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1909
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7
(/'^ifl l
/ c
LES ÉDITIONS
ALLEMANDE, ANGLAISE
ESPAGNOLE ET ITALIENNE
DE CET OUVRAGE
SONT EN PRÉPARATION
J»-Joachim NIN
Pour
l'Art
PREMIÈRE EDITION
MCMIX
BIBLIOTHECÂ
Ottavlan»^
■MSù
AUX MUSICIENS INTERPRÈTES,
TELS QU'ILS SONT,
TELS QU'ILS DEVRAIENT ÊTRE
^
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
Universityof Ottawa
http://www.arcliive.org/details/pourlartOOninj
POUR L ART
AVANT-PROPOS
^
POUR L ART
LES idées que j'expose ici seront
sans doute contredites par
quelques-uns, acceptées par d'au-
tres et même complétées, peut-
être, par certains ; je profiterai
volontiers des enseignements de
ces derniers et je ne manquerai
pas de répondre aux contradic-
teurs, puisque c'est de l'Art qu'il
s'agit et non de nous-mêmes.
Quelques amis se croiront peut-être
visés dans ces pages ; ils auront
grandement tort, car je ne m'a-
dresse à personne en particulier.
Si toutefois, quelqu'un tient ab-
solument à se reconnaître, je le
regretterai autant potir lui que
pour moi : cela prouvera qu'il se
trouve compris dans l'odieuse
catégorie dont je vais parler. Au-
quel cas, il ne pourra m'en vou-
loir de suivre, en Art, une route
POUR L ART
Opposée à celle que nous suivons
dans r Amitié et dans la Vie.
Quoi qu'il en soit, je tiens égale-
ment à rendre hommage à ceux
de nos virtuoses contemporains,
qui, par leur sincérité et leur
honnêteté artistique, m'ont ins-
piré quelques-unes de ces ré-
flexions. Certes, ils ne sont pas
nombreux ; ils le sont assez, cepen-
dant, pour que l'on ne puisse
jamais opposer aux tentatives de
purif cation de notre Art, des
objections d'ordre utilitaire, con-
trairement à l'opinion de ceux
qui prétendent que l'honnêteté et
la probité artistiques sont incom-
patibles avec les avantages maté-
riels.
Quant au style de mes écrits, je dirai
une fois pour toutes aux puristes
et grammairiens qui les liront,
ce que disait Couperin-le-Grand,
dans la Préface de son troisième
livre de Pièces : « J'y parle de
POUR L ART
mon art, et si je m'assujettissais à
imiter la sublimité du leur, peut-
être parlerai s-je moins bien du
mien... "
J.-JOACHIM NlN.
l^f
POUR L ART
envisager l art, .von
comme ux prompt moyen
d'arriver a d'Égoïstes
jouissances, a une sté-
rile célébrité, mais
comme une force qui
rapproche et unit les
HOMMES.
Franz LISZT.
l'art n'est qu'une
sorte de religion.
Georges RODENBACH.
POUR L ART
o
N ne sait pas assez les difficultés
qui entravent nos premiers pas
d'artistes ; on voit trop peu les
obstacles qui se dressent, au dé-
but de notre carrière, dans l'ho-
rizon de notre avenir ; on ne veut
pas connaître les dangers qui
nous menacent et les ennemis
qui nous guettent sur le difficile
chemin de la Gloire. L'un de ces
ennemis, chaque jour plus re-
doutable, car il grandit et gran-
dira peut-être jusqu'à tuer notre
âme, bien avant que nous soyons
arrivés au but. c'est le mercanti-
lisme.
Cet agent destructeur d'un Art
auquel nous avons voué nos exis-
tences et nos énergies est devenu
dangereux surtout par la faute
des faibles, de ceux qui, n'osant
pas lutter sainement et pure-
ment pour l'idéal, se sont ven-
POUR L ART
dus au public — qu'ils craignent
' de toute leur lâcheté — et reçoi-
vent en échange une illégitime
célébrité, rendue stérile par leur
faiblesse même. Oubliant que
leur devoir était de s'imposer au
public, de l'enseigner et de le
conduire par la vérité à la com-
préhension de l'œuvre, aux dé-
pens même de leur vanité per-
sonnelle et de leur ambition, ils
se sont avoués vaincus d'avan-
ce par crainte de la lutte; et,
dans leur égoïste pusillanimité,
ils n'ont songé qu'au succès fa-
cile, à la consécration anonyme
et inconsciente de la foule, et à
la recette, qui en est la consé-
quence immédiate.
Fascinée par cet appât factice et
vil qu'on appelle la virtuosité, la
foule naïve et souvent igno-
rante les paye, les approuve, les
acclame, comble tous leurs dé-
sirs, satisfait tous leurs ca-
prices et ne leur accorde, en un
10
POUR L ART.
mot, cette consécration, que
ponr devenir ensuite leur victime
leurrée mais convaincue.
Auprès de ces cabotins, dont la ruse
égale la dextérité, tout pâlit,
car leur auréole n'est point faite
de la bonne lumière qui guide et
éclaire les esprits ; c'est l'éclat
criard et éblouissant du cir-
que ou du music-hall, reflété
à l'infini par le succès mondain.
