Skip to main content

Full text of "Précis d'anatomie pathologique"

See other formats


? 


t 


m 


«> 


ê 


r« 


\^-. 


^ 


cX9 


'di 


^ 


2.  Pbie. 


& 


PURCHASED   FROI 


^ 


■    N-^  )  -f 


m- 

■■■ 

« 

Bost 

Do  not  Write 
pencil.      Penaltie 
Revised  Laws  of 

TAls  book  zca 
îast    stamped    be 

on    Public    Library 

in  this  book  or  mark  ît  with   pen  or 
s    for    so    doing:    are    imposed    by    the 
the  Commonweaith  of  Massachusetts. 

%^:g^ 

y  hsued  lo    the  horrozcer    on  the  date 

i^ 

^^'^X    -             ^'  ^«-^''-id'^ 

^^      ^ 

'         ^^ 

. ,  ^)^£4 

"7^^^^vV:i/"A    ■'pt^'j 

«Saii^liiB^ 

Wl^/BfKÊtf^Sm^^^^fU 

WSm 

FORM    NO.    609;    9,20,38:    lOOM 


l^\ 


1- }  •  r\ 


"K^-^P- 


W*' 


mM- 


I  ^^  .\ 


^ 


PRECIS 


D'ANATOMIE 


PATHOLOGIQUE 


Par  g.  ANDRAL, 


%  \ 


PRC^ESSEUR  A  LA  FACCLTE  DE  MEDECINE  DE  PARIS, 

Jlfiiibre  de  rAcacIéiilio  royale  de  Médccîiie,  du  Conseil  de  SaliibrUé 
du  Bureau  Central  des  hôpitaux ,  elc. 


TOME  SECOND.  -  IP  Partie. 


zrpprrd 


sG'flêS®*»— — => 


PARIS, 

CHEZ  GABON,  LIBRAIRE-ÉDITEUR, 

Rue  de  l'Ecole-de-Médecine ,  n°  lo; 

MONTPELLIER,    MÊME   MAISO.\; 
BRUXELLES,  au  Dépôt  de  Librairie  médicale  française* 

IÔ29. 


â.-ptt'-e,, 


AVIS    AU    RELlEt'R. 

Le  second  volume  étant  divisé  en  deux  parties,  substituez  cette  demi- 
feuUh  aux  pages  4'>9,  4^0)  46» ,  462,  4^5  et  4^4  de  la  feuille  29  dudil 
Volume. 

Prenez  te  faux  titre  dans  la  feuille  3;  du  tome  premier. 


PRÉCIS 


DANATOMIE  PATHOLOGIQUE. 


APPAREIL  RESPIRATOIRE. 


Une  surface  d'uoe  étendue  lros-consid«rable  que 
parcourent  des  vaisseaux  sanguins  et  des  nerfs,  et^ 
qui  se  trouve  en  contact  perpétuel  avec  l'air  extérieur  ^ 
telle  est  la  disposition  générale  de  l'appareil  respira- 
toire. Modifier  le  sang  par  l'air,  éliminer  du  sang 
certains  principes,  en  absorber  d'autres,  tel  est  le 
but  de  cet  appareil. 

L'appareil  respiratoire  cxbale  et  absorbe  dans  toute 
son  étendue;  au  contraire ,  l'air  qui  le  parcourt  ne 
commence  à  agir  réellement  sur  le  sang  que  là  où 
commence  à  exister  une  grande  multiplicafîon  des 
surfaces.  De  là  ,  dans  cet  appareil ,  deux  parties  dis- 
tinctes, sous  le  rapport  de  l'action  respiratrice  :  l'une,, 
qui  sert  seulement  à  conduire  l'air  sans  le  modifier 
d'une  manière  notable ,  est  composée  de  canaux , 
larges ,  mais  peu  nombreux  [})  ;  l'autre  ,  dans  laquelle. 

(i)  Toulcfuis,  dans  ces  canaux  mêmes,  on  trouve  en  certain^  poinjs , 
et  plus  ou  moins  marquées  suivant  les  sujcls,  des  espèces  deiamcs  qui 
s'c4évent  de  leur  surface,  et  sur  lesquelles  se  répand  u;i  réseau  vasculairc 
Utislin;  CCS  lames  sont  analogues  aux  cloisjns  incjiiiplites  q>ii  ^^'•l^Axn*' 

^9. 


46o  l'i'.Écxs 

le  saiigot  l'iiir  se  aiodifieiit  niiiUîeJIemr^nl  ,  n'esl  que 
la  continiialion  de  la  premiL-re  ;  seulenient  les  conduits 
y  deviennent  beaucoup  plus  pelits  et  beaucoup  plus 
nombreux,  et  chacun  d'eux  se  termine  par  un  ren-? 
flement  en  cul-de-rsac,  qui  constitue  la  vésicule  pul- 
monaire. 

Les  vésicules  pulmonaires  et  les  petits  conduits 
dont  elles  sont  la  terminaison ,  réunis  par  du  tissu  cel- 
lulaire dans  lequel  rampent  les  vaisseaux  et  les  nerfs 
qui  se  distribuent  à  ces  vésicules,  voilà  ce  qui  cons- 
titue le  parenchyme  pulmonaire. 

La  disposition  que  je  viens  d'indiquer  peut  être 
démontrée  de  plusieurs  manières  : 

1°.  En  poussant  du  mercure  dans  les  bronches, 
Ileisseissen  a  transformé  le  poumon  en  un  assemblage 
de  vésicules  dont  chacune  était  distendue  oar  un  iirlo- 
bule  mercuriel ,  et  qui  ne  communiquaient  poiîit  les 
«nés  avec  les  autres. 

2°.  En  examin?nt  au  soleil  un  poumon  qui  contient 
peu  de  sang,  on  observe  à  sa  surface  une  innombrable 
quantité  de  très-petites  vésicules  reuiplies  d'air,  que 
sépare  du  tissu  cellulaire. 

5^  Si,  sur  des  poumons  exsangues,  l'on  pousse 
doucement  l'air  vers  leur  bord  tranchant,  on  voit  se 
dessiner  de  pelits  conduits  pleins  d'air,  qui,  latéra- 
lement et  à  leur  extrémité  ,  présentent  une  série  de 
renftemens  semblables  les  uns  aux  autres,  ne  com- 
muniquant point  ensemble,  qui  se  reproduisent  de 
la   mcMue  façon   toutes  les  fois  qu'on  répète  l'expé- 

tlç  la  surface  interne  de  la  jioch«;  vêsiciileiisc  qui  elicz  les  girnoiiillcs  le- 
préseiile  le  poumon.  Ces  latiii.'ï  ne  di  iv<Mit-.-ll(s  j'as  déjà  dans  les  lîieacî.ei, 
sçrvir  à  la  res|Mral!ij:i  t 


d'aNATOMîE    rATHOLOGIQl  E.  4^* 

rience,  et  qui  sont  exactement  pareils  aux  renflemens 
pleins  de  mercure  qu'on  trouve  représentés  dans  les 
Planches  de  Reisseissen.  Ge  sont  là  évidemment  les 
vésicules  pulmonaires.  Celte  disposition  est  surtout 
facile  à  constater  dans  les  cas  où  le  tissu  du  poumon 
est  raréfié.  M.  Ileynaud  et  moi ,  nous  l'avons  plusieurs 
fois  observée  chez  l'homme;  mais  nous  l'avons  encore 
mieux  vue  sur  quelques  animaux  mammifères,  parti- 
culièrement sur  des  singes. 

4^  Dans  certains  états  morbides,  les  vésicules  pul- 
monaires se  dilatent,  deviennent  très-apparentes,  et 
il  est  alors  de  toute  évidence  que  ia  structure  du 
poumon  est  effectivement  celle  que  les  modes  précé- 
dens  d'investigation  nous  avaient  déjà  portés  à  ad- 
mettre. 

Le  tissu  cellulaire  ne  sépare  pas  seulement  les  unes 
des  autres  les,  vésicules  pulmonaires  ;  il  isole  encore 
un  certain  nombre  de  bronches,  qui,  dans  leurs  ra- 
meaux, ne  communiquent  plus  qu'avec  quelques 
autres,  dont  la  réunion  constitue  un  lobule.  Les 
lobules  sont  pour  les  lobes  ce  que  sont  ces  derniers 
pour  la  lotaîité  du  poumon.  Il  est  important  que  nous 
fixions  notre  attention  sur  celte  sorte  d'isolement 
anatomique  des  vésicules  elles-mêmes  ,  puis  des  lo- 
bufeSj  et  enfin  des  lobes,  parce  que  nous  verrons 
que  souvent  aussi  ces  diverses  parties  s'isolent  com- 
plètement dans  l'état  morbide;  et  ici ,  l'aiiatomie  nous 
aidera  à  comprendre  comment  une  vésicule  ou  un 
lobule  peuvent  s'alfecter  ,  sans  qu'il  y  ail  affection 
simullanée  des  vésicules  voisines  ou  des  autres  lobules. 
.  Le  nombre  des  vésicules  jUilmonaires  n'esl  pas  le* 
même   cliez  lous  les  hommes  ;  du  nombre  variable 


4fe  PRÉCIS 

de  ces  vésicules  résulte  la  densité  également  variable' 
du  poumon.  Les  vésicules  sont  d'autant  plus  multi- 
pliées que  ,  dans  un  temps  donné,  il  y  a  plus  de  sang 
à  viviQer.  Aussi  le  parenchyme  pulmonaire  a- t-il  son 
maximum  de  densité  chez  lès  animaux  dont  la  circu- 
lation est  habituellement  plus  rapide  ,  tels  sont  les 
oiseaux;  i[  est  au  contraire  à  son  minimum  de  densité 
chez  les  animaux  dont  la  circulation  est  très-lente, 
ou  chez  lesquels  toute  la  masse  du  sang  ne  doit  pas 
à  chaque  tour  circulatoire  traverser  les  poumons  ; 
tels  sont  les  reptiles.  Les  mammifères  eux-mêmes 
ofiVent  de  grandes  diflerences  relativement  à  la  den- 
sité de  leur  poumon  ,  ou ,  en  d'autres  termes ,  rela- 
tivement au  nombre  de  leurs  vésicules  respiratoires  : 
ainsi,  chez  le  cheval,  celte  densité 'est  extrême;  chez 
le  chien  ,  elle  est  encore  assez  considérable  ;  chez  ces 
deux  animaux  elle  est  normalement  beaucoup  plus 
grande  que  chez  l'homme.  Enûn ,  chez  l'homme  lui- 
même  ,  cette  densité  du  poumon  varie  non  seulement 
suivant  ks  dîfl'érens  individus,  mais  encore,  dans  le 
même  homme  ,  cette  densité  se  trouve  singulièrement 
modifiée  par  l'âge  et  parles  maladies.  Dans  l'enfance, 
le  poumon  humain  a  le  pins  grand  nombre  possible 
de  vésicules;  à  cet  âge  il  a  par  conséquent  son  maxi- 
mum de  densité  ,  il  ressemble  alors  an  poumon  du 
cheval.  Dans  la  vieillesse,  au  contraire,  le  nombre- 
des  vésicules  est  beaucoup  moindre,  et  le  poumon 
jaréfié  se  rapproche  alors  du  poumon  des  reptiles  : 
on  y  trouve  de  larges  cellules  dont  les  cloisons  in- 
complèles  ne  semblent  être  autre  chose  que  des 
débris  des  parois  bronchiques  et  vésiculaires.  Nor- 
male  chez   le  vieillard,   cette   atrophie   pulmonaiie- 


d'anatomie  pathologique.  4^5 

yeut  se  montrer  à  d'autres  époques  de  la  vie,  et  elle 
constitue  alors  un  état  morbide  que  nous  étudierons 
plus  bas. 

De  ce  qui  vient  d'être  dit  se  déduit  une  division 
assez  naturelle  des  maladies  de  l'appareil  respiratoire  : 
dans  l'ordre  pathologique ,  comme  dans  l'ordre  phy- 
siologique, cet  appareil  présente  deux  parties  dis- 
tinctes, l'une  qui  apporte  l'air  au  sang,  et  l'autre  où 
ce  sang  s'élabore.  Toutefois,  dans  ces  deux  parties, 
le  siège  des  lésions  est  le  même.  Pour  les  vésicules 
comme  pour  le  larynx ,  ce  siège  ne  peut  être  que 
dans  les  divers  élémens  anatomiques  qui  composent 
leurs  parois ,  ou  dans  la  matière  que  contient  leur 

cavité,  ou  dans  le  tissu  cellulaire  qui  leur  est  exté- 
rieur. Mais  la  forme  du  larynx  ou  d'une  grosse  bronche 

n'est  pas  la  forme  d'une  vésicule  :  de  là ,  différence 
de  forme  dans  la  lésion.  Les  élémens  anatomiques 
des  canaux  aèrifères  ne  sont  pas  ceux  des  vésicules 
élaboratrices  :  de  là ,  difierence  dans  la  nature  même 
des  lésions.  Enfin ,  les  fonctions  des  deux  parties 
sont  essentiellement  différentes  :  de  là  ,  différence 
dans  l'importance  de  leurs  états  morbides  et  dans  les 
symptômes  qui  les  annoncent. 


4^4  rnÉcis 


SECTION  PREMIÈRE. 


MALADIES   DES  CONDUITS  AÉRÏFÈRES. 


Je  comprends  sous  ce  litre  les  maladies  du  larynx, 
de  la  trachée-artère  et  des  bronches,  jusqu'au  point 
où  le  scalpel  ne  peut  plus  les  suivre.  Au-delà  de  ce 
point  commence  le  parenchyme  pulmonaire. 


CHAPITRE  PREMIER. 

LÉSIONS  DE   LA  MEMBRANE   MUQUEUSE. 

Les  états  morbides  de  cette  membrane  sont  iden- 
tiques depuis  la  glotte  jusqu'aux  petites  ramifications 
bronchiques.  Partout  ce  sont  des  altérations,  soit 
dans  sa  circulation  capillaire,  soit  dans  sa  nutrition  , 
soit  dans  sa  sécrétion  ;  partout  les  mêmes  causes  con- 
courent à  produire  ces  altérations  diverses,  et  je  crois 
qu'on  en  prend  une  idée  plus  large  et  en  même  temps 
plus  exacte,  en  ne  séparant  pas,  dans  la  description, 
celles  de  ces  altérations  qui  ont  leur  siège  dans  le 
larynx  ou  dans  la  trachée,  de  celles  qui  résident  dans 
les  bronches.   Une  fausse  membrane,  par  exemple, 


D*ANATOMIE    PAT1I0L0GIQU£.        •  4^5 

ne  change  pas  de  nature  ,  parce  qu'elle  s*esl  produite 
dans  ces  dernières  au  lieu  d'avoir  envahi  l'organe  de 
la  voix;  seulement,  dans  ces  deux  cas,  les  symp- 
tômes diffèrent. 


APiTICLE   PHEMIER. 

LÉSIONS    DE    ClRCTîLiTffns. 

La  membrane  muqueuse  des  voies  aériennes  est 
■souvent  frappée  d'une  hyperémie  ,  dont  les  caractères 
anatomiques  se  rapprochent,  à  beaucoup  d'égards, 
de  ceux  qui  appartiennent  à  l'hyperémie  de  la  mem- 
brane muqueuse  gnstro-intestinale.  Seulement,  on 
n'y  trouve  pas  les  formes  de  congestion  sanguine,  qui, 
dans  l'intestin  ,  résultent  de  Finjection  des  villosités. 

L'hyperémie  de  la  membrane  muqueuse  du  larynx, 
de  la  trachée  et  des  grosses  bronches  ,  appartient  le 
plus  souvent  à  une  irritation  ;  mais  il  n'en  est  plus  de 
même  dans  les  bronches  plus  petites  :  l|i ,  elle  est  fré- 
quemment le  produit  d'une  slase  toute  mécanique 
<lu  sang,  soit  que  cette  stase  survienne  après  la  mort 
par  l'accomplissement  des  lois  de  la  pesanteur,  soit 
qu'elle  ait  lieu  pendant  l'agonie  ou  même  plus  long- 
temps avant  la  mort  chez  les  individus  dont  les  forces 
circulatoires  sont  affaiblies  ,  soit  enfiii  qu'elle  soi! 
causée  pendant  la  vie  par  un  obstacle  mécanique  au 
libre  retour  du  sang  vers  les  cavités  gauches  du  cœur. 

Il  faut  distinguer  ces  différentes  espèces  d'hype- 
rémies  de  la  couleur  rouge  ou  brune  que  la  putréfac- 
II.  5o 


ifi6  ♦  PilEClS 

lion  produit  très-facilement  et  Irès-promptcmentdans 
la  membrane  muqueuse  des  bronches.  Il  ne  faut  pas 
non  plus  oublier  que  ,  dans  les  petites  bronches,  dont 
les  parois  sont  minces  et  transparentes,  la  teinte  rouge 
des  parties  subjacentes  pourrait  aisément  en  imposer 
pour  une  hyperémie  de  la  membrane  muqueuse. 

L'hyperémie  de  la  membrane  muqueuse  des  voies 
aériennes  peut  être  générale  ou  partielle. 

L'hyperémie  générale   s'établit  quelquefois   tout- 
à-coup,  et  elle  peut  être  accompagnée   de  tous  les 
accidens  de  l'asphyxie.  On  a  rapporté  plusieurs  ob- 
servations d'individus  qui,  sans  cause  connue  ;  ont 
été  pris  brusquement  d'une  dyspnée  dont  l'intensité 
toujours   croissante    les  a  rapidement   entraînés    au 
tombeau.    A  l'ouverture  de   leurs  cadavres  ,  on  n'a 
trouvé  d'autre  lésion  qu'une  rougeur  générale  très- 
prononcée  de  la  membrane  muqueuse  des  bronches 
dans  toute  son  étendue.  Pourquoi  une  simple  con- 
gestion   pulmonaire  ne    tuerait-elle    pas    aussi   bien 
qu'une  simple  congestion  cérébrale?  Cependant  n'ou- 
blions pas  que  nous  ignorons  la  cause  sous  l'influence 
de  laquelle  vient  ainsi  à  s'hyperémier  le  poumon  ou 
le  cerveau.  N'oublions  pas,  en  outre,  que  les  mêmes 
accidens,  soit  vers  la  poitrine,  soit  vers  l'encéphale, 
peuvent  survenir,  sans  qu'à  la  nécropsie  il  soit  tou- 
jours possible  de  les  expliquer  par  l'existence  même 
d'une  simple  congestion  sanguine. 

L'hyperémie  générale  s'établit  plus  souvent  d'une 
manière  moins  aiguë  que  dans  le  cas  précédent,  et 
alors  il  en  résulte  des  symptômes  beaucoup  moins 
graves.  La  rougeole  est  constamment  accompagnée 
d'une  hyperémie  de  ce  genre ,  et  dans  les  fièvres  con- 


d'anatomie  pathologique.  /j67 

li-nues  une  des  lésions  Jes  plus  fréquentes  qu'on  ob- 
serve ,  c'est  aussi  une  hyperémie  générale  de  la  mem- 
brane muqueuse  des  bronches.  Dans  la  rougeole  ,  elle 
existe  également  dans  le  larynx  et  dans  la  trachée. 

L'hyperémie  générale  de  la  muqueuse  des  voies 
aériennes  existe  rarement  à  l'état  chronique. 

L'hyperémie  partielle  de  cette  membrane  est  beau- 
coup plus  commune  que  son  hyperémie  générale. 
Elle  présente  ,  sous  le  rapport  de  son  siège  ,  les  va- 
riétés suivantes,  qui  ont  de  l'importance  sous  le  rap- 
port de  la  différence  de  symptômes  qui  en  résultent. 

1°.  Le  larynx  et  la  trachée-artère  peuvent  être 
rouges,  tandis  que  les  bronches  sont  blanches,  et 
vice  versa.  Dans  la  trachée,  on  observe  quelquefois 
une  singulière  disposition  de  l'hyperémie  :  la  trachée 
n'est  rouge  que  d'un  côté ,  et  cette  teinte  insolite  cesse 
brusquement  sur  la  ligne  médiane,  comme  certains 
érysipèles  de  la  face  dont  cette  ligne  forme  aussi  la 
limite  rigoureuse.  J'ai  trouvé  cette  disposition  dans 
plusieurs  cas  où  il  n'y  avait  qu'un  poumon  affecté,  et 
c'était  du  côté  correspondant  à  celui-ci  qu'existait  la 
rougeur  de  la  trachée.  La  maladie  ne  semble-t-elle 
pas,  dans  ce  cas,  établir  dans  la  trachée  unique  de 
l'homme  la  division  en  deux  conduits  qui  existe  nor- 
malement chez  d'autres  animaux.^ 

2^  Les  grosses  bronches  peuvent  être  rouges,  et 
les  petites  blanches. 

5°.  Les  petites  bronches  peuvent  être  seules  hype- 
rémiées  ,  tandis  que  dans  celles  d'un  plus  grand  calibre 
on  ne  découvre  aucune  trace  de  congestion.  L'hype- 
rémie des  petites  bronches,  pour  peu  qu'elle  soit 
étendue ,  donne  lieu  à  des  symptômes  graves  ,   tels 

5o. 


/^6S  PRÉCIS 

que  dyspnée  intense,  fièvre,  etc.  Avec  ces  symp- 
tômes il  est  des  cas  où  la  toux  est  très-peu  consi- 
dérable. 

4".  En  comparant  cntr  elles  les  bronches  des  dif- 
férens  lobes  sous  le  rapport  de  la  fréquence  respec- 
tive de  leur  irritation  ,  M.  Broussais  a  été  conduit  à 
admettre  que  ce  sont  les  loLcs  supérieurs  dont  les 
bronches  sont  le  plus  souvent  frappées  d  hyperémie. 

Si  1  on  examine  Thyperémie  des  condnils  aérifères 
dans  ses  rapports  avec  les  maladies  du  parenchyme 
pulmonaire,  on  trouve  qu'elle  n'est  liée  nécessaire- 
ment à  aucune  de  ces  maladies.  Ainsi  il  n'est  pas  très- 
rare  de  trouver,  diins  la  pneumonie  aiguë  ,  la  trachée- 
artère  et  les  broncîies  d'une  blancheur  parfaite.  Cela 
est  encore  plus  commun  dans  les  cas  de  pneumonie 
chronique.  Lorsque  de  nombreux  tubercules  parsè-: 
ment  le  parenchyme  pulmonaire  ,  il  arrive  souvent 
qu'on  ne  trouve  dans  les  bronches  aucune  trace  de 
rougeur  ;  d'autres  fois  les  grosses  bronches  sont  pâles, 
mais  celles  d'un  moindre  calibre  présentent  une  rou- 
cjeurplus  ou  moins  vive.  Lorsque  ces  tubercules  sont 
ramollis  ou  transformés  en  cavernes,  il  est  beaucoup 
plus  rare  de  ne  pas  observer  de  rougeur  dans  les 
bronches.  L'on  a  constaté  qu'en  pareil  cas  les  bron- 
ches  les  plus  rouges  étaient  celles  quiéîaient  situées 
le  plus  près  des  excavations  tuberculeuses  ;  mais 
celles  qui  en  sont  le  plus  éloignées  peuvent  aussi  par- 
ticiper h  cette  rougeur,  quisouvent  alors  s'étend  éga- 
lement à  la  trachée  et  enfin  au  larynx.  Du  reste,  dans^ 
ces  dilTérens  cas,  tantôt  l'hyperémie  marche  de  l'ex- 
térieur à  l'intérieur;  commençant  par  le  larynx,  elle 
se  propage  successivement  à  la  trachée,  aux  grosses 


d'anatomie  rATnoLOGiQUË.  469 

bronches,  aux  peliles  bronches,  et  atteignant  enfin 
<îeux  des  conduits  aérifères  que  le  scalpel  ne  peut  plus 
suivre  ,  elle  gagne  le  parenchyme  pulmonaire  pro- 
prement dit  ;  tantôt  ,  au  contraire ,  existant  d'abord 
dans  les  derniers  rameaux  bronchiques  ,  elle  gagne 
lentement  ou  rapidement  les  bix)nches  plus  volumi- 
neuses, puis  la  trachée-arlère  et  le  larynx. 


ARTICLE    II. 

LÉSIONS    DE     NITRITION. 

La  plus  remarquable  de  cos  lésions ,  en  raison  des 
accidens  qui  en  résultent  et  des  divers  groupes  des 
symptômes  spéciaux  qu'elle  produit ,  c'est  l'augmen- 
tation d'épaisseur. 

L'épaississement  de  la  membrane  muqueuse  des 
voies  aériennes  est  de  deux  espèces  :  ou  il  dépend  prin- 
cipalement d'un  engorgement  sanguin  de  la  membrane 
(épaississement  par  hypcrémie  .  et  dans  ce  cas  il  n'y 
a  qu'une  apparence  d'hypertrophie]  ;  ou  il  résulte 
d'une  activité  réellement  plus  grande  de  la  nutrition  du 
tissu  membraneux  (épaississement  par  hypertropliie). 
La  première  espèce  d'épaississemcnt  peiil  -"oir 
lieu  dans  toute  l'étendue  de  la  membrane  larvago- 
bronchique  ;  mais  elle  est  surtout  remarquable  en  deux 
points  ,  savoir,  dans  le  larynx  et  dans  les  petites 
bronches. 

La  tuméfaction  de  la  portion  de  muqueuse  qui  ta- 
pisse les  lèvres  de  la  glotte  peut  être  assez  considé- 


47  o  rnÉc[.s 

rabîc  ,  surtout  chez  ics  enfcins  ,  où  cette  ouvorture 
est  très-petite  5  pour  l'obstmer  à-peu-près  complète- 
ment ,  apporter  obstacle  à  la  libre  entrée  de  l'air  dans 
le  larynx,  et  produire  tous  les  symptômes  de  croup, 
sauflexpectoration  membraniforme.  Les  cas  du  croup 
où  l'on  ne  trouve  après  la  mort  d'autre  lésion  dans  le 
^larynx  qu'une  semblable  tuméfaction  ,  sont  peul-ètre 
même  les  cas  les  plus  communs.  Par  elle  ,  d'ailleurs  , 
on  'explique  mieux  que  par  la  seule  présence  d'une 
pseudo-membrane,  d'une  part  la  dyspnée ,  et  d'autre 
part  la  modification  que  présentent  dans  le  croup  la 
toux  et  la  voix  ,  ainsi  que  le  bruit  particulier  que  fait 
entendre  la  colonne  d'air,  chaque  fois  qu'elle  traverse 
le  larynx. 

La  membrane  muqueuse  des  petites  bronches  peut 
se  tuméfier  d'une  manière  aiguë,  comme  celle  dti 
larynx  ,  de  telle  sorte  qu'il  en  résulte,  comme  dans 
celui-ci ,  une  obstruction  complète  ou  incomplète  des 
conduits  aérifères  d'un  certain  nombre  dé  lobules. 
Cette  tuméfaction  peut  avoir  son  siège  soit  dans  le 
corps  même  de  la  membrane,  soit  dans  les  lames 
qui  s'élèvent  de  sa  surface.  Il  en  résulte  une  dyspnée 
considérable,  et  la  transformation  subite  d'une  ma- 
ladie légère  en  une  affection  des  plus  graves. 

L'épaississement  de  la  membrane  laryngo- bron- 
chique, par  hypertrophie  de  son  tissu,  est  très-fré- 
quent chez  les  individus  qui  ont  une  toux  ancienne. 
Chez  eux  ,  cet  épaississement  peut  exister  en  divers 
points  qui  méritent  d'être  notés,  en  raison  des  variétés 
de  phénomènes  qui  peuvent  en  résulter.  Ainsi  dans  le 
larynx  l'épaississement  de  la  membrane  muqueuse 
peut  en  occuper  la  totalité,  ou  être  borné,  i".  à  Icii-^ 


d'ANATO-MIE    PATIIOLOGIQUK.  firi 

trée  du  îarjnx  ;  2^  aux  cordes  vocales  ;  5°.  aux  cavités 
ventriculaires  ;  4**'  ^ux  deux  faces  de  1  epiglotte.  Dans 
la  trachée,  cette  hypertrophie  de  la  muqueuse  n'offre 
rien  de  particulier  à  note  r  ;  mais  dans  les  bronches  elle 
doit  être  distinguée  en  celle  qui  occupe  la  muqueuse 
des  grosses  bronches,  et  en  celle  qui  est  bornée  à  la 
muqueuse  des  petites  bronches.  Dans  ces  deux  cas 
l'hypertrophie  peut  avoir  spécialement  heu  ,  i^  dans 
le  trajet  même  d'une  bronche  ;  2^  à  ses  points  de  di- 
vision ou  à  son  orifice.  Dans  ces  bronches,  enfin,  le 
corps  même  de  la  muqueuse  ou  ses  lames  peuvent  en 
être  particulièrement  le  siège. 

'  J'ai  cherché  ailleurs  (i)  à  démontrer  qu'une  grande 
parlie  des  variétés  infinies  qu'est  susceptible  de  pré- 
senter le  raie  bronchique  dépend  des  variétés  d'é- 
paississement  que  peut  offrir  la  membrane  muqueuse 
des  voies  aériennes  ;  un  très-léger  changement  dans 
l'épaisseur  normale  de  cette  membrane  produit  sou- 
vent les  plus  grandes  modifications  dans  le  bruit  d'ex- 
pansion pulmonaire  ,  de  telle  sorte  qu'en  pareil  cas 
il  n'y  a  le  plus  ordinairement  aucun  rapport  entre 
l'intensité  du  désordre  fonctionnel  et  celle  du  désor- 
dre organique. 

L'hypertrophie  n'a  pas  seulement  pour  effet  d'aug- 
menter le  nombre  des  molécules  qui  doivent  norma- 
lement entrer  dans  la  composition  d'un  tissu;  elle 
peut  encore  changer  le  mode  même  d'arrangement 
de  ces  molécules,  et  transformer  le  tissu  qu'elle  a 
frappé  en  un  autre  tissu,  d'après  les  lois  que  j'ai  posées 

(i)  Clinique  DIcdicalc. 


472  PRÉCIS 

ailleurs  (i);  ou  bien ,  sans  produire  celte  transforma- 
tion, l'hypertrophie  peut  donner  au  tissu  où  elle  a 
son  siège  une  organisation  plus  compliquée.  On  a  ob- 
servé ce  dernier  cas  pour  la  membrane  muqueuse  des 
bronches.  Chuz  un  individu  qui  présentait  depuis 
long-len>ps  tous  les  signes  d'un  catarrhe  chronique, 
M.  Reynaud  a  trouvé  une  bien  remarquable  modifi- 
cation dans  la  membrane  muqueuse  bronchique  :  elle 
étaiî;  devenue  semblable  à  la  membrane  muqueuse 
gastio-iatestinale  ,  et,  comme  celle-ci,  elle  était  hé- 
rissée de  vlilosilés  nombreuses;  on  eût  été  tenté  de 
penser  qu'en  déposant  des  alimens  sur  cette  mem- 
brane vUleuse  f  elle  les  aurait  digérés. 

L'hypertrophie  de  la  membrane  muqueuse  des  voies 
aériennes  peut  encore  se  présenter  sous  d'autres 
formes  que  celles  qui  viennentd'être  décrites.  Bornée 
à  un  point  circonscrit ,  elle  peut  dans  ce  point  donner 
naissance  à  des  tumeurs  qui  font,  au-dessus  du  ni- 
veau du  reste  de  la  muqueuse,  une  saillie  plus  ou 
moins  considérable.  Ces  tumeurs  ont  été  plus  souvent 
observées  dans  le  larynx  que  dans  les  autres  parties 
du  tube  aérien.  J'ai  vu,  il  y  a  quelques  années,  à 
la  Charité,  un  larynx  dont  l'ouverture  supérieure  était 
en  grande  partie  obslruée  par  une  végé(alion  blan- 
châlre,  mamelonnée,  ayant  la  plus  exacte  ressem- 
blance avec  une  tôte  de  choufleur,  et  se  continuant 
intimement  par  une  large  base  avec  la  membrane 
muqueuse.  M.  Ferrus  a  montré  une  pièce  à-peu-près 
semblable  à  l'Académie  Royale  de  Médecine, 

(i)  Tom.  I  de  cel  ouvrage. 


d'anatomie  pathologique.  47^ 

L'hvperlrophîe  se  préseuile  encore  avec  une  autre 
forme,  lorsqu'elle  attaque  isolément  les  nombreux 
follicules  qui  parsèment  la  membrane  muqueuse 
laryngo-bronchique.  Alors  apparaissent  à  la  surface 
interne  de  celte  membrane  des  corps  granuleux,  ar- 
rondis, blancs,  rouges,  ou  d'un  brun  plus  ou  moins 
foncé,  présentant  souvent  deux  cercles  colorés,  l'un 
à  leur  centre  ,  l'autre  à  leur  circonférence ,  et  entourés 
d'une  membrane  muqueuse  saine  ou  maiade.  On 
a  pris  souvent  ^oit  pour  des  tubercules,  soit  pour  le 
produit  d'une  éruption  spéciale  ,  et  surtout  de  l'érup- 
tion variolique  ,  de  simples  follicules  qui  étaient  seu- 
lement plus  développés  que  de  coutume. 

L'atrophie  de  la  membrane  muqueuse  des  voies 
aériennes  doit  avoir  lieu  quelquefois;  mais  elle  n'a 
pas  encore  été  observée  :  très-fréquemment  on  la 
trouve  ramollie,  mais  ce  ramollissement  n'a  rien  de 
spécial,  et  tout  ce  que  j'ai  dit  sur  le  ramollissement 
de  la  membrane  muqueuse  gastro-intestinale  lui  est 
à-peu-près  applicable.  C'est  surtout  dans  le  larynx 
qu'a  été  étudié  ce  ramollissement.  Dans  cet  organe, 
on  le  voit  souvent  exister  au  niveau  des  cordes  vo- 
cales ou  au  fond  des  ventricules.  En  pareil  cas,  le 
ligament  thyro-aryténoïdien  montre  à-peu-près  à  nu 
ses  fibres  resplendissantes;  elles  ne  sont  plus  recou- 
vertes que  par  une  pulpe  blanche  ou  rouge  ,  d'inégale 
épaisseur  ,  et  dont ,  en  plusieurs  points  ,  on  ne  trouve 
plus  même  de  vestige.  Le  ramolhssement  de  cetle 
portion  de  la  muqueuse  du  larynx  se  lie  cous! ani- 
ment à  une  altération  de  la  voix.  Chez  des  individus 
qui  depuis  long-temps  ont  la  voix  éteinte  ou  enrouée, 
on  [est  étonné  de  ne  trouver  parfois  dans  le  larynx 


474  PRÉCIS 

d'aulre    lésion    que  ce   ramollissement    partiel  cie  Ja 
muqueuse. 

La  membrane  muqueuse  des  voies  aériennes  est 
susceptible  de  s'ulcérer  comme  la  membrane  des 
voies  digestives.  Ces  ulcérations  peuvent  avoir  leur 
siv^ge  dans  le  larynx  ,  dans  la  trachée  ou  dans  les 
bronches.  Etudions- les  tour-à-tour  dans  ces  trois 
parties. 

Les  ulcérations  du  larynx  sont  phis  fréquentes  que 
celles  de  la  trachée  et  des  bronches.  Presque  toutes 
les  fois  ,  d'ailleurs ,  qu'on  trouve  sur  un  cadavre  des 
ulcérations  dans  le  larynx ,  on  en  retrouve  aussi  dans 
le  parenchyme  pulmonaire.  11  est  donc  très-rare  de 
pouvoir  observer  isolément  l'influence  que  les  ulcé- 
rations du  larynx  sont  susceptibles  d'exercer  par  elles 
seules  sur  réconomie.  La  plupart  du  temps  la  maladie 
que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  phthlsie  laryngée 
n'est  autre  chose  qu'une  affection  pulmonaire  accom- 
pagnée d'un  état  morbide  du  larynx,  et  dans  laquelle 
les  symptômes  de  la  maladie  du  larynx  sont  prédo- 
minans  et  masquent  les  autres,  bien  que  ce  soit  sur- 
tout de  l'affection  du  poumon  que  dépendent  le  dé^ 
périssement,  la  fièvre  hectique ,  les  sueurs,  etc. 

Les  ulcérations  du  larynx  occupent,  dans  cet  or- 
gane ,  divers  points  qui  ne  sont  pas  indifférens  k> 
noter,  puisqu'il  en  résulte  pour  la  voix  des  modifi- 
cations diverses.  Ainsi  elles  peuvent  avoir  pour  siège, 
1**.  l'épiglotte ,  dont  elles  envahissent  l'une  ou  l'autre 
face;  2®.  les  cordes  vocales;  5^  les  ventricules; 
4°.  l'angle  rentrant  que  forment  par  leur  union  en  avant 
les  deux  pièces  du  cartilage  thyroïde  ;  5°.  en  arrière 
la  portion  de  muqueuse  située  entre  les  deux  carti* 


d'anatomie  pathologique.  47^ 

la'^es  aryténoïdes;  6".  les  différentes  parlies  de  la  mii- 
queuse  située  hors  de  ces  points,  dans  chacun  des- 
quels il  faut  d'abord  s'occuper  de  chercher  les  ulcé- 
rations toutes  les  fois  qu'on  ouvre  un  larynx  que  l'on 
croit  malade. 

Le  nombre  et  la  grandeur  des  ulcérations  du  larynx 
varient  à  l'infini.  Quelquefois  on  n'en  trouve  qu'une 
seule  très- petite  dans  un  larynx  qui  paraît  d'ailleurs 
sain.  D'autres  fois  la  surface  interne  du  larynx  est 
comme  criblée  d'ulcérations  ,  et  en  pareil  cas  elles 
peuvent  être  ou  égales  ou  inégales  en  forme  comme 
en  étendue.  Enfin  il  est  des  cas  où  l'on  ne  découvre  à 
l'intérieur  du  larynx  qu'une  seule,  mais  vaste  ulcé- 
ration, qui  occupe  la  moitié  ou  les  trois  quarts  de  l'or- 
gane ;  il  est  des  cas  où  dans  tout  un  côté  du  larynx 
on  ne  trouve  plus  aucune  trace  de  muqueuse. 

Les  ulcérations  de  la  trachée  artère  sont  plus  com- 
munes à  sa  partie  postérieure  que  dans  les  autres 
points  de  sa  périphérie.  Comme  ces  ulcérations  s'ob- 
servent d-peu-près  exclusivement  chez  les  phthisi- 
ques,  l'on  avait  pensé  que  cette  sorte  de  lieu  d'élec- 
tion des  ulcérations  vers  la  partie  postérieure  de  la 
trachée  dépendait  du  séjour  plus  prolongé  ou  plus 
fréquent  des  crachats  sur  cette  partie;  mais  il  s'en 
faut  que  cette  assertion  soit  prouvée.  Dans  quelques 
cas  on  a  vu  les  ulcérations  de  la  trachée  n'occuper 
exactement  qu'un  des  côtés  de  ce  conduit ,  et  ce  côté 
malade  correspondre  au  poumon  le  plus  gravement 
afl"ccté. 

Dans  les  bronches,  les  ulcérations  sont  moins  com- 
munes que  dans  le  larynx  ,  mais  moins  rares  que 
dans  la  trachée.  Elles  ne  présentent   d'autres  parli- 


47^  ruÉcis 

cularités  à  norer  que  leur  seule  existence.  Elles  sont 
4i'aii!curs  assez  rares  pour  »ju'on  ait  pu  ouvrir  un  assez 
î;rand  nombre  Je  cadavres  sans  les  rencontrer  une 
.seule  fois. 

Les  ulcérations  de  la  membrane  muqueuse  des 
voies  aériennes  ont  ordinairement  pour  fond  les  tissus 
qui,  dans  les  diverses  parties  du  conduit ,  lui  sont 
.siibjacens.  Quelquefois  la  couche  mince  de  tissu  cel- 
lulaire interposée  entre  la  muqueuse  et  les  autres 
tissus  acquiert  une  grande  épaisseur  et  forme  le 
f  )nd  do  l'ulcération  ;  mais  dans  d'autres  cas  l'ulcéra- 
tion, qui  d'abord  n'avait  envahi  que  la  muqueuse, 
sélend  en  profondeur  ;  les  tissus  subjacens  sont 
tour-à-tour  détruits,  et  il  peut  enfin  en  résulter  une 
perfora'.ion  du  conduit  aérifère.  Cette  perforation 
donne  lieu  à  des  phénomènes  différens,  suivant  le 
point  où  elle  a  lieu.  Ainsi  elle  peut  faire  communi- 
quer directement  l'intérieur  du  conduit  avec  l'exté- 
rieur: on  a  vu,  par  exemple,  quelques  cas  de  fistules 
s  tuées  à  l'angle  de  réunion  des  deux  pièces  du  car- 
tilage thyroïde.  En  pareil  cas,  la  voix  ne  peut  se  pro- 
duire que  lorsqu'on  place  un  obturateur  au-devant 
de  l'orifice  fistuleux.  L'existence  de  cette  fistule  ne 
s'oppose  pas  d'ailleurs  à  ce  que  des  efloris  soient  pro- 
duits, comme  on  pourrait  le  croire  d  après  la  théorie 
de  l'efTort  proposée  par  M.  Bourdon.  A  l'appui  de 
celte  assertion ,  je  rappellerai  ici  un  fait  que  citait 
souvent  Béclard  :  il  a  vu  un  cheval  corneur  qui  ne 
respirait  qu'au  moyen  d'une  ouverture  pratiquée  à  la 
trachée,  et  qui  néanmoins  traînait  seul  des  charriots 
pesamment  chargés. 

Au  lieu  d'établir  une  communication  directe  avec 


d'aNATOMIE    rATIIOl.OGIQl  K.  /jj'j 

l'air   extérieur  5   la   perforation   du   c  >nduit  acrii'ère 
peut   faire  communiquer  ce   conduit  avec  un  autre 
oriJjane,  soit  naturellement  creux,  comme  l'œsopliage 
ou  l'aorte  ,  ou  la  plèvre  ,  soit  accidentellement  creusé 
d'une  cavité,  comme  les  ganglions  bronchiques .,  ou  le 
parenchyme  même  du  poumon.  Toutes  les  fois  qu'on 
trouve  ,  dans  ce  dernier,  une  excavation  qui  commu- 
nique avec  une  bronche,  on  est  porté  à  admeUre  que 
l'excavation  pulmonaire  a  précédé  la  perforation  de  la 
bronche  :  il  en  est  ainsi  dans  le  plus  grand  nombre  dos 
cas,  mais  non  pas  dans  tous,  et  parfois  il  m'a  semblé, 
en  examinant  avec  soin  les  dispositions  de  certaines 
ulcérations  du  poumon,  qu'elles  avaient  eu  leur  point 
dé  départ  dans  une  bronche  ulcérée  et  perforée.  Au- 
jourd'hui, dès  qu'on  trouve  une  cavité  dans  le  pou- 
mon ,  Ton  admet  presque  toujours  qu'elle  a  succédé 
à  la  fonte  d'une  masse  tuberculeuse  ;  mais  il  s'en  faut 
qu'on  en  ait  la  preuve  dans  tous  les  cas. 

Le  paragraphe  précédent  vient  de  nous  montrer 
un  cas  dans  lequel,  au  lieu  de  s'opérer  de  dedans  en  de- 
hors, la  perforation  des  conduits  aérifcres  s'est  accom- 
plie de  dehors  en  dedans; c'est  àl'extérieur  du  conduit 
qu'a  commencé  l'ulcération ,  qui ,  en  dernier  lieu 
seulement,  a  envahi  la  membrane  muqueuse.  Mais 
ce  cas  n'est  pas  le  seul.  Ainsi  l'aorte  malade  s'ouvre 
beaucoup  plus  souvent  dans  la  trachée  ou  dans  les 
bronches,  que  ces  conduits  ne  s'ouvren  t  dans  î'aor  te.  Le 
double  perforation  qui  fait  communiquer  l'œsophage 
et  la  trachée,  commence  aussi  souvent  parle  premier 
de  ces  canaux  que  par  le  second.  Un  état  de  suppuration 
ou  de  tuberculisation  des  ganglions  bronchiq'jes  pa- 
raît t'tre  souvent  le  po'nt  de  départ  de  fa  perf  >ralion 


47^  PRÉCIS 

des  bronches  qu'ils  entourent,  et  à  travers  lesquelles 
s'évacue  le  produit  de  sécrétion  morbide  dont  ils  ont 
été  le  siège.  J'ai  rencontré  une  fois  un  abcès  du  corps 
thyroïde,  qui  coïncidait  avec  une  destruction  com- 
plète des  tissus  fibreux  et  cartilagineux  de  la  trachée  ; 
le  pus  n'était  plus  séparé  de  la  cavité  même  de  la 
trachée  que  par  la  membrane  muqueuse  de  ce  con- 
duit; il  est  très-vraisemblable  que  si  l'individu  eut 
vécu  plus  long-temps,  cette  membrane  se  serait  dé- 
truite à  son  tour,  et  l'abcès  du  corps  thyroïde  se 
serait  vidé  dans  les  voies  aériennes.  M.  Portai  a  cité  , 
dans  son  Traité  de  la  Plitldsie  pulmonaire  (i),  un 
exemple  de  perforation  de  la  trachée,  qui  livra  pas- 
sage à  des  hydatides  formées  dans  le  corps  thyroïde. 
Une  mort  prompte  par  asphyxie  en  fut  la  suite. 


ARTICLE  III. 


LESIONS    DE    SECRETION. 


Ces  lésions  peuvent  porter  i\  sur  la  sécrétion  ga- 
zeuse ;  2°.  sur  la  sécrétion  perspiratoire  ;  5**.  sur  la  sé- 
crétion muqueuse. 

Les  altérations  de  la  sécrétion  gazeuse  sont  encore 
inconnues.  On  peut  toutefois  soupçonner  que ,  dans 
certaines  maladies,  il  y  a  changement  dans  la  pro- 
portion des  divers  gaz  qui  normalement  sont  exhalés 
par  la  membrane  muqueuse  des  voies  aériennes.  On 
peut  d'autant  mieux  le  soupçonner,  que  sous  l'in- 

(i)  Tom.  11  ,  pag.  357. 


d'anatomie  pathologique.  4  "9 

fluence  d'autres  conditions,  telles  que  celles  de  Tàj^e 
ou  de  la  température  extérieure,  on  voit  varier  dans 
ses  proportions  la  quantité  d'azote  qui  sort  du  pou- 
nion  à  chaque  expiration. 

Les  altérations  de  la  sécrétion  perspîratoire  ne  sont 
guère  mieux  connues  que  celles  de  la  sécrétion  ga- 
zeuse. Peut-être  son  augmentation  donne-t-elle  lieu 
à  quelques-uns  de  ces  flux  séreux  dont  la  membrane 
muqueuse  des  voies  aériennes  est  quelquefois  le  siège. 
Alors  le  sérum  ,  exhalé  ordinairement  à  l'état  de  va- 
peur, sortirait  liquide  en  raison  de  son  extrême 
abondance.  J'ai  cité  ailleurs  (i)  le  cas  d'un  individu 
chez  lequel  une  énorme  quantité  de  sérosité  fut 
rendue  tout-à-coup  par  les  bronches  ,  en  même  temps 
qu'eut  lieu  chez  lui  la  résorption  d'un  hydrothorax. 
On  a  dit  que,  dans  quelques  cas  de  suppression  to- 
tale de  la  transpiration  cutanée  par  suite  de  certaines 
maladies  de  la  peau,  la  vapeur  puUnonaire  était  aug- 
mentée de  telle  sorte  ,  qu'elle  sortait  communément 
de  la  poitrine  comme  un  nuage,  qui,  s'élevant  jus- 
qu'au ciel  du  lit ,  en  retombait  sous  forme  d'abon- 
dante rosée   (2). 

La  sécrétion  muqueuse  des  voies  aériennes  est  celle 
dont  les  altérations  sont  jusqu'à  présent  les  mieux 
connues. 

Le  mucus  fourni  par  la  membrane  laryngo-bron- 
chique  peut  être  modifié  dans  sa  quantité  ou  dans  ses 
qualités. 

Son  augmentation  de    quantité  peut  avoir  lieu  de 


(i)  Clinique  Médicale. 

(2)  Alibert,  Précis  dçs  maladies  de  la  pcwi ,  article  îchlyose. 


48o  ï'iiÉcïs 

deux  manières,  soit  cbroniquement,  soît  d'une  ma- 
nière aiguë.  Rejeté  en  dehors,  il  constitue  la  ma- 
tière de  l'expectoration;  et  c'est  alors  à  la  séméiologie 
à  la  décrire  sous  ses  aspects  inGniment  variés.  INous 
ne  devons  ici  nous  occuper  que  des  cas  où  ,  retenu 
dans  les  bronches  et  trouvé  après  la  mort  dans  ces 
conduits,  le  mucus  peut  rendre  compte  des  accidens 
o])servés  et  même  de  la  mort.  Le  cas  le  plus  remar- 
quable de  ce  genre  est  celui  où  tout-à-coup  une  telle 
quantité  de  mucus  vient  à  être  sécrétée  par  les  bron- 
ches ,  la  trachée  et  le  larynx,  qu'il  les  remplit;  le  conduit 
aérifère  s'oppose  à  la  libre  entrée  de  l'air  ,  et  produit 
rapidement  ainsi  la  mort  par  asphyxie.  Cela  a  été  ob- 
servé chez  les  adultes  ,  et  surtout  chez  les  enfans. 
On  a  décrit,  sous  le  nom  de  croup,  quelques  états 
morbides  où  Ton  observait  effectivement  quelques- 
uns  des  étals  morbides  qui  le  caractérisent,  et  où, 
à  l'ouverture  des  cadavres  ,  on  ne  trouvait  autre  chose 
qu'une  accumulation  considérable  de  mucosités  dans 
toute  l'étendue  des  voies  aériennes  (ij. 

INous  ne  décrirons  point  toutes  les  modifications 
de  qualités  que  peut  présenter  le  mucus  laryngo- 
bronchique  ;  celte  description  est  du  ressort  du 
séméiologiste.  Nous  dirons  seulement  que  ce  mucus 
peut  tantôt  se  fluidifier  beaucoup,  et  devenir  sem- 
blable à  du  sérum  ,  tantôt  acquérir  une  viscosité  telle 
qu'il  adhère  aux  parois  des  bronches  ,  s'accumuler  en 

(i)  M.  Blaud  qui  a  fort  bien  vi  que  le  mot  croup  devait  plutôt  cxpiinier 
«n  ensenihle  de  symptômes  identiques»  qu'une  lésion  anatomique  cons- 
tajjte,  a  étabH  trois  variité»  de  celle  maladie  d'après  la  nature  des  pro- 
duits fournis  parla  membrane  muqueuse  iiritée.  Il  a  désigné  celle  dont  il 
est  question  dans  ce  paragraphe,  sous  le  nom  de  fro«/>  myxagcne  ^_  et  les 
<îcux  aulics  sous  les  noms  de  croup  puo^cne  et  mcnir.gogcne. 


d'ANATOMIE    PATHOLOGIQl  E.  /|8i 

un  point  de  leur  étendue,  et  y  forme  parfois  une 
sorte  de  bouchon  qui  s'oppose  à  l'entrée  de  l'air,  et 
peut  devenir  une  cause  de  dyspnée  assez  intense 
pour  que  la  mort  en  soit  le  résultat   (i). 

Dans  ces  cas  divers    le  mucus   n'est    encore  que 
modifié  dans  ses  qualités,  mais  on  le  reconnaît  en- 
€ore.  Il  est  d'autres  cas  où  ,  perdant  peu-à-peu  toutes 
les  qualités  qui  le  caractérisent^  il  finit  par  se  trans- 
former en  un  liquide  tout  dififérent;  et ,  par  exemple, 
au  lieu   de  mucus,  on  peut  trouver  dans  les  voies 
aériennes  un  liquide  qui  a  tout-à-fait  l'aspect  du  pus. 
On  l'y  trouve  ,  sans  qu'il  y  ait  d'ailleurs  dans  les  voies 
aériennes  aucune  trace  d'ulcération.  Il  est  même  quel- 
ques cas  où ,  bien  que  pendant  long-temps  un  liquide 
purîforme  ait  été  expectoré  >   on   ne  découvre  après 
la  mort ,    dans   la    membrane   muqueuse   des  voies 
aériennes,  aucune  lésion  appréciable  :  elle  n'est  pas 
même  rouge.  Ainsi  dans  ce  cas  la  lésion  de  sécrétion 
se  montre  isolément  des  lésions  de  circulation  ou  de 
nutrition. 

Enfin  ,  au  lieu  de  mucus  ou  de  pus, on  trouve  dans 
les  voies  aériennes,  bien  plus  souvent  que  dans  toute 
autre  cavité  muqueuse ,  des  concrétions  membrani- 
formes  qui  en  tapissent  la  surface  interne  d'une  ma- 
nière partielle  ou  générale. 

Ces  concrétions  membraniformes  sont-elles  le  ré- 
sultat de  l'irritation  des  voies  aériennes,  portée  au 
plus  haut  degré  possible?  cette  question  mérite  que 
nous  nous  y  arrêtions  quelques  instans.  D'abord,  il 
est   certain  qu'en  portant  à  l'intérieur  des  conduits 


(i)   Clinique  Médicatc. 

II.  3i 


/jS2  PRÉCIS 

aérifèrcs  un  agent  très- irritant,   on  y  détermine  la 
formation  rapide  de   pseudo-membranes.  Ainsi  elles 
ont  été  le  résultat  de  l'inspiration  prolongée  du  chlore 
ei  de  l'ammoniaque.  On  en  a  également  déterminé  la 
formation  en  injectant  dans  le  larynx  ou  dans  la  trachée 
d'animaux  de  l'acide  sulfurique  affaibli,  de  l'alcohol, 
de  l'huile  de  térébenlhine,  du  deuto-chlorure  de  mer- 
cure ,  etc.  Cependant,  remarquez  que  toutes  les  fois 
que  Ton  soumet  la  membrane  muqueuse  des  voies 
aériennes  à  l'action  d'un  de  ces  irritans,  on  ne  dé- 
termine pas  constamment  la  formation  d'une  pseudo- 
iiiembrane  ;  il  faut  donc ,  de  la  part  de  l'individu,  une 
prédisposition.  Mais  si  cette  prédisposition  est  très- 
prononcée,  qu'arrivera-t-il?  c'est  que  sous  l'influence 
•d'une  irritation  moins  forte,  et  même  très-légère, 
des  concrétions  membraniformes  pourront  prendre 
naissance  dans  le  larynx,  la  trachée  ou  les  bronches! 
Si,  au  contraire,  la  prédisposition  est  nulle,  vainement 
l'irritation  la  plus  intense  sera-t-elle  artificiellement 
produite,    ou   naîtra-t-elle    spontanément  :    aucune 
pseudo-membrane  ne  se  développera. 

Ainsi  donc  l'existence  des  concrétions  membra- 
niformes à  l'intérieur  des  voies  aériennes  ne  saurait 
s'expliquer  uniquement  par  l'intensité  de  l'irritation 
<jui  en  a  précédé  la  formation.  Loin  de  là  ,  elles  se 
înontrent  dans  des  cas  on  tout  semble  annoncer  que 
cette  irritation  a  été  très -peu  considérable.  Est-ce 
parce  que  les  enfans  sont  sujets  à  avoir  des  irritations 
des  voies  aériennes  plus  intenses  que  les  adultes ,  que, 
chez  les  enfans ,  la  formation  des  concrétions  mem- 
braniformes dans  le  conduit  aérifère  est  beaucoup 
plus  commune  ?  non  ,   sans  doute  ;  c'est  parce  que 


d'a-N'ATOMIE    rATlIOl/JGlQl]]?.  i{33 

chez  les  enfaos  il  y  a,  aiitécédemment  à  rirritation  , 
un«  certaine  disposition  générale  qui  imprime  à  cette 
irritation  tels  symptômes,  telle  marche  et  telle  ter- 
minaison. A  quelle  autre  cause  qu'à  cette  disposition 
générale  rapporterez-vous  ces  plaques  pultaeées  qui 
recouvrent  la  langue  et  les  parois  de  la  bouche  vers  la 
fin  d'un  certain  nombre  de  maladies  chroniques?  est- 
ce  parce  que  deux  vésicatoires  ont  différens  degrés 
d'irritation,  que  l'un  ne  sécrète  que  du  pus,  tandis 
que  l'autre  se  couvre  d'une  concrétion  épaisse,  sem- 
blable à  une  couche  de   lard?  Rien  ne  le  prouve  : 
mais  ce   que  tous  les  praticiens  savent  ^  c'est   que 
cette  différence  du  produit  sécrété  coïncide  beaucoup 
moins  avec  certaines  nuances  de  l'irritation  cutanée 
qu'avec  certaines  conditions  générales  de  réconomie , 
que  l'observation  apprend  à  connaître.  Il  y  a  si  bien  , 
chez  beaucoup  d'enfans,  une  cause  générale  qui  pré- 
side au  développement  des  pseudo-membranes  des 
voies  aériennes,  que ,  chez  plusieurs,  en  même  temps 
que  des  concrétions  membraniformes  se  produisent 
dans  le  conduit  aérifére  ,  il  en  apparaît  d'autres  simul- 
tanément dans  les  fosses  nasales  ,  dans  le  tube  digestif, 
au  pourtour  de  l'anus,   dans  l'intérieur  du  conduit 
auditif,  et  dans  tous  les  points  où  la  peau  a  subi  une 
légère  solution  de  continuité.  Dans  ces  derniers  temps 
on  a  insisté ,  avec  raison  et  avec  profit  pour  la  science , 
sur  le  travail  local  qui,  dans  les  voies  aériennes,  pré- 
cède ou   accompagne   la   formation  des  concrétions 
membraniformes;  mais  dans  ce  travail  ne  gît  pas  tout 
le  secret  de  leur  production  ;  il  faut  maintenant  pren- 
dre la  question  sous  un  autre  point  de  vue  :  il  faut 
rechercher  si ,  chez  les  enfans  atteints  du  croup ,  il  n'y 

5ip 


484  PRÉCIS 

a  pas  des  conditions  géiicrales  d'innervation  ou  d'hu- 
matose,  qui  sont  les  causes  principales  de  la  forma- 
tion des  pseudo- membranes.  Tantôt  ces  conditions 
donnent  elles-mêmes  naissance  à  l'hyperémie  d'inten- 
sité variable  ,  à  la  suite  de  laquelle  apparaît  la  concré- 
tion; tantôt  ces  conditions  se  manifestent  par  la  pro- 
duction d'une  pseudo-membrane  à   l'occasion  d'une 
hyperémie  qu'une  autre  cause  a  développée.  De  tout 
cela  que  conclurons- nous  sous  le  rapport  de  la  pra- 
tique? c'est  qu'il  s'en  faut  qu'il  soit  démontré  que, 
dans  toute  hyperémie   des  voies  aériennes  terminée 
par  la  formation  de  pseudo-membranes,  l'indication 
unique  et  constante  soit  de  pratiquer  d'abondantes 
saignées.  Employées  modérément,  elles  sont,  en  pareil 
cas ,  d'une  immense  utilité  pour  combattre  l'affection 
locale;  mais  leur  excès  peut  favoriser  la  disposition 
générale  dont  l'aflection  locale   n'est  souvent  qu'un 
effet. 

Les  concrétions  raembraniformes  du  conduit  aéri- 
fère  varient  beaucoup  en  épaisseur  et  en  consistance. 
Les  unes  sont  tellement  minces,  qu'elles  laissent  aper- 
cevoir au-dessous  d'elles  la  membrane  muqueuse  ; 
d'autres  ont  plusieurs  lignes  d'épaisseur;  elles  sur- 
passent de  beaucoup  celle  de  la  membrane  mu- 
queuse. Sous  le  rapport  de  leur  consistance ,  on  en 
voit  qui  en  ont  une  si  faible,  qu'en  cherchant  à  les 
soulever  en  un  point  avec  l'extrémité  d'une  pince  , 
on  les  réduit  à  l'état  liquide,  tandis  qu'il  en  est  d'au- 
tres qu'on  peut  tirer  et  ciétacher  dans  une  grande 
partie  de  leur  étendue  sans  les  rompre. 

Shwilgué  a  trouvé  les  fausses  membranes  des  voies 
aériennes  formées  par  de  l'albumine  unie  à  une  cer- 


d'ANATOMIE    rATUOLOGIOUE.  4^'^ 

faine  quantité  de  carbonate  de  soude  et  de  phos- 
phate calcaire  ;  d'autres  affirment  y  avoir  constaté 
l'existence  de  la  fibrine.  (  Bretonneau.  ) 

Les  concrétions  membraniformes  du  conduit  aéri- 
fère  ne  présentent  le  plus  souvent  aucune  trace  d'or- 
ganisation ;  quelques  auteurs  disent  cependant  y  avoir 
observé  des  vaisseaux  qui,  sous  forme  de  filamens, 
se  rendaient  de  la  concrétion  à  la  membrane  subja- 
cente.  Il  ne  faudrait  pas  prendre  pour  un  résultat 
d'organisation  ,  soit  certains  prolongemens  qui  unis- 
sent la  pseudo-membrane  et  la  muqueuse,  et  qui  ne 
sont  autre  chose  que  cette  pseudo-membrane  elle- 
même  qui  s'enfonce  dans  les  follicules,  soit  des  taches 
rouges  qui  sont  quelquefois  disséminées  à  sa  surface , 
et  qui  résultent  d'un  travail  d'hémorrhagie  dont  la 
membrane  muqueuse  a  été  le  siège.  Je  ne  m'arrêterai 
point  à  discuter  la  valeur  des  faits,  très-peu  nombreux 
jusqu'à  présent,  dans  lesquels  on  a  dit  avoir  vu  les 
'  pseudo-membranes  du  conduit  aérifère  véritablement 
organisées  ;  je  rappellerai  seulement  qu'en  théorie 
la  possibilité  de  cette  organisation  doit  être  admise. 

Les  concrétions  membraniformes  des  conduits  aé- 
rifères  peuvent  se  former  dans  quatre  points  princi- 
paux de  ce  conduit  :  i°.  dans  le  larynx;  2°.  dans  la 
trachée  artère  ;  5°.  dans  les  grosses  bronches  ;  4"-  dans 
les  bronches  d'un  petit  calibre.  Dans  chacun  de  ces 
points  elles  peuvent  exister  sous  forme  de  plaques 
isolées  les  unes  des  autres,  ou  constituer  une  couche 
non  interrompue.  Il  est  enfin  des  cas  où  ces  concré- 
tions occupent  simultanément  toute  l'étendue  des 
voies  aériennes.  Tantôt,  commençant  parle  larynx, 
elles  s'étendent  plus  ou  moins  rapidement  jusqu'aux 


486^  PRBCl?» 

dernières  ramifications  bronchiques  ;  tantôt ,  prenant 
d'abord  naissance  dans  les  plus  petites  bronches ,  elles 
gagnent  successivement  les  bronches  plus  volumi- 
neuses ,  la  trachée  et  le  larynx.  Elles  peuvent  aussi 
s'être  formées  d'abord  hors  des  voies  aériennes,  et 
ne  s'y  développer  qu'après  avoir  envahi  les  fosses 
nasales,  la  bouche,  le  voile  du  palais  et  le  pharynx* 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  c'est  surtout  dans 
l'enfance  que  sont  communes  les  cor^crétions  mem- 
braniformes  des  voies  aériennes.  Elles  ne  sont  pas 
mome  également  fréquentes  à  toutes  les  périodes 
de  cet  âge.  Ainsi ,  on  les  observe  très-rarement  avant 
la  fin  de  la  deuxième  année;  cependant,  dans  ce 
premier  âge,  il  y  a  dans  d'autres  portions  de  mu- 
queuses une  disposition  remarquable  à  la  formation 
des  pseudo-membranes  ;  rien  de  plus  commun  que 
de  les  voir  se  développer  alors  dans  les  fosses  nasales, 
dans  la  bouche  ,  le  pharynx  ,  l'œsophage  ;  pourquoi 
s'arrètent-elles  à  l'entrée  du  larynx? 

Les  pseudo-membranes  des  voies  aériennes  coïn- 
cident le  plus  souvent  avec  un  état  morbide  dont  la 
marche  est  aiguë.  Quelquefois,  cependant,  la  maladie 
est  chronique  >  soit  par  ses  symptômes,  soit  par  sa 
durée.  Cela  peut  avoir  lieu  chez  les  enfans,  tant  que 
chez  eux  la  pseudo-membrane  n'existe  ni  dans  le 
larynx,  ni  dans  les  petites  bronches;  cela  p<?ul  aussi 
avoir  lieu  chez  l'adulte,  dans  le  cas  môme  où  la 
pseudo-membrane  existe  dans  le  larynx.  Du  reste  , 
excepté  dans  les  cas  où  la  pseudo-membrane  du  larynx 
est  fort  épaisse  y  la  dyspnée  qui  raccompagne  dépend 
beaucoup  moins  de  sa  présence  que  do  la  luméraclioa 
de  la  membrane  qu'elle  recouvre,  et  souvent  de  la 


d'anatomie  pathologique.  i\S'j 

Gonlractioiy  spasniodiqiic  des  muscles  constricteur.^ 
du  larynx.  La  pseudo-membrane  produit  surtout  la 
suflocation  par  ellc-môme ,  lorsque  ,  développée  dans 
les  dernières  ramifications  bronchiques,  elle  s'inter- 
pose entre  l'air  et  le  sang,  et  empêche  ainsi  la  vivi- 
ficatîon  de  celui-ci. 

Les  concrétions  raembraniforuies  des  voies  aé- 
riennes ne  sont  pas  une  maladie  propre  à  l'espèce 
humaine.  On  lit  dans  le  Journal  de  médecine  vétérl^ 
naire  (  année  1825  ),  l'histoire  d'une  vache  qui  fai-» 
sait  entendre  un  bruit  semblable  au  bruit  que  font 
en  respirant  les  chevaux  corneurs  ;  elle  avait  une  sorta 
de  toux  convulsive  ,  qui  paraissait  causée  par  la  pré-»- 
sence  d'un  corps  étranger  engagé  dans  la  trachée. 
L'animal  succomba,  et  à  l'ouverture  du  cad.avre  oa 
trouva  la  surface  interne  du  larynx  tapissée  par  une 
pseudo-membrane  épaisse.  Les  mêmes  observations 
ont  été  faites  sur  des  chevaux. 

Laennec  a  rencontré,  une  fois,  dans  la  bronche 
gauche  d'une  phthisique,  une  concrétion  qui  la  rem- 
plissait presque  entièrement,  laissant  à  peine  une 
demi-ligne  d'intervalle  entre  elle  et  les  parois  de  la 
bronche.  Cette  concrétion  différait  par  sa  nature  , 
comme  par  son  aspect ,  des  concrétions  membrani- 
formes  ordinaires  ;  elle  ressemblait  aux  concrétions 
polypeuses  du  cœur  et  des  artères ,  et  l'on  voyait  s'y 
ramifier  un  grand  nombre  de  petits  vaisseaux  sanguins 
bien  formés.  Cette  concrétion  ne  parut  être  autre 
chose  à  Laennec  qu'un  caillot  de  sang  arrêté  dans  une 
bronche,  pendant  une  des  hémoptysies  qu'avait  eues 
la  malade. 

Des  concrétions  bien  ditTércntcs  des  précédentes 


4^38  rRÉcis 

par  leur  aspect ,  par  leur  composition  chimique ,  peu- 
vent encore  se  rencontrer  dans  le  conduit  aérifère  : 
ce  sont  les  concrétions  calculeuses.  Essentiellement 
formées  de  phosphate  calcaire  ,  ces  concrétions  ont 
deux  origines:  l'une  hors  du  conduit  aérifère  ,  au  sein 
-  même  du  parenchyme  pulmonaire,  d'où  ils  sont  éli- 
minés à  travers  les  bronches  ;  l'autre  dans  le  conduit 
aérifère.  On  les  trouve,  i°.  dans  les  petites  ramifica- 
tions bronchiques,  dont  parfois  elles  représentent 
exactement  la  forme  ;  2°.  dans  les  bronches  d'un  plus 
gros  calibre  ;  5**.  dans  le  larynx.  On  en  a  vu  quel- 
quefois qui  étaient  logées  dans  les  ventricules  de  cet 
organe. 

La  cause  qui  détermine  dans  les  bronches  la  for- 
mation d'un  calcul  n'est  pas  plus  connue  que  celle  qui 
partout  ailleurs  leur  donne  naissance;  mais,  à  coup 
sûr,  l'hypothèse  de  l'irritation  ne  suffit  pas  pour  ex- 
pliquer leur  production. 

L*on  a  trouvé  des  hydatides  dans  les  voies  aériennes. 
Mais,  comme  les  calculs,  tantôt  elles  n'y  sont  pas 
nées,  elles  viennent  soit  du  parenchyme  même  du 
poumon,  soit  de  la  plèvre,  soit  du  foie,  soit  du  corps 
thyroïde  ,  comme  nous  en  avons  cité  plus  haut  un 
exemple  ;  tantôt,  au  contraire,  elles  sont  nées  dans 
le  conduit  aérifère.  On  a  vu  un  sac  hydatique ,  déve- 
loppé à  l'intérieur  des  ventricules  du  larynx  ,  faire 
saillie  dans  sa  cavité  ,  et  déterminer  les  symptômes 
auxquels  donne  ordinairement  lieu  la  présence  d'un 
corps  jLUranger  dans  le  larynx. 

Enfin,  au  lieu  de  mucus  ou  des  produits  morbides 
qui  le  remplacent,  la  membrane  muqueuse  des  voies 
aériennes  peut  laisser  échapper  de  ses  vaisseaux  du 


d'anatomie  pathologique.  489 

sang  en  nature.  L'anatomie  ne  permet  pas  de  douter 
qu'un  certain  nombre  d'hémoptysies  n'aient  unique- 
ment leur  cause  dans  une  simple  exhalation  sanguine 
de  Ja  surface  interne  des  bronches  ;  on  ne  trouve  du 
moins  aucune  autre  altération  chez  un  certain  nombre 
d'individus  qui  succombent  au  milieu  d'une  hémo- 
ptysie ;  il  arrive  même  souvent  que  chez  eux  on  n'ob- 
serve qu'une  rougeur  peu  considérable  des  bronches. 
Lorsque  l'hémorrhagie  a  lieu  dans  les  petites  ra- 
mifications bronchiques  ,  il  peut  arriver  qu'une  partie 
du  sang  exhalé  s'amasse  et  se  coagule  dans  ces  rami- 
fications; il  en  résulte  pour  quelques  lobules  pulmo- 
naires une  coloration  brune  ou  noire  avec  coloration 
de  leur  tissu;  je  crois  que  telle  est  l'origine  la  plus 
commune  de  la  lésion  désignée  par  Laennec  sous  le 
nom  d'apoplexie  pulmonaire.  On  observe,  dans  ce 
cas ,  en  un  certain  nombre  de  points  du  poumon ,  des 
masses  dures  et  noires,  plus  ou  moins  exactement 
circonscrites.  On  ne  les  trouve  à-peu-près  exclusive- 
ment que  chez  des  individus  qui  sont  morts  pendant 
une  hémoptysie  ;  quelquefois,  cependant,  j'ai  trouvé 
une  semblable  lésion  dans  les  poumons  d'individus 
qui  n'avaient  jamais  craché  le  sang.  Les  hémoptysies 
qui  surviennent  pendant  le  cours  d'une  affection  or- 
ganique du  cœur  sont  celles  où  l'apoplexie  pulmonaire 
a  été  le  phis  souvent  rencontrée.  Du  reste  ,\ cette  apo- 
plexie ne  me  paraît  pas  devoir  être  considérée  comme 
le  point  de  départ  de  l'hémoptysie  :  elle  n'est  qu'une 
lésion  purement  accidentelle,  qui  dépend  de  la  stase 
et  de  la  coagulation  du  sang  dans  un  certain  nombre 
de  petites  ramifications  bronchiques  ;   l'hémorrhagie 
elle-même  a  son  siège  dans  une  beaucoup  plus  grande 


otcndue  de  la  menibrane  muqueuse  des  voies  aé- 
riennes. Il  y  a  une  autre  espèce  d'hémorrhagie  qui  a< 
son  siège  dans  le  parenchyme  môme  du  poumon  , 
qu'on  pourrait  appeler  à  plus  juste  titre  apoplexie  pulr 
monaire,  et  de  laquelle  nous  parlerons  plus  bas. 


CHAPITRE   II. 

LÉSIONS  DES  TISSUS  SUBJACENS 

A    LA    MEMBRANE    MrQl'ErSB. 

Les  divers  tissus  subjacens  à  la  membrane  mu- 
queuse des  voies  aériennes  présentent ,  comme  cette 
membrane  ,  un  certain  nombre  d'altérations  que  nous 
allons  tour-à-tour  étudier. 

Le  tissu  cartilagineux  qui  entre  dans  la  compo- 
sition des  parois  du  conduit  aérifère  subit  les  alté- 
rations les  plus  fréquentes,  là  où  il  est  le  p!us  déve- 
loppé ,  c'est-à-dire  dans  le  larynx.  Si ,  dans  cet  organe , 
nous  étudions  les  divers  états  morbides  que  sont  sus- 
ceptibles de  présenter  les  cartilages,  nous  trouverons 
d'abord  que  ces  états  morbides  ne  sont  pas  rares  dans 
l'épiglotte.  Ce  cartilage  perd  souvent  sa  forme  nor- 
male, cô  qu'il  peut  devoir  moins  à  une  altération^ 
propre  de  son  tissu  qu'à  l'épaississeraent  de  la  mem- 
brane muqueuse  qui  le  recouvre,  ou  du  tissu  cellu- 
laire situé  au-dessous  de  cette  muqueuse.  Son  ossifi- 
cation ,  bien  que  très-rare,  a  été  observée  ;  il  peut 
être  beaucoup  moins  mobile  que  de  coutume;  et  ne 
plus  s'abaisser  que  diflicilemeut  ou  incomplètement 
sur  l'ouverture  supérieure  du  larvnx.  D'autres  fois  oa 


d'anato.mie  pathologique.  49^ 

n'en  trouve  plus  que  des  rudimens,  détruit  qu'il  n 
élc  par  une  ulcération  dont  le  point  de  départ  a  été 
soit  en  lui,  soit  dans  la  membrane  muqueuse  qui 
l'enveloppe. 

Les  autres  cartilages  du  larynx  présentent  à-peu- 
près  les  mêmes  lésions  que  l'épiglotte  :  ainsi ,  on  les 
voit  souvent  s'ulcérer,  devenir  inégaux  à  leur  sur- 
l'acc,  tendre  à  se  détruire.  Cette  ulcération  peut  s'ac- 
complir par  suite  de  l'ulcération  des  parties  molles  qui 
les  recouvrent  ;  d'autres  fois  elle  est  primitive  ;  du 
pus  s'amasse  alors  au-devant  du  point  ulcéré,  et  il 
s'établit  un  trajet  fistuleux  dont  une  ulcération  de  la 
membrane  muqueuse  du  larynx  forme  l'orifice  externe.. 
Ce  trajet  aboutit  quelquefois  à  la  surface  extérieure 
du  larynx.  Dans  quelques  cas  on  l'a  vu  avoir  son 
origine  dans  une  des  articulations  qui  unissent  entre 
eux  les  divers  cartilages  ;  cette  articulation  était  pleine 
de  pus,  ses  ligamens  étaient  détruits,  et  les  surfaces 
articulaires  plus  ou  moins  altérées. 

L'ossification  des  cartilages  thyroïde  et  cricoïde  est 
un  phénomène  normal  chez  les  vieillards;  mais  celte 
ossification  peut  se  faire  prématurément ,  et  elle  cons- 
titue alors  un  état  morbide.  Je  ne  sache  pas  que  l'os- 
sification des  cartilages  arythénoïdes  ait  jamais  été 
observée. 

Les  cerceaux  cartilagineux  de  la  trachée  artère  sont 
rarement  lésés.  Ils  ne  présentent  guère  d'autre  allé- 
rahon  qu'une  ossification  plus  ou  moins  générale  de 
leur  tissu. 

Quant  au  tissu  cartilagineux  des  bronches  ,  il  est 
assez  fréquemment  altéré.  D'abord  son  hyperirophie 
n'est  pas  rare;  alors,  non  seulement  il  devient  beau- 


492  PRÉCIS 

coup  plus  apparent,  mais  sa  forme  et  sa  disposition 
changent  :  là  où  ordinairement  on  n'aperçoit  plus  que 
de  simples  grains  cartilagineux,  on  retrouve  des  cer- 
ceaux incomplets  comme  dans  les  grosses  bronches 
et  la  trachée. 

Au  lieu  de  s'hypertrophier  ,  les  cartilages  bron- 
chiques peuvent  s'ossifier  au  point  de  représenter, 
dans  l'épaisseur  des  parois  des  bronches,  des  masses 
dures  qui  ressemblent  à  de  petits  calculs.  Un  genre 
beaucoup  plus  rare  d'ossification  des  parois  bronchi- 
ques est  le  suivant.  Chez  un  vieillard,  mort  à  Bicêtre, 
nous  trouvâmes  ,  M.  Reynaud  et  moi ,  le  parenchyme 
pulmonaire  rempli  de  masses  dures  ,  véritablement 
pierreuses.  En  incisant  sur  ces  masses  ,  nous  nous 
aperçûmes  qu'elles  n'étaient  point  constituées  par  de 
simples  concrétions  calcaires^  disposées  sans  ordre 
comme  sans  forme  au  milieu  du  poumon.  Là  où  nous 
avions  senti  une  résistance  comme  pierreuse,  la  dis- 
section nous  montra  que  le  parenchyme  pulmonaire 
était  remplacé  par  un  nombre  infini  de  filamens  os- 
seux ,  semblables  aux  branches  d'un  arbre ,  et  dont  les 
rameaux  latéraux  présentaient  une  série  de  rcnflemens. 
Ces  filamens  étaient ,  pour  la  plupart,  creusés  d'une 
petite  cavité  qui  se  continuait  dans  leurs  divisions 
et  dans  laquelle  on  ne  pouvait  introduire  autre  chose 
qu'un  cheveu.  Qu'étaient  ces  filamens?  Nous  pensons 
qu'ils  représentaient  les  dernières  ramification  s  bron- 
chiques dont  les  parois  s'étaient  ossifiées  (i). 


(i)  .T'ni  Irouvé  plus  récommoiit  le  poumon  d'une  femme  de  qualre- 
\iiigt-six  ans  parsemé  d'un  grand  nombre  de  concrétions  donl  les  unes 
étaient  carlilagiueiisc.-! ,   et  donl  les  autres  étaient  osseuses.    Je  me  suis 


d'ANATOMIE    PATIIOLOGIQIE.  /,q3 

Une  autre  altération  des  cartilages  bronchiques  , 
c'est  leur  tendance  à  se  détruire ,  et  à  se  briser  en 
fragmens,  qui  viennent  saillir,  comme  des  arêtes,  à 
la  surface  interne  des  bronches.  Ces  fragmens  peu-^ 
vent  se  détacher,  devenir  libres  dans  la  cavité  bron- 
chique ,  et  être  expectorés. 

Le  tissu  fibreux  qui  entre  dans  la  composition  des 
parois  du  conduit  aérifère  n'a  présenté  jusqu'ici  que 
deux  espèces  d'altérations  dignes  d'être  notées  :  l'une 
de  ces  altérations  est  son  ramollissement;  il  faut  sur- 
tout en  tenir  compte  dans  le  ligament  thyro-aryté- 
noïdien  ;  car,  du  ramollissement  de  ce  ligament  ré- 
sultent les  plus  graves  altérations  de  la  voix.  11  perd 
alors  sa  couleur  brillante,  et  devient  terne  ,  puis  se 
résout  en  tissu  cellulaire,  ou  en  pulpe  inorganique, 
qui  ne  tarde  pas  à  disparaître  en  laissant  à  nu  le  mus- 
cle ihyro-aryténoïdien. 

Le  tissu  fibreux  des  parois  du  conduit  aérifère  peut 
aussi  s'hypertrophier ,  et  il  en  résulte  ,  pour  les  bron- 
ches surtout  ,  un  véritable  épaississement  de  leurs 
parois. 

Le  tissu  musculaire  qui,  chez  certains  animaux  , 
est  si  développé  depuis  le  larynx  jusqu'aux  bronches, 
dans  les  premières  divisions  desquelles  on  le  suit  très- 
facilement  ,  n'est  guères  apercevable  chez  l'homme 
que  dans  lelarynx  etdans  quelquespoints  delà  trachée. 
Mais,  dans  l'état  pathologique ,  j'ai  quelquefois  constaté 
que,  chez  l'homme  aussi,  le  tissu  musculaire  existe 
dans  les  parois  des  bronches.  Dans  ce  cas,  il  est  vrai- 


assuré  que  ces  concrétions  étaient  dues  à  la  transformation  des  parois  des 
dernières  ramifications  bronchiques  en  tissu  cartilagineux  et  osseux. 


/l94  ruLcis 

semblable  que  la  maladie  ne  fait  que  développer  dans 

les  bronches  un  tissu  qui  y  existait  à  l'état  rudimen- 

tairc. 

Dans  le  larynx,  où  le  tissu  musculaire  est  arrangé 
en  faisceaux  distincts  qui  y  remplissent  de  si  impor- 
tantes fonctions,  ce  tissu  présente  quelques  altéra- 
lions  qui  jouent  un  rôle  important  dans  les  maladies 
du  larynx.  Ainsi,  il  est  des  cas  où  Ton  trouve  les 
muscles  de  cet  organe  atrophiés,  ramollis,  plus  ou 
moins  complètement  détruits;  ailleurs,  ils  sont  infil- 
trés de  mucosité,  de  pus,  de  malière  tuberculeuse. 
Dans  quelques  cas  d'aphonie  complète,  où  en  exa- 
minant la  surface  interne  du  larynx  on  n'avait  d'abord 
découvert  aucune  lésion,  il  m'est  arrivé  de  trouver 
la  cause  de  la  perte  de  la  voix,  en  cherchant  au  fond 
des  ventricules  le  muscle  ihyro-aryténoïdien,  dont  je 
trouvais  les  fibres  tantôt  notablement  atrophiées ,  et 
tantôt  écartées  par  divers  produits  de  sécrétion  mor- 
bide (pus  ou  tubercule  ). 

On  a  beaucoup  parlé  autrefois  de  la  dilatation  va- 
riqueuse des  veines  du  conduit  aérifère;  on  a  attribué 
à  cette  dilatation  un  certain  nombre  d'hémoptysies.  Je 
n'ai  jamais  rien  trouvé  de  semblable. 

On  a  vu  quelquefois  des  tumeurs  de  diverse  nature 
exercer  une  compression  plus  ou  moins  forte  sur  les 
nerfs  qui  se  dislribuent  aux  parois  aériennes,  et  pro- 
duire ainsi  des  accidens  semblables  à  ceux  qu'aurait 
déterminés  une  lésion  môme  des  parois  du  conduit 
aérifère.  Je  crois  d'ailleurs  que  ce  sont  là  les  seuls 
cas  dans  lesquels  on  ail  saisi  quelque  désordre  dans 
l'arrangement  matériel  de  ces  nerfs.  Mais  sans  qu'ils 
soient   a! loi  es    d'(uie    manière  appréciable    par   nos 


d'aNATOMIE    rATIIOLOGIQiE.  49^ 

moyens  actuels  d'investigation,  ces  nerfs  peuvent  pro- 
duire dans  les  voies  respiratoires  un  certain  nombre 
de  désordres  fonctionnels  sur  lesquels  nous  revien- 
drons plus  bas. 

Les  diverses  parties  dont  nous  venons  d'examiner  les 
lésions  sont  unies  entr'elles  par  un  tissu  cellulaire  , 
qui  lui-même  joue  un  rôle  important  dans  les  maladies 
du  conduit  aérifère.  Dans  le  larynx  ,  ce  tissu  cellulaire 
s'hyperémie  assez  fréquemment ,  il  s'hypertrophie , 
s'épaissit ,  s'indure ,  et  revêt  l'aspect  squirrheux  :  par 
^on  épaississemeiit  il  diminue  le  calibre  du  larynx,  il 
gène  le  jeu  des  muscles ,  et  altère  la  forme  et  les  mou- 
vemens  de  l'épiglotte.  Ce  tissu  cellulaire  peut  encore 
s'infiltrer  de  sérosité  ,  et  l'œdème  de  la  glotte,  si  bien 
décrit  par  Bayle  ,  n'est  autre  chose  qu'une  infiltration 
séreuse  considérable  du  tissu  cellulaire  situé  entre 
les  replis  de  la  membrane  muqueuse  qui  circonscrivent 
l'ouverture  supérieure  du  larynx;  de  là  résulte  le  sou- 
lèvement de  cette  muqueuse  ,  et  l'obstruction  plus  ou 
moins  complète  du  larynx.  Cet  œdème  peut  survenir  / 
comme  maladie  idiopathique ,  mais  ce  cas  n'est  pas 
le  plus  commun,  et  ordinairement  il  se  lie  à  un  état 
d'hyperémie  aiguë  de  la  membrane  muqueuse  du  la- 
rynx (  1  )  ;  souvent,  enfin ,  il  se  montre  pendant  le  cours 
des  aflections  chroniques  de  cet  organe.  Il  peut  s'éta- 
blir lentement,  ne  devenir  jamais  très-considérable, 
et  ne  pas  gêner  notablement  la  respiration.  D'autres 
fois  il  survient  tout-à-coup  ,  acquiert  tout-à-coup  aussi 
un  grand  développement,  et  produit  rapidement  la 
mort,  au  milieu  d'un  état  d'asphyxie. 

(i)  Bouillaud  ,  .^rcliivçs  dç  Médecine  ^  ii^ynuï  1^26. 


49^  PRÉCIS 

D'autres  produits  de  sécrétion  morbide  peuvent 
encore  se  former  dans  le  tissu  cellulaire  des  parois  du 
conduit  aérifère.  On  y  a  observé  du  pus  tantôt  infiltré, 
tantôt  réuni  en  petit  foyer.  M.  Bouillaud  a  cité  un  cas 
fort  remarquable  d'abcès  sous-muqueux  du  larynx  (i). 
J'ai  vu  un  cas  dans  lequel  un  des  ventricules  du  larynx 
était  occupé  par  une  tumeur  fluctuante  qui  faisait 
saillie  dans  l'intérieur  du  larynx;  une  incision  légère 
en  fit  jaillir  du  pus.  Enfin,  dans  ce  tissu  cellulaire  se 
dépose  aussi  de  la  matière  tuberculeuse  ;  c'est  surtout 
dans  l'épaisseur  des  parois  du  larynx  qu'on  la  ren- 
contre sous  forme  de  petites  masses  isolées.  J'ai  trouvé 
une  fois,  sur  un  enfant  dont  je  fis  louverture  avec 
M.  le  docteur  Fauconneau  Dufrène  ,  un  exemple 
fort  remarquable  de  sécrétion  tuberculeuse  dans  le 
tissu  cellulaire  qui  unit  les  principales  bronches  au 
parenchyme  pulmonaire.  Les  parois  de  ces  bronches 
étaient  comme  doublées  par  une  couche  de  matière 
tuberculeuse  épaisse  de  plusieurs  lignes.  En  aucun 
autre  point  du  poumon  il  n'y  avait  de  tubercule.  L'en- 
fant était  mort  pendant  le  cours  d'une  coqueluche. 


CHAPITRE    m. 

CHANGEMENS    DE    DIMENSION 

DES    CONDUITS     A-ÉRIFÈRES. 

Les  différentes  lésions  que  nous  venons  de  passer 
en  revue  ,  celles  qui  ont  leur  siège  dans  la  membrane 

(i)  Journal  complémentaire -^  juillet  xSa^. 


d'aNATÔMIE    PATIIOLOGIQLÈ.  497 

iiiiiqueuse,  comme  celles  qui  oqI  lieu  au-dessous  de 
Celte  membrane,  ont  souvent  pour  effet  de  changer 
les  dimensions  du  conduit  laryngo  bronchique.  Ces 
dimensions  peuvent  se  trouver  ainsi  ou  diuiinuées  oïl 


augmentées. 


La  diminution  de  capacité  des  conduits  aérifères 
reconnaît  spécialement  les  causes  suivantes  : 

1°.  L'épaississement  de  la  membrane  muqueuse  ;  il 
peut  en  résulter  un  rétrécissement  notable  du  con- 
duit, soit  dans  le  larynx,  là  surtout  où  existe  la  glolte, 
soit  dans  les  petites  bronches; 

iî*'.  La  présence  d'une  pseudo-membrane  ed  un 
point  quelconque  du  conduit;  la  diminution  de  ca- 
libre qui  en  résulte  n'est  réellement  considérable  que 
dans  le  larynx  des  enfans ,  et  dans  les  petites  bronches 
soit  des  enfans,  soit  des  adultes; 

5".  Un  corps  étranger,  soit  né  dans  le  conduit  (cal- 
culs, hydatides,  débris  des  cartilages,  mucus  solidifié^ 
caillot  sanguin)  ,  soit  introduit  du  dehors  ; 

4°.  La  compression  d'un  point  du  conduit  par  une 
tumeur  située  autour  de  lui ,  le  développement  inso- 
lite du  corps  thyroïde  produisent  souvent  une  dé- 
formation considérable  de  la  trachée  et  en  diminuent 
singulièrement  le  calibre  ;  une  tUQieur  anévrysmale 
peut  produire  le  même  effet  sur  la  trachée  et  sur  les 
bronches;  enfin,  une  cause  fréquente  de  la  diminu- 
tion de  capacité  de  ces  dernières,   et  même  de  leur 
oblitération  ,  c'est  la  compression  qu'exercent  parfois 
sur  elles  les  ganglions  lymphatiques  qui  les  entourent 
à  leur  entrée    dans  le  poumon.   Nous  en  avons  cité 
plus  haut  un  exemple  remarquable. 

L'augmentation  de  capacité  des  conduits  aérifères 
IL  52 


49^  PKÉCIS 

n'est  connue  que  depuis  les  belles  recherches  de 
Laennec  sur  ce  sujet;  elle  ne  peut  guère  avoir  lieu 
que  dans  les  bronches  ,  et  c'est  surtout  dans  les 
bronches  d'un  petit  calibre  que  celte  augmentation 
de  capacité  produit  des  lésions  qui  pourraient  être 
prises  facilement  pour  des  altérations  d'une  tout 
autre  nature  ,  et  en  particulier  pour  des  abcès  ou 
pour  des  excavations  tuberculeuses  creusées  dans  le 
parenchyme  du  poumon.  i 

La  dilatation  des  bronches  n'est  pas  toujours  une 
lésion  dont  la  forme  soit  identique,  et  plusieurs  es- 
pèces doivent  en  être  admises  ,  spécialement  fondées 
sur  ces  différences  de  forme. 

Dans  une  première  espèce  ,  on  voit  un  ou  plusieurs 
rameaux  bronchiques  présenter  dans  toute  leur  éten- 
due ,  et  d'une  manière  partout  uniforme,  une  aug- 
mentation notable  de  leur  calibre.  Des  rameaux  qui, 
dans  l'état  normal  ,  recevraient  à  peine  un  stylet  très- 
fin  ,  acquièrent  le  volume  d'une  plume  ordinaire  ,  le 
surpassent  souvent,  et  quelquefois  même  se  dilatent 
assez  pour  admettre  un  doigt  dans  leur  intérieur. 
Rien  de  plus  commun  que  de  voir  en  pareil  cas  une 
bronche  ,  d'un  médiocre  calibre,  donner  naissance  à 
des  rameaux  qui  sont  beaucoup  plus  considérables 
qu'elles.  Ces  rameaux  dilatés  se  montrent  souvent  à 
la  périphérie  du  poumon,  où  ils  se  terminent  en  une 
sorte  de  cul-de-sac,  sur  les  parois  duquel  on  peut 
toutefois  découvrir  presque  toujours  les  orifices  d'un 
certain  nombre  de  bronches  très-petites.  Ces  bronches 
dilatées  aboutissent  souvent  vers  le  sommet  du  pou- 
mon ,  soit  à  une  portion  du  parenchyme  pulmonaire, 
dure  et  noir^;  soit  à  des  masses  fibreuses  ou  carlila- 


D'ANATOmÊ    PATIIOLOGIOUE.  /jÇ>ê) 


ojneuscs  ,  soit  à  une  concrétion  calculeuse,  qui  tan- 
tôt  existe  en  dehors  de  la  cavité  de  la  bronche ,  et 
tantôt  est  contenue  dans  l'espèce  de  cul-de-sac  par 
lequel  cette  bronche  paraît  se  terminer. 

Une  seconde  espèce  de  dilatation  des  bronches  est 
celle  dans  laquelle  un  de  ces  conduits  offre  en  un 
point  seulement  de  son  étendue  un  renflement  con- 
sidérable qui  représente,  là  où  il  existe,  une  cavité 
accidentelle  qu'on  dirait  ,  au  premier  coup-d'œi! , 
creusée  dans  le  parenchyme  du  poumon.  La  méprise 
serait  facile  dans  le  cas  où  c'est  vers  le  sommet 
dn  poumon,  là  où  existent  ordinairement  les  exca- 
vations tuberculeuses,  que  la  dilatation  s'est  effectuée. 
On  pourrait  surtout  la  prendre  pour  une  de  ces  ca- 
vités à  parois  lisses  qui  semblent  être  le  résultat  de  la 
guérison  d'une  caverne.  La  cavité  produite  par  ce 
renflement  bronchique  peut  varier  de  capacité  de 
manière  à  pouvoir  admettre  tantôt  un  grain  de  che- 
nevis  tout  au  plus,  et  tantôt  une  amande  ou  une 
noix;  plusieurs  bronches  peuvent  offrir,  dans  le  même 
poumon  ,  une  semblable  dilatation.  Celles  qui  en  sont 
affectées  peuvent  être  continues  ou  contigues  l'une  à 
l'autre,  et  alors  elles  forment,  par  leurs  communica- 
tions entre  elles,  une  sorte  de  clapier  plein  de  mu- 
cosités puriformes,  et  dans  ce  cas  encore  on  pourrait 
croire  à  l'existence  d'une  excavation  tuberculeuse  mul- 
tiloculaire. 

Enfin,  dans  une  troisième  espèce,  les  bronches  se 
dilatent  de  manière  à  présenter,  dans  l'étendue  d'un 
ou  plusieurs  rameaux,  une  série  de  renflemens  fusi- 
foi^mes  en-deçà  et  au-delà  desquels  le  rameau  aérifère 
reprend  son  calibre  accoutumé.  Ceg  renflemens  ont 

02. 


SoO  PRÉCIS 

ordinairement  des  parois  mincôset  transparentes  â  tra- 
vers lesquelles  s'aperçoit  la  matière  muqueuse  ou  pu* 
riforme  qui  les  remplit  :  on  en  trouve  souvent,  dans 
un  seul  poumon,  un  assez  grand  nombre;  et  lors- 
qu'on l'incise  ,  il  semblerait  d'abord  que  ce  poumon 
est  parsemé  de  petits  abcès.  Il  m'a  paru  que  cette 
troisième  dilatation  des  bronches  était  plus  commune 
dans  l'enfance  qu'aux  autres  âges. 

Dans  les  différentes  espèces  de  dilatation  des  bron- 
ches qui  viennent  d'être  étudiées,  la  texture  de  leurs 
parois  ne  reste  pas  la  même  ;  les  unes  sont  accom- 
pagnées d'une  hypertrophie  plus  ou  moins  considé- 
rable de  ces  parois;  les  divers  élémens  anatomiques 
qui  entrent  dans  leur  composition  deviennent  plus' 
prononcés.  D'autres  espèces  de  dilatations  coïncident, 
au  contraire,  avec  une  véritable  atrophie  des  parois 
de  la  bronche  dilatée;  ces  parois  sont  réduites  à  n'être 
plus  constituées  que  par  une  membrane  très-mince 
où  Ion  ne  reconnaît  plus  aucune  trace  ni  de  tissu 
fibreux,  ni  de  tissu  cartilagineux. 

Ainsi,  sous  le  rapport  de  la  disposition  des  parois 
bronchiques ,  il  faut  admettre  trois  espèces  de  dila- 
tation : 

P^  Espèce.  Dilatation  avec  état  naturel  des  parois 
bronchiques. 

IP.  Espèce,  Dilatation  avec  augmentation  d'épais- 
seur des  parois  bronchiques  ; 

IIP.  Espèce,  Dilatation  avec  diminution  d'épaisseur 
des  parois  bronchiques. 

La  dilatation  des  bronches  ne  s'observe  guères  que 
chez  les  individus  qui  ont  depuis  long-temps  une  toux 


d'anatomie  pathoiogiole.  5oi 

plus  ou  moins  pénible ,  avec  ou  sans  expectoration  (  i  ), 
Un  des  individus  atteints  de  dilatation  des  bronches, 
dont  les  observations  se  trouvent  consignées  dans  l'ou- 
vrage de  Laennec ,  était  une  femme  qui  mourut  à  Tâge 
de  soixante-douze  ans  ,  et  qui,  depuis  l'âge  de  seize 
ans,  offrait  la  plupart  des  symptômes  de  la  phthisie 
pulmonaire.  On  ne  trouva  cependant  aucun  tubercule 
dans  les  poumons,  mais  seulement  un  grand  nombre 
de  cavités  qui  étaient  dues  à  des  dilatations  de  bron- 
ches. Les  plus  grandes  de  ces  cavités  auraient  pu  con- 
tenir l'extrémité  du  pouce  ;  elles  se  continuaient  avec 
les  bronches  qui ,  vers  l'endroit  où  leurs  parois  cessent 
d'être  cartila2;ineuses  ,  se  dilataient  considérablement 
et  devenaient  de  plus  en  plus  larges  jusqu'à  leur  ter- 
minaison au  voisinage  de  la  surface  du  poumon. 

La  dilatation  des  bronches  s'effectue  quelquefois 
dans  un  espace  de  temps  assez  court.  On  l'a  trouvée 
très-marquée  chez  plusieurs  enfans  qui ,  pendant  les 
deux  ou  trois  derniers  mois  de  leur  vie  ,  avaient  eu  la 
coqueluche,  et  qui  auparavant  n'avaient  jamais  toussé. 

Lorsque  la  dilatation  des  bronches  est  peu  consi- 
dérable ,  elle  n'exerce  aucune  influence  sur  le  paren- 
chyme pulmonaire;  il  n'en  est  pas  de  même  lorsqu'elle 
est  portée  à  un  haut  degré  :  alors  le  tissu  qui  l'envi- 
ronne est  condensé  ,  revenu  sur  lui-même  ,  il  contient 
beaucoup  moins  d'air  que  de  coutume.  Bien  souvent 
aussi  la  dilatation  des  bronches  coïncide  avec  un  état 
d'indnralion  grise  ou  noire  des  portions  de  paren- 
chyme pulmonaire  qui  les  entourent. 

(i)  Voyez  à  l'appui  de  ceUe  assertion  !eâ  o|jservalion5  paiticulières  con- 
çigiisics  dans  la  Clinique  Médicale. 


5o.2  Pr.FXI5 


SECTION  DEUXIÈME. 


MALADIES  DU  PARENCHYME  PULMONAIRE. 


Nous  avons  déjà  essayé  de  réduire  en  quelque  sorte 
ce  parenchyme  à  ses  élémens  ;  nous  y  avons  trouvé 
trois  parties  distinctes  :  i°,  des  cavités,  vraisembla- 
blement closes  de  toutes  parts  (vésicules  ou  cellules 
auxquelles  aboutissent  les  dernières  ramifications 
bronchiques);  2°.  les  parois  de  ces  cavités,  composées 
d'une  membrane  mince  sur  laquelle  se  ramifient, 
dans  un  état  de  finesse  extrême,  des  vaisseaux  et  dos 
nerfs  ;  5°.  le  tissu  cellulaire  interposé  entre  ces  parties. 

Les  états  morbides  divers  qui  se  montrent  dans  le 
poumon  ne  peuvent  avoir  leur  siège  que  dans  l'une  ou 
l'autre  des  trois  parties  qui  en  définitive  constituent 
tout  le  parenchyme  pulmonaire.  Ces  états  morbides, 
quelle  que  soit  leur  diversité  d'apparence,  peuvent 
donc  tous  être  ramenés  aux  mêmes  états  morbides 
qui  frappent  un  conduit  organique  quelconque  ;  la 
seule  différence  ,  c*est  qu'ici,  au  lieu  d'un  seul  conduit 
qui  présente  des  parois  bien  isolées,  dont  l'état'pcut 
être  facilement  constaté,  il  y  en  a  des  milliers  dont 
les  parois  se  confondent.  Tous  ces  états  morbides  ont 
un  effet  commun  trcs-important ,  celui  de  diminuer 
la  surface  que  le  sang  doit  normalement  préscnler  à 


d'anatomie  pathologique.  '  5d5 

Tair.  La  dîmînulioii  de  celte  surface  peut  dépendre 
de  deux  conditions,  ou  de  la  diminution  du  calibre 
des  cavités,  ou  de  la  diminution  du  nombre  des  pa- 
rois. Une  simple  hyperémie  donne  naissance  à  fa  pre- 
mière condition;  l'alropbie  du  tissu  pulmonaire  pro- 
duit la  seconde.  C'est  de  cette  diminution  de  surface 
que  dépendent  la  plupart  des  symptômes  soit  locaux, 
soit  généraux  ,  qui  accompagnent  les  maladies  du 
parenchyme  pulmonaire. 

Si  Ton  soumet  à  la  dessiccation  des  portions  de  pou- 
mons qui  présentent  fes  altérations  les  plus  différen- 
tes,  on  voit  le  parenchyme  se  réduire  à  un  assem- 
blage de  conduits  et  de  cellules,  au  milieu  duquel  on 
peut  distinguer  les  altérations  qu'ont  subies  soit  l'in- 
térieur des  cavités  de  ces  conduits  et  de  ces  cellules, 
soit  leurs  parois,  soit  le  tissu  cellulaire  qui  les  sépare. 
Lorsqu'on  a  étudié  de  cette  manière  un  certain  nom- 
bre d'états  morbides  du  poumon  ,  et  qu'on  les  a  ainsi 
ramenés  à  quelques  altérations  semblables  à  celles 
qui  peuvent  frapper  tout  conduit  entouré  de  tissu 
cellulaire  ,  l'induction  porte  à  y  ramener  les  autres 
états  morbides  qu'on  ne  peut  soumettre  à  un  sem- 
blable genre  de  recherches;  et  en  définitive  toutes  les 
maladies  du  parenchyme  pulmonaire  ,  dans  lesquelles 
l'anatomie  peut  saisir  quelque  altération  de  l'organe, 
se  réduisent  aux  lésions  suivantes,  qui  sont  toujours 
des  lésions  de  circulation  capillaire,  de  nutrition  ou 
de  sécrétion. 


io4  VUKCIS 


CHAPITRE  PREAJIER. 
LÉSIONS    DE    CIRCULATION. 

Dans  le  poumon ,  comme  partout  ailleurs ,  le  sang 
qui  parcourt  les  reseaux  capillaires  peut  être  en  quan- 
tité plus  grande  ou  plus  petite  que  de  coutume.  De 
là,  pour  le  poumon  ,  deux  états  morbides  difFérens, 
l'hyperémie  et  l'anémie. 


ARTICLE  PREMIER. 

HYPERÉMIK     DV      POUMOÎi. 

Il  n'est  pas  d'organes  que  Ton  trouve,  après  la 
mort  ,  plus  souvent  hyperémiés  que  le  poumon. 
Toutes  les  fois  qu'un  individu  meurt,  ayant  encore 
une  certaine  quantité  de  sang,  on  en  trouve  son  pou- 
mon gorgé,  surtout  postérieurement ,  lorsque  le  ca- 
davre ,  comme  c'est  le  cas  le  plus  habituel ,  est  resté 
couché  sur  le  dos.  Dans  les  cas  même  où  la  mort  a 
eu  lieu  dans  un  état  d'anémie  générale  ,  on  retrouve, 
encore  le  plus  ordinairement  une  congestion  sanguine 
dans  les  parties  les  plus  déclives  du  parenchyme  pul- 
monaire. Celte  congestion  est  plus  considérable  dans, 
les  cas  où  il  y  a  eu  une  longue  agonie  ,  et  dans  ceux 
où  une  gène  mécanique  à  la  circulation  pulmonaire, 
produite  par  une  allection  organique  du  cœur,  a 
amené  la  mort  |)ar  asphyxie. 

4   1.  —  1  *J 


b'ANATOMlE  PATHOLOGIQUE.  5o5 

Il  en  est  donc  du  poumon  comme  de  Tinteslin  :  dans 
le  premier  de  ces  organes  comme  dans  le  second ,  peut 
se  montrer  sur  le  cadavre  une  accumulation  de  sang 
qui  n'a  joué  aucun  rôle  dans  la  production  des  phéno- 
mènes morbides,  et  qui  s'est  produite  soit  pendant  les 
derniers  instans  de  la  vie,  soit  après  la  mort.  Dans  le 
poumon,  comme  dans  l'intestin,  une  simple  conges- 
tion sanguine  ,  surtout  lorsqu'elle  occupe  les  parties 
les  plus  déclives,  ne  saurait  suffire  pour  porter  à  affir- 
mer que ,  là  où  elle  existe  ,  a  eu  lieu  pendant  la  vie  un 
travail  d'irritation.  L'altération  de  consistance  peut- 
elle  fournir  en  pareil  cas  un  plus  sûr  moyen  de  dis- 
tinction? Je  ne  le  pense  pas.  Il  m'avait  long-temps 
semblé  que  ,  lorsqu'en  même  temps  qu'un  poumon 
est  rouge  ,  gorgé  de  sang  à  sa  partie  postérieure  ,  on 
le  trouve  dans  ce  môme  point  ramolli  et  friable ,  c'était 
une  preuve  que  l'hyperémie  était  un  produit  d'irrita- 
tion. Mais  je  ne  crois  pas  que  cette  opinion  puisse  être 
soutenue,  et  il  m'est  démontré  maintenant  que,  toutes 
les  fois  que  le  sang  est  accumulé  dans  le  poumon  en 
assez  grande  quantité  pour  que  cet  organe  vienne  à 
contenir  plus  de  sang  que  d'air  ,  c'est  avec  la  plus 
grande  facilité  que  le  dpigt  qui  presse  sur  le  paren- 
chyme pulmonaire  s'y  enfonce  et  l'écrase.  On  com- 
prendra aisément  la  raison  de  ce  fait,  pour  peu  qu'on 
réfléchisse  que,  lorsque  le  poumon  contient  beaur 
coup  plus  d'air  que  de  sang,  les  parois  bronchiques  , 
pressées  par  le  doigt,  pressent  à  leur  tour  sur  le  fluida 
compressible  avec  lequel  elles  sont  en  contact  ;  cîlcs 
fuyent  donc  véritablement  devant  le  doigt,  en  com- 
primant ou  chassant  l'air  ,  et  elles  échappent  ainsi  à  la 
cléchirure.  Mais,  supposez  que  dans  le  poumon  il  y 


5oG  rniicjs 

ail  beaucouj)  plus  cîc  sang  que  d'air,  ce  fluide  élas- 
tique se  trouve  remplacé  par  un  fluide  à-peu-près  iu- 
coinpressible  ;  dès-lors  le  tissu  pulmonaire  ne  peut 
plus  fuir  devant  le  doigt,  et  la  pression  le  déchire. 

Cependant  il  est  des  cas  où  les  symptômes  qui 
ont  existé  pendant  la  vie  ne  permettent  pas  de  douter 
que  l'hyperémie  pulmonaire  n'ait  aussi  existé  pendant 
la  vie ,  et  n'ait  reconnu  pour  cause  une  irritation  du 
poumon.  Ainsi ,  dans  ce  cas  ,  c'est  la  nature  des  symp- 
tômes qui  éclaire  sur  la  nature  des  lésions  que  dé- 
couvre l'anatomie. 

L'hyperémie  active  du  poumon  présente  deux 
degrés,  et  ce  n'est  qu'avec  le  premier  que  peut  être 
confondue  l'hyperémie  ,  soit  passive  ,  soit  mécanique, 
soit  cadavérique ,  de  cet  organe. 

Dans  un  premier  degré ,  qui  répond  à  cet  état  que 
les  auteurs  ont  désigné  sous  le  nom  d'engouement  ^  les 
bronches  sont  encore  perméables  à  l'air.  Le  paren- 
chyme pulmonaire  est  d'un  rouge  brun  ou  vermeil  ; 
si  on  l'incise  ,  on  voit  couler  sur  les  lèvres  de  l'incision 
un  liquide  sanguinolent  mêlé  h  de  l'air,  spumeux.  Si 
.on  le  presse  ,  on  le  trouve  friable ,  et  cette  friabilité 
s'y  montre  d'autant  plus  grande  qu'on  trouve  moins 
spumeux  le  liquide  qu'on  en  exprime.  A  mesure  que 
diminue  la  quantité  d'air  mêlée  au  sang  qui  s'écoule, 
la  crépitation  devient  aussi  de  plus  en  plus  faible.  Du 
reste,  il  ne  faut  pas  oublier  que  les  poumons  qui  ont 
une  grande  densité  crépitent  très-peu  ;  dans  ce  cas 
se  trouve  le  poumon  des  cnfans,  et  celui  de  beaucoup 
d'animaux,  du  chien,  par  exemple.  Je  note  ces  faits, 
j)arce  que  Ihabitude  de  ne  voir  que  des  poumons 
d'hommes  adultes  pourrait  porter  à  regarder  comme 


b'ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  50^ 

un  état  Qiorbide  ce  défar.i  de  crépitation   que  pré- 
sente le  poumon  de  l'enfant  on  de  plusieurs  animaux. 

Cependant,  à  mesure  que  le  sang  vient  à  remplacer 
l'air,  les  parois  des  petites  bronches  et  des  vésicules  , 
ainsi  que  le  tissu  cellulaire  intermédiaire,  se  tumé- 
fient de  plus  en  plus,  et  enfin  il  arrive  un  moment 
où  ces  cavités  ne  sont  plus  perméables  à  l'air,  ou  ne 
le  sont  plus  que  dans  quelques  points.  Alors,  existe 
le  second  degré  d'hyperémie ,  qui  répond  à  cet  état 
que  les  auteurs  ont  désigné  sous  le  nom  d'/iépati- 
sation.  Le  poumon  ressemble  effectivement  assez,  en 
pareil  cas  ,  au  parenchyme  du  foie.  Si  on  l'incise  ,  on 
voit  s'en  écouler  du  sang  en  petite  quantité  ,  mais  pas 
une  bulle  d'air;  si  on  le  presse,  on  le  déchire  avec 
facilité,  et  son  tissu  paraît  être  devenu  très-friable; 
coupé  par  tranches  et  jeté  dans  l'eau,  il  ne  surnage 
plus.  Tantôt  il  présente  un  aspect  comme  grenu,  soit 
à  la  surface  d'une  coupe  qu'on  a  faite,  soit  lorsqu'on 
Ta  déchiré;  tantôt  cet  aspect  grenu  manque,  et  à  la 
coupe  on  ne  trouve  plus  qu'une  surface  parfaitement 
lisse.  L'aspect  grenu  me  semble  dépendre  de  la  tu- 
méfaction qu'ont  subie  les  vésicules  pulmonaires  :  un 
degré  de  plus  dans  cette  tuméfaction  peut  le  faire  dis- 
paraître en  rapprochant  davantage  les  vésicules  ,  et 
en  les  confondant. 

En  soumettant  à  la  dessiccation  un  poumon  qui 
présente  l'un  des  deux  degrés  d'hyperémie  dont  il 
vient  d'être  question,  soit  Tengouement,  soit  l'iié- 
patisation,  il  est  facile  de  se  convaincre  que  les  alté- 
rations que  le  poumon  subit  en  pareil  cas  se  réduisent 
à  celles  que  nous  venons  de  signaler.  Ainsi,  lorsqu'il 
n'y  a   que   simple  engouement,  on   n'observe  au!rc 


5o8  piîÉcis 

chose  qu'une  leinte  rouge  ,  jaune  ou  brune,  dans  les 
parois  des  bronches  capillaires  ;  quelquefois  même  on 
ne  retrouve  pas  cette  roui|;eur,  et  un  poumon  qui  était 
fortement  engoué  ne  paraît  pkis ,  une  fois  desséché, 
difl'érer  d'un  poumon  sain.  Lorsque  c'est  un  poumon 
hépatisé  qu'on  a  soumis  à  la  dessiccation,  on  trouve 
constamment  de  la  rougeur  da^s  les  parois  des  bron- 
ches capillaires  et  des  vésicules;  mais  de  plus,  ces 
parois  ont  acquis  une  épaisseur  insolite  ,  et  il  en  ré- 
sulte en  certains  points  une  diminution  notable  des 
cavités  destinées  à  recevoir  l'air  ,  et  en  d'autres  points 
une  oblitération  complète  de  ces  cavités.  Qu'il  y  ait 
d'ailleurs  épanchemenl  de  sang  dans  la  trame  des 
parois  bronchiques,  ou  simple  stase  sanguine  dans  les 
vaisseaux  de  ces  parois,  c'est  ce  qu'on  ne  peut  pas 
dire;  mais  ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  l'état 
morbide  connn  sous  le  nom  d'hépatisation  pulmo- 
naire n'est  autre  chose  qu'un  engorgement  sanguin 
ponsidérable  des  parois  des  bronches  capillaires  et  des 
vésicules,  engorgement  qui  a  pour  effet  d'en  dimi- 
nuer ou  d'en  oblitérer  les  cavités.  11  est  rare  d'ailleurs 
que  dans  les  parties  mômes  où  l'hépatisation  semblait 
la  plus  complète,  on  ne  trouve  pas  çà  et  là  quelque 
petit  ramuscule  bronchique  encore  perméable  à  l'air; 
il  arrive  même  quelquefois  qu'au  milieu  d'un  lobe 
qui  semble  j^artout  hépatisé,  la  dessiccation  fait  re- 
connaître quelques  points  où  non  seulement  il  n'y  a 
pas  diminution  du  calibre  des  bronches  capillaires, 
?ijais  où  existe  uue  dilatation  notable  de  la  cavilé  de 
f:e&  bronches  et  de  ces  vésicules  sans  qu'il  y  ait  hype- 
féinic  (le  leurs  j)iuois. 

Les  deux   degrés  d'hypcréuiie  dont  nous  vexions 


b'anatomie  pathologique.  5o9 

d'étudier  la  forme  et  la  nature ,  présentent  trois  va- 
riétés importantes  sous  le  rapport  de  leur  étendue. 
Dans  Tune  de  ces  variétés,  l'hyperémie  existe  dans  un 
lobe  entier  qui,  à-peu-pros  partout,  est  engoué  ou 
hépatisé  (hyperémie  lobaire).  Dans  la  seconde  va- 
riété, quelques  lobules,  séparés  les  uns  des  autres 
par  des  lobules  sains  ,  sont  le  siège  de  l'hyperémie 
(hyperémie  lobulaire  ).  Enfin,  dans  la  troisième 
variété,  ce  n'est  même  plus  un  lobule  entier,  ce  soni 
quelques  fractions  de  ce  lobule ,  ou  en  d'autres  ter- 
mes, ce  sont  quelques-unes  des  vésicules  qui  le  com- 
posent ,  qui  seules  sont  hyperémiées  (hyperémie 
vésicuiaiie  ).  Cette  dernière  variété  peut  n'exister 
qu'en  un  pelit  nombre  de  points  ,  ou  se  montrer 
sous  forme  de  granulations  rouges,  très-multipliées, 
qui  parsèment  tout  le  parenchyme  pulmonaire  ;  il 
en  est  de  même  de  la  seconde  variété. 

Dans  lé  poumon,  comme  partout  ailleurs,  la  gan- 
grène peut  succéder  à  toute  hyperémie  ,  soit  méca- 
nique ,  soit  vitale ,  assez  considérable  pour  gêner  ou 
empêcher  l'aiïlux  du  sang  artériel.  Pour  cela  il  n'est 
pas  nécessaire  qu'une  forte  irritation  ait  existé  t 
qu'une  cause  quelconque  retienne  le  sang  dans  les 
capillaires  d'une  partie,  et  surtout  s'oppose  à  ce  que 
les  artères  y  apportent  du  sang ,  la  gangrène  poitrra 
survenir;  chez  certains  individus  c'est  avec  une  éton- 
nante facilité  qu'une  légère  stase  sanguine  peut  être 
suivie  de  gangrène;  enfin,  il  ne  faut  pas  oublier  que 
ce  qui,  chez  ces  individus,  résulte  d'une  disposition 
particulière  de  l'économie  ,  peut  aussi  être  produis 
par  l'introduction  de  certaines  substances  daas  les^ 


5io  pPiiiicis 

voies  circnlaloircs  (  seigle  ergote  ,  venin  de  carlains 
repliles,  elc.  ). 

La  gangrène  cliî  poumon  se  montre  sous  l'inilnence 
de  plusieurs  des  conditions  qui  viennent  d'être  rap- 
pelées. Ainsi,  elle  peut  survenir  à  la  suite  d'une  irri- 
tation pulmonaire  intense  qui  a  produit  une  forte  hy- 
percinie  ,  un  état  d'bépatisation  (i).  D'autres  fois  elle 
prend  naissance  sans  qu'on  ait  observé  aucun  signe 
d'irritation  préalable;  d'autres  fois  enfin,  l'irritation 
qui  la  précède  est  chronique,  peu  intense,  et  dans 
mille  cas  elle  existe  sans  qu'il  en  résulte  rien  de  sem- 
blable. C'est  ainsi  que  le  parenchyme  pulmonaire 
vient  quelquefois  à  être  frappé  de  gangrène,  soit  au- 
tour d'excavations  tuberculeuses,  soit  autour  de  bron- 
ches qui ,  depuis  long-temps,  sont  le  siège  d'un  travail 
d'irritation  chronique. 

La  gangrène  du  poumon,  quelle  que  soit  son  ori- 
gine ,  se  présente  sous  les  formes  suivantes. 

Dans  une  première  forme  elle  n'est  pas  circons- 
crite. A  l'intérieur  du  poumon  sont  disséminés  un  cer- 
tain nombre  de  points  ,  où  le  parenchyme  pulmonaire 
est  remarquable  ,  i'*.  par  l'odeur  gangreneuse  qu'il 
exhale;  2°.  par  la  couleur  brune  ou  livide  qu'il  pré- 
sente ;  5°.  par  la  diminution  de  sa  consistance. 

Dans  une  seconde  forme  la  gangrène  est,  au  con- 
traire, exactement  circonscrite  ;  en  un  point  de  son 
étendue  le  parenchyme  pulmonaire  est  alors  trans- 
formé en  une  escarre  qui,  là,  comme  partout  ailleurs, 
tend  à  se  borner  et  à  être  éliminée.  Pour  cela,  un 

(1)  Clinique  Midicalc. 


d'anatomie  PATiioLor.ioiE.  5rï 

travail  de  suppuration  s'établit  autour  d'elle,  quel- 
ques bronches  se  perforent,  et  l'escarre,  réduite  en 
deliquiiim  ,  est  rejetée  au-dehors  avec  la  matière  de 
l'expectoration.  Il  reste  ,  alors,  dans  le  poumon  ,  à  la 
place  occupée  par  l'escarre ,  une  cavité  ulcéreuse , 
remplie  d'un  liquide  grisâtre  ,  d'où  s'exhale  une 
odeur  des  plus  fétides.  Aucune  fausse  membrane  ne 
tapisse  ordinairement  les  parois  de  cette  cavité,  et 
autour  d'elle  le  parenchyme  pulmonaire  peut  être 
sain  ou  altéré. 

Il  est  une  autre  espèce  d'hyperémie  pulmonaire, 
dans  laquelle  le  sang,  au  lieu  de  s'accumuler  seule- 
ment dans  les  parois  des  bronches  et  des  vésicules, 
sort,  s'épanche  de  manière  à  déchirer  ces  parois,  et 
s'amasse  en  caillots  dans  une  cavité  qu'il  a  lui-même 
creusée  au  milieu  du  parenchyme  du  poumon.  Yoilà 
la  véritable  apoplexie  pulmonaire,  bien  diiTérentc  de 
celle  dont  nous  avons  parlé  précédemment,  dans  la- 
quelle il  n'y  avait  autre  chose  qu'une  certaine  quan- 
tité de  sang  accumulée  et  coagulée  dans  les  bronches. 
Ici,  au  contraire,  la  substance  pulmonaire  est  déchi- 
rée parle  sang  sorti  de  ses  vaisseaux,  comme  se  dé- 
chire en  pareille  circonstance  la  substance  cérébrale. 
L'hémorrhagie  peut  être  assez  considérable  pour  que 
la  plus  grande  partie  de  l'un  des  poumons  ne  repré- 
sente plus  qu'une  sorte  de  bouillie  où  l'on  ne  distingue 
plus  qu'un  reste  de  parenchyme  ,  et  du  sang  épanché , 
ea  partie  liquide  ,  et  en  partie  coagulé.  Cette  hémor- 
rhagie  peut  s'effectuer  très-rapidement,  et  entraîner 
la  mort  en  quelques  heures,  ou  en  moins  de  temps 
encore.  D'autres  fois  ,  s'accomplissant  plus  lentement 
ou  occupant  un  moindre  espace,  elle  ne  détermine 


■s- 

5l2  PRECIS 

pas  d'aussi  graves  accidens,  elle  peut  donner  ]ieu  à 
une  hémoptysie  qui  n'est  suivie  de  la  mort  qu'au  bout 
de  quelques  jours.  En  même  temps  qu'il  se  fait  Jour 
à  travers  les  bronches ,  '\e  sang  peut  aussi  passer  de 
l'intérieur  du  poumon  dans  la  plèvre,  par  suite  d'une 
déchirure  du  parenchyme.  Enfin,  il  est  des  cas  où, 
comme  dans  l'hémorrhagie  cérébrale,  on  observe  une 
série  de  phénomènes  qui  ont  pour  but,  ou,  si  l'ori 
veut,  qui  doivent  avoir  pour  résultat  la  résorption  du 
sang  épanché  et  la  guérison.  C'est  ce  qui  paraît  avoir 
lieu  dans  les  cas  où  Ton  a  vu  une  apoplexie  pulmo- 
naire entourée  par  un  kyste  bien  organisé  (i)  ,  dont 
la  surface  interne  éJait  vraisemblablement  destinée  à 
devenir  un  agent  d'absorption. 

Au  lieu  de  se  résorber,  le  sang  épanché  dans  le 
parenchyme  pulmonaire  tend  d'autres  fois  à  y  prendre 
en  queloue  sorte  droit  de  domicile  en  s'organisant, 
et  devenant  une  partie  vivante  OiJ  peuvent  s'accomplir 
des  actes  de  nutrition  et  de  sécrétion. 


ARTICLE    IL 


AKEMiE    ïtv    poraios. 


II  est  certains  cadavres  sur  lesquels  on  trouve 
le  parenchyme  pulmonaire  complètement  exsangue. 
Cela  n'annonce  pas  un  état  plus  sain  du  poumon  que 
celui  où  on  le  trouve  plus  ou  moins  gorgé  de  sang. 
Cette  anémie  peut  dépendre  de  trois  circonstances; 

(i)  Bouillautl ,  Archives  de  médecine  ^  novembre  xSaG, 


d'anatomie  pathologique.  5i5 

1*.  Du  genre  de  mort.  On  trouve,  par  exemple,  dans 
un  pareil  état ,  les  poumons  des  animaux  morts  d'hé- 
morrhagie. 

2°.  D*une  diminution  dans  l'acte  de  l'hématose. 
C'est  ce  qui  arrive  dans  beaucoup  d'afifections  chroni- 
ques où  Ton  ne  trouve  pas  plus  de  sang  dans  le  pou- 
mon que  dans  les  autres  organes. 

3°.  D'un  étatd'atrophie  du  parenchyme  pulmonaire. 
C'est  ce  qui  peut  avoir  lieu  à  tous  les  âges;  mais  c'est 
particulièrement  ce  qu'on  observe  chez  beaucoup  de 
vieillards.  Au  premier  aspect ,  on  est  porté  à  regarder 
comme  constituant  le  type  de  l'état  sain,  ces  poumons 
décolorés  ;  mais  un  examen  plus  attentif  fait  recon- 
naître que  dans  ces  poumons  où  il  y  a  si  peu  de  sang, 
il  y  a  aussi  une  diminution  morbide  de  densité  ;  c'est 
du  tissu  cellulaire  qui  existe  à  la  place  d'un  certain 
nombre  de  vésicules. 


CHAPITRE   IL 
LÉSIONS    DE   NUTRITION. 

Si  l'on  accepte  comme  exacts  les  faits  consignés 
dans  le  précédent  chapitre  ,  il  faudra  tirer  de  ces  faits 
la  conséquence  que  les  diverses  lésions  de  nutrition 
dont  le  poumon  peut  être  le  siège,  ne  doivent  être 
autre  chose  que  des  lésions  de  nutrition  des  parois 
des  vésicules  pulmonaires,  ou  du  tissu  cellulaire  in- 
terposé entre  ces  vésicules.  Dans  le  poumon  ,  d'ail- 
leurs, comme  dans  tout  autre  organe  ,  ces  lésions 
II.  35 


5i4  ruÉcis 

consistent  dans  une  accumulation  ,  une  diminution 
ou  une  perversion  de  la  nutrition  normale.  A  l'aug- 
mentation d'activité  de  la  nutrition  du  poumon  se 
rapporte  l'hypertrophie  de  son  parenchyme;  à  la 
diminution  d'activité  de  cette  nutrition  se  rapporte 
l'atrophie  ,  et  de  sa  perversion  dépendent  plusieurs 
transformations  des  parois  des  vésicules,  ainsi  que  du 
tissu  cellulaire  intervésiculaire ,  ou  interlobulaire. 

Ces  transformations  sont  peu  nombreuses.  C'est  du 
tissu  fibreux  ou  cartilagineux  qui  prend  la  place  du 
tissu  cellulaire;  c'est  quelquefois  une  matière  ossi- 
forme  qui  constitue  les  parois  vésiculaires.  (  Nous 
en  avons  cité  plus  haut  un  exemple.  )  Dans  ce  qui 
suit,  nous  allons  nous  occuper  spécialement  de  l'hy- 
pertrophie et  de  l'atrophie  du  tissu  pulmonaire  ,  et 
nous  essayerons  de  montrer  comment  à  ces  seules 
altérations  de  texture  peuvent  se  rapporter  un  nombre 
considérable  d'altérations  de  forme. 


