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Full text of "Poésies et cantiques spirituels sur divers sujets qui regardent la vie intérieure: ou, L'esprit ..."

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^ 



POESIES 

£ T 

CANTIQUES SPIRITUELS 

SUR DIVERS S-UJETS 

Q,UI lŒGARDENT LA VIE INTÉRIEURE, 

U 

L'ESPRIT DU VRAI CHRISTIANISME. 
FarMaDame J.' m. B. de la^ 

MOTHE-GUYON. 

Divifés en quatre Volumes. 



TOME IL 




A PARIS, 
Chez les LIBRAIRES ASSOCIÉS. 

M- DÇC. XC. • 



. .î K' 



300109 






Qwp ne p^is-jjp en fout ^ eux crier ^ t^ut Iç iponde , 
<2p'on fe rend malheureux , qu'on doitlTous feol aimer ; 

Que cette Beauté fans feoonde 

Eft ce qu'on doit feul eftimer ! 



• • • • . 



■ 1. 



TABLE 

DES CANTIQUES 

Et Abrégé de ievr contenu. 

■ . * ■ '■ ■■ ■ ■ I !■■ . ■ J l|« I II 

PREMIERE PARTIE. 

laAruétions pour les amcs quji afpirent à un 
Intérieur folide, 

Cant. J. r ou loir indiffércmmtnt ce que 

Dieu veut. Pag. i 

II. Aimer DieuJeuL j 

III. Adorer Dieu en efprit 6? vérité. f 

IV. Dieu feul aimable. ibid. 
V. Dieu eji le rejiaurateur de famé. 6 

VI. Lejeul Amour de Dieu eJi fubjtftant. 7 
VIL Jéfus feul aimable. 8 

Vm. Voies 6f conduite de Dieu , aimaples. 9 
I)Ç.. Ou DieUj ou Soi-même. ip 

X. Aimer ou périr. ibid* 

XI. Dieu neji point connu ni aimé. iz 

5CII. Cœurs ingrats appelles à f Amour. 14 
Xni. Ce^ue Dieu exige de ff s JEnfans. î^ 

XrV. La puijjance eJi à Dieufiul. 1 6 

JXV. Toute gloire à Dieu feul , 6f fien à 
ihomrrie. 1 7 

XVI. ^oire rien adore le tout de Dieu. 18 
XVil. Repofer en Dieu, 20 

XVIII. Contre l'amour intérejje. ibid. 



IT T A B t È. 

XIX, Sur le même fujet. Pagr 1 \ 

XX» Contre les rufes de t amour propre. 2Z 
XXI. £ amour propre & la Vérité , incom- 
patibles. 2J 
XXII. La Vérité ^ t Amour pur , rebutés Ëf 
acceptés , de qui. 24 

XXIII. Dévotion propriétaire. 25 

XXIV. L*œil malin, Esf tœil Jimple. 26 
XXV. Vraie dévotion du pur Amour. 27 

XXVI. Contre la fagtjfe des prudens dùjtecle. 

29 

XX Vn. Contre la faujfe prudence. 30 

XXVIII. Folie des gens du monde. 3 1 

XXIX. Aimer Dieu , fe haïr Jbi-même. gz 

XXX. Aimer la petitejje. 3J 

XXXI. Se laijjer dénuer 6? fc renoncer. 34 

XXXII. Imiter Jéfus-Chriji par l'abandon à la 

force de Dieu. 35 

XXXIIL L'amour pur &? d* abandon. j6 

XXXIV. Le cœur fouplt 6f enfantin. 38 

XXXV. Changement des cœurs par (abandon à 

Dieu. 40 

XXXVI. Rareté de l'abandon à Dieu. 41 

XXXVII. Souffrir & s'abandonner à Dieu. 4% 

XXXVIII. Pour être à Dieu il faut aimer la croix. 

f ■ • 44 

XXXIX. ye fefouflraire à la peine. 45 

XL. Les opprobres^ les fouffrarices font les 

plaijtrs des amants de Jéfus. 46 

XLI. Jujiice de Dieu y aimable. 47 

XLIl; Juftice divine ^ aimable pour Dieu. 48 

XLIII. Converjton fouhaitable du pécfieur ob/- 

tinépar les rigueurs de lajujiice divine. 

49 



DES CaNTI^^UES. V 

XLTV. Heureux ceux que la Jujtiee Divine 

purifie! Pag. 50 

XLV. L'Amour déjîntér^c. 53 

XLVL Sur le mêmefujet. f j 

XLVII. Aimer Lieu pour Dieu même. 54 

XL VIII. Aimer Dieu purement. :55 

XLIX. I^ Amour doit outrepajjer tout. $7 

L. Amour J unité Èf de conformité. f 9 

LL Unité et amour. 60 

j Ln. L* Amour confiant. 61 

LIII. V Amour Suffit. 6z 

LIV. L* Hirondelle , emblème de famé amante. 

ibid. 
LV. Hors de V Amour tout efi menfonge. 

64 

LVI. Exhortation au pur & JJmple Amour. 

LVII. Voie au pur Amour. ibid, 

LVIIL Attraits Ê? communications de t Amour. 

66 
LIX. Effets viSorieux de t Amour divin. 

68 

LX. Nulle liberté que dans t Amour pur. 69 

LXI. L* Amour fans crainte , mais non fans 

humilité. 7 1 

LXII. Excellence de f Amour pur. 74 

LXIII. Générofité du véritable Amour. 75 

LXIV. Glorieux martyre d'amour. 77 

LXV. Sacrifice de la raifon à la foi. 78 

LXVI. L'Amour efi vain fans tefprit de foi. 

79 
LXVII. Conduite fîire de la foi 6f de l'amour. 

81 

LXVIIL Bonheur de la vie de foi. 8f 

LXIX. Ténèbres de la foi. 8^ 



Yl T A B t É 

^ LXX. Obfcure nuit de là foi. Pag. 86 

LXXI. La foi aveugle èf nué. g? 

LXXII. S^ anéantir detrànt Diâu. 88 

XXXIII. L'Amour impitoyable contre le moi. 

L 89 

^ LXXIV. Perte de tout dafts k fiégnt. 91 

• LXXv. Bofihtur du néant. gz 

■' LXyiVh Sainte Solitude. pj 

\ LXXVIL Divine foHtude dà tome quitte du moi. 

94 

•LXXVIII. Témoignage de tddoptioA divine. • 96 

• LXXIX. EnfahCt Chrétienté. 97 




SES C A M T 1 a U E S.' VU. 

SECONDE PARTIE. 

J}î[]^6rttîons diurne ame intérieure félon fes 
dififérens états. 

LXXX. Oraîfon de Contemplation. Pag. 99 

LXXXI. Cantique intérieur g^ fans bruit. 

^ 100 

LXXXH. La Parole idterieute. 10 £ 

LXXXIIl. L'j^mc raviç_ de la beauté de Dieu. 

idid. 

I^XXXIV. Rrfolution et aimer Dieu. 10 J 

I^XXXjX- Bonheur d aimer Dieu. 104 

LXXXVI. Dieu feui aimable. loÇ 

.LXXX\^II. M/ner Jéfus conjtamment. ibid 

LXXX VllL L'Amoilt > agijjafit envers f homme. 

106 
LXXXIX. Solitude heureuji : malheur des hom- 
me^. 108 
XC Jéfus la joie de tanie. ibid. 
XGI. Quitter tout pùurtroimer Dieu: iio 
XCII. Aimer Diett fans égard tiu monde. 

. . . IIï 

XCIII. V Amour fans retour fur foi. iiz 

XCIV. Sur le mêmefujet. ibid. 

XCV. Âfpiration de tame languijjante cta^ 

mour. lïj 

XCVI. Amour de reconhoijfance , Ç^ pur. 

XCVII. Jcf us trouvé. 11(5 

XCVIH. Afpirtr après la folitude. 117 

XCIX. Ù Amour divin fu£it. 118 

C. Qu'il faut aimer la croix. 1 1 9 

CL Suivre Jéfus-Clulji fouffrant. 120 



viii Table 

en. Amour du mépris ; méprU de la gloire. 

Pag. 121 

CIIL Dipr des Souffrances : déjîr de rien que 

de Dieu, iia^ 

CIV. Joie defouffrir pour Dieu. 124. 

CV. Prifértr la croi» aux douceurs. 12$ 

CVi. Qui u perdu le moi ne craint plus de 

Souffrir. 126 

CVII. Qui çft tout à Jéfus-Chrijij ri a plus rien 

à craindre. 12g 

XJVIII. Vamc amante trouve Dieu par ^ tout. 

129 
CIX. L'amour fort au milieu des Souffrances. 

ijo 

ex. Procédé d§ f Amour pour ^aire venir 

Famé à Fabandon gf acqui^fcement 

abSolu. ijt 

CXI. €orreJpondance de Famé aux rigueurs du 

divin Amour. i)| 

CXII. La croix purifie Famour. 1)4 

CXVIII. Il faut mourir pour revivre. ijç 

CXIV. S'abandonner à Dieu dansS^s mi fer es. 

CXV. Bonheur du dépouillement. IJ7 

CXVL Plaintes dans Vextrèmiti des épreuves inr 

térieures. ij8 

CXVn. Confhlation &f réjtgnation dans la peines 

Spirituelles. 149 

CXVin. Jujiice de Dieu^ non cruelle. I42 

CXfX. ^imer la divine Jujiice. 14J 

CXX. Amour pur de la Jujiice de Dieu & de 

Sa gloire. 144 



DES CANTiaUES. W. 

CXXI. Jl'Amc éprifc de pur Amour i offre à la 

jujiicc de Dieu, Pag. 145 

CXXII. £ame dévouée à la divine Jujiicc. 

146 

CXXIII. Sur le même fujet. 148 

CXXIV. Aveu de notre néant. i f o 

CXXV. J^/ip s* appuyer fur foi-mime, 151 

CXXVI. Lepur amour ôtelapréfomption. 15 j 

^ CXXVII. V Amour fans fécurité. ibid. 

CXXVni. Captivité Chrétienne fous t Amour. 155 

GXXIX. Perte de tome par C amour. 157 

CXXX. Sur le même fujet. ibid. 

CXXXI. L'Amour tt abandon. If 8 

CXXXH. Abandon de (Amour pur à la volonté 

de Lieu. Ij'9 

CXXXIII. *Nefe plaire que dans la volonté de Dieu. 

i6r 
CXXXIV. L'ame amante 6f abandonnée à Dieu. 

i6z 

CXXXV. Souplejffe du pur amour. 164 

CXXXyi. Amour enfantin , mais fncere. 165 

CXXXVII. Amour de l'enfance Chrétienne. 166 

^XXXYUl. Comment t humble agit avec Dieu. 168 

CXXXIX. Bien de la petiteffe. 171 

CXL. Etat J enfance Chrétienne. 17 j 

CXLI. Sur le même fujet. . 174 

CXLn. Soupleffe de tome dans tétat d'enfance 

Chrétienne au milieu desjouffrances. 

176 

CXLIIL Indifférence dune ameftmple. 177 

CXLIV. Défîr cfuneame enfantine de voir Dieu 

aimé. I78 

CXLV. Bonheur du pur Amour, 180 

CXLVI. Sur le même fujet. i%z 



X . T A- B t r, 

; GXLVH. De^fir de quitter le moi poùK pûffar en 

Dieu. Pag. 185 

CXLVni. Amour véritable après la perte du moi. 

185 

CXLIX. Heureufe perte du ipai. 187 

CL. Heureux oubli de foi. ibid. 

CLI. Bçnheur de iame^marteàfoi. 189 

CUI. Abandon dans tétât de perte. 191 

CLIII. Vie nouvelle après la mon, 19Z 

CLIV. Routes par hfquelles Dieu mené une 

amé à la Vie Apqftolique. X93 

CLV. L'Amour tout /euL 196 

CLVI. Soumijpon à la volonté dé Dieu. r.97 

. CLVJI. Ainter Dieu pour Dieu même. 198 

CLVIII. Repos dans le feul Amour - Dieu. 20O 

CLIX» Perte en Dieu. isy% 

CLX. Se perdre en Dieu. Amour du prochain. 

^04 

CLXI. Je ne vis plus ; mais Jéfus vit en moL 

Gai. IL V. 20f.' 2o6 

CLXII. Dieuftul. «07 




DBS C A N T I ft U K S.' JE! 

; TROISIEME PARTIE. 

Séntimcns & tranfports d*une arne perdue tn 
Dieu, & appelléè par lui à ai^cr le pro- 
' chain. 

CLXm. Dieu veut notre cœur tout entier. 2lo 

V CLXIV. Bonheur dt aimer Dieu avec foi^obéif- 

f Jante. %lt 

CLXV. Vivre pour aimer. 2x3 

CLXVI. Toute paijffance nohfoumife à l'Enfant- 

: " DieUj n'eji rien. ZI4. 

CtXVIl. Pauvreté enfantine ti Chrétienne* a i f 

... GLXVIIL Vœux pour e Amour déjtnpéreffé. Zl6 

GLXÏX. P&te du moi. Dieu feuL 217 

CLXX. Ne regarder que Dieu , Êf non foi" 

même. 218 

. :: CLXXI. V Amour pur ^ dégagé^ feor et. 220 

CLXXII. JO Amour imperceptible^ perduenDieu. 

"221 

•CLXXIIL Simplicité & largeur de f Amour. 22 J 

, CLXXIV, & refoudre à vivre. 224 

CLXXV, Conduite dtabandon à Dieu. 225 

CtXXVr. Abandon â la JuJ^ice de Dieu. 227 

. CLXXVII. ^upi^e de f amour. 228 

GLXXVIII. Exhortation à C abandon. 230 

CLXXIX. Se laijfer conduire à la Sagejfe divine. 

231 

CLXXX. Abandon fans nul retour fur foi. 2J2 

CtXXXI. Abandon pur ^ défntéreffé. . 234 

CLXXXII. Bonheur & fureté de la perte en Dieu, 

. CLXXXUI. Pureté d amour dans une urne morte â 
foi- a^9 



XIV Table des Canti^usî. 

CCXXXII. Préfens efforts de Satan œntrc tJlmow. 

Pag. 310 

' CCXXXIII. Dieu réjijle au fuperbc & donne fa 

grâce à f humble. 31 z 

CCXXXIV. Fraie liberté. Etat du néant. 315 

CCXXXV. iaretédes vrais enjans de Dieu. 317 

CCXXXVI. Souhait s pour le régne de t Amour. J20 

ÇCXXXVII. D^r , que Dieu ait & fe rajfembk des 

Amateurs , par le moyen de toraifon. 

ibid. 
CCXXXVIII. Deyir ardent pour le régne de J. Chrijl. 

32Z 

CCXXXIX. Sur le mêmefujet. J24 

CCXL. Sur le même fujet. 32 f 

CCXLI. JefuS'ChriJl viendra punir les médians. 

327 

CCXLn. L amour-propre Jera détruit. 328 

CCXLIII. Venue de Jéfus-Chriji vers fon peuple. 

531 




POESIES 




POESIES ET CANTIQUES 

SPIRITUELS 

Sur divers fujets qui regardent la Vie Intérieure* 



Première Partie. 

Inftrudions pour les âmes qui afpirent 
à un Intérieur folide. 

Cantique Premier. 

Fouloir indifféremment ce que Dieu veut. 

Air : Branle de Metz; ou. Un bercer tendre 
^JJncere. 



p 



OuRauoi tant d'impatience 
Dans la moindre afflidtion ? 
Il faut entrer tout de bon 
Dans la fainte indifférence : 
Voulant tout ce que Dieu veut , 
Il exaucera nos vœux. 

Quand oii veut ce qu'il ordonne, 
Notre plaifir fait le fien ; 
Riche & content de fon bien , 
Toute chofe on abandonne : 
Tome II Cant. A 



Poésies 

Voulant tout ce que Dieu veut , 
Jl exaucera nos vœux. 

Son bien n'eft que pour lui-même , 
Nous n'en voulons riep pour nous ; 
Comme carefTes fes co]iips 
Sont re(;us du cœur qui Taime : 
Voulant tout ce que Dieu veut , 
B exaucera nos vœux. 

Je prends plaifir qu'il pofTédç 
Tous les biens, & moi les maux : 
Mes douceurs font les travaux ; 
Tout autre bien je lui cède ; 
Voulant tout ce que Dieu veut. 
Il exaucera me$ vœux. 

Il eft grand , faint , adorable ; 
Et je fuis un pur néant ; 
Je fais mon contentement 
D'un état fi miférable : 
Voulant tout ce que Dieu veut y 
Il exaucera mes vœux. 

Dieu toujours eft immuable 
Son bonheur ne peut changer ; 
Je ne cours aucun danger 
Quoique mon fort foit muable : 
Voulant tout ce que Dieu veut , 
Il exaucera mes vœux. 

Je ferai toujours confiant© 
Dans fon amour , dans la foi , 
Si je ne veux rien pour moi , 
Si de fon amour contente , 
Je ne cherche d'autre bien 
Que de n'être & n'avoir rien. 

Enfin qu'eft-ce qui nous manque ? 
N'avons-nous pas tout en Dieu ! 
Foible ,& pauvre en ce bas lieu 
Tout mon; bien eft à la banque ; 



Spirituelles. 

Je ne cherche aucun appui : 
Il efl ce qu'il eft pour lui. 

Si vous voulez quelque çhofe 
Ailleurs , allez le chercher ; 
Si mon Dieu ne vous eft cher , 
Vous-même en êtes la caufe : 
Vous ne trouverez qu'en lui 
Votre force & votre appuL 

Que mon cœur t'eft redevable ! 
Tu rinftruis dans le fecret< 
Notre ame eft le cabinet 
D'un tréfor ineftimable : 
Le monde n'en connoit rien ; 
Et c'eft ce qui fait fon bien. 

L'ame l'ignore elle-même : 
On l'ouvre certain moment , 
On le ferme promptement ; 
Car la SagefTe Suprême , 
Fait fon jeu de le montrer, 
Comme de le refferrer. 



I I. 

Aimer Dieufeul 
Air : Les folies cPEfpagnc. 



u. 



' N faux amour tient dans nos cœurs la plac^ 
5 l'amour pur & défmtércffé : 
ous ne laiffbns point de lieu pour la grâce ; 
; cœur eft plein , l'efprit cmbarralTé. 

Toi qui fais le bonheur du cœur qui t'aime , 
Li n'as prefque point de fidèle amant : 
lacun eft plein de l'amour de foi-même 
: ne cherche que fon contentement. 

A % 



4 Poésies 

On n'en trouve point , Majefté Suprême , 
Qu'en fe donnant totalement à toi : 
Les faux plaifirs font l'amertume même ; 
On ne trouve le vrai que dans ta loi. 

Un Dieu fi grand , tout parfait , tout aimable , 
Ne fauroit-il donc fixer ton amour ! 
Que ton état , hclas ! eft déplorable 
En préférant la nuit à ce beau jour! 

Brillant Saleil , l'homme fuit ta lumière ; 
Il ne fauroit fouflfrir la vérité : 
Comme un hibou il ferme fa paupière 
Et ne peut l'ouvrir qu'en l'obfcurité. 

Il nomme jour fes profondes ténèbres ^ 
Se cache & fe dérobe à ton beau jour : 
C'eft ainfi que font les oifeaux funèbres 
Et l'homme qui méprife ton amour. 

Amour facré , que ta délicateffe 
Charme celui qui te connoit un peu ! 
Tu ne faurois foufFrir cette bafTefle 
Qui préfère une idole à ce beau feu. 

Tu veux chez nous la place toute entière ; 
Tu ne faurois fouffrir de concurrent : 
Il eft jufte que la Beauté Première 
Poflede feule le cœur de l'amant. , 

Peut-on en t'aimant aimer autre chofe ! 
Celui qui le fait , ne te connoit pas : 
Et fon amour propre eft l'unique caufc 
Qui l'empêche de goûter tes appas. 

faux amour , fource de toute peine , 
Quand feras-tu banni de tous les cœurs ? 
Quand n'auront-ils pour toi que de la haine ? 
Je verrai lors la fin de mes douleurs. 



\ 



Spirituelles. 



II I. 
Adorer Dieu m efprit & vérité. 

Air : Véclat de vos vertus ^ celui de vos grâces» 

V ENEz mes chers Enfans , venez à la fontaine 
Qiie mon divin Époux vous prépare en ce jour : 
' . Vous pouvez y puifer fans pçine 

Et la petiteffe & l'amour. 

L Ne vous arrêtez point aux citernes rompues , 
[' Q^ui ne peuvent garder ni contenir les eaux ; 
i Celles de Jéfus-Chrift dénuent 

Elles adoucilTent les maux : 

^ H les promit, ces eaux , à la Samaritaine ; 
^ Lui difant que des flots jailliroient de fonfein,' 
[ Et qu'elle puiferoit fans peine 

■j Dans les tréfors du Souverain. 

Ce Dieu faint , pur Efprit , veut que Tefprit adore : 
V On ne peut l'adorer que dans la vérité. 

Chercher d'autre moyen encore , 
Seroit une témérité. 



IV. 

Dieu feul aimable. 

Air : Les Dieux comptent nos jours , nous 
devons les en croire. 



D, 



J 



'lEU mérite lui feul nos vœux & nos louanges f 
Ceft ufurper fes droits que vouloir être aimé ; 
On veut de tous du moins être eftimé : 
Mon Dieu fait bien comme on fc venge. 

A î 



4 Poésies 

Vous feul êtes puiflant , jnfte , faint , immuable ; 
Nous voulons occuper. votre place en autrui: 
C'eft ce que fait Thomme rempli de lui. 
.Ingrat, dis moi , qu'as-tu d'aimable! 

Toi, fépulcre blanchi, ne couvrant qu'un fquelette. 
Chez qui la pourriture a détruit tous les traits. 
Mon Dieu pofféde feul tous les attraits , 
Ingrat , qu'eft-ce que tu fouhaites ! 



V. 

Dieu eft le rejlaurateur de Pâme. 

Air : j^mi ne pajjbns pas CreteiL 

i3ouRCE dô lumière & d'ardeur , 
Venez dans le fond de mon cœur ; > 

Daignez confumer Tame 
De votre petit ferviteur. 
Par votre douce flamme. 

. Venez , ô mon Souverain Bien, 
Venez , & faites de mon rien 

Tout ce qui peut vous plaire ; 
Je fuis fans force & fans fou tien 

Dans Pextréme mifere. 

mon Seigneur , Vous favez bien 
Que l'homme en foi-méme n'a rien 

Qui ne lui foit nuifible : . 
Votre pouvoir eft fon foutien , 

. En manière invifible. 



Rempliffant l'intime du cœur 
Vous verfez une douce ardeur, 

Biénheureufe lumière , 
Vous qui détruifez le pécheur 

Au jufte êtes profpére. 



s P I R I T :U « t L E s. 33 

Vous réchauffez dans fa froideur. 
Et vous guériffez fa langueur , 

Vous lavez fa fouillure ; 
Dans le froid voils êtes chaleur , 

Dans fa foif une eau pure. 

'/ 

C'eft vous qui tariffez fes pleurs , 
Le confolez dans fès douleurs \ 

Mort , vous êtes fa vie : 
Vous jecompenfez fes malheurs , 
Rendant l'ame ravie. 



V I. 

Lefeul Amour de Ditn tfi fubfiftanU 

Air : Taifhz^vous ma Mufcticl 



Eî 



JNTONNÔNS le cantique 
D'amour , de fimple foi ; 
Quittons la ^ufTe politique ^ 
Qui fait qu'on s'occupe de foi. 

Tout eft paffë , totit paffe ^ 
Et pàflèra totijoûrs ; 
Il n'en teftera pltis de trace > 
Si ce n'eft celles dé l'amour. 

Aimoiis , cher petit frère , 
Aimons Dieu feulement : 
Tout autre amour eft téméraire 
£t même indigne d'un amant. 



9 



A « 



Poésies 

VIL 
Jéjus feul aimable. 
Air : Creufons-nous un tombeau. 



A. 



Limons tous le Sauveur , 
Puifqu'il eft feul aimable : 
Donnons-lui notre cœur , 
Rien n'eft plus équitable ; 
Qu'il mérite d'honneur , 
Et qu'il eft adorable ! 

Jéfus eft glorieux , 
Ah ! que j'en fuis contente ! 
Quoiqu'il foit dans les Cieux, 
Il fouiFre fa fervante : 
Ses dons font précieux , 
Ils paffent mon attente. 

Il pofTéde tout bien , 
Et moi toute mifere : 
Je n'ai point de foutien. 
Je ne m'en foucie guère : 
De refter dans mon rien 
Eft mon unique affaire. 

Je nç prens de plaifir 
Que dans fa feule gloire : 
Je n'ai point de défir , 
Si j'ai bonne mémoire ; 
Vers lui vont mes foupîrs , 
Du moins j'ofe le croire. 

Je vois fa Majefté 
Brillante de lumière ; 
J'adore fa beauté . 



Spirituelles. 

Dans la fource première ; 

£t dans fa vérité 

J'ai ce qui peut me plaire. 



VIIL . 
Foies & conduite de Dieu , aimables. 

Air : On n'aime plus en nos forêts s ou. 
Fous croyez faire un grand ^ort. 



Me 



LoN petit Maître a mille appas , 
Je vous le dis en • confiance : 
Vous devez marcher fur fes pas , 
Avec lui faire une alliance ' 

Qui fubfifte éternellement ; 
Vous agirez fort prudemment. 

Le lâché me dit , je ne peux 
Suivre {a conduite adorable : 
Je lui réponds , fi tu le veux 
Tu la trouveras fort aiftiable : 
Elle n'a jamais de rigueur , 
Si ce n'eft pour un lâche cœur. 

Le cœur amoureux de fon Dieu 
Trouve fa rigueur fi charmante 
Qu'il veut tout brûler de fon feu: 
Et fi cet amour le tourmente , 
Son tourment eft fi favoureux 
Que ce feu le rend bienheureux. 

O vous qui venez dans ces lieux 
Quittant un climat tout de glace , 
Vous ne ferez jamais heureux 
Qu'en vous délaiffant à la grâce ,• 
Qui conduira fi bien vos pas 
Oue vous n'aurez plus d'embarras. 



"\m ^ K s I E s 

L'homme eft toujours embarraffé 
Lorfqu'il veut fe guider foi-mémc : 
Du premier pas il eft laffé , 
Sa peine lui paroît extrême : 
Celui qui donne à Dieu fon cœur 
Eft plein d'unfe nouvelle ardeur. 



IX. 
Ou Dieu^ ou foi-même. 

Air: Lts Dieux comptent nos jours ^ nous 
devons les en croire. 

Je te livre en ce jour à mon cher petit Maître 
Tu le verras bientôt armé contre le MOI ; 
Il ne veut plus qu'on te trouve chez toi : 
Choifis , car tu ne dois plus être. 

Tu recevoîs jadis des douceurs , des louange 
Mais avant qu'il foit peu tout va s'évanouir : 
S'il fait du bien, il fait aulTi punir 
L'ingrat fur lequel il fe venge. 

Si tu veux être à lui , va , quitte toi toî-mêm( 
Il ne faurdit fouifrir un partage , un milieu : 
Il faut quitter ou toi-même , on ton Dieu : 
Choifis , ce font les deux extrêmes. 



X. 

Aimer ou périr. 

Air : Mon cher troupeau cherchez la plaine. 

\9UJE je plains le cœur infenfiblc 
Qui fe dérobe à ta bonté ! 



s P I RIT U X & t S S. It 

Qu'il eft à fôi-mêinc nuifible , 
S'écartant de ta volonté ! . 

C'eft lui qui fe rend miférable 
Quand tu voudrois le rendre heureux : 
Que fon état eft déplorable , 
Quittant ton feu pour d'autres feux ! 

O feù tout rempli de délices ! 
feu centre de notre cœur ! 
On te préfère des fiipplices 
Qui me font trembler de frayeur. 

Il faut , il faut que le cœur brûle 
Du feu d'enfer , ou de Tamour : 
Celui qui de Tamour recule. 
Trouve Tenfer pour fon féjour. 

Si je difois ce que je penfe ; 
Je ne connoîs qu'un feul enfer , 
Ni n'eftime aucune fouffrance , 
Seigneur, que de ne pas t'aimcr. 

Fai de moi ce que tu veux faire ; 
Je te veux aimer conftamment : 
Que Tamour pur foit mon falaire ; 
Qu'il foit lui-même mon tourment. 

Qu'à jamais fon feu me dévore , 
Quelque mal qu'il faille fouffrir : 
Je bénis l'amour , je l'adore ; 
Que lui feul daigne me .punir. 
jDôux amour , ma béatitude ! 
Divin amour , mon feul tourment ! 
Tourment qui ne peut être rude 
Pour un tendre & fidèle amant. 

Homme ^ qui te cherches toi-même , 
Et qui ne cherches point ton Dieu , 
' Tu ne connois pas comme on aime : 
Tu brûleras d'un autre feU. 



ii ? E s I E 9 

Le feu que je veux & défîre ,' 
Le feul que tu m'as préparé , 
Brûle dans ton divin Empire : 
Ah! qu'ailleurs il efl: ignoré ! 

C'eft , cher Epoux , ce qui m'afflige i 
Ta gloire eft l'unique flambeau 
Qui me conduit, & qui m'oblige 
A montrer un pays nouveau. 

Je parle amour ; & l'on t'ignore : 
Que ne reformes-tu les cœurs ! 
Qu'on t'aime & que chacun t'adore , 
C'eft le but où tendent mes pleurs. 

Achevé ^ achevé de détruire 
Ce qui s'oppofe à ton amour : 
Ah ! daigne les efprits inftruire ; 
Fais luire fur eux un beau jour. 



XL 
Dieu n'eji point connu ni aimé. 

Air : Té dut de vos vertus ê«f celui de vos grâces: 



V. 



ENEZ petits oifeaux fous ce fombre bocage ; 
Et chantons à l'envi les louanges de Dieu : 
Je cherche quelque antre fauvage ; 
Dieu n'eft connu dans aucun lieu. • 

Les hommes d'apréfent lui font même la guerre ; 
Ils ne peuvent fouffrir qu'il foit l'unique appui : 
J'ai parcouru toute la terre, 
Pour trouver un cœur tout à lui. 

On dit qu'on veut l'aimer , en aimant autre chofe ; 
C'eft beaucoup de ne pas les aimer plus que lui : 
L'homme en cet amour fe repofe; 
En fon œuvre il met fon «ppUi. 



Spirituelles. ij 

Je ne fauroîs donc plus vivre parmi les hommes ; 
O mes chers oifillons , vous me plaifez bien plus : 
L'amour dans le fiécle où nous fommes , 
' S'il eft pur , paroît un abus. 

Mon Dieu qui vous créa pour chanter fes louanges , 
Trouve en vous fes deflelns parfaitement remplis: 
UnifTons-nous au chœur des Anges ; 
Louons-le avec ces purs Efprits. 

Je veu\ toujours aimer & bénir l'Amour-méme ; 
Je le veux célébrer fans fin par mes chanfons. 
Et préférer Tamour fuprême * 
A toutes leurs fauifes raifons. 

Que rfai-je mille cœurs , ô Seigneur de mon ame ! 
Je les employerois afin de vous bénir : 
Si vous entretenez ma flamme , 
Pourroit-elle jamais finir ? 

L'amour pur & divin rend la flamme immortelle ; 
L'objet eft trop parfait pour cefTer de Faimer : 
Ah ! elle devient éternelle , 
Quand un Dieu nous a f(;u charmer. 
Ceflbns de nous aimer nous trouverons la vie; 
Car notre propre amour nous conduit dans la mort : 
Que notre ame foit af&anchie 
Du MOI par un fi noble effort ! 

Que ne puis-je en tous lieux crier à tout le monde , 
Qu'on fe rend malheureux, qu'on doit vous feul aimer; 
Que cette Beauté fans féconde 
Eft ce qu'on doit feul eftimer ! 

Mais on ne me croit pas : que le cœur eft volage ! 
On court inceffamment après la vanité : 
Ce n'eft qu'en ce petit bocage, 
Que je goûte la vérité. 



t6 Poésies 

Ce divin pouvoir. 

mes Enfans , 
Soyons obéiflans. 



XIV. 
La puijfance eft à Dieu [eul 

Air : On m vit plus dam nos forêts^ ou,- 
Qite ces bergers vivent contens. 



A 



Dieu feul la gloire & Thonneur , 
L'empire , la force & puiffancc ! 
Nous lui devons tout notre cœur , 
Une parfaite obéiflance , 
Comme au feul & fouverain Bien ; 
Car notre partage eft le rien. x 

Vivez , régnez , mon cher Epoux , 
Etendez par tout votre empire : 
Qu'on n'adore & n'aime que vous , 
Que pour vous notre cœur foupire. 
Vivez & régnez , mon Seigneur , 
Dans notre ame & dans notre cœur. 

La force fe renferme en vous ; 
Tout le refte n'eft que foibleffe : 
L'empire n'eft dû qu'à l'Epoux : 
Notre ame devient larronneffe , 
Quand elle prétend autre bien 
Que vivre & mourir en fon rien. 

La puiffance eft au feul Seigneur , 
Et je bénis mon impuiflance : 
Car bien loin d'être ufurpateur , 
Je me plais dans mon indigence ; 
Et je n'afpire à d'autre bien , 
Que de n'être & ne vouloir rien. 

Dieu 



SpiRïttJBLLES. 17 

Dieu feul eft grand , faînt & parfait ; 
. Et rhomme n'eft rien que mifere : 
Il eft à celui qui Ta fait ; - 
Mais par un défir téméraire , 
Il fort bien fou vent de fon rien , 
Afin d'ufurper quelque bien. 



Toute gloire à Dieu feul , ^ rien à fbomme. 

Air : La jeune Iris : ou , Gardez .vous bien , trop 
aimable jeunejje. 

J'aime mon Dieu cent fois plus que moi-méine ; 
Je crois encor ne Taimer point afTez : 
Pour aimer comme on doit l'Etre Suprême , 
Il faut que tous les fens foient furpalfés* 

Gloire de Dieu , tu parois étrangère ; 
L'homme ne fait aucun compte de toi : 
Lui le premier, toi toujours la dernière ; ' 
C'eft renverfer la raifon & la foi. 

Lt raifon veut qu'étant câufe première ^ 
On te rende le plus fublîme honneur ; 
La foi S'àvèugle auprès de ta lumière 
Faifant , Seigneur , connoître ta Grandeur. 

Cependant l'homme aveugle & téméraire , 
Dément fa foi , fon efprit , (a raifon ; „ . 

Il veut que fa gloire aille la première , 
Ôfant faire avec Dieu comparaifon. 

Néant ^ néant , apprends à te connôitre : 
Dieu feul eft tout ; tout le refte n'eft rien : 
Quand il faudra ver5 ce grand Tout paroître ^ 
En toi tu né trouveras aucun bien. 

Tome IL Cant. ' B ^ ■ 



it Poésies 

O gloire , ô Dieu , puiflance fouverainc , 
Quand viendras-tu montrer tout ton pouvoir ! 
Quand viendras-tu terrafler Tame vaine ! 
Alors elle connoitra Ton devoir. 

Que je paflionne , ô Seigneur , ta gloire ! 
^î j*ai pour elle un zélé trop preflant , 
3e le dois , Amour , à cette vidloire 
Que tu remportas jadis fur mes fens. 

Mes fens , ma raifon trouvent équitable , 
D*étre tous employés a ton honneur : 
J*efpere de n'être jamais capable 
D'ufurper tes droits , ô Dieu , mon Seigneur. 

O mon ame demeure anéantie ; 
Ne penfe jamais à ton intérêt : 
lN*aye plus de bien , d'honneur ni de vie ; 
Que Dieu feffe de toi ce qu'il lui pldt. 

Adore le décret de fa Juftice , 
►Aime ce qu'il ordonnera de toi , 
Renonce à tout , demeure en facrifice ; \ 
C'eft là le reconnoître pour vrai Roi. 



XVI. 

Notre rien adore le tout de Dieu. 

Air : Les FaUes cCEf pagne : ou , Je nef aurais offà 
a ma bergère. 



D. 



'lEU trois fois faint que tout mon cœur révère 
Ma mifere admire ta Sainteté : 
Le foible , en toi trouve l'appui d'un Perç 
Malgré fon rien \ s'il hait l'iniquité. 

Mes ténèbres font briller ta lumière ; 
Mon menfonge fait voir ta vérité : 



s P I R I T U 5 L L B S. J%9 

V 

Vlême k corps redevenu poufliere 
Rend fon hommage à tga Eternité. 

Ma pauvreté fe perd en ta richeffe , 
filon impuîfTance auprès de ta grandeur : 
Ta force eft le foutien de ma foibleffe , 
Et ton amour le plaifir de mon cœur. 

Il eft content lorfque tout l'abandonne ; 
Plu« il eft dépouillé , plus il eft bien : 
Tout ce qu'il a , de bon cœur il le donqe ; 
[1 a tout fitôt qu'il ne veut plus rien. 

Je laiffe aux grands la grandeur ; ia fagefie ; 
Car ta SageHTe , 6 mon Dieu , me fufSit : 
Toute grandeur cède à la petiteffe ^ 
Sitôt qu'un peu l'on connoit Jéf^$-Çhrift. 

Toute fcienee el^ un flux dep.çnfép 
Q^ui rend mauvais , loin de rendre meilleur : 
L'ame n'en eft que plus embarraflee , 
Et plus fujette à tomber dans l'erreur. 

Dieu faint , Dieu fort , c'el^; ta Toute-pttiflance , 
Q^ui Contient ton foible & petit enfant : 
Toi feul enfermes la magnificence ; 
Le refte n'eft qu'un fonge décevant. 

Tu renfermes le véritable Empire, 
Tu poffédes là Souveraineté ; 
L'orgueil eil une fource de martyre : 
En toi le rien eft plein de dignité. 

C'eft dans le rien. qu'on te rend l'humble homage 
Que l'homme vain youdroit te dérober : 
Si le NEANT ne devient fon partage ^ 
B|i plus hai^t fixité on le verra tomber. 

Le RIEN n'appréhende point de defcendre ; 
Il refte dans Tétage le pl^is bas : 
Tout l'Univers feroit réduit en cendre ^ 
QuQ fon cœuf nt s'en ébrauleroît pas. 



"ao ' Poésies 

XVII. 

Repofer en Dieu. 
Air nouveau. 



H. 



_ _Ieureux qui , loin de tout le. monde , 
Goûte fon Dieu dans une paix profonde l 
Q^ui récdute , & parie à fon tour 
De la douceur de fon amour ! 

Heureux qui s'oubliant foi-même , 
Peut s'abîmer dans cet Etre Suprême ! 
Qui borne en lui tous fes défirs ; 
Et dont lui feul fait les plaifirs ! 

Heureux qui mort à toute chofe , 
Vît en fon Dieu , dans fon fein fe repofe ; 
Sans avoir aucun foin pour foi , 
S'abandonnant tout à fon Roi ! 

O vous qui connoifTez ma flamme , 
Laiffez toujours ainfi dormir mon ame , 
Gardez-vous bien de réveiller , 
.Si mon Dieu la fait fommeiller» 



j 



XVIII. 

Contre P amour intérejje. 

Air : Je ne veux de Tirjîs entendre ks chanfom. 

E ne veux de mon Dieu ni faveurs ni bienfaits; 
Je "ne puis vouloir que lui-même : 
Il produit les défirs parfaits ; 
Le cœur penfe ainfi quand il Mme, 



Spirituelles. %i 

[uî veut les biens de Dieu , n'eft.pas digne de lui : 
Ce grand objet veut toute Tapie, 
Ah,' qui s'abandonne aujourd'hui ! 
Et qui veut brûler de fa flamnpiie l 

hacun veut dé l'amour la paix &. la. douceur; 
On en; abhorre l'amertume :: 
Point d'amour s'il n'eft fanç douleur ; 
A foiii&ir nul ne s'accoutume,.;. ; [ 

on Dieu métite tout ^ tu ne &is rien^pour lui ; 

Et fi tu veux la récompenfe. ;; 

35 Je ne puis marcher fans ;9PBui,; .' ' 

53 Je laife là la/Prpvidencek."* ..f, r .^ 

ne puis plus; feuffirir ce difcours infolent :- 

Si j'-ctois maître de la fbu4i:c|> . .y,:: i. 

Je la lanceroi* jà l'inftant, ,0 

Pour réduite ces. :cgeuf$r en; pp^d^/:- i \z 

vous , aimable -Qhj£t de mQS chaftes.déiirs >. 

Ab , donnez-moi des cœurs dociles ! 

Qui fimfTent mes diéplaifirs , 

Et rendent mes douleurs tranquilles. 



'XTX.'' 



. r:i. 



Sur k même fujet. 



'y^^(jyr:L 



Air.; Quatrains dePiftmc. 



.' i » . I 



Je l'intérêt thacun a de Itf.hqnte ;.. 
je vous feisp dit-on ^ c'eft p($r aanour : . 
lis pour mon Dieu Fpn donner un autre f^our 
dcz , amour ! que l'intérêt fiwmo;^tçJ; ^_:, ;< 
Aveuglement de. tO(U« tant que qqus. fbnune's \ 
ntéreffé vers npxtSj parùit ingrat ^ . . . :, 
pur amour viers' Dieu , rend fcélérat j . , 
ntérêt ppur Dipu , l'amour pq^r Içs l]iommes 

B î 



\ 



24 Poésies 

O vérité , que par - tout Ton ignore , 
O vérité , délices de refprit , 
O vérité , que j'aime & que j'adore , 
Re<;ois mon cœur & ce petit écrit. 



XXIL 

La Férité & P amour pur , rebutés & accep^ 
tés 9 de qui. 

Air : Enfarinez bien votre tête: ou , Vautre jour 
je m^apperçus enfonge. 

yj Pur Amour que Ton ignore , 

O ch^ifte & fimple vérité , | 

Que, rhomme a de témérité 

De vous combattre ! Et plus encore , 

Il vous étouffe entièrement : 

Àh , le menfonge eft triomphant ! 

D'où vient , ô Vérité Suprême , 
Qu'àys^nt mêine force que Dieu , 
Vous ne trouvez prefque aucun lieu 
Où Ton vous écoute & vous aime ? 
C'eft que vous n'entrez dans le cœuf 
Qu'avec l'opprobre & la douleur. 

Le mépris qui vous accompagné , 
Fait que tout le monde vous fuît ; 
Le coeuf par la gloire féduit 
Ne veut point de cette compagne î 
Ah , l'amour pur coûte trop cher , 
Perfonne n'en veut approcher ! 

Que mon cœur lui ferve de tr&n^ 
Malgré les ennuis , les douleurs , 
JVIalgré fa foibleffe & Tes pleurs , 
Malgrç le tourment qui l'étonné , 



V s P I R i T U E L L E s, %%, 

Et fans jamais fe rechercher 
(Quoique Tamour lui coûte cher. 

XXIII. 

Dévotion propriétaire. 
Air ; On n'aime plus dans nos forêts. 



o. 



"N ne te traite point en Dieu, 
Souverain Auteur de mon ame : 
On ne brûle point de ton feu ; 
Sx 'quelquefois on te reclame , 
Ce n'çft que pour nos intérêts , 
Pour ta feule gloire jamais. 

Ou Ton t'ofFenfe impudemment, 
Ou bien dévot propriétaire 
Entêté de fon jugement , 
De fa pratique volontaire : 
Cet or n'eft pas de bon aloî , 
II eft indigne de mon Roi. 

Nulle fimplicité de cœur. 
Aucun défir de la foufïrance , 
Point de charité , de douceur , 
Ni de repo^ de confcience ; 
Le trouble & l'agitation 
Çompofent la dévotion. 



-Ç=^^ 



$6 POESIES 

XXIV. 

L'œil malin y & rœil fimple. 
Air : Viciât de tsox vertus & celui de vos grâces. 



Vc 



ous vous lafTez , Seigneur, & votre patience 
Dans ce tems de péché va changer en fureur ; 
Au crime on donne récompenfe. 
Et pour la vertu la douleur, 

Tous les cœurs corrompus ne fongent qu'à nous 
nuire , 
Mefurant vos enfans fur leur corruption ; 
Us leur font fouffrir le martyre 
Par leur feuffe accufation. 

Le cœur fihiple ne voit que du bien dans fon frère , 
II n'imagine pas qu'il veuille faire mal ; 
Et le jugement téméraire 
Eft loin dé ce cœur tbut royal. 

Mais le cœur corrompu corrompant tout^ chofe, 
Aux bonnes adtions donne un tiès-mauvais tour : 
Les maux que fa malice caufe , 
Tomberont fur lui quelque jour. 

Un œil bien épuré voit toute chofe pure. 

Un œil fimple & candide eil toujours lumineux; 

En fuyant Thumaine nature 

Il a la lumière des Cieux. 

Hélas ! que l'œil malin caufe de peine aux autres! 
Ainfi que la vipère il verfe fon venin. 

Enfeignez-nous comme aux Apôtres, 
Ce que c'eil quç cet œil malin. 

La fource de tous maux & de toute injuftice , 
^ui nous fait approuver en nous tous les péchés , 
Pour en trouver avec malice 
En ceyx qui ïbnt plus détachés. 



s P I R I T U s X L £ 9. 37 

SI , Comme dit Jéfus , on fe jugeoit foi-même, 
Que nous ferions touchés de notre propre erreur ^ 
Implorant la Bonté Suprême 
Pour l'attirer fur notre cœur ! 

Nous ne fongerions plus à juger notre frerc , 
N'ayant que du mépris pour ce que nous faifons ; 
Et connoiflant notre mifere 
Sous lui nous nous abailTerions. ^ 

La vraie humilité fait cas de tout le monde , 
Elle ne voit que foi digne de tout mépris ; 
Et fi Ton Tabimoit dans Tonde , 
Son cœur n'en feroit pas furpris. 
Croyant tout mériter , de rien il ne fe ftche , 
Il eft toujours rempli de refpedt pour autrui; 
Ja/nais fon cœur ne s'y attache 
Que pour s'édifier en lui. 

Il n'y voit que du bien regardant toutes chofes 
De ce côté parfait dont l'humble charité 
Envifàge toutes les caufcs : 
Il eft alors en vérité. 



XXV. 

Fraie dévotion du pur Amour. 

Air : La jeune Iris i ou ^ Les folies (TEfpayne. 



o 



cher Époux , je me livre fans feinte 
A .tous les coups qui tomberont fur moi ; 
Ils nefauroient donner aucune atteinte 
Qui ne plaife à l'amant de mon grand Roi. 

Un vrai amant ne compte point pour peine 
Les tourmens même les plus rigoureux : 
S'il fuit la croix , que fon amour eft vaine ! 
S'il l'aime , il peut bien fe dire amoureuxv 



ZB Poésies 

Quand on fe plaint de la moindre foufi&ance , 
Que notre cœur eft indigne de Dieu ! 
On le pofféde par la patience : 
Q^ui fouffre bien , ah que pur eft fon feu ! 

Tous les dévots pleins de délicateffe 
Comptent pour beaucoup les moindres travaux: 
Quoique zélés , ils font voir leur moUefle ; 
En fe laifTant abattre aux moindres maux. 

Leur propre vouloir qui toujours fubfifte , 
Donne le branle à leur dévotion ; 
Aufli pour peu qu'à quelqu'une on réfiftc 
Vous les voyez tout en émotion. 

Il faut aller à toutes les Eglifes ; 
Être dévjots , c'eft courir en tout lieu : 
Qui ne fait pas comme eux les fcandalife : 
lis fe croient les feuls amis de Dieu. 

O pur amour, que ce que tu (a) fais &ire 
Eft éloigné de, ces dévotions ! 
Tu nous x;onduis par une route amere ; 

Et tu combats nos inclinations, 

■ ¥ 

ta propre volonté n'eft point ad;nife ; 
Tout ce qui vient par elle te déplaît : 
Une dévotion fimple & foumife 
Sera pour toi toujours pleine d'attraits. 

Ne rien vouloir que ce que Dieu nous donne , 
Ne rien avoir & demeurer contents , 
Qu'à tout foufFrîr notre cœur s'abandonne ; 
C'eft le caradtere des vrais amants. 

Sans intérêt fervir ce que l'on aime , 
Qu'on foit récompenfé parla douleur, 
Qu'on fe haiffe & méprife foi-même ; 
Ah! c'eft l'amant digne de fon Seigneur! 

(a) ou fais. 



Spirituelles. 29 

X X V I. 

Contre lafageffe dês prudens du fieele. 

Air : La paix & la folitude. 

1 

vyN croyoit me rendre fage, 
On Tauroit affez voulu : 
Mais c'eût été grand dommage , 
C'cft pourquoi Ton ne Ta pu. 

Que je fuis bien ! v 

Je veux reftcr dans mon rien! 

c 

Je n'envie point la fagefTe, 
Qu'on me laifTe mon butin l 
L'enfance &. la petiteffe 
Sont à préfcnt tout mon bien : 

Je ne veux rien , 
Que chacun garde le fien! 

Un jour la fage Micholc 
Difoit au faint Roi David: 
Avec votre danfe folle 
Vous vous mettez en crédit: 

Ah! qu'il fait bon 
Voir un Roi comme un boufon ! 

David lui dit : Je veux être 
Encor cent fois plus petit , 
Je veux devant tous paroitre 
Méprifable & fans cfprit: 
Ah ! le grand bien 
Que Dieu foit tout & moi RIEN l 

En connoiffant ma baflTeffe 
Je réhauffe fa grandeur: 
Je veux , par ma petiteffe j 



3^ P K s I B s 

Par rhumilité du cœur , 
N*êtrc plus rien; 
Afin qu'il fui( tout mon bien. 

55 Des fervantes méprifables 
55 A découvert vous ont vu ^« 
Devant TArche redoutable 
Je yeux bien paroitre nud , 

Et n'être rien; 
Dieu feul deviendra mon bien. 

Ton orgueil infupportable 
Détruira tes defcendans ; 
Jamais autour de ta table 
Tu ne verras tes enfans : , 

Ta vanité 
Fera ta ftérilité. 



XXVII. 

Contre lafauffe prudence. 



Air : Songes agréabks. 



o 



fauiTe prudence. 
Folle vanité ! 
Quelle eft ta fcience ! 
La témérité ! 

quel appui 
Le fage trouve en lui ! 

Il s'eftime fage ; 
Et je n'en crois rien: 
Tout fon avantage 
Eft l'ombre du bien. 

cher Époux > 
Arrache*nous de iiou9 ! 



SPf]tlTt;£I.LES. il 

Cent faufTes démarches ' 
Fait rhomme prudent: 
Mais fi tu ne marches 
Non plus qu'un enfent , 
Tu n'en fais pas , 
Dieu te porte en fes bras. 

Hommes téméraires ^ 
Que vous êtes fous , 
Si vous ofez croire 
De. vous garder tous! 
Un petit vent 
Abat rhomme pnident. 

L'enfant fe dégage 
De fes inauvaîs pas ; 
Il a l'avantage 
D'être entre les bras 

De fon Amant, 
Et fe rit du prudent. 



XXVIIL 

Folie des gens du monde. 
Au : Mon cher troupeau : ou , RcveiUez-vous. 

JE veux ce qui te glorifie : 
Pour moi je ne puis rien vouloir: 
En tout tems je me facrifie , 
Et me foumets à ton pouvoir. 

Si quelquefois je m'intérefle 
Aux événemens d'ici bas ; 
C'eft qu'ils démontteçit ta Sageflfe : 
Hors de là je n'y p^nfe pas. 

Je regarde comme mon &erc 
Celui qui fuit ta volonté ; 



i% . Poésies 

Je n'ai de patrie & de mère, 
Q^u'où je trouve de Téquité. 

Lorfque les hommes fe déchirent , 
Que je plains leur aveuglement ! 
Voulant accroître leur empire. 
Us fe creufent un monuments 

Je fuis touché de leur folie : 
Au lieu de fe, donner à toi, 
Ils fuivent en tout leur manie ; 
Et leur fureur leur fert de loi. 

La vanité qui les gouverne 
A commencé dès le berceau ; 
Les dominant en fouveraine 
Elle les conduit au tombeau. 

Toujours pleins de leur propre gloire ,' 
Ne fongeant qu'à leurs intérêts,» 
Lorfqu'ils temportent la viétoire 
Ils s'en donnent tout le fuccès. 

Loin de voir ta main vengereffe , 
Q^ui punit par eux nos forfaits ; 
On attribue à fa fageffe 
De nous avoir ainfi défaits. 

XXIX. 

Aimer Dieu^fe baïr foi mime. 
Air .• La jeune Iris méfait aimer fes chaînes* 



D. 



"iviN Amour , doux centre de ma vie , 
Sans toi , fans toi je relie dans la mort : 
C'eft toi qui m'as de douleur affranchie , 
Et c'eft toi qui dois terminer mon fort. 

Si je ne meurs d'amour, fais que j'en vive ; 
Je ne puis être. un inilant fans t'aimer :' 

, Fais 



Spirituelles.^ $1 

Fais qu'en tout tetns , en tous lieux je te fuive , 
Par tout ce que la juftice a d'amer. 

O pur amour , tout le monde t'ignore ! 
On ne connoît que le propre intérêt : 
Celui qui t'aime & qui fe hait , t'adore ; 
C'eft , mon Seigneur , le culte qui te plait. 

Aimer Dieu & s'aimer eft tromperie : 
L'amour fuppofe le renoncement ; 
Ne pas aimer Dieu , c'eft idolâtrie , 
Et c'eft s'aimer foi-même feulement. 