Ils sont les idoles de notre siècle ;
et cependant, lisez les bons criti-
ques : vous verrez ce qu'ils pen-
sent de ces sinistres pantins :
fréquentez les meilleurs cercles
intellectuels : vous saurez quelle
opinion on y professe sur tel ou
tel virtuose consacré par une re-
nommée en apparence immar-
cessible.
J'ai nommé les deux fléaux qui
rongent, en la torturant, notre
vie d'artiste : le mercantilisme
dont l'âpreté enlaidit tout, parce
II
POUR L ART
qu'il aboutit infailliblement à la
virtuosité à outrance et quand
même; la virtuosité parce qu'elle
tue l'Art, en affaiblissant notre
sensibilité et en faussant notre
goût.
Ce qui devait être pour nous une
mission est devenu, par la vir-
tuosité, un moyen d'arriver, car
c'est, en effet, par la virtuosité
que l'on attire le plus facilement
la foule ; c'est par la virtuosité
que l'on est tombé dans les excès
du mercantilisme que nous dé-
plorons tous, et c'est encore par
la virtuosité que l'on est par-
venu à transformer les salles de
concerts en boutiques et les ar-
tistes en grotesques marchands.
C'est ainsi qu'aujourd'hui l'on nous
juge par la quantité surtout :
quantité de mémoire, quantité
de force, quantité de vitesse,
d'endurance, etc., éléments bien
secondaires, pourtant, dans l'art
12
POUR L ART.
de l'interprétation, mais qui y
occupent actuellement la place
prépondérante ; et c'est ainsi
que la lutte entre l'artiste et le
public devient de plus en plus pé-
nible. Le public est gavé de vir-
tuosité inutile; les performances
où l'on exécute toujours les
mêmes tours de force, avec les
mêmes gestes et le même appa-
rat, ne l'intéressent plus que si
elles sont réalisées par des sujets
en vedette, c'est-à-dire par des
gens qui, généralement, ont sa-
crifié toute leur vie, non à ob-
server et à étudier la Beauté pour
la faire comprendre, mais à se
faire une technique infaillible,
grâce à laquelle ils ont évidem-
ment plus de chances que les au-
tres d'accomplir ces prodiges
avec adresse et en toute sécurité.
POUR L ART
pas impossible. Il travaillerait,
il cultiverait son esprit, il forme-
rait son âme, et voudrait enfin
faire part un jour à son prochain
des saines pensées qui l'animent.
Alors, il parlerait, et il parlerait
doucement, avec la sérénité que
comporte le noble idéal vers
lequel il aurait élevé son âme,
après de graves réflexions. Il
dirait de belles choses, et il les
dirait avec la puissance, mais
en même temps avec la sim-
plicité que donnent la Foi et la
Conviction. Ses idées seraient
claires, parce qu'elles refléte-
raient la lueur naissante et pure
de l'aurore de sa vie, qu'il vou-
drait belle et dégagée de la ma-
tière.
Il s'écouterait, parce qu'il serait
jeune et fier de sa jeunesse;
mais, que verrait-il?... Qu'on ne
l'écoute pas, qu'on ne l'entend
plus !...
14.
POUR L ART
Il avait cru parler à son prochain^
et il se trouve en face d'une foule
qui sourit narquoisement, avec
cet air d'intelligence qui signifie
presque toujours qu'elle ne com-
prend pas.
Irrité, blessé dans ses croyance- et
ses principes — principes et
croyances affermis un à un au
prix des plus grands efforts
d'observation intérieure et des
plus volontaires renonciations —
il parle plus vite, plus fort : il
crie, il gesticule, il s'emporte,
il invective, et alors, seulement,
on l'entend et on l'écoute ; alors
on lui prête attention.
Découragé, écœuré surtout par
ce premier contact avec la dure
réalité, mais fort de sa raison, il
songera bien vite à recommen-
cer... Mais comment ?... Sous
quelle forme exprimera-t-il ce
qu'il croit, ce qu'il pense et ce
qu'il sent ?...
POUR L ART
La lâche ambition sera là pour lui
dire : « Renonce à ta noble
entreprise!... tu es jeune, mais
faible. Tu fais fausse route ; tu
n'aboutiras par là qu'à la mé-
diocrité, sinon à la misère. Si
tu t'entêtes à parler intelli-
gemment aux imbéciles, tu ne
seras jamais riche!... Ici, de l'au-
tre côté, la fortune t'attend. Ce
sont les mêmes imbéciles, mais tu
leur parleras sottement, et ils te
comprendront, ils te combleront
d'honneurs et de richesses. Va !...
dis-leur des sottises ; ils t'écou-
teront et te porteront en triom-
phe, car tu leur donneras ce qu'ils
réclament : la satisfaction sans
l'effort. La foule est bête, mais
elle t'aimera si tu ne l'obliges
point à penser. «
Toutes les fois qu'une réaction fa-
vorable se préparera dans l'es-
prit du jeune artiste,, la même
voix sera là pour lui répéter les
mêmes paroles démoralisantes et
i6
POUR L ART
les mêmes promesses corrup-
trices. Alors, peut-être, il flé-
chira et se décidera enfin à dire
ces sottises, au lieu de prêcher
la bonne doctrine, mais en même
temps il en réglera le débit, il
fixera le prix des inepties qu'on
lui demande... Il reniera donc
son passé jeune et sain, ses illu-
sions légitimes, son avenir large
et sans compromissions, car sa
lâche faiblesse aura fermé tout à
la fois sa conscience et son âme !