ARTICLE   PREMIER. 


HTPERTROPniE      DU       POUMON, 


Le  poumon  présente  deu^  sortes  d'hypertrophie  : 
dans  l'une  ,  il  y  v^  simple  augmentation  de  densité  du 
parenchyme  ,  sans  modiftcalion  de  sa  consistance  ; 
dans  l'autre  espèce  ,  celle  consistance  est  augmentée, 
et  l'hypertrophie  existe  avec  induration  du  tissu  pul- 
monaire. 

La  première  espèce  d'hypertrophie  me  paraît  être 


d'anatomie  rATH<}Lo(;h^)rr..  5i5 

le  resultatd'une  aiigmentalion  de  nombre  dos  cloisons 
qui  divisent  en  cellules  ou  en  vésicules  les  dernières 
ramifications  bronchiques,  en  même  temps  qu'il  y  a 
ampliation  de  ces  cavités  ;  ce  n'est  pas  seulement 
l'aspect  du  poumon  qui  milite  en  faveur  de  celte  opi- 
nion ,  ce  sont  encore  les  circonstances  dans  lesquelles 
survient  cette  hypertrophie.  Ainsi,  Laentiec  a  remar- 
qué que,  dans  un  grand  nombre  de  cas  où  l'un  des 
poumons  n'est  plus  apte  à  remplir  ses  fonctions  , 
comme  dans  les  épanchemens  d'air  ou  de  liquide  au 
sein  d'une  des  plèvres,  et  surtout  après  le  rétrécisse- 
ment d'un  des  côtés  de  la  poitrine  qui  suit  parfois  la 
résorption  d'un  épanchement  pleurétique ,  le  pou- 
mon du  côté  sain  acquiert  nn  volume  manifestement 
plus  grand  que  le  volume  de  son  état  normal.  En. 
pareil  cas  ,  le  poumon  présente  un  tissu  manifeste- 
ment plus  dense  et  plus  compact;  il  ne  s'affaisse  pas 
lorsqu'on  ouvre  la  poitrine  :  il  acquiert  de  la  ressem- 
blance avec  le  poumon  de  l'enfant  ou  avec  le  poumon 
des  chevaux. 

Cette  espèce  d'hypertrophie  peut  s'effectuer  en 
très-peu  de  temps.  Laennec  l'a  vue  très-prononcée 
chez  un  homme  qui,  six  mois  avant  sa  mort,  avait 
eu  un  épanchement  pleurétique  à  la  suite  duquel  le 
côté  affecté  de  la  poitrine  s'était  rétréci  de  moitié. 

La  production  de  cette  hypertrophie  résulte  de 
l'accomplissement  d'une  loi  en  vertu  de  laquelle  tout 
organe  double  devient  le  siège  d'une  nutrition  {)lus 
active,  lorsque  son  congénère  cesse  d'agir.  Ici  encore 
c'est  l'activité  plus  grande  de  la  fonction  qui  entraîne 
l'accroissement  d'activité  de  la  nutrition. 

L'hypertrophie  du  parenchyme  pulmonaire,  sans 

53. 


5  î  6  PRÉCIS 

induralion  proprement  dile  ,  présente  une  variété 
digne  de  toute  notre  attention  :  c*est  celle  dans  la- 
quelle, en  même  temps  que  les  parois  des  bronches 
capillaires  et  des  vésicules  sont  plus  épaisses  que  de 
coutume  ,  leur  cavité  est  notablement  agrandie.  On 
peut  facilement  s'en  assurer  parla  dessiccation.  Si  alors 
on  coupe  le  poumon  par  tranches,  on  trouve  partout, 
ou  en  quelques  points  seulement ,  d'une  part  des 
cavités  beaucoup  plus  grandes  que  dans  l'état  normal, 
et,  d'autre  part,  des  parois  qui  sont  aussi  beaucoup 
plus  épaisses.  Cette  altération,  qui  constitue  une  des 
variétés  de  l'emphysème  pulmonaire,  se  trouve  très- 
fréquemment  chez  les  individus  atteints  de  catarrhe 
pulmonaire  chronique.  Chez  ces  individus,  la  dila- 
tation d'un  certain  nombre  de  vésicules  avec  hyper- 
trophie de  leurs  parois,  coïncide  assez  souvent  avec 
la  diminution  de  capacité,  ou  même  avec  l'oblitéra- 
tion d'autres  vésicules,  dont  les  parois  ont  augmenté 
d'épaisseur  aux  dépens  de  la  cavité  qu'elles  circons- 
crivent. Ainsi  ,  l'hypertrophie  des  parois  du  cœur 
coïncide  tantôt  avec  une  dilatation  de  ses  cavités  ,  et 
tantôt  avec  leur  rétrécissement. 

Mais  c'est  surtout  dans  les  cas  d'hypertrophie  du  pou- 
mon, avec  induration  de  son  tissu,  qu'a  lieu  l'oblitéra- 
tion des  vésicules  aériennes.  Alors,  en  examinant  un 
poumon  desséché,  ce  n'est  plus  dans  quelques  points 
seulement  qu'on  n'aperçoit  plus  de  trace  de  cavité, 
^'est  dans  une  bien  plus  grande  étendue.  On  ne  voit 
plus  partout  qu'un  tissu  solide,  et  qui  n'est  manifeste- 
ment formé  par  autre  chose  que  par  les  cloisons  ordi- 
naires, augmentées  d'épaisseur  et  de  consistance.  Çà 
et  là  seulement  apparaissent  quelques  petites  cellules, 


d'anatomie  pathologique.  5i7 

rudi mens  des  cavités  normales.  Ainsi,  l'effet  de  l'hy- 
pertrophie avec  induration  du  parenchyme  puhno- 
naire,  comme  de  son  hyperémie  portée  à  un  certain 
degré ,  est  de  rendre  ce  parenchyme  imper  méable 
a  1  air. 

L'induration  du  poumon  s'accompagne  de  diverses 
colorations  de  son  tissu.  Très-rarement  il  présente 
en  pareil  cas  une  teinte  rouge.  Le  plus  souvent  il 
offre  une  couleur  jaunâtre ,  grise ,  brune  ,  et  même 
noire.  L'induration  noire  du  parenchyme  pulmonaire 
n'est  autre  chose,  à  mon  avis,  que  son  induration 
Jaune  ou  grise  avec  une  autre  nuance  de  couleur;  on 
peut  saisir  tous  les  intermédiaires  par  lesquels  ces 
diverses  teintes  se  transforment  les  unes  dans  les 
autres  ,  et  il  n'y  a  aucune  raison  pour  admettre  que  , 
là  où  le  poumon  s'est  coloré  en  noir  en  même  temps 
qu'il  s'est  induré,  il  y  a  formation  d'un  tissu  nouveau 
qu'on  a  appelé  mélanose.  Car,  alors,  pourquoi  ne 
ferait-on  pas  aussi  un  tissu  accidentel  d'une  autre 
portion  de  poumon,  qui,  indurée  et  imperméable  à 
l'air  comme  la  précédente,  n'en  diffère  que,  parce 
qu'au  lieu  d'être  noire  ,  elle  est  jaune  ou  grise? 

L'induration  pulmonaire ,  sans  différer  par  sa  na- 
ture, diffère  tellement  par  sa  forme  et  son  aspect  ex- 
térieur ,  suivant  qu'elle  occupe  un  lobe ,  un  lobule  ou 
une  fraction  de  lobule,  que  cette  seule  variété  de  siège 
a  fait  croire  à  des  variétés  de  lésion.  C'est  ainsi  que 
Bayle  a  regardé  comme  un  tissu  accidentel,  qu'il  a 
désigné  sous  le  nom  de  granulation ,  l'induration  grise 
de  quelques  vésicules  isolées.  Ces  vésicules  indurées 
ressemblent  effectivement  à  de  petits  grains  qu'on 
trouve  disséminés  en  plus  ou  moins  grand  nombre 


5l8  PRÉCIS 

dans  retendue  du  parenchyme  pulmonaire;  le  terme 
de  granulation  est  donc  exact,  comme  servant  à  ex- 
primer une  forme  d'altération ,  et  sous  ce  rapport  il 
doit  être  conservé;  quant  à  la  nature  de  laltération, 
il  suffit  d'une  dissection  attentive  pour  reconnaître 
que  les  granulations  pulmonaires  de  Bayle  ne  sont 
ni  un  tissu  accidentel  sut  generls ,  comme  il  le  pensait, 
ni  le  premier  degré  du  tubercule,  comme  1  ont  admis 
MM.  Laennec  et  Louis ,  mais  qu'elles  consistent  dans, 
l'induration  de  quelques  vésicules.  Avant  d'être  dures 
et  grises,  elles  ont  été  molles  et  rouges,  et  dans  ce 
premier  état  qui  pourrait  ne  pas  admettre  qu'elles  ne 
sont  autre  chose  qu'une  agglomération  de  quelques 
vésicules  hyperémiées  ?  Y  a-t-il  dans  un  lobe  entier 
production  d'un  tissu  accidentel,  parce  que,  d'abord 
mou  et  rouge  ,  il  est  ensuite  devenu  dur  et  grisâtre  ? 
Or,  ce  qui  arrive  à  un  lobe  dans  sa  totalité  peut  aussi 
arriver  à  quelques  vésicules  ;  la  lésion  est  seulement 
moins  étendue  ;  mais ,  du  reste ,  sa  nature  est  la  même. 

On  peut  s'assurer  de  la  nature  des  granulations 
pulmonaires,  soit  en  les  examinant  sur  un  poumon 
frais  (i),  soit  en  les  étudiant  sur  un  poumon  des- 
séché. Dans  ce  dernier  cas,  voici  ce  qu'on  observe, 
si  le  poumon  qu'on  a  fait  dessécher  était  sain  dans 
l'intervalle  des  granulations. 

En  un  grand  nombre  de  points  l'on  découvre  de 
petites  masses  arrondies  ou  allongées,  d'un  gris  opa- 
que, et  assez  friables.  Autour  de  ces  masses,  le  tissu 

(î)  Je  ne  pourrais  que  répéter  ici  ce  que  j'ai  dit  ailleurs  [Clinique  Mé- 
dicale) sur  le  procédé  anatomique  à  suivre  pour  s'assurer  de  la  nature  des 
granulations  pulmonaires  sur  des  poumons  frais.  Je  renvoyé  donc  à  cet. 


ouvrage. 


D*ANATOMtE    PATHOLOGIQUE.  5  10 

pulmonaire  est  tantôt  parfaitement  sain  ;  tantôt  les 
parois  des  bronches  et  des  vésicules  sont  épaissies,  et 
elles  ont  pris  une  teinte  grisâtre  semblable  à  la  teinte 
de  la  masse.  En  quelques  points  ,  ces  parois  épaissies 
semblent  se  détacher  de  la  masse  comme  des  pro- 
longemens  rayonnes.  Plusieurs  des  vésicules,  dont 
les  parois  sont  ainsi'  épaissies,  sont  dilatées  d'une 
manière  remarquable.  Ailleurs  ,  au  lieu  de  cet  épais- 
sissement  et  de  cette  teinte  grise  des  cloisons,  on  ne 
trouve  rien  autre  chose  qu'une  légère  teinte  rosée  ou 
jaunâtre  sans  épaississement.  Ailleurs,  au  contraire, 
l'épaississement  des  parois  est  très-considérable,  et 
la  teinte  grise  de  leur  tissu  est  en  raison  directe  de 
leur  épaississement.  Là  où  cet  épaississeujent  est  con- 
sidérable,  les  vésicules  ont  perdu  leur  forme  régu- 
lière ;  elles  tendent  à  s'effacer.  Supposez  un  degré  de 
plus  dans  l'épaississement  de  leurs  parois  :  elles  ne 
présenteront  plus  de  cavité,  et  à  leur  place  on  ne 
trouvera  plus  qu'une  de  ces  niasses  grisâtres  homo- 
gènes qui  constituent  la  granulation. 

Ainsi  donc,  les  granulations  puhnonaires  se  for- 
ment par  la  succession  des  altérations  suivantes  : 

1*.  Les  parois  des  vésicules  s'injectent. 

2°.  Elles  se  tuméfient ,  en  restant  rouges. 

5".  Elles  perdent  la  teinte  rouge  ,  en  acquièrent 
une  grise  ,  et  en  même  temps  s'épaississent  de  plus 
en  plus. 

4"".  Pendant  que  cet  épaississement  a  lieu  ,  la  cavité 
de  la  vésicule  subit  plusieurs  changemens  :  tantôt  elle 
s'agrandit,  tantôt  elle  diminue,  tantôt  elle  s'efface 
entièrement.  Alors  ,  la  granulation  est  formée.  Mais 
ce  n'est  pas  tout,  et  à  l'une  o!i  à  l'autre  de  ces  pé- 


52  O  r  RÉGIS 

riodes  de  formation  ,  les  parois  des  bronches,  au  lieit 
de  continuer  simplement  à  s'épaissir,  peuvent  ou 
s'ulcérer ,  ou  sécréter  soit  du  pus ,  soit  du  tuber- 
cule ,  etc. 

Pour  constater  tout  cela,  il  ne  faut  que  dessécher 
un  poumon,  le  couper  par  tranches,  et  l'examiner 
au  soleil. 

Le  tissu  cellulaire  ,  qui  sépare  les  uns  des  autres 
les  divers  lobules  pulmonaires,  s'indure  quelquefois, 
soit  isolément ,  soit  en  même  temps  que  les  lobules 
eux-mêmes.  Il  devient  alors  beaucoup  plus  apparent 
que  de  coutume  ;  il  acquiert  en  même  temps  une 
grande  densité  et  une  dureté  comme  fibreuse.  Il 
forme  au  milieu  du  parenchyme  pulmonaire  des 
cloisons  épaisses,  des  intersections,  qui  ressemblent 
parfois  à  des  aponévroses  ;  enfin ,  au  lieu  de  se  montrer 
sous  forme  de  simples  lignes,  il  peut  représenter  des 
lames  plus  ou  moins  larges ,  des  masses  plus  ou  nioins 
épaisses,  qui  resserrent  dans  un  espace  de  plus  en 
plus  petit  les  lobules  eux-mêmes,  de  telle  sorte  que, 
dans  ce  cas,  en  même  temps  que  le  tissu  cellulaire  in- 
terlobulaire  se  développe  ,  le  tissu  propre  du  poumon 
tend  à  s'atrophier.  Voilà  ce  qui  arrive  dans  un  certain 
nombre  de  cas,  tandis  que  dans  d'autres  cas,  au  con- 
traire ,  l'hypertrophie  du  tissu  cellulaire  interlobulaire 
coïncide  avec  un  simple  état  d'induration  des  lobules. 

L'induration  du  parenchyme  pulmonaire ,  quel 
qu'en  soit  le  siège ,  peut  persister  pendant  un  temps 
très-long,  s'en  s'accompagner  d'aucune  autre  alté- 
ration. Mais  elle  peut  aussi  être  suivie  de  lésions  di- 
verses qu'on  a  prises  souvent  pour  l'état  morbide 
principal,  bieti  qu'elles  ne  soient  que  sccoiidakes  ; 


d'anatomie  pathologique.  52  1 

c'est  ainsi  qu'au  milieu  d  un  lobe  induré  dans  sa  tota- 
lité, on  rencontre  parfois  quelques  tubercules.  Leur 
petit  nombre  ne  permet  pas  de  penser  qu'ils  aient 
alors  causé  l'induration  qui  les  entoure.  Dans  ce  cas ,  la 
lésion  de  nutrition  a  commencé  ,  et  la  lésion  de  sé- 
crétion n'a  été  que  consécutive.  J'insiste  sur  ce  fait, 
parce  que  je  crois  que  la  sécrétion  tuberculeuse  a 
été  prise  trop  constamment  dans  le  poumon  comme 
y  étant  toujours  le  phénomène  principal ,  celui  autour 
duquel  on  devait  grouper  tous  les  autres  ,  parce  qu'ils 
en  dépendaient.  J'en  dirai  autant  de  l'exhalation  de 
la  matière  colorante  noire  qui  si  souvent  vient  à 
teindre  un  poumon  induré  ;  cette  exhalation  n'est  non 
plus  ici  qu'un  phénomène  secondaire.  Pas  plus  que 
le  tubercule,  elle  n'est  le  point  de  départ  ni  des 
lésions  trouvées  sur  le  cadavre ,  ni  des  accidens  ob- 
servés pendant  la  vie. 

Les  anciens  anatomistes  décrivaient  sous  le  nom 
d'ulcères  du  poumon  les  excavations  qui,  dans  ces 
derniers  temps,  ont  été  regardées  comme  le  produit 
d'une  fonte  tuberculeuse.  Cette  dernière  opinion  est 
exacte  dans  un  assez  grand  nombre  de  cas,  mais  non 
pas  dans  tous.  Il  m'est  arrivé  plus  d'une  fois  de  trouver, 
au  milieu  du  parenchyme  pulmonaire  induré,  une 
ou  plusieurs  cavités  ulcéreuses,  sans  qu'il  y  eiàt  nulle 
part  aucune  trace  de  tubercules,  ou  bien,  si  l'on  en 
trouvait,  ils  étaient  très-petits,  très-peu  nombreux, 
et  ne  prouvaient  pas  plus  que  l'ulcère  avait  succédé 
au  ramollissement  d'une  masse  tuberculeuse  ,  que  les 
tubercules  qu'on  trouve  assez  souvent  au  pourtour 
ou  au  fond  des  ulcérations  intestinales  ne  peuvent 
servir  à  démontrer  que  ces  ulcérations  ont  été  produites 


52  2  PRÉCIS 

par  le  ramoliissenient  d'un  tubercule  sous-muqueux. 
llien  ne  jDrouvait  non  plus  que  ces  ulcères  pulmo- 
naires eussent  été  précédés  de  la  formation  d'une 
escarre.  Ainsi,  le  parenchyme  du  poumon  peut  s'ul- 
cérer primitivement.  Tantôt  l'ulcération  est  unique  , 
et  plus  ou  moins  considérable;  tantôt  11  y  a  un  grand 
nombre  d'ulcérationsdisséminées  dans  le  parenchyme. 
L'induration  qui  les  entoure  en  précède  souvent  la 
formation  ,  mais  elle  peut  aussi  la  suivre. 


ARTICLE    IL 


ATftOPHIE      DU      POUMON. 


Toutes  les  fois  qu'une  cause  quelconque  s'oppose 
pendant  un  certain  laps  de  temps  à  la  libre  entrée 
de  l'air  dans  les  vésicules  pulmonaires,  ces  vésicules 
diminuent  de  nombre,  et  le  parenchyme  du  poumon 
subit  une  véritable  atrophie.  Ainsi  cette  atrophie  est 
constante  chez  les  individus  qui  ont  eu  pendant 
long-temps  un  épanchement  pleurétique  ;  des  tuber^ 
cules  produisent  souvent  le  même  effet  :  il  en  est  de 
même  de  l'hypertrophie  du  tissu  cellulaire  décrite 
dans  l'article  précédent.  J'ai  cité  plus  haut  le  cas  re- 
marquable d'une  atrophie  du  [joumon  dans  un  cas 
où  la  bronche  qui  s'y  distribue  était  à-peu-près  com- 
plètement oblitérée. 

Je  serais  porté  à  croire  que  chez  les  vieillards  existe 
parfois  une  alrophie  des  poumons  assez  considérable 
pour   qu'il   en  résulte  un  notable    rétrécissement  de 


d'anatomie  pathologique.  523 

la  poihine.  Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'est  que  chez 
beaucojip  de  vieillards  décrépits  on  trouve  le  thorai^ 
beaucoup  moins  développé  dans  ses  difFérens  diamè- 
tres qu'il  ne  l'est  à  aucun  autre  âge.  Chez  ces  vieillards 
le  poumon  paraît  effectivement  peu  volumineux,  il 
contient  très-peu  de  sang,  il  est  dune  légèreté  re- 
marquable, et  son  tissu  paraît  comme  raréfié. 

Dans  ces  divers  cas ,  c'est  uniquement  par  la  dimi- 
nution de  volume  du  poumon ,  et  par  la  raréfaction 
apparente  de  son  tissu,  que  nous  pouvons  juger  de 
l'atrophie  qu'il  a  subie.  Mais  l'atrophie  de  cet  organe 
peut  encore  être  démontrée  par  l'examen  de  sa  struc- 
ture intime.  En  faisant  dessécher  un  poumon  ainsi 
raréfié ,  et  qui ,  avant  cette  dessiccation ,  présente  déjà 
à  sa  périphérie  un  ou  plusieurs  points  où  à  la  place  du 
tissu  vésiculeux  ordinaire  on  ne  trouve  plus  que 
quelques  larges  cellules  pleines  d'air,  on  arrive  à 
reconnaître  un  notable  changement  dans  la  disposi- 
tion des  dernières  ramifications  bronchiques,  et  des 
vésicules  auxquelles  elles  se  terminent.  Ces  bron- 
ches et  ces  vésicules  ne  forment  plus  des  cavités  sé- 
parées les  unes  des  autres  par  des  parois  complètes. 
D'abord  ces  parois  sont  réduites  à  uji  état  d'amincis- 
sement extrême;  quelques-unes  paraissent  simple- 
ment perforées  en  un  ou  plusieurs  points  de  leur 
étendue  ;  d'autres  sont  comme  irrégulièrement  déchi- 
rées ;  ailleurs  on  ne  trouve  plus  à  leur  place  que  des 
lames  ténues ,  ou  enfin  de  minces  fîlamens  qui  tra- 
versent en  divers  sens  des  cavités  plus  ou  moins  lar- 
ges, etdont  l'une  des  extrémités  est  sovuent  flottante. 
J.à  où  ces  altérations  existent,  on  ne  trouve  [)lus  , 
k   proprement  parler,    ni    bronches,    ni    véhicules, 


524  PRÉCIS 

luais  seulement  des  cellules  de  diflerens  diamètres, 
que  séparent  souvent  en  plusieurs  loges  des  cloisons 
incomplètes,  des  lames  sans  disposition  régulière,  ou 
de  simples  filamens  qui  eux-mêmes  tendent  à  se  dé- 
truire. Plusieurs  de  ces  cellules  ne  sauraient  mieux 
être  comparées  qu'au  poumon  des  batraciens,  et 
toutes  s'en  rapprochent  comme  d'im  type  d'organisa- 
tion vers  lequel ,  en  pareil  cas,  le  poumon  de  l'homme 
semble  descendre. 

Ainsi  des  lésions  très-différentes  par  leur  nature , 
l'hypertrophie  d'une  part,  et  l'atrophie  de  l'autre, 
peuvent  produire  dans  le  poumon  des  effets  identi- 
ques. Toutes  deux  peuvent  transformer  en  de  larges 
réceptacles  les  petites  cavités  où  l'air  vient  ordinaire- 
ment vivifier  le  sang.  Mais  dans  le  cas  d'hypertrophie , 
il  y  a  seulement  dilatation  des  vésicules  sans  déchirure 
de  leurs  parois,  si  ce  n'est  accidentellement  ;  dans 
l'atrophie ,  au  contraire ,  de  larges  cavités  ne  se  for- 
ment que  parce  que  plusieurs  vésicules  viennent  à  se 
réunir  en  une  seule  ,  par  suite  de  la  disparition  de 
leurs  parois.  De  là  cette  différence  notable  que , 
dans  le  premier  cas,  le  nombre  des  surfaces  sur  les- 
quelles le  sang  rencontre  l'air  reste  le  même,  tandis 
que  ,  dans  le  second  cas ,  le  nombre  de  ces  surfaces 
diminue  singulièrement.  Aussi ,  dans  ces  deux  cas , 
la  gêne  de  la  respiration  ne  doit  pas  être  la  même  ;  il 
est  facile  de  prévoir  que  c'est  dans  le  second  cas  que 
la  dyspnée  sera  nécessairement  plus  considérable.  Il 
est  une  seule  circonstance  qui ,  malgré  la  diminution 
du  nombre  des  surfaces  d'élaboration  du  sang,  em- 
pêche la  respiration  d'être  gênée  :  c'est  la  diminution 
de  la  masse  même  du  sang,  ou  ,  ce  qui  revient  au 


d'aNATOMIE    PATHOLOGIQLr:.  525 

même,  la  diminution  de  la  rapidité  de  son  cours.  Or, 
le!  est  précisément  le  cas  des  vieillards  ;  et  voilà  pour- 
quoi chez  la  plupart  d'entre  eux  une  atrophie  consi- 
dérable du  tissu  pulmonaire,  loin  d'être  chez  eux  un 
accident,  est  un  résultat  de  cette  loi  qui  établit  un 
rapport  constant  entre  la  quantité  de  sang  à  vivifier 
dans  un  temps  donné,  et  l'étendue  des  surfaces  sur 
lesquelles  l'air  peut  rencontrer  ce  sang.  Voilà  pourquoi 
le  poumon  a  son  maximum  de  densité  chez  les  enfans 
et  chez  les  animaux  dont  la  circulation  est  très-rapide 
ou  qui  font  beaucoup  de  sang;  voilà  pourquoi,  au 
contraire,  cette  densité  se  trouve  à  son  maximum  et 
chez  le  vieillard,  et  chez  les  animaux  qui  à  chaque 
tour  circulatoire  ne  reçoivent  dans  leur  poumon 
qu'une  petite  partie  du  sang  que  contient  l'arbre  cir- 
-culatoire. 

Cependant  il  est  un  certain  nombre  de  vieillards 
<jui  respirent  difficilement ,  et  chez  lesquels  cette 
dyspnée  ne  paraît  liée  à  autre  chose  qu'à  une  atrophie 
du  tissu  pulmonaire  plus  considérable  qu'elle  ne  doit 
être  à  cet  âge.  Enfin ,  ce  qui  est  le  plus  souvent 
normal  chez  le  vieillard  peut  survenir  accidentelle- 
ment chez  l'homme  jeune  ou  adulte  ,  et  chez  lui  il 
en  résultera  constamment  une  dyspnée  plus  ou  moins 
considérable. 

L'atrophie  des  vésicules  pulmonaires  peut  être  la 
seule  lésion  que  l'on  observe  dans  le  poumon  ;  mais 
d'autres  fois  elle  coïncide  avec  d'autres  altérations. 
Assez  fréquemment ,  par  exemple  ,  en  même  temps 
que  certaines  portions  du  parenchyme  sont  remplies 
de  tubercules ,  il  en  est  d'autres  où  la  dessiccation 
fait  reconnaître  une  destruction  plus  ou  moins  étendue 


526  PRÉCIS 

des  parois  des  vésicules  par  atrophie  de  leur  lissn. 
Ainsi  donc  ,  en  même  temps  que  le  poumon  sécrète 
du  tubercule ,  il  tend  à  s'atrophier.  D'autres  fois , 
d'ailleurs,  on  trouve  bien  encore  dans  un  poumon 
tuberculeux  une  notable  ampliation  des  vésicules; 
mais  cette  ampliation  n'est  plus  le  résultat  de  la 
destruction  des  parois  vésiculaires  et  bronchiques; 
on  trouve  seulement  dilatées  et  les  vésicules  et  les 
bronches. 

La  transformation  des  vésicules  pulmonaires  en 
larges  cellules,  soit  par  simple  dilatation  de  la  cavité 
de  chaque  vésicule ,  soit  par  destruclion  de  ses  parois , 
est  la  lésion  qui  a  été  décrite  sous  le  nom  à'cmpkysème 
j)ulmonalre ^  expression  impropre  ,  qui  conviendrait 
mieux  dans  le  cas  où  il  y  a  simplement  infiltralion 
d'air  dans  le  tissu  cellulaire ,  cas  dont  nous  nous  oc- 
cuperons plus  bas. 

Nous  n'aurions  donné  qu'une  théorie  incomplète 
de  cet  emphysème  pulmonaire,  si,  à  ce  que  nous 
venons  de  dire,  nous  n'ajoutions  qu'il  peut  aussi, 
dans  un  certain  nombre  de  cas,  se  produire  simple- 
ment d'une  manière  toute  mécanique  :  c'est  de  la 
sorte  qu'il  nous  paraît  se  former  souvent  chez  les 
chevaux ,  où  l'emphysème  pulmonaire  est  très-fré- 
quer.t,  et  chez  lesquels  il  me  semble  être  la  suite  des 
violens  efforts  auxquels  ces  animaux  sont  si  souvent 
forcés  de  se  livrer.  J'ai  examiné  plusieurs  fois  des 
poumons  emphysémateux  de  cheval ,  et  je  me  suis 
assuré  que  chez  lui  l'emphysème  pulmonaire  consiste  : 
i".  dans  une  simple  dilatation  des  petites  bronches  et 
des  vésicules;  2".  dans  une  rupture  de  leurs  parois; 
5**.  dans  une  infiltration  d'air  à  travers  le  tissu  ccllu- 


D'ANATOmE    PATHOLOGIQUE.  52 7 

îgire  interlobulaire  :  la  première  de  ces  altérations 
paraît  précéder  la  seconde ,  et  la  dernière  n'est  que 
la  suite  des  deux  autres.  N'est-ce  pas  aussi  d'une  ma- 
nière toute  mécanique  que  l'emphysème  pulmonaire 
peut  survenir  chez  les  hommes  atteints  d'anciens  ca- 
tarrhes 5  et  qui  sont  tourmentés  par  de  violentes  quin- 
tes de  toux? La  distension  forcée  d'un  certain  nombre 
de  vésicules,  par  de  l'air  ou  par  des  mucosités,  ne 
peut-elle  pas  en  produire  la  dilatation  permanente  ? 
Il  suffit  pour  cela  que  l'élasticité  dont  jouissent  nor- 
malement les  parois  des  vésicules  soit  vaincue  et  ne 
puisse  plus  s'exefcer.  Or,  cel^  peut  également  arriver, 
et  par  suite  d'une  distension  violente  ou  prolongée  de 
ces  parois,  et  par  suite  d'une  altération  primitive  de 
leur  texture.   11  serait  fort  intéressant  de  s'assurer  si 
les  ouvriers  que  leur  profession  oblige  à  faire  habi- 
tuellement de  grands  efforts,  ne  sont  pas  plus  sujets 
que  les  autreshommesàremphysèoie  pulmonaire  (i). 
Lorsque  l'emphysème  pulmonaire  est  peu  considé- 
rable, la  simple  inspection  du  poumon  frais  ne  peut 
le  faire  reconnaître  qu'à  des  hommes  exercés  ;  il  faut 
alors  soumettre  ce  poumon  à  la  dessiccation.  Et  je 
crois  que  plus  d'une  fois  il  a  dû  arriver  qu'on  a  re^ 
gardé  comme  très-sains  de  ces  poumons  emphyséma- 
teux   trouvés   chez   des  individus  asthmatiques.    En 
,   pareil  cas  on  a  du  long-temps  regarder  comme  essen- 

(i)  Mon  savant  et  honorable  confrère  et  ami  M.  Parent-Diichâtelet  m'a 
dit  tenir  d'uji  médecin  de  l'hôpital  de  Fontainebleau,  où  meurent  beaucoup 
de  car«iers,  qu'on  trouve  souvent ,  en  ouvrant  les  cadavres  de  ces  ouvriers, 
leurs  poumons  emphysémateux.  Je  cite  ce  Tait  pour  engager  les  médecins 
qui  en  auraient  l'oGcasion  ,  à  entreprendre  des  recherches  sur  ce  point. 


52  8  PRÉCIS 

tielle    une    dyspnée    à  laquelle  lanatomie  a  trouvé 
maintenant  une  cause  organique. 

Si  l'emphysème  est  plus  consfdérable ,  il  ne  peut 
écliapper  à  la  simple  inspection  ;  il  se  présente  d'ail- 
leurs sous  deux  formes  :  tantôt  ce  sont  des  espèces  de 
vessies  qui  font  une  saillie  plus  ou  moins  forte  au- 
dessus  du  niveau  de  la  surface  extérieure  du  poumon  ; 
tantôt  aucune  saillie  n'existe  ,  mais  seulement  l'on 
aperçoit  au-dessous  de  la  plèvre  un  ou  plusieurs  points 
où  de  larges  cellules  ont  remplacé  les  vésicules  ordi- 
naires. Il  est  des  cas  où  ces  cellules  ne  sont  pas  ap- 
préciables extérieurement ,  et  elles  existent  à  l'inté- 
rieur même  du  poumon ,  où  je  les  ai  vues ,  chez  le 
cheval ,  constituer  des  cavités  véritables. 


CHAPITRE  III. 

LESTONS   DE  SÉCRÉTION. 

On  trouve  dans  le  poumon  les  mêmes  produits  de 
sécrétion  morbide  que  ceux  qui  se  forment  partout 
ailleurs  ;  mais  ces  produits  ne  s'y  montrent  pas  tous 
avec  une  égale  fréquence.  Ainsi ,  il  est  assez  rare  de 
rencontrer  du  pus  en  foyer  dans  le  poumon ,  tandis 
que  c'est  l'organe  où  se  déposent  le  plus  souvent  du  tu- 
bercule ou  de  la  mélanose.  Les  produits  de  ces  diverses 
sécrétions  ne  peuvent  exister  qu'en  trois  points  :i°.  dans 
la  cavité  des  vésicules;  2*.  dans  leurs  parois;  3". 'dans 
le  tissu  cellulaire  intervésiculaire  ou  interlobulaire. 
Parmi  ces  produits  il  en  est  qui  déjà  ont  été  décrits. 


1 

1 


d'aNATOMIE    rATHotoGIQLE.  629 

Telle  est  la  mélanosc.  Les  parliciilarités  qu'elle  pré- 
sente dans  le  poumon,  sous  le  rapport  de  son  siège , 
de  ses  causes ,  de  sa  nature ,  ont  été  signalées  dans  le 
premier  volume,  lorsque  j'y  ai  traité  de  la  mélanose 
en  général. 

Les  concrétions  calculeuses,  composées,  dans  le 
poumon  comme  ailleurs,  de  phosphate  calcaire,  pré- 
sentent peu  d'intérêt  comme  affection  isolée  :  elles 
existent  rarement  dans  le  poumon  sans  autre  altéra- 
tion ;  elles  coïncident  presque  toujours  avec  des  tu- 
bercules, et  paraissent  en  être  une  des  terminaisons. 
Elles  ne  se  montrent  le  plus  ordinairement  qu'au 
sommet  du  poumon  ;  tantôt  elles  y  sont  mêlées  à  de 
la  matière  tuberculeuse,  sous  forme  de  masses  ou  de 
petits  grains ,  semblables  à  des  grains  de  sable  ;  tantôt 
elles  existent  sans  mélange  de  tubercules,  entourées 
le  plus  souvent  d'un  parenchyme  pulmonaire  noir 
et  induré;  tantôt,  enfin,  elles  sont  contenues  dans 
une  cavité  qui  semble  être  une  ancienne  excavation 
tuberculeuse. 

Enfin,  qu'avons-nous  à  dire  des  enlozoaires  qui, 
parfois,  ont  été  rencontrés  dans  le  poumon?  Rien 
autre  chose  que  ce  que  nous  aurions  à  en  dire  dans 
tous  les  autres  organes.  Les  seuls  entozoaires  qui 
ayent  été  jusqu'à  présent  observés  dans  le  poumon 
de  l'homme  sont  des  acéphalocystes.  Là  ,  comme 
partout  ailleurs,  ces  êtres  sont  renfermés  dans  des 
kystes  de  grandeur  variable,  autour  desquels  le  pa- 
renchyme pulmonaire  peut  être  ou  simplement  re- 
foulé ,  ou  atrophié  ,  ou  induré.  On  a  vu  un  lobe 
entier  du  poumon  transformé  en  un  vaste  kyste  hy- 
datique.  Dans  un  cas,  que  j'ai  cité  ailleurs,  les  acé- 
II.  «   34 


53o  VKÉCIS 

phalocysles  avaîent  un  siège  bien  remarquable  ;  elles 
existaient  dans  l'intërieur  même  des  veines  pulmo- 
naires considérablement  dilatées  (i). 

Je  ne  ferai  non  plus  qu'indiquer  deux  autres  altéra- 
tions dont  le  tissu  cellulaire  du  poumon  peut  ^tre  le 
siège.  L'une  de  ces  altérations  consiste  dans  une  ex- 
halation de  sérosité  qui  a  lieu  au  sein  du  tissu  celki- 
Jaire,  intervésiculaire  ou  inlerlobulaire.  Cette  alté- 
ration, décrite  par  Laennec  sous  le  nom  d'œdéme  du 
poumon ,  est  tantôt  idiopathique;  tantôt  elle  coïncide 
avec  un  état  général  de  leucophlegmatie.  M.  Billard 
l'a  vue  quelquefois  coïncider,  chez  les  enfans  nouveau - 
nés,  avec  l'endurcissement  du  tissu  cellulaire  ;  tantôt 
elle  est  consécutive,  et  se  montre  à  la  suite  d'un 
certain  nombre  d'hyperémies  aiguës  du  parenchyme 
pulmonaire. 

L'autre  altération  consiste  dans  un  épanchement 
de  gaz  au  sein  du  tissu  cellulaire  interlobulaire.  C  est 
cet  épanchement  qui  a  été  décrit  par  Laennec  sous 
le  nom  d*emphysème  interlobulaire.  Tantôt  cet  em- 
physème est  le  produit  d'une  exhalation  gazeuse  ; 
tantôt  l'air  qu'on  trouve  dans  le  tissu  cellulaire  inter- 
lobulaire n'y  est  pas  né;  mais  il  y  a  été  introduit  par 
suite  de  la  déchirure  de  quelque  vésicule  pulmo- 
naire. 

Deux  altérations  de  sécrétion  me  restent  à  décrire 
avec  quelque  détail:  l'une  est  la  sécrétion  du  pus 
dans  le  poumon,  et  l'autre  est  la  sécrétion  du  tuber- 
cule dans  ce  môme  organe. 

(i)  eu  H  in  ne  Médicale  ,    tom.  III.  i 


d'aNATOMIE    l'ATHOLOGIQUE.  55  1 

r 

§.     I.     SÉCRÉTION       DU       PTJS. 

Le  pus  que  Ion  trouve  dans  le  parenchyme  pul- 
monaire s  y  montre  sous  deux  formes,  soit  infiltré, 
soit  réuni  en  foyer. 

L'infiltration  du  parenchyme  pulmonaire  par  le  pus 
est  beaucoup  plus  commune  que  la  formation  d'abcès 
dans  ce  parenchyme.  L'infiltration  purulente  peut 
occuper  tout  un  poumon  ,  ou  seulement  quelques 
lobules  isolés.  Là  où  elle  existe ,  on  trouve  presque 
toujours  des  traces  de  cette  hépatisation  rouge  qui 
a  été  décrite  plus  haut,  de  telle  sorte  que  dans  pres- 
que tous  les  cas  l'infiltration  purulente  succède 
dans  le  poumon  au  plus  haut  degré  d'hyperémie. 
Cette  infiltration  peut  se  faire  très-rapidement;  on 
l'a  vue,  par  exemple,  bien  formée  quatre  jours  seu- 
lement après  qu'avaient  commencé  à  apparaître  les 
premiers  signes  d'une  hyperémie  pulmonaire. 

Le  parenchyme  pulmonaire,  infiltré  de  pus,  pré- 
sente une  couleur  grisâtre,  comme  cendrée;  aussi, 
par  opposition  à  l'hyperémie  au  second  degré,  qu'on 
a  appelée  hépatisation  rouge,  l'infiltration  purulente 
du  poumon  a  reçu  le  nom  d'hépatisation  grise.  En 
pressant  légèrement  le  parenchyme  pulmonaire  in- 
filtré de  pus,  on  voit  s'écouler  ce  liquide  en  quantité 
plus  ou  moins  abondante  ;  d'autres  fois  il  est  néces- 
saire d'inciser  le  tissu  de  l'organe  pour  arriver  à  ce 
résultat.  En  exprimant  le  pus  qui  infiltre  le  poumon, 
il  arrive  souvent  qu'on  lui  rend  la  couleur  rouge  de 
l'hyperémie  au  second  degré,    de  telle  sorte  qu'on 

T  r 


552  PPiÉClS 

acquiert  ainsi  la  conviction  que  l'hépatisation  grise 
n'est  que  cette  hyperéuiio,  plus  une  sécrétion  puru- 
lente. En  pareil  cas,  la  consistance  du  paroncbyrae 
pulmonaire  est  notablement  diminuée  ;  il  s'écrase 
sous  le  doigt  avec  la  plus  grande  facilité,  et  quel- 
quefois même  il  est  tellement  ramolli,  qu'il  suffit  de 
le  presser  légèrement  pour  le  réduire  en  une  bouillie 
grisâtre,  où  l'on  ne  retrouve  plus  aucune  trace  de  ma- 
tière organisée.  On  peut  aussi,  en  pressant  de  plu- 
sieurs points  vers  un  seul ,  faire  écouler  vers  celui-ci, 
à  travers  le  parencbyme  décbiré,  une  certaine  quan- 
tité de  pus,  et  déterminer  ainsi  sur  le  cadavre  la  for- 
mation d'un  abcès. 

Lorsqu'on  examine  à  la  loupe  un  poumon  infiltré 
de  pus,  l'on  arrive  aux  résultats  suivans  : 

Il  est  des  cas  où  partout  l'on  ne  trouve  autre  cbose 
qu'une  innombrable  quantité  de  petites  granulations 
grisâtres,  de  forme  pareille  et  d'égal  volume ,  pressées 
les  unes  contre  les  autres.  Que  peuvent  être  ces  gra- 
nulations ,  sinon  les  vésicules  pulmonaires?  noter 
d'ailleurs  que  ces  mêmes  granulations  se  retrouvent 
dans  l'hyperémie  au  second  degré  ;  seulement  elles 
sont  rouges  dans  un  cas  et  grises  dans  l'autre.  D'au- 
tres fois,  on  n'observe  plus  qu'une  surface  tantôt  ru- 
gueuse, tantôt  lisse  ,  sans  granulation  distincte.  Dans 
ce  cas,  les  granulations  de  l'état  précèdent  ou  ne  sont 
pas  encore  suffisamment  développées,  ou  le  sont  iné- 
galement, ou  bien  elles  sont  arrivées  au  point  de  se 
toucher  plus  intimement  et  de  se  confondre  en  une 
seule  masse.  Enfin  ,  dans  les  points  où ,  à  l'œil  nu, 
le  paiencliyme  pulmonaire  ,  privé  de  sa  consistance  , 


d'aNATOMIE    rATHOLOGlQUE.  533 

paraît  comme  macéré  dans  une  grande  quantité  de 
pus  qui  s'écoule  en  nappe  par  l'incision ,  l'cxameri 
javec  la  loupe  découvre  dans  ce  parenchyme,  en  sup- 
puration, une  altération  bien  remarquable.  A  la  place 
des  cavités  fermées  que  représentent  dans  l'état  nor- 
mal les  vésicules  et  les  bronches  très-fines  qui  y  abou- 
tissent ,  on  ne  trouve  plus  qu'un  tissu  à  larges  mailles, 
semblable  à  celui  qui  existe  dans  ces  cas  d'atrophie  du 
poumon  que  nous  avons  décrits  plus  haut  ;  ce  sont 
des  lames  ou  des  filamens  qui  s'entrecroisent  en  sens 
divers ,  et  qui  semblent  comme  se  perdre  dans  le  pus, 
qui  les  baigne  de  toutes  parts.  Il  est  bien  évident  que 
dans  ce  cas  il  y  a  destruction  réelle  du  parenchyme 
pulmonaire,  et  que  si,  en  pareille  circonstance,  le 
pus  se  réunit  en  foyer,  il  n'y  a  pas  seulement,  dans  le 
Jieu  qu'il  occupe,  refoulement  du  tissu  du  poumon. 
Si  l'on  examine  les  divers  ordres  de  va^isseaux  qui 
aboutissent  à  la  portion  de  parenchyme  pulmonaire 
infiltrée  de  pus  ,  on  trouve  que  dans  le  plus  grand 
nombre  des  cas  les  bronches  sont  rouges ,  bien  que 
le  contraire  ait  aussi  été  quelquefois  observé.  Qiiant 
aux  artères  et  aux  veines,  elles  restent  le  plus  ordi- 
nairement saines  ;  dans  quelques  cas,  cependant, 
elles  sont  aussi  malades,  et  parfois  même  ce  sont 
ces  vaisseaux  qui  sont  le  siège  principal  de  h  sup- 
puration. Ainsi  ,  chez  un  individu  doiîl  un  certain 
nombre  de  lobules  pulmonaires  paraissaient  être  en 
infiltration  purulente,  j'ai  trouvé  avec  M.  Reynaud 
un  caillot  sanguin  mêlé  de  pus  dans  les  principales 
branches  de  Tarière  pulmonaire  ,  dont  les  parois 
avaient  acquis  une  friabilité  exlrcme.  Dans  les  braii-r 


554  pRÉcts 

elles  plus  petites  de  ce  vaisseau  ,  on  ne  trouvait 
plus  de  sang  ,  mais  seulement  du  pus.  On  suivait 
ces  branches  pleines  de  pus  dans  tous  les  lobules  où 
paraissait  exister  l'infiltration  purulente,  et  c'était  sur- 
tout à  la  présence  de  ce  produit  morbide  dans  les 
petits  rameaux  de  l'artère  pulmonaire  que  semblait 
dû  l'aspect  gris  des  lobules;  mais  ce  qui ,  dans  ce  cas, 
ne  me  parut  pas  moins  important  à  noter,  c'est  que 
dans  un  même  rameau  on  voyait  trois  matières  d'as- 
pect différent ,  le  sang  ,  la  fibrine  blanche  et  le  pus ,  se 
confondre  de  telle  sorte  qu'il  semblait  qne  ce  fût  le 
sang  lui-même  qui ,  après  s'être  dépouillé  de  sa  ma- 
tière colorante,  s'était  transformé  en  pus  par  suite 
d'une  altération  de  sa  partie  fibrineuse. 

Il  est  aussi  quelques  cas  d'hépalisation  rouge  qu'un 
examen  attentif  porte  à  distinguer  de  l'hépatisation 
ordinaire ,  et  qui  en  diffèrent  réellement  par  le  siège 
même  de  l'altération.  Dans  certains  lobules  ainsi  hé- 
patisés,  on  trouve,  en  les  incisant,  que  les  orifices 
bronchiques  ,  loin  d'être  oblitérés,  restent,  au  con- 
traire ,  béans  et  semblent  même  plus  dilatés  que  de 
coutume  ;  il  ne  paraît  pas  que  leurs  parois  soient  no- 
tablement épaissies;  mais  les  vaisseaux  sanguins  (soit 
artères,  soit  veines)  sont  remplis  d'un  sang  coagulé. 
Supposez  celui-ci  sans  matière  colorante  ,  privé  de 
sa  consistance  normale,  et  enfin  redevenu  liquide, 
ne  verrez-vous  pas  se  reproduire  l'altération  signalée 
dans  le  précédent  paragraphe,  et  ces  deux  états  ne 
vous  paraîtront -ils  pas  deux  degrés  différens  d'un 
même  état  morbide?  Si,  au  lieu  de  s'être  tout-à-fait 
liquéfiée  ,  la   fibrine   n'a   perdu  qu'une  partie  de  sa 


I 


d'anatomie  pathologique.  535 

consistance,  n'en  résultera-t-il  pas,  au  lien  d'une  in- 
filtration purulente  ^  une  apparence  d'infiltration  en- 
céphaloïde  ou  tuberculeuse? 

La  réunion  du  pus  en  foyer  au  milieu  du  paren- 
chyme pulmonaire ,  de  manière  à  ce  qu'il  en  résulte 
un  véritable  abcès ,  est  un  cas  très-rare  d'anatomie 
pathologique  ,  et  l'on  a  lieu  de  s'étonner  qu'après 
avoir  dit  qu'il  n'avait  eu  occasion  de  voir  que  très-rare- 
ment des  abcès  du  poumon  sur  le  cadavre  ,  Laennec 
ait  établi  que  chez  l'homme  vivant  ils  étaient  assez 
communs.  Il  dit  avoir  constaté  dans  une  seule  année 
l'existence  de  vingt  abcès  du  poumon  par  l'ausculta- 
tion. Il  me  paraît  évident  qu'une  erreur  complète  a  été 
ici  commise  par  Laennec  :  c'est  dans  ce  cas  l'ausculta- 
tion qui  l'a  trompé. 

M.  Sestier  ,  interne  à  l'hôpital  des  Enfans-Trouvés, 
m'a  montré  le  poumon  d'un  enfant  nouveau-né ,  dont 
tout  le  parenchyme  était  parsemé  dé  vastes  et  nom- 
breux abcès  ;  ils  ne  ressemblaient  en  aucune  façon  à 
des  excavations  tuberculeuses.  Rien  de  pareil  n'a 
jamais  été  observé  à  d'autres  âges. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  à  la  suite  d'une  hy- 
perémie  aiguë  du  poumon  ,  que  des  abcès  peuvent  se 
former  dans  le  parenchyme  de  cet  organe  ;  plus  fré- 
quemment peut-être  ces  abcès  y  prennent  naissance, 
dans  des  cas  où  le  poumon  ne  semble  que  recevoir 
dans  son  tissu  une  certaine  quantité  de  pus  qui  s'est 
formé  hors  du  poumon,  et  qui  y  a  été  apporté  avec 
le  sang.  Dans  ces  derniers  temps  on  a  assez  souvent 
rencontré  dans  le  poumon  ,  à  la  suite  de  grandes  opé- 
ration», des  foyers  de  pus  variables  en  grandeur  et 
en  nombre,  et  sans  qu'autour  d'eux  le  tissu  pulmo- 


556  rr.Écis 

naire  parût  avoir  subi  la  moindre  aîtéralion.  On  a  éga- 
lement rencontre  de  semblables  foyers  chez  des  in- 
dividus dont  plusieurs  autres  organes ,  éloignés  du 
poumon,  contenaient  aussi  du  pus.  Quelquefois  aussi, 
en  pareille  circonstance,  on  a  trouvé  ,  au  lieu  d  ab- 
cès, un  certain  nombre  de  lobules  pulmonaires  en  in- 
filtration purulente. 

L'examen  de  ces  cas  divers  me  porte  à  les  ranger 
dans  d?;ux  classes  :  dans  les  uns,  il  semble  que  le  pus, 
formé  ou  introduit  dans  le  torrent  circulatoire,  en 
est  sorti  comme  à  travers  un  filtre  dans  le  parenchyme 
pulmonaire,  où  il  peut  soit  s'infiltrer,  soit  se  réunir 
en  foyer.  jN 'est-ce  pas  ainsi  que  le  mercure,  injecté 
dans  la  veine  crurale  d'un  chien ,  parcourt  tout  l'arbre 
circulatoire  sans  se  séparer  du  sang,  et  n'abandonne 
ce  liquide  que  dans  le  poumon?  Dans  d'autres  cas', 
une  cause  inconnue  altère  le  sang,  le  coagule  dans  les 
vaisseaux  pulmonaires,  et  le  transforme,  dansles rami- 
fications de  ces  vaisseaux,  en  une  matière  purulente. 
Dans  ce  second  cas  il  n'y  a  pas  d'abcès. 

Je  me  suis  d'autant  plus  volontiers  arrêté  sur  ces 
faits,  qu'ils  prouvent,  avec  beaucoup  d'autres,  que. 
la  suppuration  d'un  organe  ne  trouve  pas  toujours  sa 
cause  dans  l'état  de  l'organe  lui-môme.  Il  n'est  donc 
pas  possible,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  de 
déduire  du  seul  fait  de  la  présence  du  pus  dans  un 
organe  la  démonstration  que  l'état  morbide  appelé 
inflammation  a  existé  dans  cet  organe. 


d'aNATOMIE    rATIIOLOGIOLE.  557 

§.     II.    SÉCRÉTION    TUBERCULEUSE. 

Les  tubercules  développés  dans  le  poumon  cons- 
tituent, d'après  la  plupart  des  modernes,  le  caractère 
anatomique  de  la  phtliisie  pulmonaire.  Donnant  à  ce 
terme  une  acception  plus  large,  Bayle  avait  désigné 
sous  le  nom  de  phtliisie  toute  maladie  dans  laquelle 
le  poumon  est  le  siège  d'une  altération  qui  a  pour 
suite  l'ulcération  du  parenchyme  pulmonaire.  Ainsi, 
il  avait  admis  six  espèces  de  phthisie ,  savoir  : 

1°,  La  phthisie  tuberculeuse  ; 

2°.  La  phthisie  granuleuse  ; 

5^  La  phthisie  avec  mélanose  ; 

4".  Ïj3(  phthisie  calculeuse  ; 

5°.  La  phthisie  cancéreuse  ; 

6°,  La  phthisie  ulcéreuse. 

En  créant  ainsi  des  espèces  de  phthisie  d'après  Is^ 
nature  des  altérations  dont  le  poumon  est  le  siège, 
Bayle  aurait  dû ,  pour  être  conséquent  avec  lui-même  , 
les  multiplier  encore  davantage;  pourquoi  n'a-t-il  pas 
admis  une  phthisie  avec  hydatides,  par  exemple,  aussi 
bien  qu'une  phthisie  avec  mélanose?  A-t-il  voulu  n'at- 
tacher le  mot  phthisie  qu'aux  cas  où  il  y  a  production 
nouvelle  dans  le  poumon?  Telle  n'a  pas  été  sa  pensée  , 
car,  dans  sa  doctrine  même,  il  n'y  a  aucun  produis 
nouveau  dans  la  phthisie  ulcéreuse  ;  s'il  a  voulu,  au 
contraire  ,  employer  l'expression  de  phthisie  pour 
tous  les  états  morbides  du  poumon  accompagnés  da 
consomption,  pourquoi  n'a-t-il  pas  fait  aussi  une  espèce 
de  phthisie  avec  simple  induration  du  parenchyme 


5  58  '  vwicAs 

pulmonaire?  car  cette  induration,  sans  autre  lésion  ^ 
peut  produire  des  symptômes  de  consomption  :  que 
dis-je?une  simple  hyperëmie  chronique  des  bronches, 
avec  sécrétion  abondante  ,  peut  donner  naissance  à 
tous  les  symptômes  de  la  phthisie. 

L'expression  de  phthisie  n'indiquant  donc  qu'un 
symptôme  auquel  peuvent  donner  lieu  des  altérations 
fort  différentes  les  unes  des  autres,  Laennec  a  pensé 
qu'il  pourrait  être  utile  de  ne  la  prendre  que  comme 
synonyme  d'une  de  ces  altératioas,  et  la  phthisie  n'a 
plus  été  pour  lui  qu'un  mot  réservé  à  exprimer 
seulement  l'état  morbide  produit  par  la  présence  du 
tubercule  dans  le  poumon. 

Cependant,  les  tubercules  que  l'on  trouve  dans  le 
parenchyme  pulmonaire  sont  loin  d'avoir  été  toujours, 
chez  les  phthisiques,  la  cause  principale  des  accidens. 
Il  est  effectivement  des  cas  où ,  dans  un  lobe  pulmo- 
naire induré  en  totalité ,  on  rencontre  à  peine  quelques 
tubercules  épars.  Dans  ce  cas,  y  a-t-il  eu  phthisie?  Non, 
si  l'on  réserve  ce  mot  pour  les  cas  où  la  cause  des  acci- 
dens réside  dans  les  tubercules  ;  car  il  est  bien 
évident  que ,  dans  le  cas  que  nous  venons  de  citer , 
et  qui  est  loin  d'être  rare,  les  tubercules  n'ont  été 
>  qu'une  lésion  secondaire,  développée  au  milieu  d'une 
altération  du  poumon  plus  ancienne  et  plus  grave. 
N'attachons  donc  pas  plus  d'importance  aumot  phthisie 
qu'à  beaucoup  d'autres  mots  par  lesquels  on  a  désigné 
la  plupart  des  états  morbides;  car  ces  mots,  ayant 
tous  une  signiûcation  arbitraire  ,  ne  peuvent  avoir  non 
plus  qu'une  valeur  mobile  et  continuellement  chan- 
geante. Nous  ne  nous  occuperons  donc  pas  à  déterminer 


d'anatomie  patuologique.  539 

la  valeur  du  uiot  plithisie,  pas  plus  que  nous  n'avons 
discuté  la  valeur  des  mots  pneumonie ,  bronchite ,  etc.  y 
çt ,  après  avoir  rappelé,  comme  un  fait  historique, 
qu'on  désigne  le  plus  généralement  aujourd'hui  sous 
le  nom  de  phthisie  la  maladie  produite  parla  présence 
de  tubercules  dans  le  poumon ,  nous  nous  occupe- 
rons de  décrire  ce  que  ces  tubercules,  dont  l'histoire 
générale  a  été  tracée  dans  le  premier  volume,  pré- 
sentent de  spécial  dans  le  poumon. 

Dans  cet  organe ,  comme  dans  tous  les  autres ,  les 
tubercules  se  présentent  sous  forme  de  petites  masses 
blanches  et  friables,  qui ,  au  bout  d'un  temps  plus  ou 
moins  long,  se  ramollissent,  et  tendent  à  être  élimi- 
nées du  poumon  ,  laissant  à  la  place  qu'ils  occupaient 
une  cavité  ulcéreuse  qui  le  plus  souvent  s'étend  de 
plus  en  plus  ,  d'autres  fois  reste  stationnaire ,  et  dans 
un  petit  nombre  de  cas  se  cicatrise. 

Il  est  rare  qu'on  ne  trouve  dans  le  poumon  qu'un 
seul  tubercule  ;  il  est  rare  aussi  que,  lorsqu'il  y  en  a 
dans  un  poumon  ,  on  n'en  découvre  pas  aussi  dans 
l'autre.  Cependant  des  cas  de  ce  genre  ont  été  ob- 
servés. C'est  surtout  dans  les  lobes  supérieurs  qu'ils 
se  développent ,  là  où ,  d'après  M.  Broussais ,  l'irri- 
tation des  bronches  est  aussi  la  plus  fréquente. 

Sous  le  rapport  de  leur  siège  ,  les  tubercules  peu- 
vent encore  être  distingués  en  ceux  qui  sont  situés  à 
l'intérieur  du  poumon  ,  et  en  ceux  qui,  développés 
tout-à-fait  à  sa  périphérie,  sont  visibles  à  travers  la 
plèvre  ,  qu'ils  peuvent  irriter  et  perforer.  Des  épan- 
chemens  pleurétiques  rapidement  mortels  ont  été 
dus  plus  d'une  fois  à  ce  genre  de  cause. 


54o  PRÉCIâ 

Une  fois  développe  ,  le  tubercule  pulmonaire  peut 
affecter  diverses  espèces  de  terminaisons  : 

1*.  11  devient  une  masse  calcaire  qui  n'a  plus  beau- 
coup d'inconvéniens  pour  l'économie  ; 

â*.  Il  se  ramollit ,  et  se  transforme  en  une  cavité 
qui  est  vulgairement  désignée  sous  le  nom  de  caverne. 

Les  dimensions  des  cavernes  sont  très-variables;  il 

en  est  qui  recevraient  à  peine  une  noisette  ;  il  en  est 

d'autres  qui  occupent  la  place  de  tout  un  lobe.  Elles 

sont  uniques  ou  multiples;  elles  restent  isolées  les 

unes  des  autres  ,  ou  communiquent  ensemble  par  des 

trajets  fîstuleux  de  forme  et  de  grandeur  variables. 

Les  unes  sont  situées  plus  ou  moins  loin  de  la  surface 

extérieure  du  poumon  ;  les  autres  sont  si  près  de  sa 

périphérie,  qu'entre  elles  et  les  côtes  il  n'existe  plus 

parfois  qu'une  couche  très-mince  ,  presque  transpa- 

ïenle  y    de   parenchyme   pulmonaire;   cette  couche 

s'affaisse  au  moment  où  l'on  détache  le  poumon  des 

t. 

côtes.  Un  pareil  affaissement  n'a  pas  lieu  pendant  la 
vie,  parce  que,  presque  toujours,  là  où  existe  une 
caverne  superficielle,  des  adhérences  celluleuses  in- 
times unissent  entre  elles  les  plèvres  costale  et  pul- 
:^lanaî^e.  Enfin ,  le  reste  de  tissu  pulmonaire  qui 
constitue  à  la  caverne  une  paroi  très-mince  peut  finir 
lui-même  par  se  détruire  ,  et  alors  deux  cas  se  pré- 
sentent :  la  paroi  détruite  peut  être  suppléée  par  des 
adhérences  solides  qui  circonscrivent  dans  un  étroit 
espace  la  communication  qui  s'est  établie  entre  l'ex- 
cavation tuberculeuse  et  l'intérieur  de  la  plèvre;  alors 
aucun  nouvel  accident  n'annonce  cette  communi- 
cation. Mais  traulres  fois  il  n'en  est  pas  ainsi ,  el ,  au 


-DANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  54* 

iîioment  où  se  perfore  la  paroi  de  la  caverne ,  la  ma- 
tière qu'elle  contenait  s'épanche  clans  la  cavité  de  la 
plèvre,  et  il  en  résulte  d'abord  un  pneumo-thorax, 
puis  un  épanchement  de  liquide.  Une  très-petite  ca- 
verne, pourvu  qu'elle  soit  située  près  de  la  périphérie 
du  poumon,  peut  produire  cet  accident,  qui  le  plus 
souvent  entraîne  la  mort  en  très-peu  de  temps,  maïs 
qui  quelquefois,  cependant,  n'est  devenu  mortel  qu'au 
bout  de  vingt-cinq  à  trente  jours.  ^ 

L'intérieur  des  cavernes  est  ordinairement  traversé 
par  des  brides,  dont  les  deux  exirémilés  adhèrent  à 
ses  parois.  On  trouve  dans  ces  brides  :  l^  du  tissu 
pulmonaire  induré;  'Si°,  des  vaisseaux  dont  la  cavité 
«st  presque  toujours  oblitérée;  tantôt  ils  sont  trans- 
formés en  un  cordon  fibreux,  dans  lequel  on  ne 
peut  plus  découvrir  aucune  trace  de  cavité;  tantôt  à 
leur  centre  existe  encore  un  très-petit  canal  que  rem- 
plit Ordinairement  un  peu  de  sang  coagulé;  ce  n'est 
que  dans  quelques  cas  qu'on  trouve  le  canal  plus 
considérable,  et  qu'au  moment  où  on  incise  le  vais- 
seau, on  voit  du  sang  s'en  écouler.  Certaines  hémop- 
tysies  reconnaissent  pour  cause  la  rupture  d'un  de 
ces  vaisseaux  restés  perméablei  au  sang.  Quelquefois 
on  trouve  rompues  les  brides  dont  nous  venons  de 
parler,  et  une  de  leurs  extrémités  flotte  libre  au  mi- 
lieu de  la  caverne. 

Les  parois  des  cavernes  sont  constituées  parle  pa- 
renchyme pulmonaire  ,  tantôt  très-sain,  tantôt  rem- 
pli de  tubercules  à  différens  états,  tantôt  induré  en 
gris  ou  en  noir.  La  surface  de  ces  parois  présente  le 
plus  souvent  le  parenchyme  pulmonaire  à  nu  ,  ou 
recouvert  seulement  d'une  couche  membraniforme, 


542  TRÉCIS 

non  organisée,  qui  ne  semble  être  autre  chose  que  la 
partie  la  plus  concrète  de  la  matière  purulente  con- 
tenue dans  la  caverne.  C'est  à-peu-près  exclusive- 
ment dans  quelques  circonstances  que  nous  indi- 
querons plus  bas,  que  des  pseudo-membranes,  d'une 
autre  nature,  soit  fibreuses,  soit  cartilagineuses,  vien- 
nent à  tapisser  les  parois  des  cavernes.  En  un  ou  plu- 
sieurs points  de  la  surface  de  ces  parois  existent  des 
ouvertures,  par  lesquelles  l'iatërieur  de  la  caverne 
communique  avec  les  bronches,  et  qui  ne  sont  autre 
chose  que  le  résultat  de  la  perforation  des  parois  de 
ces  derniers  conduits.  De  nombreux  vaisseaux  san- 
guins rampent  aussi  sur  la  surface  des  parois  de  la 
caverne  ;  mais  bien  différens  des  bronches ,  ils  restent 
presque  toujours  intacts. 

La  matière  conteuue  dans  les  cavernes  n'est  pas 
toujours  la  même.  Le  plus  souvent  c'est  un  pus  blan- 
châtre ou  grisâtre,  au  milieu  duquel  sont  suspendus 
de  nombreux  grumeaux  qui  ressemblent  à  des  débris 
de  tubercules.  D'autres  fois,  c'est  un  pus  homogène, 
Variable  en  consistance  et  en  couleur.  On  y  trouve 
aussi  du  sang,  soit  liquide,  soit  coagulé.  J'y  ai  ren- 
contré des  fragmens  de  parenchyme  pulmonaire  libres 
de  toutes  parts.  Enfin,  on  y  observe  des  concrétions 
calculeuses ,  également  libres  de  toute  adhérence. 
Ces  concrétions  s'y  sont-elles  formées?  se  sont-elles 
détachées  des  parties  environnantes  du  tissu  pulmo- 
naire ? 

Les  cavernes  ne  sont  pas  dues  au  simple  refoule-' 
ment  du  parenchyme  du  poumon.  Ce  parenchyme 
est  détruit  réellement  ;  c'est  un  véritable  ulcère  qui, 
grandissant  sans  cesse,  n'est  bientôt  plus  en  rapport 


D  ANATOMIE    PATIIOLOGIQUli.  545 

de  dimension  avec  la  masse  tuberculeuse  qui  l'a  pré- 
cédé. 

Les  Anciens  pensaient  que  cet  ulcère  était  suscep- 
tible de  se  cicatriser;  de  nos  jours  on  a  commencé 
par  nier  la  possibilité  de  cette  cicatrisation  ;  puis,  les 
recherches  de  Laennec  sont  venues  nous  apprendre 
que  l'opinion  des  Anciens  était  fondée  non  seulement 
en  théorie,  mais  encore  en  fait,  et  qu'effectivement, 
dans  un  certain  nombre  de  cas ,  une  excavation  tu- 
berculeuse peut  se  cicatriser.  Yoici,  à  cet  égard,  ce 
qu'a  montré  l'observation. 

Lorsqu'une  caverne  tend  à  la  guérison,  les  bornes 
de  l'ulcération  se  marquent  par  l'apparition  d'une 
membrane  fibro-celluleuse  qui  en  tapisse  les  parois , 
tandis  qu'à  l'intérieur  la  sécrétion  purulente  a  été 
remplacée  par  l'exhalation  d'une  sérosité  limpide. 
A  ce  degré  en  succède  un  autre  où  la  membrane 
fibro-celluleuse  change  de  caractère  :  la  couche  fi- 
breuse s'épaissit  et  tend  à  devenir  cartilagineuse  ;  la 
couche  celluîeuse  prend  l'aspect  de  la  membrane  mu- 
queuse qui  tapisse  l'intérieur  des  bronches,  et  avec 
laquelle  on  la  voit  se  continuer;  une  ou  plusieurs 
ouvertures  à  bords  lisses  établissent  une  communi- 
cation entre  les  bronches  et  la  cavité  accidentelle. 
Cependant  le  travail  de  réparation  n'en  reste  pas  là, 
et  deux  séries  de  phénomènes  ont  lieu  :  tantôt  ies 
parois  de  la  caverne  s'agglutinent^  sa  cavité  s'efface, 
et  l'on  ne  trouve  plus  à  la  place  qu'elle  occupait  qu'une 
ligne  cellulo-fibreuse,  à  laquelle  aboutissent  de  larges 
tuyaux  bronchiques  qui  tout-à-coup  s'oblitèrent  en 
se  confondant  avec  celte  ligne.  Tantôt  la  couche  fi- 
breuse ou  cartilagineuse  ,   développée  autour  de  la 


544  PRÉCIS 

caverne i  augmente  d'épaisseur;  elle  se  transforme 
en  masses  amorphes  qui  prennent  la  place  de  la  ca- 
vité,  et  auxquelles  aboutissent  encore  des  bronches, 
comme  dans  le  cas  précédent.  Enfin  ,  dans  quelques 
circonstances  il  paràîtrail  qu'une  caverne  s'est  fermée 
par  l'accumulation  d'une  certaine  quantité  de  phos- 
phate calcaire,  là  où  elle  existait;  du  moins,  en  a-t- 
on cité  des  cas,  chez  des  individus  qui,  ayant  offert, 
plusieurs  années  avant  leur  mort ,  les  signes  les  plus 
évidens  d'une  excavation  tuberculeuse  ,  et  ayant  ce- 
pendant guéri,  ont  présenté  dans  leur  poumon,  là 
où  avaient  été  entendu  et  la  pectoriloquie  et  le 
gargouillement,  de  simples  amas  de  phosphate  cal- 
caire. On  a  aussi  trouvé  ces  mêmes  amas  chez  d'au- 
tres individus  qui,  plus  ou  moins  long-temps  avant 
leur  mort,  avaient  échappé  à  une  maladie  qui  avait 
présenté  tous  les  signée  rationnels  de  la  phthisie  pul- 
monaire. 

Ces  diverses  traces  de  cicatrisation  des  cavernes 
pulmonaires  ont  été  trouvées  dans  trois  circonstances 
principales  : 

1°,  Dans  des  cas  semblables  aux  précédens,  où  à 
une  époque  quelconque  de  leur  vie  les  individus 
avaient  eu  une  maladie  grave  de  l'appareil  respira- 
toire, qui  avait  été  regardée  comme  une  phthisie. 

2°.  Dans  des  cas  où  les  malades,  ayant  eu  jadis 
une  première  maladie  de  poitrine  dont  ils  avaient 
guéri,  avaient  été  frappés  de  nouveau  par  une  ma- 
ladie du  même  genre  ,  à  laquelle  ils  avaient  suc- 
combé. 

5".  Dans  des  cas  où,  depuis  le  premier  jour  où 
ils  ont  toussé  ,  les  malades  lî'ont  cessé  de  dépérir. 


D'ANATOMIE    rATIIOLOGIQl'E.  5^5 

Alors,  en  même  temps  qu'une  caverne  se  cicatrise, 
d'autres  se  forment. 

Ainsi,  après  la  cicatrisation  d'une  caverne,  la  ma- 
ladie peut  continuer  à  marcher  par  la  formation  de 
nouveaux  tubercules  et  de  nouvelles  cavernes,  ou  se 
suspendre  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long,  ou 
guérir  complètement  pour  ne  plus  revenir. 

Les  traces  de  cicatrisation  des  cavernes  n'ont  été 
rencontrées  jusqu'à  présent  que  dans  les  points  où  ces 
cavernes  sont  les  plus  fréquentes,  c'est-à-dire,  dans 
le  sommet  des  poumons.  En  pareil  cas,  ce  sommet 
est  le  plus  ordinairement  afl'aissé ,  revenu  sur  lui- 
même  et  comme  raccorni  ;  il  y  a  dans  ce  lieu  une  di- 
minution évidente  du  volume  des  poumons  ;  des  pa- 
quets de  fausses  membranes  celluleuses  comblent  le 
vide  que  devrait  produire  cet  affaissement,  ou  bien 
les  parois  thoraciques  s'affaissent  pour  se  mettre  en 
contact  avec  le  poumon  atrophié. 

Une  fois  déposés  dans  le  parenchyme  pulmonaire  , 
les  tubercules  ne  peuvent-ils  en  être  chassés  qu'a- 
près s'être  préliminaire  ment  ramollis  et  transformés 
en  cavernes  ?  Encore  durs  ou  à  l'état  de  crudité  , 
comme  l'on  dit,  ne  peuvent-ils  pas  quelquefois  être 
résorbés?  pour  préparer  la  solution  de  cette  ques- 
tion, qui  est  encore  indécise,  je  citerai  les  faits  sui- 
vans. 

En  examinant  des  poumons  tuberculeux,  il  m'est  ar- 
rivé quelquefois  de  trouver  des  tubercules  qui  me  frap- 
paient par  leur  forme  singulière.  Arrondis,  comme  de 
coutume,  dans  une  partie  de  leur  étendue,  ils  se  ter- 
minaient par  une  sorte  de  prolongement  caudal ,  au 
milieu  duquel  était  creusé  un  sillon.  De  grosses 
II.  35 


Lronclies  exislaiont  dans  leur  voisinage.  Ponrqnoî 
cette  forme  insolite  ?  Pourquoi  celte  partie  rétrécie 
et  canaliculée  ?  Eu  examinant  ces  tubercules  avec 
M.  Reynaud,  nous  nous  demandions  si,  comme  tout 
tubercule,  ils  n'avaient  pas  été  d'abord  arrondis 
dans  la  totalité  de  leur  étendue  ;  plus  tard,  seulement, 
leur  partie  Centrale  n'avait-elle  pas  peu-à-peu  disparu, 
soit  qu'elle  eut  été  résorbée,  soit  qu'elle  eût  passé, 
molécule  à  molécule  ,  dans  les  bronches  voisines;  de 
là  ,  rapprochement  des  portions  non  résorbées ,  trans- 
formation de  la  masse  arrondie  en  un  corps  allongé, 
et  production  d'un  sillon  médian.  Ce  sont  là  des  re- 
cherches à  poursuivre. 

Les  portions  de  parenchyme  pulmonaire  qui  en* 
tourent  les  tubercules  présentent  difFérens  états. 

l^  Ce  parenchyme  peut  être  parfaitement  sain  ;  il 
en  est  ainsi  dans  beaucoup  de  cas  où  il  ne  contient 
encore  que  des  tubercules  à  l'état  de  crudité.  Cet 
état  sain  est  plus  rare  dans  les  cas  où  les  tubercules 
^ont  déjà  ramollis,  ou  lorsqu'ils  sont  remplacés  par 
des  cavernes. 

2°,  Le  parenchyme  pulmonaire  peut  être  emphy- 
sémateux; dans  ce  cas,  qui  est  assez  fréquent ,  il  faut 
admettre  deux  variétés  :  tantôt  dans  les  porlions  de 
poumon  qui  entourent  les  tubercules,  on  trouve  sim- 
plement des  vésicules  dilatées  ,  ce  qui  établit  une 
sorte  de  respiration  supplémentaire,  et  tantôt  leur 
dilatation  n'est  qu'apparente,  et  les  larges  cellules 
qui  entourent  les  tubercules  sont  le  résultat  de  l'a- 
t  rophie  d'un  certain  nombre  de  parois  broncliiques 
'^u  vésiculaires. 

5".   Le  parenchyme  pulmonaire  peut  être  devenu 


d'anatomie  pathologiquk.  547 

imperméable  à  l'air,  par  l'induration  et  l'épaississe- 
ment  des  parois  des  vésicules.  Ailleurs,  il  est  comme 
infiltré  de   sérosité   ou   d'un    liquide    gélatiniforme. 
Laennec  admettait  que  l'état  d'induration  que  pré- 
sente le  parenchyme  pulmonaire  autour  des  tuber- 
cules était  le  produit  d'une  infiltration   du  tissu  du 
poumon  par  la  matière  tuberculeuse.   Il  attribuait  à 
cette  infiltration  l'imperméabilité  du   poumon  à  l'air, 
sa  couleur   grise,  sa  dureté.   «  En  pareil  cas,  dit-il, 
»    lorsqu'on  coupe  le  poumon  par  tranches  minces , 
»    les  lames  enlevées,  presqu'aussi  fermes  qu'un  car- 
»    lilage,  présentent   une  surface  lisse  et  polie,   et 
»    une  teinte  homogène  ,    dans  laquelle   on  ne  dis- 
»   tingue  plus  rien  des  aréoles  pulmonaires.  »  Mais 
dans  cette  description  voit-on  autre  chose  que  la  des- 
cription du  plus  haut  degré  de  l'induration  des  parois 
des  vésicules  et  des  petites  bronches?  Quelle  analogie 
V   a-t-il    aussi  entre    la   matière    tuberculeuse  ,    et 
l'infiltration  gélatiniforme  qui  existe  souvent  autour 
des    tubercules,    et    que   Laennec    regarde    encore 
comme  une  infiltration  tuberculeuse,  qu'il  désigne  sous 
le  nom  d* infiltration  tuberculeuse  gélatiniforme. 

L'induration  des  poumons  n'a  lieu  souvent  que 
long-temps  après  la  production  des  tubercules;  elle 
se  produit  surtout  ,  lorsque  les  cavernes  commencent 
à  se  former:  d'autres  fois,  cependant,  elle  précède 
la  sécrétion  tuberculeuse,  et  loin  d'en  être  regardée 
comme  l'effet,  elle  doit  alors  être  au  moins  considé- 
rée comme  la  cause  occasionelle  de  leur  dévelop- 
pement. Est-il  possible  de  raisonner  autrement  dans 
ces  cas,  par  exemple,  qui  ne  sont  rien  moins  que 
rares,  dans  lesquels,  au  milieu  d'un  lobe  entier,  de- 

35. 


548  piiÉcis 

venu  imperméable  à  l'air,  apparaissent  seulement  quel- 
ques points  tuberculeux?   Mais  un   cas  encore  plus 
commun  ,  c'est  celui  où  ,   au  milieu  du  parenchyme 
pulmonaire,  on  trouve  un  certain  nombre  de  lobules, 
soit  encore  perméables,  mais  gorgés  de  sang  ou  in- 
filtrés d'une   sérosité   louche   ou  transparente  ,   soit 
devenus  imperméables.  Au  sein  de  quelques-uns  de 
ces  lobules  se  montrent  quelques  grains  tuberculeux; 
mais  dans  les  autres  lobules  malades  il  n'y  en  a  au- 
cune trace,    et  de  plus,  on   n'en  trouve  nulle   part 
ailleurs  que  dans  ces  lobules.  La  conséquence  de  ces 
faits  est  facile  à  tirer  ;  mais  ce  n'est  pas  tout  :  au  lieu 
d'un  lobule  entier  il  peut  se  faire  que  les  divers  états 
morbides  signalés  tout-à-l'heure  u'exislent  que  dans 
cjuelques-unes  des  vésicules  ,  dont  l'ensemble  com- 
pose   un   lobule  ,  et  c'est  souvent  au  sein  seulement 
de  ces  vésicules  altérées  que  se  montrera  du  tuber- 
cule. 

Dans  ces  cas  divers,  Tinspection  du  poumon  frais 
suffit  seule  pour  montrer  qu'autour  des  tubercules  il 
y  a  altération  du  parenchyme  pulmonaire.  Mais  nos 
recherches  à  cet  égard  ne  peuvent- elles  pas  encore 
aller  plus  loin?  et,  dans  les  cas  où,  au  moment  de  la 
nécropsie  ,  le  poumon  paraît  très-sain  dans  les  inter- 
valles des  tubercules,  nous  est-il  possible  cependant 
d'y  démontrer  la  présence  d'un  certain  nombre  d'al- 
térations de  la  plus  haute  importance  sous  le  rapport 
de  l'origine  de  la  sécrétion  tuberculeuse?  Soumettez 
à  Ja  dessiccation  un  poumon  qui  contient  des  tuber- 
cules avec  apparence  d'état  sain  du  parenchyme  autour 
d'eux,  examinez  plusieurs  tranches  de  ce  poumon, vous 
trouverez  un  certain  nombre  de  vésicules  dont  la  ca- 


d'anatomie  pathologique.  549 

vite  est  dilatée,  et  dont  les  parois,  notablement  épais- 
sies ,  présentent  une  teinte  jaunâtre  particulière ,  soit 
ponctuée,  soit  uniforme  ;  en  quelques  points  de  ces 
parois  l'épaississement  est  plus  considérable,  la  teinte 
jaunâtre  plus  foncée  ;  en  d'autres  points  ,  enfin  on  dis- 
tingue dans  ces  parois  de  petits  corps  arrondis,  éga- 
lement jaunâtres,  qui  sont  évidemment  des  tuber- 
cules (la  teinte  jaune  n'est  vraisemblablement  devenue 
telle  que  par  la  dessiccation).  Voilà  donc  un  certain 
nombre  de  lésions  qui  précèdent  la  sécrétion  tuber- 
culeuse, et  dont  on  né  peut  avoir  aucune  idée,  si 
l'on  n'a  examiné  le  poumon  par  le  procédé  de  la  des- 
siccation. 

Suffit-il  donc  d'une  hyperémie  des  parois  bronchi- 
ques et  vésiculaires  pour  produire  dans  le  poumon  la 
sécrétion  tuberculeuse  ?  cette  hyperémie  me  semble 
être  le  phénomène  qui ,  dans  le  poumon  du  moins,  pré- 
cède le  plus  fréquemment  l'apparition  des  tubercules; 
mais  elle  ne  peut  en  être  jamais  considérée  que  comme 
une  cause  occasionelle  qui  serait  sans  inlluence,  s'il 
n'y  avait  pas  d'autres  élémens  qui  concourussent  à  la 
production  des  tubercules.  D'ailleurs  cette  hyperémie 
n'est-elle  pas  souvent  elle-même  un  effet,  non  du  tu- 
bercule qu'elle  précède  ,  mais  d'une  cause  qui  ne  lui 
donne  naissance  que  pour  produire  le  tubercule? 

Pour  embrasser  dans  lout^  son  étendue  la  question 
de  l'étiologie  des  tubercules  pulmonaires,  il  faudrait 
discuter  toutes  les  influences  qui ,  placées  en  nous 
ou  hors  de  nous,  doivent  en  être  réellement  consi- 
dérées comme  la  cause  eOiciente.Mais  ce  serait  nous 
écarter  du  but  de  ce  livre ,  où  je  ne  cherche  pas  à 
résoudre  la  question  de  la  nature  et  des  causes  des 


5or^  pRÉeis 


maladies ,  mais  où  je  veux  seulement  montrer  quelle 
part  peut  avoir  l'anatomie  pathologique  dans  la  solu- 
tion de  cette  question.  Or,  elle  nous  apprend  que 
dans  les  points  du  poumon  où  l'on  trouve  des  tuber- 
cules, il  est  des  cas  où  l'on  ne  trouve  aucune  altéra- 
tion appréciable,  qu'il  en  est  d'autres  où  les  lésions 
que  l'on  rencontre  ne  peuvent  être  considérées  que 
€omme  s'étant  développées  à  la  suite  des  tubercules  ; 
et  qu'enfin  il  est  des  cas  qui  ne  sont  pas  les  moins 
nombreux,  où  ces  lésions  ont  évidemment  précédé 
les  tubercules,  et  doivent  être  regardés  comme  ayant 
concouru  à  leur  production.  Ces  lésions  sont  particu- 
lièrement les  suivantes: 

1^  L'hyperémie  des  bronches  d'un  certain  calibre; 

2*.  L'hyperémie  des  petites  bronches  et  des  vési- 
cules ,  sans  oblitération  de  leur  cavité  ; 

5*.  L'hyperémie  de  ces  mêmes  parties^  avec  épais- 
sissement  considérable  des  parois  et  oblitération  des 
cavités. 

Dans  ces  deux  cas,  l'altération  peut  exister  dans 
tout  un  lobe,  dans  quelques  lobules  ,  ou  seulement 
dans  des  fractions  de  lobules. 

4°.  Un  épanchement  de  sang  dans  le  tissu  du  pou- 
mon. Ce  sang  se  coagule  ,  devient  une  partie  vivante 
et  sécréle  du  tubercule. 

Dans  ces  derniers  temps,  le  professeur  Cruveilhier, 
en  se  livrant  à  une  série  de  recherches  fort  impor- 
tantes sur  les  dillérens  phénomènes  qui  suivent  l'in- 
jeclion  du  mercure  dans  les  vaisseaux,  a  trouvé  qu'en 
injectant  ce  mêlai  daits  Tarière  réuK)rale  d'un  chien, 
on  déterminait  dans  le  tissu  cellulaire  la  forn)ali(>ii 
d'un  grand  nonibie  de  pelits  corps  blancs,  arrondis, 


DANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  55  1 


au  centre  desquels  existait  un  globule  mercuriel  ;  ce 
globule  était  entouré  d'un  pus  concret  ,  caséifonne. 
En  poussant  du  mercure  dans  les  bronches,  M.  Cru- 
veilhier  a  obtenu  le  même  résultat:  des  grains  blancs, 
formés  par  une  matière  purulente  concrète  ,  et  avec 
un  globule  mercuriel  à  leur  centre  ,  se  sont  également 
montrés  dans  le  parenchyme  pulmonaire  ,  où  ils  sem- 
blaient spécialement  occuper  les  dernières  extrémités 
,  de  l'arbre  bronchique,  ou,  en  d'autres  termes,  les 
vésicules.  M.  Cruveilhier  pense  qu'il  a  ainsi  déterminé 
artificiellement  la  formation  de  tubercules.  Ces  expé- 
riences ont  été  répétées  par  le  docteur  Lombard  de 
Genève,  dont  j'ai  déjà  cité  ailleurs  les  intéressantes 
recherches  sur  les  tubercules  :  j'ai  disséqué  avec  lui 
les  poumons  des  animaux  dans  les  bronches  desquels 
du  mercure  avait  été  injecté,  et  voici  ce  que  nous 
avons  observé  :  le  mercure  contenu  dans  les  petites 
bronches  y  était  enveloppé  par  une  couche  épaisse  d'un 
mucus  puriforme,  tout-à-fait  liquide  en  certains  points, 
et  en  d'autres  points  assez  semblable  à  la  fausse  mem- 
brane du  croup  ,  lorsqu'elle  n'est  encore  qu*à  demi- 
solide.  En  plusieurs  endroits  les  parois  bronchiques 
étaient  déchirées,  et  le  mercure  ,   épanché  dans  le 
parenchyme  pulmonaire ,  y  était  entouré  d'une  ma- 
tière purulente  :  nous  ne  vîmes  rien  autre  chose.  Ces 
animaux  furent  d'ailleurs  examinés  à  des  distances  va- 
riables du  Jour  où  ils  avaient  été  soumis  à  l'expérience. 
Je  ne  doute  pas  qu'en  examinant  un  grand  nombre 
d'animaux  soumis  à  ce  genre  d'expériences,   on  ne 
trouvât  dans  les  pouuions  de  quelques-uns  de  véri- 
tables tubercules;  mais  ces  tubeccules  ne  seraient-ils 
pas  alors  le  produit    d'une  disposilon  .spéciale  iiike 


552  PRÉCIS 


en  jeu  par  rirrilation  artificiellement  déterminée  dans 
Jes  bronches? 

Les  individus  qui  meurent  avec  des  tubercules 
pulmonaires  présentent,  à  l'autopsie,  diverses  lésions 
dont  les  unes  sont  tout-à-fait  accidentelles,  et  dont 
les  autres  coïncident  si  fréquemment  avec  un  déve- 
loppement de  tubercules  dans  le  poumon,  qu'on  est 
porté  à  croire  qu'il  y  a  un  rapport  de  causalité  entre 
ces  lésions  et  les  tubercules  dont  le  poumon  est  le 


siège. 


D'abord,  la  lésion  la  plus  remarquable  est  la  for- 
mation de  tubercules  dans  un  grand  nombre  d'or- 
ganes qui  n'ont  avec  le  poumon  aucun  rapport  de 
texture  ou  d'action.  C'est  surtout  dans  l'enfance  qu'a 
lieu  fréquemment  ce  développement  simultané  des 
tubercules  dans  plusieurs  organes  :  il  a  lieu  aussi  chez 
les  animaux  des  pays  chauds  qui  viennent  mourir  dans 
nos  climats.  (  Voyez  Tome  I"  ,  le  chapitre  sur  les 
Tubercules,  ) 

Les  lésions  diverses  qui  coïncident  avec  les  tuber- 
cules pulmonaires  doivent  être  cherchées  dans  les 
voies  respiratoires  ou  hors  de  ces  voies. 

Les  lésions  des  voies  respiratoires  résident  : 

1°.  Dans  le  larynx,  dont  les  ulcérations  ne  se  mon- 
trent même  presque  jamais  que  comme  une  compli- 
cation des  tubercules  pulmonaires. 

2*.  Dans  la  trachée,  qui  parfois  ne  présente  de  la 
rougeur  et  des  ulcérations  que  du  côté  correspondant 
à  celui  des  poumons,  où  les  tubercules  sont  les  plus 
nombreux  ou  Icîf  plus  avancés. 

3".  Dans  les  bronches,  qui,  bien  que  souvent 
rouges,  offrent  quelquefois  un  état  de  bianclieur  qui 


D  ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  555 

diminue  dans  les  petites,  et  qui  contraste  avec  les  al- 
térations graves  dont  le  parenchyme  pulmonaire  est 
le  siège. 

4°.  Dans  le  parenchyme  pulmonaire  autour  des 
tubercules.  Les  lésions  qu'il  éprouve  en  pareil  cas  ont 
été  sign»alées  plus  haut. 

5°.  Dans  la  plèvre.  Chez  presque  tous  les  individus 
atteints  de  tubercules  pulmonaires  on  trouve  des 
adhérences  intimes  des  plèvres  costale  et  pulmonaire. 
Ces  adhérences  sont  d'autant  plus  intimes  que  la  ma- 
ladie est  plus  avancée  ;  elles  sont  toujours  plus  fortes 
vers  le  sommet  du  poumon.  Quelques-uns  de  ces 
malades  succombent  soit  à  un  épanchement  pleuré- 
tique  intercurrent ,  soit  à  un  pneumo-thorax ,  produit 
par  l'ouverture  d'une  excavation  tuberculeuse  dans 
la  plèvre. 

Les  diverses  parties  qui  ne  dépendent  pas  de  l'ap- 
pareil respiratoire  se  présentent  le  plus  ordinaire- 
ment dans  l'état  suivant  chez  les  individus  atteints  de 
tubercules  pulmonaires  (i). 

A.   Appareil  circulatoire. 

L'augmentation  de  volume  du  cœur  est  rare  chez 
les  individus  atteints  de  tubercules  pulmonaires.  Sur 
cent  douze  cas  M.  Louis  ne  l'a  observée  que  trois 
fois.  La  diminution  de  volume  du  cœur  est  au  con- 
traire assez  fréquente  ;  elle  peut  exister  avec  ou  sans 
amincissement  des  parois.  Le  tissu  du  cœur  conserve 
d'ailleurs  le  plus  ordinairement  une  bonne  consis- 

(i)  Louis  j  Recherches  sur  la  phihlsic  pulmonaire,  cl  Clinique  Médicale. 


554  PRÉCIS 

tapce.  L'aorte  est  souvent  aussi  diminuée  de  volume. 

On  a  beaucoup  parlé  des  altérations  du  système 
lymphatique  chez  les  phthisiques.  Tout  ce  qu'on  a 
dit  à  cet  égard  a  été  bien  plus  souvent  un  résultat  de 
la  théorie  que  de  l'observation.  L'altération  de  la 
quantité  ou  des  qualités  de  la  lymphe  n'est  prouvée 
par  aucun  fait  ;  la  seule  lésion  qu'ayent  présentée  quel- 
quefois, chez  les  phthisiques,  les  vaisseaux  lympha- 
tiques, c'est  la  présence  d'une  matière  d'apparence 
tuberculeuse  dans  la  cavité  de  quelques-uns  d'entre 
eux.  Quant  aux  ganglions  lymphatiques  ,  ils  sont  eux- 
mêmes  beaucoup  moins  souvent  altérés  qu'on  ne  l'a 
pensé.  Ainsi,  chez  un  grand  nombre  d'adultes  qui 
jneurent  de  TafiTection  tuberculeuse  du  poumon,  il 
n'existe  aucune  aiTection  appréciable  de  ces  ganglions  : 
chez  les  enfans,  on  les  trouve  en  pareil  cas  plus  sou- 
vent malades;  ils  sont  tuberculeux  comme  le  poumon. 

La  rate  n'offre  rien  de  particulier  à  remarquer  chez 
les  phthisiques.  INous  avons  déjà  traité  des  circons- 
tances particulières  que  présente  dans  cet  organe  le 
développement  des  tubercules. 

B.  Jp pareil  digestif. 

C'est  cet  appareil  qui,  sans  contredit,  se  trouve 
le  plus  souvent  affecté  chez  les  individus  aiteints  de 
tubercules  pulmonaires.  Le  ramollissement  de  lu 
membrane  muqueuse  gastrique  ,  une  hypcrémie  de 
diverses  parties  de  l'intestin  ,  des  ulcéralions  dans 
l'intestin  grêle  avec  production  fréquence  de  tuber- 
cules autour  d'elles  ou  dans  leur  fond  ,  telles  sont  les 
lésions  (jui  se  Irouveiil  chez  un  si  grand  nombre  de 


d'anatomie  pathologique.  555 

phlhisiques ,  qu'on  serait  porté  à  admettre  qu'elles 
lont  partie  constituante  de  la  maladie.  Ces  lésions 
peuvent  précéder  ou  suivre  l'affection  pulmonaire; 
d'autres  fois  il  y  a  coïncidence  dans  le  développement 
de  leurs  symptômes. 

On  a  dit  que  la  fistule  à  l'anus  était  une  compli- 
cation fréquente  des  tubercules  pulmonaires.  Je  n'ai 
pas  vu  que  les  faits  justifiassent  cette  assertion. 

C.  appareils  sécréteurs. 

Le  tissu  cellulaire  se  dépouille  de  graisse  ;  il  ne 
devient  que  très-rarement  le  siège  d'une  infiltration 
séreuse.  Rarement  aussi  trouve-t-on  des  épanchemens 
aqueux  dans  les  diverses  membranes  séreuses.  Presque 
toujours,  comme  nous  l'avons  déjà  vu  ,  la  plèvre  s'ir- 
rite ,  et  se  couvre  de  fausses  membranes  au  milieu 
desquelles  se  sécrète  souvent  du  tubercule.  La  per- 
foration de  l'intestin  est,  chez  les  phlhisiques ,  une 
cause  assez  fréquente  de  péritonite. 

La  dégénération  graisseuse  du  foie  a  été  constatée 
par  M.  Louis  chez  un  tiers  des  phthisiques  qu'il  a 
observés  ;  de  plus  ,  sur  quarante-neuf  foies  gras,  qua- 
jante-sept  appartenaient  à  des  phthisiques.  Ainsi, 
cette  altération  est  commune  chez  les  phthisiques,  et 
elle  n'existe  à-peu-près  exclusivement  que  chez  eux. 
Paraissant  liée  à  la  présence  des  tubercules  dans 
le  poumon,  elle  ne  se  montre  qu'un  certain  temps 
après  le  développement  de  ces  tubercules  ;  car  on 
n'observe  l'état  gras  du  foie  que  lorsque  les  tuber- 
cules sont  déjà  ramollis  ou  transformés  en  cavernes. 

Telle  est  la   seule  alléralion  notable  que  présente 


556  iMiÉcis 

Je  foie  chez  les  plilliisiques.  Je  n'ai  observé  rictère 
chez  ces  malades,  que  dans  un  cas  où  après  la  mort 
je  trouvai  les  canaux  biliaires  comprimés  par  des 
masses  tuberculeuses.  La  bile  n'offre  rien  de  constant 
dans  son  aspect;  les  calculs  biliaires  m'ont  paru  être 
très-rares  chez  les  individus  atteints  de  tubercules 
pulmonaires. 

L'appareil  de  la  sécrétion  urinaire  s'est  montré  à 
M.  Louis  dans  son  état  sain  chez  les  trois  quarts  des 
sujets.  Chez  l'autre  quart  existaient  des  lésions  di- 
verses qui  ne  présentaient  rien  de  spécial.  Je  n'ai 
trouvé  non  plus  que  très-rarement  l'appareil  ordinaire 
aflecté  chez  les  phthisiques. 

D.  jéppareil  nerveux. 

Il  ne  présente  rien  de  spécial  chez  les  phthisiques. 
On  trouve  seulement  les  centres  nerveux  pâles  et 
mous  comme  dans  la  plupart  des  maladies  chroniques. 
L'action  de  ces  centres  est  elle-même  rarement  trou- 
blée ;  chez  quelques-uns  cependant  on  observe  ,  peu 
de  temps  avant  la  mort,  un  état  de  délire  qui  ne  m'a 
paru  pouvoir  être  expliqué  par  aucune  lésion  appré- 
ciable de  l'encéphale. 

E.  Appareil  locomoteur. 

Il  est  peu  de  maladies  où  les  muscles  s'atrophient 
aussi  complètement  que  dans  les  cas  de  ces  tubercules 
puhnonaires.  On  y  voit  rarement  des  tubercules.  Ou 
ne  doit  regarder  encore  que  comme  une  hypothèse 


d'aNATOMIK    PATHOLOGIOrE.  ^"Srj 

lopinion  récemment  émise  par  x\L  Larcher,  que, dans 
la  plilliisie,  les  os  contiennent  moins  de  phosphate 
calcaire  que  de  coutume. 

L'observation  a  appris  qu'il  y  a  une  fréquente  liai- 
son entre  l'existence  des  tumeurs  blanches  des  articu- 
lations et  le  développement  des  tubercules  pulmo- 
naires. 

Si  de  ces  détails  nous  cherchons  à  remontera  quel- 
que chose  de  général  sur  la  nature  et  les  causes  des 
lésions  diverses  qui  compliquent  si  souvent  les  tuber- 
cules pulmonaires ,  nous  trouverons  que  ces  lésions 
peuvent  être  principalement  rapportées  à  trois  chefs. 

i".  A  la  môme  cause  qui  dans  le  poumon  produit 
les  tubercules.  Cette  cause  se  révèle  soit  parla  pro- 
duction de  tubercules  dans  d'autres  organes ,  soit  par 
le  développement  des  lésions  diverses  qui  caracté- 
risent l'affection  scrophuleuse.  Ces  lésions  manquent 
dans  les  cas  assez  nombreux  où  dans  le  poumon  même 
les  tubercules  ne  sont  pas  le  produit  de  cette  cause. 
Les  anciens  avaient  saisi  cette  distinction,  lorsqu'ils 
avaient  divisé  la  phthisie  pulmonaire  en  phthisie  con- 
génitale et  en  phthisie  accidentelle. 

2°.  A  l'altération  consécutive  de  l'hématose.  Cette 
altération  ne  doit- elle  pas  nécessairement  exister 
toutes  les  fois  que  le  poumon,  rempli  de  tubercules, 
est  devenu,  dans  la  plus  grande  partie  de  son  étendue, 
imperméable  à  l'air? 

3".  A  la  répétition  de  l'hyperémie  pulmonaire  sur 
différens  organes. 


558  PRÉCIS 

CHAPITRE  IV. 

LÉSIONS   DE   L'INNERVATION. 

Nous  venons  do  passer  en  revue  les  altérations  di- 
verses que  l'analomie  a  jusqu'à  présent  découvertes 
dans  le  poumon.  Par  ces  altérations  est -il  possible 
d'expliquer  tous  les  désordres  fonctionnels  dont  l'ap- 
pareil respiratoire  est  le  siège?  Je  ne  le  pense  pas^ 
et  il  est  un  certain  nombre  de  ces  désordres  dont  oa 
ne  saurait  expliquer  la  production  qu'en  admettant 
une  lésion  primitive  de  la  portion  d'innervation  qui, 
dans  les  voies  respiratoires,  préside  au  développement 
des  actes  vitaux. 

N'y  a-t-il ,  par  exemple ,  dans  la  coqueluche  d'autre 
lésion  que  celles  que  nous  trouvons  sur  le  cadavre? 
Mais  rien  de  plus  variable  que  les  altérations  qu'on 
observe  en  pareil  cas  dans  les  voies  respiratoires. 
D'abord,  chez  certains  enfans  on  ne  découvre  autre 
chose  qu'une  rougeur  plus  ou  moins  vive  de  la  trachée 
ou  des  bronches.  Chez  d'autres,  les  bronches  sont 
dihitées,et  leurs  parois  sont  hypertrophiées  ou  amin- 
cies. Chez  d'autres  existe  un  emphysème  pulmonaire  ; 
ailleurs,  des  tubercules  sont  disséminés  dans  le 'pa- 
renchyme du  poumon,  ou  spécialement  déposés  le 
long  des  grosses  bronches.  Enfin,  M.  Breschetavu 
deux  fois,  chez  des  enfans  morts  pendant  une  coque- 
luche, les  nerfs  pneumo-gastriques  ronges  et  tuméfiés. 
Mais  rien  de  semblable  n'a  été  trouvé  par  M.  Billard» 
qui ,  dans  des  cas  de  coqueluches ,  a  souvent  examiné 


.' 4  :\T  ♦Tz-vATT^     M  KTfir^T  nr mm?  rC 


I)  ANATOMIE    PATITOLOrrrOUT- .  bjQ 

)e  nerf  de  la  huitième  paire,  sans  pouvoir  y  décou- 
vrir aucune  lésion. 

De  ces  altérations  diverses  i!  n'en  est  pas  une  qui 
puisse  être  considérée  comme  la  cause  de  la  coque- 
luche :  les  unes  sont  souvent  accidentelles,  d'autres 
existent  dans  toute  espèce  de  catarrhe  ;  d'autres  pa- 
raissent être  un  effet  de  la  maladie;  ainsi,  n'est-ce 
pas  aux  efforts  répétés  delà  toux,  au  mode  particulier 
d'inspiration  et  d'expiration  qui  accompagne  les 
quintes,  qu'il  faut  attribuer  la  dilatation  des  bronches 
et  de  l'emphysème  ? 

Il  est  d'autres  toux  pour  la  production  desquelles 
la  modification  de  l'innervation  joue  un  rôle  encore 
plus  exclusif  que  dans  la  coqueluche.  Ainsi,  un  des 
phénomènes  qui,  chez  certaines  femmes,  accompa- 
gnent les  attaques  d'hystérie ,  ce  sont  des  quintes  de 
toux  ,  infiniment  variables  sous  le  rapport  de  leur  du- 
rée, de  leur  intensité  et  de  leur  forme. 

Parmi  les  modifications  nombreuses  que  la  voix 
peut  subir,  il  en  est  plusieurs  qui  reconnaissent  aussi 
pour  cause  une  modification  de  l'innervation.  N'a-t-on 
pas  vu  des  individus,  fortement  ébranlés  par  une  émo- 
tion morale,  perdre  toul-à-coup  la  voix;  n'en  a-t-on 
pasvud'autres  chez  lesquels,  en  pareille  circonstance, 
la  voix  perdait  subitement  son  timbre  accoutumé? 
Comment  expliquer  autrement  que  par  le  jeu  désor- 
donné des  muscles  du  larynx,  ces  cris  bizarres  que 
poussent  souvent  les  femmes  hystériques,  au  milieu 
de  leurs  accès?  Il  y  a  ,  en  pareil  cas,  convulsion  des 
muscles  du  larynx  ,  comme  des  muscles  des  membres. 
D'autres  fois  ces  muscles  se  contractent  spasmodique- 
ment,  et  il  peut  en  résulter  un  état  subit  de  sufibca- 


56o  PRKCIS 

tîon  dont  la  femme  rapporte  très-distinctement   le 
siéffe  au  larynx. 

Mais  ce  n*est  pas  dans  le  larynx  seulement  que 
peuvent  se  produire  des  dyspnées  dont  la  cause  ne 
saurait  être  attribuée  à  autre  chose  qu'à  une  modi- 
fication de  l'innervation.  Quelque  utile  effort  qu'ait 
fait  dans  ces  derniers  temps  l'anatomic  pathologique 
pour  rapporter  toutes  les  dyspnées  à  une  cause  orga- 
nique appréciable  sur  le  cadavre ,  elle  n'est  pas  par- 
yenue  à  les  expliquer  toutes  par  les  lésions  qu'elle 
découvre,  et  plusieurs  me  paraissent  résulter  encore 
d'une  modification  de  l'innervation  ;  en  d'autres 
termes,  il  y  a  des  dyspnées  qu'il  faut  considérer 
comme  des  névroses  pulmonaires.  Quand  même  on 
n'arriverait  pas  à  cette  conséquence  soit  par  l'examen 
des  symptômes,  soit  par  les  ouvertures  des  cadavres, 
n'y  serait-on  pas  conduit  par  les  seuls  faits  physiolo- 
giques? Ne  sait-on  pas  qu'en  coupant  sur  un  animal 
les  nerfs  pneumo-gastriques  au-dessous  des  rameaux 
laryngiens  ,  on  apporte  obstacle  à  la  transformation 
du  sang  veineux  en  sang  artériel?  Vicieusement  in- 
fluencé par  son  système  nerveux,  le  poumon  respire 
mal ,  comme,  en  pareil  cas,  l'estomac  digère  mal  (i). 


(i)  J'ai  cité  dans  la  Clinique  Médicale  quelques  cas  de  dyspnées  mor- 
telles ,  dont  les  unes  ne  furent  expliquées  par  aucune  lésion  d'organe  ,  et 
dont  les  autres  avaient  été  produites  par  une  tumeur  cancéreuse  qui  avait 
comprimé  et  désorganisé  les  nerfs  pneumo-gastriques.  Dans  un  de  cea  cas 
le  malade  avait  présenté  la  plupart  des  symptômes  généraux  qui  anaoïv 
cent  ordinairement  une  affection  organique  du  cœur. 


# 


t)  ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  56 1 


SECTION   TROISIEME. 


CORPS  thyroïde. 


Je  n'ai  d'autre  raison  de  parler  ici  de  ce  corps  5 
dont  les  fonctions  sont  aussi  inconnues  que  la  struc- 
ture ,  que  parce  qu'il  est  comme  annexé  au  conduit 
aérifère ,  sans  en  être  une  dépendance ,  et  parce  que 
je  ne  pourrais  en  parler  ailleurs. 

Les  lésions  qiii  ont  été  jusqu'à  présent  observées 
dans  le  corps  thyroïde  sont  les  suivantes  : 

1°.  Tuméfaction  aiguë  de  sa  substance,  par  simple 
byperémie  ,  due  soit  à  une  stase  sanguine  dans  son 
intérieur  5  soit  à  une  infiltration  séreuse  de  son  tissu. 
On  voit  quelquefois  une  semblable  tuméfaction  sur- 
venir à  la  suite  dé  violens  efforts;  elle  peut  alors  se 
montrer  subitement.  Elle  s'établit  un  peu  plus  lente- 
ment 5  mais  encore  d'une  manière  aiguë  ,  chez  des 
individus  qiii  sont  soumis  à  certaines  conditions  hygié- 
niques défavorables.  Ainsi ,  M.  Coindet  de  Genève  a 
parlé  d'un  régiment,  composé  de  jeunes  recrues,  qui 
furent  presque  tous  atteints  d'une  tuméfaction  consi- 
dérable du  corps  thyroïde  peu  de  temps  après  leut* 
arrivée  à  Genève  ,  où  ils  buvaient  tous  de  l'eau  d'une 
même  pompe  ;  ils  changèrent  d'habitation  et  de  bois- 
IL  56 


562  PRÉCIS 

son ,  et  le  corps  thyroïde  reprit  prompteinent  ses^^di- 
inensions  ordinaires. 

2°.  Augmentation  de  volume  du  corps  thyroïde 
par  hypertrophie  de  sa  substance.  Cette  hypertrophie 
peut  être  assez  considérable  pour  qu'il  en  résulte  la 
formation  d'une  tumeur  divisée  en  plusieurs  tobes, 
comme  le  corps  thyroïde  lui-même,  qui  occupe  tout 
le  cou,  descend  jusqu'au-devant  de  la  poitrine,  et 
peut  quelquefois  gêner  la  respiration  d'une  manière 
notable. 

L'hypertrophie  du  corps  thyroïde  n'est  qu'un  phé- 
nomène peu  important  pour  le  simple  anatomisle, 
et  son  histoire  mérite  peu  de  l'arrêter  long-temps. 
Mais  pour  celui  qui  étudie  les  causes  des  maladies, 
il  n'en  est  plus  de  même  :  cette  lésion  ne  se  présente 
plus  à  lui  comme  une  simple  lésion  locale,  il  la  voit 
se  lier  à  une  modification  profonde  de  la  constitution 
toute  entière,  il  la  voit  se  produire  sous  l'influence  de 
causes  qui  agissent  sur  des  populations  entières  ,  et 
qui  dans  beaucoup  de  pays  rendent  cette  affection 
endémique. 

5°.  Augmentation  de  volume  par  développement 
de  productions  accidentelles  à  l'intérieur  du  corps 
thyroïde.  Ces  productions  sont  très-variées.  Les  unes 
sont  liquides  :  ce  sont  des  matières  semblables  à  de 
la  sérosité ,  à  de  la  gelée,  à  du  miel ,  à  du  suif,  qui 
tantôt  infiltrent  simplement  la  substance  de  ce  corps, 
et  qui  tantôt  y  sont  contenues  dans  des  cellules  plus 
ou  moins  multipliées.  On  y  trouve  aussi  des  produc- 
tions solides,  des  masses  fibreuses,  cartilagineuses 
et  enfin  osseuses.  J'ai  vu  un  corps  thyroïde  transformé 
en  un  kyste  à  parois  osseuses ,  que  remplissait  une 


d'anatomie  pathologique.  565 

substance  semblable  à  du  miel.  Du  reste,  ces  cellules, 
ces  kystes,  ainsi  que  le  liquide  gélatineux  qu'on  y 
rencontre ,  ne  paraissent  être  que  t'exagéralion  du 
tissa  normal  du  corps  thyroïde,  qui,  dans  son  état 
naturel,  semble  composé  d'un  nombre  infini  de  gra- 
nulations d'où  Ton  exprime  un  liquide  visqueux.  Le 
premier  effet  de  la  simple  hypertrophie  du  corps  thy- 
roïde est  de  rendre  plus  manifestes  et  ces  granulations, 
et  le  liquide  dont  elles  semblent  être  l'organe  sécré- 
teur. Ces  granulations  se  transforment  d'abord  en 
simples  vésicules  à  parois  membraneuses  ;  puis  la  tex- 
ture de  celles-ci  se  modifie,  et  en  même  temps  s'altère 
aussi  le  liquide  qu'elles  fournissent.  C'est  ainsi  que 
dans  l'ovaire,  un  certain  nombre  de  productions,  les 
plus  différentes  les  unes  des  autres,  reconnaissent 
pour  point  de  départ  un  trouble  apporté  dans  la  nu- 
trition et  dans  l'exhalation  des  ovules. 

4".  Augmentation  de  volume  par  dégénération 
squirrheuse.  Cette  altération  est  plus  rare  dans  le 
corps  thyroïde  que  les  précédentes. 

Les  diverses  lésions  que  nous  venons  de  passer  en 
revue  sont  ordinairement  confondues  sous  le  terme 
générique  de  goitre.  Ainsi  donc ,  par  cette  expression  , 
on  a  dénommé  des  lésions  fort  différentes  dont  la 
terminaison  ne  saurait  être  la  même ,  et  qui  ne  peu- 
vent céder  au  même  mode  de  traitement.  L'iode, 
qui  dans  ces  derniers  temps  a  été  regardé  comme  un 
spécifique  contre  le  goitre,  ne  peut  certainement 
triompher  avec  une  égale  facilité  de  ses  diverses  es- 
pèces ;  et  s'il  a  ramené  à  leur  volume  naturel  des  corps 
thyroïdes  augmentés  de  volume  soit  par  hyperémie , 
soit  par  hypertrophie,  soit  par  infiltration  séreuse, 

36. 


564  PRÉCIS 

gélatineuse  ,  mélicérique  ,  etc.  ,  il  n'est  pas  vraisem- 
blable qu'il  fît  également  disparaître  des  goitres  ou 
bronchocèles  spécialement  constitués  par  de  la  ma- 
tière osseuse  ou  squirrheuse.  Ajoutons  encore  qu'on 
a  souvent  confondu  avec  une  augmentation  de  volume 
du  corps  thyroïde  lui-même  des  tumeurs  produites 
par  le  gonflement  du  tissu  cellulaire  qui  l'entoure^ 
ou  des  ganglions  lymphatiques  du  voisinage. 


d'anatomie  pathologique.  565 


■ia-af'-i— <'>-~^— ai^i— ^M>iM>wa>MIMi_MHMwaaa^BMHM^ 


APPAREILS  D£S  SECRETIONS. 


Tout  organe  de  sécrétion  se  réduit  à  une  surface 
plus  ou  moins  étendue  où  un  liquide  se  trouve  séparé 
du  sang.  Doit-elle  être  peu  considérable?  cette  surface 
reste  plane  ;  doit-elle  offrir  une  plus  grande  étendue? 
elle  commence  à  devenir  concave  et  à  se  creuser  en 
cavité.  Tantôt  elle  ne  présente  encore  qu'un  seul  en- 
foncement; tantôt  elle  se  divise  en  deux  ou  trois; 
tantôt  enfin  les  enfoncemens  se  multiplient,  et  ils 
s'allongent  en  canaux,  sans  cesser  toutefois  de  se  ter- 
miner  chacun  en  un  cul-de-sac.  Cette  dernière  dis- 
position est  évidente  chez  les  animaux  inférieurs. 
Chez  eux,  en  effet,  certains  organes  sécréteurs,  qui 
chez  l'homme  ne  forment  qu'une  masse  homogène  , 
perdent  l'aspect  parenchymateux,  et  ne  sont  plus 
constitués  que  par  un  assemblage  de  canaux  fermés 
à  une  de  leurs  extrémités,  comme  un  cul-de-sac;  tel 
ebt  le  foie  des  insectes  ;  ou  enfin  ils  ne  sont  plus 
formés  que  par  un  seul  conduit  plusieurs  fois  con- 
tourné sur  lui-même;  tel  est  le  testicule  de  l'ascaride 
lonihricoide. 

La  connaissance  de  ces  faits  peut  être  de  quelque 
iinportance  pour  nous  éclairer  sur  le  mode  de  foruia-^ 


5G6  rnKcis 

tion  et  sur  la  nalore  de  plusieurs  élaî>  morbides  des 
organes  de  sécrétion. 

Nous  avons  parlé,  dans  le  premier  volume  de  cet 
ouvrage,  soit  des  causes  qui,  existant  hors  de  l'or- 
gane lui-même,  peuvent  en  modifier  la  sécrétion, 
soit  de  rinfluence  que  peut  exercer  sur  toute  l'éco- 
nomie Faltération  de  la  sécrétion  la  plus  simple  et  la 
moins  importante  en  apparence.  Ainsi ,  voilà  des 
classes  entières  de  maladies  dont  la  cause  ou  le  point 
de  départ  ne  saurait  nous  être  révélé  par  l'anatomie 
pathologique.  Bien  plus,  l'organe  même  dont  la  sé- 
crétion a  été  troublée  pendant  la  vie,  peut  se  mon- 
trer ,  après  la  mort,  exempt  de  toute  altération  ap- 
préciable. Keconnaîtrez-vous  après  la  mort  que  la 
peau  d'un  phthisique  se  couvrait  chaque  jour  d'une 
sueur  abondante  ? 

Déjà  aussi  nous  avons  dit  que  les  diverses  substance.^ 
sécrétées  ne  pouvaient  normalement  se  séparer  dn 
sang  que  dans  des  organes  particuliers  dont  la  spé- 
cialité de  texture  entraînait  la  spécialité  de  sécrétion. 
Cependant  nous  avons  tix)uvé,  comme  faisant  excep- 
lion  à  la  loi  précédente,  ce  fluide  perspirable  qui  se 
forme  partout  où  existe  une  molécule  vivante.  Toute- 
fois ce  fluide  lui-même  se  forme  d'une  manière  plus 
appréciable  dans  le  tissu  cellulaire  et  dans  les  mem- 
branes séreuses.  L'exhalation  de  ce  fluide  paraît  être 
même  la  principale  fonction  de  ces  parties  ;  aussi 
ai-je  cru  devoir  ranger  leurs  maladies  parmi  les  ma- 
ladies des  appareils  de  sécrétion.  Toutefois,  ayant 
déjà  parlé  (tome  I".  )  de  leurs  principales  altérations,, 
je  ne  ferai  ici  qu'eu  présenter  le  tableau  général.  Je 
ne  dirai  rien  non  plus  des  maladies  des  follicules , 


n*ANATOMlE    PATHOLOGIQUE.  567 

parce  que  la  description  des  étais  morbides  de  ces 
petits  ofo^anes  sécréteurs  ne  saurait  être  séparée  de  la 
description  des  maladies  des  membranes  tégumen- 
taires.  Je  n'aurai  donc  à  insister  avec  détail  que  sur 
les  maladies  des  organes  glandulaires  proprement  diis. 


568  PRÉCIS 


SECTION  PREMIERE. 

MALADIES 

DES  APPAREILS  SPÉCIAUX  DE  SÉCRÉTION  PERSPIRATOIRE. 
(Tissu  cellulaire  et  membranes  séreuses.) 


Consrdéré  hors  des  organes  dont  il  constitue  la 
trame,  et  dans  lesquels  il  paraît  être  le  point  de  dé- 
part de  tant  d'altérations  diverses  (soit  de  nutrition, 
soit  de  sécrétion),  le  tissu  cellulaire  présente  des 
lésions  qui  ne  diffèrent  en  rien  des  lésions  des  mem- 
branes séreuses.  Qu'est-ce  en  effet  qu'une  membrane 
séreuse  ,  si  ce  n'est  une  grande  vacuole  de  tissu  cel- 
luîaire  ? 

Dans  le  tissu  cellulaire  comme  dans  les  mem- 
branes séreuses,  les  altérations  peuvent  être  pré- 
sentées ,  soit  par  l'élément  solide  qui  les  constitue  , 
soit  par  le  fluide  qui  remplit  leurs  cavités.  Les  mem- 
branes séreuses  elles-mêmes  sont  beaucoup  moins' 
souvent  altérées  dans  leur  tissu  proprement  dit  que 
dans  la  couche  celluleuse  qui  en  tapisse  la  surface 
externe. 


d'anatomie  pathologique.  5O9 

CHAPITRE   PREMIER. 

LÉSIONS  DU  TISSU  SÉCRÉTEUR. 

Dans  la  plupart  des  cas  où  les  produits  morbides 
qui  existent  à  l'intérieur  d'une  séreuse  attestent 
l'état  morbide  de  cette  membrane  elle-même,  son 
tissu  ne  présente  aucune  lésion  appréciable.  Très- 
rarement  on  y  a  rencontré  quelques  vaisseaux  rouges; 
rarement  aussi  on  l'a  trouvé  épaissie  ;  un  peu  plus 
souvent  ce  tissu  s'est  montré  ramolli  et  friable. 

Dans  beaucoup  de  cas  où  la  membrane  séreuse  ne 
présente  aucune  lésion,  le  tissu  cellulaire  sous-sé- 
reux est  assez  souvent  le  siège  d'une  injection  plus 
ou  moins  vive  qui  coïncide  fréquemment ,  mais  non 
pas  constamment,  avec  un  épanchement  morbide  dans 
la  cavité  de  la  séreuse.  Quelquefois,  au  lieu  d'une 
simple  injection,  il  présente  des  extravasalions  san- 
guines, des  ecchymoses;  tantôt  celles-ci  paraissent 
liées  à  un  travail  d'byperémie  active  ;  tantôt  elles 
semblent  être  le  résultat  d'un  obstacle  à  la  circulation 
veineuse. 

Le  tissu  cellulaire  sons-séreux  devient  aussi  le  siège 
d'un  certain  nombre  d'altéra lions  de  nutrition.  Ainsi 
il  s'épaissit,  s'indure ,  et  alors  il  se  présente,  en 
dehors  de  la  séreuse,  sous  forme  d'une  couche 
blanche  ou  grisâtre  d'une  grande  densité  ,  criant  sous 
le  scalpel,  et  présentant,  à  un  certain  degré  d'endur- 
cissement, une  ressemblance  parfaite  avec  le  llssu 
scfiiirr/ietfx  des  auteurs.  C'est  une  altération  semblable* 
à  celle   que   nous   avons    déjà    étudiée  dans  le  tissu 


570  ruÉcLs 

cellulaire  sous-muqiieux,  et  qu'on  observe  aussi  soit 
dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané  ,  soit  dans  le  tissu 
cellulaire  intermusculaire,  partout  enfin  où  apparaît 
du  tissu  cellulaire  libre.  Dans  ces  divers  points  la  lésion 
est  identique,  et  cependant  des  noms  différens  lui 
ont  été  imposés  :  ce  qui  a  été  appelé  squln^he  dans^ 
l'estomac  ,  ne  l'a  plus  été  dans  le  tissu  cellulaire  sous- 
séreux  ou  sous-cutané. 

Au  lieu  de  s'indurer  simplement ,  le  tissu  cellu- 
laire sous-séreux  tend  assez  souvent  à  changer  de 
nature  :  il  se  transforme  en  tissu  fibreux  ou  carti- 
lagineux ,  et  enfin  il  s'ossifie.  Ces  transformations 
peuvent  n'exister  qu'en  quelques  points  épars  d'une 
membrane  séreuse ,  ou  en  occuper  toute  l'étendue. 
De  semblables  transformations  ont  été  trouvées  à  la 
face  externe  de  toutes  les  membranes  séreuses.  Ainsi 
Ton  a  rencontré  quelquefois  une  grande  partie  de  la 
surface  convexe  des  hémisphères  cérébraux  recou- 
verte par  une  large  plaque  cartilagineuse  ou  osseuse, 
semblable  à  une  voûte.  Des  plaques  du  même  genre 
ont  été  encore  observées  dans  la  grande  faux  céré- 
brale et  dans  la  tente  du  cervelet.  Dans  le  canal 
vertébral,  le  tissu  cellulaire  sous -arachnoïdien  qui 
est  en  contact  avec  la  moelle  est  quelquefois  par- 
semé d'un  certain  nombre  de  taches  blanches  ^ 
qui  ont  la  consistance  de  l'os  ,  mais  plus  souvent 
du  cartilage.  On  a  vu  la  plèvre  costale  séparée  des 
cotes  dans  une  grande  partie  de  son  étendue  par 
une  membrane  cartilagineuse  ou  osseuse  ,  et  lorsque 
le  poumon  a  été  refoulé  vers  la  colonne  vertébrale 
par  un  épanchement  pleurétique  ,  il  n'est  pas  rare 
de  le  trouver  comme  emprisonné  par   une   cloison 


D*ANAT0MI5    FATIIOI.OGIQUK.  57  1 

de  substance  cartilagineuse  ou  osseuse,  qui  s'oppo- 
serait invinciblement  à  ce  qu'il  reprît  son  volume 
primitif,  quand  même  l'epanchement  viendrait  à 
disparaître.  Des  plaques  cartilagineuses  ou  osseuses 
sont  parfois  aussi  interposées  entre  le  tissu  du  cœur 
et  la  lame  séreuse  qui  le  recouvre.  Les  taches  blanches 
qu'il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  à  la  surface  extérieure 
du  cœur,  ont  également  leur  siège  dans  le  tissu  cellu- 
laire sous-séreux. 

La  transformation  cartilagineuse  ou  osseuse  ne  se 
montre  pas  avec  une  égale  fréquence  dans  toutes  les 
parties  du  tissu  cellulaire  sous-péritonéal.  Ainsi  je  ne 
sache  pas  que  cette  transformation  ait  jamais  été  obser- 
vée dans  la  couche  celluleuse  qui  unit  le  péritoine  au 
tube  digestif,  excepté  dans  des  cas  de  hernie.  Au  con- 
traire, cette  transformation  n'est  pas  rare  autour  de  la 
rate,  à  la  face  supérieure  du  foie,  ou  inférieure  du 
diaphragme.  La  plupart  des  cas  de  transformation 
osseuse  de  ce  muscle,  dont  il  est  question  dans  les 
auteurs,  ne  me  semblent  être  autre  chose  que  des 
cas  dans  lesquels  une  couche  de  matière  osseuse  en 
tapissait  l'une  ou  l'autre  face  (1). 

(i)  Au  moment  où  je  corrige  cette  épreuve ,  M.  le  docteur  Tavernier 
me  remet  la  note  suivante  : 

Chez  un  homme  d'une  soixantaine  d'années,  dont  nous  fîmes  derni«;re- 
ment  l'ouverture,  M.  Goupil  et  moi ,  nous  trouvâmes  ,  dans  l'épaisseur  de 
la  porîion  droite  du  diaphragme  ,  une  plaque  osso-cartilagineuse  ,  de  forme 
irrégulièrement  quadrilatère,  et  de  l'étendue  de  trois  pouces  à  trois  pouces 
et  demi.  Cette  plaque  pouvait  être  isolée  de  la  plèvre  et  du  péiitoine  ;  elle 
était  bien  évidemment  formée  aux  dépens  des  tissus  musculaire  et  fibreux 
du  diaphragme  ,  dont  on  n'apercevait  aucun  vestige  dans  ce  point.  Osseuse 
à  son  centre,  dansl'élendue  d'un  pouce  à-peu-près,  elle  devenait  cartila- 
gineuse en  approchant  de  ses  bords,  qui,  plus  minces,  avaient  l'aspect  du 


S72  pnÉcis 


Enfin  cette  môine  transformation  a   été  observée 
dans  la  tunique  vaginale. 

De  nombreuses  altérations  de  sécrétion  peuvent  aussi 
avoir  leur  siège  dans  le  tissu  cellulaire  sous-séreux. 
Ces  altérations  sont  spécialement  les  suivantes  : 

1°.  Une  accumulation  de  sang  en  nature.  Elle  est 
tantôt  peu  considérable  ,  et  elle  représente  de  petites 
taches  qui  paraissent  n'avoir  donné  lieu  pendant  la 
vie  h  aucun  accident  ;  tantôt  l'hémorrhagie  est  plus 
abondante,  et  elle  peut  avoir  été  la  cause  de  la  nia- 
ladre  et  de  la  mort  ;  ainsi  quelques  apoplexies  recon- 
naissent pour  cause  un  épanchement  de  sang  opéré 
dans  le  tissu  cellulaire  sous-arachnoidien  de  la  con- 
vexité des  hémisphères. 