Seigneur , qui t'aime en vérité t'adore ; 
Qui s'aime trop , s'idolâtre à fort tour ; 
Te dirai-je ce que je penfe encore , 
L'homme ne s'aime pas d'un bon amour. 

Pour s'aimer il faut fe haïr foi-même ; 
C'eft là le feul moyen de fe fauver ; 
Après foi l'on traîne un malheur extrême , 
Que l'on ne verra que pour l'éprouver. 

Rend à ton Dieu ce que l'àmotir exige ; 
Et tu verras qu'il doit feul être aimé ; 
Je regarde l'homme comme un prodige , 
Qui s'eft lui-même à tous maux condamné. 

Tous biens font renfermés dans l'amour même ; 
Tous les malheureux font privés d'amour: 
Souffrir par amour eft le bien fuprême 
Un jour fans amour eft un mauvais jour. 

XXX. 

Aimer la petitejje. 

m 

Air : Taifez-vous ma mufctte. 



A, 



Limons la petiteffe ; 
Elle nous porte eaOiey : 
Tome^ Gaat. 



^4 T O E s I EHS ' i 

Dicti , feul ; nous , pauvreté , foiblefTe : 
Le RIEN eft -notre propte lieu. 

Maïs Tame audacieufe 

Veut fe faire valoir : 
Dieu contre cette ame odieufe 
Semble armer fon divin pouvoir. 

D'abord il la térraffe ; 

Elle ne paroit plus : 
Il détruit d^in coup fon audace , 
Et tant de vouloirs fuperflus. * 

Le RIEN rien n'appréhende ; 

Il ne peut plus tomber : 
Le RIEN jamais riién ne demande ; 
Car il n'a rien à demander. 



XXX L 

Se laiffer dénuer &fe rmoncer. 

Air : La bergère NaneUCp 

; ^ Je voudrais foire CJDteadte 
A tou5 mes chers enfons, ^ 
Qu'ils ne doivent plus tendre . 
Qu'au parfait dénûment. 

Sitôt que la féchereffe 

De près les prefTe , 
Bientôt defTus.leur pgs 
Ils retournent , hélas ! 

Toujours dans l'inconftance , 
Aucune, fermeté ; 
Une'foufle prudence 
Tient leur cœur arrêté ; 
On craint , fi l'on fe délaiffe 
A la Sageffe ^ 



s P I it I T U E X'JL E s. ^f 

De perdre fim appui : 
C'eft ie mal d'a«î6urd'lnii. 

Chactin a pour fen osuirre 
Un grand attachement ; 
Nul ne veut être pauvre , 
On craint le d^n^fiment : 
On veut poffléder & vivre ; . • ■. 

Mais il faut fuivrc 
Jéfuï nud fur la croix , ■-{ „" 

Jufqu'aux deruiers abois. 

Renofic^z-vous vôîH-Hiéme ,. 
Nous a; dit îéfus-CIu^: ' ■ 
Ce* 1^ (îgne ^u'on m'Atnè -, 
Et que le Saint Efprit 
Poflede toute votre ame , 

Et que fa ftai^me. 
Confumera bientôt 
Vos plus fecretB défem». 



XXXIÏ; 

niiter Jéfus- Cfmjl par f abandon à la force 
de Dieu. ■ ' ^ 

Air : Les Dlcupt comptent tws Jours. 

Jésus eft le chemin, la vérité , la vîe ^ 
l^u'il faut fuiyre p^r-tout , & toujours l'écouter , 
Il doit aulTi lui fexil nous animer. 

Grand Dieti , c*eft mon unique envie. ' 
Quittez tout , dit Jéfus , renoncez à vous-même , 
hargez-vous de la croix , & marchez après m^i : 
Mon joug eft doux y agréable eft ma loi 
Pour qui fe hait autant qu"*il m'aime. 

Si j'ai quitté les Cieux & le féin'de mon Per« , 
our venir époufer les mépris , les douleurs ; 



1^ Poésies 

Si je me fuis chargé de tes langueurs i 
Dis-moi , qu'eft-ce que tu dois faire ? 

Il eft jufte , Seigneur , qu'à toi Ton s'abandon 
Qu'on aime le mépris , qu'on fouffire la douleur 
Mais tu connois le foible de mon cœur , 
Grand Dieu , fais ce que tu m'ordonnes 

Je me connois , Seigneur , c'eft pourquoi j' 
préhende 
De m'égarer croyant accomplir ton vouloir ; 
Car notre cœur fe laiffe décevoir : 
Grand Dieu » fais ce que tu demandes. 
Tu nous donnes , Seigneur , le vouloir & le fai 
Que pouvons-nous fans toi que tomber chaque jtO 
Ofons-nous bien compter fur notre amour 1 
Grand Dieu , c'eft à toi de tout faire. 

XXXIII. 

D Amour pur ^ (T abandon. 
Air : Ah , que Vamour parott charmant S 



6L,, 



JE mon divin ^aitre eft charmant ! 
Ne lui viendra-t-il point d'amant ? 
Si j'en ai de l'emprefTement , 

Ce n'eft que pour fa gloire ; 
Car je ne veux affurément 

Qu'elle pour ma vidoire. 

Ah , que l'homme a peu de raifoft 
Lorfqu'il condamne l'abandon ! 
S'ii en avoit goûté le don , 
Qu'il feroit à fon aife ! 
Il n'eft rien que cela de bon : 
Tout le refte nous pefe. 
Le néant, le mépris de foi , 
Le pur amour , la fimple foi , 



s P I R I T U E L I E s. ij 

Le feroient vivre comme un lR.oî , 

Même dans la fouf&ance : 
Mais il ne connoit d'autre loi 

Que fon indépendance. 

Lorfqu'il croit être en liberté , 
Il eft dans la captivité ; 
Il ne fent pas la vérité , 

O rhorrible efclavage ! 
Reçois en toi la charité , 

Si tu veux être fage. 

Point d'amour , point de liberté ; 
Sans Dieu tout eft captivité : 
On goûte en lui la vérité ; 

O bienheureux échange ! 
Car la divine charité 

D'un Démon fait un Ange. 

Quand oh aime Dieu purement 
On goûte un doux raflasiment : 
Tout y plaît , même le tourment. 

Adorable juftice ! 
Vous changez en contentement 

Le plus affreux fupplice^ 

Vous avez j^eu de ferviteurs , 
Que n'enlevez-vous tous lis cœurs ! 
Faites - vous dés adorateurs 

Par l'efFet de vos charmes : 
Triomphez promptement des cœurs , 

L'amour n'a que trop d'armes. 



J^^ 



C J 



ff P Ô E s I i 5 

.xxxrv. 

Le cœur fouple & enfantin. 

Air : Sorrges agréables. 

iSwJE veut ta Sa&effe (a) , 
De mon pauvre cœur ? 
Je* veux la foupleffe , 
Et non la roideur : 
1 C'eft à ce prix 

Qu'on conaoit qui je fiiis. 

Je hais la prude»ee ,. 
La févéritc : 
Que >' aime l'enfance 
Et la pauvreté ! 
C'eft à ce prix 
Qu'on connoît qui je fuis. 

Que ht petitcffe 
A pour moi d'appas ! 
Fars que la foibleffe 
Ne t'étonj|e pasv 
/Ah ,. la roideur 
Ne peut plaire à mon cœur ! 

Qu« Tobéiiâaitce 
Soit t&at ton bonheur : 
Car la réfiftance 
Me fait de l'horreur. 
Ah , la roideur 
Ne peut plaire à men cœur ! - 

Une vie auftere 
Te paroît un bien : 

(a) Autrement Hauteffe. 



Spirituelles.' f^ 

Elle a fon falaire ; 
Et je n'en dis rien : 
Mais un enfant 
Fait mon contentement. - 

Une eau congelée 
Ne s'écoule pas ; 
Une ame fixée 
Ne fe répand pas. 

Ah , pour l'amour 
Il faut qu'elle ait fon cours. 

Uamour nç pofféde , ^ 

Et n'eft le vainqueur 
Que de qui lui ôéde 
Son ame & fon cœur : . 
C'efl à ce prix 
Qu'on connoît qui je fuis. 

La Bonté fupréme 
Porte entre fes bras 
Un enfant qui l'aime ; 
Sitôt qu'il eft las , 

Il trouve en lui • 
Sa force & fon appui. 

Que l'homme eft à plaindre 
Qui croit m'honorer 
A force de craindre , 
Et fe tourmenter ! 
Un pauvre enfant 
Me plait infiniment. 

Je veux qu'à ma mode 
On lâche m'aimer ; 
Toute autre méthode 
Ne me peut charmer : 
Un pauvre enfant 
Me plaît infiniment. 

Dans le nouvel âge 
La fimplicité 



46 TOESIES 

Aura l'avantage 
Sur Taufléritç : 
Le Paradis 
C'eft d'être bien petits. 

Nous doutons peut-être 
Quel eft le vouloir 
De mon divin Maître ? 
Il nous l'a fait voir : 
Soyez enfans , 
Dit-il , ei? tous les tems. 

|1 a voulu naitre , 
Ce divin Epoux , 
Il voulut paroitre 
Enfant avec nous , 

Pour nous montrer 
Qu'il falloit l'imiter. 

Fi de la fagefle , 
Fi de la grandeur ! 
Chère petiteffe , 
Tu charmes mon cœur : 
Le Paradis 
C'eft d'être bien petits. 



XXXV. 

Changement des cœurs par t abandon à 
Dieu. 



Air : Roulette. 



Vh 



EUX - TU de l'oraifon 
Faire rexpérience , 
Du parfait abandon , 
De l'amoureux filcnce ; 
L'efprit fe ferme , 



s F I 1 I T U s L L E s. 41 

Le cœur s'ouvre entièrement : 
Alors la foi fera ferme , 
L'aimé pofledant l'amant. 

Mon Seigneur & mon Dieu 

Que j'aime & que j'adore , 

Cherchez donc quelque lieu 

Où l'on vous aime encore : 
Mon petit Maître , 
Faites-vous des cœurs nouveaux , 
Où l'on vous puifTe connoîtrc 
Et vous aimer fans défauts. 

Ne foyez plus qu'un cœur , 
Qu'un efprit , & qu'une ame ; 
Vous n'avez qu'un Seigneur , 
Vous brûlez d'une flamme : 
La petitefTe 
Vous donnera l'union; 
La véritable fageffe 
Fera votre liaifon. 

DifFérens fentimens 
Altèrent la tendreffe , 
Et les raifonnemens 
Détruifent la fageffe : 

Mon divin Maître 
Peut lui feul vous la donner ; 
Et changer votre propre être 
Afin de le dominer. 



XXXVL 

Rareté de V abandon à Dieu. 

Air : On n'aime plus dans nos forêts. 



Ou 



font les enfans, cher Epoux , 
Qui fe livrent à vous fans feinte ; 



4»' f t i i t i 

Qui fe foumettant à vos coups , 
Ne forment pas même une plainte ; 
Et qui fous le poids des douleurs 
Trouvent le repos de leurs cœurs ? 

,55 Ce font ceux qui n'aiment que moi , 
55 Sans s*intéreffer pour eux-mêmes , 
55 Me fuivant dans l'aveugle foi ♦ 
5, Ce font ceux qui m'adorent , m^aimcnt 
55 Sans rechercher leur intérêt , 
55 Ne penfant qu'à ce qui me plaît *\ 

Hélas ! on fe cherche toujours , 
On craint toujours de fe méprendre , 
On ne fuit point le même cours , 
On remonte , on veut fe défendre ; 
Loin de s'abandonner à Dieu , 
On veut retourner en fon lieu. 

Si l'on favoit s'abandonner , 
Et qu'on eût un peu de courage , 
Dieu viendroit en peu couronner 
Notre abandon & fon ouvrage ; 
Il nous conduiroit par la main 
De l'amour pur & fouverain. 



h 



XXXVII. 

Souffrir & s'abandonner à Dieu. 

AiR: Les bergères de Maintcnon. 



|E ne faurois m'empêcher de vops dire , 
Mon cher ami , que. le plus dur martyre , 
Eft fe vrai bien pour quoi mon cœur foupire. 
On craint la croix ; on la fuit avec peine : 
Certains dévots n'ont pour elle que haine ; 
Le moindre mal les accable & les gêne. 



SPIKITUllLES. 41 

Mais , cher ami , ne faifons pas de même : 
Souffrons , mourons fous le Vouloir Suprême ; 
Lors nous faurons.ce qu'on peut quand on aime : 

L'araour facré donne au cœuf la confiance , 
Lorfqu'il veut bien l'accabler de foulfrance : 
Car la d&oleur prodiiit la patience. 

Il faut fouffrir ce que l'homme barbare 
D'un cœur malin en fecret nous prépare : 
Supportons-nous lorfque l'efprit s'égare. 

Il faut fouffrir nos extrêmes miferes , 
Dans notre efprit mille chofes contraires , 
De notre cœur les déiîrs téméraires. 

En reprimant conflamment fon audace , 
N'attendons rien de nous , mais de la gface: 
Difons , Seigneur , que faut-il que je fafTc ? 

Il faut fouffrir de Dieu la dure abfence , 
Qu'il éprouve en tout tems notre confiance , 
Attendre de hii la perfévéranee. 

Il faut fouffrir fouvent notre împuiffance , 
Malgré nos maux vivre dans l'efpérance , 
£t fe tenir dans l'humble dépendance. 

Nous ne pouvons que gâter fon ouvrage ; 
C'efl nous qui faifons chez nous le dommage ; 
L'efprit mMin y fait moins de ravage. 

Divin Amour , renverfe toute chofe , 
Fais qu'en toi fenl toujours le cœur repofe , 
Perds-nous enfin dans la Première Caufe. 

Bivi» Amour , ah ! daigne, nous inftruire : 
Sans toi le cœur peut fe latflfer féduire ;. 
Il s'égare loffqu'il veut fe conduire. 

Il fe croit bien aux mains de fa prudence ; 
Il ne veut point faivre la providence : 
Aufli n'a-t-il point la perfévéranee. 



'44 POESIES 

On marche bîen fitôt qu'on s'abandonne : 
Dieu dont l'amour ne dclaifle perfonne , 
Veut que le cœur entièrement fe donne. 

Celui qui prend encor foin de foi-méme y 
Se donne-t-il à cet Etre Suprême ? 
Sait-il affez comment Dieu veut qu'on l'aime ? 

Apprenez-nous , mon cher Maître , de grâce , 
Comment on doit éviter cette audace ? 
55 II faut un cœur où je me fatisfafle. 

,5 Je ne me plais que dans la fimple enfiuice ^ 
55 La pauvreté & l'humble obéiflance : 
55 Je ne faurois foufFrir la réfiftance. 

55 Je yeux qu^on foit petit , fimple & fincere ; 
55 Qu'on fe repofe ; & qu'on me laifle faire : 
55 Sitôt qu'au cœur je parle on doit fe taire. 

,5 C*eft moi qui feul veux agir dans les âmes*; 
55 C'efl: moi qui les trouble , puis qui les calme : 
55 Je veux enfin les brûler de ma flamme ". 

Ah ! fiiis, Amour, fais ce que tu commandes: 
Je ne puis rien : que ma foiblefTe eft grande ! 
Ah , donne-moi ce que tu me demandes ! 



XXXVIII. 

Four être à Dieu il faut aimer la croix. 
Air : La jeune Iris méfait aimer fes chatna. 



Me 



LoN petit Maître a mille & mille charmes : 
Que ne puis-je être à lui jufqu'au trépas ? 
Qui pourroit ne lui pas rendre les armes , 
Sinon celui qui ne le connoit pas ? 

Il veut un cœur petit , humble , fincere ; 
Que fon amour n'ait aucuns intérêts : 



Spirituelles. 4$ 

£t que toujours occupé de lui plaire 
Il foit fournis en tout à fes arrêts. 

Si Ton veut être en tout au petit Maître , 
On fait trop peu pour qu'il nous prenne à foi , 
Si Ton ne laifle détruire fon être ; 
^ue notre ame eft indigne de mon Roi ! 

Pour être ainfi quittez votre fagefTe , 
Livrez-vous à jamais au pur néant : 
Cher N. vous aimez trop votre ficheffc , 
Et ne pratiquez point le dénûment. 

La voix de Dieu s'eft faite affez entendre 
Dans le fecret au. fond de votre cœur : 
Mais pour la mort vous n'avez rien de tendre ; 
Et la croix vous a rempli de terreur. 



XXXIX. 

Nefe fouftraire à la peine. 

Air : Profitons des plaîfirs , Bergère. 

01 dans la peine plus étrange 
Tous ne trouvez nulle douceur , 
Ne prenez point le change ; 
Ce ferait une erreur , 
A l'amour qui fe venge 
De dérober fon cœur. 

En vain Ton change de demeure , ^ 
Efpérant de trouver un port : 
La loi qui veut qu'on meure 
Doit conduire à la mort : 
La fouffrir tout - à - l'heure 
Eft le plus heureux fort. 

Si cette loi vous fembîe dure , 
Si vous n'y pouvez confentir , 



4* P E S I ï » 

Si chez vous la nature 
Pouffe quelque foupir , 
En vain à la foi pure 
Croyez-vous parvenir. 

Celui qui veut Dieu pour lui-même ,' 
Regarde comme un attentat 
Dans fa douleur extrême 
De changer fon état : 
La volonté fupréme 
Veut un FIAT ; FIAT. 



XL. 

Les opprobres & les fouffrances font les pk 
firs des amans de Jéfiis. 

Air: Ah! que F amour paraît charmant. 

jLL eft vrai , mon divin Epoux , 
Que les hommes qui font à vous 
Sont haïs , rebutés de tous ; 

On n'en fait aucun compte ; 
On les regarde comme foux , 

Et chacun en a honte. 

C*cft ce que vous avez prédit ,^ 
Ce que TEvangelifte écrit , 
Que les Apôtres nous ont dît : 

Ih étoient tout de même ; 
Méprifés , fans aucun crédit , 

Dans un rebut extrême. 
Mais le Roi de tous les amans 
N*eft-il pas mort dans les tourmens , 
Contredit du peuple & des grands , 

Traité comme un infâme ? 
Ce fut là les contentemehs 

Du Sauy^eur dç mon ame. 



Spirituelles. 47 

Il faut donc fkire nos plaifirs 
De ce qui combat nos défirs : 
Abimé dans les déplaifirs 

On goû^e des délices ; 
On rit en pouffant des foupirs 

Au milieu des fupplîces. 

Je ne veux plus penfer à moi , 
Je ne veux penfer qu*à mon Roi ; 
Car c'eft le propre de la foi , 

De s'oublier foi-même ; 
Et de n'avoir plus d'autre loi 

Que le Vouloir Suprême. 



X L I. 

Juftice de Dieu , aimable. 
Air ; Je ne vaut de Tirfis entendre les chanfons. 

j'homme fe plaint eo-vain , grand Dieu , de ta 
rigueur : 
Ta Juftice n'eft point fcverc : 
Elle fait charmer le bon cœur , 
Qui la reçoit comme d'un Père. 

1 ne fpufFriroit rien , fi loin de réfifter 
On s'abandonnoit fans réferve ; 
Et qu'on voulût bien la portée 
Sans fe donner aucune trêve. 

ais notre propre amour attire Ton courroux : 
Celui qui la fert fans feintife , 
Trouve qu'en elle tout cft doux : 
' Plus tu frappes , plus on la prife. 

1 fait qu'elle punit pour nous' combler de biens ; 
C'eft par fon foin qu'on reftitue 
A Dieu tant d'indignes larcins , 
Qu'on vouloit cacher à ùl vue. 



4S Poésies 

Toujours fidèle à Dieu , tu punis le pécheur 5 
Pour le tirer de fou oflFenfe : 
Tu tâches de changer fon cœur , 
En infpirant la pénitence. 

Lôrfqu'on eft arrêté par la propriété , 

Tu redoubles tes pures flammes : 
Tu fais fentir ta dureté , 
Afin de purifier nos âmes. 

L'amour-propre ne peut compatir avec toi ; 
Il faut qu'il te cède la place. 
Tu le punis , mais en grand Roi , 
Mefurant aux douleurs ta grâce. 

Si je quitte le moi , je trouve fa faveur ; 
Elle eft alors béatitude : 
Elle charme & remplit le cœur ; 
Pour nous elle n'a rien de rude. 

Juftice , tout mon cœur fe foumet à tes coups ; 
Quand on aime ils font adorables : 
Tu fléchis de Dieu le courroux ; 

^' Eft-îl rien de plus déledtable ? 



3^ LU. 

Jufiice divine^ aimable pour Dieu. 

Air : Petite abeille ménagère. 

Justice de mon divin Maitre , 
Qui te nourris de tes rigueurs , 
L'amour par toi nous fait connoitre 
Ce qu'on doit au Souverain Etre. 
Honorons-le par les douleurs , 
Car il méprife les douceurs. 

Tu trouves , divine Juftice , 
Chaque jour un nouveau tourment : 



Sfikituelies. 49 

je ne .vois forte d'exercicô , 
Jufques au plus affreux fupplice ^ 
Que tu n'inventes à tout moment 
Afin d'affliger ton amant. 

Plus aimable qu'on ne peut dire ; 
Plus obftinée en ta rigueur , • > 

Sans que ton douloureux martyre 
Faffe déferter ton empire : 
C'eft à qui donnera fon cœur , 
Pour l'immoler à ta fureur. 



X L 1 1 1. 

Converfionfoubaitable du pécheur objliné, pat 
les rigueurs de lajujlice divine. . 

AlK : De BirenCi ou , Où êtes vous Birenc mon amL ' 

V-/'est à ce jour, cher Époux , cher Amant, 
Que l'on verra ta divine juftice 
tar un févére & foudain châtiment 
Renverfer le pécheur avec fon vice. 

C'eft à ce jour que l'homme fcéleràt 
^ura recours à ta miféricorde ; 
Son cœur foumis fous la main qui l'abat , 
JSle verra plus dan^ fon fein de difcorde. 

On ne te connoit, on ne t'aîme point. 
Toi dont l'amour eft plein de tant de charmes , 
ÀFrappe , frappe , & chacun fera témoin 
De fa douleur ainfi que de fes larmes. 

Tu marques trop de bonté, de douceur, 
le cœur ingrat fans t'aimer en abufe : 
Pais-lui fcntir l'excès de ta fureur 
^u'il refte accablé fans chercher d'excufe. 

. Tome IL Cane. ^ D " 



^z Poésies 

Que toujours partifan de ta jufte équité , 

3e laifTe entre tes mains la peine ou le (alairef 

Préferve-moi, Seigneur, de tous les deux extrêmes! 
De rinfolente audace , ainfi que de la peur : 
Puifque je fuis à toi , grand Dieu , de tout mon cœur, 
Fais qu'humble fous tes coups , j'aie l'amour fupréine 

Si* la peur me faifit, je dois foufFrir fans peine 
De m'en voir affaillir fans vouloir me l'ôter : 
Je dois la foutenir ; & je dois fupporter 
' Le poids de ton amour , & le poids de ta haine. 



XL V. 

L'Amour défintéreffé. 
Air : Vous brillez feule en ces retraites. 

Deigneur , on ne te connoit guère \ 
Si l'on te cherche , ce n'eft que pour foi : 
On ignore ce grand myftere 
De l'amour , de la pure foi. 

11 te faut chercher pour toi-même , 
Il fout t'aimer d'un amour fouverain : 

Le cœur eft parfait lorfqu'il t'aime 
Sans vouloir d'intérêt humain. 
Il faut que tout il abandonne 
Soit ^our le tems , foit pour l'éternité ; 
Voulant que ta juftice ordonne 
De fon fort dans ton équité. 



s P I R I T U B L I E s. ÇJ 

XL VI. 
Sur le même fujet. 

Air : Eft^c ainjî qu'on doit s'enfiammcr ? 

XL n'eft rien que le pur amour, 
ai foit digne de Dieu , nî qui puifle lui plaire : 
ferois mille fois trop indigne du jour , 
Si je n'aimois ce grand Bieu fans falaire. 

Que chacun cherche l'intérêt , * 

n'en faûrois trouver que dans ce qui rhonore : 
es vœux & mes dcfirs feront rendus parfaits, 
Si tout mon cœur l'aime feul & l'adore. 

Crpyqns-notis favoir l'adorer, 
l'on ne Taime pas au-defTus de foi-méme ? 
eft s'aimer plus que lui , c'eft le déshonorer. 
Si ce n'eft pas fans intérêt qu'on l'aime. 

Qu'eft-ce que le propre intérêt? 
; préférer à Dieu ; c'eft une idolâtrie ; ^ 

eft le vouloir pour foi ; c'eft haïr fes décrets : 
Peut-on l'aimer avec cette manie ? 

Cependant cet homme orgueilleux 
fe accufer d'erreur l'amour chafte & fidèle :^ ' •' 
'un mauvais argument il eft fi glorieux 
Qu'il infulte les beautés éternelles* 
Il né' fent point la vérité ; 
ne connoit point Dieu , l'aveugle & miférabic : 
ne fe conduit plus que par la vanité , 
Otant à Dieu ce qu'il a d'admirable. ' 

Rien n'égale fa Majcfté : ^ 

'eft un Être Parfait ; il eft le feul aimable : "" 
ien n'eft beau hors de lui : car il- eft la beauté : 
Tout dérive de ce Tout adorable. 



f 4 P O B 8 I Ë s 

Que doîs-je aimer ou bien haïr ? 
Je dois aimer mon Dieu , & me haïr moi-même : 
Ne penfer qu'à lui feul , Taimer & le bénir ; 

N'avoir pour moi rien qu'un mépris extrême. 



XL VIL 

Jlimer Dieu pour Dieu même. 
Air : Je ne veux de Tirjts. 

Je ne fuis point furpris quand je vois les mottelt 
Contre l'amour pur & fidèle ; 
Eux qui , fe dreflant des autels , 
Se croient leur fin éternelle. . 

S'ils connoilToient de Dieu la grâce & la beauté » 
S'ils favolent bien ce qu'il mérite ^ 
Auroient-ils la témérité 
De blâmer l'amour gratuite ? 

Toujours rempli de foi pourroit-on s'élever 
Si fort au-defTus de foi-méme y 
Four aimer & pour contempler 
En elle la Beauté Suprême ? 

Que l'amour gratuit a, de charmes pour tnoi ! 
Ce grand Dieu m'aime ainfi lui-même. 
L'amour s'épure par la foi ; 
Je veux aimer Dieu comme il m'aime. 

Je ne puis rien pour loi ; il a tout (kit pour moi: 

Mais il m'a formé pour foi-même. 

Ce^qu'il demande je lui dois 

Comme au Tout , comme au Bien Suprême. 
L'homme : deflus la terre & l'Ange dans les Cieux, 
; Voulant égaler leur Principe 

Devinrent pervers , odieux ; 

A l^urs crimes je participe. 



^ 



s P I Jl I T U E L r, E s. ^f 

Sitôt qu'avec mon Dieu je fais comparaifon ^ 
L'amour-propre de moi s'empare , 
Je l'aime par réflexion , 
Et je fuis l'objet le plus rare. 

Ah ! que l'homme eft ingrat qui t'aime pour tes biens t 
Q,u'^ime-t41 fi ce n'cft foi-méme ? 
Lorfque tu brifcs fes liens ', 
Il balance s'il faut qu'il t'aime. 

Il régie (oh devoir par fes biens , (fes plalfirs ; 
Il fe féduit quand il t'adore : 
Il eft l'objet de fes dcfirs, 
Et prétend quelque grâce encore ! 

Venez , Amour divin , yerfez-vous dans les cœurs ,' 
Apprenez-leur là loi fuprême : 
Dieu mérite feul nos ardeurs ; 
C'çft pour lui feul qu'il veut qu'on l'aime. 



X L V I 1 1. 

Aimer Dm purement. 
Air : 4m ntpçjjbns pas Cr^ttU, 

Je vondrois être tout à vous^ 
O Jéfus , njon divin Époux , 

Sans égard à moi-même ; 
Recevant l'amçr & le doux 
De cette main que j'aime. 

Je hais cette diftinétion 
De douceur & d'affliAion r 

Tout eft de même forte 
Au cœur qui fans réflexion 

Suit l'Amour qui l'emplOTte. 

D 4 



f6 : P o E S I E S 

Je ne vois que retour fur foi ; 
Ah ! nul n'eft en propre à mon Roi ; 

Nul ne le laiffe foire : 
Chacun ne connoit de la foi 
• Q^ue refpoir dufalaire. 

Seigneur , on ne vous aime pas ; 
On ignore vos doux appas : 

C'eft l'amour à la mode , 
^u-'étre heureux fans fuivre vos pas; 

Chacun s'en accommode. 

Aimer fans chercher fon bonheur, 
Il n'en eft prefque aucun , Seigneur ; 

On veut des récompenfes : 
C'eft ainfi que le ferviteur 

Sert félon les finances. 

" Pour l'homme, ce fervice eft bon; 
Pour mon Seigneur , je dis que non ; 

Je fais ce qu'il mérite : 
Je veux le fervir pour fon Nom ; 

Du refte je le quitte. 

>S'il veut bien fe fervir de moi , 
Ah ! je lui confacre ma foi ? 

C'eft trop de récompenfe , 
Que de fervir un fi grand Roi; 

C'eft là mon efpérance. 

Je le veux fervir par amour , 
Sans e* efpérer un retour : 

Que ma fortune eft grande ! 
L'aimer jufqu'à mon dernier jour , 

Eft ce que je demande. 

Chacun compte fes adtions ; 
La plupart fe croient fort bons , 

Et leur amour extrême: 
Leurs feux font de petits brandons 

Ç^m ^'çteiçnçnt d'eux-mémçs. 



s P I É ï T U K 1 L E 5.' a 

Je veux un amour grand & fort , 
Qui fe trouvant près de la mort 
Sans foutien , fans défenfe , 
Reçoive ce terrible fort 
, Comme une récompen^. 

XL IX. 

L amour doit outrepajjer tout. 

Air : Mon cher troupeau. 

X^UMIERE pure , inacceffible , 
Dieu de Dieu , feul Etre Parfait , 
Verbe opérant , fource invifible , 
Vous êtes engendré, non fait. 

vous qui rempliflcz notre ame 
De la plus pure & chafte ardeur , 
Et qui la mettez dans le calme , 
Vous lui cachez votre fplendeur. 

Vous êtes fon centre & fa vie , 
Qu'elle ne peut voir ni toucher : 
Elle vous eft aflujettie , 
Et paffe en vous fans vous chercher. 

Plus elle demeure immobile , 
Sans déOrs, fans empreffement , 
Plus notre ame eft fimple & tranquille , 
Plus elle eft à vous purement. 

li'amour veut de la reffemblance : 
Dieu fimple dans fon unité 
Nous communique fa fcience , 
Dans Tune & fimple vérité. 

Sa lumière eft d'autant plus pure , 
Que Tefprit n'en découvre rien : 



<8 P X s I ^ 9 

Les feti9 t non plus qu9 la ntture J 
Ne pénètrent pas ce grand bien- 
Dans une obfcurîté profonde 
Le pur amour fait fon féjour : 
Plus robfcurité nous inonde , 
£t plus brille le pur amour. 

Amour , fuiriez-vous la lumière , 
Vous clarté , vous toute chaleur ? 
yy Je liais la lumière étrangère , 
„ Qui n'eft qu'amufement , qu'erreur. 

„ Je me plais d'éclairer une ame 
„ Q^ui ne veut point d'autre clarté 
55 Que celle de ma pure flamme , 
3, D'autre feu que ma charité. 

„ Celui qui veut quelque lumière , 
,, Quelque goût , quelque fentiment , 
„ Eft loin de la fource première , 
„ Et ne peut être mon amant, 

„ Je veux une ardeur (i parfaite , 
99 Qu'elle amortifTe tous plaifirs; 
„ Ainfi que l'entière défiiite 
„ De tout vouloir, de tous défirs *\ 

Je comprends , 6 Grandeur Suprême , 
Un peu ce que vous méritez : 
Celui qui s'aime encor foi*méme , 
Eft indigne de vos bontés. 

U faut furpafler toutes chofes , . 
Afin de parvenir à vous : 
O l'unique Caufe des caufes y 
Qui s'fiime eft digne de courroux. 

Chantons donc la magnificence 
De ce Dieu û grand Ôc fi fort : 
Montrons-lui notre dépendance 
Par le plus généreux effort. 



Spirituelles. ^^ 

Celui qui fe quitte foi-même 
Fait l'effort le plus généreux ; 
Amc^it Dieu comme il veut qu'on l'aime ^< 
Dieu même vient combler fes vœux. 



L. 

Amour d'unité & de conformité. 
Am : Lts folies dEfpagnt. 

Jésus les fiens enfeignant à la Cène, 
Leur dit à tous : Vous mes petits enfkns ^ 
Retenez bien cette loi fouveraine : 
Il faut m'aimer bien au-deifus des fensw 

Paflez en moi ; apprenez tous ma voie ; 
Je pafferai moi-même en votre cœur : 
Je vais chez vous répandre cette joie 
Immuable & non fujette à Terreur. 

C'efl ce contentement que rien au monde 
Ne vous fauroit ni donner ni ravir : 
Il eft de moi , c'eft une paix profonde \ 
Pour la goûter il faut à moi s^unir. 

Père faint , ton Fils te glorifie : 
Sois toujours grand, faint ^ jufle & glorieux:. 
C'eft pour ceux-ci <]^ue je me fanétifif ; 
£n défirant que tu fois faint en eux. 

Accorde , accorde à mon amour extrême , 
Qu'ils foient un comme nous ne femmes qu'un : 
Fais - les paffer en nous , Benuté Suprême , 
Que nous foyons tous confcounés en un. 

Je veux qu'ils participent à ma gloire , 
Mais non qu'ils ufurpent ta Sainteté : 
Je leur donne aujourd'hui mon fang à boire j 
Pour les inftruire de ta vérité. 



<b Poésies 

Mes petits enfans fûivez votre Pcre ^ 
Quelques-uns m'ont fuivi fur le Tabor : . 
Mais vous me fuivrez tous fur le Calvaire ; 
Je ferai honoré par votre mort. 



Ll. 

Unité et amour. 

Air : DiraLje mon Confiteçr. 

XJ'amour unit fi fort les cœurs , 
Et rend les âmes fi conformes ! 
Mêmes deffeins , mêmes ardeurs : 
Le Seigneur en lui lesr transforme ; 
De tous il fait une unité , 
Et les confomme en charité. 

Il ne faut conferver le moi ; 
Il ne faut faire aucun partage : 
Nous abîmant dans notre Roi , 
Nous trouverons cet avantage 
De ne vivre plus que d'amour , 
Sans moyens & fans nul détour. 

Si l'on pouvoit bien concevoir 
De TuN radorable myftere , 
Où l'on perd tout propre vouloir , 
Et cet amour propriétaire ,, 
Pour fe mouvoir au gré du vent 
De l'Efprit Saint , jufte & puiffant ! 

Mais nous tenons , fans le favoir , 
A quantité de bonnes chofes ; 
Nousxonfervons notre pouvoir: 
Il faut d'autres métamorphofes ^ 
Afin que Dieu foit feul en nous ; 
Car il eft un Dieu fort jaloux. 



s P I.K I T 1} fi L L £ s. il 

Amour à qui feul j'appartiens , 
Qu'on t'appartienne auffi de même ; 
Plus de vouloir , plus de foutien : 
Se laiffaht à celui qu'on aime , 
On trouve fon contentement 
A n'avoir plus de mouvement. 

C'eft cette parfaite unité 
Que Jéfus demande à fon Père : 
Lorfqu'on eft mis en vérité , 
Le cœur ne veut plus de falaire ; 
Dieu feul faint , jufte Se glorieux 
Le rendra toujours bienheureux. 



LIL 
L Amour confiant. 
kiKi Aimons jufqiC au trip^ 



A, 



LIMONS jufqu'au trépas. 
L'amour pur nous y convie : 
Hélas , fi l'on n'aimoit pas 
Que feroit-ce de la vie ! 
Ha , perdons plutôt le jour 
Que de perdre notre amour. 

Amour faint & divin , 
C'eft toi feul que je reclame : 
Si je n'étois en ta main , 
Ah , que deviendroit mon ame ! 
Ah ! perdons plutôt le jour 
Que de perdre notre amour. 

Dieu fait fe faire aimer , 
A fon feu je m'abandonne : 
C'eft lui qui fcjut l'allumer , 
Que fa charité fut bonne ! 



€^ Poésies 

Je perdrai plutôt le jour 
Que de perdre fon amour. 



LUI. 

V amour fuffit. 
Air : Avez^vous des procès fans fin, 

lûljJAND j'aime Dieu de tout mon c^vki , 
Rien ne mé peine dans la vie : 
Il faut mefurer notre ardeur 
Au bonheur d'être afiujettie. 

Si je voulois changer d'état , 
Si je veux quelque chofe au monde , 
Traitez-moi comme un icélérat 
Qui dans fon propre fens abonde. 

Vous favez bien ce qu'il me faut ; 
£t je ne le fais pas moi-même ; 
Vous voyez quel eft mon défaut : 
Ah , que tout périflè , & que j'aime ! 

LIV* 

L Hirondelle y emblème de taaii amante. 

Air : La bergère Naaettt. 



GL. 



JE j'aime l'hirondelle , 
Qui m'apprend mon devoir î 
Je dois faire comme elle , 
Si j'en ai le pouvoir : 
On ne lui voit jamais faire 
Deffus k terre 



I 



s P I-R I T U « L L E S. ^5 

Qu'un moment de féjour ; 
Elle vole toujours. 

Lorfqu'elle fe repofe, 
C'eft au milieu de Tair; 
Sans manger autre chofe , 
Que ce qu'on voit voler : 
Car enfin fa nourriture 
Et fa pâture 
Ne croit point dans nos champs. 
Elle vient au printems. 

Uété elle y féjourne , 
Abhorrant les frimats ; 
Quand le Soleil retourne , 
Elle va fur fes pats. 
Nous devons faite de même 
Fuir à Textréme 
De faire Mh long féjour 
Ailleurs que dans Tamour. 

Que notre nourïiture 
Soit de faire oraifon ; 
Fuyons de k nature 
Le dangereux poifon : 
Faifons comme l'hirondelle , 
Toujours fidelle , 
A fuivre du Soleil 
Son regard fans pareil. 

Si quelquefois la terre ' 
La reçoit fur fon dos , 
C'eft lorfqu'elle veut feirc 
Un nid à fes oifeaux : 
Si ce n'étoit fa couvée , 
Haut-élevée , 
Elle ne voudroit pa^ 
Sur terre faire un pas. 

Quittons-en la demeure , 
C'eft un mortel féjour 9 



Poésies 

Pour aller à toute heure 
Nous guinder dans Tamour : 
Quittons le froid & fa glace ; 
Et que la grâce 
Nous mené à clnaque inftant 
Vers le Soleil levant* 



L V. 

Hors de ï Amour tout eft menfonge. 

Air : Les folies (TEfpqgne. 

JLlORsau'EN mon Dieu notre ame eft tranfportée, 
Elle tranfporte aufli tout avec foi : 
Rien ne peut plus la tenir arrêtée , 
Perdant en Dieu fon amour & fa foi. 

pur amour , c'eft où tu menés Tame : - 
Tu la conduis , & la perds en fa fin. 
trop tranquille & généreufe flamme , 
Heureux celui qui te loge en fon fein ! 

Si fon chemin eft rempli de ténèbres , 
Il trouve en toi fon bonheur , fa clarté : 
Sans toi tout n'eft que t;rifte, que funèbre , 
Toi feul comn^uniques la vérité. 

Hors toi je ne vois qu'erreurs , que menfonges ; 
Tout eft égarement & faufleté*: 
Plaifirs , honneurs , vous n'êtes que des fonges ; 
Le vrai fe trouve dans la charité. 



LVI. 



V. 



!S P I ft.I T U E L.L £ S. ^i 

LVÎ. 

Exhortation au pur &Jîmple Amour. 
Air : Je ne ueu» de Tlrjîs. 



ENEZ mes chers Enfens , venéz-voos abimer 
Dans cet Être incompréhenfible ; 
Votre cœur eftfait pour l'aimer: 
Fuyez le diftindt ^ le fenfible. 

Vous devez bien plutôt vous éloigner de vous i 
Sans vous , rien ne feroit nuifible : 
La grâce porte en vain fes coupa.. 
Votre cœur eft inacceffible. 

Donnez-vous tout à Dieu, àimez-lepufement} 
Laiflez ce malheureux vous-même: 
î)e Dieu Ton ne peut être amant 
Que par un dénûment extrême. 

On ne peut être à lui que par le pur amour ; 
Lui Ceul produit la petitefle : 
L!enfance fait faire fa cour ; 
Mais il hait la fauife fagelTe. 



Foie au pur Amour. 

L Air > Si vous me permettez de vous voir à toute héurfl 
ou , U agréable printemps, ranime la nature. 

%Sl vous voulez aimer Dieu d'une amour parfaite , 
Il faut, mes chers Enfans une entidre défaite,. ., ■•- 
De tout ce qu'on appelle & le MIEK & le moi , 
Sans quoi vous ne pourrez Jamais plaire à mon Roi. 

Tome IL Cant. £ 



iè P ES I E s 

Sî vous voulez chôîlir "d'autres routes plus belles , 
Vous deviendrez bientôt à Tamour infidelles; 
Vous quitteriez le TOUT pour poiréderle RIEN; 
Et vous appelleriez ce rien un plus grind bien. 

Si le RIEN eft un bien , c*eft Tamour qui Topére; 
Mais ce n'eft pas le rien où Ton veut fe complaire. 
L'amour laint , Tamour pur, eft un amour jaloux , 
Qui vient dans notre cœur pour nous bannir tie nous. 

Chercher ailleurs l'amour, ce n'eft qu'une folie. 
Qui compte de l'avoir;, il doit perdre fa vie., 
J'entends tous les moyens qui le font vivre en foi. 
Pour fe laiiTer guider à l'amour par la foi. 

), 

* L V 1 1 L 

Attraits & communications àe P Amour. 

AiR ; Je ne veux de Tirjty. 



m 



Lon Dieu , co Ae l'aîman , lorfqn^l touche le cœur 
Lui donne une vertu fecrete ; 
Et quelque chofe de moteur 
Qui meut les cœurs & les arrête. 

Il attire en fecret un grand nombre de cœurs 
Avec une force Incroyable ; 
En fait des vrais adorateurs ^ 
Et leur montre le feul aimable. 

D eft vrai que longtems le terreftrc élément / 

Leur fait une cruelle guerre; 

Mais le cœur touché de l'aiman 

Détruit à la fin cette terre. 
Quand l'efprit dégagé ^'unit -avec fbnDieu, 

Il ne fouffre plus de mélange > 

Il eft féparé par le feu , 

Et devient pur ainfi qu'un Ange, . 



Spirituelles. 67 

Lorfque le cœur eft pur , il entend l'autre cœur 

Dans un myftérieux filence; 

Il lui communique une ardeur 

Pleine de paix fans véhémence. 
Quand on eft pénétré de ce premier aiman. 

Notre ame devient toute pure ; 

Le corps ne fait plus de tourment , 

Tout réparé de la nature. 
Ainli que le Soleil par fa vive clarté 

Pénétre le corps diaphane ; 

De même en nous Tamour facré 

Pénétre & bannit le profane. 
Il faut donc pour un tems,fouffirir & foutenir 
•Le poids de nôtre corps fragile ; 

Dieu peut de notre ame bannir 

Ce qui jn'eft ni pur ni tranquille. 

Le cœur fimple & tranquille épure enfin le corps 
Et le réduit dans Tinnocence : 
Ce que ne peuvent nos efforts , 
Se feit par la toute puifflance. 

Deux efprits épurés , deux cœurs fans mouvemens , 

En fe pénétrant s'illuminent ; 

Dégagés de tous fentîmens 
(fl) Rien de créé ne les termine. 
Mais jufqu'â ce moment il faut fe fupporter , 

Il faut reflentir fa mifere : 

Soyez fimple pour écouter 

La voix d'un Époux & d'un P«re. 
L'imparfait fe perdra dans un facré repos , 

Vous ne fentirez que la grâce : 

L'amour pur par fes doux pavos 

Effacera toute autre trace. ' 

(a) Ou lx$ biens créés ne lesMtmîaent.' 

E a 



Si Poésies 

Vous ne trouverez plus que Dieu dans votre cœur 9' 
Toute rhumanité bannie; , 
Et fur vous Tefprit féducteur 
N'étendra plus fa tyrannie. 

Votre cœur trop étroit ne fauroit recevoir 
Ce que Tamour lui communique ; 
Mais un jour le divin pouvoir 
Vous le rendra béatifique. 

AUez-donc Amplement fans crainte & fans détour 
Dans rentier oubli de vous-même : 
Dieu vous donnant le pur amour 
Vous fera fentir qu'il vous aime. 



L I X. 

Effets viBorienx de t Amour divin. 
"Air : Les Dieux comptent nos jours a 



Al 



LMOUR pur & divin , que rien ne peut éteindre , 
Plus jaloux que Tenfer, & plus fort que la mort^ 
La chair , le monde , avec tout leur effort , 
Amour , ne fauroient te contraindre. 

Perfécuté de tous il obtient la vidoire ; 
Rien ne peut Tarréter , ni foins , ni tems , ni lieu : 
Il pafTe tout pour fe joindre à fon Dieu ; 
Amour, oh ne veut pas te croire. 

Les plus grands déplaifirs , des eaux la multitude , 
Ne t'éteindront jamais , divine charité : 
Dedans nos cœurs tu mets la vérité : 
Amour i quelle eft ta quiétude ! 

C« font les paffions qui troublent. le doux calme^ 
Q^ue le divin amour opère au fond des cœurs ; 
Ce font elles' qui comme fédudteurs, 
Amour, t'enlèvent de notre ame. 



Spirituelles. 6ç ^ 

C'eft toi qui des péchés couvres- la multitude; 
Dieu ne les connoit plus , ils font évanouis : 
De nôtre cœur fitôt qu'on te bannit, 
Amour , on eft en fervitude. 

Mais c6 qui plus te nuit , eft la prudence humaine ; 
Elle ne peut foufFrir une fi noble ardeur : 

Crains , me dit-elle , & laide ta hauteur ; 
Hélas , que tu me parois vaine ! 
Je conferve chez moi cette troublante crainte, 
Qui de la fagefle fut le commencement. 

L*amour l'ouït ; & lui dît brufquement : 
J'en veux la fin ; ceffe ta plainte. 

Par la crainte , il eft vrai , s'introduit la fagefle; 
Mais l'amour eft fa fin , fa confommation : ^ 

Laiffe-moi là ; c'eft mon élection : 
L'amour fait tenir fa promefle. 

C'eft lui qui perd en Dieu, qui rend pure notre ame , 
lien détruit le mal , il y forme le bien ; 
Sans lui je n'ai ni pouvoir ni foutien : 
Amour , brûle-moi de ta flamme. 

Qu'on appelle cent fois ma flamme audacieufe ; 
Je ne veux que l'amour, qu'il foit maître de tout : 
S'il m'entreprend , pour en venir à bout 
Lui f^ul fuffit, je fuis heureufe. 



LX. 

Nulle liberté que dans t Amour pur. 
Air : Qtioiquc vousfoyez adorable. 



c 



_/'est le pur amour qui m'engage : 
Depuis qu'il me tient fous fa loi , 
Je ne difpofe plus de moi ; 
Je fuis libre dans l'efclavage. 



70 Poésies 

Tant que Ton demeure à foi-mémc , 
Une dure captivité 
Nous fouftrait à la vérité : 
II n'eft pas ainfi quand on aime. 

Toujours libre , toujours contente , 
On ne défire rien pour foi : 
Nous régnons avec notre Roi ; 
Et l'amour remplit notre attente. 

Ah ! que je plains le cœur de l'homme , 
Qui cherche ailleurs quelques plaifirs ! 
Rien ne peut remplir fes défirs : 
Il eft toujours comme en un fomme* 

Tous les plaifirs ne font qu'un fonge , 
Qui féduifent l'efprit humain : 
Ah ! s'il goûtoit l'amour divin , 
Il en connoitroit le menfonge. 

Mais fe laiflant toujours féduire , 
En recherchant ce qui le perd ; 
Le bonheur qui lui fut oiFert , 
Quoique grand jamais ne l'attire. 

Hélas , que cette ame eft à plaindre 
)ui s'abandonnant à l'erreur , 
fe connoit pas le vrai bonheur , 
Et ne tâche pas de l'atteindre ! 

Rien cependant n'eft plus facile : 
Tout confifte dans le vouloir, 
Car Dieu lui donne le pouvoir , 
Sitôt que fon cœur eft docile. 



9^) 



Ne 



Spirituelles. jj 

LXI. 

L Amour fans crainte ^ mais non fans humilité. 
Air : On ne vit plus dans nos forêts» 

J E né çpnnois plus que Tamour , 
Je ne puis marcher par la crainte ; 
Dès que j'habitai fon féjour. 
De lui mon ame fut atteinte : 
Si vous voulez quelqu'autre bien , 
Cherchez-le & ne m'en dites rien. 

Vous dites marcher (urement ; 
Je n'entre point dans votre affaire , 
Contente d'aimer purement 
Je n'y connois point de myftere : 
Tout ce que je fais o'eft l'amout, 
L'amour pur, l'amour fans retour. 

55 Craignez & tremblez de terreur , 
55 Vous qui n'êtes rien que pouffiere ; 
35 II faut qu'une fainte frayeur , 
55 Bien loin d'être fi téméraire , 
55 Vous occupe éternellement 
55 De votre dernier jugement. 

J'aime, & ne puis appréhender. 
Amour, que de ne pas te plaire : 
Je n'ai plus rien à demander , 
L'amour me tient lieu de falaire : 
L'amour fait mon contentement , 
L'amour fait aufli mon tourment. 

55 Ne voyez-vous point votre erreur, 
55 Qui d'un orgueil opiniâtre 
55 Vous fait méprifer la terreur , 



f ^. 



^ P E s I E s 

53 Vous rend pire qu'un idolâtre? 
55 Ah ! quittez votre entêtement , 
55 Et vous marcherez fûrement. 

Je ne méprife aucunement 
La crainte chafte & falutaire ; 
Mais je ne purs faire autrement 
Q^ue de t'aimer, & laifler faire, 
pi vin Amour, ce que tu veux, 
Ton vovloir nous rend bienheureux. 

O vous qui voiriez me troubler , 
Vous n'y gagnerez que des peines : 
Mon cœur ne faqroit plus trembler , 
Toute§ vos paroles font vaines : 
Je ne ceiTerai point d'aimer ; 
Sur mo; tâchez de vous calmer. 

Tous vos foins ne peuvent avoîi: 
Qu'une inquiétude frivole ; 
Si vous faviez votre dqvoir , 
Plus d'.efFet & moins de parole 
Fixerpit votre empreffejpent 
Et,YQVs rendroit parfait amant. 

Si vous conÀoifllez comme moi 
Notre pouvoir, notre mifere , 
Marchant dans un efprit de foi 
Vous apprendriez ce myftere : 
L'humilité vient de l'amour, 
C'eft lui qui lui donne le jour. 

Afin de pouvoir s'abaiiTer 
Il faudroit être quelque chofe : 
L'amour ne laifle pas penfer 
Que du bien nous fpyons la caufe ; 
Il nous retient dans notre rien , 
Sans trouver en nous de foutien. 

Il nous tient fi petits, fi baç,, 
Comiiie étant notre propre place : 
S?uis lui je ne puis faire un pas 



s P l'»*^! T if E L t E S. 71 

Qu'il ne m'en faffe voir l'audace , 
M'abimant jufqu'au plus profond 
De l'horreur de mon mauvais fond. 
Je ne puis rien faire qu'aimer ,' 
L'amour eft mon centre & ma vie : 
Bien que l'on puifle me blâmer . 
Et que chacun me porte envie J 
Mon refuge eft entre fes bras , 
Il ne, les retirera pas. ' . 

Je me confie entièrement 
A fon adorable conduite ; 
Son feu fera mon élément 
Jufqu'au tems qu'il m'aura détruite : 
Lors n'ayant rien en moi de moi , 
On n'y verra plus que mon Roi. 

Conferve qui voudra fon moi , 
Je n'en ferai jamais de compte : 
Je me repofe fur fa foi; 
Et fi fon amour me furmonte , 
Il contentera tous mes vœux , 
M'anéantiffant dans fes feux. 

Amour puiffant , amour vainqueur ,' 
Difpofez toujours dç ma vie ; 
Soyez le maître de mon cœur , 
Puifque je vous fuis affervie : 
Car je ne penfe nuit & jour 
Q^u'à vous témoigner mon amour. 



^s^^ 



4p4 P B s I E s 

■ ■ ■■■ " .■■■■■Il . ■ J. Il , M^ I I y ■ L i , „ 

LXII. 

Excellence de P Amour pur. 

AjR ; Les f plie f dPJpagne. 

Je voulus autrefois être vîdime ; 
Et c*eft le meilleur de tous les prérens : 
Vous le fûtes pour effacer mon crime : 
Vous préférez notre mort à Tencens. 

Je veux parler de la mort à foi-même , 
Qui s'opère par le renoncement : 
C'eft cette vidtime que mon Maître aime ; 
On peut rimmoler en chaque moment. 

Suivons toujours la Volonté Suprême ; 
Et que le propre efprit cède à la foi : 
Ce n'eft point autreinent que Ton vous aime , 
Qu'on obéit , Seigneur , à votre loi. 

Aimer , fouffrir , eft la loi fouveraine 
Que mon Jéfus enfeigne à fes enfans ; 
Porter en paix la foiblefle & la peine , 
Mourir à Tefprit aufli bien qu'aux fens. 