Et ce sera un cabotin de plus !..
Ainsi arrive- 1 -il à la plupart des
jeunes gens qui ont le rare
bonheur d'avoir des ambitions
d'Art, mais qui, victimes de
l'état d'esprit actuel, manquent
de la volonté nécessaire pour tra-
cer et suivre leur destinée.
De là, la virtuosité poussée jusqu'à
ses limites extrêmes, car elle per-
17
POUR I. ART
met de s'imposer par la ruse et
la vanité, bien mieux que par la
loyauté et la raison. De là, l'uni-
formité des programmes actuels,
car les choses absurdes sont d'au-
tant plus appréciées qu'elles nous
sont plus familières. De là, toutes
les contrefaçons artistiques que
d'habiles barnums nous offrent
au nom de l'Art, dans le but,
avoué ou non, de nous tromper
par le faux, au lieu de nous con-
vaincre par le vrai. De là, enfin,
toutes les imitations, toutes les
simulations, tous les trafics et
toutes les forfaitures c^ue nous
voyons commettre tous les jours,
à toute heure, et par les mêmes
individus, toujours au nom d'un
Art qu'ils souillent de leur
contact, d'une Beauté qu'ils ne
comprennent ni ne compren-
dront jamais, et d'une Vérité
qu'ils ont méconnue pour eux-
mêmes comme pour les autres !...
Qu'importe!... On ne s'adresse
plus à son prochain ; on s'adresse
i8'
POUR L ART
à la foide. Le but devenant uni-
quement mercantile, tous les
procédés sont bons, et le pire sera
sans doute le meilleur : la Vir-
tuosité pour la Virtuosité.
Il faudrait donc réagir par tous les
moyens, dans le rayon d'action
où il nous est permis de le faire,
contre la virtitosité, considérée
comme but et non comme
outil, et, surtout, contre le
mercantilisme.
Il faudrait nous libérer de l'état
de mensonge et de convention où
nous sommes enchaînés par la
turpitude et l'ambition des uns ;
par la peur et la veulerie des
autres.
Il faudrait nous affranchir de tout
ce qui, de près ou de loin, peut
être considéré comme une entra-
ve à la Vérité, car sans elle, nulle
beauté n'est possible, et tout
l'Art n'est que Beauté.
19
- POUR L ART
II
J AIME BEAUCOUP MIEUX
CE QUI ME TOUCHE QUE CE
QUI ME SURPREND.
COUPERIN LE GRAND.
AMANT ALTERNA CAMEN/€.
VIRGILE.
POUR L ART
Tl faudrait, autant que possible,
^ renouveler et élargir le réper-
toire actuel, trop limité dans le
domaine moderne aussi bien que
dans le domaine ancien. La répé-
tition constante des mêmes œu-
vres, avec les mêmes gestes et
dans les mêmes circonstances
n'est pas favorable à la forma-
tion du goût et du jugement du
public; par contre, elle devient la
source inévitable de perpétuelles
rivalités techniques et de que-
relles de détail aussi fastidieuses
qu'inutiles. Sans doute, en sou-
mettant au public des œuvres
nouvelles ou inconnues, on s'ex-
pose à le dérouter dans ses
jugements sur l'interprète. Tant
pis : c'est l'œuvre que l'on doit
écouter et non celui qui l'exé-
cute.
En entendant trop fréquemment les
2)
POUR L ART
mêmes œuvres, le public est porté
à leur prêter moins d'attention et
à placer l'interprète au premier
plan, alors que celui-ci devrait
toujours s'effacer devant l'œu-
vre; ainsi s'est répandue, peu à
peu, cette aberration qui consiste
à ne voir, entendre et juger dans
une audition, que l'exécutant, au
mépris du respect dû au créateur
et à son œuvre.
Connaître Bach. Hœndel et Mozart,
par exemple, n'est pas connaître
le xviiie siècle ; mais c'est sur-
tout le xviiie siècle français et
italien qui soufïre de l'indiffé-
rence de nos virtuoses actuels.
Pour ne parier que des pianistes —
l'espèce la plus répandue — com-
bien d'entre nous connaissent à
fond, et jouent les œuvres de
François Couperm, dit le Grand,
ou de Domenico Scarlatti, dont
on s'entête à nous servir inva-
riablement les trois ou quatre
24
POUR L ART
mêmes pièces truquées et défor-
mées, avec de faux titres, tandis
que nous avons de lui plus de
trois cents Sonates ?...