2^  Un  épanchement  de  sérosité  autour  des  hémi- 
sphères cérébraux.  Cette  sérosité,  pour  peu  qu'elle 
soit  abondante  ,  soulève  l'arachnoïde  et  doit  tendre  à 
comprimer  le  cerveau.  Elle  a  quelquefois  un  aspect 
gélutiniiorme  et  assez  de  consistance  pour  qu'elle  ne 
s'écoule  pas  après  qu'on  a  incisé  l'arachnoïde.  Du 
reste,  autour  du  cerveau  et  de  la  moelle,  existe  nor- 
malement un  liquide,  dont  les  belles  recherches  de 
M.  Magendie  ont  récemment  démontré  l'importance. 
Ce  liquide  est  tellement  abondant,  pendant  la  vie, 
autour  de  \<x  moelle,  que  ,  lorsque  sur  un  animal  vi- 
vant l'on  enlève  la  paroi  postérieure  du  canal  ver- 

tisso  fibreux,  et  se  confondaient  peu-à  peu  avec  les  parties  saines  du 
di.'iphragme. 

Cet  honiine  présentait  d'ailleurs  quelques  autres  points  d'ossification 
clans  les  anneaux  de  la  trachée  artère  ,  à  la  naissance  de  l'aorte  ,  etc. 

Dans  ce  cas  il  semble  évident  que  le  diapluagtne  lui -mêuic  elait  le  siég^î 
dc-l'i  l.ani>i\niialion  lartiLigineuse  et  osseuse. 


D^ANATOMIE    PATIIOLOGIOI E.  ^'jT) 

i<^bral ,  près  de  l'occiput ,  et  qu'on  incise  raraclinoïcle 
distendue  par  ce  liquide,  on  le  voit  jaillir  h  plusieurs 
pouces  de  hauteur.  La  quantité  du  liquide  cérébro- 
spinal est  en  rapport  inverse  du  développement  de  la 
masse  nerveuse  encéphalo-racbidienne.  M.  Magen- 
die  a  constaté  que  chez  beaucoup  de  vieillards,  dont 
le  cerveau  paraît  s'atrophier ,  ce  liquide  se  trouve  à 
son  maximum  d'abondance.  Qui  peut  dire  maintenant 
jusqu'à  quel  point  un  simple  dérangement  dans  les 
proportions  du  liquide  cérébro-spinal ,  soit  en  plus , 
soit  en  moins,  ne  peut  pas  apporter  dans  l'exercice 
des  fonctions  nerveuses  un  trouble  bien  plus  grand 
que  telle  autre  lésion  beaucoup  plus  considérable  en 
apparence? 

Dans  le  tissu  cellulaire  subjacent  aux  autres  mem- 
branes séreuses ,  il  n'existe  normalement  aucun  li- 
quide ;  l'accumulation  de  sérosité  dans  ce  tissu  y  an- 
nonce donc  constamment  un  état  morbide.  J'ai  trouvé 
assez  souvent  le  tissu  cellulaire  sous -pleural  creusé 
par  des  aréoles  que  remplissait  un  liquide  gélatini- 
forme.  Tantôt  c'était  là  la  seule  lésion,  tanfôtil  y  avait 
en  même  temps  épaississement,  induration,  aspect 
lardacé  de  ce  tissu  cellulaire. 

3*.  Dans  certaines  portions  du  tissu  cellulaire  sous- 
séreux  existe  normalement  une  certaine  quantité  de 
graisse.  Lorsqu'elle  est  très-abondante ,  elle  pousse 
au-devant  d'elle  la  membrane  séreuse ,  et  fait  saillie 
dans  sa  cavité  comme  une  sorte  de  frange.  Quelque- 
fois cette  graisse  s'altère  ;  elle  acquiert  une  dureté 
insolite ,  et  chacune  de  ses  vésicules  apparaît  sous  la 
forme  d'une  granulation  grisâtre,  demi-transparente, 
d'une  consistance  assez  grande  pour  qu'on  ne  puisse 


5^4  PRÉCIS 

plusTëcraser  sous  le  doigt.  En  s'iigglomérant ,  ces  vé- 
sicules peuvent  constituer  des  tumeurs  plus  ou  moins 
considérables  qui  se  divisent  en  granulations,  comme 
le  tissu  du  pancréas.  J'ai  rencontré  des  tumeurs  de  ce 
genre  dans  l'épaisseur  du  grand  épiploon  ;  c'est  en- 
core là  une  des  espèces  d'altérations  qui  ont  été  con- 
fondues sous  le  nom  de  squirrlie  ou  de  cancer. 

4*.  Du  pus  infiltre  quelquefois  le  tissu  cellulaire 
sous -séreux  ;  on  l'y  trouve  amassé  en  foyer.  C'est 
même  presque  toujours  dans  le  tissu  cellulaire  sous- 
arachnoïdien  ,  et  non  dans  la  cavité  même  de  la  sé- 
reuse ,  que  se  forme  le  pus  qu'on  trouve  étendu  en 
couche  plus  ou  moins  épaisse  à  la  surface  des  hémi- 
sphères cérébraux.  Au  contraire,  dans  les  autres  mem- 
branes séreuses,  on  rencontre  bien  plus  souvent  du 
pus  à  l'intérieur  de  la  membrane  qu'on  n'en  ren- 
contre à  sa  surface  extérieure.  C'es^t  en  général  dans 
les  points  où  le  tissu  cellulaire  sous-séreux  a  la  plus 
grande  laxité,  que  la  formation  du  pus  a  lieu  le  plus 
fréquemment.  Ainsi ,  autour  des  plèvres  le  seul  point 
où  se  forment  les  abcès,  c'est  le  médiastin  antérieur. 
Ainsi  les  ligamens  larges  de  l'utérus  sont  souvent  le 
siège  de  collections  purulentes,  soit  isolément,  soit 
en  même  temps  que  du  pus  s'est  épanché  dans  la  ca- 
vité péritonéale. 

5**.  D'autres  produits  de  sécrétion  morbide  ont  été 
rencontrés  dans  les  diverses  parties  du  tissu  cellulaire 
-sous-séreux.  On  y  a  vu  de  la  mélanose;  mais  le  produit 
morbide  qui  s'y  est  montré  le  plus  fréquemment ,  c'est 
le  tubercule.  C'est  surtout  dans  la  plèvre  et  dans  le 
péritoine  qu'on  l'observe  le  plus  souvent.  Dans  la 
plèvre,  il  parsème  souvent  des  portions  de  tissu  cel- 


d'anatomie  tatuologique.  5^5 

kilaire  considérablement  épaissies.  Dans  le  péritoine, 
une  innombrable  quantité  de  grains  tuberculeux 
parsèment  souvent  à-Ia-fois  Tépiploon,  le  péritoine 
qui  revêt  les  parois  abdominales ,  et  celui  qui  est 
étendu  sur  les  dififérens  organes.  Dans  le  tissu  cellu- 
laire sous-séreux  des  intestins ,  on  trouve  surtout  de 
nombreux  tubercules  vers  les  points  qui  correspon- 
dent à  des  ulcérations  intestinales. 


CHAPITRE    II. 

LÉSIONS  DU  LIQUIDE  SÉCRÉTÉ. 

Soit  que  les  diverses  lésions  qui  viennent  d  être 
passées  en  revue  existent  ou  non  ,  la  cavité  même  de  . 
la  séreuse  peut  contenir  diverses  productions  mor- 
bides, gazeuses,  liquides  ou  solides. 

Les  gaz  que  Ton  trouve  dans  les  cavités  des  mem- 
branes séreuses  sont  quelquefois  un  produit  de  sécré- 
tion du  tissu  même  de  ces  membranes  ;  mais  ce  n'est 
pas  là  le  cas  le  plus  commun ,  et  bien  plus  souvent  ces 
gaz  ne  sont  pas  nés  dans  la  séreuse  même ,  et  ils  y  ont 
été  accidentellement  introduits.  C'est  ainsi  que  dans 
presque  tous  les  cas  de  pneumo-thorax  le  gaz  con- 
tenu dans  la  plèvre  est  de  l'air  atmosphérique  qui 
a  passé  de  l'intérieur  des  bronches  dans  la  plèvre , 
par  suite  de  la  perforation  des  parois  d'une  excavation 
tuberculeuse  située  tout  près  de  la  périphérie  du 
poumon. 

L'existence  de  gaz  dans  le  tissu  cellulaire  résulte 


5-6  ,  VRÊcis 

souvent  aussi  d'une  plaie  du  parenchyme  pulmonaire5 
à  travers  laquelle  l'air  va  s'infdtrer  dans  tout  le  tissu 
cellulaire  sous-cutanë.  Quelquefois,  cependant,  l'on 
observe  le  développement  spontané  de  l'emphysème: 
tantôt  il  reste  partiel ,  tantôt  il  est  général.  De  pareils 
.cas  sont  d'ailleurs  rares,  et  les  conditions  qui  les  font 
naître  sont  encore  bien  peu  connues. 

Lés  substances  liquides  ou  solides  qu'on  trouve 
dans  la  cavité  des  séreuses  sont  principalement  : 

1°.  De  la  sérosité  en  quantité  variable  :  tantôt  elle 
présente  une  composition  analogue  à  celle  du  sérum 
du  sang  ;  tantôt  elle  en  difl'ère  par  sa  proportion  d'al- 
bumine ,  qui  est  ou  plus  abondante ,  ou  plus  rare  que 
Talbumine  du  sérum  du  sang. 


s".  Cette  même  sérosité  unie  à  une  certaine  quantité 
de  la  matière  colorante  du  sang. 

5".  Du  sang  en  nature.  Le  péritoine  et  la  plèvre 
sont  surtout  assez  fréquemment  le  siège  d'hémorrha- 
gies  véritables. 

4^  Du  pus  qui  remplit  souvent  la  cavité  d'une  sé- 
reuse,  dont  le  tissu  ne  présente  pas  même  de  lésion 
appréciable. 

S**.  La  matière  spontanément  coagulable  et  organi- 
sable  qui  produit  les  pseudo-membranes. 

Le  plan  adopté  dans  cet  ouvrage  m'a  obligé  de  dé^ 
crire  ces  pseudo-membranes  dans  le  tome  I  ;  je  ne 
puis  donc  ici  qu'y  renvoyer. 

J'ai  aussi  indiqué  (  tom.  1)  les  conditions  diverses 
sous  l'influence  desquelles  la  sérosité  s'accumule  , 
soit  dans  les  membranes  séreuses,  soit  dans  le  tissu 
cellulaire.  Je  ne  parlerai  ici  que  d'une  variété  de 
Viiifiitralion  séreuse  du  tissu  cellulaire  >  qui  est  connue 


d'ana-comie  pathologiqlk.    '  577 

depuis  long-temps  sous  le  nom  d'eîuiurcissemenl  du 
tissu  cellulaire  des  nouveau-nés. 

Cet  endurcissement  n*est  autre  chose  que  le  résuilnt 
d'une  accumulation  de  sérosité  dans  le  tissu  cellulaire 
sous-cutané  et  inlermusculaire  des  enfans  nouvelle- 
ment nés.  Plusieurs  présentent  cet  endurcissement 
en  venaat  au  monde;  chez  d'autres,  il  se  manifeste 
très-peu  de  temps  après  la  naissance.  On  ne  trouve 
dans  le  tissu  cellulaire  rien  autre  chose  que  de  la  séro- 
sité accumulée  qui  y  reste  à  l'état  liquide.  Souvent  il 
y  a  en  même  temps  infiltration  de  sérosité  dans  d'au- 
tres parties  du  tissu  cellulaire.  M.  Billard  a  constaté 
l'existence  de  cette  infiltration  dans  le  tissu  cellulaire 
sous-péritonéal,dans  celui  qui  remplit  les  médiastins, 
dans  les  plexus  choroïdes.  Quelquefois  aussi  l'endur- 
cissement du  tissu  cellulaire  coïncide  avec  un  œdème 
du  poumon* 

1/infiltration  séreuse  sous-cutanée  est  souvent  par- 
tielle ,  bornée,  par  exemple,  aux  mains,  aux  jambes 
ou  aux  pieds.  D'autres  fois,  elle  est  générale,  et,  dans 
ce  cas,  tan  Lot  commençant  en  un  point,  elle  envahit 
successivement  toute  la  périphérie  du  corps ,  tantôt 
elle  se  montre  simultanément  dans  tous  les  points  de 
celte  périphérie. 

L'endurcissement  du  tissu  cellulaire  des  nouveau- 
nés  coïncide  chez  eux  avec  un  état  de  plénitude  re- 
marquable du  système  circulatoire  :  les  principales 
veines  intérieures  sont  gorgées  de  sang;  l'enveloppe 
cutanée  est  souvent  remarquable  par  sa  décoloration 
complète;  d'autres  fois  la  peau  présente,  au  contraire, 
une  rougeur  qui  est  en  rapport  avec  l'élat  de  pléthore 
,  générale.  D'autres  fois ,  enfin,  elle  offre  une  teinte 
II.  37 


57^:^  '  rnECfs 

jaune   très-prononcce  ;    sur  soixanîe-dix-sept   en  fans 

atteints  d'œclème  ,  M.    Billard  cii  a   observé    trente 

ictériques. 

La  mort  peut  survenir  chez  les  nouveau  -  nés  at- 
teints de  l'endurcissement  du  tissu  cellulaire  ,  sans 
qu'on  trouve  de  lésion  grave  dans  aucun  organe  ^  seu- 
lement on  observe  dans  les  divers  réseaux  capillaires 
ime  congestion  considérable.  Mais  le  plus  souvent 
l'ouverture  des  cadavres  montre  l'existence  de  quel- 
que afl'ection  du  cerveau  ,  des  poumons  ou  du  tube 
digestif,  qui  doit  être  regardée  comme  la  principale 
cause  de  la  mort. 

On  a  cherché  dans  différentes  lésions  la  cause  de 
l'endurcissement  du  tissu  cellulaire  des  nouveau-nés; 
mais,  d'une  part,  aucune  de  ces  lésions  n'est  cons- 
tante, et,  d'autre  part,  elles  peuvent  toutes  exister, 
sans  être  accompagnées  d'endurcissement  du  tissu 
cellulaire  (i). 

Ainsi  ,  l'on  a  attribué  cet  endurcissement  à  l'état 
morbide  du  foie;  mais  cette  opinion  ne  saurait  être 
.soutenue  ,  car  sur  quatre-vingt-six  enfans  M.  Billard 
n'a  trouvé  le  foie  malade  que  dans  vingt  cas  :  dans 
onze  il  était  le  siège  d'une  assez  forte  congestion  san- 
guine ;  dans  cinq  cas,  il  était  de  plus  très-friable, 
et  la  bile  était  presque  concrétée.  Enfin,  dans  les 
quatre  autres  cas,  il  était,  au  contraire  ,  augmenté 
de  consistance  ,  et  il  avait  une  couleur  ardoisée. 

Attribuerons-nous  avec  d'autres  auteurs  l'endur- 
cissement du  tissu  cellulaire  des  nouveau-nés  à  l'état 
morbide  des  poumons?  Pas  plus  qu'à  l'état  du  foie, 

(i)  Billard  ,  nper.  cil. 


d'anatomte  pathologique.  5  79 

carsur  soîxanle-dix-sept  enfans  œdémaleux,  quarante- 
liois  ont  présenté  à  M.  Billard  un  état  très-sain  des 
poumons.  Chez  les  trente-quatre  autres  il  y  en  avait 
quinze  dont  le  poumon  était  le  siège  d'une  congestion 
passive  opérée  pendant  l'agonie  ou  après  la  mort  ; 
chez  douze  autres  le  poumon  présentait  une  con- 
gestion sanguine  active,  et  chez  sept  autres  il  y  avait 
liépatisation  pulmonaire. 

Quelques  faits  intéressans,  cités  par  M.  Breschet, 
avaient  porté  ce  savant  analomiste  à  admettre  que  la 
persistance  du  trou  botal  après  la  naissance  pouvait 
être  considérée  comme  la  cause  de  l'œdème  des  nou- 
veau-nés. Mais  des  faits  plus  nombreux,  cités  par 
M.  Billard,  ne  permettent  plus  de  soutenir  cette 
opinion. 

Enfin  ,  un  autre  auteur,  M.  Denis  (0  ,  n'a  vu  autre 
chose  dans  l'œdème  des  nouveau-nés  qu'un  résultat 
sympathique  d'une  irritation  gastro-intestinale,  et  il 
l'a  appelé  phlcgmasie  entera -cellulaire.  A  cela,  nous 
répondrons  que  chez  les  enfans  qui  meurent  avec  un 
endurcissement  du  tissu  cellulaire  ,  on  ne  trouve  pas 
plus  constamment  le  tube  digestif  malade  que  le  foie , 
le  poumon  ou  le  cœur.  On  ne  trouve  même  pas 
chez  eux  des  traces  plus  fréquentes  d'irritation  gastro- 
intestinale que  chez  les  enfans  qui  meurent  avec 
toute  autre  maladie. 

L'endurcissement  du  tissu  cellulaire  des  nouveau- 
nés  ne  peut  donc  être  rapporté  ,  dans  l'état  actuel 
de  la  science,  à  l'affection  constante  d'aucun  organe;  ce 
qu'il  y  a  chez  ces  enfans  de  plus  constant ,  quoique  ce 

(1)  Recherches  d'anatomic  et  de  physiologie  pathologique  sur  plusieurs  ?na- 
ladics  des  nouveau-nés, 

07. 


58o      '  PRÉCIS 

fait  lui-uièuie  ne  .^oit  pas  sans  exception  ,  c'est  un  état 
d'hyperémio  générale  de  tous  les  tissus  :  partout  où 
l'on  porte  le  scalpel ,  on  voit ,  dit  M.  Billard,  ruisseler 
du  sang  veineux,  l^a  peau  est  en  même  tcLips  très- 
sèche  :  fortement  tendue  sur  le  tissu  cellulaire  tu- 
méfié ,  elle  semble  avoir  cessé  de  transpirer  ;  aussi , 
dans  beaucoup  de  cas,  voit-on  Taedème  disparaître 
rapidement  à  la  suite  de  l'emploi  de  frictions  irri- 
tantes et  d'applications  chaudes  sur  la  peau  qui  pro- 
duisent une  transpiration  abondante. 

Il  paraît  donc  que  la  suppression  de  la  perspiration 
cutanée  joue  un  rôle  dans  la  production  de  l'endur- 
cissement du  tissu  cellulaire  des  nouveau-nés.  Aussi 
a-t-on  observé  que  cet  endurcissement  est  infiniment 
plus  fréquent  dans  les  saisons  froides  et  parmi  les 
enfans  des  classes  pauvres.  Toutefois,  ce  point  lui- 
même  mérite  encore  de  nouvelles  recherches.  Ainsi , 
il  résulte  d'un  travail  fait  par  M.  Billard,  que  pendant 
l'anhée  1826  le  mois  de  mai  a  été,  après  le  mois  de 
novembre  ,  celui  où  l'on  a  reçu  à  l'hôpital  des  Enfans- 
Trouvés  le  plus  d'enfans  œdémateux.  Ce  n'est  pour- 
tant pas  dans  le  mois  de  mai  que  l'influence  du  froid 
doit  se  faire  le  plus  sentir.  Cela  tient-il  à  quelque 
circonstance  particulière  à  l'année  1826?  Il  serait 
faeile  de  s'en  assurer  ,  en  faisant  un  relevé  semblable 
dans  le  même  hôpital  pendant  un  certain  nombre 
d'années. 

L'endurcissement  du  tissu  cellulaire ,  par  infiltra- 
tion séreuse  de  ce  tissu ,  doit  être  distingué  d'une 
utre  espèce  d'endiu'cisseinent  dans  lequel ,  au  lieu 
de  sérosité ,  on  trouve  la  graisse  sous-cutanée  d'une 
consistance  remarquable  ,  et  comme  figée.  Mais  ce 


d'anatomie   PATUOIOGIQUE.  58  l 

n'est  ordinairement  que  pendant  l'agçnie,  ou  même 
après  la  mort ,  que  survient  cet  endurcissement  par- 
ticulier du  tissu  adipeux,  dont  les  causes  sont  encore 
inconnues  (i  ).  - 


(i)  J'ai  parlé  dans  le  tome  I  des  recherches  chimiques  faites  par  M.  Che- 
vreul  ,  sur  les  altérations  des  liquides  chez  les  nouveau-nés  aMeints  de 
l'endurcissement  du  tissu  cellulaire. 


582  FUÉCIS 


4 


SECTION  DEUXIEME. 

MALADIES    DES    APPAREILS 

DE  SÉCIiÉTION  GLANDULAIRE, 


N'ayant  l'intention  de  m'occuper  dans  cet  ouvrage 
que  de  Tanatomie  pathologique  des  organes  dont  les 
maladies  sont  du  domaine  de  la  médecine  proprement 
dite,  je  ne  vais  spécialement  traiter  dans  cette  section 
que  des  maladies  de  l'appareil  hépatique  et  de  l'ap- 
pareil urinaire.  Quant  au  pancréas,  je  me  contenterai 
de  dire  ici  qu'il  est  infiniment  rare  de  le  trouver  al- 
téré. Quelquefois  je  l'ai  trouvé  plus  rouge  que  de 
coutume  ,  et  dans  d'autres  cas  d'une  densité  remar- 
quable. Sur  quelques  cadavres  il  était  comprimé  et 
comme  atrophié  par  des  masses  squirrheuses  ou  tu- 
berculeuses développées  autour  de  lui  ou  entre  ses 
grains.  Une  seule  fois,  j'ai  trouvé  une  par.tie  du  pan- 
créas (  c'était  son  extrémité  hépatique  ) ,  transformée 
en  une  masse  d'un  blanc  grisâtre,  dure,  homogène^ 
dans  laquelle  ne  pouvait  être  reconnue  aucune  trace 
de  l'organisation  normale  de  cette  glande.  Une  autre 
fois,  j'ai  rencontré  au  milieu  de  son  corps  deux  petits 
abcès,  isolés  l'un  de  l'autre,  dans  chacun  desquels 
une  noisette  aurait  pu  être  placée  ;  mais,  en  générai, 
on  peut  aiïirmer  que  le  pancréas  est  un  dvs  organes 


b'aNATOMIE    rATIIOLOGlQUE.  583 

dont  les  altérations  sont  les  moins  communes.  Ce 
n'est  donc  que  par  hypothèse  qu'on  a  fait  jouer  un 
rôle  important  à  cet  organe  dans  certaines  affections 
gastriques  ,  où  l'on  a  cru  pouvoir  attribuer  le  déran- 
gement de  la  digestion  à  un  dérangement  de  la  sé- 
crétion du  pancréas.  Je  n'ai  pas  vu  qu'il  fût  modifié 
d'une  manière  appréciable  ,  soit  dans  les  diverses  ma- 
.ladies  du  tubq  digestif,  soit  dans  celles  du  foie. 


CHAPITRE  PREMIER. 

MALADIES  DU  FOIE  ET  DE  SES  ANNEXES, 

Ces  maladies  ont  leur  siège  dans  la  substance  mùme 
du  foie,  ou  dans  ses  voies  d'excrétion. 


ARTICLE   PREMIER. 

MALADIES    PU    PARENCHYME   DU    FOIE. 

La  plupart  des  états  morbides  de  ce  parenchyme 
ont  élé  décrits  sous  le  nom  d'hépatite  aiguë  ou  chro- 
nique ;  mais  cette  expression  porte  avec  elle  un  sens 
encore  plus  vague  que  les  expressions  de  gastrite  ou 
de  pneumonite.  Ici  encore  je  vais  me  contenter  de 
décrire  les  diverses  altéra  lions  dont  le  foie  peut  être 
atteint,  sans  leur  imposer  de  nom  spécial,  et  on  me 
bornant  à  discuter  hi  nature  et  les  causes  de  chacune 
de  CCS  altérations. 


584  PRÉCIS 

Lorsqu'on  examine  avec  quelque  soin  un  cerlain 
nombre  de  foies,  Ton  y  reconnaît  l'existence  de  deux 
substances:  l'une  iQugeâtre,  où  se  ramlBe  surtout  le 
système  capillaire  de  l'organe  ;  l'autre  blanche  ou 
jaunâtre ,  qui  semble  surtout  destinée  à  l'accomplis- 
sement de  la  sécrétion  biliaire. 

Dans  l'état  normal  ces  deux  substances  sont  dis- 
tinctes ;  mais  il  faut  cependant  une  certaine  attention 
pour  les  reconnaître.  Lorsque  plus  de  sang  que  de 
coutume  vient  à  stagner  dans  le  foie  ,  la  distinctioa 
des  deux  substances  s'efïace ,  et  le  foie  présente  par- 
tout une  teinte  rouge  uniiorme.  Lorsqu'au  contraire 
le  foie  contient  moins,  de  sang  que  de  coutume,  la 
substance  jaune  devient  plus  apparente,  et  quelque- 
fois la  substance  rouge  vient  elle-même  à  se  déco- 
lorer. Alors,  dans  sa  totalité,  le  foie  présente  une 
teinte  blanchâtre  où  les  deux  substances  peuvent 
encore  être  reconnues. 

Ces  diverses  nuances  de  coloration  peuvent  être 
dues,  i"*.  à  la  gêne  mécanique  de  la  circulation  vei- 
neuse ;  alors  le  foie  est  uniformément  rouge  ;  2**.  à 
la  diminution  de  la  masse  totale  du  sang  ;  alors  le  foie 
se  montre  plus  ou  moins  complètement  décoloré  ; 
3".  à  certaines  affections  du  foie  lui-même,  d'où  peut 
résulter,  pour  cet  organe  comme  pour  tous  les  autres, 
un  état  d'hyperémîe  ou  d'anémie. 

Ainsi,  un  simple  cliangement  dans  les  proportions 
du  sang  suffît  pour  faire  varier  notablement  l'aspect 
du  foie,  en  produisant  divers  degrés  d'hyperémie  ou 
d'anémie  dans  les  deux  substances  qui  le  coinposent;, 
mais  ce  n'est  pas  tout  :  l'aspect  du  foie  peut  encore, 
singulièrement  varier  en  raison  des  cliangcmens  de. 


d'ana-tomie  pathologique.  585 

texture  qui  peuvent  survenir  dans  l'une  ou  dans  l'autre 

de  ces  substances. 

•   La  substance  blanche  peut,  par  exemple,  s'hyper- 
trophier   d'une  manière  isolée  ;  cette   hypertrophie 
présente  deux  degrés  :  dans  l'un  ,  on  trouve  l'intérieur 
du  foie  parcouru  par  des  lignes  ou  des  circonvolutions 
d'un  blanc  jaunâtre  beaucoup  plus  prononcées  que 
dans  l'état  normal.  Dansuu  autre  degré,  le  foie,  tant 
.à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur,  est  parsemé  de  granu- 
lations nombreuses,  soit  isolées,  soit  agglomérées, 
remarquables  par  leur  couleur  assez  semblable  à  celle 
d'une  cire  un  peu  Jaune.  En  disséquant  avec  soin  des 
foies  où  existent  ces  granulations,  il  m'a  paru  évident 
qu'elles  n'étaient  autre  chose  qu'un  résultat  de  l'hy- 
pertrophie de  la  substance  blanche  du  foie.  Le  doc- 
teur Boulland  (  i  )  a  très-bien  démontré  qu'il  ne  fallait 
qu'une  exagération  de  la  structure  normale  du  foie  , 
un  développement   insolite  des  acin'i,  pour  donner 
au  foie  l'aspect  granuleux.  Ainsi,  pour  les  granula- 
tions hépatiques  comme  pour  les  granulations  pul- 
monaires ,  il  n'est  pas  besoin  d'admettre  la  production 
d'aucun  nouveau  tissu  ;  dans  toutes  les  deux,  c'est 
une  simple  modification  de  forme  qui  résulte  d'une 
modification  dans  la  structure  d'une  des  parties  cons- 
tituantes de   l'organe.    Dans  le  foie   comme  dans  le 
poumon,  c'est  la  partie  où  s'accomplit  spécialement 
la   fonction   qui,    par  son   hypertrophie,   produit  la 
forme  de  granulation  ;  dans  le  poumon  ,  c'est  la  vé- 
sicule ;  dans  le  foie,  c'est  Vacinus. 

Ce  n'est  point  ainsi  qu'ont  toujours  été  considérées 

{i.)  Mèmciresilc  la  Scciité  mùJicaU  d' émulation ,  lom.  IX. 


586  piiÉci& 

les  granulations  du  foie.  Ces  petits  graips  ,  semblables 
à  des  grains  de  cire  jaune  ,  avaient  été  regardés  par 
Laëhnec  comme  uii»  tissu  accidentel  créé  de  toutes 
pièces  dans  le  foie  comme,  une  hydatide;  ce  tissu  ,  il 
l'avait  appelé  cirrhose  en  raison  de  sa  couleur»  Ce  que 
j'ai  dit  dans  le  précédent,  alinéa  me  semble  réfuter 
sufTisamment  cette  opinion. 

En  même  temps  que  la  substance  blanche  du  foie 
se  développe  de  manière  à  donner  naissance  aux  gra- 
nulations qui  viennent  d'être  décrites,  la  substance 
rouge  peut  rester  dans  son  état  naturel  ;  mais  d'autres, 
fois  elle  s'altère,  soit  dans  sa  couleur,  qui  est  sou- 
vent alors  très-pale  ou  d'un  vert  olive,  soit  dans  son 
volume  ,  qui  peut  également  augmenter  ou  diminuer. 
Y  a-t-il  augmentation  de  ce  volume  ,  le  foie,  dans  sa 
totalité  ,  présente  une  masse  plus  considérable.  Ce 
volume  est-il  au  contraire  diminué  ,  le  foie  devient 
beaucoup  plus  petit  que  de  coutume;  il  s'atrophie, 
et  en  même  temps  il  présente  dans  sa  forme  les  mo- 
diiications  les  plus  bizarres,  qui  dépendent,  d'une 
part,  des  variétés  de  retrait  que  peut  présenter  la 
substance  rouge,  et  d'autre  part ,  de  l'inégalité  d'hy- 
pertrophie de  la  substance  blanche.  Laënnec  avait 
fort;  bien  remarqué  que  la  cirrhose  était  souvent  ac- 
compagnée d'une  atrophie  plus  ou  moins  considérable 
du  foie,  d'un  état  de  ratatinement  de  cet  organe.  En 
s'atrophiant,  la  substance  rouge  du  foie  devient  infini- 
nient  moins  vasculaire,  les,  injections  la  pénètrent 
beaucoup  plus  difficilement  ,  et  il  semble  que  dans 
cerlairis  cas  elle  soit  transformée  en  grande  parlie  en 
tissu  cellulaire  ou  cellulo-libreux.  L'ascite  accom- 
pagne presque  conslamment  cet  état  du  foie= 


d'anatomie  pathologiql'e.  5S7 

Indépendamment  des  divers  degrés  d'hyperémie 
ou  d'anémie  que  peut  présenter  la  substance  rouge, 
indépendamment  de  son  atrophie  ,  dont  il  vient  d'être 
question  ,  la  substance  rouge  du  foie  est  susceptible 
de  présenter  une  hypertrophie  fort  remarquable,  lï 
en  résulte  à  l'intérieur  du  foie  des  petites  masses  dures, 
et  rouges  qui  se  distinguent  du  parenchyme  environ- 
nant par  leur  consistance  plus  grande  et  par  leur 
couleur  plus  foncée.  Ces  masses  peuvent  être  inégales 
en  forme  et  en  volume  ,  ou  bien  être  distribuées  dans 
le  foie  de  telle  sorte  qu'il  en  résulte  une  division  de 
cet  organe  en  un  certain  nombre  de  lobules  sem- 
blables. 

Que, si,  après  avoir  étudié  tes  altérations  diverses 
que  peut  subir  isoiément.chacune  des  deux  substan- 
ces du  foie,  nous  arrivons  à  étudier  d'une  manière  • 
générale  les  altérations  de  toute  sa  masse,  nous  y 
trouverons,  comme  partout  ailleurs,  des  lésions  de 
circulation,  de  nutrition  ou  de  sécrétion. 

§.  I.    LÉSIONS    DÉ    CIRCULATION. 

I/hyperémie  du  foie  est  un  des  état^  morbides  que 
présente  le  plus  fréquemment  cet  organe.  Tantôt 
cette  hyperémie  est  générale  ,  alors  le  foie  est  par^ 
tout  d'un  rouge  uniforme  ;  son  volum^e  est  augmenté  , 
et  sa  consistance  peu  changée,  lorsque  l'hyperémie 
est  simple.  Cette  hyperémie  est  souvent  partielle; 
alors,  en  un  certain  nombre  de  points,  on  trouve 
comme  des  taches  rouges,  variables  en  forme  et  en 
grandeur,  qu'entoure  un  parenchyme  plus  pale. 

Trois   espèces   d'hyperémie   du  foie  doivent   êtrç 


58S  '  PRÉCIS 

admises  ,  relativement  aux  conditions  de  1  économie 
dans  lesquelles  elles  surviennent. 

Une  première  espèce  d'hyperémie  est  celle  qui  ré- 
sulte d'un  travail  d'irritation  dont  le  foie  est  devenu 
le  siège.  Cette  irritation  est  tantôt  idiopathiqne  ,  et 
tantôt  elle  est  la  suite  d'une  irritation  primitivement 
fixée  sur  le  tube  digestif. 

Une  seconde  espèce  d'hyperémie ,  dont  le  foie  me 
paraît  susceptible ,  est  celle  dans  laquelle  le  sang  s'ac- 
cumule d'une  manière  toute  passive  au  sein  du  paren- 
chyme hépatique  ,  comme  il  s'accumule  dans  les  gen- 
cives des  scorbutiques. 

Enfin  la  troisième  espèce  d'hyperémie  du  foie  est 
purement  mécanique  ;  elle  s'observe  dans  les  cas  où 
un  obstacle  quelconque  s'oppose  à  la  libre  entrée  du 
sang  dans  1rs  cavilés  droiles  du  cœur;  le  sang  stagne 
alors  dans  les  veines  sus-hépatiques  ,  et  engorge  le 
foie. 

Les  congestions  du  foie,  par  cause  mécanique ,  sont 
fort  communes  chez  les  enfans  naissans;  ceux  qui 
meurent  dans  un  état  d'asphyxie  ont  le  foie  tellement 
gorgé  de  sang,  que  quelquefois  ce  liquide  est  répandu 
en  couche  sur  la  surface  convexe  du  foie,  au-dessous 
des  membranes  enveloppantes  de  l'organe.  M.  Billard 
a  vu  môme,  chez  plusieurs  enfans,  un  épanchement 
de  sang  dans  l'abdomen  résulter  de  cet  état  de  tur- 
gescence du  foie. 

Au  lieu  de  s'accumiiler  dans  les  capillaires  hépa- 
tiques, le  sang  peut  s'échapper  des  vaisseaux  qui  le 
Contiennent,  s'éjiancher  dans  le  parenchyme  du  foie, 
el  produire  ainsi  niio  sorle  d'ajioplexie  hépatique.  Il 
est  de  ces  hcnioirhagies  qui  sont  dues  à  la  rupture 


d'aNATOMIE    PATITOroGIQLE.  689 

d'un  des  vaisseaux  considérables  qui  se  distribuent 
dans  le  foie.  J'ai  vu  ,  par  exemple  ,  une  hémorrhagie 
de  ce  genre  résulter  de  la  perforation  d'une  des  prin- 
cipales branches  de  la  veine-porte  hépatique  ;  autour 
de  la  perforation  existait  un  ëpanchement  sanguin  qui 
s'était  fait  jour ,  à  travers  le  parenchyme  hépatique 
déchiré  5  jusque  dans  la  cavité  péritonéale  (i).  Mais 
d'autres  fois  on  ne  découvre  d'altération  appréciable 
dans  aucun  vaisseau  :  tout  ce  qu'on  observe,  c'est  un 
amas  de  sang  liquide  ou  solide  en  un  ou  pkisieurs 
points  du  foie.  C'est  ce  qui  avait  lieu  dans  un  foie  qu'a 
bien  voulu  me  montrerM.  PiuUier;  il  contenait  en  di- 
vers points  de  son  étendue  des  collections  sanguines, 
semblables  à  celles  qui  constituent  les  hémorrhagies 
cérébrales.  Parmi  ces  collections,  les  unes  étaient 
formées  par  du  sang  entièrement  liquide ,  les  autres 
par  du  sang  à  demi-coagulé,  semblable  à  de  la  gelée  de 
groseille.  D'autres,  encore  plus  solides,  présentaient 
à  leur  centre  des  fragmens  de  fibrine  durs  et  décolo- 
rés. En  examinant  ce  foie  ,  je  me  demandais  si  cette 
fibrine  décolorée  ne  pouvait  pas  être  considérée 
comme  l'origine  d'un  certain  nombre  de  productions 
accidentelles,  encéphaloïdes  ou  autres,  dont  le  foie 
est  assez  souvent  le  siège.  Cette  conjecture  me  parut 
fortifiée  par  l'examen  d'un  autre  foie  ,  qui  me  fut 
montré  peu  de  temps  après  par  M.  Reynaud.  Sur  ce 
foie  on  observait  les  altérations  suivantes  : 

i".   Plusieurs  épanchemens  d'un  sang    tout-à-fait 
liquide. 


(i)  Lea  détails   de   cette  observation   sout  consignés  dans  la  Clinique 
Médicale. 


590  rp.Kcis 

» 

2".  Des  collections  d'un  sang  plus  concret  et  en- 
core coloré. 

5".  Des  amas  de  fibrine  décolorée,  ayant  la  con- 
sistance et  l'aspect  des  caillots  blancs  et  durs  du  cœur 
et  des  artères. 

4".  Une  matière  de  consistance  variable ,  d'un  rou^e 
pâle  en  quelques  points,  d'un  gris  sale  en  d'autres, 
ailleurs  verdâtre,  jaune  ou  blanche  ,  friable  en  plus 
d'un  point ,  comme  de  la  matière  tuberculeuse  qui 
commence  à  se  ramollir. 

Ces  diverses  matières  ,  depuis  le  sang  liquide  jus- 
qu'à la  matière  friable  dont  il  vient  d'être  question 
en  dernier  lieu  ,  n'étaient  manifestement  que  des 
transformations  diverses  d'une  même  substance  ;  et 
cette  substance  était  du  sang. 

5^  Un  grand  nombre  de  petits  vaisseaux  étaient 
remplis  par  une  matière  jaune  ou  grisâtre  ,  friable, 
semblable  à  celle  qui  était  épanchée  en  plusieurs 
points  du  parenchyme  hépatique. 

6*.  Dans  les  branches  les  plus  considérables  des 
veines  sus-hépatiques  existait  une  grosse  masse  de 
matière  friable,  s'écrasant  sous  le  doigt,  d'un  jaune 
verdâtre,  semblable  à  une  masse  encéphaloïde.  Elle 
n'adhérait  pas  aux  parois  veineuses,  qui  étaient  épais- 
sies d'une  manière  notable.  Toutefois,  en  plusieurs 
points  l'on  apercevait  des  espèces  de  brides  qui  par 
une  de  leurs  extrémités  adhéraient  aux  parois  vei- 
neuses, et  par  l'autre  à  la  matière  morbide  contenue 
dans  la  veine. 

"/,  Au-dessus  du  point  où    existait  celte  matière 
morbide,  la   veine  présentait  un  rétrécissement  no- 


n*ANATOMlE    PATÏïOl.Or.TOrE.  59  ! 

table  ,  et  il  semblait  qu'une  adhérence  tendît  à  s  o- 
pérer  entre  ses  parois. 

Ainsi  ces  faits  viennent  encore  confirmer  ce  que 
nous  avons  déjà  dit  dans  plusieurs  endroits  de  cet 
ouvrage,  savoir,  que  le  sang  en  s*^agnation  dans  les 
Vaisseaux  ou  hors  des  vaisseaux  peut  se  modifier  lui- 
même  ,  changer  d'aspect  extérieur  comme  de  tex- 
ture interne,  devenir  une  encéphaloide,  un  tubercule, 
un  fungus  hématode  ,  etc. 

IN'oublions  pas  que  dans  le  dernier  cas  cité  il  y 
avait  une  altération  notable  des  veines  elles-mêmes; 
remarquons  surtout  ce  remarquable  épaississement 
d'une  des  grosses  veines  hépatiques  ,  précisément 
au-dessus  du  point  où  elle  était  remplie  par  une 
matière  d'apparence  encéphaloide. 

§.   II.    LÉSIONS    DE    NUTRITION. 

Parmi  les  lésions  de  nutrition  du  foie  ,  les  unes 
ont  pour  efl'et  de  changer  son  volume  (hypertro- 
phie ou  atrophie),  et  les  autres  modifient  sa  con- 
sistance  (ramollissement  ou   induration). 

L'augmentation  du  volume  du  foie  par  hyper- 
trophie de  son  tissu  doit  être  distinguée  de  son 
augmentation   de  volume   par  simple   liyperémie. 

L'hypertrophie  du  foie  pourrait  être  distinguée 
en  plusieurs  espèces  ,  en  raison  des  variétés  de  cou- 
leur, de  consistance  ,  de  forme  que  le  foie  peut  pré- 
senter. 

Ainsi,  relativement  à  la  couleur,  l'hypertrophie 
du  foie  peut  coïncider,  i°.  avec  une  extiéme  pCdeur 
du  tissu  de   cet  organe  ;  2".  avec  une   teinte    rouge 


592  PRÉCIS 

beaucoup  plus  prononcée  que  de  coutume;  S**,  avec 
diverses  teintes  anormales  :  certains  foies  hypertro- 
phiés offrent  ,  par  exemple  une  coloration  grise. 
D'autres  sont  d'un  vert  foncé ,  d'autres  ont  une  cou- 
leur brune ,  qui  est  même  noire  en  quelques  points. 
-  Relativement  à  la  consistance  ,  il  faut  distinguer 
trois  espèces  d'hypertrophie  du  foie  ;  l'une  avec  con- 
servation de  la  consistance  normale  de  l'organe  ;  la 
seconde  avec  augmentation  de  cette  consistance,  et 
la  troisième  avec   diminution  de  cette  consistance. 

Enfin,  relalivement  à  la  forme  ,  l'hypertrophie  du 
foie  doit  être  distinguée  en  celle  qui,  portant  égale- 
ment sur  toutes  les  parties  du  foie ,  n'en  altère  pas  la 
conformation  ,  et  en  celle  qui ,  atteignant  spéciale- 
ment l'une  des  substances  du  foie,  ou  coïncidant 
avec  l'atrophie  de  l'autre  substance  ,  donne  lieu  à 
l'aspect  lobuleux,  mamelonné  ou  granuleux  du  foie. 

L'hypertrophie  du  foie   peut  avoir  Heu  en   même 
temps  dans  les  trois  lobes,  ou  être  bornée  à  un  seul. 
Tantôt  c'est   le  lobe  droit    qui   est  surtout  hypertro- 
phié ,  à  lui  seul  il  constitue  presque  tout  le   foie  ,  et 
le  lobe  gauche  n'apparaît  plus  alors  que  comme  une 
languette  mince  surajoutée  à  l'autre.  Tantôt,  au  con- 
traire ,  c'est  le  lobe  gauche  qui  est  spécialement  aug- 
menté de  volume  ;  alors  le  foie  vient  à  faire  une  saillie 
considérable  dans  l'hypochondregaTiche  ;  et ,  à  travers 
les  parois  abdominales,  on  pourrait,  dans  plus  d'un 
cas  ,  le  prendre  pour  la  rate  ;  d'autres  fois  c'est  seule- 
ment vers  l'épigastre  qu'on  sent  une  tumeur  qui  ap- 
partient au  foie,  et  qui,  par  sa  situation,  pouirait  en 
imposer   pour    une   tumeur  de  l'estomac.  Quant  au 
lobe  de  Spigel ,  je  n'ai  pas  vu  que  l'observation  cou- 


d'aNATOMIE    l'ATHOLOGIQUl-.  Sqo 

firmât  ce  qui  a  été  dit  sur  la  fréquence  de  son  aug- 
mentation cie  volume  ,  les  autres  lobes  du  foie  n  étant 
pas  hypertrophiés. 

Le  foie  du  fœtus  et  des  très -jeunes  enfans   est 
réellement    dans   un   état   d'hypertrophie,    relative- 
ment au  foie  de  l'adulte.   On   sait  qu'à  mesure  que 
l'enfant  s'éloigne  de  Tinstant  de  sa  naissance,  le  foie 
diminue  graduellement  de  volume,  cesse  de  s'étendre 
dans  une  partie  de  l'abdomen  ,   et  se  retire  derrière 
les  côtes,  au-dessous  desquelles   i!  ne  descend  plus 
que  dans  l'état  pathologique.  Cependant  il  est   des 
cas  où  cette  sorte  d'atrophie   normale  ne  s'accom- 
plit pas,   et  le  foie  conserve   pendant  toute   la  du- 
rée de   l'enfance,    ou  même  pendant  toute  la   vie, 
l'excès  de  volume  qu'il  avait  au  moment  de   la  nais- 
sance. Mais  ce  phénomène  n'est  pas  un  phénomène 
isolé  ;  il  se  lie  à  d'autres  perversions  de  nutrition  ,  qui 
fondent  cette  manière  d'être  à  laquelle  on  donne  le 
nom  de  constitution  scrophuleuse.  En  môme  temps 
que  le  foie  reste  plus   volumineux  qu'il  ne  devrait 
être,  les  ganglions  lymphatiques  présentent  aussi  un 
excès   de  développement ,  le  corps  thyroïde  se  tu- 
méfie ,  la  lèvre  supérieure  est   remarquable  par  son 
volume,    les    os  longs    se    gonflent    à    leur    extré- 
mité, etc.,  etc.  Ainsi,   dans  ce  cas,  l'hypertrophie 
du  foie  se  produit  sous  l'influence  d'une  cause  qui 
agit  en  même  temps  sur  bien  d'autres  parties;   elle 
est  un  des   signes  locaux  d'une   affection  véritable- 
ment  générale.   Yoilà  le  point  de  vue  qui,  dans   ce 
cas,  me  semble  le  plus  important  sous  le  rapport  de 
la  science  comme  sous  celui  de  la  pratique.  C'est  dans 
ce  point  de  vue  que  ne  se  sont  pas  placés  ceux  qui, 
IL  38 


594  PRÉCIS 

tendant  sans  cesse  à  la  localisation  des  maladies, 
croyant  avoir  tout  expliqué  ,  lorsqu'ils  rapportent 
en  pareil  cas  l'hypertrophie  du  foie  à  ce  qu'ils  ap- 
pellent nne  irritation  nutrilîve.  Pour  eux ,  l'état  du 
reste  de  l'économie  est  secondaire  ;  pour  moi ,  il 
est  tellement  la  chose  principale  ,  que  c'est  dans  cet 
état  général  que  je  trouve  la  raison  de  l'hypertrophie 
du  foie  5  ou  du  moins  c'est  cet  état  qui  m'aide  à 
en  comprendre   la   nature. 

En  m'occupant  des  altérations  que  peuvent  pré- 
senter les  deux  substances  du  foie ,  j'ai  été  amené  à 
parle(r  de  l'atrophie  de  cet  organe  ;  nous  avons  vu 
alors  qu'elle  dépendait  souvent  de  l'atrophie  isolée 
de  l'uno  ou  de  l'autre  des  substances  du  foie.  De  là 
différens  aspects  qui  ont  été  signalés. 

Considérée  dans  la  totalité  de  .l'organe  ,  l'atrophie 
du  foie  doit  être  distinguée  en  celle  qui  affecte  si- 
multanément les  trois  lobes,  et  en  celle  qui  est 
bornée  à  l'un  d'eux. 

Cette  atrophie  peut  coïncider  avec  un  état  d'in- 
duration ou  de  ramollissement   du  foie. 

j^e  foie  atrophié  diminue  le  plus  ordinairement 
de  volume  ;  mais  cela  n'est  nullement  nécessaire  ; 
il  peut  être  aussi  volumineux  que  dans  son  état  nor- 
mal ,  surpasser  même  ce  volume ,  et  cependant  avoir 
subi  une  atrophie  considérable  ;  mais  alors,  à  mesure 
qu'a  disparu  le  tissu  propre  du  foie,  il  a  été  rem- 
placé par  du  tissu  cellulaire.  En  pareil  cas,  l'organe  , 
privé  de  ce  qu'il  a  de  spécial  dans  sa  texture  ,  est 
réduit  à  sa  trame  primitive,  et  l'on  trouve  dans  le  foie 
de  larges  places  où  il  n'y  a  plus  qu'un  tissu  cellulaire 
assez  dense.  Mais  dansée  tissu  cellulaire,  une  orga- 


D  ANATOMIE    rAl[ÎOL0GIQLE.  595 

nlsation  plus  corapliquëe  peut  s  établir  ;  de  là,  la 
formation  de  kystes  séreux,  d'hydatides  ,  qui,  loin 
d'annoncer  alors  une  augmentation  de  Taction  orga- 
nique de  la  partie  où  ils  apparaissent ,  sont  peut-être 
liés  à  une  diminution  de  cette  action.  INe  pouvant 
pas  s'élever  jusqu'à  reproduire  le  parenchyme  hépa- 
tique ,  le  tissu  cellulaire  marque  en  quelque  sorte 
sa  tendance  à  l'organisation,  en  devenant  un  kyste 
séreux. 

L'induration  du  foie  a  depuis  long-temps  fixé  l'at- 
tention des  observateurs.  Elle  coïncide  fréquemment 
avec  un  état  d'hypertrophie  et  même  d'atrophie  du 
parenchyme  hépatique  ;  mais  elle  peut  aussi  exister 
avec  un  état  normal  du  volume  du  foie.  £n  même 
temps  qu'il  est  induré  ,  il  peut  être  coloré  en  un 
rouge  plus  ou  moins  foncé,  en  gris,  en  vert,  en  brun. 

Le  ramollissement  du  foie  est  au  moins  aussi  fré- 
quent que  son  induration.  Ce  ramollissement  pré- 
sente deux  degrés  :  dans  l'un ,  on  ne  s'aperçoit  de  la 
diminution  de  consistance  qu'a  subie  le  parenchyme 
hépatique ,  que  lorsqu'on  le  presse  entre  les  doigts  ; 
on  voit  alors  qu'il  s'écrase  et  se  réduit  en  pulpe  avec 
une  extrême  facilité.  Dans  un  second  degré  de  ramol- 
lissement, beaucoup  plus  rare  que  le  précédent,  on 
s'aperçoit,  par  la  simple  vue,  de  l'existence  de  ce 
ramollissement;  le  tissu  du  foie,  véritablement  liqué- 
fié ,  présente  un  aspect  semblable  à  celui  qu'on  lui 
donne  par  une  macération  prolongée  :  on  trouve  dis- 
séqués en  quelque  sorte  sa  trame  celluleuse  et  son 
appareil  vasculaire ,  dont  les  dernières  extrémités, 
divisées  comme  les  filamens  d'une  houppe  ,  et  privées 
de  leur  moyen  d'union ,  flottent  au  milieu  d'une  pulpe 

38. 


596  PRÉCIS 

'    rouge  ou  grise,  qui  ne  semble  être  autre  chose  que 
le  parenchyme  hépatique  revenu  à  l'état  liquide. 

Le  foie  ramolli  peut  avoir  sa  couleur  ordinaire  ; 
d'autres  fois  il  est  hyperémié  ,  et  par  conséquent 
rouge  ou  brun;  d'autres  fois,  enûn ,  il  est  au  contraire 
décoloré  d'une  manière  remarquable  :  il  semble  qu'en 
même  temps  que  son  tissu  a  perdu  sa  consistance 
accoutumée ,  il  s'est  moditlé  de  telle  sorte  ,  qu'il  a 
cessé  de  livrer  passage  à  la  matière  colorante  du  sang, 
dont  on  ne  trouve  plus  de  traces  que  dans  les  gros 
vaisseaux  de  l'organe  (  1 } . 

§.  III.     LÉSIONS    DE    SÉCRÉTION. 

Les  expériences  de  M.  Braconnot  ont  démontré 
que  le  foie  contient  normalement  une  petite  quantité 
de  matière  grasse;  normalement  aussi  cet  organe  sé- 
crète plus  ou  moins  abondamment  un  autre  principe 
gras  qu'on  retrouve  encore  ailleurs,  et  qui  est  connu 
sous  le  nom  de  cliolestérine. 

Ces  matières  grasses  viennent-elles  à  être  sécrétées 
en  quantité  plus  considérable  que  de  coutume  ,  ou 
sont-elles  modifiées  dans  leurs  qualités  :  il  en  résulte 
pour  le  foie  quelques  états  morbides. 

M.  Vauquelin  a  constaté  que  dans  les  foies  gras 
existe  un  principe  huileux,  auquel  ces  foies  doivent 
leur  aspect  et  la  propriété  qu'ils  ont  de  graisser  le 
scalpel.  On  peut  facilement  en  retirer  cette  huile  par 


(1)  J'ai  essayé  de  faire  ressortir  les  principales  variétés  trinduiation  ou 
do  ramollissement  du  l'oie  dans  plusieurs  observations  de  la  Clinique 
Médicale  (Maladies  do  rabdomen). 


d'anatomie  pathologique.  597 

rébullllion.  Tantôt  on  en  retira  à-  peine  quelques 
gouttes  ;  tantôt  la  matière  grasse  est  si  abondante 
qu'elle  occupe  plus  de  place  que  le  parenchyme  hé- 
patique lui-même.  Ainsi ,  dans  un  foie  gras,  M.  Vau- 
quelin  a  trouvé,  sur  loô  parties  : 

Huile 0,45 

Parenchyme 0,19 

Eau 0,36 


N 


100 

Les  portions  de  parenchyme  hépatique  infiltrées 
de  matière  grasse  sont  remarquables  par  leur  cou- 
leur semblable  à  celle  de  la  feuille  morte ,  et  leur 
consistance  est  diminuée.  Dans  ces  portions  il  ne 
semble  plus  y  avoir  de  sang,  ou  du  moins  on  n'y 
trouve  plus  de  trace  de  la  matière  colorante  de  ce 
liquide.  Tantôt  le  foie,  dans  toute  son  étendue,  est 
le  siège  de  cette  sécrétion  graisseuse;  tantôt  elle 
n'existe  que  dans  quelques  points  épars. 

Au  lieu  d'être  infiltrée  dans  le  parenchyme  hépa- 
tique ,  la  matière  grasse  est  quelquefois  réunie  en 
masse  en  un  point  quelconque  du  foie  ;  elle  y  est  dé- 
posée comme  s'y  dépose  du  tubercule  ou  du  pus.  Il 
en  résulte  des  masses  morbides  grises  ou  blanches, 
refoulant  autour  d'elles  le  parenchyme  hépatique,  et 
présentant  à  l'œil  et  au  toucher  toutes  les  propriélés 
de  la  graisse.  On  a  trouvé  de  ces  masses  graisseuses 
entièrement  formées  de  choies  té  rine. 

Les  causes  sous  l'influence  desquelles  le  foie  de- 
vient le  siège  d'une  sécrétion  de  matière  grasse  sont 
encore  inconnues.  On  n'a  émis  qu'une  hypothèse, 


39^"^  PRÉCI5 

lorsqu'on  a  dit  que  la  dégénéraliou  graisseuse  du  fore 
était  le  produit  d'une  irritation  de  cet  organe.  Car  ou 
pourrait  tout  aussi  bien  soutenir  que  cette  dégéné- 
ration graisseuse  ,  loin  d'avoir  été  précédée  par  un 
état  d'irritation  du  foie,  est  survenue  parce  que  la 
nutrition  de  cet  organe  est  devenue  moins  active  ;  et 
cette  dernière  hypothèse  serait  d'autant  plus  soute- 
nable,  qu'elle  se  déduirait  d'une  grande  loi  de  l'éco- 
nomie en  vertu  de  laquelle,  toutes  les  fois  qu'un 
organe  tend  à  s'atrophier,  une  matière  grasse  vient  à 
se  sécréter  autour  de  cet  organe  ou  à  la  place  même 
de  ses  molécules. 

Nous  avons  déjà  eu  occasion  de  faire  remarquer 
que  presque  tous  les  cas  de  dégénération  graisseuse 
du  foie  s'observent  chez  des  phthisiques  ,  c'est-à-dire 
chez  des  individus  dont  le  sang  n'est  plus  convena- 
blement élaboré,  et  dont  l'exhalation  pulmonaire  ne 
peut  plus  s'accomplir  eomme  dans  l'état  normal. 
Serait-ce  parce  que  chez  les  phthisiques  une  suffisanle 
quantité  d'hydrogène  cesse  d'être  expulsée  par  la  mu- 
queuse bronchique  sous  forme  de  vapeur  aqueuse  , 
que  chez  eux  ce  principe  vient  à  se  séparer  en  excès 
de  la  masse  du  sang  au  sein  du  parenchyme  hépa- 
tique? de  là ,  formation  de  matière  grasse  dans  le  foie. 
Je  ne  donne  cette  opinion  que  comme  une  pure  hy- 
pothèse, mais  qui  me  semble  mériter  la  peine  qu'on 
s'occupe  de  la  vériGer  par  de  nouvelles  recherches.  Ce 
ne  seraient  pas  là  d'ailleurs  des  recherches  isolées;  elles 
se  lieraient  à  d'autres,  où  l'on  déterminerait  jusqu'à 
([uelpointlamélanose  pulmonaire  reconnaît  pour  cause 
un  défaut  convenable  d'élimination  du  carbone  par 
Il  membrane  muqueuse  des  bronches;  jusqu'à  quel 


D  ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  599 

point  la  plus  grande  fréquence  de  la  gravelle  ,  dans 
les  lieux  ou  dans  les  temps  où  règne  une  tenipéralure 
froide  et  humide  ,  dépend  de  ce  que,  sous  l'influence 
d'une  telle  température ,  moins  d'azote  que  de  cou- 
tume est  éliminé  du  sang  à  travers  le  poumon.  Ainsi , 
une  légère  différence  dans  les  proportions  de  quel- 
ques-uns des  principes  gazeux  qui  normalement  doi- 
vent sortir  de  l'économie  avec  l'air  expiré,  telle  est 
peut-être  l'origine  d'un  certain  nombre  de  lésions  de 
sécrétion  ,  dont  les  théories  régnantes  nous  portent 
à  ne  placer  le  point  de  départ  que  dans  l'organe  môme 
où  a  lieu  la  lésion,  et  hors  duquel  nos  sens  ne  nous 
en  font  découvrir  aucune. 

Plusieurs  produits  morbides,  sans  analogues  dans 
l'état  sain,  peuvent  se  développer  dans  le  foie. 

Ainsi  du  pus,  soit  infiltré,  soit  en  foyer,  se  ren- 
contre quelquefois  au  sein  du  parenchyme  hépatique. 

Les  abcès  du  foie  sont  assez  rares  pour  que  quel- 
ques auteurs  modernes,  versés  dans  les  connaissances 
d'anatomie  pathologique,  en  aient  révoqué  l'exis- 
tence en  doute.  Très-rares  effectivement  dans  notre 
pays,  les  abcès  du  foie  sont  au  contraire  assez  com- 
muns dans  les  climats  très-chauds  ,  et  les  ouvrages 
qui  ont  été  écrits  sur  les  maladies  des  Européens  dans 
les  Indes  en  contiennent  de  nombreux  exemples  (1). 

Le  pas  du  foie  ne  diffère  pas,  comme  on  Ta  dit, 
du  pus  des  autres  parties  du  corps;  il  n'a  pas  surtout 
ci'lte  couleur  lie  de  vin  qu'on  lui  a  attribuée  ,  parce 
qu'on  l'a  confondu  sans  doute  avec  d'autres  produc- 
tions morbides,  et  particulièrement  avec  la  matière 

(i)  Rcsearclics  on  ihc  diseuses  oflndlu  ,  by  Jamea  AniiOi.ky. 


6oO  IMIÉCIS 

enccplialoïde.  Toutes  les  fois  que  f'aî  trouvé  du  pus 
dans  le  foie ,  il  était  blanc  et  consistant  comme  le  pus 
d'un  phlegmon. 

Parmi  les  foyers  purulens  dont  le  foie  peut  devenir 
le  siège  ,  il  en  est  qui  sont  tellement  peu  considé- 
rables, qu'il  semble  qu'une  gouttelette  de  pus  a  été 
déposée  en  un  point  du  parenchyme  hépatique.  Il  en 
est  d'autres  qui  occupent  tout  un  lobe  ,  et  même  la 
presque  totalité  de  l'organe.  On  en  trouve  quelquefois 
plusieurs,  qui  tantôt  communiquent  ensemble  par 
des  trajets  fîstuleux,  et  qui  tantôt  restent  parfaite- 
ment isolés.  Les  parois  de  ces  abcès  sont  souvent 
constituées  par  le  tissu  même  du  foie;  dans  d'autres 
cas,  une  pseudo-membrane  celluleuse  ou  pseudo- 
muqueuse tapisse  ces  parois  (i). 

Le  pus,  accumulé  dans  le  foie,  tend  à  en  sortir 
par  des  voies  diverses.  Les  voies  par  lesquelles  on  a  dit 
que  le  pus  formé  dans  le  foie  pouvait  être  évacué 
hors  de  cet  organe ,  sont  les  suivantes  : 

\°,  Un  trajet  fistuleux  ouvert  à  travers  la  peau  de 
l'abdomen ,  celle  des  côtes  et  de  l'aisselle. 

2°,  Le  diaphragme  et  la  plèvre  peuvent  se  perforer, 
et  l'abcès  s'ouvrir  dans  la  cavité  de  la  plèvre. 

5**.  Le  diaphragme,  la  plèvre  et  le  parenchyme 
pulmonaire  lui-même  peuvent  se  perforer,  et  le  pus 
être  évacué  à  travers  les  bronches.  Il  faut  pour  cela 
que  des  adhérences  se  soient  préliminairement  éta- 
blies, d'une  part,  entre  le  foie  et  le  diaphragme,  et 
d'autre  part,  entre  le  diaphragme  et  le  poumon  par 
l'intermédiaire  des  plèvres. 

(  I  )  Louis ,  Mémoire  sur  les  abcès  du  foie  rlans  le  Uêpcrloîrc  (Vanaiomlc,  ete». 
-^  Clinique  Mrd''calc  (  Maladies  de  l'abdomen  ). 


d'aNATOMIE    PATHOLOGIOIE.         ^  60  ! 

4°.  Quelques  abcès  du  foie  s'ouvrent  dans  la  cavllé 
du  péritoiue. 

S**.  D'autres  se  frayent  une  issue  dans  le  tube  di- 
eestif ,  soit  dans  l'estomac  ,  soit  dans  le  duodénum  , 
soit  dans  le  colon.  On  a  dit  qu'une  guérison  complète 
pouvait  résulter  de  ce  mode  d'évacuation. 

ô*".  On  a  vu  des  collections  purulentes,  formées 
dans  le  foie ,  non  loin  de  la  vésicule  du  liel ,  se  vider 
3ans  cette  poche ,  et  passer  de  là  dans  les  canaux  bi- 
liaires. 

'-^  On  a  cité  un  cas  de  communication  d'un  abcès 
du  foie  avec  l'intérieur  de  la  veine  cave  ; 

8".  On  a  recueilli  un  cas  d'abcès  du  foie  ouvert  dans 
le  péricarde.  Ce  cas,  qui  a  été  rapporté  par  le  doc- 
teur Smith,  d'après  un  journal  américain  (1)?  a  été 
observé  sur  une  négresse  âgée  de  trente-cinq  ans.  Un 
abcès  énorme  occupait  la  presque  totalité  du  foie.  Cet 
organe  adhérait  intimement  à  la  partie  gauche  du 
diaphragme.  A  travers  la  partie  adhérente  de  ce  muscle 
existait  une  ouverture  accidentelle  qui  faisait  com- 
muniquer l'abcès  du  foie  avec  le  péricarde  ;  la  cavité 
de  ce  sac  contenait  environ  deux  pintes  d'un  liquide 
purulent  semblable  à  celui  qui  existait  dans  le  foie. 
Des  pseudo-membranes  tapissaient  la  surface  interne 
du  péricarde. 

On  peut  rapporter  à  quatre  chefs  les  cas  dans  les- 
quels on  a  trouvé  du  pus  dans  le  foie. 

Le  premier  chef  comprend  les  cas  d'abcès  qui  se 
sont  formés  dans  le  foie  à  la  suite  d'une  irritation 
spontanée  de  cet  organe,  soit  primitive,  soit  consé- 

(1}  La  Clhuquc  cks  hùpilatix ,  tom.  I,  n". -i.  •■ 


6o2  rKÉcis 

cutivé  à  une  irrilalion  gastro-intestinale.  Nous  avons 
déjà  dit  que  ces  cas  sont  très-rares,  du  moins  dans 
nos  climats. 

Au  second  chef  se  rapportent  les  cas  où  l'irritation 
du  foie  ,  au  lieu  d'être  le  produit  d'une  cause  interne  , 
a  été  la  suite  d'une  violence  extérieure  qui  a  agi  direc- 
tement sur  la  région  hépatique. 

Sous  un  troisième  chef  se  ransirent  les  cas  où  l'abcès 
du  foie  a  suivi  une  irritation  par  cause  externe,  mais 
qui  a  lieu  primitivement  non  plus  sur  le  foie  lui- 
même  ,  mais  sur  le  cerveau.  Du  reste  ,  la  question  de 
la  formation  des  abcès  du  foie  à  la  suile  des  plaies 
de  tête  a  encore  besoin  d'être  éclaircie  par  de  nou- 
velles recherches. 

Enfin,  le  quatrième  chef  embrasse  ces  cas  qui, 
observés  par  les  anciens ,  puis  rejetés  par  un  so!i- 
disme  exclusif,  viennent  de  reprendre  place  dans  la 
science  ;  ces  cas  sont  ceux  où  le  pus  que  l'on  trouve 
dans  le  foie  paraît  y  avoir  été  apporté  avec  le  sang  par 
une  véritable  métastase.  Ce  sont  ces  cas  où ,  en  même 
temps  que  l'on  trouve  au  sein  du  parenchyme  hépa- 
tique une  ou  plusieurs  collections  purulentes  sans 
aucune  altération  appréciable  du  tissu  du  foie  autour 
d'elles,  on  rencontre  des  collections  semblables  dans 
plusieurs  autres  parenchymes.  C'est  le  même  fait  que 
nous  retrouvons ,  chaque  fois  que  nous  parlons  du  pus 
d'un  parenchyme  quelconque.  Du  reste,  c'est  dans 
trois  circonstances  différentes  que  se  montrent  ces 
collections  de  pus.  Tantôt  c'est  chez  des  individus  qui , 
depuis  un  temps  plus  ou  moins  long ,  ont  en  eux  un 
foyer  de  pus;  tantôt  c'est  immédiatement  après  que 
cet  ancien  foyer  a  été  tari  ;  tantôt  enfin ,  c'est  après 


d'aNATCMIE    i'ATIIOLOGîQUE.  GOJ 

qu'une  opération  chirurgicale  a  établi  une  suppura- 
tion en  un  point  quelconque  du  corps.  Dans  ces  trois 
circonstances  on  peut  se  rendre  compte  des  collec- 
tions purulentes  qu'on  trouve  simultanément  dans 
le  foie  et  dans  beaucoup  d'autres  organes  ,  soit  en  ad- 
mettant une  métastase  du  produit  morbide,  soit  eu 
supposant  que  par  cela  seul  que  du  pus  sécrété  long- 
temps en  un  point  de  l'économie  vient  à  ne  plus  s'y 
former,  l'économie  ,  habituée  à  cette  sécrétion  mor- 
bide,  la  reproduit  ailleurs;  soit  enfin  en  supposant 
qu'il  est  certains  individus  chez  lesquels  une  suppu- 
ration ne  peut  s'établir  en  un  point  du  corps,  sans 
qu'elle  tende  à  s'établir  aussi  en  d'autres  points. 

On  a  décrit  sous  le  nom  de  cancer  du  foie  une  al- 
tération de  cet  organe,  dans  laquelle  certains  pro- 
duits morbides  se  distinguant  par  des  caractères  phy- 
siques bien  tranchés,  viennent  à  se  déposer  dans  le 
parenchyme  hépatique.  Ces  produits  sont  ceux  que 
nous  avons  décrits  dans  le  premier  volume  sous  les 
noms  de  matière  encépkaloïde  et  colloïde.  Il  en  résulte 
dans  le  foie  des  masses  de  volume  variable ,  tantôt 
d'un  blanc  uniforme  ,  tantôt  d'un  blanc  mêlé  de  rouge. 
Leur  consistance  n'est  pas  la  metne  :  les  unes  sont 
plus  dures  que  le  parenchyme  qui  les  entoure;  les 
autres  ne  présentent  plus  qu'une  bouillie  grisâtre  ,  au 
milieu  de  laquelle  une  plus  ou  moins  grande  quantité 
de  sang  est  souvent  épanchée.  Ces  masses  occupent 
assez  fréquemment  la  plus  grande  partie  du  paren- 
chyme hépatique;  entre  elles,  on  trouve  à  ])eine 
quelques  vestiges  du  tissu  normal  du  foie.  Elles 
peuvent  faire  saillie  à  Textérieur  de  l'organe;  elles 
donnent  alors  au  foie  un  aspect  comme  bosselé,  qui 


6o4  rr.écîs 

parfois  est  appréciable  à  travers  les  parois  abdomî- 

Dales. 

Il  résulte  de  quelques  faits  cités  plus  haut,  que  ces 
masses  dites  cancéreuses  du  foie  peuvent  reconnaître 
pour  origine  un  épanchement  de  sang  ,  qui  une  fois 
coagulé  au  sein  du  parenchyme  hépatique,  y  subit 
]€s  altérations  diverses  que  nous  avons  signalées.  Mais 
il  s'en  faut  qu'il  soit  prouvé   que  telle  est  l'originx} 
constante  des  tumeurs  cancéreuses  du  foie.  Tout  ce 
qu'il  est  souvent  possible  de  saisir ,  c'est  d'abord  l'in- 
filtration d'une  fraction  du  parenchyme  hépatique  par 
une  matière  blanchâtre,  avec  injection  plus  ou  moins 
vive  de  ce  parenchyme ,  dans  le  point  même  de  l'in- 
fiîtration  ou  autour  de  lui.  Peu-à-peu  la  matière  blan- 
châtre devient  de  plus  en  plus  abondante,  le  tissu 
du  foie  cesse  de  se  dessiner  au  milieu  d'elle,  mais 
on  peut  encore  l'y  retrouver  soit  par  la  dissection  ; 
soit  par  la  macération  ;  souvent  alors   on  reconnaît 
que  les  vaisseaux  qui  traversent  la  masse  morbide  ,  et 
qu'on  aurait  pris  d'abord  pour  des  vaisseaux  de  nou- 
velle formation  développés  dans  son  sein  ,  appartien- 
nent au  foie  lui-même.    Ils  sont  une  des  sources  des 
hémorrhagies  qui, arrivent  souvent  au  milieu  de  ces 
masses,  à  une  certaine  période  de  leur  existence. 

Il  est  inexact  de  dire  qu'autour  de  ces  masses 
il  ny  a  que  refoulement  du  parenchyme  hépati- 
que ;  ce  parenchyme  subit  en  pareil  cas  une  véritable 
atrophie  :  sa  nutrition  diminue  d'activité  en  môme 
temps  que  la  sécrétion  morbide  dont  il  est  le  siège 
devient  de  plus  en  plus  considérable.  Il  peut  aussi 
sirritcr,  s'hvperémier  autour  de  chaque  masse  can- 
céreuse, soit  d'une  manière  continuelle,  soit  par  inter- 


d'aXATOMIE    PATIIOLOGIQIE.  Co5 

valles.  Souvent  alors  il  sécrète  du  pus  ,  ou  s'ulcère  , 
et  quelquefois  le  résultat  de  cette  ulcération  est  la 
communication  d'une  masse  encéphaîoïde  avec  l'in- 
térieur du  péritoine  ou  du  tube  digestif. 

Au  lieu  des  produits  morbides  qui  viennent  d  être 
indiqués,  on  a  trouvé  dans  le  foie  une  matière  blanche 
et  friable  qu'on  a  appelée  du  tubercule  ;  la  sécrétion 
de  cette  matière  est  assez  rare  dans  le  foie  :  tantôt 
elle  y  existe  seule  ;  tantôt  elle  y  est  mêlée  à  de  la 
matière  encéphaîoïde  dont  elle  se  distingue  par  sa 
couleur  et  par  sa  consistance.  Quelquefois  aussi ,  mais 
encore  plus  rarement^  le  foie  vient  à  sécréter  de  la 
mélanose. 

Enfin,  dans  le  foie  plus  souvent  que  dans  !a  plupart 
des    autres   organes,    se  développent  des  acéphaio- 
cystes.  Elles  occupent  dans  l'intérieur  de  cet  organe 
des  kystes  ,   dont   les   dimensions   sont   quelquefois 
telles,  que  le  foie  se  trouve  presque  transformé  dans 
sa  totalité  eu  une  vaste  poche  où  nagent,  au  milieu 
d'un  liquide  variable,  de  nombreuses  hydatides.  Ttes 
parois   de   cette   poche    sont  le   plus  ordinairement 
constituées  dans  le  foie  par  une  membrane  fibreuse 
qu'on  peut  séparer  du  tissu  du  foie  sans  le  déchirer. 
Souvent  la  poche  hydatique  est  très-près   de  la  sur- 
face extérieure  du  foie;  elle  peut  faire  une  sa«ilie 
plus  ou  moins  considérable  au-dessus  du  niveau  de 
celte  surface ,  et  devenir  appréciable  à  travers  les  pa- 
rois abdominales  qu'elle  soulève  (i). 

Les  kystes  hydatiques  du  foie  peuvent  s'ouvrir,  i".  à 
l'extérieur  à  travers  les  parois  abdominales  ;  2°.  dans 

(i)  Clinique  Mi dica  le. 


6o6  '  rnÉcis 

la  cavrto  chi  péritoine;  5°.  dans  l'intérieur  du  tube 
digestif;  4"'  ^^ns  la  plèvre;  5°.  dans  l'intérieur 
même  des  bronches,  d'où  elles  sont  chassées  au- 
(lehors  par  l'expectoration. 

Il  n'est  presqu'aucune  des  altérations  du  foie  qui 
viennent  d'être  décrites  qu'on  n'ait  désignées  sous 
le  nom  à'hépatite.  A  mon  avis,  il  n*en  est  non  plus 
presque  aucune  qui  ne  puisse  résulter  d'une  irritation 
qui  a  eu  pour  premier  effet  de  déterminer  une  hy- 
perémie  du  foie.  En  veut- on  une  preuve  évidente  : 
quatre  individus  éprouvent  sur  la  région  même  du 
foie  une  violence  extérieure  (i)  :  chez  l'un  un  abcès 
se  développe  dans  le  foie  ;  chez  le  second,  cet  organe 
devient  cancéreux;  chez  le  troisième,  il  se  remplit 
d'hydatides  ;  et  chez  le  quatrième  il  s'atrophie.  Dans 
ces  quatre  cas  l'irritation  a  été  manifestement  le 
j)oint  de  départ  des  altérations  du  foie.  Mais  quel 
a  été  son  rôle  :  elle  a  dérangé  le  mode  normal  de 
nutrition  du  foie  ;  là  s'est  bornée  son  influence  ,  la 
prédisposition  de  l'individu  a  fait  le  reste.  D'un  autre 
côté,  je  ne  sache  pas  une  altération  de  nutrition  ou 
de  sécrétion  du  foie,  pas  même  une  collection  de 
pus  dans  son  parenchyme  ,  qui  puisse  être  con- 
sidérée comme  ayant  sa  cause  nécessaire  dans  un 
travail  antécédent  d'irritation;  Je  n'en  connais  pas 
une  de  laquelle  on  puisse  dire  qu'une  hyperémie  en 
a  nécessairement  précédé  la  formation.  Qu'exprime 
donc  le  mot  hépatite?  rien  autre  chose  que  le  lien 
commun  qui  unit  souvent  les  unes  aux  autres  les 
diverses  lésions  de  nutrition  ou  de  sécrétion  que  le 

(i)  Clinique  Midicalc, 


d'anatomie  pathologique.  607 

foie  peut  éprouver.  Mais  ce  lieu  n'est  ni  constant  ni 
nécessaire  ;  et  si  nous  venons  de  voir  tout-à-1'heurc 
un  cas  où  une  hyperémie  du  foie  par  violence  exté- 
rieure a  été  suivie  de  la  formation  d'hydatides,  je 
pourrais  citer  bien  d'autres  cas  où  rien  ne  montre  un 
pareil  point  de  départ ,  et  où  par  voie  d'analogie  Ton 
arriverait  au  contraire  à  admettre  que  le  développe- 
ment de  ces  entozoaires  se  trouve  lié  dans  le  foie 
à  une  diminution  dans  l'activité  de  la  nutrition  nor- 
male de  cet  organe. 


ARTICLE    II. 

MALADIES    DES    VOIES    d'eXGRÉtION    DE    LA    BILE. 

Les  canaux  qui  transmettent  la  bile  dans  le  duo- 
dénum, la  vésicule  qui  lui  sert  de  réservoir,  sont  sus- 
ceptibles de  diverses  altérations  dont  les  principales 
peuvent  être  ramenées  aux  suivantes.  Ces  altérations 
ne  produisent  d'accident  pendant  la  vie ,  que  lors- 
qu'elles donnent  lieu  à  la  diminution  de  calibre  des 
canaux  ou  de  la  vésicule. 

Sous  l'influence  d'une  simple  hyperémie,  la  mem- 
brane muqueuse  qui  tapisse  la  surface  interne  des 
canaux  biliaires  se  tuméfie  parfois,  au  point  qu'il  en 
résulte  d'abord  un  rétrécissement ,  puis  une  obstruc- 
tion complète  de  la  partie  du  canal  où  a  lieu  cette 
hyperémie.  J'ai  vu  des  cas  où  telle  a  été  la  cause  d'ic- 
tères qui  duraient  depuis  un  temps  plus  ou  moins 
long.  En  pareil  cas  le  point  de  départ  de  l'hyperémie 


(3q8  v)\vx.i^ 

peut  elre  dans  les  canaux  eux-mêmes  ou  dans  le  tube 
digestif.  De  ce  tube,  l'irritation  se  propage  alors  au 
canal  cholédoque ,  comme  de  l'urèthre  on  la  voit  sou- 
vent se  propager  au  conduit  déférent  et  aux  canaux 
séminifères. 

Lorsque  l'obstruction  existe  dans  le  canal  cholé- 
doque 5  il  arrive  souvent  que  les  autres  canaux,  ainsi 
que  la  vésicule  ,  présentent  une  dilatation  qui  peut 
être  portée  au  point  qu'il  en  résulte  au  milieu  du  foie 
de  véritables  cavités  accidentelles  remplies  de  bile. 

Frappées  d'irritation  chronique  ,  les  parois  des 
canaux  biliïiires  peuvent  subir  une  hypertrophie  plus 
ou  moins  considérable ,  et  en  même  temps  leur  cavité 
reste  la  même  ou  se  dilate.  D'autres  fois  cette  cavité 
s'efface  complètement,  et  le  canal  se  trouve  trans- 
formé en  un  cordon  fibreux.  Cette  transformation  a 
été  vue  dans  le  canal  cholédoque  et  dans  le  cystique. 

Lorsque  les  canaux  biliaires  sont  oblitérés  depuis 
long-temps,  la  vésicule  du  fiel,  d'abord  dilatée,  re- 
vient ensuite  sur  elle-même  ;  la  bile  qu'elle  contenait 
est  résorbée  ,  et  on  ne  trouve  plus  dans  le  reste  de 
cavité  qu'elle  présente ,  qu'une  petite  quantité  de 
mucosités  ou  bien  quelques  calculs  qui  la  remplissent 
toute  entière. 

Irritées  d'une  manière  aiguë  ou  chronique  ,  les 
parois  des  canaux  biliaires  tendent  parfois  à  se  ra- 
mollir ou  à  s'ulcérer  ;  enfin  elles  se  perforent ,  et  il 
en  résulte  un  épanchement  de  bile  dans  la  cavité  du 
péritoine.  La  perforation  arrive  quelquefois  derrière 
un  point  où  le  canal  est  oblitéré. 

La  vésicule  présente  les  mêmes  altérations  que 
les  canaux  ;   il    en   résulte  seulement    d'autres    for- 


d'anatomie  pathologique.  609 

mes  de  lésion  :  ainsi  on  a  trouvé  ses  parois  ron- 
ges, ulcérées  ,  ramollies  ,  perforées.  Le  résultat 
de  cetfe  perforation  a  été  tantôt  un  épanchement 
de  bile  dans  le  péritoine  ,  tantôt  un  écoulement 
de  ce  liquide  au-dehors  à  travers  la  peau  qui  s'est 
perforée  en  même  temps  que  la  vésicule;  il  faut, 
pour  que  cela  ait  lieu ,  que  des  adhérences  se  soient 
préliminairement  établies  entre  la  vésicule  et  la  peau. 

D'autres  fois  on  a  constaté  l'existence  d'une  hyper- 
trophie notable  des  parois  de  la  vésicule;  alors  les 
plis  de  la  muqueuse  disparaissent  ,  un  tissu  cellulaire 
condensé  ,  semblable  à  du  tissu  fibreux  ,  est  interposé 
entre  la  muqueuse  et  la  séreuse  ;  enfin  dans  ce  tissu 
cellulaire  il  me  semble  en  pareil  cas  avoir  trouvé  de 
véritables  faisceaux  charnus;  ainsi,  en  beaucoup  de 
points  de  l'économie  nous  trouvons  qu'un  des  effets 
de  l'hypertrophie  est  de  faire  paraître  des  fibres  mus- 
culaires là  où  dans  l'état  normal  on  ne  les  observe  pas 
chez  l'homme  ,  mais  où  très-vraisemblablement  elles 
existent  à  un  état  rudimentaire. 

La  vésicule  du  fiel  peut  acquérir  un  volume  consi- 
dérable en  même  temps  que  ses  parois  s'hypertro- 
phient.  D'autres  fois  elle  se  montre  aussi  très-dilatée, 
elle  dépasse  de  beaucoup  le  bord  tranchant  du  foie, 
sans  que  ses  parois  paraissent  être  altérées;  elles  ne 
sont  que  distendues,  mais  cela  n'a  guères  lieu  que 
dans  les  cas  où  une  obstruction  du  canal  cholédoque 
oblige  la  bile  à  s'accumuler  dans  la  vésicule. 

L'atrophie  de  la  vésicule  présente  deux  degrés: 
dans  le  premier,  sa  cavité  existe  encore,  mais  elle  est 
extrêmement  petite;  dans  le  second  degré,  toute 
espèce  de  cavité  a  disparu  ^  et  le  canal  cystique  ,  par- 

n.  09 


()10  VRKCIS 

venu  au  point  où  existe  ordinairemenl  la  vésicule,  se 
perd  dans  une  masse  celluleuse  plus  ou  nioins  dure. 

Celte  atrophie  survient  souvent  sans  cause  connue; 
«lie  est  le  résultat  d'un  obstacle  à  l'arrivée  de  la  bile 
dans  le  canal  cystique  ;  alors  ne  remplissant  plus  de 
fonctions,  la  vésicule  tend  à  disparaître,  rentrant  en 
cela  dans  la  loi  qui  produit  l'atrophie  de  tout  organe 
devenu  inutile,  du  thymus,  des  capsules  surrénales,  etc. 
Dans  d'autres  circonstances,  c'està  la  suite  d'une  irri- 
tation que  la  vésicule  du  fiel  vient  à  subir  une  atro- 
phie telle,  qu'elle  finit  par  disparaître.  J'ai  cité  ailleurs 
îe  cas  remarquable  d'un  individu  qui  ,  un  certain 
temps  avant  sa  mort,  avait  rendu  par  une  ouverture 
fistuleuse  survenue  spontanément  à  l'hypochondre 
4roit ,  du  pus  et  des  calculs ,  et  chez  lequel ,  à  louver- 
ture  du  cadavre ,  on  ne  trouva  aucune  trace  de  vési- 
cule biliaire  (i). 

La  vésicule  devient  parfois  le  siège  de  diverses  sé- 
crétions morbides  ,  i''.  dans  l'intérieur  même  de  sa 
cavité,  où  à  la  place  de  bile  on  trouve  du  mucus,  des 
calculs,  du  sang,  du  pus;  2^.  dans  l'épaisseur  même 
de  ses  parois,  qui  assez  souvent  s'infiltrent  de  séro- 
sité ou  deviennent  le  siège  soit  d'une  sécrétion  tuber- 
culeuse ,  soit  d'une  sécrétion  calcaire.  Quelquefois^ 
en  effet ,  l'on  a  trouvé  les  parois  de  la  vésicule  en 
grande  partie  ossifiées. 

La  vésicule  du  fiel  présente  en  outre  quelques  aber- 
rations  congénitales  de  nutrition.  Ainsi  elle  manque 
parfois  complètement,  et  en  pareil  cas  le  foie  de 
l'homme  ,  privé  de  vésicule,  redevient  semblable  au 

(i)  Clinique  Médicale, 


D'aNATOMIE    PATITOrOGIOUE.  6|  I 

foie  de  certains  îmîmanx  qui  en  sonl  aussi  dépourvus. 
D'autres  fois,  elle  piésente  à  son  intérieur  une  divi- 
sion en  plusieurs  loges.  Dans  quelques  cas  elle  reçoit 
directement  son  canal  du  foie  lui-même,  et  donne 
naissance  à  un  autre  conduit  qui  va  s'ouvrir  isolément 
dans  l'inteslin.  Il  y  a  d'ailleurs  dans  la  conformation 
des  divers  canaux  biliaires  quelques  variétés  dignes 
de  remarque.  Ainsi,  pins  d'une  fois,  l'on  a  Irouvé 
deux  cholédoques  ,  qui  tantôt  s'ouvraient  tous  deux 
dans  le  duodénum,  tandis  que  d'autres  fois  l'un  de 
ces  canaux  allait  se  terminer  à  l'estomac.  Dans  d'au- 
tres cas  où  il  n'y  avait  qu'un  seul  cholédoque ,  on  l'a 
vu  aboutir  a  l'estoniac,  et,  s'il  faut  en  croire  un  ancien 
auteur,  cette  insertion  insolite  du  canal  cholédoque 
aurait  coïncidé  ,  dans  un  cas  ,  avec  un  état  habituel 
de  boulimie.  Dans  d'autres  cas,  enfin,  le  canal  cho- 
lédoque s'insérait  bien  au  duodénum,  mais  non  plus 
à  sa  place  accoutumée  ;  c'était  immédiatement  au- 
dessous  du   pylore  qu'on  en  trouvait  l'orifice. 


ARTICLE  III. 


At.TER4TI0NS     DE     LA    BILE. 


Aucun  rapport  ne  saurait  être  établi  entre  les  alté- 
rations du  foie,  telles  que  l'analomie  nous  les  dé- 
couvre, et  les  altérations  de  la  bile  appréciables  par 
nos  divers  moyens  d'investigation.  Ainsi,  dans  la  plu-  . 
part  des  cas  où  le  foie  présente  une  des  lésions  nom- 
breuses ci-dessus  décrites  ,  la  bile  qui  remplit  les 
canaux  et  la  vésicule   ne   paraît  altérée  ni  dans  sa 

59, 


6l2  PRÉCIS 

cfUtinlité,  ni  dans  ses  qualités.  Dans  d'autres  cas,  au 
contraire  ,  où  l'anatomie  ne  montre  dans  le  paren- 
chyme hépatique  aucune  trace  d'altéralion,  on  trouve 
la  bile  soit  plus  abondante  ou  plus  rare  que  de  cou- 
tume, soit  avec  des  qualités  différentes  de  celles  qui 
constituent  son  état  normal.  J'ai  été  quelquefois 
frappé  de  l'énorme  quantité  de  bile  qui  distendait  le 
tube  digestif  ,  dans  des  cas  où  une  légère  hyperémie 
existait  à  peine  dans  ce  tube  ,  et  où  le  foie  ne  pa- 
raissait en  aucune  façon  altéré. 

Pourquoi  cette  absence  de  lésion  de  l'organe  sécré- 
teur,  dans  les  cas  de  lésion  du  liquide  sécrété  ?  C'est 
que  dans  le  foie,  comme  dans  tout  organe  destiné  à 
séparer  du  sang  un  liquide  quelconque  ,  les  altéra- 
tions de  texture,  les  plus  graves  en  apparence,  ne 
sont  pas  celles  qui  exercent  toujours  sur  l'acte  de  la 
sécrétion  la  plus  grande  influence  ;  la  lésion  de  cette 
sécrétion  semble  liée  surtout  à  d'autres  lésions  qui 
nous  échappent,  et  de  plus  ,  dans  le  foie  comme  dans 
tout  autre  organe  sécréteur,  c'est  souvent  dans  d'au- 
tres lésions  que  dans  celles  de  l'organe  sécréteur  lui- 
même  qu'il  faut  chercher  la  cause  du  vice  de  la  sé- 
crétion. Ainsi  il  est  démontré,  par  les  expéjiences 
de  M.  Magendie,  qu'en  modifiant  la  nourriture  d'un 
animal,  on  modifie  à  volonté  la  composition  de  la  bile. 
Yoilà  un  cas  bien  tranché  où  il  y  a  modification  de  la 
bile  ,  parce  qu'il  y  a  eu  d'abord  modification  du  sang. 

Les  altérations  que  la  bile  est  susceptible  d'éprouver 
dans  ses  qualités  peuvent  être  reconnues,  i''.  par  la 
simnle  inspection;  s**,  par  les  expériences  physiolo- 
«riques  ;  5".  par  l'analyse  chimique. 

Des  expériences  faites  sur  les  animaux  vivans  ont 


D*ANATOMiE    PATlîOLOGIQi:E.  6  1  5' 

depuis  long-temps  appris  que,  de  différentes  biles 
prises  sur  divers  cadavres ,  il  en  est  qui ,  introduites 
dans  le  corps  vivant ,  ne  produisent  d'autre  inconvé- 
nient que  celui  d'une  irritation  peu  considérable  , 
tandis  qu'il  est  d'autres  biles  qui  déterminent  des  ac- 
cidens  beaucoup  plus  graves  et  causent  une  mort 
plus  ou  moins  prompte.  Il  est  certaines  biles  que  l'on 
peut  impunément  toucher  et  goûter  ;  il  en  est  d'autres 
qui  déterminent  sur  la  langue  et  sur  les  lèvres  des 
pustules,  des  ulcérations,  etc.  Ainsi  voilà  dans  la  bile 
des  altérations  graves  ,  dont  la  connaissance  ne  saurait 
nous  être  donnée  par  l'anatomie. 

Les  altérations  de  qualité  que  la  simple  inspection 
nous  fait  découvrir  dans  la  bile  se  réduisent  à  des 
altérations  de  couleur  et  de  consistance.  Ainsi,  on 
la  trouve  avec  toutes  les  nuances  de  couleur,  depuis 
le  noir  le  plus  foncé  jusqu'à  une  teinte  blanchâtre  à- 
peu-près  transparente,  semblable  à  celle  d'une  eau 
légèrement  trouble.  Sa  consistance  est  aussi  très-va- 
riable :  tantôt  on  la  prendrait  pour  une  poix  épaisse; 
elle  est  gluante  et  visqueuse  ;  tantôt  elle  coule  comme 
de  l'eau.  D'ailleurs  ,  ces  différentes  variétés  de  bile 
se  rencontrent  avec  tous  les  états  morbides  possibles, 
et  jusqu'à  présent  il  n'a  pas  été  possible  de  les  ratta- 
cher soit  à  des  états  spéciaux  du  foie,  soit  à  certains 
groupes  de  symptômes. 

L'analyse  chimique  a  montré  que  les  différent  prin- 
cipes qui  entrent  normalement  dans  la  composition 
de  la  bile  varient  beaucoup  en  proportion.  11  est  des 
cas  où  l'on  n'a  trouvé  à-peu-près  autre  chose  dans  la 
bile  que  de  l'eau  et  de  l'albumine  ;  c'est  ce  qui  a  été 
souvent  observé  dans  les  cas  de  foie  gras.    D'autres 


6l4  PRÉCIS 

fois  c'est  ou  la  matière  jaune  ,  ou  la  résine,  ou  la 
cholestérine  qui  est  le  principe  prédominant.  Les 
causes  qui  font  ainsi  varier  la  composition  de  la  bile 
restent  à  découvrir. 

C'est  d'un  changement  dans  la  proportion  des  prin- 
cipes qui  composent  ordinairement  la  bile  que  ré- 
sulte la  formation  des  calculs  biliaires.  Ces  calculs 
peuvent  exister  en  trois  lieux  principaux  :  i^  à  l'in- 
térieur même  du  foie,  où  ils  sont  contenus  dans  les 
ramifications  du  conduit  excréteur  de  la  bile  ;  2°.  dans 
les  t-rois  grands  canaux  d'excrétion  (  hépatique  ,  cys- 
tique  et  cholédoque  );  5°,  dans  la  vésicule.  Ce  der- 
nier réservoir  peut  contenir  de  nombreux  calculs, 
sans  qu'il  en  résulte  aucun  accident  appréciable;  au 
contraire  ,  un  seul  calcul  situé  dans  les  canaux  hépa- 
tique ou  cholédoque  peut,  par  l'obstacle  qu'il  ap- 
porte au  cours  de  la  bile,  produire  l'ictère,  que  ne 
déterminent  pas  les  lésions  isolées  de  la  vésicule. 

Le  volume  des  calculs  biliaires  çs.t  très-variable  : 
les  uns  ressemblent  à  des  grains  de  sable  ;  les  autres 
égalent  la  grandeur  d'une  noix  ou  d'un  petit  œuf  de 
poule.  Leur  nombre  est  en  général  en  raison  inverse 
de  leur  volume.  Des  formes  diverses  qu'ils  présen- 
tent, la  plus  remarquable  est  la  forme  à  facettes  ,  qui 
existe  toutes  les  fois  que  plusieurs  calculs  existent 
à-la-fois  dans  la  vésicule.  On  en  trouve  quelquefois 
qui  sont  hérissés  de  nombreuses  aspérités,  et  qui 
sous  ce  rapport  ont  de  la  ressemblance  avec  les  calculs 
de  la  vessie  formés  d'oxalate  de  chaux.  Ils  oQVent  trois 
couleurs  principales  ,  une  blanche  ,  une  jaune  et  une 
noire.  Il  est  très-commun  de  voir  des  calculs  biliaires, 
noirs  à  l'extérieur,  être  jaunes  intérieurement.  Ou^l- 


d'ANATOMIE    PATIIOLOr.IOUE.  GiS* 

ques-uqs  ont  une  cassure  brillante  et  demi-transpa- 
rente. 

Considérés  sons  le  rapport  de  leur  composiliorfe 
chimique,  les  calculs  biliaii:es  présentent  cinq  va- 
riétés. 

Une  première  variété  de  calculs  est  composée  de 
la  matière  jaune  de  la  bile  ;  UTie  seconde  ,  de  la  matière 
résineuse;  une  troisième,  de  cholestérine  ;  une  qua- 
trième, de  picromel  (i)  ;  enfin  une  cinquième  variété 
comprend  les  calculs  formés  de  phosphate  de  chaux. 
J'ai  trouvé  deux  fois  de  semblables  calculs  dans  la 
vésicule  ;  mais  c'était  dans  des  cas  où  l'oblitération 
du  canal  cystique  ne  permettait  plus  depuis  long- 
temps à  la  bile  d'arriver  dans  la  vésicule;  c'était  au 
milieu  du  mucus  qu'elle  contenait  que  s'était  formée 
une  concrétion  de  phosphate  calcaire. 

Au  lieu  de  bile  ou  de  matières  formées  aux  dépens 
de  la  bile  ,  on  a  trouvé  dans  les  voies  d'excrétion 
de  ce  liqiiide ,  i°.  du  mucus  et  du  pus,  nous  eu 
avons  déjà  parlé;  2\  du  sang;  5°.  des  entozoaires 
qui  tantôt  nés  dans  le  tidjc  digestif,  se  sont  intro- 
duits dans  le  foie  (  ascarides  lombricoïdes  ),  et  qui 
tantôt  ont  pris  naissance  dans  les  canaux  biliaires 
eux-mêmes    (douves  du  foie  ). 

Dans  les  cas  où  la  matière  jaune  de  la  bile  cons- 
titue par  sa  présence  dans  la  plupart  des  solides  et 
des  liquides,  la  maladie  connue  sous  le  nom  d'ictère, 
existe-t-il  toujours  dans  les  canaux  biliaires  un  obs- 
tacle à  l'écoulement  de  la  bile  dans  le  duodénum? 


(i)  L-e  f>ioressenr  OiTih»  a  prouvé  le  premipr  qu'un  cntain  nombre   de 
calciilt»  biliaiies  élnient  csc.tnliclk;mtnt  couipoirt;»  de  i^iciuiuel. 


6l6  PRÉCIS 

cette  opinion  ne  peut  plus  être  soutenue  aujourd'hui. 
Bien  des  fois  en  effet  on  a  trouvé  ces  canaux  parfaite- 
ment libres  chez  des  individus  morts  avec  un  ictère  (i). 
D'ailleurs  rien  n'est  plus  variable  que  l'état  dans  lequel 
on  trouve  le  foie  en  pareil  cas  :  des  nombreuses  alté- 
rations que  l'anatomie  y  découvre  ,  il  n'en  est  aucune 
qui  ne  puisse  être  accompagnée  d'ictère  ;  mais  il  n'en 
est  non  plus  aucune  qui  le  produise  d'une  manière 
constante  ;  il  est  même  des  cas  où  ,  sur  des  cada- 
vres d'individus  ictériques ,  on  ne  trouve  dans  le  foie 
et  ses  annexes  aucune  sorte  de  lésion  appréciable  ; 
et  dans  plusieurs  de  ces  cas  il  est  permis  de  douter 
que  le  foie  ait  joué  quelque  rôle  dans  la  production 
de  l'ictère.  Il  s'en  faut,  du  reste ^  que  la  coloration 
jaune  de  la  peau  doive  être  considérée  comme  ne 
pouvant  reconnaître  pour  cause  que  la  présence  des 
matériaux  de  la  bile  dans  le  sang.  Dans  plus  d'un 
cas  la  teinte  ictérique  de  la  peau  ne  paraît  être  que 
le  produit  d'une  suffusion  sanguine  dans  son  tissu. 
Telle  paraît  être  surtout  la  nature  de  l'ictère  des 
nouveau-nés.  On  peut  voir  alors  la  teinte  rouge  de 
la  peau  se  transformer  peu-à-peu  en  une  teinte  jaune 
qui  s'efface  à  son  tour  ,  et  est  remplacée  enfin  par 
la  couleur  naturelle  de  la  peau.  On  n'a  trouvé  dans 
le  foie  des  nouveau-nés  aucune  lésion  constante  qui 
pût  rendre  raison  de  ces  ictères.  Chez  de  petits  enfans 
morts  ictériques,  l'on  dit  avoir  rencontré  le  foie 
gorgé  de  sang  ;  mais  on  l'a  trouvé  au  moins  aussi 
souvent  dans  cet  état  chez  des  enfans  qui  n'avaient 
pas  d'ictère. 

(i)   Clinique  Médicale. 


d'anatomie  patiiologtque.  617 


CHAPITRE    ÏT. 


iMALADIES  DE  L'APPAREIL  LRINAIRE. 


Si  l'on  a  égard  à  la  grande  activité  des  fonctions 
de  cet  appareil  ,  si  Ton  se  rappelle  que  les  reins 
sont  un  émonctoire  continuellement  ouvert,  par  le- 
quel s'échappent  de  l'économie  ,  à  l'aide  d'un  travail 
d  élimination  ,  la  plupart  des  substances  non  assi- 
milables qui  y  ont  été  introduites  ,  on  sera  conduit 
en  théorie  à  admettre  que  l'appareil  urinaire  est  un 
de  ceux  dont  les  altérations  doivent  être  les  plus 
fréquentes.  Voyez  de  plus  avec  quelle  rapidité  mer- 
veilleuse toutes  les  influences  qui  tendent  à  modifier 
l'homme  apportant  du  changement  dans  la  sécrétion 
urinaire.  Il  n'est  presque  pas  une  maladie  aiguë  ou 
chronique  dans  laquelle  il  n'y  ait  altération  de  l'urine  , 
soit  en  quantité,  soit  en  qualité.  Les  diverses  qualités 
des  alimens  et  des  boissons  ne  la  laissent  jamais  en 
quelque  sorte  semblable  à  elle-même.  La  moindre 
variation  atmosphérique  suffit  pour  altérer  la  propor- 
tion de  ses  principes  constituans;  une  simple  émo- 
tion morale  suffit  pour  la  rendre  semblable  à  de  l'eau 
ou  pour  en  accélérer  l'excrétion.  On  sera,  je  crois, 
long-temps  sans  savoir  pourquoi ,  dans  les  afl'ections 
dites  nerveuses,  dans  l'hystérie,  par  exemple  ,  l'urine 
pâlit  d'une  manière  si  remarquable,  et  devient  pa- 
reille à  l'eau  de  roche  la  plus  limpide  ;  et  cependan!\, 
au  milieu    de  ces  causes  continuelles   de   perturba- 


6l8  V  PRÉCIS 

lion  ,  l'appareil  urinairç ,  modifié  sans  cesse  dans  son 
acie  de  sécrétion  n'est  pas  très-l'réquemment  altéré 
dans  son  organisation  ,  ii  l'est  certainement  beaucoup 
moins  souvent  qu'on  ne  serait  porté  à  le  penser , 
en  n'ayant  égard  qu'au  trouble  si  iVéquent  de  ses 
fonctions.  Dans,  la  plupart  des  maladies  soit  aiguës 
soit  chroniques,  l'ouverture  des  cadavres  ne  montre 
dans  les  reins  aucune  altération  appréciable  ;  le  reste 
de  l'appareil  ne  se  montre  pas  plus  souvent  lésé,  de 
telle  sorte  que  voilà  encore  un  cas  oiï  le  trouble 
des  fonctions  d'un  organe  ne  nous  est  pas  révélé 
sur  le   cadavre   par    ses  désordres    matériels. 


ARTICLE  PREMIER. 


MALADIES      DES      REINS. 


g.  I.     LÉSIONS     DE     CIRCULATION. 

L'hyperémie  des  reins  s'observe  quelquefois  sur  le 
cadavre.  Cet  organe  est  alors  remarquable  par  la 
grande  quantité  de  sang  qui  le  gorge,  et  qu'on 
voit  en  ruisseler  lorsqu'on  l'incise.  Celte  hyperémie 
peut  exister  dans  les  deux  reins  ,  ou  dans  un  seul. 
Elle  peut  être,  dans  un  seul-  rein,  générale  ou  par- 
tielle ,  bornée  à  l'une  de  ses  deux  substances,  ou 
étendue  à  toutes  deux.  Dans  ce  dernier  cas,  les 
deux  substances  cessent  d'être  aussi  <lisliiictes  l'une 
de  l'autre.  Portée  à  uu  Irès-buut  degré,  l'iiyperémie 


d'anatomie  pathologique.  619 

des  reins  peut  donner  à  ces  organes  une  teinte  brune, 
semblable  9  la  couleur  du  chocolat. 

J'ai  observé  ^ne  hyperémie  très-considérable  des 
reins,  sans  autre  altération  de  leur  texture,  sur  un 
individu  mort  pendant  le  cours  d'un  diabète. 

L'anémie  incomplète  des  ^eins  est  un  état  assez 
ordinaire  dans  les  cadavres  d'individus  qui  succom- 
bent à  des  maladies  chroniques.  Plus  complète,  cette 
anémie  devient  par  elle-même  un  véritable  état  mor- 
bide, mais  qui  jusqu'à  présent  n'a  pu  être  rattaché 
à  aucun  désordre  fonctionnel  appréciable  pendant  la 
yie  ;  cette  anémie  est  assez  commune  chez  les  hydro- 
piques.  Le  rein  est  alors  remarquable  par  son  extrême 
pâleur;  on  en  exjirime  à  peine  quelques  gouttes  de 
sang.  Tout  un  rein  peut  être  ainsi  frappé  d'anémie. 
D'autres  fois  la  substance  tubuleuse  présente  sa  colo- 
ration normale,  et  la  substance  corticale  est  seule 
privée  do  sang;  d'autres  fois  une  disposition  inverse 
a  lieu.  Enfin,  il  est  des,  cas  où  dans  la  substance  d'un 
rein  l'on  trouve  quelques  points  seulement ,  dont  la 
décoloration  complète  tranche  avec  la  teinte  plus  ou 
moins  rouge  du  reste  de  l'organe.  Ces  points  isolés,, 
souvent  au  nombre  de  trois  ou  quatre  dans  un  même 
rein,  existent  le  plus  ordinairement  dans  la  substance 
corticale,  et  surtout  vers  la  périphérie  de  l'organe. 
Essaye-t-on,  ainsi  que  l'a  fait  le  docteur  Bright  (i), 
d'injecter  en  pareil  cas  les  vaisseaux  du  rein  :  on 
voit  quelquefois  l'injection  pénétrer  le  rein  comme 

(i)  Reports  of  médical  cases  sclcctcd  w'tlh  a  v'tew  ofillusiraling  (hc  symp- 
tômes and  cure  of  diseuses  hy  a  rcfirencc  to  morbid  anatomy,  by  lUcUailU 
Biighl.  Luudon ,  iS'j;-,  in  4°. 


620  PRKCIS 

de  coulnme,  excepté  dans  les  points  décolorés,  où 
elle  s^arrête,  comme  si  dans  ces  points  il  y  avait 
oblltéralion  des  vaisseaux. 

-  Au  Heu  d'une  teinte  d'un  blanc  mat,  on  trouve 
quelquefois  dans  les  reins,  et  avec  une  quelconque 
des  dispositions  précédentes,  une  couleur  d'un  jaune 
fauve,  soit  unilorme  ,  soit  mêlée  à  des  points  tantôt 
rouges  et  tantôt  blancs.  Je  crois  que  cette  teinte 
insolite  n'est  qu'un  degré  d'anémie  moins  avancé 
que  le  précédent. 

L'anémie  des  reins,  soit  partielle,  soit  générale, 
avec  teinte  ou  blanche  ou  fauve  de  leur  tissu  ,  est 
accompagnée  parfois  d'un  état  de  mollesse  et  de 
flaccidité  de  leur  substance.  Dans  d'?,utres cas  ,  au  con- 
traire  ,  en  môme  temps  que  les  reins  sont  décolorés 
complètement,  ils  présentent  une  fermeté  insolite , 
une  induration  telle,  qu'on  serait  tenté  de  croire  que 
leur  tissu  passe  à  l'état  cartilagineux. 

On  a  long-temps  répété  que  les  reins  des  diabé- 
tiques présentent  ,  comme  altération  principale,  une 
pâleur  extrême  de  leur  tissu.  Je  viens  de  citer  tout-à- 
l'heure  un  cas  dans  lequel,  à  la  suite  d'un  diabète, 
les  reins  furent  au  contraire  trouvés  dans  un  état 
d'byperémie.  Dans  un  autre  cas  où  la  mort  survint 
également  pendant  le  cours  d'un  diabète  ,  les  reins 
n'étaient  pas  hyperémiés;  mais  ils  n'étaient  pas  non 
plus  dans  l'état  opposé  ;  ils  avaient  leur  aspect  normal. 
Nous  verrons  plus  bas  d'autres  cas  de  coïncidence  de 
diabètes  avec  une  hypertrophie  du  rein.  Parmi  les 
observations  relatives  à  des  ouvertures  de  cadavres 
de    diabétiques,   qui    ont   été   publiées   depuis    une 


d'anatomte  pathologiqim:.  G2ï 

dixaîne  d'années,  il  n'en  est  aucune  ,  à  ma  connais- 
sance ,  dans  laquelle  les  reins  aient  présenté  cet  état 
d'anémie  dont  on   a  tant  parlé. 

§.  II.  Lésions  de  nutrition. 

On  trouve  quelquefois  les  reins  beaucoup  plus  vo- 
lumineux que  de  coutume.  Si  en  pareil  cas  on  en 
examine  la  substance,  on  n'y  découvre  d'ailleurs  au- 
cune altération.  Cette  hypertrophie  simple  peut  exis- 
ter dans  un  seul  rein  ou  dans  les  deux.  Lorsqu'un 
de  ces  organes  manque,  ou  est  plus  petit  que  de 
coutume  ,  l'autre  rein  présente  souvent  un  volume 
insolite.  J'ai  vu  un  cas  où  l'hypertrophie  d'un  des 
reins  coïncidait  avec  l'existence  de  deux  artères  ré- 
nales qui  naissaient  isolément  du  même  côté  de  l'aorte, 
M.  Luroth  (i)  de  Strasbourg  a  recueilli  un  fait  sem- 
blable à  la  clinique  du  professeur  Lobstein.  Déplus, 
dans  ce  cas  ,  le  rein  hypertrophié  ,  outre  ses  nerfs 
ordinaires  provenant  du  ganglion  semi-lunaire  et 
du  petit  spîanchnique,  recevait  plusieurs  filets  du 
deuxième  ganglion  lombaire.  L'hypertrophie  des 
reins  est  une  des  lésions  les  plus  communes  qu'on 
ait  rencontrées  dans  les  cas  de  diabètes  (2). 

Ne  faut-il  pas  rapporter  à  une  exubérance  de  nu- 
trition des  reins  ces  cas  de  vices  de  conformation  où 
ces  deux  organes  se  trouvent  réunis  par  une  partie 
intermédiaire,  qui  présente  une  texture  analogue  à 
la  leur,  et  est  jetée  comme  un  pont  en  travers  de  la 


(i)  Bépertoire  d'anatomic ,  de. ,  rédigé  par  M.  Breschet ,  tom.  IIL 
(2)  Opcr.  cit. 


622  PRÉCIS       ' 

colonne  vertcbrale?  Celle  espèce  de  lobe  moyen  pré- 
sente dans  sa  disposition  plusieurs  variétés.  Tanlot 
c'est  une  simple  bande  dont  l'intérieur  est  conslitiié 
par  une  substance  rougeâtre ,  et  qui  n'a  aucun  vaisseau 
particulier.  Tantôt  ce  lobe  moyen  reçoit  des  vaisseaux 
spéciaux  qui  viennent  directement  pour  lui  de  l'aorte 
et  de  la  veine  cave  ,  et  l'on  voit  s'en  détaclier  un  con- 
duit qui  ressemble  à  un  uretère.  Ce  conduit,  double 
ou  simple,  va  le  plus  souvent  se  terminer  aux  uretères 
naturels  ;  d'autres  fois  il  va  se  terminer  dans  la 
vessie.  Dans  ce  dernier  cas  il  y  a  véritablement  un 
troisième  rein  surajouté  aux  deux  autres. 

Plusieurs  auteurs  ont  décrit  dans  le  rein  des  gra- 
nulations situées  au  milieu  de  la  substance  corticale; 
les  uns  les  ont  regardées  comme  des  organes  sécré- 
teurs de  l'urine  ,  les  autres  comme  constituées  par  un 
amas  de  vaisseaux  entrelacés.  Quoi  qu'il  en  soit  de 
cette  double  opinion,  toujours  est-il  que  des  granu- 
lations semblables  à  celles  qui  ont  été  décrites  dans 
les  reins  comme  une  disposition  normale  par  Malpigbi 
et  autres,  s'observent  quelquefois  comme  constituant 
im  véritable  état  morbide.    Les  reins  offrent  alors  , 
soit  à  leur  surface  externe ,  soit  à  la  surface  des  coupes 
pratiquées  à  l'intérieur  de  leur  substance  ,  un  nombre 
plus  ou  moins  considérable  de  granulations  ,  pareilles 
à  celles  qu'on  rencontre  assez  souvent  dans  le  foie. 
Dans  ces  deux  organes,  ces  granulalions  ne  sont-elles 
qu'un  résultat  de  l'hypertropbie  d'un  de  leurs  élémens 
analomiques?  Pour  le  foie,  on  peut  le  soutenir;  pour 
les  reins,  de  nouvelles  recberches  sont  nécessaires, 
afin  de  pouvoir  même  donner  à  cette  opinion  quel- 
que degré  de  probabilité.  Du  reste ,  je  ne  crois  pas 


d'anatomii:  pathologique.  6^5 

qiip,  dans  l'ctat  acUiel  de  la  science,  on  puisse  dire 
d'une  manière  posilive  ce  crue  sont  ces  granulations. 
Ce  n'est  donc  que  provisoirement ,  et  par  hypothèse  , 
que  j'en  parle  en  traitant  de  l'hypertrophie  du  rein. 

L'état  granuleux  des  reins  envahit  beaucoup  plus 
souvent  leur  substance  corticale  que  leur  substance 
tubuleuse.  Le  docteur  Bright  (i),  qui  a  bien  décrit 
cet  état,  n'a  fait  représenter  les  granulations  que  dans 
la  substance  corticale  ;  cependant  j'ai  vu  un  cas  où 
la  substance  tubuleuse  était  aussi  occupée  par  elles. 

Ces  granulations  représentent  de  petits  corps  blan- 
châlres  ,  durs,  de  volume  inégal ,  assez  régulièrement 
arrondis.  Tantôt  elles  sont  peu  nombreuses,  et  dis- 
séminties  au  milieu  de  la  substance  du  rein  ,  qui  n'est 
pas  du  reste  altérée.  Tantôt  elles  sont  pressées  les 
unes  à  côté  des  autres,  et  à  peine  ,  dans  les  intervalles 
qu'elles  laissent  entre  elles  ,  retrouve-t-on  quelques 
traces  de  la  substance  corticale  ;  on  les  voit  même 
s'avancer  entre  les  cônes  de  substance  tubuleuse  et 
en  occuper  les  intervalles.  11  est  des  cas  où  elles  font 
une  saillie  notable  à  l'extérieur  de  l'organe,  et  elles 
sont  visibles  à  travers  son  enveloppe  fibreuse  ;  d'autres 
fois  elles  ne  sont  apparentes  qu'à  l'intérieur  du  rein. 

Dans  les  divers  cas  d'état  granuleux  du  rein ,  ob- 
servés par  le  docteur  Bright,  la  composition  de  l'urine 
était  altérée  par  son  mélange  avec  une  certaine  quan- 
tité d'albumine ,  et  il  y  avait  en  mtMue  temps  hydio- 
pisie  ,  sans  que  le  cœur  ni  le  foie  fussent  altérés.  Avant 
que  M.  Bright  n'eut  fait  connaître  le  résultat  de  ses 
recherches  sur  ce  sujet  (1827),  j'avais  publié  dans 
le  tome  111  de  la  Clinique  médicale  (paru  en  1826) 

(»)   Opcr.  cit. 


une  observation  d'état  granuleux  du  rein  coïncidant 
avec  une  hydrôpisie ,  sans  altération  appréciable 
d'aucun  autre  organe  (i).  Il  est  d'ailleurs  assez  diffi- 
cile de  se  rendre  compte  comment  un  pareil  état  du 
rein  peut  donner  lieu  à  la  formation  d'une  hydrôpisie. 

rSous  venons  de  passer  en  revue  les  principales 
variétés  d'hypertrophie  que  les  reins  peuvent  pré- 
senter :  ces  organes  sont  aussi  susceptibles  de  s'atro- 
phier. Cette  atrophie  doit  être  distinguée  en  celle  qui , 
frappant  la  totalité  de  l'organe,  en  produit  nécessai- 
rement la  diminution  de  volume,  et  en  celle  qui, 
n'ayant  lieu  que  dans  une  partie  de  sa  substance  , 
coïncide  également  avec  la  conservation,  la  dimi- 
nution ou  l'augmentation  normale  du  rein. 

L'atrophie  générale  du  rein  ne  présente  d'autre 
caractère  anatomique  qu'une  diminution  de  son  vo- 
lume ;  cette  atrophie  peut  exister  dans  les  deux  reins 
ou  être  bornée  à  un  seul.  Chez  un  individu  qui 
mourut  à  la  Charité  sans  avoir  jamais  présenté  aucun 
signe  de  lésion  des  voies  urinaires,  je  trouvai  les  reins 
d'un  volume  fort  inégal.  L'un  d'eux  avait  ses  dimen- 
sions ordinaires;  mais  l'autre  oGVait  à  peine  la  gran- 
deur du  rein  d'un  fœtus  qui  vient  de  naître  ;  sa  struc- 
ture n'était  d'ailleurs  nullement  altérée.  L'artère  et 
la  veine  de  son  côté  étaient  sensiblement  plus  petites 
que  les  mêmes  vaisseaux  du  côté  opposé. 

J'ai  vu,  dans  quelques  cas,  cette  atropfiie  géné- 
rale du  rein  coïncider  avec  l'existence  d'une  tumeur 
qui  le  comprimait ,  ou  d'an  foyer  de  suppuration 
formé  autour  de  lui.  Je  l'ai  trouvé  réduit  à  un  très- 
petit  volume  chez  une  femme  qui  portait  une  énorme 

(i)  Clinu}uc  Mùdicalc ,  tom.  lll,pag.  667  (l'f  cdilion). 


d'ajsato.mie  pathologique.  625 

Inmcnr  bydatlque  entre  le  foie  et  le  rein.  Cc!iii-ci 
était  caché  par  la  tumeur,  et  Ton  crut  d'abord  que 
c'était  le  rein  lui-même  qui  la  constituait  (1).  En 
pareil  cas  il  est  bien  évident  que  l'atrophie  du  rein 
est  acquise,  soit  qu'elle  résulte  d'une  compression 
toute  mécanique  ,  semblable  à  celle  qui  atrophie  un 
os  que  presse  un  anévrysme,  soit  qu'elle  dépende  de 
ce  que  la  nutrition  ,  devenue  plus  active  ou  se  déran- 
geant d'une  manière  quelconque  dans  les  parties  qui 
l'environnent,  devient  par  cela  même  moindre  dans 
la  substance  même  du  rein.  Dans  d'autres  cas ,  comme 
dans  celui  que  j'ai  cité  dans  le  précédent  paragraphe  , 
il  est  impossible  de  décider  si  l'atrophie  du  rein  s'est 
réellement  développée  après  la  naissance  ,  ou  si  elle 
n'est  pas  congénitale. 

Il  est  enfin  des  cas  où  non  seulement  un  des  reins 
se  montre  beaucoup  plus  petit  que  de  coutume  ,  mais 
où  l'on  ne  trouve  plus  aucune  trace  de  l'un  de  ces 
organes.  J'ai  vu  deux  cas  de  ce  genre.  L'un  me  fut 
présenté  par  une  femme  de  soixante  ans  ,  qui  suc- 
comba à  une  péritonite  chronique,  avec  abcès  dans 
les  ovaires  et  tubercules  dans  les  poumons.  Le  rein 
droit  présentait  son  aspect  habituel  ;  mais  vainement 
chercha-t-on  le  rein  gauche  :  il  n'y  en  avait  aucun 
vestige.  Sa  place  ordinaire  était  occupée  par  le  colon 
descendant.  L'artère  rénale  gauche  manquait  com- 
plètement. Cherché  à  la  surface  interne  de  l'aorle  , 
son  orifice  môme  n'existait  point.  Cependant  on  trou- 
vait à  sa  place  ordinaire  la  capsule  surrénale  gauche 
bien   développée  ;     ainsi    l'existence    de    celle   cap- 

(i)  Voyez  les  détails  de  ce  fait  dans  la  Clinique  FJciiicidc. 

11.  /|0 


626  vnicis 

suie  n'est  pas  nécossaireinent  liée  à  celle  du  rein. 
L'autre  individu  chez  lequel  je  n'ai  non  plus  trouvé 
qu'un  seul  rein  ,  était  un  jeune  homme  de  vingt-trois 
ans,  qui  entra  à  l'hôpital  avec  une  hydropisie  ,  dont  la 
cause  organique  fut  vainement  cherchée.  Un  érysipèle 
phîegmoneux  de  la  cuisse  droite,  terminé  par  gan- 
grène, l'entraîna  ap  tombeau.  Le  péritoine  contenait 
une  abondante  sérosité  limpide  ;  il  y  en  avait  une 
petite  quantité  dans  la  plèvre  et  dans  le  péricarde; 
tout  le  tissu  cellulaire  sous-cutané  ,  et  une  grande 
partie  du  tissu  cellulaire  sous-muqueux  du  tube  di- 
gestif, étaient  infdtrés  de  sérosité.  Etat  sain  des 
poumons,  du  cœur,  des  gros  vaisseaux,  du  canal 
thoracique  ,  du  foie  et  de  la  rate.  Au  contraire  ,  l'ap- 
pareil urinaire  était  loin  d'être  dans  son  état  normal. 
Le  rein  droit  était  remarquable  par  son  volume;  sa 
substance  corticale  était  remarquable  par  son  extrême 
pâleur,  et  de  plus,  on  y  découvrait  un  certain  nombre 
de  ces  granulations  blanchâtres  précédemment  dé- 
crites ;  disposées  à  la  suite  les  unes  des  autres,  elles 
constituaient  par  leur  assemblage  des  séries  de  lignes 
droites  qui  de  la  périphérie  du  rein  se  rendaient  vers 
la  base  des  cônes  de  substance  tubuleuse.  La  substance 
de  ce  rein  était  généralement  molle.  Le  rein  gauche 
manquait  complètement.  A  la  surface  interne  de 
l'aorte,  là  où  l'artère  rénale  prend  ordinairement 
naissance,  on  apercevait  un  très-petit  orifice  d'où 
naissait  un  vaisseau  presque  capillaire  qui  allait  se 
perdre  dans  le  tissu  cellulaire,  qui  occupait  la  place 
du  rein.  A  la  surface  interne  de  la  vessie  ,  dans  le 
point  où  s'ouvre  ordinairement  l'uretère  gauche,  on 
trouvait ,  comme  dans  l'aorte,  l'orifice  très-petit  d'un 


d'anatomie  pathologique.  627 

conduit  qui,  à  peine  né,  se  terminait  en  ciiî-de-sac. 
Je  n'ai  pas  noté  dans  ce  second  cas  l'état  de  la  cap- 
sule surrénale. 

Je  n'ai  voulu  omettre  aucun  des  détails  qu'on  vient 
de  lire  ,  parce  que  tous  me  semblent  avoir  quelque 
portée.  L'indépendance  d'existence  de  la  capsuie  sur- 
rénale, l'absence  complète  d'une  des  artères  rénales, 
dans  un  cas,  son  état  rudimentaire  dans  l'autre  cas, 
l'état  également  rudimentaire  de  ^uretère  qui  avait 
commencé  à  se  développer  du  côté  de  la  vessie,  sont 
autant  de  circonstances  dignes  de  remarque.  Quant 
à  l'état  du  seul  rein  qui  existât ,  dans  un  cas  il  était 
sain;  dans  l'autre,  il  était  granuleux^  et  c'est  seu- 
lement dans  ce  second  cas  qu'il  y  eut  une  hydropisie , 
dont  aucune  aulre  lésion  ne  put  rendre  compte. 

Il  est  encore  un  autre  cas  ,  plus  commun  que  les 
précédens,  dans  lequel  on  ne  trouve  non  plus  qu'un 
seul  rein,  mais  il  n'est  pas  à  sa  place  accoutumée  : 
il  est  couché  au-devant  de  la  colonne  vertébrale.  Dans 
tous  les  cas  de  ce  genre  que  j'ai  eu  occasion  d'exa- 
miner, cette  existence  d'un  seul  rein  n'était  qu'ap- 
parente, et  l'on  pouvait  plus  ou  moins  facilement  y 
retrouver  les  élémens  de  deux  reins  rapprochés  et 
confondus  sur  la  ligne  médiane.  C'est  le  cas  des 
monstres  cyclopes,  chez  lesquels,  dans  une  seule  cavité 
osseuse,  située  aussi  sur  la  ligne  médiane,  on  peut 
presque  toujours  retrouver  les  deux  élémens  de  deux 
yeux  confondus  en  un  seul. 

A-t-on  quelquefois  observé  chez  l'adulte  une  ab- 
sence complète  des  deux  reins?  Je  n'en  connais 
qu'un  exemple,  qui  a  été  rapporté  par  Klein  ,  et  encore 
ce  cas  ^  est-il  pas  bien  concluant  :  il  me  semble  plutôt 

40. 


628  PÏIKCIS 

indiquer  un  simple  état  rudimentaire  de  ces  organes. 
Klein  dit  en  effet  avoir  vu  un  cas  où  les  deux  uretères 
se  terminaient  à  leur  extrémité  supérieure,  en  se  di-^ 
visant  chacun  en  trois  on  quatre  petits  culs-de-sac , 
sans  existence  du  parenchyme  rénal  autour  d'eux.  Il 
eût  été  bien  intéressant  de  savoir  si  ces  reins,  qui 
paraissaient  réduits  à  leur  appareil  d'excrétion  ,  four- 
nissaient encore  de  l'urine. 

Chez  les  fœtus  même ,  dont  le  développement  s'ac- 
complit d'une  manière  anormale ,  les  reins  se  retrou- 
vent presque  toujours.  Ils  existent  alors  en  l'absence 
de  la  plupart  des  autres  organes,  et  leur  absence  est 
beaucoup  plus  rare,  par  exemple,  que  l'absence  du 
cœur  ou  du  foie.  Il  est  des  fœtus  acéphales  chez  les- 
quels, dans  les  trois  grandes  cavités,  il  n'y  a  d'autre 
organe  distinct  qu'un  intestin  rudimentaire  et  l'ap- 
pareil urinaire.  Toutefois  Fleishmann  a  rapporté  un 
cas  d'absence  complète  de  cet  appareil ,  chez  un  fœtus 
âgé  de  sept  mois,  qui  n'avait  en  même  temps  ni  anus, 
ni  organes  génitaux ,  ni  membres  inférieurs  ,  mais  chez 
lequel  le  cœur,  le  foie,  et  tout  le  tube  digestif  jus- 
qu'au-dessus de  l'anus,  étaient  bien  conformés. 

