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Full text of "Precis Analytique des Travaux de l'Academie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen"

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PRÉCIS ANALYTIQUE 
DES T'R A4 V EU X 
DE LACADÉMIE 


DES SCIENCES , DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS 


DE ROLL FN. 


PENDANT L'ANNÉE 1604. 


PRÉCIS ANALYTIQUE 
DE S TR A V A U X 
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DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS 
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PENDANT L'ANNÉE 1804. 
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De l'Imprim. de P. PEerraux, Imp. de l'Académie, 


rue de. la Vicomté, n° 50. 


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INTRODUCTION. 


reine des Sciences, des Belles-Lettres 
et des Arts de Rouen, créée par Lettres patentes 
de Louis XV , en date du mois de juin 
1744 , confirmée par de nouvelles Lettres 
patentes du 15 décembre 1756, les unes et 
les autres registrées au Parlement de Nor- 
mandie , avait été forcée, comme toutes les 
Sociétés littéraires de France , d'abandonner 


ses travaux à la fin d'août 1705. 


Elle les a repris le 29 prairial de l’an 11e 
(18 juin 1803). 

M. Beugnot, aujourd'hui Conseiller d'É- 
tat , alors Préfet du département de la Seine- 
InfĂ©rieure , par son arrĂȘtĂ© du 18 pluviĂŽse, 
convoqua en l'hÎtel de la Préfecture, pour 
le 1€ ventîse suivant , tous les anciens 
Membres de la Compagnie, Ă  l’effet de rĂ©- 
diger des RĂ©glements dans lesquels on con- 
serverait les dispositions des premiers Sta- 
tuts dont l'utilité serait reconnue. 

En conséquence , le 1er ventÎse , sous la 


présidence de M. le Préfet, il fut nommé 
a 


1] 

des Commissaires chargés de s'occuper des 
dispositions générales réglémentaires , de 
déterminer le nombre des membres qui de- 
vront composer l'Académie, et remplacer ceux 


qu'elle pourrait avoir perdus. 


Le 12, les Commissaires présentÚrent la 
rédaction des PRéglements; et, lorsqu'elle eut 
été approuvée el signée par tous les Mem- 
bres, au nombre de 18, ces RĂ©glements 
furent soumis à la sanction de M. le Préfet » 
qui les fit approuver par son Excellence le 
Ministre de l'Intérieur, le 12 germinal sui- 
vant. 

M. le Préfet, en adressant cette approba- 
tion du Gouvernement qui rappelait l'Aca- 
démie à ses anciennes fonctions, lui manda 
que , conformément à son arrÚté du 18 plu- 
vidse, il Ă©crirait au Maire de la ville: de 
Rouen pour l'inviter Ă  assigner , dans la 
municipalité , un local dans lequel la Com- 
pagnie tiendrait ses séances ordinaires. 

M. de Fontenay , qui occupait la place 
de Maire , et qui depuis est mort Membre 
du SĂ©nat, M. de Fontenay saisit avec em- 


pressement celte occasion de prouver Ă  


ii} 
l'Académie son attachement, La Compagnie 
ayant dĂ©putĂ© vers lui , on arrĂȘta que, le 
to messidor ( 29 juin 1803 }, se ferait l’instal- 
lation solemnelle de l’AcadĂ©mie. 


Tous les Membres étant assemblés dans 
la grande salle de l’hîtel-de-ville , à sept heu- 
res du soir, M. le Maire et MM. les Ad- 
joints, tous décorés du costume municipal, 
prirent place Ă  un Bureau qui Ă©tait Ă  la 
droite de la salle ; en face Ă©tait un Bureau 
semblable | auquel se placÚrent M. l'abbé 
Lallemant, président, et M. Haillet de Cou- 


ronne , Secrétaire provisoire, 


M. le Secrétaire en chef de la mairie ayant 
donné lecture de toutes les piÚces officielles 
relatives Ă  la rĂ©intĂ©gration de l’AcadĂ©mie , 
M. de Couronne , sur la proposition de M. 
le Maire, fit connaĂźtre, par un appel publie 
et selon l’ordre de rĂ©ception, les noms des 
membres anciens et nouveaux qui compo- 
saient la Compagnie. 

Immédiatement aprÚs , M. le Maire, avee 
cette Ă©loquence de l’ame et du sentiment qui 
lui était propre , adressa à l'Académie un 
discours dans lequel il traca rapidement les 

a 2 


iv 

avantages qui devaient résulter du rétablisse- 
ment de l’ancienne AcadĂ©mie des Sciences, 
des Belles-Lettres et des Arts de Rouen, pour 
un dĂ©partement » oĂč sont en honneur les ma- 
» nufactures , le commerce, oĂč un excellent 
» esprit patriotique a sans cesse animé une 
» population nombreuse et sage , recomman- 
» dable par les efforts d'une industrie tou- 
» jours raisonnée qui la dirige vers le bien, 
» vers le mieux , et qui la fait se passion- 
» ner pour tout ce qui prĂ©sente l'idĂ©e d’en- 
» treprises utiles et glorieuses «. 


Sous ce point de vue, il trouve Ă  dire de 
l'Académie les choses les plus agréables et 
les plus. flatteuses. 


M. l'abbĂ© Lallemant , prĂ©sident de l’Aca- 
démie, répondit au discours de M. le Maire; 
il rappela d’abord que Rouen est une des 
premiĂšres villes de France oĂč l'imprimerie 
ait Ă©tĂ© Ă©tablie et protĂ©gĂ©e d’une maniĂšre par- 
ticuliĂšre par le corps municipal ; que , depuis 
ce temps , ce corps respectable s'est tou- 
jours fait honneur de propager les lumiĂšres 
en montrant une affection constante pour 
les Sciences, les Lettres et les Arts, et que 


Le 
dans la circonstance présente il prouve à 


leur égard un amour inaltérable. 


M. l'abbĂ© Lallemant traita ensuite de l’im- 
portance des Sociétés littéraires , de leur 
origine , de leurs progrĂšs en France, de la 
protection Ă©clatante dont le Gouvernement 
les avait toujours honorées ; et » parlant en par- 
ĂŒculier de l'AcadĂ©mie de Rouen , il remar- 
que que depuis son institution elle a eu le 
glorieux avantage de chercher Ă  Ă©tendre les 
lumiĂšres , Ă  joindre Ă  l'amour de l'Ă©tude 
l'attachement aux devoirs , qu’elle a ainsi 
assurĂ© ce triomphe de la raison qui l’a 
distinguĂ©e tant en France que chez l’étran- 
ger. 


M. Haillet de Couronne , qui depuis prĂšs 
de trente années était secrétaire de la classe 
des Belles-Lettres , faisant dans ce moment 
les fonctions de secrétaire provisoire , témoi- 
gra , au nom de l’AcadĂ©mie, toute la grati- 
tude dont elle était pénétrée envers le pre- 
mier Magistrat du département , envers un 
Ministre » dont l'estime et l'approbation sont 
» pour ceux qui cultivent les Sciences un 


» objet d'émulation et un noble encourage- 
an ment «, 


4 

IL termina par offrir l'hommage des cƓurs 
de tous les Académiciens » à ce Héros qui, 
» à la fois guerrier, pacificateur et savant, 
» est le sauveur de la France , et le res- 
» laurateur des Académies «. 


RP ad 


DES MEMBRES DE L’ACADÉMIE. 


SĂ©ances des 8 et 15 Thermidor an XI. 


A 


MÂŁmMa3rRes RéÉsiDpenTs,.MM. 


GOSSEAUME,, Docteur en médecine , rue de la Seille, 
n° 11, DIRECTEUR DE L' ACADÉMIE, 

BEUGNOT , Homme de lettres , membre de l'Aca- 
démie de Nismes et de la Société des sciences 
de Troyes , etc. etc., Préfet du Département 
de la Seine-Inférieure , en son HÎtel, vicx-Di- 
RECTEUR. 

HAILLET DE COURONNE, rue d’Ecosse , n° 12, 
SECRÊTAIRE POUR LES BELLES-LETTRES. 

VITALIS , Professeur de chimie, 4 Ecole centrale, 
SECRÉTAIRE POUR LES SCIENCES. 

MEZAISE , Pharmacien, correspondant dela Société 
Étaue de celles d'Anvers et d'agriculture 
de Paris, place de la Pucelle, TRESORIER. 

GOURDIN , Antiquaire , bibliothécaire de l'Ecole 
centrale, correspondant de l'Acadénie des Scien- 
ces de Stockholm, de la Société des antiquaires 
de Londres , de celle d'Anvers, etc. , Ă  Ecole 
centrale | BIBLIOTHÉCAIRE-ARCHIVISTE. 

DULAGUE, ancien Professeur d'hydrographie, rue 
de la Seille , n° 7. 

JAMARD , anc. Prieur de Roquefort , rue Bouvreuil , 
ARTS 

RONDEAUX DE SETRY , Botaniste ,rue de la Poter- 
ne 3 N° 4e 


vi 

D'ORNAY , Homme de lettres , membre de l'Acadé- 
mie de Lyon, de celle des arcades de Rome et 
des géorgifiles de Florence , place de la Pucelle , 
n°49, 

PILLORRE , Officier de santé , rue de la Prison. 

ROBERT DES, VICTOR , Homme de lettres, au petit- 
Bouvreuil , n° 16. 

JADOULLE, Sculpteur , rue Coignebert , n° 2. 

LALLEMANT , Homme de lettres, ancien vicaire 
gĂ©nĂ©ral d’Avranches, rue Bourg-l’AbbĂ©, n° 22. 

DUVAL, Horloger, rue des Carmes. 

MUSTEL , Botaniste , rue, Morand , n° 8. 

DESCAMPS , Peintre , de l'Académie des arcades 
de Rome, rue d’Ecosse, n° 1. 

LEPECQ DE LA CLOTURE , Docteur en médecine , 
rue du Sacre , n° 15. 

LEBRUMENT , Architecte, rue Bourg-l’AbbĂ©, n° 19. 

LAUMONIER , Chirurgien en chef de l'Hospice 
d'humanité, associé de lInstitut national, à 
l’Hospice. 

NOEL , Inspecteur de la navigation de la Seine , 
membre des Académies de Paris, Lyon, Bor- 
deaux, Dijon , Ratisbonne , etc. , rue Beauvoisine, 
n° 88. 

VARIN , Botaniste , membre de la Société d'histoire 
naturelle de Ratisbonne , au Jardin des plantes. 

AUBRY}, Professeur de Belles-Lettres , à l’Ecole 
centrale, 

GUERSENT , Docteur en mĂ©decine, professeur d’his- 
toire naturelle, membre de la Société médicale 
&’émulation de Paris , Ă  l’Ecole centrale. 

LHOSTE , Professeur d'histoire , aux Mathurins. 

DEU , Botaniste, membre de la Société de Boulogne, 
receveur des Douanes , 4 l’Hîtel de la Douane.
 

MATHÈUS, Négociant , rue S, Eloi, n° 57. 


ix 

Le Cardinal CAMBACÉRES , ArcheyĂ©que de Rouen, 
au Palais archiépiscopal. 

BOULLENGER , Homme de lettres, vice-président 
du Tab de premiĂšre instance , rue de la 
Chaïne, n° 19. 

DEFONTENAY l'aßné, Négociant et Maire de Rouen, 
rue des Charrettes , no 53. 

AVIAT , Homme de lettres , receveur des contri- 
butions , rue de Racine , n° 6. 

GRUYER , Membre de l'Académie et de la Société 
d'histoire naturelle de Bruxelles, directeur des 
Douanes nationales, rue de Buffon , n° 6. 

LEMASSON , Ingénieur en chef du Département , 
rue du Contrat-Social, 

DESCROIZILLES , Chimiste , à Lescure-lés-Rouen. 

BASTON , Homme de lettres , vicaire Ha Ă  , rue 
du Moine ATESD Le 

BESNARD, Docteur en médecine, rue de La Made- 
leine, n° 5, 

ROBERT , Pharmacien de lHospice d'humanité , 
chimiste , 4 l’Hospice. 

VAUQUELIN , Architecte , boulevard Bouvreuil , n°7. 

DE BOISVILLE, Homme de lettres , vicaire gé- 
néral , rue des Murs-S.-Ouen, n° 8. 

TARDIEU , Peintre , rue des Bons-Enfants , n° 27. 

B. PAVIE,Teinturier, faurbourg S. Hilaire,n°s 21 et 22. 

DELESPINE , Fabricant de velours , fauxbourg S. 
Hilaire , n° 14. 

LE BOULLENGER , ingénieur de l'arrondissement de 
Rouen , rue Beauvoïsine , n° 77. 

VIGNÉ , Docteur en mĂ©decine, membre de la So- 
ciété de médecine clinique de Paris, rue de la 
Seille, n° r1. 

LETELLIER , Professeur de mathématiques, rue 
d’Elbeuf, n° 16, 


x 


PUGH , Manufacturier , rue d’Elbeuf, n° 72. 

BEAUFILS , Homme de lettres , rue de la Perle, n° 2. 

LANCELEVÉE , fabricant de velours, rue S. Julien, 
n° 67. 


ÂCADÉMICIENS NON-RÉSIDENTS ,; MM. 


CHAPTAL , Ministre de l'intérieur , membre delIns- 
ĂŒtut national, Ă  Paris. 

j. DELALANDE, Astronome, membre de l’Institut 
national, place Cambray ; Ă  Paris. 

VALMONT DE BOMARE , Naturaliste , membre de 
la Société des sciences, à Paris. 

CHARLES , Homme de lettres, au Bourg-Achard, 

MONNET , Inspecteur des miues, Ă  Paris. 

MENTELLE , GĂ©ographe, membre de l'Institut na- 
tional , Ă  Paris. 

OURSEL, MathĂ©maticien , rue d'Écosse, Ă  Dieppe. 

DANGOS , Astronome , Ă  Paris. 

LEMESLE , NĂ©gociant et homme de lettres , au 
Havre. À 

GROULE , ancien officier d’'amirautĂ© , Ă  Cherbourg. 

Le colonel TOUSTAIN DE RICHEBOURG , Ă  

RONDEAUX DE MONTBRAY , Propriétaire et ma- 
nufacturier , Ă  Louviers. 

FORFAIT, Conseiller d'état, associé de linstitut 
national, Ă  Paris. 

PARMENTIER, premier Pharmacien des armées , 
membre de l'Institut national , rue S. Maur , 
Ă  Paris. 

DEGAULLE , Professeur d'hydrographie , Ă  Hon- 
Jleur. 

DEFONTANES , Homme de lettres , membre de 
l'Institut national, Ă  Paris, 


x} 

DECESSART , Inspecteur en chef des ponts et chaus- 
sĂ©es , quai d’Orçai, n° 24, Ă  Paris. 

MONGEZ , Antiquaire, membre de l'Institut natio- 
nal , Ă  Paris. 

DANNEVILLE, Homme de lettres, Ă 4 Caen. 

COUSIN DESPREAUX , Homme de lettres , associé 
de l'Institut national , Ă  Dieppe. 

LEBARBIER., Peintre , Ă  Paris, 

LAMANDÉ, Inspecteur en chef des ponts et chaus- 
sées , rue Belle-Chasse , à Paris. 

MOREAU le jeune , Graveur , & Paris. 

HOUEL , Peintre, membre de la Société des Scien- 
ces, HĂŽtel d’AngevillĂ©, Ă  Paris. 

LEVA VASSEUR l'aßné , Général de brigade, inspec- 
teur des fonderies de la RĂ©publique , Ă  Paris. 

LEMONNIER , Peintre d'histoire, Ă  Paris. 

DEMAUREY , MĂ©canicien , 4 Incarville, prĂšs Louviers. 

GRAPPIN, Secrétaire de l'Académie de Besancon. 

DAVID , Graveur, 4 Paris. 

OBERLIN , Ă  Strasbourg. 

LEVAVASSEUR le jeune, Officier d'artillerie , Ă  
Paris. 

THOURET , Tribun , prĂ©sident de l'École de mĂ©de- 
cine, Ă  Paris. 

SAGE , Chimiste , hĂŽtel des Monnaies , Ă  Paris. 

GODEFROY , Graveur , rue des Francs-Bourgeois , 
n° 117, & Paris. 

LEVÈQUE , Examinateur de la marine , membre 
de l’Institut national , à Paris, 

CHARDON LA ROCHETTE , Homme de lettres, Ă  
Paris. 

MOLLEVAULT , Professeur de belles-lettres , Ă  
Nancy. 

DELARUE , Membre de l'Académie des sciences, 
Ă  CA 


xij 

FOURCROY , Conseiller d’état, membre de 'Insti- 
tut national, Ă  Paris. 

CUVIER , Secrétaire perpétuel de l'Institut natio- 
nal, professeur d'anatomie comparée , au Mu- 
séum d'histoire naturelle , à Paris. 

LACÉPÉDE , Membre du SĂ©nat , de l’Institut na- 
tional , rue $. Honoré , à Paris. 

D'HERBOU VILLE , Prefet des Deux-NĂšthes, mem- 
bre de la Société d'agriculture d'Anvers , à 
Anvers. 


A s s o oMfËLS! ÉVTR GA NIGER st, MM. 


TURNOR , de la Société des antiquaires , à Londres. 

Miss ANNA MOOR , Ă  Londres. 

ANCILLON , Pasteur de l'église française , à Berlin. 

VOLTA , Professeur de physique, Ă  Pavie. 

DE MOLL , Directeur de la chambre des finances 
et correspondant du conseil des mines de Paris, 
Ă  Salzbourg. 

DE BRAY , Ministre de l'Electeur de Baviére , à 
Berlin, membre de la Société de Ratisbonne , 
de l'Académie d'Amiens, etc. , à Berlin. 

JEFFRAY , Professeur d'anatomie Ă  l’universitĂ© de 
Glascow , Ă  Glascow. 

ENGELSTOFT, Docteur en philosophie , professeur- 
adjoint d'histoire , à l'Université de Copenhague, 

CAVANILLES, Botaniste , Ă  Madrid. 

SINCLAIR , Président du bureau d'agriculture , 4 
Edimbourg. 

FABRONI , mathématicien , à Florence. 


PRÉCIS 


PRÉCIS ANALYTIQUE 


PPE?S C'EFIT'ANV'ANU XX 


DE L'ACADÉMIE 
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS 
URL OZ TURIN, 
PENDANT L'ANNÉE 1804 (AN 12); 


D’'arrÈs le Compte qui en a Ă©tĂ© rendu 
par MM. les Secrétaires , à la Séance 
publique du 22 Août de la méme année 


( 4 Fructidor an 12. ) 
EE — 
D'I S°C OURS 


PrononcĂ© Ă  l’ouverture de la SĂ©ance publique , par 


M. GosssAvms, Directeur de l’AcadĂ©mie. 


1.7) PRET 


C'EST avec un plaisir toujours nouveau que l’A- 
cadémie des sciences , des belles-lettres et des arts de 


#5. publ. 1804, À 


C2) 
Rouen, vous invite Ă  assister au compte solemnel que 
tous les ans elle rend de ses travaux. La bienveillance 
avec laquelle vous daignez l'entendre depuis une 
longue suite d'années , lui à fait trouver ure re- 
compense pure dans la douceur de vos suffrages , 
et l'habitude de vos bontés n'a rendu que plus 
amĂšres de longues privations auxquelles elle a dĂ» 


se soumettre sans pouvoir s’y accoutumer jamais. 


Enfin, aprĂšs des jours d’orages et de tempĂȘtes, 
un horizon serein se découvre à nos yeux :le Génie 
protecteur des beaux arts qui rĂšgne sur la France, 
cherche à rappeler parmi nous les Muses éplorées 
et à les naturaliser de nouveau dans ces contrées 
fortunées qui leur furent autrefois si chÚres. 


Mais à peine , depuis la réunion des éléments 
épars de notre antique société , nous at-il été pos- 
sible d'Ă©tablir avec nos collaborateurs une corres- 
pondance réguliÚre : il faut du temps pour faire 
succĂ©der l’ordre Ă  la confusion, et les occupations 
paisibles du cabinet et du laboratoire Ă  des travaux 
tumultuaires. Une longue sécheresse tarit enfin les 
sources les plus 2bondantes, et lorsque les torrents 
précipités des montagnes ont enséveli les naïades 
timides sous leur limon fangeux , encombré leurs 
sentiers favoris, donné à leurs perles liquides une 
direction nouvelle , ce n’est que peu à peu que le 
cristal qu’elles Ă©panchent de leurs urnes fĂ©condes 
reprend $a transparence naturelle , surmonte les 


obstacles qui s'opposaient à son passage , et qu’elles 


(5) 
reportent ainsi au réservoir primitif le contingeut 


que chacune d’elle avait la tñche de lui fournir. 


Nous nous retrouverions ainsi , Messieurs , au 
niveau de notre Académie naissante , si nous pou- 
vions nous flatter de réunir autant de talents, de 
zĂšle et de diligence que nos premiers fondateurs. 
Cette idée m'a fait concevoir le projet de vous re- 
tracer succinctement l'h'stoire de notre institution !: 
vous ne verrez peul-ĂȘtre pas avec indiflĂ©rence com- 
ment une Académie des sciences, des belles-lettres et 
des arts fut instituée dans nos murs : vous applaudirez 
au moins aux Ă©tablissements utiles qui se formĂšrent 


dans son sein. 


C'est presque toujours Ă  des affections particu- 
liÚres que sont dues les institutious générales. 

Le goût de la botanique avait réuni plusieurs 
amateurs dans un jardin du fauxbourg Bouvreuil. 
M. Delaroche |, médecin distingué de cette ville , 
fournissait le local : MM. Dufay et Thibaux en Ă©taient 
les administrateurs , et un certain nombre de cu- 
rieux , tous unis par les liens de l'amitié, fréquen- 


taient ce premier berceau de ja Flore rouennaise, 


Peu Ă  peu on forma le dessein de rendre les as- 
semblées réguliÚres ; on y discuta des points de 
physique et de littérature : le célÚbre ZLecat y porta 
ses talents et son activité ; M. de Cideville vit la pos- 
sibilitĂ© d’ériger la SociĂ©tĂ© en AcadĂ©mie , et le legs de 
M. l'abbé Legendre , qui fut mis à sa disposition ; 


reudit cet ecclésiastique respectable son premier 
À 2 


C4) 


bienfaiteur. Fontenelle mw'eut pas une faible part Ă  
l'Ă©tablissement de l’AcadĂ©mie de Rouen, et s’occupa 
de la rédaction des statuts qui devaient la régir* 
Les lettres patentes qui consolident cet ouvrage sont 
datées de Lille , en 1744 , au mois de juin. 

L'équité et la reconnaissance nous font un devoir 
de publier ici la part que MM. de l'HĂŽtel-de-Ville 
eurent Ă  cet Ă©tablissement ; ils lui donnĂšrent d’abord 
un asyle dans leur HĂŽtel, et, sur la demande qui 
leur fut faite d’un terrain plus vaste et plus com- 
mode pour y cultiver les plantes, ils lui concédé- 
rent le terrain qui forme aujourd’hui le jardin des 
plantes , moyennant une redevance annuelle qui 
honorait également la cité et l'Académie , et qui 
montre qu'un bienfait peut doubler de valeur par 
les graces qui l’accompagnent. Cette redevance , sti- 
pulée dans un contrat , était un bouquet que lA- 
cadémie se plaisait à composer des fleurs et des 
fruits les plus rares de son jardin , et qu’elle n’a cessĂ© 
de présenter tous les ans , tant que cette propriété 
ne lui a pas été ravie. 

Temps fortunés ou la vertu faisait germer l'ému- 
lation , et oĂč , pour me servir de la belle expres- 
sion de Tacite , on comptait la fortune au nombre 
des avantages incertains , et la vertu au nombre des 
trésors inaltérables , puissions-nous yous voir re- 
naitre et répandre sur nous vos plus heureuses in- 


fluences ! 


L'Académie se hùta de mettre à profit ce terrain 


(5) 

précieux ; ses belles clÎtures furent perfectionnées 
et fermées par une grille élégante. Des orangeries 
vastes et réguliÚres , une serre chaude qui les sé- 
pare avec agrément, décorÚrent bientÎt le fond du 
jardin : un réservoir et des conduits pour les eaux 
alimentĂšrent le bassin qui en occupe le centre , 
et toutes ces dépenses furent comblées des deniers 
de l'Académie , et par les offrandes volontaires que 
ses membres opulents s’'empressaient de lui faire, 
Dans ces mĂȘmes circonstances, M. de Cidewville trans- 
mettait , par un contrat de vente à l'Académie , la 
propriété de sa riche bibliothÚque , et fut le pre- 
mier instituteur de ce bel établissement littéraire 
qui s’accrut insensiblement par la libĂ©ralitĂ© des Aca- 
démiciens, et put , durant plusieurs années , sa- 
ĂŒsfaire l'empressement et la curiositĂ© du public. 
Déjà une collection intéressante de médailles , de 
bustes , de productions curieuses des trois rĂšgnes 
de la nature , annonçaient la formation prochaine 
d’un cabinet de curiositĂ©s et d’antiques. . . . . . .. 
Des circonstances desastreuses nous auraient-elles 
ravi pour toujours des propriétés aussi respectables, 
et le plaisir inestimable d’en faire jouir nos conci- 
toyens ? 


Cependant le zÚle et l'amour du travail créaient , 
dans le sein de l'Académie et sous sa vigilance , des 
écoles spéciales qui ont fourni à la patrie des hommes 
distingués dans tous les genres. 


Le célÚbre Lecat faisait des cours de physique 
À 3 


(6) 
expérimentale , et professait avec éclat toutes les 


parties de la médecine opératoire. 


Les pÚres Pingré et Bouin, chanoines réguliers 
de la congrégation de France , établissaient des 
observatoires au Mont-aux-Malades et Ă  Saint-Lo , 
et jettaient au sein de l'Académie les fondements de 


leur gloire future. 


Doué d'une modestie, d'une patience et d'une 
amabilité que rien n'égalait que ses connaissances 
profondes , M. Descamps , de son cÎté, fondait une 
Ă©cole de dessin, avantageusement connue sous le 
nom d'Ă©cole normande. M. Ligot professait les ma- 
thématiques avec un succÚs prononcé. M. Dulague , 
le seul’de ces hommes laborieux que nous ayons 
encore le plaisir de posséder dans cette enceinte , 
donnait des leçons d’hydrographie , et faisait passer 
à la postérité , dans un ouvrage aussi méthodique 
que concis , les préceptes lumineux qu'il donnait 
à ses élÚves. M. Pinard , médecin distingué , pro- 
fessait la botanique , et tandis qu'il consacrait tous 
ses loisirs Ă  la composition d'un systĂȘme de bota- 
nique complet et médité , M. Pinard , à la fleur 
de sa jeunesse , et avec toutes les ressources d'une 
imagination vive et brillante |, lembellissait de gra- 
vures soignées , et faisait revivre à Rouen les talents 
des Aubriat et des Belleporte : cinquante années 
de travaux académiques utiles assurent à M. Pinard 
l'estime et la reconnaissance de ses collĂšgues ; sa 
douceur et sa bonté franche lui acquirent des amis, 


C7) 


et son nom passera à la postérité ayec le souvenir de 


ses vertus. 


Je ne dois pas oublier ici deux hommes labo- 
rieux qui fomentÚrent de leur cÎté l'instruction pu- 
blique , M. Scanégatti et M. l'abbé Bacheley, Le 
premier , physicien instruit, mécanicien intelligent, 
se consacrait à des expériences utiles avec un zÚle 
supérieur à sa fortune. Le défaut de moyens pé- 
cuniaires put l'empĂȘcher d’ĂȘtre heureux, mais il 
n’en conservera pas moins dans notre souvenir la 
place que ses talents et sa probité lui assurent. Le 
second s'était entiÚrement consacré à l'étude de Phis- 
toire naturelle , et Ă©tait dans cette partie correspon- 
dant de l’AcadĂ©mie des sciences de Paris ; lui-mĂȘme 
avait été son instituteur et avait formé une belle 
collection des curiosités naturelles de notre province. 
Il fit plusieurs années de suite des cours sur cette 
science intéressante. La pureté de son ame se pei- 
gnait dans ses discours , et il ne fit pas moins esti- 
mer en lui les avantages de la science que les dou- 


ceurs de la confraternité. 


Que ne nous est-il possible , Messieurs , d'embellir 
cette sĂ©ance d’une scĂšne de bonheur qui fit prĂ©cĂ©- 
demment une des parties les plus intéressantes de 
nos séances publiques ; je veux parler de la pro- 
clamation solemnelie des prix que l'Académie dis- 
tribuait aux élÚves distingués des écoles de dessin , 
de peinture et d'architecture , de mathématiques , 
d'hydrographie , d'anatomie , de chirurgie , d’ac. 


(8) 

couchement et de botanique. Qu'il était agréable 
pour nous d'interrompre le compte que nous vous 
rendions de nos travaux pour payer Ă  cette jeunesse 
Jaborieuse le tribut d’éloges que mĂ©ritait sa diligence! 
Que dis-je interrompre ? C'Ă©tait embellir notre his- 
toire d'un épisode délicieux qui pénétrait tous les 
cƓurs et vous fit souvent rĂ©pandre des larmes de 
tendresse. 


En vous montrant ainsi, Messieurs , que l’AcadĂ©mie 
des sciences , des belles-lettres et des arts de Rouen , 
a déployé pour leurs progrÚs une activité qui ne 
s'est jamais ralentie , et que la part qu'elle réclame 
dans l'estime de ses concitoyens n’est pas une rĂ©- 
compense usurpée , je ne saurais me dissimuler 
que j'ai en méme-temps donné la mesure de nos 
devoirs. C’est par le travail, c'est par des efforts 
sans cesse renaissants , que nous devons espérer 
de captiver votre bienveillance , l'heureux partage 
de nos prédécesseurs. Mais, en rendant justice au 
motif qui nous anime , vous daĂŻgnerez vous sous 
venir, Messieurs , que l'habileté des appréciateurs 
ue contribue pas moins que les progrĂšs des arts 
Ă  rendre plus difficiles les routes qui y conduisent, 
que l'Académie a fait depuis quinze ans des pertes 
immenses, et que , malgré les talents et l'habileté 
de ses nouveaux collaborateurs , il faut du temps 
pour mettre de l'harmonie dans ses travaux , de 
l'ensemble dans sa marche. Vous-mĂȘmes, Messieurs, 
que distingue la plus sĂ©vĂšre impartialitĂ© , ĂȘtes-vous 
bien certains d'accorder Ă  des accents nouveaux qui 


(9) 


s'Ă©tudient Ă  vous plaire , cette mĂȘme faveur que 
vous accordùtes à des organes accoutumés à charmer 
vos oreilles ? 

Je ne retarderai pas plus long-temps le plaisir que 
nous Ă©prouvons, Messieurs , Ă  vous associer Ă  nos 
travaux : dans cette espĂšce de compte de famille, 
que la loyauté présente et que l'indulgence reçoit, 
nous mavons tous qu'un mĂȘme but , le progrĂšs des 
sciences , comme nous n’ambitionnons qu’un avan- 
tage personnel, c’est que vous ne cessiez , Messieurs , 
de reconnaßtre en nous cette ancienne Académie de 
Rouen, qui, tant de fois, se plut Ă  vous commu- 
niquer les fruits de ses veilles , et fut toujours 
certaine de retrouver chez vous la ressource des lu- 
miÚres et la bienveillance de l'amitié. 


AprĂšs le discours de M. le directeur , M. de 
Couronne , secrétaire , donna quelques détails his- 
toriques sur les rĂ©volutions que l’AcadĂ©mie avait 
éprouvées. 

» L'Académie , dit-il , doit sa premiÚre origine à 
» la réunion de quelques amis des lettres. 

» La tradition , qui nous avait conservé ce sou- 
» venir , ne nous avait transmis rien de positif , 
» soit par rapport Ă  l’époque , soit par rapport Ă  
» Vhistorique des premiÚres assemblées de nos esti- 
» mables prédécesseurs. Il semblait que nous dus- 
» sions renoncer Ă  la satisfaction d’en avoir une 


» connaissance suffisante , lorsqu'un heureux hasard 


»” 


? 


2 


- 


»» 


v 


» 


(10) 
m'a fait rencontrer, parmi des papiers réputés inu- 
tles, une feuille manuscrite bien intéressante pour 
nous. 


» Elle est intitulĂ©e : Statuts de l’AcadĂ©mie , com. 
mencée le 16 avril 1716 , par MM. de Couronne 
( aïeul du secrétaire), Néel, le Baillif, Demissy ; 
sur cette mĂȘme feuille se trouve Ă©crit le projet 
d’un travail commun, d’un rĂ©glement pour la po- 
lice intĂ©rieure , enfin d’une distribution des ma- 
ĂŒĂšres dont chacun des coopĂ©rateurs consentait de 
se charger comme objet particulier de ses Ă©tudes 
et de son travail. 


» Voilà , n'en doutons pas, l'idée premiÚre de 
notre institution. Nos devanciers se sont occupés 
de faire bien ; sans faste , sans ostentation, sans 
recourir à des programmes imprimées , ils ont tracé 


sommairement nos occupations ,; nos réglements, 


‘nos devoirs. 


» Les soins de ces hommes studieux eurent une 
influence heureuse. Le nombre des sociétaires , 
déjà célÚbres en 1744 , fixa l'attention du gouver- 
nement ; il statua que cette association serait dé- 
sormais qualifiée : Académie des sciences , des bel- 
les-lettres et des arts de Rouen «. 


M. le secrétaire montre ensuite que l'HÎtel-de- 


Ville , sous la mairie de M. Pigou ( son aĂŻeul ), 


conseiller au parlement, mort, en 1750, doyen de 


cette cour , avait fait, dÚs 1742, à la société nais- 


sante , la cession du legs de M. l'abbé Legendre, 


Cu) 
ce qui , pour le service de l'intérieur , lui pro- 
curait une rente de 1000 livres ; dans la suite , le 
mĂȘme HĂŽtel-de-Ville concĂ©da Ă  l'AcadĂ©mie un terrain 
pour former le jardin des plantes , Ă  l'entretien 
duquel le Gouvernement consacra une somme an- 
nuelle de 1600 livres , comme il en accorda dans 
la suite une de 600 livres pour la bibliothĂšque qui ? 


dĂšs-lors , devint publique. 


Comme c'était du sein de l'Académie , continue 
M. de Couronne, qu’on avait vu naĂźtre les Ă©coles 
d'anatomie, de chirurgie, de botanique , d'hydro- 
graphie, de mathématiques , de dessin , peinture , 
sculpture et architecture , il fut réglé que l'Acadé- 
mie ferait la présentation des professeurs pris parmi 
ses membres ; que les élÚves des différentes écoles 
seraient en quelque sorte sous sa surveillance ; qu'elle 
leur décernerait les prix que l'HÎtel-de-Ville avait 
consenti de leur distribuer chaque année , ré- 
compenses flatteuses et honorables ! Elles Ă©taient 
dignes , ajoute-t-il , du goût et de la munifi- 
cence de la patrie du Grand - Corneille , des Bo- 
chard , des Fontenelle , des Jouvenet , des Bru- 
moy , etc. ; elles Ă©taient dignes de la capitale 
d'une province , qui, par un Ă©vĂšnement unique 
dans les fastes des sciences et de la littérature , a 
fourni en méme-temps trois secrétaires aux trois Aca- 
démies de Paris. 


A peine l'Académie en eut-elle obtenu le titre 
en 1744 , qu’elle s'empressa , l'annĂ©e suivante , de 


(12) 


vous rendre les témoins du fruit de ses veilles, dans 
une séance publique. 


» 


» Oh ! combien cette assurance d’ĂȘtre immĂ©dia- 
tement sous les regards de ses pairs et d'ĂȘtre jugĂ©s 
par eux , nous fut sensible et fut chĂšre Ă  nos 
cƓurs ! Vous Ă©coutĂątes pour la premiĂšre fois et 
avec satisfaction le détail de nos travaux. Nous 
aimons Ă  nous rappeler ces souvenirs et Ă  redire 
que notre tribut volontaire vous fut agréable. 
BientĂŽt aprĂšs il le fut d'autant plus que vous vites 
une femme jeune, belle , savante , née en cette 
ville , y obtenir la palme proposée au concours : 
madame du Bocage eut en 1746 , le prix de poësie , 
le premier de tous ceux que l'Académie ait don- 


HS SOS ST 


» Mais, tandis que je parle de nos jours heu- 
reux , l’annĂ©e 1791 en vint terminer le cours. 
A la vérité , dans cette année , nous continuùmes à 
avoir une séance publique , et de recevoir les 
témoignages de votre affection, de votre estime ; 
ce fut pour la derniùre fois.. . . Vous n’avez pas 
changé. ...; les circonstances seules ont été diffé- 
rentes et ont amenĂ© d’étranges mutations. , « . « 4 


Oublions aujourd’ui ces temps d’erreurs et de 


désastres , livrons nous à des sentiments plus doux, 


et que ces mots de Virgile : Deus nobis hƓc otia 


fecit soient chez nous tous l'expression vive du 


sentiment et l'Ă©lan du cƓur, oui : Deus nobis hĂŠc 
otia fecit ! 


LE] 


2) 


(13) 
» Je termine à ces mots l'histoire des révolutions 
de cette Compagnie , et de l'interruption forcée 


de ses travaux pendant douze années. 


» La réintégration de l'Académie a eu lieu le 10 
messidor de l’an 11, et dans ce mĂȘme sanctuaire 
oĂč nous voici. Redevenue l'hĂ©ritiĂšre de son nom, 
et de ses titres, elle a repris ses exercices. Puisse 
la totalité de ses droits lui revenir aussi dans leur 
intégrité ! 

» AprÚs sa réinstallation cette Compagnie a regar- 
dé comme une de ses premiÚres obligations de 
chercher à réparer ses pertes ; elle a repris la 
suite de ses anciens travaux pour pouvoir vous 
en présenter les détails dans ces deux départe- 
ments , et c'est le compte que vous allez enten- 
dre. Sa satisfaction eĂ»t Ă©tĂ© imparfaite si elle n’eĂ»t 
pu vous demander de la partager. 

» Jouir intĂ©rieurement du bonheur , c’est peu ! 
l'annoncer au dehors, le partager , c’est doubler 
son existence et sa félicité ! Agréez notre hom- 
mage «! 


BE DL E S'RENTTAUES. 


RFA EAP DO RUT 


Fait par MSNCGouRDIY, 


MESSIEURS, 


L'AcadĂ©mie, dans tous les temps , s’est fait un 
devoir de donner publiquement quelques détails 
sur ses travaux annuels. C’est un hommage que 
nous aimons à rendre à nos concitoyens , C’est une 
dette que nous payons Ă  leur estime , Ă  cette estime 
qui est pour nous la récompense la plus flatteuse, 
celle que nous ambitionnons davantage. 

Depuis long-temps vous étiez accoutnmés , Mes- 
sieurs , Ă  entendre le compte rerdu dans la partie 
des belles-lettres avec un intĂ©rĂȘt que savait vous ins- 
pirer un littérateur qui répandait un charme secret 
sur les moindres objets , les embellissait , les ren- 
dait dignes de votre attention. Celui qui , par obéis- 
sance , le remplace pour le moment , a besoin, 
Messieurs , de toute votre indulgence. 

Nous commencerons par les ouvrages des person- 
nes qui, sans appartenir à l'Académie , lui ont 


communiqué leurs travaux. 


— Nous ayons reçu un MĂ©moire imprimĂ© ayant 


C15) 
pour titre : Æclaircissements demandĂ©s par la classe 
des beaux arts de l’Institut national, sur la construc- 


tion de plusieurs Monuments militaires de l'antiquité. 


On doit Ă  M. Perit - Radel |, membre de lIns- 
ĂŒtut , d'avoir montrĂ© que les monuments militaires 
que l’on rencontre dans quelques parties de l'Italie, 
se rapportent pour le genre de construction avec 
d’autres monuments de la Grùce , d'ou il conclut 
que non-seulement ces monuments sont dus aux 
Grecs , mais encore que les Grecs n’en ont point em- 
pruntĂ© la construction des Égyptiens. Pour assurer 
la théorie de M. Petit-Radel , l'Institut propose 
aux savants et aux voyageurs la solution des trois 
questions suivantes : 1° dans quelle ville ou lieux 
d'Italie trouve-t-on des enceintes antiques construites 
en pierres parallélogrammes réguliÚres , disposées 
par assises horizontales et sans ciment ? 2° Dans quelle 
ville ou dans quels lieux trouve-t-on des enceintes 
formées de grands blocs ou quartiers de pierres de 
figure polygone irréguliÚre , sans ciment, ce que 
les anciens auteurs appelaient des constructions cy= 
clopĂ©ennes ? 50 Lorsque , dans une construction quel” 
conque , ces deux espĂšces de constructions se trou 
vent réunies , quel ordre observe-t-on dans leur dis- 
position respective ; c’est-à-dire quelle est celle qui 
sert de fondation à l’autre , ou qui, dans tout autre 
mélange occasionné par des restaurations , porte les 


caractĂšres d’une grande anciennetĂ© ? 


= M.Lecarpentier , professeur de l’école de dessin , 


(16) 

membre de la SociĂ©tĂ© d’émulation de cette ville et 
de la société des sciences , lettres et arts de Paris ; 
nous a adressé un exemplaire de sa Motice histori- 
que sur M, Auber. Cette notice est imprimée , ainsi que 
celle sur M. Broche , que nous avons reçue de la 
part de M. Guilbert ,membre de la mĂȘme SociĂ©tĂ© d’é- 
mulation. 


= Il nous a été adressé par M. Mulot , président 
de la Société académique des sciences , secrétaire de 
l'Athénée des arts, de l'Académie de législation de 
Paris , les ouvrages suivants imprimés : 

Vue d’un ancien DĂ©putĂ© de Paris & l’AssemblĂ©e 
législative sur les Sépultures ; D'scours sur les Fu- 
nĂ©railles ; MĂ©moire sur l’état actuel de nos Biblio. 
tchĂšques ; Notice historique sur la Vie et les Ouvrages 
de M. Demoustier ; à la mémoire de Léonard Robin, 
tribun et membre de l’AcadĂ©mie de lĂ©gislation ; 
Essai sur la Poësie légÚre ; Notice sur la vie de 
Guillaume-Antoine Lemonnier ; Discours sur les qua- 
lités qui doivent distinguer les Orateurs du barreau : 


et autres opuscules. 


= Nous avons reçu par M. Boinvilliers plusieurs 
ouvrages imprimés de différents auteurs , tels que 
des Eclaircissements sur l’inscription grecque du Mo. 
nument trouvé à Rosette , par M. Ameilhon ; un 
Rapport sur diverses inventions de J, Pierre Droz , 
relatives Ă  l’art du monnoyage ; Discours prononcĂ© 
Ă  l’Institut , dans la sĂ©ance publique, par M. Parny , 


e: RĂ©ponse par M. Garat ; Socrate dans le temple 
d’Aglaure , 


(17) 
di Aglaure | poëme qui a remporté le prix à l'Institut 
en l'an 12 ; Organisation de l’Institut national ; enfin A 
Âelation d'un Voyage dans le dĂ©partement de l'Orne 
pour constater la rĂ©alitĂ© d’un mĂ©tĂ©ore observĂ© Ă  
l’Aigle le 6 florĂ©al an 11. 


= M. Leboulenger , ingénieur , Académicien ré- 
sident , nous a communiqué une Abécédaire , com- 
posĂ© par M. ChĂ©ron , et nous a assurĂ© qu’à l'aide 
de cet ouvrage nombre de personnes de tout Ăąge 
ont fait, dans un temps trĂšs-court, de grands pro- 
grĂšs dans la lecture. 


= M. Feret , professeur au Lycée de cette ville, 
a envoyé à l'Académie la traduction en vers français 
de la fable de Gay , intitulée : le LiÚvre er ses 
nombreux Amis, oĂč les Amis du Jour. L'auteur tra- 
vaille Ă  la traduction de toutes les fables du La Fon- 
taine anglais , et les amateurs doivent désirer qu'il 


en eurichisse bientÎt notre littérature. 


PASSONS maintenant anx trayaux des Académi- 


ciens dans ia classe des belles-lettres et des arts. 


— M. l'abbĂ© Lallemant , que , lors de la rĂ©instal- 
lation de l'Académie , tous les sufirages avaient 
porté à la place de Directeur , mais que sa santé 
chancellante la forcé d'abdiquer , M. Pabbé Lalle- 
mant a prononcé, à l'ouverture de notre premiÚre 


séance , le discours suivant ! 


S. publ. 1504. B 


C:18) 


n MESSIEURS, 


» Un temps lucide semble préparer une nouvelle 
» existence à nos trayaux. Quels favorables auspi- 
» ces ! quel jour plus marquant aurait-on pu choi- 
» sir pour nous rouvrir le temple des Muses, que 
» celui de la fĂȘte du Grand-Corneille , notre compa- 
# lriote ? Jour Ă  jamais mĂ©morable , oĂč la CitĂ© , 
wlors de notre rétablissement , se réjouit avec 
» enthousiasme d’avoir donnĂ© Ă  la France ce suc- 
» cesseur des plus grands Poëtes de l'antiquité, mo- 
» dÚle inimitable qu'admirent toutes les nations et 
» qu'aucune wa égalé, 


» C’est avoir investi ma vieillesse du souvenir d’une 
» jouissance et d'une satisfaction bien douces, que 
» d'avoir eu l'honneur de présider l'Académie à sa 
» glorieuse réinstallation. Il ny aurait, pour moi , 
» d’égal Ă  cette satisfaction que celle de suivre plus 
» long-temps les impulsions de mon zÚle dans les 
» fonctions de Directeur de cette sayante Compagnie 
n dont j'ai toujours recu des témoignages de senii- 
» ments bien chers Ă  mon cƓur. Mais l'extrĂȘme dĂ©- 
» licatesse d’une santĂ© vacillante que l’ñge infirme 
» encore , et l'étendue du travail que j'ai entrepris, 
» ne me permettant pas d'assister, comme je le dé- 
» sirerais , habituellement aux séances de l'Acadé- 
» mie , je suis obligé de l'inviter à faire un choix 
» plus propre à réactiver cette belle fonction, 
# dont j'étais honoré lors de l'interruption de nos 


(19) 

» travaux, et qu’à notre renaissance , un nouveĂ©att 
» choix m'a confiée. 

» Ce ne peut ĂȘtre qu'avec un bien grand regret 
» que je me prive d’un avantage plus conforme Ă  
» mon inclination qu'à mes facultés. Je désire vive- 
» ment que mon respectable CollÚgue , également 
» nommé provisoirement Secrétaire, veuille bien con- 
ntinuer un exercice de ses talents , qui , si long- 
» temps , ont fait honneur à notre Académie , à 
» cette Académie dont les connaissances et les dé- 
» cisions ayant mérité l'hommage de notre ancien 
» Gouvernement , ne peuvent manquer d’inspirer 
n une semblable disposition au Gouvernement sage 
» qui s’occupe de restituer ces antiques ressorts Que, 
» durant quatorze siÚcles, la lime de l'expérience 
» avait portés à un dégré de perfection qui était 
» Pobjet de l'admiration et de la jalousie des autres 
» nations. 

» Bien que forcé, Messieurs , de voir céder mon 
» zÚle à mon impuissance , je me reprocherais ce 
» pendant d'abandonner le poste dont vous m'avez 
» honoré, si, au méme titre , je ne continuais pas 
» de concouri: à une nomination de nos membres, 
» déjà si bien accueillie : nomination dont le com- 
» plĂ©ment , d’aprĂšs l'article MI de l'arrĂȘtĂ© de M. le 
» Préfet et la lettre du Ministre de l'Intérieur , ap- 


» partient aux anciens membres de l'Académie. 


n Permettez donc, Messieurs, avant que de pro- 


» céder à la formation du bureau, que je propose 
B 2 


(20) 
» de nous occuper des places de titulaires à remphr, 
et de pourvoir aux moyens de connaütre le nom” 
mbre des membres que nous aurons Ă  nommer 
» pour compléter celui des Académiciens-associés ; 


» tant regnicoles qu’étrangers. « 


= M. Gosseaume ayant succédé à M. l'abbé Lalle- 
mant dans la place de Directeur , témoigna ainsi sa 


reconnaissance Ă  la compagnie : 


» Je m'efforcerais vainement d'exprimer ici com- 
bien je suis sensible aux témoignages d'estime et de 
confiance que vous venez de me donner. 


» Mon respect profond pour vos décisions seul a 
pu me faire accepter un fardeau supérieur à mes 
forces ; et si l'espoir de m’investir de vos talents 
et de vos lumiĂšres , ne venait balancer ma juste 
dĂ©fiance , je n’hĂ©siterais pas Ă  m’éloigner d’une place 
que d’autres occuperaient plus utilement que moi. 
Mais , avec la certitude de trouver en tout temps 
chez vous , Messieurs , cette bonté tutélaire , cette 
cordialité franche , cette communication facile qui 
vous distinguent , quels dangers aurais-je Ă  redouter ? 
J'opposerai Ă  des problĂšmes embarrassants vos con- 
paissances profondes , Ă  des questions insolites votre 
maturité et votre expérience , aux difficultés de tous 


les genres votre sagesse et votre perspicacite. 


» Je ne vois pas, sans un plaisir secret, que la car- 
_ fiÚre m'ait été ouverte par un littérateur distingué , 


qui sait allier aux vertus austĂšres toutes les graces 


(21) 

sociales (a) ; puissé-je en la quittant ne l'avoir pas 
déparée aux yeux de mon successeur (4) , dont 
le goût épuré et les conceptions faciles illustreront 
toutes les places auxquelles il serd appelé. Quand 
votre indulgence , Messieurs , me décerne l'honneur 
de vous présider , le mérite lui assigne la premiÚre 


place ; le mien sera d'avoir été son précurseur. 


» Que de ressources précieuses ne promettent pas 
les hommes éclairés que vous avez investis de vos 
pouvoirs ! Ici l'hommage rendu Ă ses triomphes an= 
ciens a réintégré l'ami des beaux arts (c) dans la 
possession de les faire briller Ă  vos yeux. LĂ  une 
Ă©tude approfondie des secrets de la nature , et Part 
de les présenter avec éloquence et précision , font 
asseoir un de nos nouveaux collégues à la place du 
savant et modeste d'Ambourney (d). 


» Une sage économie appelle toutes les ressources 
de l'abondance dans les mains du dépositaire que 
vous avez choisi (e ). 


» Enfin , si les trésors littéraires que l'Académie a 
possédés, existent encore pour la plupart, et si elle 


peut nourrir l'espoir de les recouvrer quelque jour , 


(a) M, l'abbé Lallemant. 

(&) M. Beugnot. 

(c) M. Haillet de Couronne , secrétaire de l'Académie , pour 
la partie des belles-lettres. 

(d) M. Vitalis, secrétaire pour la partie des sciences. 


(e) M. Mésaize , trésorier, 


B 3 


(22) 
chacuh désigne avec sensibilité la bienveillance stu- 
dieuse (f) qui nous les a conservés. 


» Recevez l'hommage de ma reconnaissance, dignes 
promoteurs des beaux arts , qui avez fructueusement 
travaille à rassembler les membres de notre Société 
dispersĂ©e , et lui avez obtenu la sanction d’un Gou- 
yernement sage et ami de tout ce qui est bon, de 


tout ce qui est juste. 


» Recevez l'hommage de mon admiration , hommes 
distingués de tous les ordres , qui réunissez ici la 
physique et la morale , les abstractions mathémati- 
ques et les fleurs de l’'Ă©loquence et de la poĂ«sie; la 
science de l'administration , de l’agriculture et du 
commerce ; les arts utiles etceux d'agrément! Par vos 
soins et par votre influence , l'Académie des sciences, 
des belles lettres et des arts de Rouen va reprendre 
sestravaux , Ă©tendre ses relations et briller d’une pure 
lumiĂšre. Qu'il est flatteur pour moi , Messieurs , 
de prédire vos succÚs et de vous montrer les palmes 
que vous devez cueillir ! Maïs je n’oublierai pas que 
la pierre qui aiguise l'acier est impuissante pour cou- 
per elle-mĂȘme, et je placerai toujours , Ă  cĂŽtĂ© du 
sentiment de ma faiblesse , la conscience de vos 
forces , l'honneur qui tient Ă  votre estime , et le 


souyenir de vos bontés. 


(f) M. Gourdin, bibliothécaire. 


NN ee 


(25) 


= À l'expiration des vacances , l'AcadĂ©mie ayant 


repris le cours de ses travaux , M. Gosseaume , 


- docteur-médecin, Directeur , a ouvert la premiÚre 


séance par un discours trop étendu pour pouvoir , 
d'aprĂšs le plan que nous ayons adoptĂ© , ĂȘtre prĂ©- 
senté en entier. 


Les morceaux suivants, qui en sont extraits, en 


feront connaĂźtre le sujet , la division et la forme. 
Notre confrÚre débute ainsi : 


» Messieurs , les premiers instants de notre réu- 
nion ont été signalés par une allégresse commune: 
en nous ouvrant un asyle dans l'hĂŽtel municipal, 
le digne magistrat (1) chargé de notre installation 
s'est empressé de répandre des fleurs sur notre 
rouvelle carriĂšre ; c'Ă©tait des fleurs offertes Ă  
l'amitié par les vertus hospitaliÚres. 

» De leur cÎté les hommes aimables et disertis , 
chargés d'exprimer en votre nom la reconnaissance 
qui nous anime, n’ont pu rĂ©sister au plaisir de 
brillanter vos destinées : alors un enthousiasme 
bien naturel animait leur langage , et semblait 
leur faire oublier un moment que les Ă©pines et 
les roses sont des compagnes inséparables. . . . . 
Nous avons passé ces premiers moments de sur- 
prise , nous ayons payé aux auteurs de notre 
rĂ©union Le doux tribut du cƓur ; et aujourd’hui 


que l'illusion doit disparaĂźtre Ă  la voix de la rai- 


EEE 


(1) M. de Fontenay , maire. 


B 4 


»» 


LL 


LL 


»» 


» 


22] 


» 


» 


» 


1» 


»» 


LL 


» 


») 


» 


» 


»» 


LE 


» 


2 


C4) 

son sévÚre qui nous montre le travail comme le 
but unique de notre inmttution , qu’il me soit 
permis de vous rappeler, Messieurs, Ă  ces con- 
sidérations importantes , et de développer ici quel- 
ques-uns des motifs qui rendent lapplication Ă  
l'Ă©tude si essentielle pour nous. Cette communi- 
cation franche de ma part est le plus pur hom- 


mage que je puisse rendre Ă  votre sagesse. 


» Or, cette nécessité de multiplier nos efforts, je 
la déduis 1° des progrÚs singuliers qu'ont fait de- 
puis trente ans lessciences exactes , et de la difficul- 
té de s'élever à leur niveau ; 2° de la décadence des 
Lettres et des Arts soumis Ă  l'influence de li- 
magination. 


» En deux mots , les sciences physiques se sont 
perfectionnées , il faut par le travail en soutenir 
l'éclat : les Lettres et les beaux Arts se sont dé- 
tĂ©riorĂ©s , ce n’est que par le travail qu'on peut 
les faire refleurir. Chacun de ces titres pourrair 
ĂȘtre le sujet d’une longue dissertation ; je ne ferai 
que les effleurer , en laissant à votre sagacité le 
soin de suppléer les details. C'est un canevas sim- 
plement calqué que je vous présente : vous le 
décorerez de la plus riche broderie «, 


M. Cosseaume parcourt le département des scien- 


ces physiques et mathĂ©matiques , et n’a pas de peine 


Ă  


montrer les progrùs qu’elles ont ont fait depuis 


25 à 50 ans ; la chimie, surtout, présente l'aspect 


le plus riant ; mais notre Confrùre n’est pas enthou- 


(25) 
siaste , et n'Ă©pargne pas les abus quand il les ren- 
contre sur ses pas ; l’article mĂ©decine en fournira la 


preuve. 


» Un prophylactique nouveau , conquĂȘte heureuse 
» de l'observation , permet de faire cesser parmi 
» nous les ravages de la petite-vĂ©role ; mais, Ă  l’'ex- 
» ception de ce procédé dont Padoption rapide et 
» universelle atteste le besoin qu’on en avait, si je 
» jette un regard attentif sur la médecine , je vois 
» peu de progrÚs dont elle puisse se glorifier. L'ana- 
» tomie, etc. . . .« . La chirurgie , etc. .. . « La 
» médecine interne , envahie de toutes parts, 
» conserve à peine quelques restes de cetéclat, de 
» cette lumiÚre pure dont Hipocrate la fit briller. 
» Le goût du néologisme , des calculs, des hypo- 
» thÚses, fait oublier que la médecine , fille de l'ob- 
» servation , peut bien emprunter aux sciences phy- 
» siques des parures et des ornements, mais qu’à 
» la nature seule appartient le privilége de lui 


» fournir ses principes et ses lois «. 


En parlant de la botanique , notre ConfrĂšre mon- 
tre qu'avec des richesses immenses en apparence , 
nous sommes encore vĂ©ritablement pauvres : car c’est 
particuliÚrement la propriété des végétaux qu'il im- 
porte de connaßtre. AprÚs avoir indiqué les tentatives 
infructueuses de l'Académie des sciences de Paris 
pour parvenir à ce but , M. Gosseaume ajoute :»ilres- 
» te à uos chimistes modernes une carriÚre nouvelle 


» Ă  parcourir ; c’est de tous les principes constitu= 


(26) 
» tifs des vĂ©gĂ©taux qu’il faut rechercher la nature 
» et les proportions des sels fixes par la crystalli- 
» sation , volatils par la sublimation , des gaz par 
» l'appareil pneumato-chimique , des extraits par 
» l'alcool et les menstrues aqueux ; c’est enfin par 
» les réactifs et par les moyens analytiques de toute 
» espÚce qu'il faut arracher à la nature le secret 


» de leur composition et la rÚgle de leur usage «. 


M. Gosseaume parcourt rapidement les sciences 
mathématiques , et montre combien les mécaniques 
en particulier rendent de services aux Arts. . . . . 
» La symétrie et la régularité répandues sur tous les 
» objets par les sciences mathématiques ont éten- 
» du leurs droits jusque sur le langage : d’un autre 
» cĂŽtĂ© , Ă  force de voir de grands objets et d’avoir 
» des choses étonnantes à raconter , la science des 
» mots est devenue moins nécessaire ; il a suffi de 
» peindre avec vĂ©ritĂ© pour commander l’étonne- 
» ment. 

» Le sentiment n’a pas changĂ©, mais la maniĂšre 
» de lexprimer n’est plus la mĂȘme. Un style lĂąche 
» dans sa composition , rédondant dans ses expres- 
» sions , trop recherché dans ses figures , ne con- 
» viendrait pas Ă  l’activitĂ© des français de nos jours ; 
» leur tactique comme leur langage dédaignent 


» les lenteurs, et l’une et l’autre se hĂątent d’arri- 


» ver au but par la route la plus courte. 


» Jettez ,.Messieurs, un coup-d’Ɠil sur Les ordres 
» 


du jour , sur les proclamations du HĂ©ros qui gou- 


Ni 
1 


(27) 
verne la France’, par-tout vous y verrez rĂ©gner 
la pureté et l'élégance , la symétrie et la simpli- 
cité ; comme César , avec lequel il a tant d'autres 
rapports, il a Ă©crit dans les camps et sous la tente ; 
comme Jui enchaĂŻner la fortune , commander Ă  
la victoire, frapper d'une main les ennemis de 
l'Ă©tat , et de Pautre relever les monuments des 
arts, mais sur-tout donner l’éxemple de la prĂ©- 
cision du style et de sa pureté, sont des traits de 


ressemblance qui n’échappent Ă  personne « 


’ e. . . . L2 
AprĂšs une rĂ©capitulation rapide, qui sert en mĂȘme 


temps de conclusion Ă  la premiĂšre partie, M. Gos- 


seaume commence ainsi la seconde : 


» Si les sciences physiques se sont majestueuse- 
ment avancées vers la perfection, on ne peut se 
dissimuler que les lettres et les arts qui tiennent 
à l'imagination , n’aient fait depuis bien des an- 
nées des pas rétrogrades. . . . . . . . . + « «+ « 
Depuis long-temps le goĂ»t des lettres s’était affaibli ; 
les grandes corporations , les congrégations qui 
les avaient cultivées pendant les siÚcles d'ignoran- 
ce , et qui nous en ‘avaient transmis le dĂ©pĂŽt 
eurichi de leurs profondes recherches , ces corps 
de JumiÚre qui avaient répandu le plus vif éclat 
dans des jours malheureux , s'Ă©taient presque en- 
tiÚrement éclipsés perdant les douceurs de la paix. 
le goût des jouissances domestiques avait éteint 
la soif dévorante de la gloire ; aussi depuis long 


temps ne comptons-nous dans la littérature fran- 


(28) 
” aise qu’un petit nombre d'ouvrages faits pour pas- 
» ser à la postérité, Les auteurs , trop faibles pour 
» créer , s'étaient restreint à compiler , pour faire 
» gémir la presse, et, proportionnant la nature et la 
» longueur de leurs ouvrages à l'indolence de leurs 
» lecteurs , avaient mis les sciences en dictionnaires , 


” en anecdotes, en porte-feuilles, en almanachs «. 