Combien peuvent parler, en con-
naissance de cause, de Jean-Phi-
lippe Rameau, le grand Rameau,
dont l'œuvre consiste exclusive-
ment, pour beaucoup de gens,
en une Gavotte variée, un fameux
Tambourin et un certain Rappel
des Oiseaux ?
Qui connait les Durante, les Dagm-
court, les ]Martini, les Marcello : . . .
Qui se doute que Daquin n'est
pas seulement l'auteur du Cou-
cou, et que Paradies écrivit des
Sonates charmantes, où l'on re-
trou\'e toute la crânerie napoli-
tame, alliée à l'élégance et à la
simplicité latines ?...
Dans le xviif siècle allemand
même, connaît-on les Sonates di-
tes bibliques de Johann Kuhnau,
-5
POUR L ART
ce véritable monument que nous
rencontrons, le premier, au début
de ce siècle merveilleux ?
A-t-on joué souvent les Concerti et
les Sonates de Karl-Philipp-
Emanuel Bach, de Wilhelm-Frie-
demann Bach, ou de Johann-
Christian Bach ?... A-t-on vu
mettre sur beaucoup de pro-
grammes la belle Sonate en mi
bémol, de Johann-Heinrich RoUe,
et celles plus belles encore de
Wilhelm Rust, ce précurseur de
Beethoven que l'on veut trop
ignorer ?...
Combien de fois a-t-on entendu les
Sonates de Hœssler, empreintes
d'une suprême élégance et d'un
charme infini ?
C'est pourtant de la belle musique
que je cite là !... Point n'est be-
soin d'être un érudit. ni un spé-
cialisie (oh ! les vilains mots !),
pour en comprendre la valeur 1...
26.
POUR L ART
Elle est à la portée de tous les
esprits bien organisés pour la
musique.
Et même du grand Johann-Sebas-
tian Bach, dont l'œuvre colos-
sale doit nous être familière, que
joue-t-on habituellement ?... La
Fantaisie chromatique et Fugue,
piteusement revue et corrigée
par les uns et les autres, le Ccii-
certo italien, quelque autre Con-
certo avec orchestre, plus rare-
ment, mais surtout des arrange-
ments et des transcriptions !...
alors que tant d' œuvres origi-
nales de toute beauté dorment
oubliées et inconnues.
De Hœndel, joue-t-on généralement
autre chose que les Variations du
Forgeron harmonieux, dont le
thème est précisément d'un au-
tre auteur ?...
Si nous remontons au xvii^ siècle,
où l'on retrouve déj à Couperin-le-
POUR L ART
Grand, l'oubli est plus honteux
encore, parce qu'il est plus géné-
ral : Frescobaldi, Scheidt, Cham-
bonnières, Kerll, Louis Couperin,
Froberger, Pasquini (dont le
Coucou est précisément un petit
chef-d'œuvre), Johann Pachelbel,
Purcell, Alessandro Scarlatti...
autant de noms illustres aban-
donnés jusqu'ici, par l'incurie des
uns et l'ignorance des autres, à la
seule curiosité des érudits, réelle-
ment accablante pour beaucoup
de musiciens.
En ce qui concerne le xvie siècle,
qui d'entre nous a jamais eu sous
la main les œuvres d'Antonio de
Cabezôn, ce génial aveugle de la
Cour de Philippe II, en Espagne,
remises à jour, depuis quatorze
ans déjà, par l'éminent maître
espagnol Felipe Pedrell ?
Qui donc parle encore du Hollan-
dais Sweelink, continuateur de
Cabezôn ?
POUR L ART
Combien de fois avez-vous entendu
les œuvres des virginalistes an-
glais, comme Byrd, Bull, Gibbons
et autres •>
Ce serait trop demander. A chacun
de ces auteurs appartient, pour=
tant, une œuvre, tout au moins,
susceptible d'être jouée en pu-
blic. Ne pas le faire ne revient-il
pas à prétendre que dans notre
public les imbéciles constituent
la majorité ?...
Ce même oubli, cette même crainte
de jouer une chose inconnue et
d'encourir un risque ; cette même
terreur à l'idée de faire un geste
nouveau, de créer un précédent,
se retrouve pour les auteurs mo-
dernes, et combien injustement
aussi !...
Les conséquences de cette manière
d'agir sont trop nombreuses et
trop palpables pour que j'y in-
siste ici. Il ne faut cependant
29.
POUR L ART
pas"oublier que nous sommes les
premiers à en pâtir. Ceux qui ont
connu l'insuccès n'ont jamais
manqué d'en chercher l'origine
dans l'ignorance du public. Cer-
tes, le public est loin de savoir ce
qu'il devrait, mais... à qui la
faute ?... A qui revient la tâche
d'initier le public, de former son
goût, de le faire évoluer, de le
guider dans ses inévitables hési-
tations ?
Quelle est donc notre fonction so-
ciale ?... Car nous en avons une,
ce me semble !...
Rester indifférents aux époques
passées et aux époques nouvel-
les équivaut à faire preuve
non seulement d'ignorance, mais
encore de négligence envers notre
public. Or, cela ne nous est pas
permis. Solliciter du pubUc un
appui et le payer d'indifférence
serait du pur cynisme.