Les  reins  présentent  quelquefois  un  vice  de  situa- 
tion qui  pourrait  en  imposer  pour  une  absence  de 
ces  organes  :  c  est  lorsque  l'un  d'eux  est  silué  dans 
l'hypogastre  ,  sur  les  parties  latérales  de  la  vessie.  J'ai 
vu  un  cas  de  ce  genre  :  l'artère  rénale  ne  naissait  plus 
en  son  lieu  accoutumé ,  elle  était  fournie  par  l'artère 
hypogastrique  ;  l'uretère,  très-court,  allait  s'insérer, 
comme  d'ordinaire  ,  à  l'un  des  angles  du  trigone  vé- 
sical.  La  circonstance  la  plus  remarquable  de  cette 
observation  est  san5  doute  le  lieu  de  la  naissance  de 


l 


d'anatomie  pathologique.  6^9 

l'arlère  qui  se  distribuait  au  rein.  Elle  prouve  que  le 
point  de  Tarbre  circulatoire  d'où  se  détache  une  artère 
importe  peu  au  développement  et  à  raccomplissetnent 
des  fonctions  de  l'organe  auquel  cette,  artère  se  dis- 
tribue (i).  Est-ce  d'ailleurs  cette  naissance  insolite 
de  l'artère  qui  détermina  la  situation  insolite  du  rein? 
c'est  ce  que  ne  manqueraient  pas  d'affirmer  les  per- 
sonnes qui  pensent  que  le  développement  d'un  organe, 
ainsi  que  le  lieu  qu'il  occupe,  sont  subordonnés  à 
l'existence  et  à  la  position  des  artères  qui  lui  appor- 
tent le  sang.  J'ai  déjà  agité  cette  question  ,  qui  me 
semble  à-peu-près  insoluble  ;  car  on  pourrait  égale- 
ment soutenir  que  c'est  parce  que  le  rein  s'est  déve- 
loppé dans  l'hypogastre  ,  que  l'artère  hypogastrique 
a  donné  naissance  à  la  rénale;  mais,  dans  l'une  et 
l'autre  opinion  ,  l'on  ne  s'appuierait  que  sur  une 
hypothèse. 

Arrivons  maintenant  au  cas  où  l'atrophie  des  reins, 
au  lieu  d'être  générale  ,  n*est  que  partielle  et  ne  porte 
que  sur  une  de  leurs  substances.  Les  cônes  de  subs- 
tance tubuleuse  ne  deviennent,  à  ma  connaissance,  le 
siège  de  cette  atrophie  que  lorsque  ,  comme  dans  le 
cas  de  Klein  rapporté  plus  haut ,  les  reins  sont  réduits 
à  n'être  plus  constitués  que  par  le  bassinet  divisé  en 
quelques  culs-de-sac.  La  substance  corticale,  au 
contraire,  s'atrophie  assez  fréquemment  d'une  ma- 
nière isolée.  Alors,  les  cônes  de  substance  tubuleuse 
touchent  parleur  base  l'enveloppe  fibreuse  du  rein, 

(i)  S'il  en  est  ainsi ,  pourquoi  l'artère  spermatlque  naît-elle  de  l'aorte  si 
loin  (lu  lieu  où  existe  le  testicule  ?  A  cela  la  réponse  est  facile  :  c'est  qu'il  y 
a  une  époque  où  le  testicule  se  trouve  précisément  situé  tout  près  du  point 
d'oiigine  de  l'artère  spernialiquc. 


65o  PRÉCIS 

ou  bien  elle  n'en  est  séparée  que  par  une  couche 
très-mince  de  Tautre  substance  ;  entre  ces  cônes  exis- 
tent des  enfoncemens,  qui  sont  le  résultat  de  la  dis- 
parition de  la  substance  corticale.  Dans  ce  cas,  le 
rein  de  l'adulte  semble  rétrograder  vers  l'état  dans 
lequel  se  trouve  le  rein  chez  le  fœtus;  d'autres  fois 
on  peut  admettre  qu'arrêté  dans  son  développement, 
le  rein  n'est  jamais  sorti  de  cet  état  rudiment^ire. 

Au  lieu  d'être  simplement  augmentées  ou  dimi- 
nuées de  nombre,  les  molécules  qui  constituent  le 
parenchyme  du  rein  peuvent  être  altérées  dans  leur 
consistance  :  de  là ,  pour  le  rein,  comme  pour  tous  les 
autres  organes,  un  état  de  ramollissement  et  un  état 
d'induration. 

Le  ramollissement  du  rein  coïncide  souvent  avec 
une  hvperémie  plus  ou  moins  considérable  de  sa  subs- 
tance; la  coexistence  de  cette  augmentation  de  fria- 
bilité et  d'un  afflux  sanguin  insolite  annonce  dans  le 
rein  un  travail  d'irritation;  et  ici  les  symptômes  peu- 
vent aider  à  confirmer  cette  sorte  de  diagnostic  ana- 
tomlque.  Quelquefois,  en  effet,  j'ai  trouvé  les  reins 
d'un  rouge  intense  et  presque  pulpeux  (  le  doigt  s'y 
enfonçait  comme  dans  certaines  rates  très-molles  ) 
chez  des  individus  qui,  plus  ou  moins  long-temps 
avant  leur  mort ,  avaient  éprouvé  des  douleurs  à  la 
région  des  reins  et  avaient  rendu  des  urines  sangui- 
nolentes ou  purulentes.  J'ai  rencontré  ce  ramollisse- 
ment rouge  porté  au  plus  haut  degré  chez  un  homme 
dont  les  reins  contenaient  de  gros  calculs.  J'ai  éga- 
lement vu  ce  même  ramollissement  coïncider  avec 
diverses  altérations  chroniques  de  la  vessie  ,  telles 
qu'épaississemenl  et  coloration  brune  de  sa  membrane 


d'anatomie  pathologique.  65  l 

muqueuse,  sécrétion  puriforme  de  ses  follicules,  etc. 
D'après  ces  faits,  le  ramoliissement  rouge  des  reins 
doit  être  considéré ,  dans  l'élat  actuel  de  la  science  , 
comme  un  des  caractères  anatomiques  de  la  néphrite. 

11  est  une  autre  espèce  de  ramollissement,  dans 
lequel  la  substance  du  rein,  en  même  temps  qu'elle 
est  ramollie,  est  remarquable  par  son  extrême  pâleur 
ou  par  une  teinte  grise  insolite.  J'ai  trouvé  ce  ramol- 
lissement, avec  décoloration  de  la  substance  du  rein, 
chez  des  individus  dont  les  voies  urinaires  n'avaient 
pas  offert  le  moindre  signe  de  maladie.  Quelle  en  est 
la  nature?  quelles  en  sont  les  causes?  Un  travail  d'ir- 
ritation en  est-il  encore  le  point  de  départ?  on  peut 
le  supposer;  mais  on  ne  saurait  le  prouver.  Attendons 
à  cet  égard  que  de  nouvelles  recherches  viennent 
nous  éclairer. 

L'induration  de  la  substance  du  rein  présente  deux 
espèces,  comme  son  ramollissement  :  une  induration 
avec  hyperémie  ,  et  une  induration  avec  décoloration 
du  tissu  rénal.  La  première  espèce  est  le  plus  souvent 
accompagnée  d'un  état  d'hypertrophie  de  l'organe; 
la  seconde  espèce  peut  coïncider  avec  une  augmen- 
tation de  volume  du  rein;  mais  d'autres  fois,  au  con- 
traire, ce  volume  est  diminué.  L'induration  blanche 
du  rein  offre  deux  degrés  :  dans  l'un  sa  substance  est 
seulement  beaucoup  plus  ferme  que  de  coutume  ; 
mais  elle  a  encore  sa  structure  normale.  Dans  un  autre 
degré,  qui  semble  n'être  que  l'exagération  du  pré- 
cédent, le  tissu  du  rein  est  devenu  tellement  dur, 
tellement  serré  ,  et  il  est  en  même  temps  si  complète- 
ment décoloré,  qu'il  semble  passer  à  l'état  cartilagi- 
neux.  J'ai  rencontré  quelquefois  ce  second   degré 


632  pr.Ècrs 

d'induration  bornée  à  deux  ou  trois  cônes  de  suLs- 
tance  tnbuleuse  ;  cette  substance  était  d'une  den- 
sité remarquable,  d'un  blanc  nacré,  et  toutefois  l'on 
y  distinguait  encore  les  canaux  parallèles  et  contigus 
qui  la  constituent  en  partie. 

g.   III.     LÉSIONS    DE    SÉCRÉTION. 

Sous  ce  titre  je  comprends,  comme  pour  les  autres 
organes,  les  divers  produits  morbides  qui  semblent  se 
déposer  dans  le  parenchyme  du  rein  par  un  procédé 
analogue  à  celui  qui ,  dans  toute  molécule  vivante , 
donne  naissance  à  l'exhalation  perspiratoire.  Ce  n^est 
donc  point  des  altérations  de  l'urine  qu'il  s'agit  ici; 
j'en  traiterai  plus  tard.  Ces  produits  morbides  sont 
les  suivans  : 

i".  Sérosité.  A  la  place  d'une  partie  de  la  substance 
corticale  du  rein  on  trouve  assez  souvent  de  petits 
kystes  à  parois  séreuses,  qui  adhèrent  faiblement 
au  tissu  rénal,  et  qui  contiennent  un  liquide  lim- 
pide et  incolore.  Ordinairement  peu  considérables  et 
faisant  une  légère  saillie  au-dessus  du  niveau  de  la 
surface  extérieure  du  rein ,  ces  kystes  sont  suscepti- 
bles d'acquérir  parfois  un  énorme  développement.  A 
mesure  qu'ils  s'accroissent,  le  parenchyme  du  rei-n 
s'atrophie,  et  il  arrive  souvent  qu'à  sa  place  l'ouverture 
des  cadavres  ne  montre  autre  chose  qu'une  vaste 
poche  séreuse,  dont  la  cavité  est  fréquemment  di- 
visée en  [)lusieurs  loges.  Dans  tout  cela,  quel  rôle 
joue  l'irritation?  aucun  qui  soit  démontré.  Loin  d'ad- 
mettre en  pareil  cas  un  travail  antécédent  d'irritation, 
il  y  aurait  [)eut-étre  plus  de  raisons  physiologiques  ou 


d'anatomik  pathologique.  633 

anatomiques  pour  supposer  que  la  transformation  par- 
tielle ou  générale  du  rein  en  kystes  séreux  est  le  pro- 
duit d'une  diminution  dans  l'activité  normale  de  la 
nutrition  de  l'organe.  J'en  dirai  autant  de  quelques 
cas  dans  lesquels  ,  en  certains  points  de  la  périphérie 
du  rein,  où  extérieurement  existait  une  dépression 
notable,  j'ai  trouvé  des  masses  d'un  tissu  cellulaire 
dense,  de  plusieurs  lignes  d'épaisseur,  qui  présentait 
parfois  tous  les  caractères  du  tissu  fibreux  i  on  eût 
dit  d'une  cicatrice. 

2°.  Matière  grasse.  J'ai  trouvé  quelquefois  des  reins 
dont  la  substance  corticale,  pâle  ou  jaune  ,  graissait 
notablement  le  scalpel  avec  lequel  on  l'incisait.  Pour 
produire  cette  sécrétion  morbide  ,  y  a-t-il  eu  sthénie 
ou  asthénie?  vraisemblablement  pas  plus  Tune  que 
l'autre;  ou  bien  si  vous  admettez,  par  exemple,  que 
l'irritation  l'a  produite  ,  accorder  au  moins  qu'il  y 
avait  chez  l'individu  prédisposition  spéciale. 

3°.  Matière  purulente.  On  sait  depuis  long-temps 
que  des  abcès  peuvent  se  former  dans  le  rein  d'une 
manière  aiguë  ou  chronique.  Tantôt  ces  foyers  puru- 
Icns  sont  peu  considérables,  et  le  parenchyme  de 
l'organe  en  est  à  peine  altéré  ;  tantôt,  au  contraire, 
on  ne  trouve  plus ,  à  la  place  du  rein  ,  qu'une  poche 
remplie  de  pus;  cette  poche,  le  plus  souvent  multi- 
loculaire  ,  peut  être  plus  volumineuse  que  le  rein 
lui-même,  et  produire  une  tumeur  appréciable  à  tra- 
vers les  parois  abdominales.  D'autres  fois,  au  contraire, 
le  rein  ,  transformé  en  un  kyste  purulent ,  est  en  même 
temps  singulièrement  diminué  de  volume.  Je  n'ai  ren- 
contré ce  dernier  cas  que  lorsque,  autour  du  rein 
malade,  existait  un  foyer  de  suppuraîion  dans  le  tissu 


654  PRÉCIS 

cellulaire ,  ou  une  péritonite  partielle  qui  avait  comme 
emprisonné  le  rein  au  milieu  de  pseudo-membranes 
épaisses.  Lorsque  la  poche  purulente  est  multilocu- 
laire,  les  cloisons  qui  la  divisent  en  plusieurs  loges 
Êont  souvent  constituées  par  un  tissu  dur,  comme 
lardacé  ,  dans  lequel  on  ne  reconnaît  aucune  trace  du 
tissu  normal  du  rein. 

Le  pus,  formé  dans  le  rein  ,  peut  sortir  du  paren- 
chyme de  cet  organe  ,  et  arriver  soit  au  dehors,  à 
travers  les  lombes,  soit  dans  l'uretère,  soit  dans  la 
cavité  du  péritoine.  Quelquefois  même  on  a  vu  des 
abcès  des  reins  communiquer  avec  l'intérieur  du 
colon. 

Au  lieu  d'y  être  rassemblé  en  foyer,  le  pus  formé 
dans  le  rein  ne  fait,  dans  certains  cas,  qu'en  infiltrer 
la  substance.  On  trouve  alors  dans  cette  substance 
plusieurs  points  décolorés  ,  dont  on  exprime  plus 
ou  moins  facilement  une  matière  puriforme.  Ces 
points  constituent  au  milieu  du  parenchyme  des  mas- 
ses blanchâtres  ,  assez  semblables  à  des  masses  tuber- 
culeuses ;  aussi  les  a-t-on  souvent  décrites  sous  ce 
dernier  nom.  L'existence  de  cette  infiltration  puru- 
lente des  reins,  bornée  ainsi  à  un  certain  nombre  de 
points  circonscrits,  coïncide  quelquefois  avec  la  pré- 
sence de  foyers  purulens,  i°.  dans  d'autres  organes; 
2^  dans  les  veines.  Entr*autres  cas  de  ce  genre  que  je 
pourrais  rapporter  ici ,  je  citerai  celui  d'un  garçon  de 
seize  ans,  dont  la  fosse  iliaque  droite  était  le  siège 
d'un  vaste  abcès  avec  dénudation  de  l'os.  Un  caillot 
ancien,  mêlé  à  une  matière  noirâtre,  tout-à-fait  diÛé- 
rente  de  la  fibrine,  remplissait  la  veine  cave  inférieure, 
dont  les  parois  étaient  notablement  épaissies.  Dans 


d'anatomie  tathologique.  655 

)'un  des  reins  existait  une  masse  blancliâtre  ,  qui  n'é- 
tait évidemment  autre  chose  que  le  tissu  du  rein  in- 
filtré de  pus.  Je  citerai  encore  un  autre  cas  bien  re- 
marquable, récemment  recueilli  à  l'hôpital  Beaujon  , 
dans  le  service  de  MM.  Marjolin  et  Blandin  (i).  Le 
sujet  de  cette  observation  était  un  maçon,  âgé  de 
vingt-cinq  ans,  qui  fit  une  chute  dans  laquelle  il  se 
fractura  la  colonne  vertébrale,  vers  le  milieu  de  la 
région  lombaire  ,  ainsi  que  l'un  des  avant-bras.  Les 
jours  suivans ,  alternative  de  rétention  et  d'inconti- 
nence d'urines,  suppuration  abondante  dansl'avant- 
bras  fracturé  ,  deux  ulcérations  à  la  région  lombaire 
et  au  sacrum,  langue  sèche  et  noire  ,  petitesse  du 
pouls,  mort  quatre  jours  après  l'accident.  A  l'ouver- 
ture du  cadavre,  on  trouva  la  moelle  rouge,  ramol- 
lie et  entourée  d'une  couche  purulente  vers  î^a  région 
lombaire  ,  une  vaste  suppuration  dans  le  membre 
thoracique  gauche ,  du  pus  dans  les  veines  lombaires 
et  dans  la  veine  rénale  gauche,  qui  passait  chez  ce  sujet 
entre  l'aorte  et  le  rachis.  Ces  veines  contenaient  non 
seulement  du  pus  dans  leur  cavité,  mais  encore  ce 
liquide  était  infiltré  dans  l'épaisseur  de  leurs  tuniques. 
La  veine  cave  inférieure  était  remplie  d'une  espèce  de% 
détritus  rougeâtre  qui  ne  ressemblait  en  rien  aux  cail- 
lots ordinaires.  De  plus  on  trouva  et  dans  le  pou- 
mon gauche  et  dans  le  rein  du  même  côté  des  mas- 
ses, isolées  du  reste  de  l'organe,  les  unes  rouges, 
les  autres  jaunes'ou  blanchâtres.  C'étaient  manifeste- 
ment des  portions  circonscrites  de  ces  deux  organes, 


(i)  Journal  hebdomadaire  ,  tom.  II,  pag.  ^5  ;  Observation  recueillie  par 
M.  GilleUe. 


656  pr.Écis 

dont  les  unes  n'étaient  encore  que  le  sicge  d'une  hy- 
,  perémie  considérable  ,  et  dont  les  autres  étaient  déjà 
infiltrées  de  pus. 

4°.  Matière  colloïde  ou  gé lut Ini forme.  J'ai  trouvé 
une  fois  toute  la  substance  corticale  d'un  rein  trans- 
formée en  une  matière  semblable  à  une  gelée  bien 
prise  ou  à  une  forte  dissolution  d'amidon.  Aucun 
siîjne  de  maladie  des  voies  urinaires  n'avait  annoncé 
cet  état. 

5°.  Matière  encéphaloide.  Son  existence  dans  le 
rein  a  été  plus  d'une  fois  constatée.  Tantôt  elle  y 
forme  de  petites  masses  qui  ne  modifient  ni  la 
forme,  ni  le  volume  de  Torgane ,  et  qui  sont,  ou 
non ,  visibles  à  son  extérieur.  Tantôt  cette  même 
matière  constitue  dans  le  rein  des  tumeurs  consi- 
dérables, qui  donnent  à  cet  organe  un  volume  beau- 
coup plus  considérable  que  son  volume  naturel.  J'ai 
vu  un  cas  où  l'un  des  reins,  transformé  presque  dans 
sa  totalité  en  matière  encéphaloide,  était  devenu  au 
moins  aussi  gros  que  le  lobe  droit  du  foie.  La  tumeur 
qui  en  résultait  paraissait  surtout  pendant  la  vie  oc- 
cuper l'hypochondre  gauche ,  et  elle  avait  été  prise 
pour    une  tumeur  de  la  rate. 

La  matière  encéphaloide  existe  souvent  dans  les 
reins ,  sans  qu'on  en  trouve  en  mpme  temps  dans 
d'autres  organes;  le  cas  contraire  peut  cependant 
arriver.  Tantôt  elle  paraît  comme  une  matière  dé- 
posée au  milieu  de  l'organe  ,  dans  son  parenchyme 
mC'me  ;  tantôt  elle  se  présente  sous  un  autre  aspect, 
et  son  origine  peut  être  moins  appréciée  ;  deux  fois 
en  eiîet,en  examinant  avec  quelqu'attention  des  reins 
remplis  de  masses  enccphaloïdes,  j'ai  trouvé  d'abord 


: 


d'anatomik   PATiiorxjr.iQLE.  637 

que  la  veîne  rénale  contenait  im  sang  coagulé  ,  en 
partie  décoloré ,  d'une  friabilité  remarquable  en 
plusieurs  points,  et  semblable  à  un  pus  sauieux  en 
quelques  autres.  Ce  sang  altéré  se  retrouvait  dans  un 
Grand  nombre  de  ramifications  de  la  veine,  et  enfin, 
là  où  d'abord  je  n'avais  vu  autre  chose  qu'une  masse 
morbide  qui  avait  remplacé  le  tissu  du  rein  ,  une  dis- 
seclion  plus  minutieuse  me  fît  reconnaître  une  grande 
quantité  de  petits  vaisseaux  que  remplissait  une  ma- 
tière semblable  à  celle  qui  existait  dans  la  veine 
rénale.  C'étaient  ces  vaisseaux  a^domérés  et  remplis 
d'un  sang  altéré  qui  paraissaient  constituer  au  moins 
la  plus  grande  partie  des  masses  encéphaloïdcs.  Nous 
avons  déjà  vu  que  telle  était  aussi  la  nature  de  plu- 
sieurs de  ces  masses  dans  d'autres  organes ,  tels  que 
le  poumon ,  le  foie  ,  la  rate.  En  voyant  le  même  fait  se 
reproduire  ainsi ,  nous  lui  accorderons  nécessairement 
plus  de  valeur.  J'ai  vu  un  cas  où  en  même  temps  que 
le  foie  ,  la  rate ,  les  ganglions  lymphatiques  préverté- 
braux ,  et  enfin  le  rein  droit ,  contenaient  en  grand 
nombre  de  ces  masses  encéphaloïdcs,  la  veine  cave 
inférieure,  la  veine  porte,  la  veine  splénique  ,  enfin 
la  veine  rénale  droite,  et  de  plus  les  veines  iliaques 
primitives,  iliaques  externes  et  fémorales,  conte- 
naient un  sang  coagulé ,  ayant  en  certains  points 
une  teinte  lie  de  vin,  complètement  décoloré  en 
d'autres  points.  M.  Bouillaud  a  vu  un  cas  à-peu-  ' 
près  semblable  ;  le  rein  droit,  gros  comme  la  moitié 
d'un  foie  ordinaire  ,  représentait  une  tumeur  qui 
s'étendait  depuis  la  fosse  iliaque  jusqu'au  foie.  De  la 
matière  encéphaloïde  avait  presque  partout  remplacé 


638  vwicis 

sa  substance.  La  veine  cave   était  distendue  par  une 
matière  pultacée  de  couleur  lie  de  vin  ,  à-peu-près 
analogue   à  la  substance  qui   occupait  le    rein.   Une 
matière  semblable  remplissait  les  veines  émulgentes. 
Les  grosses  veines  du  bassin  et  des  membres  inférieurs 
étaient    complètement     oblitérées    par    des    caillots 
fibrineux,  blanchâtres,  et  de    consistance  pultacée. 
Parmi  les  nombreuses  interprétations  qui  pourraient 
être     données  des  faits   que  nous  venons  de  citer  ^ 
une   de   celles  qui    se    présentent  ,  ne  serait-ce  pas 
de    penser  que    ce  même   sang   coagulé,   qui   rem- 
plissait les  grosses  veines  dans  plusieurs  des  cas  pré- 
cédens,    était  la  matière    qui,  accumulée  dans  des 
vaisseaux  d'un  moindre  calibre  ,  y  produisait  la  subs- 
tance encéphaloïde  ?  Déjà  dans  d'autres  endroits  de 
cet  ouvrage  nous   avons  posé  cette  question  ,   à  la- 
quelle   les   faits    précédens    nous    ont    encore    ra- 
menés. 

6°.  Matière  tuberculeuse.  Son  existence  dans  les 
veines  est  assez  rare  :  elle  ne  s'y  montre  le  plus  ordi- 
nairement que  dans  les  cas  où  il  y  en  a  aussi  dans 
d'autres  organes.  Je  ne  me  rappelle  avoir  rencontré 
qu'une  seule  fois  une  grosse  masse  tuberculeuse  dans 
un  des  reins  ,  sans  qu'il  y  en  eût  en  même  temps 
ailleurs.  Les  tubercules  des  reins  peuvent  se  déve- 
lopper plus  particulièrement  :  i°.  dans  la  substance 
corticale  ;  2".  dans  la  substance  tubuleuse  ;  5°.  im- 
médiatement autour  des  calices  et  du  bassinet  qu'ils 
'  entourent  sous  forme  de  couche.  Je  ne  sache  pas 
qu'on  ait  encore  vu  de  tubercule,  développé  dans  le 
parenchyme  du  rein  ,  se  frayer  un  espace  à  travers 


d'aNATOMIE    l'ATlIOLOGIQlE.  0^9 

les  parois  du  bassinet  ,  et  être  expulsé  au-dehors 
avec  l'ovaire  ;  mais   ce   cas  peut    se  présenter. 

On  trouve  quelquefois  dans  les  reins,  soit  seule, 
soit  mêlée  à  d'autres  altérations .  une  substance 
blanche,  de  consistance  variable,  qui  ressemble 
beaucoup  au  tubercule  ,  et  qui  cependant  ne  paraît 
pas  être  de  même  substance  que  celle  à  laquelle, 
dans  le  poumon  ,  par  exemple  ,  on  a  donné  ce  nom. 
Il  est  de  ces  variétés  d'altérations  qui  constituent  en 
quelque  sorte  des  individualités  ,  pour  lesquelles  une 
description  générale  ne  suppléera  jamais  à  une  obser- 
vation particulière.  En  voici  un  cas,  que  je  crois  en 
conséquence   devoir  rapporter  dans  tous  ses  détails. 

Une  femme  de  moyen  âge  meurt  à  la  Charité  avec 
tous  les  symptômes  de  la  phthisie  pulmonaire.  On 
trouve  en  effet  des  cavernes  dans  les  poumons,  avec 
un  épanchement  pleurétique  d'un  côté.  Les  gan- 
glions lymphatiques  du  bassin  sont  tuméfiés  ;  leur 
tissu  est  homogène,  dur,  d'un  blanc  nacré.  Ils  re- 
présentent par  leur  assemblage  de  volumineux  cha- 
pelets. De  plus,  le  rein  gauche  offre  l'état  suivant  : 
la  substance  corticale,  tant  celle  qui  existe  à  la  péri- 
phérie de  l'organe  que  celle  qui  se  prolonge  entre  les 
cônes  de  substance  tubuleuse,  paraît  d'abord  saine; 
cependant  en  l'examinant  avec  plus  d'attention  on 
aperçoit  épars  çà  et  là  dans  son  intérieur  de  petits 
grains  blancs,  dont  les  uns  sont  sphériques ,  et  les 
autres  oblongs  ;  plusieurs  sont  placés  à  la  suite  les 
uns  des  autres  ,  constituant  comme  de  petites  traînées 
de  granulations  blanches  et  assez  dures,  étendues 
depuis  la  base  de  quelques-uns  des  cônes  de  la  subs- 
tance tubuleuse  jusqu'à  l'extérieur  du  rein.  Ces  gra- 


64  o  riiÉcis 

nnlalions  ne  ressemblenl  pas  à  celles  dont  M.  Brlglit 
a  donné  la  descriplion  ;  si  on  peut  les  comparer  à 
quelque  chose,  c'est  h  une  sorte  de  pus  concret. 
Trois  cônes  de  substance  tubuleuse  sont  entièrejnent 
transformés  en  une  substance  nouvelle  ,  composée 
elle-même  de  deux  parties  :  la  plus  extérieure,  qui 
occupe  la  périphérie  du  cône,  est  d'un  blanc  nacré  , 
homogène,  dure,  tout-à-fait  semblable  à  la  malière 
qui  dans  les  ganglions  pelviens  a  remplacé  leur  tissu 
naturel.  Vers  la  partie  moyenne  de  ces  mêmes  cônes 
on  trouve  une  matière  d'un  blanc  jaunâtre,  demi- 
fluide  ,  assez  semblable  à  du  plâtre  délayé  dans  l'eau. 
Cette  substance  plâtreuse  existe  encore ,  sous  forme 
de  plaques,  autour  de  plusieurs  calices  et  du  bas- 
sinet. Elle  les  sépare  du  tissu  propre  du  rein. 

y".  Entozoalrcs.  Outre  quelques  cas  où  des  acé- 
phaiocystes  ont  été  trouvés  dans  les  reins  ,  je  rap- 
pellerai les  cas,  très-rares  chez  l'homme  ,  mais  plus 
communs  chez  les  animaux ,  et  en  particulier  chez  le 
chien,  où  les  reins  sont  transformés  en  une  vaste 
poche,  au  milieu  de  laquelle  existe  un  entozoaire  de 
la  même  classe  que  l'ascaride  lombricoïde  ,  présentant 
une  organisation  aussi  parfaite  que  ce  dernier,  et  que 
Ton   connaît  sous  le  nom  de  strongle. 


ARTICLE    II. 


malaimes  des  voies  d'e:;crétion  de  lVrine. 


Ces  maladies  peuvent   avoir    leur  siège   dans    les 
calices  ,  le  bassinet,  les  uretères  ,  la  vessie  et  Turèthre. 


D^ANATOMIE    PATUOLOGIQlJt.  64 1 

Les  maladies  de  cette  dernière  partie  de  l'appareil 
étant  du  domaine  exclusif  de  la  chirurgie,  nous  ne 
nous  en  occuperons  que  légèrement. 

§  I.  Maladies  des  calices  -,  du  bassinet  et  des  caEiÈRES. 

La  membrane  muqueuse  de  ces  divers  conduits 
s'hyperémie  quelquefois.  On  ne  trouve  souvent  autre 
chose  que  cette  hyperémie  chez  des  individus  qui, 
depuis  un  temps  plus  ou  moins  long  ,  rendent  des 
urines  puriformes  ou  sanguinolentes,  et  qui  éprou- 
vent une  douleur,  variable  en  intensité,  à  la  région 
des  reins  et  dans  le  trajet  des  uretères. 

Cette  même  membrane  muqueuse  peut  s'épaissir 
soit  dans  toute  son  étendue ,  soit  partiellement  ;  de 
là  peut  résulter  une  oblitération  permanente  ou  pas- 
sagère du  conduit  qui  transmet  Turine  des  reins  dans 
la  vessie.  J'ai  trouvé  une  fois  dans  un  bassinet  une 
tumeur  fongueuse,  rouge  ,  molle,  à  large  base,  du 
volume  d'une  petite  noix,  et  qui  semblait  n'être  autre 
chose  qu'une  végétation  de  sa  membrane  muqueuse* 

M.  Louis  a  cité  un  cas  dans  lequel  existait  une 
hypertrophie  notable  des  parois  des  calices  du  bassi- 
net et  des  uretères ,  avec  augmentation  de  leur  cavité. 
Ces  parois  avaient  plus  du  double  de  leur  épaisseur 
normale,  et  le  volume  des  uretères  était  triplé.  En 
même  temps  qu'existait  cette  hypertrophie,  les  reins ^ 
d'une  pâleur  remarquable,  étaient  réduits  à  la  moitié 
de  leur  volume  ordinaire. 

Comme  toutes  les  autres  membranes  muqueuses, 
celle  dont  nous  étudions  actuellement  les  lésions  peut 
sécréter  du  pus,  sans  être  pour  cela  nécessairement 
IL  41 


6^1 2  PRÉcrs 

nicéroe.  Je  l'ai  vue  couverle  d'une  couche  couenneiisè 
cpaisse ,  semblable  à  la  pseudo-membrane  du  croup. 
M.  J.ouis  a  cité  un  cas  dans  lequel  toute  la  surface 
interne  des  uretères  était  tapissée  par  une  couche  de 
matière  tuberculeuse ,  ayant  d'une  demi-ligne  à  une 
ligne  d'épaisseur,  très-ferme  du  côté  où  elle  touchait 
les  parois  de  Turetère  ,  molle  et  friable  dans  son  côté 
libre.  Cette  même  matière  existait  dans  le  bassinet. 
Le  parenchyme  même  du  rein  était  en  grande  partie 
occupé  par  de  la  matière  tuberculeuse  ;  il  y  en  avait 
aussi  dans  les  poumons  (i). 

Le  calice,  le  bassinet  et  les  uretères  sont  suscep- 
tibles de  se  dilater  à  un  point  extrême  ,  dans  les  cas 
où  un  obstacle  quelconque  s'oppose  à  la  libre  arrivée 
de  l'urine  dans  la  vessie.  11  est  fréquent  de  trouver 
les  uretères  notablement  dilatés  dans  beaucoup  de 
cas  d'affections  de  l'utérus,  dans  lesquelles  la  cavité 
de  la  vessie  est  rétrécie  par  des  tumeurs  développées 
autour  d'elle. 

Si ,  au  contraire ,  l'obstacle  qui  empêche  le  libre 
écoulement  de  l'urine  est  situé  près  des  reins  ,  la 
portion  d'uretère  située  au-dessous  de  l'obstacle  se 
rétrécit  et  peut  même  s'oblitérer  complètement. 

L'uretère  présente  en  outre  un  certain  nombre  de 
dispositions  anormales  qui  se  sont  formées  avec  l'être 
lui-même  ,  et  qui  sont  liées  à  une  aberration  de  dé- 
veloppement. Comment  les  expliquera-t-on  par  la 
dichotomie  brownienne? 

Ainsi,  l'on  a  vu  les  deux  uretères  unis  entre  eux 
par  un  canal  transverse.    Quelquefois  il   part  d'un 

nÇi)  Recherches  sur  la  phthislc,  pag,  129. 


n'ANATOMTE    PATHOLOGIQUE.  64^ 

mémo  rein  deux  urelères  .  qui  peuvent  s'ouvrir  isolé- 
ment dans  la  vessie,  mais  qui  îe  pius  souvent  se  réu- 
nissent en  un  seul  conduit  avant  de  verser  i'urine 
dans  ce  réservoir. 

Lorsque  la  vessie  manque ,  ou  n'existe  qu'à  un  état 
rudimentaire,  les  uretères  se  terminent  ailleurs  que 
dans  la  cavité  de  cet  organe.  Ainsi  on  les  a  vus  s'ou- 
vrir, i\  à  l'ombilic;  2°.  dans  le  rectum;  5**.  dans  le 
vagin;  4*»  dans  l'urèthre.  Dans  plusieurs  de  ces  cas 
le  calibre  des  uretères  a  été  trouvé  singulièrement  aug- 
menté, comme  si,  en  l'absence  de  la  vessie ,  ils  ten- 
daient à  former  un  réservoir  supplémentaire.  C'est 
ainsi  que  ,  dans  les  cas  d'absence  de  la  vésicule  du 
fiel  ,  on  voit  quelquefois  les  conduits  biliaires  se  di- 
later d'une  manière  insolite. 

§.  II.  Maladies  de  la.  vessie. 

Cet  organe  est  un  de  ceux  que  l'on  trouve  le  plus 
souvent  altérés  chez  les  individus  qui  succombent  à 
des  maladies  aiguës  ou  chroniques,  autres  que  celles 
des  voies  urinaires.  Cette  assertion  ,  que  je  déduis  de 
mes  propres  observations ,  se  trouve  confirmée  par 
les  recherches  récentes  de  M.  Louis,  puisque  sur 
cinq  cents  sujets  morts  de  toute  espèce  de  maladie, 
il  n'a  trouvé  que  six  fois  la  membrane  muqueuse  vé- 
sicale  injectée ,  sans  ramollissement  ou  épaississement. 
Plus  rarement  encore  y  a-t-il  rencontré  un  état  d'ul- 
cération. Un  seul  individu  lui  en  a  offert  une  très- 
petite  ;  c'était  un  homme  mort  de  fièvre  typhoïde.  La 
rareté  des  lésions  trouvées  sur  les  cadavres  des  indi^ 
vidus  qui  succombent  à  ce  genre  de  maladie  contraste 

41. 


644  PKÉCIS 

d'une  manière  remarquable  arec   la  fréquence  des 
rétentions  d'urine  qu'on  observe  pendant  leur  cours. 

A.  Lésions  de  circulation, 

La  membrane  muqueuse  vésicale ,  frappée  d'hy- 
perémie  ,  présente  plusieurs  nuances  dans  sa  colo- 
ration. Ainsi ,  elle  peut  être  parcourue  par  de  nom- 
breux vaisseaux  qui  lui  donnent  une  teinte  d'un  rouge 
vermeil  :  tantôt  cette  teinte  est  uniformément  ré- 
pandue sur  la  membrane,  tantôt  elle  n'y  existe  que 
par  plaques  isolées  qui  représentent  parfois  comme 
des  taches  d'un  beau  rouge  disséminées  à  la  surface 
interne  de  la  vessie;  tantôt  enfin  cette  injection  est 
encore  plus  circonscrite  ;  elle  se  montre  sous  forme 
de  petits  points  rouges  séparés  les  uns  des  autres  :  si 
on  examine  avec  quelque  attention  chacun  de  ces 
points,  on  trouve  qu'ils  sont  constitués  par  un  cercle 
rouge  qui  circonscrit  un  espace  blanc  dont  le  centre 
est  légèrement  déprimé.  Ce  genre  d'injection  paraît 
appartenir  aux  follicules;  il  est  semblable  à  une  des 
variétés  de  l'injection  folliculaire  du  tube  digestif. 

Il  est  un  autre  genre  de  coloration  qui  s'observe 
quelquefois  à  la  surface  interne  de  la  ves&ie,  dans  les 
cas  d'affection  chronique  de  cet  organe  :  c'est  une 
teinte  brune  et  même  noire.  Cette  teinte  coïncide 
ordinairement  avec  un  épaississement  des  parois  de 
la  vessie.  Dans  tous  les  cas  où  je  l'ai  rencontrée ,  elle 
m'a  paru  être  le  résultat  d'une  irritation  chronique 
de  la  membrane  muqueuse  vésicale. 

(i)  Faits  relatifs  aux  lésions  de  la  membrane  muqueuse  de  Iave5ste;r 
par  M.  Louis,  Répertoire  d'anaf. ,  etc. ,  fom    IV,  pag.  37. 


»  ANATOMIE     VATHOLOGIQUE.  645 

On  a  beaucoup  parlé  de  l'état  variqueux  des  veines 
de  la  vessie.  Je  crois  que  cette  lésion  est  au  moins 
beaucoup  plus  rare  qu'on  ne  l'a  dit. 

B.  Lésions  de  nutrition. 

Ces  lésions  peuvent  frapper  isolément  chacune  de* 
tuniques  dont  se  composent  les  parois  de  la  vessie , 
ou  exister  dans  toutes  à-la-fois. 

Une  de  ces  lésions  les  plus  communes  est  l'hyper- 
trophie. Étudions-la  d'abord  dans  la  membrane  mu- 
queuse. 

L'hypertrophie  de  la  membrane  muqueuse  vésicale 
s'annonce  par  une  augmentation  plus  ou  moins  con- 
sidérable de  son  épaisseur  :  tantôt  elle  a  en  même 
temps  sa  couleur  normale  ;  tantôt  elle  est  rouge ,  grise , 
brune  ou  noire.  L'hypertrophie  de  cette  membrane 
peut  être  partielle ,  et  de  cette  hypertrophie  résulte 
à  l'intérieur  de  la  vessie  la  production  de  tumeurs,  de 
végétations  ,  d'excroissances  fongueuses ,  semblables 
à  celles  que  nous  avons  étudiées  dans  l'intestin.  Con- 
sidérées sous  le  rapport  de  leur  texture ,  ces  tumeurs 
présentent  de  nombreuses  variétés  :  les  unes  sont 
constituées  par  un  tissu  dur  ,  homogène  ,  dans  lequel 
on  n'aperçoit  pas  de  vaisseaux  ;  d'autres  sont  formées, 
par  un  tissu  mou  ,  éminemment  vasculaire  ;  d'autres 
ressemblent  tout-à-fait  à  un  simple  prolongement  de 
la  muqueuse.  Ainsi,  dans  son  hypertrophie,  cette 
membrane  ,  comme  toutes  celles  du  même  genre  , 
présente  deux  variétés  :  l'une  dans  laquelle  elle  aug- 
mente de  volume  ou  d'épaisseur  ,  mais  sans  que  sa 
texture  normale  soit  altérée  en  aucune  façon ,  et  une 


646  PRÉCIS 

autre  variëtë  dans  laquelle  cette  texture  n*est  plus  la 
même.  M.  Louis  a  décrit  une  lésion  de  la  membrane 
muqueuse  delà  vessie,  qui  ne  se  rapproche  de  la  lésion 
qui  nous  occupe  maintenant,  que  parce  qu'il  y  avait 
aussi,  dans  le  cas  qu'il  a  relaté,  production  de  tu- 
meurs à  la  surface  interne  de  la  vessie;  du  reste  ,  il 
serait  fort  difficile  de  déterminer  la  nature  de  cette 
lésion  ,  qui  va  encore  nous  montrer  un  exemple  de 
l'impossibilité  de  faire  rentrer  dans  aucune  des  clas- 
sifications admises  par  les  divers  auteurs  qui  se  sont 
occupés  d'anatomie  pathologique  toutes  les  lésions 
que  nous  découvre  l'ouverture  des  cadavres.  Yoici  la 
description  de  M.  Louis  (i). 

«  La  vessie  offrait  à  sa  surface  interne  des  produc- 
tions réunies  et  confondues ,  pour  ainsi  dire  ,  sur  trois 
rangs  à-peu-près  concentriques,  qui  occupaient  le 
tiers  environ  de  la  surfiace  de  l'ors^ane  à  son  bas  fond. 
Ce  qui  frappait  d'abord  ,  c'étaient  des  vésicules  pyi'i^ 
formes,  demi-transparentes,  d'un  blanc  mat  dans 
quelques  points  seulement ,  contenant  un  fluide  jau- 
nâtre et  assez  transparent,  ayant  deux  à  trois  lignes 
de  hauteur,  une  ligne  à  une  ligne  et  demie  à  leur 
grosse  extrémité  qui  était  libre  ,  et  une  demi-ligne  à 
une  ligne  à  l'extrémité  adhérente.  A  ces  vésicules  se 
trouvait  réuni  un  plus  grand  nombre  de  petits  corps 
de  même  forme,  d'un  rose  tendre,  membraneux, 
non  transparens,  déprimés  sur  deux  faces  opposées , 
et  comme  flétris  ,  appréciables  dans  l'eau  seulement , 
un  peu  moins  volumineux  que  les  vésicules,  ne  con- 
tenant pas  de  liquide.  Trois  d'ejitr'eux,  exactement 

(i)  Recherches  sur  (a  phthisic. 


D*ANATOMlE    VATlIOLor.lQUE.  6f['] 

divisés  à  leur  partie  moyenne  ,  ofîlVaient  à  leur  cen4re 
une  ligne  d'un  blanc  opaque  qui  en  formait  comme 
l'axe  et  se  continuait  avec  le  tissu  sous-muqueux , 
tandis   que  la  membrane  qui  en  faisait  l'enveloppe 

était  un  prolongement  de  la  muqueuse  vésicale 

Parmi  ces  petits  corps,  Irès-rapprochés  ,  le  plus  ordi- 
nairement distincts,  quelques-uns  étaient  réunis  deux 
à  deux  dans  la  moitié  de  leur  longiieur ,  et  semblaient 
comme  bifurques  par  leur  extrémité  libre,  n 

Les  intéressantes  recherches  de  M.  Gendrin  ont 
montré  la  grande  dillérence  qui  existait  entre  la  mem- 
brane interne  des  voies  digestives  et  les  autres  mu- 
queuses sous  le  rapport  des  villosités  :  la  première 
seule  en  est  pourvue  dans  l'état  normal,  ou  du  moins, 
dans  cet  état  ,  elles  ne  sont  distinctes  que  sur  celte 
membrane.  Ce  qui  devrait  porter  à  croire  qu'il  n'y  a 
pas,  dans  les  muqueuses  autres  que  la  digestive,  ab- 
sence réelle  de  ces  villosités  ,  mais  que  seulement  elles 
y  sont  infiniment  peu  déveloj)pées,  c'est  que  ,  dans 
dans  certains  cas  morbides,  elles  y  deviennent  appa- 
rentes. Nous  avons  déjà  vu  un  cas  où  ,  sur  la  membrane 
muqueuse  des  voies  aériennes,  ces  villosités  étaient 
devenues  très-manifesles.  Une  hypertrophie  de  ce 
genre  a  aussi  été  vue  à  ia  surface  de  la  membrane 
muqueuse  vésicale,  et  c'est  encore  aux  recherches  de 
M.  Louis  qu'on  doit  la  connaissance  de  ce  fait.  Chez 
un  individu  qui,  depuis  six  ans,  était  afl'ecté  d'héma- 
turie ,  sans  douleur  à  Thypogaslre  et  sans  diminution 
de  l'embonpoint,  il  a  trouvé  la  surface  interne  de  la 
vessie  recouverte  d'un  tissu  qui  flottait  dans  l'eau  et 
s'y  divisait  en  nombreux  filamens  de  cjuatre  à  sept 
lignes  de  longueur.  Ces  iiiamcns,  d\aiQ  belle  couleur 


6[iS  PRÉCIS 

rouge,  occupaient  les  quatre  cinquièmes  de  la  surface 
de  la  vessie.  Ils  étaient  agglomérés  les  uns  à  côté  des 
autres,  excepté  en  quelques  points  où  ils  formaient 
comme  des  houppes  isolées.  A  quoi  comparer  ces 
filamens,  si  ce  n'est  à  des  villosités  hypertrophiées? 

Dans  l'état  normal,  les  follicules  de  la  vessie  ne 
sont  guère  plus  apparens  que  ses  villosités;  mais, 
dans  l'état  morbide ,  ils  s'hypertrophient  aussi  ,  et 
deviennent  très-manifestes.  Ils  apparaissent  alors  sous 
forme  de  petits  corps  arrondis,  diversement  colorés, 
souvent  pourvus  d'une  double  couronne  vasculaire, 
dont  l'une  occupe  leur  périphérie ,  et  l'autre  le  pour- 
tour de  leur  orifice  central.  Ils  ont  en  un  mot  la  même 
disposition  que  les  follicules  intestinaux.  On  les  trouve 
surtout  très-développés  chez  les  individus  qui ,  plus 
ou  moins  long-temps  avant  leur  mort,  ont  rendu  des 
urines  fortement  chargées  d'une  matière  muqueuse 
ou  purulente. 

Le  tissu  cellulaire  sous-muqueux  s'hypertrophie  et 
s'indure  au  moins  aussi  souvent  que  la  membrane  à 
laquelle  il  sert  de  soutien.  Peu  considérable,  cette 
hypertrophie  n'a  d'autre  eiTet  que  d'augmenter  lé- 
gèrement l'épaisseur  des  parois  de  la  vessie  ;  plus  forte 
et  circonscrite,  elle  constitue  des  tumeurs  qui  font 
saillie  à  l'intérieur  de  la  vessie,  et  peuvent  en  reni^ 
plir  à-peu-près  toute  la  cavité. 

Cette  même  lésion  peut  se  produire  dans  les  autres 
couches  celluleuses  qui  entourent  la  vessie  :  c'est  ainsi 
qu'un  certain  nombre  de  tumeurs  dures,  dites  squir- 
yheuses,  qui  diminuent  à-la-fois  le  calibre  et  du  rectum 
et  de  la  vessie,  ont  leur  origine  dans  un  dévelojipc- 
ment  contre  nature  avec  induration  du  tissu  cellulaii 


^ 


d'ai^atomie  pathologique.  6/19 

placé  entre  ces  deux  organes.  La  même  altération 
peut  frapper  le  tissu  cellulaire  qui,  chez  la  femme, 
sépare  la  vessie  des  organes  génitaux. 

La  tunique  musculaire  de  la  vessie  peut  être  éga- 
lement frappée   d'hypertrophie  :  du  développement 
anormal  d'un  certain  nombre  des  faisceaux  de  cette 
tunique  résulte  une  disposition  particulière  de  la  sur- 
face interne  de  la  vessie  ,  qui  prend  alors  le  nom  de 
vessie  à  colonnes.  Deux  variétés  doivent  être  ici  dis- 
tinguées :  dans  l'une  d'elles,  on  voit  seulement  de 
gros  faisceaux  charnus  qui   soulèvent  en    quelques 
points,  et  suivant  des  directions  diverses,  la  mem- 
brane muqueuse.  Dans  une  autre  variété,  la  surface 
interne   de  la  vessie  présente  un  aspect   tout-à-fait 
analogue  à  celui  de  la  surface  interne  du  cœur.  C'est 
le  même  entrecroisement  de  fibres  ;  ce  sont  les  mêmes 
mailles  et  les  mêmes  aréoles  ;  et ,  comme  dans  le 
cœar,  cet  aspect  maillé  et  aréolaire  est  entièrement 
dû  à  des  plans  charnus  qui  s'enlacent  en  sens  divers. 
Dans  les  divers  cas  que  nous  venons  d'examiner, 
l'hypertrophie  de  la  muqueuse  vésicale  Ou  des  tissus 
subjacens  est  le  résultat  d'une  maladie  développée 
depuis  la  naissance  ;  il  est  d'autres  cas  où  c'est  pen- 
dant que  se  développait  l'être  lui-même,  que  la  vessie 
semble  avoir  été  le  siège  d'une  exubérance  de  nu- 
trition ,  en  vertu  de  laquelle  des  cloisons  insolites  sont 
venues  à  se  former  dans  sa  cavité.  Tantôt  ces  cloisons 
sont  incomplètes  ;  tantôt,  plus  considérables ,    elles 
séparent  en  deux  ou  trois  loges  la  cavité  de  la  vessie. 
Elles  occupent  souvent  la  ligne  médiane  ,  et  il  en  ré- 
sulte comme  une  double  vessie  ,  dont  chacune  reçoit 
un  uretère.  Toutes  deux  peuvent  s'ouvrir  immédiate- 


65o  PRÉCIS 

ment  dans  l'urèthre;  d'autres  foîS  une  seule  coiniuu- 
nique  directement  avec  lui  ;  l'autre  ne  peut  verser 
l'urine  à  l'extérieur  qu'à  travers  une  ouverture  cen- 
trale dont  est  percée  la  cloison  complète ,  qui  sépare 
en  deux  loges  d'égale  grandeur  l'intérieur  de  la  vessie. 
On  a  vu  plus  d'une  fois  des  calculs  contenus  daas  ces. 
loges  auxquelles  on  a  donné  le  nom  de  vessie  surnu^ 
méraire.  Mais  ce  dernier  nom  a  été  plutôt  imposé  à 
un  autre  cas  dans  lequel  la  vessie  présentant  sa  cavité 
ordinaire,  couimunique  par  une  ouverture  plus  ou 
moins  large  avec  une  autre  poche  qui  lui  est  comme 
sur-ajoutée,  et  sur  les  parois  de  laquelle  on  peut 
suivre  la  continuation  des  diverses  tuniques  qui  en- 
trent dans  la  composition  des  parois  mêmes  de  la  ves- 
sie. J'ai  vu  une  de  ces  poches  surnuméraires  qui 
auraient  pu  admettre  facilement  un  gros  œuf  de  poule.. 
Des  calculs  peuvent  également  se  loger  dans  ces  po- 
ches. 

La  vessie  est  susceptible  de  divers  degrés  d'atro- 
phie ,  dont  les  uns  ne  sont  survenus  qu'après  la  nais- 
sauce,  et  dont  les  autres  sont  liés  à  un  défaut  pri- 
mordial de  développement.  Cette  atrophie  peut  ne 
consister  qu'en  un  simple  amincissement  des  parois 
de  la  vessie  ;  cet  amincissement  dépend  surtout  du 
peu  de  développement  de  la  tunique  charnue,  qui 
laisse  môme  de  larges  espaces  où  elle  manque  com- 
plètement ,  et  à  travers  lesquels  fait  hernie  la  mem- 
brane muqueuse. 

Au  lieu  de  présenter  un  simple  amincissement  de 
ses  parois ,  la  veine  peut  offrir  une  absence  con)p!èle 
d'une  portion  de  ces  mêmes  parois.  C'est  presque  tou- 
jours on  pareil  eus  sa  portion  antérieure  qui  njauque, 


D*ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  65  l 

et  ce  vice  de  développement  coïncide  avec  un  état 
d'imperfection  soit  seulement  des  parois  abdominales 
qui  présentent  un  défaut  de  réunion  depuis  l'ombilic 
jusqu'au  pubis,  soit  de  ces  parois  et  des  os  pubis  qui 
restent  séparés  ,  soit  enfin  de  ces  parties  et  des  organes 
génitaux  eux-mêmes,  qui  sont  ou  absens ,  ou  rudi- 
mentaires  ,  ou  ma!  conformés.  Les  corps  caverneux, 
par  exemple,  peuvent  être  divisés  en  deux  parties 
dans  toute  leur  étendue ,  le  canal  de  l'urèthre  peut 
être  découvert  à  sa  partie  supérieure,  etc. 

Les  individus  chez  lesquels  manque  la  paroi  an- 
térieure de  la  vessie  sont  affectés  de  vice  de  confor-^ 
mation  ,  connu  sous  le  nom  (ïextrophle  de  la  vessie, 
lis  présentent  vers  la  partie  inférieure  de  l'abdomen, 
à  la  place  ordinairement  occupée  par  la  ligne  blan-  * 
che  et  les  muscles  droits ,  ou  la  symphyse  du  pubis  , 
une  tumeur  rouge,  d'aspect  muqueux,  dont  les  bords 
se  continuent  avec  la  peau  ,  et  de  deux  points  de  la- 
quelle on  voit  sourdre  l'urine.  Cette  tumeur  n'est 
autre  chose  que  la  paroi  postérieure  de  la  vessie  pous- 
sée en'avant. 

Nous  avons  déjà  parlé  des  cas  rares  dans  lesquels 
la  vessie  manque  complètement;  nous  avons  noté 
aussi  les  différens  points  où  en  pareil  cas  les  uretères 
vont  verser  l'urine. 

La  membrane  muqueuse  de  la  vessie  présente 
quelquefois  une  consistance  beaucoup  moindre  que 
celle  de  son  état  normal.  M.  Louis  (i)  l'a  trouvée  très- 
molle  ,  sans  qu'elle  fût  en  xaiême  temps  injectée,  et 

(0  Opçr.  cit. 


()52  vntcis 

sans  qu'il  y  eût  d'ailleurs  aucune  autre  altération  dans 
la  vessie. 

Quelquefois  aussi  les  parois  de  cet  organe  se  ra- 
mollissent dans  leur  totalité ,  comme  se  ramollissent 
les  parois  de  restomac.  Alors  il  suffit  de  la  traction  la 
plus  légère  pour  en  opérer  la  rupture,  et  pendant  la 
TÎe  il  peut  en  résulter  une  perforation,  dite  sponta-. 
née,  de  la  vessie,  analogue  aux  perforations  du  même 
nom  ,  dont  l'estomac  est  plus  fréquemment  le  siège; 
et  ici  ce  n'est  plus  à  l'action  corrosive  du  suc  gastrique 
qu'on  peut  attribuer  et  le  ramollissement  et  la  per- 
foration. 

Enfin  la  vessie  ,  comme  tous  les  autres  organes 
creux,  peut  être  le  siège  d'ulcérations  qui  n'en  oc- 
cupent que  la  membrane  muqueuse  ,  ou  qui ,  s'é- 
lendant  en  profondeur,  se  terminent  par  une  solu- 
tion complète  de  continuité  des  parois  de  l'organe. 
Alors  tantôt  l'urine  s'épanche  dans  le  péritoine,  tan- 
tôt elle  s'échappe  directement  en  dehors  à  travers 
une  fistule  qui  tire  son  nom  du  liquide  auquel  elle 
livre  passage;  tantôt  elle  s'écoule  à  travers  le  rectum 
et  le  vagin.  Souvent,  d'ailleurs,  c'est  par  l'un  ou 
l'autre  de  ces  conduits  que  l'ulcération  commence, 
et  ce  n'est  que  consécutivement  que  la  vessie  en  de- 


vient le  siège. 


C.   Lésions  de  sécrétion. 


Elles  peuvent  exister,  i*.  à  la  surface  libre  de  la 
membrane  muqueuse  ;  2".  au-dessous  d'elle. 

La  membrane  muqueuse  peut  fournir  quatre  li- 


d'anatomie  pathologique.  655 

quides  principaux  ;  savoir  :  un  mucus  plus  ou  moins 
altère  sous  le  double  rapport  de  sa  quantité  et  de  sa 
qualité,  du  sang,  du  pus,  et  enfin  une  matière  con- 
crescible  qui  se  dépose  sous  forme  de  pseudo-mem- 
brane à  la  surface  interne  de  la  vessie.  J'ai  vu  deux  fois 
cette  surface  interne  tapissée  presque  en  totalité  par 
une  couche  couenneuse  ,  de  plus  d'une  ligne  d'épais- 
seur, d'un  blanc  sale  ,  sans  trace  de  vaisseaux  ,  et  sem- 
blable aux  pseudo-membranes  des  voies  aériennes. 

Dans  l'épaisseur  même  des  parois  de  la  vessie  on  a 
trouvé  du  pus  infiltré  ou  réuni  en  foyer,  de  la  matière 
tuberculeuse  5  encéphaloïde  et  mélanique.  Une  fois 
j'ai  rencontré  ,  au-dessous  de  la  muqueuse  qu'il  sou- 
levait un  kyste  séreux  du  volume  d'une  noix. 

§  IIÏ.   Maladies  de  l'crèthre. 

Nous  ne  devons  en  présenter  ici  qu'une  rapide  es- 
quisse. 

Parmi  ces  maladies,  qui  sont  toujours  le  résultat  de 
lésions  de  circulation ,  de  nutrition  ou  de  sécrétion  , 
il  en  est  qui  se  rattachent  à  un  vice  de  développement 
du  fœtus.  Dans  les  maladies  de  cet  ordre,  nous  trou- 
vons ,  1°.  l'occlusion  du  canal  de  l'urèthre ,  occlusion 
dont  la  cause  peut  résider  soit  dans  le  prépuce ,  soit 
dans  l'urèthre  lui-même,  dont  les  parois  sont  agglu- 
tinées ,  ou  dont  une  membrane  ,  semblable  à  un  dia- 
phragme ,  interrompt  la  continuité. 

2°.    L'ouverture  insolite  de  ce  canal ,  soit  qu'en 
même  temps  l'ouverture  naturelle  manque  ou  existe. 

Cette  ouverture  insolite  peut  consister  dans  un  sim- 
ple orifice  placé  sous  le  gland.  D'autres  fois  beaucoup 


654  PRÉCIS 

plus  consîfîrrable  ,  olle  se  présente  sons  forme  d'une 
^ouHiiTC  qni  rèjijne  tout  le  long  de  la  lace  inlcrieure 
du  pénis.  D'autres  fois  ,  enfin  ,  cette  gouttière  s'étend 
sous  le  scrotum,  qui  est  fendu  comme  le  pénis.  Si 
alors  les  testicules  sont  restés  dans  l'abdomen  ,  si  le 
pénis  est  petit  et  imperforé  comme  un  clitoris ,  les 
deux  côtés  du  scrotum  divisé  présentent  quelque  ana- 
logie avec  les  lèvres  de  la  vulve,  et  il  en  résulte  une 
apparence  d'hermaphrodisme. 

En  même  temps  que  l'urèthre  présente  un  de  ces 
vices  de  conformation,  il  arrive  souvent  que  l'ou- 
raque  se  conserve  ,  et  que  l'urine  sort  par  l'om- 
bilic. On  a  vu  aussi  l'ouraque  persister  dans  des  cas 
où  aucun  autre  vice  de  conformation  n'était  apparent 
d  l'extérieur. 

Les  maladies  de  l'urèthre  ,  survenues  après  la  nais- 
sance ,  peuvent  consister  d'abord  dans  une  simple 
modification  de  la  circulation  capillaire  de  sa  mem- 
brane muqueuse.  Ainsi  on  la  trouve  rouge  ,  mais  le 
plus  ordinairement  sans  aucune  trace  d'ulcération  , 
chez  les  individus  qui  succombent ,  pendant  qu'ils 
ont  un  écoulement  purulent,  quelle  qu'en  soit  la 
source.  Ajoutons  cependant  que,  dans  quelques  cas 
d'écoulemens  soit  très-récens,  soit,  au  contraire, 
très-anciens ,  la  membrane  muqueuse  uréthrale  ,  exa- 
minée après  la  mort,  ne  présente  aucune  rougeur: 
ainsi  lorsqu'un  individu  succombe  pendant  le  cours 
d'une  angine,  il  arrive  souvent,  ainsi  que  Bichat 
l'avait  remarqué  ,  que  le  pharynx ,  rouge  pendant 
la  vie  ,  se  montre  pale  après  la  mort.  Ainsi  chez  les 
individus  qui  sont  atteints  d'un  catarrhe  chronique, 
soit  des  intestins,  soit  des  bronches,  j'ai  trouvé  plus 


d'aNATOMTE    PATHOLOnTQUK.  655 

d'une  fois  parfaitement  blanche  la  membrane  mu- 
queuse des  voies  digestives  ou   aériennes  (i). 

Soit  dans  sa  me'  'Drane  muqueuse,  soit  dans  les 
tissus  qui  lui  sont  su^^jacens,  l'urèthre  présente  un 
certain  nombre  de  lésion*;  de  nutrition  ,  dont  le  ré- 
sultat le  plus  commun  est  de  déterminer  divers  de- 
grés de  rétrécissement  du  conduit. 

Les  lésions  dénutrition  qu'on  remarque  particuliè- 
rement dans  la  muqueuse  sont  :  l^  son  épaississement  ; 
2°.  des  végétations  ou  excroissances  qui  s'élèvent  de 
sa  surface  (Morgagni,  Swediaur)  ;  5°.  des  granulations 
semblables  à  des  poireaux  qui  parsèment  cette  même 
surface  (Hunter  )  ;  4"-  des  cicatrices  d'ulcération  (Du- 
puytren);  5^  des  brides  transversales  ou  obliques  qui 
s'étendent  d'un  point  des  parois  du  canal  au  point  op- 
posé ;  6®.  une  augmentation  de  volume  des  foiiicules 
muqueux;  7°.  une  dilatation  contre  nature,  ou  d'au- 
tres altérations  des  sinus  qui  existent  normalement 
à  la  surface  interne  du  canal  de  l'urèthre. 

Les  lésions  de  nutrition  qui  existent  au-dessous  de 
la  muqueuse  sont  surtout  de  nombreuses  variétés 
d'épaississement  et  d'induration  du  tissu  cellulaire 
sous-mu  queux. 

Dans  ces  divers  cas  un  simple  rétrécissement  peut 
être  momentanément  changé  en  une  oblitération  com- 
plète par  la  production  d'une  hyperémie  passagère 
de  la  membrane  muqueuse. 

§ .  IV.  Altérations  de  l'urine. 
Le  liquide  sécrété  par  les  reins  présente  dans  son 

(i)  Clinique  Mcdicalc. 


656  pRÉcts 

aspect  d'innombrables  variétés ,  qui  sont  surtout  du 
ressort  de  la  séméiologie,  et  dont  nous  ne  devons 
pas  nous  occuper  ici.  Arrêtons-nous  seulement  sur 
les  grands  changemens  que  l'urine  peut  présenter 
dans  sa  composition  ,  et  qui  constituent  véritable- 
ment ,  si  l'on  peut  ainsi  dire  ,  l'anatomie  pathologi- 
que de  ce  liquide. 

Les  changemens  que  l'urine  est  susceptible  d'é- 
prouver dans  sa  composition  peuvent  se  rapporter  à 
trois  classes. 

La  première  de  ces  classes  comprend  les  cas  où  il 
y  a  simple  changement  dans  la  proportion  des  prin- 
cipes qui  normalement  consliluent  l'urine. 

La  seconde  classe  comprend  les  cas  où  il  y  a  dans 
l'urine  addition  de  nouveaux  principes,  mais  de  prin- 
cipes qu'on  retrouve  dans  le  sang ,  soit  en  état  de 
santé  ,  soit  en  état  de  maladie. 

Enfin  dans  la  troisième  classe  viennent  se  ranger 
les  cas  où  les  nouveaux  principes  qui  composent  l'u- 
rine ne  se  trouvent  plus  dans  le  sang. 

Je  vais  parler  de  chacune  de  ces  classes  dans  trois 
articles  distincts. 

A.  Altération  de  l'urine ^  par  changement  de  propor- 
tion de  SCS  principes  constituans. 

L'eau  qui  existe  dans  l'urine  comme  dans  tous  les 
liquides  animaux  est,  de  tous  ses  principes,  celui  dont 
les  proportions  sont  plus  sujettes  à  varier.  Lorsque 
cette  variation  de  proportion  n'a  lieu  que  dans  de  cer- 
taines limites,  elle  est  compatible  avec  un  bon  état 
de  santé  ;  au-delà  de  ces  limites  elle  se  lie  à  un  état 
morbide ,  dont  elle  est  ou  l'effet  ou  la  cause.   Il  est 


b'ANATOMIE    PATHOLOGIOIJE.  65^ 

des  îndîvîdns  chez  lesquels  ,  soil  habituellement ,  soit 
par  intervalles,  l'urine  a'est  presque  exclusivement 
composée  que  d'eau  et  d'une  très-petite  quantité  de 
matière  animale;  c'est  là  le  caractère  chimique  du 
diabètes  non  sucré. 

L'urée  peut  aussi  présenter  dans  quelques  cas  des 
Variations  remarquables  dans  ses  proportions.  Plu- 
sieurs fois  on  l'a  vue  exister  dans  l'urine  en  quantité 
beaucoup  plus  abondante  que  de  coutume;  on  peut 
s'assurer  facilement  de  cet  excès  d'urée  par  la  quan- 
tité insolite  que  précipite  l'acide  nitrique,  ajouté  à 
une  quantité  d'urine  égale  à  la  sienne  (i).  En  pareil 
cas  l'on  observe  une  activité  plus  grande  dans  la  sé- 
crétion de  l'urine;  le  flux  qui  en  résulte  a  été  con- 
fondu avec  le  diabètes. 

D'autres  fois i  au  contraire,  la  quantité  d'urée  que 
doivent  fournir  les  reins  est  notablement  diminuée  ; 
l'acide  nitrique  précipite   à  peine   de  l'urine   quel- 
ques petits  cristaux  d'urée.  Des  analyses  déjà  un  peu 
anciennes  ont  fait  long-temps  admettre  que ,  dans 
les  cas  de  diabètes  sucré   ou   non  sucré  j  il  y  a  dans 
l'urine  absence  complète  de  son  principe  immédiat. 
Des  recherches  plus  récentes  faites  par  M.  Barruel 
aîné  (2)  ont  démontré  que  l'absence  de  l'urée  dans  les 
cas  de  diabètes  n'est  pas  au  moins  aussi  constante 
qu'on  l'avait  dit.  Il  en  a  trouvé  en  efl'et  une  certaine 
quantité  dans   une   urine   qui    contenait  en   même 
temps  de  la  matière  sucrée;  ainsi  la  présence  de  l'une 
de  ces  matières  dans  l'urine  n'exclut  pas  nécessaire- 
ment l'autre 

(1)  Pront. 

(a)  Journal  de  chimie  mèdicaUé 


653  rî.Écis 

Soit,  qu'ainsi  que  l'admeUent  la  phiparl  des  chi- 
mistes, il  y  ait  normalement  une  certaine  quantité 
d'acide  uriquc  libre  dans  l'urine,  soit  que,  comme  le 
pense  M.  Prout ,  cet  acide  s'y  trouve  combiné  norma- 
lement avec  l'ammoniaque  (i),  toujours  est-il  que  , 
dans  certains  états  morbides,  cet  acide  urique  existe 
dans  l'nrine  à  l'état  libre,  et  que,  trop  abondant 
pour  pouvoir  se  dissoudre  dans  l'eau  que  contient 
l'urine  ,  il  s'y  mon  Ire  sous  forme  solide.  La  malière 
de  la  grave! le  est  presque  constamment  formée  par 
cet  acide  urique  ;  plusieurs  calculs  sont  aussi  com- 
posés par  lui. 

Il  est,  au  contraire,  d'autres  cas  où  l'on  ne  trouve 
plus  dans  l'urine  de  trace  d'acide  urique  ;  c'est  ce  qui 
a  lieu  dans  le  diabètes,  dont  le  caractère  chimique 
paraît  être  beaucoup  plus  constamment  l'absence  de 
l'acide  urique    que  celle  de  l'urée. 

Les  causes  sous  l'influence  desquelles  un  excès  d'a- 
cide urique  se  forme  dans  l'urine,  ont  été  dans  ces 
derniers  temps  mises  au  jour  par  M.  Magendie  (2)  , 
j'en  ai  déjà  parlé  dans  d'autres  endroits  de  cet  ou- 
vrage. 

L'acide  lactique,  dont  M.  Berzélius  admet  l'exis- 
tence dans  l'urine  comme  dans  la  plupart  des  liquides 
animaux,  n'a  pas  encore  été  vu  altéré  dans  ses  pro- 
portions. 

Il  n'en  est  pas  de  môme  de  l'acide  phosphoriquc. 
D'après  M.  Prout,  c'est  parce    que  les  reins  ne   le 

(1)  D'après  M.  Prout,  ce  serait  à  l'urale  d'ammoniaque  que  l'urine, 
sortie  récemment  du  corps,  devrait  I(\  propiiélô  de  rougir  la  teinture  de 
tournesol. 

(a)  Recherches  sur  la  gravclle. 


d'ANATOMIE   l'ATIIOLOGIOrE.  65() 

forment  plus  en  suffisante  quantité,  que  les  sels 
dont  il  est  le  radical,  se  transforment  en  sels  neutres 
ou  en  sous-sels,  et  se  précipitent  pour  former  des 
concrétions  calculeuses.  De  là  l'origine  des  calculs 
formés  soit  de  phosphate  de  chaux^  soit  de  phosphate 


ammoniaco- magnésien. 


Les  alcalis,  qui  entrent  dans  la  composition  de 
l'urine  (potasse,  soude,  chaux,  ammoniaque j^ 
peuvent  y  exister  eii  quantité  surabondante  ;  il  n*en 
résulte  aucun  inconvénient ,  si  c'est  la  potasse  ou 
la  soude;  si  c'est  la  chaux,  il  y  aura  précipitation 
des  sels  qu'elle  forme  avec  l'acide  phosphorique  ;  si 
c'est  enfin  l'ammoniaque,  il  y  aura  également  préci- 
pitation des  sels  terreux  qui ,  en  l'absence  de  cet  excès 
d'ammoniaque ,  sont  maintenus  en  dissolution  dans 
l'urine. 

B.  réitération  de   C urine  par  addition  de  noiivenwfà 
principes ,  quon  retrouve  dans  le  sang. 

Ces  principes  sont  de  deux  espèces  :  les  uns  font 
partie  constituante  du  sang,  les  autres  n'y  existent 
qu'accidentellement. 

Les  principes  de  la  première  espèce  sont  l'albu- 
mine ,  la  fibrine,  et  la  matière  colorante  du  sang. 

L'urine,  dans  son  état  normal,  ne  contient  pas  la 
moindre  trace  de  ces  trois  principes.  Mais  il  est  des 
cas  morbides  où  on  les  y  rencontre  soit  isolés  ,  soit 
réunis  en  proportion  variable. 

La  présence  de  l'albumine  dans  l'urine  s'y  recon- 
naît facilement  par  le  précipité  qu'y  fait  naître  la  cha- 
leur ;  on  obtient  ainsi  un  caillot  plus  ou  moins  ferme 

42. 


66o  rni^cîs 

<|ni  a  Ions  les  caractères  de  l'albumine  congnlee.  En 
pai^il  cas ,  l'urine  est  ordinairement  pale,  quelquefois 
opalescente  au  moment  de  son  émission.  Tantôt  la 
quantité  d'urine  est  en  même  temps  augmentée  ;  tan- 
tôt elle  est  diminuée.  Nous  avons  Vu  plus  haut  qu'un 
des  signes  qui ,  d'après  M.  Brigth  ,  peuvent  révéler* 
pendant  la  vie  l'existence  d'un  état  granuleux  des 
reins  ,  c'est  l'état  albumineux  des  urines.  La  présence 
de  l'albumine  dans  l'urine  n'y  exclut  pas  l'existence 
de  l'urée. 

Les  reins  peuvent  aussi  séparer  du  sang  une  cer- 
taine quantité  de  fibrine.  M.  Prout  en  a  vu  un 
exemple  remarquable  chez  une  femme  âgée  de  trente 
ans,  d'un  appétit  vorace  ,  et  qui  d'ailleurs  se  por- 
tait bien.  L'urine  qu'elle  rendait  était  presque  en- 
tièrement formée  par  une  masse  d'un  Jaune  pâle^ 
peu  consistante,  composée  d'une  partie  séreuse  qu'on 
en  exprimait,  et  d'une  partie  solide  qui  avait  tous  les 
caractères  de  la  fd^rine  du  sang. 

On  a  dit  que  dans  certaines  bydropisies  l'urine 
contenait  une  grande  quantité  de  matière  fibri- 
neuse.  La  cause  de  ces  hydropisies  résiderait-elle  dans 
l'altération  des  fonctions  des  reins  ?  serait-ce  parce 
que  ces  organes  viendraient  accidentellement  à  sous- 
traire au  sang  une  grande  partie  de  sa  fibrine  ,  que 
des  collections  séreuses  tendraient  à  se  former  de 
toutes  parts?  le  rein,  en  séparant  du  sang  la  fibrine, 
agirait  alors  comme  une  saignée  qui,  trop  abondante 
ou  trop  souvent  répétée  ,  dispose  aussi  à  l'hydropisie. 

Enfin,  avec  l'urine  peut  s'échapper,  en  quantité 
variable,  la  matière  colorante  du  sang.  Celte  matière 
peut  se   mêler  à  l'urine,  soit  dans  les  reins  mêmes, 


d'anatomic  pathologique.  661 

d'où  elle  se  sépare  du  sang  avec  les  divers  éiémens  de 
l'urine,  soit  dans  la  vessie >,  où  elle  est  exhalée  par  U 
membrane  muqueuse  de  cet  organe.  L'exhalation  de 
ia  matière  colorante  du  sang  est  souvent  le  produit 
d'une  irritation  des.  reins  ou  de  la  vessie;  elle  est 
alors  le  symptôme  d'une  lésion  toute  locale.  Mais^ 
d'autres  fois  cette  exhalation  n'est  qu'un  des  phéno- 
mènes par  lesquels  se  traduit  une  disposition  mor^ 
Lide  générale,  en  vertu  de  laquelle  le  sang  tend  k 
s'échapper  de  toutes  parts  des  conduits  qui  le  ren- 
ferment. C'est  ce  qui  arrive  dans  le  scorbut,  dans 
certaines  formes  de  typhus,  etc. 

On  rencontre  encore  dans  l'urine  quelques  autres 
principes  insolites,  qui  diffèrent  des  précédens,  en  ce 
qu'ils  n'existent  non  plus  dans  le  sang^que  d'une  ma- 
nière accidentelle.  Ces  principes  sont  de  deux  sortes  : 
les  uns  viennent  du  dehors;  ils  ont  été  introduits  dans 
le  sang  soit  avec  les  alimens,  soit  avec  les  boissons, 
soit  avec  l'air  inspiré  ;  l'économie  s'en  débarrasse  par 
la  sécrétion  rénale.  Ces  principes  sont  très-nombreux  ;. 
ce  sont  surtout  des  matières  colorantes  ou  odorantes. 
D'autres  principes  sont  les  éiémens  de  divers  liquides 
sécrétés  qui  sont  restés  dans  le  sang,  ou  qui  y  sont 
rentrés ,  et  qui  en  sortent  avec  l'urée  par  la  voie  deS; 
reins.  Celui  de  ces  principes  qu'on  y  a  le  plus  sou- 
vent rencontré,  c'est  la  matière  jaune  de  la  bile  ;  ou 
dit  aussi  y  avoir  trouvé  la  matière  caséeuse. 


662  VUÉCJS 

C.  Altération  de  Vurine  par  addition  de  nouveaux, 
principes  quon  ne  retrouve  pas  dan%  le  sang. 

Ces  principes  sont  particulièrement  les  suivans  : 

1°.  Des  matières  acides.  Parmi  elles  se  trouve 
l'acide  oxalique,  qui  n'existe  normalement  ni  dans  la 
sang,  ni  dans  l'urine.  Cet  acide  s'empare  de  la  cbaus^ 
qu'il  trouve  toute  formée  dans  le  liquide  rénal  ;  de 
là,  la  production  d'une  espèce  particulière  de  calcul , 
composée  d'oxalate  de  chaux.  Dans  quelques  cas 
cités  par  MM.  Prout  (i)  ,  Magendie  (2)  et  R.a- 
tier  (3),  l'exislencc  de  l'acide  oxalique  dans  l'urine 
a  été  le  résultat  manifeste  de  l'emploi ,  comme  ali- 
ment, d'une  grande  quantité  d'oseille.  D'autres  fois 
c'est  sans  cause  connue  que  les  reins  viennent  à 
former  cet  acide.  Dirons-nous  alors  avec  Berzélius, 
que  la  formation  de  l'acide  oxalique  dans  les  reins 
çst  le  résultat  d'un  simple  accroissement  d'activité 
des  fonctions  de  ces  organes,  fonctions  qui  consis- 
teraient principalement  dans  un  procédé  d'acidifi- 
cation ?, 

Brugnatelli  dit  avoir  trouvé  dans  l'urine  de  l'acide 
hydrocyanique. 

2^  Desoxides,  dont  on  ne  trouve  nulle  part  ailleurs 
les  analogues,  et  qui  ont  été  désignés  sous  les  noms 
d'oxides  cystique  et  xanthique. 

5**.  Des  matières  colorantes.  La  teinte  naire  de 
quelques   urines  a  été  attribuée  par  M.   Prout  à  la 

(1)  Oper.  cil. 

(">)  Journal  de  physinto^ir. 

;')>  Journal  licidowadulre, 

V,      • 


d'anatomie  pathologique.  665 

présence  de  l'acide  mélanique  dans  ce  liquide  ,  sa 
leinte  rouge  à  celle  de  l'acide  purpurique.  Quelque- 
fois on  a  trouvé  l'urine  colorée  en  bleu,  et,  dans  un 
cas  de  ce  genre  ,  M.  Julia  Fontenelle  (i)  y  a  décou- 
vert l'existence  de  l'hydrocyanate  de  fer. 

4".  Une  matière  sucrée,  semblable  au  sucre  de 
raisin.  Cette  matière  constitue  le  caractère  chimique 
du  diabètes  sucré.  Quelques  chimistes  avaient  avancé 
que,  lorsque  cotte  matière  exislaiJ:  dans  l'urine,  on  la 
retrouvait  aussi  dans  le  sang  :  des  recherches  plus 
récentes  portent  maintenant  à  admettre  que  ,  quelle 
que  soit  la  quantité  de  matière  sucrée  qui  existe  dans 
l'urine  ,  le  sang  n'en  contient  pas;  je  pense  qu'il  y  a 
encore  quelques  recherches  à  faire  sur  ce  point.  La 
cause  sous  l'influence  de  laquelle  une  matière  sucrée 
vient  à  se  former  dans  l'urine ,  n'est  pas  connue. 

5°.  Une  matière  grasse.  M.  Prout  a  trouvé  une  fois 
dans  l'urine  une  subslance  semblable  à  du  beurre. 

6".  Des  poils.  L'existence  de  celte  production  dans 
l'urine,  déjà  signalée  par  d'anciens  observateurs,  a 
été  mise  hors  de  doute  par  les  faits  de  ce  genre  qui 
ont  été  récemment  publiés  par  M.  Magendie.  Ces 
j3oils  étaient  unis  à  une  certaine  quanlité  de  matière 
saline.  J'ai  observé  moi-même  avec  M.  Magendie  un 
des  deux  cas  qu'il  a  rapportés  dans  son  ouvrage  (2)  : 
\m  grand  nombre  de  petits  poils  ,  longs  d'une  ligne 
à  plus  d'un  pouce,  étaient  mêlés  àunepoudreblanclic, 
([ui  fut  trouvée  composée  de  beaucoup  de  phosphnfe 
de  chaux,  d'un  peu  de  plio.-phale  dt?  magnésie  et  de 


(1)  Archives  dcmcdcclnc ,  lomc  II  .  prsgc  io4. 

(.<)  iicchcrchcs  iiir  la  ^raidie  ,  pa.- M.igciuiic  ,  2"  éJilini, 


GG4  PRKCfS 

quelques  traces  d'acide  urique.  L'individu  qui  a  pr4-~ 
sente  ce  cas  était  un  vieillard,  qui  vivait  d'une  ma-i 
DÎère  sobre.  II  rendait  par  jour,  dit  M.  Magendie  ^ 
Vine  telle  quantité  de  celte  matière  saline  pileuse,  qu'il 
en  remplissait  en  quelques  jours  des  boîtes  de  U 
grandeur  d'un  litre.  Un  second  malade,  observé  par- 
M.  Magendie  ,  expulsait  avec  ses  urines  des  concré-- 
tions  velues  à  leur  surface. 

Dans  ces  nombreuses  altérations  de  l'urine ,  quel 
est  l'état  de  son  orsjane  sécréteur  ?  Examiné  sur  le 
cadavre,  il  peut  présenter  l'une  des  lésions  précé- 
demment étudiées  ;  mais  d'autres  fois  il  paraît  sain , 
et  cependant  le  liquide  qu'il  sépare  du  sang  n'est  plus 
dans  son  état  normal.  C'est  que  bien  souvent  ce  n'est 
pas  dans  le  rein  qu'il  faut  chercher  la  cause  des  mo- 
difications de  l'urine.  Cette  cause  ,  il  faut  la  chercher 
tantôt  dans  le  sang  ,  tantôt  dans  l'innervation  ,  tantôt 
dans  le  mode  d'accomplissement  des  diverses  fonc-. 
tions  d'assimilation  ou  de  désassimiiation  ,  tantôt  enfin 
dans  les  qualités  mêmes  de  l'air  et  des  alimens.  De 
tout  cela,  rien  ne  nous  est  révélé  par  la  simple  inves-. 
ligation  anatomique. 

Les  différens  principes  qus  nous  avons  passés  eu 
revue  dans  cet  article  et  dans  les  deux  précédens ,  ap^. 
portent  plusieurs changemens  dans  les  propriétés  phy». 
siques  de  l'urine.  Tantôt  ils  n'en  altèrent  ni  la  liqui-^ 
dite  ni  la  transparence  ;  tantôt  ils  la  troublent  ou  \i\ 
colorent  d'une  manière  insolite;  tantôt  enlin  ils  y 
constituent  des  corps  solides  qui,  à  l'état  purulent  , 
prennent  le  nom  de  graviers,  et  celui  de  calculs  lors-, 
qu'ils  sont  réunis  en  masses  pius  ou  moins  considé-. 
ral)les.    Sur   les    cadavres ,   on    trouve    des  culculSj, 


D'ANAr03IIE    PATHOLOGIQUE.  665 

1^  dans  les  calices  et  dans  le  bassinet,  qu*ils  disten- 
dent, et  dont  ils  représentent  la  forme  ;  2°.  en  divers 
points  des  uretères  ;  .V.  dans  la  vessie,  où  ils  sont  soit 
libres,  soit  enchatonnés  ;  4°.  dans  l'urèthre. 

Les  matières  élémentaires  que  l'on  a  trouvées  jus- 
qu'à présent  dans  ces  calculs  a  soit  isolées,  soit  com- 
binées les  unes  avec  les  autres  ,  sont  au  nombre  do 
onze  :  savoir,  l'acide  urique,  l'urate  d'ammoniaque  , 
le  phqsphate  de  chaux,  le  phosphate  ammoniaco-i 
magnésien  ,  l'oxalate  de  chaux,  la  silice,  l'oxide  cys- 
tique ,  l'oxide  xanthiquc,  une  matière  muqueuse  j^ 
\ifte  matière  librineuse  ,  une  matière  pileustî^ 


— . — ^  j^-t. 


666  PRÉCIS 


APPAKEIL  DE  LA  GENERATION. 


Un  assez  grand  nombre  de  maladies  de  cet  appareil 
étant  tout-à-fait  du  domaine  de  la  palliologie  externe  , 
nous  nous  y  arrêterons  peu  ,  n'insistant,  selon  notre 
nsa«i;e,  que  sur  les  lésions  dont  la  description  nous 
paraîtra  se  lier  d'une  manière  plus  directe  à  l'étude 
des  maladies  (jui  sont  l'objet  .«spécial  de  la  pathologie 
interne  (i). 


SECTION  PREMIEUE. 

MALADIES 

DlîS      ORGAMiS      GÉNITAUX      Dli      l'hOMME, 


Jetons  un  coup-d'œll  rapide  sur  les  Ksions  qui  peu- 
vent  frapper   les    diverses   parlies    dont    l'ensemble 


constiUie  ces  organes. 


(i)    L'histtùrc  de  riicif)»ai)liroili!«:«e  cl  dos  principaux  vijcs  de  confoi- 
iiialion  de  l'appaicil  grni'.al  a  êlO  liajéc  d'uuc    iiianicic  géncKile  dans  le 


d'anatomie  pathologique.  6G7 

Indépendamment  de  l'état  d'hyperémie  qu  offre 
assez  souvent  le  testicule  ,  avec  tuméfaction  plus  ou 
moins  considérable  de  son  tissu  ,  cet  organe  peut  pré- 
senter, soit  dans  sa  propre  substance,  soit  dans  ses 
enveloppes,  un  certain  nombre  d'altérations  de  nu- 
trition et  de  sécrétion  que  nous  allons  successivement 
passer  en  revue ,  en  les  suivant  tour-à-tour  dans  les 
divers  tissus  qui  composent  le  testicule  ,  depuis  son 
enveloppe  cutanée  jusqu'aux  canaux  séminifères. 

1**.  Enveloppe  cutanée  du  testicule.  La  plus  remar- 
quable altération  qu'elle  présente  est  une  induration 
considérable  de  son  tissu  ,  avec  ulcération  consécu- 
tive; c'est  la  maladie  qui  a  été  décrite  en  Angleterre 
sous  le  nom  de  cancer  des  ramoneurs, 

2\  Dartos.  Cette  couche  fibro-celluleuse  devient 
parfois  le  siège  d'altérations  tout-à-fait  analogues  à 
celles  que  nous  avons  déjà  si  souvent  étudiées  dans 
les  diverses  parties  du  tissu  cellulaire  subjacent  à  des 
membranes.  Sous  la  peau  du  testicule  ,  comme  sous 
la  muqueuse  de  l'estomac,  ce  tissu  cellulaire  s'épaissit, 
s'indure,  sécrète  de  la  lymphe  plastique,  du  pus,  du 
tubercule ,  et  forme  une  tumeur  qui  en  a  souvent  im- 
posé pour  une  affection  de  la  substance  même  du 
teslicule.  Plusieurs  sarcocéles  ne  paraissent  consister 
en  autre  chose  qu'en  ces  divers  modes  d'altération^ 
du  dartos. 

5°.  Tunlc/ue  vaginale.  Les  lésions  d  ^  cette  mem- 
brane séreuse  ne  diffèrent  pas  de  celles  qu'on  trouve 
dans  toutes  les  autres  membranes  de  même  nature. 
Ainsi  on  peut  y  rencontrer  une  certaine  quantité  de 
sérosité  lim[)ide  (  hydrocèle  ),  sans  qu'il  y  ait  dans  la 
membrane   même  aucune   sorte  d'altératijn    appré-. 


66^  PRÉCIS 

ciable.  Tan  lot  alors  la  cause  de  cette  colleclion  se'-, 
reuse  nous  reste  inconnue  ;  tantôt  nous  trouvons  cette 
cause  soit  dans  un  obstacle  au  libre  retour  du  sans; 
veineux  le  long  du  cordon  testiculaire ,  soit  dans  une 
lésion  organique  développée  dans  le  testicule  lui- 
même  ;  ainsi ,  des  tubercules  encéphaliques  pi'odui,sent 
souvent  rhydrocépbale.  Au  milieu  de  la  sérosité  ac- 
cumulée dans  [a  tunique  vaginale  ,  on  a  quelquefois 
rencontré  une  certaine  quantité  de  çholestérine  qui 
apparaissait  sous  forme  de  paillettes  d'un  jaune  bril- 
lant ,  nageant  dans  le  liquide;  fiiit  important,  puis-. 
qu'il  démontre  que  la  cliolestérine  n'est  pas  un  pro- 
duit de  sécrétion  propre  au  foie.  Il  s'en  faut  que  dans 
toute  hydrocèle  la  tunique  vaginale  ne  contienne  que 
de  la  sérosité  pure.  On  la  trouve  souvent,  comme 
toute  membraneséreuse,  remplie  d'un  liquide  trouble, 
floconneux,  purulent;  sa  surface  est  parfois  couverte 
de  couches  membraniformes ,  et  des  adhérences  en 
réunissent  intimement  les  différens  points. 

4".  Tunique  albuginée.  Elle  joue  un  rôle  important 
dans  quelques  maladies  du  testicule.  Quelquefois,  en 
eiTet,  c'est  celte  tunique  seule  qu'on  trouve  affectée, 
dans  des  cas  où  pendant  la  vie  une  tumeur  du  testi- 
cule, dure,  bosselée,  douloureuse,  avait  fait  croire 
à  l'existence  d'une  dégénéralion  du  parenchyme  tes- 
ticulaire. En  pareil  cas,  tantôt  on  trouve  celte  tunique 
simplement  hypertrophiée  et  indurée  ;,  tantôt  on  la 
trouve  passée  à  l'état  cartilagineux,  et  môme  osseux 
en  quelques  points.  11  est  vraisemblable  qu'ici,  comme 
dans  les  cas  où  une  membrane  {ibreusc  double  uno. 
membrane  séreuse  ,  les  altérations  qui  paraissent  s'y 
fonner  ont  plus  parliculicrcmcnl  leur  siège  dans  le 


n*ANÀTOMTE    PATHOLOGIQUE.  66g 

iîssn  cellulaire  qui  sépare  ces  deux  membranes.  C'est, 
par  exemple,  clans  ce  tissu  cellulaire  qu'existent  cer- 
tains abcès  qu'on  trouve  quelquefois  au-dessous  de 
la  tunique  vaginale ,  et  qui^  cependant,  situés  à  la  pé- 
riphérie du  testicule,  paraissent  n'avoir  fait  qu'en 
refouler  le  tissu,  sans  l'envahir.  J'ai  trouvé  une  fois 
Une  couche  tuberculeuse  qui  était  ainsi  interposée 
entre  la  tunique  vaginale  et  la  tunique  albuginée. 
Une  autre  fois,  j'ai  vu  la  porlion  de  tunique  vaginale 
qui  recouvre  le  testicule  soulevée  en  un  point  de  son 
étendue  par  une  concrétion  calculeuse  ,  du  volume 
d'une  noisette  ,  et  qui  n'intéressait  en  aucune  façon 
la  substance  même  du  testicule,  dont  la  séparait  la 
timique  albuginée  restée  intacte.  Dans  la  plupart  des 
cas  où  il  y  a  altération  soit  de  cette  dernière  tunique  , 
soit  du  tissu  cellulaire  qui  l'unit  à  la  membrane  sé- 
reuse ,  une  hydrocèle  s'établit,  mais  souvent  peu 
considérable. 

5".  Parencliyme  du  testicule.  Les  altérations  prin- 
cipales qu'on  y  a  découvertes  sont  les  suivantes  : 

A,  Un  simple  état  d'hyperémie  avec  tuméfaction 
plus  ou  moins  considérable  de  la  substance. 

B,  Un  état  d'induration  grise  ou  blanche  du  pa- 
renchyme ,  avec  possibilité  de  distinguer  encore  les 
conduits  séminifères. 

C,  Cette  même  induration  ,  avec  disparition  des 
conduits  séminifères  ;  le  testicule  représente  alors 
une  masse  homogène,  dure,  où  l'on  ne  trouve  plus 
aucune  trace  de  son  organisation  primitive.  Cette  in- 
duration est  tantôt  générale,  et  tantôt  partielle  :  dans 
ce  dernier  cas  ,  il  n'y  a  souvent  que  l'épididyme  qui 
en  est  le  siège. 


B'JO  PRÉCIS 

D,  L'existence  an  milieu  du  testicule  de  massée 
encéphaloidcs ,  avec  tous  les  degrés  de  dureté  ou  de 
ramollissement. 

E,  Le  développement  d'un  tissu érectile  accidentel, 
qui  tantôt  n'occupe  que  quelques  points  isolés  de 
l'organe ,  et  tan  tôt  en  a  envahi  la  totalité.  J'ai  rapporté 
ailleurs  avec  détail  le  cas  d'un  individu  qui  mourut  à 
la  Charité ,  quelques  mois  après  avoir  subi  la  castra- 
lion  pour  une  tumeur  érectile  du  testicule  ,  et  dans 
le  poumon  duquel  je  trouvai  de  nombreuses  masses 
rongeâtres  ,  composées  aussi  d'un  tissu  érectile  ana- 
logue à  celui  qui  avait  envahi  le  testicule. 

F.  Des  collections  purulentes  ,  qui  dans  certains 
cas  constituent  la  seule  lésion,  et  dans  d'autres  ne  font 
que  terminer  une  des  altérations  précédentes. 

G.  De  la  matière  tuberculeuse.  Elle  existe  dans  lé 
testicule  avec  tous  ses  aspects;  tantôt  dure,  dissé- 
minée sous  forme  de  petits  grains  isolés  ,  ou  réunie 
en  grosse  masse  qui  fait  saillie  à  l'extérieur;  tantôt 
ramollie  ,  et  transformée  en  une  matière  liquide  qui, 
là  comme  partout  ailleurs,  tend  à  se  faire  jour  au- 
dehors,  à  l'aide  d'ouvertures  fistuleuscs  dont  les  en- 
veloppes testiculaires  deviennent  le  siège. 

M.  Reynaud  m'a  dit  avoir  trouvé  récemment  dans 
un  testicule  de  petites  granulations  grisâtres,  demi- 
fransparentes,  dures  comme  du  cartilage  ,  semblables 
en  un  mot  aux  granulations  pulmonaires.  Ce  fait  ten- 
drait à  prouver  que  les  granulations  du  poumon  peu- 
vent être  constituées  par  autre  chose  que  par  l'indu- 
ration chronique  des  vésicules  pulmonaires.  C'est  une 
recherche  à  poursuivre  dans  le  testicule. 

Le  canal  déférent  présente,  comme  altérations  prin- 


n  ANATOMÎE    PATHOLOGIQUE.  67^ 

cipales,  une  oblilt'ralion  de  sa  cavité,  une  dilatation 
de  cette  même  cavité  avec  ou  sans  épaissicsement 
de  ses  parois,  l'existence  d'un  liquide  purulent  à  son 
intérieur,  et  autour  de  lui  le  développement  d'une 
couche  de  matière  tuberculeuse  qui  lui  forme  comme 
une  enveloppe  accidentelle.  J'ai  vu  un  cas  de  ce  genre 
chez  un  individu  dont  le  testicule  était  rempli  de 
tubercules.  Il  est  vraisemblable  que  dans  le  tubercule 
aussi  la  matière  tuberculeuse  s'était  développée  en 
dehors  des  canaux  séminifères. 

Les  vésicules  séminales  sont  parfois  imparfaitement 
développées.  Meckel  parle  de  cas  où  il  n'y  en  avait 
qu'une.  On  a  trouvé  de  la  matière  tuberculeuse  dans 
leurs  parois ,  du  pus  dans  leur  cavité  ;  d'autres  fois 
on  y  a  rencontré  des  calculs  ;  une  communication 
accidentelle  s'établit  dans  quelques  cas  entre  elles  et 
l'intérieur  de  la  vessie. 

La  proslate  augmente  souvent  de  volume,  sans 
présenter  d'autre  altération  qu'une  simple  hypertro- 
phie de  son  tissu.  Celte  hypertrophie  peut  être  géné- 
rale, ou  bornée  soit  à  l'une  de  ses  parties  latérales, 
soit  à  sa  partie  moyenne  (  Lobe  médian  de  Home  ). 
Au  Heu  d'être  simplement  hypertrophiée ,  la  prostate  , 
en  augmentant  de  volume,  perd  souvent  son  aspect 
normal  ;  son  tissu  ne  présente  plus  qu'une  masse  ho- 
mogène, dite  squirrheuse.  Des  corps  fibreux,  carti- 
lagineux, ossiformes,  semblables  à  ceux  de  l'utérus, 
s'y  développent  fréquemment.  Enfin,  elle  peut  de- 
venir le  siège  de  collections  purulentes.  Dans  plu- 
sieurs cas  de  suppuration  de  la  prostate  ,  on  a  obrervé 
tous  les  symptômes  des  fièvres  graves ,  bien  qu'il  n'y 


672  •  PT\ÉCIS 

eut  pas  on  incarne  temps  de  lésion  p;astro-intestinaIe(î\ 
Il  nous  resterait  à  parler  ici  des  lésions  diverses 
qui  peuvent  atteindre  le  pénis;  mais  de  quel  profit 
serait-il  pour  la  science  ,  qu'à  la  suite  d'une  foule  d'au- 
teurs nous  donnassions  la  description,  déjà  si  com- 
plètement faite ,  de  l'épispadias  ,  de  l'hypospadias ,  du 
phimosis,  du  paraphimosis ,  des  diverses  altérations 
de  nutrition  du  gland,  de  ses  ulcérations,  de  ses  ex- 
croissances variées,  enfm  de  la  dégénération  squir- 
rlieuse  ou  cancéreuse  des  corps  caverneux?  Ici, 
comme  ailleurs ,  l'expression  de  cancer  a  servi  sans 
doute  à  désigner  des  lésions  de  texture  fort  différentes 
les  unes  des  autres,  mais  qui  toutes  ont  une  fin  com- 
mune ,  sont  liées  à  un  même  état  général  de  l'éco- 
nomie, et,  une  fois  développées,  exercent  sur  cette 
même  économie  une  influence  identique.  Toutefois, 
il  est  ici  un  fait  important  et  qu'il  ne  faut  pas  perdre 
de  vue  sous  le  rapport  de  l'étiologie  de  ces  lésions, 
c'est  que  laplupart  reconnaissent  au  moinspour  cause 
occasionelle  manifeste  l'irritation  dont  le  gland  est 
habituellement  le  siège ,  chez  des  individus  affecté» 
d'un  phimosis  à  divers  degrés  (2). 

(1)  Clinique  Médicafè. 

(2)  Consultez  sur  lecnncer  du  pénis  un  excellent  Mémoire  de  M^  Burct| 
inséré  dans  le  Journal  hebdomadaire ,  tome  I« 


D*ÀKATOMIE    PxVTlIOLOGlQlE.      *  6^3 


SECTIOiN  DEUXIEME. 

MALADIES 

DES  ORGANES  GÉNITAUX  bÉ     LA  FEMME. 


Nous  allons  successivement  étudier  !ès  maladies  : 

î°.   De  l'Utérus. 

2^  Des  Trompes. 

5^   Des  Ovaires. 

4\   Du  produit  de  la  Conception  cl  de  ses  annexes» 


CHAPITRE   PREMIER. 

MALADIES    DE    L'UTÉRUS, 

Parmi  les  lésions  que  l'ouverture  des  cadavres  dé- 
couvre dans  cet  organe,  quelques-unes  sont  spéciale- 
ment du  domaine  de  la  chirurgie  ou  de  l'obstétrique; 
elles  consistent,  soit  dans  divers  déplacemens  du 
corps  ou  du  col  de  l'utérus,  soit  dans  des  altérations 
de  conformation  qui  sont  le  plus  généralement  con- 
génitales. Nous  ne  ferons  ici  que  les  indiquer  très- 
sommairement.  Ces  lésions  sont  les  suivantes  : 

11.  43 


674  '  PRÉCIS 

l^   L'obli(/Liilé  de  l'utérus.    Cet  état  peut  exister 
sans  cause  connue  ;  d'autres  fois  il  est  le  résullat  d'ad- 
hérences contre   nature,    qui   unissent  l'utérus  aux' 
parties  latérales  du  bassin  et  l'obligent  à  s'incliner 
du  côté  où  elles  ont  lieu. 

2°.  La  rétroversion  de  l'utérus.  Le  fond  de  l'or- 
gane se  trouve  alors  dirigé  en  bas  et  en  arrière  ,  et  son 
orifice  vaginal  en  haut  et  en  devant.  Cet  état  est  beau- 
coup plus  commun  dans  l'état  de  grossesse  que  dans 
l'état  de  vacuité  de  la  matrice. 

3".  Uantêversion  de  Cuiérus.  C'est  la  disposition 
annexe  de  la  précédente. 

4"-  L'inversion  de  l'utérus.  Cette  lésion  est  carac- 
térisée par  le  renversement  de  l'organe  qui  se  retourne 
sur  lui-même,  de  telle  sorte  que  sa  face  interne  de- 
vient externe  :  il  y  a  toujours  dans  ce  cas  un  prolap- 
sus plus  ou  moins  grand  du  corps  utérin  ;  mais  tantôt 
il  fait  seulement  une  légère  saillie  au  devant  du  col , 
tantôt  il  paraît  hors  du  vagin;  la  tumeur  qui  en  ré- 
sulte ne  présente  aucun  orifice,  ce  qui  la  distingue 
de  celle  qui  est  formée  par  un  simple  prolapsus.  Le 
renversement  de  l'utérus  n'arrive  guères  que  dans  les 
cas  où  il  y  a  à-la-fois  distension  de  sa  cavité  et  amin- 
cissement de  ses  parois.  Outre  les  cas  de  renverse- 
ment qui  se  produisent  pendant  l'accouchement,  il 
en  est  d'autres  qui  coïncident  avec  le  développement 
de  productions  accidentelles  d'un  volume  considé- 
rable dans  la  cavité  utérine. 

5°.  La  chute  de  l'utérus.  Dans  cette  lésion  l'uté- 
rus est  entraîné  dans  le  vagin  ,  puis  hors  de  ce  con- 
duit, et  il  vient  former  tumeur  entre  les  cuisses.  On 
retrouve  presque  toujours  sur  cette  tumeur  l'orifice 


d'aNATOMIE    r.\,TIluL()GIQUE.  6^5 

du  col.  L'inversion  du  vagin  est  la  cause  la  plus  fré- 
quente de  la  chute  de  l'utérus. 

6\   La  hernie  de  l'utérus,  soit  vide,   soit  chargé 
du  produit  de  la  conception. 

■^^   L'état  biloculaire  de  l'utérus.  Cet  état  présente 
plusieurs  variétés.  Dans  une  première  de  ces  variétés, 
l'utérus,    vu    extérieurement,     offre    deux    cornes, 
comme  l'utérus  de  la  plupart  des  mammifères;  exa- 
miné intérieurement,    il  est  divisé  dans  son  col  en 
deux  loges  par  une  cloison  ,  et  chacune  de  ces  loges 
aboutit  à  l'une  des  cornes  qui  terminent  supérieure- 
ment l'orijane.  Dans  une  seconde  variété  ,  la  cloison 
de  la  partie  n'existe  pas,   le  col  est  simple  ,  mais  le 
corps  continue  à  se  terminer  supérieurement  par  deux 
cornes.  Dans  une  troisième  variété,  l'aspect  bicorne 
disparaît ,  et  à  l'intérieur  l'utérus  a  sa  conformation 
normale  ;   mais  sa  cavité  est  encore  divisée  en  deux 
loges  par  une  cloison  ,  qui  se  termine  plus  ou  moins 
près  du  col.  Enûn ,  dans  une  quatrième  variété ,  l'é- 
tat biloculaire  de  l'utérus  n'est  qu'apparent;  il  pré- 
sente vers  son  bord  supérieur  une   échancrure  mé- 
diane plus  ou  moins  profonde,  qui  lui  donne  encore 
un  aspect  bicorne  ;  mais  à  l'intérieur  de  l'organe  on 
ne  retrouve  aucune  trace  de  division.  La  cloison,  que 
nous  avons  vue  dans  les  trois  premières  variétés  sépa- 
rer en  deux  loges  la  cavité  utérine,  peut  se  prolonger 
dans  le  vagin  jusqu'à  son  orifice  vulvaire.   Elle  y  est 
formée  spécialement  par  un  adossement  de  la  mem- 
brane muqueuse  ,  dont  on  peut  facilement  faire  glis- 
ser les  deux  feuillets  l'un  sur  l'autre  (i). 

(i)  Cassan  ,  Observation  d'une  duplicité  de  l'utérus  cl  du  t"û§fw.  (Archives 
de  uicdecine ,  tom.  VI ,  pag.  192.) 


676  PRÉCIiî 

L'état  biloculairc  de  rutérus  ne  s'oppose  pas  au  dé- 
veloppement du  produit  de  la  conception.  Une  femme 
qui  présentait  ce  vice  de  conformation,  avait  eu  un 
enfant,  qui  était  venu  à  terme,  mais  qui  mourut  en 
naissant,  après  un  accouchement  laborieux  (1).  Une 
autre  femme,  dont  M.  Ollivier  (2)  a  rapporté  l'histoire, 
devint  cinq  fois  enceinte.  Le  premier  accouchement 
fut  très-laborieux  ;  l'enfant  vint  mort.  Aux  trois  gros- 
sesses suivantes  les  enfans  vinrent  seulement  deux 
fois  vivans.  Enfin,  devenue  enceinte  une  cinquième 
fois,  et  arrivée  au  [erme  de  sa  grossesse,  elle  fui  prise 
tout-à-coup  des  signes  d'une  péritonite  aiguë  ,  à  la- 
quelle elle  succomba.  A  l'ouverture  du  cadavre  ,  on 
trouva  rompu  celui  des  lobes  de  l'utérus  qui  contenait 
le  fœtus. 

8".  Le  dé velop peinent  incomplet  de  l'utérus.  Ici  , 
encore,  existent  plusieurs  varioles.  Dans  l'une  d'elles, 
l'utérus  conserve  un  certain  volume;  mais  l'une  de 
ses  moitiés  manque,  et  il  n'y  a  en  même  temps  qu'un 
ovaire  et  qu'une  trom[)e.  Dans  un  cas  de  ce  genre,  ob- 
servé par  Chaussier  (5)  ,  la  femme  avait  eu  plusieurs 
enfans,  qui  étaient  venus  à  terme.  Dans  une  aulre 
variété,  l'utérus  est  tellement  petit  qu'il  faut  quelque 
attention  pour  le  retrouver.  Le  vagin  se  termine  à  un 
petit  renflement  creux,  auquel  aboutissent  les  trom- 
pes. D'autres  fois  le  col  a  ses  dimensions  accoutumées, 
et  il  surpasse  de  beaucoup  le  corps  en  volume.  M. 
Lauth  ,  de  Strasbourg,  a  cité  un  cas  dans  lequel  à  un 
col  assez  bien  conformé  ,   venaient  aboutir  presque 

(1)  Bérard  joune  ,  Clini<^iie  des  hôpitaux  ^  de.,  tom.  I  ,  n°  jj, 

(a)  Archives  dG  médecine ,  toni.  VIll  ,  pag.  2i5. 

(3)  Etillclint  de  la  Faculté  de  viédiicinç ,<n\néQ  1817,  pag.  ^^y» 


d'aiXAtomie  pathologique.  6-"^ 

îmmédialementJes  trompes;  ellesn'oncîaieril  séparées 
que  par  une  petite  cavllè  à  parois  minces,  niembra- 
îieuses.  On  ne  trouvait  qu'un  rudiment  d'ovaires.  Le 
bassin  de  celte  l'emme  se  rapprochait  d'un  bassin 
d'homme,  et  la  mammelle  était  conformée  comme 
chez  celui-ci  (i), 

9°.  L'absence  complète  de  Caler  is.  Elle  a  été  ré- 
cemment constatée  càTHotel-Dien,  par  M.  Dupuytren, 
sur  une  fille  devingt-septans.  Le  vagin  avait  tout  au  plus 
un  pouce  de  profondeur.  Derrière  le  cui-de-sac  qui  le 
terminait,  existait  k  rectum;  au-dessus  de  la  vessie  et 
derrière  elle,  on  trouvait  les  ligamens  larges,  qui  conte- 
naient  dans  leur  épaisseur  des  trompes  volumineuses  et 
des  ovaires  bien  développés.  A  l'endroit  de  réunion  des 
deux  trompes  ,  existait  un  petit  leriflement ,  qui  n'of- 
frait ni  cul-de-sac,  ni  cavité,  et  qui  ne  ressemblait  eu 
rien  à  l'utérus  (2).  Gliez  cette  femme,  les  mamelles 
étaient  bien  développées,  les  parties  génitales  exté- 
rieures bien  conformées,  et  rien  ne  rappelait  la  cods- 
titution  masculine.  Elle  n'avait  jamais  été  réglée. 

10".  Uoblitèralion  des  d'wcrs  orifices  de  C utérus. 
Chez  quelques  femmes  on  trouve  exactement  fermée 
l'ouverture  de  communication  des  trompes  avec  laca- 
vité  utérine.  Tanlot  celte  absence  d'ouverture  est  due 
à  la  simple  continuation  de  la  membrane  muqueuse 
au-devant  d'elle  ;  tantôt  c'est  une  membrane  particu- 
lière qui  la  bouche,  comme  une  sorte  de  diaphragme, 
et  derrière  ç\\q  on  retrouve  la  cavité  de  la  trompe; 
tantôt,  enfin ,  cette  cavilé  manque  elle-même  du  côté 
de  l'utérus,  dans  l'étendue  de  quelque  lignes.  J^e  col 

(1)  Répertoire  d'anaioutu  i^aihol.i^i'iuc )  etc.  ^  loin.  V,  pag.  99.  , 

(2)  Ibiilçm. 


\ 


6^8  PRÉCIS 

peut  être  aussi  oblitrré,  soit  parce  qu'une  membrane 
en  bouche  l'oritice  vaginal  ou  utérin  ,  soit  parce  que 
ses  parois  mêmes  sont  agglutinées  d'une  manière  plus 
ou  moins  intime.  Quelquefois,  en  môme  temps  que 
]es  deux  orifices  du  col  sont  réduits  à  une  petitesse 
extrême,  sa  cavité  est  au  contraire  agrandie,  ou  du 
moins  elle  conserve  ses  dimensions  normales. 

Les  altérations  de  l'utérus,  que  nous  allons  mainte- 
nant étudier,  et  qui  sont  plus  spécialement  du  do- 
maine de  la  pathologie  interue  ,  sont,  dans  cet  organe, 
comme  partout  ailleurs  ,  des  altérations  de  circula- 
tion, de  nutrition  ou  de  sécrétion.  Dans  cet  organe  , 
comme  ailleurs ,  tantôt  ces  altérations  diverses  sont 
liées  à  un  travail  plus  ou  moins  intense  d'irritation 
antécédente  ;  tantôt  cette  irritation  ne  peut  pas  plus 
être  admise  par  l'anatomie  pathologique  que  par  l'é- 
tude des  symptômes.  Quel  fait,  par  exemple,  autorise 
à  en  supposer  l'existence  dans  les  cas  de  développe- 
ment de  tumeurs  fibreuses? 

L'hyperémie  de  l'utérus  s'observe  quelquefois  sans 
autre  lésion  de  cet  organe  ;  elle  peut  en  occuper  toute 
l'épaisseur  ,  ou  être  bornée  à  sa  surface  interne.  Dans 
ce  dernier  cas,  la  membrane  muqueuse  qui  tapisse 
les  parois  de  la  cavité  utérine  s'injecte  de  sang,  et,  se 
séparant  du  tissu  qui  lui  est  subjacent ,  elle  devient 
on  ne  peut  plus  évidente. 

L'utérus  est  chaque  mois,  chez  les  femmes  pu- 
bères, le  siège  d'une  hyperémie  qui  chaque  mois  aussi 
se  dissipe  sans  qu'il  en  résulte  aucun  désordre.  Ce- 
pendant, chez  un  certain  nombre  de  femmes,  chaque 
retour  de  cette  hyperémie  mensuelle  est  accompagné 
de  douleurs  à  la  région  ulérine,  et  souvent  d'un  mou- 


D'ANATOîrriE    PATHOLOGIQUE.  G79 

vement  fébrile  :  à  cela  se  bornent  tous  les  accldens. 
Mais,  si  au  lieu  d'être  le  résultat  d'un  acte  physiolo- 
gique, c'est  une  hyperémie  morbide  qui  survient, 
alors  des  troubles  sympathiques  beaucoup  plus  graves 
se  manifestent ,  et  cependant  l'hyperémie  n*est  pas 
plus  considérable  que  celle  qui  est  produite  par  le  re- 
tour des  règles.  Ainsi ,  chez  plusieurs  femmes  mortes 
peu  de  temps  après  leurs  couches  ,  d'une  péritonite 
aiguë  ,  dont  le  point  de  départ  manifeste  a  été  une 
irritation  de  l'utérus,  on  ne  trouve  autre  ciiose  dans  cet 
organe  qu'une  rougeur,  souvent  médiocre,  soit  de  son 
tissu  propre  ,  soit  seulement  de  sa  surface  interne. 
Mais  d'autres  fois ,  le  point  de  départ  restant  le  même, 
de  plus  graves  effets  se  produisent;  le  tissu  de  Tuté- 
rus  se  tuméfie  ,  il  se  modifie  dans  sa  consistance  , 
ou  il  suppure. 

La  tuméfaction  du  corps  de  l'utérus  ou  de  son  col 
est  d'abord  le  simple  résultat  de  la  congestion  san- 
guine considérable  dont  cet  organe  est  le  siège  ;  elle 
peut  disparaître  avec  cette  congestion  elle-même; 
mais  d'autres  fois  elle  lui  survit,  et  alors  l'organe, 
en  même  temps  qu'il  reste  plus  volumineux  que  de 
coutume,  acquiert  une  grande  dureté,  ou  bien  il  se 
ramollit  ;  car  la  même  cause  peut  donner  lieu  à  ces 
deux  effets  opposés. 

L'induration  de  l'utérus  ne  s'opère  que  lentement. 
Au  contraire,  son  ramollissementpeutavoir  lieu  dansun 
très-court  espace  de  temps.  Souvent,  chez  des  femmes 
qui  succombent  très-peu  de  jours  après  que  des  signes 
d'iiritation  se  sont  manifestés  du  côté  de  l'utérus,  on 
trouve  ses  parois  tellement  ramollies ,  qu'en  les  tiraillant 
faiblement,  ou  en  les  pressant  yssez  légèrement  avec  le 


68o  PRÉCIS 

doigt,  on  les  perfore  ;  quelquefois  même  la  friabilité 
des  parois  utérines  est  devenue  telle,  que,  pendant  la 
vie,  elles  se  rompent  spontanément ,  surtout  lorsque 
l'utérus  contient  le  produit  de  la  conception  qui  pèse 
mécaniquement  sur  ces  parois  sans  résistance  :  ainsi 
§e  perfore  spontanément  leslomac  ramolli. 

En  même  temps  qu'il  perd  de  sa  consistance  ,  le 
tissu  de  l'utérus  vient  quelquefois  à  suppurer.  Le  pus 
qu'on  y  trouve  peut  y  être  infiltré  ou  réuni  en  foyers 
uniques  ou  multiples ,  dont  la  grandeur  varie  depuis 
le  volume  d'un  petit  pois  ou  d'une  tête  d'épinglç 
jusqu'au  volume  d'une  grosse  noix.  Il  est  des  cas  où 
tout  le  tissu  de  l'utérus  semble  comme  macéré  dans 
une  énorme  quaniité  de  pus;  à  peine  trouve-t-on  au 
milieu  de  ce  liquide  quelques  fibres  déchirées  et  sans 
consistance.  Autour  du  pus  ,  le  tissu  de  l'utérus  con- 
serve  cependant,  dans  certains  cas,  toute  sa  fermeté; 
tantôt  il  est  d'un  rouge  vif,  violacé;  tantôt  il  est  gri- 
sâtre, d'une  teinte  feuille  morte,  ou  môme  d'une 
pâleur  remarquable!. 

Considéré  relativement  à  son  siège ,  le  pus  peut 
exister  dans  l'épaisseur  du  tissu  de  l'organe  ou  dans 
sa  cavité.  Dans  le  premier  cas ,  la  suppuration  peut  avoir 
son  siège  au  sein  môme  du  parenchyme  de  l'utérus , 
ou  dans  ses  veines;  souvent  alors  celles-ci  sont  assez 
dilatées  pour  qu'il  soit  facile  de  les  confondre  avec 
des  cavités  accidentelleSo  Ordinairement  il  y  a  un 
grand  nombre  de  veines  utérines  que  l'on  trouve 
ainsi  pleines  de  pus;  ces  veines  le  portent  dans  celles 
du  voisinage,  et  il  n'est  pas  rare  alors  d'en  trouver 
aussi  dans  la  plupart  des  veines  hypogastriques  ,  dans 
la  veine  cave,  et  enfin  dans  divers  parenchymes  orga-^ 


d'anatomie  pathologique.  68  i 

»Ic[ues  ,  où  il  est  déposé  à  mesure  que  de  l'ulérus  il 
a  cbeminé  avec  le  sang  dans  les  diverses  parties  de 
l'arbre  veineux. 

On  trouve  plus  rarement  du  pus  dans  la  cavilé  de 
l'utérus  que  dans  le  tissu  inêinô  de  cet  organe.  Dans 
la  plupart  des  cas  où  cette  cavité  contenait  du  pus, 
il  m'a  semblé  que  l'état  morbide  qui  lui  avait  donné 
naissance  n'avait  pas  eu  une  marche  aiguë,  comme 
dans  les  autres  cas  dont  il  vient  d'être  question.  Quel- 
quefois même  aucun  symptôme  n'avait  été  observé 
du  côté  de  l'utérus  ou  de  ses  annexes.  Dans  ce  cas, 
par  exemple  ,  se  trouvait  une  vieille  femme  qui  mou- 
rut à  la  Charité  de  phthisie  pulmonaire,  sans  avoir 
jamais  rien  accusé  du  côté  des  voies  génitales.  Nous 
trouvâmes  l'utérus  rempli  de  pus  :  une  couche  blan- 
châtre, membraniforme  ,  semblable  à  la  fausse  mem- 
brane du  croup,  en  tapissait  la  surface  interne  ;  au- 
dessous  de  cette  couche  la  muqueuse  était  vivement 
injectée.  Chez  une  fille  de  vingt  ans .  qui  jamais  n'a- 
vait été  résflée  ,  et  chez  laquelle  d'ailleurs  rien  non 
plus  n'avait  porté  à  soupçonner  l'existence  d'une  affec- 
tion de  l'utérus,  une  membrane  rougeâtre,  organisée, 
recouvrait  la  muqueuse  utérine,  à  laquelle  elle  adhé- 
rait par  des  filamenscellulo-vasculaires,  et  la  couvrait 
dans  sa  totalité.  On  eut  dit  d'une  membrane  caduque  , 
très-développée  ,  vivement  injectée  ,  et  en  quelque 
sorte  plus  vivante  que  de  coutume.  Cette  membrane 
passait,  sans  s'interrompre,  au-devant  de  l'orifice  des 
trompes  et  de  celui  du  col  utérin  :  ces  deux  orifices 
se  trouvaient  ainsi  oblitérés  par  elle.  Elle  constituait 
ainsi  les  parois  d'une  poche  sans  ouverture,  que  rem- 
plissait un  pus  de  bonne  nature. 


68  j  vvâcxs 

Telles  sont  les  lésions  principales  que  présente  l'u- 
térus, lorsqu'une  irritation  aiguë  Ta  frappée.  Portons 
maintenant  nos  regards  soit  sur  plusieurs  de  ces 
mêmes  lésions  survenues  sans  irritation  antécédente 
appréciable,  soit  sur  d'autres  lésions  qui  sont  le  ré- 
sultat d'une  irritation  lentement  développée,  ou  même 
qu'aucune  irritation  n'a  précédée  d'une  manière  au 
moins  appréciable. 

Parmi  ces  lésion.s  ,  nous  retrouvons  le  ramollisse- 
ment de  l'utérus.  Nous  venons  de  voir  des  cas  où  ce 
•  ramollissement  coïncide  avec  un  état  d'hyperémie 
aiguë  de  l'organe  ;  il  est  d'autres  cas  où  cette  lésion 
se  présente  d'une  nianière  toute  différente.  On  ouvre 
quelquefois  des  cadavres  de  femmes  qui  sont  mortes 
d'une  maladie  étrangère  à  l'utérus^  et  l'on  n'est  pas 
peu^  étonné  de  trouver  cet  organe  d'une  pâleur  et 
d'une  flaccidité  remarquables.  On  le  déchire  aussi 
facilement  que  le  tissu  de  la  rate;  en  certains  points 
il  ne  présente  même  plus  qu'une  sorte  de  pulpe 
demi-liquide.  Tantôt  ce  ramollissement  est  partiel, 
tantôt  il  est  général,  et  dans  ce  dernier  cas  il  y  a 
'  souvent  en  même-temps  un  notable  amincissement 
des  parois  de  l'organe.  Une  semblable  lésion  est-elle 
le  résultat  d'un  travail  d'irritation?  A-t-elle  été  pré- 
cédée d'un  état  de  congestion  sanguine  ?  Ce  ne  se- 
rait  que  par  hypothèse  qu'on  l'allirmerait.  Est-elle 
un  produit  d'atonie  ?  On  ne  saurait  non  plus  le  dire. 
Ainsi,  à  mesure  que  nous  avons  parcouru  le  cercle 
de  nos  recherches,  nous  avons  vu ,  à  chaque  pas  en 
quelque  sorte,  se  reproduire  l'insuffisance  ou  la 
fausseté  de  la  théorie,  qui  consiste  à  expliquer  tous 
les   désordres    organiques  par   un   excès   ou  par  un 


D'aNATOMIE    PATHOLOGIQL'K.  683 

défaut  de  la  stimulation  normale.  Quoi  qu'il  en  soit , 
rappelons  ici  que  la  plus  grande  analogie  existe  entre 
cette  espèce  de  ramollissement  de  l'utérus,  et  un  de 
ceux  que  nous  avons  déjà  trouvés  dans  le  cerveau  , 
dans  le  cœur,  dans  le  foie,  dans  l'estomac,  dans  les 
reins,  sans  pouvoir  davantage  en  pénétrer  la  cause. 

Il  est  encore  une  autre  espèce  de  ramollissement 
de  l'utérus,  qui  en  frappe  beaucoup  plus  souvent  le 
col  que  le  corps  ,  et  dans  laquelle  son  tissu  se  trouve 
transformé  en  un  putrilage  noir  et  très-fétide.  Ce  ra- 
mollissement putrilagineux  est  quelquefois  la  seule 
lésion  que  l'on  rencontre  dans  l'utérus  ;  il  peut  oc- 
cuper, l^  quelques  lignes  seulement  de  la  partie  la 
plus  extérieure  du  col,  et  derrière  lui  on  ne  trouve 
plus  de  lésion;  2°.  tout  le  col  ;  3°.  une  certaine  partie 
du  corps.  D'autres  fois  cette  espèce  de  ramollisse- 
ment survient  à  une  certaine  période  des  ulcérations 
du  col  utérin  ,  ou  bien  elle  s'établit  autour  de  pro- 
ductions encéphaloïdes  développées  au  sein  de  l'uté- 
rus. Est-ce  là  un  état  gangreneux?  mais  ce  mot 
est  bien  vague ,  et  n'apprend  rien.  Est-ce  cet  état 
que  Boër  a  désigné  sous  le  nom  de  putrescence  de 
l'utérus? 

Au  lieu  de  se  ramollir  de  l'une  ou  de  l'autre  des 
manières  qui  viennent  d'être  indiquées  ,  l'utérus  peut 
subir  en  divers  points  de  son  étendue  une  modifi- 
cation telle  de  nutrition  ,  qu'il  en  résulte  une  ulcé- 
ration. 

Une  des  variétés  de  la  maladie  connue  sous  le 
nom  de  cancer  de  L'utérus,  n'est  autre  chose  que 
l'ulcération  du  col  de  cet  organe  ,  sans  que  cette  ulcé- 
ration ait  été  précédée  d'aucune  de»  productions  ac- 


6S.\  niÉcis 

cidentelles  appelées  tissus  sqiiirrbeiix  el  encéplia- 
Joïde.  Une  tnmcf'actioii  du  col  utérin  ,  qui  souvent 
même  n'est  que  très-légère  ,  et  qui  d'autres  fois  pro- 
duit à  la  surface  extérieure  du  col  ainsi  que  du  vaj^jin  , 
des  inégalités,  des  bosselures  plus  ou  moins  marquées, 
voilà  tout  ce  qui  précède  cette  ulcération.  Une  fois 
qu'elle  a  pris  naissance,  tantôt  elle  reste  plus  ou 
moins  long-temps  stalionnaire,  et  tantôt  s'étendant 
en  profondeur,  elle  produit  la  destruction  totale  du 
col  de  l'utérus.  Arrivée  à  ce  point,  elle  le  franchit  , 
ou  s'arrête,  et  îa  ligne  de  démarcation  entre  les 
parties  ulcérées  et  les  parties  saines  est  marquée 
par  le  point  même  qui  sépare  le  corps  de  l'utérus  de 
son  col.  De  très-vives  douleurs  accompagnent  sou- 
vent une  ulcération  très-superficielle  du  col  utérin, 
tandis  que  d'autres  fois  une  ulcération  ,  qui  a  eu  pour 
résultat  une  destruction  complète  du  col ,  est  à-peu- 
près  complètement  indolentCo 

En  s'étendant  en  profondeur,  les  ulcérations  du  col 
utérin  et  surtout  celles  du  vagin  donnent  lieu  à  une 
double  perforation  de  ce  conduit  d'une  part,  et 
d'autre  part  du  rectum  ou  de  la  vessie.  De  là,  la  for- 
mation de  ces  fistules  vésico-va^inales ,  ou  recto-va- 
ginales,  qui  sont  si  communes  dans  les  cas  de  can- 
cers utérins. 

Il  est  une  autre  variété  du  cancer  de  l'utérus  ,  dans 
laquelle  l'ulcération  n'est  que  consécutive,  et  qui  pré- 
sente pour  caractère  anatomique  le  développement, 
au  sein  du  tissu  de  l'utérus,  de  la  matière  encépba- 
luïde.  Celte  matière  peut  se  déposer,  i".  dans  le  col 
seulement  ;  2°,  dans  le  corps  de  l'utérus,  le  col  restant 
paifai'emcnt  intact  ;   7f.    dans   ces  deux  parlies  à  la 


d'anatomie  pathologique.  6S5 

fois;  .^j"**  enûn  clans  le  tissu  cellulaire  qui  unit  l'iUorus 
aux  parties  environnantes,  et  spécialement  au  rectum 
et  à  la  vessie.  Dans  ce  dernier  cas  ,  surtout,  on  trouve 
autour  du  col  utérin  et  du  vagin  de  volumineuses 
tumeurs  qui  compriment  tantôt  le  rectum  ,  et  tantôt 
la  vessie;  il  est  de  ces  tumeurs  qui  font  à  l'inté- 
rieur de  ce  dernier  organe  une  saillie  si  considé- 
rable ,  que  sa  cavité  en  est  à-peu-près  complètement 
effacée  ;  en  pareil  cas ,  on  trouve  ordinairement  les 
uretères  considérablement  dilatés.  Le  développe- 
ment de  la  matière  encéphaloide  est  plus  commua 
dans  le  col  que  dans  le  corps  ,  et  souvent  l'on 
trouve  celui-ci  parfaitement  sain,  dans  des  cas  où 
d'énormes  masses  encéphaloîdes  tuméfient  et  défor- 
ment le  col.  On  voit  de  ces  masses  qui  sont  de  cinq 
à  six  fois  plus  volumineuses  que  le  corps  même  de 
l'utérus. 