Quand je livrerois mon corps à la flamme ^ 
Sans le pur amour je ne ferois rien : 
Si la charité ne remplit mon ame , 
En vain je donne aux pauvres tout mon bien. 

Quand je jeûnerois toute, la femaine , 
Quand chaque jour j'affligerois mon corps , 
Sans la charité pure & fouveraine , 
Que je ferois , hélas , de vains efforts ! 

Quand j'aurois requ le don des miracles , 
Quand je tranfporterois les plus hauts monts , 
Quand je rendrois chaque jour des oracles , 
Sans amour j'imiterois les Démons. 



s P I E 1 T U s t L £ s. 7f 

Divin Amour , c'eft toi que je réclame » 
C'eft toi qui m'infpires la vérité : 
Il n'eft point ici-bas de pure flamme ; 
Tout eft renfermé dans la charité. 

L'homme ainfi que Taîrain fouvent réfonne , 
Vide au-dedans , au-déhors tout eft bruit : 
La charité à qui Ton s'abandonne , , 
Se tait ; fon fdence fait, un grand ftuit. 

Divin Amour , je me livre fans feinte , 
Ah ! conduis-moi par la croix & la mort : 
Lorfque d'amour notre ame eft bien atteinte , 
Le naufrage nous eft un heureux port. 



LXIIL 

Générofitl du véritable Amour. 

Air : ^t ne veux de Tirjis. 

! Je foupire , Seigneur , pour vos feuls intérêts ; 
C'eft ce qui confume ma vie : 
J« ne veux que ce qui vous plaît ; 

b De tout mon ame eft aifranchie. 

Q^uand je vois les humains qui s'éloignent de vous ; 
Mon cœur en fouffre le martyre : 
D'un Dieu fi charmant & fi doux 
Ofe-t-on rejetter l'Empire? 

Mais ce Dieu , me dit-on , eft un Dieu fort jaloux : 
que j'aime fa jaloufie ! 
Elle nous bannit de chez nous , 
Détruit notre mort par fa vie. * 

Il eft vrai , mon Seigneur , que vous voulez le cœur^ 
Tout entier & fans nul partage : 
Ce vouloir fait notre bonheur ; 
L'amour-propre craint fon dommage. 



75 Poésies? 

Q^ue je ferois content de le voir en tous lienr 
Détruit par la toute-puiffance ! 
Chacun brûleroit de vos feux ; 
Et Ton vivroit dans l'innocence. 

Mais Phomme eft aveuglé fur fon propre bonheur; 
Il le met dans les chofes vaines : 
Croyant trouver de la- douceur , 
Il trouve les plus rudes peines. 

Nul n'eft heureux fans vous , ô mon Souverain Bicft, 
Étant la fource des délices : 
Hors vous on ne découvre rien , 
Si ce n'eft un amas de vices. 

SI la feule vertu peut rendre Thomme heureux , 
Le bien qui réfide en vous-même , 
Eft cent fois plus avantageux : 
Et vous êtes le Bien Suprême. 

Car la vertu chez moi fe corrompt aifément ; 
En vous feul elle eft toute pure : 
Je la trouve là , cher Amant , 
Sans la montrer à la nature. 

Elle fe nourriroit , & Tamour-propre auflî > 
De fa plus fublime excellence : 
Son cœur par elle eft adouci ; 
Mais ce n'eft rien qu'en apparence. 

Sans pénétrer le fond , on s'amufe au-déhors ; 
Dieu méprife ce qu'on eftime : 
On s'arrête à certains tranfports ; 
Et l'on tend fans cefTe au fublime. 

Nous forames aflurés , en nous tenant bien bas ; 

Loin de monter , il faut defcendrc : 

Mais le monde n'eftime pas 

Ce feu fi caché fous la cendre. 
La flamme en s'élevant s'évapore à la fin : 

Le feu enterré fous la cendre , 
'. Se conferve jufqu'au matin ; 

Dieu le voit & daigne le prendre : 



Spirituelles. 77 

Ton veut s'élever , il s'élève encor plus ; 
Il aime à combler la vallée : 
Toute hauteur eft un abus : 
Heureufe l'ame ravalée. 

ui ne s'eftime plus , & qu'on méprife aufC ^ 
Qui , dans l'oubli àe tout le monde , 
N'a plus ni peine , ni fouci , 
La Majefté de Dieu l'inonde. 

î monde n'eft plus rien pour ce cœur généreux , 
Si fort au-deflus de lui-même ; 
Et ce qui le rend tiès-heureux , 
Eft l'abjedion plus extrême. 



LXI V. 

Glorieux martyre d'amour. 

Air ; Hélas BrunetU mes amours ! 

J'ai toujours voulu vous aimer. 

Seul Auteur de ma flamme : 
Tout mon cœur s'eft laiffé charmer ; 

Vous enlevez mon ame : 
Vous itts mon Souverain Bien ; 
Tout le refte ne m'eft plus rien. 
Q^ui ne fe livre pas à vous , 

Eft indigne de vivre ; 
Il ignore le bien fi doux , 

Que l'on goûte à vous fuivre : 
Il cherche ailleurs quelqu'autre bien; 
En cherchant il ne trouve rien. 

Celui qui vous cherche , Seigneur , 
Vous trouve & vous pofféde ; 
Vous êtes le repos du cœur , 
De fes maux le remède : 



Poésies 

Qui veut chercher quelqu'autre bien , 
Hors de vous il ne trouve rien. 

Ah , que c'eft un bonheur parfait » 
De fe laiffer conduire! 

De ne vouloir que ce qu'il fait ! 
glorieux martyre 

Que celui que caufe Tamour ! 

On s'y délede chatjue jour. 

Plus l'amour devient épure , 
Et plus il nous confomme : 
Hors de là rien n'eft affuré : 

Mais lorfqu'il nous transforme , 
Le cœur ne demande plus rien » 
Poffédant le Souverain Bien , 



L X V. 
Sacrifice de la raifon à lafoL 

lift : L'autre jour ma Chris. 



Me 



LoN Dieu , que la raifon 
Eft une étrange chofe ! 
Le dangereux poifon » 
Que de maux elle caufe ! 
PérifTe tout efprit , 
S'il n'eft fimple & petit. 

Si je fuis la raiibn 
Je deviens infidelte , 
Je n'ai qxie fi<^on ; 
Et ma pauvre cervelle 
Me mène chaque jour 
Loin du divin Amour. 

Il me faut de mes fcns 
Faire le facrifice ; 



SPlfe1[*rUEtLES. îf 

Et mon entendement 
Sera mon eîcercîce , 
Si le divin Amour 
Ne le détruit un jour. 

J'aime mieux de la foi 
Suivre la route fûre : 
Que Tamour foit ma loi ! 
La raifon en murmure : 
Pour vaincre la raifon 
Je fuivrai l'abandon. 

mon Unique Bien , 
Seul Auteur de ma àamme , 
Daigne être le foutien 
De mon c(jeur , de knon amê ; 
Ne me pfermets jamais 
De faire un autre choix. 



L X V I. 

L'Amour eji vain fans Vefpritdefm. 

Air : Onnt tntptus dans nos forêts. 

iJouvÈRAïN Donheur de tout t)ien , 
Qui nous conduis , qui nous ehfèignes , 
Sans lequel nous ne poiûVô'ns rîeil ; 
Ne permets pais que Ton âédaighe 
Les Lumières de ton Efprît , 
Ni cç que toi-même as produit. 

L'homme jaloux de foii honneur , 
Met fa gloire en fa réfiftftnce ; 
Il croit que c'eft manquer de cœljr , 
De fuivre une humble obéiflknce ; 
Il préfère fon jugement 
Au falutaire abaiflement. 



(0 Poésies 

^ Efprît Saint , chaffe de fon cœur > 
Par ton admirable lumière , 
Son vouloir toujours* fédudteur , 
Et fa raifon toujours contraire 
A cet efprit de pure foi , 
Q^u'on ne peut avoir que par toi- 

Si je foumets mon jugement , 
Lors tu m'éclaires par ta grâce ; 
Si je m'abime en mon néant , 
Sa clarté devient efficace : 
Le voile qui couvroit mes yeux 
Tombe, & m'ouvre un bien précieux- 

Lors rempli de contentement , , 
Je me dis fou vent à moi-même: 
J'étois dans un aveuglement y 
Qui m'ôtoit à celui que j'aîmc : 
Pouvoit-il s'emparer d'un cœur 
Qui chériflbit fa folle erreur ? 

Grand Dieu, que ne te dois-je point 
Pour cette grâce prévenante ! 
Ta lumière qui vient à point , : 
Éclaire mon ame ignorante , 
Et m'enfeigne en un même jour . 
Que fans la foi vain eft l'amour. 

Ah, peut-on croire de t'aimer 
Sans cette foi fimple & docile! 
Oferois-je bien préfumer 
De trouver en toi mon afile , 
Si je ne foumets mon efprit 
Ainfi que Ta dit Jéfus-Chrift ! . 

L'homme , pour foi-méme flatteur , 
Veut rendre fa raifon maîtreffe , 
Préférant l'efprit fuborneur 
Aux préceptes de la Sageffe j 
Il fe garde dans fon entier , 
Fuyant de l'amour le fentier, 

L'a 



Spirituelles. ti 

L'antour veut le renoncement , 
Etrhomme veut vivre à lui-même; 
Il fe trompe très-lourdement : 
Non ; ce n'eft pas là comme on aime i 
S'il a du goût de la ferveur j 
C*eft une trompeufe faveur. 

Ce goût n'eft point la vérité ; 
L'ennemi peut le contrefaire : 
Par là Ton vit en fureté , 
Quoiqu'on foit à l'efprit contraire ; 
Car jamais , fans l'aveugle foi , 
On ne peut plaire au divin Roi. 

Que ne puis-je par mon diCç^as 
Montrer à l'homme fa méprife ! 
Qu^U fé trompe dans fes amours , 
Sitôt qu'il veut vivre à fa guifel 
Jamais fans le renoncement 
On ne peut aimer purement. 

Qu'appelle-t-on mourir à foi , 
Sinon 'mourir à fes idées ? 
Sans l'amour & la fimple foi , 
Toujours une ame eft pôfTédéé 
De la raifon , du propre amour : 
Ami , tu lé verrai un jour* 



L X V 1 1. 

Conduite fitre de la foi & de Pàntour. 



Air : Uedat de vos vertus. 



o 



généreux amour qtii s'oubliant foi-méme , 
!I'a plus d'autre intérêt que celui de fon Dieu ! 
Son obéiffance eft extrême ; 
On eft fournis félon fon feu- 

Tome il Cant. F 



%Z î £ s I E 8 

Quand on aime beaucoup, c'eft le Vouloir Suprême 
Q^ui faitto^t Iç bonheur d'un cœur bien épuré : 
C'eit ne favoir pas comme on aime , 
Que de vouloir être affuré. 

On marche fûrement lorfque la foi nous guide ; 
Car cette pure foi doit précéder l'amour : 
Croyons-nous par un pas timidcr 
Pouvoir l'atteindre quelque jour ? 

Car l'amour & la foi jufqu'au Tout immuable 
Peuvent feules conduire & l'efprit & le cœur : 
C'eft par la paix inaltérable. 
Que l'on par\^ent au vrai bonheur. 

L'efprit eft â^)ofé loin des penférs frivoles ; 
Le cœur par cette paix eft comblé de plaiûrs : 
La paix eft filence & paroles ; 
Elle amortit tous les défirs. 

L'amour pur & divin tranquilUfe notre ame j 
Elle p^rd en l'amour toute agitation : 

Comme riei^ n'arrête la flamme. 
Rien ne la met en aiflion. 

Son agir eft repos , fon a(Jtion paifible 
En fe laiffant mouvoir à TEfprit fouverain : 
Repos , agir ; rien n'eft pénible : 
Tout fe fait par l'attrait divin. 
Ah ! ne réfiftons plus à la voix toute aimable 
D'Amour qui nous appelle , & veut s'unir à nous : 
Craignons cette voix redoutable ' 
Qui vient de foA jufte courroux. 



Spirituelles. g| 

L X V 1 1 1. 
Bonheur de la vie defei. 

Air: Votre empire cji trop Jevcre ^ 
ou , Tu rêves toujours Sihie. 



Se 



>0YEZ content , mon cher Maître , 
De nos vœux , de notre encens ; 
Accordez-nous à tous d'être 
A vous au-deffus des fens ; 
Celui qui fuit le fenfible , 
Va toujours très-foiblement ; 
Jamais à (a) i'inamiflible 
U n'arrive fûrement. 

Vous voulez que l'on vous fuivc , 
Par où vous avez marché , 
Que par la mort on arrive , 
Qu'on foit de tout détaché , 
Que l'on aime la fouffrance 
Ainfi que la pauvreté : 
C'eft là Tunique fcience 
Qui donne la vérité. 

Allons donc par la foi nue, 
Et laiflbns les fentimens : 
Si la foi m'avoit perdue , 
J'aurois mes contentemens ; 
Ne me voyant plus moi-même , 
Je n'aurois que des plaifirs : 
La perte en Dieu , quand on aime , 
Doit combler tous les défirs. 

On vit dans fon origine , 
Comme un poifTon dans la mer ; 

(à) Autrement inacccffiblc. 

F» 



Poésies 

Là la puifTance divine 
Tire le doux de l'amer ; 
On ne trouve d^amertume 
Que dans les fades douceurs : 
Faifons-nous cette coutume ' 
De n'aimer que les douleurs. 

C'eft une douce habitude 
Toujours aimer & foufFrir : 
Le tourment n'eft jamais rude 
A qui fait à Dieu s'offrir 
Nuit & jour en facrifice 
Pour fiiire fa volonté , 
Qui regarde le fupplice 
Comme fa félicité. 



L X I X. 

Ténèbres de la f OU 
Air : Taifez^vous^ ma mufcttt. 

Jr OURQUOI vouloir connoltre» 

Et marcher par la foi ? 
Demandez à mon divin Maître , 
Si c'eft là Famoureufe loi. 

De la foi ténébreufe 

Paroit-on faire cas ? 
Cette ame fe dit amoureufe ; 
£t pour moi je ne le crois pas. 

L'amour fans défiance 

Eft le parfait amour : 
On cherche, on veut d^ l'affurance; 
Et l'on ne marche qu'en plein jour. 

Si fe laiffer conduire , 

Prouve quelle eft la foi ; 



Spirituelles." Ki 

C'eft auffi fe iaiffer féduire 
Que de s'en rapporter à foi. 

C'eft à Dieu qu'on fe donne : 

Lui feul conduit les pas 
De qui fimplement s'abandonne. 
Sans s'appuyer fur d'autres bras. 

On veut que Dieu conduife» 

Par un certain chemin , 
Et que fon Efprit fe reduife 
A fuivre en tout Tefprit humain. 

Je me fuis fait des règles ; 

Ah! je les veux garder: 
Le Soleil fur moi comme à l'aigle 
Fera fes clairs rayons darder. 

Par une voie obfcure 

Je ne fais où je vas : 
11 faut marcher à l'avanture , 
Sans voir où l'on pofe le pas. 

Ce Dieu qui me commande , 

Le fait bien mieux que vous : 
La confiance qu'il demande , 
Eft quelque chofe de bien doux. 

On cherche la lumière , 

Et mille faux brillans , 
Qui font retourner en arrière 
Lorfque l'on fe croit fort avant. 

Le cœur qui fe confie 

Aux mains du Tout-puiffant , 
Et qui jamais ne fe défie ; 
Arrivera très-promptement. 

Oui la raifon nous trompe , 

L'amour propre féduit : 
On voudroit aller avec pompe , 
Et ne marcher jamais de nuit. 

F t 



4^^ 



P O E S I E S^ 

Marche-t-on en ténèbres , 
Quand on fuit Jéfus-Chrift ? 
Cette lumière fi célèbre 
Éclaire en fecret notre efprit. 



LXX. 

Obfcure nuit de la foi. 
Air : Mon cher troupeau. 



6L, 



fcU I peut fe regarder encore , 
Eft bien loin de ton pur amour: 
O Verbe que mon cœur adore , 
Deviens ma lumière & mon jour, 

Lorfque ta lumière nous guide , 
Elle fait abhorrer le MOI : 
D'un pas hardi & non timide , 
On fuit le chemin de la foi. 

On ne veut plus de connoiffance ; 
On marche dans Tobfcure nuit : 
On ne veut plus d'autre fcience , 
Q^u'étre pauvre avec Jéfus-Chrift. 

L'homme qui s'aime trop foi-méme , 
Regarde s'il met bien fes pas: 
Celui qui t'aime pour toi-même , 
En marchant n'y regarde pas. 

Il te regarde & te contemple 
Sans vouloir plus penfer à foi : 
Au-déhors il fuit ton exemple ; 
AU'dedans l'amoureufe loi. 

Je jure pour toute ma vie 
De ne plus marcher autrement: 
Si ma déroute en cft fuivie. 
Je m'immole à ton châtiment. 



s P I R î T U E t L E s; tf 

Si timvoulois me faire grâce, 
C'eft un pur don de ta bonté : 
Je veux que tu te fatisfaffes 
Au tems & dans réternité. 



LXXI. 
La foi aveugle & nue. 

Air : Les folies d'Efpdgtie. 

V^ELUI qui met la main à la charrue, 
Et retournant d'un défir curieux 
Surfon chemin y recourbe fa vue. 
Ne peut entrer au Royaume des Cieux. 

Tout retour vient de l'amour de foi-même ; 
La crainte ne vient que du propre amour : 
On ignore fi le Vouloir Suprême 
Nous conduira (ans péril , fans détour. 

Je fais que lô vouloir divin fe cache , 
Que fon fentier difparoit à nos yeux.; 
Il veut qlie l'on le fuite fans qu'on fâché 
S'il eft content , s'il doit nous rendre heureux. 

Aveugle foi, que tu caufes de peine, 
Nud abandon tu t'armes de rigueur. 
Je cherche à voir ; & ma recherche eft vainc ; 
Tu te dérobes fans ceffe à mon cœur. 

Pourquoi en ufes-tu de cette forte , 
Divin Amour ? ,, J'aveugle mes amans : 
55 Je veux voir leur confiance fi forte 
55 Que l'intérêt foit banni pour tout tems. 

,55 Je veux qu'on m'aime fi fort pour moi-même, 
jp Qu'on ne s'occupe que de mon plàîfir : 

F4 • 



ii Poésies 

35 Penfer à foi, ofcr dire qu'on aime,* 

35 C'eft fe tromper , c'eft s'aimer , c'eft mentir. ' 

Tu me promis , ô mon cher petit Maître , 
Des cœurs dignes de t*étre un jour offerts ; 
Où font ces cœurs ? Je les fens difparoître : 
Eft-ce le fruit des maux que j'ai foufFerts ? 

On s'abandonne aux nochers deflus l'onde } 
On ne veut point s'abandonner à toi ; 
On préfère , ô Vérité fans féconde , 
Son propre fens à l'immuable foi. 

As-tu jamais conduit au précipice , 
Qui te fuivant fe font vus égarés ? 
L'homme à fon Dieu ne rend jamais juftice ; 
Il relie ingrat , malgré tant de bontés. 



LXXIL 

S'anéantir devant Dieu. 
Air : On n'aime plus dans nos forêts. 

i3ouviENS-toi de c«s fept Efprita 
Qwi font toujours devant ton trône , 
Etant de tes beautés épris , 
Et qui jamais ne t'abandonnent : 
Fais , fais , ô Seigneur des Seigneurs , 
(^u'il en foit ainfi de nos cœurs. 

Qu'avec un reQ)eâ: amoureux 
Nous foyons tous en ta préfence , 
Comme ces Efprits bienheureux , 
Adorant ta haute-puiflance. 
Que ce filence eft éloquent 
Qui les abîme en leur néant ! 

Devant la Majefté de Dieu 
Ils fo4t prefcjuç réduits en çencjre^ j 



s P I È 1 T U E L L E s. ijr 

Us font comme flammes de feu : 
C'eft ainfi que l'on doit entendre 
Ce que le Prophète en a dit ; 
Mon efprit en eft interdit. 

Comment pouvoir les imiter , 
Chers compagnons de ma mifere? 
Seroit-ce en tâchant de porter 
L'état brillant de leur lumière ? 
C'eft en nous anéantiffant 
Auprès de ce Dieu tout « puiffant. 



L X X I 1 1. 

L Amour impitoyable contre le moî. 

Air : La bergère Nanette. 



G 



Puissance Suprême 
Le fouverain bonheur 
Eft , lorfque l'on vous aime , 
De perdre en vous fon cœur, 
^ue la divine Sagçffe 
Soit la ri.chefle 
De fon fidèle amant , 
Q^ui ne vit qu'en mourant. 

Heureux qui fç renonce , 
Et ne vit que pour vous ! 
Il rit lorfqu'on annonce 
Que le trépas eft doux. 
Il fent bien que la juftice , 
Par fon fupplice , 
Veut tout fon payement , 
Sans tarder un moment. 

Suivant de la nature 
Le vain contentement , 



P £ s I X f 

La mort n'eft qu'en peinture ^ 
Et le renoncement : 
Mais lorfque tout on délaiiTe , 
Que d'allégreffe ! 
On trouve dans fon Dieu 
Son plaifir & fon jeu. 

Je veux vous faire entendre , 
O mon très-cher Enfant , 
Quoique mon cœur foit tendre , 
Qu'il ne peut cependant 
Vouloir que le facrifice , 
Que la juflice , 
Dont vous goûtez l'attrait , 
Vous gouverne à jamais ! 

L'amour impitoyable 
Ne fe contente pas 
D'un amour raifonnable ; 
Il veut un vrai trépas : 
U veut que fon feu divife , 
Brûle & détruife 
Tout ce qui n'efl point lui , 
Arrachant tout appui. 

Oui , mon Dieu vous appelle 
A la defhuAion : 
Si vous êtes fidèle , 
Ce Seigneur de Sion 
Vous choifira pour lui-même. 
Lorfqu'il nous aime 
Il ne pardonne rien : 
Et c'ell là notre bien. 

Jamais il ne pardonne 
A qui vit fous fa loi ; 
Et lorfqu'on s*abandonne 
Il montre qu'il eft Roi : 
ïl fait commander en maître , 
Détruit notre être , 



Spirituelles. '$1 

Le transformant en foi 
Far Tamour & la foi. 

Vous ferez fcs délices , 
Quand vou^ ne ferez plus ; 
Le feu de la juftice 
Lors fera fuperflu. 
La Juftice ne tourmente , ^ 

Dans fon amante , 
Que le MIEN & le MOI , 
Qui fe perd par la foi. 



L X X I V. 

Perte de tout dans le néant. 

Air : Mon cher troupeau. 

IJOUVERAIN Maître de mon ame , 
Auteur de ma félicité , 
Grand Dieu que fans fin je réclame , 
Enfeigne-moi ta vérité. 

Tu m'apprens que le Tout Immenfc 
Veut opérer fur le néant ; 
Et que la parfaite fcience , 
Eft dé te fervir en enfant. 

Nul foin ni fouci de foi-méme 
Ne doit remplir l'homme de bien : 
O Dieu , le cœur qui vraiment t'aime , 
T'adore & refte dans fon rien. 

Il ne peut penfer qu'à ta gloire ; 
Tout le refte eft indifférent : 
Sans en occuper fa mémoire , 
Il refte fimple en fon néant. 

divin Amour que j'adore , 
Que ton feu confume mon cœur ; 



P ESTES 

Si je puis défirer encore , ■ 

Ce n*eft que pour ton feul honneur. 

Ma volontç toute perdue 
Ne trouve en foi aucun penchant ; 
Et plus ton amour !a dénué , 

Plus tout devient indifférent. 
• Eh , quelle efl cette indifférence ! . 
Je n'en connois rien , mon Seigneur ; 
Je ne veux , dcfire & ne penfe ; 
Car tout fe perd avec mon cœur. 

L X X V. 

Bonheur du néant. 

Air : La jeune Iris : ou , les folies d^Ef pagne. 



H. 



Leureux néant pour qui mon cœur foupite»' 
Quand ferons-nous tous réunis en toi ? 
On difcerne le meilleur & le pire ; 
On ne marche point par l'aveugle foi. 

Le bien n'eft bien qu'autant qu'il te peut plaire ,' 
Divin vouloir donnant à tout le prix : 
Ce bien qu'on cherche eft pour nous fatisfaire : 
Pour le vrai bien on n'a que du mépris. 

Dans le néant git la vraie SagelTe ; 
C'eft par le rien qu*on fe perd dans le ToUT : 
C'eft où la pauvreté devient richefTe ; 
C'eft où l'immenfe eft fans borne & fans bout. 

Du pur néant Dieu fait les grandes chofes : 
Nous rempêchons par notre adivité ; 
Loin de pafTer dans la Caufe des caufes , 
On fe fixe dans fa capacité. 

Pour un faux bien on perd le bien îmmcnfe : 
Dieu ne détruit ce qui fe fait par nous , 



"Spikituexies. n 

Que pour nous inftruire à la dépendance : 
U faut aimer l'amer comme le doux. 

Sitôt que je parle à mon divin Maître , 
C'eft afin qu'il nous réduife au néant : 
C'cft du néant qu'il a tiré notre être , 
C'eft par lui qu'on vit au nouvel Adam. 

Sans le néant , efclave du vleil-homme , 
On vit & Ton ne fubfifte qu'en foi : 
Il faut perdre notre première forme ; 
Et pour la perdre , il faut marcher en foî. . 

Il ne s'agit pour nous d'aucune chofc : 
Ce n'eft pas en pratiquant certain bien 
Que l'on arrive à la Première Caufe ; 
Mais en ne voulant & n'étant plus rien. 



L X X V I. 

Sainte Solitude. 

Air: Dans ces défera paifibks. 

/\iMABLE folitude 
A récart du monde & du bruit , 

Divine quiétude , 
Silence , pareil à la nuit ! 

Heureux qui te pofféde , 
Et qui goûte tes doux appas , 

De tous maux le remède ! 
Malheureux qui ne t'aime pas ! 

C'eft la béatitude , 
D*être cœur à cœur avec Dieu : 

Là nulle inquiétude 
Ke trouble la paix de. ce lieu. 



Poésies 



L X X V I 1 1. 

Témoignage de t adoption divine. 

Air ; X entends par -tout le bruit des armes. 



No 



I ous portons un doux témoignage , 
Dans le centre de notre cœur , 
De l'adoption , du partage 
Qui nous vient de notre Sauveur : 
Q^u'avantageux eft Théritage 
Qui nous caufe un fi grand bonheur ! 

Ce témoignage eft en nous-mêmes , 
Sitôt que nous fommes Chrétiens : 
Il fe conferve fi l'on aime 
Dieu comme l'Auteur de tous biens ) 
Et fi fa volonté fuprême 
Nous affranchit de tous nos liens. 

Le péché qui nous défigure , 
Le dérobe de notre cœur ; 
On ne fent plus que la nature , 
Et l'on fuit fon aveugle erreur : 
Ceft alors que la créature 
Se répare de fon Seigneur. 

Celui qui conferve la grâce , 
Et qui fe livre au pur amour , 
En conferve toujours la trace : 
Plus fon amour eft fans détour , 
Il peut s'aflTurer fans audace 
Que Dieu feit en lui fon féjour. 

Témoignage plein de délice 
Que tu nous es avantageux ! 
Changeant en douceur le fupplice , 
Ceft toi feul qui remplis nos vœux : 



Oi 



s ^ I R I T U B^, L C s S; 

On n'a plus qu'un feul exercice i 
C'eft celui d'un coeur ^moureuXé 

L'amour réunit toute chofe; 
Et c'eft le point effentiel : 
C'eft où nôtre cœur fe repofe ; 
C'eft ce faînt.â: ce doux fommeil 
Qu'on goûte en la Première Caufe j 
Qui procure un bien fans pareil. 

Là la peine n'eft ddnc pliis peine ^ 
On ne compte plus les travaux ; 
C'eft où la Bonté Souveraine 
Adoucit tous les plus grands maux ; 
C'eft là qu'il brife notrç chaîne , 
£t donne un tranquille repos. 



LXXIX. 
Enfance Cbrétientiè^ 

Air ; Que fais-tu bcrgcrc ? 

X R Ô p heureufe enfancd , 
Ta naïveté 
tJnit l'innocence ^ 
Et là liberté : 
Par toi la nature , 
Fécdxidè en plaifirs ^ 
Devient fimplé & pure 
Aux cœurs fans défirsi; 

O fombres bocages ^ 
l)ôux chant des oifeaux , 
Collines , villages y 
Vallons , prés , ruilTeaux ! 
O fleurs que déployé 
La terre au printems! 

Tome IL CanU 



î|8 P d £ fe I £ s 

Vous veriez la joie 
Aux cœurs innocents ! 

Tout rk, tout eit charmes 
A qui ne veut rien ; 
Il a ftns allarmes 
L'Univers pour bien : ^ 
La terre fleurie , 
Le Ciel azuré'. 
Et tout raflaffie 
Un cœur épuré. 

Tendres violettes , 
Gazons renaîflants! 
Au fon des mufettes 
Agneaux bondiffants. 
Je bondis de mêmef 
Mon cœur enflammé 
Dans tout ce qu'il aime 
Voit fon Bien-aimé. 




SECONDE PARTIE. 

r)ifpo(îtions d'une ame intérieure feloa fes 
diffère ns états. 



LXXX. 

Oraifon de Contemplation. 
Air : Toute la nuit foi la puce à ForeUIe. 



Vc 



o u s m'enfeignez , 6 mon Souverain Maître , 
k purement vous aimer & connoitre 
Par le moyen de la fimple oraifon , 
Qui doit bannir notre propre raifon. 

Dès le matin , fitôt que je m'éveille , 
3e vous contemple , ô Beauté fans pareille , 
It je fens bien que polTédant mon cœur 
Vous l'animez d'une nouvelle ardeur. 

Le foir auffi , quand le Soleil fe couche , 
Dieu de nouveau par fes attraits me touche ; 
^'éveillant même au milieu de la nuit, 
^our m'enfeigner en fecret & fans bruit. 

Quand on eft pris de la Beauté Suprême , 
*lu8 on connoit, plus on la goûte & l'aime; 
•c cœur rempli ne trouve plus de lieu 
^our contenir autre chofe que Dieu. 



G * 

300109 



xW POESIES 

LXXXI. 

Cantique intérieur &fans bruit. 
Air nouveau. 

V^Hânte mon cœur, & mofi amour; 

Tais toi ma langue, 
Dieu ne veut point de ta harangue : 
Chante mon cœur, & mon amour , 

Quoiqu'en filence ; 
Ton cantique eft plein d'éloquence. 

Chante mon cœur , & mon amour ; 

Ce Dieu que j'aime 
Connoit afTez Tardeur extrême 
De mon cœur & de mon amour; 

Dans le filence 
Ton cantique eft plein d'éloquence. 

Chante mon cœur, & mon aiQOur; 

Que tout fe taife , 
Puifque nos difcours lui déplaifent; 
Chante mon cœur & mon amour ; 

Car la parole 
N'a qu'un difcours foible & frivole. 

Chante mon cœur , & mon amour ; 
Que le filence 
Soit déformais ton éloquence ! 
Chante, mon cœur. Se mon amour; 

. Que ta Xcience 
Soit de ne parler «^u'en filence l 



k 



s P 1 R 1 T tJ E L l E S» itf 

L X X X I L 
La Parole intérieure. 

Air ; Le beau berger Tirjîs» 



A. 



LMOUR pur & divin, 
3'entends bien ton langage ; 

Qu'il diffère de l'humain! 

Et c'eft un grand avantage. 
Ma bouche foyez fage, 
Mon cœur eft en fa main. 

filence profond 
Du cœur & jde la bouche ! 
Dieu pofTédant notre fond 
Rien d'ici. bas ne nous touche. 
Je fuis comme une fpuche ; 
C'eft lui qui vous répond. 

3e ne fens plus d'efprit; 
ft fi je parois folle 
Je n'en ai ajicun dépit: 
Tout ce qu'on me dit s'envole, 
Je n'ai plus de parole : 
Mon Maître me Ta dit. 



L X X X 1 1 I. 
LAme ravie de la beauté de Dieu. 
. Air : Nouveau. 



Q. 



Lue chacun chante 
A ton honneur ! 
Ta beauté m'enchante 



Jl^ F O £ s I B 8 

Et xavit mon cœur. 

Q^ue chacun chante 
A ton honneur ! 

Qbc chacun t'aime , • 
Mon divin Roi! 

Quel plaifir extrême 

De n'aimer que toi ! 

Que chacun t'aime , 
Mon divin Roi! 
Ton efclavage 
Eft liberté ; 

On eft au large , 

En captivité : 

Ton efclavage 
Eft libeîté. 

Que ton langage , . 
Plein <ie douceur, 
Eft l'heureux partage 
Qui charme mon cœur ! 
Que ton langage , 
Plein d^ -douceur! 

Effence mie, 
Vous m'enchantez; 
L'ame eft éperdue 
De tant dé beautés : 
EÏÏence nue , 
VcKw m'-enchant-ez. 



.\ .^ 




SpI1(IT1IEX.I.£S. %^^ 



L X X X I V. 

B4folutiqn ^ aimer Dieu. 
Air : Je ne fuis plus volage. 

JE ne fuis plus volage, 
Mon cœur a fait un choix ; 
Je veux quç mon jeune âge 
S'écoule fous fps loix : 
Mon plaiiir eft extrême; 
Car c'ei|: mon Dieu que j'aime* 

Avec un vain myftere 
Je cachoi^ ma langueur; 
Je ne veux pl^s me taire 
Dieu pQ^Iede mon cœpr: 
Mon bonheur eft ex]ttéme ; 
Car c'efl: mon Dieu que j'aime. 

Je vivois en contrainte , 
Voulant cacher mon feu ; 
Je faifois quelque pl^intç 
Aux échos de ce lieu : 
Mon bonheur eft extrême ; 
Car c'eft mon Dieu que j'aime. 

Je veux que chacun (ache 
L'ob|et 4^ mon amour ; 
La beauté qui m'attache 
Me charme chaque jour : 
Mon bonheur eft extrême ; 
Car c'eft n^on Dieu que jaime. 



G4 



tVi^ P E 8 I E i 

LXXXV. 

Bonheur à aimer Dieu. 

Air : Un berger tendre &Jincert ; 
ou , Branle de Mets. 



u. 



' N amour tendre & fincere 
S'eft emparé de mon coeur ; 
Mon Dieu feul en eft Fauteur 
Je n'en fais pas un myftere : 
yamour m'occupe aujourd'hui. 
Je ne veux penfer qu'à lui. 

J'abandonne ma houlette , 
Je ne puis fouffrit mon chien , 
jyion troupeau ne m'eft plus rien i 
Je vais dans une retraite : 
Mon Dieu m'occupe aujourd'hui 
Je ne veux fonger qu'à lui. 

Éloigné de tout le monde 
Je fuis feul avec mon Dieu ; 
Il me brûle de fon feu , 
Et ma paix eft fans féconde : 
Mon Dieu fait tout mon bonheur. 
Lui feul pofTéde mon cœur. 

Quoique le monde nous flatte , 
Son ' difcours eft fuborneur ; 
Donnons à Dieu notre cœur ; 
Notre ame fans être ingrate, 
Ne peut chercher hors de lui 
De la force & de l'appui. 

N'eft-ce pas une folie 
De lui refufer fon cœur ? 
ï^ui feul fait notre bonheur, 



s P I R 1 T U E l I E s; toi 

Je lui confacre ma vie : 

Mon Dieu triomphe aujourd'hui , 

Je ne veux chanter que lui. 

Confacrons-nous à fa gloirç , 
*Laiflbns le propre intérêt ; 
N'aimons que ce qui lui plait y 
De tout perdons la mémoire : 
Mon Dieu triomphe aujourd'hui , 
Je ne veux chanter que lui. 

■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ I ■ I ^^—M ^— Wltf 

LXXXVL 

Dieu feul aimable. 

Air : Celui qui m'afoumifc au pouvoir dt T amour* 

V^ELUI qui m'a foumife au pouvoir de l'amour 
Méritoit le mieux cette gloire : 
Mon cœur me Iç dit nuit & jour , 
Mon efprit fe plaît à le croire. 

Celui que j'aime eftDieu, jufte, grand, faint, puiffant 5 
On ne comprend point fa lichefle ; 
Son éire pur , indépendant , 
Ëft la fource de la fagefle. 

pourrois-je encore aimer quelque chofe avec lui ) 
Mon cœur en ferois-tu capable ! 
Grand Dieu , je le jure aujourd'hui , 
Je ne trouve que vous d'aimable. 

> ■' ■ . ■ j ■ ' . ' ' ■ ■ • i" 

LXXX VIL 

Aimer Jéfus conjlammeut. 
kiVi: La berger c Nanette. 

Jésus eft ma richeffe , ' 

Jçfiis eft mon foutien j 



!«pC POESIES 

Il eft ma forterefle , 
Il brife mon lien : 
A lui feul je m*abandonne , 
Et je lui donne 
Mon -efprit & mon cœur ; 
Car il eft mon Sauveur. 

Dans ma tendre jeunefTe 
Je le choifis pour Roi , 
Même dans ma foiblefle 
II a pris foin de moi. 
O Seigneur en quoi j'efpérc , 
Mon divin Père , , 
O mon unique Bipn , 
Prends pitié de mon rien. 

Je veux toute ma vie 
Le cjioifir pour Epoux , 
Et n'avoir d'autre envie 
Qu'aimer un Pieu fi doux ; 
Et que jamais la moUeiTe , 
Ni la foiblefle , 
Ne le faffe. offenfer , 
Même fans y penfer. 



LXXXVIII. 

V Amour , agiffata envers t homme. 

Air : La bcrgcre Cilimenc. 

jLi'amour pur fit j;nes délices , 
L'amour fit mes déplaifirs , 
L'amour xiaufe mes fupplices , 
L'amour fait tous mes plaifirs k 
Il fait mes feuls exerclceis 
Et le but de me« défirs. 



s P I RI T U 1 L L E S. Ï07 

L'amour a pour moi des charmes , 
L'amour eft plein de rigueurs ; 
L'amour caufe des allarmes , 
L'amour a mille douceurs ; 
L'amour faityLfirfer des larmes , 
L'amour encSRite les cœurs. 

L'amour fait & rendre efclave , 
Et remettre en liberté ; 
Il nous blanchit & nous lave , 
Il donne la pureté ; 
Bien fouvent l'amour nous brave , 
Et fuit par légèreté. 

H eft foible , il fe mutine , 
Il paroît même jaloux : 
Il rend l'ame libertine , 
Puis récrafe fous fes coups : 
Bien fouvent il la domine , 
Et rien ne paroit plus doux. 

Lorfqu'il fe met en colère , 
Il vient pour nous rechercher : 
Il fait alors comme un père , 
Il ne veut pas nous fâcher ; 
Lorfque l'amour défefpcre , 
Alors il nous eft plus cher. 

Ah ! combien prend-il de formes , 
Se déguife en cent façons ? 
U abaifle, il nous transforme , 
Il nous donne de^ leçons 
De quitter ce que nous fommes 
Pour nous prendre aux hameçons. 

Eh , qui voudroit s'en défendre 
En auroit-il le pouvoir ? 
Il eft févere , il eft tendre ; 
Il tâche à nous décevoir. 
Ah , quel bonheur de fe fendre , 
Et de fuivre fon vouloir ! 



io8 Poésies 

L X X X I X. 
Solitude heureufe : malheur des hommes. 

Air : UagréahU printems ranime la nature s ou , SI 
vous me permettez de vous voir à toute hôure. 



6l< 



JE mon cœur elt content auprès de ce que j'aime, 
Et que je fuis heureux dans mon malheur extrême ; 
Puîfque tous mes travaux me donnent plus de lieu 
D'aimer, & de jouir en fecret de mon Dieu ! 

Je le pofféde feul dans un profond filence , 
Je me nourris de foi , d'amour & d'efpérance ; 
Et lorfque les mortels me croyent malheureux , 
Je pofféde un tréfor qui réjouit les Cieux. 

On ne vous connoit point, ô Bonté Souveraine,' 
On ne vous aime point : ç'eft ce qui fait ma peine. 
Ah, que Thomme eft ingrat qui loin de vous chercher, 
S'amufe aux faux plaifirs , & s'en laiffe toucher ! 

Une vaine beauté , certain honneur frivole , 
Lui font quitter fon Dieu , méprifer fa parole , 
Courir avec vîteffe à tout ce qui le perd , 
N'envifageant jamais tout ce qu'il a foufiFert.. 



X 6. 
Jéfus la joie de Vame. 

Air ; Creufonsnous un tombeau^ 



j. 



JESUS eft mon Sauveur , 
Ah , que pourrois-je craindre ! 
Calme-toi donc mon cœur , 



s P I K I T U E L L E s. f Oy 

Et cefTe de te plaindr« : 

Jéfus efl: mon SauTeur , 

jCh , que pourrois-je craindre ! 

Revenez , mes plaifirs , 
Et mes chants d'allégreffe : 
Taifez-vous mes foupirs , 
Eloignez-vous trifteflb , 
Revenez mes plaifirs ^ 
Et mes chants d'allégrefle^ 

Jéfus eft tout mon bien , 
Jéfus me rend contente : 
Jéfus eft mon foutien , 
Mon efpoir , mon attente. 
Jéfus eft tout mon bien y 
Jéfus me rend contente. 

Jéfus eft mon tréfor , 
Mon bonheur , ma richeffe : 
,Sa force eft mon fupport , 
L'appui de ma foibleiîe. 
Jéfus eft mon tréfor , 
Mon bonheur , ma richeffe. 

En voyant fa grandeur , 
Je vois mieux ma baffeffe : 
Son fouverain bonheur 
Diffipe ma trifteffe. 
En voyant fa grandeur , 
Je vois mieux ma baffeffe. 

O tranfport amoureux, 
Qui nous ôte à nous-mêmes ; 
Et qui nous rend heureux , 
En perdant ce qu'on aime ! 
O tranfport amoureux , 
Qui nous ôte à^ous-mémes ! 

On trouve le vrai bien 
En fe quittant foi-méme : 
Quand on ne veut plus rien , 



tl6 POESIES 

On a tout ce qu'on aime. 
On trouve le vrai bien 
En fe quittant foi-méme. 

Se haïr , aimef Dieu , 
Ne vouloir que lui plaire , 
C'eft avoir en tout lieu 
L'unique néceffaire. 
'Se haïr, aimer Dieu , 
Ne vouloir que lui plaire» 



I 



X C I. 
Quitter tout pour trouver Dieu. 

Air : Mon cher troupeau : où , RéveUlez-vous. 



tiî 



JNFIN je n'ai plus de mufette , 
Je quitte mon chien , mon troupeau : 
Amis , dedans cette retraite 
M'occupe un objet bien plus beau. 

Je quitte les plaines fertilf s , 
J'ai choifi loin de cet hameau 
Des déferts affreux & ftériles ; 
Je n'irai plus deflbus l'ormeau. 

Mon troupeau languit dans la plaine , 
Je ne faurois plus y fonger : 
Je te le donne , Célimene. 
Que je fuis content de changer ! 

Dans mon délaiffement extrême , 
Je n'ai plus rien à ménager : 
Comment, m'étant quft té moi-même , 
Pourrois-je de lui me charger ? 

J'ai tout gagné quittant le monde , 
Je ne fus jamais plus hexrreux ; 



s P I RI t U B L L £ s. MI 

Je n'ai rien ; chez moi tout abonde : 
De Dieu feul je fuis amoureux. 



X C I L 

Aimer Dieu fans égard au monde. 

Air : Vous Vaotz bien voulu. 



Vc 



OUS l'avez bien voulu. 
Seigneur , que je vous aime. 
Si ma peine eft extrême , 
Si je (a) leur ai déplu , 
Qu'on m'accufe à vous-même : 
Vous l'avez bien voulu. 

Comment ne l'aimer pas 
Cet Epotix de mon ame ? 
Il me trouble , il me calme 
Par fes divins appas , 
En fecret il m'enflamme , 
Comment ne l'aimer pas ? 

Qu'il poïTéde mon cœur 
En dépit de l'envie ! 
Je lui fuis affervie , 
Lui feul fait mon bonheur : 
Je veux toute ma vie 
Qu'il pofféde mon cœur. 

(a) Aux gens du monde. 



lie Poésies 

X C 1 1 1. 

12 Amour fans retour fur foi. 

Air : Je né connoiffbis point VAnvour. 

J £ ne ûonnoiltbis ^oint Tamour , 
Grand Dieu ^ tu me l'as fait connoitr'e : 
Je ne fais pas , mon divin Maître , 
Si (a) je dois efpérer, que tu m'aimes à ton tour. 

Je m'abandonne à ton vouloir , 
Souverain Auteur de ma flamme , 
Difpofe toujours de mon ame : 
Tout difparoit chez moi , tout cède à ton pouvoii 

Chaque jour tu me fais des loix , 
D'autant plus douces que nouvelles , 
Quelqu'un les appelle crtielles : 
Sur le doux , fur l'amer , je ne fais aucun Choix* ' 

Le véritable amour n'a d'yeux 
Que pour voir la Beauté Suprême , 
Non pour s'envifager foi-même : 
Amour pur & divin , que tu m'es gracieux ! 

■ ' ■ ■ il 

X C I V. 

Sur le même fujet. 
Air : Je rriappcrçoU fans cejfe* 

Je lie pourrois me plaindre , 
Si tu voulois éteindre 

(a) Ou y fi réciproquement tu m'aimes à ton tour. 

S 



l&PlRITUBLLBS. $tf 

I)e8 fentimens tendres & doux : 
Difpofe de moi , cher Époux. 

- Si je veux quelque chofe. 
Ou fi je me repofe 
Autre part qu'en ton pur amour ; 
Je me crois indigne du jour. 

Si je yeux pour moi-même « 
C'eft une erreur extrême : 
Je dois tout laifTer à mon Roi , 
Et n'agir plus que par la foi. 

Je fuis une orgueilleufe , 
Qui me rends malbeureufo 
Si je veux agir autrement 
Que par l'entier renoncementé 

Loin de celui que j'aime 
Ma douleur eft extrême : 
C'fift un défaut dans mon amour ; 
Car je dois aimer fans retour. 

Simon Dieu m'abandonne, 
Tout mon moi je lui donne : 
Je défire jufqu'à la mort 
M'abandonner du tout au fort. 

Tu vois le fond de Tame | 
Dieu que je réclame; 
Tu dois corriger mes difcours , 
£t non pas mes chaftes amours. 

^^MMMIHMM» ^.1— « I ' il II n I — — — ^— ^^.— M^i^ 

X C V* 

Aspiration de Tame tanguiffante d^ amour. 
Air ; Mon cher troupeau. 



A. 



Ldorablë Époux de mon ame , 
Toi qui pofTédes tout mon cœur ^ 

Tome II. Cant. H 



v^ 



1 



>P Q E s I E $' 

Qui connois bien quelle eft ma flamme ^ 
Tu peux croître encoi fon ardeur. 

Tout m'eft dou,x lorfque m<>n cœur t'aime , 
Sans appréhender la douleur : 
Je me livre au fupplice même , . 
Afin de te plaixe , Seigneur. 

Objet dont mon açie eib ravie., 
Qui pofledes feul tous les biens , 
Il ne me ,xeûe que la vie ; 
Tu pourrois brifer tous: mes lions. 

Je ne defire aucune chofe ,V 
Sinon ta fainte voloiué : 
Fais qu'en elle je me lepofi; , 
En adorant ta vérité. 

Mes fens , qion efprit fe contomme , 
Vidtime de toapur amour : 
Acheva , détrui ce vieiL-hommie ; 
Daigne faire en> moi ton fisjoiui, 

Dign^e objet de ma: comploifaotce , 
Auquel tout mon camt eft fournis ^ 
Je me vois réduite au; filence;. 
Et c'eft tout ce qui m' eft perimis. . 

Cett^ giancteur incompacable 
M'abime jufqu'en mon. néant > 
Cette majpfté qui m'accable 
Me laifTe. dans Tétonnement. 

Ainfi qu'un enfant je bégai.Q^ 
N'ayant rien à dire de toi : 
Dans mon fîlenco je» m'égaie 
A faire quelque hymne à mon Roi. 

Ces vers , que mon ame innocente 
Ofe offrira fon Créateur, 
Me tranfportent quand je les chantrj 
Ils ^ulagent fquvent mon ccsur^ 



s P î I 1 T tJ B l t E s. %it 

XCVL 
Amour de recowmffance , S^ pur. 

.Air ; Hélas BrunettCs, pçs amours. 

JL o u s font obligés «le t'aimer , 

Je le fuis davantage; 
Ceiit fois tu oafas £qu délivrer 

D'im.moxtel efct^vage;* 
MonpetitrMaitre, m^n AnH^r, - 
Que i'expbx: en toi chaîne jour! 

Tu m^obfigeas cent miBte fois 

A la reconnoiffance ; 
Je fuis: accaUë Ibus le poi^ii - 

De ta longue clémeace : 
Ah ! ne pounai-je par uft ^Ofnt 
Du moins rendre amouf pcfur amour ^ 

Efprit Saint , viens dédatus nos cœurs j 
Et les conduis toi-même, 
Chafle ces efprks féxtoétews 

Qui font q4ie chscun* s'ailne : 
Efprit Saint, ô Dieu cft^îtë; 
Tire-nous. 'd«' captivité ? • 

Celui qui s'anne , affurément 
Eft dedans Tefclavage : ' 

Lorfqu'on t'aime bien purement', 

On a cet avantage , 
Efprit ^aint , ô .pi^a cbarité , 
Par toi de vivre en liberté. 

Que le faint amour eft charmant ? 
Il a de douces chaînes : 
On ne fait aimer qu'en aimant , 
D'autres levons font vaines ; 

H 2 



\ 



1^8 . ' P O E Ç I ?^0 

Qui par mille & mille détours 
Combattent nos chaftes amours. 

,' On ne combat que Tamour pur; 

On Ibutient k profane : 
Le renoncement paroît dur ; 

Le froc & la foutane 
N'en goûtent gueres le difcours , 
On t'ignore , divin Amour. 



XCIX. 

L'Amour divin Jiiffit 

AïK: Vous Tavtz bien voulu. 

J E n'aime rien que voué , 
Digne Objet de ma flamme : 
Lorfqùe je you« redame , 
Dans un tranfpott fi doux ^ 
Je dis : Dieu de mon ame , 
Je n'aime rien que vous* 

Qui ne vous aime pas ^ 
A fon malfaeiir fe livré : 
Pourquoi ne vous pas fuivre , 
Et marcher fur vos pas ? 
Indigne il eft de vivre 
Qui ne vous aime pas ! 

Vous êtes tout mon bien y 
L'objet de ma tendreffe , 
Mon bonheur 9 ma richeOe^ 
Mon unique fontien : 
Je dis plein d'alcgrçfle; • 
Vous èt|^ tout mon bien. 

D'un cceur fimple & bénin 
Vous aimez la franchife , 



s P I R ^I T U ffl^ t E s. CKXÇ 

Qtii jamais ne déguife 
Et ne jugé d« rien : 
Craint^on qttehjue furprife 
D'un cœur fimpl^ $ bénin. 

Celui qui feit aimer 
Dieu d'un amour fidelle 
Bien loin d'être rebelle , 
Il fe laiiOfe enflammer : 
Il eft rempli de zélé 
Celui qui fait aimer. 

Il ne voit que fon Dieu 
Digne de ïà tendreffe, 
iri*ainie & le carefle. 
Sans partage ou milieu : 
Dans toutes tes triftefles 
Il ne voit que fon Dieu. 

Qui s'abandonne à lui 
Le trouve favorable ; 
Quand la peine Taceable , 
ff devient fcgi appui : 
Le cœur eft toujours ftabk 
Qui s'abandonne à lui. 



G. 
Qu'il fàiit aimer la Crûix. 
Air / Gu^ti'Vouï Bifèrtè mon ami? 
L' A M £. 



Q> 



Lue faites vous , adoi^blé SèigtteUr / 
i me traiter comme votre ennemie ! 
i fuis-je pas à vous de tout mon coeur? 
:gardez-moi donc comme votre amie. 

H4 



itao .^ P E s r E H ": 

Pour vous aimer vivre dans la douleur , . 
Cette leqon , mon Seigneur , eft bien dure : 
Elle paroit néanmoins douce au cœur 
Qui par amour furmonte la nature. { 

Jésus. 

N'avoir jamais un moment de plâifir, 
Vivre toujours dans Ténnui , dans la peine ; 
La croix fut feule ici bas mon défir 
Quand j'époufai votre nature humaine. • 

L' A M E. 

Venez , 6 croix , je vous veux feule aimer 
Unique objet des défirs de mon Maître : 
Lorfque le cœur vient à vous méprifer 
Jl eft ingrat, infenfé, lâche & traître. 



CL' 
Suivre JéjUs-Cbrift fouffrant^ 

Air : Âml nçpajjbns pas Creteil, 

» 

J E t'épouferai dans la foi , 
Me difoit autrefois mon Roi , 

Et dedans la juftice : 
Je dois donc fans penfer à moi 

Vivre de facriflce. 

Oui je t'époufe en jugement , 
Me difoit ce divin Amant , 

Dans la croix , la fouffrance : 
Tu ne dois plus vivre à préfent 

Que fpus ma dépendance. 

Je m'unis à toi pour jamais ; 
Je te conduirai déformais 

Comme époufe trè§-çhérç ; 



s P I R'I T U B I L K S.' I*r 

Hélas , de tant de grands bienfaits 
Je n'ai que ma mifére ! ' . 