M. Gosseaume , pour Ă©tayer ces assertions , par- 
court les diverses branches de notre littérature , et 
voit malheureusement les preuves se presser sous 
sa plume. Nous ne le suivrons pas dans ces détails 
affligeants , et nous passons Ă  la consĂ©quence qu’il 
en tire pour exciter l’émulation parmi les membres 
auxquels ce discours s'adresse. 


» Et quand ces efforts généreux , poursuit notre 
» ConfrÚre , furent-ils plus impérieusement récla- 
# mĂ©s qu’au moment oĂč nous sommes obligĂ©s de 
” reporter nos regards sur les pertes immenses que 
» nous ayons faites «? Ici M. Gosseaume paie un tri- 
but d'honneur et de reconnaissance Ă  un grand nom- 
bre de nos ConfrÚres décédés pendant la révolution, 
et dont l'Académie regrette la perte ; puis, adres- 
sant la parole aux nouveaux Académiciens qui les 
remplacent , il s'exprime ainsi : 

» Nouveaux et savants CollÚgues destinés à nous 
» consoler de pertes aussi sensibles, tous les genres 


» de travaux , tous les genres de gloire vous at- 


2 


» tendent. Jamais, non jamais aucun lien ne dut ins- 
» pirer une plus vive ardeur , une soif plus dévo- 


Co 


» 


(29) 
rante de cet honneur qui nourrit les arts (1), que 
la terre fortunée des Corneilles, des Lemery , des 
Sanadon , des Basnage , des Jouvenet , des Fon- 
tenelle , des Lecat : c’est à l'ombre de leurs 
lauriers que nous sommes assis et que nous 
cultivons les sciences. Puisse le feu sacré qui em- 
brasa leur génie , échauffer au moins celui de leurs 
ÉLECTION MEL RO ER TOR PE NE EU PR 


» Nous commençons notre carriÚre, Messieurs, car 
le temps qui s’est Ă©coulĂ© depuis notre installation 
jusqu'aux vacances mĂ©rite Ă  peine d’ĂȘtre comptĂ©. 
Mais le public qui nous a permis de le consacrer 
Ă  notre organisation , a les yeux ouverts sur le 
travail qui doit la suivre. Sans doute que deux 
mois de repos ne seront pas perdus pour les scien- 
ces , les lettres et les arts , et que chacun de nous 
s'est préparé à payer noblement son contingent 
littéraire. Je vois ainsi, avec un secret orgueil , 
parce qu’entre nous l'honneur et la considĂ©ration 
sont solidaires , nos assemblées devenir nombreu- 
ses et nos sĂ©ances s’abrĂ©ger par la multitude de 
vos productions ; je vois la louange exciter l’é, 
mulation (2) , et chacun disputer le prix du tra- 
vail et de la diligence. . . , .. eee ee 


» Je m'identifierai donc à vos efforts, je me glo- 
rifierai de vos succés , et je verrai dans les uns 


et les autres le seul bienfait que vous puissiez 


© —————————————_—————————— —————  — 


Gi) Cic, (2) Quintil, 


(30) 
» ajouter au ministÚre honorable que vous m'aver 
» confié «, 


= Le mĂȘme nous a lu quelques observations sur 
les changements qui s'introduisent dans le langage 
français. 

» Presque toutes les nations de l'Europe, dit-il , 
» prononcent la voyelle U comme la diphthongue 
» (ou). Les français la prononcent comme simple 
» voyelle. Est-il sûr que cette prononciation ne soit 
» pas nouvelle ( demande notre ConfrÚre) , et ne 
» trouverions-nous pas dans un grand nombre de 
» mots français, sinon la preuve , au moins de fortes 
» présomptions que notre prononciation fut jadis Ja 
» mĂȘme que celle de nos voisins. . . . . .? Pour 
» traiter cette matiÚre à fond , il faudrait avoir bien 
» des connaissances que je n'ai pas, mais pour ne 
» prĂ©senter que des faits, il suffit d’avoir observĂ©. 


Vallee) e oo e ns 1.6) cie toie ie, oublie n'en iedpie) me detre 


» Il est une infinitĂ© de mots français dont l’origine 
» est visiblement latine , et dans lesquels PU a con- 
servé jusqu'à notre ùge la prononciation de la 
» diphthongue ou; je pourrais en faire une longue 
» liste, je me coritenterai d’en offrir quelques-uns : 
» bouche dĂ©rive visiblement de bucca , boƓillir de 
bullire, courir de currere , double de duplex , doux 


el 
2 


» de dulcis ; poudre de pulris , ete., etc. . . . .. 


» Je demanderai présentement par quelle sinçu- : 
» laritĂ© une grande quantitĂ© d’autres mots français , 


3) 


» 


(31) 
Ă©galement launs d’origine , n’ont pas conservĂ© la 
prononciation que conservent par-tout ailleurs leurs 
radicaux. 


» Culte vient manifestement de cultus , curieux de 
curiosus , dur de duru$, fumée de fumus , furie 


de furia , humain d'humanus , etc. , etc. . . . .. 


» Si j'avais , dit M. Gosseaume , une opinion à 
émettre , je dirais que les mots cités dans mes 
deux exemples ne me paraissent pas d’une ancien- 
neté égale , et les premiers cités me paraissent 
les premiers nés. 


» Je tirerais mes inductions , 1° de ce que les 
premiers expriment généralement des idées plus 
simples. . . . . Or , il est reconnu que les lan- 
gues contiennent un nombre d'autant plus grand 
de mots destinés à exprimer des idées complexes, 
que la civilisation a fait plus de progrĂšs, que la 
philosophie nous a plus familiarisé avec les abs- 
tractions , et que le luxe, en multipliant nos fan- 
taisies et nos jouissances , a contraint de multiplier , 
dans la méme proportion , les expressions qui en 


désignent les nuances , les conditions , les ré- 
sultats. 


» Je les tirerais en second lieu de la tendance 
qu'ont les ou représentatifs de la voyelle U à 
disparaĂźtre de notre langage. Le mot buxus , que 
tous les hommes qui parlent correctement expri- 


ment aujourd’hui par buis , se prononçait bouis du 
temps de Boileau. 


» 


” 


» 


» 


»” 


2» 


> 


- 


» 


2 


s 
- 


(5) 
ft deux fois dans sa main le bouis tombe en morceaux. 


» Nous disons encore donner le bouis pour unir ;, 
polir, adoucir. 


» Le mot fouteau , fagus , a disparu de notre 
langue ; son dérivé futaye a quitté sa prononcia- 
tion primitive. 

» Une observation qui tendrait à prouver que 
parmi nous PU a pu se prononcer généralement 
enou , est celle-ci : dans certains cantons de notre 
Normandie , oĂč les usages nouveaux ne pĂ©nĂ©- 
trent que lentement, le peuple est encore dans 
l'habitude de prononcer l’article du comme. dou , 


et il dit familiĂšrement dou pain , dou sel , dou 
bois , etc. 

» Un examen sévÚre nous montre que les langues 
en général, et en particulier la française , marchent 
vers la simplicité et le dédoublement des lettres 
doubles. On commence Ă  imprimer complĂšte par 
un seuls , on en employait deux autrefois ; il 
en est de mĂȘme pour beaucoup de mots ana- 
logues. 

» Si, bien des fois, on a changé la prononciation 
de l’ou en “ , souvent on n’a fait que l’adoucir en 
lui substituant une diphthongue moins rude. C’est 
ainsi que gallois a été substitué à gallous ; et la 
premiÚre L changée en U , nous a eufin donné 


le mot gaulois. 
» Toutes 


352} 
» Toutes les langues doivent fournir des exemples 
» de ce dédoublement de lettres pareilles , ou de 
» Ja substitution d'une autre lettre Ă  l’une d'elles , 
» au moins dans la prononciation. La langue grecque 
» en ofire comme la française, Je citerai ayyéro , 


D 25/79/07 Ă  ELCe, » vie eo ve, see oĂč | eyageise 


» C'est le sort des langues vivantes d’éprouver 
» des changements et des altérations successives. 
» Le latin de la loi des 12 tables ne ressemble guÚre 
» à celui de Cicéron et de Salluste , et il serait pos- 
» sible de bien entendre Les harangues sublimes de 
» lorateur romain , et de ne pas traduire les lois 
» de Numa. 

» La 5° etla 8° que je copie ici, me serviront de 
» preuve. 

5° Pelex azam Junonis neï tagito, Si tagit , Junoni 
crinibos demiseis acnon fƓminam <édito. 

8 Pisceis quei squamosei non sient nei poluceto. 
Squamosos omneis prĂŠter scarom poluceto. 

» Mais en voici plus qu'il n’en faut pour prouver 
» le principe d'Horace , 


Multa renascentur quĂŠ jam Ă©ecidere , cadentque 
QuĂŠ nunc sunt in honore vocabula ; sic volet usus. 


— Le mĂ©me directeur a communiquĂ© une traduc- 
tion en vers français qwil a faite du joli poëme latin 
de Jacques Catz , dont feu M. BalliÚre a publié la 
derniÚre édition. Ce poÚme , intitulé : Monita amoris 
virginei , a été le fruit des délassements d'un homme 

S. publ. 1804. C 


(51) 
d'ébord attaché au barreau et devenu célébre dans 
la diplomatie , et la traduetion en est due Ă  la com- 
plaisance et à quelques instants de loisirs dérobés à 
de graves et utiles occupations. 


= M. Peugnot ; prĂ©fet ĂȘt vice-directeur , a lu un 
Mémoire-sur les opinions relisieuses répandues dans 
le département de la Seine-Inférieure ; il ÿ développe 
leur influence sur les mƓurs des habitants. Ce MĂ©- 
moire , qui n’a point Ă©tĂ© dĂ©posĂ© au secrĂ©tariat , et 
dont nous regrettons de ne pouvoir donner une ana- 
lyse Ă©tendue ,; ce MĂ©moire , Ă©loquemment Ă©crit , 
offre des portraits vrais et flatteurs pour les citoyens 
de ce département ; on y remarque un observateur 
dĂ©licat et profond ‘qui sait embrasser l'ensemble des 


objets, et Ă  qui les dĂ©tails n’échappent point. 


= Le méme a communiqué quelques fragments 
d’un ouvrage dans lequel il peint le caractùre de dif- 
férents personnages avec la plupart desquels il a 
vécu et conversé lors de sa détention à la con- 
ciergerie de Paris. Il y trace, avec vigueur et senti- 
ment, les portraits de ces mémorables victimes de 
la révolution, de lillustre Bailly, du général Hou- 
chard , de Marie-Antoinette , de madame Rolland , 
etc:", -Ă©tc. 

Les réflexions saines , justes, vraies , fines et 
délicates qui assaisonnent le récit souvent piquant 
par des anecdotes peu connues, tout fait présumer! 


que cet ouvrage , quand il paraitra , sera lu avec 
le plus grand intĂ©rĂȘt 


(55) 

= Nous nous faisons un devoir et un plaisir d'an- 
noncer au public qu'un des membres de l'Acadé- 
mie, qui, pour l'instant, dĂ©sire rester iuconou Ù 
va publier incessamment deux ouvrages , tous deux 
terminĂ©s , tous deux prĂȘts Ă  Ă©tre mis sous presse. 
Le premier est un ample supplément aux ouvrages 
de Placcius et de Myiius, concernant les auteurs 
pseudonymes ; le second est une notice générale rai- 
sonnée de toutes les Jlcres qui ont paru jusqu'à ce 
jour, 


M. Descamps , conservateur du Muséum de 
cette ville et Académicien résident » à lu un frag- 
ment d’un ouvrage qu'il Ă  fait pendant son sĂ©jour 
Ă  Rome ; et qui a pour objet l'examen de divers 
morceaux d'architecture , de peinture et de sculp- 
ture qu’ofire cette ville cĂ©lĂšbre ; le fragment qu’il a 
communiqué est une description du groupe appelé 
le Taureau de FarnĂšze, 

» Ce groupe » Qui représente, de grandeur natu- 
» relle , Amphiou et Zéthus fils d'Antope , dans le 
» moment qu'ils préparent le supplice de Dicée, est 
» d'un seul bloc , et, en lexaminant bien » il n’est 
» pas possible d’en douter; ma's il a tellement Ă©ouf- 
» fert qu'il reste à peine de quoi porter un juge- 
» ment:certain sur la beauté de l'ouvrage grec, 
» puisqu'il a Ă©tĂ© Prestu’entiĂšrement restaurĂ© par 
» J, B. Bianchi , milanais, qui r’excellait pas dans 
» la, connaissance de l'antique. Malgré cela on peut 
» cĂŒcore reconnaitre le beau style des grecs, et 

a 


C56) 

» confirmer le jugement que Pline en a porté... ... 
» En gĂ©nĂ©ral , ce groupe n’est pas une belle chose, 
» cela ne détruit point la réputation de ses auteurs ; 
» dont une inscription portait les noms ainsi que 
» ceux de leur pÚre et de leur maitre. Il ne reste 
» plus que la pensée de leur premier ouvrage ; 
» mais cette pensée est belle et bien rendue. Ce bloc 
» est hardi et prouve Phabileté des artistes qui fu- 
» rent chargĂ©s d’un tel ouvrage «. 

Il n'y a que les artistes qui puissent vraiment 
décrire les monuments des arts , parce que leurs 
descriptions sont ordinairement accompagnces de 
ces réflexions qui forment le goût des élÚves et 
mĂȘme des connaisseurs. 

VoilĂ  pourquoi les ouvrages de Cochin, de Mengs 
et de Winckelman seront toujours lus avec le plus 
grand profit. 

= M. de Saint-Victor , académicien résident, a lu 
un mémoire sur cette question : » les monuments nu- 
mismatiques de tout module et de tout métal qui 
nous restent des anciens peuples et particuliĂšrement 
de la RĂ©publique romaine et des Empereurs ro- 
mains , Ă©taieut-ils , Ă  l'Ă©poque de leur fabrication , 
des médailles proprement dites dans le sens et 
l'interprétati on moderne ; ou bien étaient-ils de vé- 
ritables espĂšces courantes et des monnaies en cir- 
culation ? « Notre CollÚgue , dont le mémoire mwa 
point été déposé au secrétariat , et que nous regret- 


tons de ne pas faire parler lui-mĂȘme , soutient 


(37) 
l'affirmative de la derniÚre partie du probléme ; et 
la preuve convaincante de ce qu’il avance est ce 
grand nombre des mémes médailles trouvées par- 
tout oĂč les armĂ©es romanes ont fait quelque sĂ©- 
jour. 


Cette maniĂšre d'instruire les nations les plus Ă©loi- 
gnées et les races futures des évÚnements qui 
intéressaient la République ou l'Empire, était bien 
digne de ce peuple conquérant et superbe. M. de 
Saint-Victor fait voir combien cette sorte de mon- 
naie l'emporte sur les monnaies des peuples mo- 
dernes , dont les types et les inscriptions sont ab- 
_ solument nuls pour lhistoire. 


= Le mĂȘme a prĂ©sentĂ© un exemplaire imprimĂ© de 
notices historiques sur MM. Auber et Broche , qu’il 
a lues, comme secrétaire , à la séance publique de 


la Societé libre d'émulation de cette ville. 


= Le mĂȘme nous a lu la traduction en prose d’un 
fragment du poëme latin d'Abraham Remy , poëte du 
XVIIe siĂšcle , sur la descente des anglais dans l'Isle- 
de-Rhé en 1624. On ne peut que savoir gré à M. de 
Saint - Victor d’avoir tirĂ© ce petit poĂ«me de les- 
pĂšce d’oubli dans lequel il Ă©tait tombĂ© , et de l'avoir 
rajeuni par sa traduction. 

= À cette occasion , M. de Couronne, secrĂ©taire, 
a lu une notice sur la personne, et des réflexions 


sur les ouvrages d'Abraham Remy, né à Beauvais. 


= Le Prospectus d'un cours de dessin, de pein- 
I 
G 3 


C5) 
ture et d'architecture , a été présenté par MM. V'au- 
quelinet Desoria, Académiciers résidents, La Compa- 
gnie n'a pu qu'applaudir au zÚle de deux artistés 


avantageusement connus par leurs talenis. 


= M. d’Ornay a lu un MĂ©moire ‘sur l’abus de 
certains mots noufeaux introduits . depris qrelque 
temps dans la langre française. I y montre que, 
loin de l'enrichir, cette espĂšce de superfitation ve 
tend qu'Ă  lui ĂȘter sa puretĂ© et sa justesse , son Ă©lĂ©- 
gance et son harmonie ; puisque , comme il le re- 
marque fort bien, aucuns de ces mots non seule- 
ment ne se trouve dans les bons Ă©crivains des 
siùcles de Louis XIV et de Louis XV, mais qu’on 
ne les trouve pas mĂȘme dans nos auteurs actuels 
qui jouissent de quelque rĂ©putatiou. D'oĂč notre 
CollĂšgue conclut qu'il faut proscrire absolument 
toutes ces expressions nouvelles qui né peuvert que 
déshonorer une langue devenue celie de l'Europe 


entiĂšre. 


— M. NcĂ«l a communiquĂ© une imitation en vers 


français d’un poĂ«me de Gray. 


= M. GCourdin, Académicien résident , a présenté 
des Observations bibliographiques, sur la premiĂšre 
édiuon des ouyrÀges de Vincent de Beauvais, en 
particulier sur celle du Speculum historiale de 1475 , 
en quatre yolumes , par Mentellin Ă  Strasbourg , 
et sur son Aérégé qui a paru chez Koberger , en 
1455 ; Ă  Nuremberg. 


(39) 
Le mĂȘme en fait d'autres sur l'Ă©dition du livrĂ© 
de Saint-Augustin , de civitate dei, publiée à Venise 
en. 1470 , par-Jean et Vindelin de Spire. 


LA 
Ces notices bibliographiques font partie de celles 
des ouvrages du XVe siĂšcle que possĂšde la biblio- 
theque publique de cette ville. 


= Le mĂȘme a lu une Dissertation sur l’origine 
de l'écriture alphabétique. Il ÿ'examine quand , 
comment , par qui, chez quel peuple lécriture al- 


phabctique a pris naissance. 


AprÚs avoir rapporté et discuté les opinions di- 
verses des savants anciens et modernes, il montre 
que sur cet important problĂ©me on n’a guĂšre que 
des conjectures, des probabilitĂ©s plus oĂč moins in- 


géuieuses , plus ou moins satisfaisantes, 


= Nous avons reçu d'un Académicien résident, 
un conte moral, intitulĂ© : Æpistius , ou le Favori. 

Ce conte , ou plutĂŽt cette fable dans le genre 
oriental , qui prouve beaucoup d'imagination , offre 
plusieurs vérités intéressantes. 

» On en peut recueillir, dit notre collÚgue, qu'à la 
» cour , les contrats d'amitié, de quelqu'apparence 
» qu'ils soient revétus , ont peu de solidité. . « . ; 
» que souvent le bonheur naßt de causes qui sem- 
» bleraĂŻent faites pour le dĂ©truire. . . . . . ; qu’en 


» bien et en mal-la surface des actions peut n’avoir 


> 


mĂȘmĂ© aucun rapport avec la moralitĂ© , la vertu 
CG 4 


_C40) 
» se cachant quelquefois sous l'enveloppe du crime, 
» moins souyent pourtant que le crime sous celle 
» de la vertu. .... On pourrait aussi en con- 
» clure, ajoute-til, que les conseils d'une femme 
» prudente et vertueuse valent la peine que son 
» mari y fasse la plus grande attention. Enfin les 
» savants y remarqueront, selon l'auteur, qu'un fait 
» de l'histoire peut ĂȘtre substantiellement vrai , 
» quoique les siÚcles, en roulant sur Jui, y aient 
x dĂ©posĂ© le limon d’une foule de circonstances dif- 
» férentes et contradictoires. « 


= M.'Boistard de Glanville , Académicien résident, 
avant d’appartenir Ă  la Compagnie, lui a adressĂ© 
des considérations sur la musique, dont MM. Jamard, 
Lallemant , Gruyer ont fait un rapport trés-fayora- 
ble , et M. l'abbé Lallemant , à cette occasion, a 
donné des observations , lesquelles forment presque 
sur le mĂȘme sujet un mĂ©moire nouveau Ă©galement 


intéressant, 


Le dessein de M. de Glanville , dans soh mĂ©moi-’ 


re, West pas de faire un traité de musique; il 
n’assigne pas de rĂšgles , il’ n'indique pas de prĂ©- 
ceptes : son ouvrage est entiérement de sentiment. 
Des observations sur l'imitation musicale , sur le 
caractÚre des instruments , en un mot , différentes 
idées sur Ja musique qui lui ont paru neuves , 


composent cet opuscule. 


AprÚs uve légÚre excursion sur le domaine de la 


(41) 


. 


musiqué ancienne , il traite un peu plus à fond la 


moderne. Il essaie de prouver que l'harmonie est 


dans la nature , l'accord parfait nous Ă©tant fourni 


par elle. Voici comme il s'exprime dans ce passage : 


» 


» Quoique nos découvertes en harmonie aient 
de beaucoup précédé la découverte de la réson- 
nance multiple du corps sonore , l'oreille l'ayant 
pressentie avait appris Ă  se former les rĂšgles de 
cet art, Il en aura été de l'harmonie comme de 
la littérature : le goût avait enseigné à bien écrire 
long-temps avant que la rhétorique eût indiqué 
les moyens de donner de l'ame et de l’ordon- 
nance au discours. L'accord parfait flattait singu- 
liÚrement notre organe. Le goût avait porté son 
jugement ; mais l'esprit ne s'Ă©tait pas encore rendu 
compte du plaisir qu’il lui faisait Ă©prouver. Vint 
ensuite la découverte du corps sonore ; on sap- 
percut que la percussion d’une cloche laissait 
entendre , outre le son principal , l'octave de la 
quinte , et la double octave de la tierce ; ce fut 
une confirmation de la justesse de nos sensations , 
et l'expĂ©rience vint mettre le sceau sur les arrĂȘts 
que le PodPiHONS avait dictées .1..44ete » à e à 
J'avoue néanmoins que la nature qui nous fournit 
l'accord parfait , ne nous donne pas avec autant 
de clarté l'origine des dissonnances que les pro- 
grùs de l’art ont introduit dans l'harmonie ; mais 
il suffit que les premiers principes nous soient 
fournis par elle ; c’est Ă  nous Ă  dĂ©velopper , Ă  


Ă©tendre les premiĂšres donnĂ©es qu’elle nous offre. « 


(LCD \ 


AprÚs avoir parlé de la musique en général, Pau- 


teur nous transporte sur la scĂšne pour ĂȘtre tĂ©moins 


des elfets que cet art y produit. Il parle successive- 


ment des diverses parties qui forment un opéra : l'ou- 


verture , l'aria , le réciatif , les scÚnes muettes. 


Voici , par exemple, ce quil dit sur,le récitatif : 


» LĂ© rĂ©citatif , la partie la plus importante ‘du 


-and opéra : le récitatif, si négligé par le com- 
“ ; > SNSe I 


positeur, si négligé par l'acteur , est cependant 


la déclamation ramenée à ses plus jnstes* into- 
vatons , et maintenue dans ses véritables bornes 
par l'harmonie, Nous voici de nouyeau transportés 
dans lPantiquité. Quand , accompagné par ue 
flùte , Pacteur déclamait des vers de tragédie , ce 
n’était, ce ne pouvait ĂȘtre que notre rĂ©citatif, , » ce 


L'auteur defcend ensuite dans l'orchestre pour en- 


trer dans quelques détails sur l'expression propre à 


chaque instrument. Le cor, la flûte, le hautbois , 


Je 


21 


>» 


» 


» 


» 


» 


» 


basson , ont, selon lui, leur caractĂšre particulier. 
Mais un instrument appelé trombone , ajoute-t-il , 
instrument usité dans tout orchestre complet , 
surpasse tous les autres par ses effets : il impri- 
me la terreur la plus vive. Veut-on faire paraitre 
tout le cortĂšge infernal ? Que deux ou trois trom- 
bones se mettent Ă  sonner , vous croirez enten- 
dre la voix de tous les satellites de Pluton, 

» Une ombre sort-elle par son ordre du ténébreux 
empire pour venir porter aux yivañts l’irrĂ©vo- 


cable arrét du destin, ou les ordres les plus sac. 


Lt Ă  


JET 


C43) 
“ * . . . À L 
n crés que puisse intimer un pÚre mort , un roi 
» malheureux , le trombone seul concentre encore 


» davantage notre douleur «. 


AprÚs avoir parlé des différentsgrhÿtmes musi- 
caux et de leur caractùre , .il finit par prendre l’o- 
péra dans son ensemble , et comparer briÚvement la 
touche de composition des deux nations les plus 
renommées sous le rapport de l'art : l'Italien et 
l'Allemand, 


C'Ă©tait ainsi que devait finir un ouvrage dans le- 
quel on <e propose de considérer l'art sous plusieurs 
rapports à la-fois ; l'unité n'était point de rigueur, 
D'ailleurs , ce titre : considérations sur la musique , 
donnait Ă  lPauteur toute la latitude quil pouvait 
désirer. 


= Le méme M. de Glanville a lu un discours 
ayant pour titre : de l’influence de la poĂ«sie sur le 
moral des peuples. 

On n'a que trop considéré la poësie sous le rap- 
port de l'esprit. L'auteur s'attache dans ce discours 
à développer ses effets moraux. Il lui est facile de 
trouver chez les peuples anciens*des exemples mul- 
tiplics des prodises qu’elle operait sur les esprits. 
Dans ce temps le poÚte était philosophe , législa- 
teur, réubissait sur sa personne tous les ayautages 
que donnent le savoir et le génie, 

Les HĂ©breux, les Grecs, les Bardes figurent suc- 


cessiyement dans ses tableaux. Il s'attache prinçi- 


C4 
palement aux premiers. AprĂšs avoir , selon les re- 
marques savantes des docteurs Lowth er Blair, fait 
observer dans ces morceaux sublimes le disjecti 
numbra poëlÊ 7 (us comme il s'exprime : 

» Ce qui s'appelle verset dans les pseaumes , pa- 
rait correspondre à ce que les Grecs ont appelé 
» strophe. La symétrie du verset ,. l'analogie des 
» deux parties qui le composent , ainsi que leur 
» opposition , était certainement trÚsfavorable à 
» Fexpression musicale ; aussi quand la harpe 
» d'Asaph, quand celles de toute la tribu de Lévi 
» soutenaient et accompagnaient de tels chants , 


» quels effets devaient en rĂ©sulter ? Quand d’ailleurs 


- 


» le poĂ«te , inspirĂ© de Dieu mĂȘme , communi- 
» quait à tous les assistants le feu dont il était em- 
» brùsé , l'enthousiasme ne devait-il pas étre uni- 


» versel? Lorsque l'Israëlite fidÚle entendait l'énu- 


1 


2 


” 


méraion pompeuse des bienfaits dont le Ciel 


3 


” 


Pavait comblé dans tous les temps , quels devaient 


» ĂȘtre les justes transports de sa reconnaissance ? « 


Ces prodiges sont loin de nous, et nous ne les 
voyons plus se retracer. Cependant l'auteur, dans le 
dessein de prouver que tout peuple d’une imagination 
vive et sensible obéira encore aux impressions vic- 
torieuses du premier des beaux arts, cite ce! exem- 


pie Ă  Pappui de son opinion : 


» Dans plusieurs villes de l'Italie , dit-il, et no- 
» tamment Ă  Naples, il arrive souvent de voir l’ar- 


»” san quitter son atelier et le lazzaroni son parvis 


; 


»” 


2 


» 


ni CAES) 
pour entendre de vrais rapsodes qui chantent ou 
déclament les plus beaux morceaux de la Jérusa: 
lem du Tasse. L'assemblĂ©e prĂȘte d'abord une 
oreille attentive. BientĂŽt elle se transporte , et 
l'enthousiasme augmentant par degrés , chacun se 
déclare le champion de son héros. Le parti de 
Renaud s'oppose au pari de Tancréde., et il 
n'est pas rare de voir employer les voies de fait 
pour défendre une opinion soutenue de part et 


d'autre avec la derniÚre chaleur «. 


Ce n’est plus parmi nous qu'au thĂ©Ăątre , poursui 
» P suit 


l'auteur , oĂč la poĂ«sie puisse encore dĂ©velopper 


richement ses moyens . 


» Je ne parle pas ici , dit-il, du but moral dans 
sa plus simple acception. Il sera rempli si le poëte 
a su diriger Ă  propos les moyens puissants que 
l'art Jui fournit. Je parle de ces Ă©lans subits d'en- 
thousiasme auxquels se livre toute une assemblée ; 
de ces impressions ou de terreur qui pénÚtre nos 
ames , ou de compassion qui nous fait verser des 
larmes involentaires. C’est Ă  la poĂ«sie que l’on doit 
ces Ă©tonnants eflets ; c’est elle qui sait exprimer 
dignement tout ce qu'il y a de grand en nous, 
C'est elle qui sait faire correspondre la noblesse 
des expressions à la noblesse des pensées , l'é- 
uergie du style Ă  l'Ă©nergie des sentiments , le 
dĂ©sordre des inversions ‘au dĂ©sordre du langage 


passionné «, 


L'auteur parle ensuite du genre didactique. En- 


\ 


C46) | 
seigner est son but; mais cet enseignement Vapplie 
quant à une infinité d'objets , les analysant, pars 
courant toutes leurs branches , réclame une atten- 
tion calme. La poĂ«sie n'a donc plus ici d'autres avan” 
tages que celui de parer des couleurs les plus at- 
trayantes des préceptes toujours secs et souvent 
rebutants par eux-mĂȘmes. 


Cosi all' egro fanciul porgiamo asperst 
Di soave licor gli orli del vaso 
Succhi amari ingaunalo inlanlo ci beve. 


E dall' inganno suc vita riceve. 


» Les idées poétiques, dit encore l'auteur, em- 
n belliscent tout ce qu'elles tonclent. Elles seules 
» savent faire intervenir Pimagination dans les sujets 
» oĂč l’on croirait que Île jugementseul devrait exer- 
» cer ses droits. Elles ne doivent toutefois pas 
» alors troubler la raison dans ses méditations , en- 
» core moins tenter d’obseurcir ses lumiĂšres Ăż 
» mais quel secours ne Jui prĂȘte-t-elle pas ,; par 
» exemple, dans ces moments oĂč l'esprit , las de 
» préceptes, a besoin de sortir de la sphÚre circons= 
» crite des abstractions pour sétendre en liberté 
» dans un domaine plus vaste? C'est alors qu’une 
»,agréable digression le repose de ses fatignes , et 
» lui permet de recouvrer de nouvelles facultés 
» méditatives et intellectuelles «. 

AprÚs avoir passé en revue les autres genres de 
poësie, l'auteur termine ainsi : 


(47) 

» Le poĂ«te peut donc encore exercer sur nos €s- 
» prits un certain degré d'influence. Heureux sil 
» sait toujours s'acquitter dignement de la tùche 
» qu'il s'est imposĂ©e, et s’il ne prostitue pas au 
» vice la plume qui lui fut mise entre les mains 
» pour porter à la vertu et aux actions généreuses; 
» mais s’il se rend autant recommandable par la 
» pureté et la noblesse de ses sentiments que, par 
» la sublimité de son génie , PRE MEN toute 
» notre estime , regardons-le comme un bicufaiteur 
» de l'humanitĂ© «,. ‘ 


= M. Formage , Académicien résident , a fait don 
d'un exemplaire imprimé de ses Fables. L'Institut 
de Paris, en les insérant au nombre des ouvrages 
‘qui lui ont ctĂ© offerts , annonce bien le jugement 
favorable que l'on en doit porter. 


= M. Bignon, Académicien résident , a présenté 
es deux premiers cahiers imprimés de son Zssai 
d’un cours abrĂ©gĂ© de Grammaire gĂ©nĂ©rale. Cet ou- 
yrage , fruit d’une longne et profonde mĂ©ditation , 
et annoncĂ© sous un ĂŒtre beaucoup trop modeste, 
Wétait destiné qu'aux élÚves de notre CollÚgue, 
Voilà , sans doute , pourquoi il est peu répandu ; 
mais tous ceux A l'ont lu avec attention attendent 
avec impatience que l’auteur publie la suite de cet 
important ouvrage. 


= M: Boinvilliers | Correspondant de l'Institut , 
Censeur des études au Lycée d'Orléans, et Acadé« 


(48) 

micien non résident , a adressé à l'Académie dif- 
férents ouvrages imprimés de sa composition , tels 
qu'une Crammaire raisonnée , théorique et pratique de 
la langue française ; une Grammaire latine aussi 
théorique et pratique ; FabulÊ PhÊdri et Faerni dont 
il est l'éditeur et auxquelles il a ajouté des notes; 
un Manuel latin oĂč Choix de composition française, 
et Recueil de Fables et d’Histoires latines. 


= Le mĂȘme, lorsqu'il ctait Censeur des Ă©tudes 
au Lycée de Rouen, nous a ju la Description topo= 
graphique du royaume de poësie , allégorie ingénieuse, 
écrite avec goût ; des Observations grammaticales 
touchant diverses incorrections dans le langage. 

Notre CollÚgue nous a communiqué aussi diffé 
rentes piÚces de poësies de sa composition , telles 
que les Fleurs Epoux ; une Imitation poëtique de 
la XIe satyre d’Horace ; le Cigne et l’Oie , fable 
imitĂ©e de FaernĂ© ; une Æptre imitĂ©e de Pline ; 
V'Ours et La Levrette , fable ; une Romance Ă  un 
jeune enfant qui vient de perdre la plus tendre des 
mĂšres , que nous allons trapscrire pour faire con- 


naütre la maniùre de l’auteur : 
A tes pleurs donne un libre cours ; 
Qui, cher enfant, la parque inexorable 
A tranché le fil de ses jours, 
Et pour toujours 
Tu perds une mire adorable, 


O souvenir fatal Ă  ton repos ! 


Elle 


€ 
LE 


{ 49) 
Elle a cessé de vivre ; 
Tu l'aimais , tu n'as pu la suivre : 


Mais en pleurant tu soulages tes maux. 


Vois ce tertre ombragé de fleurs ; 
La pour toujours repose en paix sa cendre; 
Plus de baisers , plus de douceurs, 
Et vos deux cƓurs, 
HĂ©las ! ne pourront plus s'entendre, 
O souvenir fatal Ă  ton repos ! 


Ælle a cessĂ© de vivre , etc. 


Tu vis pour jamais oublié ; 
MĂȘme Ă  cette heure oĂč tu verses des larmes , 
Tu n'excites plus sa pitié, 
Et l'amitié 
A perdu pour toi ses doux charmes, 
O souvenir fatal Ă  ton repos ! 


Elle a cessé de vivre , etc. 


C’'en est donc fait ! plus ne diras : 
» Je suis heureux, quel plaisir ! je te serré, 
» Belle maman, entre mes bras. . . 
Hélas ! hélas ! 
Pauvre enfant , tu n'as plus de mĂšre. 


O souvenir fatal Ă  ton repos ! 


Elle a cesse de vivre, etc, 


Du fend de ces bosquets fleuris, 
Grand Dieu ! j'entends nne voix lamentable ! 
PrĂȘtons l'oreille , je frĂ©mis, , . . 
» O mon cher fils, 


S. publ, 1804. D 


(50 ) 
» Ta douleur me plait et m'accable. 
» Privé d'appui, tu tombes, par ma mort, 
» Aux mains d'une étrangÚre ; 
» Mon fils, si la vertu t'est chere, 


» Je plaindrai moins ta détresse et mon sort. 


— M. Gosseaume , directeur , ouvrit la sĂ©ance du 


26 floréal, par un discours sur l'utilité et les char- 


mes de l'Ă©tude. Nous allons en extraire quelques 


morceaux, 


»” 


» 


1) 


2) 


LA 


12] 


» 


2) 


2 


1» 


» 


2) 


» 


2) 


2) 


2) 


2 


ET 


» 


» La culture des sciences et des lettres, dit notre 
ConfrÚre , présente tant de douceurs , malgré Ja 
continuitĂ© du travail qu’elle exige , que je croirais 
abuser. de vos loisirs si j'employais de longs dis- 
cours pour vous en présenter les preuves. La cu- 
riosité est naturelle à l'esprit , et la vérité est né- 
cessaire au cƓur de l’homme. Avec ces deux 
mobiles il est capable de tout entreprendre et de 
tout oser , et quand, d’un autre cĂŽtĂ©, on considĂšre 
que tout ce qui l'environne est Ă©nigme et mys- 
tÚre pour lui, on le voit pressé par un nouvel 
aiguillon qui ne lui laisse aucun repos tant qu’il 
n'a pas fait la conquĂȘte qu’il mĂ©dite ........ 
Tels sont les motifs qui font oublier Ă  l'homme 
laborieux que le printemps a des charmes , que 
la campagne a des attraits, que la société a des 
douceurs. Et cependant , les succÚs obtenus , payés 
souvent par les plus grands sacrifices, ne vertissent 
pas toujours au profit individuel de celui qui les 


» 


2 


» 


1» 


» 


» 


? 


- 


2) 


1» 


2» 


» 


LL 


= 


»” 


(51) 
a mérités; souvent un spéculateur adroit vient 
recueillir la moisson que le premier a fait croi- 
tre, .,...,.,. Qu'importe , son ardeur ne se re- 
froidira pas , son zĂšle s'accroĂźt par les obstacles : 
tel le chÚne sourcilleux mutilé par le fer, battu 
par les tempĂȘtes, n'en relĂšve qu'avec plus de vi- 
gueur sa cime altiĂšre (1); tant il est essentiel Ă  
l'homme qui sait penser de rechercher la vérité, 
de compl'ter ses connaissances , d'agrandir son 
commerce avec la nature et de s'associer À ses 


merveilles. , 0 


À cĂŽtĂ© de ce phĂ©nomĂšne vient s'en placer un 


sĂ©cond non moins extraordinaire , c’est que ra- 
rement une fortune considérable se trouve réu- 
nie Ă  de grands talents. Il semble que la nature 
avare de ses dons ceraigne de les confier Ă  des 
mains opulentes. Trop de moyens conçourraient 
Ă  lui arracher le secret qu'elle parait s'obstiner 
Ă  garder : presque toujours elle tempĂšre la soif 
de la science par la médiocrité des ressources pé- 
cuuiaires , la grande facilité de conception par la 
paresse ; et si, d'un cÎté, elle nous appelle à la 
contemplation de ses merveilles par léclat dont 
elle les enviroune , d'une antre part , elle multi- 
plie les difficultĂ©s qui nous empĂȘchent de nous 


les approprier , et, en dépit de tant d'obstacles , 


eq qe er nm 


Cr): Hors’ od, 4, 4. 


(52) 

» le travail aplanit le chemin , la raison agrandit 
» son domaine ; chaque jour des vérités conquises, 
» des erreurs rectifiées viennent attester le pou- 
» voir de l'application , et payer à lhomme stu- 
» dieux le centuple de ses peines «, 


Notre ConfrÚre montre par des exemples célÚ- 
bres que le plaisir de l'Ă©tude tient de prĂšs Ă  celui 
de communiquer ses connaissances (1) , d'oĂč il dĂ©duit 
la formation des Sociétés savantes , et a l'espérance 
de faire passer son nom à la postérité. Du concours 
des talents il fait naĂźtre l’'Ă©mulation ; maĂŻs gardons- 
nous, dit-il , de confondre cet aiguillon précieux 
avec la rivalitĂ© ou la jalousie : » L’'Ă©mulation est la 
» conspiration des cƓurs honnĂȘtes pour le pro- 
» grĂšs des sciences ; elle fait courir la mĂȘme car- 
» riĂšre Ă  des hommes qui savent s’estimer , et les 
» fait contribuer sans chagrin à leurs succÚs res- 
» pectifs , telle la pierre rend l'acier tranchant , 
» tel l'acier fait jaillir l'étincelle de la pierre. ...... 
» Que l'étude est belle à ce prix , et que la con- 
» currence qui repose sur ces bases respectables en 
» relÚve encore les attraitsu! ,..,..,... 


Ce n'est pas encore assez , dit notre ConfrĂšre, 
pour l’étude , d’ĂȘtre dĂ©gagĂ©e de toute espĂšce de ri- 
valité, il veut que l'amitié en relÚve encore les 
douceurs dansles Sociétés savantes, » L'amitié , dit-il ! 


» Quel mot viens-je de prononcer ! Oui , Messieurs, 


(1) Seneq. Epist. 6. Hor. Od, 3. 30. 


(53) 


n l'amitié fait la douceur de toute société , et sans 
» amitiĂ© il n’est point de sociĂ©tĂ© durable (1) «. 


C'est d’aprĂšs le mĂȘme orateur que M. Gosseaume 


résume en finissant les bienfaits de l'étude. » Quand 


» 


” 


” 


LL 


»” 


n” 


” 


LL 


» 


» 


» 


» 


» 


2) 


»” 


» 


» 


les arts libéraux ne nous procureraient pas des 
avantages infinis, quand on ne les cultiverait que 
comme un simple dĂ©lassement de l'esprit, ils n’en 
seraient pas moins dignes de l'homme qui a reçu 
une éducation soignée. Les autres plaisirs ne sont 
ni de tousles Ăąges, ni de tous les temps: les Ă©tudes, 
au contraire , sont l’aliment de la jeunesse com 
me la douceur des vieux ans; elles embellissent 
nos jours prospĂšres et nous consolent dans le 
malheur ; sources de bonheur domestique , sans 
embarras pour le dehors , elles font le charme 
de nos veilles , de nos voyages , de nos loisirs 
champĂȘtres (2) ........RĂ©unissons-nous donc ;, 
Messieurs, dans la mĂȘme pensĂ©e que le travai} 
est le but de notre institution. ..... FidĂšles Ă  
nos engagements et dignes de la considération pu- 
blique , nous ferons envier nos jouissances et re- 
chercher notre Société, ...... Nous recueille- 
rons eufin la double récompense que nous de- 
vons ambitionner , les connaissances agréables 
qui font l'ornement de l'esprit, et les affections 
dĂ©licates qui font le charme du cƓur «. 


(1) Cicéron , de amicitia , n° 20, n° 100, 
(2) Cicéron , pro Archià peetà, n° 16, 


D3 


(54) 


N! GAL PrE"Ss 


Sur diffĂ©rents Membres de l’AcadĂ©mie , dĂ©cĂ©dĂ©s 


depuis sa suppression jusqu’à son rĂ©tablissement, 
Par M. GovrpDirn. 


Pendant le long espace de douze années qui se 
sont écoulées depuis la suppression de l'Acadrmie 
jusqu’x son rĂ©tablissement , elle a essuyĂ© des pertes 
bien douloureuses. 

Un usage Ă  jamais respectable nous impose la 
tùche pénible autant qu'honorable de vous ertreteir 
des talents, des vertus de nos Cullùgues qui‘re sont 
plus. Malheureusement nous ne pouvons nous ac- 
quitter , comme nous le dĂ©sirerions , d’une dette 
si chĂšre. 

L'assemblée qui nous écoute les a presque tous 
connus , et les rappeler, Messieurs , Ă  votre sou- 
veuir, c’est rappeler vos regrets ; et qui peut les 
louer plus dignement ! 

Il y avait déja nombre d'années que M. Awer 
appartenait Ă  l'AcadĂ©mie lorsqu'elle cessa  d’exis- 
ter. Une nouvelle Société de savants et d'hommes 
de lettres se hùta de se lassocier, et il en mérita 
si bien qu’elle s'est empressĂ©e de payer Ă  sa mĂ©- 
moire le tribut , j'oserais presque dire, de recon- 
naissance dont il s'Ă©tait rendu digne Ă  tant de ĂŒtres 


) C5 5, 
M, Lecarpentier > professeur de l'Ă©cole de 
dessin , a publié sur son ConfrÚre et le nÎtre , une 
notice simple, bien faite et pleine de sentiment. 
On y reconnait , avec sensibilité , un ancien ami, 


un ami de l'enfance qui acquitte la dette de son 
cƓur, 3 


Dans la sĂ©ance publique de la SociĂ©tĂ© libre d’é- 
mulation , M. Robert de Saint-Victor , avec cette 
Ă©loquence brillante qui lui appartient , a tracĂ© d’une 
maniÚre intéressante le portrait de son prédécesseur 
dans la place de secrétaire qu'Auber avait rempli 
avec autant de distinction que de zĂšle pendant les 
derniĂšres annĂ©es de sa vie jusqu'Ă  sa mort. C’est 
en cette qualité de secrétaire qu'il publia chaque 


mois le Rapport des travaux de cette Société. 


On remarque dans ces rapports des connaissances 
en plus d'un genre. Littérateur profond , Auber 
m'était point étranger aux seiences , il en possédait 
les principes et l'idiĂŽme. Son Ă©rudition Ă©tait vaste 
et variée : aussi avait-il consacré presque toute sa 


vie Ă  l'enseignement des sciences et des lettres. 


Le désir de savoir était chez lui un besoin impé- 
rieux , un besoin de tous les instants, une passion 
irrĂ©sistible. Nous l’ayons vu , lorsqu'il eut abdiquĂ© 
Venseignement des belles-lettres Ă  l'Ecole gentrale, 
suivre , la derniÚre année de sa vie , le cours de 
chimie avec l'assiduité , Pavidité de l'élÚve le plus 
laborieux , le plus désireux de s'instruires 

D 4 


(56) 

A peine se doĂ»tait-il qu’il sĂ»t quelque chose. C'est 
sans doute cette défiance qu'Auber avait de ses 
forces qui l'a empéché d'enrichir le monde littéraire 
de ses productions. On ne connaĂźt de lui, outre les 
rapports dont nous avons parlé , que deux autres 
rapports qu'il a faits, comme administrateur , l’un 
sur le gisement des cĂŽtes du dĂ©partement , l’autre 
sur l’agriculture. On est Ă©tonnĂ© des connaissances 
qu'Auber développe dans ce dernier rapport. Il y 
parle en homme consommé dans ce premier des 
arts ; On y remarque sur-tout l’épanchement de son 
ame dans les justes Ă©loges qu’il donne Ă  plusieurs 
de nos concitoyens distingués dans les différentes 
branches de cet art qui en embrasse un si grand 
nombre. M 


Une probité exacte , une grande franchise, une 
ame droite, un cƓur bon et loyal donnùrent pour 
amis Ă  Auber tous ceux qui l'ont bien connu et sur- 
tout ses collĂšgues Ă  l'Ă©cole centrale. Ceux-ci, quoi- 
qu'il les eĂ»t quittĂ©s depuis prĂšs d’une annĂ©e , lui 
rendirent à sa mort ces devoirs derniers et véné 
rables que commande la religion , et les accompagné- 


rent de regrets bien vrais et bien sincĂšres. 


Le nom d'Auber nous rappelle celui d’un oncle 
qu'il aima toujours tendrement , d’un oncle qui fit 
long-temps les dĂ©lices et l’ornement de cette Aca- 
démie par les nombreuses et différentes productions 
dont il se plaisait à enrichir nos séances et particu- 
liĂšres et publiques ; vous voyez, Messieurs, que 


(57) 
je parle de l'abbé Furs , connu sur-tout par son 
Idée de la poësie anglaise , qui lui a mérité , non- 
seulement en France, mais chez l'Ă©tranger , une 
réputation durable, 


Par devoir et par sentiment nous devrions vous 
entretenir de beaucoup d’autres de nos Confrùres 
que la mort à moissonnés pendant ces temps mal- 
heureux oĂč les muses fugitives et en deuil sem- 
blaient avoir déserté pour toujours le sol de notte 
infortunée patrie. 


C'est avec intĂ©rĂȘt, c'est avec attendrissement et 
reconnaissance que l’AcadĂ©mie prononcera toujours 
les noms des d'Harcourt , des Peuvron , des la Ro- 
chefoucault | ces noms si chers aux filles de mé- 
moire, 


Ayant publié, en 1795, dansle Magasin encyclo- 
pédique , une notice assez étendue sur la vie et les 
Ă©crits de M. Dambourney , qui , pendant plus de 
vingt ans , a exercé parmi nous , avec autant de 
zÚle que de lumiÚre, les fonctions de secrétaire dans 
la classe des sciences , je ne m'attacherai ici qu’à 
choisir les traits principaux qui caractérisent un 
homme dont le nom sera long-temps en vénération 
dans cette ville. 


En 1758 il obtint à l'Académie l'accessit du grand 
prix des belles-lettres. Son mémoire était si bien 
fait qne la Compagnie en voulut connaĂźtre l'auteur ; 
et, N'ayant point un second prix Ă  lui offrir , elle 


(58) 
lui en donna un qui le flatta davantage ; elle se l'as- 
socia comme littérateur. 


Dambourney eût pu se distinguer dans la carriÚre 
des lettres, mais sa passion dominante Ă©tait celle 
d’ĂȘtre utile , sur-tout au pays qui l'avait vu naĂźtre ; 
il se livra donc tout entier Ă  la chimie tinctoriale , 
cette partie si essentielle du commerce de Rouen. 


Son mémoire sur La culture de la garance fit peu 
d@ sensation dans son pays, maisil fut lu, médité et 
mis en Pratique par des cultivateurs des environs 
d'Orange et d'Avignon. En 1759 , le Gouvernement, 
qui avait accordé à M. Dambourney une pension 
de 1000 1. , fit encore imprimer Ă  ses frais le recueil 
des procédés et expériences sur les teintures solides 
que nos végétaux indigÚnes communiquent aux laines 


el aux lainazes. 


La chimie depuis cette Ă©poque a fait de si grands 
ProgrĂšs , que cet ouvrage, tout estimable qu'il soit , Ă  
besucoup perdu de son mérite , mais il prouvera 
toujours que son auteur aurait pu , guidé par les 
découvertes nouvelles » le porter à sa perfection. 


Je ne parlerai point de ses autres ouvrages ; les 
bornes de cette sĂ©ance ne le permettent point : c’est 
l'homme et non l’auteur que je voulais peindre , et 
je vais le faire d’un seul trait. 


M. Dambourney Ă©tait membre de la chambre des 
assurances, On sait que cette partie du commerce 
demande une grande Ă©tude , des connaissances 


( 59 ) 
approfondies, etsur-tout une probité à toute épreuve. 
Une occasion siguliÚre se présenta à M. Dambour- 
ney de montrer la sienne et de prouver toute la 
délicatesse de son désintéressement. Un négociant 
‘de Dunkerque fait assurer soixante mille livres sur 
nn navire. Le navire fait naufrage : Dambourney 
noĂŒlie cette perte Ă  la chambre , qui ne se croit point 
obligée au remboursement. Notre CollÚgue soutient 
le contraire. L'affaire est portée devant: les Tribu: 
naux ; un avocat de Dunkerque envoie un long et 
volumineux mémoire , Dembourney le réduit ou 
plutĂŽt en fait un nouveau. La chambre est condam- 
née ,et M. Dambourney paie avec joie sa part des 


soixante mille Jivres. 


VoilĂ  l'homme que nous avons perdu , qui em- 
porte les regrets de chacun de vous, et Ă  qui nous 
pouvons tous appliquer bien justement ces mots 
d'Horace : [lle bonis flebilis occĂŒdit. 

Pourquoi les bornes trop étroites de cette séance 
nous empéchent-elles de célébrer M. Charles , qui 
a rempli si dignement parmi nous la place de di- 
rerteur ? Nous rappeillerions entr'autres son mé- 
moire sur les avantages que l’homme retire dans sa 
vie privĂ©e de l’amour de l’étude des belles-lettres. 
I pressentait , dĂšs 1764, que cet amour et cette 
étude feraient les délices de sa longue retraite. 

Nous vous dirions combien de fois M. de la Mal- 
tiere à su nous intéresser par la diversité de ses 


Lu . 
talents et de ses connalssances. 


(60) 

Nous vous parlerions de cet homme estimable, 
enlevé à la fleur de son ùge , à l'art de guérir , de 
M. Courant , qui , dans cet art qui embrasse tant 
de parties , avait choisi celle qui regarde particu- 
liÚrement la plus intéressante moitié de l'espÚce 
humaine. 

Nous verserions des larmes , nous sĂšmerions des 
fleurs sur les tombeaux de l'infortuné Bayeux , ce 
traducteur Ă©lĂ©gant et profond des Fastes d’Ovide 
et de Pausanies ; de Rolland de la PlatiĂšre , que le 
Traité des manufactures qui fait partie de l'Ency- 
clopédie méthodique , et plusieurs autres traités de 
méme genre ont placé au rang des écrivains utiles, 
des écrivains qui ont bien mérité du commerce et 
de leur patrie. 

Que ne vous dirions-nous pas et que mwaurions- 
nous pas Ă  vous dire de cet homme vertueux , 
plutĂŽt le pĂšre que le professeur de ses nombreux 
Ă©lĂšves , du fondateur d’une Ă©cole si essentielle dans 
cette ville et qui y manquait , d’une Ă©cole de laquelle 
sont sortis tant d'artistes cĂ©lĂšbres qu’on la sur- 
nommée l'Ecole Normande ; de cet auteur estimable 
de la vie des peintres flamands , allemands et hol- 
landais , . . . . J.-B. Descamps ! Le nommer, 
Cest faire de lui le plus touchant des Ă©loges , c’est 
rappeler Ă  vos cƓurs des souvenirs chers et prĂ©- 
cieux , ceux d’une estime universelle. 


(51) 


NoTiCE BIOGRAPHIQUE SUR M. LEBRUMENT; 
Par M, VaAuçurEtrrx. 


Jean-Baptiste Lebrument , naquit en cette ville le 
7 janvier 1756. Son pĂšre , qui Ă©tait entrepreneur de 
bùtiments , et qui jouissait d'une considération mé- 
ritĂ©e , le destina de bonne heure Ă  suivre la mĂȘme 
carriĂšre. Notre jeuve artiste parcourut successive 
ment tous les genres de travaux qui entrent dans 
la composition des bĂątiments civils, les pratiqua 
tous , et y lit des progrĂšs rapides ; il se familiarisa 
sur-tout ayec l’art du trait et de la coupe des pierres, 
en modelant les piÚces les plus compliquées avec 
une sagacité étonnante : cette science lui devint trÚs- 
utile dans la suite , par lapplication qu'il eut 
souvent occasion d’en faire dans les divers travaux 
dont il fut chargé. 


Cependant ce cercle parut trop resserré au jeune 
Lebrument ; né ardent et actif, il concut qu'il ne 
suflisait pas d’ĂȘtre un excellent constructeur pour 
ĂȘtre un bon architecte ; il sentit que le dessin est 
la base essentielle de l'architecture ; que , sans une 
grande habitude de dessiner , l'architecte ne peut 
combiner l'ensemble d'un Ă©difice et@eomparer le 
rapport de toutes ses parties avec sa masse générale ; 
enfin , que c’est le seul moyen qu'il ait de rendre 


(624) 
palpables ses idées et de mettre les ouvriers au fait 
‘ n , # . 
de ce qu'il se propose de faire exécuter. Il sentit 


encore que, sans une Ă©tude approfondie des meil- 


léurs auteurs qui ont écrit sur larchtecture et 


qui nous ont transmis les belles proportions et les. 


formes simples et élégantes des beaux monuments 
aptiques , il ne serait jamais qu’un architecte au- 
dessous du médiocre. 

Pénétré de l'étendue des connaissances qu'exige 
VParchitecture, notre CuilĂšgue se livra avec une 
ardeur incroyable Ă  letude de toutes les parties 
constitutives de son art. DejĂ  , par les soins de feu 
M. Descamps , une classe de dessin s'était élevée 
dans nos murs ; le zĂšle iufatigable de cet illustre 
professeur y avait su réunir tout ce qui pouvait 
former le goût et développer les talents dans tous 


les genres ; une foule d'elÚves distingués par des 


progrÚs rapides justifiaient de plus en plus Puilité. 


de cet Ă©tablissement. Le jeune Lebrument profita de 
ces avantages et apporta dans cette Ă©cole le mĂȘme 
amour du travail et la mĂȘme application qu'il avait 
montrée jusqu'alors. Ses efforts furent couronnés 
des p'us heureux succĂšs ; en peu de temps il 
mĂ©rita et obtint le prix d’architectnre. 


Jusqu'ici notre collĂšgue ne connaissait les beaux 
monuments de son art que par tradition , c’est-à- 
dire qu'il n'@f pouvait juger que d’aprùs les dessins 
qu'il en avait copiés et sur les estampes qu'il en 
avait vues. La ville de Rouen woffrait point alors 


CC 


(65) 
d'Ă©difices , ni mĂȘme de maisons de quelque in- 
portance oĂč se trouvassePPIQUES les principes 
de goût dont il commençait à se pénétrer ; il prit 
le parti d'aller à Paris , malgré les obstacles que 
sa famille opposa Ă  ce voyage. 


Qu'on se représente quelle fut sa joie et son éton- 
nement Ă  la vue des nombreux Ă©difices que renfer- 
me la capitale ; il les parcourut tous , les Ă©tudia 
avec la plus scrupuleuse attention , y puisa ce 
style simple et noble qu'il a depuis répandu dans 
toutes ses productions. Des circonstances impérieu- 
ses le forcĂšrent Ă  quitter, beaucoup plutĂŽt qu'il ne 
l'eĂ»t dĂ©sirĂ© , une ville oĂč il sentait la nĂ©cessitĂ© de 
faire un plus long séjour. 

De retour dans ses foyers , M. Lebrument ne 
tarda pas à étre employé comme architecte, et fit 
construire sur ses plans plusieurs maisons particu- 
liĂšres, oĂč l'on commenca Ă  appercevoir le germe 
des talents qu'il déploya par la suite dans des oc- 
casions plus impertantes. 

On yerait de construire Ă  Rouen un hĂŽpital aussi 
vaste que commode ; mais les sommes considérables 
qu'avait coûté ce monument mayaient pas permis 
d’en continuer l'Ă©glise qui devait le terminer ; on en 
était resté aux fondations. En 1767 , les circonstan- 
ces Ă©tant devenues plus favorables , l'administration 
se détermina à reprendre et à continuer les travaux ; 
notre CollÚgue fut chargé de cet ouvrage. Il sentit 


toute l'importance d’une semblable entreprise , et 


C64) 

s'occupa des plans et devis de cet Ă©difice , qui fu- 
rent agrĂ©Ă©s nonobstant les changements qu’il in- 
diqua à faire aux ne 1 commencés. Non content 
de l'immense quantité de détails qu'il avait déjà 
faits Ă  cet Ă©gard , il voulut encore faire modeler 
en relief la totalité de son projet, afin de se pé- 
nĂ©trer davantage de l'effet qu’il devait produire. On 
remarque en général dans cette église un plan 
simple , de belles proportions , des profils purs et 
des ornements d’un bon choix : l'exĂ©cution en est 
parfaitement soignée, et prouve que M. Lebru- 
ment Ă©tait aussi savant constructeur qu'habile archi- 
tecte. & 

A-peu-prĂšs dans le mĂȘme-temps il fut chargĂ© de la 
continuation du grand bĂątiment de l'abbaye de Saint- 
Ouen , maintenant l'hĂŽtel de la mairie, et , graces 
Ă  la munificence de nos dignes magistrats, l'asile 
de cette Société. Nous ne pouvons faire un pas 
dans l'enceinte de ce vaste Ă©difice, sans y rencon- 
trer par-tout des preuves des rares talents de notre 
Confrùre ; il nous suffira de dire que c’est à lui 
que nous sommes redevables des deux grands esca- 
liers qui en sont un des plus beaux ornements. 


En 1778 ,; l'Académie admit M. Lebrument au 
nombre de ses membres ; il justifia dans tous les 
temps le choix de ses CollÚgues, par son assiduité 
aux SĂ©ances acadĂ©miques , et par les travaux qu’il 
y présenta. 

En 1792, le directoire du département chargea 

notre 


(65) | 
notre artiste de donner des lecons théoriques ét 
pratiques d'architecture au ci-deyant collĂšge ; il 
s’acquitta avec distinction et dĂ©sintĂ©ressement de 
eette mission honorable , jusqu'Ă  l'Ă©poque desas- 


treuse oĂč tous les gens de talent furent proscrits, 


Ce bouleversement général fit une vive impression 
sur l'esprit de notre CollĂšgue. Son extrĂȘme fran- 
chise , dont il n’était pas toujours le maitre, faillit 
plusieurs fois compromettre sa tranquillité. Il sentit 
le danger d’ĂȘtre trop en Ă©vidence, et renonça dĂšs. 
lors aux grandes occupations ; d’ailleurs , l'espùce 
de souplesse dont il eût fallu user pour se ménager 
les occasions d’ĂȘtre employĂ© , Ă©tait trop opposĂ©e Ă  
la fermeté de son caractÚre , et trop au-dessous 
d'un artiste qui sent toute sa dignitĂ© , pour qu’il 
usĂąt de ce moyen ; aussi ne travailla-t-il plus que 
pour un petit nombre d'amis. 