La  production  morbide  dont  il  vient  d'être  ques- 
tion ne  peut  exister  dans  l'utérus  ,  sans  qu'il  en  ré- 
sulte, pour  l'ensemble  de  l'économie,  les  désordres 
les  plus  graves  ;  la  mort  en  est ,  au  bout  d'un  temps 
plus  ou  moins  long,  l'inévitable  résultat.  Il  est  une 
production  accidentelle  ,  qu'on  a  long-temps  con- 
fondue avec  la  précédente,  et  qui,  différente  d'elle 
par  ses  caractères  anatomiques ,  en  diffère  surtout 
par  son  innocuité  ,  si  l'on  peut  ainsi  dire.  Je  veux  par- 
ler des  tumeurs  fibreuses  de  l'utérus.  Tandis  qu'une 
masse  encéphaloide  ,  à  peine  grosse  comme  une  noix, 
ne  peut  exister  impunément  en  un  point  de  l'utérus, 
on  voit  au  contraire  ces  tumeurs  fibreuses  acquérir 
un  volume  énorme,  surpasser  en  dimension  l'organe 


6S6  piii'iicis 

* 

môme  dans  lequel  elles  ont  pris  naissance,  sans  qu'il 
résulte  de  douleur,  sans  altération  du  mouvement 
nutritif  général ,  sans  qu'aucun  phénomène  sympa- 
thique, en  un  mot,  en  soit  le  résultat. 

Les  tumeurs  fibreuses  de  l'utérus  ont ,  dans  cet 
organe,  la  même  structure  que  partout  ailleurs  (i). 
Elles  sont  composées  de  fibres  roulées  sur  elles- 
mêmes,  pelotonnées,  constituant  un  lacis  inextri- 
cable. Elles  sont  divisées  en  plusieurs  lobules  séparés 
par  un  tissu  cellulaire  assez  lâche,  dans  lequel  rampent 
des  vaisseaux.  Tel  est  le  cas  le  plus  commun  ;  mais 
quelquefois  à  côté  de  tumeurs  qui  ont  la  structure 
que  je  viens  d'indiquer,  on  en  trouve  d'autres  d'une 
disposition  différente,  et  que  cependant  on  appelle 
aussi  des  lumeurs  fibreuses,  bien  qu'on  n'y  trouve 
plus  de  trace  de  tissu  fibreux  proprement  dit.  Ces 
lumeurs  sont  composées  d'un  ensemble  de  granula- 
tions qui ,  par  leur  disposition  ,  rappellent  assez  bien 
l'aspect  du  pancréas.  Chaque  granulation  peut  se  di- 
viser en  grains  plus  petits,  et  dans  l'intervalle  de 
chacune  est  interposé  un  tissu  cellulaire  plus  ou  moins 
vasculaire. 

La  couleur  des  tumeurs  fibreuses  n'est  pas  toujours 
la  même  ;  on  peut  en  distinguer  trois  nuances  prin- 
cipales, une  rougeâtre ,  une  blanche,  et  une  jaunâtre. 

Leur  volume  est  très-variable  ;  il  est  de  ces  pro- 
ductions fibreuses  qui  égalent  à  peine  le  volume  d'un 
petit  pois  ;  il  en  est  d'autres  qui  surpassent  la  grosseur 
de  la  tête  d'un  fœtus  à  terme.  Il  en  résulte  alors  l'exis- 

(i)   rnycz  leur  desciiplloa  dans  le  tome  I. 


d'aNATOMIE    PATiiOLOlîIQLE.  GS'J 

tence  d'une  tumeur  qui  tantôt  fait  saillie  dans  le 
vagin,  et  qui  tantôt  peut  être  reconnue  à  travers  les 
parois  abdominales. 

La  forme  des  corps  fibreux  de  lutérus  est  ordinai- 
rement globuleuse  ;  ils  sont  parfois  mamelonnés  à 
leur  surface,  ou  comme  divisés  par  des  scissures.  Leur 
nombre  est  indéterminé  :  dans  certains  cas  on  ne 
trouve  qu'un  seul  de  ces  corps  ;  dans  d'autres  cas  il 
y  en  a  plusieurs  qui  sont  disséminés  en  divers  points 
de  l'utérus  ;  souvent  même  ,  lorsque  cet  organe  ea 
contient  plusieurs,  on  remarque  dans  ses  annexes 
une  tendance  à  la  production  de  ces  mêmes  corps  ; 
ainsi ,  l'on  en  trouve  en  même  temps  dans  les  ovaires, 
et  jusque  dans  l'épaisseur  des  ligamens  larges. 

Tous  les  corps  fibreux  de  l'utérus  n'ont  pas  le  même 
degré  de  densité.  Les  uns  ont  une  certaine  mollesse; 
ils  sont  doux  au  toucher,  et  se  laissent  comprimer 
jusqu'à  un  certain  point;  d'autres  sont  beaucoup  plus 
durs,  et  ce  n'est  qu'avec  une  certaine  peine  que  le 
scalpel  parvient  à  les  diviser;  mais,  pour  peu  que 
cette  dureté  augmente,  on  observe  un  changement 
dans  leur  structure  :  l'aspect  fibreux  cesse  d'être  par- 
tout aussi  évident;  en  beaucoup  de  points  il  est  rem- 
placé par  l'aspect  cartilagineux  ;  en  d'autres  points 
enfin  on  trouve  des  masses  ossiformes  ,  ou  plutôt 
semblables  à  des  fragmens  de  pierre  calcaire.  Celte 
pétrification  des  corps  fibreux  de  l'utérus  commence 
ordinairement  par  leur  centre  ;  autour  du  lieu  où  elle 
existe ,  le  tissu  du  corps  fibreux  a  souvent  une  couleur 
jaunâtre  fort  remarquable  ;  peu-à-peu  elle  s'étend  à 
d'autres  points  de  la  tumeur,  et  dans  quelques  cas,  assez 
rares  à  la  vérité,  elle  finit  par  l'envaliir  toute  entière. 


688  PRÉCIS 

Considérés  sous  le  rapport  de  leur  siège  ,  les  corps 
fibreux  de  l'utérus  doivent  être  divisés  en  trois  espèces. 

La  première  espèce  estsituée  en  dehors  de  l'utértis, 
entre  la  tunique  péritonéale  et  le  tissu  propre  de  cet 
organe.  Les  corps  fibreux  qui  ont  un  pareil  siégé  ne 
prennent  jamais  leur  développement  du  côté  de  l'uté- 
rus ,  ils  n'exercent  sur  lui  qu'une  compression  légère  ; 
mais  ils  s'étendent  du  côté  de  l'abdomen,  dans  lequel 
ils  vont  constituer  des  tumeurs  plus  ou  moins  consi- 
dérables. 

La  seconde  espèce  est  logée  dans  l'épaisseur  môme 
du  tissu  de  l'utérus.  Mais  tantôt  les  corps  fibreux  de 
cette  seconde  espèce  sont  encore  situés  assez  près  de 
la  surface  extérieure  de  l'organe ,  et  c'est  surtout  dans 
ce  sens  qu'ils  tendent  à  s'accroître  ;  tantôt  ils  sont 
logés  tout  près  de  la  cavité  utérine ,  et  ils  se  déve- 
loppent particulièrement  de  ce  coté  ;  tantôt,  enfin, 
c'est  au  centre  même  des  parois  de  l'organe  qu'ils 
existent ,  et  dans  ce  troisième  cas  Ton  observe  qu'ils 
restent  plus  long-temps  stationnaires  que  dans  les 
deux  autres  cas.  Ces  tumeurs  occupent  bien  plus  sou- 
vent le  corps  même  de  l'utérus  que  son  col. 

La  troisième  espèce  laisse  intacte,  comme  la  pre- 
mière, le  tissu  propre  de  l'utérus;  elle  se  développe 
entre  ce  tissu  et  la  membrane  muqueuse,  qu'elle 
contribue  à  rendre  plus  apparente  que  dans  l'état 
normal  ,  en  la  détachant  des  parties  subjacentcs. 
Jamais  on  n'a  vu  d'ailleurs  ces  corps  fibreux  prendre 
naissance  au-dessus  même  de  la  membrane  muqueuse. 
Mais,  à  mesure  qu'ils  grossissent,  ils  la  poussent  au- 
devant  d'elle  ^  s'en  entourent  comme  d'une  enveloppe, 
et  viennent  faire  saillie  à  l'intérieur  de  la  cavité  uté- 


D'ANATOMTE    FATITOIOGIQUE.  689 

vinc  ,  soit  seiileaient  dans  îa  cavité  du  corps ,  soit  dans 
celle  du  col;  quelquefois  enfin  ils  sortent  de  cette 
dernière  cavité ,  et  se  montrent  dans  le  vagin.  A  me- 
sure que  le  corps  fdjreux  grandit  ,  il  tend  à  aban- 
donner le  lieu  qu'il  occupait  primitivement:  il  arrive 
souvent  une  époque  où  il  ne  se  trouve  plus  même 
en  contact  avec  le  tissu  de  l'utérus;  il  en  est  séparé 
parla  membrane  muqueuse  elle-même  qui,  continuant 
à  lui  servir  d'enveloppe  ,  forme  de  plus,  derrière  lui , 
un  prolongement  qui  lui  sert  de  pédicule.  Ceiui-cî 
n'appartient  donc  pas  au  corps  fibreux;  il  s'est  formé 
d'une  manière  toute  mécanique,  et  sa  texture  est 
celle  de  la  membrane  muqueuse  elle-même  :  ce  pé- 
dicule muqueux  n'existe  d'ailleurs  que  dans  un  cer- 
tain nombre  de  cas;  il  peut  être  large  ou  étroit,  Ions; 
de  plusieurs  lignes  ou  très-court,  pourvu  ou  non  de 
vaisseaux  distincts;  sous  ce  dernier  rapport,  il  par- 
ticipe à  toutes  les  variétés  d'état  des  membranes  mu- 
queuses» 

Les  trois  espèces  de  corps  fibreux  que  nous  venons 
d'étudier  ont  toutes  le  même  mode  d'union  avec  le 
tissu  de  l'utérus.  Ceux  qui  sont  développés  à  sa  péri- 
phérie, comme  ceux  qui  existent  à  sa  surface  interne 
ou  qui  occupent  l'épaisseur  de  ses  parois  ,  ne  sont 
unis  au  parenchyme  utérin  que  par  des  liens  celluleux 
très-lâches ,  de  telle  sorte  que  c'est  avec  la  plus  sjrande 
facilité  qu'on  les  enlève ,  sims  déchirer  en  rien  le  tissu 
de  l'utérus.  Lorsqu'ils  sont  peu  considérables,  cet 
organe  ne  s'éloigne  pas  de  son  état  normal.  Sont-ils 
au  contraire  plus  volumineux?  il  en  résulte  pour  l'uté- 
rus deux  modifications  principales  ,  dont  l'une  porte 
sur  le  volume  même  de  l'organe  et  l'autre  sur  sa  tex- 
IL  zJ4 


690  PRÉCIS 

ture.  Le  volume  de  l'utérus  devient   souvent  très- 
considérable ,  dans  les  cas  où  des  corps  fibreux  se  sont 
développés  à  sa  surface  interne  ;  sa  cavité  s'agrandit, 
comme  s'il  portait  le  produit  de  la  conception  :  en 
même  temps,  dans  ce  cas  comnie  dans  celui  où  c'est 
dans  l'épaisseur  même  des  parois  Ktérines  que  le  corps 
fibreux  s'est  formé  ,  le  tissu  de  l'organe  change  d'as- 
pect ;  mais  l'aspect  qu'il  revêt  n'est  point  morbide  , 
c'est  celui  qu'il  présente  lorsqu'il  contient  un  fœtus. 
Il  n'a  plus  sa  texture  homogène,  des  fibres  distinctes 
s*y  dessinent;  ces  fibres  sont  rougeâtres,  charnues, 
telles  en  un  mot  qu'elles  apparaissent  pendant  la  gros- 
sesse. Quant  à  la  membrane  muqueuse ,  elle  ne  pré- 
sente rien  de  constant  :  il  est  des  cas  où  on  la  trouve 
pâle  et  sans  aucune  altération  appréciable;  il  en  est 
d'autres  où  elle  est  plus  ou  moins  vivement  injectée. 
J'ai  trouvé  quelquefois ,  chez  des  femmes  dont  l'uté- 
rus contenait  plusieurs  corps  fibreux  ,  la  cavité  de  la 
matrice  remplie  d'un  sang  liquide  ou  en  partie  coa- 
gulé. Au-dessous  de  ce  sang,  la  membrane  muqueuse 
gastrique  ne  paraissait  point  altérée;  elle  était  seule- 
ment plus  ou  moins  rouge.  Ainsi ,  lorsque  des  pro- 
ductions accidentelles  viennent  à  se  développer  au- 
dessous    des    membranes    muqueuses    gastrique    ou 
pulmonaire  ,  on  les  voit  fréquemment  aussi  devenir 
le  siège  d'une  exhalation  sanguine. 

Les  corps  fibreux  ne  se  développent  pas  dans  l'utérus 
-avec  une  égale  fréquence  à  tous  les  âges.  Il  est  très-rare 
qu'on  les  y  trouve  avant  l'âge  de  trente  ans;  ils  sont  au    d 
contraire  Irès-communs  chez  les  vieilles  femmes.  Bayle    ; 
a  calculé  que  sur  cent  cadavres  de  femmes   mortes   ^, 
après  l'âge  de   trente-cinq  ans,  il  en  est  au  moins 


n'ANATOMlE     PATHOLOGIQUE.  6qI 

Vingt ,  qui  présentent  dans  l'utérus  un  développement 
de  tumeurs  fibreuses  ;  on  a  cru  remarquer  qu'elles 
étaient  plus  fréquentes  chez  les  femmes  qui  n'avaient 
point  eu  d'enfans,  ou  chez  celles  qui  étaient  restées 


vierges. 


Au  lieu  de  ces  corps  fibreux ,  on  rencontre  quel- 
quefois dans  l'épaisseur  des  parois  de  l'utérus  des 
kystes  séreux ,  de  grandeur  variable,  dont  il  serait 
fort  difficile  d'assigner  l'origine.  Ces  kystes  s'observent 
surtout  vers  le  col  de  l'organe.  11  est  des  cas  où  ce  col 
est  rempli  d'une  infinité  de  ces  kystes  ,  qui  sont  tous 
îrès-pelits,  d'égale  diamètre,  et  implantés,  par  cen- 
taine, dans  le  tissu  du  col.  Quelques-uns  font  une 
légère  saillie  au-dessous  de  la  muqueuse. 

Je  n'ai  rien  à  dire  de  particulier  sur  la  matière  tu- 
Lerculeuse  qu'on  trouve  parfois  déposée  au  sein  du 
parenchyme  de  l'utérus,  si  ce  n'est  qu'on  l'y  observe 
très-rarement  et  dans  les  cas  surtout  où  beaucoup 
d'autres  organes  contiennent  aussi  de  cette  matière. 

Les  diverses  productions  morbides  qui  viennent 
d'être  passées  en  revue  ont  pour  caractère  commun 
d'être  situées  en  dehors  de  la  cavité  utérine ,  et  par 
conséquent  au-dessous  de  la  membrane  muqueuse 
qui  en  tapisse  les  parois.  Mais  dans  cette  cavité  elle- 
même  se  montrent  des  produits  divers  qui  reconnais- 
sent, pour  point  de  départ,  un  état  morbide  de  la 
membrane  muqueuse.  JNous  avons  déjà  vu  que  celte 
membrane  peut  sécréter  soit  du  pus  ,  soit  une  matière 
concrète  et  plastique  qui  s'étend  sur  elle  comme  une 
couche  avec  ou  sans  apparence  d'organisation.  Mais 
ce  n'est  pas  tout  :  de  la  surface  interne  de  la  mem- 
brane muqueuse  s'élèvent  des   productions  qui  lui 

44. 


6o2  rr.rcfs 

îHhorout  pins  ou  moins  intimement,  et  rrni ,  se  rap- 
])roc])ant  par  ce  caraelère  commun  ,  diflerent  d'ail- 
leurs Ijeaucoup  les  unes  des  autres,  lantpar  leur  cri*- 
gine  ,  que  par  leur  disposition  intime. 

Que  si  d'abord  nous  considérons  spécialement  ces 
productions  sous  Je  rapport  de  leur  origine  ,  nous 
en  reconnaîtrons  deux  espèces.  Les  unes  n'ont  été 
d'abord  qu'un  simple  caillot  de  sang,  qui ,  déposé  à 
l'intérieur  de  la  cavité  utérine,  a  revêtu  peu-à-peu 
une  organisation  et  une  forme  ,  et  s'est  enfin  uni  à  la 
muqueuse  ;  là  comme  partout  ailleurs,  le  sang  devi'^nt 
un  tissu  (i).  D'autres  productions  paraissent  résulter 


(i)  Au  moment  où  je  corrige  cette  feuille,  Je  viens  d'ob*5ervier  à  l'hôpilal 
CiOchin  un  cas  qui  me  paraît  bien  dij^ne  d'intért-t,  comme  propre  à  inoii- 
lier  les  diverses  transformations  que  peut  subir  le  sang  déposé  en  caillot 
dans  tine  des  cavités  naturelles  du  corps.  Voici  ce  cas  ; 

Chez  ur)e  femme  qui  succomba  à  uneascite,  je  trouvai  une  sérosité 
rou|i;eâtre  épanchée  dans  l'abdomen  et  dans  les  deux  côtes  du  thorax.  Les 
deux  plèvres  étalf^nt  couvertes  d'un  grand  nombre  de  petits  corps,  arrondis, 
de  volume  variable.  Plusieurs  n'étaient  autre  chose  que  de  simples  caillots 
de  sang  apposés  sur  la  membrane  séreuse;  d'autres  ressemblaient  encore 
«  un  cnagulum. sanguin  ,  mais  à  un  coagulum  btîaucoup  plus  anciennement 
formé.  Parmi  ces  derniers,  les  uns  étaient  encore  r  Juges;  les  auties  pré- 
sentaient «ne  teinte  rose  pâle;  d'autres,  enfin,  étaient  d'un  blanc  mat. 
Ils  adhéraient  plus  iiilimemenlà  la  séreuse;  ils  y  tenaient  par  des  prolon- 
gemensi,  soit  simplement  celluleux ,  soit  réellement  vasculahcs.  Enfin 
quatre  ou  cinq  de  ces  petits  corps  étaient  remplis  d'un  liquide  comme 
laclcscent. 

Dans  ie  péritoine  des  corps  sembî^ibies  parsemaient  divers  points  de  la 
séreuse.  Mais  sur  cette  niembriane  un  petit  nombre  seulement  ressem- 
blaient encore  à  du  sang  coitgulé  :  la  plupart  avaient  passé  ce  degré  ,  et 
presque  tous  se  piésenlaicnt  sous  fornie  de  i)elile.s  masses  grises  ou  blan- 
ches remplies  presqu<;  toutes  d'une  matière  semblable  à  un  lait  très-épais. 

Qurlqufs-uns  des  vaisseaux  lymphatiques  qui  rampent  entre  les  tuni- 
ques intestinales  ,  d'autres  qui  aboutissaient  aux  ganglions  bronchiques  , 
étaient  distendus  par  une  matière  semblable  à  celle  qui  remplissait  les 
corps  que  je  viens  de  décrire. 

Un  examinant  attentivement  ces  corps  ,  soit  dans  le  thorax,  soit  dans 


DANÂTOMIE    PATHOf,or,iaUE,  0()J 

<l*une  altération  même  de  nutrition  de  la  membrane 
muqueuse.  Il  est  facile  ,  dans  un  certain  nombre  de 
cas,  de  distinguer  cette  double  origine;  mais  à  me- 
sure qu^eiles  s'éloignent  de  leur  point  de  départ ,  ces 
deux  espèces  de  productions  se  confondent,  et  ou 
ne  peut  plus  les  séparer  que  par  la  théorie. 

Etudiées  sous  le  rapport  de  leur  disposition  et  de 
leur  forme  ,  les  productions  qui  nous  occupent  se 
présentent  en  général  comme  des  végétations  poly- 
peuses  qui  font  à  l'intérieur  de  l'utérus  une  sailli^e  plus 


ou  moins  grande. 


Plusieurs  de  ces  véiifétalions  ressemblent  exacte- 
ment  à  un  simple  prolongement  de  la  membrane 
muqueuse,  dont  elles  partagent  toutes  les  variétés 
d^aspect.  Tantôt  elles  sont  très-courtes,  tantôt  elles  ont 
une  longueur  remarquable.  On  en  voit ,  par  exemple  , 
qui  y  partant  du  fond  de  l'utérus,  traversent  d'arrière 
en  avant  toute  la  cavité  du  corps  et  du  col  ,  et  vont 
pendre,  par  leur  extrémité  libre,  dans  l'intérieur  du 
vagin.  Quelquefois,  ainsi  que  M.  Bérard  aîné  en  a 
rapporté  d'intéressxms  exemples  (Thèse,  182G), 
l'extrémité  libre  de  la  végétation  vient  à  contracter  des 
adhérences  avec  un  point  des  parois  du  col  uiérift 
ou  du  vagin  ,  et  alors  cette  végétation  se  trouve  hxée 
par  ses  deux  extrémités.  Ces  végétations  peuvent  n'a- 


l'abdomen,  il  m'a  paru  évident  que  tous,  identiques  à  leuv  point  de  dé- 
part, consistaient  en  caillots  sanguins,  qui  peu-à-peu  avaient  pris  une 
texture,  et  qui  enfin  étaient  devenus  le  siège  d'un  travail  de  sécrétion 
morbide.  Ce  cas  peut  être  rapproché  de  beaucoup  d'autres  que  j'ai  cités 
dans  cet  ouvrage.  Il  ofiVe  de  plus  une  particularité  remarquable,  c'est  la 
présence  ,  dans  une  partie  de  l'appareil  circulatoire  ,  de  celle  même  ma- 
tière qui  avait  été  sécrétée  à  l'inlérieur  de^  ^rauululious  lUoraciquca  et 
suilout  abdominales. 


694  VRKCIS 

Toir  que  répaisseur  de  la  membrane  muqueuse  Je 
kquelle  elles  se  détachent  ;  d'autres  fois  elles  sont 
beaucoup  plus  épaisses,  elles  peuvent  être  molles  , 
comaie  elles,  ou  présenter  une  dureté  beaucoup  plus 
grande  ;  tantôt  quelques  vaisseaux  les  parcourent  à 
peine;  ti.ntot  elles  sont  remplies  de  vaisseaux  nom- 
breux, qui  sont  très- fins  ou  remarquables  par  leur 
gros  calibre;  elles  sont  quelquefois  spongieuses,  et 
comme  pourvues  d'une  sorte  de  tissu  érectile.  Cet 
aspect  n'existe  souvent  que  vers  leur  extrémité  libre, 
tandis  qu'à  leur  extrémité  adhérente  on  n'observe 
rien  qui  diûere  de  la  muqueuse  môme  dont  elles  se 
détachent. 

D'autres  végétatîonsprésentent  une  disposition  plus 
compliquée  ;  il  n'y  a  plus  seulement ,  comme  dans  les 
précédentes,  un  tissu  ,  d'apparence  muqueuse,  qui 
ne  varie  que  sous  le  rapport  de  son  épaisseur  ,  de  sa 
consistance ,  de  son  injection  ;  il  y  a  autre  chose  que 
ce  simple  tissu  muqueux.  Quelques-unes  de  ces  vé- 
gétations présentent  une  masse  rougeâtre  creusée 
de  loges  diversement  figurées  et  qui  contiennent 
diiférens  liquides.  Chez  une  femme  ,  avancée  en  âge, 
j'ai  Irouvé  l'une  de  ces  végétations  ayant  la  disposi- 
tion suivante  :  deux  substances  la  composaient  ;  l'une, 
blanche,  comme  demi-cartilagineuse,  constituait  les 
parois  de  loges  nombreuses  dans  lesquelles  était 
comme  di'posée  l'autre  substance,  semblable  à  une 
gelée  de  viande  incolore  et  très -peu  consislante. 
Cette  tumeur,  du  volume  d'une  noix,  ne  tenait  à 
l'utérus  que  par  un  étroit  pédicule.  Le  col  utérin  était 
comme  criblé  de  petites  loges,  dans  lesquelles  était 
contenue  cette  même  substance  gélaliaiforme.  Chez 


d'aNATOMIE    PATlfOr.OGIQUE.  Gç)3 

une  autre  femme,  âgée  de  soixante-six  ans,  j'ai  trouvé 
le  fond  de  l'utérus  occupé  par  un  corps  raugeâlre, 
f  très- vasculaire  ,  ayant  à -peu -près  le  même  volume 
que  le  précédent.  Il  adhérait  intimement  à  la  mem- 
brane muqueuse  utérine.  Il  oflrait  un  grand  nombre 
d'aréoles  remplies  d'un  liquide  incolore ,  séreux, 
légèrement  visqueux.  Les  parois  des  aréoles  étaient 
constituées  par  un  grand  nombre  de  Qlamcns  ou  de 
lames,  dont  les  unes  étaient  rouges,  et  dont  les.  au- 
tres, d'un  blanc  mat,  avaient  une  texture  fibreuse. 
Il  y  avait  un  corps  fibreux  développé  entre  l'utérus 
et  le  péritoine.  Les  loges  que  nous  venons  de  voir 
disséminées  au  milieu  du  tissu  des  tumeurs  précé- 
dentes, peuvent  se  montrer  comme  des  kystes  que  ne 
réunit  plus  aucune  substance  intermédiaire,  et  qui 
tiennent  seulement  les  uns  aux  autres  par  des  es- 
pèces de  branches  cellulo-vasculaires  auxquelles  ils 
sont  comme  appendus.  Plus  d'une  fois  à  la  surface 
interne  de  l'utérus,  à  laquelle  elles  adhéraient  par 
un  pédicule  large  ou  étroit,  j'ai  trouvé  de  ces  végé- 
tations dans  lesquelles  on  ne  voyait  autre  chose  qu'une 
foule  de  petites  vésicules,  remplies  d'un  liquide  trans- 
parent ,  pressées  les  unes  contre  les  autres,  et  soute- 
nues par  une  sorte  d'arbre  cellulo-vasculaire.  Cette 
production  m'a  paru  dans  plus  d'un  cas  complètement 
indépendante  de  l'existence  d'un  placenta.  C'est  là  ce 
qui  a  été  appelé  l'acéphalocyste  en  grappe  [aceplia^ 
tocystls  racemosa  de  quelques  auteurs). 

Dans  ces  végétations  si  variées  qui  s'élèvent  de  la 
surface  interne  de  l'utérus  et  en  remplissent  la  ca- 
vité, du  phosphate  calcaire  vient  quelquefois  à  se 
déposer.  J'en  ai  vu  un  exemple  remarquable.   C'était 


6()6  PRÉCIS 

chez  une  femme  de  mo3^en  âge,  dont  rutériis  prê^ 
sentait,  implanté  sur  \\m  des  points  de  sa  surface 
interne  ,  un  corps  pyriforme,  qui  ne  tenait  à  la  mu- 
queuse utérine  que  par  un  assez  mince  pédicule.  De 
jiombreux  vaisseaux  le  parcouraient;  il  était  constitué 
par  un  tissu  comme  charnu;  vers  son  centre  existait 
une  concrétion  dure,  rugueuse  à  sa  surface,  et  sem-- 
blable  à  un  amas  de  phosphate  calcaire.  Il  paraît  qu'on 
a  trouvé  quelquefois  de  semblables  concrétions  librCvS. 
dans  la  cavité  de  l'utérus,  et  que  dans  d'autres, 
circonstances  ces  concrétions  en  ont  été  expulsées 
pendant  la  vie.  Dans  un  cas  qui  a  été  rapporté  par 
Brugnatelli,  on  trouva  au  milieu  de  la  cavité  uté- 
vine  un  calcul  pesant  deux  onces  ,  qui  avait  pour 
noyau  un  morceau  de  tibia  d'un  poulet.  Le  calcul 
était  formé  de  phosphate  calcaire.  Le  même  auteur 
a  rencontré  dans  l'utérus  un  autre  calcul  formé  de 
phosphate   de   chaux   et   de  phosphate  ammoniaco-- 


inagnésien. 


Au  lieu  de  sécréter  des  liquides  sans  analogues  dans 
l'état  sain ,  ou  de  s'altérer  dans  sa  nutrition  suivant  l'un 
des  modes  qui  viennent  d'être  indicrués,  la  membrane 
juuqueuse  de  l'utérus  peut  simplement  sécréter  en  pi  us 
grande  quantité  que  de  coutume  le  liquide  qu'elle 
est  destinée  à  fournir.  Si  l'orifice  utérin  est  libre,  ce 
liquide  s'écoule  en  dehors  à  mesure  qu'il  est  sécréîé; 
quelquefois  cependant  il  s'accumule  en  certaine  quan- 
tité dans  la  cavité  utérine,  avant  d'en  franchir  l'orifice 
vaginal ,  et  ce  n'est  que  par  intervalles  qu'il  s'écoule  au 
dehors  comme  par  (lots;  en  pareil  cas  sa  viscosité  nor-^ 
niale  est  diminuée,  et  il  ressemble  plus  à  delà  sérosité 
qu'à  du  mucus.  Mais  il  est  un  autre  cas  plus  rare  que 


d'aNATOMIE    rATllOLOGlQllE.  697 

les  précédens,  où  une  cause  quelconque  a  oblitéré 
l'orifice  du  col  utérin  :  alors  une  grande  quantité  de 
liquide  peut  s'accumuler  dans  la  cavité  de  la  matrice, 
et  on  le  voit  se  développer  ,  comme  s'il  existait  una 
grossesse.  C'est  à  cette  affection  qu'on  a  donné  le  noui 
d'hydropisie  de  l'utérus  ou  d'hydromètre.  Dans  un 
cas  récemment  observé  par  le  docteur  Thomson  (i), 
une  femme  entra  à  l'hôpital,  se  plaignant  d'éprouver 
depuis  six  semaines  des  douleurs  dans  l'abdomen;  de- 
puis la  même  époque  elle  s'était  aperçue  de  l'exis- 
tence dans  cette  région  d'une  tumeur  qui  avait  fait 
de  rapides  progrès.  Cette  tumeur  se  dessinait  très- 
bien  à  travers  les  parois  de  l'abdomen  ;  semblant  s'é- 
lever de  derrière  le  pubis  ,  elle  se  faisait  sentir  à  l'hy- 
pogastre,  dans  les  deux  régions  iliaques  et  jusqu'un 
peu  au-dessus  de  l'ombilic  :  on  eût  dit  de  l'utérus 
d'une  femaie  dont  la  grossesse  était  déjà  fort  avancée. 
Celte  tumeur  resta  stationna're  pendant  les  six  mois 
suivans  ;  la  malade  succomba  alors  à  une  gangrène 
d'une  des  extrémités  inférieures.  A  l'ouverture  du 
cadavre,  on  trouva  dans  l'abdomen  l'utérus  dévelop- 
pé ,  comme  s'il  avait  porté  un  fœtus  à  terme.  A  peine 
l'eût-on  incisé  ,  qu'il  en  sortit  environ  dix  pintes  d'uu 
liquide  brunâtre,  que  la  chaleur  coag-.da  en  partie  : 
l'utérus  ne  présenta  d'ailleurs  d'autre  altération  qu'une 
oblitération  complète  de  son  orifice  vaginal. 

Enfm  des  gaz  peuvent  s'accumuler  dans  la  cavité 
utérine  ,  et  produire  une  distension  de  cet  organe  qui 
peut  encore  en  imposer  pour  une  grossesse.  Le  plus 
îiouvent  cette  accumulation  de  c;az  est  le  résultat  de 

(i)  Mediçc-çhiruri^icalTransacliQnr,  of  Londuti ,  vol.  XiU. 


698  '  VWÉC.IS 

la  décomposUîon  de  caillots  sanguins  au  sein  de  la 
cavité  de  la  matrice.  Mais  d'autres  fois  une  semblable 
cause  n'existe  pas,  et  il  paraît  alors  que  la  membrane 
muqueuse  utérine  devient  le  siège  d'une  véritable 
exhalation  gazeuse ,  pareille  à  celle  qui  a  lieu  si  sou- 
vent à  la  surface  de  la  membrane  muqueuse  des  voies 
digestives.  On  a  noté  quelques  cas  dans  lesquels,  en 
même  temps  qu'existaient  tous  les  signes  d'une  irri- 
tation intense  de  l'utérus  (métrite  aiguë),  des  gaz 
s'échappaient  en  grande  quantité  par  la  vulve.  Dans 
ce  cas,  l'exhalation  gazeuse  de  la  muqueuse  utérine 
se  trouve  liée  à  son  irritation  ,  comme  souvent  l'irri- 
tation de  la  muqueuse  des  voies  digestives  y  déter- 
mine une  exhalation  de  gaz.  Mais  dans  l'utérus  comme 
dans  l'intestin,  il  est  aussi  de  ces  cas  où,  sans  bype- 
rémie  antécédente  ,  et  sous  la  seule  influence  d'une 
modification  de  l'innervation',  des  gaz  viennent  à  être 
exhalés,  et  c'est  même  dans  ce  dernier  cas  que  leur 
production  est  la  plus  abondante. 


CHAPITRE    II. 

MALADIES  DES  TROMPES. 

Ces  maladies,  peu  nombreuses,  sont  importantes 
à  connaître  ,  parce  que  toutes  peuvent  avoir  une 
glande  influence  sur  le  développement  du  produit 
delà  conception.  Ces  maladies  sont  spécialement, 
1**.  des  adhérences  contre  nature  de  l'extrémité  libre 
des  lombes  ;  à**,  divers  changemens  de  capacité  de  leur 


d'anatomie  pathologique.  G99 

conduit  ;   5°.   la  présence  de  productions  morbides 
dans  leurs  parois  ou  dans  leur  cavité. 

J'ai  rencontre  quelquefois ,  et  les  auteurs  ont  cité 
beaucoupdefaitssemblables,  le  morceau  frangé,  qui  en 
dehors  termine  la  trompe,  plus  ou  moins  intimement 
adhérent  à  l'ovaire;  tantôt  il  n'y  avait  d'autre  lésion  que 
cette  adhérence  elle-même  ;  tantôt  elle  n'était  qu'un 
des  accidens  d'une  péritonite  aiguë  ou  chronique. 

L'augmentation  de  capacité  de  la  cavité  des  trompes 
n'a  guéres  lieu  que  lorsqu'un  liquide  morbide  vient  à 
s'y  accumuler.  Son  oblitération  n'est  pas  très-rare  ; 
elle  peut  avoir  lieu,  1®.  dans  toute  l'étendue  de  la 
cavité  de  la  trompe  ;  2°.  vers  sa  partie  moyenne  seu- 
lement ;  5°.  à  son  extrémité  utérine;  li",  à  son  extré- 
mité ovarienne.  Une  membrane  placée  de  champ,  et 
qui  constitue  à  l'intérieur  de  la  trompe  comme  une 
sorte  de  diaphragme ,  une  membrane  accidentelle 
qui,  tapissant  l'intérieur  de  l'utérus,  passe,  sans  s'in- 
terrompre, au-devant  du  point  de  communication 
de  la  cavité  de  la  trompe  avec  celle  de  l'ulérus,  diver- 
ses altérations  de  texture  du  morceau  frangé  ,  enfin 
une  agglutination,  soit  acquise,  soit  primordiale, 
des  parois  mêmes  de  la  cavité  de  la  trompe  :  telles 
sont  les  causes  qui  le  plus  ordinairement  en  déter- 
minent l'oblitération  générale  ou  partielle. 

De  la  matière  tuberculeuse  ou  encéphaloïde  ,  des 
kystes  séreux,  des  concrétions  caîculeuses,  peuvent 
se  former  dans  l'épaisseur  des  parois  des  trompes. 
Dans  leur  cavité  peut  s'accumuler  une  énorme  quan- 
tité de  mucus  ou  de  sérosité  ;  c'est  là  ce  qui  constitue 
la  maladie  qui  a  été  décrite  sous  le  nom  d'hydropisie 
des  trompes.  La  condition  de  son  existence  est  Toc- 


•JOO  PRECIS 


clusion  des  deux  orifices  de  la  irouipc.  Sa  cavité  peut 
en  pareil  cas  s'agrandir  singulièrement,  et  il  en  ré- 
sulte parfois  des  tumeurs  qui  ont  un  volume  énorme, 
et  qui  contiennent  plusieurs  livres  de  liquide. 

Au  lieu  de  sérosité,  c'est  du  pus  qu'on  a  plus  d'aune 
fois  rencontré  dans  la  cavité  des  trompes.  Tantôt  ce 
pus  est  en  petite  quantité;  les  dimensions  de  la  trompe 
sont  augmentées,  sa  cavité  est  dilatée,  une  plume 
ordinaire^,  par  exemple  ,  peut  y  être  facilement  intro- 
duite ;  mais  il  n'en  résulte  aucune  tumeur.  Tantôt 
l'accumulation  de  pus  est  plus  considérable,  et  la 
trompe,  remplie  par  ce  produit  morbide,  s'agrandit 
au  point  qu'une  tumeur  volumineuse  prend  naissance 
sur  l'un  ou  l'autre  côté  de  l'utérus.  En  pareil  cas  ,  un 
vaste  abcès  peut  exister  dans  la  trompe,  sans  qu'il  y 
ait  maladie  ni  de  l'ovaire  ni  de  l'utérus;  d'autres  fois, 
ces  trois  parties  sont  simultanément  ail'ectées. 

La  collection  purulente  ,  formée  dans  les  trompes, 
peut  s'évacuer,  i°.  dans  le  péritoine  lui-même  ;  2°.  dans 
l'épaisseur  des  ligamens  larges,  et  fuser  ainsi  plus  ou 
moins  loin  dans  le  tissu  cellulaire  sous-péritonéal  ; 
5°.  dans  l'utérus;  4°.  dans  ({uelques-uns  des  organes 
creux  situés  près  des  trompes,  comjne  dans  la  vessie 
et  surtout  dans  le  rectum.  J'ai  obseivé  cette  année  à 
la  Charité  ,  pendant  que  j'y  faisais  le  service  ,  un  exem- 
ple de  communication  d'un  abcès  de  la  trompe  avec 
le  rectum.  Yoici  la  description  de  la  pièce  ,  telle 
qu'elle  a  été  faite  par  M.  Dalmas,  avec  toute  l'exin;- 
lilude  et  to-ut  le  talent  qui  caractérisent  ce  jeune 
observateur  (1). 

(1)  Journal  hebdomadaire  (la  mckcinc,  loinc  I,  page  ii4«  Dans  un  aulrc 


d'ANATOMIE    rATITOLOr.lQUE.  ^01 


Dos  adilérenccs  intimes  unissaient  l'intestin  rectum 
avec  une  tumeur  placée  sur  le  côté  gauche  de  l'u lé- 
rus le  rectum  5  incisé  par  le  bord  opposé  à  celui 

où  il  adhérait  à  la  tumeur,  offrit  à  sa  surface  interne 
une  perforation  circulaire  capable  d'admettre  tout- 
au-plus  un  tuyau  de  plume,  et  par  laquelle  il  com- 
muniquait avec  la  tumeur  ou  poche  indiquée.  On  s'en 
assura  mi^ux  encore,  en  comprimant  légèrement 
cette  dernière;  le  liquide  purulent  qu'elle  contenait 
passa  sur-le-champ  dans  la  cavité  intestinale.  C'est  à 
celle  communication  que  correspondaient  les  adhé- 
rences les  plus  intimes  ;  elle  était  placée  à-peu~près 
au  niveau  du  détroit  supérieur  du  petit  bassin  ,  sur 
la  symphyse  sacro-iliaque  gauche,  et  plus  tard,  quand 
tout  le  gros  intestin  fut  détaché,  on  constata  que 
celte  communication  était  à  huit  pouces  de  l'anus, 
à  l'extrémité  supérieure  du  rectum.  Quant  à  la  tu- 
meur ,  ainsi  ouverte  dans  l'intestin  ,  elle  était  alors 
molle  ,  ridée  ,  sans  autre  ouverlure  à  sa  surface  libre  ; 
elle  se  prolongeait  dans  le  petit  bassin,  dont  elle  oc^ 
cupait  le  quart  postérieur  gauche;  elle  soulevait  et 
refoulait  le  rectum  ,  en  Ijaut  et  à  droite,  de  manière 
à  lui  donner  la  forme  d'un  arc  de  cercle  dans  la  con- 
cavité  duquel  elle  était  logée.  Sur  son  côté  supérieur 
et  interne  ,  tout  près  de  la  matrice,  on  distinguait  la 
portion  utérine  de  la  trompe  ;  mais  un  pouce  en  de- 
hors tout  paraissait  confondu.  Du  côté  droit  ,  on 
voyait  qu'il  existait  des  désordres  du  même  genre  , 
seulement  moins  avancés;  la  trompe  était  plus  volu- 
mineuse et  plus  considérable  que  celle  du  côté  opposé, 

endroit  de   ce  volume,    j'ai  par  méprise  donné  ce  cas  comme  un  exem- 
ple de  communicaliou  d  un  abcès  de  Vovaire  avec  le  rectum. 


^0  2  PRECIS 

et  elle  était  soulevée  par  une  tumeur  qui  paraissait 
être  l'ovaire. 

La  pièce  ayant  été  détachée  ,  on  reconnut  que  la 
tumeur,  ouverte  clans  le  rectum  ,  et  située  sur  le  côté 
gauche  de  la  matrice,  qui  offrait  à  son  sommet  la 
partie  interne  de  la  trompe  gauche,  n'était  autre  chose 
que  cette  trompe  elle-même  considérablement  dilatée 
et  suppurée.  La  cavité  de  portion  de  trompe,  encore 
rcconnaissable  à  sa  forme  flexueuse  ,  communiquait 
évidemment  avec  celle  de  la  poche,  non  par  un  petit 
pertuis,  par  une  fente,  mais  par  un  élargissement 
progressif,  quoique  rapide  ;  d'ailleurs,  la  continuité 
de  la  membrane  noirâtre  de  la  portion  non  dilatée 
avec  celle  qui  tapissait  la  poche  était  évidente.  Enfin, 
derrière  ce  vaste  foyer,  on  retrouvait  une  tumeur 
moins  considérable,  du  volume  d'une  noix,  à  parois 
manifestement  fibreuses  ,  de  la  couleur  et  de  l'aspect 
que  l'on  connaît  à  l'ovaire.  A  l'ouverture ,  il  s'en  écoula 
un  pus  de  bonne  nature  ,  qui  n'avait  aucune  commu- 
nication avec  celui  qui  restait  encore  dans  la  tumeur 
formée  par  la  trompe. 

A  droite ,  il  existait  une  disposition  en  quelque 
sorte  inverse  :  la  trompe  était  bien ,  comme  à  gauche , 
dans  un  état  de  suppuration;  comme  à  gauche,  elle 
s'élargissait  progressivement  de  l'utérus  vers  son  pa- 
villon, et  là  il  y  avait,  comme  à  gauche  encore,  une 
collection  purulente  assez  considérable  ;  mais  ici , 
c'était  l'ovaire  qui  était  le  plus  profondément  affecté  ; 
c'était  cet  ovaire ,  plein  de  pus,  et  non  pas  la  trompe , 
qui  formait  tumeur. 


d'anatomie  pathologique.  ^o3 

CHAPITIIE  m. 
MALADIES  DES  OVAIRES. 

Parmi  les  altérations  assez  nombreuses  que  pré- 
sentent ces  organes ,  les  unes  semblent  atteindre  spé- 
cialement la  membrane  fibreuse  qui  les  enveloppe 
extérieurement,  les  autres  ont  plus  particulièrement 
leur  siège  dans  le  parenchyme  même  des  ovaires; 
quelques-unes  paraissent  surtout  exister,  ou  du  moins 
avoir  eu  leur  point  de  départ  dans  les  vésicules  dis- 
séminées à  l'intérieur  de  l'ovaire  ;  il  en  est  enfin  aux- 
quelles on  ne  peut  assigner  un  siège  aussi  précis,  et 
qui  envahissent  simultanément  les  diverses  parties 
constituantes  de  l'organe. 

Les  ovaires  sont  assez  fréquemment  le  siège  d'une 
hyperémie  aiguë  ou  chronique,  d'où  résulte  une  rou- 
geur plus  ou  moins  active  de  leur  parenchyme,  tantôt 
générale ,  tantôt  occupant  surtout  les  parois  des  petites 
loges  ,  où  sont  contenus  les  ovules ,  qui  paraissent 
comme  entourés  d'une  sorte  d'auréole  rouge  ou  brune. 
Pour  peu  que  la  congestion  sanguine  de  l'ovaire  soit 
considérable,  cet  organe  se  tuméfie,  et  au  bout 
d'un  temps  très-court  il  acquiert  souvent  un  volume 
énorme.  Alors ,  pendantla  vie  ,  on  reconnaît  au-dessus 
du  pubis  une  tumeur  ,  qui ,  placée  d'abord  sur  les 
côtés  de  la  ligne  médiane  ,  s'en  rapproche  à  mesure 
qu'elle  s'accroît;  on  la  voit  quelquefois  augmenter 
avec  une  rapidité  extrême;  elle  peut  s'élever  de  plu- 
sieurs travers  de  doigt  au-dessus  du  détroit  supérieur 
du  bassin  ;  plus  ou  moins  mobile,  d'une  forme  assez 


704  riiÉcis 

régulièrement  arrondie  ,  elle  pourrait  être  assez  facî-* 
leuient  prise  pour  l'utérus  développé  et  incliné  adroite 
ou  à  gauche.  Il  peut  arriver  que  les  deux  ovaires 
viennent  ainsi  à  se  tuméfier  simultanément.  Si  après 
la  mort  on  examine  ces  ovaires  ainsi  augmentés  de 
volume  ,  on  trouve  leur  tissu  rouge  ,  gorgé  de  sang 
et  friable.  Dans  quelques  cas,  du  sang  est  épanché 
au  milieu  de  ce  tissu.  D'autres  fois ,  on  y  trouve  du 
pus,  soit  infiltré,  soit  réuni  en  foyers  plus  ou  moins 
considérables. 

La  suppuration  des  ovaires  ne  coïncide  pas  cons- 
tamment avec  un  état  d'hyperémie  aussi  considérable 
que  celui  qui  vient  d'être  décrit.  Loin  de  là,  il  est 
des  cas  où  ce  n'est  que  sourdement,  sans  tuméfac- 
tion appréciable  de  l'ovaire ,  et  quelquefois  même 
sans  véritable  douleur ,  que  l'ovaire  se  transforme 
peu-à-peu  en  une  poche  pleine  de  pus.  En  même 
temps  qu'a  lieu  cette  suppuration  ,  la  capsule  fibreuse 
de  l'ovaire  peut  s'altérer  ,  se  ramollir,  se  perforer 
enfin  ,  et ,  si  aucune  adhérence  n'a  été  antécédemment 
établie  entre  l'ovaire  et  les  organes  voisins,  le  pus, 
formé  dans  l'ovaire  ,  se  répand  dans  le  péritoine.  Si, 
au  contraire  ,  des  adhérences  existent  entre  l'ovaire 
d'une  part,  et  l'utérus,  le  vagin,  la  vessie  ,  ou  une 
portion  de  l'intestin  d'autre  part  ,  les  parois  de  ces 
différens  organes  s'altèrent  simultanément  ou  consé- 
cutivement,  elles  s'ulcèrent  de  dehors  en  dedans,  et 
l'abcès  de  l'ovaire  s'ouvre  enfin  dans  leur  cavité.  J'ai 
constaté  l'existence  d'une  pareille  communication 
entre  un  ovaire  et  la  vessie  sur  le  cadavre  d'une  Jeune 
femme,  trente-sept  jours  après  qu'elle  était  accou- 
chée. 


d'anatomie  pathologique.  ^o5 

Les  abcès  de  l'ovaire  acquièrent  quelquefois  un 
volume  très-considérable.  Une  femme  portait  dans 
l'abdomen  une  tumeur  qui  fut  considérée  pendant  la 
vie  comme  une  hydropisie  enkystée  de  l'ovaire.  A 
l'ouverture  du  cadavre  ,  on  trouva  que  cette  tumeur 
était  effectivement  constituée  par  l'un  des  ovaires  : 
elle  occupait  toute  la  cavité  abdominale,  et  pesait 
dix-sept  livres  ;  mais  elle  ne  ressemblait  en  rien  aux 
tumeurs  que  l'on  connaît  sous  le  nom  d'hydropisie 
enkystée  de  l'ovaire.  Ce  n'était  autre  chose  qu'une 
vaste  poche ,  que  remplissaient  vingt  pintes  de  pus  (  i  \ 

Soit  que  l'ovaire,  irrité,  ait  été  d'abord  le  siège 
d'une  hyperémie  active  appréciable  pendant  la  vie  , 
soit  qu'aucun  symptôme  n'ait  aunoncé  cette  hype- 
rémie ,  de  nombreuses  altérations  de  nutrition  ou  de 
sécrétion  se  forment  souvent  dans  cet  organe.  Ainsi, 
en  les  étudiant  de  l'extérieur  de  l'ovaire  vers  son  in- 
térieur, on  trouve  d'abord  sa  membrane  fibreuse, 
tantôt  hypertrophiée  et  constituant  l'organe  presque 
en  totalité ,  tantôt  transformée  en  tissu  cartilagineux 
ou  osseux. 

Le  parenchyme  même  de  l'ovaire  peut  aussi  s'hy- 
pertrophier,  d'où  résulte  une  augmentation  plus  ou 
moins  notable  de  son  volume  et  de  sa  densité.  D'autres 
fois  ,  au  contraire  ,  il  s'atrophie  :  alors  ,  à  ia  place  de 
l'ovaire  on  ne  trouve  plus  qu'une  petite  masse  cci- 
lulo-fibreuse  qui  se  confond  presque  avec  le  tissu 
des  ligamens  larges.  Cette  atrophie  n'est  d'ailleurs  un 
état  morbide  que  lorsqu'elle  a  lieu  prématurément; 


(i)   Tlic  norili  amcrlcan  nicd'tcnl  and  suvf^ical  journal  ^   182G.  Observai  ion 
du  doctcnv  Tavlor  de  Philadelphie. 

IL  45 


706  PRÉCIS 

car  dans  la  vieillesse  elle  est  si  commune,  qu'elle  peut 
être  considérée  comme  un  état  physiologique.  Alors 
elle  ne  semble  pas  plus  être  une  maladie  ,  que  ne 
l'est  la  diminution  graduelle  du  thymus  après  la  nais- 
sance, ou  la  disparition  de  la  plupart  des  ganglions 
lymphatiques  dans  la  vieillesse  ;  tous  ces  organes  se 
flétrissent ,  parce  qu'ils  n'ont  plus  de  fonctions  à 
remplir. 

Dans  ce  même  parenchyme  de  l'ovaire  se  montrent 
souvent  des  formations  nouvelles  :  tantôt  ce  sont  des 
masses  encéphaloïdes  qui ,  en  même  temps  qu'elles 
se  sont  développées  ,  ont  fait  disparaître  le  tissu  pri- 
mitif de  l'organe  ;  tantôt  ce  sont  des  corps  fibreux 
qui,  à  leur  origine  ayant  à  peine  le  volume  d'un 
grain  de  millet,  augmentent  de  plus  en  plus,  et  finis- 
sent par  surpasser  de  beaucoup  la  grandeur  de  l'ovaire, 
dont  on  ne  reconnaît  plus  aucune  trace.  De  ces  corps 
fibreux,  les  uns  sont  développés  au  milieu  môme  du 
parenchyme  de  lovaire  ,  les  autres  n'existent  qu'à 
sa  surface,  et  souvent  ils  n'adhèrent  à  la  membrane 
d'enveloppe  que  par  un  pédicule  mince  et  long. 
Dans  l'ovaire,  comme  dans  l'utérus,  ces  corps  fibreux 
peuvent  être  mêlés  à  des  masses  amorphes  de  matière 
cartilagineuse  ou  osseuse. 

Les  vésicules  ,  disséminées  au  milieu  du  paren- 
chyme même  de  l'ovaire,  sont  parfois  le  siège  prin- 
cipal de  l'altération.  Tantôt  autour  d'elles  ou  dans 
leur  intérieur  s'exhale  du  sang  ,  ou  se  sécrètent  di- 
verses matières  colorantes  (i).  Tantôt  ces  vésicules  se 
distendent,  s'agrandissent;  elles  se  transforment  en 

(i)  Vo'^cz  I  sur  ce  sujet ,  l'article  sur  la  Mclanosc ,  tome  I. 


i 


d'aNATOMIE    rATlIOLOGlQUE.  ^07 

vastes  poches  infiniment  variables  sous  le  rapport  de 
leur  grandeur,  de  leur  nombre  ,  de  la  composition 
anatomique  de  leurs  parois  et  des  qualités  du  liquide 
qu'elles  contiennent.  C'est  là,  à  proprement  parler, 
la  maladie  qui  est  connue  sous  le  nom  d'hydropîsie 
enkystée  de  l'ovaire. 

'  Le  premier  degré  de  cette  maladie  semble  être 
l'existence ,  au  sein  de  l'ovaire ,  d'un  ou  de  plusieurs 
petits  kystes  séreux,  à  parois  transparentes,  remplis 
d'un  liquide  semblable  à  de  l'eau,  et  dont  quelques- 
uns  font  une  légère  saillie  à  la  surface  extérieure  de 
i  organe.  Ces  kystes,  sans  changer  de  nature  ,  peuvent 
devenir  plus  volumineux  ,  occuper  la  moitié ,  les  trois 
quarts  ou  la  totalité  de  l'organe,  qui  alors  conserve 
encore  ses  dimensions  normales  ,  ou  commence  à  en 
acquérir  de  plus  considérables.  Dans  cet  état ,  l'ovaire 
ne  représente  plus  souvent  qu'une  seule  poche  pleine 
de  sérosité  limpide;  d'autres  fois  cette  poche  n'est 
plus  unique ,  elle  est  multiloculaire. 

Tous  ces  changemens  ne  nous  offrent  encore  qu'un 
accroissement  dans  les  dimensions  des  vésicules  nor- 
males de  l'ovaire  et  dans  la  quantité  du  liquide  qu'elles 
exhalent  ;  du  moins  est-ce  ainsi  qu'on  peut  les  con- 
cevoir. Mais  ce  n'est  pas  tout  :  au  lieu  de  ces  poches 
simples  ou  multiples,  à  parois  simplement  celluleuses 
ou  séreuses,  on  trouve  souvent,  dans  l'intérieur  de 
l'ovaire ,  d'autres  poches  dont  les  parois  ont  une 
fout  autre  texture  :  tantôt  elles  sont  constituées  par 
des  masses  de  tissu  fibreux,  cartilagineux  ou  osseux; 
tantôt  de  la  matière  encéphaloïde  les  forme  en  grande 
partie.  Ces  parois  peuvent  offrir  alors  une  grande 
épaisseur  ;  les  cavités  elles-mêmes  s'agrandissent  de 

45. 


^o8  VKKcis 

plus  en  plus,  et  il  en  résulte  une  tumeur  qui,  dépas- 
sant rhypogastre  ,  peut  aller  remplir  toute  la  cavité 
abdominale  ,  refoulant  derrière  elle  le  paquet  intes- 
tinal ,  et  touchant  en  haut  la  rate ,  le  foie  et  le  dia- 
phragme.  Examinée   extérieurement ,  cette  tumeur 
est  le  plus  souvent  bosselée  ,  inégale  ;  elle  présente 
parfois  ,  en  certains  points  de  son  étendue,  des  ren- 
flemens  considérables,  puis  des  espèces  d'étrangle- 
mens.  En  quelques  endroits  elle  donne  une  fluctua- 
tion évidente  ;  en  d'autres,  elle  offre  une  dureté  et 
une  densité  égales  à  celles  de  la  pierre.  J'ai  vu  un 
cas  dans  lequel  la  partie  supérieure  d'une  de  ces  tu- 
meurs, située  dansl'hypochondre  gauche,  représentait 
une  vaste  poche  fluctuante  qui  était  séparée  du  reste 
par  un  appendice  étroit  et  dur  au-dessous  duquel  elle 
se  dilatait  de  nouveau,  pour  se  terminer  dans  la  région 
iliaque  droite.   Pendant   la  vie  il  semblait  que  deux 
tumeurs  distinctes  et  indépendantes  l'une  de  l'autre 
existassent  dans  l'abdomen  ;  la  nature  de  celle  que  l'on 
sentait  vers  la  région  iliaque  droite  ne  pouvait  être 
douteuse;  mais  il  n'en  était  plus  de  même  de  celle 
tjui  occupait  l'hypochondre  gauche  :  elle  ressemblait 
beaucoup  plus  à  une  tumeur  de  la  rate  ou  du  lobe 
gauche  du  foie,  qu'elle  ne  paraissait  être  une  dépen- 
dance de  la  tumeur  de  l'ovaire  droit. 

Les  poches  qui  existent  à  l'intérieur  de  ces  tumeurs 
Tie  sont  pas  toutes  d'égale  grandeur.  Dans  presque 
tous  les  cas  que  j'ai  eu  occasion  d'examiner,  il  y  en 
avait  une  ,  beaucoup  plus  considérable  que  les  autres  , 
qui  occupait  la  partie  la  plus  antérieure  de  la  tumeur, 
et  qui  aurait  pu  souvent  recevoir  la  tête  d'un  enfant 
de  six  mois  à  un  an.  Est-ce  le  hasard  qui  m'a  le  plus 


d'anatomie  pathologique.  joiy 

souvent  offert  cette  disposition,  ou  est-elle  la  plus 
générale? 

Quelque  différente  que  soit  la  composition  aaato-. 
inique  des  portions  de  substance  solide  situées  entre 
les  poches ,  la  surface  interne  des  parois  de  ces  der- 
nières est  constamment  revêtue  d'une  membrane 
identique  ,  lisse,  mince  ,  plus  ou  moins  injectée,  sem- 
blable à  une  séreuse  ;  et  cependant  cette  membrane, 
d'apparence  partout  identique,  fournit  le  plus  ordi- 
nairement dans  chaque  poche  un  liquide  différent; 
ainsi ,  dans  ce  cas  ,  la  spécialité  d'action  ne  nous  est 
pas  révélée  par  la  spécialité  de  texture. 

Rien  n'est  en  effet  plus  variable  que  la  nature  du 
liquide  qui  remplit  les  loges  de  l'ovaire  atteint  d'hy- 
dropisfe  enkystée.  Il  y  a  souvent  dans  un  même 
ovaire  autant  de  liquides  différens  qu'il  y  a  de  loges, 
et,  parmi  ces  liquides,  il  en  est  plusieurs  qu'on  ne 
trouve  seulement  que  dans  l'ovaire.  De  la  sérosité 
pure ,  du  sang  liquide  ou  en  caillots ,  du  pus ,  di- 
verses matières  grasses  de  consistance  très-variable, 
des  matières  colorantes  très-diverses,  qui  ressemblent 
souvent  à  une  décoction  de  chocolat,  se  trouvent 
souvent  sécrétés  dans  le  naême  ovaire  ,  et  souvent 
aussi  il  n'y  a  qu'une  paroi  mince  qui  sépare  la  loge 
où  est  contenue  du  pus  ou  de  la  sérosité ,  de  celle  qui 
renferme  une  matièr-e  semblable  à  du  suif,  ou  des 
touffes  de  poils. 

Cette  dernière  production  se  montre  effectivement 
quelquefois  dans  les  hydropisies  enkystées  de  l'ovaire  ; 
mais  ce  n'est  pas  dans  cette  affection  qu'on  l'a  observée 
le  plus  souvent.  Lorsqu'on'^'cncontré  des  poils  dans 
l'ovaire,  ils  étaient  constamment    plongés  au  milieu 


H 10  PRECIS 

d'une  masse  de  matière  suifeuse  développée  au  sein 
même  de  l'ovaire  ou  autour  de  lui ,  et  il  n'y  avait  dans 
cet  organe  aucune  autre  altération» 

L'existence  d'une  matière  suifeuse,  souvent  sem- 
blable à  une  masse  de  cérumen,  voilà  donc  le  seul 
produit  constant  qu'on  trouve  dans  l'ovaire  toutes  les 
fois  que  des  poils  s'y  sont  développés.  Avec  ces  poils  , 
mais  non  plus  d'une  manière  constante  ,  on  peut 
trouver  dans  l'ovaire  des  dents,  des  fragmens  de  ma- 
tière osseuse  ou  des  rudimens  de  peau. 

Ces  poils  sont  intimement  mêlés  à  la  matière  grasse; 
tantôt  ils  sont  isolés  les  uns  des  autres  ;  tantôt  ils  sont 
réunis  en  touffe  inextricable.  Leurs  deux  extrémités 
sont  le  plus  ordinairement  pareilles  ;  dans  les  cas  que 
j'ai  eu  occasion  d'observer  moi-même,  je  n'y  ai  ja- 
mais découvert  la  moindre  apparence  de  bulbe.  Toute- 
fois ce  bulbe  y  a  été  constaté  par  quelques  observa- 
teurs. Meckel  dit  en  avoir  bien  constaté  l'existence  : 
dans  l'un  des  cas  qu'il  a  vus,  les  poils  ,  courts  et  iso- 
lés, étaient  presque  implantés  dans  les  parois  du  sac 
qui  formait  Tenveloppe  de  la  tumeur  (i).  Il  rapporte , 
d*après  Tumiati ,  un  autre  cas  dans  lequel  les  poils 
présentaient  à  l'une  de  leurs  extrémités  une  racine 
ovale,  blanchâtre  ,  couverte  d*une  peau  fine  ,  qui  ne 
recouvrait  que  le  bulbe  :  il  y  avait  là  pour  ce  bulbe  - 
un  véritable  sac;  le  bulbe  était  séparé  des  parois  du 
sac  par  un  liquide  oléagineux.  Hors  du  sac  ,  le  bulbe 
était  encore  couvert  d'une  membrane  mince,  termi- 
naison d'une  véritable  gaîne  qui  enveloppait  le  poil 

(i)  Mémoire  sur  tes  poils  et  tes  dents  qui  se  développent  accidentellement 
dam  le  corps ,  par  Fr.  ]M«;f  kel ,  clans  le  Journal  complémcn'.airc ,  riàivjVu' 
1 \'  et  1 5'. 


D*ANATOMIE    PATHOLOGIQUK.  71I 

dans  toute  son  élendae.  Toutes  ces  parties  étaient 
même  plus  développées  que  dans  les  poils  ordinaires.  Il 
me  semble  que  relativement  à  l'absence  ou  à  la  pré- 
sence de  ce  bulbe  deux  cas  doivent  être  distingués  : 
s'il  n'existe  autour  des  poils  qu'une  masse  de  matière 
grasse ,  les  poils  y  sont  libres  par  leurs  deux  extré- 
mités ,  on  les  en  retire  sans  rien  arracher  ;  dans  ce 
cas  ils  n'ont  pas  de  bulbe.  Que  si,  au  contraire  ,  ils 
vont  se  terminer  à  une  membrane  dont  l'aspect  est 
plus  ou  moins  analogue  à  celui  de  la  peau  ,  ils  s'y  im- 
plantent, et  dès-lors  ils  sont  pourvus  d'un  bulbe. 
C'est  ce  qui  vient  encore  d'être  constaté  par  M.  Rey- 
naud,  dans  un  cas  qu'il  a  récemment  observé  à  l'hô- 
pital de  la  Charité  (1) ,  et  sur  lequel  nous  reviendrons 
plus  bas.  Meckel  admet  comme  vraisemblable  que  les 
poils  commencent  toujours  par  adhérer  à  un  kyste, 
et  que  par  conséquent  tous  ont  d'abord  une  racine 
pourvue  d'un  bulbe  ,  qui  plus  tard  se  détruit ,  ou  reste 
implantée  aux  parois  du  kyste  ;  mais  pourquoi  ces 
poils  ne  se  développeraient -ils  pas  de  prime -abord 
dans  la  substance  graisseuse? 

Les  poils  développés  dans  l'ovaire  varient  beaucoup 
en  longueur.  Les  uns  sont  à  peine  longs  de  quelques 
lignes;  d*autres  ont  quelques  pouces;  d'autres  ont 
plus  d'un  pied  de  longueur;  tels  étaient  plusieurs  de 
ceux  observés  par  M.  Reynaud  dans  le  cas  déjà  cité. 
Enfin  Tyson,  cité  par  Meckel  ,  dit  avoir  vu  de  ces 
poils  qui  avaient  jusqu'à  deux  pieds  et  trois  pouces  de 
long.  De  ceux  que  j'ai  eu  occasion  d'observer  moi- 
même,  les  plus  longs  avaient  à  peine  six  pouces. 

(i)  Jourrtal  hebdomadaire  d«  médecine  y  tome  I ,  pag<i  f\jo. 


'jm  rniLcis 

Ces  poils,  plus  semblables  eu  général  aux  cheveux 
qu'aux  poils  des  autres  parties  du  corps,  présentent 
toutes  les  nuances  de  couleur  de  ces  cheveux  eux- 
mêmes;  mais  ils  ne  sont  pas  toujours  d'une  couleur 
analogue  à  celle  des  cheveux  de  la  femme  chez  la- 
quelle on  les  trouve  ;  ils  peuvent  même  ea  différer 
sous  plusieurs  autres  rapports.  C'est  ainsi  que  chez 
une  négresse  (i)  qui  portait  dans  le  mésentère  un 
kyste  à  parois  cartilagineuses,  rempli  d'une  matière 
sébacée  au  milieu  de  laquelle  existaient  des  poils 
nombreux,  ces  poils  différaient  totalement  de  la 
chevelure  lanugineuse  et  noire  de  cette  femme.  Ils 
étaient  lisses  ,  doux  au  toucher ,  blonds  ou  roux  > 
quelques-uns  argentés  comme  ceux  d'un  enfant  de 
la  race  blanche.  On  peut  d'ailleurs  trouver  dans  un 
même  kyste  des  poils  de  diverses  couleurs. 

D'après  Meckel  (3),  on  a  trouvé  trois  fois  plus  sou- 
vent des  poils  dans  l'ovaire  droit  que  dans  le  gauche.. 

Le  développement  des  dents  ,  au  milieu  de  l'ovaire, 
y  est  p!u5  rare  que  celui  des  poils.  Dans  presque  tous 
les  cas  où  on  les  y  a  rencontrées,  elles  étaient  im- 
plantées dans  des  fragmens  de  matière  osseuse  ou 
cartilagineuse,  qui  tantôt  ne  présentaient  autre  chose 
que  des  masses  amorphes,,  et  tantôt  semblaient  être 
les  débris  ou  les  rudimens  d'os  maxillaires,  garnis 
d'alvéoles.  Meckel  pense  que  ces  dents  accidentelles 
naissent,  comme  les  dents  ordinaires,  dans  des  cap- 
sules que  remplit  un  liquide  gélatineux.  Dans  un  cas 
qu'il  a  observé,  il  a  trouvé  ,  au  milieu  du  kyste  ,  une 
petite  dent  machelière  très-bien  développée,  et  do: 

(1)  Clinique  Midicalc  ,  Maladies  de  l'abdomen.. 
(y.)   Mcnioirc  ciic. 


d'xVXATOMIK    PATI[0LÔ(JI0UE.  -jiâ 

plus  ,  trois  capsules  de  grandeur  différente,  dont  deux 
renfermaient  seulement  une  matière  fluide  ,  tandis 
que  dans  la  troisième  on  discernait  un  germe  den- 
taire non  encore  ossifié.  Meckel  établit  encore 
que  dans  les  dents  accidentelles  ,  comme  dans  les 
dents  ordinaires,  les  couronnes  naissent  avant  les 
nictnes  ;  toutefois  il  soutient  avec  Blumembach  , 
contre  l'opinion  de  Baillie  ,  que  ces  racines  ont 
été  vues  bien  développées  dans  un  certain  nombre 
do  cas. 

La  substance  osseuse  qu'on  rencontre  parfois  dans 
l'ovaire  ,  mêlée  à  des  poiis  ou  à  des  dents  ,  ne  semble 
être  souvent  autre  chose  qu'un  débris  du  squelette 
d'un  fœtus  développé  hors  de  l'utérus  ;  car  on  peut 
en  reconnaître  et  en  analyser  très-distinctement  plu- 
sieurs pièces.  Mais,  d'autres  fois,  on  ne  trouve  rien 
de  semblable,  et  ce  qu'on  n'observe  ne  ressemble 
pas  plus  à  un  débris  de  squelette  que  n'y  ressemblent 
les  masses  ossiformes  développées  au  sein  des  corps 
fibreux  de  l'utérus;  et  cependant,  dans  ce  second 
cas  ,  comme  dans  le  premier,  on  trouve  aussi  des  poils 
et  quelquefois  des  dents. 

Quant  aux  rudimens  de  peau ,  qui  quelquefois  aussi 
ont  été  trouvés  au  milieu  des  kystes  pileux  de  l'ovaire, 
se  lient- ils  constamment  à  la  formation  avortée  d'un 
fœtus?  Le  cas  observé  par  M.  Reynaud  fournit  de 
précieux  élémens  à  la  solution  de  cette  question. 
Depuis  long-temps  cet  excellent  ami  m'a  permis  de 
regarder  ses  travaux  comme  les  miens,  et ,  en  trans- 
crivant ses  paroles  dans  ce  qui  suit  ,  il  me  semble 
presque  que  c'est  un  fait  que  j'ai  recueilli  moi-môme; 
car,  dans  ce  dernier  cas,   je  n'y  aurais  pas  une  foi 


^  1  4  PRECIS 

plus  grande,  et  je  n'en  répondrais  pas  avec  plus  d'as- 
surance. 

Après  avoir  décrit  la  masse  de  poils  contenus  dans 
l'ovaire ,  M.  Reynaud  continue  en  ces  termes  :  o  Nos 
recherches  ultérieures  furent  dirigées  dans  le  but  de 
découvrir  dans  un  point  quelconque  de  cette  masse 
pileuse  quelques  débris  de  fœtus,  ou  au  moins  une 
partie  douée  de  vie,  qui  pût  en  être  regardée  comme 
l'organe  formateur. 

»  D'un  point  de  la  surface  interne  de  la  poche  par- 
tait, en  s'enfonçant  au  milieu  du  peloton  de  cheveux, 
une  espèce  de  pédicule  fibreux;  nous  le  suivîmes  en 
écartant  avec  précaution  les  parties  environnantes, 
et  nous  vîmes  bientôt  qu'il  aboutissait  à  un  corps  très- 
irrégulièrement  arrondi,  du  volume  d'une  noisette, 
osseux  dans  son  centre ,  recouvert  d'une  membrane, 
et  se  terminant  en  une  pointe ,  d'où  partaient  deux 
prolongemens  fibro-celluleux  très-résistans ,  qui  al- 
laient s'insérer  chacun  séparément  à  un  point  de  la 
poche  diamétralement  opposé  à  celui  d'où  partait  le 
pédicule  fibreux.  La  membrane  qui  recouvrait  ce 
corps  avait  dans  une  grande  partie  de  son  étendue 
l'aspect  d'un  morceau  de  cuir  chevelu  de  certains 
enfans  affectés  de  teigne,  lorsque  les  croûtes  en  ont 
été  détachées  au  moyen  de  lotions  quelconques  ;  sa 
surface  libre  était  humide,  rougeâtre,  grasse  au  tou- 
cher, et  un  assez  grand  nombre  de  cheveux  y  étaient 
implantés.  Si  on  les  arrachait,  on  amenait  au-dehors 
le  bulbe  de  leur  racine;  parmi  eux  se  trouvaient  les 
plus  longs  et  les  plus  colorés;  d'autres  plus  courts  et 
plus  blonds  s'y  inséraient  également;  dans  leurs  in- 
tervalles, existait  une  niullitude  d'enfoncemens  assez 


i>'anatomie  pathologique.  -j  1  5 

seQiblables  aux  tumeurs  de  la  peau,  là  où  sa  sécrétion 
sébacée  est  très- abondante.  Au-dessous  de  cette 
couche  dermoide  existait  un  panicule  graisseux  trcs- 
mince,  mais  très-distinct,  et  ressemblant  parfaite- 
ment à  celui  qui  revêt  la  face  interne  de  la  peau  du 
crâne,  c^était  dans  son  épaisseur  que  se  voyaient  les 
bulbes  pileux.  Le  tout  adhérait  très-intimement  à  la 
masse  osseuse  presque  informe ,  dont  il  serait  diffi- 
cile de  donner  une  description  qui  pût  rappeler  en 
rien  la  forme  d'un  squelette  de  fœtus.  C'est  vaine- 
ment que  nous  avons  cherché  à  trouver  la  moindre 
analogie  de  forme  entre  quelques  portions  de  cette 
masse  et  des  pièces  du  crâne  ou  d'autres  parties. 
Elle  était  irrégulièrement  arrondie  ,  convexe  dans  un 
sens,  concave  dans  l'autre;  des  sillons  plus  ou  moins 
profonds  la  partageaient  en  plusieurs  parties ,  entre  les- 
quelles pénétraient  des  prolongemens  fibreux.  Sur 
quelques-uns  de  ses  points  se  voyaient  des  saillies 
cartilagineuses,  arrondies  ou  allongées;  du  côté  de 
la  concavité  ,  la  portion  de  membrane  qui  la  recou- 
vrait avait  des  caractères  différens  de  ceux  que  nous 
avons  indiqués  plus  haut;  elle  était  semblable  à  une 
séreuse ,  aucun  cheveu  ne  s'y  implantait  :  l'extrémité 
d'un  tube,  introduite  au-dessous  d'elle  au  moyen 
d'une  petite  ouverture ,  a  permis  de  la  distendre  par 
l'insufflation  ,  et  de  la  développer  sous  forme  d'un  sac 
se  prolongeant  en  un  cul-de-sac  dans  la  moitié  des 
deux  cordons  fibreux  dont  nous  avons  parlé  ;  sur  l'un 
de  ces  cordons  rampaient  très-distinctement  deux  ou 
trois  vaisseaux  sanguins  qui  se  portaient  vers  la  petite 
masse,  et  des  ramifications  très-ténues  et  nombreuses 
se  distribuaient  à  la  face  interne  de  la  portion  du  té- 


^î6  PRÉCtS 

gainent  clans  laquelle  les  cheveux  étaient  implantés..  )) 
Nui  doute  que  dans  un  certain  nombre  de  cas  ces 
masses  graisseuses  de  l'ovaire,  avec  jjrésence  de  poils, 
de  dents,  de  substance  osseuse,  de  tissu  cutané,  ne 
présentent  plusieurs  élémens  distincts  du  corps  d'un 
fœtus,  arrangés  dans  l'ordre  même  suivant  lequel 
ces  élémens  se  coordonnent  ordinairement  dans  l'u- 
térus pour  constituer  ce  fœtus.  Mais  la  seule  pré- 
sence de  ces  divers  élémens  au  sein  de  l'ovaire  ne  me 
semble  pas  prouver  que  dans  cet  ovaire  ait  com- 
mencé à  se  former  un  fœtus  dont  ces  masses  grais- 
seuses, etc. ,  sont  un  rudiment  ou  un  débris.  D'abord 
des  masses  semblables  ont  été  vues  chez  des  Jeunes, 
filles  encore  loin  de  l'époque  de  la  puberté  ;  on  les 
a  retrouvées  dans  d'autres  parties  que  dans  l'ovaire, 
soit  chez  la  femme,  soit  chez  l'homme  lui-même., 
Ajouterai-je  que  des  observations  récentes  tendent  à 
prouver  que  chez  l'homme  la  sécrétion  des  poils  peut 
se  faire  ailleurs  que  dans  l'enveloppe  cutanée?  C'est 
ainsi  que  ces  poils  paraissent  avoir  été  sécrétés  par 
les  reins  eux-mêmes,  dans  ces  cas  de  gravelle  que 
M.  Magendie  a  fait  connaître  ,  et  où  des  poils  étaient 
mêlés  aux  petites  concrétions  rendues  par  les  nra- 
lades.  Chez  certains  animaux  (quelques  mollusques) 
ne  trouvons-nous  pas,  comme  un  état  normal ,  l'im- 
plantation des  dents,  à  la  surface  interne  de  l'esto- 
mac? N'a-t-on  pas  vu  également  chez  les  oiseaux, 
mais  comme  un  fait  de  l'état  morbide,  des  plumes 
développées  au  sein  d'un  kyste  situé  dans  une  des 
cavités  splanchniques  (i)?  Ruysh  dit  avoir  trouvé  dans 

(0  Mcckcl  cite,  d'après  Pcuada ,  uu  cas  de  ce  genre.  Cet  auteur  renr 


d'anatomie  pathologique.  'jin 

îestomac  d'un  homme  adulte  une  tumeur  athéroma- 
teuse ,  qui  contenait  un  os  informe  ,  quatre  dents 
molaires  et  un  paquet  de  poils.  Meckel  parle  d'un  cas 
dans  lequel ,  chez  un  autre  homme  adulte  ,  on  trouva 
dans  la  poitrine,  appuyé  sur  le  diaphragme  ,  un  kyste 
plein  de  matière  grasse  au  milieu  de  laquelle  étaient 
des  poils  arrangés  en  touffe,  et  plusieurs  pièces  os- 
seuses. Le  même  auteur  cite  l'exemple  d'un  kyste  qui 
s'était  formé  dans  le  foie  d'un  hydropique  ;  ce  kyste 
contenait  une  matière  semblable  à  de  la  graisse,  beau- 
coup de  poils  ,  et  de  plus  une  masse  cartilagineuse 
amorphe ,  qui  en  beaucoup  de  points  de  son  étendue 
présentait  des  points  osseux. 

Le  docteur  Gordon  (i)  a  trouvé  dans  la  poitrine 
d'une  femme  une  tumeur  qui ,  faisant  saillie  pendant 
la  vie  derrière  les  parois  thoraciques,  qu'elle  soule- 
vait, avait  été  prise  pour  un  anévrysme.  Cette  tu- 
meur représentait  beaucoup  plus  l'image  des  débris 
d'un  fœtus  que  les  précédentes.  Elle  occupait  le  mé- 
diastin  antérieur,  et  adhérait  très-fortement  au  ster- 
num. Elle  contenait  une  matière  sébacée  mêlée  à  des 
poils  ;  de  plus  on  y  voyait  une  portion  d'os  qui  offrait 
quelque  analogie  avec  l'os  maxillaire  supérieur;  elle 
présentait  une  sorte  de  bord  alvéolaire  avec  les  sept 
dents  ,  dont  deux  canines  ,  deux  incisives  et  trois 
molaires.  Parmi  ces  dents,  les  unes  étaient  implantées 
au  bord  de  l'os  ;  les  autres ,  entourées  d'une  capsule 


contra  tians  le  thorax  d'une  jeune  poule,  au-devant  du  cœur  et  des  gros 
vaisseaux  qui  en  partent ,  un  kyste  rempli  de  graisse ,  au  milieu  de  laquelle 
étaient  implantées  trente-trois  plumes  divisées  en  deux  faisceaux.  (Mé- 
moire cité.  ) 

(i)  Mcdico-clûrur^icat  Transactions,  vol.  XIII. 


;j  1 8  ^  PRÉCIS 

vers  leur  raciae ,  se  terminaient  à  une  masse  de  ma- 
tière d'apparence  graisseuse  (i).  L'auteur  de  l'obser- 
vation crut  reconnaître  dans  cette  masse  quelques 
traces  de  la  membrane  palatine.  Si  l'on  admet  que  la 
tumeur  décrite  par  le  docteur  Gordon  contient  réelle- 
ment un  débris  de  fœtus,  on  ne  peut  s'en  rendre 
compte  que  par  la  théorie  de  la  monstruosité  par  in- 
clusion ,  sur  laquelle  M.  Ollivier  a  publié  dans  ces 
derniers  temps  un  mémoire  riche  de  faits  et  d'ingé 
nieux  aperçus  (2). 


CHAPITRE  IV. 

MALADIES    DES   MAMELLES. 

Les  limites  que  je  me  suis  imposées  dans  cet  ou- 
vrage me  dispenseraient  de  parler  de  ces  maladies  qui 
sont  du  domaine  de  la  chirurgie;  cependant  l'élude 
de  quelques-unes  de  ces  maladies  est  spécialement 
propre  à  jeter  du  jour  sur  la  nature  d'un  certain  nom- 
bre de  lésions  que  nous  ont  offertes  plusieurs  organes 
intérieurs,  et  spécialement  sur  la  nature  anatomique 

(1)  La  matière  sébacée  ,  qui,  normalement,  doit  se  former  autour  de 
la  peau  du  foetus,  deviendrait-elle,  par  le  seul  fait  d'une  augmentation 
insolite  de  sa  quantité  .  l'origine  de  la  matière  grasse  qu'on  rencontre  cons- 
tannnent  dans  les  kystes  de  la  nature  de  ceux  que  nous  étudions  en  ce 
moment?  Cette  augmentation  aurait-elle  lieu  par  cela  seul  que  ne  s'accom- 
plissent pas  d'autres  sécrétions  ou  d'autres  nutritions?  ici  encore  ne  serait- 
ce  ,  comme  dans  bien  d'autres  cas,  qu'une  sécrétion  normale  modifiée, 
et  non  une  production  nouvelle  ? 

(2)  Archives  de  médecine.  /  o\cz  aussi  dans  le  même  recueil  un  Mémoire 
de  M.  Brcsthet  sur  les  Dip!oi;cncsis  par  pcnctralion. 


d'anatomie  pathologique.  n]g 

des  affeclions  squirrheuses.  Je  ne  vais  donc  surtout 
parler  ici  des  maladies  de  la  mamelle  ,  que  pour 
constater  jusqu'à  quel  point  les  principes  qui  nous 
ont  guidés  dans  la  détermination  de  la  nature  anato- 
mique  des  lésions  qui  frappent  les  organes  internes 
sont  encore  ici  applicables.  Je  déclare  d'ailleurs  que 
je  n'ai  par  moi-même  observé  sur  le  cadavre  qu'un 
petit  nombre  d'affections  de  la  mamelle  (ij.  Je  dé- 
clare, d'un  autre  côté,  que  je  ne  puis  suppléer  à  ce 
défaut  d'observations  par  les  observations  qu'ont  pu- 
bliées les  auteurs;  car  toutes  manquent  de  détails 
|:  anatomiques  sufTisans  et  en  rapport  avec  l'état  actuel 
de  nos  connaissances  en  anatomie  pathologique.  Je 
me  bornerai  donc  h  dire  ce  que  j'ai  vu ,  et  à  soumettre 
au  lecteur  les  conséquences  théoriques  auxquelles  je 


suis  arrivé. 


Les  diverses  altérations  des  mamelles  ,  que  j'ai 
eu  occasion  d'observer  sur  le  cadavre ,  m'ont  paru 
toutes  pouvoir  se  ramener  soit  à  des  modifications 
dans  la  nutrition  des  divers  élémens  anatomiques  qui 
entrent  dans  leur  composition,  soit  à  des  sécrétions 
morbides  opérées  dans  le  tissu  cellulaire  qui  existe  en 
si  grande  abondance  au  sein  des  mamelles  ou  autour 
d'elles.  Presque  toutes  ces  altérations  ont  été  dési- 
gnées sous  le  terme  commun  de  squirrhe  ou  de  cancer 
mammaire. 

Je  vais  m'occuper  lour-à-tour  de  ces  deux  classes 
d'altérations. 

(i)  Parmi  ce  petit  nombre  de  cas  il  en  est  plusieurs  dont  je  dois  la 
communication  à  M.  Ileynaud  :  non  seulement  il  m'a  montré  les  pièces; 
mais  il  a  bien  voulu  ra'ea  remettre  par  écrit  d'excellentes  descriptions. 


'^20  PRIÎCIS 


Je  vais  (l'abord  traiter  des  altérations  qui  porlent 
spécialement  snr  la  nutrition  de  l'organe. 

La  plus  siuiple  de  ces  altérations  consiste  dans  une 
induration  de  la  glande  mammaire.  Dans  cet  état,  le 
tissu  de  la  glande  est  parfaitement  reconnaissable  ;  sa 
densité  est  seulement  augmentée  ,  et  on  l'incise  avec 
une  certaine  difficulté.  Le  tissu  cellulaire  qui  entre 
dans  la  composition  de  la  glande  ne  présente  non 
plus  rien  d'insolite.  Tantôt  cette  induration  est  géné- 
rale ,  tantôt  elle  n'occupe  qu'un  certain  nombre  de 
points  de  la  glande,  isolés  les  uns  des  autres.  Ces 
points  indurés  peuvent  eîre  plus  saillans  que  le  reste 
de  la  glande  ,  qui  présente  alors  au-dessous  de  la  peau 
des  bosselures  plus  ou  moins  nombreuses. 

Quelquefois  cette  induration  a  spécialement  son 
siège  dans  les  parois  des  conduits  galactophores  ,  qui 
sont  hypertrophiées.  En  disséquant  certaines  ma- 
melles plus  dures  que  de  coutume  ,  mais  dont  le 
tissu  n'est  pas  d'ailleurs  autrement  altéré,  j'ai  trouvé, 
à  la  surface  des  coupes  que  je  pratiquais,  un  grand 
nombre  de  trous  arrondis  ,  tous  semblables  les  uns 
aux  autres  ,  et  qui  étaient  les  orifices  d'autant  de 
conduits  qui  étaient  manifestement  les  conduits 
galactophores  plus  apparens  que  de  coutume  ;  leur 
cavité  était  beaucoup  plus  dilatée  que  d'ordinaire,  et 
leurs  parois  avaient  acquis  une  remarquable  épais- 
seur. Ces  parois  étaient  jaunes,  d'une  texture  comme 
fibreuse  ;  et  une  fois  j'y  ai  trouvé  un  certain  nombre 
de  points  cartilagineux  et  même  osseux.  Cette  altéra- 
tion particulière  des  conduits  galactophores  m'a  sem- 
blé surtout  fréquente  chez  les  femmes  avancées  eu 


d'anatomîe  pathologique.  .^21 

âge.  Dans  les  cas  qvie  j'ai  observés,  le  mamelon,  loin 
de  participera  l'hypertrophie  des  conduits  qui  doivent 
normalement  y  aboutir,  avait  disparu  ,  et  les  conduits, 
en  y  arrivant,  semblaient  s'oblitérer. 

En  s'iiidurant,  la  glande  mammaire  peut  diminuer 
de  volume.  On  retrouve  encore  dans  ce  cas  les  élé- 
mens  anatomiques  qui  normalement  constituent  la 
ghmde  ;  mais  son  tissu  est  beaucoup  plus  dense  ,  beau- 
coup plus  serré ,  et  surtout  beaucoup  plus  sec  :  on 
n'y  trouve  plus  aucun  vestige  de  graisse,  et  le  tissu 
cellulaire  est  à  peine  visible.  On  peut  y:  retrouver, 
comme  dans  le  cas  précédent,  les  conduits  galacto- 
phores  dilatés  avec  épaississement  de  leurs  parois. 
Déjà  nous  avons  vu  dans  d'autres  organes  une  sem- 
blable induration  de  leur  tissu  coïncider  avec  une 
diminution  réelle  de  leur  volume;  c'est  surtout  dans 
le  foie  que  nous  avons  constaté  ce  genre  d'alté- 
ration. 

Une  autre  espèce  d'induration  de  la  glande  mam- 
maire ,  avec  augmentation  ou  diminution  de  son  vo- 
lume ,  est  celle  dans  laquelle  il  y  a  hypertrophie  pré- 
dominante du  tissu  cellulaire  ,  et  disparition  plus 
ou  moins  complète  du  tissu  normal  de  la  glande. 
Dans  ce  cas,  la  glande  mammaire  ,  à  la  surface  de 
chaque  coupe  qu'on  y  pratique,  présente  des  cloisons 
d'un  blanc  mat  ou  d'un  blanc  nacré,  fibro-celluleuses, 
et  souvent  comme  tendineuses.  11  en  résulte  un  cer- 
tain nombre  d'intersections  qui  partagent  la  glande 
en  lobes  ,  en  lobules  et  en  grains  ;  alors  son  tissu 
prend  parfois  un  aspect  granulé  ,  et  on  le  prendrait 
aisément  pour  le  tissu  du  pancréas  ou  d'une  glande 
salivaire.  D'autres  fois  ce  n'est  plus  cet  aspect  granulé 
II.  46 


•joa  riiFxis 


qu'on  observe, *il  n'y  a  plus  de  trace  du  tissu  glan- 
dulaire, et  à  sa  place,  tantôt  on  trouve  des  masses 
fibro-cclluleuses  qui ,  à  mesure  qu'elles  se  sont  dé- 
veloppées ,  semblent  avoir  atrophié  le  tissu  glandu- 
laire ;  tantôt  on  ne  découvre  plus  qu'une  masse  homo- 
créne,  dure,  sans  organisation  apparente,  qui  paraît 
être  du  tissu  cellulaire  arrivé  à  son  maximum  de  con- 
densation ,  et  qu'on  appelle  du  squirrhe.  Ces  alté- 
rations diverses  peuvent  avoir  envahi  tout  une  ma- 
melle ,  ou  n'en  occuper  qu'une  partie. 

Les  parties  de  la  glande  devenues  malades  peuvent 
se  continuer  par  des  liens  nombreux  avec  les  parties 
restées  saines  ,  ou  s'en  séparer  complètement  à  l'aide 
d'une  enveloppe  fibro-celluieuse  d'épaisseur  variable, 
qui  est  à  la  totalité  de  la  masse  morbide  ce  qu'est  cha- 
que cloison  cellulaire  au  lobule  ou  au  grain  qu'il  c  r- 
conscrit.  Souvent  de  la  surface  interne  de  cette  en- 
veloppe commune  on  voit  partir  un  grand  nombre  de 
prolongemens,  de  même  nature  qu'elle,  qui  vont  se 
répandre  dans  la  glande  ;  d'autres  fois,  ces  prolonge- 
mens sont  peu  apparens;  quelques  filamens  cellulenx 
qui  se  brisent  avec  la  plus  grande  facilité,  tel  est  le  seul 
moyen  d'union  de  la  tumeur  avec  son  enveloppe  ;  en 
pareil  cas  on  l'en  sépare  très-aisément,  sans  que  rien 
paraisse  déchiré  ;  il  semble  que  ce  soit  une  noix  que 
l'on  relire  de  sa  première  enveloppe  ;  aussi  dit-on 
alors  qu'on  en  fait  Venue  lé  at  ion.  Si  c'est  toute  la  glande 
qui  est  indurée  ,  on  la  voit  également  s'entourer  par- 
fois d'une  enveloppe  celluleuse  beaucoup  plus  dense 
et  plus  dure  que  celle  qui  ordinairement  en  marque 
les  limites  :  cela  arrive  surtout  dans  les  cas  où  la  glande 
iadurée  a  en  même  temps  diminué  de  volume.  D'au- 


1res  fois,  loin  qu'ait  eu  lieu  celte  sorle  d'isolement, 
la  glande  malade  contracte,  au  contraire,  des  adhé- 
rences  beaucoup  plus  intimes  que  de  coutume ,  soit 
avec  la  peau  ,  soit  avec  les  parties  situées  au-dessous 
d'elle.  Dans  ce  dernier  cas ,  ce  n'est  plus  seulement 
!e  tissu  cellulaire  qui  entrait  dans  la  composition  de 
la  glande  elle-même,  qu'on  trouve  altéré  ;  le  tissu  cel- 
lulaire des  environs  l'est  également,  et,  comme  celui 
de  la  glande,  il  se  transforme  en  masses  dures,  qui 
prennent  un  aspect  fibreux,  cartilagineux  ou  squir- 
rheux.  Cette  altération  peut  s'étendre  d'une  part  jus- 
que dans  le  tissu  cellulaire  de  l'aisselle,  et  d'autre 
pa^t  jusqu'à  la  surface  même  des  os.  Souvent  alors 
le  périoste  de  ceux-ci  s'altère,  et  le  résultat  de  cette 
altération  est  une  maladie  de  l'os  lui-même  qui  perd 
sa  consistance^  se  carie,  se  nécrose  et  se  détruit.  Ce- 
pendant ce  qui  a  lieu  vers  les  parties  profondes  a  lieu 
aussi ,  plus  ou  moins  promptement ,  vers  les  parties 
superficielles  ,  vers  la  périphérie  cutanée  :  il  arrive  un 
moment  où  la  peau  commence  à  participer  à  l'alté- 
ration de  la  couche  celluleuse  qui  en  revêt  la  surface 
interne;  ordinairement  elle  ne  devient  malade  que 
lorsque,  par  suite  de  la  lésion  du  tissu  cellulaire  qui 
lui  est  subjacent ,  elle  a  perdu  toute  mobilité  au- 
dessus  de  la  tumeur,  avec  laquelle  elle  semble  faire 
corps.  Sur  cette  peau  se  développent  souvent  de  nom- 
breux boutons  arrondis  et  durs ,  dans  lesquels  on  ne 
voit  autre  chose  qu'une  induration  circonscrite  du 
derme,  induration  qui  semble  être  de  même  nature 
et  reconnaître  la  même  cause  que  l'induration  des  li.— 
sus  subjacens;  et  ce  qu'il  y  a  de  bien  reiiiarquable , 
c'est  que,  dans  un  espace  de  temps  souvent  très-court,     ' 

46. 


•J24  ruÉcrs 

la  peau  de  tout  le  corps  vient  à  se  couvrir  de  sembla- 
bles boutons.  Ce  n'est  pas  tout  :  examinez  alors  les 
organes  intérieurs,  et  souvent  dans  plusieurs  d'entre 
eux  vous  retrouvez   ces  mêmes  masses  blanches  et 
dures  qui  se  sont  développées  sous  vos  yeux   dans 
la  glande  mammaire  et  dans  le  tissu  de  la  peau.  Sou- 
vent enfin  l'époque  de  leur  formation  coïncide  d'une 
manière  évidente  avec  Tépoque  de  l'ablation  de  la 
tumeur  du  sein.  Ainsi ,  dans  ce  cas  encore  ,  agit  par- 
tout une  cause,  qui   partout  donne  naissance  à  un 
produit  identique  comme  elle-même.  Quoi  qu'il  en 
soit,  une  fois  que  la  peau  qui   recouvre  la  tumeur 
mammaire  a  contracté  avec  cette  tumeur  des  adhé- 
rences plus  ou  moins  intimes  ,  elle  s'irrite  à  son  tour, 
rougit,  se  ramollit  et  s'ulcère,  soit  en  un  seul  point*^ 
soit  en  plusieurs  qui  plus  lard  se  réunissent  en  un  seuh 
Tantôt  cette  ulcération  reste  long-temps  stationnaire  ; 
tantôt  elle  augmente  rapidement  ,  soit  seulement  en 
superficie,   soit  à-la-fois   en  superficie  et  en   pro- 
fondeur.  Il  est  de  ces  ulcérations  qui  sont  bornées 
à  la  peau  seule;  j'ai  vu  quelquefois  leur  fond  consli- 
tué  par  un  détritus  noir  et  fétide  ,  semblable  à  celui 
qui  existe  au  fond  de  certains  ulcères  du  col  utérin. 
(]e  détritus  n'occupe  que  quelques  lignes  de  profon- 
deur, et  au-dessous  de  lui  on  trouve  la  tumeur  d'un 
voMge  violacé  dans  une  couche  très-superficielle,  puis 
incolore  et  dure  un  peu  plus  profondément.  Je  n'insis- 
teiai  point  ici  sur  l'aspect  varié  de  ces  ulcérations,  non 
j)lus  que  sur  les  accidens  qui  les  accompagnent;  tout 
cela  a  été  suffisamment  décrit  dans  les  livres  de  chirur- 
gie. Si  l'on  réfléchit  que  de  semblables  ulcérations  ne 
surviennent  que  lorsi^u 'au-dessous  de  la  peau  existent 


D*ANATOMIE    PATHOLOCilOLi:.  ^23 

des,  altoralions  graves  qui  ne  tendent  qu'à  s'accroître, 
on  concevra  facilement  pourquoi  ces  ulcérations  elles- 
mêmes  ne  peuvent  en  aucune  façon  tendre  à  la  gué- 
lison:  pour  que  cette  guërison  s'accomplisse,  il  faudrait 
commencer  par  guérir  l'altération  profonde  quiacauaé 
les  ulcérations;  aussi,  s'il  arrive  quelquefois  que  quel- 
ques-unes de  ces  ulcérations  se  cicatrisent,  d'autres  se 
forment  à  côté  d'elles  ,  ou  les  mêmes  se  rouvrent  plus 
tard.  Toutefois  l'on  a  vu  chez  quelques  femmes  une 
cicatrisation  durable  s'opérer;  mais  alors  la  tumeur 
elle-même  s'était  spontanément  modiùée  :  réduite  à 
un  plus  petit  volume,  et  en  quelque  sorte  atrophiée, 
elle  ne  représentait  plus  qu'une  petite  masse  dure, 
qu'entourait  vraisemblablement  une  enveloppe  cel- 
hilo-tibreuse  ,  et  qui  dès-lors  ne  tendait  plus  à  fdire 
participer  à  son  état  morbide  les  parties  environnantes. 
11  paraît  qu'un  des  plus  heureux  efiets  de  la  compres- 
sion ,  à  laquelle  M.  Récamier  a  si  souvent  recours 
dans  le  traitement  des  maladies  qui  nou5  occupent, 
est  de  réduire  à  ce  petit  volume  d'énormes  masses 
squirrheuses,  et  de  faire  disparaître  l'induration  ou 
le  simple  engorgement  du  tissu  cellulaire  environ- 
nant, d'isoler  ainsi  la  tumeur,  et  de  la  rendre  telle- 
ment énucléable,  qu'une  fois  la  peau  incisée  ,  il  a  sou- 
vent suffi  à  M.  llécamier  du  simple  doigt  pour  la  dé- 
tacher et  l'enîev.er. 

En  même  temps  que  la  peau  se  ramollit  et  s'ulcère, 
et  le  plus  souvent  même  avant  que  cette  ulcération 
n'ait  eu  lieu,  la  masse  squirrheuse  subit  un  change- 
ment notable  :  des  vaisseaux  commencent  à  la  par- 
courir j  on  les  voit  surtout  se  ramifier  dans  les  cloisons 
celluleusesou  fibreuses  qui  partagent  en  lobules  l'iur 


^26  PIŒCÏS 


teneur  de  la  tumeur;  peu-à-peu  cette  tumeur  perd 
sa  dureté  première  ;  des  liquides  séreux  ,  gélatineux, 
sanguinolens ,  purulens,  l'infiltrent  de  toutes  parts  t 
d'abord  il  faut  l'inciser  et  la  comprimer  pour  en  faire 
«ortir ,  par  expression  ,  une  matière  liquide  qui  n'y 
est  pas  encore  rassemblée  en  foyer ,  et  qui  donne 
seulement  à  la  totalité  de  la  tumeur  un  aspect  plus 
humide.  Quelquefois  on  trouve  comme  des  traînées 
d'une  matière  crémeuse  qui  remplit  les  inleryalles 
cellulaires  et  cerne  les  lobules.  Plus  tard,  cependant, 
cette  matière  devient  de  pins  on  plus  abondante; 
elle  se  réunit  en  vastes  foyers,  et  toute  k  tumeur  ne 
paraît  plus  alors  qu'un  détritus  de  matières  moitié  so- 
lides et  moitié  liquides,  où  peuvent  s'observer,  dans 
leurs  diverses  nuances,  toutes  les  variétés  de  pro- 
ductions accidentelles,  depuis  la  simple  sérosité  oiu 
l'exhalation  sanguine^  jusqu'au  pus  du  phlegmon  ,  au 
tubercule,  à  l'encéphaloide  ou  à  la  mélanose. 

Dans  les  diverses  formes  d'altérations  que  nous  ve- 
nons d'étudier ,  nous  n'avons  vu  jouer  aux  vais- 
seaux sanguins  qu'un  rôle  secondaire;  ce  n'est  en 
effet  qu'à  une  certaine  période  de  l'existence  de  la 
tumeur  squirrheuse,  que,  dans  cette  tumeur,  des  vais- 
seaux se  dessinent;  jusque-là,  il  semble  qu'en  même 
temps  que  s'est  développé  l'élément  cellulaire,  il  y 
a  eu  une  sorte  d'atrophie  des  vaisseaux,  ou,  du 
moins,  s'ils  ont  continué  à  exister,  ils  restaient  vides 
de  sang.  Mais  il  est  un  autre  état  morbide  de  la  ma- 
melle ,  où  la  lésion  de  nutrition  porte  spécialement  sur 
ces  vaisseaux  sanguins  :  alors  ils  se  développent  de 
tontes  parts  en  innombrable  quantité,  et  si  le  tissu 
cellulaire  végète  at^  même  temps  qu'eux,  il  semble 


n*ANATOMIE    PATHOLOÛÎQIE.  "ja; 


que  ce  ne  soit  en  quelque  sorle  que  pour  founiir  un 
soulien  au  réseau  vasculaire  immense  qui,  à  lui  seul, 
constitue  la  plus  grande  partie  de  lahinieur.  L'incise-t- 
on ,  elle  présente  quelque  analogie  avec  le  tissu  de  la 
rate;  la  peau  qui  la  recouvre  s'ulcère  plus  ou  moins 
rapidement ,  et  au  fond  de  l'ulcération  se  produisent 
sans  cesse  d'abondantes  hëmorrhagies.  J'ai  observé 
récemment  sur  un  homme  un  exemple  remarquable 
de  ce  genre  de  tumeur.  Cet  individu  ,  âgé  de  soixante 
ans  environ,  se  présenta  à  la  consultation  du  Bureau 
central  pour  être  admis  dans  un  hospice  ;  il  venait 
delà  campagne.  La  partie  antérieure  droite  du  thorax> 
était  recouverte  par  une  tumeur  grosse  comme  la  tête 
d'un  enfant  de  douze  ans,  molle,  douloureuse,  et  que 
le  moindre  contact  faisait  saigner  abondamment.  On 
eut  dit  d'une  énorme  tête  de  champignon  ,  parcourue 
par  une  innombrable  quantité  de  linéamens.  rouges. 
Cet  homme  me  dit  que,  quelques  années  aupara-^ 
vaut  ,  il  avait  été  mordu  au  mamelon  même  par^iui 
cheval;  pendant  les  premiers  temps  qui  suivirent 
celte  morsure,  une  tache  rouge  avait  j)aru  dans  le 
point  mordu  et  autour  de  lui;  peu-à-peu  cette  taclje 
avait  pris  du  relief,  et  elle  s'était  eiiGn  transformée 
en  nne  grosse  tumeur,  qui  incommodait  surtout  le 
malade  par  la  grande  quantité  de  sang  qui  journel-^ 
lement  s'en  échappait;  Cet  homme  était  accompagne 
de  son  fils,  qui  avait  reçu,  dix-huit  mois  aupara-^ 
Ivant,  un  coup  peu  violent  sur  l'une  des  pommettes  : 
là  existait  une  petite  excroissance  rougeâtre  ,  ayant  tous 
les  caractères  du  tissu  érectile  accidentel.  Tel  aussi  ,. 
nous  disait-il,    avall.  élé^  dans  les  comuicncemcuM.^ 


-28  PRÉCIS 

l'aspect  de  la  tumeur  de  son  père,  et  il  craignait  pour 
lui  la  uiêine  dégénération. 

Enfin  il  est  des  cas  où  les  tumeurs  de  la  ma- 
melle ont  leur  siège  primitif  dans  l'appareil  lympha- 
tique de  cet  organe.  En  un  ou  plusieurs  points  de 
son  étendue  on  trouve  des  ganglions  plus  volumineqjs; 
et  plus  durs  que  de  coutume  ,  tantôt  rouges,  tantôt 
d'un  blanc  mat,  ou  d'un  gris  demi-transparent;  au- 
tour d'eux  il  n'y  a  aucune  lésion  appréciable  :  mais 
plus  tard  ces  ganglians  lymphatiques  peuvent  se  mul- 
tiplier, grossir,  se  rapprocher  ;  le  tissu  celullaire  qui 
les  entoure  peut  s'altérer  aussi ,  et  il  en  résulte  enfin 
une  maladie  qui  a  tous  les  caractères  de  celles  que. 
nous  avons  indiquées  dans  les  paragraphes  précédens, 
bien  que  dans  le  principe  elle  en  diflférât  par  son 
siège. 

Dans  tout  ce  qui  vient  d'être  dit ,  nous  avons  vu 
au  point  de  départ  de  simples  lésions  de  nutrition 
compliquées  plus  lard  de  lésions  de  sécrétion.  Mais  ces 
dernières  peuvent  constituer  à  leur  tour  l'altéraliou 
prédominante  ,  celle  au  moins  qui ,  étant  la  plus  ma- 
tériellement appréciable,  doit  servir  à  fonder  le  ca- 
ractère an  atomique  de  la  maladie.  C'est  le  tissu  cel- 
lulaire qui  est  à-peu-près  exclusivement  le  siège  de 
ces  lésions  de  sécrétion.  A  la  suite  d'un  travail  d'irri- 
tation aiguë  ou  chronique  ,  on  voit  ,  par  exemple  , 
du  pus  s'y  former ,  et  l'histoire  des  abcès  du  sein  a 
été  si  souvent  tracée  qu'il  serait  lout-à-fait  inutile  dy 
insister  ici.  Dans  ce  même  tissu  cellulaire  se  dévelop- 
pent des  kystes  qui  contiennent  soit  une  simple  sé- 
rosité, soit  une  matière  gélatineuse  ,  colloïde  ou  ea- 


d'anatomie  pathologiqle.  --29 

cephaloïde  ,  soit  de  la  matière  tuberculeuse  ,  soit  des 
Lvdatides. 

Ainsi ,  en  définitive  ,  si  nous  cherchons  à  apprécier 
la  part  que  prennent,  dans  la  production  des  lésions 
organiques  de  la  mamelle  ,  les  divers  ëlémens  ana- 
tomiques  qui  entrent  dans  sa  composition ,  nous 
voyons  ,  suivant  les  cas ,  prédominer  dans  ces  lésions  , 
1°.  l'élément  cellulaire;  2\  l'élément  vasculaire  san- 
guin; 5°.  l'élément  vasculaire  lymphatique;  4°.  l'élé- 
ment glandulaire  lui-même.  Nous  ne  savons  rien  sur 
le  rôle  anatomique  joué  par  l'élément  nerveux.  Voilà, 
dans  l'état  actuel  de  la  science  ,  jusqu'où  peut  aller 
l'anatomiste;  mais  ici  encore  son  scalpel  ne  lui 
découvre  qu'une  partie  de  ce  qui  est  ;  elle  ne  lui 
révèle  que  le  moins  important;  elle  ne  lui  montre 
qu'un  effet.  Aussi  l'expression  de  cancer  des  ma- 
melles est  devenue  pour  le  simple  anatomisle  une 
expression  vague  et  de  peu  de  valeur  ;  pour  le  prati- 
cien, au  contraire,  elle  a  encore  un  grand  sens,  et 
il  ne  peut  l'abandonner  ,  car  elle  ne  lui  représente 
pas  seulement  la  lésion  locale  dont  s'occupe  l'anato- 
miste, elle  lui  rappelle  qu'avant  la  manifestation  de 
cette  lésion  il  y  avait  chez  l'individu  une  prédispo- 
sition à  la  contracter;  qu'une  fois  que  celte  lésion 
s'est  manifestée  ,  toute  la  maladie  ne  réside  pas  dans 
ie  point  même  où  elle  a  apparu;  que  la  cause  qui  l'a 
produite  en  un  point ,  tend  à  la  produire  en  mille 
autres  ;  qu'en  détruisant  la  lésion  locale  ,  ce  n'est 
véritablement  en  quelque  sorte  qu'un  symptôme  de  la 
maladie  qu'on  détruit;  mais  ce  n'est  point  la  maladie 
elle-même  qu'on  enlève  :  loin  de  là,  on  la  rend  ainsi 
quelquefois  plus  dangereuse  ,   et  plus  promplemciit 


^oo  ruEcis 


iiiîicstc.  Car  ce  li'osl  souvent  qu'après  Tablalion  d'uii> 
cancer  que  ,  latente  jusqu'alors,  la  diat/ilse  de\\en\t 
manifeste,  et  que  de  toutes  parts  des  cancers  se  pro- 
duisent sur  le  cadavre.  Au  point  où  en  est  arrivée  la 
science ,  ranatomiste  doit  souvent  hésiter  pour  ap-i 
pliquer  le  nom  de  cancer  à  telle  ou  telle  espèce  de 
production  morbide;  et  cependant,  avant  la  mort, 
il  avait  suffi  au  praticien,  pour  en  diagnostiquer  la  na-.- 
ture  ,  de  l'existence  de  cette  teinte  jaune  paille _,  si  re^ 
marquable  ,  que  Texpérience  lui  a  appris  n'exister 
que  chez  les  individus  cancéreux.  Dans  l'hypothèse 
du  cancer  considéré  comme  affection  toute  locale , 
peut-on  expliquer  cette  teinte?  De  quelle  valeur  esh 
donc  une  hypothèse  qui  ne  permet  pas  de  se  rendre 
compte  d'un  fait  aussi  important? 


CILIPITRE   V. 

MALADIES  DU  PUODUIÏ  DE  LA  CONCEPTION. 

Elles  peuvent  avoir  leur  siège  soit  dans  les  annexes 
du  fœtus ,  soit  dans  ce  fœtus  lui-même. 

La  membrane  de  l'amnios  exhale  quelquefois  une 
quantité  de  sérosité  beaucoup  plus  abondante  que  de 
coutume  ;  de  là  une  espèce  particulière  d'hydropisie 
dont  tous  les  livres  d'accouchement  contiennent  \^ 
description.  De  la  sérosité  peut  aussi  s'accumuler 
clans  le  tissu  cellulaire  très-fin  qui  unit  l'une  à  l'autre 
les  membranes  ainnioa  et  chorion  ;  du  sang  soit  li- 
quide ,  soit  coagulé,  peut  également  s'épnnchcr  entrq 


d'anatomi^  pathologique.  'jSl 

ces  deux  membranes.  M.  Deneux  a  vu  des  cas  de  ce 
genre.  Cette  même  membrane  peut  devenir  le  siège 
d'un  travail  d'irritation,  dont  un  des  résultats  est  la 
formation  d'adhérences  qui  unissent  entr'elies  les 
deux  lames  de  l'amnios,  et  peuvent  devenir  pour  le 
fœtus,  d'après  M.  Geoffroy-Saint-Hilaire,  la  cause  d'un 
certain  nombre  de  vices  de  conformation. 

On  a  constaté  dans  le  placenta  l'existence  d'un  assez 
grand  nombre  d'états  morbides.  Indépendamment  des 
adhérences  contre  nature  qu'il  contracte  quelquefois 
avec  l'utérus,  de  son  implantation  au  col ,  et  de  quel- 
ques déviations  de  sa  forme  normale,  le  placenta  a 
présenté  aux  observateurs  la  plupart  des  lésions  de 
nutrition  ou  de  sécrétion  dont  nous  avons  vu  des  exem- 
pies  dans  les  différens  organes.  Ainsi  on  le  trouve 
quelquefois  hypertrophié ,  et  ,  d'après  M.  Desor- 
meaux (i) ,  une  des  variétés  de  la  môle  charnue  des 
auteurs  n'est  autre  chose  qu'un  placenta  en  hyper- 
trophie. 

D'autres  placentas  sont,  au  contraire,  remarquables 
par  leur  extrême  petitesse  ;  ils  sont  comme  flétris, 
desséchés,  véritablement  atrophiés;  c'est  là  pour  le 
fœtus  une  cause  d'arrêt  de  développement  et  de 
mort. 

M.  Desormeaux  a  trouvé  plusieurs  fois  des  placentas 
dont  le  tissu  était  converti  en  une  substance  de  cou- 
leur blanche  jaunâtre ,  semblable  à  celle  des  ligamens 
jaunes.  Dans  cette  substance,  d'apparence  homogène, 
sans  trace  d'organisation,  on  ne  découvrait  plus  au- 
cun vaisseau,  ou  bien  les  branches  vasculaires  qu'on 

(i)  Dictionnaire  de  médecine^  par  MM.  Adcloa  .  Aiidial ,  BccIarJ  ,  clc, 
article  OEuf.  (Palliulogie.  ) 


y  rencontrait  encore   avaient  un  volume  beaucoup, 
moindre  que  de  coutume.  Cette  singulière  transfor- 
marioii  peut  être  partielle,  ou  occuper  la  presque  tota- 
lité duplacenta.  Pour  peu  qu'elle  occupe  une  grande 
étendue,  il  en  résulte  un  état  dedépérisseujent  du, 
lœtus,  puis  sa  mort  et  l'avortement. 

Quelques  auteurs  disent  avoir  trouvé  du  pus  dans 
le  placenta  ;  on  y  a  aussi  rencontré  d'autres  produits 
de  sécrétion  morbide  :  ainsi  M.  Lob^tein  a  vu  quel- 
quefois des  placentas  parsemés  d'espèces  de  cordons 
osseux  ,  qu'il  croit  n'être  autre  chose  que  des  vais- 
seaux dont  les  parois  se  sont  ossifiées.  Plusieurs  obser- 
vateurs ont  cité  des  cas  de  concrétions  calculeuses. 
trouvées  dans  le  placenta;  et  M;  Desormeaux  a  vu 
toute  la  face  utérine  du  placenta  recouverte  par  une 
couche  calcaire.  Ainsi  la  courte  durée  de  l'existence  du 
placenta  ne  le  met  pas  à  l'abri  de  la  formation  de  ce 
genre  de  produits,  qui  partout  ailleurs  ne  se  déve- 
loppe que  si  lentement. 

Au  nombre  des  productions  morbides  qui  prennent 
quelquefois  naissance  sur  la  face  ulérine  du  placenta, 
et  qui  semblent  y  occuper  la  place  d'un  fœtus  qui  ne , 
s'est  pas  développé,  il  faut  placer  un  amas  de  vésicules 
dont  nous  avons  déjà  parlé,  et  qu'on  a  désignées  sous  le 
nom d'acéphalocystesen grappes. Quelques  auteuisonL 
pensé  que  ces  vésicules  pourraient  bien  n'être  au  Ire 
chose  qu'un  produit  de  la  dilatation  des  vaisseaux 
superficiels  du   placenta;  ce  qui  semblerait  appuyer 
cette  opinion,  c'est  la  disposition  normale  elle-même 
de  ces  vaisseaux.  Voici  en  effet  la  description  qu'en, 
donne  M.  Desoinieaux  :  lin  examinant,  avec  M.  Vel- 
pcau  5  dc^  œufs  humain::  d'un  mois  à  six,  semaines^ 


d'anatomie  pathologique.  ^55 

il  dît  avoir  Tcconnu  ,  soit  à  l'œil  nu,  soit  avec  une 
loupe  dont  le  grossissement  est  du  double  ,  que  l'ex- 
trémité d'une  infinité  de  ramuscules  vasculaires  nés 
de  branches  plus  ou  moins  considérables  (ramuscules 
iatéraux^  comme  il  les  appelle),  présenle  un  renfle- 
ment subit,  arrondi  ou  ovale,  qui  offre  l'apparence 
d'une  vésicule  ;  ces  renflemens  existent  aussi  en  grand 
nombre  sur  la  continuité  de  ces  ramuscules,  de  sorte 
que  ces  rameaux  vasculaires  présentent  l'aspect  d'une 
grappe  de  groseilles  ,  ou  ,  pour  mieux  dire  ,  d'une 
des  grappes  de  vésicules  dont  l'ensemble  compose  la 
môle  hydalidique;  en  certaines  parties  la  surface  de 
ces  œufs  ressemble  complètement,  mais  en  infini- 
ment pelit,  aux  grosses  môles  hydatidiques  ;  cette 
disposition  est  si  fréquente  qu'on  serait  tenté  de  la 
regarder  comme  naturelle  à  cette  époque  du  déve- 
loppement de  l'œuf.  Ces  renflemens  paraissent  bien 
formés  par  les  vaisseaux  eux-mêmes,  ec  ne  peuvent 
être  regardés  comme  des  hydalides,  jeunes  encore, 
adhérentes  aux  vaisseaux  ou  à  des  pédoncules  qui  leur 
seraient  propres.  L'examen  de  ces  pièces  fait  natu- 
rellement naître  l'idée  que  la  môle  hydatidique  n'est 
que  le  produit  de  cette  disposition ,  soit  naturelle , 
soit  morbide ,  portée  au  plus  haut  point  de  dévelop- 
pement.  (])  » 

Les  maladies  de  l'embryon  et  du  fœtus  sont  nom- 
breuses.  Pendant  les  neuf  mois  que  le  nouvel  être 
passe  dans  le  sein  de  sa  mère,  Ton  y  a  découvert  la 
plupart  des  lésions  qui  ont  été  observées  pendant  le 

(i)  Dictionnaire  de  médecine  ,  article  cité. 


'-'^'  PRÉCIS 


Cours  fie  la  vie  extra-utérine;  de  plus  il  présente  une 
raullitude  de  vices  de  conformation  qui  ne  se  pro- 
duisent que  pendant  la  vie  intra-utérine.  Ces  vices 
de  conformation  résultent  la  plupart  d'un  défaut  ou 
d'un  excès  de  développement  des  différens  organes 
du  fœtus.  Ayant  déjà  indiqué  les  principaux,  soit  dans 
le  premier  volume  ,  soit  dans  le  second,  en  décrivant 
en  particulier  les  maladies  des  divers  appareils,  nous 
n'y  reviendrons  point  ici.  Déjà  aussi  en  divers  en- 
droits de  cet  ouvrage  nous  avons  parlé  de  plusieurs 
états  morbides  du  fœtus,  des  variétés  d'hyperémies 
que  l'on  trouve  quelquefois  dans  ses  organes,  des 
altérations  diverses  de  nutrition  ou  de  sécrétion  qu'on 
y  rencontre;  je  ne  vais  donc  en  présenter  ici  qu'un 
tableau  général. 

Le  tube  digestif  offre  souvent  chez  les  fœtus  mort- 
nés  une  injection  sanguine  plus  ou  moins  vive  ;  mais 
les  causes  qui  peuvent  produire  cette  injection  pen- 
dant le  travail  de  l'accouchement  sont  si  nombreuses , 
que  la  seule  existence  de  cette  injection  n'est  pas 
suffisante  pour  démontrer  que  dans  l'intestin  du  fœtus 
a  existé  un  travail  d'irritation.  Dans  d'autres  cas,  cet 
intestin  a  été  trouvé  notablement  ramolli ,  et  sa  sur- 
face interne ,  au  lieu  d'elre  plus  ou  moins  colorée  , 
était  d'une  pâleur  remarquable.  Chez  le  fœtus  ,  cette 
grande  pâleur  des  voies  digestives  me  semble  an- 
noncer plus  sûrement  un  état  morbide  que  leur 
coloration.  Chez  un  enfant  mort  six  jours  après  sa 
naissance,  et  venu  au  monde  maigre,  pâle  et  très- 
petit,  M.  Billard  a  trouvé  dans  le  duodénum  une 
végétation  de  la  muqueuse,  qui  certainement  s'était 


d'anato3iie  pathologique.  r.35 

dcvelopp^ée  avant  la  naissance  (i).  Chez  un  autre  en- 
fant, également  âgé  de  six  jours,  il  a  rencontré  im 
enduixiissement  squirrheux  du  tissu  cellulaire  sous- 
muqueux  de  l'intestin.  Nul  doute  que  cette  altéra- 
tion ne  se  fût  aussi  produite  avant  sa  naissance.  Chez 
des  enfans  morts  le  lendemain  ou  le  surlendemain 
de  leur  naissance  ,  le  même  observateur  a  constaté 
un  état  de  tuméfaction  ,  avec  rougeur,  des  glandes 
agminées  de  Peyer,  un  commencement  d'ulcération 
de  quelques-uns  des  follicules  isolés  de  Brunner, 
entin  de  simples  plaques  rouges  circonscrites  avec 
friabilité  de  la  muqueuse. 

L'appareil  circulatoire  présente  aussi  chez  le  fœtus 
quelques  lésionâ  dignes  de  remarque.  Un  fait  que  la 
'théorie  n'aurait  pas  prévu,  c'est  que  l'irritation  du 
péricarde,  terminée  par  la  formation  de  pseudo-mem- 
branes ou  d'un  épanchement  purulent  dans  sa  cavité, 
est  une  maladie  assez  commune  chez  le  fœtus ,  plus 
peut-être  qu'elle  ne  l'est  chez  l'adulte  (2).  Dans  un 
des  cas  observés  par  M.  Billard ,  des  adhérences  très- 
solides  unissaient  les  deux  feuillets  du  péricarde  5  et 
attestaient  l'ancienneté  de  la  maladie.  M.  Billard  (5) 
a  trouvé  chez  une  iille  de  deux  jours  une  dilatation 
considérable  des  cavités  droites  du  cœur,  avec  amin- 
cissement extrême  de  leurs  parois.  Chez  un  garçon 
de  deux  jours,  il  a  vu  un  anévrysme  du  canal  artériel, 
qui  ressemblait  à  un  gros  noyau  de  cerise  :  des  cail- 
lots fibrineux,  pareils  à  ceux  qui  existent  dans  les  sacs 
anéviysmatiques,  en  remplissaient  l'intérieur,  et  ne 

(i)  Opcr.  cit.  ,  page  3j3. 
(2)  Ibidem  ,  page  5G9. 
(5)  Ibid.  ,  page  565. 


"^)G  PRÉCIS 

y 

laissaient  au  sang  qu'un  étroit  passage.  Enfin  ce  sang 
lui-même  est  quelquefois  altéré  chez  le  fœtus  dans 
ses  propriétés  physiques.  M.  Billard  a  signalé  quelques 
cas  dans  lesquels,  chez  des  enfans  morts  peu  de  jours 
après  leur  naissance  dans  un  état  de  décoloration  gé- 
nérale avec  marasme  complet,  on  n'a  trouvé  partout , 
au  lieu  de  sang,  qu'une  matière  liquide  semblable  à 
du  chocolat  (i). 

L'appareil  respiratoire  est  un  de  ceux  où  l'on  a 
rencontré  chez  le  fœtus  les  lésions  les  plus  graves. 
Ainsi  plusieurs  observateurs  ont  cité  des  cas  de  pou- 
mons hépatisés  chez  des  fœtus  mort-nés,  ou  chez 
des  enfans  morts  peu  d'heures  après  qu'ils  étaient 
venus  au  monde  (2).  J'ai  vu  deux  cas  de  ce  genre  :  le 
poumon  droit,  dans  sa  presque  totalité  ,  offrait  une 
hépatisation  rouge  aussi  prononcée  qu'on  peut  l'ob- 
server chez  l'adulte.  J'ai  trouvé  sur  un  autre  fœtus  des 
foyers  purulens  disséminés  à  l'intérieur  d'un  des  pou- 
mons. Quant  aux  tubercules ,  j'ai  déjà  eu  occasion  de 
parler  de  leur  extrême  rareté  dans  le  poumon  du 
fœtus.  Dans  la  plèvre,  comme  dans  le  péricarde  ,  on 
a  trouvé  des  fausses  membranes  ,  des  épanchemens 
de  sérosité  ,  de  sang  ou  de  pus. 

Parmi  les  appareils  de  sécrétion ,  on  trouve  assez 
fréquemment  altérés  chez  les  fœtus  : 

1°.  Le  lissu  cellulaire  (œdème  des  nouveau-nés;  j'en 
ai  déjà  parlé.  ) 

2°.  Les  membranes  séreuses.  J'ai  signalé  tout-à-l'heurc 
la  nature  des  altérations  que  présentent  souvent  chez 
le  fœtus  le  péricarde  et  la  plèvre  ;  ces  mêmes  altéra- 

(i)  Oper.  cit.,  page  56 j, 
(jt)  Ibidem  ,  paj^e  652. 


D*ANAT0M1E    l'ATIIOLOGIQl T.  'j7)'J 

fions  se  retrouvent  aussi  frëquemment  dans  le  péri- 
toine. J'ai  vu  chez  un  enfant  mort  deux  jours  après 
sa  naissance  tout  le  paquet  intestinal  soudé  par  des 
adhérences  celluieuses  intimes  et  très -consistantes. 

3^  Le  foie,  dont  i'hyperémîe,  avec  ou  sans  épan- 
chementde  sang,  est  commune  pendant  le  cours  de 
la  vie  intra-utérine,  et  dans  lequel  on  a  quelquefois 
rencontré  des  tubercules  (Husson,  Dupuy.  ) 

4**  Les  reins,  qui,  chez  plusieurs  fœtus,  ont  été 
trouvés  transformés  en  de  vastes  poches  remplies  de 
sérosité  ou  de  matière  puriforme.  Cette  alléralion  des 
reins  est  ordinairement  liée  à  cet  â^e  à  un  état  d'ohli- 
îération  complète  ou  incomplète  des  voies  d'excrétion 
de  l'urine  (uretères,  ou  urèthre).  M.  Desormeaux  (ij 
a  rapporté ,  d'après  Hoffmann  ,  l'histoire  d'un  cas  do 
concrétion  calculeuse,  du  voluaie  d'un  gros  noyau  de 
pêche,  trouvée  dans  la  vessie  d'une  fille  morte  trois 
semaines  après  sa  naissance.  La  mère  offrait  tous  les 
symptômes  d'un  calcul  rénaL 

Je  parlerai ,  en  traitant  des  maladies  de  l'appareil 
cérébro-spinal  ,  des  états  morbides  de  cet  appa- 
reil chez  le  fœtus.  Divers  degrés  d'hyperémie  active 
ou  passive,  des  épanchemens  de  sang  dans  les  centres 
«erveux  ou  autour  d'eux,  un  ramollissement  de  la^ 
substance  de  ces  centres  accompagné  quelquefois 
d'une  remarquable  odeur  d'hydrogène  sulfuré  ,  des 
foyers  purulens  dans  l'encéphaîe,  une  accumula- 
tion plus  ou  moins  considérable  de  sérosité  dans  ses' 
ventricules,  et  de  plus  de  nombreux  vices  de  confor- 

(«)    Arlicîe  ûC//y"(  PulIiO^ogic)  du  Dict'enna'rc  de  mé.lcùnc- 

"•  'Al 


-%* 


rj8  PRÉCIS 

mation  dépendant  la  plupart  d'un  arrêt  de  développe- 
ment ,  tels  sont  les  principaux  états  morbides  (jui 
ont  été  signalés. 

