a Je suis moins criminel puisque je t'aime encore ; 
« Mais dans mon sein flétri tu ne reviendras pas ! 
ne Loin de ce que j'étais, quoi! j'ai fait tant de pas! 
c< Et de moi-même à moi si grande est la distance 
« Que je ne comprends plus ce que dit l'innocence, 
« Je soufFre et mon esprit par le mal abattu 
« Ne" peut plus remonter juscpi'à tant de vertu. 

« Qu'êtes-vous devenus, jours de paix, jours célestes! 
(c Quand j'allais, le premier de ces Anges modestes, 
« Prier à deux genoux devant l'antique loi , 
ff Et ne pensais jamais au-delà de la foi ? 
« L'éternité pour moi s'ouvrait comme une fête; 
c< Et des fleurs dans mes mains, des rayons sur ma tête^ 
i< Je souriais, j'étais... J'aurais peut-être aimé! » 

Le Teiitateur lui-même était presque charmé^ 
Il avait oublié son art et sa victime, 
Et son cœur un momei^t se reposa du crime^ 



CHANT III. 53 

Il répétait tout bas, et le front dans ses mains : 
« Si je ¥ous connaissais, ô larmes des humains ! » 



Ah, si dans ce moment la Vierge eût pu l'entendre , 
Si la céleste main qu'elle eût osé lui tendre 
L'eût saisi repentant, docile à remonter.., 
Qui sait ? le mal peut-être eût cessé d'exister. 
Mais sitôt qu'elle vit sur sa tête pensive 
De l'Enfer décelé la douleur convulsive , 
Étonnée et tremblante elle éleva ses yeux, 
plus forte elle parut se souvenir des cieux. 
Et souleva deux fois ses ailes argentées , 
Entr'ouvrant pour gémir ses lèvres enchantées , 
Ainsi qu'un jeune enfant s'attachant aux roseaux 
Tente de faibles cris étouffés sous les eaux. 



54 ÉLOA. 

Il la vit prête à fuir vers les Cieux de lumière. 

Comme un tigre éveillé bondit dans la poussière ; 

Aussitôt en lui-même , et plus fort désormais , 

Retrouvant cet esprit qui ne fléchit jamais, 

Ce noir esprrt>>du mal qu'irrite l'innocence , 

Il rougit d'ttvoir pu douter de sa puissance , 

Il rétablit la paix sur son front radieux , 

Rallume tout-à-coup l'audace de ses yeux , 

Et long-temps en silence il regarde et contemple 

La victime du Ciel qu'il destine à son temple; 

Comme pour lui montrer qu'elle résiste en vain , 

Et s'endurcir lui-même à ce cegard divin. 

Sans amour, sans remords , au fond d'un cœur de glace y 

Des coups qu'il va porter il médite la place, 

Et pareil au guerrier qui , tranquille à dessein , 

Dans les dé&uts du fer cherche à frapper le sein , 

Il compose s^s traits sur les désirs de l'Ange; 

Son air, sa voix , son geste et son maintien , tout change. 



CHANT III. 55 

Sans venir de son cœur, des pleurs fallacieux 
Paraissent touUà-coup sur le bord de ses yeux. 
La Vierge dans le Ciel n'avait pas vu de larmes. 
Et s'arrête; un soupir augmente ses alarmes. 
Il pleure amèrement comme un homme exilé, 
Comme une veuve auprès de son fils immolé; 
Ses cheveux dénoués sont épars; rien n'arrête 
Les sanglots de son sein qui soulèvent sa tête. 
Ëloa vient et pleure ; ils se parlent ainsi : 



Que vous ai-je donc fait? Qu'avez-vous? me voici. 
— Tu cherches à me fuir , et pour toujours peut-être. 
Combien tu me punis de m'être fait connaître! 
— J'aimerais mieux rester, mais le Seigneur m'attend. 
Je veux parler pour vous, souvent il nous entend. 



V 



56 ÉLOA. 

— Il ne peut rien sur moi, jamais, mon sort ne change, 
Et toi seule es le Dieu qui peut sauver un Ange. 

— Que puis-je faire, hélas! dites, faut-il rester? 

— Oui , descends jusqu'à moi , car je ne puis monter. 

« 

— ^Mais quel don voulez-vous?— Le plus beau c'^st nous-mêmes. 