Cependant son ardent amour pour l'Ă©tude ne se 
ralentit jamais , parce que son assiduité constante 
au travail lui en avait fait un besoin. Il se livra 
tout entier Ă  la recherche des machines les plus 
utiles , en concçut plusieurs dont il exécuta lui-mé- 
me les modĂšles avec une intelligence peu commune; 
mais une application trop suivie , je dirais mĂȘme 
opiniĂątre , ĂŒĂ©rangea insensiblement sa santĂ©, et fut 
la principale cause de la longue et douloureuse 
maladie à laquelle il a succombeé à l'ùge de soixante- 
huit ans. 


M. Lebrument Ă©tait d'un tempcrament fort et 
S. publ. 1804. E 


(66 ) 
robuste , et fut toute sa vie trĂšs-laborieux ; peu 
d'hommes ont mieux senti le prix du temps et en 
ont fait un meilleur emploi. Il méditait profondé 
meut tous ses projets, et ne se déterminait à leur 
exĂ©cution qu’aprĂ©s les avoir envisagĂ©s sous toutes 
leurs faces ; mais ensuite il Ă©tait ferme et incbrau- 
lable , et jamais une faible condescendance ne lui 
aurait fait altérer en aucune maniÚre des plans 
dont la réussite lui paraissait certaine. Cette con- 
.duite , souvent trÚs-nécessaire , ne lui concilia pas 
toujours l’assentiment de la multitude , mais elle lui 
meérita l'estime des hommes instruits et capables 
d'apprécier les vrais talents. 


NorTice BIOGRAPHIQUE SUR MADAME Du BocaGE, 
Par M. Gouvrpix. 


Tandis que dans l'Ă©tendue de ce vaste Empire on 
compte à peine quelques femmes célÚbres , la pa- 
trie du Grand-Corneille a vu naßtre et se succéder 
sur le Parnasse français deux femmes qui y tien- 
dront toujours un rang distingué , Mademoiselle Ber- 
mard et Madame du Pocage. Il y a mĂȘme entr’elles 
des rapports aussi singuliers que piquants. L'une 
avait été couronnée à l'Académie française et à celle 
des Jeux floreaux ; si l'autre n’a point obtenu tout- 
à-fait à l'Académie française les honneurs du triom- 


PR 


DR ET CE 


(67) 
phe, elle a eu la gloire de remporter la premiére 
palme académique que notre Compagnie ait eu l'a- 
vantage d'offrir. Le sujet Ă©tait la fondation mĂȘme 
d’un prix alternatif entre les belles-lettres et les 
sciences , par M. le duc de Luxembourg , gouverneur 
de la province. 

L'on aĂŒmira avec quelle dĂ©licatesse et quelle vĂ©- 
rité l'auteur traçait le portrait du protecteur de l'A- 
cadĂ©mie ; l’on admira encore plus le talent avec 
lequel, en donnant d’utiles leçons aux littĂ©rateurs 
et aux savants qui devaient aprĂšs lui entrer dans 
la carriÚre , le poëte avait su leur offrir pour modÚles 
et pour guides la plupart des hommes célébres qu'a 
vait produit cette cité. 

Le billet cacheté est ouvert dans la Séance pu- 
blique , et chacun apprend avec autant de plaisir 
que de surprise que l'auteur du poëme couronné 
est Madame du Bocage , née à Rouen en 1710. 

Dans la Séance publique de l'année suivante , 
l'abbĂ© Fontaine , dont les poĂ©sies ont fait plus d’une 
fois les délices et lornement de nos assemblées , 


_ 


rappela le triomphe de sa compatriote par ces vers : 


L'amour vint Ă  sa voix s'asseoir sur nos gazons, 
Faune, dans une grotte, Ă©coutant ses chansons, 
Soupira de plaisir, et la Seine attentive 


Fit couler lentement son onde fugitive, 


L2 
La scÚne française fut enrichie par Mademoiselle 
Bernard , de Brutuset de Lacdaniie ; mais Fontexelle, 
E 2 


(68) 

dit-on, a eu part Ă  la composition de ces deux piĂšces ; 
Madame du Bocage seule y fit paraitre les Amazones 
et y soutint, dit le chevalier de Mouy , la réputa- 
ĂŒon qu’elle s’était acquise par son Paradis terrestre. 
Les Amazones ont eu onze représentations ; et Ont 
été traduites en vers italiens par la comtesse Grozzi, 
la mĂȘme qui venait de faire parler Ă  TĂ©rence la 
langue de son pays. 


Le Paradis terrestre , imité de Milton, dédié à 
l'Académie de Rouen, traduit depuis en vers italiens , 
par Gasparo Grozzi , Ă©poux de la comtesse dont 
nous venons de parler , a mérité à son aimable 
auteur , de la part de Voltaire, des Stances qui com- 
mencent par celle-ci : 


Milton, dont vous suivez les traces , 
Vous prĂȘte ses transports divins , 
Eve est la mĂšre des humains, 


Et vous ĂȘtes celle des graces, 


Ce poëme cependant a essuyé quelques critiques; 
ou plutÎt les auteurs des Mémoires de Trévoux $ 
lorsque la premiĂšre Ă©dition parut , donnĂšrent quel- 
ques avis à l’auteur qui eut la bonne-foi d’en profiter. 
Il ny a que la médiocrité qui se cabre contre les 
conseils ; le vrai talent est toujours docile , parce qu'il 
est naturellement modeste. 

Le poëme de la Renommée de Pope avait paru avec 
Ă©clat en Angleterre, Madame du Bocage le fit passer 
dans notre langue avec toutes ses beautés, et en fit 


( 69 ) 


disparaßtre les taches et les imperfections. La pré- 
face qu’elle mit Ă  la tĂȘte de cette imitation est rem- 
plie d'une critique saine et d'un goût exquis. 


Je ne parlerai ni de la traduction qu’elle donna 
de l'Oraison FunÚbre du prince EugÚne , prononcée 
en italien par le cardinal Passionei , ni de celle de 
la Conjuration de Valstein par Sarazin , qu’elle mit 
en italien pendant son séjour à Rome; je dirai seu- 
lement que la premiĂšre de ces traductions fut com- 
parée à celle du panégyrique de Trajan par Sacy, 
et que la seconde étonna méme les personnes qui 


parlaient le plus correctement la langue de Rome 
moderne. 


Madame du Bocage , aprĂšs avoir en quelque sorte 
essayé son talent poëtique dans des imitations , osa 
se confier Ă  ses propres forces. La Colombiade parut. 
Le poëte y chante la conquéte du nouveau monde 
et l'Ă©tablissement de la religion dans cette terre ido- 
lĂątre. Ce poĂ«me est assez connu , et, pour l’apprĂ©- 
cier , il sufit de dire qu'il a été traduit en prose 
allemande et en vers espagnols. Le# suffrages des 
Ă©trangers ne peuvent ĂȘtre suspectĂ©s d’adulation. 

Par les imitations de Milton et de Pope , Madame 
du Bocage s'était acquis une juste réputation chez 
nos voisins et nos rivaux. Elle y alla en 1750 jouir 
de toute sa gloire. En 1757, madame du Bocage 
parcourut la Hollande et l'Italie ; dans cette derniĂšre 
contrée , elle fut accueillie avec encore plus de dis- 
tinction que dans les deux autres. Son poëme de 

E 3 


(70) 
l4 Colombiade , dédié à Benoßt XIV , l'y avait fait 
connaßtre , et sa renommée l'y avait précédé. L'Aca- 
démie des Arcades de Rome et celle de Padoue la 
reçurent au nombre de leurs membres, mais c’est 
à Bologne qu’elle jouit d’une distinction plus flatteuse 
encore. L'institut se l'associa; c'Ă©tait une faveur 
dont elle sentit si bien le prix qu'elle Ă©crivit Ă  sa 
sƓur : » Ma gloire est grande ; il ny a que trois 
» femmes , la studieuse Laura Bassi qui y professe 


Ja physique dont e!le donne des cours publics en 


- 
” 


latin ; la fameusesgéomÚtre Agnesi , et l'illustre 


Co 
2 


» princesse de Collombrano, rapolitaine. La marquise 
» du ChĂątelet , aussi digne d’en ĂȘtre que je le suis 
» peu, était de celte Académie des sciences , 
» fondée par Théodose le jeune, la plus ancienne 
» et la plus riche de l'Europe «. 

A son retour , Madame du Bocage passa par Lyon; 
l'Académie de cette ville la reçut comme elle le 
méritait , el, pour me servir de ces expressions, ins- 


crivit son nom dans le temple des Muses. 


En 1765, l'Académie de Rouen , dont les statuts, 
trop sévÚres sans doute , semblaient en interdire 
l'entrée aux femmes , crut devoir y déroger en fa- 
veur de son illustre compatriote ; elle créa une rou- 
velle-classe d’associĂ©s, celle des associĂ©s libres. Ma- 
dame du Bocage en fut si flattĂ©e qu’elle en tĂ©moi- 
gna sa reconnoissance par un remerciment en vers , 
et qu’elle vint l'annĂ©e suivante embellir de sa prĂ©- 
sence la séance publique dans laquelle elle lut la tra- 


(QE 

duction en vers français de deux Eglogues grecques, 
l'une de Maschuset , l'autre de Bion. DĂ©s 1762 

la collection de ses Ɠuvres avait paru à Lyon en 
trois volumes , dont le troisiÚme est composé (les 
lettres que, pendant ses voyages , elle Ă©crisit Ă  
Madame du Perron. Ces lettres: sont vraiment in- 
téressantes par les détails précieux qu'elles offreut 
sur les monuments , les mƓurs et les usages des 
trois pays qu’elle a parcourus, Le style en est simple, 
leger , coulant et agrĂ©able ; le ton d’ingĂ©nuitĂ© qui 
y rĂšgne , prouve bien qu’elles n'Ă©taient Ă©crites que 
Pour la personne Ă  qui elles sont adressĂ©es : c’est 


une sƓur qui Ă©panche son ame dans celle de sa 
sƓur. 


Madame du Bocage , aux talents de la poësie , 
unissait les charmes de la beauté » qui seule peut 
faire la gloire des personnes de son sexe ; aussi 
lorsqu'elle partit pour l'ltalie , Voltaire lui adressa:t+ 
il ces vers : 


Vous qui régnez sur le Parnasse A 

Allez au capitole , aliez, rapportez-nous 
Les myrthes de Petrarque et les lauriers du Tasse. 
Si tous deux revivaient , ils chanteraient pour vous ; 
En voyant vos beaux yeux et votre poësie 

Tous deux mourraient Ă  vos genoux 


Ou d'amour ĂŽu de jalousie, 


Madame du Bocage Ă©tait encore jeune lorsqu'elle 
devint veuve. Elle se consola de la perte qu’elle 
E 4 


(72) 
avait faite dans le sein de l'amitié , car elle eut le 
bonheur d’avoir des amis. La douceur de son ca- 
ractĂšre , sa bienfaisance naturelle lui en avaient 
acquis. Elle joignait , dit Madame de Beauharnais , 
la politesse majestueuse du siĂšcle de Louis XIV Ă  
lamabilité fine de son siÚcle. Ses talents n'avaient 
rien pris sur ses vertus , et, semblable Ă  Fontenelle , 
elle ne cessa d’étre aimable que quand elle cessa de 


vivre en 1802, à l’ñge de g2 ans. 


PRIX PROPOSÉS POUR L'AN 13, (1805). 


L'AcadĂ©mie a proposĂ© pour sujet d’un prix, con- 
sistant en une médaille de la valeur de 300 francs, 


qui sera décernée dans sa séance publique de Pan 15 


(1805 ). 


L'Eloge de J.-B. Descamps , crĂ©ateur de l’école 
gratuite des arts , de dessin , de peinture, sculp- 


ture , gravure et architecture de Rouen. 


Les mémoires devront étre adressés , franc de 
port , à M. Gourdin , secrétaire de l'Académie , 
pour la classe des belles-lettres , avant le 15 messi- 
dor an 15, Ă©poque de rigueur. 

L'auteur mettra en tĂȘte de son discours une de- 
vise qui sera rĂ©pĂ©tĂ©e sur un billet cachetĂ© , oĂč il 
fera connaĂźtre son nom et sa demeure. Le billet ne 
sera ouvert que dans le cas oĂč l'Ă©loge aura remportĂ© 
Je prix. 


. 


(735) 
Les Académiciens résidents et non résidents seront 


admis Ă  concourir, 


SCIENCES. AR LS. 


HA PO RER 


Fait par M. Virazis, secrétaire perpétuel de 


l’AcadĂ©mie , pour la classe des sciences. 


IMPEPS ES LIÉE UPRMSY, 


Le domaine des sciences comme celui des belles- 
lettres offre Ă  l'esprit humain un vaste champ Ă  
cultiver , une carriĂšre brillante Ă  parcourir. Le 
terrain ne présente plus ici , il est vrai, ces sites 
charmants, ces vues délicieuses, ces scÚnes variées 
et pittoresques que le talent de l'orateur ou du poëte 
sait embellir encore de toutes les ricliesses de son 
art. 

Mais si les sciences offrent des points de vue 
moins agrĂ©ables que les belles-lettres, si elles prĂȘtent 
moins Ă  Pimagination , combien elles l'emportent 
sur ces derniùres par l'avantage qu’elles possùdent si 
éminemment de développer heureusement le germe 
de la pensée , de nous apprendre à saisir les vrais 
rapports qui existent entre les divers objets de nos 


connaissances , de former par conséquent la raison , 


C74) 
de crĂ©er, d’étendre , de perfectionner le jugement, 
qualité la plus précieuse de l'esprit, et sans laquelle 
toutes les autres deviennent inutiles et souvent dan- 
gereuses. 


Les sciences , considérées sous le rapport des ser- 
vices nombreux qu’elles rendent à l'industrie et aux 
arts, ne sont pas moins recommandables aux yeux 
d'une raison saine et éclairée. Quelle main , si ce 
n’est celle des sciences , a jettĂ©, au milieu de nous, 
les fondements de ces ateliers, de ces manufactures , 
de ces Ă©tablissements de tout genre , oĂč l'art, rival 
de la nature et la surpassant mĂȘme quelquefois , 
enfante tous les jours de nouveaux chefs-d'Ɠuvres , 
de nouveaux prodiges ? Quel autre que le génie des 
sciences nous a rĂ©vĂ©lĂ© les secrets de l’industrie et 
en a porté les procédés à ce dégré de simplicité et 
de perfection qui fait le tourment et le désespoir 
de ce peuple rival qui nous avoisine , et que la 
jalousie rend notre irréconciliable enremi ? Ne crai- 
gnons pointe rendre hommage aux sciences dans 
un dĂ©partement , dans ‘une citĂ© qui s'Ă©norgueillit 
de leur devoir ses succÚs, sa gloire, sa réputation 


et ses richesses. . 


C'est parce que l'Académie sent tout le prix des 
avantages et de l'utilité que les sciences procurent 
à la société en général et à cette ville en particulier , 
gwelle s'est empressée de les accueillir dans son 
sein , et de leur assigner une place distinguée parmi 


les objets qui partagent ses sollicitudes et ses veilles, 


C.75 ) 
La jouissance la plus douce de l'Académie sera 
toujours de contribuer de tout son pouvoir , de 
tous ses moyens , à l’encouragement des arts , aux 
progrÚs de l'industrie , à la prospérité de nos fa- 
briques et de nos manufactures. 

L'empire des sciences est si Ă©tendu que sans doute 
on ne sera pas surpris si toutes les routes n’en 
Ont pas été fréquentées. On verra cependant , par 
le tableau que je vais prĂ©senter , qu’il est peu de 
genres dans lesquels les Académiciens ne se soient 
exercĂ©s, oĂč sur lesquels Ja Compagnie n’ait reçu 
des ouvrages qui ont mérité d'occuper plus ou 


moins son attention, 


SCIENCES MATHÉMATIQUES. 
ARITHMÉTIQUE. 


M. l'abbé Jamard , membre de l'Académie , a lu 
un mémoire ayant pour titre : Essai sur la nature 
et Les PropriĂ©tĂ©s des nombres , pour servir d’intro- 
duction anx premiers Ă©lĂ©ments d’arithmĂ©tique , et 
à la solution de quelques questions qu’il est impossible 
de résoudre sans la connaissance de ces propriétés 
presqu’entiĂšrement oubliĂ©es aujourd’hui. Ù 

Le but de cet essai est de démontrer l'avantage 
qu'il y aurait, pour faciliter la solution de quelques 


questions d’arithmĂ©tique » Ă  distinguer les nombres 


(76) 

en cardinaux et absolus. M. l'abbé Jamard pense 
qu’on devrait appeler absolus les nombres qui dĂ©si- 
gnent une quantité finie et terminée , et cardinaux 
ceux qui expriment une quantité commencée , mais 
qui n’est pas finie ou qui peut ne pas finir. Ainsi 
quand on dit votre frÚre a demeuré huit ans à 
Paris, le nombre huit est un nombre absolu ; mais 
si lon disait votre frÚre est dans la huitiÚme année 
de son séjour à Paris , le mot huitiÚme exprimerait 
un nombre cardinal, parce que les huit années ne 
sont pas encore rĂ©volues et peuvent n'ĂȘtre pas 
achevées. 

La dispute à laquelle a donné lieu la question de 
savoir si l'an 1800 termine le dix-huitiĂšme siĂšcle ou 
appartient au dix-neuvieme , fournit naturellement 
Ă  l'auteur une application de ses principes. Chaque 
siĂšcle Ă©tant composĂ© d’une pĂ©riode de cent annĂ©es ;, 
dans laquelle l'année est considérée comme unité 
absolue , et le siÚcle comme unité cardinale , celui- 
ci ne doit ĂȘtre censĂ© rĂ©volu qu’autant que les cent 
annĂ©es qui le composent seront elles-mĂȘmes pleine- 
ment révolues. Le dix -huitiÚme siÚcle, considéré 
comme nombre cardinal , ne deviendra donc un 
nombre absolu que lorsque les cent derniÚres années 
seront écoulées , et par conséquent le dix-neuviÚme 


siùcle ne peut commencer qu’en l'an 1801. 


On trouve dans l'Essai un grand nombre d'ap- 


plications de cette nature. 


L'examen de cet essai a donné lieu à M. Letellier , 


Cp À 
membre de l'Académie , de développer quelques 
considérations générales sur la numération et sur la 


mauiÚre d'envisager les éléments des sciences. 


= M. Periaux , imprimeur-libraire Ă  Rouen, et 
membre de la SociĂ©tĂ© libre d’émulation de la mĂ©me 
ville , a fait hommage à l'Académie de quelques exem- 
plaires de son ouvrage intitulĂ© : ÂŁlĂ©ments d’arithmĂ©- 
tique , ou dévelopement des principes du calcul sui- 
vant l’ancien et le nouveau systĂ©me , terminĂ© par un 
Vocabulaire des poids et mesures anciennes et nou- 
velles les plus en usage. 


MM. Gruyer et Jamard chargés d'examiner cet 
ouvrage , ont rendu un témoignage honorable à 
l'intention et aux eflorts de l’auteur. 


GÉOMÉTRIE. 


M. Oursel , géomÚtre à Dieppe , associé de 
l'Académie , vous a adressé un manuscrit intitulé : 
Essais de Géométrie , par lesquels on se propose 
d’exposer , rĂ©soudre et dĂ©montrer gĂ©omĂ©triquement 
différents problémes non encore résolus , conformé- 
ment à la demande des anciens , c’est-à-dire avec la 
seule rĂšgle et le compas. 

Ce manuscrit étant parvenu à l'Académie qu'a- 
prĂšs l'impression et la publication de l'ouvrage , la 
Compagnie a cru ne pas devoir le soumettre Ă  un 
examen particulier , conformément à l'usage qu'elle 


a toujours suivi de ne porter aucun jugement sur 


(76) 
les ouvrages imprimés, à moins que les autcurs n'en 
forment expressément la demande. 


= C'est encore par le mĂȘme motif que l'AcadĂ©- 
mie n’a pas cru devoir prononcer sur un mĂ©moire 
imprimé , concernant la force active, qui lui à été 
adressé par M. Pouchet , membre de la Société d'é- 
mulation de Rouen, et de l'Athénée des arts de 


Paris. 


SCIENCES PHYSIQUES. 
NYA VII. GCAUTUT ON. 


L'Académie a reçu de M. Levéque | son associé 
et membre de l'institut national, un mémoire im- 
primĂ© , concernant les observations qu’il est impor- 
tant de faire sur les marées , dans les différents 
ports de la RĂ©publique. Dire qu’il a obtenu les suf- 
frages unanimes de l'Institut est le plus bel Ă©loge 


que nous puissions en faire. 


= La Compagnie doit encore à M. Zevéque un 
ouvrage imprimĂ© qui a pour ĂŒtre : Description 
nautique des cĂŽtes orientales de la Grande-Bretagne , 


et des cĂŽtes de Hollande , du Jutland et de NorvĂšge. 

Cet ouvrage, extrait et traduit de l'anglais, com- 
prend , pour ces cĂŽtes, la description des caps et 
autres pointes de terre , des baies , des rades , des 
ports et havres, des riviĂšres, des bancs et Ă©cueils, 


C79) 
du brassiage et de la qualité des fonds , des pha- 


res, des amers , des courants et des marées : en 
un mot, tout ce qu'il est important de connaitre 
pour la navigation dans ces parages. 


La grande entreprise qui occupe aujourd’hui tous 
les esprits a commandé cette nouvelle production 
de l'auteur , et on s’appercoit aisĂ©ment qu’il n’a 
rien négligé pour assurer le succÚs des grandes vues 
du Gouvernement. 


AR ÉIO M Ê TRILIE. 


M. Descroizilles aßné , chimiste-manufacturier à 
Lescure-lÚs-Rouen , membre de l'Académie , vous 


a communiquĂ© une notice sur l’arĂ©omĂ©trie. 


Cette notice a spécialement pour objet un nouvel 
instrument , nommé par l'auteur aréometrilype » 
au moyen duquel on parvient Ă  donner Ă  tous les 
dégrés des pÚse-liqueurs un rapport constant avec 
la pésanteur spécifique. 

L'aréométritype , dit M. Descroïzilles , est un petit 
flacon de cristal, portant un bouchon de ia mĂȘme 
matiÚre , et contenant strictement , à la température 
des caves, 100 décigrammes ou 2 gros 44 grains 
d'eau distillée, Ce flacon est trés-épais dans toutes 
ses parties , et son bouchon trĂšs-gros et court , de 
maniĂšre que le tout est peu fragile. L'orifice est 
assez grand pour qu'on puisse y introduire le doigt 


armĂ© d’un linge. A ce moyen ; l'instrument se 


trouye nétoyé et sÚché en un instan', 


( 80 ) 

La maniĂšre de faire usage de cet instrument est 
fort simple. On remplit le vase du liquide Ă  essayer 
jusques un peu au-dessous de la naissance du gou- 
lot : on y enfonce le bouchon qui fait refluer le 
superflu. On essuie parfaitement l'extérieur , puis 
on met le tout dans une bonne balance , en oppo- 
sition avec létui qui représente la tare. Si le li- 
quide essayé est plus pesant que l'eau , il faut , 
outre les 100 décigrammes qui forment justement 
le poids de celle-ci , ajouter , du cÎté de la tare, 
un nombre de décigrammes suffisant pour rétablir 
l'Ă©quilibre , et il en faut justement 84 si c'est de 
bon acide sulfurique concentré du commerce ; si 
au contraire le liquide essayé est plus léger que 
l'eau , il faut, pour rétablir l'équilibre , mettre 
sur le plateau chargé de l'arcométritype, un nom- 
bre de décigrammes déterminé par la pesanteur 
spécifique de ce liquide. Ainsi, d'aprÚs M. Brisson , 
si c’est de l'alcool , ou esprit de vin trĂ©s-rectihiĂ© , 
il en faut approximativement 17. 

M. Descroizilles remarque qu'il y a quelques 
précautions à prendre , soit pour ne rien perdre du 
liquide , soit pour se défendre de son action , dans 
le cas oĂč il serait caustique , soit aussi pour ne 
pas laisser dans le flacon la moindre bulle d’air. 

On peut donner à l'aréométritype une capacité 
quelconque ; mais la capacité décagrammale que 
lui a donnée l'auteur , est celle qui lui paraßt la plus 


généralement convenable. Elle offre aux physiciens 
un 


(6r) 

un avantage qu'on ne trouve days aucun insu 
ment connu , celui d'indiquer la pesan eur spéei- 
fique d'une portion de liquide qui ne surpasse pas 
en volume uu dĂ©cagramme oĂč 2 gros 44 grains. 

Les degrés de pesanteur et de légÚreté hydro-ma- 
jeures ( c'est ainsi que M. DescroĂŻzilles appelle lex 
cÚs de pesanteur et l'excÚs de légÚreté des lquides 
comparés à l'eau pure), étant une fois trouvés au 
moyen de Flinstrument, l'auteur les porte sur l'Ă©- 
chelle de son pÚseiqueur , qui réanit le double 
avantage d’ĂȘtre d'un service plus commode que le 
régulateur qui a servi à le former , et sur-tout beau- 
coup plus exact que les aréomÚtres connus jusqu'à 
ce jour , tels que ceux de BaumÂŁ, de Cartier, etc. ; 
cependant, pour la commodité des personnes ac- 
coutumées à l'échelle de Baumé, M. Descroiziiles 


a cru devoir la placer à cÎté de la sienne. 


ISTOIRE NATURELLE.—- {lelmintho'osie. 
H R Hel tho!og 


M. Noël, membre de l'Académie , a présenté des 
observations sur l'ascaride du elupé hareng ,( gor- 
dius marinus de Linné}), ( Ascaris halecis de Gme- 
lin ). 

Ce ver intestinal du hareng est appelé crinor 
par les uns , ascaride par les autres , et cette 
double dĂ©nomination appliquĂ©e au mĂȘme individu, 
introduit dans son histoire uné confusion que M. 
Noël cherche à faire disparaitre en rapprochant les 


passages des auteurs qui en ont parié. 
S, publ, 1504. F 
F + 


(8) 

Le ver dont il est ici question et sur lequel l'au- 
teur a fait des recherches et des expériences inté- 
ressantes , a été trouvé non-seulement dans les pois- 
sons du genre des clupés, mais encore dans quel- 
ques individus du genre des perches de Linné, et 
du genre des gades. 

M. NoĂ«l s'occupe ensuite de l’origine des ascari- 
des : l'importance des questions qu'il propose Ă  ce 
sujet en fait désirer vivement la solution à ceux 
qui s'intéressent aux progrÚs de l'histoire naturelle. 


Zoologie. 


Au mois de ventĂŽse an 12, M. Houel, peintre- 
graveur, membre de plusieurs Académies et Asso- 
cié de celle de Rouen, nous a adressé son ouvrage 
intitulé : Histoire naturelle des deux éléphants , mùle 
et femelle , du muséum de Paris , venus de Hollande 
en France en l’an 6 , enrichie de vingt estampes dont 
Les dessins ont Ă©tĂ© faits d’aprĂšs nature. 

On reconnait dans cet ouvrage, qui contient des 
faits aussi curieux que nouveaux, les talents qui 
ont assigné depuis long-temps à l'auteur une place 
distinguée parmi les artistes les plus célÚbres de 
Paris. 


Botanique. 


Le goĂ»t de la botanique est aujourd’hui si gĂ©- 
néralement répandu , que l'on ne peut accueillir 
avec trop de bienveillance les efforts de ceux qui 


(85) 
consacrent leurs veilles Ă  faciliter l'Ă©tude de cette 
belle partie de l'histoire naturelle. 


Tel est le but que paraĂźt s'ĂȘtre proposĂ© M. Renaur, 
ci - devant professeur d'histoire naturelle Ă  l'Ă©cole 
centrale de l'Orne , en publiant la flore de ce dé- 
partement. 


= M. Deu qui avait rendu compte de la flore 
de l’Orne, s'est fĂ©licitĂ© d’avoir Ă  parler d'un autre 
ouvrage du méme genre, dont M. Boucher , assos 
cié de l'Institut national , l'avait prié de faire agréer 
l'hommage à l'Académie : c'est le catalogue des 
plantes dĂ©crites dans sa flore d’Abbeville, 


Cet extrait a prĂ©sentĂ© d'autant plus d’intĂ©rĂ©t Ă  
la Compagnie, que l’auteur a Ă©tendu ses recher- 
ches sur une partie du département de la Seine- 
InfĂ©rieure , sur-tout dans la forĂȘt d'Eu , sur les cĂŽtes 
de Dieppe , de sorte que son travail peut aider 
beaucoup , comme il le dit lui-mĂȘme, Ă  la forma- 
tion d’une flore de noire arrondissement. 


= Dans la séance du 26 floréal , M. Guersent, 
professeur du jardin botanique de Rouen , a lu 
deux observations : la premiĂšre sur le Brucea- 
antidysenterica ; la seconde sur une nouvelle espĂšce 
d’fbĂ©ride. 

Les botanistes , dit M. Guersent , connaissent 
depuis long-temps les fleurs mûles du Brucea ; quant 


aux fleurs femelles, elles ne sont connues que par 
F2 


C8) 
le dessin ét la courte notice qui en ont été adres- 
sés à l'Héritier par M. Bauks , président de la Scs 


ciété royale de Londres ; mais cette description ne 


peut convenir aux fleurs femelles du Zrucea. 

En eflet , l'Héritier a décrit et fait figurer, d'aprÚs 
M. Banks , 4 germes comprimés, 4 styles : il ne parle 
ni du pericarpe , ni des semences , et les auteurs qui 
ont parlĂ© aprĂšs lui de cette plante , trompĂ©s par l’a- 
valog'e des formes, et consid-raut les 4 ovaires com= 
me autant de capsules , ont cru pouvoir rapprocher 
le genre Érucea du genre Aylanthus (Desfontaires }. 
Voici, au contraire , ce que M. Guersent a observé 
dans la serre du jardin de Rouen oĂč le Brucea a 
fructifé. 


Deux fleurs femelles , conformĂ©es d’ailleurs com- 
me les fleurs mùles et placées sur un des pédoncu- 
les inférieurs , Jui ont offert, au milieu des étami- 
nes , au lieu du disque glanduleux qu'on observe 
dans les fleurs mùles , un ovaire surmonté d'un 
stigmate sessile, d'un rouge vif, divisé par un sil- 
Jon profond. Un de ces ovaires est tombé avaut sa 
maturité, mais lPautre a acquis la grosseur et la 
forme d’une petite olive, et a passĂ© successivement 
du verd au blanc luisant; puis au rose, et enfin au 
rouge. Ce fruit est un petit drupe dont le paren- 
chyme peu succulent renferme un noyau ovoide, 
uniloculaire , monosperme. Ce fruit avait certaine- 
ment été fécondé et avait acquis à-peuprÚs son dé- 
veloppement naturel , puisque ce drupe ayant été 


. 


(85) 
planté a donné naïssance à un jeune individu de 
la plus belle végétation. 


En consultant le voyage de Bruce, M. Guersent 
ÿ a trouvé une description de la fleur femelle par- 
faitement conforme Ă  ses propres observations , d’oĂč 
il conclut qu'il s'est glissé quelqu'erreur dans le 
dessin et la notice adressés à l'Héritier, 


Suit la description exacte du Prucea. M. Guersent 
pense que l’on doit laisser subsister ce genre con- 
sacré à la mémoire de l'illustre voyageur Bruce, et 
le regarder seulement comme congenĂšre du Como- 
cladia , prÚs duquel il doit étre placé dans la famille 
des thĂ©rebintacĂ©es dont il est reconnu aujourd’hui 


qu’il rĂ©unit tous les caractĂšres. A 


L'ibéride nonvelle qui fait le sujet de la seconde 


» 


observation a été trouvée dans les environs de 
Pouen. 


Cette espÚce d'ibéride dont M. Guersent donne le 
premier une trĂšs-bonne description, a quelques rap- 
ports avec l'/beris umbellata À fleurs blanches , et 
l'fberis amara , avec lesquelles elle paraßt avoir cté 
jusqu'à présent confondue. Il propose, par cette 
raison , de la désigner sousle nom d'/beris intermedia. 
Elle tient en eflet une sorte de milieu entre ces 
deux espĂšces ; mais elle diffĂšre de la premiĂšre , par= 
ticuliĂšrement par ses fleurs en longues grappes, et 
de la seconde par ses fleurs caulinaires entiĂšres, 

La beauté de ses fleurs , sa haute taille, qui sé» 

F3 


(86 ) 
lĂšve quelquefois jusqu'Ă  18 pouces, doivent la faire 
rechercher pour l’ornement des parterres. Cette 
espùce nouvelle a en outre. l’avantage sur les 
deux autres d’ĂȘtre bisannuelle. 


La saveur Ăącre et amĂšre de toutes les parties 
de cette plante , et sur-tout celle de ses semences, 
annonce qu’on pourra s'en servir en mĂ©decinĂ© 


comme d'un puissant anti-scorbutique. 


L’Jberis intermedia se rencontre abondamment sur 
les rochers calcaires, dans lesquels on a pratiqué 
la chaussée de Duclair , à quatre lieues de Rouen. 
Elle a été trouvée la premiÚre fois, dit M. Guersent, 
par notre confrĂšre, M. Varin, auquel on doit la 
dĂ©couverte d’un grand nombre de plantes du pays. 
Elle fleurit vers la fin du mois thermidor lorsque 


l'JBeris amara est dejĂ  en graine. 


= Dans Ja séance du 17 prairial , M. Degland , 
docteur en médecine, a [lu un mémoire intitulé : 
Observations relatives à la réforme des plantes cru- 


cifĂšres et sur-tout des siliculeuses. 


AprÚs avoir tracé rapidement le tableau histori- 
que des travaux des frĂšres Baudin , de Morison , 
Ray , Magnol , Tournefort, Linné Adanson, Crantz, 
Jussieu , GéƓrtner , relativement Ă  la dĂ©termination 
exacte des genres des cruciféres, M. Degland ob- 
serve que ces trayaux laissent encore beaucoup 
d’incertitudes et de doutes, et il offre dans la se- 
conde partie de son mémoire le résultat des re- 


a... 


Ve a 2 D 


(87) 
cherches qu'il a entreprises pour porter cette partie 
de la botanique à un plus haut dégré de perfection. 


L'auteur jette d’abord un coup-d'Ɠil sur les traits 
généraux qui peuvent servir à classer les crucifÚ- 
res. Il compare la valeur des différentes parties de 
la fructification , et prétend que de toutes les par- 
ties de la fleur le fruit est la seule qui puisse four- 
nir des caractĂšres certains. 


Il examine ensuite les siliculeuses qu'il divise, 
d’aprĂšs la considĂ©ration du nombre des loges , en 


upiloculaires , biloculaires et multiloculaires. 


Cette division simple et facile Ă  saisir dans le plus 
grand nombre de cas , présente des inconvé- 
nients qui wont pas échappé aux membres de la 
commission chargée d'examiner le mémoire dont 
nous offrons ici l'analyse. 


L'auteur passe ensuite à la considération de cer= 
tains genres dont il s’est particuliĂšrement occupĂ© , 
tels que le genre Zepidium , les genres subularia , 
clypeola, etc. 

Nous regrettons de ne pouvoir suivre M. Degland 
dans les dĂ©veloppements qu’il offre Ă  ce sujet ; mais 
ces détails se refusent à l'analyse. 

En parlant des siliculeuses , notre ConfrĂšre se borne, 
il est vrai , à des vues générales , mais ces vues peu- 
vent faciliter le travail en indiquant ce qui reste Ă  


faire sur cet objet. 


À la suite de son mĂ©moire, M. Degland a placĂ© 


FE 4 


(8) 
un tableau synoptique de la distribution des gen- 
res, d'aprĂšs la division du nombre des loges et la 


position des cloisons parallĂšles et transverses. 


— Le genera plantarum de Jussieu est , sans contre: 
dit , le plus savant ouvrage dont puissent se glorilier 
les fastes de la botanique : le PrĂŠminm ou intro- 
duction , est un chef-d'Ɠuvre de sagacitĂ© , dĂ© prĂ©- 


cision et d’élĂ©gance. ; 


C'est cette introduction que M. Robert , pharma- 
cien en chef de l'hospice d'humanité et membre 
de l'Académie , à entrepris de traduire en français 
en faveur de ceux auxquels la langne latine pour- 
rait n’ĂȘtre pas familiĂšre. 


On doit des Ă©loges Ă  notre ConfrĂšre pour avoir eu 
le courage de se livrer à une traduction dont l’au- 
teur Jui-mĂ©me avoue qu’il oserait Ă  peine se char- 


ger , tant elle présente de difficultés à vaincre. 


Comment , en effet, la langue française ne crain- 
drait-elle pas de se mesurer avec cet idiome heu- 
reux , qui souvent exprime d'un seul mot ce que 
nous ne pouvous faire entendre que par de longues 
périphrases ? Comment conserver en français l'éner- 
gique concision du latin ? Comment espérer de ren- 
dre d’une maniĂšre, je ne dis pas Ă©lĂ©gante , mais 
supportable mĂȘme , ces exptessions techniques, ces 
épithÚtes entassées , pour ainsi dire, les unes sur les 
autres , dont on admire , dans l'original , Pheu- 


Feux choix et harmonieuse disposition ? 


(89) 

M. Robert a cependant surmonté une grande par- 
tie de ces difficultĂ©s, et s'il n’a pas triomphĂ© de 
toutes , on peut dire que c’est moins sa faute que 
celle de Ja laigne qu’il voulait enrichir d’une des 


plus belles productions de l'esprit humain. 


A la suite de sa traduction , M. Robert a placé 
des tableaux synoptiques de nomenclature métho- 
dique , 1°-.des systĂȘĂ©mes botaniques de Tournefort, 
Linné et Jussieu ; 2° des classes, ordres, sections 
et genres de la méthode naturelle de Jussieu , dres- 


sés d'aprÚs Je tableau du rÚgne végétal de Ventenat. 


CHIMIE. E TVA R TSÙ CHU MI QUES. 


M. J’italis a lu un mĂ©moire sur la cristallisation 
de Pacide phosphorique. 

En voici l'extrait tel qu'il a été imprimé dans les 
Annales de Chimie : (a). 
ER ae 

(a) Six mois aprés que ce mémoire eut été inséré dans les 
Annales de Chimie , tome 0 , page 314, il parut, dans le n° 157 
tome 535 du mĂȘme ouvrage, une rĂ©clamation anonyme en faveur 
de M, Steinacher , pharmacien de Paris , sur la priorité de la 
découverte, 

Je réclamai sur-le-champ , à mon tour , auprés de MM. les 
rédacteurs des Annales de Chimie, par une lettre datée du. 
28 pluviĂŽse dernier , et dans Liquelle , en faisant valoir mes titres 
à la priorité, j'invitais M. Steinacher à produire les siens. Non- 


seulement je réclamais la découverte du fait principal, mais 


Co) 

n Occupé, au mois de germival an 11, à la re- 
vue que j'ai coutume de faire des produits de mon 
laboratoire , je trouvai une cristallisation assez belle 
au fond d'un flacon qui contenait de l'acide phos- 
phorique préparé depuis environ trois mois. 


» Ce phénomÚne intéressant que j'ai observé le 
premier ,; et que je m’empressai de faire remarquer 
aux élÚves qui suivaient , l'année derniÚre , mon 
cours de chimie, s’est prĂ©sentĂ© depuis Ă  M. Stei- 
nacher , pharmacien à Paris, qui Pa déposé , en 
messidor an 11, dans le n° 159 des Annales de Chi- 
mie , mais avec des circonstances différentes de celles 
que j'avais moi-mĂȘme apperçues, et qui me paru- 


celle de plusieurs circonstances essentielles dont il est accompagné 
et dont M. Steinacher n'a pas dit un seul mot dans sa note sur la 
cristallisation de l'acide phosphorique ( Annales de Chimie , 
tome 47, page 100 ), seul endroit oĂč il en ait parlĂ© ; la con- 
fiance que j'avais dans l'impartialité de MM. les rédacteurs des 
Annales de Chimle , me faisait espérer qu'ils se rendraient à 
ma demande, Cependant ma rĂ©clamation n'a point paru ,et c’est 
ce qui m'a engagé à prier l'Académie de Rouen, de me permet- 
tre de la consigner ici : ce que cette Compagnie savante a bien 


voulu m'accorder, 


Je profite de cette occasion pour ajouter un fait de plus Ă  ceux 
que j'ai déjà fait connaßtre ; c'est que l'acide phosphorique , 
ainsi que l'acide sulfurique, se cristallise Ă  un froid naturel ow 


artificiel de trois à quatre degrés sous zéro.} 


Ca) 
rent annoncer que l'acide phosphorique , comme 
toutes les substances susceptibles de prendre une 
forme symétrique et réguliÚre , pouvait offrir , dans 
sa cristallisation , des variĂ©tĂ©s qui mĂ©ritent d’ĂȘtre 


suivies. 


» Je préparai donc, en frimaire dernier , de 
nouvel acide phosphorique , en faisant brûler , à 
l'aide d’un feu doux , de petits morceaux de phos- 
phore dans de l'acide nitrique trĂšs-pur, jusqu'Ă  ce 
que l'acide fût complétement décomposé. 


» La dissolution Ă©vaporĂ©e jusqu’à consistance de 
sirop Ă©pais, fut introduite dans un flacon de verre, 
que je fermai bien ensuite , quoiqu'avec un simple 
bouchon de liége, Ce flacon , qui pouvait contenir 
environ quatre onces d’eau distillĂ©e , Ă©tait rempli Ă - 
peu-prÚs au tiers de sa capacité, et fut abandonné, 
comme la premiÚre fois , à la température du labo- 


ratoire. 


» En moins de deux mois j'obtins encore la cris+ 
tallisation de l'acide phosphorique , partie en ai= 
guilles soyeuses , non transparentes, couchées hori- 
zontalement et divergentes d'un centre commun 
comme celles du muriate calcaire , partie en lames 
cristallines de forme indéterminée , et placées au- 
dessous des cristaux aiguillĂ©s. Il n’était pas restĂ© dans 


Je flacon une seule goutte de liquide. 


» La cristallisation que je viens de décrire diffÚre 
beaucoup de celle que j'avais observée en germinat 


Co2) 
an 11. Celle-ci offrait une masse de prismes nombreux 
d’un ou deux centimùtres de longueur sur deux ou 
trois millimĂštres de largeur et autant d'Ă©paisseur. 
Ces prismes , qui m'ont paru tétraÚdres , et ter- 
minés par un sommet dont je n'ai pu reconnaitre 
la forme , Ă©taient d'une belle transparence. Presque 
tous étaient légÚrement inclinés aux parois du flacon. 
Une de leurs extrémités sortait hors de la masse , 
tandis que l'autre y Ă©tait engagĂ©e à’ une profondeur 


plus ou moins grande. 


» Une couche légÚre d'acide phosphorique mouil- 
lait les cristaux prismatiques, et cette liqueur , pro- 
menée sur les parois du flacon, y déposa , en moins 
de; deux jours, des petits cristaux grenus assez 
semblables à ceux que fournissent les sirops exposés 


à une température un peu chaude. 
» De tous ces faits je conclus : 


» 1° Que la cristallisation de l'acide phosphorique 
est un fait nouveau sur l'existence duquel il ne 
peut rester le moindre doute ; 


» 20 Que le repos parait étre une des circonstances 
essentielles à la production de ce phénomÚne : une 
température un peu basse , comme de 6 à 8 degrés 
Ă©chelle de RĂ©aumur , paraĂźt aussi la favoriser ; 


» 5° Que cette cristallisation s'opÚre en beaucoup 
moins de temps que ne l'annonce M. Steinacher ; 


» 4 Qu'on peut la déterminer à volonté par le 
procédé que j'ai suivi ; 


(93) 

» 5° Qu'elle est d'autant plus prompte , que la 
couche d'acide est plus mince ; 

» 6° Que les parois des vaisseaux n’ont pas une 
influence nécessaire sur la formation des cristaux , 
quoiqu'ils puissent en Ă©xercer une , suivant M. Stei- 
uacher , sur leur figure et sur leur position ; 

» 7’ Que la cristallisation de l'acide phosphorique 
offre des variétés remarquables , dépendantes sans 
doute de quelques circonstances particuliĂšres qu'il 
est important d'Ă©tudier ; 

» 8° Que l'acide phosphorique cristallisé ne résiste 
pas à une temperature un peu élevée , telle que celle 
de 20 à 25 degrés éclielle de Réaumur : car à ce 


degre de température , il se résout en liqueur « 


= Le mĂȘme membre a communiquĂ© Ă  l'AcadĂ©mie 
un Procédé nouveau pour fabriquer en grand le sul- 
Jfate de fer ( couperose verte du commerce }" (a): 

L'auteur parle d'abord des deux procédés em- 
ployes jusqu’à ce jour pour obtenir le sulfate de fer, 

Le premier est le grillage des pyrites martiales 
que l'on expose ensuite Ă  l'air et qu'on lessive aprĂšs 
qu’eiles sont eflleuries. 

Le second est le simple lessivage des terres im- 
préguces de suliate de fer produit par ia decompo- 
sition spontanée des pyrites , suivie d'uue évapora- 
tion couvenable. 


——————_—_—_—_—_—_— 


(a) Ce Mémoire a été lu à la séance publique, 


C 94 ) 

M. Vitalis propose de fabriquer plus simplement 
le sulfate de fer en combinant direttement l'acide 
sulfurique au fer , dans les proportions suivantes : 

100 livres de fer, 
156 —— d'acide concentrĂ© Ă©tendu de quatre 


fois son poids d’eau. 


L'auteur entre dans tous les détails nécessaires 
à ce genre de fabrication , et détermine les conditions 
desquelles dépendent et la beauté des cristaux et 
le degré de saturation convenable de l'acide par le 
fer. ; 


La suite de ses expériences lui a présenté quel- 
ques résultats analogues à ceux que M. Thenard a 
obtenus dans ses recherches sur l'oxidation du fer. 

Enfin, M. Vitalis présente des calculs qui tendent 
à prouver que le nouveau procédé qu'il propose 
produit d’honnĂštes bĂ©nĂ©fices. 


Ceux qui seront curieux de voir le procédé de 
l'auteur développé dans tous ses détails , pour- 
ront consulter la cinquiÚme année du Bulletin de 
la Société d'encouragement pour les progrÚs de l'in. 
dustrie nationale , séante à Paris ; ils y trouveront le 


mémoire imprimé en entier. 
Rouissage du Chanvre. 
M. le Préfet a adressé à l'Académie une instruction 


publiée par ordre de Son Excellence le Ministre de 
l'intérieur, sur les procédés découverts par M. Bralle, 


C95) 
d'Amiens, pour rouir le chanvre en deux heures 
de temps , et en toutes saisons , sans altérer la 
qualité. 

M. Descroïzilles , chargé ayec M. Mesaize de rendre 
compte du procédé proposé par M. Bralle, se pro- 
pose de faire à ce sujet une suite d'expériences en 
grand , et d'essayer si le nouveau procédé ne se- 
rait pas applicable au rouissage du lin. 


L'Académie s'empressera de publier par la suite 
les résultats que MM. les commissaires auront ob- 
* 
tenus. , 


Question de Chimie légale. 


Un accident arrivé , le 9 prairial an 11, à Romilly- 
sur-Seine , département de l'Aube , a donné lieu 
prĂšs le Tribunal de commerce et de marine de la 
ville de Rouen, à une question de chimie légale , 
dont M. Vitalis, l'un des experts nommés pour la 
résoudre , a rendu compte à l'Académie dans sa 
séance du 20 nivÎse dernier. 

Un commissionnaire de roulage , Ă  Rouen , avait 
chargĂ© sur sa voiture vingt bouteilles d’eau-forte 
(acide nitrique ) , Ă  52 degrĂ©s de l’'arĂ©omĂštre de 
Beaume , et six bouteilles d'huile de vitriol ( acide 
sulfurique ) concentré , pour le compte de MM. 
Delamare et Chùtel fils aßné , négociants en cette 
ville. La voiture portait en outre deux ballotins 
de librairie , cinq balles de bois d'inde efilé et trois 
balles de toile de coton. 


(96) 

Vers les dix heures du soir du 9 prairial, jou* 
de l'arrivée du voiturier à Romilly , la voiture prit 
feu et toutes les marchandises furent consumiées, 
Le commissionnaire pretendit que l’embrĂ€sement 
avait été occasionné par les acides du transport des- 


quels on l'avait engagé à se charger, 


Dans une premiÚre ascemblée , MM. OReilly , 
rédacteur des Annales des Arts et Manufaétures L 
Mésaize et Vitalis , experts nommés , reconnurent, 
aprĂšs quelques essais , que la question#soumise Ă  
leur décision ne pourait se résoudre que par des 


expériences faites en grand. 


Le Tribunal ayant ordonné qu'il serait procédé à 
ces expériences , MM. Mesaize , Dnbuc lainé et 
-Vitalis sy livrĂšrent avec toute lPattention dont ils 
étaient capables , et , aprÚs avoir essayé vainement 
-d’enflammer , soit ensemble , soit isolĂ©ment , les corps 
combustibles dont la voiture se trouvait en partie 
chargée , au moyen des acides nitrique et sulfu- 
rique , employés à grande dose et mélangés dans 
les proportions les plus propres Ă  porter l'acide 
nitrique au plus haut degré de concentration , ils 
-répondirent à la question soumise à leur décision 
par le Tribunal , en déclarant que l'embrùsement 
m'avait pu ĂȘtre causĂ© par le mĂ©lange des acides ni- 
trique et sulfurique. 


Ouvrages 


Cor Ă  


Ü 
_ 


F: , , . 
Ouvrages de chimie envĂ€fĂ©s Ă  l’AcadĂ©mie, 
M. Monnet , associĂ© de l’AcadĂ©mie , lui a adressĂ© , 


dans le courant de prairiÀl dernier , 1° son Atlas 
minĂ©ralogique de la France ; 2° son TraitĂ© de l’exploi- 
tation des Mines ; 5° son nouveau Systéme de miné- 


ralogie ; 4° son Traité de la dissolution des métaux, 
MĂ©decine et Chirurgie. 
L] 


M. Gosseaume, docteur en médecine , Directeur 
de l'Académie , a présenté des Observations sur le 
Catarrhe épidémique qui a régné pendant le printemps 
de l’an 11. 

M. Gosseaume recherche d'abord la cause de 
cette épidémie , et il la trouve dans les constitutions 
météorologiques de l'an 9 et de l'an 10 ; » presque 
» toutl’ano, dit-il, avait Ă©tĂ© singuliĂšrement humide ; 
» lPété de lan ro, généralement chaud et sec , avait 
» été suivi par une automne humide. L'hiver, de son 
» cÎté , avait été peu froid et souvent humide, 
» avec prédominance du vend nord-ouest «. Il pour- 
rait Ă  ce sujet s'appuyer de l’aatoritĂ© de Huxham , 
et de plusieurs autres observateurs distingués ; mais 
il invoque de préférence celle de l'oracle de Cos, 
et cite quelques passages du sixiĂšme chapitre du 
traité d'Hippocrate de aeribus , aquis et locis , parce 
que c’est dans cette source que ceux qui sont venus 
aprés le pÚre de la médecine , ont puisé leurs prin- 


cipes. 
S. publ, 1804. G 


( 98 ) 

L'auteur montre ensuite dans les variations de 
l'atmosphÚre la cause des altérations auxquelles notre 
individu est exposé ; ces altérations dépendent parti- 
culiÚrement des quantités respectives et diverses 
d’'oxigùne , d'azote , d'acide carbonique , d'eau , 
de calorique répandus dans le fluide atmosphérique. 
De lĂ  le cours naturel ou interrompu des transpira- 
tions, la tension convenable ou le relĂąchement de la 
fibre, les exhalations’ habituelles ou les surcharges 
humorales. 


Ces préliminaires conduisent M. Gosseaume à la 


connaissance de ia nature de la maladie , et la ma- 


niĂšre de la traiter la plus favorable. 


Elle a Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralement rĂ©pandue , parce qu’elle 

prenait son origine dans une cause universelle ; mais | 

elle affectait diversement les individus , suivant 
l'Ă©tat actuel et la disposition des organes. 


Les vieillards ont été assez généralement victimes | 
de cetie intempérie humide et débilitante. Les para- | 
lysies , les morts subites ont été plus fréquentes 
qu'Ă  l'ordinaire. 

Les convulsions ont été aussi plus fréquentes chez 
les enfants. 

Dans la plupart des sujets l’action catarrhale se 

\ portait sur la poitrine ; dans quelques-uns sur la 
membrane pituitaire ; dans d’autres sur la bouche , 
le pharinx , le voile mobile du palais, les amygda- 


les, etc. ; dans d’autres eufin sur l'estomac et les 


( 99 ) 


intestins. Mais quel que fût le siége de la maladie 
bé 9 


elle avait toujours la transpiration pour crise. 


On a remarqué encore que les ophtalmies , les 
douleurs rhumatismales et articulaires avaient été 
plus communes Ă  l'Ă©poque dont il s’agit. 

La méme cause avait produit tous ces résultats, 
et le traitement , Ă©galement facile et heureux, ne 
variait que par la diversitĂ© des parties a”ectĂ©es. 

Les malades gardaĂŻent le lit et usaient d'une nou- 
riture humide Ă  raison de la fiĂšvre. — » Jai vu de 
» ces maiades par centaines, dit M. Gosseaume, et 
» je n'ai pas rencontrĂ© une seule circomstance oĂč 
» lémétique fit nécessaire au début , ou dans le 
» cours de la maladie , lorsqu'il n'y avait aucune 
» complication ; et certaisement elles étaient fort 
» rares «, 

» La maladie termince , ajoute M. Gosseaume , 
» il était souvent nécessaire de purger pour pré- 
» venir les rechutes ; mais quand la crise avait été 
» parfaite , on pouvait , on devait mĂȘme se dispenser 
» de le faire «. 

Ces observations prouvent, comme M. Gosseaume 
s'était proposé de le démontrer , l'inutilité de cet 
appareil de remÚdes, de procédés curatifs, de re- 
cettes tant vantées par les papiers publics , puisque 
le traitement le plas simple Ă©tait constamment suivi 


du plus heureux succĂšs. 


= Vers la fin de thermidor an 12 , M. Behn , 
G 2 


( 100 ) 
médecin à Lubeck , a envoyé à l'Académie des ob- 
servations médicales sur l'influence des maladies du 
crĂąne , des meninges et du cerveau, dans certaines 
aliénations des facultés mentales. 


Le sujet de la premiĂšre observation est un tailleur 
qui s'était coupé la gorge et qui mourut deux jours 
aprùs avec tous les symptîmes d’une fiùvre maligne. 
— À louverture du crĂąne, on trouva les pariĂ©taux 
d’une Ă©paisseur trĂšs-inĂ©gale , hĂ©rissĂ©s de cinq pointes 
osseuses qui avaient percé la dure-mÚre et touchaient 
au cerveau. Le cÎté droit du cerveau contenait une 
grande quantité de sang extravasé qui était descendu 
jusqu’à la base du crñne. 

La deuxiĂšme observation a pour objet un riche 
négociant , fameux par son avarice , vivant dans la 
solitude depuis plusieurs années, triste, irascible , 
timide , sujet à des céphalalgies fréquentes : il se 
noya. — L'examen du cadavre offrit quelques dĂ©- 
sordres dans les cavitĂ©s de la poitrine et de l’abdo- 
men, L'ouverture du crñne , le frontal et l’occipital 
se trouvĂšrent de l'Ă©paisseur d’un demi-pouce ; on 
observa en outre, le long du sinus longitudinal su- 
périeur , et des deux cÎtés , plusieurs lames osseuses 
dont quelques-unes étaient terminées par des pointes 
tournĂ©es vers le cerveau. La partie de l’arachnoĂŻde, 
placée au-dessous de ces différentes lames osseuses » 
Ă©tait d'une Ă©paisseur extraordinaire , et contenait 


plusieurs concrétions albumineuses. 


Une maniaque qui plongea un couteau dans le 


( 101 ) 
sein de son fils , est le sujet de la troisiĂšme obser= 
vation. La femme qui l’a fournie à M. Behn, mùre 
tendre ; Ă©pouse vertueuse ,.ayait , suivant l'usage 
du pays, reçu chez elle son vieux pÚre pour lui 
donner des soins jusqu’à sa mort. Des querelles 
s'étant élevées entre le vieillard et son mari, elle crut 
devoir Ă©loigner son pĂšre qui mourut quelques an- 
nées aprÚs. Les remords , le repentir suivirent bien- 
tÎt cette action : l'infortunée se reprochait amÚre- 
ment l’'ingratitude dont elle s'Ă©tait rendue coupable, 
Peu de temps aprĂšs, suspension subite des rĂšgles ;, 
tristesse , réverie profonde, terreur pendant la nuit, 
visions, apparitions de son pĂšre. Les jours suivants, 
fiÚvre violente , délire continuel , sueurs abondantes 
pendant quinze jours ; cessation de la fiĂšvre , mais 
mal de tĂȘte violent |, mĂ©lancolie profonde , idĂ©e du 
courroux de son pÚre toujours présente à son esprit. 
Elle se persuade que le seul moyen de l'appaiser 
est de lui sacrifier le plus jeune de ses fils pour 
lequel elle avait une affection, une tendresse par- 
ticuliÚre. Pleine de cette idée , elle se confesse , 
reçoit les sacrements, rentre chez elle , et , aprÚs 
une fervente priĂšre , saisit son enfant, le porte dans 
une cave ou linnocente victime tombe sous les coups 
de sa mĂšre. . . . . Elle remonte , le couteau san- 
glant à la main , et elle dit , d’un ton calme et 
tranquille |, à sa famille et aux voisins assemblés : 
Le sacrifice est fait, le ciel est appaisĂ©.Âź — On la 
traine devant les tribunaux, Sur Je rapport de M, 
G 3 


( 102 
Behn, elle est acqnittée comme maniaque ,; mais 
détenue comme fuile. Au bout de six moïs, appa- 
rition des rĂšgles , Ă©coulement par l'oreille d'une 
matiĂšre puruiente ; enfin, retour de la raison avec 
la santé. Cette mire infortunée est réclamée par 
sa famille , et elle vit maintenant an milieu de ses 
enfauts , tris'e et toujours réveuse, mais saus donner 


aucun signe de folie. 


MM. LaumÎnier , Guersent et Vigné, que vous 
# ; + 4h: 
aviez chargés de vous rendre compte de ces observa- 
tions , les ont jugées trÚs-imporiantes, et dignes, sous 


tous les rapports , de r'attention de l'Académie. 


= En thermidor an 11 , l'Académe recut un 
mĂ©moire intitulĂ© : Æssai historigne et critique sur 
David , docteur en médecine , chirurgien en chef de 
l’HĂ©tel-Dieu de Rouen , etc, , par Am:ble Godefroy, 
ex-chirurgien de premiĂšre classe des hĂŽpitaux mi- 
litaires, médecin de l'école de Paris, membre cor- 
respondant de la SocietĂ© mĂ©dicale de la mĂȘme ville, 
de celle d'Anvers et d'Avignon , de l'Académie des 
sciences ,; des belles-lettres et des arts de Rouen. 


» Jean-Picrre David recut le jour à Gex , de pa- 
rents honnĂȘtes et jouissant d'une fortune mĂ©diocre. 
Heureuse médiocrité , remarque ici l'auteur du mé- 
moire ; c’est elle peut-ĂȘtre qui dĂ©veloppa le germe 
des talents de cet homme célébre. Il fit ses premiÚres 
Ă©tudes Ă  Lons-le-Saunier , puis Ă  Versoix , et vint 
Ă  Paris en achever le cours. | 


( 103 ) 

Les premiers pas de David dans la carriĂšre des 
sciences furent marqués par les plus brillants succÚs, 
11 n'avait pas encore atteint sa 24° annce qu'il fut 
couronné par une Académie étrangÚre. Ce fut PA 
cadémie de Harlem , qui, la premiÚre , lui decerna 
les palmes de la victoire. Cette société savante avait 
proposĂ© pour sujet de prix : ce qu’il convient de 
faire pour ausmenter | diminuer ou supprimer le lait 
des femmes. Si quelques taches déparent cette pro- 
duction , il ne faut , dit M. Godefroy , en accuser 
que le temps qui la vit naitre. 