Des biens que vous m'aviez promis ^ 
Lorfque nos cœurs étoient unis , , 

Je ne fens que la peine : 
Mon efprit à tout eft fournis , 

Majefté fouveraine. 
Il eft vrai , mon divin Epoux ^ 
Que je dois vivre comme vous , * 

Mourir fur le Calvaire ; • • 

Recevant avec vous les coups 

Que donne votre Père. 

Vous avez vécu de douleur , 
Mourant on perqa votre cœur , 

Toujours dans le martyre z 
Vous avez porté ma langueur , 

Amour, qu'ofé-je dire ! 

Quand je me plains de mon tourment , 
Je deviens un perfide amant , 

Je ne faurois vous plaire : 
Si je ne fouffre inçeffamment , 

Vous fuivant au Calvaire. 

Exerce fur moi ta rigueur , 
Rends-moi femblable à mon Sauveur , 
' . Adorable Juftice : 

Tout ce que délire mon cœur , 
C'eft le fuiyre ^u fupplice, 

CIL 

Amour du mépris; mépris de la gloire. 

Air : V agréable printems ranime la nature : ou , Prc- 
nez foin fur ces bords des troupeaux de Neptune* 



Q. 



Lue j'aime le mépris , 
Qu'il a pour moi de charmes i 



Ï24 Poésies 

^ ' I ■ I 

C I V. 

Joie de fouffrir pour Dieu. 

Air nouveau. 



o 



MON divin Objet , 
Achevé de détruire , 
Et de confumer ton fujet ; 
De rien je ne veux te dédire. 

Doux Auteur de mes maux , 

Artîfan de mes peines ; 
Je compte pour rien les travaux , 
£t bénis mille fois les chaînes. 

Les douleurs font des biens 
Pour qui cherche ta gloire : 
La plupart , hélas , des Chrétiens , 
Ne voudroient feulement m'en croire ! 

On ne Teft que de nom , 

Quand on fuit la fouffrance : 
Non , il n'efl: en nous rien de bon 
Que notre feule patience. 

Si j'aime le mépris » 

Mon cœur eft incapable 
l)e fe trouver jamais furpris 
Lorfque tout le monde Taccable. 

Non , ni tous leurs difcours » 

Ni tant de calomnies , 
Ne fauroient détourner le cours 
De mes délices infinies. 



Spirituelles. 12$ 

> ■ ■ ■ ■ — ' ■ I 

C V. 

T référer la croix aux douceurs. 

Air ; Vidât de vos vertus. 

Je ne veux rien pour moi ; je veux tout pour ta 
gloire , 
Mon aimable Sauveur, & mon unique bien: 
Gagne fur le cœur la vidoire ; 
Je ne demanderai plus rien. 
Je t'aime , tu le fais , cent fois plus que ma vie ; 
J'ai remis en tes mains le tems , réternitc : 
Le bien de t'être afTujettie , 
Fait toute ma félicité. 
Je croyoîs autrefois , que le bonheur fupréme 
Confiftoit à jouir des plus douces faveurs ; 
Mais je n'en juge plus de même : 
Je leur préfère les douleurst^ 
Q^uand on ne connoît pas^ tout ce que tu mérites^ 
On met le vrai bonheur à jouir de tes biens : 
Celui qui te connoît , les quitte , 
Et choifit pour foi les liens. 

Qu'on nous mette en prifon , qu'on nous ôte la vie ; 
C'eft combler de plaifir ton plus fidèle amant : 
Il ne lui refte d'autre envie , 
Que mourir pour toi conftamment. 

Son fort eft en ta main , il n'en eft plus en peine ; 
îfe p enfant plus à foi , il voit ce qu'il te doit : 
Sur la douceur ou fur la gêne , 
Il ne fàuroit former un choix. 

Celui qui fait choifîr , n'eft point amant fidèle ; 
Celui qui s'abandonne , a trouvé l'art d'aimer: 
Toi feul es fa gloire éternelle ; 
Et lien de ta main n'eft amer. 



lag . :P E s I X s 



C V I I. 



Qui eft tout à Jéfus-Cbriji tfa plus rim à 
eraindre. 



{ 



Air ; Aimable berger e* 



M< 



LoN cher petit Maître, 
Je fuis toute à vous : 

Y ^eut^on mieux être , 
Q^ue d'aimer vos coups ? 
Je fuis .toute à vous ; 

Y peut-on. mieun: être , 
Que d'aimer vps coups ? 

Peine déledtable , 
Au cœur amoureux , 
La n^ort eft aimable , ^ -, 

C'eft fon jour heureux : 
Au coQur amoureux 
La mort eft aimable , 
C'eft fon jour heureux.. 

Adorable Père, 
Je .ne crains plus rien. 
Aimant fa mifére 
Tout fe change en bien. 
Je ne crains plus rien \ 
Aimant fa mifére , 
Tout fe change en bien. * 

Je n'ai plus de peine , 
Tout devient doucejar \ . ' 

Je h*ai plus de gêne , 
Tout devient largeur : 
Tout devient douceur; 
Je n'ai plus de gêne , "'^ ' - 

Tout devient largeur. 

cvni. 



SpiritueItLes. laf 

* ' ^ • I I I IW ■ 

C V I 1 1. 
Lame amante trouve Dieu par-tout. 

Air : Vous brillez feuU en ces retraites. 



A, 



Lmour que mon ame eft contente 
joique dans un fi long banniflement ! 
Tu ne trompes point mon attente ; 
Avec toi rien n'eft un tourment. 

Tous lieux font égaux dans le monde 
ur un cœur qui ne peut aimer que toi : 
Au Ciel , fur la terre & dan§ Tende 
Dieu par-tout le foutîent en foi. 

Tout eft mon pays , ma retraite ; 
n'eft pour moi pays , ni tems , ni lieu : 
L'ame eft contente & &tis£dte ; 
Tout les lieux lui deviennent Dieu. . 

Lotfqu'on fait choix d'une demeure , 
cœur s'agite , & n'eft point en repos : 
Quand Dieu nous conduit à toute heure , 
Les pays font toujours égaux. 

Si j'étois^loin de ce que j'aime.. 
De mon exil me parpitrçit affi^ux ! 
En tous lieux Dieu m'étant le même 
Je fuis donc bien da^ tous les lieux, 

Seigneur , toi feul es ma patrie ; 
:n'en reconnais point d'autre que toi. 
Mon centre , mon bien & ma vie , 
Mon amour, mon unique loi. 

Je ne tiens à rien fur la terre ; 

[i ! coaduisrmoi felo» ta volonté ^ 

• * 

Tome II. Cant. I 



xjô Poésies 

Que chacun me faffe la guerre ; 
Je ne puis voir que ta bonté. 
Tout traitement eft favorable , 
Grand Dieu , pour qui brûle de ton amour : 
Il ne craint l'homme ni le Diable ; 
Chaque jour eft un heureux jour. 

Ah ! mon cœur , que pourrois-tu craindre , 
Depuis longtems repofant en fon fein ! 
Nul mal ne fauroit plus t'atteindre y 
Ayant là ce rempart divin. 



CIX. 

r amour fort au milieu desfouffîrances. 

Air : Qucfétois autrefois un volage berger! 



Q. 



Lue j'étois autrefois inconftant & léger , 
A chaque inftant changeant de routes! 
Rien ne pouvoit calmer mes doutes^ 
• Et je ne faifois que changer. 
Quand moname eût goûté ce Dieu qui Ta ravie , 
J'ai juré de ne changer de ma vie. 
Ce qui rend inconftant c*eft votre vanité , 
Plaifirp ; fixerez-vous une anif ? 
Depuis que j'ai fenti la flammç 
De la céleftc vérité, 
Je ne puis plus fouSrir votre fade moUeiTe : 
Je me livre , Seigneur , à la Sagefle. 

Digne objet de mes vœux, vous m'avez arrêté: 
C^eft vous ô Beautés éternelles , 
Qui rendez tous les cœurs fidèles : 
Votre célefte volupté, 
Au milieu des douleurs que fouffre la nature , 
Nous rendra même heureux à la torture. 



\ ' 



Spiiituxlles. x;£ 

Que ne nous donnons-nous à ce Dieu tout puilSint ! 
Si d'amour notre ame eft atteinte , 
Nous le fuivrons par tout fans crainte ; 
£t le fuivrons comme un enfant : 
)n n'appréhende rien lorfque vraiment on aime 
Si Ton n'a point de crainte pour foi-méme. 

ex. 

^rocédé de t Amour pour faire venir Pâme à 
t abandon & acquiefeement abfolu. 

IR.- Vautrejourjcrtncontraii ou, XcntnUnoU mon 
efprit. 



Vo 



u L A N T monter l'autre jour 
Un navire avec peine , 
Là je rencontrai l'Amour 
DeiTus l'humide plaine , 
Difant , monte promptement 
Et viens fur ce vafte élément. 

Je vis force matelots 

Accommodant les voiles , 

Les uns qui fendoient les flots 
Contemplant les étoiles , 

D'autres fe régloient au vent 
Afin d'aller plus promptement. 

Amour lors me fit un tout 

Qui m'auroit mis en peine , 
n ne parut plus ni jour , 

Ni vaifleau fur la plaine : 
Je me trouvai dans les eaux 
Sans autre appui que des rofeaux. 

Je n'en pris point de chagrin , 

Va , vogue . à l'avanture , 
Lui, dis*je, petit mutin, 

I % 



tJS^ ? s s f E s 

Je vois ta tablature : 
Je coimois qu'il faut périr ; 
!Et je péris ans xépentir. 

Sitôt le petit malin 

Mè vint prendre la tête, 

M'ôte un rofeau de la mâîn. 
Fit lever la tempête : 

Je me fentis abîmer, 
Jufqu'au plus profond de la mer* 

Alors j'appercjus l'Amour 
Qui fc tournoit pour rire ; 

Je craignis un nouveau tour 
Qui feroit encore pire: 

Te voila dans l'océan , 
Me dit' il, jufques au printems. 

Sitôt je le vis voler. 

Et le perdant de vue 

Il me paroiffoit en l'air 

Au-deflus de la nue : 

Soudain je ne le vis plus, 

Ah ! mes regards ftnt fuperflus. 

Que les flots m'ont feit de peut 
Le voyant difparoître: 

C'eft là le tour d'un voleur , 
D'un enfant & d'un' trîritre : 

Mes difcours font fuperflus , 
Hélas ! je ne l'apper<;ois plus ! 

Qu'il me faffe mille maux , ' ; 

Que je le voie encore f 
Je ne fens p<)int les travaux 

Près de lui, que j'adore : 
Que ferai-je déformais ? 
Ne le vèrrai-je plus jamais l 

Dans le plus aï&eux tourtneirt 

Il fuît >, il m'abandonne : 
Qu'ai-je Ait,, mon cher armant^ 



s P I R ï T U EL L E S. «JJ 

Reviens , & me pardonne : 
Mais il fc moque de moi , 
£t je ne revois plus mon Roi. 

Je ne veux plus rien vouloir. 

Ne fois plus en colère : 
Je confens ne plus te voir , 
Reftant dans ma mifere , 
Dans le plus affreux tourment , 
Et même éternellement. 

C'eft ce que vouloit l'Amour ; 

U n'eût plus de colère : 
Et depuis cet heureux jour 

J'acceptai ma mifere ; 
Lors ceffa le différent 
De l'amante & de fon Amant. 



CXL 

Correfpondance de ïame aux rigueurs du 
divin Amour. 

Air ; Enfarintzhitn votre tête ,- ou , Vautrtjowt 
fappcrçus enfonge. 



Vc 



DUS favez bien que je vous aime ^ 
O divin Époux de mon cœur: 
Vous me traitez avec rigueur , 
Et votre puiiTance fupréme 
Fait même fon contentement 
De m'abimer dans mon néant. 

Mais je m'y tiens comme en ma place : 
Vous êtes donc bien attrapé. 
Sitôt que vous m'avez frappé , 
Je vou« xareflc & vous embrafle, 

ï î 



ij4 Poésies 

Et plus vous faites le méchant, 
Plus mon amour paroit confiant. 

Vous ne ceffcz de me combattre > 
Et moi de recourir à vous ; 
Et plus vous montrez de courroux , 
Mon ame , bien loin de s'abattre , 
Trouve un nouveau contentement 
A fouf&ir un nouveau tourment. 

Jamais rien de vous ne me fïche ; 
Dans une même égalité 
Pour la juftice ou la bonté 
Je trouve en moi la même attache. 
Que fera donc votre courroux ? 
Faites le ceffer , cher Époux. 



C X 1 1. 
La croix purifie t amour. 
Air : La jeune Iris. 

J E fens , Amour , que la croix me talonna 
Pour me faire mieux fentir fa rigueur : 
Je la trouve néanmoins jufte & bonne ; 
Et l'accepte du meilleur de mon cœur. 

joie, ô plaifir, tu parois frivole ! 
Dieu ta douceur tempère de l'amer 
Il m'a dit que la croix efl une École 
Où l'on apprend en fouffrant à l'aimer. 

n me venoit l'autre jour en penfée , 
Que mon Seigneur retiroit fon amour : 
La droix me paroifToit prefque eflacée : 
Elle redoubla dès ce même jour. 

Si le bonheur efl l'effet de ta haine , 
Et la douleur celui de ton amour ; 



Spirituelles. .i)s 

Ne m'épargne pas , Bonté Souveraine , 
Que j'aime & fouffre jufqu'au dernier jour. 

Tout devient croix , pour le cœur qui t'adore ; 
Tu changes pour lui l'eau claire en rocher : 
Toutes créatures femblent encore 
Ne nous flatter qu'afin de nous fâcher. 

Tu remplis les bons cœurs d'ingratitude ^ 
Tu changes l'humeur pour nous affliger : 
Tout le monde fe fait même une étude 
De nous haïr , de nous défobliger. 

C'eft toi. Seigneur , qui fais toutes ceschofes^ 
Afin que le cœur t'aime purement : 
Ne s'attachant qu'à la Caufe des caufes , 
Tout le refte lui devient un tourment. 

Achevé , achevé , ô mon Dieu , de détruire 
Ce qui pourroit refter en moi de moi : 
Sur mon néant établis ton Empire : 
Quoiqu'il en coûte , il faut que tu fois Roi. 

C X I 1 1. 

. Il faut mourir pour revivre. 
Air : Les Dieux comptent nos jours. 



M< 



Ion Dieu qui m'a formé du limon de la tene l 
ut que la terre auffi me ferve de berceau , 
Qu'il en renaifTe un homme tout nouveau , 
Amour c'eft à toi de tout faire. 

Je ne. puis que gâter le merveilleux ouvrage 
le fera ta bonté me créant de nouveau : 

Fais-moi promptement defcendre au tombeau ; 
Amour, c'eft là mon avantage. 

Si je crains de mourir, je crains donc de revivre} 
ifque je ne faurois vivre que par ma mort : 

14 



<1]6 P O IS S I E S 

Le naufrage doit me conduire au port ; 
Amour, je veux toujours te fuivre. 

Conduis-moi^ fi tu veux au bord du précipice , 
Et que la mer m'abîme au milieu de fes flots ; 
J^ fuis content d'endurer au plutôt. 
Amour , ce terrible fupplicc. 

î^uifqu'il me faut mourir que ce foit tout àTheure , 
Tu retardes mon bien retardant mon trépas : 
S'il faut mourir pour goûter tes appas , 
Amour , àh ! fais-donc que je meure. 

Détruis Adam pécheur , Jéfus prendra fa place : 
U coûte pour mourir ; mais c'eft un fi grand bien 
Q^ti'il ne fout pas que je ménagé rien ; 
Amour, ftis-lc donc par ta grâce. 

Pour vivre en Jéfus-Chrift , ah (juitte-toi toi-même! 
Si je ne veux mourir, il ne peut vivre en moi : 
Laiffe-le donc te chaffer de chez toi : 
Amour , ta puiffance eft fuprême. 

. Ah I je me done à toi ; détrui , brûle (a) & renverfe ^ 
Je ne m'oppofe plus à ton divin vouloir : 
Fais éclater contre moi ton pouvoir : 
Amour , ta grâce eft la maîtrefle. 



C X I V. 

S'abandonner à Dieu dans fes miferes. 

Air : Je ne veux de Tirfis. 

J E me livre en vos mains , 6 Seigneur tout puifTant \ 
Difpofez toujours de mon ame : 
Je viens à vous comme un enfant , 
Recevez ma pudique flamme. 

(à) Ou redrcfle. 



s P I R I T> U B 1 L E S. 1)7 

Je ne fens plus d'efprit , je ne me connais plus : 
Ah , que voulez-vous que je faffe ? 
Le propre agir eft fuperflus ; 
Vous feul le rendez efficace. 

Ordonnez de mon fort, ô mon Souverain Bien 4 
Je le veux , malgré ma mifére : 
Enfoncez-moi dedans mon rien ; 
C'eft le lieu qui m'eft néceffaire. 



C X V. 

Bonheur du dépouiUetmnt. 

Aik: Je ne veux de Tirjts. 

Je ne puis rien vouloir , je ne puis rien aimer : 
Tout hors toi feroit mes fupplices : 
Quand tu daignes nous enflammer, 
La douleur devient nos délices. 

Ne m*avoîs-tu pas dit , que je ferois heureux 
Quand chacun me feroit la guerre ? 
Et qu'il eft plus avantageux 
Pour moi d'être dans la mifére ? 

J'aime ma pauvreté , je ne défire rien i 
J'abhorre même la richefle : 
Il fuffit pour mon entretien 
D'être conduit par la Sageffc. 

Je ne manque de rien dedans ma nudité : 
, Mon vêtement eft ma foibleffe ; 

Mon bien qft ma fimplicité ; 
Ma grandeur eft ma petitefle. 

O fouverain Amour , ordonne de mon fort : 
Mon ame eft -toute abandonnée , 
Soit pour la vie ou pour la mort , 
Je t'ai remis ma deftinée. 



ÏJS . POJ5*IK5 

Fins je fuis dépouillé , plus je me trouve heure 
Te fuivant j'ai laifle ma charge : • 

Mon cœur en eft plus amoureux ; 
Et mon ame a trouvé le large. 

JTétoîs chargé de biens , je ne pouvoîs courir ; 
Perdant tout , j'ai repris ma courfe : 
lïon ; je ne crains plus de périr ; 
J'ai trouvé l'immuable fource. 

On ne peut rien ôter , quand on a tout perdu ; 
Qui ne peut perdre , ne peut craindre : 
Ce que j'avois , je l'ai rendu ; 
A préfent je ne dois plus feindre. 

Pourquoi difllmuler ? J'ai trop chanté d'amour , 
Pour ôfer jamais m'en dédire : 
Si l'on me veut priver du jour , 
Mourant , je louerai fon Empire. 

Il eft vrai que l'Amour , cet infigne voleur , 
Ne laiiTe rien à/on amante : 
Mais quand elle a donné fon cœur , 
Plus on prend , plus elle eft contente. 



C X V I. 

Thintes dans t extrémité des épreuves î« 
rieures. 

Air ; Hélas , Brunette » mes amours ! 



h 



|E ne fais plus ce que je fais , 
Mon adorable Père : 
Je fuis l'opprobre des parfaits ; 

Mon extrême mifér« , 
Loin de les approcher de toi , 
Leur donne du mépris pour moi. 



s P I X I t U £ L Ir £ s. %'if 

Je fais un enfant fans fouci , 

Qui ne peut fe contraindre : 
Ton courroux n'eft point adouci ; 

Et fi j'ôfc me plaindre 
D'un état qui me fait horreur , 
J'allume encor plus ta fureur. ^ 
Accablé de mon propre poids , 

Je demeure en filence : 
M'eft-il permis de faire un choix ? 

Tu veux que la balance • 
Demeure dans l'égalité , 
Sans la pencher d'aucun côté. 

Je porterois mieux la douleur 
La plus infupportable , 
^ue fentir la mauvaife lodeur 

D'un état miférable ; 
Tu ne permets pas de choifir : 
Il faut le porter & mourir. 

Source de toute fainteté , 
O pure & fimple Effence , 
O toi , Suprême Vérité , 

.Tu vois mon impuilTance : 
Je ne puis. former un défir. 
Dans le plus affreux déplaifir. 

Quand je vois le bonheur paffé , 

Et l'état que je porte , 
Mon cœur en eft prefque glacé ; 
Une douleur très-forte 
S'empare de tout mon efprit , 
Qui demeure comme interdit. 

Je n'y penfe prefque jamais ; 

Et ma vie. s'écoule : 
Ce que je dis ^ ce que je fais ; 

Je n'en fais rien : je roule 
Comme un ballon qu'un bras puiiTant 
Repouffe & reçoit à l'inflant. 



%4^/ P E S I ï «r 

Adorable Objet de ma foi , ' 
Je fuis fans réfiftance 
Quand tu me jettes loin de toi. 
Ou bien quand ton Effenc» 
Me rcqoit en toi par bonté , 
Et m'inftruît de fa vérité. 

Hors'là je n'ai nul mouvement , 

Ni réglé , ni figure ; 
Je fuis conlme un vil excrément 

Vomi dé la Nature : 
En moi je ne trouve aucun bien : 
J'en dis trop; ne difons plus rien. 

On dit qu'à raconter fes maur , 
Souvent on les foulage ; 

Mais , hélas ! tels font mes travaux , 
Qu'ils croifTent davantage : 

J'aime mieux , puifqu'il eft ainfi , 

Finir & m'arrêter ici. 



: ; ex VII. 

Confolation ^ Réfignation dans les peines 
fpirituelles. 

Air : Rouktu. 



ijEïGNEUR , Je fuis à vous ^ 
En dépit de l'envie ; 
Vous: ferez mon Epoux 
Tout le tems de ma vie. 
Mon petit Maitrei , 
Me ferez-vous la faveur 
Do vèriir demain renaître 
Dedans lQ:fQnd de^ôn coçur? 



SPIUJITUELLES.^ >4^ 

,9 Ne fuis - je pas k toi , 
9) Qu'eft - ce que tu défires ? 
3) Je couronne ta foi 
35 Par ton rude martyre. 
„ Sois - moi fidèle ; 
iy l^t tu chanteras un jour : 
35 La juftice n'eft cruelle 
35 Que par un excès d'amour *\ 

Je fuis dans la douleur 
Quand vous êtes en colère ; 
Vous accablez mon coeur 
Par un regard févere. 
Mon divin Maître , 
Devenez un peu plus doux : 
Je dirai lors : Il veut être 
Piiifentement mon Epoux. 

35 Tu te trompes , ma fœur y 
33 Tu n'es qu'une ignorante , 
33 Puifqu'un peu de rigueur 
33 T'allaime & t'épouvante. 
35 Sois . moi fidèle , 
3^ £t m'aimes bien purement ; 
35 Alors ma gloire éternelle 
35 Sera ton raffasîment ". 

Je me contente enfin 
De vivre dans la peine , 
Sans voir jamais de fin 
Aux tourmens , à la gène. 
Mon divin Maître , 
Hélas , que j'aurois grand tort - ' 

Si je n'y voulois pas être 
Avec vous jufqu'à la mort ! 

Mon Epoux eft à moi , 
Je fuis à lui de même ; 
Il couronne ma foi 
De fon amour extréiiïe. 
Qu'il eft aimable ; 



14^ Poésies 

Qu'il a de charmes & d'appas ! 
Et que rhomme eft miférable 
Lorfqu'il ne les goûte pas î 
Je m'abandonne à lui , 
Et le fers fans falaire : 
Quoiqu^l foit mon appui , 
Je ne l'apperqois gucres. 
Mais il n'importe : 
Je mets mon contentement 
A le fervir de la forte 
Sans aucun foulagement. 



C X V 1 1 1. 

JuJHce de Dieu , non cruette. 

Air .' Ce£cz de m' attaquer. 

V/ESÇEZ de m'attaquer avec tant de courroux i 
Je vous aime , Seigneur , mon cœur n'eft point rebelle : 

Vous fut-il jamais infidèle ! 
Cependant il eft près de périr fous les coups 
Que lance contre lui ta juftice cruelle : 
Que veut-elle de moi ? ne fuis-je pas à vous î 

55 Peut-on favoir, aimer & craindre le tourment ? 
95 Perfide , 6fes-tu bien , fans paiTer pour rebelle , 

,5 Nommer ma juftice cr.uelle ? 
» Quand un cœur eft touché , qu'il aime purement » 
95 Charmé de fes rigueurs , il la trouve fi belle , 
15 Que l'excès des travaux fait fon contentement ". 

Quoi ! vous vous ofFenfez quand je me plains de vous, 
Juftice , mille fois moins févere qu'aimable ! 

Je veux bien paffer pour coupable, 
Si je parle jamais des rigueurs de vos coups. 
Vous avez tout pouvoir , je fuis un miférable , 
Qui ne mérite pas même votre courroux. 



Spirituelles. 141 

Que pourroit ce courroux contre un foible néant ! 
Un feul de vos regards va le réduire en poudre : 

De grâce , épargnez votre foudre , 
Et ne la perdez pas fur un vil excrément : 
Etant un Dieu fi grand , pouvez-vous vous réfoudre 
D'employer contre moi votre bras tout-puifiant ? 



CXIX. 

Aimer la divine JuJHce. 

Air :Mon cher troupeau. 

J USTICE , tu n'as plus de foudre ; 
Fuifqu'il ne tombe * pas fur moi : 
Si tu veux me réduire en poudre , 
Je verrai tes coups fans ef&oi. 

Ils font plus doux que tes carefles 
Au cœur qui t'aime plus que foi ; 
Et la juftice vengerefle 
A plus de charmes pour ma foi. 

. Jufques au centre de la terre 
Je voudrois pouvoir me cacher , 
Non pour éviter ta colère , 
Mais de crainte de te fâcher. 

Punis- moi , mon fouverain Juge ; 
J'aime & refpeéle ta rigueur , 
Sans vouloir chercher de refuge 
Contre tîf très - jufte fureur. 

J'ai mérité tous les fupplices y 
Et nul n'eft affez rigoureux 
Pour châtier mes i^juftices. 
Ofé - je paroître à tes yeux ? 

Loin de me punir , tu me calmes : 
Je trouve certaine on<ftion 



244 Poésies 

Qui fe glifle au fond de mon ame 
Dans mon amere alHidtion. 

Hélas ! tu m'épargnes fans cefTe ; 
Lorfque tu dois être irrité , 
Tu ne peux fouffrir ma tnfteffc , 
Et me fais fentir ta bonté. 

Tu n'as plus pour moi de colère; 
Ton regard rempli de douceur 
M'eft infiniment plus févere 
Que fl tu puniffois mon cœur. 



cxx. 

Amour pur de la Jujtice de Dieu & dej 
gloire. 

Air ; Taifez^vous ma mufcttc. 

^ JljLdorable juftice , 

Je me livre à tes coups : 
Ordonne donc de mon fupplîce ; 
Tout , de ta main , me fera doux. 

Je veux , fi Dieu l'ordonne , 
Qu'elle exerce fur moi , 
Sans vouloir qu'elle me pardonne , 
Toute la rigueur de fa loi. 

Si je fuis fa vidlime , 
Je l'aurai bien voulu ; 
Je la refpede , je Teftime : 
Le plus affreux toBrmcnt m'eft dû. 
Oui , tu peux fur ma tête 
Allumer ta fureur ; ' 
Je m'abaiffe fous la tem-péte , 
Et la vois fondre fans terreur.- 



s ^ 1 ft I T V E L t E S« t4i 

Je ne veux que ta gloire , 
Tu la dois rechercher ; 
Que la trahifon feroit noire. 
Si je tâchôis de l'empêcher ! 

^ Tu la trouve en. toi-même 
PunifTant le pécheut : 
Si je me cherche , fi je m'aime , 
Que je mérite ta rigueur ! 

Juilice toute aimable , 
Attribut pour mon Dieu , 
Par un jugement équitable 
Tu peux me condamner au feu. 

Ton feu ne (ait que luire ^ 
Ah! fais lui confumer' 
Ce cœur qui pour toi feul foupire , 
Et qui n'afpire qu'à t'aimer ! ' 



cxxt. 

LAtne êprifi de pur Amour s'offre à la 

jujlice de Dieu. 
Difpofition de Ste. Catherine de Géaes« 

Voyez fa Vie , Chap. XX. «& XXVIII. . 
Air : Taifez^vous^ ma mufette. 

Justice véngereffe 
Tu frappes mon Époux! 
En épargnant la pécherefle 
Tu l'accables delTous tes cçups. 

Tu frappes le%eul jufte , 
Tu laifTes le pécheur : 
Que ce que tu fais cft injufte ,. 
L'accablant de ton bras vengeur I 

Tome IL CanL K 



H^ T £ s I £ s 

Àh ! frappe fur ma tête y > 
Épargné mon Sauveur : 
Fais fondre Tùr moi là téirip'êtè , 
Je vais Tattendrê dé grand côèlir. 
ÎFàbt-il qii'un vil efclâv'c 
Soit fauve paî là inô'rt ? 
Juftice, èft-ce àinli q^e tti btàVes 
L*équité dans fbh rude fort î 

Violant la jufticê 
Tu d6is changer de lioâi : 
Celui que tu livre au lupplicé , 
SouiFre d'autant plus qu^il ett bôii. 

Tu le traite en coupable j 
Il eft faint,ii eft t)ieu; 
Il n'a rien 'de réconnoiltâblb 
Dans ce triftè & fùheilë lïtu. 
As-tu pu te mëprendrc 
Le traitant en pédieur ? 
Ceft lui dont l'amour le plus tendre 
FbuT thài le livre à ta fufieuf. 

La juftice terrible 
Se mefure à l'amoui:: 
Ttûs Tàmour eft înfcbrtrùï)tibîe , 
Pliife il foûi&e en ce bas féjoor. 



C X X I L 

Vame det^dûiè à la divine Jufiict. 

Air: "Bilas , Êrunètte mes amours / 



D 



FiviN Aoitenr de tous mes biens, 
A vous je m'abaÇndbnhè : 
Vous av*ei brifc mes îiens. 

Q^ue la Juftice eft bonne ^ 



Spirituelles. 147 

Tlus elle traita avec rigueur , 
Plus elle caufe d^ bonheur. 

Ah ! ne m'épargnez donc jamais , 

Juftice que j'adore : 
Je me livre à tous vos décrets ; 

Et j€ &M plus encore : 
Trouvez des fiippUces nouveaux ; . 
Venant de vous, qu'ils feront beaux! 

Votre amour dès mes jeunes ans 

S'imprima dans mon ame; 
J'étois du nombre des enBins , 

Qu'une ftcrêtte flamme. 
Que je ne pou vois dîfcerner. 
M'apprit qu'on vous doit tdut donner. 

. Je compris Jorfque l'attribut , ! 

Qui n'eft que pour vous-même , 
Quoique du nlon^e le rebut 

Eft l'attribut fuprémc : 
Les autres paroiflent ^ïus doux ; 
Parce qu'on s'aime plus que vous. 
Moi qui ne veux que fon honneur , 

Sa puifTance & fa jgloire , \ 

Je veux lui conlàcrer mon coeur , 

Mon e(prit , ma mémoire ; 
Qu'elle difpofe de mon fort , 
Soit pour la vie ou pour la mort. 
Mais tous les hommes à préfent 

N'envifageht qu'eux-mêmes; 
Trompés ils K:Toient cependant 

Aiiçier le tien i*ù^ré*me : 
Ils font dedans fégareuïeht , 
Puifqu'ils n'aiment pas purement. 

Je me confoQune .nuit & jour , 
Demandant votre Régnt: 
Loin de brûler de votre amoût , 
Un chacun le dédaigne; 

K 3 



>48 Poésies 

Et je ne trouve point de cœuf 
Qui fe confaore à votre honneur. 

Je voudrois mourir chaque jour. 
Pour vous faire connoître ; 
Je voudrois que le pur amour 

De tout cœur fut le maître: 
Quand viendra cet heureux moment ^ 
Que vous promîtes fi fou vent .' 

Qu'il tarde longtems à venir ! 
Que j'en foufire de peine ! 
Je n'en faurois pourtant bannir 

L'efpérance certaine : 
Vous nous promites mille fois 
Qu'on verroit tout deiTous vos loix. 



C XX III. 

Sur le même fujet. 
Air : Songes agréables. 



D, 



"IVINE Juftice y 
Je fuis tout à toi : 
C*eft le facrifice 
De la pure foi , 

De ne rien voir 
Que ton divin vouloir. 

Plus tu m'es févére , 
Mon coeur amoureux 
Te trouve profpére ; 
Il fe croit heureux 
De rie plus voir 
Que ton divin vouloir. 

Chacun t'appréjiende ; 
Je ne fais pourquoi : 



Spirituelles. 149 

Car fi tu commandes , 
C'eft pour le grand Roi : 
On ne doit voir 
Que fon divin vouloir. 

Tu veux qu'on lui rende 
Ce qui lui eft dû '; 
Ta loi ne demande 
Q^ue l'amour tout nud. 
Qui ne peut voir 
Q^ue fon divin vouloir. 

Qui veut autre chofe , 
Ne te connoit pas : 
Mon cœur le repofe , 
Alors qu'il eft ias , 

Dans ton vouloir, 
Soumis à ton pouvoir. 

L'amour propre abhorre 
La haute le<;on , 
Qui fait qu'on t'adore , 
Qu'on trouve tout bon : 
Hélas ! tes coups 
A mon cœur font bien doux. 

Si je m'aime encore , 
Si je crains pour moi ; 
Je te déshonore , 
Je n'ai point de foi : 
Ah ! mes amours 
N'ont plus ces vains d(koi|rs. 

Juftice fuprême , 
Tu deviens mon bien : 
T'aimant pour toi-même y 
Je ne crains plus rien. 
Ah ! mon amour 
Eft à toi fans retour. , 



K J 



i^p Poésies 

C X X ï v. 
Aveu de notre néant. 
Air : La paix ï^lafoUtudt. 

X^HIEN mort , on te confidére ; 
£t je ne fkis pa$ comment. 
Si ce n'eft quelta mifere 
Te ferve d'un agrément : 

Je ne fuis rien ; 
Et c^eft ce qui fait mon bien. 

A Dieu feul Iquai^ge & gloire , 
Et pour moi tout le mépris; î 
Il eft vrai que je fuis noire , 
Et c'eft ce qui fait mon prix : 

Je ne fuis rien ; 
Et c'eft ce qui fjiit mpn bien. 

Qu'on te rende la louange 
Que tu mérites de tous : 
Que je rampe d^Q^ la fange 9 
C'efl ce qui ^e fera doux. 

Je ne fuis rien; 
Et c'eft ce qui Ï2(i% ^lon bien. 

Je deviens ufurpîitrice 
Si je défîrefcutremènt , 
Et mérite le fupplice 
D'un lâche <^ perfide amant. 

Je ae flii's rien ; 
Et c'eft ce qui fait mon hitn. 

Dieu feul eft mon héritage , 
Et chez moi la pauvreté 
Fait cet excellent partage 



s P I » î T U E t L E s. l^t 

Que me donne fa bonté. 

Je né fuis rien ; 
Et c'e|l ce qui feit moin bien. 

O vérité fimple & nue 
Que vous avez de grandeur ! 
Que ce premier point de vue l ^■ 

Nous procure de largeur ! 

Je ne fuis riçi} ; 
Et c'eft ce qui (ait n^oj^ bien. . 

C'eft au ïeul fouverain Être 
Que nous devons cet bQ|i|=ieur 
De laifler toHt difparQÎtre ; 
Car il eft le feul Seigpeur. . 

Je ne fuis rien ; 
Et c'efl ce qu| fait mo^ bien. 

Deux^vérités dans le monde, 
Ce font le Tdut & le rièk , 
C'eft fur quoi mon cœur fc fende ; 
Et mon cœur s'en trouve bien. 

Dieu tout puiflkni 
Fait mon feul contenten^^nt» 



C X X V. 

Ne s'appuyer fur fohrfjênj^^ 
Air : Taifizrvqiif mci PlHfcttc» 



M< 



LoN ^mour <& ina vie , 
Arraché-moi de ippî : 
Que je fois toujours aflfervie 
Aux divins vouloirs de mon Roi ! 

Que ce cœur infidelle 
Devienne plus conftant! 



ici Poésies 

S'il devenoit un jour rebelle ; 
Détruis-le plutôt à l'inftant. 

£ft-ce là de tes grâces 
Un fidèle retour , 
Que d'en pçr^re fitôt les traces , 
Et celles de ton chafte amour ? 

Pourrois-je te déplaire , 
O mon unique bien ! 
Si tu regardes ' ma mifere , 
Daigne luîTervir de foutien. 

Que çettç incertitude 
Ittç caufe de.tpurment ! 
Et que j'aurpis d'incjuiétùde 
Si j'étois uri perfide amant! ^ 

Ma volonté fè range 
Sçus ton 4ivin vouloir ; 
JVIais par une foiblefTe étrange 
Je#puis manquer à mon devoir. . 

Je comptois fur moi-même ^ 
Mon cœur préfômptueux 
S'affuroit d'un amour extrême : 
Étoit-il de même à tes yeux ? 

l'étrange folie 
De s'appuyer fur foi ! 
Si ta bonté n'y remédie 
Tout l'or fera de bas alol. 

Heureufe expérience 
Qui fait quitter Iç MOI , " 
Et cette vainc confiance , . 
Si différente de la foi! 



Sans elle l'on s'égare , 
Ne marchant qu'à tâtons; 
A préfent un homme eft bien rare l 
Qui te prçfçrç aux autres dons. 



s p 1 1. 1 T u'E'i't K S. t$ir. 

On fiiit cette lumière 
Pour mille faux brillans, 
Q^ui font l'appui du mercenaire , 
Et non pas celui des^ -enfans. 



C X X V I. 
Le pur amour ète la prêfomptinn. 

Air : Les Dieux comptent nos jours* 

J E veux être petite , & ceffer d'être .ïkge : 
Q^uelque chofe chez moi n'y fauroit confentir : 

De ce combat comment pouvoir fortir! ; 
Grand Dieu , dites , c'eft votre ouvrage.' 

Je croyois autrefois pouvoir tout par moi-même , 
Je cbmptois en fçcret fur moi , fur mon effort ; 
Mais j'apperqois que je comptois à tort: 
Grand Dieu , mon erreur eft extrême ! 

Mes yeux jufqu'à préfent fermés à la lumière 
Que votre pur amour fait luire dans mon cœur , 
Sont pénétrés d'uno douce langueur , 
Grand Dieu , de vous y voir tout faire. 



C X X V 1 1. 

■ L'Amour fans fécurité. 
Air: La paix gf lafoUtude, 

V-/HACUN te fert à fa mode. 
Je veux te fervir pour rien ; 
Ce que tu fais m'accommode ^ 



^4 Poésies 

Je ne connois d'autre bien 

Que ton vpuloir, 
Et d'adorçr ton pouvoir. 

Cependant rien que mifere, 
Chez moi rien ne parolt bon: 
Quel feroit donc mon falaîre , 
Que mérité-je ? ^uel don ? 

Rien que Penfer 
Sij'ofe encor t'ofifenfef. 

Je ne fais fi je t'offenfe , 
Et c*eft là mon embarras ; 
Je n'ai plus de confcience , 
3on remords ne paroît pas. 

Que fuis-je donc , 
Un Ange, ou bien un démon? 

Comment pourrois^je être fûre ? 
Dieu feul fait la vérité. 
Nul ne fait , dit FÉcTiture 
Si Ton eft en charité : 

C'efl mon tourment; 
Car je crains l'aveuglement. 

Je ne voudrois que te plaire , 
Mon Seigneur , tu le fais bien > 
C'eft peut-étrç le contraire : 
Cher maître , je n'en fais rien. 

Car ton vouloir 
Ne fe fait pas trop favoir. 
' Tel fe trompe & croit le fuivre : 

Mais allons de bonne foi : 
Mourons pour le faire vivre , 
^ Renoncions à notre MOI. \ 
Après cela. 
Qu'il iaffe ce qu'il voudra. 



C X X V 1 1 I. 

Captivité Chrétienne fous P Amour. 

Air : Vous Pavez bien voulu. 

JLi' Amour eft mon geôlier , 
Mon ame eft fa captive : 
Il fait la douleur vive 
Au plaifir allier. 
Heureux quoiqu'il arrive ! 
L'amour eft mon geôlier. 

Que mon cœur eft content , 
Malgré tout ce ravage ! 
Je fens tomber l'orage 
Sur mon corps langiiifTant ; 
Et chante dans ma cage ; 
Que mon cœur eft content. 

De mafoumiflloQ 
Recjois donc l'humble hommage i 
Mon ame a l'avantage 
D'être en ton unipn: 
Qu'heureux eft le partage 
De ma foùmiflion! 

Mon aimable Sauveur, 
C'eft là ton caradtere , 
Obéir à ta Merç 
Quoique fon Créateur : 
Tu meurs fournis au Père, 
Mon aimable Sauveur ! 

Divine charité. 
De toi rien ne fépare , 
La mort la plus barbare , 
La faim , la nudité. 



f5tS POESIES 

t 

Que ce bonheur eft rare , 

Divine charité ! 

Tu confommes mon cœur , 
Amour que je reclame ; 
Et tu nourris mon ame 
De cette noble ardeur : 
Par ta célefte flamme 
Tu confommes mon cœur. 

Jéfus-Chrift , mon Époux , 
M'a choifi pour vidimc ; 
Il efface mon crime 
Par mille & mille coups ; 
Et fur mon corps s'exprime 
Jéfus-Chrift , mon Époux. 

Me lavant dans fon Sang, 
J'ai ce que je fouhaite ; 
Car d'une amour parfaite 
Nos cœurs vont s'uniflant : 
Il me rend pure & nette 
Me lavant dans fon fang. 

U m'a donné fon cœur 
Plein d'un amour extrême; 
Pris le mien en lui-même , 
L'y plaçant par faveur : 
C'eft par lui que je l'aime, 
Il m'a donné fon cœur. 

De fon cœur & du mien 
Il a fait un échange : 
Ma volonté fc change 
En l'amour fouverain , 
Faifant un doux mélange 
De fon cœur & du mien. 



^^ 



s P I R I T U E t L E 15.' 1$^ 



C X X I X. 
Perte de Vame par t amour. 

(D'un Ami de TAutcur. ) 
Air : Les folies dEf pagne. 

yj pur amour achevé de détruire 
Ce quà tes yeux il refie encore de rnoi : 
Divin vouloir , daigne feul me conduire \j 
Je m'abandonne à ton obfcurefoi. 

En quelque état que cet ordre me mette 
Les yeux fermés , pleinement j y confens: 
(fejipour lui feul que mon ame fut faite, 
Cfeji à lui feul que j offre mon encens. 

Je ne fuis plus déformais à moi-même. 
Dieu me pojjede, & je nefens que lui $ 
L'Éternel en mon cœur vit & s'aime ^ 
Il en arrache Êf bannit tout appui. 



Vc 



ex XX. 

Sur le même fujet. 

( Réponfe. ) 

Air : Les folies d'Efpagne. 



ous vous croyez fans foutien , f^nsdéfenfe; 
Vous êtes loin du parfait dénûment : 
Que vous avez d'appuis & d'affurance ! 
N'avez-vous plus ni goût , ni fentiment? 



tii P O E s I t s 

Celui qui lent & voit encore qu'il âlmè ^ 
O qu'il efl loin de ce terrible rien 
Où Ton n'ofe fe regarder foi-mcme , 
Tant on fe voit éloigné de tout bien. 

Mais fuivons Dieu , ne cherrions point de route» 
Contentons^ous de marcher fur fes pas 2 
S'il veut de nous une entière déroute , 
Il le fera ; nous ne le faurons pas. 

Amour , amour , fi Ton croyoit te fuivre 
On marchefôït fans celle & fûremcrtt : 
Mais lorfqu' Amour à l'ennemi nous livi« , 
Si l'on fe perd , c'eft éternellement. 

Du moins on croît qu'il eA va de la force , 
On ne connoti plus ni fentier ni lieu ; 
Et cependant l'ame alors fe tranfporte 
Bien loin de {oi , s'abimant en fon Dieu. 



C X X X ï. 
V Amour d'abandon. 

Air ; Ne m'entendea-vous past ovl^ Lorfquefaime 
une fois. 



Enj 



me donnant à vous , 
Je lé fis fens rèferve. 
Je ne veux point de trêve : 
Frappez , doublrz vos coups , 
Je reçois tout de vous. 

Ordonnez de mon fort, 
C'eft mon unique envié ; 
Je n'eftime la vie , 
Ni je ne crains la mort : 
Ordoimez de mçti fort. 



s P I R J T U-E t L E s. tn 

Aîmèr fincéremetit , 
C'eft fe quitter foi-méme , 
FafTant dans ce qu'on aime 
Sans nul ménagement : 
C'eft aimer purement. 



C X X X IL 

ibanden de l'Amour pur à la volonté de Dieu. 

Air :TcàfcZ'Vous ma mi(feU€. 



V, 



ICTIME de mon Maître, 
Je me livre à fes coups. 
Il falloit plutôt difparoitre , 
Afin d'éviter fca courroux ? 

Je ii'fti plus de prudence , 
Je ne difeemc rien : 
L'abandon à la Providence 
Sera déformsMS mon foutien. 

Je fens bien que ma perte 
£ft iktis aucun retour : 
L'enfer avec fa bouche ouverte 
Ne peut détourner mon amour. 

Que fi mon Dieu m'tbime 
Dans le fond <les enfers, 
Si mon ame paroit fans crime 
Je ferai libre dans mes fers. 

Mais fi je fui$ coupable , 
Tout le "bonheur des Cieux 
Ne peut jamais être capable 
De m'affurer devant fes yeux. 

Sainteté toute pure, 
Un fi vil excrément 



a^ Poésies 

Qoi n'eft qu'un peu de pourriture , 
£ft indigne du châtiment. 

Faites-donc de mon ame 
Tout ce que vous voudrez : 
Vous voyez bien quelle eft (a flamme ; 
O Dieu , vous la rebuterez ! 

Je n'ai nul bien au monde 
Ni dehors ni dedans ; 
Bien plus înconftante que Tonde 
■Je n'ai qu'un bonheur décevant. 

Vouloir toujours vous plaire , 
Eft mon unique efpoir; 
Et pouvoir toujours vous déplaire , 
Me réduit prefquW défefpoir. 

O Sagcfle inconnue. 
Par combien de refTorts 
As-tu rendu mon ame nue , 
Lui raviffant tous fes fupports ! 

On embrafTe une chofe 
Croyant bien la tenir; 
Et fans en pénétrer la caufe 
Un rienia fait évanouir. 

Hélas ! qu'eft-ce que l^homme , 
L'image de la mort. 
Son état ne paraît qu'un fomme : 
Il périt fe croyant au port, 

O Dieu , votre Sageflc 
Sans chemin , fans détour ! 
Le conduit par la petiteffe 
A la pureté de l'amour. 

Que le monde eft à charge ! 
A qui n'aime que Dieu ! 
Et que notre cœur eft au large 
Lorfqu'il n'a plps ni tems , ni li^ î 



Spirituelles. iCi 

Lofs fon lieu c'eft Dieu même , 
Son tems Tétf mité : 
Son bien eft fa mifere extrême ; 
Sa foiblefle eft fa fermeté. 

Volonté toute aimable , 
Je n'eftime que toi: 
Tu feras toujours adorable , 
Fais ce que tu voudras de moi. 
Le bien ne m'intérefle , 
La douleur ne m'abat ; 
Je n*ai ni plaifir , ni triitefle , 
Ni tranquillité , ni combat. 

„ Dis-moi , qui tu peux être 
55 Qui parle atnfi de toi : 
55 N'es-tu rien ? Serois-tu peut-être 
55 Un monftre qui remplit d'effroi ? 

Je fuis un peu de boue, 
Un fantôme mouvant, 
Un fétu dont le vent fe joue , 
Une ombre fauffe , un pur néant. 



CXXXII L 

Nefe plaire que dans la volonté de Dieu. 
Air : Mon dicr troupeau. 

J E ne crains point la maladie y 
L'impuiiTance , la pauvreté : 
L'amour pur à tout remédie ; 
C'eft lui qui met en liberté. 

Seigneur , ta volonté fuprême 
Met le comble à tous mes défirs : 
Quand on eft bien mort à foi-même > ^ 
On trouve en elle fes plaifirs. 

romc II. Cane. - L 



161 POESIES 

bn ne met nulle diftiçrehcc : 
Vivre ou mourir , tout cft ëgaj ; 
Le bonheur ou bien la foùffiraince : 
Le péché feul nous paroit niaU 

Toi qui tiens mon ame ravie , 
Seigneur que j'aime uniquénient , 
Donne-moi la mort ou la vie ^ 
Les faints plaifîrs ou le tourment. 

Rien ne pçfe à ceturquit^armc^ 
L'ennui, la' peine, la langueur: 
Les perfécutions de même . . 
Font tout le plaifir de fon cœur. 



CXXXIV. 

Lame amante & abandonnée à Dieu. 

Air : Hiias ! BrunUtc , rms amours^ 



ji 



|E voudrois chanter nuit & jour 
Vos divines louanges ; 
Je^voudrois que mon pur amour , 
Comme celui des Anges, 
Ne ^t jamais interrompu : 
Vous pouvez ce que je n'ai pu. 

Je né connois plus que l'amour ; 
C'eft lui qui .uiie ^domine , 
Je ne Forme .pa§ ynjrptour : 
Lapuii^nce divine 
A qui je fuis abandQiiîxfi , 
Me reçut quand je m'ai donné. 
Depuis il à pris ioin dç moi ^ 
. . Je n'eij fus pljlfji^ péme : 
Il me traita comme un'gr^ijd.Itoi , 
Et vint'brifer ma'cliaîfie ; 



s P I RIT U E L t E S. (Xii 

En me mettant. en liberté. 
Il m'enfeigna . fa^vcrité. 

Je n^^çherche point deraifon, 
Pourfuivre fa conduite; 
Et ma feule vocation » 

Eft marcher à fa fuite : 
Qui cherche un vain raifpnnemçnt , 
Ne peut être parfait amant. 

Heureufes qui dedans • la foi 

Abîment leurs idées ! j- 

De Igièule ramoiureufe.loi ' /■ 

Elles/fontpoiljédées ; ■■ * 

Et ne. veulent d'autres ,difçQurs , 
Que le penchant «de leurs. Amours. . 

On timerDieiit&»5 intér^êl;, ; ^. 

En a'oubHant fotnméme ; 
JSàns vouloir que xe .qui jui-f^ait , 

Leur bonbeui^'eft extréfue : 
Si j'exprijmqis, qji^el çft ce bien. 
Peut-être n'jçn,..çr,oiro^trpn rien. 
J'aime oûeux ^goî^esrinQn amqur 

Dans i un; pro|bHd.4lçnce ; : . .; j.. . 
Si ma.plume/le.^et au, JQjur , 

C'eft. par obéiJTançe : ' ., 

Me taire feipit çnon..p|aifir ; 
Mais je niai. j4*^s. aucun jiéfir. 

I La pJunie .eft.le ^Quet,4es vents; . 

, Ainfi L'amojurr.m'çntraînc :'"/." ^ 
Xpusiieux.mq.font'ii\d^fierens ; . ./ ^^ ^ 

Je vais lorfqù'il pie. mené : . ' ' 
S'il me laifle dans le repos, ' v--.' 

Je l'y trouve fort à propos. / 

Ne cherchons point hors de mon Dieu 
Bonheur , plaifir ni joie : 
Qui fait le trouver en tout lieu , 
Aimant ce qu'il envoyé^ 

L z 



a^ POESIES L 

Soit douleur foit contentement , 
Devient un très-parfkit amant. 



C X X X V. 

Soupleffe du pur amour. 
Air : La jeune Iris. 



o 



pur amour , fi je fuis ta viélime , 
Achevé projnptcment de m'immoler ; 
Fais-moi, Seigneur , de ton fein ua.abime : 
C'cft là le but de qui fait bien t'aimer. i 

Je vois mes jours qui s'écoulent fans cefle; 
D^epuis longtems je fuis dans la langueur : , 
Tout fert, Amour, à montrer mafoupleffe; 
Il n'eft point de réfiftaiice en mon cœur. 

Tout m'eft égal où la mort ou la vie^;- 
Souple en ta main je ne répugne à rien : 
Je fuis cohtent dedans la maladie ; ^ 
La fanté ne me paroit pas un bien. 

L'unique bien eft d'adhérer fans cefféV • 
Sans intérêt , à tout ce que tu veux : 
Si Ton préfère des coups aux carefles 
C'eft parce que tu Tes nommes heureux. 

Tu veux qu'on fuye en tout tems les délices; 
Que l'on fe quitte & vive dans la mort; 
Qu'on fouffrè en paix les plus affreux fupplices; 
Qu'on aime autant un naufrage qu'un port. 



Spirituelle s. tff 

C X X X V I. 

Amour enfantin , mais fincere. 
Air : La bergère Nanette. 

i3I je te fais ma plainte, 
O Seigneur tout-puiflant ; 
Et fi j'ai l'ame atteinte 
De Tennui que je fents. 
Daigne porter ma foibleffe , 
Et ma détreffe : 
Car je fuis un enfant 
Abattu, languiiTant. 

Si j'avois quelque forc€ , 
Je ne pleurerois pas ; 
Mais un certain divorce 
Me fait crier , hélas î 
Je fuis un enfant fi tendre 

Daigne m'entendre; 
Et faifons notre paix 
Aujourd'hui pour jamais. 