POUR L ART
m
ODI PROFAXUM VULGUS...
HORACE.
31
POUR L ART
IL faudrait donner aux program-
mes une raison d'être, une orien-
tation qui justifie leur existence,
et leur développement. Le pro-
gramme doit être l'expression la
plus claire des intentions de l'in-
terprète; son orientation, sa rai-
son d'être, pourront, en tout
cas, limiter bien des excès, et
permettront, surtout, déjuger le
degré de culture de celui qui l'a
composé.
On se préoccupe beaucoup d'être
personnel dans l'interprétation
des œuvres, c'est-à-dire de se
substituer, souvent, à l'auteur ;
mais ceux-là mêmes que ce souci
hante le plus fâcheusement, met-
tent précisément en évidence
leur profonde impersonnalité, en
offrant au public des program-
mes absolument dépourvus d'or-
dre, d'initiative et de bon sens.
}^
POUR L ART.
Nous devrions considérer comme
un plagiat le fait de composer un
programme identique à celui d'un
de nos confrères, et cependant,
il n'est point de jour où cela ne
se fasse. Pour un programme
intéressant, pensé, organisé, rai-
sonné et construit logiquement,
combien d'autres qui sont arle-
quinesques en leur polychromie
bigarrée, et absurdes en leur
défaut total d'orientation ! . . .
Nul souci de l'époque, du style
ni de la forme!... Nulle préoccu-
pation esthétique !... Nulle trace
d'ordre ni de raison !... Combien
un menu savoureux est plus
intelligent que tous ces program-
mes-là !...
Il est évident que si le progamme
a été conçu avec logique, s'il part
d'un principe qui en régit le déve-
loppement et qui en fait une sorte
d'organisme vivant, aucune addi-
tion imprévue n'y sera possible,
et sous aucun prétexte. On évi-
•34
POUR L ART
tera ainsi les « his » irrespec-
tueux et le spectacle toujours
pénible de l'enthousiasme dé-
croissant, à chaque nouveau
morceau accordé à la demande
du public.
Quelques artistes consciencieux ont
le soin vraiment louable de ne
jouer comme « bis » que des œu-
vres du dernier auteur présenté ;
mais ceux-là sont rares. Généra-
lement, on entend dans le chapi-
tre des extra, soit des ignominies
commises par le virtuose lui-
même et imposées par lui, sub-
repticement, soit des « laissés
pour compte » des autres con-
certs. Dans les deux cas, on s'ex-
pose gravement au ridicule, sans
justifier pour cela les épithètes
si souhaitées de « prodigieux »,
« colossal », « génial », etc.. épi-
thètes aussi disproportionnées
que saugrenues, quand elles
s'appliquent à un modeste inter-
prète.
•35
y
POUR L ART
En réalité, il faudrait opposer tou-
jours un refus formel au « bis « :
d'abord, parce qu'on ne peut y
obéir sans satisfaire, nécessaire-
ment, les préférences de cer-
tains auditeurs seulement ; et
ensuite, parce que ces préféren-
ces sont généralement injustes
et souvent vexantes, sinon pour
nous-mêmes, du moins pour les
autres œuvres qui ont été jouées.
Tous ceux qui ont quelque expé-
rience du public le savent très
bien.
Pour les artistes qui m.éritent vrai-
ment ce nom, l'exécution d'une
œuvre intéressante — et on ne
doit jouer que de celles-là —
exige une certaine préparation
spirituelle, une sorte d'é!at d'âme
dans lequel on doit chercher à
concentrer toute son émotion.
Recommencer, pour le caprice ir-
réfléchi et puérile d'une partie
des auditeurs, un effort considé-
rable, est aussi peu naturel que
36
POUR L ART
de répéter une phrase de notre
conversation. sous prétexte
qu'elle contient une idée juste
ou que notre façon de la dire
a plu à notre interlocuteur.
Pourquoi faire répéter une chose
que l'on a parfaitement enten-
due ?... Te comprends que l'on
réclame avidement le « bis »
pour un tour de passe-passe,
pour quelque facétie d'escamo-
teur, pour une plaisanterie de
clown ou pour quelque merveille
acrobatique; mais pour une œu-
vre que l'on vient d'interpréter
en y mettant toute son âme,
toute l'énergie spirituelle dont
notre volonté est capable aux plus
beaux moments de notre vie.
c'est-à-dire, tout ce qu'il y a de
meilleur en nous... non !... je ne
le comprends pas.
Au surplus, l'enthousiasme du pu-
blic est toujours moindre à la se-
conde audition, et pour cause,
37
POUR L ART
car rien nes'émousse plus rapide-
ment que la sensibilité auditive.
Il n'3- a qu'un cas où nous devrions
recommencer : c'est lorsque le
public n'a pas compris. Mais
alors il ne crie jamais « his ' »
Si le public a compris parce que
nous avons bien joué, c'est que
nous avons tous deux fait notre
devoir : alors, notre rôle est fini.
'DF
38
POUR L ART
IV
ETIAMSI OMNES, EGO NON.
SAINT PIERRE.