Ce premier succĂšs n’était que le prĂ©lude de ceux 
qui l'attendaient cette mĂȘme annĂ©e: Day ! publia des 
Recherches sur la maniĂšre d’agir de la saiĂŻgnĂ©e , et sur 
les effets qu’elle produit relativement Ă  la partie oĂč 
on la fait. Ce traité fut accueilli avec enthousiasme , 
et une seconde édition, qui succéda rapidement à 
la premiĂšre , dut dissiper le doute modeste que 


Pauteur avait conçu du mérite de son ouvrage. 


C'est Ă  cette Ă©poque que Lecat, dont le nom seul 
fait l'éloge , juste appréciateur du mérite de David , 
se l’attacha par les liens du sang, en ui donnant la 
main de sa fille , et le désigna pour le remplacer sur 


un théùtre digne de ses talents, 


Peu de temps aprÚs , l'Académie de Rouen pro- 
posa pour sujet du grand prix : /e AĂ©canisme et 
les usages de la respiration. Un seul mémoire fut 
distingué , mais il ne résolvait pas complÚtement la 


G4 


(1064 ) 
question. Cette question ayant Ă©tĂ© remise Ă  l’annĂ©e 
suivante , David , qui déjà avait obtenu une mention 


honorable , reçut , en 1765, une double couronne 


des mains de l'Académie. 


En 1764, l'Académie de chirurgie avait proposé 
pour sujet du prix double : DĂ©terminer la maniĂšre 
d'ouvrir les abcÚs, et leur assigner un traitement mé- 
thodique suivant les différentes parties du corps. Le 
prix fut adjugé au mémoire de David , et cet écrit , 
dit M. Godefro suffirait seul pour immortaliser 

Nr P 


le nom de son auteur. 


Peu satisfait de ce qui avait été écrit jusqu'alors 
sur les causes de la pesanteur , David en fit le sujet 
de ses méditations, et mit au jour , en 1767, un 
Ouyrage qui Ă  pour titre : sur la cause de la pe- 
santeur et luniformitĂ© des phĂ©nomĂšnes qu’elle nous 
prĂ©sente, — SĂ©duit par une hypothĂšse ingĂ©nieuse , 
David est tombĂ© ici dans des erreurs que l’auteur 
de l'Essai combat , en conciliant les intĂ©rĂȘts de la 
vérité avec le respect que Pon doit aux talents su- 


pĂ©rieurs lors mĂȘme qu'ils viennent Ă  s’égarer. 


L'Académie de chirurgie avait proposé pour le 
prix de 1769 , le sujet suivant : Exposer les effets 
des contre-coups dans les différentes parties du corps 
autres que la tĂȘte , et les moyens d’y remĂ©dier, 
Déjà membre de l'Académie | David se trouvait 
exclus du concours ; mais il crut pouvoir se ména- 
ger le plaisir secret de remporter , sous le nom d’un 


(105) 
de ses Ă©lĂšves, la double palme qu’il n'avait pu dis- 
puter ouvertement. 
Physiologiste aussi ingénieux que médecin pro- 
fond , David publia en 1771 un traité fort étendu 
sur la nuérition et sur les phénomÚnes de la géné- 


ration. 


En 1779 , parut son mémoire sur les effets du 
mouvement et du repos dans les maladies chirurgi- 


cales. 


Enfin , en 1782 , il défendit son opinion sur la 
nécrose avec cette supériorité que donne une pra- 
tique accoutumée aux plus heureux et aux plus 
brillants succĂšs. 

AprÚs avoir montré dans David le physicien dis- 
tingué , le médecin profond , l'opérateur consommé 
dans la pratique de son art, le professeur dévoré 
d’un zĂšle ardent pour les progrĂšs de ses Ă©lĂšves, 
M. Godefroy le peint environné de ses vertus pu- 
bliques et privées ; ji! fait le tableau le plus touchant 
de sa douceur , de sa sensibilité ; de sa bienfai- 
sance, » Retraçons-le, dit-il, dans une de ces cir- 
constances oĂč l'acier cruel est la derniĂšre ressource 
que lui offre son art. Langage affectueux , tendre 
sollicitude , raisonnement persuasif, rien n’est omis 
auprĂšs de l'ĂȘtre souffrant pour tromper en quel- 
que sorte sa douleur. David puise son eloquence 
dans son cƓur , et enchaüne la confiance. Une larme 
roule dans ses yeux, et son cƓur , douloureuse- 
meut comprimé , semble se reprocher des tourments 


€ 106 } 
qu'il ne peut, hélas ! épargner à son malade. Mais ne 
croyez pas Que sa main participe Ă  ce trouble : 
sĂ»re, invariable dans sa marche , elle suit, sans s’en 
Ă©carter , la ligne la plus courte. La trace de la 
douleur se prolonge toujours trop , et instant oĂč 
Yon souflre s'écoule si lentement! «. 


Pourquoi faut-il que nous ayons à déplorer la 
trop courte durée et la fin presque tragique d'une 
carriĂšre si heureusement commencee. Ebloui par les 
brillantes illusions que lui offraient des spéculations 
commerciales | et trop faible pour résister à cet 
appĂąt dangereux , David vit en un instant s'Ă©va- 
nouir toutes les espérances dont il sétait flatté , 
et n'appercut autour de lui que les dĂ©bris d’une 
fortune acquise par seize ans de travaux. Consumé 
par la mélancolie, dévoré par le chagrin , ce grand 
homme succomba sous Je poids du malheur, et 
une mort prĂ©maturĂ©e l’enleva dans la quarante- 
quatriÚme année de son ùge. Il mourut regretté de 
sa famille , de ses concitoyens , des hommes de 
Part et de tous les savants. 


MM. LaumĂŽnier , Besnard et Vigne , que vous 
aviez nommés pour examiner le mémoire que je 
viens d'analyser , en ont porté le jugement le plus. 
favorable. 


= M.le Maire-Ternante , chirurgien de cette 
ville , a présenté à l'Académie un Mémoire pour 


servir Ă  l’histoire de la NeĂ©crose. 


, Cro7) 

Consulté sur une maladie dont était affectée la 
jambe droite de M. Félix Ribard , démeurant alors 
Ă  Lisbonne , M. de Ternante crut devoir , contre 
l'opinion des gens de l'art qui soĂŻgnaient alors le 
malade , en attribuer la cause, non Ă  un principe 
varioleux auquel on avait envain opposé divers mé- 
dicaments internes , mais à une véritable gangrÚne 
de l'un des os de la jambe. 

Il Ă©tait difficile iei , disent les commissaires MM. 
LaumÎnier , Besunard , V'gné et Defonteray , dans 
le compte qu'ils ont rendu de ce mémoire , de ne 
pas blesser ’amour-propre. Mais M. de Ternante, 
en plaçant un nom celébre entre ses adversaires et 
lui, sut mĂ©nager adroĂŻtement tous les intĂ©rĂȘts. Il 
invoqua l'antorité de David ; et on ne saurait trop 
louer sa d'licatesse pour avoir rapporté à son il- 
lustre collĂšgue tout l'honneur de la cure , lors mĂȘme 
que ce deruier n'existait plus. 

Le jugement porté par M. de Ternante, sur la 
maladie de M. Ribard , éloigné alors de lui de 400 
lieues , annonce une sagacité heureuse ; et le temps 
auquel il opéra le malale ajoute infiniment de prix 
au succĂšs de l'opĂ©ration qui, d’ailleurs , exige beau- 
coup d'expérience et d'habileté. 

L'Académie a fait un accueil également favorable 
au mémoire que M, de Ternante lui a présenté 
sur quelques cas particuliers qu'il a rencontrés dans 
la maladie des yeux, connue sous le nom de Cata= 


ractes ; et qu'il a opérés avec succÚs. 


(108 ) 

— M. VignĂ© , docteur en mĂ©decine , membre 
de l'Académie , a fait hommage à la Compagnie ; 
1° de quatre Discours sur l' Anatomie , prononcés , 
en l'an 7 et en lan 8 , en présence des Adminis- 
trateurs des Hospices civils de Rouen, Ă  l'ouverture 
et à la clîture de ses cours d’anatomie ; 2° d’un 
Essai sur les Scrophules | soutenu à lécole de 
mĂ©decine de Paris , le 4 vendĂ©miaire an 10 ; 5° d’un 
Essai sur les affections vermineuses ; 4 d'un Essai 


sur l’utilitĂ© de l’anatomie. 


Ces divers ouvrages ayant été rendus publics 
par la voie de Pimpression , l'Académie laisse aux 
gens de l’art le soin d’en apprĂ©cier le mĂ©rite. 

M. Vigné vous a lu en outre des réflexions et 
observations sur la petite-vĂ©role , mais dont il n’a 
point fait le dépÎt aux archives. 


Anatomie artificielle. 


M. LaumĂŽnier , chirurgien en chef de l'Hospice 
d'humanité de Rouen , membre de FPinstitut natio- 
val et de l'Académie de cette ville , a mis sous 
les yeux de la compagnie diverses piùces d’anato- 
mie artificielle qu’il a exĂ©cutĂ©es en cire avec un tel 
degrĂ© de perfection que l'Ɠil saisit par - tout et 
jusque dans les détails les plus délicats , leffrayante 
vérité de la nature. Nous regrettons de ne pouvoir 
offrir ici la description de ces morceaux précieux , 
destinés par le Gouvernement à enrichir les cabinets 
d'anatomie des facultés de médecine de Paris et de 
Montpellier. 


mr st TS 


( 109) 
AGRICULTURE ET COMMERCE. 


En messidor an' 11 , M. Descroizilles ainé a 
présenté à l'Académie un ouvrage imprimé , inti- 
tulĂ© : Æssai sur l’agriculture et le commerce des 
Isles-de-France et de la RĂ©union , suivi d’une Morice 
historique de l’Isle de-France , pendant la rĂ©volution , 
par Frédéric Descroizilles , négociant et planteur 


à VIsle-de-France , et ancien membre de l'Assemblée 
coloniale. 


Cet ouvrage prĂ©sente ‘un tableau trĂšs-bien fait 
de PĂ©tat de la culture et des grands Ă©tablissements 
de sucreries , guildiveries , indigoteries, etc., for- 
més dans ces deux ßles; l'auteur rend compte des 
obstacles qui ont empĂȘchĂ© lIsle-de-France , en par 
ticulier , de parvenir au dégré de prospérité agri- 
cole et commerciale dont elle est susceptible. Il 
propose un plan d'organisation pour ces colonies, 
et donne l’apperçu des produits que l’on peut en 
attendre. Comme les rĂ©sultats qu’il annonce pour- 
raient paraitre exagéres à quelques personnes, M. 
DescroĂŻzilles rĂ©pond aux objections qu’on pourrait 
rer de l'expérience du passé , de la quantité de 
terrain infertile , de la sécheresse devenue plus 
grande par l'effet des nouveaux défrichements, des 
Ouragans, etc. etc. » Tout ce que les habitants de ces 
» deux ßles ont à demander au Gouvernement, dit-il 
» en terminant , c'est qu’il favorise leur agriculture , 


» leur commerce , leur navigation et leur industrie «. 


«* 


{ 110 ) 


= Dans le courant de thermidor an 11, M. Calvel, 


ci-devant membre de plusieurs Accademies , Socié- 


tés littéraires et d'agriculture , a adressé à l'Acadé- 
mie denx ouvrages imprimĂ©s.— Le premier a pour 
titre : Traité complet sur les pépiniÚres , tant pour 
les arbres fruitiers et forestiers que pour les arbris- 
seanx et les arbustes d'ornement , avec des instruc- 
tions pour faire les semis de toutes les espĂšces , 
les marcottes , les boutures, pour préparer le ter- 
rain , mettre le plant en pépiniÚre , le conduire , le 
grelfer, élever les arbres, les diriger , les déplan- 
ter et les transplanter de la maniĂšre la plus utile 
et la plus Ă©conomique.— Le second est intitulĂ©: 
Des arbres fruitiers pyramidaux vulgairement appelés 
guenouilles | avec la maniĂšre d'Ă©lever sous cette forme 
tous les arbres Ă  fruits provenant de pepins et de 
noyaux, pour en faire un objet d'utilité et d'agré- 
ment. 

Ces deux ouvrages , fruits de l'expérience , ne 
peuvent manquer d'ĂȘtre b'en accueillis de tous ceux 
qui savent combien la culture des arbres en gé- 
néral offre de ressources précieuses , autant pour 
VPatilitĂ© que pour l'agrĂ©ment. On trouve dans Île 
traité sur les pépiniÚres une nomenclature  trÚs- 
Ă©tendue des fruits Ă  boisson , et principalement des 
poires et des pommes Ă  cidre ; suivant l'ordre de 
leur maturité : il west pas besoin de faire remar- 
quer combien cet article est intéressant pour notre 


départemeut. En se conformant exactement aux 


Çirr) 
préceptes de M. Calvel , les arbres fruitiers , connus 
sous le nom de quenouilles , adoptés avec enthou- 
siasme par les uns , proscrits impitoyablement par 
les autres , conserveront utilement leur place dans 
nos jardins qu’ils enrichiront de leurs fruits, et 


qu'ils embelliront de leurs formes agréables. 


= M, Brémontier , ingénieur en chef des ponts 
et chaussées , a envoyé à l'Académie un échantil- 
lon de la résine fournie par les pins plantés sur 
les dunes du golfe de Gascogne, pour fiter le 
mouvement progressif de ces Ă©normes montagnes 
de sables, qui dans leur marche engloutissent les 
habitations , et quelquefois des villates entiers. 


Cette résine a été jugée par les membres de la 
commission des trayaux de l’ensemencement des 
dunes du golfe de Gascogne, de la meilleure qua- 
litĂ© possible , et supĂ©rieure mĂȘme Ă  celle que don- 
ne les pins des landes de Bordeaux. 


A l'échantillon était joint un mémoire imprimé 
sur les dunes, et particuliĂšrement sur celles qui se 


trouvent entre Bayonne et la pointe de Grave, Ă  
l'embouchure de la Gironde. 


= M. Piialis à communiqué à l'Académie un 
MĂ©moire sur la nature des marnes , leurs diverses 
espĂšces, leur emploi le plus avantageux , selon la 
différence des terres, et dans lequel il indique aux 
cultivateurs des caractÚres extérieurs propres à leur 
faire dis'inguer , par des moyens faciles, chaque ess 
pĂšce de marnes. 


(112 ) 

L'auteur, aprÚs avoir représenté l'agriculture corn 
me le premier des arts , demande pourquoi , au 
milieu de l’émulation gĂ©nĂ©rale , l'agriculture a si peu 
occupé les esprits ; pourquoi la science la plus im- 
portante aux besoins de la Société a fait, depuis 
des siĂšcles , des progrĂšs si lents et si faibles ; pour- 


quoi, tandis que toutes les autres parties de nos 


connaissances marchent d’un pas rapide vers la per- 


fection , l'agriculture seule reste en arriĂšre , et 
paraßt condamnée à un funeste oubli? 

Il en trouve principalement la raison dans le mé- 
pris absurde du plus utile comme da plus noble 
des arts, dans cette routine aveugle qui subjugue 


le plus grand nombre de nos cultivateurs. 


La marne, suivant lui, west point un engrais : 
elle ne fournit point ‘par elle-mĂȘme aux vĂ©gĂ©taux 
les sucs nourriciers dont ils ont besoin. Les mar- 
nes ne servent qu’à corriger les dĂ©fauts des terrains 
argileux, sableux ou crétacés , il fait connaitre à ce 
sujet la nature des marnes en général, et celle des mar- 
nes dites d'engrais, en particulier. Ces derniĂšres 
se rĂ©duisent Ă  deux espĂšces qu’il ne faut pas con- 
fondre : la marne argileuse et la marne calcaire , 
ainsi nommées , suivant que l'argile ou la craie 
domine daus leur composition. Il propose des 
moyens aussi simples que suĂŒrs pour distinguer cha- 
cuze de ces marnes. 

De lĂ , passant Ă  l'emploi des marnes, suivant la 


diffĂ©rence des terres qu’il s'agit de rendre propres 
Ă  


a 
tr tristes die te ent a ee, Se 


(1139 
à la végétation , il donne des rÚgles fondées égale- 
ment et sur le raisonnement et sur l'expérience , 
et dont le cultivatenr ne peut , dit-il , s'Ă©carter 
sans s’exposer à perdre la plus grande partie de 
ses avances. Il insiste particuliÚrement sur la néces- 
sitĂ© de ne repandre la marue sur le terrein qu’'a- 
prĂšs d’avoir rĂ©duite au moins en poudre grossiĂšre, 
afin qu'ainsi attĂ©nuĂ©e elle puisse , 1° s’incorporer 
intimement aux substances terreuses dont elle doit 
corriger les dĂ©fauts ; 2° absorber aisĂ©ment l’oxigĂšne 
atmosphérique dont l'influence sur le développement 
des parties organiques des vĂ©gĂ©taux n’est plus dou- 


teuse aujourd’hui. 


Il suit naturellement du point de vue nouveau 

: » s 1c 4 : ; 2 
sous lequel l’auteur a envisagĂ© son sujet, que l’em 
ploi de la marne ne dispense pas de lusage des 
engrais ; qu'il ne tend qu’à les Ă©conomiser en 
rendant le terrain propre Ă  en retenir toutes les 
parties utiles , et Ă  ne les cĂ©der au vĂ©gĂ©tal qu’à 


proportion de ses besoins. 


L'auteur termine par une récapitulation des prin- 
cipes les plus importants développés dans le cours 


de son memoire. (1) 


(1) Ce mémoire a été imprimé à Rouen, chez P. Periaux, 


rue de la Vicomté, 


S, publ, 1804. H 


C114) 
Filature continue. 


L'Académie doit à M. le Préfet la connaissance 
des efforts que M. Muizieres , menuisier , rue du 
Pré , n° 8, fauxbourg Saint-Sever , à Rouen , a 
tentés pour appliquer à la filature continue un mé- 
canisme particulier propre à remplacer le sérvice 
des chevaux dans les filatures dites Ă  manĂšge. 


M. Vitalis, en rendant compte de ce projet, au 
nom de la commission chargĂ©e de l’examiner , a 
fait voir que les principes de M. Maizieres ne 
s'accordent point avec ceux de la mécanique ; mais 
en rejettant les propositions de l’auteur , il a re- 
commandĂ© ses louables intentions Ă  l’estim e de 
la Compagnie. 


Machine Ă  filer le coton. 


Au mois de thermidor an 11, M. le Préfet vous 
a invités, Messieurs , à faire examiner par des com- 
missaires ( MM. Delepine , Lancelevée et Vitalis } 
un métier filoir de 52 broches , exécuté et per- 
fectionné , d'aprÚs le systéme d'Arkwrigth , par M. 
le Cardonnel , serrurier Ă  Rouen , place Rougemare. 


Il résulte du rapport des commissaires que M. 


le Cardonnel a fait une heureuse application des 


roues coniques pour mener le tambour du cylin- 
dre qui communique le mouvement Ă  toutes les 
broches. Cet engrenage présente un avantage évi- 
dent sur jes poulies qu’il remplace, puisqu'il Ă©vite 


ne sn 


ss ot de et ee. 


Ctr15 
une somme assez considérable de frottements inu- 
tiles. 


Un volant placé au centre du premier moteur 
sert à régler le mouvement , à le rendre plus égal 
et moins dépendant de la force musculaire de la 
fileuse. 


Dans les machines ordinaires, le mouvement du 
tendeur destiné à remédier aux effets variabies de 
l'atmosphĂšre sur la corde qui s'enveloppe autour 
du cylindre, est abandonné à l'intelligence de la 
fileuse ; ce qui n’est pas sans inconvĂ©nient. M. 
le Cardonel y a remédié en réglant ce mouvement 
par deux poids appliqués à une espÚce de petit 
chariot. Ces poids maintiennent ia corde dans un 
dégré constant et uniforme de tension , et corri- 
gent ainsi , d’une maniĂšre aussi simple qu’ingĂ©nieuse, 
l'influence de l’air sec ou humide sur sa longueur. 

Du papier fin ,adroitement collé sur le cylindre, 
met cette piĂšce, autant qu'il est possible , Ă  l'abri 


de la sécheresse et de l'humidité de l'atmosphÚre, 


Ce filoir, trÚs-bien exécuté d'ailleurs , annonce 
dans M. le Cardonel beaucoup d'adresse et d'intel- 
ligence. 


L'Académie a eu la satisfaction de voir les éloges 
qu’elle avait donnĂ©s au travail de M. le Cardonel, 
confirmĂ©s par le Ministre de l’intĂ©rieur , dans une 
lettre pleine de bienveillance , adressée par Son 
Excellence Ă  l'artiste estimable qui s'occupe avec 

Hra 


C6) 
tant de succĂšs Ă  perfectionner parmi nous les 
machines employées à la filature continue. 


Sys2ËmME gĂ©nĂ©ral de numĂ©ros pour les fils , et 


spécialement pour les fils de coton. 


Il est trĂšs-important pour ceux qui emploient les 
fils, dit M. Lafontaine-Fleulard fils , dans un mé- 
moire qu’il vous a prĂ©sentĂ© , d’en connaĂźtre exac- 
tement la finesse. 

La mesure immédiate du dismÚtre de ces fils eût 
été un moyen aussi peu exact que diffcile dans la 
pratique. 

On a donc adopté, ùvec raison, un moyen beau- 
coup plus simple , et qui ne laisse rien à désirer 
du cûté de l'exactitude. Il consiste à peser une 
longueur connue du fil dont on veut déterminer la 
finesse , et, par le poids plus ou moins considérable 
de cette longueur , on juge du dégré de finesse. 
C’est ainsi que l'on indique la finesse d'un fil en 
disant qu’il en faut tel nombre d’'aures pour peser 
une livre , ou tel nombre de piĂšces de telle lon- 
gueur dans le poids d’une livre. Ce nombre de 
piÚces donne le numéro du fil, et réciproquement ; 
le n° 20, par exemple, indique que le fl compris 
sous ce numĂ©ro est d'un dĂ©grĂ© de finesse tel qu’il 
en faut 20 piĂšces pour peser une livre. 

Si tous les fileurs avaient donné aux piÚces la 
mĂ©me longueur, le mĂȘme numĂ©ro indiquerait par- 
tout le mĂȘme dĂ©grĂ© de finesse ; mais les uns font 


Cu) 

leurs piĂšces de 600 aunes , les autres de 625; ceux- 
ci de 650, ceux-lĂ  de 700, quelques-uns de 750; 
il en est mĂȘme qui les portent jusqu'Ă  1000 aunes 
à la livre. Les abus et les inconvénients sans nom- 
bre qui résultent d'un pareil ordre de choses , 
doivent faire désirer vivement un systÚme général 
de numéros qui assure une uniformité constante 
dans tous les Ă©tablissements de filature. 


Or , dit l’auteur du mĂ©moire, pour qu'un sys- 
tĂȘme puisse devenir gĂ©nĂ©ral , il doit ĂȘtre appuyĂ© 
sur des bases qui soient elles-mĂȘmes gĂ©nĂ©ralement 
adoptées. On ne peut donc prendre pour bases 
VPaune et la livre qui ne sont pas les mĂȘmes dans 
tous les pays , et auxquels le Gouvernement vient 
de substituer d’autres mesures. Le mĂȘĂ©tre et le 
gramme sont les seules unités sur lesquelles on doive 
fonder le systÚme général, qui, sil étaitreçu dans 
toutes jes fabriques françaises , pourrait étre ensuite 
adopté chez l'étranger, 

M. Lafontaine conclut en proposant mille mĂštres 
pour unité de longueur , et le kilogramme pour 
unité de poids, Mais comme on pourrait trouver 
qu'un Ă©cheveau de mille mĂštres serait trop fort , il 
propose de donner au dévidoir un mÚtre et demi 
de circonférence : quatre cents tours formeront 
lécheveau , et eet écheveau sera les 0.6 de lu- 
nité de Jongueur. Dans ce cas cinq écheveaux compos 
seront la pente , la botte pesera trois kilogram- 


mes , et le nombre des pentes indiquera alors le 
numéros KH 3 


(u8) 

Les commissaires chargés d'examiner le mémoire 
qui nous occupe (MM. Pugh , Lancelevée et Le- 
tellier ) observent que ce systĂȘme pourra paraĂźtre 
trop éloigné des rapports actuellement connus , et ils 
indiquent alors comme s’en Ă©cartant Ă  peine , la demi- 
piÚce de 750 mÚtres , comparée au demi-kilogramme, 
laquelle est dans un tel rapport avec la piĂšce de 
650 aunes à la livre, que leurs numéros ne diffÚrent 
que.d’un centiùme. 


Cette demi-piùce , qui paraüt d’une grosseur trùs= 
convenable , s'obtient aisément en donnant au dévi= 
doir un mÚtre et demi de circonférence : 100 tours 
formeront léchevette , et cinq échevettes feront la 
demi-piÚce. La piÚce entiÚre sera donc composée 
de dix centaines, et si lon considÚre la circonfé= 
rence du dévidoir comme l'unité, la division de la 
piĂšce sera celle du kilogramme , et conforme , comme 
cette derniÚre , au systéme décimal. 


MM. les commissaires chargés du rapport, ont 
jugé que le travail de M. Fontaine est celui dun 
bon citoyen , et qu'on ne peut trop inviter les fa- 
bricants Ă  adopter les bases du systĂšme qu'il propose 
pour la classification des fils, 


Perfectionnement de la pompe vulgairement appelée 
seringue. 


Ce perfectionnement, imaginé par M. le Brument , 
architecte , membre de l'Académie , et que la mort 
nous a enlevé depuis, consiste en ce que le corps 


C9) 

de pompe, au lieu de se visser comme Ă  l'ordinaire , 
par son extrémité inférieure , sur le canal déférent , 
repose sur un ressort à boudin enfermé dans le 
canon qui termine ce canal. L’extrĂ©mitĂ© du corps 
de pompe qui entre dans le canon porte une ou- 
verture qui s'Ă©lĂšve au-dessus ou s’abaisse au-dessous 
du tuyau déférent suivant que le ressort est com- 
primé ou non ; ce qui laisse au malade la faculté 
d'interrompre le jeu de l'instrument Ă  l'instant mĂȘme 
oĂč il le dĂ©sire et sans craindre une inondation tou- 
jours désagréable, 

Cette pompe se distingue encore des autres en 
ce que le manche du piston Ă©tant creux , on peut 
la remplir sans étre obligé de la renverser. 


On trouve des pompes de cette espĂšce chez M. 
Boissel , pompier , Pont-de-Robec, qui a parfaitement 
rendu dans l'exécution les idées de M. le Brument. 


ÉCONOMIE RURALE. 


Au mois de frimaire an 12 , M. le Préfet à 
adressé à l'Académie un exemplaire du rapport fait 
par M. Huzard , à la classe des sciences mathéma- 
tiques et physiques de l'institut national, sur les 
améliorations qui s'opÚrent successivement dans l'é= 
tablissement de Rambouillet , et principalement de 
celle des bĂȘtes Ă  laine , et de la vente qui a eu lieu 
le 15 prairial an 11. 

H 4 


(120 }) 

Dans un premier rapport , Iu à l'Académie dans 
sa séance du 26 floreal an 12, M. l'abbé Lallemant 
vous a donné, Mess'eurs , un précis trÚs-bien fait 
des succĂšs qu'obtient tous les jours l'Ă©tablissement 
de Rambouillet. 


Dans un deuxiÚme rapport , présenté à la Compa- 
gnie le 3 prairial an 12 , notre CoufrĂšre a fait part 
de ses observations sur les objets les plus intéres- 
sants dont il est parlé dans le compte rendu par 
M. Huzard, 


= Le 28 vendémiaire an 12, M. le Préfet a soumis 
au jugement de l'Académie quelques questions pro- 
posées à l'occasion des moyens de nourrir et de 
faire travailler les Abeilles pendant les plus grands 
froids , et de les prĂ©server des dangers de l’hiver. Ces 
moyens, consignés dans le n° 1*° du tome 5° du Mé- 
morial des corps administratifs du département de 
la Seine-Inférieure , consistent particuliÚrement à 
donner aux abeilles , pendant la saison rigoureuse , 
une espÚce de raisiné composé avec les fruits tom- 
bés des arbres , tels que pommes , poires , prunes, 
raisins, etc. , que lon fait cuire ensemble dans de 
la lie de vin. 

Il s'agissait de savoir, 1° si l'on pourrait hùter , par 
un feu doux ou de toute autre maniĂšre , la fer 
mentation du raisiné ; 

2° S'il y aurait quelqu’inconvenient à donner eette 
nourriture aux abeilles , sans ĂȘtre fermeutĂ©e ; 


Uiran) 


3° Si l’on pourrait espĂ©rer de conserver les abeilles 
et attendre la fermentation du raisiné , en sacrifiant 
une moitié des ruches pour en extraire et en donner 
le m'el aux abeilles qui habitent l'autre moitié ? 

La commission chargée de satisfaire à ces ques- 
tions , répond , sur la premiÚre , que la coction des 
fruits nécessaires à la confection du raisiné, rend 
inutile toute autre fermentation , la coction seule 
suffisant pour développer le principe sucré. 

Sur la seconde question, MM. les commissaires 
estiment qu'il ny a aucun inconvénient à donner 
aux abeilles la nourriture proposĂ©e sans ĂȘtre fer- 
mentée, 

Enfin, la commission pense que si l'aliment in- 
diqué est du goût des abeilles , le propriétaire ne 
sera point obligé de recourir à la triste ressource 
de sacrifier une partie des ruches pour conserver 
Pautre. ; 

M. Noël, rapporteur , a saisi cette occasion pour 
proposer à l'Académie de nommer une commission 
qui serait chargée de rédiger , en faveur des ha- 
bitants des campagnes, une instruction qui contien- 
drait l'abregĂ© de tout ce qui a Ă©tĂ© Ă©crit jusqu’à 
ce jour de meilleur sur l'Ă©ducation des abeilles. Ce 
travail, dont la Compagnie s’est empressĂ©e d'accueillir 
l'idée , donnerait , à coup sûr, une activité nouvelle à 
une branche d'industrie rurale trop négligée parmi 
uous, 


(122) 


ECONOMIE POLITIQUE. 


La rareté du bois est un fléau dont nous ressen- 
tons depuis long-temps les funestes atteintes , et qui , 
chaque jour , fait les progrĂšs les plus allarmants. 


» DÚs le temps de Charles IX ( remarque M. 
Aviat , membre de l'Académie, dans un mémoire 
qu'il a présenté à la Compagnie le 15 frimaire an 
12 ) » Bernard de Palissy avait observé que la re- 


” 
- 


production m'Ă©tait pas en Ă©quilibre avec la con- 


= 
+ 


sommation , et qu'il en avait averti le Gouver- 


LI 
- 


nement par des imprécations hardies contre son 
insouciance «,. 


Depuis cette Ă©poque , bien loin de diminuer , 
le mal n’a fait que s'accroütre encote , et nous sem- 
blons toucher au moment oĂč la classe indigente , 
c'est-à-dire la plus nombreuse , sera condamnée à la 
plus cruelle de toutes les privations. 


Un des plus sĂ»rs moyens d’écarter cette calamitĂ© , 
est , dit l'auteur du mémoire , de fournir le plus 
promptement possible au besoin et Ă  l'industrie les 
espùces dont l’accroissement est le plus rapide. 

Or, continue M. Aviat , aucun arbre , sous ce 
rapport , ne se recommande avec plus d'avantage 
que le peuplier de Virginie, aujourd’hui naturalisĂ© 
en France. 

I n’est point d’arbre qui soit moins difficile sur 
la qualitĂ© du terrain : il n’en est point dont l’accrois- 


\ 


(230) 
sement soit plus prompt et qui se multiplie plus 
aisément. Il prouve ces diverses assertions par les 
expériences de M. Rondeaux de Sétry , notre respec- 
table confrÚre , et par celles qu'il a tentées lui- 
mĂȘme Ă  lexemple et d'aprĂšs les conseils de cet 
habile naturaliste. 


AprĂšs le peuplier de Virginie, M. Aviat indique 
d'autres espĂšces dont l'accroissement est aussi ra- 
pide et les qualitĂ©s prĂ©fĂ©rables , telles que l’acacia , 
le platane et beaucoup d’autres arbres exotiques 
qui commencent à s’acclimater en France , et dont 
Pauteur promet de s'occuper dans un travail par- 
ticulier, 


En proposant ces ressources , l’auteur r’exclut 
point celles qui découlent du systéme ordinaire 
d'amĂ©nagement dans nos forĂȘts ; il veut seulement 
accélérer le terme de la régénération des bois par la 
concurrence dans la culture des différentes espÚces , 
et nous sauver de la crise qui pĂšse dĂšs ce moment 
sur nous et qui menace nos arriĂšre-neyeux d'une 
maniĂšre plus effrayante encore. 


» L'impression pénible qu'elle laisse dans l'ame 
» m'a fait un devoir, dit M. Aviat , de communi- 
» quer des idĂ©es que je crois utiles ; et ce n’est 
» pas sans quelques charmes qu’on s'Ă©lance dans 


» l'avenir , en répétant avec le bon vicillard de la 
» Fontaine : 


C124) 


» Mes arritressneveux me devront cet ombrage , 
» Cela mÚme est un fruit que je goûte aujourd'hui : 


» J'en puis jouir demain et quelques jours encore. « 


= Au mois de ventÎse an 12, l'Académie a recu 
un ouvrage intitulé : Réflexions sur la réorganisation 
des haras , l’amĂ©lioration des chevaux et le rĂ©tablis- 
sement des manĂšges , par M. Louis de Maleden, an- 
cien officier de cavalerie. 

AprÚs avoir parlé des moyens généraux à employer 
pour rĂ©gĂ©nĂ©rer les haras , l’auteur prĂ©sente un ap- 
perçu du nombre des étalons , des races et qualités 
des cheyaux dans toute l'Ă©tendue de la France, 
qu'il divise en quatre parties qui se trouvent na- 
turellement désignées par les points cardinaux, nord , 
est , sud et ouest. 


Voici ce que M. de Maleden dit en particulier 
des chevaux normands : » Tout le monde sait que 
» c’est une des plus belles races : elle est propre Ă  
» tout ; elle fournit aux carrosses, aux manÚges , 
» pour les chasses , pour la cavalerie, les postes , 
» les messageries; elle fournit encore ces bidets si 
» éstimés pour cette sorte d'allure qui leur est pro- 
» pre, et qu’on nomme l’amble. On a lieu de croire, 
» ajoute-t-il, que cette race est celle qui , pendant la 
» révolution, a le moins perdu de ressources pour sa 
» rĂ©gĂ©nĂ©ration. On pourrait aujourd’hui l’aider promp- 
» tement à se relever de ses pertes , en y introduisant 
» de beaux étalons du Mecklembourg, d'Angleterre ; 


DR TN a Ă  SES 4 LS 2 + 


25) 
» d'Hanovre, du Brandebourg, de l'Espagne etmĂȘme 
» des Turcs, des Barbes et des Arabes. Ces races 


» conviennent aux différents services, « 


L'auteur passe Ă  l'examen des chevaux de races 
Ă©trangĂšres , et entre ensuite dans l'exposition des 
moyens particuliers qui doivent concourir à la réor- 
ganisation des haras et à la régénération des races 
françaises. 


Il indique avec soin les qualités que doivent avoir 
les étalons et les juments destinés à la régénération 
des di érentes espÚces , la conduite à tenir à lé- 
gard de la jument et des poulains. 1l offre sur le 
croisement des races des vues gĂ©nĂ©rales’, suivies de 
remarques générales et particuliÚres sur examen 
des chevaux , et notamment de ceux de l'Asie et 
de l'Afrique. 

L'auteur termine en faisant sentir la nécessité de 
rĂ©tablir promptement les manĂšges en France; c’est- 
Ă -dire d'en former de semblables Ă  ceux qui exis- 
taient Ă  Versailles, Cambrai, Angers , etc. 


STAND SAT TIQUE: 


M. J’italis a fait hommage Ă  l'AcadĂ©mie d’un 
exemplaire de l’Annuaire Statistique du dĂ©partement 
de la Seine-InfĂ©rieure , que M. le PrĂ©fet l’avait chargĂ© 
de rédiger. 

L'auteur , dans cet ouvrage , s’est attachĂ© Ă  prĂ©- 
senter le tableau exact du département considéré 


sous les rapports qu'il peut offrir au naturaliste, 


C126) 
au physicien ; Ă  l'administrateur , au cultivateur , 


au manufacturier , au commerçant , à l'homme de 
lettres, Ă  l'artiste , au philosophe. 


= Vers la fin de prairial , M. l'abbé Jamard a 
lu Ă  l'AcadĂ©mie un Æémoire sur les moyens de se 
procurer des renseignements exacts sur ce qu'Ă©tait 
la Statistique d’un dĂ©partement quelconque pendant 
l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. 

Ces moyens consistent Ă  adresser aux munici- 
palités des départements , des séries de questions 
qui sont développées dans le mémoire , sur la po- 
pulation , l'agriculture , le prix des denrées, le 
gros et le menu bétail, les fabriques , les usines, 
les carriÚres et autres objets qui intéressent la Sta- 
tistique. 

L'auteur du mémoire propose de joindre aux ou- 
yrages de Statistique , une carte générale du dé- 
partement , et mĂȘme des cartes particuliĂšres de 
chaque arrondissement. 

Nous accueillons d’autant plus volontiers ces idĂ©es 
de M. l'abbé Jamard que nous les avions nous- 
mémes proposées à l'Administration lorsqu'elle nous 
chargea de rédiger l'Annuaire Statistique de notre 


département. 


Ici, Messieurs , se termine la tĂąche que j'avais Ă  
remplir. PuissĂ©-je n’en ĂȘtre acquittĂ© d’une maniĂšre 
digne de l'AcadĂ©mie qui me l’a imposĂ©e , digne 
de l'Assemblée dgvant laquelle j'ai eu l'honneur de 
parler. 


(127) 


Notice BIOGRAPHIQUE sur M. BALLIERE; 


Par M. GossrAumer. 


Charles-Louis-Denis Balliere naquit Ă  Paris en 1729, 
au mois de mai , de M. Charles et de demoiselle 
Louise Delaisement. 


On voit d’abord les motifs de ceite amitiĂ© sin- 
guliĂšre que M. Delaisement , oncle et parrain de 
notre ConfrĂšre , ne cessa de lui porter , et comment 
M. Balliere , unissant le nom de Delaisement au 
sien , s’honorait d'une propriĂ©tĂ© lĂ©gitime, le nom de 
madame sa mĂšre. 

DĂšs sa premiĂšre enfance, M. Balliere fit appercevoir 
cette sensibilité délicate, cette facilité de conception ;, 
cette aptitude Ă  l'Ă©tude qu’il a toujours conservĂ©es. 

À huit ans il composa son histoire : on conçoit ce 
que pouvait ĂȘtre une pareille production ; je lai 
lue, et je puis assurer qu’elle contenait des origi- 
nalités bien étonnantes chez un écolier de cet ùge. 


Les parents de M. Balliere, occupés du commerce 
et ne pouvant surveiller son Ă©ducation, le mirent 
dans des pensions: leur situation décida des collé- 
ges oĂč il fit ses Ă©tudes ; il en fit une partie au col- 


lége des Quatre-Nations, et une autre partie au col- 
lége de Beauvais. 


Le goût qu'il avait pour la poësie latine et fran- 


( 128 ) 
çaise se développa sous les maßtres habiles qui di- 
rigeaient ses Ă©tndes , et l'Ă©mulation perfectionna ce 


que la nature avait commencé. 


Le chef de la pension, homme d'une probité sé- 
vĂšre , Ă©tait, dans toute la force de l'expression, un 
docteur en us. M. Balliere , et quelques-uns de 
ses camarades, parmi lesquels se trouvait M. Dela- 
louptiere , connu depuis par des poëïies pleines de 
goĂ»t , se concertĂšrent pour Jui donner Ă  sa fĂȘte un 
plat de leur métier ; ils se partagÚrent tous les genres 
de poësies , l'Idylle , l'Eglogne , l'Ode , la Satyre , 
l'Epigramme , etc. J'ai vu plusieurs de ces piĂšces 
que M. Balliere avait conservées , et toutes annon- 
çaient de la facilité et une connaissance déjà étendue 
des poĂ«tes latins. L'auteur de l'Eglogue n’oublia pas 


ce vers charmant de Virgile : 
Formosi pecoris custos formosior ipse; 


et il n’était pas possible d'en faire une application 
plus plaisante ; plusieurs des Ă©lĂšves Ă©taient disgra- 
ciĂ©s de la nature, etle hĂ©ros de la fĂȘte Ă©tait borgne 
ou boiteux. 

Le célÚbre professeur Crévier donna à M. Bailiere 
les préceptes de l'éloquence. Le talent du profes- 
seur n’était pas Ă©quivoque , mais il n’y avait qu'un 
petit nombre d'Ă©lĂšves studieux qui fixassent son 
attentioh , et M. Balliere ne fut pas d'abord de ce 
nombre. Une circonstance trĂšs-ordinaire dans les 


colléges fit sentir au professeur combien le jeune 
Balliere 


) (129) 

Balliere mĂ©ritait d’ĂȘtre distinguĂ©. Le devoir du jour 
Ă©tait la traduction d’un morceau de Tite-Live. Le 
professeur lui demande la lecture de sa version , 
et l'interpellĂ© n'avait pas mĂȘme songĂ© Ă  la prĂ©voir. 
Il fallait payer au moins de hardiesse : un camarade 
lui remet le Tite-Live qw'il tenait, et la lecture du 
latin la plus rapide suflit à M. Balliere pour réci- 
ter le français d'une maniÚre suivie et telle que le 
professeur en eût été la dupe sans un accident qui 
trahit le secret. Une phrase latine assez difficile fut 
rendue d'une maniÚre si juste , si élégante , que 
le professeur , aprÚs en avoir relevé les beautés , 
pria M. Balliere d’en donner une seconde lecture. 
On n'est pas toujours heureux : la phrase ne fut 
rĂ©pĂ©tĂ©e ni dans les mĂȘmes termes ni dans le mĂȘme 
ordre. Ce n’est pas cela, dit M. CrĂ©vier ; apportez 
votre copie. Il fallut convenir de la tricherie ; mais 
le professeur sentit quel Ă©tait le talent de son Ă©lĂšve, 
et lui prodigua depuis les soins les plus assidus. 


AprĂšs son cours de philosophie, sous le fameux 
Rivard , M. Balliere fut reçu maßtre Ús arts en l'Uni- 
versité de Paris : ses lettres sont datées du 21 noyem- 
bre 1746. 


Il fallait alors faire le choix d’un Ă©tat, La cĂ©lĂ©britĂ© 
de M. Delaisement et la vaste Ă©rudition de cet ha- 
bile chimiste , déterminÚrent aisément M. Balliere 
Ă  se fixer auprĂšs de lui. Il y trouvait Ă -la-fois un 
guide assurĂ© dans la carriĂšre qu’il se proposait de 


parcourir , et un littérateur érudit avec lequel il 
5. pub, 1804. I 


{ 130 ) 
pouvait parler toute espĂšce de langage scientifique, 
avec le plaisir d'ĂȘtre entendu. 


M. Balliere fut juré apprenti de M. Delaisement , 
le 24 aoĂ»t 1747, et recu par chef-d'Ɠuvre le 29 
noyembre 1756. 


Les statuts des marchands-apothicaires de Rouen 
faisaient alors une grande distinction entre les récep- 
tions pour la ville et celles pour la campagne. Les 
examens des apothicaires pour la ville de Rouen se 
faisaient tous en latin ; M. Balliere y parla avec une 
facilité et une élégance qui étonnÚrent tous les 
auditeurs ; il fut reçu avec un applaudissement 
universel, et considéré comme l'héritier des talents 


et des connaissances profondes de son oncle, 


J'ai sons les yeux, dans le moment oĂč j'Ă©cris , 
diverses oraisons latines de M. Balliere, oraisons pro- 
noncĂ©es Ă  la rĂ©ception d’apothicaires dont il Ă©tait 
ou l'examinateur ou le conducteur ; elles sont Ă©cri= 
tes avec autant de solidité que d'élégance, et hono- 
rent également la justesse de son esprit et la sensibilité 
‘de son cƓur. 


M. Balliere, guidé par un oncle habile dans les 
routes dilficiles de la chimie , voyait sans cesse 
expérience à cÎté du précepte. 

Un laboratoire assorti de tous les vaisseaux nécesge 
saires , le besoin inné chez M. Delaisement de répé- 
ter les opérations les plus ingrates, une fortune 
assez aisée pour ne pas calculer des dépenses qui 


Le 


C:3:1) 
n'ont d'autre utilité que les progrÚs de la science, 
tout se réunissait pour rendre à M. Balliere le travail 
aussi facile qu’agrĂ©able. Une superbe bibliothĂšque 
oĂč se trouvaient rĂ©unis des livres de tous les gen 
res, favorisait le goût naturel de M. Balliere pour 
l'Ă©tude. Vous ne serez peut-ĂȘtre pas fĂ chĂ©s , Mes- 
sieurs , de savoir comment s'était formée cette riche 
collection. M. Delaisement avait plusieurs frĂšres, 
et il Ă©tait devenu l'hĂ©ritier de tous ; l’un avait em- 
brassĂ© l’état ecclĂ©siastique ; un autre avait suivi la 
carriÚre du barreau, L'ainé , mort sous- principal 
du collége de Navare , avait cultivé les langues 
savantes, lastronomie , les mathématiques , et avait 
formé des liaisons de goût , d'estime ét d'amitié 
avec les savants de l'Europe les plus distingués. 
Ainsi s'était formée ceite belle réunion de livres 
de théologie , de jurisprudence , de physique , 
d'astronomie , de mathématiques ; de langues, 
d'histoire, à laquelle M. Delaisement avait ajouté 
un grand nombre de bons ouvrages de médecine 
et de chimie, La bibliothÚque de M. le Président de 
Courvaudon, qu’il avait acquise presque en entier 
pour se procurer de magnifiques Ă©ditions des pĂšres 
grecs , lui avait encore fourni bien des livres d’his- 
toire. M. BalliÚre pouvait s'attendre à posséder un 
jour la bibliothĂšque de M. son oncle, et il avait 
tourné ses vues du cÎté des belles-lettres. Collec- 
tions académiques , arts agréables , mémoires litté- 


raires, poësies , formaient dans ses mains une col- 


La 


(132 ) 
lection brillante qui n’attendait que le moment de 
se réunir à la masse générale. Tels avaient été les 
éléments , les matériaux de ce monument élevé à 


la gloire des sciences, des lettres et des arts. 


M. Balliere , douĂ© d’une imagination agrĂ©able , 
d'un esprit juste, d'une conception facile et de la 
plus grande aptitude au travail, se rendit familiers 
tous les genres d’études. Les langues mortes et yivane 
tes , les mathématiques ,l'eloquence, la musique , la 
poésie l'occupÚrent tout-à-tour. Tant de talents ne pou- 
vaient échapper aux hommes distingués qui compo 
saient alors l'Académie de Rouen, et dont la plupart 
Ă©taient ses amis. Ils se firent un honneur de s'associer 
M. Balliere qui justifia dans toutes les circonstances 
l'opinion favorable qu’on avait conçue de lui. Il fut 
reçu adjoint le 9 novembre 1750, et titulaire en 1754. 


La jeunesse, comme le printemps , est la saison 
des fleurs. M. Balliere se fit connaitre alors par des 
opéra comiques , dans Ke on trouve les cou- 
plets les plus ingénieux. On y chercherait en vain 
cette succession d'incidents, cette intrigue laborieuse 
que présentent beaucoup d'opéra nouveaux ; mais 
le style en est pur, le dialogue naturel, la versi- 
fication agréable. Sa premiÚre piÚce, Deucalion et 
Pyrrha, et sa derniĂšre , PĂąg'ette , ne sont pas im- 
primées. Il donna et fit imprimer en 1751 le 
Rossisnol , le Retour du Printemps en 1755 , ZĂ©phire 
et l''ore en 1754 , la Guirlande en 1757. M. Balliere 


aimait le théatre : les compliments d'ouverture et 


(135) 
‘de clĂŽture qui ont Ă©tĂ© entendus Ă  Rouen avec le 
plus d’intĂ©rĂ©t pendant les beaux jours de sa vie, 
étaient de lui ou avaient reçu de lui quelques modi- 


fications agréables. 


Cette légÚreté apparente ne lempécha pas de eul- 
tiver les mathĂ©matiques et de s’y rendre trĂšs-habile : 
il fut presque toujours associé aux examinateurs que 
le Gouvernement envoyait dans cette province, et 
MM. les professeurs de mathématiques et d'hy- 
drographie demaudÚrent toujours qu'il ft nommé 


commissaire pour l'examen de leurs Ă©lĂšves, 


L'Académie de Rouen a toujours compté parmi 
ses associés les Savants les plus recommandables, 
M. Balliere fut connu et estimé de tous ; il est vrai 
qu'il n'Ă©tait Ă©tranger Ă  aucun genre de savoir. Il lie 
sait DémosthÚne avec M. l'abbé Auger, faisait des 
vers latins avec le pÚre Girault, résolvait des pro- 
blémes avec les PÚres Pingré et Bouin , faisait des 
opéra comiques avec Favart , de la botanique avec 
MM. de Jussieu et d'Angerville, de la chimie avec 
MM. Rouelle et Delaisement, parlait de tout avec 
Fontenelle. Ii publia en 1764 sa théorie de la mu- 
sique, in-4°, avec figures , et en adressa un exem- 
plaire à Jean-Jacques. La réponse de ce dernier me 
futremise Ă  Paris oĂč je demeurais alors , pour la faire 
tenir Ă  M. Balliere qui eut l'attention de m'en don- 
ner connaissance ; elle commençait par ces mots : 
» Que ne m'a-t-il été possible, Monsieur , de con- 
“ sulter votre excellent ouvrage, ou plutît vos lu- 

135 


; C154) 

»# miÚéres quand je trayaillais aux divers articles 
» sur la musique que j'ai fournis à l'Encyclopédie ! « 
C'était annoncer l'idée avantageuse qu'il se for- 
mait de l'ouvrage , et plus encore de son auteur. 
Cette lettre d'ailleurs est pleine de témoignages 
d'estime et considĂ©ration, et Jean-Jacques n’était 
pas adulateur ; il fallait avoir mĂ©ritĂ© l’une et l’autre. 

Je placerai ici, pour ne pas revenir sur le mĂȘme 
objet, la notice des ouvrages académiques de M. Bal- 
liere ; et, comme le catalogue en est long , et que 
beaucoup d’entr'eux sont imprimĂ©s, je me conten- 
terai d'en citer rapidement les titres. 


Mai :754. Traduction de l'ÉlĂ©gie d'Ovide de medi- 
camine faciei. 

Janv. 1754. Utilité du calcul dont la période finirait 
Ă  12. 

Juill, 1755, DiffĂ©rence du sens des mĂȘmes mots dans 
la mĂȘme langue. 

Avril 1757. DĂ©monstration de la rĂšgle de deux fausses 
positions. Ê ve 

Novembre, . Du rapport mécanique de la musique avec 
la poésie. 

Avril 1758. I] publia avec des notes un ouvrage de 

. M. Cloutier sur le mariage avenant. 

Avril 1761. Résolution du probléme suivant : » le 
» diamĂštre d’un cercle Ă©tant donnĂ© pour 
» mesure d’une octave, dĂ©terminer par 
» des arcs d’intersection les points de 


(155) 
» la circonférence par lesquels doivent 
» passer les perpendiculaires qui se- 
» raient entr’elles rĂ©ciproquement com- 
» me ut ,re, mi, fa, sol, la, si, ut, 


» bres connus, 24, 27, 50, 33, 36, 
» 42, 45, 48 « 


Juin 1762, Observation sur une morsure de la vi- 


; » et réciproquement comme les nom- 


pÚre , guérie par le sel volatil de ce 
reptile, etc. 

Août 1764. Rapport trÚs-favorable de MM. les com- 
missaires nommés pour l'examen de la 
théorie de la musique ci-dessus. 

DĂ©cembre, , Observations sur le chronomĂštre de M. 
Hubert, | 

FĂ©v, 1766. Rapport sur l’art du trait par Fourneau. 

Août 1767. Mémoire sur les propositions prétendues 
universelles. 

Juin 1774. Un échantillon de bled frappé de la fou- 
dre ; les Ă©pis conservent leur forme, 
mais ont acquis une pesanteur extraor- 
dinaire. 

Juin 1776. Rapport d’un mĂ©moire sur les nombres 

figurĂ©s. L'AcadĂ©mie arrĂȘte que les re- 

gistres feront mention du plaisir et de 

VPintĂ©rĂȘt qu'en ont excitĂ© la lecture. 

Juillet, . . Traduction de l'itinéraire de Jean Ray, 

Avril 1779. Traduction du traité et description du 


Mangostan , par Jean Elliss L4 


(156) 
1782. Essai sur les problémes de situation. 
Mars 1785. MĂ©moire sur les puissances magiques. 
1784, Ed. dn Monita amoris vwirginei, etc. , 
Auctore Jacob. Cats. 
Dissertation littéraire sur la vSur du 


mot auspices. 
1790. Edition du Gazophylacium grƓcorum. 
Paris , Didot, 
1784. Exemples et usages des quarrés magiques. 
Nouvelles combinaisons des mĂȘmes quar- 
rés. 
1785. Probléme de symmétrie. Suite des quarrés 
magiques. 
Juin 1785. Exemplaire imprimé de ses problémes 
de symmétrie traités magiquement. 


La clef est ce vers d'Andromaque : 
ue ne peut l'amitié conduite par l'amour ? 
P P 


Juill, 1785, Dans la députation au célÚbre Francklin , 
M. Balliere , alors directeur , lui fait 
présenter un probléme de symmétrie , 
dont la clef Ă©tait : Benjamin Francklin 
est le nƓud qui joindra les deux mondes. 

Août 1786. Nouveau mémoire sur les quarrés ma- 
giques. 

Avril 1787. Il fait présenter à l'Académie un cube 
mogique duquel il résulte que tous 


(137) 
les points opposés , passant par le cen- 
tre , offrent toujours le nombre 28. 


Je ne dois pas omettre ici que M. BalliĂšre avait 
enrichi la bibliothÚque de l'Académie et son mu- 


séum naissant de plusieurs articles intéressants, 


Lorsqu'en 1768 l'Académie perdit un de ses 
plus beaux ornements et de ses membres les plus 
laborieux , le célÚbre Lecat , elle jetta les yeux sur 
M. BalliĂšre pour le remplacer et adoucir ainsi la- 
mertume de cette perte. Personne n'Ă©tait plus en 
Ă©tat que lui de remplir avec honneur une place que 
son prĂ©dĂ©cesseur avait rendue si difĂŒcile. Il fut nommĂ© 
sécrétaire perpétuel pour les sciences , le 16 no- 
vembre 1768. Il accepta par déférence pour la Com- 
pagnie qui lui donnait ce témoignage d'estime , 
mais il ne tarda pas à s’appercevoir que le travail 
de cette place lui enlevait bien des instants au dé- 
triment de sa profession aussi importante que dé- 
licate. Il la pria, par lettres du 31 mai de la mĂȘme 
année , de recevoir sa démission ; alors s'éleva , 
entre l'Académie et son secrétaire , une lutte de 
sentiments affectueux , Ă©galement honorable Ă  l'une 
et à l'autre. M. Balliere fut invité , pressé de ne 
pas abdiquer , il eut besoin de faire valoir de nou- 
veau ses raisons trĂšs-solides pour obtenir la per- 
mission de cesser ses fonctions. Mais il paya, Ă  la 
mĂ©moire de son illustre prĂ©dĂ©cesseur , la dette qu’il 
avait contractée en acceptant sa place ; il composa 
et lut à la séance publique de 1769, l'Eloge histo- 


(158) 
rique de M. Lecat : cet ouvrage imprimé est connn 
de tout le monde, et chacun sait que la vérité , 
le sentiment et les graces s y disputent le prix. 


M. Balliere avait le titre d'avocat ; et voici Ă  
quelle occasion il l'avait acquis : 


Une affaire de communauté trÚs-importante, dans 
laquelle il se trouva impliqué, le mit dans l'obli- 
gation de fournir divers mémoires ; il désira de 
pouvoir les signer comme jurisconsulte , et il fit 
son droit à Paris, comme on disait alors, par béné- 
fice d'Ăąge. Ce titre m'Ă©tait , Ă  proprement parler, 
qu’une formalitĂ©, puisque la plupart des candidats 
poriaient Ă  ces examens la plus parfaite ignorance 
des lois. M. Balliere se pénétra véritablement de 
Ja matiĂšre sur laquelle il devait ĂȘtre interrogĂ© , et 
ses réponses furent autant de dissertations que sa 
grande facilitĂ© Ă  s’énoncer en latin rendit double- 
ment intéressantes. C'était une espÚce de phéno- 
mÚne dans les écoles de droit; il y fut admiré et 
comblĂ© d’éloges. 

De retour à Rouen , il composa l'excellent mé- 
moire qui entraina le gain de son affaire. Il s'Ă©tait 
préparé à cette composition par une lecture réfléchie 
du Télémaque et des Lettres provinciales : il ne 
pouvait choisir de plus sûrs modÚles de pureté en 
style, de finesse et d'agrément. 

M. Bailiere fut honoré de la confiance de M. le 
garde des sceaux, pour la censure des livres. H 
s’acquitta plusieurs fois de cette fonction dĂ©licate , 


U139) 
et mérita le remerciment du premier magistrat e4 
celui des auteurs. 

En 1776 , M. Fusée Aublet , botaniste célÚbre 
et auteur d’un ouvrage important sur les plantes de 
la Guyane française , dédia à notre confrÚre un 
genre de plantes de la famille des corymbiféres , 
sous le nom de Balliera. Ure lettre de M. d'Estam- 
pes, que j'ai sous les yeux, en explique les mo- 
tifs, » M. Aublet vous dira sans doute dans sa ré- 
» ponse (c'est M. d’Estampes qui Ă©crit ) que la 
» dénomination de la plante à laquelle il fait porter 
» votre nom , est l'expression du charme que vous 
» avez porté sur lui. 


» Je trouve , dit M. Aublet , dans une lettre à 
» M. d'Estampes , le mĂȘme nom appliquĂ© Ă  deux 
» genres diffĂ©rents. J’en nomme un Balliera, la Bal- 
» liÚre, du nom de M. BalliÚre , fameux apothi- 
» caire de Rouen , trÚs-connu par son génie et ses 
» talents (1) «. 

M. BalliĂšre Ă©pousa , en 1770 , Mademoiselle Que- 
villon , femme extrémement aimable , qu'il eut le 
malheur de perdre en 1778. Il composa son Ă©pitaphe 
et sut associer léloquence au sentiment. Je vais la 
présenter textuellement ; j'en donnerai ensuite la 


nn 


(1) La Balliera d'Aublet est le Trixis de Swarts et de Schre- 
ber dans son édition du genera plantarum de Linné. M, de 
Jussieu a eu l'honnĂȘtetĂ© de lui conserver sa premiĂšre dĂ©nomina 
ton et de respecter les intentions de M. Aublet, 


C140) 
traduction en faveur des personnes auxquelles 
langue latine ne serait pas familiĂšre. 


ÆAmabilis ut Rachel viro, 
Maria Catharina 
Quevillon, 
Uzxor 
Caroli Balliere , 
Nata 17 april. 1730 ; 
MNupsit 17 septemb. 1770, 
OLiit 20 decemb. 1778. 
Stipata virtutibus 
Beneficiorum memor , 
In amicos obsequens, 
In suos obsequentissima, 
Erga omnes mitis 
ImĂ» ipsa lenitas 
Farum inter duos, 
Perpetuum inter'tres stabilivit 
Caritalis fƓdus. 
Dominus dedit, Dominus abstulit. 
Je muluum commorantes solatium, 
Ereptam felicitatem 
Vir et soror superstites 


Lugent. 


Aimable comme Rachel aux yeux de son mari, 
Marie-Catherine 
Quevillon, 
Epouse 
De Charles BalliĂšre, 


la 


Cr4r) 


NĂ©e le 27 avril 1730, 

Mariée le a7 septembre 1770 , 
Mourut le 20 décembre 1778, 
Ornée de toutes les vertus, 
Sensible, reconnaissante , 

Complaisante avec ses amis : 
TrĂšs-complaisante avec les siens; 
Douce avec tout le monde 
Ou plutĂŽt la douceur elle-mĂȘme ; 
Ce qui est rare entre deux ; 

Elle fit constamment régner entre trois 
L'amitié la plus parfaite, 

Dieu me l'a donnée , Dieu me l'a retirée. 
RĂ©unis pour leur naturelle consolation ; 
Son Ă©poux et sa sƓur 

DĂ©plorent 


Leur félicité passée. 