Rappelons  encore  que  le  tégument  externe  du 
fœtus  est  le  siège  de  plusieurs  états  morbides ,  analo- 
gues à  ceux  qu'on  y  observe  chez  l'adulte  (variole, 
rougeole,  pemphygus,  ulcérations  dites  syphilitiques), 
et  que  dans  l'appareil  locomoteur  ont  été  vues  plus 
d'une  fois  des  luxations  et  des  fractures ,  dont  la 
cause  est  encore  inconnue. 

Quant  aux  organes  qui  n'existent  en  quelque  sorte 
que  pour  le  fœtus,  ou  qui  du  moins  ont  chez  lui  leur 
maximum  de  développement  ,  on  les  a  vus  égale- 
ment malades.  Ainsi  M.  Yéron  (  i)  a  rapporté  des  cas 
de  suppuration  du  ^thymus,  et  j'ai  trouvé  moi-même 
chez  un  fœtus  une  des  capsules  surrénales  pleine  de 
pus.  On  pourrait  croire  aussi  que  les  ganglions  lym- 
phatiques ,  en  raison  de  leur  grand  développement 
dans  l'enfance ,  doivent  être  chez  le  fœlus  plus  sou- 
vent malades  que  d'autres  parties,  qui  n'auront  que 
plus  tard  une  certaine  activité  de  nutrition  et  de  vie. 
Mais  les  ganglions  lymphatiques  n'ont  pas  chez  le 
fœtus  le  grand  développement  qu'ils  acquièrent  peu 
de  temps  après  la  naissance  ;  ce  développement  n'a 
môme  guères  lieu  qu'après  la  première  année  ,  et  il 
y  a  une  coïncidence  enire  le  défaut  de  développe- 
ment de  ces  ganglions  ,  pendant  cette  première  épo- 
que de  la  vie,  et  l'extrême  rareté  de  leurs  altérations 
à  la  même  époque.   Du   reste  ,   pour  tous  les  autres 

(i)  Wéiiioîic  lu  à  i^AcaiJéinic  royale  de  Médecine, 


D  ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  JOQ 

organes  une  semblable  coïncidence  est  loin  d'être 
constante  :  ainsi  le  poumon,  inactif  jusqu'à  la  nais- 
sanccj  est  cependant  un  des  organes  qu'on  a  trouvés 
le  plus  souvent  malades  chez  le  fœtns.  L'étude  des 
divers  états  morbides  du  fœtus  peut  aussi  nous  ap- 
prendre que  les  altérations  diverses  dont  nos  organes 
sont  susceptibles  peuvent  se  produire  spontanément 
et  sans  le  concours  appréciable  d'aucune  influence 
extérieure. 

Le  produit  de  la  conception  se  développe  quelque- 
fois en  d'autres  lieux  que  dans  la  cavité  utérine;  on 
dit  alors  qu'il  y  a  grossesse  extrà-utérine.  Dans  l'état 
actuel  de  la  science,  quatre  espèces  de  grossesse  ex- 
trà-utérine doivent  être  admises.  L'embryon  peut  en 
effet  se  développer,  i''.  dans  la  cavité  péritonéale; 
2°.  dans  l'intérieurde l'ovaire  ;  5°.  dans  la  cavité  de  la 
trompe;  4°'  dans  l'épaisseur  môme  des  parois  de  l'u- 
térus. Les  trois  premières  espèces  de  grossesse  extrà- 
utérine  sont  connues  depuis  long-temps;  de  ces  trois 
espèces,  la  grossesse  tubaire  est  plus  commune  que 
les  deux  autres.  La  quatrième  espèce  a  été  récem- 
ment établie  dans  un  mémoire  de  M.  Breschet  (i), 
où  il  a  rassemblé  les  faits  recueillis  soit  par  lui-même  , 
soit  par  d'autres  observateurs,  tels  que  Schmidt, 
Albert,  Hederich,  et  ^L  Dance  :  depuis  la  publica- 
tion de  ce  travail ,  et  l'intéressant  rapport  de  M.  Geof- 
froy St.  Hilaire  (s),  auquel  il  a  donné  lieu,  deux 
nouveaux  faits  de  ce  genre  ont  été  recueillis  ,  l'un 
par  M.  Ménièrc  (3)  ,  et  l'autre  par  ivL  Gaide  à  l'hô- 

(i)  Répertoire  d'analomic ,  tome  I. 

(2)  Ibid.^  tome  I, 

[0)  Archives  de  médecine  ,  touic  IL 

47.    ■ 


K 

r-'. 


7  40  PRFXIS 

j)ital  Sf. -Antoine  clans  le  service  do  M.  Rayrr  («  )  ; 
do  telle  sorte  qu'aujourd'hui  on  possède  neuf  faits 
bien  authentiques  qui  attestent  que  le  produit  de  la 
conception  peut  quelquefois  se  développer,  au  moins 
jusqu'à  «ne  certaine  époque,  au  sein  même  des  pa- 
rois utérines. 

Lorsque  î'enibryon  a  pris  son  développement  dans 
le  péritoine  .    il    y   est   constamment   entouré  d'un 
kyste  à  parois  plus  ou  moins  épaisses.  Lorsqu'il  oc- 
cupe l'ovaire,  cet  organe  se  trouve  transformé  en  une 
vaste  poche   qu'on   ne  reconnaît    ôtre   l'ovaire,  que 
parce  qu'elle  existe  dans  le  lieu  où  l'on  rencontre  or- 
dinairement l'ovaire,  et  que  d'ailleurs  l'on  n'en  dé- 
couvre nulle   autre  trace.  Lorsque   c'est  la    trompe 
qui  loge  le   fœtus,   elle  présente,    là  où   ce   fœtus 
existe,   une  dilatation  considérable,   au-delà  et  en- 
decà    de   laquelle   on  la   voit    se   continuer   avec   sa 
forme  et  ses  dimensions  accoutumées.  Lorsqu'on  fin 
c'est  dans   l'épaisseur  même   des  parois  de  l'ulérus 
que  la   grossesse  a  Heu  ,   on   trouve    dans  la  propre 
substance <je  cet  organe,  à  l'un  de  ses  angles,  près  do 
l'insertion  de  la  trompe,  une  poche  dont  les  parois 
sont  formées   par  le  tissu  même  de  l'utérus  plus  ou 
moins  modifié.  Des  neuf  cas  de  grossesse  de  ce  genre 
qui  ont  été  jusqu'à  présent  recueillis,  six  ont  eu  lieu 
du  côté  gauche ,  et  trois   seulement  du  côté  droit. 
La  poche  accidentelle  où  est  logé  le  fœtus  n'a  aucune 
espèce  de  communication  soit  avec  la  cavité  de  l'uté- 
rus, soit   avec    celle   de   la    trompe  correspondante. 
L'orifice  utérin  de  cette  trompe  est  oblitéré,  circons- 

(x"   Journal  hebdomadaire  f  tome  I. 


d'aNATOMIL    PATIIOLOGIOl  K.  "-/^  I 

tance  qu'il  ue  faut  pas  perdre  de  vue  dans  la  dcter- 
uiination  des  causes  qui  ont  pu  produire  cette  espèce 
de  grossesse. 

Les  embryons  qui  se  développent  soit  dans  l'épaisseur 
des  parois  utérines  ,  soit  dans  la  cari  té  de  la  trompe  , 
u'y  arrivent  jamais  à  terme  ;  peu  de  mois  après  la 
conception  ,  la  poche  qui  jusqu'alors  les  avait  con- 
tenus vient  à  se  déchirer,  ils  tombent  dans  la  cavité 
du  périloiue,  et  une  irritation  mortelle  de  celle 
membrane  en  est  le  résultat  presque  inévitable. 

Dans  les  deux  autres  espèces  de  grossesse ,  le  fœtus 
peut  arriver  jusqu'à  terme:  à  cette  époque  les  femmes 
éprouvent  tous  les  phénomènes  qui  ordinairement 
précèdent  raccoucbement ,  puis  plusieurs  cas  peu- 
vent se  présenter:  i°.  au  milieu  de  ces  phénouiènes 
la  mort  peut  survenir;  li".  ils  disparaissent,  le  fœtus. 
meurl,  et  il  peut  rester  indéfiniment,  sans  occa- 
bioner  aucun  accident^  dans  l'abdomen  de  la  mère; 
5**.  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long,  des  dé- 
bris de  ce  fœtus  sont  expulsés  par  diverses  voies  , 
tantôt  par  le  rectum,  tantôt  par  une  ouverture  listu- 
leuse  qjii  s'est  spontanément  établie  en  un  point  des 
paroib  abdominales  :  au  milieu  de  ce  travail  d'expul- 
sion ,   la    mort   peut  survenir,    mais  d'autres  fois  ce 

Iravail  est  suivi  du  retour  à  une  santé  partaite. 

Les  changemens  que  subit  le  fœtus ,  lorsqu'il  sé- 
journe long-temps  soit  dans  l'ovaire,  soit  dans  le  pé- 
ritoine ,  sont  dignes  de  remarque.  11  est  d'abord  des 
caS'OÙ  le  squelette  seul  continue  à  se  développer  ;  à 
l'ouvertuie  du  cadavre  on  ne  trouve  que  ce  squelette, 
aussi  complètement  foi  nié  qu  il  le  serait  chez  un  enfant: 
naissant:  seulement  les  os  qui  le  composent  sont  ru- 


•j42  PRÉCIS 

marquables  par  leur  petitesse,  et,  entassés  à  côté  les 
uns  des  autres  ,  ils  n'ont  plus  leurs  rapports  accoutu- 
més. Dans  d'autres  cas,   on  ne  trouve  plus  que  des 
débris  de  ce  squelette  avec  des  dents,  des  morceaux 
de  peau  ,  des  poils,  le  tout  plongé  dans  une  matière 
grasse  plus  ou   moins  abondante.  Dans  d'autres  cas 
enfin,  on  rencontre  ,  au  milieu  d'un  kyste ,  un  fœtus 
pourvu  de  toutes  ses  parties ,  et  aussi  bien  conformé 
qu'un  fœtus  à  terme.  Un  cas  de  ce  genre  bien  remar- 
quable  a   été   consigné  dans   un   journal    américain 
(mai  1828),  et  traduit  dans  le   tome  onzième    du 
Journal  des  Progrès  et  institutions  médicales.  Ce  cas 
est  relatif  à  une  femme  qui  porta  pendant  quarante 
ans  dans  l'abdomen  un  fœtus  à  terme  très-bien  con- 
formé ,    qui  au  bcut  de   ce  temps   n'avait  subi  que 
des  altérations  peu  importantes.  Cette  femme,  morte 
en  1825,  à  l'âge  de  ^S  ans,  était  devenue  enceinte 
en   1 795   de  son  septième    enfant.    L'accouchement 
n'eut  pas  lieu,  et  elle  jouit  d'une  bonne  santé  jusqu'à 
sa  mort,  qui  fut  due  à  une  dyssenterie.  A  l'ouverture 
du  cadavre,  on  Irouva  dans  l'abdomen  une  tumeur 
osseuse  qui  adhérait  aux  parois  abdominales  et  aux 
intestins,    et   qui  ne    présentait   aucune   ouverture; 
elle  était  située   au  bas  de  la   région    épigastrique. 
Cette  tumeur   était   un  kyste   à  parois  osseuses,  qui 
contenait  un  fœtus  paraissant  à  terme,  et  bien  déve- 
loppé. Il  adhérait  aux  parois  du  kyste  par  plusieurs 
points  de  son  corps,  sa  position  ressemblait  exacte- 
ment à  celle  du  fœtus  contenu  dans  l'utérus.  Il  était 
long  de  onze  pouces  et  demi ,  les  muscles  et  la  peau 
étaient  j>lus  fermes  et  plus  consislans  que  dans  l'état 
ordinaire,  la  peau  clail  mhne  en  gran le  partie  ossi^ 


d'anatomie   pathologique.  n^5 

fiées  excepté  dans  les  points  où  elle  était  recouverte 
par  ks    plis  des  bras  et  des  cuisses.  Le  cuir  chevelu 
^tait  ossifié  dans  sa  totalité;  on  distinguait  quelques 
traces  de  cheveux  et  des  débris  de  cils.  Le  cerveau 
avait  l'aspect  d'une  masse  pulpeuse,  molle,  de  cou- 
leur cendrée.  Les  organes  thoraciqueset  abdominaux 
étaient  très-bien  conservés;  on  les  eût  pris  pour  ceux 
d  un  enfant  nouveau-né.  L'intestin  contenait  du  mé- 
conium ,  noir  et  consistant  comme  de  coutume.   La 
langue  était  ferme  et  de  couleur  cendrée,  les  ongles 
étaient  complètement  développés.  On  ne  put  aper- 
cevoir aucune  trace  de  cordou  ombilical  ni  de  pla- 
centa. 

Dans  tous  les  cas  de  grossesse  extrà-utérine,  l'u- 
térus, vide  du  produit  de  la  conception,  éprouve  ce- 
pendant une  partie  des  modifications  qu'il  subirait 
s'il  avait  reçu  l'embryon.  Ainsi  son  volume  augmente, 
son  tissu  prend  une  apparence  musculaire ,  et  à  s^ 
surface  interne  se  forme  une  membrane  caduque.  J'ai 
trouvé  cette  membrane  très-développée,  etparcourue 
par  des  vaisseaux  beaucoup  plus  considérables  et  plus 
nombreux  que  dans  les  grossesses  naturelles ,  dans 
l'utérus  de  la  femme  dont  M.  Gaide  a  rapporté  l'his- 
toire. En  pareil  cas ,  on  voit  aussi  pendant  la  vie  les 
mamelles  se  tuméfier  ,  et  la  sécrétion  du  lait  s'ac- 
complir. 


7'|^|  PRÉCIS 


APPAREBL  DE  L'INNERVATION. 


Si  la  variété  des  dtisordres  fonctionnels  d'un  or- 
gane se  trouvait  en  rapport  constant  avec  la  variété 
de  ses  désordres  de  texture  ,  aucune  partie  ne  devrait 
oiTi'ir  de  plus  nombreuses  lésions  que  les  centres  ner- 
veux ou  que  les  cordons  qui  en  partent;  cependant 
il  n'en  est  point  ainsi  :  ces  lésions  ne  sont  qu'en  assez 
petit  nombre  j  bien  souvent  elles  ne  sont  nullement. 
en  rapport  avec  la  nature  ou  l'intensité  des  symptô- 
mes. Plus  d'une  fois  on  ne  rencontre  même  aucune 
espèce  de  lésion  dans  ces  centres  ou  dans  ces  cordons^ 
bien  que  pendant  la  vie  leurs  fonctions  aient  été  gra- 
vement dérangées.  II  est  cependant  très-vraisemblable 
que  ces  lésions  existent;  mais  elles  nous  échappent, 
et  comme  il  est  peu  de  désordres  fonctionnels  du 
cerveau  et  des  autres  parties  du  système  nerveux  qui 
ne  puissent  ainsi  exister  sans  lésion  appréciable,  il 
s'ensuit   que  ,   dans  les  cas  où  l'on  trouve  quelque 
lésion,  il  faut  être  très-circonspect  pour  lui  attribuer 
les  désordres  fonctionnels  ;  car  la  lésion  appréciable 
est  souvent  purement  accidentelle  ,    secondaire  ou 
consécutive;  et  c'est  une  autre  lésion  que  nos  sens, 
ne  nous  font  pas  découvrir,  qui  dans  bien  des  cas  a 
causé  le  trouble  de  la  fonction,  ^'*e  qui  fortifie  celto 


î)  ANATOAilE    PATHOLOGIQUE.  ^4^ 

jQîanîère  de  voir,  c'est  que  celle  même  lésion  à  la- 
quelle, dans  un  cas,  on  attribue  tel  symptôme,  se 
montre  absolument  identique  dans  vingt  autres  cas 
où  les  symptômes  les  plus  diffcrcns  les  uns  des  autres 
se  sont  manirestés  :  c'est  qu'on  la  retrouve  dans 
d'autres  circonstances  où  il  n'y  a  eu  même  aucun 
trouble  des  fonctions  nerveuses;  c'est  qu'enfin  ,  si 
pour  expliquer  les  symptômes  les  plus  diiTérens  ,. 
on  ne  découvre  plus  d'une  fois  qu'une  même  espèce 
de  lésions,  il  arrive  aussi  que  pour  expliquer  des 
symptômes  identiques,  on  trouve  les  lésions  les  plus 
diverses. 

Ainsi  donc  ,  dans  l'état  actuel  de  la  science  ,  ce 
n'est  qu'avec  une  grande  réserve  qu'on  peut  expliquer 
par  la  nature  des  lésions  trouvées  sur  le  cadavre,  les 
désordres  fonctionnels  que  les  centres  ou  les  cordons 
nerveux  ont  présentés  pendant  la  vie  ;  malgré  les  im- 
portans  travaux  récemment  entrepris  sur  ce  point,  iî 
y  a  encore  ici  dans  la  science  une  grande  lacune  à 
remplir. 

Si  la  diversité  des  désordres  fonctionnels  du  cer-  ^ 
veau  etde  ses  dépendances  ne  peut  toujours  s'exi)]iquer 
par  la  diversité  même  de  la  nature  des  lésions  que 
découvre  l'anatomie  ,   peut-on   toujours  s'en   rendre 
compte  parla  diversité  du  siège  de  ces  lésions? 

Oui ,  dans  quelques  cas ,  mais  non  pas  dans  tous  ;  et 
ici  encore  il  reste  à  combler  des  lacunes  nombreuses. 
L'anatomie  pathologique  n'a  encore  que  rarement 
confirmé  les  résultats  auxquels  ont  conduit,  relati- 
vement aux  fonctions  des  diverses  parties  des  centres 
nerveux,  soit  la  physiologie  expérimentale,  soit  l'a- 
îiialomie  comparée.  Souvent,  au  contraire,  elle  a  in- 


^'46  PRÉCIS 

firme  ces  lesullals.  Je  ne  pense  pas  que  dans  1  état 
actuel  de  la  science  ,  les  faits  fournis  par  Tanatomie 
pathologique  puissent  donner  autre  chose  que  de  sim- 
ples probabilités  sur  les  fonctions  des  diverses  parties 
des  centres  nerveux.  Du  reste,  qu'a  encore  fait  autre 
chose  dans  la  plupart  des  cas  la  physiologie  expéri- 
mentale (i)? 


SECTION  PREMIERE. 

MALADIES 

Djis  cëntrks  nerveux  de  la.  vie  de  relation. 


CHAPITRE  PREMIER. 

LÉSIOÎSS    DE    CIRCULATION. 


AraiCLE  PREMIER. 


DYrEREMIE. 


Etudiée   soit   dans  les  centres  nerveux  ,  soit  dans 
les  nerfs,  riiypcrémie    présente   deux    degrés,  Tun 

(i)  Ou  trouvera  dans  la  Clinique  Médicale^  2«  édilioii  (Maladies  dn 
cerveau  ) ,  plusieurs  obseivalions  qui  pourront  servir  à  montrer  jusqti'a 
jjuel  point  les  dunnées  de  l'aaaloaiie  pathologique  peuvent  éelaiier  ces 
«jue-s  lions. 


: 


d'akatomie    PATIIOLOGIQVE.  -j/j^ 

dans  lequel  le  sang  Jislcnd  les  réseaux  capillaires  , 
sans  en  être  sorti,  et  l'autre  dans  lequel  il  s'est  épanché 
dans  la  substance  nerveuse. 

§.  I.  Htpei\Émie  au  premier  degré  j  ou  sans  épancrebient 

DE    SANG. 

L'existence  de  cette  hyperémie  n'est  pas  toujours 
facile  à  bien  apprécier;  cela  vient  de  ce  que  dans  l'axe 
cérébro-spinal,  comme  dans  les  cordons  nerveux, 
rinjection  varie,  sans  qu'il  y  ait  état  morbide,  i".  sui- 
vant les  parties  que  l'on  examine  ;  2**.  dans  une  memVi 
partie  ,  suivant  diverses  circonstances ,  telles  que  l'âge, 
la  maladie  qui  a  eu  lieu,  le  genre  de  mort.  11  faut 
donc  que  nous  arrêtions  d'abord  notre  attention  sur 
ces  causes  de  variétés  d'injection  (1). 

Examinerons-nous  d'abord  sous  ce  point  de  vue 
les  deux  substances  qui  entrent  dans  la  composition 
des  centres  nerveux?  Nous  trouverons  que  chacune 
de  ces  substances ,  examinée  en  des  points  diiTérens, 
présente  dans  sa  coloration  des  nuances  assez  remar- 
quables, qui  ne  sauraient  être  regardées  comme  des 
états  pathologiques,  et  qui  dépendent  du  nombre  ou 
de  la  grandeur  des  vaisseaux  dansées  diiTérens  points. 
x\insi  ,  par  exemple,  la  substance  grise  qui  revêt  les 
hémisphères  cérébraux  se  montre  ordinairement  plus 
injectée  dans  les  anfractuosités  que  sur  les  circonvo- 
lutions. Comparée  dans  les  hémisphères  à  la    subs- 

(1)  Cazaiivieilh  ,  Recherches  analoyn'ico- pltyslolo^^lques  sur  Ccnccphalc , 
consiilcrê  chez  Cadolcsccnl ,  l'adulte  et  le  vieillard.  Cttte  cxccllenle  llièst; , 
soiilcniie  à  la  Faculté  de  Alédccine  de  Paris  ,  en  1827,  m'a  l'oiuni  la  plii- 
Pi'4it  des  fails  relatifs  aux  vanétés  de  coloraliun  de  i'cr.céj[)liale  suivant  les 
iiijes. 


^43  Î'KÉCIS 

tiuice  blanche,  la  subslauce  gri^c  paraît  en  ^éncr.il 
beaucoup  moins  vasculaire,  ou  du  moins  les  vaisseaux 
y  sont  infiniment  moins  apparens. 

Chez  radolescent  et  chez  l'adulte  ,  la  couleur  de 
la  substance  grise  des  hémisphères  a  été  comparée 
par  M.  Cazauvieilh  h  la  couleur  que  présente  une 
légère  décoction  de  café  mélangée  avec  beaucoup  de 
lait.  Des  points  rouges  qui  résultent  de  la  déchirure 
des  vaisseaux  méningo-céphaliques  en  parsèment  la 
surface  libre,  et  son  intérieur  est  traversé  par  un  cer- 
tain nombre  de  ramuscules  vasculaires.  Chez  le  vi  il- 
lard la  substance  grise  des  hémisphères  pâlit  et  de- 
vient plus  cendrée  5  puis,  dans  la  vieillesse  avancée, 
cette  substance  acquiert  une  légère  teinte  jaunâtre. 
Toutefois  il  est  des  individus  ,  encore  peu  avanc<*.s 
en  âge,  chez  lesquels  se  montre  prématurément  cette 
même  teinte  jaune.  Du  reste,  dans  la  substance  cor- 
ticale des  hémisphères  existent  trois  couches  dis- 
tinctes par  leur  couleur,  et  que  l'on  peut  facilement 
apercevoir  p:\r  une  coupe  horizontale  faite  à  une  cir- 
convolution. La  première  est  d'un  gris  blanchâtre  ^  la 
seconde,  très-mince,  semblable  à  une  bandelette  ,  est 
d'un  blanc  sale;  la  troisième  enfin,  c|ui  est  la  plus 
épaisse ,  est  d'un  gris  de  plomb  ;  c'est  dans  cette  der- 
nière couche  que  les  vaisseaux  sont  ordinairement  le 
plus  apparens.  Il  résulte  des  recherches  de  M.  Cazau- 
vieilh,que  la  couche  intermédiaire,  très-peu  vasculaire, 
n'est  pas  également  visible  dans  tous  les  cerveaux,  ni 
dans  toutes  les  circonvolutions  d'un  même  cerveau  : 
or,  qui  sait  quelle  peut  être  l'importance  du  plus  ou 
moins  grand  dévelo])pemenl  de  cette  couche  ,  soit 
dans  l'éUît  de  santé  ,  soit  dans  l'état  de  maladie?  La 


B^ANAtOMIK    PATIIOLOGlOtlî.  '^ f^C) 

couleur  de  la  substance  blanclie  des  [lémîsplières  est 
d'un  blanc  de  lait  chez  radolescent  et  chez  l'adulte. 

A  dater  de  cinquante  ans  cette  couleur  devient  de 
plus  en  plus  mate,  et  enfin  dans  la  vieillesse  la  subs- 
tance blanche  tend,  comme  la  grise ,  à  devenir  lé- 
gèrement jaunâtre. 

Cetle  substance  contient  plus  de  vaisseaux  chez 
l'enfant  que  chez  l'adulte,  et  chez  l'adulte  que  chez 
le  vieillard;  d'où  il  suit  qu'un  cerveau  de  vieillard  , 
qij'on  trouverait  injecté  comme  celui  d'un  enfant,  de- 
vrait être  considéré  comme  étant  dans  un  état  mor- 
bide. Du  reste,  il  est  quelques  points  de  la  subs- 
tance blanche  des  hémisphères,  comme  en  avant  de 
la  base  des  couches  optiques  et  en  dehors  du  nerf 
de  ce  nom ,  où  normalement  l'on  trouve  de  gros 
vaisseaux  pleiïis  de  sang,  dont  la  présence  en  d'au- 
tres points  constituerait  un  état  pathologique. 

Dans  les  couches  optiques,  l'écorce  blanche  exté- 
rieure doit  être  normalement  d'un  blanc  plus  pur  que 
ne  l'est  la  substance  blanche  des  hémisphères;  de  pe- 
tits vaisseaux,  pleins  de  sang,  rampent  quelquefois 
à  sa  surface,  sans  qu'il  y  ait  pour  cela  maladie.  La 
substance  grise  intérieure  est  pâle  et  rosée  en  quel- 
ques points,,  chez  les  adolescens  ;  plus  tard,  elle  de- 
vient d'un  gris  phis  foncé,  et  enfin  chez  le  vieillard 
elle  présente  une  légère  teinte  jaunâtre. 

Dans  les  corps  striés  ,  la  substance  grise  extérieure 
doit  être  normalement  plus  foncée  que  la  substance 
grise  intérieure  des  couches  optiques.  On  v  remarque 
de  petites  plaques  rosées,  et  quelques  points  rouges; 
des  vaisseaux  assez  considérables  la  parcourent.  La 
substance  blanche  de  ces  corps  est  moins  vasculaire 


700  PRÉCIS 


que  leur  substance  grise;  toutes  deux  prennent  danâ 
la  vieillesse  une  teinte  Jaunâtre. 

Le  corps  calleux  a  une  couleur  d'un  blanc  un  peu 
moins  pur  que  la  partie  médullaire  des  hémisphères, 
ÎI  contient  généralement  trés-peu  de  sang,  de  telle 
sorte  que,  lorsqu'en  l'incisant ,  on  en  voit  suinter  un 
certain  nombre  de  gouttelettes  sanguines,  on  n'ob- 
serve plus  un  état  tout-à-fait  normal. 

La  voûte  à  trois  piliers  est  infiniment  peu  vascu- 
laire;  aussi  doit-on  la  trouver  d'un  blanc  uniforme.  Il 
en  est  de  môme  des  tubercules  mamillaires  ,  et  de 
l'enveloppe  blanche  des  cornes  d'Ammon. 

Le  cervelet  présente   à  l'intérieur  une  teinte  d'un 
gris  rougeâtre,  qui  dépend  peut-être  de   la  position 
déclive  qu'occupe  ordinairement  le  cervelet  dans  les 
cadavres.  Je  ne  sache  pas  qu'on  ait  constaté  si  sur  les 
animaux  vivans  la  substance  corticale  du  cervelet  est 
aussi  plus  colorée  que   celle  des  hémisphères  céré- 
braux. Quant   à  la  substance  blanche   du  cervelet , 
elle  est  ordinairement  parcourue  par  moins  de  vais- 
seaux que  ne  l'est  la  substance  blanche  des  hémi- 
sphères cérébraux.  Cependant,  aux  environs  du  corps 
rhomboïdal ,  il  est  assez  ordinaire  de  trouver  de  gros 
vaisseaux  qui  laissent  échapper,  à  l'incision,  le  sang 
qui  les  distend. 

La  protubérance  annulaire  est  en  général  parsemée 
de  points  rouges  moins  nombreux  et  surtout  moins 
volumineux  que  ceux  que  l'on  trouve  dans  les  hémi- 
sphères cérébraux.  La  substance  blanche  qui  la  com- 
pose est  combinée  avec  une  autre  substance  dont  la 
couleur  est  d'un  gris  pâle  ,  d'un  gris  noir ,  ou  d  un 
gris  tirant  sur  le  jaune,  suivant  les  âges. 


d'anatomie  pathologique.  ^^l 

tes  tubercules  quadrijumeaux  offrent,  dans  l'état 
naturel,  une  teinte  d'un  blanc  moins  net  que  d'autres 
parties  du  cerveau  également  composées  à  l'extérieur 
de  substance  médullaire  ;  à  leur  intérieur  la  substance 
grise  présente  une  teinte  rougeâtre. 

11  est  très-commun  de  trouver  rouge  la  glande  pi- 
tuitaire  ,  surtout  dans  sa  partie  antérieure*  Il  m'est 
arrivé  quelquefois  d'y  rencontrer  épanchée  une  ma- 
tière semblable  à  de  la  lie  de  vin,  chez  des  individus 
qui  n'avaient  présenté  aucun  symptôme  cérébral. 
Etait-ce  un  état  pathologique? 

La  substance  blanche  de  la  moelle  épinière  est 
ordinairement  d'un  beau  blanc  laiteux ,  on  n'y  voit 
qu'un  assez  petit  nombre  de  points  rouges.  La  subs- 
tance grise  centrale  est  souvent  légèrement  rougeâtre. 

Chez  les  individus  qui  succombent  à  une  maladie 
aiguë ,  les  différentes  parties  de  l'axe  cérébro-spinal 
sont  plus  injectées  que  chez  ceux  qui  meurent  à  la 
suite  d'une  maladie  chronique.  Un  même  degré  d'in- 
jection devrait  donc  être  considéré  comme  un  état 
pathologique  dans  le  second  de  ces  cas,  et  comme 
un  état  sain  dans  le  premier.  Cette  injection, est  aussi 
beaucoup  plu5  prononcée  dans  les  cas  où  les  malades 
sont  morts  dans  un  état  d'asphyxie. 

Enfin  ,  après  la  mort ,  deux  causes  peuvent  rougir 
d'une  manière  notable  la  masse  encéphalique.  L'une 
de  ces  causes  est  l'exposition  prolongée  du  cerveau  à 
l'air,  lorsqu'on  l'a  dépouillé  de  ses  membranes  ,  ots; 
qu'on  en  a  coupé  quelques  tranches;  la  seconde  de 
ces  causes  ,  c'est  la  position  déclive  à  laquelle  le  crâne 
peut  se  trouver  soumis.  Toutes  les  fois  que  j'ai  exa- 
miné le  cerveau    sur  des  cadavres  dont  !a  tête   avait 


73  2  PRECIS 


'été  maintennc  pendante  durant  un  certain  nombre 
d'heures,  j  ai  trouvé  la  substance  médullaire  du  cer- 
veau parsemée  d'un  très-grand  nombre  de  points 
rouges.  C'est  là  l'hyperémie  par  bypostase ,  dont  il  a 
été  déjà  question  en  d'autres  endroits  de  cet  ouvrage. 

L'axe  cérébro-spinal  peut  donc  présenter  ,  comme 
toutes  les  autres  parties  du  corps,  divers  degrés  d'in- 
jection et  de  rougeur,  qui  sont  indépendantes  d'un 
état  de  maladie,  et  à  la  production  desquels  l'irrita- 
lion  ne  concourt  en  aucune  manière.  Etudions  main- 
tenant les  cas  où,  sous  l'influence  d'un  travail  d'irri- 
tation ,  la  substance  nerveuse  vient  à  s'hj^perémier. 
Il  en  résulte  pour  cette  substance  des  colorations  qui 
diffèrent  et  par  leurs  formes  et  par  leurs  nuances, 

La  plus  commune  de  ces  colorations  est  la  colora- 
tion rouge.  On  doit  en  admettre  deux  espèces  : 
i\  une  coloration  rouge  pointillée  ;  2°,  une  coloration 
rouge  uniforme. 

La  rougeur  pointillée  de  l'encéphale  est  surtout 
remarquable  dans  la  substance  médullaire  ;  on  dirait, 
en  pareil  cas,  dit  M.  Lallemand  ,  que  des  grains  de 
sable  rouge  ont  été  déposés  sur  une  surface  blanche  ; 
aussi  donne -t -il  à  cette  rougeur  pointillée  le  nom 
d'injection  sablée.  Cette  rougeur  n'est  que  l'exaspé- 
ration du  pointillé  que  présente  si  souvent ,  sans  état 
morbide,  la  substance  blanche  de  l'encéphale. 

La  rougeur  pointillée  peut  être  générale  ou  pnr- 
tielle*,  elle  se  montre  souvent  tiès-prononcée  autour 
des  épanchemens  de  sang.  Lorsqu'elle  est  très -in - 
tense ,  elle  donne  à  la  substance  nerveuse  une  teinte 
rosée,  et  on  la  voit  alors  tendre  à  passer  à  l'état  de 
col  oration  rouge  uniforme. 


d'a"natomie  pathologique.  ^53 

Cette  espèce  de  rougeur  ne  peut  être  décidément 
considérée  comme  Je  résultat,  d'une  hyperémie  active 
du  cerveau  que  lorsqu'elle  est  très-prononcée  ,  et 
encore,  dans  ce  cas  même,  faut-il  toujours  avoir 
égard  aux  circonstances  au  milieu  desquelles  la  mort 
est  survenue  ,    ainsi   que  nous  l'avons  dit  plus  haut. 

La  seconde  espèce  de  coloration  rouge  du  cerveau , 
ou  la  rougeur  uniforme,  est,  bien  plus  rarement  que 
la  précédente  ,  le  signe  anatomique  d'une  hyperémie 
active.  Cette  rougeur  n'est  jamais  générale  ;  elle  peut 
exister  dans  l'une  ou  dans  l'autre  des  deux  substances 
qui  composent  l'axe  cérébro-spinal.    Dans  la  subs- 
tance blanche  elle  ne  se  montre  que  rarement  ;  dans 
la  plupart  des  cas  où  on  l'y  a  observée  ,  c'était  au 
voisinage  d'un  épanchement  de  sang  ancien  ou  récent. 
Elle  peut  cependant  exister  dans  la  substance  blan- 
che sans  qu'il  y  ait  eu  hémorrhagie.  Cette  substance 
présente  alors  tantôt  une  couleur  rose  peu  intense , 
tantôt  une  teinte  d'un  rouge  foncé,  qui  parfois  a  pu 
être  exactement  comparée  à  la  teinte  du  bois  d'acajou. 
La  rougeur  uniforme  peut  aussi  exister  dans  la  subs- 
tance corticale  ;    elle  présente  alors  soit  une  teinte 
d'un  gris  plus  rougeâtre   que  de  coutume,   soit  une 
couleur  rouge  écarlate.  Cette  rougeur  avec  ses  divers 
degrés  a  été  vue  i®.  dans  la  substance  grise  des  cir- 
convolutions, tantôt  les  occupant  toutes,  tantôtbornée 
à  quelques-unes  ;    2°.  dans  la  substance  grise  dissé- 
^minée  en  divers  points  de  la  masse  cérébro-spinale. 

En  raison  de  ses  diverses  nuances,  la  rougeur  uni- 
forme de  la  substance  cérébrale  a  été  désignée  sous 
les  noms  de  couleur  rouge  amaranthe  ,  violette  ,  lie  de 
IL  48 


^54  riiKCîs 

vin ,  chocolat ,  teinte  d'acajou.  D'autres  fois  celle 
rougeur  devient  brune  ou  verdalre;  d'autres  fois  enfin 
on  trouve  certaines  parties  du  cerveau  ,  celles  surtout 
qui  entourent  des  foyers  apoplectiques,  teintes  en 
diverses  nuances  de  jaune.  Mais  conimeon  voit  souvent 
en  un  même  endroit  du  cerveau  cette  couleur  jaune 
se  transformer  insensiblement  en  diverses  nuances 
de  rouge,  il  faut  en  conclure  que  cette  couleur  jaune 
appartient,  comme  larouge  ,  à  une  injection  sanguine. 
Pour  que  ces  diverses  nuances  de  coloration  ayant 
lieu,  que  faut-il  d'ailleurs  autre  chose  que  de  sim- 
ples changemens  dans  la  proportion  de  la  matière 
colorante  du  sang? 

Nous  avons  déjà  vu,  dans  plusieurs  tissus,  la  teinte 
rouge  de  Tirritation  aiguë  se  transformer,  sous  l'in- 
fluence de  diverses  causes,  en  une  teinte  brune,  ou  ar- 
doisée. La  même  chose  a  lieu  quelquefois  dans  le 
cerveau.  M.  Billard,  dont  le  nom  se  rattaciie  à  tant 
d'intéressantes  recherches  sur  l'anatomie  pathologi- 
que, a  constaté  l'existence  de  cette  teinte  ardoisée 
dans  la  substance  corticale  des  hémisphères  cérébraux 
chez  deux  individus  qui  avaient  présenté  tous  les 
signes  d'une  irritation  chronique  du  cerveau.  Chez 
un  troisième  individu,  dont  il  rapporte  aussi  l'obser- 
vation ,  la  mort  eut  lieu  trois  jours  seulement  après 
une  chute  sur  la  tête.  C'était  un  enfant  de  vingt- 
deux  mois  dont  une  roue  de  voiture  écrasa  la  jambe  : 
il  éprouva  d'abord  une  fièvre  violente  avec  grande  agi- 
talion,  puis  un  coma  profond  au  milieu  duquel  il 
succomba.  Chez  cet  enfant,  outre  une  turgescence 
très-remarquable  des  hémisphères   cérébraux,    l'on 


D'A.\ATOiIIE   PArnOLOGIQlE.  ^55 

trouva  la  substance  corticale  d'une  couleur  ardoisé^ 
qui  différait  tout-à-fait  de  sa  couleur  grise  naturelle. 
Cependant,  avant  son  accident,  cet  enfant  n'avait 
jamais  présenté  le  moindre  trouble  fonctionnel  du 
côté  du  cerveau  (  i  ), 

Au  lieu  d'exister  uniformément  sur  toute  la  subs- 
tance corticale  des  hémisphères,  la  coloration  ardoi- 
sée peut  être  bornée  à  quelques  points  de  cette  subs- 
tance. MM.  Billard  et  Bérard  Jeune  ont  trouvé  au 
devant  d'une  ancienne  cicatrice  d'apoplexie  qui  avait 
son  siège  dans  le  corps  strié  ,  une  tache  ardoisée  qui , 
commençant  à  la  partie  antérieure  du  centre  ovale 
de  Yieussens,  se  rendait  à  la  superficie  du  lobe  anté- 
rieur, en  devenant  de  plus  en  plus  foncée;  en  sorte 
qu'elle  ressemblait  d'abord  à  une  couche  d'encre  de 
Chine  étendue  sur  la  substance  blanche  ,  et  finissait  , 
en  gagnant  la  substance  corticale,  par  acquérir  une 
coloration  d'un  gris  ardoisé  trés-foncé.  La  substance 
corticale  était  dans  le  point  correspondant  comme 
rongée  et  déprimée  dans  une  étendue  d'un  demi- 
pouce  à  peu-près  (2). 

L'hyperémie  des  centres  nerveux,  sans  épanche- 
ment  de  sang,  se  montre  à  tous  les  âges;  mais  elle 
est  sur-tout  fréquente  aux  deux  extrêmes  de  la  vie  , 
chez  l'enfant  naissant  et  dans  la  vieillesse.  Chez  l'en- 
fant, elle  est  le  résultat  de  la  grande  quantité  de  sang 
que  reçoit  le  cerveau  dans  les  innombrables  vaisseaux 
dont  il  est  alors  pourvu.  Dans  la  vieillesse,  le  cerveau 
reçoit  beaucoup  moins  de  sang  que  dans  l'enfance; 
mais  ce  sang  y  est  bien  souvent  envoyé  d'une  manière 

(1)  Archives  de  me JcciTie ,  tom.  IX,  pag  492' 
{2)   Ibidem- 

A8. 


'     tSS  ,  PRÉCIS 


; 


trop  violente  ou  irrégulière,  et  comme  en  saccades, 
par  le  cœur  si  souvent  hypertrophié  à  cet  âge.  Il  s'y 
distribue  péniblement  ou  inégalement  à  travers  des 
artères  dont  les  parois  altérées  ont  ordinairement 
perdu  une  partie  de  leur  élasticité;  enfin  il  n'en  re- 
vient que  difficilement  à  travers  des  veines  dont  la 
dilatation  annonce  le  défaut  de  ressort. 

Quelle  que  soit  l'époque  de  la  vie  à  laquelle  elle 
survienne,  l'hyperémie  des  centres  nerveux  peut  sur- 
venir de  trois  manières  :  i*.  elle  peul  acquérir  tout-à- 
coup  son  plus  haut  degré  d'intensité,  et  donner  lieu 
à  des  symptômes  d'apoplexie  qui  entraînent  rapide- 
ment la  mort;  2°.  elle  peut  ainsi  revenir  subitement 
à  plusieurs  reprises,  dans  les  intervalles  desquelles  la 
santé  cesse  d'être  altérée;  enfin  une  dernière  fois 
Fhyperémie  revient  plus  considérable,  et  la  mort  en 
est  le  résultat;  y.  dans  d'autres  circonstances  l'hype- 
rémie ne  parvient  que  graduellement  à  un  certain  de- 
gré d'intensité,  et  alors,  au  lieu  des  symptômes  d'une 
apoplexie,  on  observe  ceux  d'une  encéphalite  (1). 

L'hyperémie  des  centres  nerveux,  soit  avec  rougeur 
pointillée  ,  soit  avec  rougeur  uniforme ,  est  souvent  la 
seule  altération  que  présentent  ces  centres-;  souvent 
elle  produit  les  mêmes  symptômes  que  ceux  que  l'on 
rapporte  ordinairement  à  une  hémorrhagie  ou  à  un 
ramollissement.  D'autres  fois  elle  coïncide  avec  celui- 
ci  ;  d'autres  fois  enfin  elle  paraît  être  le  prélude  d'une 
hémorrhagie  ;  et  dans  le  même  lieu  où  elle  existe,  on 
trouve  à  côté  d'elle  des  épanchemens  sanguins  plus  ou 
moins  considérables.  Enfin  l'hyperémie  du  cervea-u: 

(1)  BouiUaud  ,  Traité  sur  Cencèpl<*>lUc, 


d'ANATOMIE    PATnOtOCIQ,UE.  -y 5 7 

coïncide  souvent  avec  une  augmentation  de  densité 
de  sa  substance ,  qui  en  pareil  cas  est  quelquefois  aussi 
véritablement  tuméfiée. 

Dans  la  plupart  des  cas  d'hyperémie  delencéphale, 
les  membranes  qui  l'enveloppent,  et  surtout  la  pie- 
mère,  sont  également  congestionnées.  Tantôt  une 
certaine  quantité  de  sérosité  trouble  ou  limpide  est 
épanchée  soit  dans  les  ventricules,  soit  dans  le  tissu 
cellulaire  sous-arachnoïdien  de  la  convexité  des  hé- 
misphères. Tantôt,  au  contraire,  les  différentes  sur- 
faces intérieures  ou  extérieures  de  la  masse  encépha- 
lique sont  privées  de  l'espèce  d'humidité  qu'elles  pré- 
senteat  ordinairement,  et  l'arachnoïde  en  particuher 
est  remarquable  par  sa  sécheresse. 

§  II,    HïPERéailE    AU    SECQÎîD    DEGRE,     OU     AVEC    ÉpAHCHEMBKT 

DE    SAKG« 

L'hémorrhagie  des  centres  nerveux  a  depuis  long- 
temps fixé  l'attention  des  observateurs;  il  n'est  guères 
de  point ,  dans  ces  centres ,  où  Ton  n'ait  vu  aujour- 
d'hui des  épanchemens  de  sang. 

Cette  hémorrhagie  peut  être  divisée  en  trois  espèces 
suivant  qu'elle  a  lieu  à  la  surface  extérieure  des  centres 
nerveux,  dans  les  cavités  qui  en  occupent  l'intérieur, 
ou  dans  l'épaisseur  même  de  la  substance  nerveuse. 

Les  hémorrhagies  de  la  première  espèce  peuvent 
être  divisées  en  deux  sortes  :  dans  les  unes,  une 
petite  quantité  de  sang  est  épanchée  au-dessous  de 
la  pie-mère  dans  une  ou  deux  anfractuosités,  et  on 
n'en  trouve  pas  ailleurs;  dans  les  autres,  le  sang  est 
épanché  à  la  périphérie  de  l'axe  cérébro-spinal,  où 
il  représente  uue  couche  uniforme,  plus  ou  moins 


épaisse  ,  qui  parfois  s'étend  sur  tout  un  hémisphère 
cérébral ,  ou  qui  enveloppe  la  moelje.  Ainsi ,  chez 
phisieurs  nouveau-nés,  qui  meurent  dans  un  état 
apoplectique,  on  trouve  souvent  autour  du  cer- 
veau ou  de  la  moelle  une  couche  de  sang  Uquide  ou 
coagulé  qui,  en  raison  de  son  épaisseur  variable^ 
exerce  sur  ces  centres  une  compression  plus  ou  moins 
forte.  Aux  autres  époques  de  la  vie  cette  espèce 
d'hémorrhagie  est  une  lésion  assez  rare. 

Leshémorrhagies  de  la  seconde  espèce,  ou  celles 
qui  ont  lieu  à  l'intérieur  des  ventricules ,  ne  sonl 
guèresplus  communes  que  les  précédentes.  On  trouve 
souvent,  à  la  vérité,  dans  les  cas  d'apoplexie,  du  sang 
épanché  dans  les  ventricules;  mais  cet  épanchement 
est  presque  toujours  le  résultat  de  la  déchirure  de  leurs 
parois,  d'où  est  résultée  la  communication  de  la  cavité 
ventriculaire  avec  la  cavité  accidentelle  que  le  sang  s'est 
creusée  en  s'épanchant  dans  la  substance  du  cerveau. 

C'est  effectivement  dans  la  substance  même  des 
centres  nerveux  que  l'hémorrhagie  a  lieu  le  plus 
souvent.  Sur  5^2  cas  d;'hémorrhagies  cérébrales  que 
j.'ai  trouvés  consignés  dans  les  ouvrages,  j'en  ai  compté  : 

Bans  la  partie  des  hémisphères  cérébraux  située  au 
niveau  des  corps   striés  et  des  couches  optiques,  et 

à-la-fois  dans  ces  deux  corps 202 

Dans  les  corps  striés 61 

Dans    les  couches  optiques 5S. 

Dans   la   portion   des  hémisphères  située  au- 
dessus  du  centre   ovale  de  Yieussens. 27 

Dans  les  lobes  latéraux  du  cervelet i(y 

Au-devant  des  corps  striés. 10 


D  ANATOMIK    PATHOLOGIQUE.  J^g^ 

Dans  le  uiésocëphale g 

Dans  la  moelle  épinière 8^ 

Derrière  les  couches  optiques  (lobe  post.  ).    .  -j 

Dans  le  lobe  médian  du   cervelet.   .....  5 

Dans  les  pédoncules  du  cerveau.    ......  5 

Dans  un  pédoncule  du  cervelet.    .......  i 

Dans  leséminences  olivaires i 

Dans   la  glande  pituitaire l 

Dans  les  parties  blanches  centrales.    ....  o 


îlien  n'est  plas  variable  qu.ela  grandeur  des  cavités 
que  creuse  le  sang  en  s'épanebant  dans  la  substance 
nerveuse.  Parmi  ces  cavités,  les  unes  pourraient  à 
peine  admettre  un  petit  pois;  les  autres  peuvent 
occuper  la  place  de  presque  tout  un  hémisphère. 
Lorsque  répanchement  formé  dans  Tun  des  hémi- 
sphères est  considérable  ,  il  produit  le  plus  ordinai- 
rement la  rupture  des  parois  des  ventricules  latéraux;, 
souvent  aussi  en  pareil  cas  le  septum  médian  se  trouve 
déchiré,  la  voûte  n'existe  plus  qu'en  débris,  et  à  la 
place  de  ces  parties  se  montrent  de  gros  caillots  de 
sang.  D'autres  fois  l'épanchement  se  fait  jour  à  l'exté- 
rieur du  cerveau,  et  le  sang  vient  se  répandre  dans 
la  cavité  de  l'arachnoïde. 

Le  nombre  des  épanchemens  sanguins  est  aussi 
variable  que  leur  étendue.  Tantôt  on  n'en  trouve 
qu'un  seul ,  tantôt  deux ,  tantôt  un  plus  grand  nom- 
bre. Chez  un  individu  qui  mourut  peu  de  temps 
après  avoir  fait  une  chute,  et  après  avoir  d'aillears- 


^6o  PRÉCIS 

présenté  tous  les  symptômes  de  la  commotion  céré- 
brale ,  j'ai  trouvé,  en  un  grand  nombre  de  points  de 
la  masse  encéphalique,  de  petits  épanchemens  sanguins 
tous  semblables  par  leur  forme  et  leur  grandeur  : 
chacun  d'eux  aurait  pu  à  peine  admettre  un  très-petit 
pois.  On  n'aurait  pas  découvert  ces  épanchemens 
sans  une  dissection  attentive  du  cerveau,  et  ce  cas 
eût  été  grossir  le  nombre  de  ceux  où  l'on  dit  n'avoir 
rien  découvert  dans  le  cerveau  d'individus  morts  avec 
les  signes  d'une  commotion  cérébrale. 

Lorsqu'on  trouve  plusieurs  épanchemens  de  sang 
dans  un  même  cerveau ,  il  est  rare  qu'on  les  rencontre 
tous  dans  le  même  état  :  les  uns  sont  anciens  et  n'exis- 
tent plus  qu'en  vestiges;  les  autres  sont  un  peu  plus 
nouveaux;  d'autres  enfin  sont  plus  nouveaux  encore, 
et  doivent  être  regardés  comme  la  cause  des  derniers 
accidens.  Lorsqu'on  découvre  ainsi  dans  l'encéphale 
plusieurs  épanchemens  dont  la  formation  n'a  pas  évi- 
demment la  même  date  ,  l'histoire  des  syraplômes 
apprend  que  plusieurs  attaques  d'apoplexie  ont  en 
lieu,  et  chacune  d'elles  répond  à  un  des  épanche- 
mens cérébraux. 

Certains  épanchemens  existent  fréquemment  seuls; 
tels  sont  ceux  qui  se  font  dans  les  diverses  parties  des 
hémisphères  cérébraux;  d'autres,  au  contraire,  ne 
se  montrent  le  plus  souvent  que  lorsqu'en  même 
temps  il  y  a  ailleurs  du  sang  épanché.  C'est  ainsi  que 
dans  la  plupart  des  cas  où  l'on  a  trouvé  sur  les  cada- 
vres une  hémorrhagie  du  cervelet,  on  a  trouvé  en 
même  temps  un  épanchement  sanguin  dans  les  hémi- 
sphères cérébraux. 


d'anatomie  pathologique.  761 

Il  résulte  des  recherches  faites  par  M.  Pvochoux  et 
par  d'autres,  sur  la  fréquence  relative  drshémorrhagies 
cérébrales  aux  différens  âges,  que  ces  hémorrhagies 
deviennent  surtout  communes  après  l'âge  de  cin- 
quante ans,  et  que  c'est  surtout  de  soixante  à  soixante- 
dix  ans  qu'on  les  observe  le  plus  souvent.  Cependant 
on  en  a  des  exemples  à  tous  les  autres  à^es.  M.  Bil- 
lard en  a  cité  un  cas  observé  sur  un  enfant  mort  dans 
un  état  apoplectique  ,  trois  jours  après  sa  naissance  ; 
on  trouva  ,  à  l'ouverture  du  cadavre,  un  épanchement 
sanguin  situé  dans  l'épaisseur  de  l'hémisphère  gau- 
che sur  les  parties  latérales  des  corps  striés  (1). 
M.  Serres  a  constaté  l'existence  d'une  hémorrhagie 
cérébrale  chez  un  enfant  de  trois  mois  (2).  M.  Guer- 
sent  a  aussi  vu  une  fois  celte  hémorrhacie  dans  le 
premier  âge  (5).  Le  docteur  Payen  a  rapporté  dans 
sa  thèse  l'histoire  d'une  fille  de  douze  ans  qui  pré- 
senta, dans  la  portion  cervicale  de  la  moelle  ,  un 
caillot  sanguin  du  volume  d'un  haricot  (4).  J'ai  vu 
moi-même  un  jeune  garçon  de  douze  ans  qui ,  jouis- 
sant d'une  bonne  santé,  tomba  tout-à-coup  frappé 
d'une  attaque  d'apoplexie  qui  ,  en  quelques  heures, 
l'entraîna  au  tombeau.  Je  trouvai  au  milieu  d'un  des 
hémisphères  cérébraux  un  énorme  caillot  de  sang. 

Le  sang  que  l'on  trouve  épanché  dans  les  centres 
nerveux  se  présente  avec  un  aspect  bien  différent , 
suivant  qu'on  l'examine  à  une  époque  rapprochée  ou 

(i)   Traité  des  maladies  des  en  fans  ^  P^g*  600. 

(2)  Dictionnaire  de  médecine,  par  MM.  Adelon  ,  Andial,  Béclarrl,  etc., 
article  .4popl€jcie* 

(ô)  Ibidem. 

{/()  Essai  sur  l'encéphalite,  eonsidcrée  spécialement  dans  l'emfancc ,  dans 
les  tliéscs  da  iSaG,  n'  21. 


y62  rnÉcis 

éloignée  du  nioment  où  il  est  sorti  de  ses  vaisseaux. 
Dans  les  premiers  temps  il  ressemble  à  une  gelée- 
de  groseille  mal  prise,  et  autour  de  cette  gelée  une 
partie  du  sang  se  montre  encore  entièrement  liquide. 
Un  peu  plus  tard,  douze  ou  quinze  jours,  par  exem- 
ple, après  latïaque  ,  le  caillot  est  plus  consistant  eh 
mieux  circonscrit  dans  une  cavité  ;  plus  tard  encore 
il  se  décolore ,  blanchit  ou  jaunit  ;  autour  de  lui  l'on, 
trouve  épanchée  une  certaine  quantité  d'un  fluide 
roussâtre.  La  cavité  qui  le  contient  présente  des  pa- 
rois lisses  que  tapisse  une  membrane  mince.  Autour 
de  cette  cavité  la  substance  cérébrale  offre  tantôt  un 
aspect  naturel  ;  tantôt  elle  est  modifiée  sous  le  double 
rapport  de  sa  couleur  et  de  sa  consistance.  Ainsi , 
suivant  les  cas,  sa  couleur  est  rose  ,  rouge  ,  brune  ou 
jaune  :  sa  consistance  est  souvent  diminuée  et  quel- 
quefois augmentée. 

Cependant ,  à  mesure  qu  on  ouvre  des  cadavres  à 
une  époque  de  plus  en  plus  éloignée  de  l'instant  où 
l'apoplexie  a  eu  lieu  ,  on  cesse  de  retrouver  dans  l'en- 
céphale des  caillots  sanguins  ;  mais  à  leur  place  on 
rencontre  l'un  des  états  suivans  : 

1**.  Une  cavité,  ordinairement  assez  pelile,  arron- 
die ouoblongue,  souvent  anfractueuse,  tapissée  par 
une  membrane  jaunâtre  qui  ressemble  à  une  séreuse 
et  remplie  par  un  liquide  séreux  ou  par  une  matière 
comme  gélatiniforme. 

2".  Cette  même  cavité  des  parois  de  laquelle  on 
voit  se  délacher  un  certain  nombre  de  lilamens  ,  qui 
tantôt  marchent  parallèles  les  uns  aux  autres,  et  tantôt 
s'entrecroisent  en  sens  divers,  de  manière  à  consti- 
tuer au  sein  do  la  cavité   un  \érilab!e   réseau,  qui 


1>*ANAT0M1E    PATHOLOGIQIE.  765 

ressemble  assez  bien  à  du  tissu  cellulaire  infiltré  de 

sérosité. 

5°.  Peu-à-peu  celte  cavité  s  efface  ,  et  suivant  Je 
mode  de  rapprocbement  de  ses  parois,  il  en  résulte 
soit  une  simple  cicatrice  linéaire,  soit  une  cicatrice 
avec  froncement  et  dépression  de  la  substance  céré- 
brale. Dans  certains  cas,  vraisemblablement  lorsque 
la  cicatrice  est  encore  récente,  on  peut  facilement, 
avec  le  manche  d'un  scalpel ,  en  écarter  les  bords  et 
refaire  la  cavité;  on  trouve  alors  dans  les  parois  de 
cette  cavité  vme  couleur  jaune  fauve,  qui  ne  s'étend 
pas  dans  la  substance  nerveuse  environnante.  Dans 
d'autres  cas  les  bords  de  la  cicatrice  ne  peuvent  plus 
être  ainsi  écartés;  elle  est  très -solide,  et  sa  consis- 
tance est  souvent  comme  fibreuse. 

* 

On  ne  peut  établir  aucune  donnée  fixe  sur  le  temps 
que  met  une  cavité  apoplectique  à  se  cicatriser.  On  a 
dit  que  cette  cicatrisation  était  beaucoup  plus  lente 
à  s'opérer  dans  les  cas  où  l'épanchement  de  sang  s'é- 
tait fait  transversalement  aux  fibres  cérébrales,  que 
dans  le  cas  où  il  s'opérait  parallèlement  à  ces  fibres. 

Je  viens  de  décrire  le  mode  de  terminaison  le  plus 
commun  des  hémorrhagies  cérébrales,  lorsque  les 
malades  guérissent.  Bien  décrite  dans  ces  derniers 
temps  par  MM.  Riobé  ,  Rocheux  et  autres  ,  la  cica- 
trisation des  cavités  apoplectiques  avait  été  déjà  vue 
,  par  d'anciens  auteurs,  et  Wepfer,  en  particulier,  en 
décrivant  les  lésions  trouvées  dans  le  cerveau  d'un  in- 
dividu mort  un  certain  temps  après  avoir  eu  une  atta- 
que d'apoplexie ,  s'exprime  en  ces  termes:  conn'ivebat 
çavcrnida  et  jam  inter  se  coaicsccbant  parletcs. 

Au  lieu  de  se  résorber,  le  caillot  sanguin  épanché 


764  PllÉCÏS 

au  sein  des  centres  nerveux  peut  se  solidifier  ,  s'orga- 
niser ,  et  devenir  une  sorte  de  tissu  accidentel  auquel 
les  artères  encéphaliques  apportent  la  nutrition  et 
la  vie.  Je  fonde  du  moins  cette  assertion  sur  le  cas 
suivant  :  Un  individu  est  frappé  d'une  attaque  d'apo- 
plexie ;  il  reste  pendant  plusieurs  années  hémiplé- 
gique ,  et  succombe  aune  autre  maladie  dans  les  salles 
de  la  Charité  :  on  l'ouvre  et  on  trouve  ,  dans  un  des 
hémisphères  cérébraux,  une  masse  d'un  rouge  pâle, 
d'apparence  fibrineuse  ,  parcourue  par  de  petits  vais- 
seaux qui  s'anastomosaient  avec  les  vaisseaux  du  cer- 
veau ;  autour  d'elle  la  substance  nerveuse  avait  son 
aspect  normal.  Cette  masse  n'était  point  enkystée. 
Est-ce  dans  ce  cas  le  caillot,  produit  de  l'ancienne 
apoplexie,  qui  s'est  organisé?  plus  tard,  n'aurait-il 
pas  pu  devenir  une  masse  dite  squirrheuse,  encépha- 
loïde,  etc. 

L'ouverture  des  cadavres  des  individus  qui  suc- 
combent à  une  hémorrhagie  cérébrale  montre,  en 
même  temps  que  cette  hémorrhagie,  diverses  lésions, 
soit  dans  la  pulpe  nerveuse  elle-même,  soit  hors  de 
cette  pulpe. 

Il  y  a  long-temps  que  les  analomistes  avaient  re- 
marqué qu'autour  des  épanchemens  apoplectiques  la 
pulpe  nerveuse  est  bien  souvent  ramollie  ;  on  attri- 
buait généralement  ce  phénomène  à  l'épanchement 
de  sang  lui-même;  on  le  regardait  comme  simplement 
consécutif  :  mais  les  travaux  de  M.  Lallemand  ont 
aujourd'hui  démontré  que  le  ramollissement  de  la 
pulpe  nerveuse  ,  loin  de  suivre  toujours  l'épanche- 
ment de  sang,  le  précède  souvent,  et  en  est  une  des 
causes.  On  peut  suivre  dans  une  portion  ramollie  de 


-^'anatomie  PATiioroGiQui.  765 

la  substance  encéphalique  tous  les  degrés  par  lesquefs 
passe  une  simple  injection    sanguine  pour  se  trans- 
former en  un  épanchement  sanguin  plus  ou  moins 
considérable  ;  on  voit  dans  celte  portion  cet  épanche- 
ment commencer  sous  forme  de  petites  plaques  rou- 
ges qui  tendent  à  s'agrandir,  à  se  réunir,  à  se  multi- 
plier. Ainsi  donc  un  certain  nombre  d'hémorrhagies 
cérébrales  sont  précédées  par  un  ramollissement  de 
la  pulpe  nerveuse  ;  mais  ce  ramollissement  ne  les  pré- 
cède pas  nécessairement  toutes;  car  on  ne  le  retrouve 
pas  dans  tous  les  cas.  D'autres  fois  la  nature  des  symp- 
tômes paraît  indiquer  que  le  ramollissement  qui  en- 
toure un  épanchement  sanguin  ne  s'est  formé  qu'un 
certain  temps  après  celui-ci.  Mais  dans  ce  cas  même 
il  n'est  pas,  comme  on  l'a  dit,  le  résultat  tout  méca- 
nique de  la  macération  de  la  substance  nerveuse  par 
le  sang;  cette  macération  n'a  guère  lieu  que  lorsque 
l'épanchement,   très  -  considérable ,    brise   et  réduit 
en  bouillie  les  parties  de  la  substance  encéphalique 
où  il  s'accomplit.   Hors  ce  cas,   les  ramollissemens 
secondaires  qui  entourent  un  épanchement  sanguin, 
doivent  être  considérés  comme  le  produit  d'un  tra- 
vail d'irritation  ,  semblable  à  celui  qui  a  lieu  autour 
de  tout  corps  étranger.  A  mesure  que  l'épanchemenfe 
se  résorbe  ,  et  que  la  cavité  qui  le  contenait  tend  à 
se    cicatriser ,    la  substance    nerveuse   environnante 
cesse  d'être  injectée  et  reprend  sa  consistance  :  quel- 
•  quefois  même  elle  acquiert  une  dureté  insolite. 

Ainsi,  en  résumé,  le  ramollissement  qu'on  trouve 
souvent  autour  des  épanchemens  sanguins  de  l'encé- 
phale peut  se  produire  ,  1°.  avant  l'hémorrhagie  ;  2*. 
après  l'hémorrhagie,  et  dans  ce  second  cas  résulter 


DU  d'une  action  mécanique  exercée  par  le  sang  surU 
substance  nerveuse,  ou  d'une  irritation  de  cette  subs- 
tance. 

Hors  de  la  pulpe  nerveuse  existent  aussi  des  lé- 
sions qui  ont  un  rapport  plus  ou  moins  direct  avec 
i'hémorrhagie.  Quel  est  l'état  des  vaisseaux  qui  por- 
tent le  sang  dans  la  substance  encéphalique  ou  rachi- 
dienne  ?  Dans  un  grand  nombre  de  cas  on  n'y  dé- 
couvre aucune  trace  d'altération  ,  et  l'on  est  réduit  à 
admettre  que  I'hémorrhagie  a  été  le  résultat  ou  d'une 
simple  exhalation  sanguine ,  ou  de  la  rupture  des  vais- 
seaux capillaires.  Souvent,  bien  qu'on  ne  découvre 
pas  plus  que  dans  le  cas  précédent  le  vaisseau  qui, 
par  sa  déchirure  ,  a  produit  I'hémorrhagie  ,  on  trouve 
cependant  tout  le  système  circulatoire  de  l'encéphale 
dans  un  état  qui  n'est  plus  son  état  normal  :  la  plu- 
part des  artères  grandes,  moyennes  et  petites,  sont 
transformées  en  canaux  osseux,  dont  ies  parois  ,  en- 
croûtées de  phosphate  calcaire  ,  ont  perdu  toute  élas- 
ticité et  se  laissent  rompre  avec  la  plus  grande  facilité 
dès  qu'on  exerce  sur  elles  une  traction  légère  ,  ou 
qu'on  les  distend  faiblement.  Un  pareil  état  des  artères 
cérébrales  est  très -commun  chez  les  vieillards;  et 
c'est  aussi  à  cet  âge  que  les  hémorrhagies  cérébrales 
sont  les  plus  fréquentes. 

Enfin ,  dans  le  plus  petit  nombre  des  cas  ,  l'on  a  dé- 
couvert ,  sur  les  parois  de  la  cavité  creusée  par  le  sang 
épanché,  le  vaisseau  plus  ou  moins  considérable  qui 
avait  fourni  le  sang.  Tantôt  ce  vaisseau  rampait  à  la 
surface  même  de  ces  parois  ;  tantôt  il  était  situé  assez 
loin  de  la  cavité  :  c'est  ce  qui  a  été  vu  dans  le  cas  sui- 
vant :  à  un  point  des  parois  d'un  foyer  apoplectique, 


"d'anatomie  pathologique.  763; 

situe  clans  une  couche  optique,  adhérail  par  une  de 
SCS  exlrémités  le  caillot  qui  le  renq:>lissait.  En  incisant 
avec  précaution  la  substance  cérébrale,  on  suivit  ce 
caillot,  de  la  grosseur  d'une  plume  de  corbeau,  jus- 
qu'à la  base  du  cerveau  ,  où  il  adhérait  à  l'une  des 
divisions  de  l'artère  choroïdienne  :  c'était  cette  arté- 
riole  dont  la  rupture  avait  donné  lieu  à  riiémorrhagie, 
dont  la  trace  principale  se  trouvait  loin  d'elle  (1). 

Quant  aux  épanchemens  de  sang  qui  ont  lieu  à  la 
surface  extérieure  des  centres  nerveux,  les  uns  pro- 
viennent aussi  des  capillaires  ,  dont  on  ne  peut  saisir 
la  lésion  ;  d'autres  sont  dus  à  la  rupture  de  quelques- 
uns  des  vaisseaux  considérables  qui  rampent  à  l'ex- 
térieur de  l'encéphale  ou  de  la  moelle.  Ainsi,  M.  Ser- 
res (2)  a  vu  une  attaque  d'apoplexie  résulter  de  la 
perforation  de  l'artère  basilaire  qui ,  non  loin  de  sa 
bifurcation  supérieure,  présentait  une  poche  anévrys- 
malique  capable  de  contenir  un  œuf  de  poule.  Le 
sang  sorti  de  cetle  artère  s'était  introduit  dans  les 
ventricules.  Dans  un  autre  cas,  cité  par  le  même  au- 
teur, et  où  la  mort  suivit  également  de  près  une  attaque 
d'apoplexie,  l'épanchement  du  sang  avait  sa  source 
dans  une  perforation  de  l'artère  communicante  anté- 
rieure du  cerveau. 

On  a  dit  que  l'hypertrophie  du  cœur  était  une  des 
lésions  qu'on  rencontrait  assez  ordinairement  chez  les 
apoplectiques,  et  on  l'a  regardée  comme  une  des 
causes  de  l'hémorrhagie  cérébrale.  J'ai  constaté  pour 
ma  part  cette  coïncidence  un  assez   grand  nombre  de 

(1)  Michclct ,  Lss  l  sur  les  rotigcitrs  de  la  substance  c.rc'yralc  ( Thèses  de 
1827,  ""  ^9*) 

(2)  Archùes  ({(  wé'lccinc ,  lonitX,pag  4 '9- 


•^65  PRECIS 


fois  pour  que  je  croie  pouvoir  en  conclure  que  l'hy- 
pertrophie du  cœur  peut  contribuer  à  la  production 
des  épancheuiens  sanguins  du  cerveau.   Au  nombre 
des  signes  de  l'hypertrophie  du  cœur,  tous  les  au- 
teurs ne  placent-ils  pas  les  accidens  qui  accompagnent 
les  congestions  cérébrales  ,   telles  qu'injection  de  la 
face,  ëtourdissement  ,etc.  ?  Cependant  il  résulte  des 
recherches  de  M.  Rostan  qu'il  s'en  faut  que  toutes 
les  femmes  apoplectiques  qui  succombent  à  la  Sal- 
pêtrière  aient  une  affection  du  cœur,  et  sur  qua- 
rante-deux apoplectiques  dont  les  cadavres  ont  été 
ouverts  par  M.  Ptochoux  ,  trois  seulement  lui  ont  pré- 
senté un  état  anévrysmatique  du  cœur.  Je  crois  que 
le  résultat  auquel  est  arrivé  M.  Rochoux  à  cet  égard 
ne  doit  pas  être  adopté  sans  examen.  A  l'époque  où  il 
a  fait  ses  recherches ,   on  n'appelait  anévrysme  du 
cœur  que  les  lésions  de  cet  organe  dans  lesquelles 
son  volume  était  augmenté.  Or  ce  n'est  pas  là  la  lé- 
sion du   cœur  qui  se  montre  le  plus  fréquemment 
chez  les  apoplectiques,  mais  bien  cette  espèce  d'hy- 
pertrophie dans  laquelle,  sans  augmentation  du  vo- 
lume de  l'organe  ,  ses  parois  ont  subi  un  accroisse- 
ment d'épaisseur  aux  dépens  de  sa  cavité;  et  à  moins 
que  M.  Rochoux  ne   nous  dise  que  ,  dans  l'expres- 
sion d'état  anévrysmatique  du  cœur,  il  a  compris  cette 
espèce  d'hypertrophie  ,   ses  recherches  à  cet  égard 
perdront  une  giande  partie  de  leur  valeur. 


-» 


D  ANATOMIE    PATUOLOGTQUE.  ni^g 

ARTICLE    II. 


ANEMIE. 


L  état  anémique  des  centres  nerveux  a  peu  fixé  jus- 
qu'à présent  l'attention  des  observateurs.  M.  Billard 
a  parlé  de  quelques  cas  dans  lesquels  il  a  trouvé 
complètement  décolorée  la  substance  corticale  des 
hémisphères  cérébraux.  Elle  était  tellement  blanche 
et  pâle  ,  que  la  surface  du  cerveau  avait  quelque  res- 
semblance avec  de  la  cire  modelée;  du  reste,  il  ne 
signale  point  les  symptômes  qui  pourraient  se  ratta- 
cher à  cet  état  (i). 

L'anémie  des  centres  nerveux  se  produit  sous  l'in- 
fluence des  mêmes  causes  que  celles  que  nous  avons 
assignées  en  général  à  toute  anémie  (tom.  I  ).  Elle 
peut  être  bornée  au  cerveau ,  ou  coïncider  avec  un 
état  d'anémie  de  tout  le  corps.  Elle  s'observe  soit 
dans  les  maladies  chroniques  ,  soit  dans  certaines  ma- 
ladies aiguës  ,  où  les  symptômes  semblaient  annoncer 
un  état  d'irritation  du  cerveau,  et  où  l'on  n'est  pas 
peu  étonné  de  trouver,  au  contraire,  cet  organe  d'une 
pâleur  remarquable.  Nous  avons  déjà  eu  occasion  de 
nous  arrêter  sur  ces  faits ,  que  nous  nous  bornerons 
ici  à  rappeler.  Toutefois,  au  moment  où  j'écris  ces 
lignes,  je  lis  dans  un  Journal  de  médecine  un  fait  qui 
confirme  trop  pleinement  d'aiitres  faits  que  j'ai  cités 
ailleurs,  pour  que  je  ne  le  rapporte  pas  ici.  Ce  fait  me 
paraît  très-bien  faire  ressortir  jusqu'à  quel  point,  en 

(i)  yircltives  (le  médecine  ^  loin.  IX,  pag.  495. 

II.  49 


*j^Q  vnixis 


privant  le  cerveau  de  ses  excitans  accoulumés,  on 
peut  produire  précisément  les  mêmes  effets  que  ceux 
auxquels  on  donnerait  lieu  en  augmentant  la  quantité 
de  ces  excitans. 

Un  homme  très-adonné  à  l'ivrognerie,  fut  jeté  en 
prison  pour  cause  de  vol,  et  réduit  tout-à-coup  au  ré- 
gime du  pain  et  de  l'eau.  Dès  les  premières  semaines 
de  ce  nouveau  genre  de  vie,  on  observe  du  trouble 
dans  les  facultés  intellectuelles  du  prisonnier;  son 
embonpoint  et  ses  forces  déclinent,  sa  figure  pâlit  et 
exprime  l'abattement:  il  passe  les  nuits  dans  l'insom- 
nie ;  plus  tard,  il  survient  un  délire,  qui,  d'abord 
tranquille,  devient  ensuite  déplus  en  plus  furieux; 
il  croit  voir  des  figures  horribles  qui  le  jettent  dans 
des  angoisses  continuelles:  il  pousse  des  cris  perçans. 
Le  docteur  Hausbrandt ,  appelé  à  examiner  le  ma- 
lade, apprend  quelles  étaient  ses  habitudes  avant 
son  entrée  en  prison  ,  et  soupçonne  que  l'entière  abs- 
tinence des  liqueurs  alcooliques  est  la  cause  de  son  dé- 
périssement et  de  sa  manie.  En  conséquence  ,  il  pres- 
crit l'administration  deux  fois  par  jour  d'une  petite 
quantité  d'eau-de-vie  :  les  accidens  cérébraux  ne  tar- 
dent pas  h  se  dissiper,  l'embonpoint  et  les  forces  re- 
viennent ensuite  peu -à- peu,  le  malade  recouvre  en- 
fin sa  première  santé  ,  et  la  conserve  pendant  tout  le 
temps  de  sa  détention  (i). 

(i)  Journal  des  progrès ,  etc.  ,  tom.  I ,  pa».  268. 


d'aNATOMIE    I^ATIÎOLOGTQUE.  ^^\ 


CHAPITRE   II. 

LÉSIONS  DE  NUTRITION. 


La  nutrition  des  centres  nerveux  n*est  pas  la  même 
sur  tous  les  individus  ,  elle  varie  surtout  d'une  ma- 
nière notable  suivant  les  âges;  de  là  résultent  dans 
la  forme ,  dans  le  volume  et  dans  la  consistance  de  ces 
centres,  des  modifications  qu'il  importe  de  connaître, 
afin  de  ne  pas  les  rapporter  à  un  état  morbide. 

Les  hémisphères  cérébraux  sont  loin  d'être  tou- 
jours symétriques  :  il  n'est  péis  très-rare  de  trouver 
différentes  par  leur  volume  ou  parleur  forme  les  cir- 
convolutions correspondantes  des  deux  hémisphères 
cérébraux.  Il  ne  résulte  de  cette  diÛerence  aucun  dé- 
sordre fonctionnel  appréciable. 

Tout  le  monde  sait  que  le  volume  du  cerveau  varie 
beaucoup  suivan  t  les  individus.  Considéré  aux  différcns 
âges,  le  cerveau  présente  une  augmentation  dans  son 
volume  depuis  la  naissance  jusqu'à  l'adolescence; 
depuis  cette  époque  jusqu'à  la  vieillesse  ce  volume 
reste  stationnaire  ;  enfin,  dans  la  vieillesse,  le  cer- 
veau perd  de  ses  dimensions  :  ce  dernier  cas  est  le 
plus  général  ;  mais  il  n'est  pas  constant.  Comparé  chez 
un  adulte  et  chez  un  vieillard,  le  cerveau  présente 
clans  ses  diamètres,  mesurés  au  niveau  du  centre 
ovale,  la  moyenne  proportionnelle  suivante  (i)  : 


ADULTE.  VlEILLAUn. 


Diamètre  lotigitudinal.   ...       G  pouces  4  lignes*       6  pouces  une  ligne. 
Diamètre  transversal. .  ,  .  .        5  pouces.  4  pouces  lo  lignes* 


(i)  Cazauvieil!) ,  Oper.  cit. 


49' 


772  PRECIS 

En  pesant  avec  la  balance  hydrostatique  des  cerveaux 
d'adultes  et  de  vieillards  ,  M.  Desmoùlins  a  trouvé 
que  chez  les  individus  âgés  de  plus  de  soixante-dix  ans^ 
la  pesanteurspécifique  du  cerveau  était  d'un  vingtième 
à  un  quinzième  moindre  que  dans  les  adultes  (i). 

La  moelle  épinière  diminue  aussi  de  volume  chez 
le  vieillard  ;  elle  est  chez  lui  plus  courte  et  plus  mince, 
et  les  racines  des  nerfs  qui  en  émanent  sont  aussi  moins 
grosses  (2). 

Les  circonvolutions  des  hémisphères  cérébraux 
sont  à  peine  prononcées  au  moment  de  la  naissance; 
elles  ne  se  développent  guère  que  vers  la  fin  de  la 
première  année  :  dans  la  vieillesse,  elles  deviennent 
de  nouveau  moins  marquées  dans  le  double  sens  de 
leur  épaisseur  et  de  leur  longueur.  La  moyenne  de 
leur  épaisseur  étant,  chez  l'adulte,  de  trois  à  cinq 
lignes,  n'est  plus  que  de  deux  à  trois  lignes  chez  le 
vieillard.  Du  reste  ,  rien  de  plus  variable  chez  les  dif- 
férens  hommes  que  le  nombre,  la  longueur  et  l'é- 
paisseur des  circonvolutions  ;  rien  de  plus  variable 
non  plus  que  la  largeur  et  la  profondeur  des  anfrac- 
tuosités.  Il  s'en  faut  d'ailleurs  que  les  cerveaux  les  plus 
volumineux  soient  toujours  ceux  dont  \cs  circonvolu- 
tions sont  les  plus  prononcées  (5). 

Quelques  autres  parties  de  l'encéphale  présentent 
encore,  suivant  Ijs  âges,  des  différences  de  volume  que 
le  médecin  doit  connaître.  Qui  peut  dire,  en  effet, 
si  le  volum.e  d'une  de  ces  parties  conservé  chez  le 

(i)  Anatomle  des  systèmes  nerveux  des  animaux  à  vertèbres,  par  Dcs- 
»ioulius  ,  toin.  II ,  pag.  620. 

(2)  OUivler,  Traité  de  la  moelle  cpinièTe  ,  lom,  II ,  pag.  720. 
Ç>)  Cazauvicilh,  O/jjr.  cif. 


i>'anatomie  pathologique.  7^3 

vieillard  tel  qu'il  était  chez  Taduite  ,  ou  diminué  pré- 
maturément chez  ce  dernier,  ne  cause  pas  plus  d'un 
désordre  fonctionnel  ou  n'y  dispose  pas?  Cette  même 
remarque  se  présente  à  chaque  pas  que  l'on  fait  dans 
l'étude  du  cerveau  ,  dans  le  but  d'y  chercher  les  causes 
des  maladies.  Comment  affirmer  que  les  désordres 
fonctionnels  du  cerveau  existent  sans  lésion  apprécia- 
ble de  l'organe,  parce  que  l'ouverture  du  cadavre 
n'en  démontre  aucune,  lorsque  ,  malgré  tant  de  tra- 
vaux, nous  connaissons  encore  si  peu  la  disposition 
normale  de  ces  différentes  parties,  et  les  variétés  de 
cette  disposition  ? 

La  mxDyeniîe  proportionnelle  de  la  longueur  est  la 
suivante  (i): 

Al)OLESCEJ!S.  ADULTES.  VIEILLARDS- 

Couches  optùiaes  : 

I  pouce  5  lignes  et  demie,     i  pouce  6  lignes,     i  pouce  4  ligues  el  demie. 

Corps  striés  : 

a  pouces  6  lignes*  2  pouces  6  lignes.      2  pouceà  4  lignes  et  demie. 

Corps  calleux  : 

5 pouccs4  lignes  et  demie.     3  pouces  5  lignes.     2  pouces  7  lignes, 

Mésocéphate  : 

Longueur,  ao  lignes.  11  lignes.  ip  lignes  et  demie. 

Largeur,  I  pouce.  i3  ligues.  i  pouce. 

Cervelet, 
Longueur  ,  2  pouces  2  iig.     2  pouces  3  lignes.     2  pouces  3  ligues. 
Largeur,   3  pouces  9  Iig.       3  pouces  clignes.     3  pouces  9  lignes. 

Ainsi,  de  ces  différentes  parties  de  l'encéphale   iK 
n'y  a  que  le  cervelet  dont  le  diamètre  reste  le  même 
dans  la  vieillesse  qu'aux  autres  époques  de  la  vie, 

(4)  Cuiauvieiili,  Opcr.  cii. 


774  ^  PRÉCIS 

Lo  volume  des  centres  nerveux  diminue-t-il  dans  le 
cours  des  maladies  chroniques,  cooame  diminue  alors 
le  volume  du  système  musculaire?  Il  résulte  des  re- 
cherches faites  à  cet  égard  par  M.  Desmoulins ,  que 
le  cerveau  que  les  progrès  de  1  âge  atrophient ,  ne 
perd  au  contraire  rien  de  son  étendue  dans  ces  mala- 
dies ,  et  quel  que  soit  le  marasme  auquel  soient  ar- 
rivés les  individus.  Dans  tous  les  cas,,  il  a  reconnu 
dans  le  cerveau  la  môme  pesanteur  spécifique.  Ainsi , 
dans  les  maladies  chroniques  accompagnées  d'uu 
amaigrissement  considérable  ,  il  arrive  une  époque  où 
la  masse  du  système  nerveux  qui  reste  la  même  que 
dans  l'état  de  santé  ,  n'est  plus  en  rapport  avec  la 
masse  des  autres  systèmes  qui  a  diminué.  De  là  peut- 
être  la  cause  de  cet  état  de  sur-excitation  nerveuse 
qui  est  si  commune  à  une  certaine  période  des  mala- 
dies chroniques. 

Étant  connues  les  variétés  de  nutrition  que  présen- 
teront  les  centres  nerveux,  sans  que  pour  cela  ils  puis- 
sent  être  considérés  comme  malades  ,  étudions  les. 
lésions  qu'elle  peut  subir. 


ARTICLE    PREMIER. 

HYPERTROPHIE    DES    CENTURS    NERVEUX.. 

L'hypertrophie  réelle  de  ces  centres  doit  être  dis- 
tinguée de  l'augmentation  de  volume  que  produit  en 
eux  toute  hvp"réiîiie  un  peu  considérable.  Dans  l'iiy^ 


d'axatomie  r.\TiioLot;iQi;E.  j'^b 

portroplïie  ,  ce  n'est  pas  plus  de  sang  que  de  coiUiime 
qui  force  ies  molécules  nerveuses  à  occuper  un  plus 
grand  espace,  ce  sont  les  molécules  elles-mêmes,  dont 
le  nombre  s'est  accru. 

L'hypertrophie  du  cerveau  paraît  avoir  être  vue  par 
Morgagni  ;  il  parle  de  cas  dans  lesquels  le  cer- 
veau lui  a  semblé  trop  volumineux  relativement  à  la 
capacité  de  son  enveloppe  osseuse,  qui  avait  une 
grandeur  ordinaire.  Laënnec  a  également  signalé  cet 
état:  en  ouvrant  des  cadavres  d'individus  qu'il  avait  re- 
gardés comme  atteints  d'hydrocéphale  interne,  il  rap- 
porte n'avoir  trouvé  qu'une  très-petite  quantité  d'eau 
dans  les  ventricules,  tandis  que  les  circonvolutions 
du  cerveau  ,  fortement  aplaties ,  annonçaient  que 
ce  viscère  avait  subi  une  compression  qui  ne  pouvait 
être  attribuée  qu'à  un  volume  trop  grand ,  et  par 
conséquent  a  une  nutrition  trop  active  de  la  masse 
cérébrale  (i).  Chez  plusieurs  enfans  épileptiques  , 
chez  d'autres  qui  avaient  eu  des  convulsions  au  mi- 
lieu desquelles  ils  avaient  fmi  par  succomber,  on  n'a 
quelquefois  trouvé  autre  chose  que  cette  même  dis- 
proportion de  volume  entre  le  crâne  et  le  cerveau, 
disproportion  qu'annonçait  l'aplatissement  des  cir- 
convolutions, qui  étaient  en  môme  temps  pressées, 
et  comrne  entassées  les  unes  à  côté  des  autres.  ^ 

L'hypertrophie  du  cerveau  présente  les  caractères 
anatomiques  suivans  (2)  :  les  circonvolutions  sont 
rapprochées  et  aplaties;  on  ne  voit  plus  aucun  inter- 
valle entr'elles  ;    il  semble  que  les  méninges,   immé- 

(1)  Journal  de  Corvisart ,  etc.  ,  toni.  II,  pag.  6G9, 

(a)  Dance,  Observations  pour  servir  à  l'hisioire  de  l'IiypertropMc  du  cer- 
veau, dans  h  Répcr loi rc  d'analomic,  tiV.  ,lom.  V. 


nnQ  PKÉCIS 

diatemcnl  appliquées  sur  le  cerveau,  soient  devenues 
trop  étroites  pour  le  contenir.  La  substance  nerveuse 
est  ferme,  et  oppose  à  la  traction  une  résistance 
inaccoutumée;  elle  contient  peu  de  sang,  et  lors- 
qu'on l'incise,  on  est  frappé  de  la  sécheresse  des 
coupes.  Les  ventricules  sont  comme  effacés  ,  et  les 
surfaces  encéphaliques  sont  privées  de  leur  humidité 
ordinaire.  Du  reste  ,  la  texture  du  cerveau  n'a  subi 
aucune  altération. 

L*hypertrophie  du  cerveau,  le  plus  souvent  géné- 
rale et  étendue  à  la  totalité  des  deux  hémisphères, 
est  quelquefois  partielle  :  ainsi ,  j'ai  vu  un  cas  dans 
lequel  la  couche  optique  droite  ayant  ses  dimensions 
ordinaires,  la  couche  optique  gauche  présentait  un 
volume  plus  considérable  d'un  quart  que  le  volume 
de  sa  congénère.  Aucun  symptôme  particulier  n'a- 
vait annoncé  pendant  la  vie  cette  inégalité  de  déve- 
loppement des  deux  couches  optiques. 

On  n'a  pas  encore  recueilli  d'exemple  d'hypertro- 
phie du  cervelet. 

On  a  observé,  au  contraire,  quelques  cas  d'hyper- 
trophie delà  moelle  épinière,  soit  dans  toute  son 
étendue  ,  soit  dans  quelqu'une  seulement  de  ses  par- 
ties. L'hypertrophie  de  la  moelle  épinière  s'annonce 
par  son  augmentation  de  volume  ,  avec  fermeté  de  sa 
substance ,  sans  qu'elle  soit  hyperémiée.  Elle  remplit 
alors  toute  la  cavité  de  la  dure-mère  ,  et  elle  est  exac- 
tement appliquée  sur  les  parois  osseuses  du  canal  ver- 
tébral. Laënnec  a  observé  cette  hypertrophie  dans 
toute  l'étendue  de  la  moelle  ;  je  l'ai  vue  bornée  à  la 
région  cervicale  chez  un  enfant  épilcptique  ,  et  le  doc- 
teurHulin  a  citéun  cas  dans  lequel  cette  hypertrophie 


D  ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  777 

existait  depuis  le  trou  occipital  jusque  vers  le  milieu 
de  la  région  dorsale  (1). 

On  a  vu  l'hypertrophie  de  la  moelle  épinière  coïn- 
cider avec  un  défaut  de  développement  du  cerveau 
et  d'autres  parties  du  corps.  Tel  est  le  cassuivant^^ 
dont  on  doit  la  connaissance  à  M.  Ucelli  de  Florence  : 
chez  un  fœtus  âgé  de  six  mois  environ  ,  les  hémi- 
sphères cérébraux  étaient  remplacés  par  un  sac  plein 
d'eau  ;  les  parties  de  la  base  existaient  seules;  cepen- 
dant la  moelle  épinière  avait  au  moins  un  volume  dou- 
ble de  celui  qu'elle  présente  ordinairement  chez  un 
fœtus  de  cet  âge.  Cette  moelle  avait  d'ailleurs  sa  tex- 
ture normale.  Il  n'y  avait  aucun  vestige  d'œsophage, 
d'estomac ,  de  poumon  ,  de  foie  et  de  rate  ;  un  seul 
rein  existait,  remarquable  par  son  volume;  deux 
seules  cavités  (une  ventricule  et  une  oreillette)  cons- 
tituaient le  cœur;  un  intestin  fort  court  formé  à  son 
extrémité  supérieure  composait  tout  le  tube  digestif; 
il  n'y  avait  pas  de  membres  thoraciques  (2). 

L'augmentation  de  volume  de  la  moelle  épinière 
par  hypertrophie  de  son  tissu  doit  être  distinguée  de 
son  augmentation  de  volume  par  hyperémie  ;  il  en  est 
à  cet  égard  de  la  moelle  comme  du  cerveau. 

Faut-il  rapporter  à  une  hypertrophie  de  la  moelle 
épinière  quelques  cas  cités  par  M.  Olivier,  dans  les- 
quels il  a  vu  cette  moelle  acquérir  plus  de  volume  im- 
médiatement au-dessus  du  point  où  elle  avait  éprouvé 
une  forte  compression?  M.  Olivier  a  trouvé,  au-dessus 
du  point  comprimé,  un  renflement  bulbeux  très-pro- 
noncé. 

(»)  Bibliothèque  Mcdlcale^  janvier  1828. 

(i)  Clinique  de  l'hôiufal  SaintcI\Iariç  de  Florence  ,  iS;i3, 


'J'jS  PRECIS 

L'hypertrophie  des  centres  nerveux  existe  sou- 
vent sans  augmentation  bien  appréciable  des  dia- 
mètres de  l'enveloppe  osseuse  qui  les  protège.  Quel- 
quefois, cependant,  cette  augmentation  est  portée  au 
point  que  le  crâne  développé,  outre  mesure  ,  ressem- 
ble aux  crânes  des  enfiins  hydrocéphales.  M.  Scou- 
tetten  a  observé  un  cas  de  ce  genre ,  chez  un  enfant 
âgé  de  cinq  ans  (t).  La  tête  de  cet  individu  égalait 
•celle  d'un  adulte  fortement  constitué.  La  boîte  os- 
seuse fut  trouvée  épaisse  d'une  ligne  et  demie  à 
deux  lignes.  La  dure-mère  adhérait  fortement  aux 
os  du  crâne  ^  la  masse  cérébrale  remplissait  exac- 
tement la  cavité  crânienne  ;  c'étaient  surtout  les  hémi- 
sphères, dont  la  partie  supérieure  et  postérieure  avait 
acquis  un  développement  outre  mesure.  Aussi,  pour 
parvenir  aux  ventricules,  fallut- il  faire  une  inci- 
sion perpendiculaire  de  près  de  trois  pouces,  tan- 
disque  des  mêmes  parties  à  la  base  du  crâne  il  n'y 
avait  qu'un  pouce  d'épaisseur.  Cet  enfant  n'avait 
présenté  rien  d'insolite  dans  les  fonctions  cérébrales  ; 
son  intelligence  en  particulier  n'était  ni  plus  ni  moins 
développée  que  l'intelligence  des  enfans  de  son  âge. 
A  ce  propos,  on  peut  remarquer  que  la  partie  anté- 
rieure des  hémisphères  était  celle  qui  avait  le  moins 
pariicipé  à  l'hypertrophie;  il  est  à  regretter  que  l'é- 
tat des  circonvolutions  n'ait  point  été  noté.  Cet  enfant 
succomba  ,  d'une  manière  tout  accidentelle  ,  à  une 
ini tation  gastro-intestinale. 

En  étudiant  dans  les  différens  organes  la  part  que 
prend  à   leur   altération  chacun    des   tissus   qui    les 

(i)   Anhivcs  de  médecine  ,    Inm.  V  1 1  ,  pa^.  5i. 


d'aNATO.MIE    PATIIOLOGIQIE-  77^) 

composent  ,  nous  avons  souvent  rencontré  le  cas 
dans  lequel  on  trouve  à-la- fois,  d'une  part  atrophie 
du  tissu  propre  de  l'organe,  et  d'autre  part  hyper- 
trophie des  tissus  communs  élémentaires  qui  en 
constituent  la  trame  primitive  ,  savoir,  du  tissu  cellu- 
laire et  des  vaisseaux.  Des  altérations  de  ce  genre 
ont  été  observées  dans  l'axe  cérébro-spinal.  Ainsi  j'ai 
trouvé  une  fois  une  des  couches  optiques  et  ses  envi- 
rons transformés  en  une  substance  cellulo-vascuîaire, 
assez  semblable  au  tissu  de  la  rate,  et  dans  laquelle 
on  ne  découvrait  plus  aucun  vestige  de  substance 
nerveuse.  De  ce  cas  me  paraît  se  rapprocher  un  autre 
cas  qui  a  été  publié  dans  les  Transactions  pliilosoplii- 
(jues  de  la  société  royale  de  Londres  (année  iSsS),  sous 
le  titre  de  Fungus  liématode  du  cerveau.  Les  couches 
des  nerfs  optiques,  est-il  dit  dans  cette  observation, 
étaient  converties  en  un  tissu  fongueux;  à  leur  inté- 
rieur, elles  ressemblaient  à  une  masse  de  sang  coagulé, 
comme  celui  qu'on  trouve  dans  l'intérieur  de  la  rate. 

C'est  encore  à  une  hypertrophie  du  tissu  celiulo- 
vasculaire  de  la  moelle  épinière  que  me  paraît  devoir 
être  rapportée  l'altération  suivante  (i). 

Chez  une  femme  âgée  de  trente-six  ans,  la  face 
antérieure  de  la  moelle  épinière  fut  trouvée  cou- 
verte, depuis  la  sixième  paire  cervicale  jusqu'à  la 
troisième  dorsale  ,  par  une  masse  celluîo-vasculaire  , 
d'un  rouge  jaunâtre,  unie  à  la  moelle  par  continuité 
de  substance;  elle  semblait  particulièrement  naître 
du  sillon  antérieur  latéral  gauche.  Dans  cette  masse 

(i)  /oarna/ (/c /7/i)'5!o/o^m'c  ,  par  Magcndie. 


780  PRÉCIS 

fongueuse  on  ne  distinguait  que  deux  élémens  ana- 
toniiques,  savoir  de  nombreux  vaisseaux  sanguins,  et 
des  filamens  celluleux  arranges  en  réseau.  La  moelle 
épinière  et  les  racines  antérieures  des  nerfs  étaienli. 
fortement  comprimées. 


ARTICLE    IL 


ATROPHIE    DES    CENTRES   NERfEUX. 


Celte  atrophie  présente  plusieurs  degrés,  depuis< 
une  légère  diminution  du  volume  normal  des  centres 
nerveux,  soit  dans  leur  totalité,  soit  dans  quelqu'une 
de  leurs  parties,  jusqu'à  l'absence  complète  de  ces 
cen  très  (  1  ). 

L'atrophie  ne  se  montre  pas  avec  une  égale  fré- 
quence dans  toutes  les  parties  de  l'axe  cérébro- 
spinal; on  peut  établir  en  principe  général  qu'on 
l'observe  plus  souvent  dans  les  parties  de  cet  axe  qui 
arrivent  les  dernières  à  leur  entier  développement. 
Ainsi  la  moelle  épinière  est  formée  avant  le  cerveau, 
et  l'atrophie  de  la  moelle  est  plus  rare  que  celle  de 
la  masse  nerveuse  intrà- crânienne.  Dans  l'encé- 
phale, les  circonvolutions  sont  la  partie  qui  se  déve- 
loppe en  dernier  lieu;  elles  ne  sont  encore  qu'ébau- 
chées à  la  naissance,  et  les  circonvolutions  sont 
aussi  la  partie  dont  l'atrophie  est  la  plus  fréquente. 

(i)  Quelques  auteiirs  onl  désiîjné  celte  atrophie  sous  le  nom  d'a^éncsic. 
Voyez  Archives  de  mcdccinc,  loin.  XI V,  un  excellent  Mémoire  6ur  Va^ç- 
nésic  cérébrale  ,  par  M.  CazauvieilU, 


D*ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  'jSl 

Nous  allons  passer  successivement  en  revue  ces 
divers  degrés  d'atrophie  ,  ainsi  que  les  points  des 
centres  nerveux  où  elle  a  été  spécialement  observée. 

Les  hémisphères  cérébraux  ont  été  vus  plus  sou- 
vent atrophiés  qu'aucune  autre  partie  de  ces  centres; 
ils  peuvent  l'être  soit  partiellement,  soit  dans  leur 
totalité. 

L'atrophie  partielle  des  hémisphères  cérébaux  peut 
frapper, 

1°.  Les  circonvolutions  :  tantôt  elles  sont  seule- 
ment plus  petites  et  moins  nombreuses  que  de  cou- 
tume, soit  des  deux  côtés,  soit  d'un  seul  côté,  soit 
enfin  en  quelques  points  isolés  de  ce  côté.  Tantôt 
elles  n'existent  même  pas.  M.  Jadelot  a  présenté  à 
l'Académie  royale  de  médecine  le  cerveau  d'un  idiot, 
âgé  de  cinq  à  six  ans  :  on  ne  voyait  sur  les  hémisphères 
aucune  trace  de  circonvolutions  ;  je  n'y  observai  au- 
tre chose  qu'une  couche  uniforme  de  substance  mé- 
dullaire recouverte  d'une  couche  mince  de  substance 
grise  ;  on  eût  dit  du  cerveau  d'un  lapin,  ou  d'un  fœtus 
non  encore  à  terme. 

2°.  Toute  la  partie  supérieure  des  hémisphères  cé- 
rébraux depuis  leur  surface  extérieure  jusqu'à  la 
voûte  des  ventricules.  Tantôt  toute  cette  portion  de 
masse  nerveuse  est  remplacée  par  une  poche  séreuse 
qui  n'a  aucune  communication  avec  les  ventricules, 
et  ceux-ci  ne  sont  pas  à  découvert  ;  tantôt  on  n'ob- 
serve rien  de  semblable ,  et  au-dessous  des  ménin- 
ges on  aperçoit  à  nu,  sans  qu'aucune  incision  ait  été 
pratiquée ,  les  diiférens  objets  (couche  optique,  corps 
striés,  etc.)  contenus  dans  la  partie  supérieure  des 
ventriculips  latéraux;  d'autres  fois  l'atrophie  n'est  pas 


-82  pnÉ(:i5 

aassi  considérable  ,  el  Voa  Iroiive  seulement  qu'un 
des  hémisphères  cérébraux  est  plus  petit  que  l'autre. 
D'autres  fois  enfin,  il  n'y  a  qu'un  des  lobules  de  ces 
hémisj)lières  qui  a  éprouvé  une  diminution  de  nutri- 
tion ,  ou  qui  même  est  absent.  Ainsi  l'on  a  constaté 
plusieurs  fois  cet  état  de  petitesse  extrême  ,  ou  une 
absence  complète  du  lobule  postérieur:  en  pareil  cas, 
le  cervelet  n'était  plus  recouvert  par  le  cerveau,  et 
cette  disposition  anormale  rappelait  l'état  naturel  de 
l'encéphale  de  la  plupart  des  aniîuaux  ,  chez  lesquels 
les  hémisphères  cérébraux  ne  s'avancent  pas  au-des- 
sus des  hémisphères  cérébelleux.  Le  lobe  antérieur 
peut  aussi  être  absent,  ou  au  moins  beaucoup  plus  pe- 
tit que  d'ordinaire  ^  enfin  il  est  des  cas  où  l'on  a  vu 
l'atrophie  porter  spécialement ,  et  même  exclusive- 
ment, sur  le  lobe  moyen. 

5°.  Les  couches  optiques  et  les  corps  striés.  Ces 
deux  renflemens  peuvent  présenter  d'abord  une  sim- 
ple diminution  de  volume;  on  ne  peut  en  douter, 
lorsqu'on  trouve  ceux  d'un  côté  plus  petits  que 
ceux  du  côté  opposé.  Tantôt ,  c'est  aux  dépens  de 
la  substance  grise  qu'a  lieu  plus  particulièrement 
cette  atrophie;  tantôt,  c'est  an  contraire  aux  dé- 
pens de  la  substance  blanche,  et  de  cette  seule  dif- 
férence il  peut  en  résulter  une  dans  les  symptômes. 
Au  lieu  d'être  simplement  diminués  de  volume,  les 
deux  renflemens  en  question  peuvent  avoir  complè- 
tement disparu  ,  soit  qu'ils  aient  été  remplacés  par  un 
îiyste  séreux,  soit  qu'on  ne  trouve  rien  qui  les  rem- 
place. Dans  le  premier  cas,  la  masse  des  hémisphères 
cérébraux  peut  exister  ou  manquer;  dans  le  second 
cas,  elle  est  constamment  absente,  et   au-^elà  des 


D'A^ATOMlE    FATIIOI.OGIQUE.  ^85 

pédoncules  cérébraux  on  ne  trouve  plus  antre  chose 
que  quelques  fibres  éparses  qui  vont  s'épanouir  dans 
un  tissu  membraneux  ,  semblable  à  celui  qui,  dans  les 
premiers  temps  de  la  vie  intrà-utérine  ,  marque  la 
place  où  plus  tard  se  développeront  les  hémisphères 
cérébraux.  11  est  bien  clair  qu'en  pareil  cas  les  parties 
blanches  cenlrales  du  cerveau  manquent  comme  ses 
hémisphères  ;  il  n'y  a  donc  plus  de  cerveau  propre- 
ment dit:  ce  qui  n'empêche  pas  toutes  les  autres  par- 
ties nerveuses  contenues  dans  le  crâne  d'être  très-bien 
développées;  ainsi  le  mésocéphaîe,  le  cervelet,  peu- 
vent avoir,  en  l'absence  du  cerveau,  leur  aspect  ac- 
coutumé. 

4^  Les  parliesblanches  centrales  du  cerveau.  Elles 
peuvent  être  imparfaitement  développées  dans  le  cas 
où  ,  dans  les  hémisphères,  n'existe  aucune  altération. 
C'est  ainsi  que  quelquefois  le  corps  calleux  atrophié 
ne  se  présente  plus  que  sous  forme  d'une  membrane 
très-mince  ;  Reil  en  a  constaté  l'absence  complète 
chez  une  femme  idiote ,  âgée  de  trente  ans.  Les  deux 
hémisphères  cérébraux  ne  communiquaient  que  par- 
les commissures  antérieure  et  postérieure.  Cette 
femme  présentait  accidentellement  une  disposition 
analogue  à  celle  qu'on  retrouve  chez  plusieurs  anir 
maux  (oiseaux  et  reptiles) ,  chez  lesquels  normale- 
ment le  corps  calleux  n'existe  pas ,  non  plus  que  la 
voûte  à  trois  piliers. 

Les  diverses  parties  qui  entrent  dans  la  composi- 
tion du  cerveau  peuvent  donc  toutes  éprouver  isolé- 
ment une  atrophie  plus  ou  moins  considérable;  cha- 
cune d'elles  peut  disparaître ,  et  les  autres  persister. 
Elles  peuvent  toutes  aussi  manquer  simultanément , 


^84  PRÉCIS 

et  alors  il  n'y  a  point  de  cerveau  ,  disposition  qui  rap- 
pelle celle  de  certains  animaux ,  chez  lesquels  aussi 
manquent  complètement  les  diverses  parties  dont  la 
présence  est  nécessaire  pour  qu'on  puisse  admettre 
l'existence  d'un  cerveau  proprement  dit. 

Nous  venons  de  passer  en  revue  les  différens  de- 
grés d'atrophie  que  peut  présenter  le  cerveau,  et  en 
le  suivant  dans  ses  dégradations  successives,  nous  l'a- 
vons vu  enfin  disparaître.  Mais  soit  en  avant,  soit  en 
arrière  de  ce  cerveau ,  existent  d^ns  le  crâne  d'autres 
parties  nerveuses,  dont  les  unes,  rudimentaires  chez 
l'homme,  ne  sont  évidentes  que  chez  certains  ani- 
maux, et  dont  les  autres,  au  contraire  ,  qui  normale- 
ment sont  Irès-développées  chez  l'homme,  peuvent 
dans  l'état  morbide  redevenir  chez  lui  rudimentaires 
comme  elles  le  sont  chez  d'autres  animaux.  Enfin 
parmi  ces  parties  il  en  est  qui,  non  appréciables  chez 
l'homme ,  lorsque  le  cerveau  est  bien  développé  , 
viennent  à  se  montrer  d'une  manière  plus  manifeste 
dans  les  cas  où  le  cerveau  reste  imparfait.  C'est  ce 
qui  arrive  aux  lobes  olfactifs.  Placés  chez  tous  les 
animaux  au-devant  des  lobes  cérébraux,  et  les  sur- 
passant souvent  en  volume,  ces  lobes  se  confondent 
chez  l'homme  avec  la  partie  antérieure  des  lobes  cé- 
rébraux; mais  ces  derniers  viennent-ils  à  manquer, 
il  arrive  quelquefois  qu'à  la  partie  antérieure  du  crâne 
se  montrent  deux  petites  masses  de  substance  ner- 
veuse, d'où  l'on  voit  partir  les  nerfs  olfactifs,  et  qui 
bien  évidemment  ne  sont  autre  chose  que  les  lobes 
olfactifs  :  en  pareil  cas  l'indépendance  de  leur  exis- 
tence, manifeste  chez  les  animaux  dans  l'état  normal, 
se  trouve  démontrée  chez  l'homme  par  l'état  morbide. 


d'anatomie   PATHOLOGIQUK.  '^85 

En  arrière  des  lobes  cérébraux  et  de  leurs  commis- 
sures on  trouve  un  certain  nombre  de  lobes,  dont  les 
uns  sont  plus  développés  chez  les  animaux  que  chez 
l'homme ,  où  souvent  mêm  e  ils  sont  remplacés  par  de 
simples  cavités,  et  dont  les  autres,  au  contraire,  ont 
acquis  chez  l'homme  un  bien  plus  grand  développe- 
ment (lobes  latéraux  du  cervelet).  Bien  souvent  on  a 
vu  chez  l'homme  une  évolution  imparfaite  des  parties 
pat' lesquelles  son  encéphale  se  distingue  spécialement 
de  celui  des    autres  animaux;   mais   jamais,  que   je 
sache ,  on  n'a  vu  chez  lui  sortir  de  leur  état  rudimen- 
taire  les  parties  de  l'encéphale  qui ,  chez  les  animaux  , 
ont  un  plus  haut  degré  de  développement.  Ainsi ,  par 
exemple  ,  jamais  chez  l'homme  les  tubercules  quadri- 
jumeaux  ne  se  sont   montrés    sous  forme    de    lobe 
creusés  d'une  cavité,  comme  chez  les  oiseaux;  jamais 
chez  lui  l'on  n'a  vu  l'origine  du  nerf  pneumo-gastrique 
cachée  dans  un  renflement  assez   considérable  pour 
constituer  un  lobe  spécial,  comme  cela  a  lieu  encore 
chez  beaucoup  d'animaux  ;  jamais  non  plus  l'on  n'a 
vu  un  autre  lobe  recouvrir  le  quatrième  ventricule, 
comme  on   l'observe  chez  les  animaux;  et  à  mesure 
que  5  sous  l'influence  d'un  état  morbide,  décroissent 
chez  l'homme  les  lobes  latéraux  du  cervelet,  on  n'a 
pas  remarqué  que  son  lobe  médian  acquît  chez  lui  ce 
développement  qui ,  chez  les  animaux,  devient  d'au- 
tant plus  considérable  que  les   lobes  latéraux   sont 
restés  plus  petits. 

On  a  quelquefois  constaté  une  simple  diminution 
dans  le  volume  d'un  des  lobes  latéraux  du  cervelet. 
M.  Hutin  a  cité  un  cas  dans  lequel  le  centre  médul- 
laire des  hémisphères  cérébelleux  élait  environ  d'un 
II.  5o 


tiers  moins  volumineux  que  de  coutume.  «  La  suÎ3S- 
lance  blanche ,  qui  occupe  naturellement  le  milieu 
du  corps  rbomboidal ,  n'exislait  plus,  de  sorte  que 
les  bords  festonnés  de  cette  partie ,  rapprochés  du 
centre,  ne  formaient  plus  qu'un  petit  corps  pisiforme 
très-dur,  d'un  gris  brunâtre.  »    (i) 

Au  lieu  de  cette  simple  diminution  de  volume,  les 
hémisphères  cérébelleux  peuvent ,  comme  ceux  du 
cerveau,  ne  plus  présenter  qu'une  cavité  dont  les 
parois  sont  constituées  par  une  lame  plus  ou  moins 
mince  qui  tient  aux  corps  restiformes,  dont  elle  semble 
cire  un  épanouissement.  Alors  se  trouve  reproduite 
accidentellement  la  disposition  normale  du  cervelet 
soit  chez  certains  animaux,  soit  chez  l'homme  lui- 
même  à  une  certaine  époque  de  sa  vie  embryonnaire. 

En  pareil  cas  le  lobe  médian  du  cervelet  ne  se 
forme  pas  non  plus,  sa  grande  commissure  manque 
également  (protubérance  annulaire),  et  alors  se 
montrent  à  nu  les  deux  faisceaux  de  hbrçs  longitu- 
dinales qui  constituent  les  pédoncules  cérébraux.  (]e 
cas  pathologique  ne  fait  d'ailleurs  que  reproduire  la 
loi  en  verlude  laquelle  ,  dans  la  série  animale,  la  pro- 
tubérance annulaire  se  développe  en  raison  directe 
des  hémisphères  du  cervelet ,  et  en  raison  inverse  du 
lobe  médian  de  cet  organe  (2). 

Les  tubercules  quadrijumeaux  peuvent  persister 
en  l'absence  à  peu-près  complète  du  cerveh't;  et  à 
cela  rien  d'étonnant  :  car,  dans  la  série  animale,  ce 
n'est  pas  avec   le  développement  du  cervelet  qu'est 


(1)  Bibliolhcque  Médicale ,  janvier  iS24« 

(2)  Scires,  Anniomic  compare»  du  cerveau. 


n'ANATOMIE    rATIlOJ-OGlQUE.  ^87 

en  rapport  celui  des  tubercules  quadrijumeaux,  mais 
avec  le  développement  de  la  moelle  (  1 }. 

La  glande  pinéale  ,  qui  existe  dans  les  quatre 
classes  des  vertébrés  (2) ,  présente  chez  l'homme  de 
nombreuses  ditlérences  individuelles  dans  son  volume. 
Elle  est  parfois  réduite  à  des  dimensions  tellement 
peu  considérables  que  cette  atrophie  équivaut  presque 
à  zéro  d'existence.  On  l'a  vu  chez  un  idiot  être  rem- 
placée par  une  petite  granulation  qui  égalait  à  peine 
un  grain  de  millet,  et  à  laquelle  venaient  aboutir, 
comme  de  coutume,  les  deux  fdets  médullaires  des 
couches  optiques.  Les  variations  de  volume  dans  la 
glande  pinéale  n'entraînent  nécessairement  aucun 
dérangement  dans  la  nutrition  des  autres  parties  du 
cerveau. 

Nous  venons  de  voir  successivement  diminuer  de 
volume,  puis  disparaître,  les  différentes  masses  ner- 
veuses contenues  dans  la  cavité  crânienne,  et  le  cas 
extrême  que  nous  ayons  rencontré  est  celui  où  de  ces 
masses  nerveuses  il  ne  reste  plus  que  le  bulbe  rachi- 
dien.  Poursuivons  dans  le  canal  vertébral  l'étude  de 
cette  dégradation  de  l'axe  cérébro-spinal.  Ici  un 
premier  fait  va  vous  frapper  :  la  moelle  épinière  peut 
exister,  bien  que  toutes  les  parties  contenues  dans 
le  crâne  ne  se  soient  pas  formées;  mais  aucune  de 
,  ces  parties  n'existe  ,  dans  le  cas  où  il  n'y  a  pas  de 
moelle  épinière.  Ainsi  l'anatomie  pathologique  mon- 
tre 5  comme  l'anatomie  comparée  et  comme  l'em- 
bryologie, la  dépendance  dans  laquelle  les  centres 
nerveux  intrà-crâniens  se  trouvent  du  centre  nerveux 


(1)  Serres ,  Anatom'te  comparée  du  cerveau, 

(2)  Idem. 


,5o. 


^^8  PRÉCIS 

iatrà-vertébralsous  le  rapport  de  leur  développement. 
Des  faits  nombreux  ont  prouvé  que  la  moelle  épi- 
nière  peut  manquer  aussi  complètement  que  l'encé- 
phale :  dans  ces  cas,  où  il  ne  reste  plus  aucun  vestige 
des  centres  nerveux,  un  liquide  plus  ou  moins  abon- 
dant remplit  les  cavités  qu'occupent  ordinairement 
ces  centres;  des  membranes,  semblables  aux  mé- 
ninges, constituent  les  parois  de  ces  cavités,  et  à  ces 
parois  se  terminent  des  nerfs. 

Sans  manquer  complètement ,  la  moelle  épinière 
peut  présenter  un  certain  nombre  de  vices  de  con- 
formation, dont  plusieurs  rappellent  lesdifférens  états 
transitoires  par  lesquels  elle  a  passé  pour  devenir  ce 
qu'on  ia  trouve  chez  l'adulte,  et  qui  tous  résultent 
d'un  développement  qui  s'est  arrêté  ou  qui  a  rétro- 
gradé. 

Ainsi  les  deux  cordons  séparés  dont  la  moelle  est 
composée  dans  les  premiers  temps  de  sa  formation 
peuvent  ne  pas  se  réunir,  parce  qu'il  ne  se  déposa 
pas  de  substance  grise  dans  l'espace  qui  les  sépare. 
Il  en  résulte  une  division  anormale  de  cette  moelle 
en  deux  parties  latérales  dans  une  portion  plus  ou 
moins  grande  de  son  étendue.  Toutes  les  fois  que  ce 
vice  de  conformation  a  été  observé,  il  y  avait  en 
même  temps  anencéphalie. 

Les  deux  cordons  séparés,  qui  composent  primi- 
tivement la  moelle,  forment,  en  se  réunissant,  une 
gouttière  qui  plus  tard  devient  elle-même  un  canal  ; 
permanent  chez  beaucoup  d'animaux,  ce  canal  est 
ordinairement  oblitéré  chez  l'homme  à  l'époque  de 
la  naissance;  mais  il  peut  persister,  et  de  là  résulte, 
dans  l'intérieurde  la  moelle  et  à  son  centre,  l'existence 


d'anatomie  pathologique.  -^^g 

d*une  cavité ,  dont  la  production  semble  liée  à  l'ab- 
sence de  la  substance  grise  centrale.  Tantôt  ce  canal 
coïncide  avec  d'autres  vices  de  conformation ,  tels 
qu  anencéphalie,  spina-bifida  ;  tantôt  il  existe,  sans 
autre  altération.  Toutes  les  fois  qu'on  a  observé  ce 
canal ,  il  commençait  à  la  partie  supérieure  de  la 
moelle,  et  semblait  former  la  continuation  de  la  ca- 
vité du  quatrième  ventricule.  Il  se  prolongeait  d'ail- 
leurs plus  ou  moins  bas.  On  l'a  vu  borné  à  la  région 
cervicale  ,  et  d'autres  fois  on  l'a  retrouvé  jusques  vers 
le  milieu  de  la  région  dorsale;  il  n'a  guères  été  ob- 
servé beaucoup  plus  bas.  Son  diamètre  est  très- 
variable  :  tantôt  un  stylet  fin  aurait  pu  à  peine  y  être 
introduit;  tantôt  il  aurait  pu  admettre  une  plume  à 
écrire.  Ce  canal  a  été  rencontré  à  tous  les  âges,  chez 
des  fœtus  à  terme  ou  près  du  terme  (Portai,  Ollivier); 
chez  un  enfant  d'un  an  (Rachetti);  chez  des  adultes 
(Morgagni,  Senac,  Portai  ,  Calmeil,  etc.). 

Outre  un  canal  central ,  quelques  anatomistes  ont 
avancé  que  dans  la  moelle  existaient  deux  autres 
canaux,  qui  en  occupaient  chacun  une  partie  laté- 
rale. L'existence  de  ces  canaux  n'est  pas,  comme  on 
l'avait  cru  d'abord,  une  disposition  de  l'état  sain; 
mais  on  l'observe  quelquefois  comme  un  état  mor- 
bide, ainsi  que  M.  Calmeil  vient  de  le  démontrer  (i). 
Il  a  effectivement  retrouvé  les  canaux  latéraux  de  la 
moelle ,  décrits  à  tort  par  Gall  comme  une  dispo- 
sition de  l'état  sain,  sur  l'animal  et  sur  l'homme.  Le 
premier  cas  rapporté  par  M.  Calmeil  a  été  observé 
par  lui  sur  un  mouton  :  au  centre  de  chaque  moitié 

(i)  Sturnui  dts  progrès  ei  des  (nstiiuiions  médicales. 


de  la  moelle  étaient  creusés  deux  conduits  dont  les 
parois  fermes  et  lisses  étaient  constituées  par  une  lé^ 
gère  coucke  de  substance  grise.  Ces  conduits  exis- 
taient depuis  le  commencement  de  la  moelle  Jusqu'au 
niveau  du  renflement  des  membres  thoraciques.  Leur 
existence  semblait  dépendre  de  ce  qu'une  quantité 
de  substance  grise,  moins  abondante  que  de  coutume, 
avait  été  sécrétée.  Chez  deux  aliénés,  M.  Calmeil  a 
retrouvé  aussi  les  canaux  latéraux;  chez  l'un  ,  ils  exis- 
taient dans  toute  l'étendue  de  la  moelle  ;  chez  l'autre  , 
ils  ne  purent  être  suivis  au-delà  de  la  portion  cervicale. 
Enfin,  chez  un  troisième  aliéné,  non  seulement  ces 
deux  canaux  latéraux  étaient  très-distincts  ,  mais  au 
centre  même  de  la  moelle  apparaissait  un  troisième 
canal,  limité  en  avant  par  la  commissure  grise,  en 
arrière  par  le  raphé  de  la  scissure  postérieure,  et  sur 
]es  côtés  par  deux  cloisons  minces  qui  le  séparaient 
des  canaux  de  la  moelle. 

Dans  ces  cas  divers  ,  l'exislence  (ont  accidentelle 
des  canaux  de  la  moelle  ne  sembîe-t-elle  pas  due, 
soit  au  défaut  de  développement  d'une  certaine  quan- 
tité de  substance  nerveuse,  soit  à  son  absorption? 
^"est-ce  pas  là  une  véritable  atrophie  de  la  moelle? 
Toutefois,  si  chez  l'homme  c'est  là  une  atrophie,  il 
Tie  faut  pas  oublier  que  dans  la  série  des  animau:^ 
l'existence  d'une  cavité  à  l'intérieur  d'une  partie  queU 
conque  des  centres  nerveux  est  un  indice  de  l'activité 
plus  grande  des  fonctions  de  celle  partie:  ainsi,  chez 
les  animaux  dont  la  moelle  épinière  a  une  action  plus 
énergique  que  chez  l'homme,  la  moelle  épinière  est 
creusée  d'un  canal;  chez  ces  animaux  aussi  les  tuber^ 
cules  quadrijumeaux  transformés  en  deux  gros  lobes 


r>  ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  'JÇ)\ 

ont  une  cavité  intérieure  ,  tandis  que  chez  eux,  au  con- 
traire, on  voit  disparaître  les  ventricules  des  hémi- 
sphères cérébraux.  Ainsi ,  chez  l'homme ,  comme  chez 
tout  animal,  l'activité  des  fonctions  des  centres  ner- 
veux dépend  beaucoup  moins  de  leur  masse  que  de 
l'étendue  de  leur  surface. 

Une  autre  espèce  d'atrophie  de  la  moelle  épinière 
est  celle  dans  laquelle  elle  ne  présente  d'autre  lé- 
sion qu'une  simple  diminution  de  volume.  M.  OUivier 
a  constaté  deux  fois  l'existence  de  cette  atrophie  dans 
toute  l'étendue  de  la  moelle  (i).  Dans  un  des  cas 
qu'il  rapporte  ,  le  volume  de  la  moelle  ,  qui_  avait 
d'ailleurs  sa  consistance  ordinaire,  était  réduit  à  la 
moitié  environ  de  son  volume  normal;  le  renflement 
lombaire  était  à  peine  marqué.  Dans  l'autre  cas,  la 
moelle  épinière  était  diminuée  d'un  tiers  dans  toute 
son  étendue.  Il  cite,  d'après  M.  Magendie,  un  troi- 
sième cas,  dans  lequel  la  moelle  ,  beaucoup  plus  petite 
que  de  coutume,  était  en  même  temps  très-dure. 

L'atrophie  de  la  moelle  épinière  peut  être  partielle. 
M.  Ollivier  a  vu  un  cas  dans  lequel  au  niveau  de  la 
neuvième  vertèbre  dorsale  existait  un  rétrécissement 
tel ,  que  son  diamètre  n'était  plus  que  de  trais  lignes 
et  demie  transversalement,  et  d'un  peu  plus  de  deux 
lignes  seulement  d'avant  en  arrière.  M.  Hulin  (2J  a 
vu  cette  atrophie  bornée  à  la  partie  antérieure  de  la 
moelle  chez  un  individu  atteint  d'une  carie  verté- 
brale; la  moelle  était  atrophiée  par  suite  de  la  com- 
pression qu'exerçaient  sur  elle  les  vertèbres  malades. 
Toute  la  substance  blanche  do  la  partie  antérieure 

(i)  Oprr.  clt, 
[">.)   Opir.  cil. 


^Cj2  PRÉCIS 

avait  disparu  ,  et  la  commissure  grise  centrale  se  trou- 
vait à  découvert.  Dans  un  autre  cas,  le  même  obser-*- 
vateur  a  vu  l'atrophie  porter  spécialement  sur  le 
renflement  lombaire.  Dans  le  point  occupé  par  ce 
renflement,  la  moelle  était  réduite  au  volume  d'une 
plume  ordinaire.  Enfin  chez  un  autre  individu  ,  éga-^ 
ment  observé  par  M.  Hutin,  l'atrophie  portait  à-la- 
fois  sur  les  renflemens  brachial  et  lombaire.  Le  ren^ 
flement  brachial  était  diminué  d'un  bon  tiers  de  son 
volume  dans  son  côté  gauche,  et  le  renflement  lom- 
baire offrait  cette  même  diminution  dans  son  côté 
droit. 

Les  enveloppes  osseuses  qui  protègent  l'axe  céré-^ 
bro-spinal  indiquent  le  plus  souvent,  par  leur  con- 
formation vicieuse  ,  les  différens  degrés  d'atrophie 
qu'a  subis  l'encéphale.  Cependant  il  s'en  faut  que  ce 
principe  soit  sans  exception.  J'ai  vu  un  cas  dans  le^ 
quel  la  partie  supérieure  des  hémisphères  cérébraux 
avait  été  remplacée  par  une  poche  remplie  d'un  li- 
quide séreux  ;  cependant  le  crâne  était  bien  con- 
formé. Des  faits  semblables  ont  été  cités  par  M.  Bres^ 
chet  (i)  et  par  M.  Billard  (2). 

Des  degrés  d'atrophie  ,  beaucoup  moins  considé- 
rables que  ceux  qui  conslituent  l'anencéphalie  et  l'a- 
céphalie,  peuvent  être  annoncés  par  la  conformation 
du  crâne.  Un  hémisphère  cérébral  n'est-il  qu'impar- 
faitement développé  :  souvent  la  portion  du  crâne  qui 
lui  correspond  est  notablement  plus  déprimée  que 
celle  du  côté  opposé. 

(1)  Diclionnnhe  de  médecine,  par  Mil,  Adelou  ,  Andral ,  Bcclard,  etc., 
article  Hydroccphadc. 
{1}  Oper.  cit.,  ^  ag.  59  >. 


d'anatomie  pathologique.  ^93 

Les  nerfs  qui  aboutissenl  aux  parties  atrophiées  de 
l'axe  cérébro-spinal  n'offrent  pas  toujours  les  mêmes 
conditions.  Tantôt  d'une  moelle  épinière  atrophiée 
se  détachent  des  nerfs  aussi  volumineux  que  dans  l'é- 
tat normal;  dans  les  cas  même  où  la  moelle  manque 
complètement,  on  peut  trouver  ses  différens  nerfs 
implantés  sur  les  méninges  auxquelles  ils  se  terminent. 
Tantôt,  au  contraire  ,  les  nerfs  rachidïens  s'atrophient 
en  même  temps  que  la  moelle  elle-même;  et  quelque- 
fois on  les  a  trouvés  à  leur  origine  presque  réduits  à 
leur  seul  névrilème;  mais  plus  loin  ils  reprenaient  leur 
volume  accoutumé. 