39
POUR L ART
L faudrait bannir sévèrement
• de toute audition publique,
toute œuvre qui n'est pas abso-
lument originale ; je veux dire
par là que les transcriptions,
réductions, amplifications et ar-
rangements devraient être con-
sidérés, tout au plus, comme
des sujets d'étude privés. Les
œuvres qui peuvent être pré-
sentées au public telles qu'elles
furent conçues par leur auteur,
ne devraient pas l'être autrement.
C'est une déformation esthéti-
tique trop fréquente encore au-
jourd'hui, que celle qui consiste
à arranger une œuvre ancienne
au mo3-en de doublures, remplis-
sages et ornements, sous pré-
texte de l'embellir; ou bien, à
jouer une œuvre écrite pour un
instrument de caractère opposé à
celui dont on se sert, croyant ainsi
en augmenter la valeur, ou en fa-
ciliter la vulgarisation.
41
POUR L ART
Nos aïeux l'on fait, mais nos aïeux
ignoraient nombre de choses
que nous ne voudrions pas igno-
rer. L'acquisition des chefs-d'œu-
vre, qui est aujourd'hui à la por-
tée de tout le monde pour des
sommes minimes, était malaisée
et souvent très coûteuse, il y a
cinquante ans. Mainte Fantaisie
et mainte Transcription tirent de
là leur origine. Mais il n'en est plus
ainsi à présent. Les sources sont
accessibles à tous ; ce qui ré-
pondait alors à un besoin n'a
plus de raison d'être aujourd'hui.
De même que nous serions sévère-
ment punis si nous osions retou-
cher ostensiblement une œuvre
de Velasquez, de Durer, de Michel-
Ange, ou toute autre réalisation
des conceptions artistiques hu-
maines, ainsi l'on devrait pour-
suivre ceux qui dénaturent ou-
vertement, effrontément, les con-
ceptions artistiques non moins
précieuses pour nous, d'unjohann-
POUR L ART.
Sébastian Bach, d'un Haendel,
d'un Rameau, d'un Karl-Phi-
lipp-Emanuel Bach, d'un Schu-
bert ou d'un Chopin.
L'œuvre doit être sacrée pour nous.
Respectons-la, si nous voulons
être respectés nous-mêmes : car
il est évident que si nous jonglons
avec les idées des autres, on jon-
glera aussi, tôt ou tard, avec les
nôtres... et nous l'aurons mérité.
Ce qui est simple doit rester sim-
ple ; ce qui est petit doit rester
petit ; toute violation de ce prin-
cipe est un acte de vandalisme.
qc
43
• POUR l'art
V
Par le nom de pexsée,
je comprends tout ce
qui est tellement en
NOUS QUE NOUS l'APER-
CEVONS IMMÉDIATEMENT
PAR NOUS-MÊMES ET EN
AVONS UNE CONNAISSANCE
INTÉRIEURE...
DESCARTES.
45
POUR L ART
L faudrait donner aux études
■ techniques, dans le sens musi-
cal du mot, et surtout aux étu-
des d'analyse, autant ou plus
d'importance qu'aux études ins-
trumentales. Cela nous condui-
rait à rechercher, dans les œu-
vres que nous voulons jouer, la
musicalité avant tout et toujours,
le reste n'a^^ant, au fond, au-
cune importance réelle ; à juger
plus sûrement, avec plus de
conscience, si la valeur esthé-
tique de l'œuvre se trouve en
rapport avec le travail matériel
qu'exige son exécution ; à éli-
miner de nos programmes
et de notre répertoire toute
œuvre dont la difficulté se
trouve en évidente dispropor-
tion avec l'émotion qu'elle est
susceptible d'exprimer. J'ap-
pellerais volontiers anormales
de telles œuvres, dont le dyna-
misme excessif dissimule mal
47
POUR L ART
l'absence de substance et la fai-
blesse de conception.
A cette catégorie appartiennent
toutes ces œuvres absurdes et hy-
pertrophiées, contraires au bon
sens, et dites « de virtuosité »,
qui constituent l'appât préféré
du petit bourgeois, parce qu'elles
agissent sur lui comme les boni-
ments grossiers et chaotiques
des charlatans, sur les naïfs et
les ignorants.
Si elles sont applaudies, ces œu-
vres-là, c'est parce qu'elles met-
tent en jeu la périphérie ner-
veuse — la sensibilité extérieure
— sans exiger, ni la collaboration
du cerveau, ni surtout, la véri-
table émotion.
Je comprends qu'on veuille quel-
quefois effleurer l'âme sans la
meurtrir ; mais, de là à la « cha-
touiller avec des plumes de paon >> ,
il y a une nuance !...
48
POUR L ART
Et cependant, ces œuvres où l'in-
térêt ne trouve rien à quoi s'ac-
crocher, ces œuvres, effrayantes
de vacuité, encombrent notre vie
de leur nombre et de leur tapage,
sans mériter nullement le titre
d'Œuvres d'Art, sous lequel elles
se sont pourtant imposées à la
foule, et sans avoir d'autre utilité
que celle — bien relative — de
cacher, sous des excès d'adresse,
l'absence de pensée. Ce sont des
pièges à l'aide desquels les vir-
tuoses se livrent au braconnage
dans les bois sacrés de la Gloire ;
le gibier qu'ils rapportent s'ap-
pelle argent et succès.