M. Balliere , fidĂšle Ă  ces engagements, demeura 
constamment avec Mademoiselle sa belle-sƓur , dont 
la douceur et l'amabilité furent sa consolation la 


plus pure. 


Il eut encore la douleur de la perdre , et Ă  cette 
Ă©poque il Ă©tait doublement malheureux : il venait 
d’éprouver une seconde attaque de paralysie beau- 
coup plus violente que la premiĂšre , et qui l'avait 
absolument privé de l'usage du cÎté droit. 

L'Ă©tude et la philosophie furent pour Jui des res- 
sources précieuses ; il s'exerça à écrire de la main 


gauche , et put encore communiquer avec le monde 


(142) 
savant. Les calculs et la solution de problémes de 
symrmĂ©trie l’occupĂšrent jusqu’à la fin de sa carriĂšre. 

J'avais l'avantage de le voir souvent, et toujours 
je l'ai trouvé occupé. 

M. Balliere , seul et infirme , s’associa , en l’an 6, 
mademoiselle de Rampan qui unissait aux agréments 
de l'esprit une raison solide. Elle adoucit le malheur 
de sa position, et lui aĂŻda Ă  en supporter le poids. 

Il termina sa vie le 10 novembre 1800 , ayec la 
rĂ©signation d’une ame forte et dans le sein de la 
religion. 

M. Balliere eĂ»t Ă©tĂ© d’une taille Ă©leyĂ©e s'il n’eĂ»t 
pas été disgracié par la nature ; mais, comme Esope 
et Scaron , il cachait , sous une enveloppe irrégu- 
liÚre , l'esprit le plus juste et le plus cultivé. Il avait 
une mémoire si prodigieuse qu'ayant beaucoup 
appris il m'avait presque rien oublié. Il avait la 
coupe du visage agréable , un air doux , les yeux 
vifs et spirituels ; il lui fallait pour ĂȘtre trĂšs-aimable 
la libertĂ© d’un commerce habituel et de son goĂ»t : 
avec des inconnus il laissait parler, maïs il en dé- 
dommageait aoréablement quand il était à son aise. 
Ses saillies , ses épigrammes étaient tempérées par 
une extrĂȘme politesse ; il joignait au ton de la meil- 
leure compagnie la plus sévÚre probité. Insouciant 
sur ses intĂ©rĂȘts , il ne compromit jamais ceux des 
autres. Il fut savant sans ostentation , aimable sans 
prétention ,; ami sans réserve. Révolté de toute 
contrainte , il accordait aux autres la plus entiĂšre 


145) 

libertĂ© , et n'employa jamais d’autres moyens pour 
captiver la bienveillance , que la droiture de son 
ame et les charmes de son esprit. 


Notice BIOGRAPHIQUE SUR M. Macux; 


Par M. RoBERrrT. 


Jacques-François de Machy naquit à Paris en 1728, 

Ses aïeux n’ont rien de remarquable : une pro- 
bité sévÚre et généralement reconnue faisait toute 
leur réputation. Les uns exerçaient le négoce à Paris; 
les autres cultivaient le plus respectable des arts , la 
profession d’agriculteur. Plusieurs de ses parents 
existent encore à Puiseux, à HÚche , département 
de l'Oise , et continuent d'entretenir dans l'esprit 
de leurs concitoyens ce sentiment d'estime que leurs 
pÚres avaient si justement mérité. 

Il fit ses études au collége de Beauvais renommé 
par ces hommes de mérite qui en sont sortis , les 
Rollin ,les Coflin, les Rivard, par les hommes jus- 
tement célébres que l'institut national compte au 
nombre de ses membres, les Collin d'Harleville , 
les Legouvé , les Andrieux. 

Il se distingua constamment entre ses camarades 
par sa supériorité et par des succÚs trÚs-marqués. 
Il sut mériter la bienveillance , l'estime méme de 


ses professeurs , tant Ă  cause de son intelligence 


C144) 


facile que par le dĂ©sir qu’il manifestait constamment 
de s’ayancer dans l'Ă©tude des belles-lettres. 

DÚs sa plus tendre enfance il avait laissé entrevoir 
un goût décidé pour les sciences physiques. Ce 
goût bien prononcé contrariait singuliÚrement les 
vues de sa famiile. Souvent il s’échappait pour aller 
entendre le fameux Rouelle au jardin des plantes. 
Ses parents le destinant au nĂ©goce , voulaient qu’il 
apprit Ă  Ă©crire et Ă  calculer. Jamais , nous disait-il 
luiméme , je n'ai pu m'astreindre à peindre des 
lettres, Ă  Ă©tablir des nombres. Ef'ectivement il Ă©cri- 
vait si mal qu’il est presque impossible de lire ses 
ouvrages manuscrits. 

Forcés de céder à ses instances, mais toujours mé- 
contents des inclinations qu’il avait manifestĂ©es , ses 
parents se déterminÚrent à le placer chez le pharma- 
cien Brusley , dont il devint bientĂŽt l'ami en mĂȘme- 
temps que le plus intéressant élÚve. La carriÚre qui 
s'ouvrait devant lui était difficile ; il ayança en peu de 
temps de maniĂšre Ă  faire concevoir les plus hautes 
espérances. Il se livra à l'étude de la physique et 
de la chimie , sans pourtant rien perdre de son 
ardeur pour les belles-lettres qui eurent toujours 


pour lui un attrait particulier, 


Il quitta le pharmacien Brusley pour se rendre 
chez Gillet , autre pharmacien recommazdable , 
tant à cause de sa rare probité que par sa profonde 
Ă©rudition. LĂ  il trouva de nouvelles sources d’ins- 


truction par les développements que pouvait don- 
ner 


(145) 

ner Ă  ses premiĂšres connaissances le vaste champ 
d'expériences ouvert sous ses yeux, et par la réu- 
nion de plusieurs savants distingués qui se rencon- 
traient habituellement chez son maĂźtre, et dont les 
lumiÚres lui devenaient si précieuses. De là il passa 
Ă  l'HĂŽtel-Dieu oĂč , aprĂšs avoir acquis, par son jin- 
telligence et son travail , la confiance du pharmacien 
en chef, il devint gagnant maĂźtrise ; et, aprĂšs sept 
années, il fut reçu au collége des pharmaciens de 
Paris. 

Il donna de trĂšs-bonne heure la preuve d'un 
travail suivi et non interrompu pendant ses pre- 
miĂšres annĂ©es , et celle des efforts qu’il voulait faire 
pour bien mériter des savants et du public, en pré- 
sentant Ă  l'AcadĂ©mie des sciences de Paris, dĂšs l’an-’ 
née 17535 (il était alors ùgé de 25 ans ),uue Disser= 
tation sur la rectification des huiles animales. 

En 1955, il voulut debuter dans la carriĂšre des 
lettres , en publiant des Dialogues des morts, 

L'ouvrage parut et fut critiqué par Fréron ; sil 
m'avait consulté, dit M. de Machy , il aurait bien 
autrement mordu. 

Il avoue lui-mĂȘme que, ne dĂ©sirant pas publier cet 
ouvrage , il y avait pas donné tous ses soins. 

Eu 1957 , il publ'a une dissertation ayant pour 
titre : ÂŁxamen des eux de Passy et de Verberie. 

Cette mĂȘme annĂ©e il donna au public une traduc- 
tion des éléments de chimie de Junker, en 6 volu- 


mes, 
#, publ, 1804. K 


C146) 

En 1959, il publia des dissertations chimiques 
traduites de Pottier , 4 volumes. 

En 1762, un ouvrage intitulé : Opuscules de 
Margraaf. 

En 1766, 2 volumes: Jnstituts de chimie. 

En 1768, 1 volume : Procédés chimiques. 

En 1975, il publia l'Art du distillateur d’eau-forte , 
1 volume in-4° , faisant suite à la description des 
arts et métiers, publiée par l'Académie des sciences. 

En 1974 , 1 volume de Dissertations chimiques. 
Ce volume est le recueil des dissertations lues ou 
présentées par lui aux diverses sociétés savantes. 

En 1781, l'Art du vinaĂŻigrier. 


En 1988 , le Manuel des Pharmaciens', 2 volumes, 


En 19791 et 1792 , Réfutation du systéme des Pneu- 
matistes dans le journal intitulé : Tribut des neuf 


SƓurs. : 


Plusieurs piÚces de vers adressées à diverses so- 
ciétés savantes ou consignées dans divers ouvrages. 


Quatorze Comédies en prose. 


Plusieurs Ă©loges historiques ou notices sur diffe- 


rents hommes célÚbres. 


Je m'abstiendrai de prononcer sur chacun de ces 
ouvrages. J'ai voulu jetter quelques fleurs sur la 
tombe de mon. premier maĂźtre. Une critique trop 
sĂ©vĂšre de ma part serait un acte d’injustice et d’in- 
gratitude. L'accueil dont le public savant les a ho- 


(147) 


norés au moment de leur publication , atteste leur 
mérite réel universellement reconnu à cette époque, 
puisqu'ils ont été pour lui des titres puissants à 
l'association honorable de plusieurs Académies , des 
charges publiques auxquelles il a été appelé. Si la 
révolution générale qui s'est opérée dans la science 
qu’ils ont pour objet, si les connaissances modernes 
en ont placé quelques-uns au rang des ouvrages suran- 
nés , ils offriront toujours aux vrais amis de la science 
des renseignements utiles, des faits nombreux qui 
nc perdront rien de leur valeur auprÚs des théories 
les plus séduisantés. 


En dĂ©montrant par ces nombreux ouvrages qu’il 
WĂ©tait Ă©tranger Ă  aucune des sciences physiques, 
awil s'occupait tour-Ă -tour avec un zĂšle soutenu 
et avec un Ă©gal succĂšs de chimie , d'histoire natu- 
relle , de matiÚre médicale , de pharmacie propre- 
ment dite, il prouva qu'il cultivait les lettres avec 
autant d'avantage par la facilité , qui dans ces écrits , 
caractérise l'homme savant, par l'éloquence qui peint 
le littérateur distingue. Qu'il me soit permis de citer 
quelques-uns de ces passages oĂč lon aura trouvĂ© 
la preuve qu'il pouvait ennoblir les rĂ©sultats d’ex- 
périences chimiques , par une redaction fleurie , 
par des descriptions élégantes. S'il parle de lhis- 
toire de la chimie, son génie s'élÚve , et, se re- 
portant à des idées générales , 

» Le livre de l'histoire ( nous dit-il ) , est un vieux 


manuscrit dont le temps a usé les premiers feuillets. : 
LE 


C:148) 
Gouvernements , population , sciences, arts, quel 
que soit lĂ© sujet dont on veut retracer l’histoire , 
il faut se résoudre à ne trouver pour origine pre- 
miÚre que des fables, des prodiges , des hyérogli- 
phes, des mensonges , quelques vraisemblences , 
des incertitudes et jamais l'Ă©vidence vw. 


Ailleurs , s’occupant de l'intervalle qui a sĂ©parĂ© les 
physiciens du retour Ă  l’idĂ©e des quatre Ă©lĂ©ments 
d Aristote , » durant ce long intervalle , dit:il, les 
secrets des ateliers, ceux des laboratoires devenaient 
insensiblement plus connus ; deux grandes passions 
le combattirent , l’'orgueil d’en savoir plus qu'un 
autre et la vanitĂ© de s’en prĂ©valoir ; chacun en pro- 
fita à sa maniùre, et l’on vit les sciences et les arts 
livrés plus que jamais à deux sortes d'hommes ; 
Ă  cĂŽtĂ© du mĂ©decin , on trouya le charlatan ; l’as- 
trologue osait coudoyer l’astronome ; le chimiste 
et le souffleur avaient l'air de s'associer ; la vérité 
et la ressemblance , le bon emploi et l'abus des con- 
naissances , la perfection et la dégradation se tou- 
chent , se nuisent , s’étouffent ; c’est durant cet 
intervalle que les hommes à secret se montrérent ; 
que les découvertes utiles soffrirent à ceux qui 
cherchaient toute autre chose ; que le physicien 
tira parti des phénomÚnes chimiques , tandis que 
le jongleur les appareillait Ă  ses tours de gibeciĂšre ; 
que le médecin osa, dans la pratique curative , em- 
ployer quelques produits chimiques , tandis que 
Paracelse , Ă©tonnĂ© de ses succĂšs, se vanta d’ĂȘtre 


(149) 
plus savant que Galien, parce qu'il possédait le re- 
mĂ©Ăšde spĂ©cifique contre une maladie qui n’était pas 
connue du temps d'Hippocrate «, 


LĂ , parlant de Tournefort , son premier maĂźtre en 
botanique , quel dut Ă©tre son Ă©tonnement, dit-il, 
lorsqu'il vit les plantes s'offrir en quelque facon pour 
venir occuper la place qu'il méditait de leur assi- 
gner ; lorsqu'il apperçut que son systĂȘme convenait 
Ă©galement au curieux qui n’étudie la botanique que 
par forme d’amusement, et à l'homme qui consacre 
ses études à l'utilité générale? Plus heureux qu'aucun 
auteur systématique , il vécut assez , malgré la catas- 
trophe affreuse qui l’enleva trop tît au monde savant 
Pour voir sa méthode généralement adoptée. Il put 
augurer qu'elle serait la méthode de tous les temps. 
Elle n’a pas Ă©tĂ© Ă©clipsĂ©e par un systĂ©me plus savant 
et plus séduisant que son fécond inventeur eut l'art 
de tourner de tant de maniĂšres, Ă -peu-prĂšs comme, 
entre les mains d'ArchimĂšde, les glaces de son mi- 
roir , en se tournant dans tous les sens, devenaient 
capables de porter l'embrĂąsement au-delĂ  des bor- 
nes connues. Mais qu'est-ce qu'un embrĂąsement 
destructeur auprĂšs d'une lumiĂšre douce qui Ă©claire 


sans Ă©blouir ? 


On pourrait reprocher Ă  M. Demachy quelques 
Ă©pigrammes et plusieurs satires. Je dois rendre jus= 
tĂŒce Ă  son bon cƓur ; elles furent le fruit d’un esprit 
pétillant ; vif et enjoué : la méchanceté n'y eu 
aucune part. 


K 3 


{ 150 } 

À peine fut-il recu au collĂ©ge de pharmacie qu’on 
reconput universellement qu'il pouvait honorer cet 
Ă©tablissement d'une maniĂšre toute particuliĂšre. Il 
fut biestÎt chargé de partager avec quelques con- 
frùres choisis, le fardeau si honorable d’instruire pu- 
bliquement les Ă©lĂšves en pharmacie, au nom de 
tousles maĂźtres de cet art. Il professa dans cette Ă©cole, 
jusques aux derniÚres années de sa vie, la chimie 
et l'histoire naturelle ; il s’acquitta de ce pĂ©nible 
emploi avec un zĂšle infatigable. Il conservait au mi- 
lieu des dissertations les plus sérieuses cet enjoue- 
ment qui Jui Ă©tait naturel. Il] possĂ©dait au suprĂȘme 
dĂ©grĂ©. l’art d'Ă©loigner la sĂ©cheresse de ses dĂ©mons- 
trations , lors mĂȘme qu'elles avaient pour objet les 
matiĂšres les plus abstraites ou les plus ingrates. 
Gai jusques dans ses lecons , souvent il divaguait, 
se laissait entrainer par sa facilité naturelle , et ter- 
minait par une Ă©pisode , plus ou moins Ă©pigramma- 
tique , qui réveillait Pattention et lui attirait toujours 


un nombreux concours d'Ă©lĂšves, 


. 


-Cette disposition naturelle Ă  l'Ă©pigramme , cette 
grande facilité à badiner, ne fut pas toujours res 
serrée dans de justes bornes; il se laissa quelque- 
fois maĂźtriser par sa passion favorite ; il ne voulut 
pas toujours sacrifier le plaisir d'un impromptu malin 
à l'estime qu’il devait à ceux qui faisaient le sujet 
de sa critique, et par-là il s’attira plus d’un cha- 
grin. 


Plus de justesse dans l'esprit, plus de modéra- 


(151) 

tion dans ses opinions , auraient fait de M. Demachy 
un homme supérieur. Mais, emporté quelquefois 
par une imagination vive et ardente , semblable au 
papillon , il eflleurait , se contentait d’une impres- 
sion lĂ©gĂšre , et courait Ă  d’autres objets. Ainsi, sans 
approfondir le systĂšme de Stahl, sans vouloir exa- 
miner si les Pneumatistes étaient fondés dans leurs 
opinions , il attaqua leurs théories ayec l'arme de 
la plaisanterie , et ne proposa rien Ă  leur place. 

Par une siugularité qui tenait à son caractÚre, 
M. Demachy a fait deux notices sur lui-mĂȘme, l'une 
à 50 ans, intitulée : fie d'Agathon ; l'autre à 6r ans, 
intitulée : Mon Eloge , ou Notice sur ma Vie. Dans 
l'une d'elles, il commence par un avis en ces 
termes : 

» Je suis parvenu Ă  un Ăąge oĂč l’on peut se juger 
» sans partialité ; je ne serai ni mon apologiste ni 


» mon détracteur. « « « » 


» 


» Je vais parler de moi comme un ami équitable 


EI 
- 


parlerait de son ami, et j’éviterai la fadeur men- 


- 


songÚre de lélogiste , la sécheresse du compila- 



 
- 


teur et l'humeur du critique «. 


Cet avis préliminaire semble promettre , de la 
part de M. Demachy , une sévérité bien entendue 
sur ce qui le regarde. Il est si rare de trouver la 
modestie réunie aux vrais talents , que M. Demachy 
n'a pu se défendre quelquefois des impulsions de 
la vanitĂ© , et a peut-ĂȘtre soigneusement trop Ă©vitĂ© 


d'ĂȘtre son dĂ©tracteur. 
K 4 


(129 
Spielman, chimiste distingué à Strasbourg , le 
présenta et le fit recevoir au nombre des membres 
de l'Académie des curieux de la nature. 


L'Académie de Rouen accorda bientÎt aprÚs le 
titre d’associĂ© Ă  M. Demachy , qui, pendant le 
sĂ©jour qu’il fit dans cette ville , fit part Ă  cette 
savante Compagnie d'observations intéressantes. 


1] lut , au sein de cette Académie , en 1768 , des 


Observations sur le bitume de l’eau de mer. 


En 1770 , des Observations sur le traitement de 


l’argent par le borax et le salpĂ©tre, 


A cette Ă©poque , M. de Miromesnil, alors premier 
président du parlement de Rouen, puis garde des 
sceaux , le nomma censeur. 


Dans ces temps de troubles qui ont désolé la 
France , il occupa la place de pharmacien en chef 
dans plusieurs hĂŽpitaux militaires, Il revint eufin oc- 
cuper momentanément celle de pharmacien en chef 
de l'HĂŽtel-Dieu de Paris , pour prendre bientĂŽt 
aprĂšs celle de chef de la pharmacie centrale de 
hospices civils. Cet établissement , de nouvelle créa- 
tion, exigeait beaucoup de soins, un zĂšle infatigable, 
Soutenu par l'Administration des hospices , forte- 
ment et puissamment secondé par les travaux et 
l'activité toujours renaissante de M. Henri, son 
ancien élÚve , que l'Administration lui avait donné 
pour adjoint , il s'est occupé jusqu'aux derniers 
jours de sa vie de donner Ă  cet Ă©tablissement un 


(153) 


degré de splendeur et de magnificence qui a mérité 
Ă  son collaborateur l'honneur de le remplacer. 


Il mourut Ă  Paris le thermidor an 11. Le 
collége de Pharmacie de Paris , dont il fut long- 
temps un des prevĂŽts , eut en lui un de ses plus 
fermes soutiens. Les Ă©lĂšves qu'il instruisait eurent 
en lui un excellent maĂźtre , un bon et sincĂšre ami. 
li n’eut pas toujours à se louer des uns qui, se pas- 
sionnant pour une thĂ©orie qui n’était pas la sienne, 
Prononcaient avec une assurance trop audacieuse 
sur des faits dont il niait l'existence ou sur des ar- 
guments dont il voulait avoir la démonstration. Il 
emporte les regrets des autres , qui , respectant 
son grand Ăąge et de longues habitudes , surent 
triompher quelquefois de son incrédulité par la mo- 
destie de leurs arguments , vinrent plusieurs fois 
Ă  bout de porter la conviction dans son ame par 
l'exposition respectueuse de leurs doutes. 


Les lettres eurent en lui un poĂȘte aimable , un 
prosateur distingué. Chaque jour de sa vie peut- 
ĂȘtre a Ă©tĂ© marquĂ© par quelque production nouvelle. 
Il annonce qu'aprÚs son décÚs on trouvera un re- 
cueil de fables, de chansons, de piĂšces de morale , 
de piÚces érotiques : fruits de ses délassements. 
Espérons que sa famille ne privera pas le public 
de plusieurs morceaux précieux dont il nous faisait 
part avec franchise et sur lesquels il ne dédaignait 
pas de solliciter notre opinion. 


C154) 

La mort l'a surpris au moment oĂč il pouvait encore 
Ă©prouver une jouissance bien vive pour lui , dans 
la renaissance d’une SociĂ©tĂ© savante Ă  laquelle il se 
faisait grand honneur d’appartenir , dont il nous 
parlait toujours avec le plus grand respect comme 
d'une réunion d'hommes distingués et célÚbres dont 
plusieurs lhonoraient d’une affection toute parti- 
culiĂšre. 


PRIX PROPOSÉ POUR L'AN 13 ( 1805.) 


Dans sa SĂ©ance publique du 4 fructidor an 12, 
l'Académie a proposé pour sujet d'un prix, consis- 
tant en une médaille de la valeur de 500 fr. , qui 
sera décernée dans sa Séance publique de l'an 15, 


( 1805 ) la question suivante : 


Donner les plans d’une sĂ©cherie Ă  l’usage des 
teinturiers sur coton filé , la plus propre à épargner 
le charbon de terre , seul combustible qu’il soit 


permis d’employer dans le projet. 


L'Auteur du MĂ©moire aura soin d'indiquer la 
construction des fourneaux , le diamĂštre &es tuyaux 
conducteurs du calorique, et ia position des per- 
ches sur lesquelles on Ă©tend le coton. 

L'Académie désire sur-tout qu'on ait égard aux 
moyens d'Ă©conomiser la main-d'Ɠuvre et le temps, 
de faciliter le travail , de conserver le local tou- 


ours propre , et d'Ă©carter enfin les dangers du feu. 
? 9 


EE 


Ga55,) 

Les mĂ©moires devront ĂȘtre adressĂ©s, francs de port, 
avant le 15 messidor an 15 , terme de rigueur , Ă  
M. f'italis, secrétaire de l'Académie pour la classe 
des sciences. 

‘ 

L'Auteur mettra en tĂȘte de son MĂ©moire une 
devise qui sera rĂ©pĂ©tĂ©e sur un billet cachetĂ© , oĂč 
il fera connaĂźtre son nom et sa demeure. Le billet 
ue sera ouvert que dans le cas oĂč le MĂ©moire aura 
remporté le prix. 

Les Académiciens résidents et non résidents sont 
exclus du concours. 


RL D RE RS 


T ABLE 


DES MATIÈRE S. 


; LEE page j 
Liste des Membres, vi) 
Discours prononcĂ© Ă  l’ouverture de la SĂ©ance pu- 

blique , par M. Gosseaume , page 1: 
DĂ©tails historiques sur les rĂ©volutions que l’AcadĂ©mie 


a éprouvées ; par M. de Couronne, 9 
B'ENLULUE(S "I EUTUTURVE Se 


RAp»orrT fait par M. Gourdin, 14 
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce Rapport. 


Eclaircissements sur la construction de plusieurs mo- 
numents militaires de l'antiquité ; par M. Petit- 
Radel, 15 

Notice historique sur M. Auber ; par M. le Carpen- 


uer , 16 
— Sur M. Broche ; par M. Guilbert , ibid. 
Ouvrages envoyĂ©s Ă  l’AcadĂ©mie; par M. Mulot , ibid. 
— Par M. Boinyilliers, ibid. 


Abécédaire | composé par M. Chéron, communiqué 


par M. Leboulenger , 17 


(157) 


Traduction d’une Fable de Gay , intitulĂ©e : le LiĂšvre 
et ses nombreux Amis ; par M. Feret, 17 
Discours prononcĂ© par M. l’abbĂ© Lallemant Lors de 
la rĂ©installation de l’AcadĂ©mie , ibid. 
Discours par M. Gosseaume , à la méme époque , 20 
Discours prononcĂ© par le mĂ©me , Ă  la rentrĂ©e de l’A- 
cadémie , à la suite des vacances , 23 
Observations sur les changements qui s’introduisent 
dans le langage français ; par le mĂȘme , 30 
Traduction , en vers français , du poëme intitulé : 
Monita amoris virginei ; par le méme , 33 
Mémoire sur les opinions religieuses dans le dépar- 
tement de la Seine-inférieure ; par M. Beugnot , 34 
Fragments d’un ouvrage relatif à quelques victimes 
de la rĂ©volution ; par le mĂȘme, ibid. 
Supplément aux ouvrages de Placcius et de Mylius , 
concernant les auteurs pseudonymes , 35 
Projet d’une Notice gĂ©nĂ©rale raisonnĂ©e de toutes les 
Jlores qui ont paru jusqu’à ce jour , ibid. 
Description du groupe appelé le Taureau de FarnÚse ; 
par M. Descamps, ibid. 
MĂ©moire sur les monuments numismatiques ; par M. 
de Saint-Victor , 56 
Notices historiques sur MM. Aubert et Broche ; par 
le méme , 37 
Traduction en prose d’un poĂ«me latin d'Abraham 


Remy ; par le mĂȘme , 4 ibid. 


(158) 
Notice sur la personne et les ouvrages d'Abraham 
Remy ; par M. de Couronne , 57 
Prospectus d’un cours de dessin , de peinture et d’ar- 
chitecture ; par MM. Vauquelin et Desoria , ibid. 
MĂ©moire sur l’abus de certains mots nouveaux intro- 
duits depuis quelque temps dans la langue fran- 
caise ; par M. d'Ornay , 58 
Imitation en vers d’un poĂ«me de Gray ; par M. NoĂ«l, ib. 
Observations bibliographiques sur le speculum histo- 
riale er le livre de Civitate dei, par M. Gourdin, ibid. 


Dissertation sur l’origine de l’écriture alphabĂ©tique , 


par le mĂȘme , 59 
Aspistius , ou le Favori , conte moral ; par un Aca- 
démicien résident , 59 
Considérations sur la musique ; par M. Boiïstard de 
Glanville , + Lo 
De l'influence de La poësie sur le moral des peuples ; 
par le mĂȘme , 45 
Fables ; par M. Formage, 47 
Essai d’un cours abrĂ©gĂ© de Grammaire gĂ©nĂ©rale ; 
par M. Bignon , ibid. 
Divers ouvrages ; par M. Boinvilliers , 47 


Description topographique du royaume de poësie ; 


par le méme , 45 


Discours sur l’urilitĂ© et les charmes de l’étude ; par 


M. Gosseaume , 5o 


Norice sur diffĂ©rents membres de l’AcadĂ©mie , dĂ©- 


C159) 
cédés depuis sa suppression jusqu'à son rétablisse= 


ment ; par M. Gourdin , 54 


Norice biographique sur M. Lebrument ; par M. 


Vauquelin , 61 
Notice biographique sur Madame du Bocage ; par 
M. Gourdin , 66 
Prix proposĂ©s pour l’an 15 (1805), 72 


SUCHIREUN, CAES URET ANRT S, 


RapporT fait par M. Pitalis, 73 
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce Rapport. 


Essai sur la nature et les propriétés des nombres L 


par M. l'abbé Jamard, 75 
ElĂ©ments d’arithmĂ©tique ; par M. Periaux , 77 
Essais de géométrie ; par M. Oursel , ibid, 


MĂ©moire sur la force active ; par M. Pouchet, 978 
MĂ©moire concernant les observations Ă  faire sur Les 
marées ; par M. Lévéque , ibid. 
Description nautique des cĂŽtes orientales de la Grande- 
Bretagne et des cĂŽtes de Hollande | du Jutland er 
de NorwĂšge ; par le mĂȘme , ibid, 
Notice sur l’arĂ©omĂ©trie ; par M. DecroĂŻzilles aĂźnĂ© , 79 
Observations sur l’ascaride du clupĂ© hareng ; par M. 
Noël , 81 
Histoire naturelle des deux éléphants du Muséum de 
Paris ; par M. Houel, 82 
Flore du dĂ©partement de l’Orne ; par M. Renault , ibid. 


"(160 ) 
Catalogue des plantes dĂ©crites dans la flore d’Abbe- 
ville ; par M. Boucher , 85 
OĂ«bservations sur le Brucea antidysenterica eÂŁ sur une 
nouvelle espĂšce d’IbĂ©rides ; par M.Guersent, ibid. 


Mémoire sur la réforme des plantes crucifÚres ; par 


M. Degland , 86 
Traduction de l'introduction du genera plantarum 
de Jussieu ; par M. Robert , 68 
MĂ©moire sur la cristallisation de l’acide phosphorique ; 
par M. Vitalis , 89 
Procédé nouveau pour fabriquer en grand le sulfate 
de fer ; par le mĂȘme , 93 
Procédé découvert par M. Bralle, pour le rouissage 
du chanvre, 94 
Rapport sur une Question de Chimie légale ; par 
M. Vitais, 95 
Ouvrages de chimie envoyés par M. Monnet, 97 


Observations sur le catarrhe épidémique qui a régné pen- 
dant le printemps de l’an 11}; par M. Gosseaume , ib. 
Observations médicales sur l'influence des maladies 
du crĂąne , des meninges et du cerveau, dans cer- 
taines aliénations mentales ; par M. Behn , 99 


Essai historique et critique sur David ; par M. Go- 


defroy , 102 
MĂ©moire pour servir Ă  l’histoire de la nĂ©crose ; par 
M. le Maire-Ternante , 106 


Ouvrages divers sur l'anatomie et la médecine , pré 


sentĂ©s Ă  l’AcadĂ©mie ; par M. VignĂ©, 108 
PiĂšces 


C:161) 
Piùces d’anatomie artificielle ; par M. Laumîo- 
nier , 108 
Essai sur l’asriculture et le commerce des Isles de 
France et de la Réunion ; par M, Frédéric Des- 
croizilles , 109 
Traité sur les pépiniÚres et sur les arbres pyrami- 
daux , appelés quenouilles ; par M. Calvet, rio 
Echantillon de la résine fournie par les pins plantés 
sur les Dunes du Golfe de Gascogne , envoyé par 
M. Brémontier, III 
MĂ©moire sur la nature des Marnes dites d’engrais; 
par M. Vitulis, ibid. 
Rapport sur ur mécanisme particulier imaginé par M. 
Maizieres pour la filature continue ; par le mĂȘme , 114 
Rapport sur une machine à filer le coton , exécutée 
par M. Lecardonnel, ibid. 
Systéme général de numéros pour les fils, et spé- 
cialement pour les fils de coton ; par M. Lafontaine- 
Fleulard fils , 116 
Perfectionnement de la pompe vulgairement appelée 
seringue ; par M.le Brument , 118 
Rapport sur les amĂ©liorations qui s’opĂšrent dans l’é- 
tablissement de Rambouillet ; par M. l'abbé Y'Alle- 
mant , 119 
Rapport sur diverses questions relatives aux abeilles ; 
par M. Noël , 121 
Mémoire sur la rareté du bois ; par M. Aviat, 422 
S, publ, 1804. L 


( 162 ) 


Réflexions sur la réorganisation des haras; par M. 


Maleden, 124 
Annuaire Statistique du département de la Seine- 
Inférieure ; par M. Vitalis, 125 


MĂ©moire sur les moyens de'se procurer des ren- 
seignements exacts sur ce qu'Ă©tait la Statistique 
d’un dĂ©partement pendant l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente ; par 
M. l’abbĂ© Jamard , 126 

Norice biographique sur M. Balliere ; par M. Gos- 


seaume , 127 
— Sur M. de Machy ; par M. Robert , 143 
Prix proposĂ©s pour l’an 15 (1805) , 154 


Fin de Îa Table. 


PREÉCIS ANALYTIQUE 


DSC EN RNA NNTMANUNES 


PROBA TE AN GRADE MEN 
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS 


NB ROLE Ne 


PENDANT L'ANNÉE 1805. 


PRÉCIS ANALYTIQUE 


DES TRAVAUX 


DE L'ACADEMHE 
DES SCIENCES, DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS 


DER OU EN, 


PENDANT L'ANNÉE 100. 


F, 
ENT 
ÉQ + AcaDÈmiE LV Y 
DTA des Sciences, } 2 
ƞ « xdes Belles-Lertre 
meet des Arts 
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A ROUEN, 


De l'Imprim. de P. PER1 AUX, Imp. de l'Académie, 
rue de la Vicomté , n° 30. 


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E 8 @ 7. 


Émis onpnat thĂ© eanienenrmmtent armement) 
PRÉCIS ANALYTIQUE 


DE SAUR Fe AVE 


DE L'ACADÉMIE 
DES SCIENCES , DES BELLES-LETTRES ET DES ARTS 
DE ROUEN, ; 
PENDANT L'ANNÉE 1805 (AN 15}; 


D’ArRÈs le Compte qui en a Ă©tĂ© rendu 
par MM. les Secrétaires , à la Séance 
publique du 22 Juillet de la méme année 
(3 Thermidor an 13. ) 


OUVERTURE DE LA SÉANCE PUBLIQUE. 


M. Beuenor , Directeur , a ouvert la séance par un 
discours Ă©loquemment Ă©crit , mais que nous ne pou” 
vons donner ici, parce qu’il n’a point Ă©tĂ© dĂ©posĂ© au 
secrétariat de l'Académie , et que nous n'avons pu 
nous le procurer , M. Beugnot Ă©tant actuellement oc- 
cupĂ©, par ordre de Sa MajestĂ©, Ă  l’organisation du 
royaume de Westphalie. 

S. publ, 1805. A 


DELLE SES EE RL S, 


HA PUIP:20 RE 


Fait par M. GovrDin, secrétaire perpétuel de 
l’AcadĂ©mie | pour la classe des Lelles-lettres. 


ME sS.S IE vu RE, 


L'ACADÉMIE , dans le cours de cette annĂ©e , a 
reçu de diffĂ©rentes personnes qu’elle ne compte 
point au nombre de ses membres , divers ouvrages 
dont ces personnes Jui ont fait hommage. La 
Compagnie saisit avec empressement l’occasion de 
cetie séance pour leur donner un témoignage public 
de sa reconnaissance. 


— M. Menegant de Gentilly, membre de l’athĂ©- 
née des arts , nous a adressé un exemplaire de deux 
piĂšces de poĂ«sie de sa composition, l’une intitulĂ©e : 
Hommage Ă  l’Empereur NapolĂ©on ; l'autre ayant 
pour titre : la Religion victorieuse , ode Ă  Pie VIT, 
chef suprĂ©me de l’Eglise. Ces deux piĂšces sont im- 
primĂ©es , et il y en a eu plusieurs Ă©ditions. L’au- 
teur, par la lettre qui les accompagnait , nous 
apprend qu'il est chargé, par Sa Majesté Impériale 
et Royale , de composer un poéme sur la Légion 
d'honneur. - 


63) 

= M. Poullin de Fleins, procureur impérial prés 
le tribunal de premiere instance du département 
d’'Eure -et- Loir ; nous a fait parvenir trois ou- 
vrages en yers , intitulés , le premier : lommage à 
la Société phylotechnique ; le second : Hommage à& 
l’AcadĂ©mie des Arcades , et le troisiĂšme : Une leçon 
de Clio. Ces trois piÚces sont imprimées ,. et l'A- 
cadémie, qui recoit avec gratitude les productions 
qu'on veut bien lui adresser , s'abstient de’pro- 
noncer sur leur mérite, lorsqu'elles ont été rendues 


publiques, 


— Nous avons reçu de M. Guilbert, Hetbre dĂ© 
la SociĂ©tĂ© libre d’émulation de Rouen et de plusieurs 
Sociétés littéraires, des exemplaires du Discours qu'il 
a prononcé, au nom de la Société, à la clÎture de 
l'examen des Ă©lĂšves pour l'Ă©cole polytechnique. 

Le méme nous a adressé des exemplaires de deux 
Fomances traduites de l'anglais, l'une de Goldsmith, 
Pautre de Mallet. 

Ces productions , de genres différents , prouvent 
que M. Guilbert peut réussir dans la poësie comme 


dans l’éloquence. 


= M. Barletti de $. Paul a communiqué son plan 

d'AthĂ©nĂ©e oĂč d'instruction , dont les principes lii* 

appartiennent en grande partie. L’essai qu'il a voulu 

en faire dans cette ville wa point été aussi heureux 

qu'il s’en Ă©tait flaitĂ©; mais le non succĂšs d’une en. 

treprise qui n'a point été secondée par fa con- 
s À 2 


C4) 

fance publique , ne prouve point entiĂšrement Con- 
tre le plan de l'auteur. La bontĂ© ou le vice d’un 
pareil plan nĂ© pouvait ĂȘtre dĂ©montrĂ© que par lex- 
pĂ©rience. C’est ainsi qu'en Ă  jugĂ© l'AcadĂ©mie dans 
le rapport qu’elle en a fait à la demande de l'au- 
“teur ; Cest ainsi qu’en avaient jugĂ© PAcadĂ©mie des 


sciences et l'Institut de Paris. 


Aprts avoir payé aux étrangers le tribut de re- 
connaissance qui leur est dĂ» , nous allons , Messieurs, 
vous entretenir quelques moments des productions 


littéraires des membres de l'Académie. 


= M. Peugnot (1), Directeur , ayant été absent 
pendant les premiers mois de l’annĂ©e acadĂ©mique , 
a prononcĂ© , la premiĂšre fois qu’il a prĂ©sidĂ© la Com- 
pagnie , un Discours écrit ayec autant de solidité 
que d’éloquence , dans lequel, aprĂšs avoir exprimĂ© 
ses regrets de mavyoir pu remplir plutĂŽt les fonc- 
tions de directeur , et aprÚs l'éloge justement mé- 
rité de son prédécesseur ;, M. Gosseaume , il a tracé 
a —— 

(9 M. Beugnot , alors Préfet du département de la Seine- 
Inférienre , depnis Conseiller-d'Etat , aujourd'hui chargé par 
Sa MajestĂ© de l'organisation du royaume de Westphalie, n’a 
point laissé au secrétariat une copie de tout ce qu'il nous a lu, 
Nous aurions pu dans ce rapport le faire parler lui-mĂȘme, notre 
rapport en eĂčt Ă©tĂ© beaucoup plus intĂ©ressant, et le public eĂčt 
jugé que si M. Beugnot ne fait point paraßtre les productions va- 
riĂ©es de sa plume autant Ă©loquente que fĂ©conde , c’est un larcin 
impardonnable qu'il fait à la littérature française et à la gloire 


de son siĂšcle, 


C5) 


avec Ă©nergie les prĂ©rogatives et les devoirs de l’'Aca- 


démicien. 


= Le mĂȘme a lu un mĂ©moire ayant pour titre : 
les Avantages des anciens sur les modernes dans les 
arts d’imitation. I y fait voir que chez les an- 
ciens la religion, la politique , le climat , les mƓurs, 
tout contribuait à présenter , aux yeux exercés de 
Vtiste , la nature sous les formes les plus belles, 
les plus grandes , les plus nobles , comme sous les 
aspects les plus riants et les plus gracieux. Il trace, 
Ă  cette occasion, d’un crayon lĂ©ger et piquant, le 
ridicule des costumes modernes , les formes incons- 
tantes , bizarres et souvent absurdes de la mode, 
cette partie trop souvent essentielle des mƓurs chez 


les nations modernes, 


= Dans une'notice biographique , M. le Directeur 
a peint d’une touche mñle , d’un pinceau large, et 
sur-tout avec le coloris du sentiment , le portrait 
d’un ami que son cƓur regrettera longtemps, que 
cette citĂ© a toujours honorĂ© d’un estime particuliĂšre 
depuis qu'il y avait fixé son séjour , que le com- 
merce de cette ville pleure encore, et dont la mé- 
moire vivra d'Ăąge en’ Ăąge chez tous les honnĂ©tes 
gens , M. Charles Tarbé. L'Académie ne le comp- 
tait point au nombre de ses membres. Il Ă©tait fait, 
par ses talents , ses lumiĂšres , ses vertus, pour 
y tenir une place distinguée. M. Beugnot a bien 
senti que son Ă©loge n’y serait point Ă©tranger ; aussi 


A 3 


| Ă  RES 
chacun de nous l’a-t-il entendu avec autant d’atten- 
drissement que d'intĂ©rĂȘt. 


= M; le Directeur nous a communiqué encore un 
fragment de son Foyage dans les Posges. Ce voyage , 
ƒuoiqu’écrit en prose et en vers , comme celui de 
Bachaumont , ne lui ressemble point. Il a un mé- 
rite qui le distingue , qui lui est particulier. C'est 
qu'au milieu des descriptions de ces monts sourcil- 
leux oĂč la nature se montre sous tant d’aspects 
diffĂ©rents et souvent disparates , oĂč elle est tantĂŽt 
sauvage et agreste , tantÎt charmante et délicieuse , 
Mais toujours grande et sublime , cest, dis-je , 
qu'au milieu de ces descriptions dignes du chantre 
des Alpes , on trouve cette naïveté touchante , cette 
délicatesse du sentiment qui font l'ame des ta- 
bleaux de Gesner. Avec quelle Ă©motion , quelle 
sensibilité n'avons nous pas entendu M. Beugnot 
interrompre Ja description d'un site heureux , par 
les regrets de ne s'y point voir avec son estimable 
Ă©pouse, contemplant les jeux innocents de sa jeune 
famille ! | 


= M. Noël nous a communiqué plusieurs mé- 
moires sur diflĂ©rentes villes de l’ancienne Norman- 
die , telles qué Mantes-sur-Seine, Harfleur, le Mont- 
Saint-Michel. 

Il remonte jusqu’à l'origine de ces villes, dĂ©crit 
les principaux Ă©vĂšnements qui s’y sont passĂ©s , Mar- 


‘ que leur influence sur les Ă©vĂšnements gĂ©nĂ©raux et 


(7) 
de la Province et de la France entiére. 1 n'omet 
rien de ce qui peut intéresser ou piquer la curiosité : 
le commerce , les fabriques, les mƓurs , les usages , 
rien ne lui échappe. Il décrit jusqu'aux monuments 
des arts que le temps a respectés. 


= Le mĂȘme, dans une dissertation, a prouvĂ© que 
les normands qui ont fait la conquĂȘte de la Neus- 
trie , nĂ©taient point des barbares comme on l’a pensĂ©; 
qu'ils connaissaient et cultivaient les arts. 

Le mĂȘme nous a lu plusieurs morceaux de poĂ«sie , 
tels que le Chant de guerre d’un chef de sauvage ; 
une ÆlĂ©gie imitĂ©e de Gray. 

Toutes ces piÚces n'ayant point été déposées au 
secrétariat, non plus que des observations faites dans 


un voyage en Ecosse , nous sommes forcés de ne 
faire que les indiquer. 


= M. Formage , professeur au Lycée, Académi- 
cien résident , se délasse quelquefois des pénibles 
fonctions de son Ă©tat en consacrant quelques mo- 
ments aux muses; il nous a lu, pendant le cours de 
cette année , une traduction libre et en vers du Wise- 
rere; une piÚce intitulée : le traité d'Amiens, I dé- 
bute ainsi : i 


Le Ciel, enfin, touché des malheurs de la terre, 
Avait, pour écarter les fléaux de la guerre, 
Des bords égyptiens, ramené le Héros 
Qui seul pouvait au monde accorder le repos. 


Il vient accompagné des vertus que la gloire 


À 4, 


(8) 
AuprĂšs de sa personne unit Ă  la victoire. 
Son auguste présence, au milieu des Français , 
Appelle tous les bieus qui naissent de la paix ; 
BonaArARTE a concu, dans son vaste génie , 
Le plan restaurateur de l'antique harmonie ; 
Et déja , par son ordre, un solennel congrÚs 
Balance des états les divers intérÚts. 
Amiens, c'est dans tes murs qu’un pacte inviolable 
Fixe de nos destins la base inébranlable ; 
Majestueux accord, dont la postérité 
Recueillera les fruits dans leur maturité. 


Par-tout le bien se fait et le mieux se prépare... 


ÉD riaieisiss t'a naisiete sh'isisio;e #10 sn 01e 0,5 191810 09 


L'Reie lose ble + Sinos enioN anlies ses ein)» vis UE 


L'homme peut désormais, tranquille adorateur , 
Offrir Ă  l'Eternel un culte volontaire , 
Sans craindre que jamais un pouvoir téméraire 
GĂȘne sa conscience , et, par d'injustes loix, 
D'un culte indépendant ose étouffer la voix. 
De la religion le salutaire empire + 
Déjà fait succéder la sagesse au délire, 
Et par-tout des français, de leurs égarements 
Reviennent consternés aux plus doux sentiments. 
Loin d'eux à l'avenir cette rage insensée * 
Qui jusque dans les cƓurs poursuivit la pensĂ©e , 
Pour des opinions dressa des Ă©chafauds , 


Et fit par les tourments désirer les tombeaux. 


nf Role ihibis te oc o/n cols sisi DD Sp/n 01") Besse ON 
. 


. so fte bte ae biafe ssh u le(s celte n Len 5/00 0 


Don pese persreseeee 


(9) 

Quelle prospérité je vois en espérance ! 
L'océan gémira sous tes riches vaisseaux , 
Le commerce ouvrira d'innombrables canaux , 
Et, jaloux d'embellir ton immense domaise , 
Le pactole Ă  flots d'or coulera dans la Seine; 
Et , ne redoutant point le pirate et ses fers, 
Le nom de Bowararte affranchira les mers; 
Des rois humiliĂ©s il vengera l’offense, 
Et les réveillera de leur indifférence ; 
Et déjà la terreur a saisi ces forbans 
D'un brigandage ignoble avides partisans ; 

° Ils n'osent provoquer un Héros que Ja gloire 
A promis invincible au burin de l'histoire. 
Ces vautours africains, de l'aigle belliqueux 
Ne peuvent soutenir l'aspect majestueux. 
Alger en frémissant abandonne sa proie, 
Malthe appelle aux combats ses guerriers et déploie 
L'Ă©tendard glorieux des vainqueurs du Croissant. 


pas e Se se c'e) eos elaieie re elelo en 010 eee; ee 


— Le mĂ©me acadĂ©micien a lu une piĂšce assez lon- 
gue, en vers libres , imitée de l'anglais , et ayant 
pour titre : l'Æcueil de l’innocence. C'est une allĂ©gorie 


qu’il faudrait transcrire toute entiùre. 


— Le mĂȘme, M. Formage a communiquĂ© une 
entreprise digne de lui , conforme Ă  la profession 
qu'il exerce depuis plus de vingt-sept ans. Cette 
entreprise est la Traduction en prose des MĂ©tamor- 


Cio) 
phoses d’Ovide ; de cet ouvrage qui est le chef- 
d'Ɠuvre du poĂ«te le plus brillant et le plus fĂ©cond 
du siĂšcle d'Auguste, 

Parmi les ñfombreuses traductions en prose et en 
vers, et dont la plus ancienne , peut-ĂȘtre ,” puis- 
qu’elle date du 13° ou du 14° siùcle, existe manuscrite 
dans la bibliothĂšque de cette ville, plusieurs jouis- 
sent de quelque rĂ©putation; cependant ‘notre collĂ©- 
gue a cru pouvoir en entreprendre une nouvelle. 
Nous osons en présager le succÚs, d'autant plus 
que cette traduction plus fidÚle sera accompagnée 
de notes qui développeront les mystÚres secrets de 
ce poëme presque tout allégorique. 

La mythologie des anciens, les aventures de leurs 
dieux , les rîles qu'ils leur font jouer , n’ofiriraient 
guĂ«re qu'un tissu d’ingĂ©nieuses absurditĂ©s , si on 
ne les considérait comme des allégories , filles du 
génie fécond des poëtes qui voulaient embellir les 
leçons de l'astronomie et de l’agriculture. 

Quelques auteurs, sous le voile des fables, ont 
cru reconnaitre l’histoire sacrĂ©e ou profane , embellie 
ou plutÎt défigurée. 

D’autres ont Ă©tĂ© persuadĂ©s , comme M. Formage , 
qu'il n’y faut chercher que les emblĂ©mes de l’astro- 
nomie et de l’agriculture. 

Dans une prĂ©face , Ă©crite avec ehaleur et d’un 
style facile et brillant , dont notre collÚgue a donné 
lecture dans plusieurs de nos séances , il développe 
le plan qu'il suit daus les explications qui accom- 


Cr) 
pagnent sa traduction, La fable, dit-il, n’est point 
née dans le Latium , mais dans ce climat heureux 
oĂč toutes les causes physiques , morales et politi- 
ques concouraient à donner au génie le plus grand 
essor, oĂč l'imagination libre, mais sage , embellis- 
sait tout ce qu’elle touchait. 

Ce sont donc les Grecs qu’il faut interroger ; eux 
seuls peuvent nous donner des explications justes 
de leurs allégories ; eux seuls peuvent soulever le 
voile mystérieux et éblouissant dont ils ont couvert 
les vérités les plus intéressantes pour l'homme réuni 
en societé, celles qui vont au-devant de ses be- 
soins , qui tendent Ă  les satisfaire , celles qui servent 
Ă  Ă©tendre ses jouissances , Ă  les multiplier en donnant 
une nouvelle force à son activité. 


M. Formage a donc cru que c'Ă©tait dans les expres- 
sions mĂȘme de la langue qu’il fallait chercher l’ex- 
plication la plus simple , la plus naturelle et la plus 
juste de tant d’allĂ©gories; qu’il ne fallait point tordre 
ces expressions, mais , pour ainsi dire , les pressurer 
pour en extraire la vérité. 

On sait que le champ des étymologies est bordé 
d’écueils , que trop souvent les Ă©tymologistes don- 
nent leurs conjectures pour des réalités. Sans doute 
ce genre d’érudition a ses abus comme les autres; 
mais nous pouvons ayancer que notre collĂšgue a 
su les Ă©viter, parce qu'au lieu d'en faire le prin- 
cipe de ses explications, il se contente souvent de 


faire voir qu’elles n’en sont que la consĂ©quence. 


Cu2) 


= M. Gosseaume , docteur-médecin , Directeur de 
l'Académie , a prononcé, au nom de la Compagnie, 
(pendant la vacance ) le discours d’ouverture de 
l'examen pour l'admission Ă  l’école polytechnique. 


Ce discours , adressé aux élÚves , est divisé en 
deux parties , et prĂ©cĂ©dĂ© d’une courte introduc- 
tion dans laquelle M. Gosseaume expose comment 
il a été obligé de se charger de la fonction hono- 
rable et dĂ©licate Ă -la-fois dont il essaie de s’ac- 
quitter. Dans la premiĂšre partie , il montre les 
arts naissant du besoin , et les sciences physiques 
cultivées les premiÚres , comme plus essentielles à 
nos besoins naturels. Il fait voir les progrĂšs de ces 
mĂȘmes connaissances , le partage de la physique , en 
générale et particuliÚre , résultant de leurs attribu- 
tions respectives ; la science des grandeurs et des 
quantités honorée chez les Grecs du nom de disci- 
pline par excellence ou mathématique ; les mathé- 
matiques elle-mĂȘmes divisĂ©es en mathĂ©matiques 
pures et mixtes ; la quantité nombrable donnant 
naissance Ă  l’arithmĂ©tique et a l’algĂ©bre; la quan- 
ĂŒtĂ© mesurable crĂ©ant la gĂ©omĂ©trie : la mĂ©canique 
ou l'application de la science des quantités aux 
corps mobiles, divisée en statique et dynamique , 
et en hydrostatique et hydrodynamique , suivant 
qu’elle s'applique aux corps solides ou fluides. 


C'est ainsi que M. Gosseaume conduit les Ă©lĂšves 
de développements en développements ,;et leur remet 
sous les yeux les différents objets de leurs études, 


(13) 


Cette premiÚre partie trÚs-concentrée est peu sus- 


ceptible d'analyse , et nous croyons qu'il suffira 


d’en avoir indiquĂ© la composition. Mais nous en 


extrairons quelques morceaux pour montrer Ă  nos 


lecteurs la maniÚre dont elle est traitée. 


» 


1» 


» De petits cailloux chez les Romains , des "co- 
quilles légÚres chez les Grecs, des boules enfi- 
lées chez les Chinois, des cordes noueuses chez 
les Indiens , furent autrefois, dit M. Gosseaume, 
ou sont encore les instruments de leur arithmé- 
tique. Il est facile de voir que le premier de 
ces moyens, calculus, a donné son nom à l'opéra- 
uon elle-mĂȘme, Mais cette manitre de compter , 
embarrassante par la nature des instruments dont 
elle nécessitait l'emploi , dut facilement céder à 
celui des lettres numériques qui leur furent 
substituées. . ...1 . S'il en faut croire un de nos 
compatriotes les plus sayants , les chiffres arabes 
ne sont que les lettres numériques des Grecs tra- 
vesties et défigurées. | 

» Quoi qu'il ensoit, ces chiffres , réduits à ro ca- 
ractéres , peuvent , d'aprÚs les combinaisons dont 
ils sont susceptibles, exprimer toutes les quanti- 
tés numériques possibles, ,.,.,, C'est à un 
peuple barbare pour nous, parce que nous avons 
encore l'imagination frappĂ©e de ses conquĂȘtes et 
de ses missions sanglantes , que nous devons ce 
bienfait ; mais pourrions-nous oublier que les 


Arabes ont été un des premiers peuples policés ; 


Ăż 


» 


n” 


LL 


” 


2 


»» 


» 


C14) 
que les poĂ«sies sacrĂ©es de leurs ancĂȘtres sont » 
mĂ©me de nos jours, un modĂšle de goĂ»t , d’élĂ©va- 
tion et de magnificence ; que la médecine leur 
doit des observations importantes , l'architecture 
des monuments qui Ă©tonnent les regards ; que Ja 
chimie a pris naissance parmi eux , et que, sans 
Rhazes , Albucasis, Mesué , etc., Stahl, Bocrhaave, 
Rouelle , Bucquet, Moryeau, Lavoisier , Fourcroi, 
etc. , meussent peut - ĂȘtre jamais existĂ©. « 


AprĂšs avoir fait parcourir aux Ă©lĂšves les ayenues de 


la science , dans la premiĂšre partie de son discours , 
M. Gosseaume Jeur montre , dans la seconde , l'u- 
ĂŒle et glorieux emploi qu'ils doivent faire de leurs 


talents. 


LL 


2) 


»” 


22 


D 


» Lorsque, le scalpel à la main, nous examinons, 
dit M, Gosseaume , les tissus fragiles dont l'homme 
physique se compose, que cet ĂȘtre nous parait 
faible et digne de pitié! Mais lorsque nous calcu- 
lons la hauteur Ă  laquelle il s'Ă©lĂšve par les for- 
ces de son génie , il nous est facile de reconwai- 
tre en lui le chef-d'Ɠuvre du crĂ©ateur. Il s’élance 
d'un vol audacieux vers ces globes ilumineux qui 
roulent sur nos tĂȘtes , assigne le rang qu’ils tien- 
nent entr'eux, détermine la route qu'ils doivent 
suivre , et prĂ©dit mille ans d’ayance l'angle sous 
lequel nos petitsneyeux les verront Ă  une heure 
déterminée «, 

L'architecture nayale donne pareillement occasion 
notre confrĂšre de faire admirer les ressources 


(15) 


et la fécondité de Pesprit humain. Quelques vers de 


la 4° ode du 1° livre d'Horace , rapidement com- 


mentés ,; montrent la différence immense qu'il 


est facile de remarquer entre la marine des Ro- 


mains et la nĂŽtre ; ettoutes ces merveilles, ce sont 


les mathématiques qui les ont créées. » Par quelle 


” 


fatalité , poursuit M. Gosseaume , ces bienfaits 


» des arts , qui devaient réunir toutes les nations en 


une seule famille, en faisant cesser la dissocia- 
bilité de l'océan (Horat. od. 1 , 5), ont-ils été 
convertis en des instruments de destruction? Mais 
que ne doit-on pas espérer du concours heureux 
de la valeur et de la sagesse? Tandis que la dis- 
corde impie, de l'antique MĂ©lite qu'elle a choisi 
pour son asyle , donne le signal des combats , 
couvre de ses vapeurs funĂšbres l'orgueilleuse Al- 
bion, s'efforce de ‘troubler les ondes pures de la 
Neva et du Borystùne , menace Byzance d’un 
embrĂąsement fatal , le gĂ©nie de l’industrie et des 
beaux arts rĂšgne sur la France , et, du sommet 
des Alpes aux cÎtes de l'Océan, donne le spec- 
tacle ravissant d’une fĂ©conde activitĂ©. Cherbourg, 
Boulogne, Anvers', réalisent à nos yeux lallé- 
gorie ingénieuse de la Iyre d'Amphion ; la route 
magnifique du Simpion fait oublier la somptuo- 
sité des voies romaines , et les merveilles roma- 
nesques du passage d’Annibal ; des canaux na- 
vigables sont tracés et vont établir des commu. 
nications faciles sur tous les points de notre ters 
ritoire ; entre la Belgique et Paris par le canal 


(16) 
» de Saint - Quentin , entre le Rhin et le RhÎne 
» par le canal du Doubs , entre la Meuse et le 
» Rhin par le canal Eugénien : conception sublime 
» du vainqueur de Belgrade , réalisée par le vain- 
» queur de Marengo. 

» Si des trayaux d’une si grande importance 
» s’exĂ©cutent tous en mĂȘme - temps malgrĂ© les 
» embarras de la guerre , quel aspect imposant pren- 
» dra donc la France quand le Héros qni nous gou- 
» verne aura fermé le temple de Janus , et rappelé 
» dans leur terre natale toutes les merveilles des arts, 
» toutes les douceurs de la paix? » 

M. Gosseaume prédit aux élÚves laborieux Le plus 
glorieuses destinées , et leur montre la part qu'ils 
doivent avoir Ă  ces ouvrages magnifiques : il paie 
un tribut d'honneur aux professeurs qui les ont 
formés , aux Magistrats de la cité et aux Savants 
de tous les ordres qui applaudissent Ă  leurs efforts; 
et, en parlant de l’examinateur respectable , choisi 
par le Gouvernement pour lui donner la mesure 
de leur connaissance, s'exprime ainsi: » ami des 
» arts , ami des mƓurs, il prouve que les con- 
» naissances les plus profondes peuvent recevoir 
» un nouveau lustre par le concours des vertus 
» morales. Riches , ainsi que lui, des trésors que 
» vous aurez amassés , comme lui vous paierez 
» Ă  la patrie les intĂ©rĂȘts des avances qu’elle vous 
» fait ; vous vous ferez chérir par la douceur de 


3 VOTE COMIMIEYCE ; vous vous ferez estimer par 
» la 


» 


» 


-( 427 ) 
là pureté de vos principes ; vous vous feréz ad- 
mirer par la supériorité de vos talents «, 


— Le mĂȘme AcadĂ©micien a lu un MĂ©moire sur 


les convenances. I porté cetie épigraphe c 


»» 


» 


Quid verum atque decens. 


La vérité et les convenances. ( Horat, Epist, 1,1.) 


Nous allons en extraire quelques morceaux. 