— Viens. — M'exiler du ciel ? — Qu'importe si tu m'aimes ? 

Touche ma main. Bientôt dans un mépris égal 

Se confondront pour ijious et le bien et le mal. 

Tu n'as jamais compris ce qu'on trouve de charmes 

A présenter son sein pour y cacher de» larmes. 

Viens, il est un bonheur que moi seul t'apprendrai ; 

Tu m'ouvriras ton ame, et je l'y répandrai. 

Comme l'aube et la lune au couchant reposée 

Confondent leurs rayons, ou comme la rosée 

Dans une perle seule unit deux de ses pleurs 

Pour s'empreindre du. baume exhalé par les fleurs, 

Comme un double flambeau réunit ses deux flammes^ 

Non moins étroitement nous unirons nos ames^ 



/ 



/ 



CHANT IIL 57 

« — ^Je t'aime et je descends. Mais que diront le$ Cieux?» 



En ce moment passa dans l'air, loin de leurs yeux , 
Un des célestes chœurs , où parmi les louanges 
On entendit ces mots que répétaient des Anges : 

« Gloire dans^ l'Univers, dans les temps, à celui 
« Qui s'immole à jamais pour le salut d'autrui ! » 
XiCS Cieux semblaient parler. C'en était trop pour elle. 

Deux fois encor levant sa paupière infidèle, 
Promenant des regards encore irrésolus, 
£lle chercha ses Cieux qu'elle ne voyait plus. 



Des Anges au Chaos aflaient puiser des mondes. 
Passant avec terreur dans ses plaints profondes, 



58 ÉLOA, CHANT III. 

Tandis qu'ils remplissaient les messages de Dieu , 
Ils ont tous vu tomber un nuage de feu. 
Des plaintes de douleur, des réponses cruelles 
Se mêlaient dans la flamme au battement des ailes 



« Où me conduisez-vous, bel Ange ? — ^Viens toujours. 
« — Que votre voix est triste, et quel sombre discours! 
N'est-ce pas Eloa qui soulève ta chaîne? 
J'ai cru t'avoir sauvé. — Non, c'est moi qui t'entraîne. 

— Si nous sommes unis, peu m'importe en quel lieu! 
Nomme-moi donc encore ou ta Sœur ou ton Dieu! 

— J'enlève mon esclave et je tiens ma victime. 

— Tu paraissais si bon! oh! qu'ai-je fait? — Un crime. 

— Seras-tu plus heureux, du moins, es-tu content? 
— Plus triste que jamais. — Qui donc es-tu? — Satan.» 



FIN. 



NOTICE 

DES PRINCIPAUX OUVRAGES 

nouvellement publies 

Par AMBROISE TARDIEU et BOULLAND, 

Libraires y rue du Battoir y H^ 12, à Paris, 



La Muse Française , journal de Poésie et de Littérature^, 
rédigé par MM. Ancelot, Belmonté , Emile Deschamps , 
Desjardins y Holmont- Durand , Victor Hugo, Alex, Gui- 
raud, Jules Lefèvre , Charles Nodier, Picliald, le comte 
Gaspard de Pons , le comte Jules de Resseguier, Saint- 
Valry, Soumet, le comte Alfred de Vigny, etc., et mes- 
dames de Céré -Barbé, Desbordes -Falmore, Dufrénoy, 
Sophie Gajr, Delphine Gajr et Amable Tastu. 

Il paraît un numéro le i5 de chaque mois. Le prix dis 
l'abonnement est 1 3 fr. pour six mois , et 24 fr. pour l'an- 
née; il faut ajouter 3 fr. 5o pour le port à l'étranger. Les 
lettres et l'argent doivent être adressés franc de port, à 
M. Ambroise Tardieu, Éditeur de la Muse Française, 
rue du Battoir, N" la, à Paris. 

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Éloges de Lesage .qui ont partagé le prix d'éloquence dé- 



cerné par rAcadémie française, dans la séance du 24 
août 1 8aa ; par MM. Malitourne et Patiit ; édition ornée 
de ii4 figures et de musique, avec des couvertures im- 
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taire sont en vente. La troisième livraison comprendra 
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de France, précédées d'un essai sur la vie et les ouvrages 
de l'auteur , et sur les principaux événements du seizième 
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