Ne fois plus en colère , 
O mon célefte Époux ; 
Si tu veux que j'efpére 
Fais ceffer^ton courroux : 
Daigne écouter ma demande ; 
Je ferai grande : 
AK)rs je fouffrirai ; 
Si tu vetix , j'en mourrai. 

Mais je fuis trop petite; 
Daigne me carefler : 
Hélas ! tu prends la fuite , 
Je ne fais que penfer. 



itftf^ POESIES 

« Eft-ce ainfi qu'un père tendre , 
Loin de m'entendre , 
S'enfuit totit eïi courrcnix > 
Et m'abandonne aux loups ! 



ex XX VII. 
Amour dt Penfance^ Chrétienne. 

Air : Songes agréables. 



M, 



■^ 



LoN diéf* petit MaitM^,, 
Je^fuîs ton eWaht; 
Je ne veux plus-êtrfe 
Ni fage ni grafrid r 
Rends-moi petit' 
Et de cœur & d-e^rit. 

Que là pétiteffé 
A pour moi cPuppai ! 
Fi de la fagefflfe , 
Je ne Taimé pïi^. 

Rends mtti petit 
Et de cœur & d'dpttt. 

Qu'une fiftipk énftncè 
Faffe tout riioii b$en*v 
Que mon îridl^hce' 
Soit mon feul foutièi(: 
Ren*-ittî6f pétft 
Et de cœur & d'èQirit. 

L'enfant tdnïBè à terj^, v 
Sans fe relever; 
Il né pétft rKfft firité , 
Il faut r^breWét: 
Rend-Aitii petit 
Et de cœur & d'e^Ht. 



Spiritu elles. x4i 

L'enfant s'abandonne , 
Sans penfer à foi : 
Tout ce qu'on lui donne , 
Sa main le reçoit. 
Rènds-môi petit 
Et de cœur & d'efprit. 

Jamais de lui-même 
Il n'entre en fouci : 
Il ne fait s'il aime. 
Si l'on l'aime aufli. 
Rends-moi petit 
Et de cœur& d'efprit. 

Rien ne l'intérefle ; 
Il vit trcs-content ; 
Et dans fa foibleiTe 
Il cft innocent/ 

R.end3-moi petit 
Et de cœur' & 'd'eïprit/ ' 
Ignorant la peine , 
Il fent la douleur : 
Son ame'eft fëreinue , 
Pleine de douceur. 

Rends-moi petit 

Et de cœur & d'efprit. 

Se laiiïant conduira 
Sans peine éh toiis lieux , 
On le' voit fourîrè 
D'un air gràcieur. 
Rend^-môi* petit 
ît de cœut & d'eïprit: ' 

Il montre fans cefle 
Sa fimplicît'é ^ *' ' * 
SajoTë; &'foujpleffe 
Son égalité. 

Rends-moi petit 
Et de cœur &* d'efprit?. 

t 4 



x6g Poésies 

Mon cher petit Maitrc 
Voulut être enfant: 
Pour faire paroitre 
Son plus doux penchant; 
Pour les petits , 
Il leur donna le prix. 
Sans la petitefle 
On ne lui plaît pas : 
Pour lui la foupleffe 
Eft pleine d'appas. 
Mon petit Roi 
Qu'aimable eft cette loi. 



C X X X V 1 1 I. 

Comment Vbumble agit avec .Dieu. 

Air ; Ami m pajpfnspar Crctdl ; ou , Un de nos 
bergers t autre jour. 



M. 



LoN cher petit-Maitre aujourd'hui 
M'a fait un joli tour d'ami , 

Qu'il me donne d'alarmes ! 
On ne peut plus vivre avec lui, 

Il fe plait dans mes larmes. 
Vous faites fouyent le méchant. 
Vous n'en êtes que plus charmant. 

Toujours plus adorable , 
C'eft votre diyertiflement 

De me voir miférable. 

Mais je vous attraperai bien , 
Je ferai mon unique bien 

D'être dans la mifere; 
Votre pîaifir fera le mien , 

Je veux vous fatisfaire. 



Spirituelles. 169 

Que ferez-vous pour vous fâcher , 
Votre courroux me fera cher , 

J'aimerai votre foudre : 
Décochez, mon divin archer, 

Et me mettez en poudre. 

Faifons tous deux à qui mieux mieux ; 
Vous pour me rendre malheureux , 

Moi pour vous fatisfaire : 
Vous êtes faint , & bienheureux ; 

C'eft ce qui peut me plaire. 

Vous me rebuterez toujours ; 
Je vous marquerai mes amours 

Sans fin & fans relâche : 
Je ferai fans cefle ma cour , 

J'accomplirai ma tâche. 

Je vous vois fourire en fecret , 
Et vous moquer de mon projet : ' 

. Pourrois-je par moi-même 
Tendre à vous , adorable Objet*, 
Et dire : je vous aime ! 

Par combien de fecrets reflbrts , 
Soutenant nos foibles efforts 

De fon pouvoir fuprême , 
Nous réduit-il au rang des morts , 

Fait revivre de même ! 

Tout le monde dit qu'il connoît 
Et fa grandeur Se fes bienfaits ; 

Moi je dis qu'on l'ignore : 
Leurs œuvres en font des effets , 

Car qui l'aime & l'adore ? 

Celui qui ne veut rien pour foi , 
Qui lui rend tout comme à fon Roi , 

Qui fe quitte foi -même, 
Qui marche dans la pure foi , 

C'eft là celui qui l'aime. 



17» POKSISf 

On 9*ea troore point anjonrdlmî 
Qn le TcnîLe pour {cal appui ; 

On TCDC Tappni des hoaunes : 
Ckimn se lesarde quk lui 

Da3u le fiede où nous finmnes. 

Ak, je «e fims percer le cœur 
jy^se rire & juAe douleur , 

O Seisnenr que fadore , 
QsKid je TCHS biigner la fàreor 

De riKMiae qoe f abhoire ! 

To«s a*aTrz plss de ferriteus ; 
Taites>ToiKs des ad<»ateiirs ; 
Soyez Fciprit , la Tie 
De cen qm toss donnent leurs cceurs ^ 
Dont rase s*liiimiUe. 

XoQs 2UUIS défendons de tos tiaits ; 
On nc^i^ tos doux attraits ; 

On comt à fim dommage : 
Cœnr ingrat , qn'eft-ce qoe tn bis ? 
Abaifle ton courage. 
L*(Mgneilkax croyant ^at laToir 
Tidie à combattre fon deroir 

Par des raifbns frivoles ; 
n contredit rotre Tonloîr , 
Méprife TOS paroles. 

Llinmble croit , maïs de bcHine foi, 
n s'aflbjettit à la loi , 

n en &it fes délices ; 
n prend poar fon premier emploi 
De combattre fes vices. 

Voyant fon incapacité , 
n fe livre à la vérité , 

S'aflbrant far la graçç ; 
n trouve en vous ik fermeté , 

Et non dans fon audacç. 



s P I K, lit V E 1 I. E S. xys; 

c'jcxxix. 

Bien c(p. la, petiteffè. 
Air: Songes. agféc^ltf. 



G». 



ui s'eftim.e 6^ s'aime , 
Eft rempli d'erreur ; 
Qui fc hait foirmême., 
A gagné le cœur 
De mon Epoux ; 
Car il eft humble & doux. 

Myftere adwtablfi 
^ Du mépris de foi ! 
Tu rends l'homme. atin?)idQ 
Aux yeux de fou &oi : 
Car mon Epoux 
Eft humble , fimple & doMX. 
Que la petitefle. 
A pour moi d'appas !. 
L'amour la caieile.,. 
La porte en fes bca,s : 
Car mon EpoiUX 
Aime l'humble & le^ioux. 

Je fuis à mon aife 
Quand je fuis petit; 
Rien d'ici ne pèfe . 
Aux pauvres d'efprît : . 
Malheur au grand ! 
qu'heureux eft l'enfant ! 

Que l'homme trop fage 
A de mauvais jours ; 
Le petit au large 
Conte fes amours : 



I7S POESIES 

Hnircnx Vcshnt 
Sifliplr . paoïTC « innocent. 

Jr rais dans la plaine . 
Fd&t se icjonir; 
J'y trc*2rc fans peine , 
Seloc mon defir , 

Le Bîes-aimc , 
Dent oo:: cxor eft cbanné. 

Loi:: de la fortune , 
Loin de rembarras : 
L'asie eS rendae une. 
O fâcres ebas 
Qa'or: ^nte en Dîen ! 
Soa Tocloîr eii mon lien. 

Rren ne me rabaiflè , 
Car je ne fois rien : 
Toute ma richeflè , 
Mon unique bien 
Eft mon néant ; 
Là je Tis (urement. 

Dieu met toute chofe : 
Tout eft fuperfln 
Quand je me repofe 
DeiTus mon Jéfus ; 
Je ne crains plus ; 
Et tout eft fuperfiu. 



*=*=^ 



V 



Spirituelles. 17J 

C X L. 
Etat d'enfance Chrétienne. 

Air ; Taifcz - vous ma mufctte. 

IVXA volonté foumife 
Sous la main qiii Tabat., 
Ne fauroit plus vivre à fa guife ; . 
Je n'ai ni repos ni combat. 

Une pure ignorance , 
Qui ne veut rien favoir , 
Me met dans cette dépendance : 
Mais je fuis la loi du devoir. 

Toujours fimple & fincere , 
Je ne ràifonne plus : 
Si j'ai des biens ou la mifére , 
Je laifle tout à mon Jéfus. 

Oubliant toute chofe , 
Je me délaifle aufli : 
Perdu dans la première Caufe , 
Je n'ai ni plaifir ni fouci. 

Si l'on me fait la guerre , 
Je ne m'en foucie pas : 
J'éprouve l'amoureux myftere ; 
Souvent je ne le connois pas. 

Vérité fimple & nue , 
Où font tes partifans ? 
O que l'innocence ingénue 
Eft rare en ce malheureux tems ! 

On aime le fublime ; 
On veut de l'éclatant : 
L'orgueil affreux paroît fans crime ; 
On méprife un petit enfant. 



«tî4 P B S r E' s 

L'enfance fait ma joî6 : 
J'habite avec les . grands ; 
Et ces grands font ibuvent la proîé 
De mille faux raifonnemens. 

On méprife , on dédaigne 
Ce qu'on ne conqoit lias-.: '. 
On veut qu'à la grandeur j'atteigne : 
' Le petit eft faaff^- embarras. 

De tout il Vaccotmnod^ ; 
Mais il craintrfbrt le: grand ^ 
« Qui le veut nrcner; à fa mode , 
Autant caché qu'il «i^ prudent. 

La prudence rdégirife 
Pour cortferverfon* bien : . 
Je hais cette &geSekcqikife ; 
J'aime mieux refler^en monrien. 

Jettons par lar-fehétre 
Tant de biens foperrflus : 
Soyons pauvres ; le ^iretitnlVlaitre 
Nous mettra promptement tout nuds. 



C ?C L L 

Sur k même Sujtt. 

Air : Ah ! que V amour paraît charmant. 



o 



JÉSUS mon divin Amant , 
Ah , je vous aime uniquement ! 
Je fuis à vous parfaitement : 

Vous ravifFez mon ame. 
Ah , je vous aime uniquement , 

Digne Auteur de ma flammé ! 

Sans vous je fuis dani IsHangtfeur^ 
Ah , je ne connois plus mon coeur ! 
Vous feul lui donnez la largeur , 



s P l'R'l T ir E r L E s. Vf^ 

La force & la fbupleffe. 
Ah , je ne cbhhdis plus riiôn tœur , 
Perdu dans la fegcffe. 
Je voudrois vivre fiihplëttietit , 
Tout' âihfi qu'un petit enfant ; 
Car renfonce eft mon élément , 

Mon bonheur , ma richefle : 
T^ut aiiifi qirtin petit enfant , 
Je fuis dans la foibleïfe. 
Je crains le grand plus que la mort : 
Qui mê condamné eft plein de tort : 
Je fuis foible , & le* grand eft fdrt ; ^ ' 

Mais j'aime ma foîbleffe : 
Je crains lé grand plus que k Hiôrt ; 
Il hait la petitcfle. 
Je me trouve tout interdit ; 
Cher Maître je n'ai plus d'efprit ; 
Je ne fais pas ce que je dis , 

Et ne peux plus rien faire : 
Cher'Màitre , je n'ai plus d'efprit , 
Et ne m'en foucie guères. 

Je ne puis prefque plus parler ; 
Je ne voudrois faire qu'aimer ; 
U* feroit tems de m'en aller 

Au Cîel , mon héritage : * 
Je nci Voudrois faire qu'àinier ; 

L'ahiouf eft mon partage. 

Qu'on n'attende plus rien de moi : 
L'anïout eft îqpibh unique emploi ; 
Je n'ai plus ni régie ni loi , 

C'cft lui feul qui m'anime : 
L'amOur eft mon unique emploi ; 

Et je fuis- fa victime. 

Je né mé plains point de mon fort ; 
Je n'appréhende point la mort : 
L'amour fera mon heureux port 



^y6 P o B s I E S 

Quand j'aurai fait naufrajge. 
Je n'appréhende point la mort , 
La tempête & Torage. 

Je n'appréhende que les grands : • 
Ah , qu'ils font de peur aux enfans l . 
Mes petits jeux font innocens ; 

Et je les fcandalife : 
Ah, qu'ils font de peur aux enfans î^ 
Je veux vivre à ma guife. . 
Petit Maître mon cher Epoux., 
Ah , que je fuis bien avec vous ! 
Je fuis fimple ; & vous êtes doux : 

Nous vivons à notre aifc : 
Ah , que je fuis bien avec vous ! 
Tout le refte me péfe. 



C X L I I. 

Souple ffe de Tame dans tétat d'enfance Cbt 
tienne au milieu des fouffr onces/ 

Air : Je ne veux de Tirjis, 

ij'iL eft vrai que mon cœur défire de t'aimer. 
D'où vient le tourment qui m'accabie ? 
Faut-il encor m'en alarmer ? \: 
Toi feul es jufte , & moi coupable.' 

J'ignore cependant ce qui t'offenfe en moi : 
Je ne veux jamais te déplaire : 
Pur amour, mon cœur elt.à tq.i , 
En quoi donc te fuis-je contrçirç ?. 

Je fuis comme un enfant qui ne difçerne rien ,^ 
Qui vit dans la fimple innocence : 
Je ne vois plus ni mal ni bien ; _ .,- 
Je ne fais û c'eft ignorance. ._; j^ 



Spirituelles. 177 

Je ne veux rien fa voir : fi je fuis ignorant ^ 
Je n'en faurois avoir de peine. 
Je badine comme un enfant: 
Mon lit , mon maillot eft ma chaîne. 

Mon corps eil arrêté ; il n'en eft pas ainfi 
De l'efprit , il eft toujours libre ; 
Il ne connoit plus le fouci , 
Reftant dans le même équilibre. 

Tu me donnes des coups quelquefois bien cuifans^ 
Tu frappes avec violence ; 
Je crie ainfi que les enfans , 
£t ne perds point la patience. 

Je n'en connois pourtant prefque plus que le nom : 
Mais je ne veux rien autre chofe: 
Non , que le mal me femble bon ; 
^ Je le veux fans en voir la caufe. 

Re(jois-donc , cher Amour , les cris de ma doukur , 
Comme tu ils mon facrifice : 
Le mal quelquefois me fait peur ; 
Mais j'avale en paix le calice. 

!■ !■■ I ■ I ■ ■ I l I I I t. ■ m M il I I I , .!> 

C X L I I L 

J/idifférence d'une amefimple. 

Air : Viciât de vos vertus. 

xjLmour, divin Amour, je n'ai plus de lumière ^ 
De goût , de fentiment; je ne difcerne rien ; 
Je ferme toujours la paupière , 
Et vais aveugle & fans foutien. 

Livrée à l'abandon , je me laiffe conduire ^ 
Je ne difcerne plus ni repos ni marcher \ 
Celui qui daigne m'en inftruire , 
Prend un grand foin de fe cacher. 
Tome IL Cant. M 



i^fS Poésies 

Et moi fans mHnformcr des lieux où Ton me mené,' 
Si Ton me fait monter , ou defcendre bien bas ; 

Je fuis le penchant qui m'entraine , 

Suivant mon guide pas-à-pas. 

S'il me fait arrêter , à Tinftant je m'arrête ; 
Je cours , lorfqu'il le veut , avec rapidité : 

A tous fes vouloirs je fuis prête : 

Tout ce qu'il dit cft vérité. 

S'il veut me châtier, je foufirefans murmure; 

Et même avec plaifir quelques coups de bâton : 
S'il me donne quelque pâture , 
Je trouve également tout bon. 

Sitôt qu'il eft fâché , fitôt qu'il me menace , 
Je m'approche de lui pour recevoir fes coups: 
Il 'frappe de fi bonne grâce , 
Que fon châtiment paroît doux. 
Il eft doux en effet pour le cœur qui vous aime , 
O Souverain Objet où tendent mes défirs : 
Plus votre rigueur eft extrême , 
Plus je fens doubler mes plaîfirs. 
Frappez ou careflTez ; la fimple indifférence 
Ne fauroit difcerner le bon ou le mauvais : 
Je pâtis , mais fans patience , 
Et fuis pour tout comme il vous plaît. 

C X L I V. 
Déjtr d'une ame enfantine de voit Dieu ait 
Air : La bergère Nanette. 

J E voUdrois faire entendre 
Aux échos d'alentour 
Mon union fi tendre, 
Mon pur & chafte ampur: 



s P I Jl I T U £ L L £ s. t^f 

Car aucun ne s'intcreffe 
A ma tendrcfle'; 
Tous s'éloignent de moi, 
£t méprifent ma foL 

Je' cherche dans la rocTic 
Quelque compaffion; 
Lorfque je m'en approche , 
On répète mon nom : 
Si je conte ma mifere ; 

On dit : Efpére ; 
Et tu verras un jour 
Couronner ton amour. 

Dans un défert fauvage 
J'entendis cette voix. 
Que ce même langage 
M'a confolé de fois ! 
Depuis le tems que j'efpére , 
De ma mifere 
Je ne vois point la fin: 
On me répond : Qemain. 

Que cette voix fecrette 
A de charmes pour mpi ! 
Car , malgré ma difette , 
Et le manque de foi , 
Lorfqu'elle fe finit entendre , 
Je deviens tendre ; 
Et mon coeur amoureux 
Sent redoubler fes feux. 

Je m'éloigne des hommes, 
Je cherche les déferts : 
Dans le iiécle ou nous fomme& 
Tout le monde eft pervers ; 
Chacun préfère le vice. 
Et rinjuftice, 
A cet amour parfait 
Qu'on condamne eneiFct 



igo Poésies 

Dedans la folitude 
Aucun n'entend ma voix. 
Que j'ai de quiétude 
Dedans ce petit bais ! 
C'eft là que rien ne me pefe ; 
Et tout à Taife 
Je vis comme un enfant , 
Simple y pur , innocent. 

Je vis & je badine. 
Sans avoir aucun foin ; 
Mais la bonté divine 
Pourvoit à mon befoin : 
Son aimable providence, 
Dans mon enfance , 
Me répare des grands, 
Qui font peur aux enfans. 



C X L V. 

Bonheur du pur Amour. 

Air : Ah! mon mal ne vient que â aimer! 



D. 



'iviN arbitre des humains , 
Ah ! tu tiens notre ame en tes mains : 
Elle n'a plus d'autres deffeins , 

Que d'être affujettie. 
Ah ! tu tiens notre ame en tes mains : 

Par toi la mort eft vie. 

Nous fommes de pauvres néants : 
Ah ! tu nous conduis en enfans ; 
Tu nous rends tout indifférent, 

Hors ton vouloir fuprême. 
Ah ! tu nous conduis en enfans , 

Nous montrant comme on t'aime. 



Spirituelles; igi 

Tu veux l'amour fans intérêt , 
Qui ne veut que ce qui te plaît , 
Et s'abandonne à ton décret , 

Sans penfer à foi-même. 
Qui ne veut que ce qui te .plaît, 

Sait comme il faut qu'on t'aime. 
L'amour propre eft un (edudleur ; 
Il te bannit de notre cœur; 
Il eft infidèle & trompeur: 

L'amour pur eft aimable. 
C'eft lui qui donne à notre cœur 

Une force immuable. 

C'eft lui qui fait à tout mourir: 
C'eft l'amour qui nous fait ibufFrir ; 
Il fatisfait notre défir 

Par fa douce préfence , 
Satisfaifant notre défir 

Même dans la fouf&ance. 

Mais l'amour pur eft fans détour ; 
Ah ! qui ne connoit pas l'amour , 
Languit dans ce mortel féjour , 

Et n'a jamais de. joie : 
Ah ! qui ne connoit pas l'amour , 

Du chagrin eft la proie. 

Je me réjouis tous les jours, 
Et me ravis dans mes amours ; 
Car rien n'en interrompt le cours 

Dans les âmes fidelles : 
Ces pures & chaftes amours 

Deviennent immortelles. 

Ah ! que le cœur eft malheureux 
Qui ne brûle point dé ces feux ! 
L'amour pur eft délicieux , 
Glorieux fon empire. 
Qui ne brûle point de ces feux , 
Vît comme en un martyre. 



ij) Poésies 

Depuis que j'ai quitté le MOI , 
Ah ! je fuis content comme un Roi: 
A lui j'ai confacrc ma foi , 

Et je vis à mon aife. 
Ah ! je fuis content comme un Roi; 

Rien d'ici ne me pefe. 
Je n'ai ni douleur , ni plaifir : 
L'amour me veut anéantir; 
Le néant eft mon feul défir. 

Qui fe quitte foi-méme, 
Quand l'amour veut l'anéantir , 

C'eft le bonheur fupréme. 

Le pur amour eft tout mon bien , 
Le pur amour eft mon foutien ; 
Je le veux, ou je ne veux rien : 

Lui 'feul fait mes délices. 
Le pur amour eft mon foutien : 

Le refte m'eft fupplices. 



C X L V L 

Sur le même fujet. 

Air ^ Le beau berger Tirjîs. 



h 



|E ne connois plus rien 
Sur la terre & fur Tonde : 

L'amour pur eft tout mon bien ; 

Il eft banni de ce monde : 
La fageffe profonde 
Veut être mon foutien. 

Je ne fuis qu'un enfant, 
Qui fe laifTe conduire ; 
N'ayant que le feul moment , 
L'amour pur daigne m'inftruire : 



Spirituelxes. ï8| 

Je vis fous fon empire ; 

Mon bonheur eft charmant. 
Loin de penfer à moi, 

Je m'abîme en lui-même ; 
Je l'ai choifi pour mon Roi : 
Que c'eft un bonheur fupréme , 

De lui dire qu'on Taime! 

L'amour pur eft ma loi. 

Je ne vois que l'amour , 
Dans toute la Nature ; 
Il a choifi fon féjour 
Dans le cœur d'une ame pure : 
Quelle heureufe aventure i 
i O trop fortuné jour ! . 

Je chante tout le jour 

Son glorieux Empire « 
Le doux charme de l'amour. 
Son délicieux martyre : 

Je n'en faurois rien dire ; 

Et je demeure court. 



C X L V I L 

Béjîr de quitter le moi pour pajjer en Dieu. 

Air : Les folies (TEfpagne. 



V. 



OU S favez , ô mon Dieu, que je vous aime^ 
Vous qui voyez jufqu'au fond de mon cœur : 
Que ma douleur , hélas ! (eroit extrême , 
Si je n'étois pas toute a vous , Seigneur ! 
Je n'aime rien au Ciel ni fuf la terre , 
Si ce n'eft vous , ô mon Souverain Bien : 
Si votre grâce en tout tems m'eft profpére , 
Je fuis heureufe ; & je ne crains plus rien. 



184 P E 6 I E 8 

Si vous voulez bien être mon partage , 
Ou fi vous me faifiez pafler en vous ; 
La Pâques pour moi feroit ce pafTage : 
Q^u'il feroit grand , & qu'il me feroit doux ! 

Ah ! qu'il elkdur de refter en foi-méme , 
Quand on connoit l'horreur de fa prifon. 
Et la Beauté de cet Être Suprême ! 
Q^ui peut des deux faire comparaifon ? 

Quand Saint Paul demandoit la délivrancQ 
De fa prifon , ou de ce corps de mort ; 
C'eft que le MOI lui faifoit réfiftance ; 
Il vouloit en Dieu prendre fon effort. 

Ce n'eft un mal que la vîe préfente : 
Lorfqu'entin on fft quitte de ce MOI, 
Elle n'eft plus ftcheufe ni pefante : 
Donc tout confifte à renoncer à foi. 

On n'appartient à notre divin Maître , 
' Qu'autant qu'on veut fe perdre & fe quitter: 
Puifqu'il eft le principe de tout être. 
Qu'il daigne en lui notre ame tranfporter. 

Sacré tranfport , A four ce de la vie , 
Sans vous on languit , mais on ne vit pas : 
Lorfque du MOI notre ame eft affranchie , 
On vit en Diçu par cet heureux trépas. 

L'homme eft vraiment mort s'il vit en lui-mém 
Il vit paffant hors de foi dans fon Dieu : 
On peut dire alors feulement qu'il aime ; 
Piçu fe plait aufli d'augmenter fon feu^ 




SfIKITVEXIE». 199 

CXLVIII. 
^mour véritable après la perte du mou 

Air : Ami ne pqffbns pas CreteiL 

X U Tas bien voulu , mon Seigneur ) 
Etre le repos de mon cœur ! ' 

Ce cœur t'en glorifie : 
Accordez-lui cette faveur 

Le refte de fa vie. 

Je ne connois plus la douceur ; 
Mais cette paix de tout le cœur , 

Qu'on trouve dans toi - même : 
Tout le refte paroîjt fadeur , 
Lorfque vraiment on aime. 

On trouve dans la pure foi 
La vérité de cette loi , 

La charité fuprême : 
Après qu'on a quitté le MOI , 

L'amour devient extrême. 

Mais un amour ferme & confiant , 
Qui n'eft point dans le fentiment : 

Car ta haute fageffe 
Apprend à ton fidèle amant 

Le rien , la petitefTe. 

Un fond prefque toujours égal , 
Avec l'ignorance du mal , 

Rend notre ame fi pure , 
Qu'elle ne voit rien de fatal 

Pour elle en la Nature. 

La douleur lui paroît un bien ; 
Elle ne défire plus rien : 
Tît volonté la mené , 



tS6 POESIES 

Quoique fans force Se fans foutien ; 
Elle eft fa Souveraine. 

Elle ne lui réfifte plus : 
De rien elle ne fait refus , 

Prenant ce qu'on lui donne : 
Elle n'a plus de fuperflu ; 

Mais elle s'abandonne. 
Elle ne peut manquer de rien : 
Sa pauvreté fait tout fon bien ; 

Son cœur rien ne délire : 
Le Seigneur a brifé fon lien ; 

It vit fous fon Empire. 

Et c'eft ce qui le rend heureux , 
En tous les états & les lieux : 

Car fon obéilfance 
Fait la pureté de fes feux , 

Et fa perfévérance. 

(ÇJu'on ne compte que fur l'Amour ; 
Car on peut déchoir chaque jour : 

Mais fa toute-puiffance 
Nous conduit fans aucun détour; 

Et donne la confiance. 

Par-tout s'il veut bien nous mener , 
; On doit à lui s'abandonner , 
Sans fouci de foi-même : 
S'il veut ôter , ou bien donner ; 
Tout plaît alors qu'on aime. 



^P5T 



SPIRYTUELLSS. 187 

CXLIX. 

Heureufe perte du moL' 

Air : Les Dieux comptent nos jours* 



ïGtu' 



'est devenu ce moi queje haïs, que j'aborrhe! 
Je ne le connois plus : Seroit-il difparu ? 
S'il cft ainfi , c'eft toi qui l'as voulu , 
Grand Çieu que j'aime & que j'adore. 

Mais ainfi qu'un ferpent quelquefois il fe cache ; 
D fe renferme en foi , cent replis tortueux 
Le dérobent fi fouvent à mes yeux : 

Grand Dieu, c'eft toi qui nous l'arrache. 

Je ne fuis plus en moi, je fuis en ce que j'aime: 
Dieu pofféde mon fond , je n'y vois plus que lui: 
D dit en moi : je t'enjendre aujourd'hui : 
Mon fils. O quel amour extrême ! 



C L. 

Heureux oubli de foi. 

Air : Rochers^ vous êtes four ds ^ vous riavez rien 
de tendre. 

J*AI juré mille fois , grand Dieu , d'être fidèle ; 
Cependant je manquois fans cède à mon devoir: 
Je m'appuyois alors fur mon foible pouvoir , 
Sans penfer d'implorer ta faveur paternelle. 

J'ai bien compris depuis quelle eft mon ignorance $ 
Et j'ai trop éprouvé ce que je fuis fans toi ; 



i8S Poésies 

Un rofeau trcs-fragile cft moins foiblc que moi ^ 
J'eus ce qui me manquoit , fondé fur ta puifFance* 

Depuis cet heureux tems m'appuyant fur toî.méme , 
* Tu ne m'as point manqué ; j'ai trouvé par la foi 
Le bonheur fouverain qu'on ne trouve qu'en toi : 
Mon cœur en s'oubliant voit que c'eft toi qu'il aime. 

O biAiheureux oubli , l'on ne te connoit guères ! 
L'homme rempli de foi ne veut pas s'oublier ; 
Il ne veut point aufli fous ton vouloir plier : 
Tout fon foin à préfent eft de fc fatisfaire. 

Ton amour eft banni; nul ne veut le connoitre; 
Trop oppofé qu'il eft à notre propre amour : 
Quand eft-ce , mon Seigneur , que nous verrons ce 

jour , 
Que depuis fi longtems tu daignas nous promettrer 

Seroit-il encor loin ce tems que je dé&re t 
Et ne verrois-je point ton régne fur les cœurs ? 
On ne fauroit foufFrir tes vrais adorateurs : 
C'eft ce qui fait , Seigneur , qu'en fecret je foupîre.' 

Je n'oferois parler ; & contraint de me taire , 
Je contemple en fecret tes divins jugemens. 
Qui laiffent profpérer tant de peuples méchans 
Qui font à tes enfans une cruelle guerre. 

,5 C'eft ce qui les guérit d'une certaine audace, 
„ Qu'on ne trouve que trop dans la dévotion : 
„ Rien n'eft chez les vivans exempt d'ambition; 
5, Ils afpirent toujours à la plus haute grâce ". 

,, De l'humble & doux de cœur tu reqois le fer- 
„ vice : 
„ Je me plais en celui qui refte en fon néant , 
„ Et qui n'afpire point à ce qu'on nomme grand , 
„ Demeurant comme mect dans l'entier facrîfice. 



Spirituelles. 189 

C L I. 
Bonheur de Pâme morte à foi. 
Air: On riaimtplus dans nos forêts. 



G. 



Trând Dieu , qui m'avez foutenu 
Au tems de ma longue mifére , 
Ah l que ferois-je devenu 
Sans votre charité de Père ! 
J'ofe vous bénir tous les jours 
D'un fi mémorable fecours. 

Un néant plein de vanité 
Étoit mon unique partage ; 
Je ne voyois Thumilité 
Que comme un manque de courage ; 
Le mépris me faifoit horreur ; 
La fauffe gloire enfloit mon cœur* 

Mais depuis que votre Bonté 
M'a retiré de Tefclavage , 
3'ai trouvé ma félicité 
Dans mon plus grand défavantage : 
Tout mon bien eft dans le néant ; 
Le refte eft faux & décevant. . 

Je me fuis plu dans le mépris , 
Dans la haine de tous les hommes ; 
Leur eftime eft pour moi fans prix ; 
Et tout , dans le fiecle où nous fommes , 
Ne me paroit qu'iUufion : 
J'en fuis dans la confufion. 

Je tr,ouve en vous feul tout le bien : 
Ce qui rend mon ame contente , 
C'eft de vous voir tout , & moi RIEN ; 
Elle refte à tout pâtiflante ; 



19^ 7 o E s I t i 

Et vous ferez jufqu*à ma mort 
Le feul arbitre de mon fort. 

O Seigneur , à qui j'appartiens , 
Que fa fortune eft bien changée ^ 
Depuis qu'en brifant fes liens 
De tout vous Tavez dégagée ! 
Heureux qui , féparé du MOI , 
Se repofe fur votre foi ! 

C'eft vous , c'eft vous , divin Amour , 
Qui faites en nous ces merveilles ! 
Vous changez la nuit en beau jour 
Par des careffes non-pareilles : 
Ce ne fut jamais la douceur 
Que défire mon pauvre cœur. 

Il ne peut compter pour faveur 
Que votre croix & vos épines , 
Qui donnent une noble ardeur ; 
Et je les vois toutes divines : 
Le refte font amufemens 
Indignes de vos vrais enfans. 

Vous alleï mourir fur la croix ; 
On ne cherche que la moUeffe , 
Quand vous expirez fur ce bois ; 
Quelle eft notre délicateffe ! 
Ah , nous refufons de foufFrir , 
De nous renoncer & mourir ! 

Faites donc , mon célefte Époux , 
Que j'aime avec vous l'amertume : 
Votre* joug me paroît bien doux , 
Quand rien de moi je ne préfume ; 
M'appuyant ainfi qu'un enfant , 
Sur votre bras toujours puiffant. 

Craindrai - je l'enfer & la mort 
Lorfque fur vous je me repofe ? 
Je me moque de leur effort : 
O vous ma fin comme ma caufe , 



s P I H' I T U K C L £ s. lyt 

Vous me gardez dans votre fein. 
Et me conduirez par la main. 

Je n*ai plus rien à défirer ; 
Tout s'efFace de ma mémoire : 
Cependant j'ofe foupirer 
Pour voir en tous lieux votre gloire : 
Rendez tant de peuple^ fournis. 
Triomphant de vos ennemis. 

Le nombre augmente chaque jour 
Des ennemis de votre Empire , 
Qui rejettent le pur amour. 
Et fon délicieux martyre : 
Mais on verra bientôt le tems 
Où vous détruirez ces méchans. 



CL IL 

Abandon dans Pétat de perte. 

Air : BcU< & charmante Brune. 



a 



LÉLAS , oà font les grâces 

Du tems paiTé ! 
Je n'en vois plus de traces : 

Mon cœur glacé , 
Sous Dieu qui le menace ^ 

Eft terraffé. 

Cruelle tyrannie 

D'un Dieu jaloux , 

Par mes maux raffafie 

Tout ton courroux : 

Mon cœur qui te défie , 
Aime tes coups. 

Q^u'un éternel orage 
Loin de tout bord , 



192 Poésies 

Que Tenfer & fa rage 

Règlent mon fort : 

L'amour par le naufrage 
Arrive au port. 



C L 1 1 L 
Fie nouvelle après la mort. 
Air : Bdk & charmante Brune. 

Je ne fens plus de chsdne , 

Ni de langueur : 
Rien d'ici ne me gène ; 

Puifque mon cœur 
£ft délivré de peine 

Et de douleur. 

La mort fut de ma vie 

Le fondement : 
Douce eft la tyrannie 

Qui , de tourment , 
Rend une ame affranchie 

En un moment. 

Je fuis hors de moi-même : 

Heureux féjour ! 
Je trouve ce que j'aime ; 

Et mon amour , 
Quoique le plus extrême , 

Eft fans retour. 



CLl 



s P I ft X T U £ t i B s. - 191 

CL IV. 

oiAes par lefquelles Dieu mené une ame à la 
Vie Apojlolique. 

Air : Mon cher troupeau» 

Vous, dont la Majefté Suprême 
Veut bien s'abaifler jufqu'à nous , 
Qui commandez que l'on vous aime, 
Eft-il un précepte plus doux ! 

Effence pure , indivifible , 
Vous abaiffez votre grandeur ; 
ït par une grâce indicible , 
Vous nous logez dans votre cœur. 

Sans égard à notre mifere, 
Vous voulez à nous vous unir : 
Nous méritons votre colère ; 
Vous récompenfez , fans punir. 

Quand je vois ma bafTefTe étrange , . 
Je n'oferois', à mon Sauveur, 
Chanter Thymne à votre louange , 
Faire des vers à votre honneur. 

Quoique je fois fi peu fidelle , 
Malgré mes infignes forfaits , 
Je fens que votre amour m'appelle 
A publier vos grands bienfaits. 

» Souvent je me trouve animée , 
Par quelque chofe de bien doux , 
A dire que je fus aimée 
Lorfque j'étois bien loin de vous. 

Vous me comblâtes de vos grâces, 
Vous me prites pour votre enfant , 

Tome JI. Cant. N 



•194- Poésies 

Lorfque j'étois toute de glace. 
Que ce fouvenir eft touchant ! 

Vous me prîtes par ma main droite , 
Pour me tirer du fond des eaux : 
D'une main douce autant qu'adroite 
Vous me guérites de mes maux. 

Vous me portiez fur vos épaules , 
O trop admirable Pafteur ; 
Et m'inftruifant par vos paroles , 
Vous fautes bien gagner mon cOeur. 

§ 5 S. 

Après la grâce ainfi reçue , 
Dieu me conduifit au défert ; 
Il me dépouille & me dénué : 
Je ne fais plus fi je le fers. 

Je Taimai bien plus que moi-même ^ 
Malgré l'apparente rigueur 
Que de fa Juftice fuprême 
Il faifoit jaillir fur mon cœur. 

Après une longue foufirance^ 
Il eût de moi quelque pitié ; 
Il me fit goûter fa préfence , 
£t me prit en fon amitié. 

Depuis cette heureufe journée 
Mes travaux font évanouis : 
Il ne m'a point abandonnée ; 
Mon cœur lui fut toujours fournis. 

Alors il me prit en lui-mcme ; 
Je n'éprouvai plus de douceurs ; 
Je compris que l'Être Suprême 
Devoit faire aimer fes rigueurs. 

Je ne fongai plus qu'à lui plaire, 
. Sans me mettre en peine de moi ; 
Et ne voulus d'autre falaire 
Pour mes maux que l'avoir pour Roi. 



s P I » î T U E L t E s. Ï9t 

Je goûtai lors la paix profonde ; 
Je me trouvai fans nuls défirs , 
Comme fi j'étois feule au monde ; 
La douleur faifoit mes plaifirs. 

Je n'eus plus ni plaifir ni peine ; 
Je me repofois dans fon fein : 
Alors fa bonté fouveraine 
Voulue Jbiçn changci: mon defti». 

Je .veux , dit-il , que pour tes frères 
Tu ferves d'otage en ce jour , 
Sans efpéreï d'autre falaire 
Q,ue leur m^ixer mon anjpur^ 

Je reftai toute abandonnée : 
Je dis : Vous le vouk^. Seigneur; 
Comme viftime fortunée, 
Ppux eux j'inunplc to^t mm cçeur. 

C'eft là la fin de toute chofe , 
Que s'immoler pour le prochain : 
Le pur amour en eft k caufe ; 
Et je me llyre eo yojtfie #nfw#. 

Je penfois que votre ^ftice , 
Ke m'immoleroit que .pou<r moi : 
Veut-elle un aut4:e facri£ce 
De mon amaur &.de jna )foi1 

Elle veut donc que je m'immole , . 
Non plus pour moi ; mais pour autrui : 
Je l'accepte & je me confole ; 
L'amour deviendra mon .appu(i. 

Sans l'amour que pourrai-je faire ! 
Je ne fuis qu'un foible néant : 
11 faut fouffrir; il faut me taire. 
Et m«î Wffer rppmme un e^if^nt. 



N * 



«9^ P O E « I « s 

C L V. 

V Amour toutfeuU 

Air : Dont ces lieu» tout rit/ans cejfe. 

JLj'amour me tient afTenrie , 
L'amour eft mon feul foutien ; 
Il eft mon centre & ma vie : 
L'amour m'eft tout; |& je ne fuis plus rien. 

Heureux amour y tu me charmes , 
L'amour enchante mon cœur; 
Une caufe plus d'alarmes, 
On adore & refpeéte fa rigupur. 

Ah 1 qui s'en plaint , n'aime guère ; 

Qui le trouve rigoureux , 

N'a qu'un cœur de mercenaire : 
Quoiqu'il fe dife un parfait amoureux ! 

L'amour nous caufe des peines; 

C'eft pour fe faire imiter : 

L'on n'a que paroles vaines 
Lorfque l'on travaille à les éviter, 

La croix e^ douce à qui t'aime , 

Préférable à la douceur ; 

Dans la peine plus extrême 
On compte pour rien la vive douleur. 

C'eft la plus -jtifte mefure , 
Qui s'aime n'aime pas Dieu ; 
Qui gémit, & qui murmure. 
S'aime un peu trop pour brûler de fbn ftu* 

On l'aime autant qu'on s'oublie ; 
Et fe regarder toujours 
Eft une étrange manie : 
Le cœur eft trop petit pour deux amours. 



s P I R I T U % I t È s. f97 

Il faut que Tun chafTe l'autre ; 
Quitte-toi pour être à Dieu , 
C'eft ce que nous dit TApôtre ; 
Deux ne fauroient loger en même lieu. 



C L V I. 

SoumiJJton entière [à la volonté de Dieu. 

Air ; Vamour , lefeuî amour cji caufe. 



Me 



LoN Dieu , tu m*as rendu la vie , 
Quand j'étois prête d'expirer. 
on amour n'ofoit même défirer , 
Etant à tes loix aflervie : 
Quoique la mort charmât mes fens , 

Les déilrs plus innocens 
Étoient lors bannis de mon ame; 
Tout reftoit chez moi dans le calme. 

Que veut-tu t Mon obéiffance 
Ne s'écarte pas un moment, 
nt dans le bonheur foît dans le tourment ; 
J'éprouve la même confiance. 
Si je la tiens de ta bonté , 
Quelle horrible vanité. 
De m'attribuer quelque chofe? ^ 

Sur ton vouloir mon cœur repofe. 

Il ne me vient pas en penfée. 
Que je puiffe faire aucun bien : 
\ refte toute fimple dans mon rien ; 
De tout je fuis débarralTée. 
O toi , qui reçois mes foupirs , 
Et qui connois mes défirs : 
Grand Dieu que j'aime & que j'adore^ 
Tu fiujs bien pourquoi je t'implore ! 

N \ 



f 99 F E s I B f 

Que nt régnbs-tu fur nos andes ^ 
Détruifant cet tifurpateur 
Qui cherche à te dérober notre daSUr ! 
Fais-le rentrer dedans les flamnies : 
Sers-toi de tes attraits puifTans , 

De ces regards fi charmans ; 
Pour ranger à l'obéifTânce 
Ceux qui te faifoient réfiftance. 



C L V I I. 

Airmr Dieu pour Dieu même. 

Air : je ne veux de Tirjîs. 

X^osséDE & garde, à Ûieu, toujours ce pauvre cœur; 
II eft à toi feul^ fans partage : 
Conferve le donc , moh Seigneur , 
Ainfi que ton propre héritage. 

Ne me le rend jamais , s'il échape un moment ; 
Ah ! punis fon ingratitude : 
N'épargne pas le châtiment; 
Il en mérite un bien plus rude. 

O mon célefte amour, celui qui te connoit , 
Ne peut aim^r aucune chofe : 
Si tu mets le Ciel à mon choix , 
Je veiix que toi feul en difpofes. 

Je ne veux rien J)our moi , je ne, (àurois chôifir ; 
Ton feul vouloir fait ma richeffe; 
Ordonne félon ton défir ; 
Conduit tout félon ta S&gefS>. 

Tu ne peux rien vouloir qui ne fôît glorieux 
A ta Divinité S^ï^rêmie : 
lé n'oféroi« tourner les yeux 
Par ^tt-fcM regard fur Aïoî-làéme. 



s P I 9 I 7 u £ t X. E s. }/^9^ 

a gloire eft ino^i bonheur ; elle eft mon feul plaifir : 
Tout le refte ne touche guère 
Cçjui qui n'a plus dç 4çfir 
Que pour t'aîmer & te complaire. 

)ui penfe à fon bonheur , eft indigne de toi j 
Le tipn feul fait fa çomplaifance : 
Le pur amour , la fimple foi 
Nous apprenent cette fcience. 

îlui qui n'aime pas , .penfe à fe rendre heureux ; 
C'eft ce qui le rend miférable: 
Celui qui brûle de tes feux , 
Par un retour fe croit coupable. 

foxiverain Amour , fupréme Vérité , 

Lorfque nous brûlons de ta flamme , ' 

On voit que la feple^ijité 

Eft , de perdre pour toi fon ame ! 

je la perds en toi, tu la mets à couvert. 
Et la conferves toute pure : 
Si je la garde , je la perds ; 
Et je la livre à l'impofture. 

>tre aveuglement vient de notre propre amour ; 
L'homme ne veut que pour foi-mème : 
Lorfqu'on aime Dieu fans détour 
On veut pour lui le bien fupréme. 

is nous embaraffer ce qu'il fera de nous, 
On fe livre à lui ; mais fans feinte : 
Son joug eft libre autant que doux ; 
Dieu n'ufe jamais de contrainte. 

; charmes fiy^puiffans enlèvent notre cceur, 
Lorfqu^n veut bien le laifler faire : 
Mais l'amour propre fédudteur 
Fait qu'on lui veut être contraire. 

! laifTons-nous charmer par fes attraits puiffans ! 
Que craignons-nous , ô foibles am.es ! 
Devenons comme des enfans , - 
Nous fentirons Tes douces flammes. 



X06 F B 8 I E 9 

Vicn , vîcn me confumer , 6 Souverain Auteur , 
D'une flamme chafte & pudique ; 
Vien , vien & confume mon cœtir : 
C'eft le don le plus magnifique. 

Eftime qui voudra l'éclatante faveur ; 

La deftrudtion eft mon partage : 
Je méprife toute douceur; 
Ce n'eft pas là notre avantage. 

Tomber dans le néant, je l'appelle un grand bî< 
On ne vole point là ta gloire; 
Car le rien ne dérobe rien , 
Puifqu'il te laifle la vidtoire. 



C L V 1 1 1. 

Repos dans lefeul Amour^Bieu. 

Air : Songes agréables. 

XAMOUR feul fidèle. 
Je fuis toute à toi ; 
Ma douleur cruelle 
Redouble ma foi : 

C'eft en ton fein 
Qu'heureux eft mon deftin. 

Je languis, je t'aime, 
Je n'ai plus de cœur; 
Bonté Suprême, 
Rends-moi ma largeur: 
C'eft en ton fein 
Qu'heureux eft mon deftin» 

En toutQ autre placQ 
On eft malheureux 
L'amour me retrace 
Nos aimables feux \ 



Spieitvelies; Mi 

C'eft en ton feîn 
Qu'heureux eft mon de&ÛL 
Toute la nature 
Me fert de tourment ; 
Je n'ai de pâture ^ 

Qu'en ton Sacrement : 
C'eft en ton fein 
Qu'heureux eft mon deftin. 
O fource de vie , 
Je ne vis qu'en toi ! 
Je fuis affranchie , 
Je n'ai plus de loi : 

C'eft dans l'Amour 
Que je fais mon féjour. 

Divine lumière. 
Que vous m'éclairez ! 
O fource première , 
Vous défaltérez ! 

que mon cœur 
Goûte votre douceur ! 

Sans rien autre chofc 
On a tout le bien ; 
Le cœur fe repofe , 
Et ne vent plus rien : 
O que mon cœur 
Goûte votre douceur ! 
Amour feul fidèle , 
J'aime ta rigueur ; 
Ta loi n'eft cruelle 
Qu'au trop lâche cœur : 
Amour , le mien 
De fon mal fait fon bien. 

Quelquefois je pleure , 
( Tu fais bien pourquoi , ) 
Le cœur qui demeure 
Autour de fon moi : • 



P a 1 t I 1 s 



O 



CLIX. 
FerUm Duu. 




X"ii Ms Te 

le ans p=ris csa^ae joor. 

r^ Tvcs ixsk kmkkJeSt ^ 
O £>j:x ^ aoa coear i 

Oie çii Bfcx; bool^iir. 
A^ I axtfa Asioor « 
Jf 3ze péris cZuqae joar ! 

O cse nai vicie 
Jjk d'us àciiesx poids ! 
Seizsecr debomuîic y 
£coateT ma Tqix. 

Ah ! moa Amour y 
Je me perds chaque jour. 

Mais poorquoî me platndie p 
Car Tocre Tomoir 
M'empèche de ctaindre 
Moa pea de pouFotr ? 
Ah ! tOQt mon bien 
Eft de n'être pins rien ! 

Aimable mifike , 
it ne Tons «nias pins : 



s p I « f 4 û 1 1 1 s s. âoî 

Ce bas cara<ftere 
Qui fait les rebuts 

De tous les grands , 
Fait mes contentemens. 

Je fuis appauvrie , 
Jufques dans l'excès : 
Je n'ai plus de vie , * 

Je n'ai plus de paix : 
Tout cft perdu 
Dans Tamour inconnu. 

Comme un ver fur terre , 
Rampant chaque jour , 
Foible comme un verre , 
Je perds mon amour : 
Tout eft perdu 
(a) Dans mon Dieu par Jéfiis. 

Sauveur de mon ame , 
Vous avez mon bien \ 
Je n'ai plus de flamme , 
De choix , de foutien : 
Tout eft petdu 
Dans mon Dieu par Jéfus. 

Souvent jufqu'aux nues ^ 

On veut m'élever ; 
Ma route eft perdue : 
On vient m'abîmer 
jjufqu'aux enfers : 
Fuis on brife mes fers. 

C'eft un paradoxe : 
Mon état douteux , 
En m'iôAnt la force , 
Me rend plus heureux. 
Car mon bonheur 
Eft en Dieu mon Sauveur. 

Ca) Autrement , dans Taitoouf inconnu. 



#o4 ¥ £ s r E st 

Si je me regarde , 
Je me fais horreur ; 
Et fi je me g^irde , 
Je tombe en erreur : 
Ah ! fans Jéfus 
Mes foins font fuperflus. 



C L X. 

Se perdre en Dieu. Amour du prochain. 

Air : On ru vit plus dans nos forêts-. 



Hi 



Lélas ! que c^eft trop peu d'un cœur 
Pour un objet tout adorable ! 
Ne pouvant remplir mon ardeur , 
C'eft bien fouvent ce qui m'accable : 
Ne viendrez-yous point quelque jour 
Afin de combler mon amour ? 

35 Tu te trompes Wenjourdement , 
yy Si tu crois poITéder. Tlmmenfe ; 
5> C'eft un étrange aveuglement : • 
9> Apprends une augufte fcience : 
3> L'Infini , le Compréhenfeur 
35 Ne peut fe borner à ton cœur "• 

Dites-moi donc , mon cher jfepoux , 
Hélas ! que faut-il que je faffe ! 
Faut-il que je me perde en vous ? 
Vous pouvez m'en faire la grâce. 
Alors mon amour & mon cc*ur 
S'étendront félon mon ardeur. 

Ah ! je comprends bien à préfent , 
Souverain Auteur de mon être , 
Qu'il faudroit devenir enfant ; 
Ou plutôt je dois difparoitre : 



Spi&itublies. ^5 

Mon amour fera trop petit , 
Si je ne fuis anéantie 

Souverain Donneur de tout bien , 
Donnez vos faveurs à mes frères : 
J^ vous veux , ou je ne veux rien ; 
Mes amours font-ils mercenaires ? 
Je ne le crois pas , mon Seigneur : 
Mois vous feul connoifTez mon cœur. 

Je vous invoque nuit & jour ; 
J'implore pour eux votre grâce : 
Eft-ce le fruit du pur amour , 
Ou bien l'effet de mon audace ? 
Vous le favéz , ô mon Seigneur ! 
Vous qui voyez le fond du cœur. 

Autrefois je priois pour moi ; ' 
Je ne puis phis m'en mettre en peine : 
Je me repofe fur la foi : 
Et la Juftice fouveraine 
Me paroît douce & fans rigueur ; 
J'y trouve la paix de mon cœur. 

Dévoué pour vos faints décrets ^ 
Je les adore fans feintife ; 
Je me foumets à vos arrêts : 
Jamais mon amour ne déguife : 
Je fouffre ; & cependant mon cœur 
N'accufe point votre rigueur. 

S'il venoit à penfer à foi , 
Je le dédis à l'heure même ; 
Il s'éloigneroit de la foi , 
Digne d'un châtiment extrême , ^ 

Je le livre dès ce moment, 
Seigneur , au plus àf&eux tourment. 

Je pourrois craindre quelquefois , 
Que la Juftice vengereffe 
N'aye fait un rigoureux choix : 
Cependant elle c& ma maitreffe ; 



Ito^ Poésies 

Et je dois toujours la bénir ^ 
Quand elle dcvroit me punir. 



C L X L • 

Je ne vis plus; mais Jéfus ^^it en moi 
Gai. î?. V. 20. 

A)R ; Songes agréables. 



Ah! 



que je vous aime , 

Mon célefte Époux ! 
Je me perds moi-même ^ 
£t ne vois que vous : 
Ah ! mon Jéfus , 
Je vous veux , & rien plus. 

Je ne Cinrois vivre ^ 
Si ce n'eft de foi ; 
Je ne faurois fuivre 
Qu'une unique loi : 

Ah ! mon Jéfus , 
Je vous veux , & rien plus. 

L'amour me domine , 
Je n'ai plus de cœur : 
Puiflance divine , 
Aimable vainqueur , 

Je ne vis plus , 
Si ce n'eft en Jéfus. 