» Tel était, Messieurs, le noble et délicat emploi 
que faisait enfin de ses facultés et de ses loisirs l'un 
des plus beaux géuies et des philosophes les plus 
profonds du siĂšcle d'Anguste, IL avait glorieuse- 
ment parcouru les routes difficiles du sacré vallon, 
franchi d’un vol audacieux les sommets escarpĂ©s 
du Parnasse , célébré dans des vers harmonieux 
le vainqueur des Titans et le Dieu de la veudange # 
les Muses qui l'inspiraient , et Apollon qui lui 
prétait sa lyre. Il avait foudroyé les vices corrup- 
teurs , la licence , l'impieté , le luxe , l'avarice : 
chanté les vertus publiques et privées , l'amour 
de la patrie, la valeur , la constance, la justice, 
la probité, Appréciateur équitable des talents , il 
avait consacré ses vers à Asinius Pollio , à Var- 
ron , Ă  Virgile , ses amis et ses Ă©mules dans la 
carriĂšre des lettres , et Ă  MĂ©cĂšne, le protecteur de 
tous les talents. Critique judicieux et sévÚre , il 
avait poursuivi avec larme du ridicule les mau- 
vais Ă©crivains , les babillards , les importuns , les 
mannequins de la philosophie ; il avait peint avec 
S. publ. 1805, B 


2» 


(18) 

autant de vérité que de sentiment , les doucenrs 
de la vie champĂȘtre , les plaisirs variĂ©s que fait 
Ă©clore chaque saison ; les roses du printemps, les 
danses ingĂ©nues des Graces dĂ©centes , les forĂȘts , 
les grottes , les fontaines, asiles tutélaires contre les 
chaleurs de Pété ; les Faunes , les Dryades, les 
Naïades qui les embellissent ; l'automne couronné 
de pampres; Vulcain dissolvant le froid et Bac- 
chus inspirant la gaieté , tandis que l'hiver en- 
chaßne le cours des fleuves et fait gémir les foréts 
courbées sous le faix de la neige. Législateur du 
Parnasse , il en avait rédigé le Code dans un lan- 
gage pur et concis , en plaçant sans cesse l’exem- 
ple à cÎté du précepte ; ainsi, le front paré de 
tous les lauriers du Pinde , pouvant sans présomp- 
tion se rendre ce tĂ©moignage glorieux qu’il avait 
érigé un monument plus durable que le bronze, 
plus élevé que les pyramides de l'Egypte , honore 
de ses concitoyens et des premiers personnages 
de l'Empire , il se consacre exclusivement Ă  l'Ă©tude 
de la philosophie ; conservateur de la vertu, sen- 
tinelle sévÚre , il renonce solennellement et dans 
les mains de celui qui , ayant recu son premier 
hommage , devait pareillement recevoir le dernier, 
il renonce, dis-je, aux vers et aux autres amuse- 
ments frivoles ; son idole chérie est désormais la 
vérité et les convenances ; ses trésors sont les waxi- 
mes de la sagesse. 


(19) 


» A'uhc itaque et versus , et cƓtera ludicra pono ; 
» Quid verum, atque decens curoet 080, elomnis in hoc sim : 


» Condo,et COMpOn0, qué mor depromere possim.(Horat. ibid.) 


» Il avait donc une bien haute idée des conye- 
” nances pour les mettre sans hĂ©siter en balance avec 
» la vĂ©ritĂ©, Oui, Messieurs , et pour le peu que l’on 
» Y réfléchisse, on demeurera persuadé que la ve- 
» TritĂ© emprunte un nouveau dĂ©grĂ© d’intĂ©rĂ©t du con- 
» Cours heureux des convenances, et que , placée 
» hors de ce cercle rigoureux , elle perd aussitÎt 


» sa plus brillante parures er 


C’est d’aprùs ces principes que notre confrùre par- 
court les divers départements des arts utiles et agréa- 
bles, la poésie épique , dramatique, l'opéra la mu- 
sique , l’éloquence , le dessin » la peinture, Parchi- 
tecture, etc., [a mode elle-mĂȘme » Pour mortrer ou 
les avantages que les convenances leur procurent , 


ou combien les inconvenances les déparent, 


Le cadre étroit dans lequel nous sommes obligés 
de nous renfermer ne nous permettrait pas d’ana- 
lyser tous ces articles ; nous nous Contenterons de 
citer quelques passages relatifs à la poësie , la musi- 
que, l'Ă©loquence la peinture , la mode, 

» Avant le siÚcle de Louis XIV ; la poësie fran- 
» Çaise avait , dit notre confrĂšre , ni la richesse ’ 
» ni le coloris > ni cette sage retenue qu'ont fait ad- 
» mirer nos poÚtes célÚbres jusque dans leur délire 
” poĂ©tique le plus exaltĂ©, . . .. Ă  D Ne 

B 2 


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(20) 
» Ce n’est donc pas dans desauteurs surannĂ©s que 
je dois chercher mes exemples, c’est chez les fa- 
voris de Calliope , de MelpomĂšne et de Thalie ; 
c’est dans Milton , le TaĂ«se , dans Corneille , dans 
Racine , dans MoliĂšre que je regrette de les 
trouver, 
» Ce n’est pas le dĂ©faut d'esprit , d'imagination , 
de verve que l’on peut critiquer dans les ou- 
vrages du Tasse et de Milton ; leurs poĂšmes Ă©tin- 
cellent de beautés au milieu des écarts , des in- 
vraisemblances , des inconvenances qui les dé- 
parent. Et en effet, quoi de moins convenant que 
ce mĂ©lange d’objets sacrĂ©s et profanes , d’actions 
hĂ©roĂŻques et d’enchantements puĂ©riles qui rou- 
lent sous PĂ©chafaudage des plus beaux vers. . . . 
» Voltaire , peut-ĂȘtre trop sĂ©vĂšre dans plusieurs 
de ses remarques sur Corneille , a blùmé avec 
beancoup de justesse ces descriptions oiĂŻseuses 
qui donnent à de belles tirades de ce poëte , su- 
blime en d’autres endroits , l'air et le ton d’une 
déclamation de collÚge. Que ChimÚne , faisant céder 
l'amour Ă  l'indignation , demande vengeance du 
crime de son amant, c’est une chose naturelle , 
mais terrible et faite pour produire le plus grand 
effet ; mais cette énumération froide des qualités 
du sang de son pùre , est aussi inconyenante qu’im- 
probable, . . L,.. .. 
» Racine , observateur scrupuleux des conve- 


uances, ne s’est pas moins distinguĂ© par cette qua= 


nc Se. ad 
 


» 


»» 


(2 1) 
lité précieuse que par la pureté de son langage et 
l'harmonie inimitable de ses vers... . . .. 
» Si quelquefois il s'écarte des convenances ; son 
embarras se décÚle aussi - tÎt ; il se trouve à la 
gÚne dans un élément qui west pas le sien, et 
ne peut racheter par les plus beaux vers les 
désavantages de cette lutte inégale contre la na- 
ture. J'opposerat pour le prouver le récit de 
ThéramÚne dans PhÚdre , et celui de Josabeth 
dans Athalie : l'un et l’autre d’ailleurs sont des 
chefs-d'Ɠuvre d'Ă©lĂ©gance et de correction. 
» La description de ThéramÚne est trop détaillée , 
trop soignée. . . . . . La douleur na point cette 
marche compassée , ce langage emphatique , ces 
descriptions minutieuses. Etait-ce la circonstance 
de mettre Ă  contribution toutes les fleurs de la 
rhĂ©torique pour exposer les particularitĂ©s d’un 
événement qui demandait la plus grande simpli- 
cité dans la narration, et un laconisme plus élo- 
quent que les phrases qu'il débite. 
» Au contraire , dans le récit de Josabeth tout 
est simple , déceut , nécessaire. Ses souvenirs 
cruels de la barbarie d’Athalie, ses services na- 
turellement rendus Ă  un faible enfant qu’elle rĂ©- 
chauffe sur son sein, qu’elle ranime par ses larmes, 
et dont les premiers mouvements semblent Ă  sa 
tendresse l'expression de la reconnaissance : ses 
craintes , sa résignation , son invocation. « . . . . 
c'est PĂ©loquence du cƓur , le langage de la nature , 
le triomphe du sentiment s. ECS ONCE 0 Ă  BA 


(22) 


En parlant dela musique , M. Gosseaume s'expriine 


ainsi : 


» La musique n'étant pour toutes les langues 
qu'une parure ajoutée à un discours mesuré , un 
moyen d'en faire ressortir les beautés , de lui 
faire faire sur les esprits une impression plus 
vive , de les graver plus profondément dans la 
mĂ©moire ; toutes les langues d’ailleurs ayant un 
génie particulier , il est visible qu'il y a néces- 
sairement autant de musiques différentes qu'il y 
a de langages divers , et que la musique d'une 
langue ne saurait ĂȘtre adaptĂ©e Ă  une langue qui 
diffùre de la premiùre. C’est donc une inconve- 
nance d'associer par exemple Ă  des paroles fran- 
çaises, de la musique italienne. Mais si le compo- 
siteur west pas familier avec la prononciation et 
la prosodie française, ce n’est plus alors contre 
les convenances seules qu'il s'expose à pécher , 
c’est contre la vĂ©ritĂ© mĂȘme sans laquelle rien n’est 
intĂ©ressant, . . . . « . Il suit de ce qui vient d’étre 
dit que plus un poëme est magnifique , plus 
il est dificile de le mettre en chant. Les chƓurs 
sublimes d’Athalie et d’Esther ont Ă©tĂ© lPĂ©cueil de 
tous les musiciens qui ont essayé def les traiter : 
et en effet, par quel charme nouveau parviendra- 
t-on Ă  relever ces chefs-d'Ɠuvre d’éloquence et 
de sentiment ? Et si la musique n’ajoute rien à 
la beauté du poëme , elle a manqué son but 


et west plus qu'un ornement parasite. Il suit en- 


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(25) 


core que plus les paroles sont belles | harmo- 
nieuses , sentimentales , moins la musique qui les 


accompagne doit ĂȘtre travaillĂ©e et bruyante. PER 


» On peut donc répondre à ces questions intéres- 


santes pour les amateurs des scĂšnes lyriques , 


» Pourquoi nos plus jolis opéra-comiques doivent- 
ils si peu Ă  la musique ? Pourquoi et Ă  quel prix 
la musique fait-elle passer tant de paroles niaises 
et insignifiantes ?. .. ,..,. 


» L’éloquence sacrĂ©e et l'Ă©loquence profane pĂ©- 
chaient Ă©galement contre la loi des convenances : 
lorsque Bourdaloue , Bossuet , Fénélon , Paschal ; 
Cochin , d'Aguesseau , etc. , vinrent les ramener 
à leurs véritables principes, et montrer comment 
il Ă©tait possible de parer et d’embellir les vĂ©ritĂ©s 


les plus austĂšres, . . . .. 


» Ce n’était pas assez de ces Ă©carts scientifiques 
qui déparaient la chaire et le barreau ; les concetti 
italiens y tenaient encore une place inrportante. 
+... Despréaux en fait en peu de mots 
l'histoire et la censure. ( Art poëtique. ) . .. , ... 
Tandis que des orateurs et des poëtes fameux con- 
tribuaient par leur exemple Ă  Ja proscription du 
mauvais goût, Thalie le poursuivait avec les traits 
de la satyre. La comédie des plaideurs en fit une 
Justice Ă©clatante ; mais elle critiqua avec tant de 
politesse qu’elle fit rire jusqu'aux originaux qui 
lui avaient fourni ses personnages «. 


B 4 


| ƒS 

Nous mextrairons qne cette phrase de l'article 
pĂ©inture ; elle nous a paru’ Fexpression et le vƓu 
de tous les cƓurs honnĂ©tes. 


» J'aurai le courÀge , dit notre confrÚre , de n'é- 
# lever contre la licence des’artistes les plus dis- 
» tinguĂ©s , quand ils offrent Ă  nos regards des nĂŒ- 

dités que la pudeur réprouve. Il est dans la pein- 
» ture comme dans la poësie une décence , une 
» honnĂȘtetĂ© qu’on ne viole pas impunĂ©ment ; et la 
» fameuse ceinture de VĂ©nus n’est pas moins un trait 
» sublime de morale qu'un chef-d'Ɠuvre de com- 
» position. « 


M. Gosseaume passe ensuite Ă  l'article de la 
mode, , : 


» Je n'aurai pas, dit-il , Ja témérité d'attaquer les 
» décrets absolus d'une déesse fantastique etlégÚre , 
» qui, sans besoin d’autoritĂ©s, sans autres raisons 
» que ses çaprices , détermine , entraine , subju- 
» gue les volontés les plus rebelles. Jaccorde sur 


» ce point une libertĂ© illimitĂ©e , pourvu que l'intĂ©rĂȘt 


” 
- 


gĂ©nĂ©ral et particulier n’en soufrent aucun dĂ©tri- 


» ment. L L L L LA L LL 


» Mais je ne suis plus indifférent aux inconvenances 
» de n’estimer , de nadopter que les produits des 
» fabriques étrangÚres , de braver les saisons les 
» plus rigoureuses dans une nudité presque absolue , 
» parce que ces caprices dangereux compromettent 


» l'existence d’une classe d'hommes industrielle et 


(259 


» nombreuse , portent à la santé de la plus belle 


s 


v 


» poriion de la société des atteintes funestes , et 


» coûtent des larmes amÚres à l'amitié et à la ten- 


” 


bidnesses récit 29. Vaste) 


M. Gossenume termine son mémoire par le para- 
graphe qui suit : 

» Si la vĂ©ritĂ© est la vertu d’un cƓur honnĂȘte , 
» le respect pour les convenances est la marque 
» d'un bon esprit ; les convenances sont en morale 
» ce que les aflinités sont en physique ; les conve- 
» nances font les traités , sont le principe de leur 
» stabilité, le gage de la paix et du bonheur do- 
» mestique ; elles sont le régulateur des beaux arts 
» et le frein qui les empĂȘche d’errer Ă  l'aventure. 
» Ce sont elles qui ont formé les sociétés littéraires 
» et qui les soutiennent avec honneur, en faisant 
.» asseoir la considération à cÎté du travail , la po- 
» litesse à cÎté de la critique , l'estime à cÎté de 
». Pémulation , la modestie à cÎté du savbir ; et, pour 
» me résumer en deux mots par la répétition pres- 


» que littérale de mon texte : 


» Rien d'estimable sans la vérité, 


3 & 20 , 
» tien d’aimable sans les convenances. « 


= M. Boistard de Clanville |, Acadeémicien résident, 
qui consacre non-seulement au plus agréable des 
arts, mais Ă  l'Ă©tude assez aride des langues mortes 
et vivantes, un ñge que tant d’autres &#bandonnent 


aux amusements et aux plaisirs , nous a donné la tra- 


( 26 ) 

duction d’un ouvrage espagnol , de don Benito Pardo 
de Figueroa , intitulé : Examen analytique de la 
transfiguration de Raphaël. Cet examen assez long, 
rempli d'observations fines, justes et bien propres 
à former le goût des jeunes artistes, est divisé en 
quatre sections , dont la premiĂšre offre la descrip- 
tion du tableau de Raphaël et des réflexions sur sa 
composition ; dans la seconde , on en examine le 
dessin ; dans la troisiĂšme , l'expression ; et dans la 
quatriĂšme , le clair-obscur. 

La traduction française de cet excellent examen est 
aujourd’hui d’autant plus intĂ©ressante , et l’on doit sa- 
voir d’autant plus de grĂ© Ă  M. de Glanville de nous 
Pavoir donnĂ©e , que ce chef-d'Ɠuvre du prince de 
YĂ©cole d’Italie , est le morceau le plus prĂ©cieux en 
son genre que présente limmense collection du 
musĂ©e NapolĂ©on ; qu'il n’est peut-ĂȘtre personne dans 
cette assemblĂ©e qui wait vu , qui n’ait admirĂ© ce 
superbe tableau; je dis admiré , ear le propre du 
vrai beau est de plaire à tous les yeux et d’enlever 
tous les suffrages. Avec quel nouvel intĂ©rĂȘt, je di- 
rais presque avec quel enthousiasme , ne le rever- 
rait-on pas aprÚs avoir lu et médité l'ouvrage dont 
votre collĂšgue nous donne la traduction ? 

Nous n’en citerons que quelques morceaux pour 
donner une idée de l'ouvrage de Figueroa , et de 
la traduction de M. de Glanville. 

Dans lafffremiĂšre section , en parlant du Christ, 


il s'exprime ainsi : 


| 
| 


» 


»» 


ee 


” 


s 
- 


(27) 
» En examinant cette distribution ( des draperies), 
l’on verra que le gĂ©nie philosophique de RaphaĂ«l 
se représenta tous les effets que devait causer la 
résistance de Pair atmosphérique sur la draperie 
d’un corps qui se soutient perpendiculairement 
au-dessus de la surface de la terre. Le grand art 
de ce peintre célÚbre fut donc de choisir une 
attitude et des vĂȘtements tels que , combinĂ©s 
entreux , ainsi qu'avec la suspension dans les 
airs, ils produisissent naturellement dans toute la 
figure, la beauté , la noblesse et la majesté réunies 


au plus haut dégré possible. SEE Rs 


» La robe plus blanche que la neige, pleine de 
transparence et de fluide aérien ; l'attitude extati- 
que des bras et de la tĂȘte ; l'expression de bontĂ© 
et de tendresse qui brille Ă©minemment sur sa di- 
vive figure ; un clair-obscur d’un artifice admira- 
ble ; enfin, son contraste avec les formes austĂšres 
et l'air vĂ©nĂ©rable des deux ProphĂȘtes, ainsi qu'avec 
l'attitude d’humiliation et d’étonnement des trois 
apĂŽtres , tels sont les moyens dont se servit Ra- 
phaël pour réaliser l'effet de la principale figure, 
en répandant sur eMe un ton céleste qui surprend 


et frappe d'Ă©tonnement l'observateur. . + . . . 


» Cessons de porter nos regards sur le sommet de 
la montagne, abaissons-les vers sa partie inférieure 
qui est aussi celle du tableau. Comme la scĂšne 
change !..,... Le génie de Raphaël, aussi sublime 
que fécond , a douné une attitude et une expres- 


” 


2 
ca 


(28) 
sion différente à chacune des quinze figures prin- 
cipales > placées en la partie inférieure du ta- 
bleau , et quoiqu'il y en ait quatre autres Ă©loi- 
gnĂ©es et dont on ne dĂ©couvre que les tĂȘtes, les pas- 
sions qu’elles expriment n’en sont pas moins bien 


déterminées. . . ... 


» Mais voici le triomphe de Part, c'est d’avoir fait 
ensorte qu’une figure ( celle de V'Energumùne ); 
qui wĂ©tait faite ce semble que pour exciter l’'hor- 
reur, fĂŒt prĂ©cisĂ©ment celle qui inspirĂąt le plus de 
compassion, C’est lĂ  oĂč ce fameux peintre a donne 
une nouvelle preuve de son heureux génie et de sa 
profonde connaissance du cƓur humain. Il a placĂ© 
le jeune infortuné an milieu de sa famille désolée, 
D'un cĂŽtĂ©, sa sƓur aĂźnĂ©e , dont les traits sont pleins 
de beauté et de délicatesse , implore le secours 
de tous ceux qu’elle rencontre ; et montre de ses 
deux mains la poitrine oppressée de ce malheu- 
reux ; de Vautre, la plus jeune, le visage mouillé 
de larmes et en proie au chagrin, interesse autant 
par sa douleur que par sa jeunesse et sa beauté; 
le pĂšre , enfin, portant empreinte sur son visage 
l'expression la plus vive des angoisses et de la 
sensibilitĂ© paternelle, va rĂ©veiller la pitiĂ© jusqu’au 
fond du cƓur le moins compatissant. Tout le dou- 
loureux de ces objets attendrit l’observateur , et, 
versant dans son ame une douce compassion, affai- 
blit en grandeMpartie l'idée que causerait iso- 


. 


lément Ja situation de  lEnergumÚne ; aussi 


» 


(29) 


fixe-t-on ersuite la vue sur lui, non-seulement sans 


» répugyance, mais encore avec piué et commiséra- 


PALIER Le tite 


Nous regrettons que les bornes trop Ă©troites d’un 


extrait, nous forcent Ă  ne citer qu'un mot des trois 


autres sections. 


» 


»» 


2 


2) 


[4 


» Le dessin de Raphaël paraßt absolument original , 
et ne laisse rien voir de ce ton d'imitation litiérale 
ou copie, de l'antique qui se remarque si facile- 
ment dans les ouvrages des autres artistes. Cepen- 
dant il est hors de doute qu'il admira et imita les 
modĂšles de la GrĂšce et de Rome. . . .. 

» D'oĂč peut venir l’étonnement gĂ©nĂ©ral que pro- 
duit en nous le dessin de Raphaël et ladmira- 
tion qu'il a excitée dans tous les artistes depuis 
trois siĂšcles ? Sans doute il vient de son excellence 
et de sa supériorité. Ce grand peintre prit des 
anciens la symétrie ou la connaissance des meil- 
leures proportions, l'élégance des formes et les 
principes généraux de la disposition et du plié des 
draperies ; mais il trouva lame , le mouvement, 


la vie dans la nature elle-mĂȘme. . . . .. 


» L'art de disposer et de plier les diverses drape- 
ries des figures, n’est pas non plus une des par- 
ties les moins difficiles et les moins importantes du 
dessin ; et certainement sur ce point on est obligé 
d'accorder la palme à Raphaël; aucun peintre ne 


les a traitées ayec autant de beauté et de naturel... 


( 5o ) 

» Personne n’a jusqu'Ă  prĂ©sent Ă©galĂ© RaphaĂ«l dans 
s la force, la noblesse et la vérité avec laquelle il 
» a manifesté les affections de l'ame par les diver- 
» ses expressions de la phisionomie , ainsi que par 
» les attitudes et les mouvements de ses figures. 
» On peut dire que, dans cette partie, la plus su- 
» blime du dessin comme la plus essentielle de l'art 
» de la peinture, ce grand maïtre brilla sans ri- 


» vaux, et qu'il est en méme-temps le modéle le 


“ 
” 


plus parfait qu'on puisse proposer Ă  ceux qui 


» veulent faire des progrÚs rapides. » . . . . . 


L'auteur distingue deux sortes de clair-obscur , 
lun particulier , qui rĂ©sulte de l’incidence de la lu- 
miĂšre sur chaque objet ; l’autre gĂ©nĂ©ral, qu’il appelle 
le systĂšme de la distribution et de l'accord de la 
lumiĂšre et des ombres qui doivent se trouver rap- 
prochées dans un tableau de maniÚre à produire 
le plus grand effet possible. Il ajoute, en parlait 
du tableau de la Transfiguration : 


» Si l'effet général est prodigieux , celui de chaque 
» groupe , pris en particulier , ne l’est pas moins. 
» La clarté , la hardiesse, le relief qui s y remar- 
» quent, frappent d’admiration Pindividu le moins 
» sensible , et l'agréable harmonie des jours et des 
» ombres repose tranquillement lés yeux de lPob- 
» servateur, 


» La dégradation et l'emploi des teintes dans les 
» diffĂ©rents plans de ce tableau , est le fruit de l’art 


on 


C3) 
» le plus perfectionné et de l'intelligence la plus con- 
» sommée; aussi l'illusion de la perspective aérienne 


n est on ne peut plus compiÚte «, 


= M. Desoria, peintre, professeur de dessin au 
lycée, et Académicien résident , a lu des Réflexions 
sur Nicolas Poussin. 


» Je vais, dit-il , esquisser quelques traits de la 
» vie du grand peintre qui fut votre compatriote ; 
» je vais vous parler du Poussin. Peut-ĂȘtre le senti- 
» ment qui m'anime sera-t-il un titre auprés de ceux 
» qui m'écoutent pour mériter leur indulgence. Le 
» peintre ne devrait parler qu'avec ses pinceaux, Çe 


» serait donc ici le cas de se taire et d'admirer. 


» Mais la vénération que j'ai pour le Poussin , 
» m'entraine malgré moi ; je me plais à contempler 
» un homme qui mérite le nom de grand , parce 
» qu'il réunit aux qualités éminentes du génie, les 
» vertus d’un sage. Quoique frappĂ© du souvenir de 
» ses sayantes productions , je ne vous soumets que 
» quelques rĂ©flexions sur ses chefs-d’Ɠuvre et sur 
» son caractÚre. Plusieurs auteurs en ont parlé ; 
» Felibien surtout, qui fut son contemporain et 
» Son ami, à célébré ce rare génie avec les accents 
» de la vérité. Il serait donc oïseux , aprÚs cet écri- 


» vain, de faire un éloge historique du Poussin ; 


2 


» M. de Cambry mĂȘme, malgrĂ© ses lumiĂšres sur 


” 


» l'antiquitĂ© et les beaux arts, n’a parlĂ© de ce gra 


» homme que sous le ĂŒtre modeste d'Zssai «, 


(52) 

Aussi M. Desoria s’'attache-t-il à peindre dans le 
Poussin peut-ĂȘtre moins encore l'artiste immortel 
si justement surnommé le Raphaël de la France, 
l'homme de génie , que le sage et le philosophe. 
Les chefs-d’Ɠuvre du Poussin ont marquĂ© sa place 
parmi les plus grands artistes. Cette justice lui a été 
rendue par tous ceux qui en ont parlé; mais peut- 
ĂȘtre n'ont-ils point assez fait sentir » combien ses qua- 
» lités morales ont contribué à son bonheur , et que 


12 


» par-là il doit servir autant de modÚle aux artistes , 


» pour la conduite qu'ils doivent tenir dans Part 


» qu’ils professent, que par les chefs-d'Ɠuvre qu'il 
» a laissés «, 

Le Poussin dans Rome , sans fortune , sans appui, 
mais » tout entier au travail , repoussait tous les 
» obstacles et fortifiait en lui, par l'amour de l'art, 
» cet esprit d'indépendance et de modération qui 
» fit toujours le fond de son caractÚre «. BientÎt , 
riche de toutes les connaissances nécessaires à la 
perfection de son art, sa renonumée passa les Monts, 
parvint en France , et se rĂ©pandit’ dans toute l'Eu- 
rope. 

Sa patrie revendiqua des talents qu’elle croyait 
devoir lui appartenir. Le surintendant des finances, 
M. Desnoyers , le sollicita envain de revenir en 
France. Le roi lui-mĂšme lui Ă©crivit une lettre pleine 
d'affection ; il fallut que M. de Chanteloup allĂąt le 

hercher et lamenùt à Paris. Il y fut chargé par le 
we de deux tableaux, l’un pour Saint-Germrain- 
en-Laye, 


ro 


(35) 

en-Laye , l'autre pour Fontainebleau, et d’un autre 
pour les jĂ©suites. Ces chefs - d'Ɠuvre irritĂšrent la 
médiocrité, 

» Le Poussin, dÚs son arrivée à Paris , avait fait 
» naßtre la jalousie dans lame de ses confrÚres, 
» mais il la fortifia par son caractÚre qui ne Jui per- 
» mettait pas de composer avec personne aux dépens 
» de la vĂ©ritĂ©. Un goĂ»t pur et exercĂ©, qu’il rappor- 
» tait d'Italie , lui rendait insupportable la maniÚre 
» lourde et rocailleuse qui rĂ©gnĂŒit alors; il com- 
» menca donc, en faisant ses dessins de la grande 
» galerie du Louvre , par changer les dispositions 
» qu'on avait adoptées. DÚs-lors , l'amour - propre 
» irrité fit tout pour le perdre ; ses ennemis se réu- 
» nirent et gagnÚrent jusqu'aux personnes qui, à 


» son arrivĂ©e , l’avaient accueilli ayec transport. « 


C'est à cette occasion qu’il adressa à M. Desnoyers 
une lettre qu'il termine par ces mots : j'Ă©cris , j’a= 
gis pour rendre témoignage à la vérité | et ne tom- 
ber jamaïs dans la flatterie, qui sont trop opposées 
pour se trouver ensemble. 

Le Poussin retourna en Italie , et dit Ă  sa patrie 
un éternel adieu. Mais il y avait laissé de justes ap- 
préciateurs de son mérite et de ses talents. Ils se 
firent un devoir de lui demander des tableaux. Ceux 
du ravissement de Saint-Paul , des sept sacrements, 
de la manne , de l'enlÚvement des Sabines , ont été 
faits pour des amateurs français. 

Nous regrettons de ne pouvoir ici transcrire tout 

S, publ, 1805. C 


(34) 


ce que dit notre collùgue sur ces divers chefs-d'Ɠu- 


vre. AprÚs en avoir cité encore plusieurs autres , 


il s'Ă©cr'e avec le vĂ©ritable enthousiasme d’un artiste : 


» 


» 


2 


» 


2» 


LE] 


” 


2 


LL 


2 


” 


2 


22 


»» 


LL 


»» 


LL] 


LL 


»” 


2» 


2» 


2 


Quand je vois un tableau du Poussin , je sens 
Pimpossibilité d'exprimer ce que j'éprouve ; j'ad- 
mire , je contemple et je suis dans un recueil- 
lement qui concentre en moi toutes mes facultés. 
Il est d’ailleurs des tableaux dont on ne peut don- 
ner qu'une faible idée. Qui pourrait , par exem- 
ple, faire une analyse digne de ce fameux ta- 
bleau du dĂ©luge , dernier chef-d'Ɠuvre du Pous- 
sin , dont la main Ă  cette Ă©poque tremblait tel- 
lement qu’il lui fallait dix jours pour Ă©crire 
une lettre ! Est-il une plus grande preuve de la puis- 
sance du génie sur l'humanité souffrante ? .... 
Le caractÚre du Poussin était inaltérable , parce 
qu’il Ă©tait le rĂ©sultat de la simplicitĂ© de ses mƓurs. 
Un amour du travail qui ne l’a jamais quittĂ© , lui 
faisait regarder avec indifférence l'éclat et les ri- 
chesses ; et, comme il Ă©tait trĂšs-instruit , il n'avait 
pas besoin des plaisirs bruyants pour le distraire. 
Il se délassait de ses travaux dans le cercle inté- 
ressant de quelques amis. Cette maniĂ©re d’ĂȘtre , 
qui convient si bien Ă  l’homme de gĂ©nie, Ă  lhom- 
me qui vit pour l'étude, avait donné au Poussin 
cette modération dans les goûts dont il a constam- 


ment suivi les principes. « 


Chacun se rappelle sa réponse au Cardinal qui le 


plaignait de n’ayoir pas un seul domestique. £t moi, 


(35) 

Monseigneur ; je vous plains bien davantage d’en 
avoir tant. » Y a-t-il parmi les philosophes de lan- 
» tiquité , remarque notre collÚgue , une ré- 
» ponse plus fine et qui renferme un plus grand 
» sens? » 

Lorsque le Poussin enveyait en France un tableau, 
il Ă©tait dans l'usage de mettre derriĂšre le prix qu'il 
en voulait. Plus d’une fois les amateurs auxquels ces 
tableaux étaient destinés le doubiérent. Le Poussin 
renvoya chaque fois l'excédent de la somme qu'ilavait 
demandée. Il connaissait cette aurea mediocritas , 
dont Horace fait l’éloge. La pension que Jui avait 
accordée Louis XII et que Louis XIV lui fit toujours 
exactement payer , le produit de ses tableaux lui 
avaient procurĂ© cette honnĂȘte aisance qui suffit Ă  
quiconque sait mettre des bornes à ses désirs et qui 
sent le prix de l'indĂ©pendance. » L’uuique passion 
» du Poussin était le désir de la vraie gloire , le sen, 


ĂŒment de l’immortalitĂ© ; il Ă©tait persuadĂ© qu'un 


. 
” 


Le 
= 


tableau ne vaut pas absolument par l'argent qu’on 


» en retire , mais par le mĂ©rite qn’il renferme. « 


M. Desoria termine ses réflexions par celle-ci : 
» Heureuse Contrée qui a produit le grand homme 
» qui mérite tant d'admiration , tu ne peux étre 
» qu’un terrein fertile pour les mƓurs et pour le gĂ©- 
» nie ! Mais parmi les hommes célÚbres qui te doivent 


» le jour, sil te plait d'y faire paraitre encore un 


U 
” 


grand peintre , qu’il ait toujours prĂ©sent Ă  l'esprit 


I 
> 


l'illustre Poussin , qu'il attende les mĂȘmes revers, 
C2 


(36) 
#” parce que le sentier de la gloire est rempli d’é- 
» pines , mais que, pour en triompher avec le mĂȘme 
» avantage et la mĂȘme dignitĂ©, il prenne comme 
» lui la vertu pour égide !« 


= M. l'abbé Baston , vicaire général , Académi- 
cien résident , a lu un £xamen des Réflexions du 


lord Bolyngbrocke sur l'exil. 


» Des français de toutes les classes étaient à peine 
» arrivĂ©s en Angleterre oĂč ils venaient se rĂ©fugier, 
» qu'on publia en leur langue les Réflexions de 
» BolĂżrgbrocke et qu’on leur en dĂ©dia la traduction. 
» Elles eurent , remarque notre collÚgue , une inf- 
» nitĂ© de lecteurs ; je ne m'apperçus pas qu’elles 
» en eussent consolé beaucoup «. 


Cette observation donna lieu à M. Baston de mé- 
diter l'ouvrage du Philosophe anglais , pour se ren- 
dre compte à lui-méme de son peu de succÚs. Il 
en trouve la raison dans les arguments mĂȘmes de 
l'auteur. 1l sentit par sa propre expĂ©rience qu’a- 
vancer , comme le fait Bolyngbrocke , que l'exil n’est 
point un mal, que ce n’est qu'un simple dĂ©place- 
ment ; que chercher Ă  appuyer un pareil paradoxe 
sur l'exemple de ces coupables qui fuient moins 
e lieu qui les a vu naütre que le supplice qu’ils 
ont mĂ©ritĂ©, et qui n’abandonnent leur patrie que 
pour aller dans une terre Ă©trangĂšre chercher l'im- 


fin citer en preuves les hommes que l'ambition ou 
Ă© 


punitĂ© de leurs forfaits , c’est une atrocitĂ© : qu’en- 


(37) 

la soif des richesses transportent loin de l'héritage 
paternel , c'est appuyer un paradoxe par un so- 
phisme qui ne peut en imposer Ă  personne , puis- 
que ces hommes, qui s’exilent volontairement, non- 
seulement nourrissent l'espoir de revoir leurs foyers, 
mais se flattent de revenir dans leur patrie jouir des 
honneurs ou des richesses qu’ils auront acquis. 

Les circonstances qui accompagnent un exil forcé , 
la privation de ses amis, de sa famille , cette priva- 
tion si pénible , si déchirante est presque nulle aux 
yeux de Bolyngbrocke. Les preuves qu’il prĂ©tend 
donner en faveur d’une assertion aussi rĂ©voltante 
sont combattues par notre collĂšgue d'une maniĂšre 
Ă  plaire Ă  toutes les ames sensibles et Ă  faire l'Ă©loge 
de son cƓur. Cette rĂ©futation forte de raisons est 


écrite avec autant de solidité que de sentiment. 


=M. Gourdin a communiqué la Notice bibliogra- 
phique de deux ouvrages imprimés dans le 15° 
siÚcle, Pun de 1493 , intitulé: Liber chronicorum ; 
l'autre de 1497, est l'Histoire de France , Ă©crite en 
latin par Robert Gaguin. Ces deux notices font 
parie de plus de 500 qui ne tarderont point Ă  
ĂȘtre donnĂ©es au public, et prouveront combien la 
bibliothĂšque municipale de Rouen est riche dans 


ce geure de monuments typographiques. 


. = Le mĂȘme a lu une Dissertarion daus laquelle 

71 examine quelle est l'écriture qui a été portée en 

Grùce ; il se demande 1° si c’est Cadmus qui à 
G 3 


(58) | 
porté les lettres en GrÚce ? 2° de combien de lettres 
était composé l'alphabet de Cadmus ? 3° les lettres 
portées en GrÚce étaient-elles les lettres égyptiennes 


ou les letires phéniciennes ? 


AprÚs avoir examiné ces questions et discuté les 
sentiments pour et contre des Ă©crivains anciens et 
modernes qui en ont parlé, il passe ensuite à lPexa- 
men des questions suivantes : d’oĂč venait l'Ă©criture 
CadméÚne ? Quelle est l'écriture alphabétique la plus 
ancienne , celle qui a donné naissance à toutes les 
autres ? 


» Par ce que nous avons rapporté en traitant des 


» premiÚres questions , il paraßt que les savants ont 


= 


» plutÎt tranché que résolu la difficulté en donnant 
» indiffĂ©remment Ă  la premiĂšre Ă©criture le nom d’hĂ©- 


» braïque et de phénicienne. 


» En supposant actuellement que ces deux écri- 
tures soient la méme sous deux noms différents , 


CI 
21 


s 
2 


il reste à examiner si Pécriture phénicienne était 


w 
- 


Phébreu quarré ou le samaritain. « 


M. Gourdin , aprÚs avoir rassemblé les autorités 
et des savants et des médailles en faveur de l'une 
et de Pautre opinion , conclut avec l'auteur des 
Voyages du jeune Anacharsis , l'abbé Barthelemi , 
» que les lettres les plus anciennes connues , ne 
» sont point l’hĂ©breu quarrĂ© ou les lettres assy- 
» riennes , comme plusieurs l'ont prétendu , mais 


» les lettres samaritaines , qui sont les véritables 


I( 39} 
» phĂ©niciennes. C’est donc , dit-il, des caractĂšres 
» samaritains que tous les autres ont tiré leur ori- 
» gine. « 

Bruce, dans son ’oyage aux sources du Nil , a 
avancé que l'écriture alphabétique primitive , dont 
les caractÚres ont passé dans tout l'univers avec les 
modifications , les altérations que le temps , les 
mƓurs des nations y ont apportĂ©es , sont les lettres 
Ă©thiopiques. 

M. Gourdin se propose de faire, de l'examen de 
cette opinion de Bruce , le sujet d’une nouvelle 
dissertation. 


— Le mĂȘme secrĂ©taire a lu des Observations sur 
des urnes funéraires trouvées à Canville prÚs Fvetot, 
département de la $eine-Inférieure. 

Les fragments de deux grands vases de terre, quel- 
ques morceaux d'une petite urne de grùs et d’une 
fiole de verre blanc, un vase de verre d’une forme 
quarrée avec une anse , au fond extérieur duquel on 
trouve en relief des lettres romaines , mais dont une 
partie ne peut se lire, parce qu'elle a été manquée 
dans le moule , dans ce vase quelques os de mort 
Ă  demi-brĂŒlĂ©s, voilĂ  les restes funĂ©raires trouvĂ©s Ă  
Canville , et que M. le Préfet à adressés à PA ca- 
démie, en l'invitant de déterminer à quel siÚcle ils 
pouvaient appartenir. 

La compagnie ayant chargé M. Gourdin de s'en 
occuper , il s’est proposĂ© ces quatre questions : 

C 4 


(4) 
1° ces restes de monument funÚbre et le vase qui 
contenait des ossements brĂŒlĂ©s appartiennent-ils au 
Christianisme ? 2° Sont-ils des monuments.Romains ? 
50 Peut-on les attribuer aux Francs ? 4° Remontent-ils 


jusqu'aux Gaulois ? 


1° Ces monuments n’offrant aucun des caractùres 
que l’on rencontre dans de pareils monuments chrĂ©- 
tiens, ceux de Canville ne peuvent appartenir au 


Christianisme. 


2° Si ces restes funÚbres étaient ceux d'un Romain, 
il est prouvĂ© qu’ils ne pourraient ĂȘtre que ceux d'un 
esclave , d’un affranchi ou au plus d’un citoyen ab” 
solument privĂ© de fortune. Or, les Romains n’a- 
vaient dans les Gaules que des magistrats ; ils y 
entretenaient quelquefois des armées ; mais le mo- 
nument de Canville ne peut ĂȘtre celui d’un magis- 
trat ou d’un chef de lĂ©gion, ni mĂȘme celui d'un 
simple lĂ©gionnaire. Ce n’est donc point un monument 


Romain, 


3° Ce n’est point non plus la sĂ©pulture d'un Franc , 
parce que chez les Francs on re brûlait point les 
morts, et que , dans leurs monuments funÚbres dé- 
couverts dans l'Artois , dans la Picardie et dans la 
Normandie , on rencontre ordinairement des haches 


de pierre et mĂȘme de fer. 


4° Les Gaulois Ă©taient dans l'usage de brĂŒler leurs 
morts ; cette coutume a durĂ© parmi eux , mĂȘme aprĂšs 
l'Ă©tablissement du Christianisme. Or, dans le vase 


(41) 
de verre de Canville , on a trouvé des os demi- 
brĂŒles, 

Quant Ă  la petite urne de grĂšs , et Ă  la petite fiole 
de verre blanc dont il nous reste Ă  peine quelques 
fragments, on ne peut les regarder comme des urnes 
lacrimatoires , mais plutĂŽt comme de petits meubles 
qui avaient appartenu Ă  la personne Ă  laquelle Ă©tait 
destiné ce tombeau. Cela est appuyé sur les usages 
Ă©tablis chez les Gaulois. 


De toutes ces observations, M. Gourdin conclut 
que le monument de Canville paraĂźt appartenir Ă  
un Gaulois et à un Gaulois pauvre, qu’il est des der- 
niers temps de la domination romaine dans les 
Gaules , et que par conséquent il ne peut remonter 


au-delĂ  du quatriĂšme siĂšcle. 


= M. David, graveur à Paris, Académicien non 
résident , nous a envoyé une Estampe de sa com- 
position , représentant BONAPARTE 4 la bataille de Ma- 
rengo. L'artiste a choisi l’instant oĂč l’on vient lui an- 
noncer la mort du général Desaix , instant précieux 
pour lhistoire du HĂ©ros qui nous gouverne ; car la 
sensibilitĂ© du cƓur est une qualitĂ© que l’on se plait 
Ă  admirer dans les hommes extraordinaires , et lon 
ne remarque point sans Ă©motion la douleur se pein- 
dre.sur le visage de celui qui, dans le moment , 
était occupé à fixer la Victoire , qui semblait, pour 


la premiĂšre fois, vouloir lui ĂȘtre infidelle. 


= M. Tardieu | Académicien résident , a invité 


C4) 


l'Académie à aller voir deux grands Tableaux de sa 
composition , dont l’un , de 11 pieds '/a de long 
sur 8 de haut, reprĂ©sente la scĂšne dĂ©chirante oĂč 
un frĂšre , pour sauver sa propre yie , coupe la 
tĂȘte Ă  son frĂšre, On sait qu'AgamĂšde et Trophonius, 
architectes Labiles , avaient bĂąti le temple de Del- 
phes et la trésorerie d'Hiricus ; en élevant ce der- 
nier Ă©difice ils s’étaient rĂ©servĂ© les moyens, connus 
Ă  eĂ»x seuls, d'y pĂ©nĂ©trer ; on s’en apperçut , des 
piĂšges furent dressĂ©s, et c’est l'instant oĂč AgamĂšde 
est arrĂȘtĂ© par ce piĂšge que notre confrĂšre a saisi. 
Que de passions Ă  rendre Ă -la-fois ! La douleur , la 
crainte , la pitié, le désespoir ! Voilà ce que l'on 
remarque , non-seulement sur le visage des deux 
personnages, mais jusque dans toute l'habitude de 
leur corps, jusque dans le moindre muscle. 


Le second tableau, qui a 13 pieds de long sur r1 
*/2 de haut , représente la mort du CorrÚge. Il ar- 
rive au sein de sa famille et y expire de la fatigue 
dun voyage pénible ; il jette aux pieds de sa fem- 
me et de ses enfants les deux cents livres en mon- 
naie de cuivre qui causent sa mort. Que de pas- 
sions diverses se peignent Ă -la-fois sur tous les visa- 
ges et dans toutes les attitudes : la joie , l’étonne- 
ment , leffroi , la douleur ! 

Nos confrĂšres, parmi lesquels nous comptons des 
artistes distingués et des connaisseurs délicats , ont 
vu avec plaisir ces deux tableaux , et ont rendu jus- 
tice au gévie , aux connaissances et aux talents de 
M. Tardieu, 


(43) 
= Pourquoi , en parlant des productions des ar- 
tistes qui appartiennent à l'Académie , faut-il que 
notre satisfaction soit troublée par des regrets. Nous 
avons perdu dans cette classe un homme estimable 
par ses talents et par ses qualités personnelles , M. 
Jadoulle ; son éloge , composé par M. Vauquelin , 


sera lu dans cette séance. 


= Nous avons reçu de M. Toustain de Richebourg , 
Académicien non résident, une petite brochure ayant 
pour titre: Avis aux Français ,| ou Prospectus de 
quelques renseignements utiles aux familles et aux 
particuliers, mĂȘme Ă  ceux qui s'occupent de lhis- 
toire de l'empire français. 


Notre laborieux confrÚre, toujours inspiré dans ses 
travaux par le dĂ©sir d’ĂȘtre utile aux autres, prĂ©vient 
qu'ayant en sa disposition un recueil considérable de 
titres de propriĂ©tĂ© , il se fera un plaisir d’obliger 
toutes les personnes qui désireraient les renseigne- 
ments qu’il serait Ă  mĂȘme de leur donner. C’est sans 
doute dans ce trésor qu'il puisera les richesses rela- 
ĂŒves Ă  l’histoire de cette province, qu’il nous annon- 
ce et qu’il promet de nous communiquer. 


Terzes sont, Messieurs , les diverses productions 
littéraires dont nous avions à vous rendre compte. 
Vous verrez, par l'exposé que va vous faire M. le Se- 
crétaire pour la partie des sciences , que son do- 
maine parait cultivé avec beaucoup plus de soin et 


plus d’ardeur. N’en soyons point Ă©tonnĂ©s : les scien- 


C4) 

ces ont guidé les premiers pas du Héros qui gou- 
verre ce vaste Empire ; les sciences marchent sans 
cesse à cÎté de son génie. Ne croyez cependant 
point que les lettres y aient perdu ; elles unissent 
leur flambeau Ă  celui des sciences , et les Muses 
sévÚres, autrefois éloignées des Muses agréables , 
se donnent aujourd’hui la main comme les Grñces. 
Non , Messieurs , les lettres n'ont rien perdu. Le 
siĂšcle d'Auguste fut celui de Virgile , et, sous l'em- 
pire de NaPoLÉON , la nature , n’en doutons point , 
trop jalouse de sa gloire, fera naĂźtre un nouvel Ho- 
mĂšre pour chanter ce nouvel Achille. 


NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR M. JADOULLE; 
Par M. VauçuEezrs. 


Marie-Nicolas Jadoulle naquit en cette ville en 
1756. Un penchant irrésistible l'appela de bonne 
heure dans la carriĂšre des arts du dessin. Ses pre- 
miers essais, sans autre guide qu’un goĂ»t naturel, 
et lavidité avec laquelle, dÚs sa plus tendre jeu- 
nesse , il parcourait les recueils d'estampes gravées 
d’aprĂšs les plus grands maitres, dĂ©cĂ©lĂšrent en lui les 
germes du talent qu'il déploya dans la suite, et. 
fixérent sa vocation. 

Cependant il Ă©prouva dans les commencements 
les plus rudes contradictions , et eut souvent Ă  com- 
battre entre le respect filial, dont il ne s’écarta ja- 


(45) 
mais, et la passion qui lentrainait vers un art dont 
les charmes l'avaient deja séduit. 


Que deviendrait le jeune homme doué des plus 
heureuses dispositions, si, abandonné aux seules 
ressources de son génie , il était obligé de parcourir 
sans guide les sentiers difficiles qui conduisent Ă  la 
gloire dans la carriĂšre des arts? Il lui faut des con- 
seils et des secours capables de faciliter et d'abréger 
sa marche, il lui faut une Ă©cole oĂč se trouvent 
réunis tous les genres de leçons et d'exemples né- 
cessaires au but qu’il se propose d’atteindre. 

Le jeune Jadoulle eut l'avantage de trouver tout 
cela dans l'École de dessin, peinture et architecture, 
qu'avait créée et que dirigeait feu M. Descamps , qui 
sicgea long-temps parmi nous, et dont la mémoire 
sera Ă  jamais gravĂ©e dans le cƓur de ses Ă©lĂšves, 
Que dis-je , il trouva plus qu’il n'avait osĂ© espĂ©rer, 
puisqu'il trouva dans cet illustre professeur un se- 
cond pùre, qui, non-seulement l’aida de ses con- 
seils, mais lui procura encore les moyens de se livrer 
à l'étude avec sécurité. 

Notre collÚgue profita des avantages inappréciables 
qui lui Ă©taient offerts, et travailla avec cette ardeur 
et cette constance qui seules peuvent conduire Ă  
des succÚs. Aussi remporta-t-il en peu d'années tous 
les prix des classes qu'il avait parcourues, 11 se livra 
ensuite Ă  modeler sur le nu ; et aprĂšs s'ĂȘtre long- 
temps exercé dans ce genre d'étude, il alla se per- 
fectionner Ă  Paris, oĂč il entra daus l'École du cĂ©lĂš< 


(46) 

bre Michel-Ange Slodtz, auquel il avait été recom 
mandé , et qui eut toujours pour lui ue affection 
particuliĂšre. 

Notre jeune compatriote redoubla encore de zĂšle 
et d'efforts à la vue des beaux plùtres moulés sur 
l'antique, et des chefs-d’Ɠuvre que renfermait dĂ©jĂ  
la capitale. Il y puisa ce goût simple et sévÚre qui 
fit dans la suite le caractĂšre distinctif de ses produc- 
tions ; enfin, il ne négligea ancune des parties cons- 


ĂŒtutives de l’art qu’il avait embrassĂ©, 


Si, sous ce rapport, notre collĂšgue jouissait pai- 
siblement du plaisir de se livrer au travail et Ă  
l'étude , néanmoins un sentiment secret le rappe- 
lait sans cesse au sein de sa famille ; il ne put y 
résister, ilrevint dans sa ville natale aprÚs dix-huit 
mois d'absence, et s'y fixa pour toujours. | 


Il eut le bonheur d'y retrouver son premier mai- 
tre, qui ne l'avait jamais perdu de vué, et dont la 
bienveillance lui procura l'occasion de se faire con- 
paĂźtre. Ce fut Ă  cette Ă©poque qu’il fit les deux f- 
gures qui étaient placées dans les niches du portail 
de l'Ă©glise Saint Yon. Ce premier ouvrage donna 


l'idée la plus avantageuse de ses talents, 


A-peu-prĂšs dans le mĂȘme temps, on entreprit la 
reconstruction du portail de l'Ă©glise de Sainte Croix- 
Saint-Ouen; M. Jadoulle fut chargé de faire toutes 
les sculptures qui devaient orner ce grand projet , 
qui eut son exécution. On y remarquait particuliÚre- 


(47) 


ment un vaste bas-relief, reprĂ©sentant l’exaltation de 
la Croix, et quatre figures de ronde-bosse, de neuf 
pieds de proportion. Ces ouvrages soutinrent et aug- 
mentÚrent la réputation de leur auteur. 


AprÚs ces preuves réitérées d'un vrai talent, PAca- 
démie admit M. Jadoulle au nombre de ses mem- 
bres. Il remplit les devoirs d’AcadĂ©mieien avec lexac- 
ĂŒtude la plus scrupuleuse , et il y eut peu de sĂ©an- 
ces publiques , oĂč il n'exposĂ t quelque nouvel ou- 
vrage qui toujours lui méritùt des éloges. 


Peu de temps aprĂšs son admission , notre collĂšgue 
fut chargé de faire la statue pédestre d'Henri IV , 
destinée à orner la fontaine du Vieux-Palais. Il justifia 
la confiance dont l'avaient honoré nos premiers ma- 
gistrats , et sut imprimer Ă  la pierre l'attitude et 
les traits qui caractùrisaient le grand monarque qu’il 
avait à représenter. 

11 serait trop long de vous détailler ici tous les tra- 
vaux dont notre confrĂšre fut chargĂ© , et qu’ilexĂ©cuta ; 
d’ailleurs, nous vous le dirons ayec douleur , la hache 
révolutionnaire les a presque tous renversés et dé- 
truits ; il a eu le chagrin de voir briser sous ses 


yeux le fruit de quarante années de travail et 
d'Ă©tude ! 


Si quelque chose peut nous consoler de ces per- 
tes, c’est la conservation du bas-relief, reprĂ©sentant 
la Charité, placé sur la principale porte de l'église 


de l'HĂŽtel-Dieu ; et celui oĂč notre collĂšgue a figurĂ© 


(48) 

la Religion, avec les attributs qui la caractérisent ; 
élevée sur une des portes latérales de l'église Saint- 
Ouen. Ce sont maintenant les seuls ouvrages en 
grand que nous possédions de lui. On ÿ remarque 
en général une composition sage et profondément 
méditée , un dessin pur et correct , une excellente 
maniĂšre de draper , et une heureuse intelligence 
dans le choix des accessoires. 

M. Jadoulle honora son art, non-seulement par 
les talents qui le distinguërent , mais encore par 
une probitĂ© rare , une conduite et des mƓurs sans 
reproche ; il consacra tous les instants de sa vie Ă  
VĂ©tude et au travail ; ilne connut d’autres jouissances 
que celles qu'il trouvait au sein de sa famille et 
dans les soins qu’il donnait Ă  l'Ă©ducation de ses en- 


fants. 


De telles vertus , sans doute , eussent dĂ» faire 
espĂ©rer Ă  l’homme estimable dont nous regrettons 
la perte , une existence heureuse et une fin tran- 
quille ; mais, il faut lPavouer , les derniÚres années 
de sa vie furent troublées par des revers et des cha- 
grins cruels qui altérÚrent insensiblement sa santé. 
AccablĂ© sous le poids de l’infortune et des infirmitĂ©s, 
il a terminĂ© sa carriĂšre , Ă  l’ñge de soixante-neuf ans, 
dans les bras de sa respectable Ă©pouse , qui partagea 


et adoucit ses malheurs. 


PRr1x. 


C49) 


CCC, 0 2 1 
PRIX PROPOSÉS POUR 1806. 


L'AcadĂ©mie a arrĂȘtĂ©, dans la sĂ©ance du 24 ther= 
midor , qu’elle proposait pour sujet de prix de la 
classe des belles-lettres , lÂŁloge de M, de Crosne , 
ancien intendant de la généralité de Rouen. 

Un membre, qui dĂ©sire n'ĂȘtre point connu , de- 
mande que l'on propose pour prix extraordinaire 
VEloge de J.-B. Descamps. 

Ces deux Ă©loges doivent ĂȘtre envoyĂ©s Ă  M. Gour- 
din, secrétaire pour la classe des belles-lettres , avant 
le premier thermidor de lan 14, 

Les auteurs accompagneront leurs mĂ©moires d’un 
billet cacheté , qui contiendra leur nom et leur 
demeure, et qui sera suscrit de l'Ă©pigraphe qui se 
trouvera en tĂȘte de leurs discours. 


QE mm 


SOUMEANIC ES EI" Æ TC TS 


RP A "PO EN ONU ET 


Fait par M. Virazris, secrétaire perpétuel de 


l’AcadĂ©mie , pour la classe des sciences. 
MP SSI EUR S'$ 


En reprenant le cours de ses travaux, l'Académie 
s'est proposée de rendre de nouveaux services aux 


sciences et à tous les arts qui en dépendent, 


S, publ, 1805, D 


(50 ) 

Conduits par les mĂȘmes vues , animĂ©s tous du 
mĂȘme esprit ,» excitĂ©s tous par le sentiment d’une 
Ă©mulation aussi noble que constante et soutenue , 
les membres de l'Académie des sciences , des belles- 
lettres et des arts de Rouen , ont rivalisé de zÚle 
pour remplir les devoirs attachés au titre honora- 
ble dont ils sont revĂȘtus. Unis par les mĂȘmes goĂ»ts, et 
plus encore par les liens d’une douce confraternitĂ© , 
ils ont cru aussi devoir confondre leurs efforts, afin 
de pouvoir les rendre plus utiles Ă  la chose pu- 
blique. 

Quelques-uns ont consacré leurs méditations et 
leurs veilles au développement des principes sur 
lesquels repose l'édifice des sciences spéculatives ; 
mais la plupart ont porté particuliÚrement leur atten- 
tion sur la pratique des arts nécessaires ou utiles à 
Ja société. 

Un but aussi louable trouvera sans doute autant 
d’approbateurs que de citoyens dans une citĂ© popu- 
leuse , dont l'Ă©tonnante industrie fait la base la plus 
solide de sa gloire, de sa richesse et de sa pros- 
périté. / ; 

Dans le compte que je suis chargé de vous rendre, 
Messieurs , d’une partie importante des travaux de 
mes collĂšgues, je suivrai l'ordre dans lequel les ob- 
jets m’ont semblĂ© venir se placer naturellement, et 
qui n’a paru le plus propre Ă  vous les prĂ©senter sous 
leur véritable point de vue. 


(51) 


SCIENCES MATHEMATIQUES, 


ARITRHMÉTI QUES. 


L'arithmĂ©tique est d’un usage si Ă©tendu dans toutes 
les classes de la société , qu'on ne peut trop louer 
le zĂšle de ceux qui s'occupent Ă  en simplifier les 
principes , et à les mettre à la portée du plus grand 
nombre. Tel est le but que parait s'ĂȘtre proposĂ© 
M. Periaux , Imprimeur-Libraire Ă  Rouen, en pu- 
bliant le TraitĂ© d’arithmĂ©tique dont il a fait l'annĂ©e 
derniÚre hommage à l'Académie. Les additions que 
l’auteur Ă  faites Ă  cet ouvrage, dont il a adressĂ© cette 
année de nouveaux exemplaires à l'Académie , le 
rendront plus utile encore Ă  ceux auxquels il est 


destiné. 
GÉOMEÈTRIE-PRATIQUE. 


On pourrait croire, dit M. l'Hoste, dans un rap- 
port qu'il a fait à l'Académie, sur une jauge nouvelle 
proposée par M. Coeslin , demeurant rue Maladrerie, 
qu'il est facile d'évaluer avec précision la capacité 
des tonneaux ; mais en examinant la chose de plus 
prÚs, on ne tarde pas à reconnaitre que cette opé- 
ration a ses difficultés. 

Les uns assimilent le tonneau Ă  un ellipsoide ; 
d’autres le regardent comme formĂ© de deux conoĂŻdes 


paraboliques adossés par leur grande base, 
D 2 


(524 

La capacité, calculée dans la premiÚre supposi- 
tion , approche assez de la vérité ; mais en général 
elle pĂȘche par excĂšs. En adoptant la seconde sup- 
position , on obtient un résultat trop faible | ensorte 
que la vraie capacité du tonneau se trouve comprise 
entre les deux limites données par ces deux évyalua- 
tions. | 

Pour arriver à un résultat indépendant de ces li- 
mites, et beaucoup plus précis, le rapporteur indi- 
que une méthode pratiquée depuis long-temps à 
GenĂšve, et devenue trĂšs-facile au moyen des tables 
publiées en l'an 7 par la Commission des poids et 
mesures. Dans les cas les plus défavorables , l'erreur 
est tout au plus -de 1/380. Cette erreur > Qui est en 
moins , s'accorde d'autant mieux avec la vraie capa- 
citĂ© des piĂšces, ƒue ceite capacitĂ© est toujours dimi- 
nuée par lesirrégularités inévitables dela construction. 

La elite ou jauge est à la vérité simple et com- 
mode , mais cet instrument a l'inconvient de ne pou- 
voir s’appliquer entre des termes bien fixes > parce 
que le bondon ne se trouve pas toujours au milieu 
du tonneau. D'ailleurs la velte suppose que les ton- 
neaux sont toujours semblables entr'eux. 

Pour rémédier à ce dernier inconvénient, M. Goes- 
lin , dit notre collĂšgue, propose d'adapter Ă  l’extrĂ©. 
mité de la velte un quart de cercle gradué et garni 
d'un fil tendu par un plomb. Ce moyen , trĂšs- 
ingénieux , fait connaßtre si le tonneau est dans une 


position horizontale ; il indique en outre la pro- 


(55) 
portion suivant laquelle la piĂšce est construite , et 
par conséquent la velte dont on doit se servir pour 
en estimer la capacité. Pour éviter l'embarras qui 
naßtrait de la muitiplicité des jauges, M. Goeslin a 
tellement graduĂ© la sienne, qu’elle peut suflire quel 


que soit le tonneau dont il faut mesurer la capacité. 


M. l'Hoste conclut que le calcul, fondé sur une 
mesure exacte des dimensions , est le moyen le 
plus propre Ă  perfectionner le jaugeage. Il regarde 
au reste l'ouvrage de M. Goeslin comme le fruit des 
veilles dâ€™ĂŒn bon citoyen ; mais les principes sur les- 
quels il est appuyĂ©, ne sont pas exacts; d’ailleurs 
la méthode proposée par le Gouvernement est tout- 
à-la-fois meilleure , plus générale , moins dispen- 
dieuse et d’une exĂ©cution plus facile. 


ASTRONOMIE ET NAVIGATION. 


L'instrument à réflexion ,; connu sous le nom 
d'Octant , publié d'abord par Hadley , perfectionné 
ensuite par divers astronomes, a été porté enfin, 
par le Chevalier de Borda , qui en a fait le cercle 
de réflexion, à un tel dégré de perfectiou , qwil 
ne laisse rien à désirer pour la précision des résul- 


tats dans la mesure de la hauteur des astres en mer. 


Toutes les opérations du navigaieur ont pour 
but de lui faire connaitre, Ă  chaque instant du jour, 
la longitude et la latitude du lieu oĂč se trouve ac- 
tuellement le navire. Pour obtenir ces résultats, il 
faut nécessairement observer la hauteur des astres 

D 3 


| (54) 

au-dessus de l'horizon , ce qui suppose que cet ho- 
rizon soit visible. Cependant les marins savent qu’en 
mer ,; et principalement aux atterrages des cĂŽtes 
d'Europe , il existe au moins les trois quarts de 
l'année une brume trÚs-épaisse qui ne permet pas 
de distinguer lhorizon. On est donc forcé alors de 
se contenter d’une latitude estimĂ©e , toujours incer- 
taine, quelquefois trùs-fausse, et qui n’expose que 
trop souvent le salut du navire. 