Dans  les  cas  d'atrophies  partielles,  les  parties  du 
corps  qui  reçoivent  l'excitation  des  portions  atro- 
phiées du  cerveau  sont  souvent  elles-  mêmes  atro- 
phiées. C'est  ainsi  que,  dans  presque  tous  les  cas  où 
l'un  des  hémisphères  cérébraux  est  atrophié ,  on 
trouve  moins  développés  que  de  coutume  les  mem- 
bres du  côté  opposé  ;  mais  en  pareil  cas  on  peut  se 
demander  si  ce  moindre  développement  est  le  résultat 
direct  de  l'influence  exercée  par  le  cerveau  sur  la  nu- 
trition des  muscles,  ou  bien  si  l'atrophie  de  ceux-ci 
ne  résulte  pas  tout  simplement  du  repos  complet  au- 
quel ils  sont  condamnés.  Cette  dernière  opinion  me 
paraît  d'autant  plus  vraisemblable  que ,  dans  les  cas  où 
manque  complètement  tout  l'axe  cérébro-spinal ,  on 
a  vu  cependant  plus  d'une  fois  toutes  les  autres  parties 
du  corps  parfaitement  bien  développées.  D'autres  fois, 
à  la  vérité,  chez  les  individus  qui  viennent  au  monde 
sans  encéphale  et  sans  moelle  épinière,  on  trouve  des 
arrètsde  développement  en  beaucoup  d'autres  points: 
mais  il  y  a  là  simple  coïncidence  ,  et  il  est  bien  évident 


ro4  PRÉCIS 


79f 

qu'alors  l'iin perfection  du  cœur  ou  du  tube  dîgestîf  ^ 
par  exemple,  dépend  de  la  même  cause  qui  a  nui  au 
développement  du  cerveau  ou  delà  moelle.  Cepen- 
dant, dans  les  cas  où  avec  l'encéphale  ont  disparu  le 
crâne  et  le  foie  (acéphalie),  il  est  un  organe  qui  man- 
que presque  toujours  :  c'est  le  cœur.  M.  Serres  est  le 
seul  observateur  qui  Jusqu'à  présent  ait  trouvé  un 
cœur  chez  un  acéphale.  Jamais  dans  les  cas  d'acépha- 
]ie  on  n'a  trouvé  de  poumon,  lors  même  que  le 
thorax  paraissait  extérieurement  bien  conformé.  Au 
contraire,  on  trouve  toujours  quelque  rudiment  du 
tube  digestif  et  des  organes  urinaires.  Cela  prouve-t- 
il  que  la  présence  du  cerveau  est  nécessaire  au  dé- 
veloppement du  poumon  et  du  cœur,  et  non  au  dé- 
veloppement des  appareils  digestif  et  urinaire  ?  En 
aucune  façon  :  si  l'on  trouve  chez  les  acéphales  quel- 
que vestige  d'intestin  et  d'organe  urinaire,  c'est  qne 
dans  l'ordre  de  développement  des  organes,  la  vési- 
cule ombilicale  et  l'allantoïde  apparaissent  avant  les 
centres  nerveux;  ces  deux  parties  avaient  donc  com- 
mencé à  se  développer,  avant  que  n'eût  agi  la  cause 
qui  détermine  l'arrêt  du  nivus  format iv us  ;  c'est  alors 
cette  môme  cause  qui  oblige  l'intestin  à  persister 
dans  son  état  rudimentaire,  et  qui  en  même  temps 
s'oppose  à  tout  développement  des  centres  nerveux, 
à  une  époque  où  cependant  existent  déjà  des  nerfs. 
Comment  alors  pourraient  se  former  et  le  cœur  et  le 
poumon  quij  dans  l'ordre  normal  de  développement, 
no  doivent  se  montrer  qu'après  la  première  appari- 
tion des  centres  nerveux?  Le  cas  de  M.  Serres  ne 
peut  être  regardé  que  comme  une  exception  à  ces 
lois. 


d'anatomie  pathologique,  rqS 

L'atrophie  des  centres  nerveux  ne  saurait  être  rap- 
portée à  l'influence  d  une  seule  cause. 

1°.  Elle  peut  survenir  sans  cause  connue,  soit  à 
une  époque  où  les  organes  ne  sont  pas  encore  formés, 
il  y  a  alors  arrêt  de  développement,  soit  plus  ou  moins 
long -temps  après  la  formation  complète  de  ces  or- 
ganes. Dans  ces  deux  cas,  tout  ce  qu'on  a  saisi  c'est 
Je  phénomène  lui-même;  c'est  une  modification  de 
nutrition,  ou  du  nisas  formativus  des  Allemands. 

2°.   L'atrophie  des  centres  nerveux  peut  suivre  un 
travail  d'irritation  dontcescentresont  été  le  siège.  Il  y  a 
eu  d'abord  hyperémie;  puis,  une  fois  la  nutrition  déviée 
de  son  type  normal  ,  un  état  d'atrophie  a  pu  en  ré- 
sulter chez  l'un  ,  comme  chez  un  autre  serait  survenu 
un  état  d'hypertrophie.  Ainsi,  chez  des  individus  qui 
long -temps  avant  leur  mort  ont  eu  tous  les  signes 
d'une  hémorrhagie  cérébrale,  on   a  plus  d'une  fois 
rencontré,  à  l'ouverture  de  leurs  cadavres,  quelque 
partie  de  l'encéphale,  et  spécialement  le  corps  strié 
ou  la  couche   optique  ,   singulièrement  diminués  de 
w  volume  ,   et  transformés  en  une  sorte   de  cavité  sé- 
reuse.  Si  l'on  ne  peut  douter  que  certaines  anencé- 
phalies  ne  soient  le  résultat  d'un  simple  arrêt  de  dé- 
veloppement, il  en  est  d'autres  qu'il  semble  plus  fa- 
cile d'expliquer  en  admettant,   comme  leur  cause, 
une  irritation  des  méninges.  S'il  est  vrai  que  la  subs- 
tance cérébrale  soit  le  produit  d'une  sécrétion  de  la 
pie-mère,   qui  ne  voit  que  cette  sécrétion  peut  être 
troublée ,  anéantie  ou  modifiée  par  une  irritation  de 
la  pie-mère?  Mais  ici  comme  partout  ailleurs,  le  même 
efl'et  peut  être  produit  par  plusieurs  causes,  et  l'irri- 
tation n'est  qu'une  de  ces  causes, 


ygG  PRÉCIS 

3'.  Quelques  atrophies  des  centres  nerveux  sont 
le  résultat  d'une  compression  mécanique  exercée  sur 
eux.  Ainsi  des  tumeurs  développées  dans  l'intérieur 
du  crâne,  et  pressant  sur  une  partie  du  cerveau,  ont 
fait  quelquefois  disparaître ,  ou  ont  du  moins  réduit  à 
un  volume  beaucoup  plus  petit  les  circonvolutions 
avec  lesquelles  elles  étaient  en  contact.  Un  des  effets 
de  la  carie  vertébrale  est  de  déterminer  l'atrophie  de 
la  portion  de  moelle  épinière  sur  laquelle  appuient  les 
vertèbres  déplacées.  Dans  un  cas  qui  a  été  publié  par 
M.  Vingtrinier,  un  des  lobes  du  cervelet,  comprimé 
par  une  tumeur  née  dans  la  fosse  occipitale,  avait 
perdu  la  moitié  de  son  voîume  ,  sans  présenter  d'ail- 
leurs aucune  altération  de  texture  (i). 

4*.  Enfin  le  défaut  d'exercice  des  fonctions  dé- 
parties aux  centres  nerveux  détermine  dans  ces  cen- 
tres une  diminution  de  nutrition  ,  et  peut  être  ainsi  une 
des  causes  de  leur  atrophie.  Condamné  à  l'immobilité, 
un  muscle  ne  s*atrophie-t-il  pas  également?  Il  n'est 
donc  pas  évident  que  l'état  d'atrophie  dans  lequel 
on  trouve  communément  le  cerveau  des  idiots  soit 
la  cause  de  l'idiotisme  :  il  n'en  est  peut-être  qu'un 
effet. 


ARTICLE   III. 

^  RAMOLLISSEMENT    DES    CESTRES    NERVEUX. 

Les  travaux  de  MM.    Lallemand ,  Rostan,   Bouil- 
laud,  etc.,   ont   fait    connaître,   dans  ces    derniers 

(i)  archivât  de  n:cdicmc ,  tome  V  ,  page  ^9. 


d'aNATOMIE    PATlIOLOGtQllE.  rg^ 

temps ,  cette  lésion  qui  déjà  avait  été  bien  indiquée 
par  Morgagni. 

On  connaît  sous  le  nom  de  ramollissement  des 
centres  nerveux  un  état  dans  lequel  ces  centres  pré- 
sentent dans  leur  consistance  une  diminution  assez 
notable  pour  que  la  substance  nerveuse  paraisse  tendre 
à  une  sorte  de  liquéfaction.  On  ne  désignera  donc 
pas  sous  ce  nom  l'état  du  cerveau  de  l'enfant  nais- 
sant,  qui ,  normalement,  doit  être  infiniment  moins 
consistant  que  le  cerveau  du  vieillard;  on  ne  regar- 
dera pas  non  plus  comme  atteint  de  la  lésion  qui 
nous  occupe,  le  cerveau,  généralement  peu  consis- 
tant des  individus  qui  succombent  à  une  maladie 
chronique.  Enfin  il  ne  faudra  pas  oublier  que  les 
différentes  parties  de  l'axe  cérébro-spinal  ne  présen- 
tent pas  physiologiquement  le  même  degré  de  con- 
sistance ,  de  telle  sorte ,  par  exemple  ,  qu'un  méso- 
céphale  qui  ne  serait  pas  plus  dur  qu'un  lobe  céré- 
belleux, devrait  être  considéré  comme  ramolli.  Pour 
peu  qu'un  certain  laps  de  temps  se  soit  écoulé  de- 
puis l'instant  delà  mort,  la  moelle  épinière ,  dé- 
pouillée de  ses  enveloppes,  est  remarquable  par  son 
état  presque  liquide  :  si  en  ouvrant  le  racbis  on  n'a 
pas  pris  toutes  les  précautions  convenables,  on  peut 
facilement,  par  les  coups  portés  sur  elle,  diminuer 
encore  sa  consistance  déjà  si  faible  ,  et  ainsi  peuvent 
se  produire  artificiellement  après  la  mort  un  certain 
nombre  de  ramollissemens  de  la  moelle  ;  il  est  im- 
portant qu'on  soit  prévenu  de  ces  causes  d'erreur 
pour  les  éviter. 

Le  ramollissement  des   centres  nerveux  présente 
plusieurs  degrés  :  dans  un  premier  degré  ,  on  ne  s'a- 


.-oS  PRECIS 

perçoit  du  changement  de  consistance  du  tissu  nerveux 
que  lorsqu'on  le  touche  ,  ou  lorsqu'on  passe  au-dessus 
de  lui  le  dos  d'un  scalpel.  Dans  un  second  degré,  la 
difïïuence  de  la  substance  nerveuse  est  appréciable  à 
l'œil.   Dans  nn  troisième  degré  ,   cette  substance  est 
devenue  tout-à-fait  liquide,  on  n'en  reconnaît  plus  la 
texture;  à  sa  place  on  trouve  une  sorte  de  cellulosité 
qui  semble  être  la  trame  primitive  de  l'axe  cérébro- 
spinal.  Enfin  ,  dans  un  quatrième  degré  cette   trace 
même  n'existe  plus ,  et  entre  les  deux  sections  de  l'axe 
cérébro-spinal    qui  unit   ordinairement  la  partie   ra- 
mollie 5  existe  une  véritable  solution  de  continuité. 
Je  rappellerai  ici  deux  cas  de  ce  genre  fort  remar- 
quables.   Dans  l'un    de  ces  cas  ,   qui  a  été  observé 
par  M.  Rullier,  il  y  avait  un  ramollissement  tel  de  la 
fin  de  la  moelle  cervicale  et  du  commencement  de  la 
dorsale,  qu'on  ne  voyait  plus  dans  toute  celte  étendue 
que  des  filamens  celluleux  suspendus  au  milieu  d'un 
liquide  ;    en    arrière    seulement    existait    une    lame 
mince  qui  continuait  la  communication  entre  les  deux 
portions  de  la  moelle  (i).   Dans  un  autre  cas,  qui  a 
été   publié  par  M.  Yelpeau  (2),  la  solution  de    con- 
tinuité était  encore  plus   complète  :  au  moment  où 
Ton  souleva  le  mésocéphale  ,  on  fut   tout  étonné  de 
voir  que  le  prolongement  raclildlen   qui   en  part   ne 
tenait  à  rien.  Depuis  le   bord  inférieur  du  mésocé- 
phale jusqu'au  bas  des  pyramides,  une  matière  !out-à- 
lait  liquide,    qui  ne  ressemblait  plus  à  la   substance 
nerveuse,  occupait  la  place  du  bulbe  rachidien  ;  il  n'y 


(i)  Journal  de  physiologie  cxpcrlmcnlalc ,  pnr  M.  Magendic. 
(2)  Anhiics  de  lUcdcciuc,  toni.  VU,  pag.  52. 


t 


1>  ANATOMIE    PATftOLOOIOrE.  ^C)() 

avail  plus  même ,  dans  loutt:  cette  étendue  ,  ni  arach- 
11  ci :1e  ni  pie-mère. 

Le  ramollissement  des  centres  nerveux  est  loin  d'être 
toujours  identique  sous  le  rapport  de  la  couleur.  Il 
peut  exister,  i°.  avec  un  état  normal  de  la  couleur 
de  la  substance  nerveuse  ;  2°.  avec  diverses  teintes 
de  cette   substance;  5°.  avec  sa  décoloration. 

La  conservation  de  la  couleur  normale  a  lieu  sm*- 
tout  dans  les  cas  où  le  ramollissement  a  son  siège 
dans  la  substance  médullaire.  J'ai  trouvé  plus  d'une 
lois  réduits  en  pulpe  difiluente  les  parois  des  ventri- 
tricules  latéraux,  Tenveloppe  extérieure  des  couches 
opti([ues,  le  corps  calleux  ou  la  voûte  à  trois  piliers, 
sans  que  la  couleur  ordinaire  de  ces  diverses  parties 
fût  altérée  en  aucune  façon. 

Les  teintes  insolites  que  peut  prendre  la  substance 
nerveuse  ramollie  sont  spécialement  les  suivantes, 
que  l'on  voit  sans  cesse  se  nuancer  et  se  confondre 
les  unes  avec  les  autres  :  teinte  rosée,  rouge  ama- 
ranthe ,  rouge  brun  ,  lie  de  vin  ,  violet,  jaune,  jaune 
verdâtre  ,  gris  clair,    gris  foncé. 

Enfin  la  suVjstance  nerveuse,  en  même  temps  qu'elle 
se  ramollit,  peut  se  décolorer;  elle  présente  alors 
une  teinte  d'un  blanc  mat ,  semblable  à  celle  du  lait  ; 
elle  a  parfois  une  sorte  de  brillant  remarquable. 

On  peut  trouver  dans  ces  parties  ramollies  , 
1^  des  épanchemens  de  sang,  qui  tantôt  sont  très- 
peu  considérables  relativement  au  raniollissement  au 
milieu  duquel  ils  sont  disséminés  ,  et  qui  tantôt  sont 
beaucoup  plus  considérables  que  ce  ramollissement 
lui-même;  2*.  du  pus,  qui  peut  y  êtreinfdtré  ou  ras- 
semblé en  foyer.  M.  Lallemand  pense  que  dans  tous 


SOO  PRÉCÏS 

les  cas  de  raniollissemens  blancs  ,  cette  teinte  est  le 
résultat  d'une  infiltration  purulente.  Je  ne  saurais 
partager  cette  opinion,  qui  n'est  pas  non  plus  celle 
de  M.  Rostan,  car  dans  plusieurs  de  ces  raniollis- 
semens blancs  l'inspection  ne  fait  rien  découvrir  qui 
ressemble  à  du  pus.  Y  a-t-il  du  pus  dans  les  mem- 
branes d'un  estomac  dont  les  parois  sont  en  même 
temps  ramollies  et  décolorées? 

Le  plus  ordinairement  inodore,  le  ramollissement 
des  centres  nerveux  présente  quelquefois  une  odeur 
de  gaz  acide  hydrosulfurique  ,  qu'avaient  probable- 
ment constaté  les  anciens  auteurs,  dans  leurs  obser- 
vations de  gangrène  du  cerveau.  M.  Billard  a  observé 
cette  odeur  cbez  un  enfant  de  trois  jours,  mort  avec 
un  endurcissement  du  tissu  cellulaire.  La  pulpe  céré- 
brale était  réduite  en  une  pulpe  rougeâtre  et  flocon- 
neuse qui  s'écoulait  de  tous  côtés  lorsqu'on  incisait 
l'aracbnoide,  et  qui  répandait  une  odeur  d'hydrogène 
sulfuré  très-prononcée.  Ce  ramollissement  s'étendait 
jusqu'aux  ventricules  latéraux,  où  se  trouvait  une  assez 
grande  quantité  de  sang  épanché  ;  le  reste  du  cerveau 
était  ramolli  et  d'une  couleur  violacée;  mais  il  était 
loin  d'être  difïluent  comme  la  partie  des  hémisphères 
supérieure  aux  ventricules  (i). 

Il  n'est  aucune  partie  des  centres  nerveux  dans 
lesquelles  n'ait  été  observé  le  ramollissement  :  toute- 
fois les  points  où  on  le  rencontre  le  plus  souvent  sont 
les  mêmes  que  ceux  où  l'hémorrhagie  est  aussi  la  plus 
commune  (couches  optiques,  corps  striés,  et  envi- 
rons de  ces  deux  ganglions).  Bien  plus  souvent  aussi 

\ 

{l)  Oper.  cit.  y  pog,  6oi. 


d'aNATOMIE    PATHOLOGIQUt:.  Soi 

il  €xlste  dans  la  substance  grise  que  dans  la  substance 
blanche. 

Dans  les  hémisphères  cérébraux  le  ramollissement 
peut  frapper  : 

1°.  La  substance  corticale  qui  unit  les  circonvo- 
lutions, la  substance  qui  est  au-dessous  d'elle  restant 
intacte.  Ce  ramollissement  partiel  mérite  d'autant  plus 
d'être  signalé,  qu'il  échappe  facilement  à  l'investiga- 
tion ,  lorsqu'on  n'est  pas  prévenu  de  la  possibilité  de 
son  existence  ;  il  accompagne  fréquemment  l'hy- 
perémic  active  des  méninges.  Lorsque  ce  ramollisse- 
ment existe,  la  substance  corticale  s'enlève  avec  la  pie- 
mère,  qu'on  cherche  vainement  à  en  détacher;  cette 
substance  est  en  même  temps  plus  rouge,  et  quel- 
quefois, au  contraire,  plus  pâle  que  de  coutume. 

2°.  Une  partie  plus  ou  moins  étendue  de  la  masse 
de  substance  nerveuse,  située  au-dessus  des  ventri- 
cules latéraux.  Cette  masse  peut  être  ramollie  dans 
sa  totalité,  ou  elle  peut  n'avoir  perdu  sa  consistance 
qu'en  quelques  points  très-petits,  et  isolés  les  uns 
des  autres.  Plus  d'une  fois,  pour  expliquer  des  symp- 
tômes très -graves  ,  on  n'a  trouvé  aulre  chose  dans 
le  cerveau  qu'un  ramollissement  qui  occupait  à  peine 
la  place  suffisante  pour  contenir  une  fève  ;  les  symp- 
tômes qui  coïncident  avec  cette  légère  lésion  étaient 
cependant  les  mêmes  que  ceux  qui  coïncident  dans 
d'autres  cas  avec  le  ramollissement  de  tout  un  lobe. 
Lorsqu'un  hémisphère  est  ramolli  non  loin  de  sa 
surface  extérieure ,  il  arrive  souvent  que  les  circon- 
volutions sont  déformées,  aplaties,  et  quelquefois 
même  elles  semblent  comme  fluctuantes. 

<")".   Le^  parois  des  ventricules  latéraux.   J'ai  trouvé 
IL  5i 


/ 


r[uelqiiefois  une  couche  de  substance  nerveuse  ,  ra- 
mollie et  diffluente,  étendue  sur  ces  parois  en  même 
teuDps  qu'un  liquide  trouble  occupait  la  cavité  ven- 
tricuiaire. 

4°.  Les  couches  optiques.  Tantôt  elles  sont  seule- 
ment ramollies  à  leur  surface  exlérieure  :  Técorce 
blanche  qui  les  enveloppe  ,  réduite  à  l'état  d'une 
pulpe  dilïluente,  n*existe  plus  qu'en  débris,  et  en 
beaucoup  de  points  elle  laisse  voir  à  nu  la  subs^ance 
grise  intérieure  ;  tantôt  c'est  dans  cette  substance 
grise  que  le  ramollissement  a  spécialement  son  siège. 
Dans  un  cas  où  avait  lieu  ce  ramollissement,  M.  Lal- 
Icmand  a  vu  une  pseudo-membrane,  semblable  à  une 
couenne  molle  ,  large  de  cinq  à  six  lignes ,  qui ,  éten- 
due sur  la  surface  de  la  couche  optique  ramollie  , 
allait  adhérer  au  septum  lacidum. 

5°.  Les  corps  striés. 

6".  Les  parties  situées  au  niveau  et  en  dehors  des 
deux  ganglions  précédens. 

'j".  La  corne  d'Ammon  et  le  renflement  qui  se  voit 
à  l'intérieur  de  la  cavité  digitale  des  ventricules  la- 
téraux. 

8".  Les  commissures  cUs  hémisphères  (^  corps  calleux , 
voûte  à  trois  piliers^  septum  lucidum).  Le  ramollis- 
sement de  ces  parties  est  souvent  tel,  qu'à  leur  place 
on  ne  Irouve  plus  qu'une  bouillie  blanchâtre.  Le 
corps  calleux  peut  avoir  conservé  sa  consistance  ac- 
coutumée, dans  des  cas  oij  la  voûte  s'enlève  comme 
une  pulpe  de  la  surface  de  la  toile  choroïdienne.  Ses 
piliers  sont  ordinairement  moins  ramollis   que   son 

(i)  Observations  do  maladies  cércbrates ,  par  A.  M .  Chnmbeyion.  (Thèse* 
de  la  Facullt,  iSaG,  n"  2o5.) 


n'AiXATOMlE    PATHOLOGIQUE.  8o5 

corps.  Le  pilier  antérieur  surtout  conserve  souvent 
une  grande  consistance  ,  bien  que  le  reste  de  la  voûte 
n'existe  réellement  plus,  et  on  suit  très -bien  ce 
pilier,  comme  de  coutume  ,  jusqu'aux  tubercules  pisi- 
formée.  Le  ramollissement  de  la  voûte  et  du  septum 
coïncide  souvent  avec  l'existence  d'un  épancbement 
séreux  dans  les  ventricules.  Souvent  alors  la  subs- 
tance nerveuse  de  la  voûte  a  tellement  perdu  sa  cohé- 
sion ,  qu'on  ne  trouve  plus  à  sa  place  que  des  molé- 
cules qui  flottent  éparses  au  milieu  de  la  sérosité. 

Le  ramollissement  des  autres  parties  de  Taxe  cé- 
rébro-spinal est  moins  fréquent  que  le  ramollissement 
du  cerveau  proprement  dit.  Cependant  on  l'a  observé 
dans  le  mésocéphale  ,  dans  les  diverses  portions  du 
cervelet ,  et  enfin  dans  la  moelle  épinière. 

La  moelle  épinière  a  été  vue  quelquefois  ramollie 
dans  toute  son  étendue  ;  mais  le  plus  souvent  elle  ne 
l'est  que  dans  vjuelques-unes  de  ses  parties.  Ceux  des 
points  de  la  moelle  épinière  qui,  en  raison  des  symp- 
tômes spéciaux  qui  peuvent  en  résulter,  doivent  être 
distingués  sous  le  rapport  de  leur  ramollissement . 
sont  particulièrement  les  renflemens  qui  la  terminent 
supérieurement,  sesparlies  antérieures  et  postérieures, 
et  enfin  ses  portions  cervicale  ,  dorsale  et  lombaire. 

De  plus,  les  deux  substances  qui  entrent  dans  la 
composition  de  la  moelle  épinière  peuvent  se  ra- 
mollir isolément.  Quelquefois,  par  exemple,  on  a  vu 
ce  ramollissement  porter  spécialement  sur  la  subs- 
tance grise  intérieure  ,  et  par  suite  de  la  liquéfactiofi 
de  cette  substance  on  a  vu  se  produire  dans  l'inté- 
rieur de  la  moelle  des  canaux  accidentels  ,  qui  avaient 
la  situation  et  la  forme  de  la  substance  grise  ,  dont 

5i. 


i 


•Sotf  PRÉCIS 

iis  occupaient  la  place.  J  ai  disséqué  avec  M.  Reynatid 
deux  moelles  épinières  ainsi  creusées  de  canaux  qui 
avaient  remplacé  toute  la  substance  grise.  M.  Cham- 
beyron  a  consigné  dans  sa  thèse  une  observation  de 
ramoinssement  de  la  moelle  épinière  ,  qui  avait  aussi 
donné  lieu  à  la  formation  de  cavités  accidentelles 
remarquables  par  leur  disposition.  Sur  la  face  posté- 
rieure de  la  moelle  ,  dit  M.  Chambeyron,  se  trou- 
vaient deux  fentes  longitudinales,  parallèles,  situées 
chacune  sur  un  des  faisceaux  latéraux,  commençant 
à  un  pouce  au-dessous  des  pyramides,  et  s'étendaat 
trois  ou  quatre  pouces  plus  bas.   En  pénétrant  dans 
ces  fentes  ,   on   découvrait  deux  cavités   également 
longitudinales  et  parallèles,  occupant  les  deux  tiers 
inférieurs  de  la  région  cervicale.  Au  niveau  de  la  pre- 
mière vertèbre  dorsale,  ces  deux  cavités  n'en  for- 
maient plus  qu'une  seule,  qui,  située  sur  la  ligne 
médiane,  envahissait  le  tiers  supérieur  de  la  région 
dorsale.  Le  tout  ensemble  constituait  une  cavité  con- 
tinue,   en   forme   d'Y,  d'un   diamètre    égal  à  celui 
d'une  plume  d'oie  ,  divisée  supérieurement  par  une 
cloison  médiane.  Les  parois  de  cette   cavité  étaient 
formées  par  la  substance  grise  ,  ramollie ,  comme  pul- 
tacée,    offrant  une  couleur   nuancée  de  blanc,   de 
rouge  et  de  jaune. 

Le  ramollissement  des  centres  nerveux  peut  exister 
en  un  seul  point  ou  dans  plusieurs  points  à-la-fois. 
Dans  les  hémisphères  il  peut  être  double  ;  enfin  ,  il 
peut  s'être  formé,  soit  à-la-fois,  soit  successivement, 
dans  le  cerveau  proprement  dit,  et  dans  les  autres 
parties  de  l'axe  cérébro-spinal. 

Au  lieu  d'être  partiel ,  ce  qui  est  le  cas  le  plus  or- 


d'anatomie  pathologique.  8o5 

dînaire  ,  le  ramollissement  peut  être  tellement  goné- 
nal ,  que  les  centres  nerveux,  dans  leur  totalité,  ne 
représentent  plus  qu'une  bouillie  ou  une  pulpe  pres- 
que liquide,  où  aucune  Iraec  d'organi>sation  n'est  plus 
apparente.   Ce  ramollissement  général  est  rare  chez 
l'adulte  ,  où  cependant  il  a  été  quelquefois  observé  ;  il 
est  plus  commun  chez  l'enfant   naissant.    Sur  trente 
cas  de  ramollissement  pultacé  de  la  pulpe  cérébrale  ^ 
M.  Billard  a  trouvé  dix  cas  dans  lesquels  ce  ramollis- 
sement existait  en  même  temps  dans  la  totalité  du 
cerveau  et  de  la  moelle  épinière.  Dans  ces  dix  cas,  ïe 
ramcliissement  coïncidait  avec  une  odeur  d'hydrogène 
sulfuré.  Les  enfans  chez  lesquels  fut  rencontrée  celte 
altération  avaient  vécu  quelques  jours.   Tous  avaient 
eu  une  respiration  pénible  et  incomplète  ;  leurs  mem- 
bres étaient   restés  flasques  et  immobiles,  les  balte- 
mens  du  cœur  et  du  pouls  avaient  été  à  peine  per- 
ceptibles. Du  reste  ,   chez  ces   petits  enfans  ,  on  ne 
trouve  que  très-rarement  la  moelle  épinière  ramollie, 
sans  que  le  cerveau  le  soit  aussi;  au  contraire  ,  le  cer- 
veau est  souvent  le  siège  d'un  ramollissement  tès-cou- 
sidérable  sans  que  la  moelle  y  participe.. 

Le  ramollissement  des  centres  nerveux  se  montre  à 
tous  les  âges.  Il  est  très-commun  chez  les  vieillards, 
ainsi  que  le  démontrent  les  recherches  faites  sur  ce 
sujet  par  M.  Rostan  à  la  Salpétrière  :  dans  cet  établis- 
sement le  ramollissement  du  cerveau  se  présente  , 
d'après  M.  Rostan,  plus  souvent  que  l'apoplexie  san- 
guine (0.  Les  faits  rassemblés  par  M.  Lallemand  ,  et 


(i)  Uecherclics  sur  (c  ramollis remen*.    du  cerveau  ,    par    L'oii    Rusîaru 


8o6  rRÏ:(:is 

ceux  qui  cl<^piii.s  ont  été  publiées  par  divers  obsenn- 
Icnrs,  prouvent  que  chez  l'adulle  aussi  le  ramollisse- 
nieiit  du  cerveau  est  une  maladie  fréquente,  quoi'- 
qii'elle  le  soit  moins  que  dans  la  vieillesse.  J'ai  re- 
cueilli à  la  Charité  quelques  cas  de  ramollisseniens  cé- 
rébraux sur  des  sujets  âgés  de  dix-sept  à  vingt  ans. 
De  deux  à  quinze  ans  ,  le  ramollissement  des  centres 
nerveux  devient  de  nouveau  plus  fréquent  ,  ains^i 
qu*ont  pu  s'en  assurer  tous  ceux  qui  ont  suivi  l'Hôpital 
iles  Enfans.  Enfin,  les  travaux  m(^uie  de  M.  Billard 
montrent  que  dès  les  premiers  jours  qui  suiverU  la 
naissance  ,  \<^s  centres  nerveux  sont  susceptibles  de  se 
ramollir,  et  qu'alors  même  ce  ramollissement  est  pins 
considérable  et  plus  général  qu'ii  aucune  autre  épo- 
que de  la  vie.  H  est  vraisemblable  que  dans  plus  d'un 
cas  il  commence  môme  avant  la  naissance. 

Quelle  est  la  natiu^e  et  quelles  sont  les  causes  du  ra- 
mollissement cérébral?  Pour  qui  n'a  lu  que  l'ouvrage 
si  remarquable  du  professeur  Lallemand  sur  cette 
maladie  ,  il  parait  démontré  que  le  ramollissement 
clés  centres  nerveux  est  le  résultat  constant  et  né- 
cessaire d'ufie  irritation  aiguë  ou  chronique  de  ces 
centres.  M.  Lallemand  a  fait  ressortir  avec  un  rare 
talent  les  cas  nombreux  dans  lesquels  on  peut  suivre 
de  l'œil  et  du  toucher,  en  quelque  sorte,  les  degrés 
divers  d'irritation  de  la  pulpe  cérébrale  ;  il  l'a  mon- 
trée tour-à-tour  d'abord  simplement  injectée  ,  pui^ 
injectée  et  ramollie  ,  puis  infiltrée  de  pus  ,  puis  enfin 
creusée  de  foyers  purulens.  Dans  tous  ces  degrés  ce 
sont  les  mêmes  désordres  que  ceux  qui,  |)artout  ail- 
leurs, se  succèdent  ou  coïncident,  lorsqu'une  partie 
quelconque  devient  le  siège  d'une  iiritation  plus  ou 


\ 


DA.NATOMIK    PATHOLOGrQUE.  807 

moins  vive.  Lorsqu'après  avoir  mt^dité  ces  faits,  ou 
en  vient  à  Tobservation  de  la  nature  ,  on  recojuiait 
j.ouvent  toute  la  fidélité  du  tableau  tracé  par  M.  Lal- 
iemand,  et  avec  lui  Ton  ne  peut  se  refuser  à  admettre 
que  le  ramollissenient  des  centres  nerveux,  produit 
d'un  travail  d'irritation,  peut  être  précédé  de  divers 
degrés  d'hyperéune,  et  suivi  d'épanchement  de  sang 
ou  de  formation  de  pus.  Mais  celte  théorie  esî-elle 
dans  tous  les  cas  l'expression  de  la  vérité,  ou  n'em- 
bnisse- t-elle  qu'un  certain  ordre  de  faits?  Etudiez 
rouvra;]:e  de'  M.  llostan  ,  méditez  sur  les  faits  nom- 
breux  qui  y  sont  consignés ,  sur  les  réflexions  pleines 
de  sens  et  de  sagacité  qu'il  y  a  jointes,  revenez  de 
nouveau  à  observer  la  nature,  et,  vous  dépouillant 
de  toute  idée  préconçue  ,  tkmandez-vous  s'il  reste 
pour  vous  démontré  que  tout  ramollissement  du  cer-. 
veau  soit  le  résultat  d'une  irritation  de  cet  organe  : 
vous  resterez  au  moins  dans  le  doute.  Dans  beaucoup 
de  cas,  vous  ne  trouverez  aucune  trace  de  congestion 
sanguine,  il  n'y  aura  non  plus  aucune  infiltration  de 
pus,  aucune  sécrétion  morbide;  une  diminution  de 
consistance,  voilà  tout  ce  que  vous  observerez.  Or, 
ce  n'est  que  par  hypothèse  qu'on  admet  un  lien  né- 
cessaire entre  le  ramollissement  et  l'irritation.  Est-ce 
d'après  la  nature  des  symptômes  que  vous  admettrez 
l'existence  constante  et  nécessaire  de  cette  irritation 
avant  tout  ramollissement  cérébral?  Mais  nous  l'avons 
déjà  vu  bien  des  fois  :  des  désordres  fonctionnels 
identiques  ne  sauraient  prouver  l'existence  d'une  lé- 
sion identique.  Ce  n'est  donc  plus  que  par  analogie  x 
qu'on  peut  établir  dans  tous  les  cas  que  le  rauio  lis  se 
ment  de  l'encéphale  est  un  produit  de  l'iii [talion  d^ 


8o8  PRECIS 

cet  organe;  mais  de  l'analogie,  comme  Ta  fort  bien 
dit  M.  Rostan  à  propos  de  ce  ramollissement ,  il  ne 
peut  7iaître  tout  an  plus  que  des  probabilités  ,  et  des  pro- 
babilités j  dans  aucun  cas^  7ie  sauraient  être  des  preuves. 
Au  reste,  dans  l'état  actuel  de  la  science  il  serait  fort 
difficile  de  dire  ,  sans  émettre  à  son  tour  une  hypo-^ 
thèse,  quelle  est  lacause  du  ramollissement  des  centres 
nerveux  dans  les  cas  où  W  ne  paraît  pas  succéder  à 
une  irritation.  C'est  là  encore  un  de  ces  cas  où  il  faut 
reconnaître  une  perversion  àe  l'acte  nutritif,  et  où 
certainement  la  dichotomie  brownienne  ne  peut  rien 
expliquer  qu'en  faisant  une  supposition.  Ce  n'est  en 
effet  qu'une  conjecture  qu'a  faite  M.  Rostan ,  lors-- 
qu'il  a  dit  que  le  ramollissement  du  cerveau  lui  pa- 
raissait être  une  destruction  sénile,  offrant  la  plus 
grande  analogie  avec  la  gangrène  de  la  vieillesse.  Mais 
certainement  cette  hypothèse  pourrait  être  souvent 
tout  aussi  bien  soutenue,  que  celle  dans  laquelle  oa 
attribue  toujours  le  ramollissement  à  une  irritatioa.. 


ARTICLE  IV. 

INDURATION    DES    CENTRES    NERVEUX. 

Les  centres  nerveux  présentent  quelquefois ,  soit 
dans  toute  leur  étendue,  soit  seulement  en  quelques 
points,  une  augmentation  remarquable  de  leur  con- 
sistance accoutumée. 

Cet  accroissement  de  consistance  présente  plu- 
sieurs degrés. 

Dans  un  premier  degré,  la  subslq^^nç^- nerveuse  se 


D*ANATOMIE    PATHOLOGIQUE.  809 

montre  semblable,  sous  le  rapport  de  sa  consistance, 
à  un  cerveau  qu'on  a  maintenu  plongé  pendant  quel- 
que temps  dans  de  l'acide  nitrique  affaibli. 

Dans  un  second  degré ,  îa  substance  nerveuse  est 
ferme  comme  de  la  cire,  ou  comme  un  morceau  de 
fromage  de  Gruyère. 

Dans  un  troisième  degré ,  elle  acquiert  la  consis- 
tance et  l'élasticité  d'un  fibro-cartila^e. 

Dans  les  deux  derniers  degrés,  la  substance  ner- 
veuse contient  généralement  peu  de  sang;  elle  est, 
au  contraire,  remarquable  par  sa  blancheur  comii^e 
nacrée.  Dans  le  premier  degré,  elle  est  souvent  aussi 
peu  injectée  ,  et  même  exsangue;  mais  d'autres  fois, 
elle  est,  au  contraire,  le  siège  d'une  h^-perémie  assez 
considérable,  et  de  nombreuses  gouttelettes  de  sang 
s'en  écoulent  lorsqu'on  l'incise. 

L'induration  des  centres  nerveux  est  générale  ou 
partielle. 

L'induration  générale  n'a  été  vue  jusqu'à  présent 
que  sous  la  forme  du  premier  degré.  Tout  l'encéphale 
est  remarquable  ,  en  pareil  cas,  par  sa  grande  fermeté. 
Cependant  cette  fermeté  n'est  pas  égale  dans  tous  ses 
points.  Ainsi  elle  est  ordinairement  peu  prononcée  dans 
la  substance  corticale  des  circonvolutions;  elle  est^ 
en  général ,  plus  marquée  dans  la  substance  blanche 
que  dans  la  grise;  elle  est  très-remarquable  dans  les 
parties  blanches  centrales  du  cerveau,  ainsi  qu'à  l'o- 
rigine des  différens  nerfs.  Dans  certains  cas,  l'injec- 
tion sanguine  n'existe  qu'en  quelques  points,  et  hors 
de  ces  points  la  densité  de  la  substance  cérébrale  est 
aussi  considérable,  bien  qu'on  n'y  retrouve  plus  au- 
cune trace  d'hyperémie. 


5lO  PRECIS 

L'induration  générale  du  cerveau  a  été  trouvée 
particulièrement  chez  quelques  individus  morts  avec 
tous  les  symptômes  de  la  fièvre  dite  ataxique  (i).  Je 
l'ai  aussi  observée  chez  deux  individus  qui  maniaient 
Je  plomb,  et  qui  succombèrent  dans  un  état  de  con- 
vul.ûons  générales. 

La  moelle  épinière  peut,  comme  le  cerveau,  pré- 
senter dans  toute  son  étendue  une  notable  augmon- 
lation  de  sa  consistance.  M.  Billard  a  trouvé  une  fois 
cet  endurcissement  si  prononcé  chez  un  nouveau-né, 
<^ril  put  soulever  avec  la  moelle  privée  de  ses  mem- 
branes ,  un  objet  qui  pesait  à-peu-près  une  livre. 
L'enfant  avait  eu  des  convulsions  des  membres  ;  des 
pseudo-membranes  épaisses  tapissaient  les  méninges. 
L'endurcissement  de  la^  moelle  ,  comme  celui  du  cer- 
veau ,  a  spécialement  son  siège  dans  !a  substance  blan- 
che, et  le  plus  ordinairement  la  substance  grise  cen- 
tiale  n'y  participe  pas. 

L'induration  partielle  des  centres  nerveux  a  été  le 
plus  souvent  observée  sous  la  forme  du  second  et  du 
troisième  degré;  c'est  une  afleclion  chronique,  tan- 
dis que  l'induration  générale  parait  être  le  plus  sou- 
vent une  alfection  aiguè. 

Cette  induration  partielle  a  été  vue  dans  différens 
points  des  centres  nerveux.  Les  circonvolutions  céré- 
brales en  sont  quelquefois  atteintes.  Sur  une  petite 
iille  de  trois  ans  environ,  j'ai  trouvé  ces  circonvolu- 

(i)  Gaudet ,  Richerchex  sur  C endurcissement  (général  de  l'cnccphalc,  con- 
sidéré coninw  i'iine  des  causes  walcriclles  des  fièvres  dites  ataxiquns.  (Thèses 
ôv.  la  Faculté,  182.5,  n"  91.)  — Bonillaud,  Observations  sur  rindurutinti 
i^cnérale  de  la  iubstance  du  cerveau  .  etc.  {^A  chivts  de  médecine ,  toin.  VIII . 

i^ag-  4/70 

(2)  Oper.  cit.,  pag.  614. 


n'ANATOMîE    PATlIor.OGIQLE.  8l  î 

lions  devenues  semblables  à  du  h'omaire  de  Gruvèro; 
elles  en  avaient  la  couleur  et  la  consistance.  Le  reste 
fie  l'encéphale  ne  présentait  aucune  lésion.  Quelque- 
fois les  circonvolutions  de  la  convexité  des  hémisphè- 
res sont  intactes,  et  ce  sont  celles  de  la  base  qui  sont 
le  siège  de  l'endurcissement.  Pour  peu  que  cette  in- 
duration soit  considérable,  la  substance  grise  dispa- 
raît, ou  du  moins  à  peine  la  distingue-t-on  de  la  subs- 
tance blanche. Toutefois,  dans  un  cas  cité  par  M.  Lal- 
leniand,  l'induration  n'existait  que  dans  la  substance 
corticale  de  cjuelques  circonvolutions,  cette  indura- 
lion  occupait  seulement  l'étendue  d'une  pièce  de 
trente  sous  ,  et  au-dessous  d'elle  la  substance  blanche 
était  notablement  lamoUie  (i). 

On  a  vu  une  induration  semblable  dans  le  centre 
même  de  ia  substance  médullaire  des  hémisphères  cé- 
rébraux. Ainsi,  chez  une  femme  morte  dans  un  état 
de  démence  ,  M.  Se.  Pinel  a  rencontré  au  milieu  de  ces 
hémisj)hères ,  non  loin  du  ventricule,  un  endurcisse- 
ment de  la  substance  médullaire,  qui,  dans  ce  cas, 
lui  a  paru  semblable  à  du  blanc  d' œuf  durci ,  mais 
plus  résistant.  Chez  le  même  individu  existait  dans 
tout  le  contour  du  bord  postérieur  et  inférieur  du 
cervelet  un  endurcissement  presque  fibro-cartilagi- 
neux  de  la  substance.  La  partie  endurci<î  était  jau- 
nâtre, extensible,  élastique  ;  on  l'eût  volontiers  co.^n- 
parée  à  un  morceau  de  cuir  d'un  blanc  jaunâtre. 
M.  Payen  (2)  a  trouvé  ,  chez  une  ûlle  de  six  anSj  vers 

(1)  Oper.  cit.  ,    pag.  26. 

(2)  Dissertation  inaugurale.  Celle  thèse,  pleine  de  faits  remarquables 
sur  les  maladies  du  cerveau  considéiées  chez  les  eafans  ,  est  due  à  un  des 
aiicieiis  itlternes  les  plus  dislingues  des  hôpitaux  de  Paris,  aujuuid'hui 
médecin  à  Orléans. 


8  1  2  PRÉCIS. 

le  tiers  postérieur  de  l'iiémisphcrc  gauche  du  cerveau- 
une  dépression  due  à  une  circonvolution  beaucoup 
plus  dure  que  de  coutume,  couiuie  ratatinée;  elle 
ressemblait  à  de  la  cire  pressée  entre  les  doigts;  elle 
était  rosée  à  sa  surface,  un  peu  Jaunâtre  dans  son 
épaisseur,  et  enfoncée  entre  deux  autres  circonvo- 
lutions saines.  Ainsi,  dans  ce  cas,  l'endurcissement 
d'une  circonvolution  coïncidait  avec  une  diminution. 
de  son  volume.  L'observateur  exact  qui  rapporte  ce 
fait  n'a  pas  manqué  dé  noter  que  les  membranes  qui 
recouvraient  la  circonvolution  endurcie  étaient  épaisr- 
sies, blanches, et  en  marquaient  le  trajet.  Cette  fille, 
d'un  caractère  triste,  mais  d'une  intelligence  très- 
développée,  avait  depuis  sa  naissance  une  contracture 
du  poignet  et  du  pied  droit,  avec  atrophie  légère  et 
hémiplégie  incomplète  de  ce  c5té.  Dans  un  cas  rapr 
porté  par  Jœger,  l'induration  était  bornée  aux  parois 
de  la  corne  postérieure  des  ventricules  latéraux  ;  J^ 
la  consistance  du  cerveau  était  telle  qu'on  avait  peine 
à  la  couper. 

L'induration  partielle  des  centres  nerveux  coïn- 
cide souvent  avec  d'autres  altérations  de  ces  centres  : 
c'est  ainsi  qu'on  trouve  quelquefois  notablement  enr 
durcies  àes  portions  de  substance  nerveuse  qui  for- 
ment les  parois  d'anciens  épanchemens  sanguins  ,  ou 
celles  qui  existent  autour  d'un  certain  nombre  de 
productions  morbides. 

Les  causes  sous  l'influence  desquelles  les  centres 
nerveux  augmentent  de  consistance  aux  degrés  diveis. 
que  nous  venons  de  signaler,  sont  encore  obscures. 
'J'outcfois  lorsqu'on   réfléchit  que  l'induration   géné- 
rale uu  premier  degré,  goit  de  l'encéphale,  soit  de  la. 


D'aNATOMIÈ    rÂtHOLOGIQi:E.  81 5 

tnôeîîe,  est  le  plus  souvent  accompagnée  pendant  la 
vie  de  tous  les  symptômes  qui  caractérisent  une  irri- 
tation des  centres  nerveux,  et  que,  de  plus,  après  la 
mort  on  trouve  souvent  des  traces  d'irritation  des 
méninges,  et  enfm  une  injection  plus  ou  moins  vive 
de  la  substance  nerveuse  elle-même  ,  on  est  porté  à 
penser  que  cet  endurcissement  est  aussi  un  résultat 
de  l'irritation  de  cette  substance ^  ou,  si  l'on  veut, 
un  degré  d'encéphalite  (1). 

Quanta  l'induration  partielle,  elle  peut  être,  comme 
l'induration  générale,  un  résultat  d'irritation.  L'exis- 
tence de  cette  induration  autour  des  anciens  foyers 
apoplectiques  ou  de  plusieurs  productions  morbides, 
j'état  des  méninges ,  qu'on  a  trouvées  épaissies  et  in- 
filtrées près  des  points  indurés,  pourraient  en  être 
donnés  comme  des  preuves.   Du  reste ,  dans  le  plus 
grand  nombre  des  cas  d'induration  partielle  observés 
jusqu'à  présent,  ce  n'est  que  par  hypothèse  que  peut 
être  admise,  comme  sa  cause  ,  une  irritation  antécé- 
dente. Ici  encore  nous  nous  bornerons  donc  ,  jusqu'à 
plus  ample  informé,  à  rapporter  l'induration  partielle 
du  cerveau  à  une  perversion  de  l'acte  nutritif,   tout 
en  reconnaissant  que  l'irritation  peut  être   un    des 
élémens  de  sa  production  ,   comme  elle  peut  con- 
courir au    développement  de  toutes    les   altérations 
possibles  de  nutrition  ou  de  sécrétion. 

M.  Lallemand  a  émis  l'opinion  que  l'induration 
partielle ducerveau  doitêtreconsidéréedans quelques 
cas  comme  un  mode  de  guérison  des  ramollissemens 


(1)  Bouillaud  ,  Archives  de  médecine^  ton).  Tltl.   f^oycz  aussi  son  Traite 
sur  t'cncèphalite. 


_'__  _  I . 


8i4  PRECIS 

crrrbranx  (i).  C'est  là  un  point  à  cclaircir  par  d^.  neu- 
ve lies  reclicrclies. 


ARTICLE  V. 

lacÉRATIONS    DES    CENTRES   KERVEFX. 

/ 

Lorsqu'une  hémorrbagie  s'est  effectuée  à  rinlérienr 
de  la  substance  cérébrale,  lorsque  du  pus  s'y  est 
amassé  en  foyer ,  ou  que  des  productions  morbides 
de  diverse  nature  s'y  sont  développées,  il  y  a  sou- 
vent véritable  solution  de  continuité  du  cerveau  :  il 
en  est  encore  de  même  lorsque  le  cerveau  a  subi  en 
quelque  point  de  son  étendue  un  ramollissement 
considérable.  INous  avons  vu  précédemment  un  cas 
dans  lequel  le  bulbe  rachidien  se  trouvait  complè- 
tement séparé  du  mésocéphale.  Un  autre  cas  non 
moins  singulier,  et  qui  jusqu'à  présent  n'a  pas  d'a- 
nalogue dans  la  science,  est  celui  qui  a  été  rapporté 
par  Morgagni,  et  dans  lequel  on  trouva  le  corps  strié 
d'un  côté  complètement  séparé  de  la  substance  cé- 
rébrale environnante  :  striatum  corpus  ah  rcliquo  cere^ 
bro  omninb  separaluîn  inventum  est  (2).         \ 

Ce  n'est  pas  de  ces  ulcérations  consécutives  dont 
je  veux  parler  ici.  Il  en  est  d'autres  qui  existent  sans 
aucune  autre  altération,  comme  une  ulcération  intes- 
tinale. On  trouve  quelquefois,  soit  à  la  surface  exté- 
rieure des  hémisphères  cérébraux,  soit  à  la  surface  des 

(1)  Lalle-iiainl ,  Lctirolf,  pag.  5i4. 

[■a)  Pc  scilib.  et  cuits,  inorhor.  ,  épist.  xi  ,  §  2. 


d'aXATOMTE    P\IH<)l.O(MQUE.  SlS 

corps  Striés  et  surtout  des  couoîies  optiques,  clos  points 
où  la  substance  nerveuse  est  superficiellement  détruite; 
il  en  résulte  une  ulcération  de  forme  et  de  grandeur 
variables.  Tantôt  on  n'en  trouve  qu'une  seule;  tantôt 
il  y  en  a  un  grand  nombre.  t)u  reste,  il  faudrait 
prendre  garde  de  confondre  ces  ulcérations  avec  les 
solutions  de  continuité  qu'il  est  parfois  très-facile  d'o- 
pérer dans  la  substance  torticale  des  circonvolutions, 
lorsque  cette  substance  est  ramollie;  alors,  en  enle- 
vant la  pie-mère,  on  enlève  aussi  avec  elle  des  por- 
tions circonscrites  de  cette  substance,  et  l'on  produit 
ainsi  une  apparence  d'ulcération. 

M.  Scoutetten  a  publié  quelques  cas  intéressans 
de  ces  ulcérations  cérébrales  (i).  Un  soldat  ,  âgé  de 
vingt-quatre  ans  ,  succomba  avec  tous  les  signes  d'une 
double  irritation  du  tube;digeslif  et  de  l'encéphale.  Le 
début  de  sa  maladie  avait  été  marqué  par  une  douleur 
sus-orbitaire  extrêmement  vive ,  qui  persista  jusqu'à 
la  mort;  elle  lui  arrachait  continuellement  des  cris 
aigus.  A  l'ouverture  du  cadavre,  on  trouva  sur  la 
partie  inférieure  du  lobe  antérieur  d'un  des  hémi- 
sphères cérébraux,  un  ulcère  de  treize  lignes  de  lon- 
gueur, sur  sept  en  largeur,  d'un  aspect  jaunâtre;  la 
surface  de  cet  ulcère  était  dure  et  sèche,  ses  bords 
inégaux  et  dentelés.  La  substance  cérébrale  sous- 
jacente  était  saine,  ainsi  que  le  reste  de  la  masse  en- 
céphalique ;  mais  partout  l'arachnoïde  était  vivement 
injectée,  et  elle  était  détruite  dans  le  point  qui  cor- 
respondait à  l'ulcère.  Dans  un  autre  cas  cité  par 
M.  Scoutetten,  aucune  douleur  de  tète  n'avait  existé; 

(i)  Archives  de  médecine,  lom.  VII,  pîtg.  35, 


s  1 6  riiÉcis 

la  mort  fut  le  résultat  d'une  irrîlalîon  gaslro-inles- 
tinale ,  qui  dans  les  derniers  temps  donna  lieu  à  du 
délire.  A  la  partie  la  plus  reculée  du  lobe  postérieur 
du  cerveau  existaient  deux  petites  ulcérations  qui  n'in- 
téressaient que  la  substance  grise  :  l'une  de  ces  ulcé- 
rations était  longue  de  six  lignes,  et  de  forme  ovale  ; 
l'autre,  déforme  linéaire,  n'avait  qu'une  ligne  de 
largeur.  Autour  d'elles  la  substance  cérébrale  était 
injectée;  cette  injection  devenait  d'autant  plus  pro- 
noncée qu'on  examinait  le  cerveau  plus  près  de 
l'ulcération  ;  la  substance  grise  avait  une  couleur  lie 
de  vin. 


CHAPITRE  III. 
LÉSIONS  DE  SÉCRÉTION. 

Les  centres  nerveux  sont  susceptibles  de  devenir  le 
siège  de  nombreuses  productions  morbides  ,  qui 
toutes  peuvent  être  rapportées  à  une  altération  de  la 
sécrétion  perspiratoire(i)  ,  qui  a  lieu  dans  ces  centres 
comme  dans  tout  tissu.  Ici ,  comme  partout  ailleurs, 
cette  altération  de  sécrétion  suit  manifestement,  dans 
un  certain  nombre  de  cas  ,  une  augmentation  de  vita- 
lité, une  irritation,  d'où  est  résulté  un  afïlux  insolite 


(i)  Je  sais  bien  qu'en  attribuant  l'origine  des  sécrétions  morbides ,  dont 
les  parencbynies  organiques  peuvent  être  le  siège  ,  à  une  altération  de  leur 
sécrétion  perspiratoire  ,  je  n'émets  en  définitive  qu'une  hypothèse  ;  et  si  je 
m'en  sers,  c'<,'st  parce  que,  dans  l'état  aclurl  de  la  science,  cette  hypo- 
thèse, en  rapport  avec  les  laits  connus  ,  nie  paraît  propre  à  les  lier  et  à  les 
thioriser. 


D'AiNATOMIE    PATHOLOCIQLE.  8i^ 

de  sang,  et  une  vicieuse  séparation  de  ses  mafcriaux  ; 
comme  partout  ailleurs  j  il  n'est  aucune  de  ces  alté- 
rations de  sécrétion  qui  ne  puisse  reconnaître  ce 
point  de  départ  ;  mais  aussi,  comme  partout  ailleurs, 
il  n'en  est  presqu'aucune  pour  laquelle  ce  point  de 
dépHrt  doive  être  regardé  comme  constant  et  né- 
cessaire. 

#  Les  produits  de  sécrétion  morbide  se  présentent 
dans  les  centres  nerveux  sous  trois  étals  : 

I"  Etat,  Combinaison  intime  du  produit  sécrété 
avec  le  tissu  nerveux  molécule  à  molécule.  (Produc- 
tions morbides  infiltrées.  ) 

IP  Etat,  Existence  du  produit  sécrété  dans  une 
cavité  accidentelle,  dont  les  parois  sont  formées  par 
la  substance  nerveuse  elle-même,  qui  autour  de  la 
cavité  présente  le  plus  ordinairement  différentes  altéra- 
tions. (Productions  morbides  non  enkystées.  ) 

IIP  Etat.  Existence  du  produit  sécrété  dans  une 
cavité  accidentelle,  dont  les  parois  sont  constituées 
par  une  ou  plusieurs  membranes  de  nouvelle  for- 
mation. Autour  de  cette  cavité  la  substance  nerveuse 
est  le  plus  ordinairement  saine.  (Productions  morbides 
enkystées.) 

Les  parois  des  kystes  qui  emprisonnent  les  pro- 
ductions morbides  des  centres  nerveux  sont  loin 
d'être  identiques.  Les  tissus  qui  entrent  dans  leur 
composition  sont  le  tissu  vasculaire  ,  le  tissu  cellu- 
laire,  le  tissu  séreux,  un  tissu  cellulo-vasculaire  qui 
a  souvent  la  plus  grande  ressemblance  avec  le  tissu 
inuqueux,  le  tissu  séreux,  le  tissu  fibreux,  le  tissu 
carlilngineux,  le  tissu  osseux.  Ces  différens  tissus  peu- 
vent exister  isolés   ou   réunis    dans  un   même  kyste, 

II.  52    ' 


8i8  pni^cis 

L'époque  où  ce  kyste  est  eoQiplètement  formé  est 
souvent  aussi  l'époque  où  des  productions  morbides  ^ 
qui  jusqu'alors  avaient  manifesté  leur  existence  par 
des  symptômes  plus  ou  moins  graves,  ne  s'annoncent 
plus  par  aucun  accident;  cela  tient  bien  certainement 
à  ce  qu'autour  du  kyste  la  substance  nerveuse  ,  restée 
malade  jusqu'au  moment  de  sa  formation  ,  a  repris 
son  état  sain.  De  là  se  déduit  la  conséquence  que  1^ 
gravité  et  la  nature  des  symptômes  auxquels  donne 
lieu  un  produit  morbide  quelconque  développé  dans 
les  centres  nerveux,  dépendent  moins  du  seul  fait  de 
l'existence  de  ce  produit  morbide  ,  que  des  condi- 
tions organiques  ou  vitales  dans  lesquelles  se  trouve 
Ja  substance  nerveuse  qui  l'entoure. 

La  différence  de  nature  des  produits  morbides  qui 
se  développent  dans  les  centres  nerveux  établit  dans 
ces  produits  une  division  toute  naturelle  que  nous 
allons  suivre ,  en  consacrant  un  article  spécial  à  la 
description  de  chacun  de  ces  produits ,  telle  du  moins 
qu'elle  peut  être  faite  dans  l'état  actuel  de  nos  con- 
naissances ,  qui  présente  encore  sur  ce  point  un  grand 
nombre  de  lacunes. 


ARTICLE  rUEiMIER. 

EXHALATION    DE    SÉROSITÉ    DANS    LES    CENTRES    NERVEUX     Ot 

AUTOUR    d'eux. 

Déjà  plusieurs  fois  nous  avons  eu  occasion  de  parler 
des  belles  recherches  de  M.  Magendie  sur  le  liquide 
cérébro-spinal.    La  connaissance  de  ce  liquide,   de 


n'ANÀTOAÎîF    PATITOtOCTOrE.  S  \  Ù 

son  sit'ge  ,  de  sa  narine,  de  ses  variétés  de  qnanlité  , 
de  qualité  et  de  situation,  peut  conduire,  en  patho- 
logie ,  à  la  découverte  de  tant  de  faits  importans, 
qu'il  nous  semble  indispensable  de  rappeler  ici  quel- 
ques points  de  son  histoire.  Avant  que  M.  Magendie 
n'eijt  fixé  l'attention  des  physiologistes  sur  Texîs- 
tence  de  ce  liquide,  avant  qu'il  n'en  eût  déterminé 
les  fonctions,  qui  aurait  pensé  que  les  accidens  les 
plus  graves  peuvent  tout  simplement  résulter  de  quel- 
que différence  en  plus  ou  en  moins  dans  la  quantité 
de  ce  liquide?  C'est  cependant  ce  qui  a  été  observé  : 
M.  IMagendie  soustrait  ce  liquide,  et  il  voit  l'animal 
tomber  tout-à-coup  dans  un  état  singulier  d'hébéte- 
ment et  de  stupeur  ;  ces  phénomènes  ne  cessent  que 
lorsque  le  liquide  s'est  reproduit,  ce  qui  arrive  aa 
bout  de  quelques  jours;  ils  sont  d'autant  plus  mar- 
qués que  l'animal  est  plus  âgé.  Un  autre  animal  , 
après  la  soustraction  de  ce  liquide  cérébro-spinal , 
tomba  dans  un  état  de  fureur  maniaque,  qui  ressem- 
blait â  la  rage  ;  cependant  il  n'était  pas  hydrophobe. 
En  menaçant  de  mordre  il  commençait  le  mouve- 
ment  de  s'élancer  en  avant ,  mais  aussitôt  il  se  redres- 
sait, et  se  renversait  en  arrière  (i).  En  accumulant 
artificiellement  ce  liquide  dans  la  cavité  rachidienne^ 
M.  Magendie  a  produit  la  paralysie.  En  l'injectanè 
refroidi  dans  le  canal  vertébral  (après  l'en  avoir  re- 
tiré), à  la  température  de  lo",  il  a  fait  naître  chez 
les  animaux  un  tremblement  et  une  paralysie  passa- 
gère. Au  contraire  ,  il  ne  survient  rien  de  semblable 
si  ,   après  l'avoir  retiré  ,  on  l'injecte  dans  le  rachis  à 


(i)  Desnioulins  ,  OpeVi  cU. ,  tom.  II ,  pag.  558. 


52. 


620  .  rriEcis 

une    température    égale    à   celle    qu'il    a   ordinaire- 
ment (3 1°). 

La  quantité  ordinaire  du  Tîqnide  cérébro  spinal  est 
de  deux  onces.  De  sa  diminution  résultent  peut-être 
tin  grand  nombre  d'afifections  nerveuses  pour  l'expli- 
cation desquelles  on  n'a  trouvé  jusqu'à  présent  dans 
les  centres  nerveux  aucune  lésion  appréciable,  ou 
que  l'on  a  rapportées  à  des  altérations  qui  n'en  sont 
peut  être  pas  la  véritable  cause.  Yoilà  donc  dans  les 
centres  nerveux  une  inconnue  dont  l'élimination  peut 
changer  la  face  de  bien  des  questions  ;  mais  dans  les 
centres  nerveux,  combien  n  y  a  t-ii  pas  encore  de 
semblables  inconnues  à  éliminer!  Tous  nos  travaux 
actuels  ne  sont  donc  que  des  travaux  provisoires. 
L'augmentation  du  liquide  cérébro-spinal  est  la  cause 
d'un  certain  nombre  d'épanehemens  séreux  ,  soit  à 
l'intérieur  des  centres  nerveux,  soit  dans  leurs  ven- 
tricules; car  M.  Magendie  s'est  assuré  qu'une  com- 
munication normale  existe  entre  la  cavité  spinale  sous- 
arachnoïdienne,  ou  a  son  siège  principal  le  liquide 
dont  il  s'agit,  et  le  quatrième  ventricule,  et  que  par 
celui-ci  il  se  répand  dans  les  autres  ventricules  du 
cerveau.  Cette  communication  existe  vis-à-vis  la  fin  du 
quatrième  ventricule,  à  l'endroit  désigné  communé- 
ment sous  le  nom  de  bec  de  plume.  L'ouverture  qui 
établit  cette  communication  est  arrondie^  de  deux  à 
trois  lignes  de  diamètre  ;  on  la  trouve  entre  les  deux 
artères  cérébelleuses  postérieures.  Dans  plusieurs  cas 
d'épanehemens  séreux  à  l'intérieur  des  ventricules, 
M.  Magendie  a  constaté  que  cette  ouverture  était  no-r 
tablement  agrandie,  ainsi  que  l'orifice  de  Sylvius.  Il 
pense  que  la  quantité  du   liquide  ne  peut  dépasser 


d'anatomie  pathologiole.  821 

deux  onces  ,  sans  qu'il  en  résulte  des  accidcns.  La 
maladie  des  chevaux  connue  des  vélérinaires  sous  le 
nom  à' immobilité  y  Qi  doiil  le  principal  phénomène  est 
l'impossibilité  de  reculer,  a  coïncidé,  dans  un  cas 
observé  par  M.  Ma^endie  ,  avec  une  accumulation  in- 
solite du  liquide  cérébro-spinal  dans  les  ventricules  ;. 
c'est  \q  même  phéjiomènc  que  M.  Magendie  a  produit 
en  coupant  les  corps  striés. 

D'abondanles   collections   de   sérosité  peuvent  se 
faire  dans  la  substance  même  des  centres  nerveL'x,; 
ou  dans  les  membranes  qui  les  entourent. 

La  sérosité  qui  s'épanche  dans  la  substance  ner-' 
veuse  elle-même  peut  s'y  trouver  infiltrée,  ou  con- 
tenue dans  une  caviîé.  M.  Guersent  a  signalé  chez 
les  enfans  un  état  dans  lequel  diverses  parties  du 
cerveau  étaient  ramollies  par  la  quantité  considé- 
rable de  sérosité  qui  en  infdlrait  la  substance,  et 
qu'on  pouvait  facilement  en  exprimer.  Le  siège  de 
cette  infiltralion  se  trouve  le  plus  souvent  dans  les 
parties  blanches  centrales  qui  réunissent  les  deux 
hémisphères  cérébraux  (corps  calleux,  voûte  à  trois 
piliers,  sfptum  incdlan).  La  substance  blanche  qui 
constitue  la  couche  la  plus  superficielle  des  parois 
des  ventricules  est  quelquefois  aussi  atteinte  de  ce 
ramollissement  par  infiltration  séreuse  ;  on  le  retrouve, 
mais  beaucoup  plus  rarement,  dans  les  couches  op- 
tiques, dans  les  corps  striés,  dans  la  masse  même  des 
hémisphères.  Dans  la  plupart  des  cas  de  ce  genre 
observés  j  ar  M.  Guersent,  il  existait  en  même  temps 
un  épanchenient  considérable  de  sérosité  dans  les  ven- 
tricules; ce[)endant  il  peut  avoir  lieu  sans  cet  épan- 
chemcnl,  ce  qui  prouve   qu'il  n'est  pas  lo    résultat.. 


82  2  PRÉCIS 

liîécaniqne  de  la  luacération  de  la  substance  par  le 
liquide  épanché.  J'ai  rencontré  plusieurs  fois  un  pa- 
reil état  cbe?  les  adultes;  chez  eux,  mes  observations, 
m'ont  conduit  à  établir,  sous  \e  rapport  du  siège, 
trois  variétés  d'infiltration  séreuse  de  l'encéphale  :, 
l'une  existe  dans  les  parties  blanches  centrales  du 
cerveau;  la  seconde  dans  les  couches  optiques  et 
dans  les  corps  striés  ;  et  la  troisième  dans  la  masse 
môme  des  hémisphères.  Je  n'ai  pas  vu  qu'aucun  symp- 
Ijôme  particulier  coïncidât  avec  l'existence  de  cet 
œdème  cérébral^  quel  qu'en  fût  le  siège  :  la  même 
remarque  a  été  faite  sur  les  enfans  par  M.  Guer- 
sent(i). 

La  sérosité  qu'on  trouve  rassemblée  dans  une  ca- 
vité creusée  au  sein  de  la  substance  nerveuse  ne  s'y 
épanche  le  plus  souvent  qu'à  la  suite  d'un  certain 
nombre  de  lésions  que  nous  avons  signalées  plus 
haut,  comme,  par  exemple,  à  la  suite  d'un  épanche- 
ment  de  sang.  Une  membrane  s'organise  autour  du 
caillot  sanguiii ,  et  c'est  celte  membrane  qui  fournit 
ia  sérosité.  D'autres  fois ,  à  la  place  d'une  porUon. 
atrophiée  de  l'encéphale ,  on  trouve  un  vaste  kysle 
rempli  de  sérosité.  Aux  cas  de  ce  genre  que  nous 
avonsdéjà  cités,  nous  en  ajouterons  un  que  M.  Cham- 
beyron  a  fait  connaître  (2).  Chez  une  fille  de  seize 
ans,  dont  les  ventricules  cérébraux  étaient  distendus 
>ar  une  très- grande  quantité  de  sérosité,  et  dont  h; 
lobe  médian  du  cervelet  était  occupé  par  une  masse 
tuberculeuse,  le  quatrième  venLiicule  se  continuait 

(1)   Dictionnaire  de  iitiilccitie  ,  par  MM.  Adcloii ,  Amiral ,  licclaid  ,  tlt.  , 
(•2)  Opar.  cit.  ,  l'H'^i  53. 


d'anatomie  pathologique.  82\> 

avec  une  cavité  accidentelle  qui  existait  dans  l'hé- 
misphère gauche  du  cervelet,  et  qui  contenait  à-peu- 
près  deux  onces  de  sérosité;  une  cavité  semblable, 
mais  moins  grande  ,  occupait  l'hémisphère  droit. 

La  sérosité  épanchée  sur  les  différerH:es  surfaces 
des  centres  nerveux  peut  avoir  son  siège,  i°.  entre 
la  dure-mère  et  les  parois  du  crâne  ;  2°.  entre  l'arach- 
noifde  et  la  dure-mère;  3".  daUsS  la  grande  cavité  de 
î^arachnoïde ,  autour  de  l'encéphale;  4°«  dans  le  tissu 
cellulaire  sous-arachnoïdien  (pie-mère);  5^  dans  les  dif- 
férens  ventricules,  et  Jusque  dans  celte  cavité,  très-peiv, 
appréciable  dans  l'état  sain,  qui  existe  entre  les  deux 
lames  du  septum  lucidum.  M.  Breschet  a  plus  d'une 
lois  constaté  chez  des  enfans  de  six  mois  à  un  an 
1  existT'nce  d'une  véritable  hydropisiede  ce  cinquième 
ventricule  (i). 

Rien  de  plus  variable  que  la  quantité  de  sérosité 
qui  peut  s'épancher  dans  ces  divers  points;  cette 
quantité  varie  depuis  quelques  gros  jusqu'à  plusieurs, 
livres.  Elle  n'est  jamais  très- considérable  lorsque 
l'épanchemcnt  est  le  résultat  d*une  affection  aiguë. 

Tant  que  l'épanchement  de  sérosité  n'est  pas  très- 
abondant,  les  cavités  du  cerveau  sont  peu  agrandies; 
sa  substance  peut  être  phis  ou  moins  comprimée, 
mais  elle  reste  intacte.  Lorsqu*au  contraire  l'épan- 
chement est  tellement  considérable  qu'il  tend  k 
remplir  seul  toute  la  cavité  du  crâne,  la  substance 
cérébrale  se  déforme  d'abord,  puis  disparaît.  Dans 
certains  cas  la  masse  des  hémisplières  cérébraux  est: 
réduite   à  une  lame  milice,  semblable  à  ceHe  qui  la 

(1)   Dic.lonnaue  de  médecine^  elc.  ,  article  Ifytrociphnfc  chronhjuc. 


g24  riiÉcis 

constituait  clans  les  prt;;uiiers  temps  de  la  vie  em^ 
bryonnaire.  Dans  d'autres  cas  on  ne  trouve  même 
plus  de  vestige  de  cette  masse  nerveuse  ,  et  toute  la 
partie  du  cerveau  située  au-dessus  des  venlricules 
est  remplacée  par  une  poche  pleine  de  sérosité ,  les 
parois  de  cette  poche  sont  constituées  par  les  ménin- 
ges. Dans  d'autres  cas  la  destruction  de  l'encéphale 
est  encore  pljs  profonde;  mais  alors  ces  cas  rentrent 
dans  ceux  d'anencéphalie,  dont  nous  avons  parlé  plus 
hc^ut. 

Lorsqu'à  l'intérieur  du  crâne  la  sérosité  tend  ainsi 
à  prendre  la  place  de  la  substance  nerveuse  ,  le  crâne 
augmente  le  plus  ordinairement  de  dimensions,  et 
les  têtes  des  hydrocéphales  sont  connues  même  des 
p  îrsonnes  étrangères  à  la  médecine.  Cependant  il  est 
des  cas  où  la  tête  conserve  ses  dimensions  normales  ; 
il  en  est  d'autres  où  cette  tête,  loin  d'être  augmentée 
de  volume  ,  est  au  contraire  notablement  plus  petite 
que  dans  l'état  normal.  Quant  aux  os  qui  composent 
les  parois  du  crâne  ,  ils  sont  souvent  dans  leur  état 
naturel;  d'autres  fois  ils  sont  extrêmement  minces, 
et  de  larges  intervalles  cartilagineux  les  séparent  les 
uns  des  autres  ;  d'autres  fois  enfin  ils  ont  acquis  au 
contraire  une  excessive  épaisseur.  Aucun  rapport 
constant,  soit  de  forme,  soit  de  nutrition ,  ne  saurait 
donc  être  et  bli  entre  l'état  de  l'encéphale  et  celui 
de  son  enveloppe  osseuse. 

L'épanchement  de  sérosité  ,  qui  n'est  pas  assez  con- 
sidérable pour  déformer  la  substance  encéphalique  , 
peut  se  former  à  toutes  les  époques  de  la  vie,  soit 
d'une  manière  aiguë  ,  soit  d'une  manière  chronique.  Il 
(  oincide  souvent  avec  diverses  lésions  de  l'enccDhale 


^  D*ANATOMIE    l'ATIIOlOGIQUE.  8^5 

OU  des  méninges,  appréciables  sur  le  cadavre,  et  il 
peut,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  ôlrc  regardé 
comme  le  résultat  de  ces  lésions.  Une  injection  plus 
ou  moins  vive  de  la  substance  nerveuse  ou  de  ses  en- 
veloppes ,  un  ramollissement  de  la  pulpe  encépha- 
lique, un  foyer  apoplectique  récent  ou  ancien,  une 
produclion  accidentelle  développée  au  sein  dn  paren- 
chyme cérébral ,  telles  sont  les  lésions  qui  précèdent 
ou  accompagnent  dans  bien  des  cas  l'épanchement 
séreux  des  surfaces  encéphaliques.  D'autres  fois,  ce- 
pendant, on  ne  découvre  rien  autre  chose  dans  l'en- 
céphale et  ses  annexes  qu'une  grande  quantité  de 
sérosité  limpide.  Du  reste  il  faudrait  se  garder  de  con- 
sidérer comme  le  produit  d'un  état  morbide ,  la  petite 
quantité  de  sérosité  que  Ton  trouve  habituellement 
accumulée  dans  les  ventricules  cérébraux. 

Cet  épanchement  de  sérosité  peut  s'elFectuer  en 
quelques  heures,  et  il  en  résulte  alors  la  maladie 
très-réelle,  mais  beaucoup  plus  rare  qu'on  ne  l'avait 
pensé,  qui  est  connue  sous  le  nom  d'apoplexie  séreuse. 
Il  peut  se  former  en  un  petit  nombre  de  jours,  et 
l'on  observe  dans  ce  cas  l'ensemble  de  symptômes 
qui  ont  été  décrits  sous  le  nom  d'hydrocéphale  aiguë. 
Mais  le  rôle  que  joue  l'épanchement  de  sérosité  dans 
la  production  des  symptômes  est  loin  d'avoir  encore 
été  bien  déterminé;  d'une  part,  en  effet,  l'on  trouve 
souvent,  dans  les  ventricules,  sur  beaucoup  de  cada- 
vres, une  quantité  de  sérosité  an  moins  égale  à  celle 
que  l'on  rencontre  dans  la  maladie  appelée  hydrocé- 
phale aiguë  ,  et  cependant  aucun  des  symptômes  de 
cette  maladie  n'a  existé;  il  n'y  a  eu  même  ancun  ac- 
cident cérébral  ;  d'une  autre  part,  l'on  observe  non 


S26  pr.ÉGis 

moins  souvent  tous  les  symptômes  de  l'Iiydrocéphale 
aiguë,  dans  des  cas  où  après  la  mort  on  ne  Iroure 
dans  les  ventricules  ou  ailleurs  aucun  épanchement 
notable.  Il  ne  semble^  donc  pas  que  l'essence  même 
de  la  maladie  réside  dans  cet  épanchem^nt ,  qui  n'en 
est  qu*un  d«s  caractères  anatomîques  Ç\), 

On  a  décrit  dans  ces  derniers  temps,  sous  le  nom 
d'hydrocéphale  chronique  des  vieillards,  une  maladie 
caractérisée   par   l'aflaiblissement  graduel  des  diHé- 
rentes  fonctions  cérébrales  ,  et  dans  laquelle  ,  dit-on  , 
l'ouverture  des  cadavres  ne  montre  d'autres  lésions 
qu'une  accumulation    considérable    de   sérosité   soit 
dans  le  tissu  cellulaire  sous-ar<ichnoïdien  des  surfaces 
extérieures  de  l'encéphale  ,  soit  dans  les  ventricules. 
L'épançhement  de  sérosité  ,  qui  est  assez  considé- 
rable pour  entraîner  la  déformation  ou  la  destruction 
de  l'encéphale,  est  le  plus  ordinairement  une  affec- 
tion congénitale,  bien  que  quelquefois  on  l'ait  vue  se 
développer  après  la  naissance.  Les  causes  qui  lui  don- 
nent   naissance    sont   encore  peu   connues;   si   dans 
quelques  cas  on  a  cru  pouvoir  établir  qu'il  avait  suc- 
cédé à  une  irritation  des  méninges  ou  de  l'encéphale, 
il  faut  avouer   que,  dans  le  plus  grand  nombre  des 
circonstances,  on   en  ignore  le  point  de  départ.  On 
n'exprime  que  le  fait  lui-même ,  lorsqu'on  dit  qu'il  y 
a  coïncidence,  en  pareil  cas,  entre  l'arrêt  de  dévelop- 
pement du  cerveau  ,  et  une  exhalation  plus  abondante 
<jue  de  coutume  de  ses  membranes  enveloppantes. 
Mais    quelle  a  été  la    lésion  première?  est-ce  parce 

(i)  Une  dos  £rrandf;s  erreurs  de  plusienis  throrie»  inrdicales  ,  cVst 
d'avdir  conlondii  la  viil»;m  d'une  It  sion  cuniuie  caiactèie  aiialouiitjuc 
d'une  maladie  a\ec  sa  valeur  coinnie  cause. 


d'aNATOMIE    PVTÎIOLOGIQLïï.  S2T^ 

que  l'encéphale  ne  s'est  pas  développée,  qu'une  quan- 
tité insolite  de  sérosité  est  venue  en  occuper  la  place? 
est-ce  au  contraire  parce  que  d'abord  cette  exhalation 
a  été  trop  abondante,  que  la  substance  nerveuse  ne 
s'est  pas  formée  ? 

L'accumulation  de  sérosité  dans  les,  membranes  de 
la  moelle  épinière  ,  ou  au  sein  même  de  cette  moelle  , 
a  été  désignée  sous  le  nom  iVliydromcliis.  Dans  celte 
maladie,  tantôt  le  liquide  est  épanché  seulement ,  soit 
dans  l'arachnoïde  ,  soit  entre  cette  membrane  et  la 
pie-mére  ;  tantôt  il  occupe  la  place  de  la  moelle  elle- 
même  imparfaitement  développée.  '    • 

On  distingue  deux  espèces  d'hydrorachis  :  l'une  est 
accidentelle,  acquise,  ne  survient  en  un  mot  que. 
plus  ou  moins  long-temps  après  la  naissance;  l'autre, 
est  congénitale.  Chacune  de  ces  espèces  comprend 
deux  variétés  :  dans  la  première  ,  ks  parois  osseuses 
du  r'açhis  sont  intactes  ;  dans  la  seconde  ,  elles  sont 
divisées.  Cette  division  d^i  rachis,  très-commune  dans 
le  cas  d'hydrorachis  conj'énitale  ,  a  été  aussi  quel- 
quefois  observée  dans  les  cas  d'hydrorachis  survenue 
après  la  naissance  chez  les  adultes. 

L'accumulation  de  sérosité  dans  le  canal  vertébral 
avec  scissure  des  parois  de  celui-ci,  a  été  désignée 
pour  la  première  fois,  par  Tulpius,  sous  le  nom  do 
spina-blfida  :  on  la  trouve  quelquefois  désignée  dans 
les  auteurs  sous  le  nom  de  tumeur  lombaire ,  parce  que 
c'est  aux  lombes  qu'elle  a  son  siège  le  plus  fréquent. 
Béclard  a  proposé  de  désigner  ce  vice  de  conforma-, 
lion  par  le  terme  cVatélorac/iidie. 

La  cause  la  plus  fréquente  de  cette  maladie  parait 
devoir  être  rapportée  à  un  arrêt  dans  le  déveîo[)pe- 


b2S  PRECIS 

t 

ment  des  parois  osseuses  du  racliis  ,  lequel  se  trouve 
lié,  soit  avec  uq  état  d'bydropisie  des  enveloppes 
membraneuses  de  la  moelle,  soit  avec  un  aulre  arrêt 
de  développement  de  celle-ci  ,  qui  reste  liquide  , 
comme  dans  les  premiers  temps  de  sa  formation.  Dans 
Jes  cas  rares  où  le  spina-bifida  a  été  observé  chez 
l'adulte,  il  semble  qu'il  faille  admettre  dans  les  ver- 
tèbres une  altération  secondaire  de  nutrition  ou  un 
travail  de  résorption  qui  les  ramène  à  leur  état  primitif 
de  développement.  Salzmann  et  Camper  ont  vu  le 
spina-bifida  exister  chez  plusieurs  enfans  issus  d'une 
•  même  mère.  Dans  le  cas  de  Salzmann,  le  second 
enfant  avait  été  mis  au  monde  quinze  mois  après  le 
premier;  dans  le  cas  de  Camper,  c'étaient  deux  ju- 
meaux. 

Le  spina-bifida  est  caractérisé  extérieurement  par 
la  présence  d'une  ou  plusieurs  tumeurs  situées  sur  le 
trajet  de  la  colonne  vertébrale.  Dans  le  plus  grand 
nombre  des  cas  elles  ont  leur  siège  à  la  région  lom- 
baire ,  assez  souvent  au  sacrum  ,  plus  rarement  au 
dos,  et  plus  rarement  encore  vers  la  nuque.  Leur 
grandeur  est  très-variable  :  on  en  a  vu  qui  égalaient 
à  peine  le  volume  d'une  noisette;  quelquefois  même 
on  n'observe  pas  de  tumeur,  à  proprement  parler, 
mais  seulement  une  légère  saillie  de  la  peau  qui  est 
transparente,  et  qui  douîie  une  sensation  de  fluctua- 
tion; d'autres  tumeurs  égalent  la  grosseur  de  la  tète 
d'un  jeune  enfant  ;  il  est  des  cas  où  la  tumeur  est 
moins  remarquable  par  son  volume  en  un  point  dé- 
terminé que  par  sa  grande  étendue.  Ainsi ,  par  exem- 
ple ,  lorsque  le  rachis  est  ouvert  dans  toute  sa  partie 
postérieure,  on  voit  la  peau  ou  d'autres  membranes 


b'ANATOMiE    PATHOLOGIQUE.  829 

faire  le  long  de  l'épine  une  saillie  uniforme  ou  inégale, 
qui  représente  la  paroi  fortement  convexe  d'un  canal. 
La  forme  de  ces  tumeurs  n'est  pas  plus  constante  que 
leur  situation  et  leur  grandeur  :  les  unes  sont  glo- 
buleuses, les  aulres  allongées,  ovoïdes;  tantôt  c'est 
à  leur  base  qu'elles  offrent  la  plus  grande  largeur; 
tantôt,  au  contraire  ,  cette  base  n'est  constituée  que 
par  un  étroit  pédicule.  Cette  dernière  circonstance 
t.»xiste  surtout  -,  lorsque  l'ouverture  des  vertèbres  est 
très-peu  considérable.  Quand  il  existe  plusieurs  tu- 
meurs, la  pression  exercée  sur  l'une  d'elles  ne  la  di- 
minue ordinairement  qu'en  augmentant  le  volume 
des  aulres,  ce  qui  prouve  leur  libre  communication. 
Le  plus  souvent  aussi,  le  siège  de  la  tumeur  étant  dans 
la  région  lombaire  ,  son  volume  s'accroît  par  la  posi- 
tion verticale  du  malade. 

Les  parois  de  la  tumeur  da  spîna-bifida  ne  pré- 
sentent pas  toujours  la  même  composition  anato- 
mique.  Dans  certains  cas,  elles  sont  formées  de  de- 
bors  en  dedans,  1°.  parla  peau  ,  que  l'on  a  trouvée, 
suivant  les  cas  ,  très-saine,  épaissie  ,  amincie  en  totalité 
ou  partiellement,  ulcérée,  tendant  à  se  gangrener, 
couverte  de  fongosités,  et  quelquefois  de  touffes  de 
poils  ;  2**.  par  les  membranes  rachidiennes.  D'autres 
fois  la  peau  n'existe  pas  :  alors  les  méninges,  qui 
forment  seules  les  parois  ,  ou  bien  sont  dans  leur  état 
à-peu-près  naturel,  ou  bien  elles  sont  rouges,  engor- 
gées ,  épaissies. 

Le  liquide  contenu  dans  la  tumeur  ,  et  qui  com- 
munique librement  avec  ce^lui  que  renferme  le  canal 
racbidien ,  peut  être  étudié  sous  le  rapport  de  son 
siège,  de  sa  quantité  et  de  sa  nature  :  son  siège  est 


8jb  .  PRKCIS 

varia])Ie.  Ainsi  on  l'a  vu  sitao  ,  i*.  dans  la  cavité  de 
l'arachnoïde  ;  2".  entre  l'arachnoïde  et  la  dure-mèrC  ; 
5**.  entre  l'arachnoïde  et  la  pie-raère  ;  4°»  entre  cette 
dernière  membrane  et  les  parois  osseuses  du  rachis  ; 
5".  dans  un  canal  creusé  au  milieu  de  l'épaisseur  de 
la  moelle  (  Brunner ,  Otto  ,  Portai ,  Meckel  )  ;  6^  enfin 
Lechel  l'a  vu  renfermé  dans  un  kyste  particulier  , 
placé  en  dehors  de  la  dure-mère,  qui,  non  plus  que 
les  autres  méninges,  n'avait  subi  aucune  altération. 
Au  rapport  des  auteurs  ,  là  quantité  de  ce  liquidis 
peut  varier  depuis  quelques  onces  jusqu'à  six  ou  sept 
livres.  Enfin,  sa  nature  n'est  pas  toujours  identique  : 
on  l'a  trouvé  limpide  comme  de  l'eau  de  roche,  légè- 
rement trouble  ,  floconneux  ,  Sanguinolent ,  puri- 
forme.  Les  analyses  qui  en  ont  été  faites,  dans  le  cas 
où  ce  liquide  ne  paraissait  composé  que  de  sérosité  , 
ont  montré  qu'à  l'instar  du  liquide  des  hydrocéphales, 
il  contenait  une  moindre  proportion  d'albumine  que 
le  liquide  des  autres  hydropisies. 

L'état  des  pièces  osseuses  du  rachis  est  de  la  plus 
,  haute  importance  à  considérer.  Leur  altération  peut 
être  envisagée  sous  deux  rapports  :  1**.  sous  celui  du 
nombre  de  vertèbres  qui  sont  simultanément  divisées; 
2^  sous  celui  du  degré  de  division  de  chaque  ver- 
tèbre en  particulier.  Sous  le  premier  rapport  ,  le 
spina-biûda  a  été  distingué  en  complet  et  en  incom- 
plet :  il  est  complet ,  lorsque  toute  la  partie  posté- 
rieure de  la  colonne  vertébrale  est  fendue,  ainsi  que 
le  sacrum  et  le  coccyx.  Ce  cas  est  très-rare  ;  mais 
assez  souvent  on  trouve  cette  fente  presque  complète  , 
existant,  par  exemple,  depuis  l'atlas  jusqu'à  la  der- 
nière vertèbre  ,  depuis  les  dernières  vertèbres  cer- 


DANATOMIE    PATIIOLOGIOUE.  85  i 

vica^es  jusqu'au  commencement  du  sacrum,  etc.  Le 
spina-bifida  est  incomplet,  si  la  fente   n'existe  que 
dans  une  partie  circonscrite  du  rachis;  ainsi  on  l'a 
distingué  en  spina-bifida  cervical,  dorsal,  lombaire  , 
sacré  ,  coccygien.    Dans  chacune  de   ces  régions   la 
division  peut  n'exister  que  dans  une  seule  vertèbre, 
ou  s'étendre  à  plusieurs.  Souvent ,  par  exemple  ,  dans 
le  spina-bitida  lombaire  ,  la  cinquième  vertèbre  esfe 
seule  divisée;  ailleurs,  on  n'a  trouvé  dans  toute  lu 
colonne  d'autre  vice  de  conformation  que  l'absence 
de   l'arc  postérieur  de    l'atlas.    Le  spina-bifida   des 
vertèbres  lombaires   est   incomparablement  le   plus 
commun  de  tous  :  viennent  ensuite  successivement, 
par  ordre  de  leur  fréquence ,  le  spina-bifida  du  dos , 
du  cou  et  du  sacrum.  Quant  à  la  division  du  coccyx  y 
on  ne  connaît  qu'un  seul  cas  rapporté  par  Genga ,  dans 
lequel  elle  ait  existé  isolément. 

Quel  que  soit  le  nombre  des  vertèbres  divisées  > 
cette  division  présente  plusieurs  degrés,  qui  ont  été 
ramenés  par  Fleischmann  à  trois  principaux  : 

Premier  degré.  Existence  de  tous  les  éiémens  de  la 
vertèbre  ,  simple  défaut  de  rapprochement  entre  ses  deux- 
arcs  latéraux.  —  Ruisch  a  cité  un  cas  de  ce  genre  , 
dans  lequel  les  arcs  latéraux  de  chacune  des  trois  der- 
nières vertèbres  lombaires  n'étaient  séparés  de  ceux 
du  côté  opposé  que  par  un  espace  large  de  trois  lignes  : 
alors  les  apophyses  épineuses  paraissent  comme  fen- 
dues dans  leur  longueur.  Ce  premier  degré  ne  s'ob- 
serve qu'assez  rarement. 

Deuxième  degré.  Evolution  imparfaite  des  deux  arcs 


8j2  précis 

latéraux,  —  On  voit  alors  manquer  successivement 
l'apophyse  épinense  ,  les  lames  vertébrales  ,  les  apo- 
physes articnlaires  et  transverses  ,  et  enûn  la  vertèbre 
se  trouve  réduite  à  son  seul  corps.  Ce  second  degré 
s  observe  plus  fréquemment  que  le  premier. 

Troisième  degré.  Sépa?'alio7i  du  corps  même  de  lu 
vertèbre  en  deux  parties.  — Wepfer  a  vu  toute  l'épine 
dorsale  ouverte  de  cette  manière  ;  on  a  également 
constaté  l'ejtistence  de  ce  même  vice  de  conformation 
dans  une  ou  plusieurs  des  vertèbres  lombaires.  Ce 
degré  est  d'ailleurs  plus  rare  que  les  deux  précédens. 

Quelquefois  ce  n'est  point  à  travers  une  vertèbre 
divisée  que  se  forme  la  tumeur  de  l'hydrorachis  ;  celte 
espèce  de  hernie  s'effectue  à  travers  un  intervalle 
que  laissent  accidentellement  entr'elles  la  dernière 
vertèbre  lombaire  et  la  première  pièce  du  sacrum. 
(  Mohrenheim  ,  Portai.  ) 

Au  milieu  des  remarquables  altérations  que  su- 
bissent, dans  le  spina-bifida  ,  les  enveloppes  mem- 
braneuses et  osseuses  de  la  moelle  épinière,  quel  est 
l'état  de  celle-ci?  A  cette  question  on  ne  saurait  faire 
une  réponse  générale;  car,  suivant  les  cas,  on  l'a 
trouvée  saine  ou  altérée.  D'après  Meckel ,  les  cas  dans 
lesquels  la  moelle  a  été  rencontrée  parfaileinent  saine, 
doivent  être  considérés  comme  les  plus  rares.  Ses  dé- 
viations de  l'état  normal  sont  relatives  à  sa  situation, 
à  sa  structure  ,  à  son  absence  complète.  Sa  situation 
est  quelquefois  fort  remarquable  :  elle  est  chassée 
hors  du  canal  vertébral  ,  et  vient  se  loger  dans  la  ca-^ 
vite  même  de  la  tumeur  ;  ce  fait  a  été  surtout  cons- 
taté vers  la  région  lombaire  :  les  nerfs  qui  partent  de 


h'AtV^TÔMîE    PATÎTOtOGIQUÏ".  S53 

iwoeile  sont  alors  sini^iilièremont  devics  de  leurs 
rapports  et  de  leur,  position  naturelle.  On  a  vu  la 
queue  de  cheval  entièrement  contenue  dans  la  tumeur 
lombaire,  les  nerfs  qui  la  composent  séparés  les  uns 
des  autres  ,  nageant  au  milieu  de  la  sérosité  ou  appli- 
qués sur  les  parois  de  la  tumeur. 

Quant  aux  altérations  de  texture  que  subit  dans  ce 
cas  la  moelle  épinière  ,  elles  sont  nombreuses.  Ainsi 
on  l'a  vue  diminuer  de  volume  ,  notablement  ramollie 
et  réduite  en  pulpe  ,  plus  ferme  que  de  coutume, 
comme  entourée  de  vésicules  hvdatiformes ,  intime- 
ment  adhérente  à  ses  enveloppes ,  incomplètement 
divisée  en  deux  parties,  étalée  en  une  sorte  de  mem- 
brane ,  etc.  Ces  diverses  altérations  n'existent  le  plus 
souvent  que  dans  les  points  correspondans  à  ceux  où 
les  vertèbres  sont  divisées. 

Enfin  ,  quelques  auteurs  disent  n'avoir  trouvé  dans 
certains  cas  de  spina-bifida  aucun  vestige  de  moelle 
épinière.  jMeckel  pense  que,  dans  ces  cas,  ou  bien 
la  moelle  s'était  ramollie  et  liquéfiée,  comme  il  vient 
d'être  dit,  ou  bien  qu'elle  n'avait  jamais  existé. 

L'hydrorachis  congénitale  avec  division  des  vertèbres 
peut  constituer  la  seule  affection  dont  l'individu  soit 
atteint,  ou  bien  être  compliquée  ,  i°.  avec  d'autres 
affections  du  système  nerveux,  telles  qu'hydrocé« 
phalie ,  anencéphalie,  acéphalie  ;  2".  avec  différens 
vices  de  conformation  d'autres  organes  ,  tels  qu'ab- 
sence do  la  paroi  antérieure  de  l'abdomen  ,  extro- 
version  de  la  vessie,  hypospadias,  iraper/bration  de 
l'anus ,  bec-de-lièvre ,  transposition  générale  des  vis-* 
cères,  etc. 

II. 


834  rMxis 

ARTICLE    Ih 


StCRETlON    PURULENTE. 


Du  pus  a  été  souvent  rencontré  dans  les  centreîi 
nerveux;  l'encéphale  en  particulier  peut  être  même 
considéré  comnie  l'un  des  parenchymes  où  l'on  à 
le  plus  fréquemment  trouvé  celte  production  mor- 
bide. 

Le  pus  déposé  dans  les  centres  nerveux  s'y  montré 
soit  infiltré  ,  soit  rassemblé  dans  une  cavité. 

L'infiltration  purulente  des  centres  nerveux  est 
constamment  accompagnée  d'un  état  de  ramollisse- 
ment de  ces  centres;  nous  ne  pensons  pas  d'ailleurs 
que  tout  ramollissement  blanc  doive  être  regardé 
comme  le  résultat  de  la  suppuration  de  leur  substance; 
déjà  nous  avons  réfuté  cette  opinion  du  professeur 
Lallemand. 

Le  passage  de  l'infiltration  purulente  à  la  réunion 
du  pus  en  foyer  est  marqué  par  la  présence  de  pe- 
tites gouttelettes  de  pus  qu'on  trouve  disséminées  en 
nombre  plus  ou  moins  considérable  dans  une  por- 
tion de  substance  nerveuse  le  plus  ordinairement^in- 
jectée  et  ramollie.  Peu-à-peu  ces  gouttelettes  se 
multiplient,  s'étendent,  se  réunissent;  les  parties  so- 
lides qui  les  séparent  se  ramollissent  de  plus^'en  plus, 
et  semblent  comme  se  dissoudre  dans  le  pus  ;  au  mi- 
lieu de  ce  liquide  flottent  des  espèces  d'appendices, 
ou  des  débris  de  celte  substance,  qui  ne  tiennent  que 
par  des  pédicules  d'une  faible  consistance  au  reste 
de  la  masse  nerveuse.  11  existe  alors  une   cavité  encore 


d'aNATOMIE    FATn()LO(.;TQl]E.  §35 

mal  dessinée  et  mal  circonscrite,  au  sein  de  laquelle 
le  pus  est  logé  comme  dans  des  espèces  de  clapiers. 
Plus  tard,  ces  clapiers  disparaissent,  et  le  pus  se  trouve 
contenu  dans  une  cavité  dont  les  parois  sont  bien 
marquées.  Mais  d'abord  ces  parois  ne  sont  constituées 
par  autre  chose  que  par  la  substance  nerveuse  elle- 
même;  puis  Ton  observe  successivement  à  leur  sur- 
face ,  1°.  une  substance  cellulo-vasculaire,  soit  unifor- 
mément répandue  sur  toute  leur  étendue  ,  soit  n'exis- 
tant que  par  points  isolés,  et  sous  forme  de  granula- 
tions; 2°.  une  véritable  membrane,  mais  encore  molle, 
floconneuse,  et  pouvant  être  séparée  de  la  substance 
nerveuse;  5".  une  membrane  plus  ferme,  présentant 
une  org^anîsation  plus  distincte,  et  assez  résistante 
pour  pouvoir  être  détachée,  soit  par  lambeau,  soit 
tout  d'une  pièce  ,  du  tissu  subjacent.  Une  fois  arri- 
\ée  à  ce  développement,  cette  membrane  peut  pré- 
senter les  dispositions  les  plus  variées.  Quelquefois 
elle  offre  à  sa  surface  interne  des  filamens  qui  en  aug- 
mentent l'étendue  et  qui  flottent  dans  l'eau  comme 
des  villosités.  Dans  quelques  cas  on  la  trouve  compo- 
sée de  plusieurs  feuillets  ,  dont  chacun  semble  cons- 
tituer une  membrane  distincte.  A.insiM.  Lallemand(i) 
a  trouvé  au  sein  d'un  des  hémisphères  cérébraux  du 
pus  contenu  dans  un  kyste,  dont  les  parois  fort  épaisses 
étaientcomposées de  deuxmembranesquiparaissaîent 
être  isolées  l'une  de  l'autre  dans  la  plus  grande  partie 
de  leur  étendue.  De  ces  membranes,  l'interne  était 
d'un  blanc  rougeâtre ,  et  offrait  à  l'intérieur  l'aspect 
d'une  membrane  muqueuse  légèrement  hyperémiée  ; 

(i)  Recherches  analomicopatholo^'iqites  sur  l'Encéphale^  lettre  iv,  pag.  Sq. 

55. 


S7)6  rnt:cis 

rexterne  avait  une  apparence  fibreuse.  Dans  un  antre 
cas  cit(^  par  le  môme  auteur  (i),  les  parois  du  kyste 
étaient  compostées  de  trois  membranes  :  l'une  ,  exté- 
rieure, extrêmement  fine,  celluleuse  ,  adhérait  à  la 
substance  cérébrale;  l'autre,  moyenne,  était  consis- 
tante et  plus  épaisse  ;  l'interne  avait  un  aspect  velouté 
semblable  à  celui  des  membranes  muqueuses ,  et  pré- 
sentait à  sa  surface  des  villosités  marquées. 

La  substance  nerveuse  ne  se  présente  pas  toujours 
dans  le  même  état  autour  des  abcès.  Sous  ce  rapport, 
deux   espèces  d'abcès  doivent    être   distingués  :   les 
uns,  récens,  et  à  peine  enkystés,  sont  presque  cons- 
tamment  accompagnés  d'altérations    diverses   de  lu 
substance  qui  les  entoure;  cette  substance  présente 
en  général  différentes  nuances  d'hyperémie  et  de  ra- 
mollissement. D'autres  abcès  anciens,  et  séparés  par 
une  membrane  bien  distincte,  de  la  substance  ner- 
veuse ,    existent  souvent   sans  qu'autour  d'eux  cette 
substance  soit  en  aucune  manière  altérée.  En  pareil 
cas ,  des  abcès  considérables  peuvent  exister  dans  l'en- 
céphale,   sans    qu'aucun  accident  en  révèle   l'exis- 
tence ;  la  substance  nerveuse  s'est  en  quelque  sorte 
accoutumée  à  leur  présence,   comme  celle  de  tout 
corps  étranger,  et  ce  n'est  qu'à  l'ouverture  des  ca- 
davres qu'on  apprend  qu'il  existait  un  état  morbide 
du  cerveau.  Nous  verrons  plus  bas  qu'il  en  est  égale- 
ment ainsi  d'autres  productions   morbides  dévelop- 
pées dans  cet  organe.  Mais  il  peut  arriver  que  ,  restée 
long-temps  saine  autour  d'un  abcès  enkysté  ,  la  subs- 
tance nerveuse  finisse   par  s'irriter  ,   s'hyperémier  , 

(i)  Ibidem^  pag.  4»- 


à 


d'anATOMIE    PATMOLOGIfVLli.  857 

se  ramollir,  et  alors  apparaissent  des  accidcns  variés 
qu'on  ne  saurait  rapporter  à  l'abcès  lui-niôme  ;  car  la 
nature  de  la  membrane  qui  cerne  le  pus  prouve  que 
cet  abcès  existait  long -temps  avant  la  manifestation 
de  ces  accidens  ;  ils  ne  peuvent  donc  ôlre  attribués 
qu'à  l'irritation  nouvelle  qui  s'est  établie  autour  de 
l'abcès. 

Le  pus  des  centres  nerveux  n*a  pas  un  autre  as- 
pect que  le  pus  des  autres  parties  du  corps;  comme 
celui-ci,  il  présente  dans  ses  qualités  (couleur,  con- 
sistance ,  etc.  )  des  variétés  nombrtîuses  ,  qui  dépen- 
dent à-la-fois  et  de  l'état  môme  du  centre  nerveux  ,  et 
des  dispositions  générales  de  l'individu.  M.  Lallemand 
a  signalé  dans  la  couleur  du  pus  de  l'encéphale  les^ 
nuances  suivantes  :  couleurs  verdâtre,  jaune-verdâtre^ 
blanche-jaunâire,  grisâtre,  jaune-grisâtre,  gris-blan- 
châtre ,  blanche  sale,  et  enfin  tout-à-fait  blanche. 

Le  pus  du  cerveau  a  été  trouvé  quelquefois  d'une 
grande  fétidité  (i),  ce  qui  détruit  l'opinion  de  ceux 
qui  pensent  que  le  pus  ne  devient  fétide  que  lorsqu'il 
séjourne  dans  un  Keu  où  il  est  en  contact  avec  l'air. 

Le  pus,  formé  primitivement  au  sein  de  la  subs- 
tance encéphalique,  se  fraie  dans  quelques  circons- 
tances une  issue  iiors  de  cette  substance  ;  ainsi  on  a 
vu  quelquefois  des  abcès  des  hémisphères  cérébraux 
s'ouvrir  dans  les  ventricules.  Chez  plusieurs  indivi- 
dus, en  même  temps  ([ue  du  pus  se  disperse  prè^  de  la 
périphérie  de  l'encéphale ,  les  os  voisins  s'allèrent  et 
se  détruisent  :  l'on  a  vu  de  la  sorte  des  abcès  du  cer- 
veau se  vider  dans  les  Ibsses  nasales  par  suite  de  lades- 

(i)  Rtchc}  ches  aitaloivicopalholo^lquai  sur  l'tncèpluilc ,  leUre  iir^  P-  ^^^^ 
—  I^ettre  îV;  pag.  \i. 


S7)8  vwr.cis 

tiMiclion  clelalauiecril)l(ie  de  rcfhmoH]e,clansroreiIfe, 
])ar  suite  de  la  destruction  d'une  partie  du  rocb.er.  Tou- 
tefois ,  dans  ce  dernier  cas,  ce  n'est  pas  toujours  l'ab- 
cès du  cerveau  qui  est  la  lésion  primitive;  et  souvent, 
ainsi  que  l'ont  démontré  les  travaux  de  MM.  Itard  et 
Lallemand,  cet  abcès  lui-même  n'est  que  la  suite 
d'une  maladie  de  l'appareil  de  l'ouïe. 

C'est  dans  les  hémisphères  cérébraux  que  les  col- 
lections purulentes  ont  élé  jusqu'à  présent  le  plus 
fréquemment  rencontrées,  et  en  particulier  dans  la 
partie  de  ces  hémisphères  située  au-dessus  ou  au 
niveau  du  centre  ovale  de*  Yieussens.  On  a  cité  un 
cas  d'abcès  qui  avait  son  siège  immédiatement  au- 
dessous  de  la  corne  d'Amnion  ,  \\n  autre  qui  existait 
en  un  point  des  parois  de  la  petite  corne  postérieure 
d'un  des  ventricules  latéraux,  au-dessous  de  l'émi- 
nence  unciforme  qui  fait  saillie  à  l'intérieur  de  cette 
cavité  (i). 

Moins  souvent  c^ue  le  cerveau  proj>rement  dit ,  le 
cervelet  présente  des  collections  de  pus  .soit  dans  ses 
hémisphères,  soit  d^ns  son  lobe  n)édian  ;  on  en  a 
trouvé  aussi  dans  l'intérieur  du  mésocéphaîe  ;  enfin, 
dans  un  cas  unique  jusqu'à  présent,  on  a  vu  les  tuber- 
cules quadri jumeaux  et  la  glande  pinéale  entièrement 
détruits  et  remplacés  par  un  abcès  (2). 

Quant  à  la  moelle  épinière,  on  y  a  rencontré  assez 
souvent  du  pus  infiltré;  mais,  à  ma  connaissance  , 
on  n'y  a  pas  encore  découvert  de  pus  rassemblé  eu 
foyer  (5). 

(i)   The  nortb  amcrican  mcdlenl  and  sar^lcal journal  ,  i8xS. 

(2)  loi  fient, 

(7))  Oliivicr  j  O/ur.  vit. 


d'anatomie  pathologique.  85() 


ARTICLE  III. 


SÉCRÉTION      TLBERCllLE^.SR, 


Les  tubercules  des  centres  nerveux  ont  été  décrits 
dans  ces  derniers  temps  avec  exactitude  par  M.  Gen- 
drin  (i)  et  par  M.  Léveillé  ne^eu  (2).  M.  Ollivier  a 
aussi  consigné  dans  son  Traité  sur  la  moelle  épinicre 
des  observations  pleines  d'intérêt  sur  cette  production 
morbide.  Enfin  plusieurs  élèves  des  hôpitaux  en  ont 
rapporté  des  cas  dans  leurs  dissertations  inaugurales. 

Il  résulte  de  ces  divers  travaux  que  les  tubercides 
des  centres  nerveux  sont  beaucoup  plus  fréquens 
dans  l'enfance  qu'à  aucune  aulre  époque  de  la  vie. 
Pour  |)eu  que  l'on  ait  suivi  pendant  un  certain  nombre 
de  mois  l'hôpital  des  EnCans  malades,  on  aura  cer- 
tainement vu  quelqqes  cas  de  tubercules  encéphah- 
ques  ou  rachidiens  :  à  l'hôpital  des  Enfans-Trouvés , 
où  l'on  ne  reçoit  que  les  enfans  naissans  ou  qui  ont 
n)oins  de  deux  ans  ,  on  voit  très  -  rarement  des 
tubercules  du  cerveau  ;  il  en  est  de  meuie  dans  les 
hôpitaux  d'adultes  ,  et  chez  ces  derniers  ils  sem- 
blent être  encore  moins  rares  que  chez  les  très- 
jeunes  enl'ans.  Chez  les  phthisiques  adultes,  les  tu- 
bercules des  centres  nerveux  sont  loin  d'être  com- 
muns, dans  les  cas  mêmes  où  chez  eux  on  trouve 
tuberculisés,  en  même  temps  que  le  poumon,  la 
phipart  des  organes, 

(1)  Sur  (es  lubcrcuks  du  cerveau  et  de  ia  moelle,  broch.  in-5". 

(2)  Rcchtrclics  sur  tes  tubercules  du.  cerveau,  (Thèse,  1824.) 


84o  PRÉCIS 

Les  tubercules  sont  beaucoup  plus  fréquens  dans 
les  hémisphères  cérébraux  que  dans  aucune  autre 
partie  des  centres  nerveux  :  dans  ces  hémisphères 
ils  occupent  indifféremment  la  substance  corticale  et 
la  substance  médullaire;  quelquefois  ils  semblent 
comme  interposés  entre  ces  deux  substances ,  et  il  est 
difficile  de  dire  à  laquelle  ils  appartiennent.  Dans  quel- 
ques cas,  bien  que  logés  dans  la  substance  corticale, 
ils  ne  paraissent  pas  s'y  être  primitivement  dévelop- 
pés; il  semble  que,  nés  dans  la  pie-mère,  ils  aient 
exercé,  à  mesure  qu'ils  ont  grossi ,  une  compression 
sur  le  cerveau ,  dîms  la  substance  duquel  ils  ont  pro- 
duit une  cavité  superficielle.  D'autres  tubercules  pa- 
raissent avoir  existé  d'abord  entre  deux  circonvolu- 
tions qu'ils  ont  écartées,  et  dont  ils  ont  peu-à-peu 
déprimé  la  substance. 

Dans  un  cas  qui  a  été  rapporté  par  M.  Bérard  aîné, 
une  masse  tuberculeuse  s'était  développée  à  la  base 
du  cerveau,  au-dessous  du  lobule  antérieur;  d'une 
part  elle  avait  envahi  ce  lobule  inférieurement ,  et 
d'autre  part  elle  avait  déterminé  la  destruction  de  la 
lame  criblée  de  l'ethmoïdco 

Les  points  où,  après  la  masse  de  substance  ner- 
veuse située  au-dfssus  du  centre  ovale  de  Yieussens, 
Ton  a  le  plus  souvent  rencontré  des  tubercules  ,  sont 
le  cervelet,  le  mésocéphale  ,  le  bulbe  rachidien,  di- 
verses parties  de  la  moelle  épinière  (plus  fréquem- 
ment dans  la  portion  cervicale  de  celle  moelle  qi]^^ 
dans  ses  porlions  dorsale  et  lombaire),  les  pédon- 
cules du  cerveau  et  ceux  du  cervelet,  la  couche  op- 
tique, le  corps  strié,  le  corps  pituitaire  ,  la  commis- 
sure même  des  couches  optique.^.  On  peut  voir,  d'ui 


d'aNAT03I1E     PATUOLOCIQUE.  84 1 

près  Tordre  de  cette  énuméralion  ,  que  les  parties  des 
centres  nerveux  qui  sont  le  siège  le  plus  fréquent  soit 
d'hyperémies,  soit  de  ramollissement,  ne  sont  pas 
celles  où  apparaissent  le  plus  souvent  les  tubercules. 

Les  tubercules  des  centres  nerveux  se  développent 
généralement  en  petit  nombre  chez  un  même  sujet; 
il  n'est  pas  rare  de  n'en  trouver  qu'un  seul  :  en  aucun 
cas  ,  ainsi  que  l'a  remarqué  M.  Gendrin  ,  on  n'en 
trouve  autant  dans  l'encéphale  qu'on  n'en  rencontre 
ordinairement  dans  les  poumons  des  phthisiques. 

La  forme  de  ces  tubercules  est  semblable  à  la  forme 
des  tubercules  qui  se  développent  dans  toutes  les  au- 
tres parties  du  corps  ;  leur  surface  est  quelquefois 
inégale,  bosselée,  et  on  les  voit  se  diviser  en  lobes 
que  séparent  des  cloisons  celluleuses  (Léveiîlé). 

Leur  volume  varie  depuis  celui  d'un  grain  de  millet 
jusqu'aux  dimensions  d'un  œuf  de  poule.  On  en  a 
môme  vu  de  plus  considérables  :  on  a  observé  des  cas, 
par  exemple,  où  le  cervelet,  soit  dans  sa  totalité  ,  soit 
dans  l'un  de  ses  hémisphères,  était  envahi  par  une 
masse  tuberculeuse  qui  ne  laissait  plus  voir  aucune 
trace  de  substance  nerveuse. 

Les  tubercules  des  centres  nerveux  ne  sont  pas 
toujours  en  contact  immédiat  avec  la  substance  de 
ces  centres;  très-souvent  ils  en  sont  séparés  par  une 
membrane  d'organisation  variable,  qui  les  entoure 
de  toutes  parts,  et  qui  leur  forme  un  véritable  kyste. 
Bayle  (0  a  décrit  un  cas  de  ce  genre  :  il  trouva  chez 
un  phthisique,  dans  la  moite  gauche  du  bulbe  rachi- 

(i)  Recherches  sur  la  plithUlc  pulmonaire-,  obs.  viii. 


§>\2  VnàCASt 

lîion ,  un  peu  au-dessus  des  éminenGes  pyramidales 
etoiivaires,  un  corps  presque  rond,  de  la  grosseur 
d'uu  petit  pois,  isole,  çonligu  et  non  contiuu  à  la 
substance  médullaire  qui  l'environnait  de  toutes  parts. 
Ce  corps  était  d'un  blanc  jaunâtre....  C'était  un  kyste 
à  parois  très-épaisses ,  qui  contenait  dans  son  inté'- 
rieur  up  petit  noyau  tuberculeux,  opaque,  d'un  blanc 
terne  et  jaunâtre.  M.  Gendrin  a  établi  que  tous  les 
tubercules  cérébraux  étaient  enkystés  ,  et  M.  Léveillé 
a  soutenu  la  même  opinion.  «  Lorsqu'on  fait ,  dit  ce 
dernier  auteur  ,  à  la  surface  d'un  tubercule  encore 
cru,  une  légère  incision,  on  enlève  une  membrane 
peu  épaisse,  qui,  se  déchire  facilement,  et  dans  la- 
quelle on  ne  peut  distinguer  de  fibres.  La  surface  ex- 
terne de  celte  membrane  adhère  par  tous  ses  points 
à  la  substance  cérébrale;  sa  face  interne  présente  des 
fjjaraens,  des  brides  qui  s'enfoncent  entre  les  lobes 
du  tubercule,  auquel  elle  n'adhère  que  par  quelques 
filets  que  l'on  peut  rompre  au  moindre  eObrt.  Quand 
les  tubercules  sont  anciens,  cette  membrane  est  quel- 
quefois séparée  du  cerveau  par  une  séreuse  acciden- 
telle qui  les  isole.  De  sa  face  interne  se  détachent  dos 
prolongemens  qui  forment  à  l'intérieur  du  tubercule, 
des  cellules  dans  lesquelles  M.  Léveillé  pense  que  la 
matière  tuberculeuse  est  déposée.  Cette  membrane 
<\st,  dans  quelques  cas,  d'une  remarquable  épaisseur; 
«Ile  présente  l'aspect  du  tissu  fibreux,  cartilagineux, 
et  même  osseux  (Gendrin).  A  mesure  que  le  tuber- 
cule se  ramollit,  le  kyste  devient  de  plus  en  j)lus 
apparent.  Outre  la  membrane  qui  forme  ce  kvslc,  il 
y  en  aurait  une  autre,  d'n[)rès  M,  Léveillé,  qui  cous- 


d'aNATOMIE    PATIIOLOGIQLE.  8/|5 

filucrnil  au  tubercule  une  enveloppe  propre,  el  qui 
ioruierait  spécialement  les  cloisons  qui  séparent  le 
tubercule  en  plusieurs  lobes. 

La  porlion  de  substance  nerveuse  qui  entoure  les 
tubercules  est  souvent  parfaitement  saine;  d'autres 
fois  elle  a  subi  différentes  espèces  d'altérations;  ainsi 
on  la  trouve  hyperéuiiée  ,  ramollie,  ou  bien  détriite, 
et  comme  atrophiée.  De  ces  lésions  diverses  dépendent 
surtout  les  accidens  qui  se  manifestent  chez  les  indi- 
vidus dont  l'encéphale  contient  des  tubercules.  Si, 
chez  un  certain  nombre  de  ces  individus,  et  parti- 
culièrement chez  les  enfans  ,  des  tubercules  varia])les 
en  nombre  et  en  volume  ont  été  trouvés  dans  les 
centres  nerveux,  sans  que,  pendant  la  vie,  aucun 
syliiptome  ait  jamais  révélé  quelque  lésion  du  côté 
de  l'axe  cérébro-spinal,  cela  a  dépendu  souvent  de 
l'état  d'intégrité  dans  lequel  se  trouvait  la  substance 
nerveuse  autour  des  tubercules.  D'autres  fois  on  ob- 
serve des  accidens  intermiUens,  et  cela  peut  s'exj)!i- 
quer  encore  par  l'intermittence  même  des  lésions  qui 
ont  lieu  autour  des  tubercules.  Ainsi  un  tubercule 
ne  produit  pas  par  lui-même  des  convulsions,  mais  il 
les  déleimine  par  la  congestion  périodique  dont  il 
favorise  le  développement  dans  la  subsance  nerveuse 
environnante. 


^ 


844  piiiio^ 

ARTICLE  IV. 

PRODUCTIONS    SQl'IQRHEl'SB    Eï    ENCÉpUALOÏDE. 

Nous  n'avons  rien  de  spécial  à  dire  sur  ces  pro-- 
ductions  considérées  dans  les  centres  nerveux.  Elles 
y  présentent  en  effet  les  mêmes  caractères  et  la  même 
disposition  que  partout  ailleurs.  Elles  occupent  ordi- 
nairement une  assez  jurande  étendue  de  ces  centres, 
comme  la  plus  grande  partie  d'un  hémisphère  céré- 
bral ,  ou  la  presque  totalité  d'un  des  lobes  du  cer- 
velet. Développées  quelquefois  dans  les  membranes 
mômes  qui  enveloppent  les  centres  nerveux  ,  elles 
exercent  sur  eux  une  compression  plus  ou  moins 
grande.  Elles  coïncident  souvent  avec  de  semblables 
productions  développées  dans  d'autres  organes. 

La  cause  y  sous  l'influence  de  laquelle  se  forment 
ces  productions,  n'est  pas  plus  connue  dans  les  cen- 
tres nerveux  que  partout  ailleurs.  Toutefois  ,  dans 
ces  centres,  comme  dans  la  mamelle  ou  dans  le  foie, 
on  les  voit  quelquefois  se  développer  à  la  suite  de 
violences  extérieures.  Nous  avons  cité  ailleurs  le  cas 
d'un  individu  chez  lequel  un  coup  porté  sur  l'hypo- 
chondre  droit  fut  la  cause  au  moins  occasionelle  d'une 
dégénéral  ion  encéphaloïde  du  foie.  De  ce  cas  nous 
en  rapprocherons  un  autre  dans  lequel  ce  fut  aussi  à 
la  suite  d'un  coup  avec  plaie'  que  le  cerveau  devint 
le  siège  d'une  dégénérescence  encéphaloïde  et  squir- 
rheuse.  Le  sujet  de  celte  observation  est  lui  militaire 
âgé  de  cinquante-deux  ans,  qui,  plusieurs  années 
après  avoir  rcru  un  coup  de  sabre  sur  le  coté  gauche 


d'aNATOMIE    PATIIOLOCIQTiE.  8/|5 

xlu  ciano ,  et  un  coup  de  pied  de  cheval  sur  le  parié- 
tal droit^  fut  atteint  de  divers  symptômes  d'une  nffec- 
tion  cérébrale,  tels  que  céphalalgie  continuelle, 
vertiges,  amaurose  ,  somnolence,  mouvemens  épilep- 
tiformes,  et  enfin  paralysie  du  côté  gauche.  A  l'ou- 
verture du  cadavre,  on  trouva  que  le  lobe  antérieur 
de  l'hémisphère  gauche  du  cerveau  était  converti 
dans  une  étendue  de  deux  pouces  en  longueur  et 
d'un  pouce  de  largeur,  en  une  masse  squirrheuse  , 
au  milieu  de  laquelle  existait  une  substance  puri- 
forme ,  qui  contenait  quelques  hydalides.  Le  corps 
slrié  participait  h  la  dégénération  squirrheuse. 

Tel  est  en  abrégé  le  cas  qui  a  été  rapporté  par  le 
docteur  Wedmeyer  de  Hanovre  (i).  Mais  que  de  ré- 
flexions n'inspire-t-il  pas  î  dans  combien  de  circons- 
tances des  coups  de  toute  sorte  n'ont-ils  pas  été  portés 
sur  le  crâne,  sans  qu'il  en  résullât  rien  de  semblable 
à  ce  qui  fut  observé  ici  !  de  plus,  la  lésion  était  com- 
plexe ;  à  côté  de  la  masse  squirrheuse  existaient  du 
pus  et  des  hydatides.  Chez  cet  individu,  la  violence 
extérieure  ne  me  paraît  donc  avoir  agi  tout  au  plus  que 
comme  cause  occasionelle.  Une  autre  circonstance 
bien  remarquable  de  cette  observation ,  c'est  l'exis- 
tence de  la  paralysie  du  même  côté  que  la  lésion  du 
cerveau. 

(i)  Revue  Médicale^  1826,  tom.  I ,  pag.  \ôj. 


846  P1\ÉCTS 

ARTICLE  V. 

Productions  graisseuses. 

Lachimie  à  démontré  que  dans  l'encéphale  existent 
normalement  plusieurs  matières  grasses.  Sont-ce  ces 
matières  qui,  surabondamment  sécrétées,   ou  alté- 
rées dans  leurs  qualités,  sont  Torigine  de  quelques 
productions  morbides,  forméespar  une  matière  grasse, 
qu'on  a  quelquefois  rencontrées  dans  les  centres  ner- 
veux? M.  le  docteur  Leprestre  (i)  a  publié  un  cas  de 
ce  genre  :  dans  la  partie  gauche  du  mésocéphale  d'un 
adulte  était  développée  une  tumeur  volumineuse  , 
mamelonnée,  d'un  aspect  brillant  comme  celui  de 
certaines  coquilles.    Cette   tumeur  était  formée  de 
couches  concentriques ,  unies  entr'elles  par  des  lames 
de  tissu  cellulaire;  on  n'y  voyait  encore  aucune  trace 
de  vaisseaux;  sa  densité  était  plus  considérable  que 
celle  du  cerveau;   elle  ressemblait   tout-à-fait  à  une 
masse  d'adipocire.    Cette  ressemblance  est  d'autant 
plus  remarquable  ,   que  ,   dans  ces  derniers  temps, 
Gonelin  a  avancé  que  dans  le  cerveau  de   l'homme 
existait  naturellement  une  certaine  quantité  de  cho- 
lestérine. 

Une  tumeur,  de  nature  semblable  à  la  précédente, 
a  été  trouvée  par  M.  Dalmas  (2)  dans  le  cerveau  d'une 
jeune  fille  qui  mourut  dans  une  des  salles  de  cli- 
nique de  la  Faculté,  deux  heures  après  y  être  entrée. 

(i)  Observations  sur  des  altérations  organiques  du  cerveau,  recueillies 
dans  les  salles  de  M.  Doininel ,  chirurgien  en  chef"  de  ITIôlcI-Dieu  de 
Caen,  par  F.  Leprestre.  {Archives  de  médecine^  tom.  XVI  H,  pag.  19.) 

(2)  Journal  hebdomadaire  de  médecine ,  tom.  I  ,  pag.  532, 


d'anatomte  pathologique.  8^7 

Au  milieu  de  la  base  du  crâne,  sur  la  selle  turcicjue, 
existait,  dit  M.  Dalmas,  dont  je  transcris  textuelle- 
Dient  la  description  ,  une  tumeur  du  volume  d'un 
œuf  de  poule,  qui  faisait  saillie,  en  haut,  dans  le 
troisième  ventricule ,  écartant  les  organes  qui  con- 
courent à  la  formation  de  cette  cavité,  et  se  confon- 
dant en  bas  et  en  arrière  avec  la  substance  médul- 
laire des  corps  striés,  des  couches  optiques,  de  la 
voûte  à  trois  piliers ,  de  la  commissure  antérieure 
et  des  tubercules  pisiformes.  Vue  par  en  haut,  cette 
tumeur  était  d'un  blanc  mat,  ressemblant  assez,  par 
ses  propriétés  physiques  ,  au  blanc  de  baleine  ;  en 
bas,  sa  substance,  beaucoup  plus  transparente,  na- 
crée ,  était  hérissée  d'une  multitude  de  granulations 
qu'on  ne  peut  mieux  comparer  qu'à  des  perles.  Ces 
granulations  avaient  d'une  ligne  à  une  ligne  et  demie 
de  diamètre ,  ne  contenaient  aucun  liquide ,  et  parais- 
saient, comme  tout  le  reste,  formées  d'une  matière 
homogène  ,  sans  trace  d'organisation. 

L'analyse  chimique,  faite  par  M.  Barruel,  a  démontré 
dans  cette  masse  une  grande  quantité  de  matière 
grasse,  et  une  autre  matière  qui  a  paru  être  de  la 
cholestérine. 

Enfin  on  trouve  ,  dans  le  n*.  55  du  tome  I"  du 
Journal  Clinique  des  hôpitaux^  la  description  d'une 
tumeur  cérébrale  formée  essentiellement  ,  comme 
les  deux  précédentes,  de  matière  grasse. 


A 


84S  PRÉCIS 

.      ARTICLE  VI. 

tRODtJCTIONS    ÎFinREtSES,   CARTILJlCINEUSES    ET    OSSEtJSE^é 

Ces  productions  diverses  se  développent  le  plus 
ordinairement  autour  des  centres  nerveux,  dans  leurs 
membranes  d'enveloppe.  Ainsi ,  des  tumeurs  fibreuses 
s'élèvent  souvent  d'un  point  de  la  dure-mère,  sem- 
blent en  être  comme  des  végétations  .  et,  acquérant 
un  volume  considérable,  vontexercer  sur  l'encéphale 
une  compression  plus  ou  moins  grande.  Parmi  ces 
tumeurs,  les  unes  sont  situées  à  la  base  du  crâne  ;  j'en 
ai  vu  une  de  ce  genre ,  grosse  comme  un  œuf  de  poule, 
qui  reposait  sur  une  des  fosses  temporales.  Les  autres 
sont  en  rapport  avec  la  voûte  du  crâne  ;  souvent  alors 
les  os  de  cette  voûte  sont  détruits,  et  la  tumeur  pa- 
raît à  l'extérieur. 

De  larges  plaques  cartilagineuses  ou  osseuses  par- 
sèment assez  souvent  les  méninges;  nous  en  avons 
parlé  ailleurs.  On  a  vu  quelquefois  la  tente  du  cer- 
velet transformée  ainsi  dans  sa  totalité  en  une  voûte 
cartilagineuse  ou  osseuse. 