Si lui feul n'opère , 
Je fuis fans raifon ; 
Sans cefle j'adhère 
A fa motion: 

Je ne vis plus , 
Si ce n'eft en Jéfus. 



s p I R I T u ï t L E s. ao7 

O loi foiiveraine , 
Qu'on te connoit peuJ 
O trop douce chaîne ^ 
Admirable feu , 

Brûle nos cœurs 
Des céleftes ardeurs ! 

Je ne puis rien dire ^ 
L'amour me ravit : 
O charmant martyre 
Que l'amour guérit ! 
O feu facré ! 
Brûle - nous à ton gré. 
Le cœur qui téfifte , 
£ft un lâche cœur , 
Son feû ne fubfifte 
Que dans la vapeur : 
O feu &cté l 
Brûle-nous à ton gré^ 



G L X 1 1. 

Dieu fetd. 

Air : Le beau berger Tirjis. 



h 



JE l'ai dit tant de fois ; 
Je fuis une ignorante : 
Sans plus écouter ma voix , 
Cherchez la fburce vivante \ 
Quittez cette fervante 
Pour faire un meilleur choix. 

Aimez Dieu purement ; 
Il eft feul votre Père : 
Suivez le renoncement , 
Le néant eft falutalre : 



ûùt PoKSIEt 

Laiiïez là cette mère , 
C'eft un foible inftrument. 

Dieu seul fuffit à tout , 

Il fuffit à foi-méme ; 
Son fentier n'a d'autre bout 
Que l'amour le plus extrême : 

Entrez dans ce doux terme » 

Vous en viendrez à bout. 

C'eft purement pour vous , 
Grand Dieu , que je foupire : . 

Daignez être mon Epoux , 

Et du plus cruel martyre 
Je ne ferai que rire ; 
Je bénirai vos coups. 

Je ne veux d'autre bien , 

Que vous être affervie ; 
Je ne veux d'autre foutien , 
Que de n'avoir plus de vie , 

Que d'être anéantie , 

Et n'être propre à rien. 4 

Recherche qui voudra 

Une plus grande chofe ; 
S'il aime , il me comprendra : 
Dieu seul eft l'unique caufe. 

Belle métamorphofe , 

Trop heureux Ça) Libéra ! 

Pour eux , mon cher Époux , 

Je m'offre en facrifice ; 
Je me livre tout à vous ; 
Ordonnez de mon Cupplice : 

J'aime votre Juftice , 

Je refpeéte fes coups. 

( a ) Libéra , &c. (btit les dernières prières qu*on 
chance aux enterrement dans l'Eglife Catholique. Cela 
lignifie more. 

Attribut 



^ F I X t T U £ L t K s, 30f 

Attribut pour mon Dieu , . . . ^ 

Je te vois préférable 
A ceux qui lui donnent lieu ' * ; , 
De pardonner^ au coupable; 

Ton bras eft équitable 

Quand il nous livre au feu. 
^entends ce feu divin, 

Q^ui dans l'homme difforme 
Ne laifle plus rien d'humain , 
L'épure de toute forme , 

Le paitrit , le transforme , 

Le refeit de fa main. 

Ah ! fi nous voulions bien, 

Que fon feu nous détruife , 
Qu'il nous 6te toyt foutien , 
Et qu'en poudre il nous réduifc! 

la belle devife, 

Mon Dieu tout & moi rien ! . 

Nos armes font la croix , 

Leur Couronne cPt Juftice ; 
Nos fupôts , vivre fans choix , 
Simples , fans nul artifice ; 

Pour champ , le facrifice ; 

Sur-tout , le Roi des Rois. 
La charité fera, 

L'excellente livrée 
Que notre cœur porter^: 
D'enfance l'ame parée ; 

Sera bien préparée 

Four chanter Libéra. 




Tome U. Cant. 




TROISIEME PARTIE. 

Scntimcns & tranfports d'une amc perdue en 
Dieu , & appellée par lui à aider le pro- 
chain. 



CLXIII. 
Bien veut notre cœur tout entier. 
Air: Vous brillez Jiuk en cei retraites. 



D. 



Depuis le tems que je vous aime. 
Divin Amant, qui m'aveïs fqu chaririêr, 

Tout cheiz moi ne tend qu'à vous-même: 
Trop heureux de favoir aimer ! 

Malheur au ccèut qui fe partage , 
Et veut aimer quelque chofc avec vous ! 
Il ne peut avoir l'avantage 
De gotl^ter un bonheur fi doux. 

Sitôt qu'il partage foname, 
Combattu , déchiré par fes remords , 
Il n'éprouve point Ce dou^ calme 
Qui vaut plus que tous les tréfbrs. 

Lorfque notre ame eft inquiète. 
Cela vient du défaut de fon amour : 
L'ame eft confiante & fatisfaite 
Quand fon cœur aimç fans retour. 

La tranquillité de notre ame 
Eft l'effet de l'amour pur & divin : 

C'eft lui qui conduit notre flamme 
Sans détour vers Dieu notre fin. 



Spirituelles. tii 

Le cœur doit tendre à Dieu fans celTe ; 
Et c'eft ce qui doit faire fon bonheur : 
Hors lui ce n'eft rien que trifteffe ; 
Malheureux qui reprend fon cœur ! 

O Dieu , vous aimer & le monde , 
C'eft partager fon cœur & fon défir ! 
- Tu vas perdre la paix profonde ; 
C'en eft trop , il fout mieux choifir. 

Si tu choifis la créature, 
Elle entraînera ton cœur au plaifir ; 
Tu n'aimeras Dieu qu'en peinture , 
C'en eft fait, je te vois périr. 

Depuis longtems on la préfère , 
On quitte le tout, pour avoir' le RIEN ; 
L^homme plojngé dans la mifere. 
Malheureux, fe croît être bien. 
Objet de là plus pure flamme ^ 
Divin Amant fi longtems négligé, 
Je vous abandonne fon ame; 
C'en eft fait , fon cœur eft changé. 

Ah ! que je voudrois pouvoir dire , 
Divin Époux fi longtems outragé , 
Tout fe range fur votre empire , 
C'en eft fait, leur cœur eft changé! 



CL XIV. 

Bonheur d'aimer Dieu avec foi ^ obéijjance. 

Air ; Ne m'cntendez-vôus pas* 



6l. 



^u'oN eft heureux d'aimer 
Ce Dieu qui nous enflamme! 
Lorfqu'il daigne notre ame 



%l% . • P O £ s I E 8 

En lui-même abimer, 
Qu'on eft heureux d'aimer ! 

. Qui s'abandonne à vous 
Et vous fert pour vous-même^ 
Trouve un plaiiir extrême 
Dans les plus rudes coups : 
Qui s'abandonne à vous ! 

Malheureux eft le cœur , 
Grand Dieu , qui vous réfifte ! 
Sa vertu ne lubfifte 
Qu'en l'elprit fédudeur. 
'Malheureux eft ce cœur! 

Il n'a jamais de paix. 
Quoiqu'il s'en imagine : 
Et la grâce divine 
N'éteint pas fes fouhaits : 
Il n'a jamais de paix. . 

Le cœur tout plein de vous , 
Humble, fimple & tranquille. 
Ne cherche point d'afile 
Pour éviter vos coups : 
Le cœur tout plein de vous ! 

11 aime purement. 
Sans penfer à foi-même ; 
Trouvant dans ce qu'il aime 
Son feul contentement , 
U aime purement. 

C'eft en efprit de foi 
Qu'il marche en affurance : . 
Sa prompte obéiffahce 
Aux vouloirs de fon Roi, 
Eft l'efprit de la foi. 

Renoncer fa raifon^ 
Suivre votre lumière, 
Eft la grâce première , 



Spirituelles. tii 

O Seigneur de Sion , 
Renoncer fa raifon ! 



C LX V. 

Fivre pour aimer. 
Air : Les Dieu» comptent nos jours. 

IJOUFFRONS , puifqu'il le faut , fouffrons toute la vie ; 
Je ne défire point de voir changer mon fort. 

J'attends en paix le moment de ma mort : 
T'aimer, ô Dieu ! c'eft mon envie. 

Ton vouloir fait mon bien , il eft tout ce que j'aime ; 
Je te laiiTe fans moi difpofer de mes jours : 

Dans tous mes maux je ne veux de fecours 
S'il h'eft de ton vouloir fupréme. 

Mon Dieu compte nos jours , nous devons bien l'en 
croire ; 
Epargnons-nous le foin d'un calcul fuperflu : 

Ils font comptés , ne les comptons donc plus 
Ces jours confacrés à fa gloire. 

Paflbns les à l'aimer , c'eft notre unique afiaire : 
Mais il veut un amour pur & fimple & confiant. 

Heureux les jours que l'on paiTe en aimant ! 
Seigneur , on les paiTe à vous plaire. 



4l^-^!5^ 



I Ov 



%2^ P O K S I S S 



C L X V I. 



Tatê fm^^mez mam/oÊom/e à tEttfant^Du 
nfijt riem. 

lix r Tjr/fs-soBr ma miifiitc, 

^SLc K f idorr & que j*aime 
Ce DsoK ^ &it ks Rois , 
Qk es WL^ m pbifir extrême 
De fes Tw: looaiîs à fes loix! 

Qbc fesrsnndew fiiccombe 
DedSm fin bns pniflànt ! 
Qne Ëmr tèaiétsÊse orsveîl tombe 
SiMB Li Szc&Seâie f'm En&nt ! 

QkH ne Kie dn Ibodre 
Qfâ I« ait redouter 
Qd^^Eia trrSe & mu amas de poudre ! 
Ua GQcble Enâ&t les Ta dompter. 
Enfuit qoe je leTeie , 
Et qci hâs moo pbdfir. 
Ne &rai.je pas téméraire 
Vo&r former uxi tel defir? 

Je n*aime que ta gloire , 
Settle elle m*a charmé; 
Fais perdre jufqu^à la mémoire 
De ceux qui ne t*ont pas aimé ! 



s P I R:I T U E L L £ s. aXÇ 

C L X V 1 1. 
Pauvreté enfantine & Chrétienne. 
Air: Dam ces Ueux tout rit fans cfjje. 

Je ne veux rien qui me gène ; 
Moa enfance eft tout mon bien; 
Je fuis libre d^ins ma chaîne , 
Pofledant tout en ne pofledant rien. 

Q^uc Tame pauvre eft contente ! 
Elle ne manquç de rien : 
. Dieu feul étant font attente. 
Plus on lui ôte & plus elle a de bien. 

Le pauvre a ce qu'il fouhaitte; 
Il eft content comme un roi: 
Et plus grande eft fa difette 
Plus il fe-nourrit d'amour & de foi. 

Tel fe voit qui fe tourmenté 
Afin d'être riche & grand; 
Plus il a , fa foif augmente : 
Il n'en eft pas de même d*un enfant. 

D'autres font infatiables 
De ce qu'il nomment honneur ; 
• Et d'autres plus équitables , 
Ne veulent rien , difent-ils , que le cœur. 

Je ne veux rien de perfonne , 
Je n'eftime pas l'honneur : 
La pauvreté m'environne , 
Je ne faurois difpofer de mon cœur. 

Il appartient à un autre , 
C'eft à mon célefte Époux : 
Aufli pauvre qu'un Apôtre 
Je ne connois ni l'amer ni le doux. 

4 



ii6 Poésies 

Je n'ai nul brin de fagefle , 
Ni ne veux pas en avoir : 
L'enfance & la petiteffe 
£ft le feul bien qui foit en mon pouvoir. 

Tous les jours me font des fêtes , 
Ce font autant de Sabbats : 
Je ne fais jamais de quêtes , 
Me repo&nt beaucoup fans être las. 

Je fais toujours bonne chère, 
Quand je n'anrois que du pain : 
Le pauvre à l'eau de rivière 
Y trouve un goût ainfi qu'au meilleur vin. 

Il fait bien comme on fe paffe ; 
S'il trouve , il fe nourrit bien : 
Si l'on veut remplir fa taffe , 
Il ne dit pas, je n'ai befoin de rien. 



C L X V I I L 

Vœux pour t Amour déjîntérejje. 

Air : Les folies (TEfpagne. 

/\mour , Amour , fi mon cœur s'întéreffe , 
C'efl pour ta gloire ; elle fait mon plaifir. 
Que je me hais ! toi feul as ma tendreffe ; 
Hors toi je ne forme pas un défir. 

Régne , Seigneur , & que le moi périffe , 
Régne dans moi , dans tous , en tous les lieux ! 
Eft-il , quelque rigoureux exercice 
Qui pour l'Amour ne foit délicieux ? 

Eft-il quelqu'un qui recherche ta gloire ? 
Tous font efclaves du propre intérêt : 
Sur tous les cœurs remporte la vidloire , 
Ou puni - les félon ton faint décret. 



Spirituelles. 217 

Reçois , Seigneur , reqois le double hommage 
e l'humble mère , & de tous fes enfans ,- 
eqois-les tous ; ils font ton héritage ; 
e tous leurs cœurs je te fais des préfens. 

Je ne prends plus d'intérêt à moi-même , 
; fais des^vœux pour te voir honorer : 
onne des cœurs nouveaux afin qu'on t'aime , 
ms t'aimer on ne fauroit t'adorer. 

De tous les cœurs banni l'hypocrifie , 
l^u'on t'adore en efprit , en vérité : 
a pieté n'eft plus que momerie 
es qu'on bannit la pure charité. 



CL XIX. 

Perte du moi. Dieufeul. 

llR : On ri aime plus dans nos forêts i ou, Dirai-jc 
mon Confiteon 

IjI vous voulez , mes chers enfans , 
Que jamais rien ne nous fépare , 
Livrez vos âmes & vos fens , 
Afin que mon Dieu s'en empare , 
Que de vous il ne refte rien , 
Qu'en vous foit le Souverain Bien. 

Il ne peut loger avec vous ; 
Il faut que votre MOI périfTe , 
Et que Dieu foit- tout en nous tous : 
N'ayez que ce feul exercice , 
De vous foumettre à fon vouloir, 
Qu'il exerce en vous fon pouvoir. 

Il faut , vous oubliant toujours , 
Ne fonger jamais qu'à lui plaire : 
C'eft là le but de nos amours , 



9I8 F E 8 I B t 

r Et c'eft Tonique néceflairc : 
Tout le rcfte n'eft point pour nou5 , 
Et ne peut plaire à notre Epoux. 

N'ayez d'efprit , 4e volonté , 
De raifon , que pour les foumettre : 
Ne voyez qu'en lui la bonté , 
Il faut de tout bien vous démettre , 
Afin que Dieu foit le feul bien ; 
Il faut rcfter en votre rien. 

Mais hélas ! pour vouloir toujours , 
Nous perdons cette amour parfaite ; 
Sur la vertu mille retours 
Empêchent Tentiere défaite 
De ce qu'on appelle le moi , 
Et le domaine de mon Roi. 

C'eft toi , divine charité , 
Qui dois tout opérer en l'homme ; 
C'eft toi, charmante vérité , 
Qui nous détruifant nous confomme 
En ce Dieu notre unique amour , 
Sans milieu , fans aucun détour. 

Mais hélas ! mon expreffion 
Ne leur fera jamais comprendre , 
Que Dieu n'eft la poffeflîon 
Que du cœur qu'il réduit en cendre , 
Que pour être dans l'unité 
Il ne faut plus de qualité. 



CL XX. 

Ne regarder que Dieu^ ^ non foi ^ même 
Air: Les folks d! Ef pagne. 



GL, 



JE nous avons befoin de patience , 
Non pour autrui , mais pour nous fupporter ! 



Spirituelles. :ii9 

Que c'eft une merveîlleufe fcicnce 

De favoir de Dieu feul nous contenter ! 

Ne retournons jamais delTus nous-mêmes » 
S'il vient des retours il faut les fouffrir : 
Le feul objet qu'on adore , & qu'on aime , 
Doit occuper le cœur , le fouvehir. 

Pour notre bien Dieu fe cache à notre ame , 
n laifle les fens comme vagabonds : 
Mais en fecret , il allume la flamme 
Dont pour jamais il veut que nous brûlions. 

Je vous connois par une expérience 
Que Dieu feul peut verfer en notre cœur , 
Une fdcrette & fimple intelligence , 
gui ne peut être fujette à Terreur. 

Confiez-vous à la Bonté Suprême , 
Sans vous inquiéter de votre état : 
Vouloir encor fe gouverner foi-même , 
Sur l'abandon c'eft faire un attentat. 

Souvent l'efprit diftrait le cœur tranquille , 
Marque que rÉfprit Saint eft au-dedans ; 
La fécherefle eft fouvent fort utile ; 
JMLais l'amour-propre eft-il jamais content? 

Il veut fentir & voir ce qui s'opère , 
Afin de prendre fa part au butin : 
Mais Dieu qui veut nous traiter en bon Pcre y 
Dérobe tout à cet œil fi malin. 

Confolons-nous fi nous île voyons goutte , 
Si nous ne difcernons point notre amour : 
Moins on connoît , plus en fecret on goûte ; 
Tout dépend de marcher fans nul détour. 

Mes chers enfans , lorfque je dis que j'aime , 
Ce n'eft point moi , ni par mon propre amour : 
Dieu dans mon cœur vous accepte lui-même , 
Je ne fais qu'adhérer fans nul retour. 



220 Poésies 

Depuis longtems toute amour efl: bannie ^ 
Je ne fuis plus maitreffe de mon cœur : 
Dieu tient mon cœur, & mon ame rayie ; 
Il en eft le principe & le moteur. 

Si je fuis fimple , & qu'on s'en fcandalife , 
Laiffez-moi là , regardez le Très-haut : 
J'a^s avecque une extrême franchife , 
Je ne fuis pas exempte de défaut. 

Dieu feul eft faint, fage , jufte , immuable ; 
Je n'ai que les foibleffes d'un enfant : 
Mes foibleffes me font très-agréables ; 
Elles réhauffent ce Dieu tout-puiffant. 

Oui , fa grandeur éclate en n^i baffeffe , 
Sa vérité paroit en mon néant ; 
JVIon enfance réhauffe fa fageffe , 
Mes défauts font voir qu'il eft faint & grand. 



C L X X I. 
L'Amour pur^ dégagé &fecret. 
Air ; On n'aime plus dans nos forêts. 

X U fais , Seigneur , la vérité , 
Si j'ofe dire que je t'aime : 
Car la divine charité , 
Me tranfportant hors de moi-même , 
M'a fi bien transformée en toi , 
Que je n'ai d'amour ni de moi. 

S'il eft en mon cœur un amour , 
C'eft le feul amour dont Dieu s'aime : 
Je n'ai plus d'être ni de jour, 
Tout eft dans fon Etre Suprême : 
Son tout eft lumière & ardeur , 
Et fon feul vouloir eft mon cœur. 



Spirituelles. ait 

Qui n'a plus ni cœur ni vouloir , 
N'a plus en foi de propre flamme : 
Car Dieu , par fon divin pouvoir , 
Ayant en foi transformé Tame , 
S'aime en elle d'une faqon 
Qui furpafle toute leqon. 

Il l'enfeigne dans le fecret. 
Sans lui laifTer de connoiflance ; 
Il eft éloquent & difcret : 
Cette favoureufe fcience 
Ne s'apprend que dans l'unité , • 

Par la divine charité. 

Savoir tout & ne favoîr rien , 
Efl; donc mon unique partage : 
Adhérant au Souverain Qien , 
Toute peine m'eft avantage : 
Si mon corps a quelque douleur , 
Elle n'entre pas dans mon cœur. 

Ce cœur demeure indifférent , 
Abimé dans l'Etre Suprême ; 
Il n'a ni orainte , ni tourment : 
Tout fe perd en celui qui s'aime 
Chez moi avec tant de fecret , 
Que j'ignore ce qu'il y fait. 



CLXXII. 

L^ Amour imperceptible & perdu en Dieu. 

Air • Songes agréables. 



6L, 



JE la flamme efl: pure , 
Qui s'élance en Dieu , 
Sans qu'à la nature 
Elle donne lieu ! 



\ 



S24 Poésies 

Je m'en irai cacher bien loin , 
Je m'enfoncerai dans un coin 
Avec mon petit Maître ; 
Et lui feul fera le témoin 

Du mal que Ton m'apprête. 

Je fuis un pauvre & fimple enfant , 
Qui n'a que deux mois plus que Tan , 

Et déjà l'on me Bche : 
Mon petit Maître , allons-nous en , 

Nous ferons notre tâche. 

Je fouffrirai dans le fecret , 
Et mon cœur fera fatisfait 

De payer pour leur ame : 
Nul ne faura notre fecret , 

Nous ferons dans le calme. 
Car la paix git dans la douleur : 
Si je demande que leur cceur 

Soit exempt de foufFrance , ' 
Je veux toujours en leur faveur 
Faire une. pénitence. 

Nous ferons fi petits tous deux , 
Nous ferons fans fin amoureux , 

Nous foufFrirons fans ceffe ; 
Rien ne bleffera plus les yeux 

De la fauffe fageffe. 



C L X X I V. 

Se réfoudre à vivre. 

Air : On ne vit plus dans nos forêts. 



Ah, 



que je vole dans ton fein , 
Que je me repofe en toi-même , 

' 5ei 



s p I ft I T V s 1 1 £ s»; Wif 

Seigneur autant jufte que faint i 
Et que ta volonté fupréme 
Me délivre de ce féjôur 
Far un effet de ton amour ! 

Je n'ofe demander la mort^ 
Car tu te mettrois en colère ; 
Je porte la vie fans effort, 
N'ofant , de peur de te déplaire » 
Afpirer à l'heureux trépas 
Qui me mettroit entre tes bras. 

Mon corps n'eft plus qu'une prifoa, 
Qui tient mon ame prifonniere , 
Tu peux, ô Seigneur de Sion, 
Rompre bientôt cette barrière : 
Tout demeure dans ton vouloir, 
C'eft à quoi je n'ai rien à voir. 

C L X X V. 
Conduite (^abandon à iHeu. , 
Air : Taifez-vous ma miifcUCé 



o 



Paifible filence^ 
Tu fiêiis tout mon plailir ! 
Une fimple condefcendance 
Me fait au filence mourir. 

Je me tais, & je parle ^ 
Comme par un reflbrt : 
Je fuis tout ainfi qu'une baie » 
Qu'un homme pouffe avec effort* 

Quelquefois on m'élève 
Avec un bras puiffant : 
Fuis on me donne quelque trêve ; 
Alors mon pas eft languiffant« 

Tome IL Catit^ F 



as P T) ï s I E 8 

Jô vais, je viens , je roule 
Pour atteindre à mon but : 
Mais il furvient une autre boule 
Qui me donne d'un prompt début. 

Je cours avec vitefle, 
£t je n'attrape rien ; 
£t fi perfonne ne me prefTe , 
Ma couife fe termine bien. 

Si je ne fuis poufTée , 
Je demeure en repos ; 
Mais fitôt que je fuis preflee 
Je vais ou trop bas ou trop haut. 

Pour ce qui me concerne , 
Je n'ai point de penchant : 
Allant tout ainfi qu'on me mené ^ 
Tous lieux me font indifférents. 

Quelquefois je recule , 
Et j'en avance mieux : 
Mon chemin paroit ridicule ; 
Et par lui j'arrive où je veux. 

Je demeure inutile, 
Quelquefois bien longtems ; 
Enfuite une main très-habile 
Me pouffe ^ & c'eft fon palfetems. 

Enfin je laifle faire 
Tout ce qu'on veut de moi , 
Soit pour agir , foît pour mie taire ; 
Je fers aux plaifirs de mon Roi. 

Quelquefois je me crotte 
Pourfuivant mon chemin; 
Et d'autrefois on me rabotte , 
Afin que je n'arrête à rien. 

Celui qui me gouverne , 
Sait mon foible & mon fort : 
C'eft lui qui me mené & ramené ; 
Pour moi, je ne fais nul effort» 



E 



Spirituelles. 22f 

Je fuis dans l'équilibre; 
Le moindre mouvement , 
Sans que j'aie de penchant libre , 
Me fait courir rapidement. 

On me croiroit vivante, 
En me voyant courir ; 
Je n'ai pourtant ni choix ni pente , 
Pour me faire aller & venir. 

Je vais comme on me mené. 
Ou fort ou lentement ; 
Et qui le veut me meut fans peine : 
Je ne fuis qu'un vil inftrument. 



C L X X V I. 

Abandon à la Jujlice de Dieu. 

Air : Tu dis que les berger^ de notre voîjinage. 



XERCE fur mon cœur , adorable Juftice , 
Les tourmens les plus rigoureux. 
Cherche quelque nouveau fupplice , 
Redouble l'ardeur de tes feux. 

En ne m'épargnant pas tu me fais plus de grâce ; 
Si je n'étois un pur néant , 
J'aurois peut-être affez d'audace 
Four défier ton bras puiffant. 

Juftice , tu ne peux regarder que Dieu même 
Dans ce que tu nous fais foufirir : 
Si je te crains, c'eft que je m'àime ; 
De ta main je veux bien mourir. 

Mais que dis-je mourir , ah ! c'eft trop peu de chofe ! 
Mon cœur ne fauioit s'y borner : 
De dire tout ; non , je ne l'ofe : 
Frappe, frappe fans m'épargner. 

P a 



r^ 



f: . %%Z f E s I E s 

Que j'aime ta rigueur ! qu'elle a pour moi de charmes f 
V Je la veux aimer dans Tenfer. 

Divine juftice , tu t'armes 
Avec une verge de fer. 

Mon cœur eit tout froifle , une douleur mortelle 
L^accable d'excès de rigueur: 
Mais cette rigueii* fi cruelle 
Eft le feul foutien de mon cœur. 

Oui ce cœur t'aimeroit au milieu de la flamme 
Qu'on deftine à le tourmenter: 
Ces brafiers pourroient-ils , mon ame, 
T'empêcher de toujours aimex ! 

Mon amour eft trop pur, &ma flamme trop belle. 
Pour s'éteindre dans le tourment. 
Non, non; une flamme éternelle 
Eft plutôt un foulagement. 

^. 'Éloignez-yous de nous , intérêt pour foi-même ; 
Vous êtes indigne de Dieu: 
L'amour de la Beauté Suprême 
Sait dévorer tout autre feu. 

Re(;ois , divin Amour , reçois le facrifice 
Que je t'ai fait depuis longtems y 
De me livrer à ta Juftice , 
Et fans aucun ménagement. 



CLXXVII.^ 
Souplejje de f amour. 
Air ; Ami ne pajjbns pas CreUU. * 

J'aime Jéfus uniquement, 

Lui feul fait mon contentement; 

Je vis fort à mon aife : 



• * 



Spirituelles. tz^ 

Car même un très-rude tourment 
N'a plus rien qui me pefe. 

Je fuis contente de mon fort ; 
Soit pour la vie ou pour la mort ; 

L'ame (impie efl contente ; 
Je ne foufFre jamais d'effort , 

Quoique Ton me tourmente. 

Je ne fais ce que c'eft qu'amour ; - - 

Et j'aime pourtant fans détour 

Un Objet tout aimable : 
Je ne connois ni nuit ni jour , 

Mon cœur eft immuable. 

Qui fait l'immutabilité ? 
C'eft la divine charité. 

C'eft elle qui transforme 
En foi la propre volonté. 

Si chère au cœur de l'homme. 

Il faut combattre fortement 
Et le cœur & l'entendement , 

Et que la foi les dompte ; 
Que le vouloir du Tout-puiffant 

Notre vouloir furmonte. 

Alors on avance à grands pas ; » ^ 
Et quittes de tout embarras , 

Rien plus ne nous furcharge : 
On ne veut point ce qu'on n'a pas ^ 

Le cœur étant au large. 

Mais d'où nous vient cette largeur ? 
C'eft de la fouplefle du cœur , 

Qui perd fa confiftance , 
Et s'écoule avec fon Sauveur 

Dans la divine Effence. 

Amour fi doux & fi charmant. 
Prends le cœur de ce pauvre enfent , 

Qu'il t'adore & qu'il t'aime ; . , . 



z^o Poésies 

Que fon vouloir, fon jugement 
Soient perdus en toi-même. 

Fais le même à tous mes enfant ; 
Tu le peux , Seigneur tout-puiflant : 

Ah ! fais-le pour ta gloire : 
Détruis leur efprit & leur fens , 

Leur cœur & leur mémoire.. 



CLXXVIII. 
Exhortation à V abandon. 
Air : Brarûc de Met%\ ou , Unberger tendre ^Jincer 

\Sl vous connoUCez mon Maître , 
Tranfportés d'amour pour lui 
Vous ne feriez aujourd'hui 
Que des airs au Premier Être. 
Con&crons lui notre cœur; 
Car il eft notre Sauveur. 

Si je pouvois faire entendre 
A tous mes petits enfans , 
Comment le Dieu tout-puiffant , 
Devant les réduire en cendre. 
Veut qu'on fe laifTe à fa main , 
A fon pouvoir fouverain ! 

Mais chacun veut fe conduire 
Suivant la propre raifon , 
Et fuyant fa motion , 
On dédaigne fon empire : 
Dieu punira quelque jour 
Le défaut de leur amour. 

Aimant Dieu plus que moi-ménic , 
Je me mets de fon parti 
Que je trouve l'homme hardi ^ 



s P fR I T U B L L E S. 2ii 

Qui veut de rÊtre Suprême 
Partager Tautorité, 
Combattant fa vérité. 



C L X X I X. 

Se laiffer conduire à la Sageffe divine. 

\lK : Vous brillez feule en ces retraites s ou, Je fais 
les maux où je me livre. 



o 



Vous , que j'adore & que j'aime , 
Qui connoiflez le centre de mon cœur ! 
Gouvernez Sagefle Suprême 
Ses mouvemens & fon ardeur. 
QuHl n'agiffe que par votre ordre 
Sans fuivre fon vouloir nifonplaifir. 
Et que votre bonté m'accorde 
TefFet d'un fi jufte défir. 

Je vis fans connoitre ma vie ; 
Je n'ai plus rien ni déhc^rs ni dedans ; 
Captive je fuis afiranchie 
Sans en avoir les fentimens* ' 

Vous êtes ma feule lumière ; 
Que je ferois aveugle , hélas, fans vous ! 
Quand vous défiliez ma paupière , 
Vos brillans n'ont rien que de doux. 

Venez adorable lumière : 
Venez éclairer le fond de mon cœur : 
Faites-voir l'extrême mifere ' 
De qui fuit la feuffe lueur. 

Il la fuit fuivant fon caprice. 
Qu^il s'abandonne à l'amour , à la foi , 
Qu'il quitte fa propre juftîce ; . 
Il fera régi par mon Roi. 

P4 



10 Poésies 

C L X X X* 

Abandon fans nul retour fur foi. 

Air : La bergère Ifanette, 



A 



Toi je m'abandonne ^ 
Mon fouvcrain Seigneur , 
Et de plus je te donne 
Et mon ame & mon ccent i 
Ta divine providence, 

Dés mon enfance^ 
M'a toujours affifté 
Avec fidélité. 

Je fuis dans la vieillefTC) 
Et dans Tinfirmité ; 
N'as-tu plus de tendrelTe 
M'aurois-tu rejette ? 
Envifage ma mifere , 

^ Mon divin Père ; 
Ne m'abandonne pas 
.Si proche du trépas. 

Ainfi qp'un pauvre aveugle , 
Je vais fans favoir où; 
Comme le boeuf je meugle , 
Quand il eft fous le joug ; 
Toi qui connois toutes chofes j^ 
Caufe deç caufes, 
Fais que ta volonté 
Régie ma liberté. 

Comme la fentinelle 
Je t'attends nuit & jour; 
Inçeflamment je veille , 
T'eitplicant mon amour ; 
^^ mç rebutes fans çeffe , 



Spirituelle s, %U 

Et la trifteffe 
S'empare de mon cœur , 
Ainfi que la douleur. 

^ Jadis^de Talégrefle 

Je goûtois le tranfport ; 

A préfent la détreffe 

Me conduit à la mort : 
Je veux ton vouloir fuprémc ; 
Et fi je t'aime , 

Ce fouverain vouloir 

Doit régler mon devoir. 

35 C'eft penfer à toi-même 
33 Que de te plaindre ainfi. 
33 S'il efl; vrai que tu m'aimes , 
33 D'où vient donc ce fouci ? 
,3 L'abandon fans défiance 
„ Eft la fcience 
3, Qui doit faire toujours 
31 Oublier les retours. 

3, Etre aimant en peinture 3 
„ C'eft de penfiîr à foi ; 
3, Et c'eft une impofiiire 
33 De m'appeller fon Roi : 
33 Quand je régne fur une ame 3 
„ Que je la calme 
3, Ou la trouble , à l'infliant 
,3 Son cœur fera content. 

„ Qu'il eft peu fur la terre 
„ De fidèles amours ; 
„ La paix comme la guerre 
33 Satisfera toujours 
93 Le cœur pur 3 tendre & fidèle : 
„ Jamais cruelle 
„ Il ne voit ma rigueur , 
„ L'acceptant de bon cœur ''. 

Je connois 3 mon cher Maître , 
Et fens ^uel eft mon^tott ; 



jt}4 POESIES 

Je fuis & je veux être 
A toi jufqu*à la mort : 
Ordonne dans ta Juftice 
De mon fupplice ; 
Je recevrai tes coups , 
Sans craindre ton courroux. 

Que je ferois à plaindre » 
Si dsms mes derniers jour$ 
Il me falloit contraindre 
Mon cœur & mes amours ! 
Qu'on m'eitime , ou qu'on me blâme ; 
Jamais mon ame 
N'ordonnera de foi : 
Je fois tout à mon Rôi. 



C L X X X I. 

Abandon pur & déjwtérejfé. 
Air : La bergère Nanetu. 

J'ÉTOis dans la foufFrance 
Dès mes plus jeunes ans ; 
Souvent ma patience 
Redoubloit mes tourmens : 
£it-ce l'amour ou la haine , 
Qui fait ma peine ? 
Je n'en veux rien favoir ; 
Tout reile en ton pouvoir. 

Ordonne de mon ame , 

Ordonne de mon fort : 

Si jamais je reclame 

Contre l'arrêt de mort , 

Je veux bien que ta juftice 

M'anéantifle ; 



Spirituelles. 9}$ 

Et que les plus grands maux 
Couronnent mes travaux* 

Soulageant ma mifére , 
Xl'eft excès de bonté ; 
. Lorfque tu m'es contraire. 

J'y vois ton équité : 
Quoi que ta juftice ordonne 
De ma perfonne , 
Je bénirai toujours 
Ton vouloir , mes amours. 

Chacun fe confidere y 
£t chacun penfe à foi : 
Mais pour moi , je n'adhère 
Qu'au vouloir de mon Roi : 
Je ne penfe qu'à fa gloire ; 
£tma mémoire 
Ne fe fouvient jamais 
Que de fes intérêts. 

L'intérêt pour moi-même 
De mon cœur eft banni ; 
Pour fon vouloir fuprême 
Je n'ai point de nenni : 
Qu'on me haufle , qu'on m'abaîfle ^ 
Qu'on me (û) renverfe ;^ 
Je trouverai tout bon , 
Sans dire jamais NON. 

Le OUI dans mon langage 
ifk change point de ton ; 
Le OUI fut mon partage : 
Je ne dis jamais non 
A ce que mon Maitre ordonne ; 
Je m'abandonne 
A fes divins arrêts ; 
J'aime fes faints décrets. 

Je fais que mon langage 
Sera goûté de peu ; 
z) Ou, àélaiffe. 



f }< F E s I s s 

On penfe à rhéritage , 
Et jamais à mon Dieu : 
Car toujours le moi l'emporte ; 
Et la plus forte 
De nos intentions 
Eft d'avoir ta Sion. 

Un Dieu fans récompenfe . 
Ne mérite nul foin ; 
C'eft notre prévoyance 
Qu'on reclame au befoin : 
Le MOI eft notre fagefle , 
La fortereffe 
Où l'on eft à couvert 
Dans ce trifte défert. 

Dieu me doit mes fervicei f 
J'ai travaillé pour lui ; 
Je fais d'es exercices 
Qui me fervent d'appui : 
J'attends une récompenfe , 
Dont l'abondance 
Comblera mes.fouhaits 
Four les biens que j'ai fait. 



C L X X X I L 

Bonheur &Jureté de la perte eu Dieu. 

Air : Adieu donc dame Frango{pu 

J É veux à la Providence 
M'abandonner déformais ; 



Je laifTe tous les projets 
La divine Sapience 
Me conduira fùrement ; 
Si ce n'eft par l'évidence , 



s P I R I T U E L L E S. Ht 

Me conduira (ïirement 

Du moins jufqu'à mon néant. 

Ce doit être là ma place ; 
Ailleurs je ne fuis pas bien : 
Je veux refter dans mon rien ; 
Et c'eft où coule la grâce 
Avecque rapidité : 
Les montagnes font de glace : 
Avecque rapidité 
On m'emporte en Tunité. 

Certaine grande rivière 
Coule dans un creux vallon , 
Ou roulant fur le fablon : 
On m'enlève toute entière. 
Je ne cherche plus de lieu , 
Ni mon ancienne lumière ; 
Je ne cherche plus de lieu , 
Puifque je m'abîme en Dieu. 

Je ne vois plus le rivage 
Environné d'habitans : 
Tout le monde appréhendant 
De me fuivre en mon naufrage , 
Pour moi je ne crains plus rien ; 
Mais ce n'eft point par courage : 
Pour moi je ne crains plus rien ; 
Étant perdu qu'on eft bien ! 

Du milieu de mon naufrage , 
Je crie à tous mes enfans : 
Suivez ; vous ferez contents. 
Mais ils n'ont point de courage , 
En craignant le fil de l'eau : 
Us n'auront pas l'avantage , 
En craignant le fil de l'eàu , 
De jouir d'un fort fi beau,. -, 

Il eft vrai , l'eau m'a portée 
Jufques au fond de la mer ; 
Et pour me mieux abimer , 



%t% P O E s I I H 

On m'a tenue arrêtée : 
C'étoit qu'un bras tout-puifTant 
Vouloit félon ma portée ; 
C'étoit qu'un bras tout-puiiTant 
M'enfonçoit bien plus avant. 

De la terre qui nous porte 
J'apperqus les fondemens : 
Alors je dis à l'inftant ; 
Que la tromperie eft forte 
De la plupart des vivans , 
Qui ne veulent que la porte : 
De la plupart des vivans : 
Moi je veux les fondemens. 

Là je vDyois que l'abime 
Se foutenoit fur fon poids ; 
Que Dieu Idi donna des loix : 
Ce font fes loix qu'il confirme , 
En l'empêchant de pafler 
Ce qui fa fureur reprime ; 
En l'empêchant de paiïer 
Les bords qu'il voulut pofer. 

D'inonder toute la terre 
Elle auroit facilité : 
Dieu retient fa liberté : 
Lui qui toute chofe enferre , 
Ne lui laiffant de pouvoir 
Que pour ce qu'il en veut faire ; 
Ne lui laiffant de pouvoir 
Que pour remplir fon devoir. 

Toute la nature enfeigne , 
Qu'il faut que le Créateur V 
Soit le fouverain moteur ; ^ ■• 

Et toutefois l'on dédaigne 
De fe foumtrttre à fes loix , 
Quoique par-tout on les peigne , 
De fe foumettre à fes loix , 
Si ce n'eft de notre choix. 



s P I K X T U E l'i £ s; il^ji 

Amour /on ne comprend guère 
Ce que tu peux fur le cœur , 
Comme étant fon Créateur i 
Tu le plonges en fa mifére , 
Et Ten tires promptement 
Lorfqu'en toi feul il efpere ; 
Et l'en tires promptement , 
Le rendant parfait amant. 



C L X X X 1 1 1. 
reté (T amour dans une ame morte à foi. 

tilK : Ah! mon mal ne vient que d! aimer. 

i3l je vis en ce bas féjour , 
Ah ! je n'y vis que de l'amour. 
Un amour pur & fans retour , 

Eft ce qui fait ma vie. 
Ah ! je n'y vis que de l'amour , 

Et n'ai plus d'autre envie ! 

Qu'il foit rigoureux , qu'il foit doux ; 
Ah ! qu'il allume fon courroux , 
Ou qu'il m'accable de fes coups ; 

Il eft toujours le même ! 
Ah ! qu'il allume fon courroux ; 

Plus il bat , plus je l'aime ! 
Chacun fe plaint de fa rigueur , 
Ah ! je l'aime de tout mon cœur ! 
S'il répand fur moi fa fureur , 

Il ne trouve perfbnne. 
Ah I je l'aime de tout mon cœur ; 

Qu'il carefFe ou qu'il tonne ! 

Celui qui n'eft plus , ne craint plus^: 
Ah ! craindre feroit fuperflu ! 
Que craindire fi j'ai tout perdu ? 



««BT F O ft S I 2 ^ 

- Que me pourroit-on feîre ? 
Ah ! crmdre feroit fuperflu , 
Q^ue j'aime ]# tonnerre ! 

La foudre n'épouvante pas , 
Quand on a foufiert le trépas : 
Celui qui n'eft plus ici-bais 

Ne fauroit plus rien feindre ; 
Quand on a foufFert le trépas , 
Pourtoir-on encot craindre ! 



C L X X X I V- , 

Lmfance fpiritneUe. 

Air : Lts^foUes dEfpagnc. 

Je vous parle du bonheur de Tenfance', 
Mes chers enfans , n'en foyez point fâchés : 
Si vous faviez quelle eft fon excellence ; 
Vous l'aimeriez, vous en feriez touchés. 

Le ^rand ne peut l'aimer ni la comprendre ; 
Il en concjoit même. un certain dégoût : 
Cette leqon ne peut jamais s'apprendre 
Que TEpoufe ne pafle en fon Epoux. ^ 

O cher Epoux , donnez «la petitefTe 
A ceux qui difent être vos enfans , 
Quoiqu'énivrés de la foufle fageffe ! 
Sont -ils fimples, fouples, obéiflans ? 

Un fimple enfant fouiFre tout fans réplique ; 
Il ne préfume jamais rien de foi : 
Il eft exempt de toute politique , 
Et ne connoît ni le mien ni le MOI. 

Heure^ux enfant , que je te porte envie î 
Me difoit un faiîu homme l'autre jour^ 

Appre 



s P t R I T U £ L I. s s. ii^l 

Apprends-moi , quelle doit être ma vie ? 
Je lui répondis brufquement , l'amour. 

Oui, c'eft l'amour qui conduit à l'enfance : 
C'eft cet amour qui nous transforme eu foi ; 
(^ui nous apprend la fimple obéiffance , 
Et l'abandon , qui couronne la foi.. 

L'enfant pofféde un certain caradtere , 
fient Jéfus fit fur terre fon pla,ifir : 
l'enfance en foi cache un fecret myftere 
-| (^e l'homme vain ne fauroit découvrir. 

Je fens en moi une fecrette flamme 
Que je voudrois à tous communiquer : 
Je vois briller l'innocence en mon ame : 
Le grand la voit ; il ofe s'en moquer. 

i Heureux celui dônti'humble petitefle 
Sert de fujet de honte àc de mépris ! ' 
n pofféde la fupréme SagefFe : 
Qui le verroit en refleroit furpris. 
Mais l'homme vain accufe de bafTefTe 
Ce que Dieu regarde comme grandeur : 
i L'Être divin verfe en la petiteffe 
La plus fublime & plus pure faveur. 
t'e& du néant qu'il fait les grandes chofes : 
Il ne s'attribue & n'ufurpe rien ; 
Ses yeux fixés fur la Caufe des caufes , 
Il ne regarde pas même fon bien. 

Il ne prend plus d'intérêt poiir foi-même ; 
Dieu ieul pour lui efl faint , il ell heureux : 
Reliant perdu dans rEffehce Suprême , 
II. s'oublie autant qu'il eft amoureux. 



Tome n. Cant. 



S44 P o É s I s s 

Quand ils font grands; je le deviens i_. 
Je quitte mon berceau alnû qu'un homme fage : 
HLads comme cet état jamais ne me convient , 
Je fais , hélas ! un fort it>t perfonnage. 

Que je ferois (impie Se petit , 
Si j'avois des enfans (kns.raîfon , fans fiigefle ! 
Perfonne ne mç croit ; on fuit fon propre ei^rît , 
En mépri&nt Taimable petiteiïe. 

Quand je fuis avec un enfant , 
Je me trouve fort bien , & je vis à mon aife : 
Mais le Démon jaloux de mon contentement 
Nous vient, troubler avec quelque fadaifè. 

Petit Maître , il faut le chaffer , 
Et renvoyer bien loin de notre domicile : 
U trouble la raifon , & cherche à me fâcher : 
Qu'il n'ait ici jamais aucun afile ! 



C L X X X V I I. 

Etat ctenfance Spirituelle accompagnéde crok 

Air : On ne vit plus dam nos forêts. 

i3eigneur , prends pitié de mon fort ; 
Reçois mon innocente plainte : 
Mon efprit n'a plus rien de fort ; 
La peine dont je fuis atteinte , 
Me jette dans l'épuifement y 
Je fuis plus foiblc qu'un enfant. 

Je traîne fou vent mon lien , 
Ne pouvant plus porter ma. chaîne ; 
Je ne trouve en moi que le rien ; 
Tout fert à redoubler ma peine : 
Quand fera-ce , divin Époux , 
Que tu ceflcras ton courroux ? 



s P I R I T ti E L I E s. a4{ 

Je ne puis plus foire aucun bien , 
Dans cette terre de mifére : 
O Gra,nd Dieu , qui fus mon foutien , - 
Mon Roi , mon Seigneur , & mon Perc , 
Ne me délaifle point , hélas ! 
Étant' n proche du trépas ! 

- Dans un fi long bannîflement , 
Je fuis étranger à moi-même ; 
Je vis fans nul foulagement , 
Et fans bien difcerner fi j'aime : 
Comme un inftrument fuperflu » 
Je fuis ainfi que n'étant plus. 

Je fuis avec ceux de Cédar ^ 
Comme en une ville ennemie : 
A rien je ne prends plus de part ; 
Et quoique fous leur tyrannie, 
Je trouve mes çontentemens 
En toi feul avec tes enfans. 

Uenfence dont je fuis couvert , 
M'attire leur haine & leur doute : 
Je ferois bien dans un défert, 
Quoique fans chemin & fans route : 
Ignoré là du genre humain, 
Tu me porterois dans ta main. 

Q^iie je m'eftimerois heureux , 
Si féparé de tout le monde , 
J'étols caché de tous les yeux ! 
Mon cœur dans une paix profonde 
Contempleroit tes vérités , 
Aimant, adorant tes beautés. 

Ne vaudroit-il pas mieux mourir? 
Ah ! fi ma mort pouvoit te plaire ! 
Je n'ofe former un défir , 
La peine égalant le falaire : 
Mon bien eft dans ta volonté , 
Seigneur , & dans ton équité. 

0.5 



24à Poésies 

Mon néant ne t'eft point caché ; 
Toi , qui pénètres toutes chofes , 
Tu ùAs j mon cœur a'étre atuché 
Qu'à toi feul , ô Caufe des caufes ! 
Ordonne toujours de mon fort , 
Soit pour la vie ou pour la mort. 



CLXXXVIIL 

Sur le même fuj été 

Air : Je ne veux de Tirfiu 

J 'ÉPROUVE dans mon fond une divifion ; 
Je fuis étrangère à moi-même : 
Le dedans eft fans aétion ; 
Le dehors eft pauvre à Fextréme. 

Je trouve que j'agis & parle par reflbrt ; 
C'eft une chofe inexplicable : 
Je ne faurois faire d'eflFort ; 
Et mon cœur eft invariable. 

On parle , je l'entends ; & je ne conqois pas 
Bien fouvent ce qu'on me veut dire : 
Je parle , & ne m'exprime pas , 
Si mon doux amour ne m'infpire. 

Chacun fait bande à part ; & je ne connois rien , 
Quoique rempli de connoifTance : 
On eft fou tenu fans fou tien , 
Ignorant & plein de fcience. 

Mon ame eft dans les Cieux , & mon corps fur la croix, 
Jq m'en trouve toute interdite : 
L'un bien haut , l'autre par fon poids , 
Me rend chaque jour plus petite. 

Si je pouvois , Amour , vivre ainfi qu'un enfant , 
Je me trouverois bien au large ; 



s P I & t T U E L L i: s. 947 

Plus mon Maître en moi paroit grand , 
Et plus j'aime le badinage. 

!élas ! de toutes parts je ne vois que des grands , 
Que quelque homme prudent & fage : 
Je ne voudrois que des enfans ; 
Tout me remet dans Tefclayage. 

! ne m'arrête à rien ; tout eft outrepafle : 
Je ne me connois plus moi-même ; 
Car l'homme toujours compafle 
Me dérobe de ce que j'aime. 

me fout des égards , on veut de .la raifon ; 
Je fuis un enfant à la. chaîne : 
Prenez de moi compaflion , 
£t me tirez de cette gêne. 

liflez couler mes jours dans un facré repos : 
Que tout le parler m'importune ! 
Qu'une prifon bien à propos 
Combleroit ma bonne fortune ! 

:re feul enfermé dedans d'obfcurs cachots , 
Seroit un lieu plein de délices : 
On feroit hors de ces Cahos : 
Tout redouble ici mes fupplices. 

)us le pouvez, Seigneur, m'affranchiràTinllant 
Vous êtes maître de ma vie : 
Comment peut vivre un pauvre enfant , 
Accablé fous la tyrannie. 

C L X X X I X. 
Simplicité enfantine avec Dieu. 
Air : Dans ces lieux tout rit fans ceffe. 

Je fuis dans ma folitude 
Ainfi qu'un petit enfant , 

24 



44& Poésies "^ 

J'y vis fans inquiétude : 
Je n'y pourrois refter fi j'étois grand. 
Je m'amufe à toute chofe , 

Sans être ampfé de rien ; 

Je chante , j? mç repofe ; 
Je ris de tout : je me trouve aflcz bien. 

Nous contons notre aventure , 
Nous tenons de doux propos ; 
Et jamais Dame Nature 
N'y vient troubler notre aimable reposa 

' Là je ris , je me goberge ; 
Je fuis libre , & fais l'enfant : 
Mon Maître y tient fon auberge , « 
Et me donne du bon vin en tout tenis. 

Si mes vers n'ont pas de rime , 
S'ils ne font pas bien peignés ; 
C'eft un enfant qui s'exprime : 
Si vous y touchez , vous me contraignez. 

Une liberté parfaite 
Fait & mon mal & mon bien ; 
J'ai là ce que je fouhaite : 
II' cft vrai que je ne fouhaite rien. 

Taifez-vous , Grands de la terre ^ 
Laiffez libre un pauvre enfant , 
Qui ne vous fait point de guerre , 
Et dont la paix fait le contentement. 

Je crains bien que quelque fago 
Ne vienpe ici me troubler : 
Un myftérîeux langage 
Serpit bien propre à me faire trembler ! 

Si je parle , je bégaye ; 
Je chante , & n'ai point de ton ; 
Je badine , je m'égaye : 
Mpn Maître trouve tout cela fort bon. 

Rien que lui ne m'accommode : 
Je crains fort le férieux , 



^Spirituelles; 349 

Je ne vis point à la mode : 
Chacun de fa pratique eft amoureux. 

Comme je n'en ai pas une , 
Je m'accommode de tout : 
N'ayant rien qui m'importune 
Le commencement eft pour moi le bout. 

Je fuis toujours à mon aife , 
Ne m'incommodant de rien : 
Qu'on me conte une fadaife , 
J'écoute comme fi l'on difoit bien. 



cxc. 

Souffrances de Jéfus-Cbrift & celles d'une 
ame cboifie. 

Air : Je ne veux de Tirjis. 

SLuE vous avez foufFert , mon aimable Sauveur, 
En expirant fur le Calvaire ! 
Vous fîtes ouvrir votre cœur : 
Et ce fut un facré myftere. 

)S mains, vos pieds percés par des dôulouteux clous, 
Furent vos légères fouflfrances : 
La charité donne des coups 
Plus terribles & plus intenfes. 

>us enfantâtes lors tous les prédeftinés : 
Mais leur cruelle ingratitude , 
Leurs cœurs contre vous mutinés. 
Fut votre tourment le plus rude. 

s'arrachoient de vous qui vouliez les fauver ; 
Votre cœur foufFrit ces partages : 
Vous voulûtes lors éprouver 
Ce que coûtent ces cœurs volages. 




tmHknt 



jour; 



' ^^liT, ZBS [ifaTuB^ est Tainc. 

. cuuc s chiAiigt. CQ toosncBt y 

le 9C vois c{iDe (iegmfieBcxtt , 
Bit 3mc tih SnmLe IsBiçise. 
(Jjtt nÀ4e« SffTgncgr^ en. Técat où je fois? 
SiK ▼% cdl nxt cml fiipplîce : 
Sus voir de bonie à oies exmms 
Je rms u B Ù B i et facrifce. 



CXCl 
Ftai^ àpmffrir pcmr Dieu. 

AïK : Uédat dt nos vertus. 

Je r'aiiiie ^raoa Setgneor , cent bis pins qoe ma vie ; 

Xt je wondrob toajoars encore plus t'aimer : 
Quand je te fois aSujettie 
Je ae tromre plus rien d'amer» 



s P I Ht f T tJ k L i s s. Ift 

' Se plaigne qui voudra de cette augufte chaîne \ 
le t'adore en mon cœur & je bénis mon lien : 
S'il trouve à fouffrir quelque peine , 
Il ne cpnnoit pas fon vrai bien. 

O fouverain Amour , augmente mes délices 
Ç^ue j'en trouve en fouffrant mille douleurs pour toi ! 
Les tourmens ne font plus fupplices , 
Lorfqu'on eft guidé par la foi. 