M. Degaulle , ingénieur de marine, professeur de 
navigation à Honfleur , et associé de l'Académie , 
a cherché les moyens de remédier à ces inconvé- 
nients, et il y est parvenu en adaptant à l’octant 
un mécanisme particulier qui, au besoin, puisse 
tenir lieu d'horizon lorsque celui-ci n’est pas vi- 
sible. 

Les changements que M. Degaulle a été obligé de 
faire Ă  l'octant, et qu’on ne peut mĂ©me indiquer 
ici, se trouvent trÚs-clairement développés dans une 
petite brochure que l’auteur a envoyĂ©e Ă  l'AcadĂ©- 
mie ,et qui a pour titre : Essai sur les moyens qui 
pourraient ĂȘtre employĂ©s, tant sur terre que sur mer, 
‘ pour rendre les observations de la hauteur du soleil 
indépendantes de l'horizon | avec une explication dé- 
taillĂ©e des changements faits Ă  l’octant ordinaire 


pour remplir ce bur, 


Cette découverte sera sans doute accueillie par les 
savants , et sur-tout par les marins , avec le plus grand 


intĂ©rĂȘt, 


C5) 
HÔY D'R O G R' A PH I E. 


C'est sur-tout dans les villes commerçantes , dans 
les ports de commerce, que l’on sait apprĂ©cier le 
mérite et l'utilité de cette science , et on ne sau- 
rait trop recommander Ă  la reconnaissance publique 
ceux qui consacrent leurs veilles Ă  en rendre l'e- 
tude facile à tous les navigateurs. C’est ce qu’a 
heureusement exécuté M. Dulague, notre collÚgue, 
en publiant la sixiÚme édition de ses Leçons de na- 
vigation , dont il a déposé un exemplaire dans la 
bibliothÚque de l'Académie. » Cinq éditions rapide- 
ment épuisées , dit l'éditeur ; l'approbation de plu- 
sieurs Sociétés savantes ; celle du Gouvernement , 
qui non-seulement les a fait adopter pour ses Ă©co- 
les d'hydrographie , oĂč on les suit constamment 
depuis 1768, mais qui a chargĂ© l’auteur d'en faire 
lui-mĂȘme , en 1787, un abrĂ©gĂ© que le plus bril- 
lant succÚs a également couronné ; sont les meilleurs 
titres que cet ouvrage puisse avoir Ă  la recomman- 
dation générale. « 

» La nouvelle édition est due au zÚle constant de 
M. Dulague pour instruction des marins , Ă  la- 
quelle, aprÚs avoir professé honorablement , pen- 
dant 58 années , au collÚge de Rouen, il continue 
de consacrer ses travaux. « 

Le public éclairé a pleinement confirmé le juge-- 
ment qu'a porté l'éditeur. On trouve , en eflet , 
dans la sixiÚme édition des leçons de navigation , 

D 4 


(56) 
les meilleures méthodes d'observation et de calcul, 
et toujours l'exemple à cÎté du précepte. L'ordre 
qui -rĂšgne dans la distribution des matiĂšres, la so- 

 lidité. des démonstrations , la clarté du style ren- 
dent cet ouvrage plus digne encore de la réputa- 
tion de son modeste et savant auteur. 


ET TUS DT ONIAROE EN VA NTEU RER L'L'E 


M. Lesueur, ex-officier d'amirauté au Havre, a fait 
hommage Ă  l'AcadĂ©mie de quelques exemplaires d’un 
imprimĂ© , ayant pour titre : Morice sur l’expĂ©dition 
française aux terres australes, ordonnĂ©e en l’an 8, 
et exĂ©cutĂ©e par les deux corvettes de l’état , le GĂ©o- 
graphe et le Naturaliste, parties du port du Havre le 
27 brumaire an 9. 

L'Académie a accueilli cette notice avec d'autant 
plus d'intĂ©rĂȘt, que le fils de M. Lesueur, nĂ© dans 
le département de la Seine-Inférieure , a beaucoup 
contribué par ses trayaux aux importants résultats de 
l'expédition. 

Outre des collections nombreuses de plantes vivan- 
tes et sĂšches, de graines, de fruits et d'Ă©chantillons 
de bois, la partie zoologique seule a été enrichie 
de 18,414 individus , dont 2542 constituent des .es- 
pĂšces nouvelles. 

Ce qui doit sur-tout mériter à MM. Peron et Le- 
sueur l'estime et la reconnaissance publique ; est-il 
dit dans la notice; c’est la gĂ©nĂ©rositĂ© , jusqu'alors 


sans exemple , avec laquelle ils ont fait l’un et Pautre 


(57 ) 
l'abandon absolu de toui le fruit de leurs travaux, 
de ces collections immenses , les plus belles et les 
plus nombreuses qui fussent parvenues jusqu’à ce 
jour en Europe, d'un seul voyage. Ils se sont bor- 
nés à demander pour les lycées de Moulins et de 
Rouen , chefs-lieux de leurs départements , une col- 
lection complÚte de tous les objets rapportés par 
eux, et de ceux aussi qui se trouvaient dans les 
magasins du Muséum d'histoire naturelle de Paris. 
Cette demande leur a été accordée, et les ama- 
teurs en histoire naturelle apprendront sans doute 
avec plaisir que déjà notre cité a reçu une grande 
partie des objets qui lui sont destinés , et que bientÎt 
elle possédera une des plus riches collections qui 


existent dans aucune des villes de l'Empire. 


SCISELN, CES APR SF OTPESS: 
M'EÉ T É 0o'R o L Oo G're. 


M. Vitalis vous a lu une Dissertation sur la ma- 
niÚre de faire les observations météorologiques. 

L'abbé Toaldo , savant professeur d'astronomie à 
Padoue , est le premier, dit-il, qui ait senti l'utilité 
que l'on pourrait retirer des observations météoro- 
logiques , et qui se soit livré à ce genre de re- 
cherches. 

L'influence de la lune sur les mouvements de 
l'atmosphÚre , et par conséquent sur les météores 


(58) 
qui se forment dans son sein , n’était pas douteuse ; 
maïs il fallait déterminer , d'une maniÚre plus rigou- 
reuse et plus prĂ©cise , les points particuliers oĂč la lune 
exerce une action plus marquée , afin d'obtenir des 
conjectures plausibles sur les Ă©poques oĂč doivent 
arriver les changements de temps : c’est ce qu’a fait 
YabbĂ© Toaldo. ( F’oyez le journal de Physique , annĂ©e 


1777 , mois d'octobre et de novembre.) 


Mais il était réservé à M. Lamark, membre de 
l'institut , d'établir les bases d'un systéme général 
de mĂ©tĂ©orologie, et d’écarter les difficultĂ©s qui ont 
jusqu’à prĂ©sent empĂȘchĂ© de reconnaĂźtre les causes 
générales et particuliÚres, qui, dans nos climats , 
donnent lieu aux variations que l'atmosphĂšre nous 
présente dans le cours de chaque année. 


On peut voir dans les Annuaires météorologiques 
que ce Savant a publiés depuis quelques années, com- 
bien la science de la météorologie lui est redevable , et 
avec quelle sagacité il a su apprécier les circons- 
tances variables et secondaires, dont l’action peut 
modifier celle des causes principales. 


Les résultats consignés dans les Annuaires sont 
fondés sur les observations comparées qui se font 
dans les principales villes de la France , telles que 
Paris, Lyon, Bordeaux , Marseille , Rouen , etc. C'est 
le 5* vendémiaire an 11 que M. Vitalis a com- 
mencé à faire à Rouen les observations météorologi- 
ques, suivant la mĂ©thode de M. Lamark , c’est-Ă -dire 
par déclinaisons lunaires. 


(359) 
= Le mĂȘme membre a eu l'honneur de prĂ©senter 
à l'Académie le tableau général et imprimé des 
observations météorologiques qw'il a faites à Rouen 


pendant l'an #1. 
CHIMIE ET ARTS CHIMIQUES. 


Ce n’est pas avec la mĂȘme espĂšce d’argile que l’on 
fabrique les tuiles, les briques ordinaires, les bri- 
ques Ă  four, les poteries communes et grossiĂšres , 
les faĂŻences Ă  pĂąte blanche ou rouge , les porcelaines, 
les vases cuits en grĂšs, etc. ; chaque espĂšce de fabri- 
cation exige une sorte d’argile particuliùre , dont 
on ne peut connaĂźtre la nature que par une analyse 
exacte et nĂ©cessaire pour diriger l'artiste dans l’em- 
ploi qu'il se propose d’en faire. 

C'est ce qui a engagĂ© M. J’italis Ă  prĂ©senter Ă  
l'AcadĂ©mie l'analyse d’une espĂšce d'argile qui a Ă©tĂ© 
trouvĂ©e dans la forĂȘt de Lalonde, aux environs de 
Rouen, par M. Letellier , fabricant de faĂŻence au 
fauxbourg Saint-Sever , et qu’il avait annoncĂ©e comme 
propre Ă  fabriquer de la faĂŻence Ă  pĂąte blanche. 


Cette argile est d'un gris bleuĂątre , tirant sur le 
gris d’ardoise : elle happe fortement à la langue, se 
polit aisĂ©ment sous le doigt, et forme avec l’eau une 
pĂąte bien ductile. 


L'analyse , dont on trouve le procédé détaillé dans 
le mémoire, y a montré sur cent parties : 


C6Go) 
Eau et matiĂšre bitumineuse. . 17 
Sable!" Mie ct 01,37 
Alumbe net ÆRR RE. 224 


D © © 


Oxide de fer jaune . . .. 


Totale, 7%%/Araotibe 


M. Vitalis conclut de cette analyse : 

1 Que l'argile de Lalonde est colorée en partie 
par le fer eten partie par une matiĂšre bitumineuse 
assez abondante mais que le feu détruit complÚte- 


ment ; 


2° Que l’oxide de fer y existe en trop petite quan- 
ĂŒte , soit pour donner de la fusibilitĂ© Ă  la pĂąte , 


soit pour nuire Ă  sa blancheur aprĂšs la cuisson ; 


5° Qu'elle ne contient pas autant de silice que 
les argiles de Forges et de Montereau employé esà 
faire la faĂŻence Ă  pĂąte blanche , puisque , suivant 
Hassenfratz ( Ann. de Chim. , tom. 15,) la premiĂšre 
contient 37 parties d’alumine et 65 de silice, et la 


deuxiùme , 14 d’alumine et 86 de silice. 


En résumant les faits énoncés dans le rapport fait 
Ă  l'AcadĂ©mie , au nom d’une commission , par 
notre confrĂšre M. Leboullenger , ingĂ©nieur de l’ar- 
rondissement de Rouen , sur le gisement de la 
carriÚre d'argile dont on vient de parler , il en ré- 
sulte , 1° que cette carriÚre existe dans une partie 
de Ja forĂȘt nationale de la Londe , Ă  5 myriamĂštres 
de Rouen, et Ă  un myriamĂštre de la Bouille; 


(Gr) 
2° Qu'elle se trouve à une profondeur médiocre 
sur uue épaisseur considérable ; - 
5° Que l'extraction de cette argile , aujourd’hui 
mal dirigée , est susceptible d'amélioration sous le 
double rapport de lPĂ©conomie et du produit. C’est 
dans le rapport mĂȘme qu’il faut lire le dĂ©tail des 


moyens proposés à ce sujet par M. Leboullenger. 
Alcali-métrie , etc. 


M. Descroizilles vous a présenté des Norices sur les 
alcalis du commerce , suivies de quelques observa- 
tions qui intéressent la chimie et quelques-uns des 
arts qui en dépendent. 

Dansles notices sur les alcalis, notre confrĂšre se pro- 
pose, dit-il, d’aider les consommateurs de ces sortes 
de substances dans le choix qu'ils veulent en faire 
et dans la maniĂšre de les employer. 

AprÚs avoir parlé des potasses et des soudes di- 
verses , du procédé général que l'on emploie pour 
leur fabrication, des pays qui les fournissent , Pau- 
teur fait sentir la nĂ©cessitĂ© d’un procĂ©dĂ© d'essai 
prompt et facile pour juger des divers Ă©chantillons 
d’alcalis. Le plus expĂ©diĂŒf , suivant lui ; Consiste 
Ă  Ă©prouver combien de centiĂšmes de leurs poids 
ils exigent en acide sulfurique pour leur satura- 
tion. 

M: DescroĂŻzilles passe ensuite Ă  la description de 
son alcali-mĂštre, Cet instrumeut est un tube de verre 


(6) 
de 20 Ă  25 centimĂštres de longueur (8 Ă  9 pouces }, 
et de 14 Ă  16 millimĂštres ( 7 ou 8 lig.) de diamĂštre. 
Il est fermĂ© par un bout; l’autre se termine par 
une espĂšce de petit “entonnoir Ă  bec, adhĂ©rant au 
tube par un col de 5 millimĂštres ( 2 lig. '/Ă  ) Ă -peu- 
prĂšs d'ouverture. Sur l'Ă©paule qui soutient ce col, 
est un trou pour la sortie et la rentrée de l'air. 
L’alcali-mĂštre doit pouvoir contenir aisĂ©ment 38 gram- 
mes ou 76 demi-grammes de la liqueur alcali-métri- 
que formĂ©e par un mĂ©lange d’une partie quelconque 
(d'un hectogramme, par exemple) d’acide sulfu- 
rique concentré à 66 degré du pÚse-liqueur de M. 
Baumé , qui doivent répondre à 84 centiÚmes de 
pesanteur hydro-majeure , avec 9 hectogrammes d’eau 
pure. C’est par des poids donnĂ©s de cette liqueur 
qu’on gradue l’alcali-mùtre. M. Descroizilles indi- 
que les moyens d'opérer la graduation. Il développe 
ensuite la maniÚre dont on doit procéder aux essais 
alcali-métriques , soit des potasses , soit des sou- 
des ; il fait remarquer linvariabilité et la facilité de 
ces essais , et donne, dans un tableau , le résultat 
de plusicurs milliers d’essais de ce genre qu'il a 
eu occasion de faire depuis 25 années. Les essais 
alcali-métriques offrent quelquefois des résultats 
extraordivaires , tantĂŽt pour la faiblesse , tantĂŽt pour 
la force des degrés alcalins. Des mélanges frauduleux, 
un Ă©tat particulier de calcination sont les causes 
auxquelles on doit Ăąttribuer ces sortes d'anomalies. 


Les inégalités trÚs-fùcheuses auxquelles le consom- 


(65 ) 
mateur des alcalis du commerce est exposé dans 
le résultat de ses opérations , font désirer à M. Des= 
croizilles que l’on puisse non-seulement trouver les 
potasses et les soudes constamment homogĂšnes dans 
le mĂȘme baril, mais encore que l’on puisse annon- 
cer, dans les prix courants, que tel alcali, de tel 
centiÚme alcali-métrique à tel autre , est maintenant 
Ă  tant le centiĂšme , et il fait connaĂźtre les moyens 
faciles et peu dispendieux de graduer ainsi tous les 
alcalis du commerce , et de pouvoir vérifier ou 
faire vérifier sous ses yeux cent échantillons en un 
jour , à l’aide du nouvel alcali-mùtre, Il ny a pas 
lieu d'en douter , dit M. Descroizilles ; le négociant, 
qui , le premier , offrirait de telles sûretés , obtien- 
drait une grande préférence , et forcerait enfin les 


autres Ă  suivre la mĂȘme marche. 


En terminant ce qui regarde lalcali-mĂštre , M. 
Descroizilles observe que cet instrument peut faci- 
lement remplir la destination du bertholli-mĂštre dont 
il a donné la description en l'an 5 , dans le tom. 
1% du Journal des arts et manufactures. La mĂȘme 
échelle est à-la-fois bertholli-métrique et alcali-mé- 
trique ,avec cette différence que , comme alcali-mé- 
trique , c’est à droite et de haut en bas, et que , 
comme bertholli-mĂ©trique , c’est Ă  gauche et de bas 
en haut. 


L'auteur se propose , en outre , d'appliquer in- 
cessamment le tube alcali-métrique aux essais des 
acides acétique » pyrc-acétique , oxalique , tartareux, 


(64) 
Ă©te.., qu’il prĂ©sume devoir bientĂŽt j oĂčer un grand rĂŽle 
dans les arts, et dont il importe, par conséquent F 
que l'on puisse reconnaĂźtre acilement le degrĂ© d’é- 
nergie pour se mettre en garde contre les sophis- 


tications de quelques vendeurs. 


À Ja suite de ses notices sur l’alcali-mĂ©trie , M. 
Descroizilles a placé quelques observations qui inté- 
ressent Ă©galement la science de la chimie et quel- 


ques-uns des arts qui en dépendent. 


1° Il annonce que des faits nombreux Jui ont 
prouvé que la potasse fournie par la combustion 
de tous les végétaux , est un sel avec excÚs de 
base , dont les proportions d’acide carbonique et de, 


potasse sont constamment les mĂȘmes. 


2° Il donne un procédé facile. pour trouver le 
oids. d'acide carbonique déplacé , lors des essais 
P F 


alcali-métriques. 


3° Il explique les causes de l'incertitude des 
procĂ©dĂ©s employĂ©s jusqu’à ce jour pour amener les 
alcalis Ă  l’état caustique , en prouvant , 1° que quatre 
dixiĂšmes de chaux suffisent pour enleyer tout l'aci- 
de carbonique de la meilleure potasse du commer- 
ce ; 2° que , quelle que soit la proportion de la chaux 
au carbonate sursaturé de potasse, si la propor- 
tion de l'eau à ce sel n’est pas de 7 à 1, il y aura 
une portion de carbonate non décomposee et rela- 
tive au dĂ©ficit d’eau , sur les 7 parties qui sont 
strictement nécessaires. | 


4° 


(65) 

4° Il rappelle que, dĂšs l’annĂ©e 1795 , il avait trou- 
vé que toute chaux cuite par le bois contient de 
L potasse dont la quantité doit varier suivant les 
circonstances , et sur-tout en raison de l'espĂšce des 
bois. Une expérience Jui a fait connaßtre que la 
proportion de potasse contenue dans un Ă©chantillon 
qu’il a soumis Ă  l'examen , Ă©tait de 1/50o° du poids de 
la chaux. A l’aide de ce fait assez curieux , il rend 
raison de quelques anomalies chimiques , et fait 
yoir la nécessité de laver préalablement la chaux, 
ou d'employer, pour les expériences chimiques et 
quelques usages médicaux , ia chaux cuite par le 
charbon de terre. De là encore l'idée trÚs-fondée 
d'une propriĂ©tĂ© particuliĂšre Ă  l’eau de chaux pre- 
miÚre ; pour la préparation de laquelle les raffineurs 
de sucre prennent bien de la peine et dépensent 
beaucoup , tandis qu’ils pourraient la remplacer 
avec avantage par un peu de potasse et de chaux. 
De là enfin l’origine de la soude dite naturelle, que 
l'on trouve quelquefois en efilorescence sous les 
arches des ponts , dans les caves de Dieppe et autres 
lieux maritimes. Le muriate de soude est décomposé 
par la potasse contenue dans la chaux qui a servi x 
la construction de la voûte. 

5° Dans un Æssai sur l’art du salpĂ©trier , prĂ©- 
sentĂ© le 16 pluviĂŽse an 4 ; Ă  l’Institut national, 
M. Descroizilles avait demandé ce que devient /a 
potasse entraïnée dans les profondeurs de la terre. 
BientÎt aprÚs Klaproth découvrit cet alcali dans plu- 

S, publ, 1805. E 


(65) 
sieurs productions volcaniques ; M. Vauquelin le 
trouva depuis dans quelques fossiles. L'auteur se- 
ralt trĂšs-flattĂ© , dit-il, d’avoir suggĂ©rĂ© l'idĂ©e de ces 
utiles recherches. ke 

6° M. Descroïzilles pense que le natrum des lacs 
d'Egypte et autres, doit au moins en partie som 
origine à la décomposition du muriate de soude par la 
potasse ; car les rives des six lacs d'Egypte et les ter- 
rains adjacents sont couverts de joncs et de ro- 
seaux qui doivent annuellement fournir de la po- 
tasse. 

Fabrication du Sel de soude, 


Depuis long-temps l'Espagne Ă©tait en possession de 
nous fournir annuellement pour plus de vingt mil- 
lions de ce sel si important pour nos ateliers de 
blanchisserie , de teinture, etc., etc. 

Au moment oĂč la guerre yint interrompre nos 
relations commerciales avec cette puissance , on vit 
Ă©clore un grand nombre de moyens plus ou moins 
Ă©conomiques pour extraire la soude du sel marin. 

Dans le cours de cette année , M. Pelletan fils, 
professeur particulier de chimie Ă  Paris, vous a 
adressĂ© un Ă©chantillon du carbonate de soude qu’il 
fabrique, et qu'il annonçait comme trÚs-propre à 

remplacer avantageusement le: soudes d'Espagne 
dans la teinture du coton en rouge-des-Indes, 

MM. Mesaize, Descroizilles , Robert, B. Pavie et 
Vitalis , ont Ă©tĂ© chargĂ©s d’examiner l'Ă©chantillon, et 


( 67 ) 
de rendre compte de ses effets dans la teinture du 
coton en rouge dit des Indes ou d’Andrinople. 


Organe de la commission , M. Vitalis vous a fait 
un rapport trÚs-détaillé sur les propriétés tant phy- 
siques que chimiques du carbonate de soude cris- 
tallisé qui vous avait été présenté. 

MM. les commissaires se sont assurés, par l'expé- 
rience, que le coton, travaillé avec le sel de soude 
de M. Pelletan , a pris, par le procĂ©dĂ© d’Andrino- 
ple , une couleur trĂšs-bonne et bien nourrie. Ils 
ont annoncé que MM. Fauvel, Desmarets , Vallée 
et Lecoq, teinturiers à Rouen, ont employé le méme 
sel avec un Ă©gal succĂšs. Des Ă©chantillons de ces 
divers cotons ont été déposés au secrétariat de la 
Mairie. 

La commission estime donc que M. Pelletan a 
rendu service Ă  nos fabriques en leur offrant en 
remplacement d’un agent souvent infidùle, un pro- 
duit dont les propriétés sont constantes, 

Espérons , ajoutent MM. les commissaires, que 
nos ateliers de sel de soude, dont le nombre s'ac- 
croit de jour en jour , ne tarderont pas Ă  nous 
affranchir du tribut onéreux que nous portions tous 
les ans à l'Espagne. Il est digne d’un grand peuple de 
ne vouloir dĂ©pendre que de lui-mĂȘme pour les besoins 
de son industrie, 


(68) 


Osservation sur la dissolution de l’Indigo par lacide 


sulfurique. 


La mauvaise préparation ou la sophistication des 
agents qui servent dans l'art de la teinture , donne 
souvent lieu à des anomalies qui découragent lou- 
vrier le plus intelligent , et lui occasionne quelquefois 
des pertes assez considérables. 

Un accident arrivé dans une teinturerie de cette 
‘ville, oĂč l'on voulait prĂ©parer le bleu de Saxe, en 
fournit la preuve. . 

L'acide sulfurique, versé et laissé en digestion sur 
l'indigo en poudre, au lieu d'y développer la cou- 
leur riche et permanen particuliÚre à la fécule de 
Vindigo , ne donna à l’eau qu'une teinte noirñtre 
qui disparaissait méme promptement par le dépÎt 
presque instantané des molécules suspendues dans 
la liqueur. 

Consulté sur cet évÚnement, M. italis en a 
trouvé la cause dans lacide sulfurique dont on 
s'Ă©tait servi. Cet acide n’avait pas Ă©tĂ© rectiliĂ© au dĂ©- 
gré convenable , ou bien il avait été altéré depuis. 

Cet acide en effet contenait de l'acide nitrique qui 
avait attaqué profondément l'indigo en le charbon: 
nant. 

L'auteur saisit cette occasion pour faire remarquer, 

1° Qu’une trĂšs-petite quantitĂ© d'acide nitrique ou 


muriatique du commerce , mĂȘlĂ©e Ă  l'acide sulfurique, 


C 69 ) 
suffit pour nuire à la dissolution de l’'indigo par ce 
dernier acide, et il en donne les raisons ; 

2° Qu'on ne doit jamais se permettre, dans les fa- 
briques d'huile de vitriol , de blanchir cet acide , 
noirci accidentellement par des corps combustibles, 
soit en y versant de l'acide nitrique, soit en y 
jetant du nitre et du sel marin. Le seul moyen que 
lon doive employer en pareil cas , est de soumettre 
l'acide Ă  une nouvelle rectification: 

Du reste , l'indigo était de la meilleure qualité , 
et il donnait un trĂšs-beau bleu de Saxe avec de 
l'acide sulfurique bien pur et concentré à 66 degrés 
de l'aréomÚtre de Baumé , quoique cet acide eût 
Ă©tĂ© amenĂ© Ă  64 dĂ©grĂ©s du mĂȘme arĂ©omĂštre , par 


une quantitĂ© d’eau suffisante. 
MĂ©DeEecinNEe. — Maladie de l’Orteil. 


» Parmi les maladies trop nombreuses qui assiégent 
Jhumanité, dit M. Godefroy dans une Dissertation 
qu'il a présentée à l'Académie , sur les maladies de 
l’orteil , il en est qui se prĂ©sentent si rarement, que 
le praticien et l'observateur le plus attentif vieillis- 
sent souvent sans les rencontrer «, 

De ce genre sont les maladies de l'orteil, dont 
quelques observations , les seules que l’auteur ait 
pu recueillir, lui aident Ă  tracer l'histoire. 

Le sujet de la premiĂšre observation est un jeune 


étudiant en médecine , qui heurta du pied contre 
E 3 


(70) 

une racine en se promenant au jardin du Luxem- 
bourg Ă  Paris. Il Ă©prouva aussitĂŽt Ă  la tĂȘte une dou- 
leur si vive qu’il se crut frappĂ© Ă  mort. L'evĂšne- 
ment ne prouva que trop la solidité de sa con- 
jecture. Il mourut en effet le troisiĂšme ou le qua- 
triÚme jour, malgré tous les secours qui lui furent 
prodigués. 

Hippocrate nous apprend, au livre de ses épidé- 
mies , qu'à Thase , Triton fut attaqué , en mar- 
chant, d’une vive douleur à lorteil, à la suite de 


laquelle il mourut le deuxiĂšme jour. 


Au livre 5, n° 75, on lit que Téléphane fut at- 
teint d’une luxation de l’orteil en-dessous , et dont 


il mourut le troisiĂšme jour. 


Enfin , au livre 2 des prédictions ,; on trouve 
qu’Æmile Lepide , sortant de sa chanbre , heuria 
avec force de l'orteil contre le seuil de sa porte, 


et périt sur-le-champ. 


Comment , demande M. Godefroy , une simple 
contusion de lorieil porte-t-elle son effet sur le 
princpe de la vie? Comment le cerveau seul est- 
il atteint , tandis que les organes essentiels Ă  la 
vie , contenus dans l'abdomen , sont Ă  l'abri de 
la lésion ? 


Cet accident peut-il ĂȘtre regardĂ© comme l'effet 
d'un contre-coup ? Doit-on l'attribuer Ă  un rapport 
anatomique ? 


(#2) 

À la premiùre de ces questions notre collùgue 
répond par la négative , et il prouve que les lois 
du mouvement ne permettent pas d'appliquer Ă  ce 
phénomÚne la théorie des contre-coups , et que l'ob- 


servalion pathologique s'oppose Ă©galement Ă  cette 
explication. 


Les rapports anatomiques ne fournissent pas une 
solution plus satisfaisante. Appuyé sur des observa- 
tions nombreuses , sur l'expérience pathologique , 
M. Godefroy fait voir que ce serait en vain qu’on 
voudrait attribuer aux sympathies du systéme fibreux 
les accidents brusques et terribles qui suivent les 
affections pathologiques de lorteil , puisqu'elles ont 
lieu dans des circonstances oĂč l'on pourrait douter 
que ce systĂȘme ait Ă©tĂ© lĂ©sĂ©. 


En avouant qu'il n’est pas encore donnĂ© Ă  la_mĂ©- 
d'ecine d'expliquer le phénomÚne extraordinaire qui 
fait le sujet de sa dissertation , notre collĂšgue pro- 
pose les moyens curatifs qui lui paraissent devoir 
ĂȘtre employĂ©s. Les bains , l'Ă©ther, le camphre, 
Vopium , les antispasmodiques , en général , sont 
les remĂšdes qu'il regarde comme les plus conve- 
nables. 


Observations médicales. 


Dans les sciences naturelles en général et dans 


la médecine en particulier , autant il est utile, 
E 4 


C9 


nĂ©cĂ©ssaire mĂȘme d'observer , autant il est difficile 
de bien observer. Une connaissance profonde de 
l'art, des sens delicats et exercés par une longue 
pratique, un tact fin et sûr, une exactitude scru- 
puleuse : telles sont les qualités , rares il est vrai , 
mais que doit posséder celui qui veut que lon 
retire quelque fruit de ses observations. Celles que 
nous a laissĂ©es Hippocrate rĂšglent encore aujourd’hui 
la conduite des médecins les plus habiles , parce 
qu’elles sont la peinture fidùle de l’ordre et de la 
marche que suit la nature dans ses opérations rela- 


tives Ă  l’économie animale. 


Pour exciter l'intĂ©rĂȘt , il n’est pas toujours nĂ©- 
cessaire qu’une observation soit neuve ; il suffit 
qu’elle soit propre Ă  confirmer quelques vĂ©ritĂ©s im- 
portantes aux progrùs de l'art , ou qu’elle soit de 
nature à en éclairer et par conséquent à en assurer 


la pratique. 


C’est aux mĂ©decins Ă  apprĂ©cier , sous l'un ou 
l'autre de ces rapports , le mérite des trois Obser- 
vations que notre collĂšgue M. f’ignĂ© a prĂ©sentĂ©es 


cette année à l'Académie. 


La premiĂšre ( du 27 frimaire an 10 ), a pour objet 
une affection rhumatismale qui se manifesta tout-Ă - 
coup , avec des douleurs extrémement vives, au 
genou gauche d’une demoiselle ĂągĂ©e de 27 ans, 
et qui, aprĂšs l'usage de quelques moyens curatifs , 


çéda , dans l’espace d’un mois , Ă  des frictions faites 
ae 


C75) 
avec un mélange convenable d'ammoniaque liquide ; 


d'acide formique , d’éther sulfurique et d'essence 


de romarin. 


Dansla deuxiĂšme observation (du 15 nivĂŽse an 11), 
M. VignĂ© rend compte des suites d’une chute que 
fit une femme ùgée d'environ 46 ans. Le sujet suc- 
comba quatre ans aprĂšs cette mĂȘme chute , comme 
l'avait prévu notre collÚgue , et l'inspection cada- 
vérique , en découvrant les désordres qui avaient 
eu lieu dans la cavitĂ© thorachique , prouva qu’il 
n'avait point méconnu la nature de la maladie, et 


confirma pleinement son pronostic. 


TroisiĂšme observation. Une femme de 28 ans, 
d'un tempérament pituiteux, trois jours aprÚs un 
accouchement trĂšs-heureux , Ă©prouva, le 28 germi- 
nal an 11, une suppression subite des lochies, Ă  la 
suite de laquelle il se forma , dans le voisinage de 
l'anneau sus-inguinal , une ouverture Ă©troite par la- 
quelle s’écoulait un pus sĂ©reux dont on facilita la 
sortie par des topiques Ă©molients. La malade recou- 


yra bientÎt la santé. 


. M. Vigné pense que l'ovaire était essentiellement 
affecté , mais il laisse aux médecins éclairés à déci- 
der si cet organe a suppurĂ©, et s’il Ă©tait la source 
directe d’oĂč partait l'humeur qui s’est fait jour Ă  


l'extérieur. 


(74) 


Ouvrage de médecine envoyé à l'Académie. 


M. Lamawve , docteur en médecine , professeur 
d'anatomie et de médecine , ancien médecin des 
hĂŽpitaux militaires , prĂ©vĂŽt de l’école-pratique de 
Paris , et membre de plusieurs sociétés littéraires , 
a fait hommage Ă  l'AcadĂ©mie d’un exemplaire des 
OEuvres posthumes du docteur Mahon , auxquelles 
il a fait des additions importantes. 

Paul-Augustin-Olivier Mahon , docteur en méde- 
cine , de la faculté de Paris, médecin en chef de 
Vhospice des vénériens de Paris, né à Chartres le 
G avril 1752, et enlevé à l'ùge de 48 ans, par une 
maladie violente dont le siége était dans la poitrine , 
laissa en mourant deux manuscrits intitulés, le pre- 
mier : Histoire de la MĂ©decine clinique , depuis son 
origine jusqu’à nos jours ; le deuxiùme : Recherches 
sur l’existence , la nature et la communication des 
maladies syphillitiqués dans les enfants nouveaux nés 


et dans Les nourrices, 


Ce second manuscrit était resté imparfait , soit 
que la mort eĂ»t empĂȘchĂ© Pauteur d'y mettre la der- 
niĂšre main , soit qu'une partie de son travail ait Ă©tĂ© ” 
égarée. M. Lamauve a ajouté les rÚgles du traite- 
ment à suivre daus tous les cas énoncés dans ce 


dernier ouvrage. 


(757) 
Anatomie artificielle. 


L'anatomie est la base de l'art de guĂ©rir ; c’est 
la boussole ‘d’aprĂšs laquelle le mĂ©decin doit cons- 
tamment diriger sa conduite et sa marche. Mais 
qu’il est pĂ©nible de ne pouvoir Ă©tudier les secrets 
de la vie que dans le livre de la mort ! Combien 
il en coûte à la sensibilité de fixer ses regards, de 
porter le fer sur un cadavre tristement soumis Ă  
nos recherches ! Qu'il est cruel de n'avoir constame 
ment devant les yeux que le spectacle des ravages 
de la douleur, que l'image de la destruction et du 
trépas ! 

VoilĂ  sans doute ce qui alarme l'imagination de 
beaucoup de jeunes gens , et ce qui les Ă©loigne d’une 
science dans laquelle ils eussent peutétre fait les 
plus grands progrĂšs. 

L'anatomie artificielle ou l'art de représenter en 
cire les divers organes du corps humain , affaiblit la 
teinte des idées Ingubres qui rappellent nécessai- 
rement les débris de notre fréle existence + elle 
calme le trouble - de l'imagination , appaise les 
combats de la sensibilitĂ© , et rĂ©pand mĂȘme des char 
mes sur une Ă©tude qui semblait ne devoir inspirer 
que du dĂ©goĂ»t er de l’effroi. 

Defontana s'était acquis , dans la préparation des 
piĂšces anatomiques , une rĂ©putation qu’il semblait 
difficile, nou-seulement de surpasser , mais mĂȘme 
d'Ă©galer, 


(76) 

Notre collÚgue M. Laumonnier a prouvé depuis 
Jong-temps que cet art pouvait acquérir encore. Les 
ouvrages de Defontana , au jugement des connais- 
seurs , laissent encore beaucoup a désirer : ceux de 
M. Laumonier sont d'une telle vérité d'expression 
qu'on dirait que la nature Jui a révélé tout entier 
le secret de ses formes les plus déliées , de ses cou- 
leurs , de ses teintes méme les plus délicates. 

Il est aisé d'en juger par la piÚce représen- 
tant le systÚme général de l'oreille tant interne 
qu'externe , que M. Laumonier a présentée cette 
annĂ©e Ă  l’AcadĂ©mie , et sur laquelle il a donnĂ© ver- 
balement la description de toutes les parties qui 
composent l'organe auditif, 


AGRICULTURE. — Culture de la Garance. 


M. Pavie » membre de l’AcadĂ©mie , vous avait 
présenté un échantillon de la garance qu'il cultive 
dans un terrein situé au fauxbourg S. Hilaire de 
cette ville. Des commissaires ( MM. Mesaize , Deu, 
Gruyÿer , Aviat et Vitalis) avaient été nommés par 
la Compagnie , pour lui rendre compte de la bon- 
ne ou mauvaise qualité de cette garance et des 
effets qu’elle produit lorsqu'elle est employĂ©e frai- 
che ou sĂšche en teinture. 

Organe de la commission , M. Deu a présenté le 
résultat de son travail. 

La garance récoltée par M. Pavie a été trouvée 
de la meilleure qualitĂ© : les couleurs qu’elle donne, 


C7) 
sans étre desséchée , sont aussi brillantes que celles 
qu'on obtient de la plus belle garance préalablement 
desséchée. Mais les commissaires observent , avec 
raison , que la difficulté de conserver la garance 
fraiche , le volume qu’elle forme dans le bain de 
teinture , sont des obstacles qui s'opposent Ă  ce 


qu’on l’emploie en cet Ă©tat. 


Les commissaires ont profité de cette circonstance 
pour répondre à la question soumise à l'Académie 
par M. le PrĂ©fet, relativement aux avantages qu’il 
pourrait y avoir à cultiver la garance dans le dé- 
partement de Ja Seine-Inférieure, 


La culture de cette plante tinctoriale exigeant des 
terres substantielles , profondes et un peu humi- 
des, les commissaires en ont conclu , 1° que la ga- 
rance ne réussirait que faiblement dans la plupart 
des terres du département de la Seine-Inférieure , 
qui, de leur nature, sont sabloneuses , crayeuses 
et sÚches ; 2° que la culture des grains nécessaires 
à la nourriture des hommes et des animaux , reé- 
clame la préférence dans les terreins qui convien- 
draient d'ailleurs à la garance ; 5° qu’il convient par 
conséquent d'abandonner la culture aux départe- 
ments que la nature semble avoir spécialement des- 
tinés à ce genre de produits, comme les deéparte- 
ments du Haut et Bas-Rhin , des Basses-Alpes, etc, 


C8) 
Usage et effets du plĂątre dans la culture du trĂšfle. 


M. Beugnot , alors Préfet du département de ia 
Seinc-Inférieure , dont la sollicitude s'étend égale- 
ment Ă  toutes les parties de l'administration , a 
invité l'Académie à fixer enfin l'opinion publique 
sur les avantages ou les inconvénients de répandre 
le plùtre sur les créfliÚres. 

Deux mémoires ont été présentés à l Académie 
sur cette question , le premier, par M. d'Orray ;, 
qui, s'appuyant sur l'autorité de quelques cultiva- 
teurs, condamne l'usage du plĂątre; le second , par 
M. Vitualis, qui recommande , au contraire, l’em- 
ploi de cette substance et comme l'altérant et com- 


me eng? ‘is 


Vous avez cru , Messieurs , devoir renvoyer ce 
dernier mémoire à l'examen d'une commission que 


vous ayez chargée de vous en rendre compte. 


Organe de cette commission , M. Aviat , dans 
un rapport que vous avez entendu avec beaucoup 


d'intĂ©rĂȘt , s'exprime ainsi : 


» Parmi les différents mémoires qui s'expliquent 


coutradictoirement sur la question (1), la commis- 


oo 


(1) A la lettre de M. le Préfet étaient joiuts plusieurs mé- 
moires qui lui avaient élé présentés par différents auteurs , 
étrangers à l'Académie , et qui ont été remis à MM. les com- 


missaires. 


(79 ) 


sion croit devoir appeler plus particuliĂšrement l'at- 
tention sur celui de notre estimable collégue M. 
Vitalis , qui a été lu dans la séance du 10 pluviÎse 
de cette année, et en proposer l'envoi à M.le Pré- 
fet, en réponse à sa lettre. 


» Il n'existe aucun ouvrage d'agriculture oĂč cette 
question ait été aussi spécialement et aussi métho- 
diquement analysée. , 


» L'auteur nous paraßt lavoir traitée sous le point 
de vue le plus genéral, et en avoir embrasse les dé- 
tails dans toute leur etendue. 


» M. Vitalis commence par remonter à la nature du 
plĂątre ; il indique ensuite d’une maniĂšre prĂ©cise les 
modifications que cette substance saline Ă©prouve de 
Ja part du feu avant d’ĂȘtre rĂ©pandue sur les terres, 
et explique comment elle agit en mĂȘme-temps et 
comme engrais et comme altérant. Comme en- 
grais, en fournissant au trĂšfle des fluides gazeux qui 
composent une partie de sa nourriture. Comme allée 
rant , en corrigeant les défauis du sol , soit en le 
rendant plus meuble , soit en absorbant l’eau sura- 
bondante dont il pourrait ĂȘtre pĂ©nĂ©trĂ©. 


» De la théorie qu'il a puisée dans les principes de 
la chimie appliquée à la physiologie végétale , notre 
collĂšgue conclut que le plĂątre, bien loin de porter 
dans le trÚfle aucune qualité malfaisante , doit au 
contraire , comme l'expérience le démontre d'ailleurs, 


en hùter et en favoriser singuliÚrement la végétation. 


. 
( 80 ) 

» Dans la seconde partie de son mémoire, M. Vi- 
talis prouve , 1° que le plùtre ne s'attache point et 
ne peut s'attacher aux feuilles du trĂšfle. 

» 2° Qu’en supposant mĂȘme qu’il s’en dĂ©posĂąt quel- 
ques molécules , celles-ci ne pourraient nuire aux 
bestiaux , puisque le plñtre n’a rien de corrosif comme 
Je supposent faussement quelques-uns de ceux qui 


ont Ă©crit sur la question qui nous occupe. 


# 5° Que la poudre qui tombe du trÚfle séché, 
n’est point formĂ©e par le plĂątre pulvĂ©rulent , mais 
bien par les débris des organes de la plante elle- 
mĂȘme , puisque cette poudre, soumise Ă  l’action du 
feu , brûle à l'instar des substances végétales, 


» 49 Que les maladies que lon attribue à l'emploi 
du trÚfle plùtré , proviennent non du plùtre, mais de 
ce qu’on donne aux bestiaux une trop graĂŻde quantitĂ© 
de trùfle, ou de ce qu’on le leur laisse paütre encore 
humide de la rosĂ©e et chargĂ© d’eau, oĂč de ce qu’on * 
veut encore le faire servir de pĂąture , lorsqu’altĂ©rĂ© 
plus ou moins profondément dans ses principes, par 
la putrĂ©faction qu’entraĂźne une dessication imparfaite , 
il west plus propre qu’à faire du fumier, 

» Notre collÚgue indique les moyens d'éviter ces 
inconvénients , et termine son travail en invitant les 
cultivateurs à écarter des préjugés funestes aux pro- 
grùs de cette partie de l’agriculture, et qui ne peu- 
vent trouver d'appui que dans l'ignorance des prin- 


cipes, ou dans le calcul des petites passions. 
» Tous 


(81) 

» Tous les résultats énoncés par M. Vitalis sont ab- 
solument les mĂȘmes que ceux auxquels nous avons 
Ă©tĂ© nous-mĂȘmes conduits par nos rĂ©flexions et par 
nos expériences. « 


» Ilest bien reconnu , continue M. Aviat, que de 
tous les fourrages , le trĂšfle est le plus abondant 
dans son produit, qu’il donne une rĂ©colte sur une 
terre qui eût resté en jachÚre, qu'il la dispose plus 
convenablement que toute autre façon à une pro- 
duction trés-riche en blé, que conséquemmeut il 
fait le double office de fourrage et d'engrais , et 


“qu’ainsi il y a produit et Ă©conomie dans sa culture. 


» Une vĂ©ritĂ© non moins incontestable , c’est que le 
plùtre semé sur le trÚfle en tierce pour le moins le 
produit , que de tous les engrais il est le moins 
frayeux , et pour le prix et pour le transport , puis- 
qu'il n’en faut que quatre boisseaux À l'acre. 

» Peut-on sacrifier lésÚrement de si grands avanta- 
ges à des craintes qui paraissent n'ayoir pas été -suf- 
fisamment raisonnées ? 

» Pour les apprécier , vos commissaires ont cru de- 


voir procéder comme suit , et se demander : 


» 1° Estil possble que le plùtre imprime directe- 
ment un caractĂšre nuisible au trĂšfle sur lequel il 
est semé ? 


» 2° D'oĂč procĂšde la poussiĂšre que l'on trouve plus 
fréquemment dans le trÚfle plùtré ? Quelle est la 
nature de cette poussiĂšre ? 


5, publ, 1505. F 


(8) 

» 5° Enfin , est-il possible de neutraliser les parties 
malfaisantes d’un trùfle poudreux ? 

» Ceux qui, sur la premiÚre question, se pro- 
noncent pour l affirmative , paraissent en général avoir 
plutĂŽt fait sortir la cause des eflets que les effets de 
la cause. ...De ce que le trÚfle plétré est plus 
poudreux que celui qui ne l'a pas été, ils concluent 
que cest le plĂątre qui, en s'attachant Ă  la plante, 
la rend ainsi poudreuse. ... Heureusement, avec 
un peu d'attention , il est aisĂ© d’appercevoir dans 
cette maniÚre de raisonner des conséquences mal 
déduites de principes incertains et mal posés ». Ici, 
MM. les commissaires rappellent à-peu-prÚs les mé- 
mes raisons que celles dont lauteur du mémoire 
s'est servi pour prouver que le plĂątre ne peut 
s'attacher au trĂšfle et se fixer sur les feuilles ou les 
ĂŒges de ce vĂ©gĂ©tal. 

I} Ă©tait intĂ©ressant de rechercher d’oĂč procĂšde 
la poussiĂšre que l’on rencontre dans le trĂšfle plĂątrĂ©, 


et quelle est la nature de cette poussiĂšre. 


MM. les Commissaires ont répondu à cette ques- 
tion par des expériences qu'ils ont faites sur des 
bottes de trÚfles provenant de champs plùtrés et 
non plùtrés ; et ils concluent des divers résultats 
qu'ils ont obtenus que le trÚfle , soit plùtré , sot 
non plùtré , est poudreux , non pas en raison du 
plĂątre ; mais en raison du temps pluvieux ou hu- 
mide qui accompagne le fauchage, le fanage et la 


rentrée das le grenier ; que la poussiÚre provient 


(83) ” 
de la décomposition des parties les moins solides 
de la plante , ou plutĂŽt du dĂ©bris de ces mĂȘmes 
parties. MM. les Commissaires remarquent en outre 
que destrĂšfles plĂątrĂ©s , rĂ©coltĂ©s avec soin , n’ont 
pas donné de poussiÚre. 

Pour connaĂźtre la nature de cette poussiĂšre, la 
commission en a recueilli , non-seulement des bot- 
tes de trÚfle qui avaient servi à ses expériences , 
mais encore de fourrages d'espÚces différentes et 
non plùtrés , tels que de la luzerne récoltéé dans 
les sables de Sotteville , et du foin des prairies de 
S. Etienne. 

Toutes les poudres provenant de ces divers four- 
rages annoncent une origine végétale , par la cou 
leur , la lĂ©gĂ©retĂ© et l'odeur. JettĂ©es dans l’eau , 
elles surnagent ce fluide pendant quelques instants, 
le colorent en jaune , l'absorbent ensuite , tombent 
au fond du vase et y forment une sorte de pĂąte 
qui n’a aucune analogie avec celle que donne le 
plĂątre imbibĂ© d’eau. . .. 

Enfin , MM. les Commissaires examinent s'il est 
possible , sinon de détruire entiérement , du moins 
d’attĂ©nuer beaucoup les mauvais eflets de la pous- 
siĂšre dont ils viennent d'indiquer l'origme et la 
nature: 

La commission observe d’abord que l’on prĂ©: 
viendrait en grande partie la décomposition du 
fourrage , et par conséquent la formation de la 
poussiÚre végétale, si l'on choisissait , autant toute: 

ba 


m1: CB 
fois que les circonstances le permettraient , un temps 
favorable , c’est-à-dire, sec et chaud , pour faucher , 
faner et rentrer les fourrages. 

Dans le cas oĂč les cultivateurs seraient contrariĂ©s 
par les mauvais temps, ils devront adopter l'usage 
des meules Ă  courant d’air intĂ©rieur ; ils devront 
encore étendre dans le grenier le fourrage rentré 
un peu humide , sur des lits alternatifs de paille: 
la paille y gagne une saveur avidement recherchée 
par les bestiaux. 

La commission conseille en outre de secouer le 
fourrage avant de le donner aux bestiaux , et de 
Parroser de quelques gouttes d’eau dans laquelle 


on aurait fait dissoudre un peu de sel marin. 


En vous soumettant , Messieurs , les idées répan- 
dues dans son rapport , la commission déclare 
qu’elle n’a eu en vue que la plus grande prospĂ©- 
ritĂ© de l’agriculture ; c’est aussi vers ce but que 


tendront toujours vos désirs et vos pensées. 


ÉCONOMIE RURALE. 


L'économie rurale est si étroitement liée à l'agri- 
culture , et celle-ci Ă  la prospĂ©ritĂ© de PEtat, qu’on 
est surpris qu’elle ait Ă©tĂ© si long-temps nĂ©gligĂ©e par- 
mi nous. 

Ge n'est, en effet, que depuis quelques années 
que le Gouvernement paraüt enfin vouloir s’en oc- 


(55) 
cuper sĂ©rieusement , et lui donner le degrĂ© d’atten- 
tion qu’elle mĂ©rite. 

Des établissements ruraux , vétérinaires , etc. , ré- 
pandus sur différents points de l'Empire ; forment . 
autant d'écoles pratiques dont l'utilité est aujour- 
d'hui aussi seutie qu’elle est solidement prouvĂ©e 
par les résultats, dont le plus essentiel est l'amélio- 


ration de nos laines opérée par celle des troupeaux. 


Il est facile de s'en convaincre par la lecture des 
Comptes rendus de M. Tessier |, commissaire du 


Gouvernement pour ces Ă©tablissements. 


Le premier de ces comptes qui ait été adressé 
cette année à l'Académie , par M, Tessier , son 
associĂ© , regarde l’établissement rural du dĂ©parte- 
ment des Pyrénées orientales , la premiÚre vente de 
laine et de mérinos qui a eu lieu dans cet établis- 
sement national au mois de praĂŻrial an 11 , et la 
tenue et conduite comparées du troupeau et de ceur 
du pays. L'Ă©tablissement a produit depuis sa for- 


mation un bénéfice net de 27,750 francs. 


Un fait dont on trouve les preuves dans ce rap- 
port et qui intĂ©resse l’agriculture , c’est que le sel 
marin ( muriate de soude) répandu en trop grande 
quantité sur les terres, détruit la végétation des 
cĂ©rĂ©ales , et que l’on stĂ©riliserait des terres , dit l’au- 
ur , si l'on y répandait du sel dans la proportion 
de vingt-deux milliĂšmes, et vraisemblablement dans 


upe proportion moindre. 
F3 


( 86) 

Le second de ces comptes rendus Ă  la classe des 
Sciences mathématiques et physiques de PInsutnt 
national, a pour objet la vente qui a eu lieu, les 
premiers jours de messidor an 12, dans l’établisse- 


ment d’économie rurale Ă e Rambouillet. 


Ces laines ont été vendues en suint , et sans 
donner les quatre au cent, au prix moyen de 5 f. 
58 c. le kilogramme, ou 2 f. 69 c. les 5 hectogram- 
mes ( la livre ). M. Henri Delarue , fabricant Ă  
Louviers, a acheté la plus grande partie de ces 


laines. 


58 brebis et 69 béliers ont été successivement mis 
en vente ; le minimum du prix des brebis a été de 
210 f., et le maximum de 420 francs. 

Aucun bélier ne s'est vendu au-dessous de 215 
f. Vingt ont été achetés de 200 à 300 f. ; onze, de 
400 Ă  5oo f. ; cinq, de 5oo Ă  600 f. ; un, 63of. ; 
un, 651f. ; etun, 785 f. 

Ceue différence dans les prix, tant pour les bre- 
bis que pour les bĂ©liers , vient 1° de l’ñge, de la 
taille et de la vigueur des animaux ; 2° de la finesse 
et de l'abondance de leur laine ; 3° de la forme qui 
plaĂźt plus ou moins ; enfin de la fantaisie et de la 
concurrence. 

La race des bĂȘtes bovines sans cornes , dit M. 
Tessier , na. pas été plutÎt introduite en France , 
que la commission d'agriculture a cherché à en ac- 
quérir des individus. On Pa étudiée à Rambouillet , 
et on a trouvĂ© qu’elle lemportait , au moins pour 


C8) 

re pays, sur les races communes. Les vaches sans 
cornes ont une grande quantité de lait de bonne 
qualité. 

Tous les individus de la race sans cornes ne sont 
pas absolument sans cornes ; ceux qui en sont pour- 
vus Wen ont que de petites , point adhérentes a. 
crĂąne , et sujettes Ă  se dĂ©tacher d’elles-mĂȘmes. 
Cette privation d’une arme offensive rend ces ani- 
maux trĂšs-doux, faciles Ă  panser et a conduire. 

Quoique Paffluence des acquéreurs pour cette 
classe d'animaux ait été considérable , on ne trouve 
parmi ces acquéreurs que les cultivateurs des dé- 
partements d’Eure-et-Loir , de Seine-et-Marne et 
de Seine-et-Oise : on n’en voit aucun du dĂ©parte- 
ment de la Seine-Inférieure. 


= L'Académie doit encore à M. Tessier une 
Instruction sur la maladie des bĂȘtes Ă  laine | nommĂ©e 
FalÚre dans le département des Pyrenées orien- 
tales ( ci-devant Roussillon. ) 

La falùre n’est point une maladie particuliùre aux 
seules bĂȘtes Ă  laine : les chevaux et les bĂȘtes Ă  
cornes y sont aussi exposés. Suivant les pays , on 
lui donne différents noms : on l'appelle rzal de panse, 
empansement , gonflement , météorisation. 

Rien n’annonce d’abord la faiùre ; les effets en 
Sont si rapides que souvent en moins d'une heure 
l'animal le mieux portant succombe et périt aprÚs 
une agonie violente. La chair d’une bĂȘte morte rĂ©- 
cemment de la falĂšre est. bonne Ă  manger. 


F 4 


(88) 
La falĂšre paraĂźt devoir ĂȘtre attribuĂ©e au gaz hy- 
drogÚne carboné qui se dégage des aliments con- 
tenus dans les estomacs et dans les intestins des 


animaux, 


AprÚs avoir remonté à la cause du mal, M. 
Tessier indique les moyens d'y remĂ©dier et d’en 


prévenir les ravages. 


On doit bien se garder d'employer la saignée , 
elle ne servirait qu’à hñter la mort ; mais on tiendra 
ouverte la gueule des animaux, onjes fera courir , 
on leur pressera le ventre , afin de procurer l'ex- 
pulsion des vents ; ce moyen est simple , 1} est 
vrai : malheureusement il réussit peu. 


Il y a plus d'espérance de guérir l'animal en 
pratiquant la ponction , non ayec un couteau , mais 
avec un Ă©rocar , instrument dont on se sert en 
chirurgie pour tirer l’eau du ventre des hydropi- 
ques. L'animal sera ensuite retenu un jour ou deux 
Ă  l'ombre et hors des atteintes des mouches. 


Comme , malgré la promptitude à secourir les 
animaux , le plus souvent on n’aurait point de suc- 
cÚs , il est plus sûr de prendre des précantions poux 
les préserver de la maladie. 

Ces prĂ©cautions consistent Ă  empĂȘcher les ani- 
maux d'aller aux champs avant que la rosée soit 
totalement dissipée, de les ramener à la bergerie 
avant que le serein ne tombe sur les plantes ; de 
s’abstenir de les faire sortir les jours de pluie, et 


( 89 ) . 


de nourrir les troupeaux Ă  la bergerie dans les 


saisons les plus dangereuses. 
Emplacement des Laiteries. 


L'Académie a recu de M. Ciszeville, médecin 
à Forges-les-Eaux , une petite brochure intitulée : 
Description des Emplacements qu’il fuut choisir de 
préférence pour la construction des Laïteries , suivie 
de l’énumĂ©ration des signes auxquels on reconnait si 
une vache sera bonne laitiĂšre. 

Ce petit ouvrage , que l'auteur a rédigé il y a 
quelques années , sur l'invitation de la Société libre 
démulation de cette ville , contient des détails in- 
iéressants et utiles , mais qu'on doit lire dans lou- 
vrage mĂȘme. Il ne peut qu'ĂȘtre agrĂ©able aux ha- 
bitants d'un dĂ©partement oĂč la fabrication du beurre 
et du fromage forme une brarche trĂšs-importante 


de Pindustrie rurale. 


Moyens d'obtenir du Lait et du Beurre de la 


nu : 
meilleure qualité. 


M. Jamard a développé ces moyens avec beau- 
coup dĂ©tendue dans un mĂ©moire qu’il a lu Ă  l'A- 
cadémie , et qui a pour titre : Observations sur les 
causes qui peuvent détériorer le Lait et le Beurre ; 
et comparaison des procédés usités dans le dépar- 
tement de la Seinc-inférieure , sur-tout dans le canton 
de Gournay , pour faire le beurre, avec ceux usĂŒtĂ©s 


* 


ui (90) 
dams le dĂ©partement d’Ille-et-V'ilaine | principale- 
ment dans le canton oĂč se trouve la ferme appelĂ©e 
la Prevalais. 


AprÚs avoir indiqué les causes qui peuvent influer 
sur la qualité et la quantité du lait, M. Jamard 
s'occupe de la méthode la plus propre à fournir 
d’excellent beurre : il propose aux cultivateurs d’a- 
 dopter celle qui est suivie Ă  la Prevaluis, parce 
quelle lui paraĂźt plus productive et exiger moins 
de soins. Il désirerait cependant que l'adoption gé- 
nérale de cette méthode fût précédée par des essais 
dont le Gouvernement pourrait charger quelques 
cultivateurs éclairés. 


ECONOMIE POLITIQUE. 


SUENAUTOLIS TT IOQUTE. 


M. le Préfet a adressé à l'Académie un exemplaire. 


de l'Annuaire statistique du département de la Seine- 
Inférieure , pour lan 13, en l'invitant à lui signa- 
ler les erreurs qui pourraient ĂȘtre Ă©chappĂ©es aux 


rédacteurs de ce petit ouvrage. 


Un moyen aussi simple que facile , comme nous 
l'avons observé dans l'avant-propos , de constater 
l'exactitude de tous les faits dont se compose la 
statistique d’un pays, est de les dĂ©poser dans une 


suite d'Annuaires, Lh, comme dans ces réservoirs 


oĂč une eau chargĂ©e de limon s’éclancit et s'Ă©pure. 


DT ee, 


SR 


PA 
Cor) 
ces faits exposés aux regards et à la censure publics, 
perdraient peu-Ă -peu tout ce que l'ignorance ou 
lexagĂ©ration auraient pu y ajouter d’étranger Ă  la 
vérité, 

Les Annuaires statistiques auraient encore layan- 
tage de suivre , pour ainsi dire, tous les mouve- 
ments , toutes les variations qui pourraient suryve- 
nir, d’une annĂ©e Ă  l’autre, dans l'Ă©tat de situation 
d'un département , et de fournir ainsi des points 
de comparaison utiles. 97 

Mais nous avons observĂ© en mĂȘme-temps qu'on 
se flatterait envain d’atteindre le but , si les fonc- 
tionnaires publics, si les sociétés savantes , si les 
citoyens instruits , répandus sur les divers points 
du département , ne concentraient sur cet objet 
leurs eflorts et leurs lumiĂšres. 

Plusieurs membres de l'Académie se sont em- 
pressés de remplir les vues de M. le Préfet , soit 
en lui indiquant des erreurs Ă  corriger , des faits Ă  
rectifier , soit en lui communiquant les moyens d'a- 
méliorer l'ouvrage et de le porter au dégré de per- 
fection dont il est susceptible. 


Recherches statistiques sur le Commerce et l’Industrie 
du département de la Seine-Inférieure , et en par- 
ticulier de La ville de Rouen. 


C'est à M. Gruyer , directeur des douanes impé- 
riales à Rouen , et membre de l'Académie , que 


nous deyons ces utiles et intéressantes recherches 


(92) 
quil se propose de publier dans une suite de mé- 
moires dont déjà deux ont été présentés à l'Aca- 
démie. 

Le premier a pour objet la Tannerie. Notre col- 
lĂšgue rend compte de l'origine , des progrĂšs et de 
la décadence de cet art à Rouen. 

Le nombre des Ă©tablissements servant Ă  la tan- 
verie à Rouen, et dont l’origine remonte au com- 
mencement du onziĂšme siĂšcle , s’élevait, en 1581, 
Ă  8 Ă  9 cents, et ce genre de fabrique s'y soutint 
dans le mĂȘme Ă©tat de prospĂ©ritĂ© jusque vers l'annĂ©e 
1653 que la main destructive du fisc , dit M. Gruyer, 
vint lui porter la premiÚre atteinte , en créant des 
charges de contrĂŽleurs, marqueurs , prudhommes 
et vendeurs de cuirs. 