^C
49'
POUR L ART
VI
IL FAUT TUER EN SOI LE
VIRTUOSE POUR ÊTRE AR-
TISTE ; ET SOUVENT, QUI A
ÉTÉ VIRTUOSE NE PEUT
JAMAIS CESSER DE l'ÊTRE.
André SUARÈS.
51
POUR L ART
LES conditions d'évolution de
notre Art rendent notre mission
chaque jour moins aisée. Il fau-
drait donc, par tous les moyens
possibles, chercher à la simpli-
fier ; nous pourrions ainsi être
infiniment plus utiles à notre Art
et à la cause commune.
Soyons modestes nous-mêmes, et,
pendant que les grands favoris
suivent, aveuglés par l'ambition,
leur course insensée vers la re-
cette, marchons, nous, d'un pas
discret, lent, mais sûr et cons-
cient, vers la clarté et la simpli-
cité. L'emphase est odieuse sur-
tout en Art. Jouons, peu importe
en quelle tenue : en habit, en re-
dingote ou en veston... comme
chez nous !... Allons aux salles
de concert l'humilité dans l'àme
et la musique sous le bras. Met-
tons celle-ci tout simplement sur
53
POUR L ART
le pupitre, comme nous le faisons
chez nous aussi, aux heures de
bon travail, lorsque seule notre
conscience nous écoute... comme
le faisaient nos ancêtres, et
comme le font encore quelques
artistes, hélas ! trop rares, li-
bres de préjugés et indifférents
au « qu'en dira-t-on ».
Soyons sincères !... Jouer par cœur
nous gêne souvent. A quoi bon
ce nouvel effort ?... Est-ce l'ef-
fort que l'on veut de nous,
ou est-ce seulement l'évocation
vraie et honnête de l'œuvre
que l'on vient écouter ?... Peut-
on considérer, en tout cas, un
effort de mémoire comme une
manifestation d'énergie volon-
taire, ou bien faut-il n'y voir autre
chose que le résultat de phéno-
mènes passifs, secondaires et in-
dépendants de notre volonté ?...
En outre, à quoi bon sacrifier le bon
sens et la logique naturelle à une
54
POUR L ART
idée purement conventionnelle
— d'ailleurs moderne — et ins-
pirée souvent par une inutile
vanité ? . . .
Que sommes-nous, en effet, à côté
des œuvres que nous jouons ?...
Que devient notre faible effort,
en comparaison de l'effort im-
mense du créateur de l'œuvre elle-
Un jour, ;Mendelssohn ayant, dit-
on. remarqué l'absence de sa
partie de piano, au moment où
l'on allait commencer l'exécu-
tion de son Trio en ré juinenr,
refusa d'abord de le jouer,
bien qu'il le sût entièrement
par cœur, craignant, disait-il,
de faire croire à une bravade ;
on ne put le faire revenir sur
son premier refus qu'en lui pro-
mettant formellement de mettre
devant ses yeux, sur le pupitre,
une partition quelconque, dont
on tournerait les pages à inter-
yy
POUR L ART
valles réguliers, afin d'éviter que
le public ne s'aperçût qu'il jouait
par cœur.
Il se peut que cette anecdote soit
fausse, mais en ce cas elle méri-
terait d'être vraie.
Pourquoi nous exposer, si nous
jouons seuls, au ridicule d'une
défaillance de mémoire, ou, si
nous jouons accompagnés par
l'orchestre, aux conséquences
pénibles de cette même défail-
lance, puisque, dans un cas com-
me dans l'autre, l'Art ne peut
qu'y perdre ?... (i). Avant Liszt,
on ne jouait pas autrement
qu'avec la musique. Les orga-
nistes en font généralement au-
tant, sans que cela les empêche
d'être très souvent des artistes,
dans le sens le plus élevé du
(1) Quant à l'existence de ces défail-
lances les plus grands virtuoses nous en
donnent trop souvent le spectacle pour
qu'il soit possible d'en douter.
56
POUR L ART
mot. Pour l'orchestre, pour la mu-
sique de chambre, pour les chan-
teurs de liedev, on admet la pré-
sence du texte musical, et cela
ne gêne aucunement l'auditeur.
On a voulu souvent comparer l'exé-
cution d'une œuvre musicale à
une représentation scénique, et
les interprètes aux acteurs. C'est
du pur arbitraire I
Dans l'œuvre théâtrale, dans le jeu
scénique, il y a l'époque, le lieu
et le fait à évoquer ; l'acteur re-
présente un être vivant dans un
cadre qui comporte des éléments
de temps, de mouvement, d'ac-
tion et d'espace, dont l'illusion
scénique est le corollaire indis-
pensable. Cette illusion scénique
n'existe pas dans l'exécution
musicale ; s'il y a un lieu, une
époque, un sentiment ou un fait
à évoquer, c'est d'une façon
toute indirecte, subjective et
d'ailleurs strictement conven-
57
POUR L ART
tionnelle. Au théâtre, l'effet est
réel, alors que, seules, les causes
restent conventionnelles.