D'où viens , mon cher Époux , que perfonnene t'ai- 
me ? 
Qu'aucun ne veut fouffnr , & t'être affujetti ? 
,, C'eft que l'on s'aime trop foi-méoie : 
„ Nul ne veut être anéanti. 

Ah ! choifi-toi des cœurs , & te les rends conformes ! 
Arrache-leur le mqi : lors ils fauront t'aimer, 
55 II faudroît les changer de formes ". 
Mais ne fauroi^-ty les charmer. 

55 Je le puis , il eft vrai ; mais j'ai feit l'home libre : 
^^ Il abufe fans fin de cette liberté ". 

Mets-le dans un jufte équilibre : 
Il penchera vers ta beauté. 

^ Ah ! que tu cofiois peu quel eft le cœur de l'home! 
^' Il aime cent fois mieux la poffeffion de foi", 
Que ton feu divin le confomme , 
£t le faflfe paflfer en toi. 

O quel renverfement ! Et qu'on eft mifcrable ! 
On aime fon malheur , on en fait fon plaifir ! 
Donne-moi , Juftice adorable , 
Quelques cœurs félon mon défir. 
Qu'on ne réfifte plus à l'attrait de tes charmes ; 
Qu'on te préfère à foi ; qu'on fe livre à tes coups : 
Que mille cœurs rendent les armes 
Au plus aimable des Époux. 



t^i F o B s I E t 

C X C 1 1. 

Prière pour les enfans de Dieu. 

Air : La bergère VanetU. 



M. 



LoN Seigiieur, que je t'aime! 
Et tu le fais fort bien. 
Cet amour eft toi-même , 
Ah mon .unique bien! 
Iftalgré toute ma mifere. 
Mon ôivïn Père 
Me reqoit dans fon fein , 
Et perd en lui mon riek. 

Daigne &ire de même 
A mes petits enfans ; 
Et que tout leur cœur t'aime ^ 
Mon Seigneur, purement. 
Que leur pur amour furpafTe 
Toutes les traces 
De la propre raifon, 
Far Taveugle abandon. 

Je te donne leur ame , 
Leur efprit & leur cœur ; 
Fais que la même flamme 
Nous confomme. Seigneur, 
Conduis-nous tous en toi-même» 
Bonté Suprême ; 
Arrache à tous leur moX 
Conduis-les par la foi. 

Que toute ta juftice 
Se tourne contre moi ; 
Sois leur à tous propice , 
Ah ! mon aimable Roi ! 
Comble leur cœur de ta grâce. 



s P I X I T 17 B I. X s s. «53 

Et me terraffe 
Sans jamais m'épargner , 
Afin de les fauven 

Tu fais que je les aimé, 
Tu me les as donnés ; 
Perds les tous en toi-nlême , 
Qu'ils foient abandonnés : 
Que ta volonté fuprême 
Les tienne fermes 
Dedans ton pur amour , 
Sans regard, fans détour. 

Fais-leur perdre fans ccfle 
Toute réflexion ; 
Et fats que leur fouplelTe 
Soit fans reftriélion : 
Et daigne les mettre au large 
Quç fans partage 
Us foient tous en ta main , 
O Seigneur fouverain. 

Qu'ils fe laiffent conduire 
Se perdant à leurs yeux ; 
Soumis à ton empire , 
Qu'ils deviendront heureux ! 
Qu'en tout tems on fe délaifle 
A ta SagefTe , 
Ainfi que des enfans 
Foibles & languifTans. 



C X C I 1 1. 
Prière pour foi & pour le prochain. 

Air : La berbère Nanette. 

Je fus dans la foufirance, 
T^$ mes plus jeunes ansj 
Mais l'iiumble patience 



Rend les mniix moins cuifans r 
Dieu voyant notre fouplefle , 
Far (a Sageflb 
Verfe au fond de nos cœurs 
Ses céleftes douceurs. 

Les travaux avec Tàge 
Augmentoient chaque jour ; 
Mais un nouveaux courage 
Qui venoit de Famour » 
Me fit aimer la Juftice 
Et le fupplice » 
Trouvant dans la douleur 
La paix 9l la largeur. 

M'ayant dans ma jeunefle 
Gouverné par ton foin , 
Faut-il dans ma vieilleife 
Me laifTer au befoin ? 
Une affiftance fi tendre 
Devroit s'étendre 
Jufqu'à mon dernier jour , 
Cotûbmmant mon amour. 

Mon adorable Père , 
Accorde-moi le don. 
Que mon cher petit firere 
Se livre à l'abandon , 
Sans fe regarder foi-méme ; 
Son cœur qui t'aime 
Se laifTe gouverner 
Où tu le veux mener. 

Tu fais bien que je l'aime 
Autant qu'il eft à toi ; 
Que le Vouloir Suprême , 
Qui fut toujours ma loi , 
Me follicite & me prefTe 
D'être fans cefle 
En prière pour lui : 
Devien$-donc fon appui. 



s P I R I T U B I L £ s: d$? 

C X C I V. 

Recevoir Pépancbement du cœur. 
Air : On riaime plus dans nos forêts. 

JVxoN cœur , aihli qu'en un fourneau , 
Se diftille en votre préfence ; 
Il eft prefque réduit en eau , 
Et s'écoule avec abondance : 
Mais je ne trouve point de cœur 
Pour recevoir cette liqueur. 

Donne-moi des récipients. 
Pour recevoir ce qui diftille ; 
Et donne à mes petits enfans 
Un cœur fimple, pur & docile. 
Sans quoi je ne pourrois jamais 
Répandre en eux ta douce paix. 

Qu'ils reconnoiflent , petit Roi, 
Que mon ame eft ton domicile , 
Donne-leur cet efprit de foi ; 
Et que mon cœur foit leur afile , 
Qu'ils habitent ce beau féjour , 
Qui n'eft plein que de ton amourj 

C X C V. 

Ifidifférence à aider aux ornes. 

Air : Je ne veux de Tirjîs. 

[e fuis, je le fais bien, ua inftrument ufé^ 
Qui ne peut plus rendre lèrviçe : 



MU Poésies 

Plufieurs Tont déjà refufé ; 

Je trouve qu'ils lui font jufticc. 

Dieu fe fert quand il veut, corne, autant qu'il lui plait, 
D'un inftrument qu'il fe prépare ; 
£t s'en fert félon les fu jets : 
Il les unit ou les fépare. ' 

Comme on ne peut vouloir qu'il fe ferve de nous , 
On n'eft point furpris qu'on nous laifTe : 

V Tous deux font également doux ' 

Au cœur qui vraiment fe délaiffe, ! 

II ne faut donc jamais fe gêner un moment : 
Qui fert à l'un peut nuire à l'autre : ' 
Il faut en ufer librement. 
Et chercher ailleurs un Apôtre. 

Ne nous attachons donc qu'à Dieu, feul vérité ; 
Abandonnons la créature : 
Mais fàifons-le avec équité , 
Suivant Dieu , non pas la nature* 



C X C V I. 
Indifférence à tout fous la conduite de Dief^m 

Air : La bergère Nanette. 



G. 



Trand Dieu que je reclame 
Dans mon befoin preffant, 
Difpofe de mon ame : 
Mon cœur tout languiffant, 
Dans fon extrême détreffe , 

Lève fans ceffe 
Vers toi fes triftes yeux ^ 
Souverain des Cieux, 

Ma vie eft attachée 
A ce^ fublime Objet , 



Des 



s P I R I T U E t L E s. Ȃ7 

Des autres détachée , 
Comme un fimple fujet : 
Mon ame foible eft confiante 
Dans fon attente , 
Sans jamais fe laffer 
De lui tout délaifler. t 

Que fi: fa main m'employe, 
Je me laifle guider ; 
A fes vouloirs je ploye , 
Sans jamais demander 
Ce que Dieu défire faire 
De la mifere 
De ce pauvre inftrument , 
Qui refte en fon néant. 

Quelquefois on me jette 
Comme inftrument ufé : 
Là rien ne m'inquiète , 
Et fans être abufé 
Je demeure en ma place : 

On me fait grâce 
De fe fervir de moi 
Pour le plus- vil emploi. 

De ce que je mérite 
Là trop récompenfé , 
Jamais je ne m'acquitte 
Par un foin empreffé 
De ce que mon Maître ordonne : 
Si Ton me donne 
Un emploi plus favant , 
Je refte en mon néant. 

On me hauffe , on m'abaiffe i 
On me met comme on veut ; 
A tout je me délaiffe : 
Faifant ce que je peux , 
Sans regarder ma foibleffe , 
Ni ma baflefle ; 

Tome IL Cant. îw 



p^ P o s s I s s 

Je fois content de tout , 
Sans en chercher le bout. * 

Tout-à-coop on m'arrête ^ 
On me jette à Técart ; 
Je fois dans la difette , 
A rien je ne prends part : 
Je fois comme une œuvre morte , 
Si Ton m'emporte 
Hors de mon logement » 
Je n^ai nul mouvement. 

Enfin laiflant tout faire , 
Je ne prends part à rien : 
Je fens bien ma mifere ; 
Et c'eft là le feul bien 
Que j'aie pour mon partage : 
Mon héritage 
£fl la mort , le néant ; 
Dieu feul eft jufle & grand. 



C X C V I L 

Plaintes fur le peu de correfpondana des 
bons mêmes. 

Air : Je ne veux de Tirjîs. 

Je ne puis rien gagner fur Tefprit prévenu r 
Il fuit ce qu'il a dans la tête ; 
Loin de devenir pauvre & nud , 
Pour fe foutenir il s'apprête. 

De raifons fur raifons il charge fon efprit ; 
La foi n'eft plus fa fûre guide : 
Son efprit devient interdit , 
Et fon cœur fec & tout aride. 

Revenez , mes enfans , revenez à l'amour ; 
Et que le froid amant raifonne : 



s P I R I T U E L L E s, 259 

Je ne forme pas un retour ; 
Je n'ai d'intérêt pour perfonne. 

ais Dieu vous a choifis pour vous conduire en foi , 
Et pour vous remplir de lui-même : 
Il vouloit être votre Roi, 
Vous enfeigner Tamour fuprême. 

ne refte chez vous nul lieu pour le loger ; 
Il veut pour l'amour un grand vide : . 
Il faut de tout fe dégager ; 
Sinon , Ton eft lâche & timide. 

ti ne m'écoute plus; mon difcours eft fans fruit : 
Vous n'en tenez plus aucun compte. 
Tout ce qu'on dit déplaît & nuit ; 
Il ne me refte que la honte. 

mon fouverain Bien , enlevé notre cœur , 
Pour le ranger fous ton Empire : 
Tous fuivent l'efprit fédudeur ; 
Nul ne veut fe laiffer inftruire. 

s ne connoiffent rien , idolâtres du moi , 
Que ce que le moi leur infpire : 
C^eft là leur véritable Roi ; 
Et lui feul fait bien les conduire. 

î ne puis plus fouffrir ces grands renverfemens , 
Seigneur, ôte-moi de la vie : 
Je n'ai vécu que trop longtems , 
Pour voir la vérité bannie. 

mon fouverain Bien , ne m'exauces-tu plus ? 
Suis-jë rejette pour mes frères ? 
Mes foupirs font-ils fuperflus ? 
Adreffe-les à d'autres pères. 

î ne m'en mêle plus ; mon efprit dégagé 
Les laiflera vivre à leur mode : 
Hélas ! que le fiecîe eft cha4igé ! 
Lé pur amour eft incommode. 

R 2 



z6o Poésies 

Ils fe font fait un plan de certaines vertus; 
Mais Ton eft trop propriétaire : 
Ce qu'ils font ne me touche plus ; 
Et j'en fécouerai la pouffiere. 



C X C V I I I. 

Délicateffe de V amour divin. 
Air : Les folies d'E/pagne. 



G 



CHER enfant que je trouve en mon ame , 
Quand feras - tu fi petit & fi rien , ^ 

Que nous n'aurons plus qu'une même flamme , 
Un feul efprit , même mal , même bien l. 

O pur amour , achevé de détruire 
Ce qu'en fon cœur il refle encor d'appui : 
Divin vouloir, daigne feul l'en inftruire , 
Qu'il ne fe trouve plus en lui de lui. 

Ah ! s'il pouvoit , mon Amour , vous entendre 
S'il connoifïbit ce fentier délicat , 
Où l'homme étant retourné dans fa cendre , 
N'a plus ni tranquillité ni combat ! 

Efprit Saint , ta motion eft fubtile ; 
Elle échappe auffitôt qu'elle paroît : 
Qui croit la voir, la trouve inacceffible. 
Heureux inftant , tu meurs & tu renais ! 

Etends fon cœur , & le rend vafte , immenfe ^ 
Que rien ne borne & n'arrête fon cours : 
Amour , amour , que pure eft ta fcience ! 
Je la trouve nouvelle tous les jours. 



Spirituelles. 261 

C X C I X. 

Croix de la ^ie Apofloîique. 
Air ; Je ne veux de Tirjis. 

E fens bien que mon cœur veut toujours vous aimer; 
Il vous aimera dans la flamme : 
Le cœur ne trouve rien d'amer , 
Lorfqu'amourpofféde notre ame. 

ne vous m'avez changé ! mes jours étoient heureux , 
Lorfque renfermé dans vous-même , 
J'avois un repos favx)ureux ; 
L'amour augmentoit à l'extrême. 

îfpérois bien de voir finir ainfi mes jours , 
Défoccupé de -tout le monde; 
Je ne faifois aucuns retours : 
Qu'alors ma paix étoit profonde ! 

land j'y penfois le moins , vous vîntes me charger 
D'un peuple dur , fouvent rebelle : 
Je ne fajLirois m'en dégager ; 
Je crains de vous être infidelle. 

me fuis plaint cent fois d'un fardeau fi pefant : 
Vous me répondez : patiente. 
Hélas ! je ne fuis qu'un enfant ! 
Je me confume en mon attente. 

lUS frappez fur mon dos , vous me faites payer 
Souvent leurs défobéiffances ; 
Je dois tous vos coups eflTuyer : 
Ah ! vengez fur moi leurs ofFenfes. 

lUS vçyant accablé fous le poids de la croix , 
Mon ame interdite & muette , 
N'oferoit former aucun choix ; 
^ Se plaifant en ce que vous faites. 



2^2 Poésies 

J'aime plus vos enfans que tous mes intérêts ; 
Je les aime pour votre gloire : 
Faites en eiix ce qui vous plaît ; 
Vous m'en chargez , faites-les croire. 

Que le défaut de foi les éloigne de vous ! 
Je le vois fans pouvoir rien faire : 
Faites donc tout , divin Epoux ; 
C'eft ce qui me doit fatisfaire. 

Que les voir tout à vous rempliroit mes défirs * 
Que mon ame feroit contente ! 
Je ne connois d'autres plaifirs 
Que les voir remplir votre attente. 

Je ne prétends, plus rien fur terre & dans les Cieux ; 
J'attends la fin de ma carrière ; 
Mon fort feroit délicieux 
S'ils marchoient à votre lumière. 



, C C. 

Croix de la Fie Apoftolique. 

Air : La Jeune Iris. 



Vi 



ÉRITÉ que j'aime & que je révère , 
Tu fais que le menfonge eft loin de moi : 
Tu me donnas une ame Ci fihcerc : 
Je te la dois ; & je tiens tout de toi. 

Comme un enfant , je vis dans l'innocence : 
Toi feul connois l'intime de mon cœur ; 
Pour tes vouloirs ma prompte obéilfance 
Devroit faire connoître ipa candeur. 

O que les yeux font couverts de ténèbres ! 
Tu le permets , Seigneur , pour m'afflîger : 
On n'a de moi que de penfers funèbres : 
Rien ne fauroit hors toi me foulager. 



Spirituelle^ s. ^6i 

Tout le dehors eft comme une machine 
Qu'on fiait mouvoir par de fecrets reflbrts : 
Si je fuis mû par la gtace divine , 
J'agis ; finon , vains feroient mes efforts. 

Hélas ! je vis étranger à moi-même , 
Inconnu , méprifé prefque de tous ; 
Ceux pour qui je fouffre un tourment extrême 
K'ont pour moi que dédain & que courroux. 

Comme la vigne à l'orme tu m'attacheà , 
Sans que par moi j'ofe me fépârer : 
On me tire quelquefois , on m'arrache ; 
Je l'émbraffe axllTitôt pour m'y fei'ret. 

Amour , Amour , que ta route eft étrange ! 
L'homme peut- il difcerner^ton fentier ? 
S'il veut le voir , il prend fouvènt le change , 
Et ne fait que fe méprendre & tromper. 

Tes enfans font , dans ce féjour de larmes , 
Comme le rebut de tout l'Univers : 
Quoique leur cœur foit fixe & fans alarmes , 
Ils endurent mille tourihens divers. 

Vivre fans clîoix , fans fentiment , fans ame , 
Eft-ce là vivre ? Et n'eft-ce pas mourir ? 
Languir , aimer , fans difcerner fa fîammc : 
Divin Amour , quand veux-tu me guérir ? 

J'entends que tu dis au fond de mon ame : 
Tu ne dois plus t'attendre qu'à fouf&ir : 
Tout eft égal , & la peine & le calme ; 
jMa volonté ne veut que t'appauvrir. 

O volonté , doux centre de ma vie , 
O volonté , qui fais tout mon bonheur ! 
En toi mon ame eft fans ceffe ravie ; 
Tu tiens. chez moi la plape de mon cœur. 



R4 



164 Poésies 



CCI. 



Douleur du refus qu'on fait dû la condm 
de [Amour. 

Air : Ami ne pajjbns pas Creteil. 

JLjnfans , ne vous étonnez pas , 
Si je fuis dans quelque embarras 

Lorfque mon Maître appelle : , 
Car fi vous ne Fécoutez pas , 
Que ma peine eft cruelle ! 

Cette paix qu'il veut vous donner , 
Revient fur rtoi pour m'accabler 

D'une peine profonde : 
Alors je ne puis empêcher 

Qu'il fe fâche , & qu'il gronde. 

Car fi vous refufez ce bien , 
Celui qui ne pardonne rien , 

Se met fort en colère ; • 
Il fe venge de ce dédain , 

Et ne veut plus rien faire. 

Lui feul difpofe les canaux , 
Afin d'y conduire fes eaux ; 

Je n'ai qu'à le voir faire. 
Que leurs refus me font de maux ! 

Qu'ils doivent lui déplaire ! 

Tout cela ne vient pas de moi , 
Je n'y puis rien; & c'eft mon Roî 

Oui règle toute chofe : 
Je ne prends fur rien aucun droit; 
De tout il eft la caufe. 

Cela vient fi fubitement 
Se gliffer en cet infl:rument 



Spirituelles. 26f 

Comme un trait d'arbalêtre , - 
Tiré par le bras du tout-puiflant 
De mon cher petit Maître. 

Cœurs ingrats , que tous vos refus 
Sur moi'font tomber un reflux , 

Qui me pénétre Tame ! 
Et quelquefois je ne puis plus 
Supporter cette flamme. 

Quoi, ne comprendrez-vous jamais 
Que Dieu communique fa paix 

Par ce moyen indigne ? 
Et qu'il s'y cache déformais 

Par une grâce infigne? 
Sans vous foumettre à fon vouloir , 
Vous voulez régler fon pouvoir 

Sur vos foibles idées : 
Quand il donne il faut recevoir. 

Remplir fes deftinées. 

Mais une faufle humilité , 
Qui' n'eft que pure vanité, 

Vous retient en vous-même , 
Vous méprifez la vérité ; 

Votre perte efl; extrême. 

L'opérer fccret du Seigneur 
Qui paffe d'un cœur en un cœur , 

Le faqonne à fa mode : 
Vous qui négligez fa faveur , 

Voulez d'autre méthode. 

Votre efprit rempli de raifons, 
En comparant mes aélions 

Sur d'anciennes idées, 
Ne veut que les dévotions 

Circonfpeéles , guindées. 

Que je te plains , mon pauvre Enfant ! 
Si tu prens le noir pour le blanc , 



%&6 ^Poésies 

Cette couleur fi fdmbre 
Te fera prendre aflurément 

Au lieu du vrai, Ton ombre. 

Eft-ce à toi de donner des loix 
A ce Maître de tous les Rois ? 

Veux-tu borner fa grâce , 
Et l'affujettir à ton choix ? 

Ah ! quelle eft ton audace ? 

Il vaut mieux devenir enfant » 
Simple , petit , obéiflant ; 

Et fe laifTer conduire 
Par le vouloir du Tout-puifTant y 

Et s'en laifTer inftruire. 

Mais celui qui croit tout (avoir » 
S'imagine de tout pouvoir 

En fuivant fon caprice : 
Il ne connoit point fon devoir , 
Ne fe fait point juftice. 

Si tu refufes le moyen 
Que l'amour a mis en ta main. 

Pour fuivre une autre route. 
Tu ne verras plus ton chemin; 
L'aveugle ne voit goutte. 

Il faut qu'il fe laiffe mener, 
Sans vouloir toujours raifonner 

Sur une autre conduite : 
S'il ne veut pas s'abandonner, 

Q^uelle en fera la fuite ? 



s P I k ï t\7 elles. %67 

C C 1 1. 

luleur de ne voir pets Dieu aimé y ^ qu'on 
. n'enfeigne pas bien à V aimer. 

Air ; Hélas ! Brunetu , mes amours. 

\9%U E je porte au fond de mon cœur 
Une douleur profonde ! 
Vous n'êtes point aimé > Seigneur , 

Prefque dans tout le monde. 
Mon divin Maître , mon amour , 
Vous ferez-vous aimer un jour ? 

Les enfans demandent du pain , 
Et nul ne leur en donne : 
lia font près de mourir de faim , 

Ils ne trouvant perfonne : 
Mon divin Maître, mon amour. 
Donnez-leur en donc quelque jour. 
Ah ! fi Ton vouloit vous aimer , 
Sans autre nourriture , 
L'amour qui peut feul nous calmer , 

Serviroit de pâture : 
Mais on n'aime point mon Sauveur ; 
C'eft ce qui me perce le cœur. 

On né parle jamais d'amour , 

Mais bien de la colère : 
On veut éloigner chaque jour 

La tendrefle de père. 
On ne rend pas parfait amant 
Ne parlant que de châtiment. 

Notre cœur eft fait pour aimer 

Beaucoup plus que pour craindre; 
Cherchant le doux , il fuit l'amer , 



Z6t P O E 8 I X 8 

Et ne peut fe contraindre ; 
Faîtes-donc parler, mon Epoux, 
Du bonheur a'étre tout à vous. 

On ne met point à Thamecjon 
Du chicotin fauvage : 
On n'y prendroit pas un poiflbn, 
Uappas prend davantage : " 
En ne parlant que de rigueur 
On n'attrapera pas un cœur. 



C C I I L 

Déjîr que tous aiment Dieu. 

Air : F'ous brillez feule en ces retraites. 



Vc 



ous qui pofledez ce que j'aime^ 
Divin Objet, qui pouvez feul charmer, 
Vous favez ma douleur extrême , 
Je languis pour vous voir aimer. 

Votre puiffance eft infinie , 
Rien ne peut égaler votre grandeur; 
Vous êtes maître de la vie , 
Soyez-le donc aufli du cœur ! 

Mais ce cœur vous fait réfiftance : 
Vous êtes jufte & faint autant que doux , 
Ha , montrez-lui votre puiflance ; 
Je languis de le voir à vous. 



V 



Spirituelles. ^69 



C C I V. 

Infiances à Dieu, pour quHlfefaffe des 
amants. 

Air : Profitons des plaîfîrs ^ Bergère* 

J? AiTES-vous des amans fincerçs , 
Je vous le dis depuis longtems : 
Vous n'en voulez rien faire , 
Mon cœur n'eft pas content : 
Vous aurez une affaire 
Avec moi fûrement. 

Pourquoi tant de cœurs inutiles 
Qui pourroient û bien vous aimer? 
Tout-puiffant , tout habile , 
Vous laiffer défarmer ! 
Vos traits feroient utiles. 
Ils pourroient tout charmer. 

Cher Maître , je fuis en colère, 
Je bouderai jufqu'à demain , 
Si je ne vous vois faire 
Bientôt un grand butin 
De ces cœurs téméraires 
Qui s'occupent du RIEN. 

Pourquoi vous donner tant de peines , 
Vous , qui favez former des cœurs ? 
Tout le fang de vos veines 
Verfé pour les pécheurs. 
Ils relient dans leurs chaînes ; 
Vous riez de mes pleurs. 

Vous avez un peu de malice 

De me laiffer dans les tourmens ? 

Je connois que le vice 



270 P o E s I C f 

Enlevé vos amans ; 

Et ce m'eft un fupplice 

De Je voir feulement. 

Ah ! vous n'avez point de courage 
Si vous n'attrapez quelque cœur : 
Vos flèches , vos cordages 
Sont de nulle valeur, 
Ce n'efl qu'un badiilage. 
Montrez de la vigueur. 

Vous fouffrez, vous verfez des larmes, 
Ah î n'étes-vous pas tout-puiflant ! 
Souffrir qu'on vous défarme 
Ainû qu'un foible enfant ! 
Donnez à tout l' alarme , 
Vous ferez triomphant. 



C C V. 

Réjignation (Tune atne apofiolique. 
Air : On n'aime plus dans nos forêts. 



A, 



LH!ne parlons plus de la mort. 
Parlons bien plutôt de la vie ! 
L'amour, qui gouverne mon fort, 
Et qui tient mon ame aflervie, 
JVIe fait mourir à tout moment; 
Et; c'eft là mon contentement. 

Que iï mes enfans ont befoîn 
Que je reftc encor fur la terre , 
Et que j'en prenne quelque foin; 
J'en accepte le miniftere , 
N'ayant ni défir , ni vouloir , 
Ni capacité , ni pouvoir. 



s P I R I T U E t i:. £ s. z^x 

L'Amour , à qui feul j'appartiens , 
Ordonne de ma deftinée ; 
S'il veut que j'aide encore aux fiens. 
Sa puiffance n'eft pas bornée ; 
S'il veut prolonger mon tourment. 
J'en ferai mon foulagement. 

Enfin tout m'eft indifférent , 
Tout me paroit dans l'équilibre , 
Je n'ai ni crainte , ni penchant ; 
Et mon ame tranquille & libre , 
Veut également obéir 
S'il faut vivre , s'il faut mourir. 



• Ç C V I. 

On fe rebute de la Jîmplicité. 
Air : Dans cesUewc tout rit fans cejfe. 



M. 



1 ES petits enfans s'envolent , 
Tout ainfi que des moineaux ; 
Ils cherchent d'autres écoles : 
Moi, je m'amufe à faire des rondeaux. 

Ils s'en vont courir le monde , 
Vers celui-ci , celui-là : 
Notre mère toujours gronde , 
Se difent-ils ; il faut la laifTer.là. 

Je trouve qu'ils font merveille; 
Je ne fais que badiner : 
Je fuis une pauvre vieille ; 

Ils feront bien tous de m'abandonner. 

# 

Depuis longtems je le chante. 
Je le dis à tout venant: 
On me trouve trop méchante ; 
Je ne faurois pourtant faire autreme9t. 



J72 Poésies 

Les uns aiment la fageffe ; 
Et je ne fuis qu'une enfant. 
Pauvre & pleine de foiblefle , 
Comment contenter qui veut être grand ? 

On veut la vertu parfaite ; 
Je fuis pleine de défauts : 
Je n'ai point ce qu'on fouhaite , 
Je ne trouve chez moi rien qu'un cahos. 

Chacun fe fait une idée , 
On veut la dévotion 
Et circonfpede & guindée : 
On l'ajufte fuivant fa paflion. 

Le vide n'a point de forme. 
On n'y peut rien difcerner ; ..% 

Il ne peut contenter l'homme 
Qui veut avoir du moins de quoi dîner. 

C C V I L 
Lame demande fecourspour VEglife. 

Air : Les Enfarinés s ou , L* autre jourfappergus. 

Je n'agis plus que pour ta gloire, 
Sans me mettre en peine de moi ; 
Ce que je fais je te le dois : 
' Rien ne me vient plus en mémoirç 
Que ce qui regarde ton Nom, 
Et l'intérêt de ta Sion. 

Je foupire pour ton Eglife , 
Qu'on attaque de toutes parts ; 
Fais retomber fur moi leurs dards, 
Tous l'attaquent dans fa franchife : 
Mais je vois que je ne fuis rien . 
Pour mériter un fi grand bien. 

Vie 



s P I It I T U E £ I £ s. »7J 

Viens , prends en main notre défenfe , 
A toi feul nous avons recours : 
Grand Dieu , donne-nous du fecours ; 
Et fans, égard à notre offenfe , 
Soutien avec ton bras puîflant 
Le nôtre foible & ianguiflant. 

Que j'aime tes faïnts Tabernacles ! 
Voudrois-tu les abandonner. 
Entre les mains de l'étranger ? 
Vérifiç en eux tes oracles , 
Nous affiftant de ton Fecours ; 
Tu nous l'as promis pour toujours. 

Nos ennemis fe glorifient 
Dans leurs armes & leurs fuccès: 
Penfeht-îls que tu les as fiaits 
Afin que nos cœurs s'humilient ? 
D'un revers puni leur orgueil, 
Retire les tiens du cercueil. 

Chacun fe reéonnôit coupable , 
Ayant attiré ton courroux : 
î)ans ta pitié regarde-nous, 
Veuille nous être fecourable : 
Et nous bénirons ton pouvoir, 
S'il daigne en nous fe faire voir. 

Ne diffère pas davantage ; 
Fais de tes coups inefpérés : 
Plus nos maux font défefpérés ^ 
Et plus la tempête & l'orage 
Sont tout prêts de tomber fur nous ; 
Plus tu paroitras jufte & doux. 

Ne rejette pas ma prière, 
Divin Protedeùr-de Sion; 
Regarde notre afflidion , 
Et montre-nous un cœur de père : 
Si daignes exaucer mes vœux 
Mon cœur fe croira trop heureux. 
Tome n. Cant. S 



^4 P O B 8 i E S 

ce VI IL 
Dieu hué par les tnfans. 
Air ; Celui quiiriafoumfc $ ou , Je ne veux de Tïrjh. 

Vous tirez , dites-vous , de vos petits enfans 
Une louange très-parfaite : 
C'eft donc leur cœur qui vous la rend ; 
Car toujours leur langue eft mtiette : 

De ces petits enfans qui font remplis de vous , 
Suqant le lait de la mamelle 
De votre Époufe , ô cher Époux , 
Par une grâce très-nouvelle ; 

Tirez-donc à jamais de leur cœur, cher Amouc, 
La louange qui vous peut plaire: 
Que j'aurai de plaifir un jour 
De lious voir un en votre Père ! 

Verfez , mon cher Époux , verfez du haut des Cieux , 
Au fein de votre pauvre Époufe , 
Ce lait pur & délicieux 
Dont pour eux mon ame eft jalpufe. 

Ne permettez jamais , Seigneur , que vos Enfans 
Manquent de cette nourriture. 
Ni qu'ils deviennent languilTans 
N'ayant plus en moi leur pâture. 

Ne me refufez pas , ô maître de mon cœur ,. 
Ce que ma charité demande ; 
Je ne veux point d'autre faveur 
Pour eux que la célefte viande. 



^5^^ 



Spirituelles. ^7$ 

C C I X. 
Pladitè^fiir le déchet des bons. . . 

Air : Les bergères dé Maintenoru 

JL o u s les Enfans dont tu m'as fait la Mère, 
Ne portent, pas ton divin caraélerc ; 
J'en porte au cœut une douleur amere." 

Pourquoi vèux-tu que je porte fans cefle 
L'orgueil deà uns, '& leur délicatéffe? 
Je n'ai que trop de ma propre foiblefle. 

Ah! je veux bi«n porter toute . ma vie . , 
De tes rigueurs. la douce, tyrannie ! . 
Miis, cher Amour, ne fuisNpa? i je t!én prie^ 

J'en vois beaucoup que l'ainqur abandonné , 
Mon ame en foufFre , . & mon corps en friflbnne : / 
Je n'oferois même, indiquer peribnne. 

Je vais reftet dans un profond filence. 
Sans dcclarfiif;jï^ïnais ce que je pçnfe: 
De quoi ferviilant mon lait ,. ;ma fcience ? . ^, 

Mais fi j'étoîs^moi-mémç ht coupable , . ? •. 
Divin Amt^ûf'j d^fl« Pennoi quriin'accable, ' 
Tombe fur moi ta Juftice knfdàcable [ i .» 

Que tu fais "breri' renverfef toutes choftsf * 
Les épines croiifeftt au lieu (ié ro&s;: 
De tant de mrfi^i dis nou^ quelle eft k caufé ? 

C'eft que chacun fe reçhè^rche foî-méme j- ' 
Qu'on n'aime ç oint ,(îiicrfC[ti -ort dife qu'on aiftie. 
Que ma douleur eft jufte autant qu'extrême^ 



s s 



#78 P O E s I ï « . -^ 

Sî j'ofois exiger leur foi ! . - 

Je veux bien qu'un cnacun me brave 
Et que l'on n'ait que du mépri^ . 
Pour un bien qui paroit fans prix. 

Confervez-donc vos intérêts ; 
Le reile n'efl pas mon affaire : 
Exercez fur moi vos décrets , 
Je vous bénirai comme un Père 
Dont on aime le châtiment , 
Toujours jufte & toujours clément. 

En exerçant votre rigueur 
Toujours votre amour la tempj^ .• 
Si vous bleflez un pauvre cœur , 
Tous vos coups portent leur felaire ; 
Et font défirer d'en mourir , . 
Bien loin de vouloir en guérir. 
^ Que je porte au fond de mon cœur , 
Amour , une douleur profonde l 
Qui peut pénétrer fa grandeur 
Au Ciel , en la terre & fur l'onde ? 
Nul ne la pénétre que vous , 
Amour cruel autant que doux. 

Non , jç ne plaindrai plus mon fort», 
Je n'en dirai rien autre chofe : 
L'Amour-Dieu , plus fort que la mort. 
En eft le principe & la caufe ; 
Il eft l'auteur de mon tourment , 
Comme de mon contentement. 

Tout ce que l'on fouffre pour lui, 
Porte une peine favoureufe : 
Mais ce qu'on fouffre pour autrui, 
Eft une peine infruélueufe ; 
L'homme contre fon Bienfaiteur 
Souvent s'irrite avec fureur. 

J'en dirois trop , divin Amour , 
Si je difois ce que je penfq : 
jRieij ne fera produit îcu ^ouï -, 



s P I RIT U Ç L L E S. ^7Jr 

La nature de ma foufFrance 

Et le fujet de ma douleur 

Ne fortiront pas de mon cœur. 

C C X I. 
Fœupour la converfion des hommes. 

Air : Quand Iris prend plaifir à boire» 

Seigneur en qui je me repofe » 

Je ne veux & n'aime autre chofe 
. Que voir régner ta vérité. 
Elle eft pour moi bien plus que les oracles. 

Se livrer à ta fainteté, 

Ne vouloir que ta volonté , 

Eft bien au-deflus des miracles. 

Mais hélas ! au fiecle où nous fomme$ 

On ne voit par-tout que des hommes 

Suivre le menfonge & Terreur. 
Fais-éclater , ô mon Dieu , ta puiffance : 

C'eft toi qui peux changer leur cœur ; 

Ufe de force & de douceur , 

Range-les à Tobéiffance. * 

Détrui ces amateurs d'eux-mêmes , 

Qu'ils fentent ta grandeur fuprême , 

Qu'ils s'abaiffent deflbus fon poids, 
Que dcteftant leur vanité première 

Ils fe foumettent à tes loix ; 

Et que ton vouloir foit leur choix ; 

Fais-les entrer dans ta lumière. 

Détruifant ce qui te réfifte ^ 
Que ta puiflante main affifte 
Tous ceux qui retourneftt à toi : 
Fais-leur fentir le fond de leur mifere, 
Ênfeigne-leur ti fainte loi , 

• ■ SHi 



ItSo P O E s I K s 

Donne-leur refprit de la foi , 
£t daigne les punir en père. 

Mon cœur eft jaloux de ta gloire , 
n n'en peut perdre la mémoire : 
Les ingrats me font odieux : 
Pour les pécheurs j'implore ta clémence : 
Pour ces efprits audacieux , 
Puni-les , Monarque des Cieux , 
Faifant voir à tous ta vengeance. 

Ces châtimens fi mémorables 
Ébranleront ces grands coupables, 
En leur donnant de la terreur ; 
S'ils n'aiment pas , ils craindront ta juftice : 
Peut-être une fainte frayeur 
Te rendra maître de leur cœur, 
Ou bien la crainte du fupplice. 

Qu'en tous lieux on te glorifie , 
Que ton faint Nom fe magnifie 
Et s'exalte en cet Univers, 
Qu'en mille endroits on chante tes louanges , 
Qu'on forme de facrés concerts ; 
Par mille cantiques divers 
UnifTons-nous au Chœur des Anges. 



C C X 1 1. 

Complainte de ne pas voir fruSifier àfoubait 

la vérité. 

Air : Quand Iris prend plaijîr à boire* 

I3EIGNEUR , tu m'avois fait la grâce 
Que d'une parole efficace 
Je touchois & gagnois les cœurs : 
Pourrois-je donc à préfçnt Içs féduire ? 
Que fur moi tombe ta fureur , 



Spirituelles. agi 

Que je fois un objet d'horreur 
lorfqu'à quelqu'un je pourrois nuîre. 
Toi qui connois bien toutes choFes , 
Et qui de tous les cœurs difpofes , 
Tu fais que je n'aime que toi : 
Si je m'employe encore pour mes frères , 
J'ai cru obéir à ta loi ; 
Je n'ai rien attendu de moi , 
Je connois trop bien mes miferes. 

Je n'ai recherché que ta gloire : 

Rien ne revient en ma mémoire 

Qui marque d'autres fentimens. 
Mon cœur en fecret m'aflure qu'il t'aime , 

Auteur de tous fes mouvemens : 

Je ne trouve point de momens 

Qu'il fe foit regardé lui-même. 

Daigne , Seigneur , de m'en inftruire ; 

Et dahs l'inftant daigne détruire 

Ce que je dis , ce que je fais : 
Leur aihè m'eft plus chère que la mienne : 

J'abhorre le propre intérêt ; 

Et je ne fais aucun fouhait 

Pour ma gloire , mais pour la tienne. 
Seigneur ,' corrige & redifie , 

Aux dépens même de ma vie , 

Ce qui n'eft pas ta volonté : 
Mon ame , tu le fais , eft ignorante ; 

Tu vois fon imbécillité , 

Quoiqu'elle aime ta vérité , 

Et qu'elle en foit très-dépendante. 

Je fouffre une douleur extrême 
De pouvoir nuire à ceux que j'aime ; 
Seigneur, je n'ai que trop vécu ; 
Je ne yeux vivre que pour ton fervice ; 
La peine m'a prefque vaincu ; 
Je fuis déjà très-convaincu « 
Que tu me rendras la juftice. 



082 Poésies 

Puni-moi , fi je fuis coupable , 
Et fi d'un efprit charitable 
Je n'ai pas fervi tes enfens, 
^ils trouvoient jadis près de moi ta grâce , 
Ah ! d'où vient donc ce changement ? 
Serois-je devenu méchant ? 
Eft-ce le fruit de mon audace ? 

Raflure mon ame alarmée ; . 
Et fi tu Tas jamais aimée , 
Fais-le moi paroitre en ce jouh 
Je ne fuis que ténèbres & pouffiere , 
Si tu ne viens à mon fecours , 
Ou par juftice , ou par amour , 
Pour m'éclairer de ta lumière. 

Je ferai de nouveaux cantiques , 
Et des louanges magnifiques , 
Pour ta clémence & ta bonté : 
Souvien-toi que je n'ai plus de refuge , 
Qu'appuyé fur ta vérité , 
J'ai fait voir à tous Téquité 
De tes jugemens , ô mon Juge. 



C C X 1 1 1. 
Amour maternel pour les âmes. 

Air : Mon cher troupeau» 



E, 



JXERCE fur moi ta jufi:ice , 
N'épargne pas mon lâche cœur : 
Choifis le plus affreux fupplice. 
S'il peut reparer ton honneur. 

Je me confume en ta préfence ; 
Seigneur , & tu fais bien pourquoi ; 
Après tant de perfévérahce , 
Voudrois-tu rebuter ma foi ? 



s P I R I T XJ X L I E s. tS% 

Ce cœur n'eft point un cœur de roche ; 
PénetiBrle par ta bonté : 
Ah ! fi tu veux bien qu'il t'approche y 
Enfeigne-lui ta volonté. 

Q>ue je ne fois pas un obftacle 
Aux purs defleins de ton amour , 
Vérifie en lui ton oracle ; 
Qu'il le comprenne quelque jour. 

L'homme tout rempli de fi3i-même, 
N'approuve que ce qu'il conçoit : 
Bornant ta puiflance fuprême , 
Pour s'affurer , il fe décjoit. 

; Divin centre des âmes pures , 
Enfeigne-leur ta vérité , 
Qu'ils ne fuivent pas l'impbfliure , 
En croyant fuivre l'équité. 

Je t'ofFrirois cent fois ma vie , 
Si j'y croyois quelque valeur ; 
Afin de voir l'ame affranchie 
De l'intérêt & de la peur. 

Au lieu de certaine foupleffe ^ 
Je vois l'inflexibilité : 
Qu'elle effarouche ma tendreffe ! 
Que j'y trouve de dureté ! 

Mais il faut bien porter ma charge , 
Et la porter pour ton amour : 
Je dois fouffrir mon cfclavage , 
Si tu veux , jufqu'au dernier jour. 

Grand Dieu , fi je te fais ma plainte i 
Ce n'eft pas pour m'en dégager : 
La douleur dont je fuis atteinte. 
Veut peut-être fe foulager. 

Par là je fuis une infidèle ; 
Je redouble mon châtiment : 
Ta miféricorde efl: cruelle \ 

Par un fi long retardement. . 



184 Poésies 

Ah ! je m'adrefle à ti Jufttce ; 
Elle applique biea mieux fes coups: 
Qu'elle accepte le lachiice 
Que j'offire par elle à TEpoiix. 



C C X I V. 

Sur le même fujet. 
Air ; Vamour , Ufeid amour eji caufc. 

1^'âMOur , le pur amour , eft caufe 
Que je me charge d'un troupeau : 
Mais comme il eft le moindre du hameau , 
On dira que c'eft peu de chofe. 
Ah ! quand j'aurois tous les enfans , 

Plus petits , plus innocens ; 
Je voudrois m'en charger encore , 
Pour Tamour du Dieu que j'adore. 

L'homme ingrat bien fouvent préfère 
Les moindres plaifirs à fon Dieu ; 
Et loin de brûler de fon facré feu , 
Il ne s'attache qu'à la terre. 
Non ; ce n'eft point là mon troupeau : 
S'il eft foible , il eft plus beau : 
J'efpere qu'il fera fidèle , 
Aimant d'une Amour éternelle. 

Bien fouvent je m'afflige encore 
Quand l'amour-propre les retient : 
Ah ! que ne romps & brifes-tu leur lien , 
Difois-je au Seigneur que j'adore ; 
Mon Dieu , tu ne m'exauces pas , 
Tu vois bien mon embarras ; 
Souvent je demeure muette : 
Fais un jpur ce que je fouhaite. 



Spirituelles. ag$ 

Je fens bien que je m'intcreffe 
Bien plus à leur bonheur qu'au mien ; 
Pour moi , Seigneur , je ne demande rien : 
Pour eux je t'implore fans ceffe. 
Hélas ! fi tu voulois un jour 

Accorder à mon amour , 
Qu'ils te fuffent toujours fidèles ; 
Mes grâces feroient éternelles. 

Je me livrois à ta Juftice 
Cent fois dans les commenceméns , 
Afin de les rendre parfaits amans ; 
Ta bonté me parut propice : 
Voudrois-tu rebuter mes vœux , 

Q^uand je t'implore pour eux ? 
Non ; je nie fie à ta promefTe : 
Conduis-les félon ta SagefTe. 

Mene-les dans des pâturage4h 
Qui foient exemts de toute erreur ; 
£t ne. permets pas que leur pauvre cœur 
Ailleurs trouve fes avantages : 
Ah ! ne fouf&e point mes enfàns , 

Cher Époux , être inconftans ; 
Apprends-leur que le cœur ne t'aime , 
Qu'en fuîvant ton vouloir fuprême. 



C C X V. 
Sur le mêmefujet. 

Air : La bergère Nanette. 



Te 



DUT pendant votre abfcnce , 
Enfermée à l'écart , 
J'ai gardé le fiience 
Dans un fimple regard ; 
Auprès de mon divin Maître 



%%t V O E s I E «* 

J'ai fait paroître , 
Comme un petit enfant » 
Un air tout languiflant. 

La mère défoléc 
De n'avoir plus d'cnfkns , 
D'amour efl confoiée 
Dans fes befoins prefTans : 
Là cet amour & fidèle 

Vole vers elle , 
Lui montrant fes attraits , 
La comblant de bienfaits. 

Veux-tu que leur abfence 
Dure jufqu'à ma mort , 
O Dieu , que ta puifTance 
M'enlève fans effort : 
J'irai chanter tes louanges 
"^ Avec les Anges ; 
Je me fouviendrois d'cui ' .., 
Quand je ferois aux deux. 
Toi , qui m'en as chargée y 
Daigne les fécourir : 
Je ferois affligée , 
S'il me falloit mourir , 
Avant qu'épurant leurs âmes , 
Tes douces ilammes 
Les forment félon toi 
Par l'amour & la foi. 

Q^ue , fans prendre le change , 
Ils tâchent de mourir ; 
Que ton vouloir les range ; 
Et daigne anéantir 
Toutes les fauffes pratiques 
Des politiques , 
Leurs fens & leur raifon , 
O Seigneur de Sion. 

iQu'ils te fuivent. fens ceffe-, 
^ S'abandonnant à toi ; ^ 



Spiritvelces. 48T 

Qu'en tout ils fe délaifTent » 
Sans penfer à leur moi : 
Change leurs fauiTes idées , 
Accommodées 
Du faux fage & prudent 
Au vain raifonnement. 

C'eft par votre foibleffc 
Que vous irei à Dieu ; 
U faut la petitefTe , 
Pour brûler de fon feu , 
Supporter votre mifere , 
Et fans colère 
Découvrant vos défauts , 
En bénit le Très -haut. 

L'homme , plein de lui-même , 
Veut fe voir fans défaut ; ! 

Et fa peine eft extrême , 
Quand, loin d'avoir le haut, 
Son ame eft précipitée 

Dans la vallée 
De fa corruption , 
Dans fon abjedion. 



C C X V I. 

Sur le même fujet. 

Air : Je ne veux de TirJIs. 



ELi 



5LAS ! fi je voulois me plaindre de mon fort , 
Mes plaintes feroient équitables : 
Un poids bien plus dur que la mort 
M'afflige fouvent & m'accable. 
SI j'étois à toi fcul , je ferois trop heureux ; 
Mais tu m'as jdonné d'autres chainei : 



À88 P o S s I £ s 

Mon cœur en amant douloureuic 
T'aime , plus il fouf&e de peines. ' 

De ta main les tourmens font pour moi des plaifirs ; 
Je ne me plains point de ma charge : 
Mais d'autres caufent mes foupirs : 
Qu'ils foient donc à toi fans partage. 

Ah ! fi leur cœur t'aimoit , que je ferois content ! 
Quel eft le bonheur de la vie 
' Pour un fidèle & tendre amant ? 

C'eft de voir Tame afiujettie. 

Tu peux ce que tu veux ; & tes attraits puilTans 
Les rangeroient fous ton Empire : 
Accorde à mes emprefiemens 
Ce que tu fais que je défire. 

Je ne dirai plus rien ; mes pleurs font fuperflus : 
Si je me condamne au filence > 
Tu fais bien que je ne puis plus 
Porter , Amour , leur réfiftance. 

J'ai juré devant toi de remettre en ta main 
A^ Les âmes que tu m'as données : 

Toi feul es le Dieu fouverain , 

Qui dois régler leurs defl;inées. 

Ke me demande point compte de tes enfâns ; 
Je ferai toujours à mon aife : 
Hélas ! ils me font trop pefans ; 
Je ne leur vois rien qui te plaife. 

Ils confervent chez eux mille chofes avec toi ; 
Je n'y vois point de petiteffe : 
Donne-leur donc refprit de foi ; 
Et les conduis par ta Sagefle. 

J'ai fouftert trop longtems une trifte langueur ; 

A préfent je fuis à mon aife : 

Mon cœur a repris fa largeur ; 

Et je n'ai plus rien qui me pefe. 
Je n'éprouve qu'un poids ; & c'eft le poids d'amour: 

Ce fardeau me rend plus légère ; 

Mon 



Spirituelles; ^i^ 

Mon c(prit s'étend chaque jour , 
Quoique pauvre & dans la mifete. 
^ue ton joug , mon Seigneur , paroit délicieux ! 
Car rien en lui ne nous furcharge: /. 
Quand le cœur eft bien amoureux , 
Ce même joug nous met au large. 



C C X V 1 1. 

Enfans de Dieu inconnus au monde & à 
eux-mêmes. 

Air ; Âmi ne pqffons pas CreteiL 



o 



Dieu que j'aime ui^quenient; 
Daigne recevoir ton enfant, .* 

Qui ne veut que te plaire : 
Je viens fubir le châtiment; -A 

Que ce foit mon felaire*^ 

Je veux ce qui t'eft glorieux ; 

Et ne vois rien deffous les Cieux 

Si ce n'eft ton Empiré , 
Qui puiffe contenter mes vœux , 

Ni que mon cœur défoe. ./.h.a/wJ 

Régae 9 ô mon Dieu , .dans tous les cœurs ; 
Confume4es de tes ardeurs , 

Te les rendant conformes : 
Tu n'as plus de vrais ferviteurs 

Dans le Tiécle où nous fommes. 
Tu ne voudrois que des enfans , 
Et tous défirent d'être grands 

Fuyant la petitefle ; - ' . 

Us fe piquent d'être favans 

Et d'avoir la fagefTe. 

Tome n. Cant. T 



ijtf Poésies' 

Seigneur , tu me Tâvoîs prpmîs 
Que tu m*enveiTois des petits 
' ' Pour réjouir mon ame; 
Ce font ceux qui font tes amis , 

. Qui brûlent de ta flamme. 

Ils font délivrés d'embarras ; 
Le monde ne les connoit pas , 

On n'en fait aucun compte : 
Us font tous méprifés ^ hélas ! 

Et chacun en a honte. 

^ ' - Qu'ils ne foient connus que de tbî ; 
Que leur amour & que leur foi 
Se concentre en toi-même ; 
Et que ton amoureufe loi 
Soit leur règle fupréme. 

Conduir-'les ii fçcrétement 
Qu'ils perdent le. difcernement 

De . tes routes divines , . 
Afin que t'aimant purement 
Toi féal les détermines. 



C C X V I 1 1. 

Comment profiter des. Piftruments dont Dieu 
< - • - fefert pour, le bien des âmes. 

A m : Taifet'Wus ma miifctUy 

Je ne fauroîs plus vivre * 

Abfente de mon Dieu : 
II me faut en tout tems le fuivre, 
£t m'unir à lui fans milieu. 

Tout milieu m'eft à charge. 
Je ne le puis foufFrir : 



Spirituelle s. «9! 

Il faut que mon cœur foit au large ; 
Sinon je ne fais que languir. 

Je fuis comme, une pompe 
Q^ui ne donne point d'eau : 
Celui qui rébranle fe trompe ; 
Elle ne peut remplir fon feau. 

Il faut que dans la fource 
Son canal foit pofé ; 
Et Ton voit qu'elle prend fa courfe 
Au lieu'qui lui eft oppofé. 

Si la fource divine 
Ne monte à mon tuyau , 
On a beau mouvoir la maobine y 
On n'en fauroit tirer de l'eau. 
Il faut une foi pijre. 
Qui ne s'arrête pas 
Au foiblè ' de la créature , 
Non plus qu'à ce qu'elle a dp bas. 

Qui ne veut que l'eau pure , / ;- 

La -boit fans embarras : - / 
Q^ue le tuyau foit plein d'ordurç^» 

Lorfque l'eau ne s'en reffentip^gw î 

Bien fe fert de l'argile f 
Il en fait un tuyau; • 
On fait que le vafe eft fragile; , 
En boit-on moins pour cela l'eau* ^ 

Lorfque la foi chancelle , - 

On fe tarit d'abord : 
Mais fitôt que l'ame eft fidelle^ 
On la fent venir jufqu'au bord. 

Sans regarder le vafe, 
Buvons le pur amour : / 

Nous voulons les dons & Textafe : 
Soyons petits & fans détour. . '• ' 



^^jI Poésies 

On s'eft fait une idée 
De refprit de la foi , 
Où Famé s'eft accommodée : 
Tout le refte eft de bas aloié 

Un chacun fuit fa mode 
Dans la dévotion ; 
£t prefque chacun l'accommode 
Suivant fon inclination. 

Il faut une foi pure, 
Un chaite & fimple amotir; 
Sans plus écouter la nature , 
Ni faire fur nous un retour. 



C C X I X. 

Croire par-deffus lesfentimens. 

Air : LesfoUes (TEfpagne. 

l\EMARftTJEZ.vou8 Jésus-Christ dans rhoflîe; 

On n'y voit- que de fimples accidens: 

Il eft ainfi de Tame anéantie ; 

Rien n'y paroit pour appuyer les fens. 

La feule foi pénétre ce myftere ; 
Sans elle on eft incefTamment flottant : 
Qui veut fentir rampe toujours fur terre; 
La vérité paffe tout fentiment. 