CetimpÎt, moins onéreux pourtant que génant et 
vexatoire dans sa perception , découragea tellement 
les maütres , qu’en 1759 le sombre s'en trouvait 
déjà réduit à trente-trois. Les autres se réfugiérent 
à Pont-Audemer , Caen, et dans d’autres parties de 
la Basse-Normandie , oĂč ils n’avaient point Ă  craindre 
ces agents du fise , dont les charges n'avaient été 
créées que pour Rouen. 

Notre collĂšgue remarque que c’est l'Ă©dit, le trop 
fameux édit d'août 1759 , qui établit la marque des 
cuirs, et imposa un droit excessif sur leur fabrica- 
tion: de ce moment , ajoute-t-il , les tanneurs fran- 
çais ne purent soutenir la concurrence avec l'étran- 


er, et l'exportation de nos cuirs cessa entiĂšrement. 
5 F 


DAT CNT CON VS EN 


Mt SCT 


(95 ) 
Les meilleurs ouvriers portĂšrent leur industrie en 
pays Ă©tranger , et c'est Ă  celte cause que M. Gruyer 
attribue en grande partie l'accroissement prodigieux 
des tanneries si justement renommées de Namur, 
LiĂ©ge , Malmedy , Stavelot, etc. , aujourd’hui de- 
venues françaises , par la réunion des treize dépar- 


tements de la Belgique et de la rive gauche du 
Fhio. 


Il nest pas indiffĂ©rent d'observer qu’en 1720 
Part de tanner occupait en Normandie plus de 50,000 
familles , tandis qu'Ă  cette Ă©poque Ă  peine il Ă©tait 
connu en Angleterre. 


Les Cartes à jouer sont l'objet du second mémoire. 


On sait, dit M. Gruyer, que l'usage des Cartes 
à jouer ne remonte guÚre au-delà du 14° siÚcle : 
elles furent inventées , vers l'an 1592 , pour amuser 
et distraire le roi Charles VI qui était tombé en dé- 


mence. 


Laissant au moraliste à considérer les cartes dans 
leur influence sur les mƓurs, il se borne à les en- 
visager sous le rapport du commerce dont elles for- 
ment uue branche trùs-importante. C’est à Rouen, 
et pour ainsi dire exclusivement Ă  Rouen, que ce 
nouveau genre d'industrie vint se fixer. Aussi les 
fabriques de Rouen en fournissaient-elles la plus 
grande partie de la France ; elles pourvoyaient ex- 
clusivement à l'immensité qu'en consomme le nord , 


le pays de l'univers le plus joueur ; elles Ă©taient 


’ 


(94) 
en possession d'en approvisionner l'Espagne ; le Por: 
tugal et les Colonies. 

L’aviditĂ© du fisc tenta Ă  Rouen , en 1647 , un 
impÎt sur les cartes , sous le spécieux prétexte que 
le droit n’atteindrait qu’une superfluitĂ©, qu’un pur 
objet de luxe ; heureusement il fut supprimé am 
mois d’aoĂ»t de l'annĂ©e suivante , sur les reprĂ©sen- 
tations du commerce. 

Un arrĂȘt du conseil-d’état , du premier avril 1677, 
sursit Ă  la levĂ©e d’un droit nouveau qu’on avait cher- 
ché à établir; trente ans aprÚs le droit fut défini 
tivement créé, et pour cette fois le Gouvernement 
resta sourd à toutes les réclamations. 

Fatigués des persécutions que le fisc ne se lassait 
pas de leur faire Ă©prouver , les cartiers de Rouen 
se retirùrent d’abord dans l'Artois, la Flandre et le 
Hainaut , province oĂč le droit Ă©tait Ă©ncore inconnu ; 
puis dans la Belgique et en Batavie. C’est’ principa- 
lement Ă  Bruxelles que se porta la fabrique des 


cartes. 


Cependant le fisc trompé dans son attente ne re- 
cevait presque rien du noĂŒvel impĂŽt. Le Gouverne- 
ment crut pouvoir réparer ses fautes en proposant 
au corps des cartiers de Rouen l'abonnement du 
droit pour une misérable somme de cinq à six cents 
livres par an. Les cartiers acceptĂšrent cette offre ; 
mais il Ă©tait trop tard : le mal Ă©tait devenu sans 
remĂšde. Les Ă©trangers s'Ă©taient emparĂ©s presqu’en- 


tiĂšrement de cette branche de commerce ; et si les 


es 7-59 


C95) 
produits de quelques fabriques de Rouen Ă©taient 
encore reçus Uans le nord , ils ne devaient l'avan- 
tage de cette concurrence qu’à la rĂ©putation juste- 
ment méritée dont les cartes de cette ville avaient 
constamment joui. 

La fabrique des cartes Ă  jouer , autrefois trĂšs- 
florissante Ă  Rouen , s y trouve aujourd’hui rĂ©duite, 
comme dans le reste de la France , Ă -peu-prĂšs Ă  la 
consommation intérieure. 


Statistique de Forges-les-Eaux. 


Tel est le titre d'une petite brochure envoyée à 
l'Académie par M. Cisseville | medecin à Forges- 
les-Eaux , président de la Société médicale et d'é- 
mulation de la ville de NeufchÀtel , correspondant 
des SociĂ©tĂ©s libres et d’émulation de Rouen, Tours, 
eLc, 

» Indiquer les causes variées de l'accroissement 
de Forges , et celles de sa décadence ; faire con- 
naitre les moyens de lui restituer sa splendeur pas- 
see ; fournir Ă  ses habitants les moyens d'accroĂźtre 
leur fortune en augmentant les revenus de l'Etat ; 
rendre aux étrangers le séjour des eaux plus agréa- 
ble et plus salubre ; contribuer autant qu'il est en 
moi au bonheur de ceux qui m'ont vu naütre; c’est, 
dit M. Ciszeville , m'acquitter tout-Ă -la-fois envers 
ma patrie , mes concitoyens et les Ă©trangers qui nous 


honorent de leur présence dans la saison des eaux. »! 


Le but que s'est proposĂ© l’auteur est celui d’un 


(96) 
excellent citoyen , et on voit, en lisant son ouvrage, 
qu'il wa rien négligé pour le remplir utilement. 

M. Ciszeville donne des ‘dĂ©tails curieux sur les 
eaux minérales de Forges, confondues , ert 1447 ;, 
avec les eaux de l'Ă©tang d’Andelle , et divisĂ©es, en 
1652 , en trois sources , la kRoyule, la Reinerte et 
la Cardinale, Ă  l'Ă©poque oĂč Louis XIIL vint pren- 
dre les eaux avec Anne d'Autriche son Ă©pouse et 
le cardinal de Richelicu.— On regrette que l'auteur 
wait pas fait connaitre, par une analyse exacte, les 
propriétés particuliÚres de ces trois sources; il se 
contente de dire en gĂ©nĂ©ral qu’elles sont de la 
classe des ferrngineuses, et que l'acide carbonique 
qui y tient le fer en dissolution ne s’y trouve point 
en excùs , puisque Îles eaux ne sont ni piquantes ni 
acidules. Il est certain cependant que ces eaux pré- 
sentent des diflérences sensibles , suivant le bassin 
oĂč on les puise , et que le mĂ©decin doit en tenir 
compte en les prescrivant aux malades. 

L'auteur parle ensuite de la position topographi- 
que de Forges , des riviĂšres qui prennent leur source 
dans les environs, de son industrie rurale et manu- 
facturiÚre , de ses marchés, de son commerce ; il 
termine son ouvrage en invitant le Gouvernement Ă  
rendre Ă  l'agriculture cette immense Ă©tendue de 
bruyĂšres qui, Ă  25 lieues de la capitale de l'Empire, 
n’offrent qu'un dĂ©sert aride et l'aspect hideux d’une 
honteuse et désolante stérilité, 


ARTS 


(97) 


ARTS MÉCANIQUES. 


: D'rr op" R 1 QUE. 


L'Art de la dioptrique a présenté cette année à 
l'Académie un phénomÚme aussi rare qu'il est in- 
téressant, Un aveugle , M. fallée , demeurant à 
Rouen, rue des Murs-S.-Ouen , n° 12 , a prié la 
Compagnie de soumettre à l'examen d’une commis- 
sion des verres concaves et convexes , de diffé- 
rents foyers , qu'il taille et polit lui-mĂȘme. 

Organe de la commission , M. Descamps a rendu 
compte des moyens ingénieux que M. Vallée a ima- 
ginés pour aider au sens dont il est privé ; moyens 
que MM. les commissaires ont vu exécuter , en 
leur présence , par cet artiste infortuné. 

Les verres qu'il a soumis au jugement de l'Aca- 
dĂ©mie out Ă©tĂ© trouvĂ©s d’une bonne Cie et d'un 


beau poli. 


Puisse le jugement favorable que l’AcadĂ©mie a 
porté du travail de M. Vallée , appeler sur Jui la 
bienveillance du Gouvernement, et lui aider Ă  en 
obtenir les secours dont il a besoin pour se pro- 
curer les instruments nécessaires à la pratique de 
quelques branches particuliĂšres de son art dont il 


désirerait pouvoir s'occuper spécialement ! 
P P Ï 


S. publ. 1805, G 


( 98 ) 
SrsT7ÉME de numĂ©ros pour les fils, 


M. Delafontaine , directeur-associé de la filature 
de MM. Delafontaine et compagnie , Ă  l'Escure- 
lÚs-Rouen , a offert à l'Académie quelques exem- 
plaires d'un mémoire imprimé , qui a pour titre : 
Mémoire sur un systéme général de numéros pour 
les fils , et spécialement pour les fils de coton , basé 
sur les nouvelles mesures ; avec un tableau de com- 
paraison des numéros des fils de coton dans les di- 


vers systĂȘmes. 


Ce mĂ©moire est le mĂȘme que celui qui vous 
a été présenté manuscrit , l'annee derniÚre , par 
l'auteur. 


ÆEss4r de fabrication de Faïence , dite à - pñte 


blanche , Ă  Rouen. 


M. Letellier , fabricant de faĂŻence Ă  Rouen, faux- 
bourg S. Sever , a présenté des échantillons, en 
biscuit, de la faience blanche fabriquée avec l'argile 
qu’il a , dit-il , dĂ©couverte dans la forĂ©t de La- 
londe. 

Ces piĂšces ont paru Ă  l'AcadĂ©mie d’une blancheur 
supérieure à la faïence de Forges, et il est vrai- 
semblable que lorsqu'elles auront reçu la couverte, 
elles pourront , tant pour la solidité que pour la 
modicité du prix, soutenir la concurrence avec les 
faiences du mĂȘme genre qui nous viennent de 
Pintérieur ou de l'étranger, 


(99 ) 


EN terminant ce rapport , pourquoi faut-il que 
des idées affligeantes viennent se méler au plaisir 
qu'ont , sans doute , éprouvé les amis des sciences 
et des arts, en voyant le zĂšle avec lequel les dif- 
férentes branches des connaissances humaines ont 
été cultivées parmi nous? 


Les citoyens de cette ville qui nous honorent 
de leur présence, partageront , sans doute , les 
regrets de l'Académie , en apprenant que nous 
avons perdu , dans le cours de cette année , 
MM. Lepecq de la ClÎture , docteur en médecine, 
Pillore , docteur en chirurgie , et M. Rondeaux de 
SĂ©try ; naturaliste. 


Deux de mes CollĂšgues se sont chargĂ©s d’acquit- 
ter une partie de la dette pénible , mais sacrée , 
que l'Académie est dans l'usage de payer à Ja 
mémoire de ceux de ses membres qui ont cessé 
d'exister. 


/ 


J'essaierai ensuite de remplir le mĂȘme devoir en- 
vers M. Pillore. 


+ La plume Ă©loquente de mes CollĂšgues saura mieux 
que Ja mienne vous intéresser à notre douleur , et 
vous peindre toute l'amertume et la sensibilité de 
nos regrets, 


( 100 } 


NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR M. LEPECQ DE LA CLÔTURE, 
Par M. GossrAvme. 


Je ne me croyais pas destiné à répandre quelques 
fleurs , au nom de l'AcadĂ©mie, sur l’urne funĂ©raire de 
M. Lepecq de la ClĂŽture. Cette tĂąche honorable et 
douloureuse Ă  la fois, avait Ă©tĂ© confiĂ©e Ă  l’un de nos 
confrĂšres (1) que les liens les plus solides et les 
plus tendres attachaïent à ce médecin estimable. Des 
circonstances inopinées privent la Compagnie de ce 
travail intéressant presque à la veille de la séance 
publique; j'essaie sinon de le suppléer , au moins 
de ne pas laisser ĂŒne lacune que doit remplir uti- 
lement lhistoire d'une vie consacrée à des trayanx 
utiles, Ă©mbellie par la culture des lettres et le 
commerce de l'amitié, à 

Louis Lepecq de la ClÎture, ancien docteur ré- 
gent et professeur en chirurgie en la faculté de mé- 
decine de Caen , agrégé au collége des médecins 
de Rouen, médecin désigné de l'HÎtel-Dieu de la 
mĂȘme ville, mĂ©decin de la gĂ©nĂ©ralitĂ© pour les Ă©pi- 
démies , membre de la société de médecine de 
Paris, de l'Académie des sciences, des belles-lettres 
et des arts de Rouen , Caen, etc. , naquit Ă  Caen en 
1756. 


PE nl 


(1 ) M. de Glanville, son gendre. 


( 107 } 

Il fut élevé avec soin, et termina rapidement son 
cours d’études dans l'UniversitĂ© de cette mĂȘme ville : 
il avait 16 ans alors , et se consacra invariablement 
à l'étude de la médecine. 


C'est une chose digne de remarque que rare- 
ment les enfants embrassent la profession de leurs 
parents. Accoutumés à partager , pour ainsi dire , 
les fatigues et les désagréments qui les entourent , 
ils en sont dégoûtés par anticipation , etse promettent 
des jours plus heureux dans un Ă©tat different dont 
ils ne voient que les fleurs. On ne peut pas dire 
rigoureusement que M. Lepecq fût une exception 
à cette rÚgle : son pÚre ; à la vérité, avait été 
lui-mĂȘme docteur-rĂ©gent de la facultĂ© de mĂ©decine 
de Caen ; maïs il avait été enlevé de trÚs-bonne heure 
Ă  sa famille, et ne laissait Ă  son fils que le souve- 
nir honorable des services qu’il avait rendus. 


L'étude de la médecine est hérissée de difficultés; 
mais ni un homme de goût elle est entourée 
de jouissances. Il est si intéressant de pouvoir se 
rendre raison des phénomÚnes de la vie, si curieux 
de connaitre les ressorts harmonieux qui nous font 
agir, si consolant sur-tout de pouvoir opposer des 
secours efficaces aux désordres multipliés qui nous 
menacent sans cesse, que les Ă©pines sont presque 
comptées pour rien , et disparaissent, par une espÚce 
d’enchantement , à l'aspect des plus brillantes mer- 
veilles ! M. Lepecq, reçu docteur en médecine , sen- 


tit le besoin de perfectionner ses connaissances, 
G 3 


( 102 } 

C'est dans les Ă©coles , c’est dans les bons livres 
que lon peut acquérir une théorie lumineuse ; 
mais c’est au lit des malades et sous la direction 
de praticiens habiles que l’on s’'instruit fructueu- 
sement des écarts de la nature, que l'on médite 
solidement sur lutilité des secours administrés , 
et que lon apprend Ă  voler de ses propres aĂźles. 
Il vint donc Ă  Paris , suivit assiduement les visites 
des malades à l'hÎpital de la Charité , et, partageant 
ses loisirs entre la lecture des oracles de Cos et 
l'application qu’il en faisait aux nombreux malades 
qui se succédaient dans cet asile , il contracta de 
bonne heure l'habitude de confirmer les préceptes 
par l'observation , et prépara ainsi les ouvrages in- 
tĂ©ressants qu’il publia par la suite. 


Le célÚbre Bordeu fut un des médecins dont 
il rechercha particuliÚrement l'amitié : ses liaisons 
avec ce restaurateur zĂ©lĂ© de la doctrine N— 
tique , le mettaient à portée de consulter souvent 
son expérience et ses grands talents, et les précep- 
tes du maütre trouvaient dans l'esprit et le cƓur 
de l'Ă©lĂšve le sol le plus propre ‘à la faire fructifier. 

De retour dans sa patrie , notre confrĂšre se livra 
à la pratique de la médecine, avec cette sage re- 
tenue qui annonce un médecin pénétré de la 
grandeur de son Ă©tat. Ennemi de tout systĂšme, il 
ne reconnut qu’une autoritĂ© souveraine , l'expĂ©rience 
soumise aux lois de la raison , et qu'un guide cer. 
tain , la nature, dont le flambeau n’égare jamais , 


PA NT SE SE 


EP ho mt min 
— te 


( 103 } 
et qui jamais ne demeure muette quand on sait 
bien l’interroger. 


Au mois de mars 1769, M. Lepecq vint se fixer 
Ă  Rouen. 


L’'admission Ă  l'exercice de la mĂ©decine dans cette 
capitale de la Normandie , Ă©tait alors assujettie Ă  
des formes sévÚres. Les statuts du collége des mé- 
decins de Rouen exigeaient quatre annĂ©es d’inscrip- 
tions dans une université célÚbré , deux années de 
pratique dans une ville extrĂ  muros , la composi- 
tion d'une dissertation proposée par le collége , et 
douze questions relatives, par tiers, à la médecine , 
à la chirurgie et à la matiÚre médicale , et contre 
lesquelles tous les docteurs agrégés argumentaient 
publiquement pendant deux jours consécutifs. 


M. Lepecq se distingua singuliĂšrement dans cet 
acte probatoire. La question qui lui fut proposée est 
celle-ci : » La saignée est-elle préférable aux sudori- 
» fiques dans le traitement du rhumatisme gouteux ? 
» An in rheumatismo arthritico , venÊ sectio sudori- 


» feris prÊferenda ? 


Cette dissertation , dans laquelle il se décide pour 
l'affirmative , est écrite avec autant d'élégance que 
de méthode , et annonce une érudition vaste, mais 
tempérée par une sage économie. 


Les aséertions roulent , en médecine , 


» Sur les qualités médicatrices et conservatrices 
» de la nature , : 
G4 


(104 ) 
» Sur la nécessité de la prendre pour guide dans 
» l'application des médicaments , 
» Sur la valeur des crises , 
» Sur l'avantage que les mĂšres retirent de l’allai- 
» tement de leurs enfants. 
En matiÚre médicale, 
» Sur la propriété de leau, | 
’ du tartre stibiĂ© , 
de l'opium, 
du kinkina, 
c’est-Ă -dire sur les remĂšdes les plus hĂ©roĂŻques que la 
nature et l’art puissent nous offrir. 
En chirurgie , 


» C'est la nature qui guérit les blessures , 


» On ne doit recourir aux opérations que dans 


» une nécessité absolue. 


» La dextĂ©ritĂ© de l’accoucheur est l'instrument le 
» plus utile , et l'usage du forceps est à peine 


» admissible. 


» L'insertion de la petite-vĂ©role peut-ĂȘtre tolĂ©rĂ©e 


CI 
La 


par un mĂ©decin prudent , mais ne doit point ĂȘtre 


La 


conseillée , tant à cause du danger de l'opération 
que par la crainte de répandre la contagion, 


> 


Ce dernier article montre quelle Ă©tait l'opinion sur 
l'inoculation dans le moment oĂč M. Lepecq Ă©crivait , 
et que l’on commençait à s’'appercevoir combien cette 
pratique individuellement avantageuse faisait , par 


( 105 ) 
une propagation inévitable , payer chÚrement les 
services partiels qu’elle rendait, 

M. Lepecq méditait depuis long-temps un grand 
ouvrage , la topographie médicale de la Normandie , 
et il avait recueilli des matériaux nombreux pour 
ce travail important ; il n'avait pas négligé les ob- 
servations météorologiques , travail aussi fastidieux 
par l’assiduitĂ© qu’il exige , que prĂ©cieux par la con- 
cordance qu'il Ă©tablit entre les constitutions atmos- 
phériques et la nature des maladies. Mais il était trop 
éclairé pour ne pas sentir qu'une si vaste entreprise 
est supérieure aux recherches d'an seul homme , 
quand il ne veut pas y consacrer tous ses loisirs, 
et la pratique de la mĂ©decine ne cessa jamais d’ĂȘtre 
son occupation la plus chĂšre. Il s'associa donc tous 
les médecins de la province , et les invita, de la ma- 
niĂšre la plus honnĂȘte, Ă  lui communiquer les dĂ©tails 
relatifs à la topographie médicale des lieux qu'ils 
habitaient, Cette collection de mémoires authenti- 

# ques , fruit précieux de l'expérience , fut une mine 
féconde dont il sat tirer le meilleur parti ; il les re- 
fondit la plupart et leur donna un nouvel intĂ©rĂȘt 
par le charme d’une diction pure, par les reflexions 
judicieuses dont il les accompagna , et les obser- 
vations particuliĂšres dont il les enrichit. 

DÚs 1776 il avait publié , en un volume in-4, 
ses observations sur les maladies épidémiques. Cet 
ouvrage est dédié à M. de Crosne , alors inten- 


dant de la généralité de Rouen, En nommant notre 


(106) 
confrÚre médecin de la généralité pour les mala- 
dies populaires, ce magistrat l'avait mis à portée de 
faire à ce sujet des observations précieuses , et mé- 
ritait plus que tout autre d'en partager l'honneur. 


En 1778, il publia, en deux volumes in-4° , sa 
collection d'observations sur les maladies et cons- 


titutions épidémiques , et les dédia au Roi. 


De quatre parties dont cet ouvrage se compose ;, 
la premiĂšre oceupe seule le premier volume. 


Notre confrùre partage d’abord la province entiùre 
par contrĂ©es, d’aprĂšs le gisement des montagnes , 
le cours des riviÚres , l'exposition , l'élévation ou 
la dépression des lieux. Il décrit le caractÚre des 
premiers Normands comparativement avec les 
mƓurs et les usages de leurs descendants ; les ma- 
ladies endémiques les plus générales , et celles 
qui sont particuliĂšres Ă  chaque canton. Il expose 
succinctement les productions naturelles qui s’y ren- 
contrent , la naiure des*eaux communes ou miné- 
rales qui y coulent , et la longue série des maladies 
épidémiques qui y ont été observées. 

La description trÚs-soignée des cantons de Rouen 
et Caen sont de M. Lepecq. Les autres appartiennent 
pour la plupart Ă  ses collaborateurs , au nombre 
desquels il m'avait fait l'honneur de m’associer pour 
le cantou d'Evreux que j'habitais alors. Enfin , trois 
tables de mortalité, dont il avait fourni la premiÚre 
pour le canton de Rouen, M. Morin , médecin dis- 


C107 ) 


ĂŒnguĂ© Ă  Lisieux , la seconde pour ce canton , et 
moi la troisiĂšme ( cette derniĂšre comprend 40 
années } , donnent lieu à des comparaisons et à des 
rapprochements dont l’art de guĂ©rir peut tirer un 
grand avantage : tel est le sommaire de la premiĂšre 
partie. 


La seconde est le résumé simple et clair d'ob- 
servations météorologiques pendant une espace de 
quinze années. 


La troisiĂšme comprend l'histoire des maladies po- 


x 


pulaires qui ont régné à Caen, de 1765 à 1768. 


La quatriÚme et derniÚre est consacrée à la des- 
cription des maladies épidémiques observées dans 
le canton de Rouen , etc. , jusqu'en 1777 inclusi- 
vement. Là viennent se ranger les épidémies de 1770 


et autres qui sont décrites dans le premier volume. 


La constitution catarrhale de l'été de 1765 , la 
putride bilieuse de 1764 et 1765 , les miliaires qui 
y succédÚrent , la constitution atrabilieuse de 1766 
et partie de 1767, le catarrhe épidémique de la fin 
de cette mĂȘme annĂ©e jusqu’au printemps de 1768, 
appartiennent au territoire de Caen. La constitution 
bilieuse de 1769, la catarrheuse de 1770, l'épidé- 
mie du Gros-Theil dans le Romois, la putride ver- 
mineuse et maligne , et la putride exanthémateuse 
de Louviers ; la catarrhale bilieuse de 1771 et1772, 
la péripneumonie putride de 1775, le causos épi- 
démique observé à Cottevrard ; la grippe de 1775; 
l'épidémie catarrhale putride de Saint-Georges , et 


( 108 ) 
Ja péripneumonie putride de Dieppe en 1776; enfin, 
la constitution scorbutique putride de 1776 et 1777» 
sont particuliĂšres au canton de Rouen et Ă  ceux de 
son voisinage. 

En offrant un tableau fidĂšle de ces maladies po- 
pulaires et désastreuses , M. Lepecq n'oublie ni les 
maladies intercurrentes , ni les nuances qu’elles pou- 
vaient se communiquer rĂ©ciproquement ; mais l’ar- 
ĂŒcle vraiment important est l'exposition des secours 
à l'aide desquels il avait été assez heureux pour en 


arréter les ravages. 


Médecin instruit et littérateur agréable , M. Le- 
pecq avait plus d’un titre pour appartenir à l'Aca- 
démie des sciences , etc. , de la ville qu'il habi- 
tait. Cette Compagnie s’empressa de se l’associer , 
et le compta toujours au nombre de ses membres 
les plus distingués. Il y lut successivement un grand 
nombre de mémoires , presque tous relatifs à lou- 
vrege dent il s’occupait et dont nous venons de 
rendre compte. En 1785 , il en lut un sur le” dĂ©- 
veloppement des passions , dans lequel il exposa en 
physicien et en moraliste judicieux les progrĂšs et les 
conséquences de ce principe de toute énergie , et 
la cause la plus assurée de la sérénité ou du mal- 
heur de nos jours. 

Le Gouvernement ne laissa pas sans récompense 
le dévouement généreux de notre confrÚre , et ses 
ouvrages dont le mĂȘme Gouvernement avait ordonnĂ© 
la publication. M. Lepecq fut anobli en 1781 , 


mr ou om 


€ 169 ) 
maniùre honorable d’acquitter une grande dette 
sans surcharger le trésor public, et le seul prix qui 


puisse flatter un cƓur gĂ©nĂ©reux. 


M. Lepecq se délassait avec les Muses des fatigues 
inséparables de son état. Je connais de lui des mor- 
ceaux de poĂ©sies fort agrĂ©ables ; l'Ă©pithalame qu’il 
composa à l’occasion du mariage de mademoiseile 
sa file la cadette, est plein de fraicheur et de sen- 
timent. 


J'annonce par cette phrase que M. Lefecq Ă©tait 
marié : il avait épousé, en 1778, mademoiselle Le- 
bon , et cette alliance fut le fruit d’une estime rĂ©- 
ciproque. Il porta dans son ménage la douceur et 
l'amabilité qui le caractérisaient. PÚre de deux de- 
moiselles aimables, il partagea avec son estimable 
compagne les soius de leur Ă©ducation. Ils leur dor- 
nérent en commun les préceptes et l'exemple des 
vertus domestiques, et eurent le bonheur de voir 
fructifier leurs leçons. 


La révolution éloigna M. Lepecq de cette capitale ; 
il se retira Ă  la campagne dans le voisinage de Beau- 
mont-en-Auge. Ce fut un. bonheur pour ce pays : 
il y porta ses talents , ses connaissances et le besoin 
plus précieux encore de les communiquer et de les 
faire servir au soulagement de ses semblables. 


Î passait ainsi des jours heureux au sein d'une 
famille aimable qui savait l'apprécier , lorsque le 
dérangement de sa santé y porta de noirs pressen- 


( 110 ) 
timents, c’étaient les premiers chagrins qu'il y eĂ»t 
causĂ©s. Sa poitrine s’engagea de plus en plus, et ce 
désordre , auquel la goutte ne paraissait pas étrangÚre, 
l'enleya, à l'ùge de 68 ans ; à l'estime , à l'amitié, 
Ă  la reconnaissance. 

M. Lepecq Ă©tait d’une taille mĂ©diocre, d’un abord 
gracieux , d'un commerce facile. Sa forte constitu- 
tion semblait lui présager une plus longue carriÚre : 
mais la durĂ©e de la vie s’estime--elle par le nombre 
de nos jours? Ils ont été doublés s'ils ont été rem- 
plis par des travaux utiles , Ă©t Ă  ce calcul M. Le- 
pecq est parvenu Ă  une grande vieillesse. 


Notice BIOGRAPHIQUE sur M. RonNpeaux DE SÉTRY. 
Par M. Norz:tz. 


Je viens apporter au milieu de cette enceinte le 
tribut des justes regrets qu’excite la perte que nous 
avons faite , dans la personne de l'un des membres 
de l'Académie qui, par son ùge, en était devenu le 
Nestor. 

Jean-Marin-Joseph-Claude Rondeaux de SĂ©trĂż 
naquit Ă  Rouen , le 7 novembre 1720 , de M. Ma- 
rin Rondeaux et de madame Marie - Madeleine Ché- 
ron de Freneuse. Sa famille , originaire de Saint- 
Quentin en Picardie, persécutée pour son culte , 
Ă  l'Ă©poque des guerres de religion , quitta cette ville 


(tr 568) 
et dispersa ses branches sur plusieurs points de la 
France ; une d'elles vint se fixer Ă  Rouen , oĂč elle 
s’est conservĂ©e honorablement depuis environ deux 
siĂšcles. 


M. Rondeaux perdit son pùre dùs l’ñge le plus 
tendre, mais, élevé par une mÚre aussi vertueuse 
que belle , il contracta de bonne heure les douces 
habitudes de l'amour du bien et d'une solide 
piété. 


Les idées du jeune Rondeaux furent constamment 
dirigées vers l'étude des productions de la terre ; 
de lĂ  vint la prĂ©dilection qu’il eut depuis pour la 
botanique et particuliĂšrement pour la culture des 
plantes utiles. Ses premiĂšres dispositions furent se- 
condĂ©es par les conseils de vieux amis dont l’ex- 
périence était sûre. Ils cultivÚrent son esprit et di- 
rigÚrent ses goûts, mais sa mÚre seule forma son 
cƓur. Elle en recueillit bientĂŽt la rĂ©compense ; elle 
trouva dans un fils de vingt ans la soumission res- 
pectueuse et Ja confiance filiale dont les germes 
avaient fructifié par ses soins, Elle voyait tons les 
jours ses talents se dĂ©velopper et ses vertus s’ac- 
croĂźtre. | 


Disciple du savant Delaizement et du vertueux 
Dangerville , notre collĂšgue eut pour Ă©mule le mo- 
deste d'Ambourney. Quoique fort jeune encore , la 
botanique , sa passion dominante, l'avait mis en rap- 
port avec Bernard de Jussieu , et, avant mĂȘme d’ap- 


( 112 ) NES , 
partenir à notre Société savante , il eut des liaisons in- 
ĂŒmes avec le cĂ©lĂšbre Lecat , dont la rĂ©putation 
était répandue dans l'Europe entiÚre, 

Parvenu Ă  l’ñge oĂč il devait rendre ses talent 
utiles à la Socicté , sa mÚre , son conseil et son 
amie , le détermina à eutrer dans la carriÚre de 
la magistrature que ses ancétres avaient si hono- 
rablemeut parcourue. Conseiller en la Cour des 
Comptes , Aides et Finances de Normandie , on le 
vit pendant quarante ans y porter les connaissances 
d'un juge éclairé et les vertus d'un magistrat intÚ- 
gré. La révolution seule mit un terme à ses fonc- 
tions. 

Il avait atteint sa trentiÚme année sans avoir connu 
d'autre bonheur‘que celui qu’il goĂ»tait dans une so- 
ciĂ©tĂ© choisie dont sa mĂ©re Ă©tait l’ornement, SĂ©duit 
peut-ĂȘtre par l’exemple de ses premiers amis , M. 
Rondeaux rĂ©sista quelque -temps aux vƓux d’une 
tendre mĂšre qui le pressait de se choisir une com- 
pagne. Huit jours suffirent pour le rendre Ă©poux ; 
et, comme si son Ă©toile avait voulu qu’il fĂ»t et 
devint constamment heureux par tout ce qu'il y 
a de plus cher au monde , il trouva dans cette 
union , peu réfléchie en apparence Êt si rapidement 
formée, un genre de bonheur qu'il w'avait pas counu 
jusqu'alors. Six enfants furent le fruit de ce mariage; 
un seul Jeur a survécu, M. Rondeaux de Mont- 
bray, votre associé à Louviers , qui, suivant les 


traces de son pÚre , élevé par lui et digne de son 
nom ;, 


G.413:) 


nom , répond à ses espérances et tient dans la So- 
ciété le rang honorable assigné à tout citoyen 
utile. 

Sans rien nĂ©gliger de ses devoirs de pĂšre et d’'Ă©- 
poux , notre Confrére , à cette époque , mit encore 
plus d'activité dans ses travaux. Entouré de maté- 
riaux nombreux , fruit de ses fréquentes herborisa- 
tions, il continua d'observer les merveilles de la na- 
ture ; il voulut s'initier Ă  tous ses secrets ; il reconnut 
dans les systémes des anciens nomenclateurs des in- 
cohĂ©rences qu’elle dĂ©savouait. Ilse crĂ©a des mĂ©thodes 
nouvelles ; Ă  des descriptions vagues ou imparfai- 
tes il en substitua de précises; il surpassa souvent 
le style laconique de Linné , objet constant de son 
admiration, Un travail assidu lui acquit une science 
profonde ; un jugement sain le garantit de l'ambition 
d’une publicitĂ© qui contrastait trop avec sa modes- 
tie: et si, d'une part , il y eut beaucoup d’unifor- 
mité dans sa vie domestique , de l'autre il sut répan- 
dre une grande variĂ©tĂ© dans ses travaux. L’heureux 
emploi qu’il fit de son temps et de ses talents mĂ©- 
rite peut-ĂȘtre autant de fixer nos regards que cette 
liste fastueuse de faits Ă©blouissants qui jettent quel- 
quefois tant d'Ă©clat sur la vie du politique et du 
guerrier. 

Tel est le jugement que paraßt en avoir porté 
l'Académie des sciences , des belles-lettres et des 
arts de la ville de Rouen , qui, en 1758, s'empressa 


de lPaccueiilir dans son sein. 
S. publ. 1805. H 


C4) 


Les nombreux mémoires dont il enrichit cette 
Compagnie savante lui valurent l'honneur d’ĂȘtre 
nomme vice-directeur en 1761 , et directeur l’annĂ©e 
suivante. Le zÚle et les talents distingués avec les- 
quels il s’acquitta des fonctions de ces places ho- 
norables , lui mĂ©ritĂšrent l’éstime et la reconnais- 
sance de tous ses ConfrĂšres. 

Nommé par eux ,; quelque temps aprÚs , inten- 
dant du jardin botanique, sa gĂ©nĂ©rositĂ© l’enrichit 
d’un grand nombre de plantes rares. Par ses soins 
éclairés l'entretien des serres devint plus économi- 
que , et la tenue du jardin plus utile et plus bril- 
lante. 

Dans la quantité des mémoires que lui doit P Aca- 
dĂ©mie et qu’elle conserve prĂ©cieusement , nous dis- 
tinguerons les suivants : 

1° Recherches sur la ville de Rouen ; elles con- 
sistent en trois plans originaux oĂč il a tracĂ© la pre- 
miĂšre enceinte de cette ville et ses accroissements 
successifs. Ces plans sont accompagnés de notes 
instructives sur les principaux Ă©difices et sur les 
événements remarquables dont elle fut le théùtre. 

2° Deux autres plans, levés par lui , des ruines du 
fort de Moulineaux , vulgairement appelé le Chà- 
teau de Robert-le-Diable , et de la forteresse de 
Sainte-Catherine. 


3° Une collection de poissons qu'il a dessinés et 
enluminĂ©s d’aprĂšs nature , enrichie de ses obser- 
vations manuscrites dont l'exactitude ne laisse rien 
à désirer. 


C 115 ) 

4° Une autre collection d'environ cinq cents cham= 
pignons , Ă©galement peints par lui ,; avec leur des- 
cription générique et spécifique ; ouvrage dont àl 
conçut le plan Ă  l'Ăąge de 78 ans, et qu’il exĂ©cuta 
en quatre ans , avec une persévérance dont les 
exemples sont rares dans un ùge si avancé ; ou- 
vrage qui contient une foule d'espùces qu’on recher- 
cherait envain dans les collections de Pinot , de 
SchƓffer , d'Hoffman, de Marsigli et dans l’histoire 
des champignons de la France , publiée par Bulliard , 
la plus complette que nous possédions. 


5° Un Traité sur la culture des arbres en pleine 
terre , qui offre le rapprochement heureux des ob- 
servations de Miller , du baron de Tschoudy, du 


chevalier de Jansen, et les siennes propres. 


6 Divers cours abregés d'histoire relatifs aux 


quadrupĂšdes, aux oiseaux , aux plantes. 


7° Des mémoires détachés sur l'économie rurale , 
oĂč il a traitĂ© de l'Ă©ducation des vers Ă  soie , des 
oiseaux domestiques , de la ladrerie des porcs , de 
divers engrais , des prairies artificielles , de pro- 
cédés nouveaux pour arroser les jardins , de nou- 


velles dispositions des serres. 


8° Des notices et rapports sur d'anciens tombeaux 
découverts à Oissel , sur des médailles trouvées à 
NeufchĂątel ; une description des commuues de 
Oissel et de Saint-Euenne-du-Rouvray. 
Les originaux de ces mémoires et de plusieurs 
H 2 


( 116 ) 
autres ont été déposés aux archives des Sociétés sa- 
vantes auxquelles il appartenait. 

On ne peut les lire, Messieurs , sans y recon- 
naütre la touche simple et naïve d’un ami de la 
nature et de la vérité. Toujours en garde contre le 
charlatanisme des novateurs , aux prestiges de quel- 
ques mĂ©moires sĂ©duisants il se contenta d’opposer. 
lautoritĂ© des faits et de l'expĂ©rience. C’est un des 
principaux mérites de ses essais dans une science 
ou les Duhamel, les Tull , les Young ont uni depuis 
la théorie à la pratique , et ont éclairé cette der- 
uiĂšre du flambeau de leurs observations. 

Parvenu Ă  un Âge trĂšs-avancĂ© , le privilĂ©ge de la 
pensée était devenu [pour notre respectable Con- 
frÚre un privilége funeste. Il ne se souyenait de ce 
qu’il avait Ă©tĂ© que pour mieux sentir ce qu’il n’é- 
tait plus. Averti, par le sentiment de ses infirmités , 
du terme fatal dont il approchait , il l'envisagea avec 
le sang-froid du philosophe et la résignation du 
chrétien. Rappelant alors toutes les forces de sa 
sensibilitĂ©, il traça d’une main courageuse ses der- 
hiers adieux Ă  sa famille. Tout y respire sa sou- 
mission aux ordres de l'Eternel , la sollicitude qu'il 
Ă©prouve pour les plus chers objets de ses affections, 
et le dernier Ă©lan de son cƓur fut pour sa femme 
et pour son fils. Il s’'endormit du sommeil du juste , 
leg messidor an 13 (28 juin 1805), ùgé de 84 ans 8 
mois, laissant aux siens pour héritage des biens pé- 
rissables, mais, ce qui est encore préférable , une 


Er7 .J 
réputation $ans tache , un bien qui ne périt jamais. . . 

Ah ! celui qui, prrmi vous , rend à sa mémoire 
le tribut d’éloges que rĂ©clame la vĂ©ritĂ© , fut aussi , 
Messieurs , l'objet de ses sentiments les plus tendres. 
Avec quelle affection ne lui prodigua-t-il pas ses 
savantes lecons ? Combien de fois n’éclairat-il pas 
sa marche incertaine dans la carriĂšre des sciences 
et des arts ? Charmé de contribuer à leur progrÚs, 
M. Rondeaux ne se réserva jamais le moindre hom- 
mage pour ce quil avait communiqué. Il semblait 
wĂ©ĂȘtre riche que pour donner. 

Ces sortes de secours , si nécessaires pour la 
jeunesse avide d'instruction et de savoir , n’étaient 
pas les seuls qu'il se plaisait à répandre autour de 
lui. Sa mort aurait fait perdre un bienfaiteur Ă  plus 
d’uve famille qui trouvait en lui des ressources aussi 
promptes que secrettes , sil n’eĂ»t laissĂ© dans son 
épouse l'héritiÚre de ses vertus. Les pauvres de 
la commune de Saint-Etienne qu’il habitait, feraient 


mieux son Ă©loge que moi. . . . . . . 


he 


NOTICE BLOGRAPHIQUE SUR M. PILLORE.. 
Par Mar Wir mar rs: 


J.-B. Pillore , docteur en chirurgie, membre de 
l'Académie des sciences , des belles lettres et des arts 
de Rouen, naquit à Verfeuil, département de [a 
Haute-Garonne , le 6 juin 1724. 

H 3 


(118) ; 

Il Ă©tait Ă  peine sorti de l'enfance qu'il perdit 
son pĂšre, notaire Ă  Verfeuil. 

ElevĂ© sous les yeux d’une mĂšre tendre , il rĂ©- 
pondit à ses soins affectueux par une docilité par- 
faite et une obéissance aveugle à ses moindres vo- 
lontés. 


Il n’ayait pas encore atteint sa quinziĂšme annĂ©e, 
que déjà la réflexion , qualité si rare à cet ùge ; 
présidait à toutes ses démarches et réglait toutes 
ses actions. 


PassionnĂ© pour l’art de guĂ©rir , pour lequel il se 
croyait né, il comprit de bonne heure la nécessité 
d'acquérir les connaissances propres à l'exercer 


un jour avec succĂšs. 


Mais quelles ressources pouvait, Ă  cet Ă©gard , lui 
offrir le lieu qui l'avait vu naĂźtre? Il sentit bientĂŽt 
que c'Ă©tait dans la capitale et sous les maĂźtres ce- 
lÚbres dont la renommée y attirait de toutes parts 


les élÚves, qu'il devait aller prendre des leçons. 


ForcĂ© de s’arracher des bras de sa mĂšre , le 
jeune Pillore partit pour Paris , oĂč il n’apporta 
d'autre fortune qu'un grand désir de s'instruire et 
une ardeur infatigable pour le travail. 


Le nouvel Ă©tudiant ne tarda pas Ă  se distinguer 
parmi ses condisciples autant par ses heureuses 
dispositions que par sa constance et son assiduité 
au travail. Non content de donner tout le jour Ă  


VĂ©tude , il y\consacrait encore une grande partie 


( 119) 


des nuits. Combien de fois , disait-il lui-mĂȘme ; 
nvest-il arrivé de me relever au milieu de la nuit, 
et de dissĂ©quer , Ă  la lueur d’une faible lampe, un 
cadavre infect qui était caché sous mon lit. 


Ce n'Ă©tait pas assez pour lui d'enrichir son esprit 
de connaissances utiles , il, entreprit encore d'appla+ 
nir les difficultés du travail à des éléves moins in- 
telligents ou moins avancés que lui , en partageant 
généreusement avec eux le fruit de ses. médita- 
tions et de ses veilles. C'est par ces premiĂšres ,le- 
çons , données avec autant de zÚle que de désinté> 
ressement, que M, Pillore acquit cette facilité dans 
le grand art de l'enseignement , cette Ă©locution 
claire et précise qui le rendirent par la suite un 
des plus habiles démonstrateurs. 


Malgré sa modestie , M. Pillore ne put long- 
temps dérober ses talents aux regards de ses mai- 
tres, Le célÚbre Lafaye sous lequel il étudiait alors, 
et qui a reudu tant de services Ă  Ja chirurgie fran- 
çase ,, en fut tellement frappé qu'il lui donna la 
préférence sur un grand nombre d'élÚves pour le 
placer Ă  la tĂȘte de son amphithĂ©Ăątre. 

Peu de temps aprĂšs il recut une nouvelle preuve 
de l'estime particuliĂšre que l'on faisait de sa per- 
sonne et de ses talents. 

Eu 1742 , M. Lecat , chirurgien en chef de l'hĂŽtel- 
dieu de Rouen , occupé,des savants ouvrages quil 
a publiés depuis, s'adressa aux professeurs de Pé- 


cole de chirurgie de Paris, pour leur demander un 
H 4 


| (120 ) 

hotime qui pût le remplacer dans ses fonctions 
d'opérateur ét de démonstrateur ; M. Pillore réunit 
tous les suffrages. I fut envoyĂ© Ă  Rouen , oĂč quel- 
ques mois d'exercice lui suffirent pour gagner 
l'estime de M. Lecat , qui ne balança pas à lui con- 
fier la ‘conduite’ de ses malades et de ses Ă©lĂšves, 
pendant les longues et fréquentes absences que né- 
cessitaient ses voyages ; soit dans l'intérieur du 
royaume ; soit dans les pays Ă©trangers, 


A peine M. Pillore fut-il chargé du pénible , mais 
honorable ministĂšre qu’il avait Ă©tĂ© jugĂ© digne de 
remplir par Phomme le’ plus capable d'apprĂ©cier 
Son mĂ©rite , qu’on le vit redoubler de zĂšle et 
mettre tout enƓuvyre pour justifier le choix de ses 
maütres et la confiance du savant qu’il remplacait. 


” Les malades ne pouvaient assez louer sa douceur, 
sa bonté compatissante , Sa patience inaltérable, ses 
soins généreux et assidus : les élÚves ne savaïent 
lequel ils dévaient le plus admirer ou de l'opérateur 
habile et presque toujours heureux, oĂč de l'anato- 
miste profond qui leur servait de gyide dans PĂ©- 
tude des ressorts déliés et secrets de cette machine 
Ja plus parfañte", mais aussi Ja’ plus dĂ©licate ‘et la 
plus compliquée qui soit sortie des mains de la 
nature. 
+ Dés succÚs aussimultipliés lui valurent une ré- 
putation ‘d’eutant' plus flatteuse qwil'ne la devait 
qu'Ă  ses atiles traĂżaux. Aussi toutes les classes de 
la’ SociĂ©tĂ© Ini donnĂ©retit-elles Ă  l’envi les tĂ©moigna- 


CHAr ) 


mes les moins suspects d’une estime particuliùre et 
d'une confiance méritée et sans bornes. 

L'Académie des sciences , des belles lettres et des 
arts de Rouen s'empressa de l'associer Ă  ses travaux, 
en le nommant adjoint pour la classe d'anatomie , 
( mois de juillet 1764. ) 

Malgré les occupations nombreuses dont il était, 
pour ainsi dire , accablé , il n'en fréquentait pas avec 
moins d’assiduitĂ© les sĂ©ances de la SociĂ©tĂ© savante 
qui l'avait accueilli dans son sein , et partageait 
ses travaux avec un zĂšle digne des plus grands 
Ă©loges. 

Au mois de septembre 1764, il fut chargé , avec 
MM. Delaroche et Lechevin , d'examiner les piĂšces 
que M. Lecat proposait de faire entrer dans le pre- 
mier volume des mémoires de l'Académie. 

L'année suivante (le 12 juin 1765), on le choisit 
de nouveau pour juger , avec deux de ses collé- 
gues , les mémoires envoyés au concours Ouvert 
par l'Académie pour le prix des sciences. 

Au mois de juillet de la mĂȘme annĂ©e , il fut nom- 
mé commissaire pour l'examen des concurrents au 
prix d'anatomie. 

Vers cette Ă©poque , il publia, dans le Journal des 
savants, une lettre sur la méthode de tailler , de M. 


Lecat. 


Peu de temps aprÚs il communiqua à l'Académ'e 


une observation importante sur une superfétation 


( 192 ) 
Ă©vidente ! la mĂȘme femme , dit M. Lecat , Ă©tant 
accouchĂ©e , tout-Ă -la-fois, d’un premier enfant de 
quatre mois, et d’un second de vingt jours, qui 
Ă©tait contenu dans une espĂšce d'Ɠuf trĂšs-visible et 
bien formé. s 


En 1766 , il fit Ă  la Compagnie deux rapports 
également intéressants ; le premier sur un mémoire 
de M. RĂŒfch , chirurgien du roi de Pologne, rela- 
tif aux moyens propres Ă  arrĂȘter le sang dans cer- 
taines amputations ; le second sur un nouveau 
moyen proposĂ© par M. Ritfch, pour arrĂȘter le sang 
dans les amputations de la jambe et de l'avant- 
bras. 

En 1785 , ĂŻl fit un nouveau rapport sur un 
ouvrage de M. Lauvergeat : dans ce rapport comme 
dans les précédents , on trouve des remarques utiles, 
des observations neuves , une critique polie , fine 
et judicieuse, 


L'Académie crut ne pouvoir mieux récompenser 
M. Pillore du zĂšle qu'il montrait pour les progrĂšs 
des sciences et des arts, qu’en le nommant AcadĂ©- 
micien titulaire (au mois de juillet 1789). Des cir- 
constances impérieuses forcÚrent , vers ce temps ; 
l'AcadĂ©mie d’interrompre ses travaux ; et Ă  peine 
le Gouvernement lui eut-il accordĂ© la facultĂ© d’en 
reprendre le cours ( vers la fin de l'an 11), que la 
Compagnie accorda (le 8 messidor an 12 ) , les 
honneurs de la vétérance à notre respectable CollÚ- 
gue , que ses infirmités empéchaient alors d'assister 
à nos séances. 


( 1239 

Ni les moments que M. Pillore donnait Ă  l'Aca- 
démie , ni le temps qu'il consacrait aux savantes 
dĂ©monstrations qui ont formĂ© tant d’habiles chirur- 
giens qui Jui doivent aujourd’hui leur Ă©tat et leur 
fortune , ni les dĂ©tails d’une pratique extrĂ©mement 
étendue dans toutes les parties de la médecine opé- 
ratoire , ne l’empĂ©chĂšrent de porter la vigilance la 
plus active , les soins les plus attentifs sur PĂ©duca- 
tion de sa nombreuse famiile. PĂšre de douze enfants 
qui Jui survivent toust(1), il s'occupait des intĂ©rĂȘts 
de chacun d'eux avec une Ă©gale tendresse , avec 
la plus sage prévoyance. 

Deux de ses fils, MM. Henri Pillore, docteur 
en médecine de la faculté de Montpellier , et N .... 
Pillore , docteur en chirurgie, ont embrassĂ© l’état 
que leur respectable pÚre a exercé parmi nous , 
pendant une longue suite d'années , ayec tant de 
distinction et de succés. 


M. Pillore Ă©tait d'une stature moyenne et bien 
proportionnée. Sa physionomie respirait un air de 
bontĂ© que son cƓur ne dĂ©mentit jamais. Son carac- 
tÚre était un heureux mélange de douceur et de fer- 
meté , de franchise et de prudence. Il était, avec 
ses amis, au nombre desquels il comptait sur-tout 
ses enfants , d'un commerce facile , sûr et agréable. 


C'était au sein de son intéressante famille, c'était auprÚs 


1) M, Pillore eut une fille de son premier mariage , en 


1743 , et onze enfants de sa seconde femme qu'il Ă©pousa en 1758. 


C124) 

de sa vertneuse Ă©pouse , au milieu de ses nombreux 
enfants, dont il ne dédaignait pas de partager sou- 
vent les jeux innocents, qu’il aimait Ă  se dĂ©lasser 
de ses pénibles travaux , et à se reposer des fati- 
gues d’une journĂ©e dont tous les moments avaient 
été consacrés au soulagement de l'humanité souf- 
frante. Sa maison , l'asile des malheureux , resta 
ouverte aux infortunés , qui gémissaient tout-à-la- 
fois sous le poids de la misĂšre et des maladies, tant 
qu’il lui fut possible de les afder de ses lumiùres et 
de ses conseils. Dans l'impossibilité de suflire lui- 
mĂȘme Ă  tous les besoins , son ingĂ©nieuse bienfai- 
sance Jui avait suggéré Pidée sublime de distribuer 
les quartiers pauvres de la ville de Rouen , Ă  un 
certain nombre de ses Ă©lĂšves dont il connaissait la 
capacitĂ© , pour y porter des secours qu’il regret- 


tait de ne pouvoir donner lui-mĂȘme en personne. 


Bon fils , Ă©poux sensible , pĂšre tendre , ami sincĂšre, 
citoyen vertueux , Académicien zÚlé : tel fut M. 
Pillore , au témoignage de tous ceux qui ont eu 
l'avantage de le connaĂźtre. 


Parvenu à un ùge trÚs-avancé, par l'observation 
des rÚgles les plus étroites de la tempérance , rÚgles 
qu'il ne se contentait pas de conseiller aux autres, 
mais qu'il pratiquait lui-mĂȘme sans jamais s’en 
Ă©carter , il cessa de vivre , le 15 fructidor an 12, 
Ă  l'Ăąge de So ans , emportant avec lui les regrets 
de ses enfants , de ses amis , de tous ses conci- 


toyens > et nous apprenant par son exemple que 


Cry) 
le vrai bonheur consiste dans la simplicité des 
mƓurs, dans l'amour de l'Ă©tude et du travail, 
dans l'exercice de la bienfaisance et les douceurs de 
l'amitié ! 


PRIX PROPOSÉ POUR L'AN 14 (1806). 


Trois mémoires ayant été envoyés, sur la meilleure 
construction des sĂ©cheries Ă  l’usage des teinturiers 
sur coton filé, etc., et la question n'ayant été réso- 
lue par aucun des concurrents , l'Académie a remis 
le mĂȘme sujet au concours pour l'an 14 ( 1806 ). 


En voici de nouveau le programme : 


Donner les plans d’une sĂ©cherie Ă  l’usage des tein- 
turiers sur coton filé, la plus propre à épargner le 
charbon de terre, seul combustible qu’il soit permis 
d’employer dans le projet. 

L'auteur du mémoire aura soin d'indiquer la cons- 
trucuĂŒon des fourneaux , le diamĂštre des tuyaux 
conducteurs du calorique , et la position des per- 
ches sur lesquelles on Ă©tend le coton. 

L'Académie désire sur-tout qu'on ait égard aux 
moyens d'Ă©conomiser: la main-d'Ɠuvre et le temps, 
dé faciliter le travail , de conserver le local toujours 
propre , et d’écarter enfin les dangers du feu. 

Les mĂ©moires devront ĂȘtre adressĂ©s , franc de 
port, avant le 15 messidor an 14, terme de rigueur, 
à M. J'italis , secrétaire de l'Académie , pour la 
classe des sciences, 


(126) 

L'auteur mettra en tĂȘte de son mĂ©moire une 
devise qui sera rĂ©pĂ©tĂ©e sur un billet cachetĂ© , oĂč 
il fera connaĂźtre son nom et sa demeure. Le billet 
me sera ouvert que dans le cas oĂč le mĂ©moire 
aura remporté le prix. 

Les Académiciens résidents et non résidents 


sont exclus du concours. 


PT A UBUEUT 


D ES M A ƒIL H Es. 


res de la séance publique , page « 


BELLES-LETTRES. 
RAapporT fait par M. Gourdin, 2 
Ouvrages annoncés ou analysés dans ce Rapport. 


PiÚces de poësie ; par M. Menegant de Gentilly, ibid. 
Autres ; par M. Poullin de Fleins, 3 
Discours prononcé à la clÎture de l'examen des élÚves 
pour l'Ă©cole polytechnique ; par M. Guilbert , ibid. 
Romances , traduites de l’anglais ; par le mĂȘme , ibid. 
Plan d’athĂ©nĂ©e ou d’instruction ; par M. Barletti de 
Saint-Paul , ibid. 
Discours sur les prĂ©rogatives et les devoirs de l’Aca- 
démicien; par M. Beugnot, 4 
MĂ©moire sur les avantages des anciens sur les moder- 
nes dans les arts d’imitation ; par le mĂȘme , 5 
Notice biographique sur M, Charles Tarbé ; par le 
méme , ibid. 


Voyage dans les Vosges ; par le mĂȘme, 6 


( 1289 


MĂ©moires sur diffĂ©rentes villes de l’ancienne Nor- 
mandie ; par M. Noël, obidé 
Dissertation relative aux normands qui ont fait la 
conquĂȘte de la Neustrie ; par le mĂȘme, 7 
PiĂšces de poĂ«sies ; par le mĂȘme , ibid. 
Le traité d'Amiens , piÚce de vers ; par M. For- 
mage , 7 


L’Ecueil de l’innocence , piùce de vers ; par le 


méme , 9 
PrĂ©face pour la traduction des MĂ©tamorphoses d’Ovide ; 
par le méme, ibid. 
Discours d’oĂčuverture de l’examen pour l’admission 
Ă  l’école polytechnique; par M. Gosseaume, 12 
MĂ©moire sur les convenances ; par le mĂȘme , 17 


Examen analytique du tableau de la Transfiguration 
de Raphaël , traduit de l'espagnol ; par M. Boistard 
de Glanville , 25 

RĂ©flexions sur Nicolas Poussin ; par M. DĂ©soria, 51 


Examen des réflexions du lord Bolyngbrocke sur 


l’exil ; par M. l’abbĂ© Baston , 56 
Motice bibliographique de deux ouvrages imprimés 
dans le 15° siÚcle ; par M. Gourdin, 37 


Dissertation dans laquelle on examine quelle est l’é- 
criture qui a Ă©tĂ© portĂ©e en GrĂšce ; par le mĂȘme , ibid. 
Observations sur des urnes funéraires trouvées à Can- 
ville ; par le mĂȘme , : 39 
Estampe représentant Bonaparte à la bataille de 
Marengo; par M. David , 41 
Tableaux 


( 129 ) 


Tableaux peints par M. Tardieu , 4 
Avis aux français ; par M, Toustain de Richebourg , 43 
Norrce biographique sur M, Jadoulle ; par M. Vau- 

quelin , 44 
Prix proposé pour 1806, 49 


Si C'ILENNC ES EUT 0 AUR Ts: 


Rarporr fait par M. Vitalis , 49 
TraitĂ© d’arithmĂ©tique ; par M. Periaux , 54 
Jauge nouvelle proposée par M. Goeslin , ibid. 


Essai sur les moyens de rendre les observations de 
la hauteur du soleil indépendantes de l'horizon, etc. ; 
. par M. Degaulle , 5 
Leçons de navigation ; par M. Dulague , 55 
Notice sur l’expĂ©dition francaise aux terres australes ; 
par M. Lesueur , 56 
Dissertation sur la maniĂšre de faire les observations 
météorologiques ; par M. Vitalis , 57 
Tableau général des Observations météorologiques fai- 
tes Ă  Rouen pendant l’an 11 ; par le mĂȘme , 59 
Analyse d’une espĂšce d’argile trouvĂ©e dans la forĂ©e 
de Lalonde ; par le mĂȘme , ibid. 
Notices sur les alcalis du commerce ; par M, Des- 
croizilles ; 6t 
Fabrication du sel de soude ; par M. Pelletan ; 66 
Observation sur la dissolution de l’indigo par l'acide 
sulfurique ; par M. Vitalis , 68 
$. publ, 1805, X 


( 130 } 
Dissertation sur les maladies de l'orteil ; par M. 
Godefroy, 69 
Observations médicales ; par M. Vigné , 71 


OEuvres posthumes du docteur Mahon ; avec des 
additions par M, Lamauve , 74 
PiĂšce d’anatomie artificielle exĂ©cutĂ©e par M. Lau- 
monier , 75 
Echantillons de garance , cultivée par M. Pavie , 76 
MĂ©moire sur l'usage et les effets du plĂątre dans la cul- 
ture du trĂšfle ; par M. Vitalis, 78 
Comptes rendus par M. T. essier , sur les Ă©tablisse- 
ments ruraux du département des Pyrénées orien- 
tales et de Rambouillet , 84 
Instruction sur la maladie des bĂȘtes Ă  laine >» nommĂ©e 
FalÚre ; par le méme , 87 
Description des emplacements qu’il faut choisir de 
préférence pour la construction des luiteries > par 
M. Ciszeville , 89 
Moyens d’obtenir du lait et du beurre de la meilleure 
qualité ; par M. Jamard , ibid. 
Annuaire statistique du département de la Seine-[nfé= 
rieure , 90 
Recherches statistiques sur le commerce et l’industrie 
du mĂȘme dĂ©partement ; par M. Gruyer , g1 
Statistique de Forges-les-Eaux ; par M. Ciszeville , 95 
Rapport fait par M. Descamps sur des verres con- 
caves el Convexes soumis Ă  l’examen de l’AcadĂ©- 


mie , par M, Vallée, 97 


, Gr) 


Mémoire sur un systéme général de numéros pour 


98 


Essai de fabrication de faience dite Ă  pĂąte blanche , 


les fils ; par M. Delafontane , 


Ă  Rouen ; par M. le Tellier, ibid, 
Norice biographique sur M. Lepecg de la ClĂŽture ; 
par M. Gosseanme , 100 
— Sur M, Rondearx de SĂ©try; par M. NoĂ«l, rio 
— Sur M, NT, Pillore ; par M. Vitalis, 117 
Prix proposé pour 1806 , 125 


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