Ces  mêmes  productions  peuvent  se  développer 
dans  la  substance  même  des  centres  nerveux.  J'ai 
trouvé  une  fois,  au  milieu  d'un  des  lobes  cérébraux, 
une  tumeur  fibreuse,  tout-a-fait  analogue  aux  tu- 
meurs fibreuses  de  l'utérus;  elle  avait  la  grosseur  ^ 
d'une  petite  noix  ,  assez  près  d'elle  existait  un  foyer  « 
apoplectique.  On  n'observa  d'autre  symptôme  pen- 
dant la  vie  que  ceux  qui  accompagnent  ordinairement 
une  hémorrhagic  cérébrale. 


d'anatomie  pathologique.  8^9 

En  ouvrant  avec  M.  BlanJin  le  cadavre  d'une  pelite 
fille  morte  à  l'hôpital  des  Enfans  ,  j'ai  trouvé  vers  le 
centre  d'un  des  lobes  latéraux  du  cervelet  une  demi- 
douzaine  de  petites  concrétions,  dures  comme  de  la 
pierre ,  de  forme  irrégulière  ,  semblables  à  des  es- 
quilles. Autour  d'elles  existait  un  léger  ramollissement 
de  la  substance  nerveuse.  Aucun  symptôme  spécial 
n'avait  annoncé  pendant  la  vie  cette  singulière  alté- 
ration. ^ 

M.  Thion,  médecin  à  Orléans,  a  fait  connaître  à 
l'Académie  un  cas  fort  remarquable  de  transformation 
cartilagineuse  et  osseuse  du  cervelet,  qu'il  a  eu  oc- 
casion d'observer  sur  une  vache.  Un  des  lobes  du  cer- 
velet était  transformé,  dans  la  plus  grande  partie  de 
son  étendue  ,  en  une  masse  ovoïde  ,  fort  dure  ,  qui 
résistait  au  bistouri;  intérieurement  elle  offrait  des 
espèces  d'arborisations  cartilagineuses  qui ,  vers  la  pé  - 
riphérie,  se  terminaient  à  des  points  osseux. 


ARTICLE    VII. 


ENTOZOAIRES. 


Plusieurs  espèces  d'entozoaîres  ont  été  rencontrées 
dans  les  centres  nerveux.  D'abord  plus  d'une  fois  l'on 
a  trouvé,  soit  dans  la  substance  du  cerveau,  soit  dans 
celle  de  la  moelle  épinière  ,  des  acéphalocystes.  L'on 
y  a  vu  aussi  des  cysticerques  ;  j'en  ai  trouvé  dans 
i'encéphale  d'un  homme  de  moyen  âge ,  dont  l'obser- 
vation a  été  consignée  par  M.  Fauconneau -Dufrêne 
11.  54 


85  0  PRÉCIS 

dans  sa  thosc.  Ces  cysticorqiics  occupaieni  surtout 
les  circonvolutions  des  hémisphères  ,  et  entr'eux 
la  substance  cérébrale  était  saine.  M.  Calmeil  a  Irouvé 
ces  mômes  cysticerques  dans  le  cerveau  d'un  indi- 
vidu âgé  de  quarante-sept  ans,  qui ,  à  la  suite  d'excès 
de  tout  genre  ,  d'une  syphilis  et  d'un  traitement  mer- 
curiel,  fut  pris  de  manie  et  d'un  délire  fébrile,  au 
milieu  duquel  il  succomba.  M.  Calmeil  décrit  de  la 
manière  suivante  l'état  dans  lequel  fut  trouvé  l'en- 
céphale :  «  Dans  le  tissu  celkilaire  sous-arachnoidien  , 
vers  la  partie  moyenne  supérieure  d'un  des  hémi- 
sphères, nous  rencontrons  un  ver  vésiculaire  gro^ 
comme  unpois.  La  pie-mère  s'enlève  sans  diflicuité.  Sur 
le  lobe  moyen  du  côté  gauche  ,  entre  deux  circonvolu- 
tions, nous  trouvons  un  second  ver  vésiculaire  entiè- 
rement libre.  A  quelque  distance  de  là,  non  loin  du 
lobe  postérieur  5  nous  apercevons  une  troisième  vési- 
cule de  la  grosseur  d'une  graine  de  raisin;  cette  vési- 
cule, qui  paraît  entièrement  sphérique,  est  transpa- 
rente et  enchâssée  dans  la  substance  cérébrale. 
L'une  de  ses  faces  fait  cependant  saillie  au  niveau 
des  circonvolutions  ;  l'autre  face  est  enveloppée  dans 
un  kyste  où  elle  se  trouve  logée  comme  dans  une  petite 
poche  ;  en  pressant  sur  le  kyste  l'hydatide  est  expulsé 
au  dehors;  elle  ressemble  à  une  petite  vessie  remplie 
de  liquide,  terminée  par  une  sorte  de  col  ou  de 
goulot  cylindrique,  charnu,  vivant,  susceptible  de 
s'allonger  et  de  se  contracter  sur  lui-même.  Deux 
autres  cysticerques  libres  s'échappent  d'une  circon- 
,  volution  de  l'hémisphère  droit.  En  pratiquant  quel- 
ques incisions  dans  la  substance  grise ,  on  met  à  dé- 
couvert deux  globules  arrondis  et  comme  gélatineux, 


d'aNATOMIE    l'ATlIOLOGIQlK.  85  l 

qu'on  parvient  facilement  à  isoler  de  leurs  kystes, 
dont  la  composition  offre  une  certaine  solidité;  ces 
globules  offrent  la  même  organisation  que  les  précé- 
dens.  En  continuant  à  diviser  cette  moitié  de  l'encé- 
phale ,  on  trouve  encore  deux  autres  cystîcerques  : 
l'un  d'eux  fait  saillie  au  dessous  de  la  membrane  ven- 
triculaire ,  entre  la  couche  optique  et  le  corps  strié; 
l'autre  est  logé  profondément  entre  les  deux  tuber- 
cules quadrijumeaux  du  côté  gauche  (i).  » 

Les  acéphalocystes  et  les  cysticerques  sont  jusqu'à 
présent  les  deux  seuls  entozoaires  qu'on  ait  trouvés 
dans  le  cerveau  de  Tliomme.  Chez  les  animaux, 
d'autres  entozoaires  s'y  rencontrent  ;  le  plus  connu 
d'entr'eux  est  le  polycéphale  ou  cœnure  cérébral , 
qui  se  développe  fréquemment  dans  l'encéphale  des 
moutons,  et  que  les  vétérinaires  regardent  comme  la 
cause  la  plus  commune  du  tournis.  M.  Dupuy  a  ren- 
contré un  de  ces  cœnures  au  milieu  de  la  portion  lom- 
baire de  la  moelle  d'un  agneau;  il  n'y  avait  eu  d'autres 
symptômes  qu'une  paraplégie. 

j(i)  Journal  hebdomadaire  de  mcdecinc  ,  tom.  I ,  pag.  4^. 


-N 


54. 


852  PRÉCIS 


SECTION  DEUXIEME. 

MALADIES 

DES    NJîRFS     DE     LA     VIE     DE     RELATION. 


L'anatomie  palliologique  est  encore  peu  riche  en 
faits  relatifs  aux  altérations  des  nerfs.  Dans  beaucoup 
de  cas  où  pendant  la  vie  le  siège  de  la  maladie  avait 
résidé  d'une  manière  non  douteuse  dans  ces  nerfs  , 
l'ouverture  des  cadavres  n'y  a  montré  aucune  lésion 
appréciable.  J'ai  examiné  plusieurs  fois  les  nerfs  ,  dans 
des  eas  de  sciatique  ancienne  ou  récente  ;  je  n'ai  jamais 
pu  y  découvrir  la  moindre  altération,  si  ce  n'est  dans 
un  seul  cas,  où  le  tronc  nerveux,  qui  pendant  la  vie 
avait  élé  le  siège  de  la  douleur,  était  notablement 
injecté.  Chez  une  femme  qui,  pendant  les  derniers 
mois  de  sa  vie,  avait  eu  constamment  à  la  nuque  ,  à 
l'occipital  et  dans  larégion  latérale  gauche  du  cou,  des 
douleurs  très-vives,  qui  présentaien  t  tous  les  caractères 
des  douleurs  névralgiques,  j'ai  suivi  avec  la  plus 
grande  attention  les  nerfs  des  plexus  brachial  et  cer- 
\ical,  dans  leurs  troncs  et  dans  leurs  rameaux,  sans 
pouvoir  rien  y  découvrir.  J'ai  aussi  examiné  sur  plu- 
sieurs cadavres  des  nerfs  de  membres  qui  étaient  le 
siège  de  douleurs  rhumatismales  au  moment  de  la 
mort  ;  je  n'ai  pas  plus  trouvé  d'altération  dans  ces 


d'anatomie  pathologique.  855 

nerfs  que  dans  les  cas  de  névralgie  sciatique.  Je  les 
ai  disséqués  avec  tout  le  soin  possible  chez  quelques 
individus  atteints  de  la  colique  de  plomb,  et  morts 
avec  une  paralysie  des  membres  supérieurs,  et  je  n'ai 
pu  saisir  aucune  lésion  dans  les  divers  cordons  ner- 
veux qui  se  distribuent  à  ces  membres.  Enfin,  dans 
la  maladie  épîdémique  qui  a  régné  à  Paris  tout  l'été 
dernier  (1828)  ,  et  dans  laquelle  un  des  symptômes 
prédominans  était  une  exaltalion  de  la  sensibilité  des 
mains  et  des  pieds,  suivie  d'une  diminution  plus  ou 
moins  grande  de  cette  sensibilité  ,  quelques  ouver- 
tures de  cadavres  ont  été  faites,  et  aucune  lésion  ap- 
préciable n'a  été  trouvée,  à  ma  connaissance,  dans 
les  nerfs  des  membres  ,  si  ce  n'est  dans  un  seul  cas, 
que  j'ai  vu  moi-même.  Dans  ce  cas,  un  des  nerfs  scia- 
tiques  était  plus  rouge  ,  plus  injecté  que  de  coutume. 
Celte  injection  n'existait  que  dans  le  tronc  du  nerf; 
les  rameaux  qui  en  partent  avaient  leur  blancheur  ac- 
coutumée ,  et  cependant  c'était  seulement  aux  extré- 
mités de  ces  rameaux  qu'avait  lieu  la  douleur  ;  de 
plus,  les  deux  pieds  étaient  également  affectés,  et  un 
seul  nerf  sciatique  était  rouge. 

Quelque  rares  que  soient  les  lésions  des  nerfs  ap- 
préciables par  l'anatomie  pathologique,  quelque  peu 
proportionnées  qu'elles  soient  souvent  avec  les  dé- 
sordres fonctionnels  que  ces  nerfs  ont  présentés  pen- 
dant la  vie,  la  science  possède  cependant  un  certain 
nombre  de  cas  remarquables  de  ces  lésions;  nous 
allons  les  passer  successivement  en  revue. 


~\ 


854  PRÉCIS 

CHAPITRE  PREMIER. 

LÉSIONS    DE    CIRCULATION. 

L'hyperemie  des  nerfs  a  été  artificiellement  déter^ 
minée  chez  les  animaux  par  plusieurs  expérimenta- 
teurs (i).  En  piquant  un  nerf,  en  le  soumettant  à 
une  contusion  plus  ou  moins  forte,  en  l'exposant  sim- 
plement à  l'air,  on  fait  rougir  son  tissu  ,  et  l'on  ob- 
serve dans  le  nerf  les  phénomènes  suivans  :  l'injection 
paraît  surtout  exister  dans  les  petits  tubes  névriléma- 
tiques  que  l'on  trouve  couverts  de  vaisseaux  tant  à 
leur  surface  interne  qu'^à  l'externe  ;  ces  vaisseaux  en 
pénètrent  perpendiculairement  la  substance.  Cet  état 
d'injection  du  névriième  est  facile  à  constater,  d'après 
M.  Gendrin,  en  faisant  macérer  un  nerf  dans  une 
solution  alcaline  fort  étendue  :  par  ce  moyen  ,  la 
pulpe  nerveuse  est  détruite  ,  et  l'on  peut  mieux  ob- 
server le  névriième  ,  resté  seul  intact.  Toutefois,  dans 
les  cas  d'hyperémie  des  nerfs  déterminée  par  une  ma- 
ladie, ce  n'est  pas  seulement  le  névriième  que  l'on 
trouve  injecté  ;  la  substance  nerveuse  elle-même  l'est 
également;  c'est  au  moins  ce  qui  résulte  du  fait  sui- 
vant, rapporté  par  Reil  :  Chez  un  homme  mort  du 
typhus,  et  qui  avait  souffert  de  très-vives  douleurs 
dans  les  nerfs,  ceux-ci  étaient  très-colorés  par  le  sang; 
le  névriième  ayant  été  détruit  par  l'acide  nitrique,  fi 
pulpe  du  nerf  parut  jaune;  le  sang  avaitpénétré  jusque 

(i)   C'cndrin,  IHsloirc  anatom'ujiic des  ivfammaùons  ,  toni.  II  ,  pag--  il9' 


d'anatomie  pathologique.  855 

dans  la  substance  nerveuse  ,  el  lui  avait  donné  sa  cou- 
leur (i). 

Lorsqu'un  certain  temps  s'est  écoulé  entre  le  mo- 
ment où  le  nerf  a  été  le  siège  de  l'irritation  légère 
qu'on  y  a  artificiellement  déterminée  ,  et  le  moment 
où  on  l'examine 5  on  trouve  sa  substance  Jaune,  au 
lieu  de  la  trouver  rouge  ,  comme  peu  de  temps  après 
l'expérience.  Les  nerfs  pneumo-gastriques  d'un  chien 
furent  légèrement  contus  par  Béclard  (2)  à  l'aide  des 
mors  d'une  pince  :  vingt -quatre  jours  après  cette 
expérience  l'animal  mourut.  L'un  des  nerfs  fut  trouvé 
d'un  blanc  jaunâtre  dans  le  point  où  la  lésion  avait  été 
faite;  là  aussi  il  était  un  peu  augmenté  de  volume; 
au-dessus  et  au-dessous  de  ce  point  il  était  légère- 
ment injecté.  L'autre  nerf  présentait  un  renflement 
plus  considérable  ;  il  était  plus  injecté  au-dessus  et 
au-dessous  du  renflement  ;  mais  il  n'offrait  aucune 
teinte  jaune. 

En  déterminant  dans  un  nerf  une  irritation  plus 
forte,  M.  Gendrin  a  vu  dans  ce  nerf  l'iiyperémie  s'ac- 
croître ,  et  le  cordon  nerveux  se  convertir  en  un 
cordon  rouge  foncé  ,  comme  spongieux,  dans  lequel 
on  ne  pouvait  plus  distinguer  ni  la  substance  médul- 
laire ,  ni  les  gaines  névrilémaliqucs  (5).  Une  circons- 
tance assez  remarquable  de  cette  expérience  ,  c'est 
que,  si  en  mettant  le  nerf  à  nu  et  le  laissant  exposé 
à  l'air,  on  n'a  pas  soin  de  le  détacher  des  parties  en- 
vironnantes ,  et  même  d'en    isoler  les  faisceaux,  le 

(r)   IJescot  ,  Dissertations  sur  (es  affations  locales  des  nerfs.  (Tlièse  sou- 
teiuic  sous  la  |^>résidence  de  BécIarJ  ,  annéç  1822  ,  pag.  92.) 
(?.)   Doscot ,   Opcr.  cit.  ,  paj^.  7>j. 
{?))  Opcr.  f/f. ,  tom.  Il,  [la^j.  149. 


856  ruÈcis 

nerf  ne  s'allore  que  Irès-peu  :  le  tissu  cellulaire  qui 
l'entoure  se  congestionne  ;  du  pus  se  forme  dans  ce 
tissu  cellulaire ,  et  au  milieu  de  celte  couche  puru- 
lente on  trouve  le  nerf  à-peu-près  intact.  Tout  au 
plus  est-il  rougi  à  sa  périphérie  ,  ou  quelques  vais- 
seaux ont-ils  pénétré  dans  le  tissu  cellulaire  qui  en 
sépare  les  diverses  fibrilles. 

L'iiyperéniie  des  nerfs,  résultat  d'une  irritation 
morbide ,  a  été  observée  plus  d'une  fois  chez  l'homme. 
Des  recherches  récentes,  et  spécialement  celles  de 
M.  Martinet  (i),  ont  démontré  que  si,  dans  beau- 
coup de  névralgies,  le  nerf  se  montrait»  après  la  mort 
dans  son  état  normal,  il  en  était  d'autres  à  la  suite 
desquelles  on  trouvait ,  dans  les  nerfs  qui  en  avaient 
été  le  siège  5  une  injection  vascuiaire  très-manifeste; 
mais  ces  recherches  n  ont  pas  prouvé  qu'en  pareil  cas 
l'injection  ait  précédé  la  douleur  :  leur  auteur  pense 
toutefois  que  les  douleurs  de  nerfs,  accompagnées 
d'hyperémie  de  ces  nerfs  et  d'autres  lésions  appré- 
ciables sur  le  cadavre,  diffèrent  de  celles  qui  sont 
liées  à  une  névralgie  dite  essentielle,  en  ce  que  dans 
celle-ci  la  douleur  ne  s'exaspère  pas  toujours  par  la 
pression  ,  que  sa  nature  est  variable  ,  et  qu'elle  s'ac- 
compagne constamment  de  rémissions  ,  tandis  que 
dans  la  névrlLe  on  observe  les  phénomènes  contraires. 
Je  crois  que  si  l'on  accordait  une  grande  confiance  à 
ces  caractères  distinctifs,  l'on  pourrait  plus  d'une  fois 
s'égarer,  croire  à  une  névrite ^  quand  il  n'y  a  qu'une 
névralgie ^  et  vice  versa.  Mais  pendant  la  vie  il  est  un 
autre  caractère  ,  qui  ressort  des  observations  même 

(ï)  Mémoire   sur    l'Inflammation  des  nerfs,    par   L.    Marliiicl  ,   Ikvui 
Mèdlcidc ,  11-24. 


d'anatomie  pathologique.  857 

de  M.   Martinet,   et   qui,   lorsqu'il  existe,    annonce 
d'une   manière   non  douteuse   un   état  d'hyperémie 
considérable  du  nerf  douloureux  :  c'est  le  gonflement 
de  ce  nerf,  qui  se  dessine,  comme  un  cordon,  au- 
dessous  de  la  peau.  M.  Martinet  a  constaté  deux  fois 
cette  augmentation  de  volume  dans  le  nerf  cubital , 
qui  égalait  en  grosseur  le  petit  doigt,  et  simulait  un 
cordon  tendu  le  long  du  bras.  Une  douleur  vive  dans 
le  trajet  du  nerf  affecté,  des  mouvemens  convulsifs, 
suivis  de  paralysie  ,  dans  les  muscles  où  le  nerf  cubital 
distribue  ses  rameaux ,  tels  furent  les  principaux  phé- 
nomènes observés;  la  guérison  eut  lieu  dans  les  deux 
cas.  Chez  un  homme  (1)  qui,  à  la  suite  d'une  course 
forcée,  fut  pris  de  douleurs  très-vives  à  la  portion 
postérieure  des  deux  cuisses,  dans  le  trajet  des  nerfs 
sciatiques,  M.  Martinet  trouva  ces  nerfs  notablement 
augmentés  de  volume;  leur  tissu  était  dur  et  résistant. 
Les  fibrilles  nerveuses  étaient  pénétrées  par  une  mul- 
titude de  vaisseaux  sanguins  qui  donnaient  au  nerf 
une  couleur  d'un  rouge  foncé  ;  entre  ces  fibrilles  était 
épanché    un  liquide    séroso-sanguinolent.    Chez   un 
autre  individu,  atteint  d'une  douleur  scialique  que 
le  mouvement  et  la  pression  exaspéraient,  M.  Mar- 
tinet trouva  le  nerf  sciatique  d'un  rouge  violacé  ;  un 
sang  fluide  était  interposé  entre  ses  filets.  Une  alté- 
ration à-peu-près  semblable  a  été  vue  par  M.  A.  Gou- 
pil (2)  dans  le  nerf  crural.  Il  avait  un  volume  double 
de  celui   du  nerf  du  côté  opposé.   Sa  couleur  était 
violacée,   et  des  ecchymoses,   grandes  comme  une 

(1)  Cet  lîomnie  était  un  conscrit  rôfiac taire  ,  cfuî ,  après  une  coiujje 
forcée,  tomba  entre  les  mains  <1es  gr-ndaimes. 
(9,)   îbidinx. 


858  PRÉCIS 

tête  d'ëpitigle,  le  parseuitiient.  Celte  hyperémie  élalt 
à-peu-près  exclusivement  bornée  à  la  partie  supérieure 
du  nerf;  le  plexus  lombaire  était  exempt  de  toute 
altération.  Pendant  la  vie  ,  une  douleur  vive  avait 
existé  dans  le  trajet  du  nerf  crural.  La  mort  fut  le 
résultat  d'une  péritonite.  Avant  l'invasion  de  celie-ci , 
il  y  avait  un  léger  mouvement  fébrile  ,  qui  le  soir 
s  exaspérait,  ainsi  que  la  douleur.  M.  Gendrin  a  éga- 
lement cité  cjuelques  cas  fort  intéressans  d'hyperémie 
des  nerfs  ,  observés  chez  des  individus  qui  avaient 
présenté  ,  pendant  la  vie ,  des  signes  de  névralgies. 
Dans  tous  les  cas  qu'il  rapporte ,  c'est  le  nerf  sciatique 
qui  a  été  trouvé  affecté  :  une  couleur  rouge  ou  vio- 
lacée ,  soit  uniforme  ,  soit  avec  conservation  d  un 
aspect  vascuîaire,  existant  également  à  l'intérieur  du 
nerf  et  à  sa  périphérie,  de  petits  caillots  de  sang 
disséminés  à  l'intérieur  du  nerf,  la  transformation  de 
son  tissu  en  une  substance  spongieuse ,  molle  et 
comme  carnifiée  ,  une  augmentation  plus  ou  moins 
considérable  de  son  volume  ,  telles  sont  les  altéra- 
tions qui  se  sont  offertes  à  l'observation  de  M.  Gen- 
drin (i).  Les  différens  auteurs  que  je  viens  de  citer  ont 
également  vu  du  pus  dans  les  nerfs  ;  nous  y  reviendrons 
plus  tard. 

11  est  quelques  cas  où  l'on  a  vu  les  nerfs  qui  se 
distribuaient  à  des  parties  atteintes  d'une  irritation 
cbronique  ,  participer  à  cette  irritation  et  s'hyperé- 
inier  chronîquement.  Sur  un  ancien  ulcère  variqueux 
de  la  jambe  ,  M.  Gendrin  a  trouvé  le  nerf  sa])]iène  au 
moins  triplé  de  volume,   friable,  et  très-injecté  ;   il 

(>)  Oper,  cit.  y  \om.  H  ,  l>a},'.  »  13  el  suiv. 


d'anatomie  pathologique.  S59 

€lalt  parcouru  par  une  multitude  de  vaisseaux  vari- 
queux (1). 

Des  recherches  récentes  tendraient  à  faire  ad- 
mettre qu'en  déterminant  artificiellement  une  hype- 
rémie  dans  les  nerfs  qui  vont  porter  la  vie  à  quelques 
organes ,  on  produirait  dans  ces  organes  une  hype- 
rémie  pareille  à  celle  qui  aurait  d'abord  existé  dans 
leurs  nerfs.  Est-il  vrai  qu'en  irritant  le  pneumo-gas- 
trique ,  on  donne  naissance  à  une  irritation  de  l'es- 
tomac ,  tandis  que  les  poumons ,  auxquels  ce  nerf  se 
distribue  également,  n'en  éprouvent  aucune  influence? 
Est-il  vrai  qu'on  produit  une  hyperémie  du  testicule 
en  irritant  les  nerfs  spermatiques  ?  Les  remarquables 
altérations  qu'éprouve  le  globe  de  l'œil  à  la  suite  de 
la  section  du  nerf  de  la  cinquième  paire,  sont-elles 
tout  simplement  le  résultat  de  l'irritation  qui  de  ce 
nerf ,  où  elle  a  d'abord  été  produite,  s'est  propagée  à 
l'œil?  Sur  ces  divers  sujets  la  science  attend  encore 
de  nouveaux  travaux. 

Nous  avons  vu  ,  dans  un  précédent  paragraphe  , 
qu'une  irritation  légère  ,  déterminée  artificiellement 
sur  un  nerf,  produit  quelquefois  dans  le  tissu  de  ce 
nerf  une  coloration  jaune.  Cette  coloration  est  la 
principale  lésion  qui  ait  été  observée  dans  un  cas  fort 
remarquable,  dont  on  doit  la  connaissance  à  M.  Ser- 
res ,  et  où  l'existence  de  cette  coloration  insolite 
dans  la  cinquième  paire  coïncida  avec  l'apparition 
des  divers  phénomènes  que  M.  Magendie  produit  à 
volonté  sur  les  animaux,  en  coupant  chez  eux  celte 
même  paire  de  nerfs.  Soit  qu'on  pense  que  l'altéra- 


(1)  Oper,  cit.  ,  tora.  II ,  pag.  1  '5  et  suiv. 


86o  PRÉCIS 

lion  que  présenta  dans  ce  cas  le  nerf  trijumeau  suffise 
pour  expliquer  les  phénomènes  observés  pendant  la 
vie,  soit  qu'on  ne  le  pense  pas,  et  qu'on  doute  si 
réellement  la  cause  des  désordres  fonctionnels  a  été 
trouvée  par  le  scalpel,  l'observation  me  paraît  de  na- 
ture à  devoir  être  ici  reproduite  dans  son  entier;  en 
ayant  tous  les  détails  devant  les  yeux,  le  lecteur 
pourra  en  tirer  la  conséquence  qui  lui  paraîtra  la 
plus  raisonnable. 

Joseph  Hubertin,  âgé  de  vingt-six  ans  ,  entra  à  la 
Pilié  le  29  septembre  1820.  Ce  malade  était  affecté 
d'épilepsie  depuis  deux  ans;  les  accès  étaient  constam- 
ment précédés  de  convulsions  du  côté  droit  ;  outre 
cela,  l'œil  droit  était  attaqué  d'ophthalmie  chroni- 
que ,  qui  devint  aiguë  vers  le  mois  de  décembre  ; 
une  opacité  commençante  de  la  cornée  se  fit  remar- 
quer; l'ophthalmie  disparut,  mais  l'opacité  de  la  cor- 
née augmenta  de  plus  en  plus,  de  sorte  que  la  perte 
de  la  vue  en  fut  le  résultat  inévitable.  Dans  le  mois 
de  janvier,  l'œil  droit  perdit  sa  sensibilité.  Pendant 
ce  temps-là  les  accès  d'épilepsie  et  les  convulsions  du 
côté  droit  ne  diminuaient  pas  de  fréquence  ;  la  santé 
du  malade  s'aflaiblissait.  Du  i5  au  20  juin,  les  gen- 
cives s'enflammèrent  d'abord  à  la  mâchoire  supé- 
rieure, puis  à  l'inférieure.  Dans  le  mois  de  juillet, 
l'affection  des  gencives  fit  des  progrès;  elles  présen- 
taient un  aspect  scorbutique  ;  elles  étaient  boursouf- 
flées  ;  les  mouvemens  de  la  mâchoire  et  des  joues 
n'étaient  point  altérés. 

Yoici  les  phénomènes  que  l'on  observa  le  10  août, 
et  les  expériences  qui  furent  tentées  devant  un  assez 
grand  nombre  d'élèves. 


d'anatomie  pathologique.  86 1 

M.  Dimbarre  (  interne  dans  la  division  de  M.  Ser- 
res) frotta  l'œil  droit  avec  les  barbes  d'une  pkime  à 
écrire;  le  malade  n'en  eut  aucun  sentiment,  il  n'y 
eut  point  de  clignotement  des  paupières  ;  la  face  in- 
terne de  ces  dernières  parties  était  également  insen- 
sible. La  même  expérience  sur  l'œil  gauche  pro- 
duisit une  vive  sensation  et  un  clignotement  long- 
temps prolongé.  On  réitéra  deux  ou  trois  fois  cet 
essai,  parce  que  le  malade  n'en  parut  pas  fatigué,  et 
que  cette  insensibilité  de  la  conjonctive  ,  de  la  cor- 
née et  de  la  face  interne  de  la  paupière,  jointe  à 
l'immobilité  complète  du  globe  de  l'œil  et  de  ses  dé- 
pendances ,  excitait  un  vif  étonnement  parmi  les  as- 
sistans. 

On  passa  ensuite  aux  fosses  nasales  ;  on  intro- 
duisit la  plume  dans  la  narine  droite;  on  l'agita  dans 
tous  les  sens  :  le  malade  y  fut  complètement  insensi- 
ble. On  passa  à  la  narine  gauche  ;  la  sensibilité  la  plus 
vive  se  manifesta  dès  son  introduction.  On  présenta 
à  la  narine  un  flacon  contenant  de  l'ammoniaque  li- 
quide; le  malade  en  ressentit  une  faible  impression 
après  une  forte  inspiration  ;  à  gauche ,  l'approche  du 
flacon  ne  put  même  être  supportée. 

On  vint  à  la  bouche  :  on  constata  de  nouveau 
l'altération  profonde  des  gencives  du  côté  droit  , 
beaucoup  plus  affectées  que  celles  du  côté  gauche; 
la  langue  ne  parut  pas  sensiblement  altérée  ,  le  ma- 
lade la  portait  hors  de  la  bouche  en  ligne  directe.  Da 
sulfate  de  quinine  réduit  en  poudre  fut  appliqué  sur 
ia  partie  droite  de  la  langue  ;  le  malade  ne  le  sentit 
point ,  ne  le  dégusta  point  ;  on  en  mit  sur  le  côté  gau- 
che, il  le  cracha  aussitôt.  Interrogé  sur  la  saveur  qu'il 


862  PRÉCIS 

lui    avait  trouvée  ,    il  en  désigna  ramertiime  pnr   le 

terme  de  cklcolui  ^  usité  parmi  le  peuple -■ 

L'ouie  se  conserva  du  côté  droit  et  du  côlé  gauche 
jusqu'au  5  ou  4  août;  mais  vers  le  5  ou  le  6,  il  devint 
presque  sourd  de  l'oreille  droite.  Informé  par  le  ma- 
lade de  ce  nouvel  accident,  je  fis  appliquer  un  vési- 
catoire  à  la  nuque. 

Le  y,  le  8  et  le  9,  la  surdité  diminua ,  mais  la  santé 
s'altérait  de  jour  en  jour;  il  mourut  dans  la  nuit  du 
II  au  12. 

L'auptosie  fut  faite  devant  jMM.  Serres,  Magendie, 
Lisfranc,  Georget,  etc. 

Yoici  ce  que  Ton  trouva  de  plus  remarquable.  La 
dure -mère  était  détachée  de  la  fosse  sphénoïdale 
droite;  le  ganglion  du  nerf  trijumeau  de  ce  côté  était 
dans  un  état  insolite  ;  il  était  boursoufïlé  ,  d'un  gris 
jaune,  une  petite  quantité  de  sérosité  en  séparait  les 
granulations. 

A  sa  partie  interne,  la  portion  du  ganglion  d'où 
se  détachait  le  nerf  ophthalmique  était  rouge,  injec- 
tée ;  cette  injection  et  celte  rougeur  étaient  partagées 
parla  dure-mère,  qui  la  recouvrait.  En  arrière  du 
ganglion  ,  les  faisceaux  nerveux  étaient  isolés  par  une 
petite  quantité  de  sérosité.  Les  faisceaux  internes 
étaient  d'un  blanc  plus  mat  que  les  externes,  les  uns 
et  les  autres  étaient  un  peu  ternes;  cette  disposition 
faisait  ressortir  les  faisceaux  musculaires  du  nerf  tri- 
jumeau, qui,  parfaitement  sains,  occupaient  le  côté 
interne  du  nerf,  et  qui  passaient  au-dessous  du  gan- 
:glion  ,  après  avoir  dépassé  la  ligne  supérieure  du 
rocher.  Tout-à-fait  en  arrière,  le  tronc  du  nerf  qui 
débordait  dans  la  fosse  occipitale  était  jaune  comme 


d'aN\TOMIK    rATIlOLOGIQUE.  865 

le  ganglion  lui-même  ;  cette  couleur  se  remarquait 
dans  l'étendue  de  deux  lignes  environ.  11  est  à  re- 
marquer encore  que  les  filets  musculaires  ne  parta- 
geaient point  cette  altération  ;  ils  étaient  dans  leur 
état  ordinaire,  en  arrière  comme  en  avant. 

L'altération  du  ganglion  et  son  hypertrophie  se 
prolongeaient  en  avant  sur  trois  principales  divisions  ; 
le  nerf  ophthalmique  paraissait  le  plus  anciennement 
afl'ccté  ,  le  nerf  maxillaire  inférieur  était  un  peu  plus 
altéré  que  le  supérieur.  Ces  trois  nerfs  élaient  d'un 
jaune  terne  jjdont  la  coloration  contrastait  avec  celle 
des  nerfs  opposés ,  qui  étaient  découverts.  Ils  con- 
servaient cette  couleur  jusqu'à  leur  sortie  du  crâne; 
au-delà,  le  nerf  ophthulmique  la  perdait  avant  d'ar- 
river à  la  fente  sphénoidale  :  le  nerf  lacrymal,  le  nerf 
frontal  et  le  nerf  nasal  nous  offrirent  du  reste  leur 
,  structure  ordinaire.  La  couleur  jaune  du  maxillaire 
supérieur  disparaissait  tout-à-fait  dans  la  fosse  sphéno- 
maxillaire  les  rameaux  orbitaires ,  dentaires  anté- 
rieurs, postérieurs  et  supérieurs,  et  les  branches  du 
sous-orbitaire ,  disséqués  avec  soin,  ne  présentèrent 
aucun  changement  dans  leur  texture  ni  dans  leur 
organisation  ;  la  troisième  branche  du  nerf  trijumeau, 
ou  le  nerf  maxillaire  inférieur,  conservait  son  bour- 
soufflement  et  sa  couleur  jaune  dans  le  crâne,  et  en 
partie  dans  son  trajet  dans  la  fosse  zygomatique  :  dans 
celte  fosse,  il  paraissait  divisé  en  deux  parties  par 
l'altération  dont  il  avait  été  le  siège;  la  partie  in- 
terne conservait  encore  la  nuance  jaune  du  tronc, 
l'externe  ne  différait  pas  du  nerf  du  côté  opposé.  De 
la  première  partaient  les  rameaux  dentaire  inférieur, 
lingual  et  auriculaire  ;  de  l'autre  se  détachaient  plus 


864  PRÉCIS 

spécialement  les  rameaux  temporaux  profonds,  les 
ptérygoïdiens,  le  masséterin  et  le  buccal.  En  dissé- 
quant ces  derniers  rameaux  d'avant  en  arrière  ,  on 
aperçut  qu'ils  correspondaient  aux  faisceaux  intacts 
qui  se  remarquaient  au  côté  interne  et  inférieur  du 
ganglion  de  Glaser  (i). 

Le  nerf  optique  droit  était,  en  arrière  de  l'œil ,  un 
peu  moins  volumineux  que  le  gauche.  Dans  le  reste 
de  leur  trajet  ces  deux  nerfs  étaient  identiques. 

La  cornée  de  l'œil  droit  était  opaque  et  épaissie 
dans  toute  son  étendue.  L'iris  adhérait  4  sa  face  pos- 
térieure ,  ce  qui  détruisait  l'espace  désigné  sous  le 
nom  de  chambre  antérieure,  La  pupille  était  contractée  ; 
la  face  antérieure  de  l'iris  était  couverte  d'une  fausse 
membrane  blanchâtre  ,  qui  adhérait  à  la  face  posté- 
rieure de  la  cornée.  Sur  cette  dernière  on  apercevait 
plusieurs  petits  vaisseaux  formant  deux  demi-cercles. 
La  choroïde  était  un  peu  rougeâtre  ;  l'humeur  vitrée 
paraissait  moins  transparente  que  dans  l'œil  gauche. 

La  membrane  muqueuse  nasale  était  un  peu  in- 
jectée à  la  ixarine  droite,  principalement  dans  la  por- 
tion qui  correspond  au  cornet  nasal  inférieur. 

Les  gencives  étaient  noires  du  côté  droit  à  la  m.â- 
choire  supérieure  et  inférieure.  Son  tissu  ,  mou  ,  bour- 
soufflé ,  se  déchirait  avec  la  plus  grande  facilité.  Les 
dents  étaient  tout-à-fait  déchaussées  en 'haut  et  en 
bas  ;  le  tissu  osseux  formant  les  alvéoles  supérieures 
et  inférieures  était  comme  injecté.  A  gauche,  le  tissu 

(i)  A  cette  occasion  ,  M.  Serres  remarque  que  cet  isolement  des  bran<- 
rhes  musculaires,  produit  par  la  maladie,  est  un  fait  d'autant  plus  impor- 
tant ,  que  dans  l'état  sain  il  s'en  faut  qu'un  pareil  isolement  puisse  tire 
nellement  démonlié. 


D*ANATOMIE    PATHOLOGIQLE.  863 

des  gencives  était  brun,  un  peu  ramolli;  maisralléra- 
tion  était  bien  moins  profonde  que  du  côté  opposé. 

La  langue  ne  présenta  d'abord  aucune  traCe  d'alté- 
ration à  sa  superficie  ;  mais  disséquée  avec  soin  ,  le 
tissu  muqueux  parut  un  peu  plus  mou  à  droite  qu'à 
gauche, 

L*oreille  droite  ne  présenta  aucune  lésion  sensible, 
soit  dans  son  appareil  osseux  interne,  soit  dans  ses 
nerfs.  Le  nerf  acoustique  ,  la  portion  dure  de  la 
septième  paire  dans  Taqueduc  de  Fallope ,  la  corde 
du  tympan  ,  étaient  dans  leur  état  normal. 

L'encéphale  fut  examiné  avec  le  même  soin  que 
les  parties  dont  nous  venons  de  présenter  l'état  inso- 
lite, (/e  qui  d'abord  frappa  les  regards,  fut  le  côté 
droit  de  la  protubérance  annulaire  ,  correspondant 
à  l'insertion  du  nerf  trijumeau  altéré.  iS  la  place  de 
ce  nerf  qui  s'était  détaché  en  soulevant  le  cerveau , 
on  trouva  une  matière  gélatineuse.  Jaune,  analogue  à 
celle  qui  existait  à  l'extrémité  du  nerf,  restée  libre 
au  niveau  du  bord  supérieur  du  rocher.  Ecartant 
ensuite  les  faisceaux  transverses  du  ponl  ,  M.  Serres, 
suivit  les  traînées  de  cette  matière  jaune ,  dans  l'é- 
tendue environ  de  deux  lignes  :  en  même  temps  ,  il 
remarqua  ,  au  côté  interne  de  la  matière  gélatineuse, 
deux  petits  faisceaux  blancs,  intacts,  qui  furent  mis 
à  découvert  jusqu'au  bord  supérieur  du  bulbe  rachi- 
dien.  Ces  faisceaux  étaient  la  continuation  des  fais- 
ceaux médullaires  qui  existaient  sur  le  côlé  interne 
du  ganglion  sphénoidal  de  la  cinquième  paire.  Les 
filets  musculaires  étaient  donc  sains  dans  toule  leur 
étendue,  ils  paraissaient  n'avoir  point  participé  a  l'al- 
tération profonde  dont  le  nerf  trijumeau  de  ce  côté 
IL  55 


^66  PRÉCIS 

avait  été  atteint.  Du  côté  gauche,  le  nerf  de  îa  cin- 
quième paire  était  dans  son  étal   normal. 

En  outre,   l'hémisphère   gauche  du  cerveau   était 
ramolli,  h'gèrement  jaune  à   sa  surface  supérieure, 
principalement  en  avant  et  en  arrière.   Sa  face  infé- 
rieure   était    tellement    adhérente    à  la    dure-mère  , 
qu'une  petite   parlie  de  la  substance  corticale  resta 
aitachée  à  cette  membrane  ,  an  moment  où  on  sou- 
levait l'encéphale   pour  en  considérer  la  base.   Tout 
le  lobe   moyen  et  postérieur  parut  alors  ramolli  et 
jaune  ;  cette  altération  s'étendait  dans  la  profondeur 
du  lobe  jusqu'au  niveau  du  demi-centre  ovale  du  côté 
gauche.  La  couche  optique  et  le  corps  strié  du  même 
-    côté  étaient  un  peu  plus  mous  que  du  côté  opposé. 
L'hémisphère  gauche  du  cervelet  offrait  une  altération 
analogue  à  celle  de  l'hémisphère  cérébral  du  même 
côté  ;  elle  était  néanmoins  beaucoup  moins  profonde. 
Le  ventricule  latéral  gauche  était  plus  étendu  que  le 
droit  ;  la  glande  pinéale  était  plus  volumineuse  et  plus 
dure  que  dans  l'état  normal. 

''     Les  deux    poumons   étaient    tuberculeux  à    leur 
sommet. 


d'anatomie  pathologique  867 


CHAPITRE   IL 
LESIONS  DE  NUTRITION. 


ARTICLE  PREMIER. 


HYPERTROPHIE. 


Bichat  avait  cru  observer  que  les  nerfs  des  parties 
dont  la  nutrition  est  altérée  ,  de  celles  surlout  qui  sont 
devenues  cancéreuses,  sont  eux-mêmes  augmentés 
de  volume  ,  hypertrophiés.  Depuis  Bichat ,  quelques 
auteurs  ont  fait  la  môme  remarque  5  mais  de  pareilles 
recherches  sont  bien  difficiles,  et  lorsqu'on  est  porté 
à  penser  que  lés  nerfs  d'une  partie  quelconque  sont 
hypertrophiés,  il  serait  bon  de  ne  l'affirmer,  que  toutes 
les  fois  qu'on  aurait  en  même  temps  sous  les  yeux  ces 
mômes  nerfs  disséqués  sur  un  autre  sujet;  car,  en 
analomie  aussi ,  il  y  a  la  part  de  l'imagination  ,  et  sou- 
vent, avec  la  meilleure  foi  possible,  on  a  cru  voir  ce 
qu'on  cherchait  à  voir.  Parmi  les  cas  nombreux  où  il 
me  paraît  bien  démontré  que  les  nerfs  d'une  partie 
malade  se  sont  réellement  hypertrophiés  ,  on  peut 
citer  les  deux  suivans  : 

1"^  Cas,  Chez  un  vieillard  qui  portait  à  l'une  des 
jambes  une  vaste  et  ancienne  ulcération  ,  le  nerf  sa- 
phène,  situé  sur  les  bords  de  cette  solution  deconli- 
uuité,  était  au  moins  triplé  de  volume;  il  envoyait  à 
l'ulcération   un    très-grand  nombre   de  filets,    qui, 


55. 


^6S  ~  PRÉCIS 

épaissis  et  injectés,  se  confondaient  avec  les  parois 
des  rameaux  variqueux  de  la  veine  saphène  ,  ainsi 
qu*avec  le  tissu  induré  des  bords  et  du  fond  de  l'ul- 
cération ;  le  tronc  même  de  la  veine  saphène  était 
aussi  augmenté  de  volume,  et  «es  parois  avaient  ac- 
quis une  épaisseur  insolite.  A  mesure  qu'on  s'éloi- 
gnait de  l'ulcère  ,  on  voyait  le  nerf  saphène  reprendre 
son  volume  ordinaire  (i). 

11°.  Cas,  Une  femme  portait  à  la  jambe  un  ancien 
ulcère  fongueux,  qui  était  le  siège  de  vives  douleurs, 
dont  chaque  nuit  augmentait  l'intensité.  L'amputa- 
tion ayant  été  faite,  voici  dans  quel  état  on  trouva  la 
parlie  malade  :  le  nerf  poplité  externe  avait  acquis  un 
beaucoup  plus  grand  volume  inférieurement  que  su- 
périeurement; on  le  suivait  jusque  près  de  l'ulcère  , 
avec  le  tissu  duquel  il  se  confondait.  Du  nerfpéro- 
m\ev  naissaient  plusieurs  branches,  dont  le  volume 
était  aussi  singulièrement  augmenté.  Ce  nerf  lui-même, 
ainsi  que  le  tibial  antérieur,  étaient  entourés  d'une 
membraue  cellulaire ,  remarquable  par  sa  densité  , 
et  dans  laquelle  de  nombreux  vaisseaux  se  distri- 
buaient. Avec  cette  hypertrophie  de  plusieurs  nerfs 
coïncidait  une  hypertrophie  notable  de  la  peau  et  des 
os  eux-mêmes,  qui  étaient  augmentés  de  volume,  sans 
présenter  aucune  autre  altération.  Les  muscles,  au  con- 
traire, avaientsubi  une  atrophie  telle,  qu'on  €n  retrou- 
vait à  peine  quelque  trace.  Au  fond  de  l'ulcère  se 
voyait  un  plexus  sanguin,  dans  lequel  se  rendaient 
plusieurs  branches  nerveuses;  en  beaucoup  de  points 

(i)  Gcndrin,  Oper,  cil.  ,  totn,  II ,  pag.  1-7, 


d'anatomie  pathologique.  869) 

de  ce  plexus  on  retrouvait  tous  les  caractères  du  vé- 
rilable  tissu  érectile  (1). 

On  a  trouvé  quelquefois  dans  les  nerfs  des  reufle- 
m^ns  partiels  de  leur  substance  ,  qui  semblent  n'être 
autre  chose  qu'un  résultat  de  leur  hypertrophie  cir- 
conscrite. Ces  renflemens  étaient  surtout  remarqua- 
bles par  leur  grand  nombre  sur  le  cadavre  d'un  crétin, 
é  de  trente-trois  ans.,  dont  l'autopsie  fut  faite  par 
le  docteur  SchifFner,  médecin  du  grand  hôpital  civil 
de  Vienne.  Les  centres  nerveux  n'offraient  rien  de 
particulier;  mais  il  n'en  était  pas  de  même  des  cor- 
dons nerveux.  Ainsi  la  troisième  branche  de  la  cin- 
quième paire  présentait  dans  tous  ses  rameaux  des 
renflemens  gros  comme  des  pois  ordinaires.  La  bran- 
che de  la  cinquième  paire ,  qui  accompagne  le  filet 
du  nerf  vidien  dans  le  canal  carotidien  ,  formait  de 
chaque  côté  un  ganglion  de  la  grosseur  d'une  noisetlC; 
Laportion  dure  delà  septièmepaireoifraitdesganglions 
gros  comme  des  pois;  on  voyait  également  quelques 
renflemens  oblongs  le  long  de  la  huitième  paire.  Au 
cou,  les  rameaux  laryngés  de  cette  môme  paire  ,  ses 
branches  anaslomotiques  avec  le  grand  sympathique 
et  quelques  branches  musculaires,  étaient  très-ren- 
flés.  Les  rameaux  qui  se  rendent  aux  plexus  œsopha- 
gien etpulmonaire  présentaient  aussi  de  petites  saillies 
grosses  comme  un  pois.  De  semblables  saillies  se 
montraient  grosses  comme  des  noisetles ,  sur  les  nerfs 


(1)  S>\an ,  Obsertalions  on  some  points  rclaling  io  the  ncrvons  System, 
Li)n,don  ,  iSaa,  chap.  m. 

Dans  un  autre  cas  d'ulcère  à  la  jambe,  cilé  par  le  mCinc  anirnr,  avrc 
vives  douleurs  dans  le  nerl' poplité  ,  on  trouva  aussi  augmenlOs  dt  volume 
hi!à  neris  sciatiqne  ,  sapliène  cl  poplité. 


870  pnÉcis     / 

(lu  plexus  brachial.  On  retrouvait  des  renflemens 
moins  nombreux,  mais  plus  gros,  sur  les  nerfs  du 
dos,  des  lombes  f  et  sur  ceux  qui  se  ramifient  le 
long  de  la  crête  iliaque.  Les  nerfs  des  extrémités  of- 
fraient également  de  fort  gros  renflemens  dans  leur 
trajet  (1). 


ARTICLE    II. 


ATROPHIE. 


L'atrophie  des  nerfs  n'a  gnères  été  vue  que  dans  les 
cas  où  les  parties  auxquelles  ils  se  distribuent  avaient 
elles-mêmes  subi  une  diminution  dans  l'activité  de 

11 

leur  nutrition  normale  ou  de  leurs  fonctions  ;  c'est 
surtout  dans  le  nerf  optique  que  cette  atrophie  a  été 
vue  et  étudiée. 

Dans  la  plupart  des  cas  où  un  œil  a  depuis  long- 
temps perdu  la  faculté  de  transmettre  au  cerveau  l'im- 
pression des  rayons  lumineux,  on  trouve,  dans  la 
structure  du  nerf  optique  ,  de  remarquables  change- 
mens.  Parmi  ces  cas,  il  peut  y  en  avoir  sans  doute, 
où  la  lésion  primitive  a  élé  dans  le  nerf  optique  lui- 
même  ;  mais  ces  cas  paraissent  être  les  moins  nom- 
breux, et  presque  toujours  cette  lésion  du  nerf  est 
consécutive.  Ainsi  elle  existe  chez  des  individus  dont 
les  yeux  n'ont  autre  chose  qu'une  taie  ou  une  cata- 
racte. On  l'observe  également  dans  les  cas  où  par 
la  suite  d'une  violence  extérieure  l'œil  a  élé  crevé  . 

(j)    The  london  mvtfical  and  pitysical  journal .  182É». 


D*ANATOMlE    PATHOLOGIQUE.  S7I 

el  réduit  à  un  uioignou ,  dans  lequel  il  n'y  a  plus  de 
vision  possible.  Plus  Faltiération  de  l'œil  est  ancienne, 
pins  la  lésion  du  nerf  optique  est  elle-même  considé- 
rable. Yoilà  donc  encore  un  cas  dans  lequel  la  lésion 
trouvée  après  la  mort  ne  peut  être  considérée  que 
comme  un  simple  effet. 

L'atrophie  du  nerf  optique,  que  nous  prenons  ici 
comme  type  de  l'atrophie  de  tous  les  autres  nerfs , 
présente  les  caractères  suivans  :  son  volume  est  di- 
minué 5  au  point  de  ne  plus  présenter  quelquefois  que 
le  tiers,  le  quart  ou  le  cinquième  du  volume  normal. 
Sa  substance  médullaire  disparaît,  et  l'on  ne  trouve 
plus  à  l'intérieur  du  nerf  qu'une  matière  grise  demi- 
transparente  ;  souvent  ,  à  mesure  que  disparaît  lu 
substance  nerveuse  ,  le  névrilème  acquiert  plus  d'é- 
paisseur et  plus  de  cosisistance  ,  il  en  résulte  pour  le 
nerf  l'aspect  d'un  cordon  fibreux  et  presque  cartila- 
gineux; d'autres  fois  on  n'observe  rien  de  semblable, 
et,  à  la  place  du  nerf,  Ton  ne  trouve  autre  chose 
qu'une  simple  gaine  membraneuse  à  parois  minces^ 
transparentes,  et  dans  la  cavité  de  laquelle  on  trouve 
une  sorte  de  cellulosiîé  à  moilié  liquide.  Pour  peu 
que  la  ditninution  de  volume  du  nerf  soit  considéia- 
ble  ,  le  trou  par  lequel  il  pénètre  dans  l'orbite  dimi- 
nue aussi  de  diamètre  ;  de  même  que  tend  à  s'effacer 
la  cavité  orbitaire  elle-même,  dans  les  cas  d'atrophie 
considérable  du  globe  de  l'œil.  C'est  la  répélition  de 
ce  qui  a  lieu  pour  la  totalité  des  parois  crâniennes, 
lors.(}ue  la  masse  encéphalique  vient  elle-même  à 
s'alrophier. 

L'alrophie  du  nerf  optique  s  observe  bien  plus  com- 
munément dans  la  partie  de  ce  neif  compiise  entro 


872  PRÉCIS 

l'œil  et  le  point  de  rentrecroisement  qu'au-delà  de 
cet  entrecroisement.  Dans  les  cas  où  l'atrophie  se  con- 
tinue au-delà  de  ce  dernier  point,  c'est  toujours  dans 
le  nerf  qui  se  rend  à  la  couche  optique  du  coté 
opposé  à  celui  où  existait  l'atrophie  en  deçà  de  l'en- 
trecroisement ;  celui-ci,  qui  est  de  toute  évidence 
dans  les  reptiles  et  dans  les  poissons,  où  les  nerfs  opti- 
ques s'entrecroisent  en  passant  l'iin  au-dessus  de  l'au- 
tre sans  se  toucher,  se  trouve  donc  démontré  chez  les 
mammifères  par  ce  fait  pathologique.  Quant  aux  cou- 
ches optiques,  elles  sont  très-rarement  altérées,  dans 
les  cas  mêmes  où  l'atrophie  des  nerfs  optiques  est  la  plus 
considérable  possible.  Toutefois  Wrolik  a  rapporté  un 
cas  observé  sur  un  jeune  garçon  de  quatorze  ans  , 
aveugle  depuis  le  quatrième  mois  de  sa  naissance^  et 
où  les  couches  optiques  n'avaient  pas  le  tiers  de  leur 
volume  accoutumé  ;  les  nerfs  optiques  étaient  aussi 
atrophiés  derrière  l'entrecroisement  v  et  au-devant  de 
lui.  D'un  autre  côté,  remarquons  ici  en  passant  que 
la  cécité  ne  suit  que  rarement  les  nombreuses  et  fré- 
quentes altérations  dont   la  couche   optique   est  le 


siège. 


Pourquoi ,  au  contraire ,  voit-on  quelquefois  Tamau- 
rose  coïncider  avec  certaines  altérations  du  cervelet , 
comme  ,  par  exemple  ,  avec  un  développement  de 
tubercules  dans  un  de  ses  lobes  latéraux? 

L'atrophie  du  nerf  optique  ne  se  développe  quel- 
fois  que  très-lentement  à  la  suite  de  la  perle  d'un  des 
yeux.  Je  n'ai  trouvé  plus  d'une  fois  aucune  trace  de 
cette  atrophie  dans  des  nerfs  optiques  qui  apparte- 
naient à  des  individus  dont  la  vue  était  perdue  depuis 
plusieurs  années.  M.  Magendie  a  trouvé  celte  atro- 


d'anatomik  pathologique.  8;5 

phie  à  peine  sensible  sur  une  fille  borgne  depuis  sept 
ans.  Sur  un  autre  individu,  borgne  depuis  trente  ans, 
il  a  trouvé  le  nerf  optique  atrophié  en  avant  de  len- 
trecroisement,  mais  pas  au-delà.  Il  est,  au  contraire, 
d'autres  cas  où,  examiné  peu  de  temps  après  qu'un  ac- 
cident a  entraîné  la  perle  de  l'œil,  on  trouve  déjà  le 
nerf  optique  atrophié  d'une  manière  notable.  11  résul- 
terait des  observations  el^  des  expériences  de  Sœm- 
mering  et  de  M.  Magendie,  que  l'atrophie  du  nerf  op- 
tique, très-lent  à  s'effectuer  chez  l'homme,  s'effec- 
tuerait plus  rapidement  chez  les  autres  mammifères, 
et  encore  plus  rapidement  chez  les  oiseaux.  Ainsi , 
d'après  M.  Magendie ,  un  an  ou  même  six  mois  seule- 
ment après  la  perte  d'un  œil ,  chez  les  chiens  et  les 
chats,  on  trouve  le  nerf  optique  atrophié  et  jaune, 
mais  entre  l'entrecroisement  seulement  et  le  globe  de 
l'œil.  Enfin  chez  les  oiseaux,  l'atrophie  du  nerf  op- 
tique est  encore  bien  plus  rapide.  Trente,  vingt  et 
même  douze  jours  après  avoir  rendu  opaque  la  cor- 
née transparente  par  la  section  du  nerf  de  la  cinquième 
paire  ,  M.  Magendie  a  constaté  l'atrophie  et  la  colora- 
lion  jaune  du  nerf  de  l'œil  devenu  inactif.  Cette  atro- 
phie se  continuait  au-delà  de  la  jonction  des  deux 
nerfs  jusqu'au  lobe  optique  (i)  :  ce  lobe  lui-même  était 
atrophié  ;  il  n'y  avait  plus  dans  la  gaîne  fibreuse  du 
nerf  aucune  trace  de  substance  médullaire  ;  un  tissu 
cellulaire  jaunâtre  l'avait  remplacée.  Ces  divers  faits 
sembleraient  prouver  que  l'atrophie  du  nerf  optique 
s'accomplit  d'autant  plus  rapidement  que  la  faculté  de 

(0  11  ne  faut  pas  confondre  ce  h  bc  avec  la  couche  oblique  des  njani- 
niiicrcs.  ^ 


8-4  ?T\ECIS 

la  vision  v'tatt  plus  énergique  chez  l'être  qui  vient  à  en 
être  privé. 

Toutes  les  fois  que  le  nerf  optique  s'atrophie ,  la 
nutrition  cie  la  rétine  doit  tendre  aussi  à  diminuer; 
mais  une  circonstance  assez. digne  de  remarque  ,  c'eat 
que  derrière  Ja  toile  mince  qu'elle  représente  alors, 
i)i\  trouve  parfois  une  production  osseuse  acciden- 
lelle,  interposée,  commq^une  capsule,  entre  elle  et 
Ja  choroïde. 

La  diminution  de  volume  de  la  rétine,  par  suite  de 
Tinactivité  de  l'œil  auquel  il  se  rend,  a  été  mise  en 
évidence  par  un  travail  fort  curieux  de  M.  Desmou- 
}ins,  dans  lequel  cet  anatomiste  a  montré  que  la  ré- 
tine naturellement  plissée  de  certains  oiseaux,  à  lon- 
gue vue  perd  ses  plis,  et  devient  lisse  comme  la  ré- 
tine des  mammifères  ,  lorsque  chez  ces  oiseaux  la  vue 
s'exerce  moins,  ou  se  perd  (i). 

On  a  observé  l'absence  complète  des  nerfs  opli- 
fjues  chez  des  fœtus  venus  au  monde  sans  yeux,  bien 
que  dans  plusieurs  cas  de  ce  genre  les  couches  oplir 
f[ues  et  les  tubercules  quadrijumeaux  présentassent 
leur  conformation  normale.  On  a  également  observe 
que  dans  les  cas  où  manquaient  les  fosses  nasales,  les 
nerfs  olfactifs  n'existaient  pas.  Tiédemann  a  remarqué 
que  l'absence  de  ces  nerfs  coïncide  ordinairement 
avec  une  im[)erfection  de  développement  des  cornes 
d'Ammon  ,  de  la  voûte  à  trois  piliers  et  des  corps 
striés.  Dans  les  cas  où  les  yeux  se  développent,  mais 
d'une  manière  irrégulière  ,  et  hors  de  leur  {)lace  ac- 

(i)  DcMnoulJns ,  Opcr.  cit.  ,  loin.  II  ,  pag.  6iSi. 


d'axatoxjie  pathologique.  8-5 

coiitumée,  que  devient  le  nerf  optique?  Chez  un 
chien  cyclope  disséqué  par  M.  Magendie,  ce  savant  . 
n'a  trouyé  aucune  trace  de  nerf  optique  ,  bien  qu'il 
existât  une  rétine;  ainsi  la  formation  de  cette  mem- 
brane serait  indépendante  de  l'existence  du  nerf  op- 
tique. Ce  nerf  a  été  d'ailleurs  rencontré  ,  soit  simple  , 
soit  double,  dans  plusieurs  autres  cas  de  cyclopie. 

On  n'a  pas  encore  fait  de   recherches  suffisantes 
pour  s'assurer  si ,  dans  les,  cas  de  surdité  ,  il  arrive  au 
nerf  acoustique  la  même  altération  de  nutrition  qu'au 
nerf  optique.  Plusieurs  fois  on  a  trouvé  plus  petites 
que   de  coutume  les  racines  antérieures  ou  posté- 
rieures des  nerfs  rachidiens  dans  certains  cas  de  pa- 
ralysie. On  a  aussi  examiné  en  pareille  circonstance 
les  nerfs   mêmes  des   membres  paralysés  ;    mais  ici 
l'observation  n'a  point  confirmé  les  résultats  auxquels 
aurait  conduit  la  théorie.  M.  Cazauvieilh  (i).  dans 
ses   exactes  recherches  sur   l'agénésie   cérébrale  .  a 
examiné  avec  soin  les  nerfs  des  membres.  Tantôt  il  a 
trouvé  également  développés  les  nerfs  des  meuîbres 
atrophiés  et  ceux  des  membres  sains;  tantôt  même 
les  nerfs  des  membres  atrophiés  et  privés  de  mouve- 
ment lui  ont  paru  notablement  plus  gros  et  en  môme 
temps  d'une  couleur  plus  jaune   que  ceux  des  mem- 
bres sains.  Du  reste  ,  il  eût  été  bon   de  s'assurer  de 
quoi   dépendaient  et  cet  excès   de   volume  et   cette 
couleur  jaune.  Y  avait-il  réellement  augmentation  de 
la  substance  médullaire  du  nerf?  élait-ce  simplement 
l'enveloppe   névrilémalique  qui  se  trouvait  épaissie  , 
comme  nous  l'avons  vu  dans  certains  cas  d'atrophie. 

(i)  Oper.  cit. 


8^6  PRÉCIS 

du  nerf  optique,  qui  dans  ce  cas  aussi  aufail  pu  pa- 
raître plus  gms  ?  y  avait- il  à  rinlorieur  du  nerf  un 
liquide  infiltré  ,  qui  pouvait  en  augmenter  le  vo- 
lume, bien  que  ce  nerf  contînt  réellement  moins  de 
substance  conductrice  du  sentiment  et  du  mouve- 
ment? Pour  ma  part  ,  j'ai  cherché  plusieurs  fois  à  cons- 
tater l'état  des  nerfs  dans  des  membres  paralysés, 
soit  récemment,  soit  depuis  plusieurs  années,  par 
suite  d'une  affection  cérébrale;  je  n'y  ai  jamais  dé- 
couvert aucune  atrophie  sensible  ;  mais  je  ne  les  ai, 
pas  non  plus  trouvés  plus  volumineux. 

Des  tumeurs  de  diverse  nature  développées  autour 
des  nerfs  peuvent  les  comprimer  et  en  déterminer 
l'atrophie  d'une  manière  toute  mécanique.  J'ai  vu 
les  nerfs  pneumo-gastriques  et  diaphragmatiques  ainsi 
comprimés  et  atrophiés  par  une  tumeur  cancéreuse 
formée  autour  d'eux.  Il  en  était  résulté  une  gène  con- 
sidérable de  la  respiration  ,  qui  avait  fait  croire  à 
l'existence  d'une    affection   organique  du  cœur  (i). 

(i)  Clinique  Médicale  ^  tome  IV  de  la  i"  cdition ,  et  tome  I  de  la  2*. 
Une  observation  analogue  à  celle  que  j'ai  rapportée  dans  la  Clinique  a  été 
récemment  recueillie  à  l'Iiùpital  de  la  Pitié  ,  dans  le  service  de  M.  Serres, 
Je  crois  devoir  la  consigner  ici,  en  engageant  le  lecteur  à  la  rappruther 
de  celle  que  j'ai  déjà  publiée. 

Une  femme,  âgée  de  soixante-sept  ans,  éprouvait  depuis  un  grand- 
nombre  d'années,  tous  les  symptômes  propres  aux  affections  du  cœur.  La 
maladie,  survenue  lentement,  avait  été  précédée  de  douleurs  d'abord  par 
accès  et  peu  vives,  puis  plus  intenses  et  plus  fréquentes  ,  dans  le  thorax  , 
douleur  qu'elle  di;<ait  nsseulir  dcnière  le  sternun»  et  à  la  base  de  la  poi- 
trine ;  successivement  rapi)étit  a  diminué,  en  même  temps  que  la  respi- 
ration est  devenue  jiénible  ,  «ît  des  palpitations  se  sont  fait  sentir. 

Depuis  deux  mois  qu'elle  <  bt  soumise  à  notre  examen  ,  voici  et*  que  nous 
avons  observé  :  la  respiration  est  courte,  précipitée,  le  cœur  est  le  siège 
de  palpitations  vives  et  par  accès,  le  stéthoscope  ne  fournit  pas  de  signe 
notable,  ri  l;j  percussion  donne  un  son  clair.  La  face  pré-^enle  le  caiaclère 
qu'on  lui  connaît  dans  les  alTtctiuns  du  cœur.  Les  jugulaires  offrent  un 


d'ANATOMIE   PATHOLOGIQtK.  877 

On  a  vu  plusieurs  fois  les  nerfs  optiques  déformes, 
atrophiés,  réduits  à  une  gaine  membraneuse  par  di- 
verses productions  accidentelles.  M.  Sanson ,  chirur- 
gien de  l'Hôtei-Dieu  ,  a  récemment  montré  aux  élèves 
qui  suivent  cet  hôpital  un  cas  de  ce  genre  fort  remar- 
quable. C'était  un  kyste  osseux  ,  gros  comme  une 
noix,  implanté  sur  la  selle  turcique.  Ce  kyste  reposait 
sur  l'entrecroisement  des  nerfs  optiques,  dont  on  ne 
trouvait  plus  de  trace;  on  ne  retrouvait  ces  nerfs  que 
dans  la  cavité  orbitaire.  L'individu  qui  présenta  cette 
altération  était  atteint  d'une  cécité  complète  ,  que 
compliquait  une  violente  céphalalgie.  Cependant,  de 
temps  en  temps,  le  malade  recouvrait  légèrement  ta 
vue.  Comment  expliquer  ce  reste  de  vue  avec  l'état 
dans  lequel  furent  trouvés  les  nerfs  optiques?  étaienl- 
iîs  simplement  atrophiés ,  sans  être  détruits  complète- 
ment? étendus  .en  membrane  «ur  la  périphérie  du 


gonflement  sans  battcmens  ,  le  pouls  est  petit.  En  outre,  elle  éprouve  dans 
la  poitrine  ,  derrière  le  thorax  et  à  la  base,  le  long  des  attaches  du  dia- 
phragme ,  des  douleurs  vives,  revenant  par  accès;  elles  forment  pour  la 
malade  le  symptôme  principal  ;  l'oppression,  quoique  forte,  n'est  rien 
auprès  de  ces  douleurs.  Les  deux  membres  supérieurs  sont  violacés  et 
œdémateux ,  les  inférieurs  conservent  leur  volume  normal.  La  voix  est 
faible,  mais  elle  n'est  ni  enrouée,  ni  sifflante. 

L'appétit  est  presque  nul  ,  quelques  onces  d'alimens  lui  suffisent.  Ce- 
pendant pas  de  douleur  à  la  pression  sur  l'épigaslre;  la  douleur  qu'elle  y 
éprouve  habituellement  se  confond  avec  celle  qu'elle  ressent  à  la  base  de 
la  poitrine,  car  elle  offre  le  même  caractère  d'intermittence.  Il  n'y  a  pas 
de  vomisscmens  ,  le  peu  qu'elle  prend  est  digéré;  la  déglutition  n'est  pas 
généc.  Cette  femme  est  dans  un  état  de  marasme  squelettique. 

Tel  est  l'ensemble  des  phénomènes  offerts  pendant  le  cours  de  cette 
maladie,  qui  a  été  soupçonnée  être  un  anévrysme  de  l'aorte,  ou  quelque 
tumeur  développée  dans  le  thorax,  et  comprimant  les  vaisseaux  sous-cla- 
viers et  les  "nerfs  contenus  dans  cette  cavité.  En  effet,  l'œdème  borné  aux 
membres' supérieurs  et  coïncidant  avec  des  symptômes  d'affection  du 
eœur,  indiquait  bien  que  le  tioubic  dans  la  circulation  du  cœur  n'était 


87^  PlîÉGTS 

kyste  ,  comQie  les  nerfs  qui  entourent  un  sac  ané- 
vrysnial,  ont-ils  échappé  à  l'investigatioii  (1)? 

On  lit  dans  le  Journal  de  physiologie  de  M.  Ma- 
^^/k/îV  (janvier  1825),  une  observation  de  Béclard (2) , 
relative  à  un  individu  chez  lequel  les  nerfs  olfactifs 
avaient  couiplctenient  disparu  ,  compriinés  qu'ils 
avaient  été  par  une  masse  tuberculeuse  développée  à 
la  base  de  l'encéphale.  11  y  avait  en  même  temps  alté- 
ration des  nerfs  optiques;  ces  nerfs  paraissaient  creux 

que  consécnllf  à  quelque  lésion  qui  portait  en  même  temps  son  influence 
sur  les  vaisseaux  qui  vont  aux  membres  supérieurs,  et  l'espèce  de  nevralgit; 
des  nerfs  diaphraj^matiques  confirmait  celle  opinion,  qui  n'a  été  émise  qu'à 
la  suite  de  longs  tàtonnemens. 

Ouverture  du  cadavre.  Maigreur  au  plus  haut  degré  ;  les  membres  su- 
périeurs seuls  sont  infiltrés.  Quelques  ganglions  lymphatiques  indurés  so 
rencontrent  dans  le  tissu  cellulaire  du  cou.  La  poitrine  ouverte,  on  trjuv«î 
le  médiastin  antérieur ,  l'intervalle  des  bronches,  les  artères  qui  partent 
de  la  crosse  de  l'aorte ,  lés  veines  qui  reviennent  des  membres  supérieurs  , 
entourés  de  masses  squirrheuses  encore  à  l'état  cru,  et  comprimant  les 
,  vaisseaux  qu'elles  avoisinent.  Ces  masses  également  répandues  sous  la  con- 
cavité de  la  crosse  aoi  tique  ,  étaient  plus  nombreuses  à  gauche  qu'à  droite; 
mais  ce  qu'il  y  avait  de  plus  remarquable  dans  leur  disposition  ,  c'est 
qu'elles  enveloppaient  les  nerfs  pneumo  gastriques  droit  et  gauche  ,  celui- 
ci  surtout,  et  le  nerf  diaphragmatique  gauche,  dans  diflérens  points  de 
leur  étendue.  Ces  nerfs  étaient  seulement  entourés  , comprimés;  leur  orga- 
uisation  n'était  nullement  altérée;  on  pouvait,  par  la  dissection,  les  dé- 
tacher  entièrement,  et  alors  ils  paraissaient  sains. 

Les  poumons  n'oCTraient  aucune  altération  ,  si  ce  n'est  le  droit,  qui  pré- 
sentait à  son  sommet  une  excavation  non  tuberculeuse ,  remplie  par  du 
sang  livide  ,  coagulé  en  partie. 

Le  cœur  n'était  ni  hypertrophié,  ni  dilaté,  mais  la  substance  en  était 
manifestement  ramollie  et  d'un  rouge  livide.  Les  vaisseaux,  tant  artériels 
que  veineux,  qui  passent  sous  les  clavicules,  étaient  comprimés  par  ces 
tumeurs,  qui  gênaient  ainsi  la  circulation. 

Les  organes  digestifs  n'ont  présenté  pour  lésion  qu'une  diminution  dans 
leur  volume,  sans  altération  notable  de  leur  couleui  et  de  leur  consistance. 
{  Lanccllc  française  ,  tom    1,  n"  17.) 

(i)  Journal  cUn'ufue  des  hôpitaux  ,    tom.  I  ,  n"  89. 

(2)  Celte  observation  a  été  rédigée  })ar  M.  Bérard  aine,  qui  en  a  con- 
signe dans  sa  thèse  les  inlciessans  détails. 


d'aNATOMTE    PiTHOLOGIOUK.  (S'"^ 

à  leur  intéritMir,  ce  qui  dépendait  vraisemblaHemeut 
du  raniollissement  extrême  de  leur  substance  médul- 
laire ;   leur  commissure  était  également  ramollie.  Le 
malade  était  affecté  depuis  deux  ans  d'amaurose  corn- 
piète  ,  avec  céphalalgie  sus-orbitaire.   Comme  l'indi- 
vidu précédent,  il  recouvra  une  fois  la  vue  ,  et  aper- 
çut distinctement  les  objets  qui  l'entouraient  ;  mais 
ce  retour  de  la  vue  ne  fut  que  momentané.  Comment 
se  rendre  compte  de  ce  fait?  comment,  en  présence 
en  quelque  sorte  d'une  lésion  constante  et  aussi  grave , 
la  fonction  peut-elle  ainsi  se  rétablir  d'une  manière 
fugitive?  Du  reste,  une  autre  circonstance  fort  im- 
portante de  cette  observation  ,  c'est  que,  malgré  l'ap- 
parence de  destruction  complète  des  nerfs  olfactifs, 
le  malade  avait  conservé  l'odorat ,  comme  les  animaux 
chez  lesquels  M.   Magendie  coupe  ces  mêmes  nerfs, 
en  laissant  intacte  la  cinquième  paire. 

Un  autre  cas  d'atrophie  d'un  nerf,  non  moins  re- 
marquable que  les  cas  précédent,  est  celui  qui  a  été 
publié  par  M.  Billard  (i);  dans  ce  cas ,  l'atrophie  ré- 
sidait dans  le  nerf  facial,   dont  le  tronc  et  plusieurs 
branches   avaient  complètement    disparu    au   milieu 
d'une  tumeur  lardacée  qui   occupait  la  région  paro- 
tidienne.    Ce  cas  est  d'autant  plus  digne  d'attention 
que  les  phénomènes   observés  pendant  la  vie  furent 
semblables  à  ceux  qui  ont  été  produits  par  Ch.  Bell , 
sur  les  animaux,  en  coupant  chez  eux  le  nerf  facial , 
c'est-à-dire ,  la  conservation  de  la  sensibilité  et  l'abo- 
lition de  la  molilité.  L'intérêt  de  ce  fait  m'engage  à 
le  consigner  ici  avec  détail. 

(j;   .irrhives  de  médecine,  loin.  VI,   pag.  ."î^J. 


88o  pRéeis 

La  femme  BouHIé,  âgée  de  soixante  ans,  d'une 
laille  petite  et  d'une  faible  constitution,  portait  à  la 
ré<Tionparotidienne  du  côté  droit  une  tumeur  abcédée 
depuis  un  mois ,  survenue  sans  cause  connue ,  mais 
après  de  longues  souffrances  dans  cette  partie  ,  lors- 
qu'elle entra  le   i*'.   mai  à  l'hôpital  d'Angers.   Cette 
plaie  n'offrit  de  remarquable  que  l'abondance  et  la 
fétidité  du  pus  qui  s'en  écoulait.   La  mâchoire  infé- 
rieure était  libre,  et  la  face  avait  son  expression  na- 
turelle.  On  appliqua  des  topiques  émolliens  sur  la 
partie  malade.  A  la  fm  de  mai,  la  région  parolidienne 
était  déprimée ,  le  pus  coulait  toujours  en  abondance, 
et  on  découvrait  au  fond  de  la  plaie  l'extrémité  mas- 
toïdienne du  muscle  digastrique.  La  malade  présenta 
en  outre  les  symptômes  évidens  d'une  phthisie  pul- 
monaire ,  tels  que  toux  continuelle  ,  crachais  puru- 
lens,  fièvre  hectique  quotidienne,  sueurs  abondantes, 
marasme  progressif,  pectoriloquie  à  la  partie  supé- 
rieure du  poumon  gauche.  Dans  le  cours  du  mois  de 
juin  ,  on  vît  s'accroître  les  symptômes  de  la  phthisie. 
L'amaigrissement  devint  extrême  ,  et  la  région  paro- 
lidienne s'enfonçait  davantage  à  mesure  que  le  pus 
s'écoulait.  Ce  pus  était  toujours  fétide,  assez  épais, 
et  devenait  moins  abondant  que  d'abord.  Le  i".  juil- 
let ,  l'état  de  la  malade  avait  éprouvé  des  changemens 
notables.  En  effet ,   l'échancrure   parotidienne  était 
très-profonde  ;  la  plaie  se  trouvait  au  milieu  d'un  en- 
foncement borné  antérieurement  par  la  branche  de 
la   mâchoire   inférieure,   et   postérieurement  par  le 
bord  du  sterno-mastoïdien.  Cette  plaie  avait  un  demi- 
pouce  de  long  sur  quatre  lignes  de  large  ;  elle  était 
allongée  ,  ses  bords  renlrans  durs  et  violacés  ,  et  le 


î)*ANATOMIE    PA'TIiOLCGIQrE.  88  1 

fond  était  comble  de  fongosilés  roui^es  et  saignantes, 
qui  empêchaient  alors  de  distinguer  le  ventre  posté- 
rieur du  muscle  digastrique.  Il  s'écoulait  une  très- 
petite  quantité  de  pus  presqu'inodore.  On  soupçonna 
que  la  parotide  avait  fourni  les  matériaux  de  la  sup- 
puration abondante  qui  venait  d'avoir  lieu,  et  que  le 
vide  de  l'échancrare  paroîidienne  était  le  résultat  de 
la  désorganisation  et  de  la  disparition  de  cette  glande. 
Pendant  ce  temps,  l'aiTection  pulmonaire  faisait  tou- 
jours des  ravages  ,  et  minait  insensiblement  les  forces 
de  la  malade.  Pendant  ce  temps  aussi,  on  s'apercevait 
que  sa  figure  prenait  une  expression  toute  particulière  ; 
le  côté  droit  de  la  face  était  paralysé,  les  traits  de  ce 
côté  n'avaient  plus  de  mobilité.  Cet  état  n'arriva  pas 
tout-à-coup  ;  ce  fut  dans  les  derniers  jours  de  juin 
qu'on  le  remarqua  pour  la  première  fois  ;  il  devint 
progressivement  plus  marqué  jusqu'au  i".  juillet  , 
époque  où  la  figure  de  la  femme  Bouille  offrait  l'ex- 
pression suivante  : 

i''.  Le  globe  de  l'œil  du  côté  droit  jouissait  de 
toute  sa  mobilité ,  ainsi  que  la  paupière  supérieure  ; 
mais  la  paupière  inférieure  était  tombante  et  renversée 
en  dehors  ;  la  conjonctive  qui  la  tapisse  était  devenue 
rouge  et  tuméfiée  :  cet  œil  était  toujours  larmoj'ant. 

2^  Le  nez  était  tiré  à  gauche;  l'ouverture  nasale  du 
côté  droit  était  rétrécie,  tandis  que  celle  du  côté  gauche 
se  trouvait  dilatée  par  la  contraction  libre  des  muscles 
de  ce  côté  de  la  face. 

o''.   La   bouche  présentait   surtout  une   déviation 

remarquable.  La  conmiissure  des  lèvres  du  côté  droit 

était  pendante  et  dirigée  vers  la  partie  inférieure  de 

la  face  ,  tandio  que  celle  du  côté  gauche  était  tiraillée 

Ll.  56 


88  â  PRÉCIS 

en  haut  el  à  gauche;  il  en  rcsuhait  que  le  milieu  de 
la  bouche  n'occupait  plus  la  ligne  médiane  de  la  face , 
et  que  le  grand  diamètre  de  l'ouverture  buccale  était 
oblique  de  bas  en  haut  et  de  gauche  à  droite.  L'os 
maxillaire  inférieur  n'avait  subi  aucun  déplacement  ; 
la  langue  était  aisément  tirée  en  dehors  ,  et  ne  se  dé- 
viait  ni  à  droite  ni  à  gauche  en  sortant  de  la  bouche. 

Quand  la  malade  parlait,  quand  elle  riait,  et  sur- 
tout dans  l'action  de  bâiller,  sa  physionomie  prenait 
l'expression  la  plus  bizarre  ;  la  face  était,  du  côté  droit, 
immobile  et  morte  ,  tandis  que  l'action  musculaire  du 
côté  gauche,  fort  développée  ,  donnait  à  cette  partie 
de  la  face  une  mobilité  remarquable.  Dans  l'action 
de  parler  ,  on  voyait  le  buccinateur  du  côté  malade 
s'enfler  et  se  désenfler  alternativement  comme  les 
parois  d'un  soufllet.  Durant  le  sommeil ,  la  paupière 
supérieure  était  abaissée  sur  l*teil  ,  tandis  que  l'infé- 
rieure était  toujours  tombante  et  renversée.  Lors- 
qu'on pinçait  la  peau  du  côté  droit,  on  y  déterminait 
de  la  douleur  ;  la  sensibilité  de  cette  partie  du  visage 
était  même  assez  développée ,  pour  que  le  tiraillement 
des  emplâtres  agglulinatifs  qu'on  employait  au  pan- 
sement de  la  plaie  causât  quelque  douleur  à  la  ma- 
lade. M.  Billard  tira  parfois  légèrement  quelques  poils 
qui  ombrageaient  la  lèvre  supérieure  ,  tandis  que  la 
malade  dormait  :  celle-ci  s'éveillait  en  sursaut  et  lui 
adressait  des  reproches. 

En  considérant  que  la  femme  Bouille  portait  tou- 
jours du  côté  gauche  de  la  bouche  les  alimens  qu'elle 
voulait  soumettre  à  la  mastication,  bien  que  le  mou- 
vement de  la  mâchoire  inférieure  fut  aussi  libre  du 
côté  droit  que  du  côté  gauche,  M.  Billard  pensa  que 


d'anatomie  pathologique.  883 

la  contraction  des  niugcles  masticateurs,  voisins  de  la 
partie  ulcérée  ,  était  douloureuse,  et  que  c'était  la 
raison  pour  laquelle  la  malade  avait  choisi  le  côté 
gauche  pour  la  mastication. 

Tel  fut  l'état  de  la  malade  pendant  le  mois  de 
juillet ,  à  la  fin  duquel  la  plaie  était  guérie.  Les  bords 
en  étaient  durs  et  semblables  à  ceux  d'un  ulcère  scro- 
phuleux  cicatrisé.  Il  existait  entre  la  branche  mon- 
tante de  l'os  maxilfaire  et  le  bord  antérieur  dusterno- 
mastoïdien  ,  un  vide  assez  profond  pour  y  loger  le 
pouce.  Malgré  cette  amélioration  de  la  plaie,  la  ma- 
lade tombait  dans  le  marasme  ;  elle  toussait  beaucoup 
et  crachait  du  pus  en  abondance.  Enfin  elle  succomba 
au  progrès  toujours  croissant  de  sa  phthisie,  le  5o 
juillet  1824.  Pendant  ses  derniers  instans,  la  respi- 
ration était  convulsive  ;  les  deux  yeux  fort  agités  dans 
leurs  orbites  ;  les  muscles  du  côté  gauche  de  la  face 
se  conti^actaient  avec  force,  tandis  que  ceux  du  côté 
droit  restaient  dans  l'immobilité.  Ce  défaut  de  con- 
cordance dans  l'action  musculaire,  et  le  tiraillement 
convulsif  de  la  bouche  et  des  narines  vers  le  côté 
gauche,  donnaient  à  la  figure  de  cette  femme  une 
expression  effrayante. 

L'ouverture  du  cadavre  fut  faite  seize  heures  aF)rès 
la  mort.  —  L'extérieur  du  cadavre  n'était  remar- 
quable que  par  une  maigreur  extrême. 

Tête.  —  La  substance  cérébrale  était  saine  ,  les 
veines  de  la  périphérie  de  l'organe  étaient  très-en- 
gorgées,  il  y  avait  beaucoup  de  sérosité  dans  les  ven- 
tricules. On  coupa  les  origines  des  nerfs  avec  ména- 
gement. 

Fiice.  (  Région  parotidienne  du  côté  droit.  )  —   A. 

56. 


884  pnÉcis 

l'exlériour,  cette  région  présentait  l'excaration  indi- 
quée pins  liant.  La  peau  était  très-adhérente  aux 
parties  sôiis-jacentes ,  les  bords  cicatrisés  de  la  plaie 
étaient  durs.  La  peau  ayant  été  disséquée,  on  trouva 
l'échancrure  parotidicnne  vide,  aucune  portion  de 
la  parotide  ne  s'y  montrait  clans  l'état  naturel;  mais 
à  la  partie  moyenne  du  niasséter,  ainsi  qu'au  niveau 
de  l'angle  de  la  mâchoire  inférieure,  on  trouvait  quel- 
ques vestiges  endurcis  de  cette  glande.  Au  fond  de 
l'échancrure  se  voyaient  Tarière  carotide  externe  et 
les  divisions  qui  en  partent.  Ces  artères  étaient  envi- 
ronnées par  quelques  granulations  rougeâlres,  dures, 
squirrheuses  ,  cl  qui  semblaient  être  des  vestiges  de 
la  parotide.  Le  digastrique  était  encore  assez  recon- 
naissabîe  ;  mais  les  muscles  aui  s'attachent  à  l'apo- 
phvse  styîoïde  étaient  confondus  dans  une  masse  lar- 
dacéCj  de  manière  cju'il  était  impossible  de  les  dis- 
tinguer entr'eux  à  leur  inserlion  styloïdienne.  On 
trouvait  non  loin  d'eux  la  veine  jugulaire  externe 
restée  intacte,  et  située  plus  en  dehors  et  plus  en 
avant  vers  l'angle  de  la  mâchoire  inférieure.  Derrière 
cette  masse  lardacée  on  trouvait  dans  l'état  sain  la 
veine  jugulaire  interne,  le  ganglion  cervical  supérieur 
du  2;rand  sympathique  et  l'artère  carotide  interne  ;  le 
tissu  cellulaire  qui  les  environnait  n'avait  subi  aucune 
altération. 

En  cherchant  à  découvrir  le  tronc  de  la  septième 
paire  et  ses  premières  divisions,  on  trouva,  i°.  au 
sommet  de  l'échancrure  parotidicnne  ,  le  rameau 
auriculaire  postérieur;  il  rampait  comme  à  l'ordinaire 
à  la  partie  extérieure  de  l'apophyse  mastoïdienne  et 
derrière  le  pavillon    de  roroillc  ;  mais  il  ne  fut  pas 


'i- 


d'aNATOMIE    PATHOLOGIOIE.  885 

possible  de  trouver  son  point  d'inseriion  au  tronc  du 
nerf  facial.  Les  autresdivisions  de  ce  nerf,  telles  que 
celles  qui  vont  au  digastrique  et  aux  muscles  de  l'a- 
popliyse  styloïde  ,  n'étaient  plus  reconnaissables. 
2°.  A  rextréniité  inférieure  de  l'échancrure  paroti- 
dienne,  on  voyait  le  tronc  du  nerf  spinal  qui  était 
interrompu  au  niveau  du  bord  antérieur  du  stcrno- 
masloidien. 

5".  Au  milieu  des  restes  de  la  parotide  ,  qui  se  ren- 
contraient au   tiers   inférieur  de  la  face  externe  du 
masséter,  on  découvrit  le  tronc  du   nerf  facial;  son 
extrémité  élait  comme  effilée,  et  adhérait  immédia- 
lement  au  masséter.   I!   se   divisait  ensuite  en  deux 
branches,  une  inférieure  et  l'autre  supérieure.   Ces 
deux  branches  fournissaient  les  rameaux  accoutumés, 
lesquels  te  rendaient  sans  interruption  i*  la  région 
temporale,    aux   paupières,   aux  ailes  du    nez,    aux 
muscles  de  la  région  malaire  et  de  la  fosse  canine, 
ainsi  qu'à  l'orbiculaire  des  lèvres.  Nul  d'enlr'eux  n'a- 
vait souffert  d'altération,  ils  étaient  d'une  blancheur 
éclatante.  Les  muscles  de  la  face  n'étaient  point  atro- 
phiés. 4^.  Les  rameaux  nerveux  appartenant  à  la  cin- 
quième paire,  et  sortant  comme  à  l'ordinaire  par  le 
trou  sous-orbitaire ,  formaient  leur  plexus  accoutumé 
dans  la  fosse  canine  et  présentaient  un  état  d'intégrité 
aussi  parfait  que  celui  des  rameaux  du   nerf  facial, 
5".  M.  Billard  disséqua  la  portion  dure  de  la  septième 
paire  à  travers  le  rocher  :  elle  se  montra  saine  jusqu'à 
sa  soi  lie  par  le  trou  stylo-mastoïdien;  là  commençait 
son   interruption,   de  sorte    qu'il   manquait  au  nerf 
facial  une  portion  de  son  tronc  d'une  longueur  égale 
à  la  largeur  de  l'échancrure  paiotidieHue. 


886  i       PRÉCIS 

Poitrine.  —  Le  cœur  et  le  poumon  gaucT)e  étaient 
sains  ;  mais  le  jDOumon  droit  était  farci  de  tubercules  r 
une  caverne  purulente  communiquant  avec  les  bron- 
ches,  assez  grande  pour  loger  un  œuf  de  pigeon, 
occupait  le  lobe  supérieur.  L' abdomen  ne  présenta 
rien  de  particulier. 


CHAPITRE    m. 
LÉSIONS  DE  SÉCRÉTION. 

Au  milieu  d'un  nerf  hyperémié  on  trouve  souvent 
divers  produits  de  sécrétion  morbide  qui  en  séparent 
les  filets,  ou  qui  occupent  leur  place.  Ces  produits 
sont  liquides  ou  solides.  Les  produits  liquides  sont  du 
sang,  de  la  sérosité  ou  du  pus.  L'infiltration  sanguine 
des  nerfs  a  déjà  été  indiquée  dans  l'un  des  précédens 
articles.  L'infiltration  séreuse  des  nerfs  a  été  depuis 
long-temps  signalée  par  Cotunni,  qui  a  fait  jouer  un 
rôle  important  à  cette  infiltration  dans  la  production 
des  névralgies  ;  il  l'a  rencontrée  dans  le  nerf  scia- 
tique  ,  à  la  sîiiLe  de  douleurs  qui  avaient  leur  siège 
dans  ce  nerf. 

La  suppuration  des  nerfs  a  été  décrite  par  M.  Mar-  ^ 
tinet  et  par  M.  Gendrin.  Ces  deux  médecins  en  ont  9 
rapporté  des  cas  observés  sur  des  individus  qui  avaient 
offert  de  vives  douleurs  dans  le  trajet  d'un  gros  nerf. 
Dans  l'une  des  observations  de  M.  Martinet,  il  n'y 
avait  de  pus  que  dan^  l'intérieur  même  du  nerf 
(c'était  le  nerf  sciatique).  Dans  un  autre  cas,  une 
abondante  suppuration  existait  autour  du  nerf  (c'était 


d'aNATOMIE    PATlIOLOGlQUr.  ^887 

encore  le  scialique),  et  il  n'y  en  avait  qu'une  petite 
quantité  qui  fût  infiltrée  entre  les  filets  mêmes  du 
cordon  nerveux.  On  avait  obsei'vé  pendant  la  vie  tous 
les  symptômes  d'une  sciatique.  Le  malade  était  un 
enfant  de  douze  ans. 

On  lit  dans  le  Journal  générai  de  médecine  (i)  un 
cas  de  suppuration  du  nerf  optique.  Ce  nerf  paraissait 
sain  à  l'extérieur  ;  mais  intérieurement ,  depuis  la  com- 
missure jusqu'au  globe  de  l'oeil,  il  était  rempli  d'une 
matière  puriforme  d'un  blanc  sale.  L'individu  sur  le- 
quel ce  fait  a  été  recueilli  était  un  homme  âgé  de 
quarante  ans,  qui  mourut  à  l'Hôtel-Dieu  d'une  fièvre 
adynamique.  Depuis  six  mois  il  avait  perdu  l'usage 
(le  l'œil  gauche;  la  cécité  de  ce  côté  s'était  établie 
d'une  manière  lente  ;  il  avait  eu  long-temps  de  violens 
maux  de  tète.  L'œil  paraissait  sain  ;  l'iris  jouissait  de 
toute  sa  mobilité. 

Les  produits  accidentels  solides  qu'on  trouve  dans 
les  nerfs  consistent  en  des  tumeurs  de  forme  ,  de 
grandeur  et  de  texture  variables  ,  où  l'on  a  retrouvé 
les  caractères  des  diverses  productions  morbides  dites 
cncéplialoïdes  j,  tuberculeuses  ^  squlrrheuses  ^  etc. 

Il  n'est  guère  de  nerfs  dans  lesquels  de  semblables 
tumeurs  n'ayent  été  observées.  Nous  allons  en  citer 
un  certain  nombre  d'exemples,  qui  en  feront  res- 
sortir les  principales  variétés. 

D'abord  l'on  a  trouvé  sur  le  trajet  des  différens 
nerfs  des  membres  des  tumeurs  dont  le  volume  va- 
riait depuis  celui  d'un  grain  de  millet  jusqu'à  celui 
d'une  orange,  et  même  plus.  Ces  lumeurs  sont  dures 

(0   loin.  L,  Cbsit'vjiit'H  de  M.  G.dLneux. 


I. 


8S8  PRÉCIS 

ot   Irès-douloureuses  ,  surtout   lorsqu'on  les   lirailîc 
clans  le  sens  du  trajet  même  du  nerf.  Examinées  après 
la  mort  ,    on  les  trouve  composées  d'une  substance 
dure  ,  semblable  à  du  squirrhe  ou  à  du  cartilage  ;  du 
reste,  ce  n'est  point  le   tissu  même  du  nerf  qui  est 
transformé  en  cetle  substance;  ses  filets  sont  écartés 
les  uns  des  autres  ,  et  répandus  autour  d'elle  comme 
des  rubans.    D'autres   tumeurs   sont  essentiellement 
formées  par  un  amas  de  petits  kystes  qui  renferment 
une  malière  semblable  à  de  la  gelée  ;  d'autres  sont 
constituées  par  un  kyste  unîqiie  et  plus  volumineux, 
qui  contient  une  matière  variable  ,  et  dont  les  parois 
ont  une  texture  fibreuse  ou  cartilagineuse.  Un   seul 
nerf  peut  offrir  dans  son  trajet  plusieurs  tumeurs  sem- 
blables, qui  ressemblent  alors  à  des  ganglions.  Un  cas 
de  ce  genre  a  été  vu  par  M.  Dupuytren.  Ayant  enlevé 
une  petite  tumeur  cancéreuse  dont  la  ja?ijbe  était  le 
siège,  il  vit  que  cette  tumeur  n'occupait  que  le  nerf 
tibial  postérieur  ,  qui  présentait  une  série  de  nodo<^ités 
semblables  à  des  grains  de  raisin. 

La  plupart  des  nerfs  des  membres  ont  présen'é  ilo.i> 
linueurs  du  genre  de  celles  dont  il  vient  d'être  ques- 
tion. M.  Dupuytren  en  a  trouvé  une  ,  de  la  grosseur 
d'une  noix,  située  dans  la  fosse  canine  ,  et  qui  avait 
son  siège  dans  le  nerf  sous-orbitaire.  Il  a  vu  dans  un 
autre  cas  le  nerf  trifacial  transformé  en  matière  en- 
cépbaloïde.  D'autres  observateurs  ont  également  vu 
des  tumeurs  squirrhcuses  développées  dans  ce  même 
nerf  trifacial  ,  et  jusque  dans  le  ganglion  spliéno- 
palatin  (i^\ 


d'aNATOMIE    PATnOLOGIQDEr  889 

Chez  nn  homme  ,  privé  de  la  vue  du  côté  gauclie 
depuis  deux  mois,  on  trouva  au  milieu  du  nert  opti- 
que un  petit  tubercule  d'une  consistance  assez  dure  , 
d'une  couleur  grisâtre  et  un  peu  plus  gros  qu'un  grain 
de  chenevis  (i). 

M.  Bérard  aîné  a  vu  un  Cc'^s  dans  lequel  le  nerf 
diaphragmatique  droit  semblait  interrompu  dans  sa 
continuité  par  un  tubercule  noirâtre,  de  la  grosseur 
d'un  petit  pois  et  d'une  dureté  squirrheuse.  En  dis- 
séquant cette  petite  tumeur,  on  apercevait  quelques 
stries  blanchâtres,  qui  semblaient  continuer  la  subs- 
tance médullaire  du  nerf  à  travers  le  tubercule  ;  mais 
cette  continuité  n'était  pas  évidente.  I/individu  avait 
présenté  les  symptômes  de  l'asthme  ,  et  l'ouverture 
du  cadavre  ne  fit  reconnaître  dans  le  poumon  d'autre 
lésion  qu'un  léger  emphysème  (2). 

Chez  un  individu  atteint  d'éléphanliasis ,  le  profes- 
seur INœgèle  trouva  dans  la  disposition  suivante  le 
nerf  tibial  du  membre  aflecté.  Ce  nerf,  plus  volumi- 
neux que  de  coutume,  augmentait  de  diamètre  dans 
sa  partie  inférieure.  11  présentait  tant  à  sa  surface  que 
dans  son  intérieur  des  nodosités  de  forme  ronde  ou 
ovale.  Ces  nodosités  étaient  autant  de  petits  kystes 
que  remplissait  un  liquide  clair  et  limpide  en  cer- 
tains points,  épais  et  trouble  en  d'autres  points.  Des 
fdets  nerveux  aboutissaient  aux  parties  supérieure  et 
inférieure  de  chaque  renflement  ;  d'autres  l'entou- 
raient; mais  à  l'intérieur  du  nœud,  toute  apparence 
de  substance  nerveuse  disparaissait  (3). 

(i)  Journal  i;cntral  de  médecine ,  toni.  L. 

(r>.)   Df'scut  ,  Oper.  cit. ,  pag.  128. 

(r^)    Archives  de  Mi'd.c  /ir  ,  tini.  XI I  î  ,  [og.  /(ô:. 


890  rancis 

Il  se  développe  quelquefois  dans  le  tissu  cellulaiio 
.sous-culané  de  petites  tumeurs  obrondes  ,  lenticu- 
laires ou  aplaties  ,  d'une  grande  dureté,  qu'on  a  mal- 
à-propos  confondues  ,  sous  le  rapport  de  leur  nature  , 
avec  les  tumeurs  que  nous  venons  de  décrire  ;  elles 
s'en  rapprochent  à  la  vérité  par  les  douleurs  vives 
dont  elles  sont  ordinairement  le  siège  ;  mais  elles  s'en 
éloignent  complètement  par  leur  nature.  Si  en  eÛfel; 
on  les  dissèque,  on  voit  qu'elles  ne  sont  développées 
dans  l'épaisseur  d'aucun  nerf;  seulement  quelques 
filets  nerveux  peuvent  leur  être  accolés.  Elles  sont 
composées  d'un  tissu  fibro-celluleux  ou  fibro-cartila- 
gineux  ;  d'autres  fois  on  n'y  distingue  aucune  trace 
d'organisation;  elles  ressemblent  à  la  matière  homo- 
gène, connue  sous  le  nom  de  sqiiirrlie.  Elles  sont 
constamment  entourées  d'une  enveloppe  cellulo- 
fibreuse  ,  dense  ,  opaque  ,  qui  exerce  sur  elles  une 
compression  plus  ou  moins  forte  ,  et  peut  concourir 
à  la  production  des  vives  douleurs  dont  elles  sont  le 
siège  ,  en  produisant  une  sorte  d'étranglement  ana- 
logue à  celui  que  détermine  une  aponévrose  étendue 
sur  des  parties  qui  se  tuméfient.  Le  volume  de  ces 
tumeurs  varie  depuis  celui  d'un  grain  de  blé  jusqu'à 
celui  d'une  fève  de  marais.  M.  Dupuytren  ,  qui,  l'un 
des  premiers,  a  distingué  ces  tumeurs  de  celles  qui 
se  sont  formées  aux  dépens  mêmes  d'un  nerf,  et  qui 
méritent  seules  le  nom  de  névrômes ^  les  a  vues  non 
seulement  sous  la  peau,  mais  encore  dans  d'autres 
parties  :  ainsi  il  en  a  souvent  rencontré  de  semblables 
dans  les  mamelles  ,  où  elles  étaient  la  cause  d'in- 
supportables douleurs  (i). 

(1)  Consultez  sur  ces  tumeurs  une  bonne  thèse,  soulenue  h  îa  Faciale 


\ 


1 


d'anatomik  patoologiqle.  ^gi 

Est-ce  de  ces  inmenrs  ou  d'un  véritable  névrôme 
qu'il  faut  rapprocher  Je  cas  suivant,  dont  on  doit  la 
connaissance  à  Béclard?  Un  élève  en  médecine  fut 
pris  d'un  accès  d'arthritis  au  gros  orteil  ,  quelque 
temps  après  avoir  couché  dans  un  lieu  très-humide. 
Bientôt  on  vit  apparaître  sous  la  peau  qui  recouvre  la 
veine  saphène  interne  et  le  nerf  du  même  nom,  une 
tumeur  dure ,  grosse  comme  un  grain  de  blé  ,  et  qui , 
toutes  les  fois  qu'elle  était  touchée,  occasionait  une 
douleur  semblable  à  un  choc  électrique  ,  qui  s'éten- 
dait sur  le  pied  et  vers  la  Jambe.  Ce  jeune  homme 
changea  d'habitation  ,  et  la  tumeur  disparut  ainsi  que 
la  douleur. 


de  Médecine,  en  janvier  1S28,  par  M.  Jaumes,  intitulée  :  Dissertation 
sur  une  espèce  de  tumeur  squirrlicu^e  enhyslèe  ,  attribuée  mal-à-propos  à  une 
çffcciion  des  nerfs. 


i^C)2     ^  Pr.KClS 


SECTION   TROISIEME. 

MALADIES  DU  NERF  SYMPATHIQUE. 


Peu  de  lésions,  appréciables  par  l'anatoniie  ,  ont 
éce  jusqu'à  présent  constatées  dans  le  système  ner- 
veux ganglionnaire  ;  j'ai  souvent  examiné  ce  système 
avec  soin  chez  des  individus  morts  de  maladies  di- 
verses; je  n'y  ai  rencontré  que  deux  fois  une  altéra- 
tion ;  c'était  une  vive  rouircur  des  2;an2;lions  semi- 
lunaires.  11  y  avait  eu  pendant  la  vie  des  symptômes 
dits  aiaxiqucs j,  et  dans  l'un  de  ces  deux  cas  la  mort 
avait  eu  lieu  au  milieu  d'un  él^at  de  roideur  tétani- 
que (i).  Ce  qu'on  sait  sur  l'anatomie  pathologique 
de  ce  système  se  réduit  à  ce  qui  suit. 

M.  Lobstein  (2)  a  trouvé  dans  deux  cas  les  gan- 
glions semi-lunaires  fortement  colorés  en  rouge.  L'un 
de  ces  cas  lui  a  été  offert  par  une  jeune  femme  qui 
r.vail  eu  pendant  plusieurs  mois  de  conliiiuels  vomis- 
semens.  jj'eslomac  fut  trouvé  sain  ainsi  crue  les  in- 
testins.  Les  izaniîlions  semi-lnnaires  étaient  d'un  rouî^e 
intense.  L'autre  cas  observé  par  M.  Lobstein  a  été 
recueilli  chez  une  jeune  fdle  de  six  ans  morte  pendant 
le  cours  d'une  coqueluche  ,  avec  des  vomissemens  e^t 

(1)   Ce»  faits  soni  consif^.u'.s  dans  la  Clinique  Môdicalc. 

(?.)  ÏM  nervi  syyvpailiclici  fabricà ,  ush  cl  morûis ,    aial.  J.  F.  Lobslcin  , 


d'aNATOMIE    rATIîOLOGIQUE.  Sç)'') 

des  iiiouveLuens  convulsifs;  ia  moitié  droite  du  plexus 
solaire  était  très-rouge. 

Le  docteur  Aronssohn  (i)  a  trouvé  les  ganglions 
semi- lunaires  vivement  injectés  chez  un  homme 
mort  du  tétanos.  11  les  a  rencontrés  dans  le  même 
état  chez  un  individu  mort  au  bout  de  trois  ans  de 
vomisse  mens  et  de  diarrhée. 

En  examinant  le  cadavre  d'un  enfant  de  dix  ans^ 
mort  à  la  suite  de  la  disparition  d'un  exanthème  mi- 
liaire,  au  milieu  d'un  grand  état  de  dyspnée ,  M.  Lobs-^ 
tein  a  constaté  un  état  inflammatoire  des  neuvième 
et  dixième  ganglions  thoraciques.  Malheureusement  il 
ne  décrit  pas  ce  qu'il  appelle  un  état  inflammatoire  (2). 
Sur  le  cœur  d'une  femme  phthisique  ,  M.  Lobslein 
a  vu  un  des  principaux  nerfs  cardiaques  rouge,  tu- 
méfié et  ramolli. 

Dans  les  cas  qui  viennent  d'être  cilés ,  la  lésion 
consiste  surtout  dans  une  hyperémie  des  ganglions 
ou  des  nerfs  qui  en  partent.  Il  est  d'autres  cas  où  l'on 
a  constaté  l'existence  d'un  état  d'hypcrlropJiie  de  ces 
parties.  Ainsi  M.  Lobstein  dit  s'être  assuré  que  les 
nerfs  qui  constituent  le  plexus  surrénal  étaient  beau- 
coup plus  volumineux  que  de  coutume,  chez  un  in- 
dividu dont  les  capsules  surrénales  avaient  elles- 
mêmes  acquis  un  volume  insolite  ;  ces  capsules 
étaient  en  même  temps  tuberculeuses  (5). 

{i)  Denervi  syutpailicilci  fabricâ,  usti  ,et  morbis ,  auct.   J.  F.  Lobstein  ^ 

pag.    i47- 

(2)  Ibicl.  ,  pag.  i53. 

(5)  Traité  d'Jnat.  paihoL  Le  tome  I*"  de  cet  ouvrage  a  paru  pendant 
l'impression  des  dernières  ieuilles  du  mien  ;  je  regrelle  beaucoup  qu'il 
n'ait  pas  été  publié  plus  tôt,  je  n'aurais  pas  manqué  de  profiter  des  l'ait» 
pleins  d'intérêt  qui  y  sont  consignés. 


894  PRÉCIS 

Le  docteur  A.  Duncan  (1)  a  cité  un  cas  de  diabètes 
dans  lequel  il  lui  a  paru  évident  que  le  nerf  syuapa- 
tbique  avait  trois  ou  quatre  fois  son  volume  ordinaire 
depuis  son  entrée  dans  l'abdomen  jusqu'à  sa  termi- 
naison vers  le  bassin. 

Sur  un  cadavre  de  crétin  ,,  dont  les  nerfs  de  la 
vie  animale  présentaient  une  disposition  fort  remar- 
quable que  j'ai  précédemment  indiquée  ,  le  doc- 
leur  SchifTner  (2)  trouva  que  les  ganglions  du  grand 
sympathique ,  situés  le  long  de  la  colonne  vertébrale , 
étaient  d'un  volume  beaucoup  plus  grand  que  de 
coutume.  Au  niveau  de  la  sixième  vertèbre,  le  nerf 
sympathique  du  côté  gauche  avait  un  ganglion  de  la 
grosseur  d'un  œuf  de  poule  comprimé. 

Dans  une  thèse  sur  l'idiotisme,  soutenue  en  1819, 
M.  Cayre  avait  déjà  parlé  de  l'excès  de  développement 
que  lui  présenta  le  système  ganglionnaire  chez  un  idiot 
de  naissance.  Les  ganglions  cervicaux  avaient  un  vo- 
lume trois  fois  plus  grand  que  de  coutume;  ceux  du 
thorax  étaient  aussi  plus  gros  que  dans  l'état  sain  :  il 
en  était  de  même  des  ganglions  semi-lunaires  (5), 

Enfin  un  état  d'hypertrophie  d'un  des  ganglions 
cervicaux,  à-peu-près  semblable  à  celui  signalé  par 
Schiffner,  vient  d'être  représenté  par  M.  Gruveilhier 
dans  une  de  ses  belles  planches  d'anatomie  patholo- 
gique (4).   Les  ganglions  cervicaux  ,   beaucoup  plus 

(1)  Reports  oftlie  practice  in  the  cUnical  wrards  of  infirmery  of  Ediirx' 
Lur^  ,  1S18. 

(:>)   Archives  de  Médecine,  toni.  II. 

(5)  Belliomme  ,  Essai  sur  l'idiciie  (  Tlièscs  de  i8i4-) 

(i)  Planches  d'anatomie  patho'o^itfue  ,  cic, ,  par  CruveUIiicr ,  iii-fulio, 
1""  iiviaisan.  Cet  ouvraf^c  surpasse  de  beaucoup,  par  la  beauté  des  des- 
tins, tout  ce  qui  a  été  fait  jusqu'à  piOscnt  en  aualoiuie  pathologique;  il 


d'aNATOMIE    PATilOLOGIQUE.  SqS 

tléveloppés  que  de  coutume,  représentaient  de  volu- 
mineuses tumeurs  ,  qui  furent  prises  d'abord  pour 
des  ganglions  lymphatiques  malades.  Ils  paraissaient 
n'être  plus  constitués  que  par  du  tissu  fibreux.  Ainsi, 
dans  ce  cas  ,  les  divers  élémens  anatomiques  des  gan- 
glions ne  présentaient  pas  tous  un  excès  de  nutrition  ; 
c'était  surtout  leur  tissu  cellulo-ûbreux  qui  s'était 
développé  ,  tandis  que  la  substance  nerveuse  s'était 
plutôt  atrophiée.  Il  est  à  regretter  que  dans  ce  cas 
l'on  n'ait  eu  aucun  renseignement  sur  les  symptômes. 

remplit  une  grande  lacune  de  notre  littérature  médicale,  et  nous  n'aurons 
j'ius  rien  à  envier  en  ce  genre  à  l'Angleterre  et  à  l'Allemagne.    ' 


FIN    DU    SECOND    ET    DERNIER    VOLUME. 


Sg6  TABLE 


TABLE 

DES    MATIÈRES 

CONTENUES    DANS    LES    PREMIÈRE   ET   DEUXIÈME    PARTIES 

DU    SECOND    VOLUME. 


DEUXIÈME  PARTIE. 

Analomle  patlio logique  spéciale. 


Appareil  Digestif. 

APPAREIL  DIGESTIF Pjr.      i 

SECTION  PREMIÈRE. 

Maladies  de  la  portion  sous-diaphragiuallque  da  lube  digeslif.  a 

CHAPITRE  PREMIER. 

Du  lubc  digeslif  dans  Vélat  sain .  4 

CHAPITRE  II. 

Du  lubc  digestif  ffotisidéré  dans  l'étal  de  maladie 53 

Aux.    I.      Lc''slon  de  circulation 55 

^.     I.   Hyperémie  du  tube  digtslif ib. 

§.    11.   Anémie  du  tube  digeslif l\^ 


/ 


DES   MATIÈRES.  897 

Art.  II.     Lésions  de  tmtiition.   .   .     .     .     .     .     .     ,  4^ 

§.     I.   Hypertrophie  dn  tube  digestif.'    ....  ib. 

A.  Hypertrophie   de  la  membrane  muqueuse.  4? 

B.  Hypertrophie  des  tissus  subjaccns  à  la  mem- 

brane muqueuse.      .      ......  58 

§.    n.  Atrophie  du  tube  digestif 74 

§.  iïl.   Ramollissement  du  tube  digestif 76 

I.    Du    ramollissement    isolé  de   la  membrane 

muqueuse 77 

n.  Ramollissement  de   toutes    les  tuniques  des 

parois  gastro-intestinales 85 

'S.  IV.  Ulcérations  du  tube  digestif.     .....  90 

§.    V.  Perforations  du  tube  digestif io4 

§.  VI.  Ghangemens  de  capacité  du  tube   digestif, 

consécutifs  à  diverses  lésions  de  nutrition.  118 

§.VII.  Lésions  congénitales  de  nutrition.     .     .      .  i5i 

A.  Vices  de  configuration.   ■ |i35 

B.  Vices  de  dimension i54 

C.  Vices  de  situation 109 

D.  Occlusion    des    ouvertures    naturelles .     et 

communication  contre  nature  des  intes- 
tin?   145 

Art.    m.    LésioHS  de  sécrétion i45 

§.     L   Produits  de  sécrétion  morbide  sus-muqueusc!,  ib. 

A.  Produits  de  la  sécrétion  normale  augmentée 

en  quantité ib. 

B.  Produits  nouveaux i5o 

§.    II.  Sécrétions  morbides  sous-muqueuses.      .      .  171 

Art.   IV.    Entozoaires  du  tube  digestif 18 


o 


I.  Ascaride  lombricoïde.    .......  ib» 

II.  TricGcéphale. .  184 

ni.Oïyure. .  i85 

IV.Tœnia 18G 

Art.     V.      État  du  tube  digestif  dans  les  diiTérens  cas 
où  il  y  a  eu  pendant  la  vie  Ir  ouMe  de  ses 

fonctions. 188 

II.  57 


S.gS  TABLE 

§.     I.   Ktat  du  tube  digestif  dans  les  divers  désor- 
dres fonctionnels  de  cet  organe.     .      .     .      190 
§.    il.   État  du  tube  digestif  dans  les  fifcvres.      .     .     211 
§.  III.  Étak  du  tube  digestif  dans  les  maladies  des 

differens  organes 2 20 

SECTION  IL 

Maladies  de  la   portion   sus-diaphragmatique   de   l'appareil 

digestif 229 

•  CHAPITRE  PREMIER. 

Lésions  acquises  de  la  portion  sus-diaphragmatique  du  tube 

digestif. 202 

Abt.    I.      Lésions  de  la  bouche  et  du  pharynx.      .      .  ib. 

Art.   II.     Lésion  de  l'œsophage 244 

CHAPITRE  IL 

Léti'ions  congénitales  de  la  portion  suS-diaphragmatique  du 

tube  digestif 248 


Appareil  Circulatoire. 

APPAREIL  CIRCULATOIRE.   .    .     :     v     .     .     .     .     .     .     276 

SECTION  PREMIÈRE. 

Maladies  du  cœur ib. 

CHAPITRE  PREMIER. 
Lésions  de  circulation 276 

CHAPITRE  H. 

Lésions  de  nutrition 28 îi 

Art.    1.      Lésions  de  nulrilion  qui  sopposent  à  la  libre 

circulation  du  sang  dans  le  cœur.   .    .     .       ib. 


DEJ^    MATTKRES.  899 

A.    Obstacles  dans  les  orifice?  du  cœur.      .      .  aqtî 

U.   Ohslacies  dans  les  artères 204 

C.   Obstacles  dans  les  réseaux  capillaires.      .      ,  ib. 
Akt.   II.      Lésions  de  nutrition  qui  ne  changent  pas  les 

dimensions  du  cœur 908 

§.     I.   Induration »    j,     .      .  200 

§.    II.   Ramollissement,    ...*..*..  ih, 

§.  III.  Solutions  de  continuité 3o3 

CHAPITRE  m. 

Lésions  congénitales  de  nutrition .  3oq 

§.     I.  Absence  du  cœur,  ou  acàrdie 3io 

§.    II.   Développement  incomplet  ou  irrégulier  du 

cœur.  ( Atélocardie. j 3ii 

§.  III.   Excès  de  développement  du  cœur.      .     .  **.  oi5 

§.  III.   Vices  de  direction  du  cœur 014 

§.  IV.   Changement  de  situation  du  cœur.  (Ectopie 

du  cœur 3 1 5 

CHAPITRE  ÏV, 

Lésions  de  sécrétion 016 

Art.    I.      Lésions  de  Texhalation  graisseuse  du  cœur.  017 
Art.   II.      Lésions    de   l'exhalation    perspiratoire    du 

cœur 5i8 

§.     I.   Lésions  de  l'exhalation  perspiratoire  dans  le 

parenchyme  du  cœur 519 

§.    II.  Lésions  de  l'exha'ation  perspiratoire  dans  les 

cavités  du  cœur 202 

CHAPITRE  V. 

Lésions  du  sang  contenu  dans  les  cavités  du  (  œur.      .      .      .  553 

CHAPITRE  VI. 


/ 


\ 


Lésions  de  l'innervation  du  cœur.   .     .     .      .      .      .      .     .      .      545 

57. 


90  o  TxVTîlî: 

SECTION    IL 

Maladies  dos  artères 55 o 

CHAPITRE  PREMIER. 
Lésions  de  circulation iO. 

CHAPITRE  II. 

Lésions  de  nutrition 550 

T.   Agrandisseaicnt  du  calibre  des  artères.      .  56o 

II.  Rétrécissement  des  artères.     .      .     .     .      .  067 

m. Oblitération  des  artères.    ......  Sjîî 

CHAPITRE  III. 
Lésions  congénitales  de  nutrition.   .........     076 

CHAPITRE   IV. 
Lésions  de  sécrétion 078 

CHAPITRE  V. 

Lésions  do  l'innervation  des  artères.    , 089 

SECTION  III. 

Maladies  des  veines 092 

CHAPITRE  PREMIER. 

Lésions  de  circulation 094 

CHAPITRE  H. 

Lésions  de  nutrition.       . 095 

CHAPITRE  IIL 
ï^'sions  de  sécrétion ....     4')^ 


D!-S    MATIERES.  C)0  1 

SECTION   IV. 

Maladies  (le  la  raie.     ....      ....o      ....      4 16 

CHAPITRE  PREMIER 

* 

Maladie»  de  la  raie  ayant  leur  siège  dans  la  inalière  qui  rem- 
plit les  cellule? 420 

Art.    î.       Changement  de   consistance  de  la   raie.      .  ib 

Art.   II.       Changement  de  voluni*^ 4^2 

AiiT,    lU.      Changemens  de  couleur 4^4 

Art.   IV.      Productions  nouvelles.    '. 4 '^8 

CHAPITRE  H.  ' 

Maladies  de  la  rate  ayant  leur  siège  dans  son  lissu  fibrcuï.    .      4-^5 

CHAPITRE  m. 

Causes  et  nature  des  altérations  de  la  rate .      ^ô\ 

SECTION      M..a,un.. 

Maladies  de  l'appareil  de  la  circulatiou   de  la  lymphe.      .      .      45S 

CHAPITRE  PREMIEH. 

Levions  des  vaisseaux  lymphatiques !      ....      409 

H   .T,-?/ 

CHAPITRE  if. 
Lésions  de  la  lymphe .      .      .      4^0 

CHAPITRE  lij.  ■      '"'"'' 

Lésions  des  ganglions  lyniph  jTKjues .      446- 


^  Appareil  FiCspiratoire. 

APPAREIL  ÎU:^PniAT01UE. /^^, 


902  TABLE 

SECTION   PREMIÈRE. 

Maladies  des  conduits  aérifères 4^4. 

CHAPITRE  PREMIER. 

Lésioris  de  la  membrane  muqueuse iO, 

Art.    I.      Lisions  de  circulation 465 

Akt.   il      Lésions  de  nutrition 469 

Akt.   llj.     Lésions  (i.  sécrétion 4?^ 

CHAPITRE    II. 
Lésions  des  tissus  subjacens  h  la  membrane  muqueuse.    .      .      /\i)0 

CHAPITRE  Hl. 
Changemens  de  dimension  des  conduits  aérifères 49^ 

SECTION  II. 

Maladies  du  parenchyme  pulmonaire 5o2 

CHAPITRE  PREMIER. 

Lésions  de  circulation 5o4 

Art.    I.       Hypercmie  du  poumon ib. 

Art.   II.     Anémie  du  poumon,     i 5 1 2 

é 

CHAPITRE   II. 

Lésions  de  nutrition 5io 

Art.    I.       Hypertrophie  du  poumon 5i4 

Art.    h.     Atrophie  du  poumon 62^4. 

CHAPITRE  IH. 

Lésions  de   sécrétion 628 

§.     I.   Sécrétion   de  pus.      .      .      .      .      .      .      .      .      53 1 

§.    11.   Sécrétion  tuberculeuse 55^ 


Di:S    MATIERES.  Ç)OJ 

CHAPITRE  IV. 
Lésions  de  l'innervation.     .      , 553 

SECTION    IIL 

Corps  thyroïde. 56 1 


Appareils  des  Sécrétions. 

APPAREILS  DES  SÉGRÉTIOAS.     ........     665 

SECTION  PREMIÈRE. 

Maladies  des  appareils    spéciaux  de  sécrétion  perspiratoire. 

(Tissu  cellulaire  et  membranes  séreuses.)     568 

■'  -  •  < 

CHAPITRE  PREMIER. 
Lésions  du  tissu  sécréteur 669 

CHAPITRE  H. 
Lésions  du  liquide  sécrété SyS 

SECTION   II. 

Maladies  des  appareils  de  sécrétion  glandulaire 682 

CHAPITRE  PREMIER. 

Maladies  du  foie  et  de  ses  annexes 585 

Art.    I.       Maladies  du  parenchyme  du  foie ib.' 

§.     1.   Lésions  de  circulation.     ...          ...  587 

S.   II.   Lésions  de  nutrition 5yi 

5.  III.  Lésions  de  sécrétion 5<)6 

Aur.   II.       Maladies  des  voies  d'excrétion  de  la  bile.      .  607 

Arx.  IIL     AUéralions  de  la  bile 6  n 


904  TABLE 

CHAPITRE  IL 

Maladies  de  l'appareil  uiiriairc 617 

Art.    1.       Maladies  des  reins, 618 

§.     I.   Lésions  de  circulation.     .     .  •     ,     .     ,     ib. 

§.    IL    Lésions  de  nutrition. 621 

§.  IIL    Lésions  de  sécrétion 602 

Art.    il      Maladies  des  voies  d'excrétion  de  l'urine.     .  64© 
§.     L    Maladies  des  calices ,  du  bassinet  et  des  ure- 
tères.   64 1' 

§.  IL    Maladies  de  la  vessie. 645^ 

A.  Lésions  de  circulation.^]. 644 

B.  Lésions  de  nutrition 645 

G.   Lésions  de    sécrétion 662 

§.  III.   Maladies  de  l'urèthre 653, 

§.   IV.    Altérations  de  l'urine 655 

A.  Altération   de  l'urine,  par  changement  de 

proportion  de  ses  principes  conslituans.  .  656'. 

B.  Altération  de  l'urine   par  addition  de   nou- 

veaux principes ,  qu'on  retrouve  dans  1g 

sang 669 

G.  Altération   de  l'urine  par  addition  de  nou- 
veaux principes  tpi'on  ne  retrouve  pas  dans 

le  sang 662 


Appareil  de  la  Génération. 

Al'PAUEIL  DE  LA  GÉNÉrxATION 606 

SECTIOIN   PrxEMIÈRE. 

Maladies  des  organes  génitaux  de  1  homme 6G7 

SECTION    II. 

Maladies  des  organes  génitaux  de  la  femme 6;S 


DES    MATIERES.  ,  903 

CHAPITRE  PREMIER. 
IVIaladies  de  Tutérus G78 

CHAPITRE  II. 
Maladies  des  trompes 698 

CHAPITRE  m. 
Maladies  des  ovaires 700 

CHAPITRE   IV. 
Maladies  des  mamelles .      718 

CHAPITRE  V. 
Maladies  du  produit  de  la  conception 700 

Appareil  de  rinnervation. 

APPAREIL  DE  L'INNERVATION. 744 

SECTION   PREMIÈRE. 

Maladies  des  centres  nerveux  de  la  vie  de  relation.     .     .     .     746 

CHAPITRE  PREMIER. 

Lésions  de  circulation ib. 

Art.   ï.       Hyperémie •     .      •     7     .      .  ih. 

§.     I.   Hyperémie  au  premier  degré  ,  ou  sans  épan- 

chement  de  sang 747 

§.    II.  Hyperémie  au  second  degré ,   ou  avec  épan- 

chement  de  sang.       .      .     .     .     .     .      .  767 

Art.  IT.      Anémie 769 

CHAPITRE  H. 

Lésions  de  nutrition yyi 

Art.   I.       Hypertrophie  des  centres  nerveux.      .      .      .  774 

Art.     h.     Atrophie  des  centres  nerveux 780 

Art.  III.     Ram€rllisscment  des  centres  nerveux.     .     .  796 


906  TABtE    DES     MATfÈP.ES. 

Art.    IV.     Induration   des  centres  nerveuT.      .       .      .      808 
Art.    V.     Ulcération  des  centres  nerveux 8i4 

CEIAPITRE    III. 

Lésions  de  sécrétion 816 

Art.    I.      Exhalation  de  sérosité  dans  les  centres  ner- 
veux ou  autour  d'eux 818 

Art.    II.    Sécrétion  purulente 854 

Art.  III.    Sécrétion  tuberculeuse 809 

Art.  IV.    Productionè  squirrheuse  et  encéplialoïde.     .  844 

Art.    V.    Productions  graisseuses 84<3 

Aut.  VI.    Productions  fibreuses,  cartilagineuses  et  os- 
seuses   848 

Art.  VII.   Entozoaires .     ,      .'  849 

SECTION  ]I. 

Maladies  des  nerfs  de  la  vie  de  relation 862 

CHAPITRE  PREMIER; 
Lésions  de  circulation.    .      .      .    -. 854 

CHAPITRE    II. 

Lésions   de  nutrition 867 

Art.     I.     Hypertrophie.       . ib. 

Art.    II.     Atrophie.   ...      .     .      .     .     .     ,     .     .     .  870 

CHAPITRE  m. 
Lésions  de  sécrétion é 8SG 

SECTION   III. 

Maladies  du  nerf  grand  sympathique.      .      ; 892 

FIN    DE    LA   TABLE. 


Imprimerie  do  GUEFFIER,  rue  Rlazarine,  n°  25. 


FAUTES    A    COnRIGER. 


TOMB    I^"". 


Page  1 10,  ligne  18  ,  à  deux  cerveaux.  El  à,  etc. ,  lisez  :  à  deux  cerveaux 
et  à ,  etc. 

Ibid.  s  ligne  21,  des  cerveaux,  on  ne,  etc.,  W&ez  des  cerveaux;  on 
ne,  etc. 

Page  xii,  ligne  2,  au  lieu  d'évacuation,  lisez  évolution. 

Page  112  ,  ligne  10,  enlevez  la  virgule  entre  les  mots  cérébrales  posté- 
rieures. 

Page  i38,  ligne  12,  vertébrés,  lisez  terfcirc^. 

Page  4^1  ligne  11 ,  au  lieu  de  sur  six  cas ,  lisez  sur  soixante-six  cas. 

Page  538,  ligne  19,  supprimez  la  phrase  commençant  par  le  même 
observateur  y  etc. ,  qui  est  une  répétition  de- la  phrase  précédente. 

TOME     II. 

Page  33,  </«66,  Visqz  tube^ 


<»' 


BOSTON  PUBLIC  LIBRARY 


3  9999  05987  525  0 


%-« 


w 


■f 


^FM>^ 


k