D'autres prétendent que le seul fait
de regarder le texte musical et d'en
tourner les pages enlève toute
poésie à l'interprétation de l'œu-
vre. C'est, d'abord, admettre que
la poésie d'une interprétation mu-
sicale réside ailleurs que dans les
rapports de sonorité et de mouve-
ment, ce qui est scientifiquement
inexact. Ensuite, c'est supposer
que les éléments matériels indis-
pensables à toute exécution musi-
cale ont une valeur esthétique en
rapport immédiat avec l'œuvre
exécutée, ce qui est proprement
absurde.
Si un simple cahier de musique peut
nuire à la puissance évocatrice
d'une interprétation musicale,
que dire alors des lustres élec-
triques qui nous aveuglent ; de la
décoration écrasante et horrible
58
POUR L ART
de la plupart de nos "salles de
concert ; du mouchoir avec le-
quel on s'éponge après un long
morceau ; de ce banal habit que
nous retrouverons, en sortant,
au restaurant le plus proche ; du
bruit assourdissant par lequel
l'auditeur moderne manifeste son
assentiment ou son enthousias-
me ; de l'estrade dénuée de
tapis et couverte de poussière ;
de nos monstrueux pianos ; de
l'alignement, du numérotage des
places et de l'argent qu'on a payé
pour les occuper, etc., etc. ?
Autant de choses totalement in-
compatibles avec l'idéal réclamé
par quelques-uns !...
A les en croire, il faudrait un décor
spécial pour l'exécution de cha-
que œuvre !... Non !... N'allons
pas si loin. Le faux apparat dont
nous nous entourons souvent,
nous rapproche déjà bien trop
du théâtre. Restons.en là !...
59
POUR L'ART
Jouons donc naturellement, sans
fanfaronnade, sans charlatanis-
me, avec la musique devant nous,
quand même nous la saurions par
cœur, et nous ferons ainsi un pas
de plus vers la modestie et la
simplicité; car, en vérité, nous
n'avons guère le droit d'être fiers,
notre infériorité vis-à-vis de l'œu-
vre étant trop évidente.
Peut-être les applaudissements se-
ront-ils moins nourris, les rap-
pels moins nombreux, les succès
moins bruyants. Peut-être aussi
des critiques s'élèveront-elles con-
tre nous, car la routine règne
parmi les faibles d'esprit !... Peu
importe !... Pour nous du moins,
la salle de concert doit être un
temple d'où toute vanité sera
sévèrement bannie. L'applaudis-
sement, lui-même, est-il si néces-
saire?..
60
POUR L ART
CONCLUSION
KAXXST DU NICHT GE-
FALLEN- DURCH DEINE
THAT UXD DEIN KUXST-
WERK.
m a c h ' e s w e n i g e n
recht;vielen gefallen
ist schlimm.
SCHILLER.
CULTIVONS NOTRE JAR-
DIN ET NE LEVONS PLUS
LA TÊTE POUR ENTENDRE
CRIER LES CORNEILLES.
Gustave FLAUBERT.
POUR L ART
LE véritable Art — le seul 'qui
soit — n'admet pas le men-
songe; soyons donc lo^^aux. Atti-
rons notre public, puisque son
concours nous est indispensable,
non pas avec des moyens fac-
tices : virtuosité fanfaronne, ges-
tes faux ou sensiblerie lar-
moyante, mais par la sincérité
et la valeur réelle de notre effort.
Plaçons-nous, pour communiquer
avec lui, dans une atmosphèrede
Foi, de Conscience et de Volonté,
à travers laquelle nous pour-
rons mieux prêcher la Beauté.
Cherchons dans l'émotion qui se
dégage de toute œuvre véritable-
ment belle, le talisman qui doit
nous mériter les suffrages des
gens sensés.
Ne simulons pas l'émotion, si elle
n'est pas en nous avec la Vie
elle-même: moins encore, si l'œu-
h
POUR L ART
vre ne la contient pas : nous ne
la retrouverions plus le jour où
nous la souhaiterions. Pensons
que cette oppression inique du
mensonge et de la parodie fini-
rait, à la longue, par endurcir
nos cœurs et par les rendre in-
sensibles. Alors, notre vie, qui
peut encore être très belle, aurait
perdu toute sa valeur et tout son
charme.
Et surtout, et toujours, et avant
tout, songeons à ce que, de tous
les sentiments que l'âme hu-
maine peut éprouver, les plus
beaux sont les plus simples :
n'oublions pas, encore une fois,
que tout l'Art est fait de Beauté.
So3'Ons donc simples afin de le
servir plus dignement.
J.-JOACHIM NIN.
Professeur honoraire de la Schola Cantorum
de Paris.
Berlin-Chsrlcttenburg,
XX octobre, MCMV III.
64.
Umvtrgftas
BIBLIOTHECA
ERVANX, imp. o o c a
10, Rue de la Pépinière
PARIS O O '-, C » O 0 o
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La Bibliothèque
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JCAC POUR L'ART