Ceci eft beau dedans la théorie ; 
Pour la pratique , aucun n'y veut entrer : 
Car fitôt que notre ame eft appauvrie 
Sa foi chancelle & ne peut fe fixer.' 

Divin Amour , prend pitté de ma peine , 
Fais-toi fentir au cœur de tes enfans : 
Ils défirent une route certaine 
£t tu les conduis au-delTus des fens. 



t 



Spirituelles. i9i 

L'cnfent à qui le père ôtc une poQime 
Pour lui donner un riche diamant, 
S'afflige : il n'en eft pas ainfi de Thomme : 
Il voit cela comme un bonheur très-grand. 



C C X X. 
L'amour pur peu fuivL 
Air : Ah ! mon mal ne vient que dcdmer^ 

i Je fuis tout à vous, mon Seigneur, 

[ Je vous aime de tout mon cœur ; 

Vous me laifTez dans la douleur. 

Ennuyé de moi-même : 
Je vous aime de tout mon cœur; 
Et ma peine eft extrême. 

On vous écoutoit autrefois : 
Ah ! Ton n'entend plus votre voix ; 
Ils ont tous fait un autre choix,' 

Pour fuivre leur méthode : 
Ah ! l'on n'entend plus votre voix ; 

Chacun vit à fa mode. 

Que font devenus tous ces cœurs \ 
On abandonne vos douceurs , 
Pour fuivre certaines erreurs ; 

Tous fe laiflent féduire : 
On abandonne vos douceurs , 

Et votre heureux empire. 

Quand on vous aime purement. 
Ah I qu'on a de contentement ! 
Carie plus rigoureux tourment. 

Et même le martyre. 
Quand on vous aime purement, 



I 



Eft tout ce qu'on déûre. 



i|94 F O E S ,1 E s 

On ne craint point votre rigueur: 
Ah ! c*eft le repos d'un bon cœur 
Tout polTédé de fon Seigneur ! 

Il aime la foufFrance. 
Ah ! c'eft le repos d'un bon cœur , 

Que l'humble dépendance. 

L'obéiflance eft tout amour ; 
Ah ! le cœur n'a pas un retour : 
Sa peine la nuit & le jour 

Fait fes chères délices : 
Ah ! le cœur n'a pas un retour ; 

Il vit d^ facrifices ! 
Mais hélts ! qu'on vous aime peu ! 
Ah ! tout aimable & puilTant Dieu , 
On craint d'approcher votre feu , 

Loin d'y livrer fon ame! 
Ah ! tout aimable 6c puifTant Dieu , 

Brûlez-nous de fa flamme ! 

C C X X I. 

Indifférence pour être employé à aider aux 

ornes ou non. 

. Air : Ami ne pqObns pas CrctciL 



M< 



LoN Dieu que j'aime uniquement, 
M'avoit choifi pour inftrument ; 

Il me jette aux^ ordures: 
Je fuis également content , 

Ea changeant de poftures. 
Je me trouve également bien , 
Soit que je refte dans mon rien, 

Ou que fa main m'employe : 
Si Ton me traite comme un chien , 

Je le foufFrc avec joie. 



Spirituelles. 2^9^ 

Cet inftrument étoit ufé ; 
Amour l\fouvent aiguifé; 

Il n'en veut plus rien faire : 
Je ferois un mal-avifé , 

De ne m'y pas comçlaire. 

Retiré dans un petit coin , 
Sans fouci, fans penfer, fans foin, 

Ainfi qu'une œuvre morte ; 
J'irai content de mon deftin 

Là derrière la porte. 

S'il me reprenoit quelquefois , 
Afin de me mettre où j'étois ; 

Je me laifle reprendre : 
De fpivre à tout moment fes loiï , 

Je ne puis me défendre. 

S'il me faifoit changer d'état ; 
Et s'il m'employoit au combat. 

Sans me donner des armes ; 
Ou s'il me tient fur le grabat ; 
Je vois tout fans alarmes. 
Si ce n' étoit là mon devoir , 
Ou que je puffe encor vouloir ; 

L'entière folitude 
Seroit mon plaifir , mon elpoir ; 
N'y voyant rien de rude. 

Mais je fuis ainfi qu'un bàlon : 
Tout ce qu'on fait, me femble bon: 

On me pouffe , on me laiffe ; 
On me jette dans un vallon ; 

Jamais rien ne me bleffe. 



9^ 



T^ 



a9^ Poésies* 



C C X X I I. 



Le malheureux moi , obflacle à t amour de 
Dieu. 

AiVix Ah \ mon mal nt vient que dt aimer, 

vTrand Dieu , vous voyez ma langueur , 
Ah ! prenez promptcment ce cœur ; 
Puifque vous êtes fon Sauveur : 
Vous feul le pouvez faire , 
Ah ! prenez promptement ce cœur : 
C'eft en vous que j*efpere. 

Ah ! fi je le voyois un jour 
Brûler de votre pur amour , 
Sans raifonnemens , fans détour ; 

Que je ferois contente ! 
Ah ! fi je lui voyois un jour 

Une flamme confiante ! 

Hélas ! que le raifonnement 
Eft un fâcheux empêchement! 
On n'eft point véritable amant, 
Qu'en fe quittant foi-même. 
/ Hélas ! que le raifonnement 

S'oppofe au Bien Suprême ! 

Nous nous enfonçons chaque jour 
Dans le moi, dans le propre amour; 
Que nous faifons mal notre cour ^ 

A cet Etre Suprême ! 
C'efl en quittant le propre amour , 
Qu'on apprend comme on aime. 
Celui-là ne vit que pour foi , 
Qui fe cantonne dans fon MOI ; 
Qu'il cil loin de la pure foi , 



Spirituelles. «97 

Et de l'amour fuprême ! 
Qui fe cantonne dans fon MOI , 

Ignore comme on aîi^e. 
Quand on a de Tentétement , 
Ah ! qu'on parle inutilement ! 
On n'écoute pas feulement : 

Toute parole eft vaine. 
Ah 1 qu'on parle futilement , 

Et qu'on fouffre de peine ! 

Quand le cœur eft bien amoureux , 
Ah ! qu'il paroît délicieux 
De s'entretenir de fes feux ! 

Dieu fait .couler fes grâces : 
Quand le cœur eft bien amoureux 
Tous mots font efficaces. 
On fent bien que le cœur répond , 
Et qu'il chante le même ton : 
Le bon cœur ne dit jamais , NON ; 

Il eft toujours fidèle : 
Il chante le bienheureux ton 
De l'amour éternelle. 

Où trouverai-je ce bon cœur ? 
Vous me l'aviez promis , Seigneur : 
Pourquoi différer "mon bonheur ? 
Vous voyez ma fouffrance. 
Ah ! donnez-le-moi ce bon cœur , 
Plein de correfpondance ! 

Je fens repouffer chaque jour 
Les attraits de ton pur amour : 
On n'écoute plus mon cîifcours ; 

On veut vivre à fa mode : 
On n'écoute plus mon difcours ; 
Souvent il incommode. 
D'où vient cet affreux changement ? 
Ah ! toi que j'aime uniquement , 
Délivre - moi de ce tourment , 



99S Poésies 

Si ce n'eft pour ta gloire ! 
Ah ! fur le cœur trop inconflant 
Remporte la vidoire ! 

Je ne me plains pas de înes pleurs ; 
Je veux bien fouffrir des douleurs : 
Si je puis te gagner des cœurs , 

Que je fei;pis heureufe ! 
Je préférerois mes doi^urs 

A la paix favoureme. 



3 



D. 



C C X X 1 1 1. 

D Amour pur n'efi point goûté. 

Air : Je ne veux de Tirjîs. 



Fepuis longtems j'écris, & je chante d'amour; 
Je ne connois plus autre chofe : 
Je recommence chaque jour ; 
L'amour me meut , & me repofc. 

Depuis près de deux ans je demeure en repos ; 
Je ne parie , n'écris , ni chante : 
Tout fe réduit en un cahos ; 
Et cependant l'amour m'enchante. 

Je me tais , mon Seigneur , & tu fais bien pourquoi ; 
La douleur m'ôte les paroles : 
Hélas ! c'eft qu'on n'a^plus de foi , 
Et que mes difcours font frivoles, 

O Verbe qui parlez fans cefle au fond du cœur , 
Pourquoi vous taifez-vous vous-même ? 
35 Je te le dirai , chère fœur , 
,3 Aucun ne me croit ni ne m'aime. 

„ Comme je fuis parlé , je parle inceflamment : 
55 Mais l'homme me force au filence , 
55 Ou par un faux raifonnement , 
5^ Ou par fa défobéiffance. 






Spiuituelles. .099 

yy Tu ne fauroîs fans moi former aucun difcours ; 
55 Tu n'es alors qu'une ignorante : 
55 Lorfque je viens à ton fecours , 
55 Je te rends diferte & favante. 

O que j'ai de pUiHr , mon adorable Époux , 
Q^ue vous foyez mon feul principe ! 
Tout me réuflit avec vous : 
Sans vous je répands , je diffipe. 

Vqus connoiffez le tems où l'on écoutera 
Par moi la divine parole : 
Lorfque le cœur la goûtera , 
Il fuivra Tamoureufe école. 

C'eft à vous de donner l'amour, l'efprit de foi; 
C'eft à vous d'incliner l'oreille : 
Alors en l'honneur de mon Roi , 
Je pourrai chanter à merveille. 



C C X X I V. 

Ne point s'égarer des voies de t amour pur. 

Air ; Rochers y vous itesfourds^ vous ri avez 
rien de tendre. 

U cherchoîs autrefois la divine Juflice ; 
Et ton cœur tout rempli de fes facrés brandons , 
Renvoyoit à mon Dieu fans cefle tous fes dons : 
Tu voulois tout fouffrir , & vivre en facrifîce. 

D'où vient le changement qui paroît dans ton ame ? 
Ah ! ton cœur a changé ; tout change avecque lui ! 
Quoi , voudrois-tu trouver hors de lui quelque appui ? 
Ke brûles- tu donc plus d'une pudique flamme ? 

Non , non ; je n'en crois rien , & mon efprit fe flattç 
Que je verrai ton cœur brûler du pur amour ; 



|oo Poésies 

Je me plains quelquefois de te voir nn retour \ 
£t far Famour (acre mon ame eft délicate. ^ 

O divin artifan du beau feu qui me brûle , 
Daigne faire en fon cœur cet heureux changement: 
Que je fouffre pour lui le plus rude tourment , 
Pourvu qu'en tes vouloirs jamais il ne recule l 

Il connut autrefois tout ce que Dieu mérite : 
Il me difoit fouvent : „ Nous devons tout donner | 
3, A ce Dieu fouverain Ton doit s'abandonner , 
jy Sans croire cependant que jamais on s'acquitte. 

„ Qu'il difpofe de nous , foyons fon héritage ; 
„ Et qu'il faffe de nous félon fa volonté : 
,, Il agira toujours dans fa jufle équité ; 
„ Je ne vo^drois pour moi jamais nul avantage* 

), Qu'il foit donc le feul faint , feul grand , feut 
yy adorable ; 
,, Je ferai très-content de refter dans mon rien : 
,, Ce que je trouve en lui fait mon unique bien > 
„ Je me hais d'autant plus que je le trouve aimable ". 

Ah! que j'étois charmé , cher enfant de t'entendre! 
Mon cœur en bondiffoit de joie & de plaifir : 
Je ne trouvois en moi ni pein^ ni défir ; 
Et de prier pour toi pouvois-je me défendre ? 

Que je vivois heureux dans ce tems de délices , . 
Dont je ne croyois pas voir abréger le cours ! 
Je me flattois en Dieu de joindre nos amours : 
Mais ces tems fortunés font changés en fupplices. 

Non , non , mon foible cœur , tu te fais des alarmes ! 
J'efpere que fon cœur fe donnant tout à Dieu , 
Ne voudra plus que lui fans partage ou milieu ; * 
Et ce penfer flatteur vient efïuycr mes larmes. 



s P I H I T U £ t I £ s. jol 

" r- 

C C X X V. 

Prières ardentes pour le prochain. 

Air : L* amour ^ lefeul amour cft caufc. 



M< 



ION Seigneur , tu fais que je t'aime ; 
Et fi je t'implore toujours ,_ 
Tout le fuccès de mes chaftes amours 
Ne tend qu'à voir l'Être fuprême 
Régner fur ces perfides cœurs 

Qui rebutent tes faveurs. 
Hélas ! accorde ma demande : 
Que cette grâce fera grande ! 

Depuis le tems que je foupire , 
Tu fais que ce n'eft pas pour moi ; 
Que tout ce que veut & prétend ma foî , 
Eft voir des. cœurs fous ton Empire. 
Amour , ô mon Souverain Bien , 

Dégage-les de ce lien 
Qui retient leur ame affervie : 
Pour eux je confacre ma vie. 

Tu connois ma perfévérance ;' 
Je ne ceffe de demander : 
Ah ! fi tu voulois enfin m'accorder 
Ce bien pour ma longue foufirance ! 
Je me trouverois trop heureux : 

Jamais mon cœur amoureux 
Ne peut défirer davantage 
Que de te voir leur feul partage, 

C'eft à toi que mon cœur s'adrefTe : 
Pourquoi ne l'exauces-tu pas ? 
C'efl: ce qui fait toujours mon embarras. 
Quoi ! méprifes-tu ma baflcflc ? 



%OZ P O Ë S I E S 

Les petits ont charmé ton cœur , 

O mon aimable Sauveur , 
Lorfque vivant deffus la terre 
Tu daignas porter leur mifere. 

Je vais cefler toute prière ; 
Si tu ne veux pas m'exaucer , 
Je ne fais que languir & foupirer : 
Accorde-moi la grâce entière. 
Si tu les donnois à mes vœux , 

Que mes jours feroient heureux ! 
Ah ! toi qui connois que je t'aime 
Fais , tu le peux , Bonté Suprême. 



^ 



C C X X V/I. 

Sur le même fujet. 

Air : Je ne veux de Tirfis. 

J E ne veux rien pour moi , ô mon Souverain Bien , 

Je ne défire que ta gloire : 

Sans avoir égard à mon rien. 

Remporte fur eux la vidtoire. 
Hélas ! que t'ai-je fait pour me charger ainfi 

B'un peuple qui t'ell infidèle ! 

Malgré mes pleurs & mon fouci , 

Il refte bien fouvent rebelle. 

Je vais Tabàndonner fi tu ne me foutiens : 
J'entends que tu dis à mon ame , 
Que tu briferas leurs liens , 
Et les brûleras de ta flamme. 

^uand viendra-t-il ce jour, ô mon unique efpoir î 
Je l'attends , même je Tefpere. 
Hélas , quand me feras-tu voir , 
Q^u'à mes vœux tu deviens profpere. 



s P î R r T tJ E t t E s. iof 

t-ce eux , eft-ce bien moi qui m'oppofe à ce dou ? 
Si c'eft moi , puni-moi toi-même. 
Eft-il contraire à l'abandon 
De défiter que chacun t'aime, 

près m'étre trouvé fi longtems fans défirs , 
Tu m'en as donné pour mon frère i 
Regarde mes pleurs , mes foupirs î 
Souviens-toi que tu fus fon Perc. 

uand je vois ton amour pour des peuples ingrats , 

Je fens que tu me juftifies , \ 

Et crois que tu m'accorderas 

Ce pourquoi tu donnas ta vîel 
je me fens preffé d'implorer chaque jour 

Pour .eux cette miféricorde 

Que nous devons à ton amour : 

Eft-il rien que tu ne m'accordes ? 
aifcz-vous ma raifon , taifez-vous mes foupiis , 

Le Sçigneur va finir mes peines : 

Il vient exaucer mes défirs ; 

Et mes larmes ne font plus vaines, 



CÇXX VII. 

Sur le même Sujet. 

Air : On ne vit plus dans nos forêts. 



G 



Seigneur à qui j'appartiens , 
Difpofe toujours de mon ame ; 
Je ne puis rien , je ne fuis rien. 
Si quelquefois je te reclame , 
C'eft en faveur de mes enfans 
Q^u'ils foient fimples & innocens. 

Je porte fouvent dans mon cœur 
Pour eux une douleur profonde : 



}P4 P E S I S & 

Ne permets jamais , mon Seigneur , 
^ Que la raifon trop vagabonde 
Leur fafle quitter de la Foi 
La route pour fuivre leur moi. 

Peut^on s'abandonner à toi , 
Et craindre de ne pas te fuivre f 
Toi , qui prends plaifir d'être Roi , 
De qui de tout fon cœur fe livre 
A ton fecret commandement , 
Sans fe regarder un moment. 

Rien n'oiFenfe tant ta bonté 
,Que ces fortes de. défiance : 
Il faut quitter fa volonté , 
Et te fuivre fans affurance , 
Sans fe mettre en peine de foi ; 
C'eft là le fentier de la foi. 

Mais combien d'héfitations , 
Que de doutes qui te déplaifent » * 
Combien de penfers , de raifons ! 
L'ame n'eft jamais à fon àife \ 
Toujours flottante en fes fouhaits f 
Elle ne peut avoir de paix. 

La douleur m'oblige fouvent ; 
Comme malgré moi , de te dire : 
Seigneur qui fais tout juflement , 
Délivre-moi de ce martyre. 
Soit en me livrant à la mort , 
Soit en m'abandonnant au fort. 



CCXX^ 



s P I.R I T q. fi L L £ S. )oS 

GC XX VIII. 

Sur ΀ même fujet. 

AlK : Rochers ^ vous êtes fourdr. 

U rebutes, Seigneur, mes vœux les plus finceres, 
Et tu n'écoutes point mes foupirs languiflans : 
Pourquoi m*as-tu donné ce grand nombre d'enfans 
Si tu n'exauces pas leur déplorable mère. 

Je ne veux rien pour moi , pour eux je m'intérefle ; 
Je ne fuis qu'une enfant, comblée de douleur 
Je porte chaque jour lefoible de leur cœur : 
Amour , épargne , hélas ! mon extrême foibleîTe. 

Affermi dans leurs cœurs le défir de ta gloire; 
ÇJu'ils fe renoncent tous , mourant à l'intérêt ; 
Q^u'ils fe comptent pour rien , voulant ce qui te plait ; 
Que le MOI foit banni fans fin de leur mémoire. 

O qui mérites feul les fouverains hommages , 
On doit vouloir pour toi ; non pas vouloir pour nous , 
Refpedter la juftice adorant ton courroux : 
Mais ces lâches enfans manquent bien de courage. 

Change , change , Seigneur , leur cœur pufiUanime , 
Revéts-les de ta force , apprends leur à t'aimer ; 
Qu'ils ne puiffent hors toi jamais rien eftimer : 
Ah ! fais que ton Efprit en tout tems les anime. 

Vivez , vivez , Seigneur , & que l'humain périffe , 
Qu'il ne leur refte plus ni volonté ni choix ; 
Incertains de leur fort fe trouvant aux abois. 
De leur éternité recjois le facrifice. 



Tome U. Cant, 



)e< Poésies 

C C X X I X. 
Douleur fur la perverfitê des homme î. 

Air : Profitons des plaifirs berga-e. 

V./HACUN joue une comédie ^ 
£t nul ne va de bonne foi ; 
Si tu n'y remédies 
Je fuis en défarroi :' 
Tire-moi de la vie , 
mon cher petit-Roi. 

Ce ne font que marionettes 
* Que Ton fait agir par refTorts y 
L'entretien des fornettes; 
Dans le fecret on mord : 
Hélas .* que je fouhaite 
D'abandonner ce corps 1 

Serai-je longtems fur la terre 
Pour te voir fi peu refpeâer ? 
Chacun fe fait la guerre , 
On tâche à s'attraper; 
O l'horrible mifere! 
On cherche à fe duper. 

Hélas ! que je fuis affligée 
De voir fouvent ce que je vois ! 
Ta juftice outragée 
Me jette dans l'effroi. 
Ta bonté méprifée 
Me met prefque hors de moi. 

Je n'ai que des momens à vivre , 
Je fens redoubler ma douleur ; 
Si l'on vouloit te fuivre , 
Quel plaifir pour mon cœur! 
Le monde les enivre 
D'une fauffe douceur !« - • "- .' ' 



s P î t s T U E X t E s. JOT? 



C Ç X X X, 

V ennemi cherche àfemer la sd%(mie parmi le 
bon grain. 

Air : Vans ces défcrtspaipblcs. 



D, 



'ans ce féjour pàifible 
Le Démon vient nous tourmenter : 

Que cela m'eft pénible! 
Je voudrois bien loin l'écatter. 

Vous feul le pouvez faire , 
Vous qui favez donner la paix ; 

Etat fi falutaire, 
Viens combler nos juftes fouJbaits. 

Nous étions fi tranquilles; 
L'ennemi de notre bonheur 

Prend notre domicile : 
Ah ! du moins gardez notre cœur. 

Souffrez-vous qu'il dévore 
Ce que nous vous avons donné ? 

Daignez le prendre encore : 
Ce féjour fera fortuné. 

Digne objet d'efpérancè , ' 
Daignez-vouf fou venir de nous : 

Croiffez ma patience ; 
£t tous les maux me feront doux; 

Hélas î notre foibleffe 
Nous accable dans tous les tems ! 

Regardez ma triftefle : 

Prenez-les comme vos enfens. ^ 



y % 



fûS POESIKft 

CCXXXI. 

Sur le même fu jet. 

Air .* JÊh ! mon moine vient que étatmer. 

J'ai beau vous peindre ma douleur, 
Ah ! vous n'écoutez plus mon cœur ! 
Qu'eft devenu votre faveur , 

Seul Auteur de mon être ? 
Ah! vous n'écoutez plus mon cœur^ 
Mon adorable Maître ! 

Souverain Monarque des Cieux, 
Ah! daignez écouter mes vœux! 
BannifTez l'eCprit envieux 

De ma trifte demeure. 
Ah ! daignez exaucer mes vœux ; 

Ou faites que je meure! 
Je ne puisfoufFrir plus longtems 
Que l'ennemi foit triomphant « 
Voyez en pitié vos enfans , 

O mon unique caufe ! 
Voyez en pitié vos enfans ; 

Qu'en vous leur cœur repofe. . 

L'ennepii verfefon poifon ; 
Il vient ofFufquer leur raifon. 
Les retire de l'abandon , 

De la paix & du calme: 
Donnez, ô Seigneur de Sion, 

Le repos à leur ame. 

O doux centre de l'unité , 
RemplifTez-les de charité; 
X Faites fentir la vérité , 

Qu'ils ne prennent le change : 



s P IJR I T U E LL I & 30f 

RcmpliflezJes. de charitë 

Je me livre en échange. 
J'ai déjà foufFert mille maux , 
"Ah ! je ne crains point les travaux ! 
Quand vous m'accablez de .fardeaux » 

Je chante vos louanges : 
Je ne craindrai point les travaux ; ) 

Si votre amour les change. 

Donnez-leur la fainte union^ 
Renverfez fous eux le Dragon ; ^ 

Qu'ils quittent la propre raifon: ' 'S.» 

Ils verrbat que leur ame 
Goûtera la fainte union , 

Et vôtre ppre flamme. 

Vous avez la clef de leur ciœur, - .'* 

Ah ! daignez me l'ouvrir , Seigneur ! 
Car je vois que le Suborneur 

Tient leur ame fermée : 
Ah ! daignez me l'ouvrit, Seigneur, , i ,,: 

Si vous m'avez aimée ! 

Hélas ! qu'eft devenu ce tems , 
O Jéfus , mon divin Amant, 
Que vous m'exauciez àl'inftant; , 

Et votre amour fidèle , 
O Jéfus , mon divin Amant 

Secondoit lors mon zélé ! 

Vous me voyez longtems languir , 
Hélas ! vous me laifTez gémir ! 
Et fans daigner me fécourir. 

Vous détournez l'oreille ! 
Hélas ! vous me 'laifTez gémir , ^ 

Bonté fans pareille ! 

Ai- je attiré votre courroux , 
O Jéfus mon célefie Époux ; 
Je viens pour recevoir vos coups : 
Daignez leur faire grâce. 



ftO îP OIE S 1 «'« " 

O Jéfus ! mon c^Iefte Époux , 
Puniflez mon audace ! 



' C C X X X I L 

Préfens efforts de Satan contre t Amour. 

A|R : Jcnt vtux de Tirfis. 

J E voudrois i mon Jéfus , que vqus fuffiez aimé , 
Je n'exprime pas mon martyre : 
Ahiperfonne n-eft enflammé, ; 
Aucun ne yit fous votre empire ! 

Quand je dirois mes maux , nul n'en feroit touché ; 
Qu^nd je lalfTerois voir mon ame , ' 
Dans ce tems , qui n'eft que péché , 
(a) Tous fe bandroient contre ma flamme. 

Satan eft déohainé ; faifant tout fon effort 

Four nuire à tous tant que nous fommes ; 
Les pécheurs avec lui d'accord 
Voudroient, perdre les autres hommes. 

Mais il n'a plus qu'un tems , les autres font pafTés ; 
Tout fuit fon malheureux domaine : 
Tous les bons qui font difperfés , 
Éprouvent l'effet de fa haine. 

Retire-toi d'ici , malheureux fédudteur, 
Laiffe les enfans de mon Maître ; 
Tu n'as nul pouvoir fur leur cœur , 
Qu'à tes efforts tu veux foumettre. 

Depuis que je l'ai vu dans cet acharnement, 
Ma joie eft changée en trifteffe : 
Je n*ai plus ce contentement 
Qui tient mon ame en alégreffe. 

(a) Ou Tous s'oppoferont à 



Spirituelles. fit 

stire-toi d'ici , va , lailTe-nous en pjiix : 
Petits enfans de la SagefTe , ' 

Ah ! ne lui permettez jamais 
De verier en vous la trifteffe. 

ît cfpfit féduéteur met la divifion , 
Il ôte la paix de nos âmes : 
Jéfus veut de nous Tunion , 
En lui (ont les plus pures flammes. 

fus , divin Amour , qui pofledez mon cœur , 
A tous daignez être propice ; 
Enchaînez rEfprit féduâeur. 
Ou bien redoublez fon fupplice. 

L ! je Voià que par tout il féduit mes enfans, \\ ' V 

Les uns par la fade molleflc , 

Les autres par les fentimens , 

D'autres par la prière fitgeflç* 
nez , divin Enfant , renverfez le deflcin r 

De l'ennemi de votre cgloire ; :"? 

Ah ! :cacîhez-nous daçs votre fein 9 

Sur lui remportez la vi^ftoire. ' 

ur voir ce qiie je vois, jô n'ai que trop vécu , 
Je ne fouflfre rien pour çioi-mçme ; 
Pour ei|x mon cœur eft abattu , 
Faites-donc , Seigneur , qu'on vous aime ! 

n'oferois encorfc afpirer à la mort, 

L'amour pur m'en feroit un crline; 
Je ne puis faire aucun eiFort , 
Mais je puis être fa.vidlime. 

charité , Seigneur , a différens effets , 
Vott^ aimant j'aime plus mon frère ; 
Et plus ces amours font parfaits 
Plus j'appaife votre colère. 

ne puis oppofef , 6 mon divin Époux, 
A tant de fujets de vengeance , 
Que votre fang verfé pour tops : 
C'cft-là notre feule défenfe. 

v* 



%1^ P E s t E s 

Voùs-voulez qu'avec tous je paye pour autrui ; 
A vos vouloirs je m'abandonne : 
Soyez ma force & mon appui ; 
Uamour fait tout ce qu'il ordonne. 

O pur & chafte amour , vous faites mon bonheur , 
Enfant Dieu y SageiTe incarnée , 
Vous qui feui poiîedez mon cœur. 
Réglez toujours ma deilinée. 



ce XX XIII. 

Dieu réjyie au fuperbe & dôme fa grâce à 
Pbumble. 

Air ; Je ne veux de Tirfis. 

Je vivrois trop heureux , fî je voyois un jour 
Un peuple foumiâ , non rebelle : 
Tout feroit doux à mon amour ; 
Même la douleur plus cruelle. 

Régne fur tous les cœurs , ô mon fouverain Bien ; 

Mon ame alors fera contente : 

Car je ne défire plus rien ; 

Ton régne fait toute ma pente. 
Tu ne m'exauces point , 6 mon divin Époux ; 

Je vois par-tout/ des cœurs rebelles. 

Ton bras prêt à lancer des coups 

DelTus ces têtes criminelles. 

Ah ! fi le châtiment pouvoir donc les changer ! 
Leur cœur s'endurcit davantage : 
Je ne cefTe de m'affliger ; 
Souvien-toi qu'ils font ton ouvrage. 

53 Ils n'ont plus d'autre Dieu que l'infâme plaifir ; 
33 Leur loi gît en Içur feul caprice ; 



s F I R I T V E L t E s. )l|i 

55 Ils ne connoiflent qu'un dcfir; 
55 C'eft de fe livrer à tout vice '\ 

i n'oferois , Seigneur , implorer ton fecours , 
Pour cette race pécherefle : 
Je vois qu'on t'ofFenfe toujours , 
Et qu'on méprife ta SageiTe. 

lut-il que ton honneur foit méprifé de tous ? 
Je me condamne encor moi-même 
A fubir ton jufte courroux : 
Agis , ô Juftice fuprême. 

gis , car il eft tems de montrer ton pouvoir 
Contre Thomme qui te méprife , 
Qui s'éloigne de fon devoir , 
Et que fon orgueil autorife. 

décidç de tout contre ton jugement : 
Il voudroit borner ta clémence , 
Lorfque le pécheur pénitent 
S'accufe de fon ignorance. 

;yrs crimes font cachés , leur zèle eft trop amer 
Contre Içs pénitens coupables : 
C'eft ce qui les fait eftimer , 
Non de toi , mais de leurs femblables. 

ligne montrer à tous quelle eft ton équité ; 
Ton jugement entre en viétoire , 
Découvrant leur iniquité : 
Tu le dois , Seigneur , pour ta gloire. 

rdonne à tes enfans : ils ne font pas parfaits ; 
Mais ils eftiment ta Juftice : 
Us regardent comme bienfaits , 
Quand tu punis ici leur vice! 

lorant en fecret tes fouverains décrets y 
Us les trouvent tous équitables ; 
N'ayant que des défirs parfaits , 
Us fe reconnoiflent coupables. 

en loin de s'txcufer , comme .l'audacieux , 
Ils s'accufent en ta préfence -, 



)I4 F O £ S I E 9 

Et fana ofer lever les yeux , 
Us adorent ta prefcience. 

Toujours contens de toi , ne fe plaignant que d'eux, 
Croyant mériter le fupplice , 
Ds fe confeifent trop heureux 
D'être punis par la Juftice. 

Préférant dans leur cœur le plus dur châtiment , 
Ils veulent tout ce qui t'honore ; 
Et fe livrent à tout moment , 
Afin de plus fouf&ir encore. 

Ils difent : Venge-toi , Seigneur, de nos forfaits ; 
N'épargne pas ce cœur coupable : 
Nous voulons fubir tes arrêts ; 
Tout de toi nous eft adorable. 

L* orgueilleux racontant fes bonnes aétions , 
Ne trouve point de récompenfe 
Digne de fes afflidlions ; 
^1 n'eft pas jufte en fa balance. 

Sur le moindre défaut qu'il remarque en autrui , 
Son zèle rempli de colère , 
Le porte à méprifer celui 
^ue tu conduis comme un bon Père. 

Il traite durement le pécheur pénitent , 
Il ne lui prêche qu'abftînence : 
S'en prenant même à l'innocent. 
Il accufe fon innocence. 

Eft-ce le poids de Dieu que ce poids inégal ? 
Quand Dieu découvrira leur ame , 
On verra ce courroux fatal 
Ne mériter rien que la flamme. 

Lorfqu'il aura pitié, de l'humble pénitent. 

Il perdra dedans fa colère 

Ce fuperbe qui fe flattant , 

S'indifpofoit contre fon fîrere. 
Si nous nous accufons , Dieu nous pardonnera ; 

Il ne peut fouffirir qu'on s'cxcufe : 



s P I RI T U E 1 L E S. 3lf 

Et 1)ient6t il condamnera 
Ce faux zélé rempli de rufe. 

L'homme de bonne foi s'accufe de bon cœur ; 
Il fait qu'il n'éft rien que foiblefle : 
Quand l'orgueilleux plein de hauteur 
Ne fait cas que de fa fageffe. 



C C X X X I V. 

Fraie liberté. Etat du néant. 
Air : Les folies d^E/pqgne. 

j/XMOUR y Amour , à toi je m'abandonne : 
I Étant à toi , puis-je m'abandonner ? 
Fai de ce cœur ce que tu veux , ordonne : 
Tu ne me verras jamais murnlurer. 

Si je me plains , l'intérêt pour moi-même 
Me fait trop voir qu'indigne de mon Dieu , 
Je n'aime point comme Dieu veut qu'on aime , 
Ni ne connois fon pur & chafte feu. 

Mon'divin Roi , que j'aime ton empire ! 
Quand feras-tu Souverain en tous lieux ? 
Tu connois bien poiii^quoi mon cœur foupîrc ; 
Ta gloire feule eft l'objet de mes voeux. 

Dieu tout-puiflant , ah ! vaincs la réfiilance 
De ces» cœurs qui font formés de fa main ! 
Tout difparoit fitôt que ta puiffance 
Ufe fur eux d'un pouvoir fouverain. 

J'ai des enfans , commence ton ouvrage 
Deflus leurs cœurs ; rends-les aflujettis , 
Soumis à toi ; c'eft fortir d'efclavage : 
Foi feul rends libre , & vaincs nos ennemis* 

La liberté* gît en l'obéiflance 
52,ue nous rendons au Souverain Pouvoir : 



^16 P B s I E f 

Trop heureux fort, aimable dépendance^ 
Qu'on trouve en fuivant le divin vouloir ! 

O volonté que j*aime & que j'adore ! 
Viens perdre en toi notre propre vouloir : 
Pourrions-nous bien nous gouverner encore ? 
Ah ! je fens trop mon foible & mon pouvoir ! 

Oui , je fens bien mon extrême mifere ; 
J'en fuis content , voyant ta Sainteté : 
Mon plaifir eft que ta gloire profpere ; 
Hors d'elle tout me paroit vanité. 

Le néant eft ma véritable place ; 
Hors de là tout eft ufurpation : 
C'eft fur le rien que triomphe ta grâce , 
C'eft où Dieu met fon application. 

Ce même Dieu qui réfifte au fuperbe , 
Qui s'irrite contre toute hauteur, 
S'unit au cœur qui, comme petite herbe , 
Se plie au moindre vent de fon moteur. 

Tous les hommes tendent à quelque chofe ; 
Et Dieu veut qu'on demeure dans fon rien : 
Laiflbns agir notre Première Caufe ; 
En perdant tout , nous trouverons tout bien. 

Mais l'homme vain abhorre ce langage : 
Ce qui le détruit à fes propres yeux , 
Lui fait fentir une mortelle rage ; 
Le pur néant lui paroit odieux. 

C'eft du néant yie Dieu fait toute chofe , 
En lui donnant & l'être & la beauté : 
Il ne trouve rien en lui qui s'oppofe 
A tous les defleins de fa volonté. 

L'homme au contraire inceflamment s'oppofe 
A tout ce que mon Dieu veut faire en lui : 
Il veut gouverner la Première Caufe , 
Et fe faire à foi-même un ferme appui : 



Spirituelles. 

Se croit plus fage que la providence , 
Veut tout plier félon fa volonté ; 
Si quelque chofe lui fait réfiftance , 
Il accufe la Suprême Équité. 

Mais Dijeu fe rit de fa fauffe Sageffe , 
Il détruit fes deffeins en un moment ; 
Et lui montrant quelle en eft la foibleffe , 
Il fait bien voir qu'il eft le Tout-puiffant. 






C C X X X V. 
Rareté des vrais enfans de Dieu. 
Air : On ne vit plus dans nos forêts» 

Je ne vois plus de vrais enfians : 
Tous font faux , chacun fe déguife ; 
Trop fages , ou trop inconftans , 
Un chacun veut vivre à fa guife : 
Un petit nombre cependant 
Travaille à devenir enfant. 

O mon cher & divin Époux , 
Accorde-moi du moins la grâce , 
Avant les abandonner tous , 
Que quelqu'un d'entr'eux fatisfaffc 
Les empreflemens innocens 
Q^ue j'ai pour te voir des enfans. 

Je m'appcr<;ois de jour en jour , 
Qu'on fe recherche plus foi-même ; 
Qu'on s'éloigne de ton amour ; 
Et que c'eft vraiment foi qu'on aime : 
Un petit nombre cependant 
Travaille à devenir enfant. 

Us fuivent l'inclination 
Dans les çonfeils qu'ils te demandent , 



E 



1^ Poésies 



ce XXXVI. 

Souhaits pour le règne de T Amour. 

Air : Vous brilkz feule en ces retraites. 

/\H ! régnez fur toute la terre , 
Je le dcfire , ô mon très-chcr Époux ! 
Je ne veux point d'autre falaîre 
Que de voir tous les cœurs à vous. 

Cent fois je m'afflige moi-même , 
Ne vous voyant régner fur tous les cœurs 
Ah ! faites que chacun vous aime ! 
Efprit Saint , où font vos ardeurs ? 

Tous les cœurs ne font que de glace 
Mais pour le monde ils font tous pleins d'ardeuis: 
Fondez-les du feu de la grâce , ^ 

Ou donnez-nous de nouveaux cœurs 



CCXXXVII. 

Déjir que Dieu ait &fe rajjemble des Arm- 
teurSi par le moyen de Foraifon. 

Air : Je ne veux de Tiffis. 

JL/ONNE-moi , mon Époux , done-moi tant de cœurs, 
Qu'ils puiflcnt contenter ma flamme : 
Je leur tranfporte tes faveurs , 
Pour eux je t'offre encor mon ame. 

Hélas , fi tu vouiois contenter mes défirs ! 
Ds ne regardent que ta gloire : 

Toa 



Spirituelles. fsi^i 

Ton règne feroit mes plaifirs : 
Fais-les t'aimei , fais-les me croire. 

'ils viennent t'adorer , ô Seigneur de Sion ! 
Qu'ils aiment tes faints Tabernacles ! 
Qu'ils recjoivent ton ondtion ! 
Elle inftruit mieux que les oracles. 

us , Michel , raffemblez le peuple du Seigneur , 
Appeliez d'une voix puiflante 
Ceux qui fe plaifent dans l'erreur ; 
Rendez leur ame obéifTante. 

es comme autrefois , dites , Quis ut Deus ! 
Suivez tous ce Sauveur aimable. 
Venez , raffemblez - vous , Élus ; 
Dieu feul eft faine , jufte , adorable. 

lez de tous côtés vers ce Dieu tout-puiffant,) 
Venez lui confacrer vos âmes : 
Mais que chacun vienne en enfant : 
L'enfant a les plus pure$ flammes. 

it être bien petit , il faut faire oraifon : 
Elle rend l'ame fimple & pure. 
Que toute cette nation 
. La prenne pour fa nourriture. 

:te manne cachée enlevé tous les cœurs , 
Elle les comble de délices , 
Produit les vrais adorateurs , 
Elle éteint en eux tous les vices. 

3 enfante l'amour , produit la vérité ; 
Elle unit Tame à fon principe : 
Elle fait la fimplicité » 
De qui tout elt, tout participe. 



Tome n. Cant. 



j«j ? Ô K 9 1 E !l 

_ =-= *"■ 

ccxxxvrii. 

Difir ardeia pour le règne de Jêfus-Cbrifi. 

Air : La folies d^^ppàgne. 



D. 



"epuis longtemr je reftois en fitcnce , 
Ne pouvant plus parler de mon amotir : 
Si je me fuis tû par obéîflance , 
Pour obéir je chante en ce beau jour. 

Divin Amour , je veux finir ma vie , 
En racontant tes exploits glorieux , 
Sur les grands cœur^ malgré la tyrannie 
<Jue tes ennemis exercent for eux. 

Quand une fois on cornloît ta puitifàncc. 
On quitte tout pour marchei* fous ta loi ; 
On eft heureux deffous ta dépendance : 
Sois donc de tous & le Mtutre & le Roh 

Si je ceflbis de parler ton langage , 
Divin Amour , que je meute à tes yeut : 
Si je ne fuis à toi feul fkns partage , 
Fais-moi 'périr en hemme malheurealr. 

Je veux par-tout ehtoftrier tes louanges ; 
Que par mon chant dans ce gfafid Univers 
L'homme s'uhiiTe avec les chcèuts de)s Anges ^ 
Pour publier ta Grandeur par mes vers. 

Que ma langue fe fiéche dans ma bouche , 
Si je ne parle à tous de mon amour : 
Si tu permets que mon difcours en touche , 
Je verrai ce jour comme un heureux jour. 

Je ne défire, ô Seigneur , que ton Règne ; 
Je te demande enfin de m'exaucer : 
Ce n*eft point , ô Dieu , ce que tu dédaignes ; 
C'cft ce que tu veux ; je dois donc Tofer. 



Spirituelle s% ,iz% 

Si tu ne peux refufer ma demande , 
Fais donc que j'en refTente les effets : 
O toi , qui peux tout , ordonne & commande p 
Mets dans les cœurs ces déilrs fivparfaits. 

Je vois ceci dans la prière unique : 
Tes Apôtrefi la demandant un jour. 
Tu leur appris ce règne magnifique 
Qui doit être un fruit du plus pur amour. 

Tu veux que ton Nom l'homme glorifie ; 
Il le fiait quand tu règnes en fon cœur : 
Que ta volonté fe trouve accomplie , 
C'eft la gloire que tu veux , mon Seigneur. 

Tout aboutit à la charité pure : 
Glorifier ton Nom , c'eft te bénir ; 
Que tu règnes fur toute la Nature , 
N'avoir de volonté qu'en ton plaifir. 

Qui veut encore , ignore comme on aime ; 
Qui te bénit dans les maux , dans les biens » 
Te reconnoît être le Roi Suprême , 
Qui doit régner & brifer nos liens. 

C'efi; donc l'amour qui fait toutes ces cholea 
Dedans le cœur qu'il s'eft affujetti : 
11 le tranfporte en la Caufe des caufes , 
Lorfque par lui l'homme eft anéanti^ 



ês^^ 



Xz 



324 ^ POEStSS 

C C X X X I X. 

Sur le même fujet. 
Air.: Vous brillez feule en ces retraites. 

Jl ETiT Maître , je trouve étrange , 
Que le Démon devienne fi puifTant : 
A fes vouloirs chacun fe range ; 
Et tu n'as prefque aucun enfant. 

Hélas ! c*eft ce qui me défoie 
De te voir en tous les lieux combattu ! 
Chacun méprife ta parole , 
Rejettant la pure vertu. 

Pour la vertu Ton veut la mode ; 
L'apparence , & non la réalité : 
Et tout le monde s'accommode 
De Tombre de la vérité. 

Car la vérité toute nue 
Ne plait qu'aux petits enfans du Seigneur : 
Elle bieffe aux autres la vue ; 
On la fuit , même avec ardeur. 
Divin Amour que je reclame , 
Quand viendras-tu régner dans tous les cœurs ? 
C'eft le feul défir de .mon ame , 
Qui caufe mes trîftes langueurs. 
Ce Règne pour qui je foupire , 
Et qui tarde fi longtems à venir , 
Me fait endurer un martyre ; 
Quand viendras-tu pour le finir. 

Je ne puis vouloir que ta gloire : 
C'eft le fujet de mon gémiffement. 



s P 1 E I T U E t t E s. i2Ç 

Règne & remporte la vîdoire : 
Je l'attends de ton bras puiflant. 
Pourquoi augmentes-tu ma peine , 
En différant ce bonheur défîré ? 
Viens régner , Bonté Souveraine , 
C'cft un bien longtems efpéré. 

Tu peux finir notre martyre : 
Pour le fkire il ne te faut qu'un inftant. 
Pour ton intérêt je foupire : 
Que fàis-tu , Seigneur tout-puifTant ! 

Tu fouffres tout ce qui fe paffe : 
Il femble que tu ne le voyes pas : 
Ta patience n'eft pas laffe 
Des crimes qu'on fait ici-bas. 

Ta patience eft infinie , 
Comme étant , ô Grand Dieu , l'Etre Etemel : 
Tu vois comme inftant notre vie , 
L'homme agit en homme mortel. 

Renverfe-la , cette Ninive ; 
Envoyé vers elle un autre Jonas : 
Par fa voix fais qu'elle te fuive ; 
Guéris-la , ne la punis pas. 



C C X L. 

Sur le même fujet. 
Air: Les folks dEf pagne. 

Je voudrois bien, mon Seigneur & mon Père, 
Qu'on t'adorât d'efprit en vérité : 
Un adorateur de ce caradlere 
Seul eft digne de la Divinité. 

L'homme toujours veut fentîr Se connoître^ 
Et ne veut point outrepaffer fes fens : 

X l 



^26 P O B 8 I K 1 

Te traîtc-t-fl en véritable Maître ? 
Où feroit-il du nombre des enfant ? 

C'eft le groffier qu'on reiit , & le fcnfible ; 
Ce qu'on ne fent pas eft iilufion : 
Vivre en efprit leur paroit impoiliblc ; 
Us ont horreur de cette région. 

Je penfois qu'on verroit dans peu ton règne ; 
Depuis longtems tu noUs l'avais promis : 
Mais, 6 malheur qu'il faut que chacun plaigne ! 
On ne voit régner que tes ennemis. 

J'attends en paix l'effet de ta promefTc ; 
Plus tout s'éloigne , & plus j'efpere en toi ; « 
Tu fais que pour toi feul je m^ntéreffe ; 
Affujetti ces pécheurs f(»us ta loi. 

En leur faveur fais un coup mémorable ; 
Abats^les afin de les convertir : 
Change leur coeur , Bonté toute adorable » 
Qu'ils donnent des marques de repentir. 

On ne fauroit laffer ta patience , 
Étant un Dieu tout immuable & faint : 
Fais, par un châtiment plein de clémence ^^ 
<Ju'ils te connoiffent pour leur Souverain. 

û toi de qui la Majefté Suprême 
Te fait aimer des Efprits Bienheureux , 
Fais qu'ici-bas on t'adore & qu'on t'aime , 
Et qu'on t'y rende gloire comme aux Cieux. 

Nous fommes tous , Seigneur , tes créatures ^ 
Tire donc même louange de tous : 
Nos louanges font autant d'impoftures , 
Quand nos péchés attirent ton courroux. 

UnifTons-rnous à la troupe Angélique y 
Afin de te glorifier en Dieu : 
L'amour eft la louange magnifique 
Qu'il veut tirçr dç nous en ce bas lieu^ 



s P I 1 1 T U E L L B s. |»t 

C C X L I. 

JéJus^Cbrifl viendra punir les mécbans. 

Air : La jeune Iris méfait aimer fes dudnes. 

Je veux chanter un merveilleux cantique 

A la louange de mon Souverain , 

Et relever fon pouvoir magnifique : 
Xa force & la juftice eft en fa main. 

Je veux faire connoître fa Sageffe , 
In mille endroits de ce grand Univers , 
Ixalter fa gloire avec alégreffe , 
ït la [publier encor par mes vers. 

Je veux , je veux que la race future 
îar des faints airs célèbre fon faint Nom ; 
Je veux faire voir à la créature 
Ce qu'on te dois , ô Seigneur jufte & bon. 

Il vient bientôt , mais en magnificence ; 
Non plus comme un homme foible & fouffranti. 
Non plus fujet , & dans Tobéiflance , 
Mais comme un viAorieux Conquérant. 

Il va venir changer toute la terre , 
Après en avoir détruit le méchant : 
Lui, d'une main qui TUni vers enferre. 
Sera de fes ennemis triomphant. 

On verra fa Majellé redoutable 
Pour fes amis ne montrer que douceur : 
Pour ce pécheur, cet orgueilleux coupable. 
Il fentira le poids de fa fureur. 

Il verra ce grand Tout fi refpedable , • 
?our lequel il n'avoit quç du mépris , 



fit P o s t I s f : 

Qpj d*nn regard le terrafle & l'accable : 
Qu'il fera lors & confos & furpris ! 

Cette beauté qui charme tous les Angss^ . 
£t les enlevé par un (kint tranfport , 
Cette bonté fi digne de louanges 
Les abîmera fans aucun effort. 

Tu Tas haï pendant toute ta vie ^ 
Ce Dieu qui fait le bonheur de fes Saints ; 
Tu verras en lui leur ame ravie , 
Dans raccompliflement de fes defTeins. 

Charmés de voir qu'il venge Ton injure , 
Ds l'en béniront dans l'éternité ; 
Lors qu'accablé d'une peine fi dure ^ 
Tu maudiras jufqu'à Ton équité. 

Que j'aime , ô Dieu , que j'aime ta Joftice I 

Qu'elle fe venge fur rufurpateur. 
J'accepte pour moi-même le fupplice. 
Si de ce nombre fe trouvoit mon cœur. 



G C X L I L 
L'amour - propre fera détruit. 



Air ; Les folies dEf pagne. 



j 



,, *AI fait autrefois un étrange fonge , 
Qui me parut être la venté : 
Je n'y vis point les fignes du menfonge , 
Ni des autres fonges la vanité. 

Je vis un ferpent fans queue & fans tête 
Qu'on portoit ainfi qu'en proceflion ; 
Une foule , comme en un jour de fête , 
Le fuivoit avec admiration. 



Spirituelles. 329^ 

Je dis alors , d'où vient que tout le mondç 
Suit à Tenvi ce monftre qui fait peur ? 
D'où vient cette extravagance profonde ? 
Ont-ils perdu Tefprit avec le cœur ? 

Lors on me dit : ce ferpent admirable , 
Qui paroît fans tête & fans mouvemens , 
Nous fait à tous une playe incurable , 
£t plus de mal que les autres ferpens. 

Nous admirons & fuivons ce prodige : 
Sa puiflance furpaffe le pouvoir 
De ces anciens ferpens dont le preftige 
De leurs maîtres défignoit le vouloir. 

Cpuvert d'un dais avec magnificence. 
Je le voyois conduire en divers lieux ; 
Où les peuples redoutant fa puiflance , 
Se foumettoient à lui comme à des Dieux. 

Me retournant j'apperqus mon cher Maître^ • 
Que Ton portoit abandonné de tous : ^ 

Nous étions une douzaine peut-être , 
Qui le fuivions d'un cœur trifte & jaloux. • 

Je lui dis : Hélas , Auteur de la vie , 
On fuit celui qui donne à tous la mort ; 
La nation fous fes loix affervie , 
Le fuit avec joie & fans nul effort : 

On jae veut point vivre fous ton Empire ; 
On s'aflujettit à ton ennemi ! 
Et ce qui me paroit encor le pire , 
On tâche , hélas , d'augmenter fon crédit ! 

On te délaiffe , ô. Monarque Suprême ! 
Ceft là ce qui m'afHige au dernier point : 
Je vois ce mal comme un malheur extrêipe ; 
D'y remédier inutile eft le foin. 

J'ai bien connu mon fonge véritable ; 
Cela ne paroit que trop à préfent : 
Ce petit nombre d'amis qu'on accable , 
Fait voir le grand crédit de ce ferpent. 



n% P O s s I E s 

Que TOUS lui ferez tous fidèles : 
Ouvre tes portes pour ton Roi , 
Ouvrez-vous, portes étemelles. 

Quel eft ce Roi ? me dites-vous : ^ 
C'eit un Dieu tout brillant de gloire , 
Quoique meurtri de mille coups : 
Quel eft ce Roi ? me ditcs-vous. 
Cet Agneau fi fimple Se fi doux 
Eft le maître de la victoire : 
Quel eft ce Roi ? me dites-vous : 
C'eft un Dieu tout brillant de gloire. ' 

Ouvrez vos portes au Seigneur ^ 
O nation fimple & fidèle : 
Venez lui donner votre cœur ; 
Ouvrez vos portes au Seigneur : 
Il vient à vous comme Sauveur , 
Avec fa bonté paternelle. 
Ouvrez vos portes au Seigneur, 
O nation fimple & fidèle. 

Fin du Second Volume. 



S'P I t I T U E L t B s; ffi 

■ ,< — Il .. I hM— — ^ 

C C X L I I I. 

Fenue de Jéfus-Cbrift vers f m peuple. 

Air : Les Tnokts. 

JLI ONNE2 - moî cette nation 
Qui n'eft qu'amour , qu'obciflance \ 
J'en confiruirai votre Sîon ; 
Donnez-moi cette nation : 
Comblez-ta de votre onAion , 
Us viendront tous en abondahce. 
Donnez-moi cette nation , 
Qui n'eft qu'amour , qu'obëiflance. 

Fuyez , fuyez , mon cher Époux , 
Sur la montagne d'aromates : 
Montrez combien vous êtes doux:. 
Fuyez , fuyez , mon cher Epoux. 
Us viendront au-devant de vous , 
Us y viendront , & je m'en flatte : 
Fuyez , fuyez , mon cher Époux , 
Sur la montagne d'aromates. 

Ouvre tes portes, ma Sion , 
Pour recevoir le Roi de gloire : 
Entre dans la foumiflion ; 
Ouvre tes portes , ma Sion : 
Tu deviendras fa nation , 
Et le butin de fa vidtoire : 
Ouvre tes portes , ma Sion , 
Pour recevoir le Roi de gloire. 

Ouvre tes portes. pour ton Roi, 
Ouvrez-vous , portes éternelles : 
Le Seigneur veut venir chez toi , 
Ouvre tes portes pour ton Roi. 
C'eft par l'amour & par la foi